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•
1
1
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1 M
BULLETINS
DE LA SOCIÉTÉ
D'ANTHROPOLOGIE
DE PARIS
PARIS. — TYPOGRAPHIE A. HENNUYKU, FlUE DARCKT, 7.
BULLETINS
DE LA SOCIÉTÉ
D'ANTHROPOLOGIE
DE PARIS
TOME DIXIÈME
QUAxaiiiu-séRiE
ANNÉE 1 887
PARIS
G. MASSON. ÉDITEUR
BOVLEVARD SAINT-GEBMAIN, 120
«887
SOCIÉTÉ D'ANTHROPOLOGIE
DE PARIS
STATUTS
TITRB PREMIER. -» but n ORGAïasATtoR dk la soattrÉ.
Articlb l**.— -La Société d'anthropologie de Paris a pour but Tétuda
scientifique des races humaines.
Art. 2. — Elle se compose^ en nombre illimité^ de membres titu-
laires, de membres honoraires, de membres associés étrangers et de
correspondants.
ÂET. 3. — Tous les membres et correspondants de la Société sont
nommés par Toie d'élection, sur Ta proposition de trois membres, sauf
Texception indiquée en Tarticle 11.
Abt. 4. — Un comité central de trente membres, se recrutant lui*
même par voie d'élection parmi les membres titulaires, est chargé de
veiller aux intérêts matériels, moraux et scientifiques de la Société. Les
membres du Comité central peuvent seuls voter sur les modifications
des statuts et règlement. Les membres du Bureau et de la Commission
de publication ne peuvent être choisis que parmi les membres du
Comité central.
Art. S^ -- Le Bureau, élu par la Société en séance publique, se
compose d*un président, de deux vice-présidents, d^un secrétaire gêné*
1 Modifié conformément au décret du 3 octobre 1867.
II STATUTS .
rai, d'un secrétaire général adjoint, de denx secrétaires annuels, d'un
archiviste/ d'un trésorier It d'iln COhservatèttif àei ooUecliobs. La Crnn-
missioil de t)Ubl2cdlion se compose de trois thembres. Tous ces fonc-
tionnaires sont élus pour un an^ à Texception du secrétaire général^ dont
les fonctions sont triennales. Tous sont rééligibles, à Texception du
président, qui ne peut être réélu qu'après une année d'interfalle.
Art. 6. — La Société est représentée par le Bureau.
TITRE II. — > CANDIDATURES ET NOIUIfATIOIfS.
Art. 7. — Les titres de membre titulaire et de correspondant national
ne peuvent être conférés qu'aux personnes qui ont fait acte de candida-
ture. Les membres honoraires, les associés et correspondants étrangers
peuvent être nommés directenient par la Société.
Art. 8. — Les conditions à remplir pour devenir membre titulaire
ou pour obtenir le titre de correspondant national sont : 1^ d'être
présenté par trois membres qui inscrivent leur proposition sur le grand
registre et y apposent leur signature ; 2° d'adresser au président une
demande écrite ; 3<» d'obtenir au scrutin secret la majorité des suf-
frages des membres présents. Ce scrutin a lieu dans la séapce qui suit
l'inscription de la candidature.
Art. 9. — Les associés étrangers et les correspondants étrangers sont
nommés individuellement et au scrutin secret, à la demande de trois
membres qui inscrivent leur proposition sur le grand registre et y appo-
sent leur signature. Le scrutin a lieu à la majorité absolue des membres
présents^ dans la séance qui suit Tinscription de la candidature.
Art. iO. -^ Tout tnembre ayant rempli pendant cinq ans au moins
les fonctions de membre du Comité central (ou de membre titulaire
antérieurement à la création du Comité central), et ayant fait partie de
la Société pendant dix ans au moins en quahté de membre titulaire
(ou de membre associé national antérieurement à la création du Comité
centrai), pourra^ sur sa demande, être élu membre honoraire en séance
publique, à la majorité absolue des membres présents. Il cessera dès
lors d'être soumis à la cotisation^ en continuant à jouir de tous les droits
des membres titulaires^ et à recevoir gratuitement toutes les publica-
tions de la Société.
sTATtm. m
AttT. H» -« Le Société» suf la proposition dti cinq memin^es, Confère
directement le titre de membre IlotiOtnifé ft dés datants pris lioh dé
son sein, et ayant renda des services éminents à la science. Les pré-
sentateurs inscrivent leur proposition sur ie grand registre et y appo-
sent leur signature. L'élection a lieu à ta majorité absolue des membres
présents, dans la séance qui suit l'inscription de la oandidature.
tllllË m. — ÀôMAidfàÀfiéN.
Akt. 12. Les ressources de la Société se composent :
1<* 6u revenu des biens et valeurs de toute nature appartenant à la
Société ;
^ Du dfoit d'admlsâioti pour les ttiëtnbres titdlalfes et potif les èor-
respondâHts nationaut. Ce droit est fixé à XO francs ;
2^ De la cotisation payée par tous les membres titulaires, fésidahts
ou non résidants. Lé montant en est ùXé par Id Société, suivant ses
besoins ',
¥ Des àtnendës encourues, suivant qu'il êèra slalué par le règle-
ment;
5<* Du produit des publications;
6<> Des dons et legs que la Société est autorisée à recevoir;
7* Des subventions qui peuvent lui être accordées par l'Etat.
Art. 13. — Les fonds libres sont placés en rentes sur l'Etat.
Art. 14. — Les délibérations du Comité central relatives à des alié-
nations, acquisitions ou échanges d'immeubles et à l'acceptation de
dons ou legs, sont subordonnées à l'approbation du gouvernement*
Elles ne peuvent être prises qu'après une convocation spéciale, et «V
la majorité des deux tiers des membres du Comité qui assistent à la
séance.
Art. 15. — Les livres, brochures, cartes, cr&nes^ plâtres, pièces
d'anatomie, objets d'art et d'industrie, dessins, photographies, etc., qui
composent les collections de la Société, ne peuvent en aucun cas être
vendus; mais la Société pourra compléter son musée par voie d'échan-
ges. Ces échanges ne pourront porter que sur les objets possédés à plu-
sieurs exemplaires. Ils ne pourront avoir lieu qu'entre le musée de lu
If STATUTS;
Société et d^autres musées d'une importance reconnuei et ils denont
toujours être indiqués sur le catalogue.
TITRE ly.— DisPOsinoMS gêrékales.
Aax. 16. — La Société s'interdit tonte discussion étrangère au but
de son institution.
Art. 17» — Un règlement particulier, soumis à Tapprobation du mi*
nistrede rinstruction publique, détermine les conditions d'administra-
tion intérieure^ et en général toutes les dispositions de détail propres à
assurer Texécution des statuts.
ART. 48. — Nul changement ne peut être apporté aux statuts qu'avec
Tapprobation du gouvernement.
Art. 19. — En cas de dissolution, il sera statué par la Sctciété, convo-
quée extraordinairement, sur remploi des biens, fonds, livres, etc.,
appartenant à la Société ; toutes les pièces du musée deviendront de
droit la propriété du Muséum d'histoire naturelle, à moins que la Société
n'en dispose, par un vote régulier, en faveur d'un autre établissement
public ou d'une société reconnue par PElat.— Dans cette circonstance,
la Société devra toujours respecter les clauses stipulées par les dona-
teurs en prévision du cas de dissolution.
RÈGLEMENT
DE
LA SOCIÉTÉ D'ANTHROPOLOGIE
BBVISÉ Eli AVRIL 1863, OCTOBBE 18«7, JANVIER ItTS,
AVRIL ET JUILLET 1880 ET EN 188S.
TITRE PREMIER. — des séances pubuques.
ARTICLE 1*'. — Les séances pobHques ont lieu le premier et le troi-
sième jeudi de cliaqne mois, de trois à cinq heures de Taprès-midi. Il
pourra être tenu des séances extraordinaires sur la proposition du Bu-
reau et par décision de la Société.
Art. 2. — La périodicité des séances pourra être changée par une
simple décision de la Société, à la majorité absolue des membres pré-
sents, pourvu que la Société en ait été prévenue une séance à t'avance
par son président, et que tous les membres aient en outre été convo*
qués à domicile.
Art. 3. — La Société prend chaque année deux mois de vacances, en
août et septembre.
TITRE II. — F0NCTI01V8 DU RUREAU.
Art. i. — Le président dirige les séances, proclame les décisions de
la Société et les noms des membres élus, et nomme; après avoir pris
ravis du Bureau, les commissions chargées des rapports et des travaux
scientifiques.
Art. 5. — En Tabsence du président et des vice*présidents, le plus
ancien membre préside la séance.
Art. 6. — Le secrétaire général, élu pour trois ans et rééligible,
reçoit, dépouille et rédige la correspondance. Il prépare Tordre du
jour des séances de concert avec le président. Il a la parole immédia-
tement après Tadoplion du procès-veri)nl, pour communiquer à la
Société les pièces de la correspondance. 11 est chargé de la publication
des Bulletins et Mémoires sous la direction du Comité de publication,
VI RÈGLEMENT.
avec le concours des secrétaires annuels. Il est adjoint de droit à 1 a
Commission de publication, et tous les travaux destinés à cette Com-
mission sont d'abord déposés entre ses mains. Il est suppléé dans ces
différentes fonctions par le ^crétaire général adjoint.
ART. 7. — Les secrétaires sont chargés de la rédaction des procès-
verbaux. Pour concourir à cette rédaction des procès- verbaux, la
Société pourra élire, en dehors du Comité central^ deux secrétaires
adjoints pris parmi )es membres qui, étant titulaires depuis plus d*une
année, ont fait à la Société une communication scientifique.
Art. 8. — L'archiviste est chargé de la conservation des manuscrits,
des dessins, des livres et gravures, des paquets cachetés, des lettres
adressées à* la Société. Il date et parafe toutes ces pièces le jour de leur
réception. Les pièces anatomiques, les moules et tous les objets offerts
à la Société ou acquis par elle sont mis sous la garde du conservateur
des collections. Tous deux dressent un catalogue et un inventaire des
objets de tout genre qui leur ont été confiés, et en rendent compte tous
les ans à une commission spéciale.
ART. 9. — Le trésorier reçoit le montant des cotisations, des amendes
et des droits d'admission, tient toutes les écritures relatives à la comp-
tabilité, signe^ de concert ^vec le président les baux et les bordereaux
de dépenses, solde les frais de publication, louche chez les libraires le
produit de la vente des Bulletins et Mémoires^ et rend chaque ani)ée
compte de sa gestion à une commission spéciale.
TITRE III. — DU cowTi CBimuL.
Art. 10, — Les questions administratives, personnelles, réglemen*
taires, et en général toutes les questions qui ne sont pas purement
scientifiques, exception faite de celles qui sont mentionnées dans les
articles 31, 32 et 68, sont examinées et résolues dans les sé^ipces du
. Comité central.
Art. 11. — Les réunions du Comité ne sont pas publiques, et n^ont
jamais lieu le même jour que les séances de la Société. Elles sont annon-
cées huit jours à Tavance par le président, en séance publique. Les
membres du Comité sont en outre ^Vflrtis à domicile. Tous les membres
de la Société ont le droit d'assister à ces réunions.
Art. 12. — Les membres du Comité central qui, sans être en congé
régulier ou sans justiHer de leur absence, manqueront à quatre séances
consécutives du Comité seront, après avertissement préalable, consi-
dérés comme ne faisant plus partie du Comité. Cette disposition ne
concerne pas les anciens présidents de la Société»
Art. 13. — Dans ces réunions, tous les membres de la Société
indistinctement ont toujours voix consultative. Les membres du Comité
seuls ont voix délibérative.
Art. 14. -*- Le bureau du Comité est le même que celui de la Société,
Toutefois le Comité pourra, à la demande des secrétaires, charger un
de ses membres do rédiger les procès-verbaux de ses séances*
«IdWiHOT' vu
Art. JSil, — Us procès-verl^aui^ des s^apceç dq Comité, p*éUnt w
destinés à être publiés^ sont transcrits par les soins du secrétaire i(ur
un registre spécial qui reste toujours déposé daus les archives.
Art. 46. — Lês séances du Comité ont lien régulièrement : 1<* en
Janvier, dans la quinzaine qui suit la séance d'installation du Bureau ;
S* dans la première quinzaine d'avril ; S<» dans la première quinzaine de
jaillet; 4* dans la première quinzaine de novembre.
Art. 17. -p Le Bureau a en outre le droit de provoquer une réunioa
du Comité touti^p les fois qu'il le juge Décessaire*
ART. 18. ~ Lorsqu'une ou plusieurs places sont vacantes dans le
sein du Comité^ le comité nomme une commission de cinq membres
chargée de lui présenter une liste de candidats. Les personnes portées
sur cette liste devront a|>partenir à la Société depuis au moins un un
en qualité de membres titulaires^ et avoir hi un travail scientifique
dans Taoe des séances publiques de la S(»oiété.
Art. 19. — La présentation de cette liste doit être motivée par un
rapport écrit qui est lu et discuté séance tenante. Le vote suit immé-
diatement la discussion, et Téleclion a lieu à la majorité absolue des
membres aui y prennent part. Mais elle n'e^t valable que lorsque le
candidat élu obtient au moins douze voix.
Art. 20. — Le Comité peut élire plusieurs meipbres dans la même
séance et à la suite dn même rapport. Ces élections, qui ont lieu par
scrutins successifs et individuels, ne peqvent dépasser le pombrede trois
dans la môme séance.
Art. 2i. -^ Dans la séance de janvier, le Comité nomme, au scrutin
de liste et à la majorité relative, une commission des congés composée
de trois membres.
ART. 21 bis, — Le Comité central nomme chaque année une com-
mission perpQanente de cioq membres, qui est chargée d'examiner les
candidatures au titre de correspondant étranger ou d'associé étranger.
Avant d'inscrire une de ces candidatures sur 1q grand registre, Itîa
présentateurs doivent soumettre à cette commission les titres anthro-
pologiques ou autres de leur eandidat. Le jour de Télection, te prési-
dent de la commission annonce, avant le serutin, que la candidature
est présentée avec ou sans l'appui de la commission. (Avril 1880.)
Aar* t\ ier. — Cette commission est chargée en outre d*étudier la
liste des membres étrangers au poiqt de vue des changemenls d'adresse,
des vacances par décès ou par démission, et des lacunes à combler sui-r
Tant les besoins de la Société. (Avril 1880.)
Art. 32. — Les résultats des séances du Confite sont annoncés par
le président dans la plus prochaine séance de la Société, soit publi-
quement, soit en comité secret, et sont consignés> s'il y a lieu> dans
les Bulletins. Cette commnnication ne peut donner lieu a aucune dis-
cussion»
TITBB IV. — REdTTEs et dispenses.
Art. 23, — Le droit d*î|d|nissîon est fixé à 20 francs pour les membres
titolaire^ et ppur les correspondants nationaux. I^e? membres honorai-
V'" BiOLEMEHT.
ras, les associés étrangers et les correspondante étrangers sont admis
gratuitement.
Art. 24. -— Les membres titolaires fournissent chaque année nne
cotisation de 30 francs, qui peut êlre rachetée par le versement d'une
somme de 300 francs dont le payement pourra ôlre effectué en
trois annuités consécutives de 100 francs. Ils reçoivent gratuitement
un eiemplaire de toutes les publications de la Société. Les membres
nouvellement élus ont droit aux fascicules déjà publiés des Bulletins
de 1 année et du volume de Mémoires en cours de publication.
Art. 2f5. — Les membres titulaires qui ne résident pas dans le dé-
partement de la Seine sont, sur leur simple déclaration, autorisés à ne
vereer leur cotisation qu'à la fin de chaque année. Le recouvrement
s effectue à leur domicile aux frais de la Société. Toutefois les membres
qui résident hors de France doivent désigner à Paris une personne
chargée de verser leur cotisation.
Art. 26. — Tout membre qui aura laissé écouler un trimestre
entier, non compris les mois de vacances, sans acquitter le montant de
ses cotisations et des amendes qu'il aura encourues, sera averti une
première fois par le trésorier, une seconde fois par le président; si ces
avertissements sont sans effet, il sera considéré comme démissionnaire
et perdra ses droits à la propriété des objets appartenant à la Société.
Art. 27. — Les membres honoraires élus directement, les membres
associés étrangers et les correspondants, n'étant soumis à aucune
cotisation, n'ont aucun droit à la propriété des objets appartenant à la
Société. Les correspondante nationaux ne peuvent ôlre choisis que
parmi les Français voyageant ou résidant à rétranger, ou appartenant
soit à l'armée, soit à la marine.
Art. 28. — Les recettes provenant de la vente des publications de
Ja Société seront encaissées par le trésorier aux échéances convenues
avec les libraires chargés de la vente.
Art. 29. — Les frais de location, de bureau et d'administration
seront réglés par le Bureau et acquittés par le trésorier, sur le visa du
président.
Art. 30. — Les frais de publication sont réglés par la Commis-
aion de publication; ils sont acquittés par le trésorier, sur le visa du
président.
Art. 31. — Le trésorier présente ses comptes dans la première
séance de janvier. Une commission, composée de trois membres tirés
au sort dans la dernière séance de décembre, fait un rapport écrit sur
ces comptes dans Tune des trois séances suivantes, en comité secret.
La Société vole sur le rapport, et le président," s'il y a lieu, donne
ensuite décharge au trésorier. Tout délai dans la présentation des
comptes ou du rapport fera encourir au trésorier ou à chacun des com«
missaires une amende de 5 francs par chaque séance de retard. '
Art. 32. — Dans la derniècc séance de décembre, une commission
de trois membres tirés au sort est chargée d'examiner le catalogue de
tous les objete dont TarchiviKle et le conservateur des collections sont
KiOLBIlIlfT* IX
déposittirM. Getta commisnon fait son rapport dans la séance soiTante.
Tout délai dans la présentation du catalo^jue ou du rapport fera encourir
à Tarchiviste, au consenrateur des collections ou à chacun des commis-
saires nne amende de 5 francs par séance de retard.
TITRE V. — PDBUCATlOIfS.
Art. 33. — La Société publie des Bulletim et des Mémoires ori«
ginaui.
ART. 34. — Tons les mémoires manuscrits lus ou communiqués à la
Société, tous les rapports scientiBques et généralement tons les travaux
qui ne figurent pas dans les prooès^Torbiux des séances, sont remis
ï la Commission de publication.
ART. 35. — Les Bulletins sont publiés par le secrétaire général, sous
It direction du Comité de publication, avec le concours des secrétaires
annuels, et se composent : i<> des procès-verbaux des séances; 2<» des
travaux renvoyés aux Bulletins par la Commission de publication pour
y paraître textuellement, ou en extraits, ou en analyses.
Art. 36. — La Commission de publication se compose de trois
membres élus chaque année au scrutin de liste et à la majorité absolue
des votants. Ils sont rééli^ibles et peuvent faire partie du Bureau. Le
secrétaire général est adjoint de droit à cette commission.
Art. 37. — Cette commission dirige la publication des Bulletins
et des Mémoires de la Société. Ses droits sont absolus et ses déci-
sions sans appel. Elle décide, ajourne on refuse Timpression des tra-
vaux qui lui sont renvoyés et détermine Tordre de leur publication ;
elle s'entend avec les auteurs pour les modifications, les coupures et
les suppressions qui lui paraissent opportunes, ou pour la rédaction
des extraits qu'elle juge utile de publier à la place des mémoires pri«
mitift.
Art. 38. —Les frais de gravure ou de lithographie, et généralement
tous les frais de composition supplémentaire qui ne seront pas compris
dans les conventions passées avec le libraire, sont supportés par les
aateors, à moins que la Société, sur la proposition de la Commission
de publication, et sur Tavis du trésorier, ne décide qu'elle prend ces
frais à sa charge.
Art. 39« — Tous les travaux inédits lus ou adressés à la Société
deviennent sa propriété, et ceux qui ne sont pas publiés textuellement
sont déposés aux archives avec les formes officielles destinées à en dé-
terminer exactement la date. Ceux qui émanent de personnes étrangères
i la Société ne peuvent, en aucun cas, être repris par les auteurs.
Ceux-ci, toutefois, ont le droit d'en faire prendre copie aux archives.
Les planches, dessins, pièces anatomiques ou moules en plâtre peuvent
toujours être repris par ceux qui les ont présentés; mais la Société se
réserve le droit d'en conserver la copie, la photographie ou la reproduc-
tion par tout autre procédé, à la condition de ne point les détériorer.
Abt, 40,. •« To«} wanuwit émanant d'un m^rabw de la SMiété,
qu nç serait pas puWi4 dans Iq délai d'uo an, ou dont il n'aurait été
publie qu un extrait, pu qui wrait déposé aux arcldves, sara reroia à
J auteur sur sa deipapde.
Art. 41. — Les auleurs des travaux publiés dans les Mémoires
reçoivent gratuitement vingt-cinq exemplaires d'un tirage a part sans
remaniement. En renonçant à ce privilège, ils ont le droit de faire
faire à leurs frais un tirage à part à cent exemplaires sans remanie-
ment, fces tirages plus cpnsidérables pe peuvent être faits qu'avec
I autorisation du Bureau. Dans ces tirages à pari, la pagination des
Mémoires de la Société devra toujours être conservée; mais les auteurs
pourront, k leur§ fr^is, y faire ajouter hua paginaliou spéciale.
TITRE Yh •* comiissioiii bv 9ai»»ort8 seiEirrinougs.
Art. 42. — Tout travail inédit présenté par une personne étrangère
a la Société est renvoyé à une commission de trois membres désignés
par la président, sur l'avis du Bureau. La commission pourra, suivant
r importance du travail, faire un rapport verN ou écrit; mais toutes
les fois qu'elle présentera des conclusions soumises au vote de la So-
ciété, il faudra que le rapport soit écrit et signé des commissaires.
A^T. 43. «^ Quoique les eommissioni ordinaires ne se composent
3ue de trois membreSf on peut, si on le juge utUe, adjoindre un ou
eux membres de plus à certaines commissions.
Art. 44. — Les ouvrages imprimés adressés à la Société sont ren-
voyé? h line oontmissioUf fn les auteurs en font la demande; dans le cas
contraire, le renvoi à une commission ^st facultatif, et le président
peut m désigner qu'un seul commissaire.
Art. 45. — Dans toute commission scientifique, les pièces sont
remise^ au commissaire nommé le premier, li en aççus^ feceptiou sur
un registre spécial dont l'archiviste est dépositaire, et c'c^l \m q\n est
chargé de convoquer la Commission. Il garde le travail pendant i){\\\
jours pour en prendre connaissance, après quoi il le transmet à ies
deux collègues, qui ont également jiuH jours chacun pour prendre
connaissance du travail. Au bout de trois semaines, la Commission se
réunit et désigne son rapporteur. La durée des préliminaire^ ne pourra
être abrégée que pour les rapports d'urgence, sur rinvjution du pré^
sident.
Art. 46. ^ Les commissaires en retard seront avertis tous les trois
mois, par le président, en séance publique ; leurs non)s seroq| inscrits
sur le tableau des commissions en retard, et le président, après deux
avertiitements, aura le droit de nommer une autre commission.
titre; VI 6f|. «!!- i)foÉGiT10N9 SCIEHTiriQOU.
(Comité central du fi Juillet 1880.)
A|iT. 46 ffis, — La Spclété, pour faciliter les recherclips en pays
étraD|gerS| pçut confier des missiopa tempprajrç^ à deç vpyçigçura Uft-*
tiooaux DM éf|»|ii«rii,<Hii rt^ivent A oêi «fbt (ton déléofitionfl ipéeiales
8Qr parcbemio- Cm déléfiaupn»» e<ff^pti^ll#lll«llt diflâraqtoa des di»
plômes de correspopdaoU, indiquent ia dale, la durée «t la nature de
la niissioo. Elles portent la signature du président et du secrétaire
générai. Mur durée stra déltrminée d'aprài la satura de la misiien.
Kllaa iont rtoauvelablei.
Art. 46 I^. — Nul ne peut obtenir une nouTelle délégation av^nt
d'afoir eonihioDiqué ou traBimis à la Société les résultats scientiOques
de la délégation préoédente.
Art. 46 fUBter. ^ Toute personne oui désire obtenir une délé-
gation doit en faire la demande écrite et être présentée par trois mem-
bres de la Société, qui inscrivent la proposition sur uu registre spécial.
La Société peut voter séance tenante çur cçtte proposition.
ART. 46 quinius. — En cas d'urgence motivée par le prompt dé-
part du voyageur et par Téloignement de la première séance^ le Bu-
reau peut donner une délégation dont la durée n^excédera pas un an.
Art. 46 iextut, — Le Comité central pourra décerner des mé-
dailles de bronze ou d'argent aux personnes qui se seront acquittées
de leur ipission-à la aatisniction de la Société.
TITRE VII. — ORDRE DES SÉAKCES.
Art» 47. ^ L*ordre du jour est réglé par le président^ après avLi du
secrétaire général. Néanmoins, sur la proposition de trois membres, la
Sodété peat modifier cet ordre du jour.
•
Art. 48. — Toute personne étrangère à la Société peut sMnscrire
pour une lecture ou une communication orale, mais la parole ne peut
lui être accordée dans une discussion que sur la proposition de trois
membres.
Art. 49. — Les personnes étrangères à la Société, ne pouvant
obtenir la parole sur la rédaction du procès-verbal, seront toujours
invitées à résumer elles-mêmes par écrit leurs corpmunicatipns orales
et à remettre, dans un délai de cinq jours, leurs notes qu secrétaire.
Si elles ne répondent pas à cette invitation, elles ne seront admises à
élever aucune réclamation sur la manière dont le secrétaire aura rendu
dans son procès-verbal leurs paroles ou leurs opinions. Le secrétaire
aura même, si cela lui convient, le droit de ne |air0 aucune mention
de leurs communications.
Art, 50. — Lorsau'une iectnre ou une communication est renvoyéq
à une commission, la discussion ne peut s'ouvrir iiDuiédj^teipent; ellq
e«t remise jusqu^au jour du rapport.
Art. 5t. — Les lectures et les pommnnlcations émanant des mem-
bres de la Société sont discutées immédiatement, ainsi que les rapports.
Lorsqu'il v a des conclusions à vot^pi le rapporteur a le qrpit de prendra
la parole le dernier.
xn RÈGLEmâirr.
ART. 52. — La parole est accordée, dans le coars d^unô discussion,
à tout membre qui la demande pour rétablir la question, pour proposer
la clôture ou Tordre du jour, ou pour un fait personnel.
Aht. 53. -— Le président rappelle à Tordre quiconque dépasse les
limites des discussions scientifiques, et à la question tout orateur qui
s'éloigne de l'objet de la discussion.
Art. 54. — Le président ne peut, de sa propre autorité, Hiterrompre
ou terminer une discussion, proposer la clôture ou Tordre du jour; il
ne peut consulter la Société a cet égard que si la clôture ou Tordre du
jour, proposé par un membre, est appuyé par doux autres membres au
moins. Toutefois, dans le cas où Tordre ne pourrait être rétabli, le pré-
sident, après avoir consulté le Bureau, a le droit de lever la séance.
Art. 55. ^ Les personnes étrangères à la Société ne peuvent assister
à la lecture et à la discussion des rapports faits sur leurs travaux.
TITRE VIII. — ÉLECTIONS DU BUREAU ET DES COMMISSIORS.
Art. 56. — La Société renouvelle son Bureau dans la première
séance de décembre, par voie d'élection, conformément à Tarticle 5
des statuts. Le nouveau Bureau entre en fonctions dans la première
séance de janvier.
Abt. 57. — Les élections du Bureau et de la Commission de publi-
cation ont lieu à la majorité absolue des volants. Tous les membres
titulaires, résidant soit à Paris, soit en province, sont appelés à voter.
Art. 58. — Les membres non résidants sont seuls autorisés h voter
par correspondance, suivant les formes indiquées dans les articles 61
et 62. Les membres résidants ne peuvent voter qu'en déposant eux*
mêmes leur bulletin dans Turne.
Art. 59. — Le Comité central, dans sa réunion de novembre, dresse
la liste des candidats qu'il propose pour les diverses fonctious.
Art. 60. — Cette liste, avant d'èlre envoyée à tous les membres
titulaires, est communiquée à la Société par le président, dans h seconde
séance de novembre. Toute candidature proposée par cinq membres est
de droit ajoutée à la liste, pourvu qu'elle soit conforme à Tarticle 4 des
statuts, et transmise au secrétaire général dans les trois jours qui sui-
vent cette séance publique.
Art. 64. — Au terme de ces trois jours, le secrétaire général
adresse à tous les membres titulaires non résidants une circulaire ren-
fermant : i^ les articles du règlement relatifs aux élections; 2<^ la liste
des candidats proposés par le Comité central et des autres candidats
proposés par cinq membres; 5* Tindicalion du jour où le scrutin sera
dépouillé; 4^ un Dulletin de vole imprimé et numéroté sur lequel les
diverses fonctions vacantes sont énumérées ; 5® une enveloppe impri-
mée dans laquelle Te bulletin, rempli et non signé, doit être renvoyé
au secrétariat.
RteLBHUIT* zut
Ait. fâ. -« Le jour da scratiD^ le préddent tire aa sort, parmi les
membres présents, le nom d*mi commissaire scratateor. Tous les bul-
letins envoyés par correspondance sont décachetés en séance par ce
commissaire, oui dicte aox secrétaires les numéros d'ordre des bulle*
tins. Lorsque I énumération est terminée et qnUI est constaté qu'aucun
membre n*a TOté plus d'uuefois, le scrutateur dépose un à un les bul-
letins dans Tume, en déchirant chaque fois le numéro d'ordre. Le
secret du vote se trouve ainsi assuré. Les membres présents déposent
ensuite directement leur vote dans l'urne. Le président procède alors
AU dépooiUement du scrutin suivant les formes ordinaires.
ÂBT. 63. — Les candidats qui obtienneut la majorité absolue des
suffirages exprimés sont déclarés élus. Les billets blancs sont annulés.
ÂAT. 61. — Lorsque, pour une ou plusieurs fonctions, il n'y a pas
en de majorité absolue, un scrutin de ballottage a lieu dans la seconde
séance de décembre. Dans Tintervalle des deux séances, une nouvelle
circulaire est adressée à tous les membres titulaires non résidants, qui
sont invités à opter, pour chaque fonction vacante, entre les deux can^-
-didats qui ont réuni, au premier tour, le plus grand nombre de suffra-
ges. Le nombre de voix obtenu par chacun des deux candidats est
indiqué sur la circulaire. Le second scrutin est dépouillé comme le
premier. En cas de partage, Tancienneté de titre d'abord, ensuite
rancienoeté d*&ge décident entre les deux candidats.
TITRE IX. — COMITÉS SECRETS.
Art. 65. — Sauf le cas d'urgence absolue, le comité secret est an-
noncé une séance à Tavance par le président, et annoncé de nouveau
par lui immédiatement après la lecture du procès-verbal de la séance
du jour.
* Art. 66. — Les comités secrets commencent à quatre heures et
demie. Les décisions y sont prises à la majorité absolue des votants et
sont valables, quel que soit le nombre des membres qui preniient part
au vote, sauf Texception indiquée dans Tarticle 68.
Art. 67. — Les comités secrets peuvent être provoqués de deux
manières : 1^ par le président au nom du Bureau; ^ sur la proposi-
tion de cinq membres de la Société qui en font au président la demande
écrite, en indiquant l'objet de leur proposition. Le président, après
avoir pris l'avis du Bureau, accorde ou refuse le comité secret; dans
ce dernier cas, les membres signataires de la demande peuvent faire
appel de la décision du Bureau à celle de la Société.
Art. 68. — S'il arrive jamais qu'une circonstance grave paraisse de
nature à motiver l'examen de la conduite d'un membre, la Société
pourra lui demander des explications, formuler un blâme contre lui ou
même prononcer son exclusion. Mais cette mesure pénible ne pourra
être prise que de la manière suivante : 1^ cinq membres titulaires dé-
posent sur le bureau une demande motivée réclamant en même temps
on comité secret, qui ne peut avoir lieu moins de huit jours après et
XIT
qui wi précédé d*un« eMTMation ipé«iile« *^ 9^ Lé jour di comité
spcretf lé membre interpellé «m teouié e^t appelé à donner lef explica-
tions qui lai soni demandées, et a toujours le droit de parler le der'>
nier. Il se retire ensoitei si la Société, consultée par le président^ décide
qu'il j a lieu de prendre la proposition en considération « Dès ce mo<^
meni^ U discussion générale est close, mais il est toujours permis de
présenter â.es amendements à la proposition. Le Tote peut être renvoyé
a une proobaine séance^ Il n'est valable que si les deux tiers au moins
yes membres résidanl à Paris j prennent part Ia censure et rexotu-»
sion ne peuvent être prononcées que par un nombre de voit égal on
supérieur aux deux tiers des membres résidant à Paris. — 3<* €es me«-
sdres ne tout appliquées que si la Société^ cdtisùltée une seconde Ibis
au bout d'un mois» aprèe une fiobvelle oonvoCtttiod ft domicile, Confirmé
la première décision par un vote définitif semblable au précédent.
tlTtlë X. — REVlsioil DU MBOLEMBIVTi
Aht. 69. ^ Toute proposition tëndfttlt 1 rëVlsef le fégleffieiit detfâ
être signée par cina membres au Moins, dépdëée sur le bufead et
soumise à rappréciatlon d'une commission de trois membre^ du Cottiité
central nommés au scrutin de liste et à la majorité absolue des Votants.
La Commission fait son rapport dans une des séances du Comité cen-
tral ; la proposition est disculée immédiatement après ; tous les membres
de la Société peuvent prendre part à cette discussion ; mais les membres
du Comité seuls sont appelés à voler sur la modification proposée, ainsi
qu'il est dit en rarticle 4 des statuts. La modification ne peut être
adoptée que par un tiombre de voix égal ou supérieur à la moitié plus
un du nombre total des membres du Comité; Toute abstention, toute
absence sont comptées comme des voin négatives. TdUst les membres
du Comité doivent, par conséquent, être convoqués a domicile par
une circulaire spéciale, où le sujet de la délibération est indiqué en
termes précis*
Art4 70. — Par exception aux dispositions précédentes, la revisioti
des articles 1 et 3 du règlement s'effectuera suivant les régies indiquées
en rarticle â.
ï>mX GÔDAUD
rONDi PAR H. Iil MMTM» BANMT «OBAft» iH 18if«
Extrait du testament. — € Ce prix sera donné au meilleur mé-
moire sur UD sujet se rattachant à Taothropologie ; aucuo sujet de
prix oe sera proposé, i
RÈGLEMENT
ÂAticLB i^. ^ Le prix Godat-d ftefa àêcettii^ tous Ie9 deux ans, le
jour de la séance solennelle de la Société.
Ant. 2. ^ Gé pt\x e^t de la talëur dé 500 franc».
kwté 3. — > Les membres qui composent 1ë Comité eenfral de h So*
ciété d'anthropologie sont seuls exclus du CoHcoon!.
Aata 4. — Tous les lrdfaux> manuscrits on imprimés, adfesilés ou
non I la Sociétéi peuvent prendre part an concours.
Art. 0. -^^Tent travail oui aurait été couronné par une autre société,
avant son dépôt à la Société d'anthropologie, est exclu du concours.
Art. 6. — Le jury d'examen se composera de cinq membres élus
au scrutin de liste par les membres du Comité central, choisis dans
son sein et à la majorité absolue des membres qui le com(iosent.
AiiT< 7* -^ Ce jur; fait son rapport et soumet son jugement à la rati-
fication du Comité central.
Art4 8^ -^ Le iorj d'eitamen sera élu quatre mois au tnoins atant
le jour oii le prix doit être décerné»
art. 9. — Tous les travaux imprimés ou manuscrits adressés ou non
à la Société ou publiés après le jour où le jury d'examen aura été
nommé, ne pourront prendre part an eoneoufs du prix Godard que pour
la période biennale suivante.
Art. iO. — « Dans le cas où une année le prix Godard ne serait
pas décerné» il serait ajouté au prix qui serait donné deux années
plus tard. » (Termes du testament.)
Art. il. — Le prix Godard sera décerné pour la première fois
dans la séance annuelle que tiendra la Société fn 1865.
PRIX BROCA
rORDÉ PAR M"* BROCA BN 188i.
« C\> prix est destiné à récompenser le meilleur mémoire sur une
question d'anatomie humaine, d*anatomie comparée ou de physiologie
se rattachant à l'anthropologie. »
RÈGLEMENT.
Article i*'. ^ Le prix Broca sera décerné» tous les deux ans, le
jour de la séance solennelle de la Socjété.
Art. 2. — Ce prix est de la valeur de 1500 francs.
Art. 3. ^ Les membres qui composent le Comité central de la So'
ciété d'anthropologie sont seuls exclus du concours.
Art. 4. — Tous les mémoires, manuscrits ou imprimés, adressés à
la Société, peuvent prendre part au concours; toutefois, les auteurs des
travaux imprimés ne pourront prendre part au concours qu'autant qu'ils
en auront formellement exprimé Tinteotion.
Art. 5. — Tout travail qui aurait été couronné par une autre société
avant son dépôt à la Société d'anthropologie, est exclu du concours.
Art. 6. -* Le jury d'examen se composera de cinq membres élus
au scrutin de liste par les membres du Comité centrai, choisis dans
son sein et à la majorité absolue des membres qui le composent.
Art. 7. — Ce jury fait son rapport et soumet son jugement à la rati-
fication du Comité centraL
Art. 8. — Le jury d'examen sera élu quatre mois au moins avant
le jour où le prix doit être décerné.
Art. 9. — Tous les mémoires imprimés ou manuscrits adressés à la
Société après le jour où le jury d'examen aura été nommé ne pour-
ront prendre part au concours du prix Broca que pour la période
biennale suivante.
Art. 10. — Dans, le cas où une année le prix Broca ne serait pas
décerné, il serait ajouté au prix qui serait donné deux années plus
tard.
PBIX BERTILLON
« Le prii BertilloD sert décerné au meillear IraTâil envoyé eur une
mttièie concernant Tanthropologie et, notamment, la démographie. ■
GoiUHTioiia :
i* Le prix Bertillon sera décerné^ tous les trois ans, le jour d*une
aéance solennelle de la Société;
2* Ce prix sera d'une valeur de cinq cents francs ;
3<^ Les membres qui composeront le Comité central de la Société
d'anthropologie seront seuls exclus du concours;
4» Tous les mémoires, manuscrits ou imprimés^ adressés à la So«
ciété, pourront prendre part au concours ; toutefois, les auteurs des
travaux imprimés ne pourront prendre part au concours qu'autant
qu'ils en auront formellement exprimé rintenlioo;
5<* Tout travail qui aurait été couronné par une autre Société avant
son dépôt à la Société d'anthropologie est exclu du concours;
Ô** Le jury d'examen se composera de cinq membres élus au scrutin
de liste par les membres du Comité central, choisis dans son sein et à
la majorité des membres présents;
7* Ce jury fera son rapport et soumettra son jugement à la ratifica-
tion du Comité central;
go Le jury d'examen sera élu quatre mois au moins avant le jour où
le prix devra être décerné;
9^ Tous les mémoires imprimés ou manuscrits adressés à la Société
après le jour où le jury d'examen aura été nommé, ne pourront prendre
part au concours du pnx Bertillon que pour la période triennale sui*
vante;
iO^ Dans le cas où, une année, le prix Bertillon ne serait pas dé-
cerné, il serait ajouté au prix que Ton décernera trois ans plus tard;
11^ Ce prix sera décerné à la personne, sans distinction de sexe, de
nationalité ni de profession, qui aura présenté le meilleur mémoire sur
une question anthropologique;
it"* Ce prix sera décerné pour la première fois dans une séance
solennelle que tiendra la Société eu i8ë9.
USTE DES MEMBRES
SOeiÉTÉ D'ANTHROPOLOGIE
BUREAU DE 1887.
Président MM. MAGITOT.
1*^ Vi€e'PréHdmt POUK
2« Vice-Présidint MAÎHIAS DUVAL.
Secrétaire générûii ... j ... i LETOVRNEAU.
Seerétaire généreU atfJoffK . t HER VA.
Secrétaires annuels JfAUVELLEi
Conservateur des eoUeclions. GHUAZlA WI;
Archiviste DALLT:
IHsorier DE RANSB.
COMMISSION DE tUBUCATlOM.
MM. DUREAU;
LAGNEAÙ.
THULIÉ.
Membrea teM^ralres.
DuRUT (Victor), membre de l'Institut, ancien ministre db Tinstruction
pubiiqae^ 5, rue Médîeis. (i%août 1864.)
Krantz, sénateur, inspecteur génëml des ponts et chaussées^ eortimis-
saire général de l'Biposition uniterselle de 1878| 47^ rae Là
Bruyère. (2 août 1877.)
MAtrlNâ (Ghariea), professeur d^histoire naturelle à la Fteulté de roédé-
èine de Montpellier, iSf quai de Bétliune. (7 avril 1864.)
Rbiun, membre de TAcadémie française, professeur au Cullège de
France^ Â, rue Saint-Guillaume. (3 mut t860.|
RoTBR (M>* Gléaience)t 9 quater^ avenue Jourdtitt (parc Houtsouris).
(^janvier 1870.)
TaÉLAT (Ulysse), professeur à la Faculté de médecine, membre de
r Académie de médecine, 18^ rue de TArcode. (18 aoéi 1889.)
VoLPiAN, membre de l'Institut et de ^Académie de médedue, doyen ho-
noraire de la Faculté de médecine, 24i rue Soufiot. ({•* avHi 1889.)
XX PBRSOIINBL.
Membres tltvlaipes.
I. Jfembret tUuUtirei réiidant à Paris.
Abbâdib (Antoine D*),m6mbre de rinstitut, i20, rue du Bac. (6ytitni867.)
AcT (Ernest d')^ archéologue, 40, boulevard Malesherbes» (3 dcceni'
bre 1868.)
Albert, prince héréditaire de Monaco, 16, rue Saint-Guillaume.
(1 juiniSHZ.)
Alolaye (Em.)> proresaeur à la Faculté de droit, 27, avonue de Paris,
Versailles. (18 octobre i 883.)
Aux, D. M. P., 10, rue de Rivoli. (4 février 1864.)
Aluire^D. m. p., médecin principal de !'• classe en retraite, ex-mé-
decin enebefde Tbôpital Saint-Martin, 15, rue Perdonnet. (6/an-
w>ri862.)
Amourocsmeau (M"* Jeanne), étudiante en médecine, 22, rue Ber-
thollet. (14 mars 1886.)
Aronssobn^ D. m. p., professeur agrégé libre de la Faculté de médecine
de Nancy, 130, boulevard Haussmatin. (!'' mars 1883.)
AuBRT (Paul), externe des hôpitaux, 14, rue SoufBol. {iQ décembre 1886.)
AuBURTiif (Ernest), D. M. P., ex-chef de clinique h la Faculté de méde-
cine, 7, rue Las-Cases. (3 janvier 1861.)
AuDiPFRED, avocat, 8> boulevard des Capucines. (4 mars 1880.)
AviA (De Phrygie), publiciste, 20, rue de l'Arcade. (3 décembre 1885.)
Ata (M.), D. M. P., 11, rue Sainl-Sulpice. (17 décembre 1885.)
Baer (Gustave-Adolphe), membre de la Société d'anthropologie alle-
mande, 1, cité Bergère. (19 mat J881.)
Baetgr (Otto), directeur de Tlnstitution des onfonts arriérés, 7, rue
Benserade, Gentilly. (1" décembre 1881.)
Baillargrr, membre de l'Académie de médecine, médecin de la Salpè-
trière, 8, rue de PUniversité. (1 juillet 1859.)
Ball, professeur à la Faculté de médecine de Paris, membre de TAca-
démie de médecine, 179, boulevard Saint-Germain. (18 no-
vembre 1875.)
Barbie du Bocage (Victor-Amédée), membre de la Société de géogra-
phie, 10, boulevard Malesherbes. (22 décembre 1864.)
Barribr (G.), professeur d*aoatomie à TEcoie vétérinaire d'Alfort.
(i0fiMir5l884.)
Bataillard (Paul), archiviste de la Faculté de médecine, 119 ôû, rue
Notre -Dame-des-Champs. (17 novembre 1863.)
BEAOFPORT(Le comte Henri de), 125, rue de Grenelle. (3 mat 1883.)
PEBSONRfeL. XXI
BcAcmif (H.-EO, professeur à la Faculté de médecine de Nancy, 29, roe
des Ecuriea-d'Arloîs. (19 novembre 1863.)
BcAUREGARD (OllWier), 3, rue Jacob. (8 janvier 1879.)
Bbrtillon (Jacques), D. M. P., chef du service de la atatiatique mu-
oicipale, 26, rue de La?al. (7 février 1878.)
Bertillon (Alphonse), 7, rue LiUré. (1" avril 1880.)
Bbetrand (Alexandre), membre de Tlnsiitut, conaerTatenr du Musée
gallo-romain, è Saint-Germain en Laye. {A février 1864.)
Bertrand (Georges), docteur en droit, 8, rue d*Alger. (15 mare 1883.)
■embre à Tle.
Bes80ii(Eug.), D. M. P., licencié es lettres, licencié en droit, 95, rue de
Seine. (24 mot 1860.)
BiDâRD, D. M. P., ancien interne des hôpitaux de Paris, 9, rue de
Snresnes. (3 janvier 1878.)
BiHET, D. M. P., 32, rae Saint-Paul, {il juillet 1884.)
Blanchard, D. M. P., professeur agrégé à la Faculté de médecine, 9,
rue Monge. (15 jtittt 1882.) MeMbre à vie.
BuGNiÈRES (Célestin db), capitaine d*artillene, 38, rue de Longchamps,
à Neoiily (Seine). (5 février 1863.)
BuM», D. H. P., 10^ boulevard Poissonnière. (19 décembre 1878.)
BoissoKNEAU (A .-P.), oculariste, 28, rue Vignon. (I";iw7(él 1880.)
Bonaparte (Le prince Roland), 22, Cours la Reine. (7 février 1884.)
■embre à vie.
DoNRAPONT, D. M. P., ancien médecin principal de Tarmée, 3, rue Mo-
gador. (1" mars 1866.)
BoNNAMADx pèrc, architecte, 53, rue de Dunkerque. (6 décembre 1883).
BoNNARD, avocat à la Cour d'appel, agrégé de philosophie, 49, rue.de
Grenelle. (6 décembre 1883.) ■emlbre à vie.
BoNNEMÈRR (Lionel), avocat, 47, rueNotre-Dame-de-Lorette.(6mat 1880.)
BoNNtER (Pierre), 75, rue Madame. (3 awHl 4884.)
BoRMER, D. M. P., professeur à l'Ecole d'anthropologie, 44, avenue
Marceau. (21 décembre 1876.)
Bosc, architecte, auteur du DictUmnaiire d^architecturey 3, rueSéguier,
et au Val-des-Roses, à Nice. (8 rwvêmbre 1877.)
Breut (Ernest), 35, rue d^Offemont, place Malesherbes (17* arrond.).
(5yufii4875.)
Broca (Auguste), D. M. P., prosecteur à la Faculté de médecine, 1, rue
des Saints-Pères. (4 novembre 1880.)
Broca (Georges), ingénieur civil, 48, quai de ia Mégisserie. (5 fé'
vrier 1880.)
Bkoca (Emile), licencié en droit, 16, rue des Pyramides, {ti février 1880.)
Brouardel, doyen de la Faculté de médecine, 195, boulevard Saint*
Germain. (4 novembre 1875.)
BuuflVT (à.), trebitecte, rue d'UliQ, 3^. (5 novm4r« 1880.)
Gamds, D. m. p., 34, rue GodpHierMAUroy. (20 ^^ mi»)
Capitan (Louis), Q. II. B., tDKJen ioterp^ des |)ôpiM|M3^> ph^f (]^ jcliiû-
qup jk 1» FfCMlté de B>é(jf(ciDe, $, rue des Ursuliue^. (1 7 mqr$ i^8i .)
Gablier (Auguste), publipigt^, 42» rqe de P^rljn. (7 juilUt iS64.)
Carpentier-Méricque?> D. lif. P.} 6, rue Villedo. [i^^juin 1877.)
GuHPSCBi (Henri), 7, avenue ye||squez (parp Monc^auif). (î( a(^| 1^7^.)
CHAMBELLAB(V.)t 0. II. P., 61, bpul^v^rd Séb|istpPQi. (20 juUletm^.)
Çhadtaro (P.), préparateur du laboratoire (le pbiipie fie TBoole poly-
technique, 47, rue OlIivier-de-Serres. (1«" mar^ 1883.)
GHAiBUCfT (d9), 3, rue Sain^Dominique, (4/iH^ft«f 1875.)
Gbarn AT (Désiré), archéologue, 38, boulevard Magenta. (lîi/^vrMr 1983.)
GnERvin (Arthur), D. M. P., directeur de r{ostitut|oQ des bègy^a de
Paris, 82, avenue Victor-Hugo. (15 février 1877.) ■embre à vie.
Ghoquet, d. m. p., (3, rilP de Seine. (2marj 1882.)
Cuvwimwj, premier préparateur au laboratoire d'anthropolq^e, 5,
rue du Faubourg-SaipMgoqiips. (5 ooiU 1880.) Memlir* à yle.
C14M (C.tT.), 7, rue (i'Arm^illé, aux Ternes. (l& juillet 1877.)
GoiGNARD, D. M. P., 10, rue de Gonatantinople. (17 avril 1870.)
GoLLiGMOfl (René), B. M* P., médecin riyi^jor au 25* de ligqe, à ^giat-
Denis (Seine). (âQ oiaî 1886.)
GoLUNBAD, D. M. P., 84, rue d'Hauleville. (4 juUiet 1867.)
GoRNiL, sénateur^ professeur à la Faculté de méd^isine de Paris, 19^
rue Saint-Guillaume. (1" ^oUi iB&l.)
GoTARD, D. M. P., ex-interne des hôpitan^, 2, rue du Bois, h Vapves.
(f8;aiM2itrl872.)
GûTTEAU, ancien président de la Socjéffî géolpgique de France, 17»
boulevard Saint-Germain. (3 jmn l^£i9.)
GiilU»6T (Bugène)» bQmme d^ lettres, 50, rue Delabordp. (16 déçem^r$
1869.)
GaovzAT, D. M. P., préparateur (]q copr^ d*accouchei|ient à la ^acpUé
de médecine, 24, boulevard de Sébastopol. (16 man 1882.)
ÇuïpR (Edouard), p^i^tre, prosep^qr à TËcole des beaux-arts, 13, rue
de Seine. (4 /^Tt«r 1886.)
Dariir (Pau)), bqis^ier, 5, rue du Faubourg-Saint-Honoré. (!*>' mafs
1883.)
Ql^iNpoufiT (Emmanuel), Q. M. P., (^, rue de Tournpn. (2p déçem^^
bre 1883.)
Df LUT (Eugène), D. H. P., professeur ^ TEcple d'anthfopologj^, ^j rue
Legendre. (21 mar* 1861.) ■emfcre à vie.
D^Lf (Césçr), fl|rec(^ur dp là flevm d'arçhileclure, 51, rue desEcqles.
(19 joiHïifr 186^.)
Darestb, d. m. p., 37, rue de Fleurus. {FomiiHeur.)
mu
DiELOf , coiMfilar maiiiciptl, 1S5, boulevMTfl y«ll«irt. (M tmU IMV.)
Datid, D. m. p., 180, boulevard Saint-Q«r»aîa. (Si jmH$t iWi.)
IhEaftfTx, D. M- ?•> «ncm directeur d« TEcole de qdédeeiae de f^U
au-Prince, 98^ roe Oberkempf. (31 ititn 1888.)
Dei^iapve> ancieo ipédeciq de Thospice de I& Sjilp^tfièr», 3)}^ nm dU
âommerard. (Fç^f^^te^r.)
DEf.B9iTB (Ju|ee), 8, rpe Vigeofi, et 38, riip de rOrpMinat, à Fleury-
Meudon. (ÏQ décembre 1880.)
P^l(f.^ D. M. P., préparateur d'fAtbropologie au Mus^uip, ?Û, rue
Gay-Lussac. (15 février 1883.)
Dn^fSLB (F'ni^sais), cQoeifl f)^ l'« classe, ^% rue (ItalUée. (Q m^i iW)-
Dehou (4.)9 oaturalifite, 6, rue p'riQçoia p'. (5 ^opem^re 198tt.)
Duiif (R, doe^ur es ^cieuees Qelurelle«, î(3i fveuiie dee BpbeliDs.
(20 janvm mi') Mf^mkfP ♦ ▼••.
DipioT, Q. M- P-t médecîQ ioipepOur géq<ial^ présidept du CwnHé
consultatif d'byg^pe^ fi9, ereque d'ApMi^* (4^' «mt-i 186Q,)
QoiN, li|)raire-édit^i|r, 8, pl^ce de TQ^^od. [^ /iéprifr 1888.)
Doumat (Léon), ingénieur, pep^iller mimieipal, U, rt|e Chardin.
ii^ f^rier im,)
DouGLASs (Andrew, E.), de New-Tork, 99, avenue des (Sbwpff-
Elyféfig. (!S |i»(»il847.)
Drouàult (Cbarlae), 4, iPUfi 4fftojpe7Diitai«* ((3n^emtr« 1878.) il«>*-
bre à yfte.
DucBaaap (EMgèoe-MoPii P* V. P., \\m^ 9° droit, 34, rue TrARr
chet. (19 mars 188^.)
DocHiNsii (F.-H.), 4^ Jfiew, §1, FMe 4e Pawy. (6 juillet i^65.)
Dur AT, p. M. P., génafeurde l-oir-^i-q|ïeF, 76, r^^ d'^sf »«. ( t Srifarf } 8§fl:)
DuGUET, professeur agrégé à la F^(;uU@ 4fi m^4eci|)e, §0, rue ^e |A)M4{'^i:
[4 novembre 1875.)
DpsiASf, professeur d'histpire et de gépgrapbiç 4t| )yc^e I^p^UTlç-Gcand.
({•^ décembre i%S\.)
Ddpiat (Simon), profpstjppr & la FacuUé de méd^cinp 4^ Parig, 2^ rqe
de Penlhièyre. (17 décernée m^.)
Dpii^u (Alexis], bihliûlbécaireder^çadémj)5 de p)^4epi(i^> ^^' f^f ^^^
Saints-Pères. (2 orrii 1863.)
DuçsELeoRP, 11, ru# ffquyeiie. (30 mar$ (8840
Ddval (Mathias), membre de TAcadémie de fné^eplf)^, ppfaaseur
à la Papulté de médecjne, professeur à TEçoIff it'^nlhrqpoJQgi^i
41, cité Malesberbes (rue des Martyrs). (\9ifHin j?'^?.) Megili^
Do? (Je^n), 12, rue Grpvauï. (3 qoilt J877.)
EcBER^c (d*), inspecteur de TAçsistance publjqi^e^ maire dç Sèvres^ 6^
cbemin des Çomqrpg, à Sèvres. (* mars IÇpO.)
ZX1T PnSORRIL.
Edwabds (Mh« Blancbi'], interne provisoire des hôpitaux, 330, rue
Saint-Jacques. (Si atfril 1887.)
EicBTHAL (Adolphe d'), président du couseil d'administration des chemins
de fer du Midi, 42, rue des Mathnrins. {il juin 1875.)
EscHENAUER (le pasteur), 149, boulevard Saint-Germain. (18 mai 4876.)
Faidherbb (le général), sénateur, membre de l'Institut, grand chance-
lier de la Légion d*honneur, palais de la Légion d'honneur.
{i9 décembre iSQl.)
Falret (Jules), D, M. P., médecin de Bicètre, î, rue Falret, à Vanves-.
(7 décembre 186».)
Faitvellb, D.M.P., ii, rueMcdicîs. (4yant^t«rl883.)lienibre à rie.
Féré (Charles), D. M. P., médecin de la Salpélrière, ancien interne des
hôpitaux de Paris, 37, boulevard Saint-Michel. (3 janvier 4878.)
FiAUX (Louis), D. M. P., 89, rue Condorcet. (2 janvier 1878.)
FiEUZAL, D. M. P., médecin en chef de Thospice des Quinze-Vingts,
110, boulevard Haussmann. (29 novembre 1866.)
Flobert (Gaston), secrétaire pour les commissariats de police de la
Seine, 47, nie Brochant. (5 juillet 1885.)
Flournot (Ed.), étudiant en sciences, 13, rue Bonaparte. (46 avril
1885).
FoviLLE (Achille), D. M. P., inspecteur général des établissements de
bienfaisance, 177, boulevard Saint-Germain. (1 juillet 1859.)
FuMODZB, D.M.P., 78, rue du Faubourg-Saint-Denis. (fOjuin 1872.)
Gaillard (Georges), D. M. P., 182, rue de Rivoli. (26 octobre 1879.)
Gallois (Jules), 64, rue de la Boëtie (6 mai 1875.).
Gashb, d. m. p., 5, rue Brochant (5 juin 1873.)
Gaudermen (Alcide), licencié en droit, 22, rue Beccaria.(5/(^rt>r 1880.)
Gaume, d. m. p., 13 bis, rue des Mathurins. (18 octobre 1866.)
Gavarrit, professeur honoraire à la Faculté de médecine, membre de
l'Académie de médecine, 73, rue de Grenelle-Saint-Germain,
(23 août 1860.)
Geoffroy, D. M. P., 12, rueMalher. (5jutnl879.)
Geoffroy Saint-Hilaire (Albert), directeur du Jardin zoologique d*ac-
cllmalalion,au Jardin zoologique d'acclimatation, Neuilly (Seine).
(ib février iBSS.)
George (Hector), D. M. P., licencié es sciences, 8, rue des Ecoles.
(18 novembre 1869.)
Geslin, peintre et architecte, 23, rue Lacondamine. (5 août 1875.)
GiLLEBERT D*HERCODRTfils, D. M. P., 115,rue Lafaycttc. (3 janvier 1884.)
GiLLBT- Vital, ingénieur, 74, quai Jemmapes; (20 mai 1875.)
GiGNOux, ancien avoué, 64, avenue delà GrandcTArmée. (15 mat 1878.)
GiRABD DE Rialle, chcf de la division des archives au ministère des af-
faires étrangères, 1, place Pereire. (21 janvier 1864.)
PKHSONIfBL. XXV
GoGUEL (Alfred), D. M. P., médecin de la Compagnie des "Messageries
maritimes, Î7, me de rEchiqnier. (2! fèwier 1878.)
GoRECKi (Xavier), D. M. P., 16, rue Daiipbine. (20 fwvemhrt 1879.)
GftAFnn, publicisle, 13, rue de Rivoli. (19 février 1874.)
GuiLLOFf (Alfred), D. M. P., 90, rue Saint-Lazare, (ti février 1880.)
GcTOT (Yves), député de la Seine, publiciste, 95, rue de Seine. (7 mai
1874.)
GoYOT (Prosper), publiciste, i66, boul. Moniparnasse. {3 févrieri^T.)
HiMT (Ernest), D. M. P., aide-naturaliste d'anthropologie au Muséum
d'histoire naturelle, conservateur du Musée d'ethnographie, 40,
rue de Lubeck, avenue du Trocadéro. (21 mars 1867.)
Hàrmaiid, D.M. P., 225, rueduFaubourg-Sainl-Honoré.(5 avril 1875.)
HeifiiDTBR, imprimeur-éditeur, 7, rue Oarcet. [Q janvier 1881.)
Hervé (Georges)^ D. M. P., professeur adjoint à TEcole d'anthropo-
logie, 49^ rue Labruyère. (10 novembre 1880.)
BoTTiNGUBR, ié, ruo LafBtte. (iS novembre 1880.)
HovELACQUB (Abol), profossour à TÉcole d'anthropologie, conseiller
municipal, 39, rue de l'Université. (17 janvier 1867.)
HoBBARD (Gustave-Adolphe), député de Seine-et-Oise, 2, rue de Bour-
gogne, {^janvier iSSl.)
Bureau de Villeneuve (Abel), D. M. P., 91, rue d'Amsterdam. (2 avril
1863.)
Htades, d. m. p., médecin de \^ classe de la marine, 6, rue Oudinot.
(19;ttinl879.)
IssAURAT, homme de lettres, 98, boulevard Saint-Germain. (7 mai 1874.)
Jacquemin (Eugène), métallurgiste^ 8 et 10, place Voltaire. (6 dé-
cembre 1877.)
Janvier (LouisnJosepb), D. M. P., lauréat de la Faculté de Paris, rue de
l'Ecole-de-Médecine, hôtel Saint-Pierre. (21 décembre 1882.)
Javal (Emile), D. M. P., député, directeur du laboratoire d'ophthnimo-
logie, 58, rue de Grenelle. (15/iîf?nerl872.) Hemlire à vi©,
Jennings (Oscar)^ membre du Collège royal des chirurgiens de Londres,
95, avenue des Champs-Elysées. (19 juin 1879.)
JouRDANET, D. M. P., 1, Hie de Berry. (i*^ juillet 1875.)
Jou88EAUME,D. M. P.,6, ruc de Vanves. (l«'mar« 1866.) Membre à vie.
JouvENCBL (Paul de), député de Seine-et-Oise, 66, rue de Rennes.
(22 novembre 1860.)
JooLAR (M"« J.), 58, rue dès Mathurins. (3 mars 1881 .) Hembre à irle.
Kahar (M"** Bertha, née Meilach), licencié es sciences, 64, boule-
vard du Port-Royal. (1" avril 1886.)
Karn (Isaac)^ 58, avenue du Bois-^de-Boulogne. (2 mat 1878.)
Kercehoffs, professeur à TEcole des hautes études commerciales,
17, rue Vauquelin. (19;ut7te^ 1883.) •
XXYÏ PEJISOIfNRf-
LiQADiE-U^RiTE» p. M- P*i médecio des hôpit^MX, 8, avenue ||qi);
taigne. (4 viuir$ 1869.)
La BépoLLiÈEB (oe), capitaine de vaisseau, comipaDdant le Suffçeif^^ ^
Toulon. (21 ;uf«^M88i.)
Laborde, D. m. p., chef des travaux de physiolpgie à la Facqlté dP
médecine, 15, rue ()^ TEcole-de-Médecine. (3 août 1876.) Hem*
bre à Tie.
Lacombe (P.)) ayenne du Marché, à Ghareqton. {±\ avril 1887.)
Ladreit de Lachabriére, médecii^ en chef de Plpstj^utjpn nationale de^
sourds-muets, 1, rue Bonaparte. [|i jjuillet 1^4*]
Lafargue (Paul), O.M.,puhliciste, 66, boulevard du EortrRQyal.(3^'iiin
1886.)
Lagneau (Gqstaye), D. M. P., fnembre de l'Académie de médecine^
38, rue de ja Çhaiissée-d'Anlin. (18 août 13$i9.)
Laguerre (Georges), §fQcat, député^ 11, ru.e Bernou|||i. (7 jan-
«ter 1886.)
Laie (René), 60, rue 3aint-Ândrérdes-Ârts. (4 tfuir^ 1886.)
Lamouroux, d. ]j[. P., 150, rqe de Rivpii. (6 juin 1872.)
Lavy (Ernest), 113, bpu|eyard ^^\X9Sïï\^^^/(^çefobre 1878.)|Ieml»r^
à vie.
Undolt, d. m. p., 4, rue Volney. (l«f avril 1875.)
Landowski (Paul), D. M. P., 36, rue Blanche. (8 j'anmer 1880.)
Lanessah (oe), député de )a Seine, professeur agrégé à la Faculté ((e
médecine de Paris, 13, rue des Halles. (6 janvioJf 1881.)
Lann^ongub, professeqr à la Faculté de pnédecine de Paris, meml^re
de l'Académie dp piédecine, 3, rue Frapçois I*'. (1®^ viar^ 1^77.)
Landrin (Armand), conservateur du Musée d'ethnograp))ie, at) palais du
Trocadéro. (3 fim7 1 879.)
Larrit (le baron], ancien dépisté, m^ipbire de TlnsUtut et de TAca-
déipie de médecine, 9), rpe de Lille. (19 avril 1877.)
LatteuXjD.M. P., chef du laboratoire à la clinique de ^'Facult^ de mé-
decine, 4, nie ^ean-Lantier. (3 août 1876.)
Lattt, d. m. p., 7, rue Léonip. (6 mqrs 1884.)
Lavroff (Pierre), 328, rue Saint-Jacqqes. (21 avril 1870.)
U E(AfiO!i [Ji|lps), D. ^. P., inspecteur suppléant des jeqpes enfqqt^,
4, eue de Ljlle. (19 mai 1881.)
Le Blond (Albert), D. M. P., 53, rue d'Hauteville. (7 novmpvf 1^72.)
Lp Bpn, d. ^.y 29, rue Vignon. (18 jui7^ee ^878.)
Le Cqïw (Albert), D. M. P., |5, rpe Qq^négaujl. (4 ^fçfVf^r^ ^87^.)
Lecrosnirr (E.), libraire-éditeur, placp de rEcole-fj^-M^decipe. (20 no-
vemhre 1884.)
Lbfèvre (André), hopime de letlires,21,rqe qautefeui||e. (7 fr|<ft j?74.)
Legrand (Maximin), D. M^ P., e^-cbef de cliniqqe à la Faculté de
PKRSOailEL. XXTII
inidecine, 39» rue de (rrenelle-S^Int-Germain. ({7 novembre
i859!)
Lb HARCig, 17, T^fi Chanaleilles. (3 avrH iS!79.)
Lb Rousseau (Julien), 42, boulevard dUt^lie. (2i novmntir^ tB67.]
Issfi^f^ (4lex.rAn(|.|, 109, bpplev8r4 B^^umarchftjs. (^/<>nPKr i877.y
Le Sppfi» (Erutst}, D. |f. p., anoien chifUFgien ^^ |}| marine, 4, rue
de POdéon. (2 février 1865.) Membre à vie.
Letqpbseau, p. 1kl. P., prpfesseuF à Ppcple d'aRlbrppolpgie, 70, bqu-
levard ^ïnt-Michel. {\9 janvier 1865.)
LEyA^cuit, i^pmbrp de riqçtiMit, profe^^eur au Collège de France, 26^
rue MoDsieur-le-Prince. (17 mars 188i .)
Ledpet, P- m. p., 43, rue Tailboul. (20 novembre 1879.)
LiouviLLB, D. M. P., député de la Meu^e, pfofesseur agrégé à la Faculté
de ipédecine, n^é^ecin des hôpitaux, 3, auai Malaquais. (18 no^
vempre I875.)
LojSEAq (Charles), D. I^. p., 12, rue Pernelle. (17;uin 1875.)
LuGOL (Edouard), avocat, 11, rue de Téhéran (parc Mopppaux). (8 no"
vembre 186^.]
LcT^, paembre de rAcadén^ie de médecinp, médecjn des hôpitaux, 20,
rue de Grenelle-Saint-Germain. (18 août 1g59.)
MAGiTOf, D. M. P., 8, rue des Sainta-Père^. (20 décembre i860.)
Magnaii, d. m. p., hospice Cabaniq, rueFefrus. (2 noven^bre 1876.)
Magniv, Q. y. P., 34, rup Laborde. (20 décembre 1883.)
MAHOU0EAU (P.-G.), 111, rue Monge. (3 f^rier f^SJ*)
MAHeenoT, D. j)f. P., 52}, avpnup dllalje. (1'' mars 1883.)
Mamouvrier, b. M. P., préparateur au laboratoire 4^f|Btbropologie de
racole dps hapte^ ^tude^, profeasepr adjoint | TEpole fl^antl^rpr
pologie, 15, rue de TEcole-de-Médeoin^. (5iff;fpier 1^.) Hem-
bre à vif,
Marcai«9, d. V, P.^ aociei) intepe des |i6pitaux. 5, rue de Thann*
(17 /évriiîf 1887.)
Marche (Alfred), voyageur, 30, rue Gay-Lussac. {i6 janvier 1879.)
Membre i^ vie.
Marmptt^n, d. I|. p., ancien député de la Seine, 31, rue Deshordes-.
Valmore. (20 moi 1875.)
Martel (E. A.), j|VQcat, 5, rqe ^|eyerbeer. (3 décembre 1885.)
Martin (Hippolyte), D. Âf. P.^ 62, rue de faCh^ussée-d^Antin. (5 dé-
cembre 1878.)
Martin (André), D. M. P., auditeur au Copnité cpnçpUqtif d*hygiène.
3, rue Gay-Lus^ac. (3 février 18^1.)
Maspéro, professeur au Collège de France, membre de Tlnstitut, 24,
avenue de rQbservatoirp. (20 maî 1880.)
Masséna (duc de Bivoli), 8, rue iean-:GpDjon. (3 aqiit 1871 .)
XXVIII PERSONNEL.
Massignon, étudiant en médecine, 93, rue Saint-Honoré. (15 marg
1883.)
Masson (Georges)^ libraire de rAcadémie de -médecine^ 120, boulevard
Saint-Germain. (16 mai 1861.)
Mater, conseiller municipal, 40, avenue Philippe-Auguste (5 mat 1887.)
Maoduit (Pierre-Isidore), D. M. P., 13, rue du Temple. (19 novem-
bre ims,)
Maunoir, secrétaire général de la Société de géographie, 3, square du
Roule. {\^ février 1883.)
Metners d'Estret (le comte), D. M. P., 6, place Saint-Michel. (21 fé'
VI ter 1884.)
MiLLAUo (Edouard), ministre des travaux publics^ sénateur du Rhône,
78, avenue Rléber. (3 juin 1880.)
MiLLEscAMPS (Gustave), membre du comité archéologique de Sentis,
10, rue de Lamennais. (22 janvier 1874.) Membre à vie.
AlizoN (A.), attaché au ministère des beaux-arts, 15, rue Ramey.
(4 mat 1882.)
MoNCELON (Léon), ancien membre du Conseil supérieur des colonies,
délégdé de la Nouvelle-Calédonie, 1, rue Touiller. (21 janvier
1886.) Memlire à vie.
MoNoiÈRE, D. M, P., médecin de la marine en retraite, 7, rue Cam-
pagne-Preraière. (7 aotl<187i.)
MoNOD (Charles), professeur agrégé à la Faculté de médecine, 12, rue
Cambacérès. (15 février 1872.)
BloNTBLANC (le comtc Ghislain des Cantons de), 8, rue de Tivoli,
(21 avril 1864.)
Morgan (Jacques de)^ ingénieur civil des mines, 1, avenue de ViU
lars. (17 décembre 1885.)
Moricand, d. m. p., 86, rue de Courcelles. (\B juillet 1873.)
MoRTiLLET (Adrien de), secrétaire de la rédaction du jouitial VHommc,
3, rue de Lorraine, Saint-Cermain en Laye. (17 novembre 1881.)
■embre à irie.
MoRTiLLET (Gabriel de), député de Seine-et-Oise, professeur à l'Ecole
d'anthropologie, maire de Saint-Germain en Laye. (2 février
1865.) Hemlire à vie.
Motet (A.), 161, rue de Charonne. (17 février 1887.)
MoDGEOLLE, aucicn élève de TEcole polytechnique, 17, rue Diderot,
a Viocennes. (17 décembre 1885.)
MoussAUD, D. M. P., Ty boulevard de SébastopoL (18;tft7/ef 1861.)
Nadaillac (le marquis de), membre de Tlnstitul^ 18, rue Duphot. (15
avril 1869.)
Neis (Paul), D. M. P., médecin de l'« classe de la marine, rue et
hôtel Racioe. (17 mat» 1881.)
pnsoifiiiL. xxix
Nbptbu, D. m. ?., chef de laboratoire à la Pitié^eO^ rue d*HaiiteTil)e.
(47 intii 4875.)
Névbrléi (le comte db)» ancien officier de marine, 28, rue Jean-Goujon.
(15 décembre 1881.)
Nicolas, 0. M. P., médecin à la Bourboule, 126, bouloTard Pereîre.
(3 mari 1881.)
Nkolk, 11, bouleyard du Palais. (5 décembre 1878.)
OixiTifta, D. M. P., professeur agrégé à la Faculté de médecine, 5, rue
de rUniyersité. (3 aoûtiSie.)
Pasqvieb (L,), directeur des affaires municipales è la préfecture de la
Seine, 5, rue Bastiat. (21 a^ril 1887.)
PteATÉ, D. M. P., 26, rœ des Ecurîes-d* Artois. (17 décembre 1868.)
Pbteb, professeur à la Faculté de médecine, membre de TAcadémie
de médecine, 20, me de Hambourg. (3 février 1876.)
PniLBEET, 0. M. P., médecin-inspecteur des eaux de Brides -lefl-Bains,
34, boulevard Beaumarchais. (17 marj 1881.)
PiETKiBwiGz(yalérius), D. M. P., 62, rue des Mathurins. (18 inUlet 1 878.)
PiÉTREMEirr , Tétérinaire miliUiire en retraite, 31, rue Denfert-
Rochereau. (19 mwrs 1874.)
PiKETTT, archéologue, 11, boulevard Bourdon. (18mari 1886.)
Ploix, ingénieur hydrographe en chef de la marine, en retraite, 47,
rue de Verneuil. (4 mars 1869.)
PoifCBT, D. M. P., professeur au Val*de-Gràce, 76, rue Notre-Dame*
des-Champs. (7 avril 1881.)
PoRSOT (A.), 122, rued'Assas. (7 février 1884.)
PoussiÉ, D. M. P., 64, rue de Rivoli. (7 février 1884.) MeMbre à vie.
Pozzi (Samuel), professeur agrégé à la Faculté de médecine, chirurgien
des hôpitaux, 10, place Vendôme. (21 avril 1870.) •
Proust (Adrien), professeur à la Faculté de médecine, membre de l'Aca*
demie de médecine, 9, boulevard Malesherbes. (19 d^cem6r#1861 .)
QuATEBFAGBS DE Bbéad (Armand bb), membre de Tlustitut et de l'Aca*
demie de médecine, professeur d'anthropologie nu Muséum d'his-
toire naturelle, 36, rue GeoSroy-Saint-Hilaire. (2 février 1860.)
■embre à ▼!••
QiiiNQUAOD, médecin des hôpitaux, professeur agrégé à la Faculté de
médecine, 5, rue de l'Odéon. {^décembre 1879.)
Raboubdu (Lucien), 50, rue des Ecoles. (17 mars 1881.)
Rause (Félix-Henri de), D. M. P., correspondant de PAcadémie de
médecine, rédacteur en chef de la Gazelle médicale, 85, avenue
Montaigne. (Û février. 1863.) '
Reclus (Elie), 72, boulevard du Port-Royal. (17 février 1884.)
Rbihwald, libraire-éditeur, 15, rue des Saints-Pères. (3 février 1876.)
Rémusat (Paul de), 118, rue du Faubourg-Saint-Honoré. (2 mat 1861.)
RsT (AHslide], député dé i^Iâèré, i, bdbléVaH Morladd. (8 iûmh
1880.)
Rki (Phîlippîë), b. k. V., thédefeih ïdjoidi t hsMi tduclu^è (Sëiâé-
et-Oise). (49 avril 1883.)
ftkn^iEh (Paul}, professedi" iiu^ à la F'àcilltê de rbéflecide^ bhirtîF-
gieo des hôpitaux, 11, rue de Rome. (!«' novénibrè 1883.)
Reyrier (J.-B.), D. y. P.i «, avenue de Èi'gni. (2 rf^ifêtHftr» 1888.)
Ri^BMoirt, D. M. P., pi^fési^eur agrégé & h FacUlté de hnédeëinl, ib,
bouleyard Malesherbes. (3 août i876.)
RttOT (Tb.), directeur de lé Rebué j^hiloêbphi^uèj 186, boùl^fàrd
Saiat-GermaiQ. (5 févriet 18èA.)
RidtÉÉt (QhAtles); 0: M; P., phiA^éUr égHgé à là Fiictttlé de fiÉéde-
einé, l»i rue de rUniyeiiiUé. (» ttvHf 18t7.)
RiTTi (Antoine), D. M; P., Maison itattètliile de OhaHidton-^irtt-Mau-
rice. (iO ftiai 1879.)
RodUHD (Jules), inspecteur ^nëràl eU retraite dU kéHibé de s^nté de
la marine, membri» dé rAcadëidiè dé itiédèeliie^ 4^ rué dtt Uit^qUë.
(21 janvier 1864.)
RoGHET (Charles), artiste sculpteur, 62,' Hé MdttJfedr-le^PKilce. (fi jan-
vier 1868.)
Rondeau, D. M; P.^ préparateur de pBysiolbgié à là l^aëiilté, 81^ riié de
la Pompe, Passy-Paris. (2/^rffef- 1882.)
R«Tii8cfiiLt»(le baron GustAYé de), 28, iltenuë fÊiï\iéTnj^{\" juillet îBlli.)
Rothschild (le baron Edmond de), 41^ rue dd PAltbDùrg-Saiut-Hônoré.
(I«'ittt7/c(1875.)
R«ifsSBLrr (L.)j archéologue; li6, bouléVard Baint-Gcrmàin. (18 atfril
1872.) Membre à Tt^.
Saint-Vel, d. m. p., 43, rué de la Ghausi5ée-d'Ant!n.l30/ii«W 1868.)
Sàléon (Philippe), yice-président de la cotnmiâislon deé mbndttiëflts
mégalithiques^ 29, i;ue Le Peletièr. (9 dèbemhrt 1878:)
Sanson (André), professeur de zoologie à TËcOlè hàtiènélé de Qrifehtin
et à rinstitot national agronomique, 40, dVedlie de l'Observa-
toire. (4 décetnhrè 1882:)
SÉBiLLOT (Paul), artiste peintre, membre de la comMisèioh des nionu-
ments mégalithiques^ 4, rue de TOdéob. (4 avril 1878i)
Sée (Marc), professeur agrégé I la Faculté de tnédëcilie, membre de TAca-
demie de médecine, 12B,boul'. Saint-Germaih.(17 novemblre infi9.)
9ÉGLAS, D. M. P., membre de la Société médieo-psjelioiogiquc, 13,
rue de Mézières. (6 novembre 1884.)
Second, D. M. P., professeur agrégé honoraire à la Pacullé de méde-
cine, 48, rue de Yaugirahi. (1«' août 1872:)
S&iALLÉ (René de), 1, rue de THermitage, ft Tersaille^. (23 /dh-
vier 1888.) Meiiibre à Tle.
SâtaiiMiE) D. M; P., atentie d6 Madrid^ ehâlMtiSiifit^laliiM (Néuilly).
(21 novembre 1861.)
SÉti (tfE), D. U. P., 4^ fUe Débroo^ëj qtfâi de bitly. (10 ééèmêre 1894.)
SmoNEAu, conseiller municipal^ 7, rue Goastaricfc. (iljnîfi 1866.)
SniETT (de), D. H: P.^ 10; rd^ de Is QhAise: (5 /'cfvffèr 1874. J
S5RKN (Hifaseè)^ D. M.^ 49^ rne d«8 Ecotes* (t1 Of(l>6re 1886.)
SôVftT (Iules), Hhdtre de eooférenees I l'BedIé phitique des iHiufcës
études, 21, rue Gay-Lussac. (20 moi 1886).
TâOTiiN, D. M. P., 6} place VeHaire. (5 /til/(»( 4884.)
Tbbribr (Félix), D. M. P., professeur agrégé à la Faculté de hiédecinc,
chirurgien des bôpiiAux,3,nie de Oopenhtgae:(21 déeeinbre iS'i.)
THÉtKiOT, D. M. P.( 44» rne de Londres. (7 juin 4877.)
Thieullen (Adrien), 85, rue de VaugiiiiH. (10 ibnvier 1887.)
TBORt^ D. M. P., 1i place d'Eylau.(1«io<n 1876.)
Thuué, d. m. P., 31 , boulevard Beauséjour, Passy-Paris. (2 dvrU \ 866.)
TopwAiD, D. M. P., directeur adjoint du laboratoire d'anthropologie de
FEcole pratique des hautes études, professeur à FEcole d^anthro-
pologie, 105, rue de Rennes. (18 juillet 1860.) Hembre à vie.
TouRANGiif, D. M. P.9 conseiller général de Tlodre, 20 tor, boulevard
Yoltaire. (19 ;um 1879.)
Tramond, préparateur d'histoire naturelle, 9» rue de PEcole-de-Méde-
cine. (18 novembre 1880.)
Trumbt de FoîrrARCE, D. M. P^iô, rue du Général-Foy. (I^'juin 1882.)
Ujfalyt ICh.E. db), agrégé de rUniyersité, 37, rue de Passy. (16 dè^
cembre 1875.)
Yallat, d. m. P.^ 68 biSj avenue Aubert, à Vineennes. (16 décem-
bre iS80.)
Védbuib, d. m. p., membre du conseil d'bygiène de Seine-et-Oise,
20, avenue de Saint-Cloud, à Versailles. (3 mai 1883.)
Velain (Charles) y répétiteur de géologie à la Faculté des sciences de
Paris, 9, rue Tbénard. (5 mars 1874.)
VERifEuiL (Aristide), professeur à la Faculté de médecine^ membre de
FAcadémiede médecine^ chirurgien de Fhôpitalde la Pitié, 11,
boulevard du Palais. (Fondateur.)
Yernul, d. m. P.>.45, avenue de la République» àCourbevoie. (3 no^
vembre 1880.)
Yéror (E.), homme de lettres^ 1, rue d'Epinay, à Groslay (Seine-
ei-Oise). (7 décembre 1876.)
Verrier, D. M. P., ancien préparateur à la Faculté de médecine, 129,
rue Saint-Honoré. (17 mat 1883.)
Yidal-Naquet, 16, rue du Qualre-SepUmbre. (17 février 1887.)
YiELLB (A.), juge de paix à Ecouen. (5 novembre 1885.)
YiMso!< (Julien)i sous-inspecteur des forêts, professeur à FEcole naliouale
ZXXn PBtSOlUIIL.
des langues orienUles vivactes, 5, rue de Beaune. (3 mai i877.)
■enkre à vie.
Voisin (Augnste)^ D. M. P., médecin de la Salpêtrière> 16, rue Séguier.
(19 janvier 1865.)
Webbr (E.)^ 43^ rue de Bourgogne. (& février i9S0.)
Wecker (L. DR), D. M. P., 3j, avenue d^Antin. (6 février 1868.)
WiHLw, D. M. P.f 29, rue de Paris, à Glaman (Seine). (20 ne/vem-
6f 6 1884.)
Weisgbrbbr, d. m. p., 262, rue du Faubourg-Sain^Honoré. (47 juin
4880.)
WiLSON, député, au palais de TElysée. {i^^juin 1876.)
Wtrouboff, directeur de h Philosophie poeitive y iSy me Molitor, Paris-
Auteuil. (18 décembre 1873.)
Zaborowski-Moirdron, 2^ avenue de Paris, àTbiais, près Choisy^ie-Roi.
(3 décembre 1874.)
II. Membres titulaires ne résidant pas à Paris,
Albespy, d. m. p.. à Rodez. (5 juillet 1877.)
y^LRZAis (H.), D. M., chef des travaux analomiques, 47, nie de Brcloiiil,
à Marseille. (48 mars 1886.)
Almeras (Jean -Jacques), ex-chirurgieii en chef de Thôpital d'Etampcs, .^
Autrelol, par Yvelot (Seine-Inférieure), et Fhiver, place Nationale,
maison Trenca, pension Robello, à Menton. (21 août 486S.)
Ameghino (Florentino), 946,callekivadavia,à Buénos-Ayres(rép(iblique
Argentine). (8 janvier 4880.)
Amiard, d. m. p., médecin de 2™« classe de la marine. (4«' février
1883.)
Arcelin, archéologue, 12, quai des Messageries, à Chalon-sur-Saône.
(\S juillet 4873.)
Arbouin, d. m. p., médecin de 4'^ classe de la marine, 38, rue de
TArsenal, à Rochefort. {il juillet 1879.)
Atgirr, d. m. p., médecin chef à Thôpital de Boghar (Province
d'Alger). (7 mars 1877.)
AuLT-DuMESitiL (d*), administrateur des musées, 1, rue de TEauctte,
àAbbeville (Somme). (46ium 1881.)
AzAM , professenr à la Faculté de médecine de Bordeaux. (24 tio-
vembre 1861.)
Ba^ènoff (Nicolas), médecin de Thôpital des aliénés^ à Moscou. (20 dé^
cem6r«4883.)
Baye (Joseph de), à Baye (Marne). (20 novembre 1873.)
Beauhanoir, d. m., médecin de la marine, chef des travaux anatomi-
ques à l'Ecole de médecine de Brest, {i^jnin 4882.)
PBASOlIltEL. XXXIU
Bebchon, chirurgien de 1'" classe de la marine^ chef do service de
santé de la Gironde, à Pauiilac. (18 août i859.)
Derminchaii (Edwards- J.)> directeur et rédacteur en chef de la Gazette
médicale^ à New-York, 1260, Broadway.
Bertoni, D. m. p., directeur de la Rivisia scientiliea êviizera^ à Lot-
ligna (Ticino). (3 janvier 1884.)
BuiicHET, D. M. P.^ villa d'Alsace, à Vicby-les -Bains (Allier). (23 no^
vembre 1877.)
BuTiif, député^ professeur à TÊcole de médecine de Clennont'-Ferrand.
(6dA?m5rel877.)
BoBAn-DuvERcé (Eugène-André), antiquaire, à Mexico, 10, calle de
la VioleU (Mexique). (7 juillet 1881.)
BouTEQDOi, D. M. P., à Cliâtillon-sur-Seine. (7 novembre 1878.)
Brdnet (Daniel), directeur médecin en chef de Tasile des aliénés
d'Evreux. (8 décembre 1862.)
Cartailhac (E.), directeur des Matériaux pour Phiitoire primitive de
TAomme, 5, rue de la Chaîne, à Toulouse. (13 mai 1869.)
Cauvih, médecin de 1'^ classe de la marine» quartier Saiote-Anuc, à
Toulon. (20 janvier 1 881 .)
Cazausde Fondoucb, ingénieur, licencié es sciences, 18, rue des Etuves,
à Montpellier. (23 février 1865.)
Cbauseaux, d. m. p., à Auhusson (Creuse). (îQ juillet 1882.)
CiAirres, sons-directenr du Muséum^ 37, cours Morand^ à Lyon.
(7 mai 1868.)
Crapuliic-Duparc, capitaine au long cours, ingénieur civil, 4, rue des
Minimes, au Mans. (15 octobre 1874.)
Chauvet, notaire, à Ruffec (Charente). (2 décembre 1875.)
Cravassier, d. m. P.^ à Saint-Sernin, par Duras (Lot-et-Gaioune).
(21 novembre 1861.)
Claubrt (Xavier-G. db), à Bouk-Saïba, par Jemmapes (Algérie, dépar-
tement de Constantine). (24 octobre 1878.)
Closmadeug (oe), d. m. P., président delà Société polymathique du
Morbihan, à Vannes. (1 février iSSA.)
CouRAL, médecin de la m^irine, à Narbonne. (29 novembre 1866.)
Daleau, à Bourg-sur-Gironde. (2 décembre 1875.)
Danillo, d. m. p., clinique des maladies mentales. Académie impé-
riale de médecine, à Saint-Pétersbourg. (21 décembre 1882.)
Danker, professeur à TEcole de médecine de Tours. (6 janvier
1870.)
Debleni^e, d. m. p., médecin de la marine, à Neuvy-sur-Loire. (21 fé"
vrier 1884.)
Derucé (Paul), doyen de la Faculté de médecine de Bordeaux. (17 <f^-
i^m6re 1863.)
c
DEPASSE, féihciëUr en chef de la Ch^bni^ue dé F)i>û9è)rei, à F^iig^i'es
(llle-et-Vilaide). (17 novtmbrt IMl .)
DobEdiL (Timolébn)» D. H. P., à Ham (âottlme). (4 /oHmVr 1866.)
OoDTBEBENTE, D. M. P., tnéilecio, directeur de Tasile d^aliénés de
Blois. (18 tnar$ 4880.)
DoTON, D. M. P. 9 médecin-inspecteur des eaux d^Uriage^ 2i, t'ue de
larente, àLyoïl. (3 avril 1B62.)
Du Boucher (Henri), membre de la Société Linnéenhe de Bordeaux et
dé la Société d'histoire naturelle de Toulouse, au château du bod-
digan, Sainl-Paul-lès-Dax (Landes). (i8 novethbre 1875.)
DbFdtiàiAirfELLfi, arebitiste du détmrlement de ta Corée, à Âjaccio
(Corse). («1 février 1878.)
DupoRtât» Ingénieur des ponts et chaussées, attaché à laCompagtiie du
chemin de fer de B6ne à Guelma et prolongements, à B()ne (Algé-
rie). (23 ia»»wr 1868.)
EiCBTttÀL (Louis h"), conseiller général du Loiret, aui fiézards, |)3ii> No-
gent-siir-Vernisson (Loiret;. (Smetts 1881.J
Kssers (W.»S.)> magistral aux Indes oHentales hollandaises, chez
M. Van Oboken et Oie, à Rotterdam (Pays-Bas). [iS novembre iB^.)
FiLLOt, D. M. P., médecin adjoint des hôpitaux, professeur stippléànt
à l'Ecole de médecine, 133, cours UeUtdud, à Marseille. (3 juillet
1879.)
Fournier, d. m. P., à Rambervifterii (Yosgés). (1 novembre iilÈ.)
Gabriel (André), D. M.P.> médecin de la marine, à Nouméa (Nouvelle-
Calédonie). (20 novembre 18810
Gadeâu de Keryille (Henri), Sectétaihe dé la Société des Âhlls des
sciences naturelles dé Rouen. (21 octobre 1886.)
Gailurd^ archéologoe, à Plottharnel (Morbihan). (!«' février 1883.)
Gamba (Albert), professeur d^anatomie à Tacadémlë Albertiné^ membre
de TAcadébiie royale dé médecine, 3b, cbrso Yittorio-Entaniiele, à
Turin. (16 (Mcemôre 1886.]
GâiiRiGOu (P.), D. M. P.> à Toulouse, 38^ rue Valade. (2 avtil 1863.)
Gêner (Pompeyo), commissaire de TExposilioh espagnole, 2, Plno,
à Bareelone. (4 mnil 1878;)
Germain (Henry), ingénieub eitil des mines, pfaôe BeàuHeu, à Cognac.
(21itt<nl877.)
GuÉRAutt (Henri)^ ex-ehirorgien de la marine, chirurgien de TUOtel-
Dieu de Tours. (24 mm 1860.)
GoiLLOT, D. M. P., médecin de la marine, à Dakar, (^janvier 1887.)
GumtT, place delà Miséricorde, à Lyon. (3 mai 1877.) ttc^mbre à %lé.
GuiRAUO, D. M. P., ancien interne des hôpitaux de Paris, àMontauban
(Tarn-el-Garonne), l'été, et 39, avenue de la gare, è Nice, l'hiver.
(16yutn 1881.)
* PE*«0^»ÉL. XXXV
UAfift (PUlIl^pé), D; M. P.jriiMcein ilei'« datte de la mariai, roédeiiiu
du protectorat au Cambodge, à t^hdôrtt-^Pêuh. (20 novembre
4881.)
UoÈ libMctAii, D. 11. P., ft Saïgoh (COebideMoé). (17 novembre
«8810
JkOiiùH (Henry Wittiatp)/199, High strfcét, Letvi^hHm, Londres, S. E.
(20 mai 1865.) Membre à vie.
Jacqdiiiot,0. m. p., à Sautigny-les-Bois (NifiVre). (3 juin 1875.)
Jot)kttA!i (Louis), fltocat^ à Hendé (Lozère). (3 novembre i^i.)
Kessleb (F'ritz), manufacturier, à Soullzroati (Alsace). (7 juin 1883.)
Ladmoiiier (J.), placé de la Préfecture, fl Poitiers. {îi juin 1883.)
LAusiH, D. M. P., médecin de$ hOpitaùi et médecih inspecteur des
écoles, au Havre. (7 février 1884.)
LÉcoTfeit (Henri), D. M. P., membre de la Société de médecine pu-
blique de Paris, à Beaorleux .(Aisne). (19 décembre 1878.)
Le Double (â.), t). M. P., pfofesseur à TEcoie de médecine, cbirur^en
de l'bOpital général^ fl Todrs. (18 mare 1876.)
LtÈtkt»^ D. M. V.y membre dé la Société asiatique, médecin aux
Haut de Plombières. (9 juin 1862.)
Li«o 0È Macbdo, d. m., à BOrba (Portugal). (7 mars 1867.)
LoscHAii (Félix), membre de la Société d*anthropologie de Vienne,
3} Btesz aM bitnthel, I, kVientle (Autriche). (6 juin 1878.)
Uacârio, d. m. p., directeur de rétablissement bydrothérapique, à
Nice. (20;ttm 1861.)
MfttLUho (rabbé), à ThdHghé en Gbarnié (Mayenne). (G at^rit
1876.)
MARCfeLtm (A.), membre dti cotiMll d*hygiène> au château de Saussés,
près Entreveaux (BasséS-Àlpés). [Ijuln 1866.)
IIabicourt (René de), mehibre du bdmité archéologique de Senlls, i
Yllletnétrie, près SedliS (Oise). (2 janvier 1873.)
Martin (J. de), D. M. P., à Narbonne (Aude). (4 mai 1865.)
MAlrhnENO, B. M., médecin [Inneipal de la marine, à Lorient. (17 juin
1886.)
MAHTmBT (Ludovic), à BanyuIs-sur-Mer (Pyrénées-Orientales). (2 avtil
1874.)
MAurBAS (B.), ancien notaire, à Tillegouge, par Casteloau-de-Médoc
(Gironde). (4 novembre 1815.)
Maret (A. bEj, archéologue^ Les Olrmeaux,par Trois-Moutiers (Vleûrie).
(6 mare 1879.)
Maorel, d. m. p., médecin principal de la marine, 61, rue du Chan-
tier, à Cherbourg. (2§ nowmfrrc 1877.)
Mauricit (Alphonse)^ D. M; Pi, à Tannes, place de la Halle-aux-Grains.
Maison Charpentier. (21 août 1862.)
XXXVI PERSONNEL. '
Mérejkowski (G. dk). Udî versité^ cabinet zoologique^ à Saint-Pélersboorg
(Russie). (i5 décembre 1881.)
MiERZEjBwsKi, D. M. P., professeur ù TÂcadémie médico-chirurgicale
(clinique des maladies mentales), C6té de Wyborg, Saint-Péters-
bourg. (20 mat 1875.)
MoREL, receveur des finances, archéologue, à Mirecourt (Vosges).
(8 ;ant?ïer 1880.)
Mdston, D. m. p., à Montbéliard (Doubs). (16 janvier 1862.)
NicAisE (Çharles-Louis-Âuguste), archéologue, à Chàlons-sur-Maroe.
(5 décembre 1878.)
NiCAS, D. M. P., à Fontainebleau. (7 novembre 1867.)
Olliçr de Marighard (Jules), archéologue, à Vallon (Ardèche).
(1" aoUM 867.)
Orchanskt (J.)» ^* M* P*9 professeur agrégé à la Faculté de médecine,
à Kharkofl* (Russie). (21 décembre 1882.)
Paris (Gustave), D. M. P., à Luxeuil. (à novembre 1880.)
Pechdo (J.), D. M. P., à Villefranche (Âveyron). (6 juin 1878.)
Pêne (X.), voyageur, membre de la Société de géographie commer-
ciale de Paris, à Libre-Ville (Gabon, côte occidentale d^Afrique).
Penet, conservateur du muséum d'histoire naturelle de Grenoble.
(17 novembre 1881.)
Pënnetier (Georges), professeur à TEcoIe de médecine de Rouen,
impasse de la Corderie (barrière St-Maur), à Rouen. (21 mai
1868.)
Peut (Abel), D. M. P., 65, rue de la Mairie, à Garcassonne. (4 no'
vembre 1875.)
Piette, juge au Tribunal de V^ instance, 18, rue de la Préfecture, à
Angers (Maine-et-Loire). (17 février 1870.)
Pin, d. m. P., à Alais (Gard). (16 avril 1885.)
PiNART (Alphonse), voyageur dans l'Amérique du Nord, à Marquise
(Pas-de-Calais). (20 mai 1872.)
PuNTBAu, D. M. P., professeur agrégé à la Faculté de médecine,
cours d'Alsace-Lorraine, à Bordeaux. (15 février 1877.)
Plantibr, d. m. p., 29, rue d'Avignon, à Alais (Gard). (16 février
1882.)
Pommerol (Félix), D. M. P., conseiller général du Puy-de-Dôme, à
Gerzat (Puy-de-Dôme). (1" mars 1866.)
Pruniéres, d. m. p., à Marvéjols (Lozère). (6 janvier 1870.)
Pucheran, d. m. p., à Bouillouse, près Port-Sainte-Marie (Lot-et-
Garonne). (18 août 1859.)
Regnault (Félix), à Toulouse, 28, rue des Balances. (3 juin 1869.)
Rbkard (Léon), D. M. P., 97, rue Toupot-de-Bréveaux, à Chaumont
(Haute-Marne). (l«'amH880.)
PIKSONNBL. IXXVII
RiBBE, D. M. P., a Mauriac (Cautal). (!9 novembre 1885.)
RiBELL (François), D. M. P., à Toulouse. (1'' février 1866.)
Ricoux^D.M. P., médecin deThôpilal, à Pliilippeville (Âlgérie).(l«'>iit7-
let 1875.)
Rosm (Paul), directeur de Porphelioat Prévost appartenant au dépar-
tement de la Seine, à Cempuis (Oise). (7 avril 1881.)
RocBEBRUNE (dg), le Courl au Saiot-Cyr en Talmondois, par Champ-
Saiol-Père (Tendée). (17 mat 1883.)
RoossBL (Charles), médecin de la marine, 54, rue Saint-Yves, à Brest.
(19 octobre 1882.)
Sabatier (Camille), député d'Oran (déprtrt. d'Alger). (4 mai 1882.)
Sacaze (Julien), avocat, à Saiitl-Gaudcus (Uaute-Garonne). (7 ttovem-
bre iSlS.)
Sapobta (le marquis Gaston de)^ correspondant de Tlnstitut, à Âix en
Provence. (13 mat 1869.)
Sauvage, D. M. P., directeur de la station aqiiicole,9, rue Tour-Notre-
Dame, à Boulogne-8ur-Mer. (4 avril 1867.)
SELTsLoNGCHAyps (Walter de), Halloy, près Cioey (Belgique). (18 /an*
vier 1877.) Henibre & vie.
Serrurieb (L.)^ docteur en droit, directeur du mnsée national d*etbno-
grapliie des Pays-Bas^ à Leyde. {1 janvier 1886.)
Souchu-Serviuiérb, député de la Mayenne, 2, rue des Fossés, à Laval
(Mayenne). (7 novembre 1867.)
Stephenson (Franklin-Barbe), D. M., Surgeon United States, Nnvy,
Barletl street Roxburg, Boston (Massachusetts). (7 mars 1878.)
Henibre &Tle.
Teilledx (Isidore), médecin en chef de Tasile d^aliénés de Bonneval,
au Mans. (20 novembre 1862.)
Teh Kate (Hermann-Frédéric-Karl), D. M., 48, Javastraat, à la Haye.
(18 décembre 1879.)
Testut^ d. m. p., professeur d*anatomic à la Faculté de médecine de
Lyon. (7 juin 1883.) Membre & vie.
ToROE (de), d. m., professeur à rUniversilé (faculté philosophique), 8G,
8. z. Kiralyotera, à Budapest (Hongrie). (5 novembre 1880.)
TouRTODLOR (Ds), président de la Société des langues latines de
Montpellier, Valergues, par La usargues (Hérault). (20 juin 1878.)
Trucy, d. h. p., médecin de 1'" classe de la marine, 48, rue Na-
tionale, à Toulon. (!•' février 1883.)
Valerzueu (Thedoro), docteur en droit, ancien ministre plénipoten-
tiaire de Colombie, à Bogota, représenté par M. Garcia (Raphaël),
6, cite Rougemont. (4 mars 1875.) Membre & vie.
Vauthier, d. m. p., chirurgien de PH6lel-Dieu de Troyes. (21 juil^
leliHlO.)
Vernead, D. m. p., à Us Palmas (Grandes-Canaries). (17;tt»ti4875.)
ViANNA RtBEiRû (1^ coionel Carlos^ Fernando), à Marahâo (Brésil).
[M juillet 1884.)
Wechniakof (Ti)éodore), membre de la Cour supérieure de justice» rési-
.dant au Kremlin, è Moscou. (!«' février 1866.)
WiLsoN (Thomas), n^ 12i8> Connecticut avenue, à Washington (D. C).
. [1 février iSSL)
WissENDORFF (Henry), membre de la Société des Eludes Leltones de
Riga-Moika, n» -(T, app. 8, à Saint-Pétersbourg (Russie). (20 mai
1886.)
Membres associés élrangers.
And^adbCorvo (J-db), conseiller d'Etal honoraire, président du cofigrès
d'anthropologie et d^archéologie préhistoriques, 8. T. de Espero,
Lisbonne. (16 décembre 1880.)
Barkow, professeur à TUniversité de Breslau,(4 janvier 1866.)
Beddqb (John)^ à Clif(ori, Bristol (Angleterre). (32 novçn}bre 18Q0.;
Blake (Carlerj, membre de la Société d'anthropologie de Lopdres.
28, East Street, Queep's square, Londres, W. C. (21 mai 1863)
BoGDANOw (le professeur Anatole), à Moscou. (16 j\iiUet 1874.)
Brown-Sequaro, professeur au Collège de France^ 15, rue SQufQql,
(Fondateur,)
Brucke, professeur à rUnlverjité de Vienne. (Il juin 186Q.)
BuRTON (le capitaine William), consul anglais à Trieste. (4 novembre
1875.)
Bdsk (George), ancien professeur hunlérien au Cpllège (Jes chirurgiens
/ d'Angleterre, à Londres. (2 juillet 1 874.)
CAtORi> professeur, à Bologne (Italie). (4 juin 1874.)
Candolle (Alph. de), de Genève. (19 décembre ^867.)
Capellini, professeur de géolpgie et de paléontologie, à Bologne (Italie).
(22 janvier 1874.)
Castro (Fernando), vice-président de la Société d'anthropologie de
Madrid. (19 octobre 1865.)
Cbaix (Paul), à Genève. (22 novembre 1860.)
GHAitNOCK (Richard), trésorier de la Société d'anthropologie de Londres.
(21 janvier 1864.)
Chil-y-Naranjo, Ï). m. p., à Palmas (Grandes-Canaries). (7 novem-
bre 1878.)
CoLLiNGwooD (Frederick), curalor and librarian de la Société d'an-
thropologie de Londres. (21 janvier 1864.)
CoccHi (Igino), professeur à Tlnslitut des études supérieures, à Flo-
rence. (15 février 1872.)
CuRunc (Blîzard)^ i Lpndres. {\^ décembre 1850.)
CzoERifiG (barpn |^), à Vienne. (3) j^iH 1860.)
Dawidofp (â.), vice- président de la Société ipnpériale de$ fin^îs des
sciences naturelles, d*aqthrppal()gie et d^etboograpbie^ à ^ûscom*
(4 déeembvf 1879.)
Dblgâdo Jugo (Pon Francisco)^ secrétaire de \^ Société ^nthropQlor
giqoe de Madrid^ 50j calle Âncha-de-Saii-Çeroardo, \ ^^if\à.
(I«';iitni865.)
DupoifT, directeur du musée rpyal 4*bi8toire patqrelle» k Br^i^^f^
(7 novembre 1872!) '
EcKEB (Âlexandrejx à Fribourg en Brisgan (gn|nd-4(iché ^ Pl^.fi)*
(îl janriVr 1864.)
Evans (John), président de llnstitut anthropologique de la Grande-Breta-
gne et d'Irlande, Nash Mi||s, ^en^psted (Angleterre) . (19 avril \ 877.)
Farr, à Londres. (^ juillet 1860.)
Fcnkrlt-Effbiu>i, professeur à racole impériale de n^édecine de Çqp-
stantinople. {î novembre 1865.)
PuGiER, ethnographe, 3, Yiaduct Glisse , à Vienne (Autncl^e).
(% mai 1878.)
Floi^ter, professeur au Collège de$ chirqrgi^ns, à Londres. (15 fé»
trier 1877.)
GucoMiifi, professeur à PUniversité de Pérouse. (7 ntnwmbre
1878.)
GiGLioLi (E.), professeur de zoologie à Tluslitut supérieur, Vjale ()ai
Colli (Villa Belvédère), h Floreqce. {^novembre 1882.)
Gosse (Hippolyte), à Genève. (2 février 1860.)
Haivnover (Âd.)^ à Copenhague. (17 novembre 1859.)
Hatoen, inspector général of U. S. Geological Survey, Washington
(Etals-Unis). (19 février 1880.)
HELLW4LD (Friedrich nE)> directeur de |a Revue A^sland, Cs^xïsl^U
près Stuttgard (Wurtemberg). (5aoà( 1875.)
HiGGiNS (Alfred), secrétaire pour l'étranger de la Spciété d'anthropo-
logie de Londres. (17 décembre 1863.)
His (Wilhelœ), prafesseqr è TUniversité de Leipzig (Saxe). (1 jui^
let 1864.)
H0B1.DRB (pb), conseiller supérieur de médecine» Uarienstrasse, k Stvit-
gard.(20jtitl/et1882.)
HuMPHRT, professeur d'anatoraie à TUniversité de Gapabridga. (8 avril
1872.)
ï\vugi (Tliomas), professeur k TEcoIe royale des mioes de Londres.
(5 avril 1866.)
Htbti., professeur k lljqivajrsité de Viemie. (21 juillel 186^.)
Jacubowitch, à Saint-Pétersbourg. (5 avril 1860.^
XL PBKSONIfBL.
Kanitz (Félix), président du Comité de rExpositiou des sciences
antiiropologiques (1878), Eicherbacii gasse, à Vienne (Autriche).
(7 novembre 1878.)
Eatolinski, à Saint-Pétersbourg. (20 novembre 1862.)
KoPERMiÇKi, professeur à Gracovie. (21 novembre 1867.)
Lazarus, professeur, 5, Kônigsplatz, à Berlin. (15 mars i866.)
Lbnhossek (Joseph de)^ professeur d'anatomie à PUniversité de Buda-
pest. (7 novembre 1878.)
LuBBOCK (Sir John), Lamas Gbisleh'urst S. E., London. (!«' aoiU
1867.)
Ma!nof (Wladimir de), niembre de la Société impériale de géogra-
phie, petite rue des Italiens, maison 18, lig. 39, à Saint-Péters-
bourg. (4 novembre 1875.)
Malibf, professeur h rUniversité de Kasan. (2 novembre i882).
Mantegazza (le professeur), à Florence. (7 mai 1863.)
MoRSBLLi, D. M. P., aide de clinique médicale, Ârcispedale di S. Maria
Nuova, à Florence. (4 juin 1874.)
MuLLER (Frédéric), professeur à PUniversité, vice-président de la
Société d^anthropologie de Vienne, 18,Maxner Gasse, Landstrusse,
à Vienne (Aulriche). (15 octobre 1874.)
NicoLUCci (Giustiniano), professeur d'anthropologie, à Naples. (4 fé^
vrier 1864.)
NoTT (J.-C), à Mobile (Etats-Unis). (17 novembre 1859.)
O^DONOVAN (Denis), bibliothécaire du Parlementa Brisbane^Queenslnnd.
(Australie). (19 novembre 1885.)
Ornstein (Bernard), médecin en chef de l'armée grecque, à Athènes,
(-> novembre iSS±.)
OwEN (Richard), professeur, à Londres. (20 août 1863.)
Padilu (don Mariano), à Guatemala. (1°^ août 1861.)
Pedro d'Alcantara (S. M. dom), empereur du Brésil^ à Rio-Janciro.
(6 janvier 1876.)
PiGORiNi, fondateur et directeur du musée préhistorique et ethnogra-
phique de Rome. (16jutnl881.)
PiTT RiYERs(le major général), président de Tlnslitut authropologique
de Grande-Bretagne et d'Irlande, à Londres. (4 août 1881.)
PowELL (le major J.-W.), président de la Société d'anthropologie de
Washington, directeur du bureau d'ethnologie, à Washington.
(2 février 1882.)
PuLSKY (François de), ancien président du Congrès international d'an-
thropologie et d'archéologie préhistoriques de Budapest. (7 novem-
bre 1878.)
Ranke (de), professeur de zoologie à l'Université de Munich. (^29 juil-
let 1882.)
PBMONNIL. XU
UiBEiRO, ingénieur des mines^ directeur de la carte géologique de
Portugal, à Lisbonne. (1 novembre i878.)
RirriMETEii (Ludwig), à Bftle. (7 juillei 1864.) *
Sasse (A.), D. M. P., à Zaandam (Hollande). (18 décembre 1873.)
Schàafhàuscn, professeur d^anthropologie, à Bonn (Prusse rhénane).
(19 novembre 1863.)
ScBMiDT (Waldemar), professeur à TUniversité de Copenhague. (4 no*
vembre 1875.)
Seriaro (Matias-Meto), président de la Société d*anthropologie de
Madrid. (17 octobre 1865.)
SouiER, à New-York. (9 janvier 1868.)
Stapleton, à Dublin. (!«' décembre 1859.)
Steerstrup, directeur du Muséum de zoologie, à Copenhague. (5 /é-
vrier 1872.)
Stieda, professeur à PUniversité de Dorpal (Russie).
Tqurnam (John), à Devizes (Wiltshirc, Angleterre).^ (19 novem*
bre 1863.)
TutLOCH (le colonel), à Londres, (li juillet 1860.)
Torneu (William), professeur à rUniverslté d'Edimbourg. (7 no*
vembre 1878.)
Ttlor, président de Tlnslitut anthropologique de la Grande-Bretagne
et de l'Irlande, à Londres. (5 aoU/ 1880.)
Tytler (Robert), goaverne*ur du Bengale, h Umballa. [i^^ février 1866^.)
Va.nderkinuèrb (Léon), professeur à la Faculté de philosophie et lettres
à rUuiversité libre de Bruxelle.<. ('\ janvier 1884.)
Yan DuBEif, professeur et directeur du Musée, à Stockholm.
(4 avnl 1878.)
ViRCHOw» D. M., député de Berlin. (9 décembre 1867.)
VoGT (le professeur Garl), à Genève. (16 août 1863.)
Worsaae, conseiller d'Etat, conservateur du Musée des antiquités
du Nord, à Copenhague. (15 février 1872.)
«
CorrespondanlA.
L Correspondants nationaux.
Allé (Edgar), sous-inspecleur des douanes au Tonkin. (4 mars 1875.)
Armand (Adolphe), médecin-major. (7 juillet 1864.)
Aube, contre-ami ral^ ministre de la marine^ à Paris. ^15 mars 1874.)
Bassignot, médecin de la marine, à Saint-Denis (Réunion). (4 fé-
vrier 1869.)
Be!«oit (Barthélemi), chirurgien de 1'* classe de la marine, au Sénégal. .
(15 décembre 1859.)
JUl PERSONNE}..
Ber (Tl^éodore), ^ Urne (Pérqu). («8 mars 1876.)
Bernadet (Charles), à Londres. (19 janvier 1865.)
Bbstion, médecin de !'• classe de la qwine, rqe Saint-Rocli, h
Toulon, (17 jui«ef 1879.)
BiART (Lucien), à Orizaba (Mexique). (16 janvier 1862.)
BoTRRy D. M. P., médecin de la marine, à Brest. (15 mai 1878.]
Cabaret de Saint-Cernin, lieutenant de vaisseau. (18 juillet 1861.)
Càzalis, D. m. p., à Moriab, pays des Bassoutos (Afrique australe).
(!•' décembre 1864.)
Cazalis, pharmacien de la marine, à Rocheforl. (4 mars 1871.)
Celle (Eugène), D. M. P.^ à San-Francisco (Californie). (21 qaUt
1862.)
Cbanot^ d. h. p., ex-chirurgien de la mafine^ à Hle de la Réunion,
(22 novembre 1860.)
Chaput (César), lieutenant au 98« de ligne. (17 novembre 1864.)
CQA8SAGNE, D. M., médeciu-major de 1'* classe au 35* régiment d'ar-
tillerie, à Vannes. (19 février 1880.)
Cbassin, d. m. p., à la Yera-Cruz. (21 avril 1870.)
Corne, vice-consul de France, à Coloo-Aspinwall, ex-ofHcier de ma*
rine, 40, rue Saint-Séverin. (2 janvier 1879.)
CofiK|M.iAC, mé(lccin de la marine. (18 mars 1869.)
Dallt [Aristide), commandant dUnfanterie en retraite* (6 juin
1867.)
Daninos, conservateur au musée de BouUcq» au Caire. (17 février
1860.)
DELi^ Bruyère» artiste peintre, à Alger. (9 février 1880.)
Demazes, chef de bataillon du génie (2* régiment), à Montpellier.
(^± janvier 1880.j
DuHoussET (le colonel), 6, rue Fiirslenberg. (2Q aoU^l 1863.)
Fadre, d. m. p., médecin de colonisation, à Chéraga (Algérie).
(7 juin 1860.)
FoNTAN (Alfred), à Mazamet (Tarn). (19 juillet 1860.)
Fristo, médecin-major de 1" c|asse, (4 mat 1860.)
GociN (Léon), ingénieur civil des mines, à Cagliari (Sardaigne).
(17 avril 1884.)
GuÉRiN (Paul), D. M. P., médecin de la marine, à Rochefort-sur-Mer.
(2 décembre 1886.)
Henry (R.), chef de bataillon du génie. (30 décembre 1877.)
HuRST (Marie-Joseph), médecin en chef, à Laghouat (Algérie). (7 dé-
cembre 1863.)
Jacqdehet, professeur agrégé à la Faculté de médecine de Mont-
pellier. (1" décembre 1859.)
Jalouzet, vice-consul de France, à Belfast. (!5 février 1883.)
pRRffOimi. xun
JouYin, premier pharmacien de la roarioe» professeort i*£cal6 de mé-
decine nf^vale, à Rochefort. (it mai 1873.)
Lacassagne, médecin de la marine^ à Marseille, (à février 1869.)
Lagrené (de), consul de France, à Moscoy, (16 janrier 1879.)
Ladtbé, médecin missionnaire ^ à Thaba-Bossiou (montagnes de la
Nuit, Afrique australe). (2i août 1862.)
Léger (R.), D. M. P., à la Guadeloupe. (7 janvier 1864.)
Mac-Cabtt, pon^ervaleur du musée d'Alger. (17 avril 1879.)
Martin, D. M., conseiller municipal d'Alger. (17 avril 1879.)
MAzé (Hipp.)^ commissaire de la marine. (17 novembre 18S9.)
MiRANDE, juge au tribunal de Karikal (Indes françaises.) (1 7 déeem^
bre 1868.)
BlouNiER, pharmacien de la Société des voyages d'études, à Bussière
(Loire.) (20 juin 1878.)
BloNTANO, D. M. P.^ chargé d'une mission du gouvernement en
Malaisie. (17 avril 1879.)
lloNTROuziEB (lo père), missionnaire, à la Nouvelle-Calédonie. (2 dé»
cembre 1860.)
PiCHON, D. M. P.^ à Shang-Ha! (Chine). (7 novembre 1872).
PiGNÉ, D. M., à San^Francisco (Californie). (2 avril 1 863.)
Pbtitot, Mareuil-lôn-Meaux (Seine-et*Marne). (7 novembre 1872.)
Poteau (Anselme), médecin au 32« d^artillerin, détaché à Sousse (Tu-
nisie). (21 décembre 1882.)
PftKiiGRDEBEB, D. P. M., médecin de colonisation, à Palestre. (4 août
1881.)
Rbght-Bev (ds), chef du service central de statistique d'Egypte, membre
de l'Institut égyptien, à Alexandrie (Egypte). (16 juillet 1874.)
Reiiard (Alexandre), médecin • major en chef, à Batna (Algérie).
(2 juin 1864.)
Rocher (Emile), employé aux douanes chinoises^ à Sbang-Haï. (1881.)
RouviÉEE (le capitaine dr), officier d'ordonnance du général Fai-
dherbe. (19 décembre 1867.)
Sainte-Marib (Prigotde), consul de France, à Syra. (20 mai 1880.)
Sarret, d. m. p., ex-médecin-major, médecin de colonisation, à Souk-
Ahras, province de Constantine (Algérie). (IS mai 1878.)
Sériziat, médecin-major. (3 mat 1866.)
SiSTACH, médecin-major an 11* bataillon de chasseurs à pied. (6 fé-
vrier 1862.)
Tirant , D. M. P., administrateur des affaires indigènes, à Saîgon
(Cochinchine). (19 novembre 1874.)
TissoT^ membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres,
ambassadeur de la République française, à Londres. (2 mars
1876.)
XUV PERSONNEL.
ToxMASiNi, D. M. p., à Mascara (Algérie). (15 avril i880.)
ToocHARD, cliirurgien de l** classe de la marine, au Gabon. (5 mat
1864.)
Vale«tin, voyageur en Afrique. (2 octobre 1873.)
Vincent, médecin de la marine. (2 décembre 1869.)
Walthbr (Charles), premier médecin en chef de la marine, à la Basse-
Terre (Guadeloupe). (18 mai 186S.)
Walthbr de la Tour (E.), D. M. P., ex-médecin de la marine de
FEtal. (5 mars 1874.)
11. Cofrespondants étrangers»
Alba (Léon y), D. M. P., à Lima (Pérou). (^ janvier i86l.)
Almagro, d. m. p., à Madrid. (19 juin 1862.)
AnouTCHiNE (Diniitri), professeur d^anthropologie. Musée polytech-
nique^ à Moscou (Russie). (3 mai 1877.)
Arbo, d. m., à Drammen (Norwège). (29 mai 1880.)
AuDAiN, D. M. P., à Port-au-Prince (Haîli). (18 août 1859.)
Belluci, professeur à TUniversité de Pérouse (Italie). (7 novembre
1878.)
Barber (E.-A.), mntlre es arts de PUniversité de Philadelphie, édi-
teur adjoint do VÀntiquarianf 4007, Ghestnut street, à Phila-
delphie. (U. s. a.). (18 mars 1886.)
Bbnedick, professeur à TUniversité de Vienne, I, Pranciskaner Platz 5
(Autriche). (7 novembre 1878.)
Bensengre (Basile), D. M. P., membre de la Société d'anthropologie,
grande Moltchanowska, maison Maylowsky, à Moscou. (16 oc-
tobre 1873.)
Betz, professeur et directeur du laboratoire d'anatomie, à TUniversité
de Kiew (Uussie). (4 décembre 1879.)
BoisuNiÊRES (Charles de), membre de TAcadémie des sciences de Saint-
Louis (Miissouri). {t novembre 1865.)
Brabrook, directeur de Tlnstitut anthropologique de la Grande-Bre-
tagne et de l'Irlande, à Londres. (5 août 1880.)
Brintox, d. M. 9 professeur d'ethnologie et d'archéologie à TAcadémie
des sciences, à Philadelphie. (7 mai 1885.)
Brochet (Antonio). (30 juillet 1868.)
Calonge (Belisario), D. M. P., k Truxillo (Pérou). (3 janvier 1801.)
Cakr (Lucien), assistant curator of the Peabody muséum, Harwards
university, Cambridge (Massacliusetts, U. S.). (26or(o&rf 1879.)
Carjiow, d. M., à Canton (Chine). (16 janvier 1879.)
PERSOIIIIBL. XLT
Castelfbanco (Pompeio), professeur, à Milan. (i7 avril 1884.)
Chakir-Bet, ancien attaché militaire à Fambassade ottomane.
(5 août 1875.)
Choodens (Joseph de), D. M. P., à Porto-Rico (Antilles). (16 mai 1861 .)
CoRSTAimiiEsco (Barbe)y docteur en philosophie, professeur d^hbtoire
àBokbarest. (3 avril iSn.)
CoBA (Guido), directeur du Cosmoi^ 74, corso Vittorio-Emmanoele,
à Turin. (6 novembre 1873.)
Costa (Simoès da), professeur à TUniversité de Coîmbre (Portugal).
(1" février 1866.)
CooBURD (Alfred), D. M. P., Grande- Koniuchenui, à Saint-Péters-
bourg. (18 mare 1875.)
CoDERiÈRE, à Sainl-Pélersbourg. (18 juillet 1873.)
Dabling (W.), professeur d'anatomie descriptive aux Universités de
New-York et de Vermonl, à New-York. (8 novembre 1877.)
Datis (Chas.-Henr;^ Stanley), D. M., à Mériden (Connecticut, Etats-
Unis). (2 janvier 1873.)
Delmas (Louis-H.), D. M., membre numéraire de la Société anthropo-
logique espagnole de Madrid, fondateur de la Société anthropolo-
gique de Cuba, à la Havane. (3 janvier 1878.)
Derizans (Benito), D. M., Brésil. (20 avril 1876.)
Destruges (Àlcide), D. M. P., à Guayaquil (république de TËquateur).
(19 févHer 1863.)
DuNART, D. M., à Genève. (9 janvier 1868.)
Fernandés (Ânlonio-Francisco), D. M. P., à Rio*Janeiro (Brésil).
(4 avril 1861.)
Frîjs, professeur à l'Université de Christiania (Norwége). (18 mare
1876.)
Frter (le major), commissaire du gouvernement anglais en Birmanie,
à Calcutta. (5 avril 1877.)
Gardo (Manuel), membre fondateur de la Société d*anthropologie de
Madrid. (19 octobre 1865.)
Garson, d. m., conservateur du musée anthropologique du Collège
des chirurgiens de Londres. (19 novembre 1885.)
Gross, Di M., à Neuville, canton de Berne (Suisse).
Havres (Henry-W.), professeur à l'Université de Boston, 239, Beacon
Street, Boston (Massachusetts, Etats-Unis). (7 novembre 1878.)
Hazbucs, d. m. p., directeur du musée ethnographique Scandinave^ à
Stockholm. (5 novembre 1874.)
Heger, d. m. p., professeur de philosophie à TUniversité de Bruxelles.
(3ianmer;i88*.)
Huj»EBRA!«D (Hans)^ D. M. P.> 1*' conservateur au musée royal d*archéo-
logie, à Stockholm. (15 octobre 1874.)
xLyi psHM^àÉL.
HiTCHMAM^ niértibt-e rondateat* fle la Société d'àdthropolo^ë d6 LlveN
pool, 29, Erskinc strefet. (-4 fiovèmbre 1869.)
HouzÉ. D. M. P., professeur d'anthropologie à rUnivèifâlté de Bruxelles.
(3i«l«Hfer 1884.)
HYBfc CUHKfe, local Sébrètdir^ûf thé Ànthropolo^Mt Sottety of ton-
don^ président de l'Académie d'Aiialolle, aSrtiyrne. (15/ufnl865.)
iKd^r (G), bëcHSlaire de lit Section ànthropoldgittue de lu Société des
Amis des sciences naturelles, à Moscdil. (ï«' Mà¥8 4883.)
lTâLlà4^icASTRb, D. M., à Pai&îzolo-Acrôlde (Sicile), [ti juillet 1866.)
IWANOFSKY, D. M., V. Vyborskaïa Storma, Finshl |[)eredalok, mai-
sort Opotchinina, à Saint-Pétersbourg (Russie). (4 rftoirt6r« 4879.)
Janssews, d. m., à Bruxelles, 21, rue des Coiiiédifens. (18 novem-
bre 1869.)
Jones (W.)> ingénieur, à Bruxelles, 18, rue Bfarnix. (20 décembre
4866.)
RiLMtlERQ, D. M. p., à Bukharëst. (13 mai 1869.)
KoLLMAWN, professeur de zoologie, à Bâie (Suisfee). {!•* mars 1883.)
La CalLb (Antonio de), pHtat doceùt (linguistique) à TUniversité de
Genève, 48, rue de Sèvres, à Glamart. (17 mars 1881.)
Landry, professeur à t'Uni^fersIlê de Québec (Canada). (16 mot 1861.)
Leboucq, d. m. p.. professeur à TUniversilé de Gand (Belgique).
(3 janvier 1884.)
Lesquizamon (D. Juan, Martin), ministre du gouvernement de la pro-
vince de Salla (république Argentine). (24 juin 1877.)
LitTcm F0RBB64 Membre de Itt Société de géographie de Londres, an-
cien médecin aux consulats anglais en Océanie, Gbaudos.ciub,
Laiigham Plice^ à Lotidreâ.
Macedo Pinto, professeur à TUniversitô deCoïmbre (Portugal), [i^^ fé-
vrier 1866;)
Masoh (Otis, P.), conservateur du musée elhnologiqueldu Smithsonian
instilutiodi à Washington. (7 mai 1885.)
Meyer (A.), directeur du musée d'histoire tiaturelle de Dresde. (46 dé-
oembre 1880.)
M0NTELIUS (0.), D. M. P., 2* conservateur au ttiusée rbyal d'archéo-
logie, à Stockholm. (15 oolobre 1874.)!
MmenO) 128, Florida^AltoSf à Buenbs-Ayres. HOtel dli Palaia-Rdydl
(place). (A juin 1873.)
MoRSNO Maiz, D« m., à Lima (Pérou). (IÇ aoûl 1864:)
Morris (J.-P.), à Ulverston, Angleterre. (8 avril 186t.)
MucH, secrétaire général de la St)ciété d'anthf-opologie, à Vienile.
(5 décembre 1878.)
MuMoz LoMi, membrt fondateur ûB id Bodiété d*ahthropologië dé
Madrid. (19 octobre 18650
PÊnsoîSNEL. xLVli
N0VAIO9 D. M., proresseur agrégé é la Faculté dôs scieUcéS de fiaedos-
Âyres, i8, rue de Gonstantinople. (16 mat 1878.)
Ossowskt (G.)y membre de la commission archéologique des Sciences
de Cracovie, Alica Slawkowska, 228» à Cracovie. (17 avril 1879.)
Pacliani, proressear de physiologie à rtJntversité de Turin. (12 no'
vembre 1877.)
Palus (Alexis), professeur à TtJniversilé d* Athènes, (i^ octobre l8BB.)
Peîigellt (W.), membre de ta Société royale dé Londres, à Torquay
Devonshire (Angleterre). (8 janvier 1874.)
PcKERA ( Andrews ) , professeur à Slave^bland, Colombo (Geytan).
{{^ novembre \S9Î.)
Phiumoroff, conservateur du musée des armures au Kredilin, à
Moscou. (4 décembre 1870.)
PiCHARDO (Gabriel), membre correspondant de la Société antliropolo-
gique espagnole de Madrid, fondateur de la Société anthropolo-
gique de Cuba, A la Havane. (3 janvier 1878.)
PiUR (Georges)^ professeur de géologie à TCniversité d'Agram (Au-
triche-Hongrie), ({^juillet 1874.)
PosADA Arahgo, D. m., professeur à Médelline (Etats-Unis dd Sud).
a juilUt \%10.)
PuTTUM (F.-W.), conservateur en chef du musée teabody, Harward
uoiversity, à Cambridge (Massachusetts). (2 février 1882.)
pROFiLLET (le R. P.), missionnaire, à Haïti. (5 mai 1864.)
Raagabé (Alexandre), membre de U Société d'archéologie d'Athènes,
ministre de Grèce. (19 octobre 1865.)
Rbgalia (E.)yaumusée anthropologique de Pldbence (Italie). (2 (ioilM8t7.)
Hnutjs (GustaO, professeur agrégé à la Faculté de Stockholth. (20 fé-
vrwr 1873.)
ilivRTt CAiNâG (H.), archéologue attaché au gouvernement civil dii
Beogale, à Allahabad (Indes anglaises). {A janvier 1883.)
RoMER (Floris), professeur à l'Université do Pesth (Hongrie). (17 no-
vembre 1867.)
UuoLER (F.-W ), vice-président de Tlnslitut anthropologique de
Grande-Bretagne et d'Irlande, à Londres. (4 août 1881.)
Saleb-Choukry, D. M. P., médecin de rh6pilal du Caire (Egypte), 49,
rue Monge. (6 juin 1877.)
ScHouTT (John) , inspecteur général de la vaccination à Madras ,
membre de la Société d'anthropologie de Londres, à Madras (Indes
anglaises). (5 août 1875.)
SeBLA.^D (N.), D. M., médecin en chef de la province de Semiretscbenk,
à Verni (Russie). (18 février 1886.)
SiGERSOM, D. M., professeur de biologie à TUniversité de Dublin, 3, Glare
Street, à Dublin. (7 novembre 1878.)
XLVIII PBASOlflIBL.
SxiRNOW (Michel), maison Tamanisheeff, à Tiflis. (22 novembre
4877.)
Sommier, voyageur eo Sibérie, secrétaire de la Société italieoae d'an-
thropologie, à Florence. (2 décembre 1886.)
SuMAMGALA, principal du coHège de Vidyodaya, Colombo (Gcylan).
(i6 novembre 1882.)
Tayano, D. m., à Rio-Janeiro. (27 novembre 1878.)
TiHOMiROFF (À.), secrétaire de la Société impériale des A mis des sciences
naturelles, d^anlhropologie et d'ethnographie, à Moscou. (4 dé-
cembre iS19.)
ToDD (Spencer)y secrétaire général du gouvernement de la colonie^ au
Cap de Ronne-Espérance. (i9;tttn 1879.)
ToRRcs (Helchior), professeur agrégé à TEcoIe de médecine de Buenos-
Ayres. (20 novembre 1879.)
TuBiNO, 82, Huertas, à Madrid. (30 juillet 1868.)
Varela, commissaire à TExposition de 1878 pour la république Argen-
tine. (7 novembre 1878.)
Vasconccllos-Abreu (de), à Coîmbre. (2 novembre 1875.)
ViANNA, D. M., à Pernambuc (Brésil). (21 juin 1877.)
VoLDRicH, secrétaire de la Société d'anthropolo(«ie, à Vienne (Autriche).
(5 décembre 1878.)
Wallis (Juan-N.), D. M., consul de Colombie, à Bruxelles. (7 dé^
cembre 1871.)
WiLSON (Daniel), professeur à TUniversité de Toronto (Canada).
(15 avrU 1875.)
WrrHALL, à Genève. (23 janvier 1868.)
Wrzbsniowsbi, professeur d'anatomie à TUniversité de Varsovie^
12, rue Alexandria, à Varsovie. (18 mars 1880.)
ZocRAFF, membre du comité de l'Exposition anthropologique, à Moscou.
A décembre iS19.)
PERSONNEL.
XUX
COMITÉ CENTRAL
MM. D'ABBADIE.
AUBURTIN.
BATAILLARD.
fiORDIER.
CHERVIN.
CHUDZINSRl.
COLLINEAU.
DARESTE.
DELASIAUYË.
FAUVELLE.
IIATHIAS DUVAL.
GIRARD DE RIALLE.
HERVË.
HOVELACQDE.
ISSAURAT.
MM. LABORDE.
MAGITOT.
MANOUVRIER.
MONCELON,
MONDIÈRE.
PIÈTREMENT.
POZZI.
ROUSSELET.
ROYER (M»« Glémence).
SALMON.
SEBILLOT.
TOPINARD.
VINSON.
ZABOROWSKI.
ANCIENS PRÉSIDENTS
Membres eu €emlté eestral.
MM. BERTRAND.
DALLY,
DUREAU.
FAIDHERBE
GAVARRET.
HAMY.
LAGNEAU.
LETOURNEAU.
MM. DE MORTILLET.
PLOIX.
PROUST.
DE QUATREFAGES.
DE RANSE.
SANSON.
THULIÉ.
PBRgOIWEL.
LISTE GÉNÉRALE
DES PRÉSIDENTS DE hJi SOCIÉTÉ.
En 1859
MM. MARTIN-MAGRON.
1S6Û
I8!D. GEOFFROY SAINT^HILAIRE
1861
BÉCLARD.
im
POUDIN.
1863
DE QUATREFAGES.
1864
GRATIOLET.
4865
PRUNER-BEY.
1866
PÉRIER.
1867
GAVARRET.
1868
BERTRAND.
1869
J-ARTET.
1870-71
GAUSSIN.
187?
J.AGNEAU.
1873
BERTILLON.
1874
FAIDHERBE.
1875
DALLY.
1876
DE MORTir.LKT.
1877
DE RANSE.
1878
MARTIN (Henri).
1879
SANSON.
1880
PLOIX.
1881
PARROT.
1882
THULIÉ.
1883
PROUST.
1884
HAMY.
1885
DUREAU.
1866
LETOURNEAU.
1887
MAGÏTOT,
6ECRÉTAERE GÉNÉRAL
DE 1859 A 1880.
BROCA (Paul), fondateur.
ARCHIVISTE HONORAIRE : H. DURBAU.
COMITÉ CONTENTIEUX.
MM. GALIN, notaire.
NICQUEYERT^ avoué près le Tribunal de première iastaoce.
LAURENT (Abel), agent de change.
SOCIÉTÉS SAVANTES ET PÉRIODIQUES
AVEC LESQUELS LA SOCIÉTÉ ÉCHANGE SES PUBLICATION»
FRANCE
Archives de médecine naTale«
Bulletin de la Société d'acclimatation*
Bulletin du Muséum d'histoire naturelle de Lyon*
Commission des monuments mégalithiques.
Laboratoire d'anthropologie du Muséum d'histoire naturelle Jde Parif«
Laboratoire d'anthropologie de l'Ecole des hautes études»
Matériaux pour servir à l'histoire de l'homme primitif.
Méinsine.
Mémoires de médecine et de chirurgie militaires.
Musée Guimet.
Philosophie positive.
Progrès médical.
Revue des sciences naturelles de Montpellier.
Revue scientifique.
Revue des traditions populaires.
Société académique de l'Aube, à Troyes.
Société d'acclimatation.
Société d'anatomie.
Société d'anthropologie de Lyon.
Société d'anthropologie du Sud-Ouest et de Bordeaux.
Société des antiquaires du Centre, à Bourges.
Société des antiquaires de l'Ouest, à Poitiers.
Société archéologique de Senlis.
Société archéologique de Constantine.
Société archéologique du Véndômois, à VendAme.
Société des architectes de taris.
Société Belforlienne d'émulalioû, à BeiroH.
Société de biologie.
Société de climatologie algérienne, à Algei*.
Société dunoise de Ghâteaudun.
Sociuté d'elhnogfbphie.
Société d'émulation de l'Allier, à Moulins.
LU SOCIÉTÉS SAVANTES.
Société d'émulation de Montbéliard.
Société d*émulation des Vosges, à Ëpinal.
Société d'études scientifiques d'Angers.
Société géologique de France.
Société de géographie de Paris.
Société de géograpiiie de Tours.
Société d'histoire naturelle de Toulouse.
Société d'histoire de Paris. (Archives.)
Société de médecine et de chirurgie de Bordeaux.
Société médicale des hôpitaux.
Société polymathique du Morbihan, à Vannes.
Société savoisienne d'histoire et d'archéologie de Ghambéry.
Société des sciences de la Creuse.
Société des sciences naturelles de l'Yonne» à Auxerre.
Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux*
Société de statistique de Paris.
Société zoologique de France.
LISTE DES SOCIÉTÉS SAVANTES
QUI REÇOIVENT DIRECTEMENT LES PUBLICATIONS DB LA SOCIÉTÉ
DU MINISTÈRE DE l'iNSTRUCTION PUBLIQUE
(COMVCNTION DU 3 MAI 1881)
Académie, Ntmes.
Académie delphinale, Grenoble.
Académie d^Hippone, Bône.
Académie nationale, Reims.
Académie des sciences, arts et belles-lettres, Bordeaux.
Académie des sciences, arts et belles-lettres, Màcon.
Académie des sciences, belles-lettres et arts, Lyon.
Académie des sciences, belles-lettres et arts, Rouen.
Académie des sciences, lettres et arts, Arras.
Académie des sciences, lettres t arts, Marseille.
Académie de Stanislas, Nancy.
Comité historique et archéologique, Noyon.
Commission des antiquités de la Côte-d'Or, Dijon.
Société académique, Boulogne-sur- Mer.
Société académique, Laon.
Société académique de Maine-et-Loire, Angers.
Société académique de la Loire-Inférieure, Nantes.
Société académique d'archéologie, sciences et arts, Beauvais.
Société académique des sciences, arts et belles-lettres, Saint*Quentin.
SOCIÉTiS SATANTIS. Lm
Société d'igriculture, sciences et arts de la Sarthe, le Mans.
Société des antiquaires de la Morinie, Saiut-Omer.
Société des antiquaires de Normandie, Caen.
Société archéologique de la Gironde, Bordeaux.
Société arcliéologique, Montpellier.
Société archéologique, historique et scientifique! Soissont.
Société dunkerquoise, Dunkerque.
Société fiduenne» Âutun.
Société d'émulation, Âbbeville.
Société d'émulation du Doubs, Besançon.
Société havraise d'études diverses, Havre.
Société de médecine^ Nancy.
Société de médecine, Rouen.
Société de médecine, Toulouse.
Société de médecine et de chirurgie pratiques, Montpellier»
Société nationale d'émulation, Montpellier.
Société des sciences, lettres et arts de la Réunion, Saint-Denis.
Société des sciences médicales, Gannat.
Société des sciences naturelles, Cherbourg.
Société des sciences physiques et naturelles^ Toulouse.
Société de statistique, sciences, belles-lettres et arts, Niorté
ÉTRANGER
Âkademie der Wissenschaflen, Munich.
Archiv fur Anthropologie, Fribourg en Brisgau,
Ausland, Munich.
Beitraege zur Anthropologie und Urgeschichte Bayems, Munich.
Gesellschaft fur Anthropologie, Berlin.
Gesellschaft fôr œkonomie, Kœnigsberg.
Verein fur Erdkunde, Dresde.
AlMiee-LorrsIae .
Société d'histoire naturelle, Golmar.
Angleterre.
Anthropological Institute of Great Brîtain and Ireland, Londres.
Le journal Nature, Londres.
Journal of Anatomy, Edimbourg.
Société royale de géographie de Londres. .
Société royale d*E(limbour« (Kcosse).
LIT SOQliTi SATAHTB8*
AàtHehè.
Ânthropologiche Gesellschaft, Vienne.
4itfttt»iill6.
Royal Society of New Soutb Wales, Sidney.
Belipiqiië.
Académie royale des sciences, lettres et arts de Belgique.
Société d'anthropologie de Bruxelles.
Société de géographie de Bruxelles.
Brésil.
Muséum d^hlstoire naturelle de'4Rio-Janeiro.
GanliAii.
Journal Canadian Naturalist.
Proceediogs of Ihe Canadian Institut, Toronto.
Banemark.
Société royale des antiquaires du Nord, à Copenhague.
Éffypte.
Institut égyptien, Alexandrie.
États-Unis.
Academy of Sciences, Saint-Louis.
The American Naturalist, Boston.
American Philosophical Society, Philadelphie.
Boston Society of natural history.
Bureau d'ethnologie. M. Powell, à Washington.
Department of the interior, United States geological Survey.
Essex Institute of Salem.
Journal American Antiquarîan^ Chicago.
Journal Science, Cambridge.
Muséum Comparative Zoology, Cambridge.
The Numismatic and Aotiquarian Society of Philadelphie.
Peabody Muséum, Harward's University, Cambridge.
Smithsonian Institution, Washington.
Société d^anthropologie, Washington.
Gréée.
Société historique et ethnographique de Grèce^ Athènes.
SOaÉTÉS SAVANTES. hV
■oUaade.
Institut royal de la Haye pour la géographie, l'ethnographie et la
philologie des Indes orientales néerlandaises.
Société de géographie d'Amsterdam.
Tijdschrift voor indische tadl-land en Volkenkunde, la Haye.
Indes anglaises*
Asiatic Society of Bengal, Calcutta.
ItaUe.
Le Cosmos, Turin.
Société d'antropologia e d'etnologia, Florence.
Société de géographie de Rome.
Bullelio Palaelhnolog. Ilaliana, à Rome.
Japon.
Journal of the Asiatic Society of Japan, Tokio.
Mexique.
Maseo Nacional, Mexico.
République Argentine»
Academia Nacional de Ciencias, Côrdoba.
Russie.
Société impériale des naturalistes, Moscou.
Société des amis des sciences naturelles de Moscou.
Société impériale de géographie de Saint-Pétersbourg.
Université impériale de Saint- Wladimir, à Kiew.
Suède.
Société d'anthropologie de Stockholm.
Tidskrift fôr anthropologi och kulturhistoria a Stockholm.
Suisse.
Naturforschende Gesellschait, Bàle.
Société de géographie, Genèye.
Société des sciences naturelles de Bàle.
Société Yaudoise des sciences naturelles, Lausanne.
BULLETINS
DE lA SOCIÉTÉ
D'ANTHROPOLOGIE
DE PARIS
-^»^'9>»»^*^9n
a4* StANCB. ^ 6 jantier 1887.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. Letourneau^ président sortant, prononce Tallocution
suivante :
« Messieurs, je n'ai pas aujourd'hui à vous faire de discours:.
Ce soin incombe à mon successeur, notre collègue et ami,
M. le docteur Magitot. Cependant, avant de quitter ce fau*
teuil, j'ai, selon l'usage, à vous rendre compte de l'état actuel
de notre Société. Cette situation continue à être très floris-
sante. La Société d'anthropologie compte 632 membres,
savoir : Membres honoraires, 7 ; titulaires, 454 ; correspon-
dants nationaux, 67 ; correspondants étrangers, i04 ; mem-
bres associés étrangers, 85.
a Peu de sociétés savantes en France ont un personnel aussi
considérable. Néanmoins nous avons, cette année, été parti-
culièrement éprouvés par la mort, puisque nous avons perdu
42 collègues, MM. Grasset, Gillebert d'Hercourt père, Laurent-
Pichat, Prat, Ancelon, Gaussin, Mugnier, Paul Bert, Bourges,
Mazaé-Azéma, Jules Guérin et Rambaud.
« Depuis quelques années, messieurs, notre obituaire est par»
ticulièrement chargé. C'est que, sous ce rapport, nous sommes
dans une période critique par laquelle doivent nécessaire-
T. X (3« sÉnJ!:). i
2 SÉANCE DU 6 JANVIER 1887.
ment passer toutes les sociétés qui durent longtemps. La
Société d'anthropologie a été fondée en 1859, il y a vingt-
huit ans : par suite, nombre de ses membres, alors jeunes
ou d'âge moyen, arrivent aujourd'hui à la vieillesse et payent
par conséquent à la mort un tribut proportionnellement
fort. Nos recrues, d'ailleurs, compensent largement nos pertes,
puisque nous avons élu, cette année encore, dix-neuf mem-
bres titulaires.
« Sous le rapport du travail scientifique, messieurs^ nous
n'avons aussi qu'à nous féliciter. Nos Bulletins forment
toujours un recueil sérieux^ varié, intéressant, indispensable
à quiconque cultive l'une quelconque des diverses branches
de la science de Thomme. Je me permettrai cependant de
renouveler un vœu, que j'ai déjà formulé en prenant posses-
sion de ce fauteuil, c'est de voir la Société d'anthropologie
donner, dans ses travaux, une place beaucoup plus grande
à la sociologie etl^nograpbique. Il y a, dans ce domaine, à re-
cueillir, à classer et à interpréter toute une moisson de faits
particulièrement intéressants.
« Maintenant, messieurs, je n'ai plus qu'à vous remercier
de m'avoir, par votre sympathie, votre bienveillance sou-
tenue, rendu extrêmement agréable et facile l'honorable
tâcha de présider vos séances pendant l'année qui vient de
finir. J'ai aussi à vous exprimer ma gratitude à propos de la
marque d'estime toute particulière que vous m'avez donnée,
en me confiant, après mon année de présidence, les impor-
tantes fonctions de secrétaire général. Avant de commencer
à les remplir, pendant que, pour un moment encore, je suis
votre président, je serai sûrement aussi votre interprète, en re-
merciant en votre nom notre collègue, M. Topinard, d'avoir
bien voulu, pendant six années, accepter l'honorable, niais
lourde charge que vous voulez bien me confier à partir
d'aujourd'hui. Notre premier secrétaire général, dont la
perte est à jamais regrettable, ne pourra certainement être
remplacé. Yous avez donc pensé qu'il n'était plus utile main-
tenant d'avoir un secrétaire général pratiquement viager,
DMCOUia BU PRÉtlBEIIT. 3
et qu'il était plui avantageuM de fttire pasMP sveoessive-
ment an secrétariat général divers membres, oheitis parmi
ceux qni s'intéreiient le plus vivement aux études anthropo-
logiques* C'est à cette manière de voir que je dois, pour une
grande part, de sueeéder aujourd'hui à notre laborienm
collègue, M. le doeteur Topinard, qui, je Tespire, voudra
bien pendant quelque temps se eonsidérer eomme un secré-
taire général honoraire et me faire part de sa vieille expé-
rience. i>
M. MiarroT, en prenait plaoe au Aiiiteuil de la présidence,
s'exprime en ces termes :
« Messieurs, lorsque vous appelée chaque année l'un d*entre
nous pour présider vas réunions, vous cholsissac tantét le
plus digne, celui qui a enrichi votre domaine de travaux
importante» ou de découvertes précieuses, ^^ tel est le eai
des savants qui m'ont précédé h cette place ; *«- tantôt vous
dé%ign^i l'un des plus humbles, l'un des plus obscurs, parmi
ceux qui n'ont d'autre mérita que d'aimer vqtre science et de
la servir dans les limites parfois fort modestes de leurs
moyens, Je suis de ces derniers et Tbouneur que vous m'avee
fait ma touche profondément,
K Si je ne consul tai9 que mes forces, je me jugerais bien au*
dessous de la t&(^be qui m'ioeombe aujourd'hui, bien insuffi-
sant pour diriger vos débats, pour conduire vos disoussioni
au milieu des diversitéi d'opinions qui trouvent toujours dans
cette enceinte une tribuue ouverte. Mais je prends eonflance
dans cette pensée que si votre président a parfois une mis-
sion délicate, il est toujours assuré du moins de rencontrer
parmi vous le respect réciprocjue de toutes les idées, car
nous sommes tous animés des mêmes sentiments de tolérance
et de courtoisie, parce que nous sommes tous le? serviteur?
d'un même culte, celui de la Vérité.
c( Les fondateurs de notre société, les maîtres qui lui ont
donné sa force, sa vitalité, son autorité ; les initiateurs qui
ont ouvert nos horizons, tous nos aînés enfin dans la carrière,
nous ont légué de précieux enseignements, de nobles exemples
4 SÉANCE DU 6 JANYIEB i887.
et aussi de grands devoirs dont se dégage impérieusement
une tradition de liberté.
« Au nom de cette liberté, nous avons largement ouvert nos
portes; au nom de cette liberté, nous avons vu accourir de
toutes parts dans nos rangs des naturalistes, des philosophes,
des savants, des chercheurs, tous ceux enfin qu*entraîne et
subjugueFattrait de rinconnu, l'amour passionnédelascience.
« C'est ainsi que l'anthropologie, affranchie de toute entrave,
délivrée de toute contrainte et de tout préjugé, a pu marcher,
fière et résolue, à la poursuite de problèmes si longtemps
interdits, et, riche aujourd'hui du concours de tous^ elle
pourrait prendre pour symbole : la Démocratie dans la science.
« Avant d'ouvrir cette séance, j'ai, messieurs, un devoir à
remplir : nous ne pouvons laisser partir le Bureau de Tannée
précédente sans lui exprimer notre gratitude pour la mission
qu'il a si dignement accomplie. Quand je dis que notre
Bureau nous quitte, je me trompe, messieurs, car notre pré'
sident a été désigné par vos suffrages pour occuper un poste
bien autrement précieux et utile, celui de secrétaire général.
Le collègue qu'il remplace a voulu, vous le savez, après deux
mandats successifs, résigner ses fonctions, et demande, en
vrai soldat de la science, à rentrer dans le rang où il garde à
notre service son expérience et son activité. Notre secrétaire
général adjoint, nos secrétaires annuels ont également
accompli leur tâche. A tous, messieurs, je vous propose
d'adresser un vote de remerciement. »
A propos du procèi-verbal«
M. G. DE MoRiULET dit qu^à propos de la communication
faite dans la dernière séance par M. Bonnemère, M. Maufras
lui a adressé la note suivante : « En Saintonge existe une
croyance populaire concernant la guérison des écrouelles.Le
septième garçon d'une femme qui n'a jamais eu de filles a,
dit-on, la propriété de guérir cette maladie la nuit de Noôl. »
RAPPORT DU TRÉSORIER.
CORRESPONDANCE.
Lettre de M. G. Hubbard, député, demandant le titre de
membre titulaire (lettre datée du 15 décembre 1886).
OUVRAGES OFFERTS.
Gochinchine française. Statistique médicale de 4863 à 1870.
Saigon, 1885, in-4o, 194 pages.
Brinton (D.). The conception ofLove in some American Lan-
(juages {American philosophical Society, novembre 1886).
Philadelphie, 1886, broch. in-8o, 18 pages.
Exposition anthropohgique de Moscou en 1879, t. XLIX,
fasc. 2. Moscou, 1886, in-4', 127 pages (en russe).
RAPPORTS ADMINISTRATIFS.
M. Hervé lit, au nom de M. de Ranse, trésorier, le rapport
suivant :
Rapport du trésorier aur loa eomptos de Texerelee tSStt.
« Messieurs, le budget de notre Société, pendant le dernier
exercice, se solde par un excédent de recettes de 9 472 fr. 70,
somme déposée en compte coureint à la Société générale.
M Notre capital s'élève à la somme de 43 593 fr. 55, placée
en rentes sur TEtat.
« Ces chiffres sont suffisants pour vous montrer que notre
situation est on ne peut plus satisfaisante.
« Mais ce n'est pas une raison pour nous endormir dans
une douce quiétude. Si^ en effet, la somme qui nous reste
au 31 décembre 4886 est supérieure à celle que nous avions
au 31 décembre 4885, cela tient moins à une augmentation
de recettes qu*à une diminution de dépenses dont nous ayons
à nous féliciter.
« En comparant le produit des cotisations pendant les deux
exercices, on trouve le dernier notablement inférieur au pré-
cédent. G*est que la mort a fauché parmi nos collègues, que
6 8ÉANGB DU 6 XANYIIR 1687.
plusieurs démissions nous ont été adressées et que les vides
provenant de cette double source n'ont pas tous été remplis.
Je crois remplir un devoir en vous signalant ce fait, bien
propre à stimuler votre esprit de propagande.
« D'un autre côté, nos dépenses d^imprimerie sont infé-
rieures à celles de Tan dernier. Gela tient uniquement à ce que
la publication de nos Bulletins est en retard. Il en résulte une
appfiu^ônc© d'ôcottomie que je devais vouà dénoncer, et, dans
ce rapport, votre trésorier est le premier à vous conseiller
pltttm la prodigalité î te rapidité et Texactilude dans la pu-
bllcalloA dei travaut d'une société sont des coAdlttons essen-
tielles de vie et de pl'ogrèd.
ti h né ni*af rétiîrai pas à d'autres remarquer, qui, après les
précédentes, n'auraient qu'un intérêt tout à fait secondaire.
Le tableau suivant vous fera connaître la situation exacte de
la Société au !•' janvier de cette année :
SITUATION AU !•' JANVIER 1887.
Actif.
Pâllte GàisMk k
100 r^» »
43593 55
536 »
9479 70
500 »
Passif.
PrtJtBhKîâ. »
— Grodard
Bxewices clos
Capital placé» . • .
1 000 fr. *
Rentes et valeurs
Société générale •«*..*
250 »
9 460 70
43593 53
Médaille Brooa
54 304 fr. S5
54 304fr.S5
CANDIDATURBS.
M. le docteur E. GûILlot, présenté par MM. Topinard,
Chudzlhskl et fienlker, et M. .Thieullen (Adrien), présenté
par MM. Salnion, G. de MôrtlUet et Letourneau, demandent
lô titre de membre titulaire.
M. HtfBBARD eut élu membre titulaire.
DE NADAJLLAG. — LE BATON DB COMMAIOlBlIBirr DE MONTGAUDIER. 7
PRÉSENTATIONS.
CràM ru HéMTteglam te GlMUest
f AR K. TR. CnCVSINSât.
M. Ghudzinski présente, au nom de M. Gollin, un cr&ne
complet d*ua Mérovingien de Ghelles, ainsi que les divers
ossements représentant le squelette à peu près oomplet du
même individu.
En outre, deux calvariums incomplets.
L'un de ces calvariums a été trouvé dans une fosse remplie
d'ossements. M. Gollin présume que cette fosse a servi de
sépulture aux victimes de la Saint-Barlhélemy. L'autre a été
déterré dans un endroit avoisinant les Gobelins.
COMHUNIGATIOirS.
he MUii 4e e«Bnn«m4cmeii« et HMUgavAier;
PAR H. DB NADAILLAG.
La Tardoire, petite rivière du département de la Charenlô,
coule entre des rochers escarpés qui atteignent jusqu'à
32 mètres de hauteur. Toute cette masse calcaire est percée
de nombreuses grottes, qui ont servi soit de repaire aux
fauves, soit de demeure à l'homme. Parmi ces dernières,
nous citerons la grotte de Montgaudier, qui s'ouvre sur la
rivière par une large arcade de 14 mètres de longueur
sur 5",50 de hauteur. Les fouilles ont montré qu'elle avait
été habitée à plusieurs reprises, car la couche de limon,
d'une puissance assez considérable, était coupée à diffé-
rentes hauteurs par des bandes de terre noire et brûlée; les
cendres, les fragments de charbon^ les débris d'ossements
brisés attestaient les foyers successifs d*un homme.
Le bâton de commandement a été trouvé au mois de no-
vembre dernier, à 70 centimètres au-dessus d'une couche
profonde de limon. Il est certainement le plus beau spécimen
connu jusqu'à ce jour de Tari préhistorique. Les deux fiMes
8 SÉANCE DU 6 JANVIER 1887.
sont chargées de gravures d'une finesse d'exécution, d'une
sûreté de main, d'une connaissance de la forme véritablement
surprenants^ et l'étonnement redouble quand on songe que
l'artiste n'avait à sa disposition que quelques misérables silex«
que quelques os grossièrement apointés.
Une des faces représente deux phoques. Les membres pos-
térieurs, les cinq doigts à chaque patte sont fidèlement re-
produits ; le corps est couvert de poils très visibles ; la tête
est délicatement exécutée, le museau avec ses moustaches,
l'œil, le trou auditif sont indiqués. Un peu plus bas est un
poisson, probablement un saumon.
L'autre face est remplie par deux animaux grêles et allon-
gés. M. Albert Gaudry les croit des anguilles ; eCTectivement,
le ventre et le dos sont bordés d*une nageoire continue très
caractéristique. Il y a une grande différence comme exécu-
tion entre les anguilles et les phoques, et il est difficile de
croire que les gravures soient dues au même troglodyte.
11 a été recueilli dans la grotte, au même niveau et datant
évidemment du môme temps, les débris du Feh's spelœa^ de la
Byena spelœa, de VUrsm spelœus, du bison, du renne, du Cer-
vus canadensîs, du Rhinocéros tichorhinus, VElephas primige^
mus manque ; mais il a été trouvé deux molaires d'un jeune
mammouth dans une grotte voisine, celle de la Chaise, qui
remonte à la même époque. Nous avons donc là toute la
faune caractéristique d'une époque antérieure à l'âge du
renne ; et ce bâton de commandement serait non seulement
supérieur comme exécution aux différentes gravures qui ont
été découvertes dans les cavernes du midi de la France,
mais il remonterait à un temps bien plus éloigné de nous.
De nombreux objets travaillés par l'honmie gisaient au mi-
lieu de ces ossements. Nous citerons deux morceaux d'ivoire
ornés de gravures, des poinçons en os, des aiguilles avec
leurs chas nettement formés, des grattoirs, des couteaux en
silex, des lissoirs tirés des défenses de l'éléphant, des co-
quilles percées pour servir soit de colliers, soit de bracelets
(le gpût de l'ornementation est inné chez notre race), un objet,
DE NADAILLAC. — LE BATON DE GOMMAlfDEHENT DE MONTGAUDIER. 9
enfin, assez difficile à définir. C'est un carré long de quelques
centimètres, moins large que long, tiré d'un bois de renne,
portant au centre un trou rond et tout autour des dessins
géométriques profondément incisés. Nous le croyons soit une
amulette, soit un insigne du rang. Mais ce sont là, il faut le
dire, des hypothèses tout au plus plausibles (1).
En poursuivant les fouilles jusqu'au sol naturel de la caverne,
on a mis au jour de nouveaux foyers renfermant des osse-
ments et des instruments semblables à ceux que nous venons
de raconter. Il faut seulement ajouter un harpon barbelé
analogue à ceux que Ton rencontre si fréquemment non
seulement en Europe, mais encore dans d'autres régions du
globe.
La découverte de Montgaudier, pour si anciens que soient
les objets mis au jour, n'est pas isolée. Dans les différentes ca-
vernes de la Vézère, dans celles de nos départements pyré-
néens, on trouve de nombreuses gravures exécutées avec
moins de talent peut-être, mais où il est facile de reconnaître
l'animal que l'homme a voulu représenter. Il est curieux de
constater que, jusqu'à présent, des gravures ou des sculptures
aussi remarquables comme exécution, n'ont été découvertes
que dans la seule grotte de Thayngen, située aux confins de
la Suisse et de l'Allemagne. 11 a été recueilli dans cette grotte
de nombreuses gravures représentant des animaux diffé-
rents, tous parfaitement imités. Nous citerons le renne au
pâturage, qui est gravé avec une véritable perfection. Dans
la vallée du Petit-Morin, M. de Baye a rencontré des figures
humaines burinées sur les parois des cavernes ; mais, outre
qu'elles sont très probablement postérieures à l'âge du renne,
leur exécution très défectueuse ne saurait entrer en compa-
raison avec les gravures provenant soit des grottes de la
Vézère, soit de celles de la Charente. Celles découvertes par
^ Tous ces objets ont été donnés par M.Paignon au Muséum. M.Albert
Gaudry s'était rendu à Montgaudier; il avait suivi une partie des fouilles
et il s'était assuré de l'exactitude de tous les faits se rattachant à la dé-
couverte.
40 8ÉANGB DU 6 MNYIER 1887.
M. Dupont, dans les cavernes de la Meuse ou de la Lesse et
déposées par lui au musée de Bruxelles^ sont plus grossières
encore et on ne peut mieux les comparer qu'aux dessins in-
formes qu*enfants nous barbouillions sur nos livres d'études.
On cite aussi une tête d'équidé, tracée sur un os trouvé à
GressweUCrags ; il est, paraît-il, d'une bonne facture. Je ne le
connais pas, je ne puis donc en juger; mais au milieu des
milliers d'objets découverts en Angleterre et appartenant à
l'époque quaternaire, ce serait le seul qui figurerait un être
vivant.
Les goûts artistiques, qui ont fait éclore tant d'œuvres
intéressantes et q^i culminent dans le bâton de commande-
ment de Montgaudier, seraient dans l'état actuel de nos con-
naissances limités aux habitants du sud de la France. C'est
là un fait curieux qui a déjà été signalé à la Société, mais
qu'il semble intéressant de répéter, chaque fois qu'une dé-
couverte nouvelle vient l'attester,
Discassion.
M. G. DE MoRTiLLET demande à M. de Nadaillac quel est le
nom de la grotte dont il vient de parler. Il y a plusieurs
grottes à Montgaudier. Il est bon de préciser, pour savoir
s*il s'agit d'une grotte nouvelle ou d'une grotte qui a déjà été
plus ou moins fouillée.
M. DE Nadaillac pense que la grotte en question n'a jamais
été fouillée par d'autres personnes que par son propriétaire
actuel, M. Eugène Paignon.
Foulllea «•«• le dallage ém aftoiiaiiieiit Intériear de «avr'iala
(Illorblhaa)i
PAR M. DB CLOSHADEtlC.
(Note lue par M. Hervé.)
On n'a pas oublié les principaux détails des fouilles que
j'ai pratiquées, il y a deux ans, sous l'allée couverte du mo-
nument de Gavr'inis.
DE CLOSMADfiUC. — FOUILLBB DC ÔAVR'iNIS. 1 1
Sxiste-t^il, sous les dalles de la galerie et de la chambre,
un étage inférieur et des cryptes inexplorées ?
r4'est dat» oes termes que j*avaiB posé la question. Des
fouilles Seules pouvaient donner la réponse»
Ces fouilles furent exécutées, sous ma direction et à mes
frais^ dans le courant du mois de septembre i684. J*en ai
raconté tout au long les détails dans mes communications à
la Société polymathique du Morbihan» Mon mémoire a été
publié dans le Bulktin {%• semestre^ année 1884). Il Ta été
également dans la Revue arckéoiogique de Paris. Une note a
été communiquée à Tlnstitut par M. Alex. Bertrand (Âo. des
JDscr. et belles-lettres^ séance du iO octobre 1884), en même
temps que des plans et des photographies*
Grâce à un travail bien conduit, dont la durée avait été de
plusieurs jours, les grandes dalles de pavage de Vallée avaient
été soulevées une à une et déplacées successivement. Toutes
reposaient à plat sur un lit épais de terïe et de pierrailles
de 1 mètre environ de profondeur.
Nous avions vidé complètement le contenu de l'espace
intermédiaire, entre le sol et les dalles, sans y trouver autre
chose que de rares fragments de poteries sans importance,
quelques morceaux de quartzite rosé, des parcelles de char-
bon et cinq ou six débris de coquilles d'huîtres et de buccins.
Aucune crypte, aucune conskuotion spéciale ; rien que du
remplissage.
Ces résultats négatifs, obtenus par l'exploration de Tespace
sous-dallaire de la galerie, nous faisaient soupçonner que
des recherches, sous la grande dalle de la chambre, ne se-
raient pas plus fructueuses. Nous fîmes cependant creuser et
déblayer au-dessous d'elle^ dans toute la partie antérieure
de respace, jusqu'au sol. Ce sondage> bien qu'incomplet (ce
que j'ai mentionné dans mon mémoire de 1884), nous permit
de constater qu'il y avait là également un intervalle absolu-
ment semblable à celui de ValiéCy comblé de terre et de
pierrailles.
Nous ne crûmes pas devoir pousser plus loin nos investi-
i2 SÉANCE DU 6 JANVIER 4887.
galions bous la chambre. Le tout fut donc remis en place.
Mais, prévoyant l'objection qu'on pourrait nous faire que,
si nous n'avions rien trouvé, c'est que nous n'avions pas
effectué le déblaiement à fond de l'espace sous-dallaire, nous
ajournâmes seulement l'achèvement de cette fouille.
Cette année, je me suis décidé à en finir et j'ai opéré l'ex^
ploration, complète cette fois, et le déblaiement intégral de
l'espace sous-dallaire de la chambre.
Gomme il y a deux ans, j'ai eu pour collaborateur M. Don-
delde K'gonano et à ma disposition des ouvriers sûrs et expé-
rimentés.
Voici de quelle manière et avec quelles précautions minu-
tieuses nous avons procédé :
Nous avons commencé par soulever la dalle du seuil, qui
est contiguê à la grande dalle de la chambre. C'est cette
dalle, n* 11 du plan, qui offre des ornementations sur une
de ses faces et sur deux de ses tranches ; elle a été placée sur
des rouleaux et conduite dans l'allée.
Nous avons dès lors vidé l'espace découvert jusqu'au sol,
c'est-à-dire jusqu'à 1 mètre environ de profondeur (ce que
nous avions déjà fait une fois en 4884).
Dans cette tranchée, les ouvriers, travaillant devant eux,
ont attaqué le dessous de la grande dalle de la chambre.
Aucun vide n'existait au-dessus du remplissage sur lequel la
dalle portait en entier. Il était impossible d'enfoncer même
une canne, en rasant le plafond.
Les ouvriers déblayaient à mesure et jetaient les déblais
dans l'allée. Nous avions soin d'examiner à Toeil et à la main
chaque pelletée, pour que rien n'échappât.
A mesure que le travail avançait et qu'on faisait le vide
sous la grande dalle, comme celle-ci n'était soutenue que
parle remplissage compact qu'on extrayait, les ouvriers étan-
çonnaient l'énorme bloc de granit au moyen de forts poteaux
de sapin, que nous nous étions procurés exprès.
De cette façon, nous étions assurés de ne compromettre en
rien ni la solidité du monument, qui eût été exposé si le
DE GLOSMADBUG. — FOUILLES DE eAVIl'lNIS. 13
moindre affaissement s'était produit, ni la sécurité des ou-
vriers, qui étaient obligés de travailler à plat ventre, à la
lueur des bougies.
L'espace sous-dallaire de la chambre a été de la sorte vidé
complètement et exploré dans toutes ses parties.
Donnons maintenant les dimensions de cet espace sous«>
dallaire, limité latéralement par les pieds des menhirs-
supports, en haut par la grande dalle et en bas par le sol :
Paroi d^entrée • 2b,15
— du fond 2,44
— nord 2,53
— Bud 2 ,70
Hauteur moyenne 0 ,70
Cet espace sous-dallaire n'était rempli que de terre noi-
râtre, de pierrailles tassées, parsemées de quelques menus
débris de poteries, de rares parcelles de charbon, de petits
cailloux roulés^ de fragments de quartzite rosé et de cinq ou
six débris de coquilles.
Ce que, dans nos premières fouilles, nous avions rencontré
sous toute la longueur du dallage de la galerie, nous le re-
trouvons sous la grande chambre^ qui en est la continuation.
Aucune crypte, aucune cavité, aucune construction spéciale,
aucun objet caractéristique ; un simple remplissage compact
d'environ 4 jmètres cubes, composé comme je Tai dit plus
haut.
On se rappelle que, sous l'allée, nous avions remarqué que
quelques menhirs présentaient, au-dessous du dallage, une
suite de sculptures supérieures. Rien de semblable n'apparaît
sous la grande chambre. Les jambages des menhirs-sup«
ports, qui se prolongent jusqu'au sol, où ils sont calés, sont
totalement frustes.
Tels sont les résultats que nous ont donnés ces dernières
fouilles, achevées d'une façon aussi complète que possible.
Tout négatifs qu'ils soient, ces résultats confirment et ren-
dent définitive la solution de la question que nous avions
posée en 1884 :
U iÉANGl BU 6 JANVIER 1887.
Ëxiste-i-il, sous lea dalles de Tallôe ai do la chambre du
monument de Gavr'iniy, on étage inférieur et dei cryptes
inexplorées?
Nous sommes aujourd'hui absolument autorisé à répondre :
non, sous le dallage du monument intérieur de Gavr'inis, il
n'existe pas d'étage inférieur proprement dit. Non, il n'existe
pas de cryptes sous-jaoentes.
L'absence significative de tout objet earaotéristique i^ûute
encore à la valeur de cette conclusion.
En réalité, il n'existe qu'un espace plein, sous-dallaire,
dont les dimensions sont maintenant connues, limité en haut
par les dalles, en bas par le roc, et sur les côtés par les jam-
bages des menhirs-supports.
Quelle est la raison d'être de ce mode de construction,
dont Gavr'inis offre un exemple typique ?
En 1884, j'écrivais cette phrase, dans mon rapport :
« Cette disposition architecturale, dont Gavr'inia offre
peutrétre le seul exemple, consistant en un étage inférieur
rempli jusqu'aux dalles, n'aurait-elle eu réellement d'autre
destination que de servir de Ut à celles-oi, en même temps
qu'elle diminuait la portée des supports^ en les renforçant
par un remplissage et par des dalles interposées? »
Aujourd'hui, cette supposition s'est changée pour moi en
certitude. Après avoir pris l'avis d'hommes spéciaux en archi-
tecture et celui d'archéologues compétents, je reste convaincu
que c'est la seule explication admissible.
• Les grandes dalles, posées sur un lit de pierres et de terre
tassées, à une certaine distance du sol, et buttant contre les
montants pariétaux, font l'office d'étrésillons horizontaux,
destinés à contre-balancer les poussées latérales des matériaux
extérieurs composant le turaulus. L'espace sous-dallaire n'a
pas d'autre raison d'être.
L'expression de dolmen à deux étages, dans le sens absolu
du mot, est donc une expression impropre, qui ne saurait
s'appliquer au monument de Gavr'inis.
Disons maintenant que^ nos fouilles une fois achevées.
DE DJFÀLVT. «i* SUR LB8 QALTCHAS. 45
nous ne nons sommes pas oontentés de reeombler la caTité,
sons la chambre, avec les matériaux qui en avaient été
extraits. Si nous avions agi de cette façon, le tassement était
inévitable^ par suite de Ténorme pression de la dalle de
granit, dont le poids n'est pas moindre de 5 000 kilo-
grammes. Un affaissement de celle-ci pouvait entraîner les
conséquences les plus graves pour la stabilité du monument.
Pour parer à cette éventualité^ nous avons fait construire,
par nos maçons, quatre murets de soutènement en pierres
sèches, de 70 centimètres d'épaisseur, parallèles et accolés
aux parois, montant du sol à la dalle qu'ils jdevaient sup-
porter.
Entre ces murets, restait une cavité centrale, à peu près
rectangulaire ; nous l'avons remplie à moitié de terre et de
pierrailles et nous avons déposé sur ce remplissage, entre
deux lames de verre, une plaque en plomb sur laquelle nous
avions gravé deux noms et une date : Closmadeue-Dondel, vu
en 4886 ; puis la fosse, sous le seuil, a été comblée et la dalle
remise en place.
Si, dans quelques siècles, il prenait fantaisie à des fouil-
leurs de recommencer l'exploration, la plaque de plomb,
enfouie sous la chambre, à défaut du Bulletin de la Société
d'anthropologie, servirait à la fois de témoignage et d'aver-
tissement.
Quelques observations sur les TadJIks des montagnes»
appelés aussi Galtchas;
PAR M. CH.-E. DE UJFALVY.
Retenu loin de Paris depuis plus de deux ans à la suite
d'une cruelle maladie de la vue, il m'a été impossible de
prendre une part active aux travaux de notre Société. J'ai
profité de mes loisirs pour préparer un travail étendu sur les
peuples de l'Asie centrale. Joignant à mes propres observa-
tions tout ce que les savants et voyageurs russes, anglais,
allemands et autres ont publié sur cette matière^ je suis
16 SÉANCE DU 6 JANVIBR 4887.
arrivé à réunir des matériaux considérables, et j'espère pou-
voir offrir au public, dans le courant du printemps prochain,
la première partie de mon ouvrage sous le titre : Les Aryens
au nord et au sud de VHindou-Kouch. J'ai dédié mon livre à
mon regretté maître Paul Broca^ dont les leçons m'avaient
mis à même de faire des mensurations anthropométriques^
que je crois d'autant plus exactes, que Brooa avait mis plu-
sieurs semaines à bien m'enseigner sa méthode. J'ai choisi
comme épigraphe de mon ouvrage les paroles suivantes que
Broca m'avait souvent répétées : « Je préfère quelques bonnes
mensurations prises sur le vivant aux plus éloquentes des-
criptions des voyageurs. » Je croirai donc à l'exactitude de
mes chiffres aussi longtemps qu'on ne m'aura pas opposé des
séries de mensurations faites par un autre voyageur préparé
a cette tâche.
Si je vous offre cependant aujourd'hui un chapitre dé*
taché de mon travail, cela tient à une autre raison. On
avait jadis accusé Klaproth d'avoir découvert un archipel
du fond de son cabinet de travail ; aujourd'hui on parcdt
insinuer que le peuple des Galtchas ou Tadjiks des monta-
gnes, dont je me suis permis d'entretenir la Société à diffé-
rentes reprises, n'a jamais existé que dans mon imagination.
M. Deniker a déjà, dans le quatrième tome à^l^ Revue d' ethno-
graphie, p. 364, fait justice de cette assertion en disant :
« Le peuple galtcha figure dans toutes les descriptions statis-
tiques et ethnographiques du Zerafchan publiées en russe
{Dictionnaire géog?'aphique,de Séménov, le Turkestan^ de Kos-
tenko, etc.), et il n'y aurait rien d'étrange à ce que les Tad-
jiks des montagnes soient appelés Galtchas d'après la chaus-
sure qu'ils portent, comme les Kara-Kalpaks l'ont été d'après
le « bonnet noir » en astrakan qu'ils avaient jadis et qu'ils
ont encore à présent. »
Je lis dans l'excellent Précis d'anthropologie de mes col-
lègues, MM. Abel Hovelacque et Georges Hervé : « Il ne con-
vient de parler qu'avec une extrême réserve des Galtchas,
Tadjiks montagnards du Kohistan, qui seraient brachycé-
DE UJFALTY. — SUR LES GALTCflAS. . 17
phales. Par ce caractère ils se différencieraient nettement des
Éraniens. Mais on n'est pas encore édifié, il faut le recon-
naître, sur r.existence de cette soi-disant population à tète
courte. »
J'aurai Toccasion de montrer dans mon travail que la
traînée des brachycéphales de l'Asie centrale se poursuit jus-
qu'au sud de THindou-Kouch, ou les habitants du Hounza et
ceux du Tchitral, que M. Biddulph* nous a fait connaître le
premier, paraissent également avoir la tète courte ; je me
bornerai cependant aujourd'hui à établir l'existence irré-
futable des Galtchas, et j'aurai l'occasion de vous soumettre
plus tard quelques photographies qui^ de visu, ne vous feront
point douter de la brachycépBalie des Éraniens de l'Asie cen-
trale.
Le nom de Galtchas n'existe point dans les récits anciens ;
cependant, à l'exemple de Benoît Goës, Nazarof, Mayendorf,
Wood, Fedchenko, Arendarinko, etc., etc., nous conserve-
rons ce nom pour désigner les Tadjiks des montagnes^ que
les habitants de la plaine appellent ainsi et que nous trou-
vons également dans un vocabulaire de noms indigènes
publié dans le Turkestanski Wiédemostt de 1873» tandis
que les montagnards eux-mêmes se disent Tadjiks, ou pré-
fèrent le plus souvent le nom de leurs tribus, telles que Pân,
Yagnôb, etc., etc.
Un voyageur moderne * a cru devoir écrire ce qui suit :
« On a donné le nom de Galtchas à des peuplades qui habi-
teraient le Kohistan et que nous avons cherchées sans les
trouver nulle part. Nous pouvons affirmer qu'à toutes nos
questions, au sujet des Galtchas, lorsque nous avons insisté
pourvoirce peuplequi afourni matière àdes discussions scien-
tifiques, notre interlocuteur indigène a répondu avec un sou-
rire, invariablement : « Au bazar de Pendjekent » , et quand,
par hasard, nous étions chaussés à la mode des gens du pays,
il baissait les yeux en disant : a Voilà des Galtchas. »
t Bidduiph, Tribes of ih$ Uindoo Koosh, CaloutU, 1880.
* G. Bonvalot, Du Kohistan à la Caspienne^ 1885.
T. X (3« série). Î
Vi'diWewn^ pourquoi les ebAU6sure« que portent ees mon-
t^fQÇLrds q'nwwenMle» pw pu servir à oe qu^on le» dési-
gQ^t aia»i Ai^ds U pUioe - ? Mais, sous oe rapport eaoore,
nous préférons rautoritédu capitaine Arendarinko, qui, en «a
qualité decbef de distriot et parlant parfaitement la langue,
a Ipngtdn^p» réaidé dans leKobistan, et qui donne une autre
étjHjplpfie dent nous parlerons plus loin, ëq Gurope, à
)'ex9mpl^ do Tacite et de Ptolémée, nous appelons les habi-
faintfi de la Finlande les Finnois, et la langue qu'ils parlent
Iç flnQol^, tandis que cette peuplade se désigno elle-même
IIQU9 le nom de Suornalaïnerif et désigne aussi sa langue sous
le nom de ^uorni- De même, la viUe que les Hongrois appel-
lent $%ékesfehérvàr, est appelée par les Allemands Stublweis-
senburg, et par les. Français Albe royale; eb bien! je suis
certain que beaucoup d'habitants non lettrés de eette ville
ne pe douant point de Vexjstenpe de oe nom français. L*ap-
pellation dq Ki)bistan n'est-elle pan elle-même purement oon-
ventionnelle? 11 e^^iste à ma connaissance deui^ Kobistans au
sud de i'Bindou-Koucb, et qn troisième au noi*d ; il serait
dona préférable de dire la haute vallée du Zérafcbàq, ou du
Vf^Qim la Kobistan «érafobênais, Il est étonnant qu'un voya*
geur qui donne des renseignements intéressants au sujet des
ipoqtagnards dq Kobistan, se soit arrêté à de pareilles
arguties.
Le premier voyageur qui fait mention du peuple galtcha
e^\ le jésuite portugais Benoît de Gofis^ qui, en l'an 4603,
Yi^it^ le pays des Calcia, situé au nord de THindou-Koueb, et
Iç frayersa av^nt d'atteindre le Pamir. La ceuractéristique
qu'il en fait ^st, quoiqqe courte et très simple, des plussigni-
flçative^,
Le^ gens de pette contréoi dit-il, put les cbeveux et la
barljte blonds comme les Belges; ils habitent plusieurs vil-
1 Nous aTOiis éerit œs Hgnes avant de connatlre ropinion de M. De*
niker, qui est conforme à la nf^tre.
' J. Brucker, Benoit de Goë$, Lyon, 1870.
DE WFALVV. r- BOP LES (JUTCHAS. 19
Nn^arof aoBs 4. 1» premier, révélé Vaiistencâ des Galt-
cbds »u nord du PamiF ; ils leâ appelle des Persans orien-
taux, Galtchij iialtçha ; ils sont montagnards, dit-il, et s'pc-
cup^nt surtout de la culture des fruits ; ils ne possèdent ni
çbAv^ux ni chameaux, ils sont incultes et pauvres, et ils
reçoivent l^s étrangers iivec rudesse. Leurs femmes, à ren-
contre des femmes de Tachkent, sortent sans voile, et la
jftlonsiQ leur est imk)nnue^
Mayendorf les appelle Galtebi et dit qu'ils ne parlent pas
d*»ntr^ langues que le persan ; leurs traits diffèrent de ceux
denTadjil^s de la plaine; h couleur de leur peau est beaucoup
plu^ foncée que chez les habitants de Bokhara; ils sont
(cependant à^h musplmans sunnites; ils s'occupent d'agri-
cuUurei ils possèdent quelques bestlaui^ et quelques chevaux,
ils habitent de misérables cabales d^ns quelques vallées en*
c^s^ée» de montagnes. Us habitent au nord et au nord -ouest
in 3iu)a]fçban, c'est-à dire au nord de Hissar; c'est une peu-
plade pauvre, mais indépendante. Les tribus, au nord du
SihPUn, dont les deux capitales s'appellent Matcha et lagmou^
font également partie des Qaltcbas; ils viennent plus souvent
4u nord de leur pays à Kokand pour y faire leur commerce
d'éobanges que du sud par le Hissar dans le Badakcban '.
L*observation de Mayendorf sur le teint foncé de^ Galt?
chas est d'autant plus intéressante, que le docteur Broca dit,
daps ses Instructions générales pour les recherches anthro*
pologiques à faire sur le vivant : u Ches les blancs, le h&le
brunit la peau au point de la rendre quelquefois semblable
à celle 4es mulâtres, tandis que, chez les autres peuples dont
la peau est naturellement £ûncée, les parties découvertes sont
quelquefois plus claires que les parties protégées par les
vêtements. Quant au langage parlé par les Qaltchas, Mayen-
dorf devait forcément ignorer que |es Yagnôbis avaient
leur langue propre, la vallée occupée par ces montagnards
étant trop écartée des contrées qu'il avait visitées ; et cepen-
^ Nazarof, Voyagea iCo/^and, dans le Magasin pittoresque y ^mU^ 1825.
I G. de M^yoqdorf, Yoymg^ en Boukharie, Parin, ISiS.
20 SÉANCE DU 6 JANVIER 1887.
dant il cite nominativement cette curieuse tribu à côté de
celle des Matchas, ce qui prouve que le .nom de ces deux
tribus était connu par les interiocuteurs de Mayendorf, et
ce qui prouve encore surabondamment que ceux-ci les appe-
laient des Galtchas; car il n'est pas probable qu'ils se soient
entendus avec Nazarof et Mayendorf pour inventer cette
appellation.
Enfin Wood qui, comme nous le savons, a visité les petits
États de l'Asie centrale en 1832^ s'exprime de la manière
suivante sur les Tadjiks des montagnes : « Les Tadjiks sont
une belle race de souche caucasienne ; partout où on les ren-
contre ils parlent persan, et quoique actuellement on les
trouve en dehors des limites de l'empire de Perse, si vaste
jadis, leur passé indique clairement que leurs destinées ont
toujours été plus intimement liées à celles de ce royaume
qu'à celles de tout autre peuple. Je considère les habitants
du Kafiristan et d'autres régions montagneuses, dont les soli-
tudes n'ont, très probablement, jamais été envahies par des
conquérants étrangers, comme étant de même race que les
Tadjiks, et ces derniers comme des aborigènes des plaines,
où on les trouve maintenant. Les habitants des régions
alpines que je viens de mentionner ont des dialectes qui leur
sont propres, mais il y a une ressemblance frappante entre
eux et les Tadjiks de la plaine. Quant à leurs points de diffé-
rence, ils peuvent être expliqués par l'influence des causes
physiques et ne doivent certes pas être attribués à une dif-
férence de sang. Ces peuplades sont celles qui habitent le
Kafiristan, le Tchitral, le 'Wakhân,le Chougnftn et le Rochân.
L'hypothèse la plus probable pour expliquer les différences
de leurs idiomes, est d'admettre qu'ils ont été forcés de se
réfugier dans les solitudes où ils résident actuellement, à une
époque très reculée, antérieure, ou tout au plus contempo-
raine de la première invasion musulmane \ »
Avant de parler des progrès considérables qui ont été faits
' Wood, À Joumey to the Source of thê River Oxus, London, 1872, pré-
DE UIFALVT. — SUR LES GALTCHA8, 21
depuis dans la connaissance des Aryens de l*Asie centrale,
progrès que nous devons aux voyageurs anglais et russes,
examinons d'abord les résultats acquis qui feront ressortir
les mérites de Khanikof ^
Depuis Marc-Pol, personne n*avait fait un voyage aussi
intéressant au cœur de TAsie que le jésuite Benedict Goês *•
Heureusement Tœuvre de Marc-Pol nous a été conservée,
tandis que de celle de Goës quelques fragments seulement
sont venus jusqu'à nous. Si, grâce à Tillustre Vénitien, nous
savons que les Galtchas du Badakchan construisaient leurs
demeures dans le loess (gisement diiuvial d argile marneuse)
de leur pays, ce qui nous a été confirmé plus de six cents
ans après', nous apprenons par la bouche du courageux
père jésuite que, parmi ces mêmes Galtchas, il se trouvait
des individus qui avaient les cheveux et la barbe blonds
comme les Belges.
Certes, un voyageur européen qui, pendant des années de
pérégrinations en Asie, n*a vii que des hommes bruns aux
cheveux foncés et aux yeux noirs, doit être frappé lorsque,
parmi une population au teint hàlé comme nos Méridionaux,
il rencontre même quelques blonds ; ils attirent son attention
et son intérêt, et plus tard ils survivront seuls dans, ses sou-
venirs. Ajoutez à cette affirmation de Goês celle de voyageurs
venus après lui, qui vous parleront de Kafirs blonds aux
yeux bleus, qu'entre parenthèses ils n*ont jamais vus, et vous
pourrez facilement vous rendre compte de l'origine de la
légende des blonds de l'Asie centrale.
L'observation de Wood, d'après laquelle l'existence des
cheveux blonds chez ces mêmes Galtchas n'a rien d'extra*
ordinaire^, ne fera qu'affermir dans leur opinion ceux dont
cédé d'une inlrodaction du colonel Henry Yule intitulée : Gtography of
the ValUy of thê Oœu$.
' Kbanikof, Mémoire sur Vethnographie de la Perse, Paris, 1866.
* J. Brucker^ ibid.
> Richthoren, China, Berlin, 1877.
* Woo<j, ibid.
22 SÉAlfCB OU Ô JANVIER 1887«
les conjectures scientiflques ont besoin de cette légende. If cas
verrons plus tard combien elle est contraire à la réalité.
Elphinstone nous donnera des renseignements curieux sur
les habitants du mystérieux Kafiristan *. Au mdmént où Kha*
nikof écrivait son magistral mémoire^ les données d'Elphin-
stone pouvaient avoir une valeur réelle; nous savons depui»
que le voyageur anglais a été plus d'une fois induit en erreur
et qu'il se trompe absolument lorsqu'il établit une procbe
parenté entre les Tadjiks des plaines afghanes et les habi*
tants du Kafiristan. Sans doute ce sont ces Tadjiks mêmes
qu'il avait interrogés qui ont trompé sa religion. Ils étaient
naturellement fiers, eux, les fils déchus d'une race autrefois
dominatrice, de se vanter d'une parenté étroite avec les vail-
lants païens des montagnes du Kafiristan.
Wood^ dont le voyage dans la hanté vallée de rûxus aura
un intérêt autrement considérable pour la connaissance des
habitants de ces contrées, fera cependant la même erreur
qu'Elphîtistone en affirmant qu'il croyait à une étroite parenté
entre les Galtchas du Wakhân et leurs voisins au sud de
rHindou-Koudi '. Naiftrof'et Mayendorf nous fourniront
également de précieux renseignements, en constatant, les
premiers, une différence de type entre les Tadjiks de la plaine
et ceux des montagnes, c'est-à*dlrè les Galtchas. Khanikof,
tout en reproduisant les observations de Wood, se bornera à
tracer un tableau frappant des tadjiks de la plaine ; il éta-
blira leur étroite parenté avec leurs congénères de la Perse ,
et la plupart des observations qu 11 fait à ce sujet sont encore
aujourd'hui d'une vérité absolue.
Grâce à Khanikof, nous connaissons donc les Tadjiks de
la plaine ; Mayendorf nous fait pressentir rimportdnCfe qu'il
y aura à connaître ceux des montagnes, quand une série de
voyageurs russes et anglais envahissant les vallées qui avoi-
sinent le Pamir nous aura fait connaître les Oaltchas depuis
1 Elphinstone, The Kingdom of Canbul, London, 1815.
* Celte erreur est d'autant plus^explioable que la classe dominante du
Tcbilral est en oiïet originaire du Chougnftn et du Badakchàn.
DE UJFALYT. *- SUR LB6 6ALTCHAS. 23
les sources da Zérafohfln jusqu'au rites do haut Oxtis. Plus
tard j*aurai roocasion de parler des Toya^étird russeé ($t
angUis auxquels nous devons la connaissance du Pdmit*.
Pour le moment, je me bornerai à citer ceux qui hOtts entre-
tiennent des peuplades que des circonstances probabletttéHi
indépendantes de leur Tolonté avaient forcées ft se retirer
depuis des temps fort reculés dans les vallées initccéHèibleâ
de la Bactriane et de la Sogdiane.
Fedchenko, qui, le premier, gravit les contreforts septefi»
trionaux du Pamir et dont plus loin nous aurons à appré-
cier les importantes découvertes orographiques, ftit aussi un
des premiers qui pénétra dans la haute vallée du Zérafchfln,
dans le Kobistan^ la véritable patrie des Galtchas. Ge savant
plein de mérite^ enlevé à la science dans la Vigueur de TA^e,
avait pris, dit-on, des mensurations anthropologiques pendant
le ooulrs de cette expédition en i868. Le professeur Bogdatiof,
de Moscou, de la bouche duquel je tiens ce fait et qui se disait
le dépositaire de ces papiers anthropologiques, n*a malheu-
reusement encore rien publié de ce précieux dépOt. Bi, d'un
côté, il est fâcheux que les observations anthropologique^ d'UU
savant aussi sérieux que Fedchenlco tardent si longtemps à
être portées k la connaissance de ceux qui y verraient un
grand intérêt^ d*un autre côté, il est étonnant que ce mém^
Pedchenko, ayant fait, 8ol-disant> de vastes recherches
anthropologiques pendant son Voyage dans le Zérafohân, se
soit borné, trois ans plus tard^ pendant sa tournée dans le
Haut-Ferghanah, au milieu des Tadjiks des montagnes, pro-
ches frères des Galtchas, à quelques Observations d'Une
extrême sobriété. Voilà les seules paroles qu'il en dit dans le
troisième chapitre de son intéressant récit de voyage : « Bn
leur qualité de Tadjiks, les indigènes parlent le tadjik^ qui
diffère peu de Tidiome persan. Leur langage présente les
mêmes particularités que l'on saisit dans celui des Galtêhaê
de la vallée supérieure du Zérafchân, je ne sais pas même
si ces deux populations ne se comprendraient pas. Physique-
ment, ils ressemblent beaucoup' aux Galtchas (vous yoyet
2 4 SÉANCE DU C JANVIER 1887.
donc qu'il emploie le même mot) ; ils ont la tète peu volumi-
neuse, la taille élevée, les traits réguliers offrant le type
aryen ; leurs cheveux qu'ils portent longs, leur barbe et
leurs yeux sont noirs et leur constitution est en général très
robuste *. »
Il est à croire qu'un voyageur qui aurait eu Thabitude de
manier un compas d'épaisseur, un compas glissière et des
rubans métriques, aurait mis moins de concision dans sa
description.
Le capitaine Arendarinko, qui, pendant des années, rési-
dait, en qualité de chef de district du Kohistan, dans le pays
des Galtchas, a donné, sur ce peuple^ ainsi que sur ses frères,
les Karatéghinois, les renseignements les plus précieux. Plus
tard, le naturaliste Ochanine et le colonel Maiêf les ont com-
plétés par tout ce qu'ils ont pu recueillir dans le Karatéghine
et dans les vallées du Hissar ; enfin, M. Regel a été dans le
Darwâz-, où il a pu obtenir des données sur les langues galtchas
du sud, données qui ne peuvent guère différer de celles que
le voyageur Shaw* avait publiées déjà en <876 et 1877. En
revanche, tout ce que le naturaliste russe nous raconte sur
le pays et les hommes du Darwàz est du plus haut intérêt.
C'est grâce au capitaine Arendarinko qu'il m'a été possible
de faire des recherches au Kohistan, en 1877 ; j'y ai fait de
nombreuses mensurations anthropométriques, me rappelant
la parole de mon maître Broca, que j'ai eu soin de citer plus
haut'. Nous verrons par la suite combien cette recomman-
* Fedchenko, U Ferghanah, traduction de M. du Laureos.
Celte précieuse traduction se trouve parmi les manuscrits appartenant
à la Société de géographie de Paris. Il est regrettable que cet intéressant
ouvrage ne soit point publié.
< Robert Shaw, On Ihe Ghakhah Languages, Journal of the Asialic
Society of Bengal, vol. XLV,1876, 139-278; vol. XLVI, 1877, 97-126.
* Je sais que depuis la mort du maître, la méthode éclectique a égale-
ment prévalu en antiiropologie. On a fait des excursions intéressantes
dans des régions voisines et on a déclare d'après les observations faites
de vt<!#, grosso modo^ je dirai presque en touriste, que l'anthropologie
était la bouteille à Tencre. Il me sera permis de rester Adèle aux principe»
de Broca et de croire, ju&qu*à nouvel ordre, que quelques bonnes men-
DE UJFALVY. — SUR LES tiALTGHAS. 25
dation de Broca était fondée, car chacun observe d*une
manière différente ; tandis que des mesures prises à l'aide
d'instruments anthropométriques fournissent des résultats
positifs basés sur les mathématiques. Tous les renseignements
sur le caractère du pays, les mœurs, les croyances, les indus-
tries relatives au Kohistan, ou d'autres que je n'ai pu .con-
trôler de vi$u^ je les dois à l'obligeance du capitaine Arenda-
rinko ; cet ofQcier russe est un chercheur sérieux, de Técole
des Séménof, Osten-Sacken, Poltaratski, Sévertsof, Radlof,
Midendorf, Prjévalski et Kouropatkine, et je me crois autorisé
à attacher une foi entière à ses renseignements.'
Des voyageurs anglais, marchant sur la trace de Wood,
nous font connaître les peuples galtchas à Touest et au sud'
du Pamir; c'est à Robert Shaw^^ négociant anglais, résident
à Yarkand, que revient le mérite incontestable d'avoir le pre-
mier, dans la Société asiatique du Bengale, attiré Tattention
des savants sur les langues des Galtchas du Pamir. Des officiers
de la brillante mission de sir Douglas Forsyth * visitèrent,
en 1873, Sirikoul et Wakhân, et un Hindou lettré de leur
suite poussa même jusqu'au Ghougnân. Gordon, Biddulph
et Trotter complétèrent ainsi l'œuvre commencée par Shaw et
permirent à M. Tomaschek ' de rattacher, dans une étude
approfondie, les dialectes du Pamir à l'antique idiome de
Bactre.
Nous devons également aux explorateurs anglais la des-
cription fidèle des mœurs et coutumes de ces Iraniens du
Pamir, ainsi que la constatation des vestiges de l'ancien
mazdéisme qui fut autrefois la religion régnante dans ces
contrées.
surations peuvent nous fournir d'utiles renseignements sur le mélange
des races sans trancher pour cela la question primordiale des origines. Je
crois naïvement que le travail de Broca sur les Celtes est toujours encore
nn modèle dans son genre.
» Robert Shaw, ibid.
• D. Forsyth, Report ofa Mission to Yarkund, Calcutta, 1876.
» Wilhelra Tomaschek, Centrafasiatischn Studim. //, Die Pamir-Dialekle.
Wien, 1880.
36 SÉANCE DU 6 JANVIER 4887.
Les Tadjilcs se subdivisent ea trois groupes : les Tadjiks de
la plaine, les Tadjiks des montagnes ou Galtchas, et enfin les
Oalichas proprement dits parlant des dialectes pamiriens.
La différence entre U second et le troisième groupe repose
plutôt sur des dissemblances ethni()ues que physiques* Je me
bornerai à vous donner aujourd'hui quelques renseignements
sur le deuxième et le troisième groupe.
Les Tadjiks des montagnes sont aussi appelés Galtchas.
Un habitant de Fân m'a donné, en présence du prince
Sviatopolk Mirski, l'explication suivante au sujet de ce nom :
(( Galtcha signifie le corbeau qui a faim et qui s*est retiré
dans la montagne. » Cette explication m'a été confirmée par
le capitaine Arendarinko (je possède à ce sujet quelques
lignes écrites de sa main), et M. Tomasohek la trouve par-
faitemeUt acceptable Les Galtchas habitent la haute vallée
du Zérafchân, entre Pendjakend et les sources de cette
rivièrd» Il parlent un dialecte du persan exempt de mots
arabes et turcs, ce qui prouve qu'ils se sont retirés dans leurs
âpres vallées avant l'invasion turco-tatare ; ils ne compren-
nent point le turc oriental.
Les Galtchas sont agriculteurs et pasteurs ; en hiver, ils
habitent leurs villages ; en été, ils remontent les pentes de
leurs montagnes à la suite de leurs troupeaux. Tandis que
la maison de l'habitant des plaines se compose de poutres en
peupliers et de terre battue, la leur^ un peu surélevée au-
dessus du sol pour laisser passer les eaux pluviales et celles
des fontes des neiges, est construite en pierre et en bois de
genévrier; les toits, légèrement inclinés, sont couverts de
grosses pierres pour les protéger contre la tourmente et les
avalanches; les cheminées des chambres sont disposées en
Capoté à cause de la neige ; un banc court le long des murs
dans lesquels de petites niches abritent des pipes, des théières
et le Coran; quelquefois une table et des tabourets en
bois de noyer ornent ces simples demeures. Le soir, une
branche de pin sert de falot. Le Galtcha laboure ses champs
à l'aide d'une charrue primitive dont le soc est en bois et
DE tljyAtVT. -^ 8UR LIS 0ALTGHA8. '37
qoi ressemble à l'instrament aratoire des Carthaginois* La
terre laboarabie est sonrent rare dans la Yallôe, et parfois il
est obligé de remonter des pentes très élerées qu'il irrigue
au moyen d'aqueducs édifiés à des hauteurs Tertigineuses*
Le Zérafohân est franchi sur des ponts branlants ou traversé
à l'aide d'outrés en peau de bouc, à l'exemple des soldats
d'Alexandre, qui, d'après Quinte-Guroe, se servirent de oe
moyen pour passer l'Oxus*
Dans lé Kohistan^ il y a même des orpailleurs, qui, proba-
blement^ tout en ne se doutant pas de l'étymologie du mol
Zérafohân (qui charrie de l'or), s'efforcent dechereher la for-
tune dans les sables aurifères de la rivière.
Les Galtchas sèment du blé, de l'orge, du millet^ du lin et
des fèves ; leurs demeures sont entourées d'arbres fruitiers,
parmi lesquelles l'abricotier et le mûrier joumit un rôle
important dans ralimentation. Les abricots séchés sont
également exportés et la farine des mûres leur sert à faire une
espèce de pâte ; de même TAryen du Tchitral fait du pain
avec ce firuit. On trouve aussi ^s cerisiers et surtout des
noyers en grande quantité. Le laitage est le fond de leur ali-
mentation ; ils boivent de YaXran^ espèce de lait caillé^ et ils
fabriquent du koitnak, o'est-à<>dire la croûte de lait sécbée,
produite à l'aide d'un peu de lait caillé versé sur du lait
chauffé jusqu'à la tiédeur* Cet aliment est nourrissant et ra-
fraîchissant à la fois. Le kumoch < est une espèce de soupe
faite avec du lait aigre dans lecjuel on met des boulettes de
farine cuite. lies montagnards qui habitent des régions plus
élevées se servent d'une sorte de fève appelée bokola^ qu'ils
cuisent en bouillie ou en pain, les riches y mélangent du blé.
Mais le mets le plus apprécié est la chair de la chèvre sau^
vage appelée ahmi^ qu'ils rôtissent; enfin, rm^i se préparé
avec du mouton dépouillé qu'on taille en morceaux,' on
le jette dans une marmite pleine d'eau, puis on le laissé
bouillir; ensuite, on retire la viande, on la sale^ on la roule
» Voir Bonvalot, ibid.
\
28 6ÉANCB DU 6 JANVIER 1887.
dans de la graisse de mouton et on la place par couches dans
la panse qu'on a eu soin de nettoyer préalablement. Chaque
panse est solidement fermée; selon la température, la saison,
la longueur du chemin et le nombre de personnes, on met
une quantité de cette sorte de viande qu*on place dans un
sac, et, pour le repas du soir, on assaisonne le riz cuit de
cet excellent iahni. On peut aussi le manger tel quel lorsque
le 'feu fait défaut ou dans les cas de presse *.
La vie menée par ces montagnards est des moins acci-
dentées ; Tété se passe dans les champs (on sème et on récolte
de juin à septembre), ou sur les pâturages en compagnie de
ses troupeaux ; les villages restent déserts et c'est seulement
les jours de fête qu'on voit accourir les habitants. Ils ont
mis leurs plus beaux habits et la journée s'écoule en prière
et en conversation aux portes des mosquées. En automne, il5%
font leur provision de combustibles, ils rapportent de la
montagne des broussailles ou des branches à^artcha (gené-
vrier).
Les femnies confectionnent le kisiak^ galettes en fumier de
bétail, qu'on fait sécher en les collant contre le mur et qui ser-
viront de combustible. L'hiver, avec ses longues veillées, s'est
annoncé ; aussi, dès raube,'les hommes enlèvent la neige qui
obstrue le sentier qui conduit d'une maison à l'autre, ils la
retirent aussi du toit de leur demeure ; qui sait si ce frêle
abri pourrait supporter ce blanc fardeau? Ce travail fait, les
hommes se réunissent pour la prière ; celle-ci terminée, ils
mangent une soupe composée d'abricots séchés bouillis dans
Teau et dans laquelle ils trempent leur pain.
Ils prient une seconde fols, car les Galtchas font leurs cinq
prières prescrites parle Coran, puis ils mangent de l'aïran.
Pour occuper les longues heures, ils cassent des noyaux
d'abricot et se groupent autour du mollah qui leur raconte
des légendes on leur lit le Coran. Pour économiser les moyens
de chauffage, qui, hélas ! sont rares dans ces régions élevées,
* Voir Bonvalot, UAd.
DE UJFALYT. — SUR LB8 GALTCHAS. 29
tons les membres d*une famille se réunissent antour damème
foyer. Quant aux femmes, leurs occupations consistent à
donner à manger aux bêtes, à nettoyer les étables et à
vaquer à leurs travaux journaliers '. Pendant cette longue
saison d*biver, les communications demeurent interrom-
pues plus de quatre mois, les enfants apprennent alors à
lire, à écrire et se préparent à la carrière sacerdotale qu'ils
vont exercer dans la plaine à leur plus grand profit. Les
mêmes causes produisent les mêmes effets : dans le Ladak,
presque à l'autre extrémité de TAsie centrale, où les habitants
vivent à des hauteurs autrement plus élevées que celles du
Kohistan, la ville de Leh étant à plus de 10000 pieds d'alti-
tude, le grand nombre d'hommes lettrés doit son origine au
même isolement hivernal. Somme toute, le climat du pays
est assez tempéré; il doit en être ainsi, car, sans cela^ Tâne
ne pourrait guère s'y acclimater ; cet animal ne peut vivre
au-delà d'une certaine latitude septentrionale, ne supportant
pas les très grands froids. Par exemple, à Omsk, dans la
Sibérie occidentale, l'âne est une rareté et il y mène une
existence misérable. Les chevaux sont peu nombreux dans le
Kohistan, mais les gens riches possèdent de vigoureux am-
bleurs. Le Tadjik des montagnes aime la chasse et il sait se
servir à merveille de son fusil à mèche, auquel se trouve
adaptée quelquefois une fourche pour assurer le tir; les peaux
des bêtes abattues lui servent souvent d'article d'exportation.
Le costume des Galtchas est fort simple. Ils portent sur le
corps une chemise et un pantalon de toile, de gros bas de
laine, des bottes en cuir jaune d'une forme grossière, un
khalat (vaste kaftan serré à la taille au moyen d'une ceinture)
en toUe rayée de différentes couleurs, et un second khalat
en drap marron foncé. Tous ces produits se font dans le Ko-
histan même. Les hommes du peuple se coiffent d'une calotte
adhérant à la tète ; les lettrés portent un turban blanc ; les
riches (kazi, aksakaJ, mollah, etc.) achètent, à Samarkand,
1 Voir Boavalot, ibid.
dd# vâtemtfrt» en 9C40 ^^t»at0, ainsi qp^ dP9 us^nsUes en
cuivf » spuyent d'un trto h#An travgU. Les inoeorfl et les cou-
tume« tant à peu da e(u>^e prè^ aonforn^on m% prescriptions
mnsulmaoae-
lie^Galtobas n'ont ni poids nimesnres; ils se servent d*ane
^cueUe ou, à défaut, de leurs mains pour mesurer le blé et
Tppge et pour les troquer eontre une aertaine quantité de
ioile ]pa«prée h l'aide de Tavantrbras.
Les Galtobas sont ombrageux, mais en général francs et bon-
néte^f Quant au type pbysique, voici ce qu'en dit un voyageur
français qui les a visités en iSBi : « A Dardane, c'étaient
des bruns à profil maigre de Gascons ; à Yarsiminor, telle
face rougeaude fait penser à un Anglais ; les blonds sont très
rares il est vrai* » Kt plus loin : « Un vrai Tadjik ressemble à
s'y méprendre à un européen de la Méditerranée aux traits
réguliers ; la taille est piqs ou moins grande selon la somme
de bien-être K n
^ 1877, quand je mo trouvai au milieu des Tadjiks d'Où-
roumitane, je fus frappé de leur ressemblance avec les
paysans de la Romagne; plus tard, gr&ce à mes observations
et mensurations prises sur le vivant, j'ai composé la des<-
cription du type galtcha que je crois absolument exacte»
Au pbysique, le Galtcba est d'une taille assein élevée, d'un
embonpoint moyen; sa peau est blanche, souvent bronzée
par le soleil ; les parties couvertes sont blancbes; elle est très
velue, ou peu velue, jamais glabre ; les cbeveux sont noirs,
châtains, chez les F&ns surtout, quelquefois roux, souvent
blonds; ils sont lisses, ondes, bouplési la barbe est générale-
ment abondante, brune, rousse ou blonde ; dans un village,
près de Pendjak^d, j*ai vu deux frères qui avaient les che-
veux blancs comme du Un. Les yeui, qui ne sont jamais re-
levés des coins, sont bruns, souvent bleus; la distance inter-
prbitaire est très petite ; le nez est d'une forme très belle,
il est long, légèrement arqué et effilé ; les lèvres sont presque
* Voir Bofîvalot, ibfd.
DE U^rALVY. - %im tBS GAI.V6HA8. 31
toujours fines et droile» ; les deaia pctiUs, gonvtni luées, à
cause de Tabus des fruits secs ; le îjxmi est haut, un peu
fQyaBt;lfts bosses sourcilières sont bien prononeées, la dé-
pression transversale séparant le nez de la glabelle est pro^
fonde, les sourcils arqués et fournis; la bouehe petite, le
menton ovale, Tensemble da la face ovale et les oreilles petites
ou moyennes et aplaties (elles ne sont que rareonent un peu
saillantes) ; la boîte osseuse n'est point d'une dimension très
considérable et présente un aplatissement occipital des plus
caractéristiques ; le corps est nerveux, vigoureux, fortement
charpenté ; les mains et les pieds sont plus grands que ceux
des Tadjiks et surtout que ceux des Kirgbis et des Tatars ; les
attaches sont fines, le mollet nerveux, les jambes droites et
bien faites ; la taille bien prise, généralement élancée ; la torse^
est vigoureux et le cou fort. Ils sont très robustes^ exeelients
piétons, bons cavaliers et aptes à supporter les plus grandes
fatigues. Quant aux maladies, les opbtbalmies sont fréquentes;
d'autres souffrent de la pierre, et il y a des villages dont
presque tous les habitants ont une maladie rhumatismale
dans les os; ils Tattribuent à un mélange qu'ils font du-
lait caillé avec une espèce de racine.
Les Galtchas du Zérefcbàn se subdivisent en cinq tribus t
i^ l-es Maghians, depuis Pendjakend jusqu'à Maghian ;
i^ Les}Kphtûuts, dans la vallée du même nom ;
3*" Les Falgars, entre Ouroumitân et Varsiminore ;
A*" Les Matebas, à l'est de Varsiminore, jusqu'aux sources
du Zérafcb&B ;
6" Les Fans, au sud de Varsiminore, dans la vallée du Fân-
Daria, jusqu'au lac d'Iskander-Koul.
Quant aux Yagnôbs, qui habitent une vallée écartée du
même Kohistan, ils parlent une langue qui diffère de oelle
de leurs voisins, et nous leur aâsigneroos une place à part
dans le chapitre suivant.
Chaque village galtchas choisit son aksakai {havhe blanche),
qui est obligé de s'iuciiner devant les décisions prises par la
commune réunie. Plusieurs villages reconnaissent l'autorité
32 SÉANCE DU 6 JAirVIER 1887.
d'un /kozt (juge) qni, dans les cas graves, en réfère à l'admi-
nistration russe à Pendjakend.
Autrefois, les différentes tribus étaient gouvernées par des
princes, qui se faisaient entre eux nne guerre an couteau ;
comme économiquement le pays dépend de ses riches et
puissants voisins, il devint bientôt la proie de Bokhara^
du Kokan ou du Karatéghine. G*est à ces guerres intestines,
incessantes, qu'il faut attribuer Tappauvrissement extrême du
Kohistan. Aujourd*hui, surtout dans les vallées reculées, c'est
un peuple en haillons qui souffre de la faim et du froid.
Du temps de Baber, c'est-à-dire il y a à peine quatre cents
ans, le roi de Fân était encore un prince riche et considéré,
qui offrait à ses hôtes soixante-dix à quatre-vingts chevaux
et qui les recevait avec faste et magnificence. A présent. Je
kazi de ce district serait embarrassé de mettre cinq de ces
bètes à la disposition des voyageurs.
Le géologue russe Mouchkétof, qui a visité les glaciers
près des sources du Zérafchân, en 1880, nous fait une des-
cription intéressante de la petite tribu de Matcha, qui occupe
* la région la plus élevée du Kohistan zérafchànais :
« Ce sont là, dit-il, les descendants, directs des anciens
Perses ; leur civilisation est des plus primitives ; ils ne s'oc-
cupent point d'agriculture ;Meurs maisons et leurs ustensiles
sont en pierre, les premières construites sans chaux et sans
ciment. Gomme animal domestique, ils ne connaissent que
Tâne (tcAdA), dont ils se servent comme bête de somme. »
En 1881 , Je docteur Regel* pénétra dans la vallée du Zéraf-
chân chez ces mêmes Matohas ; il nous en trace le tableau
suivant :
« Semblables au nid d'heureux Phéaciens, les villages,
entourés de mûriers et de vignes, paraissent suspendus aux
flancs des montagnes et comme enclavés dans ce désert de
roches. Eté comme hiver, les fruits servent de nourriture et
* Bêilage aur allgemeinen Zeilung, Mûncben, Donnerstng 17 Juli un il
FreitaglS Julil884.
DE UJFALVT. — SUR LES GALTCHAS. 33
rarement le bruit du monde pénètre dans ces solitudes pro-
tégées par leurs avalanches. Des fugitifs, dit-on, se sont reti-
rés dans ces recoins inaccessibles, et, en effet, le type et
le caractère des habitants changent de village en village.
Tantôt on rencontre Taffable Kirghis on TEusbeg bourru,
étendus paresseusement sons leurs tentes en feutre ; plus
loin, en remontant ces hautes vallées, on remarque un peuple
d'un agréable type persan, un autre aux regards farouches
et aux lèvres charnues, vaquant, sous leurs toits plats en
argile, à leurs occupations, tantôt sociables et hospitaliers,
tantôt animés par un courage fanatique. Mais, quand les
pionniers de la civilisation auront pénétré dans ces régions,
attirés par les couches de lignite qui se montrent à Ventrée
des gorges à côté du grès rouge brillant, alors, seulement
* alors, ces pays prendront part au mouvement du monde. »
Le voyageur atteignit ainsi la dernière grande bourgade
d'Oburdan, située à la limite des arbres fruitiers, bourgade
dans laquelle s'étaient réunis les Zérafchânais pendant la
dernière guerre du Kokan pour arborer la bannière de la
révolte. Plus loin encore, des peupliers et des saules ombra-
gent les maisons en pierre fruste appartenant aux Tadjiks, qui
s*adonnent en ce lieu à l'agriculture et qui, au moyen de ca-
ravanes composées d'ânes, transportent le fer depuis Kokan
jusqu'au Karatéghine et rapportent sur leurs larges épaules
les sacs de blé qu'ils ont reçus en échange. Parmi ces géants
descendus dans le Turkestan, celui qui y cherche du travail
ou qui est employé dans les rizières est bientôt pris d'une
nostalgie irrésistible qui le ramène vers son âpre patrie, où
les mœurs sont patriarcales, comme le tribunal qui siège en
plein air à l'ombre des arbres.
M. Mouchkétof dit que les Galtchas de la vallée de Mat-
cha ne s'occupent point d'agriculture. M. Regel soutient le
contraire. Nous ne recherchons point qui des deux voya-
geurs a raison ou a tort ; bornons-nous à constater que même
un explorateur russe peut se tromper.
M. Arendarinko nous a donné une série de renseignements
T. X (3« SÂRIX). 3
34 SÉANCE DU G JANVIER 1887.
des plus intéressants sur le Karatéghine. Le pays n'est en
communication avec ses voisins qu'à partir de la mi-mai
jusqu'à la mi-septembre, au moyen de défilés d'une altitude
considérable (4 000, 4 500 mètres) ; on se sert de mulets, de
chevaux et de bœufs comme moyen de transport. La char^
rette du Turkestan, Yarba^ n'existe point au Karatéghine.
Les rivières sont franchies à Taide d'outrés en peau de
bouc. Le fond de la vallée, qui possède la population la plus
dense, s'élève encore à plus de S 000 mètres au-dessus du
niveau de la mer. Le climat est très rude, la neige est exces-
sivement abondante en hiver et les communications entre les
villages même sont parfois interrompues pendant cinq mois
consécutifs; en hiver, les gelées sont plus fortes que dans le
paya des Matchas (jusqu'à 50 degrés centigrades ?).
Les habitations sont pourvues de murs de 1°',75 d'épais-
seur, tandis qu'elles ont à peine 3«,75 de hauteur. La partie
inférieure de ces maisons est en boia^ la partie supérieure
est en briques et en terre battue ; elles sont généralement
entourées d'un mur protecteur tout aussi épais et composé
des mêmes matériaux. Quant aux villages, ils sont disposés
comme dans le pays de Matcha : des rues exiguës» tortueuses,
de i»>50 de large, aboutissant à une place assez vaste qui
entoure la petite mosquée. On rencontre des vergers jusqu'à
une hauteur de 7 000 pieds. Les pentes des montagnes sont
couvertes de noyers, d'érables, de sorbiers, de pommiers, de
poiriers et de genévriers. Les forêts sont remplies de gibier
de toute espèce. Les maisons sont entourées de mûriers,
d'abricotiers, de cerisiers, de noyers, etc. Quelques villages
du Karatéghine méridional possèdent même de beaux vi-
gnobles.
L'élevage dii bétail constitue une occupation importante ;
on élève des moutons^ des bêtes à cornes et des chevaux ; mais
la plus grande richesse du pays consiste en minéraux, prin-
cipalement en mines de sel.
Les Matchas reçoivent leur sel du Karatéghine et échan-
gent 7i centimètres environ d'une cotonnade très étroite
DE UJFALVY. — SUR LES GALTCHAS. 35
contre 120 livres de sel. Le préposé à ces mines de sel, au
profit duquel se font ces échanges, paye une redevance au
chef du pays. L'huile à brûler se fabrique de matières oléa-
gineuses contenues dans les noix ; elle est exportée au Hissar,
au Koulab, au Darwâz et au Matcha. Le commerce des pelle-
teries est également assez lucratif.
Les orpailleurs cherchent leur butin en mai et en sep-
tembre, et ils trouvent quelquefois des graviers du précieux
métal qui atteignent la grosseur d'une lentille.
Les habitants du Karatéghine sont des Tadjiks.
La partie septentrionale du pays fait exception ; elle est
occupée par des Kirghis nomades.
Les Tadjiks sont d*une taille élevée^ d'une musculature
très développée ; ils ont généralement des cheveux noirs et
épais, mais parfois on en rencontre aussi avec des cheveux
roux et châtains. Les yeux sont ordinairement noirs ; cepen-
dant^ il y en a des gris et même des bleus ; le nez est grand
et droit. Ils parlent un dialecte du persan, avec des modifi-
cations locales. Le dialecte que parlent les Tadjiks du Zéraf-
chân ressemble tellement à celui des Tadjiks du Karatéghine
qu'ils peuvent facilement se comprendre entre eux.
Dans le Karatéghine, il y a beaucoup d'écoles ; aussi les
imans, les mollahs et les mecktobdars de la vallée du Zéraf-
chàn sont-ils, pour la plupart, originaires de ce pays, dont
les mœurs et les coutumes sont presque les mêmes que celles
de Matcha.
Dans la vie restreinte des musulmans, il y a trois événe-
ments capitaux : ce sont les cérémonies du mariage, celles
de la circoncision et celles des funérailles, qui sont absolu-
ment les mêmes que celles pratiquées dans le Matcha. Le
jeune homme, qui désire se marier, convie à la maison de
celle de son choix quelques vieillards de sa parenté ou quel-
ques amis ; ceux-ci doivent régler la question du mariage
avec les parents de celle qu'il a distinguée ; si ces derniers
tombent d'accord, trois ou quatre jours plus tard, un plus
grand nombre de parents et d'amis du fiancé viennent réi-
30 SÉANCE DU 6 JANVIER J887.
térer la demande de leur mandataire. Gomme la première
fois, ils sont introduits dans la chambre réservée aux hôtes,
où on les régale de fruits secs et de gâteaux. Avant de se
mettre à table, ils récitent une prière à voix basse, puis ils
présentent leurs félicitations à haute voix, en étalant leurs
cadeaux. Le prix de la femme s'appelle Je mocha ; il s'élève
d'ordinaire, si la fiancée n'est pas des plus riches, à trois
chevaux, trois fusils, trois pièces de soie, trois pièces de co-
ton, trois batmanes (24 pouds) de farine, nn bœuf destiné à
être abattu. Ensuite, on offre les cadeaux à la fiancée : ils se
composent d'indienne et d'autres étoffes, de deux roumals
ou châles de soie ou de coton, et de deux paires de souliers.
L'indienne est employée pour les chemises et les pantalons;
les autres étoffes servent à confectionner le koltachay espèce
de vêtement.
Le mikoch est le nom de la cérémonie du mariage ; elle
est présidée par le mollah ; celui-ci, avant de consacrer cet
acte, demande à la fiancée si c'est bien sa volonté d'épouser
le nommé X... On sert alors un repas aux invités, qui sont
toujours très nombreux; chez les riches, il y a parfois deux
à trois cents personnes environ, parce qu'il arrive assez fré-
quemment que tout le village est convié.
Les mêmes usages s'observent pour la cérémonie de la cir-
concision qui coûte fort cher aux parents. Cette fête dure trois
jours entiers, mais la circoncision même n'est accomplie
qu'après le départ de tous les invités. Quant aux funérailles,
on se rend au cimetière le troisième jour après l'enterrement,
là les assistants reçoivent une archine (72 cent.) d'indienne
ou de soie en souvenir du décédé. Cette cérémonie est suivie
aussi d'un somptueux festin. En dehors de ces fôtes, les
Karatéghinois sont très sobres. Leurs vêtements sont fort
simples, ils se composent d'une chemise de coton, de caleçons
de même étoffe, le khalat et les larges pantalons sont en
laine. Tous ces habits, ainsi que les bottes qu'ils portent, se
fabriquent dans le pays pendant l'hiver. Chaque habitant
possède sa propriété; la terre doit être cultivée, car le pro-
DE UJFALVY. — SUR LES GALTCBA8. 37
priétaire en risque la perte s*il laisse ses champs plus de trois
ans en friche ; les crimes, surtout le vol, sont très rares chez
eux ; ainsi, ils font paître leurs troupeaux sans y prendre
garde. Leur culture intellectuelle est à un niveau très bas ;
ils n'ont que des idées très primitives sur les poids et les
mesures; leur commerce est des plus simples; ils échangent
ordinairement leurs produits contre les objets dont ils ont
besoin. La mesure du batmane dépend toujours de la gros-
seur de la tête de celui qui achète ; ce sont les bonnets qui
remplacent les mesures de capacité.
La tradition dit : Que les premiers agriculteurs du Karaté-
ghine étaient les deux Kirghis Kara et Teghine, à qui le pays
doit son nom.
Aujourd'hui, les descendants de ces deux bons Kir-
ghis suivent très mal Fexemple donné par leurs prétendus
aïeux. '
En i878, on comptait dans ce pays environ 400 villa-
ges avec 63 766 habitations. En général, on compte six per-
sonnes pour une habitation, ce qui fait un total approximatif
de 382000 àmes^ M. Ochanine rapporte que les champs
sont divisés en champs soumis aux irrigations naturelles et
en champs soumis aux irrigations artificielles ; le nombre de
ces derniers est proportionnellement très petit. La vallée
d'Obiyasman fait exception à la règle, elle est entièrement
arrosée par des canaux dlrrigation. On cultive Torge, le
tabac, l'ail et l'oignon; le blé de Turquie et le tabac sont
rares; les gelées blanches sont très préjudiciables à la cul-
ture. Les champs se trouvent parfois sur des pentes si abrup-
tes, qu'on comprend difficilement comment les Karatéghinois
peuvent y arriver avec leurs bœufs et les labourer. La récolte
est descendue au moyen de traîneaux.
Presque tous les manœuvres, dans les caravansérails de la
plaine, sont des Karatéghinois recherchés pour leur force,
leur exactitude et leur probité.
* Arendarinko, RuttUche Revw, 1882.
38 SÉANCE DU 6 JANVIER 1887.
M. Regel S venant du pays des Matchas dans le Karaté-
ghine (1881), après avoir franchi le défilé de Pakchif, con-
state, sur les pentes méridionales^ Texistence de quelques
oasis dont les habitants s'adonnent à la culture ; dans la ré-
gion forestière qui doit sa fertilité à Tirrigation pratiquée
sur un sol excellent ; le Tadjik est frugivore, et dans des
pacages alpestres il s'occupe de l'élevage des bestiaux.
M, Regel continue sa route et descend la vallée du Sorbokh
obstruée souvent par des avalanches et garnie par des forêts
de genévriers et d'arbres fruitiers sauvages qui ofTrent un
refuge agréable à Tours au poil fauve. Au fond de la vallée
du Sourkhab, Je voyageur aperçoit à perte de vue des vergers,
des bocages, des pommiers sauvages entremêlés de vigou-
reux ceps de vignes et de noyers aux feuilles luisantes.
C'est le Karatéghine, le grenier tant vanté des pays pami-
riens.
Vivant dans une solitude patriarcale, le Karatéghinois ne
connaît ni la monnaie, ni le marché, ni le mensonge, ni le
vol, ni l'adultère. Seul, Thomme sans patrie est considéré
comme hors la loi et vendu comme esclave.
La guerre incendie rarement ces paisibles vallées dans
lesquelles le pâtre conduit ses moutons sur les bords ver-
doyants du Sourkhab ou sur les prairies élevées des Alpes
Karatéghinoises ; le cultivateur fait giisser les traîneaux char-
gés de blé, attelés de bœufs, le long des sentiers calcaires de
ces pentes abruptes. Arrivé à Harm, la capitale du pays, le
chef de la vallée assigna au voyageur une simple demeure ;
le vénérable vieillard s'avança appuyé sur un bâton et suivi
de serviteurs chargés de fruits du pays en signe d'offrande ;
il donna volontiers des renseignements sur son pays et sur
ses mœurs et invita le voyageur et ses compagnons à visiter
son château, où un charmant garçon, dernier rejeton de l'an-
cienne famille royale, s'informa avec curiosité du pays du
Tsar-Blanc et de celui des Francs.
t Regel, ibid.
DE UjrALVY. — SUR LES GALTCHAS. 39
M. Regel fait remarquer la difTérenoe qui existe entre la
duplicité et la dissimulation des Bokhariotes et Thonnète
franchise des Karatéghinois.
Lorsqu'il quitta le pays, le yieillard l'accompagna de ses
plus ferventes prières et de ses chaleureux souhaits.
Les deux derniers voyages de M. Regel dans la haute vallée
de rOxus nous ont ftiit connaître le Darwfls et le Chougnân,
pays mystérieux que, jusqu'à ce jour, le pied d'aucun Anglais
ni d'aucun Russe n'avait encore foulés. Le célèbre sanscritiste
de Tubîngen,M. Roth, a magistralement condensé, en quel-
ques pages, les découvertes de M. Regel par rapport aux
habitants du Darw&z et par rapport à leurs mœurs et à leurs
coutumes.
En abordant la partie du Darwàz qui s'appelle Tchilass, le
voyageur franchit un pont de 45 pas de longueur et entre
dans le bourg de Tevil-Dara, où son œil se réjouit à la vue
des maisons bien alignées, aux couleurs claires, avec des
fenêtres au-dessus des portes, et entourées de jardins soigneu-
sement cultivés.
Le Tadjik du Darwàz peint les murs de ses chambres en
noir. Un coin intérieur de la grande chambre est occupé par
une espèce de poêle couronné par de véritables palissades
derrière lesquelles les femmes et les jeunes flllesvaquent aux
occupations domestiques ; quant à la fumée, elle s'échappe
par un trou pratiqué dans le toit plat de la maison ; les pro-
visions sont resserrées dans des boîtes en argile exhaussées
sur quatre pieds afin de les protéger contre les souris.
L'amour de Tordre est si grand chez ces gens, que chaque
ustensile de ménage, chaque petit balai à main est placé
dans une niche pratiquée dans le mur et affectée à cet usage ;
les poulets et les perdreaux même sont gardés avec un soin
égal dans des niches disposées parfois au-dessus des bancs
en terre battue qui courent le long des murs et servent de
couche aux indigènes.
Les habitants de la vallée de Wakhia sont obligés souvent
de quitter leur vallée trop peuplée ; on les rencontre alors
40 SÉANCE DU 6 JANVIER 4887.
dans tous les pays voisins comme ouvriers, marchands de
bestiaux, orpailleurs, ils sont affublés de leur gros manteau
en laine brune, vêtus de leurs bas multicolores montant jus-
qu'aux genoux, de leurs chaussettes en cuir de chevcd, et
ornés de leurs longs cheveux châtains ébouriffés qu'aucune
paire de ciseaux musulmans ne taille. Cependant ils préfèrent
toujours au piiao bokhariote leur plat de haricots ou de
fèves et leur soupe aux choux.
Quelque temps après. Regel atteint la vallée principale du
Darwâz et fait à la nuit son entrée à Kalaïkhoumb (Rila-
khoumbo), la capitale du pays ; des torches surgissent de
toute part; des soldats bokhariotes, à la barbe grise, vêtus de
leurs uniformes rouges, présentent les armes, obéissant à
des commandements en langue russe; des cavaliers riche-
ment vêtus guident les voyageurs à travers la grande rue du
bazar éclairée par des lanternes. On arriva bientôt près d'un
poste de soldats qui gardait Tentrée d'un château formidable.
Le voyageur fut reçu par le beg du Darwâz et le chef des
troupes, et lorsqu'on fut assis autour d'une table dressée au
milieu de la salle d'apparat, le vieux beg entama une conver-
sation animée dans laquelle il raconta son voyage dans la
capitale de la Russie lors du mariage du duc d'Edimbourg.
Les premiers jours passés à Kalaïkhoumb s'écoulèrent
agréablement; les voyageurs étaient charmés tantôt par le
spectacle des vagues écumeuses du fleuve Pendj, qui, à ce
point, décrit un circuit formidable en se frayant un passage
à travers des masses abruptes et rocheuses, tantôt par la vue
de la silhouette grisâtre de l'antique château fort dont les
tours de pierre surplombent le fleuve et se dressent vertica-
lement sur ses bords à pic, tantôt par l'aspect des rangées
de maisons bien alignées devant lesquelles des soldats aux
uniformes éclatants circulent en se pressant ou se rangent
sur le passage de la musique persane. Puis ce sont des
pécheurs qui jettent leurs fllets ou bien des cavaliers et des
conducteurs d'ânes qui se dirigent vers des bourgades voi-
sines ; ils suivent l'étroit sentier qui serpente le long des
DB UJPALVT. — SUR LES GALTCHAS. 41
flancs des montagnes; puis encore des cultivatenrs anx
chanssettes rouges et aux bas multicolores grimpent pénible-
ment en suivant les zigzags du chemin, leurs paniers de
forme conique sur le dos ; ravissants paysages qui enchantent
le voyageur plein d'appréhension, lorsqu'il voyait un nageur
muni d*outres en peau de bœuf se laisser aller au gré du
courant et disparaître soudainement près d'un rapide pour
reparaître ensuite près de la rive opposée du fleuve.
L'ange de la mort plane souvent au-dessus de la ville, car
les détritus de la population dense produisent dans cet air
chaud de mauvais miasmes ; si Touragan venant des cimes
des montagnes ne les chasse pas avec son souffle purifica-
teur, l'étranger surtout devient la proie des fièvres perfides.
C'était aussi un délassement pour le voyageur de se promener
sous les platanes ombreux du parc du château, d'y voir
paître le gibier des montagnes^ d'y contempler de beaux
paons faisant la roue, en laissant fondre dans sa bouche des
pèches grosses comme des pommes ou en suçant le jus rafraî-
chissant de grenades rouges comme du sang. Celui qui s'as-
sied dans ce parc, près du trône verdoyant du magicien
Ka-Kal^ celui qui contemple les deux jattes en pierre qui se
trouvent près du pont, jattes appelées khoumb^ qui ont donné
leur nom à la ville et h un affluent du fleuve qui l'arrose, voit
involontairement se dresser devant ses regards les ombres
des héros iraniens et celle du grand Alexandre.
Longtemps le Dàrwâz fut le plus important des petits
empires du Haut-Oxus et ses princes se vantèrent de des-
cendre du grand Macédonien.
Hélas ! aujourd'hui leur puissance s'est évanouie et a fait
place au pouvoir brutal des Bokhariotes. Le dernier rejeton
de lafamille royale se retira au Badakchan, où la cupidité des
Afghans le livra bientôt à ses ennemis qui le sabrèrent
et plantèrent sa tète au sommet du château de ses pères à
Kalalkhoumb.
Plus tard, le voyageur décrit les villages aux maisons
blanches surmontées de toits à pignon; les tourelles, les bal-
42 BÉiUlGB DU 6 UTITIER 1887.
cons percent partout la sombre feuillée et présentent un
aspect riant ; plus loin, il voyait, se détachant sur les murs
blancs des maisons, des dessins enfantins d'arbres et d* ani-
maux avec lesquels les Darwaziens ont Thabitude de décorer
leurs habitations. Il apercevait des granges perchées sur des
blocs de pierre ; au moyen d'échelles, on descendait les provi-
sions pour remplir les coffres en argile et les combustibles pour
alimenter les poêles. Là, des hommes aux poitrines velues
cultivaient des champs de coton ou de tournesol, et, dans
réloignement, des femmes et des jeunes filles étaient assises
près de leurs rouets, les tresses blondes et brunes de leurs
cheveux ornés de rubans tombent sur leurs rondes épaules.
Le peuple du Darwâz se distingue encore des autres Tad-
jiks des montagnes, en ce sens que l'esprit ombrageux de
rislamisme lui est resté étranger et qu'un fils de ce pays a le
droit de choisir librement sa compagne.
Les tableaux les plus variés passèrent ainsi devant les yeux
émerveillés du voyageur; ici, c'était un platane gigantesque,
dans le tronc creux duquel on avait disposé une école et un
lieu de prière ; plus loin, une ferme, un moulin ombragé, une
ruine, dernière trace des temps légendaires ; encore plus
loin, un paisible cimetière aux tombes oblongues entourées
de pierres et recouvertes de plaques ; elles sont ornées, sur
le devant, d'une simple pierre tombale sans aucun signe.
Regel rencontra aussi un chasseur d'ibex, armé d'un fusil à
mèche et d'un javelot, qui grimpait sur les montagnes ; puis il
distingua le corps velu d'un moine nu, qui, de l'autre côté
du fleuve, lançait, à l'aide de sa fronde, des pierres contre
les Bokhariotes détestés ou contre les uniformes blancs des
Russes, leurs hôtes.
M. Regel fait ensuite une description émouvante des dan-
gereux balcons en branchages qui remplacent souvent les
corniches taillées dans le roc ; la terre s'effrite sous le sabot
des bêtes et la lueur blanchâtre de l'eau apparaît entre les
Assures béantes des poutrelles. Lorsque l'eau est basse, les
Darwaziens construisent ces frêles balcons à l'aide d'écha-
DE UJFALVT. •— SUR LES GALTGHAS. 43
faudages; ils les enlèvent aussitôt que leur pays est en dan-
ger et le voyageur aperçoit alors des rangées de pitons fichés
dans le flanc des montagnes, aspect qui lui produit un effet
étrange.
Regel ne put rester que deux jours dans le Wœndch ; il fut
frappé de la fréquence des goitres chez les habitants. Le sort
de ces montagnards est des plus misérables; les céréales
viennent rarement à maturité et seul le fruit du mûrier leur
fournit un pain douceâtre et gluant. Quelques-uns d*entre eux
s'enfoncent dans la montagne pour en extraire les minerais
de fer, ils attendent souvent pendant quelques mois le résultat
incertain de la fonte pratiquée dans les mines. Les crampons
et les socs de charrue qu'on forge avec ce métal sont échangés
dans les cantons voisins ; cependant personne ne voulut
montrer au voyageur ces modestes mines.
Malheureusement, M. Regel dut rebrousser chemin et
céder devant la mauvaise volonté des employés bokhariotes ;
mais, Tannée suivante, il prit sa revanche et pénétra dans le
Ghougnân ; là, il reconnut le grand lac Ghiva signalé par
Wood.
Les Afghans, qui sont devenus les suzerains de cette petite
principauté, forcèrent le hardi explorateur à quitter le pays,
n paraît certain pourtant que M. Regel nous fournira bientôt
sur le Ghougnân un récit tout aussi intéressant et tout aussi
nourri de faits que celui qu'il nous a donné sur le Darwâz.
La séance est levée à cinq heures et demie.
L'un des êecrélaires : manouvrier.
44 SÉANCE DU 20 JANYIER 1887.
U5«SfiANCE. — S0jtnfierl887.
Préflldeiiee 4e M. IIA«IT«T, prémldenU
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
GORBESPONDAIfCB.
Envoi, par le notaire de la Société, d'an titre de rente de
167 francs provenant du legs Bertillon.
M. le Secrétaire général annonce la clôture du concours
pour le prix Broca.
r Une lettre de M. Mahoudeau, posant sa candidature au
titre de membre titulaire.
^^ Lettre de M. G. Hubbard, député, remerciant la Société
d'anthropologie de Favoir élu membre titulaire.
3** Lettre de candidature de M. le docteur Prosper Guillot,
médecin de T classe de la marine, demandant le titre de
membre titulaire.
4* Une lettre de faire part annonçant la mort de M.,Gar-
biglietti.
nÉCLAMATIONS AU SUJET DU FONCTIONNEMENT DES COMMISSIONS.
A propos de la désignation de M. Charnay comme membre
de la commission chargée de la rédaction des instructions
pour TAmérique centrale, M. Sanson propose de confier au
Bureau le soin de la convocation des commissions qui, actuel-
lement ne fonctionnent plus, aucun de leurs membres ne se
croyant suffisamment autorisé pour provoquer les réunions.
M. DE Nadaillac demande qu'elles soient convoquées une
heure avant les séances de la Société.
M. le Secrétaire général énumère un certain nombre de
commissions, qui, nommées depuis quatre ou cinq ans, n'ont
jamais entrepris les travaux dont elles étaient chargées.
Plusieurs membres en signalent d^autres qui sont dans le
même cas.
DE MORTILLET. — HACHE EN PIERRE DE LA GUADELOUPE. 45
Sur la proposition du PRÉsiDEyr^ il est décidé que les con-
TOcatioDs des commissions seront confiées désormais aux
soins du Secrétaire général, qui d'ailleurs en fait partie de
droit.
OUVBAGES OFFERTS.
Annales du musée GuniET, t. XI et XII : De Groot. Le$ fite$
anmiellement célébrées à Emoui (Amoy)^ étude concernant la
religion populaire des Chinois. Paris, 1886, in-4^, 832 pages.
Thuué (H.). Les Enfants assistés de la Seine. Paris, 1887,
in-4<*, 657 pages.
Revue d^ anthropologie^ dirigée par Paul Topinard, parais-
sant tous les deux mois. Numéro du 15 janvier 1887. Sommaire
des mémoires originaux : Carte de la répartition de la couleur
des yeux et des cheveux en France (suite), par Paul Topi-
nard ; la Nomenclature quinaire de Tindice nasal du vivant,
par le docteur Gollignon ; Contribution à la sociologie des
Australiens, par Elie Reclus ; Observations anthropologiques
recueillies dans la Guyane et le Venezuela, par le docteur
Ten Kate ; la Dépopulation de la France, par G. de Lapouge.
H. Topinard appelle Tattention sur le tableau des types
polychromes annexés à son mémoire sur la carte de la cou-
leur en France. L'un de ces types, celui inscrit sous la lettre Ë
et dit châtain jaunâtre^ a été manqué au tirage. 11 sera cor-
rigé dans les tableaux semblables destinés aux Bulletins de
la Société.
CANDIDATCEBS.
M. P.-G. Mahoudeau, présenté par MM. Letourneau, Pb.
Salmon et Hervé, et M. Guyot (Prosper), publiciste, présenté
par MM. Letourneau, Salmon et Sébillot, demandent le titre
de membre titulaire.
ÉLECTIONS.
MM. le docteur E. Guillot et Thibullbn (Adrien) sont élus
membres titulaires.
46 SÉANGB DU 90 JAHYIBR 4887.
PIUBSENTATIONS.
PAR M. A. DB MORTDLLET.
J'ai rhonneur de présenter à la Société çt de donner au
musée Broca, de la part de M. Frédéric Adam, de Pointe-
à-Pitre, le moulage d'une fort belle hache en pierre trouvée à
la Guadeloupe. Gomme tous les instruments en pierre polie
recueillis dans presque toutes les Petites Antilles, cette hache
est en roche volcanique. C'est la pièce la plus remarquable,
comme travail et perfection de forme, de Timportante* collec-
tion préhistorique réunie par M. Louis Guesde, de Pointe-
à-Pitre. Parfaitement polie et plus symétrique que ne le sont
en général les haches de ce genre, elle se compose d'une
lame en forme de trapèze terminée à la base par un largç
tranchant, lame au-dessus de laquelle est un col on étran-
glement surmonté de deux tètes d'oiseaux à crêtes et à becs
recoturbés. Ces haches peuvent être rapprochées de certaines
haches océaniennes, dites haches de commandement^ fixées an
sommet de manches quadrangnlaires richement sculptés à
jour. Gomme ces dernières, elles devaient être emmanchées
en manière d*hentiinettes.
J'attirerai encore l'attention de la Société sur une particu-
larité que présente la hache de M. Guesde. Sur une des faces,
entre le haut de la lame et le col^ se trouve une dépression
très visible, et surtout très sensible au toucher, qui doit,
suivant toutes probabilités, marquer la place d'une sorte de
cheville ou coin qui devait servir à resserrer la ligature qui
entourait le col.
Discussion
M. Hamy. Les haches de pierre, du type de celle qui vient
d'être déposée sur le bureau de la Société, ne sont pas très
rares aux Petites Antilles. M. Guesde et M. Rousselot en ont
DISCUSSION SUR UNE HACHE EN PIERRE DE LA GUADELOUPE. 47
recueilli plusieurs à la Guadeloupe et à Sainte-Lucie; ]a
Grenade en a fourni bon nonobre d^autres à MM. Lowe, Gorn-
wall-Lewis, Grifflths, Deans, etc.
J*ai vu ces dernières pièces à l'Exposition coloniale de
Londres où les, antiquités caraïbes abondaient d'ailleurs.
L'archéologie des Antilles anglaises, à peine ébauchée il y a
quelques années, est maintenant à peu près faite. La Grenade,
Saini-Vincent, la Barbade, Sainte-Lucie, la Dominique, An-
tigoa, Nevis, ont été très attentivement explorées et se sont
trouvées aussi abondamment fournies de choses antiques que
la Guadeloupe, qui passait pour exceptionnellement riche à
ce point de vue particulier.
Les industries se localisaient d'une faQon très remarquable
chez les anciens habitants des Antilles. Par exemple, les
pierres mammiformes, relativement nombreuses à Porlo-
Rico, sont rares dans les îles du Vent. Antigoa, Saint-Martin,
Saint-Vincent, la Barbade en ont seules fourni des spécimens
isolés. Par contre, les haches à gorge qui manquent presque
complètement à Porto-Rico, abondent dans la plupart des
terres de l'Est.
Les haches en coquille sont spéciales à la Barbade, tout
en se trouvant aussi parfois à ta Grenade, à Antigoa, à
Nevis.
Les amulettes en marbre viennent de Haïti, enfin les haches
en pierre à figures sculptées semblent plutôt originaires de la
Guadeloupe.
M. Hamy montre une de ces haches récemment entrée dans
les collections du Musée d'ethnographie. Cette hache» qui
offre le type des celts à section ovale et d crosse conique (Evans),
est longue de 154 millimètres^ large de 63, épaisse de 43;
Tune de ses faces porte en relief une grossière figure humaine,
dont le contour facial, les yeux étroitement fendus, le nez,
la bouche et les deux bras se dessinent en saillie de 3 à
4 millimètres. La face postérieure est coupée d'un bandeau
en reUef de 20 à 26 millimètres de haut sur lequel s'amorcent
les bras du personnage. Il y a lieu de rapprocher cette pièce
48 SÉANCE DU 20 JANVIER i887.
de Tune de celles que possède le musée Berthoud, à Douai,
et dont les moulages ont été jadis offerts à la Société d'an-
thropologie.
M. Hamy termine cette courte communication sur les
antiquités des Petites Antilles en montrant deux photogra-
phies qui représentent une grande pierre sculptée sur trois
faces, haute de 22 pieds anglais, qui a élé découverte dans
Tîle Nevis par sir GrahainBriggs. On distingue assez malaisé-
ment sur cette pierre trois figures humaines nues, portant
toutes trois une coiffure bizarre. Entre leurs jambes écartées
apparaissent des têtes coupées qui sont peut-être celles des
ennemis vaincus. On trouvera dans la Revue d'ethnographie
(i886, p. 461) la reproduction de ce remarquable monument.
FcBtms eyelope;
PAR M. LE DOCTEUR ELIT.
M. le docteur W. Blet met sous les yeux de la Société un
fœtus humain qui présente un exemple intéressant de fusion
des deux yeux sur la ligne médiane.
NoiiTelle néthode de eéphalonélrle;
PAR M. LUTS.
M. Luys présente de nouveaux appareils céphalométriques
de son invention, destinés à prendre les courbes du crâne
suivant ses trois dimensions.
Us forment une série de trois instruments qui se com-
plètent les uns les autres : l'un est destiné à prendre les
courbes antéro-postérieures du crâne, Tautre la courbe cir-
culaire, et le troisième la courbe biauriculaire *.
Us sont conçus, tous les trois, sur des données identiques.
Us se composent de clavettes mobiles dans un cadre et sus-
i Ces instrameats sont dessinés avec détails dans le travail original de
l'auteur, inséré dans le journal CSncéphaUf 1886, n» de novembre.
LUTS. -— JfOUVELLE MÉTHODE DE CÉPHALOMÉTHIE. 49
ceptibles d*êlre ionmobilisées sur place à l'aide des viroles
au moment où elles ont pris le contour demandé. Un système
spécial d'encliquetage permet d'ouvrir le cadre et de porter
sur une feuille de papier, sous forme d*un graphique spécial,
le contour du crâne pris dans tel ou tel diamètre. Chacun
de ces instruments donnant un graphique propre^ permet
d'établir sur chacun d'eux des conventions géométriques
spéciales. Ainsi le graphique antéro-postérieur permet d'ap-
précier le diamètre antéro-postérieur du cerveau, de même
que sa hauteur verticale à partir du point auriculaire. Le
graphique circulaire indique Vasymétrie crânienne, plus fré-
quente que Ton ne croit, et la fixité des régions cérébrales
postérieures opposée à la variabilité des régions antérieures
du même cerveau. Les graphiques biauriculaires confirment
les données précédentes, en permettant de vérifier les asy-
métries méconnues ainsi que la hauteur verticale du cer-
veau.
En appliquant l'étude des contours du crâne à celle du
cerveau sous-jacent à Taide d'une série de coupes cranio-
cérébrales, on peut arriver à délimiter assez exactement les
groupes corticaux correspondant à telle ou telle région crâ-
nienne. C'est ainsi qu'on peut certifier que la saillie du para-
central correspond à la partie culminante du vertex et un
peu en arrière, et les circonvolutions pariéto-temporales aux
bosses latérales postérieures.
A l'aide des chiffres fournis par les diamètres multiples des
graphiques précités, on peut établir des données capables
de jauger, chez des sujets différents, la valeur relative de
tel ou tel de ces diamètres. On peut aussi faire des tableaux
qui indiquent que tel individu, quia, par exemple, un diamètre
antéro-postérieur très développé, a, par contre, un diamètre
circulaire rétréci en tel ou tel point, et qu'il présente une
compensation. C'est ainsi qu'avec une apparence céphalique
amoindrie, certains sujets présentent néanmoins, par com-
pensation, une masse cérébrale à peu près normale.
Les données fournies par cette nouvelle méthode de men-
T. z (3« série). 4
50 SIÎANCE DU 20 JANTIER 1887 J
sorations céphaliques pourront être avec succès appliquées
chez les jeunes sujets pour Tétude du développement céré-
bral d'année en année, ainsi que chez les jeunes gens, de
façon à obtenir des données précises qui font complètement
défaut sur le déyeloppement du cerveau aux différentes
époques de son évolution.
Enfin, par cela même qu'elles apportent une précision plus
grande à la connaissance anatomiqae du crâne, ces données
nouvelles pourront être d'un grand secours dansTétude de la
recherche de Tidentité des criminels et fournir ainsi des
moyens fixes de confrontation des siyets soupçonnés.
DitoustiOB.
M. Manouvrisr, tout en rendant hommage à Tingéniosité
des instruments de M. Luys, a le regret de dire que ces
instruments sont très inférieurs à ceux dont on se sert de-
puis quinxe ou vingt ans dans le laboratoire de Broca, no-
tamment au céphalomètre d'Antelme et au stéréographe de
Brooa.
Le céphaiomètre d'Antelme, outre qu'il est d'une exacti-
tude parfalle,^ présente l'avantage de fournir à la fois les
courbes céphaliques dessinées et exprimées en chiffres, puis-
qu'il mesure tous les rayons auriculaires de degré en degré.
Le stéréographe de Broca permet de dessiner en un. instant le
crâne sous toutes ses faces, et l'on peut prendre sur les des-
sins ainsi recueillis toutes les mesures possibles.
Quant aux résultats obtenus par M. Luys, ils représentent
l'état primitif de la craniologie et ne méritent pas d'être mis
en regard de ceux que connaissent tous les craniolc^istes.
De nombreux et excellents travaux ont été faits en France
par Broca et ses élèves, en Allemagne, en Italie, en Angleterre,
en Russie et jusqu'en Amérique, qui ont élucidé depuis long-
temps les questions qui viennent d'être aperçues par M.Luys.
En ce qui concerne la situation du lobule paracentral, M* iMUi-
nouvrier dit qu'elle est loin d'être constante, ainsi que l'ont
DISCUSSION SUR UME NOUVELLE MBTaOOE DE GÉPHALOMÉTRIE. 51
prouvé noiammant les recherches de Broca et de M. Féré sur
)a topographie cranio-cérébrale. U ^oute que la ligne courbe
supérieure de Toocipital ne correspond pas toujours à Tex-
trémité postérieure et inférieure du cerveau, attendu qu'elle
est située assez souvent à un niveau différent de celui de la
protubérance occipitale interne qui, seule, constitue la limite
fixe du cerveau. En avant^ ce n'est pas à la racine du nez,
mais à un point situé à 15 on âO millimètres pins haut sur
une ligne tangente au toit des orbites, que correspond la
limite antérieure et inférieure du cerveau.
M. G. Lagmeau* Les instruments de notre collègue, II. Lnjrs,
diffèrent complètement du eéphalomètre d*Antelme^ et du
stéréographe de firoca*. Ils se rapprochent beaucoup plus du
conformateur^ auquel ils apportent des modifications avanta-
geuses*
Plusieurs anthropelogistes,BiM.Broea*y Har(ing(d*Utrechi),
Le Bon, Lacassagne et Cliquet^, se sont servis du fonnion et
du eonformateur des chapeUers, inventés par M. Allié pour
prendre des mensurations céphaliques. Mais Tapplication de
ces instrumente a paru offrir quelques difficultés.
D'abord tous les dessins ou découpures que les chapeliers
obtiennent en réduisant, de la longueur des clavettes, c'est*-
à-dire d'une quantité à peu près égale, les diamètres céphali-
ques inégaux, aussi bien le bilatéral que Tantéropostérieur,
m donnent nullement U forme réelle de la tête. Quant aux
dessins non rédu ite« ils peaveat être pbu exaeis.
P(wr U cireoDfiérence horizontale de la tête, si le confor-
inaieiir n'est pas appliqué avee le plus grand soin, s'il n'est
« Anlelme, Note sur la céphalométrie {Mémoires de la Société d'atUhrop^
logU, t. I, p. 837 etc., 18 juillet 1861).
» Broca, Sur le stéréographe, instrument craniographique destiné à des-
siner Unu lês déiaiis du reitefdes eorpe sdidee {Mémoires de USoeiéiéd^an-
thropoU>9iê, t. 111, p. 99, eU., 7 déeerabre 1SS5).
* Broeft, iSair un nommu eâpheUogrmpkê {Bull, de la §êe. d'atUkr^p., L I,
p. SOi« IS déeomJbra iSSi).
« LacasMgoe et Cliquet, De l'influence du iravêU kUêUêohtsl test U v^
Imm ^ la fêrm de U We {Anmtdss éfh^glèm, •• «éri*, t* L, p. S0'4i, iS7S}.
52 SÉANCE DU 20 JANVIER 1887.
pas maintenu dans une parfaite iiorizontalité, il exagère
considérablement les asymétries de la tête *.
Enfin le conformateur de M. Allié ne peut servir à prendre
la courbe verticale, an téro -postérieure, fronto-occipitale.
Contrairement, les appareils de M. Luys ont cet avantage,
car, grâce à la division de la série des clavettes et d'un encli-
quetage, on peut les écarter de la tête et leur faire reprendre
la situation qu'elles avaient lorsqu'elles étaient appliquées
sur la tête. Toutefois, si la réalisation et l'application de ces
appareils reviennent entièrement à M. Luys^ il est juste de
reconnaître que l'idée première de ces modifications appor-
tées au conformateur semble appartenir à Broca. En effet, le
19 décembre 1861, en présentant à la Société des dessins de
circonférences horizontales de la tête obtenues avec le con-
formateur de M. Allié, il ajoutait : « Pour obtenir de la même
manière les autres courbes du crâne, la courbe antéro-pos-
térieure par exemple, il faudrait scier Tinstrument en deux
parties, ce qui ne serait pas difficile ; et M. Mathieu était sur
le point de faire pour moi cette modification, lorsque mon
collègue de Bicètre, M. Marcé> me fit connaître un procédé
beaucoup plus simple, plus rapide et plus complet dont je le
crois rinvenleur, et qui consiste à prendre les courbes de la
tète et du crâne avec des lames de plomb'. »
Quant à prendre, chaque année, sur les écoliers et les
lycéens la forme de la tète, ainsi que le propose M. Luys, in-
contestablement ces mensurations successives auraient l'avan-
tage de nous faire mieux connaître le développement cépha-
lique selon les âges et suivant les races ; mais, dans leur
application, ces mensurations offriraient plus d'une diffi-
culté.
1 Brocti, Sur la fausseté des réstdtais réphalométriques obtmw à l'aide
du conformateur des chapeliers {BuU, de la Soc. d*anlhrop,j 3» série, t. II,
p. 101, etc., 5 février 1879). — Gustave Le Bod, Sur Vinégalitédes régions
correspondantes du crûne {Bull, de la Soc. danthrop., 3« série, t. I,
p, 104, etc., 7 mars 1878).
s Broca, toc. dt. (BuU. de la Soc. d'anthrop., 1. 1, p. 688, 19 décembre 1861.)
DISCUSSION SUR UNE NOUVELLE MÉTHODE DE GÉPHALOMÉTRIB. 53
M. LuTS n*a pas cru devoir faire l'historique et l*énumé-
ration des céphalomètres; il pense que les siens ne présen-
tent ancnn des inconvénients signalés chez les autres. Quant
aux résultats obtenus, s'ils sont confirmés par ceux anté-
rieurement recueillis, il ne peut que s'en applaudir. Il main-
tient l'exactitude de sa topographie cranio-cérébrale. Elle
repose sur des coupes pratiquées sur un sujet dont la tête
' avait été congelée dans la position assise. Le contenu intra-
cr&nien ayant été ainsi immobilisé, les coupes lui ont donné
entre le contenant et le contenu des rapports dont l'exacti-
tude ne peut être contestée.
M. Hamy fait observer que les reproches adressés au cépha*
lomètre d'Antelme ne sont mérités que lorsqu'ils s'appliquent
aux appareils dits perfectionnés^ construits dans ces dernières
années. Le véritable céphalomètre d'Antelme^ dont le Mu-
séum possède le modèle primitif^ est irréprochable. Le fonc-
tionnement en est simple et rapide. Plusieurs de nos collègues
Tout utilisé avantageusement, et il a donné jadis, eu Laponie,
entre les mains de Bravais et Martins, d'excellentes obser-
vations.
M. TopiNARD, La communication de M. Luys a soulevé une
multitude de questions générales et particulières sur lesquelles
il y aurait beaucoup à dire et sur lesquelles je tiens expres-
sément à faire mes réserves. J'espère que M. Luys voudra
bien nous laisser son instrument au laboratoire, je l'expéri-
menterai et vous en parlerai davantage si vous le voulez.
Je me borne pour le présent aune seule observation. M. Luys
nous dit qu'il faut des faits nombreux pour établir la
correspondance des parties extérieures du cerveau avec
les parties extérieures du crâne ; et il nous en cite un, celui
de la congélation, par lui, d'une tête. Il paraît oublier
que Broca a publié un important travail sur la question. Les
pièces sont au laboratoire et elles sont nombreuses. On
connaît le procédé Broca, c'est celui des fiches plongées à tra-
vers un trou perforé dans le crâne, jusque dans le cerveau
sous-jacent. Quant à l'instrument de M. Luys, qui n'est autre
54 «ÉANCE-ra 8 FÉVRIER 1887.
qae le conformateur des chapeliers conau depuis vingt^cinq
anS| je me réserve d'en parler plus tard.
La séance est levée à cinq heures et demie.
Vun de$ êecritaireê i fauvblle.
4i6« StANGB. — i féirier 1817.
IPrétfMeaea de M. MAGITirr, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
A propos du procès-verbal.
Sur tm nouveau céphalomètre. ^ M. Topinard. A propos de
la communicalion de M. Luys j'ai dit quelques mots dans la
dernière séance. Je ne voulais que faire mes réserves sur la
communication tout entière, pensant que je pourrais examiner
rinstrumentde près ensuite. Mais j'ai été entraîné à dire que
l'instrument n'était autre que le oonformateur des chape-
liers. Or, quelqu'un m'a interrompu et dit que je faisais une
confusion, que le conformateur d'Allié réduisait la circonfé-
rence et celui-ci point. J'ai répondu qu'il n'y avait aucune
confusion^ qu'il existait un autre conformateur donnant la
circonférence avec sa grandeur ordinaire. Or, depuis la der-
nière séance, j'ai été revoir ce conformateur. Il porte le nom
de conformateur Davin, il existe depuis vingt-cinq ans et
c'est exactement celui de M. Luys.
Procédé de la congélation pour les recherches de topographie
cérébrale, — Au nom de M. Féré, M. Hervé lit un passage d un
mémoire de Broca, dans lequel il est question des recherches
sur la topographie cérébrale faites par M. Féré au moyen de
la congélation du cerveau dans le crâne, bien antérieurement
aux recherches entreprises par M. Luys sur le même sujet.
Voici ce passage :
a Placé conmie externe à l'hospice de la Salpêtrière, où les
autopsies sont si fréquentes, M. Féré se mit à l'œuvre au mois
A PROPO0 D0 PROCÈS-VERBAL, 55
de janvierl875, et recueillit pendant le courant de cette année
de nombreuses observations, dont il a consigné les résultats
dans un mémoire communiqué à la Société anatomique en
décembre i875 et à la Société de biologie au commencement
de janvier 1876.
« M. Féré a étudié principalement la topographie des cir-
convolutions, et s'est servi pour cela du procédé des fiches.
Mais il s'est occupé, en outre, d'une autre question que ses
prédécesseurs n'avaient pas abordée. Elève de mon savant
collègue le professeur Charcot, qui poursuit avec tant de
talent l'étude pathologique et fonctionnelle des parties pro-
fondes des hémisphères, il s'est attaché à déterminer la posi-
tion des parties profondes par rapport aux parois crâniennes.
J'ai déjà dit que le procédé des fiches est applicable à ce
genre de refcherches, pourvu qu'on ait le soin de prendre
des fiches très longues et de les enfoncer suivant une direc-
tion exactement perpendiculaire à la surface du crâne; mais
il ne donne que des résultats partiels, parce qu'on ne peut
étudier le trajet profond d'une fiche sans pratiquer des inci-
sions qui déforment gravement les parties. M. Féré a donc
eu recours à des coupes pratiquées sur des têtes préalable-
ment congelées. Ce procédé doit porter son nom, car personne
avant lui n'avait appliqué la méthode, déjà ancienne, de la
congélation à l'étude de là topographie cérébrale.
« Le procédé de M. Féré donne à la fois les rapports des
organes cérébraux profonds et des circonvolutions tant ex-
ternes qu'internes. Il est bien supérieur à celui des coupes
ordinaires.
« Je rappelle que H. Féré ne s'est pas borné, comme ses
prédécesseurs, à l'étude des rapports superficiels des hémi-
sphères. Il a le premier poussé les recherches topographiques
jusque dans les parties profondes. » (Revue d'anthropologie^
1876, p. 193-248 et 278, et Broca, Mémoires d'anthropologie,
t. V, p. 494 et suiv.)
5G SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1887.
CORRESPONDANCE.
1® Uno lettre de M. le docteur Prosper Guillot remerciant
la Société de son élection ;
^ Une lettre de M. Vidal-Naquet demandant le titre de
membre titulaire.
RAPPORTS ADMINISTRATIFS.
Rapport de la oommUalon des flaMieest
PAR M. LE DOCTEUR WBI8GERBBR, RAPPORTEUR.
Messieurs, nous avons Thonneur de vous présenter le rap-
port de la commission désignée pour la vérification des
comptes de Tannée 4886.
La commission tient tout d'abord à signaler la régularité
avec laquelle sont tenus les registres de comptabilité et la
garantie qu'offre pour la Société le système adopté par notre
trésorier.
Elle n'a qu'à se louer de la bienveillance avec laquelle
M. le trésorier a bien voulu exposer le fonctionnement de
votre budget. Grâce aux précautions prises par lui, l'argent
encaissé est immédiatement versé en compte courant à la
Société générale, et les dépenses sont soldées par chèques.
La commission se plaît en outre à constater que, malgré les
multiples dépenses qu'exige le bon fonctionnement d'une
Société aussi nombreuse que la vôtre, le budget, grâce à une
bonne gérance, se solde de nouveau par un excédent d'actif
vous peimettant de faire, encore cette année, de notables
économies et d'augmenter votre capital de plus de iOOOfrancs.
Cette somme, placée d'après les statuts et règlements, ne fait
qu'accroître vos ressources pour l'avenir.
La commission a été à même de se rendre compte de toutes
les difficultés que M. le trésorier a eu à surmonter et du
zèle qu'il a mis à sauvegarder les intérêts de la Société.
La commission a donc l'honneur de vous proposer d'ap-
J. DENIKER. — MUSÉE BROCA ET BIBUOTHÈQUE. 57
prouver les comptes de l'exercice 1886 et de voter des
remerciements à M. le trésorier pour la sollicitade et le dé-
vouement avec lesquels il gère les fonds de la Société d'an-
thropologie.
Rapport de la comniMion do musée Braea
et de la hlMiotlièqae ■ ;
PAR H. J. DENIKER, RAPPORTEUR.
Messieurs, votre commission a examiné attentivement la
bibliothèque et le musée, et a trouvé tout dans un état aussi
satisfaisant que le permet Texlguïté du local. Elle n'a que
des félicitations à adresser au bibliothécsiire, au conserva-
teur des collections et à Tagent, M. Suby, pour le bon ordre
dans lequel sont tenues ces deux institutions.
D'après un état qui nous a été remis par M. Suby, la biblio-
thèque a reçu, pendant l'année i886, i77 ouvrages (iOI vo-
lumes et 103 brochures); un peu moins que Tannée précé-
dente.
La bibliothèque n*a acheté qu'un seul ouvrage : Eléments
de psychologie physiologique y par Wundt. Les autres livres et
brochures ont été donnés par leurs auteurs ou par quelques
généreux membres de la Société. Ainsi M. le docteur Prat a
offert 12 volumes ayant trait à la linguistique africaine ;
M"' Juglar a ajouté aux dix premiers volumes du Diction-
naire encyclopédique des sciences médicales donnés par elle en
1885, les dix tomes suivants ; M. Rousselet a fait don des
deux premiers volumes du Dictionnaire de géographie univer-
selle de Vivien de Saint-Martin; M. de Quatrefages a offert àla
Société %± volumes et 15 brochures traitant de philosophie,
de religion^ d^archéologie, d'anatomie, etc. ; puis 36 volumes
et S8 brochures russes, 2 volumes et diverses brochures
suédoises. Ce dernier don est très précieux, car il a permis à
votre rapporteur de compléter et de classer méthodique-
1 Commissaifet : MM. Lagoeau, Lefèvre et Deniker.
58 8ÉANGB DU 3 FÉTRIER 1887.
ment les publications de la « Société des amis des sciences
naturelles de Moscou » qui se trouvent à la bibliothèque. Ces
publications forment aiyourd*hui une belle collection de
200 mémoires ou brochures classés par volumes ou par ma-
tières, et dont les titres complets sont traduits par mes soins.
Voici un tableau indiquant les diverses branches de la
science auxquelles se rapportent les livres et brochures ache-
tés ou donnés en 1886 :
Livres. Brochures.
Anatomie. 2 15
Anthropologie générale 4 7
Archéologie 4 33
Biographie » 3
Craniologie 3 10
Dictionnaire médical 10 »
Ethnologie et voyages li 10
Hygièno » 2
Linguistique 13 7
Pathologie 9 2
Philosophie, religions» • 31 »
Physiologie 8 »
Statistique •• . . » 4
Varia S 5
Zoologie 8 »
Total 97 98
Dans le courant de TannéC) il a été relié 130 volumes de
différents formats.
Au musée, les entrées de cette année ont été, d'après
M. Suby, au nombre de 23, supérieures à celles de Tannée
^ passée ; mais elles ne représentent que 73 pièces, chiffre qui
n*a encore jamais été si faible pendant les six années qui
viennent de s*éoouler.
Il est d^usage que la commission exprime des vœux et
signale des améliorations à apporter dans Tétat et la gestion
de la bibliothèque et du musée. Chaque rapporteur annuel
ayant exprimé au moins deux ou trois vœux, cela fait au
bout de six ans une quinzaine. Nous avons pensé qu'il serait
utile de vous rappeler quelques-uns de ces vœux.
J. DENIKBR. ^ MUSÉE BROCA ET BIBUOTHÈQCE. 50
En ce qui concerne la bibliothèque, diyeni rapporteurs qui
m'ont précédé ont demandé :
l*" Un catalogue par ordre de matières ;
^^ Un catalogue des archives;
3* Le classement des collections photographiques ;
4* La publication d'un catalogue imprimé, etc.
Le premier de ces desiderata a été réalisé ; M. Suby a fait
un catalogue en fiches par ordre de matières. L'existence
de ce catalogue, à côté d'un autre, par noms d^auteurs, tous
les deux tenus au courant et toujours h la disposition des
lecteurs, rend inutile^ ce nous semble, la publication d'un
catalogue général qui coûterait fort cher et ne serait en
somme que la répétition d'un des catalogues en fiches, avec
ce désavantage qu'au bout de trois ou quatre années il
ne serait plus au courant. Quant au catalogue des archives,
sa nécessité ne nous semble pas être absolue, attendu que
les archives sont classées en cartons par ordre de ma-
tières, qu'il existe un registre chronologique pour leurs
entrées^ et que le nombre de pièces qui les composent ne
dépasse guère 3000 (dont la moitié sont des lettres et des
factures sans aucun intérêt scientifique). Ce qui est plus
urgent, c'est de procéder au classement de la collection des
photographies. Ce classement n'est pas difficile à faire, et
si la Société y consent, je me mets à sa disposition pour ce
travail.
Passons au musée.
Ici on a demandé beaucoup de choses : un inventaire,
un catalogue scientifique et descriptif, la mise en ordre et
le classement de la collection préhistorique ; on a signalé
la détérioration des collections ethnographiques, les diffi-
cultés du service pour le garçon, etc. Une partie des
améliorations indiquées par les commissaires qui nous ont
précédés ont été faites. Grâce à l'activité de MM. Suby et
Ghudzinski, on aaujourd'hui uninventaire annuel des pièces
du musée et* un catalogue en fiches des collections anatomi-
ques et craniologiques ; mais l'idée de la rédaction d'un cata-
60 SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1887.
logue scientifique et descriptif semble être complètement
abandonnée. Le classement de la collection préhistorique si
longtemps désiré, est enfin commencé par notre collègue,
M. de Mortillet, qui espère terminer ce travail^ au moins en
ce qui concerne les grandes divisions de Tâge de la pierre,
dans le courant de cette année. Mais Tétat déplorable dans
lequel se trouvent les collections ethnographiques est tou-
jours le même : les objets se détériorent, n'étant suffisam-
ment protégés ni contre la poussière ni contre les insectes
destructeurs. Ainsi, les mites ont mangé presque toute la
barbe à un masque polynésien et ont fait passer la momie
d*un homme égyptien à Tétat d*eunuque... Songez à quelles
graves méprises seront exposés les savants de l'avenir, le
jour où ils voudront consulter des pièces dans un tel état de
conservation.
Quoi qu'il en soit, malgré quelques défauts, le musée n'a
cessé de progresser^ et plusieurs améliorations ont été déjà
faites^ comme vous venez de le voir. Ce n'est donc pas tou-
jours œuvre stérile que d'émettre des vœux, et, epcouragés
par ces bons exemples, nous nous permettrons de vous en
soumettre quelques-uns, à notre tour :
1** Installation d'une armoire ou du moins de planches
provisoires dans la bibliothèque, car il n'y a plus de place
où loger les livres arrivants, et nous recevons plus de 200 vo-
lumes par an. Cette mesure est urgente, et si l'installation
n*est pas faite, l'ordre qui existait jusqu'à présent dans
notre bibliothèque menace d'être sérieusement compromis.
2® Classement et mise en ordre de la collection des photo-
graphies.
3* Achat de quelques ouvrages importants qui manquent
à la bibliothèque ; je ne citerai que la Pathologie comparée
de Bouley, le Dictionnaire des antiquités grecques et romaines
de Dareraberg et Saglio, etc.
4t^ Enfin, il nous semble que le moment est venu de
commencer un catalogue descriptif et scientifique du musée,
c'est-à-dire un catalogue comprenant les principales mesures
OUVRAGES OFFERTS. 61
de crânes et de sque. ettes, dans le genre de ceux qui ont
été publiés pour le musée des chirurgiens de Londres ou
pour les collections anthropologiques allemandes. 11 est vrai-
ment triste de voir qu'une des plus riches collections anthro-
pologiques de l'Europe reste jusqu'à présent sans description
et ignorée de la plupart des savants.
Toutes ces propositions peuvent être réalisées facilement ;
il ne faut, pour cela, qu*un peu d'argent et de la bonne
volonté de la part de quelques membres dévoués de la
Société.
Discussion.
M. Dally, bibliothécaire, dit que l'obstacle k Tachât de
livres a été le défaut d'entente des membres de la commis-
sion d'achat au sujet des ouvrages à acquérir. Il signale en
même temps l'encombrement de la bibliothèque par une
foule de livres sans intérêt anthropologique, et demande
qu'une commission soit nommée pour procéder à l'élimina-
tion des volumes inutiles. Il demande, en outre, qu'une in-
demnité annuelle soit donnée au conservateur des collec-
tions.
Ces diverses propositions sont renvoyées au comité cen-
tral.
OUVRAGES OFFERTS.
Gamba (A.). Nota frenologica sul cramo di Vincenzo Bellini.
Turin, 4886, broch. in-8«, H pages.
— Stato del museo craniologico délia R, Academia di Medi-
cina di Torino. Turin, 4886, broch. in-S'*, 4 pages.
Glosmadeuc (G. de). Découverte de stone-cists à ffec-er-VUl
{Quiberon), Vannes, 4886, broch. in-8*, 45 pages.
Levbsoue (P.-C). Histoire de Russie. Paris, 4842, 8 vol.
in-42, i atlas in-4*.
SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1887.
DONS AU HU8EB.
Oisements hurnams de féglise de Croisiy. — M. A. de Mor-
TnxBT. J'ai rhonneur d'offrir à la Société quelques ossements
humains provenant de la vieille église de Groissy, près Gha-
tou (Seine-et-Oise). Gette église, qui date du treizième siècle,
menaçant ruine, on en construisit il y a quelques années
une nouvelle ; mais la municipalité de Groissy , donnant
en cela un excellent exemple^ ne voulut pas se défaire
de Tancienne, sans y tenter quelques recherches. Deux
cents francs furent votés à cet effet par le conseil municipal,
et, sur la demande du maire de la commune, la Gommission
des Antiquités de Seine-et-Oise me chargea de surveiller les
fouilles. En retournant le dallage de Téglise, nous avons dé-
couvert une table d'autel du seizième siècle, deux pierres
tombales fort intéressantes du dix-septième siècle et plusieurs
autres pierres à inscriptions. A 60 centimètres au-dessous du
niveau actuel, se trouvait le sol ancien, et, à 80 centimètres
plus bas, un certain nombre de sépultures, sans aucun objet
qui puisse servir à les dater. Elles sont probablement du
dix-septième ou dix-huitième siècle, époques pendant les-
quelles on a enterré dans Téglise, comme j'ai pu m'en assurer
en examinant les vieux registres de l'état civil de la com-
mune.
Parmi les squelettes que j'ai pu recueillir, les uns appar-
tiennent à des hommes d*un Age avaneé, d*aatret à des
femmes moins âgées ; un de ces derniers était encore ai^eom-
pagné de longues mèches de cheveux blonds ondulés. Les
os isolés, parmi lesquels se trouvaient des tibias accusant un
peu de platycnémie et quelques fémurs à ligne âpre plus ou
moins accentuée, se trouvaient péle-méle dans une sorte de
charnier à l'entrée de l'église.
Cartes des Dolmens. — M. A. de Mortillet. J'ai l'honneur
de remettre à la Société deux cartes, sur lesquelles j'ai indi-
qué la distribution des dolmens. Ges cartes ont été faites
DISCUSSION SUR LE FEAU NATO. 63
pour un ouvrage de vulgarisation de M. Henri du Glenziou,
que vient de publier la librairie Marpon et Flammarion.
La première montre la distribution des dolmens en Europe,
en Asie et en Afrique.
La seconde donne d'une manière plus détaillée leur dis-
tribution en France. Les départements sont recouverts d*une
teinte rouge plus ou moins foncée suivant le nombre des
monuments qui y ont été signalés, nombre qui est du reste
exprimé en chifiEres au-dessous du nom du département.
Pour cette dernière carte, j*ai suivi, en la complétant au-
tant qu'il m*a été possible de le faire, Tinventaire de la sous-
commission des monuments mégalithiques.
CSes cartes n'ont en aucune ftiçon la prétention d'être défi-
nitives, mais elles sont plus complètes que toutes celles qui
ont été faites jusqu'à œ jour.
Veam moto. — M. Darbstb présente un veau fiato né au
Jardin d'acclimatation d'une vache et d'un taureau également
ftaiofl. M. Dareste annonce que l'autopsie de cet animal va être
ftite à son laboratoire, et invite les membres de la Société
qui le désireraient à y assister. Il s'agit de savoir si la mort
a été le résultat de quelque autre anomalie intéressant les
viscères.
Dîsoasiisii.
M. Sanson dit qu'il était venu à la séance précisément avec
l'intention d'entretenir la Société suir ce sujet. Il a d'abord
une rectification à faire à Topinion exprimée par lui il y
a une vingtaine d'années. On ne connaissait alors qu'un
seul crâne de veau ûato apporté d'Amérique par Darwin ,
et il ne suffisait pas d'un cas unique, avait dit M. SansoUi
pour faire admettre l'existence d'une race nouvelle. Cette ré-
serve était évidemment commandée par l'insuffisance des
renseignements.
En 1^69, il reçut du Mexique de nouveaux docomenis,
accompagnés de photographies d'une vache sans cornes pré-
64 SÉANCE DU 3 FÉVRIER i887.
sentant la conformation dont il s'agit. M. Sanson avait alors
pensé qu'il pouvait y avoir réellement des troupeaux entiers
ainsi conformés. Mais ayant prié M. le professeur Bernard,
de Santiago du Chili, qui présente toutes les garanties de
compétence, de vouloir bien Tédifier sur ce point, il lui fut der-
nièrement répondu que nulle part, au Brésil, au Chili et dans
la république Argentine, il n'existait de troupeaux de ce
genre ; que Tanomalie en question y apparaissait assez sou-
vent; qu'elle était ordinairement plus accentuée chez les
femelles, mais qu'on détruisait avec soin tous ces animaux
mal conformés, surtout les taureaux. Il n'a donc jamais existé
de race de ûatos, contrairement à ce qui a été avancé.
Le gouvernement chilien, qui a fait preuve en cette occa-
sion d'un zèle scientifique des plus louables, envoya à ses
frais, il y a quelque temps, au Jardin d'acclimatation, un
taureau et une vache fiatos qui ont donné naissance au
veau présenté à la Société. Ce veau ressemble à sa mère trait
pour trait, de sorte que l'hérédité est incontestable. Il ne
serait donc pas impossible d'obtenir, par sélection. Une variété
nouvelle. Mais le veau étant mort, il s'agit de savoir d'abord
s'il a succombé comme un veau quelconque à une maladie
ordinaire, ou bien par suite de quelque malformation interne
accompagnant celle des mâchoires. C'est ce que l'autopsie
décidera. Il y aura là, de toute façon, un fait intéressant à
enregistrer.
CANDIDATURES.
M. Motet (A.), présenté par MM. Letoumeau, Hervé et
Magitot ; M. VmAL-NAOUET, présenté par MM. Magitot, Le-
tourneau et Hervé, et M. le docteur Margano, présenté par
MM. Pozzi, Féré et Manouvrier, demandent le titre de mem-
bre titulaire.
ÉLECTIONS.
MM. Mahoudeau (P.-G.) etGuroT (Prosper) sont élus mem-
bres titulaires.
D. CHARMAT. — EXPÉDITION AU TUCATAN. 65
PRESENTATIONS.
M. AuBRT lit ane note sar les collections anthropologiques
de Bergen (Norwège), et présente un certain nombre d'objets
proTenant de la Laponie.
Ditonsiioii.
M. Dbniker dit que plnsieurs de ces objets ressemblent à
ceux que Ton fabrique en Suède et dans le nord de la Russie.
GOHMtJNIGATIONa*
BxpédItUii an Tacataa;
FAR M. DBSIRB CHARNAT.
Messieurs, les fouilles que j'ai nouvellement pratiquées à
Izaroal, m'ont fourni les documents nécessaires à la restaura-
tion d'une pyramide et de son temple ; j'en rapporte aussi
l'histoire d^une découverte des plus intéressantes et que je
veux dire avant de parler du temple lui-même.
Il y a quelques années, un habitant d'Izamal, dont la pro-
priété est contiguë au côté oriental de la pyramide en ques-
tion, voulant agrandir sa cour, détruisit une partie de la py-
ramide et découvrit deux espingoles espagnoles du seizième
siècle, enfouies au milieu des débris qu'il enlevait. Ces deux
vieilles armes étaient placées le canon en bas, la crosse en
l'air.
Il est plus que probable que ces armes furent enlevées aux
soldats de Francisco de Montejo. Lors de sa première expé-
dition de 1527, Montejo s'était emparé de Chichen-Itza, qu'il
occupa pendant deux ans et qu'il fut obligé d'abandonner
après avoir perdu les deux tiers de sa troupe.
Ces espingoles, trophée des Mayas vainqueurs, furent en*
fouies par eux dans la base de la pyramide comme offrande
au dieu du temple. Ce serait bien là une preuve de plus à
l'appui de l'existence déjà constatée de la ville et des temples
d'Izamal au temps de la conquête. Pour la restauration que
T. X (3« sÉmB), 5
66 S^^WiSE Py 3 FEVRIER 1^7.
j'ai rhonneur de vous soumettre, il s'agit d'une pyramide et
de son temple faisant partie de ces édifices d'Izamal. Celui-ci
^p noipmfiit Jf^b'ul, p'est-à-dire ^ k mMo opératrice » , « la
mmn ^uérâiMtq }> ; car p'était à ce temple que 1^^ Indiens
portaient leurs malades et leurs morts ^ ^t que le dieu les
guérissait et les ressuscitait en les touchant de la main.
Cette pyramide est la seule, parmi les douze citées par
Mada, qui nous ait laissa quelques traees de Te^rt décoratif
pbex )ef» Indiens ; les ptutres ont k moitié disparu ou ne pré-
sentent qu'un amas de décombres.
La pyramide dont je parle et dont la restauration est à
l'échelle d'un centième, sp compose de deux plateaux en re-
trait, dont l'inférieur mesure 41 mètres de long sur 21 mètres
de large, le plateau supérieur, 36 mètres sur 16 mètres; et ils
communiquaient jB^fre eux par un espalier à marphes étroites
et rapides qui don^j^jt accès k wne terrasse de 2", 25 et qui
faisait le tour du second plateau.
Les murailles (}es deux plateaux se divisent en frises pt en
corniches.
La fri$e de la muraille inférieure n^esure i",75 de hau-
teur, et la corniche qui la surmonte 2", 10 avec une saillie de
30 centimètres.
Lft frise était plate, couverte de stuc et ornée d'une bandp
de rosaces peintes en roqge sur fond jaune, surmontée d'une
ligne de carrés bleus encadrés de Janine ; c'est encore aujour-
d'hui la décoration intérieure des maisons d'Izamal. La vaste
corniche était peinte en rouge. La frise de la muraille supé-
rieure mesure 1",22, la cornic)iq 90 centimètres aveo une
même s^ie de 30 centimètres.
Cette seconde frise était couverte d'une longue ligne de
reliefs en ronde bosse, modelés d^sle stuc frais et divisés de
droite et de gauche en six panneaux de 2°',25 chacun, tandis
que le panneau central, légèrement en retrait, occupait une
ligne de 18 mètres. Les petits panneaux étaient séparés du
grand par deux immenses figures de la hauteur entière de la
muraiUei soit 3^,10 sur 2 mètres de large.
D. CaiBJfAY. -r BJKPÉDITIÛN AU YUCATAN. 67
D09 six petits panneaux, un seul, qus j*ai découvert, existe
encore; j'eii ai rapporté le moulage, et je Tai répété six
fois dans ma restauration pour ne pas me lancer dans Tinp
connu.
Quant M panneau central, je Tai pétfibli sur l'indioation des
gen^ qui Tpnt vu il y a quinze ans à peine, alors qu'on enleva
les éboulis qui ap^vraient cette partie de la muraille. On m'eii
a indiqué le siyet principal ! un cœur sanglant percé d'une
flèctie et> de chaque côté, deu^ figures prosternées. Quant aux
difTérents motifs, palmes, volutes et ornements bicarrés qui
coifvrent le fond du panneau, je les ai tirés de la pyramide
même, ainsi que les deux grandes figures dont j'ai les photo-
graphies et que j'ai rét^ablies en cet endroit, en plaee des deux
qui ont disparu.
La pyramide, avee ses deux otages, est donc absolument
vraie, puisque j'ai rapporté les dessins et les couleurs de
la frise inférieure, l'un des bas-reliefs de la frise supérieure,
et que les couleurs dont j'ai constaté les traces m'ont en
outre été données par des habitants d'Izamal qui avaient vu
Tensemble de cptte frise avec les couleurs qui la couvraient
Qlors.
Pour le temple, il n'en restait pas une pierre, et je Tai en-
tièrement reconstruit. J*ai cependant le droit de dire que ce
n'est pas une création fantaisiste, puisque ces monuments
sont presque tous semblables et que les différentes parties
qui composent celui-ci sont absolument indiennes.
J'ai emprunté mes documents à deux époques de cette
même civilisation : à celle qui a précédé pour moi la fonda-
tion d'Isamal et à celle qui l'a suivie. J'ai pris à Comalcalco
et à Palenque, plus anciens, et d'où sont venus les civilisa-
teurs, l'obliquité de la toiture, certains détails d'ornementa-
tion et la muraille décorative qui surmonte le temple, mu-
raille qui, du reste, s'est perpétuée dans nombre de villes
yucatèques.
Le corps de l'édifice est la copie d'un monument de
Chichen-Itza, ville postérieure à Izamal; les deux panneaux
68 SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1887.
de la muraille inférieure viennent également de Gbichen,
ainsi que le médaillon de la frise et les cinq grandes figures
qui décorent la partie supérieure du monument.
Pour ce qui regarde les couleurs, je dois avouer que je me
suis guidé sur des fragments de peinture que j'ai recueillis
dans des édifices divers où, comme dans la base du temple,
j'avais noté le bleu, le jaune, le vert et le rouge. J'ai pu mettre
du jaune à la place du rouge, et du vert à la place du bleu
ou réciproquement ; mais il s'agissait, non pas tant de faire
vrai, ce qui nous était impossible, que de faire vraisemblable
et de donner une idée approximative de la physionomie poly^
chrome d^un temple maya-toltèque avant la conquête. Je puis
dire aussi que, loin de forcer les tons, je les ai adoucis : les
couleurs devaient être plus vives, les contrastes plus violents,
j'en suis convaincu, et j'en prends à témoin la coupe que je
vous présente, qui appartient à la même civilisation et qui
est une copie exacte d'une coupe que j'ai découverte dans
mes fouilles de Tenenepanco.
D'ailleurs, tout se tient chez un peuple ; il est un dans ses
manifestations. Un vase, une coupe, un poignard, un bijou
peuvent nous donner une idée de son génie décoratif, car il
appliquera, en les agrandissant, tous les motifs figurés sur
ces divers objets à l'ornementation de ses monuments. Les
Arabes n'ont pas fait autre chose pour la décoration de leurs
palais de Grenade et de Gordoue.
Le civilisateur américain, le Toltec, nous a laissé partout
des traces de son amour des couleurs.
A Gomalcalco, l'ancienne Gentla, la capitale indienne'de
Tabasco, j'ai trouvé un fragment de muraille exposé depuis
plus de quatre siècles aux pluies torrentielles du pays,
rouge sang, et de couleur si fraîche et si vive qu'on l'eût
dit peint de la veille. A Teotihuacan, les deux grandes pyra-
mides étaient doublées d'une épaisse couche de stuc peinte
en rose, et les chemins de la ville étaient, comme au
Yucatan, peints en rouge. Les palais devaient être, de toute
nécessité, couverts des peintures les plus vives, car ils eus-
D. CHARNAT. — EXPÉDITION AU YUCATAN. 69
sent paru ternes et pauvres au milieu de cette débauche de
couleurs.
Nous n'avons pu voir de ces monuments que des restes in-
formes ; mais Torquemada, qui visita Teotihuacan bien long-
temps avant nous, fut frappé de Tensemble éblouissant que
présentait encore cette ville étrange.
a Tous ces temples et ces palais, dit-il, et toutes ces mai-
sons qui les avoisinsdent, étaient parfaitement bâtis de chaux
blanche et polie ; à les voir de loin, on éprouvait un immense
plaisir à les admirer. Les ruelles, les rues et les places étaient
de ciment poli, et elles étaient si belles, si propres et si
brillantes, qu'il paraissait impossible que des mains humaines
les eussent pu construire, et que des pieds humains eussent
osé les fouler.
« Et cela est si vrai, qu'en dehors de toute exagération on
peut me croire, parce que, outre ce que d'autres m'ont cer-
tifié, j'ai vu moi-même certaines ruines qui étaient la preuve
de tout ce que j'ai dit; et, parmi les temples, il y avait des
arbres, des fleurs, des jardins et des parterres superbes et
parfumés pour le service et rornement des temples. »
L'enthousiasme de Torquemada eût débordé en présence
des villes yucalèques comme Izamal, Chichen, Uxmal, Labna,
où de nombreux monuments, entièrement couverts de scul-
ptures et de plus de iOO mètres d'étendue, étalaient leurs
façades polychromes au milieu de la grande végétation des
tropiques.
Nous pouvons à peine nous rendre compte du spectacle
que devaient offrir ces villes et dont le temple que je vous
présente ne peut donner qu'une faible idée ; mais nous aurons
acquis la certitude que la polychromie était familière aux
Indiens comme elle le fut aux Egyptiens, aux Grecs et aux
populations anciennes. Ces mêmes Indiens décoraient aussi
leurs intérieurs, mais d'une façon moins brillante, et j'ai vu
de nombreuses traces de leur peinture dans les édifices du
Mexique et de l'Amérique centrale.
La polychromie, du reste, n'est que le résultat du milieu
70 SÉANCE DU 3 FÊYRIER i887.
comme toute chose, et elle s'ent imposée aux populations ri*
vant dans un pays où la lumière est éclatante. Dans ces
contrées, les édifices de chaux et de marbre blanc, reflétant
ayec violence la lumière du soleil^ devaient blesser les jeux ;
onlescouvraitalors avec plus ou moins de bonheur et selon le
génie du peuple, de couleurs diverses atténuant la réverbéra-
tion de la lumière^ sans pour cela nuire à la beauté du mo-
nument, au contraire* En Italie» en Espagne, en Portugal
comme au Mexique» vous verrez des maisons bleues, jaunes,
rouges, et les hommes, en les couvrant de ces peintures qui
nous surprennent tout d'abord, agissaient poussés par le
même motif qui nous fait prendre des lunettes à verres bleus
ou cendrés pour nous préserver la vue quand nous allons
explorer des champs de neige ou les glaciers du mont
Blanc*
Nous allons mcdntenant passer à Ek-Balam, la ville du
Tigre noir, ville totalement inconnue et que j*eus le bonheur
de découvrir.
Cette ville, située à 8 lieues ati nord de Yalladolid»
continue bien la tradition architecturale de la civilisation
que nous avons étudiée : pyramides à esplanades, monu-
ments semblables, voûtes en triangle ou encorbellement,
groupement des édifices principaux, comme nous Tont
appris les historiens; c'est toujours la même formule; seule-
ment, les dimensions réduites des palais, la mauvaise qualité
des matériaux, les murailles lisses, les frises vides de scul-
ptures, les corniches étroites et peu saillantes, tout, jusqu'aux
linteaux des portes, qui ne sont plus que des rondins de bois
brut au lieu des magnifiques linteaux sculptés des anciens
palais; tout cela nous entraîne loin de Ghiôhen, Uxmal>
Kabah, loin de ces glorieux monuments aUx matériaux mas-
sifsi aux corniches saillantes, et couverts, de la base au
sommet, d'une si merveilleuse décoration. C'est que lés temps
ont changé^ et que la péninsule étant divisée en une multitude
de principautés indépendantes, les caciques do bette époque
n'ont plus en main le pouvoir des princes d*autrefbis. Non
D. CHARNAT. — EXPÉDITION AU TDCATAN. H
deuleiiieiii ils n'ont p\\x^ 1ë rilêmë t)otltdi^ ni les mêmes
moyens d'aotioti pour élever de graild* monuments, mais ils
en ont peMu le goût ; et s'ils construisetit etltioi'e des pyrà^
mldfes, deé detnôures et des temples plus ou taoihs Idxueu^t,
c'est qu'ils ont les modèles devant les yeux, et qile là tradi-
tion ttrchitecturale toltèque est enéOre vivante; c'est que les
populations mdyas, à l'arrivée des Espagnols, s'en allaient à
la décadence ; c'est que n'étant plus soulevées pût l'élan que
leur avait donné le civilisateur, n'étfimt plus soumises & Cette
organisation de fer, qui en avait ftilt le t)lus disolplihô des
peuples, elles s'en retournaient rapldenlent à la barbarie, et
que si les Espagnols fussent arrivés un siècle plUs tard, peut**
être n'eussent-ils plus rencontré qUe des traces de civili-
sation !
Les historiens nous disent, en eflTet, qttë les Mayas avaient
l'instinct dominant dô la solitude, qu'ils fuyaient les groupe-
ments de Tilles et de Villages et cherchaient l'isolement au
fond des bois. Bont-ce là les instincts d'un civilisateur? A la
chute de la domination toltèqiie, lé fractionnement de la
péninsule en ûhe multitude de petites principadtés préludait
à un retour vefs ôfet instinct saUvage qui est le fbhd de la
race, et aujourd'hui qu'en grande partie ces Indlfetts ont re-
couvré léttr indépendance, ils sont retournés danâ les bois,
dans leurs rancheriasy ont repris cette vie d'isolement qui a
pour eux tant de charme, ce qui n'est en somme qu'uh phé*
notoène d'atavisme des plus naturels.
On aurait donc le droit d'afflrmer aujourd'hui que jamais
la race maya ne ftit civilisatriôe, mais seulement, et par vio-
lence, civilisée par une race étrangère, et qUe pas uh des
monuments qui parsèment le Yucatan ne saurait lut appar-
tenir : je crois l'avoir démontré dans mes études* En effet,
si les Mayas eussent été les civilisateurs que d'aUouns pré-
tendent, depuis quarante ans qu'Us sont libres, les instincts
héréditaires les eussent ramenés à une sorte de civilisation
originale, qui eût participé des civilisations ancienne et mo*
deme^ sous le régime desquelles ils ont vécu nntemps à peu
7i SÉANCE DU 3 FÉVBIEU 1887.
près égal? Us eussent tout au moins reconstruit ou réparé
une pyramide, signe typique de leur ancienne architecture,
pour y placer une chapelle, ne fût-elle qu'en torchis et cou*
verte de chaume. Ils savaient bâtir, et cela leur eût été bien
facile; ils n'en ont rien fait.
La capitale, ou plutôt le chef-lien des Indiens orientaux,
ChanSanta-Cruz, participe bien comme nom des deux lan-
gues, espagnole et maya> et marie étrangement les deux ci-
vilisations, car il veut dire la petite ville de la Sainte-Croix,
ou bien la ville des Dindons Sainte-Croix^ par suite d'une
croix creuse qu'ils ont prise pour idole et dans laquelle s'en-
ferme un sorcier pour débiter ses oracles.
Et même s'ils ont adopté cette croix, c'est qu'il y avait des
métis parmi eux; c'est que, de plus, ils étaient en guerre
avec les blancs et qu'il leur fallait faire intervenir le divin
pour entretenir le patriotisme et entraîner les gens. Sans le
mélange de races, ils n'auraient pas même cette croix.
Chez les Mayas indépendants de la bande occidentale, qui
sont de race pure; chez les Chênes, au sud de Campêche, qui
sont également libres depuis la môme époque, il n'y a ni chef-
lieu, ni temple, ni sorcier; et quand, par suite de l'entraîne-
ment religieux, qu'ils ont subi pendant plus de trois siècles,
ils éprouvent le besoin de légaliser des unions ou de célébrer
quelque cérémonie, prétextes toujours recherchés pour se
livrer publiquement à des orgies de débauche et de boisson,
c'est un prêtre de Campéche qui vient, à ses risques et périls,
officier au milieu d'eux et se mêler à leurs excès ; on paye
grassement sa peine, mais sitôt la fête terminée on l'invite cit
regagner ses pénates.
Ek-Balam nous offre donc un exemple de cette décadence
que nous ne connaissions pas, car la plupart des villes ap-
partenant à cette époque ont presque entièrement disparu ;
pourquoi? Parce que, bien que plus modernes que celles
dont les beaux monuments existent encore, leur construction
défectueuse et leurs dimensions réduites en ont fait pour le
temps une proie plus facile: l'on s'en est moins occupe,
D. GHABNilT. — EXPÉDITION AU TOCATAN. 73
parce qu'elles étaient moins considérables, et pour celle qui
nous regarde, Ek-Balam, plus éloignée du centre.
Quant à cette époque de décadence, ils ravcdent bien prévue,
les descendants des familles civilisatrices, le Gocom et le
Tutulxiu, lorsque, à la chute de leur empire, obligés d aban-
donner leurs palais en feu, ils allèrent, accompagnés de
quelques fidèles, fonder de nouvelles capitales : ils appelè-
rent l'une TrBuloons «nous avons été jugés »; ils appelèrent
Tautre Mani : « Tépoque de la félicité et de la grandeur est
passée » . Deux noms qui sont deux sanglots !
Nous allons maintenant examiner quelques-unes des haches
que j'ai rapportées du Yucatan et qui ont été recueillies dans
rtle de Gozumel.
Cette île était, au temps de la conquête, très habitée, très
civilisée et couverte de monuments. C'était un lieu de pèle-
rinage des plus célèbres et l'on y venait de fort loin pour
y ofiTrir des présents et des sacrifices.
Devons-nous attribuer aux haches que j'ai rhonneur de
vous présenter une origine pieuse? Sont-ce là des offrandes
faites par des fidèles venus de points différents, ce qui expli-
querait la diversité de formé et de matière dont ces haches
sont faites? ou bien devons-nous les considérer comme les
outils et les armes ordinaires des habitants de l'île ?
Les deux suppositions sont admissibles, mais de toutes fa-
çons ces pierres venaient de loin, car la presqu'île n'étant
qu'un vaste banc composé du calcaire le plus pur, ne pouvait
fournir aux habitants, en fait de haches, ni instruments de
travail, ni armes de guerre. Ils devaient donc aller les cher-
cher au dehors de leur territoire, ou les acquérir par voie
d'échange des populations voisines. Ainsi nous savons que le
cuivre venait de Mexico ; les haches et les couteaux d'obsi-
dienne venaient soit de Mexico, soit du Guatemala.
Mais, en outre, les Yucatèques pouvaient envoyer des gens
recueillir directement des pierres dures dans les torrents de
Chiapas et du Guatemala, et, ce qui me le fait supposer, c'est
que plusieurs des haches que je soumets à votre examen me
71 ëËAifbfe t)ù 3 ^ÊVHiER 1887.
paraissent être des cailloux roulés. Ces haches me setablent
absolument différentes de celles connues généralement et qui
appartiennent à Tépoque de la pierre taillée ou de la pieire
polie.
Ahisi, la première, la deuxième et la troisième dans le
premier rang nous représentent de véritables cailloux foulés
dont on a choisi rextrémitê la plus propice pour la polir et
la disposer en tranchant. La deuxième paraît à pe\h& avoir
été touchée et l'on ne voit sur aucune des trois la trace de
taille ou d'éclat ; elles ne présentent que l'usure régulière
produite par le frottement des pierres entre elles dâtls les
torrents. Chez la première hache du second l'ang, ce travail
d'usure naturel est plus évident encore, par suite du coil-
traste qu'il forme avec le poli brillant du tranchaht de
l'arme; la seconde du même rang et les trois plus petites,
quoique mieux travaillées, me semblent appârtehiràlaîiiême
catégorie.
L'une de ces haches se distingue des autres par la tnatlère
dont elle est fabriquée. Elle A été taillée dans l'épaisseur
d'ilh grand coquillage, le bUsyûùn pervei'SUm ou le strotnhus
gigas, qu*on trouve en abondance sur la côte de la péninsule.
Cette hache est la seule que j'aie jamais vue soit au Yucalan,
soit au Mexique, et doit appartenir à une époque beaucoup
plus reculée que les hàcheâ en pierre. Ces haches eh coquil-
lages sont aussi rares aux Etats-Unis qu'au Ytioatan et le
musée de Washington n'en possède que eUx spécimens,
fort beaux du reste, trouvés dans es moiiilds de la Floride
et du Kentucky.
Je vais vous presencer maintenant quelques objets inté-
ressants t)armi ceux que j'ai découverts daris mes fouilles :
il s'agit d'un cimetière maya^ le seul cotlnii jusqu'à ce
jour.
Ce cimetière se trouve dans l'île de Jaïna, située à 32 kilo-
mètres au nord de Campêche. Cette île passait, aux yeux des
gens du pays, pour entièrement artificielle ; mais il est facile
de reconnaître, à première vtie, que si le terrain a subi des
D. CHARNÀT. — EXÏÉDITIOW AU TUCATAN. 78
retnatiiements considérables, Ja base de l'île est de forma-
tion calcaii'e comme tdtit le Tuoatail.
Cette île a 3 kilomètres de Idng dur entlfon 800 mètres de
large et ti*est sépàt^ée de là terre ferme que par tin canal de
80 à 100 mèt^es qUi kssSche à marée basse, ce t|(ii nous fait
suppoèér^ TU renvahisscment certain de la mer, que Jâîtia
faisait âutrefoiâ partie du continent.
Jaina manque d'eau douce ëomme tout le nord de la pé-
ninsule ttul il'a pcW une seule rivière et où les Indiens coh-
dtruisaient deê citefnes, creusaient des réservoirs ou profi-
taient des cénotés. Qu'est-ce qu'un cénoté ? Si le Yticatan h'a
point de fleuve, il offre le phénomène curiëtix d'bne vaste
nappé d'eau soutei't^aine avec coilratttô déterminés, nappe
d'autant plus éloignée de la surface que la couéhe calcaire
est plus épaisse ; très rapprochée ptès de la eflte, très éloignée
dans l'intérieur^ et l'on appelle cénotés les affaissements du
sol produits par les courants et qui permettent à ciel ouvert,
en grottes ou en galeries profondes, d'atteindre Ift couche
d'eau.
Les habitants dé idïnft n'ont d'àUtre i'essburce qU'un jet
tfettu douce qui jaillit dans la mer à queltjué 30 mètres du
rivage et qu'ils ont emprisdhhé du mieux qtllls ont pti dans
lé trortc d'un palmier creux; mais l'eau de cette source, se
mêlant quoi qu'on fasse à Teail de tnet^ reste dftutaâtt'e
et je fus obligé, pendant mon séjour, de boire de l'ean de
COCOi
Qe tnême phénomène de sources au milieu de la mer nous
avait été signalé par Oviedo, sUr \A côté orieiltale, en face de
rîlëde OoBumel, où les Espagnols débarquèrent à leur arrivée
dans le pays: MaiiqUant d'eaU, ill avaielit remarqué de forts
bonillonnements dans la mer ; ô'étàit de l'eau douce et fraî-
che, et ils y conduisaient leurs chevaux pour les abreuve!* ;
là comme à Jalha, c'était une des voies d'échappement de la
nappe d'eau souterraine dont je viens de parleri
L'île de Jaïna dut être au temps de la dominatidn toltèque
un lieu saint où devaient affluer les pèlërius de tdutés lès con-
76 SI^.ANGE DU 3 FÉVRIER 1887.
trées à la ronde, car elle renferme quatre grandes pyramides
et huit petites, bases d*auiant de pedais et de temples. Ces
sanctuaires devaient être des plus cmciens, car les historiens
qui nous parlent dlzamal, de Chichen et de Gozumel par
ordre de date, ne nous ont rien dit de Ji^na. Cette île devait
être en outre consacrée aux sépultures et Ton venait s'y faire
enterrer de toutes parts, si Ton. en juge par le nombre de
tombes qu'on y a trouvées, par la multitude d'ossements que
j'y ai découverts, par les milliers de vases, d'idoles et de
terres cuites dont les débris composent presque entièrement
le sol du rivage.
Ces vases, ces idoles, ces tombes se découvrent parfois
seuls sur les rives orientales et septentrionales de l'île, car
la mer est une grande fouilleuse et, lorsque le vent souffle en
tempête, elle attaque la terre friable des esplanades, pro-
voque des éboulements et met à nu des débris ; mais la
même tempête qui met au jour ces antiquités se charge éga-
lement de les détruire, et nous avons là une explication bien
claire de la formation presque artiflcielle de la plage.
Je vécus douze jours dans l'île de Jaïna, douze jours pen-
dant lesquels je m'occupai de fouilles, A quelques pas de la
mer, je recueillis de grandes urnes à ventres rebondis et à
large ouverture, espèces de jarres, qui durent servir dans le
temps comme elles servent encore aujourd'hui à conserver
la. provision d'eau dans les cases indiennes ; les plus grandes
contenaient les ossements de deux cadavres accompagnés
d'ustensiles divers appartencmt aux morts. Je découvris éga-
lement un cantaro des plus élégants, de ceux qui servent
pour aller chercher l'eau à la fontaine et que femmes et filles
portent sur la hanche au Yucatan. Celui-ci porte au-dessus
de la panse une guirlande de rosaces fort habilement scul-
ptées en creux dans la pâte cuite du vase.
L'emplacement de ces sépultures était dénoncé par de
gros coquillages, la pointe en terre et la partie large affleu-
rant le sol. Nous retrouvons cette même coutume dans la
basse Californie, où les Indiens marquaient remplacement
D. CHARNAT. — EXPÉDITION AU TUCATAN. 77
de leurs tombes, non pas avec des coquillages^ mais avec des
os de baleine. Je dus vite renoncer à mes fouilles dans les
esplanades et la terre ferme ; les trouvailles y étaient fré-
quentes, mais les résultats presque nuls ; je ne mettais au
jour que des ossements en pièces et des vases brisés par la
pression des terres ; et d*ailleurs, mes hommes, sous le poids
de leurs idées superstitieuses, apportaient à leur travail une
mauvaise volonté trop évidente ; je dus les congédier. Je
m'adressai en leur lieu et place aux femmes et aux enfants
de nie, et nous allâmes fouiller à marée basse le rivage
même de la mer. Ces Indiens ont un tel instinct et une telle
finesse de touche, que dans Teau ou la boue liquide et sim-*
plement armés d'un machete^ ils me trouvaient des vases,
des statuettes, des idoles et jusqu'à de tout petits grains de
collier. Ce fut là et de cette manière que je récoltai le plus
grand nombre des objets intéressants dont j'ai Thonneur de
vous présenter quelques*uns. Tous ces objets étaient mêlés à
des ossements dont ils nous racontent l'histoire.
Ainsi, les débris d'ossements au milieu desquels je trouvai
cette jolie statuette étaient les ossements d'un chef; elle nous
représente en effet un cacique en vêlements de cérémonie ; il
porte une coiffure en forme de couronne surmontée de la
grande parure de plumes yucatèque, il a ses ornements d'o-
reilles, un collier de pierre et des bracelets; le corps est vêtu
d'une longue tunique au-dessus de laquelle s'étale une cui-
rasse de coton magnifiquement ouvragée ; la figure est si
joliment modelée qu'on peut l'accepter comme un portrait;
près de la statuette se trouvait la superbe hache que vous
voyez et qui devait être l'arme d'un chef.
Plus loin, et dans les mêmes conditions, nous trouvons une
autre statuette d'un caractère tout différent. C'est un prêtre,
et nous le reconnaissons à la tiare qui lui descend jusqu'à
Tépaule et à la longue robe avec ceinture lâche dont il est
revêtu ; la statuette a souffert dans le voyage, mais il est
facile de voir aux traits exagérés du personnage, à la protubé»
rance de l'arcade sourcilière, à l'énormité du nez, à Tim-
79 «ÉANçp pu 3 F^ypiBB 1887^
iwensp })oucba, qup ç'pgt ^qe pari^lypp et noi^ pli» m ppr-
trait.
N'est-il pas singulier 4e retrpwyar Ph^» Ips \nim^ p^H^
tend^npe, on poi|r|*ai|; dire iiqivarseUa, qui daas tq^s \&^ pays
at cb^z les races les plus croyantes PQUSse i^g artistes pqpur
laires 4 aaricaturpr l0s plasmas religieuses, La ^as qua nous
constatons ici n'est pas la sev)l,npii9 l'avipug déjik aoustaté sur
les hauts plateaux et uou» voyons le môme fait sa reproduira
to^(; autre part, an Chine par pxample, dans cps aOTreui^
magpts qui représentant dps bonzes, ^u Jappu^ d^ns Tlndp
comme en Eurppe ; nue spulp rapp sem^lp h l'abri de catta irré-
vérencieuse cputume, c'est la race musulfuaue ; luais la rftisPU
en est bien siinple, c'est que la reiigiou lui défan4 la reprp-
4uctipu de la flgure bum^iqe | aptren^ent nous aurions Ift
caricatura de quelques m^^bPUts ou du grand piuf^i lui-
naêrne.
PlpevMipn car U eniif fi«ffPliiH«t*
M. DiVï-LV fait remarquer combien Je public mé4ical a peu
tenu compte, en général, des résultats obtenus depuis long-
temps relativement h l'influence de la consanguinité. Con-
trairement à ces résultats, Ton voit encore dans des ouvrages
des plus récents la consanguinité fréquemment invoquée en
étiologie. La plupart des médecins ne l'oublient pj^s non plus
dans les questions qu'ils adressent à leurs malades.
M. Gustave Lagneau. Malgré la distinction bjen établie, il
y a plus de vingt ans, entre la nocuité de l'hérédité morbide
et rinnocuité de la consanguinité, ainsi que M. Daily, j'ai
souvent remarqué la ten4ance de beaucoup de personnes,
voire même de beaucoup de médecins, à attribuer à la con-
sanguinité des parents les maladies des enfants. Aussi en
Pendant compte à l'Académie du mémoire de M. le docteur
Aubert, intéressant également à d'autres égards, ai-je cru
devoir insister surtout sur l'innocuité^ statistiquement consta-
tée, de la consanguinité au bourg de Batz.
Je dois d'^leiirs r^pppler qu'u^ jpf^mQW^i ^p\^\\yeju&i\t
récent, de M. le professeur Lacassagne, distinguant la cpn-
sanguinité de Théréditô iporbidei discute ^vec soin les faits
contradictoires. [Dictionn^ encyclop, des sciences méd.^ t. XIX,
1876.)
L'influence sur les enfants de la consanguinité des parents
a été jadis longuement discutée , en particulier par MM . Boudin
et Daily ^ A Tappui de lUiinocuité de^ i|nipns consanguines,
M. Voisin a publié un intéressant travail sur les habitants du
bourg de Batz ', qui déjà avaient été l'objet de quelques re-
marques, beaucoup moins précisas, de la p^rt da M. Révil-
lout».
Je ne veux que constater à nouveau, par une donnée sta-
tistique relevée par ^.. le docteqr Aubert, la parfaite inno-
cuité delà consanguinité, lorsque, ainsi que l'avaient montré
M. Bourgeois* et M. Périer *, elle est inden^ne de toqte héré-
dité morbide.
Dans un manuscrit adressé à TAcad^mip de médecine, in-
titulé études statistiques et médicales sur le recrutement dans
le département de Iq. Ivoire-Inférieure^ M. le doctpur A^ÏJert,
médecin-major de première classerait ren^arquer que le can-
ton (du Groisic, dont fait partie ]e bourg de Batz, ^vec ses
2733 habitants, dont 490 portent le même nom, celui de
Lehuédé, se trouve au point de vqe de l'aptitude niilitaire
au premier rang des 45 cantons qui composent ce départe-
ment. Ce canton ne con^ptp que ^ p^en^ptés seulement.
* Boudin, Daily : Sur la consanguinité {Bull, de la Sot\ d'anthrop,,
t. III, p. 192, 323; t. IV, p. Bi6, 662, etc., 1862, 1868).
* Aug. Voisin, Contribution à Vhistoire des mariages entre consanguins.
Etude sur la cofntnune de Batz (Mém, de la Soc. Wanthrop., t. II, p. 433).
' Révillout, Congrès médical de France, 2o session, tenue à Lyon, 2 sep-
tembre 1864, Compte rendu^ p. 451, etc. ((ras. des hôp,, 13 octobre 1864,
p. 478, pi 28 janvier 186$, p. 47).
* ?^\L Bourgeois, De Cinflu^nce des mariages consanguins sur les géné-
rations (Thèse de Paris, 1859).
> Périer, Influence des mariages consanguins {BuU, d9la8oc,d^anthrop, y
t.J, p. 146, etc., 19 janviar 1860),
80 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1887.
alors que ceux d'Ancenis et de Loraux en ont i 42 et 145
sur «000.
La séance est levée à six heures.
Le secrétaire : MANOUVRIER.
117« SfiiNGI. — 17 r«Trier 1887.
Pré«ldeA«e de M. MACIITOT, prësldeat*
Le procès*verbal de la dernière séance est lu et a'dopté.
Mort de Xi. Béelard*
M. le Président annonce la perte que vient de faire la
Société, en la personne de M. Béclard, et donne lecture du
discours qu'il a prononcé à ses obsèques :
« Au nom de la Société et de l'Ecole d'anthropologie de
Paris, j'ai dû accepter le triste devoir de venir à mon tour
apporter sur cette tombe Vexf^ression de nos unanimes
regrets et de notre profonde douleur.
« Celui que nous pleurons fut en effet non seulement Tun
de nos plus anciens présidents, mais il est resté jusque dans
ses derniers jours le maître respecté et vénéré auquel nous
devons rendre un suprême hommage.
« Dès i860, Béclard faisait partie d'un groupe de savants
qui, sur l'initiative de Broca, jetèrent les premières assises
de notre Société. Ils étaient dix- neuf, tous jeunes, ardents
et déjà illustres par leurs travaux, tous animés de cette noble
passion de Tinconnu et entraînés à la poursuite des problè-
mes nouveaux que soulève sans cesse Tfaistoire de Thomme.
« La mort, hélas! a fait de nombreux vides dans cette glo-
rieuse phalange : Geoffroy Saint-Hilaire, Martin-Magron,
Graliolet, Lartet, Robin, Henri Martin, Broca et d'autres
encore. Quelques-uns nous restaient cependant, témoins
d'une époque chère à nos souvenirs, et voici qu'aujourd'hui
A PROPOS DU PROCÈS-VERBAL. 81
Béclard nous est enlevé, laissant un nouveau vide, d'autant
plus profond, d'autant plus cruel qu'il était plus imprévu.
« Je n'ai point à retracer ici, cher maître, votre carrière
scientifique ; d'autres pourront le faire avec plus d'auto-
rité et de compétence. Ce que je tiens à dire, c'est que vous
avez été pour nous le soutien fervent et convaincu des pre-
miers jours, le défenseur dévoué et chaleureux des époques
de difficultés et de luttes, le témoin assidu de nos travaux,
le conseiller et le guide qui avait foi dans nos forces et dans
notre avenir.
a C'est ainsi que votre vie si digne, si noble, si irrépro-
chable restera pour nous comme un exemple et un ensei-
gnement.
« Adieu donc, cher maître, au nom de tous vos collègues
qui étaient aussi vos élèves, adieu I»
A propos dn procès-verbal.
Les anciennes races de V Amérique. — M. de Nadaillac. Nous
avons tous entendu avec le plus extrême intérêt la commu-
nication que M. Charnay a bien voulu nous faire dans notre
dernière séance. Par ses voyages entrepris avec un si grand
désintéressement et exécutés avec une si rare énergie, par
l'étude sur place des monuments qu'il décrit, M. Charnay a
rendu à la science américaine d'inappréciables services. Sur
un point il a modifié ma manière de voir: je croyais les palais
et les temples du Yucatan plus anciens qu'ils ne le sont
véritablement. L'origine des villes conmie Palenque, Uxmal,
Izamal, celle de tant d'autres qui couvrent le pays, peut fort
bien être très ancienne ; mais il semble prouvé par les dé-
couvertes de M. Charnay que presque toutes ces villes étaient
encore habitées lors de l'arrivée des Espagnols et que les mo-
numents^ dont les ruines étonnent le voyageur, ne datent
guère que d'un ou deux siècles avant la conquête.
Mais si j'accepte l'opinion de notre collègue sur la con-
struction, plus récente que je ne le supposais, de ces raonu-
T. X (8« série). 6
82 SÉANCE DU 47 FÉVRIER 1887.
ments, je ne puis, il faut bien le dire, la partager sur un
autre point, et j'ai bien regretté qu'une extinction de voix ne
me permît pas de lui signaler immédiatement mes doutes et
mes incertitudes. Pour lui, tous les monuments du Yucatan
sont dus aux Toltecs, les grands bâtisseurs de l'Amérique
centrale ; pour moi, je suis plutôt disposé à les attribuer aux
Mayas. Ce sont les Mayas, qui, d'après les données que nous
possédons, ont envahi les premiers le pays; c'est leur langue
qui subsiste encore ; ce sont leurs manuscrits qui ont con-
servé jusqu'à nous quelques faibles notions sur l'histoire
et les usages de ces populations. Je ne comprends donc pas
bien comment on peut arriver à les supprimer complète-
ment.
Mais, après tout, le désaccord entre notre savant collègue
et moi est plus apparent que réel. Les Mayas, les Toltecs,
les Aztecs sont certainement les rameaux. d'une même race,
la race nahuati, venue du nord et se précipitant vers le sud
pour y trouver un climat plus tempéré et des régions plus
fertiles. Chaque peuple, chaque clan émigrait successive-
ment et refoulait ses devanciers, comme une vague de la
mer refoule celle qui Ta précédée. C'est ainsi que les Mayas
furent acculés dans le Yucatan par les Toltecs, et que les
Toltecs à leur tour furent vaincus par les Aztecs. Je serais
même disposé à rattacher <^ ces races les Mound-Builders,
dont le nom et l'origine sont restés également inconnus et
qui ont couvert de leurs gigantesques terrassements l'Amé-
rique depuis les grands lacs du Canada jusqu'au golfe du
Mexique, depuis les montagnes Rocheuses jusqu'à l'Atlan-
tique.
Quelle était l'origine de ces peuples ? Dans Tétat actuel de
nos connaissances, aucune conclusion sérieuse n'est possible
et notre ignorance reste entière. Il n'est guère douteux pour
ceux qui ont étudié la question, que des immigrations asia-
tiques ont eu lieu par le Nord, par les îles Aléoutes par
exemple. Il est non moins certain que les Malais ont pénétré
sur les côtes ouest de l'Amérique. Il est probable qu'avant le
A PROPOS DU PROCÈS-VERBAL. 83
quinzième siècle, les Scandinaves, peut-être aussi les Islan-
dais, avaient débarqué dans les régions qui forment aujour-
d'hui la Nouvelle- Angleterre. Il est même possible que dans
une antiquité plus reculée, les Phéniciens, ces hardis navi-
gateurs, aient traversé TAtlantique ; mais ce n'est pas ainsi
que Ton peut expliquer le peuplement d'un continent, et nous
ne connaissons aucun fait comparable aux immigrations dont
nous relevons en Europe les traces successives, aucun fait
qui explique la présence des populations nombreuses et
diverses qui accueillirent les Espagnols on les Portugais à
leur débarquement. J'avais cru que leur existence pouvait se
rattacher à ce continent mystérieux, l'Atlantide, disparu dans
un des nombreux cataclysmes qu'atteste l'histoire géologique
de notre planèle. Mais les sondages du Challenger ont porté
un coup terrible à cette hypothèse ; ils ont montré que si
l'Atlantide a véritablement existé, ce n'est pas sur les côtes
de l'ibérie qu'il faut la chercher. Le problème se complique
encore, si Ton songe que l'existence de l'homme sur le conti-
nent américain remonte aux temps paléolithiques ' et qu'il
était le contemporain des grands pachydermes, des grands
édentés caractéristiques de la faune quaternaire du nouveau
monde. Le docteur Abbott a trouvé des débris humains dans
les alluvions du Delaware, M. Ameghino dans les pampas
de l'Amérique du Sud. Les uns et les autres remontent vrai-
semblablement aux plus anciennes périodes de l'existence de
l'homme. A une époque moins éloignée, des kjôkkenmôd-
dings, amas de détritus de toute sorte, sont les témoins irré-
cusables de la longue résidence de l'homme. Les explorations
ont donné des haches, des couteaux, des instruments de toute
sorte en pierre, en os, en corne, des fragments de coquilles,
du bois carbonisé. Au milieu de ces foyers abandonnés
depuis des temps qu'il est difficile d'apprécier, on a trouvé
de nombreux ossements de mammifères et d'oiseaux, des
1 Je ne veux pas aborder ici une question plus difQoile encore, ni recher-
cher si les périodes géologiques de TAmérique coïncident avec celles de
notre conlinent. C'est un point sur lequel la lumière est loin d'dtre faite.
84 SÉANCE DU n FÉVRIER i887.
arêtes de poisson, des coquilles d*huître, de cardium, d'autres
mollusques. D'immenses bancs de coquilles, lentes accumula-
tions des siècles, s'étendent sur les côtes de Terre-Neuve, de
la Nouvelle-Ecosse, du Afassachussetts, de la Louisiane, du
Nicaragua. On les retrouve dans les Guyanes, au Brésil, en
Patagonie, auprès des bouches de l'Orénoquc comme sur les
rivages du golfe du Mexique, sur les plages de TAtlantique,
comme sur celles du Pacifique, et. les Shell-Mounds de la
Terre de Feu se signalent de loin au navigateur par la
nuance plus foncée de leur végétation *.
Quels étaient les hommes qui luttaient contre les mammi-
fères à jamais disparus? Quels étaient ceux qui accumulaient
les kjôkkenmôddings, ou bien encore ceux qui, pour établir
leurs demeures à l'abri de leurs ennemis, perçaient des ro-
chers qu'on aurait pu croire inaccessibles? Les uns ou lesautres
étaient-ils les ancêtres des Nahuas? Les Peaux- Rouges qui
vivent aujourd'hui sont-ils leurs descendants ? A chaque pas,
nous sommes réduits à confesser notre impuissance.
Un seul fait estcertain, c'est que, quelle que soit la diversité
de la faune mammalogique, par une exception, je crois,
unique parmi les mammifères, les ossements humains que
Ton a pu recueillir, soit qu'ils datent de l'époque quaternaire,
soit qu'ils aient été retirés des mownds de l'Amérique du Nord
ou A^^huacas du Pérou, ne diffèrent en rien de ceux des
Américains actuels, de ceux des habitants de l'Europe. C'est
là un point dont on ne saurait contester l'importance.
Revenons à la communication de M. Charnay. Quelle que
soit la valeur de ses recherches, et je suis disposé à leur en
1 Ces kjOkkenmôddings couvrent souvent une superficie considérable.
Sir C. Lyell en cile un en Géorgie de 2«",50 de hauteur; un autre, u l'em-
bouchure de la rivière Saint-Jean, mesurclOO môtres de longueur. Oux de
la Floride ou de l'AIabama sont plus iropurtanls encore. Il en est un sur i'ilc
Àmelia qui s'étend sur un quart de mille avec une profondeur moyenne
de 1 mètre et une largeur de 150 mètres; celui de Bear-Poinl couvre
24 hectares, celui d'Anercety-Point, 40 ; celui de Santa-Rosa, 60. D'autres
s'étagent en hauteur. Nertle-Mound atteint 10 mètres; d'autres^ qu'il serait
trop long de citer, dépassent 12 et 15 mètres.
A PROPOS DU PROCÈS-VERBAL. 8K
accorder une très grande, les filiations des races qui ont suc-
cessivement OU simultanément peuplé TAmérique, restent
encore à découvrir. G*est une étude d'une haute portée, que
nous ne saurions trop recommander à ceux qui se préoccu-
pent des origines de rhumanité.
Sur la consanguinité , — M. de Ranse, Je n'étais pas présent
à la fin de la dernière séance, quand M. Lagneau a fait sa com-
munication sur la consanguinité. Il semblerait résulter de
cette communication, et de la courte discussion qui Va suivie,
que la question est définitivement jugée et qu'on doit, non
seulement cesser de proscrire, mais encore conseiller les
unions consanguines. Je ne puis souscrire sans de grandes
réserves à une semblable conclusion.
Et d'abord la statistique apportée par M. Lagneau n'a pas
la valeur démonstrative qu'il lui attribue. Notre collègue a
fait ressortir deux points principaux :
4° Le nombre considérable de personnes portant le même
nom dans le bourg de Batz (890 sur 2 783 habitants) ;
2* La faible proportion de cas d'exemptions pour le service
militaire présentée par le canton du Croisic, dont Batz fait
partie, comparée à celle des autres cantons du même dépar-
tement.
Relativement au premier point, je ferai remarquer que si
les 890 habitants de Batz, portant le même nom, descendent
évidemment de la même souche, ce qui suppose dès le début
des unions consanguines fréquentes, on ne peut actuellement
considérer comme mariages consanguins toutes les alliances
entre ces mêmes individus, dont la parenté décroît de géné-
ration en génération. On sait, en effet, qu'à partir d'un cer-
tain degré la consanguinité perd ses droits.
En ce qui concerne le second point, il est évident que la
consanguinité ne constitue pas, comme semble l'admettre
M. Lagneau, le seul facteur de la faible^ proportion des
exemptions du service militaire présentée par le canton du
Groisic. Ce résultat tient certainement à des conditions mul-
tiples qu'il importerait de rechercher et d'examiner pouréta-
86 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1887.
biir la part respective de chacune d'elles. Je n'ai pas les
éléments de cet examen comparatif, aussi me garderai-je
de tirer aucune conclusion ; mais il m'est permis de dire que
celle de M. Lagneau n'est pas suffisamment justifiée.
Enfin, en admettant que les avantages des unions consan-
guines entre individus parfaitement sains soient définitive-
ment démontrés, est-on autorisé, d'une manière générale, à
relever ces unions de la proscription dont elles sont frap-
pées et à les conseiller dans la pratique courante? Si
l'on pouvait appliquer à Tespèce humaine les procédés de
sélection dont on use en zootechnie, je l'accorderais peut-
être. Mais personne n'ignore combien les intérêts de la race
trouvent peu de place dans les considérations qui président
aux mariages et, dans les conditions sociales au milieu des-
quelles nous vivons, combien l'hérédité saine est rare com-
parativement à l'hérédité morbide, dont la consanguinité
décuple la funeste influence. Par ces raisons, je persiste à
croire que les unions consanguines offrent en général plus
de dangers que d'avantages, et qu'une sage hygiène doit les
proscrire.
Le veau hatos. — M. Sânson annonce que l'autopsie du
veau ûatos, présenté à la séance précédente, a été faite et
qu'elle a tranché la question relative à la viabilité. Tout en
laissant à M. Dareste le soin de faire connaître les détails de
cette autopsie, il croit pouvoir dire que ce veau n'était point
viable, par suite d'une malformation des organes génito-
urinaires. Il est du reste habituel de rencontrer chez les
sujets de ce genre, dont il a été observé de nombreux cas en
France, des troubles de développement analogues, avec la
malformation caractéristique des mâchoires.
OUVRAGES OFFERTS.
Gadbau de Kerville. Causeries sur le transformisme. Paris,
1886, in-i8, 474 pages.
Pavlow (Marie). Les ammomies du groupe Olcostepkanusver-
sicolor. Moscou, i886, kroch. in-8", 48 pages, 2 planches.
OBJETS OFFERTS. 87
Proust (Antonin), Rapport fait au nom de la Commission
chargée d'examiner le projet de loi, adopté par le Sénat, pour
la conservation des monuments et objets d'art ayant un inté-
rêt historique et artistique. Paris, 4887, broch. in-4",
i2l pages.
M. G. DE MoRTiLLET. Il y a quelques années, sous les aus-
pices de Henri Martin, la Société d'anthropologie prit i'initia-
tivedepublierlalistedesmonumentsmégalithiquesde France,
dressée par les soins de Henri Martin, Salmon, Leguay,
de Mortillet, Martinet, Chantre et Cartailhac. Cette liste
servit de base aux travaux de la Commission des monuments
mégalithiques, adjointe, au ministère des beaux-arts, à la
Commission des monuments historiques. Cette dernière com-
mission a provoqué le dépôt d'un projet de loi concernant la
conservation de ces divers monuments. Ce projet, après
quelques modifications, vient d'être admis par le Sénat. Il est
soumis actuellement à la Chambre des députés. Le rapport
la concernant, rédigé par M. Antonin Proust, vient d'être
publié. 11 contient comme pièce justificative la liste des mo-
numents renaissance, moyen âge, antiques et mégalithi-
ques, qui méritent principalement l'attention. La liste des
mégalithes a été dressée d'après la liste de la Société ,
revue, corrigée , épurée et malheureusement considérable-
ment diminuée. Le rapport sur les monuments histori-
ques trouve donc sa place toute naturelle dans notre biblio-
thèque.
Beddob (J.). The Physical Anthropology of tke Isle ofMan.
Broch. in-12, 44 pages.
PiGORiNi.* (L,). Le antiche staziom umane dei\dintof*ni di Cra-
covta e del comune di Breonio Veronese. Rome, 1887, broch.
in-l®, 6 pages.
OBJETS OFFERTS.
Carte de la vallée de Pérak, — M. Adrien de Mortillet. Notre
collègue, M. Jacques de Morgan, m'a chargé d'offrir de sa
88 SÉANCE DU 17 FÉVRIER i887.
part, à la Société, un exemplaire de la grande et belle carte
de la vallée de Pérak, qu'il a publiée en 1885.
Celle carte est à Téchelle de 1/120 000 et se compose de
deux feuilles. Elle comprend presque tout Tintérieur du
royaume de Pérak et le sud du royaume de Patani.
Le cours de la rivière de Pérak a été levé par les ingé-
nieurs du gouvernement de Pérak, pour lequel a été faile
cette carte, mais toute la contrée siluée à Test, comprenant
les rivières qui se jettent dans celle de Pérak et les mon-
tagnes, est rœuvre de M. Jacques de Morgan, qui a passé
plusieurs mois dans cette région en grande partie inexplorée.
ÉLECTIONS*
MM. A. Motet, Vidal-Naquet e;t;,le docteur Margano sont
élus membres titulaires.
PRESENTATIONS.
Tiols cas de conrormatioii Tlelease des organes génitaux t
atrophîo testlonlalre; eryptorehldle ; pseado-hermaphrO'»
(Msme m Aie;
PAR LB DOCTEUR MAGNAM.
L'étude des dégénérescences héréditaires est, depuis quel-
ques années, à Tordre du jour. Les médecins, les crimina-
listes, les anthropologistes , tous ceux qui s'occupent de
sciences biologiques trouvent là un fonds inépuisable d'ob-
servations. Les dégénérés, en effet, sont fort intéressants
aussi bien au point de vue psychique qu'au point de vue phy-
sique. Sous le rapport psychique, vous savez combien est
curieux leur état mental, cette déséquilibration intellectuelle,
cette déchéance des facultés qui nous fait assister quelquefois
à ce spectacle étrange d'une aptitude, d'une faculté prédo-
minante, remarquable à côté de la nullité la plus complète
pour d'autres modes de l'activité cérébrale. Et puis, lorsque
MAGNAN. — CONFORMATION VICIEUSE DBS ORGANES GÉNITAUX. 89
ces déséquilibrés sont pris de troubles intellectuels, de délire,
ils ont une folie tout à fait ^éciale, comme mode d'évolution,
comme marche, comme durée, même comme caractère des
manifestations délirantes ; et enfm, eux seuls présentent, avec
une rare netteté, des obsessions, des impulsions, des phé-
nomènes d'arrêt dont Yaboulie fournit un bel exemple; tout
autant de troubles, du reste, que Ton peut regarder comme
de véritables stigmates psychiques des dégénérescences héré-
ditaires, au même titre que les vices de conformation qui en
sont les stigmates physiques.
Parmi les troubles psychiques, les anomalies, les aberra-
tions, les perversions sexuelles sont des plus importantes
sous le rapport de la physiologie pathologique et de la méde-
cine légale. Pour éviter toute confusion et se faire une idée
plus précise de ces anomalies, il est nécessaire de les distri-
buer d'après leurs principaux caractères anatomiques et
physiologiques en quatre groupes distincts :
Les spinaux, qui forment le premier groupe, sont réduits
au réflexe simple, leur domaine se trouve limité à la moelle,
au centre génito-spinal de Bûdge. C'est Tonanisme chez
l'idiot complet.
Pour les seconds, les spinaux cérébraux postérieurs, le ré-
flexe part de Técorce cérébrale postérieure et aboutit à la
moelle. La vue seule, l'image d'un sujet de sexe différent,
quelles que soient ses qualités, qu'il soit beau ou laid, jeune
ou vieux, provoque l'orgasme vénérien. C'est l'acte ins-
tinctif purement brutal.
Un troisième groupe comprend les spinaux cérébraux anté-
rieurs. Le point de départ du réflexe est dans l'écorce céré-
brale antérieure ; c'est une influence psychique, comme dans
l'état normal, qui agit sur le centre génito-spinal; mais
l'idée, le sentiment ou le penchant sont ici pervertis. Comme
exemple, je rappellerai le penchant d'une femme de trente
ans pour un petit garçon de trois ans, et ses appétits irrésis-
tibles de copulation avec lui. D'autre part, l'acte conjugal
chez un homme, sous la dépendance exclusive du souvenir de
90 81^ ANGE DU 17 FÉVRIER 1887.
la tête d'une vieille femme ridée, couverte d'un bonnet de
nuit. Par suite, frigidité complète la première nuit des noces,
Fimage n'étant pas évoquée.
Le dernier groupe comprend les cérébratix antérieurs on
psychiques^ ce sont des extatiques, des érotomanes. Un jeune
élève des beaux-arts vit dans la chasteté absolue ; son amour,
c'est Myrtho, qui s'est réfugiée dans une étoile; il con-
temple tous les soirs cette étoile, lui adresse des vers, brûle
de l'encens.
Parmi les nialades du troisième groupe, à sentiments et à
penchants pervertis, se trouvent les sujets atteints d'inversion
du sens génital, c'est-à-dire des sujets qui, avec tous les at-
tributs, la conformation extérieure d'un sexe, offrent des sen-
timents, des aptitudes, des appétits et des instincts d'un autre
sexe; un cerveau d'homme, par exemple, au service d'un
corps de femme et réciproquement, ce qui crée cette anomalie
étrange de Thomme exclusivement amoureux de l'homme
et indifférent pour la femme, et réciproquement la femme
manifestant d'une façon exclusive du penchant pour la
femme.
Aujourd'hui, je demande la permission d'entretenir la So-
ciété de trois cas de conformation vicieuse des organes géni-
taux. Ces stigmates physiques se traduisent chez l'un par
l'atrophie des testicules, chez le second par de la cryptor-
chidie et une atrophie considérable de la vergé ; le troisième
est un hypospade scrotal à forme vulvaire, un pseudo-her-
maphrodite mâle. L'un des sujets, le cryptorchide, offre un
degré notable de faiblesse intellectuelle; les autres, tous
deux déséquilibrés, ont été pris d'accès délirants à évolu-
tion rapide, comme nous en voyons chez les dégénérés héré-
ditaires.
Observation!. Mariage consanguin et dispositions névropa-
thiques des ascendants. Débilité mentale; émotwité dès f enfance;
impulsions; plus tard, accès délirant. Atrophie testiculatre; seins
du volume dune mandarine. — S... (Antoine), âgé de trente
ans, est issu de germains ; sa grand'mère maternelle et sa
MAGNAN. — CONFORMATION VICIEUSE DES ORGANES GÉNITAUX. 91
mère sont hystériques ; son père, mal équilibré, se faisait re-
marquer par des emportements et des accès dç colère que
rien ne justifiait. Sa sœur est mélancolique.
Quant à lui, venu à terme, il a eu des convulsions dans
Tenfance ; d'une intelligence au-dessous de la moyenne, il a
acquis avec difficulté une instruction élémentaire ; il sait tou-
tefois lire^ écrire et compter d'une manière satisfaisante. Il a
appris au sortir de l'école le métier de peintre sur porcelaine^
ety au bout de plusieurs années, il a fini par devenir un ou-
vrier ordinaire.
Il est habituellement très impressionnable, irritable ; dans
les rues, il est pris souvent de craintes vagues, il redoute des
accidents ; dans l'enfance, il croyait parfois en marchant qu'il
allait perdre l'équilibre; il lui semblait par moments qu'il
s'enlevait au-dessus du sol.
11 s'est senti, à diverses reprises, poussé à frapper ; il pre-
nait tout à coup des objets et les brisait : «Je deviens enragé,
disait-il, je briserais tout. » Il avait confié à son frère un ré- .
volver qu'il ne voulait plus garder, ne se sentant plus maître
de lui et redoutant de faire usage de cette arme soit contre
les autres, soit contre lui-même.
Dans les derniers temps, en proie à des préoccupations hy-
pochondriaques, il avait rapidement présenté des hallucina-
tions^ des troubles de la sensibilité générale et des idées de
persécution ; très excité sous l'influence de ce délire, il avait
été amené, le 28 février 4886, à l'asile, d'où il est sorti au
bout de trois mois, guéri d'un accès délirant, mais non de sa
déséquilibration mentale.
Il présente une atrophie considérable des testicules, qui
sont réduits au volume d'un haricot, les bourses et le scro-
tum sont très peu développés, la verge est petite, mais l'ex-
trémité antérieure relativement volumineuse, probablement
à la suite de manœuvres de masturbation. Il a du penchant
pour les femmes, recherche leur société, et il vivait avec une
maîtresse quand il a été pris de délire. Les seins, comme on
le voit sur un plâtre obtenu par le moulage, sont du volume
92 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1887.
d'une grosse mandarine, l'aréole est assez étendue, mais le
mamelon est petit comme celui de l'homme. Le ventre est
proéminent, arrondi, mais le bassin a les apparences mascu-
Unes. Le larynx est peu saillant, la voix féminine. Les poils,
d*un blond pâle, sont fins et peu abondants.
Le second malade est atteint d*imbécillité, il n'a aucun sen-
timent de pudeur, il est indifférent à tout examen, et nous
pourrons sans nul inconvénient nous rendre compte immé-
diatement de la conformation vicieuse de ses organes géni-
taux, qui le rapprochent par certains côtés du pseudo-her-
maphrodite que nous verrons après lui . Voici en quelques
mots son histoire.
Observation IL Père mèiancolique suicidé; oncle et tante ma-
tetmels débiles. Imbécillité, microcépkalie ; prognathisme infé-
rieur ; colobome irien double; déformation de la papille et
émo'gence anormale des vaisseaux centraux; atrophie de la
verge, cryptorchidie; scrotum réduit à une petite bande médiane
, plissée transversalement, — C... (Paul), âgé de vingt-cinq ans,
est entré à l'asile Sainte-Anne le 18 mai 1885. Son père, mé-
lancolique, faisait parfois des excès de boissons et s'est
pendu. Sa mère est d'une intelligence ordinaire, mais une
tante et un oncle maternels, faibles d'esprit, s'adonnent à
l'ivrognerie. Sa sœur présente une asymétrie faciale des plus
accusées. Le malade, venu à terme, a eu, à diverses reprises,
des convulsions, de sept mois à sept ans. 11 n'a commencé à
marcher qu'à dix-huit mois et à prononcer quelques mots que
vers sa septième année. Il n'a pu recevoir aucune instruction,
il ne sait pas lire, il a été incapable d'apprendre un métier ;
sans mauvais instincts, c'est un imbécile docile, qui, sous une
direction continue, peut se livrer à quelques ouvrages ma-
nuels.
II blèse et articule difficilement les mots, son vocabu-
laire est, du reste, fort restreint ; il prend plaisir parfois à
faire des grimaces qui augmentent sa laideur et il est heu-
reux de pouvoir ainsi provoquer le rire. Quand il marche, son
allure est très disgracieuse, il renverse le tronc en arrière,
MAGNAN. — CONFORMATION VICIEUSE DES ORGANES GÉNITAUX. 93
fait de grands pas avec un déhanchement tout particulier et
projette, avec force, ses bras devant lui.
La tête est petite, le front étroit et les cheveux, d'un blond
pâle, s'étendent en pointe à la partie moyenne jusqu'au milieu
du front. Les dents sont grosses, irrégulièrement implantées ;
la voûte palatine est ogivale ; la mâchoire inférieure est al-
longée et proéminente. Les yeux sont d'un bleu pâle; les
iris fissurés en bas et en dedans, comme à la suite d'une iri-
dectomie, donnent à la pupille une forme ovalaire et au regard
un aspect étrange.
L'examen des yeux, fait par M. Kalt, chef de clinique de
M. le professeur Panas, a donné le résultat suivant :
« Les cornées et les sclérotiques sont conformées normale-
me nt.L' astigmatisme cornéen ne dépasse pas une dioptrie.
«Observations générales. A l'éclairage oblique, on découvre
à la partie inférieure de la fente colobomateuse, sur l'œil
gauche, le bord équatorial du cristallin. En arrière de la len-
tille se voit une petite masse brunâtre paraissant accolée à la
cristalloïde postérieure, s'avançant vers le centre du cris-
tallin sur une hauteur apparente d'environ 2 millimètres. 11
est impossible d'apercevoir le point d'implantation périphé-
rique de cette masse brune, qui paraît être en continuité
avec le corps ciliaire.
« Le cristallin est transparent dans toutes ses parties, sauf
au côté inféro-inteme où l'on aperçoit une opacité grisâtre,
allongée en forme de strie qui gagne presque le centre de la
lentille. Son extrémité périphérique aboutit à l'insertion de
la masse brune sur le cristallin. Cette strie est due à l'opaci-
fication des masses corticales postérieurs de la lentille.
« A droite, le cristallin est normal.
« Les deux papilles présentent une excavation physiolo-
gique. A droite, existe un croissant blanc décrit sous le nom
de cône, A gauche, la papille paraît légèrement ovalaire, à
grand axe vertical (image renversée). Les vaisseaux émergent
en un point très rapproché du bord interne de la papille et
se bifurquent prématurément dans l'intérieur du nerf, en
94 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1887.
sorte qae plusieurs branches sortent en des points très rap-
prochés du bord externe de la papiJle.
tt Pas de coloboma choroîdien ; les maculas ont Taspeot or-
dinaire. Les deux yeux sont hypermétropes de quatre diop-
tries. L*acnïté visuelle, autant qu'on peut l'apprécier sur ce
sujet, parait à peu près normale. »
La poitrine est glabre, les seins assez développés sans tou-
tefois que Taréole et le mamelon aient Taspect féminin. Sa
taille est de 1",60, son poids de 52 kilogrammes. Les mem-
bres thoraciques sont longs, les doigts grêles et effilés comme
ceux d'une femme. Les cuisses sont arrondies, mais le bassin
a plutôt la conformation masculine : le diamètre antéro-pos-
térieur, de la région sacro-lombaire à la partie supérieure de
la symphyse pubienne, est de 19 centimètres; la circonfé-
rence au niveau de la partie supérieure des oseoxaux mesure
7i centimètres ; le diamètre transversal du basain au détroit
supérieur donne 22 centimètres ; enfin la distance entre les
deux épines iliaques antéro-supérieures est de 17 centi-
mètres.
Le pubis, surmonté d'un mont de Vénus saillant, est om-
bragé de rares poils (fig. 1, a) ; la verge, du volume du petit
doigt, est profondément implantée au-dessous [b] ; le scrotum,
très effacé, est réduit à une bande médiane d'une largeur de
3 centimètres environ, plissé transversalement, divisé au
milieu par un mince raphé (c). En déprimant cette bande
à l'aide d'une petite tige, on voit saillir de chaque côté un
bourrelet cutané dont le rapprochement de la ligne médiane
à mesure que la partie moyenne s'enfonce, simule une vulve.
L'exploration du scrotum rudimentaire, pas plus que des
replis cutanés avoisinants, ne laisse percevoir aucune trace
de testicule.
G..« (Paul) ne se livre pas à l'onanisme, il ne paraît avoir
aucun désir sexuel, et, sous ce rapport, est d'une indifférence
égale pour les deux sexes.
Ce fait sert, en quelque sorte, de trait d'union entre l'atro-
phie simple des organes génitaux et l'atrophie avec division
Fit', i.
96 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 4887.
scrotale donnant les apparences d'une vulve. Ici, en effet,
c'est un rudiment de scrotum qui semble s'être formé tardi-
vement pour pourvoir à l'occlusion du sinus urogénital, et la
bande étroite qui le constitue, bridant la région sous-pu-
bienne, n'a pas permis la descente des testicules. La micro-
céphalie, les fissures iriennes, dénotent les troubles considé-
rables de nutrition qui ont présidé au développement de ce
sujet; la faiblesse intellectuelle, à son tour, nous fait pres-
sentir des modifications notables du cerveau.
Dans le fait suivant, c'est dans les organes génito-urinaires
surtout que les perturbations nutritives se sont produites.
Observation III. Père ivrogne. Débilité mentale sur laquelle
se greffe un accès délirant à évolution rapide. Garçon inscrit
comme fille à l'état civile conserve des vêtements de femme jus-
qu'à vingt^quatre ans. Hypospade scrotal à forme vutvaire.
Pseudo-hermaphrodite tnâle. — C... (Marins), âgé de vingt-
cinq ans', entre à l'asile Sainte-Anne le 20 octobre i886^ dans
un accès d'agitation avec délire mélancolique et mystique.
Son père, adonné à l'ivrognerie, est mort d'une apoplexie ce
rébrale; sa mère est nerveuse, mal équilibrée; une de ses
sœurs est morte de méningite à onze mois. Né à Ballots
(Mayenne), où on l'a inscrit sur les registres de l'état civil
comme appartenant au sexe féminin. Considéré comme fille,
on lui met des vêtements féminins et on l'envoie à l'école des
filles. A sept ans, ses petites camarades ayant remarqué une
conformation extraordinaire de ses organes génitaux se mo-
quent de lui. On le place alors dans un pensionnat dirigé par
des religieuses. A treize ans, il quitte le pensionnat et entre
dans un couvent de Bénédictines, où Tune de ses tantes, reli-
gieuse, le destine au noviciat. Son peu d'aptitude au travail,
la lenteur de son intelligence et l'apparition d'un peu de barbe
au menton, en font peu à peu la risée de ses compagnes. 11
quitte le couvent et rentre à la maison auprès de sa mère,
s'occupe du ménage, fait la cuisine, coud et tricote.
A la mort de son père, il s'éloigne de sa famille pour
suivre, en qualité de domestique, un M. G..., âgé de soixante-
MAGNAN. -- CONFORMATION VICIEUSE DES OUGANES GÉNITAUX, 97
dix aas, qui l'emmène à la Martinique. A peine arrivé en
Amérique^ il devient l'objet des assiduités de son vieux pa-
tron; il lui cède, mais comme aucun rapport normal ne peut
s'effectuer, cet homme se livre sur lui à des actes contre na-
ture, et ils finissent par Tonanisme buccal réciproque.
Cependant, une négresse, domestique dans la même mai-
son, s'étant aperçue de sa conformation, le prend pour un
homme, en devient amoureuse et lui demande à partager
son lit. Une mulâtresse fait à son tour sa conquête, mais, ni
avec Tune ni avec Tautre de ces deux femmes, il n'éprouve
les satisfactions que lui procurait son patron.
La barbe, qui continue à pousser, devient la cause des mo-
queries de la part de l'entourage, et C... finit, au bout de
trois ans, par se décider à rentrer en France, désireux de
changer de costume et de position. Arrivé à Saint- Nazaire,
il se fait examiner par un médecin, qui le déclare homme. Il
change aussitôt son nom de Marie en celui de Marius, prend
des vêtements d'homme, rentre à Paris et s'engage comme
infirmier dans une communauté de religieux, non sans avoir
subi un double examen du Père supérieur, qui finit par le
reconnaître masculin.
Vers le 17 octobre i886, il est pris assez rapidement de
délire après quelques excès , d'ailleurs très modérés, de
boissons. A son arrivée à l'eisile, il crie, gémit, se lamente,
prétend répandre autour de lui une odeur empestée, exprime
des craintes de toute nature ; il se dit l'archange saint Michel,
l'Antéchrist, le roi des juifs. « Je suis un misérable, tuez-
moi; j'ai tué mon père et ma mère. » 11 croit qu'on veut l'em-
poisonner, refuse de manger; il s'imagine qu'on veut le
mettre dans un bain d'huile bouillante et il s'échappe par la
fenêtre. C!onstamment inquiet, se nourrissant mal, ne dor-
mant ni jour ni nuit, il s'affaisse rapidement; les vomisse-
ments empêchent le cathétérisme œsophagien, on le nourrit
à l'aide de lavements peptonisés. Toutefois les hallucinations
diminuent d'intensité, l'excitation s'apaise peu à peu, les
idées mélancoliques, mystiques, ambitieuses, disparaissent,
T. X {3« BéRUS). 7
98
SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1887.
et il consent à prendre quelques aliments. Quinze jours après
son entrée, il est déjà en voie d'amélioration, et, depuis plus
Fig. 2.
de six semaines, il est tranquille, raisonnable, il dort bien,
mange avec appétit et s'occupe d'une façon régulière dans le
service.
Ce malade, par la conformation de ses organes génitaux,
MAGNAN. — CONFORMATION VICIEUSE DES ORGANES GÉNITAUX. 99
est un hypospade scrotal à forme vulvaire^ un pseudo-her-
Fig. 8.
raaphrodile mâle : sa verge (a) mesure 4 centimètres et demi
1 F. Guyon, Des vices de conformation de Vuréthre chez V homme ei des
moyens d'y remédier, Paris, 186:<, p. 68.
iÔO SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1887.
(fig.2); elle est formée de la portion glandaire du corps spon-
gieux et d'une portion du corps caverneux ; le gland, imper-
foré, est muni au bord inférieur d'une légère dépression;
dans l'érection, l'organe se recourbe en bas et en arrière,
retenu dans cette position par deux brides très nettes, qui
sont les rudiments de la portion cylindroïde du corps spon-
gieux. Ces brides (fig. 3, rf), dites masculines par M. Pozzi, se
retrouvent chez la femme et répondraient, d'après cet auteur,
à des parties homologues dans les deux sexes *. Au-dessous
delà verge et de chaque côté, il y a apparence de griandes
lèvres résultant du défaut de soudure des deux sacs cutanés
dont la réunion à l'état normal forment la double poche
8crotale(fig. 2, b). Ces deux lèvres limilent une fente verti-
cale qui aboutit à un cul-de-sac simulant une vulve (flg. 2, c).
A 3 centimètres et demi au-dessous de la verge, se trouve
le méat urinaire (fig. 3, e), mis en communication avec le
pénis par les deux brides masculines, qui se séparent en bas
pour embrasser l'orifice. A3 millimètres au-dessous du méat,
on aperçoit un autre orifice qui s'ouvre dans un conduit
analogue au vagin qui n'a pas moins de io centimèjtres de
longueur et qui admet une sonde d'un assez gros calibre
(fig. 3, f). L'anus [g) se trouve à 4 centimètres en arrière de
l'orilice de ce pseudo-vagin. Le toucher rectal, après Tintromis-
sion de deux sondes, l'une dans l'urèthre, l'autre dans le canal
sous-jacent, permet de sentir la première sonde dans un plan
très élevé, et la seconde presque sous le doigt; celle-ci
semble, en outre, profondément, se dévier légèrement à
droite. Celte sonde retirée laisse voir à son extrémité, au ni-
veau de son orifice latéral, quelques gouttes d'un mucus
blanchâtre, inodore, au milieu duquel, au microscope, on
voit quelques cellules épithéliales.
La palpation des régions inguinales, sus et sous-pubiennes,
de môme que le toucher rectal, ne décèlent pas la présence
• Pozai, De la bride masculitie du vestibule chez là femme et de l'origine
de Chymen (Gomm.à la bociété do biologie, 2« janvior et JO février 1884).
Fig. 4.
102 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1887.
de testicules. Le malade ne sait pas dire si, lorsqu*ilse mas-
turbe, il sort du liquide par le méat. Toutefois, on a trouvé
dans son lit des taches dont Taspect rappelait les taches sper-
matiques.
Ajoutons enfin que cet individu, hormis ses organes géni-
taux, possède les attributs du sexe masculin. Toutefois, sa
voix est flûtée, sa taille, petite, atteint à peine i",44, son
bassin est un peu large : la distance, en efl'et, entre les deux
épines iliaques antéro-supérieures est de 24 centimètres; le
diamètre transversal au détroit supérieur est de 23 centi-
mètres et demi ; la circonférence au niveau du bord supérieur
des os coxaux mesure 82 centimètres, et le diamètre antéro-
postérieur de la région sacro-lombaire à la partie supérieure
de la symphyse pubienne est de 22 centimètres ; les seins
sont un peu gros, mais ni Taréole ni le mamelon n*offrent
rien de particulier (fîg. 4).
Nous avons vu, chez ce malade, le développement brusque
et la cessation rapide d'un accès délirant polymorphe ; tout
à coup des idées mélancoliques, mystiques, ambitieuses, des
idées de persécution se sont montrées, s*enchevôtrant sans
ordre et donnant lieu en peu de temps aux manifestations
les plus variées.
Nous devons encore relever chez ce sujet Taberration
sexuelle qui le poussait à rechercher plus volontiers le com-
merce de son patron que les caresses des femmes. Cette ten-
dance à Tinversion du sens génital est assez rare chez les
pseudo-hermaphrodites mâles, qui se font au contraire re-
marquer par Tattrait qu'ils éprouvent pour les relations
féminines ; c'est même pour eux une sorte de révélation ; se
croyant femmes, ils s'étonnent eux-mêmes de leur inclina-
tion pour les femmes, et, dans quelques cas, ils sont ainsi
portés à douter de leur sexe et à se soumettre à l'examen qui
vient les éclairer.
Dans le cas de M. Magitot*, le sujet marié comme femme a
* Magitot. Nouveau cas d'hermaphrodisme {Bull, Soc. d*anfhtop., 2 juin
MAGNAN. — CONFORMATION VICIEUSE DES ORGANES GÉNITAUX. 103
loujoars recherché les relations féminines et, à la mort de
son mari, il a continué à avoir des maîtresses. Dans la dis-
cussion qui a suivi cette communication, M. Mathias Duval a
fait observer qu*il n'y avait jamais d'hermaphrodisme pro-
prement dit, et dans ce cas le sujet du sexe masculin était
un homme par ses organes internes et un embryon par ses
organes génitaux externes arrêtés dans leur évolution.
Pour nous rendre mieux compte de la conformation et des
rapports des différentes parties constituantes des organes gé-
nitaux dans Thypospadi&s périnéal, nous rappellerons le fait
fort instructif publié par M. Goujon ^ L*examen anatomique
permet de constater la présence dans leur position habi*
tuelle des deux glandes séminales, en arrière de la vessie ;
d'autre part, les deux conduits éjaculateurs viennent débou-
cher près du bord antérieur du pseudo-vagin (utricule pros-
tatique). Cette disposition rappelle Tétat normal, c'est-à-dire
les rapports de Tutricule prostatique avec Tembouchure des
conduits éjaculateurs.
Sur le sujet de M. Goujon, le pseudo-vagin, qui mesure
6 centimètres et demi, était beaucoup plus court que chez
notre malade ; mais il était plus large, puisqu'il pouvait re-
cevoir le doigt indicateur. Chez lui, l'un des testicules était
logé dans la lèvre droite, tandis que G... (Marins) est cryptor-
chide. La verge rudimentaire, le méat et les replis cutanés
qui simulent les grandes lèvres offrent dans les deux cas la
même disposition.
Discussion.
M. Sanson. L'un des sujets qui viennent de nous être pré-
sentés est un dégénéré, et il est issu de parents consanguins.
11 nous fournit un exemple excellent pour éclaircir la question
soulevée au commencement de la séance. Il faut remarquer
J881). Voir Brouardel, Des empêchements au mariage et de l'hermaphro'
disme en particulier {Gazette des hôpitaux^ n^* 1 et 8, jaov. 1887).
' GoujoD, Elude d'un cas d hermaphrodisme bisexuel imparfait chez
l'homme, avec 2 planches {Joum. anat. et physiol. de Robin, novembre et
décembre 1869).
i04 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1887.
que ses parents n*étaient saios ni Ton ni Tautre. Il est évident
qu*en pareil cas l'hérédité pathologique est presque fatale.
On n'a pas à accuser ici la consanguinité, mais simplement
l'hérédité. La consanguinité n a agi qu*en rendant l'hérédité
infaillible, comme c'est toujours son cas^ en bien comme en
mal. Avant de demander au nom de Thygiène à la législation
de proscrire les unions consanguines, il faudrait savoir si
ces unions donnent lieu à plus d'accidents fâcheux que les
mariages non consanguins. Or, c'est ce que Ton n'a pu
éclaircir jusqu'à présent, les documents statistiques nous
faisant pour cela complètement défaut.
M. DE Ranse fait observer que M. Sanson est, au fond, du
même avis que lui. Puisqu'il y a plus de chances pour que
deux époux consanguins apportent des influences morbides
identiques, il est plus sage de proscrire leur union.
M. Sanson. Non, parce que la consanguinité des unions
comporte des chances heureuses, autant et peut-être plus que
de mauvaises.
CO,MMUMCAT10NS.
Qnelqaes e»aoldlératloiis sar révolaiioa pkylog^afqwe
des kéaii«|ihéres eérébraox de Tlioiitaie ;
PAR M. L8 DOCTBUR FAUVELLB.
Personne ne l'ignore, les propriétés caractéristiques des
éléments anatomiqnes des hémisphères cérébraux sont, d'une
part, la possibilité d'être impressionnés d'une manière plus
ou moins durable par les excitations périphériques, et do
l'autre, le pouvoir de faire contracter volontairement la
substance musculaire avec plus ou moins d'énergie. Sensibi-
lité memor et volonté sont donc les caractères spéciaux qui
distinguent l'appareil cérébral de la moelle épinière et des
ganglions viscéraux. Ceux-ci sont également excitables et
susceptibles de faire contracter les éléments musculaires ;
lAais les excitations n'y laissent aucune trace appréciable,
les contractions qu'ils produisent sont involontaires et leur
FAUVELLE. — ÉVOLUTION DES HÉMISPHÈRES CÉRÉBRAUX. 105
énergie ne dépend que de Ténergie de Tezcitation. Enfin ces
deux derniers appareils diffèrent entre eux en ce que Tun
est en relation avec le monde extérieur, tandis que Tautre
est le siège des excitations et des mouvements internes.
L'embryogénie nous apprend que le système nerveux dans
son ensemble est contenu d'abord implicitement dans Tœuf
et dans les cellules qui procèdent directement de sa seg-
mentation. C'est seulement lorsque les trois feuillets du blas-
toderme sont constitués, que les cellules de la substance
nerveuse se différencient de l'ectoderme sous forme d'une
gouttière, puis d'un tube qui n'est autre que la moelle épi*
nière.
Avant que celle-ci ne s'isole complètement du feuillet
externe, il naît de la lame médullaire qui l'y rattache,
comme l'a démontré M. Mathias Duval, d'autres éléments
qui vont former les ganglions des racines spinales sensitives
et consécutivement tous les ganglions splanchniques.
Quant aux hémisphères cérébraux, ils n'apparaissent
qu'un peu plus tard sous forme de deux sphères qui procè-
dent du renflement terminal du tube médullaire. Ainsi la
moelle est le centre nerveux par excellence; c'est lui qui
concentre d'abord toutes les propriétés du système.
Cette première partie de l'évolution ontogénique du sys-
tème nerveux de l'homme a-t-elle son pendant dans la série
phylogénique dont il procède ? C'est ce que nous allons
examiner.
La paléontologie, qui d'une manière générale nous a
fourni des renseignements précieux sur l'origine des espèces
animales et végétales, nous apprend peu de chose à ce sujet,
puisqu'elle ne nous a conservé que les parties solides des
êtres anciens. Les premiers vertébrés qui apparaissent à la
fin du silurien, sont des poissons dépourvus de squelette
interne, mais qui étaient protégés par des plaques osseuses
formant cuirasse autour de la tète et du tronc ; des écailles
plus petites couvraient la partie postérieure du corps. Cette
espèce de carapace a fait supposer à certains paléonlologis-
106 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1887.
tes qu'il existait des liens de parenté entre ces poissons et
.les crustacés. Peut-être est-ce à ce moment que s'est fait le
passage entre les deux grands embranchements du règne
animal. Mais il serait téméraire d'être affirmatif à ce sujets
sans baser son opinion sur autre chose que de simples appa-
rences. En effet, on aurait tort de regarder comme un lien
de parenté directe, la ressemblance extérieure qui existe
entre la coquille de certains foraminifères et celles des am-
monites ou des gastéropodes. Nous verrons plus loiil s'il est
possible d'étayer sur des bases plus solides l'opinion des pa-
léontologistes.
Nous sommes donc réduits à porter nos recherches sur
les animaux actuels qui, bien que ne figurant pas dans la
généalogie directe de l'homme, ont conservé dans la suite
des âges certains caractères primitifs, remontant aux ancê-
tres communs qui ont disparu soit par extinction, soit par
transformation de l'espèce.
L'individu monocellulaire, tel que l'amibe, présente à un
certain degré ^toutes les propriétés des animaux supérieurs
et spécialement la sensibilité memor et la motilitô volontaire.
Observé dans le champ du microscope, on le voit développer
ses pseudopodes spontanément, soit pour progresser, soit
pour attirer dans l'intérieur du sarcode les particules alibiles
qui nagent dans le milieu ambiant. Il fait circuler ces petits
corps dans sa masse protoplasmique ; ils y sont digérés, et
les parties non assimilables sont rejetées au dehors. Si, lors-
que les pseudopodes sont en fonction, une substance étran-
gère liquide ou solide vient à les impressionner péniblement,
on voit l'amibe les rétracter successivement et les réintégrer
dans la masse centrale, pour reprendre plus tard son travail
lorsque le danger sera passé. Les éléments digestifs, muscu-
laires et nerveux se trouvent donc confondus dans le proto-
plasma, sans doute dans un certain ordre qui a échappé
jusqu'ici à nos investigations.
C'est dans la classe des Cœlentérés que Ton voit successi-
vement se différencier tous ces éléments. Entre l'ectoderme
FAUYELLE. — ÉVOLUTION DES HÉMISPHÈRES CÉRÉBRAUX. 107
chargé des relations extérieures et rentoderme auquel est
confiée la digestion des aliments, on voit d'abord apparaître
la cellule musculaire, que suit un filet conducteur sorti des
cellules de Tectoderme et qui la fait contracter. Dans des
familles d*un ordre plus élevé, les éléments nerveux sUsolent;
d'abord dispersés entre les cellules de Tectoderme, ils finis-
sent chez les méduses par se réunir en anneau autour de
Torifice de la cavité^ centrale. Cet anneau se retrouve dans la
même situation chez les échinodermes.
Les cellules nerveuses ne commencent à se grouper en
ganglions que chez les vers. Les plus inférieurs en présentent
un seul, simple ou scindé, dans le voisinage delà bouche. La
trochosphère, ou larve de chétopode de Loven, paraît en
être le type. Les annélides, qui ne sont qu'une succession de
trochosphères, ont deux ganglions à chaque anneau ; mais
jusqu'ici, bien que le ganglion céphalique paraisse avoir une
cei*taine prépondérance, sans doute à cause des organes des
sens qu'il anime, on ne trouve aucune différenciation entre
les centres nerveux. La chaîne ganglionnaire tout entière
paraît douée de sensibilité consciente et de volonté^ en même
temps qu'elle préside aux fonctions de la vie végétative.
Cependant les hirudinées possèdent, parallèlement au sys-
tème nerveux central, un grand sympathique bien déterminé.
Cette première différenciation est à peu près constante
dans les arthropodes. Chez les insectes dont les éléments
anatomiques, malgré leur petit nombre, présentent une
grande perfection, on admet que le ganglion sus-œsophagien,
volumineux et d'une structure compliquée, est le siège de la
volonté et de l'intelligence. Mais il ne paraît pas bien démon-
tré que les masses nerveuses de la chaîne thoraco-abdominale
soient absolument dénuées de sensibilité tactile et de voli-
tions indépendantes. En tous cas, la spéciaUsation du gan*
glion cérébroïde n'a lieu que chez l'adulte^ car la larve offre
généralement tous les caractères des annélides, et il ne peut
être comparé à nos hémisphères, mais seulement à la vési-
cule cérébrale antérieure qui leur donne naissance.
i08 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1887.
Voyons maintenant comment a Heu le passage des articulés
aux vertébrés. L'insecte présente une inversion complète des
organes : le vaisseau cardiaque est dorsal ; puis vient le tube
digestif, au-dessous duquel on trouve la double chaîne des
ganglions; leur moitié dorsale fournit les nerfs, moteurs et
les sensitifs sortent de la moitié ventrale ; enfm viennent se
placer les racines des membres. On le voit, la seule diffé-
rence tient à la position de la bouche ; en la transportant du
côté du vaisseau cardiaque, on obtient immédiatement un
vertébré. Or, cette transposition a lieu par le fait seul du
développement de Taxe nerveux central ; c'est par là que la
question se rattache à mon sujet.
Chez les insectes, comme Kowalevski Ta démontré, la
gouttière primitive, formée parTectoderme, donne naissance
non à un tube nerveux, mais h deux cordons réunis à leur
extrémité antérieure par ce qui deviendra le ganglion sus-
œsophagien. Immédiatement au-dessous de cette commis-
sure antérieure, Tectoderme s'invagine et va s'ouvrir dans
rintestin moyen ; la bouche est constituée. Chez les verté-
brés, la formation d'un tube médullaire continu rend cette
invagination impossible. Néanmoins, le tube digestif a tou-
jours tendance à s'ouvrir par-delà Taxe nerveux. Il part de
la portion pharyngienne de l'intestin primitif un processus
qui vient buter contre la base des vésicules cérébrales, en
avant de Textrémité de la corde dorsale. Ce processus se
trouve bientôt pincé et oblitéré entre le sphénoïde anté-
rieur et le postérieur par le développement convergent de
leurs cartilages, sauf à son extrémité, qui constituera le
corps pituitaire , ou hypophyse ; celui-ci reste là comme
témoin, sans remplir aucune fonction. Cette petite masse
épithéliale intra-crânienne, qui a tant intrigué les physio-
logistes, se rencontre chez tous les vertébrés craniotes et
manque tout naturellement chez les acraniens, puisque c'est
la formation de la base du crâne qui la produit.
Cette hypothèse du mode de passage des articulés aux
vertébrés, se trouve confirmée par les belles recherches de
FAL'VELLE. — ÉVOLUTION DES HÉMISPHÈRES CÉRÉBRAUX. i09
Kowalevski sur le développement des tuniciers. En effet, sur
des figures reproduites par Glaus dans sa Zoologie (p. H 24,
trad. de Moquin- Tandon, fig. 958 et 959), on peut voir le
processus pharyngien passer graduellement par-dessus la
vésicule antérieure du tube nerveux de la larve des ascidies
et se continuer avec l'invagination buccale de Tectoderme
dorsal. Ainsi, chez ces vertébrés avortés, la brièveté en
avant du tube nerveux central entraîne la persistance de la
bouche dorsale. Chez l'adulte, cette esquisse du vertébré
s'efface ; la vésicule cérébrale se transforme en ganglion et
le reste dn tube médullaire disparaît ainsi que la corde
dorsale.
Chez tous les autres animaux dont la chaîne ganglion^
naire a été remplacée par un axe nerveux continu, le proces-
sus pharyngien a été arrêté, et l'invagination de Tectoderme
vers l'intestin antérieur ayant eu lieu en avant, la bouche
est devenue ventrale. Ce transfert de l'orifice antérieur du
tube digestif, explique tout naturellement là disposition
inverse des organes splanchniques chez les annélides et les
articulés d'une part, et chez les vertébrés de l'autre. C'est
cette même transposition qui a entraîné le changement de
direction des membres, dont les attaches au lieu d'être ven-
trales comme chez les arthropodes, sont devenues dorsales
chez les vertébrés. L'animal s'est simplement retourné.
En somme, l'apparition des vertébrés a pour cause le dé-
veloppement de l'axe nerveux central, dont toutes les mas-
ses ganglionnaires se sont fusionnées pour former une co-
lonne continue, qui se trouve enveloppée par les cordons
conducteurs qui unissent les centres d'innervation entre
eux.
n n'y a donc rien d'impossible à ce que le passage ait eu
lieu entre les crustacés et les poissons placodermes durant
le silurien, époque où abondaient les mérostomes, dont nos
limules sont les derniers représentants et dont le Cephalaspis
Lyelli rappelle si bien la forme.
L'amphioxus, le plus inférieur ou mieux le plus dégradé
HO SÉANCE DU 17 FÉVRIEK 1887.
des vertébrés, présente la moelle épinière dans sa ,plus
grande simplicité. L'absence d'organes spéciaux pour la
vision, Touïe et l'odorat a fait disparaître tout renflement
cérébral notable. On n'y constate aucune différenciation
entre les éléments nerveux. La sensibilité memor et la moti-
lité volontaire sont réparties dans tout l'axe médullaire qui
préside également aux fonctions de la vie végétative.
Chez les cyclostomes, qui viennent ensuite dans la série
ascendante, la présence des organes des sens rend à la par-
tie antérieure de la moelle son importance naturelle. Mais il
n'y a pas encore d'hémisphères cérébraux, pas même d'ap-
pareil sympathique. Toutes les propriétés nerveuses sont
concentrées dans la colonne médullaire.
Les hémisphères apparaissent en même temps que la chaîne
des ganglions viscéraux chez les poissons osseux et cartila-
gineux. Il ne s'ensuit pas pour cela que la mémoire et la
volonté aient désormais quitté la moelle pour se localiser
dans les vésicules latérales du cerveau antérieur. En effet,
des expériences récentes de M. Is. Steiner, d'Heidelberg,
confirmées il y a quelques mois par M. Vulpian, ont montré
que des carpes, auxquelles on avait enlevé ces vésicules, ne
présentaient aucune différence tranchée avec d'autres carpes
restées intactes.
L'une des opérées de M. Vulpian a survécu six mois. « Elle
offrait, dit le savant physiologiste, les mêmes allures que les
carpes saines, les mouvements respiratoires étaient normaux.
Elle voyait les obstacles et savait les éviter ; elle voyait aussi
les aliments qu'on laissait tomber au fond de l'eau, allait les
saisir et les avalait facilement. » L'autopsie démontra que
les hémisphères avaient été bien exactement enlevés, sans
aucune lésion des parties voisines, et qu'ils ne s'étaient pas
reproduits.
Je pense néanmoins qu'il serait prématuré de conclure de
ces faits à l'inutilité complète de ces organes chez les pois-
sons osseux ; on ne connaît pas assez l'état mental de ces
animaux pour oser rien affirmer. 11 y aurait intérêt, je pense,
FAUYELLB. — ÉVOLUTION DES HÉMISPHÈRES CÉRÉBRAUX. IH
à faire Tanatomie microscopique de leurs vésicules céré-
brales et à répéter rexpérience sur des poissons cartilagi-
neux, qui présentent des caractères d'élévation incontestables
et qui doivent certainement être la souche des vertébrés
aériens.
J'ajouterai, toutefois, que d'autres observations du même
M. Yulpian, remontant à 1854; avaient donné lieu à des con-
clusions tout à fait opposées^ et qu'il attribue ces résultats
contradictoires à ce qu'il procède aujourd'hui à l'occlusion
hermétique du crâne avant de remettre l'animal dans son
élément, tandis qu'en J854 le reste de l'encéphale demeurait
exposé à l'action nocive de l'eau. Ce serait donc ce reste de
l'encéphale qui serait le siège de la fonction cérébrale chez
ces carpes.
Si la différenciation reste douteuse pour les poissons, elle
est bien définie chez tous les autres vertébrés. Sans hémi-
sphères cérébraux il n'y a pas d'excitabilité consciente, quelle
que soit la surface sensorielle mise en jeu, et il ne se pro-
duit aucun mouvement volontaire déterminé par des sensa-
tions anciennement perçues et retenues. Si Texcitation des
nerfs crâniens sensitifs produit des contractions musculaires,
elles sont purement réflexes.
Le véritable point de départ de l'évolution phylogénique
du cerveau de l'homme est donc l'apparition de cet organe
dans la classe des poissons. Mais pour se rendre bien compte
du développement successif qu'il a subi, il est indispensable
de préciser le pouvoir excito-moteur de la moelle et de son
prolongement encéphalique.
Tous les physiologistes sont d'accord pour admettre que
l'excitation de tous les nerfs sensitifs est susceptible de pro-
duire des mouvements réflexes. Déjeunes chiens et de jeunes
chats auxquels Longet avait enlevé les hémisphères céré-
braux, exécutaient des mouvements brusques de mastication
et faisaient grimacer leurs lèvres, lorsqu'on versait dans
leur gueule une décoction concentrée de coloquinte. Le
même expérimentateur a montré que, sur des pigeons qui
il2 SÉANCE DU n FÉVRIER 1887.
avaient subi la même mutilation, la lumière et le bruit exci<*
talent le centre médullaire. Pour Taudition^ ces constatations
ont été confirmées par M. Yulpian sur des rats. Mai)s pour
obtenir ces résultats, il faut des excitations d*une certaine
intensité. Quand on compare ces animaux mis en expérience
aux carpes de MM. Steiner et Yulpian, il est manifeste que
les centres de perceptions délicates des sens spéciaux ont
subi un déplacement. Il n'en est pas de même de la sensibi-
lité générale. Les jeunes chiens de Longet se grattaient le
nez, lorsqu'on en approchait de Tammoniaque. La poule de
Flourens qui vécut dix mois sans cerveau et serait morte de
faim si on ne Teût empâtée, secouait la tête, agitait ses plu-
mes et s'épluchait sous Tinfluence des moindres excitations
de la peau.
Par ces deux derniers exemples, on voit que les mouve-
ments qui sont sous Tinfluence de la moelle, sont nombreux
et présentent une coordination souvent très compliquée. La
station, la marche, le saut, le vol, la natation s'exécutent
régulièrement chez les oiseaux privés de leurs lobes céré-
braux, lorsqu'on sollicite ces mouvements par des excita-
tions appropriées. Il en est de même chez les jeunes chats
pour les mouvements de défense, d'après les expériences
toutes récentes de notre collègue Laborde. Les grenouilles
décapitées dirigent leurs pattes postérieures vers l'anus cau-
térisé par l'acide azotique. Après l'ablation de toute la partie
de l'encéphale située en avant du pont de Varole, les ani-
maux pinces énergiquement poussent des cris plaintifs. Ce
dernier réflexe a pour siège la protubérance. annulaire dont
on a voulu faire un centre émotif ou perceptif des impres-
sions douloureuses, sous prétexte que les cris produits par
les mêmes excitations perdent après son ablation leur durée
prolongée, et sont brefs et comparables à ceux qu'émettent
certains jouets d'enfant. Mais maintenant que, grâce aux
travaux de M. Mathias Du val, on sait que la substance grise
de la protubérance n'est que la continuation de celle de la
moelle sans interposition de nouveaux éléments, il est certain
FAUVBLLS. — àtOLUnON DBS HÉMlSPHàRBfl GÉRiBRAUX. 113
que les plaintes, si prolongées qu'elles soient, sont de purs
réflexes. Du reste, tous les animaux et Thomme même ont
leurs plaintes et cris spéciaux qui^ malgré leur expression
déchirante, sont absolument exempts de tout calcul voion-
taire» lorsqu'ils répondent à des excitations proportionnelle-
ment intenses.
Les notions précises que Ton possède aujourd'hui sur la
structure de la moelle et du mésocéphale expliquent parfai-
«tement la production de ces phénomènes excito^moteurs qui,
chez les vertébrés inférieurs à respiration aérienne, consti-
tuent tous les phénomènes de la vie de relation.
Lé cerveau le plus simple doit donc être celui dont les élé-
ments sensitifs et volitifs représentent, comme nombre et
relations, les éléments excito-moteurs de la moelle et de son
prolongement encéphalique. Ge parallélisme complet existe-
t-il chez les amphibiens et les reptiles ? Je ne connais aucune
expérience qui puisse nous éclairer à ce sujet. En effet, les
réflexes étudiés chez la grenouille Tont été après la décapi-
tation et non après Tablation des hémisphères. Chez les
oiseaux et les mammifères, les centres visuels et auditifs
paraissent avoir émigré du mésocéphale dans le cerveau, qui
seul perçoit les détails fournis par la vue et Touîe.
Si Faction des hémisphères se limitait à rendre perçues et
retenues les excitations médullaires et à produire volontaire-
ment les mouvements réflexes, ils conserveraient leur sim-
plicité primitive et leur voluhie serait toujours proportionnel
à celui de la moelle. Mais il n'en est rien ; ils augmentent
graduellement de dimensions sans que Taxe médullaire suive
la même progression, pas plus que les nerfs qui en émanent.
Moelle et nerfs restent uniquement proportionnels à reten-
due des surfaces excitables, au nombre et au volume des
muscles à faire contracter.
Cette proportionnalité s'explique tout naturellement. En
effet, les éléments histologiques ayant sensiblement les
mêmes dimensions, même chez les vertébrés les plus volu-
mineux^ on conçoit, par exemple, que la surface considérable
T. X (3« 9KIUR). a
lii siAMGB DU 47 FÉVRIBR 1887.
da la rétine du bœuf nécessite un nerf optique plus gros que
celui de la souris ; et, oomme chaque cylindre-axe correspond
à une o^Uule nerveuse, celles-ci doivent être beauooqp plus
nombreuses chei le premier que ohez la seconde ; de même
pour la surface cutanée, de même aussi pour les muscles.
Ainsi s*expliquent les renflements de la moelle au niveau des
points d'émergence des Qerfs qui vont aux membres. Ces
renflepients disparaissent chcK les serpents qui en sont dé*
pourvus. C'est pour la même raison que chez la tortue, dont
la carapace osseuse a entraîné la disparition des muscles du
tronc, la colonne médullaire se trouve réduite pour ainsi dire,
entre les deux renflements, aux seuls cordons conducteurs.
Le volume du corps influe donc, dans de certaines propor-
tions, sur celui des hémisphères cérébraux^ qui avant tout
doivent représenter tous les éléments de la moelle qui sont
Taboutissant des nerfs sensitifs et le point de départ des nerfs
moteurs.
Mais il entre dar)s la constitution des lobes cérébraux des
cellules nerveuses qui n'ont pas leurs représentantes dans la
moelle» SU en était autrement, l'homme, qui sans conteste
PQSsède les hémisphères les plus volumineux par rapport à
sa taille, aurait aussi la plus grosse moelle ; ce qui n'a pas
lieu. Cherchons donc quels sont les facteurs spéciaux qui
font varier le volume du cerveau.
Ce sont d'abord les cellules sensitives qui permettent
d'apprécier les détails des objets qui excitent les organes des
sens. L'acuité de ces derniers ne dépend pas en effet seule-
ment de leur perfection organique, mais du nombre de cel-
lules qui peuvent percevoir les impressions. Ainsi, nous
avons vu que la moelle n'était excitable que par un bruit ou
une lumière intenses, tandis que le cerveau peut seul perce-
voir et analyser toute espèce d'ondulations sonores, toute
espèce de vibrations lumineuses. Mais quelles différences
nombreuses et variées entre les animaux à ce point de vue !
Sans parler des espèces qui, vivant continuellement dans
Tobscurité, ont l'organe de la vision plus ou moins atrophié^
FAUVELLE. —.ÉVOLUTION DBS HÉMISPHÈRES CÉRÉBRAUX. ii5
prenons celles chei lesquelles il est aassi parfait instrament,
que possible, et sur la rétine desquelles Timage des objets se
fait d'une manière bien nette. Non seulement il n^en est guère
qui en perçoivent tous les détails, mais il n^en est peut-être
pas deux qui perçoivent identiquement Ips mêmes ; de niême
pour l'onle et l'odorat; et toutes ces différences se traduisent
par un nombre plus ou moins considérable d'éléments ré-
cepteurs qui influent sur le volume du cerveau. Citons quel-
ques exemples.
Le centre auditif des oiseaux chanteurs doit tenir une place
plus importante que celui du cygne ou de tpute autre espèce
plus ou moins muette. Deux cerveaux de même poids appar-
tenant à un oiseau et à un mammifère tel que la rat, tous
deux de môme volume, sont absolument dissemblables quant
à leur composition. Dans le premier, le centre visuel occupe
la place principale; dans le second, ce sont les cellule» qui
correspondent aux terminaisons nerveuses des surfaces odo-
rantes et gustatives, à peine représentées cbea l'oiseau. En
dehors de la sensibilité générale, qui a ses éléments récep-
teurs également repiéscntés dans la moelle et dans le cer-
veau^ il y a la sensibililé tactile dont les cellules réceptrices
siègent uniquement dans ce dernier et doivent y tenir une
place proportionnelle aux surfaces réservées au touAer.
Le second facteur qui doit influer d'une manière considé-
rable sur Tôtendne de la surface corticale des hémisphères^
c'est le nombre des cellules motrices volitives qui font exé-
cuter aifx mêmes muscles des mouvements autres que ceux
que la moelle peut produire par action réflexe. Tels sont
ceux qui concourent à la préhension des aliments^ à la con-
struction des habitations^ aux soins à donner à la progéni-
ture, au chant et à l'articulation des sons autres que les cris
et les plaintes. L'homme est sans contredit Tanimal qui, avec
le même muscle ou le même groupe do muscles, exépute Ips
mouvements les plus variés et pour les motifs les plqs diffé-
rents ; les cellules motrices spéciales doivent donc entrer
pour beaucoup chez lui dans la masse de substance grise du
116 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1887.
cerveau. Mais entre lui et le crocodile, dont tous les mouve^
ments volontaires paraissent avoir leurs représentants ré-
flexes, il y a une foule de nuances que l'observation physio-
logique peut constater en attendant que Tanatomie micro-
scopique vienne les préciser.
Le troisième élément qui doit faire varier le volume des
lobes cérébraux, c*est la masse plus ou moins considérable
des cellules idéophores. Ces cellules ne sont pas encore ana-
tomiquement spécifiées ; mais leur existence est physioiogi-
quement démontrée. En effet, on perçoit et on retient les
idées comme on perçoit et on retient les sensations les plus
simples. Cette manifestation physiologique doit donc avoir
son siège spécial, qui doit être intermédiaire entre les cel-
lules réceptrices sensitives et les cellules motrices volitives.
Plus rintelligence est élevée, plus cet intermédiaire a d'im-
portance. L'animal qui en serait privé serait celui dont le
cerveau serait la représentation exacte de l'axe médullaire.
Les sensations perçues et retenues détermineraient directe-
ment les mouvements volontaires, sans aucune production
d'idées. L'anatomie microscopique pourra seule nous appren-
dre si cet animal existe. Quoi qu'il en soit, il est certain que,
chez tous les vertébrés et chez l'homme même, bien des sen-
sations simples perçues et retenues déterminent directement
des mouvements volontaires. Une sensation vive, quelle qu'elle
soit, amène immédiatement un mouvement qui peut être mo-
déré ou exagéré, suivant les circonstances. Le commande-
ment d'un chef de troupe, si l'intonation est forte, produit
des mouvements d'ensemble, sans aucune production d'idée.
C'est peut-être à ces espèces de réflexes conscients que Ton
a donné le nom d'instincts^ si toutefois on peut donner une
explication d'un mot aussi mal défini et sous la rubrique
duquel on a trouvé commode d'entasser une foule de faits
physiologiquement inexpliqués. Quoi qu'il en soit, il est
certain que^ plus les idées sont nombreuses et compliquées,
plus le volume de l'écorce cérébrale augmente.
Ce qui précède nous montre quelle lumière jetterait sur la
FAUVËLLE. — ÉVOLUTION DBS HÉMISPHÈRES CÉRÉBRAUX. Ht
phyldgénie une étude de l'anaiomie microscopique comparée
du cerveau des vertébrés en général ; mais cette étude n'est
même pas encore ébauchée. En son absence, voyons si le
développement ontogénique de la couche grise corticale des
hémisphères nous éclairera sur sa phylogénie.
D'après des recherches récentes (Vignal, communication
faite à l'Académie des sciences, séance du 7 juin i886), aussi-
tôt la formation des vésicules cérébrales, l'assise primitive de
cellules se scinde en deux : l'interne, épithéltale, tapissera la
cavité des ventricules latéraux et l'externe formera l'écorce
grise ; c'est entre elles que se développera la substance blan-
che, émanation de la couche externe.
Vers le milieu du sixième mois, les cellules de la couche
externe se différencient et forment la couche des grandes
pyramides, troisième couche de Meynert. Dans le courant du
septième mois apparaissent les cellules nerveuses de la qua-
trième couche ; puis, durant le huitième, celles de la deuxième
et de la cinquième. Quant à la première couche, formée, d'a-
près Exner, de tubes fins nerveux, elle commence à se des-
siner dès la sixième semaine, en même temps que la substance
blanche.
A la naissance, les cinq couches se reconnaissent aisément,
bien que la plupart des cellules soient loin de présenter l'as-
pect qu'elles auront à l'état adulte. Ajoutons, pour être com-
plet, que les cellules de la névroglie ne se montrent qu'au
huitième mois. Enfin, lorsque tonte cette organisation se
produit, il y a longtemps que toutes les cellules de la moelle
se sont différenciées, particularité que la phylogénie nous
faisait prévoir.
Si rien n'est venu troubler le parallélisme entre la phylo-
génie et l'ontogénie, la troisième couche, qui apparaît la
première et de laquelle, comme on le sait, partent tous les
cylindres-axes destinés aux communications avec la péri-
phérie, représenterait les vésicules cérébrales simples des
vertébrés inférieurs. Tous les perfectionnements qui se sont
successivement produits dans la série des âges seraient indi-
118 SÉANCE DU 47 FÉVRIER 1887.
qués par Tapparition successive de nouveaux éléments^ soit
par superposition, soit par intercalation, dans l'ordre repro-
duit plus haut. C'est parmi eux que Ton trouvera les cellules
idéophores, plutôt par couche que par groupes intercalaires,
puisque les impressions qu'elles reçoivent procèdent de toutes
les cellules sensitives et que les mouvements qu'elles déter-
minent peuvent ôtre exécutés par toutes les cellules voli-
tives»
L'anatomie microscopique comparée des hémisphères pré-
sente donc, pour nous anthropologistes, un intérêt capital,
et nous devons exprimer le vœu que notre laboratoire entre
dans cette voie féconde. C'est par là que nous arriverons à
démontrer que l'intelligence est bien du ressort de la phy-
siologie et que tious rétrécirons de plus en plus le domaine
de la philosophie, c'est-à-dire celui de l'ignorance et de
Terreur.
En attendant cet heureux résultat, il me semble que, le
mécanisme de Tintelligence bien compris, il serait possible
de remonter à l'origine phylogénique du cerveau de l'homme,
en observant méthodiquement les phénomènes intellectuels,
d'abord de l'homme civilisé, puis des races inférieures et
ensuite des primates, depuis les anthropoïdes jusqu'aux lé-
muriens. On pourrait ainsi constater physlologiqucment les
additions successives de groupes de cellules sensitives, voli-
tives et idéophores.
Malheureusement l'étude de l'intelligence n'a jamais été
faite avec méthode par les biologistes, et les règles à suivre
sont encore à spécifier. C'est pour combler cette lacune que,
l'an dernier, j'avais sollicité la nomination d'une commission
qui formulerait les instructions nécessaires pour guider les
observateurs et faire ooneourir leurs efforts vers le but prin-
cipal de Tanthropologie*
FAUVELLE. — QU^EST-CË QUE LA PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE ? I f9
||«'eBl««e «ne lups/akologle pkyslologiqvo t
PAR LE DOCTEUR FAUVfeLLB.
Comme concluBion de l'exposé qui précède, et en général
de toutes les communications que j*ai eu Thonneur de faire
à la Société sur la fonction cérébrale^ il me paraît nécessaire
de rechercher la ^véritable signification du mot nouveau :
psychologie physiologique^ qui jouit actuellement d'une cer-
taine vogue, et d'apprécier à sa juste valeur la chose qu'il
représente.
Les biologistes donnent le nom de physiologie à la connais-
sance des manifestations de l'énergie sur les éléments cellu*
laires qui constituent les végétaux et les animaux.
La psychologie signifie la connaissance de rame» mot in-
venté pour désigner un principe plus ou moins subtil, dont
la manifestation serait l'intelligence , abstraction faite de
toute substance matérielle» Qette conception, comme toutes
celles que les philosophes ont jetées dans le monde, est le
résultat d'une conjecture absolument arbitraire. Néanmoins^
ils l'ont admise comme un principe indiscutable auquel on
doit rattacher tous les phénomènes intellectuels*
De ces deux mots, l'un représente donc la méthode des
inductions basée sur l'observation et l'expérimentation, l'autre
la méthode des déductions, qui part de principes réputés
vrais, mais dont la démonstration n'a pu être faite. Gomment
est- on arrivé à rapprocher deux mots qui hurlent d'ôtre
accouplés ensemble? C'est ce que nous allons d'abord exa*
miner.
Les recherches biologiques modernes ont démontré que
rinteliigence avait pour siège le cerveau, tout au moins ehez
l'homme et les animaux supérieurs. Cette vérité incontestable
ne permettait plus d'isoler Vkme du corps et la rattachait
forcément aux hémisphères cérébraux. Les spirituaiistes
contemporains ont en conséquence décidé que le oervean
devait être considéré comme le siège momentané de Vktne,
120 SÉANCE DU il FÉVRIER 1887.
qui s'en sert durant la vie pour se manifester extérieurement.
Mais cette union vague et indéterminée n'expliquait pas
les phénomènes physiologiques dont cet organe est le siège
et qui se rattachent manifestement à Tintelligence. D'autres
philosophes crurent alors devoir revenir à l'antique animisme,
qui attribuait à Tinfluence de Tâme le développement du
corps et toutes les manifestations vitales dont il est le siège.
Anima fingit corpus^ a dit saint Thomas d'Aquin. Sans se
préoccuper du devenir de cette âme après la mort, ils en
firent la propriété du cerveau et, d'une manière plus générale,
celle du système nerveux tout entier. Puis, pour masquer ce
retour à de vieilles doctrines absolument démodées, ils eu-
rent recours à un mot nouveau, la psychologie physiologique
fut inventée, et tous les phénomènes cérébraux furent qua-
lifiés de psychiques. C'est ainsi que nous avons maintenant
des phénomènes psycho-sensitifs, psycho-moteurs, etc.
Cette espèce de rhabillage de l'animisme, qui n'exclut pas
la vie future, avait ceci d'avantageux qu'il ne mettait pas la
nouvelle philosophie en opposition avec les religions, aux-
quelles on ne croit plus guère, mais qu'il est encore utile de
ne pas répudier. En outre, elle avait chance d'être acceptée
par des matérialistes peu avisés.
Entrons dans quelques détails sur cette adaptation des
vieilles doctrines aux découvertes modernes sur les fonctions
du système' nerveux.
On a accepté d'emblée toute la physiologie des organes
des sens et celle des appareils médullaires et ganglionnaires;
mais on s'est bien gardé de s'expliquer sur la force nerveuse,
cette forme particulière de l'énergie que l'oxygène développe
par son action chimique sur les molécules de certains maté-
riaux des cellules de la substance grise ; c'eût été enlever à
l'âme sa raison d'être. On a ensuite accepté sans objection
l'existence, dans l'écorce des hémisphères^ de centres de
perceptions sensorielles et de volitions motrices, localisés sur
différents points.
Malheureusement, la carte des circonvolutions cérébrales
FAUVELLE. — OV'SST-GB QUE LA PSITGHOLOGIB PHT8I0L06IQUB f 12f
contient encore des espaces considérables jusqu'alors in«-
oonnus. C'est dans, ces contrées inexplorées que se retranche
la psychologie. Là, à Tabri des regards indiscrets des obser-
vateurs et des expérimentateurs, elle peut se livrer aux
écarts de son imagination fantaisisle. Le langage reprend
cette obscurité voulue, qui rappelle les beaux temps de la
scolastique. Nous voyons revenir Taperception de Leibnitz,
la fusion associative, la synthèse intensive et extensive, les
événements internes, l'activité volontaire interne, etc. Ce-
pendant, les facultés de Fàme paraissent avoir diminué de
nombre; en dehors de la mémoire et de la volonté, on ne
cite plus guère que la conscience, Tattention et la perception
interne ; mais on laisse entendre que chacune forme un tout
homogène et que toutes sont absolument indépendantes du
substratum.
Pour être juste, je dois ajouter que certains psycho-phy-
siologistes, spécialement en France, reconnaissent Texis-
tence de plusieurs mémoires ; ils fractionnent même la
conscience. Mais ces divers états de conscience, comme on
dit, sont bien vagues et ne se localisent pas. Quant à la vo-
lonté et aux autres facultés, elles restent entières et leur étude
est un mélange incohérent de psychologie et de physiologie,
un véritable galimatias.
Où peut mener un pareil travail ? Absolument à rien. Des
tentatives d'hybridation entre des espèces si éloignées ne
peuvent donner aucun produit viable. Ce que Ton sait au-
jourd'hui de positif sur la fonction cérébrale est dû unique-
ment à la physiologie. L'intervention de la psychologie ne
peut que paralyser son essor et lui mettre des entraves, en
admettant comme connu ce qui n'est que conjecturé et en
rendant toute recherche ultérieure superflue.
Voyons maintenant ce que peut nous apprendre la physio-
logie réduite à ses propres forces. Le cerveau est un organe,
comme tous ceux de l'économie, composé d'éléments histo-
' logiques dont l'action combinée produit la fonction. L'impor-
tant est donc de bien spécifier ces éléments, de préciser leur»
422 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1887.
relations, en un mot, d'en faire Tanatomie microscopique^
pour ensuite en rechercher les propriétés particulières. C'est
ainsi qu'on a procédé pour les muscles, les glandes, la moelle
épinière et les ganglions splanchniques.
On sait aujourd'hui d'une manière positivB qu'il y a dans
l'écorce cérébrale des éléments récepteurs des impressions
sensorielles, et que ces impressions y restent flxées pendant
un temps plus ou moins long. On sait aussi qu'il y a des cel-
lules en relations plus ou moins directes avec les muscles vo-
lontaires et susceptibles de les faire contracter plus ou moins
énergiquement. On a trouvé, en effet, deux localisations
sensitives, celle de l'audition des mots articulés et celle de la
vue des mots écrits, et deux centres moteurs volontaires,
celui de l'écriture et celui de l'articulation des mots. Chez les
animaux, l'expérimentation a permis d'étendre le champ de
ces localisations , mais, pour l'homme, il faut attendre pa-
tiemment le progrès de l'observation méthodique de toutes
les lésions pathologiques cérébrales, jusqu'à ce quel'analo-
mie microscopique soit parvenue à cuivre dans toute leur
étendue les prolongements des cellules nerveuses,. prolonge-,
ments par lesquels elles sont reliées entre elles ou avec la
périphérie.
Ce n'est pas tout, les sensations perçues et retenues déve-
loppent par leur seule présence des associations et des com-
paraisons d'où résultent des sensations complexes auxquelles
on a donné le nom d'idées. Ces idées persistent, on en a le
souvenir, môme après la destruction pathologique des cel-
lules réceptrices dont les impressions leur ont donné nais-
sance, comme on l'a constaté dans les cas de surdité verbale
et de cécité scripturale. Elles ont donc pour siège des élé-
ments anatomiques particuliers.
L'anatomie microscopique comparée et les lésions patho-
logiques chez l'homme permettront certainement de les
spécifler un jour. Tout ce que l'on peut dire aujourd'hui,
c'est; qu'ils ne doivent pas être en relation directe avec la
périphérie, mais seulement avec les éléments sensitifs. Il ne
FAUVELLE. — qu'est-ce QUE LA PSTCflOLOOlE PHYSIOLOGIQUE? 123
faut donc pas s*attendre à les voir groupés en des points
spéciaux de Técorce cérébrale. 611 existe des groupements
sensitifs et moteurs, ils sont la conséquence forcée de la di-
rection commune des cylindres-axes rers un organe senso-
riel ou vers tin groupe de muscles concourant au même
mouvement. On comprend^ par exemple, que les cellules en
relation avec Toreille soient agglomél'ôes dans une même
région, comme aussi les cellules motrices qui agissent synel*-
giqueiûent sur les muscles de TarUculation des mots. Mais
pour les idées qui procèdent en même temps de tous les or-
ganes des sens et déterminent toute espèce de mouvements
volontaires^ Tagglomération n*a pas sa raison d'être. Elles
doivent plutôt siéger dans une des couches différenciées de
la substance grise des hémisphères.
Ainsi, la fonction cérébrale se réduit à trois tet*mes : sensa-
tions, idées et volitions, qui doivent avoir pour siège des élé-
ments histologlques spéciaux.
Sous quelle influence cet appareil est-il mis en action? Les
psychologues, même physiologistes, ne sont pas embarrassés
pour répondre à cette question. U y a des tnilliers d'années
que, pour eux, la solution est trouvée, avant même que Ton
sût qu'il existât un cerveau. Mais leur âme ne peut nous sa-
tisfaire, voyons ce que nous apprennent Tobservation et
l'expérimentation.
L'action cérébrale, comme toute action nerveuse, ne peut
se manifester que lorsque Toxygène de l'air arrive librement
au contact des cellules de la substance grise pour y exercer
une modification chimique particulière. Srj la physique nous
apprend que chaque fois que Toxygène intervient de cette
manière, il y a toujours dégagement d'énergie, soit mouve-
ment, seit chaleur, soit lumière, soit électricité. Il est donc
^ naturel que, par son intervention^ une forcq se dégage dans
le système nerveux.
Cette force, que nous appelons influx nerveux, entre en
action lors de Texoltation de l'extrémité périphérique des
nerfs sensitifs et se manifeste bous forme de courants quî^
124 SÉANCE DU M FÉVRIER 4887. ,
partis des points excités, aboutissent aux extrémités des
nerfs moteurs en passant par les cellules centrales.
Dans la moelle, oii les courants ont été bien étudiés, ceux-
ci ne subissent aucun temps d'arrêt appréciable en passant
des cellules réceptrices aux cellules motrices, il n'en est pas
de même dans le cerveau. La force s'accumule sur les pre-
mières et aussi sur les cellules à idées, pour passer plus
tard, si elle n*est pas épuisée, aux cellules motrices volitives.
La direction des courants dans la moelle est constante, s'é-
tendant d'autant plus loin que l'excitation a été plus intense,
en suivant des trajets réguliers que Texpérimentation a pré-
cisés et dont les formules portent le nom de lois des réflexes.
Dans le cerveau, les parcours de la force nerveuse sont
peu connus et doivent varier beaucoup, suivant les cir-
constances et suivant les sujets, c'est-à-dire suivant la faci-
lité des communications entre les divers éléments.
En attendant que cette partie du problème ait été abordée
résolument par les physiologistes non psychologues, on peut
dire que, contrairement à ce qui se passe dans l'appareil
médullaire, plus les excitations sont vives, plus les arcs ner-
veux sont raccourcis et les courants rapides. Lorsque cette
rapidité atteint son maximum, aucune idée ne surgit ou n'est
ravivée ; le pouvoir interrupteur ou d'arrêt des cellules mo-
trices est vaincu, et Ton a une espèce de réflexe cérébral.
C'est encore une sorte de réflexe conscient quialieu, lorsque
le courant, encore intense, ne l'est pas assez pour empêcher
les cellules motrices de distribuer l'influx aux muscles en di-
verses proportions : on agit sans réflexion, mais non plus
automatiquement comme dans le premier cas. Le même
trajet direct entre les éléments sensitifs et volitifs a lieu
lorsqu'on agit sans comprendre. A la suite des sensations
vives, mais à un moindre degré, le courant peut parcourir un ^
certain nombre de cellules idéophores; mais souvent alors le
trajet ne varie pas, les mêmes sensations amenant toujours
les mêmes idées et les mêmes actes. Des excitations modé-
rées, suivies de courants calmes et tranquilles, permettent, au
FAUTELLB.— QU*E8T-GBQUB LA PSYGH0L06IB PHYSIOLOGIQUE Y 126
contraire, Télaboration complète des sensations : une foule
d'idées surgissent et sUmpriment. Enfin, si l'excitation est
faible, le courant s'épuise sur les cellules à idées, si même il
les atteint, il n'en résulte aucun acte, aucun mouvement vo-
lontaire ou autre.
Ainsi, entre les points extrêmes de Tare nerveux on peut,
suivant Tintensité du courant, observer la fonction cérébrale
à tous ses degrés, depuis le simple réflexe conscient jusqu'au
travail intellectuelle plus compliqué, et depuis celui-ci jus-
qu'aux idées et aux sensations les plus fugaces qui ne dé-
terminent aucune volition. C'est durant ce trajet que, pour
employer le langage des psychologues, se produisent les
passions ou facultés affectives et les opérations intellectuelles,
jugement, discernement, raisonnement, ces facultés dites
intellectives.
\i Une autre particularité des courants nerveux dans l'or-
gane cérébral, c'est l'arrêt qu'ils peuvent y subir sur cer-
tains éléments récepteurs ou idéophores, temps d*arrêt après
lequel ils reprennent leur cours naturel. Une ou plusieurs
sensations perçues la veille, peuvent n'être suivies que le
lendemain des réflexions et des actes qu'elles entraînent. Si
la suspension du courant est trop longue, il s'épuise sur
place et une répétition de la sensation est nécessaire, mais
alors le nouveau courant ne suit pas exactement le même
trajet et Tacte peut en être modiflé. C'est ce que chacun a pu
observer sur soi-même : lorsqu'un travail intellectuel a été
trop longtemps suspendu, les idées changent et l'acte termi-*
nal est quelquefois tout autre que celui prévu. Ënfln, le
même cerveau peut être en même temps le siège de cou-
rants plus ou moins nombreux. C'est en général le propre
des organisations supérieures. César pouvait, paraît-il,
dicter sept lettres en même temps. Le plus souvent, de deux
courants simultanés, le plus intense absorbe l'influx nerveux
aux dépens du plus faible, qui disparaît.
Ce schéma purement physiologique de la fonction céré-
brale rend parfaitement compte de toutes les opérations in-
iSQ sÉANCp pu n F^y^m iW'
tellectuelles quelles qu'elles aoieut. Pour le comprenôre, il
suffit d'avoir une notiou bien qette de Tidée. C'est }e résultat
de plusieurs sensations agglomérée^ ou oomi^arées. Les sen-
satiops de nature différente relatives à uu mênie objet
s^accumulent sur un même élément idéophqre" et eu fixent
ridée plus ou moins pqmplôte. Des seusations de même pâ-
ture provenant (l'objets différents, dopnent lieu h des coip-
paraisons dont le résultat est encore une idée qui se fixe de
la même manière. EnQn, les idées elles-mèmas, agglomérées
ou comparées, donnent paissanca h de nouvelles idées plus
complexes, et ainsi de suite, suivant la richesse du cerveau
en éléments susceptibles de les fixer.
Maintenant que nous sommes éclairés par les lumières de
la physiologie, voyops quelles sont la valeur et la significa-
tion des facultés de Tâme des psychologues.
La mémoire n*est autrp pbose que Fimpressionnabilité des
cellules récpptrices et idfSophores par les courants qui ré-
sultent des excitations sensorielles, et le $QUvenir est con-
stitué par les impressions produites et persistantes. Comme
les cellules en question peuvept être plus ou moins impres-
sionnables par groupes, il en résulte la mémoire des mots,
de la forme, des lieux, des idéeS; etc.
La volonté est la propriété que possèdent les cellules céré-
brales motrices, d'arrêter la marche des courants nerveux
ou de les laisser passer dans des proportions diverses, pour
Texécution d'actes déterminés par les sensations et les idées
qui en résultent. H y a naturellement autant de volontés que
de groupes de cellules motrices. Quant à cette prétendue
mémoire dont elles seraient le siège et par laquelle on veut
expliquer la coordination des contractions pour la produc-
tion des mouvements complexes, c'est, suivant moi, une
erreur d'appréciation. Cette coordination doit être bien plu-
tôt le résultat des connexions anatomiques des pellules mo-
trices synergiques. Ep tous cas, ce serait upe mémoire
inconsciente, c'est-à-dire un non-sens. Nous n'avons pas la
notion des contractions qui produisent un mouvement, mais
FAUVELLE.— OU*B&T-CB QfJB h PSYCHOIX)fiIl PHYSIOLOGIQUE? 18T
seulement de ce mouvement lui-même, et cela, grâce i la
sensibilité générale des organes déplacés. Si oette sensibilité
disparaît, la notion fait défaut : témoin les ataxiques, qui ne
peuvent exécuter les mouvements avec la précision voulue
qu'en s'aidant du sens de la v]ie.
J'ariive à la conscience ou aux états de conscience, comme
on voudra. Ce n'est et ce ne peut être que des ensembles de
sensations et d'idées perçues actuellement ou dont le souve-
nir est encore vivace. Qe n'est donc pas la propriété d'élé-
ments anatomiques spéciaux et encore^ moins une entité
quelconque.
h' attention est également un résultat et non pas une pro-
priété spéciale de cellules nerveuses. Elle est produite par la
tension de l'influx nerveux sur Tappareil cérébral en géné-
ral, ou sur certains points de cet appareil, ou bien encore
par de certaines sensations ou de certains souvenirs causés
par des excitations vives ou fréquemment répétées.
Quant à la prétendue perception inteime, elle consiste sim-
plement dans le souvenir simultané des sensations simples et
des idées dont le cerveau est meublé.
En résumé, ce qui caractérise la fonction cérébrale, c'est :
4 <^rimpressionnabilité durable de deux de ses éléments histolo-
giques, les cellules réceptrices sensilives que Ton connaît, et
les cellules idéophores non encore déterminées ; 2' la pro-
priété départie aux cellules motrices d'arrêter les courants
nerveux ou de les distribuer dans des proportions voulues
aux muscles volontaires, par Tentremise de leurs prolonge-
ments ; 3* l'agent de ces diverses fonctions, Tinflux nerveux,
forme spéciale de l'énergie universelle, dégagée par l'action
chimique de l'oxygène et que la suppression de ce gaz fait
disparaître instantanément.
C'est à cet ensemble que, dans leur ignorance fort excu-
sable d'ailleurs, les anciens philosophes ont donné le nom
d'âme. Il paraîtrait tout naturel qu'on renonçât aujourd'hui
à cette théorie arriérée, comme on a renoncé à la théorie du
phlogistique, après les découvertes de Lavoisier ; mais la
128 SÉANCE DU il FÉVRIBR i887.
conjecture des philosophes est devenue la base de la plupart
des religions du jour, il faut donc s'attendre à ce que les in-
téressés opposent une résistance désespérée. Si je ne me
trompe, l'invention de la psychologie physiologique indique
que celle résistance est sur le point de mollir. Que les phy-
siologistes redoublent donc d'efforts pour éclairer les points
encore obscurs. Surtout, qu'ils évitent l'emploi de ces
épithètes qui, rappelant par leur étymologie Tentité con-
jecturale qui fait l'objet des dissertations des psychologues^
semblent leur réserver une part quelconque dans l'étude de
rintelligence humaine. Ce domaine appartient tout entier à
la physiologie, et quand elle l'aura complètement exploré,
la psychologie, même physiologique, disparaîtra avec toutes
les autres inventions des philosophes.
La plalxaBémle akes rhoamie el ches !•• sioffes ^ ;
FAR M. L. MANODYRIBR.
L'aplatissement du tibia « en lame de sabre » est peut-)ètre
le plus saillant et le plus singulier de tous les caractères
squelettiques observés dans diverses races préhistoriques.
Broca, dans son mémoire sur les crânes et ossements des
Eyzies, insista sur l'importance de cette modification mor-
phologique dont il donna une excellente description. Il fit
remarquer l'analogie qu'elle établissait entre la forme de cer-
tains tibias humains et la forme ordinaire chez les grands
singes. Il s'attacha à réfuter l'opinion de Pruner-fiey qui
attribuait, assez à la légère, la platycnémie au rachitisme.
Il émit l'avis que ce caractère était plutôt dû à des conditions
fonctionnelles et devait se rattacher au faible développement
du mollet. Cette théorie a été récemment reproduite dans le
précis d'anthropologie de MM. Hovelacque et Hervé, d'après
des notes recueillies au cours de Broca. Ces auteurs pensent
i Résumé et conclusion» d'un mémoire qui sera publié in eœiêmo dans
les Mémoires de la Société^ et qui a été communiqué à la séance du 6 jan-
vier 1887.
MANOUVRIER. — SUR LA PLATTCNÉIUE. 129
que raplatissement du tibia résulte du faible développement
des muscles de la région postérieure relativement à celui des
muscles de la région antérieure de la jambe. Mes recherches
m'ont conduit à une interprétation complètement diffé-
rente.
J'objecte tout d'abord que les nègres, dont le mollet est
très peu développé, n'ont pas le tibia aplati, mais aussi par-
faitement triangulaire que le nôtre. Je fais remarquer, en
outre, que la platycnémie des hommes préhistoriques coïn-
cidant avec une forte saillie de la ligne âpre du fémur, con-
trairement à ce qui a lieu chez les anthropoïdes, ainsi que
Tavait, du reste, observé Broca, il est difficile de s'expliquer
comment les muscles postérieurs de la jambe auraient pu
rester inactifs et peu développés chez des races dont les mus-
cles postérieurs de la cuisse travaillaient si énergiquement
et acquéraient un développement considérable. Je rappelle
que sur les squelettes de la station néolithique de Grécy, dé-
couverte par M. A. ThieuUen, j'ai signalé la présence très
fréquente de fémurs à colonne et du troisième trochanter en
même temps que de la platycnémie.
Je vais exposer maintenant les faits nouveaux que m'a
révélés l'étude de deux importantes séries de tibias préhisto-
riques : celle de Grécy et celle antérieurement connue des
Canaries^ Ces deux séries représentent deux populations re-
marquables entre toutes par la fréquence et le degré de la
platycnémie.
Les débris d'ossements extraits de la sépulture de Grécy
représentaient les restes de 80 à 90 squelettes. Je suis par-
venu à recueillir, parmi ces débris, 83 fragments de tibias
présentant le trou nourricier, au niveau duquel on peut me-
surer les deux diamètres dont le rapport représente le degré
d*aplatissement. Ayant mesuré ces diamètres, j'ai ordonné
la série d'après leur somme décroissante, puis je l'ai divisée
en trois groupes, le premier représentant les hommes de
forte stature; le second, les hommes de stature moyenne ou
médiocre, et k troisième, les femmes. Je n'entrerai point ici
T. X (8« série). 9
130 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 4887.
dans la discassion relative à ce mode de séparation des deux
sexes et des individus de grande ou petite taille.
Le degré d'aplalissement est exprimé par le rapport du
diamètre transverse de l'os au diamètre antéro-postérieur
=: 400. J'ai reconnu que c'est au niveau du trou nourricier,
conformément au procédé de Broca et de M. Khuff, qu'il con-
vient de mesurer ces diamètres, car c'est à ce niveau que la
modification platycnémique atteint son maximum. J'ajoute
que la platycnémie est très prononcée au-dessous de l'in-
dice 55, qu'elle est à peine sensible de 65 à 69 et que la forme
du tibia peut être considérée comme ordinaire à partir de
l'indice 70. Cela dit, voici les résultats que j'ai obtenus :
V Dans une race platycnémique, la platycnémie n'existe
pas chez les enfants. Elle ne commence à apparaître que
pendant la dernière période de l'adolescence;
^ La platycnémie est moins fréquente et moins prononcée
dans le sexe féminin que dans le sexe masculin;
3* La platycnémie est moins fréquente et moins prononcée,
d'une manière générale, parmi les hommes d'une forte sta-
ture que parmi ceux d'une stature moyenne ou médiocre ;
4» Dans une même population, on trouve des tibias très
platycnémiques et des tibias parfaitement triangulaires dans
chacune des catégories adultes établies ci-dessus.
Ces résultats sont établis par les moyennes que j'ai obte-
nues, et mieux encore parla sériation.
Pour les contrôler, j'ai eu recours à l'élude d'une série de
460 tibias provenant des Canaries. Tous ces tibias étaient en
parfait état, j'ai mesuré sur chacun d'eux, non seulement les
deux diamètres transversaux, mais encore la longueur et le
poids. C'est d'après le poids décroissant que j'ai ordonné la
série, et j'ai divisé celle-ci en quatre groupes représentant
des hommes de différentes tailles et, le dernier, les femmes.
Les résultats ont été identiques à ceux fournis par l'étude
de la série précédente. Je note incidemment que la platycné-
mie est plus fréquente et plus accentuée encore dans la série
des tibias de Crécy que dans celle des Canaries^
MANOUVRIER. — SUR LA PLATTCNÉMIE. 131
J'ai essayé ensuite d'utiliser les dififéreates mensuraiioms
effeotoées dans cette dernière série pour rechercher si Tapla^
tissement du tibia appartenait exclosivement à une race par«
ticulière dans la population des Canaries. En ordonnant ma
série de différentes façons, d'après la longueur, d'après le-
rapport de la somme des diamètres à la longueur, d'après la
valeur des indices, je suis arrivé à montrer que, très proba^
blement, la platycnémie n'est pas nn caractère de raee, à
proprement parler, mais bien une variation individuelle te
rattachant à des conditions anatomo-physiologiqnes prodai-^
sant leur effet vers la fin de l'adolescence, et susceptibles
d'agir sur des individus quelconques de race, de sexe et
de taille quelconques, mais se rencontrant plus souvent dans
certaines populations, dans le sexe masculin et chez les in*
dividus de stature moyenne ou médiocre, surtout chez ceux
dont le tibia est mince relativement à sa longueur.
Je passe aux résultats de l'étude morphologique même des
tibias aplatis. Les auteurs semblent considérer la platycnémie,
conformément à la théorie qui rattache cette modification à
la faiblesse relative des muscles postérieurs de la jambe,
comme résultant d'un simple amincissement transversal du
tibia par compression latérale des muscles antérieurs et dis-
parition de la face postérieure. Telle est la manière de voir
figurée dans le livre de M. Ranke S d'après Hartmann* Or^ il
n'en est pas ainsi. Mes recherches m'ont démontré que, dans
une même population, les tibias aplatis sont sensiblement
égaux en poids et en longueur aux tibias triangulaires et que
leur diamètre antéro-postérieur s'est seulement accru aux
dépens de leur diamètre transverse*
J'ai pu constater, en outre, que l'allongement porte sur-
tout sur la partie de l'os située en arrière du ligament inter^^
osseux.
Etudiant ensuite la disposition et les dimensions des sur-
faces et ligne» dimsertion des muscles de ia jambe afin de
132 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1887.
saisir les modifications musculaires qui peayent être en rap-
port ayec la modification de Fos, j*ai vu que les surfaces et
lignes en question ne sont nullement diminuées, tout au
contraire :
' 1* La ligne poplitée, sur laquelle s*insèrent les muscles
poplité, soléaire, tibial postérieur et long fléchisseur des or-
teils, conserve sa longueur et ses rugosités. Bien plus, pour
conserver sa longueur malgré la diminution en largeur de la
face postérieure du tibia, elle devient plus oblique et s'inflé-
chit de façon à devenir presque parallèle, dans certains cas,
àladiaphyse. Ce ne serait évidemment pas le cas d'une ligne
d'insertion dont les besoins se seraient réduits;
2» La surface d'insertion du jambier antérieur ne présente,
en moyenne, ni augmentation ni diminution sur les tibias
platycnémiques ;
3* La surface du jambier postérieur, loin de se trouver
réduite par suite de la conversion de la face postérieure du
tibia en un bord, acquiert une largeur et une longueur re-
marquables sur les tibias platycnémiques. En outre, elle
n'est plus répartie à la fois sur la face externe et sur la face
postérieure de l'os. Elle est devenue franchement et exclusi-
vement externe^ située dans un plan unique dont il est facile
de montrer l'avantage au point de vue du nombre et de la
direction des fibres musculaires qui s'y attachent. Le muscle
jambier postérieur n'est donc pas amoindri plus que les autres
muscles postérieurs de la jambe par l'aplatissement de l'os.
C'est, au contraire, lui qui profite de cette modification, et
j'arrive même à conclure, d'après certains détails morpholo-
giques, que c'est lui qui la détermine.
Il s'agit donc maintenant de savoir pourquoi et comment;
c'est une question physiologique à résoudre.
La fonction attribuée au muscle jambier postérieur consiste
dans la flexion-adduction du pied. Or, c'est là un mouvement
qui, à la vérité, doit être fréquent et énergique chez les an-
thropoïdes, essentiellement grimpeurs, mais rare chez nous
et qui devait être aussi rare chez nos ancêtres néolithiques.
MANOUVRlEa. — SUR LA PLATTGNÉMIE. 133
Mais les muscles ont souvent une fonction double : Tune
directe, l'autre inverse, suivant que c'est Tune ou Tautre
extrémité qui est fixe ou mobile. Or, la fonction du jambier
postériear, le pied étant fixé au sol, ne ipeut être que d'im-
mobiliser le tibia, immobilisation nécessaire lorsque tout le
poids du corps porte sur l'extrémité supérieure du tibia»
surtout lorsque celui-ci est légèrement incliné en avant (saut,
course). Elle est beaucoup moins nécessaire dans la marche.
Il suit de là que des hommes obligés de sauter et de courir
beaucoup ou simplement de marcher continuellement sur des
pentes raides, doivent exercer énormément leur muscle jam-
bier |)ostérieur, d'où accroissement de celui-ci et modifica-
tion corrélative de la forme de l'os.
Cette modification n'a pas seulement pour effet de fournir
au muscle tibial postérieur une surface d'insertion plus large
et plus favorablement disposée. £lle rend l'os plus résistant
dans le sens antéro-postérieur, c'est-à-dire dans le sens où
il n'est point soutenu par son union avec le péroné et où, le
poids du corps multiplié par la vitesse de la course tend à le
briser ou à le fléchir. La flexion est réalisée néanmoins sur
certains tibias des Canaries^ qui sont fortement arqués dans
le sens antéro-postérieur.
L'aplatissement de Tos ne résulterait-il pas simplement
d'une adaptation directe aux conditions mécaniques qui ten-
dent à le fléchir? Je crois qu'il résulte, au moins partielle-
ment, de l'action musculaire qui, d'ailleurs, est difficilement
séparable de l'action purement dynamique, car les deux in-
fluences sont intimement liées entre elles et doivent aboutir
au même résultat. Il est plus probable qu'elles s'ajoutent
l'une à l'autre.
Au point de vue ethnologique, l'analyse précédente nous
condtift à considérer la platycnémie comme devant se pro-
duire chez les peuples chasseurs, principalement chez les
peuples de l'âge de la pierre, qui devaient chasser à la course,
et surtout dans les pays accidentés. On s'explique ainsi pour-
quoi la platycnémie n'existe pas chez les enfants, pourquoi
J34 SftAHCE DU 17 FÉVRIER 1887.
elle est relativement rare et pea accentuée chez les femiiiesy
pourquoi elle ne se produit pas chez tous les hommes d'une
même population, car il devait y avoir déjà à Tépoque néo*
lithique des différences professionnelles, pourquoi enfin les
hommes de stature moyenne bu médiocre étaient plus sou-
vent et plus fortement platycnémiques, car c'étaient les plus
aptes à exercer la profession de chasseurs à la course.
J'ai étudié, en dernier lieu> la platycnémie comparative-
ment chez rhomme et chez les anthropoïdes. Mesconelusiens
sur ce sujet sont les suivantes :
L'orang n'est point du tout platycnémique. Son tibia est
parfaitement triangulaire, à face postérieure plate et bord
antérieur tranchant.
Le gorill*)^ au contraire, est franchement platycnémique,
mais l'aplatissement transversal de son tibia n'est nullement
comparable à celui de l'homme platycnémique.
Chez ce dernier, le tibia reste tranchant en avant et large,
bien qu'arrondi, en arrière. Chez le gorille, c'est le contraire ;
le tibia est tranchant en arrière et arrondi en avant.
Cette forme du tibia résulte : ("de ce que le muscle jam-
bier antérieur se porte directement en avant chez le gorille^
au lieu d'être un muscle antéro-externe comme chez l'homme;
2® de ce que le muscle long fléchisseur des orteils, au lieu
d'être postéro-interne, comme chez l'homme même platy-
cnémique, s'insère entièrement sur la face externe avec le
jambier postérieur et une partie du muscle jambier anté-
rieur, de sorte que les trois muscles en question contribuent
à creuser la face externe de l'os ; 3" parce que le muscle
soléaire ne s'insère pas sur le tibia, comme chez l'homme.
Le jambier antérieur n'est pas seulement, comme chez
rhomme, celui qui contribue le moins à aplatir le tibia trans-
versalement; il contribue bien davantage, par sa portion an-
térieure, à l'aplatir d'avant en arrière, ce qui achève la ruine
de la théorie courante sur la cause de la platycnémie.
Aussi la platycnémie du gorille n'est pas homologue; ana-
tomiquement, à celle de l'homme.
DISCUSSION SUR LA PLATTCf^ÉMIE. 135
Elle n'est pas homologue non plus physiologiquement,
c'esi-à-dlre qu'elle n'est pas en rapport avec les mêmes mou-
vements. Chez le gorille,) le muscle jambier postérieur sert
principalement à mouvoir le pied ; chez Thomme, c'est sa
fonction inverse qui s'est développée pour les besoins de la
marche et de la course. Gela explique pourquoi la platycné-
mie du gorille coïncide avec la faiblesse des muscles de la
cuisse et Tabsence de la ligne âpre du fémur, tandis que la
platycnémie de Thomme coïncide avec l'exagération dh cette
ligne âpre. En d'autres termes, la platycnémie chez l'homme,
loin d'âtre un reste de la platycnémie simienne^ résulte de
l'activité d'une fonction essentiellement humaine qu'entre-
tenaient les dures nécessités de la vie à l'âge de la pierre.
Je termine ici l'analyse de mon mémoire qui doit paraître
dans le prochain fascicule des Mémoires de la Société (tanthro^
pologie.
Diioussion.
M. G. Lagneau. m. Manouvrier pense que la platycnémie,
fréquente chez certains habitants de l'Europe occidentale,
tiendrait à l'habitude qu'ils auraient eue de grimper aux ar-
bres, de sauter et de gravir les montagnes. Aussi, après
l'avoir vainement recherchée chez différents montagnards,
notre collègue remarque. qu'il a constaté cette conformation
chez un Corse du Monte-Rotondo. De cette platycnémie, il est
permis d'inférer le développement de certains muscles. Evi-
demment les anciens habitants de l'Europe grimpaient aux
arbres, sautaient en chassant les animaux sauvages. Mais je
rappellerai que le premier tibia platycnémique, que, en 1863,
j'eus l'occasion d'observer, provenait d'un habitant d'un pays
peu montagneux. C'est en assistant, avec Broca, Bertiïlon,
Simonot, MM. Alexandre Bertrand et Girard dé Rialle, à la
fouille d'une allée couverte ou long-ôarrow, à Chamant, près
de Senlis, chez M. le comte de Lavaulx, que je ramassaifune
diaphyse tellement platycnémique, qu'en la passant à Broca,
136 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1887.
j'hésitais à reconnaître un fragment de tibia dans cet os
aplati *. Vers cette époqne, M. Bask observa le même apla-
tissement sur des troglodytes de Gibraltar. Dans une région
peu éloignée de Chamant, dans une région également peu
montagneuse du département de TAisue, à Nanteuil-Vichel;
dans la grotte fouillée par M. le comte des Cars, se trouvaient
aussi quelques tibias pialycnémiques*.
M. Manouvrier. J'ai dit, en effet, que, dans le cas où le
surcroît d'activité du muscle jambier postérieur aurait porté
sur son action directe déterminant la flexion-adduction du
pied, ce surcroît d'activité, d'où résulte laplatycnémie, aurait
pu être attribué augrimpement à la mode australienne. Mais
j'ai ajouté que, d'une part, le grimpement n'avait pas dû
être une action assez fréquente chez les hommes néolithiques
pour expliquer à lui seul la platycnémie, et que cette modi-
fication était due plus vraisemblablement à l'action inverse
du jambier postérieur en rapport avec la course et le saut,
manière de voir qui se trouve appuyée par l'étude compara-
tive de l'aplatissement du tibia chez l'homme et chez le go-
rille. J'ai ajouté, d'autre part, que la course et la marche
dans un pays accidenté devaient produire plus facilement la
platycnémie, mais je pense que la course sur un terrain plat
est une condition bien suffisante. Enfin, si j'ai cité le cas du
Corse de Monte-Rotondo, c'est parce que ce Corse est l'unique
montagnard dont j'aie pu examiner les tibias.
M. Sanson pense que si la platycnémie était la conséquence
de l'habitude de grimper aux arbres, on devrait la rencontrer
chez les habitants des Landes, qui exploitent les pinadas de
père en fils depuis plusieurs siècles.
M. G. Lagneau. m. Sanson remarque que si l'on doit attri-
buer la platycnémie au développement des muscles servant à
grimper aux arbres, ainsi que le pense M. Manouvrier, cette
conformation osseuse devrait se trouver très développée chez
« BulL de la Soc. d'anthrop., t. V, p. 641, 4 août 1864. Voir aussi t. IV,
p. 513 et 632, 1863.
« BulL de la Soc. d'anthrop., 3* série, t. I, p. 23, 3 janvier 1878.
DISCUSSION SUB LA PLATTGHÉMIE. i37
les résiniers des Landes. En effet, depuis de nombreuses gé-
nérations, au moins depuis le quatrième siècle, les habitants
de cette région se livrent à l'exploitation des pins, ainsi que
Tatteste certain passage d'une lettre de saint Paulin à Au-
sone, relatif aux BoTes, qui, au sud de Bordeaux, habitaient
les environs de la Teste de Buch :
Burdigalam et piceos malis describere Bolos.
(Divi Paulini Opéra; epist. IV^ p. 477, 1622, Antverpi».)
Mais je crois que ces résiniers, pour monter, appliquent
contre Tarbre un morceau de bois muni de crans ou entailles
servant d'échelons.
M*"* Cl. Roter. M. Manouvrier semble supposer que tous
les peuples à tibias platycnémiques habitent ou ont habité
des pays de montagnes. Or, c'est surtout en Amérique que
'l'on rencontre ces races. Entrant un jour au laboratoire
d'anthropologie, au Jardin des Plantes, j'y trouvai notre
collègue, M. Hamy, au mUieu d'une masse énorme d'osse^
ments américains. Gomme je lui demandais ce qu'il y avait
de nouveau chez eux: « C'est, me dit-il, que tons ces gens-là
sont platycnémiques, et que la platycnémie, chez eux, n'est
pas l'exception, mais la règle. »
Or, à l'exception de la grande chaîne des Cordillères,
l'Amérique n'est pas généralement une contrée montagneuse.
Tous les bassins de ses grands fleuves, le Mississipi, l'Ama-
zone, rOrénoque, le Paraguay ou le Parana, sont formés de
plaines immenses ou de plateaux peu accidentés.
En Europe, on a trouvé surtout des populations à tibias
platycnémiques dans les bassins de la Garonne, de la Loire et
même de la Seine, où il peut y avoir des collines, mais où il
n'y a point de montagnes.
Quant à l'existence de collines ayant pu exercer les jambes
de nos ancêtres, comme il y en a à peu près partout, cette
cause ne pourrait rendre raison d'aucune différence eth-
nique. 11 en est de même des forêts, qui partout ont pu
exercer également à grimper les races qui pouvaient y trouver
138 SÉANCE DU il FÉVRIER 1887.
avantage. A ce point de vue seulement les races à tibias pla-
tycnémiques pourraient descendre d'ancêtres peut-être plus
arboricoles que les ancêtres des autres.
En plusieurs occasions, j'ai déjà protesté contre Thypothèse
que Tancêtre de Thomme ait jamais niché sur les arbres,
comme Torang ou le chimpanzé. J'ai écrit, en 1869, dans
mon Origine de thomtne, que « si l'homme avait habité sur
les arbres, il n*en serait jamais descendu». Tout au plus
faut-il admettre qu'il a pu, par occasion, y chercher un refuge
pour échapper aux grands fauves dont il était poursuivi, ou
un afTût d'où il pouvait atteindre à coups de pierre les proies
que d'autres chasseurs rabattaient vers lui.
Depuis que l'homme a cessé d'être un animal nageur, ca-
pable tout au plus de se traîner sur les rivages, sur les rochers,
ou même de grimper aux troncs des arbres avec ses quatre
mèmbros paUnés, armés d'ongles recourbés^ son attitude a
toujours été se redressant vers l'attitude bipède. C'est eb
s'organisant dès lors pour la marche et la station droite qu'il
s'est séparé des singes quadrumanes ou quadrupèdes ; mais
il n'a jamais été lui-même ni quadrumane ni quadrupède
au point de vue des fonctions. La platycnémie peut être, chez
de très anciennes races, un reste de cet état transitoire oii
l'ancêtre de l'homme se traînait à quatre pieds; car, pour la
marche bipède, il lui a toujours été avantageux d'avoir tous
les muscles de la jambe également développés, et, par con-
séquent, d'avoir des tibias dont la coupe fût de plus en plus
approchée d'un triangle équilatéral. Dans toutes les condi'*
lions de mUieu où l'homme est exposé à grimper, soit sur des
arbres, soit sur des montagnes, il est amené également à en
descendre et à faire, par conséquent, un travail musculaire
inverse équivalent.
La platycnémie apparaît donc, non pas comme un caractère
acquis par suite d'un exercice fonctionnel prédominant, mais
comme un caractère conservé en voie de résorption. C'est
une tare héréditaire et non un progrès de l'organisme.
D'ailleurs, l'homme étant voyageur, il a si souvent émigré
DISCUSSION SUR LA PLATTCNÉMIE. 139
de contrée en contrée, qu'aucune race ne peut avoir acquis
et conservé des caractères spécialement adaptés, soit à des
pays de montagnes, soit à des pays de plaines, mais seule-
ment des adaptations de plus en plus parfaites à ses fonctions
générales et permanentes en toute contrée.
M. G. Lagneau. La fréquence de la platycnémie chee les
Américains, constatée par M. Hamy^ selon M"** Glémience
Royer, ne serait pas en contradiction avec Topinion qui m'a
porté à considérer la platycnémie comme un des caractères
ethniques observés chez les Guanches, chez les troglodytes
de Gibraltar, chez ceux de Gro-Magnon, chez les néolithiques
de Ghamant et chez bien d'autres anciens habitants du sud-
ouest de l'Europe. Ge serait un des caractères de la race à
laqiielle, dans mon anthropologie de la France, j ai cru de-
voir laisser ou donner les noms de race de Gro-Magnon,
de race Atlante, de race dolichocyrtocéphale {lokijji\, xupri)
xe^aXi), longue, convexe tète), par opposition à la race de
Nécmderthal à la tête plate et longue.
De cette race de Gro-Magnon, j'ai même cru devoir
rapprocher certains dolichocéphales , soit Basques , soit *
Gorses, comme ceux d'Avapezza \ peut-être de même race
que le platycnémique du Monte-Rotondo observé par M. Ma-
nouvrier.
M. Lbtourneau. Il me semble que M">* Royer confond et a
tort de confondre Tétat social barbare avec l'état social sau-
vage. Dans le second de ces états, persistant encore en divers
points du globe, particulièrement en Australie, les tribus sont
très peu nombreuses, revendiquent de vastes territoires de
chasse, assez bien délimités, où aucun intrus ne saurait pé-
nétrer sous peine de mort. Dans ces conditions, le sauvage
non seulement n'est pas nomade à sa fantaisie, n'est pas libre
d'errer en tout sens, comme un navire en mer, mais chaque
tribu est forcément cantonnée dans le district qui lui sert de
♦ fhtnee (anthropologie), fHci. encyd, des ècUnces mëdicaies, 4« série,
i. IV, p. 57S, 57», 589.
140 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1887.
garde-manger. C'est bien pins tard, quand on est mieux armé,
plus civilisé, quand on a des animaux domestiques, même un
certain art agricole, qu*ilest possible de former de puissantes
agglomérations, comme celles des Germains, dont a parlé
M** Royer, et de se permettre de puissantes irruptions guer-
rières.
M** CL Roter répond qu'elle n'a nullement entendu parler
d*babitudes nomades régulières et périodiques s'exerçant, en
somme, dans la même contrée, mais de véritables émigrations
dont toute l'histoire atteste la réalité. Il ne faut, pour en
donner la preuve, que rappeler les déplacements des peuples
qui, sous Tempire romain, habitaient l'Europe orientale, et
aujourd'hui ont donné leurs noms à nos nations occiden-
tales. De même les Arabes> nés en Arabie, sont aujourd'hui
répandus dans toute l'Afrique du Nord. De même, il est à
croire que la platycnémie nous indique, à travers l'Europe
préhistorique, les migrations d'une race spéciale venue par
le sud, apparentée aux peuples de la Méditerranée, appa-
rentée aux Guanches, et dont plus d'une fois j'ai indiqué
l'origine américaine.
M. Manouvrier. Parmi les suppositions émises par
M*"* Royer, il y en a un certain nombre qui sont absolument
en opposition avec les conclusions les mieux établies de mon
travail qu'elle a négligé de réfuter. Je pense que les faits doi-
vent avoir le pas sur les hypothèses. D'autres affirmations ne
heurtent ma théorie que d'une façon très indirecte, celle-ci
par exemple : « Que si l'homme avait habité sur les arbres,
il n'en serait jamais descendu. » Je professe, au contraire,
l'opinion que l'homme ne serait jamais devenu bipède s'il
n'avait passé par l'état de grimpeur, qui a pu transformer
en mains les extrémités antérieures et changer en attitude
oblique l'attitude quadrupède. Mais peu importe ce point
hypothétique, puisque mon interprétation de la platycnémie
chez l'homme en est indépendante.
M*« Royer m'a objecté que beaucoup de tibias américains
sont platycnémiques, et que, cependant, l'Amérique n'est pas
OUVRAGES OFFERTS. 14!
un pays clusiTement montagneux. Je pourrais répondre
que TAmérique n*est pas non plus exclusivement un pays
plat. Mais qu'importe, puisque la course, même en pays plat,
développe les muscles jambiers postérieurs.
Je répondrai aussi un mot à Tobjection qui consiste à ex-
pliquer la platycnémie par Tinfluence de la race et non par
une influence fonctionnelle. Expliquer un caractère anato*
mique par la race, ce n'est que reculer une difficulté ; car, à
supposer que ce caractère ait été transmis par hérédité, il
reste à savoir comment il s'est produit chez les ancêtres, et il
faut toujours en venir à l'analyse anatomo -physiologique.
L'influence de la race ne pourrait intervenir, dans la ques-
tion, que pour expliquer l'existence de la platycnémie chez .
des hommes qui n'ont été soumis à aucune des conditions
auxquelles j'ai été amené à attribuer l'aplatissement du
tibia.
La séance est levée à six heures.
Vun dei $€crèlaire$ : MANOUVRIER.
U8« %tkMÏ. — 3 mars 1887.
MIa de WÊ. PI<«1X, ameleB prémiû^mU
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
OUVRAGES OFFERTS.
Regalia (E.). Besti umani délia caverna délia Palmaria {Ar-
chivio per ranlropologia^ 1886). Broch. in-8*, 8 pages.
Gastelfranco (P.). LigurùGalli e Galli-Romani. Parme,
i886, broch. in-S"», 61 pages, 2 planches.
Philbert (E.). Du Traitement de robésité aux eaux de Brides-
leS'Bains (Savoie). Paris, 1887, broch. in-S*", 16 pages.
142 SÉANCE DU 3 IIAHS 1887.
Sous (A. de). Histoire de la conquête du Mexique par Pernand
Cortez. Paris, 1774, 3 vol. in- 18, 574, 514 pages.
OBJETS OFFEETS.
M"** Reab, fille de M. Cordier, de son vivant professenr
de géologie an Musénm, offre à la Société d'anthropologie
une lettre inédite, adressée à son père par Boacher de Perlhes.
En voici la teneur :
Àbbeville, 20 fémer 1849.
a Monsieur et cher compatriote, je vous remercie de la com-
munication que vous avez bien voulu me faire au sujet de mon
livre des antiquités celtiques et antédiluviennes.
« La commission ne croit pas devoir se prononcer encore sur
une question qui pourrait exciter de si vives controverses, et
veut attendre que le public juge et que les faits se renouvel-
lent. Hélas ! si la commission avait voulu voir elle-mêùie, en
se rendant sur les lieux, elle ne douterait plus aujourd'hui.
Sans même quitter Paris, elle aurait vidé la question en fai -
sant sonder les bancs tertiaires de l'allée de Lamothe-Piquet,
ceux de Saint-Germam, etc.. où sont aussi des dépôts d'osse-
ments fossiles, parmi lesquels, j'en suis certain, on trouve-
rait ce que j'ai trouvé ici. Je n'ai passé qu'une heure dans les
bancs de Saint-Qermain, et j'y ai trouvé un silex travaillé, et
TAcadémie des sciences en trouvera, quand elle le voudra sé-
rieusement, c'est-à-dire chercher.
« C'est par erreur que l'on a présenté mes silex comme trou-
vés dans des terrains meubles et superficiels ; je n'ai cessé de
répéter le contraire. On ne les trouve que dans les couches
inférieures, presque toujours an-dessous des ossements et dans
des terrains durs et compacts. C'est à 4, 5, 6, 7 et 8 mètres
au dessous de Thumus, que tous ces morceaux ont été ren-
contrés.
c( J'ai beaucoup perdu, ici, à la mort de M. Brongniart ; lui,
l'auteur dv système contraire, avait à peu près adopté le mien.
A PROPOS DU PROCÉS-VBRBAL. 143
n me Ta dit, il me Ta écrit. Oui, je Tavais convaincu de Texis-
tence des hommes antédiluviens. Oomme TAcadémie, comme
la commission, comme vous-même le serez bientôt, comme
vous le seriez déjà, si, depuis deux ans, la publication de mon
livre n'avait pas été arrêtée par l'attente d'un rapport. Oui,
et je vous prie de prendre note de ceci : avant peu d'an-
nées, Texistence des fossiles humains sera aussi focilement
constatée que l'est aujourd'hui celle des fossiles quadruma-
nes. Or il y a vingt ans qu'on assurait aussi qu*il n'en exis-
tait pas.
(f Les volumes que j'ai remis à MM. de la commission sont
incomplets ; je vous serai obligé de me dire à quels numéros
s'arrêtent les planches et les notes, et je m'empresserai de
vous adresser, pour chacun, les planches et les notes qui man-
quent. Voici les noms des membres de l'Institut qui ont reçu
ces volumes non terminés : MM. Flourens, Elle de Beaumont,
Dufrénoy, Walkenaer, Jomard^ feu Brongniart et vous.
« Je vous prierai de faire mettre au roulage ou au chemin
de fer (petite vitesse) la caisse contenant les échantillons de
silex travaillé et terrain qui ont servi à l'examen de la com-
mission.
« Il me reste à vous exprimer mes regrets de vous avoir
fait perdre tant de temps et à vous renouveler l'assurance,
monsieur et cher compatriote, de ma respectueuse amitié.
« J. Boucher de Perthes. »
A propos du procès-verbal.
Swr la pédérastie. —M. Fauvelle. Dans la dernière séance,
M. la docteur Magnan, en présentant trois exemples de med-
formation des organes génitaux chez des inférieurs, a classé la
pédértfsiie parmi les déviations do sens génésique chez les
dégénérés. Mes observations personnelles ne me permettent
pas de partager cette manière de voir.
Pendant vingt ans que j'ai été médecin du dépôt des alié-
nés â^ l'Aisne, je n'ai jam^s rencontré de pédérastes parqû
144 SÉANCE DU 3 MARS 1887.
les mcdades soumis à mon examen, mais seulement un grand
nombre d'onanistes et quelques individus reoherchcmt les rap-
prochements sexuels normaux d'une manière éhontée.
D'autre part, conmie médecin légiste, j'ai eu à examiner
une trentaine de pédérastes^ dont les observations ont été,
pour la plupart, publiées dans la dernière édition des Atten-
tais aux mœurs ^ d'Ambroise Tardieu. Aucun de ces inculpés
ne présentait de caractères d'infériorité. Les uns avaient
pris ces habitudes contre nature dans certaines maisons d'édu-
cation; d'autres, au contact d'individus vicieux, et cinq ou
six avaient fait vœu de chasteté par exigence professionnelle.
Du reste, tout le monde sait que, dans l'antiquité, la pédé-
rastie était pour ainsi dire entrée dans les mœurs. Le sage
Xénopbon, dans le livre IV, chap. iv, de YAnabase^ ne nous
raconte-t-il pas, comme une chose toute naturelle^ qu'Epis-
thène d'Amphipolis^ auquel on avait confié la garde d'un
otage, enfant arménien à peine dans l'âge de la puberté,
« devint amoureux du jeune homme, l'emmena en Grèce et
eut fort à se louer de sa fidélité ! » (Trad. de Pessonneaux,
t. I*% p. 308.) Cette dernière phrase vaut tout un volume.
L'absence de femmes pousse à la sodomie la population des
bagnes et des prisons. Il en serait de même dans l'armée, si
les soldats ne rencontraient pas, dans leurs garnisons^ de
quoi satisfaire leurs besoins sexuels. Il est même du devoir
des chefs de corps d'exiger des municipalités tonte latitude
pour rétablissement de maisons de tolérance.
Enfin la bestialité, pratiquée par les pasteurs montagnards
qui restent plusieurs mois de l'année loin de leur famille, est
encore une déviation des appétits génésiques, qui a pour cause
l'éloignement des femmes, et n'a rien à faire avec la dégéné-
rescence de la race.
Des rapports contre nature à l'inceste il n*y a qn'nn pas,
et celui-ci nous mène à la consanguinité. En voici un exem-
ple intéressant :
Dans une commune du canton de Neufchâtel (Aisne), vivait,
sur une petite propriété à l'écart, une famille de braconniers.
DISCUSSION A PROPOS DU PROCÈS-VERBAL. 145
composée du père, de la mère et de deux enfants, garçon et
fille. Ces gens, d'une vigoureuse constitution, étaient redoutés
des habitants du village pour leurs mœurs sauvages et bru-
taies, si bien que le frère et la sœur, devenus nubiles, se vi-
rent repoussés par tous les jeunes gens de leur âge. Il résulta
de cet isolement une union incestueuse, approuvée par les
parents. Le nouveau ménage produisit sept enfants. J*ai vu
Tainé, petite ûlle de dix ans, intelligente et solidement con-
stituée. Malheureusement pour Tétude de la consanguinité,
les six autres rejetons furent tués successivement aussitôt leur
naissance. J*ai fait Tautopsie du dernier, dont l'organisation
ne laissait rien à désirer ; quant aux autres, je n'ai pu recueil*
lir que leurs squelettes.
En résumé, la pédérastie, comme Vinceste et la bestialité,
est la conséquence d'obstacles plus ou moins infranchissa-
bles, s'opposant au rapprochement des sexes.
Difcuision.
H.DALLTne partage pas Topinion de M. Fauvelle sur la ca-
tégorie de sujets atteints de dépravation sexuelle. Il fait obser-
ver, néanmoins, que, chez les Grecs, l'amour entre les adultes
et les jeunes gens avait moins pour cause une déviation des
appétits génésiques que la recherche de l'esthétique en géné-
ral et de la beauté des formes en particulier. On cite plusieurs
exemples d'affections masculines qui sont toujours restées
pures. Du reste, la pédérastie proprement dite a existé chez
toutes les races humaines, à toutes les époques et dans tous
les pays, chez les sujets sains aussi bien que chez les ma-
lades.
M. DE UjFALVY. La pédérastie est très répandue dans
rOrient musulman ; la religion de Mahomet enseignant pour
ainsi dire le mépris de la femme.
T. X (S* SÉIUE). 10
146 SÉANCE DU 3 MARS i887.
PRBSBNTATIONg.
■«•!# 4'WM J«««e Cjach^^t^^l^^t
»AR M. TH. CHUDZIIISU.
J'd lliODnQur de présenter à la Société d'anthropologie le
boate et ie$ extrémités d*une jeune fille eynghalaise, que
pous avons moulés au laboratoire d'anthropologie.
Cette jeune fille, nommée Mena Inga» Âgée de dix^-huit
ans, est née à TUe deCeylan, aux environs de Colombo. Bile
est morte à Paris, à Thépital Beaujon, dans le sertiee dn
docteur Femet, le 9 septembre 1886.
Quoique cette jeune fille soit morte de la tuberculose et
qu'on ait constaté^ à l'autopsie, l'existence de cayemes dans
le poumon, rien à l'extérieur de son corps n'indique la
maladie qui a causé sa mort. En effet, même au premier coup
d'oeil, on remarque facilement que le prodigieux développe-
ment de Ja graisse sur toutes les parties du corps a résisté
pendant la durée de la maladie de la jeune fille.
Nous avons essayé de reproduire autant que possible le
teint général du corps. Ce teint est d'un rouge brun très foncé
et rappelle celui d'un vieil acajou ; les parties postérieures
du corps sont beaucoup plus foncées, notamment la nuque
et les fesses. Les organes génitaux externes et l'auréole du
mamelon sont tout à fait noirs.
La taille n'est pas très élevée ; elle ne dépasse pas l'^,49.
Le corps est vigoureux, trapu, et ses formes sont parfaite-
ment arrondies, à cause du développement énorme du tissu
cellnlo-adlpeux. Les cuisses et les bras sont gros et potelés,
les hanches larges et les fesses saillantes.
Le système pileux est aussi très développé, et les poils des
différentes parties du corps sont beaucoup plus abondants
que chez les sujets mâles de la race blanche ayant le même âge.
Même la lèvre supérieure est ombragée de vrais poils,
rndes et abondants et que Ton voit parfaitement sur ce buste.
TH. CHUDZINSKU «- BUSTE D*UNE JBUNE GTNGHALAI8E. . 147
De plus, la figure est ornée de petits fayoris très accentués.
Les cheveux sont longs, relativement fins et ondulés.
Les extrémités sont petites et d'un contour gracieux ; oe
sont les mains qui sont remarquables sous ce rapport ; elles
sont munies de doigts graciles et effilés.
La tête est massive ; elle est attachée à un cou large et
court. Le front est triangulaire ; il est bas, étroit et un peu
fuyant. Les attaches de cheveux descendent latéralement à
9 millimètres de la queue des sourcils et à 4â millimètres
au-dessus d'une ligne passant par les points les plus culmi-
nants de ces sourcils, et c'est à ce mode d'implantation des
cheveux qu'est due la forme triangulaire du front de notre
Gynghalaise.
Cette forme de front et le mode d'implantation de ces
cheveux sont tout à fait opposés à ceux des nègres et parti-
culièrement des Bochimans, comme on peut s'en assurer en
regardant le buste d'un jeune individu de celte race.
En continuant d'examiner la face de cette jeune fille, nous
remarquons que les sourcils sont bien arqués, bien fournis et
épais, et surtout du côté droit. Les cib sont longs. L'ouver-
ture palpébrale est large, 37 millimètres et demi ; la ligne
de cette ouverture palpébrale est parfaitement horizontale.
Les yeux sont grands et à fleur de léte. Le nez, bien que saillant,
est court, à base large. Son lobule médian est gros et nette-
ment détaché des lobules latéraux. La bouche est moyenne,
et la fente buccale mesure 47 millimètres. Les lèvres sont un
peu charnues, et la lèvre supérieure est courte et légèrement
retroussée. Nous avons vu plus haut que cette lèvre est om-
bragée de poils. Les pommettes sont charnues aussi et un peu
saillantes. Le menton est court et arrondi. Les oreilles ont
le développement moyen. Elles sont bien ourlées, et leur
lobule est très développé (longueur des oreilles, 57 milli-
mètres ; largeur, 34 millimètres).
En général, la face a la forme d'un losange dont la plus
grande diagonale correspond à la racine des cheveux d'une
part et au menton de l'autre, et dont la petite passe par la fente
148 SÉANCE DU 3 MARS 1887.
palpébrale, de sorte que cette dernière divise le losange de la
face en deux triangles : le supérieur encadrant la région
fronto-palpébrale et l'inférieur englobant le reste de la face.
Les seins sont relativement petits et globuleux ; Tauréole
du mamelon, peu large, de couleur noire ; le mamelon petit,
arrondi et saillant. Les mollets de cette jeune fille contrastent
singulièrement avec le développement du reste du corps, et
en effet ils sont à peine sensibles et presque absents, comme
le prouve ce moulage que je mets sous les yeux de la Société.
Tète momifiée provenant de la trlba des Jivaroa
(Répabli^ne de l'Eqnatear)> ;
PAR LB DOCTEUR B.-T. HAUT.
Diicnssioa.
M. Dallt demande si M. Hamy pourrait préciser la date de
cette pièce, et si cette coutume est encore pratiquée actuelle-
ment.
M. Hamt. Ce genre de momification était encore pratiqué il
y a vingt ans, si Von en croit le voyageur italien Liozzi. La
date de la pièce que je présente est inconnue. On ignore éga-
lement la nature des substances employées pour la prépara*
tion. Toujours est-il qu'elle n'empôche pas les vers d'attaquer
les tissus conservés. La coutume de momifier la tête des
ennemis tués dans les combats existe encore aujourd'hui
chez les tribus du cours inférieur de l'Amazone, mais la mé-
thode employée est tout autre ; il n'y a pas extraction préa-
lable des os de la face et du crâne.
* T^ maousorit n'a pas été remis, Tauteur étant parti en mission. Il sera
publié dans un prochain fascicule.
JEANNE BERTQiLON. *— L'INDIGB BNGÉPflALO-CARDUQUB. 149
COMMUNICATIONS.
L'indlee eaeéplialo-eardlaqiie, d'après les doeonteMts
laissés p«» le doetear Parrot t
PAR N^^* JEANNE BBRTILLON.
Messieurs, votre regretté collègue, M. le docteur Parrot,
lors de la remarquable discussion qui eut lieu à la Société
dans les premiers mois de Tannée 1882 sur le poids relatif
de Tencéphale, vous annonçait une communication pro-
chaine sur un indice encéphalo-cardiaque.
a Je m'occupe depuis longtemps déjà, vous disait-il^ du
poids de l'encéphale chez les enfants et les adultes, et, suivant
en cela les principes admis pour la détermination d'autres va-
leurs, je n'ai pas voulu comparer des grandeurs absolues. J'ai
donc cherché un terme de comparaison qui me permît de
calculer la valeur proportionnelle du poids du cerveau, son
indice. J'ai passé en revue les os et les muscles, et les uns
et les autres m'ont paru devoir donner des résultats trop
variables, trop éloignés du rapport exact des choses.
« C'est dans le système viscéral que j'ai cru trouver un
véritable terme de comparaison et j'ai choisi le cœur, qui
représente la valeur la plus fixe. Il varie en effet aussi peu
que l'encéphale, et, malgré notre phraséologie habituelle,
c'est Torgane le plus brutal.
<c Le poids du cerveau, proportionnellement à celui du
cœur, doit donc nous donner la mesure la plus exacte possible
de l'influence respective de l'intelligence et de la motricité du
cerveau. J'appelle cet indice, l'indice encéphalo-cardiaque,
et je le calcule en recherchant sur chaque sujet combien il y
a d'encéphale pour iO grammes de cœur. J'ai obtenu d'assez
nombreux résultats, et je me propose de les communiquer
prochainement à la Société. »
Vous savez,, messieurs, qu'une longue et douloureuse mala-
» Séance du i février 1882, t. V, 3« aérie, p. 105.
480 SÂAHGB DU 8 KA&S 1887.
die qui emporta M. Parrot le 5 août i883, l'empêcha de tenir
parole. Permettez à celle qa*il a bien Tonlu charger du soin
de tenir ses registres d'observations, d'accomplir, dans la fai-
ble limite de ses moyens, rengagement du maître, et de le
rappeler encore une fois au milieu de vous.
Toutes les fois que M. Parrot faisait une autopsie, il notait
exactement le poids de quelques organes et il choisissait de
préférence Tencéphale, le cœur et la rate, enfin il mesurait
la taille du sujet. Toutes ces observations étaient groupées
selon le fœtus, le sexe et T&ge. Le tableau ci-contre les
résume.
Il serait difScile de tirer des conclusions bien nettes de ces
chiffres, aussi avons-nous dressé le tableau suivant qui mon-
tre la marche progressive du développement des organes
étudiés :
Tablead n» 1. Marche progreÈiive et eempùrée chez les deux eexee de la
taille, de C encéphale, du cœur, du corps et de ta rate ofe 0 à 5 ont inclus.
C0EP8.
GGBtJR.
kncAphali
RAn.
TAILLE.
AGE.
.^^^-^.^
-^ — *
' 1
r*^
1
r. a.
F.
1000
O.
r.
o.
1000
r.
1000
o.
F.
0.
lono
De 0 à 1 mois.
1000 1000
1000
1000
1
1000 1000
De 1 à 3 mois.
1190 1124
1179,1135 1246 1348 1280
1286 1066
1036
De 3 & 6 raoid.
159Ù 1486
1487 1499 1666' 1579 1352
1 860 1 202
1128
De 6 mois à 1 an.
2257 2150
2280|2191 217u'21d7!23il
2153 1356
1315
De 1 à 2 ans...
3200 2921
3189 3095 2 756 12647 {3 230
3 390 1540
I51S
De 2 à 4 ans...
4341 4 229
40223849 3210, 3202, 457U
4210 1744
1683
De 4 à 6 ans...
5367 5480
5167i5160. 34351346115.130
5 560 1971
1960
(Le poids réel de tons les corps étadiés étant pris poar 1 000 à la naissance, qae
4e^eni-il à l'Age suiTtal «1 ainsi de raite jusqu'à S ans inelns?). Voir le tableau
graphique n» î bis.
Il est maintenant facile de suivre chez les enfants des deux
sexes de zéro à cinq ans le développement du poids du corps et
de certains autres viscères. Tous deux sont également sou-
mis à la même loi.
Nous voyons par exemple, que de léro à cinq ans la taille
8
1
i
MOYENNE
delà
TAILLB.
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i
§ 1
152 SÉANCE DU 3 MARS i887.
double, ainsi que Quételet Tayait déjà signalé pour les petits
enfants belges ; que le cerveau triple, que le corps, le cœur
et la rate quintuplent leur poids primitif.
Enfin nous avons cherché quelle part avait été prise par
chaque période d'âge dans le développement de Tenfant
depuis sa naissance jusqu'à six ans. C'est ce que nous indique
le tableau suivant :
Tableau n« 3. V accroissement total de Q à 6 ans étant ramené
à 100, quelle est la part de chaque période cTâge?
PÉRIODES.
D6 0àlmois«t
<Ulà3mois.
DelàSmoiset
de 3 à 6 mois.
De3k6moi8et
deC m. à la.
De 6 m. à 1 an
etdelanàS.
Do 1 à 2 ans et
de 2 à 4 ans.
De 2à4ans et
de 4 à 6 ans.
POIDS
DU CORPS.
F.
4* ,37
9 ,20
15 ,11
21 .59
26 ,14
23 ,50
2f,7«
8 ,06
14 ,82
17 ,22
29 ,04
28 ,10
POIDS
de
l'cmcéphale.
i0«,17
17 ,24
20 .71
24 ,21
18 ,49
9 .18
14*,15
9 ,36
22 ,62
20 ,72
22 ,6
10 ,49
POIDS
DU CCBUR.
F.
4f,45
6 ,98
19 ,05
22 ,06
20
27 ,46
3ff,19
8 ,69
16 ,84
21 ,74
18 ,12
31 ,42
POIDS POIDS
DBLAIUTC. DBLATAILLK.
P. G.
6f,6
13 ,1
Il ,1
20 ,7
31
17 ,5
6f,4 6* ,86
12 ,6 13 ,94
I
6 ,4 15 ,93
i
27 ,1 18 ,80
I
17 ,9 21 ,02
1 I
29 ,6 23 ,45 24 ,61
3* ,08
8 ,32
16 ,65
17 ,65
29 .69
Ce tableau nous montre d'une manière irréfutable un fait
qui n'avait pas encore été indiqué, à ma connaissance tout
au moins, c'est que le cerveau, contrairement à ce qu'on serait
tenté de croire, se développe très rapidement, beaucoup plus
rapidement qu'aucun des autres organes que nous éludions,
beaucoup plus rapidement que la taille elle-même I
C'est ainsi que, pour les six premiers mois de la vie, nous
voyons que l'accroissement du poids du corps a été de :
43,66 pour iOO pour les filles, et de i0,82 pour les gar-
çons.
L'accroissement du poids du cœur, ii,43 pour iOO pour
les filles, et de 1 i ,88 pour les garçons.
L'accroissement du poids de la rate, 49,7 pour 400 pour les
filles, et de 49 pour les garçons.
JEANNE BEBTILLON. -^ L*INDICB E!ICÉPHALO-CARDIAQUE. )5S
L'accroissement de la taille, 20,8 pour 100 pour les filles,
et de 11,40 pour les garçons.
Tandis que pour l'encéphale, Taccroissement du poids est
de 27,41 pour 100 pour les filles, et de 23,51 pour les gar-
çons.
Il en est de même jusqu'à Tâge de deux ans, époque à
laquelle le poids du cerveau atteint, chez les petites filles,
72 pour 100, et chez les petits garçons 66 pour 100 de Tac-
croissement total qu'il doit acquérir dans les six premières
années, alors que les poids du corps, du cœur et de la rate
n'en sont à peu près qu'à la moitié de leur développement.
C'est ce qui ressort avec évidence du tableau ci-dessous :
Poids da corps de 0 à S aas
— du oœur de 0 à 2 aas. .....
^ de la rate de 0 à 2 ans. . . .
Mesure de la taille de 0 à 2 ans. . .
Poids de rencéphale de 0 à 2 ans...
FillM.
Garçons
50,36 pour 100.
42,86
62,54 —
50,46
51,5 —
52.5
55,53 —
45,70
72,83 —
68,85
Ajoutons que les petites filles se montrent beaucoup plus
précoces que les petits garçons du môme âge.
L'influence du sexe s'affirme également, mais dans un autre
sens, si l'on compare le poids d'un même organe chez la petite
fille et chez le petit garçon ; c'est ce que nous indique très
clairement le tableau suivant :
Tableau no 4. Etant 1 000 chez la petite fille, que deviennent le corps,
le cœur, t encéphale, la taille et la rate chez le petit garçon ?
AGE.
CORPS.
CŒUR.
IKCtfPBALB.
TAILLE.
HATE,
De 0 à 1 mois....
1131
1100
1100
1056
1095
De 1 à 8 mois....
1050
1039
1187
1026
1101
De 3 à 6 mois....
1036
1107
1041
992
1100
De 6 m. à 1 an...
1060
1057
1C81
n25
10)6
De 1 à 2 ans
1014
1068
1055
1039
1150
De 2 & 4 ans
1084
1052
1097
1021
1007
De 4 à 6 ans
1138
1099
1108
1052
1140
ISA StA9CB DU 3 MARS 4887.
On Toit aioBi que tons les organes du petit garçon sont
plus lourds à tous les âges compris entre zéro et oinq ans
que ceux de la petite fille.
Pour le poids du corps, la différence la plus considérable
est notée dans le premier mois de la vie et dans la dernière
année d'âge observée. C'est encore dans le premier mois que
la différence est la plus grande pour le poids du cœur. La
différence s'atténue un peu d'un à trois mois, puis grandit de
nouveau entre trois et six mois^ pour atteindre son minimum de
six mois à un an. Mais, à partir de ce moment, la différence
grandit toujours pour atteindre la même importance entre
quatre et six ans que dans le premier mois.
Pour l'encéphale, la prééminence du sexe masculin suit
une marche moins régulière ; comme pour les autres organes,
le maximum se trouve aux deux périodes extrêmes que nous
étudions. J'en dirai autant de la taille. En ce qui concerne la
rate, les irrégularités sont telles qu'il paraît impossible d'en
tirer une conclusion quelconque. On sait du reste combien
cet organe change facilement de poids sous l'influence de
causes pathologiques^ de telle sorte qu'il nous paraît inutile
de chercher plus longtemps la marche du développement
régulier de cet organe.
En résumé, nous voyons que, dès la naissance, l'influence
sexuelle s'afflrme avec la plus grande netteté, en ce qui con-
cerne le poids de certains organes et que, dans les quatre
premières années, cette influence diminue pour reparaître de
quatre à six ans avec la même intensité que dans le premier
mois de la vie.
Le développement du poids du corps, de l'encéphale et du
cœur étant connus, voyons maintenant si nous pouvons éta-
blir entre eux une relation.
Le tableau suivant va nous fournir les rapports entre le
poids de l'encéphale et le poids du corps d'une part» et avec
l'accroissement de la taille d'antre part :
JBANNE BBRTIIXqR. *- l^'ltOklGI BNCiPlALO- CARDIAQUE. iSS
Tableau V 5»
AO CORPB
a: 1000 grammes
de oorpt donneront
tant ae grammes
d*encéphale.
Nombre
de eas
obeenrés.
De 0 à 1 moiff..
De 1 à Si mois..
De 3 à 6 mois..
De 6 m. à 1 an
De 1 à 2 ans. . .
De t à 3 ann...
De 3 à 4 ans...
De 4 à 5 ans. . .
De 5 à 6 ans. . .
De 6 à 7 ans...
RAPPORT DE L'ENCÉPHALE
196
88
104
120
202
115
60
44
22
17
A LA TAILLE
>Q : iOO oenlimètres
donneront
tant de grammes
d'encéphale.
166c,6
186 ,9
175 ,8
163 ,1
147 ,4
128 ,7
118 ,1
92 ,8
101 ,8
100 ,6
Nombre
de cas
obsenrés.
94
46
56
60
149
95
48
84
22
13
726t,5
865 ,7
1006
1220
1174
1871
1531
1279
1205
1264
Tout en faisant abstraction des oirconstanees si nombreuseï
qni peuvent faire varier le poids du corps sans avoir aucun
retentissement sur le poids du cerveau, nous voyons dans le
précédent tableau que le rapport entre le poids de Tencé*
phale et le poids total du corps varie constamment et qu'il
en est absolument de même pour la taille. Il n*est donc pas
plus logique de comparer le poids du cerveau au poids total
du corps qu*à la taille.
Nous confions ces chiffres aux méditations des savants qui
ont déjà cherché à établir une relation entre le poids de l'en-
céphale et celui de la taille.
Si, au contraire, nous comparons le cœur au cerveau^ les
résultats sont tout autres et prennent une certaine stabilité,
ainsi qu'on pourra en juger par le tableau ci-deesous :
iKO
SéANCE DU 6 MARS i887.
Tableau n* 6.
AOE.
De 0 à 1 mois...
De 1 à 3 mois...
De 8 à 6 mois...
De 6 mois à 1 aD
De 1 à 2 ans
De S à 3 ans
De 3 à 4 ans
De 4 ^ 5 ans
De 5 à 6 ans....
De 6 à 7 ans
RAPPORT DE L*BNCÉPHALE
au cœur OU : 10 grammes
de cœur donneront tant de grammes
d'encéphale.
Nombre de ci
obserrét.
185
90
90
114
206
117
71
89
22
19
Rapport.
230S
257
257
234 ,9
216
192
173
158
151
151 ,1
Il est fort regrettable que ce tableau ne comprenne pas des
observations au-delà de sept ans, car il nous aurait probable-
ment montré d'une manière très nette la permanence du
rapport, que nous voyons déjà prendre une certaine fixité
depuis quatre ans jusqu'à sept, c'est-à-dire aussitôt que les
organes ont acquis un certain développement, la moyenne
ayant une simple variation de quelques grammes.
J'ose espérer, messieurs, que ces quelques lignes vous
auront convaincus que la perspicacité de M. Parrot avait vu
juste, cette fois encore comme dans beaucoup d'autres cir-
constances, et c'est pour remplir un engagement, que la
mort seule l'a empêché d'accomplir, et servir en même temps
une science à laquelle il a donné tant de preuves de son vif
intérêt, que j'ai pris la' liberté de vous apporter le résultat
jusqu'ici inédit de ses patientes et laborieuses recherches.
Qu'il me soit permis de souhaiter que l'indice encéphale-
cardiaque de Parrot prenne bientôt sa place définitive dans la
science, à côté des nombreux indices de Broca. Vous rendrez
ainsi hommage à la mémoire de deux hommes qui ont con-
tribué à l'avancement des sciences anthropologiques.
DISCUSSION SUR L^lNDlCfi BNGÉPHALO- CARDIAQUE. 157
TabUttu graphique représentant la marche progressive et comparée chez
Us deux sexes, de la taille, de tencéphale, du cœur et du corps, de
0 â 5 ans.
«00
f^
550
550
500
/
500
400
/
\'V
450
400
à
n
f
•
400
350
<r
V
380
aoo
^
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^..-^
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300
250
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^
^
250
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200
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150
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"^
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1
HMit 1-0 5r« f«A-i.,» 1-2 «-4 4-6 2-4 1-2 6nelt-1» 5^ VS O-Iim»
d«. 0 à 5 ano
Le poids réel de tous les corps étudiés étant pris pour 100 à la nais-
sance, que devient-il à l'âge de 1 à 3 mois et sucoessivement jusqu'à
5 ans ?
Discussion.
M. Dallt demande si les tableaux, qui ont dû nécessiter un
travail énorme, sont de M^^* Bertillon ou de M. Parrot lui-
même.
188 SÉANCK DU 3 MARS 1887.
M. litTOURNBAû. M^Bertillon a entre les mains les régis*
très des observations recueillies par M. Parrot à l'hôpital des
Enfants ; de très nombreuses autopsies y sont consignées. De
plus, elle était très au courant des idées de notre regretté
collègue ; les chiffres qu'elle présente offrent donc toutes les
garanties possibles.
M. Manouybibr. Il serait à souhaiter que l'auteur du mé-
moire continuât le dépouillement de ces précieuses archives ;
on en tirerait des indications pleines d'intérêt.
M. Dally a été frappé de la rapidité avec laquelle le cerveau
des filles se développe. Celte précocité les rapproche des
enfants des races inférieures. Elle coïncide, en outre« avec la
décroissance plus rapide des facultés intellectuelles de la
femme, que Ton observe généralement. Llntelligence de
l'homme progresse, au contraire, jusqu'à un âge très avancé.
M. Manouvrier. L'activité intellectuelle dépend de condi-
tions si nombreuses et si variées, qu'il est difficile d'en
apprécier les variations suivant Tâge et le sexe en se basant
sur des variations du poids ou de la forme du cerveau qui,
elles-mêmes, ne nous sont connues que très imparfaitement.
Ce que je puis répondre à M. Dally, c'est que la science ne
possède actuellement aucune preuve valable ni pour ni contre
les opinions qu'il vient d'émettre.
Be TeaimanelieBieHC des silex tmillés* ém type yénérmleaiest
«•AHH sens le noM de type de Salmt-Aiebeal em de Chelles;
PAR M. B. d'aCT.
J'ai l'honneur de présenter à la société quelques cailloux,
dont l'examen me semble pouvoir servir à réclaircissement
d'un intéressant problème d'archéologie préhistorique.
Gomment les hommes de Saint-Acheul ou de Chelles se
servaient-ils des silex qu'ils taillaient sur les deux faces ?
Les employaient-ils tous en les tenant à la main ?
Ou bien, en emmanchaient-ils quelques-uns t
Ces questions ont déjà été traitées plus d'une fois. Elles
£• d'aCY. — SUR L'EMMANCflEMSirr DIS SILEX TAULES. IM
Font été de nouraati, il n'y a pas longtemps ; mais la façon
dont elles ont été résolues alors, pour être neuTe, ne m'en
paraît pas plus Traisemblable.
Dans le numéro de la Revue scientifique du dO octobre der*
nier, M. J. Meunier nous apprend que « la plupart des
instruments chelléens\ sinon tous, sont calqués sur une
forme type,*la même dans Tesprit de tous les hommes de
cette époque, et que s'il présente une assez grande variété
dans Taspeot, les dimensions, le fini du travail, la matière qui
a servi à le confectionner, Toutil ohelléen n'en est pas moins
un. La diversité provient presque exclusivement de la qua-
lité de la roche employée, de Tappropriation du marteau et
de redresse personnelle de chaque ouvrier*... d L'homme de
Chelles lance ce disque -- tel est le nom proposé par
M. Meunier, pour remplacer celui de coup de poing, donné
par M.deMortillet-^ttrhommede Chelles lance ce disque con*
tre sa proie et contre son ennemi. Visant principalement à la
tète, où les vaisseaux sont superficiels et appuyés sur un
plan résistant, il le lance d*un bras vigoureux et expéri-
menté ; et cette arme pesante, excessivement dure, pointue,
tranchante sur tout son pourtour, ouvre au point touché une
large blessure... Tout ceci ressort de la forme discoldale, à
bord tranchant, de Tinstrument chelléen, forme défectueuse
pour un instrument utilisé à la main, puisqu'un efTort un peu
violent risquerait de blesser celui qui remploierait de cette
manière. Cette forme est tellement avantageuse, au contraire^
pour un instrument destiné à être lancé, qu'elle se perpé-
tuera sans grande modification jusqu*aux mains des Disco-
boles* ».
* M. Meunier ne parle que de l'homme obelléen, de Toutil ohelléen;
mais, ce qu'il en dit s'applique également, sans auoun doute^ à l'homme
ou aux silex de Saint-Acheul et des autres stations de la même époque.
Tons les instruments qui! eite Tiennent de Saint-Acheul, d'Àbbtnlle, de
Montguillain ou de gisements analogues. Voir Rsvuê $cienti/ique, n« du
30 octobre 1886, p. 553 et 554, aux notes.
* /6M., p. 85t.
» Ibid., p. 554.
160 SÉANCE DU 3 MARS 1887.
Les grands disqaes, a rinflme disque de Saint-Acbeal, dont
la longueur n'excède pas 6 centimètres, la largeur 5, le
poids 65 milligrammes », et aussi ceux à talon, sont bien un
peu gênants pour cette théorie. Mais a grands et petits sont
des exceptions»; les premiers^ sont des instruments à
Tusage « des géants, des colosses » — il y en a dans tous
les temps, au milieu de n'importe quelle peuplade— ; ou
bien, « quelque esprit prime-sautier aura cherché à s'affran-
chir de la routine, en triplant les dimensions de son arme,
dans le but de la rendre plus efficace» ; les seconds, les pe-
tits, sont c des jouets d'enfants ».
« Le peu de saillie de la pointe..., l'extrémité tranchante
jouant le rôle de ciseau ou de tranchet..., la tendance, vers
la fin de l'époque chelléenne, à donner à l'arme une forme
triangulaire », ne sont que la conséquence de l'emploi du
disque comme arme de jet. « Si la pointe eût été plus
allongée, elle eût rarement touché le but » ; le ciseau ou le
tranchet remplace la pointe ; la forme triangulaire a pour
objet de multiplier les pointes. Il n'y a pas jusqu'aux points
bruts, non retaillés, du pourtour qui n'aient été destinés à
jouer un rôle dans l'action de lancer le disque. Us permettent
de « l'appuyer solidement sur l'extrémité du doigt au moment
de le lancer ».
Je m'étonne que M. Meunier ne trouve pas tout cela
« bien compliqué pour la jeune intelligence de l'homme pri-
mitif ».
Mais c'est affaire à lui. Pour moi, n'étant nullement con-
vaincu du « faible degré d'intelligence » des populations
quaternaires, je n'élèverai aucune objection de ce genre.
Devant un silex muni d'un « talon tellement épais, que cet
outil n'a pu être lancé », devant d'autres « variations » en-
core^ M. Meunier est obligé d'admettre que si le disque est le
plus souvent lancé à la chasse, parfois aussi^ employé à d'autres
1 Par exemple, celui de Schrub-Hill, t long de 30 ceniimèlree, large de
18, pesant près de 2 idlogrammes ». Ibid,, p. 554.
E. D^ACT. — SUH L'EBniANCHEMBNT DBS SILEX TAILLÉS. 161
usages^ il est tenu à la main ; mais, en thèse générale, « le
disque chelléen est destiné à être lancé * ».
Yoici donc qui est bien entendu ; Toutil de Thomme de
Ghelles ou de Saint^Achenl est un ; cet outil typique, unique^
est un disque; et ce disque est destiné à être lancé à la main, soit
contre une proie, soit contre un ennemi.
Si M. Meunier s'était moins préoccupé d'Indra et de Vritra^
d'Ahnoàman, de Recaranus, de Taranus, d*Hercule, voire
même des Discoboles, dont le palet est séparé de Finstru-
mentde Ghelles, noii seulement par une grande différence de
forme, mais encore par un laps de temps très considérable,
pendant lequel rien de semblable ne se rencontre ; s'il s*était
moins laissé entraîner par son imagination et par des
théories préconçues ; si, dirai-je avec M. Gartailhac, <f il avait
étudié d'autres collections que celles qu'il parait avoir eues
sous les yeux* », il serait, je n'en doute pas, arrivé à des
conclusions toutes différentes.
Sans même examiner si un caillou de forme polyédrique,
beaucoup plus facile à façonner, quand on ne le trouve pas
tout fait par la nature, ne remplit pas les conditions requi-
ses pour une arme de jet, bien mieux que le prétendu disque
de Ghelles, je ferai d'abord remarquer qu'il est au moins
singulier de prendre pour type d'une industrie un objet qui '
ne s'y rencontre que d'une façon tout à fait exceptionnelle.
Ge qui ressemble le moins mal à un disque, ce que jusqu'à
présent on a appelé disque dans l'outillage préhistorique, à
l'exclusion de toute autre forme, est extrêmement rare à
Saint-Acheul et à Ghelles. Je n'en ai que huit ou neuf spéci-
mens de la première station, et que trois ou peut-être quatre
de la seconde ; et je n'ai laissé échapper aucun de ceux que
j'ai vus.
Les silex qui affectent plus ou moins la forme en amande,
et qu'en vérité on ne peut appeler des disques, ceux-ci par
1 /Nd., passim» p. 554, et en note.
* Matériaux pour rhistoir$ prinUUve et natureUê de Vhomme, n» de dé-
cembre 1S86, p. 581.
T. X (3« bérue). il
162 SÉANCE DU 3 MARS i8B7.
exemple, loot ineomparablemeni plus nombreux. Il aoepen-
dant fallu beaucoup plus de temps et d'habileté pour les
façonner ; par contre, leur forme, la position de leur centre
de gravité, les rendraient encore beaucoup moins propres à
Tusage indiqué par M. Meunier ; et je ne saurais mieux faire
que de répéter avec le père de l'archéologie préhistorique :
f An temps qu'a dA demander leur confection, car il en est
qui ont une régularité, disons mieux, une harmonie dans
leurs proportions, telle que le plus habile de nos ouvriers ne
ferait pas beaucoup mieux, on doit croire que leur emploi
B^était pas d'une mince importance, et qu'il ne s'agissait pas
d'une pierre à jeter au vent ou d'un simple projectile..* A
quoi bon cette coupe uniforme et régulière, travail long et
difBcile, quand la première pierre brute ramassée et jetée à
la faee de l'adversaire était tout aussi dangereuse pour lui,
sinon davantage ^ n
Les silex très volumineux, qui n'auraient pu être lancés que
par des géants, ou qui seraient dus aux essais de quelques
esprits prime-sautiers, ennemis de la routine, ne sont pas
aussi exceptionnels que le croit M. Meunier, d'après M. de
Mortillet. J'aurais pu présenter plusieurs échantillons qui
atteignent 25 centimètres, et même un peu plus, si leur
poids ne m'en avait empêché ; il y en a de plus considérables
encore dans diverses collections. Les pièces o infimes » telles
que celles-ci, qui évidemment n'ont pu servir d'armes de
jet, et dans lesquelles M. Meunier est obligé de voir des jouets
d'enfants, sont peut-être moins rares encore.
Les petits points bruts, non retaillés, sont loin de se ren-
contrer sur tous les silex ; tous ces spécimens, et j'aurais pu
en apporter bien d'autres, en sont dépourvus ; pourtant il
eût été facile d'en ménager, et on n'eût certainement pas
manqué d'en conserver, si leur utilité eût été réelle ; sur
bfaucoup de pièces, sur celle-ci par exemple, ils sont réduits
> Boucher d% PepUiM, ÀtUépiiiét ceUiquêi U ontédikufiÊmm.t III, 1S64,
p. 74; t. II, 1867, p. 171.
E. d'âGT. — SUR L'EKMANCHBIIENT DES SILEX TAILLÉS. 163
à des dimensions tellement exiguës, qu'évidemment ils n'ont
pu servira rien ; quelle que soit leur grandeur, ils se rencon*
trenten n'importe quel endroit du pourtour, à la base, sur les
côtés, et même tout près de la pointe, comme sur cet écban*
tillon ; il me semble pourtant évident que s'ils avaient été
destinés à a appuyer solidement le disque sur Textrèmité du
doigt, au moment de le lancer » , ils auraient occupé partout
la même place. Dans le fait, il suffît de manier quelques
silex pour reconnaître que, pour les lancer^ il est impossible
ou au moins extrêmement difficile et incommode d'appuyer
le point non retaillé sur le doigt«
Enfin, un très grand nombre de silex taillés sont loin
d'être tranchants sur tout leur pourtour, et affectent des for*
mes très diverses, très caractérisées, évidemment voulues. Je
vous demanderai la permission de m'en occuper tout i
rheure plus en détail ; mais il suffit de les avoir un instant
sous led yeux, pour reconnaître qu'ils n'ont absolument aucun
rapport avec le disque, et que ce sont des couperets, des
racloirs, des couteaux, des poignards, qui n'ont certainement
été employés qu'à la main.
Aussi, je me crois en droit d'affirmer que l'outil chelléen
est loin d'être un ; qu'il y a, au contraire^ à Cbelles elàSaint-
Acheul, une grande variété d'outils ou d'armes; que ces
instruments n'ont rien de commun avec le disque; qu'un
grand nombre d'entre eux ont certainement été employés
à la. main — à Tbennes, c'est la très grande msgorité ; —
que les autres n'ont pas servi non plus d'armes de jet ; et
j'espère montrer que, suivant toute probabilité, ces derniers
étaient emmancbés.
Dans son bel ouvrage sur les premiers hommes, M. le mar-
quis de Nadaillac observe une grande réserve sur cette ques-
tion de l'emmanchement. Il se borne à dire, si je ne me
trompe, que « durant l'époque acheuléenne, l'industrie, si on
peut l'appeler ainsi, est représentée principalement par un
gros instrument de forme amygdaloïde en silex ou en
quartzite, taillé des deux côtés, généralement à grands éclats.
<64 SÉANCE DU 3 MARS 1887.
arrondi à la base, pointu au sommet, sans emmanchure
et se maniant probablement à la main n ; que <c dans les pre-
miers temps, l'homme se servait de haches grossièrement
taillées, probablement sans emmanchure' ».
Bien autrement afflrmatif est M. de Mortillet.
Selon lui, tous les instruments chelléens se tenaient à la
main ; non seulement ceux à talon^ pour lesquels « la réponse
n'est pas douteuse », mais encore ceux dont tout le pourtour
est retaillé et tout à fait tranchant. Ces derniers sont par-
faitement en main, et d'ailleurs, sauf les échantillons tors,
dont la forme « sied admirablement à la main », ils montrent
habituellement « sur le côté ou à la base, un point resté
brut... sur lequel doit s'appuyer, dans le premier cas, Tentre-
deux du pouce et de l'index, dans le second, la paume de la
main*».
A l'appui de sa théorie, le savant professeur donne la
représentation schématique d'une main tenant un silex
taillé 3.
Cette figure est identiquement semblable à celles publiées
en 1864 par Boucher de Perthes *. Et même, dans l'explica-
tion insérée dans le Musée préhistorique^ nous retrouvons
l'indication de la place réservée pour le pouce, cette place si
chère au savant Abbevillois, mais dont la fabrication inten-
tionnelle, si je peux parler ainsi, est rendue plus qu'invrai-
semblable, rien que par la prodigieuse habileté qu'elle
dénoterait. L'éclat qui a produit cette dépression a été déta-
ché un des premiers ; et il faudrait admettre que toute la
délicate opération de la taille, la forme et les proportions de
l'instrument lui eussent été subordonnées.
Mais Boucher de Perthes ne prétendait pas que toutes les
• Marquis de Nadaillao, /m Premiers Hommes, MassoD, 1881, t. I, p. 6G
et 90.
• G. de Mortillet, 1$ Préhistorique, 2« édit., 1885, p. 142 et 8uiv.
> Ibid,, p. 143, fig. 17, et aussi Q. et A. de Mortillet, MMée préhisto-
rique, 1881, pi. IX, n* 48.
• AnUquités csUiques et aniédUumennes, t. III, pi. IV, V, VI et VII.
E. D*AGT. — 8UH L*SM1IANGHE1CENT DBS SILEX TAILLÉS. 165
haches^ comme il les appelait, eussent été employées de cette
façon. 11 avait parfaitement reconnu qu*il y a c deux espèces
de haches » : celles dont on se servait à la main, et celles qui
étaient destinées à être emmanchées ' ; que certaines haches
a tranchantes dans toute leur circonférence... ne pouvaient
servir à la main, en raison même de ce tranchant* »; que
Ton i( ne retrouve pas dans les haches destinées à être
emmanchées les précautions prises dans celles destinées à être
employées à la main pour qu'on ne se blesse pas en les em-
poignant*... »
Si Ton doit se tenir en garde contre certains excès dlma-
gination du savant auteur, les remarques que je viens de citer
me semblent inattaquables.
M. de Mortillet voit, il est vrai, un préservatif contre le
très grave inconvénient de ces outils, de blesser celui qui s'en
servirait sans un manche, dans les points restés bruts sur
le côté, ou à la base, et destinés, suivant lui, à fournir un
point d'appui à la main.
C'est, on s'en souvient, à lancer le disque que ces points
devaient servir, d'après M. Meunier.
Les objections que j'ai présentées contre cette dernière
opinion : absence extrêmement fréquente de ces points,
variabilité de la position qu*ils occupent, exiguïté de certains
d'entre eux, tout cela me semble déjà devoir ébranler sin-
gulièrement la théorie de M. de Mortillet, elle aussi. Cepen-
dant, je voudrais aller encore plus loin, et examiner, devant
vous, un spécimen qui présente les conditions les plus favo-
rables à l'hypothèse que je combats, celui-ci, par exemple.
H offre deux et peut-être trois surfaces planes bien dévelop*
pées. Ces plans ne sont pas des restes de Técorce du silex ;
ces deux-ci ont été produits par des cassures naturelles,
antérieures à la taille ; ce dernier paraît être le reste d'un
grand éclat du début de l'opération. Quelle que soit leur ori-
^ Ibid., t. m, p. viii, passim, et pi. I et II.
• /Wd., p. 74.
» /Wd., p. 471.
186 8ÉAHGB DU 3 MARS 1887.
fine, ce flont bien là les points non retaillés anxqnels notre
savant confrère attache tant d'importance* Je ne ferai pas
remarquer cette arête de Tun d'eux, coupante, écorchante,
si je peux parler ainsi, et qu'il aurait été pourtant si facile de
faire disparaître ; je demande seulement s'il est admissible
que des plans aussi restreints puissent constituer des points
d'appui Téritables. Quand rien ne presse et que l'on adapte
avec grand soin ce silex dans la main, on peut dire qu'il ne
blesse pas, que l'entre-deux du pouce et de l'index est bien
appuyé. Mais d'abord, cette façon de prendre un outil est
tout ce qu'il y a de plus incommode au monde ; on ne le tient
pas ; il n'est pas en main ; de plus, cette forme amincie,
effilée, indique, à elle toute seule, que c'était la pointe, bien
plutôtque les côtés, qui devaitètre utilisée, ce qui ne s'accorde
pas du tout avec ce système cfempoignement. Puis enfin,
essayons de porter un coup un peu énergique, comme ceux
que les tailleurs de silex devaient asséner. Le point plat, si
laborieusement ajusté, sera immédiatement déplacé et les
bords tranchants se feront cruellement sentir.
Ces points, restés bruts, ne peuvent donc être d'aucune
utilité; ils ont été laissés tout simplement parce qu'ils ne
gênaient en rien pour l'usage réclamé de l'instrument sur
lequel ils se trouvent ; et parce que, pour les faire dis-
paraître, il eût fallu mordre sur le silex et altérer la forme
ou les dimensions que l'on voulait obtenir. Ce sont des acci-
dents, de légères imperfections de la taille, et voilà tout.
L'homme de Ghelles se rendait bien compte que, pour être
employé à la main, sans inconvénient pour celui qui s'en sert,
un instrument — arme ou outil — doit être muni d'une sur-
face suffisamment étendue, arrondie ou émoussée^ en un mot
non coupante, que Ton puisse commodément saisir, ^ussi,
avec quel soin ne ménageait-il pas, ou n'arrangeait-il pas les
parties du silex qui pouvaient lui fournir cette espèce de
manche I Et quand le silex ne lui présentait pas naturelle-
ment ce manche, comme il savait le façonner lui-même I
Ces couperets ou hachoirs sont taillés et tranchants d'an
s. d'aGY. — SUB Ii'fiMMAHCHftMBNT DES BILEX TAILLÉS. iÔ7
eôté ; mais^ de l^autre^ ils sont madis d*on dos épais, â*une
poignée véritable. Avee eux, on peut frapper, racler Tigou*
reu8ement> sans que la main coure le moindre risque d'en
souffrir.
Ces échantillons ont également un dos épais et un eôté
tranchant ; de plus, un manche, disposé d'une façon parti*
cnlièrô, leur donne la forme de vrais couteaux.
Et ces poignards à lames larges ou étroites I En voici pour
lesquels la nature a fait tous les frais du manche. Pour eeux«
là, au contraire, le tailleur de silex a façonné la poignée ; il
a eu grand soin de ne pas faire un pourtour partout tran*«
chant ; il ne s'est même pas contenté de laisser quelques
points bruts, plus ou moins exigus ; il a fait un véritable
manche, grâce auquel on peut se servir de Tarme sans se
couper les doigts. Pour ces deux spécimens, le manche affecte
une forme allongée ; chez ces deux autres, c*est un talon
globuleux qui s'appuie parfaitement dans la paume de la
main^ Et tous ces outils, toutes ces armes, on les tient; ils
sont vraiment en main ; on peut s'en servir.
Si je ne m'abuse, le simple rapprochement de ces deux
séries d'objets -** ceux qui sont tranchants sur tout leur
pourtour, et ceux qui sont pourvus d'une poignée — rend de
plus en plus probable la croyance que les premiers n'étaient
pas employés à la main.
Puisque l'homme de Ohelles savait si bien se faire des In-
struments à la main, d'un usage commode, qui ne lui cou-
passent pas les doigts, il destinait à un autre mode d'emploi
ceux qu'il prenait la peine de tailler sur tout leur pourtour,
et qui, grâce à ce surcroît de travail, l'auraient certaine-
ment blessé, s'il s'en fût servi de la même façon que des
autres. Gela me paraît clair.
Mais alors, si ces objets ne servaient pas à la main, si leur
emploi comme armes de jet est inadmissible, ils devaient
être emmanchés.
* Lo Musée préhistorique en donne un semblable, pi. VI, ti» 17.
168 SÉANCE DU 3 MARS 1887.
M. de Mortillet s'est élevé contre la possibilité qu'ils le
fussent ^ Mais les objections qu'il a présentées me semblaient
devoir tomber devant les observations que je viens de pré-
senter. J'étais persuadé que ces hacbes avaient été emman-
chées ; seulement je ne me rendais pas compte de la manière
dont elles l'avaient été.
Notre regretté confrère Reboux et aussi M. le vicomte
Lepic ont^ il est vrai, emmanché des silex de cette époque,
et se sont servis des outils ainsi disposés pour racler des
peaux, pour fendre, du bois, même pour abattre de petits
arbres, si je ne me trompe ; mais ces essais ne me semblaient
pas assez concluants ; je trouvais qu'ils étaient faits par des
hommes trop civilisés. Mais voici que M. Hamy vient de nous
donner la description et la figure d'un engin, qui est encore
aujourd'hui en usage parmi les sauvages de l'Australie occi-
dentale, et dont un spécimen se trouvait^ l'année passée, à
l'Exposition coloniale et indienne de Londres. Cette hache,
simplement taillée par éclats, <( que l'on prendrait assez vo-
lontiers pour une hache aroygdaloïde des alluvions de la
Somme ou de l'Oise», est emmanchée dans « une bande
flexible de bois ou d'écorce, ployée en anse autour de la
pierre, et dont les deux extrémités, ramenées ensemble et
solidement attachées l'une à l'autre à l'aide d'un collier de
peau, viennent former la poignée de l'arme ou de l'outil ' ».
Les indigènes de la Western Australia font, paraît-il, grand
usage d^une gomme qu'ils tirent d^une xanthorrée, et que
Ton appelle vulgairement black boy gum. Us s'en servent pour
fixer la hache à son manche ; ou même pour confectionner
des casse -tète ou marteaux, dont les deux extrémités
sont formées d'éclats de roche dure nullement travaillés ; et
aussi pour fixer des éclats de roche le long ou à l'extrémité
de morceaux de bois, dont ils font ainsi des scies ou des
lances •.
t U Préhistorique^ p. 145.
* Bévue d'ethnographie, t. V, 1886, n» 4, p. 333 et 837^ et fig. 96, n* 5.
» Ibid., et ûg. 96, n«« 1, 2, 6, 7, 8 et 9.
B. D*ACY. — SUR l'eMMANCHBIIENT DBS SILEX TAILLÉS. 169
De même, les hommes de la pierre polie de la Suisse et de
la Suède employaient une résine, un mastic, pour fixer à
leurs manches des scies ou des couteaux en silex, pour assu<
jettir des éclats le long de pointes de javelots ^
Ce moyen simplifie bien des choses. Etait-il usité à Saint-
Âcheul et à Chelles ? On n'a rien retrouvé qui puisse le prou-
ver. Mais la longueur du temps écoulé et la nature des gise-
ments sont plus que suffisants pour expliquer la destruction
de substances de ce genre, comme aussi celle des manches de
bois. Et je suis très disposé à ne pas regarder comme impos-
sible, même au début de Tépoque quaternaire, la connais-
sance d'un procédé dont savent se servir les populations si
barbares de TAustralie occidentale. La variété des instru-
ments des alluvions des vallées de la Manie ou de la Somme,
la régularité parfaite des formes de ces outils ou de ces
armes, Thabileté qui a été nécessaire pour les façonner, Tes-
pèce d*art, si je peux parler ainsi, qu'ils dénotent, nous mon-
trent les hommes qui les ont confectionnés comme au moins
aussi avancés que les sauvages Australiens de TOuest; et
cela, mdgré Taiguisage, plutôt peut-être que le polissage,
auquel quelques-uns des engins de ces derniers — mais non
pas tous — sont soumis le long de leur tranchant *.
La hache amygdaloîde, publiée par notre savant confrère,
vient donc nous montrer quel était, selon toute probabilité,
pour les^ instruments semblables de Saint-Acheul et de
Chelles, cet emmanchement que tant de motifs nous indi-
quaient avoir existé.
Je dis les haches amygdaloîdes de Saint-Acheul ou de
Chelles^ parce que, avec elles, il y en a d'autres retaillées,
* TroyoD, Ui Hahitations lacustres, 1860, p. 461, et pi. V, a<» 11. Victor
Gross, Us Protohelvètes, 1883, p. 14 et 15, fig. 3 et 4; et, sans doute,
qaoique le* savant auteur ne le dise pas, p. 13, et pi. V, no« 25 et 26. La
photogravure semble montrer des traces noirâtres, comme de mastic, sur
les lames de ces deux instruments. Sven Nilsonn, les Habitants primitifs
d$ la Scandinavie, 1868, p. 67, et pi. VI, n<» 124, 125, 126.
* Rsvue d' ethnographie f toc. cit.
170 SÉAHGB DU 3 HARS 4887.
elles aussi, sur leurs deux faces, dont remmancheolent
échappe aux objections présentées contre celui des premières
et dont la forme fait voir, à elle seule, le mode d'emploi.
Ces haches, aux deux extrémités presque pareilles, aux
côtés parallèles S quelquefois même plus ou moins concaves,
ne sont-elles pas admirablement disposées, soit par la nature,
soit par la main de Tborome, pour recevoir, vers leur milieu,
un lien formant ensuite manche, ou qui les assujettirait à un
manche? M* Hamy% et, il y a quatorze ans, Reboux*ont
figuré des emmanchements modernes analogues; les spéci-
mens n'en sont pas rares.
Cette autre hache, au large tranchant transversal et à
Textrémité opposée taillée en pointe, devait, elle aussi, être
facilement fixée à un manche d'une façon semblable.
Quant à ces pointes, elles sont amincies, à leur base, d'une
manière trop évidemment intentionnelle, pour qu'on ne soit
pas, en quelque sorte, obligé de reconnaître la volonté d'ar-
river à obtenir une extrémité facile à placer entre les deux
lèvres d'une hampe fendue.
Enfin, ce véritable pédoncule ne peut guère laisser de doute
sur l'emploi auquel il était destiné.
Et maintenant^ messieurs, ne puis^je pas dire, pour ré-
pondre aux questions que j'ai posées en commençant :
Les hommes de Chelles ou de Saint-Acheul employaient à
la main ceux des silex, par eux taillés sur les deux faces^
qui sont munis d'une poignée naturelle ou façonnée ; sui-
vant une probabilité qui équivaut presque à une certi-
tude, ils se servaient des autres à l'aide d'un emmanche-
ment ; et, ajouterai-je en terminant, ce dernier procédé n'est
nullement en désaccord avec un outillage, dans lequel, même
1 M. de Mortillet a dessiné uoe pièce semblable dans U Musée préhisto-
rique, pi. VI, n» 30 ; mais il n'a pas fait remarquer les très grandes facl-
lilés que cette forme fournit pour Temmanchement ; et il croit ce type
beaucoup plus exceptionnel qtx'û né l'est en. réalité.
« Loc. cit., tig. 96, no 4.
> Compte rendu du Congrès international des Orientalistes, 1'* session.
Paris, 1873, pi LVII, n« 1.
DISCUSSION SUR t'filOIAlfGHBHBNT DBS SILEX TAILLlSs. 17i
en laissant de côté ponr aujourd'hui les nombreux spécimens
retaillés seulement sur une de leurs faces, la régnlarité et
rharmonie des formes, Thabileté du traTail et l'appropriation
des instruments à des usages variés, dénotent un degré A'in-
lelligence^ de oivilisation, bien supérieur à Tétat de demi-
bestialité dans lequel on représente généralement les pre-
miers habitants de nos contrées.
Disoiiision.
H. 0. DE MoRTULBi'. Daus mes oours comme dans mes
écrits, j'ai toujours soutenu que Tinstrumetit, plus on moins
amygdaloïde, qui se rencontre dans le quaternaire le plus
ancien, associé à YElephai antiqutis et au Rhinocéros Merkii,
le tjrpe du ehelléen désigné sous les noms de hache de Saint-
AchetU^ de langue de chat^éiCi était employé directement à
la main, sans emmanchure. C'est ce qui fait que, dans le
volume que j'ai publié chez Reinwâld, le Préhiêtoriquâ^ j'ai
désigné cet instrument sous le liom de coup-de-poing.
H. d'Acy cherche à nous démontrer que ees instruments,
au moins en partie, étaient emmanchés.
Telle est la question.
Tout d'abord, il faut remarquer qu'un assez grand nombre
de coops-de^polng qu instruments Cheliéens en silex des bas-
sins de la Seine et de la Somme, conservent à la base une
portion non taillée, arrondie, évidemment destinée à être
empoignée. Ce sont là incontestablement des instruments à
main, et H. d'Acy lui-même le reconnaît; seulement il dit :
(I C'est le moindre nombre. »
Si, au lieu de s'enfermer dans la région du nord-ouest de
la France, M. d'Acy avait aussi étudié le midi^ il aurait ren-
contré dans le haut du bassin de la Garonne une industrie
tout à fait analogue à celle de Saint-Acbeul, de Thennes et
de Chelles. Mais là, comme le silex fait défaut, il a été rem-
placé par le quartzite roulé. Or, ce qui est la minorité dans
les bassins de la Seine et de la Somme devient la règle gé-
172 SÉANCE DU 3 MARS 1887.
nérale dans Je bassin de la Garonne. On peut dire que tous
les coups-de- poing chelléens en quartzite, à très peu près,
conservent une portion polie et arrondie du caillou roulé,
destinée évidemment à servir d'empoignure.
Cette démonstration suffirait. Mais allons plus avant.
Dans le nord-ouest de la France et par conséquent dans la
collection de M. d'Acy» et même dans les pièces de choix
qu'il vient de nous présenter, presque toutes ont conservé
sur un côté, vers la base, un petit point brut ou aplati, qui
serait un défaut de taille sll n'était intentionnel. Ce petit
point est l'équivalent de )a partie roulée conservée dans les
instruments du Midi. Il sert à faciliter l'empoignure, en évi-
tant que la main ne se blesse et que l'instrument ne glisse.
C'est d^ autant plus clair qu'entre les pièces à véritable poi-
gnée, admises par M. d'Acy lui-même, et les pièces ayant le
point latéral le plus petit, il y a toutes les gradations, tous
les passages. On reconnaît que c'est la même idée, le même
but plus ou moins accusé.
Pourtant M. d'Acy a extrait de sa splendide et très nom-
breuse collection deux ou trois pièces fort remarquablement
taillées, sur les deux faces et tout au pourtour, qui ne pré-
sentent pas le petit point latéral brut ou aplati. Ce sont de
très rares exceptions, si toutefois exception il y a. Je ne ré-
clamerai pas l*hypothèse des instruments de luxe, ne devant
pasi servir, comme on en rencontre à diverses époques. Je
ferai seulement observer que sur ces pièces il y a, justement
à la place du méplat des autres pièces, quelques éclats plus
larges, produisant une surface légèrement oblique qui per-
met très bien de saisir l'instrumenta la main sans se blesser.
Youlant m'assurer du fait, j'ai essayé un de ces instruments
admirablement travaillé de partout, et je suis arrivé à scier,
à entailler et à creuser du bois sans me blesser. Or certaine-
ment les hommes chelléens, les hommes de la race de Néan-
derthal devaient avoir les mains moins sensibles et moins
délicates que les miennes. Ne voyons-nous pas de nos jours,
dans les régions où existe la craie, des paysans, des enfants
DISCUSSION SUR L*BHHANCHEMBNT DES SILEX TAULES. 173
même^ marcher et courir les pieds nus au milieu des silex
brisés^ sans se blesser ?
Pour justifier son hypothèse d'emmanchure, M. d'Acy
admet que les coups-de-poing chelléens représentaient des
armes et des outils fort divers. Partie de ces armes et outils
devaient se manier directement à la main ; ce sont ceux qui
ont consei'vé un talon en guise de poignée^ Les autres, le
plus grand nombre, ne pouvaient servir qu'emmanchés. J'ai
déjà dit que j'avais employé un coup-de-poing en silex, des
plus parfaits comme taille, à divers travaux, et que cet essai
avait parfaitement réussi.
Les coups-de-poing étaient des instruments à tout faire.
Evidemment, comme notre hache actuelle, qui est incontes-
tablement un outil, ils pouvaient servir d'arme au besoin.
Mais Farme primitive de Thomme a dû être le casse-téte en
bois, qui est encore Tarme principale et essentielle de tous
les peuples sauvages. Pas n'était besoin alors de fixer avec
grande difficulté et peu de solidité une pierre au bo^it d'un
bâton.
L'outillage de l'homme chelléen était bien simple, il se
composait d'un seul instrument en pierre, le coup-de-poing.
Avec le tranchant des cassures, il coupait; avec le sommet, il
perçait ; avec la base arrondie, il évidait les bois. Tous ces
travaux pouvaient s'effectuer facilement, sans se blesser la
main. Restait l'emploi comme hache, pour entailler et éclater
le bois. Cet emploi nécessitait des coups fortement donnés.
C'est pour lui qu'on a ménagé les plats pour protéger la
main. Ce qui montre bien que cet emploi a été fait en te-
nant l'outil directement à la main, c'est que cet outil est
généralement gros et lourd. Ces deux qualités pour entamer
du bois à grands coups, en tenant l'outil à la main, auraient
été deux défauts et deux obstacles pour l'emmancher.
Une dernière observation. M. d'Acy nous dit, en montrant
quelques pièces admirablement taillées et à bords assez tran-
chants : « Ces bords blesseraient la main. » Soit ; mais il me
semble qu'ils sont bien plus nuisibles dans le cas d'une em-
174 SÉÀlfCB DU 3 MAHë i887.
mancbure en boU ou ea peau. Ils la couperaieat rapidemant,
et, de fait, toute hache en pierre emmanchée est toujours
arrondie ou ômoussée sur les bords.
Je reste donc plus que jamais convaincu que les instru-
ments chelléens en pierre n'étaient pas emmanchés et ser-
vaient directement à la main. Ils peuvent donc avec raison
Conserver le nom de coups-de-poing^ que je leur ai donné.
M. o'AcY« Je ne suivrai pas M. de Mortiilet dans les consi-
dérations qu'il a développées sur Vétat primitif de Tbuma-
nité ; il a afflrmé que les premiers hommes ne devaient avoir,
et par conséquent n'avaient d'autre arme qu'une massue de
bois, ou même qu'une branche brisée, comme leur cousin
l'orang-outang; que, par conséquent, il ne devait pas y
avoir d'armes parmi les silex taillés de Chelles ou de Saint-
Acheul; qu'il ne devait y avoir, qu'il n'y avait que des
outiU,
Ce sont là des idées préconçues, dont je ne m'occuperai
pas. Je ne m'occupe pas de ce qui a dû être; je ne m'occupe
que de ce que les faits me disent avoir été. Je ferai seulement
remarquer qu'il me semble difBcile de concilier cet état si
barbare, dont nous parle M. de Mortiilet, avec l'emploii la
fabrication des canots, dont se servaient, selon lui, ces sau-
vages populations.
G*est, entre autres choses, à la confection, au creusement
de ces canots, qu'auraient servi les silex taillés; les plus
poinlus, au début de l'opération; puis, ceux moins efSlés,
plus arrondis. Il m'est impossible d'admettre que ces lames
si artistement travaillées, amincies avec tant d'habileté, ces
lames qu'un seul coup mal porté aurait suffi à briser —
M. de Mortiilet est le premier à le reconnaître — que ces lames
aient été destinées à un semblable usage. ËUes eussent été
bien vite hors de service, cassées ; et tout le travail qu'elles
ont coûté eût été perdu. Pour des armes^ il en va tout autre-
ment. Quand il s'agit de tuer ou d'être tué, on ne regarde
pas à la peine qu'il faut prendre pour rendre ses moyens
d'attaque ou de défense plus meurtriers. Tout l'ensemble de
DISCUSSION SUR C'EMMANCHEIIBNT DBS SILEX TAULES. 475
rinstrument répond si parfaitement aux eonditions que doit
remplir une arme, qu'il m*est impossible de ne pas en reoon**
naître une.
M. de Mortillet trouve le talon flictioe d*un de ces poignards
aussi dur à la main que les pourtours des haches.. J*avoue qu'il
ne vaut pas une poignée de bois ; mais, en raison de sa forme
globuleuse, il est bien moins coupant qu'une arête aiguë ; il
s'empoigne très aisément; il ne peut pas glisser, et risque
bien moins de déchirer la main.
~ Afin de montrer que ces haches coupantes sur toute leur
circonférence étaient destinées à scier, puis à tailler du bois,
et cela en les tenant à la main, M. de Mortillet s'est servi
devant nous d'un de mes silex. Il a entamé l'arête d'une plan-
che de sapin sans s'écorcher les doigts ; il affirme avoir scié
et abattu un arbre avec des outils semblables; et il a oCTert de
recommencer l'épreuve. Mais d'abord, il n'a fait que scier
légèrement; dans la crainte très fondée d*abîmer mes instru-
ments, il n'a porté aucun coup avec eux, et le mode d'emploi
qui consiste à frapper, i tailler, me semble devoir être bien
plus dangereux pour la main, que Taotion de scier. Les silex
dont il se servirait, fussent-ils tous aussi tranchants que le
mien et fUssent-ils munis de tous les petits points bruts dési-
rables, je serais curieux de voir l'effet que produirait sur les
doigts de notre confrère un usage de semblables engins,
asses prolongé et assez énergique pour abattre un arbre, un
arbre véritable, un de ces arbres dont la chute coûte tant de
temps et de sueurs à nos bûcherons, armés de haches d'acier,
n ne s'agit plus d'une planche de bois tendre à entamer sur
son arête, mais d'un arbre à abattre, et d'un arbre assez
gros pour que Ton puisse ensuite façonner un canot avec son
tronc. Mais je craindrais d'être inhumain ; et puisque M. de
Mortillet déclare avoir abattu un arbre, je le crois, et je ne
l'Interrogerai pas sur les dimensions de sa victime.
Je lui ferai seulement remarquer que Ton peut scier avec
n'importe quel outil et avec n'importe quelle arme, destinés
cependant àj;an tout autre usagCf U suffit qu'ils soient cou-
176 SÉANCE DU 3 MARS 1887.
pants. Ne scie-i-on pas de gros barreaux de fer avec un res*
sort de montre ?
De plus, il me paraît incontestable que les couperets, les
hachoirs à poignée, que j'ai fait voir tout à Theure, remplis-
sent Tofflcede haches, à la rigueur de scies à main, bien
mieux que les silex retaillés et coupants sur tout leur pour-
tour, ceux-ci fussent-ils munis de tous les petits points bruts
désirables ; et je ne saurais comprendre comment cet emploi
n'aurait pas été réservé aux premiers, d'une façon exclusive.
Je doute fort que les hommes de Ghelles aient été d'aussi
grands scieurs que M. de Mortillet le suppose. Si toutes les
haches, je dirai même presque tous les silex taillés sur leurs
deux faces, ont été des scies, cela en fait beaucoup ; et je ne
me flgure pas que les vieux Ghelléen3 en aient employé au-
tant. Ils devaient, si je ne me trompe, couper, frapper avec
leurs haches bien plutôt que scier ; pour abattre les arbres^
et n^ème pour les façonner jusqu'à un certain point, ils fai-
saient probablement usage du feu, ainsi que le pratiquent
encore les sauvages. Qu'ils se soient servis de certaines haches
comme d'outils, je ne l'ai jamais contesté; je n'ai jamais dit
que tous ces engins fussent exclusivement des casse -tète ; je
suis même très convaincu qu'une fois emmanchées^ les haches
munies d'un énorme tranchant transversal, et probablement
quelques autres encore, ont été employées comçie outils.
Mais je crois que ni les unes ni les autres n'ont servi à la
main.
Quant à la place du pouce, il est très naturel que, parmi
tous les éclats qui sillonnent les faces des silex taillés, il s*en
rencontre souvent un où le pouce trouve à se loger. Il serait
même étonncmt qu'il n'en fût pas ainsi; mais je persiste à ne
voir là que l'effet du hasard. Une adaptation intentionnelle
me semblerait dénoter une habileté, je dirai même une
recherche, extraordinaire pour les hommes de Ghelles, bien
que, selon moi, ils aient été à un degré de civilisation que
leur refuse M. de Mortillet.
Notre savant confrère a décerné à ma collection des éloges
DISCUSSION SUR L^EMMANCHBMBNT DES SILBX TAILLÉS. 177
doDi je suis extrêmement flatté. 11 a été certainement trop
indulgent ; mais, si je ne crois pas ma collection la plus belle
du mondes en raison des dimensions et peut-être de la perfec-
tion de la taille de quelques spécimens qui sont dans des
musées ou chez d'autres amateurs que moi, je ne serais pas
étonné qu'elle offrît la réunion la plus complète des différents
types de Tindustrie de ces temps reculés. Sans dédaigner,
bien entendu, les belles pièces^ j'ai eu grand soin de recueillir
également les laides, quand elles pouvaient fournir quel*
que renseignement. C'est précisément tout cet ensemble qui
m'a fourni mes conclusions ; il m'a peut-être permis d'arriver
à des résultats qui avaient échappé jusqu'à présent. Les spé-
cimens que j'ai eu l'honneur de présenter sont^ sauf un, loin
d'être uniques, comme le suppose M. de Mortillet. Celui-ci seul
l'est. Tous les autres, je les ai choisis évidemment; mais ils
appartiennent à des séries noàibreuses ; ce ne sont pas des
exceptions; et je ne demande qu'une chose, c'est que ceux
de mes confrères que ces questions intéressent, veuillent bien
me faire le plaisir de venir visiter mes tiroirs. Us verront si
ce n'est pas sur des séries nombreuses que je base mes
appréciations.
Qu'il y ait des localités où tous les instruments, ou à peu
près tous, ont dû servir à la main^ je ne le conteste nulle-
ment. Mais, que les instruments en quartzite de la vallée de
la Garonne, plus grossiers que ceux en silex des vallées de la
Somme ou delà Marne, soient tous de celte catégorie, qu'est-
ce que cela prouve? Cette grossièreté des instruments peut
tenir à la mauvaise qualité de la matière employée, comme
l'a dit M. de Mortillet ; et rien ne s'oppose à ce que des peu-
plades, plus favorisées par rapport à la nature des roches
qu'elles avaient à leur disposition^ aient eu, au même mo-
ment, un outillage beaucoup plus compliqué, beaucoup
meilleur.
Il y a des différences sensibles entre les industries de peu-
plades contemporaines et très peu éloignées les unes des
autres. Il en existe une très appréciable entre l'outillage de
T. X (3« sârib). li
178 SÉANCE DU 3 MARS 1887.
Sunt-Acheal et celai de Tfaennes. A Thennes^ les pièces
avec manche natarel oa ftiçonnë sont beaucoup plus nom-
breuses qu^à Saint- Acheul; elles le sont infiniment plus que
cdles du même gisement de thenhes, retaillées sur tout
leur pourtour. Et pourtant, pour expliquer cette particula-
rité, il n'y a ni infériorité dans Thabileté de la mdn, ni
raauTaise qualité de la matière première, ni même éloigne-
ment des deux localités. Thennes n'est guère qu'à trois lieues
de Saint-Acheul. Il a pu, en outre, y avoir des différences
très notables entre les degrés de civilisation dont jouissaient
les habitants des vallées de la Somme et de la Marne et ceux
de la vallée de la Garonne. Je n*admets nullement que le
développement de la civilisation ait été forcément partout le
même au mèihe moment. De nos jours, ne rencontre-t-on pas
fréquemment, à des degrés d'avancement extrêmement
différents, des tribus sauvages, habitant des régions limi-
trophes?
Je ne vois pas ce que peut faire à la question qui nous
occupe, que les haches d'Australie ne soient pas en silex. Ce
qui importe, c'est la forme de la hache, cette forme en
amande, qui a été, jusqu'à présent, déclarée t'nemmanchable.
(Test elle qui rend très intéressant Tengin publié par M . Hamy .
Jusqu'à ce jour, les emmanchements connus, au moins ceux
connus de moi, ceux du musée de Saint-Germain conmie les
autres, n*étaient appliqués qu'à des haches à bords plus ou
moins parallèles. Aucun ne nous montrait une hache en
amande fixée à un manche.
M. Adrien de Mortillet. L*hypothèse si séduisante, paraît-
il, de l'emmanchement des instruments chelléens, queM. d'Acy
vient de ressusciter et de défendre avec beaucoup de talent
et de chaleur, a déjà été mainte fois réfutée. Cette idée, qui
aBUftout eu le don de séduire les artistes à la recherche d'ac-
cessoires pittoresques et les vulgarisateurs peu familiarisés
avec les industries préhistoriques, est depuis longtemps aban-
donnée par la plupart des palethnologues, et nous ne voyons
dans la très Intéressante communication de H. d'Acy aucun
DISCUSSION SUB J[.'Ellll4N0a»IBNT JMSS BILEX TAILLÉS. 179
argamt ni mawtM oêpabi^ iâ modifier ea <fim que m toit
leur 4>pljiioQ.
AI. d'Acy Teoaaoatt luino^Aina qii^ le» pièces eh^lléenoa»
gFOMÎirfifl, conservant encore une bonne portion de la erodte
du rçgsMn PU nodnla de 9ilex dans leii««l elles ont été
talUées» ont l>ira pn être utilisée» 4 la main. Pourquoi dopoi
lorsqu'il passe à des piàces plus déJimtesi mieux taillée»»
suppose*t*il que cell^s^ devaient être eiQiMnebitoe 7 No
reirouve-t-on pas, bien qu'4 un moindre degré* »uf oa»
inatruments qui dénotent simplement un progrès dans l'aride
travailler le silex, tous les caractères de quelque importance!
toua liesearactères tpécifiques^ si r<m peut s'exprimer ainsi, qua
Ton observe sur les pièces les plus groesièras : forme générala
en amande» talon plua ou moins prononcé vers la lMuie«
tranchants dea c6tés plus Tifs v^s le sommet, etc, Bo ex%*
minant avec attention et sans auM^une idée préconçue un
certain nQïsùxi:^ de pièces priées au hasard, appartenant 4
Tune en à l'autre des deux catégeries» i) ait facile de ae
modre compte que Ton est en présence d'échantillons plus
on moins jbabilement confectionnée d'un sful et même outil^
dont on a sans cesse eherebé A «uf manier refBcaoité et è
diminaor Je poUnt afin da U rendre t^ut è la lois plus productif
etj^aaportalit
C'est w pounnivant «vec peffsévéranae ne double hut que
rhommn fiemle % été conduit à modifier son outillage, 4
remplacer le lourd eaup^dle*poijig eheUéen par deux instru*
mente Mon flw commodes et beaneoup pins légers : la poi»ie
et le raeloir mouftétiena. Maille coup^dei^oing n*a pas diapani
tout d'4m opup; aen usage a continué pendant une grande
partie de Tépoquo du MousUer, ^t c'est précisément è eette
époque que doivent appaj^ienir bon nombre des belLee pièce»
que nous a numirée» M. d'iLoy*
£b bien, poar ce» instrument» oux-mémes^ dont quelque»-
uns atteigneoit ^m tel dngré do perfecUjpn qu'ils doivent êtne
oonaidéré»! «en aomme do» pièce» uaueUe»» mais oommo
du» pièpa» 4o ïvm. paa plw «ua pour |o» iwtrumants loa
180 SÉANCE DU 3 MARS 1887.
plus rudimentaires du début de l'époque chelléenne, il n^est
besoin d'avoir recours à un emmanchement quelconque.
Nous voyons au contraire, lorsque nous nous donnons la
peine de les manier, lorsque nous cherchons à nous en servir,
que ces instruments, aussi bien que ceux qui ont tine véri-
table poignée, sont admirablement appropriés pour être
tenus à la main et que le nom de coup-de-poing, qui a rem-
placé celui de hache^ est bien le nom qui leur convient le
mieux, aux uns'comme aux autres.
Je n'ajouterai que quelques mots relativement aux consi-
dérations ethnogprapbiques sur lesquelles a insisté M. d'Acy.
On peut, d'une manière générale, dire que les comparaisons
ethnographiques sont très souvent aussi dangereuses en
palethnologie que les rapprochements étymologiques en
linguistique, et, dans le cas particulier qui nous occupe, que
l'exemple choisi n'est pas heureux. Les haches australiennes
auxquelles a fait allusion H. d'Acy n'ont absolument rien de
commun avec les coups -de-poing quaternaires de l'Europe
occidentale. On peut s'en convaincre en examinant deux
spécimens de ces haches rapportés d'Australie et donnés au
musée de Saint-Germain par M. Montefiore.
M. d'Agy. Je répondrai à M. Ad. de Mortillet ce que j'ai
déjà répondu à M. de Mortillet, son père; c'est-à-dire que
l'emmanchement publié par M. Hamy est nouveau, au moins
que je le crois tel. Ceux que M. Ad. de Mortillet vient de pren-
dre la peine de dessiner, je les connaissais; je les ai même
indiqués, dans ma communication, comme n'étant pas rares.
L'emmanchement sur lequel j'ai appelé l'attention vient de
l'ouest de l'Australie, dont les habitants ne font que com-
mencer à être connus ; et, de plus, trop souvent les voya-
geurs ne rapportent que les belles pièces. Les objets communs,
qui ont pourtant un si grand intérêt^ puisqu'ils nous initient
à la vie de chaque jour de ces curieuses populations sauvages,
et fournissent des termes de comparaison que je demande à
M. de Mortillet la permission de continuer à regarder comme
très précieux^ ces instruments communs, laids, sont et surtout
DISCUSSION SUR l'eMMÀNCBEIIENT DES SILEX TAILLÉS. 181
étaient trop souvent dédaignés. Or, ces engins de F Australie
occidentale sont assurément fort laids. Une pièce de ce
genre, unique encore ici, peut parfaitement être des plus
répandues là-bas.
D'ailleurs, que Temmanchement qni nous occupe soit réel-
lement nouveau, ou qu'il ne le soit que pour mon ignorance,
peu importe. Ce qui est extrêmement instructif, c'est que
nous avons sous les yeux une hache en amande, analogue i
celles de Saint^Acheul ou de Chelles, fixée à un manche.
Cette hache, dit M. Ad. de Mortillet, doit être plate sur ses
faces ; celles d'Australie sont ainsi formées. Je le veux bien ;
et, dans le fait, la figure semble l'indiquer. Mais pourquoi
des faces plus bombées s'opposeraient-elles à un emmanche-
ment semblable ? Pourquoi la bande de bois, qui ne glisse
pas sur les arêtes convexes de la hache, ne tiendrait-elle pas
sur des faces arrondies, mais certainement moins courbes
que les côtés ?
M. de Mortillet pense que les bords tranchants de nos ha-
ches quaternaires de silex auraient bien vite coupé le lien qui
les aurait retenues. Ces manches devaient cependant durer
encore un certain temps, surtout lorsque les haches servaient
comme armes et non pas comme outils ; ils n'étaient pas dif-
ficiles à remplacer ; et, de plus, si l'on ne veut pas admettre
l'emploi d'un mastic à Saint-Acheul, un peu d'herbe, de
mousse^ de peau, placé entre le silex et le lien, garantirait ce
dernier ; dans le spécimen australien, il y a, en effet, quelque
chose de ce genre, une espèce de cale, au-dessous de la
hache.
H. de Mortillet qualifie de moustériens quelques-uns de mes
silex, parce qu'ils sont plats. J'ignorais, je l'avoue, que le plus
ou le moins d'épaisseur d'un silex taillé fût suffisant pour lui
assigner une date; et même, malgré l'assertion de notre sa-
vant confrère, je reste complètement incrédule. Ce silex, le
plus plat de tous ceux que j*ai apportés, vient de Saint-Acheul.
Sa patine indique à quiconque connaît le gisement qui Ta
fourni^ qu'il reposait dans les sables blancs ; et il me serait
4W SÉANCl MT 47 MARS 4887.
ftlfîle At montrer k M. de MorUMot des éehantiOosa bien pltui
épaià, et que Icmr CMholoftg pronre eepandant avoir été
lrou?él bien pin» heol, tant à fait à k base da limon grossief ,
ou, si Ton veut^ tout à fait au sommet du dîldyiam gris*
Knfinf M. de Moriillet affirme que Temmandienieni né de-
vient certain qu'à répoqoe de Solutré. Assarément, je ne
oomj^rerai pas mes pointes à eetles si admirablement taillées
de Solutré ; mais je demande si Taminoissement de la base
des premièrea n*est pas tout aussi éyJdenmient intentionnel
que celui des secondes ; je ne tois pas, dès lors, pourquoi
reintnancbetndntt déclaré certain posr les unesi serait con-
testé pour ICÉ antres.
Ia séance est letée à six heures.
L*un dei ieerétttiref : FAinrStlB.
■Piti*
i»f> SlANCB. -^ 17 dm ISS7.
l^r^ldeBee ée M. WÊAGWrmTf prémléeni.
Le procè9«terbal de la dernière séance est In et adopté.
COmllESPONDANGe.
M« jM Sbcrétahub GâiiâiUL donne lecture d'une lettre de
M< le ministre de Finstruotion publique, invitant la Société
d'anthropologie à prendre part aux travaux du Congrès des
sociétés savantes, qui aura lieu à la Sorbonne le 31 mai pro-
cbaiiL
COMUmCATfûHS DO »imBAt7«
M. LE pRÉsmsifT annonce la mort de M. Leudet, membre
titulaire du 5 août 4875, décédé h Rouen le 5 mars 4887, à
Ffige de soixante-deux ans.
^ annonce également la perte que la Société vient de faire
OnVBAGEft OirSRTS, 183
en la personne de H. le comte Zawisza, correspondant étran-
ger du 5 novembre 1874» mort à Varsovie le 22 février 1887,
dans sa soixante-quatrième année.
M. le Président adressera, au nom de la Société,. des let-
tres de condoléance aux fwmUea dis membres dont le décès
vient d'être annoncé.
A propos 4» yrioèi vor^aU
M. Adrien de Mortillet annonce qu'il aurait à compléter
son argumentation contre la thèse soutenue par M. d^Acy
dans la séance du 3 mars, Sur le mode d'emploi des tns/rti-
menis chelléens. Mais, en l'absence de ce collègue, il remet sa
communication à une autre séance.
OUVRAGES OFFERTS.
FiiAnKm et Lqhbst. la race humaine ife Néand^itikat am de
Canitadi, en Belgiqm. Bruxelles^ 1886, brodi. In-S*^ M pages.
Db Loft (A«). Sur um kaeheête irùwtée à Barméfnia, Mons,
1886, broch. in-8% 6 pages.
AROtmaiNS. ComHibuÈUm à tMHoire primitive dê$ optuhnaux
domêitiqun m Huaiê. OdeMa, 1886, broch. io-i% 46 pages,
en ruts».
-^ Sur qu$lq%»e$ formn dê§ pim mkciênmm épée$ rtmm.
Odessa, 1886, broch. hi-4% 17 pages, en pQsse«
— M. le wmtêA.^S. Ouvarof. Odessa, 18M| broeb« ii>4%
18 pages» an msse.
-« Uêêer die Xêwte dn ffSkkn-Bàren mt Tramkmikmtm.
Broeh. Iih8«, 6 pagss.
CUMt Bbu. Paperê rêad before ihe mediea^legal Sptiêttf of
New^rork. 1886, in-8«, 550 pagos.
184 SÉANCE DU 17 MARS 1887.
PRÉSENTATIONS.
SUex taillés;
PAR M. sniOlfBAU.
H. SiMONEAU présente à la Société une série de silex taillés
dont il expose Torigine comme suit :
Etant cet hiver avec des amis à une partie de chasse, nons
traversions la plaine vers le village de Montalet (Seine-et-
Oise), nous gravissions une charmante petite colline, assez
rapide en cet endroit^ faisant face au sud, avec une source
abondante au bas^ lorsque, arrivé sur le plateau, c'est-à-dire
h iOO mètres plus loin, des éclats de silex frappèrent ma
vue, je m'arrêtai et en ramassai quelques-uns ; mais le de-
voir de rester en front de bataille avec mes amis me fit
abandonner cet endroit plus tût que je ne l'aurais désiré.
Le soir, en revenant au logis, je pris les devants et tra-
versai de nouveau la plaine pour m'assurer si je n'av€ds pas
été le jouet d'illusions.
J'explorai avec attention l'emplacement que j'avais ob-
servé le matin et j'acquis de suite la certitude que, d'après la
quantité de silex éclatés qui se trouvent à la surface du sol,
non seulement je me trouvais dans un endroit ayant été
habité par l'homme préhistorique, mais aussi vers Tun de
ses ateliers. Dans cette traversée, je ramassai une douzaine
de ces silex et quittai cet endroit, forcé, comme le matin^ par
le devoir, de monter en voiture pour rentrer à la maison.
Je fis, il y a quelques jours, un voyage exprès pour m'as-
surer, si je le pouvais, de l'importance de cette découverte.
Je visitai les collines voisines, où je ne vis absolument rien.
J'explorai de nouveau l'endroit déjà désigné; je constatai que
ces outils se trouvent sur un espace de 200 mètres de long
sur 150 mètres de large.
Je ramassai cette fois à la surface du sol plus de deux
cents de ces silex^ parmi lesquels on observe des couteaux.
DARESTE. — SUR UN VEAU NATO. 185
des grattoirs, des haches, des pomçonSy une massue, des
nucléas et un fragment de hache polie ; quelques-uns de ces
outils ont subi l'action du feu.
Dans la quantité que j'ai rapportée, il y en a à peine une
douzaine qui ont la forme moustérienne, le reste a des for-
mes moins déterminées, excepté le fragment de hache polie ;
par cette raison, je pense qu'il est difficile d'assigner une
époque bien déterminée à cette station.
Si je m'en rapporte aux outils et aux nucléus, les rognons
devaient être relativement petits^ et jusqu'à présent, quoique
je connaisse assez bien les plaines environnantes, je ne vois
pas l'endroit du gisement de ces silex.
J'ai l'espoir d'être plus heureux dans des recherches ulté-
rieures.
Disemsion.
H. Adrien de HoRTnxET. Les silex que vient de nous pré-
senter M. Simoneau sont bien tous incontestablement taillés,
mais ils n'affectent pas, pour la plupart du moins, des formes
assez caractéristiques pour qu'il soit possible de dire si la
station nouvelle dans laquelle ils ont été recueillis est exclu-
sivement néolithique ou si elle contient aussi des restes
d'industries plus anciennes.
A côté d'un fragment de hache polie et d'un grattoir ro-
benhausiens se trouvent des pointes triangulaires et des éclats
assez larges, qui rappellent les pièces non retouchées qui
accompagnent d'ordinaire l'industrie moustérienne.
COmiUBilCATiONS.
CoMple MBda 4e rantopsle d'an vea« âaU» présenté
ÛÊkmm la séaaee d« %€ iévrlar;
PAR M. DAEESTE.
M. Manouvrier lit, au nom de M. Dareste , la note sui-
vante :
186 SiANGK BU 17 MARS 1887,
J'ai présenté i la Société, il y a quelqmes aéancest un veau
ftato femellej né, au Jardin d'acoUmatatiop» â*un taureau et
d'une vache fiato du Chili.
L*autopsie de cet animal a été^aite à mon laboratoire.
Commencée le jour même de la séance, mais forcément in-
terrompue par la tombée de la nuiti cette première partie de
Topération avait fait erciire à M« San9on, qui assistait h Tau-
topsie, ainsi qu'à M. le docteur Yautbier et à M. Gâche, mon
préparateur, que l'animal en question présentait une ano-
malie ^ave des organes çénito-urinaires. Mais, reprenant,
le lendemain, cette opération avec M. Gâche, nous avons pu
constater que Tanimal ^tait parfaitement bien conformé, et
que la vessie, rappareil génital et le rectum ne présentaient
aucune anomalie.
L'animal, qui a vécu un mois, est mort presque subite-
ment. 11 a été pris de vertiges qui l'ont fait mourir en une
heure, sans qu'il y ait eu de prodromes apparents. Cela m'a
été dit par M. Salnt-Tveô Ménard, aons^directeuf dtt Jardin
d'acclimatation.
M. Sanson a annoncé à la Société que le teau dont notis
avons fait Tautopsie présentait une anomalie grave. Je n*assid-
tais pas à la séance, et je n*al pu, par conséquent, rétablir les
faits. Ayant eu récemment connaissance de la communicsb-
tion de M. Sanson, et craignant de ne pouvoir assister ft la
séance prochaine, je m'empresse de signaler ft la Société un
fait auquel j'attache une grande Importance.
Discussion.
" M. Sanson est surpris des résultats annoncés par M. Da-
reste. Il était présent lors de l'ouverture du corps. La vessie,
dont la constatation est pourtant si facUer n*a pas été vue à
sa place. Un des assistants de M. Dareste, ayant cherché à
introduire une sonde, ne put y parvenir, et annonça que le
canal de l'nrètbre h terminait par un oul<*de^MC| à peu de
distance du méat ; il regrette que la présentation de la pii^
p. SÉBILLOT. — 0USIK)UE8 TRADITIONS SUR LES VOLCANS. 187
n'ait pas éW faite ; c'était le meilleur moyen de trancher la
question.
Qnelqae» tradltloBS ««r les Toleans ;
PAR H. PAUL giBILM)T.
La tradition des Néo-Zélandais attribuait Torigine du prin-
cipal volcan de leur île à l'intervention des dieux de THawaïki,
qui le firent surgir pour réchauffer uû héros en danger de
périr de froid *.
I^s Australiens expliquaient les phénomènes volcaniques
par la tradition suivante : les méchants ingna, démons souter-
rains, ont coutume d'allumer de grands feux et de jeter dans
Tair les pierres qu'ils ont fait rougir dans le foyer. Les Kamt-
chadales disaient que les Kamueti, ou esprits des montagnes,
chauffent les montagnes qu'ils habitent et jettent les tisons
par la cheminée *.
Beaucoup de peuples, en effet, plaçaient dans les volcans
la demeure des dieux ou des démons.
Aux îles Hawaï,les indigènes disaient que le volcan Kiro-Ea
avait été choisi, par Pélè et les autres dieux des volcans, comme
Vhabitatlon la plus digne d'eux ; les cratères leur servaient de
palais. C'est là qu'ils jouaient au konane, et leur divertisse-
ment le plus habituel consistait ft nager sur les laves brû-
lantes, écoutant la musique du volcan*.
Les Guanches croyaient que Guayota, le génie du mal, se
tenait caché dans un volcan formidable; l'enfer était une
effroyable fournaise qu'il ne cessait d'attiser. Une croyance
analogue se retrouve dans le bassin supérieur du Mil, oh les
indigènes regardent les monts à cratères comme le séjour des
nanvais esprits. Les chrétiens d'Europe y ont parfois plaoé
la demeure ^n diable : d'après la légende des Lipariotes,
saint Calogera chassa les diables de leur île et les enferma
1 De Quatrafagea^ les Polyné^i^uM, Pf ISS.
« Tylor, CMlisation primiHve, i, II, p, 270.
* Ritnci, rOc^nlf, 1 1|, p. 17.
188 SÉANCE DU 17 MARS 1887.
dans les fournaises du Vulcano . La Légende dorée raconte
qu*on entend les hurlements des démons dans les volcans de
la Sicile*.
Les éruptions étaient, en général, attribuées, par la croyance
populaire, à la colère des divinités, bonnes ou malfaisantes,
qui avaient choisi les cratères pour leur demeure. Une lé-
gende, populaire à HawaI, raconte qu'un chef ayant refusé
de prêter son traîneau à Pélè, qu*il prenait pour une femme
ordinaire, celle-ci se vengea en ordonnant au volcan de vo-
mir des flammes. A Naples, après Texpédition de Garibaldi,
on attribua la destruction de Torre del Greco àla colère d'une
statue de la Vierge, à laquelle on avait mis une écharpe tri-
colore. D'après TEdda, les éruptions. étaient causées par les
flammes qui sortaient de la gueule du loup Fenris '.
Chez les peuples qui sont souvent exposés aux ravages
causés par les éruptions, on essayait, par divers moyens,
d*apaiser les divinités que Ton supposait irritées. Â HawaI,
on offrait souvent des petits cochons à Pélè ; les indigènes
de Nicaragua faisaient des sacrifices humains à Mosaya ou
Popogatepec (la Montagne fumante), et ils précipitaient les
victimes dans le cratère. A Dalhar, dans le bassin supérieur du
Nil, les magiciens amènent une vache en sacrifice aux monts
à cratères» et, dès que Tanimal a été mis sur le bûcher, ils s*en-
fuient, sans oser regarder en arrière '.
Le ahaval MMivage 4e la Dme«asMriet
PAR LE DOGTBUR FAUVBLLB.
« Le cheval réellement sauvage n'existe aujourd'hui nulle
part », dit Paul Gervais, dans son Histoire naturelle des
mammifères (t. II, p. 145). Pour Tancien professeur du
Muséum, les troupeaux signalés de tous temps dans TAsie
« D'Avezao, Iks dé V Afrique, p. 141; Reolos, t. XII, p. 217; 1. 1, p. 567;
Jacques de Voragioe, t. I^ p. 314.
s Rienzi, Océauie, t. II, p. 20; Tour du mondé, t. V, p. 318; Maury, Lé-
gendes fiêuies du moysn âge, p. 162.
» Rienzi, t. II, p. 34 ; Tylor, i. II, p. 270; R«elufl, t. XII, p. 217.
FAUTBILB. — LB CHEVAL SAUVAGE DE LA DZ0UM6ARIE. 189
centrale, depuis la mer Caspienne jusqu'aux chaînes de mon-
tagnes de THimalaya et de l'Altaï, sont composés de chevaux
libres, que les Tartares nomment Tarpam et qui proviennent
de chevaux domestiques abandonnés; ils sont tout à fait
comparables à ceux de l'Amérique qui, dans certaines con-
trées, forment des troupes de plus de 10 000 individus.
L'opinion de Paul Gervais jme paraît aujourd'hui démon-
trée fausse, par la découverte faite en 1879 parle lieutenant-
colonel russe, N. Prjewalski, dans son Voyage en Dzoungarie.
Cette découverte vient confirmer ce fait, si bien établi par
M. Piètrement, à savoir que TAsie centrale est la patrie de la
plupart des chevaux domestiques que Thomme a répandus
sur toute la terre.
Cest à ce point de vue qu*il m*a paru intéressant, pour la
Société d'anthropologie, d'appeler sur ce sujet l'attention de
ceux de nos collègues qui nous ont donné si souvent des
preuves de leur connaissance approfondie de la science
hippique.
Voici les faits tels que je les ai puisés dans la relation du
voyageur russe, publiée récemment parle Taurdumonde.
La Dzoungarie, ou mieux le désert de la Dzoungarie,
s*étend entre TAltaï au nord, et le Tian-cban au sud ; elle est
limitée à l'ouest par les monts Saour et les chaînes secon-
daires, qui unissent le Tarbagatval au Tian-chan ; à l'est,
elle se confond avec le désert de Gobi. Le climat de cette ré-
gion, dont la faune et la flore sont très pauvres, est caracté-
risé par une extrême sécheresse et par un violent contraste
entre les chaleurs torrides de Tété et les froids rigoureux de
rhiver, durant lequel le mercure gèle toutes les nuits. Ce
désert n'est arrosé que sur ses confins, et encore Tirrigation
n'y est pas abondante ; les sources y sont rares et presque
toujours salées. Il est inhabité et inhabitable. C*est là que vit
VEquus Prjewalskii^ comme le nomment dès maintenant les
zoologistes russes; en voici la description que je copie
textuellement :
« Ce cheval sauvage, dont un spécimen unique se trouve
Ifè SftANCfi BtJ il llAftS 1887.
au musée <!o Sunt-Péterebotir^, semble former ia traneitkm
entre TAneet le ebeval domestique. C'est eans doute le proio*
type de ee dernier, si profondément modifié par les soins
prolongés que l'homme lui a prodigués. L'Eqmis PrjweakkU
est généralement de petite taille, sa tête est proportionnelle-
ment grande, arec des oreilles moins longues que celles de
Tftne ; saerinière est courte, liériseée, de eouleur brune ; il
est sans garrot et sans raie dorsale. Dans sa partie supérieure
la qneue est presque nue ; il n'y a que vers TextrémMé qu'elle
porte de longs poils noirs. La robe est grise, presque Uan*
ohe flous le ventre; la tête est roussâtiie avec le mueeau
bkmc; le poil d*tiiver est assesB long et légèrement ondulé.
Les jambes de devant sont blanches à la paiiie tnférieort,
grises vers le haut et sur les genoux, noires auprès des sabots,
qui sont ronds et assex larges.
« Ce eheval, nommé pur les Kirgfaises kertag^ et par les
Mongols, taldié, n'habite que les parties les plue sauvages dn
désert de Dzoungarie. On le rencontre en petites troupes de
cinq à quinte indJividuf, qui paissent sous la surveiUance
d'un vieil éts^ion^ Le keriag est excessivement méâamt, et avec
cela il jouit d'un odorat très fin^ d'une ouïe at d*aae vie à
toute épreuve, ie n'ai eu Toocasion de renoentrer que deux
troupes de ces animaux. Nous aurions pu nous approcher de
laeeeondeà une portée de fusil, mais ils ont «éventé mon com-
pagnon à plus d'un kilomètre et ont pris ia fttile« Lemâie co«^
rait le premier, la queue en Tair et le cea reaoUiM, sept
femelles ie suivaient Le bertoif n'habite nidie paît en dehors
du désert de la Dxoungarie ; c'est un (ait que je puis aujour^
d'hui certifier. »
Je ne ferai suivre oette description que d'unesenle réflexion,
c'est que VEqmis PrjewaUkii^ qui pourrait bien èti« la sou*
cfae de tous nos chevaux et qui, en tout cas, se trouve bien
plus rapproché de Tancétre commun de tons les équidés, ne
présente aucun de ces caractères réversifs ou ataviques qui,
d'après Darwin, établiraient la parenté du cheval avec le
zèbM, l'âne et Thé
FAUVELLB. — Ifi CHETAL 8AOTAQE M LA DZOUMGAHIS* IM
On troave aussi «n Dtoimgarie deux autres espèoes de la
fàtnille des solipèdes, le iJi^iàHwt {A$imuê kemionus) et le
khoulan {Asmus onagtf^. M. Pfjewalski n'en donne aucune
description, si bien qu'il eel impossible de dire si le dfan des
Tongoutes, qu*il a reneontré sur les bords du Koukou-nor en
l^TO, serait plus ou moins semblable au khoulan. Voici ce
qu^ dit de cet âne sauvage : « Il ressemble au muiet par
la taille et Taspect général. Sa robe, d*un brun dair, est en*
tièrement blanche sous le ventre. Les formes sont arrondies,
le dos est cintré, la tête grosse, les jambes sont fines et ner-
veuses. Sur le cou, de moyenne longueur, se dresse une
courte crinière; les yeux sont grands, bruns et pleins de feu.»
Enfin, le voyageur signale encore dans la région qu'il a
parcourue, la présence du chameau sauvage. Voici le passage
de sa relation qui y a trait : « L'existence du chameau sau-
vage (Cwnelus baHrianus férus) a été révélée pour la pre-
mière fob par Marco Polo ; Buhald et Pallas en parient, ainsi
que plasieurs voyageurs modernes^ mais sans l'avoir étudié
directement et seulement sur les rapports des indigènes.
Aussi Cuvier en niait4l Inexistence, disant que les pfétendus
chameaux sauvages de la haute Asie n'étaient que des cha-
meamx domestiques rendus à la liberté. Pour moi, fl m'a été
donné de rencontrer cet animal remarquable près du Lob-
Hor, sa véritable patrie^ et de l'y observer. Certes, la diffé-
rence entre le chameau sauvage et le ehameau domestique
n'est pas considérable ; le premier a seulement les bosses
moins proéminentes et n'a pas de callosités aux genoux. Les
localités qull haMie se distmguent partout par des sables
profonds, au milieu desquels il fuit la présence de l'homme,
n est répandu dans le Tarim inférieur, le Lob-nor et le désert
de Khami, puis dans les sables de la Dsoungarie, sur le pla*
teau du TUbet, au nord-^ouest du Tsaldam, dans la plaine de
Syriin et dans le désert de Keu!toun*iior. » La seule ehose à
noter, à mon point de vue, c'est que le volume des bosses et
les callosités sont des résultats de la doBMsticatioo, et qulis
sont devenus héréditaires.
i9t SÉANCE DU 17 MARS 1887.
Qnand on considère Thabitat, si restreint aujourd'hui, du
cheval sauvage, il est tout naturel de se demander comment
il a pu être le réservoir commun où tous les peuples limitro-
phes sont venus puiser, pour former ces nombreux troupeaux
qui les ont suivis dans leurs migrations lointaines.
Certainement, la civilisation dont Bokara et Samarkand
ont été momentanément le centre, a pu contribuer à refouler
tous les animaux sauvages ; mais depuis des siècles que ces
villes sont déchues de leur grandeur passée, les chevaux
auraient dû reprendre leur expansion primitive. Comme il
n'en a pas été ainsi, nous sommes amenés à supposer que
des modifications considérables ont dCl se produire dans la
constitution géologique et climatérique de ces contrées..
M. Prjewalski ne nous donne aucun renseignement à ce .
sujet. Il nous dit bien que toute la surface des déserts de
Gobi et de Dzoungarie était occupée jadis par une mer, dont
les Chinois ont conservé le souvenir sous le nom de Khan-
khan, Il ajoute que, dans le nord et Test de la contrée qu*il
explore, le sol est composé de schistes et de graviers formés
par la désagrégation des roches. Au sud s'étendent des sables
mouvants et des salines, tandis que, à Touest et surtout au
nord-ouest, prédominent les gisements d'un lœss composé
d'argile, de menu sable et de chaux carbonatée. Mais aucun
de ces détails ne nous permet de tirer des conclusions au
sujet du problème qui se pose.
Je pense qu'il faut en chercher la solution dans te dessèche-
ment progressif de toute l'Asie centrale, qui a fait disparaître
les pâturages indispensables au développement des espèces
herbivores.
En effet, la Revue de géographie a publié, l'an dernier, un
travail très intéressant de M. YenukofT, sur la diminution
rapide des lacs asiatiques; qui expose à un changement de
climat funeste à Tagriculture la Turquie, la Russie, la Sibérie,
la Mandchourie et la Chine. Le vaste territoire des Kirghises a
changé de physionomie de 1856 à 1875. Les sables ont gagné
de l'espace ; plusieurs petits lacs ont disparu et la végétation
DISCUSSION SDR LE CHEVAL SAUVAGE DE LA DZOUNGARIE. 193
est devenue plus maigre. Dans le voisinage des steppes
d'Astrakhan, on a suivi dans tous ses détails le dessèchement
du lac Astchi-koul, disparu depuis 1873.
Deux golfes de la mer d*Aral ont laissé à sec de vastes
espaces, comparables, comme étendue, au grand-duché de
Luxembourg et au département du Rhône. Le lac Balkach
baisse incessamment de niveau ; une série de lacs situés à
Test et qui en faisaient primitivement partie ne lui appor-
tent j)lus que rarement leur trop-plein. Les lacs dzoungariens
diminuent rapidement d'importance. Enfin, en Sibérie, le
même phénomène s'observe d'une manière non moins rapide.
Bien que tontes ces constatations soient de date récente,
elles indiquent que, depuis de longs siècles, les régions dont
il s'agit perdent d'une manière continue leur humidité et par
conséquent leur fertilité primitive, et si l'on s'en aperçoit
seulement aujourd'hui, c'est que le dessèchement absolu
approche. Du reste, en Perse, on ne trouve plus que quelques
bassins aux environs de Ghiraz, tous les autres lacs iraniens
se sont évaporés,
£n résumé, si le cheval sauvage est aujourd'hui confiné
dans un étroit canton de son ancienne patrie, c'est que celle-
ci a subi dans son climat des modifications profondes, dont
les conséquences peuvent être terribles pour l'homme lui-
même. Il est donc très heureux^ pour l'histoire de l'espèce
chevaline, que le voyage d'exploration de M. Prjevalski ait
en lieu avant sa disparition complète.
Discussion.
M. Piètrement. Gomme M. Fauvelle vient de le dire, j*ai
montré dans mon livre sur les Chevaux dans les temps préhis--
toriques et historiques^ que la plupart des chevaux domes-
tiques actuels descendent d'ancêtres qui ont été domestiqués
dans l'Asie centrale. Mais^ pour qu'on soit bien fixé sur la
véritable portée de ce fait, je dois ajouter que, néanmoins^
deux seules races chevalines ont été domestiquées dans cette
T. X ^^3« SÀJUBj. 13
194 SiAHCG DU 17 MABS 1887.
région, Tuno par les Aryas et l'autre par les Mongols^ tandis
que six raees chevalines ont été domestiquées en Europe; et
que ces huit races chevalines ont toutes été domestiquées
dans les temps préhistoriques. De sorte que si les chevaux
asiatiques forment au moins les neuf dixièmes de la popula-
tion chevaline actuelle, cela tient uniquement à ce quUls ont
anciennement envahi d'immenses contrées situées en dehors
de leurs aires géographiques naturelles^ avec les peuples qui
les ont domestiqués, et avec les Sémites qui les ont rcQus de
leurs premiers possesseurs; tandis qu'au contraire, les races
chevalines européennes ne se sont presque pas étendues en
dehors de leurs aires géographiques naturelles. C'est donc, à
mon avis, l'un des faits qui montrent le mieux que les an-
ciennes grandes migrations civilisatrices sont parties de
rOrient, et non de nos régions occidentales.
Quant à la question des chevaux sauvages des temps his«
toriques, je l'ai traitée dans le même volume (chap. I*',
§ 8), et je suis arrivé aux conclusions suivantes : Depuis
l'antiquité jusqu'à nos jours, on a souvent mentionné l'exis-
tence de chevaux sauvages en Asie, en Europe, en Afrique
et en Amérique. Dans la plupart des cas, les faits ne sont pas
exposés avec assez de précision pour qu'il soit possible de
reconnaître si ces animaux étaient réellement des chevaux
sauvages. Dans les cas où les faits sont exposés avec quelque
précision, il est facile de constater que ces prétendus che-
vaux sauvages étaient, tantôt des chevaux marrons ou issus
de marrons, tantôt des sujets appartenant à une espèce
d'équidés autre que le cheval; et le fait signalé par M. Fau-
velle, d'après M. Prjewalski, vient précisément à l'appui de
la dernière conclusion.
En effet, M. Prjewalski déclare que, chez son équidé, les
crins sont remplacés par du poil dans la partie basilaire de
la queue; et cela suffit pour montrer avec la dernière évi-
dence que ce n'est pas un cheval, puisque l'un des caractères
spécifiques du eheval {Equus caballus), c'est la présence des
erias dans toute la longueur de la queue. La conformation
DISCUSSION SUR LE CHEVAL SAUVAGE DE LA DZOUNGARIE. 195
de laqnaae de ce prétendu cheval sauvage permettrait de le
ranger indifféremment, soit parmi les hémiones, soit parmi '
les ftnes, soit parmi les zèbres. Mais son origine asiatique
indique avec certitude qu'il appartient à Tune des variétés
de rbémione ; car H. Milne Edwards a déjà fait observer
dans ses cours que tout ce que les voyageurs modernes ont
dit sur les prétendus onagres ou ânes sauvages de l'Asie, se
rapporte exclusivement à VEqutu hemionus et non à VEquus
astnm^ fait qui a été parfaitement démontré en 1869 par
notre collègue M. Hector George, dans ses remarquables
Etudes zoologiques sur les hémiones et autres espèces chevalines.
J'ai d'ailleurs montré dans mon chapitre XIV , que les anciens
ont commis sur ce sujet la même erreur que les modernes ;
que ce sont des bémiones qu'ils ont signalés en Asie sous les
noms d'onagres ou ânes sauvages, et j'en citerai un seul
exemple. Dans la Retraite des Dix-Mille, Xénopbon prétend
avoir chassé et mangé des ânes sauvages ( Svot (ZYpioi ) en Méso-
potamie ; mais sur un bas-relief assyrien, existant actuelle-
ment au British Muséum et représentant une chasse aux
équidés sauvages, il est très facile de constater que ces ani-
maux sont des hémiones et non des *ânes.
Ces considérations suffisent pour prouver que le prétendu
cheval sauvage de M. Prjewalski est en réalité un hémione ;
et je ferai remarquer, en terminant, que cet auteur ne paraît
pas être au courant de l'état actuel des connaissances zoolo-
giques sur lôs équidés sauvages de l'Asie, puisqu'il parle
encore dans son article des prétendus onagres ou ânes sau-
vages de ce continent, comme l'ont fait les anciens et tant de
voyageurs ou même de naturalistes modernes.
M. Sanson. Ainsi que mon ami M. Piètrement vient de le
dire, il existe en Europe six espèces chevalines, en outre des
deux qui nous sont venues d'Orient. Ces six espèces euro-
péennes sont toutes originaires du nord-ouest de notre con-
tinent. Dans l'ouvrage où il a si profondément fouillé l'his-
toire des deux espèces orientales à l'état domestique, il a
bien voulu déclarer que 94 tâche historique lui avait été con-
196 SÉANCE DU 17 KARS 188*7.
sidérablement facilitée par mes diagnoses préalables de ces
espèces et par la détermination de leurs aires géographiques
naturelles. Ces faits établis, il n'était pins possible d'admettre
que tous les chevaux de TEurope occidentale provenaient, par
transformation, de ceux d'Asie. Les descendants des chevaux
asiatiques restent chez nous parfaitement reconnaissables, et
j*ai inontré depuis plus de vingt ans que l'introduction des
ancêtres de quelques-uns d'entre eux date de Fépoqne pré-
historique. Le type naturel de ceux-là étant resté intact jus-
qu'à nos jours, quelque opinion qu'on ait sur la transforma-
tion des espèces, il est évident, d'après cela, que pour le temps
écoulé et dont nous ne pouvons nous faire idée qu'avec une
approximation de quelques milliers d'années, nos espèces
européennes, de type très différent, n'ont pas pu dériver de
l'une ou de l'autre des espèces orientales.
La question du prétendu cheval découvert en Asie récem-
ment a été traitée, il y a quelques années, par M. Anoutchine,
dont on nous présentait tout à l'heure des travaux, n en a
parlé dans une lettre adressée par lui à Nehring, de Berlin.
Cette lettre a été publiée par ce dernier dans le mémoire
sur Fossile Pferde aus deutschen Diluvial Ablagerungen, inséré
au Landw. Jahrbûcher, en 1884, et où Nehring reconnaît que
le crâne fossile de Remagen est identique à celui de
mon E. C, ^ermantVrtis actuel.
Après avoir dit ce qu'il faut penser, selon lui, du cheval
Tarpan, M. Anoutchine continue ainsi: a Nous connaissons,
paraît-il, unsetil vrai cheval sauvage : c'est celui que Pijewalski
a rencontré, ou plus exactement dont il a entendu parler par
les indigènes près du lac Lob-nov^ dans l'Asie centrale. On
lui a conté que ces chevaux sauvages sont entièrement brunsj
qu'ils ont la crinière longue et noire ainsi que la queue; ces
animaux sont très sauvages et craintifs, ils vivent en troupes
et leur chasse est très difficile. M. Prjewalski n'a vu lui-même
aucun de ces chevaux sauvages ; mais à Saissan-Port il a
reçu en cadeau d'un chasseur, M. Tichonoff, la peau et le
crâne d'un jeune cheval sauvage. Cette peau a été empaillée
DISCUSSION SUR LE CHEVAL SAUVAGE DE LA DZOUNGARIE. 497
à Pétersboorg et déposée au musée de l'Académie ; le crâne
y est aussi conservé.
<( Pour vous donner une idée de cet animal, je vous envoie
un exemplaire de la notice de M. Poliakoflf, voyageur sérieux
et conservateur à l'Académie de Pétersbourg. Le travail en
question est extrait des Mittheilungen d. Geograph. Gesellsch.
de Saint-Pétersbourg, 4881, et intitulé : Dos Pferd von
Przewalski {Eqtms Przewalski, n. sp.).
« Il y a dans ce travail un tableau des dimensions du crâne
de divers équidés, chevaux et ânes, et en outre une brève
description de la peau, ainsi que quelques réflexions et con-
clusions qui, d'après mon appréciation, ne sont pas toutes
exactes, particulièrement en ce que, comme vous le verrez,
le crâne appartiendrait à un jeune animal et aurait seulement
quatre molaires.
« L'animal est réellement un cheval^ mais il a aussi un peu
de rhabitus de l'âne sauvage (par exemple dans la couleur,
dans la crinière, la queue, etc.] La lithographie exécutée sur
les indications de M. Poliakoff n'est pas tout à fait réussie ; la
robe devrait être un peu plus ondulée, la crinière ne devrait,
non plus que les oreilles, être dirigée en avant. »
La Société a pu apercevoir quelques divergences entre le
texte de la lettre de M. Anoutchine et celui du Tour du monde
cité par M. Fauvelle. Ge que je veux retenir seulement de
mon auteur, c'est que les documents sur l'espèce animale
dont il s'agit se réduisent à bien peu de chose. Ils me parais-
sent suffisants cependant, comme à mon ami M. Piètrement^
pour permettre de conclure que YEquus Przewalski de M. Po-
liakoff n'est pas un cheval, mais bien un hémione.
Du reste, sur ces matières, les appréciations des simples
voyageurs et même celles des naturalistes qui n'en ont pas
fait leur spécialité ne peuvent être accueillies, en général,
qu'avec une grande réserve. On trouve notamment répétée
dans tous les traités de zoologie, surtout dans les traités élé-
mentaires, l'indication de l'onagre ou âne sauvage, même
depuis que M. George, mon répétiteur à l'inititnt agrono-
198 SÉANCE m 17 MARS 1887.
mique, a péremptoirement démontré sur pièces, i rinstigation
de son maître M. Milne Edwards, que les prétendues troupes
d'ânes sftutages de TAsie ne sont pas autre chose que des hé-
miones. Toutes les espèces d'ânés, ainsi que toutes les espèces
de eheraux, sont passées entièrement à l'état domestique dès
les temps préhistoriques. Quand oh accepte l'idée que j'ai
développée dans l'article Domestication du Dictionnaire eneyclo-
pédique des sciences médicales, sur la façoh dont le phénomène
â dû s'accomplir, on le comprend facilement. Les iustincls
des cheraux et des ânes ne les portent pas à fuir la société
des hommes. Dès que ceux-ci ont cessé de les chasser pour
les tuer, Us se sont volontiers ralliés à eux. U n'en est pas de
même pour les autres espèces d'équidés, pour les hémiones
et les zèbres. On en a quelquefois apprivoisé. Au Jardin soolo-
gique du bois de Boulogne, vous avez pu voir des zèbres
attelés à des voitures et les traînant asses docilement. Mais
ce n'est pas là ce qui constitue l'animal domestiqué. Peut-
être, dans les temps futurs, nos arrière-neveux auront-ils
l'occasion d'observer des hémiones et des zèbres domesti-
ques ; mais jusqu'à présent personne n'en a vu, non plus que
des Ânes ou des chevaux réellement sauvages. Il en existe
qui vivent libres et peu domptés, en Amérique méridionale et
dans quelques steppes de l'Asie. Mais tous sont issus
d'ancêtres ayant vécu à l'état domestique.
M. Fauvblle. Je me félicite d'avoir, en soulevant cette
question si intéressante du cheval sauvage, fourni à nos ex-
cellents collègues l'occasion de nous exposer les remar-
quables résultats de leurs études et de leur expérience.
N'ayant nulle qualité pour soutenir l'opinion de M. Prjewalski,
je me contenterai de les prier de nous éclairer sur quelques
points qui me paraissent être restés dans l'ombre.
La brièveté des oreilles de ïEquus observé par le voya-
geur rtisse ne serait-elle pas un caractère qui le distinguerait
de l'àne et de l'hémione? Malheureusement la tradoction
que j*ai rîtée ne contient aucune mensuration exacte^ ce qui
eoiève à maquestion la précision que j 'aurais désiré lui donner.
DISCUSSION SUR LE GHITAL 8AUYAGI M LA DZOUNGARIS. 199
Sniuite la ▼ariélé de cheval dite à queue de rai n^enlèya-
rait-elle pas, si elle était bien réelle, une certaine partie de
sa valeur au caractère distinelif q«*ils viennent de nous don-
ner de Tespèee chevaline?
Gomme il est permis de supposer qu'une domesticité ao-
oompagnée dé sélection artificielle, remontant à des milliers
d'anuées, a pu amener chez le cheval certaines modifica-
tions, tont au moins dans le pelage^ je leur demanderai en
dernier lieu si Ton ne pourrait pas attribuer à cette cause',
non pas la disposition des orius sur la queue, qui» suivant
eux, caractérise ab5olument VEqum cabaHus^ mais Tidentité
presque complète de couleur entre les faces dorsale et abdo-
diiDale, identité qui ne se rencontre, à' ma connaissance,
ohei aucune race sauvage, du moins à un degré aussi pro-
noncé.
M. Sanbon. Je puis faire aux questions posées par M. Vau-
velle des réponses précises.
D*abord, en ce qui concome la longueur des oreilles, je
dirai que, ehes les chevaux, cette longueur ne dépasse jamais
la moitié de celle de la tète, tandis que, chea les ânes; elle
est toujours plus grande que la demi-longueur de la tète.
Toutes les espèces chevalines n'ont point les oreilles de la
même longileur, pas plus d'ailleurs que les espèces asines.
Lee unes ont les oreilles petites, les autres les ont grandes.
Mais la moitié de la longueur totale de la tète est le maxi-
mum pour les chevaux ; le minimum pour les ânes dépasse
cette moitié. Il jr a une espèce chevaline, par exemple, dont,
les oreilles ont naturellement ce maximum de longueur ; el,
comme la tète est elle-même très allongée, elles sont abso-
lument fort longues. L'une des variétés de sa race est em-
ployée en Poitou à la production des mulets. Les partisans
de la doctrine de l'imprégnation, que nous discutions ici il
y a quelque temps, y ont vu une preuve en faveur de cette
dectrkie. Les ohevaux du Poitou devraient leurs longues
oreilles à ce que leurs mères auraient été antérieurement im-
prégnées par le baudet qui, lui, les a démesurément longues
200 8ÉANCB DD 17 MARS 1887.
et larges, beaucoup plus larges et plus longues que celles de
l'âne d'Afrique ou âne commun. Malheureusement pour la
doctrine, les chevaux picards et flamands, de la même race
frisonne, et dont les mères n*ont eu aucune accointance avec
le baudet, ne les ont ni plus ni moins longues.
J'ai été conduit à mesurer ainsi avec précision les oreilles
des deux sortes d'équidés en question par la nécessité de
vérifier scientifiquement les idées reçues au sujet de certaines
lois de rhérédité. On admettait, depuis Buffon, que le père
transmettait toujours ses formes extérieures, et Ton 8*y
croyait autorisé en prétendant que le bardot, qui est produit
par l'accouplement du cheval avec i'ânesse, ressemble plus
à son père qu'à sa mère, c'est-à-dire plus au cheval qu'à
ràne, tandis que le mulet, produit de l'âne avec la jument,
ressemble plus à l'âne qu'au cheval. En attribuant cette doc-
trine à l'Anglais Stephens, on en a tiré une conséquence
désastreuse pour la production chevaline. Elle a, par consé-
quent, une importance zootechnique énorme. Entre autres
caractères différentiels, celui de la longueur des oreilles four-
nissait un moyen excellent de vérification. J'ai pu montrer
ainsi que des bardots, observés par moi en Poitou, avaient
les oreilles plus longues, absolument et relativement, que
celles de mulets de même âge nés dans la même localité.
Les deux sortes de produits de croisement ont la longueur
des oreilles variable entre les deux limites extrêmes que j'ai
indiquées.
Mais il n'y a pas lieu d'insister ici sur ces faits. Je répète
seulement que nous avons, avec le critérium indiqué, un
moyen certain de distinguer les oreilles d'âne des oreilles de
cheval. Les unes et les autres sont plus ou moins courtes, ou
plus ou moins longues. Dès qu'elles dépassent la demi-lon«
gueur totale de la tête, ce sont des oreilles d'âne on d'hé-
mione.
Passons à la queue maintenant. Pour caractériser celle
des trois sortes d'équidés autres que les caballins, on dit
qu'ils ont la partie basilaire de la queue dépourvue de crins.
DISCUSSION SUR LE CHEVAL SAUVAGE DE LA DZOUNGARIE. 201
Cette partie, plus ou moins étendue chez les ânes, les hé-
miones et les zèbres, est pourvue de poils ordinaires, sem-
Uables à ceux du reste de la robe ; Textrémité libre porte un
bouquet de crins plus ou moins touffu. Chez les chevaux, les
crins commencent dès la base et leur longueur va générale-
ment en augmentant à mesure qu'on se rapproche de Textré-
mité libre du coccyx. Ce qu'on appelle vulgairement la gueue
de rat chez eux, n'a rien de commun avec ce que je viens de
décrire pour les ânes et les autres équidés non caballins. C'est
un phénomène pathologique ettoutafaitindividuel.il arrive
aux chevaux à queue de rat ce qui nous arrive à nous-mêmes
quand nous perdons nos cheveux. Les crins leur tombent en
commençant ou non par la base de la queue. Ordinairement
ils deviennent de plus en plus rares sur toute l'étendue de
l'organe, et parfois ils finissent par tomber tous par atrophie
des follicules pileux. Us ne sont point remplacés, ni à la base
ni ailleurs, par des poils ordinaires. On ne peut donc point
confondre la queue de rat du cheval avec une queue
d'âne.
Pour ce qui est de la différence de couleur entre les poils
de la région ventrale et ceux des parties latérales et supé-
rieures du corps, c'est un fait commun à tous les équidés.
Le contraste est plus ou moins frappant, selon la couleur
même de la robe. Chez les chevaux noirs, dont la peau est
partout fortement pigmentée^ la nuance dégradée des poils
du ventre est moins facile à saisir que chez ceux dont la robe
est bai-brun ou grise. Elle n'en existe pas moins pour cela.
Chez l'âne d'Europe, dont la robe est invariablement brune,
les poils du ventre^ des aines et de la face interne des
cuisses, ainsi que ceux des lèvres, sont d'un gris argenté. Ce
n'est donc point là un caractère d'espèce sauvage. Nous
l'observons chez tous nos animaux domestiques, et chez les
équidés en particulier.
M. Hervé demande à quels caractères précis on peut re-
connaître qu un troupeau de chevaux vivant actuellement à
l'état sauvage est issu, à une date plus ou moins éloignée,
20t 8ÉAJIG1 Dtr 17 UIR% 1887.
d*ânimattx deyenas libres après avoir 6té élevés en domas-
tioilé.
M. Piètrement. A la question de M. Hervé sur la nature des
oaraetères xoologiques qui m'ont permis de reconnaître des
cUevaux marrons dans les prétendus chevaux sauvages dont
j'ai parlé dans ma première allocution, je puis répondre oeei :
On admet à Juste titre que, sur les squelettes des mammi"
fères, le développement des attaches musculaires, protubé-
rances, tubérosités, crêtes, etc., est généralement dans un
rapport direct avec le développement et Tactivité des muscles
des sujets auxquels ces squelettes ont appartenu ; et il est à
peine besoin d*aj ou ter qu'il s'agit ici du volume réel des
muscles, et non du volume factice qu'ils peuvent acquérir
par un dépôt intetstitiel de graisse.
En partant de ce principe, quelques auteurs ont prétendu
que le plus ou moins grand développement des attaches mus-
culaires peut généralement faire oonnattre si les os appar*
tiennent à des animaux sauvages ou à des animaux dômes*
tiques, parce que, suivant eux, la domesticité doit forcément
amener une diminution du volume des attaches musculaihes,
après un certain nombre de générations. Mais il est certain
que leur prétention est beaucoup trop absolue, qu'elle est
justifiée seulement dans certains cas et nullement dans d'an*-
tres. Ainsi, par exemple, le régime de l'engraissement fait
diminuer le volume du squelette en général, et celui des
attaches musculaires en particulier, chez nos animaux do*
mes tiques exclusivement alimentaires, tels que le porc et
certaines populations bovines ; mais il ne peut pas en être
ainsi chex nos animaux auxiliaires, tels que les bœufs de
travail, les chevaux^ les chiens de berger, les chiens de
chasse, etc., animaux dont la vie est certainement aussi
active que celle de leurs ancêtres sanvages.
Ne trouvant pas dans le squelette les caractères capablai
de faire connaître si nne troupe de chevaux vivant en liberté
est composée dd sujets sauvages ou de sujets marrons, je Its
ai cherchés dans leur robe, livrée ou pelage.
DISCUSSION SUB LE OHKTAL SAtJVAftB Bfi tk DZOUNGARIE. 203
Ne pouvant pas entrer ici dans de longues oonsidéraliong
sur les livrées des animaux, ni môme sur oelles des mammi*
fères en particulier, je me bornerai à rappeler les faits sui-
vants. Dans chacune des espèces mammifères sauvaged, tous
les sojels adultes ont généralement la même robe^ quel que
soit leur sexe ; et la livrée des jeunes ne diffère seniiblemeut
de celle des adultes que cheK une Infime minorité de ces
espèces. Aussi les troupes de mammifères sauvages se com'»
posent-elles généralement d'individus ayant touç la même
robe; On peut citer comme exemples les troupes de loups,
de renards, de chacals, de gabelles, d'antilopes, etc., et
m£me^ œ qui importe davantage pour notre sujets les troupes
d*équidés incontestablement sauvages, comtbe celles des hé-
miones et des isèbres. L'unicité de la livrée se remarque
aussi chez quelques-unes des races mammifères domestiques ;
ainsi^ par exemple, lés toisons de hos moutons sont blanches,
les soies sont blaue-jaunàtre chex les porcs de race oeltlque
et elles sont noires chez les porcs de race ibérique. J*ai
prouvé dans mon livre précité (chap. i*%§ 5) que la blancheur
de nos toisons est la conséquence d'une sélection attentive,
continuée depuis la hante antiquité jusqu'à nos jours ; mais
telle ne |>arait pas être la cause de la couleur des porcs ceU
tiques, ni de celle des porcs ibériques. Qaoi qu'il en soit, ce
n'est pas l'unicité de la robe^ c'est au contraire l'extrême
variété des livrées que l'on constate sur les divers sujets de
la plupart dés races mammifères domestiques ; et il est à
peine besoin d'ajouter que tel est précisément le cas de nos
chevaux domestiques. Or, les variations de couleurs que l'on
constate chez ces animaux sont évidemment Id oonséquetiee
de l'état de domesticité dans lequel ils vivent, comme Buffon
Ta déjà très justement fait observer. L'ensemble de tous ees
faits me paraît doue Autoriser les deux conclusions sui-
vîtes :
i"* Chaque fois qu'on rehcontre une troupe de mammi^
fères libres appartenant à Fune des espèces domestiquées, et
que tous les individus de cette troupe portent la même livHe,
304 SÉANCE DU 47 MARS 1887.
il est seulement probable, et non certain, que c'est une troupe
d'animaux sauvages. Tel est le cas des troupes d*ânes libres
qu'on trouve aujourd'hui en Abyssinie, et uniquement dans
cette contrée, comme on peut le voir dans mon chapitre xiv ;
2^ Chaque fois qu'on rencontre une troupe de mammifères
libres appartenstnt à l'une des espèces domestiquées, et que
les sujets adultes de cette troupe ont des livrées très diffé-
rentes les unes des autres, il est certain que ces animaux
sont des individus marrons ou issus de marrons. C'est le cas
des troupes de chevaux libres qui ont été signalées par Gatlin
dans l'Amérique du Nord, par Azara dans l'Amérique du Sud
et par Forster dans l'Asie centrale, comme on peut le voir
dans mon chapitre i*', § 8.
M. Adrien de Mortillet dit que, si ses souvenirs sont exacts,
le tarpan empaillé du Musée d'histoire naturelle de Saint-
Pétersbourg a un aspect tout spécial : la tète a le volume
ordinaire, mais le corps n*est guère plus gros que celui d'un
poney; les oreilles sont courtes, mais cependant un peu plus
longues que celles du cheval domestique.
M. Sanson. La tête forte ou grosse, par rapport à la taille
et au volume du corps, est tout simplement un caractère de
misérable, ou de malheureux exposé aux disettes périodiques
amenées par le froid ou fax la sécheresse, selon les climats.
Ce caractère se montre chez tous les chevaux qui vivent dans
les pays de landes ou de steppes pauvres. Vous le trouvères
signalé par tous les auteurs qui ont décrit, dans notre pays,
les chevaux des landes de Bretagne, ceux des landes de Gas-
cogne, ceux de la Camargue, et ailleurs ceux des steppes de
la Hongrie et de la Russie, les chevaux cosaques notamment.
M.Deniker. Je regrette qu'un document important n'ait pas
été produit ici, car il aurait pu donner réponse à plusieurs
questions et éclaircir toute la discussion. Je veux parler du
travail du zoologiste russe, M. Poliakoff, paru il y a six ans
et publié en russe* ; ce travail contient une description dé-
1 BnU.Soe. géogr., Saint-Pétorsboorer, 18S1, t. XVII, faio. 1.
DISCUSSION SUR LB CHEtAL SAUTAOE DE LA DZOUNGARIB. SOS
taillée et unediagnose derespèce nouvelle, Equtis Przewabkii.
Il y a longtemps que j'ai lu ce mémoire et je ne peux pas me
souvenir de tous les détails qu'il renferme. Je me rappelle
que la description est faite d'après une peau, un squelette et
deux crânes, rapportés par M. Prjewalski ; les caractères dis-
tinctifs sont tirés, si j'ai bonne mémoire^ de la forme du
crâne, de la nature de la queue, de la longueur des oreilles
et de la présence des callosités {châtaignes) aux quatre
membres, etc. Le travail est accompagné de deux planches,
dont une, qui représente l'animal, m'a paru être bien faite.
La figure du cheval sauvage que donne M. Prjewalski dans
la relation de son dernier voyage \ n'est qu'une repro-
duction, assez mal exécutée, de la planche que j'ai vue. C'est
probablement d'après cette figure que fut faite la gravure
du Tour du monde, qu'on vous a montrée ; l'artiste, M. Pra-
nichnikoff, fort habile d'ailleurs^ a naturellement visé plus
à l'efifet pittoresque qu'à l'exactitude zoologique dans son
dessin destiné à un recueil de vulgarisation. Je tâcherai de
donner, dans une des prochaines séances, une analyse de la
brochure de M. Poliakofif et de vous mettre sous les yeux
les planches dont je viens de parler.
M. Piètrement. Je crois volontiers, comme mon ami M. San-
son, que les bardots, ou produits du cheval et de l'ânesse, ont
généralement des formes intermédiaires entre celles de leur
père et celles de leur mère ; et que, si quelques-uns ressem-
blent davantage au père, d'autres ressemblent davantage à
la mère ; d'autant que j'ai pu constater des faits semblables
sur les mulets issus de l'âne et de la jument. Je dois toutefois
avouer que je n'ai encore rencontré que des bardots ressem-
blant plus au cheval qu'à l'ânesse ; mais je n'en ai vu qu'une
dizaine, presque tous dans les Pyrénées ariégeoises; et,
comme il est possible que je tombe à l'avenir sur une série
inverse de celle-ci, je rapporte le fait uniquement pour expli-
quer comment a pu naître, chez certains auteurs, la croyance
1 Dé Zaîsan au Thibet (en russe), Saint-Pétersbourg, 1883, p. 40.
906 SÉANCE DU 17 MARS 1887.
ait prédominance des caractères caballios sur les caractères
asiniens chez les bardots.
Enfiat un fait passer sous mes yeux le numéro du Tour du
mande où se trouve figuré le prétendu cbeTal sauvage de
M. Prjewalski. Notre collègue M. Deniker vient de déclarer
que ce dessin est quelque peu fantaisiste, qu'il n*est pas la
reproduction exacte de Toriginal, et cela me surprend d'au-
tant moins que ce n'est le portrait fidèle d'aucune des espèces
d'équidés que je connais. Je constate néanmoins sur le des-
sin que le siiget a des poils au lieu de crins à la partie basi-
laire de la queue ; ce qui est conforme à la description donnée
par M. Prjewalski, et ce qui, je le répète, suffit pour prouver
que cet animal n'est pas un cheval ; c'est donc bien un hé-
mione, puisqu'il est originaire d*Asie, où il n'existe aucune
antre espèce d'équidés sauvages ayant une telle queue.
Ii«« |i«p«Utl«iM t«r4««« %m Chine et pl«e spéeialeaieBf
|e« IlAldee;
PAR M. DBinXBR.
Je me permettrai de signaler à l'attention de la Société les
vrecherches ethnographiques d'une grande importance faites
tout récemment par le savant voyageur russe H. Potanin. Il
s'agit de la région nord- ouest de la province de Kan-sou, où
M. Potanin a trouvé plusieurs populations turques, en partie
mongoUsées ou chinoisées, mais ayant encore copservé suffi*
samment de leur type et de leur langue primitifs pour pou-'
voir en établir les affinités.
Dans la vallée du haut Hoang-ho, entre J^ing-tcheou et
Tsin-yuen, la population mahométane, quoique ayant adopté
le costume et les mœurs chinois, présente le type turc nette-
ment caractérisé : a J'ai cru voir les Tartares de Kazan ou des
Turcs de Hami», dit M. Potanin. Au-deU de Lan-tcheou,
sur la rive droite du Hoang-ho, on rencontre une petite tribu,
les Salores ou Salares^ qui parlent un dialecte turc et qui ont
bien le type turc. Dans la même région, mais sur la rive
DEN1K£R. *- POPULàTIOHS TUR0UK8 EN GHIME. â07
gauche du fleave, de même que dans la ytUée du Te-toung,
vivent les Chtringoli; ils parlent le mongol avec un fort mé-
lange de mots chinois et de mots propres que Ton doit attri-
buer à l'ancienne langue de ce peuple, attendu que ces
mots ne présentent point d'affinité ni avec le chinois ni avec
la langue tangoute. Les Chiringols tiennent pour leur patrie
d'origine le pays d*Ordos, occupé aujourd'hui par les Mon-
gols. Enfin, en suivant la grande route de Lan*tcheou à Sa-
tcbeou, M. Potanin a découvert la peuplade appelée Yégours,
dont une partie (les Chara-Yégours) sont Turcs par la langue
et par le type physique. Ces Chara-Yégours habitent entre
Kan-tcbeou et Sa-tcheou.
La découverte de tribus turques dans ces régions de la
Chine présente un haut intérêt scientifique ; elle permettra
sans doute d'établir les relations entre les différents peuples
turcs et d'expliquer plusieurs faits relatifs à leurs migrations.
Ainsi le nom de Salarei ou Salore$ est commun aux habitants
du haut fleuve Jaune et à une des tribus turkmènes habitant
entre Mourgh-ab et Héri-roud ; cette identité de nom indique
peut-être que les Turkmènes doivent compter parmi leurs
ancêtres les Yué-tchi^ qui habitaient, jusqu'en iS7 avant
notre ère, la région du Nan-chan. Cette supposition est en
accord avec le fait qu'après l'arrivée des Yué-tchi dans la
Bactriane, une fraction de ce peuple, les Tahia^ se portèrent
(en 127 avant notre ère) vers la Caspienne, c'est-à-dire dans
la Turkménie actuelle. Quant à la fraction des Yué-tchi qui
sont restés dans leur pays d'origine, il est fort probable qu'ils
ont été refoulés dans las montagnes, où on les retrouve
aujourd'hui sous le nom de Salan, et que leur place a été
occupée par les Onigours. Ces derniers sont venus, comme
on le sait, au preoûder siècle avant notre ère, s'établir au
sud du Tian-cban, et pénétrèrent, par la vallée du Tarim et
du lac Lob-nor, jusqu'au pied du Nan-chan, où nous retrou-
vons encore leurs descendants décrits par M. Potanin sous
le nom de Yégours.
En ce qui concerne les Chiringols, M. Potanin est porté à
^08 SÉANCE DU 17 MARS 1887.
les assimiler aux Daldes du Koukoa-Nor, décrits par M. Prje-
walski. Cette supposition nous paraît être très juste, car,
d'après M. Potanin, les Tangoutes donnent aux Ghiringols
le nom de Djakhour, et le colonel Yule ^ a établi que ce nom,
employé déjà par le P. Hue, se rapporte au même peuple que
M. Prjewalski décrit sous le nom de Daldes. Or, qu'est-ce que
c'est que les Daldes, dont il a été tant question, il y a deux ou
trois ans, dans notre Société ? Vous vous rappelez certaine-
ment tous la discussion qui a eu lieu entre MM. Beauregard,
Girard de Rialle et Ujfalvy, à propos de la parenté de ce
peuple avec les Dardis. D'après la description de Prjewalski*,
les hommes daldes ont le type mongol ; mais les femmes
« rappellent les femmes russes » et ont un type « aryen ». La
langue, comme le reconnaissent MM. Potanin et Prjewalski,
est un mélange de mongol, de chinois et de termes propres.
Nous attendons avec impatience le vocabulaire dalde que
M. Potanin ne tardera certainement pas à faire paraître ; alors
seulement on pourra juger si ces mots peuvent être rapportés
à un des dialectes turcs. D'où sont venus les Daldes? D'après
Palladius *, ce seraient des anciens habitants de la ville de
Daltou, Dartou ou Kuyni-chin, située au pied du Nan-chan ;
or cette ville a été fondée par les Chinois, sous les Mings, et
peuplée par les émigrants turcs musulmans de Hami et de
Tourfan ; ces Daltou furent obligés de se sauver dans le Kan*
sou, pressés par les Tourfani, qui ont ruiné leur cité. D'autre
part^ la tradition populaire des Daldou ou des Ghiringols
désigne TOrdos comme leur pays d'origine. Le fait est rap-
porté par Prjewalski, aussi bien que par Potanin, qui ont vu
les différentes fractions de ce peuple ; la tradition paraît être
vraisemblable si l'on se rappelle qu'une des sept a bannières »
1 Prjewalski, Mongolia, the Tangut country, etc. Londres, t. II, p. 299.
(Note de M. Yule).
* !2 Zaisana v. Ihibet (D$ Zaisan au Thibet)^ Saint-Pétersbourg, 1883,
p. 330 (en russe}.
s hveitia, etc. {Bulletin de la Sodëté russe de géographie), 1873, t. IX,
V. 806.
DENIKER. — POPULATIONS TURQUES EN CHINE. 209
entre lesquelles est divisé TOrdos porte encore aujourd'hui
le nom de Daldi. Cette bannière occupe le nord-ouest de
rOrdos, et la traînée de populations turques que Potanin a
rencontrée entre Ling-tcheou et Tsin-yuen peut bien repré-
senter le restant des émigrants daldes. D*après tout ce que
nous savons des migrations des peuples turcs, les Hioung-
nou et les Oussoun sont les deux nations qui ont habité au
voisinage des emplacements actuels des Daldou ; or Tune et
l'autre ont fourni des éléments pour former le peuple kirghis.
Je ne veux pas renouveler la discussion relative à la
parenté des Dardi et des Daldes. Les travaux récents des
ethnographes et des voyageurs anglais ont démontré sura-
bondamment que le nom Dardou désigne une nation et non
un peuple ; il n*a qu'une portée politique. D'autre part, plu-
sieurs auteurs anglais, Biddulph en tête, reconnaissent que
parmi les habitants du nord du Dardistan^ les Yechkouns ou
Bourich de Hounza, de Nagar, etc., sont une peuplade turque,
du moins par la langue. Dans la dernière carte linguistique
de rinde*, ils figurent parmi les « Turki ». Je ne peux pas
me prononcer sur la question. Dans le vocabulaire bourichki
publié par M. Biddulph *, j*ai bien trouvé quelques mots res-
semblant aux mots turcs. Ainsi Homme se dit Hir en bourich,
h en langue bachkir et en euzbeg; Mère : Imi en bourich, Yuni
en bachkir, Ynaî en tatar ; Frère : Echoo (Itchou) en bourich,
Bitchtî en tchouvach ; Long : Gouseunom en bourich, Ouzoun
en bachkir ; Blanc : Boureum en bourich, Youroun en ouigour,
Ourioun en iakoute, etc.; mais je suis trop peu linguiste pour
me prononcer sur la parenté de la langue bourich avec le
turc. Je me permettrai encore d'observer qu'on a longuement
discuté ici même sur le nom de Bourich ou Bourout, en le
rapprochant des noms de différents peuples, et qu'on a omis
de les assimiler aux Bouroutes ou Kara-Kirghiz^ leurs voisins
immédiats au nord.
• Trelawney Saunder, Twelvê Maps of India^ etc., Londres, 1885,
carte n® 5.
* Trihes of llindoo-Koosh, LomiTQS, 1880.
T. X (30 sÉniB). U
Pour finir, encore un rapprochement ethnographique : la
coiffure des femmes daldes que figureM.Prjewalsky,dan8tla
relation de son dernier voyage, ressemble beaucoup à oeUe
que portent les femmes turkmènes. Pour s'en convaincre, il
suffît de comparer les dessins du voyageur russe ^ avec lea
figures représentant des femmes turkmènes, conune celle,
par exemplç, que Ton trouve dans la a Géographie » d'Elisée
Reclus*.
Discussion.
M. Htades demande si l'on a retrouvé, chez tes peuplades
turques de la Chine, des traces des langues turque ou per-
sane.
M. Deniker. Je comprends sous le terme de Turcs, faute
de mieux, tous les peuples qui ont le type turc intermédiaire
entre les types mongol et aryen ^ et qui partent les différents
idiomes de la famille linguistique turque telle qu'elle a été
établie par Radlow, Fr. Muller, etc. Ce groupe comprend les
Yakoules aussi bien que les Turcs OsmanKs de la Turquie et
les Kirghiz de TAsie centrale. Il est parfaitement exact que
[a langue, comme le type turc, a subi le plus de modiflca*
lions chez les Turcs OsmanKs. Le type physique le plus pur
doit être cherché parmi les Kara-Kirghiz et les Eushegs.
Quant là la langue, d'après les linguistes, le yakoute serait
le sanscrit du turc. J'emploie le terme turc de préférence au
mot touranien, dont on a par trop abusé.
La séance est levée à cinq heures trois quarts du soir.
Vun des secrétaires : fauvelle.
< De Zaisan au Thibet, etc., p. 330, et le Tour du Monde, 1887^ t. LUI,
p. 7».
* T. VI (Asie russe), p, 437.
A PROPOS DU PROGÈS-TERBAL. i|l
iSO« SÉANGK. — 7 avril 1887.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et addptéu
CORRESPONDANCE.
M. Paul Rawot, avocat, étant sur le point d'aller dans
TAfriqtte australe pour y étudier les langues indigènes, de-
mande à la Société d'anthropologie une délégation.
M. TopiNARD demande une délégation de la Société d*an-
thropologie pour M. le colonel Wilbow, directeur de TObser-
vatoire de Taschkend, sur le point d'entreprendre un voyage
dans le Turkestan. Ces délégations sont accordées.
M. le docteur Ed. Boinet, professeur agrégé à la Faeolté
de médecine, demande ue exemplaire des InUrtêctimîè ém^»
thropologiques pour t Indo-Chine.
La demande de rectification suivaBte est adressée à la
Société d'anthropologie.
A propos dn procès-verbal.
M. le Secrétaire général lit la lettre suiyaote de UM. Gaebe
et Vauthier :
« Nous avons Thonneur de vous prier d'insérer une recti-
fication à une communication de M. Sanson au sujet d'un
veau fkato, présenté par M. Dareste à la Société.
« Dans une dissection trop précipitée, nous avions, sous
l'inspiration de M. Sanson, pris la vessie pour un utérus.
Mais, après dissection plus consciencieuse, nous venons affir-
mer que le veau était pourvu de sa vessie et de son utérus,
constitués d'une façon normale.
a Nous vous prions, monsieur le Secrétaire, d'agréer Tas-
surance de notre respectueuse considération. »
212 SÉANCE DU 7 AVRIL 1887.
Discnssion.
M. Sanson dit qu'il n*a rien à ajouter, si ce n*est qu'il eût
été bon de conserver les pièces.
Instructions pour la Cockmckine. — Une demande d'in-
structions anthropologiques pour la Gochinchine ayant été
faite, M. le Président désigne, pour rédiger ces instructions,
une commission composée de MM. Mondière, Maurel, Daily,
Hamy et GoUignon.
INFORMATIONS DIVERSES.
MM. DE Nadaillag et Ghervin annoncent qu'il y aura, au
mois de septembre prochain, un congrès médical international
à Washington^ et qu'on y a réservé une section à la climato-
logie et à la démographie. Ils espèrent que la Société voudra
bien se faire représenter à cette section, dans laquelle seront
discutées des questions qui ont appelé à différentes reprises
son attention.
Sur la proposition de M. 6. de Mortillet, la séance du
comité central, qui devait avoir lieu pendant la semaine de
Pâques, est ajournée au dernier jeudi du mois.
OUVRAGES OFFERTS.
D'Ornellas. Pérou et Bolivie (Extr. du Dictionnaire encyc.
des sciences médicales). Broch. in-8**, 27 pages.
Van Raemdonck. L'Age de la pierre à Rupelmonde, Le pays
de Waas peuple à Vépoque néolithique. Saint-Nicolas, 1887,
broch. in-4*, 67 pages, 5 planches.
NicoLUCCi [(j.), Antropologia delC ItalianelV evo antico e nel
modemo, Naples, 1887, in-4% 112 pages.
Archives du Muséum d'histoire naturelle de Lyon^ t. IV.
Lyon, 1887^ in-folio, 365 pages, 27 planches.
OUVRAGES OFFERTS. 2t3
OssowsKi. Caverne de Wierzchowska-Goma^ avec foyers néo-
lithiques. Bpoch. in-4», 15 pages, en polonais.
M. TopiNARD, en offrant le dernier fascicule de la Revue
^anthropologie^ attire Fattention sur les mémoires suivants:
Note sur ftndt'ce céphalique de la population provençale et en
particulier de la population marseillaise, par le docteur A.
Fallot ; l'Anthropologie et la Science politique^ leçon d*ouver-
ture d'un cours d'anthropologie à la Faculté des sciences de
Montpellier, par M. G. de Lapouge; la Morphologie du nez^
par M. Alphonse Bertillon ; la Domestication des singes, par
M»» Clémence Royer; la Paléoethnologie italienne ; les Fonds
de cabane, par M. Pompœo Gastelfranco.
Le premier de ces mémoires montre que Tindice céphalique
de la population marseillaise est inférieur à celui de la
population ligurienne à Test ; ce qui prouve qu'un élément
dolichocéphale s'est ajouté dans cette partie de la côte
méditerranéenne. Or, comme la proportion des blonds n'y
milite pas en faveur de la race blonde, jadis gauloise, cet
élément doit être l'élément dolichocéphale petit et brun, que
les anthropologistes qualifient de race méditerranéenne.
Le dernier travail aboutit à des conclusions plus impor-
tantes encore. C'est qu'entre les civilisations préhistoriques de
l'Italie et de la France il n'y a aucun parallélisme ; que la
chronologie n'est pas la même des deux côtés des Alpes; et
que la civilisation néolithique, entre autres, existait déjà en
Italie alors que la France en était à l'âge du renne, ou mieux,
à l'âge de l'absence des animaux domestiques, comme le
chien. Une autre proposition, résultant du travail de M. Gas-
telfranco, c'est que la civilisation néolithique de l'Italie était
alliée à la civilisation des Canaries, et que les deux avaient
des relations avec TOrient, mais non suivies.
M. Topinard attire également l'attention, d'abord sur le
Catalogue des a*ânes préhistoriques de France, qu'il publie,
puis sur la rubrique Correspondance, qui se rapporte dans
ce numéro à l'opération de relèvement de la carte de la
couleur des cheveux et des yeux en France, à laquelle il se
814 SÉANCE DU 7 AYRU. 4887.
consacre en ce moment. « Cette opération, dit*U, est en pleine
exécution et marche très bien. De toutes parts, de nombreux
travailleurs ont répondu à l'appel et sont h l'oeuvre. »
Mf Q. Lagneau. m. Topinard pense que les Provençaux» en
particulier les Marseillais, étudiés par M. Fallot, sont moins
brachycéphales que les habitants des montagnes et des côtes
voisines, parce qu'à la population ligure brachycéphale du
sud-est de la France se sercuent mêlés soit des doliohocé*
phales blonds venus du Nord, soit des dolichocéphales bruns
de race méditerranéenne.
En faveur du croisement ancien des Ligures du littoral
avec les dolichocéphales blonds, on peut faire remarquer
que, lors de l'arrivée des Phocéens sur notre littoral, Justin
nous dit qu'il était occupé par des Ligures et par des Gaulois
sauvages. Au milieu des Salyes ou Salluves, auprès des
0](ybes, des Déoiates et autres tribus ligures, se trouvaient
des Ségobriges, dont le roi Nann, en mariant sa fille Gyptis
ou Petta, surnommée Aristoxène, au Phocéen Euxène ou
Protis, lui donna le territoire où s'éleva Massiiia, Marseille :
Temporibux Targuini t^egis^ ex A$ia PhoecMnsium juventua...
Moêsiliam inter Ligures et feras gentes Gaiiorum condicU't...
Duces classis Simos et Protis fuere. Jiaque regem Segobrigio-
rum^ Narmum nomine, in eu jus fimbus urkem condere gestiebanty
amicUiam petenteê eovweuitmt. Forte eo 4ie rex occupatus in
apparatu nuptix G^j^h filix erat,.. (Justin, lib. XUII, § 3»
p. &48, coll. Niisard. -^ Voir aussi Aristote, apud Athénée»
XIII, p. 576; A. fragmenta, t. lY, p. 276, eoil. Didot).
D'aiUeurs^ il faut reioarquer que, depuis cette époque re-
culée, depuis te commencement du sixième siècle avant J.*G.,
Marseille ^'a cessé d'attirer vers elle de nombreux immi-
grants, non seulement des montagnards des Alpes de raee
ligure, mais beaucoup d'ouvriers, de oommerçants^ aussi
bien du nord de notre pays que des pays méditerrflaié«ns.
En Provence, selon M. Bérenger-Féraud> il y aurait un re-
nouvellement incessant de la population. Elle s'étetndraii
rapidement, mais se recruterait constamment par immigra-
OBA&TS OFFIBllTS. SIS
lion. Par opposition à certaioeB autres régions productrices
de la France, la Provence serait une région consommatrice
de la population ^
M. le docteur Gollignon. J'ajouterai simplement deux mots.
D'après les résultats encore inédits de mes mesures sur le
vivant, tout le littoral méditerranéen est relativement doli-
chocéphale. A s*en tenir aux départements qui le bordent,
nous trouvons, pour Tindice céphalométrique, la succession
suivante : Pyrénées-Orientales, 78.4; Aude, 80.5; Hérault,
82.9; Gard, 83.1 ; Bouches-du-Rhône, 84.8, chiffre très voisin
de ceux de M. le docteur Fallot ; Var et Alpes-Maritimes,
84.2 et 83.9.
La setàonde ligue des départements (Ariège, Haute-Ga-
ronne, etc/) est plus brachycéphale et varie entre les in-
dices 83 et 85.
Cependant il m'a semblé qu'alors que, datis les Pyrénées-
Orientales et l'Aude, la dolichocéphalie était due à la race
brune dite médtteiranéenney celle des Bouches-du-Rhône
semblerait, du moins. en partie, provenir de l'élément
blond.
OBJETS OFFERTS.
Crdneê portngais. — M. Manouvrier offre, de la part de
M. Paoheco, quarante crânes portugais modernes, provenant
d'un eimetière des îles Açores. L'âge et le sexe de ces crânes
soilt connus. L'étude en sera fedte au laboratoire d'anthro-
pologie par M. Pacheoo lui-même.
BuHé (Tune mkrocép/utte. — M* MAGiTOt otfré à la Société,
pour le musée Broca, le buste d'une microcéphale, qu'il a fait
«xécuter à Qlermont (Oise} par voie de moulage et avec une
parfaite exactitude de mesures.
Voioi l'histoire résumée de ce cas :
La nommée Ootavie Yaré, née le 92 juillet 1843 et entrée
•omme pensionnaire à Tasile de Clermoiit (Oise) en 4860.
> Bérenger-Férand, De Vaccroissiment de la poptUation en Provence {An-
«lalft é'hygiànê fiAH^, notembre 1882, p. 417, etc.).
216 SÉANCE DU 7 AVRIL 4887.
Aucun renseignement sur les ascendants.
Mensurations :
Taille l-,33
Poids net 85 kil .
Diamètre antéro-postérieur du crâne 13 cent.
— transversal 12
Longueur de la main, de l'éminence thénar
au médius Id
Longueur du bras et de la main ouverte. ... 53
— du pied •.... 24
Largeur des épaules 37
— de la poitrine 26
Hauteur de la symphyse pubienne au talon. . 48
Cette femme ne présente aucune asymétrie, aucune dif-
formité, elle n'a jamais été réglée.
Au point de vue psychique, on remarque chez cette idiote
une notion appréciable des relations. Elle dit « bonjour ! »,
distingue les individus de sexe différent, dira de préférence
« bonjour, la petite fille », mais dit sans difficulté «monsieur
ou madame », si elle est sollicitée de le faire.
Elle affectionne et reconnaît les six infirmières de son ser-
vice, les appelle par leur nom sans commettre d'erreur ;
elle a cependant une préférence marquée pour Tune d'elles.
Elle prévoit et annonce également sans erreur les divers
événements de la journée, tels que la visite du médecin, les
différentes corvées, linge, buanderie, etc.; on la voit sou-
vent faire des amas de provisions de pain, qu'elle tient dans
ses poches dans un état de propreté convenable.
Pas de manifestations ni de perversions de l'instinct gé-
nital.
L'histoire de cette idiote a d'ailleurs été communiquée par
M. Magitot au Congrès de l'Association française pour l'avan-
cement des sciences (session de Blois. Voir Compte rendu de
TAssociation, 1884, p. 391), à l'occasion d'une discussion qui
s'est élevée dans la section d'anthropologie sur la microcé-
phalie et l'idiotie.
Le plan de t Exposition [Wiking Hall Islandais), — M. le
OBJETS OFFERTS.
217
docteur Verrier appelle Tattention de la Société sur une ex-
position devant avoir lieu prochainement à Londres, sous la
direction de raiss Marie Brown, et relative à tous les indices
anciens ou écrits modernes, se rapportant à la découverte de
l'Amérique par les Islandais, cinq cents ans avant Christophe
Colomb. Cette exposition a obtenu l'approbation d'un grand
nombre de Sociétés savantes de l'Angleterre et du continent.
eniréeâatdtnK
Nord
U
-^^— -- ^
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— "1i — I ^ — — *l^ „ -^ _ ■
u. u
INTÉRIEUR d'un ANCIEN VIKING-SKALI ISLANDAIS.
A, face élevée sur la rangée inférieare; B. face élevée sur la rangée anpérienre;
C» face élevée sar la rangée transversale ; D. foyers où étaient allâmes les feux;
E, tables où étaient dressées les couper ; F, porte de la salle ; G, corridors ; H, ves-
tibule, portes de sortie ; I, salle de rafraîchissements et de réfection; K, porte entre les
piliers, entrée des hommes ; L, porte plus petite pour les femmes et les domestiques;
M, lits renfermés avec chaises et tables pour les chefs de famille; N, taoles;
P, sièges.
Dans une Exposition, dont le but unique est d'établir un fait
historique isolé, non encore reconnu par toutes les nations
de TEurope et de TAmérique, et dont chaque objet exposé est
une relique de l'âge des Yikings, véritable époque de la dé-
couverte de VAmérique, on doit éviter de mêler un élément
moderne quelconque avec ce qui est purement ancien. Le
cadre convenable pour des antiquités de Tàge des Yikings,
est une Halle- Viking de cette époque, absolument semblable
à celles dans lesquelles se tenaient les rois et les guerriers,
3i8 SÉANCE DU 7 ATRn. 1887.
dans les occasions de fête, entourés de centaines éê con-
vives, écoutant ces étonnantes improvisations des Skalds qui
ont immortalisé les races dn Nord.
Le Yiking-Skali présente un aspect noble et imposant, en
même temps que l'intérieur est admirablement adapté à
l'arrangement du genre d'objets dont se composerait cette
exposition : toutes sortes d'armures, de boucliers, de hau^
berts,etc., seraient appropriés à la décoration des murs, ainsi
que d'anciennes tapisseries de tous genres ; et des spécimens
de sculpture sur bois, aux dessins historiques ou mythologi-
ques, pourraient former les panneaux le long de la halle, entre
les piliers de la nef (voir le plan). Une table E. devrait être
couverte de coupes, hanaps en or et en argent, etc., disposés
comme pour un banquet ; les autres serviraient pour y étaler
des objets quelconques qui pourraient y être convenable-
ment exposés. De même pour les alcôves, dont une ou deux
pourraient être meublées de façon à faire voir l'agencement
des appartements à coucher de ces époques, tandis que
les autres serviraient comme sections pour chaque pays qui
y enverrait son exposition nationale, dans laquelle le goût
du pays et le caractère distinctif de chaque nation serait
exhibé sans nuire à l'effet d'ensemble. Dans les deux larges
porches, ou halles extérieures, H, on placerait tous les objets
qui exigent de l'espace et de la hauteur. Le pavillon de l'Is-
lande devrait flotter sur les deux pignons.
CANDIDATURES,
Edwards (M"* Blanche), interne provisoire des hôpitàUit,
présentée par MM. Mathias Duval, Laborde et Manouvrier;
MM. Darlot, conseiller municipal, présenté par MM. Letoor-
neau, Salmon et Hervé; Pasquier (L.), directeur des af-
faires municipales à la préfecture de la Seine, présenté par
MM. G. de Mortillet, Letoumeau et Salmon ; Lacombb (P.),
présenté par MM. Letoumeau, G. de Mortillet et Hervé, de-
mandent le titre de membres titulaireSi
E. d'aCT. — SUR l'EMMANCHEMBNT DE8 SILEX TAILLÉS. 249
PRÉSENTATIONS.
De remmAaeheaieAt dea silex taillés de ClMlles
et de Salnt-Acheal i
PAR M. E. d'aCT.
(Suite.)
i Messieurs, vous vous souvenez certainement de Timpor-
tance que M. de Mortiliet attache aux petites surfaces restées
non retaillées sur le pourtour, partout ailleurs coupant, de
certaines haches de Ghelles ou de Saint*Acl\eul, et du rôle
qu'il leur fait jouer comme points d'appui soit de la paume
de la main, soit de Tentre-deux du pouce et de Tindex.
Je regrette vivement de n'avoir pas songé, lors de notre
avant-dernière réunion, à attirer l'attention de notre savant
confrère sur ces deux pièces. Je vous demande la permission
de réparer cet oubli.
Ce silex, de forme amygdaloïde très pointue^ présente,
près de son extrémité aiguë, une de ces surfaces brutes.
Selon moi, ce reste, relativement assez considérable, de
récorce du caillou a été laissé dans son état naturel, uni-
quement parce que, si on avait cherché à Tenlever^ on aurait
couru un très grand risque, pour ne pas dire plus, de faire
une brèche assez forte, de détruire la symétrie de la pièce.
Cet éclat, cela est facile à voir, est prêt à se détacher. Le
moindre coup l'aurait fait partir. Entre deux maux, le tailleur
de silex a choisi le moindre. Il a mieux aimé laisser subsister
un léger défaut, qui d'ailleurs ne gênait en rien, que porter
atteinte à la régularité de Tarête de son instrument. Gela me
paraît évident.
Mais, pour M. de Mortiliet, cette petite surface brute de-
vait servir de point d'appui à la paume de la main ou à
l'entre-deux du pouce et de l'index, dans les travaux divers
auxquels cet outil était employé. Je serais très reconnaissant
à notre savant confrère de nous montrer comment cet em*
poignement pourrait se réaliser* Tous mes efforts pour y
parvenir ont été infructueux.
220 8ÉANCE DU 7 AVRIL 1887.
Un point brut, à peu près aussi étendu que celui que je
viens de vous faire voir, se trouve sur le tranchant de ce
couperet. Qu*il n'ait pas été trop gênant pour frapper, pour
couper ou plutôt pour hacher, lorsqu^on tenait cet outil par le
côté opposé, sur lequel une large surface plane a été ména-
gée et même façonnée, cela se comprend. Mais que ce reste
de l'écorce du silex ait servi de point d'appui soit à la paume
de la main, soit à Tentre-deux du pouce et de Tindex, pen-
dant que l'on faisait usage de ce couperet, voilà une explica-
tion qui me semble au moins difficile à accepter. Nous serions,
en effet, amenés à cette invraisemblable conclusion, que le
tranchant était la poignée, et que le dos, large de plus de
2 centimètres^ servait à hacher ou à scier. Je doute que Tha-
bileté et la vigueur de M. de Mortillet suffisent à utiliser un
semblable outil.
Ces deux points restés bruts — et j'aurais pu en présenter
d'autres tout aussi démonstratifs — ne sont-ils pas, sans
contestation possible, de simples accidents de la taille, et ne
fournissent-ils pas un nouveau et puissant motif de croire
qu'il en est de même pour tous leurs semblables ?
Je vous demanderai encore la permission, Messieurs, de
rappeler un instant votre attention sur ce silex. Tout en lui
me semblait, et me semble toujours, indiquer une arme, un
poignard ; mais M. de Mortillet en fait, vous vous en souvenez,
un outil destiné à commencer à creuser le bois. Il y a un
mois, je ne voulais m'occuper que de la question de Tem-
manchement. Mon but n'était pas de vous soumettre la série
complète des outils ou des armes de Saint-Acheul ou de
Ghelles. Ce n'est pas davantage mon intention aujourd'hui ;
mais je désire venger mon poignard de l'injure qui lui a été
faite, lorsqu'il a été pris pour un vulgaire ciseau de menuisier.
Le ciseau avec lequel on travaillait le bois à Saint-Acheul, le
voilà; et il n'est même pas besoin, pour le faire reconnaître,
de mettre à côté de lui son descendant actuel, celui en acier,
dont nous nous servons tous les jours.
Ce n'est plus la pointe acérée du poignard, excellente pour
E. d'aCT. — SUR l'emmanchement DES SILEX TAILLÉS. 2<2I
pénétrer dans les chairs, pour tuer un ennemi, mais impropre
à détacher un fragment de bois ; ce n'est plus cette lame
taillée, amincie avec tant de soin, que briserait le premier
coup porté à faux sur un corps dur, — et en voici une autre
plus fine encore — ; ce n'est plus tout cet ensemble artistique,
si je peux parler ainsi. C'est quelque chose de moins soigné,
mais de bien nueux approprié à un travail véritable. C'est
une tige courte, épaisse, de largeur partout à peu près égale,
terminée par un tranchant transversal. C'est vraiment un
outil. Avec lui on peut détacher, enlever des copeaux, fendre
du bois, au besoin creuser un tronc d'arbre.
Voici un autre échantillon du même type. Il a beaucoup
servi et n'en est pas moins intéressant. Il porte, sur sa large
tête, des traces de coups nombreux. Viennent-elles de ce
qu'il aurait été roulé ? Mais alors il devrait se trouver des
marques pareilles sur toutes les arêtes ; et il n'en est rien.
A-t-on frappé avec un morceau de bois — un maillet pri-
mitif — sur ce ciseau, sur ce coin, pour le faire mieux en-
trer? Ou, enfin, a-t-on voulu adoucir les arêtes du talon, afin
d'en faire une poignée d'un usage plus commode ? Je ne
saurais me prononcer entre ces hypothèses.
Ce troisième spécimen est beaucoup plus large que les
précédents ; mais c'est bien encore un outil avec lequel on
peut couper, creuser du bois; et, comme il devait servir à la
main, on a eu grand soin de ne pas le faire coupant sur
tout son pourtour. Tout au contraire, non seulement on a
réservé une notable partie de Técorce du caillou, mais encore
on a émoussé, en les martelant^ les arêtes de ce qui devait
servir de poignée.
Enfin, ce quatrième outil a toutes les apparences d*un ci-
seau à faire des mortaises. Je ne prétends certainement pas
que l'homme de Saint-Acheul ou de Chelles se soit livré à
des travaux de charpente ou de menuiserie aussi compliqués;
mais je crois pouvoir af^rmer que ces instruments sont de
vrais outils propres à travailler le bois, et qu'il suffit de les
mettre à côté de ceux que je considère comme des armes,
S2S SÉANCE DU 7 AVRIL 1887.
pour reconmdtre dans les premiers des etseanx, et dans les
seconds des poignards.
Je reyiens maintenant à la questîom de remmanehemettt.
Je vous demanderai, Messieurs, d'être assez bons pour jeter
les yeux sur ees silex. Ils sont édatés d'un cAlé, et ne sont
retaillés que sur Tautre faee ; autrement dit, ils appartieouwnt
au type que, à tori ou à raison, on appelle généraleneni h
type du MotnHer. Ils proTienneoit tous du dikuvium gris de
Saint*Aohail ou des eoucbes infârieuresde Chettes.
Je sais que j'aborde là une queslioD grosse d^orages. Biais :
Si arnica pax, magis â»uca veit'tai.
Et, pour prouTer, tout de suite, qu'à Saint-Aobeul o« à
Ghelles on ne fidsalt pas seulement usage^ tant bien que md,
d'éclats produits par Ja taille des haohes, do déehets de ftn
bricatio», mais qu*on enlevait intentiomiellemealdeslaraes^,
des pointes, voici trots nucléus. Gelui^i vient die GbeMes,
des assises profondes, ainsi que le prouve sa patiae Ibneée
et tern&, sans même parler des Mgmenis de calcin très dur,
qui sont encore adhérents en plusieurs endroits. Lee devx
autres sont du diluvium gris de Saint-Aoheul ; et, détail à
noter, celui-ci, plus encore que les autres, a servi à obtenir
des lames ou des pointes de très petite dimension.
Ces nucléus démontreraient, à eux tout seuls, que Tboniae,
dès son apparition dans nos pays, se fabriquait des histra^
ments moustérïens. Et, en efTet, en voici quelques-uns. La
variété de leurs fbrmes, Thabileté avec laqueHe* ils ont été
foçoftnés, les rendent dignes dé figurer à oôté As leurs frères
du type ehettéen.
Racloirs, scies «— et celles-là véritables, indubitables,
bonnes pour seîer, je ne dirai pas des arbres, mais des mor-
ceaux de bois, peut-être des os — graHoîrs convexes, grat-
toirs concaves, perçoirs, couteaux, pour me servir d'une
expression consacrée par Fusag e — rien n'y manque. Voici
enfl» des poMes larges ou étroites, retaillées ou non retaÂL-
lôes, qui ne peuvent être, selon moi, quie des pMuies^ dtt
laaee^ de javeM ou de ftèobe.
E. d'aGT. -— SUR i'BMMANQHfiHSNT DBS SILEX TAILLÉS. 3(iA
U. de Mortillet va, sans doute, noua dire de nouveau qw
œ ^QsA simplement des seies ou des outils k ereuser le bois«
Oa peut scier, je le répète, avee des instruments destinés en
réalité h un tout autre usage ; U sufQt qu'ils aient des borda
quelque peu coupants.
Mais les vraies seies, les voilà«
Pour creuser le bois, il ne peut être question un seul instani
des pietites pointes ; les grandes, eUes-oanêines, seraient d'uA
bien pauvre usage ; et les vrai» outils à travailler le bois»
nous les avons vus tout à Theure. Enfin» les perçoirs» lea
Yoiel
D'aiUeurs, ees grattoirs concaves ne nous disent*ils pas que
les hommes de Gbelles ou de Saint-Aeheul arrondissaient
des morceaux de bois ? Et que pouvaient-ils arrondir pJutôt
que des manches d'outil, ou plutôt encore que des manebee
d'armes et des hampes de lance, de sagaie et de flèche ? Les
sauvages ont surtout besoin d'armes^ et ils en confectioiH^
nent de préférence à toute autre chose.
En outre, il serait plus qu'extraordinaire que des hommes
qui savaient travailler le silex avec tant dlnlelligenee, aveo
une si grande habileté; j'allais dire avec une si grande per*
fectioB, eussent employé cette matière première si utile uni-»
quement pour se faire des outils, e4 qu'ils n'eussent pas songé
à en tirer parti pour leur oocupation la plus fréquente, la
plus importante, la plus indispensable, e!est-à-dire pour
pourvoir à leur nourriture et pour défendte keur existence ;
en un mot, pour la chasse et pour la guenre^
Aussi, pour ma part, je n'hésite pas à eroire que ces
pointes armaient des lances, des javelots et des flèches^ à
Taide d'emmanet^meats analogues à ceux dont tos p«i»>
plades sauvages se servent encore aujourd'hui.
lilcutiion.
M Adrien db BfonsuuT. Lorsque» dais l4 ^éaace du
3 mars, j'ai fait observer qu'un certain nombre des pièces
234 SÉANCE DU 7 AVRIL 1887.
présentées par M. d*Acy à l'appui de sa thèse sur remman-
chement des instruments chelléens, devaient appartenir à
Tépoque du Moustier et non à l'époque de Ghelies, notre sa*
vaut collègue s*est récrié, disant que je qualifiais de mousté-
riens quelques-uns de ses silex parce qu*ils étaient plats.
Je reviens sur ce point, avant d'aborder la question de l'em-
manchement, afin de bien établir que ce que j'ai avancé
n'est nullement une opinion personnelle visant uniquement
les silex de M. d'Acy, mais bien une détermination générale
basée sur de nombreuses observations et applicable au moins
à toute la France. Ce sont les faits eux-mêmes qui qualifient
de moustériens les coups de poing de travail plus délicat, plus
habile, de formes plus élégantes, plus légères et moins épaisses
que les rudes instruments qui proviennent des gisements
chelléens absolument purs. Dans un grand nombre de stations
moustériennes on rencontre de ces coups de poing perfec-
tionnés, associés à des pointes et à des racloirs moustériens.
Je ne fais que rappeler ici des faits parfaitement connus,
que M. d*Acy ne contestera certainement pas, bien qu'ils ne
soient guère favorables à ses théories.
Quant aux silex que notre collègue nous présente aujour-
d'hui et qu'il nous donne comme des outils contemporains
des coups de poing chelléens, je dois avouer que je ne vois
pas du tout ce qu'ils peuvent avoir de chelléen. Je constate
même qu'il y a parmi eux de singuliers mélanges. A côté de
belles pointes moustériennes se trouvent des pièces qui ne
sont même pas quaternaires, notamment des scies, des grat-
toirs et des perçoirs robenhausiens.
M. d'Acy affirme que tous ces instruments ont été trouvés
dans les mêmes couches que les coups de poing, mais il con-
vient d'ajouter qu'ils n'ont pas été recueillis par lui-même,
que les ouvriers desquels il les tient se soucient fort peu du
niveau d'où ils proviennent, enfin que l'on rencontre à Saint-
Acheul des objets de presque toutes les époques.
Ces diverses causes d'erreur expliquent les mélanges que
nous venons de signaler.
DISCUSSION SUR L'EMMANGHBIIENT DES SILEX TAILLÉS. 225
J'arrive à la question de remmanchement, et pour plus de
clarté je vais diviser les coups de poing en plusieurs caté*
gories que je passerai successivement en revue^ examinant
pour chacune d'elles quelles sont les raisons qui nous font
repousser toute idée d'emmanchure. Je laisse bien entendu
de côté les formes rares ou exceptionnelles.
Les coups de poing grossiers et épais possédant parfois
une véritable poignée et souvent une portion de la croûte
naturelle du siiex^ disent eux-mêmes d'une manière assez
éloquente comment ils étaient employés, et M. d'Acy a lui-
même reconnu qu'ils devaient servir à la main. Inutile donc
d'insister sur leur compte.
Pour les pièces mieux taillées, plus plates et plus légères,
j'ai déjà fait remarquer à notre collègue, dans la séance du
3 mars, que Ton retrouve sur elles^ bien que plus ou moins
atténués, suivant leur degré de perfection, les mêmes carac^
tères que sur les premières. Le talon est quelquefois réduit
au strict nécessaire, mais il existe dans presque toutes. Ces
coups de poing peuvent aussi bien que les autres être com-
modément et solidement empoignés^ sans blesser le moins
du monde la main. Ils sont même plus faciles à manier à
cause de leur moindre poids et de leur plus faible épaisseur.
J'ajouterai^ et c'est une des preuves les plus concluantes,
que ces instruments se tenaient à la main^ que la partie du
tranchant la plus coupante est toujours celle qui est diamé-
tralement opposée au talon, soit à la partie de l'outil qui
s'appuyait contre la paume de la main. Il est du reste hors
de doute que les beaux coups de poing plats de l'époque
moustérlenne, qui, maniés à la main, pourraient fournir un
travail utile et appréciable, seraient bien vite brisés, si on
cherchait à les utiliser^ fixés au bout d'un manche.
Avec les pièces torses nous arrivons encore aux mêmei
résultats. La torsion de ces instruments facilite considéra-
blementl'empoignure, tandis qu'elle serait plutôt un obstacle
qu'un avantage pour remmanchement.
Il me reste à dire quelques mots des haches australiennes
T. X (8« siftiB). 15
226 SÉANCE DU i AVRIL 1887.
que M. d'Acy a choisies comme termes de comparaison. Ces
instruments modernes, dont le liàusée de Saint-Germain pos-
sède deux beaux spécimens (fig. 1), ne ressemblent en rien
aux coups de poing quaternaires. Ce sont de véritables haches
dont le tranchant porte presque toujours, si ce n'est tou-
jours, des traces de polissage.
Fio. i. — Hnehe en pierre emmanchée (Australie), donnée par MunteSore au mnsée
de Saint-Germain, quart de grandeur.
,♦ i i . . . t ■
La pièce en amande dont M. d'Acy nous a montré le dessin,
paraît, il est vrai, ressembler davantage aux instruments
chelléens, mais, outre que c'est là une forme exceptionnelle,
cette ressemblance est plus apparente que réelle, car les
Fio. 2. — Coupe d'un coup de pjlng
chelléen, demi-graodeur.
FiG. i, — Coupe d'une hache en pierre
australienne, demi- grandeur.
bords, autant que Ton peut en juger d'après le dessin, ne
sont pas coupants comme dans les coups de poing (fig. 2),
mais arrondis comme dans les hachés australiennes du musée
de Saint-Germain (fig. 3). Il fabdiràtt, pour pouvoir faire d'u-
tiles comparaisons ethnographiques, d'autres éléments qu'une
figut'e faite de seconde mairi^ à une bien petite échelle.
DISCUSSION SUR l'eMMANCHEMENT DES SILEX TAILLÉS. 227
M> d'Acy. Messieurs, je ne relèverai pas ce qu'a dit
M. Adrien de Mortillet des hallebardes et des fusils Chassepot,
que je regarderais comme contemporains des silex quater-
naires, si on trouvait les uns à côté des autres. Je ne me
permets de vous entretenir que de choses sérieuses.
J'arrive immédiatement à la classification que vous a ex-
posée M. A. de Mortillet et qui, si je ne me trompe, est basée
sur le volume des silex. Les gros, les épais, seraient chelléens,
— il n'est question que de ceu^t retaillés sur leurs deux
faces, bien entendu. Les minces, les fins seraient môustériens.
En vérité, je me demande sur quels faits M. A. de Mortillet
a pu baser une semblable théorie. îl vous a montré de ttès
jolis silex, provenant d'une station des environs de Dreux,
qu'il dit être moustérienne. Je ne contesterai pas cette appel-
lation. Je ne connais ce gisement qu'imparfaitement ; et ce que
j'en sais me porte à croire qu'il est, en effet, moustérien,
pour me servir de cette expression généralement usitée. Mais,
parce qu'il renferme des silex fins, très bien travaillés, est-ce
une raison pour que tous les silex également bien façonnés
soient nécessairement de la même époque, les trouvât-on
dans des couches géologiques certainement non remaniées
et plus anciennes que la terre à briques ? Tous les silex d'une
même époque sont-ils forcément, identiquement les mêmes ?
La théorie veut peut-être qu'il en soit ainsi; mais les faits
disent le contraire, et j'ai le mauvais goût de m'en rapporter
aux faits et non pas à la théorie.
M. A. de Mortillet prétend que je nie le progrès. Je lui
demande bien pardon; mais cette accusation, formulée d'une
façon aussi générale, aussi absolue, n'est pas exacte. Je n'ai
jamais contesté que les admirables pièces de Volgu, celles de
Solutré, et même quelques très beaux échantillons du vrai
mousiérien ne montrent un progrès plus ou moins notable
sur l'industrie de Saint- Acheul ou de Chelles. Ce que j'ai dit,
ce que je maintiens, c'est qu'il n'y a aucun progrès entre les
couches inférieures et les couches supérieures du diiuvium
gris de Saint-Acheul.
228 SÉANCE DU 7 AVRIL 1887.
Ce diluvium est absolument intact, non remanié ; c^est là
un point capital, qui n'a jamais été mis en doute par per-
sonne. Il a été raviné par la formation de limon grossier et
de terre à briques qull supporte ; mais ce qui en reste, ce
que nous en voyons, est tel qu'il s*est déposé à une époque
pendant laquelle vivait VElephas antiquus, à une époque qui
diffère peu de celle de Ghelles^ si elle n*est pas la même, et
qui certainement est antérieure à celle que, pour se recon-
naître, on peut appeler moustérienne.
Quand on a étudié ces ailuvions avec soin, il est facile de
reconnaître, à Taide des patines, de quelles couches provien-
nent les silex taillés. Dans la petite veine de cailloux, située
tout à fait à la base du limon grossier, ces patines sont blan*
ches, d'un beau cacholong de porcelaine, produit par la
décomposition de la surface du silex sous Taction d'une eau
chargée d*acide carbonique ; puis, à mesure que Ton descend,
elles passent au gris roussâtre, dans le sable des fondeurs ;
au gris pur ou à un simple vernis, dans le sable blanc ; elles
se colorent en rouge jaune ou noirâtre plus ou moins intense,
dans les veines de cailloux, suivant la nature et la force des
oxydes que renferment ces couches ; et enûn, à la base tout
à fait du gisement, on peut dire sur la craie, elles présentent
une disposition toute spéciale — différente sur chaque face
du silex — qu'il est difficile de décrire, mais que Ton recon-
naît immédiatement, une fois qu'on l'a observée.
Or, grâce à ces patines, il est facile de constater que les
silex taillés sur leurs deux faces, affectent toutes les formes,
toutes les épaisseurs, dénotent tous les degrés de l'habileté,
dans toutes les couches, depuis celle tout à fait inférieure
qui repose sur la craie, jusqu'au sommet de la première assise
par en haut du diluvium gris; et j'ajouterai que, dans toutes
ces couches, le type dit mous(érien est associé, et de la même
façon, au type appelé chelléen.
Jusqu'à présent, mes recherches m'ont amené à peu près
au même résultat pour les ailuvions de Chelles. Dans ce
gisement, on peut, jusqu'à un certain point, reconnaître
DISCUSSION 80R L'EMMANCHEMENT BES SILEX TAILLÉS. 229
également, par les patines, les couches dont proviennent les
silex taillés. M. Améghino a donné à ce sujet des renseigne-
ments fort intéressants*. Il y a, selon moi, quelques modifi-
cations à apporter aux indications qu'il a fournies ; et, si
certaines patines — celles ternes et sombres — sont indubi-
tablement des couches inférieures, auxquelles les ouvriers
ont donné le nom de calcm; si d'autres, au contraire —
celles luisantes et comme vernies — indiquent certainement,
pour leur gisement, les couches moyennes, celles de la seconde
formation ; il y en a quelques-unes qui peuvent laisser des
doutes sur leur provenance.
Mais heureusement, il y a à Chelles une assise sur laquelle
on n'a pas suffisamment appelé l'attention, et qui peut don-
ner cependant des indications très précieuses. C'est celle du
pseudo-diluvium rouge.
Elle ne constitue pas une formation particulière. Elle ne
doit la couleur qui la différencie de la couche sous-jacente
qu'à Taltération de cette couche parles eaux atmosphériques,
chargées d'acide carbonique. En réalité, elle est tout simple-
ment le sommet, la partie la plus récente, de la formation
qu'elle paraît surmonter et même raviner, par conséquent
la partie la plus récente, soit des couches caillouteuses, dites
acheuléennes par divers savants, soit des sables considérés
comme moustériens par les mêmes auteurs. Elle doit donc,
si ces savants sont dans le vrai, renfermer, dans son en-
semble, les spécimens d'une industrie, sinon complètement,
au moins notablement moustérienne.
De plus, elle a, comme toutes les couches superficielles, le
privilège de donner aux silex taillés qu'elle contient une
patine impossible à méconnaître et qu'on ne rencontre pas
dans les assises sous-jacentes. C'est un beau cacholong blanc,
ou une teinte roussâtre. Les silex y sont, en outre, très fré-
quemment fendillés. Les pièces qui en proviennent sont donc
reconnaissables de la façon la plus certaine.
< BuU, Soc. (Tanthrop.t 1881, p. 201 et suiv.
230 SÉANCE DU 7 AVRIL 1887.
Eh bien ! cette couche m'a fourni trente-trois instruments
retaillés sur leurs deux faces, et seulement dix-sept silex
éclatés d*un côté ; de ces derniers, six ou sept sont de simples
déchets de fabrication ; et, parmi les onze ou plutôt les dix
autres, un seul petit fragment est véritablement retaillé avec
finesse. D'après son apparence, on pourrait parfaitement le
ranger dans Tépoque de la pierre polie, et sa présence dans
une couche superficielle n'est pas faite pour contredire cette
attribution. Mais j'admets qu'il soit moustérien.
Les chiffres que je viens de donner ne parlent-ils pas d'eux-
mêmes ?
J'avoue que je n'ai pas dans la statistique une confiance
sans bornes; ou plutôt, je m'explique, j'aurais une confiance
entière dans la statistique^ si elle réunissait tous les renseigne-
ments nécessaires; mais les données sont trop souvent incom-
plètes ; et, alors, les conséquences que l'on en tire courent
grand risque d'être fausses. Mais, dans le cas qui nous occupe,
les erreurs ne peuvent être qu'à mon désavantage, la récoite
des petits silex présentant, pour plusieurs motifs, beaucoup
moins de difficulté dans le pseudo-diluvium rouge que dans
les couches profondes. En outre, je peux m'appuyer sur un
aulre fait, peut-être encore plus concluant que celui que je
viens de faire connaître .
On a dit, à plusieurs reprises, que les sables supérieurs de
Chelles étaient raoustériens. Or, la carrière Marié, située à
gauche de la route de Chelles à Brou, dans laquelle ces sables
sont plus développés que partout ailleurs, m'a fourni une
dizaine de silex retaillés sur leurs deux faces, et ne m'en a
donné qu'un qui fût éclaté d'un côté et retaillé de l'autre
seulement.
Aussi, bien que je reconnaisse parfaitement qu'il y a à
Chelles deux formations distinctes — la seconde ravine la
première — je ne constate jusqu'à présent que des différences
si peu importantes, si même il y en a véritablement, entre
les Industries dont les échantillons se trouvent dans ces deux
formations, que je ne peux pas les séparer beaucoup l'une de
DISCUSSION SUR l'eMMANCUEMENT DES SILEX TAILLÉS. 231
Tautre. En tout cas, il est absolument certain pour moi que,
datls les coucliés prbfondés/non remaniées, parfaitement ïri-
tactès de Chelies, tout comme dans celles dû diluvlùm grlë,
également non remanié, de Saint-Acheiil, ie type éclaté d'un
côté et retaillé de Tantre seulement — le t3rpe connu sous le
nom de type du Moustier — est associé à celui retaillé sur
les deux faces, au type appelé généralement type de CHeileh
on de Saint' A cheul.
Avant de quitter Chelies, je dirai à M. A. de Mortillet que,
Tannée dernière, j'ai eu le plaisir de faire voir à M. Sàlmon
deux silex de Chelies, incontestablement des couches infé-
rieures — ils sont même assez épais et assez grossiers ^our
que M. A. de Mortillet lui-même ne refuse pas de leur
reconnaître cette provenance, — qui sont de grands éclats
un peu retaillés sur leur face d'éclatement et complètement
retaillés de l'autre côté ; en un mot, deux silex exactement
pareils, comme procédé de fabrication, à celui que notre
savant confrère vient de nous présenter comme formant la
transition entre le type de Chelies et celui du Môustîer.
Les pièces ainsi faites ne sont pas rares à Saint-Acheul ; j'en
ai réuni un assez grand nombre ; et ces échantillons pro-
viennent aussi bien des couches les plus profondes que de
celles tout à fait du haut du diluvium gris. Leurs patines te
prouvent d'une manière certaine. Aussi m'est-il impossible
de voir en eux le résultat d'une transition chronologicïue
d'un type à l'autre. Il y a, si Ton veut, une transition d*unè
forme à l'autre ; mais c'est une transition qui a eu lieu à
tous les moments de l'époque chelléenne ou acheuléenne.*
M. A. de Mortillet vous a présenté également une très
jolie pièce, au talon de laquelle existe une large surface
plane ; il vous a dit que cette surface était évidemment des-
tinée à être prise à la main. Mais je suis absolument du même
avis que lui. J'ai eu l'honneur de vous soumettre, l'autre
jour, plusieurs silex qui offrent exactement la même dispo^
«ition. Le poignard, sur lequel je me suis permis de rappeler
tout à l'heure votre attention, est muni d'une poignée tout à
S32 SÉANCE DU 7 AYRU 1887.
fait semblable ; je Tai prise à la main devant vous. Je n'ai
jamais refusé de reconnaître comme points d*appui pour la
main que les petits plans, véritablement insignifiants, du
genre de ceux que je vous ai fait voir, et je me suis servi de
l'importance et de la disposition de ceux qui constituent de
véritables poignées, pour prouver que les autres ne pou-
vaient pas avoir la même destination. Ces derniers, MM. de
Mortîllet les abandonneraient-ils? J'aurais alors obtenu le
but que je me proposais à cet égard.
Que les pièces très fines, très délicates, n'eussent pas pu,
si on les avait emmanchées, être employées comme outils,
en raison de la facilité avec laquelle elles se seraient brisées,
je suis loin, assurément, de prétendre le contraire. Leur
fragilité relative est précisément un des motifs que j*ai fait
valoir contre la destination de silex si bien taillés, à servir
d'outils, môme d'outils à la main.
Les ciseaux à tranchant transversal sont loin d'être aussi
rares, à Saint-Acheul et à Ghelles, que le croit M. A. de Mor-
tillet. Ils sont abondants à Thennes.
Quant aux pièces torses, je suis convaincu qu'elles doivent
leur forme à la façon dont les silex se sont éclatés au moment
de la taille, à une particularité de leur cristallisation, si je
peux parler ainsi, et non pas à la volonté des individus qui
les ont travaillées. Malgré la grande estime dans laquelle je
tiens les tailleurs de silex de Saint-Acheul et de Ghelles, je
ne les crois pas capables d'avoir obtenu intentionnellement
de semblables résultats. D'ailleurs, pourquoi auraient-iU
essayé d'y parvenir ? Ce n'aurait pu être que par un raffine-
ment d'artiste. Cette forme n'offrait aucun avantage — de
même qu'elle ne nuisait en rien — soit qu'on eût voulu
emmancher les silex qui l'affectaient, soit qu'on s'en fût servi
à la main. Et, à propos de la facilité qu'elles auraient présentée
dans ce dernier cas, suivant M. G. de Mortillet, je dois faire
remarquer que, contrairement à Topinion de ce savant*, les
« Le Préhistoriquêj p. 143,
DISCUSSION SUR L*EllMA!fGHEMENT DES SILEX TAIUÉ8. 233
pièces torses n*ont pas moins fréquemment que les autres
des petits points restés bruts.
Je pourrai d'autant plus répéter que Temmanchement de
la hache australienne, publié par M. Hamy, est le premier
connu en ce genre, que les très jolis dessins de M. A. de
Mortillet ne font que me donner raison à ce sujet. Les haches
qu'il a représentées ne sont pas en amande. Mais cette ques*
tion de priorité n'a guère d'intérêt en ce moment, ainsi que
je l'ai déjà dit. Que les haches de TAustralie soient généi^àle*
ment polies, cela ne me semble pas avoir plus d'importance.
Ce qui en a, c'est que nous connaissons l'emmanchement
d'une hache m amande^ non polie, simplement taillée par
éclats^ si bien qu'on la prendrait assez volontiers pour une
hache amygdaloïde des alluvions de la Somme ou de l'Oise*.
M. A. de Mortillet me dit que je n'ai pas vu cette pièce ; mais
il ne l'a pas vue, lui non plus ; et, en admettant que la gra-
vure manque un peu de netteté, le texte que je viens de
citer ne laisse aucun^doute.
Les Australiens de l'Ouest aiguisent leurs instruments plutôt
qu'ils ne les polissent, je l'ai déjà fait remarquer également ;
ils font même des casse-tête avec des éclats de roche, ni
polis, ni aiguisés, ni même taillés, qu'ils enchâssent'dans de
la gomme ; toute leur industrie décèle certainement beau-
coup moins d'habileté que celle de Chelles ou de Saint-Acheul.
Je ne vois donc pas pourquoi les habitants primitifs de ces
dernières localités n'auraient pas été capables de faire des
emmanchements semblables à celui publié par M. Hamy. Un
peu de résine, ou, à son défaut, un peu de mousse ou de peau,
il faut bien que je le redise, protégerait le lien de bois contre
les arêtes des haches de Chelles ou de Saint-Acheul, avec
autant d'efficacité, ou peu s'en faut, que contre celles des
haches non polies de l'Australie.
M. G. DE Mortillet. Je demande à présenter deux courtes
observations.
> HemA€ d^ ethnographie, t. V, 1886, n« 4, p. 836, 837.
234 SÉANCE DU 7 AVRIL 1887.
M. d'Acy tire des conclusions générales de quelques silex
déteclueux, qui ont conservé des plats sur les ti^ancliahts où
sur la pointe. Mais ce sont là des rebuts, des déchets de fa-
brication sur lesquels on ne peut pas s'appuyer. Il ne faut
pas perdre de vue que, dans les stations de l'âge de la pierre;
ce sont les rejets qui abondent, les bons échantillons étaient
emportés et utilisés. Il est déjà dangereux de tirer d'impor-
tantes conclusions d'échantillons parfaits peu nombreux ;
à plus forte raison doit-on être extrêmement prudent,
quand il s'agit de pièces incomplètes, inachevées ou man-
quées.
En second lieu, M. d'Acy cite toujours associées ensemble
les stations de Chelles et de Saint-Acheul. Mais ces stations
ne sont pas synchroniques. Chelles est plus ancien et plus
pur ; Saint-Acheul est plus récent et présente déjà des carac-
tères de transition. 11 n'est donc pas étonnant qu*on y trouve
des échantillons de passage. C'est même pour cela que Saint-
Acheul, en partie d'après les belles recherches de M. d'Acy,
a été abandonné comme station type ou caractéristique de
la première époque quaternaire.
M. Adrien de Mortillet. M. d'Acy attache, il me semble,
beaucoup trop d'importance à la patine et an câlcin. Ces ca-
ractères ont fourni aux palethnologues de précieuses indica-
tions, mais il ne faut pas leur demander plus qu'ils ne peu-
vent donner. '
Les mêmes patines se retrouvent souvent sur des silex
d'époques très différentes. Quelle que soit l'époque à laquelle
ils appartiennent, les silex qui ont été longtemps exposés à
la pluie, à l'air et à la lumière prennent une patine blanche.
Ceux qui se trouvent dans un milieu ferrugineux se couvrent
à la longue d'une patine qui varie du jaune au rouge-brun.
Ceux qui ont été en contact avec du peroxyde de manganèse
ont une partie noirâtre.
Quant au calcin, il n'est pas forcément chelléen. Il peut
tout aussi bien être moustérien.
M. d'Acy. Si je ne me trompe, M. G. de Mortillet vient de
DISCUSSION SUR l'emmanchement DES SILEX TAILLÉS. 23S!
nous dire qu'il était tout naturel que les pièces sur lesquelles
j'aitoutàTheure appelé de nouveau votre attention, eussent
des points non retaillés sur leur pourtour ; que c*étaient des
pièces de rebut, et que, par conséquent, on ne pouvait en
tirer aucun renseignement.
Je vous le demande, Messieurs, cette pointe aux contours
symétriques, à Textrémité amincie avec tant de régularité et
de finesse, peut-elle être considérée comme une pièce de
rebut? Et ce couperet, bien qu'il soit moins finement travaillé,
j'en conviens — comme le sont en général les outils — peut-il,
avec son tranchant à la courbe régulière, avec son large dos
façonné de manière à servir de poignée, peut-il être pris
pour une pièce de rebut? Les petits points non retaillés me
paraissent tout à fait insuffisants pour légitimer une sem-
blable accusation. Si cependant elle devait prévaloir, tous
les silex qui présentent la même particularité devraient être
compris dans la même réprobation; et alors, que devien-
drait la théorie de ces points bruts, servant d'appui à la
paume de la main, ou à l'entre-deux du pouce et de l'index?
M. G. de Mortillet m'objecte que j'associe toujours Saint-
Acheul à Chelles, et que Saint- Acheul est un gisement d'une
époque plus récente, d'une époque de transition.
D*abord, parmi les silex moustériens que j'ai eu l'hon-
neur de présenter, ceux provenant de Chelles tiennent fort
bien leur place. Puis, je pourrais ajouter que si M. de Mor-
tillet considère aujourd'hui la station de Saint-Acheul comme
appartenant à une époque de transition, il l'a regardée pen-
dant longtemps comme offrant le type de la plus ancienne
industrie quaternaire. Ce n'est que lorsque je lui ai eu mis
sous les yeux des échantillons moustériens de toutes les
formes, associés, du haut en bas des couches, aux silex
retaillés sur les deux faces, ce n'est qu'alors qu'il s'est aperça
que ces alluvions étaient moins vieilles qu'il ne l'avait pensé
jusque-là; et qu'il est allé chercher eta cru'trouver à Chelles
un gisement pur du mélange des types que, je ne sais pour-
quoi, il ne croit pas avoir été usités simultanément par les
236 SÉANCE DU 7 AVRIL 1887.
premiers habitants de nos contrées. J'ai la conviction que,
s*il persiste dans ses théories, il sera tôt ou tard obligé
également d'abandonner cette dernière station ; et je me
demande où s'arrêteront ses pérégrinations à la recherche do
son idéal.
Maintenant, je répondrai à M. A. de Mortillet qu'il nous a
parlé des patines de silex provenant d'endroits différents,
qu'il a même été en chercher dans les dépôts des cavernes;
et je lui ferai remarquer que ces rapprochements sont com-
plètement en dehors de la question. Je n'ai mis en parallèle
que les patines des silex qui appartiennent à un même gise-
ment, soit à celui de Saint-Acheul, soit à celui de Ghelles. Je
maintiens qu'elles fournissent des renseignements fort inté-
ressants sur les couches dont proviennent les silex taillés
dans chacune de ces stations ; et je suis d'autant plus étonné
que M. A. de Mortillet conteste ce fait pour Saint-Acheul, que
M. G. de Mortillet a dressé, dans le Musée de Saint-Germain,
un tableau des superpositions des patines de cette station,
tout à fait analogue à celui dont je viens d'entretenir la
Société et que j'ai présenté au Congrès d'anthropologie de
1878. Celui de M. de Mortillet ne diffère du mien que par
quelques détails sans importance pour la question qui nous
occupe; le fond et l'ensemble de la classification sont les
mêmes dans tous les deux.
M. A. de Mortillet a dessiné une coupe des alluvions de
Chelles, et a expliqué qu'il y a dans ces alluvions du calcin
à différents niveaux. Il y aurait plusieurs observations à pré-
sentera ce sujet; mais, pour le moment, ilme suffira de faire
remarquer que je ne me suis nullement appuyé sur la pré-
sence ou sur l'absence du calcin dans telle ou telle couche, et
que je n'ai guère nommé le calcin que pour dire que c'était
ainsi que les ouvriers appelaient les alluvions inférieures.
C'est du pseudo-diluvium rouge et non du calcin que je me suis
occupé.
Quant aux outils et aux armes des sauvages, je m'en rap-
porte aux récits, aux dessins des voyageurs. Ils nous mon-
D. CHARNAT. — MONNAIE DE CUIVRE EN AMÉRIQUE. 237
trent ces peuplades bien plus fournies d^armes que d'outils ;
toujours occupées de la chasse; ou, sans parler des querelles
particulières, continuellement en guerre les unes contre les
autres. Pour que ce fléau de la guerre sévisse, il n*est nulle-
ment nécessaire qu*il y ait de grandes migrations, ni que la
population soit très dense. D'ailleurs, d*après le nombre
énorme des silex taillés que Ton a recueillis et que Ton
recueille tous les jours, et auxquels il faudrait encore ajouter
tous ceux qui n'ont pas attiré ou qui n'attirent pas l'atten-
tion, nos régions devaient être très habitées, à l'époque où se
sont formées les alluvions de Ghelles et de Saint- Àcheul.
COniMUNlGATIONS*
■omaia de enivro es Amérique atabI 1a eonquétei
PAR M. nisiKà CHARNAT.
Toute personne qui s'est occupée des civilisations améri-
caines sait pertinemment que les Indiens connaissaient le
cuivre, en exploitaient les mines, le fondaient et le travail-
laient comme l'or et l'argent.
Le cuivre était exploité au Chili^ dans le Ghihuahua, dans
le Nouveau-Mexique et dans l'Etat de Guerrero. Avant la
conquête, les peuples tiraient le plomb et l'étain des mines
de Tasco ; mais le cuivre était le métal le plus communément
employé dans les arts mécaniques. Pour les Indiens, il rem-
plaçait le fer et l'acier.
Les armes, haches, ciseaux, coa, espèce de bêche, étaient
faits du cuivre extrait des montagnes de Zaccatollan. On n'a,
du reste, qu'à s'en rapporter aux lettres de Gortez à Gharles-
Quint, au sujet des tributs que payaient les peuples soumis
aux rois mexicains avant la destruction de l'empire. Gertains
villages devaient payer, outre d'autres impôts, cent haches
de cuivre, d'autres quatre-vingts et quarante lingots du môme
métal, et ce tribut se renouvelait tous les quatre-vingts
jours.
238 SÉANCE DU 1 AVRIL 1887.
L'abondance dés haches de ce métal est indiscutable, et
Bernai Diaz nous raconté que, lors de sa seconde expédition
avec Griyalva, les habitants du Goatzacoalco apportèrent aux
Espagnols des haches de cuivre très brillantes, à la manière
d'armes d'apparat, avec des manches de bbis bariolés de
peintures. « Nous crûmes, dit-il, qu'elles étaient en or mé-
langé, et j'affirme qu'en trois jours nous en amassâmes plus
de six cents*. » C'étaient probablement les haches dont j'ai
l'honneur de vous présenter un exemplaire, et qui diffèrent es-,
sentiellement de celles que je vous présenterai tout à l'heure.
Celle-ci vient de l'Etat de Guerrero.
Mais voici la preuve toute moderne de l'exploitation di-
recte du métal parles Indiens. « Au mois de septembre 1873,
en pratiquant une reconnaissance dans la montagne del
Aguila, Etat de Guerrero, au milieu de la veine de cuivre qui
existe en cet endroit, un travailleur vit sa barre de fer dispa-
raître tout à coup; en examinant la cause de cet accident, on
découvrit une excavation de 3"*, 50 de long et de 1",S0 de
profondeur sur une largeur de plus de 1 mètre, au fond de
laquelle se trouvait une riche veine de cuivre de 10 centi-
mètres d'épaisseur.
(( L'ingénieur Felipe Larrainzar examina la concavité avec
soin et s'aperçut bientôt qu'il n'y avait trace de fer ni de
poudre, mais que les murailles et le fond présentaient des
traces de feu. H s'aperçut, en outre, que le métal et la roche
qui l'entourait étaient brisés et fondus en diverses parties.
Tout d'abord, on ne découvrit aucun instrument , mais, en
examinant avec soin les décombres, on trouva cent quarante-
deux masses de pierre de grosseurs diverses, en forme de
marteaux et de coins, dont les extrémités étaient usées et
brisées. Ces pierres n'appartenaient à aucune des roches
constitutives de la montagne. Les investigations rie laissèrent
aucun doute; on se trouvait en face d'une veine de cuivre
exploitée par les anciennes races indigènes. Le procédé d*ex-
1 Bernai Diaz del Castillo, liv. !•% chap. xvi.
D. CflARNAY. — MONNAIE DE CUIVRE EN AMÉRIQUE. 239
traction devint évident; on chauffait la roche, on la laissait
refroidir lentement, ou bien oh Taspergeait d*eau pour accé-
lérer l'opération. Le métal et la gangue éclataient, offrant
des interstices dans lesquels les coins avaient prise; puis,* au
moyen de masses, on séparait des morceaux de métal plus
ou mçjins considérables *. »
Voilà pour le cuivre et les haches ; arrivons à la mon-
naie.
Dupaix, dans son exploration des ruines de Mitla, ren-
contra des objets semblables à ceux que j'ai l'honneur de vous
présenter; le capitaine Galindo en avait précédemment dé-
couvert, et, moi-même, j'en rapportai quelques-uns. Mais
Dupaix prétendit que c'était une monnaie et non pas des
outils.
U est facile, en examinant ceux-ci, leur peu d'épaisseur,
leurs formes et leurs dimensions diverses, il est facile de se
convaincre que ce ne sont point là des haches, et que Dupaix
avait raison, en avançant que ce pourrait bien être une mon-
naie, et ce qui rendit son assertion probable, ce fut la dé-
couverte que fît peu après un Indien du bourg de Zochoxo-
cotlan, à une demi-lieue d'Oaxaca, d'un pot de terre contenant
vingt-trois douzaines de ces instruments, tons très peu diffé-
rents les uns des autres en largeur et en épaisseur. Les In-
diens d'alors enfouissaient donc leurs petits trésors dans la
terre, comme le faisaient nos paysans pendant les guerres
civiles. De plus, ces objets représentent bien la monnaie
dont parle Torquemada, quand il dit : « Dans d'autres par-
ties, les Indiens se servaient beaucoup de monnaie de cuivre
en forme de tau, de trois à quatre doigts de large, et c'étaient
comme des planchettes plus ou moins minces et dont le
métal contenait de l'or '. »
C'était bieii la forme et les dimensions des pièces que
voici.
* Annales del museo de Mexico, l. !«', arlicle de don Jésus Sauclicz.
« Torquemada, Monarquia indiana, t. II, p. 560.
tlO s6angb du 7 AVRIL 1887.
Nous pouvons encore ajouter une citation dlxtlilxochitl,
qui, dans sa quatrième relation, nous dit que les Toltecs se
servaient de monnaies de cuivre, longues de deux doigts et
larges d'un, en forme de petites haches de l'épaisseur d*un
réal.
Quant à Clavigero, dansTénumération qu'il nous donne des
différents objets servant d'échange à Mexico : a Celui qui se
rapprochait le plus de la monnaie frappée, c'était, dit-iï, des
morceaux de cuivre coupés en forme de tau, qui ne servaient
que pour les transactions de peu de valeur*. »
On pourrait donc affirmer que nous avons sous les yeux
des échantillons d'une monnaie américaine en cuivre, et cela
devient plus que probable en examinant la série de ces ob-
jets, qui, par leur légèreté, leur peu d'épaisseur, leurs di-
mensions diverses indiquant des valeurs différentes, les plus
petites ayant à peine 4 centimètres sur 3 millimètres, ex-
cluent toute idée d'armes de guerre; ils n'offrent même pas,
en général, trace d'usure indiquant qu'ils aient pu servir
d'outils.
Les différentes pièces que voici ont été découvertes dans
le district d'Kjutla, près de la ville d'Oaxaca et non loin de
l'emplacement où avaient été trouvées celles dont Dupaix
nous parle dans sa relation.
J'ajouterai, pour terminer, que les Péruviens devaient em-
ployer le cuivre dans le même but, car nous trouvons au cou
d'une momie péruvienne, au Trocadéro, un instrument ab^
solument semblable, comme dimension et comme forme, à
quatre de ceux que j'ai eu l'honneur de vous présenter.
Discussion.
M. MoKDiÈRfi ne nie pas que ces objets ne soient des mon-
naies, mais il est frappé de leur ressemblance avec certains
i F.-G. Clavigero, HUloria anligua de Mexico y de su conquittaf vol. I«r,
228.
p. 228
DOUTREBENTE ET MANOITVRIER. — IDIOTE MlCUOCfc:PllALE. 241
six attaques d'épilepsie par semaine, dont deux ou trois
instruments employés aujourd'hui par les corroyeurs et les
bourreliers.
M. Gharnay répond que ce ne peut être là qu'une simple
coïncidence.
M. A. DE MoRTiLLKT dit que des haches en cuivre assez
semblables, mais plus petites et plus lourdes^ ont dû égale-
ment servir de monnaie en Europe dans les temps protohis-
toriques.
M. Gharnat répond qu'il a trouvé également des monnaies
plus petites.
M. DE Nadaillac fait observer que les monnaies présentées
par M. Gharnay rappellent, par leur forme, des valeurs en
argent trouvées par M. Schliemann dans les ruines de Troie.
M. GuBRViN demande si Ton ne pourrait pas voir dans les
pièces présentées par M, Gharnay des ornements, des pen-
dentifs.
M. Gdarnay n'accepte point cette manière de voir.
M. A. DE MoRTiLLET dit qu'il existe des objets présentant
une forme analogue qui sont emmanchés et qui, par consé-
quent, doivent être des outils.
Etude d*ane idiote mieroeépliaie (Nini, morte A S5 mis);
PAR MM. DOUTREBENTE ET MANOUVRIER.
OBSERVATIONS FAITES SUR LE SUJET VIVANT ^.
Pauline- Amélie Nie..., dite Nini, est entrée à Tasile des
aliénés de Blois en 1870, venant de la Salpêtrière. Son dossier
ne renferme aucun renseignement sur sa famille et ses anté-
cédents.
Gelte femme était idiote et épileptique. Elle avait cinq ou
* L'ohservalion médicale et les mesures sur le cadavre frais ont été prises
par le docteur DoulrcbeiUe, qui a fait doo du cr&ne et du cerveau au musée
Broca.
T. X (3« SéRIE). IG
342 SÉANCE DU 7 AVRIL 1887.
grandes attaques et denx on trois attaques dites internes,
sans tétanisme ou convulsions, pendant lesquelles elle cou«
rail, criait, mais ne tombait pas. Les cris étaient effrayants et
se reproduisaient toujours semblables à chaque crise.
Nini était gâteuse de jour et de nuit^ quand on n'y veillait
pas. Généralement douée d'un appétit vorace, elle aurait
mangé sa soupe bouillante sans aucune précaution. Elle
n'avait plus de dents dès son arrivée à Blois. 11 fallait sur-
veiller Talimentation et la déglutition. Plusieurs fois elle a
failli s'asphyxier, car elle s'emparait des vivres de ses cama-
rades et les avalait gloutonnement.
Elle ne parlait pas spontanément, mais elle répétait ce
qu'on lui disait {écholalîe). Si, par exemple, on disait : « Nini
pas sage, Nini a gâté », elle répétait immédiatement : « Nini
pas sage, Nini a gâté ». Quand on disait : «Nini a gagné le
fouet», elle répétait : «Nini a gagné le fouet» ; puis elle
relevait ses jupes et se donnait le fouet, ou bien elle se firap-
pait par-dessus ses vêtements.
Elle dansait parfois toute seule quand elle entendait de la
musique et chantait, fort mal d'ailleurs, un tralala insigni-
fiant. La danse était autrefois provoquée par les mots :
a Nini va danser. » Elle répétait ces paroles et dansait.
Elle aimait la toilette et disait en souriant : «Nini belle » ;
mais à la condition qu'on lui eût dit : «Nini belle. » Un
bonnet, un simple fichu, un colifichet quelconque suffisaient
pour lui faire plaisir.
Elle n'a jamais donné signe de sentiments affectifs ou de
préférence pour quelqu'un. Mais elle n'était pas méchante et
était très aimée des religieuses et gardiennes.
Nous avons fait sur cette idiote, en 1884, pendant le con-
grès de TAssociation française, quelques observations an-
thropométriques au moyen d'une toise improvisée.
Taille in>,360
Hauteur du conduit auditif au-dessus du sol. ... 1 ,242
— de l'acroroioD •. 1,106
— de la fourchette stcrualo 1 ,115
DOUTREBENTE ET MANOUVRIER. — IDIOTE MICROCÉPUALE. 243
Les mesures suivantes ont été prises avec un ruban mé-
trique :
Distance de racromion à Tépicondyle 0*^240
— de l'épicondyle à l'apophyse slylolde du
radius 0 ,200
— de Tapophyse stylolde au bout du mé-
dius 0 ,166
On trouvera plus loin les mesures de la tête correctement
prises et comparées à celles du crâne sec.
Bien que les dents eussent complètement disparu depuis
longtemps, ainsi que les alvéoles, et que les gencives eussent
des bords lisses comme chez un jeune enfant, le menton n^étcût
point rapproché du nez, comme il arrive d'ordinaire en pa-
reil cas. Sur le crâne sec cependant, les bords libres des deux
maxillaires sur la ligne médiane doivent être écartés de
20 millimètres pour que la mandibule ait sa direction
normale.
L*embonpoint était médiocre. La conformation générale
du corps paraissait exempte d'anomalies, quant aux formes
extérieures. Nous relevâmes, toutefois, les particularités sui-
vantes :
Les seins étaient très petits, mais les mamelons étaient
très gros et très longs. L*un mesurait 13 millimètres et
l'autre 10.
Le pavillon de chaque oreille ne s'élevait pas an-dessus de
son point d*attache supérieur. Il se dirigeait horizontalement
à partir de ce point.
Le nez était fort et aquilin.
Les notes qui précèdent ont été déjà publiées dans un tra-
vail lu au congrès de Blois*.
* Doutrebente et Maoouvrier, Soles sur quelques idiotes ou imbécHeSf re^
cueillies à Vasile de Blois {Comples rendus de V Association française ^ 1884,
p. 407-411).
2i-4 SÉANCE DU 7 AVRIL 1887.
OBSERVATIONS FAITES SUR LE CADAVRE.
La mort a été causée par une maladie aiguë ordinaire*
Les mesures suivantes ont été prises sur la table d*au-
topsie :
Taille = 1»,445.
Grande envergure = 1*,390.
Distance entre les épines iliaques antérieures et supérieures
= 0»,230.
On peut remarquer que la longueur du corps a été trouvée
moindre de 8 centimètres sur le sujet vivant. Cette dififérence
tient sans doute, en grande partie, à rallongement que subit
ordinairement la taille après la mort. En partageant la diffé-
rence en deux, on obtient, comme taille probable, 1",40. On
peut donc dire que la grande envergure était relativement
courte.
Les hémisphères cérébraux, étalés à l'état frais sur le
marbre, avaient les dimensions suivantes:
Diamètre antépo-postérieur maximum.. 145 «n"
— verlical temporo-pariétal maximum.. 85
La dure mère était très épaissie et opaque.
*^ • Il est intéressant de comparer ces dimensions à celles de
Tintérieur du crâne, afin de juger de l'aplatissement du cer-
veau lorsque celui-ci est retiré de son enveloppe osseuse. Or,
le diamètre antéro-postérieur et interne maximum du crâne
= 13p millimètres. Le cerveau s'est ^donc allongé, au sortir
du crâne, de i5 millimètres. Les deux mesures sont entre
elles comme 1M,11. Pour l'idiot Pinon, dont nous avons
publié l'observation il y a trois ans ', ce même rapport était
i:i,i4.
Les pesccs encéphaliques ont donné les résultats suivants :
Poi !s. lolal de rencéplialo 609 gp.
— de l'hémisplièro gauche 237
de l'hémisphère dpoit 238
~ du cervelet 118
— de la piolubéraDce et du bulbe 16
1 Dtdletins de la Soc. (Vanlhrop, de PariSf 1884, p. 754.
DOUTREBENTE ET MANOUYBIER. — IDIOTE SnCROCÉPHALE. 245
La capacité crânienne, mesurée par le procédé Broca,
= 708 centimètres cubes. En multipliant ce nombre par 0.87,
Téquivalent pondéral moyen de la capacité du crâne \ on
obtient comme poids de Tencéphale 616 grammes, chiffre
très voisin, on le voit, de celui qui a été fourni directement
par la balance.
Le fait le plus remarquable à relever ici, après la petitesse
de l'encéphale, c*est le poids relativement énorme du cerve-
let, qui est au poids des hémisphères cérébraux : 124.8 : 100.
L'encéphale est aujourd'hui très altéré dans sa forme gé-
nérale et ratatiné par suite d*un séjour trop prolongé dans
Talcool. En cet état, les poids qui précèdent sont devenus :
Hémisphère gauche 50 gr.
— droit 49
Cervelet 21
Bulbe et protubérance *. 3,5
Le poids relatif du cervelet est passé de 24.8 à 2i .2.
C'est dans cet état que nous avons pu étudier les circon-
volutions cérébrales, dont la momification a pu altérer le
volume et certains détails morphologiques, mais non le
nombre et la disposition. L'altération principale consiste
dans la disparition, par aplatissement, des faces supérieure,
inférieure, antérieure et postérieure des hémisphères ; mais
ces différentes faces se sont, par là même, confondues avec
les faces latérales, de telle sorte que les dessins ci-après re-
présentent tous les plis cérébraux dans toute leur longueur,
à Texception des plis orbitaires qui, du reste, ne présentent
rien de particulier. Il résulte de la momification très regret-
table de ce cerveau que sa simplicité schématique ne paraît
pas aussi grande, sur les figures ci-jointes, qu'elle l'est en
réalité, puisque toutes les circonvolutions apparaissent pro-
jetées sur un même plan. Ainsi, la figure 1, qui représente la
face externe de l'hémisphère droit, montre la première cir-
> L. Manouvrier, Recherchés sur l'interprétation de la quantité dans Ven»
cépha'e {Mémoires delà Soc» d'anihrop., 2* série, 1. 111).
346 SÉANCB DU 7 AVRIL 1887.
convolution frontale aussi complètement qu'on la verrait de
face sur un cerveau frais. Les sillons ont pu subir dans leur
largeur quelques altérations, dont il faut également tenir
compte. Aussi ne décrirons-nous le cerveau de Nini qu'à
grands traits, afin d'éviter tout détail plus ou moins factice.
La forme générale du cerveau sera décrite après les circon-
volutions, parce qu'elle ne peut être appréciée que par
rétude craniologique.
I. SCISSURES ET SILLONS.
1. Scissure de Sylvius. — A droite, presque horizontale,
largement béante ; mais ce caractère peut être dû en grande
Fio, 1. Nini. Hémisphère droit, fao« exterae.
partie à la dessiccation et à l'aplatissement. Aucune randfi-
cation à son extrémité. Branche ascendante de Broca courte
et large. Pas de branche antérieure visible.
A gauche, la scissure de Sylvius est plus oblique et pré-
sente à son extrémité une ramification dessinée sur la figure
ci-jointe, mais qui pourrait résulter simplement d'un fendil-
lement par dessiccation. Pas de branche antérieure visible.
2. Scissure de Rolando, — A droite, presque rectiligne.
Présente, à gauche, un coude à peine marqué vers la partie
moyenne.
DOUTREBENTE ET MANOUVRIBR. — IDIOTE MICROCÉPHALE. 247
3. Sillon prérolandique. — Représenté à gauche par une
simple incisure.
4» Premier sillon' frontal. — A droite, presque rectiligne.
Interrompu par un seul pli de passage à la partie antérieure.
A gauche, un peu plus ondulé. Interrompu aussi en avant
par un pli de passage venant de la troisième circonvolution
frontale.
5. Deuxième sillon frontal. — A droite, très court et très
simple, il prend naissance entre la scissure de Sylvius et la
scissure de Rolando et décrit une courbe très prononcée à
concavité inférieure. Il se termine devant un pli de passage
large et superficiel.
A gauche, plus simple et plus court qu'à droite. Même
disposition. Décrit une courbe plus arrondie présentant en
avant et en arrière deux ramifications plus longues que celles
de droite.
6. Sillon postrolandique. — Représenté seulement à
gauche par une simple Incisure superficielle.
7. Sillon pariétal. — A gauche, il se continue sans inter-
ruption avec le premier sillon temporal.
8. Premier sillon temporal. — A droite, deux inflexions
assez marquées.
A gauche, les mêmes inflexions à peine sensibles. Se con-
tinue sans interruption avec le sillon pariétal.
9 et <0. Deuxième et troisième sillon temporal. — Diffi-
ciles à suivre à cause de Taplatissement du cerveau.
i\. QuattHème sillon temporal. — A droite, presque recti-
ligne, il s'étend jusqu'au pôle occipital. 11 est seulement in-
terrompu vers sa partie moyenne par un pli de passage.
A gauche, même disposition, si ce n'est qu'il existe un coude
très prononcé vers l'extrémité occipitale. Un pli de passage
très mince en avant.
42. Seissîire occipitale. — La direction des scissures et
lillone du lobe occipital peut être suspecte d'altération,
comme eelle des deuxième et troisième sillons temporaux.
13. Semtire sê^is- frontale, — Interrompue à droite et à
248 8ÉANCB DU 7 AVRIL i8o7.
gauche par deux plis de passage superficiels en avant du
lobule ovalaire. Des deux côtés, le sillon sous-pariétal, qui
fait suite en arrière à cette scissure, est très rudimentaire^
surtout à gauche, oii il n'émet aucune branche.
IL CIRCONVOLUTIONS.
A. Lobe frontal droiL
La première circonvolution frontale présente une racine su-
périeure superficielle. Elle est simple, rectiligne, et présente
seulement sur son trajet trois ou quatre fossettes.
La deuxième circonvolution frontale naît d'une racine issue
de la partie moyenne de la frontale ascendante. Elle est
également simple, avec quelques fossettes seulement. Elle se
divise en avant en trois plis : un supérieur, qui va rejoindre
la première circonvolution frontale; un inférieur, qui se joint
à la troisième circonvolution frontale, et un moyen, de même
volume que les deux autres et qui constitue sa portion orbi'
taire.
La troisième circonvolution frontale ^ très simple, ne présente
qu'une seule courbure à convexité supérieure très accentuée.
Elle ne présente point de cap distinct par suite de l'absence
de la branche antérieure de la scissure de Sylvius. En avant
du pli de passage superficiel qui Tunit à la deuxième circon-
volution, elle n'a plus qu'une individualité douteuse, si l'on
peut ainsi dire, car elle peut être considérée alors comme
une dépendance de la deuxième circonvolution.
A'. Lobo frontal gauche.
11 diffère du lobe droit en ce que les trois circonvolutions
viennent aboutir à un large sillon transversal, qui détache
complètement la portion orbitaire du lobe frontal, sauf à
l'extrémité supérieure et à Tinférieure, où la première cir-
convolution frontale et la troisième franchissent ce sillon. La
deuxième circonvolution frontale le franchit cependant par
un pli un peu caché, de sorte qu'on peut décrire cette circon-
DOUTREBENTE ET MANOUVRIER. — IDIOTE MICROCÉPHALE. Î49
volution comme divisée, à l'instar de son homologue du côté
droit, en trois plis antérieurs : un pli de passage joignant la
première circonvolution frontale, un pli inférieur joignant la
troisième circonvolution frontale, et un pli moyen, plus mince ,
constituant une communication moyenne avec la portion or-
bitaire du lobe frontal.
Fio. 2. Nini. Hémisphère gauche, face externe.
La troisième circonvolution frontale gauche présente la même
simplicité et la même disposition que son homologue de
droite. Plusieurs anatomistes des plus compétents, à qui
nous avons montré le cerveau de Nini^ l'ont considérée
comme une dépendance de la deuxième circonvolution fron-
tale, dont elle ne serait que le pli inférieur. Mais nous ne
pouvons partager cette manière de voir, appuyée principa-
lement sur le fait que la deuxième circonvolution frontale
est ordinairement double, tandis quHci elle serait simple.
Nous ferons observer, en effet, que le dédoublement habi-
tuel de la deuxième circonvolution frontale est en somme
une complication qui, pour être normale sur les cerveaux or-
dinaires, n*en serait pas moins étrange sur un cerveau dont
toutes les autres circonvolutions sontd*une simplicité poussée
à l'extrême, mais dont le type est cependant parfaitement hu-
main. On peut remarquer, en second lieu, que, sur le cerveau
250 SÉANCE DU 7 ATEa 1887.
de Nini, la prédominance ordinaire de la deuxième circonvo*
lution frontale existe encore en l'absence de son dédouble-
ment, car elle est notablement plus large que les deux autres
C^ Fio^. 3. — Nini. Hémisphère droit, face interne.
et présente plusieurs incisures qui peuvent être considérées
comme un rudiment de sillon de dédoublement. Enfin, nous
Fia. 4. — Nini. Hémisphère gauohe, faoe ioleme.
avons à invoquer, à l'appui de notre manière de voir, un fait
physiologique : c'est que Nini, bien qu'elle ne parlât point
spontanément, possédait la fonction de la troisième circon-
volution frontale gauche, car elle pouvait répéter les mots et
les phrases qu'elle entendait.
DOUTREBENTE ET MANOUYBIER. — IDIOTB MICROCÉPHALE. 251
La circonvolution frontale ascendante est à peu près com-
plètement rectiligne, surtout à droite. Elle est mince des deux
eûtes, surtout à droite.
H. Lobe pariétal.
1. La circonvolution panétale ascendante est plus mince et
plus rectiligne à droite qu'à gauche.
Les circonvolutions pariétales sont peut-être les plus remar-
quables de toutes par leur petitesse et leur simplicité.
C. Lobes occipital et temporal.
Nous ne décrirons point minutieusement ces deux lobes
dont la description classique nous pareiît être quelque peu
arbitraire sur certains points. Nous dirons seulement que ces
parties sont certainement celles qui sont le moins altérées
quant au nombre de leurs plis. Alors que les lobes frontal et
pariétal sont beaucoup plus simples encore que sur le cerveau
schématique de Broca, ce dernier n'est pas plus compliqué
dans sa région temporo-occipitale que le cerveau de notre
microcéphale.
D. Face interne.
Outre les deux plis de passage ordinaires prélimbique et
préovalaire, il existe un troisième pli superficiel en avant du
plipréovalaire. Ce troisième pli part de la portion antérieure
du lobe du corps calleux et va rejoindre, suivant une direc-
tion très oblique^ la partie postérieure du lobule métopique,
très près du pli préovalaire dont il n'est séparé que par une
seule incisure représentant la partie postérieure de la scissure
sous-frontale.
Les lobules susorbitaire et métopique sont petits. Leurs
incisures ordinaires sont très simples ou même remplacées
par des fossettes.
Le lobule ovalaire est très petit et l'on voit avec évidence
qu'il appartient presque exclusivement à la circonvolution
frontale ascendante. Il est dépourvu d'incisures.
252 SÉANCE DU 7 AVRIL 1887.
Le lobule quadrilatère est extrèmemeut petit. 11 est uni-
quement constitué par deux plis de passage pariéto-Iimbiques,
séparés l'un de l'autre par une simple incisure. A droite, ce-
pendant, cette incisure émet en arrière une branche horizon-
tale.
Au-dessous de la grande scissure occipitale, nous ne trou-
vons aucune particularité morphologique digne d*ètre notée.
A part la petitesse, la région temporo-occipitale du cerveau
de Nini est conforme au cerveau schématique de Broca. C'est
celle qui a le mieux conservé le type normal.
Forme générale de rencéphale, d'après la forme du crâne.
L*examen du crâne montre que le cervelet était parfaite-
ment recouvert par le cerveau, contrairement à ce qui a été
observé chez certains microcéphales.
Une forte voussure des parois latérales du crâne, au niveau
de la partie supérieure de la suture écailleuse, paraît être en
rapport avec le développement relativement considérable des
lobes temporaux.
La courbe horizontale endocrânienne révèle une étroitesse
remarquable de la partie antérieure du cerveau, étroitesse
absolue et relative qui rappelle le bec de l'encéphale des
singes. L'étage frontal de la base du crâne est très petit dans
tous les sens. Une reste, de chaque côté de la fosse olfactive,
très profonde, qu'une très petite surface horizontale et trian-
gulaire.
Ici se présente une remarque importante au point de vue
craniologique, relativement à la valeur anatomique du dia-
mètre frontal minimum. L'intérêt de ce diamètre consiste en
ce qu'il représente, d'une façon générale, la largeur minima
de la partie antérieure du cerveau. Or, on sait déjà que cette
représentation n'est pas absolument fidèle, en vertu de l'épais-
seur très variable des parois du crâne au niveau des deux
extrémités du diamètre en question. C'est ainsi que la diffé-
rence sexuelle de la largeur antérieure du cerveau est moins
DOUTREBENTE ET MANOUVRIER. — IDIOTE MICROCÉPHALE. 253
grande que ne Tindiquerait la difTéreoce sexuelle du diamètre
frontal minimum ^
Or, une nouvelle cause d'erreur apparaît d'une façon
frappante sur le crâne de Nini. A voir son diamètre frontal
minimum qui mesure 90 millimètres, on pourrait croire que
Textrémité antérieure du cerveau jouissait d'une largeur
passable et même assez grande relativement à la largeur bi-
pariétale. Maïs l'examen de l'intérieur du crâne montre qu'il
n'en est rien, parce que la région sus-orbitaire du crâne a dû
Fia. 5. — LZM, ligfio endocrâcicnnc; EAE', ligne ev* crânienne ; F Z F', coupo
transversale ; F F', diamètre frontal minimum ; 0 O', angles externes et sapérieurs
des orbites.
s'étendre de chaque côté et en arrière bien au-delà de sa
portion endocrinienne, afin de fournir une place sufGsante
aux orbites et de rejoindre les parties latérales d'une face
trop large relativement à la partie antérieure du cerveau. Ce
n'esl là d'ailleurs qu'une exagération de la disposition nor-
male, car le diamètre frontal minimum coupe ordinairement
le cerveau en arrière de l'extrémité antérieure de celui-ci.
La figure ci-dessus représente une coupe de la partie anté-
rieure du crâne de INini au niveau du diamètre frontal mini-
. * L. Manouvriep, Sur la grandeur du front et det princiitales régions du
crâne, olc. (Association française pour l*avancement des sciences).
254 SÉANCE DU 7 AYRIL 4887.
mum et dessinée au moyen de Taiguille courbe du stéréo-
graphe de Broca.
Le trait pointillé n représente une dépression linéaire, qui
doit être le vestige de la suture fronto-sphénoïdale complète-
ment fermée. Les petites ailes du sphénoïde étaient donc
larges. En outre, leur bord postérieur est épais et comme
boursouflé, caractère fréquent chez les idiots.
La gouttière optique est très convexe transversalement et
plane d'avant en arrière. Les empreintes endocràniennes des
circonvolutions n*existent nulle part, sauf au-dessus des or-
bites, où elles sont à peine marquées. Il n'existe pas de fossette
vennienne^ à proprement parler, mais la crête occipitale
interne se bifurque à 13 millimètres environ du trou occi-
pital; de sorte que la fossette en question est représentée par
une surface triangulaire aplatie à base inférieure et aussi
large que le trou occipital.
Les fosses cérébelleuses sont très vastes relativement,
fait à rapprocher du poids relatif considérable du cer-
velet.
Sutures. — Toutes les sutures sont complètement fermées
en dedans, à l'exception de la suture écailleuse, fait à rap-
procher du renflement des régions temporales.
A l'extérieur, une seule suture est complètement effacée :
c'est l'occipito-temporale. Les autres sont encore ouvertes, à
l'exception de la partie inférieure des coronales et de la par-
tie postérieure de la sagittale. En somme, la synostose n'est
pas plus avancée que chez la plupart des individus normaux
de même âge et elle a suivi la marche normale.
La suture sagittale présente une complication normale.
Les autres sutures sont simples. La suture zygomatique est
peu oblique.
Saillies externes du crâne. — La glabelle, les bosses sour-
oilières, les bords orbitaires présentent un aspect masculin*
Les bosses frontales sont absentes, ou plutôt elles sont réu-
nies en une seule saillie médiane qui n'empêche pas le front
d'être fuyant.
DOUTREBENTE ET MANOUVRIER. — IDIOTE MICROCÉPHALE. 255
Les crêtes temporales montent jusqu'à la partie moyenne
des sutures coronales.
Les apophyses orbltaîres externes sont très fortes. 11 en
est de même des apophyses zygomatiqnes, mastoldes et sty-
loTdes.
Fio. 6. » Crâne de NiQi (Uettiné an ttéréographe Bro««).
Les crêtes et rngosUés occipitales sont très marquées et
d'apparence tout à fait masculine.
La surface inférieure des condyles de roccipital est tout à
fait aplatie.
Le nez est très gros et très saillant. La suture bi-nasale est
déjetée à droite inférieurement.
L'échancrure nasale est projetée en avant, comme s'il y
avait eu hypertrophie des branches montantes de l'os inter-
maxillaire.
L'épine nasale est forte et proéminente. Le bord inférieur
de récbanorure nasale est très tranchant. Le vomer est épais
250 SÉANCE DU 7 AVRIL 1887.
et solide. En somme^ le squelette du nez est très développé
dans toutes ses parties.
Nous ne terminerons pas cet exposé sans faire observer
que le crâne de cette femme idiote présente une apparence
masculine et nullement une exagération du caractère fémi-
nin. C'est là, d'ailleurs, une règle générale sur laquelle Tun
de nous a insisté à diverses reprises, et qui n*est guère propre
à justifier Tadmiration exagérée que professent certaines
personnes à Tégard des caractères masculins.
CrâniométtHe. — Capacité crânienne = 708.
Poids du crâne = 280 grammes, en tenant compte des
16 dents absentes.
Indice crânio-cérébral = 39.5. — L'indice moyen des Pa-
risiennes étant 40.1 , le crâne de Nini n'a pas dépassé le déve-
loppement pondéral relatif moyen par rapport à sa capacité,
contrairement à ce qui a lieu d'ordinaire chez les idiots.
Poids de la mandibule et indice crânio-mandibulaire. —
Sans intérêt, en raison de l'atrophie complète de la portion
alvéolaire de la mandibule.
Diamètre anléro-poslérieur maximum (A) \kl^^
— Ipansvewe maximum (T) 117
Indice cépbalique 80 . 2
. Diamètre aoléro-poatérieur métopique 1 42
— vertical basio-bregmalique (B) 100
— du basion au vertex 104
La différence entre ces deux dernières lignes indique que
la ligne médiane du crâne continue à s'élever en arrière du
bregma.
Indice vertical B : (A. = 100) 68.0
Diamètre frontal minimum (F) 90
— astérique 92.6
Ligne naso-basilairc 82
Diamètre bizygomatique (Z) 110
Indice fronto-zygomatique F : (2= 100) 81.8
Indice frontal F : (T=100) 76.2
D'après ces deux indices, le front de Nini est large par
DOUTRBBENTE ET MAKOUVRIBR* -* IDIOTE MICROCÉPHALE. 257
rapport aux diamètres transverses mazima du crâne et de la
face. Mais nous avons dit plus haut pourquoi il n'y a pas à
conclure, dans ce cas, de la largeur externe du front à la
largeur du cerveau en avant.
Tron occipital* Longueur. 28 «n
~ Largear 24
Angle occipital de Broca. .• IT^S
Haatear ophryo-alyéolaire (incomplète).
Courbe médiane antéro-postérieure.
— frontale 8ou»-cérébrale 1 8 ma
— frontale cérébrale 78 i
— eogitUle 104 J 213
— occipitale cérébrale 31)
— occipitale cérébelleuse. 55
Angles auriculaires. Parisiennes.
— frontal 49» 57«9
— pariétal 65 60 04
~ occipiUl cérébral 215 39 69
— occipital cérébelleux •.... 47 30 55
On remarquera la brièveté de la courbe occipitale supé-
rieure comparée à la longueur de la courbe cérébelleuse.
Cette longueur est à rapprocher du poids relativement con-
sidérable du cervelet.
Sur le profil crânien ci-joint, Finion, c'est-à-dire le point
extérieur correspondant à la protubérance occipitale interne,
est désigné par la lettre I. On voit que ce point est situé bien
au-dessus de la protubérance occipitale externe. Cette diffé-
rence de niveau, très grande sur le crâne de Nini, est un
bon exemple de Terreur commise par ceux qui considèrent
la position de l'inion comme étant suffisamment indiquée
par la protubérance occipitale externe.
Le grand développement relatif du cervelet est indiqué
aussi par la grandeur de l'angle auriculaire cérébelleux.
L'angle occipital cérébral est^ au contraire, très petit, ainsi
que l'angle frontal. L'angle pariétal est grand. Ces faits rea-
sortent facilement de la comparaison des angles auriculaires
de notre microcéphale avec les moyennes correspondantes
de 51 Parisiennes modernes.
T. X (8« SÉRIl). 17
iS8 ^ slAffcÉ h\j 1 A^tt l88î.
Un aut^é rftp^ort iHtêredsatit fest eëltli de la ligne naso-
bAsllalk-e au dtatuèlre Atltél^ô-^pôstlîHfetir ±s 100. Ce i-appott
indique le développement î^latif de la basé dû brâne. Il
s'élève, chez Nlni, à 55.7, chiffre supérieur à là htoyétlhe des
Parisiennes (53.6), égal à la moyenne de» nègres, mais très
inférieur à celui de certains autres microcéphales chez les-
quels il dépasse 67 *.
Orbites. Hauteur z\nm
— Largeur « 35
Indice orbitaire 88.5
Nez. Hauteur 43
— Largeur Î0.5
ludice nasà! , 47.6
Largeur intérorbitaire 23
Nous terminerons cette description du cfâne par un ta-
bleau comparatif des principaux diamètres du crâne et des
mêmes diamètres mesurés sur le sujet vivant par le même
opérateur, en septembre 1884.
Crâne sec. Vivant. Différence.
DlAiH5ih( aniéro-t)ost. hiaximum. i t . . i U7 156 9 ^
— trâns verse roailinuaifet.il. k 118 126 8
— auriculo-bregmalique » Ml »
— basio-bregmatique 1 00 » »
— b(zyt<»^ali4(iê .;t 160 118 8
Indice cépliaUque...;.k..»...i.k 86.2 86.7 6.6
ifandihuie incomplètehient mesurable à cause de Tatrophie
ào. sa région alvéolaire :
ProjecUon totale aniéro-postétieure . i . . . i 87""
Largeur bicondylienne 1 02
Longueur dé là branche montante 5t
Largeur .»..i.....ï ...^ *....•.;• ... 22
Distance entre Us trous mentonnieni • k « . « & . i 4 k é 37
Angle mandibulaire (sénile) 138^
L'atrophie des régions alvéolaires ne permet pas de iné^
sarer i*an|^l6 symphysien» Le menton est trëâ saillant. Quant
< Voir pour ces différents indices : L. Manouvrieri Sur la grandeur 4u
front et des ^incipales région^ du crdftt (Compte rendu de CAtsociation fran'
çaite, 1882, p. 623 à 689}.
OUVRAGES OFFERTS. 259
au progiiathisme sous-nasal, il devait être pltitôt faible
qu'exagéré.
En somme, le crâne et le cerveau de IHhi préseiiteiil un
certain nombre de cai^actèrés intéressaiits. Noua espérons
que Vétude t[Ui précède ne sera pas sans utilité pour i*ana-
t'omie atithh)pologique.
La séance est levée à cinq heures et demie.
Vun des secrétaires : MANOlTVRlKli.
iSI' 8iANCK. — SI avril ltt7.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté*
COMMUNICATIONS DU BUREAU.
M. le PRÉsmENT annoncé ^ne le Comité central de la Société
se réunira le jeudi 28 avril.
Il annonce ensuite que la cinquième conférence annuelle
transformiste aura lieu le jeudi 12 mai^ à 4 heures. Elle sera
faite par M"^ Clémence Royer et aura peur titre : fJivoUdion
metUak dam Vhtmianité et dans la série «rganique^
OUVRAOIA OFFBETS.
RiccARDi (1^.). Oscillazioni giomalieri délia statura deV uamo
sano. Modène, 1887, broch» in-8% 6 pages»
— Circonferenza toracicae statura studiate a seconda deVetà
e del sesso in una série di Bolognesi, Pavie, 4887, broch» in-8»,
15 pages.
— Un caballito peruviano. Florence, 1886, broch. in-8%
3 pages.
LoEWENTHAL. L'enseignement actuel de r hygiène dans les facul-
tés de médecine en Europe. Paris, 1887, in-8% 126 pages.
260 SÉANCE DU âl AVRIL i887.
GuTOT-D AUBES. Lei nains et les géants (Journal la Nature ^
des 11 décembre 1886, i6 février et 19 mars 1887).
Ernst. Etnographische Mittheilungen ans Venezuela. Ber-
lin, 1886, broch. in-8*, 30 pages, une planche.
TuRNER (W,). On variabiltty in human structure (Journal of
anatomy and physiology)y 1887, broch. in-8®, 22 pages.
CANDIDATURES.
M. DouGLAss (Andrew, E.), de New-York; présenté par
MM. Letoumeau, Magitot et de Nadaîllac ; M. Mater^ syndic
du Conseil municipal, présenté par MM. G. de Mortillet,
Letourneau et Hervé, demandent le titre de membre titu-
laire.
M^** Edwards et MM. Darlot, Pasquiee et Lagohbe sont élus
membres titulaires.
; PRESENTATIONS.
Bouet de derviche tournevr;
PAR H. PAUL AUBRT.
On Ta comparé pour la forme à un pot de fleurs renversé.
11 est en poil de chameau, sa couleur varie du blanc au roux.
11 est double comme nos bonnets de coton. Il est très difficile
de s*en procurer. A Gonstantinople, on a refusé de m*en ven-
dre. A Smyme, j*ai pu acheter celui-cicher un juif, mais non
sans employer une certaine diplomatie. Il est également
difficile de le faire sortir de Turquie, ainsi que tous les
objets touchant de près ou de loin à la religion de Mahomet.
Les Turcs faisant visiter les malles de tout voyageur à leur
sortie de (leur pays, j'ai été obligé d'employer de grandes
précautions pour passer la frontière.
DISCUSSION SUR LBS TOMBEAUX EN PIERRE DE LUXEUIL. 261
COMMUNICATIONS.
T«aiW««x ea pierre trowés h L«3ce«il;
PAR H. LB DOCTEUR G. PARIS.
I^Des fouilles récentes, au milieu de la ville de Luxeuil
(Haute-Saône), ont mis à découvert un certain nombre de
tombeaux formés d^une seule pierre creuse, plus large à la
tête qu'aux pieds, tous orientés de Touest à Test. Sur les huit
ou dix découverts, trois seulement n'avaient pas été vidés et
possédaient encore les squelettes dans les positions normales.
J'ai pu recueillir quatre crânes offrant tous une saillie plus
ou moins prononcée de Toccipital; et de plus, un de ces crâ-
nes est trépané dans la partie droite du frontal. La trépana-
tion parait avoir été produite par le raclage, mais avec un
instrument recourbé en rapport avec l'espèce de gorge qu'on
remarque sur Tos. D'autre part, je ne crois pas qu'on puisse
attribuer cette perforation à un^oup de pioche, qui certaine-
ment aurait été antérieur à la fouille actuelle. Circonstance à
noter : ce crâne, appartenant, je pense, à un homme vigou-
reux et d'âge mûr, gisait, dans le même cercueil, à côté d'un
squelette déjeune homme.
Du reste, nous allons continuer les fouilles. Si la chance
nous favorise, je collectionnerai tous les crânes que nous
trouverons, et je me ferai un plaisir de les offrir à la Société
avec une notice, pensant ainsi intéresser quelques-uns de ses
membres.
Nota. Depuis, interdiction nous a été faite de continuer,
sous le prétexte que nous blessions les sentiments religieux
des habitants.
Diicnsfion.
M. Magitot dit qu'on a trouvé des objets de même genre
dans des auges semblables découvertes en Seine-et-Oise.
Dernièrement il en a observé une lui-même dans un petit vil-
362 SÉANCE DU 21 kvmh 1887.
lage du canton de Poissy (Viltenus). L'auge contenait deux
squelettes, l'un de vieillard, l'antre d*enfant, et divers objets
de bronze, une épée courte, une boucle de ceinture, etc.
ff4R H. Mni M lURI(XHia7.
On s'est occupé, il y a quelques années, à la Société
d'anthopologie, d'un mode de trafic usité notamment sur
quelques points de TAfrique. Cet usage serait répandu sur
la côte ligurienne, si l'on s'en rapporte au passage suivant
extrait du Docteur Antonio, roman historico-poUtique publié
en 1856 en Angleterre, par RufÛni, réfugié italien.
<c .... Une autre chose intrigua la jeune Anglaise : ce fut de
rencontrer de temps en temps, sur \es marches en dehors des
portes, des assiettes pleines d'oranges, de citrons et de légu-
mes sans personne pour les garder. Sa surprise fut grande
quand elle apprit que ces fruits et légumes étaient là pour la
vente; en effet, celui qui a besoin de tel ou tel article, le
prend sans cérémonie dans Tassiette et en laisse le prix à sa
place, c'est-à-dire un ou deux sous.
« Cette nouvelle manière de faire le commerce amusa fort le
baronnet; il fit remarquer que bien qu'ingénieuse et écono-
mique, elle n'était pas de nature à réussir dans beaucoup de
pays....»
La scène se passe à Taggia.
Je puis ajouter que nous avons longtemps résidé à Porto
Maurizio, près d'Oneglia, et que nous avons remarqué sou-
vent dans les ruelles de la ville haute, à la porte des maisons,
des assiettes pleines de fruits, de légumes, qui sembls^ient
abandonnées, ainsi que l'indique Ruffini. U y a là une per-
sistance d'anciens usages, à la source desquels il serait inté-
ressant de remonter.
FAUYELLE. — DES QAUSES d'eRREUR ^N ^CTTHROPOLOGIE. 2Ç3
Je n^admets pas (|ue|les erreurs daqs lesquelles les çav^ts
peuvent tomber, soient volontaires et qu'elles aient pour but
un intérêt personnel quel qu*il soft. Tous^ tant que nous
sommes, en entrant dans cette enceinte, nous déposons tqute
préoccupation extérieure; mais noi|s y arrivons avç|c toutes
nos superstitions^ nos pr^ugés et nos ipclii^ations qui peu-
vent troubler iiQtre jugement. Je sais bien que ces faiblesses
sont excusables et jusqu'à un certain point respectables ; mais
elles ne nous en entraînent pas moins à comi^etlre des
erreurs préjudiciables à la science. Il est dope dp Tintérét de
Tanthropologie de sigpaler çç^ erreurs^ d>n rechercfier
Torigine et d'en faire voir le3 conséquences. C*est uq rQle
ingrat, dont jç pie charge bénévolement; mais je coppte sur
rindulgence de mes cpllègiies qui me pardonneront les im-
pressions désagréables qu'ils pourront éprouver, en considé-
ration du mo^if qui m'inspire,
Les religions, qui nous sont imposées dès potre plqs tendre
enfance, avant que notre org{|nisalion cérébrale soit en
mesure d'apprécier les idées que Ton cherche à nous incul-
quer, laissent sur les cellules de nos hémisphères 4e$ im-
pressions souvent ineffaçables, qui donnent à nos travaux
d'homme f^it, upe direction qu^ les conduit fatalement ù
l'erreur. La place donnée à l'homme dans Ja nature sous le
nom de Ifègne humain^ en est une preuve éclatante.
Quand on croit au règne humain, on est monogéniste ;
or, le mqnogénisme a sa source dans les livres canoniques.
a Dieu créa l'jiomme à soq image ; il le créa à Timaçe de
Dieu ; il le créa mâle et femelle » (Genèse, ch. I, v. %\)\
* Notons, en passant^ (ju'Adatn ft^t créé androgyne. En effet, quelques
jours après, Dieu, frappé des inconvénients de cette fusion et de la com-
paraison blessante qui pourrait Atre fisite avec les animaux inférieurs,
procéda à la séparation des sexes \ l'aide de }*op^r|itiQn qu^l ap çonnsU»
264 SÉANCE DU 21 AVRIL i887.
Ce principe, une fois gravé dans le cerveau, il faut mon'»
trer qu'il est en harmonie avec les faits. Alors, inconsciem-
ment on les torture, on les groupe d'une manière artificielle ;
on montre les routes que les descendaints du premier homme
suivirent pour se répandre sur la terre, les courants marins
qui les entraînèrent jusque vers les îles les plus reculées. Il
n'y a plus de races autochtones, mais des races immigrées,
parties d'un point central que l'on cherche à préciser.
Mais, disent les incrédules, pourquoi ces différences entre
les descendants de Tètre unique créé à l'image de la Divinité ?
Pourquoi la supériorité des uns et l'infériorité des autres?
Pourquoi des savants anthropologistes et des ignorants ma-
nœuvres? Pourquoi des Européens et des Botocudos? Des
Chinois et des Negritos? — C'est Tinfluence des divers
milieux, répond-on. — Bien! Mais cette influence que le Dieu
créateur paraît n'avoir pas prévue, n'a-t-elle pas pu faire
d'un Bochiman un gorille ou un chimpanzé? Et de dégéné-
rescence en dégénérescence, de dégradation en dégradation,
n'arrivez-vous pas par un transformisme au rebours, à faire
descendre tous les animaux de l'image de la Divinité ?
Pour répondre à cette objection embarrassante, on a recours
à un critérium : L'homme, si dégradé qu'il soit, se distingue
de la brute par la Religiosité. Ce critérium, qui ne figure pas
parmi les vérités révélées, d'où peut-il provenir? Nous le
trouvons parmi les preuves morales que les Pères de l'Eglise
ont données de l'existence de Dieu. Car les incrédules sont si
pervers, qu'il a fallu, malgré l'affirmation suffisante de la
Bible, leur fournir des preuves qui établissent que cette divi-
nité existe réellement.
« Le consentement unanime des peuples sur l'existence de
Dieu », voilà le second principe imprimé sur les cellules céré-
brales de nos savants chrétiens. Alors, ils se mettent enquête
de tous les faits qui, plus ou moins torturés, arriveront à le
confirmer. Le plus grossier fétichisme devient de la religiosité,
et si les observateurs ne l'ont même pas trouvé, c'est qu'ils
ont mal cherché. Les incrédules répondent que cette préten-
FAUVELLE. — DES CAUSES D*ERREUR EN ANTHROPOLOGIE. 265
due religiosité n'est que la crainte de Tinconna, conséquence
de l'ignorance, que les animaux n'en sont pas exempts^ et
qu'ils éprouvent une crainte superstitieuse pour des objets
qui, accidentellement, leur ont nui. Ils ajoutent que beau-
coup d'hommes instruits ne présentent pas cette religiosité,
parce que leur connaissance exacte des choses leur enlève
toute crainte chimérique. Mais cette argumentation reste sans
effet; les souvenirs du jeune âge persistent; et Ton sait que
les vieillards les conservent jusqu'à la mort, à l'exclusion de
tous autres.
Ainsi, l'idée du Règne humain et les preuves que Ton pré-
tend en donner, ont leur origine dans les dogmes ; la science
y est étrangère. On la fait intervenir a posteriori, afin qu'elle
fournisse son appui, aujourd'hui indispensable pour faire
accepter toute opinion sur les choses naturelles.
A défaut des croyances religieuses, l'erreur nous vient de
la Philosophie que l'Université impose à tous ceux qui reçoi-
vent l'instruction dite classique. Elle pourrait être définie, la
science des superstitions, et c'est surtout à propos de celle
de l'existence de l'âme qu'elle déploie toutes les beautés de
sa dialectique.
Je sais bien que nous nous en détachons de plus en plus, au
fur et à mesure que nos connaissances s'étendent davan-
tage. Il en reste néanmoins là fâcheuse opinion que l'étude de
rintelligence est pour le moment au-dessus des forces de la
science anthropologique. Je n'en veux pour preuve que l'es-
pèce d'indifférence avec laquelle ont été accueillies les diver-
ses communications que j'ai faites à ce sujet. Je dis indiffé-
rence parce que je ne veux pas supposer que c'est une crainte
superstitieuse qui a été la cause de cet accueil silencieux.
Quoi qu'il en soit, cette lacune, que^ malgré mon isolement
et l'insuffisance de ines moyens, j'essaie de combler, a donné
une apparence légitime à l'intervention des philosophes, je
ne dis pas dans nos travaux, car ils semblent les fuir pour
éviter toute discussion, mais dans l'anthropologie en général.
Enhardis par notre timidité, ils prétendent allier, sous le
266 SPANGE PU gt AYmi 1887.
noin i^ p§iicholopeph^iiologiq\^e, la superstition de. Tl^ld àl^t
physiologie du système nerveux, et neutre^liser ainsi, en se
les appropriant, les découvertes récentes, qui viwn^ut la
battre en brèche. Ces connaissances nouvelles, résultats de
l'observation et de rexpérimentation, occupent URe la^'ge
place dans leurs ouvrages, qui sont çqnstpllés dç figuras
d'an^tomie microscopique, empruntées aux traités spéciaux.
Plusieurs antbropQlogistes se sont If^issé prendre à ces
trompe-rœil, et ils ont accueillt leurs «auteurs comme (Je vér
ritables savants.
Je me suis trop étendu, dans une récente communication
(voir séance du il février 1887, p. 119), sur la psychologie
physiologique pour y revenir aujourd'hui. Ou y substitue
à l'âme la force nerveuse; c'est Tanimisme du moyen âge 1^^-
bille à la moderne , et pas autre chose.
Mais, dira-t-op, les philosophes sont des hommes coipmc
nous qui cherchent la vérité. — C'est une erreur complète.
Ils ne cherchent pas la vérité ; i}s croient la posséder par
principe et s'efforcent de nous imposer leurs croy^^nc^s. A
leur contact, on ne peut quo perdre la notion ^& la uiéthode
féconde qui a fait la science ce qu'elle est aujourd'hui.
Je dirai plus, ce ne sont p^s des hommes comme nous. En
effet, il faut véritablement une organisation cérébrale spé-
ciale pour concevoir tout ce fatras d'idées hétéroclites, tra-
duites dans un langage non moins bi^rre- Que peut signifier
pour nous ce qu'en psychologie physiologique on appelle :
l'observation et l'expériuîentation internes, les liaisons aper-
ceptives, l'efficacité unissante et décon^posante de l'aperçep-
tion, l'agglutination et la fusion aperceptives, 1^ forçuation
des concepts? Lorsqu'on cherche ^ déç}iiffrer ccjs hiérogly-
phes, on reste confondu de Tinanité de toutes ces élucubra-
tions qui n'ont d'analogue n^lie p§rt M\\s 1^ nature et sont
évidemment le produit de cerreanx ma) équilibrés.
Si la philosophie correspondait à la norms^le de rintelU-
gence humaine, depuis tant de siècles qu'elle eat imposée â
tous ceux auxquels on ^istribuQ UR§ jnstructipa plu4 ou
FAUVELLE. — DES CAUSES D*BBREUR EN ANTHROPOLOGIE. 367
mùv^^ coQiplète, elle se serait vulgarisée ; il n'en est rieq : les
pl^lo8opbes sont restés une exception bei^reusement très
rare. Queneus est-il resté, à nous tous tant que nops sommes,
de notre olasse de philosophie? Absolument rien, si ce n'est
le sQuvenir des efforts pénibles que nous nous sommes im-
posés pour en retenir quelques bribes à peine suffisantes
pour satisfaire à Texamen. Un mois après, tout était oublié.
Ge n'est flonc pas un paradoxe de dire que ceux qui font
profession de philosophie ont une organisation cérébrale à
part, nne yéritable difformité.
En disant qu'il ne nous reste rien de notre classe de philo-
sophie, je fais erreur : nous en avons conservé Thabitude
d'appliquer Tépithète de « philosophique » à tout ce que la
science a encore d'obscur et de confus ; en un mot, à tout ce
que nous ne comprenons pas clairement.
Gardons-nous donc d'introduire les philosophes dans le
domaine de la science; leur place est ailleurs. Cherchons à
combler par nous-mêmes la lacune que je signalais tout
à l'heur^, en appliquant nos méthodes à l'étude de Tintelli-
gence.
L'éducation religieuse, qui nous a tous imprégnés plus ou
moins profondément, a disposé certains d'entre nous à croire
à l'intervention de forces particulières que nous admettons
sans les comprendre. D'autre part, par une réaction toute
naturelle, ceux qui craignent de tomber dans cette espèce
de fétichisme, se refusent à établir entre les fî^its scientiflqucs
les relations nécessaires pour en expliquer la succession.
L' erreur est dans les deux camps. L'esprit soi-disant positif
des derniers arrête les progrès de la science ; car elle n'a pas
seul^paept pour but la constatation des faits, niais encore la
rechefcbe de leur enchaînement. Se limiter à la première
partie de sqn çpuvre, c'est réduire le rôle de savant à celui de
collectionneur de timbres-poste.
D'autres arrivent au môme résultat négatif pour des motifs
différents. Considérant la vie comme quelque chose de tout
à fait spécial, qui n'a rien de commun avec les propriétés
268 SÉANCE DU 2i AVRIL 4887.
physiques et chimiques des corps inorganiques* ils refusent
de reconniutre, dans les phénomènes vitaux, les manifesta-
tions des forces qui animent la matière en général.
Un exemple entre mille. On a observé dans ses détails les
plus intimes la multiplication des cellules, mais il n'est venu
à Tesprit d^aucun des embryogénistes, qui en ont fait une
étude spéciale, d'y voir un phénomène de gravitation. Il est
pourtant bien naturel, quand on est familiarisé avec la phy-
sique, de supposer, d'admettre môme que, lorsqu'une cellule
a acquis par nutrition un volume qui dépasse la force attrac-
tive du noyau, celui-ci doive se diviser pour former deux nou-
veaux centres d'attraction qui se partageront la masse moins
dense du protoplasma environnant, c'est à cette seule condi-
tion que la nutrition, ou laccumulalion des molécules, pourra
continuer à se produire.
Personne n'a eu non plus Tidée d'émettre l'avis que la diffé-
renciation qui se produit dans les cellules des trois feuillets du
blastoderme est encore un phénomène d'attraction, par lequel
les substances nerveuses, contractiles et autres se groupent
entre elles de manière à former des cellules spéciales qui doi-
vent fonctionner, chacune suivant les propriétés 'de la matière
qui la compose. L'afQnité, seule également, peut expliquer
pourquoi les cellules nerveuses envoient aux éléments épi-
théliaux, musculaires et glandulaires, des prolongements qui
s'allongent au fur et à mesure que ces éléments s'éloignent
par le développement de l'organisme.
C'est aussi cette répugnance à faire intervenir les forces
physico-chimiques dans les phénomènes vitaux qui fait qu'on
laisse irrésolus les problèmes de la limite de croissance, de
la sénilité, du sommeil et tant d'autres, dont on cherche en
vain la solution dans les ouvrages de physiologie les plus au
courant de la science. Qu'arrive-t-il alors? Les philosophes
s'en emparent et, pour montrer notre infériorité, en donnent
l'explication à l'aide de leurs conjectures superstitieuses.
Si Ton ne pense pas à voir dans la vie une manifestation,
sous une forme spéciale, de l'énergie qui anime toute ma*
FAUVBLLE. — DBS CAUSES d'eRRBUR EN ANTHR0P0LCM3IE. M9
tière, par contre, on nliésite pas à admettre Inexistence de
forces imaginaires pour expliquer certaines successions de
phénomènes, tels que ceipc qui caractérisent Vhét*édîté.
Je me suis expliqué assez longuement, Tannée dernière^
sur ce sujet (voir Bulletins de 1886, p. 54) pour ne pas y re-
venir. Je me contenterai d'en reproduire les conclusions : « 11
n'y a de véritablement héréditaire que les caractères anato-
miques des éléments cellulaires constitutifs et leurs diverses
propriétés. Ces caractères et ces propriétés se transmettent
de génération en génération par les cellules reproductrices,
qui en contiennent tous les principes. Quant à la forme,
elle est le plus souvent le résultat de Taction des agents
extérieurs. »
D'autre part, en étudiant les effets de Y imprégnation {ibid.^
p. 170), j'ai démontré que, si les cellules génitales s'isolent
de très bonne heure dans l'épithélium germinatif, alors que
le développement embryonnaire est encore à son début, elles
subissent les mêmes vicissitudes que Têtre dont elles de-
viennent une enclave jusqu'à leur émission, vicissitudes qui
sont le résultat de Tinfluence du milieu. C'est ainsi que se
perpétuent de génération en génération les caractères ances-
traux avec toutes les modifications que le milieu ambiant
leur a fait subir.
Depuis, les recherches de M. A. Gautier, professeur de
chimie à la Faculté de médecine, publiées dans V Hommage à
M. Chevreul (Alcan, 31 août 1886) et que j'ai signalées dans
la séance du 16 décembre 4886^ sont venues confirmer la .doc-
trine que je viens de résumer. Elles établissent en effet que le
milieu, dont l'action est incessante, amène les variations et
par suite les transformations qui en sont la conséquence,
en modifiant la composition chimique des principes immé-
diats des animaux et des végétaux.
L'hérédité dépend donc, en somme, de la constitution chi-
mique des principes immédiats contenus dans l'œuf fécondé
et qui, plus tard, s'isoleront et se multiplieront pour former
l'organisme humain, constitution chimique dont leurs pro-
270 SÉANCE DU 21 AVRIL 1887.
ptiétés physiologiques sont la conséqtiéttce. Il n'y a donc 1&
rien de ttjy&tôrieux, maïs des phénoinèbes simplement ana-
logues à ceux qnë présehte la matière iâôrgahiqUé.
Que dirai-je que je U'aie déjà dit et répété plusiéuf^ tbis
dans cette enceiute sur la prétendue force atavique et qui iiè
«oit implicitement Compris dans la notioto de ITiôrédité, telle
que je viens de l'exposer ?
Il est bien clair qu'il rie peut y avoir retout d'uli Cafaclêre
ancestral disparu que dans deux circonstanciés i !• él, la (ton-
etitution chimique des principes immédiats i^estànt Ihtacte,
leurs propriétés ont été tnasquées plus ou moius longtferiips
par des circonstances qui tiennent & disparaître à hh iho-
ment donné ; 2" si cette constitution chimique, tnodîflëe pab
des circonstances de milieu, vient à être rétablie pa^ d'autres
influences.
Dans ce dernier cas, il ne peUt y avoir atavisme, puisque
l'ancêtre n'est pour rien dans Id réapparition des caractères
qu'il présentait ; il y a ressemblance accidentelle avfec lui par
variation ou transformation, et pas autl'c chose.
L'atavisme n'est réel que dans la première hypothèse, fear,
alors, le lien entre l'ancêtre et son descendant n'a pas été
rompu. Or, le plus souvent il est très difficile, Si ce n'est im-
possible, de prouver cette continuité. Parmi les exemples
d'atavisme réel ou apparent accumulés par Darwin et ses
successeurs, je île vois de suffisamment établi que le retour
de la teinte gris ardoisé de la Columba li\)ta sur le plumage
de ses descendants transformés, et quelques autres faits
analogues. On doit, en effet, supposer que la substance 6hh)-
matogène était tellement diluée chez les individus à plumage
modifié, qu'elle ne pouvait plus produire son effet habituel
et qu'il a fallu l'addition, par croisement, d'une nouvelle
dose de cette substance pour lui permettre de se manifester.
Si l'on applique le Uom d'atavimie à la ressemblance du
petit-fils à sort aïeul, par disparition d'une variation acciden-
telle, il est beaucoup plus fréquent, comme je l'ai établi à
propos de l'imprégnation. Mais ce n'est généralement pas à
FAUVELLE. — bfeé CAbSfeS n*ÉRRÊUli fe!f ANTHROPOLOGIE. 2tl
ee retour à bref délai ^Ue Ton ^ipplique le mot en questioti.
En tous cas, il n'y èk jfttnâis ■iulertention d'une force oc-
culte.
Si la médecine était reliée pltis étroitement à Tantbropo-
logie, Ce Serait Toccasion de montrer combien les supersti-
tionà et les ^réjugfis ont introduit d'erreurs dans kl théra-
peutique, depuis les pilules de tntûû pants Jusqu'aux moelles
de làpln ; mais la médecine est ûti ^rt et les arts ne viTcnt
que dé fictions. Je tne tais, pour he pas blesser ceut de nos
boUèffueé l}tii sont médecins et désillusionuer ceux (}ui ne le
sont pas.
Il me reste h parler d^une autre cause d*erreur, commune
à toutes les scietices^ mais particulièrement f&cheuse pour
celles qui,- comme l'anthropologie, sont à leur début. C'est
de l*engouement qu'il s'agit. Par moments, les savants s'ett-
thousiasment pour Certaines questions qui avaient d'abord
|)anl très simples et faciles à résoudre. Puis, si des difficultés
imprévues sttrgisseut^ si les résultats immédiats tle répon-
dent pas à Tattente générale, on abandohne la partie, et le
progrès entreVu est rehvoyé à une époque souvent tt*ès éloi-
gnée. C'est ainsi que s'expliquent ces espèces de modes que
Ton volt pArattre et disparaître, lorsque l'on considère la
marche des sciences pendatot une période suffisamment éteu-
due. Je he citerai qu'un exemple, mais son actualité le i*end
particulièi*ement intéressant.
Il y a bientôt trente ans, Broca démontra que, contraire-
ment à l'opinion de Retzius, les races humaines primitives
de l'Europe occidentale étaient dolichocéphales et que la
brachycéphalie n'était apparue dans nos régions qu'à la suite
d'une invasion venue de l'Orient. Cette découverte, d'une
^importance considérable, a été le point de départ d'un mou-
vement énergltî^e veH l'anthropométrie et spécialement vers
les mensurations crâniennes. On crut qU'àVaide de mesures
exactes et suffisamment multipliées on allait résoudre le
problème de Torigine des races hutnaines et qu'on serait
bientôt en mesmre de préciser les points du globe où chacune
272 SÉANCE DU 21 ATBn. 1887.
d'elles a pris naissance, pour les suivre ensuite, comme à la
piste, dans leurs migrations plus ou moins lointaines.
Pendant vingt ans, ce fut une fièvre généraie due, en
grande partie, à llmpulsion vigoureuse de Broca. Les mu-
sées s'enrichirent de collections précieuses. Les bulletins des
Sociétés d'anthropologie, qui se fondèrent à l'exemple de la
nôtre, furent remplis d'observations nombreuses et détaillées.
Les voyageurs déployèrent un zèle au-dessus de tout éloge.
En un mot, chacun voulut apporter sa pierre au monument
qui allait s'élever. Alors parurent, prématurément, des ou-
vrages dans lesquels on cherchait à coordonner tous ces
éléments. C'est ainsi que l'on vit surgir les Cranta ethnica,
les Cranta britannica et les Cranta helvettca. Puis, peu à peu,
le zèle se ralentit ; les plus ardents portèrent leur activité
dans une autre direction. A l'enthousiasme de la première
heure succéda une espèce de découragement.
Il est vrai que le grand architecte, sur lequel on comptait,
a disparu depuis bientôt sept ans, sans avoir même pu dres-
ser les premiers plans de Tédifice que son intelligence avait,
sans doute, conçu et que, par sa volonté énergique, il fût
parvenu à construire. Quoi qu'il en soit, les matériaux restent
là épars, et la solution du problème de l'origine des races
humaines semble renvoyée à une époque indéterminée.
Je n'ai aucune prétention à la compétence en cette ma-
tière ; mais, de l'étude que j'ai faite de toutes les mensura-
tions crâniennes publiées dans nos Bulletins et dans la Revue
d'anthropologie jusqu'à la mort de Broca, il est résulté pour
moi la conviction que, si l'engouement primitif était exagéré,
l'espèce de découragement actuel n'a pas sa raison d'être.
Voici, du reste, quelques-unes des impressions que ce travail
m'a laissées.
L'étude des races humaines doit nous donner deux résul-
tats principaux : l'origine de ces races, ,puis leur classement
suivant leur degré d'évolution. Pour atteindre ce double but,
l'anthropométrie, prise isolément^ est insuffisante ; elle doit
s'aider, d'une part, de la linguistique et, de l'autre, du dé-
FAUtELLE. — DBS GAVHE8 d'bRRBUB BN ANTHROPOLOGIB. 273
veloppement intellectuel, dont l'industrie est la plus impor-
tante manifestation.
Pour la solution du premier problème, la craniométrie a
une importance indiscutable. En effet, il est hors de doute
que Tellipse que forme le crâne est allongée dans certains
groupes humains et raccourcie dans d'autres. Ce caractère
est héréditaire et ne se modifie que par un croisement entre
les deux types. Mais, pour bien apprécier la dolichocéphalie
et la brachycéphalie, il me semble qu'avant tout il serait né-
cessaire de se rendre compte de la cause de celte différence
de forme. Sans avoir la prétention de traiter incidemment
ce problème difiiciie, je vais essayer d'indiquer le sens dans
lequel les recherches devraient être dirigées.
Pour constater la dolichocéphalie et la brachycéphalie, on
cherche le rapport qui existe entre le diamètre longitudinal
maximum et Je diamètre transversal également maximum.
C'est donc le sens du développement des hémisphères céré-
braux qui décide de la forme du crâne. Or, ces hémisphères^
malgré leur importance physiologique, ne sont pas des or-
ganes fondamentaux. Dans la série phylogéniquè^ comme
dans Tontogénie, ils sont les derniers venus. 11 en est de
même des os de recouvrement d'origine cutanée qui les pro-
tègent. Leur formation et leur fusion sont tardives, et ils
suivent passivement le développement des organes qu'ils
doivent défendre contre les chocs extérieurs. On se trouve
donc amené à rechercher quelle est la cause qui dirige, dans
un sens ou dans l'autre, l'extension du cerveau proprement
dit. Elle réside nécessairement dans la portion intra-crâ-
nienne de l'axe médullaire, qui correspond aux trois vési-
cules cérébrales primitives, ou mieux, dans la base du crâne
qui continue la colonne vertébrale. Cette base a une origine
tout autre que les os de revêtement: d'abord membraneuse,
elle.se transforme, au deuxième mois de la vie intra-utérine,
en ime masse cartilagineuse dans laquelle apparaissent plus
tard des points d'ossification, dont l'extension peut varier
suivant les races. C'est là; je pense, le point important. C'est
T. X ^3« 3ÉRIE). 18
donc lirie IJuesttoh d^fembr^ogétiie conlparée éiitré les Hcts
brachycéphales et les races dolichocéphales. Mats là conipa-
ralsbrt ne doll pas s'dtrêlet à la vîfe idlra-iiléHne ; feUc doit
Hvd poursuivie jusqu'à Tâge adulte pour bîeii préciser le
bioment oîi la Tohnc du cràrie deVicnl dèflHUlve. Plusieurs
de nos collègues ont, A diirerscs teprlsbs, signalé la nécessité
de ces dernières recherchés ; ttiàis je ne pensfe ^âs Qu'elles
aient été e:fcécutées d'une thanîêbe sérteiise.
Ces considératiohs donnelil de l'iiliprfrlance à des dia-
hiêtres crâniens restés jusqu'ici sur le secohd plah; je Veux
parler des diamètres bi-thasloïdien, bi-BUsaurlculairè et an-
*e'ro-poslérieur inla^uè, dottt les ëxlrémtiés limitent al}proxi-
mativement la base dd crâne formée par le cartilage primitif.
Il y aurait, bkl effet, intérêt à coiiîparer l'indice céphalique
ordinaire i celui fourni pàt* le rappoK entre le diamètre
aniéro-|3ÔstébieUr înlaque et le bi-susailHculalre, le Ji^emier
poUvaiit élre modifié par les différences individuelles si hom-
breuscs dans les groupes ethniques civilisés, telles, par
eî^cniple, que le dévélôppbH\èrit des bosses pariétales, qui
peut transforme^ eh brachjxéphàllè une dolichocéphalié prî-
rtiillVe ou de ràbe.
Ld forttle du fctâne ISlant bien déllhlé, son origine bleu
établie et toute catise d'et-reUr écartée, là première chose à
faite, b'csl de coristaler l'état afeltiel et, pat conséquent, de
dresser lirte cattfe de la distribution de la dolichocéphalié et
dd la brachVcèphalle dans les diverses parties de la terre
habitée. C'est ce (Ju'a bien compris notre collègue !l. Col-
llgrtoh ; aussi seâ recherches faites en France et en Tunisie
ôht-elles, â mon avis, une grande itnporlance.
ta stihàtlon actuelle une fois précisée, H faudrait procéder
de la même manière pour les ^ophlations disparue^ en les
classdtit â^e ^àr âge, depuis les lenàps préhistoriques les plus
rbCiilés jtist^u'â hos jours. On utiliserait ainsi tous les maté-
riaux accumulés, et tous les efforts tendraient h les complé-
ter. C'est alors seulement qu'uh travail d'ensemble sur l'ori-
gine des races humaines pourrait être tenté avec espoir de
DISCUSSION SUR LES CAUSES D'ERR^R EN ANTHROPOLOGIE. 275
succès, en s'aidaùl naturellement, s'il est nécessaire, des
données anthropométriques, comme aussi de la linguistique
et de rindttstrie.
Je nlnsisle pas ; U nie suffit d'avoir signalé les erreurs
d'appréciation et de méthode causées par l'enthousiasme de
la première heure et les conséquences fâcheuses qu'elles ont
entraînées.
En résumé, de la série d'erreurs que je viens de signaler
et dans lesquelles sont tombés les anthropologistes, nous
devons tiiiîr cet enseignement : q\i'é, dans nos éludes, il faut
écarter toute espèce de préjugés religieux, philosophiques oii
autres, et s'en tenir â la méthode formulée par IP. Bacon:
observer, expérimenter et ensuite induire, s'il est possible.
Discussion.
M. EscHENAUER fait observer à l'orateur qu'il traite un peu
sévèrement les philosophes et la philosophie. Celle-ci a sans
doute commis des erreurs, mais elle n'a nullement méprisé
les lumières de la science. Elle a grandement profité de ces
lumières et c'est grâce à elle que beaucoup de philosophes
modernes sont devenus moins dogmatiques. Les philosophes
ont rendu, eux aussi, d'éminents services à la science qui,
d'ailleurs, ne saurait se passer de l'esprit philosophique.
M. Fauvelle semble vouloir les imiter, car, tout en parlant de
supprimer la pbiJosophîe, il fait lui-même œuvre de philo-
sophe et il n'a rien trouvé de mieux, pour terminer sa disser-
tation, que de citer Bacon, un philosophe s'il en fut.
M. Matbias Duval dit que M. Fauvelle ne doit pas attri-
buer à l'indifférence de la Société le silence qui accueille
généralement ses lectures. Un certain recueillement doit
nécessairement précéder les réponses à des travaux de ce
genre. Mais ces travaux ne sont point perdus pour cela
et M. Duval déclare en avoir profité maintes fois. C'est ainsi
qu'il s'est efforcé, dan» ses cours, de résister à la tendance
. qu'il avait à se servir du terme philosophiques pour qua-
276 SÉANCE DU 2i AVRIL 1887.
lifler des idées qu'il préfère appeler simplement générales,
M. Duval ajoute que la philosophie dont M. Eschenauer a
pris la défense, a peu d'attraits pour lui, mais que M. Fau-
velle s'exagère peut-être l'influence néfaste qu'elle exerce sur
lesjeunes générations. Il est possible qu'elle constitue pour
l'esprit une sorte de gymnastique utile. D'autre part, M. Fau-
velie semble parfois se faire illusion sur la valeur de l'intro-
duction en biologie des termes de chimie et de physique.
C'est ainsi qu'en attribuant à la gravitation la segmentation
des cellules, il n'explique nullement cette segmentation. Cette
idée, d'ailleurs, se rattache à une idée plus générale encore
admise notamment par le professeur His, à savoir que toutes
les transformations et évolutions des organes embryonnaires
se réduisent, en somme, à des phénomènes mécaniques
explicables par des considérations de mécanique pure, etc.
M. Fauvblle. Je m'explique parfaitement l'émotion que
ma critique des philosophes a fait éprouver à M. Eschenauer,
et je comprends qull ait trouvé des paroles éloquentes pour
défendre les fondateurs des différentes sectes philosophiques :
ils étaient certainement des personnages marquants. Mais,
s'ils avaient une intelligence supérieure à celle de leurs con-
temporains, ils ont aussi beaucoup trop présumé de leurs
forces. Considérant soit l'homme, soit l'univers dans leur
ensemble, ils s'en sont fait des idées générales qui ne repo-
saient que sur des données très vagues, sur de simples
conjectures ; ce qui ne les a pas empêchés de présenter leurs
conceptions comme des réalités et comme des principes
fondamentaux. Mais alors, pour y rattacher tous les faits^ ils
sont tombés dans ces subtilités étranges, exprimées dans un
langage non moins bizarre et que j'ai signalées dans ma
communication. Ils sont partis de l'inconnu pour se diriger
vers la connu, méthode absolument opposée à celle pratiquée
par les sciences qui procèdent du connu. Il est vrai que Fr.
Bacon dont je préconise ie précepte^ est rangé parmi les phi-
losophes ; mais à cette époque ce titre s'appliquait à tous
les savants en générai, tandis qu'aujourd'hui il y a contra-
DISCUSSION SUR LES CAUSES d'KRREUR EN ANTHROPOLOGIE. 277
diolion complète entre les deux noms. Aussi, sans prétendre
mériter le secoàd, je proteste contre l'honneur que mon
honorable collègue croit me faire en m*appliquant le pre-
mier.
Je suis excessivement sensible aux éloges que M. Mathias
Duval a bien touIu faire de mes diverses communications ;
sa haute compétence en double le prix. Mais il n'en est pas
moins vrai que jusqu'ici je suis resté isolé dans mes efforts
pour expliquer physiologiquement les phénomènes intellec-
tuels. Je l'ai aussi entendu avec plaisir condamner la philo-
sophie universitaire, il la regarde néanmoins comme une
utile gymnastique de l'esprit. C'est une erreur ; s'il veut bien
s'y reporter, il reconnaîtra qu'elle est absolument irrationnelle
et qu'elle ne peut que troubler le fonctionnement régulier de
Torgane cérébral. Il en donnelui-môme une preuve saisissante
parla tendance irrésistible qu'il éprouve à qualifier de philoso-
phique la généralisation des faits scientifiques. S'il n'était
hanté par ses souvenirs scolaires, il comprendrait que
l'observation des faits aussi bien que leur généralisation sont
du ressort de la science, et qu'il risque de discréditer la
seconde en lui appliquant une qualification qui ne convient
qu'à des conjectures plus ou moins fantaisistes.
Mon honorable ami trouve qu'en attribuant à la gravitation
le phénomène de la segmentation des cellules, je n'en donne
nullement l'explication. Il est vrai que nous ne connaissons
pas la gravitation dans son essence, mais c'est une forme de
l'attraction qui se rencontre fréquemment dans la nature, et
il y a intérêt pour la science de rapprocher toutes les circon-
stances dans lesquelles elle se manifeste. J'en dirai autant de
TafCnité, tontes deux jouant un rôle important dans le grou-
pement de la matière.
S'il est des physiologistes qui, tels que M. le professeur His
cité par M. Duval, admettent comme principe que tout est
mécanique dans le corps humain, ils méritent d'être classés
parmi les philosophes. Mais il en est d'autres qui observent
et, n'y trouvant que phénomènes chimiques, physiques et
S78 SÉANCE DU %^ AVRIL 1887.
mécaoiques, çittendent, pour y voir autre cbose, que Tobser-
vation et rexpérimentation le leur e^^nt montré.
M. MAifouvRiER. M. Fauvelle semble confondre dans sa ré-
probation, la philosophie et l'enseignement philosophique de
rUniversité. Qr ce sont den^ clioses a]pisolument distinctes.
Si l'Université enseigne une p^l^osophie m^^tphysique, suran-
née, ce n'est pas à Ic^ philosophie qu'il faut s*en prendre,
mais à TUniversité. Si les sciences devaient être rendues res-
ponsables des inepties qui se débitent en leur nom, il fau-
drait les supprimer toutes et, dans ce cas, l'anthropologie ne
survivrait certes pas aux autres. Notre collègue est loin
d'être le premier ennemi de la métaphysique, mais il ne doit
pas igporer qu'il existQ une philosophie positive et scienti«
fique dont le premier principe est précisément la répudiation
de la métaphysique et qui n'admet comme bases que l'obser-
vation et l'expérience. Cette philosophie scientifique, pour
n'être pas enseignée à la Sorbonne, n'en est pas moins vi-
vante et bien vivante. Elle est au courant des sciences, dont
elle ne constitue, du reste, que l'expression la plus générale
sans se confondre avec aucune. Lç meilleur moyen de se
débarrasser de la philosophie ancienne, ce serait d'enseigner
la nouvelle. Beaucoup de savants trop exclusivement can-
tonnés dans leur spécialité y gagneraient sans aucun doute.
Je demanderai maintenant à M. fauvelle la permission de
lui faire quelques observations en échange de celles qu'il
vient d'adresser aux craniologistes. S'il est nécessaire, pour
faire de la bonne philosophie, d'étudier préalal)lement d'une
façon sérieuse les sciences sur lesquelles elle repose, il ne
saurait guère être utile d'indiquer la marche à suivre dans
une science que l'op ne possède point. Avant de parler sur
la craniologie, notre collègue a commencé par déclarer son
incompétence et la suite de son discours n^'a fait penser que
ce n'était pas uniquement par modestie. Il a donc agi, en
cela, un peu à la façon des philosophes de la mauvaise école.
Qpant à ses vues sur l'origine de l'anthropologie et de la
craniométrie, elles m'ont paru au TOoipshajsardées et un peu
DISCUSSION SUR LES CAUSES D*BRR£yR ^ 4NTnR0P0L0GlE. %1^
étrpite^ popr UQ esprit ai philosop)^iqi^^. SI l'on ;*est m^ ^
mesurer le corps fiumain et le cr4ne ei\ particulier, ç*a éi^
dans un but be^^ucouD plus large quq ne le pense ^. Fau-
velle. On a compris que, pour felfe (ip |a crj^niologie scien-
tifique, il fallî^jt sub^titiier au^ obs^ryatioas à vue de ne? des
mensurations précises. La « fîèvr^ » dont a parlé notre col-
lègue et qui n*est nullement calmée e^ atteint, compie Broca,
tous CQU^ qui préfèrpn( l'o^SQrvat^on Qt re^péripçntatiqi) à
l'inspiration pure, çp craniologie comnie aijleurs. M. Fs^n-
velle nous a parlé d*un travail intéressant qu'il a à fajre. Il
va sans doute se mettre h To^uvre et mesurer à son tour. Je
souhaite fort qu'il entreprqane le travail en question, ne f<it-ce
que ppur se convaincre de la différence qui existe entfe qnp
vue en l'air et une opération scientifiaue.
M. Fauvelle. m. Manouvrier s'étonne que, tout en recon-
naissant que je pe me suis jamais livré £(ux mensurations
crâniennes et qup par copséqijent j^ n'^i p^? sa compétence
en la matière, j'ai cru pouyoir présenter quelques yues cri-
tiques 3ur ce sujet. Je copaprpdrais son émotion, sn'avais
contesté Tei^^çtitude des chiffras obtenus par la craniométrie,
et si, pour en parler, je f^ç f^'étais Uvfé à aucune étude préa-
lable. ^e^e p'apas été p^^ i^anièrp 4e procéder. 4V d'abord
commencé par me rendre compte de l'état de la question ;
pui3, const^tap^ l'espèce de temps d'arrêt que subit la re-
cherche des pagines des races humaines, j'ai voulu en péné-
trer les causes. Cettp conduite es^je pense, parfaitement
correct^. I^Iaintenaiit devais-je garder mes oJ)servationspour
moi?Çert^li^emept non. Mon devoir strict était de comn^u-
niquer ^ la Société mes remarques à ce sujet, surtout parce
qu'elle^ résultaient de l'étude minutieuse de ses travauiç.
C'es|i ainsi qpe j'ai été amené à dire que pour légitinjer
l'importance 4® fa c^apiométrie, importance que je ne pie
pas du reste, j) aurai|» fa}!^ 4'a'^^''4 rechercher l'origine
em^^fyppf^ajfe dç 1^ br^cbyc^phalie et <|e la dolichocéphalie.
C'est, ajputQ notre excellent collègue, plus facile à dire qu'^
faire. C-est vfai ; paais il est jeune e^ il ^ à; sa dispositiop uq
S80 SÉANCE DU 21 AVRIL 1887.
laboratoire où tous les travaux anthropologiques sont pos-
sibles. Et puis, cette idée que je livre à la publicité, peut être
bien accueillie ailleurs et séduire quelque embryologiste.
Au sujet de la comparaison à faire entre l'indice iniaque
et rindice céphalique ordinaire, M. Manouvrier m'engage à
présenter un travail à ce sujet. Je ne m*y refuse pas, mais il
me permettra de prendre mon temps pour cela.
Quant à la méthode que j'indique pour la recherche de
l'origine des races humaines, libre à lui de la critiquer ; je
verrai à répondre à ses objections.
Enfin, si l'on prenait à la lettre ce que vient de dire notre
excellent collègue, pour se permettre de parler craniométrie,
il faudrait avoir, comme lui; mesuré plus de 6 000 crânes.
Ses paroles m'étonnent et ne cadrent guère avec son libéra-
lisme bien connu.
M"« Clémence Roybr. Gomme plusieurs de nos collègues,
je crois qu'en effet M. Fauvelle fait de la philosophie, sinon
sans le savoir, ce qui est dangereux, du moins sans vouloir en
convenir, parce que, de nos jours, la philosophie est mal
portée, que c'est une mode très répandue d'affecter de n'en
point faire. C'est peut-être une réaction légitime contre l'abus
qu'on en a fait. N'en point faire est impossible. Nul n'échappe
aux lois de la pensée plus qu'aux lois de la nature ; et en
dehors des lois du raisonnement, nul ne saurait raisonner
qu'à la condition de déraisonner. On ne peut joindre un
attribut à un sujet sans faire de la métaphysique, toujours
impliquée dans la grammaire la plus élémentaire et dans les
catégories du langage. C'est pourquoi, puisque la philosophie
s'impose ainsi à notre pensée, comme le code qui la régit,
vaudrait-il mieux en faire de son plein gré, sachant qu'on en
fait, pour la faire aussi bonne que possible. Car si Ton en fait
sans le savoir et sans le vouloir, il y a toutes chances pour
qu'on la fasse mauvaise et qu'on retombe dans tous les erre-
ments élémentaires qu'on a tant reprochés aux philosophes.
Les protestations de M. Fauvelle montrent qu'il a gardé ran-
cune à cette sorte de philosophie qui seule est admise dans les
DISCUSSION SUR LB8 CAUSES d'eREBUR EN ANTHROPOLOGIE. 961
programmes universitaires. Il semble croire qa*il n*en est point
d'autre qui vaille mieux, ce qui a lieu de me surprendre.
Encore vaut-il mieux, peut-être, avoir étudié celle là que de
n*en avoir étudié aucune et de ne s'être jamais demandé
comment on pense et comment il se fait qu'on pense.
Mais je suis surprise surtout du dédain de M. Fauvelle pour
la logique, et surtout pour la logique déductive, qu'il semble
croire scientifiquement impuissante. Refuserait-il donc le
nom de science aux mathématiques qui sont essentiellement
déductives ? Ce serait emporter du même coup toute la phy-
sique, toute la mécanique, toute l'astronomie moderne, avec
ce qu'il y a de meilleur dans la chimie et peut-être fermer
d'avance la porte aux progrès futurs de la physiologie. En
réalité toute science qui est arrivée à formuler des lois
devient par cela même déductive.
Je sais bien que cette impuissance de la logique a été sou-
tenue même par de^ esprits éminents ; que Stuart Mill, entre
autres, en a fait son cheval de bataille, sans paraître se douter
que tous ses arguments contre la déduction étaient purement
déductifs, comme toute argumentation l'est fatalement. Des
Allemands, avant lui, se sont targués de renouveler la logique
d'Aristote et de la prendre en défaut. Us ont cru faire dans
Tesprit humain de nouvelles découvertes en multipliant les
formes du jugement, en supposant qu'entre l'affirmation et
la négation il y avait une catégorie nouvelle de limitation.
Je sais bien que des Français, à leur exemple, ont tenté la
synthèse de la thèse et de Tantithèse. Malheureusement il y
a dans tout cela plus de mots que d'idées, et des idées inven-
tées pour remplir les mots qu'une déplorable facilité de con-
struction de nos langues permet de créer sans autre besoin que
celui de la symétrie grammaticale. Il n'y a, en réalité, qu'une
forme de proposition on de jugement: l'affirmation, puisque
toute négation peut être mise sous la forme affirmative en la
faisant tomber sur un attribut négatif. Dire qu'une chose est
non carrée revient exactement à dire qu'elle n'est pas carrée,
e'est-à-dire peut être de toutes les formes, excepté carrée.
28i SÉAIJGE DU %\ AVaiL 1887.
En cela donc tout jugement, affirmatif ou négatif, est aussi
limitatif, puisqu'il enferipe le sujet da^s les limites çlV^fl
catégorie définie.
Si donc M. Fauvelle a des rancunes contre |a ^ogique, c'est
sans doute contre cette logique nouvelle qui ne sert qu'à
jeter beaucoup de trpqble (îans Tesprit, en obscurcissant
ce qui est clair, et con^pliquant ce qui est simplp ; mais je 1^
soupçonne de n'avoir jamais fréquenté directement ni le texte
de ïOrganon, ni même notre vieux Port-Royal qui en est Je
commentaire ; car il y aurait appris qvie le danger de rai-
sonner avec des mots, au lieu de raisonner directement avec
des idées, c'est de tomber dans des sophismes ve^'baux, et guç,
parmi ces sophismes, il en est un qui consiste à conclure d^
l'espèce auçenre çtdu particulier au général. Or, c'est jus-
tement ce qu'il vient de faire en concluant d'une espèce par-
ticulière de philosophie, de celle qu'on enseigne à la Sor-
bonne, à la philosophie en général, qui n'^st pas plus comp-
table des erreurs des philosophes que chaque science n'est
comptable des erreurs des savapts qi^i la cultivent. P.arce
qu'on a cru longtemps que le soleil j,ourpait autour de |a|,erre,
il ne faydr^it pj^s nier l'astronopiie ; et l'anthropologie n'est
pas responsable du dogme qui fais$iit naître Eve d'une côte
métamorphosée d'Adam^ et qui^ cependant, fut son point de
départ primitif.
Jusqu'ici nous ^vons eu autant de philosophies que de phi-
losophes. Tel est le sort de toute sçienc^, à ses début?, d'ad-
mettre toutes sortes d'hypo^Jxèsçis contradictoires, jusqu'^ ce
que, à force de se contredire, elles se détruisent les i^nes les
autres et fassent naître la seule vraie d'une observation plus
complète des faits. Il en sera de même de la philosophie, qui,
bien que la première commencée de toutes les sciencp, ne
peut être achevée que la ç}ef n|ère, parce qu'elle doit les résu-
mer toutes.
Quant à cette partie 4e la philosophie qui s'appellç la lo»
gique et qui n'est que la règle de l'entendement, c'est la
mieux connue, la plus ancienpement fondée. Si -Aristqtq l'^
DISCUSSION SUR LBS CAUSES d'eBREUH m ANTHROPOLOGIE. ^8^
déjà codifiée, il n'a pas été le premier à en découvrir les lois
qu'il a formulées surtout contre Técole des sophis^s. C'est une
grande erreur dejcroire qu'il n'ait point connu rinduetion,
qu'il a t^t de fois mise en pratique dans ses livres d'histoire
naturelle, et Bacon lui-même ne s'est point targué de l'avoir
inventée. Il savait trop bien'qu'elle n'était qu'une forme du
raisonnement épagogique, qui, de la série complète des juge-*
men^ particuliers, tire une proposition générale.
Bacon a seulep^^nt constaté que ce^te énumératîon com-
plète desjugements particuliers étant impossible, dans la'p[u-
part des cas, il suffisait d'un certain nombre de ces jugements
pour conclure upe proposition générale dont la probabilité
augmente avec leur nombre et leur évidence : c'est-à-dire
que Bacon a par là codifié l'hypothèse, que l'expérimentation
€jt l'observation doivent ensuite vérifier, mais qui devient
évldpn^e seulement (orsque, dans la série çies vérifications,
serepqontfe une proposition générale, un axiome qui permet
d'en conclure la preuve déductive. Car, bien contrairement à
ce que pense M. Fauvelle, il n'y a réellement que la déduction
qui prouve, et dans la déduction la conclusion vaut toujours
ce que valent les principes. Elle est juste s'ils sont justes;
elle est fausse^ s'ils sont entachas d'erreurs ; et tout principe
n'est en réalité qu'un jugement analytique, c'est-à-dire l'af-
firmation d'un fait.
Toute science qui part des faits et de leur observation est
donc déductive et essentiellement constituée par une série
de déductions. C'est pourquoi les plus parfaites et les plus évi-
dentes des sciences seront toujours les mathématiques, et que,
môme les sciences naturelles, empruntent aujourd'hui toute
leur évidence aux relations mathématiques qu'elles réussis-
sent à établir entre les faits] et qui, dès lors, prennent la
valeur de lois, c'est-à-dire d'axiomes ou de principes géné-
raux dont on peut ensuite déduire d'autres faits particuliers.
C'est là, en somme, la doctrine de^Bacon, celle du Novum
Organim,
Seulement, dfins le cas où l'on prewd pour axiomes des prin-
984 SÉAKCB DU 21 AVRIL 1887.
cipes imaginaires, des affirmations erronées, des jugements
contradictoires, on arrive, déductivement, à des conclusions
fausses dont la logique n'est point comptable, mais seulement
ceux-là qui ont été de mauvais logiciens, en cela qu'ils ont
commencé par faire des inductions fausses et par prendre pour
des axiomes des hypothèses non prouvées et parfois de sim-
ples faits imaginaires.
La philosophie, une fois débarrassée de ces faits imagi-
naires, de ces hypothèses imprudentes dont la fausseté est
aujourd'hui démontrable, peut devenir une science exacte,
une science déductive comme les mathématiques, si elle a le
soin d'emprunter ses principes aux lois de la nature démon-
trées par la science ; mais elle aura toujours à se garder des
sophismes verbaux qui consistent à prendre chaque terme en
divers sens dans les propositions syllogistiques, à raisonner
sur des termes mal définis, à tirer d'un jugement autre chose
que ce qu'il contient, et enfin à conclure affirmativement de
jugements ou de faits qui sont encore contestables.
Si la philosophie enfin avait toujours respecté les lois de
la logique déductive^ elle ne mériterait pas les dédains de
M. Fauvelle et les défiances de tous ceux dont elle a abusé la
jeunesse ; elle serait restée la lumière directrice de la science,
sa synthèse totale à chaque époque. Nous ne verrions pas
tant de gens faire, malgré eux, de la philosophie sans le
savoir et la faire mauvaise, si, à la Sorbonne, on s'était con-
tenté, en attendant mieux, d'enseigner la logique, sans la-
quelle il n'y a point de science.
Si, au contraire, on l'avait supprimée de nos programmes
universitaires, n'est-ce point précisément pour cela qu'elle est,
avant tout, le Verbe éternel qui éclaire tout homme en ce
monde, quand la parole ne la trahit pas jusqu'à la faire men-
tir; et qu'elle a surtout cette vertu de démêler le faux d'avec
le vrai dans .les arguments sophistiques des docteurs les plus
officiels.
M. Pauvelle. Si j'ai bien compris le langage philosophi-
que de M"* Clémence Royer, tout en accordant une impor-
DISCUSSION SUR LES CAUSES D'BRREUR EN ANTHROPOLOGIE. 285
tance réelle à rinductioii; elle pense que la déduction a aussi
du bon et qu'il ne faut pas la rejeter. Je ne vois vraiment
pas comment on peut allier deux manières de raisonner abso-
lument contraires. La méthode syllogistique ou des déductions
part d*un principe général supposé connu, pour y rattacher
les faits particuliers ; par Tinduction, au contraire, on s'ap-
puie sur les faits particuliers pour arrivera la connaissance du
principe général. Si Ton compare la science à une pyramide
qu'il s'agit demesurer, la logique d'Aristote nous fait procéder
d'un sommet hypothétique pour arriver à déterminer la base,
tandis que par celle de Bacon on commence par préciser
cette base pour s'élever jusqu'au sommet en déterminant
graduellement chaque tranche de la pyramide. Ce sera un
pur hasard si les deux résultats arrivent à coïncider ; s'ils
diffèrent, l'erreur sera certainement du côté d'Aristote. Ce
qui est vrai pour l'ensemble l'est également pour les détails.
Ainsi, aucune alliance n'est possible entre ces deux modes
de raisonnement. Quant aux mathématiques, personne ne
leur accorde aujourd'hui le titre de sciences particulières.
Ce sont simplement des méthodes nécessaires pour observer
certains faits, les préciser et en rechercher les enchaîne-
ments. Se livrer à l'étude des mathématiques sans les appli-
quer, ce serait faire de la statistique uniquement pour obte-
nir des totaux.
M. Sanson dit que, d'après une définition de Claude Bernard,
le philosophe est celui qui fait sa spécialité des généra-
lités. Mais il y a deux sortes de philosophes : ceux qui font
des généralités basées sur la science, et ceux qui, suivant
l'expression du professeur Chauffard, dédaignent de descendre
dans le marais fangeux des réalités objectives. C'est sans
doute des derniers seuls que M. Pauvelle veut parler.
M. Laborde dit qu'il existe une philosophie contre laquelle
on ne saurait trop s'élever: c'est celle quia la singulière
prétention de se passer de la science, et de considérer cette
dernière comme une cuisine méprisable qu'il faut laisser aux
vulgaires physiologiste?.
286 SÉAHCE DÛ 21 ÂVRtt 1887. '
M. PauItellï:. mm. Laborde et Sanson ont patfaîlenieril ca-
ractéHâé Teâprit de la philosophie universitaire. Elle a là
préteiition de reléguer la science sur Ife dernier plan, et ce
n'est pas tiiie simple prétention théorique. Leé prbgranimes
du baccalauréat es lettres en sont la preuve. A rexatriéh
pour robtehtion de la seconde partie, les notes de la philo-
sophie comptent double, si bien que les candidats qui ne pré-
sentent t)as une orthodoxie parfaite sont impîtoyablemehl
évincés, malgré ou plutôt à cause de leurs' connaissances
scientifiques.
Nous sommes donc^tous à peu près d*àccordJpour;cohdam-
ner cette espèce de philosophie. Mais il i)arâîl qu'il y en a
beaucoup d'autres, chacun de mes honorables contradicteurs
a la sienne qui diffère notablement de celle des autres. Quelle
valeur peut donc avoir une 'prétendue science aussi poly-
morphe? Aucune. Laissons donc là ces expressions surannées,
qui sentent d*une lieue la scolaslique du moyen âge et tenons-
nous en simplement à la science.
En tous cas je proteste contre Tépilhète de philosophique
par laquelle partisans ou adversaires de la philosophie vou-
draient caractériser mes recherches.
Elles n'ont mérité
Ni cet excès d'honneur ni cette indignité.
M°* Clémence|RoYER. C'est une fatalité bien étrange que,
dès qu'on parle de philosophie, c'est-à-dire de ce qu'il y a de
plus clair au monde, on cesse de s'entendre. Il est évident
qu'ici M. Sanson ne comprend nullement le mot de philo-
sophie comme M. Laborde, et qu'en [citant la définition de
Claude Bernard, il ne l'a point comprise comme lui. Tandis
que M. Laborde et M. Mathias Duvaljveulent bien accorder
que la philosophie est nécessaire à la science, dont elle est
l'achèvement, M. Sanson juge qu'elle lui|est nuisible, ou tout
au moinsMnutile, et"que cette •« spécialité des généralités»,
qui, d'après Claude Bernard, constituait le domaine de la
philosophie...
DISCUSSION SUR LES (ÎAUSfeî^ D'feftREUR EN ANTHUOPOLOGIE. 287
M. Sanson. Je n aï pas parlé de là phllos<iphie; mais des
philosophes.
M"® Clémence Royer. Pour satisfaire M. Sanson, je dirai
donc qu'il considère Cette « spécialité des généralités», qui,
selon Claude Bernard, était le domaine des philosophes, comme
absolument oiseuse et incapable dé nous mener à aucune
découverte ; tandis qu'avec raison, à mon avis, M. Laborde
et M. Mathias Duval veulent bien admettre que cette même
« spécialité des généralités » est là conclusion naturelle des
sciences expérimentales et la synthèse nécessaire sans la-
quelle elles ne sont pas réellement constituées; qu'il doit y
avoir ainsi pour chaque science une partie philosophique et
que Tensemble de toutes ces pbilosophies spéciales constitue
la philosophie en général.
Le but de toute science n'est-il pas, en effet, de faire sortir
des faits particuliers une loi générale, laquelle n'est elle-même
qu'un fait premier, qui explique tous ceux qu'il régit et per-
met d'en saisir les rapports nécessaires, les relations de cause
à effet? La philosophie n'est point autre chose que Ten-
semble de ces rapports généraux nécessaires qui, d'un fait
existant, permettent de prévoir toutes les conséquences
futures ou actuelles, dans leur succession ou leur simulta-
néité. Tel, en somme, a toujours été, pour tous les philo-
sophes, le but et Tessence de la philosophie, de nous ap-
prendre la raison des choses. C'est cette philosophie qu'on
peut appeler la philosophie naturelle, et qui, après avoir eu
pour fondateurs Aristote et Bacon, a eu, de nos jours, pour
adeptes, en Angleterre et en Allemagne, des savants comme
Darwin, Huxley, Tyndall, Carpenter, Haeckel, et tant dau-
trcs, en la compagnie desquels aucun de nos savants français
ne devrait se sentir déshonoré d'être compté. Celte philoso-
phie, malheùreuseilient, a peu d'adeptes en France; elle n'a
de chaire ni à la Sorbonne, ni au Muséum, ni au Collège de
France. Quand on demande à la Faculté des sciences d'en
ouvrir une, elle dit : « Adressez-vous à la Faculté des lettres,
c'est de son Ressort » 5 et si Ton s'adresse à la Faculté des
288 SÉANCE DU ai AVRIL 1887.
lettres, celle-ci vous renvoie à la Faculté des sciences, parla
raison que les sciences naturelles ne sont point dans son pro-
gramme.
Ainsi promenée d'Hérode à Pilate, et de nouveau de Pilale
à Hérode, la philosophie naturelle n'a pour refuge ni les sa-
vants indépendants qui, comme M. Sanson, la repoussent
parce qu'elle s'appelle philosophie ni, moins encore, les
lettrés, les historiens, les moralistes, qui Técarlent parce
qu'elle est naturelle^ et que le surnaturel, paraît-il, seulement
esl digne de leur intérêt. Comme la chauve-souris de la
fable, elle est ainsi repoussée aVec défiance par les uns parce
qu'elle a des ailes, par les autres parce qu'elle a des poils, et
les conséquences de cette proscription de la plus haute des
sciences, de cette science spéciale des généralités, comme la
définissait Claude Bernard, c'est que toutes les sciences par-
ticulières restent sans lien commun, et qu'au lieu de consti-
tuer un tout, un vaste ensemble synthétique et organique,
elles se contredisent les unes les autres par leurs hypothèses
fondamentales, que leur contenu particulier ne leur permet
pas de critiquer et de reviser, parce que cette revision cri-
tique n'est justement possible que par l'ordination logique de
leurs lois spéciales en lois plus générales, formulant leur dé-
pendance nécessaire.
Je sais bien que, dans la pensée de M. Sanson, ces généra-
lités, qui sont la spécialité des philosophes, sont très gêné-
ralement dépouillées de certitude; qu'il les considère comme
de pures hypothèses temporaires, qui ne seront jamais dé-
montrées et feront place à d'autres qui ne seront pas plus
démontrables. Il ne veut pas même y voir des pierres d'attente
de l'édifice scientifique, mais tout au plus un échafaudage
qui permet de le construire plus commodément.
C'est que M. Sanson, quoi qu'il en ait, fait aussi de la
philosophie malgré lui, et appartient à cette école extrême
de philosophes qui nient qu'il y ait une vérité. Avec Claude
Bernard, M. Sanson se complaît à dire des opinions scienti*
flques abandonnées : c'était vrai dans ce temps-là. Il ne fait
DISCUSSION SUR LKS CAUSES D*ERREUR EN ANTHROPOLOGIE. ^89
aucune différence entre une hypothèse provisoire et une
théorie démontrée et définitive. II n'admet pas que^ dans une
doctrine qu'on a revisée successivement, il pût y avoir, en
effets un élément vrai^ qui s'est confirmé, mêlé à des erreurs
caduques qu'il a fallu laisser de côté.
Dans cette science des généralités qui, en effet, constitue
la philosophie, il faut toutefois distinguer entre les généra-
lités à priori et les généralités à posteriori. Si les premières
constituent la métaphysique, c'est-à-dire la scieoce de ces
axiomes évidents par eux-mêmes qui sont de véritables
truismes, et sont le fondement inébranlable de la logique et
des mathématiques, on y a trop souvent mêlé des jugements
très éloignés de Tévidence, qui n'étaient môme parfois que de
très évidentes erreurs et de simples sophismes verbaux.
Quant aux secondes, elles forment la base législatrice de la
philosophie de la nature, et lui sont fournies par les faits ob-
servés, classés et généralisés sous forme d'induction, dans le
domaine de chaque science particulière.
Des unes comme des autres, il faudra toujours distinguer
avec soin, pour les écarter rigoureusement, ces généralités,
qui ne sont que de générales erreurs ; ces erreurs que Bacon
a désignées d'une façon si pittoresque sous les noms de fan^
tomes de tùnagination, de fantômes de tribu et de fantômes de
race ; ces préjugés d'éducation, ces croyances traditionnelles
ou héréditaires, reçues passivement par l'espnt humain aux
premiers âgés de son développement. L'esprit adulte ne se
délivre de ces erreurs qu'avec effort, par un pénible travail de
revision logique, à mesure qu'il s'ouvre à des évidences qui
le placent en face de contradictions telles qu'il lui faut choi-
sir entre sa croyance de la veille et la certitude nouvelle qui
s'impose à lui.
Trop souvent, en effet, sous le nom de philosophie^ on nous
a présenté une codification de ces erreurs séculaires, inévi-
tables aux premières phases de l'évolution humaine ; et ce sont
elles qui, encore aujourd'hui, occupent la première place,
sinon toute la place, dans nos programmes philosophiques
T. X (3« sbrik). 19
990 SÉAlfCE DU 21 ATRIL 1887.
officiels, qui ne sont jamais et ne peuTent ôlre qu'un rm-
dttum des opinioBs encore en majorité.
Il 7 a lieu de croire que c'est à ces généraUtés-là, c'esl-
à-dire à des illusions encore très générales, que M. Sanson
faisait allusion tout à Theure, tandis que MM. Mathias Duval
et Laborde, comme Claude Bernard, sans doute, entendaient,
sous le même vocable, les lois générales de la science expéri-
mentale, qui procèdent des faits; k)in de les dédaigner,
M. Fauvelle, de son côté, songeait surtout aux axiomes i
priori, en effet, si souvent entremêlés d^à priori imagincdres,
de dogmes révélés, de ces vérités de consentement uniTersoI,
qui sont d'universelles erreurs, qui sont d'autant mieux
d'accord avec le sens commun qu'elle» sont plus en contra-
diction avec le bon sens^et qu'on a si fréquemment présentées
sous le nom ambitieux de métaphysique^ tandis qu'elles con-
stituaient ce qu'on eût à bon droit appelé la cûta physique.
Les plerves 4e seri^Bt;
PAR M. L. BONIŒHÈRX.
Dernièrement, enparoourant un petit volume queM. Achille
Genty vient de publier sous le titre de Beligionê, à propos de
la mythologie gauloise, j'ai lu quelques lignes, sur lesquelles
je veux appeler votre attention.
Les voici donc textuellement :
<c Comme marque de leur dignité, les druides portaient au
cou un anguinum ovum, boule ovale de cristal, qu'on croyait
formée de la bave des serpents. En Angleterre (Comouailles,
pays de GaQes, montagnes de l'Ecosse), les paysans attribuent
à certaines boules de verre qu'ils portent et nomment j9terres
de serpent, des vertus particulières... » .
Ces lignes me frappèrent, je l'avoue, et je résolus d'ouvrir
une sorte d'enquête, pour tâcher de savoir si nos Bretons
modernes n'ont point quelque superstition analogue. Cer-
tains indices, bien vagues, il est vrai, me permettaient de le
conjecturer» mais je voulais être pleinement renseigné.
BONNEMÈRE. *- LES PIERRES DE SERPENT. 291
Le succès a dépassé mes espérances.
D'une lettre d*un de mes amis, M. F. Mahé, qui demeure
à Locmariaquer, ce coin de terre si connu des arctiéologues,
il résulte, en effet, que les habitants de la contrée où il
réside ont des croyances tout à fait semblables à celles de
leurs frères de la Grande-Bretagne.
Des perles de forme ovale y sont souvent retirées du sol
et leur matière diffère beaucoup. Mon correspondant m'en
cite notamment qui sont en jadéite^ en agate et en cristal de
roche. Il me dit aussi que, Tannée dernière, en fouillant le
dolmen de Ruthual, il a trouvé un morceau de quartz d'un
très beau blanc, dont le poli était fort remarquable et dont
la grosseur et la forme étaient celles d'un œuf d'oie. Dans le
pays, ajoute-t-il encore, quand une pierre est brillante, on
l'appelle lagad em aer, mot à mot, œil de serpent.
Vous voyez donc apparaître ici le nom du reptile, qui se
retrouve dans l'expression galloise. Il s'agit aus^i de pierres
ayant très souvent la forme de celles dont M. Genty nous
parle.
Ce premier point une fois acquis, poursuivons notre examen,
pour tâcher de savoir si les Bretons modernes n'attachent
pas un prix particulier aux grains de cristal. C'est encore à
M. Mahé que je demanderai tout à l'heure des éclaircisse-
ments.
Tout le monde sait qu'à Locmariaquer et dans ses environs,
on a trouvé bien souvent des colliers, dont l'âge diffère sans
doute, mais qui remontent presque tous à la plus haute
antiquité. Beaucoup d'entre eux sont allés enrichir le musée
de Vannes et ceux d'autres villes. Un certain nombre pour-
tant est resté aux mains des paysans. Dans beaucoup de
familles on les conserve tels qu'ils ont été retirés de la terre.
Dans d'autres, on les a recomposés en employant des élé-
ments divers, mais toujours fournis par les fouilles. J'ai à
peine besoin de vous rappeler que ces derniers sont formés,
en majeure partie^ de grains d'ambre, quelquefois de la
grosseur d'un œuf de pigeon, de quelques petites pendelo-
292 SÉANCE DU 21 AVRIL 1887.
ques en cal aïs provenant de dolmens, de grains d*agale et de
verroteries. Le tout est connu sous le nom de perenneUj qu'on
peut traduire exactement p€u: gemmes. Parfois une cyprée
est suspendue au milieu du collier. Quoique cette espèce de
coquillages soit fort répandue sur toutes nos côtes, ce n*est
point à nos mers que Ton demande celles que Ton emploie
dans les curieuses parures qui nous occupent. Elles sont
beaucoup plus grosses et je me réserve de revenir plus tard
sur leur compte.
Ces colliers se transmettent de père en fils. On les passe
au cou des enfants pour les guérir des maux de gorge et sur-
tout des engorgements ganglionnaires, que Ton appelle en
breton drouk-ar-roxié, c'est-à-dire mal du roi,
M. Mahé, à qui je dois la plupart des curieux détails qui
précèdent, me dit avoir remarqué bien souvent, que dans ces
colliers il y a toujours un ou plusieurs grains de cristal. 11
semble que les Bretons modernes accordent encore à cette
matière une plus grande efficacité qu'à toutes les autres. Il
me paraît bien difficile qu'o.n ne soit pas frappé par cette
circonstance. Elle vient corroborer, d'une manière surpre-
nante, ce que M. Genty, dans son petit livre, nous rapporte
des superstitions écossaises et galloises.
Il y a lieu encore de remarquer que les perenneu des col-
liers, pour amener la guérison des malades, doivent être en
nombre impair. Il faut qu'il y en ait absolument sept ou
neuf. Je laisse à de plus savants que moi le soin de recher-
cher ce qui a pu déterminer la fixation de ces chiffres, qui
sont invariables.
Une question se présente à l'esprit. D'où a-t-on tiré le
cristal dont on s'est servi pour en façonner tant de perles ?
La réponse n'est guère malaisée. C'est le pays même qui Ta
fourni. Je ne connais pas assez le littoral pour pouvoir déter-
miner les endroits où cette matière se rencontre. Tout ce
que je puis dire, c'est que dans l'intérieur de la Bretagne elle
n'est pas rare. A Corlay, notamment, et à Saint-Martin des
Prés, deux localités des Côtes-du-Nord, on la trouve en assez
BONNEHÈBE. — LES PIERRES DE SERPENT. ^3
grande abondance, sans que l'on cherche à en tirer le moin-
dre parti. J'imagine qu'elle doit se rencontrer avec la même
fréquence dans nombre de roches avoisinant la mer.
n y aurait bien des choses à dire sur ces colliers, que notre
coUëgue, M. le docteur de Glosmadeuc, a déjà étudiés, il y a
de cela longtemps, dans la Ifevue archéologique et je renvoie
à son excellent travail ceux d'entre vous qui voudraient de
plus amples renseignements sur leur compte.
Un détail que je ne puis pas cependant passer sous silence
est le suivant. Les paysannes suspendent encore parfois à
leurs chapelets, sans doute en guise d'amulettes, des grains
de collier, et je signale ce fait à ceux des membres de notre
société qui s'occupent plus spécialement de rechercher les
superstitions populaires. J'avoue que, pour ma part, je ne
sais pas si, par cet usage, elles veulent se préserver du diable
ou de quelque maladie. Peut-être des deux choses à la fois,
car dans l'opinion des bonnes gens de nos campagnes, elles
se confondent bien souvent.
Je dois m'arrêter, car je ne veux pas abuser plus long-
temps de votre bienveillante attention.
Je ne saurais pourtant terminer ma communication sans
vous donner (quelques preuves des prix, parfois très considé*
râbles, que les perles trouvées dans la terre atteignent assez
souvent.
L'automne dernier, à Pontivy, lors du congrès tenu dans
cette ville par l'Association bretonne, on s'est beaucoup
préoccupé des perles qui font le sujet de ce travail, et de
fort beaux échantillons figuraient à l'exposition que l'on
avait organisée. Quelques faits les concernant méritent d'être
relatés.
On a cité, entre autres exemples, celui d'un paysan qui a
acquis au prix d'un journal de terre, c'est-à-dire d'un demi-
hectare de bonne qualité, deux ou trois perles auxquelles on
reconnaissait par tradition des propriétés merveilleuses. On
pourrait être tenté de croire qu'on est en présence d'un
homme bon i^ faire interdire dans l'intérêt même de sa fa-
294- SÉANCE DU 5 HÀI 1887.
mille, n ne faut pas s'y tromper, en agissant de la sorte,
notre Breton eut la plus heureuse inspiration. Encore aujour*
d'hui peut-être, il loue les précieux grains aux gens qui sont
malades et qui souvent Tiennent le trouver de fort loin. Le
prix exigé par lui est très élevé. Il demande 30 francs, si mon
souvenir me sert bien, et on ne marchande jamais I Ses
clients font bouillir le précieux talisman dans du vinaigre
avec lequel on prépare un médicament infaillible. On ne nous
a pas dit pour quel genre d'affection.
Un autre homme, dont on nous a également parlé au
même congrès, a échangé contre des perles du même genre
une excellente paire de bœufs !
Voilà, on en conviendra, des remèdes bien étranges et
bien chers I
Toutes les superstitions dont je viens de vous entretenir ont
une très lointaine origine, et c'est à ce titre que j'ai pensé
qu'elles vous intéresseraient.
La séance est levée à six heures.
L*un des secrétaires : MANOUvaiER,
I6f gfiANCB. — t mai 1887.
Préflldenee de M* MAGITeT, pré«ldeBl«
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
A propos du procès-verbal.
M. Fâutellb. Le matérialisme scientifique. -** Je n'ai pas
l'intention de revenir, même incidemment, sur la philosophie,
qui, prise à forte dose, trouble les intelligences les mieux
douées et finit souvent par les rendre aveugles. Descartes est
un exemple frappant de cette influence néfaste. L'ensemble
des œuvres qu'il a laissées démontre que, s'il n'avait été phi-
losophe^ il aurait pu devenir le plus grand physicien de son
temps, capable de lutter avantageusemeni avers Newton. Ar-
A PB0POS DU PROCÂB-TBRBAL. 295
rivé à r&ge adulte, il se rendit cooipte du côté défectueux
de la philosophie, car il dit dans son discours De la Méthode :
a Elie demie moyen de parler vraisemblablement de toute
chose et à se faire admirer des moins savants. y> Et plus loin ;
« On ne saurait rien imaginer de si étrange et de si peu
croyable qu*il n'ait été cUt par qnelqn'un des phUosophes. i>
G*e6t ce fui l'engagea à fiiire table rase du passé et à recom^
meneer Tœuvre entière. Mais son cerveau était tellement en-
combré d'idées fausses que, comme le fait remarquer Gondil-
lac, il versa dans les mêmes ornières que ses devanciers et
les surpassa tellement que « Ton ne saurait rien imaginer de
si étrange et de si peu croyable n que ses doctrines ; ce qui ne
Tempècha de <c se faire admirer des moins savants ».
Du reste, j'ai traité complètement la question il y a deux
ans (séance du 21 mai 1885), dans ma communication sur la
Philosophie au point de vue anthropologique^ qiie M. le Secré-
taire général d'alors a cru prudent d'inhumer dans nn fasd-
ouïe des Mémoires^ qui est toujours sons presse depuis cette
époque. Je dépose un exemplaire de ce travail sur le bureau.
Ceux de nos collègues que cette question intéresse, le trou-
veront à la bibUothèqne.
Je tiens aujourd'hui à m'expliquer brièvement sur une ex-
pression qui a été prononcée, il y a quinze jours, dans le
cours de la disenssion, bien que le prooès-verbal n'en fasse
pas mention : je veux parler du matérialisme scientifique.
Le mot omaténaHsine» est anissi ancien que ceiul de ((phi-
losophie», car, dans toas les pays comme dans tous les temps,
depuis l'époque des Védas jusqu'au dix-huitième siècle, il y
a toujours en des philosophes matérialistes, comme il y a
toujours eu des spiritualîstes et des syncrétistes. Je pourrais
dire que les premiers avaient plus de raison que les autres,
mais ce serait aller au-delà de la vérité. Tous ces systèmes
n'étaient basés que sur des conjectures, et l'on ne s'occupait
des faits que pour les rattacher bon gré, mal gté, au principe
admis au préalable comme axiome; celui des matérialistes
n'étaili donc pas plus légitime que les autres. On pourrait
296 SÉANCE DU 5 MAI 1887.
dire seulement que, dans de certaines limites, ces philo-
sophes avaient plus de bon sens.
> ' Aujourd'hui les savants dignes de ce nom rejettent toute
idée préconçue; ils commencent par observer et expéri-
menter. Les chimistes et les physiciens (j^entends ceux qui
s^affranchissent du joug universitaire) induisent de leurs
observations et de leurs expérimentations qu'il n'existe dans
l'univers inorganique que la matière et la force qui Tanime,
qu'elles sont inséparables, que ni l'une ni l'autre ne se créent
ni ne se perdent, que toutes les formes que revêt la force
peuvent se substituer l'une à l'autre, qu'elle est donc une,
et ils lui donnent le nom A'énergie universelle.
En biologie, il en est autrement. Les hommes de science
observent et expérimentent également ; mais ils se partagent
ensuite en deux camps. Dans le premier sont ceux qui se
contentent de grouper les faits, sans en pousser plus loin la
synthèse ; les uns parce que, paraît-il, ils craignent de verser
dans les ornières de la philosophie, les autres pour des mo-
tifs que j'ai exposés longuement dans ma dernière commu-
nication.
La deuxième catégorie, de beaucoup la moins nombreuse,
comprend les biologistes qui, libres de toute superstition, de
tout préjugé et de toute crainte, suivent jusqu'au bout l'en-
chaînement des faits et ne reculent pas devant l'induction
dernière. Cette induction ultime est que dans les êtres orga-
nisés, comme dans le monde inorganique^ il n'y a que la ma-
tière et la force qui l'anime, et que la force qui caractérise
les animaux et les végétaux est une forme de l'énergie uni-
verselle. Voilà le matérmlisme scientifique; il n'a donc rien
de commun avec la philosophie matérialiste.
J'ai préparé une communication dans laquelle je crois
avoir établi que, d'après l'observation et l'expérimentation,
la force nerveuse est une forme de l'énergie universelle et
que le système nerveux de l'homme est comparable à un
appareil de physique.
Je prie M. le Secrétaire général de vouloir bien m'inscrire
A PROPOS DU PROCÈS-VERBAL. 297
pour une séance dont Tordre du jour présentera une lacune.
Ce sera une occasion pour les philosophes, les partisans de
la psychologie physiologique, les biologistes prudents, en un
mot pour tous ceux qui pensent que je suis dans une mau-
vaise voie, de discuter les observations et les expérimentations
sur lesquelles je m*appuie, et les inductions que je crois
pouvoir en tirer. En d'autres termes^ les adversaires du ma-
térialisme scientifique pourront lui faire son procès. Il n'est
pas^ je pense, de question qui intéresse de plus près la con-
naissance de rhomme, qui est le but que se propose notre
Société.
Toutes les parties de Tanthropologie sont tellement con-
nexes que chacune d'elles nous intéresse tous, et qu'aucune
des communications qui sont faites à cette tribune ne doit
nous laisser indifTérents ; elles ont toujours, sinon des rela-
tions directes, du moins des points de contact avec le sujet
ordinaire de nos études particulières. Nous devons donc tou-
jours y prêter attention. Cette espèce de surveillance mutuelle
est le meilleur moyen d'assurer la coordination de nos tra-
vaux.
Je sais bien que la difficulté d'établir à l'avance les ordres
du jour, fait que nous sommes souvent pris au dépourvu par
les communications; mais il est toujours facile d'y répondre
dans une des séances suivantes en prévenant à l'avance
l'auteur du travail. On éviterait ainsi de voir les discussions
dévier et s'éloigner souvent beaucoup de la question traitée.
Je n'insiste pas, n'ayant aucune autorité pour donner des
conseils. Je tiens seulement à déclarer que je verrai toujours
avec plaisir mes opinions discutées, espérant ainsi arriver à
les rectifier ou à les affermir, et que, pour ma part, je n'ai
jamais l'intention d'atteindre la personne de mes collègues,
en portant la critique sur des sujets qui font l'objet de leurs
travaux habituels.
JI98 8ÉAHGB DU 5 MAI 1887.
OUVRAGES OFFUILTS.
De Lapouge, L'Anthropologie et la Science politique (in
Revue d'anthropologie). Paris, 1887, broctu in-S», 22 pages.
TsN Katb. Observations sur la Guyane et le Venezuela (in
Revue i anthropologie). Paris, 1887, broch. in-8«, 25 pages.
Ploss (H.). Das Weib m der Natur un Wôlkerkunde, Leip-
zig, 4887, in-8% 428 pages.
Albrecht (P,). Versammlung deutscJier Naturforscher und
Aerzte zu Berlin {aus dem Biologiscken Centralblatt)^ 1386,
broch. in'8^, 6 pages.
— VerUeuft der Nervenstrom in geschlossener Strombahn
{aus dem Biologischen Centralblatt^iSST, broch. in-8**, 7 pages.
— Ueber die cetoide Natur der Promammalia {aus dem Arui'
tomischen Anzeiger), 4886> broch. in-8», U pages.
RiGGARDi (P.). Intomo a la forza musculare di compressione
{Mano diritta e mano simdtra]. Modèoe, 4887, broch. in-8%
9 pages.
De Pina. Deux ans dans le pays des Epices. Pans, 1880,
in-18, 324 pages {Dictionnaire des sciences anthropologiques^
fasc. 48 et 19).
Les cinq premiers numéros du journal rBomme^ année
1887.
M . 6. DE M ORTiLLET, en présentant les cinq premiers nu*
méros de 4887 du journal V Homme, indique que cette publi-
cation a subi un retard momentané par suite d*un changement
d'imprimeur. Elle rattrape le temps perdu et avant peu les
numéros vont paraître régulièrement à leur date réelle, le
10 et le 25 de chaque mois.
Le premier numéro de 4887, 10 janvier, débute par une
notice biographique sur Lamarck. U y est fait mention d^un
comité qui se forme pour élever une statue à Tillustre pro-
moteur du transformisme. Cette notice est accompagnée d'un
portrait. Il en existe deux publiés du vivant de Lamarck,
mais très difficiles à se procurer. Ce qui était encore plus dif-
B. EDWARDS. — PRACTURB INTRA-UTÉRINE. 299
ficile, c^étaît de fixer d*une ncanière exacte la date de sa
naissance. Dans le Dtcttonnaire biographique de Michand, on
le fait DÉdtre le 1*' avril, d'autres indiquent le 11 avril ou le
11 août. Notre collègue Philippe Salmon a pu se procnrer
l'acte de naissance de Lamarok. Cette pièce établit qu'il est
né le !•' août.
ELECTIONS.
M. DouGLAss (Andrew, E.), de New-Tork, et M. Mater, d»
Paris, sont élus membres titulaires.
PRESENTATIONS.
Fraetare intra-atériiie des deux tibias et syailaetylle
oo eetrodaecylie eoneonltaate t
par E^'* blanche EDWARDS.
' L*enfant Pemot (Qermain-Perdinand), né le 23 avril 1887,
a été apporté à l'bospice des Enfants assistés, le 30 avril,
par les soins du commissaire de police, ce qui fait que les
antécédents héréditaires ne peuvent nous être connus.
Cet enfant est dans un excellent état de santé, il est par*
faitement bien conformé en ce qui concerne tout le corps,
sauf les jambes, à partir du genou.
En effet, en déshabillant Tenfant, on constate qu'à la cuisse
et au genou, dont la forme et les dimensions sont normales,
fait suite une jambe^ très diminuée de longueur, présentant
au tiers inférieur une saillie angulaire très aiguë, et au-des-
sous un pied déjeté en arrière et terminé par deux orteils.
La disposition est, du reste, parfaitement symétrique, et
Tenfant, au premier abord, paraît n'avoir pas de jambes ni
de pieds.
Yue de profil, la jambe présente au-dessous du genou, à
4 centimètres au-dessous de la rotule, une saillie antérieure,
angulaire, surmontée d*une dépression à bords mamelonnés»
d'aspect cicatriciel, un peu déjetée en dedans.
300 ' SÉANCE DU 5 MAI 1887.
Au-dessous, le segment inférieur de la jambe est repré-
senté par un moignon de 1 centimètre environ qui se conti-
nue avec le pied.
La face postérieure de la jambe offre à considérer une
atrophie considérable des muscles gastrocnémiens, et cette
face est complètement occupée par les plis profonds que forme
la peau dans Tangle rentrant constitué en haut par la face
postérieure de la cuisse et le jarret, en avant par la jambe
tordue à angle aigu, en bas par le talon du pied.
Le pied a une longueur moindre que celui d*un enfant
normal ; le talon y est bien indiqué; le cou-de-pied se conti-
nue avec la face antérieure de la jambe, bien marqué, quoique
un peu aplati. La face plantaire est convexe, ne présentant
pas les plis normaux.
Enfin le pied se termine par deux orteils: Tun, situé au
dedans, a environ le volume et la forme du gros orteil chez
un enfant du même âge; il est articulé avec le pied et se
termine par un ongle bien constitué, mais qui, en un mois,
ne s'est pas accru. L'autre est différent sur les deux pieds :
sur le gauche il ressemble à un orteil, un peu plus détaché
que normalement du gros orteil, ce qui, à la rigueur, pourrait
permettre de le comparer à un pied fourchu, une pince d'écre-
visse; il est également pourvu d*un ongle.
Sur le pied droit, le deuxième orteil est rudimentaire et
semble un petit appendice charnu très mobile, nullement
articulé avec le pied. Il est difficile même de se rendre
compte s'il contient un noyau osseux. Il se termine par une
petite cicatrice et n'est pas pourvu d'ongle.
En examinant les parties profondes, on observe, au point
de la saillie, un angle osseux très aigu, presque sous-cutané
et dont la pression est sans doute douloureuse, car l'enfant
crie et fait des mouvements pour repousser la main de l'ex-
plorateur.
Au niveau des malléoles^ on reconnaît des deux côtés une
petite saillie osseuse qui semble indiquer la présence des
extrémités inférieures du tibia et du péroné. Il est également
• B. EDWARDS. — FRACTURE INTRA-UTÉRINE. 30!
facile de reconnaître, au nbeau du genou, la présence de la
rotule, de l'extrémité supérieure du tibia et de la tête du pé-
roné; mais au niveau de la jambe, malgré la diminution
considérable des muscles, il est impossible de se rendre
compte s*il existe un ou deux os dans la jambe déformée.
En effet, Braun, dans une citation que je donnerai m extenso^
affirme que, dans les cas de ce genre, il y a presque toujours
absence du péroné. Si, dans notre cas, le péroné existe, il a
sans doute subi la fracture comme le tibia, car il n'est pas
possible de le sentir isolément.
Lapeau des deux membres est parfaitement saine et ne
présente que la dépression antérieure cicatricielle déjà men-
tionnée.
A la suite d'un examen prolongé, la peau fut le siège
d'érythème au niveau de la saillie anguleuse, et l'enfant cria
beaucoup ; la guérison fut rapide. La nourrice affirme que
les deux extrémités sont toujours froides, et nous avons pu
constater la vérité de cette assertion.
L'enfant, depuis vingt jours qu'il est avec nous, a beaucoup
augmenté de volume, mais l'extrémité du membre inférieur
n'a pas varié, ce qui rend plus accusé encore le contraste que
nous avons signalé au début entre le corps vigoureux et bien
portant et celte terminaison brusque par deux petites extré-
mitées déformées.
Braun (d'Iéna) a publié ' vingt-sept observations, dont cinq
personnelles. La plupart du temps la fracture est consolidée
et on observe une courbure ou flexion anguleuse ; au point
courbé qui répond toujours au tiers inférieur du tibia, la
peau est souvent cicatricielle ou ulcérée, ce que l'aiiteur at«
tribue à l'issue des fragments ou à une escbare produite en ce
point par l'utérus se contractant sur une poche amniotique
insuffisamment remplie.
Ces contractions, en l'absence de tout traumatisme subi
par la mère, suffisent à produire la fracture ou l'infiexion ;
i Ouvrage analysé dans la GazetU hebdomadaire, 6 mai 1887.
302 SÉAHCS DU 5 MAI -1887.
et, en ce cas, il semble qu*il y ait souvent absence concomi-
tante du péroné, et ce défaut de soutien en dehors est une
prédisposition ; cette disposition coïncide atusi avec Cabsence
d'un ou plusieurs orteils.
Le pied se met en équinisme, arrêt qui compense en partie
le raccourcissement dû à un arrêt de développement^ arrêt
qui augmente pendant la période de croissance et s'accomr
pagne d'atropbie musculaire.
Objets divers d'etlusegimpMe preveaant da legs
de M. Svasset.
Les deux panneaux des armes de diverses sortes qui sont
fixées au mur de la salle de séance de la Société d'anthropo-
logie, proviennent de la succession de M. Grasset, qui les a
léguées dernièrement à notre Société. Cette collection a été
arrangée, avec le goût et le soin qui leur sont habituels^ par
nos collègues MM. Drouaultet Chudzinski, qui n'ont épargné
ni leur temps ni leur travail. Ces deux panneaux sont garnis
presque exclusivement avec les armes les plus diverses. Il
nous reste à placer les autres objets, qui formeront encore
uu ou deux panneaux.
La collection Grasset se compose de nombreux objets, qu'on
peut diviser en quatre catégories, dont M. Chudzinski a bien
voulu rédiger un catalogue descriptif :
A. Les armes ; B. Instruments de musique ; G* Vêtements
et parures ; D. Objets divers.
M. le Secrétaire général appelle Tattention de ses collè-
gues sur les difficultés sans nombre qu'a présentées le travail
de M. Chudzinski et insiste sur Theureux résultat obtenu;
il a ajouté qu'une part d'éloge revient à M. Drouault, qui a
prêté son concours actif.
L'assemblée vote k l'unanimité des remerciements à
MM. Chudzinski et Drouault, avec inscription au procès-
verbal.
ED. GUTER. •— 08 SURNUMÉRAIES DU CARPE. 303
COKMUNICATIOIIS.
9ar an o« •amuméralre da carpe hnntalB;
PAR M. ED. CUTKR.
La communication que j*ai Thonneur de vous faire a pour
objet un os surnuméraire développé dans la région carpienne
droite d'un sujet ayant servi aux démonstrations du cours
d'anatomie de TEcole nationale des beaux-arts.
Je vous demande la permission de vous rappeler que j'ai
Tavantage d'être, à ce cours, le préparateur de mon cher
maître et ami M. le professeur Mathias Duval. Chaque
année, plusieurs sujets sont disséqués au laboratoire, et je ne
laisse rien échapper de ce qui pourrait intéresser la Société
d'anthropologie.
L'anomalie que je vous présente consiste en un osselet dé-
veloppé sur une des faces de l'os externe de la seconde
-0.C
Fio. 1. — Seconde raorée de carpe me par ta faee infériaore; T, faee inférieare
da trapèze; T. P, tabérosité palmaire du trapèze; O. S, os samuméroire. — O. C,
oaerochu.
rangée du carpe, c'est-à-dire sur le trapèze. Tout semble faire
supposer que cet osselet est uni à ce dernier par une articu-
lation; car une petite capsule fibreuse le maintient en place,
et on peut lui faire exécuter quelques mouvements de glis-
sement.
11 est situé sur la face externe du trapèze, immédiatement
en dehors et en haut de la surface inférieure de cet os (fig. 1
et ) ; la base du premier métacarpien [s'articule non seule-
ment avec cette surface du trapèze, mais elle est aussi en
rapport avec l'osselet surnuméraire.
304 SÉANCE DU 5 MAI 1887.
Cet osselet a comme dimensions : 9 millimètres dans le
sens transversal, 12 millimètres dans le sens antéro-posté-
rieur, et 7 millimètres dans le sens vertical.
-0.C
FiG. 2. — Seconde rangée da carpe vne par sa face antérienre ; T, ftee inférieare
du trapèze; 0. S, os samuméraire; G. C, ot crocha.
Que signifie cet os? Est-ce un os du carpe? Est-ce un os
du pouce?
« Gruber a décrit deux cas {Archives d'anat, et de physiol.,
1875; p. 59, pi. II, B), dans lesquels la tubérosité palmaire
du trapèze s'était développée comme nodule osseux distinct,
articulé avec le reste de Tos*. »
Ce n'est pas là la disposition que vous constaterez sur la
pièce que je vous présente : Tos surnuméraire est situé très
en dehors de la tubérosité palmaire qui est nettement déve-
loppée (fig. i).
11 existe chez les singes, outre les neuf osselets, y compris
Tos central, un dixième os considéré comme un sésamoïde
radial. G*est de celui-ci que parle Galien. Il décrit cet os
comme s 'attachant au naviculaire et au muUangulum majus;
on pourrait le prendre, dit-il, comme un neuvième osselet
du carpe. 11 ne semble pas avoir connu le central (Galien, De
usuparttum, liv. II, chap, xn).
Il ajoute que cet osselet est contenu dans le tendon du
muscle qui fait mouvoii' le pouce, et en même temps le carpe,
c'est-à-dire dans le tendon du long abducteur du pouce.
Camper l'a décrit et figuré chez Torang.
Daubenton signale, au carpe des singes, trois osselets sur-
' H. Leboucq, De Caugmentatiim numérique des os du carpe humain
(Annales de la Société de médecine de Gand, 1884).
ED. CUYER, — OS SURNUMÉRAIRE DU CARPE.
305
numéraires dont Fun est situé à la fois contre le premier os
de la première rangée et le premier de la seconde.
Guvier en indique la présence chez le gibbon, le magot et
le sapajou.
Leboucq représente* une main de
gibbon (fîg. 3), dont le trapèze est
accompagné d'un sésamoïde radial.
Il est à remarquer que cet osselet
est assez éloigné de l'extrémité
supérieure du premier métacarpien
et que ces deux os n'ont aucun rap-
port l'un avec Tautre.
Nous nous sommes demandé si
cet os n'appartiendrait pas au pouce.
Vous savez que le développement
du premier métacarpien ne se fait
pas dans l'ordre qu'on observe pour
les quatre derniers.
Les quatre derniers métacarpiens
se développent chacun par un point osseux primitif pour le
corps et l'extrémité supérieure, et par un point osseux com-
plémentaire pour l'extrémité inférieure.
Le premier métacarpien se développe différemment; son
développement a beaucoup d'analogie avec celui des pha-
langes : le point osseux primitif donne naissance au corps et
à l'extrémité inférieure ; le point complémentaire correspond
à l'extrémité supérieure. Le premier métacarpien peut donc
être considéré comme contenant la première phalange du
pouce, tandis que la portion véritablement métacarpienne
ne sercdt représentée que par la partie supérieure de l'os,
dans une étendue peu considérable, le sixième environ de la
longueur totale.
L'os surnuméraire que je vous présente ne serait-il pas
FiO. 3. — Main gauche de gib-
bon. T, trapèze ; S, sésamoïde
radial ; M, premier métacarpien.
{Archives de biologie.)
< H. Leboucq, Recherches sur la morphologie du carpe chez les mammi"
(ères {Archives de biologie, 1884, pi. IV, flg. 28).
T. X (8« série). 20
306 SÉANCE bu 5 MAI 1887.
ce point osseux épiphysaire métacarpien non soudé aveô la
première phalange?
Il semble, en effet, que l'extrémité supérieure est ici in-
complète; à sa partie postéro -externe, elle ne présente pas
la saillie qu'on trouve sur un métacarpien tiormal. Les
connexions de cette région avec Vos surnuméraire qui nous
occupe peuvent, jusqu'à un certain point, légitimer cette
manière de voir.
Carte de répa^tillon de l'Itadlce eéphallqae en Franèel
PAR Lï DOCTEUR R. COLLIGNON
Médecin-major.
J*ai Thonneur de présenter à la Société noii d'une manière
définitive, mais simplement pour prendre date, les preifilers
résultats de mes recherches sur la ^répartition générale de
rindîce côphalique en iFrance.
La carte qui les résume, et qui sera provisoireftieût l'emiie
sous pli cacheté à la Société, ne saurait être encore publiée,
parce que je ne suis pas parvenu à la série suffisante pour
tous les départements ; cependant, les renseignements qu'elle
fournit dès maintenant sont assez concordants et assez nets
pour permettre de se faire une idée sensiblement exacte de
ce que sera la carte définitive, et c'est à ce titre *que je crois
intéressant d'en donner un rapide aperçu.
Deux mots d'abord sur la façon dont je procédé. La majo-
rité des sujets que je mesure sont des militaires, par consé-
quent, des hommes de vingt et un à vingt-cinq ans. Pour la
répartition par département, il est de toute nécessité d'avoir
des individus dont les ascendants soient d'origine pure. Cette
condition, assez difficile à obtenir dans les villes, se rencontre
presque toujours à la campagne ; aussi, dans la pratiqué, je
fine cotitente de demander à mes sujets le lieu de naissance de
leurs parents et d'éliminer ceux dont le père et la mère sont de
départements différents, sans m'inquiéter des ascendants plus
éloignés. D'ailleurs, souvent beaucoup seraient incapables de
B. COLLIGNON. — l'iNWCE CÉPHALIQUE EN FRANCE. ^1
donner exactement ce renseignement. Je note naturellement
en même temps VatTondissement. Mon but^ en effet, est de
oommenoer par dresser une carte par départements, ce qui
sera nn premier document^ puis ensuite, s'il m'est possible .
de rassembler les mesures suffisantes, par arrondissements.
LHdéal, en ce geure, serait de pouvoir arriver au canton,
mais ce serait un travail au-dessus des forces d'un seul opé-
rateur et que je n'oserais entreprendre.
En tous cas, ma première carte sera publiée, lorsque le
plus récalcitrant des départements m'aura fourni 20 obser-
vations, et.la suivante, lorsque j'aurai 20 sujets dans chaque
arrondissement de France. Il va sans dire que ce chiffre se
trouvera être un minimum, car le hasard, qui soumet à mon
compas une série quelconque d'individus, en amène acciden-
tellement un grand nombre d'un point donné et met parfois
une curieuse obstination à laisser d'autres régions en bluic.
Ainsi, par exemple, à l'heure actuelle, alors que certains
d'entre eux, comme rille-et-Vilaine ou le Nord, ont dépassé
la centaine, d'autres, tels que la Haute-Marne et les Basses-
Alpes, ne m'ont encore fourni que 2 sujets. Il est donc à
supposer que, lorsque ces derniers auront atteint le chiffre
vouhi, les nombres auxquels s'élèveront les autres départe-
ments seront infiniment plus considérables.
Il va sans dire que j'utiliserai tous les documents qœ pos-
sède actuellement la science, mais qui malheureusement
sont aesez restreints. Us se résument dans la série de 866 Bre-
tons des C6tes-^du-Nord, de Guibert; dans celle de l'Aveyron
(282 sujets); de Durand de Gros ; puis vieiment 47 Basques
de l'arrondissement de Bayonne, d'Argelèz, et les 496 Mar-
seillais du docteur Fallot. Notre collègue, le docteur Carret,
a aussi mesuré plusieurs milliers de conscrits de la Savoie,
mais il n'a pas publié ses chiffres, qui seraient particulière-
ment précieux. Ajoutons enfin à ce total quelques séries
partielles de 6 ou 9 individus de Batz ou des Landes. On
voit donc que 85 sur 89 départements, car je ne s^ar<e pas
l'Alsaoe-Lorraine de la Franocvi restent à étudier.
308 SÉANCE DU 5 MAI 1887.
A ne considérer que ceux où la moyenne définitiTe
semble acquise aux dixièmes près, les chiffres d'indice vont
de 78 à 87, écart très considérable par conséquent. La mé-
diane serait 82.5, mais, pour la commodité du langage, je
demande Tautorisation de couper la série en deux entre 82
et 83 et d'appeler, dans cette note, au sens relatif du moty bra-
chycéphales les chiffres de 83 et au-dessus, dolichocéphales
ceux de 82 et au-dessous.
Prise en ce sens, la limite entre les uns et les autres coupe
obliquement la France par une diagonale allant du nord-est
au sud-ouest, partant des Ardennes, longeant l'Argonne en
séparant la Champagne de la Lorraine et de la Bourgogne,
contournant le plateau central au nord de F Allier et de la
Creuse, puis, de là, venant mourir à l'Océan sur le littoral
des Landes. Toute la région de Test est brachycéphale,
celle de Touest pourtant relativement dolichocéphale.
La Bretagne et la Vendée forment, au moins en partie, à
l'extrême Ouest, un îlot de brachycéphalie ; car, alors que
rille-et- Vilaine, les Côtes-du-Nord et la Vendée présentent des
indices de 84 et la Loire-Inférieure de 83, le Finistère n'a
que 82 et le Morbihan 81. Cette région se réunit au grand
centre brachycéphale de Test par une mince bande de dépar-
tements intermédiaires, dont les indices ont 83 : ce sont ceux
de Maine-et-Loire, de la Sarthe, de TEure-et-Loir et du Loi-
ret. D'une manière plus générale, on peut dire que l'élément
celtique à tête ronde s'est, relativement, bien maintenu sur
toutes les collines qui séparent les bassins de la Seine et de
rOrne du bassin de la Loire.
D'autre part, le littoral de la Méditerranée, depuis les Pyré-
nées-Orientales jusqu'au Var, forme un nouveau centre d'in-
dices relativement dolichocéphales, présentant des chiffres
de 78, 81 et 82, alors que les départements adjacents à Tinté-
rieur, Ariège, Tarn, Aveyron , Lozère, etc., donnent ceux
de 83, 84 et 85.
Certains de ces résultats sont passablement inattendus. On
sait que les cartes de Boudin et de Broca pour la répartition
H. COLLIGNON. — INDICE CÉPHALIQUE EN FRANCE. 309
de la taille divisent aussi la France en deux grandes régions
en suivant une direction oblique, mais dirigée du nord-ouest
au sud-est, c'est-à-dire inverse de celle que j'obtiens. La
zone des hautes tailles est située au nord d'une ligne qui,
séparant là Bretagne de la Normandie^ va contourner le
massif central pour venir mourir entre l'Ain et l'Isère à la
Savoie. U y a donc toute une grande région est, comprenant
la Lorraine, la Bourgogne et la Franche-Comté, qui, malgré
sa haute taille, est brachycéphale, je dirai même extrême-
ment brachycéphale, car c'est le véritable centre des indices
moyens de 86, 87 et peut-être même davantage. Tout surpre-
nant qu'il puisse sembler, ce fait n'est pas niable. Depuis
longtemps déjà, tant sur le crâne que sur le vivants j'avais
signalé la brachycéphalie considérable des Lorrains; j'ai
même, l'année dernière, publié une petite carte ' ébauchant
la répartition de l'indice céphalique par arrondissements en
Lorraine. Il en ressortait ce fait intéressant, que, les quatre
départements se classant ainsi : Moselle, 83.7, Meurthe,84.9,
Meuse, 85.0 et Vosges, 86.6, on voyait les régions monta-
gneuses de l'est et de l'ouest, c'est-à-dire les cantons de la
chaîne des Vosges et de l'Argonne, atteindre des chiffres
de 87 et 88 (fait d'ailleurs confirmé par la série des crânes
de Monthureux (Vosges) de Broca qui ont 87), alors que les
vallées de la Moselle et de la Meurthe n'avaient que 82.9 ;
mais, à l'est, la vraie brachycéphalie commence, et nous
croyons que l'Argonne et l'impénétrable forêt des Ardennes
avaient déjà, au temps de César, tracé la frontière entre les
deux races, en élevant des limites naturelles entre brachycé-
phales celtes et dolichocéphales belges. Les Helvètes, d'ail-
leurs, étaient Celtes, et il n'est pas plus surprenant de voir
tous les massifs montagneux qui avoisinent les Alpes, c'est-
à-dire le Jura et les Vosges, rester occupés par la race cel-
' La Racê lorraine (Bull, Soc, des science* de Nancy^ 1881).
* Anthropologie de la Lorraine ^ Notice du qu'mzième congrès de TAs-
sociation française pour l'avancement des sciences, Nancy, 1886;
310 BÉANCB m 5 MAI 4887.
tique, qtre àe constater le même fait en Aurergne on en Bre-
tagne.
La péninsule bretonne est également nne des régions qui
me sont le mieux connues au point de vue qui nous occupe.
A s'en tenir aux quatre départements principaux, j*aî déjà
signalé que le Finistère et le Morbihan étaient moins bracby-
céphales que les Côtes-du-Nord et surtout que rille-et^Vilaine.
Si nous passons à la répartition par arrondissements, nous
constatons deux faits intéressants ; l'un confirme les résultats
obtenus par Broca pour la répartition de la taille ; de même
que les hautes statures occupent le littoral et les petites le
centre, de même le centre est plus brachycéphale que lo
littoral. Mais, chose curieuse, la côte sud, c'est-à-dire les
arrondissements de Lorient et de Vannes, sont infiniment
plus dolichocéphales (ils ont un indice de 79) que ceux du
rivage nord, c'est-à-dire ceux de Lannion, Saint-Brieuc et
Dînan, qui ont 81 et 84.
Or, si l'on doit expliquer l'augmentation de taille par Tîm-
migration de peuples de race germanique, d'Anglo-Saxons
venus d'Angleterre, nous devrions observer plutôt une dis^
tribution inverse ; la côte nord devrait être occupée par un
plus grand nombre d'individus grands et dolichocéphales
que le rivage sud, puisqu'elle se trouve plus directement sur
le chemin des envahisseurs. On est donc en droit de se de-
mander si une partie au moins des populations anciennes du
littoral sud de FArmorique n'était pas grande et dolichocé-
phale ; en un mot, si les fameux Yénètes n'étaient pas, oomme
le disait Strabon (liv. IV, § 4), des Belges et n'appartenaient
pas, par conséquent, à la race blonde kymrique. Mats ce
sont là des questions que je ne veux pas creuser pour le
moment ; je me réserve d'y revenir lors de la publication
définitive de ma carte.
Signalons enfin ce fait curieux de l'abaissement de l'indice
(Metz) ou 83 (Briey, Toul et Nancy). De même, la région la
plus basse du département des Vosges, celle de Mirecourt et
de Neufehâteau, n'atteignait que 84.
R. C0LLI6N0N. — - L'INDiIGE GÉPHAUQUE EN FRANCE. 3\\
Eu somme, rélément à têtfj longue, le Kymïi, ou, si Toa
veut, le Germaiq enyahisgeui', là comm^ partout, s'est p^n-r
tonné dc^ne la plaine et dans les grandes villes, laissant la
montagne aw Celtes h^'achycéphales. Il n'est cependant p^s
hors de propos de remarquer que, même dans les vallées, le
Kymri a'a qu'qne prépondérance toute relative ; des indices
de 83 et 84 n'ont rien que je sache de germanique, et ce
n'est certes pas en se basant sur eux que nos voisins d'outre-
Rhiq pourraient appuyer leurs prétendus droits de race sur
les provinces annexées. On se souvient d'ailleurs que, lors de
l'enquête faite récemment en Allemagne pour dresser sur
les écoliers la carte de la répartition de la couleur, ce n'a
pas été sans quelque sqrprise que les anthropologistes alle-
mands ont dft enregistrer la haute proportion de cheveux et
d'yeux bruns, qui mettaient la Lorraine et l'Alsace absolu-
ment à part dans l'empire.
Il est pourtant uu fait h bien noter, c'est que la Lorraine
a pour «liusi dire été de tous temps une des voies classiques
des invasions germaniques en Gaple et e^ France. Tous les
eoions qu'elle a pu recevoir de ce côté devaient être dolicho-
cépbaleSf D'autre part, pendant toute la période historique,
rien ne peut nops faire supposer que des tribus d'origine cel-
tique, que des bra^byoéphales, y soient venus faire souche
en nombre suffisant pour nous expliquer l'étonnante pro-
portion de têtes roudes que nous y coustatons à l'heure ac-
tuelle ; il faut donc conclure qiue le vieji^x fond de la popu-
l^Loa iQrmine {ei, ajpjijfcpp^-)^; de \^ populatjiop alsacienne)
^aijb br^iebycéph^e, c'est-à-dir^ celte. Conséquemment, Jes
peuplées gaulois qui occupaienjt jcette région, les Médiomatri-
ciens et les Leuques, devaient être brachycépbales ou Celtes
et non dolichocéphales et Belges. Remarquons d'ailleurs que
cette façon d'envisager ce point ethnographique, bien que
contraire aux idées reçues, n'est nullement contredite par le
texte de César, qui sert toujours de base à toutes recher-
ches de ce genre. Il n'est pas un passage des Commentaires
où César se prononce sur ce point; il dit simplement : « La
312 SÉANCE DU 5 MM i887.
Marne et la Seine séparent les Gaulois des Belges. » Or, cetle
assertion prise à la lettre est exacte encore actuellement ; au
nord de la Seine et de la Marne, nous ne trouvons que des
indices céphaliques de 79, 80 et 81, dans les départements du
centre ouest: Vienne, Haute-Vienne, Charente, Dordogne,
dont l'indice moyen est d'environ 80. La chose est d'autant
plus à remarquer que sur la carte de Boudin figurant les
exemptions pour défaut de taille, ces quatre départements
viennent presque en dernier lieu. Sur 86 départements fran^
çais, la Haute- Vienne est dernière, la Dordogne venant 83*,
la Charente 82« et la Vienne 53*. On né peut s'empêcher, en
voyant cette association d'une faible taille et d'une dolicho-
céphalie relative, de songer au texte de Pline*, qui range
parmi les Aquitains de race ibérienne les Pictons et les San-
tons (habitants du Poitou, de la Saintonge, de TAngoumois)
et même les BituHges et les Lemovices (Berry * et Limousin).
Je ne pousserai pas plus loin cet exposé sommaire ,
j'espère en avoir dit assez pour montrer que les recherches
de ce genre, un peu négligées à l'heure actuelle, ne laissent
pas que de présenter un haut intérêt et pourront servir à
élucider bien des questions nous touchant de très près, puis-
qu'il s'agit de nos origines nationales et qu'on s'est peut être
un peu vite accoutumé à considérer comme définitivement
tranchées.
Je terminerai par un appel à tous nos collègues, en les
priant de vouloir bien m'aider dans l'œuvre que j'ai entre-
prise, soit, ce que je n'oserais demander, en mesurant autour
d'eux quelques indices céphaliques, soit en ayant l'obligeance
de me communiquer les résultats qu'ils auraient pu obtenir
en prenant cette mensuration dans un but tout différent'.
* Pline, Hist, nat,, liv. IV, chap. xxxiii, § 1.
* L'indice du département du Clier est de 81.7.
> Depuis celte communication, deux de nos collègues, M. Manouvrier
et M. Debierre (de Lyon), ont bien voulu me permettre d'Ajouter à mes
séries les observations, l'un de 20, l'autre de 166 sugets mesurés par eux ;
je les prie de recevoir tous mes remerciements.
DISCUSSION SUR l'iNBICE CÉPHALIQUE EN FRANCE. 313
Sisonssion.
M. G. Lagneau. Sur là carte des indices céphaliques que
nous présente M. le docteur Gollignon, pour notre Bretagne,
la répartition des brachycéphales dans les arrondissements
da centre et des dolichocéphales dans ceux du littoral, est
analogue à la répartition des tailles sur la carte cantonale
dressée par Broca; les exemptions pour défaut de taille étant
beaucoup plus nombreuses dans les cantons du centre que
dans ceux du littoral *. Cette double répartition semble donc
indiquer que le centre de notre Armorique a conservé son
ancienne population brachycéphale, de petite taille ; tandis
que le littoral a reçu des immigrés dolichocéphales de taille
élevée.
M. Collignon remarque que les mêmes indices céphaliques
s'observent chez les habitants du littoral de notre Bretagne
et chez ceux de nos départements du Nord. A Tappui de cette
remarque, je rappellerai que certains auteurs anciens sem-
blent témoigner de Vorigine germanique ou belge de cer-
tains Bretons insulaires et Armoricains.
Denysle Périégète parle des Bretons comme de belliqueux
Germains, à la peau blanche, habitant les montagnes voi-
sines de la forêt Hercynienne, actuellement les montagnes
du Hartz :
*ïlv6a BpsTavol
Aeuxi Te çùXa véjJiovTai àpstjiavécov r6p[i.avûv
'Epxuviou Spu[xoto irapaOpdtxjxovre; ôpé^KOUç.
(Denys, (h'bis description v. 284-86, Geàgraphi Graeci mino-
res, t. II, p. 117, coll. Didot).
Pline place les Bretons à côté des Ambianiens et des Bel-
lovaques, anciens habitants des environs d'Amiens et deBeau-
vab, dans la Gaule Belgique :
< Réparation des deux racês de la Basse Bretagne {Mémoires de la Société
d'anthropologie, t. III, p. 186, etc.).
314 SâAlfCE DU 5 MAI 1887.
ttBritanni, Ambiani, Bellovaci. » (Pline, lib. IV, cap. xxxi,
p. 203, texte et trad. de Littré, coll. Nisard.)
Suivant Bède le Vénérable et Henry d'Huntingdon, ces
Bretons auraient occupé Tîle voisine et lui auraient donné le
nom de Bretagne :
« In primis hœc insula Britones solum, a quibus nomen
accepit, incolas habuit... » (Beda, Ecclesiasticœ histortx genth
Anglorum, lib. I, cap. i, p. 2, Antverpiae, 1550.)
« Brittones tamen occuparuntpriusBrittaniam.,. » (Hennci
Buntendoniensis historiarum^ lib. I, p. 301, Rerum anglicai*um
scriptores post Bedam^ Francofurti, 1601 .)
D*ailleur8,si ces Bretons donnèrent leur nom à cette grande
île, beaucoup d'autres peuplades de la Gaule Belgique, ainsi
que le dit César, en colonisant son littoral, y conservèrent
leurs noms.
<( Maritima pars (insuis) ab iis (incolitur), qui prœdsë ac
belli inferendi causa ex Belgis transierant ; qui omnes fere iis
nominibus civitatum appeilantur, quibus orli ex civitatibus
eo pervenerunt, et bello illato ibi remanserunt, atque agros
colère cœperunt ». (César, De BeUo Gallico^ lib. V, cap. xu.)
Non seulement Ptolémée nous montre que des Belges
avaient pour villes Ischalts^ Aquse Calidœei Venta Belgarum^
actuellement Ilchester, Balh et Winchester, mais il nous
parle d'Atrebates, anciens habitants des environs d'Arras,
ayant, près de la haute Tamise (Tamesis)y la ville de Caleva,
Calais. Il indique également des Parisiens ayant plus au nord-
est la ville de Petuaria, actuellement Burgh, auprès de l'em-
bouchure de THumber.
BéXYat %ol\ luéXetç ^W/aklç, *T8aTa 6ep(j.à, Ouivra. (Ptolémée,
liv. II, ch. II, p. 109.)
'ATpeêiTtot xal r.àXiç KaXigoua (foc. cit,).
UoLplaoi xatiçéXi; IleTOuapCa (foc. cit., p, 108).
On voit donc qu'au sud et au sud-est de Tile de Bretagne
habitaient de nombreux descendants d'émigrés de la Bel-
gique, du nord des Gaules. On peut même remarquer que,
parmi les insulaires de cette région, il y avait des blonds*
DISCUSSION SCm L*INDKB CÉPHAUQUE EN FRANCE. 315
Suivant Dion Cassios, Boadicée ou Bonndoucia, reine des
IcèneSy anciens habitants des environs de Carter et de Nor-
wich, avait une clievelure touffue, très blonde et très longue.
. . . TV f s *^t)v xXsiotTQv Texflti ÇovôoTdEmjv o5aav jA^xpi 'wàv ^XcurtSy
xaOetTa. (Dion Cassius, Hist, rom,, liv. LXII, § 2, t. IX, p. 66,
texte et trad. de Gros et Boissée.)
Or> ce fut surtout du midi de Tîle qu'à partir du cinquième
siècle, lors des invasions successives des Saxons, des Angles,
des Danois, de nombreux fugitifs vinrent se fixer sur notre
littoral armoricain, ainsi que le rappellent Ermold NigeU,
Eginhard, Ingomar et autres chroniqueurs :
Hio populus venions supremo ex orbe Britanni
Qqos modo Brittones franoica lingua vocal.
(Ermoldï Nigelli Carminade rebusgeitis vit. Lud. Pii^ liv. III,
V. 411-112, p. 38; de Rerum Gallicarum et l'rancicarum scrip^
tore$ de Dom Martin Bouquet.)
« Nam cum ab Anglis ac Saxonibus Britania insula fuisset
invasa, magna pars incolarum ejusmare trajiciens in ultimis
Galliœ finibus Yenetorum et Guriosolitarum regiones occu-
pavit. » (Eginhard, Vita Karoli^ imp.^ texte et trad. de Teulet,
1. 1, p. 196, Paris, 1840.)
tt Ruinallus, ces choses oyes, print la tierce partie de tous
ces compagnons tant masles que femelles et vint par navire
de çà la mer en la moindre Bretagne avecques très grande
multitude de citoyens. » (Ingomar, cité par Pierre le Baud,
I/ist. de Bretagne, p. 64-65, 1638, Paris, in-folio.)
Je sais que M. Loth, qui, récemment^ a étudié avec soin la
répartilton sur le littoral armoricain des divers groupes des
Bretons insolaires, des Domnonii du Gouesnon à la rade de
Brest, des Contovti jusqu'à TEllé et au Blavet, et des Bretons
de Bro-Waroch jusqu'au-delà de Guérande, met « les anthro-
pologtstes au dléfl de prouver que le type grand et blond
étsât eehii des Bretons insulaires ' », conséquemment de ceux
< J. Loth, L'émigration bretonne «n Armoriquêf du cmqtUèmê au iep-
iièmf tiède, p. S36^et XIX, Rennes, 1883.
316 SÉANCE DU 5 IfAI 1887.
immigrés en Armorique. En effet, les Domnonit et Cornovu
iosulaires, qui s'étaient réfugiés en Armorique, provenaient
de la région sud-ouest de Tîle, région peu éloignée du pays
des Silures que Jornandès dit avoir les cheveux noirs et
bouclés :
« Silurum colorati vultus, torto plerique crine et nigro
nascuntur. » (Jornandès, Hùt. des Goths^ chap. ii, p. 425,
coll. Nisard.)
Mais lorsqu'on voit que les Saxons envahirent d*abord la
région sud-est de Tîle, et que très longtemps la région
sud-ouest resta à Vabri de la conquête, on doit supposer que
les insulaires fugitifs, immigrés en Armorique, provenaient
pour la plupart de la région envahie, anciennement occupée
par les Belges venus du continent. Ainsi s'expliquerait com-
ment, sur les cartes de Broca et de M. Collignon, les habi-
tants du littoral seraient plus grands et plus dolichocéphales
ou moins brachycéphales que ceux du centre de notre Bre-
tagne.
M. CoLUGNON insiste auprès do ses collègues pour qu'ils
veuillent bien lui adresser toutes les mensurations crâniennes
qu'ils pourraient avoir faites en un point quelconque du ter-
ritoire français.
L'assemblée accepte, à titre de pli cacheté, la carte que
M. Collignon dépose sur le bureau.
Da nom de l'ours» en grec ancien et en sanierlt ;
PAR M. PLOIX.
Dans une communication précédente', à propos de la si-
gnification du nom des Aryens, je parlais d'une racine ar^
ark, en sanscrit 7'i, rik, qui comporterait le sens d'éclairer,
briller. Un de mes collègues a contesté cette interprétation
de la racine ar. Mais il n'a apporté à Tappui de son dire aucun
argument réel, il s'est borné à affirmer qu'il n'avait pas
trouvé cette racine dans les ouvrages sur la langue sanscrite.
* Séance du 6 novembre 1884.
PLOIX. — NOM DE l'ours EN GREC ET EN SANSCRIT, 317
n est admis par les linguistes que la racine ark a le sens
précité. A mon avis, la racine ark n*est qu'un élargissement
d'une racine antérieure ar; car je suis convaincu que toutes
les racines primitives sont monosyllabiques ou plutôt mono-
consonantiques. Quoi qu'il en soit, pour ce qui va suivre, je
n'ai besoin que de me référer à la racine ou au radical ark.
En grec ancien, àpxtoç signifie un ours ou une ourse (le
masculin et le féminin ayant la même terminaison). Ce mot
est également le nom d'une' constellation bien connue, que
nous appelons VOurse, à limitation des Grecs. En sanscrit.
Tours se nomme nhka, et, dans les Yédas, le mot jnksha
est aussi employé pour désigner une éloile ou un groupe
d'étoiles. Or, arcios (les linguistes sont d'accord sur ce point)
correspond exactement au sanscrit riksha. C'est le môme mot
régulièrement transformé suivant les lois reconnues qui ont
présidé à la formation de Tidiome hellénique. Gomment une
même expression a-t-elle pu être appliquée à deux objets aussi
dissemblables que Tours et Té toile ?
Je crois qu'il est absolument impossible de reconnaître un
ours dans la figure formée par les sept étoiles de la constel-
lation qui porte son nom. Je ne crois pas davantage que les
anciens ont, dans le cas actuel, supposé une ourse dans le
ciel, comme ils y ont transporté une foule de personnages et
d* animaux mythiques, sans qu'il y ait aucun rapport entre
ces êtres et les figures géométriques que peuvent former les
étoiles. C'est à une époque relativement récente, et par des
considérations inutiles à examiner ici, que la voûte céleste a
été peuplée de ces noms fabuleux conservés encore aujour-
d'hui dans nos catalogues astronomiques. Or, Arctosse trouve
déjà cité dans Homère. L'Iliade et TOdyssée mentionnent
cette constellation en même temps qu'Orion et les Pléiades,
et font remarquer qu'elle ne se baigne jamais dans TOcéan,
c'est-à-dire qu'elle reste constamment au-dessus de Tho-
rizon*.
* Iliade, XVIII, v. 487 ; Odyss., v. 273. Il esl curieux de remarquer que
ces mêmes astres sont cités ensemble dans le livre de Job^ IX, 9.
3i8 S^ABGB DU 5 MAI 1887.
Les chantres du Rig-Yéda, qui appliquaient le mot rik$ka à
des étoiles, croyaient-ils toit dans ceB astres nne ourse ; estoe
le sens d*o«rs qa*ils avaient alors à l'esprit? On doit penser
le contraire. D'un côté, rien ne prouve, dans les hymnes oà
se trouve le mot rihkay qu'il s'agisse de la constellation de
rOurse. D'autre part, si le nom d'un «mmal avait été donné
aussi anciennement à un groupe d'étoiles sur lequel Taiten-
tioa n*a pas cessé de se fixer, on devrait en retrouver le sou*-
venir dans les noms popuiures que donnent à ce groupe ies
r&ces qui ont emprunté aux Aryens leur langage. C'est ce qui
n'a pas lieu. Dans la revue intitulée Mélusine^^ MM. Gaidoz et
Rolland ont recueilli avec beauconp de soin toutes les exprès*
sions populaiiie« qui s'appliquent à la grande Ourse. Ba ce
qui concei*ne les idiomes aryens, presque toutes ces expres*-
stons dMvent de la même idée : les sept étoiles sont coBsi*-
dérées comme représentant un char, an chariot. TaMM oe
cJiar est simplement le char du ciel, le char de la nuit; tantM
il est le char des âmes, le char du Seigneur, le char de David,
le char de Gharlemagne, ou encore le char du petit Pomet.
Le nom du personnage auquel il est affecté est ici sans im-
portance. Quant à l'objet représenté, l'origine de IHdée st
comprend d'elle-noême : les quatre étoiles qui formcnrt «n
rectangle figurent la caisse du char, et les trois étoiles presque
en droite ligne figurent le timon. Les Latins appelaient
aussi la constellation Plemstrunif et les anciens Grecs, en
même temps qu'ils le nommaient Arctos, la désignaient en*
eore par le mot &\t.a^aL (chariot)'. 11 est aussi facile de conce-
voir comment, dans le Vivarais^ on assimile la grande Ourse
à une casserole ^ on comment les Indiens y voient un élé*
phant a:vec sa trompe^. Mais comment pourrait^on y découvrir
une ourse? Les anciens avaient déjà constaté ladiffîcnlté, et
* Tome II, p. 30^ eipassim.
* Homère, toc. dt,
3 Mélusine, I, p. 63*
* /rf., II, p. 82.
PLOIX. — NOM DE L*OURS EN GREC ET EN SANSCRIT. 3l9
Feslus AVienus dit, à propos des deux constellations rétmieâ
sous le ttom de grande et petite Ourse :
Ursasqne et I^laustra vocare solemus.
FÈbt\k namqué Unas, sptmet dat Plaustrt vttieri.
« Nous les appelons des ourses ou des chariots ; la Fable
veut que ce soit des ourses, mais elles ressemblent à des cha-
riots. »
Si le nom de la grande et de la petite Ourse se trouve
aujourd'hui dans toutes les langues savantes de l'Europe,
l'expression a été empruntée par les astronomes à la langue
latine, comme les Latins Pavaient eux-mêmes empruntée aux
ûrecs. C'est donc aux Grecs qu'il faut demander la raison de
Tassimilation de la constellation avec Tanimal.
Max * Muller a fait remarquer qu'elle était Je résultat de
Tinfluence du langage sur la pensée. Arctos^ en grec, et
riksha, en sanscrit, ont dû avoir plusieurs significations ; ce
n'est pas avec le sens d'ours qu'ils* furent appliqués aux
étoiles. Postérieurement, en grec, les autres sens se perdi-
rent, et les Hellènes, ne reconnaissant plus dans ce mot que
ridée de Tanimal, crurent qu'il y avait une ourse dans le ciel,
comme ils crurent aussi que le nom d'àpxxoç, donné aux
prêtresses d'Artémis, signifiait les ourses. Max Muller a dé-
terminé le sens d'àpxxo;, étoile. 11 dérive le mot de la racine
ark (briller, éclairer), et l'explique comme signifiant la bril-
lante^ la lumineuse, devenant très naturellement le nom d'un
astre. Mais il n'explique pas le ïiom de l'ourse.
Pourrons-nous y réussir en le rattachant à la même racine?
Ici, nous sommes en présence de deux hypothèses. Le nom
de l'animal peut avoir été emprunté par les Aryens à une
autre population qui aurait connu l'ours avant eux, et se
trouver, par hasard, phonétiquement identique à un des mots
de leur langue. Dans ce cas, nous n'en saurions rechercher la
signification, ne connaissant pas l'idiome auquel il apparte-
nait. Mais il peut être aussi un mot sanscrit, et nous serons
' Nouvelles Leçons sur la science du langage, trad* franc., t. n, p.lTS.
320 SÉANCE DU 5 MAI 1887.
disposés à admettre cette opinion si nous réussissons à l'ex-
pliquer par les racines aryennes. Kuhn Ta déjà rattaché à la
racine ark, dont il est ici question, en supposant qu'on a
voulu dire Tanimal au poil luisant. Cette interprétation me
semble peu satisfaisante. L'ours, surtout à l'état sauvage, ne
brille pas assez pour la justifier. Mais on sait, et je n'insisterai
pas sur ce point, que les racines qui ont le sens de briller,
éclairer, ont servi postérieurement, et par une dérivation
dldées très naturelle, à exprimer la couleur blanche. Arctos
a donc dû signifier « celui qui est blanc » , et conviendra à
désigner l'ours, si Ton veut bien admettre que les premiers
de ces animaux, qui ont été connus par les Aryens, étaient
des ours blancs. Telle est la conclusion à laquelle m'ont
conduit mes recherches linguistiques, et je la crois susceptible
d'être adoptée. Au point de vue anthropologique, elle peut
avoir de l'intérêt ; c'est une donnée dont il faudra tenir
compte pour déterminer la région qui a été la patrie origi-
naire des Aryens.
Discussion.
M"* Clémence Royer pense que Arcfw/ii* (gardien d'Arctos),
nom de l'étoile a du Bouvkr, doit avoir une origine iden-
tique.
Aphasie eoD^énitale eltex un enfant de quatre ans et demif
PAR M. DALLT.
M. Dally appelle l'attention de ses collègues sur un fait
intéressant qu'il observe actuellement dans sa clientèle. Il
s'agit d'un enfant de quatre ans et quatre mois, qui, jus-
qu'ici, n'a pu encore parler et ne prononce que quelques syl-
labes redoublées sans significalion. Il est d'ailleurs intelli-
gent, comprend parfaitement tout ce qu'on lui dit et exécute
régulièrement tous les actes en rapport avec son âge.
M. Dally demande quel pronostic on peut porter dans cette
circonstance.
DISCUSSION SUR l'aphasib congénitalb. 321
IMsenttioB.
M. Hbrtê. Sans remonter jusqu'au fils de Grésus, qui, au
récit d'Hérodote, acquit subitement la parole en présence
d'un danger imminent dont son père était menacé — mais
cette histoire manque peut-être d'une suffisante authenticité
— on trouverait dans la science bon nombre de faits sem-
blables à celui dont vient de nous entretenir M. Daily. Un de
nos collègues, M. le docteur Ladreit de Lacharrière, médecin
en chef de l'Institution nationale des sourds-muets, a même
consacré à c^tte question du retard dans le développement
du langage et du mutisme^ chez l'enfant qui entend, un tra-
vail spécial publié, en 1876, dans les Annales des maladies de
Poreille et du larynx.
Ce qu'il y a de particulier dans ces faits d'aphasie congé*
nilale, aphasie purement fonctionnelle, semble-t-il, c'est que
les enfants atteints de ce mutisme, sans complication de sur-
dité ni d'idiotie, récupèrent la faculté de parler, souvent très
tard, à cinq, six et sept ans, et cela parfois brusquement, à
l'occasion de quelque émotion vive, comme' si la secousse
produite alors ouvrait tout d'un coup à l'influx nerveux les
voies conductrices de la parole.
M. Dally ne peut admettre cette invasion en bloc de l'ar-
ticulation des mots, une éducation préalable lui paraissant
nécessaire.
M. Hervé. M. Dally m'objecte qu'il est contraire à tout ce
que nous savons de l'acquisition progressive du langage arti-
culé, d'admettre que cette fonction puisse s'établir soudaine-
ment, sans être précédée des tâtonnements et des efforts
auxquels nous voyons tous les jours l'enfant se livrer pour se
l'approprier. D'abord, je ne veux pas dire que les sujets dont
il est question disposent immédiatement d'une langue très
parfaite; mais je dis qu'ils ont d'emblée un langage suffisant
pour se faire comprendre. Il n'y a pas lieu de s'en étonner ;
car, s'ils ne parlaient pas, ces muets du moins entendaient,
et, dès lors, ils ont pu faire, par l'ouïe, l'éducation latente
T. X (3c série;. *l
m %iàm% M B VAi 1881.
de leur centre d^articnlatioD^ eqçore que Tactivité de ce
centre fût resiée longtemps sans se manifester. Il est évident
qu il oe le»r fpanqqp quf le H)éQ^pJiimfl de TwlicpUtton, et
qiie^ du jot3r ou iU ont h pQs^ibiUté do ]e m^t(p0 §j\ jeu, iU
4pivpnt le perficiiouper très rftpi4ftmeRt, AM^nt' 4fln»é qu'iU
iQpt eu posnesaion d^à 4e la ipéuiQire w4itw 4^? rpots-
CQnime exemple de c§ bru^quo ^tgblii^^pidat d§ 1^ parole,
40 citf rai le ca^ suivaat qui m^ r^yieut |i Ift mémoircr II »*wt
d'uu eufapt, intelligent 4 ftUleurii et pplleujent sourd, qui
éf^it resté muet jusqu'^ Tâge d^ w ^n», ya jpur,up apc}4ept
arrive h Tua 4e ses jouqt» favorin ; repf«ut, fqrtpipopt éuiUi
s'écrie sow4«W : «QhpI 4Qin|UftgeU A Partir de ce mQiQent,
il pari», Ijjeu qu'ftHPW^v^nt il n'eût jamjû» prouopp* ua ipul
mot.
M. F4uypwp. Je pense que, pour porter un prouQ^Uo sé-
rjpux *ur le fait m question, il faudrait d'ftbord w rendre
cpruptg d§ Ift paMW qui, jusqu'à oe jour, a empêché l'enfant
de parler. S'agit-il d'un simple retard dans le développemept
de la cirQOnvolutioi} frqptqle de Brpca? Doit-on, au con-
trftiïÇ» attribuer pçtle mutité ^ Hpp cau^p organique ayant
son ^iége dans le voi^in^e de eelte cirppuvolutioQ^ ou dans
Tappareil musculaire du langage, op bien encore 4ftns Iç»
fjlpts y^eryeux gui fpettppt eu pgipmunicatiop ce? deujc ordres
4'prg(jHe?? ^. p^jly Ypudrft bisp nou? dire |i le» mp^elps du
pharynx et de la bouche ne présentent aucune anpm^lip et
s'il pxiste unp piçtlforui^Uop quelcpnqpe de la régiou frontale
gaupbe.
M. Manpuvwer 9'0tpï?pç que ]^. Fauvelle, qui se pique de
coppjiissancpg ^atomiques prépisçjj, parle de nerfs qui ^
rpu4ppt dirpQtemept des cellules de la troisième circonyplu-
tion frqpt^lp au^ muscles 4e Ve^rticul^tiqu des psots. U ^er^it
ppriepx 4p copuaître leur trajet. l\ demande à qupl çiiractère
ïpprpbplQÇique 4u crâne M. FauvpUe proit ppuyoir recop»
nf^î^rp l§ plus ou moins de déyefpppefUpnt dp la eircppvQlu»
tipu du laugage» Il pense que }§ meilleure réponse ft fftirp ^
la question posée par M« Daily» c'est qu'on ne 9Qit pas.
DISCUSSION Sim L'APHASIIi CONGÉNITALE. ^3
M. Fauvelle. J'ignore à quoi fait allusion M. Manouvrier
en m'attribuant des prétentions aux connaissances anato-
miques précises. Dans la cifcppstance actuelle, sa critique ne
porte pas. Il n'est pas douteux que les communications en
question existent; il est également certain qu'elles n'ont pas
la simplicité que mon honorable collègue m'accuse à tort de
leur avoir accordée. Quant à la nature des complications, je
PQPSQ qu'il n'pn sftit pas plu? qi|§ iftoi. i'^i spépi^lement
voulu p^lpr des fl|)r^§ f)§rveasp§, qui paissept 4es cçUu^qs de
lfitffi|sièro§ çirfiQOVplutign frpftl^le, rti se dirfgpMyer^les
(&orp§ striés, fprpaeAt le npyau WWP 4^ p^ttg ojfCQnvQlutipft.
On mi, fin effpt, qup leur dpstrqptipp entrfi^lpe ^g^eroept
rap|ia§ie, Eq Pfltrl^nt dp malforips^t^pq, j'ai voulu 4«Rian4pr
à M. Daily s'il n'avait pas constaté une asymétrie exagérée
des deux moitiés du crâdê, avec .dépression prononcée de la
rtgiPft qui rpQouvf e la cirçouvolution dp firpc^.
g'jl n'p^jste ^ucunp lésjpp an?itomi(|ue, il pst possible qu'il
ue s')|^sse que 4'up felai^d 4aps le développepiient 4e§ cpj-
Jules oiptripes, et qu'aussitôt leur prçanisaUon acl^evée, l'en-
fant p^fvipPîîP h pwler couraipment. Puisqj^'il fi perçu pt
^•etenu l?s mots de la langue française, ^nsi que leur ?igni-
fioaUpp pt gu'il s'entpu4ru parler, son éduçatipu devra être
très rapf^Pf
M. Daixt p'a observé auçupe 4éform4tipn 4u pràne ; les
Wuscies de la bouche et du pl^arynx fopctionnent régulière*
mpnt. §ou ui^la4P> seulemept un peu ç^gupUï, UP diffère pn
riep 4fis epfants de ^on âge. Sp^ pareuts et se^ frères et sœurs
ne préçentept rien 4*auo|'mal .
M"* G]L|ipBNCP BoYBfi comp^rp la situatiop de cet enfant à
celle d'une personne qui comprppd upp langue étrangère
sans savoir la parler. Elle pepse que c'est la mémoire motrice
qui lui fait défaut.
La séance est levée à ping heures et demie.
Vun des secréiaires : FAUVELLE.
324 SÉANCE DU 19 MAI 4887.
m* SRANCB. — 1» nai 1887.
PréfllfleBee 4e M. MAOIT«T, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
COMMUNICATIONS DU BUREAU.
M. le Président annonce la mort de M. Yulpian, membre
titulaire du !•' avril 4869 et honoraire du l** février.
M. le Président ajoute que si M. Yulpian n'était pas un
membre actif de notre Société, il a du moins, comme on sait,
par ses travaux de physiologie, éclairé un grand nombre de
questions scientifiques qui touchaient de près nos études.
A propos du procès-verbal.
Aphasie congénitale. — M. Hervé. L'observation que j'ai
citée, à la dernière séance, à la suite de la communication de
M. Daily, appartient à Charlton Bastian qui la rapporte dans
son livre : le Cerveau et la Pensée^ t. II, p. 215. Les ouvrages
de Gall, de Hufeland, de J. Franck renferment également
des faits de cet ordre. Notre regretté collègue, M. Yalsse, en
apporte ici môme dans un travail que nos Bulletins ont pu-
blié (2* série, t. I, 1866, p. 146). Enfin, depuis quinze jours,
j*ai eu l'occasion de recueillir un de ces cas d'aphasie con-
génitale de la bouche de mon ami, M. le docteur P. Aronssohn.
ancien professeur agrégé à la Faculté de médecine de Stras-
bourg. L'enfant, âgé d'une dizaine d'années, parla tout d'un
coup à la suite d'une séance de magnétisme chez le zouave
Jacob, à qui ses parents l'avaient amené en désespoir de
cause. Jusque-là il ne s'était exprimé que par une vociféra-
tion inarticulée que sa mère seule comprenait.
OUVRAGES OFFERTS.
Realia. Registei' op de générale resolutien van het kasteel
Batavia^ t. II. Batavia, 1886, in-4% 406 pages.
OUVRAGES OFFBRTS. 325
Va^ der Chus. De vestiging van het NederlancUche Gezag^
1599-1621. Batavia^ 1886, in-4% 484 pages.
— Nederlandêch-indàch Plakaatboek, 1602-1822. Batavia,
1886, in-8% 681 pages.
FiRSGH (0.). Hausbau, Hàuserund Siedebmgen an der SûdosU
kûste von Neti-Guinea (ans Mittheilungen aus Wien). Vienne,
1884, broch. in-4*, 15 pages.
— Canoës und Canoebau in der Marshall- Insein (aus Ver-
handlungen der Berliner anthrop. Geselhchafi\ 1887, broch.
in-8®, 8 pages.
BoRDiER (A.). La vie des sociétés. Paris, 1887, in-8^,
359 pages.
CoLUGNON (R.). Les âges de la pierre en Tunisie (in Matériaux
pour V histoire dePhomme). Paris, 1887, broch. in-8", 38 pages,
2 planches.
MusTON. Le préhistorique dans le pays de Montbéliard et les
contrées circonvoisines. Montbéliard, 1887, in-8', 228 pages,
57 planches.
M. ToPiNARD, en offrant le dernier fascicule de la Revue
d'anthropologie^ attire l'attention sur les articles suivants qu'il
contient :
La carte de la répartition de ttndice céphalique en Norwège,
par Je docteur G. Arbo. Les brachycéphales s'y voient con-
centrés sur les côtes de TOcéan, principalement au nord-
ouest, dans les îles, et au sud ; tandis que les masses doli-
chocéphales s'observent sur le trajet des fleuves qui se
jettent dans la Baltique ; comme si les premiers occupants du
sol avaient été les brachycéphales et avaient été refoulés par
les dolichocéphales venus de TEst par mer.
Les types brun et blond au point de vue pathologique, par le
professeur Alphonse de Gandolle.
La splanchnologie des races humaines, par M. Ghudzinski.
V Atlantide, par M. Ploix.
Le préhistorique Scandinave, son origine et ses développe-
ments, par M. Ingwald Undset, conservateur du musée de
Christiania. G*est une introduction à Tétude du préhistorique
326 SÉANCE D0 49 HÀt 1887.
actuel que M. Undset e^tposeta dan» de& à^tidès altérieurfc.
La carte de tindtce céphaltque dei Italiens, par M. Topiiiard,
à propos de là carte de M. R. Livl. il en résulte que Id bra-
chycéphalie a son maximum au nord de ritalie, et diminue
progressitetnënten descendant âti sud, où l'Italien est essed-
tiellëmeht dolichocéphale, par exetnplë dans la Gàlabre,
ainsi que sur la côte orientale de la Sârdaigne.
Parmi les Jtevties françaises et étrangères portant sur treize
ouvrages ou mémoires, une critique très remarquable dil
livre de M. Tarde sur la criminalité^ par M. Paul Mougeolle.
Pal'mi les Actualités, une note de M. Louis Rdusselet, sur
les Ghildjis de TAfghanistan, qui jouent en ce moment un
rôle si Important dans Tlnsurrection qnl ensanglante ce pays;
et un article de M. Topinard, â propos du si^àlement de
Pranzini, sur le fonctionnement du bureau des signalements
anthropométriques à la préfecture dé policé.
Le préhistorique dans le pays de Montbéliard et les contrées
circonvoi'sines, par M. G. de Mortillet, au nom de M. Muston,
membre titulaire de la Société.
M. CoLLiGNON remet un mémoire sur les Ages de la pierre en
Tunisie, extrait des Matériaux pour servir à thistoire de
rhomme. Ce travail est la reproduction de la communication
faite à la Société en décembre 1885. Deux cartes qui y sont
jointes, représentant, l'une la répartition des stations préhis-
toriques par toute la régence^ Vautre un plan détaillé des
environs de Gafsa, seul point où, jusqu'ici, des silex chel^
léens aient été trouvés in situ.
HTADES. -^ ttTlNOGftAPHIE DIS fUÉGIEIfS. 3ï7
paisiNTAnoifSi
Phallns «ntlqae;
[par m. PAUL AUBRT.
J'ai rbonneur de présenter à la Sooiété un phallus aatique
en terre cuite. Malheoreasement les oirconstanoes dans les-
quelles je me le suis procuré enlèvent à cette présentation
une grande partie de son intérêt. Je Tai acheté à Jaffa, cbei
un marchand d'antiquités; il provenait^ m'a-t-il dît, d'Asca-
lon. Ce sont les seuls renseignements que j'ai pu obtenir. On
remarquera que ce phallus est circoncis.
Longueur = 14,5.
Circonférence à la base du gland = 13 centimètres.}
Circonférence près du point dlnsertion = 10 centimètres.
QoiunmiCATioifs.
ECluiogrAphIe d«s Faégimis;
PAR M. HTADBS.l
Enl883,unQuedtibhnaii*ë de sociologie et d^elhnoffraphie
a été élaboré par les soins de là Société (l*anlhropologie et
insété ikm lôâ Bulletins de la séance diî il Juin làR3. Les
auteurs, dans une courte préface, ont exposé les lignés gédé-
raies de ce mémento^ qu'ils ont voulu rendre applicable «aussi
bien aux Fuégiens qtt'aul hàbitaniâ des capitales les plus
civilisées o .
Je présente aujourd'hui à la Société les réponses qui con-
cernent les Fuégiens de 1* archipel du cap Horn. Sans doute,
toutes les données du Questionnaire sont examinées en détail
dans le volume sur ^anthropologie de cette peuplade, qui
a été prépare par la commission du cap Horn, et qui sera
publié prochainement. Mais j'ai pensé qu'il serait utile de
remplir, sous une forme très résumée, le Questionnaire dont
je parle, qui ne saurait trouver place dans «n« monographie.
SÉANCE OU 19 MAI 1887.
RèpoiiMs au «aestiomudre de «ooiologie et d*ethnoffraphie, «n oe qai
oonoarne les Foèfriena de l'archipel du oap Horn (Tékenika de Fits
Roy, Taligan aoloéla) *.
VIE NUTRITIVE.
Alimentation. — 1. R. On pourrait dire que les aliments
sont exclusivement animaux sll n'y avait accidentellement
quelques exceptions pour les baies de Pernettha ou les
fnngus de bouleau.
2. R. Les coquillages (et surtout les moules), les oursins,
les poissons, les phoques et les baleines, font la base de
Talimentation.
3. R. On préfère toujours les aliments cuits.
4. R. On fait à demi griller les aliments en les posant sur
les tisons.
5. R. n y a deux principaux repas, dont Tun le matin,
quelques heures après le réveil, et Tautre le soir, avant de
dormir.
. 7. R. Les femmes préparent les repas.
8. R. Les femmes et les enfants mangent avec les hommes.
9. R. Il n'y a pas d'aliments privilégiés.
10. R. On ne fait pas de provisions.
11. R. On ne connaît aucune substance enivrante, narco*-
tique ou excitante.
VIE SENSITIVE.
SBNSIBILITé GÂNÉRALB KT SPACULI.
1. R. On est peu sensible à la douleur.
3. R. On supporte les maladies stoïquement.
3. R. On ne craint pas beaucoup la mort.
A, Tact. — R. La sensibilité tactile n'est ni plus ni moins
développée que chez les observateurs (Français).
^ On n'a reproduit ici, de ce Questionnaire, que les titres des chapitres
et les numéros des questions auxquels se rapportent les réponse».
HTADES. — ETHNOGRAPHIE DES FUÉGIENS. 329
B. Sens du goût. — R. Les saveurs préférées sont celles des
graisses et des huiles animales, en particulier de Fbuile de
phoque. Les Fuégiens apprécient beaucoup Thuile de foie de
morue, comme goût, et plus encore les saveurs sucrées. Ils
ont horreur de ce qui est amer et n'aiment pas le sel. — Il
n'y a pas, sous le rapport du goût, de différences sexuelles.
G. Odorat. — R. La sensibilité olfactive est peu développée ;
elle ne s'exerce guère que pour reconnaître les matières
animales en décomposition ; mais, à cet égard, l'odorat des
Fuégiens est aussi fin que celui d'un Européen normalement
doué. Ils ne m'ont pas paru reconnaître à l'odeur les transpi-
rations cutanées des Européens ou des personnes d'un autre
sexe que celui de l'individu examiné.
D. Sens de l'ouïe, — R. L'ouïe a la même acuité et la même
portée que chez la majeure partie des Européens (expériences
de la montre, du diapason, etc.). Mais les bruits qui nous
sont hebituellement désagréables (explosion d'une mine,
sifQet de machine à vapeur, etc.), laissent les Fuégiens indif-
férents.
E. Sens de la vue* — R. i. Les anomalies de la réfraction
sont inconnues chez eux; ils possèdent tous une grande
puissance d'accommodation.*
2. R. Ils préfèrent les couleurs vives, et surtout le rouge.
3. R. Ils supportent un peu mieux que les Européens la
lumière solaire directe.
i. R. Il Ji'y a pas de différences sexuelles sous le rapport
de la vue.
ISTHinQUE. — PARURI. — BBAUX-ARTS.
A. Parure.^-- t. R. On emploie pour le visage, principale-
ment sur les joues, des fards, blanc (argile), rouge (ocre), noir
(charbon), délayés avec de l'huile ou de la salive. Le rouge
et le blanc sont préférés.
2. R. Le tatouage est inconnu chez les Fuégiens.
3. R. Les femmes se parent un peu plus que les homme?.
330 sÉAifCB DV 19 haï {8rr.
B. DéfotmaitimiM él mutUatitm ethniques. ^ R» U n'existe
tacUne matUation ethnique ohes les Fuégleiis.
G. BijouJt. -*^ R« Lei hommes et surtout leé femmes por-
tent autour du oou des colliers en coquillages^ en moroeaux
d'os enfilés, en tresses de nerfs ou de tendons. Les femmes
poHent souvent Alix poignets et faux oheyillès des bracelets
en peau de guanaoo.
D* Coiffure. ^ R* Les cheveux sont épar8> coUpés sur le
front, à la chiens la coiffure de deUil consiste en une large
tonsure sur la tète*
R Vêtements. — i. R. Le vêtement habituel est représenté
par une peau, non travaillée, de loutrci de phoque ott de
guanaque. Mais le vêtement manque souvent^
â. R. Vers trois où quatre ans les enfètnts, de têmpfe à
autre, |>ortent uHe petite peau sur répaule«
3. R. Aucune dififérence entre les deux sexes^ sauf une
petite feuille de vigne en peau de guanaque potir les femmes.
4. R» Il n'y a pas de vêtement de luxe»
F. De la danse. — R. La danse n'est pas pratiquée.
G* Musique, — 1. R. M. Rehé de Garfort a iioté dftns les
chants fuégiens : i^ l'emploi exclusif du mode mineur;
2^ Tabsence de la tonique ; 3^ la terminaison Sûr la sous*
dominante.
2* R. Le (chant est habituellement gai ; il sd compose
d'une seule parole ou même d'une seule syllabe^ répétée in*
définiment*
3. R. Il n'y a aucun instrument de musique.
4. R. Le sexe féminin est le plus adonné au chant.
H. Arts graphiques et plastiques. — R. La sculpture et la
peinture sont complètement inconnues chez les Fuégiens.
VIE AFFECTIVE.
SBHSIBILITÂ MOBALE. — SBNTniBNTS AFFECTITS.
A. Caractère. Moralité. — i. R. Le caractère est sélieuX et
concentré. On ne rit pas faoUementi le rire est totyours
bruyant*
HTADES. ^ BTHNOORAPHIB DBS FUÉGIENS. 33t
3. R. Les femmes, seules» pleurent facilement*
3. R. On est plutôt t^ourageux.
4. R. Le caractère est mobile.
5. R. Très facilement on se met en colère.
6. R. Le mensonge et la ruse sont plutôt approuvés.
7. R. On estime surtout la générosité et Ton méprise l'ava-
rice f
8. R. On ne se croit pas lié par ses engagements.
0. R» Le sentiment de l'amitié est énergique.
10. R. On le désigne par un mot : maojakou.
H 4 R. Il n'y a pas précisément d'exemple de dévoue-
ment, mais on doit toujours à son ami assistance et protec-
tion.
12. R. Ce que nous appelons politesse est inconnu.
13. R. On connaît la compassion î mais il n'y a pas de mot
pour la désigner.
14. R. Tout visiteur a droit à une place dans la hutte et à
une part de repas.
15. R. Les faibles sont plutôt seoourus.
16. R. Les malades sont soignés.
17. R* Les chiens, seuls animaux domestiques, ne sont
nullement soignés.
18. R. Il n'y a aucune tradition d'anthropophagie.
B. Des enfants. -* 1. R. Les parents aiment beaucoup
leurs enfants.
2. R. Ils les caressent très rarement, pour ne pas dire
jamais.
3. R. L'infanticide n'est pas en usage.
6. R. On ne s'occupe que d'apprendre aux enfants l'indus-
trie de la tribu.
7. R. En général les parents s'occupent des enfants jus-
qu'au jour du mariage de ceux-ci.
8. R. Rien ne s'opposerait à la vente des enfants, s'il y
avait des acquéreurs.
C. Des vieillardi et des parents, — 1. R. Les parents aiment
leurs enfants.
332 SÉANCE DU 19 MAI 4887.
2. R. Toujours, en règle générale, les adultes respectent
leurs parents;
3. R. Un peu plus le père que la mère.
4. R. Les vieillards sont bien traités ; mais si les infirmités
leur rendent la vie impossible, l'usage pardt être de les
étouffer pour abréger leurs souffrances.
D. Condition des femmes. — r R. La femme doit obéir à
son msu:i,
2. R. La femme qui se conduit bien est indépendante et
respectée.
3. R. La pêche, la préparation des aliments et, en général,
la conduite des embarcations sont les travaux dévolus aux
femmes.
A. R. Les femmes ne peuvent être vendues.
E. Guerre. — i. R. On ne fait pas de prisonniers.
2. R. On préfère la guerre d'embuscade ; mais on fait aussi
la guerre ouvertement.
F. Rites funéraires. — i. R. On prépare, immédiatement
après le décès, les morts pour les funérailles*.
2. R. Les morts sont inhumés.
3. R. Quelquefois, ils sont brûlés ; surtout quand le décès
a eu lieu loin de la résidence habituelle de la famille.
i. R. Il n'y a ni cérémonies, ni monuments funéraires.
5. R. 11 n'y a pas de clergé.
6. R. Il n'y a pas d'autre signe de deuil que la section des
cheveux au ras sur le sommet de la tête.
RBLIGION. — VIE FUTURE.
A. Vie future, — I . R. On croit seulement aux ombres
des criminels, et on les craint beaucoup sans chercher à se
les concilier.
. 2. R. L'idée de vie future n'existe pas.
3. R. On suppose que les criminels, après leur mort, pour-
raient passer quelques années à errer misérablement, sous
des formes fabuleuses, en cherchant à nuire aux vivants.
HTADES. — ETHNOGRAPHIE DBS FUÉOIENS. 333
4. R. Ces ombres seraient matérielles.
5. R. On croit à la mort naturelle.
B. Beligian.'^R. Les Fuégiens n'ont aacnne idée se rap-
portant à la religion ni & la cosmogonie.
Les voyageurs ont dit qu'ils avaient des sorciers : ceux-ci
sont tout simplement des guérisseurs, plus ou moins charla-
tans, qui n'en imposent, dans le fond, à personne, mais que
l'on respecte cependant, parce qu'on ne connaît pas d'autres
secours que les leurs contre la maladie.
VIE SOCIALE.
A. Famille. — 1. R. La famille est bien constituée, mais
la tribu n'existe pas, à proprement parler.
2. R. L'enfant appartient à ses deux parents, mais plutôt
au père.
3. R. La parenté suit la ligne directe et collatérale, mas-
culine et féminine.
4. R. Nous avons recueilli tous ces mots, qui sont très
nombreux et dont voici quelques-uns :
Ytnou^ père.
Dabif mère.
Magou^ fils.
Maa kipay fille.
Oalèny frère aîné.
Baoua makouçine, frère cadet.
Ouat kipa, sœur aînée.
Makous kipa^ sœur cadette.
Endoi'ouay oncle (frère du père).
Ymanan, oncle (frère de la mère).
Damapou, tante (sœur du père).
Yaka dabéén, tante (sœur de la mère).
Yamana magouy neveu (fils du frère).
OuartrùUy neveu (fils de la sœur).
Yamana maa kipa, nièce (fille du frère).
Kipartrou, nièce (fille de la ?œur).
334 sÉANCB DU 49 Mil 4887.
Darchinaka ,
Daranaka^ ^
Darchinaka kipa^ |
Daranaka kipa, \ •^•
Atloum, beau-frère.
Xipa ahum^ beUe-0œu».
MépaghoUf beau-père.
Méçaa hipa, belle-mère.
Toumagou daroua^ parfttre.
Toumagou maa kipa^ marâtre.
5. R. La parenté est reconnue jusqu'au quatrième ou au
cinquième degré.
6. R. L'adoption existe dans la pratique, mais sans aueune
cérémonie.
7. R. L'héritage se transmet à Tépou survivant on, & dé-
faut, au fils aîné. — Voir ce que nous disons plus lûip au
mot Propriété.
B. Amouvy mariage. — 1. R. Le sentiment de l'amour ert
fréquent ; il n'y a pas de chant d'amour.
2. R*. Le baiser est totalement ipconnu»
3. R. La pudeur n'a pas de nom spécial; elle s^ manifeste
très bien dans le maintien.
4. R. La masturbation et le sodomisme ne sont pas en
usage ; on en parle cependant souvent pour en plaisanter.
5. R. Il n'y a dans le mariage qu'un contrat veriial ; les
femmes ne sont pas communes (pas de polyandrie).
6. R. La communauté n'intervient pas pour sanctionner
le mariage.
7. R. Il n'y a aucune cérémonie pour le mariage.
8. R. La polygamie est permise.
9. R. Le mariage est généralement endogamique.
10. R. On observe quelquefois le mariage par capture.
14. R. La femme p'est pas, en général, consultée^ on
l'achète ordinairement à ses parents.
42. R. Il n'y a pas de fiançailles.
43. R. La virginité n'est pas estimée.
' HYADES. pw ETBVOaRAPBIE DU 9UÉGIENS. 33K
i4. R. Le mari n'a pas le droit d'entretenir des concubines.
i5. R. La divorce 8'ob»9rv6 pas incompatibilité d'humeur
et ne présente aucune forqrialité.
16. R. Les enfants suivent plutôt le père.
IV. R, La répudiation de la femme se voit plus rarement
que le divorce ou la rupture du mariage.
4B. R. Jja prostitution n'existe pas, dans le smis d'institu-
tion sooiala^ mais il arrive que des femmes, non mariées^
s'adonnent à cette pratique.
10. R. Les prostituées sont plutôt méprisées.
fiO. R. L'adultère de la femme est puni par des coups que le
mari ou ses parents infligent à la coupable et à son complice.
21. R. L'adultère du mari n*e&t p^s puni, sauf par des
scènes de jalousie de la femme.
G. Propriété. — R. La propriété est individuelle et héré-
ditaire saud aucun testament, mais elle ne peut s'entendre
ici que des effets personnels : pirogue, ustensiles de chasse
ou de pêche, peaux d'animaux, ohai^un n'ayant de ces objets
que oe qui lui est nécessaire. En outre, le plus souvent,
Théritier psu'tage entre les amis du défunt ce qui a appartenu
à p^lui'Cb comme si les parents l09 plus proches ne voulaient
pas tirer un profit quelconque de la mort d'un des leurs,
D- 66lfVirnm§nt, çonitlfulion SQciah, — R. Il n'y a ni roi,
ni chef, ni aristocratie, ni castes, ni hiérarchie sociale, ni
escliay^» ; a^est le régime de i'^g^lité (lans toute sa pureté.
K. Ju^ticç, — R. Or ne rend pas la justice et il n'y a pas
de lois. Certains actes cependant sont considérés comme
criminels : teji^ que l'enlèvement d'unç femme m^iée, le vol
d'uo§ pirogue, ie paewrtre dç ^Q^ pemblebie. Les parents des
victimes cherchent, dans les deux premiers cas, simplement
à faire restituer ce qni ^ été volé Qt, 4^ns le dernier cas, à
punir de mort }p ipenrtrier pu, h défout, l'un des sieus.
336 SÉANCE DO 19 MAI 1887* ^
VIE INTELLECTUELLE.
INDUSTRIE.
,A. Données générales, — 1. R. On est chasseur et pécheur.
S. R. Le chien est le seul animal domestique.
B. Chasse. — 1. R. Les animaux chassés de préférence
sont les oiseaux de mer, les loutres^ les phoques et, acciden-
tellement, les baleines.
2. R. On se sert surtout du harpon en os fîxé sur un long
manche et lancé à la main ; on emploie aussi^ pour les oi-
seaux^ des lacets ou collets en fanons de baleine.
3. R. On chasse le plus souvent en troupe.
A. R. La chasse est pratiquée exclusivement par les hommes
et par les jeunes gens.
G. Pêche. — 1. R. On pêche avec un long fil de ligne,
dont une extrémité est tenue à la main et dont l'autre est
munie d'une pierre de lest et d'un appât.
2. R. On n'empoisonne pas les eaux pour prendre le
poisson.
3. R. Il n'y a pas d'animaux employés comme auxiliaires
à la pèche.
4. R. Il n'y a pas d'espèces de poissons dont la pèche soit
interdite.
5. R. La pèche est pratiquée seulement par les femmes*
D. Agriculture. — R. On ignore complètement l'agricul-
ture.
E. Céramique, — R. Elle est absolument inconnue.
F. Métallurgie, — R. On n'a aucune idée de la métal-
lurgie.
G. Armes, — 1. R. Il y a des masses en bois, mais plus
communément des harpons en os et des frondes.
2. R. Les armes offensives sont les frondes, les harpon?,
très rarement les flèches.
3. R. La variété de harpon la plus usitée comme arme de
jet est une pointe en os, longue de 0",16 environ, à une en-
HYADES. — ETHNOGRAPHIE DES PUÉGIËNS. 337
taille, solidement assujettie à ud manche de 3 à 4 mèlrcs de
longueur.
4. R. Il n*y a aucune arme défensive.
5. R. Les femmes combattent avec courage, mais sans
armes ; elles se servent de pierres, de pagaies, etc.
6. R. Aucune arme n'est empoisonnée.
H. Navigation, — 4. R. Chaque famille possède une ou
plusieurs pirogues en écorce de Fagvs betuloîdes^ avec des
bordages cousus et des membrures en demi-cercle de bois de
Drionys Winieri ou de Fagus antarctica.
2. R. Les embarcations se manœuvrent àlarame ou pagaie.
3. R. On ne conndt pas Fusage du gouvernail.
4. R. Il n'y a pas de pirogues doubles ou à balancier.
5. R. On ne sait nullement dresser des cartes.
6. R. On se guide d'après la connaissance des cAtes et
des récifs.
I. Habitations. — R. En fait d'habitations, on ne connaît
que la hutte en branchages ou troncs d'arbres, construite
en quelques heures au plus, par les hommes, et dépourvue
de tout meuble. Les femmes ne prennent pas part à cette con-
struction.
J. Vêtements. — R. On n'est pas vêtu. Les femmes portent
seules, au-devant du pubis, un petit lambeau triangulaire en
peau de guanaque, de 12 à 15 centimètres de longueur et de
7 à 8 centimètres de largeur à la base: c'est un emblème de
pudeur. La plupart du temps, chaque individu possède une
peau de phoque ou de loutre qu'il place sur ses épaules pour
s'abriter tant bien que mal contre le vent.
K. Moyens de transports^ routes. — . R. Presque toujours
les transports se font en pirogue ; il n'y a ni routes, ni ponts ;
on passe les ruisseaux à gué.
L. Commerce^ monnaie. — R. Il n'y a ni commerce ni
monnaie.
T. X (3« bérib). sa
338 8ÉANGE DU 10 MAI 1887.
QUESTIONS SPéCIALKMENT RELATIVES AUX' FACULTÉS INTELLECTUELLES.
A. Mémoire. — i. R. I^ mémoire, eu général, est de
courte durée ; la variété de mémoire la plus développée est
la mémoire des lieux.
â. R. Od apprend très difQcilement à lira et à compter
(par exemple, en anglais).
3. R. C'est rhomme adulte, qui paraît le mieux doué %w%
le rapport de la mémoire.
4. R. En général on se souvient d'un fait, plusieurs jours
après ,
5. R. Oi^ se souvient des morts pendant une dizain^ d*An-
nées^ m moins.
6. R. 11 y a deux ou trois légendes de faits fantastiques;
aucun récit dq fait réel ancien.
7. R. Les récits sont toujours altérés après un certain
temps,
B. Imagination. — !• R. li'imaginfttiQn ^t asse? vive.
3. R. Elle paraît plus développée cbez les f^mWA et oh^s
les jeunes gens.
3. R. Les rêves sont fréquents, mais on ne paraît p^ y
attacher grande importance,
4. R, On est menteur et inventif au suprême degré.
5. R, II n'y a ni poésies» ni littérature^ mais le lapgAgÇ est
très imagé-
C. Entendements — i. R. Cta comprend facilement les
questions.
2. R. On ne peut soutenir un long interrogf^toire, ni suivre
un long récit.
3. R, L'c^ttention se fatigue très vite pour les sigeta un
peu abstraits.
4. R. On dort habituellement dix heures environ,
5. R. Il D'y a aucun genre d'écriture.
D. Obsefwation. — i. R. On est bon observateur.
2. R. L'attention est facilement et pour longtemps fixée
par un objet nouveau.
HTADES. — STHNOGRAPHIB DSS FUÉGIENS. 339
3. R« On est observateur principalement poartout ce qui
a trait aux organes des sens.
4. R. On est très curieux.
E. Règles générales. — R. Les facultés intellectuelles sont
très précoces dans leurs manifestations et persistent à un âge
très avancé. Elles ne se sont jamais appliquées à l'amélio-
ration des conditions d'existence.
F. Pathologie cérébrale. — R. La folie, si elle existe, est
très rare. M. Bridges, missionnaire anglais, dans un travail
inédit, afGrme qu'on observe souvent, surtout chez les
femmes, des accès de manie aiguë, périodiques et s'ac-
compagnant d'bémorrbagies nasales. Ces folies sont traitées,
chez les indigènes, par les bains froids et par la surveillance
des malades. Ceux-ci, dans leurs efforts pour s'échapper»
déploieraient une vigueur extraordinaire, mais sans jamais
commettre d'acte nuisible.
L'idiotie n'est pas connue.
APPU GATIONS SPltolALBS DE L*INTXLUQSNCE.
A. Langiœs. — 1. R. Les voyelles sont A, B, I, 0, U
(celle-ci est très rare), OU très commune.
â, R. Dentales, D, T^ S, V, F; labiales, B, P ; palatales,
L, R, J,CH; gutturales, K, KH, CH ; nasales, H, N,
3, R. La langue e$i polysyllabique^
4. Rr Elle est agglutinative.
6. R. ffaî (je), paf (pas), skaya (vout)> kourou (aime) t Ja
ne vous aime pas.
7. R. ywou (père), daW (mère.)
8. R. La prononciation est douce, mais assez souvent peu
distincte pour l'oreille de l'Européen.
9. H. U n'y a pas de mots pour les idées généralaa ou
abstraites^
iO. R. U n'y a qu'un seul dialecte cbei^ les Yabgana, et U
nQ ptyraît pas se déformer facilepient.
340 SÉANCE DU 19 MAI 1887.
i\, R. La langue ne paraît pas se rattacher à un idiome
connu.
B. Numération. — 1. R. On compte jusqu'à 3.
2. R. Kaouélis 1 ; compatpi: 2 ; maièn : 3.
3. R. Il n*y a aucun système de numération. M. Bridges
suppose que, dans des temps très anciens, on comptait jus-
qu'à 10.
5. R. On n'a pas de chiffres.
C. Supputation du temps. — R. On ne connaît pas de
période de temps autre que le jour et la nuit. On détermine
cependant la durée des saisons par certains phénomènes na-
turels, tels que Témigration de quelques espèces animales,
la chute des feuilles, Tapparition des fleurs, etc.
Discostion.
M. Letourneau. Les Fuégiens observés par M. Hyades
avaient-ils eu contact avec des Européens ?
M. Htades. Jamais avant l'arrivée de la mission française ;
toutes les réponses que je viens de lire s'appliquent aux Fué-
giens vivant à l'état sauvage, sans avoir subi aucune influence
de civilisation.
M. Letourneau. Dans ce cas, ces données ne sont que pins
précieuses à enregistrer. Elles changent les idées que j'avais
sur les Fuégiens. Mais comment se fait-il que M. Hyades dise
qu'il n'y a pas de traditions d'anthropophagie dans cette peu-
plade où le célèbre navigateur anglais, Fitz-Roy, a déclaré
qu'il avait vu une scène d'anthropophagie dont avait été vic-
time une vieille femme ; les morceaux avaient été partagés
entre les assistants suivant un certain ordre de préférence?
M. Hyades. C'est là une pure légende; Fitz-Roy tenait ce
récit de la bouche d'un jeune Fuégien emmené par lui en
Angleterre, et comme le futur amiral anglais se récriait, ob-
jectant que cet acte était trop épouvantable pour exister
réellement, le rusé sauvage lui répondit simplement : « Je
l'ai vu. » Fitz-Roy a eu le tort de publier ce récit en parais-
DISCUSSION SUR L'eTHNOGRAPHIB DES FUÉGIENS. 341
«ant lui accorder trop de confiance, et aussi en laissant
croire, peut-être, et bien à tort, à ceux qui le lisent mainte-
nant, qu'il avait vu lui-même la scène dont il parle. En réa-
lité il ne pouvait y assister, puisque cela n'existait pas.
M. Letourneau. Mais si Fitz-Royapu être si complètement
trompé par un Fuëgien, comment M. Hyades sera-t-il sûr
qu'il n'a pas été l'objet de la même erreur, en sens con-
traire ?
Je remarquerai en outre, que, sans exception, toutes les
races très sauvages, comme le sont les Fuégiens, sont an-
thropophages.
M. Hyades. Nous nous sommes tenus constamment en garde
contre cette cause d'erreur : pendant un an nous avons vécu
parmi les Fuégiens, vérifiant constamment les renseigne-
ments qu'ils nous donnaient, et ne perdant aucune occasion
de les mettre en contradiction avec eux-mêmes ou avec les
autres. Nous avons ainsi contrôlé de la manière la plus rigou-
reuse tous les résultats auxquels nous sommes arrivés. Nous
avons été aidés dans notre tâche par nos conversations fré-
quentes avec les missionnaires anglais établis dans le canal
du Beagle depuis vingt-cinq ans.
En 1851, un groupe de missionnaires anglais a été mas-
sacrera Woollya (côte ouest de l'île Navarin) par les Fuégiens,
dans les huttes desquels on raconte que ces missionnaires
avaient voulu pénétrer de force un dimanche matin pour
célébrer leur service religieux. Mais les Fuégiens, après ce
massacre, ont inhumé leurs victimes et n'ont pas songé à les
manger. Ils n'en ont pas voulu non plus aux autres mission-
naires qui, quelques années plus tard, sont venus remplacer
les premiers. Seulement ces derniers missionnaires ayant, au
bout de peu de temps, quitté WooUya pour s'installer quel-
ques milles plus au nord, à Ooshooia, les Fuégiens, mécon-
tents de ce départ, déterrèrent les premiers missionnaires et
firent des pointes de harpons avec leurs os.
M. PiÉTREBiSNT. Jc rappellerai qu'à la lin de son Journal
d'un voyage au détroit de Magellan et dans les canaux latéraux
84C BÉANGË DÛ 19 MiU 1887.
de la c6tê ocûidèntale de la Patagonie (1856-1859), le chiniN
giende marine Victor de Rochas a déjà dit : a Nullp part je
n*al TU d'hommes aussi misérables, aussi ignorants, aussi
grossiers que les Pécherais qui, pourtant, soit dit en pas-
sant, se contentent delà chair des animaux et respectent celle
de leur prochain. » {Le Ihur du monde, t. III, p. 836.)
MM. Hyades et de Rochas sont donc parfaitement d'accord
sur Tabsence d'anthropophagie chez les populations fué-
giennes ; car ce sont elles que de Rochas désigne sous le nom
de Pécherais, qui leur a été d'abord attribué par Bougain-
ville, dans son Voyage autour du monde, Paris, 1772, t. î**,
p. Î76.
M. HBRTâ. Les Fuégiens amenés à Paris maniaient l'arc
avec beaucoup d'adresse; cela n'est pas mentionné dans le
travail de M. Hyades : avaient-ils appris, en venant en Eu-
rope, le maniement de l'arc ?
M. Htadbs. Les Fuégiens dont parle M. Hervé étaient
des Alikhoolip (ou Âlakalouf), race très voisine des Tekeuika
(ou Yahgan) au point de vue physique, mais complètement
dissemblable au point de vue des usages. Ces Alikhoolip
provenaient de l'île Glarence ^détroit de Magellan). J*ai vu
ce qui restait de leur petite troupe revenue à Ooshooia,
où les missionnaires attendaient une occasion pour les rapa-
trier $ ils ne comprennent pas un mot de la langue des Yah-
gans; ils se servent de l'arc avec adresse; ils ont des canots
en planches, gouvernés avec une pagaie de queue et munis
de voiles en peau de phoque.
M. Hervé. Les cerveaux de ces Fuégiens examinés à Berlin,
et dont l'étude vient d'être publiée dans le Zetbchr. f&r
EthnoL, indiquent nettement que ces sauvages ne sont pas
inférieurs aux Européens au point de vue cérébral. Les
Fuégiens paraissent d'ailleurs se rapprocher beaucoup des
autres types de TAmérique.
M. HovELACQUE. Il n'y a rien d'étonnant, me semble-t-îl, à
Ce que, par certains caractères, les Fuégiens se distinguent
Véritablement des races qui se trouvent au dernier degré de
.DISCUSSION StIR L*ETHNOGRAPHIB DBS FUÉGIENS, 343
rhumànité. J'ai été de 06ux qui les ont autrefois rangés dans
cette catégorie. Je pense aujourd'hui qu'il est prudent de
revenir de cette opinion.
A mon sèûB^ les Fuégiens seraie^nt une population dégra-
dée^ et dégradée par le fait môme de son habitat si ingrat.
I) faut les rattacher aux Peaux-Rouges du Nord» Nous savons
que lés Américains feepteiitrionaux ont, à maintes reprises,
poussé vers le sud. C'a été le cas des Ériés, des Itoquois, de
bieil d'autres i le Mexique fut envahi par une population
venant du nord, du nord-ouest. Les Fuégiens, qui sont souô-
doliehocéphales, peuvent parfaitement être les émigrants de
la raoe septentrionale qui ont été le plus au sud. Dans leur
nouvelle région ils n'ont pas dû tarder à subir une dégra-
dation fatale^ Pourtant ils ont conservé certains caractères
moraux qui rappellent leur origine. 811s ne sont pas an-
thropophages; cela tient à ce qu'ils n'ont pas de voisins à
manger à l'est, au sud, à l'ouest ; quant à ôeux du nord^ les
Patagons, ils ne peuvent songer, et pour cause, à s'en
prendre à eux.
Ges conjecture^ sur l'origine des Fuégiens sont hypothé-
tiques, mftis je ne vois guère quelle autre hypothèse on pour-
rait légitimement forger en la circonstance.
M. Hyadbs. Le mot de Pécherais a disparu complètement
des vocabulaires actuels sur les races de la Terre de Feu ; il
paraît s'être appliqué aussi bien dux Alikhoolip qu'aux Téké-
nika; maïs je n'en suis pas moins heureux de la confirmation
de M# Piètrement relativement à Tahaenee d'anthropophagie
an cap Hom«
L"anthropophagie a-t-elle pu exister autrefois, sans laisser
de souvenirs ? G'est là une question qui peut être très digne
d'attention.
En effet, les Fuégiens ont presque complètement oublié
les voyages de Wilkes et de Fitz-Roy; il n'y a pas de doute
qu'ils n'ont pas gardé la plus petite idée de ee qui se passait
cbe^ eux il y a quelques sièeles^ Je ne prétends nulle-
ment qu'à ees époques reculées ils n'étaient pas antbropo-
344 SÉANCE DU 19 MAI 1887.
phages : il n*en est pas resté de preuves ni de traditions,
voilà tout.
Quant à la supposition de M. Hoveiacque relative à la civi-
lisation relative qu'ils ont pu posséder autrefois, je serais
porté à la partager. En effet, on expliquerait facilement de
cette manière les éclairs dHntelligence et même de délica-
tesse de sentiments qui frappent si fort l'étranger admis dans
la familiarité des sauvages fuégiens.
M. LsTOURNEAU.La canitie ne s'observe-t-elle pas à la Terre
de Feu?
M. Hyades. Les cheveux grisonnent tard, mais ne blan-
chissent jamais complètement: les rares poils du menton
blanchissent au contraire assez vite, aussi les hommes s^épi-
lent-ils dans un but de coquetterie pour cacher leur âge.
M. Plotx. Je ne saurais partager Tavis que M. Letourneau
exprimait tout à Theure sur les qualités morales des Fuégiens,
d'après )e questionnaire auquel M. Hyades a répondu. Les
réponses de M. Hyades prouvent qu'ils sont comme tous les
sauvages. Je ferai également une observation au sujet du
langage imagé des Fuégiens. La demande me paraît d'ail-
leurs mal posée dans le questionnaire. On demande plus loin
si ces tribus ont des idées abstraites ; cette question suffit.
S'ils n'ont pas d'idées abstraites, ils n'ont pas de mots
abstraits; ils emploient forcément des expressions concrètes.
Il y a là, si l'on veut, un langage imagée mais les Fuégiens
n'ont pas le choix et on n'en saurait conclure qu'ils ont beau-
coup d'imagination. On constate seulement ainsi qu'ils n*ont
pas dépassé une certaine période du développement du lan-
gage.
M. Hyades. Je crois que, communément^ c'est bien cette
faculté d'appliquer, par analogie, des noms concrets à de nou-
veaux objets qu'on appelle Vimagination, Ainsi, la première
fois qu'ils ont vu un moulage, les Fuégiens l'ont eu bientôt
appelé oucéninkouch (nid de cormoran), par analogie; de
même qu'ils ont nommé l'acte de photographier toumayacha
alakana (regarder la tète couverte). N'est-ce pas de l'imagi-
E. HAUREL. — MENSURATIONS DE LA GAGE TBORACIQUE. 345
nation dans le langage, au moins dans un sens employé com-
munément? Il me serait facile de citer bien d'autres exemples
relatifs aux noms de localité et aux surnoms, très fréquents
en Fuégie, et prouvant, à mon sens, que le langage des
Yabgans est imagé.
Des méthodes de mensorACioii de la eage thoraelqne ;
PAR LE DOCTEUR E. MAUREL.
Tout en étant convaincu que Texamen de la poitrine n'ac-
querra jamais en anthropologie llmportance que nous avons
donnée à celui de la boîte crânienne, il me parsdt cependant
indiscutable que son étude, bien faite, bien méthodisée,
pourrait nous révéler des faits intéressants.
D*une part, en effet, nous ne pouvons oublier que cette
cavité abrite derrière ses parois mobiles deux des or-
ganes les plus importants de la vie organique, le cœur et les
poumons, et, d'autre part, nous savons que la forme du
thorax varie dans la série des vertébrés, à ce point que son
diamètre antéro -postérieur, qui est le plus long chez certains
animaux, devient au contraire le plus court chez certains
autres.
.Ces faits n'ont pu évidemment échapper aux anthropolo-
gistes. Or, comment expliquer que, tandis qu'ils ont étudié
avec tant de soin le crâne, le bassin et les membres, seul, le
thorax soit resté négligé ?
Deux causes me paraissent y avoir contribué. La première
est la difficulté même de cette étude, et la deuxième est l'im-
perfection des moyens que l'on a tour à tour proposés dans
ce but. Le thorax, en effet, d'abord varie ses formes à chaque
instant, ne serait-ce que sous l'influence des mouvements
respiratoires, et ensuite il se dissimule soit sous des masses
musculaires, soit sous des os volumineux ; de telle manière
que son extrémité la plus petite, la supérieure, grâce à la
ceinture osseuse des membres supérieurs, paraît être la plus
346 0ÉANGB DU 19 MAI 4887.
vaste. Quant aux procédés de mensuration, l'étude que je
vais en faire me permettra^ je Tespère^ d'établir leur insuf'*
fisance.
Conduit il y a quelque temps à étudier la marohe des
épanchements pleurétiques, j'ai dû rechercher quel était le
meilleur procédé de mensuration de la poitrine, et, pour y
arriver, j'ai expérimenté successivement tous ceux qui
avaient été proposés* Or, en comparant ces divers procédés
. entre eux, j'ai fait une série d'observations qu'il m'a paru
d'autant plus utile de vous exposer qu'elles trouvent leur
application plus encore dans le domaine de Tanthropologie
que dans celui de la clinique.
Des deux causes ayant contribué à restreindre le nombre
de travaux sur la mensuration de la poitrine, mes recherches
auront donc, je l'espère, pour résultat, d'en atténuer une,
celle due à l'imperfection des instruments.
Les différents procédés proposés pour mesurer la poitrine
se groupent sous trois méthodes : la méthode du péfimètre ; la
méthode des diamètres; la méthode graphique.
Méthode du périmètre. — En anthropologie, nous pouvons
dire que c'est la seule employée, ou tout au moins celle qui
Test le plus souvent. Elle consiste â mesurer le pourtour ou
périmètre de la poitrine avec un ruban métrique. Or, je dois
le dire, des trois méthodes, c'est [celle qui offre le moins de
garantie ; elle est incomplète, inexacte^ et peut môme datis
certains cas être fausse. Je m'explique.
Elle est incomplète en ce sens, que ceux qui la conseillent
ne s^entendent nullement sur la manière de la pratiquer.
Les uns demandent que le périmètre soit pris au-dessous des
aisselles et les autres au niveau des mamelons ; les uns exi-
gent que le sujet ait les bras relevés sur la tête, et les autres
les laissent pendre le long du tronc ; ceux-ci attendent que
l'inspiration soit venue donner toute son expansion à la cage
thoracique; enfin, ceux-là prennent le périmètre minimum à
la fin de l'expiration, ou bien dans une situation intermé-
diaire.
E. MAUREL. — MENSURATIONS DE LA CAGE THORAGIQUE. 347
On le voit donc, le procédé du périmètre eai iacomplet ; il
lui manque d'être méthodisé, d'avoir tous ses temps prévus,
définis, uniformisés, ce qui est indispensable pour que les
résultats que Ton obtient soient comparables. Or^ si j'avais à
donner mon opinion à cet égard, je demanderais :
1^ Que le périmètre thoracique fût pris les bras étant pen-
dants le long du corps et en état de résolution ;
^ Qu'il ne fût pris qu'au-dessous de Tangle inférieur de
romoplatCi sur un point qui correspond à la huitième ou
neuvième dorsale environ en arrière, et à reurticulation
sterna;xyphoïdienne en avant.
On pourra trouver que c'est bien bas et que le degré d'em-
bonpoint peut faire varier le périmètre ; j'en conviens ; c'est
là une cause d'erreur, mais je la trouve plus facilement né-
gligeable que les autres. Plus haut, le périmètre est presque
impossible à prendre chez la femme, et même chez l'homme
on rencontre la saillie des omoplates, dont l'écartement de
la paroi thoracique varie, ce qui d'abord peut modifier le
périmètre du même sujet pris à quelques instants d'inter-
valle, et qui^ même cette cause d'erreur étant évitée, aurait
l'inconvénient de comprendre dans le périmètre thoracique
l'épaisseur de ces deux os et celles des masses musculaires
qui les entourent ;
3^ Quant au temps de la respiration^ je pense qu'il faut
préférer une situation moyenne, l'expiration et l'inspiration
forcées étant des situations exceptionnelles qui ne sont nul-
lement en rapport avec l'état habituel.
Ce sont là les desiderata que je me permettrais de formuler
si la méthode du périmètre devait être conservée. Mais, je l'ai
dit, cette méthode n'est pas seulement incomplète, défaut
auquel la Société d'anthropologie pourrait remédier ; elle est
de plus inexacte, et même fausse.
Ce que nous cherchons à apprécier quand nous prenons le
périmètre thoracique, c'est évidemment la capacité thora-
cique. Mentalement, nous établissons le peuralièle entre ces
deux données, et nous admettons non seulement qu'à un pé-
318
SÉANCE DU 19 MAI i887.
rimëtre plus grand doit correspondre une capacité thoracique
plus grande, mais aussi que cet accroissement est propor-
tionnel; or, il n'en est rien. Non seulement le périmètre tho-
racique n'est pas proportionnel à la capacité thoracique, mais
à des périmètres égaux peuvent correspondre des capacités
inégales, et même des capacités thoraoiques moindres peu-
vent être comprises dans des périmètres plus étendus.
La section thoracique, en effet, prise dans son ensemble,
représente une ellipse ; or, la géométrie nous apprend que le
périmètre restant le même, la superficie qu'il circonscrit aug-
mente au fur et à mesure que ses deux diamètres s'égalisent,
c'est-à-dire que l'ellipse tend vers la circonférence.
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Fig. i. Fibres réduites au quart environ, chaque carré représentant i centimètre carré.
Pour rendre ce fait scientifique plus saisissable, j'ai des-
siné quatre figures de formes différentes, mais dont le péri-
mètre est pour toutes de 16 centimètres. Or, en calculant les
surfaces de ces quatre figures par le procédé pratique du
papier métrique, on trouve que ces surfaces sont les sui-
vantes : la figure 1 , de 23.25 ; la figure 2, de 22.75 ; la figure 3,
de 18.00 ; la figure 4, de 17,50 (fig. 1).
Et qu'on ne croie pas que ce sont là de simples vues théo-
riques. La mensuration du thorax, tout aussi bien à l'état
s. HAUnEL. — MENSURATIONS DE LA CAGE THORACIQUE. 349
pathologique qu'à Tétai normal^ les confirme pleinement.
Dans les nombreuses mensurations de la poitrine que j'ai
prises dans le cours des pleurésies, par le procédé que je vais
décrire, il a été assez fréquent de constater un manque de
concordance entre le périmètre et la section thoracique.
Si, en effet, dans un certain nombre de cas, la relation est
frappante, les sections tboraciques ne différant que d'un cen-
timètre carré, par exemple, pour le même périmètre, dans
un certain nombre d'autres les écarts ont été sensibles ; ils
ont pu atteindre un maximum de 16 centimètres carrés pour
un seul hémithoraxy comme on peut le voir d'après le tableau
suivant :
Pour un périmètre de Ob,40 j*ai trouvé, dans un premier cas. . . . 215 co.
— dans un deuxième cas... 220
— dans un troisième cas ... . 231
Pour un périmètre de 0,n40,5 j'ai trouvé, dans un premier cas. . . . 219
— dans un deuxième cas*. . . 222
Pourun périmètre de 0%41,5j'ai trouvé, dans un premier cas.... 225
— dans un deuxième cas. ... 231
Le même fait se retrouve à l'état normal.
J'ai observé deux fois un périmètre total de 86 centimètres.
Or, la superficie de l'un était de 526, et celle de Tautre
de 506 ! Trois périmètres de 855 millimètres m'ont donné
les superficies suivantes : 498, 507 et 525 centimètres carrés,
soit une différence de 27 centimètres carrés.
Si des périmètres totaux je passe aux périmètres des hé-
mithorax, le môme fait se présente. Trois hémithorax, ayant
le même périmètre de 43 centimètres, avaient comme super-
ficie : 246, 256 et 264. Enfin, fait qui pourrait surprendre
davantage, les deux hémithorax d'un même sujet peuvent
avoir le même périmètre et avoir des superficies inégales.
C'est ainsi que chez un sujet sain, qui avait 42 centimètres
comme périmètre des deux côtés, j'ai trouvé une section de
246 centimètres d'un côté et 250 de l'autre.
Il résulte donc, de ce qui précède, que si le plus souvent
le périmètre et la section thoracique sont proportionnels, et,
350 SÉANCE DU 19 MAI 1887.
dans eertalns cas, avec une exactitade frappante, dans un
certain nombre d^autres, ces deux mensurations ne conoor*
dent pas. Or, rien ne permettant de reconnattre ces derniers
cas, cette conclusion s'impose : que Ton ne saurait se baser
sur le périmètre pour apprécier la section thoracique, puisque
des périmètres égaux peuvent circonscrire des superficies
notablement inégales.
Un regard Jeté sur les quelques chiffres que je viens de
donner va même nous convaincre d*un fait plus grave : c'est
que les sections thoraciques ne croissent pas comme le péri-
mètre. Parmi ces cas pathologiques, nous trouvons un péri-
mètre d'un hémithorax de 40 centimètres, qui mesure
231 centimètres carrés, et un autre de 4i,5 qui n'en mesure
que 2!25 1 Un plérimètre supérieur correspond dope à une
section thoracique moindre. Le même fait se retrouve à l'état
normal : un périmètre total de 860 millimètres n'a donné
que 506 de superficie, et un autre de 855 a pa atteindre 5251
Qu'il s'agisse de l'état pathologique ou de l'état normal,
on ne saurait donc conclure de l'un de ces éléments à Tautre.
Vouloir apprécier la section thoracique par le périmètre est
donc impossible, et, comme je le disais en commençant, ce
procédé est non seulement inexact, mais, de plus, il peut être
trompeur.
Méthode des diamètres, — Les imperfections de cette mé-
thode, je dois le dire, du reste ont été reconnues depuis long-
temps, et déjà Chomel les avait signalées au monde médîeal»
Il n'avait pas échappé, en effet, à l'esprit observateur de ee
clinicien distingué, que, dans la pleurésie avec épanchement,
l'agrandissement de la poitrine s'accomplit moins par un
allongement du périmètre que par un changement de forme
qui rapproche la section thoracique de la forme circu-
laire; ce qui augmente, c'est surtout le diamètre antéro-
postérieur, et, pour me servir d'une expression très juste du
professeur Lassègue: «la poitrine s'arrondit.» Aussi Ghomel
abandonna-t-il le ruban métrique pour le compas d'épais-
seur : au lieu de prendre le périmètre, il prenait les dia-
E. HAURBL. — MENSURATIONS DB LA GAOE THORACIQUK. S51
mètres. Mais si, dans certains cas, les mensurations des deux
principaux diamètres donnaient à la clinique des indloationa
utiles, Ghomel reconnut bientôt que, dans d'autres, leurs in-
dications restaient insuffisantes. Aux diamètres antéro-poëté*
rieur eiiraniversal^ il dut en joindre deux autres obliques ! /et
épineux mamelonnairea droit et gauche.
Pour mesurer une poitrine^ on prenait donc huit diamètres
au lieu de quatre. C'était évidemment une garantie de plus,
mais encore insuffisante. Le périmètre de la poitrine pré*
sent^ une eourbe trop capricieuse pour que quelques dia-
Qtètres puissent permettre de Tapprécier. Aussi, la méthode
des diamètres ne survécut-elle pas à son auteur, et, aujour-
d'hui, la clinique Ta-t-elle complètement oubliée.
Je crois, du reste, que c'est avec raison. J'ai cherché^ en
effets dans ces derniers temps à savoir quels services elle
pouvait rendre à ia pratique médicale. Or, après J'avoir sé-
rieusement étudiée, et avoir comparé ses résultats avec ceux
des autres méthodes, et tout particulièrement avec ceux de la
stélhographie , je reste convaincu que, sauf dans des cas
donnés peu nombreux, elle n'offre aucune garantie à la cli-
nique, même en portant le nombre de diamètres jusqu'à 12,
ce qui enlève à ia méthode un de ses avantages, la rapidité.
Laméthode des diamètres, telle que la pratiquait Ghomel,
est donc également à rejeter. Mais, en i874, Fourmentin, à
qui Ton doit une thèse pleine de faits intéressants sur les
mensurations de la poitrine, a eu Theureuse idée d'appliquer
à cette cavité la méthode des indices qui nous rend de si
nombreux services pour les mensurations du crâne, et, ainsi
modifiée, je suis convaincu que la méthode des diamètres,
au moins pour ce qui nous concerne, est destinée à prendre
place à côté de nos procédés d'étude les plus utiles.
81, en effet, il est important pour nous, de savoir quelle est
ia capacité thoracique dans les différentes races, un autre
caractère nous intéresse non moins, il me semble, c'est la
forme de la poitrine, indépendamment de sa capacité. Ce
sont là deux éléments différents; or, ia cage thoracique offre,
352 SÉANCE DU i9 MAI i887.
dans la série des vertébrés, des formes bien différentes, à ce
point que la prédominance de ses deux principaux diamètres
se déplace. Le diamètre antéro-postérieur, qui est plus court
chez rhomme, est, au contraire, de beaucoup le plus long
chez de nombreux animaux. Il y aurait donc certainement
un grand avantage à savoir si la forme de la cavité est la
même dans les différentes races, et la méthode des diamè-
tres, mieux que toute autre, me paraît propre pour nous le
dire.
Fourmentin a calculé Tindice thoracique comme Findice
céphalique, en divisant le diamètre transversal multiplié par
400 par le diamètre antéro-postérieur ; sa formule^ par
analogie avec celle de Tindice céphalique, devient donc :
I. th. = -^ ' ^^ ' — ^j^jg \q diamètre transversal étant
Diam. aoU-post.
ici supérieur à Tantéro-postérieur, contrairement à ce qui a
lieu pour le crâne, il est évident que cet indice sera toujours
supérieur à 100, tandis qu'il lui est toujours inférieur pour la
tête. Ce n'est là, du reste, qu'un fait sans importance; de
nombreux indices sont déjà dans ce cas.
Ainsi calculé, l'indice thoracique a déjà rendu quelques
services à la clinique, et Fourmentin a pu formuler une loi
que j'ai vérifiée souvent, c'est que les indices thoraciques
élevés, dépassant 150, par exemple, indiquent presque fatale-
ment un état cachectique, anémie tropicale, dysenterie chro-
nique, phthisie pulmonaire. Ce sont là d'abord des résultats
dont la clinique peut profiter. Mais ce n'est pas elle qui me
semble devoir bénéficier le plus de la méthode. C'est surtout
à l'anthropologie qu'elle me paraît destinée à rendre les
plus grands services. C'est vraiment une méthode anthropo-
logique.
Mais, une question s*impose tout d'abord : à quelle hauteur
faut-il prendre les diamètres?
Mes recherches ont porté sur quatre points.
!• La partie supérieure du thorax, au niveau de la four-
chette sternale ;
E. MAUREL. — MENSURATIONS DE LA CAGE THORAGIQUE. 353
â* Â la hauteur de rarticulation de la première pièce du
sternum avecla deuxième;
3® Au niveau de Tarticulation de la deuxième pièce du
sternum avec l'appendice xypboïde ;
4» Au sommet de l'appendice xyphoïde.
Le premier a un véritable intérêt, puisqu'il correspond à
l'ouverture supérieure du thorax. Mais, si le diamètre antéro*
postérieur se prend facilement, les points de repère manquent
pour le diamètre transversal.
Je reprocherai au quatrième de reproduire plutôt les di-
mensions de l'abdomen que celles de la poitrine, et ensuite
de pouvoir être modifié par un fait anatomique sans impor-
tance, la direction variable de l'appendice xypboïde.
Deux hauteurs restent donc en présence ; celles qui cor-
respondent aux deux articulations des dernières pièces du
sternum.
Or, après avoir pris les deux diamètres transversal et an-
téro-postérieur sur un certain nombre de sujets, à ces deux
hauteurs, c'est à la troisième que je donne la préférence*
c'est-à-dire à celle qui correspond à Tarticulation sterno-
xypholdienne. C'est également elle qu'a choisie Fourmentin
pour le diamètre antéro-postérieur. A cette hauteur, les deux
diamètres ont souvent leurs dimensions maximum, et ils re-
présentent sûrement des diamètres thoraciques.
Pour prendre les deux diamètres thoraciques, un ruban,
ou simplement un fil, est jeté circulairêment et horizontale-
ment sur la poitrine à la hauteur de cette articulation, et les
deux diamètres sont pris avec un compas d'épaisseur. Le
diamètre antéro-postérieurvadubordinférieurdeladeuxième
pièce du sternum à l'apophyse épineuse correspondante de
la huitième ou neuvième dorsale, et le transversal est donné
par le plus grand écartement que l'on puisse obtenir à cette
même hauteur, Taxe du compas étant tenu perpendiculaire-
ment au plan stemal du sujet.
L'indice thoraoique ainsi pris varie de ISO à 140. Les chiffres
au-dessus et au-dessous pour notre population sont excep-
t. X (3e 8ÂRIB). S3
354 8KAKCB DO 19 HAÏ 1886*
tîonBela, eiy de plas^ ceux qui sont ao-dessos appariiennenl
souvent, je l*ai dit, aux cachectiques.
ifétMe prmpkifue. -^ Des deux méthodes que je vieus
d'examiner, Tune, celle du périaiètre, est saos garantie,
tandis que Taulrc^ ooUe des diamètres, à la condition
d adopter la modifioaiion de Founooentin, peurra nous rendre
de sérieux services.
Je passe maûiteoant à la troisième méthode, Im mèlMe
graphique.
L'idée capitale de cette métiiode, eomme son soin Tin-
diqae, est de mouler la ecurbe dn thorax et de la reproduire
par le dessin. A ia condition d'avoir des instruments suffi-
samment exacts» il est évident que, de toutes les méthodes,
e'est celle qui permet le mieux d^ppréeier la section de la
poitrine.
Les instruments employés jusqu'à présent dans ce bot sont
au nombre de quatre : celui de Woillex» celui de Nielly,
celui de Pourmentin, et oelni que j'emploie depuis quelque
temps.
C'est à Woiilet que revient le mérite d'avoir, le premier,
cherché à reproduire par la deesio les courbée de la poi-
trine.
Son instrument est représenté par une chafiie en baleine,
dont les chaînons^ aenrés à frottement dur, se maintiennent
dans la position qu'on leur a donnée une M» appliqués exac-
tement sur la poitrine. Ces chaînons n'ont que f centimètres
de longueur, de aorte que, qneiqDe la ligne ainsi (^enue soit
une ligne brisée, leeaegnonts de cette ligne étant très courts,
on peut la considérer nomme égaie à une ligne eenrbe. C'est
ave« laide de cet a|]9Mireil, auquel Woilles a donné le nom
de cyrtomèkee^ qu'il fit ses recherches intéressantes sur les
eongestions pnlmonairea, l'easphjrsème, et surtout la ple«N
résie avec épanobement.
Cependant, je dois le diie, cet appaieD^ et surtout le pro-
cédé mm par yfoiUea» n^i paraissent prêter à quelques cri-
tiqueft« O'uœ p«rt, son appUeatioii n'est pas commode et est
E. MAUREL. — MEIVSIJRATIONS DE LA GAGB TOORAGIQUE. 355
peu ejULcle» puisque^ en somme^ il ne peut donner gu'one
ligne brisée, et, d*aiitre paii^ on négligeail de prendre cer^
taines préetntioiie qne^ j*eD eub eanTaiiieo« on troaTera
indispensables poor donner une garantie sérieoso aux ré««
soltats.
Llnstmmeni de Nielly est Teim corriger ce qae Vappareil
de Woillez avait de dèfectnenx. Le eyrtomètre^ qtt*il a pro-
posé en i874; est une heureuse application des lames de
plomb^ dont nous nous serrons. Les lames de Nielly, faites
d'un alliage dont les proportions ont été calculées pour les
rendre aussi malléables et aosaipen élastiques que possible,
ont constitué un véritable progrès : elks se moulent exac-
tement sur la poitrine et donnent bien une ligne courbe
au lieu d'une ligne brisée. Son exactitude, comme appareil,
est donc supérieare à celle de Tappareil de Woillez. Mais
Nielly n'a modifié que rappareîl aana toucber an procédé^ de
sorte que ce dernier est resté passible des mêmes reproches.
Au moment même où Hielly faisait connaître son cyrto-
mètre, Fourmentin publiait son trayailsurlamensaration de
la poitrine, et appliquait le pantograpbe à la reproduction
do ses courbes. Quoique {ngénieux^scm appareil enregistreur
n'a été que fort peu employé, te Cfois devoir cependant le
décrire en quelques mots.
Cet appareil se compose :
V D'une eeinttrre en BCkr faisant lotit le (oerf de ta poi-
trine et se moulant exactement snr elle;
2* Vnne planchette à defssîner, sontennepar cette eeîntore
et portant une fenilfe de papier snr laqoelle cottrt le crayon
du pantographe ;
9* D*nn appareil panCogrsphiqne;
*• If une grande tige eofrrbe portaftt la pointe sèche â\t
panlographe et pouvant scrirre facilement la ceinture d'acier
dans toale l'étendue d'un bémithorax.
Les denx c6tés de la poitrine sont dessinés séparément.
Tel est Tappareil de Foormentin r quoiqu'il ait été peu em-
ployé josqn'à présent anssi Ken par la clinique que par Tan-
356 sÉiûfCE DU 19 MAI 1887.
Ihropologie, je croîs cependant qu'il pourrait rendre des
services dans certains cas donnés. 11 présente, en effet,
l'avantage de pouvoir reproduire non seulement les courbes
de la poitrine avec leurs dimensions réelles, mais de les
réduire d'une manière exactement proportionnelle. C'est
là un avantage dont l'anthropologie pourrait parfois tirer
quelques bénéfices, et^ à ce point de vue, je le répète, il m'a
paru utile de le rappeler.
Enfin, conduit il y a quelque temps à faire des recherches
Fig. 2. — Stéthogrttphe.
sur la marche desépanchements pleurétiques, j'en suis arrivé
après quelques essais à donner la préférence aux lames de
plomb, qui sont devenues l'instrument que je vais décrire et
auquel j'ai donné le nom de stéthographe (fig. 2).
Il se compose :
1» D'une lame de plomb de 2 centimètres de largeur sur
2 millimètres d'épaisseur et de 50 centimètres de longueur ;
2<^ De deux lacs cousus par leurs bords et lui formant une
gaine dans laquelle la lame de plomb se trouve serrée, puis
se continuant dans un espace de 60 centimètres, ce qui donne
à l'instrument une longueur totale de l'",10;
3o D'une boucle ordinaire cousue à une des extrémités et
E. MAURBL. — MENSURATIONS DE LA GAGE THORAGIQUE. 357
permettant de fixer Tinstminent sur la poitrine pendant qu'on
le moule exactement et qu*on lit les mesures ;
A* D*un ruban métrique fixé sur la gaine dans une étendue
de 50 centimètres, dont le zéro correspond à la boucle, et
dont le reste flotte libre, de même que les lacs.
Quant aux antres modifications, on va les retrouver dans
la description du procédé tel que je le pratique :
4^ Le malade est, autant que possible, placé debout^ et à
défaut assis sur une chaise ou sur son lit. Les bras doivent
être pendants le long du corps ;
2^ Le tronc est dépouillé de tout vêtement ;
3^ Une croix tracée au crayon dermo-graphique indique
sur la colonne vertébrale la hauteur à laquelle on veut prendre
le tracé.
Après de nombreux examens, je pense qu'à moins d'indi-
cations spéciales, c*est au niveau de l'articulation sterno-
xyphoïdienne qu'il faut le prendre ;
4« L'extrémité du stéthographe portant le zéro est appliquée
sur l'apophyse épineuse correspondante, et la lame de plomb,
tenue d^assez pi;ès, appliquée lentement sur le thorax, en
cherchant à lui donner du premier coup une direction
horizontale ;
5* Le tour de la poitrine est complété par la partie libre
des lacs qui vient passer dans la boucle et fixer le stétho-
graphe à la hauteur voulue;
6« On vérifie ensuite si la lame de plomb, et surtout son
bord inférieur^ s'applique exactement sur le thorax, et, au
besoin, on corrige les imperfections qui auraient pu se pro-
duire dans la première application. On comprend que c'est
surtout du bord inférieur dont il faut s'occuper, puisque
c'est lui que doit suivre le crayon ;
7* Ces précautions prises (horizontalité et application exacte
du bord inférieur), on trace avec le crayon dermo-graphique
une série de points de repère sur le thorax en suivant le bord
supérieur de Tinstrument;
8« Pendant qu'un aide le maintient en l'appliquant d'une
358 tÉÀNCS DO 19 MAI 1887.
part aa niveau des apophyses épineuses, 'et d'autre part sur
le sternum, le ruban métrique est ramené au niveau du léro
en faisant tout le tour ; et ce premier chiffre est inscrit sur
la fouiile d'observations ; c'est le périmètre Ma<;
9"* En môme temps, on lit le pérîmètre dt fkémitkorM^ qui
est également porté sur la feuille d'observations ;
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Fig. 3.— Stélbographe, papier métrique pour la mawire du périmitro d« TbôiniUiorax
iO^ Avant de déplacer Vinstrumenit on prend le diamètre
antéro-poslérieur avec le compas d'épaisseur. Ce diamètre
est pris par-dessus le stéthographe. Si donc on voulait con-
naître le diamètre exact de la poitrine, il faudrait retrancher
la double épaisseur de l'instrument;
il'' Ce n'e»t qu'après que la boucle est défaite que le sté-
thographe est enlevé, en le tenant par chacune des deux ex-
trémités de rhémithorax ;
12* Il est ainsi porté sur le papier métrique^ en ayant
soin de respecter Técartement autant que possible (fig. 3) ;
E. MAUREL. — JIBlfSURATIONB BS lA CA«E TUORACIQUE. 359
13* Uae des i\fpa/&s de ce papior étant choisie comme dia-
mètre aatéro-postéiteur, on p^ace euf elle, d*im6 part^ le
îéro du stéthographC) et, d'aulre part, le chiffre qui oorrcs-
pondait A la ligne médiane antérieure. On t9ù sitr airnî du
périmètre^ mais du périmiUrt tenkmeni ;
14* Amr avmr h, même sm*fiice^ il faut s'assurer que l*écar-
iement de ses deux extrémités est resiée la même, ce qu'on
vérifie avec le compas d'épaisseur ;
IS*" Ce n'est qu'après s'être assuré ; a> que le téro corres-
pond bien à la ligne prise comme diamètre antéro-poslérieur ;
bj que le chiffre indiquant le périmètre de rhémithoraxy
correspond également; c> que l'éoartement des deux extré-
mités est bien celui du diamètre antéro^ostérieur, que Ton
fait le tracé;
16* Il est donné par un crajun oonduit le long de la courbe
du stéthographe, en ayant soin que j»a pointe suive exacte-
ment le bord inférieur «ans rester en dedans ou aller en
dehors ;
17« Ce premier hémithorax tracé> on passe au second;
18* Le stèthographa est redressé en le laissant tomber un
certain nombre de fois sur une table ou tout corps plan^ et,
au besoin^ en le battant avec la main tenue à plat ;
19^ Puis^ on le plaoe de la même manière sur l'autre hémi-
thorax en suivant les traits de crayon tracés pendant la pre-
mière application;
20^ La boucle étant serrée, on ramène la partie libre du
ruban métrique en Csce du zéro, pour s'assurer que la pres-
sion exercée est bien la même. On doit retrouver le même
périmètre total;
2P Assez souvent, ce n'est qu'après quelques tâtonnements
que l'on y arrive^ ce qui, du reste, démontre d'une manière
bien évidente l'utilité de cette précaution ;
ââ* Ge n'est que lorsque le périmètre total a été ramené
à la même longueur qu'on lit celui du second hémithorax;
93* Le Ucs est alors de nouveau sorti de la boucle et ie
s^thographe reporté sur le papier métrique ;
360 SÉANCE DU 19 MAI 4887.
24* Ce second hémitborax est tracé après avoir place soq
zéro à côté du zéro de Fautre, 8*être assuré que le périmètre
qu*on lui donne est bien celui qu'on vient de prendre, et
ensuite que Fécartement de ses deux extrémités coïncide avec
celui des extrémités de l'autre hémithorax ;
35« La superficie est ensuite calculée en comptant le
nombre de carrés compris dans chaque périmètre (voir la
flçure 3) ;
26* Le papier que j'ai adopté est divisé en carrés de 5 mil-
limètres de côté, de sorte que les quatre font le centimètre
carré;
2** Les carrés qui ne sont compris qu'en partie, quelle que
soit l'étendue comprise, sont comptés pour un demi-carré. Il
s'établit une compensation entre ceux dont une faible partie
seulement est inscrite par le périmètre, et ceux, au contraire,
dont une faible partie seule reste au dehors ;
28* Le nombre de carrés totalisés divisés par 4 donne le
nombre de centimètres carrés.
On le voit donc, en somme, le perfectionnement se trouve
plutôt dans la manière d'employer et d'utiliser l'instrument
que dans l'instrument lui-même. Ce que j'ai cherché surtout,
c'est donner à ce procédé les garanties d'exactitude, qui me
semblaient manquer à ceux de Woillez et de Nielly, les seuls
qui soient comparables au mien.
Je crois y être arrivé en multipliant et rendant obligatoires
les points de repère : 4* mensuration du périmètre total ;
2* détermination de la hauteur à laquelle est pris le tracé ;
3* trait de repère circulaire sur la poitrine ; 4* enfin, usage
du compas d'épaisseur pour déterminer le diamètre antéro-
postérieur.
Voilà pour les garanties d'exactitude. Quanta la meilleure
utilisation des résultats, je la trouve dans l'emploi du papier
métrique^ me donnant exactement la surface de la section tho-
. racique sur laquelle porte l'instrument. J'ai ainsi l'avantage
précieuxde pouvoir dire non seulement que lapoitrme est aug-
mentée ou diminuée, mais de combien elle l'est dans un sens
E. ICAUREL. — MENSURATIONS DE LA CAGE THORAGIQUE. 361
OU dans Vautre. Pour l'anthropologie, je pense que c'est la
seule méthode qui pourra nous permettre d'apprécier la ca-
pacité thoracique, en nous en tenant à l'examen des formes
extérieures. Je crois donc le procédé que j'indique appelé à
rendre de réels services à ce point de vue.
Si nous tenons compte, en effet, que, de tous les spiro-
mètres, aucun n^a pu entrer dans la pratique, qu'aucun
d'eux n'est transportable, et que par conséquent l€| voyageur
est complètement désarmé quand il s'agit de mesurer un des
éléments les plus importants dans l'appréciation des condi-
tions vitales d'une race : la capacité thoracique, on devra, il
me semble, accepter au moins avec indulgence un instrument
facile à manier et à transporter, pouvant donner sur ce point
des résultats suffisamment exacts. Ces résultats seront des
données précieuses pour l'anthropologie, en attendant que
l'on fasse mieux.
Si maintenant je résume ma communication, j'y trouve
trois faits importants à signaler :
!<» Le premier, c'est que le périmètre thoracique ne donne
que des résultats sans garantie ;
â^ Le second, c'est que le procédé de l'indice thoracique
doit être méthodisé, et qu'une fois un procédé uniforme
adopté, il est appelé à rendre de véritables services à notre
science. Le procédé des indices est véritablement un procédé
anthropologique; c'est par lui que nous connaîtrons les dif-
férences de formes du thorax, différences de formes qui, je
le crois, constituent un des caractères les plus importants au
point de vue des différences ethniques ;
3* Enûn^ que, quand il s'agira d'apprécier la capacité tho-
racique, il faudra recourir à la méthode graphique, et qu'à
la condition de prendre les précautions que j'ai indiquées,
on peut espérer obtenir des résultats ayant une garantie
sufllsante.
362 SâANOE DU 19 MAI 1887,
Si8CUMi«B.
M. Matbias Duval peose qu'il y aurait intérèi à mesurer le
thorax à difTérentos iiauteurs et à tenir compte des courbures
<le la oolonue vertébrale et surtout de la directioa du ster*
num, qui présente de grandes variations.
M. Sanson. Une distinction me paraît nécessaire pour ap-
précier exactement la valeur des diverses méthodes dont
M. Maurel vient do nous entretenir. S'il s agit, par exemple,
de mesurer la capacité respiratoire des poumons, il est évi-
dent que le périmètre thoracique ne peut point la donner. Le
ruban métrique ne vaut donc rien pour cela. Nous savons
tous, et depuis longtemps, que dans ce sens -le volume des
poumons dépend de la figure que présente la section de la
cavité thoracique. Pour le même périmètre, le cercle a plus
de surface que Tellipse. C'est par cet argument que|'ai, pour
ma part, bien des fois réfuté i opinion consistant à soutenir
que rétroitesse de la poitrine peut être compensée, chez les
chevaux, par une hauteur plus grande. A ce point de vue
du volume pulmonaire, il y a une dimension bien autrement
importante : c'est celle qui est commandée par la longueur
du sternum. Un centimètre^ dans cette longueur, en vaut
plusieurs dans colles des deux diamètres thoraciques. Et cela
est facile à démontrer.
Mais ce point de vue n*est pas le seul qui soit intéressant.
Nous sommes d'accord pour rejeter remploi du ruban mé-
trique, en ce qui le concerne» et aussi, je le veux bien, pour
Tappréciation des changements que la pleurésie apporte dans
la forme du conoTde thoracique, ce dont nous n'avons pas à
nous occuper ici. Je suis prêt à donner mon adhésion pour
son remplacement par rinstrumeatqne propose M. Maurel.
Est-ce à dire que le ruban métrique, dont la commodité n'est
pas douteuse, ne soit bon à rien ? J'en fais, pour mon compte,
un grand usage, et je ne suis pas du tout disposé à l'aban-
donner. Il y a nombre de cas dans lesquels la connaissance
DISCUSSION SUR LES XSifSUBATIOKS DE LA GAGE TBORACIQUE. 363
du périmètre ihoracique a soa ttUlité« Je fais, par exemple,
mesurer périodiquement les diverses dimensions de tous les
jeunes animaux de i'£cole de Grignon, pour tâcber de saisir
la loi qui régit leur développement. Le périmètre thoracique
est une de ces dimecuions. Sur un animal comostible> je puis
arriver, le connaissant, à déterminer approximativement la
proportion de viande que cet animal fournira. Le ruban
métrique rend donc, lui aussi, des services dans ces divers
cas.
Qu'il puisse y avoir intérêt, en anthropologie, à mesurer
le périmètre thoradque, j*en doute un peu. Ce dont je suis
sûr, c'est que la forme de la poitrine ne peut pas être un ca«-
ractère de race. Cette forme est variable comme les individus.
Il dépend de nous de la foire varier À volonté. Les sujets qui
se sont développés dans la misère ont Ja poitrine étroite. Ceux
dont Talimentation a été régulièrement riche l'ont au con»
traire ample. Je puis dire que c'est là une notion vulgaire en
zootechnie» Il n y a pas apparence que les hommes échap-
pent aux mêmes influences* Mais enfin si le périmètre thora-
cique n'a pas de valeur spécifique ou xoologique, il peut avoir
une importance ethnographique. U peut être intéressant de
savoir que dans telle population ce périmètre est générale-
ment plus grand que dans telle autre« Je suis bien convaincu
que cela s'observe entre populations de même type naturel
ou de même race, mais habitant des milieux différents. Je
pense donc qu'il n'y a pas lieu de rejeter le ruban métrique,
d'ailleurs très portatif et très commode, de la collection in*
strumentale de ceux qui croient à Tutilité, en anthropologie
proprement dite, de ce qu'on nomme Vanihropoméirie. On
peut, du reste, aussi bien se servir de l'instrument proposé
par M. Maurel. Le choix me semble tout à fait permis.
M. TopiNARD. Je ne veux m'occuper ni des critiques théo-
riques de M. Maurel foites à la mensuration de la poitrine
par la méthode de la circonférence, ni des applications de
sa propre méthode à la clinique médicale, ni même de l'in-
dice thoracique dont il nous a parlé et sgr lequel il a été
364 SÉANCE DU 19 MAI 4887.
fait une thèse à notre laboratoire sons l'inspiration de Broea.
Je ne veux m*arrêter qu'à la façon de mesurer la circonfé-
rence de la poitrine que nous employons et qui n'a pas son
approbation.
La circonférence de la poitrine est mauvaise, dit-il, surtout
parce qu*il existe une foule de procédés pour la prendre. C'est
comme s'il nous disait que la mesure des deux diamètres de
l'indice céphalique est mauvaise parce qu'ils ne sont pas pris
par les mêmes procédés rigoureusement en France, en Alle-
magne, en Angleterre. Mais, réellement, y a-t-il tant de pro-
cédés? Pour moi, il n'y en a que deux :;le premier, suivi
seulement par les médecins militaires, celui de Vallin, et le
second, prescrit par Broca et la Société d'anthropologie et
employé également en Angleterre. Dans ce dernier, on dit au
sujet d'écarter ou d'élever les bras, on passe le ruban en se
plaçant en arrière ; un aide, placé en avant, regarde si le
bord inférieur du ruban, s'appuie sur le dessus des mame-
lons, et est bien horizontal ; et l'on dit au sujet d'abaisser
les bras le long du corps. Cette horizontalité du ruban est le
point capital à surveiller ; la moindre obliquité fausse la me-
sure, ainsi que l'a prouvé un travail spécial fait en Angle-
terre. On ne s'occupe pas des omoplates, on les croise trans*
versalement. Dans ces conditions^ la mesure est constante.
Tous ces détails ont été discutés en commission à l'époque
de la seconde édition des Instructions de la Société entre
Broca, moi-même et je ne me souviens plus quelle troi-
sième personne, membre de la commission, dans le cabinet
de Broca. Je n'ai fait que les reproduire chaque fois que
j'en ai eu l'occasion, notamment dans mes Eléments (Tan^
thropologie générale.
Il y a une seule objection à la circonférence de la poitrine,
et justement M. Maurel n'en dit pas un mot; c'est qu^elle
varie suivant son état de dilatation. Pour y remédier, voici
ce que je recommande : 1® de lire la mesure lorsque la poi-
trine est à l'état de repos, avant qu'on ait fait parler le sujet
et sans lui avoir fcût la moindre recommandation ; 2* de lui
DISCUSSION SUR LES MENSURATIONS DE LA CAGE TUORACIQUE. 365
dire de compter de 20 à... indéfiniment, jusqu'à ce que,
ayant besoin de respirer, il fasse une inspiration. C'est la
circonférence minimum ou dans ]'état d'expiration forcée.
Placé en arrière et tenant les deux extrémités du ruban, on
tire doucement celles-ci, et, juste au moment où le sujet prend
son yent, on lit le minimum donné; 3® de lui dire de faire
une grande inspiration. Placé de même, on soutient encore
les extrémités du ruban, on suit de Tœil la dilatation, et au
moment précis où, fatiguée, la poitrinerevientsur elle même,
on lit le maximum obtenu. L'avenir dira quelle est la meil-
leure de ces trois mesures ; pour moi, c'est la première : à
Tétat naturel. Toutefois Tintervalle entre les circonférences
maximum dans Tinspiration et minimum dans l'expiration
exprime bien la puissance respiratrice du sujet.
En somme, je maintiens que, pour les besoins de l'anthro-
pologie, la circonférence du thorax prise suivant la rè-
gle, au niveau des mamelons, le ruban étant horizontal, est
une mesure satisfaisante, aussi constante qu'aucune autre en
anthropométrie.
M. Manoltrier reconnaît les avantages que présente le
ruban métallique de M. Maurel ; mais ils ne sont pas assez
importants pour faire rejeter les méthodes antérieurement
employées, qui sont précieuses par leur rapidité en même
temps que par leur exactitude. Il cite à l'appui de son opi-
nion le mémoire d'un savant italien, M. Maestrelli, dans le-
quel sont comparés les résultats fournis par le spiromètre,
et ceux donnés par les diamètres antéro-postérieur trans-
verse et vertical, et duquel il résulte que la longueur du ster-
num est la dimension qui représente le mieux la capacité
thoracique.
M. Gustave Lagnbau. Je rappellerai que, en 4880, à l'Aca-
démie de médecine, au concours du prix fondé par notre an-
cien collègue, M. Rufz de Lavison, pour : a Etablir... les mo-
difications, les altérations de fonctions... qui peuvent être
attribuées à Tacclimatation », M. le docteur Alfred Jousset,
ancien médecin de la marine, alors à lille, envoya un impor-
366 8ÉANGE DU 19 MAI 1887.
tant manuscrii, aaqael Broca, M. le professent Jaecond et
xnoi crûmes deToir Caire déeemcr ce prix*.
Dans oe ménunre, qui, TraisemblaMenieiit, a été publié
depuis, 8*aidani do ruban métrique, des lames de plomb, du
oyrtomèire» du spiromètre, do spbygmographe, M. Jousset,
durant diven voyages auj[ Antilles, au Sénégal, aux Indes, en
Indo-Chine, par de nombreuses observations prises sur des
marins français, sur des nègres du Congo et du Sénégal, sur
des Ghinoid et des Gocbiocbinois, avait étudié les modiflea^
lions présentées par la respiration, la eirculatton, et la tem-
pérature suivant les races et les climats.
M* Sanson paraît considérer comme individuelles et nulle-
ment ethniques les différences constatées dans le périmètre
et la forme du thorax. Ma rappelant le9 nombreux gra-
phiques qui accompagnaient le manuscrit de M. Jousset, je
ne puis partager entièrement Topinlon de notre collègue.
Chez la plupart des hommes de couleur, aux poumons peu
volumineux^ refoulés vers la partie supérieure, les courbes
cyrtométriques permettaient de reconnaître que le thorax,
de forme plus cylindrique, était proportionnellement plus
étendu dans le sens antéro-postérieur et moins étendu dans
le sens bilatéral que le thorax des Européens.
M. TotHMAiD. La circonférence de la poitrine est une me-
sure qui intéresse la physiologie générale, plus que Tanthro-
poI(^e ; eUe est en rapport avee la constitution, la santé du
si\îet, et seau individualité plu» qu'avec son type de race. Si
nous la prenons, c'est qu'elle pent exercer une influence sur
certains caractères de race» et nous induire en erreur sur ces
caractères*
Du reste, elle a été très étudiée un peu partout, en France
d'abord, ob je rappellerai notamment les travaux de M. Daily
et ceux de M. Goldstein; mais surtout en Angleterre et en Amé^
rique. En An^eterre^ les observation» qui y ont trait se com-
ptent par mille ei centaines de mille. Je me souviens que, il
1 UuU. de VMa4. 4t méd.j, 1 1 om e4 2* jviikl iSS», p. M«-iSi, 793-794.
DISCUSSION SUR LES MENSURATIONS DB LA CAGE THORACIQUE. 367
y a Tingt à ringt-cinq ans, M. Lasègne rdromait, dans les
Archives de médecine, tout oe qtii déjà aTait éié fail sur ce sujet
en Angleterre, à propos des travaux de M. Hntchinson. Dans
ce pays, on a étudié les relations de la circonférence de la
poitrine avec le poids du eorps, la laille, la profession, les
milieux de tontes sortes, que sais-je ! Il y a deux ou trois ans,
le comité anthrapométriqne de l'Association britannique a
établi nn questionnaire sur une petite carte qu'il répand à
profbsion partout ; la circonférence thoracique au ruban est
Tune des mesures fondamentales demandées. Dans notre
pays, elle a, en réalité» donné lieu à peu de statistiques ;
mais, dans les autres pays, on s'en préoccupe fortement. Je
le répète, J*ai dît la façon de la prendre, mais je n'attache
à la circonférence théonque qu'un médiocre intérêt pour l*an«
thropologie vraie.
M. Ck>Lii6N0iv. Si j'ai biwi compris M. Maurel, son procédé
est spécialement destiné aux voyagenrs. J'avoue que, guidé
par Texpérienee, je crains qu'il ne soit pour ceux-ci d'une
application difficile* Si chaque observation deçiande dix mi-
nutes, c'est beaucoup. Un médecin au lit du malade usera
volontiers d'un procédé de mensuration même long, parc©
que son but, guérir, Tempéthera d*y regarder. Mais l'anthro-
pologîste en voyage n*a généralement qu'un temps rela-
lirement limité à consacrer à chaque sujet, et franchement,
il y a des mensurations plus importante? à faire passer en
première ligne, car, au point de vue de l'ethnologie propre-
ment dite, l'étude du périmètre de la poitrine est secon-
daire. Je ne dirai cependant pas qu'elle est incapable de
donner des résnllats intéressants ; mais ceux-ci peuvent
être obtenus bien plus rapidement, et pourtant avec un©
exactitude très suffisante par Tassociation des diamètres et
de la cireonférence prise ca divers points.
J'ai entrepris, depuis six mois environ, des recherches
analogues, que je présenterai un de ces jours à la Société. Je
mesure deux périmètres, l'un au niveau des mamelons, d'après
la méthode de Broca ; l'autre suivant le procédé de M, Vallin,
368 SÉANCE DU 49 MAI 1887.
puis les trois diamètres : transversal, aniéro-postérieur et
vertical. J'y ajoute, enfla, les mesures en hauteur et en lar-
geur du Ironc proprement dit. Mes moyennes n*ontpas encore
été calculées (j'ai environ 400 observations) ; mais il me sem-
ble en résulter que, dans les races, ce sont les diamètres
verticaux et antéro-postérieurs qui varient le plus ; les blonds
de souche germanique ayant, par exemple, le thorax plus
haut et plus plat que les petits bruns de race celtique. Gela
vient, en somme, confirmer cette remarque toute militaire,
que les cuirasses faites pour les poitrines allemandes ne
vont pas bien à nos soldats et sont en général trop plates.
En tous cas, l'évaluation de la surface d'une section thora-
cique n'est pas suffisante pour nous renseigner complètement
sur le volume de la poitrine ; il est indispensable d'y joindre
une mensuration en hauteur.
D'autre part, en ce qui concerne l'augmentation unilaté-
rale du thorax, à droite chez les droitiers, à gauche chez les
gauchers, je tiens à faire des réserves absolues. M. Maurel
nous présente une série de quatre gauchers seulement, ce
qui n'est pas suffisant. Sur le vivant, le hasard est si grand
et si capricieux qu'il est nécessaire de s'appuyer sur le
nombre, et, pour être convaincu, je réclamerais un minimum
de cinquante observations. Je me demanderais, enfin, au cas
où ce point serait bien établi, si cette augmentation ne serait
pas due plus aux muscles pectoraux qu'à la cage thoracique
elle-même.
M. Manouvrier pense que M. Maurel n'a pas recueilli un
nombre d^ observations suffisant pour affirmer que, chez les
gauchers, la demi-circonférence thoracique gauche est plus
grande que la droite ^
La séance est levée à six heures.
Lun des secrétaires : fauvelle.
< La réponse de M. Maurel étant arrivée trop tard au comité de rédac-
tion sera publiée dans la séance suivante, à propos du procès-verbal.
A PROPOS DU PROCÈS-VERBAL. 369
iSi* StANGE. — i joiD 1887.
Préflldonee de M* M ACilTOr, préuïdenU
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
A propos du procèt-verbal.
Sur les Matas. — M. Désiré Gharnat réfute plusieurs asser-
tions émises par M. de Nadailiac au sujet des Maïas.
Sur la mesure de la capacité thoracique. — M. Maurel.
Gomme M. Mathias Duval, M. Maurel pense qu'il serait
avantageux de pouvoir prendre la section thoracique à
différentes hauteurs ; mais il a pu constater que la sté-
thographie ne donne que des résultats incertains dès que
Ton remonte plus haut que Tangle inférieur des omoplates.
La position variable de ces os, leurs dimensions et celles des
masses musculaires qui s'y insèrent, entrent alors en ligne de
compte et rendent le tracé stéthographique plus difficile à
prendre et en même temps moins exact, puisqu'on ne sait
pas exactement ce qui appartient réellement à la poitrine et
ce qui appartient à l'épaisseur de ses parois. Répondant en^
suite à M. Sanson, il accorde que, dans certains cas donnés, le
mètre puisse rendre des services ; mais seulement dans ceux
où c'est le périmètre qui nous intéresse et non la section.
Ce que M. Maurel veut bien établir, c'est que lorsqu'on
cherche à apprécier la section, comme cela a lieu le plus
souvent dans la mensuration de la poitrine, le périmètre ne
peut donner que des résultats sans garantie, puisque parfois
ils sont exacts et que d'autres fois ils ne le sont pas.
M. Sanson pense que la poitrine ne saurait constituer un
caractère de race. Il se peut qu'il soit dans le vrai ; mais rien
jusqu'à présent ne le prouve. D'une part, en effet, déjà en
s'en tenant aux périmètres, un certain nombre d'anthropolo^
gistes ont cru trouver des différences qui ont été géné'>
ralement acceptées, et d'autre part, même en considérant
T. X (30 siRiE). 24
a70 aÉAifGB DU s JUIN 1887.
toutes ces observations périmétriques comme entachées d'er-
renr^ et il est loin d'aller josque-là, on n'a pas encore étudié
le thorax au point de vue de la section, et il se pourrait que
des recherches faites dans ce sens parvinssent à révéler des
différanees dignes de notre attention.
M. GoUignon vient de dire qu'à Faide des diamètres tho-
raciques il a pu constater des différences entre deux des
races qui peuplent une de nos provinces. N'est-il pas à croire
que ces différences ne feraient que s'accentuer s'il avait pu
comparer des races encore plus éloignées Tune de l'autre ?
Mon exposition a probablement manqué de clarté, dit le
docteur Maurel, quand j'ai parlé du nombre des procédés du
périmètre. 11 me semble cependant que je n'ai pas dit que
ce procédé fftt mauvais, comme l'a entendu M. P. Topinard,
mais seulement incomplet, non méthodisé. J'ai, du reste, im-
médiatement ajouté qu'il était facile à la Société d'anthro*
pologie de faire disparaître ce défaut, en adoptant une
méthode unique et bien déterminée dans tons ses détails.
Ce que disant, M. Maurel ne croyait que reproduire l'opinion
de M. Topinard. C'est l'impression qui lui était restée de la
lecture du chapitre sur les pointé de t^père et le$ procédé$
anthropométriques des Éléments d'anthropologie générale.
Du reste^ si quelques doutes restaient encore à cet égard, il
suffirait de dire qu'en 1877, M. Topinard conseillait de
prendre ce périmètre les bras élevés et les mains jointes au-
dessus de la tête, tandis qu'en 1885 il conseillait de le pren-
dre les bras étant abaiisés.
M. Maure! n'a peut^tre pas asses insisté dans son exposé
sur les variations du volume de la poitrine sous l'influence
des mouvements respiratoires. Les difficultés qui en résultent
ne lui ont cependant pas échappé. M. Maurel fait son possible
pour prendre la poitrine dans un état intermédiaire entre l'in-
spiration et l'expiration forcées, et pour cela il engage le sujet à
continuer à respirer comme d'ordinaire. Il pense qu'il est
préférable de faire cette recommandation que d'inviter le
sujet au reposf car le repos aurait lieu trop souvent à la fin
A PROPOS DU PROCÈS-VERBAL. 37!
d'une expiration ou d'une inspiration, et bien rarement dans
une situation intermédiaire.
Quant aux conclusions de M. Topinard, à savoir que la cir-
conférence du thorax constitue une mesure satisfaisante pour
les besoins de Tanthropologie, M . Maurel ne saurait y souscrire.
Ce que la plupart des anthropologistes cherchent & apprécier
quand ils mesurent la cage thoraoique, c'est la capacité de
cette cavité ; or, il vient de l'établir théoriquement et prati-
quement, la longueur du périmètre n'est pas en rapport
constant aveo la section ; on ne saurait donc conclure de
Tune de ces deux données à l'autre. Il se peut même que ce
soit ce manque de concordance qui soit cause du peu d'im-
portance que M. Topinard accorde aux mensurations de la
poitrine. Peut-être que des mensurations faites autrement
l'auraient conduit à une autre opinion.
Répondant à M. Manouvrier, M. Maurel dit qu'il n'a pas
la prétention de faire oublier toutes les autres méthodes ; il
ne combat que celle du périmètre. Ainsi; il accorde, au con*
traire, une réelle importance au procédé des diamètres et
de l'indice thoracique, et ce qui le prouve, c'est que dans le
cours de sa communication, il a déclaré que c'était là vrai-
ment le procédé anthropologique. Le procédé de l'indice
thoracique et celui de la section thoracique se complètent.
Ce dernier donne une idée suffisamment exacte de la capa-
cité thoracique, et le premier de la forme du thorax qui,
mieux étudiée, acquerra peut-être une réelle importance dans
la suite. Il est heureux de pouvoir s'appuyer sur les faits que
vient de citer M. Lagneau, faits qui tendraient à éte^lir que
déjà le docteur Jousset a constaté des différences ethniques
dans la forme de la poitrine.
Enfm, répondant à M. Gollignon,M. Maurel déclare qu'il a
fait depuis longtemps de l'anthropologie dans des conditions
bien mauvaises, et qu'il n'en voit aucune dans lesquelles il
n'aurait pu employer son procédé de stéthographie s'ill' avait
voulu. Il juge, par conséquent, que son procédé peut être
appliqué par tous les voyageurs qui trouveraient un intérêt
372 SÉANCB DU S JUIN 4887.
à étudier le thorax mieux qu'on ne l'a fait jusqu'à présent.
Quant au temps qu'exige ce procédé, il ne lui accorde pas
trop d'importance. Il aime mieux n'avoir que 20 graphiques
bien pris^ qui le fixeraient sur la forme générale de la poi-
trine, qui lui donneraient une idée de sa capacité, que IlOO pé-
rimètres dont il ne pourrait tirer aucune conclusion. Il
accorde à M. GoUignon que le procédé de la section thora-
cique serait plus complet en y ajoutant la hauteur. Ce serait
évidemment un élément de plus. On ne prend jamais trop
de mesures. M. Maurel s'est contenté de la section thora-
cique, mais il ne pourra qu'approuver cenz qui feront
mieux.
Quant aux procédés employés en ce moment par M. Col*
lignon, c'est celui de l'indice thoracique complété par le dia-
mètre vertical et les périmètres. Or, ces six mesures ne
doivent pas demander beaucoup moins de dix minutes à
M. Collignon, et s'il voulait prendre le tracé stélhographique,
quelle que soit, du reste, la hauteur qu'il choisisse, il aurait
en même temps les diamètres anléro-postérieur et transversal
et tous les diamètres à son choix, ainsi que le périmètre
total ; il pourrait calculer la section thoracique et, fait des
plus importants pour ses recherches^ il conserverait une série
de graphiques qui, pour ses comparaisons, parleraient bien
mieux aux yeux que des indices, des diamètres ou des péri-
mètres.
Enfin, en ce qui concerne la comparaison des hémithorax
chez les droitiers et les gauchers, M. Maurel rappelle que son
seul but, ainsi que l'indique le titre de sa communication,
est d'exposer et de comparer les divers procédés de mensu*
ration de la poitrine, et que ce n'est que d'une manière inci*
dente qu'il a parlé de cette question. Elle sera reprise.
OUVRAGES OFFERTS.
Leclerc (M.). Les Peuplades de Madagascar. Paris, 1887,
in-8'*, 68 pages.
Mac Farlahd Davis. A few additional Notes concei^inglndian
CANDIDATURES, 373
Games {From the BulL of tke Essex Instàute^ t. XXVIU).
Salem, 1887, broch. in-8% 23 pages.
Benedikt (M.). ^'•^ Chinesen-Gehirne, Vienne, 1887, broch.
în-8», iS pages.
Sarlo (F. de). Studi $ul darwintsmo. Naples, 1887, in-12,
186 pages.
— Isogniy saggio psicologico, Naples, 1887, broch. in-8°,
32 pages.
Ploix (C). L'Atlantide (In Revue d'anthropologie, 1887).
Broch. in-8*, 22 pages.
M. Ploix présente à la Société un exemplaire d'un article
qu'il a récemment publié dans la Revue d'anthropologie sur
l'Atlantide, et dans lequel il croit avoir démontré que cette
île ou ce continent signalé par Platon doit être définitivement
rangé dans la catégorie des régions fabuleuses.
M. G. de Mortillet présente, au nom de notre collègue le
docteur Muston, un fort beau volume : le Préhistorique
dans le pays de Montbéliard et les contrées ctrconvoùines. Mont-
béliard, 1887, in-8**. — C'est une intéressante monographie
des découvertes faites dans la région. Il y est surtout ques-
tion de camps ou oppidums, situés sur des points défendus
naturellement, et ayant fourni de riches récoltes néoli-
thiques ; et de grottes ayant servi d'asile à des populations
d'âges fort divers. Les plus importantes sont celles de la
Beaume et de Rochedane. Cette dernière, découverte par
l'auteur, lui a donné des produits magdaléniens associés à
des ossements de renne. Ils étaient superposés à des silex
plus anciens, solutréens et moustériens d'après le docteur
Muston. Au-dessus reposaient des couches néolithiques, de
l'âge du bronze et même de l'époque romaine. Non content
de décrire les objets, l'auteur a complété sa monographie en
les figurant. L'ouvrage contient 57 planches.
CANDIDATURES.
M. le docteur W. Dekhtereff, attaché au département de la
médecine, médecin de l'hôpital clinique de Saint-Pétersbourg,
374 SÉANGB DU â JUIN 1887.
présenté par MM. Magitoi, Letourneau et Manonvrier, de-
mande le titre de membre titulaire.
ELECTIONS.
M. RBHomuB, député de Seine-et-Oise, est élo membre
titulaire.
PRÉSENTATIONS.
Vae amulette Ibretonne t
PAR M. L. BONNEMÈRB.
Les habitants de Locmariaquer désignent sous le nom bre-
ton de Kistin Spagn^ châtaigne d'Espagne, une graine exo-
tique que je crois être une graine d'acajou. Quand ils veulent
traduire son nom en français, ils l'appellent marron d'Inde»
Ce sont les matelots, si nombreux dans le pays, qui leur
procurent des Kistmien Spagn au retour de leure voyages.
Ces souvenirs des contrées lointaines que Ton a visitées sont
toujours très bien accueillis dans les familles. On se sert, en
effet, des châtaignes d'Espagne pour préparer un précieux
médicament. Pour cela, on le râpe avec soin et on le fait
bouillir dans du lait doux. L'efficacité de ce remède est,
dit-on, merveilleuse dans nombre d'affections intestinales.
Est-ce la foi qui sauve, ou bien la graine qui nous occupe
a-t-elle quelques propriétés particulières et ignorées des
habitants des villes ? C'est ce que je ne saurais dire.
Quelques paysannes emploient encore autrement les Kis-
tinien Spagn. Elles percent leur éoorce et les suspendent
avec leurs clefs ou leurs ciseaux, en gnise d'amulettes et
dans nn but que je n'ai pas pu clairement déterminer.
Puisque j'ai été amené à parler d'une graine que l'on
appelle improprement marron d'Inde^ je veux profiter de
l'occasion pour dire deux mots d'une croyance qui s'attache
à ce fruit et qui, à Paris môme, est partagée par beaucoup
de personnes. On s'imagine qu'on n'a qu'à porter, dans une
poobe de pantalon, trois ou encore cinq marrons d'Inde,
DARESTE. — LES VBAUX A TÊTE DE BOULEDOGUE. 376
pour n'avoir rien à craindro de la gonite» C'est là^ on en
conTiendra, un remède faeile à suivre, même ea voyage.
Discussion.
H. Letourneau a rencontré à Paris la même croyance dans
la propriété prophylactique du marron d'Inde porté dans la
poche du pantalon.
H. PoMMBEOL a rencontré la même coutume en Auvergne.
Elle doit tirer son origine de quelque coutume très ancienne.
M. DésmÉ Chaiiat a constaté l'existence d'une superstition
semblable en Amérique. Il a vu à New-York un individu qui
louait des graines usitées comme préservatif contre les dou*
leurs et les rhumatismes. Le prix montait jusqu'à 185 francs
et les amateurs étaient nombreux.
COMMUNICATIONS.
JUes veuMX à tète 4e beiiledogiie i
PAR V. PARESTB.
J'ai présenté à la Société» dans la séance du 8 février, un
veau femelle, né, au Jardin d'acclimatation, d'un taureau et
d*une vache fiato provenant du Ghi|i. Cet animal m'avait
été adressé par M. Saint-Yves Ménard, sous*directeur du
Jardin d'acclimatation. Il avait vécu un mois, puis il était
mort de vertiges, presque subitement.
Ce veau a été disséqué sous mes yeux par M. le docteur
Vauthler et M.Qache. L'examen anatomique ne nous a mon-
tré aucun vice de conformation incompatible avec la vie et
avec l'exercice des fonctious génératrices. Rien n'indiquait
qu'il ne fftt pas capable de reproduire, s'il avait atteint l'âge
adulte. Il ne présentait d'autres anomalies que celles qui
caractérisent les bœufs fiâtes de l'Amérique du Sud.
Je mets sous les yeux de la Société deux photographies de
la tète de Tanimal, vue de face et de profil, ainsi que la
tète osseuse. On peut voir sur les photographies les carao.
tëres extérieurs de la race des bœufs fiatos : c'est-à-dire ie
376 SÉANCE DU 2 JUIN 1887.
raccourcissement considérable de la face et Tinégalité des
mâchoires, la mâchoire inférieure débordant en avant la
mâchoire supérieure.
Quant à la tête osseuse, elle reproduit très exactement les
caractères d'une tête osseuse rapportée par Tillustre Darwin
de son voyage autour du monde, et conservée au Collège des
chirurgiens. Je mets sous les yeux de mes confrères la copie
d'une figure que H. Rutimeyer a donnée de cette tête, dans
un mémoire sur les races de bœufs.
Voici, du reste, la description de cette tête osseuse, qui a
été donnée par R. Owen dans le catalogue descriptif de la
collection ostéologique du Collège des chirurgiens : « Ce
crâne est remarquable par l'arrêt de développement des na-
saux, des préraaxillaires et de la partie antérieure de la
mâchoire inférieure qui est, d'une manière anormale, re-
courbée en haut, pour venir se mettre en contact avec les
prémaxillaires. Les os nasaux n'ont qu'un tiers de leur lon-
gueur ordinaire, mais ils conservent presque entièrement
leur largeur normale. L'espace vide triangulaire reste entre
eux, le frontal et le lacrymal ; ce dernier os s'articule avec le
prémaxillaire, et il exclut ainsi le maxillaire de toute jonc-
tion avec le nasal. Les cornes sont développées sur le fron-
tal, dans l'endroit où il forme les angles extérieurs de la
crête sus-occipitale. La dentition de Tâge adulte était pro-
duite sur cet exemplaire. »
On peut retrouver ces caractères très exactement repro-
duits sur la tête osseuse du veau îlato du Jardin d'acclima-
tation, si Ton fait d'ailleurs abstraction des caractères qui
dépendent de la différence d'âge. On voit très bien l'espace
vide triangulaire entre le frontal, le nasal et le lacrymal ;
on voit également le lacrymal s'articulant avec le prémaxil-
laire et excluant ainsi le maxillaire de toute jonction avec le
nasal.
Il y a donc un ensemble de caractères communs entre ces
deux tôtes, caractères qui se reproduisent par voie de géné-
ration. Il serait, par suite, tout naturel d'admettre Texistence
DARBSTE. — LES VEAUX A TÊTE DE BOULEDOGUE. 377
des bœufs fiâtes comme race dans l'Amérique du Sud, quand
bien même Texistence de cette race ne serait pas attestée
par des hommes comme Azara, Lacordaire et Darwin, qui
étaient tous des naturalistes éminents, et qui ont observé
ces animaux dans leur pays natal.
Maintenant il faut ajouter que cette race tend à dispa-
raître. L'explication de ce fait est bien simple. Ces animaux
sont mal conformés pour la boucherie. Or, pendant long-
temps, les immenses troupeaux de bœufs de TAmérique du
Sud n'étaient guère utilisés que pour le cuir. Ils vivaient
dans un état à moitié sauvage, et leur reproduction était
abandonnée à la nature. Depuis que Ton a commencé à uti-
liser ces animaux pour la production de la viande, on cherche
partout à détruire les veaux fiatos aussitôt qu'ils sq présen-
tent, et on peut penser que, dans une époque assez pro-
chaine, ils auront complètement disparu.
Nous n'avons aucun renseignement sur l'origine de cette
race. Tout ce que nous savons, c'est que le bétail de l'Amé-
rique du Sud provient de bêtes portugaises introduites au
Brésil au seizième siècle, et qui se sont répandues de proche
en proche dans les plaines de ce continent. Comme il n'y a
aucune race de bœufs îiatos en Europe, il est très évident
que ces animaux se sont formés sur place, à une époque
indéterminée ; mais comment cela s'est-il fait?
Or, nous pouvons suppléer à ce silence de l'histoire par la
constatation de faits qui se produisent dans le bétail euro-
péen. Déjà, en 4863, Nathusius avait signalé l'apparition,
dans notre bétail européen, de veaux présentant les carac-
tères de la rdce américaine. Mais il s'était contenté de cette
simple indication. Il y a vingt ans, lorsque j'étais professeur
à la Faculté des sciences de Lille, je reçus un veau à tête
de bouledogue, qui m'était adressé pour le Musée de Lille
dont la direction dépendait de la chaire d'histoire naturelle
que j'occupais alors. L'étude ostéologique que je fis de cet
animal me permit de constater les principaux caractères de
la race américaine. Je crus donc devoir émettre l'idée que
378 SÉANCE DU 2 JUIN 1887.
les fiatos amérioaiDS proviendraient d'animaux apparus subl-
iemeni dans des races préexistantes , et qui auraient transmis
leurs caractères à leur postérité. Cette idée, dans laquelle je
persiste, ne s'applique pas seulement h la race bovine qui
fait l'objet de ce travail; j'ai la conviction qu'elle expliquera
quelque jour la formation d'un très grand nombre de races
dans les espèces domestiques.
Pour le moment, je me borne à l'étude des bœufs fiatos.
Or^ depfuis l'époque déjà ancienne où j'ai donné la première
description détaillée d'un veau à tète de bouledogue né en
France d'animaux d'ailleurs bien conformés, j'ai eu connais-
sance d'un assez grand nombre de faits de cette nature ; et
j'ai pu, par conséquent, compléter, sur bien des points, mon
premier travail. Je viens faire connaître à la Société les ré-
sultats de mes nouvelles études.
Le fait le plus important qui en découle, c'est que les
veaux à tâte de bouledogue qui naissent dans nos races bo-
vines présentent, bien qu'avec une mâme forme de tôte, des
caractères assez différents les uns des autres. U y a là des
variations anatomiques beaucoup plus considérables qu'on
ne serait tenté de le croire au premier abord. Aussi, dans
tous les faits que j'ai pu recueillir, Je n'ai trouvé aucun cas
qui reproduisit exactement le type américain des iiatos; mais
un certain nombre de types, qui, bien que lui ressemblant
beaucoup, s*en écartent cependant par certains détails. Je
vais faire connaître à la Société deux cas, que j'ai pu observer
moi-même.
Le premier est un veau femelle, envoyé à Alfort par M. Fa*
vereau, médecin vétérinaire à Neufchàtel-en-Bray. Cet ani-
mal, qui avait huit jours, avait voyagé, le 20 mars dernier,
par une température très froide. 11 mourut quelques heures
après son arrivée, très probablement par suite du froid dont
il avait souffert pendant son trajet en chemin de fer. C'est
l'opinion de notre collègue M. Barrier, qui l'avait reçu à
Alfort et qui me l'a gracieusement envoyé.
L'animal, dont vous avez ici la photographie, présentait
DARE8TE. — LEB VEAUX A TÊTE DE BOULEDOGUE. 379
extérienremetit les caractères céphaliques des ftatos, seule-
ment plus accentués. La mâchoire supérieure est encore
plus courte. Les oreilles sont très courtes et se terminent par
un bord tronqué. La queue est rudimentaire. Les viscères ne
m'ont présenté aucune anomalie. Le squelette, que J*ai fait
monter et que j*ai mis sous vos yeux, présentait un certain
nombre de particularités que je vais indiquer brièvement.
Le raccourcissement de la tête a modifié d'une manière plus
intense, si Ton peut parler ainsi, les connexions des os. Les
nasaux, qui sont encore plus courts que chez les fiatos amé-
ricains, sont complètement séparés, par les lacrymaux, non
seulement des maxillaires, mais encore des prémaxillaires.
Il en résulte une conformation tout à fait insolite du con-
tour des fosses nasales, qui est constitué par les nasaux,
les lacrymaux et les prémaxillaires. Ceux-ci sont encore plus
courts et beaucoup moins obliques. L'espace triangulaire
vide entre les frontaux, les lacrymaux et les nasaux, est
très petit. Il existe un os wormien asymétrique entre les
frontaux et les nasaux. Le reste du squelette présente plu-
sieurs vices de conformation. La onzième et la douzième ver-
tèbre dorsale sont soudées par leurs arcs supérieurs ; il en
est de môme de la deuxième et de la troisième vertèbre lom-
baire. Les côtes et les apophyses transverses qui s'attachent
à ces vertèbres sont elles-mêmes modifiées. La région coccy-
gienne est réduite à trois pièces. Mais, ce qu'il y a de plus
remarquable, c'est la conformation des membres. L'avant-
bras, et surtout la jambe, sont très raccourcis. Les péronés,
qui sont rudlmentalres chez les ruminants, à l'exception des
chevrotains, existent dans toute la longueur des tibias qui
' présentent un énorme développement en largeur.
Le second est Tanimal que j'ai décrit dans le mémoire que
j'ai publié il y a vingt ans. Le squelette de cet animal fait
partie des collections du Musée de Lille. Mais je puis mettre
sous vos yeux un certain nombre de photographies, qui vous
montreront très bien ses principaux caractères.
Lorsque j'en fis la description, j'avais cm tout d'abord
380 SÉAlfCB DU 2 JUIN 1887.
qu'il reproduisait très exactement les caractères des ftatos
américains que je ne connaissais alors que par la très brève
description de R. Owen. Plus tard, ayant eu connaissance
du dessin donné par Rutimeyer, dessin que j'ai mis sous vos
yeux, je reconnus facilement que ces animaux appartenaient
à des types différents, quoique très semblables.
Le veau du Musée de Lille rappelle, à bien des égards,
celui de Neufchâtel : à Textérieur, par la brièveté des oreilles,
par l'état rudimentaire de la queue ; à Tinlérieur, par la dis-
position des os de la face, qui présentent la même relation
entre les nasaux et les lacrymaux ; par la brièveté extrême
de Tavant-bras et surtout de la jambe ; par l'existence des
péronés. Mais il en différait par un caractère très remar-
quable qui m'avait échappé lors de la rédaction de mon
travail. Dans la cavité buccale, les maxillaires et les palatins
ne se réunissaient pas sur la ligne médiane, et le milieu de
la voûte palatine est formé par le vomer. Cet animal avait
vécu deux mois, ce qui semble exclure Tidée de vices de con-
formation des viscères. Je n'avais pu les étudier moi-même,
car j'étais absent de Lille lorsque la pièce me fut adressée,
et la pièce fut préparée avant rîion retour.
M. le docteur Delplanque a donné Tannée dernière, dans
une thèse soutenue devant la Faculté de médecine de Lille,
la description de plusieurs veaux fiatos. Il résulte de la com-
paraison de ces descriptions que la forme extérieure de la
tête, semblable chez tous ces animaux, accompagne des or-
ganisations ostéologiques assez différentes. Malheureusement
l'imperfection des figures qui accompagnent ce travail ne
permet pas de donner exactement les caractères de ces diffé-
rents types.
Les dissections faites par M. Delplanque, et les observa-
tions de M. Barrier sur plusieurs veaux à tête de bouledogue
qu'il a observés vivants, ont d'ailleurs permis de constater,
chez plusieurs de ces animaux, des anomalies graves et fai-
sant plus ou moins obstacle à la vie indépendante. Telles
sont le spina bifida, Timperforation de Tanus et l'embou-.
DARESTE. — LES TBAUX A TÊTE DE BOULEDOGUE. 381
churé du rectum dans la vessie urinaire ; telles sont aussi
des déviations plus ou moins considérables des membres,
résultant de déformations des articulations. Mais ces faits,
qui coexistent avec la déformation de la tête, n'y sont pas
nécessairement associés. Il y a des veaux à tête de boule-
dogue chez lesquels la tête seule est modifiée, comme chez
les ûatos de T Amérique.
Cette coexistence de plusieurs anomalies sur un même
sujet est un fait commun en tératologie. Il a été souvent si-
gnalé par Is. Geoffroy Saint-Hilaire. Mais la raison de ce fait
lui était restée inconnue. Or^ j'ai constaté depuis longtemps,
dans mes expériences tératogéniques, que la coexistence de
plusieurs anomalies sur un même sujet résulte de pressions
exercées sur diverses parties de l'embryon par Tamnios
arrêté dans son développement. Gela nous explique que cette
coexistence, quoique fréquente, n'a rien de nécessaire, puis-
que tout dépend du nombre plus ou moins grand de régions
du corps qui seront soumises à cette action mécanique. Je
suppose que c'est une cause semblable qui produit la coexis-
tence des anomalies dans les veaux à tête de bouledogue.
Un jour viendra peut-être où cette hypothèse sera vérifiée
par les faits.
Ainsi donc^ nous voyons qu'il se produit dans nos races
bovines européennes des veaux plus ou moins semblables
aux veaux Hatos de l'Amérique ; et que ces veaux, parfois
atteints d'anomalies incompatibles avec Ja vie, sont, dans
bien des cas, parfaitement viables et capables de se repro-
duire. 11 y en a actuellement un remarquable exemple à
Alfort. C'est une vache à tête de bouledogue, provenant
d'une race suisse, qui a vêlé et qui donne du lait.
J'ai pensé, pendant longtemps, que l'apparition sporadique
des veaux à tête de bouledogue était relativement rare.
Elle est, au contraire, beaucoup plus fréquente qu'on ne
serait tenté de le croire au premier abord. M. Barrier, dans
une note lue à la Société de médecine vétérinaire, parle de
quinze de ces animaux observés par lui en dix ans. Mais il y
382 SÉANCB DU 2 JUIN 48B7.
a quelque chose de plus remarquable encore. M. Pavereau,
à qui je dois ranimai dont je vous ai présenté le squelette, a
constaté la naissance de dix-sept veaux à tète de bouledogue
dans la même localité, pendant Tespace d'une année ; fait
qui s'expliquerait d'ailleurs par la faculté que posséderaient
certains taureaux de produire fréquemment des veaux 3atos«
De semblables renseignements me sont venus d§ diverses par-
ties de la FrancCé
L'existence des veaux à tête de bouledogue est un fait très
intéressant d'histoire naturelle, non seulement par lui-même,
mais encore par les lumières qu'il peut répandre sur certains
points encore obscurs de la science. Actuellement ces ani^
maux ne sont généralement pas conservés, quand ils se pro*
duisent. De plus, il y en a un certain nombre chez lesquels
la vie indépendante et l'exercice des fonctions génératrices
sont complètement empêchés par des anomalies plus ou
moins graves. Mais il y en a qui ne présentent d'autre défor-
mation que celle de la tête, et qui sont d'ailleurs parfaite-
ment conformés. Il y aurait un très grand intérêt scienti-
fique à conserver ces animaux et à les accoupler entre eux.
On pourrait ainsi préparer la solution d'un des plus grands
problèmes scientifiques de notre siècle, celui de la formation
des races. Dans le cas présent, il serait très intéressant de
tenter de refaire avec des éléments européens la race des
Aatos américains, et aussi, peut*être, des races analogues,
quoique distinctes.
Je ne puis que signaler ces expériences aux physiologistes.
Il est clair qu'elles sont, pour diverses raisons, très difOciles
à réaliser. D'abord, elles seraient très longues, par suite de
l'âge de la puberté du taureau et de la durée de la gestation
chez la vache. De plus, elles exigent de vastes emplacements
et nécessitent des dépenses considérables de tout genre.
Aussi ces expériences ne sont pas à la portée des particu-
liers. Elles ne peuvent être entreprises avec succès que dans
des établissements publics. Les écoles vétérinaires me pa-
raissent remplir les meilleures conditions pour leur réussite.
F. POMMKROL. -— COULEUR DK8 GHEVBUX ET DES YEUX. 381]
Je ne puis que iignaler oei vues aux directeurs de ces éta-
blissements.
Si mes paroles étaient écoutées, ces expériences ne de-
vraient pas être bornées à Tespèee bovine. Les déformations
de la tête qui caractérisent les bœufs natos ont été signalées
chez d'autres animaux domestiques. Il faudrait recueillir et
soumettre à la reproduction tous les êtres présentant des ca-
ractères nouveaux ; et, d'une manière générale, tous ceux
qui s'écartent, d'une manière quelconque, du type spéci-
fique. Quel que soit le résultat de ces expériences, elles per-
mettraient de réunir des éléments très importants pour
rétude des questions de la race et de l'espèce. J'ai pensé que
la Société d'anthropologie, qui se propose, avant tout, l'étude
de ces questions, accueillerait avec beaucoup d'intérêt ce
plan d'expériences qui, si elles venaient à se réaliser, pour-
raient préparer la solution du plus grand problème des
sciences biologiques.
Biseossion.
M. TopiNARD remarque sur les deux cubitus du squelette
présenté par M. Dareste une sorte de solution de continuité
qui ressemble à une suture, mais placée bien haufpour être
la suture épiphysaire.
M. Sanson. Non, c'est tout simplement l'épiphyse inférieure
du cubitus. Cet os ne présente rien d'anormal, si ce n'est sa
brièveté.
De la couleur des cheveuiL et des yeux en lÀmmgne i
PAR M. LB DOCTEUR P. POMMSROL.
Notre collègue, M* le docteur Topinard, a bien voulu
m'envoyer des feuilles pour relever la couleur des yeux et
des cheveux dans la population du Puy-de-Dôme. J'apporte
deux cents observations faites avec beaucoup de soin, et je
suis heureux de pouvoû: aujourd'hui vous en communiquer
les résultats. Elles ont été prises dans la Limagne, celte
grande plaine située entre les deux chaînes parallèles du
384 SÉANCE DU 2 JUIN 1887.
Forez et des monts Dôme. Le plus grand nombre provient
du village de Gerzat ; les autres des villages d'Aulnat, Saint-
Beauzin, Malintrat. Gerzat semble avoir eu autrefois une cer-
taine importance. Les Romains s*y étaient installés, et la
large chaussée dallée qui reliait Augustonemetum aux villes
du nord de la Gaule, longeait le vicus de Gerzat. Une voie
de communication allait, dans la direction de Test, rejoindre
la chaussée qui passait à Lezoux et Yollore. Gerzat est situé
près du bord occidental des collines calcaires, à égale dis-
tance de Glermontet de Rioin. La population est essentiel-
lement sédentaire et agricole ; aucune cause connue ne
semble Tavoir modifiée de longtemps. Il est à croire que les
habitants représentent un mélange normal des divers élé-
ments ethniques qui ont successivement peuplé la Limagne.
Aucun choix n'a été fait dans nos observations : nous avons
pris les sujets comme ils se présentaient à nos visites et nos
consultations. Nous avons ainsi étudié 107 hommes et
93 femmes, dont l'âge est contenu entre les limites fixées par
les instructions de M. Topinard.
La coloration des yeux se trouve répartie de la manière
suivante : .
Yeux foncés 66, ou 39,5 pour 100
— moyens....,,.....,. 60, ou 30 —
— bleus 75, ou 87,5 —
En partageant également les yeux moyens entre les foncés
et les bleus, nous avons :
Yeux foncés , 95, ou 47,5 pour 100
— clairs , 105, ou 52,5 —
Examinons maintenant la coloration des cheveux. Le dé-
pouillement de nos feuilles d'observation nous donne les
résultats suivants :
Cheveux foncés, d'un noir absolu.... 28, ou 14 pour 100
— foncés, d'un brun ordinaire. 96, ou 48 —
— moyens 64, ou 27 —
— blonds 17, ou 8,5 —
** roux 4, ou 2 —
F. POMMEROL. — GOULBUR DBS CHEVEUX ET DBS TBUX. 385
En réunissant d'une part tous les cheveux foncés, et
d'autre part tous les cheveux clairs ; en répartissant ensuite
également les cheveux moyens entre ces deux groupes, nous
obtenons :
Cheveux foncés 4 51, ou 75,5 pour 100
— clairs 48, on 24 —
Nous avons voulu encore, bien que la demande n'en fût
pas contenue dans les instructions et les feuilles de statistique,
prendre les observations de la barbe ; et pour cela nous avons
spécialement choisi la moustache, parce que de toute la
barbe c'est la partie la plus variable. Nous en avons noté 81
cas qui se décomposent ainsi :
Moustaches blondes ou rousses 51
— moyennes 16
— brunes 14
Ce qui nous donne :
Moustaches claires 58, ou 72 pour 100
~ brunes. •« 13, ou 28 —
Nous avons constaté généralement que, la moustache étant
blonde, le reste de la barbe est parfois foncé ou plus ou
moins châtain : la moustache est la partie la moins colorée
du système pileux. Nous avons vu souvent, en assistant aux
conseils de revision, que le poil des aisselles et du pubis est
toujours plus foncé que celui de la barbe.
Nous pouvons dès maintenant nous faire une idée sur le
type général des habitants de cette partie de la Limagne qui
avoisine Gerzat. Il y existe un quart de cheveux blonds et trois
quarts de cheveux foncés. La moitié possède des yeux bleus
et l'autre moitié "des yeux foncés. Un quart environ présente
la moustache brune, et les trois quarts la moustache blonde.
Le type normal ou moyen de la population nous donne
donc une race à cheveux foncés, à yeux bleus et à moustache
blonde. Nous constatons ainsi que la population de la Limagne
constitue une race formée par le croisement d'éléments bruns
et d'éléments blonds. Dans ce mélange, la couleur foncée de
T. X (3« sârib), 25
386 sÉANCJS DU 2 JUIN 4887.
la chevelure a été moins influenoée qae celle des yeux ei de
la moustaehei par rélément blond.
Le résultat qne nous venons de déduire de nos observations
s'applique exactement à un groupe de population que nous
avons observé entre VoUore et Noirétable^ dans les montagnes
du Forez. Presque tous les habitants que nous avons exa-
minés un jour d*excursion, nous ont montré un type à che-
• veux bruns, à yeux bleus et à moustache blonde. Ils consti-
tuaient presque des métis parfaits des deux grandes races,
brune et blonde.
IHteoffion.
M. ToPiNAHD. La communication du docteur Pommerol ne
saurait que mlntéresser considérablement^ mais elle ne porte
que sur une localité déterminée du Puy-de-Dôme sur laquelle
je compte avoir d'autres renseignements encore, et je pense
plus sage d'attendre, pour me former une opinion^ que tous
ces renseignements me soient revenus et soient réunis. Je
pense bien avoir en ce moment une vingtaine d'observateurs
opérant dans le département du Puy-de-Dôme, sans parler
des additions qui devront y être faites, prises dans des feuilles
regardant d'autres départements, sans parler des feuilles
concernant Tarmée.
En effet, depuis que je suis venu demander leur concours
aux membres de la Société, mon opération s'est développée
et je me crois en mesure d'affirmer qu'elle atteindra les pro-
portions espérées. J'eslime que j'ai en ce moment environ
J600 personnes relevant la couleur des cheveux et des
yeux dans toute l'étendue de la France. J'ai des corres-
pondants dans la plupart de nos grandes usines, dans les
mines, les fabriques de l'État, dans les hôpitaux ordinaires
et d'aliénés. Un avis a été envoyé par le ministre de la guerre
à tous les chirurgiens-majors des vingt corps d'armée, les invi-
tant à se rendre à ma demande et à remplir mes feuilles'.
1 Depuis, un avis semblable a élé envoyé par le ministre de la marine
à tous ifls chirurgieni des étAbUtsements lotts ses ordres.
DISCUSSION SUR LA COULEUR DES CHEVEUX ET DES YEUX. 387
Un nombre très grand de médecins de campagne sont à Tœayre
aussi sur leurs clients. Il n*est pas de classes, de sociétés, de
professions où je n*aie rencontré le meilleur accueil.
Je me réserve donc sur le Puy-de»Dôme. Toutefois je puis
me permettre quelques remarques, en ne faisant usage que
de renseignements antérieurs.
Déjà Tun de nos collègues, le professeur Roujou (de Cler-
mont) nous a indiqué la présence d*yeux bleus en notable quan-
tité dans les environs de Clermont, à Tépoque du congrès de
TAssociation française ; il a même eu la bonté de nous trans-
porter, avec M. Gollineau, dans certains villages des flancs
de la vallée qui Tavaient particulièrement frappé sous ce
rapport.
Il existe d'ailleurs une statistique, par M. Beddoe, sur la
couleur des yeux et des cheveux en France, portant sur
quelque iOOOO à 12000 cas, empruntés aux localités les plus
diverses du nord«ouest, de Touest, du centre et du midi.
M. Beddoe a opéré lui-même, il a bien relevé quelque 80000
cas Qàet là en Europe. J*ai constitué une carte pour la France
avec ce qui concerne notre pays dans ses documents. Eh bien,
dans le Puy-de-Dôme, où il a six ou sept séries, il a trouvé des
différences très grandes suivant leslieux, des moyennes autres
sur les plateaux et dans la vallée, par exemple à la base et au
sommet des montagnes. Certaines de ses moyennes concor'
dent avec les résultats de M. Pommerol, d'autres sont contra-
dictoires. En moyenne^ elles donnent une coloration plus
foncée aux Auvergnats que je ne m'y attendais.
Moi-même j'ai une certaine expérience sur les habitants
du Puy-de*D6me. J'y ai été plusieurs fois. Une fois entre
autres, je m'y suis transporté expressément pour observer le
type auvergnat dans les localités qui, d'après les lois générales
de l'anthropologie, avaient chance de le présenter plus
pur. J'avais été averti que tout le versant océanique de TAu-
▼ergne était dans de mauvaises conditions, parce qu'il a été
envahi par des blonds, peut-être par des Anglais a'irradiant
de la Guyenne. Je me suis donc attaché au versant oriental
388 SÉANCE DU 2 JUIN 1887.
dont les eaux remontent vers la Loire. Or, rhomogénéité
du type n*a pas été ce que je mUmaginais; dans le Cantal,
à Murât, à Saint-Flour, le vrai type auvergnat classique bien
caractérisé était rare. Toutefois la coloration moyenne des
yeux et des cheveux était bien ce que je m'attendais à ren-
contrer, quoique les yeux bleus ne fussent pas rares. Je me
souviens du cas suivant:
J'examinais les sujets au marché, à la sortie de Téglise,
dans les gares^ à la danse, et je finissais, bien entendu^ par
attirer l'attention, d'autant plus que je ne ménageais pas mes
demandes de renseignements. Eh bien^ une fois, à la table
d'hôte de Murât, un monsieur vint me dire : « Ma famille est
auvergnate de père en fils et se perd en ce pays dans la nuit
des temps, on ne s'y marie qu'autour de soi, je suis d^auprès
de Mauriac, regardez-moi. » Il était grand, aux formes
sveltes, étroites, son visage était anguleux, long, en lame de
couteau, comme on dit^ sa complexion était fraîche, fleurie,
ses cheveux étaient clairs sans être, il est vrai, décidément
blonds, ses yeux étaient bleu-faïence ; c'était un type d'Anglo-
Saxon.
L'Auvergne est donc, comme c'est la règle partout en
France aussi bien qu'en Savoie ou Haute-Savoie, oîi je me
suis transporté directement ensuite pour comparer le type
savoyard avec le type auvergnat, une mosaïque au point
de vue du type comme en particulier de la couleur. Telle loca-
lité est d'une façon, telle d'une autre. On ne peut tirer de
conclusions un peu générales qu'en cherchant les prédomi-
nances reposant sur des nombres suffisants.
M. le docteur Pommerol. M. Topinard me reproche d'avoir
fait une généralisation trop hâtive ; il croit qu'il faut des do-
cuments plus nombreux pour arriver à obtenir des résultats
généraux. Je suis absolument de son avis; mais je pensais
avoir dit que mes conclusions ne s'appliquaient qu*à la petite
région de la Limagne que j'ai signalée, et non à la Limagne
entière, encore moins au département du Puy-de-Dôme.
M. Letourneau pense, d'après ses propres observations,
DISCUSSION SUR LA COULEUR DES CHEVEUX ET DES YEUX. 389
que rassociation des yeux clairs et des cheveux foncés est
commune en Bretagne et spécialement dans Tarrondissement
de Rennes. Le même fait se constate aussi en Irlande et dans
le pays de Galles. Il semble donc que ce soit un caractère
des races celtiques.
M. le docteur Pommbrol. M. Letourneau nous parle de
Texistenoe en Bretagne de nombreux exemples d'yeux bleus.
Il me permettra de lui rappeler qu'Henri Martin {Etudes
d'archéologie celtique ;'9BTh^ 1872, p. 498) avait déjà signalé
ce caractère important. Les Bretons, disait-il, constituent
une race à cheveux généralement foncés et à yeux bleus. Vous
savez que Broca, par Tétude des crânes de Saint-Nectaire, a
démontré que là tête auvergnate et la tête bretonne ont une
grande ressemblance de conformation. Les faits que j'apporte
aujourd'hui sont une nouvelle preuve de parenté ethnique
entre la Bretagne et T Auvergne.
M. Bonnemère dit qu'en Bretagne il paraît exister une race
blonde mélangée à une race brune beaucoup mieux douée,
mais que la couleur blonde est cependant en faveur, tandis
qu'une sorte de discrédit s'attache à la couleur noire des
cheveux.
M. TopiNARD. J'ai un assez grand nombre de travailleurs en
Bretagne aussi, particulièrement dans les régions les plus inté-
ressantes au point de vue de la couleur, telles que Saint-Pol
de Léon pour les blonds, le centre de la péninsule pour les
bruns, Pont-I'Abbé où M. Paul de Chatelier s'est obligeam-
ment mis à ma disposition, la pointe du Raz et Tîle de Sein,
Quimper, Belle-Isle, etc.; Rennes et Saint-Brieuc ne sont pas
négligés. Du reste, dès à présent, je puis dire quelques mots
sur la répartition de la couleur en Bretagne, sans avoir re-
cours aux documents qui commencent à s'accumuler chez
moi. Cette répartition nous est connue en partie par l'histoire
qui nous montre les endroits où les blonds de Bretagne (An-
gleterre) chassés par les Danois ont débarqué au quatrième
siècle après Jésus-Christ, en partie par quelques statistiques
du docteur Beddoe. Puis j'ai souvent voyagé dans ce pays,
890 9ÉANCB DU 2 JUIN' 1887.
choisissant les parties les plus sauvages ou les plus caracté-
ristiques comme anthropologie. Le maximum des blonds se
rencontre sur toute la côte d'une manière générale, mais
spécialement dans la région de RoscofT et de Saint-Pol de
Léon. Ils diminuent un peu en se portant de ces endroits
vers Test pour redevenir fréquents en se rapprochant de la
Manche. En contournant Textrémité de la péninsule armo-
ricaine^ ils sont communs encore et diminuent sur la côte sud
pour augmenter vers Vannes. Quant aux bruns, c'est dans le
centre, puis vers le sud qu'ils sont plus communs. Nous ver-
rons ce que nos statistiques diront.
M. PoMMEROL répond à H. Topinardque si ses observations
ne conduisent encore à aucune conclusion relative à l'en-
semble de la population française, leur valeur est indépen-
dante des observations qui pourront être faites ailleurs, puis-
qu'il a opéré dans une région bien déterminée.
M. Fauveub. Je ne sais quel but se propose M. Topinard
en mettant en mouvement, paraît-il, des centaines de tra-
vailleurs, lui simple particulier sans mandat. Je ne comprends
pas non plus quelle conséquence il pourra tirer de la constata-
tion isolée de la couleur des cheveux, des yeux et de la barbe
de tous les Français. Il prétend que la teinte claire des yeux
qui, dans la Limagne, prédomine chez les sujets à cheveux
foncés, prouve que les Anglo-Saxons sont venus mêler leur
sang à celui des anciens habitants du pays. Mais, s'il en était
ainsi, son enquête nous révélerait des faits inconnus qui
viendraient bouleverser les données historiques les mieux éta-
blies. Heureusement je ne la crois pas à ce point dange-
reuse.
Je ferai remarquer en outre que, d une manière générale,
la couleur des yeux et de la barbe est plus claire que celle
des cheveux et que, bien que tout le système pigmentaire se
fonce simultanément avecTâge, les différences de ton entre
riris et les cheveux tendent à s'effacer chez Tadulte. Tel
enfant que j'ai vu dans sa première année avec des cheveux
noirs et des yeux bleus, avait les yeux noirs de vingt à vingt-
DISCUSSION SUR LA COULEUR DBS GHBTSUX ET DES TEUX. 891
cinq ans. Cette trace de oroisemeat avait dooo disparu chez
l'aduite.
M. TopiNARD, Il m'est fort agréable d'entendre la derniëra
observation que vient de faire M» Fauvelle, car elle exprime
ce que je ne cesse de répéter. Les enfants sont, en règle gé*
oérale, plus clairs de cheveux et d'yeux que les adultes ;
le développement du pigment est progressif et n'atteint sa
période d'état que chez l'adulte. Je récuse donc les enfants
dans mes relevés et même les vieillards, je prescris des
limites d'âges et c'est en cela que mes statistiques se dis-
tinguent de celles de l'Allemagne. Les statistiques allemandes
ne portent que sur les enfants ; personne, du reste, ne se
dissimule qu'elles ne donnent pas l'absolu et M. Virchow le
reconnaît tout le premier ; il fixe à 44 pour 100 le nombre
des sujets qui à un certain âge sont blonds, je suppose, et
passent au brun chez l'adulte.
Le jour où nous voudrons avoir des statistiques sur la cou-
leur des enfantSi rien ne sera plus facile» je sais que je n'aurai
qu'à parler, mais elles seront mauvaises. Avant d'y songer, il
nous faut des statistiques sur l'adulte, la difficulté est plus
grande, j'aurai moins de nombres, mais ils seront bons. En
toutes choses il faut commencer par le difficile, le facile vient
de soi après.
M • Fauvelle dit que cette statistique ne conduira à rien, parce
qu'elle ne porte que sur un caractère et qu'on ne détermine
pas une race avec un seul caractère* Je pourrais lui répondre
que lorsque ce caractère est de premier ordre, il acquiert
une valeur immense et suffit souvent, mais j'accepte sa pro-
position. Aussi je présente ma carte comme la suite de celle
de la taille de Broca, et je compte qu'après elle en viendront
d'autres sur l'indice céphalique, l'indice nasal, peut«6tre
même l'indice facial. Si, armés de toutes ces répartitions de
caractères et voyant où elles se confirment ou se neutralisent,
nous n'arri^Kons pas à établir la répartition de nos races, alors
jamais nous n'aboutirons, et autant déclarer que l'anthropo-
logie est impuissante.
391 SÉANCE DU 2 JUIN 4887.
n me demande le bat qne je poursuis ; il est bien simple
accumuler des éléments d'informations, ne pas préjuger de
ce qu'ils apprendront, coordonner ces éléments et laisser à
chacun le soin de les discuter et d*en tirer les déductions
qu'il y trouvera.
Je commencerai par faire la carte de la couleur des
yeux, 'puis celle des cheveux, puis celle des deux associés,
suivant une méthode sur laquelle je suis fixé et que je n'ai
pas à exposer en ce moment. Je le ferai par départe-
ments, comme Broca a fait pour la taille, et, ensuite, mes
matériaux étant tout prêts, par arrondissements. Plus tard, ne
me dissimulant pas que nos circonscriptions administratives ne
sont pas des circonscriptions anthropologiques, je prendrai les
départements les plus importants, tous si je puis y suffire,
et je verrai si les distributions partielles s'accordent avec ce
qui a une véritable influence sur la séparation des races,
savoir : la division en grandes voies de communication par où
passent les armées conquérantes et en territoires hors de ces
voies où se réfugient les populations vaincues ; la division en
plaines et montagnes, plateaux et hautes vallées^ terrains
boisés ou marécageux, terres favorables dont s'empare le
vainqueur et terres ingrates laissées au vaincu. Ainsi, dans le
département de l'Ain, les conditions anthropologiques sont
tout autres dans les plaines sèches ou marécageuses de la
Bresse et dans les montagnes du Bugey. Non seulement se
dresse dans cette répartition la question de races, mais aussi
celle de milieux, d'adaptation, de sélection. Lorsqu'on aura
quelques premiers aperçus généraux sur les grandes répar-
titions, le travail de détail sera bien facilité et des questions
qui nous paraissent aujourd'hui insolubles se résoudront
d'elles-mêmes.
M. Manouvrier. Les recherches de M. Pommerol tirent
un intérêt particulier de ce fait même qu'elles ont été opérées
dans une région peu étendue et bien circonscrite. D'après les
observations, peu précises à la vérité, que j'ai pu faire dans
la Creuse et la Haute*Vienne, je crois que Ton trouvera dans
DISCUSSION SUR LA COULEUR DES CHEVEUX ET DES TEUX. 393
ces départements des faits analogues à ceux qu*a découverts
M. Pommerol dans le Puy-de-Dôme.
Mais je crois que, dans les statistiques de ce genre, il faut
non seulement séparer les enfants des adultes, mais encore
tenir compte de Tâge de ces derniers. Chez beaucoup d'indi*
vidus, en effet, qui avaient les cheveux et la barbe très bruns
à Tâge de vingt-cinq ans, la couleur devient beaucoup plus
claire entre trente et quarante ans. La barbe surtout, et la
moustache en particulier, est sujette aux changements de
couleur sous l'influence de Tâge et, je crois aussi, de certaines
maladies telles que le rhumatisme, la goutte, la tuberculose.
Il m*a semblé que, dans ces maladies si communes, la barbe
tend à devenir plus ou moins rousse et que, très commu-
nément, les barbes primitivement noires ne deviennent pas
blanches d*emblée, mais qu'elles présentent successivement
des couleurs très variées. Il y a là sans doute des altérations *
dont il faut tenir compte dans le^ statistiques ethnologiques ;
et Ton éviterait certainement des erreurs en se bornant à
observer la couleur des cheveux et de la bfirbe sur des indi-
vidus âgés de seize à trente ans environ et bien portants.
M. Sanson se demande s'il y a quelque part une population
parfaitement homogène quant à la couleur. En tout cas, il
doit en être de même dans l'espèce humaine que chez les
animaux, où les mélanges de couleur du pelage indiquent
sûrement un croisement. Il faut considérer aussi qu'il peut
exister plusieurs races ayant la môme couleur et que, par
conséquent, la couleur ne suffit pas pour caractériser une
race, il est vrai, comme on vient de le faire observer,
que les poils de la barbe changent de couleur graduellement
et non brusquement ; mais il en est de même pour les che-
veux.On doit reléguer au rang des fables ces histoires de
cheveux qui ont blanchi en une nuit. 11 faut éviter aussi de
prendre des différences de nuance pour des différences de
couleur.
M. TopiNARD. H. Sanson pose la question suivante : Dans une
population notoirement pure, peut-on rencontrer des individus
394 SÉANCE DU 2 JUIN 1887.
ayant les yeux et les cheveiix oontradiotoires^dei cheveux noirs
avec des yenx bleus, par exemple? Il ne le croit pas et dit que
ces cas sont dus à des croisements. Je suis absolument de son
avis. Je ne crois pas en premier lieu que Tidéal dont il parle,
une race notoirement pure, se rencontre en aucun*lieu de la
terre. En second lieu, dans les pays où les races en présence ne
sont pas de colorations différentes, le fait contradictoire en
question ne se présente pas ; mais les blonds aux yeux bleus se
sont tellement répandus, ils sont par excellence une race si mi-
gratricC) qu'il ne faudrait pas s'étonner beaucoup s'il arrivait à
se présenter. En tout cas il est fréquent en Europe, mais alors»
sans aucun doute, dû à un croisement. Je maintiens qu^en
France, par exemple, il n'est pas un seul individu quine soit
la résultante d*influences ancestrales les plus diverses et les
plus inconnues ; en un mot, qui ne soit de près ou de loin le
produit du croisement de lignées diverses, dans lesquelles
déjà entrent des races diverses. Dans l'Auvergne, dont je
parlais tout à Theure, il y a des localités oii prédomine le
blond, d'autres où prédomine le brun^ d'autres qu'on doit
rapporter à un troisième élément ethnique qui n'est ni l'un
ni l'autre, mais partout on a chance d'y rencontrer des cheveux
blonds, des cheveux bruns et des cheveux noirs, comme par-
tout on y rencontre des yeux bleus et des yeux bruns. La seule
chose que peut donner une carte, c'est la proportion de
chacun de ces caractères et, par conséquent, la prédominance
de tel ou tel, çà et là.
M. Sanson s'élève contre les quelques faits authentiques
qui ont été signalés, de cheveux non pas blanchissant, mais
grisonnant en une nuit sous Tinfluenoe d'une émotion.
La physiologie associée à l'anatomie les explique cependant.
Le cheveu doit sa coloration à deux causes : en premier
lien et principalement au pigment, accessoirement à des
gaz, à de l'air infiltré dans les mailles ou dans les cellules
du cheveu, gaz qui masquent la couleur propre du pigment,
et de fait le rendent plus clair. Le cheveu s'entretient
souple et brillant grâce à l'humidité qui le pénètrei il n'a pas
DISCUSSION SUR LA COULEUR DES CHEVEUX ET DES YEUX. 395
de vaisseaux. Il peat être comparé à une mèche : le liquide
pénétrant par la base, s'élève de proche en proche et s'éva-
pore sans cesse à la pointe et à la surface. Dans certaines
émotions, il se produit un spasme des vaisseaux capillaires à
la base du cheveu, une contraction qui anémie sa racine ;
le liquide, ne montant plus, Tévaporation se continue et Tair
extérieur pénètre le cheveu et prend la place du liquide absent.
Le cheveu s'éclaircit ainsi, il semble plus clair, gris même,
si le spasme a eu une durée suffisante. Cette coloration blan-
che, ou cet écran de gaz qui masque le pigment, persiste ou
disparaît suivant que le phénomène qui Ta produit persiste
ou cesse. Toutefois la vitalité du cheveu elle-même peut être
d'emblée atteinte. Ces faits ont été étudiés, décrits et expé-
rimentés par les histologistes.
H. Sanson voudrait savoir comment a pu être constatée
cette présence de Tair dans les cheveux.
M. Gustave Lagneau. Les recherches, comme celles de
M* Pommerol, faites sur une population limitée, d'un canton,
d'une commune, sont utiles ; car, dans notre nation ethnolo-
giquementsi complexe, elles peuvent permettre de distinguer
les descendants de peuplades émigrées n'ayant constitué que
des groupes très circonscrits. D'ailleurs la réunion de recher-
ches partielles concourt à former ces vastes enquêtes comme
celles d'Allemagne, de Belgique, de Suisse, utilisées par
xMM. Virchow, de Hœlder, Vanderkindere et Kollmann, etc.
Les recherches faites à Gerzat paraissent porter principalement
sur les adultes, arrivés à un âge où la couleur des yeux et
des cheveux ne se modifie plus comme durant Tenfance, chez
les écoliers. Avec les couleurs des yeux et des cheveux il eût
certes été bon de rechercher la conformation céphalique, la
taille, etc. Mais des recherches si multiples sont difficiles sur
un grand nombre d'individus.
Habitué à admettre l'existence d'une race grande, dolicho-
céphale, blonde aux yeux bleus, et d'une race moins grande,
brachycéphale, brune, aux yeux de couleur foncée, on sem-
ble porté à regarder comme métis,comme issus du croisement
396 SÉANCE DU 2 JL'IX 1887.
de ces deux races, les individus bruns, aux yeux clairs, à
moustaches blondes, comme ceux observés par M. Ponmierol.
U est possible qu'ils soient le produit d'un croisement. Les
documents ne sont pas assez nombreux pour permettre d'assi-
gner ces derniers caractères aune race déterminée. Toutefois,
il faut bien reconnaître que notre population n'est pas uni-
quement la résultante de deux grandes races. L'histoire en
distingue au moins trois : les Aquitains de race ibérienne au
sud«ouest, les Celtes de l'Océan aux Alpes, et les nombreux
immigrés d'outre-Rhin ou d'outre- mer, Belges, Germains,
Francks, Burgondes, Normands, etc. Or, ainsi que je l'ai in-
diqué dans mon travail sur les Celtes, si l'on attribue aux
Aquitains les cheveux noirs et les yeux de couleur foncée,
aux immigrés germains les cheveux blonds et les yeux bleus,
peut-être pourrait-on regarder comme Celtes les a sous-bra-
chycéphales, de petite taille, aux cheveux châtains et aux
yeux gris clair* ».
Je ne prétends d'ailleurs nullement contester la présence
de blonds en Auvergne et dans les régions circonvoisines. Si
Lucain parle des blonds Ruthènes de l'ancien Rouergue ', la
Notice des Dignités de l'empire d'Occident signale aussi des
Suèves païens cantonnés en Auvergne '.
A des époques moins éloignées, Brieude, dans sa topographie
médicale de la haute Auvergne, parle des femmes blondes
du canton de Planèze*. MM. Roujou, Topinard et Collinean
ont remarqué des blonds à la peau blanche et aux yeux bleus
dans ceux de Laschamp, Fonfreyde*. Roget de Belloguet
mentionne les belles blondes, aux yeux bleus, du Gévaudan*.
* Lagneau, Celtes, Dictionn. encycU des scicTices méd.y p. 779, 1873.
^Soivuniur fiavi -longa statione Ruteni (Lucain, la Pharsalt, t. I, p. 26,
vol. I, coll. Nisard.) .
*Prœfectut L(Btorum„.Gentilium Suevorum Arvernos (NotiUa dignitatum
Impepii romani..., cap. xl, § 4, p. 119. Edw. BOcking, Romœ, 1839-1833).
^ Brieude, Topog. méd. de la haute Auvergne (extrait des registrea de la
Société royale de médecine, 1782-1783, p. 70, à Aurillac, 1831).
* Association pour Tavancement des sciences, session de Ciermont-Fer-
rand, p. 1109, 1876.
* Roget de Belloguet, Ethnogénie gauloise, p. 312, Paris, 1K61.
DISCUSSION SUR LA COULEUR DES CHEVEUX ET DES YEUX. 397
Et suivant M. Durand de Gros, les anciennes familles nobles
du Rouergue se feraient encore souvent remarquer par leur
blonde chevelure*.
M. Fauvelle. m. Topinard ne m*a pas parfaitement com-
pris; je vais être plus explicite tout à Theure, Son enquête
sur la pigmentation plus ou moins prononcée des cheveux,
des yeux et de la barbe ne peut donner, à mon avis, aucun
résultat sérieux, même s'il la faisait suivre d'une série d'au-
tres enquêtes sur la forme du nez, la longueur des bras, celle
de la taille, etc., puisqu'on ignorerait toujours commentées
différents caractères sont groupés sur le même individu. Il
a donc tort de convier tous les anthropologistes à la réali-
sation d'un projet qu'aucun intérêt scientifique ne vient légi-
timer. En tout cas, je pense que la Société doit* se désinté-
resser absolument de son entreprise.
M. Topinard. Puisque M. Fauvelle serre la question de-près
et conteste encore que l'étude de la répartition d'un caractère
isolé ait de l'intérêt, je suivrai son exemple et je lui deman-
derai ceci : Accepte-t-il que la carte de la répartition de la
taille en France par Broca, qui est le seul document sur lequel
reposent toutes nos connaissances sur la répartition de nos
races françaises, ait été utile ?
M. Manouvrier. L'exemple de Broca est invoqué à tort
ici, car Broca distinguait, entre autres, deux races en France :
l'une petite, brune et brachycéphale, l'autre grande, blonde
et dolichocéphale. Cette distinction reposait donc sur trois
caractères et non sur un seul.
M. Ploix. Il est évident que, lorsque tous les caractères
concordent entre eux, un seul suffit pour caractériser une
race, mais non dans le cas contraire.
#
1 Durand de Gros, HulL de la Soc.d'anthr.^ 2« série, t. XII, p. 94, 1877.
398 SÉANCE DU 2 JUIN 4887.
Le ealte de TaraBis dans le» tradllUna papvlairea
de l'Auvergne»
PAR K. LB DOCTEUR f, fOMUliOL.
I
Les autears anciens n'ont laissé snr la Gaule que des no-
tions fort incomplètes* Selon eux, cette grande régionn'était
habitée que par des peuples barbares, dont il importait peu
de connaître Té tat social, les mœurs, la religion. Les Gaulois
ne possédant aucun monument écrit, nos connaissances sur
leur civilisation sont restées naturellement bornées. Depuis
quelques années, des chercheurs de talent, comme MM. Gai-
doz et Sébillot, ont dirigé leurs investigations sur un terrain
nouveau. Pour suppléer aux renseignements^ ils se sont
adressés aux sources mêmes de la littérature populaire, aux
anciennes coutumes, aux légendes, aux traditions qu'on ren-
contre encore au sein de nos populations rurales, à peine
modifiées par la marche des siècles écoulés. Grâce à cet
appoint, on peut espérer remonter plus haut dans Tétude do
nos origines nationales et éclairer d'un jour moins obscurci
plusieurs questions importantes que les anciens ont laissées
dans l'ombre et l'oubli.
C'est à l'aide de cette méthode nouvelle que nous avons
fouillé, en Auvergne, le champ à peine exploré des tradi-
tions populaires^ et nous sommes arrivé à recueillir un cer-
tain nombre de matériaux, qui pourront servir à mieux faire
comprendre la situation morale et religieuse de nos an-
cêtres.
Nous nous trouvions, un jour d'excursion^ près du petit
village de Saint-Ignat, dans la partie centrale de la Liraagne.
Un fait remarquable frappa notre attention : chaque maison
portait, sur la toiture, une marque ou un ornement spécial.
Sur les unes, c'était une pierre brute, visiblement placée à
une des extrémités de la ligne du faîte ; sur les autres, c'était
une croix de bois ou une grossière représentation de la Vierge.
F. POMMEROL. — LE CULTE DE TARAN18 EN AUVERGNE. 399
Notre première idée fut qu'il existait un rapport étroit entre
ces trois emblèmes. Il était facile de saisir l'indication de la
croix et de la Vierge, dont le rôle évident est de sanctifier et
de protéger Thabitation, Mai» que signifiait la pierre brute?
Était-elle aussi un symbole religieux, l'image primitive de
quelque ancienne divinité protectrice 7 A partir de ce mo-
menti nous avons examiné avec soin Textérieur d'un grand
nombre de maisons, soit dans les villages de la Limagne, soit
dans ceux de la montagne. Nous avons constaté certaines
partiouiarités intéressantes, qui nous aideront à résoadre le
problème posé.
Gomme la pierre brute sur la toiture, la croix se trouve
souvent placée sur la ligne faîtière, au point culminant; quel-
quefois aussi elle est située au-dessus de la porte principale.
Elle est ordinairement en bois, on en trouve cependant qui
sont de fer ou de pierre. En certaines localités^ elle est bâtie
spécialement sur le sommet de la cheminée; nous en avons
observé des exemples dans les villages du Bourbonnais, aux
environs de Saint-Germain-des-Fossés. A Sayat, près de Gler-
mont, les maçons disposent les briques extérieures de la cbe-
niinée en forme de croix. Les tuileries dé Montchanin et de
Marseille fabriquent, à l'usage des campagnes, des tuiles faî-
tières portant de petites croix. Cette coutume de mettre un
signe religieux sur le sommet des maisons paraît donc être,
en France, assez généralement répandu. Ces croix sont de
dimensions variables : celles de bois ont de 30 à 40 centi-
mètres de haut ; celles de fer ont des dimensions un peu plus
grandes ; celles de pierre, généralement petites, sont quel-
quefois encastrées dans une grosse dalle, que Ton pose au
point le plus élevé, le plus en vue de la construction. Dans
certains villages, comme à Gerzat, on semble avoir combiné
adroitement les deux emblèmes de la pierre brute et de la
croix, en bâtissant sur la maison des fragments d'anciennes
croix de pierre abandonnés dans les carrefours, dans les vieux
cimetières ou le long des chemins. J'ai vu des paysans recueil-
lir pieusement ces débris religieux, les porter dans leur habi-
400 SÉANCE DU 2 JUIN 1887.
talion et les enchâsser dans un mur, pour attirer sur le foyer
un peu de bonheur et de prospérité.
L'emblèrae de la pierre simple est aujourd'hui peu com-
mun ; la croix lui a fait une rude concurrence et Ta remplacé
presque partout. Il consiste généralement en un bloc brut de
basalte, de moyenne dimension et de forme pyramidale irré-
guliëre. Quelquefois même c'est un simple caillou roulé. Les
maisons des villages situées près des coulées de lave portent
souvent, comme pierres de sommet j une scorie allongée, d'ap-
parence plus ou moins bizarre et offrant, de loin, une vague
ressemblance de forme humaine ou de forme animale.
La pierre n'est pas toujours employée à l'état brut. Quel-
quefois elle est taillée en forme de sphère, de demi-sphère
ou de cône ; d'autres fois, c'est un fragment sculpté, ayant
appartenu a quelque monument religieux du moyen âge ou
de l'antiquité païenne. J'ai observé une de ces pierres, asseï
finement ciselée, montrant sur les côtés des anneaux sem-
blables à ceux que porte le tintinnabulum de Bouddha*.
C'est là, il faut l'avouer, un fait curieux de survivance.
En août \ 885, j assistais au Congrès scientifique de Grenoble.
Nous allâmes en excursion, à travers les gorges abruptes des
Alpes dauphinoises, jusqu'au plateau élevé de Lans. Je fus
étonné de trouver des pierres travaillées sur presque toutes
les maisons de celte petite ville. Ces pierres sont en calcaire
cénomanien, qui est la roche fondamentale de la contrée ;
leur hauteur varie de 15 à 30 centimètres, et elles affectent
les formes suivantes : la pomme de pin, Tœuf, la colonne
carrée, surmontée d'une boule ou d'un cône ; le cône réuni à
la sphère, la colonne cylindrique. On voit que les architectes
du pays varient singulièrement la forme du sujet. En Au-
vergne, au contraire, ces pierres décoratives sont plus rares
et d'un style plus primitif.
i G. et A. de Mortillet, Musée préhistorique. Paris, 1881, pi. XCVIIÎ,
fig. 1230.
F. POMMEROL. — LE CULTE DE TÀRANIS EN AUVERGNE. 4D1
n
La construction des monuments publics et des maisons par-
ticulières donne lieu à des cérémonies dont Torigine remonte
à une haute antiquité. On sait qu'il est d*usage de fêter avec
éclat la pose de la première pierre, d'y sceller des monnaies
de l'époque et des pièces métalliques ornées d'inscriptions.
A ce sujet, il existe dans nos campagnes une curieuse tradi-
tion : si c'est un enfant qui pose la première pierre, une ter-
rible fatalité pèse aussitôt sur lui, et une année ne s'écoule
pas qu'une maladie ou un accident ne vienne lui ravir Texis-
tence. On sait encore qu'une fois la toiture de la maison ter-
minée, on place sur le point culminant un gros bouquet de
fleurs et de feuillages ; et le propriétaire donne aux ouvriers
un certain nombre de bouteilles de vin. Les bouteilles et les
verres qui ont servi aux libations sont considérés comme des
objets sacrés : on les bâtit soit au faîte de la maison, à côté
du bouquet, soit en rangées symétriques au-dessus de la
porte ou dans l'épaisseur d'un mur apparent. Parfois verres
et bouteilles sont couchés horizontalement, parfois ils sont
en position verticale. En certains villages de l'arrondissement
d'Ambert, si le propriétaire refuse aux ouvriers d'offrir le vin
du chantier^ de payer la fête du bouquet, ceux-ci mettent
dans la bâtisse des ossements humains ou des ossements
d'animaux *.
Le plus souvent, une seule bouteille décore le faîte de la
maison, et l'on introduit dans le goulot une tige de bois à
laquelle est attaché le bouquet. Après ces cérémonies de
nature toute païenne, la religion actuelle vient réclamer ses
droits, et le paysan oublie rarement d'appeler un prêtre pour
bénir l'habitation nouvellement construite. Sans cette pré-
caution, le diable ne manquerait pas d'habiter sous le toit,
t C'est & M. Béai, ancien instituteur, que nous devons ce renseignement
ainsi que la légende de saint Jean et quelques autres indications contenue»
dans ce travail.
T» X (3« série). 26
40i s6àiiicb tv 2 imn 1897.
si même un jour de tempête la maison n'était pas démolie ou
foudroyée.
Aux temps passés, les coutumes relatives à la construction
des habitations semblent avoir été marquées de superstitions
plus grandes et plus variées. M, Bonnemère a signalé en
Maine-et-Loire la découverte d'une hache de pierre, en même
temps que la rencontre d'une médaille et de deux petits ob-
jets de bronze, dans les fondements d*un ancien manoir *.
Dans les Côles-du-Nord, on enfouissait autrefois des haches
de pierre dans les murs des maisons en construction pour les
préserver de la foudre*. Sur le faîte des maisons flamandes,
d'après M. Gh. Piot, on bâtit encore une hache de pierre
désignée sous le nom de donderstein ou pierre de tonnerre. A
côté, on plante une toufl'e de joubarbe ou barbe-de-Jupiter**
La joubarbe se rencontre fréquemment sur les maisons de la
Limagne, mais surtout sur le mur de clôture, près de la porte
d'entrée. Les paysans rappellent V herbe à la blesswe ; ils lui
attribuent une grande vertu pour la guérison des plaies et
des contusions.
Suivant tes légendes irlandaises, on pratiquait ancienne-
ment, au moment de la construction des palais et des tem-
ples, de singulières cérémonies qui nous reportent aux temps
lointains des druides et des sacrifices humains, a Quand le
roi Nemède, le premier de Tîle, fit bâtir son palais, il en
arrosa les fondements avec le sang des architectes *, » De
même, saint Patrick, « voulant bâtir une église, en fut em-
pêché par un mauvais esprit qui faisait tomber les murs à
peine élevés, jusqu'à ce qu'une victime humaine eût été sa-
crifiée et enterrée sous les fondations de rédiflce'n, La
même tradition se retrouve dans les récits qui se rap-
I BuU, de la Soc. d'anthrop, de Paru, 18^6, p. 681.
« L'Homme^ 18^6, p. 140.
' Matériaux pour l'histoire naturelle de Vhommey 1882, p. 424.
^ 0«Uea Anoult, BiêMndi Imphiietcfhiâ en France, t. 1, période gaa-
lOÎBA, p. 194.
> Ibid,t p. 168.
F. POMMEROL. — LE CULTE DE TARAN19 EN AUVERGNE. 408
portent à la naissance de Tenchanteur Merlin ; on parle
d'une ville que voulait bâtir le roi Vortîgern et dont les mu-
railles se renversaient constamment d'elles-mêmes, jusqu^à
ce que les fondements aient été arrosés de sang humain^.
De3 traces de ces légendes profondément altérées se consta-
tent dans notre pays ; elles sont relatives à Tédifleatlon des
anciens ponts et des anciens ch&teaux. On raconte sonvent
que les maçons n'avaient pu mettre à l'oeuvre la dernière
pierre, tant qu'on prêtre n'avait pas exorcisé les démons qui,
chaque nuit, démolissaient ce que Ton avait lnâti la veille *•
On peut constater Texistence de ees tradllions dans la
construction de nos anciennes églises : on avait autrefois
rhabilude de mettre dans les fondations des reliques de
saints et même des sarcophages contenant les ossements
d'hommes illustres par leur piété'. On trouve aujourd'hui,
dans les murs de certaines églises, de petits autels de pierre
tournés tantôt à l'intérieur et tantôt à l'extérieur du monu-
ment. Il n^est pas rare de rencontrer sur la pierre toute une
série de cupules, dont on a été longtemps à connaîtra
l'usage. Nous avons essayé de démontrer au Congrès de
l'Association française, tenu l'an dernier à Nancy, que ces
autels devaient recouvrir des restes humains. Ces faits ont
trait à l'idée d'écarter de Téglise Tinfluence malveillante des
esprits infernaux, en la mettant sous la protection d'un
saint personnage.
Poursuivons notre incursion dans le domaine mystérieux
de la tradition et des légendes, et demandons*nous quelle est
la signification de ces pierres que Ton met en évidence sur
le sommet des habitations. M. J. Sacaze a déjà signalé, au
pays de Luchon, des pierres brutes ou très grossièrement
taillées, bâties au faîte des vieilles maison». Les vieillards
t Gatien ArDoult, Ilitloirê de la philosophie $n Franoi, U I, période gau-
loise, p. 167, 168.
> De semblables légendes existent au sujet de la çonatruotion du château
de Ghazefon et du Pont-du-Diable^ à Uiroux.
* Utkmmêt 1887, p. 198.
404 SÉANCE DU 2 JUIN 1887.
ont pour elles une grande vénération et ne souffrent pas
qu*une main profane vienne les enlever^. Dans le canton de
Courpière, les paysans placent sur les meules de blé tantôt
une croix de paille, tantôt une pierre brute. La pierre^ selon
eux, représente saint Jean, et ils prétendent qu'elle est un
préservatif du tonnerre. Il est naturel que saint Jean soit
assimilé à un dieu fulgurant. Sa fête, qui tombe au sol-
stice d*été, est marquée par les cérémonies nocturnes des
feux de joie, restes curieux des anciens cultes solaires. Au
village de Cébazat existe une légende prouvant que saint
Jean et la foudre ont des rapports très intimes dans la tradi-
tion populaire : saint Jean demanda un jour à Dieu la per*
mission de voir le Tonnerre. « Je ne le puis, répondit ce
dernier, tu en mourrais de frayeur. » Saint Jean répliqua
qu'il avait vécu au désert parmi les bêtes féroces, et que ja-
mais la peur ne l'avait fait trembler. Cédant à de vives
instances, Dieu finit -par lui montrer ce qu'il désirait ; et
à Tinstant saint Jean fut foudroyé. Il ne mourut cependant
pas des suites de cette fatale curiosité ; mais, toute sa vie
durant^ il fut atteint du mal caduc, qu'on appela depuis le
mal de Saint-Jean\ Dans la littérature chrétienne, saint Jean
est appelé le fib du tonnetret à cause de son caractère em^
porté'; cette désignation ne serait-elle pas plutôt une allu-
sion à son aventure légendaire?
Un certain nombre de peuplades sauvages adorent encore
aujourd'hui la pierre brute. Jusqu'au dix-septième siècle, les
Lapons lui ont voué un culte spéciale Jupiter lui-même était,
à l'origine, représenté par un simple caillou. On l'appelait
Jupiter lapis, tonans^fulgurans, et le char à quatre roues, le
char du soleil et de la foudre, était un de ses attributs. Les
auteurs supposent que cette pierre était un fulgurite ; elle
1 BuU. de la Soc, d'anthrop.^ Paris, 1879, p. 169.
> Cette légende se retrouve dans le Nivernais (voir Revue des TraiiHws
populaires, 1887, p. 269).
» E. Renan, V Antéchrist, 2» édit., Paris, 1873, p. 348.
* Scheffcr, Histoire de la Laponie^ Paris, in-4», 1678 ; p. 79-90; flg. î, 3.
F. POMMEROL. — LE CULTE DE TARANIS EN AUVERGNE, 405
était déposée à Rome dans le temple de Jupiter Feretrius ^.
Le maître des dieux protégeait aussi les limites des champs ;
il était alors un dieu Terme, et on le représentait par une
simple pierre. Plus tard, 5ilvain hérita de cet attribut;- tout
en étant le dieu des forêts, on le vénérait comme un deus
tetnninalis ; et, quand il veillait sur la maison, on Tinvoquait
sous le nom de Silvanus casanicus '. Les autels de Silvain se
trouvent souvent associés à ceux de Mercure, d'Hercule, de
Pan, de Liber ^. Ce fait a été constaté par Tinscription sui-
vante trouvée au Mont-Dore : Herculi, Mercurio^ et Silvano
sacrum et divoPanteo^.
Les anciens peuples du nord de l'Europe, les Germains et
les Scandinaves, ont adoré un dieu de la Foudre qu*ils nom-
maient Thor et qulls représentaient sous la forme d'une
météorite ou d'un marteau de pierre. Malgré leur conversion
au christianisme, ils continuèrent longtemps leurs pratiques
païennes. Au huitième siècle, le concile de Leptines défendit
aux Germains d'adorer les pierres de Thor *. Chez les Iakoutes,
le tonnerre et Téclair forment deux divinités distinctes. Après
la tempête, ils vont chercher dans les champs des petites
pierres rondes comme des balles ou allongées en forme de
ciseau ; ils pensent qu'elles sont tombées du ciel : ce sont les
flèches du tonnerre. Elles ont la vertu de préserver des mala-
dies la personne qui les possède et de défendre les maisons
des atteintes de la foudre ••
I Preller, trad. Dielz, les Dieux de Vancienne Rome, Paris, Didier, in-12,
1884, p. 168.
> Preller, op. cit., p. 245. - Gerquaud, Mémoires de P Académie de VaU"
cluse, 188Î, p. 47. ,
> Cerqoaud, op. eil„ p. 43.
* SilvaiD était aussi connu sous le nom de Pautheus. C'est en iuterpré*
tant faussement cette inscription que plusieurs auteurs ont cru qu'il exis-
tait au Mont-Dore un véritable Panthéon, un temple consacré à tous les
dieux. — Voir, à ce sujet, Gault et Habany-Beau regard, Tableau de la
ci'devant province d* Auvergne, p. 171^ ainsi que G.-B. Bouillet, StaUstique
monumentale du Puy-de-Dôme^ p. 89.
* Matériaux pour thittoire de rhomme, 188S, p. 424.
* Ibid., 1887, p. 254.
406 SÉANCE DU 2 JUIN 1887.
Sigpualons enfin la fameuse pierre noire de la Mecque, que
les musulmans considèrent aveo une extrême vénération. On
prétend qu'elle fut apportée par l'ange Gabriel pour servir à
la construction de la mosquée, a Elle était autrefois, dit le
clergé musulman, d'une couleur si brillante, qu'elle éblouis*
sait les yeux, mâme à la distance de quatre jours de marche.
Mais elle a pleuré si longtemps pour les péchés de l'huma-
nité, qu'elle a fini par devenir opaque et enfin totalement
noire*. »
L'idée de représenter la foudre par une pierre se retrouve
dans les traditions populaires de TAuvergne. Le tonnerre,
disent les paysans, tombe sous trois formes différentes : le
plus souvent il tombe en feu, et il brûle ; parfois il tombe en
eau, c'est une trombe qui engloutit tout; et d^autres fois U
tombe en pierre et vous écrase. Cette dernière croyance
trouve sa raison d'être dans les chutes de météorites qui se
font avec accompagnement de bruits et de lueurs qui res-
semblent au tonnerre et à l'éclair, Aussi les météorites
sont-ils appelés vulgairement des pierres de tonnerre, de
même que la hache de pierre, que l'antiquité et le moyen
âge ont considérée comme un produit de la foudre. Le mar-
teau de Thor et le silex de Donar trouvent ainsi une expli-
cation toute naturelle.
m
Essayons de pénétrer plus profondément sous la frondaison
touffue de nos vieilles coutumes, parfois admirablement con-
servées par les pratiques religieuses. (Chaque région, chaque
village possède les siennes, tantôt semblables, tantôt diffé-
rentes. Recueillons et comparons celles qui se rapportent au
culte du tonnerre. Nous arriverons ainsi à constituer un
faisceau de faits dont il sera possible de dégager la cause vé-
ritable.
Nous observons d'abord dans les cérémonies locales de la
» Niebuhr translated by Robert Héron : Travels Ikrough Àrabia und other
Cmmtrietin ihe Eart, Perth, 1799, 2 vol. in-lî, t. II, p. J7.
F. POMMEROL. — lE CULTE DE TARANIS EN AUVERGNE, iOT
Fétd-Dieu certaines particularités qui ne sont pas étrangère
à notre sujet. Cette solennité se célèbre au voisinage de la
SaintrJean ; aussi a-t-elle avec cette dernière plus d'un point
de contact et de ressemblance. Durant Toctave, il se fait
chaque soir dans les églises une procession suivie par des en-
fants qui jettent des fleurs ; un des petits garçons est appelé
le roh une des petites filles est appelée la reine. Sur les autels
de chaque chapelle, les femmes ont apporté des conronnes
de fleurs que le prêtre bénit ^ Ces couronnes sont conservées
précieusement, car elles possèdent une grande vertu. Quand
le tonnerre gronde et que Torage a déchaîné sa fureur, la
maîtresse du logis, pour préserver la maison de la foudre, en
asperge les murs avec un rameau de buis trempé dans Teau
bénite; elle allume ensuite un grand feu et fait brûler un
fragment de la couronne de fleurs.
On sait combien est générale Tancienne coutume des feux
de la Saint-Jean. En plusieurs endroits, comme h Gébazat et
à Châteaugay, le prêtre vient le soir bénir ces feux, pendant
que quatre jeunes garçons du nom de Jean portent sur leurs
épaules la statue de leur saint patron. Chaque assistant tient
à la main un bouquet composé de fenouil, de lierre terrestre,
de feuille de noyer, le tout cueilli le matin avant V Angélus^
Ces plantes bénites seront désormais d'exôellents préservatifs
du tonnerre et du mal de Saint-Jean*.
Tout le monde connaît Tancienne habitude qu'ont les ha-
bitants des campagnes de sonner les cloches au moment des
orages. Les paysans croient que le tonnerre et la grêle sont
causés par des sorciers qu'un pouvoir surnaturel tient sus-
pendus dans les nuages. Au siècle dernier, on ne se conten-
tait pas toujours de sonner les cloches, le prêtre devait aussi
t La couronne, de môme que la roue, est ua emblème solaire. £a Nor-
mandie, les couronnes de fleurs sont en usage à la Saint-Jean. —
G.- H. Gaidoz, le Dieu gaulois du soleil et le Symbolisme de la rôtie, Paris^
Leroux, in-S«, 1886, p. 109, 110.
' A Maraty ee sont des fleurs de sureau cueillies la veille de la Sainte-
Jean que le pi*éire bénit en même temps que le feu de joie. On s'en sert
ensuite pour faire dep tisanes 9t de9 fomentatipo».
408 SÉANCE DU 2 JUIN 4887.
exorciser la tempête. Au moment voulu et pendant que deux
hommes le tenaient sous les bras, il envoyait aux sorciers sa
malédiction et lançait un violent coup de pied dans la direc-
tion du nuage chargé d^éclairs *. Une année, dit-on, lors d'un
orage épouvantable, pareil exorcisme fut pratiqué à Châ-
teaugay. L*esprit malin voulut emporter le prêtre, mais il ne
put que lui arracher son soulier, qu'on trouva le lendemain
près de Cœur, dans un endroit stérile où la grêle était venue
tomber. A la fin de chaque orage, prétendent les paysans, un
sorcier est précipité tout nu sur le sol du haut des nuages. Il
se hâte de gagner un fossé, une mare; il en agite Feau avec
ses bras; le brouillard produit l'enlève de nouveau dans les
airs, et il va plus loin porter la tempête et la dévastation.
L'habitude de faire du bruit pour écarter les orages doit
être fort ancienne et se pratiquait sans doute avant l'usage
des cloches. Les sauvages actuels se livrent à un grand va-
carme pour faire cesser les éclipses *; et, dans nos campa-
gnes, n'aime-t-on pas, au moyen de bruyants et grotesques
charivaris, à protester contre certains événements qui frois-
sent les idées reçues'?
Au Brugeron, dans le canton d'Olliergues, on invoque
sainte Agathe pour détourner les orages. Il se forme dans ce
but des confréries de femmes appelées les Saintes- Agues.
Quand la foudre gronde et que le sonneur monte au clocher,
elles se rendent à l'église et récitent des prières qui doivent
écarter la tempête de la commune et l'envoyer sur les terri-
toires voisins. Au moment des moissons, les Agites vont avec
le sonneur quêter des gerbes dans les champs, comme prix
du service public qu'elles pensent avoir rendu.
^ J'ai entendu dire qu'on détournait aussi un orage en tirant vers le
nuage un coup de ftisil chargé d'une balle bénite.
* Association française pour l'avancement des sciences, 12* session,
p. 692.
* On fait le charivari si une fille raet au monde un enfant, si plus tard
elle se marie, si un veuf ou une veuve convole en secondes noces. G*est
une forme de réprimande publique qui date d'un temps immémorial et
que nulle autorité dans les villages ne pourrait empêcher.
F. POMHEROL. -- LE CULTE DE TARANIS EN AUVERGNE. 409
Tous les ans, au 20 juin, on célébrait à Rome un sacrifice en
rbonneur de Jupiter Summanus ou dieu du ciel nocturne. On
lui offrait des gâteaux en forme de roue, symbole probable
du char de la foudre > . Ces sortes de gâteaux, un peu modifiés,
se fabriquent encore en Auvergne, au moment de certaines
fêtes religieuses, et principalement aux fêtes de Pâques.
Les cratères-lacs de Pavin et de Tazenat, dans le Puy-de-
Dôme, possèdent une très mauvaise réputation^ On affirme
qu'à certaines époques de Tannée, il se forme à leur surface
des orages effrayants. Le père Foderé prétend, suivant Du*
laure, qu'en jetant une pierre sur Tonde noirâtre de Pavin,
on voit bientôt s'élever un brouillard épais chargé de grêle
et de tonnerre*. Dans le gouffre de Tazenat, dit une légende,
une ville maudite est engloutie. Chaque année, au jour de la
Toussaint^ et à minuit, on entend sur les bords escarpés du
lac le son des cloches et le chant des coqs.
IV
Les coutumes, les traditions, les légendes que nous venons
dlndiquer se rapportent toutes au tonnerre, à ce grand phé-
nomène céleste qui, de tout temps, a si fortement impres-
sionné Tîmagination des hommes. iNous avons montré que la
pierre brute placée au faîte des maisons et des meules de blé
était une espèce de divinité destinée à écarter la foudre.
Nous avons vu que la hache de pierre, la joubarbe, la croix,
la statue de la Vierge, possédaient le même pouvoir mysté-
rieux. Nous avons dit qu'à Rome Jupiter Tonnant était repré-
senté par un simple caillou. De même le marteau de Thor
et la pierre de Donar, chez les peuples du Nord, étaient les
symboles delà foudre. Les Gaulois, d'après Lucain% ado-
raient une tfiade composée d'Ésus, de Tentâtes et de Ta-
ranis. Les Latins avaient assimilé Ésus à Mars ou à Gamulns,
1 Preller, op. cit., p. 165.
> L*abbé E. J. G., Souvenirs de voyage ou les Vacances en Auvergne^
Clermont-Ferrand, Thibaud, 1857, in-lS, p. 311.
» L. I«S r. 4U-6.
410 SÉAJÎCS DU 2 JUIN 4887.
Teataiès h Marcur», et Taranig à Jupiter. Taranii ^ fon
Qom Tindique — était proche parent de Tiior et de Ponar ^ ;
il était dono réellement le dieu du tonnerre et pouvait sans
inconvénient être confondu avec le Jupiter Fulgurant des Ro*
mains. Il existe des monuments de l'époque impériale qui
assimilent Taranis tantôt à Jupiter, tantôt à Silvain.Des sta*
tues gallo-romaines, comme celles des musées d'Avignon et
d'Arles*, représentent Taranis couvert d'une peau de loup
et tenant un marteau on une pierre à la main. SUvain
était aussi appelé le Louvetie?*, et sur quelques autels qui
lui sont dédiés on Ta représenté avec les marteaux de la
foudre*.
Nous savons que le marteau a parfois joué un certain rôle
quand il a fallu choisir l'emplacement des anciennes églises.
Nous avons donné la légende qui se rapporte à la construc-
tion de l'église d'Orcival*, et dans laquelle un marteau jeté
par le maçon vint en tombant marquer l'emplacement du
sanctuaire de la Vierge. Saint Bozon, dans les Vosges, indiqua
ainsi le lieu où s'élève l'église deBouzemont*^. L'emplacement
de la chapelle de Tabbaye de Gluny fut désigné de la même
manière par un marteau que lança en l'air Gauzon, ar-
chitecte de Saint-Hugues. Où tomba le marteau, le grand
autel fut édifié*. Ces légendes prouvent réellement que le
culte de Taranis s'est infiltré jusqu'à nous, malgré les persé-
cutions des empereurs romains et les défenses du clergé ca-
tholique. Ainsi, en certaines contrées de l'Angleterre, aux pre-
miers jours de mai, les garçons sonnent du cor et les jeunes
filles se couronnent de fleurs et de feuilles. On croit que cette
1 Thor était devenu le dieu Thoron ou Thordoen chez les anciens Lapons.
Ils en avaient des représentations grossières en bois ou en pierre. Ils lui
mettaient à la main droite un marteau, et dans la tôle iin morceau de
caillou (SohefTer, op. ci7., p. 78).
* Mém. Acad. de Vaucluse, 1882, flg. 1-4.
» /Wd., p. 42.
* L'Homme^ 1886, p. 624.
* Mém. Acad. de Vaucluse, 1882, p. 19.
« /6td., p. 88.
F. POMMEROL. — LB CULTE DE TARANIS EN AUVERGNE. 411
coutume se rapporte à une ancienne fête celtique en Thon*
neurde Taranis*,
La pierre brute ou la croix que Ton pose sur les maisons
est un reste évident du culte de cette vieille divinité gauloise.
En Irlande, les sacrifices humains se sont perpétués en son
honneur jusqu'au temps de saint Patrick. En Auvergne,
Tusage de bâtir, en certaines occasions, des ossements hu-
mains dans les murs des maisons ; la tradition de considérer
l'enfant qui pose la première pierre comme devant bientôt
mourir, celle de placer des cadavres dans les fondements des
églises, toutes ces pratiques ne sont que Técho affaibli, le
symbole moderne des anciens sacrifices humains que les
Gaulois faisaient au dieu de la foudre, à leur cruel Taranis.
Avec le secours des pratiques et des documents légen-
daires, nous essayerons d'esquisser la physionomie, de re-
constituer quelques-uns des attributs de cet antique dieu de
la Gaule. Nous pensons d'abord qu'il devait être une divinité
solaire ; qu'à certaines époques de Tannée on Tadorait par
des feux allumés la nuit. C'est sans doute sous son invoca-
tion que les druides cueillaient .la, verveine, le samolus, le
sélage, ces plantes sacrées en si grand usage dans la méde-
cine gauloise ; nos herbes de la Fête-Dieu, nos herbes de la
Saint-Jean, ne paraissent être qu'une survivance de cet an-
cien culte. Nous avons donné des faits qui tendent à démon-
trer qu'à la manière de Jupiter et de Silvain, Taranis était le
dieu protecteur de la maison et du foyer, qu'il protégeait les
récoltes, préservait de la maladie les hommes et les trou-
peaux et défendait les habitations et les temples contre les
esprits des ténèbres. Étant un dieu solaire, la roue devait
être son emblème, comme elle Tétait chez les Romains du
char de la foudre et du Jupiter Tonnant. Nous sommes ici
de Tavis de M. d'Arbois de Jubainville, contrairement à
Topinion de M. Gaîdoz. En Auvergne, la roue se rencontre
parfois sur les maisons; on peut en voir des exemples à Vil-
« Hêvuê dei TradiLions populaires^ 1887, p. S65.
412 SÉANCE DU 2 JUIN 18ST.
lars et aux Martres-de-Veyre. Ce fait établissant un rapport
entre la pierre brute et le signe de la roue vient à Tappui de
notre manière devoir. Les hommes du moyen âge qui je-
taient en Tair un marteau avant de construire leurs églises
ne faisaient que rendre à Taranis un hommage lointain,
inconscient. Bien qu*il ait été dans la suite en partie absorbé
par les personnalités puissantes du Jupiter romain et du Dieu
chrétien, il n'est pas difficile aujourd'hui de le retrouver
encore vivant sous certaines pratiques du paganisme ancien
et du christianisme actuel.
D*autres faits semblent rapprocher le culte de Taranis de
celui de Baal. Dans le nord de TEurope, les feux qu'on
allume dans la nuit du milieu de Tété {midsummer-night) ont
certainement la même signiflcation que nos feux de la Saint-
Jean. Les habitants de la Scanie jles appellent Baldersbal ou
feux de Baldef'\ Gomme en notre pays, on danse en rond, on
crie, on chante autour des bûchers allumés.
Le culte des Béthyles^ ou des pierres consacrées à Baal, a
été en grand honneur dans la Phénicie et a persisté jusqu*à
la disparition du paganisme gréco-romain. « Le mot de be-
thyle était un terme générique qui servait à désigner toutes
les pierres sacrées. Rien n'était plus variable que la forme
de ces pierres. En général, elles étaient coniques ou ovoïdes;
quelquefois elles avaient la forme de pyramides. Dans cer-
tains sanctuaires, c*étaient des cippes équarris,àfaces planes.
Certaines de ces pièces étaient, assure-t-on, des aérolithes,
ce qui ajoutait encore à leur crédit*. » Au temps de Tacite,
la déesse Astarté ou Aphrodite était représentée dans les
tetnples de Papbos et de Bibles par une pierre taillée en forme
de cône •. A Émèse, on voyait, comme à la Mecque, une
1 Gh. Ran, Ohsérvaiiont en cup-shaped and otii^r lapidarian sculpture in
the Old World ar^ in America, in ConlHbuiionz to North american Ethno-
logy, vol. V, p. 7î.
• Perrot et Chipiez, Histoire de VÂrt dans FatUiquUéy Pari», Hachette,
iD-8<», 1885. t III, p. 59.
» Bùtoires, II, 8.
DISCUSSION SUR LE CULTE DE TARANIS EN AUVERGNE. 413
grande pierre noire tombée du ciel et de forme conique, dans
le temps où Héliogabale en était le prêtre avant de devenir
empereur ^ Au moment de la décadence de Tempire romain,
alors que le paganisme latin vacillait sur sa base^ la pierre
brute était considérée comme la plus haute incarnation de la
divinité*. Nous savons que les druides avaient plus d'un lieu
de parenté avec les mages de TOrient ; que le berceau du
druidisme doit être recherché en Asie, et que les Phéniciens
avaient établi de nombreux comptoirs sur les côtes de la
Gaule. Nous ne sommes donc pas étonné de trouver en des
régions si éloignées les unes des autres des symboles, des
emblèmes religieux ayant la même signification et la même
origine.
Le Taranis gaulois, comme le Thor des Scandinaves et des
Germains, représente le même principe cosmogonique que le
Baal phénicien et le Jupiter classique. Ces grandes entités
religieuses sorties du cerveau de races distinctes ont néan-
moins les mêmes attributs divins, et il est facile de voir en
elles la personnification réelle du Soleil et de la Foudre. En
remontant aux origines aryennes, au vieux culte védique
d'Indra, on trouverait peut-être la raison d'une si étroite
ressemblance.
Discussion.
. M. Ploix. Il ne me paraît pas douteux que le placement
d'une pierre brute ou de tout autre objet au-dessus d'une
maison dont la construction vient d'être achevée, ne soit le
résultat d*une ancienne superstition. Mais les documents que
M. Pommerol a réunis me semblent insuffisants pour affir-
mer que cet objet a été primitivement une de ces pierres
qu'on appelle pierres du (onner9*e, ou que sa destination ori-
ginaire était de proléger spécialement l'habitation contre la
foudre. On peut certainement croire qu'il s'agissait de proté-
ger la construction (et peut-être aussi ceux qui l'habitaient)
« Hérodien,V, 5.
« Perrot et Chipiez, op. cil, y p. 60.
4U SÉANCE DU 2 JUIN 1887.
contre toutes saHes de manvaises chances; la <îhute dé la
foudre rentre dans cette catégorie, mais elle n'est pas la
seule qae Ton ait à redouter. D*un autre cAté, M. Pommerol
va encore plus loin ; il croit voir dans la pierre brute dont il
est question un dieu, et il est prêt à reconnaître ce dieu
comme étant le Gaulois Taranis^ dieu du tonnerre. Cette
conclusion me parait prématurée, et même très hasardée.
On nous parle du culte des pierres; les pierres que l'on
adorait n'étaient pas des dieux; c'étaient de simples fétiches,
et nous avons affaire évidemment ici à une survivance féti-
chique. Mais nous ne saurions voir dans chacun des objets
placés au faîte des maisons la représentation d'un dieu. Il a
pu arriver, par des raisons que je n'ai pas à examiner ici,
qu'une pierre ait été regardée comme étant un véritable
dieu ; c'est alors une pierre déterminée, et l'on n'en pourrait
trouver de cette sorte autant qu'il y a de maisons à con-
struire. A ma connaissance, les pierres du tonnerre n'ont
jamais passé pour être le dieu lui-même qui lance la foudre.
M. Pommerol. Une superstition n'est autre chose qu'un
reste d'une ancienne croyance religieuse. Souvent le chris-
tianisme, en plaçant une croix, n'a fait que substituer son
emblème à des emblèmes de religions plus anciennes. Les
faits que j'ai cités me semblent prouver qu'il existe un rap-
port étroit entre les symboles de la pierre brute, de la hache,
du marteau et le culte du tonnerre. Le tonnerre étant en
Gaule le principal attribut du dieu Taranis, ce sont les survi-
vances plus ou moins altérées de cet ancien culte que nous
retrouvons dans les traditions et les coutiimes de l'Au-
vergne.
M. Verrier. Il existe en Auvergne et ailleurs des fontaines
que le catholicisme s'est en quelque sorte appropriées et
qui étaient déjà des lieux de pèlerinage au temps des Gaulois.
M. Pommerol ajoute que le fait est très fréquent et que le
culte des pierres était intimement associé à celui des fon-
taines.
M. Piètrement cite une fontaine conservée par le clergé
A PROPOS DtJ PROCÈS-YERBAL. 416
catholique et dans laquelle jeunes gens et jeunes filles vont
jeter des épingles dans respoir de se marier.
M. Gaultier de Glaubrt ajoute que, dans le département
des Landes, les principales maladies portent le nom d'un
saint et se guérissent avec Teau d'une fontaine consacrée au
même saint. Le mal de Saini-Loais on les écrouelles fait excep-
tion ; il se guérit infailliblement en faisant toucher la partie
malade par le septième garçon oo la septième fille d*ane
famille de sept enfants du môme sexe, tous vivants. Faute de
mieux, on se fait toucher par un enfant posthume; mais ce
moyen ne réussit pas toujours.
La séanoe est levée à six heures.
Vun des tecrèiairet : manouvrier*
ilS'SiANCK. --lejBifl 1887.
Pré«ld6tteo de M. MACSITOT, préitideiit.
Le procès-verbal de la dernière séanoe est lu et adopté «
A propst du pr#eè*^erbal.
Sur le mot Mto. — M, 0. Béauregard lit une note sur le
mot fiatù,
A notre précédente séance, j'avais llntentîon de présenter
quelques observations à propos du mot Mto, Mais la façon
absolue et positive dont s'est exprimé à ce sujet notre col-
lègue, M. Sanson, sous Tinspiration de M. Gharnay, m'a fait
ajourner.
Aujourd'hui je tiens à dire que le mot fiato n'est pas espa-
gnol-castillan.
Le mot castillan pour Gamard est romo, qui a pour féminin
roma,
Nato pour camard est de l'espagnol du centre-Amérique
et de l'Amérique du 8ud ; du reste, nato, dans l'Amérique
ArgentinCi a un féminin^ qui est ^a/a, et de plus un diminutif;
416 SÉANCE DU 16 JUIN 1887.
hcUitaf qui se dit des personnes dont le nez manque de relief;
et, dans l'usage du monde, cette expression est aimable et
caressante à Tégal de notre expression « piquante bru-
nette».
Par occasion, je signale à notre collègue M. Sanson Tezis*
tence de chevaux dits Bogotuèdoi^ c'est-à-dire chevaux à
moustaches, qui se rencontrent dans le voisinage de Mendosa,
dans le ParanuUo, contrefort occidental des Cordillères.
Discussion.
M. Sanson. Le mot hato ne peut être employé dans l'Amé-
rique du Sud pour désigner une race bovine, par la raison
bien simple qu'il n'existe pas de race hâta, La personne qui
a dit à M . Beauregard qu'il existait une telle race à Buenos-
Ayres était mal informée. Son affirmation concernant l'exis-
tence d'une race de chevaux à moustaches n'a pas plus de
valeur scientifique que la précédente. Il y a des chevaux à
moustaches, comme il y a des femmes à moustaches. C'est
une variété individuelle quipeut être plus ou moins fréquente,
mais qui ne caractérise aucune race particulière.
OUVRAGES OFFERTS.
Mantegazza et Regalia. Studio sopra nna série di crani di
Fuegini. Florence, 1886, broch. in-8*, 55 pages, 2 planches.
Kollmann. Dos Grabfeld von E lisried-Schàdel aus jenem
Hûgel bel Genf-Schàdel von Genthod und Lully bel Genf, Bàle,
1887, in-8% 63 pages.
M"® DE Ujfalvy-Bourdon. Voyage dune Parisienne dans
t Himalaya occiiental, Paris, 1887, in-18, 452 pages.
Dictionnaire des sciences anthropologiques, 20* livraison.
Verne AU. Rapport sur une mission scientifique dans Var*
chipel Canarien, Paris, 1887, in-8% 272 pages, 4 planches.
Discussion.
M. Letourneau demande s'il existe une ressemblance entre
les caractères de certaines inscriptions canariennes et ceux
A. DE HORTILLET. — SOBX TAILLÉS. 417
de Talphabet touareg relevés par M. Daverrier dans le Sahara
occidental.
M. Vernkau répond que ces caractères se rapprochent beau^
coup des caractères numidiques.
ÉLECTIONS.
M. le docteur W. Dbxhterbfp, de Saint-Pétersbourg, est élu
membre titulaire.
PBÉSENTATIONS.
Silex tallléa;
PAR M. A. DB MORTUXn.
J*ai Thonneur de présenter à la Société une intéressante
série de silex taillés recueillis par M. Emile Gollin sur les
bords de l'Epie, petite rivière qui sépare, dans la partie infé- -
rieure de son cours, les départements de TEure et de Seine-
et-Oise et se jette dans la Seine, entre Vernon et Bounières.
Cette contrée est riche en ateliers de Fépoque de la pierre
polie. M. Collin en a visité plusieurs: celui d'Aveny, près de
Bust Saint-Remy (Eure), qui a été exploré par M. de Pulligny
il y a quelques années, et ceux de Vaumion, commune d'Am-
hleville, de Louvière, commune d'Omerville, et de Bray
(Seine-et-Oise), que nous ne connaissions pas encore.
Dans ces diverses stations, M. Gollin a retrouvé toute l'in-
dustrie du silex de la période néolithique : percuteurs, nu-
cléus, lames, grattoirs, tranchets, scies, perçoirs, écrasoirs,
ébauches et fragments de haches polies.
Parmi les nombreux objets récoltés par M. Collin, je dois
particulièrement signaler deux pointes de flèche en amande,
provenant Tune de Vaumion et l'autre d'Aveny, plusieurs
haches polies, dont une fort belle en silex d'eau douce pro-
venant d'Aveny, et un curieux instrument trouvé près de
Bray. Cet outil, qui affecte la forme d'un long tranchet, pos-
sède deux tranchants, un à chaque bout. Il est bienen main,
et a quelque analogie avec certaines pièces de Spiennes.
T. X (3* sÉaiB). 37
418 sftANCll t)U 16 lUiN I8IIT.
Bkiflti, j*ftppellerai encore l'attebUon de là Soeiété sur
deux percuteurs. Le premier est un oursin portant des traces
de percussion, recueilli à Vaumion. Je ferai remarquer^ à cette
occasion, que ce n'est pas la première fois que l'on ren-
contre des échinides fossiles ayant servi de marteaux. Le
second est un percuteur d*une forme spéciale, il est muni
d*unë sorte de tnanahe ou poignée» ménagé intentionnel-
lement dans le rognon dont il a été confectionné, appendice
qui devait donner aux coups une plus grande élasticité.
Malgré sa fragilité, cet instrument a beaucoup servi, ce qui
prouve que les hommes de i'époqiie robenhausienne étaient
parvenus, dans le travail de la pierrci à une très grande
adresse, à une remarquable délicatesse de main. Un ouvrier
peu habile dans Tart de tailler le silel l'aurait certainement
brisé du premier coup.
Diàcussioii.
M. Ploix. m. A. de Mortillet vient de nous présenter un
percuteur si fragile, nous a-t-il dit, qu'il se demande com-
ment on a pu s'en servir sans le briser. Peut'ètre n'était-ce
pas un percuteur.
M. A. de Mortillet explique qu'une erreur à ce sujet est
impossible. Les pièces que l'on considère comme des percu-
teurs portent des traces nombreuses d'étoilures très caracté-
ristiques, qui ne peuvent être obtenues que par percussion.
On ne rencontre, du reste, ces pièces que dans les endroits où
se trouvent des silex taillés.
Chevelure en vadrouille i
PAR M. ESCHENAUBR.
M. BscËËNAUGil présente un enfant remarquable par Tabon-
dance et la finesse de ses cheveux blonds. Ils offrent la dis**
position dite en vadrouille. Le père de Cet enfant possède
une chevelure analogue, mais brune.
DISCUSSION SUR LBB PRBMIBRS AGES DU MÉTAL. 419
PlMtelie et prospeetns àen premiers âges en Biétal
daas le sna-evl 4e rBepugae
Hk M. n. LÂGifiAn.
Deux ingénieurs beiges, MM. Henri et Louis Siret, d'An-
vers, m'ont écrit pour attirer l'âttehtion de la Société sur
leur ouvrage intitulé les Première Ages du métal dans le iud-
est de l'Espagne. Je dépose sur le bureau une planche et un
prospectus de cet ouvrage. MM. de Mortillet, de Nadaillac,
Salmon^ sont plus que moi à même d'apprécier la valeur de
cet ouvrage, qui me paraît signaler quelques pièces curieuses,
de grands vases servant de sépulture pour un ou deux cada-
vres, de nombreux objets de cuivre^ de nombreux objets
d'argent.
MM. Siret ajoutent, dans leur lettre ; k Notre collection
comprend, entre autres, quatre-vingts erànes bien conservés
du premier âge du bronze en Espagne.*. Nous serions heu-
reux et flattés d'avoir Ja visite des savants français. »
A propos du grand nombre d'objets préhistoriques en ar-
gent trouvés par MM. Siret dans les provinces d*Almérie et
de Murcie, je rappellerai que, dans l'antiquité historique, les
anciens habitemts de Tartesse passaient pour être très riches,
ainsi que le disent Festus Avienus et Priscianus, et que les
Turdetans et les Turdules, dont la très ancienne civilisation
semble attestée par leurs lois écrites et rythmées, datant de
six mille ans avant Slrabon, lors de l'arrivée de Barca et des
Carthaginois en Hispanie, avaient en argent des mangeoires
et des tonneaux ou grandes jarres à vin S
« Divites Tartessii, Festus Avienus, Orœ maritimjet p. 1^8. Despois et
Saviot.
8upm dives se alla Tartesius, Prléoianus, PérUgèst^ p. 193, ?. 8S5
Geographi Grœci Minor$t^ t. I, ooll. Didot.
... Èxouai ou']p[^X(A|Aa70( x*i icoiiiasita xal vôftcu; ip^MT^ou; i^oxtoxtXCwv ttûv.
Slrabon, I. III, cap. i, § 6, p. 115.
... ^dvtati ép^pat; xal iri6ei( x?**pvou$ tous iv Toup^riTAvià. Strabon,
• III^ cap. II, § 14, p. 123.
420 SÉANCE DU i6 JUIN 4887.
Discussion.
M. MiLLESGAUPs fait remarquer la ressemblance qui existe
entre certains objets figurés dans Touvrage en question et
des objets lacustres du Bourget.
COMMUNICATIONS.
Lm elr«OHelslOH, sm signlMeatloa soeimle et religieuse;
PAR M. PAUL LAFARGUB.
(Lue par M. Hervé.)
I
Tylor donne comme exemple de survivance de Tàge de
pierre l'emploi, par les anciens Juifs, du couteau de silex
pour pratiquer la circoncision que les Juifs opèrent encore
de nos jours sur les enfants morts âgés de moins de huit
jours, avec un pareil instrument *. L'usage du couteau de
pierre pour une si douloureuse opération est un signe cer-
tain que la circoncision est une des plus antiques institutions
de Tespëce humaine.
On a considéré la circoncision comme un rite religieux
appartenant sinon exclusivement^ du moins spécialement aux
Hébreux, à cause des promesses divines attachées à son ob-
servance, de sa persistance dans la race sémite, et du mé-
pris avec lequel on traite, dans le Nouveau Testament, les
incirconcis de gentils. Cependant, si Ton se rapporte à la
Bible, Ton voit que TÉternel ne songea à demander à
Abraham le sacrifice de son prépuce que lorsqu'il eut atteint
l'âge de quatre-vingt-dix-neuf ans {Genèse, xvii), et après son
retour d'Egypte, où le patriarche avait appris à apprécier
Timportance religieuse de cette mutilation. On est donc au-
torisé à supposer que les Hébreux ne sont pas les inventeurs
de cette coutume, qu'au dire d'Hérodote (ii, § 104) les Égyp-
tiens, les Golchidiens et les Éthiopiens pratiquaient de temps
• li.-B. Tylor, Hesearches into the early history o/'Afanib'nd, 217-21 9, 2« éd.,
1870.
p. LAFORGUE. — SUR LA CIRCONCISION. 4^1
immémorial et que les Phéniciens et les Éthiopiens recon-
naissaient avoir reçue des Égyptiens. La circoncision semble
s'être implantée difficilement chez les Hébreux, car Moïse,
après sa fuite d'Egypte, s'étant marié au pays de Madian
avec Séphora, qui descendait d'Abraham, ne circoncit son
fils que lorsqu'il rentra en Egypte et que TÉternel chercha
àletuer (£'.rorfe, iv, 24) ; c'est sa femme qui opéra l'enfant. Les
Phéniciens, au contact des Grecs, perdirent la coutume de
circoncire les nouveau-nés (Hérodote, ii, § i04). U en arriva
de même aux Israélites; dès qu'ils quittèrent la terre d'E-
gypte, ils s'empressèrent d'abandonner cet usage, qui ne fut
rétabli qu'après leur voyage à travers le désert, et sur l'ordre
formel de l'Éternel, qui enjoignit à Josué de circoncire tous
les hommes (Josué, v). Au temps d'Antiochus Épiphane, les
riches habitants de Jérusalem rougirent de la perte de leur
prépuce : ceux qui se rendaient aux gymnases publics pour
s*y exercer nus, se firent refaire un prépuce artificiel. Celse
décrit l'opération (De re medica, \ii, § 25).
Les prêtres d'Egypte, dit Hérodote (ii, § 37), se circonci-
saient par mesure de propreté ; « mais cette coutume n'était
pas confinée aux classes sacerdotales, ainsi que le prouvent
les sculptures et les momies ; la circoncision était la marque
qui distinguait les Égyptiens de leurs ennemis, et dans la
suite, quand l'Egypte se peupla d'étrangers, elle était le
signe qui empêchait de confondre l'orthodoxe égyptien avec
l'étranger infidèle. Son institution dans le pays remonte à
la plus extrême antiquité; on la trouve établie à la plus pri-
mitive époque dont il reste des monuments, plus de 2 500 ans
avant noire ère, et elle datait d'une époque antérieure K »
Les Égyptiens la considéraient comme si ancienne, qu'ils en
faisaient remonter l'origine aux animaux, aux singes cyno-
céphales qui, disaient-ils, naissent circoncis *.
On n'a voulu voir dans cette étrange coutume, ainsi que
J J. Gardncr Wllkinson, Mannsrs and Customs of ihe aneient Egyptian^t
l, p. 183-4. London, 1878.
« HorapoUo, Hieroglyphicat § i4.
491 8ÉANGB BU 16 JUIN 1887.
dans TépiUlion du oorps que pratiquaient si sorapuleuier
meot les prêtres égyptiens, qu'un simple acte de propreté,
qu'une mesure préventive contre les attaques épidémiques
de maladies vénériennes qui se déclaraient après les fêtes
orgiaques deBaal-Pehors {Nombrei, xxv) ; cette mesure hygié-
nique, pour simposer et se maintenir, avait dû prendre
le caractère d*une cérémonie religieuse. En effet, Josué
ne fit revivre Tinstitution tombée en désuétude tant que les
Israélites vécurent dans le désert^ que lorsque, arrivés
dans la terre sainte, ils eurent les opportunités de prendre
part aux grandes fêtçs de prostitution du monde antique.
Sans vouloir contester la valeur de ces explications, surtout
dans le cas spécial de Josué, on doit cependant reconnaître
que les travaux ethnographiques et les études religieuses de
notre siècle permettent de fournir des explications plus pro«
bables et plus générales de cette coutume barbare.
II
E. Casalis, qui en qualité de missionnaire résida vingt-
trois ans dans le sud de TAfrique, décrit les cérémonies qui
accompagnent la circoncision chez les Bassoutos : son récit
est confirmé par celui de Livingstone. Gomme ce n'est qu'en
étudiant les mœurs des sauvages et des barbares, qui, se-
lon l'énergique expression du docteur Letourneau, sont la
préhistoire vivante, que Ton pourra reconstituer les premières
phases de l'évolution humaine, je résumerai les récits de ces
deux voyageurs en les complétant par des observations faites
en Australie ; nous pourrons ainsi remonter à l'origine pro-
bable de cette coutume ' .
La circoncision se pratique chez les Bassoutos et les Bé-
chouanas vers l'âge de treize à quinze ans; d'enfants {pueri)
qu'ils étaient, elle en fait des hommes (veW). Cette cérémonie,
t E. Casalis, les Bassoutos , chap. xih, Paris, 1859; Livingstone, Mis-
sionary TraveU in South Africa, p. 146-9, London, 1857; G.-F. Angas, Sa-
vage Life and Scènes in Australia and NewZeatand, vol. I^ ohap. m; vol. Il,
chap. VII, Londou, 1847.
p. LAFARaUE. ^ SUR LA CIRCONCISION. 433
qui ne revient que tous lei cinq gu m mh est ^ impor*
tante, que les Béchouanas comptent leur histoire par cérér
monies de circoncision, comme autrefois les Grecs le faisaient
par olympiades.
Les jeunes gens que Ton va « faire hommes n, avertis de
Tépoque fixée, simulent une révolte et 9*évadent dans Iqç
bois ; les guerriers, armés de toutes pièces, partent à la
poursuite des insurgés, qu'ils ramènent au milieu de danses
bruyantes qui sont le signal de la fête, l<e lendemain on
construit des cabanes appelées mapato (mystère), o^ aprè^ leur
circoncision ils doivent demeurer pendant six à huit mois
sous la direction d'instructeurs spéciaux qui les exercent au
maniement des armes, à lancer 1^ javeline, manœuvrer i^
massue, parer les coups avec le bouclier carré, fis endurcis*
sent leur corps à la fatigue, à la faim, h la douleur; ils eom-
mencent là leur apprentissage d'hommes et de guerriers. Us
sont soumis à des jeûnes prolongés, ht de fréquentes et im-
pitoyables flagellations; et pendant que la gaula sifflante
s'applique sur leurs corps nus, les mentors les moralisent :
« Amendei-vous 1 soyea hommes \ Fuyez le vol et Vadul-
tère 1 Honorez votre père et votre mère ! Obéissez à vos
chefs ! » Ils ont le droit de tuer le garçon qui essayerait
d'échapper à cette terrible discipline sous laquelle les faibles
succombent. Les femmes sont rigoureusement écartées du
mapato, mais tout homme a le droit d'y venir et de joindre
ses coups et ses préceptes à ceux, des instituteurs. Cette édu-
cation Spartiate que les philosophe^ de l'antiquité et les
historiens modernes croyaient spéciale aux habitants de la
Laconie, a été employée par tous les peuples primitifs pour
former des guerriers rompus aux fatigues et aux souf^
frances. L'originalité des Lacédémoniens est d'avoir préservé
en pleine civilisation grecque les mœurs barbares qui firent
leur supériorité.
Après six à huit mois de ce régime disciplinaire, les jeunes
gens, oints de la tête aux pieds, reçoivent des vêtements et
un nom qu'ils doivent conserver leur vie durant, et retour*
AU SÉANCE DU 16 JUIN 4887.
nent dans le village au milieu des danses et des acclama-
tions : le mapato est livré aux flammes dès qu*ils Tont quitté.
L'oncle maternel de chaque circoncis lui donne un javelot
pour défendre la tribu et une vache pour le nourrir. Jusqu'à
leur mariage, les nouveaux circoncis continuent à vivre en-
semble dans des espèces de corps de garde; ils sont astreints
à remplir certaines fonctions publiques : faire paître les
bestiaux, procurer du bois de chauffage et chercher les ma-
tériauxde construction.
La circoncision est, chez ces peuplades nègres, une des
cérémonies de l'initiation de l'adolescent aux droits et de-
voirs du guerrier : les jeunes circoncis forment une corpora-
tion (takay branche) qui prend le nom du jeune chef qui doit
les commander à l'avenir dans les expéditions belliqueuses :
ce chef est choisi dans la gens ou clan qui fournit les com-
mandants militaires. Ce que les historiens ont cru une in-
vention du père de Sésostris, qui fit élever avec son fils les
enfants de son ^ge, est une coutume générale des barbares.
Livingstone n'hésite pas à considérer la circoncision (baguera)
« comme une cérémonie civile plutôt que religieuse. .. Et
comme il n'existe pas de chaîne continue entre les Arabes et
les Béchouanas, et comme elle n'est pas une cérémonie reli-
gieuse, elle ne peut être attribuée à une origine mahométane,
ainsi qu'on a l'habitude de le faire. »
Les filles de treize à quatorze ans passent aussi par une
semblable initiation que certaines tribus désignent du mot
circoncision. Sous la direction de matrones expertes, elles
quittent le village, sont conduites à la rivière où elles reçoi-
vent une espèce de baptême, s'enduisent le corps d'argile
blanche, se couvrent le visage de masques d'osier, et, psal-
modiant des chants mélancoliques, elles se livrent aux tra-
vaux agricoles qui reposent entièrement sur les femmes ; le
soir, elles apportent des fagots et de grandes jarres remplies
d'eau : les coups et les mauvais traitements ne leur sont
pas épargnés. Livingstone dit que « leurs bras portent de
nombreuses cicatrices de brûlures faites avec des tisons ar-
p. LAFARGUE. — SUR LA GIRGONasiON. 425
dents, afin d'éprouver leur pouvoir de résistance à la dou-
leur. » Chez les Gallinas de Sierra Leone, les jeunes filles,
après avoir appris les danses qui accompagnent toutes leurs
occupations (travaux agricoles, transport des fardeaux, ser-
vice de rameuses, préparations culinaires, funérailles, ma-
riages, etc.), ont leur clitoris excisé, au milieu de la nuit,
quand la lune est pleine : elles reçoivent ensuite leur nom *.
Les cérémonies d'initiation sont spéciales à chaque sexe :
il est aussi dangereux pour un homme de se glisser parmi les
jeunes filles que pour une femme de pénétrer dans le mys-
tique mapato ; tout violateur des mystères de Tinitiation
risquerait de payer son audace de sa vie. Avant d*ètre élevés
au rang de femmes et d*hommes, les filles et les garçons
vivent ensemble, plus particulièrement sous la direction des
femmes; mais, quand ils ont été initiés, ils se séparent et vi-
vent, les filles avec les filles et les garçons avec les garçons,
jusqu'à ce que le mariage rapproche de nouveau les sexes.
Cette division des jeunes gens d'une même gens par sexes
s'est établie dans la tribu lorsque ce que Morgan nomme le
mariage punualien^ ou par groupe, succéda au mariage con-
sanguin, ou intermariage de frères et sœurs utérins et con-
sanguins >.
Le fait de trouver dans les peuplades nègres de l'Afrique
la circoncision, non pas pratiquée au moment de la nais-
sance, mais à l'âge de la puberté, au moment ou s'établit
la séparation des sexes, est, ainsi que le couteau de silex
dont parle Tylor, une preuve de l'extrême antiquité de cette
coutume : aussi devait-on la retrouver chez des sauvages au-
trement inférieurs que les Bassoutos et les Béchouanas, chez
les peuplades australiennes, tellement grossières qu'elles
ignoraient le moyen d'obtenir le feu, bien qu'elles en con-
nussent l'usage : lorsque les tisons, qu'étaient chargées de
porter les femmes, venaient à s'éteindre, elles étaient obli-
gées d'aller chercher du feu à un campement voisin.
^ Harris, Memoirs ofthe Anthropological Society of Lonion, 1865, p. 31.
* L.-H. Morgan, Âncient SocMy, New-York, 1878.
426 «iANOE DU 46 JUIN 4887,
L'initiation du jeune Australien à la dignité de guerrier est
une cérémonie si in^portante, que les tribus ennemies sus-
pendent pour cette occasion leurs hostilités et se rencon-*
trent en paix. Les guerriers font le simulaore d'enlever les
garçons âgés de treize à quatorze ans ; les femmes se lamen^
tent, pleurent leur pertCi et, dans leur désespoir, se tailla^
dent les cuisses avec des écailles de moules jusqu'à ce qu'elles
saignent profusément. Les jeunes gens sont entraînés dans
des endroits écartés : quand on pratique les rites mysté-
rieux, un vieillard, perché sur un arbre, tourne le wihtou*
wïhtou, instrument sacré formé d'une planchette ovale, at-
taché par une corde de cheveux d'homme ; son bruit stri-
dent avertit les femmes et les enfants de ne pas approclier
sous peine de mort.
Le garçon doit parler à voix basse ; on épile sa tête, mais
on lui met des touffes de mousse au pubis et aux aisselles,
les poils en ces endroits caractérisant Tadulte. Les Purn-
kalias et les Nauos fendent avec un silex aiguisé la verge
jusqu'au scrotum, puis pratiquent la circoncision; d'autres
se contentent de couper circulairement le prépuce qu'on
passe en guise de bague au doigt médian gauche de l'initié.
Le circoncis est expédié dans les montagnes, et pendant un
certain temps il doit fuir l'approche de toute femme. Les
Koradjée de la Nouvelle-Galles du Sud ne circoncisent pas
les jeunes gens, mais leur font sauter une dent de devant,
après avoir préalablement incisé la gencive avec un morceau
d'os.
On procède ensuite à la troisième cérémonie. Le parrain
du néophyte, s'ouvrant les veines du bras, lui donne à boire
de son sang, puis, le mettant à quatre pattes, en arrose son
dos : c'est un véritable baptême de sang. Pendant qu'il est
dans cette position, le parrain lui fait de longues entailles
qui partent du cou aux régions lombaires, qu'il élargit le
plus possible avec ses doigts, sans doute pour mêler les deux
sangs. Si le malheureux garçon pleure et se débat, les guer-
riers poussent un cri particulier qui fait accourir les femmes;
p. LAPABauE. --T aun LÀ cmcowasioN. 427
ils leur rendent Tadolesoent jugé indigne de devenir uu ch^^*
seur et un guerrier. Le garçon qui supporte stoïquement ces
mutilations est admis homme ; on lui révèle les secrets des
guerriers ; son parrain lui choisit un nom à terpiiqaison spé-
ciale qu'il doit porter dorépavant; jusqu'alors, il n'avait eu
d'autre non) que celui du lieu de sa naissance. Qp lui remet
le talisman qui doit le protéger h la guerre, à la chasse et
dans les maladies ; c'est un morceau de pierre cristalline,
censée être un excrément de la divinité ; il doit le garder
dans un sac enveloppé de cheveux d'homme et ne jamais
le montrer aux femmes, qui, sous peine de mort, ne doivent
pas chercher à le voir.
Il serait facile de multiplier les récits des voyageurs, mais
ceux qui ont été cités sont typiques ; ils montrent que chez
les nations les plus primitives qu'il nous soit donné de con-
naître^ l'admission de l'adolescent dans la classe des guer-
riers et des chasseurs est accompagnée de mutilations dou-
loureuses (incisions, circoncision^ bris de dents, etc.) pour
éprouver son stoïcisme, et que la circoncision pratiquée sur
le membre viril pardt à l'imagination sauvage celle qui con*
vient le mieux à cette initiation.
m
La circoncision se présente dans l'histoire avec un autre
caractère que celui de cérémonie civile pratiquée sur des
adolescents parvenus à l'âge de puberté ; d'autres peuples
circoncisent l'enfant quelques jours après sa naissance ; ohez
eux, elle prend un caractère de rite religieux dont il faut
rechercher la signification*
On se félicita d'avoir retrouvé les dix tribus d'Israël per-
dues depuis la captivité de Salmanazar, quand les Espagnols
découvrirent les Mexicains, qui, sans y voir malice, avaient
différentes cérémonies religieuses, entre autres la circonci-
sion que l'on croyait l'apanage du peuple hébreu.
S'il y a contradiction entre les écrivains qui ont rapporté
les mœurs mexicaines sur la pratique de la circoncision, tous
428 SÉANCE DU 16 JUIN 1887.
sont néanmoins d*accord pour mentionner une opération
faite dans les temples sur les organes génitaux; ils ne dif-
fèrent entre eux que sur son importance; les uns prétendent
qu'elle n'était qu'une simple incision, les autres assurent
qu'elle était une complète amputation du prépuce. Ce qu'il
est important de retenir de ces récits contradictoires, ce sont
les rites religieux qui accompagnaient l'opération.
Palacio, dans sa lettre au roi d'Espagne, raconte que le
sang qui s'écoulait du prépuce fendu était consacré à Dieu '.
Las Casas affirme que les Aztecs portaient dans le temple
l'enfant le vingt-neuvième jour de sa naissance ; le grand
prêtre, après l'avoir placé sur une pierre, coupait le prépuce
jusqu'à la racine '. Devant l'image de Huitzilopochtli, le
dieu de la guerre, le Sabaoth des Nahuas, le prêtre faisait une
légère incision à l'oreille et au prépuce du nouveau-né avec
un couteau d'obsidienne que lui apportait la mère, et jetant
l'instrument aux pieds de l'idole, il donnait un nom àl'eAfant,
après avoir consulté son horoscope et les signes du temps *.
D'après un verset de saint Luc (i, 59), il paraîtrait que l'ha-
bitude chez les Hébreux était de donner à l'enfant son nom
le jour de sa circoncision; c'était l'Étemel qui avait institué
cette coutume, car il changea le nom d'Abram en Abraham
le jour qu'il lui ordonna de se circoncire (Genèse, xvn, 5); d'a-
près des passages de l'Ancien Testament, où l'on parle de
lèvres et d'oreilles impures parce que non circoncises, on
pourrait conclure qu'autrefois les Israélites consacraient ces
organes à l'Éternel en les incisant devant son autel ♦. Les
mères mexicaines qui désiraient que leurs enfants fussent
reçus serviteurs du dieu Huitzilopochtli devaient, l'année de
I D. Garcia de Palacio, Carta dirigida al rey de Espana, ano 1576, p. 74.
* Las Casas (Bartolomé de), Historia apologetica de las Jndias occiden-
tales, manuscrit cité par Bancroft, The Native Racei of ihe Pacific States of
Sorlh Arnerica, Londou, i875, t. II, p. 278-9.
* Duran, Historia de las Indias, manuscrit cité par Brasseur de Bour-
bourg, Histoire des nations civilisées du Mexique, t. III, p. 525-|S26, Paris,
1867.
* Isaïe, I, 59; Jérémie, VI, 10; Exode, VI, 12 et 30, etc.
p. LAFARGUE. — SUR LA CIRCONCISION. AÎ9
leur naissance, leur scarifier les bras et la poitrine le jour de
sa féte^
Ces stigmates étaient le pacte écrit dans la chair du
fidèle qui le liait à Dieu; c'est ainsi qu'on marquait les sol-
dats et les esclaves en signe d'obéissance à leurs chefs et de
propriété à leur maître* La peau de Thomme est le premier
parchemin dont il ait fait usage pour écrire ses contrats.
L'Éternel exigea qu'Abraham circoncît o la chair de son pré-
puce à lui et aux siens, et cela sera pour signe de Talliance
entre moi et vous » . Il insiste sur le caractère de la mutila-
tion. « Tout enfant mâle de huit Jours sera circoncis parmi
vous en vos générations, tant celui né dans la maison que
l'esclave acheté par argent... et mon alliance sera en votre
chair pour être une alliance perpétuelle (Genèse, xvii,
il-14). » Les contrats entre individus prenaient ce caractère
sanglant. Les Arabes, nous dit Hérodote (iii, § 8), engagent
de celte façon leur foi : un médiateur debout entre les deux
contractants leur fait â tous deux, avec une pierre aiguë, une
incision à la paume de la main près des grands doigts. 11
prend ensuite des poils du vêtement de chacun, le trempe
dans leur sang, et en frotte sept pierres placées entre eux
en invoquant Uretal et Alilat.
Pour être consacrées à Huitzilopochtli, les petites filles
avaient leurs oreilles incisées. La petite fille aztec, âgée de
vingt-neuf jours, était déflorée par le doigt du grand prêtre.
Une semblable consécration se faisait chez les Sémites : Baal-
Pehors, que les Israélites adorèrent si fréquemment et si
longtemps, avait, d'après Texplication rabbinique, pour mis-
sion spéciale de déflorer les jeunes vierges, ainsi que le dieu
mexicain : Peho7' signifie hiatus.
Le sang, le sang humain spécialement, était autrefois le
liquide sacré qui liait les hommes entre eux et qui les con-
sacrait à la divinité. Le jeune Australien boit le sang de son
parrain ; les nègres du Congo se jurent amitié en buvant
1 Juan de Torquemada, AJonarquia indiana^ II, 26G, Madrid, 1728.
430 SÉANCE DU 16 juiif 4887.
mutuelletoenl leuir sang; au moyen âge, ott signàll de son
sang le pacte avec le diable, et il arrive encore aux amants
d'écrire avec leur sang des lettres d'amour. On a toujours
attribué au sang humain des propriétés mystiques.
Les Nahuas du Yucatàn et d'autres nations mexicaines ne
coupaient pas le cordon ombilical ail moment de Ift nais*
sahce, mais, ad Jour fixé pat* rastrologne, on le traUchAit dur
un épi de maTs. Les grelins de Tépi arrosé de sang étaient
précieusement conservés et semés en temps voulu : une moi-
tié de la récolte était destinée à servir à la fabrication du
premier aliment solide de Tenfànt, Tautre était donnée à
raslrologue, après avoir prélevé une certaine quantité que
Tenfant devait consacrer* à Dieu et semer de ses propres
mains ^. Le sang humain avait transmis aux grains ses pro-
priétés mystérieuses qu'ils conservaient pendant plusieurs
fructifications. Dans le Nicaragua, on préparait un gâteau
sacré fait avec dtl maïs arrosé de sang provenant d'incisions
faites aux parties génitales *.
L'homme a été la victime la plus agréable â la Divinité; il
fallut de longs siècles avant que Dieu permit qu'ori lui sub-
stituât l'animal dans les sacrifices divins. Les mythes si connus
d'Isaac et d'Iphigénie montrent que les dieux de races aussi
supérieures que les Juifs et les Hellènes étaient tout aussi
sanguinaires que les dieux des Aztecs. La circoncision et les
autres mutilations faites sur le corps de Tenfant n'étaient
que des atténuations des holocaustes humains. On immo-
lait d'abord les enfants, puis on se contenta de leur amputer
des phalanges, de les circoncire ou de les scarifier pour les
consacrera la divinité. Les sauvages habitants de la Nouvelle-
Galles amputent aux petites filles deux phalanges du petit
doigt de la main gauche ; le mot qui désigne cette opération,
malgum, signifie couper pour protéger. En effet, on sacrifiait
une partie de Tenfant, son prépuce, ses phalanges, ou une
certaine quantité de sang pour le sauver tout entier. C'est
« H. Bancpoft, loc. cU.y II, 679.
« Banoroft, /oc. df., III, 507.
p. LAFARGUE. ^ StJR LA CIRCONCISION. 431
ainsi qtié LyôUtgue, ie |)ôt*9oniiage légendaire à qui les La-
cédémoniens attribuèrent l'invention de toutes leurs institu-
tions, ordoniia de fouetter Jusqu'au saUg les enfants, qui au-
trefois étaient immolés sur Tàutet d'Artémis Orthia.
Rite purement religiéUlc, la circoncision présente deux
caractères t elle est le signe matériel de l'alliance de Thomme
avee la divinité ', lorsque le vassal jurait fidélité à son suze-
rain, il lui apportait une taotte de sa terre, lorsque le Mexi-
cain ou llsraélite jurait fidélité à son Dieu, il lui apportait
un morceau de sa chair. Elle marque, ainsi que les sai^riflces
des animaut, radoucissement des cultes primitifs ; on immo-
lait d'abord la créature humaine, on lui substitua Tanimal,
et l'on Se contenta de faire à la première une légère muti-
lation. Mais la circoncision peut affecter une autre forme,
dans laquelle se combinent les deux caractères de rite social
et religieux constatés précédemment.
IV
Le dieu d'Émèse, que Tempereur Élagabale introduisit à
Rome, était adoré en Syrie sous la forme d'une grosse pierre
conique, tombée du ciel, disait-on: cette image grossière du
dieu sufflrait pour le classer parmi les dieux primitifs, si les
rites sanguinaires de son culte ne démontraient pas sura-
bondamment son extrême antiquité. Le jour de sa fête, le
grand prêtre jetait sur son autel des phallus humains ; Dion^
qui rapporte le fait, ne nous dit pas sHls étaient enlevés à
des cadavres ou à des hommes vivants : c'était l'offrande la
plus sainte qui pouvait lui être présentée *.
La déesse d'Hierapolis, ainsi que les grandes déesses pri-
mitives des peuples méditerranéens, qui semblent toutes
avoir une même origine égyptienne, était honorée par la cas-
tration que ses fidèles pratiquaient en public les jours de
grande cérémonie '. Les prêtres de la Mère des dieux s'am-
* Dion Gassius^ Histoire romaine ^ Ht. XXIX, § 11.
* Lucien, ta Déesse syrienne^ § 32j 50, 51.
432 SÉANCE DU 16 JUIN 1887.
putaient les parties viriles {virilitaiem amputare) avec un tes-
son de poterie de Samos *.
Les anciens^ pour expliquer l'origine de cette féroce céré-
monie, avaient imaginé différents mythes^ dont un. des plus
célèbres est celui d'Attis. Cybèle, furieuse de ce que le ber-
ger phrygien, qui s'était voué à son culte, avait eu des rap-
ports avec la nymphe Sangaris, fit périr la naïade et rendit
fou son amoureux. Poursuivi par les Furies qui le lacèrent
de coups, Attis s'enfuit dans les bois et, afin d'échapper à
ce supplice, il ampute sa virilité avec une pierre tranchante,
80X0 acM^o, rapporte Ovide [Fastes^ iv). Pareille aventure semble
être arrivée au dieu Osiris, car dans le Rituel funéraire des
anciens Égyptiens^ il est parlé « du sang qui tomba du phal-
lus du Dieu-Soleil, lorsqu'il eut achevé de se couper lui-
même » ^. Peut-être Osiris, ainsi qu'Attis, ne s'était-il mutilé
que pour apaiser sa sœur et son épouse Isis. La mythologie
grecque possède aussi une éviration divine : Uranus fut éviré
par son fils Saturne, sur Tordre de sa femme. Il est extraor-
dinaire de voir, dans les mythes d'Egypte, de Grèce et d'Asie
Mineure, les évirations de dieux ordonnées non par des dieux
jaloux, mais par des déesses. Ammien Marcellin a conservé
une tradition qui rapporte à Sémiramis, c'est-à-dire à une
reine amazonienne, le triste honneur d'avoir la première
fait pratiquer la castration (xiv, 6).
Ces mythes et ces traditions n'ont pas été enfantés dans
l'imagination fantaisiste des prêtres et des poètes sacrés ; ils
sont les souvenirs, religieusement conservés, des mœurs
féroces du passé. Apollon, le dieu de la lumière et de l'art,
écorchant tout vif Marsyas, qui avait osé lui disputer le prix
de la musique, semble une histoire inventée à plaisir par
quelque malencontreux rapsode cherchant à réveiller Tat-
tention de ses auditeurs : un tel acte de férocité n'a pas été
1 Pline, Histoire nalureile,XKXW, § 46.
* F. Gbabas, De la circoncision chez les Égyptiens {Revtie archéologique ^
1861). E. de Rougé, Biluel funéraire des anciens Égypliens^chsip, XVII,
16 {Revue archéologique, 1860),
p. LAFARGUB. — SUR LA CIRCONCISION. 433
imaginé; il n'a été attribué à un [dieu que parce qu'il était
d'occurrence fréquente aux temps où se formaient les légendes
des dieux. Assur-Nazir-Pal, un des puissants conquérants
ninivites, un des héros de la civilisation assyrienne, grand
bâtisseur de palais et de temples, fit graver l'histoire de ses
exploits sur les portes de son palais ; une inscription porte :
« J'ai amené à Ninive Aheabab (le chef des révoltés de la
ville de Saru), où je le fis écorcher, et j'étendis sa peau sur
le rempart de sa ville. » Un des bas-reliefs de Sargon repré-
sente un prisonnier mis en croix et en train d'être écorché
tout vif ^ Les dieux ne sont que les singes des hommes, leurs
légendes doivent donc reproduire les vices et les cruautés
de leurs prototypes.
Ces évirations ordonnées par des déesses sont autant de
preuves de Tépouvantable férocité de nos ancêtres sémites et
aryens, et de la domination sociale exercée autrefois par la
femme. Les Hellènes se débarrassèrent de la suprématie fémi-
nine dans les temps héroïques, mais les Egyptiens la conser-
vèrent jusqu'aux temps historiques, en la dépouillant seule-
mentde soncaractère sauvage.Les mœurs s'adoucirent d'abord
dans la vallée du Ni) ; ainsi aux fêtes dlsis à Busiris, tandis que
les Cariens qui habitaient TEgyple en étrangers, se taillaient
le front avec leurs épées, les Egyptiens se contentaient de se
fouetter * : les Cariens avaient préservé les antiques usages
que les Egyptiens avaient atténués. L^Asie antérieure, le
champ de bataille des races, des religions et des civilisations
de l'Orient et de l'Occident, conserva aux cultes des déesses
et des dieux les rites barbares qui, en pleine civilisation
gréco-romaine, se propagèrent dans Titalie et la Grèce.
La taille à fleur de ventre était sans doute la seule muti-
lation qui pouvait satisfaire les déesses aux mœurs amazo-
niennes ; leurs prêtres, non seulement devaient porter le
costume féminin, mais encore avoii* Tapparence corporelle
I Histoire ancienne de VOri$nt, t. IV, chap. v, S %t par F. Lonormant,
continuée par F. Babelon, 1885.
s Hérodote, II, § 61.
T. X (3« sârib), 28
434 sÉANCi: py iÇ juin \^1.
c|9 la flippe. On substitua d'abprd la castr^Uoaà Téviration, k
cause des moindres dangers qu'elle présentait, l^ circoncision ,
la seule mutilation à laquelle s'astreignaient scrupuleusement
Iqs prêtres égyptiens, pourrait être une forme plus at^nuée
encore de Véviration, et ce qui tendrait à le prouver, c'est
que Teippereur Elagabale, qui était graqd prêtre de la divi-
pit^ d'Emèse, et qui {jurait dû être dévirilisé pour avoir la
Çgure de sa fonciion sacerdotale, n'ayant pas le coulage d'am-
puter s^ virilité ni même de se fairç chât^e^*, mit s^ conscience
en repos en se faisant circoncire (Dion Cassius^ loc, crt.J.
Leibnilz dirait que si l'homme avait intérêt à prouver que
le carré de Tbypoténuse n'est pas égal à la somme des
carrés construits sur les deux autres côtés du triangle; il
s'arrangerait pour le démontrer. L'esprit de l'hopime souffle
où il veut ; il accepte toutes les tâches et surmonte toutes
les difficultés : il a fait pl^s que renverser un théorème géo-
métrique, il a légitiqjié ces mutilations .irrationnelles et anti-
naturelles.
L'empereur Julien, avec une philosophie bien sophisti-
quée, s'était constitué le champion des dieux païens ridicu-
lisés et démodés ; il nous fournit l'explication éthique des
mutilations religieuses qui soulevaient la juste indignation
de saint Augustin et des docteurs de l'Eglise. « La fable
d'Attis, écrit-il, signifie que la mère des dieux qui gouverne
les êtres soumis à la génération et à la corruption, s'est prise
à aimer la cause énergique et génératrice de ces êtres \
qu'elle lui a ordonné d'engendrer dans l'ordre spirituel et
d'avoir commerce avec elle, à l'exclusion de toute autre, tant
pour conserver une salutaire unité que pour éviter la propen-
sion vers la matière. » Plus loin il avertit que l'hiérophante
athénien de la déesse, qui se gardait bien de soumettre son
corps au rite barbare de Téviralion, « s'abstenait de toute
génération... pour maintenir pure et sans altération la sub-
^ Un phallus gigantesque ornait Bon temple à liiérapolis; un prèlre,
huche k son sommet, lui transmettait les prières des fldèles qui venaient
apporter leurs offrandes^
slance flpie, perpéluellQ et enfermée dang runitév, Ju^ea
mettait en galimatias néo-platonicien les coutumes barbare?
qui survivaient h un passé depuis longtemps disparq, cpmma
Eratosthène et d'autre3 avaient mis les fables mythologiqne^
çn galimatias météorologique et astrologique, réédité e^
considérablement amplifié par les mytholo|;ueft pAoc^eçnçs.
Cfi$ épouvantables mutilations devenaient des symbolç^
moraux qui prescrivaient de se a mutiler, non du corps, mais
de tous les appétits déraisonnables de Tâme, et de tous les
mouvements superflus et inutiles à la c^use intelUg^uta n *.
Le symbolisme moral de ces mutilations, rapporté par
Julien dans la langue philosophique du Bas-Empire, la
Bible Ta traduit dans la langue métaphorique de TOrient. Le
peuple d'Israël proclame impur tout ce qui n'est pas circon-
cis : l'esclave acheté hors du pays devait être circoncis ainsi
que Vétranger pour être admis aux festivités de la Paque
{Gen.y xvii, 12 ; Exod.y xn, 48) .L'arbre lui-même devait être
circoncis. Tout arbre fruitier qu'on plantait était considéré
pendant trois ans impur, le fruit était son prépuce; à la
quatrième année, il fallait l'offrir à TEternel pour le purifier
{Lév., XIX, 23-;3i). Quand Moïse veut témoigner 4e son indi-
gnité pour la mission que lui impose l'Etemel, il dit : Pha-
raon m'écputera-t-il, moi qui suis incirconcis des lèvres?
{Esçod,^ VI, 12 et 23.) Jérémie ordonne aux habitants de Jéru-
salem de a se circoncire à l'Eternel, d'enlever les prépuces
de leurs cœurs » pour que sa fureur ne sorte pas comme un
feu (iv, 4). La circoncision devient le symbole de la pureté :
Réjouissez-vous, habitants de Jérusalem, s'écrie Isaïe, car
l'incirconcis et le souillé ne séjourneront pas pc^rpii vous
(lu, 1). L'Eternel menace de sa colère ceux dont le coeur
est incirconcis {Lév,^ xxvi, 41); mais il promet les biens de la
terre à ceux dont il circoncira le cœur (Deut,, xxx).
Pour résumer. La circoncision présente des caractères
nettement tranchés suivant les classes et les peuples chez qui
* Julien, Sur la mère des dieux, § 4, 8j 10, traduction E. Talbot.
436 8ÉÀMCB DU 16 JUDi 1887.
on l'observe. Dans les classes sacerdotales de l'Egypte et de
TAsie antérieure, elle est probablement la forme la plus at-
ténaée d*horribles mutilations pratiquées pour bonorer les
premières déesses. Les peuplades sauvages font de la cir-
concision un des rites de Finitiationà laclasse des guerriers*
Chez d*autres peuplades barbares, elle est une cérémonie
religieuse, un hommage rendu à la divinité, toujours mal-
faisante et cruelle, à qui il faut sacrifier une partie pour con«
server le reste ; elle est la marque ineffaçable du contrat
entre Thomme et Dieu.
L'teflaenee ém Mllfea siur les peuples de l'Aale «Miirale ;
Pia K. DB UiFALVT
(Lue par M. Manoavrier).
0 A une époque dont Tanliquité prodigieuse échappe à
toutes nos chronologies, au milieu des monstres gigantesques
qui se disputaient la possession de notre sol, apparut un être
faible et chétif, nu et sans armes, soutenant à peine, au jour
le jour, son existence famélique, et ne trouvant dans le creux
des rochers qu'un refuge insuffisant contre les dangers in-
cessants qui venaient l'assaillir. Au calcul des choses ordi-
naires, cet être paraissait privé de tout ce qui, dans la ba-
taille de la vie, assure la survivance des espèces ; entouré
d'ennemis nombreux et terribles, dénué de moyens d'atta-
que et de moyens de défense, exposé, pendant sa longue et
débile enfance, à toutes les agressions, à toutes les vicissi-
tudes, il semblait voué à la destruction par une nature ma-
r&tre. Mais il possédait deux merveilleux instruments, plus
parfaits en lui qu'en toute autre créature : le cerveau qui
commande et la main qui exécute. A la force brutale, jus-
qu'alors reine du monde, il opposait rintelligence et l'adresse,
][Utte grandiose, où, suivant l'expression du poète, ceci de-
vait tuer cela. Les espèces colossales des temps géologiques
ont disparu ; l'homme est resté ; il a vaincu tous ses rivaux,
vaincu la nature elle-même, et à cette place où nous sommes.
DE UJPALVY. — LB8 PEUPLES DE l'aSIE CENTRALE. 437
là OÙ jadis d'une main novice il taillait ses premières armes
dans le silex roulé par un fleuve encore innomé, il étale
aujourd'hui les splendeurs de l'Exposition universelle. »
Ces paroles éloquentes furent prononcées par Paul Broca&
Touverture du Congrès des sciences anthropologiques, qui
tenait ses assises à Paris en 1878. Il est certes difficile de rendre
un plus superbe hommage à la puissance de Tintelligence hu-
maine. Par son cerveau et par son adresse, Thomme occupe
une place à part, une place dominatrice au-dessus de tous les
animaux ; il est le plus apte de tous les êtres vivants à affron-
ter toutes les vicissitudes de la vie, et certes c'est à son génie
seul qu'il est redevable de la survivance de son espèce.
Gomme Broca le dit si bien, le premier obstacle que Thomme
primitif rencontrait sur son chemin, c'était une nature le
plus souvent marâtre, qui lui disputait à chaque pas les pro-
grès accomplis à la sueur de son front. L'observateur judi-
cieux qui parcourt une galerie d'objets préhistoriques, peut
seul se faire une idée de cette odyssée de l'enfance humaine.
Il y a quelques jours à peine, un savant académicien,
M. Gherbuliez, que sessagaces observations ont rendu philo-
sophe, écrivait dans un recueil périodique : « On a remarqué
depuis longtemps que les grands voyageurs sont enclins au
scepticisme et fort réservés dans leurs jugements. Ils ont con-
staté, en courant le monde^ l'infinie diversité des institutions
humaines et que chaque nation a sa politique, ses opinions
et sa morale, que rien n'est absurde et que rien n'est par-
fait, que les lois d'un peuple s'expliquent par ses mœurs et que
ses mœurs s'expliquent par les influences de son climat^ par la
configuration de son territoire, par ses origines, par son génie
propre et aussi par les circonstances, par les accidents de sa
destinée. »
Le génie de l'homme est donc avant tout influencé par le
pays qu'il habite : il dépend donc de sa glèbe, et sa civilisa-
tion est régie par la configuration et le climat de sa patrie.
Ce sont là d'étemelles vérités, que des géographes comme
Bitter et HumboWt, et eurtowt Iç regretté Q$mv Peacbel, opt
43S SÉANCE ûiî <B imn 1887.
dêifa'ônltéê^ de là ftçon la plud itigénieuse et la plus probante.
Avant de décrire un peuple dans sa conlplexion physique,
dans seâ ciroyances, ses tnœurs et soft histoire, il faut coû-
naîtte la Halure du sol qui lui sert de patrie ; là description
dé cette natut^e est donc de la plus haute importance, elle
nous aidera à résoudre bien des énigmes qu'une observation
superficielle aurait laissées dans Tombre. Nous allons essayer,
dand les pageè i^uivantes, d*esquisser une rapide description
géographique de l'Asie centrale. Marchant sur les brisées de
Richlhofen, il ttous sera facile de dérouler devant les regards
de nos lecteurs un tableau curieux qui lui révélera une série
de particularités dand la vie des peuples dont il aurait cher-
ché inutilement les causes ailleurs.
Ce sera Thonneur éternel du géologue allemand d'avoir le
premier donné une définition vraiment scientifique de TAsie
centrale. Jusqu'au moment où apparut son grand ouvrage sur
la Chine, bien des géographes, et non les moins réputés, avaient
tenté de résoudre ce problème. Ritter, Humboldt, Klaprothet,
plus récemment, Khanikoff, essayèrent de déterminer les li-
mites de TAsie centrale. Pendant de longues années, on avait
pris pour d'immuables vérités les ingénieuses théories d'Hum-
boldt sut des chaînes de montagnes parallèles, coupées
presque à ahgle droit par d'autres chaînes verticales, qui
subdivisaient le continent asiatique. Ritter, le plus grand
géographe peut-être du siècle, élaya la théorie d'Humboldt
de sa vaste et puissante érudition; Klaproth, qui avait
déjà découvert tout un archipel sans quitter son cabinet
dé travail, imagina la prodigieuse mystification du voyage
d'Un barott allemand en Asie centrale, mystification que Grô-
gorieff h'eut pas de peine à percer à jour ; enfin, Khanikoff
crut devoir assimiler les bassins intérieurs du plateau de
l'Iran & cent de l'Asie centrale. On avait ainsi dépassé déjà
les limites de la dépression aralo-caspienne, que presque
tous les géographes désignaient sous le nom d'Asie centrale,
au même titre que le bassin du Tarym et le désert de Gobi.
Riohthofen fut donc le pfemiel' qui débrouilla cet écheveau ;
DE UJPALVY. — LES PEUPLES DE l'ASIE CENTRALE. 439
se basant sur des Considérations géologiques, il détermina
les limites de la véritable Asie cehtrale; il subdivisa la con-
trée asiati(|ue en trois zones bien distinctes : 1* une zone
centrale ; â** Une zone (périphérique ; 3<»une zone de transi-
tion. Dans la zone centrale, tous les produits de la décom-
position chimique od de la destruction mécanique des pierres
et des t^oches demeurent en place ; dans la zone périphé-
rique, ces mêmes produits sont emportés vers TOcôan ; d'un
côté, il se fait un dépôt, une concrétion subaérienné ; de
l'autre, ce même dépôt se fait à Taide de Teau courante ou
stagnante. Dans la zone centrale, tout tend au nivellement
de la surface du sol; dans la zone périphérique» nous voyons,
au contraire, des dépressions profondes labourées par les
eaux ; dans la zone centrale^ Tévaporation dépasse Thumi-
dité ; dans la zotie périphérique, c'est Thumidité qui dépasse
Tévaporation. Le contraste entre ces deux zones est patent.
Un signe caractéristique de la zone intérieure est la présence
du sel, qui recouvre partout le sol; les lacs mêmes en sont
saturés et la sève des arbres en déborde. La zone inté-
rieure est un vaste steppe^ souvent un désert de cailloux ou
de sable; les oasis sont rares, et leur existence dépend de
Tactivité de Thomme qui doit les disputer à une nature en-
vahissante. Cependant le signe le plus caractéristique de
ces contrées est la présence du loess^ qui doit son existence
à une concrétion subacrienno. Richthofen fut le premier qui,
lors de ses voyages en Chine, constata Texistence de cette
formation géologique, laquelle, par sa fertilité extraordi-
naire, exerce une influence prépondérante sur les destinées
de la Chine septentrionale. Le loess qui, dans les contrées
rhénanes, est connu depuis longtemps, n'attira, en Asie cen-
trale, l'attention d'aucun voyageur avant l'arrivée du
géologue allemand. Celte particularité de terrain, qui est
facilement reconnaissable à sa porosité, aux conduits capil-
laires qui le traversent partout perpendiculairement, sem-
blable à des vides laissés par des plantes et des racines
disparues, et . à l'absence complète des couches super-
UO 8ÈAKCE DU 46 JUIN 1887.
posées, doit son origine à une triple influence subaérienne.
Le loess se forme par la désagrégation des pierres et des ro-
ches occasionnée par Teau pluviale, par les détritus des
Tégétaux emportés par le vent en fine poussière, enfln par
des ingrédients minér&ux que les racines des herbes em-
pruntent à la terre au moyen d'une diffusion des liquides et
qu'elles déposent sur le sol après leur décomposition ; le
loess f qui au centre de l'Asie se distingue par un caractère
saumàtre — car les plantes ont eu soin d'attirer les sels des
profondeurs à la surface du sol — est soumis à un procédé
de lessivage, au moyen deTirrigation naturelle ou artificielle,
et se transforme ainsi en terrain d'une fertilité vraiment sur-
prenante. La même terre encore saumâtre, dans les steppes
de l'Asie centrale et de la dépression aralo-caspienne^ de-
vient le meilleur terrain agricole et horticole dans les oasis,
grâce à l'irrigation due au génie humain ; il en est de même
dans certaines parties de la zone de transition, où des cours
d'eau puissants viennent corroborer les efforts de l'homme.
11 n'est pas dans nos intentions de nous étendre ici sur les
transformations géologiques successives auxquelles l'Asie
centrale doit son climat sec et continental par excellence,
n suffit de jeter un regard sur la configuration de ces con-
trées, pour se convaincre que le triple môle du Kouen-Loun,
des monts Karakorum et de l'Himalaya, ne permet point
aux vents humides du sud de pénétrer dans ces régions, que
les ramifications orientales de TAltaï ne protègent qu'impar-
faitement contre le septentrion. Tous ceux qui voudraient
s'éclairer sur les différentes phases de transformation d'un
bassin sans écoulement en un bassin avec écoulement, phases
qui sont déterminées par des influences climatologiques et
dans lesquelles le loess joxxe un rôle important, je les renvoie
à l'ouvrage de Richthofen, où ils trouveront tous les éclair-
cissements désirés.
Avant d'aborder la description des zones intérieure et
de transition dont l'ethnologie nous intéresse avant tout,
disons cependant que la configuration du sol a exercé une
DE UJPALVY. — LES PEUPLES DE l'aSIB CENTRALE. 444
influence capitale sur les habitants de ces zones ; ces peu-
ples ne peuvent être que nomades et pasteurs, la vie
sédentaire y étant due à des moyens artificiels. La zone
périphérique , au contraire , abonde en contrées riches
et fertiles; la nature y collabore avec Thomme, le sol y
est pour beaucoup dans le développement intellectuel et
moral de ses habitants. La dépression aralo-caspienne,
le bassin du Syr et de TAmou, constituent la partie occiden-
tale de la zone intermédiaire. Le sol y est aujourd'hui un
vaste steppe saumâtre, qui ressemble beaucoup aux steppes
de la zone centrale ; cependant Tancienne mer intérieure
s'est relativement retirée depuis si peu de temps, qu'à Tex-
ception de ses bords, la majeure partie du sol est restée
inaccessible à la culture. Ce caractère intermédiaire, de
transition, se manifeste aussi au point de vue ethnogra-
phique. Cette contrée fut toujours un lieu de passage, con-
sidéré comme tel par les nombreuses peuplades venues de
TAsie centrale ; les maîtres y changent souvent, et nous n'y
rencontrons point cette stabilité qui caractérise les empires
de la zone périphérique et qui est la condition sine qua non
de toute civilisation durable.
Il ne rentre point dans le cadre de ce travail de donner
une description géographique détaillée des contrées dont
nous allons essayer de dépeindre les habitants. Nous voulons
seulement attirer l'attention de nos lecteurs sur l'influence
vraiment extraordinaire exercée, par la configuration de
l'Asie centrale, sur la destinée de ses habitants, ainsi que sur
l'extension des terrains de loess qui constituent un si puis-
sant facteur de culture et de civilisation. Entourée de toutes
parts de chaînes de montagnes presque infranchissables,
l'Asie centrale ne possède que deux issuesj la porte Dzoun-
gare au nord-ouest et le passage de Yumœnn au sud-est. Les
peuples nomades et pasteurs de ces contrées choisirent sur-
tout ce dernier débouché, qui leur permit d'atteindre en
quelques jours de marche les plaines riches et fertiles de la
Chine, Cq fait nous explique comment h ^stndQ migration
442 SÉANCE DU 10 JULN 1887.
des peuples ne s'est effectuée (ju'i Une date relativement
récente dans l'histoire de l'humanité. Dans le troisième
siècle avant notre ère, les Chinois, las des incursions bar-
bares qui compromettaient à chaque instant leur prospérité,
construisirent la grande muraille, opposant ainsi une digue
presque infranchissable au flot des envahisseurs. Alors celui-
ci dut se porter ailleurs, et, débordant par la porte Dzoungare,
il submergea la Sibérie occidentale et la dépression aralo-
caspienne, franchit les monts Durais, et vint battre de ses
rafales jusqu'aux contreforts orientaux des Alpes. La con-
struction de la grande muraille de Chine fut un des évé-
nements les plus mémorables de l'histoire, et on peut dire,
sans être taxé d'exagération, que cet événement détermina
la chute prématurée de l'empire de Rome ; il fut aussi ca-
pital pour la connaissance de l'histoire du Céleste-Empire, car,
à l'abri des incursions barbares, les historiographes chinois
purent songer à fixer leurs impressions et à les transmettre
à la postérité. Grâce aux Chinois, dont les récits se distin-
guent par l'exactitude, la précision et la sobriété, nous
sommes à mêriie de nous procurer quelques renseignements
sur ces temps reculés, renseignements précieux que la dif-
fusion et le caractère purement légendaire des anciennes
annales turques ne viendront pas infirmer.
A peine la grande muraille était-elle construite que déjà,
au deuxième siècle avant notre ère, les annalistes chinois
nous fournissent des renseignements précis et détaillés sur la
carte ethnographique de l'Asie centrale. Au sud du lac LoB,
dans les régions autour de l'importante oasis de Khotan,
d'après Rlchthofen le berceau ^des Chinois, les enfants de
l'empire du Milieu rencontrent encore des races congénères;
depuis Yarkand, à l'est du Pamir, jusqu'à Tourfan, au sud des
monts Célestes , les oasis sont occupées par les longues
figures de cheval, au nez proéminent et aux yeux enfoncés
dans leurs orbites; à l'est, les Youé-Tchl, probablement
d'origine tibétaine, se sont fixés dans la partie la plus impor-
tante du défilé de Yumœnn. Le peuple turc des Hioungnous
DE UJPALVY. — Les PEUPLES DE L'aSIE CENTRALE. 443
fait paîtl-e ses Iroupeaut dans la dépression pierreuse du
Chamô; des Tongouses^ chasseurs et pêcheurs, s'étendent
depuis la vallée de l'Oussouri jusqu'à la côte de la mer du
Japon; enfln les Mongols, appelés sous peu à Tempire du
monde, mènent une vie patriarcale et paisible, autour du lac
Baïkâl. Richthofen pense que la patrie primitive des Turcs
ne se trouvait point dans les monts Altaï, d'où les font partir
leurs légendes, mais plutôt dans les contrées entre TAmour,
la Létla et la Séletigha, où, à une certaine époque, ils habi-
taient à côté de leurs frères, les Mongols et les Tongouses.
ttîen ne prouve que les Yakouts aient jamais émigré vers le
nord ; il est plus que probable qu'ils sont toujours restés dans
leur patrie primitive.
Peu de temps après la construction de la grande muraille
de Chine, les HioungnoUs quittent leurs pâturages et se jettent
sur leurs voisins, les Youé-tchi, qu'Us refoulent vers les val-
lées dzoungares, où ils sotlt bientôt remplacés par les Ou-
souns, population blonde aux yeux bleus sur l'origine de la-
quelle les savants n'ont jamais pu tomber d'accord. Nous
verrons par la suite le rôle anthropologique important que
les OusoUns sont appelés à jouer en Asie centrale. Ce peuple
curieux a disparu comme un météore dans le firmament de
l'histoire, mais son passage a laissé des traces palpables, et,
grâce aux annales chinoises, il n'est point permis de douter
de son existence. L'empire des Hloungrtous s'écroule sous les
attaques répétées de la Chine. Les Hloungnous se scindent
en plusieurs parties, dont Tune envahit la Dzoungarie,
émigré jusqu'au cours supérieur de l'Irtich et jusqu'au lac
Balkach, tandis que les autres, demeurant en Asie centrale,
sont absorbés par les vainqueurs. A ce moment, un nouveau
peuple fait son apparition sur la scène de l'histoire ; les
Sien-Piy de race coréenne, anéantissent les derniers restes
de l'empire des Hioungnous et établissent leur pouvoir sur
toutes les tribus turques, qu'elles forcent à se retirer vers
l'ouest ; cette nouvelle poussée oblige les Ousouns de quitter
l'Asie centrale à la fln du quatrième siècle et de chercher un
444 SÉANCE DU 16 JUIN i887«
refuge éphémère en Dzoungarie. Pendant deux siècles en-
tiers, les Sien-Pi, parmi lesquels les Youan-youan^ ont été la
tribu la plus puissante, et sont restés les maîtres de TAsie cen-
trale ; puis ils disparaissent de Thistoire et nul ne sait ce qu'ils
sont devenus. Successivement surgissent les peuples turcs
desToukious, des Kweï-hé, des Ouïgours et des Kirghises;
ils se pourchassent et imposent à tour de rôle leur nom aux
vaincus ; au septième siècle, la tribu tibétaine des Toufans
apparaît, son pouvoir est de peu de durée; car déjà la peu-
plade tongouse des Khitans, forcée de quitter la partie orien-
tale de l'Asie centrale, leur arrache Thégémonie. Enfin, au
treizième siècle, Gingis-Khan survient et fonde son empire
du monde.
Depuis l'empire, aussi considérable qu'éphémère des Mon-
gols, TAsie centrale n*a été le théâtre d'aucune nouvelle mi-
gration ; ce résultat surprenant est dû exclusivement à la
politique chinoise, qui, en imposant à ces rudes nomades la
religion énervante et abêtissante du lamaïsme, les a rendus
impropres à tout mouvement spontané. Si demain, par un
hasard quelconque, les Tatares, les maîtres belliqueux de
la Chine, à laquelle ils ont imposé leur dynastie, se conver-
tissaient à Tislamisme, nous aurions bientôt, en Europe, de
leurs nouvelles.
Les peuples qui, après une occupation plus ou moins
longue, sont obligés de quitter les vallées fertiles de la
Dzoungarie, poursuivent deux routes différentes : Tune, cô-
toyant le cours de Tlrtich noir, débouche dans les plaines de
la Sibérie occidentale et conduit jusqu'aux monts Durais,
permettant à ceux qui Font choisie de continuer leur vie de
nomades et de pasteurs. Les Huns ont suivi cette route avant
d'envahir l'Europe orientale et centrale. L'autre chemin,
sortant de la vallée de Tlli, contourne les contreforts occi-
dentaux du Thien-chan, et, suivant la périphérie de la dé-
pression aralo-caspienne, mène dans des régions plus tem-
pérées, dans le large bassin de riaxarte,dans celui de TOxus,
et de ce dernier sur le plateau de Tlrçu), Ici Iç courant se di-
D£ UJFALVY. — LES PEUPLES DE l'aSIE CENTRALE. 445
vise de nouveau : une partie, se tournant vers TOccident, en-
vahit la Perse, la Mésopotamie et la Syrie; Fautre, franchis-
sant les défilés de Banian etdeBoIan, submerge les Indes.
Les fils de Gingis-Rhan suivirent les traces d'Attila; puis,
tournant brusquement au sud, ils passèrent par le Mazen-
déran et se jetèrent sur la Syrie. Timour enfin choisit la der-
nière route, ainsi que .celle des Indes, où son petit-fils Baber
fonda Tempire du Grand Mogol.
Aussitôt que les hordes barbares eurent atteint les régions
périphériques, leurs mœurs pastorales se modifièrent et ils
devinrent sédentaires ; la tente du nomade se changea en
maison, son camp se transforma en ville ; au lieu de faire
paître ses troupeaux, il cultiva le sol; il abandonna ainsi la
simplicité de ses mœurs, il apprit à connaître les raffine-
ments de la civilisation, il perdit sa force prime-sautière et
disparut bientôt au milieu des vaincus, mieux appropriés que
lui à la vie sédentaire. Car la culture même veut être acquise
lentement, graduellement, et Thomme, comme les animaux
doit s'acclimater à une nouvelle patrie. Les peuples qui ont
traversé la scène du monde, détruisant tout sur leur passage,
n'ont jamais su rien mettre à la place des ruines dont ils
avaient jonché le sol. L'homme est l'esclave de ce sol, et la
civilisation est le résultat de la terre et du climat. Aussi les
sciences naturelles nous renseignent-elles surabondamment
sur les origines et les causes des migrations, sur la marche
des peuples et sur leur sort dans l'histoire ; elles nous donnent
des renseignements positifs, palpables, à côté desquels les
données spéculatives de la linguistique et de l'ethnographie
ne sont que des jouets d'enfants, aptes à divertir des esprits
oisifs. Loin de moi la pensée de vouloir rapetisser les mérites
des recherches linguistiques faites avec méthode. "Wambéry
a magistralement établi Torigine septentrionale des Turcs
au moyen de la paléontologie de leur langue, à l'exemple de
Piclet, qui a tenté un travail analogue pour établir le berceau
des Aryens.
Richthofen décrit admirablement la différence ethnique
446 SÉANCE DU 16 4U1N 1887.
qui existe entre le bassin du Tarym et la Uzoungarie. Le pre-
mier renferme les vestiges de toutes les migrations qui, sem-
blables aux vagues d'une mer, sont venues se briser, à un
moment donné, contre le môle gigantesque du Kouen-loun, du
PamiretduThian-chan; tandis qu'en Dzoungarie, les peuples,
se pourchassant sans cesse, se sont pour ainsi dire substitués
les uns aux autres. Cette sagace observation de Ricbthofen
est corroborée par mes recherches personnelles* Le Kachga-
rien présente un type des plus curieux, dont le véritc^ble ca-
ractère, à la fois divers et uniforme, est difficile à définir.
Partout le type aryen reparaît et absorbe celui des Turco-
Tatares venus après lui. En Dzoungarie, au contraire, la diffé-
rence entre les Kalmouques, les Chinois, les Dougâns, les Ta-
rentchis et les Kirghises est nette et visible à première vue.
Tandis qu au sud du Thian-chan nous ne rencontrons que
des Kachgariens, terme qui, toute proportion gardée, ert
aussi vague que celui d'Aryen, nous voyons, au pord de celle
môme chaîne de montagnes, une mosaïque de peuples qui
semble s'ôtre formée d hier.
Richlhofen constate la préserfce successive des Ssou, des
Youé-tchi et des Ousouns en Dzoungarie. Ces derniers, enva-
hissant bientôt les contrées périphériciues de la dépression
aralo-caspienne, mêlèrent aux Aryens de ces régions un élé-
ment blond aux yeux bleus dont l'existence sporadique peut
être encore constatée aujourd'hui. C'est donc aux Chinois seuls
que nous devons tous ces précieux renseignements.
Nous arrivons à l'action bienfaitrice des terrains de loess.
Hélas 1 l'eau pluviale est rare dans ces contrées intérieures,
mais, en revanche, le vent est fréquent et la nature lui a
assigné le rôle que l'humidité joue dans la zone périphérique.
Les grandes oasis du bassin du Tarym, ainsi que celles de
la dépression aralo-caspienne, doivent leur existence à la puis-
sance des cours deau au bord desquels elles sont situées ;
mais leur fertilité extrême est due exclusivement à l'irri-
gation artificielle qui donne au sable la faculté de retenir la
poussière argileuse amenée par le vent, et cette dernière fait
DE UJFALVY. •— LES PEUPLES DE L^ASIB CENTRALE. 447
pousser la végétation avec une exubérance étonnante.
L'action du vent est si grande dans toutes ces contrées,
qu'elle profite des causes les plus miDiines pour emporter
les produits de la sécrétion subaérienne. Les fleurs du sel, dit
Richtbofen, la gelée, le pied d'une gazelle, le sabot d'un
âne sauvage, les pas d'une caravane, les roues d'une char-
rette, sont autant de forces motrices qui amollissent la croûte
superficielle du sol et confient au vent tout ce qu'il peut em-
porter. L'observation que Richtbofen a faite dans le nord de
la Chine sur l'atmosphère imprégnée de poussière faisant
paraître le soleil comme un pain à cacheter, je l'ai constatée
lors de mon passage à Touss, dans le Ferghanah. Cette pous-
sière fertilisatricc, que le vent amène des steppes et que les
habitants d'Iltchi (Khotan) considèrent comme un précieux
engrais, cette même poussière qui détermine la fertilité des
autres oasis du bassin du Tarym produit les mêmes efFcLs dans
le Ferghanah. Le désert entre Namangun et Touss engraisse
au moyen de vents, non seulement les environs de ces villes,
mais encore la belle vallée du Kassan-sou. Je disais, dans
mon récit de voyage paru en 1878, que Touss était affligé
d'un phénomène des plus désagréables pour celui qui est
obligé d'y résider ou d'y passer. Pendant l'été les sables fins
des bords du Syr sont soulevés par le vent dans une telle
quantité, que les nuages de poussière obscurcissent le soleil
pendant plusieurs jours. Je m'élais trompé ; cette poussière
fine des steppes et des montagnes n*esl point du sahle, mais
bien les restes pulvérisés des détritus végétaux, — c'est du
loesSf et ce que j'ai pris pendant 1 elé de 1877 pour un fléau
est par le fait une bénédiction, car celle atmosphère obs-
curcie, épaisse et jaunâtre, pour ainsi dire opaque, désa-
gréable à respirer, est avec Tirrigation la cause principale de
la fertilité du Ferghanah.
Pour ne pas perdre une parcelle de ce terrain précieux, les
Chinois du bassin du lïoang-ho construisent leurs demeures
dans les parois des crevasses profondes formées par le loess.
On rencontre la cabane du pauvre et le palais du riche admi-
448 SÉANCE DU i6 JUIN i887.
rablement appropriés, car le loess est un matériel de con-
struction à la fois sec et solide. Le Pandit Manphul a constaté
Texistence de demeures semblables dans le loeis du Badak-
chân, à plusieurs milliers de kilomètres de la Chine, et le
grand voyageur Marc-Pol avait déjà écrit au douzième siècle
les lignes suivantes : « Cesle cité de Casen a un moult grand
province qui aussi a nom Casen. Ils ont langage par euls.
Les vilains qui ont leur bestail, demeurent en montaignes ;
car ils ont leurs habitations là moult belles et moult grans
dessous terre, en grans caves et les font moult bien, pour ce
que les montaignes sont de terre. »
Ainsi le loess s'étend tout autour de TAsie centrale ; sa cou-
leur jaunâtre est celle de Tair qu'il imprègne, elle devint
pour les Chinois Temblème de la fertilité, leur couleur sacrée
et celle de la famille impériale.
Cest au loess que les êasis du Ferghanah doivent leur fer-
tilité extraordinaire ; c'est sans doute sous une immense
couche de cette môme terre végétale que dorment les ruines
de Maracanda et d'Aphrasiab, aux portes de Samarkand ;
c'est la même terre qui entoure les villes de Tachkend, de
Hodjend, de Turkestan et qui s'étend au pied des monts
Alexandre; le bassin de l'Ui en est rempli, ainsi que Toasis de
Bokhara, les petites principautés du haut Oxus et toute la
région depuis le Badakchan, Talikhan, Koudouze, Khoulm
Balkh jusqu'au petit Khanat de Maïmene. Même la vallée
du haut Indus, le Ladack et le Baltistan sont composés en
grande partie de cette terre fertilisatrice. Lors de mon séjour
àlskardo, en août i881, j'ai été frappé parla similitude qu'of-
fraient la culture et le sol de cette partie de la vallée de
rindus avec les oasis du Turkestan. Ainsi, au centre de
l'Asie, nous rencontrons, malgré son uniformité apparente,
une nature dont la variété ne laisse rien à désirer.
Al'est, en quittant la Chine proprement dite, on entre dans
une vaste région ondulée, émaillée de toufTes d'herbe et jon-
chée de pierres ; en hiver un vent du nord-est fait frissonner
le voyageur, en été une chaude brise l'incommode ; c'est le
DE UJFALVT. --* LES PEUPLES DE L'ASIE CENTRALE. 449
pays de la vie nomade par excellence ; les troupeaux y trou-
vent en abondance une herbe que la qualité saum&tre du sol a
rendue savoureuse ; Teau n*y est pas rare et leglbier y abonde.
Le berceau de presque tous les peuples conquérants de la race
mongolique a donc été dans ces régions; s'abritant sous leurs
tentes, les tribus y menaient une vie patriarcale, bravant les
excès du climat et élevant de rudes enfants, aptes aux priva-
tions et à Ja fatigue. Alors le chef d'une tribu obscure enflamme
ses compagnons et excite leurs dispositions guerrières. Il
éveille leur cupidité, faisant miroiter à leurs yeux les richesses
de contrées éloignées, faciles à conquérir. Les ti'ibus voi*
sines se joignent à lui sous peine d'être écrasées, la horde
des nomades, grossissant & chaque pas^ avance avec une
rapidité effrayante, balayant tout sur sgn passage, semblable
à une tourmente de neige ou à une rafale de sable. Parfois,
quelques tribus coalisées réussissent à entraver cette marche
dévastatrice ; mais, lé plus souvent, elles succombent à leur
tour et le vainqueur continue son chemin jusqu'au moment
où il rencontre un obstacle sérieux qui l'arrête. Le chef de
la petite tribu a réussi à fonder ainsi un empire qui s'étend
sur tout le centre de l'Asie et quelquefois au delà; et bientôt
des rois vassaux viendront lui apporter leurs hommages
dans la grande cité de tentes qu'il aura construite au sud-
est de l'Altaï et qui portera dans 1 histoire le nom fameux de
Kara^Korum. Mais tous ces empires sont d'une durée éphé*
mère, car les mêmes causes produisent les mêmes effets ;
tous ces conquérants partis du berceau commun, c'est-à-dire
de la Mongolie, se succèdent au centre de l'Asie avec une ra-
pidité vertigineuse.
£n quittant le bassin caillouteux du Ghamô nous arri'*
vous daps le désert désolé du Takla-M&kan, qui enveloppe
le lac Lob de son linceul de sable. L'évaporation dépas-
sant le volume d'eau que le Tarym lui amène^ ce lac, autre-
fois si grand que les annales chinoises le comparent à
une mer, se meurt et Prjévalski n'a rencontré, lors de son
voyage, que quelques nappes d'eau saumàtres disparaissant
T. X (3« série). ±9
4M Uànci du It mn tô97..
S61IS des }oti(|« et ddi herities marine», Mioaréea d^un p^ya
aride ob, k eôté de otiftipeaux sauvages, ane Biisérable popu-
lalion d'içlithyopbages dispute son existence famélique à une
nature marfllre. Le Tarym, dontlôMble Tolnme d'eau suffît
à peine à lessiver see rives saumAlres, coule lentement en«
eaiss4 dans des steppes à la surfaee saline qui offre une ex6el«»
lente nourHtnre aux Mtes des nomades. Les maigres bois
de peupliers {Pôpuluê Mvêi^ifoUa) que le» membres de Texpé-
dition du eelenelk(>urapalklnë y ont rencontrés, ont leur sève
imprégnée de sel; et ce dernier jaillit des branches cassées
et saupoudre le sol d'un léger frimas blanc. Ces sleppes sont
entonrés d'oasIS d*une fertilité extraordinaire qui ont fait
donner au Turltestan oriental tantôt le nom de Tempire des
Bix-Villes tantôt eelui de» Sept-Villes. Le DJltichar ainsi que
TAltychar ont été les témoins passifs de toutes les migrations.
La nature est à peu de obose près la même de Vautre côté
du Pamir ; la dépression aralo-easpienne ressemble tellement
au bassin du Tarym^ qu'on est disposé à justifier les géo-
graphes qui l'ont assimilée à TAsle centrale. Des déserts sa-*
blonneux et caillou tenu alternent avec des stoppes herbeux
et de riantes oasis. Il ne faut point croire que ces régions
d'un aspect plat et uniforme manquent de poésie. Le steppe
sec et poussiéreux en été et on automne, blanchi par la neige
en hiver, est merveilleusement frais au printemps. Il est cou«
vert de hautes herbes, émaillées de fleurs rouges, jaunes et
bleues. Puis, quelle animation; quelle vie 1 L'air est rempli
du bourdonnement de myriades d'insectes. Des tortues
innombrables font ondoyer les herbes ; le steppe ressemble à
une immense surface mouvante. Les aigles viennent eu
grand nombre du Thian«Ghan et du Pamir pour dévorer les
tortues inoffensives que leur double carapace ne protège pas
contre ces terribles ennemis. Des troupeaux de gaaeiles tra«
versent la plaine avec des J>onds joyeux ; le lièvre à robe
grise y gambade ; de temps en temps une gerboise y pro*
mène sa patite mino futée. Parfois aussi un loup solitaire, au
poil fauve, la guenla au vent, li^ tangue pendante, se pçor
DE UJFALYT. -^ I.E0 PE0PLB9 Dg i'^tlE CENTRALE. lU
«f)èQ6 tranquillement cherchant pftture, saut s'affrayar de la
vne de rhomma, dont il n*a rien à craindra. Lorsqu'on â^ap*-
proche par hasard d'un de oes petit» Iac9 ai nombreux a«
pied des montagnes de TAsie centrale^ on voit de j^roi p6Ur
oana, des hérans> des grues «t des ibis stores qui s'eovolent
bruyamment quand les contours du magnifique eerf maral
se reflètent dans Teau, Le printemps pare égaldmaat les
xmsis de ses charmes; te gaaon, les arbres, les buissona sont
d*un vert délicat dont les nuances diffârentes se marient si
bien avec la fleur rose de Tamandier et la oorella àcarlat^
du grenadier ; le pommier et le poirier sont en fleur { le phh
tachier s'élève au milieu des jardins où croissent des melotM
succulents, qui firent les délices de Timoui^ ; au milieu de eei
9)êmes Jardins, des vignes forment d'épais taillis et des ton**
nelles presque séculaires qui enchantèrent Baber ; autour des
cités s'étendent & perte de vue des champs de sorgho qui
atteignent une telle hauteur, que des hommes à cheval peu«
vent s'y cacher ; le blé y croît en abondance et partout le
cotonnier montre ses pousses naissantes.
{lemontons le cours des rivières et des torrents et nous
arrivons dans les vallées profondément encaissées du Thtan*
Cban, du Pamir, du Kouen-loun et de l'Hiiadou^koueb. Mal*
gré le caractère rocailleux et aride du paysage, la nature y
conserve une austère beauté. Le bois tordu du genévrier sert
à l'habitant à construire ses maisons, qu'il surélève au-dessus
du sol, comme en Suisse, afin de laisser passer Teau, et dont il
jonche le toit de grosses pierres pour le protéger contre
la tourmente et les avalanches. De beaux noyers lui permet<-
tent de tailler dans leur bois des objets d'ameublement et des
ustensiles de ménage ; le blé le nourrit et de nombreux
arbres fruitiers sont la source d*un commerce d^exportation
auquel se joint celui des fourrures de son gibier,
A une certaine époque de la préhistoire, les Aryens occu-
paient les rives de l'ancienne mer araio-caspienne. Les fer-
tiles vallées de la Bactriane et de la Sogdiane les avaient
rendus sédentaires et agriculteurs. La paléontologie linguis*
45S SÉANCE DU m jum i887.
tique des langues aryennes nous démontre ce séjour en
Bactriane. Etait-ce leur berceau^ comme le croyaient nos
pères? Etaient-ils venus des plaines de l'Europe orientale^
comme le pensent des savants modernes? Je me garderai
bien de vouloir résoudre cette question, qui, à mon avis,
n'est pas encore sortie du domaine de la spéculation* . Adonnés
à la foi de Zoroastre, les Aryens de ces contrées pouvaient
86 livrer en toute sécurité à leurs paisibles occupations jus-
qu'au moment où les hordes turques, débouchant par la
porte Dzoungare, vinrent leur disputer leurs richesses et
compromettre leur indépendance. Il sufQt de |se reporter
aux récits arabes, bien postérieurs à l'époque dont je parle,
pour se faire une idée de la fertilité et de la richesse des
parties habitées de la dépression aralo-caspienne. « Un chat,
dit le dicton oriental, peut aller de Tachkend à Samarkand
sans toucher le sol, en sautant d'un toit à un autre. » 11 est
donc probable qu'à cette époque le steppe de la faim, qui
sépare aujourd'hui les deux grandes cités du Turkestan,
n'existait pas, ou était du moins beaucoup plus restreint.
Les mêmes géographes arabes nous apprennent que les bords
de rOxus, de l'Iaxarte et de leurs affluents étaient parfaite*
ment irrigués et cultivés par les descendants de ces mêmes
Aryens; les steppes désolés du Kizyl-koum et du Kara-koum
étaient à cette époque sillonnés de bonnes routes et n'étaient
> J'ai adopté ropioioD de M. Ricbthofea, et ce De seront certes pas les
attaques absurdes de M. le professeur Penka, de Vienne, qui me feront
changer d'avis. Dans une communication faite à la Société d^anthropologie
le 15 mai 1884, communication intitulée : le Berceau des Aryens (Taprès
des ouvrages récents, j'ai rt>ndu compte dans des termes fort mesurés des
Origines ariacx de M. Penka ; le savant auteur me répond dans un tra-
vail qu'il vient de publier à Vienne : Die Herkunft der Arier. Netie ftet-
trUge zur historischen Anthropologie der europàschen Vôlker, von Karl
Ponka (Wien und ^Teschen, 1886), que je me sers de vulgaires tours de
prestidigitateui* pour exciter, même dans le domaine de la scieuce, le
chauvinisme de ma patrie d'adoption. Je dédaigne de répondre à des
accusations aussi iueptes. Si M. Penka possédait mieux la connaissance
de la langue française, il aurait vu que je n'ai jamais soutenu que les
Grecs avaient été une race petite, brune et brachycéphale ! Mais il est
avéré qu'il n'y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
DE UJFALYT. — LES PEUPLES DE L*ASIE CENTRALE. 453
nullement dépourvus de végétation ; Samarkand, si brillant
du temps du terrible boiteux, devait ètre^ certes, plus su*
perbe encore quand il portait le nom de Maracanda.
Bien avant Tarrivée des Turcs au nord de Tlaxarte, quelques
familles aryennes franchirent le Pamir et s'établirent dans le
bassin du Tarym, dans les hautes vçjlées des rivières de
'Kachgar et de Yarkand. Il est probable qu'un accroissement
de la population, ou peut-être des guerres intestines, les
avaient forcés à franchir ces câpres montagnes. Ces guerres
intestines étaient bien la vivante image des luttes fratricides
des petits Etats grecs, pendant que Xercès menaçait leur in-
dépendance, et des combats dans les rues de Byzance, pen-
dant que Mahmoud était sur le point de forcer ses portes.
Les Aryens établis en Kachgarie se mirent aussitôt à cultiver
le sol en irriguant le sable, espérant qu'un vent fertile leur
apporterait la fécondité dans les plis de sa robe aérienne. En
effet, ce vent emporte tout sur son passage, devenant .ainsi
un des facteurs principaux de la formation du sol. Les colons
aryens se trouvèrent ainsi être les voisins des aïeux des Chi-
nois qui, des milliers d'années avant notre ère, occupaient
les contrées fertiles au sud du lac Lob. ;Les Chinois furent
frappés par les pâles et longues figures de cheval, le |nez
proéminent et les yeux enfoncés dans leurs orbites de ces
Aryens ; de môme que ceux-ci ne furent probablement guère
moins étonnés à la vue de ces faces losangiques, c'est-à-dire
eurignathes, décorées de nez aplatis et de petits yeux obli-
ques.
C'est grâce aux barbares pâles, exécrés et conspués par
eux déjà à cette époque, que les Chinois ont appris sans doute
Vart d'irriguer les champs, art dont ils ont su si admira-
blement tirer profit dans leur patrie actuelle. C'est au con-
tact de ces mêmes Aryens que, des centaines de siècles plus
tard, le peuple turc des Ouïgours a emprunté les rudiments
de son éphémère civilisation. Le Turc n'a jamais rien produit
par lui-même ; jamais^ sans le voisinage des Aryens, corro-
boré par la fertilité du sol au sud et au nord du Tbian-Cban
454 sÉANCfi DU 16 JUIN 1887..
oriental, les OuXgoura n'auraient réussi à jouer Timproinpia
dont ils ont enrichi rhistoirô*
Cependant Tinfluenca seule du climat ne suffit pas tou-^
jours à transformer un bassin sans écoulement en un bassin
aveo écoulement, et vies versa. Les tremblements de terre,
si fréquents en Asie centrale, exercent aussi une grande in-
fluence sur la conformation du sol ;. ainsi StoUczka attribue
rabaissement relativement récent du bassin du Tarym, au
pied du Thian-Ghan, à des causes volcaniques ; ce même re*
grelté géologue a constaté la présence du loess dans la vallée
du Yarkand'Deiia, où Tatmosphère, remplie de cette ma*
tière, remplace Taclion bienfaisante des nuages saturés
d'humidité» Johnson a fait la même observation pour Toasis
de Kbotan, et Punipelly pour la Mongolie. Richthofen pense
que la haute vallée du Brahmapoutre^ ainsi que celle de
rindus^ sont également composées de loesSé Mais un des
plus puissants facteurs dans la transformation du sol est
Thomme lui*môme ; en subdivisant à TinAni, au moyen de
rirrigation, Teau descendue du Kouen-Loun, du Pamir et du
Thian-Ghan, il a^ pour ainsi dire, créé des oasis dont per<«
sonne ne saurait décrire la merveilleuse fertilité : des arbres
fruitiers, des mûriers, des légumes de toute espèce, des
céréales, des plantes oléagineuses et textiles, croissent à sou-
hait, et il se forme rapidement des industries qui, créant des
articles d'exportation, permettent aux habitants de se pro-
curer le thé et le sucre qui leur manquent. Mais, hélas!
l'homme n*entrave point impunément l'action puissante de
la nature» Celle-ci reprend son empire d'une façon lentc^
mais sûre ; les rivières, épuisées par Tirrigation, roulent
leurs flots afTaiblis dans un lit prêt à se dessécher ; Tévapo^
ration l'emporte sur la masse d'eau courante ; la végétation,
qui autrefois permettait aux nomades de faire brouter leurs
troupeaux dans ces contrées, se rabougrit ou disparaît en-
tièrement de ces rives; le sable, jusqu'alors peu considé-
rable, augmente, recouvre le terrain, et bientôt, dans sa
marche destructive, s'attaque (à l'œuvre de l'homme ; des
DE UJFALVT.^" iEp P^UI^BS DB Ii'aSIE CENTRALE. 4BK
iôurbillong de sable mouvant détruisent en on oUn d*œil If
produit de lo|igu69 années de lebenri et si| à la suite dei
guerres intestines ou dos Qombats livrés à des bordes enva^
hissankeS) il ne peut opposer à la nature une résistanoe jour^
nalièrei il suocombe) et celle-ci, reprenant ses droits^ en-
sevelit sous un lineeul de sable l'œuvre fragile de son géniat
Ainsi a disparu ]e florissant royaume tle Cbén«Chén, au sud
du lac Lob; ainsi a disparu la grande route commerciale
appelée Nan-Lou^ qui côtoyait autrefois les pontes septen»
trionales du Kouen-Loun (depuis^ les Chinois ont transmis
ce nom à Tancien Pe-LoU) au sad des monts CéiesleS| e(
appellent Pe-Lou le obemin qui contourne ces montagnes aa
nord) ; le lac Lob loimôme, quatre mille ans avant nolrç
ère une mer intérieure puissante (la Si-HaT des annales cbi»
noises}) n^est aujourd'hui qu'une réunion de deux petites
nappes d'eau marécageuses ; tout ce qua nous venons df
dire sur le bassin du Tarym s'appliqua également à la zonç
intermédiaire! et maintes foisi pendant nos voyages dans la
dépression aralO'^oaspiennei nous avons constaté les mêmes
phénomènes, les mdmes oeuvres et les mâmes effets* Lors
de mon passage à Sasaliuski en dioembre 1880, j'a|
observé un exemple ourieux de aotte irrigation. Voici ce
que j'écrivis a ce sujet au secrétaire générai de la Société
de géographie de Paris i h Mon séjour à Kazalinsk m'a
permis do faire des recherches intéressantes concernant
le reste des canaux d'irrigation qui sUloanent encore le pays*
Les embouchures de l'Amou-Daria sont parfaitement ou^
tivées par une peuplade pacîfiqua at laboriensa qu'on
appelle les Kara-'Kalpaksi proches parents des Usbegs, al(
point do vue anthropologique* Lee contrées près de l'em*
bouohure du Syr*Daria étaient autrefotflf avant l'arrivée dea
Russesi également cuUivéesr par ces mêmes Kara-Kalptks.
L'arrivée des Russes dans le steppe^ au si^ dX)rsk, dans la
pays qu'on appelle aujourd'hui Le Tourgi^, a fbrcé les Khir-
ghises, mécontents de ce nouvel ordi^ de choses» a se retirer
au sud vers les ^mbolleburtes du gj^o Uj» ont.ohttssé lasSara^
456 SÉANCE DU 16 JUIN 4887.
Kalpaks, c'est-à-dire ils les ont refoulés vers le delta de
rAmou-Daria : mais ils ont continué à cultiver le sol, comme
leurs prédécesseurs. Lorsque les Russes ont fondé, plus tard,
les forts d*Aralsk (RaTm) et Kazalinsk» ils trouvèrent le pays
parfaitement cultivé ; il y avait des prairies et des champs
de blé. Le système d'irrigation dont les habitants se servaient
& Tinstar de leurs prédécesseurs, les Kara-Kalpaks, est telle-
ment ingénieux, qull mérite d*étre signalé. Ils avaient rendu
l'eau nomade, ou Tinondation du Syr, parfaitement obéis-
sante à leurs desseins. L'eau se transportait, tantôt par-ci,
tantôt par-là, en quantité fixée d'avance à des époques par-
faitement prévues. Les nappes d'eau, qui aujourd'hui entou-
rent Kazalinsk d'une manière fortuite et capricieuse, doivent
leur origine aux irrigations savamment imaginées par les
Kara-Kalpaks et les Khirghises. Au moment de l'arrivée des
Russes, il y avait encore un employé khokandais qui prési-
dait à cette distribution des eaux. »
Nous avons la conviction que le dessèchement du lit de
VOuzboT, autrefois la communication fluviale entre l'Oxus et
la Caspienne, est dû en grande partie à la main de l'homme.
Nous avons parlé ailleurs de la texture du loess^ qui le rend
propre à aspirer l'humidité comme une éponge. Ce sont les ^
eaux souterraines qui déterminent l'exhaussement des bandes
de loess^ qui produisent les crevasses de plusieurs milliers de
mètres de profondeur qui le sillonnent et qui, par un travail
séculaire, modifient les parois de ces fentes. Richthofen a rai-
son, quand il dit que le loess^ qui nous a jusqu'à présent
transmis d'une façon étonnante la faune des mammifères
des temps passés, se montrera l'ami le plus fidèle de l'homme
en lui dévoilant les mystères de sa préhistoire jusqu'aux
temps les plus reculés. Les antiquaires chinois des plaines
de Taigen-fon et de Signan-fou possèdent des objets rares
et précieux de la plus haute antiquité. Ce serait une erreur
de croire que la conservation de ces objets est due à l'intelli-
gente attention des habitants de ces plaines. Mais Taigen-
fou et Si£;naff-fpu étaient les deux capitales de la plus puis*
OBJETS OFFERTS. 457
santé terre de loess du globe, qui, pendant des milliers
d'années, a gardé intacts dans ses entrailles ces précieux
débris. Ainsi, les beaux bronzes de la dynastie des Ghangs
(1705-i4«2 av. Ch.) et de la dynastie des Tchoû (1122-249
av. Ch.) ont été trouvés dans la vallée de Wéï et dans celle
du Ping-yang^fou, de même que les fameuses monnaies de
cuivre en forme de lame de couteau, attribuées à l'empereur
Yaou (2356-2255 av.. Ch.). Il est probable qu'un jour nous est
réservé où, fouillant dans le loess de la plaine de Bactre, près
de Maracanda et de Hécatompy-lon, dans les vallées qui
descendent de l'Hindou-Kouch et du Pamir, ainsi que dans
celles de Yarkand et du Khotan, à l'est de ce plateau que
Richthofen considère comme la patrie de la race aryenne,
on fera également de surprenantes découvertes. Le loess
dans l'Asie centrale rendra un jour les mêmes services aux
recherches préhistoriques que les couches du Nil l'ont fait
pour la basse Egypte, et nous pouvons compter avec assu-
rance sur le moment où le passé des peuples de l'Asie cen-
trale sera aussi connu que l'histoire des Pharaons.
La séance est levée à six heures.
L'un des secrétaires : MANOUVfilER.
iSfStANCE. —T joillet(887.
Présldeaee de II. M ACtITfrr, présldeai.
Le procès- verbal de la dernière séance est lu et adopté.
OUVBAGBS OFFERTS.
KoPBRNiGKi. Contribution à Cethnographie des Jtuthéniens de
Volhynie. Gracovie, 1887, brocb. in-8*, 99 pages, en polonais.
PuTNAM (W.). Conventionalism m ancient american art.
Salem, 1887, broch, in-8^, 43 pages^ 3 planches.
Robin (P.). L'Anthropométrie à l'école. Cempuis (Oise), 1887,
broch. in-8*, 16 pages.
458 SÉADGE DU 7 JUILLET 1887.
FoRREST (J.)« IVôtei on Westem Australia. Portbi i886, broch.
in-8*, 30 pagest
— Colonial and Indian^ Exhibition^ 1886. «^ Dominion of
Canada. A Guide Book. Ottawa, 1886, ia-«% 159 pages.
— Handbook of South Au$6ralia. Londres, 1886, in-8%
175 pages*
— Catalogue of Exhibiti in ihe Wettem AustraUan Court*
Londres, 1886, in-8<^» 74 pages.
— - Notes on ihe ntraits settlements uni Malay States* Lon^^^
dres, 1886, in-8<», 41 pages.
— Handbook ta ihe West African Court. Londres, 1886^
in-8^i 37 pages.
— Handbook to Fiji and Catalog of theExhibits* Londresi
1886, in-8% 59 pages.
Dareste. Le Mie de la^science dans faeclimatation (in Bulle^
tin de la Société d'acclimatation^ 1887). Broch. in-8*^ 9 pages*
Rapport sur V Ecole pratique des hautes études^ 1885-1886.
In-8% 228 pages,
M. Mathias Duval offre à la Société son rapport au mi-
nistre de rinslruction publique, sur les travaux du Labora-
toire d'anthropologie annexé à TÉcole des hautes études.
Il offre également un album de photographies des Cingha-
lais qui, il y a quelque temps, ont séjourné au Jardin d'ac-
climatation. Elles ont été prises par les soins du Laboratoire,
avec le concours de M^ Drouault.
A ce propos M. Manouvbier signale l'intérêt qu'il y aurait
pour la Société à consacrer tous les ans une certaine somme
pour rachat de photographies anthropologiques.
DON fait ad musée.
Crânes de Saint-Maur des Fossés. — M. Manodvrier pré-
sente, de la part de M. Léon Gollin, un certain nombre de
crânes découverts par M. Tarohitecte Masset dans le eime«.
tière gallo-romain de Saint-Maur des Fossés (Sôine)i Un plan
figuré des lieux accompagne ce don fait au Musée.
DE UJFALVT. -^ EXPÉDITION DANS L'aBIE CENTRALE. 459
Des reméfôiements gdrônt adressée par le Bureau aux au «
leurs de cette libéralité.
Diacnssion.
M. AbRiBN DE MoRîiUBT fait remarquer que la date attri--
buée aux sépultures du Parc de Saint-Maur n*est pas exacte.
On prétend en effet, qu'elles sont de Tépoque de la révolte
des Bagaudes, i85 de notre ère; c'est une erreur. Lq mobilier
funéraire indique une époque antérieure à rinstallation des
Romains en Gaule. Les armes qu'on y a trouvées sont pure-
ment gauloises et semblables à celles qui ont été découvertes
dans les cimetières de la Marne« Telles sont : la grande épée
gauloise» le bouclier ovale et la lanœ de fer. Ces sépulture!
doivent donc remonter an moins au premier siècle. M* A. de
Mortillet pense que les fouilles n'ont pas été faites suivant
une méthode vraiment scientifique*
COMMUNICATIONS.
Méovellee 4e la dernière expédition française
daim TAsIe «entralet
fAK m. DE tltALVT.
Permettez«>moi de vous présenter quelques observations
succinctes au sujet d'un voyage qui vient d'être accompli en
Asie centrale dans des conditions qui méritent d'attirer toute
votre attenlion.
Le plateau du Pamir a été franchi à différentes reprises par
des Européens qui, venant du Turkestan afghan^ ont suivi
l'antique route commerciale qui conduit aux portes du
Céleste Bmpire en traversant le Turkestan chinois. Marc
Fol, Benoit Goés, Panagioles Potagos ont suivi cette roule
à plusieurs siècles d'intervalle. Il y a quelques années, j'ai eu
l'honneur d'entretenir la Société des prodigieuses pérégri-
nations du voyageur grec Potagos.
Mais jamais aucun Européen n'avait franchi le Pamir du
nord au sud, cherohant ainsi une voie directe entre les posi
460 SÉANCE DU 7 JUILLET 1887.
sessions asiatiques de la Russie et les Indes Britanniques.
L'Anglais Hayward tenta cette périlleuse entreprise (1869)
qu*ii paya de sa vie. Arrivé au pied du défilé de Darkot qui
relie le bassin de Tlndus à celui de TOxus, il fut assassiné par
les ordres du petit tyran qui régnait à cette époque à Yassim.
Depuis 1880, les voyageurs russes ont tenté cette même
entreprise en venant du nord ; Tingénieur des mines IwanofT,
peulant du Ferghanah, arriva jusque sur les bords du fleuve
Pandj (nom de TOxus supérieur) . Et le naturaliste Regel réussit
à pénétrer dans le mystérieux Chougnan, où il découvrit le
grand lacSiva, que TAnglais Wood avait déjà signalé en 1835.
Un Hongrois, du nom de Berzenczei, était allé de la Sibérie
à Calcutta en passant par le Turkestan chinois, évitant ainsi
par un grand détour les neiges et les glaces du PaiAir et de
THindou-Kouch. L'honneur entier d'avoir résolu ce problème
que des voyageurs russes et anglais croyaient insoluble,
revient à un Français; grâce à son énergie, M. Bonvalot, ac-
compagné de MM. Capus et Pépin, a réussi à se rendre du
Ferghanah au Tchitral en franchissant le Pamir et la ligne de
faîte de THindou-Kouch. Quelques télégrammes laconiques
expédiés de Simla, résidence d*été du vice-roi des Indes, nous
apprennent que nos hardis compatriotes ont été dépouillés
en route, probablement par des pillards Kara-kirghises, et
sont arrivés dépourvus de toute ressoure dans le bassin de
rindus. Soit qulls réussissent à explorer le mystérieux Ka-
flrîstan, soit que les autorités britanniques les obligent à
revenir par le Gachemir, de toutes les façons ils ne tarderont
pas à nous donner de leurs nouvelles; pour le moment, j'ai
tenu à vous signaler ce fait d'un intérêt capital, j'en suis sûr,
qui ne manquera pas d'attirer Tattention légitime du monde
savant tout entier.
StaiiMi die la pierre pelle en Toalele;
PAR M. LE DOCTEUR COLLIGNON.
M. GoLUGNON signale la découverte d'une station de la
pierre polie dans le nord de la régence de Tunis, a,\x^ environ»
CLÉMENCB ROTER. — UN LABORATOIRE A MONTSCURIS. 461
da Djebel-Resas. Les renseignemeats précis ne lui sont pas
encore parvenus; mais aussitôt qu'il les aura reçus, il s'em-
pressera de les communiquer à la Société. Cette découverte
est très intéressante , car jusqu'ici on n'avait découvert aucune
station préhistorique dans cette partie de la Tunisie.
Piolet fl*ls8t«llatl*ii d'us lmb«ra|*lre dt'expévleaees
trmrafonnistes an pare die HentSMiris;
PAR H"^* CLilBRCI ROTIR.
La vulgarisation des doctrines transformistes donne à ce
projet le caractère d'une véritable nécessité scientifique. Les
expériences auraient pour but Tétude du croisement des
espèces animales voisines, de la fécondité ou de la stérilité
relatives des produits obtenus et spécialement la recherche
des moyens susceptibles de faire reparaître les caractères
ancestraux plus ou moins effacés. Pour l'installation de ce
laboratoire, le concours de TËtat et de la Ville de Paris est
indispensable. Pour Fobtenir, H** Royer réclame l'appui de
la Société dont Finfluence peut lui être d'un grand secours.
Le parc de Montsouris étant consacré déjà à un observa-
ioîre météorologique, il s'agirait d'y adjoindre une section de
physiologie expérimentale.
M. Dareste. J'ai entrepris, depuis longtemps, une série de
recherches dans la voie que vient de nous indiquer M"» Royer.
Ces recherches avaient pour but la production artificielle des
monstruosités. Elles ont été constamment entravées par l'in-
suffisance des ressources mises à ma disposition et par l'exi-
guïté de mon laboratoire, où je ne pqispas élever des animaux.
Arrivé presque au terme de ma carrière, j'ai voulu signaler
aux hommes de science les expériences dont j'avais conçu le
projet et que je n'ai pu réaliser que dans une mesure très
restreinte. J'ai fait, au commencement de cette année, deux
communications à la Société d'acclimatation, en la priant de
diriger et de coordonner les efforts des travailleurs qui vou-
draient me suivre dans la voie de l'expérimentation zoolo-
A6i sÉAifûi BU 7 juiUET 1887.
iriqiie. Még pacolei oqt été écontéoi. Un eAiomologiste habile,
M. Fallon, a moDtré à la Sdoiété d'acclimatation un a^seï
grand nombre da papillons rondui monslme^x par dof
actions exercées sur les. cbrysalidea.
Maihenreasement, ces recherobes sont oonstamment eo*
travées par Tinsuffisance des moyens de recherches et par le
manque de locaux spécialement affectés ^ la reproduction
des animaux. Le Jardin 4*A(^€liwatation» doot nous parlait
M*"" Royer, n'a pu jusqu'à présent se prêter à de pareilles
études par suite de sa situation financière. Un jour viendra
certainement où il en sera autrement ; mais quand ce jour
arriverat-il?
L'attribution d'une partie du parc de Montsoiiris & la
création d*un établissement d'expérimentation soologiqoe^
rendrait évidemment aujourd'hui on grand serviee à la
science. J'appuie donc de toutes mes forces la proposition de
Mœ« Royer.
M. Mathias Duval appuie énergiquement la demande de
concours réclamée par M*"* Royer. 11 espère que l'Etat et la
Ville de Paris ne refuseront pas de contribuer de leurs de**
niers à la fondation d'un laboratoire qui peut avoir pour
l'avancement de la science des résultats si importants.
La demande de M"* Clémence Royer est renvoyée à l'exa*»
men du Comité central qui se réunira le i8 juillet prochain, la
fête du 14 juillet ne permettant pas que la séance ait lieu à
la date réglementaire.
Le aystéme nerveux, la nervesité et rinCellls^enee
eoBsIdérés mu point de Tne physlee-ehlmlgne;
FAR M. LE DOCTEUR FAUVELLE.
L'anthropologie a pour but de concentrer tout qa qui, dans
les connaissances humaines, peut nous éclairer sur les ori«
gines.de l'homme et sur son histoire naturelle passée et pré*'
sente. Parmi ces connaissances, les plus importantes sont,
sans contredit, la physique et la chimie, qui forment la
FAU.VBLLE. ^ IX, sysiàHK NERVEUX. 46i^
trame sur laquelle sont, pour alnn dire, brodés tau^ Jes
phéiioiiièneë qui s'obserrent dans l'univer», ëa effet, malgré
le oaraelôre essentiellement biologique de oetle science, on
n^ peut approfondir aucun sujet âans se beurier à la physique
et à la ohimie. C'est précisément ce qui arrive, lorsqu'op
cherche à préciser le mécanisme du système nerveux et les
earactères de la force qui Tanime, comme il ressortira, je
pense^ de cette commijinièatioQ.
Parmi toutes les formes de l'énergie universelle qu'il nous
a été possible d'observer jusqu'ici, les unes, comme ratlrac-
tton^ rélectricité et le magnétisme, ont pour siège spécial U
matière tangible ; tandis que Tétber^ substance hypothétique
qui en est peut-être la forme la plus raréfiée, est le véhicule
de la lumière et de la chaleur qui traversent les espaces inter-
sidéraux. Toute superstition à part, c'est parmi les premières
qu'il faut classer la nervosité ou force nerveuse, puisqu'elle
ne s'observe que sur la substance du même nom*
On a d'abord voulu l'identifier avec Véiectrieité ; mais les
ei^périences de Longet et de Matteucciont démontré qu'il n'en
est rien, et que, s'il existe quelque analogie entre ces denx
forces, elles sont plus apparentes que réelles, comme nous
le montrerons plus loin.
Conditions nécsssaire$ pour la production de la nervosité, •«
L'appareil nerveux tout entier, à l'aide d'une vascularisation
très riche, surtout dans les parties centrales, plonge dans un
liquide, le sang, dont la constitution chimique est connue
dans ce qu'elle a de plus essentiel. 11 contient de l'oxygène à
l'état de combinaison instable avec l'hémoglobine des glo-»
bules rouges. Ce gaz, au milieu des éléments nerveux, se
porte sur certains de leurs principes immédiats, et de ce9
combinaisons résultent des composés plus simples qui se rap-
prochent plus ou moins de la matière inorganique, en môme
temps que la force se dégage et n'attend plus pour se mani"
fesler que des circonstances que nous spécifierons tout h
l'heure. Si l'on supprime l'oxygène, combinaisons et force
cessent de se produire.
464 SÉANCE DU 7 JUILLET 1887.
Outre les globules oxygénés, le sang contient en dissolu-
tion des substances albuminoïdes, connues sou» le nom de
pepiones, qui servent à la réparation immédiate des substances
organiques détruites ; si'bîen que l'action analytique de Toxy-
gène peut se perpétuer. L'observation et rexpérimentation
ont établi ces faits d'une manière péremptoire. Nous sommes
donc aiftorisés à induire que Taction chimique de l'oxygène
est la condition nécessaire pour la production de la ner-
vosité.
Manifestations de la neiwosité ; travail produit. — Gomme
toutes les formes de Ténergie, la nervosité se manifeste en
se transformant, c'est-à-dire en produisant un travail quel-
conque. Pour comprendre le mécanisme de cette transfert
mation, il est indispensable de se faire une idée générale
bien nette de Tappareil nerveux.
Réduit à sa plus simple expression, il se compose de deux
cellules communiquant entre elles par des filaments de leur
protoplasma et munies chacune d'un prolongement unique,
filiforme, qui met en rapport l'une avec les substances exté-
rieures et l'autre avec les principes immédiats sur lesquels le
travail va se produire.
Peu différents en apparence, les deux éléments nerveux
se distinguent Tun de l'autre par une espèce de polarité :
celui qui est en rapport avec l'extérieur constitue le pôle ré-
cepteur, et l'autre le pôle émissif. En effet la force, d'abord
à Tétat de repos, entre en action par un contact avec l'ex-
trémité du prolongement de la cellule réceptrice. La vibra-
tion qui en résulte se propage d'un bout à l'autre de Tappa^
reil et se transmet aux molécules des corps liquides^ dans
lesquels baigne l'extrémité du prolongement du pôle émis«
sif. 11 s'y produit alors des phénomènes chimiques qui, à leur
tour, dégagent une nouvelle forme de Ténergie, qui se ma-
nifeste par un nouveau travail, conséquence indirecte de la
force nerveuse.
Les vibrations, en passant sur la cellule réceptrice, y lais-
sent une trace encore inconnue dans son essence, mais dont
FÂUVELLfi. — LE SYSTÈME NBHTEUX. 465
nous traduisons la production en disant que l'excitation est
perçue et retenue, ou par les deux mots sensation et souvenir.
Cette impressionnabilité de la cellule réceptrice a reçu les
noms de sensibilité et de mémoire. Ce premier travail produit
peut absorber complètement les vibrations, si elles ont une
intensité faible. Si cette intensité est plus grande, elles s*ar*
rêient et s'accumulent sur la cellule réceptrice pour repren-
dre ultérieurement leur course. Celte propriété est connexe
d*une autre dont jouit la cellule émissive, à savoir d'inter^
rompre les vibrations ou d'en diminuer la vitesse. C'est ce
que nous nommons volonté. Mais, si les vibrations sont exces-
sivement rapides» elles passent toutes outre pour atteindre! m*
médiatement l'extrémité terminale. Mémoire et volonté sont,
sans doute, dues à la présence d'un principe immédiat quel-
conque^ car, chez les animaux supérieurs dont les cellules
constitutives sont très différenciées, certains groupes d'ap*
pareils nerveux en sont dépourvus ; les vibrations passent sur
les éléments, sans y laisser de trace et sans s'y arrêter. D'au*
très groupes, au contraire, possèdent l'impressionnabilité et
les pouvoirs accumulateur et interrupteur à un très haut
degré.
On ignore complètement quelle est la nature de la modi*
fication que le passage des vibrations nerveuses produit sur
la cellule réceptrice. Quant au travail qui en résulte, nous y
reviendrons plus loin à propos du cerveau.
Revenons maintenant aux causes extérieures qui font en^
trer en vibration l'appareil nerveux, sur lequel l'action ana-
lytique de l'oxygène a développé la nervosité.
Tout corps solide, liquide ou gazeux, appliqué directe-
ment ou indirectement à l'extrémité périphérique d'un nerf
centripète, y produit des vibrations qui, parvenues à la cel-
lule réceptrice dont il dépend, y produit une impression que
nous traduisons par les termes de tact^ de sensibilité générale^
de douleur et de sensation de pesanteur» Ces vibrations sont
d'autant plus intenses que le contact est plus direct, et le
mouvement réel ou relatif du corps touchant plus violent,
T. X (8« SÂRIl). 30
466 Bf^ANCI DU 7 JUILLET 1887.
L*anatomi6 nous montre les dispositions qui nous permettent
de distinguer toutes ces formes du toucher : tels sont les
corpuscules de Meissner et de Wagner, de Krause et de
Paoini.
Ce que nous appelons saveur acide on alcaline^ salée ou
sucrée, sont des modes d'excitation de la vibration nerveuse
par les molécules de certains corps en dissolution. Ce sont
encore les atomes ou biolécules de la matière, qui portés à
Tétat gaaeux sur Texlrémitô de certains nerfs sensilifs, y
développent les vibrations que nous qualifions d'odetirs. Mais,
dans les deux cas, il faut qu'il existe une certaine affinité
entre les molécules ou atomes et la matière nerveuse, puis-
que tous les corps dissous et gazéifiés ne sont pas sapides ou
odorants, et que la sensation cesse lorsque cette affinité est
satisfaite. Pour qu'elle reparaisse, il est nécessaire que Texci*
tation soit suspendue pendant un certain temps. C'est ainsi
qu'après un séjour prolongé dans un air confiné, on ne per-
çoit plus les odeurs qu'il renferme, et qu'elles redeviennent
perceptibles après un certain temps de séjour dans une autre
atmosphère. De même, après le passage dans la bouche
d'un mets très salé, tous les autres paraissent fades.
Le liquide dans lequel baignent les extrémités des nerfs
dits acoustiques, les met en vibration en leur communiquant
les ondulations plus ou moins rapides imprimées aux corps
élastiques, solides, liquides ou gazeux. Nous donnons le nom
de sons aux sensations ainsi perçues ; on les distingue en
bruits et en sons musicaux, suivant la disposition des nerfs.
D'après les expériences du physicien Despretz, les ondes
sonores simples, dont le nombre est inférieur à 3^ et supé-
rieur à 75 700 par seconde, ne font plus vibrer les nerfs.
Mais ce ne sont pas seulement les mouvements de la matière
tangible qui peuvent mettre en action l'appareil nerveux>
ce sont aussi ceux de l'élher. Ces derniers sont de deux ordres
et ne sont pas identiques, puisque, parmi les corps diaphanes,
il en est de diathermanes et d'athermanes. Du reste, ils n'im-
pressionnent pas de la même manière la cellule sensilive ;
FAUVKLLB. *- LE SYSTEMS NERVEUX. 467
et, en raibon de cette différence^ nous leur avons donné les
dénominations conventionnelles de lumièf*e et de chaleur.
Les mouvements calorifiques de Téther se transmettent aux
molécules du nerf centripète, du moment qu'ils n'en altè-
rent ni Torganisation ni la composition chimique. La sensa*-
tion quUls produisent varie non seulement d'après leur
intensité, mais diaprés la température de Textrémité ner^-
veuse. C'est ainsi que le chaud et le froid que nous perce^^
vous sont essentiellement relatifs.
Les ondes lumineuses de Téther, pour influencer l'appareil
nerveux, nécessitent des dispositions tout à fait spécialeSi
Elles doivent d*abord se dépouiller du mouvement calori-
fique ; celui-ci est absorbé par Tévaporation de Thumidlté des
surfaces dlncidence, puis par les milieux en même temps
diaphanes et athermanes. La présence des cellules à pig«
ment noir paraît nécessaire, puisque ce sont elles seules qui
permettent de distinguer les surfaces oculaires des animaux
inférieurs. Leur rôle n'est pas encore bien spécifié ; il en est
de môme du rouge rétinien, découvert par BoU chez les ver-
tébrés. Il est sécrété, suivant toute probabilité, par la cho*-
roîdc, et il est détruit par la lumière qui y Imprime une
image photographique. Plusieurs physiologistes pensent que
cette réaction photochimique est l'intermédiaire indispen-
sable entre les vibrations de l'éther et celles des molécules
nerveuses ; mais, pour qu'il en soit ainsi, il faudrait que tous
les organes visuels des animaux en soient pourvus, ce qui
n'est pas démontré. Les ondes lumineuses et les ondes so-
nores sont comparables, dans une certaine mesure. La lu-
mière blanche correspondrait aux bruits non musicaux, et
les couleurs du spectre aux tons de la gamme avec toutes
leurs nuances. Mais si la structure de l'organe de l'ouïe nous
permet de comprendre la perception des tons musicaux^
nous ignorons à quelle disposition de l'œil est due celle des
couleurs.
Ainsi, il est maintenant bien établi que la nervosité se dé-
veloppe sous l'influence des agents chimiques et que ce sont
468 SÉANCE DU 7 JUILLET 1887.
des agents physiques qui la mettent en action. Cherchons
maintenant à spécifier les diverses espèces de travail qu'elie
peut produire .
Le premier et le plus important consiste dans les modifica-
tions produites pai' les vibrations sur la cellule réceptrice.
Gomme je Tai dit, je me réserve de le traiter à propos du
cerveau. Occupons-nous actuellement de celui qui a lieu à
Textrémité du prolongement du pôle émissif.
Ce travail est représenté par des combinaisons chimiques
dans les glandes, par du mouvement dans les cellules ou
fibres contractiles, par de Télectricité dans les appareils du
gymnote, de la torpille^ des malaptérures de la famille
des siluridées, des mormyrldées et des raies ; par de la lu-
mière chez les noctiluques, les méduses^ les pyrosomes, un
grand nombre dinsectes et certains poissons des grandes
profondeurs^ et enfin par de la chaleur lors de Taction simul-
tanée des nerfs vaso-moteurs.
Le travail produit par la nervosité dans les glandes n'a pas
été analysé pour toutes ; mais, comme toutes reçoivent des
nerfs spéciaux, les conclusions obtenues pour les glandes
salivaires peuvent être généralisées. L'action nerveuse, de
nature chimique, se traduit par une élévation de tempéra-
ture de Torgane, qui dépasse celle du sang artériel. Elle
n'est pas due à une oxydation, puisque le sang qui sort de
la glande est aussi rutilant qu'à son entrée^ mais à la trans-
formation en salive du plasma du sang qui traverse les cel-
lules épithéliales des acini.
Sur les cellules ou fibres contractiles, le travail est aussi
de nature chimique. En effet, sous l'influence de la nervosité,
Thémoglobine de la substance musculaire abandonne son
oxygène, qui se combine avec les hydrates de carbone qui
l'imbibent ; il y a production de chaleur, laquelle augmente
le diamètre transversai de la fibre aux dépens de sa lon-
gueur, et la quantité de chaleur absorbée est en raison
directe de l'effort produit.
La nervosiié se transforme directement ou indirectement
PAUVELLB. — LE SYSTÈME NERVEUX. 469
en électricité dans les appareils électriques des animaux, de
la manière suivante. Ces appareils sont composés d'une réu-
nion de prismes, comparables chacun à une pile de Yolta.
Ils sont, en effet, formés d'une série de lames transversales,
séparées par une substance gélatineuse. Chaque prisme con«
stitue une pile, et l'ensemble de Torgane une batterie; la
décharge électrique a lieu lorsque les pôles des différentes
piles sont mis en communication par un intermédiaire quel-
conque, et cela sous l'influence de la volonté de Tanimal.
Cette dernière particularité s'explique par ce fait que chaque
lan^e des prismes est tapissée sur sa face électro-négative
par des terminaisons nerveuses, nombreuses et très fines ;
mais on ignore si la nervosité se transforme directement en
électricité, ou bien si elle favorise une combinaison chinaique
dans la masse gélatineuse qui sépare les éléments, combi-
naison chimique qui donnerait lieu à un dégagement de
chaleur susceptible de se transformer en électricité.
La production de lumière ou phosphorescence ayant lieu
sous l'influence de la volonté, c'est encore une transforma-
tion directe ou indirecte de la nervosité qui en est la cause.
Mais, à ce sujet, nos connaissances anatomiques sont très res-
treintes : nous savons néanmoins que, chez les insectes, un
nerf centrifuge se rend à l'appareil lumineux et que le lam-
pyre allume ou éteint sa lanterne suivant les circonstances.
Nous ignorons absolument si l'organe est le siège de phéno-
mènes chimiques. Nous pouvons dire seulement que, dans
ces circonstances, la force qui nous occupe agit de la même
façon que certaines parties du rayon de lumière solaire. On
sait, en effet, que plusieurs substances placées dans la partie
la plus déviée du spectre visible et même dans les rayons
uUra-violets, répandent une lueur phosphorescente dont la
teinte dépend de la nature de la matière en expérience.
Quelques-unes restent lumineuses, pendant plusieurs heures
après la suppression de l'influence solaire; d'autres, dites
fluorescentes y redeviennent obscures aussitôt qu'on intercepte
les rayons qu'elles recevaient. C'est parnoi ces dernières qu'il
470 8ÉANGB DU 7 lUILLET 1887.
faut ranger les surfaces lumineuses que portent l^s animaux
doués de cette propriété. Sans cela, la disparition de là lu-
mière ne serait pas instantanée ; il en résulterait pour eux
une infériorité dans la lutte pour Texistence. Ajoutons que
les actions mécaniques, la chaleur et Télectricité produisent
aussi la fluorescence.
Enfin, il me reste à signaler un phénomène excessivement
intéressant, dont la découverte est due à Claude Bernard. Si
une fibre nerveuse centrifuge se trouve en communication
avec une autre de même nature en un point du trajet de
cette dernière, lorsque des courants nerveux parcourent ^en
même temps ces deux conducteurs, ils s'annihilent au point
d'intersection. C'est ce qui s'observe spécialement dans les
nerfs vaso-moteurs. Celui qui se rend à la couche des cel-
lules contractiles des capillaires est dit vaio-constricteur et
Tautre vasihdilatateur, parce que, lorsquHl intervient, la pres-
sion sanguine, n'étant plus contre-balancée, dilate les vais-
seaux.
Ce phénomène, que Claude Bernard compare très judi-
cieusement à l'interférence des ondes sonores ou lumi-
neuses qui se heurtent animées d'un mouvement d'égale
intensité, s'accompagne d'une production de chaleur. L'il-
lustre professeur du Collège de France l'attribue à une exa-
gération de l'action chimique intracellulaire. Il est certain
qu'elle doit y contribuer ; mais que devient le mouvement
vibratoire des molécules nerveuses ? En vertu du principe de
physique qu'aucun mouvement ne se perd, il doit certaine-
ment se transformer et produire un mouvement calorifique
des particules d'éther. Les exemples de ces transformations
sont innombrables. Le marteau échauffe l'enclume qu'il
frappe ; la température de tout corps traversé par un cou-^
rant électrique s'élève en raison directe de la résistance que
ce corps oppose à son passage. Nous pouvons donc induire
légitimement que la force nerveuse peut se transformer di-
rectement en chaleur.
Ain^ la nervosité, développée par une action chimique et
FAUVEUiS. — LB SYSTÈME «BRV£UX. 47 1
mise en activité par des ageots physiques^ se transforme en
d'autres formes de l'énergie universelle.
Comparaison de la nervosité avec tikctrieiii et de l'appareil
nerveux avec les piles électriqtées, — Voyons d'abord les ana-
logies. Comme la pile^ l'appareil nerveux a besoin de deux élé-
ments qui communiquent entre eux et baignent dans un liquide
susceptible de les attaquer chimiquement. Dans les deux cas»
il se forme par cette action chimique des produits secon-
daires, qui entravent la production de la force. Pour la pilCi
on s'en débarrasse à l'aide de substances dites dépolarisantes.
Dans Tappareil nerveux» c'est la circulation qui les entraîne
et les porte aux organes excréteurs : poumon, reins et foie.
Dans le premier cas, la production de Télectricité s'arrête
lorsque les éléments sont détruits par le liquide d'inuuer-
sion ; dans le second, cette destruction est prévenue par
rapport continuel de matériaux réparateurs. La cellule sen-
sitive correspond au pôle zinc ou négatif, et la cellule volitive
au pôle cuivre ou positif. Voilà des analogies intéressantes,
mais qui n'entraînent nullement l'identité de nature des deux
forces produites. Passons aux différences.
La mise en marche des appareils diffère complètement*
Pour qu'une pile entre en action, il faut rapprocher l'extré*
mité des fils des deux pôles, en d'autres termes établir le
circuit. Pour Tappareil nerveux ce circuit n'est pas néces-
saire : un simple ébranlement du fil centripète ou négatif le
fait entrer en fonction, et le courant s'établit de proche en
proche dans la direction du pôle positif, représenté par l'ex-
trémité du nerf centrifuge où doit se produire le travail. Les
courants qui s'établissent sur les deux appareils difTèrent par
leur vitesse toujours beancoup plus grande pour l'éleetriailé. A
produetion égale de forée, cette rapidité s'aocélère dansl'appar
reil nerveux par l'intensité de l'excitation ; rien de semblable
dans la pile. Le courant nerveux agit sur un des éléments de
l'appareil pour y développer le* sensations et le souvenir;
c'est un premier travail. Rien d'analogue ne se passe dans
les piles.
472 SÉANCE DU 7 JUILLET 4887.
Maintenant si nous comparons le travail produit par la
nervosité avec celui de Télectricité, nous trouvons des ana-
logies et même de frappantes similitudes. Mais elles ne prou-
vent rien au point de vue de l'identité des deux forces. Elles
montrent seulement combien nous avons raison de consi-
dérer la première comme étant aussi une des formes de
Ténergie universelle.
L'électricité favorise les combinaisons chimiques comme
la nervosité ; mais elle partage cette propriété avec la cha-
leur et la lumière. Les contractions musculaires que toutes
ces forces peuvent produire rentrent dans cet ordre de phé-
nomènes. Elles n'agissent, en effet, qu'en favorisant la com-
bustion des hydrates de carbone qui détermine le raccour-
cissement du muscle. En effet, nervosité et électricité restent
impuissantes lorsque ce muscle est asphyxié, c'est-à-dire
lorsque son hémoglobine est privée d'oxygène.
En physiologie expérimentale on excite très souvent les
contractions musculaires en faisant passer un courant élec-
li'ique sur une certaine étendue du parcours d'un nerf moteur.
Il agit sans doute alors en développant des vibrations ner-
veuses dans le cylindre axe. Des contractions sont également
produites par le pincement du nerf et l'application de cer-
taines substances chimiques sur son extrémité coupée. C'est
une étude, qu'il y aurait, à mon avis, grand intérêt à re-
prendre.
Quoi qu'il en soit, cette comparaison entre les appareils
nerveux et électrique et entre les forces dont ils sont le siège,
démontre d'une manière évidente que la nervosité doit être
rangée parmi les formes de l'énergie qui agite la matière.
Du m/stème netn)eux de l'homme. — Dans la première partie
de mon travail, j'ai considéré l'appareil nerveux d'une ma-
nière schématique, c'est-à-dire réduit à ses éléments essen-
tiels. Je vais maintenant rechercher si ce qui est vrai sché-
matiquement, Test également dans l'application, c'est-à-dire
dans cette machine, si complexe chez l'homme, que Ton
nomme système nerveux,
FAUVELLE. — LE SYSTÈME NERVEUX. 473
En principe nous devons le considérer comme la réunion
d'une quantité innombrable d'appareils simples, comme une
véritable batterie nerveuse. Mais les progrès de l'organisa-
tion y ont amené des différenciations qui Tout singulièrement
compliqué.
La phylogénie et l'ontogénie nous montrent que l'axe
médullaire est l'appareil central primitif. C'est ainsi qu'on
l'observe chez l'amphioxus. Il est formé de deux colonnes
d'appareils nerveux élémentaires. Elles sont accolées et com-
muniquent entre elles par des filets conducteurs transversaux
qui leur permettent d'agir synergiquement. Toutes les cel-
lules des pôles négatifs ou récepteurs forment la partie posté-
rieure de chaque colonne et les cellules émissives ou des
pôles positifs, leur moitié antérieure. Elles se subdivisent en
une série de centres d'action, dont les éléments ont leur sy-
nergie assurée par Tanastomose de fibrilles émanées de leur
propre substance (réseau de Gerlach). En outre, chaque centre
communique avec ses voisins par des fibres en arc ou com-^
missures longitudinales.
L'axe médullaire suffit d'abord à tout, sensibilité memor^
volonté, mouvements et sécrétions. Mais la multiplication des
éléments histologiques et leur différenciation ont entraîné
une égale multiplication des appareils nerveux élémentaires,
qui ont dû aussi se différencier et suivre dans leurs migra-
tions les organes auxquels ils président, sans que cependant
l'unité du système ait été rompue.
La première différenciation qui apparaît est celle des
ganglions dits sympathiques. Ils se détachent de la moelle sur
toute sa longueur pour suivre l'appareil circulatoire et les
surfaces endodermiques de l'intestin et de tous ses annexes.
En même temps, les cellules de tous leurs appareils élémen-
taires perdent les unes leur impressionnabilité et la propriété
d'accumuler les vibrations nerveuses et les autres de les in-
terrompre ou de les modérer. Les excitations cessent d'être
perçues, le travail sécrétoire ou musculaire est absolument
involontaire; et les courants, malgré leur lenteur, ne subissent
474 SBAKCB DU 7 JUILLET 1887.
plus aucun temps d^arrêt. Les caractères anatomiques de
celte différenoialion n'ont pas encore été spécifiés par les
histologistes.
L'appareil ganglionnaire n'est pas tel qu'on le pensait il y
a quarante ans. Les gros ganglions ne sont pas des centres
d'action spéciaux comme on l'avait cru longtemps. Les vrais
centres qui président à la vie végétative, sont des groupes de
cellules nerveuses placées dans le voisinage des surfaces ta-
pissées soit par l'endothélium, soit par l'épithélium, entre les
cellules desquels se distribuent les fibres centripètes; les
fibres cenlrituges vont aux cellules contractiles et sécrétrices,
situées les unes au-dessous de ces surfaces, les autres dans
les invaginations glanduluires. Chaque ganglion microsco-
pique paraît composé, sinon d'un seul appareil élémentaire,
tout au moins d'un nombre très restreint. Du reste, l'analyse
en laisse encore beaucoup à désirer.
Tous ces petits groupes agissent isolément et ne paraissent
avoir aucune relation directe entre eux. Pour les actes sy-
nergiques rintervention de la moelle est indispensable; aussi
communiquent-ils avec elle à l'aide de l'immense réseau des
nerfs sympathiques. Quant aux gros ganglions disposés çà et
là sur le trajet de ces nerfs, on peut les comparer à ces ap-
pareils électriques de relais placés sur les lignes télégra-
phiques d'une grande étendue et aux points de bifurcation.
Ils n'ont, en effet, de valeur qu'autant qu'ils communiquent
avec Taxe médullaire ; après la section de leurs filets de com-
munication avec lui, toute action synergique des petits gan-
glions cesse d'avoir lieu ; ceux-ci sont livrés à leurs propres
forces.
La différenciation qui apparaît en second lieu^ dans la phy*
logénie comme dans l'ontogénie, est celle qui a pour résultat
d'isoler, sur des groupes spéciaux d'appareils nerveux sim-
ples, les propriétés que possédait primitivement la moelle
dans son ensemble, à savoir pour les cellules réeeptrieea
d'être impressionnées par les vibrations et de les accumuler,
ei pour le» oeUulea émisaives, de le» interrompre plus ou
PAUVKLiE. — LS STSTÉaiE NBRYEUX. 475
moins oomplètement, propriétés qui constituent la mémoire
et la volonté. Ces groupes différenciés sont les hémisphèrei
cerélfraux, qui seuls, chez les vertébrés supérieurs, possèdent
une constitution moléculaire qui permet à la nervosité d'y
produire le travail intellectuel, (Voir ma communication du
17 février 1887, p. 104.)
Ils sont au nombre de deux qui correspondent chacun à
riine des colonnes médullaires dont j*ai parlé plus haut. Us
résultent de Taccumulation d*un nombre considérable d*ap-
pareils nerveux simples, qui communiquent avec ceux du côté
opposé par des filets conducteurs qui forment les commis-
sures transversales et spécialement le corps calleux.
Les cellules des appareils nerveux simples ne sont plus
groupés par couples, comme dans la moelle et les ganglions,
pour former des centres excito-moteurs plus ou moins im-
portants. Ce sont les éléments sensitifs et les éléments voli-
tifs qui sont réunis entre eux : les premiers d'après les or-
ganes des sens qui leur envoient des courants de vibrations^
et les seconds d'après les groupes de muscles qu'ils doivent
faire entrer en contraction. Us se subdivisent en groupes se-
condaires, d'après la nature des sensations perçues par Ten-
tremise du même organe sensoriel et suivant le travail spé-
cial que doivent produire les contractions du même groupe
de muscles. C'est ainsi que, parmi les cellules auditives,
celles qui perçoivent le langage articulé sont réunies sur la
première circonvolution temporale, et parmi les cellules vo-
litives qui font contracter les muscles du bras^ il en est qui,
spécialement destinées à produire les mouvements de l'écri-
ture, sont groupées à la base de la deuxième frontale.
Ce mode de groupement n*implique pas une disjonction
complète des éléments polarisés des appareils nerveux sim-
ples. Leur multiplication sous Tinfluence des progrès de Tor-
ganisation a amené un désordre plus apparent que réel. Les
éléments négatifs ou récepteurs n'occupent plus uniquement
la partie postérieure comme dans la moelle, mais ils y pré-
dominent encore. De même, c'est encore en avant que l'on
476 SÉANCE DU 7 JUILLET 1887.
trouve le plus grand nombre d'éléments positifs ou émissifs.
En outre, les cellules sensitives, dont le rôle a été bien spé-
cifié, ont leurs cellules volitives correspondantes ; ainsi les
cellules auditives du langage articulé, situées sur la première
temporale, c'est-à-dire en arrière de la scissure de Sylvius,
ont leurs cellules volitives en avant de ce pli, dans le pied de
la troisième frontale. De même les cellules visuelles du lan-
gage écrit, qui occupent le centre de la pariétale inférieure,
correspondent aux cellules volitives de l'écriture que l'on a
trouvées dans la partie postérieure de la deuxième frontale.
Autant qu'on peut en juger à l'aide de nos connaissances en-
core restreintes en anatomie microscopique du cerveau, les
communications entre les groupes sensitifs et volitifs corres-
pondants auraient lieu par renti:emise de filets conducteurs,
auxquels on a donné le nom de fibres d^ association. Quant
aux synergies, elles sont toujours assurées par l'anastomose
des fibrilles des cellules (réseau de Gerlach).
Il existe une autre complication dans les appareils nerveux
élément€dres qui constituent le cerveau. Les cellules récep-
trices sensitives qui perçoivent les sensations simples, peu-
vent bien encore communiquer directement avec les cellules
volitives ; mais le plus souvent les courants, avant d'atteindre
leur teivnfiinm ordinaire, vont impressionner d'autres cellules
réceptrices, sur lesquelles ils convergent, et y développent
des idées ou sensations complexes. Il peut même se produire
de la même manière une série d'idées de plus en plus com-
pliquées, suivant la richesse du cerveau en cellules récep-
trices supplémentaires. Enfin, si ce travail interne n'a pas
épuisé les vibrations nerveuses, elles passent aux cellules vo-
litives, qui les arrêtent ou les laissent parvenir aux muscles
en proportions voulues pour la production d'un travail exté-
rieur. Je sais bien que l'existence des cellules à idées n'a pas
été anatomiquement démontrée ; mais physiologiquement
leur existence n'est pas contestable, puisque les idées se fixent
dans la mémoire tout comme les sensations simples dont le
siège est connu.
PAUVELLE. — LE SYSTÈME NERVEUX. 477
En résumé, l'ensemble de chaque hémisphère peut être
représenté par une masse innombrable d*appareils nerveux
simples dont les fibres centripètes et centrifuges se réunissent
pour former les pédoncules cérébraux qui s'entent sur la
moelle.
Chez les vertébrés inférieurs, tels que les reptiles, les hé-
misphères cérébraux paraissent représenter simplement les
appareils nerveux élémentaires de la moelle. Le travail pro-
duit dans les muscles striés est alors toujours le même, seu-
lement il peut être alternativement volontaire ou réflexe.
Mais, par le progrès de l'organisation, il s'est ajouté succes-
sivement dans le cerveau de nouveaux appareils simples qui
n'ont pas leurs représentants dans Vaxe médullaire. G*est
ainsi que nous trouvons chez Thomme les groupes d'appareils
relatifs aux langages articulé et écrit.
Que devient la moelle après toutes ces différenciations?
Nous avons vu qu'elle conserve une influence considérable sur
les appareils ganglionnaires, dont elle assure la synergie du
travail à l'aide du réseau des nerfs sympathiques. Elle subit,
au contraire, la domination des hémisphères cérébraux, vis-
à-vis desquels elle joue le plus souvent le rôle de simple ap-
pareil de relais, au même titre que les couches optiques et
les corps striés qui dérivent des vésicules cérébrales secon-
daires par leur développement embryogénique.
Quand on considère isolément Taxe médullaire, on con-
state qu'il a conservé sa composition primitive et que le
nombre de ses appareils élémentaires est simplement en
proportion du volume de Torganisme dans lequel on l'ob-
serve. Mais de même qu'il n'intervient plus directement dans
les sécrétions et dans la contraction des muscles de la vie
organique, de même il n'est plus le siège d'aucun travail in-
tell.ictuel. La nervosité qui s'y développe ne se traduit plus
que par le travail excito- moteur ou réflexe des muscles striés.
En d'autres termes, les vibrations de la matière nerveuse n'al-
tèrent plus la cellule réceptrice et ne sont plus arrêtées et
ralenties par la cellule émissive.
478 8ÉAHCB DU 7 JUILLET 4887.
La seule modification sérieuse que présente la moelle dans
son évolution phylogénique, a lien dans la partie intracrà-
nienne, au niveau de la vésicule cérébrale postérieure primi-
tive, c'est-à-dire dans le développement du cervelet, espèce
d'organe de renforcement dont les appareils élémentaires ne
communiquent pas directement avec la périphérie. Il permet
à certains mouvements réflexes médullaires une vigueur et
une continuité d'action exceptionnelles, travail que la moelle
réduite à ses propres forces ne pourrait produire. J'ai dé*-
montré, en effet, dans ma communication sur les Conditions
statiques et dynamiques de la station bipède{yoiv Bulletins, 1884,
t. VU, 3* série, p. 792), que la force nécessitée parla station,
dans les diverses espèces de vertébrés, était en raison directe
du volume du cervelet, et que Thomme, dont la station bi*
pède et la progression dans cette attitude nécessitent la plus
grande dépense de nervosité, possède aussi le cervelet le plus
développé relativement à la masse de son corps. Les nom-
breuses expérimentations faites sur cet organe par les phy-
siologistes confirment ce fait d'observation et légitiment mon
induction.
Travail produit par la nervosité dans les hémisphères céré-
braux. — Pour terminer, voyons si, comme je l'ai^ avancé, on
peut qualifier du nom de travail l'impression produite [sur
les cellules réceptrices des hémisphères par la mise en acti-
vité de la force nerveuse.
Mais, avant de nous livrer à cet examen, il est Indispen-
sable de distinguer de cette impressionnabilité la,, propriété
dont ces cellules sont en outre douées, à savoir [d'ao-
cumuler les vibrations. En effet, si, au milieu d'un travail
intellectuel quelconque, nous éprouvons des sensations et,
par suite, des idées qui doivent entraîner ; certains actes,
nous pouvons néanmoins continuer le travedl interrompu et
remettre après son accomplissement l'exécution de ces actes,
sansqu'il soit nécessaire que ces impressions se renouvellent.
Cette propriété dépend de la nature même des cellules sen-
sitives et la nervosité y reste étrangère. 11 en est de même
FAUVELLE. — LE SYSTÈME NERVEUX. i79
du pouvoir interruptenr et modérateardes cellules volitives,
qui nous permet de doser les contractions musculaires et
même de les suspendre, et auquel se réduit en dernière ana-
lyse ce que nous appelons volonté. Ces deux propriétés con-
courent aux phénomènes intellectuels, mais n'en font pas
partie.
Le problème se réduit donc à savoir si les sensations et les
idées, résultat de l'impression produite par les vibrations
nerveuses sur les cellules réceptrices, méritent le nom de
travail. S'il en était autrement, les manifestations intellec-
tuelles les plus complexes n'entraveraient pas le travail qui
doit avoir lieu aux extrémités des nerfs centrifuges, et réci-
proquement celui-ci laisserait le champ libre aux manifesta-
tions intellectuelles. Or, Tobservation nous montre que le
contraire a lieu.
Le système nerveux, si simple lorsqu'on ne considère que
l'un de ses innombrables éléments, mais si compliqué quand
on l'envisage dans son ensemble, est composé, comme nous
venons de le voir, de trois grands groupes d'appareils élé-
mentaires : les ganglions splanchniques, Taxe médullaire et
les hémisphères cérébraux. Tous trois communiquent entre
eux par de nombreux filets conducteurs qui permettent à
chacun de soutirer à son profit tout ou partie de la nervosité
développée sur chacun des deux autres, pour subvenir à un
travail exagéré. Les preuves de cette solidarité sont d'ob-
servation courante.
L'ingestion d'une trop grande quantité d'aliments néces-
site une surabondance des produits de la sécrétion des
glandes digestives. La force nerveuse des ganglions splanch-
niques devient insuffisante pour subvenir à ce travail ; aussi
celle de tout le reste du système est appelée à y concourir.
Par suite, la moelle qui fournit aux réflexes de la marche et
de la station debout, ne peut plus produire ce travail : il
y a prostration ; on est obligé de s'asseoir et même de se
coucher. De même le cerveau ne peut plus fonctionner, et
l'on tombe dans une torpeur plus ou moins profonde.
480 SÉANCE DU 7 JUILLET J887.
La même exagération dans les fonctions soit de Taxe Qié-
dullaire, soit des hémisphères cérébraux, amène la même
inertie dans les deux autres grands appareils. Ainsi une
course violente, une marche trop prolongée font consommer
par la moelle toute la nervosité produite par le reste du sys-
tème. L'individu ainsi surmené n^est plus apte, sans un repos
préalable, à se rendre compte de sensations délicates ; il perd
l'appétit et, si une digestion est commencée, elle peut être
interrompue. Le même résultat du côté du tube digestif se
produit sous Tinfluence d'une douleur vive ou d'une émotion
violente ; les jambes fléchissent, on ne peut plus faire un pas ;
en un mot, on est brisé par la douleur ou l'émotion. Tous
ceux qui se livrent habituellement aux travaux intellectuels
savent que la meilleure hygiène pour les hommes d*étude
consiste dans une alimentation légère et un exercice mo-
déré.
Si nous prenons le cerveau isolément, nous voyons que,
lorsque la nervosité est absorbée par un travail volontaire de
quelque violence, les cellules idéophores ne peuvent plus
être impressionnées. Sciez du bois, piochez la terre, vous ne
pourrez réfléchir à moins de vous arrêter. La réflexion néces-
site un repos à peu près absolu. Par contre les bras vous
tombent au milieu d'un travail manuel, si une nouvelle ex-
traordinaire vous est annoncée.
Tous ces faits, d'observation journalière, démontrent sura-
bondamment que l'impression produite par les excitations
sensorielles sur les cellules sensitives et à idées est un travail
dans lequel la nervosité peut s'épuiser, et cela au même titre
que les sécrétions et les contractions musculaires.
Mais le discrédit dans lequel les folles divagations des phi-
losophes ont fait tomber l'observation directe des phéno-
mènes intellectuels, a engagé les physiologistes à recourir à
la méthode expérimentale pour rechercher si l'intelligence
était la manifestation d'une force physique. Les moyens
étaient restreints. Partant de ce fait que la température dun
muscle s'élève quand il entre en contraction, on a recher-
FAUVELLE. — ' LB SYSTÈME MBAVEUX. 481
cbô si l'excitation cérébrale produisait le môme résultat. En
effet, si l*aiguille d'un appareil thermo-électrique est plongée
dans la couche corticale des hémisphères d'un animal, le gal-
vanomètre indique une élévation de température au moment
où on lui fait subir une violente douleur. On a constaté éga-
lement que la paroi du crâne d'un homme soumis à une forte
contention d'esprit est plus chaude que pendant le repos in-
tellectuel. Ces faits tendent à prouver que la transformation
de la nervosité en travail mental s'accompagne d'un dégage-
ment de chaleur et que l'impression produite sur les cellules
sensitives et à idées pourrait bien être de nature chimique.
Malgré l'incertitude qui règne sur la nature de cette im-
pression, il n'en est pas moins certain qu'elle est produite
par la nervosité et que, par conséquent, les phénomènes in-
tellectuels sont sous la dépendance de cette dernière. Nous
ignorons également quelle espèce de transformation subit
cette force pour produire ce travail; mais nous pouvons
affirmer que TinteUigence est indissolublement liée à l'exis-
tence des hémisphères cérébraux, que sa perfection est due
à la qualité des appareils nerveux simples qui les composent
et que son étendue dépend de leur nombre et de celui des
cellules idéophores qui leur sont adjointes. Enfin, il est au-
jourd'hui manifeste que toutes les conjectures et toutes les
superstitions dont elle a été l'origine doivent être complète-
ment rejetées.
Conclusions, -~ Cette étude, basée uniquement sur l'obser-
vation et l'expérimentation, me permet, je pense, d'induire
légitimement que le système nerveux de Thomme, comme
celui de tous les animaux, est un véritable appareil de phy-
sique, présentant certaines analogies avec les piles élec-
triques, mais s'en distinguant surtout par la nature de la
force qu'il dégage. Cette force n'est qu'une lies formes de
l'énergie universelle, et elle tientsous sa dépendance tous les
phénomènes vitaux et spécialement l'intelligence.
Il reste encore bien des points obscurs, mais ils sont se-
condaires. Les grandes lignes sont tracées ; les observations
T. X (3« série). 31
48i SÉANCB DU 7 JUILLET 1887.
et les expérimentations ultérieures ne pourront que confir-
mer rinduotion qui précède.
En résumé, il n'existe dans Punivers rien autre chose que
la matière et la force qui Tanime, unies entre elles d'une ma-
nière indissoluble. Les phénomènes biologiques des corps
organisés, que si longtemps on a cru devoir distinguer, ne
font pas exception* Le matérialisme scientifique repose donc
sur des bases inébranlables. 11 résulte de Tobservation et de
rexpérlmentation, tandis que le matérialisme philosophique
était une simple conjecture admise a priori comme une
réalité I
' AttIhMpélogle «t philologie t — Aox Phlllpplneo ;
PAti tt. OLLITIBR BBAURE6ARD.
Quand, en 1565, les Espagnols s'établirent aux Philippines,
ils y trouvèrent en grand nombre des habitants de races
diverses.
Les aborigènes Itas ou Aétas, que les nouveaux arrivants
dénommèrent Négritos^ y figuraient pour un contingent de
quelque importance encore. Mais les Malays dès longtemps
impatronisés dans Tarcbipel Indien formaient aux Philip-
pines, sous des étiquettes variant de peuplades en peuplades,
la masse principale de la population ; après eux, comme im-
poii;ance numérique, venaient les Chinois, en nombre va-
riable suivant la saison. Enfin quelques milliers de Malays
musulmans, dits Maures^ disséminés sur les côtes de la baie
de Manille, à Luçon, aux îles Sùlù et dans le sud de Min-
danao^ où Tislamisme, que cette dernière migration de Malays
continentaux y avait apporté, trouva, au commencement du
seizième siècle, une facile expansion.
Dans ces conditions, c'est pour ainsi dire en quatrièmes
occupants que les Espagnols s'établirent aux Philippines.
J'ai cru qu'il y aurait quelque profit pour l'anthropologie
à fouiller le langue polyglotte qu'a créé aux Philippines ce
salmigondis ethnique et je m'y suis appliqué.
BEAUREOARD. ^ AUX PHILIPPINES. 483
I
Ce qu'affirme à première vue Tidiome macaronique des
Philippines, c*est tout naturellement la confusion des lan*
gués, partant la confusion des races, deux faits qui sont ici
d'une réalité parlante ; aussi je ne m'en occuperai que pour
noter, à titre de curiosité ethnique, quelques-unes des ex-
pressions dont usent les Espagnols des Philippines pour spé-
cifier les métissages divers qui marquent la population de
leur colonie de Tarchipel Indien.
Les Espagnols disent assez volontiers Meslixo-Malayo pour
indiquer un métis malay et Mestizo-Chîno ou Mestizo-Sangley
pour indiquer un métis chinois, et ils sont là dads de raison-
nables conditions de langage. Mais quand, pour désigner un
métis en général, ou malay, ou chinois, ou négrito, ils em-
ploient l'expression collective de Mestizo tributante^ métis
tributaire, on sent quUls se dressent de toute la hauteur de
leur titre de conquérant.
Quand il s'agit de métis espagnol le terme est bien plus fier
encore. Ils s'y prennent de loin et sont pompeux. Au lieu de
dire tout bonnement : Mestizo espanol, ils disent par préfé-
rence : Mestizo peninsuhr , dénomination dont l'ampleur
semble embrasser le monde ; ou bien encore Mestizo privile-
giadoy dénomination allière, qui sent le castillan à trois mille
lieues à la ronde.
Mais cela dit pour constater que les hommes portent par*
tout avec eux leurs qualités et leurs défauts, c'est plus parti-
culièrement de l'existence des indigènes antérieurs que je
m'occuperai, dans l'étude qui va suivre, du vocabulaire phi-
lippin.
II
Tout spécialement, deux mots de oe Tocabulaire, Tan
purement malay, Balangay ; l'autre complètement chinois,
Samparif ont, a titre archaïque, vivement piqué ma curiosité,
484 SÉANCE DU 7 JUILLET 4887.
et les recherches auxquelles je rae suis livré à leur sujet
m*ont fourni des constatations successivement plus intéres-
santes.
L'étude de ces mots nous apprend, en effet, presque par le
menu, l'histoire du peuplement des îles^de Tarchipel Indien.
Chacun de ces deux mots a deux significations, Tune pro-
pre et directe qu'il tient de son étymologie ; Tautre, pour,
ainsi dire, collatérale^ qu'il lient des circonstances et de
l'usage.
Chacune de ces deux significations dénonce un fait qui lui
est propre.
Le mot balangat/y par son primitif malay balang, barque,
signifie proprement : barque, et l'emplot fait dans l'archipel
Indien de ce mot et de l'objet qu'il désigne, témoigne delà
migration des Malays du continent aux îles de l'archipel
Indien ^
De même le mot Sampan, fait des deux mots chinois san,
trois, et/^an^ planche, trois planches — éléments constitutifs de
la barque la plus primitive — signifie également : barque, et
remploi qui est fait, dans l'archipel Indien, de ce mot et de
l'objet qu'il désigne, affirme ouvertement la migration des
Chinois du continent aux îles de l'archipel Indien.
Ainsi se trouve confirmé, par le sens étymologique des
mots balangay et sampan, le fait de la migration des Malays
et des Chinois du continent aux îles de l'archipel Indien, fait
sur lequel d'ailleurs tout le monde savant est d'accord.
Mais balangay et sampan ont reçu des circonstances, le
premier, la signification : centre de population malaye, le
second : centre de population chinoise, et c'est en effet, en
balangay, centres malays, et sampan, centres chinois — les
uns indépendants des autres et chacun d'eux séparément,
* Àio est UDO exclamation d'encouragement familière aux matelots
malays. On la retrouve dans toutes leurs chansons de bord, et dans la
relation de son voyage à la Nouvelle-Guinée, le capitaine Forrestcite
quelques-unes de ces chansons. Le mot Balangay serait ainsi fait du malay
Balang, auquel se serait ajoutée l'exclamation dto des matelots malays.
BEAURÇGARD. — AUX PHILIPPINES. 485
patriarcalement administré — que les Espagnols, en s'éta*
blissant aux îles Philippines, trouvèrent les populations an-
térieures çà et là cantonnées; ce- qui, nous en rapportant au
double témoignage des mots et des faits, nous autorise à
affirmer que la migration des Malays, aussi bien que celle
des Chinois, s'est opérée^ du continent aux îles de rarchipel
Indien, par départs successifs de barques isolées avec un per-
sonnel immigrant qui savait, en prenant terre, s'adjuger, pro-
bablement au détriment des Négritos aborigènes, telle portion
de territoire qu'il trouvait à sa convenance et s'y constituer
en groupe colonial, auquel s'attacha, tout naturellement la
dénomination de Balangay ou de Sampan, selon que le per-
sonnel transporté était Malay ou Chinois,
Aux jours où les Espagnols s'installèrent aux Philippines,
les centres malays y étaient beaucoup plus nombreux que les
centres chinois et il semble que,' dans le passé, il en ait été
toujours ainsi.
Les vocabulaires philippins écrivent par corruption CAam-
pan pour Sampan et, loi*sque ces mots y sont, l'un ou l'autre^
employés pour désigner un centre de population chinoise,
ils sont assez généralement accompagnés du mot Sangley.
. Ce mot sangley ast, dans son ensemble, la corruption des
deux mots chinois Hiang, ambulant^ et May, marchand,
marchand ambulant, ce qui nous dit la classe de la société
chinoise d'où sont sortis les Chinois des Philippines.
C'est seulement dans le sud de Mindanao, aux îles Sùlù et
sur le littoral de la baie de Manille à Luçon, où les Malays
musulmans les avaient précédés de plus d'un demi-siècle,
que les Espagnols ont trouvé des centres administratifs et re-
ligieux de quelque ibportance. C'est là en effet que, sous le
patronage de l'Islam, furent instituées les petites sultanies
qui vivent encore à Mindanao et dans les îles Sûlû, et qui re-
connaissent, seulement dans la mesure de l'opportunité, la
suprématie de l'Espagne.
Quant à l'époque où a dû se produire, dans sa plus grande
intensité, la migration qui peupla de Malays et de Chinois
4i6 8ÉÀNGB DU 7 juaLBT 1887.
les îles de l'archipel Indien, nous essayerons delà déterminer
en nous occupant du personnel mythique auquel les indi-
gènes antérieurs envoient leurs hommages grossiers.
Avant d'en philosopher, il faut que nous sachions, au moins
sommairement,les conditions de Texistence matérielle de
ces populations.
III
Lears habitations, à ne parler d'abord que des plus con-
venables, étaient en bois charpenté, tout à la fois légères et
spacieuses, et sinon luxueuses à notre façon, au moins intelli-
gemment disposées et appropriées aux usages des popu-
lations et au climat.
Le vocabulaire philippin nous tient ici informés par une
série d'expressions qui, une à une, dénoncent les agents actifs
et passifs dé la construction et de son ensemble.
Les constraoteurs sont des charpentiers, panday ^.
Les habitations, toujours placées dans un milieu planté
d'arbres, sont isolées du sol et s'élèvent sur de hauts po-
teaqx, arigue*.
A hauteur d'homme, se développe horizontalement le bâta-
lan^^ sorte de plate-forme, aire supérieure^ qui sert tout à la
fois de soi, de cour et de balcon (véranda) h l'habitation.
L'espace que couvre le iatalan est un sous-sol aéré, si-
tong^, oîi se remisent les instruments de la culture et autres
objets.
t Le malay pandey signifie : homme habile^ et pandey kûrus, orfèvre ;
pandey besû, forgeron (Abbé Favrc, Dict. malais- français).
* Le malay ûmk signifie : haussé, eihaussé (Abbé Favre, Dict, malais^
français),
' Le malay bûlala signifie : terre, le sol (Abbé Favre, Dici. malais-fran-
çais)j mais l'analyse chinoise de ce mot nous en donne une plus complète
intelligence : ^a, maison faite de pisé on de briques ; fa, grande, /an^ su-
perficie, grande superficie sur laquelle s'élève une maison de pisé ou de
briques.
* Le malay jarak signifie : éloignemcnt, dislance, espace entre deux
objets. Le j t>ermule parfois avec le s, il semble donc que l'on puisse dire
BEAURBÛARD. ^ AUX PfllUPPIIÎES. 487
Sur la surface isupérieure du àatalan^ s'élève, ea retraite,
dans toute la largeur de la façade, rbabitatioa proprement dite^
Les pourtours de Thabitation se dessinent ^éi^éralemept
en carré, et, pour l'ordinaire, les parois en sont faites d§
bambous tressés, doublées, à Tintérieur, en façpn 4e ten-
tures, de nattes f\neB,jipyapa\ peut-être,
A l'intérieur, les divisions de ce léger édiflpe sQRt fort
simples, et l'ameublement en est plus simple enooret
La pièce d'entrée est une sorte d'antichambre» circonscrit^
par des nattes mdbiles, ce qui lui a valu, de la p^rt des espa-
gnols, la dénomination de caida*. C'est Ih, que 1^ fanaillç
prend ses repas.
A droite, à gauche et dans le fond, sont ménagées les pièces
diverses qui servent à la famille de lieux de retraite ou ^
réunion.
Les cloisons séparatives sont des claies de roseaux tresa^s,
din-dmg V d'ailleurs point de sièges ni de tables. Les Malays,
comme tous les Orientaux, mangent ou se reposent ac(^QUpic(
sur leurs talons *.
sarak pour jaràk^ comme on dit jaring pour saring^ filet de otaastfe et de
pêche (Abbé Pavre, Dict. malais- français) .
1 Je ne trouve dans le malay aucun radical qui me donne raison de ce
mot jipijapa. Mais l'analyse des mots chinois ype ya pa donne : agréable
rafraîchissement de Tair par la circulation.
* Caida est espagnol. Il signifie proprement : chute, déclivité. Il s'ap-
plique ici aux tentures séparatives qui se meuvent de haut eu bas soit pour
faire communiquer deux pièces et n'en faire qa^une, soit pour les isoler
l'une de l'autre. Le capitaine Porrest, dans la description qu'il fait d'une
fête à laquelle il assista au palais du sultan de Mindanao, s'exprime ainsi :
a ... A cette occasion, les deux appartements du sultan furent réunis en un
seul. Un rideau de soie suspendu K environ douze pieds du plancher et
tombant jusqu'à la hauteur seulement de cinq pieds, pour qu'on pût faci-
lement passer dessous, faisait un très bon effet, parce qu'il remplissait un
grand espace entre les deux colonnes couvertes de drap d'écarlate. »
(Voyage aux Moluques, etc., p. 273.)
* Le malay dinding signifie : mur, paroi, cloison, paravent, bastingage ;
dmding rtlmaA, les cloisons d'une maison (Abbé Favre, Dict, malais-fran*
paw).
^ Le malay sHa exprime l'action de s'asseoir les jambes croisées sous soi.
Ce même mot avec le même sens est javanais, sundanais, batak et tagalog.
488 SÉANCE DU 7 JUILLET 1887.
Une natte, />eM/e*, faite de éuri*, Coryphaumbractdifera^
étendue sur une estrade, penlaSy peu élevée, constitue, avec
nn traversin, la couchette des indigènes^ même des indigènes
aisés *.
Le Mayapis, dipterocarpus Mayapis^ semble avoir plus par-
ticulièrement fourni les ais ou les planches qui entrent dans
la construction des habitations aux Philippines. Le voca-
bulaire philippin me donne, en effet, le mot Malamayapts,
qui signifie : planche ou ais tirés du Mayapis ^.
Ces habitations n'avaient point, semble-t-il, de fenêtres,
au moins de fenêtres translucides, avant la venue des Espa-
gnols. Le mot conchaSy que je rencontre pour fenêtre, est
espagnol ; il signifie proprement : coquilles, et désigne ici des
fenêtres qui tamisent la lumière à travers la nacre translucide
de certains coquillages.
Je trouve encore le mot calan*, qui signifie : foyer. Ce
foyer^ aux Philippines, ne doit servir qu*à la cuisson des
aliments.
La toiture des habitations est un lattis recouvert de tiges
* PêkUê est un mol espagnol d'origine mexicaine. Le diclionnaire de
V. Salvà en donne la définition suivante : « En la America la estera que
bacen y usan les Indias de Nueva Espafia »^ c'esl-à-éire : a Natte de jonc
que fabriquent et dont se servent les Indiens de la Nouvelle- Espagne
d'Amérique ». Et je trouve [dans le dictionnaire nahuatl de M. Rémi
Siméon que le mot pétale s^est formé du mot nahuatl petlall, qui a la même
signification.
* Le buri, corypha umbractdifera, est le môme arbre que le talapat de
Geylan où il est dit : le roi des palmiers.
< Chez les seigneurs féodaux de Mindanao, les couobettes sont élevées
sur des estrades, pentas, et se composent de plusieurs nattes superposées
et de coussins (Capitaine Forrest, Voyage aux Moluques^ etc., p. 261).
^ Le mayapis des Philippines est le même arbre que le majapahit de
Java. Ce mot majapahit est un composé fait de maja, qui signifie moelle,
et de pahit, amer. C'est du nom de cet arbre que l'ancienne capitale de
Java avait pris sa dénomination : majapahit.
Les planchers à Tintérieur sont pour ainsi dire à claire-voie, les ais qui
les composent sont espacés d'un centimètre ou d'un centimètre et demi
pour faire circuler l'air et donner de la fraîcheur.
* Le malay kUat signifie : éclat de lumière, reflet (Abbé Favre, Dict,
malais- f tançait).
BEAUREGARD. — AUX PHILIPPINES. 489
de bahay, mot tagale qui désigne le Nipa fimticnns de
Thunberg.
Du rôle de couverture qu*ont de tout temps rempli les
feuilles, atap^ de cette plante^ son nom indigène, bahayy a
pris la signification de cabane, et on dit assez couramment
aujourd'hui bahay de ?u/)a pour désigner les humbles cabanes
des indigènes.
Comme habitacle indigène, il y a encore, aux Philippines,
les bangea S que les Espagnols nomment banca^ tronc d*ar-
bre creux couvert d'un toit de bambou, carang •.
Dans la province de Pampanga^ Luçon, les Baluga^ né-
gritos ou métis négritos, ont, pour s'abriter en famille, la
hutte nommée bohio^ dont les parois de clôture tombent en
poivrière du sommet d'un pilier central, quilo*.
Après les abris naturels que fournissent les excavations et
les rochers^ le bohio est le plus élémentaire des abris.
Une construction qui, aux Philippines, a une importance
tout à la fois politique et industrielle, est le sarambao ^.
Le sarambao est un poste d'observation, juché sur des pilo-
tis. Il est pourvu d'un toit abri. 11 sert aux guetteurs chargés
de donner l'alarme, en cas de surprise^ et aussi aux pêcheurs
gardiens des filets et des barques.
Ce même mot, sarambao^ désigne les radeaux qui traînent
les filets.
La pêche est une des industries alimentaires, aux Philip-
pines ; elle se pratique à la mer, dans les rivières et sur les
lacs.
■ Le malay baUmg désigne un tronc d'arbre u percé de part en part »;
hangsa : famille, tribu, peuple, et hagan : cabane temporaire dans la
forêt (Abbé Favre, Dict. malais- français).
s Les mots karang, malay; karung, javanais, sundanals, makassarais,
bonghis, et le mot harang, batak, signifient : composé, arrangé, et aussi :
travail d'imitation (Abbé Favre, Dict. malais- français).
* Les mots malays : kilam, tourner ; kelim, bord, bordure ; kiUr^ aiguisé,
pointu, peuvent avoir donné le mot quilo, qui n'est pas espagnol dans le
sens où il est employé ici.
^ Le mot malay sarang signifie : nid, et les mots sarap^ malay et batak,
et sarah^ javanais et sundanals, signifient: ce qui flotte au-dessus de l'eau.
490 SÉANCE DU 7 JUILLET 1887.
IV
Mais, pour les Malays et plus particulièrement pour ceux
de Tarchipel Sûlû et de Mindanao, Tindustrie de prédilection,
l'industrie par excellence, celle qui sert à la fois leur passion
et leurs intérêts, c'est la navigation et surtout la navigation
d'aventures, celle qui procède par surprise sur les côtes, celle
qui lutte de vitesse et d'audace à la haute mer, la piraterie
enfin, que les courses à la mer peuvent seules satisfaire.
Elle est instinctive, chez les Malays, comme le travail et
Taccaparement chez la fourmi.
Le capitaine Forrest, dans la relation de son voyage aux
Moluques et à la Nouvelle-Guinée, voyage accompli pendant
les années 1774, 1775, 1776, par ordre et pour le compte de
la Compagnie anglaise des Indes, revient, à plusieurs fois,
sur les actes de piraterie des sultans de Mindanao.
11 avait été leur hôte pendant plusieurs mois, et, un jour,
à propos d'une goélette anglaise, enlevée par les pirates de
Mindanao, il hasarda de vouloir s'en expliquer avec son hôte
Datu* Topong. « Datu Topong, lui dit-il, d'où vient que vo-
tre frère Datu Uku a osé prendre un navire anglais? » et il
lui fut tout simplement répondu : « Bugitu adat destni ba-
rankalh'n, c'est-à-dire : «C'est ainsi qu'on en agit à l'oc-
casion. »
Après la conquête, les Espagnols aventureux et dévoyés se
sont mêlés aux pirates malays, et cette communauté de for-
bans, que leur présence incessante à la mer avait fait surnom-
mer lutaos *, c'est-à-dire : hommes flottants, sans cesse alimen-
et le mot malay panggar désigne une sorte de pilotis consistant en pieux
enfonoés dans la mer et sur lequel se trouve une hutte pour les pôoheurs
(Abbé Favre, Dict, malais-français),
1 Datu est le titre des seigneurs féodaux de Mindanao.
> Il existe encore dans la presqu'île de Sibiiguey et à Mindanao des peu-*
plades malayes dénommées lutaos et luiayos. C'est d'eux qu'entend parler^
sans doute, sous la dénomination de Lanon, Abd-AUah-ben-Abd-el-Kader
dans le récit de son voyage & Kalantan. Ed. Dulaurior les définit dans une
BEAURBGARD. — AUX PHILIPPINES. 491
tée et renouvelée, fixa, pendant près de trois cents ans, par
ses sinistres exploits^ l'attention du monde maritime.
En 1840, un voyage d'affaires, dans la mer de Farchipel
Indien, était enoore une entreprise guerrière, et petits ou
grands, européens ou insulaires, les navires qui s'y hasar*
daient devaient être bien armés et leurs équipages bien ré<
solas.
Un Malay d'origine et musulman, Abd-AUah ben Âbd-el-
Kader, a publié la relation d'un voyage qu'il fit, en Tannée
1838 — 1353 de l'Hégire, **^ de Singapur à Kalantan, sur la
côte orientale de la péninsule de Malaka ^ Aux précautions
qu'il dut prendre, aux péripéties qui marquèrent son voyage,
op peut juger du danger qu'il y ftvait alors de courir ces
parages.
Afin d'exercer lenjr industrie favorite dans les meilleures
conditions, les Malays de l'archipel Indien, sans cesse en quête
des formes et des dispositions les plus avantageuses à donner
à leurs embarcations, ont créé pour servir à la navigation de
leurs parages une étonnante variété de barques, qui, de l'une
à l'autre, diffèrent par le gabarit, le gréement, le tonnage,
les dispositions d'arrimage et l'emploi auquel chacune d'elles
doit satisfaire.
La nomenclature en serait longue. Voici seulement quel-
ques-unes des plus employées.
D'abord le balangay^ dont le nom primitif s'est corrompu
en barangay. C'est le bateau de la migration malaye, comme
la sampan est le bateau de la migration chinoise vers les îles
de l'archipel Indien. Gomme il a été dit, leur nom est l'ex-
pression de leur histoire.
Viennent ensuite, sans ordre méthodique, la vinla*^ em-
note : a Peuple qui ne vit que de piraterie. Les Lanon sont originaires
des provinces Iliana et Lanaw à Magindanao. Le root lanun est passé dans
le malay avec le sens de pirate. »
^ Cette inléressanie relation a élé traduite par M. Ed. Dulaurier et
publiée dans les Nouveliet Annales des voyages, 1849. Arlus Bertrand en a
publié une édition en 1850.
> Le malay panias signifie : alerte, agile, prompt. Dans Talpbabet malay
492 SÉANCE DU 7 JUILLET 1887.
barcation légère et rapide, qui, dans son emploi courant,
rappelle la pirogue des Indiens; le panco^y embarcation de
haute mer, légère et rapide; elle peut porter 35 tonneaux ;
elle est équipée pour la chasse; le salisipan^ Q%i aussi une
embarcation de haute mer; c'est la barque préférée des pi-
rates de Sûlû; le garay* est une variété du salisipan et re-
lève^ comme lui, de la flottille des pirates de Sûlû; lepontin
est un caboteur ponté, il est gréé de deux mâts et peut por-
ter 100 tonneaux; son nom dit qu'il est de création moderne ;
le parao ^, mieux peut-être le prao ou prabou^ est une sorte
de brick dont le port ne dépasse pas 35 tonneaux. Le pan^
qutllo* est aussi une barque de transport, elle peut recevoir
jusqu'à 25 tonneaux de charge; le mistieo est le nom espa-
gnol d'une barque de 30 tonneaux et plus de port ; le gitban *
est une embarcation de haute mer qui fait partie de la flottille
de Sûlû; le barato'^ est un petit transport de 1 à 5 tonneaux;
le balayan est pour les indigènes un bateau d'usage local ; le
barangayan^, bateau maté et ponté, est plus particulière-
ment affecté au service des îles Visaya et Mindanao ; le
le P ca F et l'articulatioD du F se confond assez facilement avec celle
duV.
^ Aucun radical malay n'a pu me rendre raison du mot panco, mais les
mots chinois pan-ihi^ (0 look uoatchfuUy^ regarder avec attention, donnent
pour panco le sens fort acceptable de guetter.
* L'analyse chinoise de ce mot nous donne aussi une satisfaction que
nous refuse le malay. Ainsi, en décomposant ce mot, nous avons : sa,
vaincre, ii, résistance, ffi, vigoureux, pan, saisir, o'estrà-dire : ardent à
vaincre les obstacles.
* Le malay garagay signifie : grappin, et peut avoir donné garay.
Constatons que ces trois dénominations génériques conviennent très
bien h, des esquifs de pirates.
^ C'est le maiay prâhUf barque, terme générique qui comprend toutes
sortes d^embarcations.
s Ce mot est, à la façon espagnole, le diminutif de panco.
* Le malay ^o6a désigne une sorte de navire.
^ Baroto doit indiquer les navires des côtes ouest de l'archipel Indien,
le malay harut signifie : vent d'ouest, région de Touest.
^ Balayan et barangayan doivent, comme balangay, avoir pour élymo-
logie commune le mot mtlay balang : barque.
BEAURBGARD. — AUX PHILIPPINES. 493
casco^^ transport de 25 à 30 tonneaux, fait le service des côtes
et des rivières ; il est manœuvré à la perche. Le guildlo ' des-
sert la lacune de Bay ; il porte des voiles et à Toccasion
marche à la rame. La falua^ felouque, est un transport dont
le tonnage varie de 3 à 70 tonneaux. Il navigue à la rame ;
la felouque doit être une importation arabe, de même que le
vilag*^ bateau de service tout spécial aux gens du territoire
d'Ilocos.
Toutes les embarcations qui tiennent la haute mer navi^
guent ordinairement sans lest et sont pour cette raison pour-
vues d*un balancier.
C'est avec cette frêle marine, marine fantôme, pour ainsi
dire, que les Malays de Tarchipel Indien ont, pendant près
de trois siècles, tenu en échec la marine marchande de TEu-
rope, et je note ici que près de quatre cents ans avant que,
dans notre Occident, il fût question de calfater les navires
avec la cellulose amorphe que fournit par le peignage la
fibre des noix de coco, les Malays employaient, sous la déno-
mination de bonoto^f la fibre des noix de coco pour calfater
leurs embarcations ; et, dès la fin du siècle dernier^ peut-être
même auparavant, la Chine recevait de l'archipel Indien une
substance végétale, assez semblable à l'amadou, recueillie,
dit Raffles, sur le palmier saguir [Borassus gomaïus), et dont
les Chinois calfataient leurs navires.
Les industries sédentaires n'ont jamais eu^ dans l'archipel
Indien, l'éclat et l'activité de l'industrie de la mer. Et, par
< Casco est espagnol. Ce mot signifie tout à la fois : crftne et quartier
d'orange. Par ce dernier sens nous avons la coupe, le profil de la coque de
cette sorte de navire.
> Cette embarcation a dû primitivement servir à la course. Son nom
chinois est fait de trois mots qui signifient : saisir, briser, filet.
* Vilog est le malay baluk a fulk, felouque.
^ Le malay banal signifie : étoffe fine.
494 SÉAIfCE DU 7 JUILLET 1887.
exemple, la première des industries sédentaires, Tag^iculture
existe à peine aux îles de Tarobipel ladîcti, et il est bien oer*
taio, d'ailleurs, que tout ce que savent et pratiquent sous ce
rapport les naturels de ces parages leur vient directement
des Chinois.
Lo vocabulaire relatif à l'agriculture y est, en effet, com-
posé de tertnes chinois à peu près dans son entier.
Ainsi cainges, défrichement des forêts par Tincendie, est la
corruption du mot chinois kwang, incendie.
CogoHy qui nous est donné comme une expression tagalog,
visaya et vigol, pour désigner une terre inculte couverte de
végétations confuses, est le chinois ko-gang^ mélange d'herbes
marécageuses. Et le mot iubigan^ par lequel les Philippins
expriment l'idée de terres riches, rappelle syllabe par syllabe
les mots chinois luh-wei^gang^ qui signifient : terre assainie
par les canaux.
Le mot alili^ que le vocabulaire philippin nous donne
comme un mot visaya, et qui a la signification de : avances
sur la prochsdne récolte, est le composé chinois ya-lth-lth, qui
peut se rendre par : avances sur l'herbe à couper. De môme,
le mot utang, prêt sur la récolte prochaine, n'est point ori-
ginairement tagalog, quoi qu'en dise le vocabulaire phi-
lippin.
Les mots chinois «A-^an^ (avances pour améliorer la terre),
l'ont assurément foimé, et le mot tacalanan, également pré-
senté comme tagalog, avec la signification : avances sur la
moisson prochaine, n*est-il pas fait des mots chinois ta-ka-
la-nang (avances pour attendre la maturité de l'herbe de la
récolte)?
La charrue et la herse sont, aux Philippines, d'Importation
chinoise, et cet instrument, tout à la fois pelle et bêche, le
ùalo, est revêtu d'un nom chinois •.
C'est encore une expression chinoise qui désigne, aux Phi-
lippines, le riz des marais, le mancassan, dont toutes les syl-
* WOi crochet, lo, arracher, traîner*
BEAUnBGARD. ^- AUX PHILIPPINES. 495
labes se retrouvent dans les mots obinois mang-ka-sang, ger-
mer avec profusion.
Ce riz des marais, dont la culture, grâce aux lacs intô-
rieurs, était facile à Mindanao^ semble avoir été la seule
variété de cette gramiuée cultivée par les indigènes avant la
venue des Espagnols. Les dénominations de deux variétés
de riz de» montagnes^ el secano et el reomero, sont, en effet,
d'apparence espagnole.
C'est aux Espagnols que les Philippines doivent le cacao.
Les Jésuites Tont acclimaté à Tile Samar ^ vers 1665, et le
piloté Pedro Brabo de Lagunas Ta porté aux Camarines
en 1670.
La culture du café aux Philippines date seulement de la
fin du dernier siècle.
Des nombreuses variétés de palmiers dont Tarchipel
Indien est abondamment pourvu, les Malays antérieurs
tiraient des résines et des baumes dont ils composaient des
onguents, et ils n'avaient point attendu l'arrivée des Euro-
péens pour extraire de leurs végétaux des sucs, qui, dès
longtemps, leur ont fourni des boissons enivrantes.
Avec la semence do Vholcus saccharalus^^ les Visaya fabri-
quent leur liqueur fermentée, pangasu Convenablement trai-
tée, récorce du tanal^ arbre des îles Sûlû, donne aux Suluans
une liqueur fortement alcoolique ; les Igorrotes font avec le
riz une bière qu'ils nomment stniput^ et produisent leur eau-
de- vie, basig. Enfin, sur tous les points de l'archipel Indien*
et pour ainsi dire de tout temps, les indigènes ont distillé
l*alak (l'arack).
Ils ont aussi fuit du sucre ; en langue malaye, iebu signifie :
canne à suc/*e ; kiban iebu, plantations de cannes à sucre, et
gitla tebu, sucre do canne. Mais le vocabulaire relatif à la
culture et au traitement industriel de la canne à sucre aux
1 Le mot malay samar signifie : déguisé, travesti. Celte dénomination,
qui est moderne, aurait-elle été donnée à Ttle qu'elle désigne, en raison
du tatouage de ses habitants?
* Une graminée, le millet de Cafrerie*
496 SÉANCE DU 7 JUILLET 1887.
Philippines y est dès longtemps à peu près complètement
espagnol et l'emploi courant des mots canadulzal et canûme-
laVf champs de cannes à sucre; trapiehe, moulin à sucre, et
aussi ferme oii se fait le sucre; el pilon, pain de sucre; inge^
nio, centre d'industrie sucrière, témoigne hien ici de Tin-
fluence espagnole, comme les mots chinois relatifs à la cul-
ture en général témoignent de Tinfluence chinoise dans
l'archipel Indien, à une époque, sans contredit, bien anté-
rieure aux Eispagnols et probablement contemporaine, ou à
peu près, de l'apparition simultanée des Malays et des Chi-
nois dans ces parages.
VI
Mais, tout en faisant encore ici une part à Tinfluence chi-
noise, une industrie qui peut passer pour être en propre celle
des Malays antérieurs, tant elle tient au sol des Philippines,
c*est Tindustrie des textiles. Ici du moins, et dans ses ex-
pressions les plus courantes, le vocabulaire est indigène, au
moins par ses dehors, sinon tout à fait par le fond.
VAbacùf mma textHi8;M Nanas, nom malay de VAnanassa
sativa, que les Hispano-Philippins ont nommé pma en raison
de l'analogie de forme qu'ont entre eux le fruitdu nanas et la
pomme de pin; le Plantain, musaparadisiaca; le Mague, agave
pittCf aloès; YAnakao^ palma brava, ont, sur les divers points
de Tarchipel Indien et dans des proportions diverses, fourni
de tout temps aux indigènes les matières filamenteuses dont ici
et là furent faites les étoffes de leurs vêtements.
De Vahaca, dès longtemps connu sous le nom de chanvre
de Manille, ils ont tissé les toiles fines et blanches nommées
nipts, dont remploi est d'un grand luxe aux Philippines.
Dans leur ensemble, les autres textiles ont eu leur emploi
méthodique. Les qualités moyennes ont fait la Guinara, Té-
tolTe des Saya, vêtements de femmes, et des Chinina, vête-
ments d'hommes.
Les capuchons et les manteaux contre la pluie^ plus parti-
BBAUREGARU. — AUX PJBILIPPINES. 497
culiërement chez les Jlocanos et les Itelapanes, ont été tissés
avec les fibres de VAnahao, palma brava.
Un choix spécial fait dans Tensemble de ces matières tex-
tiles a fourni de câbles et de fanins la marine et la pèche,
sous la dénomination générique et moderne dejoi'cia.
Mais de toutes les étoffes confectionnées avec les textiles
dont nous parlons, la guinara a toujours eu le plus d'emploi
et, pour un temps, avec l'entrain furieux de la mode, elle a
pu faire discrètement le tour du monde.
A répoque delà triomphante crinoline, alors que les dames
de notre vieux monde et celles du monde nouveau se crurent
obligées de porter des jupons en coupole, l'industrie sauvage
de l'archipel Indien prit sa revanche sur les cotonnades de
Manchester et de Rouen, et la gmnara, étoffe raide et solide,
fut alors expédiée par cargaisons en Europe et en Amérique;
et, plus accommodante que les armatures en acier et en ba-
leine, elle y fut accueillie, à très haut prix, avec reconnais-
sance et comme un heureux perfectionnement,
La vannerie est aussi un tissage et le vocabulaire de cette
industrie, comme celui du tissage proprement dit, paraît être
indigène.
Uupit et le sacupit^ sont des hottes nattées que fabriquent
les Igorrotes, ainsi que le cayabang, corbeille conique à l'usage
des femmes Igorrotes chargées de transporter de la terre ou
des grains.
Vapirang est chez les Igorrotes un appareil fait de rpseaux
et de bambou pour faciliter le transport de lourds fardeaux.
Le chapeau des Igorrotes est un tissu de lamelles du ro-
seau tacoco.
Avec le roseau bajuco ou avec la palma brava^ les Tagales
font des hottes, éi/ao*, et des couffes, bayon.
C'était, semble-t-il, le balangut, plante d'une grande ré-
sistance, sarmenteuse et rampante, qui reliait entre elles les
^ Le malay sunghit^ le javanais songkétf le makassarais s<mgké et le
dayak suit signifient : tissu brodé à jour.
> Le malay bilan signifie : filé, oardé.
T. X (3« S^RIfi). 3i
49S 8ÉANCB DU 7 JUILL&T 1887.
différented pièces de ces travaux de grande et de petite van-
nerie.
Les divers dialectes des peaplades malayes des Philippines
laissent également apercevoir des traces de pratiqaes métal-
lurgiques chez ces populations.
Le mot vidange désigne le creuset où les Igorrotes fondent
l'or; le mot tagalog perogumto* signifie l'or le plus fin, et le
mot tumbaga* un alliage d'or et d'argent principalement
utilisé pour la confection de b^oux d'usage personnel.
Les calombiga^ sont de gros bracelets en or et les fra/t* des
anneaux de laiton que les hommes et les femmes igorrotes
portent aux bras et aux jambes.
Les Igorrotes nomment gambang* Tensemble de leurs mar-
élites et de leurs petits ustensiles de cuivre, et, sous ce même
appellatif^ les Tanguianes et même aussi les Igorrotes dési-»
gnent les pendants d'oreilles de grande dimension en or, en
argent ou en onivre dont l'usage est coomiun aux deux peu*
plades'.
Ce même nom est appliqué aux pendants d'oreilles faits
en dents de chien.
Une cloche, dont Tapparence est celle d'un chaudron ren-
versé) est faite d'un alliage d'aspect blanc fourni par deux
métaux, Tun de ces métaux est le cuivre. Cette cloche est
nommée batintin*.
' Le mot malay balança signifie : pot de terre (Maraden, Dici. français,
mûlais).
, * Je ne trouve auoun radioai maUy pour oe mot.
* C'est le raalay temàaga. Go mot est aussi hiiidoustani.
* Le raalay kalung signifie : collier, chaîne de cou (Abbé Favre, Dict.
malais- françaû),
* Je n« trouve auoun radical malay pour ce mot, sinon bwM i anneau,
cercle.
* Le malay gilanbir : fanon, lobe qui pend, peut donner raison du mot
gambouy, ainsi que le malay kondam : ornement des oreilles.
^ « Il y a ioi| à Mindanao, des orfèvr«i qui font anses bien des boutons
et des pendants d'oreilles, etc., en filigrane^ quoiquMls n'approchent pas, u
beaucoup prèi, de la perfection des ouvriers malaise Sumatra et à Java, p
(Gapit. Forrest, Voyage aux Moluqu$s et à la NouvelMMn^ti p. iSS*)
^ Mot imitatif qui s'explique luiH&èmeu
BEAURBftARD, — AUX PWUPPINES. 409
VII
Chez les Malays aaléphilippIuB Teâclavaga était l'œuvre de
la piraterie; c'est par les prises qu'il se recrutait, et parfois
avec une telle abondcuice, que les Malays, pour modérer le
nombre de leurs esclaves, n'hésitaient pas à mettre à mort
ceux de nouvelle prise, ou à les abandonner dans quelque
lie déserte, aprèd les avoir, par la mutilation, rendus abso*
lument impotents'.
En s'ctendant d'île en île la domination espagnole a peu à
peu effacé l'esclavage aux Philippines, et s'il reste encore daus
l'archipel quelques traces de l'esclavage brutal tel qu'il était
antérieurement appliqué par les Indigènes, ce ne peut être
que dans Tintérieur de Mindanao et aux îles Sûlû.
La dénomination qualificative de la condition brutale d*es«
ûlave variait chez les indigènes d'une peuplade à l'autre, et il
arrivait même que certaine dénomination identique et com*
mune à toutes les peuplades avait de Tune à Tautre des nuan-
ces diverses d'acception.
Ainsi sacape désigne un vassal à Mindanao ; dans les îles
Visaya c'est un tributaire; dans les îles Sûlû c'est un esclave.
Oiipuen est un esclave à Mindanao et aux Visaya; chez
les Tagales le saguiguilù' est un esclave et le namamakay un
serf. Mais, avant la conquête espagnole, dans toutes les peu-
plades malayes; almping-namamahay s'entendait des serfs
et alimping^saguiguilir des esclaves.
1 « Dans la partie nord-est de Bornéo, il y a un peuple sauvage de piraUw
appelé Orang-tedong ou TIrun, qui vivent fort avant dans le pays sur les
bords dos rivières... On m*a assuré que, dans certains cas, les Cran
Todongs mangent de la chair humaine... Lorsque les Oran Tedongs pren-
nent un grand nombre de prisonniers^ ils estropient quelques-uns des plus
robustes pour s'en assurer ou bien les laisseut dans quelque petite tle
sablonneuse^ toile qu'il s'en trouve dan^ l'archipel de Sùlû et parmi les
Philippines, jusqu'à ce qu'ils jugent ^ propos d aller les obercber. Us ue
font aucun scrupule de casser les membres de leurs prisonniers pour se
mettre eux-mêmes à l'abri de toute crainte. » (Capit. Porrest> Voyage Qum
MiAuques, etc., p. 424, 4:2ô, 426.)
500 SÉANCE DU 7 JUILLET 1887.
Les serfs me paraissent être les prisonniers faits à la guerre
entre tribus malayes, et les esclaves, Jes prises à la mer.
Nous pouvons aussi mettre au compte de Tesclavage l'a-
liénation pour trois ans, trois mois, trois jours que fait de sa
liberté un Malay qui, pour s'acquitter d'une dette, engage
ses services à son créancier *.
De même est esclavage temporsdre la position subalterne
d'un jeune homme pauvre, qui pour acquérir sa femme en-
gage ses services à la famille de sa fiancée *.
Avant leur asservissement à l'Espagne, les chefs des petits
Etats tagales de la sultanie de Manille portaient le titre de
Manguinoo^y c'est-à-dire chef, gouverneur; les seigneurs féo-
daux des districts musulmans de Mindanao s'intitulent datu
ou dattu^; et, dans les Etats de la partie occidentale de cette
île, l'héritier du sultan, celui qui doit hériter du pouvoir
souverain^ prend le titre de cachil^, prince du sang. Le titre
depaduca^ appartient au sultan de Sûlft et à ses fils jusqu'à
la troisième génération ; et le sultan de Sûlû, quand il est Ois
A Abd Allah ben Abd-el-Kader^ Voyage à la côte orientale de la péninsule
de Malaka, p. 33, et note d'Ed. Dulaurier.
* Chez les indigènes des Philippines, le fiancé pauvre est désigné par le
qualificatif catipado.
Le cas du fiancé pauvre aliénant sa liberté pour prix d*achat de sa fiancée
est le cas du sémite Jacob s'engageant au service du sémite Laban pour
en obtenir Rachel, sa seconde fille.
* Aucun radical malay ne me donne raison de ce mot.
^ Le malay datuk signifie : grand-père, chef de famille. Le kawi datu
et datuk signifient : vieillard, prince. Le sundanais datu signifie : chef.
Le batak datu : augure, docteur^ prêtre. En makassar, le mot dafo est titre
de chef. Le dayak, le tagalog et le bisaya disent talo, dans la même inten-
tion.
* En malay, tuan kexil signifie : celui qui vient après le chef, fils aîné,
fils ou maître.
* Paduca est sanscrit et signifie : chaussure. Dans le malay, le javanais
et le sundanais, il s'interprète par majesté, « En Javanais, il est pronom
de la seconde personne en parlant à un supérieur. « Votre chaussure » se
dit pour « vous », comme si la personne à laquelle on parle, ajoute Tabbé
Pavre, était si élevée, qu'on ne p&t apercevoir que sa chaussure. Cest de
cette pensée que lui vient le sens que ce mot comporte en malay. • Dans
notre occident on baise la mule du pape.
BEAUREGARD, — AUX PfelLIPPINES. 501
de sultan et de la femme légitime de son père, et qu'il a pu
d*ailleurs, avant de régner, légitimement porter le titre de
paduca, s'intitule mayajçarm^ c'est-à-dire pur et sans tache.
A toutes ces qualifications les sultans de Sûlû ajoutent
encore celle deinaulana\ qui équivaut à Majesté.
Ces pastiches de Hautesse où se complaisent les petits
sultans de Sûlû et de Mindanao ne sont pas seulement TefTet
de leur mauvaise éducation musulmane ; la constitution aris-
tocratique de la société chez les Malays de l'archipel les y
prédispose et les absout presque du ridicule de l'exagé-
ration.
Chez les Tagales, par exemple, où l'existence à peu près
sauvage devrait commander Tégalité, le langage atteste, au
contraire, le classement aristocratique de la population. Ainsi
taho ou ^ao' signifie : homme, et mahaldica'' : homme libre, né
libre.
Tag a- bayant est la classe noble des indigènes de Tayabas,
taga-tabi • la. classe moyenne et taga-linang '' la plèbe ; à
Mindanao, tuam • est le degré inférieur de la noblesse.
Chez les Ilocanes et les Igorrotes, Thomme du peuple, s'il
est pauvre, porte la dénomination spéciale de Cailian^.
Aux îles Mariannes, (^Aamom*^ est un qualificatif de no-
blesse.
^ Les mots malays mc^a, moelle; jart, fleur, peuvent, sans trop les tor-
turer, rendre raison de ce titre.
* Les mots malays matou ou mau^ vouloir, volonté, et lanangt court*
geux, courage, peuvent bien aussi rendre compte du mot maulana,
3 Malay : iutva ou tua^ &gé ; orang tuwa, un vieillard ; men-tuwa, beaux
parents, beau-père, belle-mère.
^ Peut-être du malay mahal, précieux, dikir, gens de guerre, valeureux
hommes de guerre.
^ Aucun radical malay ne me donne raison de cette expression.
« Idem.
7 Idem.
B Malay : tuwa ou tua, vieux, fln, pur ; intan luwa, diamant d'une eau
très pure.
* Le malay sa kali-an rayât signifle : tout le peuple.
1^ Le malay œome signifie : gentil, mignon, gracieux, x ast çh français.
802 »êaKcb ftu 7 JUiiLÉt 4887.
VIII
tes Malays de l'archipel Indien, hommes et femmes, por-
tent des pendants d*oreilles et se noircissent les dents.
L'opération du percement du lobe des oreilles, et celle
qui consiste à enlever Témail des dents, à les amincir et à les
noircir se pratiquent, au moins pour les jeunes filles, à l'âge
de treize ans.
L'éclat des fêtes qui se pratiquent à cette occasion se mo*
dère à la fortune dont dispose chaque famille.
Le capitaine Porrest, dans la relation de son voyage aux
Moluques etàIaNouvelle*Qulnée, donne la description de la
fête qui eut Heu au palais du sultan de Mindanao en l'honneur
de Noé, sa petite-fille, «qui, dit il, était parvenue àl'âge d'avoir
les oreilles percées et ses belles dents blanches limées fort
minces, après qu'on aurait ôlé Vémail, afin de les teindre
d'un noir de jais*.» Je ne répéterai point Ici cette description.
Pour les Malays insulaires le mariage est une œuvre de
minutieuse exécution, et chez eux ces préliminaires que nous
nommons « les fiançailles a se compliquent de démarches et
de cadeaux qui, delà part du fiancé, passent et se multiplient
par tous les degrés de la parenté dans la famille de la fiancée.
Pas une démarche du fiancé vers sa fiancée qui ne doive être
» Chap. VII, p. 268 et suiv.
Le malay baja signifle : dur, diàttiant, acier. C'est le mot JavanaidUMi/a,
le makassarais, le boughlfl baJa et le dayak waja.
Ce même mot malay, ba/d, signifie : noiP de fUmée fait avpo l'écopcc de
noix de coco brûlée pour noircir les dents.
^ûja, javanais, et haja, batak, signifient : dents.
Enfin, le mot malay banun et aussi he-banun signifient : du noir pour les
dents.
Le javanais baiian signifie : noircir les dents.
Je trouve dans Marsden cotte phrase : Gini-na bahara bakas ber-baja :
ses dents portaient les marques de la préparation de baja récemment ap{)li-
quée.
Sisu signifie : action de polir les dent».
bûr-sisu signifie : qui lime les dents avec une pierre.
BBAtJABèARB^ •^ ÀÛX PHILIPPINES. 503
payée par lui de présents obligés» à faire aax parents qael«
conques de la fiancée.
Le mot tagale dalaga^ correspond à notre expression : de^
moiselle, et, chez les Tagales, vagong-4ii(P^ a le Sens de notre
mot prétendant, aspirant.
Fiancé^ l'aspirant n'est déjà plus libre, n doit mériter Sa
fiancée par les services personnels, pamimian^^ quil rend à
son futur beau<-père, et Tacheter à sa famille par des ottdeaux
multipliés.
Le prix d*achat de la fiancée tagale se nomme bigay*eaya^
et raccord iiltervenu sur le prix d'achat de la fiancée se cé-
lèbre par une cérémonie dite taUng^-boho^. Le jour do cette
cérémonie, le fiancé remet le cadeau^ habUM^ qui est le
témoignage de Taccord fait et qui le consacre.
Après le prix d'achat de la fiancée, vient le poêalog', somikie
que le fiancé paye à son futur beau-père pour dîner avec sa
> Le màlay dayang signifie : demoiselle de oondilion ; le jAvaoais d$Êhy
et le sandanaie dayang, femme de haut rang.
Le malay dalam signifie : famille nombreuse, dame du palais.
* Le malay 60^ signifie : beau, gentil, joli, agréable; orang hagui,
une belle personne ; aYeo cette étyroologie vagoug-têo signifia littérale-
ment : bel homme.
> Le radical malay pimpin signifie : pris par la main, conduit par la main,
et pimpin-an, action de conduire, direction, conduite.
* Le malay huka signifie : ouvrir ; kmya, riche, être riche ; les mots
higay-eaya avec cette étymologie signifieraient littéralement : prix de
l'entrée.
> Le mot malay taU : corde, ceintore, et èsini, épaule, partie supérieure
de r.épaule. Dans son ensemble, talimg bohot pourrait alors s'interpréter
par : emb ressèment. Je rappelle ici qu'à Çeylan, le jour du mariage^ les
nouveaux époux se présentent au public sous un même manteau qui cou-
vre leurs épaules.
* Les mots malays-arabes hatibf ami> amant, favori, et tiion, ornement,
peuvent rendre raison du mot habilm; tagale, ul9n tampala, signifie :
ornement en or, plaque ronde qui se place dans les cheveux du côté droit
et du côté gauche de la tête d'une jeune mariée (Favrci Diot, malaU'
français), Habilhulanf habilin^ sont les ornements de tête, présents du
fiancé.
"^ Le malay pahaia signifie : mérite, récompense, et ber^uish pahala
signifie : acquérir des mérites ; btr-bimt pahala y ang h^sar, faire les actions
les plus méritoires.
504 SÉAHCB DU 7 JUILLKT 1887. ^
fiancée; pois le patignog^^ antre somme d*argent qne paye le
fiancé aux parents de la fiancée ponr pooYoir loi parler, et le
patayc?^ prime à payer par le fiancé anx parents de sa fiancée
ponr être autorisé i la lisiter.
A ces obligations se joignent encore le panhimujai*^ ca-
deau personnel du fiancé à la mère delafiancée, et \epaso8o^^
cadeau du fiancé à la nourrice, hilot*^ de sa fiancée.
Le festin casalan* est celai de la veille du mariage et le jour
du mariage est encore marqué par des cadeaux imposés au
fiancé.
C*est d'abord le bigay-suso ^, cadeau que fait le fiancé, le
jour même du mariage à la mère de sa fismcée et, pour en
finir des cadeaux et des achats, le ghina-puang*, prime que
le marié paye aux parents de la mariée pour jouir, dans leur
plénitude, de ses droits de mari.
A ces exigences de tout ordre, corvée, démarches et dé-
penses, la conquête espagnole a ajouté le paghaharap*y rede-
vance an curé, pour en obtenir Tautorisation d*être marié et,
en même temps, dénomination donnée à la fête de famille
qni célèbre cette autorisation. Enfin la bandeja}^, corbeille élé-
gante chargée de friandises prélevées sur celles du repas de
noces et offertes au curé à titre de gracieux remerciement.
Quand les présents, faits par le fiancé à son futur beau-
père, dépassent par leur valeur le prix convenu pour Vachat
I Les mots malays paiekrnênck : obéissant aux ancêtres, déférence envers
les parents, rendent bien raison da mot pattgnok ou palignog,
* Pasan: ordre, commandement, etpojtôan; salle de réception, d'au-
dience.
> Panah signifie : arc, et moyang : trisaïeul ; le panhimuyat peut être un
cadeau, expression de dérérence pour les ancêtres guerriers.
^ Bàbu-Musu signifie : nourrice qui allaite, et aya^ bonnet d'enfant.
* Le mol malay pour nourrice est babu, et hulu signifie : source.
' Aucun radical malay ne me donne raison de casakm,
T Le malay «tau signifie : sein, et bigay suto, parure de poitrine.
* Guna : valeur, prix ; puwan, jeune fille, vierge : prise de possession
de la jeune fille.
* Ce root est Tespagnol pagara, quelque peu travesti.
1* Mot espagnol qui signifie : corbeille ou plateau dont on se sert pour
présenter avec apparat les objets offerts.
BEAITRBOARD. — AUX PHILIPHNES. 505
de la fiancée, le beau-père fait à son gendre un cadeau en
retour, ce cadeau se nomme pasanor^.
Avec sa femme légitime, maîtresse de maison, ynasala}, le
Malay peut avoir chez lui d'autres femmes à titre d'amies.
Binocot^y c'est-à-dire femme maîtresse dans la chambre, est
le titre dont se parent, chez les Visaya, les femmes de haute
considération.
Dayana^ désigne la femme légitime d'un Malay de Sûlû, et^
suivant Dampier, le mot pagaly^ s'applique à la femme de
son gynécée qu'un maître de maison met à la disposition de
son hôte.
Les femmes malayes, même les métisses, je devrais dire :
surtout les métisses, sont, paraît-il, de fort belles personnes*.
I Probablement des mots ro(ilays pasan^ ordre, et niir. lumière ; pasa-
nor : règlement.
* Ce mot paratt chinois, ou du moins, à défaut du malay, le chinois
Texplique avec assez de précision : ym, ce qui est grand h l'intérieur; sa*
convenance pour les Temmes; la, direction, impulsion. C'est bien là le
sens de : maîtresse de maison.
* Les radicaux malays ne me donnent pas raison de cette qualiflcation.
Le chinois, au contraire, l'interprète et l'explique : wa, maison, intérieur;
no, ordonner; ko, avoir le pouvoir de faire : gouvernante de la maison, de
l'intérieur.
* Le malay dayang signifie : dame d'honneur, demoiselle de condition.
^ Expression chinoise qui, dans son ensemble, se rend par : femme dont
la conduite irrégulière est autorisée par son mari.
< Voici le portrait qu*en donne F. Ganamaque, à la suite de ses notes
sur la province de Zambale, insérées dans les Bulletins de la Société acadé-
mique indo-chinoise^ année 1881, p. 169.
« Les Indiennes sont d'une belle stature. Elles ont de magnifiques che-
veux noirs et de grands yeux foncés. Elles recouvrent la partie supérieure
du corps d'une chemise blanche en toile du pays. Cette chemise est parfois
d'un grand prix, d'une finesse transparente et blanche comme la neige.
Elles portent, à partir des hanches, une robe à nombreux plis, dont la
partie supérieure est recouverte d'une jupe de couleur foncée descendant
jusqu'aux genoux ou quelquefois moins bas, selon la mode, et tellement
serrée que les plis de la robe en sortent comme les pétales de la fleur du
grenadier de leur calice. Les jeunes filles ne peuvent en conséquence
marcher qu'à petits pas, ce qui, en môme temps que leurs regards baissés
vers le sol, leur donne un air gracieux de modestie et de pudeur. Leurs
pieds nus sont chaussés de sandales brodées, retenues par le petit doigt
qui dépasse la chaussure. »
606 SÉANCE DU 7 JOTLLET 4887.
IX
Les croyances religieuses chez les insulaires des Philippines
sont aujourd'hui, au moins en apparence, ou musulmanes
ou chrétiennes.
Elles sont musulmanes dans quelques parties des Yisaya,
aux Sfilû et à Mindanao, où les ont établies telles les Malays
musulmans des dernières migrations malayes.
Elles sont chrétiennes chez les peuplades des autres con-
trées de Tarchipel où les missionnaires espagnols ont pa
pénétrer.
Mais, aux temps préislamiques et préoathollques, les Insu-
laires de l'archipel philippin ont pratiqué le culte des ancêtres
et des esprits célestes, et les débris qui en survivent sont
d'intéressants sujets d'étude pour l'ethnique de ces contrées.
Le premier, et assurément le plus considérable de ces dé-
bris, est le mot anito,
VAnito est le dieu domestique des Tagales. C'est l'âme d'un
ancêtre ou des ancêtres en général, douée de qualités surna-
turelles et de puissance divine.
Ce mot anilo, où se concentrent, pour ainsi dire, les
croyances religieuses des Tagales, n'est cependant pas un
mot de l'idiome tagale. Le mot de cet idiome qui, par son
essence étymologique, répond à la valeur ou à la portée du
mot anilOf est nonoy qui, lui-même, dérive du malay neneky
grands-parents, aTeux. Quant au mot anitoy il est chinois* et
composé de trois mots, dont l'ensemble peut se traduire par :
ceux qui dorment ou reposent et dont les conseils doivent
être suivis.
Cet emploi fait par les Tagales du mot d'essence chinoise,
anitOy comme expression de leurs croyances religieuses, in-
dique clairement que le culte des ancêtres leur vient des
« An heb, (0 fêst as ftwn lahour\ to tlêtp, to reposé (tS34); To, to
engage, to do, to lay upon, to perform (10289) (Morriflon, DIct. chinois).
BEAUnEGAHD. — AUX PHILIPPINES. 507
Chinois, chet qui oe culte est aussi ancien que la nation
chinoise elle-même.
XvecVAnitOj qu'ils peuvent invoquer en tout temps et à
tout propos, les Tagales croient aussi avoir à leur dispo-
sition toute une légion de divinités secondaires. Ils en ont
contre toutes les plaies et contre toutes les misères. Ainsi,
Lacambui ^ protège les provisions alimentaires ; Lachamba*
cor* veille sur les malades; Im^a* les guérit; le Corbeau
divin^ Malupa ^, garde le sol, dont il est le seigneur et maître ;
tandis que Lacampati *, divinité hermaphrodite» domine silen-
cieusement sur tout et sur tous.
Et ce n'est point trop de tous ces protecteurs pour défendre
les Tagales d'assez nombreux démons familiers, toujours
prêts h les assaillir, tels que : Siligan^^ qui se plaît à manger
le foie de toute personne vêtue de blanc qu'il rencontre ; 7\g^
balang ^, qui multiplie ses formes pour multiplier ses malé-
fices ; Manocolam^i qui vomit le feu ; Magtatangal^y qui court,
la nuit, sans tête et sans entrailles, et reprend, le jour, sa
forme, et encore Macuculan ***, Naanayo ", Sara ", démons
qui, pour n'avoir point de méchant emploi avoué, n'en sont
pas moins fort entreprenants et dangereux.
^ Le malay me''iangkap'i signifie : pourvoir quelqu'un de oe qui est ué-
cessftirô.
Nota. Me est une particule préfixe qui donne àu verbe nuquel elle eit
' associée un sens actif.
' Je u'ai pas de radical malay pour expliquer oe mot, mais le chinois me
donne pour l'Interpréter quatre mots qui peuvent s'interpréter : ne pas
s'abandonner à la crainte.
» Le malay lankaH signifie î franchir.
• Le malay me-luput han signifie : délivrer, affranchir.
» Le malay tangkap signifie : complet, complètement.
• L'analyse chinoise me donne pour ce mot : qui cherche à diviser.
7 Ting, arracher, déchirer; wa^ creuser ; /anflf, \0\3p\ tigbalang, loup
cruel et dévorant, d'après l'analyse chinoise.
^ Semant le meurtre et la rapine.
• Gourant en désordre, cruel et envieux.
*• Cherchant avec avidité partout à prendre.
" Vacarme et injure.
>> Sala, en haillons.
508 SÉANCE DU 7 JUILLET 1887.
Langit ' est le ciel, le paradis des Tagales, et Casanaan *,
leur enfer.
Chez les Visaya, Divnta^ est rappellaiion de YAnitOy et
Divata se comporte, chez les Visaya, comme YAnito chez les
Tagales. Il est là l'expression du culte des ancêtres.
Laon'' est la divinité suprême et créatrice chez les Visaya,
et Lil'che^, une idole en grande vénération.
Les Zambales ont pour divinité grande et puissante Ma-
ly-ari*^ le Deus maximus, dit le vocabulaire philippin.
Ces Zambales sont des peuplades d'agriculteurs, aussi tou-.
tes leurs divinités s'occupent-elles des champs et des récoltes,
et toutes sont vêtues de noms chinois.
Anitong ', dieu de la pluie, arrose les champs ; Calasacas *
fait mûrir les céréales ; Damalay * protège les moissons ; Du-
magan ", par surcroît, s'emploie à les conserver.
Ifugaos et Igorrotes ont pour divinité suprême Cabunian}^.
Cabunian a enfanté deux couples divins : l'un, Cabigat et Dan-
guiv}^^ veille sur les Ifugaos ; l'autre, Ubban et Bugan^^, veille
sur les Igorrotes.
\ Le ciel, le firmament. Le malay, le javanais, le sundanais, le dayak, le
bisaya et le tagalog écrivent langit, mais le makassarais et le boughis écri-
ent langi. Le malay kayangan désigne plus particulièrement le ciel,
yéjour des esprits célestes.
* Le malay naraka signifie : enfer, régions infernales, et ito-fiaraika-aii,
qui est de l'enfer, infernal.
Nota. Ka est une particule prépositive ; elle signifie : à, vers ; ainsi :
fiatA; ka-langitt monter au ciel.
* Le malay dewaUtf esprits célestes ; dêwala kamg ai^kayanganj les
Génies des demeures célestes.
^ Lwan (Morrison, 7462) : oiseau fabuleux qui a une valeur divine.
B Leih'Chê (Morrisonf 7113) : prendre son parti, se résoudre, résolution.
* MôAac-lih : la plus haute expression de l'origine et du progrès des
choses (Morrison, 7745-6857).
^ Tung signifle : hiver ; antttmy, génie de l'hiver.
"Qui fait croître les herbes, les céréales.
^ Qui multiplie les produits.
10 Qui assure la protection.
>» Chaleur et fermentation.
1* Qui ne cultive pas les plantes folles; qui respecte la cause première.
** Parfait, riche de bonté.
BEAUREGARD. — AUX PHILIPPINES. 509
Les Igorrotes ont de plus à leur dévotion Sumabit et Bum-
gan^y qui, comme les couples précédemment indiqués, sont à
la fois frère, sœur et époux, et Pati^j dieu de la pluie. Puis,
sans attributions qui nons soient connues, toute une compa-
gnie de divinités secondaires : Ltmantacas*^ Misi^, Sadi-
bubu^^ Saman^y Sipat'^y Dalig*^ Dasiasoiot^y Capaiai^^, ainsi
que Ttbougan eiLirnoan^^y divinités féminines.
Nous trouvons encore, au service des Igorrotes, Suyan^^y
à titre de divinité secondaire, et un prêtre sacrificateur :
Mambunung *'*.
Les Bagobos de Mindanao sont aussi fort abondamment
pourvus de protecteurs divins. Lumabat *\ Taguiama *•, Taga-
/»ma**et le couple divin formé de Todlay et de Todlibon^'^y
épouse vierge, les défendent des maléfices sans cesse ourdis
contre eux par les démons, tels que : Mandarangan *^, qui a
sa résidence au volcan Apo; Sù'ing^ TagamalingyCalambusany
Camulay et Manama.
Tagbtisau est le dieu de la guerre chez les Manobas.
Les Philippins antérieurs croyaient que les anitos ou nonos
résidaient sur Tarbuste Talic nonOyBuddleia virgatayd'oxx son
1 Actif et matinal ; belle et vaillante.
* Faire croître.
' Qui provoque et maintient la fermentation.
* Qui soigne le dz en cosse.
' Qui préside à la nuit.
* Qui préside à l'agriculture.
1 Attentif à obliger.
* La grandeur suprême.
* Qui veille sur les malfaiteurs,
to Monstre aux dents tordues.
>^ Qui calme le désespoir, qui règle l'inondation.
>> Elxcellence.
*^ Qui facilite la culture.
** Loo^mang-ioac, qaï éloigne les fous, ou bien aussi, qui préserve de la
folie.
1^ Tang-gae'tna, qui calme les passions vives.
^^ Tang'l§e-ma, sentiment qui nivelle les rangs.
^"^ Ting-leihf appui souverain. Tan-leih-wangt puissance suprême.
*^ Man^tang'lang, vagabond affairé.
1* St^Mi, accapareur.
510 SÉANCE DU 7 JUILLET 4887.
nom indigène Talic nono^ qui a la signification de « Ruche
des Nonos ». A ce litre, cette planta a été l'objet d*un culte
divin.
Le Balete, Ficus indica, est, dans Tarchipel Indien, comme
dans rinde, Tarbre vénéré des populations indigènes.
Les sorciers, les spectres, lei amulettes, toutes imagina-
tions de peuples naïfs et primitifs, ont, chez les tribus de Tar-
chipel Indien, libre cours et créance.
Le démon Patianac poursuit les voyageurs, le» pousse hor»
de leur chemin et les égare. De concert avec son compère
0 Suang \ Patianac trouble les naissances et rend le» enfan-
tements laborieux.
Mangavayy à son heure, sorcier de bonne composition,
sauve ou tue par ses incantations.
Chez les Vlcols, Hodoban, sorcier malfaisant, se plaît au
meurtre des populations et à la destruction des habitations.
Le sorcier Manyhalat a le pouvoir d'énamourer les gens.
Calapitnan est le roi des chauves-souris ; il réside dans la
caverne aux stalactites de Llbmanan, Gamarine» du Nord.
La rencontre du magu ou malmay^ lemur spectrum^ est regar«
dée comme fâcheuse et de mauvais augure par les indigènes
de l'archipel Indien.
En dépit de la déférence qu'ils témoignent aux anito$^ Les
indigènes de Tarchipel Indien accusent ces patriarches d*ou-
tre-tombe de leur prodiguer le mal pamao, que l'analyse
chinoise de ce mot me fait supposer être le rhumatisme
articulaire *.
Les indigènes des Philippines nomment antin-antin une
amulette qui peut donner tous les bien» et préserver de tous
les maux.
Ce môme mot, antin-aniin^ ou anting-anling^ signifie : pen-
dants d'oreilles.
Cette double signification, attribuée au mot antin''Qntin^
1 Méchant et sournoii.
< Pa (8102), a disecue of the tendons orjohUs : mal des oarlilaget ou des
articulations ; ma (7741) : sensation ; hwu (2923) : vioUote (Morrison).
BEAUREGARD. — AUX PHILIPPINES. 511
peut expliquer Tasage géDéral des pendants d'oreilles chez
les indigènes des deux sexes et aussi la solennité avec
laquelle se fête, en famille, l'opération du percement du lobe
des oreilles.
J'arrête là l'examen du vocabulaire philippin ; non pas que
je croie en avoir extrait toutes les confidences possibles, mais
parce que, bien qu'elle soit courte, Tétude que j'ai faite de
quelques mots de ce vocabulaire m'a fourni les attestations
dont j'avais besoin pour affii:mer l'origine première de chacun
des types ethniques dont le métissage a constitué Tensemble
pré-espagnol des populations de l'archipel des Philippines, ce
qui était le but de ce travail.
L'analyse de quelques mots du vocabulaire philippin me
permet, en effet, d'affirmer que l'ensemble pré-espagnol des
populations de l'archipel philippin a pour origine des migra-
tions de Malays et de Chinois du continent, qui se sont super-
posés aux négritos aborigènes ;
Que ces populations sont assurément, dans des proportions
plus malayes que chinoises et négrito et plus chinoises que né-
gritOjdes populations métisses malayes, chinoises et négrito ;
Qu'elles ne sont, dans ces conditions, l'expression fidèle et
primitive ni du type malay pur, ni du type chinois pur, ni du
type négrito pur ;
Qu'elles sont, dans leur caractère intellectuel, malayes pur
l'industrie de la mer, chinoises par leur éducation agricole, et
chinoises encore par le mysticisme de leur culte des ancêtres
et des esprits.
J'ajoute que l'absence de toute pratique bouddhique, chez
ces mêmes populations, peut «nous autoriser à placer, avec
quelque justesse d'appréciation, l'époque de la plus grande
intensité de migration des Malays et des Chinois du* conti-
nent aux îles, à une date voisine, en deçà ou au delà, du dé-
but de notre ère occidentale*
512 SÉANCE DU 7 JUILLET 1887.
Au cours de cette étude, j'ai noté, à 1-occasion, quelques
noms géographiques qui relèvent des temps antéphilippins,
et, en assez grand nombre, des noms de tribus d'origine ma-
laye dès longtemps établies dans Tarchipel. De ces titres géo-
graphiques et de ces dénominations de tribus, j'ai dressé deux
listes alphabétiques, que je donne en appendice, pour aider,
autant qu*il m'est possible^ à la connaissance plus intime de
l'archipel philippin.
QUELQUES NOMS ANTARTSURS DE LA gAOGRAPBIS OSS PHILIPPINES.
AbuyOy
Achan,
Bagatao,
BagUUf
Bahi ^laguna de),
Balayan,
Calaga ou Calagan,
CalUayay
CamarineSt
CanUaiOf
Caraga,
Comintana,
Cubuiy
IbabaOy
Ibalon^
Uocos,
Mail (pays des Noirs?),
Maluco,
Oton ou Oiong,
Ancien nom de llle de Leyle. (^e nom a été re-
tenu par un village de cette lie, le paeblo
AbuUo d'Abuyog»
Ancien nom des tles Samar,
Ancien nom du port de Sorsogon, proyince
à'Albayy Luçon.
Nom qu'a porté l'Ile de Negros.
Ancien nom de la lagune de Bay,
Ancien nom de la province de Balangas ; un
pueblo a retenu ce nom.
Ancien nom de la partie orientale de Mindanao.
Nom qu'a porté la province de TayabaSy Luçon,
aux seizième et dix-septième siècles.
Avant 1825, nom de la contrée qui comprend
aujourd'hui les province de Camarines nord et
Camarmes sud.
Un des anciens noms de l'tle de Samar,
Ancien nom de la partie de Mindanao qui, depuis
le commencement du dix-neuvième siècle,
comprend les provinces de Surigao, BisUg et
Davao,
Nom qu*a porté la province de Batangat aux
seizième et dix-septième siècles.
Ancien nom de l'tle de Cébu.
Un des anciens noms de l'tle de Samar.
Ancien nom du pays à'Albay.
Ancien nom de la contrée qui comprend aujour-
d'hui les provinces de la C/htott, d'/toco^ nord
et d'ilocoi sud.
Nom qu*a porté Tlle de Mindoro au seizième
siècle.
Dénomination tagalf^ des Moluques,
Ancien nom de la contrée située sur la côte
orientale de la province IkhUOt tle de Panay.
BBAURBGARD. — AUX PHILIPPINES.
513
Pampanga,
Pangatinan,
Paniqui, Paniguij
Pau,
Quipit,
SabanUla,
Sogbu,
TagtUma,
Tenpaya,
Zebuy Zubu, Zubut^
Nom primitif de tuçon»
Ancien nom de la province aotnelie des Zani'
haies.
Nom d'un district de mission au dix-septième
siècle.
Ancien nom des tles Palaos ou Pelew,
Ancien nom des côtes de Mindanao, entre la
pointe de Gorda et Dapitan,
Nom d'un petit fort que les Espagnols construi-
sirent en 1638 à l*embouohure du Rio-Grande
de Mindanao.
Ancien nom de Ttle et de la ville de Cébu.
Ancien nom de l'tle de Basitan*
Un des anciens noms de l'tle de Samar,
Anciens noms de Ttle et de la ville de Cébu.
PBTJPLADIS D'ORIOINB M4LAYB AUX PHILIPPINES.
Buriks,
Busaoi,
CagayaneSf
CalingaSy
Caracas,
Cuaman (los de),
Gaddanes,
GamunangeSy
Guiangas,
GuimbaSf j
Guimbaj'anos, >
Itrilaas,
Ifugaos,
IfumangieSi
Igorrotes,
Iléabanes,
lUanos^ i
lUanunit Lanum, )
Ilocanos,
Hongotetf
T. Z (3* SÉRIE}.
Peuplades de chasseurs de têtes, qui parlent
rigorrote. Ce sont les Igorrotes proprement
dits.
Peuplade malaye de Luçon nord.
Peuplades malayes à Test de Luçon nord.
Peuplade malaye des côtes de Mindanao oriental.
Tribu manobo entre Rio-Hijo et Caraja.
Peuplade malaye de chasseurs de têtes du nord-
ouest de Luçon.
Peuplade malaye do la province de Cagayan.
Peuplade malaye de Mindanao.
Peuplade malaye du centre de l'île de Sulu.
Peuplade malaye de chasseurs de têtes du centre
de Luçon.
Peuplade malaye de chasseurs de têtes de la
Nueva-Viscaya, Luçon.
Peuplade malaye de chasseurs de têtes, Luçon
nord.
Peuplade de chasseurs de têtes de Luçon nord.
Les Igorrotes sont d'origine malaye. Le mot
igorrote signifie : sauvage, païen.
Peuplade malaye de chasseurs de têtes de Luçon
nord.
Nom des peuplades malayes musulmanes des
bords de la baie Illana et de la mer Malanao.
Peuplade malaye de la province d*Ilocos.
Peuplade malaye de chasseurs de têtes du centre
de Luçon.
33
814 SÉANCE DU 7 JUILLET 1887.
Jrayas, Peuplade malaye de l'eat de Luçon nord.
Isinayes, Peuplade malaye du oeutre de Luçon.
itaUmeSy Peuplade malayli de chasseurs de têtes du centre
de Luçon.
Peuplade malaye de Cagayan.
Peuplade malaye de chasseurs de têtes du nord
de Luçon.
Habitants musulmans de Basilan,de race malaye.
Peuplade malaye du centre de Luçon.
Voir Illanos.
Peuplade malaye musulmane de la presqu'île de
Subuguey, à Mindanao.
îllanos qui habitent au nord de la mer de Ma-
lanao.
Peuplade malaye fortement imprégnée de sang
n^grito, au nord>est de Mindanao.
Peuplade d'origine malaye^ à Test et au sud de
Mindanao.
Peuplade malaye de Mindanao.
Peuplade malaye de Mindoro et de Romblon.
Peuplade malaye de Mindanao.
Peuplade malaye de ooupeurs de tètes du centre
de Luçon.
Malays musulmans du sud de l'archipel.
Peuplade malaye de Panay et de Gcbu.
Peuplade malaye de Cagayan, Luçon.
Habitants des bords de la lagune de Bay.
Peuplade malaye de la province de Pamponga.
ItaveSt
IMapanes, i
Itetapaanes, S
JacaneSy
Jumangi,
lanum, Ulamme, ÎUanas,
Lutaos^ LutayuSy
hIalanaoSf
Mamanuas (hommes des i
forêts), \
MandayaSy
ManguangaSt
ManguianeSy
Manobos (brutes),
MayoyaoSy
JWoro,
MundoSy
NabayuganeSf
Pagasilangancs,
Pampangas,
PannipuyeSt i
Pamipuyes^ S
Quianganet,
Sabanos,
Samcacas,
SanguileSf
Silipanes,
Tagacaolas, J
TagalaogoSy )
Tagalos,
TegurayeSf
TingueSy i
TinguianeSf \
TtrulayeSy
Vicols,
Peuplade malaye de Luçon.
Tribu de Mayoyaos (Malays).
Tribu malaye des montagnes et de la presqu'île
de Subuguey, à Mindanao.
Tribus malaycs du centre de Basilan.
Tribu malaye du centre de Mindanao.
Tribu de Mayoyaos,
Peuplade malaye du sud de Mindanao.
Peuplade malaye de Luçon et de Mindanao.
Peuplade de Malays musulmans de la province
de Bio-Qrande à Mindanao.
Peuplade malaye du nord-ouest de Luçon.
Peuplade malaye pauvre du district de Cotabato.
Ce n'est peut-être qu'une tribu de Manabas,
Peuplade malaye, presqu'île de Camarinet^
Luçon.
BEAUREGARD. — AUX PUlUPPlNES. 5iS
Vilanes, Peuplade malaye du sud de Mindanao.
Visaya^ Peuplades malayes. Iles du même nom.
Zamôals, Peuplades malayes de Luçon».
Disûussion.
M. Letourneau demande à M. Beauregard s^il pourrait in-
diquer la date approximative de l'introduction en Malaisîe
du gouvernail monté sur gonds et rappelle que toute Tanti-
quité gréco-latine, de même que l'Egypte ancienne, a ignoré
le gouvernail.
M. 0. Beauregard ne possède encore aucun renseignement
pouvant éclairer cette question intéressante. La plupart des
navires malays naviguant sans lest, sont alors munis de balan-
ciers; cette disposition exige un système spécial de gou-
vernail.
Quand, dans de prochaines communications, M. OUivier
Beauregard s'occupera des grandes navigations des Malays
vers Touest jusqu'à Madagascar, il aura alors .l'occasion de
parler du gouvernail dans la marine des Malays.
M. Drouadlt fait observer que la batellerie de la Loire est
encore dirigée par la piaute, espèce de gouvernail fixe qui
s'incline en biais sur un bord ou sur l'autre. Il lui paraît évi-
dent que son emploi a dû précéder, dans nos contrées, celui
du gouvernail suspendu sur gonds.
> Consulter : Vocabulaire de locutions et de mots particuliers à V espagnol
des Philippines, par le professeur Ferdinand Blumentrilt, traduit par
A. Hugol (Bull, de ta Société académique indê-chinoii$ de France, V série,
t. II, anuées 1882,1883).
516 SÉANCE DU 7 JUILLET 1887.
RAPPORTS SCIENTIFIQUES.
Rapport 4e U contHilasloB pour l'étvde éem éeliMittlIoss
de eheveux rapportés par H. de lljffolvy de son voyage
daasriiide;
PAR M. DEImBR^
Messieurs,
Nous avons examiné soigneusement les 125 échantillons
de cheveux rapportés par M. de Ujfalv}\ La moitié de ces
échantillons (64) se rapportent à la population balti de
Cachemir ; le reste provient des populations diverses du
Lahoul, de Gachemir et du Ladak.
Nous avons étudié ces échantillons au point de vue de la
couleur et de la nature des cheveux. Malgré la difficulté
d*établir nettement la couleur d'après le tableau chroma-
tique de Broca, nous les avons quand même classés d'après
les numéros de ce tableau. Quant à la nature des cheveux, il
était souvent difûcile de se prononcer, attendu que les échan-
tillons assez courts ne donnent pas Tidée de la forme qu'au-
raient les cheveux en grande masse et relativement longs ;
en outre, la graisse ou les matières oléagineuses dont sont
enduits certains cheveux leur communiquent une souplesse
qui n'est point naturelle, tandis que d'autres échantillons,
desséchés dans les tubes, se présentaient peut-être plus durs,
moins fins au toucher, qu'ils n'étaient sur l'individu vivant»
Nous n'avons pas tenu compte des cheveux qui commen-
çaient à blanchir, ni de ceux qui nous ont paru teints artifi-
ciellement en couleur rougeâtre et sur lesquels on voyait
encore les parcelles de la couleur (peut-être le khené^ comme
chez les Persans?).
Ceci dit, voici les résultats de nos observations :
Nous avons classé toud les cheveux en deux catégories^
* La commiwiou se compote de MM. Dally» Hervé et Deniker.
DENIKER. — ' ÉCHANTILLONS DE CHEVEUX DE L*INDE. S17
quant à la couleur : bruns et noirs d'une part, blonds et char
tains de l'autre. En ce qui concerne la nature des cheveux,
nous avons adopté trois catégories : cheveux droits, raides ;
cheveux /îrw, pour la plupart ondes ou bouclés; cheveux m-
termédiaires^ assez fins ou légèrement grossiers^ le plus souvent
droits, mais quelquefois légèrement ondulés.
Dans le tableau suivant, on voit la répartition des échan-
tillons entre ces catégories.
Cheveux
blonds noin raides fins
Nooibre Noms des peuplades. ou on et et intermé-
d*6cbantiUoDS. châtains, brans, droits, ondulés, diaires.
I. Ballis.
SO 1) De Scbiger 4 16 8 8 4
14 S) De Karkitchou » 14 10 2 2
il 3)DeParkouU » 11 6 I 4
19 4)DeSkar(io 1 18 10 » 9
64 Ballis en général.. 5 59 34 11 19
6 II. Dardons Brokdas. . . » 6 5 n 1
18 III. Ladakis » 18 11 » 7
13 IV. Koulous I» 13 10 1 2
7 V. Lahoulis» >» 7 4 12
7 VI. Tibétains » 7 4 1 2
1 VII. Caohmiris* » 1 1 » »
Comme conclusion, on peut dire que toutes les populations
en question, sauf les Baltis, ont les cheveux presque exclusi-
vement noirs, pour la plupart droits, raides et grossiers. Les
Baltis ont, au contraire, les cheveux parfois blonds ou châ-
tains et souvent ondulés ou bouclés. Ces résultats^ sont en
parfait accord avec ceux que votre rapporteur a eu déjà
l'honneur de vous présenter, il y a cinq ans' ; ils sont en
1 Sur onze échantillons de cheveux de Lahonlis,!! y en avait trois teints
artificiellement et un blanchi.
* Sur quatre échantillons, deux étaient teints artificiellement et un
paraissait être atteint d'une maladie ayant complètement altéré sa colori^-
tion normale.
5 Deniker, Rapport sur les mensurations des différents peupUs de la haute
vallée de Vlndus (BulL de la i$QC. d'anihrop., 1882, p. 73).
518 SÉANCE DU 2i JUILLET 1887,
même temps la confirmation des observations directes, faites
par notre collègue, M. de Ujfalvy*,etdontil vous a entretenus
à la même époque. La conformité va jusqu'aux détails ; ainsi
le nombre de blonds, parmi les Baltis, était, d'après les pre-
mières observations de M, de Ujfalvy et mes calculs *, de
2 sur 2i • Aujourd'hui, nous trouvons 5 sur 64, à peu près la
même proportion.
La séance est levée à cinq heures et demie.
L'un de$ secrétaires : faitvellb.
UT SÉANCE. — SI juillet 1887.
Préflldenee de M. MAOlTOl', ppésldenl»
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
A propos du procès-verbal.
Sur le gouvernail. — M. Letourneau. Je demande la per-
mission de développer un peu la courte mention du procès-
verbal relativement aux quelques paroles, dites par moi, sur
l'introduction du gouvernail en Malaisie. Ce fait particulier
se rattache à Thistoire de l'invention du gouvernail, que je
résumerai en quelques mots.
Aucun peuple sauvage ne connaît ni n'a connu le gouver-
nail. Toutes les embarcations primilives se gouvernent à la
pagaie et, si elles sont de grandes dimensions, au moyen de
deux pagaies placées à l'arrière. Tune de chaque côté. D'autre
part, toute TÉgypte ancienne et, ce qui est plus étrange, toute
l'antiquité gréco-latine, ont ignoré le gouvernail. L'iconogra-
phie antique nous montre des navires gouvernés, comme les
grandes pirogues sauvages, au moyen de deux grands avirons
(gubemaculum) placés à l'arrière. Par contre, la Chine con-
* Ch. de Ujfalvy, Voyage dans l'Himalaya, etc., même recueil, 1882,
p. 217.
« Denikep, toc, c«7., p. 77,
naît, de temps immémorial, le gouvernail ; elle a même des
variétés savantes de gouvernail : de larges gouvernails ajou*
réSy des gouvernails à coulisses pouvant plonger plus ou
moins dans Teau. Je serais porté à croire que le gouvernail,
primitivement inventé par les Chinois, a été transmis aux
Arabes et emprunté à ces derniers par les Européens, à
Tépoque des croisades.
Inauguration de la statue de Broca.
M. GoLUGNON demande à quelle date aura lieu Tinaugura-
tion de la statue de Broca.
M. LE PRÉsmENT. L'époquo est encore indécise.
M. TopiNARD. Elle peut être faite à bref délai. Je pense qu'il
serait trop tard d'attendre après les vacances. Du reste, la
Commission ne s'étant pas réunie, c'est au Bureau de la So-
ciété d'anthropologie d'intervenir.
M. Letourneàu. 8i l'inauguration ne doit pas être remise
après les vacances, il faut se hâter. Cette cérémonie ne peut
être faite incognito. Toute simple qu'elle puisse être, il est
indispensable de lui donner le caractère scientifique qu'elle
comporte.
M. Ploix. La Commission va se réunir; elle avisera.
CORRESPONDANCE.
M. le Secrétaire général donne lecture d'une lettre du
Président de l'Association française pour l'avancement des
sciences, invitant la Société d'anthropologie à envoyer un
délégué au Congrès de Toulouse, qui aura lieu du 22 au
30 septembre prochain.
M. Sanson ne comprend pas bien le rôle qu'un délégué
peut remplir dans cette circonstance.
. M. Drouault. C'est une habitude qui date de la fondation
de TAssocialion. Son but est de permettre aux différentes
sociétés savantes de se faire rendre compte des travaux qui
peuvent les intéresser spécialement.
520 SÉANCE DU 21 JUILLET 1887.
Beaucoup de membres de la Société devaut assister au
Congrès à différents titres, il est passé à Tordre du jour.
OUVRAGES OFFERTS.
Benzengre. Le Nanisme. Moscou, 1887, Brocb. in-8<»,
17 pages, en russe.
Roter (Clémence). Conférence transformiste de la Société
d^ anthropologie : C Évolution mentale dam la série organique.
{Revue scientifique des H juin et 16 juillet 1887).
MoMBELLO (P. di). L'Evoluzione geologica inorganica, ani-
male ed umana. Foligno, 1887, in-12, 534 pages.
BoEMUs (Joannes). Mores^ leges et ritus omnium gentium,
Lyon, 1539, in-18, 3i\ pages, offert par M. Letourneau.
Revue d'anthropologie, 4'* fascicule de 1887, seizième an-
née.
M. TopiNARD, en offrant ce fascicule, énumère les princi-
paux travaux originaux qu'il contient:
La Poterie en Belgique à l'âge du Mammouth (quaternaire
inférieur)^ par M. Julien Fraipont, professeur de géologie à
Liège, et M. Ivan Braconier ;
La Sélection ethnique et la Consanguinité chez les Grecs an*
ciens^ par M. E. Daily ,
Description et Mensw*ation d'une série de crânes kirghis
offerts au musée Broca par le docteur Seeland, par M. Topi-
nard ;
Le Musée Guimet, par M. Comte ;
V Homme quaternaire de C Amérique du Nord, par M. Topi-
nard.
Parmi les Revues et les Actualités qui suivent, M. Topinard si-
gnale un article sur un cas de polydactylie chez le chat, qui
a été rigoureusement suivi, sur sept générations, en Angle-
terre, et qui va donner lieu à une expérience curieuse, celle
de la ségrégation d'un couple de ces animaux dans une île
déserte de Tarchipel de Madère et de son abandon à lui*
même*
OUVRAGES OFFERTS. 521
M. Topinard revient sur l'un des mémoires précédents,
très remarquable à tous les points de vue, et qui semble juger
une question préhistorique très controversée, celle de Vexis-
tence de la poterie à Pépoque paléolithique. Ce mémoire, par
MM. Praipont et Braconier, se divise en trois parties répon-
dant à trois trouvailles récentes de poterie à l'époque du
mammouth : l'une dans la célèbre grotte d'Engis, près de
Liège ; l'autre dans celle de Spy^ dont on a déjà parlé ici ; la
troisième dans la grotte du Petit-Modave. La plus étendue
de ces trois parties est la première.
Les grottes d'Engis sont au nombre de trois. L'une d'elles
a été fouillée en premier lieu par Schmerling, qui y a recueilli
entre autres les deux crânes humains fameux dits cfEngis;
en second lieu, par M. E. Dupont, qui y a recueilli un cubitus
humain avec des ossements d'(/rsu5 spelxus et de rhinocéros,
et en troisième lieu, dernièrement, par M. Fraipont.
C'est dans un couloir, jusqu'ici inexploré et obstrué par un
bloc tombé de la voûte, que M. Fraipont a recueilli de ses
propres mains, sans qu'aucun ouvrier soit intervenu, sauf
pour charrier les débris au dehors : i* des os de Rhinocéros
tichorhinusy d'Elephas primigenius et de Hyena spelœa, trois
animaux caractéristiques du quaternaire inférieur ; 2* une cin-
quantaine de silex du type du Moustier ; 3** la poterie qui fait
l'objet du mémoire, le tout empâté dans une masse stalacti-
forrae qu'il fallait briser à coups de hache et dans le niveau
ossifère dit supérieur. Avec les divers fragments recueillis,
on put reconstituer le vase dont la figure est donnée dans la
Bévue. Il pouvait contenir un litre de liquide, n'a dû jamais
aller au feu et devait servir simplement à conserver de l'eau.
On sait que les grottes d'Engis sont presque inaccessibles et
que la nécessité d'avoir un réceptacle pour apporter de l'eau
aux vieillards et enfants réfugiés dans cet antre était tout à
fait urgente. La pâte et la façon de ce vase étaient telles, que
M. Fraipont n'hésite pas à le considérer comme très inférieur
à la poterie néolithique, comme la première étape timide dans
la voie de la céramique, La grotte elle-même a, du reste,
522 SÉANCE DU 21 JUIU.ET 1887.
fourni la matière première du vase, car M, Fraipont, après
plusieurs essais, a réussi à façonner et à cuire, en prenant
cette matière, un vase semblable comme pâte et aspect au
vase ci-dessus.
Cette partie du mémoire de M, Fraipont se termine par une
argumentation contre Topinion de M. de Mortillet que les
deux crânes trouvés à Engis par Schmerling sont de Tépoque
robenbausienne. Cette partie se termine ainsi :
tt II reste acquis que, dans le couloir de droite de cette
grotte, se trouvait, sous une épaisse couche de stalagmite,
un dépôt ne présentant aucune trace de remaniements et con-
tenant la faune typique de l'âge du mammoutb, sur une
longueur de 20 mètres, avec cinquante silex du type mous-
térien, un petit polissoir en grès, un fragment d'oligiste et
une poterie... »
« Je conclus, ajoute«t-il plus bas, ce qui suit :
« 1® La deuxième caverne d'Engis a d'abord été un repaire
d'hyènes, au début de Tftge du mammoutb (deuxième niveau
ossifère) ;
« 2° Elle a ensuite été habitée par l'homme moustérien, fa-
bricant de la première poterie, vers la fin de Tâge du mam-
mouth (premier niveau ossifère) ;
(( 3® Elle a été visitée et peut-être habitée par l'homme
magdalénien (âge du renne) (brèche osseuse qui recouvre le
niveau ossifère supérieur dans la chambre principale) ;
«L 4* Elle a pu être visitée, à Tépoque robenbausienne, par
l'homme néolithique, qui l'aurait choisie pour enterrer ses
morts. »
Je regrette, dit M. Topinard, de ne pouvoir vous résumer
ici même Tbistoire de la poterie de la grotte duPetit-Modave,
qui est fort intéressante.
En somme, ce mémoire est|écrit avec une lucidité et une
intelligence parfaites du sujet, qui entraînent, je l'avoue, une
complète conviction chez le lecteur. La doctrine adverse aura
fort à faire pour résister à cet ensemble de preuves en faveur
de la poterie paléolithique.
OUVRAGES OFFERTS. 5Î3
Auguste Broca. Sur le siège exact de la fissure alvéolaire
dans le bec-de-lièvrè complexe de la lèvre supérieure. Ses rela-
lions avec le système dentaire (Extr. des Bull. Soc. anat., 4887).
M. TopiNARD. Le travail que j'offre de la part de son auteur
est le premier, se rattachant à l'anthropologie, de Tun des
fils de riUustre fondateur de la Société d'anthropologie.
Jusqu'à ce jour on croyait que le bec-de-lièvre était géné-
ralement dû à la persistance de la fente qui sépare, à Tétat
embryonnaire, l'os intermaxillaire et Tos maxillaire et qu'il
n'y avait qu'un os intermaxillaire ou, si Ton veut, deux
' 08 intermaxiilaires, pairs.
M. Auguste Broca, reprenant une idée de M. Albrecht, a
démontré, en se servant notamment des pièces que renferme
notre musée, qu'il y a un intermaxillaire médian et deux
latéraux on, si l'on préfère, deux intermaxillaires internes et
deux externes, et que dans la généralité des cas, le bec-de-
lièvre est dû au défaut de suture d'un intermaxillaire interne
avec l'intermaxillaire externe voisin. Ce qu'on peut exprimer
encore, en se reportant à l'embryon, en disant que le bec-
de-lièvre est dû au défaut de réunion, en bas, du bourgeon
nasal interne ou médian et du bourgeon nasal externe.
Voici, du reste, ses conclusions textuelles :
1° Le bec-de-lièvre complexe vulgaire sépare l'incisive
médiane de l'incisive latérale. Il ouvre la narine ;
2° Quand il est bordé par la canine et par une incisive,
généralement l'incisive latérale manque et rincisive médiane
est celle qui borde le second côté de la fissure ;
3** Dans le bec-de-lièvre bilatéral, le tubercule osseux porte
généralement deux incisives. Quand il en porte quatre, les
deux latérales sont souvent complémentaires, Tincisive pré-
canine existant sur la lèvre externe de la fissure ;
40 Aussi est-il possible que quelques cas, où la fissure
passe entre la canine et deux incisives de ce côté, soient
explicables par la combinaison de l'atrophie de Tincisive la-
térale et de l'existence d'une incisive supplémentaire ;
5^* Il ne faut pas nier cependant le bec-de-lièvre tel qu'on
524 SÉANCE DU 21 JUILLET 1887.
le comprenait autrefois. Son existence seule peut expliquer
la fente faciale qui n'ouvre pas la narine ;
6** La théorie des quatre bourgeons nasaux formant les
quatre os intermaxillaires est celle qui explique le mieux
les faits ;
V Peut-être le bec^de-lièvre est-il souvent causé par un
défaut de longueur du bourgeon nasal externe.
OBJETS OFFERTS.
Crânes du Soudan, — M. Fras. Au retour de la mission du
Ouassoulou, dont j'étais l'un des membres, j'ai l'honneur d'of-
frir à la Société d'anthropologie huit crânes et une certaine
variété d'os d'indigènes , recueillis de mes mains sur le
champ de bataille de Niafadié (Siéké) situé entre Niagassola,
poste avancé du Soudan français, et le Niger.
Ce sont les restes de guerriers de Samory, roi du Ouassou-
lou, qui combattit là contre nos troupes du Soudan, du 1"
au 10 juin 1885. Je ne puis détermiaer, d'une façon absolu-
ment exacte, le lieu d'origine des individus à qui ces osse-
ments appartenaient, mais je suis à même d'avancer que
ces indigènes étaient de race mandingue et plus spécialement
de la grande famille des Ouassouloukés.
Aucune étude n'a encore été faite à leur sujet. Dans un
avenir prochain ils seront mensurés et communication de ces
mensurations, en même temps que d'une notice ethnogra-
phique, sera faite à la Société d'anthropologie.
Des remerciements sont adressés à M. Fras.
ÉLECTIONS.
M. Remoiville, député de Seine-et-Oise, est élu membre ti-
tulaire de la Société.
DISCUSSION SUR UN LABORATOIRE. 525
RAPPORTS SCIENTIFIQUES.
iBStallation d'an laboratoire de trauBrormisine an pare
de Montsonris t proposition de H™« CiéineBee Royer i
PAR M. MATHIAS DUTAL.
Sans vouloir entrer dans Tappréciation des voies et moyens,
le rapporteur pense que la Société d'anthropologie peut don-
ner son entière approbation à l'idée de M"" Clémence Royer
et adhérer sans restriction à un projet qui a pour but de
faire entrer le transformisme dans la voie de Texpérimen-
tation.
Discussion.
M. Laborde pense que le projet devrait être plus mûri.
Si M"* Royer précisait mieux les détails de Tinstaliation
qu'elle a en vue, Tadhésion de la Société aurait une bien
plus grande portée.
C'est aussi l'avis de M. le secrétaire général, qui désirerait
que les moyens pratiques qui doivent assurer la réussite du
projet soiei)t exposés en détail.
M"« Clémence Royer. Il s'agit d'une station biologique
dont le but est d'expérimenter le transformisme. Les détails
d'installation ne peuvent être prévus à Tavance ; quant au
programme, il résultera de la nature des choses. Un ajourne-
ment compromettrait tout. La demande a été adressée au
Conseil municipal de Paris, qui a nommé une commission
dont le rapporteur n'attend plus que le vote de la Société
d'anthropologie pour se prononcer.
M. Laborde. Dans ces conditions, je suis d'avis détonner
notre adhésion, quitte ensuite à mettre à la disposition de
]\|me Royer la commission dont on vient d'entendre le rap-
port.
M. Dareste partage cette opinion, mais il ajoute qu'il est
peut-être à craindre que le Conseil municipal ne se trouve
526 ?îUnce du 21 JUILLET 4887.
pas suffisamment éclairé, surtout qu'il s'agit d'expériences
de longue haleine.
M. Fauvelle. J'applaudis en toute sincérité à l'heureuse
idée de M°° Royer ; mais, malgré toute l'attention que j'ai
prêtée à tout ce qui a été dit à ce sujet, je ne me rends pas
du tout compte de ce que sera ou pourra être l'établisse-
ment projeté. Or, il est certain que le Conseil municipal ne
voudra pas engager les finances de la Ville s'il n'est pas plus
éclairé. En administration, on ne vote des fonds que sur la
vue des plans et devis des constructions à faire et du budget
des dépenses de l'établissement projeté. La manière dont
l'affaire est présentée en compromet donc absolument le
succès,
M. le Secrétaire général partage complètement cet avis.
M. Mathias Duval ne comprend pas toutes ces objections,
la Société n'ayant à se prononcer que sur le principe.
M"' Clémence Royer. C'est ainsi que la question doit être
posée. La commission interviendra ultérieurement, s'il est
donné suite au projet. Tout retard en compromet la réussite.
M. Sanson ne peut se ranger à cette manière de voir. Un
vote approbatif engage moralement la responsabilité de la
Société. Toutes les expériences que l'on a en vue sont coû-
teuses. Elles doivent avoir une très longue durée pendant
laquelle il faudra nourrir les animaux, payer des droits d'oc-
troi, etc. La question n'est pas étudiée et dans ces condi-
tions la Société ne peut se prononcer.
M. G. DE Mortillet. La procédure suivieest irrégulière. La
commission a été nommée par le Comité central ; c'est à lui
que le rapport doit être adressé. Lui seul a autorité pour
engager la Société.
L'ajournement est prononcé, ainsi que le renvoi à une pro-
chaine séance du Comité central.
TOPINARD. — GftOTTË NÉOLiTHiQtlB t)B PEIGNEUX. 627
~ PRESENTATIONS.
Grotte néolitHiqiie de Felfnenx (Oise) ;
CrAne trépané sur le Tivant et après la mort;
PAU M. TOPINARD*
Messieurs, je vous présente une série de crânes, dont uti
trépané fort beau, et quelques silex polis et taillés prove-
nant d'une grotte néolithique récemment découverte près de
Feigneux (Oise), dans la même vallée que la célèbre grotte
du même genre d'Orrouy , qui a donné lieu à la première com-
mission préhistorique désignée par notre Société pour se
transporter sur les lieux et faire un rapport. C'était en i864,
Broca et M. Lagneau^ ici présent, en faisaient partie.
Voici l'histoire de la grotte de Feigneux : En mars dernier,
le sieur Riche, cantonnier, plongeant le bras dans un terrier
de blaireau, en retira des os humains. Deux ans auparavant,
une trouvaille semblable avait été faite à mille mètres de là ;
j'étais arrivé trop tard, les os avaient été perdus. Sachant
l'intérêt de ce genre de trouvaille pour quelques personnes,
M. Riche se mit à déblayer Je terrain avec soin, pénétra dans
une cavité qu'il reconnut devoir être l'entrée d'une grotte
et bientôt mit à découvert sept crânes avec ossements bien
conservés. Les laissant en place, il vint prévenir M. RoUet, le
maire de Feigneux, le village voisin. Malheureusement, il
dut en parler en route, car au retour il trouva un paysan
retournant les crânes et cherchant avec anxiété, comme tou-
jours, qn trésor.
Après quelques jours de travail, on rapportait, au village
une vingtaine de têtes et quatre grands paniers d'os divers.
M. Rollet se hâta d'écrire au sous-préfet de Senlis, qui ne
répondit pas. Une note fut insérée dans le journal de cette
ville. De tous côtés aux environs, on vint voir la grotte et
les ossements, les archéologues seuls ne se montrèrent pas.
Pour ma part, j'entendis parler de la trouvaille, mais je
528 SÉANCE DU 21 JUILLET 1887.
crus la Société de Senlis avertie et s*en occupant ; Tun de ses
membres, entre autres,le fut par moi ; ici même, à la Société,
j'en dis quelques mots. Bref, après quinze jours d'attente,
M. Rollet, ne voyant personne venir, fit ensevelir les os dans
le cimetière.
Si j'insiste sur ces détails, c'est qu'il est vraiment doulou-
reux, au jour actuel^ de voir une pareille indifférence, tant
de la part de l'administration que des plus intéressés dans
la question, surtout en présence de la bonne volonté si rare
en semblable circonstance et si digne de tous éloges du re-
présentant local de l'autorité, un digne cultivateur.
Dès que j'appris positivement ce qui s'était passé, c'est-
à-dire la semaine dernière, je me rendis sur les lieux avec
mon beau-frère, M. Eugène Duvivier, et fis mon enquête. Je vis
successivement M. Rollet, M. Alfred Dubreuil, qui avait as-
sisté le cantonnier dans ses fouilles, les objets recueillis qui
étaient dispersés çà et là, les principaux entre les mains de
M. Rollet, la grotte, et enfin les os, que je fis déterrer sous
mes yeux, et qui, hélas I étaient bien détériorés depuis leur
extraction.
Je décrirai rapidement : 1** la grotte; 2** les objets; 3** les
crânes et ossements.
La grotte est dans un vallon s'ouvrant sur une vallée oc-
cupée par un marais boisé. A moins d'un kilomètre, de l'autre
côté de la vallée se voit, au lieu dit le Terrier de rortîe, la
grotte analogue qui a fourni des crânes et ossements il y a
deux ans. A 6 kilomètres, à vol d'oiseau, est la grotte
d'Orrouy dans la vallée de l'Autonne, que rejoint la vallée
marécageuse qu'on a sous les yeux. La grotte est au lieu dit
le Lari'baréy à 8 ou iO mètres au-dessous d'un plateau appelé
le Saut du prêtre, à 20 mètres environ au-dessus du fond du
vallon, sur le front d'un rocher calcaire qui forme un banc
abrupt tout le long du vallon et de la vallée.
On ne peut se tenir debout dans l'intérieur de la grotte,
qui a i"',30 de hauteur, 2°, 50 de largeur, avec quelques évi-
déments latéraux dans la partie supérieure, et 8 mètres de
TOPINARD. — GROTTE NéOLITHIQUE DE FEIGXEUX. 529
profondeur. On ne peut se redresser qu*à l'entrée, en avant
de laquelle est un talus, qui, en cet endroit et avec la terre
rejetée de la caverne, est incliné de >I5 degrés au moins.
Cette entrée n'est donc actuellement précédée d'aucune plate-
forme. Elle regarde l'est-sud-est ; sur ses côtés il y a deux
blocs placés à dessein et reliés, avant qu'on ne les déplace,
par une sorte de palissade de 50 centimètres de hauteur en-
viron, formée de deux ou trois pierres plates posées verticale-
ment bout à bout* Cette clôture m'a paru avoir été courbe
à concavité postérieure.
Les premiers squelettes, les plus blancs, les mieux conser-
vés étaient immédiatement derrière, recouverts par une terre
blanche essentiellement formée par l'effritement de la roche
calcaire qui est au-dessus. A mesure qu'on avance vers le
fond, les squelettes brunissaient et étaient de moins en moins
conservés. Ils se succédaient sans ordre apparent, sans qu'on
puisse dire s'ils avaient été placés assis ou couchés. Cepen-
dant ils paraissaient séparés par des rangs de pierres plates
et posées de champ, et quelques autres pierres plates gisaient
au-dessus d'eux.
Sur l'un des côtés, pas loin de l'entrée^ on découvrit au-
dessous des corps un foyer de cendres et de charbons de
30 centimètres sur 40 d'étendue.
La grotte s*est formée par la disparition d'un banc de tuf
calcaire blanc et friable interposé entre deux bancs de calcaire
grossier, grisâtre et compact. Sur le sol môme se voit en-
core la poussière blanc-jaunâtre due à la décomposition du
tuf qui formait la terre originelle dans laquelle ont été ense-
velis les corps. Au fondil reste une certaine quantité de laterre
noire et grasse, de nature arable, qui recouvrait la couche
sèche et blanche renfermant les os et comblait le reste de la
caverne en ne laissant vers le plafond qu'un vide d'environ
30 centimètres de hauteur, horizontal ou grandissant peu à
peu du côté de l'entrée.
Les objets suivants ont été recueillb :
1* Cinq ou six silex taillés dont un couteau à trois pans,
T. x (3« série). 34
630 SÉANGE DU 21 JUILLET 1887.
de 8 ou 0 centimètres de longueur, bien caractérisé, à patine
blanche, avec plan de frappe, bulbe de percussion et es-
quille du contre-coup ; et trois grattoirs de silex blond,
courts et régulièrement retouchés ;
3* Une hache polie mal travaillée, cassée, de 3 centimètres
de largeur, le tronçon total ayant 7 centimètres de lon-
gueur;
3* Trois rondelles de collier, trouées au centre : la pre-
mière de S8 millimètre de diamètre et de i3 d'épaisseur, la
deuxième de 22 millimètres de diamètre sur 9 d'épaisseur, la
troisième plus haute que large, un cylindre renflé en olive à
son centre, de 35 millimètres de hauteur, de 13 de largeur
au milieu et de 6 de largeur aux deux extrémités. Les deux
premiers sont en corne, je pense, et le troisième en albâtre ;
Â/* Une lame de fer, tronçon de quelque épée, de i2 centi*
mètres de longueur, de 42 millimètres de largeur à une
extrémité et de 22 à Vautre. Extérieurement on ne voit
qu'une couche épaisse de rouille demi-pulvérulente, quoique
adhérente. Au centre, on distingue, sur un point, une lame
solide, dure et mince.
Nous verrons tout à Theure quelle valeur inégale il faut
donner à ces objets.
J'arrive aux ossements. Ceux que j'ai rapportés com-
prennent :
A crAnes complets avec la face,
0 calottes crâniennes à peu près complètes.
Les fragments de 4 ou 5 autres ertoes,
23 mâchoires on parties de mâchoires inférieures,
20 humérus entiers et 21 portions d'humérus,
10 fémurs entiers et 8 portions de fémurs,
8 tibias entiers et 8 portions de tibias,
8 cubitus entiers,
8 radius entiers,
6 péronés entiers,
1 clavicule,
7 sacrmns.
TOPINARD. -- GROTTE NÉOLITmQUE DE FEI6NEUX. 531
Je n'en dirai que peu de mots, en commençant par les
crânes :
N"" i. Homme, trente ans. C'est celui qui a la double tré-
panation posthume et sur le vivant, sur laquelle je revien-
drai. Son type est fort beau, c'est celqi de la caverpe néoli-
thique de THomme-Mort (Lozère). Il est dolichocéphale et
microsème des orbites. Son front est droit, ses arcades sour-
ciliëres sont modérément saillantes. Racine du nez assez
profonde, voûte du nez saillante. Le crâne cérébral est hyp-
sicéphale sans excès, la face est étroite, aucun prognathisme
alvéolo-sous-nasal. La voûte décrit une belle courbe qui
s'abaisse à Tobéliou et aboutit aune bosse occipitale bombée.
Indice céphalique, 76.8. Indice orbitaire, 77.5. Indice nasal
46.0, Circonférence horizontale, 538 millimètres.
N» 2. Homme, trente-cinq ans. Suspect d'un peu de dé-
formation sincipito-occipitale qui a élargi et renOé le dia^
mètre transverse à la hauteur des bosses pariétales. Indice
céphalique, 83.8. Indice orbitaire, 82.5. Indice nasal, 43.4.
Circonférence horizontale, 528 millimètres. Un peu de per*
sistance en haut de la suture métopique.
N"" 3. Homme, trente-cinq ans. Indice céphalique, 76.9.
Indice orbitaire, 75.6. Indice nasal, 48.1. Circonférence ho-
rizontale, 513 millimètres.
N<» 4. Homme (?), vingt-cinq ans. Persistance de la suture
métopique. Dépression bregmatique paraissant l'effet d'une
compression artificielle. Indice céphalique, 83.0»
N^ 5. Homme. Indice céphalique, 79.8. Circonférence hori-
zontale, 510. Plagiocéphale.
N"" 6. Homme, vingt-cinq ans. Synostose complète de la
suture sagittale. Indice céphalique, 77.9.
N" 7. Homme de trente-cinq ans. Déformation artificielle
légère, mais bien évidente, fronto-sous-occipitale, qui a relevé
l'occiput et élargi le diamètre transverse. Indice céphalique,
84.2. Circonférence horizontale, 505.
N^ 8. Femme. Dépression longitudinale en gouttière
s'étendant de l'obélion au métopion. Trace d'une lésion
532 SÉANCE DU 21 JUILLET 1887.
transversale intéressant les deux pariétaux, qui ressemble à
une suture transverse anormale synostosée de chacun des
pariétaux. Nous possédons dans notre musée des cas de ce
genre, mais à suture ouverte. Indice céphalique, 74.4. Cir-
conférence horizontale, 497.
N* 9. Homme h crâne volumineux. Diamètre antéro-pos*
térienr, 194. Indice céphalique, 74.1.
N* 10. Homme. Indice céphalique, 74.2.
N» H. Femme (?). Indice céphalique, 74.5 (?). 1
N* 12. Enfant. Indice céphalique, 84.7. Indice orbitaire,
8i.3. Indice nasal, 48.7. Circonférence horizontale, 478.
N<> 13. Enfant presque adulte. Indice céphalique, 74.7.
Circonférence horizontale, 508.
En somme, dans cette série, il y a 4 brachycéphales, 5 do-
lichocéphales au-dessous de 75.0^ et 4 mésaticéphales pour
moi (2 de ceux-ci pour Broca, sous-dolichocéphales de 75 à
77.7, et 2 mésaticéphales de 77.7 à 80). Il y a donc un mélange
très évident de deux races opposées, ce que confirme l'examen
des autres caractères, exactement comme à Orrouy. Toute-
fois, à Orrouy, il n'y a pas un seul crâne aussi caractérisé
du type troglodyte de la Lozère que le numéro I, et la
moyenne de l'indice céphalique est plus élevée. A Feigneux,
cette moyenne est de 78.07, tandis qu*à Orrouy elle est
de 79.50.
Mais, dans la série de Feigneux, il y a deux crftnes qu'il est
sage de retirer : Fenfant n** 12 (les enfants sont en général
brachycéphales relativement à l'adulte), et le numéro 7, qui
est manifestement déformé et élargi par ce fait. L'indice
moyen descend alors à 77.28, c'est-à-dire tombe dans le
groupe des sous-dolichocéphales de Broca. Les troglodytes de
Feigneux renferment donc une plus forte dose de la race des
troglodytes de la Lozère que ceux d'Orrouy et de Baye. Voici,
du reste, un tableau emprunté ù mes cours, auquel j'ajoute
la série de Feigneux, qui met le fait parfaitement jen évi-
dence.
C'est la répartition quinaire et proportionnelle de l'indice
TOPINARD. -- GROTTE NÉOUTBIQUB DE FEIG.NEUX. 533
céphaliqae, suivant la méthode que j*ai instituée et qui est
adoptée partout aujourd*tiui à Tétranger et qui s'imposera
forcément en France à tous,
INDICE CiPHALIQUB.
SérkUkM quinaire $1 proporlionneUe,
Grottes Grotte
Beanmes Homme Dolmont de "Grotte de
chaudes. Mort. Lozère. Bave. d*Orrouy. Feigneax.
«U) à 64 2.9o/« ' » » B » »
65 à 69 17.6 5.5 4.1 <» « »
70 à 74 67.6 77.7 42.5 SO.O 25.0 38.5
75 à 79. ........ 11.7 16.6 39.1 50.0 31.2 30.8
80 à 84 » « 12.5 23.0 81.2 80. 8
85 à 89 • » 12.5 5.0 12.5 »
La série de Feigneux nous montre en outre un fait que
nous avions déjà soupçonné à Orrouy, c*est que la population
néolithique de cette vallée avait la coutume de se comprimer
la tète volontairement, on inconsciemment, avec certaines
coiffures. L'un de ces crânes a une déformation qui rappelle
un peu celle du crâne de Merueys, dans la Lozère. Un autre
est très suspect sous ce rapport. D'autres ont des dépressions
de la voûte ou des lésions de sutures qui s'expliqueraient
naturellement par des pratiques de compression. Nous pou-
vons donc conclure avec certitude, quoique nous n*en n'ayons
pas d'exemple très accusé, que les habitants de la vallée de
Feigneux-Orrouy se déformaient le crâne sciemment ou par
des coiffures inconsciemment. Il ne serait donc pas impos-
sible que deux ou trois des crânes que nous avons laissés
dans notre moyenne corrigée de Tindice céphalique aient
un indice réellement plus bas.
Les mâchoires n'offrent rien de particulier. Les dents sont
très usées chez les sujets adultes, et même déjàchez quelques
enfants. Sur toutes, le menton est saillant et bien dessiné,
les apophyses geni présentent l'un des types classiques; le
volume des grosses molaires décroît d'avant en arrière.
Presque toutes, tant par les alvéoles à quatre racines que par
les couronnes à quatre cuspides, présentent avec une flxilé
934 SÉANCE DO 21 JUILLET 1887.
reltiarquable la forme en croîx ou à quatre denticnles. Je ne
note que quatre exceptions : trois à cinq cuspides, une dent
de sagesse à trois cuspides. La branche postérieure est géné-
ralement courte.
Sur les 41 humérus ou extrémités inférieures d'humérus,
li sont perforés, soit 25 pour 100, la proportion la plus
élevée que nous ayons encore rencontrée dans les stations
préhistoriques de France. Je le dis par acquit de conscience,
car je ne suis pas convaincu qu'il y ait là un caractère de
race.
Plusieurs cubitus ont leur extrémité supérieure incurvée,
mais faiblement. Six ou huit des fémurs sont à ligne âpre
saillante ou à pilastre, mais sans exagération. La plupart des
tibias ou fragments de tibias sont plactynémiques, mais sans
excès. Le radius, le péroné et la clavicule ne présentent rien
de particulier.
Au point de vue pathologique, trois des fémurs sont à re-
marquer. L'un offre des végétations osseuses, des incrusta-
tions tendineuses au côté externe dans le second cinquième
supérieur. Le second a, dans le même cinquième, une fracture
en biseau affreusement consolidée angulaireraent, avec un che-
vauchement énorme qui prouve dans ce cas l'absence complète
(le soins chirurgicaux. Le troisième cas est d'un diagnostic dif-
ficile. Est-ce une ostéite à la suite de quelque traumatisme, un
simple ostéophyte dans les insertions des muscles, ou, comme
j'incline à le croire, une fracture en biseau dans le même cin-
quième supérieur de l'os, fracture magnifiquement consolidée
avec un simple mouvement de rotation en dehors du fragment
inférieur? J'hésite encore à conclure, car, dans ce dernier cas,
ce serait un magnifique témoignage en faveur des connais-
sances chirurgicales de cette époque, et le cas précédent de
fracture si mal consolidée n'apparaîtrait plus que comme un
accident.
Afin de Reconstituer la taille moyenne approximative des
adultes de la grotte de Feigdeux, j'ai procédé de deux façons.
D'une part, j'ai choisi un certain nombre d'os d*un même
TOPINARD. — GROTTE NÉOLITHIQUB DB PEIGNEUX. 535
gexe, bien démontré pour moi> du sexe maftoulin^ pins faolle
à reconnaître, soit 10 humérus, 6 fémurs et 4 tibias, et, de
]*autre, j*ai mis tous les humérus et tous les radius sans dis-*
tinction de sexe. Voici les moyennes qu'ils m'ont données :
Longueur maximum.
10 humérus masoulins 30i m»
6 fémurs masculins 433
% Ubias masoulins 843
21 humérus sans distinction de sexe 388
8 radius sans distinction de sexe 215
Avec les uns et les autres, j'ai calculé la taille moyenne
à l'aide des tableaux et des règles que j'ai établis, et j'ai pris
la moyenne de tous les résultats. Ceux-ci s'accordaient d'ail-
leurs à peu de chose près.
La taille moyenne rapportée à l'homme était, à Feigneux,
de 1",60, sinon au-dessus. Or, jadis, avec les femmes d'Or-
rouy, je suis arrivé à une taille de l™,60, sinon au-dessous.
Les habitants des deux stations avaient donc manifestement
une taille petite, la plus faible constatée dans aucune autre
station préhistorique, les stations ensuite où la taille est la plus
petite étant Beaumes-Ghaudes, THomme-Mort et la grotte de
Baye. Il y a donc là un motif de plus pour dire que la race
prédominante dans toutes ces stations était de petite taille
et différente, par conséquent, de celle de la Madeleine et
de Cro-Magnon, qui était grande, et dont je fais les ancêtres
en partie de la race blonde de nos jours, ainsi que je l'ai
soutenu précédemment.
Mais j'ai hâte de revenir à la description de trépanation
à la fois posthume et ôur le vivant du crâne n« i, que j'ai
ajournée.
Sur le pariétal gauche, dans sa moitié interne touchant à
la suture sagittale, un peu plus près de la suture coronale
que de la suture lambdoïde, se voit une large perte de sub-
stance tenant le milieu entre la forme arrondie et la forme
quadrilatère, et mesurant, aux points les plus écartés :
1» d'avant en arrière, 61 millimètres sur la table externe de
536 SÉANCE DU 21 JUILLET 1887.
1*08, 53 millimètres sur la table interne ; 2^ transversalement,
60 millimètres sur la table externe, 48 millimètres sur la table
interne. Les différences entre ces mesures donnent Tincli-
naison du biseau. Ce biseau, c'est*à-dire la section de Tos,
est ferme, décidé sur tout le pourtour, sauf dans une étendue
d*un centimètre et demi vers l'angle antéro-interne d& la so-
lution de continuité. Très oblique dans sa moitié postéro-
externe, ce biseau se redresse lorsqu'il se porte denleb^rs e»
dedans vers Vanfjlù anléro-inierne^ mais il reste oblique lors-
Fi{7. i . — Profll du crâne néoUthiqoû de Feigncux, n* 1 . Mosée Broc*.
qu'il s'en rapproche d'arrière en avant en entamant la suture
sagittale. Il est évident qa*à ce niveau l'instrument obéissait
moins bien h la main de l'opérateur. La lame profonde ou
lèvre interne du biseau est aiguë, presque coupante partout.
La lame externe très superficielle est au contraire émousséc
dans sa moitié externe. Entre les deux se voit partout le
diploé normal aréolaire, sauf hVangle antêrotnlcf*ne indiqué,
où la surface est lisse. Là Tintervallc entre les deux lèvres
du biseau est plutôt convexe, tandis que dans le reste de re-
tendue elle est plutôt concave. Cette concavité indique que
la section n'a pas été faite d'un seul coup. La convexité et,
TOliNARD. ^ GROTTE NâOLITOIQUE DE FKIGNECX. 537
du reste, tout ce qui concerne Y angle antéro-inierne précité,
ressemble très exactement aux nombreuses trépanations sur
le vivant et cicatrisées depuis de longues années que pos-
sède le musée Broca. L^état mousse ou arrondi de la table
externe de Tos dans la partie postéro-externe de la perte de
substance conduit^ avec la concavité du biseau et son incli-
naison, à montrer comment on a procédé.
Sur presque tout le pourtour de Tentaille, à la surface du
crâne se voient des raies allongées ou stries superficielles
de i à 2 centimètres de longueur, nombreuses et parallèles
par groupes ou séries. Dans le tiers antéro- externe du
pourtour, j*en compte une vingtaine aboutissant à l'en*
taille qu'elles rencontrent sous un angle plus ou moins
aigu. Quelques-unesy plus obliques, croisent çà et là celles
faites auparavant et tendent à longer le contour. Dans le
quart postéro-exteme, on voit aussi quelques rayures, mais
rares et bien effacées. Dans le quart postéro-inteme, on en
voit d'autres plus profondes, toutes tangentes, cette fois^ au
bord de la solution de continuité.
kV angle antéro-înterne, il n'y a qu'une strie, tangente au
bord, mais venant de loin et semblant comme une échappée
de l'instrument. A son niveau, mais un peu en avant sur
la surface de l'os, on distingue pourtant avec quelque diffi-
culté la trace d'un frottement dont l'extrémité aboutit au
point de la suture sagittale où se termine en avant la section,
visiblement faite avec un instrument coupant. Sur le pour-
tour du trou, les stries aboutissent en somme directement à la
lèvre superficielle de la section, sauf dans la partie arrondie
do Y angle anléro-inlerne ci- dessus.
On semble vraiment assister, à Taide de ces rayures, aux
efforts qu'a dû faire l'opérateur d'une main plus ou moins ha-
bile, aux coups mal portés, aux échappées. Etant admis qu'il
opérait de la main droite avec un couteau en silex, il devait
se trouver sur le côté droit du sujet tenant Pocciputdelamain
gauche. Il portait le tranchantde l'instrument d*abord perpen-
diculairement a la surface du cr&ne, à la partie postérieure de
538
SÉANCE DU 24 JUILLET 1887.
reniallle à pratiquer, à 25 millimètres à gauche de la suture
sagittale, sa main droite tenant l'instrument placée en dehors,
la partie coupante de Tinstrument dirigée en dedans. Puis il
décrivait un mouvement circulaire qui amenait Tinstrument
en dehors et en avant, où il s'échappait obliquement en don-
nant lieu aux rayures en question. Alors il revenait au
point de départ, décrivait un nouveau mouvement tournant,
l'instrument s'échappant ou non; il recommençait et ainsi
de suite, les échappées étant plus fréquentes à mesure que
^^ /.f^'^^^Xy^^^^'^-l^^
i *-
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ptopift«fd
Fig. 2. — Trépanation rue d'en haut. Les raies et points ont été exagérés.
Cr&oe de Foigneux. Musée Broca.
l'incision, gagnant en profondeur, se prolongeait'de plus en
plus en avant. Les trois quarts postéro-externes de l'incision
étant suffisamment avancés, l'opérateur changeait la position
de la main et du couteau, et coupait en venant à lui d'abord
obliquement d'arrière en avant et de dehors en dedans pour
l'angle postéro-interne, puis longitudinalement d'arrière en
avant le long de la suture sagittale, enfin de dehors en de-
dans et d'avant en arrière pour la partie antérieure, tenant
encore des deux côtés de l'angle antéro-interne indiqué. C'est
évidemment dans le mouvement longitudinal d'arrière en
TOPINARD. — GROTTE NÉOLITHIQUE DE PEIGNEUX. 839
avant, en entàtnatlt la suture sagittale^ qu'il étaitle moins ha-
bile; là, rinstrument obéissait mal, la ligue est gondolée. La
figure ci-contre fera mieux comprendre ce que je viens de
décrire.
J*ai dit que la lèvre exterhe de Tentaille était émoussée
dans une certdiie étendue, en arrière et en dehors, et la
lèvre profonde tranchante. L'état de la première se com-
prend par le passage réitéré de l'instrument dans la même
rainure. J'explique la seconde comme il suit. Lorsque Tinci-
sion circulaire avait suffisamment entamé la table interne,
un coup sec devait terminer l'opération en fracturant ce qui
restait, ou bien par quelque point on devait introduire une
tige et opérer une pesée ou bascule qui finissait de détacher
le fragment.
M. Ghudzinski m*objecte, dans la conversation que nous
avons eue à ce sujet, que les stries obliques, si abon-
dantes sur le pourtour antéro-externe de Tentaille et que je
considère comme des échappées, pourraient bien venir du
grattage de Tos avant Topération pour détacher le périoste.
Je lui réponds que, dans ce cas, les rayures ùe seraient pas
toutes dirigées dans le même sens, que le plus grand nom-
bre seraient perpendiculaires à Tentaille, sinon enchevêtrées
et comme capricieuses. Seul le mécanisme que j'ai indiqué
explique leur parallélisme et leur direction déterminée.
M. Ghudzinski pense, d'autre part, qu'une fois la première
partie de l'opération terminée, la section circulaire des deux
tiers postéro-êxterne et tant soit peu antérieurs, l'opéra-
teur, pour sectionner l'angle postéro-interne, a agi en sciant.
C'est possible, les coups de silex tangents à cette partie sur
lesquels je me base dans mon mécanisme en ce point, s'ex-
pliquent également avec cette idée. En tout cas, le long de
la suture sagittale, je maintiens le procédé de la section.
Nulle part, sur le trajet de l'entaille, il n'y a de traces d'un
travail inflammatoire ou congestif quelconque, c*est-à-dire
qu'il n'y a eu aucune réaction vitale, comme il en est sur un
os mort. Cependant, en regardant à distance et perpendicu-
540 SÉANCE DU 21 JUILLET 1887.
lairement la surface du crâne, on finit par distinguer comme
un cercle irrégulier, à une distance du bord très inégale^ va-
riant de 5 à 17 millimètres, cercle frangé le long duquel Vos
est piqué çà et là ou présente de petites vacuoles superfi-
cielles et irréguliôres. Cela est en contradiction avec les
autres particularités. Voici comment je l'explique. Les en-
droits où ce cercle est le plus large sont ceux où il y a le plus
de rayures par Tinstrument; celui-ci a nécessairement fen-
dillé, dilacéré, décollé le périoste. Dès lors la décomposition
putride du cadavre s'est faite autrement à ce niveau qu*aux
endroits où le périoste était conservé ; plus tard, la terre s*est
insinuée sur cette surface et y a exercé une action autre que
sur les endroits voisins. De là une certaine altération de Fos,
qui s*est manifestée à la jonction du périoste décollé et du
périoste conservé. D*autres causes adjuvantes sont faciles à
concevoir, qui ont contribué à ce résultat. Quoi qu*il en soit,
ce cercle curieux pourrait parfaitement induire en eirpur à
un examen superficiel et je mets en garde les observaleurs en
semblable occurrence.
La conclusion est, en somme, très nette. Il y a là deux
sortes d'entailles : l'une faite pendant la vie, c'est la trépa-
nation à l'endroit où elle se rencontre le plus habituellement
à l'époque néolithique, de la grandeur d'une pièce de
2 francs, à juger par ce qu'il en reste à V angle antéro-inierne
indiqué, et l'autre posthume, très probablement pratiquée
pour avoir des amulettes à se distribuer dans la famille, con-
formément à la doctrine de Broca, afin sans doute de se pré-
server de la maladie qui avait donné lieu à la trépanation sur
le vivant. C'est un des plus beaux cas de double trépanation
que possédera notre musée. Il complète notre collection et
montre très bien la manière dont on enlevait les amu-
lettes après la mort. Il semble indiquer que dans beaucoup
de cas on devait procéder de môme sur le vivant. Ce pro-
cédé serait celui par section directe par opposition à celui
par usure.
Le cas de notre musée qui rappelle le plus celui-ci est un
TOPINARD. — GROTTE NÉOLITHIQUE DE FEIGREUX. 541
crâne de la grotte néolithique de Bray, mais la solution de
continuité y est plus irrégulière etle mode opératoire plus Com«
plexe. La section y est combinée au procédé en sciant, sinon
en usant. Il se pourrait que Topération ait été terminée d'un
côté par fracture de Vos dans une grande partie de son
épaisseur. Les deux genres de rayures se rencontrent : tom-
bant obliquement sur Ventaille et tangentes.
Le plus différent ^st celui de la caverne de THomme-Mort,
ou la trépanation sur le vivant seul existe et où le procédé
par usure semble seul avoir été employé.
Ce qu'il y a de merveilleux dans la pièce actuelle, c'est sa
parfaite conservation, qui permet de voir et d'appréciier les
détails mieux peut-être que dans toute autre pièce jusqu'à ce
jour *.
Que conclure sur Tépoque d'inhumation de ces crânes et
ossements et sur la population à laquelle ils répondent?
Tout d'abord, au point de vue anthropologique, que c'est
* Je proflterai de Tocoasion pour dire quelques mots de deux citations
singulières qu*on a Taites de moi, à propos de crânes trépanés présentés
dans ces dernières années à la Société. Je fais allusion à un travail de
M. Pilloy inséré dans les Matériaux (numéro de juillet 1887).
La première a trait à une trépanation très bien caractérisée et indisou-
liible, montrée par M. Simoneau. J'aurais dit « qu'elle ressemble à une
trépanation néolithique, quoiqu'il soil à supposer que la sépulture est pos-
térieure & Tépoque chrétienne ». La citation est entre guillemets. Or, le
dernier membre do phrase n'existe pas dans nos BuUetinSt où je dis avec
toute la netteté possible que la sépulture est pour le moins mérovingienne
et prouve par conséquent que la coutume de la trépanation s'est perpétuée
pour le moins jusqu'à cette époque.
La seconde citation est encore moins exacte, h propos d'un crâne réputé
trépané présenlé par M. de Maricourt. J'aurais alors émis l'avis que ce
crâne, malgré qu'il ait été recueilli dans une tombe mérovingienne, devait
appartenir â un Gaulois, à cause du type de ce crâne. Cette appréciation
est si étrange et si contraire aux données de l'anthropologie, que, déjà mis
en défiance par la première citation, je crus devoir aller aux sources: 1886,
p. G03, et pour plus d*exactitude, 1885, p. 253, et 1884, p. 678. Or, je sou-
tiens précisément l'inverse, l'opinion en question est celle de M. de Mari*
court que je combats.
Le but de l'auteur étant d'établir qu'il a découvert la première trépansr
tion sérieuse postchrétienne, on comprend pourquoi il a modifié la pre-
mière citation et n'a pas cherché à comprendre la seconde !
543 SÉANCE DU 21 JUILLET 1887.
le pendant de Tossuaire d'Orrouy. Ce sont les mêmes formes
crâniennes, sans oublier cptte dépression latérale de rocci-
put^ sur le trajet de la suture lambdoïde^ queBroca^aa labo-
ratoire, se plaisait à qualifier, chaque fois qu'il la rencontrait,
de caracthe (TOrrouy. Toutefois, ces crânes sont a priori plus
dolichocéphales, moins mélangés, plus voisins du type de la
caverne de THomme-Mort. S'ils ressemblent à la série d'Or^
rouy, à la série de THomme-Mort, ils ressemblent non moins
à la série que nous avons eue, au laboratoire, des grottes de
Baye. Par conséquent, c'est bien au type moyen de la race
principale ou des grottes de Tépoque néolithique qu'ils ap-
partiennent.
Mais cela ne donne pas la date de rinhumation, car, si le
type a été à son maximum de fréquence et de caractérisation
dans les débuts de l'époque néolithique, sinon auparavant à
l'âge du renne, nous devons reconnaître qu'il s'est perpétaé
en diminuant de fréquence et de netteté jusqu'à l'époque du
fer, et même qu'il se retrouve encore de temps à autre au-
jourd'hui : le type ne s'est pas éteint, mais il a été noyé dans
la masse des types nouveaux envahisseurs.
Que nous disent donc les objets et les circonstances du gi-
sement? Les silex taillés et la hache polie sont néolithiques,
ce sont les formes que Ton rencontre çà et là dans les champs,
sur toute la surface du pays, que je connais parfaitement à
ce point de vue, entre Compiègne, Senlis, Crépy et Villers-
Gauterets. Les formes, comme le genre de silex, sont les
mêmes *.
Les rondelles trouées en os et en albâtre du collier répon-
dent encore à l'époque néolithique, mais à sa fin, si je ne
me trompe. Il y en avait d'analogues dans le dolmen de
Vauréal.
Quant à la lame de fer, elle est d'une époque relativement
récente, peut-être historique.
> Le plus souvent cependant les silex sont blancs^ très patines, et vien-
nent de la craie, dans cette régioUi mais on y trouve aussi les silex blonds,
peu patines, actuels.
TOPINAHD. ^ GROTTE NÉOtITHlOUE DE FË1GNEUX« 543
Il y a donc contradictioa ici. En laissant de côté cette lame,
tout indique que Tinhumation a eu lieu dans le cours de la
pierre polie.
On ne saurait croire que la grotte a servi de sépulcre d'une
façon continue, à Tépoque néolithique et à l'époque du fer.
Elle renfermait à la fois des hommes, des femmes et des en-
fants, environ trente-cinq, sans parler de ceux d'enfants qui
ne se sont pas conservés. Supposons quinze hommes et quinze
femmes, et une inhumation d'homme tous les vingt ans, cela
ferait trois cents ans, ce qui est un maximum et hien peu en-
core.
On pourrait penser qu'il y a eu inhumation à deux époques
distantes ; mais, nulle part, les corps n'étaient superposés,
partout ils étaient dans la même couche blanche ancienne du
premier plancher. D'autre part, on ne peut songer à un ha-
hïlai permanent dans cette grotte à l'âge du fer la hauteur
qui restait était insuffisante, on n'aurait pu que s'y glisser,
des grottes plus commodes ne manquaient pas dans le reste
de la vallée, où elles sont encore nombreuses et même ha-
bitées par des troglodytes contemporains.
Reste donc à songer à une introduction accidentelle de la
lame de fer. Nous réservons pour tout à l'heure celle par
l'homme lui-même et examinerons le fait possible d'une in-
troduction toute mécanique.
Si Ton observe les cr&nes, on voit que quelques-uns sont
revêtus d'une couche de calcaire très blemc, qui remplit
toutes les dépressions et petites cavités; que d'autres n'en
ont que des traces revêtues d'une terre un peu grasse et fon-
cée, venue après coup ; et que d'autres enfin sont entière*
ment empâtés par cette terre arable noirâtre, ce sont les
plus détériorés. Si nous rapprochons ces faits de ce que
racontent les ouvriers, que le devant de la grotte était sec et
a donné des os bien conservés, tandis que les os du fond
étaient recouverts d'une terre noire et étcdent parfois comme
(« mangés » ; on arrive à conclure qu'à un certain moment
une faille a dû se produire dans le fond de la grotte, par la-
544 SÉANCE DU 21 JUILLET 1887.
quelle s'est introduite en abondance la terre arable qui s*est
superposée à la couche première blanche dans laquelle gi-
saient les corps. Or, si la terre du dessus de la grotte a pé-
nétré dans celle-ci et l'a presque remplie en ne laissant qu'un
vide de 30 centimàtres environ, la lame de fer a bien pu
suivre le même chemin. Elle se trouvait, m*a-t-on dit, environ
à moitié de la profondeur. Du reste, la place exacte en hau-
teur ou dans Je sens horizontal est assez indifférente. Car,
ainsi que Darwin l'a montré, les objets lourds tendent à des-
cendre et à traverser les couches profondes avec le temps, et
les blaireaux ou renards peuvent très bien les avoir fait
voyager.
En somme, cette lame de fer ne se serait pas rencontrée,
que nous n'hésiterions pas un instant à dire que nous sommes
en présence de la grotte sépulcrale néolithique la mieux carac-
térisée, sans parler du type de ses habitants qui confirme
complètement cette conclusion.
Au point de vue de ce qu'il y a de plus intéressant dans
celte série de crânes : la trépanation, la date importe, du
reste, médiocrement, depuis qu'il est établi que la pratique
de cette opération s'est continuée jusqu'à l'époque mérovin-
gienne et même qu'on n'a sans doute jamais cessé de la pra-
tiquer jusqu'à nos jours. Pourtant, il y a une particularité qui
plaide ici encore en faveur de Tépoque néolithique. Nous
avon^ vu que le crâne en question a deux genres d'entailles :
l'une sur le vivant qui a guéri, la véritable trépanation;
l'autre posthume, sur le pourtour de l'ancien orifice cicatrisé.
Pour expliquer ces entailles posthumes, il n'y a que l'idée de
Broca qu'il s'agit d'amulettes qu'on voulait prendre. Or, si
la pratique de la trépanation sur le vivant s'est continuée
jusqu'à l'époque mérovingienne et l'époque actuelle, je ne
sache pas qu'on ait jamais soutenu et prouvé que la pratique
d'enlever des fragments après la mort, pour évidemment les
conserver, se soit perpétuée deméme. Cet usage semble jusqu'à
ce jour appartenir essentiellement à Tépoque néolithique.
J'ai donné laliste. des objets trouvés avec certitude en même
TOPINARD. — GROTTE NÉOUTHIQUE DE FEIGNEUX. 545
temps que les ossements. Il me reste à parler d'objets d*ane
provenance douteuse, soit de fragments de poterie que l'on
m*a donnés comme ramassés dans la grotte ou que j*ai re-
cueillis dans la fosse oh les os avaient été ensevelis au
cimetière. Les deux sortes sont assez semblables pour qu'on
les rapporte à un même vase.
Le principal fragment, celui que les ouvriers ont recueilli
dans la grotte, mais en l'absence du maire, M.. Rollet, qui ne
se. porte pas garant de sa provenance exacte, appartient au
bord supérieur d'un vase, pouvant avoir 10 à 12 centi-
mètres de diamètre à sou entrée. Au-dessous de ce bord, le
corps du vase se renflait. Ce fragment porte un goulot comme
façonné au doigt, fermé le long du bord supérieur par un
pont de la substance et s'ouvrant dans l'intérieur du vase à
2 centimètres au-dessous de la face supérieure de ce pont.
Ce fragment est gris foncé en dedans et noir en dehors,
cette couche noire tachant les doigts lorsqu'on la lave à
l'eau. La pâte de cette poterie est gris clair, homogène, dure,
à cassure nette. Ce n'est pas une poterie néolithique.
Les fragments que j'ai ramassés dans le cimetière avec les
os sont en tout semblables ; l'un d'eux montre une surface
plate sur laquelle pouvait reposer le vase. C'est, en somme,
une poterie gauloise ou mérovingienne.
Dans le cimetière, j'ai ramassé, en outre des fragments ci-
dessus, quelques petits morceaux de verre ou lamelles minces,
translucides et irisées. Les ouvriers me dirent : «Inutile de les
prendre, ils viennent du sol même du cimetière. » Mais de
semblables morceaux, plus petits, ont été retrouvés ici au la-
boratoire dans les orbites, non dans la terre blanche qui
adhérait à leur fond, mais dans la terre noire qui en remplis-
sait la partie la plus antérieure. A quel. moment cette terre
noire est-elle venue se superposer dans les orbites : dans le
cimetière, lors du second ensevelissement, ou dans la grotte
longtemps après le premier ensevelissement?
Si j'insiste sur ces faits, c'est qu'ils permettent l'hypo-
thèse que le verre, la poterie et la lame de fer ont tous la
T. X (8« série). 35
546 SÉANCE DU 21 JUIUET 1887.
même provenance^ et que les trois ont été introduits long*
temps après Tensevelissement néolithique par l'homme lui-
même, lequel se serait glissé en rampant dansTétroit espace
qui restait sous la grotte. La roche, dans ce cas, aurait été
occupée deux fois : à l'époque néolithique et à une époque
du fer, peut-être historique.
A la grotte d'Orrouy semblable fait s*est produit. Lorsque
la Société, il y a vingt ans, s*y transporta, on accepta qu'elle
était de Tépoque du bronze, parce qu'on y avait recueilli,
dans les terres rejetées au dehors, un objet de bronze, que
Ton ne montra pas. Depuis, j'ai visité maintes fois la grotte
d'Orrouy ; j'ai vu la pièce, c'est une petite cuiller romaine se
terminant par une figurine, un type très courant que j'ai sou-
vent revu dans les magasins d*antiqnités. Je rendis donc à
cette grotte son âge véritable^ qui est l'âge néolithique, et
personne n'y a fait d'objection.
La lame de fer, la poterie et peut-être le verre, si réelle-
ment il faut les rapporter à la grotte, ne doivent pas da-
vantage nous inquiéter. Quelle que soit la façon dont ils
y ont pénétré, ils laissent l'époque de l'ensevelissement
intacte.
Pour nous, en somme, la grotte sépulcrale de Peigneux
est incontestablement néolithique et le crâne trépane est la
confirmation de la doctrine émise par Broca pour la première
fois, à propos de la grotte néolithique de l'Homme-Mort,
en 1873.
IHsciiiBion.
M. Manouvhier. Je ne partage pas l'opinion de M. Topinard
au sujet de la trépanation de l'un de ses crânes. Cette trépa-
nation, extrêmement régulière, me semble avoir été faite sur
le cadavre. La partie amincie et éburnée, sans trace de tissu
spongieux interposé entre les deux tables du crâne, que l'on
remarque sur le bord antérieur de l'ouverture, représente
tout simplement la section d'une portion de l'os amincie par
la présence d'une fossette interne, fossette que l'on sent très
DISCUSSION SUH LA GHOTTE NÉOLITHIQUE DE FEIGNEUX. 547
bien avec le doigt et qui a été creusée par des corpuscules de
Pacchioni. Une fossette semblable existe en un point symé-
triquement situé de Tautre côté de la suture sagittale. Au ni»
veau de ces fossettes, la paroi crânienne est réduite à ses
deux tables de tissu compact sans tissu spongieux. Une
autre raison m'empècbe d'admettre que cet amincissement
avec éburnation soit le résultat d*un travail de réparation ;
c'est qu*un pareil travail au voisinage de la suture sagittale
eût certainement entraîné la synostose de cette suture. Or,
elle est largement ouverte, bien qu'elle soit contiguë à Tou-
verture pratiquée dans le pariétal.
t M. TopiNARD. Je ne suis pas d'avis que le premier effet d'une
entaille de ce genre sur le vivant serait de déterminer un tra-
vail pathologique sur la suture. Du reste, la trépanation
sur le vivant en est encore éloignée. Quant à l'objection
de la minceur du crâne et de l'absence de diploé là où je
vois le reste de l'ancienne trépanation, je me la suis faite
aussi. Néanmoins, je persiste dans mon appréciation. Je
pourrais montrer plusieurs trépanations néolithiques sur le
vivant au même endroit, qui sont dans notre musée, par
exemple la trépanation de la grotte de Baye, et danslesquelles
la surface ancienne cicatrisée a exactement les mêmes ca-
ractères .
M. CuuDZixsKi. La curieuse trépanation présentée par
M. Topinard rappelle, par son procédé, la célèbre rondelle
trouvée par M. Prunières dans un dolmen de la Lozère. Il est
inutile que j'insiste sur la description de cette rondelle, car
elle a été longuement décrite par M. Prunières lui-même au
(Congrès pour l'avancement des sciences à Lyon, en 1873, et
par M. Broca dans la Revue d^ Anthropologie ^e 1877.
M. Topinard. En effet, cette entaille des deux lames du crâne
à la fois rappelle bien, par sa fermeté, l'amulette du doc-
teur Prunières, de Marvejols. Cela vient à l'appui de mon
affirmation qu'il y a là une entaille posthume greffée sur une
trépanation du vivant. Car pourquoi irait-on prendre des
amulettes sur un crâne, si le sujet ne présentait quelque par-
548 SÉAHCE DU 21 JUILLET 1887.
ticularité aniérienre, en faisant un sujet pmilégié, comme
mystique, dont le crâne aurait conservé des propriétés mys-
térieuses?
Sar lui eas de Biler«plithal»le ;
PAR H. ATA.
J'ai Thonneur de présenter à la Société d'anthropo-
logie le cas, fort rare, de ce bébé qui est atteint d'une mi-
crophthalmie gauche. C'est un petit enfant du sexe féminin,
âgé de cinq mois et très bien portant. J*eus l'occasion de voir
sa mère, qui est toute jeune^et qui n'a pu nous donner aucun
renseignement qui puisse nous éclairer sur la cause de cette
ditTormité de l'œil. Son père n'a rien d'anormal non plus.
Ce vice de conformation de la tolalité du globe oculaire est
accompagné, chez cet enfant, d'une cataracte, de blépharo-
phimosis et de strabisme. L'œil gauche a le volume d'une
cerise ou d'une noisette. On a observé des cas de microph-
thalmie se montrant d'une manière héréditaire, oette altéra-
tion étant plus fréquente à droite. Ici, nous voyons un cas
contraire, puisque c'est l'œil gauche qui est atteint.
II est à remarquer que l'enfant n'a ni bec*dc-]ièvre, ni
malformation de la bouche et de la voûte palatine.
COMMUMIGATIOKS.
10 Sur une sépulture aoa« roche de l'dge do lu pierre *
Créey-en-Brie ;
t» 9ar des silex Initiés trouvés dans les sables d'alluvlon5<
•eus Paris (quartier de la Banque) ;
9o Sur un atelier préblslorlque de meulières taillées *
Foiitenay-aux*Roses ;
PAR M. THIEULLBR.
Avec leur compétence bien reconnue, MM. de Mortillet
et le docteur Manouvrier nous ont fait, il y a quelques mois,
d'intéressantes conférences sur les instruments et les osse-
ments trouvés à Grécy-en-Brie, dans une sépulture sous ro-
che de rflge de la pierre.
BéCOUVCRTBS PRÉIIISTORIQUI^S . 549
J'ai fait remanier la terre qui avait été extraite de cette
sépulture, etj*ai l'avantage de vous présenter quelques nou-
veaux objets échappés aux premières recherches.
Plusieurs couteaux en silex, une hache taillée, une autre
polie au tranchant bien affûté, trois petits tranchets trian*
gulaires en silex ; toutes ces pièces, très semblables à celles
trouvées précédemment, viennent confirmer notre hypothèse
de la première heure, à savoir que tous les instruments soit
en silex, soit en os, élaient ou intacts ou remis en état au
moment de Tensevelissement du mort.
Ce fragment d'os poli doit être considéré comme l'ex*
trémité de eet instrument barbelé que M. de Mortillet a dé*
nommé pointe de sagaie ou de javelot; mais la forme très
allongée de cette pièce, sa grande fragilité, son extrémité
finement amincie, m*ont conduit à penser que, loin d'être
une arme de guerre ou de chasse, cet objet servait à un
usage domestique; il est, en effet, on ne peut mieux appro-
prié à maintenir les cheveux enroulés. En voici, du reste, la
reconstitution exacte et entière. Une certcdne analogie de
forme nous fait attribuer un emploi similaire à Tinstrument
en os qu'on a appelé lissoir^ et qui pour nous servait à dé •
mêler et partager les cheveux. Nous en avons fait l'expé-
rience. Les silex dits écrasotrs pourraient bien être les ou-
tils qui, à l'instar de tarières, ont perforé les gaines en
corne de cerf.
Nous avons recueilli une nouvelle quantité très importante
de dents humaines, dans le même état que celles trouvées
antérieurement, c'est-à-dire très saines. Souvent très usées,
quelquefois même jusqu'à la racine, elles confirment l'opi-
nion que nous avions déjà émise, d'une alimentation végétale
crue.
Voici deux petites rondelles taillées dans une coquille
d'unio, et provenant vraisemblablement d'un collier; mais
ce qui paraît être de beaucoup plus intéressant, puisque
cela témoigne d'un sentiment affectif très prononcé, ce sont
ces quatre petits os du carpe et cette vertèbre qui, percés de
5ft0 SÉANCE DU 91 junxET 4887.
pdrt en part, devaient èlre portés suspendus, comme reliques
de l*ètre aimé qui n*est plus.
Il est quantité de pierres taillées et travaillées, en silex,
meulière, calcaire, granit, quartzite, etc.^ qui ont échappé
jusqu'ici à Inattention desanthropologistes; Je citerai, comme
exemple, les meulières plates, dont les cassures naturelles
et intentionnelles ont été modifiées plus ou moins par le tra-
vail humain.
En voici un certain nombre que j*ai ramassées dans la vallée
du Grand-Morin; deux, entre autres, provenant de la sépul-
ture de Crécy, semblent sortir de la main de l'ouvrier. Toutes
les personnes auxquelles j'ai présenté ces pièces, n'y ont vu
que des effets naturels et non intentionnels; seul, M* Sta-
nislas Meunier, le géologue si prudent et si clairvoyant tout
à la fois, était frappé de Taspect particulier de ces cassures,
sans toutefois vouloir se prononcer sur leur nature* Je viens
de rencontrer enfin la confirmation éclatante, indéniable, de
mes observations à ce sujet.
A Fontenay-aux-Roses, au lieu dit rOrme-rfti-J/ou/m (de-
puis» j'ai constaté le même fait sur les territoires de Sceaux,
FontenayetChàtillon), j'ai trouvé, à une profondeur moyenne ,
de I à 3 mètres, et reposant presque directement sur le sable'de
Fontainebleau^ une quantité vraiment prodigieuse de pierres
meulières plates, de toutes dimensions, portant presque
sans exception la trace irréfragable du travail de l'homme.
C'est là oomtne uHe immense réserve de pièces travaillées
et de percuteurs rassemblés intentionnellement à cette place.
La caractéristique de ce travail produit le plus souvent,
peut-être, par polissage, estque ces pierres travaillées peuvent
être posées d'aplomb sur une ou plusieurs de leurs faces,
quelquefois même sur toutes. J'ai l'honneur de vous en pré-
senter une centaine que j'ai prises un peu au hasard^ dans
un des tombereaux qui les enlevaient pour l'empierrement
des routes.|L' examen le plus superficiel ne laissera sub-
sister aucun doute sur l'authenticité de la [taille, et Tévi-
dence deviendra entière même aux yeux des plus prévenus.
DÊGOUVERtBd PRÉHISTORtQlîËS. BSl
A quoi pouvaient servir ces grandes et iotlrdes pierres dont
plusieurs ont nécessité uil travail long et opiniâtre ? Il y a 16
matière à exercer la perspicacité de chacuh ; elles pouvaient
être employées à creuser le sable où Thomme préhisto-
rique cherchait un abri.
J*arrive, messieurs, à ma troisième communication:
On fait en ce moment un collecteur qui, dé la plaée des
Victoires à la rue de Richelieu, passe par la rde de la Féù Il-
iade et des Petits-Ghamps. Le travail s'effectue en tuhUel,
des puits sont forés sur le parcours, et les déblais, déversés
autour des oriflces, forment talus. L'égout se construit à
1â mètres environ de profondeur, en plein sable d'alluvions.
D'une épaisseur de 13 mètres, d'après la carte de Delesse,
ce sable apparaît à 7 mètres au-dessous du sol de la rue. Il
est très fin et contient quelques silex. J'en ai lavé plusieurs
et j'ai pu constater qu'ils étaient taillés; mais roulés par les
' eaux, les angles de la taille en sont fort émoudsés. J'ai ra-
massé avec ces silex plusieurs percuteurs, trois pièces avec
le bulbe classique, et ce morceau de granulité, roche que
l'on sait amenée du Morvan par le cours supérieur de l'Yonne;
peut-être ce fragment a-t-il servi -de polissoit?
On peut donc aujourd'hui affirmer sans témérité qUe les
débris de la pierre taillée jonchent les terrains de toute nature
qui, à proximité de l'eau, étaient favorables à Texistehcë de
l'homme préhistoriquci et qu'il n'est peut-être pas une pierre
de la surface qui'ne porte peu oU beaucoup l'empreinte de
l'industrie humaine de cette époque. Non seulement le sol^
mais le sous-sol» recèle une quantité innombrable de pierres
taillées, témoin, autour de Paris, ces immenses dépôts de
Grenelle « Billancourt, Cplombes^ Houille, l'Isle-Adam ,
Chelles, etc., etc. Sur les coteaux qui avoisinent Crécy, non
seulement le sol est jonché de silex taillés, mais on rencontre
souvent de véritables murailles de Uucléus et de silex de
toutes dimensions, sur des épaisseurs et largeurs de plus de
S mètres et des longueurs de plus de 400 mètres ; dans le
pays, on appelle ces amoncellements des parés. Sur une
552 SÉANCE DU 21 JUILLET 1887.
route qn*on traçait de Villiers-sur-Morin à Montaigu^ je
rencontrai plus de deux cents percuteurs sur un parcours
de 500 mètres; et la route en contre-bas de 2 mètres sem-
blait pratiquée en pleine balastière.
Depuis quelques années seulement, et sans en faire Tobjet
de recherches spéciales, j'ai trouvé des silex taillés près de
Grignon, près de Gompiègne, sur les falaises de Boulogne,
deGalais, de Folkestone, près d'Ancenis, près d'Aurillac, sur
les deux rives du Morin, de Ghalifert à Goulommiers; et j'ai
rencontré des meulières travaillées à la butte d'Orgemont,
sur les plateaux de Sceaux, Fontenay et Ghâtillon.
L'homme préhistorique^ partout répandu sur le globe,
choisit ses premières armes dans les pierres naturelles qu'il
modifie bientôt d*une façon toute rudimentaire ; souvent une
ou deux percussions lui suffisent. La pierre ramassée à la
surface se taille difficilement, et Thomme n'a aucun loisir,
préoccupé qu'il est de rechercher sans trêve sa nourriture.
Le silex devient pour lui la plus précieuse de toutes les
pierres, car elle se prête merveilleusement au besoin qu'il
a de pointes et de tranchants.
Du jour où il a enfin taillé la hache de Saini-Acheul ou de
Ghelles, il est en possession de tout un outillage; il trouve
dans les éclats qu'il fait ou qu'il retouche, des grattoirs, des
poinçons, des lances, des flèches qu'il peut emmancher dans
le bois. Armé pour la chasse, il va pouvoir ajouter quelques
rares morceaux de la chair des animaux à 'son alimentation
jusqu'alors presque exclusivement végétale. Lentement, par
la longue succession des siècles^ les conditions climatériques
vont changer, certains animaux vont disparaître sans retour
pour faire place à d'autres, l'homme est toujours là, lullant
sans trêve pour l'existence, avec son unique et indispensable
auxiliaire, la pierre ; de là, bien des probabilités pour qu'il
en ait fait l'objet principal de sa vénération et de son culte.
Plus tard, bien plus tard, vivant sans doute dans un milieu
plus favorable à son existence, il a quelques loisirs. Il vvl
chercher le silex avec son eau de carrière^ il polit la pierre
DKCOUVERTES PRÉBISTORIQUES. 553
et les os, grave, avec des pointes de silex, la silhouette d'ani-
maux inconnus de nous, et disparus depuis un temps dont
nous sommes impuissants à évaluer le prodigieux éloigne-
ment. Le plus souvent à cette époque, Thomme ignore le
feu; s*il Tentrevoit, il ne peut l'entretenir; dans les sépul-
tures dites de l'âge de la pierre polie et mises au jour dans
la vallée du Grand-Morin, on n'a rencontré aucune trace n
de charbon ni de poterie.
Ces belles haches polies, ces fragiles et fins couteaux que
nous retrouvons intacts au fond des dolmens, n'étaient vrai-
semblablement que des objets de luxe ou de culte, de sim-
ples fétiches, les dieux lares peut-être.
Les collectionneurs et les musées, préoccupés de réunir
exclusivement les pièces de choix et bien finies, ont négligé
ces pierres plus grossièrement taillées qui, en nombre bien
autrement incalculable, de toute forme et de toute nature,
sont les vrais instruments de cette civilisation. Ce n'est que
par l'étude de ces pierres sur le terrain même, que nous
pouvons espérer soulever un jour le voile épais qui nous
cache encore ce passé si difficile à reconstituer.
J'ai l'avantage de vous soumettre divers instruments col-
lectionnés en vue d'appuyer la théorie que j'émets; j'ai pris
soin de grouper plusieurs spécimens de chacune des formes
que je vous présente, afin de répondre d'avance aux per-
sonnes qui nomment éclats les silex n'ayant pas la taille clas-
sique, et dont il est difficile de déterminer l'usage. Je si-
gnalerai entre autres à votre attention ces silex à encoche
demi-circulaire, et qui, d'une taille un peu grossière, présen-
tent cependant un très grand intérêt. Ces encoches devaient
servir comme filières à racler, à arrondir le bois des arcs, des
flèches, des lances, des emmanchements. Craignant que les
pièces que je vous soumets en ce genre ne soient pas assez
parfaites pour être probantes à tous les yeux, j'y ai joint les
trois plus belles empruntées à la très intéressante collection
de M. Régnier, gendarme à Esbly. Il les a ramassées dans un
atelier qu'il a découvert à Coupvray. De la même col-
S54 SÉAlfCE DIT SI JUILLET 1887.
leoiion, oetie pièce à encoche et ce coup de poing avec creux
intentionnel pour la paume de la main ont été trouvés 6
ChelleS) et confirment ce que j'avançais plus haut, que
l'homme de Cheiles avait déjà tout un outillage.
Et si maintenant de la sépulture de Grécyeti-Brie, qui d*après
les travaux de M* Manouvrier contenait plus de 87 individus,
hommes, femmes, vieillards, enfants, ces dertiiers au nom-
bre d'une vingtaine, nous avions quelques hypothèses à tirer,
nous dirions que ces morts de tout Age, de tout sexe, ne pa-
raissent pas représenter une sélection particulière, et que
nous sommes là en présence d'un véritable caveau de famille
renfermant diverses générations successives. NoUs pourrions
donc en déduire que Thomme de celle époque vivait en
colonies familiales, et non en tribus.
Il devait être en état de paix profonde avec ses nombreux
voisins, celui qui n'avait qu'une seule superstition, le culte
de la pierre, celui qui lentement et péniblement creusait un
abri sous roche pour ses morts, qui à fofce d'adresse, de
patience et de temps élevait ces murs destinés à soutenir
la pesante masse meulière formant toit, qui polissait Iti
pierre, façonnait les os et découpait ses objets de luxe et de
parure dans les coquilles du Grand-Morin.
Au début de celte science préhistoriciue qui devait détruire
et efl'acer toutes les légendes de notre humanité, il était né-
cessaire d'apporter des pièces éblouissantes de Vérité qui
pussent s'imposer aux yeux de tous; aujourd'hui Tévidence
est faite, l'existence de l'homme avant l'histoire, avatit les
métaux, n'est plus contestée, et nous nous efforçons de pé-
nétrer plus avant chaque jour dans ce mystérieux passé. Je
vous soumets avec conviction, messieurs, ces diverses pierres
travaillées qui, méconnues jusqu'ici, sont poUr moi, après
l'examen que j'en ai fait pendant plus de sept ans sur le ter-
rain même, les véritables agents et les témoins Indéniables
de cette civilisation préhistorique dont l'antiquité prodigieuse
échappe à toutes nos chronologies, pour me servir des belles
expressions de Broca.
DISCUSSION SUR LES DÉCOUVERTES PRéHISTORlQUES. 5SH$
Ces silet taillés, Complètement cacholongués dans leur
masse, ont été relevés par moî dans le cimetière de Voulangis^
près Crécy;j*attribue leur modification au milieu marneux
dans lequel ils étaient empfttés.
Discussion.
M. G. DE MoRTitLET. M. TbieuUen est un chercheur des
plus actifs et des plus intelligents. Il a découvert plusieurs
gisements préhistoriques aux envitons de Paris. Dernière-
ment, il nous présentait le produit des fouilles d*une curieuse
sépulture mégalithique de Crécy-en-Valols, sépulture qui a
introduit des données nouvelles dans la science. Mais, sur-
excité par ces brillants succès, il me paraît aller un peu
trop loin aujourd'hui. Je ne saurais voir des silex taillés in-
tentionnellement dans les nombreux et volumineux frag-
ments de meulière qti*il vient de nous présenter.
La meulière a été produite par la précipitation et la con-
densation de silice gélatineuse dans un milieu aqueux. En
se condensant et se séchant, cette silice a éprouvé dé forts
retraits, qui ont fkit éclater la pïètte suivant des lignes plus
ou moins droites formant des réseaux polygonaux. C'est
exactement une action, sinon semblable, dû moins analogue
à celle qui s'est produite sur les basaltes ; seulement les
meulières, étant beaucoup moins épaisses, au lieu de se divi-
ser eu véritables ColonUeâ, se sont divisées en petites pla-
quettes. Mais l'homme n'est pas plus intervenu dans un cas
que dans Tautre. Le phénomène d'éclatement par Retrait
est général dans les meulières. C'est ce qui a fait dire à
M. Thieullen que, dans ces stations, toutes les pierres, sans
exception, portent les traces du travail humain.
Ces traces, d'après M. Thieullen, sont surtout de deux na-
tures différentes :
V Des faces sensiblement droites, qui permettent de dres-
ser les échantillons sur leurs tranches, faces qui seraient
dues au polissage ;
556 SÉANCE DU 21 JUILLET 1887.
â^" Des éclats concholdaux en bosse aatour d*an Doyan, qui
devient plus ou moins rond et serait un broyeur ou un percu-
teur.
Les faces-droites sont tout simplement le produit des écla-
tements par retrait. M. Gollin me communique un échantil-
lon qui le démontre de la manière la plus certaine. Il a été
ramassé par lui dans la région explorée par M. Thieullen.
Ce fragment de meulière montre une fente de retrait en
état de formation. Sur une face de la meulière, la fente est
complète dans toute la longueur, mais cette fente ne traverse
pas l'épaisseur de la pierre et n'apparaît pas sur la face
opposée. Cette fente est rectiligne et un éclat, parti sur Tun
des côtés, permet de constater que le produit de la Assure
est une surface parfaitement plane. L'action de la nature est
donc là prise sur le fait et son mode d'agir ne saurait laisser
de doutes.
Les faces de retrait paraissent si planes, que M. Thieullen
prétend qu'elles sont polies. Pour s'assurer du contraire, il
suffit de les appliquer sur une surface parfaitement plane. On
reconnaît alors que le plan des surfaces de retrait est plutôt
apparent que réel. Ce plan ne s'applique pas régulièrement
sur la surface réellement plane. C'est pourtant ce qui devrait
exister, si la meulière avait été polie au frottement sur une
meule dormante.
Mais, dit encore M. Thieullen, le polissage a été fait avec
un polissoir à main. Alors l'irrégularité devrait être encore
plus grande qu^elle ne Test.
En outre, les surfaces planes des cassures de retrait de la
meulière contiennent très souvent de petites aspérités sur les
bords, qui ne s'expliquent ni dans l'un ni dans l'autre des
modes de polissage supposés.
Les meulières sont plus ou moins pures. La silice qui les
compose contient souvent des éléments argileux ou calcaires.
Ces meulières deviennent alors gélives et, par suite des actions
atmosphériques, partent par éclats affectant des formes con-
choïdales. C'est ce qui donne naissance aux noyaux arrondis
DISCUSSION SUR LES DÉCOUVERTES PRÉHISTORIQUES. 557
que M. Thieullen a présentés comme des molettes ou des per-
cuteurs. Ces pseudo-molettes ou pseudo-percuteurs ont les
faces de départ des éclats en relief, au lieu de les avoir en
creux. C'est un caractère qui les distingue nettement des
œuvfes de Thomme.
M. Thieullen. Messieurs, c'est d'un fait purement matériel
à constater qu'il s'agit, et c'est par le développement d'une
théorie qu'on vient le combattre. J'apporte une centaine
d'instruments en meulière de toutes Formes, de toutes dimen-
sions ; tous, selon moi, portent la trace indéniable du travail
de l'homme préhistorique, et, au lieu de les examiner atten-
tivement, on vient étayer toute une démonstration préconçue
sur deux échantillons fournis par une personne tierce^ qui,
paraît-il, les a ramassés dans l'atelier que je dis avoir dé-
couvert.
L'homme qui vivait sur la meulière taillait cette pierre
comme il pouvait le faire, c'est-à-dire d'une tout autre façon
que le silex de la craie ; et, afin qu'il ne puisse subsister
aucun doute à cet égard, j'ai pris soin de vous présenter en
comparaison, des meulières de carrière avec cassures natu-
relles et non travaillées ; la démonstration, vraie ou fausse,
sera donc complète après examen. Je ne puis rien faire de
plus.
Entre autres pièces travaillées, voici un grattoir en meu-
lière de Fontenay-aux-Roses, de forme presque mathémati-
quement semblable à celle de cet autre grattoir en silex de
Crécy-en-Brie ; parmi ces nombreux percuteurs, en voici un
de forme toute particulière : il est tout étoile des nombreuses
percussions qu'il a fournies.
M. GAPrrAN demande si .M. Thieullen a pu reproduire ex-
périmentalement les instruments en meulière dont il est
question.
M. TmEULLEN. J'ai fait quelques ébauches, mais je ne les
ai pas encore terminées.
K58 8ÉANCB OtJ SI JUILLET 1887.
Btade aar le «erveau de Bertlllom;
PAR MM. GQUDZmUl BT MANOUYRIBR.
Notre regretté maître Adolphe Bertillon mourut après une
assez longue maladie, le 1*^ mars 1883, & Tàge de soixante-
deux ans. Membre de la Société mutuelle d'autopsie, Tillus-
tre démographe avait manifesté formellement le désir que
son corps servit autant que possible à des recherches scien-
tifiques. Son cerveau fut donc recueilli* et transporté au La-
boratoire d^anthropologie, ainsi que le moul(s^e intraor&nien.
Ce cerveau fut pesé en temps opportun, puis moulé en plâtre*
et conservé dans l'alcool. M. le professeur Mathias Duval, dépo-
sitaire de ces précieuses pièces, nous ayant fait Thonneur de
nous confier le soin de les décrire, nous venons apporter à
la Société d'anthropologie cette description faite avec une
rigoureuse exactitude.
Nous n'avons pas à rappeler ici ce que fut Adolphe Ber-
tillon comme homme de science. Ses œuvres, variées et pro-
fondément originales, témoignent de sa puissance intellec-
tuelle. On en trouvera la liste et le résumé dans une brochure
publiée peu de temps après sa mort par les soins de ses fils
et de ses amis^. Cette brochure contient également sa biogra-
phie et les discours qui furent prononcés à ses obsèques.
Parmi ces discours pleins d'éloges qui, cette fois, purent être
décernés et écoutés sans aucune arrière-pensée, celui de
M. Letoumeau fut, en quelque sorte, la préface du présent
mémoire, car il Fut prononcé au nom de la Société d'autopsie
et eut pour but principal de tracer le portrait moral de Ber-
tillon. Nous croyoàs utile de reproduire plusieurs passages
de ce remarquable discours, car ils expriment saos exagé-
ration la vérité.
1 Par MM. M. Diival^ Chudzinski^ Laborde et Hervé*
^ Les moulages ont été exécutés par M. Chadzioski.
* La Vie et les Œuvres du docteur L.-i4. BertiUony Paris, G. Masson, édi-
teur, 1888 (160 page»).
CnUDZINSKI ET MaNOUVRIBR. -^ CERVEAU t)E BERTlUON. 559
a On peut dire d'A. BertiUon ce que le plus grand des
poèlet a dit d'un de ses héros... : c'était un homme. Chez lui,
et cela est trop rare, la personnalité était homogène ; le carac-
tère et rintelligence avaient une même trempe et cette
trempe était forte ; elle se manifestait dans la vie privée, dans
la vie publique, dans ses travaux scientifiques^ par un amour
du vrai poussé jusqu'au scrupule, par unsentimentdu devoir
qui ne transigeait pas,
« ... Bertillon]naquit avec des iustinots scientifiques. Il avait
des instincts de naturaliste avant de savoir lira et il 8*y livrait
non seulement sana y être encouragéi mais en dépit même
du milieu familial, ainsi que plus tard il étudia la médecine
malgré l'opposition paternelle.
«... Tous les travaux d*A. Bertillon,ii nombreuxet si divers,
sont marqués d*un trait commun; la conscience, Texactitude,
la scrupuleuse probité scientifique. Tel petit article, lnsigni«
fiant en apparence^ lui a coûté des semaines de recherches,
de minutieuses observations.
(( Longtemps notre ami chercha sa voie, abordanttour & tour
plusieurs branches de Thistoire naturelle, notamment la
botanique, qu'il a enrichie d'importantes monographies.
« Tous ceux qu'il a aimés et qui Vont aimé savent quel fonds
de bonté, de tendresse même, il cachait sous une apparence
de froideur qui n'était en réalité que de Téloignement pour
toute affectation. Étrangère tout icntiment de vanité, d'envie,
il était en amitié la sûreté même, Thomme sur lequel on
pouvait hardiment s'appuyer dans les moments critiques. —
Dans la vie publique, nul n'a eu à un plus haut degré le cou-
rage de ses convictions. Plus d*un de mes auditeurs l'a vu, en
1866, sanglotant et tout brisé par la douleur, affirmer sur la
tombe de sa chère fenmie ce qu'on pourrait appeler sa foi de
libre-penseur. Au moment, il fallait quelque courage pour
agir ainsi, et notre ami porta longtemps la peine de sa vail-
lance...
«D'autre part^ la noblesse même de son caractère le tenait
loin des sollicitations, des intrigues; et, sur la voie du succès,
560 SÉANCE DU 21 JUILLET 1887.
des honneurs, qui toujours devraient être réservés au seul
mérite, il avait été facilement devancé par des rivaux que
n*alourdissaitpas le poids des qualités nobles et que n'entra-»
vaient pas les gênants scrupules ».
Ajoutons que la modestie et la réserve de Bertillon ne ré-
sultaient point d'un défaut d'activité et d'énergie, qu'il sut à
GHUDZmSKI ET HANOUYRIBR. — CERVEAU DE BERTILLON. 861
l'occasion se montrer un vaillant citoyen et qn'il fit preuve
d'initiative en matière d'administration pendant qu'il exerça
les fonctions difficiles, en 1870-71, de maire du cinquième
arrondissement de Paris.
U n'était pas seulement fort bien doué au point de vue des
sciences d'observation. Il était également bien doué pour les
mathématiques, ainsi que le prouvent plusieurs de ses travaux.
Il avait été reçu à l'École centrale des arts et manufactures
avant de , commencer ses études médicales, — U s'adonna
avec ardeur, pendant ces études, à la chimie et devint habile
dans les dissections anatomiques. Il trouvait^ malgré cela, le
temps de cultiver les sciences sociales et il fréquentait assi-
dûment, au Collège de France, les cours de Quinet et de
Michelet. C'était donc un esprit largement doué, largement
ouvert.
Mais BertiUon avait aussi quelques défauts qu'il est parti-
culièrement intéressant de noter ici et qui n'étaient peut-être
pas sans connexion entre eux. Il s'exprimait assez difficilement,
cherchant ses mots et construisant péniblement ses phrases.
U écrivait également avec difficulté et commettait, paraît-il,
beaucoup de fautes d'orthographe. Chose curieuse, ajoute le
docteur Letourneau, de qui nous tenons ce dernier rensei-
gnement, il était cependant amateur du beau langage et avait
assez volontiers recours aux ornements du style, mais sans
beaucoup de succès. Il était enfin rebelle à la musique, au
point de ne pouvoir distinguer l'air « Au clair de la lune *> de
rairde «Malborough ». Et pourtant, nous a dit son fils Al-
phonse; bien connu par ses importants travaux d'anthropo-
métrie, son esprit curieux et chercheur le conduisit à étudier
l'harmonie et à s'initier à la méthode chiffrée de Galin-Paris*
Chevé.
Nous tenons de la même source un autre renseignement
des plus utiles : Bertilion était primitivement gaucher, mais
il était très adroit de ses doigts et ce fut grâce à l'exercice
qu'il devint ambidextre.
Sa taille était seulement de i^fiQ^ mais bien prise, a Une
T. X (3« série). 36
dietëlut-e hdre, très abondatilë bt sôyelise^ ehcâdt^alt ôon
¥lsage, dbht W fitlesse était rëtnat-quabléi quoiqu'uii nér.
litt peu fbrt, mats d'Uh dessin très pur^ ëti relevât Texpres-
sion. Ses yeux, d un gris très doux ou^ plus exactetneût
diaprés le système de son flls Alphonse* « bleu violet foncé
ttvec «ti léger cfercle orange concentrique, et avec un reflet
verdftlr(3 )» , fttliaiéht rihtelligence à là f^nchise (st à Tin^^
tinilé; Avingt-tleuf aos, sa barbe semblait encore naid^ante.
Elle devint longue par la suite J)
Tels iiSûi les rensetguémeiltà qoë tioud avons pa réunir et
qui-, pertsons-noùë, ne sôht pas déplacés ici, bien que nous
h'ayottspaslttprétenlioil de faire b^amibupde rapprochements
entre eux et les détails de morphologie Cérébrale qui vont
Suivre; Wous tenons tout d'abord à ittsister sur l'intérêt tout
spécial que présente la description du cerveau d'un homme
si remàrt|ûàble par son intelligence et^ en même temps^ de
très petite taille. Un tel cerveau servira certainement à nom-
bre de compàrKiisohs fï'Uôtueuses au sujet desquelles nous nous
abstiéUdrohs^ pourle moment, de nous expliquer datantagé^
n'iayijiut ici pour but qu'une simple deseriptioni
POIDS DE L*ENCéPHALB.
Lé poids de l'encépha1e> mesuré à l'autopsie, était de
I 308 grammes» Q'est un chiflre élevée car là moyenne
des Parisiens (168 hommes de dix-neuf ans à soixante ans^
d'après les registres de Broca) est de 1 350 grammes> la
taille moyenne de ces 168 hommes étant de 1*^679. Mais
Bertillon était de très petite taille (1"^56) et, bien qu'il fût
parfaitement Constitué, il avait une largeur d'épaules et
de poitrine paraissant proportionnée à sd taille. Ce n'est
donc pas aux hommes de taille moyenne qu'il faut le com-
parer au point de vue du poids encéphalique, mais ùux
hommes de même taille que lui. Or, dans le tableau dressé
par l'un de nous d'après les registres de Broca, nous
trouvons que, pour 56 hommes ayant de 1"*,53 à i"*v6o, en
moyenne 4",6i, le poids moyen de Tencéphale était de
CHUDZINSKI ET MANOUTRIll. *- (XRYKAU DE BERTILLON. 663
1 3^ g^ammes^ Bt comme ce poids s'élève assez régulière-
ment de 5 grammes pour un accroissement de i centimètre
de taille, on peut admettre qu'un groupe de Parisiens ayant
comme Bertilion une taille de l*" 56> aurait un poids encépha-
lique moyen d'environ 1304 grammes. C'est donc parle chiffre
de 94 grammes que doit èite représentée la supériorité du
poids de Tencéphale de Bertilion» Dans le tableau cité oi-
dessus, on peut remarquer que le poids encéphalique dil
groupe des 58 hommes les plus grands (taille moyeane»
i™,743) est 1398 grammes, c'est-à-dire exactement le même
que celui de Bertilion. 11 convient peut-être aussi de tenir
compte de la perte de poids que peut avoir subie le cer-
veau de notre regretté maître, mort à Tâge de soixante-deux
ans après plusieurs années de maladie, de sorte que Ton peut
élever sans exagération à une centaine de grammes la supé-
riorité pondérale dont il vient d'être question.
L'encéphale pesé le 25 août 1887, c'est-à-dire après un
séjour de quatre ans et six mois dans l'alcool à 90 degrés, a
donné les chiffres suivants :
Hémisphère droit 406 gr.
— gauche 484
Cervelet, isthme et bulbe 117
ToUl 957 gr.
L'hémisphère droit aété plongé pendant quatre jours avant
celte pesée dans une solution très faible de chlorure de zinc,
ce qui a pu lui faire perdre plusieurs grammes de son poids.
Cette cause d'erreur regrettable empêche de savoir si l'hé-
misphère gauche était réellement plus lourd que le droit.
FORME GÉNÉRALE DE l'ENCÉPIIALE.
C'est sur le moulage intracrânien que nous avons étudié la
forme de l'encéphale, car on sait combien cette forme est
altérée dès l'issue de la cavité crânienne, tandis que le
i L. Manouvrler, Sur IHnlerprétalion de la quantUé dans Vencéphatey
p. 250 {àiém. de la Soc. ^ûnth,, II, l. iit> fasc* 2).
564
SÉANCE DU 21 JUnXET 4887.
moulage de cette cavité reproduit fldèlement la forme encé-
phalique telle qu'elle était pendant la vie et lors du dévelop-
pement maximum de Tencéphale.
Nous avons pris sur le moulage intracrânien un certain
nombre de mesures pouvant présenter quelque intérêt au
point de vue de la comparaison de différentes parties de Ten-
céphale entre elles, soit sur un même individu, soit sur des
individus différents. C'est ainsi que nous comparerons la
forme encéphalique de Bertillon à celle de Gambetta, dont le
Pig. 4.
moulage intracrânien n'avait pas encore été mesuré au point
de vue morphologique. Cette comparaison, nous n'avons pas
la prétention d'en tirer des déductions physiologiques, car
nous savons fort bien que ce n'est point avec deux cas que
Ton peut asseoir solidement de telles déductions dans cet
ordre de recherches. Il nous sera toutefois permis de faire
remarquer l'intérêt spécial d'un rapprochement entre les
deux cas dont il s'agit. D'une part, en effet, la prédominance
de telle et telle région du cerveau de Bertillon sur les régions
CHUDZINSKI ET MANOUVRIER. — CERVEAU DE BERTILLON. 565
homologues du cerveau de Gambettane saurait être attribuée
à une supériorité de taille, puisque la taille du savant était
inférieure à celle de Thomme d'Etat. D'autre part, il existait
entre ces deux hommes illustres des différences psycholo-
giques extrêmement tranchées qui pourraient être en rapport
avec certaines des différences morphologiques que nous allons
décrire. C'est là une hypothèse qui, dans cet état assez vague,
ne présente assurément rien de contraire h la rigueur scien-
tifique, et nous nous abstiendrons de la pousser plus avant
qu'il ne convient pour le moment, laissant ce soin aux ama-
teurs de dissertations faciles. Nous nous réservons cependant
de revenir sur les faits exposés ci-dessus dans un travail
depuis longtemps en préparation^ ayant pour but l'interpré-
tation anatomo-physiologique de la forme du cerveau.
La figure 1 représente les profils superposés des moulages
intracràniens de Bertillon (B) et de Gambetta (G), Tangle
fronto-sphénoïdal et la ligne de séparation entre le cerveau
et le cervelet étant pris comme points de repère. On voit que
le profil G est dépassé par le profil B dans presque toute son
étendue et surtout en avant, et qu'il le dépasse, au contraire,
au niveau du cervelet et de la pointe du lobe sphénoïdal.
Dimensions des moulages iniraerdniens.
Diamètre an téro-postérieur maximum (L)... B. 179 G. 167
— transverse maximum (T) 141 187
Indice oéphalique intraorânicn 78.77 82.03
Cet indice est un peu plus élevé qu'il ne le serait sur le
crâne sec, parce que le diamètre antéro-postérieur du crâne
est augmenté de l'épaisseur des sinus frontaux. Ces sinus
devaient être petits chez Bertillon, dont Tindice céphalique
crânien, par conséquent, serait peu inférieur à 78.7, chiffre
un peu plus bas déjà que la moyenne des Parisiens. Chez
Gambetta, au contraire, la partie inférieure de Tos frontal
paraissait assez épaisse, de sorte que son indice céphalique
crânien ne dépassait très probablement pas 80. Comme Tin-
dice céph6dique est en général un peu plus élevé sur le vivant
5M BÉANGS DU 21 JUILLET i887,
que sur le crâne sec, on peut oonsidérer les Indiees intra-»
crâniens ci-dessus comme représentant très approximatif
vement les indices du crâne revêtu des parties molles*
Ches Bertillon^ Thémisphère gauche est un peu plus court
que le droit (de3 à4 millimètres). La symétrie est à peu près
parfaite dans le sens de la largeur, car le milieu du diamètre
transverse maximum tombe sur la scissure interhémisphé-
riqua.
Hauteur dû moulage intracpânien » (H) B. 182»"» G. H7»m
drcoDféreuce horizontale (maximum) 513 482
Courbe médiaue an téro- postérieure * 310 375
L*arffeur maxima du lobe frontal * (F) 135 113
Largeur maxima du cervelet (C) 110 110
Distance min. entre les lobes temporaux (S). 81 34
RapporU de F à (T «>* 100) 88.6 82.4
— de C à (T ss 100) 78.0 80.2
— de S à (T = 100) 21.9 17.5
— de H à (L « 100) 68.1 70.0
— deHà(T'=*00) , 86.5 85.4
Ces rapports montrent, avec les dessins ci-joints, que chez
Bertiilon, comparé à Gambetta, le lobe frontal était large
absolument et relativement, que le cervelet était moins déve-
loppé en largeur aussi bien qu*en hauteur, que le cerveau
était moins haut dans sa région temporo-pariétale relative-
ment.à sa longueur, mais un peu plus haut relativement à sa
largeur, et que l'espace intra-sphénoïdal était plus large abso-
lument et relativement.
Nous ne terminerons pas cette partie de notre travail sans
attirer l'attention sur la saillie que forme sur le moulage in-
tracrânien de Gambetta la partie postérieure de la troisième
circonvolution frontale gauche. Cette saillie est très visible
sur le dessin ci-joint (flg. !2) en o, sans que nous ayons eu
1 Mesurée perpendiculairement à un plan tangent à la face inférieure
du lobe spbénoldal et du oervelet. KUe peut être considérée comme une
dimension temporo -pariétale.
s Mesurée sur le bord interne de l'hémisphère le plus long à partir de la
ligne 8nsM>rbitaire jusqu'au milieu de l'épaisseur du sinus latéral.
> (aimédi4teoi9ot «a «vaut de U fao9 antérieure du lobe spbénoldal.
CHUDZINSKI ET l(4!fOUVf^||;|i, -^ Gj^YpiU fî^ BERTILLON. ^^
recours pour cela à aucun artifice, car les deux contours en-
céphaliques représentés par cette flgnre ont été dessinés avec
le stéréographe 4e Broca et pup^rposés tels quel^, puis
simplement réduits de moitié, La s^illi^ en question p'existp
pas à droite et il est inflQin^pnt probable qu'elle résulte d'fi^
grand développement de }a cirçonyplut'iop 4p Qroc^ en
Pig. 2.
épaisseur. Gette saillie existait-elle dès l'enfanoe, ou bien
s'est-elle formée par suite d'un long exercice de Torgane
cérébral qu'elle représente? C'est ce qu'il est impossible de
dire, et il est permis de croire que chacune des deux bypo-
thèses peut avoir sa part de vérité.
668 8ÉANGB DU 29 JUILLET 4887.
8GI8SDRBS BT SILLONS.
Les descriptions qui suivent ont été faîtes avec le cerveau
même sous les yeux ; les figures ont été faites avec le stéréo-
graphe de Broca d'après les moulages en plâtre, puis repas-
sées à l'encre, toujours avec le cerveau naturel sous les
yeux. Elles sont toutes réduites, comme les précédentes, à
la demi-grandeur.
Scissure de SyMus.
A droite {fig, 3), très profonde (de 20 millimètres environ
vers le milieu sur le cerveau déjà rétracté dans l'alcool) ; à
Fig. 3.
peu près horizontale dans ses trois quarts antérieurs, elle
se relève brusquement à son quart postérieur. Deux petites
branches terminales. — Branche antérieure (S"), située très
inféri^urement, presque cachée par la première temporale,
courte (8 millimètres environ) et légèrement inclinée en bas.
— Branche ascendante longue, bifurquée en un Y dont la
branche verticale ou postérieure est de beaucoup plus lon-
gue que l'autre branche dirigée en avant.
Au milieu de son trajet, la scissure de Sylvius émet deux
rameaux, l'un supérieur qui coupe le pied de la pariétale
ascendante, l'autre inférieur qui coupe la première tem-
porale. Un troisième rameau très court échancre cette
CHUDZDfSKI ET ■ANOUTRIBR. — GEHYBAn DE BERTILLON,
mémo circonvolution au niveau du point où la scissure com<
mence à devenir verticale.
A gauche (flg. 4), direction plus oblique ; aucune branche
à rextrémité. Celle-ci est plus verticale qu'à droite; elle a
même une tendance à revenir en avant. Trajet général asse%
sinueux.
Branche antérieure située à un niveau plus élevé qu'à
droite et paraissant bifurquée en Y. — Très longue.
Branche ascendante très courte, à peine visible sur la face
convexe de Théraisphère. Il résulte du peu d'éloignement
des deux branches antérieure et ascendante une exiguïté
remarquable du cap de la troisième frontale. Toutefois on
verra plus loin que cette circonvolution n'en est pas moins
très développée.
Gomme à droite, la scissure émet au commencement de
son quart postérieur un rameau vertical légèrement obli-
que d'arrière en avant et qui émet lui-même supérieure-
ment un ramuscule antérieur. Ce rameau, très profond, di-
vise en deux parties le pied de la pariétale ascendante.
Comme à droite, il existe au même niveau un rameau des-
cendant qui échancre le bord supérieur de la première
temporale.
Comme adroite, au niveau" du changement de direction
de la scissure, un rameau postérieur horizontal*
570
S«AKGfi DU 2i JUi^XST 1997*
Scissure de Rolaajpt
, A droite^ très sinueuse et profonde ,* oblique d'arrière en
avant dans son quart inférieur, très oblique d'avant en ar-
rière dans ses trois quarts supérieurs.
Emet six ramuscules, dont quatre en avant et deux en
arrière.
A gauche^ moins oblique qu'à droite dans ses parties infé-
rieure et supérieure; émet trois ramuscules en avant et deux
en arrière. — En somme, moins compliquée qu'à çauche.
Fig. 5.
Scissure occipitale.
A droitfif partie interne très profonde. Sa partie supé-
rieure qui traverse rhémispbèrc se divise en trois branches :
Tune antérieure, relativ^alent courte, l'autre postérieure^
très profonde et très lopgue; l'une et l'autre presque paral-
lèles à la scissure interhémisphérique ; la troisième trans-
versale, d'une -longueur intermédiaire à celiez ^es précé-
dentes.
Partie externe. Interrompue p;^r deux larges plis de pas-
sage pariéto-occipitimx, la scissure occipitale reparaît vers
le milieu de la face convexe de l'hémisphère, où elle pré-
sente la forme d'une étoile à quatre branches. De nouveau
iuterrompue par un troi^ièm^ pli de passage pariéto-occipi-f
CBUDZINSKI ET MAKOUVRIBB» — CERTBAU DE BERTILLON. 57t
tal> elle reparaît soua forme d*uii arc à concavité postérieure
qui, vers sa partie moyenne, envoie un rameau dans l'épais*
seur de la troisième temporale.
A gauche, partie interne plus sinueuse qu'à droite, mais
plus simple et presque rectiligne dans sa partie supérieure
qui envoie seulement un ramuscule très court dans la pre-
mière circonvolution occipitale.
Partie externe^ courte. Se continue avec le deuxième sil-
lon occipital.
Scissure calcarine.
Très profonde des deux côtés,
A droite^ son trajet est très irrégulier. Commence en ar-
rière par un sillon en H auquel fait suite une portion ascen-
dante, parallèle au bord postéro-interne de l'hémisphère.
Au niveau du cunéus, cette portion envoie dans l'épaisseur
de ce lobule un rameau profond qui continue la première
direction. A ce niveau, la scissure s'infléchit de façon à deve-
nir d'abord horizontale, puis descendante, puis oblique en
bas et en avant, A la jonction de ces deux dernières portions,
la scissure émet un petit rameau en arrière.
A gauche^ plus irrégulière. Commence par un sillon ramifié
à cinq branches dont la centrale, d'abord ascendante puis
oblique de bas en haut, se recourbe en donnant naissance à
un rameau récurrent très profond qui s'enfonce dans la cin-
quiènie circonvolution occipitale. Le reste de la scissure pré-
sente une disposition semblable à celle de l'hémisphère
droit.
Scissure sous-frontale.
A droite^ ininterrompue d'un bout à l'autre. Absolument
simple dans toute sa portion métopique. Horizontale au-
dessus du corps calleux, elle devient ramifiée et brisée à
partir du lobule ovalaire. Les brisures correspondent à cinq
plis de passage très profonds par lesquels la circonvolution du
corps calleux communique avec 1^ lobuie ovalaire (deux plis) et
672 8ÉANCE DU 21 JUILLET 4887.
avec le lobule quadrilatère (trois plis). Dans son trajet à partir
du lobule ovalaire, la scissure sous frontale émet trois bran-
ches principcJes, toutes ascendantes. La première ou anté-
rieure^ profonde, un peu oblique de bas en haut et d'arrière
en avant, constitue la limite antérieure du lobule ovalaire.
La deuxième, également profonde, divise ce lobule en deux
parties à peu près égales. La troisième, ou postérieure, sépare
le lobule ovalaire du lobule quadrilatère. Le bord inférieur
de celui-ci est légèrement échancré par deux derniers ra-
muscules de la scissure. La scissure sous-frontale s'avance
presque jusqu'au contact de la scissure occipitale dont elle
n'est séparée que par un intervalle d'environ 2 millimètres.
(N. B.) Nous avons décrit, contrairement à l'usage clas-
sique, la scissure sous-frontale comme se continuant jus-
qu'au voisinage de la scissure occipitale, parce que telle est,
en effet, la disposition réelle de cette scissure dans le cas de
Bertillon, où il n'existe aucune interruption entre la scissure
sous-frontale proprement dite et le sillon sous-pariétal.
A gauche, la partie susorbitaire de la scissure sous-
frontale se confond avec l'incisure prélimbique, mais seule-
ment en arrière, car, après un trajet d'environ 35 millimètres,
cette portion commune se bifurque en deux branches, l'une
inférieure, horizontale, qui représente l'incisure prélimbique,
l'autre ascendante, qui constitue la partie supérieure de lare
sus-orbitaire de la scissure sous-frontale.
Au niveau de son point de réflexion, la scissure est inter-
rompue par le pli de passage prélimbique déprimé à son
origine.
Dans tout son trajet, contrairement à ce qui a été noté
pour l'hémisphère gauche, la scissure sous-frontale est très
brisée, même dans sa partie antérieure ou métopique.
Mais, comme à l'hémisphère droit, cette scissure se con-
tinue sans interruption jusqu'au bord postérieur du lobule
quadrilatère, de sorte que, comme précédemment, nous ne
décrirons pas de sillon sous-pariétal.
La scissure sous -frontale émet trois branches ascendantes.
GHUDZINSKI ET HANOUVRIER. ~ CERVEAU DE BERTILLON. 573
La première, très profonde, légèrement inQéchie en avant, est
située à environ 2 millimètres en avant de Textrémité supé-
riènrede la frontale ascendante; elle pénètre dans la première
frontale. La seconde, qui représente la terminaison de la scis-
sure sous-frontale classique, sépare le lobule ovalaire du lo-
bule quadrilatère. La troisième pénètre dans Tepaisseur de
ce lobule.
11 n'y a qu*une seule branche inférieure au niveau du bord
antérieur du lobule quadrilatère.
Premier sillon frontal.
A droite, très sinueux. Branches nombreuses.
Paraît ininterrompu au premier abord, mais il est inter-
rompu en réalité, vers son milieu, par un pli anastomotique
profond et grêle qui unit les deux premières circonvolutions
frontales. Au-delà de ce point, le sillon devient encore plus
sinueux et se continue sans interruption jusqu'à la corne an-
térieure de rhémisphère. Il émet en tout douze rameaux,
dont six dans la première frontale et six dans la deuxième.
A gauche^ également sinueux et ramifié.
Se confond, à son origine, avec la partie supérieure du
sillon pré-rolandique. Il est interrompu, h partir de son
milieu, par trois plis anastomotiques grêles et superficiels.
Il envoie dix rameaux dans les circonvolutions voisines^ cinq
de chaque c6té, et ces rameaux sont plus courts que ceux du
sillon de droite.
Deaxiàme sillon frontal.
A droite y extrêmement tortueux.
Part du sillon pré-rolandique. Au niveau de la branche
ascendante de la scissure de Sylvius, il s'anastomose avec la*
troisième circonvolution. Un peu plus loin, il s'anastomose
de nouveau avec la même circonvolution. Il va rejoindre le
premier sillon au niveau du bord antérieur du lobule orbi-
taire.
Il émet sept rameaux : quatre en haut et trois en bas.
3T4 SÉANCE DO 21 JUlLLEt 1887.
A gauchey interrompu, à sa partie antérieure, par on gros
pli ânastomotique qui unit entre elles les trois circonvolutions
frontales. Il ee termine comme le deuxième sillon du côté
droit. Il émet six branches, dont trois en haut et trois en bas.
Sillon pré-rolandique.
A droite, assez simple. Interrompu seulement par le pied
de la deuxième circonrolution. G'est à peu près vers son
milieu que prend naissance le second sillon frontal. Il n'en-
voie qu'un ramuscule qui échancre le bord antérieur de la
frontale ascendante.
A gauche, presque rectiligne» S'unit, à sa partie supérieure,
avec le premier sillon froniah II est interrompu, vers sa partie
moyenne, par le pied, très grêle» de la deuxième circonvolu-
tion. Puis il continue son trajet jusqu'à 2 millimètres environ
de la scissure de Sylvius, où il semble même se jeter au
premier abord. A sa partie supérieure, il envoie une branche
longue et profonde dans l'épaisseur de cette ciixonvolution.
Sillon post-rolandique.
A droite^ interrompu, sinueux et dirigé un peu d'arrière
en avant, mais moins que la scissure de Rolando dont il est,
par conséquent, plus éloigné en bas qu'en haut. Il émet trois
rameaux en avant et un en arrière. A la jonction de son tiers
supérieur avec les deux tiers inférieurs, il reçoit le sillon
interpariétal.
A gaudip, interrompu également. Un peu moins sinueux
que du côté droit. Il émet un seul rameau en avant, vers sa
partie moyenne. Un peu au-dessus, il reçoit non pas» comme
du côté droit, le sillon interpariétal, mais l'extrémité supé-
rieure du premier sillon temporal (sillon parallèle).
Silloo ioterpariétal.
A droite, commence dans le sillon post-rolandique, avec
lequel il se confond. AiUéro-po^lérieur dans une étendue
d'environ 2 centimètres^ il est interrompu par un pli anasto-
CHUDZINSKI ET BANODVftIEfl. >— CfiRtfeAtt DE BERTILLON. 875
motiqu^ unissant les deux clrconvDlutiohs {pariétales. Ëti
arrière de ce pli, il reparaît avec lé. même direction, mais
très sinueux^ et son extrémité va se confondre avec la partie
supérieure de la scissure occipitale externe. Au contact anté-
rieur du pli anastomotique tnentionné ci-dessus, le sillon
interpariétal émet une longue branche descendante exacte-
ment transversale, qui n'est autre chose que Textrémité isupé-
rieure du premier sillon temporal.
Au contact postérieur du même pli anastomotique, le sillon
interpariétal émet une branche ascendante et courbe à con-
cavité postérieure. Plus loin, il émet deux ramuscules ascen-
dants et deux descendants.
A gauche, très compliqué. Commence, comme à droite,
dans le sillon post-rolandique et est immédiatement inter-
rompu, comme à droite, par un pli anastomosique unissant
les deux circonvolutions pariétales. Puis il se continue d'avant
en arrière jusqu'à la scissure occipitale externe dans laquelle
il se termine. Gomme à droite, il se confond avec l'extrémité
supérieure du premier sillon temporal. Plus en arrière, il
émet deux branches ascendantes qui vont atteindre le bord
interne de Thémisphère, et deux branches descendantes qui
s'enfoncent dans le pli courbe .
Premier sillon temporal.
A droite^ très sinueux et ininterrompu, il se relève presque
à angle droit au niveau du pli courbe et se divise presque
aussitôt en deux branches : Tuhé lantérieùre, qui se confottd
avec le sillon interpariétal, l'autre postérieure, un peu plus
longue, qui coupe transversalement le pli courbe presque
jusqu'à la rencontre de la portion postérieure du sillon inter-
pariétal.
Il émet quatre rameaux supérieurs et deux inférieurs doht
le second, situé au niveau du point de réflexion, constitue
une anastomose avec le deuxième sillon temporal,
A gauche^ beaucoup plus sinueux et ramiûé. Il commence
plus bas qu'à droite. Après avoir pris la direction ascendante,
576 SÉANCE DU 21 JUILLET 1887.
il se divise en trois branches : deux postérieares et ascen-
dantes, une postéro-antérieure qui, après un trajet de i cen-
timètre environ, se bifurque à son tour en deux branches :
Tune qui continue le trajet d'arrière en avant et se termine
en fourche, Tautre ascendante, qui va se terminer dans le
confluent des sillons post-rolandique et interpariétal. C'est
cette dernière qui représente la branche terminale antérieure
décrite du côté droit. Dans ce trajet si compliqué, le premier
Fig. 6.
sillon temporal émet cinq rameaux en avant et six en arrière
ou en bas.
Deuxième sillon temporal.
A droite^ interrompu, vers son milieu, par un pli anasto*
motique joignant les deuxième et troisième circonvolutions
temporales, il va se jeter dans la branche issue du point de
réflexion du premier sillon temporal. Il émet, en avant du
pli anastomotique, une branche ascendante et une descen-
dante. En arrière du même pli, il émet deux branches ascen-
CHUDZINSKI ET MANOUVRIBR. — CERVEAU DE BERTÎLLON. 377
dantes : Tune antérieure, bifurquée ; l'autre postérieure,
très courte, et une branche descendante assez longue et re-
courbée en arrière.
A gauchcy interrompu par deux plis anastomotiques con-
tigus joignant les deuxième et troisième circonvolutions
temporales et séparés Tun de l'autre par une branche trans-
versale b. Au-delà de ces plis, le deuxième sillon temporal
décrit une courbe à concavité inférieure. Dans la seconde
partie, on voit deux ramuscules : Tnn descendant et Tautre
ascendant.
Troisième sillon temporal.
A droite , commence par une incisure légèrement ramifiée
qui s'arrête devant une large anastomose joignant les troi-
sième et quatrième circonvolutions temporales. Il poursuit
ensuite son trajet sinueux jusqu'au bord externe et inférieur
de l'hémisphère, où il se termine. Il émet une seule branche .
ascendante vers sa partie moyenne.
A gauche, très long, sinueux. 11 se prolonge au-delà du
bord inférieur de Thémispbère et se termine dans l'épaisseur
du lobe occipital. Cette partie terminale constitue le troisième
sillon occipital. Il émet deux rameaux ascendants et deux
descendants.
Quatrième sillon temporal.
Très long et peu sinueux. Se prolonge sans interruption
depuis la corne sphénoïdale jusqu'au lobe occipital, où il
constitue le quatrième sillon occipital. Dans ce long parcours,
il n'émet aucun rameau.
A gauche, disposition identique.
Premier sillon occipital.
A droite, fait suite au sillon interpariétal. Donne deux ra-
meaux internes. Interrompu par un pli anastomotique joi-
gnant les deux premières circonvolutions occipitales, il se
termine par une incisure à trois branches.
A gauche,mai délimité. Fait suite)également au sillon inter*
T. X (3® série). 87
578 SÉANCE nu 21 jihllet !887.
pariétal. Interrompu, comme adroite, par un long pli anasto-
motique en avant duquel il émet une assez longue branche
récurrente qui remonte dans l'épaisseur de la première
circonvolution occipitale. Émet en dehors un petit rameau.
Deuxième tilloo oooipital.
A droite, très sinueux. Fait suite à la scissure occipitale
externe et se prolonge Jusqu'à la corne occipitale. Dans son
trajet, il émet trois rameaux supérieurs et trois inférieurs.
.4 gauche^ fait également suite à la scissure occipitale
externe. Décrit ensuite une première courbe à grand rayon
et à concavité inférieure, puis une deuxième courbe en sens
opposé qui se termine à la partie interne du pôle occipital.
Il émet une branche et un rameau postérieurs et un rameau
antérieur.
Troisième sillon occipital.
A droite, commence sur la face cérébelleuse du lobe occi-
pital. Presque rectiligne, il se prolonge jusqu'au pôle occipital
et n'émet qu'une seule branche très longue qui semble con-
tinuer le troisième sillon temporal.
^.^A gauche^ très court. Fait suite au troisième sillon tem-
poral et se termine par une extrémité bifurquée.
Quatrième sillon occipital.
A droite^ fait suite au quatrième sillon temporal. Se pro-
longe jusqu'au pôle occipital, où il se réunit à angle aigu
au troisième sillon occipital. Il émet une branche supérieure
et une inférieure.
A gauche, très sinueux dans sa moitié postérieure, où il
donne naissance à un rameau et à une branche supérieurs
presque contigus et à un rameau inférieur situé au même
niveau.
CHUDZINSKI ET MANOl'VRIER. — CERVEAU DE BERTILLON. 579
CIRCONVOLUTIONS.
Lobe frontal.
Premièpc circonvolution frontale.
A droite, large et divisée par huit incisures plus ou moins
longues qui constituent un commencement de séparation en
deux plis. Son bord externe, très flexueux, décrit cinq
méandres fortement prononcés. Unie à la deuxième circon-
volution par un pU profopd et mince an a.
Sa face interne est très nettement divisée en deux plis par-
faitement distincts dans toute son étendue. Ces deux plis sont
Fig. 7.
seulement unis entre eux par trois plis anastomotiques : le
premier, préovalaire (n); le second, très profond, méto-
pique(7w), et le troisième, sus-orbitaire (v), superficiel ainsi que
le premier (fig. 7). Le sillon anormal qui sépare ces deux plis
émet quatre rameaux ascendants. Il constitue une exagéra-
tion des fossettes et incisures qui existent ordinairement sur
la face interne du lobe frontal. Le cerveau de Bertillon pré-
sente donc une réelle complication de cette région. Le pli in-
férieur est simple et lisse. Le pli supérieur est lui-même
creusé de nombreuses incisures qui constituent un commen-
cement de subdivision.
A gauche^ la première circonvolution est un peu moins
larg', mais plu^ profondément creiisrc pnr six inci?uro3sim-
580 SÉilNCE DU 21 JUILLET 1887.
pies ou ramifiées. Son bord externe décrit six méandres très
accentués. Il est uni à la deuxième circonvolution par trois
plis anastomotiques superficiels : le premier au niveau du se-
cond méandre, les deux autres contigus sur la face anté-
rieure.
La face interne n'est pas complètement divisée, comme à
droite^ en deux plis distincts ; mais elle présente huit inci-
sures profondes, dont plusieurs sont ramifiées.
Deuxième circonvolution frontale.
A droUcy peu large, mais très contournée sur elle-même.
Sur la face convexe, son bord externe déciît quatre méandres
Fig. 8.
très prononcés. Le bord interne en décrit cinq plus petits.
Sa surface libre présente deux incisures.
Cette circonvolution, contrairement à ce qui a lieu jl ordi-
nairement, est moins large que la première, comme si
c'était à ses dépens que s'est produit Télargissement des deux
circonvolutions voisines.
Elle est unie à la troisième frontale par trois plis anasto-
motiques assez minces : le premier au niveau de la branche
ascendante de la scissure de Sylvius ; les deux autres voi-
sins du lobule orbitaire. La portion qui forme ce lobule est
divisée par un sillon en H irrégulier.
A gauche, un peu plus large qu'à droite et également très
GHUDZINSKI ET HANOUVRIER. — GERVEilU DE BERTILION. 581
sinueuse. Sa partie moyenne est profondément divisée par un
sillon à quatre branches. Au-dessous de cette partie, elle se
présente sous la forme d'un pli transversal qui s*unit aux
deux circonvolutions voisines, formant ainsi une anastomose
entre les trois circonvolutions frontales .
Son bord interne présente six méandres et son bord ex-
terne trois méandres.
Outre le pli anastomotique indiqué ci-dessus, il y en a un
second très profond, joignant les deux premières circonvolu-
tions au niveau delà région orbilaire (en a).
Cette région est largement creusée de deux sillons à quatre
branches. Elle est très compliquée.
Troisième circonvolution frontale.
A droite, commence au pied de la frontale ascendante par
un pli ascendant qui, après un trajet de 3 centimètres, dis-
paraît dans la profondeur de rhénnsphèrc,au lieu de s'anas-
tomoser avec la deuxième frontale comme d'habitude. De la
partie inférieure de ce pli initial part un autre pli très large
qui s'enroule autour de la branche ascendante bifurquéc de
la scissure de Sylvius en décrivant un long et large méandre
coupé transversalement par une incisure en h^ et anastomosé
avec la deuxièmcfrontale pardeux plis très apparents. Puis la
troisième frontale décrit un nouveau méandre et va se ter-
miner dans l'extrémité orbitaire de la deuxième frontale. Ce
dernier méandre est coupe par une incisure transversale
assez longue.
L'incisure située entre la branche ascendante s de la scis-
sure de Sylvius et la branche antérieure s" paraît communi-
quer avec cette scissure sur le dessin (fig. 3), mais elle
ne communique pas en réalité. Elle n'en constitue pas
moins une division du cap de la troisième circonvolution. Ce
cap était, on le voit, beaucoup plus large qu'à gauche, fait
d'autant plus intéressant que Bertillon était gaucher.
.4 gauche, même disposition qu'à droite, si ce n'est que la
branche ascendante de la scissure de Sylvius (s), au lieu d'être
582 SÉANCE DU 21 JUILLET 1887.
longue et double, est très courte et simple. Les méandres
sont plus étroits, mais très développés en hauteur; sur la
figure, la branche antérieure de la scissure de Sylvius /
semble être bifurquée, mais le rameau supérieur ne lui ap-
partient pas : c'est une simple incisure ascendante. Au niveau
de la réunion des étages métopique et orbitaire, la troisième
frontale est coupée transversalement par une incisure à
quatre branches, puis elle décrit un dernier et large méandre
qui se perd dans le lobule orbitaire. La partie inférieure du
second méandre est unie par un pli anastomotique trans-
versal aux deux premières circonvolutions frontales.
Si Ton se conforme aux conventions classiques, le cap de
la troisième circonvolution frontale compris entre les bran-
ches antérieure et ascendante de la scissure de Sylvius est
très développé et divisé par deux incisuresà droite, tandis
qu'à gauche il est très petit et divisé par une seule incisure
très longue et profonde, il est vrai. Mais nous croyons qu'on
peut discuter sur la question de savoir si, de ce côté, c'est
bien la petite branche s qui est la branche ascendante, et non
pas la branche 8"^ que nous avons décrite comme étant la
branche antérieure. Dans ce dernier cas, la branche anté-
rieure, non visible sur la figure, serait cachée dans la profon-
deur de la scissure. Cette manière de voir aurait contre elle
la situation trop antérieure de la branche s^.
Dans tous les cas, la troisième frontale considérée dans
son ensemble est très développée sur l'un et l'autre hémi-
sphère.
Frontale asoendante.
A droite^ très tortueuse. Large en haut et mince en bas.
Les trois racines des trois circonvolutions antérieures qu'elb
reçoit sont trèë minces. Sa surface est seulement creusée de
deux fossettes.
A gauche^ moins tortueuse et plus mince dans toute son
étendue. Une seule fossette à sa partie inférieure. La racine
GHUDZmSKI ET MANOUVRIBR. -- CERVEAU DE BERTILLON. 5S3
de la première fronlale est large ; les racines des deuxième et
troisième frontales sont minces.
Pariétale asoetidante.
A droite^ mince en haut, elle s'élargit dans sa partie in-
férieure, qui est divisée par une longue incisure communi-
quant avec la scissure de Sylvius. Sa surface est creusée à
son tiers inférieur de deux petites incisures transversales.
Fig. 9.
Cette circonvolution est complètement séparée dfes autres
circonvolutions pariétales, excepté à ses deux extrémités.
A gauche^ très large et divisée en apparence en deux plîs
dans ses trois quarts inférieurs par trois incisures transver-
sales dont la troisième est ramifiée à quatre branches. Le
pli postérieur qui en résulte appartient, pensons nous, au pli
pré-sylvien en bas et au pli courbé en haut. Suivant celte
manière de voir, la pariétale ascendante serait aussi mince
que du côté opposé.
584 SÉANCE DU 21 JUILLET 4887.
Première circoavolution pariétale.
A droite, peu développée. Divisée par un sillon transversal
en deux plis dont le postérieur est très mince et se conlinue
avec la partie postérieure du pli courbe.
A gauche, moins développée encore qu'à droite. Creusée
d'une; longue incisure oblique. Son anastomose avec le pli
courbe est très développée. Au-dessus de cette anastomose on
en voit une autre, sous forme d*un îlot déprimé (G) (flg. 9),
qui unit cette circonvolution à la pariétale ascendante.
Lobule ovalaire (Ov.)
A droite y très peu développé. Divisé en deux parties par
unjB branche ascendante de la scissure sous-frontale.
A gauche^ plus étendu, mais mal délimité en avant par
une longue incisure oblique et isolée o (Gg. 5). Divisé en
deux parties par une incisure parallèle à la précédente.
Lobule quadrilatère.
A droite, très développé dans le sens antéro-postérieur.
Divisé par une incisure transversale unie, vers son tiers
postérieur, à une autre incisure ramifiée antéro-postérieure
s,;)(fig.7) qui semble continuer de ce côté du lobule ovalaire
le sillon antéro-postérieur que nous avons décrit comme di-
visant en deux étages lapartie internede la première frontale.
Le lobule quadrilatère présente deux autres incisures : Tune
vers son milieu et l'autre vers sa partie postérieure.
A gauche, également très développé. Profondément divisé
par plusieurs sillons 5, p (fig. 5) qui vont rejoindre la scis-
sure sous-frontale, à l'exception d'une incisure profonde qui
vient de lapartie supérieure delà pariétale ascendante. Plus en
arrière on voit deux autres incisures ramifiées, et en haut la
terminaison d'une incisure qui prend son origine sur la
partie supérieure de la première pariétale.
Deuxième circonvolution pariétale.
A droite f divisée de haut en bas par un profond sillon trans-
GHUDZINSKI ET HANOUVBIER. — CERVEAU DE BBRTILLON. B85
versai qui n'est autre chose que la branche antérieure ou
ascendante du premier sillon temporal. La partie antérieure
constitue le pli pré-sylvien très large, à contours irréguliers
et creusé, indépendamment de l'extrémité de la scissure de
Sylvius, par deux grandes incisures transversales. La partie
postérieure, ou pli courbe, est divisée en trois plis : Tun an-
térieur, ascendant, limité en arrière parla branche postérieure
du premier sillon temporal, les deux autres postérieurs, sé-
parés l'un de l'autre par un long sillon qui commence à la
partie inférieure de la branche précédente et qui se continue
sans interruption avec le second sillon occipital. Chacun de
ces trois plis de la seconde pariétale présente des fossettes
et de petites incisures. L'antérieur s'anastomose avec la pre-
mière pariétale, et les deux postérieurs communiquent lar-
gement avec les deuxième et troisième occipitales.
A gauche^ comme à droite, un pli antérieur ou pré-sylvien
est détaché par la branche ascendante du premier sillon tem-
poral /. Mais ce pli est beaucoup moins large qu'à droite et
ne présente qu'une incisure assez petite. Le pli courbe, au
contraire, est large et très sinueux, décrivant de haut en bas
plusieurs méandres. Son bord inférieur est échancré par un
rameau du premier sillon temporal. Sa surface est creusée de
trois fossettes et d'une incisure. Il s'anastomose en haut et
en avant avec la première pariétale et en arrière avec les
deuxième et troisième occipitales.
Première circonvolution temporale.
A droite, mince. Décrit trois méandres peu accusés. Di-
visée par une incisure au niveau de sa jonction avec le lobule
pré-sylvien.
A gauche, plus épaisse au niveau du deuxième méandre,
qui est très développé. Les deux premiers méandres sont
creusés de deux incisures. En arrière, elle est divisée par un
rameau récurrent du premier sillon temporal en deux plis :
l'un antérieur et supérieur, qui se continue avec le lobule
pré-sylvien; l'autre inférieur et postérieur, plus large, qua^
586 SÉANCE DU 21 JUILLET 1887.
drilalère et entouré presque 'compètement par le premier
sillon temporal qui le sépare du pli courbe et du lobe occi-
pital. Ce pli est creusé d'une fossette.
Deuxième circonvolution temporale.
A droite^ surface presque lisse^ présentant seulement deux
petites fossettes. S'anastomose vers sa partie moyenne avec
la troisième temporale et, en arrière, avec le pli courbe, par
un pli profondément caché dans la profondeur du premier
sillon temporal.
A gauche^ s'anastomose en avant avec la troisième tem-
porale et en arrière, par un pli très profondément caché, n,
avec la deuxième occipitale dont elle semble être séparée par
un sillon.
Troisième oirconvoluliod temporale.
Adroite^ plus large et plus compliquée que les précédentes.
Coupée vers son tiers postérieur par une branche issue du
troisième sillon temporal. Elle s'anastomose en arrière avec
la troisième occipitale, et en avant avec la deuxième tempo-
rale.
A gauche^ également large et compliquée. Mêmes anas-
tomoses qu'à droite. Le pli anaslomotique postérieur se con-
tinue avec la deuxième occipitale.
Quatrième circonvolution temporale.
A droite, très étroite, mais bien distincte. S'anastomose en
arrière avec la troisième temporale. Plus en arrière, elle
s'enfonce comme un coin entre les troisième et quatrième
occipitales avec lesquelles elle s'anastomose trèsprofondément.
Elle est coupée, vers son milieu, par une incisure transver-
sale.
A gauche^ très étroite en avant, elle s'élargit considéra-
blement en arrière. Divisée en deux plis par un sillon secon-
daire lequel communique avec le quatrième sillon temporal.
Anastomosée avec les troisième et quatrième occipitales.
CHUDZIN3KI ET MANOUVRIER. — CERVEAU DE BERTILLON. 387
Cinquième circonvolution temporale.
A droite^ séparée de la quatrième, dans toute sa longueur
par le quatrième sillon temporal. Divisée en arrière, par un
sillon antéro-postérieur^ en deux plis qui se continuent avec
la cinquième occipitale.
A gauche y un peu plus large qu'à droite. Les deux plis
postérieurs sont plus courts qu'à droite et s'anastomosent
aussi avec la cinquième occipitale.
Première circonvolution occipitale.
A droite, assez large. Séparée du cunéus par un rameau
antéro-postérieur de la scissure occipitale. Séparée en arrière
de la deuxième occipitale pal* une inoisure en K à branches
très écartées. Le pli de passage pariéto-occipital décrit un
double méandre.
A gauche^ étroite en avant. Se confond en partie, en arrière,
avec la deuxième occipitale. Séparée du cunéus par une in-
cisure antéro-postérieure courbe. Sa partie postérieure est
divisée en deux portions par une incisure transversale et plus
en arrière par une autre incisure transversale qui la sépare
de la deuxième occipitale. Le pli de passage pariéto-occipital
décrit un seul méandre, mais très large, triangulaire et s'en-
fonçant comme un coin entre la première occipitale et le
deuxième pli de passage pariéto-occipital.
Deuxième circonvolution occipitale.
A droite, se continue en avant avec le pli courbe par un
large et long pli de passage. Puis elle décrit un méandre et
va se terminer au pôle occipital après s'être anastomosée
d'une part avec la première occipitale, d'autre part avec les
deuxième et troisième temporales.
A gauche, moins large qu'à droite. Son pli de passage pa-
riéto-occipital est plus court, mais plus large. Elle s'anas-
tomose avec la troisième occipitale par un pli qui la fait
également communiquer avec la deuxième temporale.
588 SÉANCE DU 21 JUILLET i887.
Troisième circonvolution occipilale.
A droite^ 1res large. Incisée parun rameau anl6ro-postérieur
de la scissure occipitale externe. Anastomosée avec la qua-
trième temporale et tout à fait indépendante de- la deuxième
temporale.
A gauche^ moins large qu'à droite. Anastomosée avec les
deuxième et troisième temporales réunies.
Quatrième circonvolution occipitale.
A droite, très petite. Fusionnée en arrière avec la cinquième
occipitale. Divisée transversalement par une incisure en
Fig. 10.
arrière de laquelle elle se continue avec la quatrième tempo-
rale.
A gauche, même disposition.
Cinquième circonvolution occipitale.
A droite, très petite et simple. Fusionnée presque immé-
diatement avec la cinquième temporale.
A gauche, même disposition, mais plus compliquée. Elle
est creusée de deux incisures et d'une autre incisure ra-
mifiée à sa jonction avec la cinquième temponile.
Sixième circonvolution occipilale.
A droite, très simple et très peu développée. Nettement
séparée de la première occipitale par une branche (n) de la
CHUBZINSKI ET HANOUVRIER. — CERVEAU DE BERTILLON. 589
scissure occipitale. Sa surface est divisée par une incisure
longitudinale. Une autre incisure existe sur la face antérieure
formant la paroi postérieure de la scissure occipitale.
A gauche f elle est également peu développée. Elle est aussi
séparée de la première occipitale par une incisure antéro-
postérieure, mais celle-ci ne communique pas avec la scissure
occipitale. Plus contournée qu'à droite. Sa surface est creusée
de deux légères dépressions. Son pli de passage cunéo-lim-
bique est très profond et tortueux.
Circonvolution du corps calleux.
Très réduite sur les deux hémisphères.
A droite, elle ne mesure, dans sa partie métopique, que
5 millimètres en largeur. Sa partie réfléchie en avant et au*
dessus du genou du corps calleux était cachée, sur le cerveau
frais, entre le corps calleux et la première frontale formant
deux bourrelets au-dessus d'elle.
Elle s'élargit en arrière à partir du lobule ovalaire, tout
en restant peu développée. Rappelons qu'elle est séparée
presque complètement du lobule quadrilatère par un pro-
longement de la scissure sous-frontale. Dans cette partie
postérieure, sa surface est sillonnée par quelques incisures
peu marquées.
A gauche^ plus développée qu'à droite et assez large dans
sa partie antérieure. Elle se rétrécit un peu au niveau du
lobule ovalaire et devient large en arrière. Bord supérieur
crête, coulraireraent à l'hémisphère droit. Sa surface est
creusée de plusieurs dépressions superficielles en avant et de
véritables incisures en arrière. Contrairement à ce qui a lieu
du c6té droit, elle conmiunique par un pli de passage su-
perficiel, au niveau du genou du corps calleux, avec la pre-
mière frontale, et par un second pli de passage profond, en
arrière, avec le lobule quadrilatère.
Corps calleux. —Très petit des deux côtés, dans le sens
vertical.
Î590 SÉAAXE DU 21 JUILLET 1887.
Rémmê des caractères lesplus saillants de la surface cérébrale.
— Incisnres et sillons en général très tortueux et ramifiés.
Dédoublement complet de la première frontale à gauche à
sa partie interne.
Petitesse du cap de la troisième frontale gauche et grand
développement en hauteur des méandres de cette drcon*
volution.
Petitesse du lobule ovalaire à droite. Simplicité du même
lobule à gauche.
Minceur relative de la frontale ascendante.
Complication de la pariétale ascendante gauche, surtout
dans sa partie inférieure.
Grand développement du lobule quadilatère nettement sé-
paré de la circonvolution du corps calleux.
Division en deux lobules distincts de la deuxième pariétale
et complication du pli courbe.
Délimitation nette des trois premières occipitales.
Étroitesse de la circonvolution du corps calleux à gauche
et minceur du corps calleux lui-même.
Grand développement de la région antérieure du cerveau
dans tous les sens.
Faible développement relatif, quant aux dimensions, des
lobes temporaux et du cervelet.
DiscQfsioii.
M. Letourneau. Ayant eu l'honneur d'être, pendant de
longues années, Tun des amis intimes d'A. Bertillon, j'ajou-
terai quelques mots à ce que nous a dit M. Manouvrier dans
sa très importante communication. Le grand intérêt de ces
études sur le cerveau consiste précisément à rapprocher de
la structure de Torgane ce que Ton sait de sa fonction. Un
trait tout à fait caractéristique d'A. Bertillon, dont tous nous
avons pu apprécier la forte intelligence et l'élévation du
caractère, c'était une grande difficulté à exprimer sa pensée.
Sous ce rapport, il était exactement l'opposé de Gambetla,
auquel on vient de le comparer. Cette difficulté d'expression
DISCUSSION SUR LE CERVEAU DE BERTILLOX. 591
était si grande chez A. Bertillon, qu'on la peut presque appe-
ler aphasique. Ses auditeurs en éprouvaient un sentiment
pénible, quand \, Bertillon parlait en public. Et pourtant
au fond, tout au fond de sa mentalité, A. Bertillon était un
orateur; il avait le goût très accusé du langage imagé, mé-
taphorique, poétique. Parfois même, dans certains de ses
écrits, il s'est laissé aller trop complaisamment à cette ten-
dance. En résumé, il y avait dans A. Bertillon un orateur
psychique^ trahi constamment par ses moyens d'expression.
J'ajouterai encore, et cela complétera mes observations,
qu'A. Bertillon n'avait pu réussir à se rendre complète-
ment maître de l'orthographe de notre langue. Je ne crois
pas avoir jamais reçu de lui une lettre qui ne contînt quel-
que faute de grammaire. Il m'a dit aussi, bien des fois, que
dans son enfance il avait eu la plus grande peine à apprendre
à lire. Cette imperfection, si spéciale chez un homme aussi
distingué que Tétait notre collègue, semble donc indiquer
que l'aptitude à bien parler et à bien écrire n'est pas néces-
sairement le signe d'une haute intelligence.
M. Laborde demande le renvoi de la discussion à une séance
ultérieure, la question par son importance nécessitant une
étude approfondie. — Approuvé.
La séance est levée à cinq heures trois quarts du soir.
Vun des scerétairei : faijvi&|.le.
15S« SiANCË. — 6 oelobre 1887.
Préflldence de M. MAGITOT^ préflldeai.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté,
COMMUNICATIONS DU BUREAU.
M. LE Président. Le Comité central sera convoqué le jeudi
13 octobre pour prendre telle décision qu'il jugera conve-
nable, au sujet de la lettre par laquelle M. le ministre du
592 SÉANCE DU 6 OCTOBRE .1887.
commerce invite la Société d'anthropologie de Paris à parti-
ciper à l'Exposition universelle de 1889.
Inauguratioii de la statne de Broca.
M. LE Président rend compte, en ces termes, de l'inaugura-
tion du monument élevé à la mémoire de Paul Broca, fonda-
teur de la Société :
Depuis notre dernière réunion, et pendant les vacances de
la Société, votre Bureau, messieurs, a été informé que le mo-
nument de Broca. qui a ûguré, comme on sait, au dernier
Salon, allait être placé au lieu désigné pour le recevoir, c'est-
à-dire dans le petit square situé à l'angle du boulevard Saint-
Germain et de la rue de l'Ecole-de-Médecine, devant Tune des
entrées de la Faculté.
La commission du monument, présidée par M. Ploix, an-
cien président de la Société, s'est aussitôt réunie et a posé la
question de Tinauguration suivant le cérémonial ordinaire
en pareil cas ; mais nous fûmes aussitôt informés que la fa-
mille de Broca désirait que cette inauguration eût lieu d'une
manière tout à fait intime et sans qu'aucun discours fût pro-
noncé.
Des objections furent faites alors par plusieurs membres
de la commission, qui pensaient que la statue de notre fon-
dateur ne pouvait être ainsi découverte sur la voie publique
sans convoquer à cette occasion les souscripteurs du monu-
ment, ainsi que les représentants des corps savants auxquels
Broca avait appartenu, et sans que quelques paroles fussent
prononcées.
Il fut alors convenu, d'accord avec la famille et dans le but
de souscrire, dans la mesure du possible, au vœu qu'elle
avait formellement exprimé, que les convocations seraient
restreintes autant qu'il se pouvait, et que deux courtes allo-
cutions seraient seulement prononcées, l'une par le prési-
dent de la commission du monument, l'autre par le président
de la Société d'anthropologie.
Toutefois, tous les membres de la Société d'anthropologie
COMllUNICATlONS DU BUREAtJ. 593
furent invités par une circulaire spéciale; une convocation
particulière fut adressée au président du conseil municipal
de Paris ainsi qu'aux secrétaires généraux des sociétés sa-
vantes dont Broca avait fait partie, et l'inauguration eut
lieu le 29 juillet dernier, à dix heures du matin^ en pré-
sence de tous les membres de la famille Broca, du doyen
de la Faculté de médecine, des membres de TAcadémie de
médecine, de plusieurs collègues du Sénat, de la Société
de chirurgie, de la Société de biologie, et d'un grand
nombre de membres de la Société d'anthropologie. Divers
représentants de la presse assistaient à l'inauguration, ainsi
qu'un certain nombre d'étudiants. Le professeur Bogdanow,
président de la Société d'anthropologie de Moscou, repré-
sentant l'anthropologie russe, a déposé deux couronnes au
pied de la statue.
Alors M. Ploix, président de la commission du monument^
prit la parole en ces termes :
Messieurs,
Lorsqu'une mort imprévue et soudaine vint enlever Broca
à sa famille, à ses amis, à ses collègues, la Société d'anthro-
pologie chargea une commission prise dans son sein d'élever
un monument à la mémoire du savant éminent qui, après
avoir été son fondateur, était resté depuis lors le directeur
et l'âme continue de ses travaux. Une souscription publique
fut ouverte; les adhésions ne se firent pas attendre. Toutes
les Sociétés d'anthropologie qui, à l'exemple de celle de
Paris, se sont fondées dans* toutes les capitales du monde
civilisé, s'empressèrent d'envoyer leur offrande. En France,
nous avons vu se joindre aux collègues de Broca, médecins
ou anthropologistes, un certain nombre de conseils élus de
nos grandes villes, parmi lesquels je dois citer en première
ligne le conseil municipal de Paris. L'abondance des sous-
criptions a permis à la commission d'ouvrir un concours
pour ériger la statue qui va tout à l'heure être découverte
devant vous. De noiUbreux sculpteurs prirent part à ce con-
T. X (3« s*rte). 88
304 SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1887.
cours et la commission dut s^adjoindre quelques artistes
ôminents qui ont bien voulu l'aider de leurs conseils pour
éclairer ses décisions. La statue est enfin élevée sur son
piédestal ; nous aurions désiré que Vœuvre fût achevée plus
promptement, mais vous savez qu'en toutes choses le temps
est un élément nécessaire dont on ne dispose pas à son gré.
Aujourd'hui la tâche de la commission est terminée; je viens
en son nom remettre le monument de Broca h la Société
d'anthropologie.
Votre président répondit par l'allocution suivante :
Messieurs,
La Société d'anthropologie, au nom de laquelle j*ai Thon-
neur de prendre ici la parole, a été invitée par la commission
du monument de Broca à recevoir de ses mains l'œuvre qui
va tout à Theure être découverte devant vous.
J*ai donc pour premier devoir d'adresser nos remerciements
à la commission nommée au sein même de la Société, et,
en particulier, à son président, M. Ploix. Nous en devons
encore au secrétaire de la commission, M. Pozzi, qui, pen-
dant plusieurs années, a consacré tous ses soins à Tentre-
prise qui s'achève aujourd'hui. Nous exprimerons ensuite
notre gratitude aux artistes, MM. Franceschi, de Saint-
Marceaux, Dubois et Escalier, qui, ayant bien voulu faire
partie de notre commission, nous ont éclairés de leur auto-
rité et de leur haute compétence pour le choix des projets
soumis au concours. Enfin, nous avons une dette toute par-
ticulière à acquitter envers le statuaire, M. Paul Ghoppin,
auquel nous devons l'image actuelle de Broca. N'oublions
pas non plus l'architecte, M. Gamut, ami personnel de la
famille, qui nous a offert son gracieux concours pour l'exé-
cution du socle de ce monument.
Dans la statue qu'on va mettre sous vos yeux, vous retrou-
verez, messieurs, notre fondateur dans cette attitude de
méditation grave et réfléchie qu'il prenait si souvent parmi
nous dans son laboratoire, au sein de la Société, toutes les
COHMUHlGATlONd DU BUREAU. 595
fois qu^un fait ou un objet nouveau éveillait dans son esprit
un intérêt puissant; vous le retrouverez entouré de ses
appareils et instruments de précision qu'il a presque tous
imaginés, et fixant son regard investigateur sur un cr&ne
humain, ce crâne qui fut Tobjet de tant de patientes et infa-
tigables recherches.
Que ceux qui passent au pied de ce monument s'inclinent
donc avec respect. L'homme qu'il représente fut un puissant
esprit et un grand caractère. Vous, médecins, naturalistes,
philosophes, chercheurs que subjugue Tattrait des grands
problèmes de la science de Thomme, évoquez la mémoire de
celui que vous avez connu, écoutent aimé. Vous, étudiants
des générations prochaines, contemplez l'image d'un mattre
qui fut à la fois anatomîste, chirurgien^ anlhropologiste, et
dont le nom va reparaître sans cesse dans vos livres, dans
vos cours, à chaque étape de vos études.
Tous aussi^ vous vous étonnerez, aux datesj inscrites sur
ce socle, qu'une carrière si glorieuse ait eu une durée si
courte. Broca, en effet; est mort prématurément; il est mort
brisé par un travail sans trêve, victime de la science qui,
elle aussi, est un champ de bataille où la gloire s'achète
souvent au prix de la vie.
Mais si cette statue doit transmettre l'image du grand
initiateur qui a créé, organisé et personnifié l'anthropologie,
il est un autre monument, non moins impérissable que le
bronze, c'est l'œuvre scientifique de Broca, cette œuvre
aujourd'hui épanouie et rayonnante qui, depuis sa mort
aussi bien que durant sa vie, conduit et éclaire dans la voie
qu'il a si magistralement ouverte la phalange Adèle et dé-
vouée des disciples. Aussi est-ce à nous, messieurs, nous qui
sommes ses disciples, de conserver précieusement et reli-
gieusement les pures traditions et les grands exemples qu'il
nous a légués. C'est à notre Société qu'est confié ce. dépôt;
c'est à elle qu'est dévolue cette mission. Elle n'y faillira
pas.
Je m'arrête, Messieurs, car je n'ai pas le droit de vous faire
596 SÉANCE DU 6 OCTOBRE 4887.
de discours, un vœu formel de la famille de Broca ayant
imposé à cette inauguration un caractère à la fois simple et
intime, c'est à-dire celui d'une cérémonie dans laquelle se
trouvent un. instant confondues dans un même souvenir la
famille naturelle dont les représentants sont devant nous, et
la famille d'adoption, la famille scientifique que Broca s'était
créée. Aussi est-ce une commune pensée qui nous réunit tous
ici, pour rendre aujourd'hui un nouveau et un pieux
hommage à la mémoire doublement vénérée d'un chef et
d'un maître.
Après ces deux allocutions, M. de Quatrefages a prononcé
à son tour quelques mots en annonçant qu'il était chargé
de déposer sur la statue de Broca plusieurs couronnes
au nom de diverses Sociétés de France et de l'étranger.
La cérémonie était terminée à dix heures et demie.
OUVRAGES OFFERTS.
Htades. Mission scientifique du cap Hom. Géologie. Paris,
4887, in-4°, 242 pages, 4 cartes, 28 planches.
Simon (E.). Mission scientifique du cap Hom, Zoologie :
Arachnides. Paris, 1887, in-4', 42 pages, 2 planches.
Spuller. Discours prononcé au congrès des Soc f étés savantes,
le A juin 1887. Paris, 1887, broch. in-4% 18 pages.
Lefèvre-Pontalis. Bibliographie des Sociétés savantes de la
France. Paris, 1887, in-4", 142 pages.
Baye (J. de). La coupe de Castelletto. Nogent-le-Rotrou,
1887, broch. in-12, 6 pages.
Fraipont (J.). La poterie en Belgique à tâge du nummouth
(Extrait de la Revue (t anthropologie de juillet 1887). Broch.
in-8", 23 pages.
HouzÉ (E.). Description d'un squelette d'Hindou (Extrait du
Bulletin de la Société d'anthropologie de Bruxelles, 1886-87).
Broch. in-8'*, 15 pages.
— Comparaison des indices céphalométrique et craniomé'
OUVRAGES OFFERTS. B07
trique. (Extrait du Bulletin de la Société d'anthropologie de
Bruxelles, 1886-87). Broch. in-8% il pages.
Regaua (E.). Sut fenomeni psichtci. Milan-Turin, 1887,
broch. în-8*, 19 pages.
Sommier (S.). Sirieni^ Ostiacchi e Samoiedi deW Obi. I.
Florence, 1887, in4% 168 pages, 3 planches.
CuLiN (S.). The ReUgious Cérémonies of the Chinese in the
Eastem Cities ofthe United States. Philadelphie, 1887, in-4*,
23 pages, â planches.
Stephenson (P.-B.), Duty of the State in public Health
(Extrait du New-York Médical Journal^ 1887). Broch. in-12,
11 pages.
Anoutchine. Sur les anciens crânes déformés artificiellement,
trouvés en Russie. Moscou, 1887, in-8", 72 pages en russe.
Lewis (H. -T.). Incised Boulders in the uper Minnesota
valley, Saint-Paul, Minn., 1887, feuille in-S**.
Durville (H.). Application de Vaimant au traitement des
maladies. Paris, 1887, broch. in-8**, 24 pages.
Revue d' Anthropologe. 16« année, 1887, 5» fascicule.
M. Topinard, en offrant ce fascicule, en donne le sommaire
suivant :
Mensuration des crânes des dolmens de la Lozère, époque
néolithique, diaprés les registres de Broca, par P. Topinard.
Les Sélections sociales^ par de Lapouge.
Contributions à l'histoire des anomalies musculaires^ par
M. Bérenger-Féraud.
Les Hottentots ou Khoi-Khoiet leur religion, par M. Ploix.
Le BeC'de-lièvre, par M. Dureau.
Viennent ensuite dix Bévues de livres ou de brochures fran-
çais ou étrangers ; une Correspondance du docteur Ricochon
sur l'anthropologie des Deux-Sèvres ; le Catalogue des crânes
préhistoriques contenus dans le musée Broca; trois articles
d^ Actualités et la Bibliographie des périodiques, livres et bro-
chures reçus par la Revue.
M. Topinard insiste particulièrement sur le Catalogue des
crânes préhistoriques, dont la publication était demandée et
598 SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1887.
qai embrasse tous les crânes depuis Tépoque la plus reculée
jusqu'à l'époque mérovingienne inclusivement. Il comprend
117 entrées et par conséquent autant de donateurs, et
compte 653 crânes catalogués.
Quelques erreurs ou omissions ont pu se glisser dans ce
catalogue. Nous prions instamment les personnes qui en dé-
couvriraient de vouloir bien nous les faire connaître (i).
Quelques crânes sans étiquettes ou dont la lettre d'envoi o'a
pas dû arriver à qui de droit, figurent encore dans nos gale-
ries. Les pièces et débris en trop mauvais état pour être
étudiés ont été, bien entendu^ omis.
Julien Fraipont et Max-Lohest. Recherches ethnogra-
phiques sur les ossements humains découverts dans les dépôts
quatei^aires d'une grotte à Spy et détermination de leur âge
géologique. La race humaine du Néanderthal et de Canstadt.
(Extrait des Archives belges de biologie). Gand, 1887.
M. TopiNARD offre ce travail de la part des auteurs.
Plusieurs fois, dit-il, il a été question du gisement de Spy
dans cette Société et je pense que nous sommes tous aujour-
d'hui pleinement édifiés à ce sujet. Lagrotteaété fouilléeelle-
raème par M. Rucquoy, la terrasse en avant Ta été par
MM. Puydtet Lohest. C'est celle-ci qui a fourni les ossements
humains, la faune la plus complète et les silex et os travaillés.
Il y a trois couches : une supérieure, qui a donné quelques
silex finement retouchés, qu'on peut rapporter à la fin de ce
que nous appelons en France l'époque du renne, et quelques
os de mammouth et de renne; une moyenne, renfermant do
nombreux silex, des instruments en os et en ivoire travaillés
semblables à ceux de l'époque que nous appelons en France
de Laugerie et de la Madelaine, des fragments de poterie, du
Mammouth, du rhinocéros tichorhinus, de Yursus spelœus el
les carnassiers qui l'accompagnent habituellement, du renne,
du bos primigeniuSy etc.; et une inférieure, qui a donné des
silex du type duMoustier, la même faune sensiblement que la
^ Au docteur P. Topioard, Laboratoire d'anthropologie, 15, ruo de
r£cole-de-médeoloe.
OUVRAGES OFFERTS. 599
précédente, notamment du mammonth, du rhinocéros licho^
rhmus^ de Vursus speltBus, du conms taràndus et du bas primi-
genim et enfin les restes de deux sujets humains, notamment
deux calottes du plus beau type du Néanderthal, une mà^
choire supérieure, une mâchoire inférieure, plusieurs os
longs dont un fémur et un tibia entier^ des vertèbres, de
petits os de la main et du pied, etc.
Aucun doute ne peut exister sur la contemporanéité des
os du mammouth et des deux Néanderthal. Les deux calottes
humaines sont aussi typiques que la célèbre calotte qui a donné
son nom à cette race, aucun des caractères de celle-ci n'y
fait défaut: la dolichocéphalie^ la crête sourcilière énorme,
le front étroit et fuyant, la dépression transversale qui sépare
la crête surcilière de la naissance du front, la platycéphalie,
Tévasement en besace de la partie postérieure, la forme
arrondie, empâtée, ample des bosses pariétales, le méplat obli-
que si caractérisé du niveau de l'obélion. La seule difTérenoe
entre les deux réside dans la saillie plus grande avec contour
mieux arrondi des bosses pariétales du numéro 2, qui par là
se trouve être moins dolichocéphale.
Je dois ouvrir ici une parenthèse : c'est que je résume ces
caractères, non d'après la description de Tauteur, mais
d*après mes souvenirs. J'ai eu la satisfaction, en effet, de
voir et de toucher moi-même ces pièces à Liège, chez
M. Lohest.
Quant aux maxillaires, le supérieur n*est pas sensiblement
prognathe et Tinférieur a de belles apophyses géni, une
décroissance normale d'avant en arrière des grosses molaires,
mais pas de menton. Sous ce dernier rapport, il vaut la Nau-
lette. Quant au fémur et au tibia entier qui ont attiré surtout
mon attention, ils présentent certains caractères simiens pour
la description desquels je renvoie au mémoire ci-joint et à
un autre mémoire sur un point spécial qui doit paraître dans
la Bévue d'anthropologie^ sans doute du 15 mars prochain.
En somme, les ossements trouvés à Spy au-dessous de la
couche des os travaillés, au milieu d'ossements de mammouth
600 SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1887.
et de 8ilexda type de Moustier, confirment pleinement la des-
cription classique de la race du Néanderthal. Elle permet de
croire que la mâchoire delaNaulette appartenait bien au type
du Néanderthal et elle ajoute sur le squelette des renseigne-
ments que nous ne possédions pas. Ces deux hommes de Spy
étaient petits.
Il est un second point par lequel les fouilles de Spy présen-
tent un grand intérêt, et ici je crains que cela ne dérange les
idées qui ont davantage cours en France. C'est qu'elle montre
l'homme de l'âge des os travaillés (du renne en France, du
mammouth en Belgique) possédant déjà la poterie.
Si c*était la première fois que semblable fait se présente,
on pourrait attendre. Mais déjà en France, notamment à la
caverne de Nabrigas^ on a signalé le contemporanéitédu grand
ours et de la poterie. Depuis longtemps le fait est signalé pour
la Belgique. Tout récemment, M . Braconnier en a recueilli avec
des os du mammouth dans sa grotte du Petit Modave. Enfin
récemment encore M. Julien Fraipont, l'auteur du présent
mémoire, a extrait lui-môme un petit vase, à forme basse et
évasée, aux deux tiers complet, d'une masse de stalagmite
qui renfermait en môme temps des débris de mammouth, dans
un couloir resté vierge de la célèbre grotte d'Engis. Quelle
objection y a-t-il à faire à cette dernière trouvaille? Je n'en
vois pas.
PRÉSENTATIONS.
Doigis «applémenCairea sur le bord eablUil de ebaqao malii;
PAR LE DOCTEUR BERANGER (dB NIORt).
L'enfant M... présente, sur le bord cubital de chaque
main, un doigt supplémentaire. Ce fait offre en lui-même peu
d'intérêt. Il est peu de médecins qui, dansle cours de la prati-
que, n'aient eu à en constater de semblables. Il n'y a môme pas
lieu de s'étonner de cette double anomalie ; car, autant il est
rare de voir, aux deux mains à la fois, des pouces surnumé-
raires, autant il est fréquent de rencontrer des doigts s3Tné-
BÉRANGER. — DOIGTS SUPPLÉMENTAIRES. 601
triques à chaque main, lorsqu'ils sont implantés sur le bord
cubital.
Tantôt ce sont des tumeurs petites, mobiles, souvent pédi-
culées, d'une sensibilité très restreinte, semblant aisées à
séparer de leur surface d'implantation. Mais ainsi que Po-
laillon Ta démontré, même à cet état presque rudimentaire,
ces doigts offrent, à la coupe, une peau de même texture que
celle de la main, du tissu graisseux et surtout, toujours au
centre, un noyau cartilagineux ou osseux. Ces doigts peuvent
aussi avoir une structure et une organisation de plus en plus
complète et, par une graduation successive, arriver à être
en tout semblables aux mieux conformés : c'est-à-dLre avec
squelette osseux complet, nerfs et tendons. Cette organisation
complète est toutefois assez rare, et Morand est peut-être le
seul qui en ait donné une description entière.
Notre jeune fille a deux doigts supplémentaires sur le bord
cubital des mains, très bien conformés, presque de même
longueur que les petits doigts voisins, qui sont plus longs que
normalement; ils possèdent des ongles, trois phalanges, etc.
Chaque doigt supplémentaire suit son voisin dans tous
ses mouvements. Celui de la main gauche peut aisément
venir en contact avec le pouce et former ainsi la pince : il
est implanté sur un métacarpien, supplémentaire lui-même,
parallèle au métacarpien normal : ces deux os voisins ont
un volume moindre que chez les enfants bien constitués. —
Le doigt supplémentaire de la main droite se trouve au con-
traire implanté sur la tête augmentée de volume d'un cin-
quième métarcapien unique, sur une apophyse. — Ces deux
doigts offrent enfin une sensibilité nette à la température
comme à la douleur. — Il y a donc là une constitution très
complète.
Darwin, dans son ouvrage (Variations des plantes et des
animaux), d'accord, dans ses opinions, avec Foltz, avance
que, chez tous les mammifères, Thoamie compris, il y aurait
tendance à la formation d'un doigt additionnel ; et il consi-
dère, selon ses propres termes, l'apparition d'un doigt sur-
602 SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1887.
numéraire comme un cas de i^tour à un ancêtre prodigieusement
éloigné^ d'une organisation inférieure et multidigité.
Ce retour à une organisation inférieure ne se constate-t-il
pas encore aux formes et aspects du visage et du crâne de
cette enfant ?
La tète petite est symétrique : elle a une forme ovaiaire
suivant une direction allant du menton à la soudure de Toc-
cipital avec^les pariétaux. Le front est bas et fuyant, le nez for-
tement aquilin et plat sur les côtés, en forme de lame de
couteau : au contraire, le maxillaire inférieur fuit en arrière.
L'aspect général du masque, surtout de profil, est celui d'un
oiseau : c'est presque la physionomie des anciens Aztèques.
Je dois ajouter que la voûte palatine est étroite et haute,
en forme d'ogive ; que les dents, gênées pour se développer,
chevauchent les unes sur les autres. Les oreilles seules n*ont
rien d'anormal. L'enfant parle, mais elle zézaie, bégaie
presque, et par moments ce défaut de prononciation aug-
mente. A neuf ans, c'est à peine si elle connaît ses lettres,
malgré plusieurs années d'école. Chose bizarre, ne sachant
pas lire, elle fait de remarquables pages d'écriture ; maïs
c'est pour elle reproduire simplement des images, des signes,
c'est de la copie : le modèfe enlevé, elle perd toutes ses ap-
titudes. Elle est assez apte aux travaux manuels, coudre, tri-
coter, etc.
Enfin, depuis un an et demi environ, la mère a constaté
chez cette enfant des accidents nerveux. A deux reprises, une
fois pendant des jeux, une autre fois dans son lit, brusque-
ment, elle s'évanouit, inconsciemment, sans cri, sans écume.
Cet état dura, chaque fois, un quart d'heure environ et le
réveil s'accompagna de cris déchirants, comme de terreur,
et de vomissements. Ces sortes d'absence ont été souvent si*
gnalées chez les idiots ou dégénérés de naissance.
En résumé cette enfant est certainement atteinte d'idiotie,
mais à un faible degré : c'est une faible d'esprit. Une cause
qui nous échappe, mais congénitale, l'a faite telle que Darwin,
Foltz et autres psychologistes s'imaginent les êtres éloignés
CHUDZINSRI. — 08 SURNUMl^RAIRE DU PIED. 603
qui ont dû être nos anoètres; et cela plus au point de vue phy-
sique (main, tôte) qu*aii point de vue intellectuel ; car cette
enfant manifeste encore un certain degré de la civilisation
accumulée par ses ascendants de plus en plus proches.
Je terminet^ai en disant que, malgré de laborieuses recher-
ches, je n'ai pu découvrir, ni dans les ascendants directs^ ni
dans les collatéraux, aucune anomalie ou faiblesse intellec-
tuelle. Ce sont des gens simples, mais bien pondérés^ de la
bonne moyenne, en un mot.
Discussion.
M. TopiNARD. Je n*al pas souvenir de la citation de Darwin
que Tauteur rappelle. Mais il me paraît que Tidée régnante
est que la polydactylie n'est pas une réversion, mais simple-
ment un cas tératologique. Le type général, primordial, des
mammifères estcinq doigts et pour retrouver un nombre plus
élevé, il faut remonter au-delà des reptiles jusqu'aux poissons.
•or «a •■ âKPiiiiaiéraire do pied;
^AR M. CHUDZINSKI.
J'ai l'honneur de présenter à la Société d'anthropologie une
anomalie peu commune concernant le scaphoîde du tarse.
Nous avons observé cette anomalie sur le pied gauche du
supplicié Pranzini.
Comme on le voit, ce pied est relativement petit et bien
conformé, même il est remarquable par l'harmonie de ses
proportions ; et, en le regardant superficiellement, on ne voit
rien de particulier dans la conformation des pièces osseuses
qui le composent. Et même quand tous ces os étaient encore
munis de tous leurs ligaments intacts, l'œil le plus exercé
n'y pouvait rien découvrir d'anormal.
Seulement, si l'on presse sur l'apophyse du scaphoîde, on
sent très bien que cette apophyse est légèrement mobile. En
examinant plus attentivement, on voit que cette apophyse
du scaphoîde est nettement détachée du reste de l'os,
604 SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1887.
aaquel elle s'attache par des faisceaux fibreux très serrés,
formant une sorte de capsule analogue à celle de Tos pisi-
forme. Si l'on incise maintenant une partie des fibres liga-
menteuses qui fixent ce petit os au scaphoïde, on aperçoit
que les surfaces osseuses correspondantes sont totalement dé-
pourvues de cartilage d'encroûtement et ne sont revêtues que
par du tissu fibreux. Ainsi revêtues, ces surfaces sont iné-
gales et comme touffues. Tout le monde sait que le tendon
du muscle tibial postérieur se fixe sur Tapophyse du sca-
phoîde ; dans notre cas, ce muscle s'attache sur ce petit os
détaché du corps même du scaphoïde du tarse et qui repré-
sente, dans ce cas^ l'apophyse habituelle de cet os.
Ce petit os, ainsi individualisé, a la forme d'un prisme
triangulaire dont la partie postérieure est pointue et l'anté-
rieure arrondie. Ce prisme, par son bord supérieur et ses
deux faces, antérieure et postérieure, donne insertion aux
ligaments qui le réunissent au scaphoïde.
Les deux bouts de ce prisme et les deux faces mentionnées
sont destinées à l'attache du muscle jambier postérieur. De
la partie antérieure de ce prisme partent trois expansions
tendineuses qui fixent encore cet os aux extrémités posté-
rieures des premier, deuxième et troisième métatarsiens.
La longueur totale de l'apophyse du scaphoïde détaché est
de 47 millimètres, la largeur de 10 millimètres et la hauteur
de 11 millimètres.
On a signalé déjà depuis longtemps ce fait, que parfois,
dans l'épaisseur du tendon du jambier postérieur, on trouve
un os sésamoïde. Dans notre cas, suivant nous, il ne s'agit
nullement d'un os sésamoïde, car cet os se fixe solidement
dans tout son pourtour au scaphoïde ; il donne insertion au
tendon du tibial postérieur, tout à fait comme l'apophyse du
scaphoïde normal, et enfin, si on retranche cet os, le sca-
phoïde est comme mutilé : non seulement il manque complè-
tement de son apophyse habituelle, mais au lieu de présenter,
comme c'est le cas normal, un bord à sa partie interne, dans
notre cas il possède une véritable face interne.
TniEULLEN. -^ MEULIÈRES DE FONTENAY-ALX-ROSES. 603
Sur le même pied, nous avons laissé exprès le tendon du
long péronier latéral pour faire voir Tossification partielle
dn noyan du tendon de ce muscle. On sait parfaitement que
le tendon du long péronier latéral, en s'engageant dans la
gouttière du cuboîde, se renfle en noyau elliptique très dense.
Chez notre sujet, le milieu de ce noyau est ossifié sur une
longueur de 9 millimètres et sur 4 millimètres en largeur.
COMMUNICATIONS.
Snr m eATol d*Eiiila-Be7 t
PAR M. HAHT.
Discnssion.
M. Denikeb. Je tiens à rappeler, à propos de Tintéressante
communication de M. Hamy, qu'un autre document émanant
de M. Emin-Bey et contenant des mensurations sur les Akkas
et les Baris a été publié dans le journal de la Société d*anthro-
pologie de Berlin ^ Les mensurations ont été prises d'après les
instructions de Broca, et le mémoire est rédigé et publié en
français. Il est inutile de faire ressortir Textrême importance
des travaux sur les Akkas, car vous savez tous que jusqu'à
présent on n'a examiné et mesuré que trois ou quatre sujets de
cette race. Les renseignements fournis par M. Emin-Bey con-
firment pleinement la description du type akka si bien faite,
il y a déjà plusieurs années, par MM. de Quatrefages et Haray,
surtout en ce qui concerne la politesse de la taille et la bra-
chycéphalie de cette peuplade.
Healièrea taillées de FenteMay-anx-Roses t
PAR M. THIEUIXEN.
Dans la dernière séance de la Société, j*ai eu l'honneur de
vous présenter une grande quantité de pierres meulières
t Zeitschrift fUr Ethnologie, 1886, p. 145.
606 SÉANCE DU 6 ÛCTOBBË 1887.
taillées, provenant d'an atelier préhistoriqae àFontenay-anx-
Roses.
A mon grand étonnement, lorsque je croyais ces pierres
acceptées sans conteste, M. G. de Mortillet est venu en nier
la taille intentionnelle. Mon honorable contradicteur basait,
il est vrai, son appréciation sur deux ou trois spécimens,
mais lorsqu'il aura pris le loisir d'examiner l'ensemble de la
collection, il sera le premier à regretter, sans nul doute, la
théorie qu'il émettait alors.
L'honorable M. Capitan m'a demandé si j'avais cherché
à reproduire le faciès de ces pierres. J'avais en effet com-
mencé ce long et pénible travail, dont j'ai bientôt compris
l'inanité absolue ; ne pouvait-on pas m'objecter que je
reproduisais par industrie un effet naturel ? Ces meulières
de Beauce n'ont fait que conflrmer du reste les constatations
que j'avais faites antérieuremeent sur les meulières de Brie
des environs de Crécy ; l'homme préhistorique ne taillait pas
seulement les rognons de silex, il façonnait encore pour son
usage quantité d'autres pierres, notamment les plaques de
meulières, ce qui paraît avoir échappé à l'attention des col-
lectionneurs et avoir été ignoré jusqu'ici.
Je pensais demander à M. le Président de vouloir bien
nommer ou faire nommer quelques-uns de nos collègues
experts en la matière, afin de ne pas laisser la question pen-
dante sans solution précise ; mais il paraît que la chose est
en dehors des habitudes de la Société.
Je viens donc vous demander, messieurs, de m'autoriser à
laisser ici, à la disposition de tous, quelques-unes de ces
pierres taillées, afin qu'elles puissent être examinées à loisir
par ceux de nos collègues que la chose intéresse.
Les personnes qui seraient tentées de voir quand même
des cassures naturelles, modifieront bien vite leur jugement,
en regardant cette douzaine de pièces à contours circulaires.
Malgré Tévidence de la taille, il est certain que la nouveauté
des pièces que je présente trouble tout d'abord les idées
qu'on peut appeler classiques; mais il faut songer que nos
ANDRÉ SANSON. -* CllANIOtOGIE EXPÉRIMENTALE. G07
connaissances actuelles sur les instruments de la civilisation
préhistorique sont encore à Tétat rudimentalre. La recher-
che de la forme nous a fait négliger cette quantité énorme
de pierres, considérées jusqu'ici comme déchets ou éclats, et
qui, dans leurs formes grossières, sont les vrais instruments,
les outils solides de cette civilisation. Nous avons pris le plus
souvent des objets d*art ponr des objets usuels.
Je répondrai à la personne qui me demande à quoi pou*
valent servir ces meulières, que ce n'est pas la question que
je traite en ce moment. La taille de la pierre est un fait d*ordre
positif, son appropriation à tel ou tel usage est du domaine
de rhypothèse. On peut toutefois, se rappelant que ces pierres
grandes et petites, taillées en pointe, reposaient sur de vraies
dunes de sable (sables de Fontainebleau), supposer que les
grandes servaient à creuser ce sable où Thomme cherchait
vraisemblablement un abri; quant aux petites, ce sont de vraies
pointes de lance. Du reste toutes les formes se trouvent réu-
nies, poinçons, grattoirs, coups de poing; etc., etc., plus des
centaines de percuteurs, rien ne manque dans cet atelier
préhistorique pour faire l'évidence complète.
Discussion.
M. G. DE MoRTiLLET. Je ne puis que répéter ce que j*ai dit
dans la dernière séance à propos de l'opinion de M. Thieul-
len.
La eranlologie expérlmeiidale ;
PAR M. ANDRE 8AN80N.
Bien des fois, depuis une vingtaine d'années, j'ai eu la
velléité d'exposer devant la Société la méthode craniolo*
gique à l'aide de laquelle ontété classées les races d'animaux
domestiques qui sont lessujets de la zootechnie. En présence
de la prépondérance de plus en plus exclusive que^ sous la
puissante impulsion de Broca, prenait la méthode craniomé-
trique dans les études anthropologiques, ou ce que l'on
pourrait peut-être mieux nommei* la méthode des indices
608 SÉANCE DU 6 OCTOBRE i887.
moyens, j'avais toujours renoncé à mes projets, m'en tenant
à des critiques de détail que Toccasion m'entraînait à formu-
ler. Je me disais, à la réflexion, qu*il y avait en vérité peu
de chances de succès pour une tentative dont Tobjet devait
être de se mettre en travers d'un mouvement si nettement
accentué. On n'entendait ici parler que de craniométrie et
d'anthropométrie. L'arsenal du laboratoire s'enrichissait sans
cesse de nouveaux instruments. On ne nous communiquait
guère, à propos des races humaines, que des tableaux de
chiffres. Elles étaient classées d'après l'indice céphalique,
d après l'indice nasal et d'après beaucoup d'autres indices
que je m'abstiens d'énoncer. Je redoutais, je l'avoue, n'ayant
jamais mesuré de crânes d*homme, qu'on me fît sentir dure-
ment mon incompétence.
Aujourd'hui,jemesens un peu rassuré. La lecture du /^rto'5
d'anthropologie publié dernièrement par nos deux collègues
MM. Hervé et Hovelacque m'a montré qu'il y aurait, dans
l'Ecole, quelqu'un pour prendre au moins en considération
la méthode dont je désire entretenir la Société. Dans cet
ouvrage, les auteurs donnent en effet résolument le pas à la
morphologie crânienne sur la craniométrie. Par les résultats
obtenus depuis longtemps en zootechnie, on verra qu'ils
n'ont peut-être point tout à fait tort.
Nous avons à satisfaire, en notre science spéciale, à des
exigences que les anthropologistes ne connaissent point.
Etant donné un animal, il nous faut, sauf à perdre tout crédit,
dire immédiatement à quelle race il appartient, s'il est d'ori-
gine pure, et même quelles sont les races qui ont contribué à
le former, si c'est un métis. Il est ordinairement facile de vé-
rifier ses origines et le plus souvent elles] sont connues de
ceux qui nous interrogent. Nous ne pouvons dès lors que bien
rarement échapper à la responsabilité de nos erreurs. Une
méthode de diagnose qui ne serait point sûre, — et c'était
du reste le cas de celle dont disposaient nos devanciers, avant
l'introduction de la craniologie expérimentale, — ne sufflrait
consôquemment pas à nos besoins.
ANDRÉ SANSON. — CRANIOLOGIE EXPÉRIMENTALE. 609
Je qualifie d'expérimentale celle dont je veux parler,
parce qu'elle a en effet le caractère exigible pour mériter ce
qualificatif. Les formes crâniennes qui lAi servent de base et
dont Fensemble constitue notre craniologie, à nous zootech-
' nistes, sonttoutes démontrées par rexpérience transmissibles
infailliblement par hérédité. Aussi loin que Tobservationnous
permette de remonter, et les recherches nous conduisent
jusqu'aux temps préhistoriques, nous retrouvons ces formes
telles qu'on les voit encore de nos jours. Ce n'est pas seule-
ment le type morphologique ou l'architecture du crâne qui
est ainsi héréditaire. Chacun des os jouit, pour son propre
compte, de la faculté de se transmettre à la descendance.
L'étude des métis nous le montre à n'en pas douter. J'ai vu,
par exemple, il y a quelques cmnées, au dépôt de la Roche-sur-
Yon, un étalon anglo-normand nommé Gouverneur, qui avait
d'un côté le frontal du cheval anglais, et de l'autre celui de
l'ancien cheval normand. L'un était plat, l'autre incurvé. Les
observateurs étrangers à la craniologie se contentaient de le
considérer comme ayant le front difforme. Auparavant,
j'avais eu l'occasion de rencontrer, dans l'une des fermes de
M. de Gontaut, aux environs de Ghâteaudun, une pouliche
née d'une jument percheronne et d'un étalon de l'Etat, qui
présentait d'un côté le lacrymal de son père^ et de l'autre
celui de sa mère. Gela m'avait suffi pour diagnostiquer,
devant mes élèves, ses origines, qui furent confirmées séance
tenante par le fermier. Les faits du même genre sont nom-
breux. Je pourrais en citer beaucoup d'autres. Dans Texercice
des fonctions d'enseignement, la méthode est ainsi à chaque
instant mise à l'épreuve. On peut donc dire sans s'avancer
trop qu'elle est vérifiée expérimentalement, et par conséquent
se permettre sans hésiter de la qualifier d'expérimentale.
De telles vérifications, on lé comprend, ne seraient que
difficilement exécutables sur les races humaines. Je n'ai pas
l'intention de discuter le point de savoir si elles seraient
possibles, même chez les animaux domestiques, en prenant
^ pour base les données numériques fournies par la craniométrie
T. X (3« siRil). 30
610 BtAKCE m 6 OGTÛBM 1887.
telle qu'elle est généralement pratiquée en France et ailleurs.
Dans le domaine que je cultive, j'ai déjà eu quelques oooa*
aions de faire voir, notamment an sujet du crftne de cheval
de Remagen, étudié par Nehring, que les mesures prises sur
des ensembles d'os conduisent presque toujours, pour ne pas
dire toujours, à des rapprochements inexacts. Des dimensions
et des indices égaux se montrent chez des types notoirement
distincts. La eraniologie expérimentale, dont je viens d'indi-
quer les résultats pratiques qui en font une méthode de dia-
gnose sûre, est purement morphologique. Elle n'exclut poinft
d'une manière absolue la mesure des dimensions, mais elle
ne lui fait qu'une place accessoire, en la restreignant à ce
qui concerne chacun des os du crftne en particulier, lafonne
de ces os restant prépondérante, et d'ailleurs suffisante pour
caractériser le type naturel de la race.
Gela dit, je vais maintenant exposer cette méthode.
Chez les animaux, on n'observe que deux types céphaliques :
le dolichocéphale et le brachycéphale. Il n*y a point de place
pour toutes ces variétés de dolichocéphalie et de brachycé-
phalie admises en anthropologie, non plus que pour la mésa-
ticéphalie, variétés sur lesquelles nous voyons encore les
craniologistes disonier, sans que les arguments soient, de
part ni d'autre, bien concluants, en l'absence de tout crité-
rium expérimental. L'extrême difficulté d'établir la pureté
de type, pour les crânes humains, et l'intervention des in-
dices moyens tirés de séries souvent composées de pièces
présentant des écarts assez grands, rendent les divergences
sur ce point facilement explicables. Je ne me rends pas bien
compte du phénomène qui s'est produit à ce propos. On se
demande comment il se fait que de bons esprits ne se soient
pas aperçus que par leur méthode des indices et des moyennes,
ils faisaient passer dans le domaine de l'abstrait une notion
essentiellement concrète. Il s'agit ici, en e£Fet, pnrement et
simplement, de l'architecture du crÀne eérébral, c'e8t*à*dire
du type d'après lequel il est construit.
L'expérience nous montre, chei les animaux^ que devx
ANDRÉ SANSOJf. «• eiHmOLOOIB SXPtelMENTALE. 641
formes seulement sont natureUes, la forme globuleuse ou
hraehyeépbale et la forme allongée on dolicbooéphale. I^a
mesure des dimensions en longueur et en largeur, selon des
points de repère convenus^ peut intervenir, mais elle n*6s( en
vérité point nécessaire pour faire distinguer ces formes^ Les
différences entre les deux types naturels sont tellement frap-
pantes à première vue qu'il n'y a pas moyen de s'y tromper«
En serait-il autrement pour les orftnes d'homme? J'ai bien de
la peine à le croire. Un grand nombre de ces crânes me sont
passés sous les yeux^ depuis bientôt trente ans que j'assiste
aux séances de la Société d'anthropologie. J'ai souvent pensé
que ceux en présence desquels le doute était permis pouvaient
bien être des crânes de métis provenant du oroisement des
deux types, Nous avons, nous, pour reconnaître ces crânes
ambigus, des caractères certains, montrant qu'ils ne sont
point normaux. Ce n'est pas le lieu de les indiquer, ne m'oc-
cupant que de la méthode. J'ose affirmer seulement que la
qualité d'un crâne provenant du mélange de la braohycé-
phalie avec la dolichocépbalie ne m'échapperait point, qu'il
soit d'Ëqnidé, de Bovidé» d'Ovide ou de Suidé. La raison en
est sans doute que nous pouvons plus facilement étudier les
types certainement purs.
Sous le rapport du type céphalique, les races animales se
partagent donc en deux groupes : celui des dolichocéphales
et celui des brachyoéphales, et cela dans tous les genres.
Les nuances de la dolichocépbalie, et celles de la brachycét'
phalie, résultant des difTérences d'écart entre les deux dimen*-
sions, n'ont qu'une importance tout à fait secondaire. Cet
écart, qui commande le type, est naturellement toujours
suffisant pour qu'aucune confusion ne soit possible. Il y a eu,
dans le temps, des contestations sur ce point. Elles étaient
le fait d'anatomistes encore trop peu familiarisés avec la
eraniologie, et surtout avec la connaissance des races ani-
males. Elles étaient, en outre, motivées sur Tétude impar-
faite de pièces de provenance inconnue, et peut-être aussi
un peu trop inspirée! par un désir de contradiction. On y
612 SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1887.
soutenaît, par exemple, que tous les animaux domestiques
sont dolichocéphales. Il n*est plus nécessaire aujourd'hui de
réfuter une telle affirmation, qui n*a d'ailleurs obtenu Tadhé-
sion d'aucun zootechniste en Europe. Et, du reste, la distinc-
tion des deux types céphaliques, comme toutes les autres
parties de la caractéristique spécifique, se juge à ses résultats.
Nos diagnoses établies d'après Tanalyse craniologique sont,
je le répète, facilement vérifiables. Nous ne procédons point,
comme on est si souvent obligé de le faire en présence d'un
crâne ou d'une collection de crânes trouvés dans une sépul-
ture, de l'inconnu pour arriver au connu. Si nous nous trom-
pions, ceux qui connaissent les origines des sujets que nous
examinons sauraient bien nous rectifier. Les métis que les
éleveurs fabriquent de propos délibéré seraient, par exemple,
un écueil sur lequel nous ne manquerions point d'échouer.
Ces métis, quand ils résultent du croisement des deux
types, peuvent obéir à trois combinaisons, dépendantes des
puissances héréditaires. Ils sont nettement dolichocéphales,
ou nettement brachycéphales, ou bien de type oéphalique
douteux. Dans ce dernier cas, la question est immédiatement
jugée, pour la raison que j'ai déjà dite. Nous savons qu'il n'y
a point de type naturel ou pur qui puisse donner lieu à un
pareil doute. Chez tous ceux qui ont pu être étudiés, la doli-
chocéphalie ou la brachycéphalie estj toujours nettement
accusée. Il n'y a point de méprise possible, à moins d'une
inattention ou d'une incompétence par trop flagrantes. Pour
peu qu'il soit exercé, l'œil n'éprouve aucune difficulté à saisir
ja différence, sans qu'il soit nécessaire d'avoir recours aux
mesures précises. La partie céphalique du crâne des animaux
est ainsi faite que les formes en sont frappantes. Je ne me suis
pas proposé d'entrer ici dans la description de ces formes,
voulant seulement rester dans les limites d'un exposé général
de la méthode. Je me bornerai à dire, pour les tenants de la
craniométrie classique^ que le diamètre transversal est tou-
jours plus grand ou plus petit d'un centimètre au moins que
le longitudinal. Ils n'auront pas de peine à comprendre,
ANDHÉ SANSON. — CRANIOLOGIE EXPÉRIMENTALE. 613
après cela, que la différence soit facile à saisir à première
vue et qu'elle ait sur Tarchitecture du crâne une influence
capable d'en changer considérablement l'aspect. Si j'osais, je
dirais bien qu'il en est de même pour les crânes humcdns de
race véritablement pure, je veux dire de type naturel. Mais
je laisserai aux anthropologistes non inféodés à l'abus de la
craniométrie le soin de juger du cas qu'ils doivent faire des
enseignements de la craniologie expérimentale.
Dans chaque genre d'animaux domestiques, on constate
qu'il y a des espèces dolichocéphales et des espèces brachycé-
phales. La dolichocéphalie et la brachycéphalie ne peuvent
par conséquent point suffire pour les caractériser. Nous avons
connu le temps où l'on se contentait du type céphalique pour
distinguer les races humaines. Nous voyons encore par instants
faire abus, en ce sens> de l'indice céphalique. Je me per-
mettrai de remarquer, en passant, que cela ne laisse pas de
nuire quelque peu au crédit de l'anthropologie. En fait, le
type céphalique ne peut servir qu'à l'établissement d'une
première classification des races en deux groupes, pour cha-
que genre. Il y a^ par exemple, des races bovines dolichocé-
phales et des races bovines brachycéphales. Les unes le sont
plus, les autres moins, mais il suffit que deux seulement le
soient au même degré pour que l'indice n*ait [aucune valeur
caractéristique; et c'est ce qui arrive. Nous en concluons
que la caractéristique spécifique ne peut être tirée que des
formes faciales.
Deux sujets de même type céphalique, dolichocéphales ou
brachycéphales, mais d'origines différentes, c'est-à-dire qui
ne sont point de même race, n'ont, en effet, jamais le même
type facial. Celui-ci résulte de l'assemblage d'un certain
nombre d'os dont les formes déterminent son architecture
propre. Ce sont ces formes qu'il s'agit d'analyser pour éta-
blir la diagnose définitive. Aux débuts de la craniologie, on
n'en tenait aucun compte. Le développement prépondérant
du crâne facial, chez les animaux, ne pouvait manquer de
mettre en pleine évidence leur importance caractéristique.
614 SÉAlfCE DU 6 OCTOBRE 1887.
On troaveraii facilement, daaf les Btdktt'ns de la Société, la
trace des efforts faits pour y attirer l'attention des anthropo*-
logistes»
A cet égard, il j avait accord entre la ortAiologie expé-
rimentale et le sentiment artistique habitué à Tanaljrse
des types. De là sont venues les considérations de rindice
nasal et des types rhiniens, dont il n'était point qlieetioil au-
paravant. Je ne veux pas dire toutefois que les distinotions
pour la désignation desquelles la langue grecque a été mise
à contribution avec la facilité qui faisait le désespoir de
H. Ëgger, soient suffisantes. En craniologie expérimentale,
on ne s'en contente pas. Aucun os de la face n'a des formes
indifférentes. Il faut les passer tous en revue» Us n'ont cepen-
dant pas tous la même importance dans la construction du
type facial.
Celles qui, parmi ces formes faciales, ont le rôle principal,
dépendent des frontaux. Ce n'est pas ici une affaire de di-
mensions. Le front est nécessairement plus large chez les
brachycéphales que chez les dolichocéphales» Nehring l'a
constaté en proposant la puérile substitution deë termes de
brettstirnig et de iûntfstirnig à ceux adoptés en France. A
Berlin, on a de ces faiblesses. La caractéristique se tire de la
direction de la table externe des frontaux, de la forme et de
la direction de leurs apophyses. Chez les ruminants à cornes,
par exemple, la hauteur et la direction du chignon dépen*
dant de leur bord supérieur, la forme et la direction des che-
villes osseuses fh)ntaleB ont une grande valeur; chez tous les
animaux, il en est de même de la surface frontale, qui est
plane, déprimée ou saillante de diverses façons, et aussi des
ai^ades sourcilières ou apophyses orbitaires. Il n'y a pas
deux types dolichocéphales ni deux brachycéphales qui pré-
sentent les mêmes formes frontales. Il n'y en a pas deux non
plus chet lesquels la connexion entre les fh)ntaux et les os
propres du nez s'établisse de la même façon. Son mode dé'-
pend, en effet, de la forme de ces os qui, elle aussi, est es-
sentiellement caractéristique. II y a là des corrélations né«
ANDRÉ SAK0OM. ^ CRANI0LO6IE EXPÉRIMENTALE. 615
oessaires, de telle sorte que les formes frontales impliquent
forcément les formes nasales.
Ces formes nasales dépendent, de leur c6té, delà direction
des os dans le sens longitudinal et dans le sens transversal.
Dans le premier sens, ils sont ou roctiiignes ou curvilignes
dans toute leur étendue, en arc à flèche plus ou moins courte,
ou bien rectilignes en partie, puis curvilignes en un sens ou
dans les deux sens opposés. On observe tous ces cas. Trans-
versalement ils forment, en s'unissant sur la ligne médiane,
une voûte qui est le plafond des cavilés nasales. Cette voûte
est plein ointre, ou surbaissée, ou en ogive« Elle figure aussi
la réunion de deux arcs, de façon à montrer^ à la connexion
médiane des deux os, un sillon longitudinal. Gela ne se voit
que chex les Équidés, notamment dans le type Mson et dans
le type séquanais auquel appartiennent nos percherons. Mais
entre ces deux types les autres formes nasales et les formes
frontales sont différentes. De même chez les Bovidés, le ba-
tave ^t ririandais, tous deux dolichocéphales, ont l'un et
l'autre le nés en ogive» mais les formes fix)ntales fort diffé*
rentes aussi. Entre autres, à partir de la dépression centrale,
Tos se relève jusqu'à son angle inférieur interne, chec le pre*
mier, pour venir à la rencontre du sus-nasal correspondant,
de sorte que la racine du nez est en saillie. Il n'en est pas
ainsi pour Tirlandais» dont les chevilles osseuses frontales
ont d'ailleurs une forme et une direction qui exclut la con-
fusion»
Le lacrymal^ qui, chez nos animaux, a une portion orbi-
taire et une portion faciale par laquelle il se met en con-
nexion avec l'os propre du nez correspondant, a, lui aussi,
une vsdenr typique par les dimensions de sa portion faciale,
mais surtout par la direction de sa surface. Gelle-ci est plus
ou moins saillante ou déprimée à divers degrés. Elle suit à la
foislacondition de l'os du nez et celle du grand sus-maxillaire,
avec lesquels s'établissent ses connexions, en vertu des cor-
rélations anatomiquesdont je pariais tout à l'heure. En tout
cas, elle influe d'une manière importante sur la caractéris-
616 BÉANGB DU 6 OCTOBRE 1887.
tique des types naturels, comme contribuant pour sa part à
Tarchitecture de la face.
On n'aura pas de peine à admettre qu'il en soit ainsi pour
Tos jugal ou zygomatique, pour Tos de la pommette. A ce
qu'il me semble^ son importance est cependant plus grande
dans la craniologie des races humaines que dans celle des
races animales. Est-ce que je me trompe en pensant que les
craniologistes n'y ont pas assez porté leur attention? En tout
cas, nous ne négligeons point de relever ses caractères dans
nos propres analyses.
Après vient, dans l'ordre que nous suivons, le grand sus-
maxillaire, dont la surface extérieure ou faciale est, comme
celle du lacrymal, en saillie curviligne dans le sens trans-
versal, ou déprimée de diverses façons, et dont la crête ou
l'épine zygomatique est plus ou moins proéminente. Les dif-
férences que cette surface présente ne sont nullement indivi-
duelles. Elles se montrent toujours les mêmes dans la des-
cendance des divers types naturels. Vous ne verrez jamais,
par exemple, un sujet issu du taureau et de la vache de Nor-
mandie d'origine pure, avec des grands sus-maxillaires qui
ne soient point fortement déprimés à leur partie moyenne.
Les petits sus-maxillaires ou os incisifs ne sont pas moins
intéressants à considérer. Nous y reconnaissons une branche,
par laquelle s'établit la connexion avec le grand sus-maxil-
laire et l'os nasal, et une portion incisive ou corps, portant
les dents ou Je bourrelet cartilagineux, comme chez les ru-
minants à cornes. La- direction de la branche, par rapport à
celle des os du nez, et le volume du corps, commandant la
longueur de la corde de l'arc incisif, et conséquemment le
volume relatif de l'extrémité libre de la tête, sont, eux aussi,
tout à fait caractéristiques.
Enfin la direction du bord inférieur de la branche descen-
dante de la mandibule, le plus ordinairement rectiligne,
mais se montrant aussi curviligne dans les deux sens, c'est-
à-dire à convexité supérieure ou inférieure, fournit un docu-
ment intéressant. •. :
ANDRÉ SANSON. — CRANI0L06IE EXPÉRIMENTALE. 617
La synthèse de ces caractère», que nous venons de signaler
successivement, donne une vue de profil et une vue de face,
qui, en somme, caractérisent le type et le font reconnaître à
première vue lorsque l'œil s'est successivement exercé par
des analyses répétées.
Tout ce que je viens de dire se rapporte à Vexamen des
sujets vivants, tel qu'il est exigé par, les besoins de la pra-
tique. Gela suffit pour satisfaire à ces besoins, pour nous
mettre en mesure de déterminer la race à laquelle appartient
ranimai en présence duquel nous nous trouvons, et dont
nous devons en obtre reconnaître la variété, à Taide d'autres
signes, ainsi que les aptitudes. Ce n'est pas de la craniologie
de laboratoire. C'est celle qui se peut faire sur le vivant,
dont les formes osseuses ne sont pas toutes accessibles,
quelques-unes étant cachées soit par leur situation, soit par
les muscles et la peau qui les recouvrent. EUle est suffisante
toutefois pour conduire au but, car les formes auxquelles
elle se rapporte caractérisent essentiellement le type naturel,
en lui donnant sa physionomie propre. Je ne saurais trop
répéter qu'il n'y a point d'illusion possible à son sujet,
puisque si, en Tappliqulant, on était conduit à l'erreur, cette
erreur pourrait être immédiatement rendue évidente par la
connaissance de l'origine du sujet examiné. Supposez que je
sois interrogé sur la diagnose spécifique d'une vache de
Durham, et que je me trompe. Aussitôt on exhibera le pe-
digree de la bête et je serai confondu. En pareil cas, l'hésita-
tion n'est pas admise, même pour nos élèves^ la méthode
étant certaine.
Sur les crânes préparés ou provenant de fouilles, comme ceux
dont on dispose dans les laboratoires, on peut aller plus loin ;
et cela est d'ailleurs nécessaire pour se mettre en mesure, le
cas échéant, de reconnaître les fragments isolés. Là il faut
étudier le trou et les condyles occipitaux, la base du crâne,
les temporaux, les rangées molaires, l'orifice guttural des
fosses nasales, les orbites, enfin tous les détails de la mor-
phologie crânienne. U n'y a que des avantages à joindre aux
êiê SEANCE DU 6 OCTOBRE 1887.
noiiouB de forme la mesure préoùe des dimen&ions» pourvu
que cette mesure ne concerne que chaque os en particulier.
L'abtti de la cranioméiriei dont les Allemandsi d'après Mti-
meyer, nous donnent unanimement rezemplei consiste ici
surtout à mesurer plusieurs os ensemble» et, le plus Bonvent,
au moins deux.
U est vraiment fiurprenant que de bons esprits ne se
soient pas aperçus du vice essentiel d'une telle façon de
procéder. A des longueurs égaies» ainsi prises, peuvent cor-
respondre des types absolument différents. En fait, il en
est souvent ainsi. Par exemple ^ les craniologistes alle-
mands prennent pour ligne de comparaison, dans leurs études
des crânes d'cmimaux, celle qui va du bord inférieur du trou
occipital à la partie moyenne de l'arcade inoisive. Cette ligne
représente la plus grande longueur du crâne. Qui ne voit
qu'avec une partie céphalique plus courte et une partie fa-
ciale plus longue, la somme restera la même qu'avec une
partie céphalique plus longue et une partie faciale plus
courte? Pour une même longueur totale^ les types seront
pourtant évidemment différents. Autre exemple : si nous
mesurons la distance du bord inférieur de rorbite à l'épine
incisive, englobant ainsi la portion faciale du lacrymal, le
grand et le petit sus-maxillaire, nous arrivons souvent à la
même longueur avec des os très différents entre eux et n'ap*-
partenant conséquemment point au même type. Il suffît,
pour arriver au résultat, que les différences se compensent.
Cela juge la méthode, fit, en effet, je pourrais facilement
montrer qu'elle a conduit dans bon nombre de oas aux plus
singulières conclusions.
La craniométrie, même bien pratiquée et exempte des
erreurs sur lesquelles *je viens d*appeler l'attention, n'est
qu'un des éléments de la craniologie, et cet élément n'est
qu'accessoire par rapport à la morphologie crânienne. C'est
donc à grand tort qu'on en est arrivé à la substituer presque
entièrement i celle-ci. Sa quasi-stérilitéi malgré les labeurs
louables de ses adeptes et le nombre énorme de ohiffres aocu^
ANDRÉ SANBOlf. -^ CRAKIOLOGIE EXPÉRIMENTALE. 619
mules» Buffîimit d^aillenfs à lui assigner ion rang. Son appa^-
rente commodité, soit pour la trayail da laboratoire, soit
pour communiquer le résultat de ce trayail par des nombres,
n'est qu^un trompe4*olil. Je ne crains pas de dire qu'elle n'a
jamais suffi pour faire reconnaître un seul type naturel de
race. Les types se différenoient par des lignes» Ëa l'absence
de Tobjet, un dessin exact de cet objet m'en dit plus que
vingt pages de chiffres exprimant ses dimensions et surtout
les rapports de ces dimensions entre elles.
En résumé, Ton toit que pour la caractéristique des types
naturels les formes faciales sont plus importantes que les
formes céphaiiqnes. A de faibles nuances près> ces formes
oéphaliques sont communes, dans tous les genres d'animaux,
le gehre Homme compris, bien entendu, à plusieurs espèces
oa à plusieurs races, comme on voudra. Elles n'en peuvent
donc caractériser sûrement aucune en particulier. Personne
n'entreprendrait plus de soutenir maintenant, parmi les
craniologlstes, qu'on ne rencontre point le môme indice ce*
phalique ches des races notoirement distinctes. Plusieurs sont
dolichocéphales, oonmie plusieurs sont brach3rcéphales. Mais
quand deux dolichocéphales ou deux brachycéphales ne sont
pas de même origine ou de même race, o'est-à^ire descen-
dants d'un même type naturel ou d'une même espèce, jamais,
à ma.connaisscmce, ils ne présentent le même ensemble de
formes faciales ou la même architecture de la face. Chacune
des pièces de cette architecture a des caractères propres et
l'assemblage en est typique. 11 Test à ce point que, pour les
chevaux notamment, oa n'avait pas attendu l'analyse cra*
niologique pour en être frappé. Tous trouverez dans tous les
ouvrages d'hippologie, même les plus anciens^ l'indication
pittoresque des diverses (brmes de tête qui se présentent à
l'obserrateur. Ou y distingue la tête carrée, la tête camuse, la
tête busquée, la tète moutonnée, la tète de rhinocéros, etc.,
qui correspondent aux types naturels à présent reconnus, et
dont on n'ignorait point la puissance héréditaire. Ce qui a
été découvert seulement^ c'est la valeur toologique qu'il con-*
620 SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1887.
vient d'accorder à ces observations de nos devanciers, dont
Texactitude n'est pas douteuse.
La méthode à suivre pour appliquer à Ist diagnose spéci-
cifique les notions acquises par la cranioloj^e expérimentale
est donc des plus simples. En présence d'un sujet quel-
conque, animal vivant ou tête osseuse posée sur la table du
laboratoire, il s'agit d'abord de déterminer auquel des deux
groupes céphaliques il appartient, de savoir si c'est un doli-
chocéphale ou un brachycéphale. Connaissant, pour chaque
genre, le nombre et le nom des espèces de Tun et de l'autre
groupe, le premier classement ainsi opéré élimine de la re-
cherche un certain nombre des espèces de ce genre et res-
treint ainsi son champ. Les espèces d'Équidés caballins, par
exemple, sont au nombre de huit, dont quatre dolichocé-
phales et quatre brachycéphales. Le type céphalique étant
déterminé, il n'y a plus à se prononcer qu'entre quatre au
lieu de huit. La difficulté se trouve réduite de moitié. C'est
ensuite Texamen des formes faciales qui décide de la dia-
gnose. On y rencontre ou non réunies toutes celles qui ca-
ractérisent l'un des types naturels connus du même groupe.
Dans le premier cas, le sujet est reconnu pur et classé défi-
nitivement; dans le second, c'est à coup sûr un produit de
croisement, métis ou hybride. Il reste à rattacher ses formes
disparates aux deux types naturels dont elles proviennent,
et même parfois elles se rattachent à trois. Il nous arrive de
rencontrer cette difficulté avec les produits des étalons anglo-
normands de l'administration des haras. Je puis dire que la
méthode est assez sûre pour qu'elle ne nous arrête point.
Cette méthode, je le répète en terminant, est mise à chaque
instant à l'épreuve dans l'enseignement, et, par conséquent,
sa sûreté a été nombre de fois vérifiée. Exactement appli-
quée, elle est aussi infaillible que les méthodes d'analyse
chimique. Il en est ainsi parce que, comme ces méthodes,
elle s'appuie sur des bases expérimentales. Pour l'établir, il
a fallu de longues recherches et de nombreuses comparai-
sons. Il a fallu joindre aux travaux de laboratoire, à l'os-
DISCUSSION SUR LA CRANIOLOGIE EXPÉRIMENTALE. 621
téographie et àrexpérimentation, les observations recueillies
dans de nombreux voyages d'étude en France et à Tétran-
ger, sur ce chan^p si vaste qu*offre partout l'industrie de la
production animale, où les éleveurs expérimentent pour
nous, en quelque sorte sans qu*ils s*en doutent. Je la présente
donc en pleine confiance, avec la certitude qu'elle ne pourra
pas être justement contestée.
Est-elle de tout point applicable à la détermination des
races humaines? Je le crois, pour mon compte, ne pensant
point qu'il y ait pour l'anthropologie des lois particulières,
mais je laisserai aux anthropologistes le soin d'en décider.
J'en connais parmi eux qui partagent mon sentiment à cet
égard et qui depuis longtemps agissent en conséquence. En
tout cas, Tordre qu'elle a permis de mettre dans les études
zootechniques est aujourd'hui partout reconnu.
Discussion.
M. Deniker. Je me permettrai de faire quelques observa-
tions à propos de la communication de M. Sanson, que j'ai
écoutée avec un vif intérêt.
D'abord, le reproche fait aux anthropologistes de ne pas
mesurer les os séparés du crâne n'est pas tout à fait fondé.
Les mesures de ce genre sont assez nombreuses et figurent
dans toutes les instructions (longueur et largeur des os na-
saux, du frontal, des pariétaux, de l'occipital, etc.).
Une autre observation est relative aux indices et aux me-
sures d'ensemble. Il est incontestable que les anthropolo-
gistes emploient des mesures qui portent sur plusieurs os à la
fois, mais il est incontestable aussi que plusieurs de ces me-
sures expriment de vrais rapports, des changements de
forme qui frappent l'œil au simple examen du crâne. Tels sont
l'indice céphalique, l'indice nasal, etc. Il faut remarquer
cepeudant qu'il y a aussi des mesures de ce genre qui ne di-
sent rien, car elles embrassent trop d'éléments hétérogènes
(certains angles faciaux^ etc.).
6tt aÉAiidE DO 6 OGT(»i« 4887.
Enfin, je me permettrai de faire quelques réservea à propM
de la mésaticéphalie ; il me semble que cette forme crânienne
n'est pas toujours un résultat de mélange de formes brachy-
céphales et dolichocéphales. Il existe, par exemple, une po-
pulation certainement la moins mélangée du monde, les
Fuégiens, qui cependant présente la forme typique du crâne
mésocéphale. Les indices céphaliques de soixante individus
vivants, et d'une trentaine de crânes que j'ai eu occaMon
de réunir pour un travail fait en collaboration avec le docteur
Hyades, s'échelonnent presque tous entre les limites de la
mésaticéphalie.
M. Hervé. La pureté de race des Fuégiens n'est pas du tout
démontrée.
M. DBmKER. Si Ton peut dire que les Fuégiens ne sent pas
une race pure^ c'est seulement parce qu'il n'existe pas en
général de race humaine pure sur la terre. Je crois cepen-
dant qu'avec les Négritos, les Boohimans, les Mongolo-Ti-
bétains, les Aïnos, etc., c'est la peuplade la moins mélangée
du monde entier.
M. TopiNARD. Je ne veux faire qu'une remarque. Lorsqu'on
a lu avec soin l'ouvrage de M. Sanson, et qu'on en rap-
proche des passages éloignés, les uns à propos d'un genre
d'animaux domestiques, les autres à propos d'un autre genre,
tout ce qu'il vient de nous dire se dégage de la fkçon la plus
nette : les idées qu'il vient de développer ne sont done pas
nouvelles pour moi.
Mais de son exposé ressort un fait très évident, c'est que
dans les races domestiques auxquelles il a affaire les types
sont plus fixes que dans les raoes humaines, autrement dit que
les caractères des premières offrent un registre de variation
moins étendu. C'est tout naturel ohes ces animaux, la main
de l'homme intervient sans cesse pour diriger les unions et
assurer les milieux voulus ; elle ramène, concentre les earae*
tères et joue le rôle d'une sorte de providence qui maintient
les types et fedt que les individus se ressemblent entre eux.
Chez les hommes rien de semblable : rie» na régularité ks
DISCUSSION Sim Là GlUmOLOeil RPtRIMENTALB. MS
unions, elles se font en toaa sens ée ta façon la plos eiiprl«
cieuse, Tinfluenoe de désagrégation remporte sur la ten-
dance naturelle à la coneentration, les types sont bien rare-
ment purs, si jamais ils le sont^ et la Tariabilité des earaotères
atteint uq degré eonaidérable. Anssl la eraniologie ethnique
des animaux domestiques est^elle Inen phia facile que la era-
nioiogie ethnique des hommes.
Je terminerai par une simple question. Pourquoi ne pas
appeler la crête fronto«pariétale des animaux la erète tenn
porale, comme chei Thomme? Cette crête fronto-pariétale
n'est autre, ohex eux comme che« Thomme, que la limite su-
périeure de la fosse temporale on encore la limite supérieure
d'insertion des fibres du muscle temporal. Les deux crêtes,
à droite et à gauche, sont très rapprochées, sinon réunies en
une seule, chez les animaux oii le muscle temporal joue un
grand rôle et est très développé, comme chez les carnassiers.
Elles sont écartées, au contraire, et laissent un espaee plus ou
moins grand entre eUes chez ceux oti le muscle temporal a
une moindi*e importance physiologique, comme chez les
ruminants.
M. dANsoN. Afin d'être agréable à M. Topinard J'appellerais
volontiers, avec lui, l0mporaks les crêtes fronto-pariétales
des chevaux; mais il ne dépend pas de moi seul de changer
la nomenclature admise. Nous avons à nous occuper en-
semble de choses plus sérieuses. Sur le fond de la question,
les expressions dont il vient de ae servir ne doivent pas avoir
rendu exactement sa pensée. Il nous a dit que dans les races
domestiques les types sont plus fixes que dans les races
humaines. Cela lui a paru évident et, en outre, tout naturel.
D'après l'explication qu'il en donne, il a voulu dire évidemment
que les populations animales sont en général moins mélangéet
que les populations humaines, où on ne se préoccupe guère»
pour les unions, de conserver la pureté de race. Gela n'est
pas douteux. U en faut conclure que dans ces populations
humaines, ainsi composées généralement de métis, les types
naturels sont plus difflciiai à reconnaître tt à retrouver, non
624 SÉANCE DU 6 OCTOBRE 4887.
pas qu'ils sont moins fixes. Il n*y a pas, à ma connaissance,
des lois naturelles spéciales au genre Homme. Dans ce genre,
les types doivent avoir les mêmes propriétés et la même ca-
ractéristique, conséquemment, que dans les autres genres
de la classe des Mammifères. 11 faudrait voir si Tapplication
de la méthode craniologique que j'ai exposée ne conduirait
pas à les déterminer.
Nous avons à étudier, nous aussi, de nombreuses popula-
tions métisses en état de variation désordonnée. Beaucoup
trop, malheureusement. Nous n'éprouvons pas de réelles
difficultés à discerner les types qui ont contribué à leur for-
mation. C'est, sans doute, parce que nous avons commencé
par établir la caractéristique de ces divers types à Tétat de
pureté. Peut-être les anthropologistes auraient-ils mieux fait
de commencer, eux aussi, par là.
M. ToPiNARD. Il reste parfaitement entendu, pour nous
comme pour M. Sanson, que les termes de dolichocéphales et
de brachycéphales ont avant tout une valeur relative, que les
limites que nous leur donnons sont absolument arbitraires et
conventionnelles, que ces limites varient suivant les espèces
animales que Ton considère, et qu'en somme il n'y a que
trois mots de vrais : dolicho ou long, brachy ou court (ou
large), ei moyen ou intermédiaire. Dans les races humaines,
il m'arrive souvent de dire qu'une race est doUcho ou brachy,
alors que les indices calculés ne donnent pas droit à l'épi-
thète. Ainsi, il est évident que les Anglais sont dolichocé-
phales par rapport aux Français mésaticéphales, sinon bra-
chycéphales, et cependant les chiffres établissent à peine de
différences entre eux.
La discussion qui vient d'avoir lieu me paraît du reste
très fautive.» Elle semble préjuger qu'à l'origine il n'y eut que
deux formation^ humaines, Tune dolichocéphale, l'autre
brachycéphale, ce qui est peu probable. D'ailleurs, une race
ne saurait se caractériser par un seul caractère. C'est le type
qui la caractérise, c'est-à-dire un ensemble de caractères
parmi lesquels deux ou trois principaux, je le veux bien. Ce
A PROPOS DU PROGÈS-YERBAI. 6iS
qui n'empêche pas que, prenant le caractère le plus frap-
pant, le plus facile à relever, comme Tindioe céphalique,
nous ne partagions les races en dolichocéphales et bracby-
céphales. Aussi, je souscris parfaitement an partage que
H. Sanson fait des races bovines, par exemple, en brachycé-
phales et dolichocéphales. Mais, en même temps, je suis
convaincu, je sais même, que ce ne sont que des épithètes
pour lui et que, lorsqu'il parle du tjrpe brachycéphale des
races bovines, il entend brachycéphale avec accompagne-
ment de tels et tels autres caractères; que par type dolichocé-
phale, il entend dolichocéphale avec tels et tels autres caraO'
tères.
La discussion est renvoyée à la prochaine séance.
La séance est levée à cinq heures trois quarts.
Lun des iecrétaires : FAinrELLB.
iSt* StANGI. — 10 Mtobre 1887.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté* ^
k propos du procèi-vorbal.
Valeur de la craniomitrie. — M. Fauvbllb. L'intéressante
communication que M. Sanson nous a faite dans la dernière
séance, nous a montré Timportance de la morphologie de la
tête pour la spécification des races de nos animaux domes-
tiques. Chacun des os qui la composent présente des parti-
cularités qui, transmises par Thérédité, se retrouvent dans
la descendance, même après les croisements intentionnels de
nos éleveurs.
Gonmie notre honorable collègue, je pense qu'il doit en
être de même chez l'homme. Seulement, lorsqu'on observe
un groupe ethnique donné, le nombre souvent considérable
de croisements dont il est la résultante, et qui remontent par-
T. X (3« SiEIB). 40
6t6 9iiUICB DU SO ooroBRi 1887.
fois ides époQmei très reculées^ rend tràs difficile laracbercbe
des caractères qui ont appartenu aux races composantes. La
détermination même de ces races est un problème excessive-
ment ardu, dont la solution laisse encore beaucoup à désirer.
De plus, le volume considérable des hémispbères cérébraux
et la consolidation tardi?e des parties de la bcdte osseuse qui
|e£} renferme» viepuent encore compliquer la difficulté^ en
permettant des variations individuelles qu'on a souvent beau*
coup do peine i^ distinguer des caractères de race. Cepen-
dant le principe n'en est pas moins vrai, et la morphologie do
la tête dpyra toujours être la base de toute recherche des
origines d'une population quelconque.
Broca et tous les maîtres en ethnologie Vont bien compris,
comme on pedt s'en convaincre en lisant leurs trayanx. Mais,
en présence des difficultés considérables d^une description
morphologique de Textrémité céphalique et des parties qui
la constituent, et voulant éviter les différences d'appréciation
d'observateurs souvent peu versés en anatomie, ils ont cru
pouvoir atteindre le but dvec plus de facilité à l'aide de
mensurations et de calculs géométriques dont la précision
leur promettait une exactitude indiscutable. C'est ainsi que
sont liées là craniométrie et la céphalométrie. L'entreprise
était périlleuse, car c'était prétendre faire le portrait d'une
personne en donnant la mesure exacte des parties consti-
tuantes de son visage. Néanmoins, malgré de nombreuses
critiques non encore réfutées, la méthode des mensurations
a prévalu. Depuis plus de trente ans qu'elle règne en maî-
tresse absolue, on peut aujourd'hui se permettre de la juger^
Or, il faut le dire, les résultats qu'elle a donnés sont bien loin
des promesses que l'on avait faites en son nom.
0^ s'e}çp\iquc l'acilemcnt, du reste, les illusions que Içs
ethnologues se sont faites sur les avantages de cette méthode.
En manipulant tant de crânes pour en prendre les diamètres,
les angles, les triangles, Qtc, la conformation s'en est fixée
dans leur mémoire el ils sont devenus de tr^^s habiles connais-
seurs. Mais les chifl'rcs qu'ont donnés ces mesures et les cal-
A PROPOS DU PROcis^TnaAi. 6ST
culs dont ils ont été la base, ont ça bien peu de part dans
l'acquisition de oette habileté. Lorsqu'ils ont sur leur table
des crânes de Mongols, de Néo*Galédoniens et de Savoyards,
ils les reconnaissent à leur conformation et non àia longueur
des diamètres et à leurs indices. Bien qdlls ne s'en rendent
pas eompte, les connaissances qu'ils possèdent sont purement
empiriques.
Je suppose que les divers Uboratolres d'anthropologie ont
reçu, sur une peuplade jusqu'ici ignorée, un grand nombre
de feuilles d'observation, remplies avec exactitude. Bst-ee
que le savant, chargé d'en tirer un travail d'ensemble, pourra
fournir des données précises sur la conformation crânienne
de cette peuplade? Non certes; il attendra pour se pro^
nonoer que d'autres voyageurs lui aient fourni des têtes vl-
vantes ou mortes. 11 ne saurait en être autrement.
Liset avec attention tout ce que Broca a écrit sur les crânes
basques de Zaraus et de 8aint-Jean de Luz, relevez avec soin
toutes les mensurations qu'il a données, faites de même
pour les observations du docteur ArgelUès sur le vivant ;
malgré tous les chiffres dont vous vous serez bourrés, vous
ne vous ferez aucune idée exacte sur la configuration du
crâne basque ; il vous sera imposssible de le reconnedtre dans
nos collections, même si vous êtes armés de Téquerre, du
ruban métrique et du compas d'épaisseur. Passez, au con-
traire^ une heure ou deux à les examiner avec soin, à les
comparer avec d'autres, et^ pour peu que vous ayez quelques
notions précises d'ostéologie, leur conformation se fixera
dans votre mémoire et vous les reconnaîtrez désormais. Il
en sQra de même pour tous les autres types un peu tranchés ,
et cependant vous n'aurez fait que de la morphologie crâ-
nienne, de la cranioscopie, comme on dit quelquefois, non
sans une pointe de malice.
On juge généralement de l'état d'avancement d'une science,
par la facilité avec laquelle elle se vulgarise. Or, parmi nos
collègues qui ont entendu ou lu tout ce qui, depuis vingt-cinq
ans, a été dit et écrit sur le sujet qui nous occupe, hormis
eS8 SÉANCE DU 90 OCTOBRE 1887.
ceux qui, comme on dit vulgairement, ont mis sérieusement
la main à la pâte, combien y en a-t-il qui puissent se vanter
d'avoir des connaissances précises en craniologie? Je ne se-
rais môme pas démenti, si je disais qu'il en est un bon nom-
bre qui pensent que tout est illusion en craniométrie.
Je me hâte de dire qulls ont grand tort. Les mesures
exactes sont d'une utilité incontestable en morphologie,
comme les mathématiques appliquées le sont en physique
et en astronomie. La seule illusion est de croire qu*elles
suffisent indépendamment de toute description morpholo-
gique.
Prenons pour exemple Tindice céphalique, « qui, comme
le dit Broca dans les Imtructions générales^ est le plus impor-
tant, puisqu'il sert à établir la célèbre distinction des doli-
chocéphales et des brachycéphales ». C'est, personne ne
l'ignore, le rapport centésimal du diamètre transversal maxi-
mum de la tête au diamètre antéro-postérieur également
maximum.
, Cet indice, malgré son importance, ne peut nous permettre
d'affirmer que llndividu qui l'a fourni appartient à un groupe
ethnique brachycéphale ou dolichocéphale, car le chiffre qui
le représente peut se rencontrer dans toutes les séries in-
distinctement.
Pour qu'on puisse se rendre compte de sa signification^ il
faut qu'il soit accompagné de la dimension des diamètres qui
l'ont fourni. Alors seulement on peut essayer de le rattacher
à tel ou tel groupe, et comprendre comment, dans les séries
les plus homogènes, il peut se rencontrer des indices discor-
dants qui tiennent uniquement à des différences indivi-
duelles. Chose remarquable^ ce sont les variations du diamètre
transverse qui entraînent le plus souvent ces discordances
inattendues.
Dans le relevé que j'ai fait de toutes les mensurations
relatives à Tindice céphaliqiic dans les publications de la
Sociélù et dans la Revue d* anthropologie^ j'en ai trouvé une
multitude d'exemples. Je n^en citerai que quelques-uns; ils
À PftOPOS DU PROGÈS-VERBilL. 629
suffiront pour montrer l'exactitude de ce que j'avance, à sa-
voir que cet indice n'a aucune valeur par lui-même.
M. Hovelacque {Bulletins, S"* série, t. II) nous donne la
mensuration de deux crânes bulgares. L'un a pour indice
86,33 et l'autre 72,42, et cependant leur longueur est à peu
près la même, 183 et 186 millimètres. Cette différence tient
simplement au diamètre transverse, qui dans le premier cas
est de 458 millimètres, et dans le second de 144.
Dans le même volume, nous trouvons la mensuration de
quatorze crânes d'Auvergnats par M. Boyer. Les deux plus
longs (190 millimètres) ont pour indice respectif 68,42 et
78,94, parce que la largeur maximum dû premier est 130 mil-
limètres et celle du second 150.
M. Gauvin, dans le tome lY de la troisième série, a présenté
deux crânes d'Australiens à peu près de même longueur,
175 et 172 millimètres. Or, le plus long est bracbycéphale
vrai, 83,42, avec une largeur de 146 millimètres, et le plus
court mésaticéphale, 79,06 avec 136.
Trois crânes ligures de Pruner-Bey, 1'* série, t. VI, ont,
comme longueur maximum 172, 176 et 175 millimètres avec
les indices respectifs 84,30, 81,11 et 75,42; si bien que
3 millimètres en moins suffisent pour faire d'un dolichocé-
phale vrai un bracbycéphale confirmé.
M. Cari Vogt, dans le volume suivant, 2* série, 1. 1*% nous
décrit quatre crânes étrusques de la même longueur, trois
avec 185 millimètres et un avec 186. Les indices extrêmes
sont 86,48 et 78,92, avec des largeurs respectives de 160 et
i46 millimètres.
Dans le tome Y de la troisième série, notre collègue R. Gol-
lignon donne les mensurations de cinq crânes de Gumières,
trois hommes et deux femmes. Le numéro 1 des premiers,
avec un diamètre antéro-postérieur médian de 185 milli-
mètres, a pour indice 76,75, et le numéro 3, 82,50 avec 183,
c'est-à-dire seulement 2 millimètres en moins.
M. Girard de Rialle, de concert avec Pruner-Bey, a exposé,
dans le tome YI de la première série, le résultat des mensu-
630 tÉAirCB DO M OCTOBHB 1887.
rations de douEe crânes syriens de Gebel-Gheickh. C'est une
série brachyoéphale des plus homogènes. Or» les numéros 8
et 9, avec un diamètre antéro-postérieur médian de 465 mil-
limètres ont des indices qui diffèrent de iO unitéSi leurs dia-
mètres transversaux médians respectifs étant 155 et 138.
La oéphalométrie offre également des exemples de cette
discordance.
M. Tbaon, dans le tome XII de la deuxième série, donne
les mensurations recueillies sur dix conscrits d'un petit vil-
lage isolé dans la montagne à quelques lieues de Nice. Trois
d'entre eux ont 190 millimètres de diamètre antéro-postôrieur
médian et leurs indices respectifs sont 74,73, 80,5â et 84,il .
Là encore la dolichocéphalie et la brachycéphalie confirmées
tiennent uniquement aux variations individuelles de la lar^
geur du crâne.
Deuxième série, tome II. Le docteur Argelliès, de Saint-
Jean de Luz, a pris les mesures céphalométriques de quarante-
sept paysans des environs de sa résidence. L*un d'eux a
193 millimètres de diamètre antéro-postérieur médian avec
un indice céphalique de 76,60, tandis que celui d'un autre
est 85,93, avec 1 millimètre seulement de longueur en moins,
leurs largeurs respectives étant 148 et 165. Deux autres de
180 millimètres de long ont pour indice 90,55 et 81,66.
Ces faits nous prouvent donc que lorsqu'on nous annonce
que, d'après son indice, tel crâne est brachycépbale, on ne
dit absolument rien; car, malgré une variation individuelle,
ce crâne peut faire partie d'une série dolichocéphale parfai-
tement homogène. Pris isolément, l'indice peut être la source
d'une foule d'erreurs. Citons, en dernier lieu, un exemple
célèbre qui nous le prouvera d^une manière encore plus pal-
pable.
Lorsque la première édition de Y Atlas de Carus parut^ le
profil du crâne de Schiller y était dessiné. Sa plus grande
longueur étant de 190 millimètres, on en conclut de suite
que le célèbre poète allemand était dolichocéphale; en effet,
dans aucune série brachycépbale la moyenne du diamètre
A PROPOS DU PR0Cà8«TBBBAt. Wl
antéro-posiérienr médian ne dépasse 18Q milUmèires , il
même elle atteint jamais ce chiffre. Trois ans après parut une
deuxième édition de VAtlas^ qui pompléta les données sur le
crâne en question. Or» le diamètre tcansverde maximum
étant 158 et l'indice 83,16, Schiller fut décrété immédiate*
ment brachycépbale. Ce revirement d*opinion n'est nulle-
ment justifié. En effet, suivant la remarque de Gratiolet^ le
profil était très harmonieux et sa longueur nullement exa*
gérée. Mais, par variation individuelle, les autres diamètres
étaient tellement considérables que Tindice cubique don-^
nait 2157 centimètres cubes, capacité qui n'a peut-être ja*
mais été atteinte paf un crâne non pathologique.
Mais laissons là les cas particuliers et passons aux moyennes,
sans tenir compte de l'opinion de Bertillon, qui la formulait
ainsi il y a quelque vingt-cinq ans : a Les moyennes des in-
dices, auxquelles on est souvent réduit par le défaut de docu-
ments, ont le tort d'être artificielles, et Ton ne doit s'en ser-
vir qu*avec une extrême prudence. » {Bulletins^ 8? séri0> t« V,
Bertillon père cité par son fils Jacques.)
Admettons que la moyenne des indices de vingt crânes
normaux d'individus mâles, ou de cinquante, avec mélange
des sexes, nous permette, suivant les chiffres obtenus» de
classer un groupe ethnique quelconque parmi les dolichocé-
phales ou les brachycéphales. Mais alors nous entassons
pêle-mêle dans la première catégorie ; les Catalans, les Kim-
ris, les Basques, les Nègres, les Frisons, les Néo-Calédo-
niens, les Arabes et les Malgaches ; et, dans la deuxième :
les Auvergnats, les Lorrains, les Mongols, -les Syriens, les
Kabyles, les Lapons, les Négritos, les Laotiens et les Anna-
mites. Eneffet,lamétbodedes mensurations ne nous a fourni
jusqu'il aucun moyen de distinguer les diverses espèces dp
dolichocéphalie et de brachycéphalie.
C'est cette confusion qui a permis, il y a déjà longtemps,
à M. Mantegazzade poser la question suivante:» En accumu-
lant tant de crânes dans les musées et tant de chiffres dans
les archives, ne court-on pas à une déception qui n'est peut-
689 SÉANCE DU 30 OCTOBRE 1887.
être, pas éloignée, ou acoamule-t-on de vrais trésors pour les
synthèses de l'avenir? » . .
' ' Si Ton veut cpie la seconde hypothèse soit la vraie, il faut,
pour la spécification des races humaines, renoncer à la géo-
métrie et à latrigonométriei et revenir à la méthode descrip-
tive, à la morphologie crânienne^ qui seule, aidée, je le. veux
bien, des mensurations, peut nous donner des résultats sé-
rieux: BUe nous permettra de vulgariser les données déjà
acquises et attirera dans les laboratoires d'anthropologie
la jeunesse, que Taridité des chiffres en éloigne manifeste-
ment.
Du reste, le besoin de se rendre compte des formes s'est
fait sentir même aux partisans les plus convaincus de la mé-
thode des mensurations, puisqu'ils ont inventé les instru-
ments les plus variés pour dessiner les courbes transversales
et longitudinales du crâne. Mais ces simples traits ne parlent
qu'aux yeux et sont insuffisants. Ce qu'il faut, à mon avis,
c'est rechercher et décrire les modifications qui, pour les di-
verses brachycéphalies, par exemple, s'observent dans la
conformation des différents os, dans leurs rapports entre eux
et avec le contenu de la boîte crânienne, ainsi que les chan-
gements survenus dans les cavités, tant internes qu'externes,
de la tête. En un mot, il faut faire de i'anatomie descriptive
qui, seule, permettra de se rendre compte des causes par
lesquelles telles dimensions se trouvent réduites ou exagé-
rées et de retrouver dans les populations mélangées les ca-
ractères propres aux diverses races composantes.
Mais, pour cela, il faut faire des coupes dans différents
sens,' en d'autres termes, sacrifier un certain nombre de
crânes. C'est précisément ce que l'on tient à éviter, coûte que
coûte, de crainte d'abîmer les collections. On veut avant
tout avoir de belles vitrines, bondées de crânes intacts, bien
rangés et étiquetés. C'est là Terreur. Cette manie, si j'ose
m'exprimer ainsi, arrête toute espèce de progrès.
^ Où' en serait l'anatomie, si le scalpel était proscrit des
salles de dissection, et si, après avoir disposé les cadavres en
CORRESPONDANCE MANUSCRITE. 633
ligne, on autorisait seulement les travailleurs à prendre des
mesures de longueur, largeur et épaisseur, môme en leurre-
commandant de faire ensuite tous les calculs possibles d'in-
dices, c'est-à-dire de probabilités? On ne fait pourtant pas
autre chose avec les crânes de nos collections. On croirait
vraiment que Tanatomie est inutile en craniologie.
Si nous voulons progresser dans la connaissance des races
humaines et arriver à faire pénétrer l'anthropologie dans
l'enseignement universitaire, il faut d'abord modifier profon-
dément cette méthode bizarre qui éloigne de cette étude les
vrais anatomistes. Autrement, suivant la parole de M. Man-
tegazza : a Ces accumulations de crânes dans nos musées et
de chiffres dans nos archives ne nous conduiront qu'à des
déceptions. »
— Plusieurs membres demandent la parole ; mais la dis-
cussion est renvoyée à la suite de l'ordre du jour,
CORRESPONDANCE.
i* Une lettre de M™*» G. Geslin, annonçant à la Société la
mort de M. Geslin, membre titulaire de la Société;
T Une lettre de M. le docteur Durand {de Gros), ancien
membre démissionnaire, exprimant le désir de reprendre sa
place dans la Société ; selon la pratique ordinaire, il est fait
immédiatement droit à la demande de M. Durand (de Gros) ;
3* Une lettre de VL le docteur Catat, demandant à faire
partie de la Société, comme membre titulaire. M. Gatat est
présenté par MM. Hamy, Delille et Verneau ;
4« Une lettre de M"° Jeanne Bertillon, ainsi conçue :
Fontenay (Loij-el), jeudi, 4 août 1887.
« Monsieur,
« Je reçois à l'instant le deuxième fascicule des Bulletins
de la Société d'anthropologie^ et, en réponse à la question de
M. 'Daily (p. 157) relative à mon travail sur l'indice encé-
phalo-cardiaque, je viens vous dire que les tableaux qui ont
634 sAiNCB DU SO oaroBim 1887.
fait l'objet de la lecture du 3 mars 1887 sont tous de moi, à
rexception du tableau n^ 6, qui indique le rapport de Tencé-*
pbale au oœur, et dont je n'ai été que l'instrument près de
II. le professeur Parrot.
M Je crois deTolr répéter encore, et pour Tezactitude des
choses, et pour la valeur qu'on doit accorder à mes chiffres,
que ce travail est basé sur les autopsies que M. Parrot faisait
lui-même. Je n'ai d'-ailleurs aucune observation originale,
aucune note manuscrite, je ne possède que les données sta-
tistiques que M. Parrot me faisait relever chaque année.
a Avec mes remerciements, veuille2 agréer, monsieur ie
secrétaire général, l'expression de mes sentiments distingués.
(( Jeanne Behtillon. » .
OIJVRAGES OFFERTS.
Association française pour l*avancement des sciences* Tou-
louse,M887, in-8% il50 pages.
Brinton (D.). Prehtsloric Chronohgy of America. Salem,
i887, broch, in-8% 21 pages.
Bella (A. de). Prolegoment di filosofia elementare, Turin,
i887, in-8% 173 pages.
Ploss (H.). Das Weib in derNatur-und Vôlkerkunde.lïvr.i,
5, 6, 7. Leipzig, 4887, in-8\
Letourneau. L Evolution du mariage et de la famille, Paris,
1888, in-8% 467 pages.
Marche (A.). Luçon et Palaouan. Paris, 1887, in-12, 406
pages.
Marey. Recherches expérimentales sur la morphologie des
muscles (Bxtr. des Comptes rendus des séances de l'Académie des
sciences), 1887, broch. in-4°, G pages, 2 planches.
Ploi3( (C). La Grande Ourse (Ëxtr. de la R&me des traditions
populaires). Paris, 1887, broch. in-8°, 8 pages.
Leboucq (H.). L Apophyse styloîde du troisième métacarpien
chez l'homme. Gand, 1887, broch. in-8*, 15 pages.
— La Nageoire pectorale des cétacés. léna, 1887, broch.
in-8% 7 pages.
OUTRAGBS 0FFIRT8. 63S
M. Mathias DuTiL. De la pari de M* H. Leboucq, professeur
à rUniversité de Gand, j'ai rhonneur de faire hommage à la
Société de ces deux mémoires sur le squelette des membres.
Le premier, intitulé fApophy^e styloîde du troisième méta-
carpien chez V homme, signale la tendance de cette partie os-
seuse à se développer codime os distinct, fait qui se repro-
duit parfois pour le deuxième métacarpien. Or, cette année
même, notre collègue ë. Guyer, dans une récente séance,
nous présentait une pièce où on voyait un os accessoire sur
la partie externe de la seconde rangée du carpe, os qu'il pen-
chait à considérer comme une partie détachée du premier
métacarpien. Les faits exposés par M. Leboucq viennent
rendre cette interprétation très probable, et font série avec le
fiiit de M. E. Guyer.
Le second mémoire, intitulé la Nageoire pectorale de$ cé-
tacés au point de vue phylogénique, montre que la main des
cétacés est un organe plus parfait à Tétat embryonnaire qu'à
rétat adulte.
U. G. DE MoRTiLLET présente onze numéros de f Homme, du
10 avril au 10 septembre 1887. Cette publication contient un
grand nombre d'articles de divers de nos collègues de la
Société d'anthropologie. M. Paul Sébillot y poursuit des re-
cherches sur les traditions populaires, surtout en ce qui con-
cerne les os de morts. M. Ph. Salmon y a inséré un impor-
tant travail sur les races humaines préhistoriques. M. Georges
Hervé s*est occupé des Primates à propos de Jules Simon.
M. Fauvelle continue ses spirituelles poursuites contre les
abus scientifiques; M. Collineau, ses recherches sur les infé-
rieurs. M. Léon Monceion nous y fait connaître les Canaques
sous un jour tout à fait nouveau. M. Paul Nicole y expose
l'histoire naturelle de l'Etre suprême, et M. P. Pommerol
nous entretient du culte de Taranis en Auvergne. Enfin,
nous citerons encore une recherche sur le solutréen en Italie,
par M. A. de M ortillet ; des considérations sur la neutralité
de renseignement, par M. Issaurat, et une statistique des
étrangers en France, par M. Mondièfe. A ces travaux origi-
636 SÉANCE DU âO OCTOBRE 1887.
naux se joignent de nombreux articles de bibliographie et
des nouvelles très variées.
OBJETS OFFERTS.
Crânes de Mandîngues, — M. Manouvrier. J'ai Thonneur
d'offrir à la Société, au nom de M. le docteur Frab, médecin
de la marine, 13 crânes complets, 3 mandibules isolées et
divers autres ossements de race mandingue recueillis à Seyla,
province de Sakho, bassin du Haut Bakoy. Ces ossements
proviennent d'individus massacrés par ordre de Samory, roi
des OuassoulouSy en 1885, pour avoir surtaxé des commer-
çants de passage. Ils peuvent être joints à ceux qui ont déjà
été donnés à la Société par M. le docteur Fras (séance du
21 juillet 1887), car Torigine est la même.
Je n'ai pas fait l'étude de ces 13 crânes, mais je puis
cependant noter ici quelques faits que j'ai remarqués, en
attendant une description plus complète.
Ils diffèrent beaucoup entre eux sous le rapport de l'in-
dice orbitaire, qui varie de la microsémie jusqu'à la méga-
sémie, et sous le rapport de la distance spino-alvéolaire, qui
varie de 13 à 31 millimètres.
Sur ces 13 crânes, il y en a 3 qui présentent une synos-
tose de la suture sagittale avec les caractères de la préma-
turation de cette synostose. Sur un quatrième crâne, celle-ci
est également complète et certainement précoce, puisque le
crâne est jeune, mais elle semble avoir été moins précoce que
sur les trois autres.
La fréquence de cette synostose dans une série aussi faible
est vraiment extraordinaire, etily alieu de se demander quelle
en a été la cause. Peut-être s'est-elle produite sous l'influence
de coups portés sur la tète, car j'ai lu, je ne sais où, que
dans certaines contrées de l'Afrique, les nègres s'amusent
parfois à se frapper mutuellement ayec des bâtons. Quoi qu'il
en soit, j'ai cherché à savoir si la synostose précoce de la
suture sagittale n'avait point contribué à abaisser sur les
msiSussiON. 637
quatre crânes en question le chiffre de l'indice céphalique,
fait dont j'ai montré la possibilité dans un récent mémoire (1).
Pour cela, j'ai mesuré les 13 crânes et les ai rangés en série,
d'après Tindice céphalique décroissant :
Diamètre Diamètre
Naméroe. antéro-postérieur transversal Indice
maximum. maximum, cépbaliqae.
14... r .. 180 138 76.66
13 180 136 75.55
11 182 185 74.17
9 191 140 73.80
18 186 1S4 72.04
10 192 138 71.87
19 173 124 71.67
15 188 130 71.04
21 182 128 70.30 —
20 198 134 67.67 +
17 191 128 67.01
12 194 129 66.49 +
16 189 124 65.61 +
Le crâne désigné par le signe — est celui dont la synos-
tose sagittale est précoce sans être aussi avancée. Les trois
crânes désignés par le signe + sont ceux dont la s}mostose
sagittale présente tous les caractères de la prématuration.
Cette synostose ne s'est pas produite assez tôt pour entrsdner
la scaphocéphalie, mais elle s'est produite assez tôt pour abais-
ser l'indice céphalique, car Ce n'est point par hasard que ces
trois crânes figurent parmi les quatre plus dolichocéphales
de la série. C'est un nouveau fait à ajouter à ceux qui sont
exposés dans le mémoire cité plus haut. Je dois donc des
remerciements personnels à M. le docteur Fras pour le don
important qu'il vient de nous faire.
Discussion.
M. TopiNARD. Lorsque, hier, M. Manouvrier m'a fait remar-
quer la fréquence relative de la synostose prématurée de la
sagittale dans cette série de nègres, il a ajouté cette réflexion
i Manouvrier et Chantre, la Dolichocéphaliê anormale par synostose pré*
mcUurée <U Ut^uture sagiltalê (Bull, de la Soc. éCanthr» de Lyon^ 1886).
638 8ÉANCB DU «û QGTOBRB 1887.
que les petits nègres, dans te pays des Mandingues, s*amasent
volontiers à se donner de grands coups de bâton sur la tète
pour savoir lequel supporte les coups les plus rudes. Or, rien
n*est plus capable d'engendrer des ostéites comme Tun de ces
crânes en porte des restes évidents, susceptibles d'amener
une synostose prématurée des sutures de la voiite. Je pense
donc qu'il faut souligner la réflexion de M. Manouvrier, ne
serait-ce que comme une hypothèse.
M. Manouvrier partage cet avis. U fait, en outre, remar-
quer, sur ub des crânes synostosés, la grandeur des trous pa-
riétaux. Cette dilatation pourrait bien être la conséquence de
Tétat variqueux des vaisseaux que le traumatisme aurait
produit.
OAMe é9 pirate lenklnoU oVcrt pfir H. E« Roelier.
M. TopiNARD donne lecture de la lettre suivante :
« Je profite du départ de mon ami, M. Wehmng, bôfres-
pondant du Tefnps att Tohkîn, pour vous envoyer un crâne
de métis chinois.
« Ce crâne provient d*un grand chef pirate, taort des suites
d'une blessure aux lies de la Cackoh. Cet individu, natif
d'Haïnaiï, était le produit d'une femme ëfainolse mariée à un
Haca ou Hacka. Gomme nous avoils Ici plusieurs types de ce
genre de croisement, que la race est forte et vigoureuse, j'ai
pensé que ce spécimen pourrait avoir un intérêt pour la So-
ciété.
a Veuilles agréer, etc. a B. Rochbr. »
Ce crâne, ajoute M. Topinard, a bien le caractère des races
chinoise et indo-chinoise en ce qui concerne la face, mais
par le crâne il a an indice céphalique plutôt bas. Il est doli-
chocéphale, quelle que soit la nomenclature adoptée. C'est
un nouveau fait à l'appui de la thèse que j'ai souvent sou-
tenue, que les races jaunes ne sont pas aussi brachycéphales
qu'on le croit, et que parmi elles s'en trouvent de dolicho-
GRAINE SB MBAtt TONKINOIS. 639
céphales. Dans l'empire chinois en particulier, Télément
brachycëphale semble venir des Mongols et Mandchoux,
c'est-à-dire de populations relativement récentes ayant joué
le rôle de dominateurs depuis quelques siècles avant Jésus-
Christ pour le moins, tandis que l'élément dolichocéphale
semble devoir être rapporté à des populations plus anciennes,
que les Annales de Han indiquent et nous montrent déjà
refouléeS) pHuôlpalement au sud^ dans la province actuelle de
Tsé-Ghonan et dans les montagnes qui touchent à Tlndo*
Chine. Il est probable que ces populations anciennes dési*
gnées dans ces Annales sous le nom de Jungs, ont pour
représentants actuels les tribus indépendantes dites Abori"
gènes et plus ou moins sauvages, qu'on retrouve aujourd'hui
dans la même région et sur lesquelles nous sommes si mal
renseignés, telles que les Miaotsés, les Lolos et plus bas les
Mois, etc. Les Hakkas se rattachent-ils au même groupe,
quoique habitant aujourd'hui la province de Canton. C'est ce
que j*igiiore, même après la savante dissertation de M. Zabo-
rowski, à propos des cinq crânes que nous possédons offerts
par M. Lagréoée.
En tout cas, la question suivante se pose à propos de ce
crâne ; tient-il sa dolicbocéphalie' de sa mère chinoise ou de
son père hakka? Les cinq Hakkas que j'ai mesurés hier, ont
les indices suivants : 69.6, 75.2, 76.3, 78.8 et 82.5, c'est-
à-dire une moyenne de 76.5. La moyenne des Chinois en
général est de 77.0. La différence est faible. Du reste, l'écart
de 69 à 82 est trop fort chez ces cinq Hakkas pour qu'on puisse
se fier h leur moyenne ; la série est aussi mélangée que pour-
rait l'être une série quelconque de Chinois.
Il n'y a donc pas de oonolusion à tirer de ces rapproche-
ments, et je ne pe^x qu'attendre pour la solution du pro-
blème que j'aimerais tant à voir résoudre : étant donnée la
dolichocéphalie qu'on rencontre si fréquemment en Chine et
eu Indo-Chine, à quel groupe de population, à quel élément
ethnique, ancien ou actuel, faut-il la rapporter ?
640 SÉAKCE DU 30 OCTOBRE 1887.
Monlages ées types erABiema du WmtUmh^rg $
oflèrts par H. de Hôlder.
M. TopmARD. Ces moulages, envoyés à notre laboratoire
par notre collègue, le docteur de Hôlder, sont au nombre de
six : deux d'adultes et cinq de nouveau-nés et de fœtus. Les
deux premiers, ajoutés à un autre que M. de Hôlder nous a
précédemment adressé et que je vous ai présenté, sont la
représentation des trois types crâniens principaux qu'on
rencontre, d'après lui, dans le Wurtemberg. Ils reposent sur
Fétude raisonnée de plus de cinq cents crânes anciens et mo-
dernes, que M. de Hôlder a eus entre les mains à Stuttgart et
dont un certain nombre sont déposés au musée de Stuttgart,
où je les ai vus.
Le premier type est le germanique et est caractérisé à son
maximum dans les tombeaux en rangées de Tépoque iranco-
alemane. Voici ses caractères : dolicbocépbale, front étroit,
occiput proéminent, hauteur du crâne cérébral l'emportant
sur sa largelir, côtés du crâne presque verticaux ; face étroite
et baute, prognathe dans son ensemble, bien qu'il y ait sou-
vent un certain prognathisme alvéolo-sous-nasal; nez lep-
torrhinien^ grand, saillant ; orbites mégasèmes ; pommettes
fortes, mais verticales ; maxillaire inférieur fort et haut.
Le second type est le touranierij ainsi appelé parce que la
forme du crâne se rapproche de celle des crânes turcs, mon-
gols, tartares et lapons. Voici ses earactères : brachycéphale,
front large, occiput vertical^ côtés du crâne arrondis, base du
crâne moins large que sa voûte ; face large, courte, arrondie,
presque orthognathe; nez petit, aplati; peu saillant; orbites
microsèmes, â en juger par le moulage ci-contre; pommettes
saillantes â bord inférieur s'écartant en dehors ; maxillaire
inférieur petit et bas.
Le troisième type ou sarmate, ainsi appelé parce qu'il
se rencontrerait fréquemment parmi les populations slaves,
présente à son tour les caractères suivants, en général inter^
médiaires à ceux des types précédents : sous-bracbycéphale.
TYPES CRANIENS DU WURTEMBl^G. 64i
sinon mésaticéphale, front moyen, hauteur et largeur du
crâne presque égales, côté du crâne intermédiaire, arrondi
et vertical, base du crâne moins longue que la voAte comme
dans le type touranien, mais comparativement plus large ;
face haute et étroite, mais moins que dans le type germa-
nique, et presque orthognathe; nez et orbites moyens; pom-
mettes intermédiaires aussi aux deux types précédents ;
maxillaire inférieur d'une hauteur moyenne.
Ces deux derniers types de M. de Hôlder sont toutefois rares
dans le Wurtemberg à Tétat de pureté. Les plus fréquents sont
des types croisés intermédiaires, soit entre eux directement^
soit entre eux et le type germanique.
Quant aux moulages de nouveau-nés et de fœtus, ils prou-
veraient que dès le sein de la mère ces types sont déjà
sensibles. Toutefois, ajoute M. Topinard, il importe de
remarquer que les caractères indiqués sont insensibles sur la
face et se réduisent sur le crâne à des questions de degrés
analogues dans la braohycéphalie ou la dolichocéphalie.
En tout cas, ces moulages ont un grand avantage, c'est de
nous résumer d'une façon palpable les idées de M. de Hôlder,
qui, du reste, s'accordent dans une certaine mesure avec
celles d'autres auteurs dans l'Allemagne méridionale, sauf en
ce qui concerne les dénominations. Ainsi, le type dolichocé-
phale à face étroite de Ranke, le type dolichocéphale-lepto-
prosope de Kollmann, le type de Hohberg, de Rutimeyer et
His, seraient le même que le germanique de Hôlder. Le type
brachycéphale à face large de Ranke et le type brachycéphale
chamœprosope de Kollmann seraient identiques au type tou-
ranien de Holder. Le type brachycéphale à face étroite de
Ranke, le type de Dissentis de Rutimeyer et His, et le type
brachycéphale-leptoprosope de Kollmann seraient les mêmes
que le type sarmate de Hôlder.
Je pense donc exprimer à la fois les sentiments de la
Société et ceux du Laboratoire, en remerciant M. de Hôlder
de son précieux envoi.
7. X (3* SiBUJ. 41
BikbiUiibn.
M. ManoÛvrier fait toiile espèce dé réserves sûir lis carac-
tères ethnic[ues attribués aux crânes de telus et dfe hoiiveau-
nés.
h. ÈauvellÊ. Je ne veux pas ôuVrîr prériâ&turémelit la
discussion sûr la tfanioînétrié, niais il nié sémtlé qiiè ce qiië
nous venons d'entenarë conurmè sihgiilièfëméiil inon àrgu-
niehtation. Est-ce à rÂlleihand bu àli Français qui! miit
ràtlrindér r Je n'efl sais rien, lïlàis tout ce tjui vient cl*êlré dil
est tort obscur.
M. Yves Ménard est nommé membre titulaire à l'unanimité
de 26 votants.
PRÉSENTATIONS.
Ctthllië p^élsbèë \
m «. bixHiétt ^É&rttËGAy.
M: OLEt^tfiR BBAtmBGiRD présente à la Société une jeun^
fillfe atteinte de banitle précofcej et ibumit à son siyet les ren-
sei^n^nietits stiivauts :
Emilie SbilM fest née à Paris, le 18 juillet 1878:
A kjuatre àriài Éiiiilie a fait une chute, et Son fronlj violem-
mbrtt heurté; jlorte à sa partie supérieure; dans la direction
du nez; une cicatrice horizontale^ longue de 3 centimètreis
erivirôh:
C'est postérieurement à cet accident que la chevelure
d'Emilie a fourni les premiers témoignages de canitie:
Cette légère infirmité est attribuée» par les parents d'Emilie^
à l'accident dont elle a pftti.
Quoique alerte et gaie et avec la face agréablement cdWrcei
Emilie paraît être d'une débile santé^ Par exemple^ fcUe a fré^
quemment^ la nuit, des bémorrhagies nasales.
CLÉMENCE ROYER. — VARiÀBiÙlÉ DÉS MUSCLES. BI^
iVIaîs accident et. débile sàîité peuvent biéii ii*8trb pkè Id
cause direclë dé la décrépitude prôcôCe de Ik chevfeltlrë
d'Érailië; il y a, eîi effet, des antécédents dans sa famille : â
dix-sept ans, son gi^and-père patët'nëHëtdit déjà gHsôtiûatit,
et à vingt ans, il avait la chevelure d'un vieillard.
fiiâcussiôii.
M. ToPiNARD. C'est une canitie prématurée héréditaire.
M. Sanson. Le grand-père de l'enfant ayant présenté la
même particularité, il y a évidemment hérédité atavique^
prédisposition des bulbes pileux à subir cette espèce de dégé-
nérescence.
M. G. DE MoRTiLLET et M""" CLÉMENCE RoTER citcut plu-
sieurs exemples analogues de canitie précoce héréditaire.
M. Fauvelle. Le traumatisme du cuir chevelu produit sou-
vent une canitie partielle à l'endroit lésé. Le coup que l'en-
fant a reçu, s'il n'est pas l'unique cause de ce que nous ,
voyons, a pu favoriser la prédisposition héréditaire et la
rendre encore plus précoce.
M. Sanson. La canitie héréditaire se manifeste le plus sou-
vent sans traumatisme; il est donc impossible de dire si dans
la circonstance il a eu une influence quelconque.
VarlitbllUé morphologique des muselés sons l'Ioflaence
des variations fonellonnelles ;
par m™** clémence ROYER.
M°^^ DLf:MfeNCE HbtEfe présente à là Société deiix phdtdgra-
i)hiéâ accompagnées d'tirte note boricërnant ilhe bomWuhifca-
tioti faite à l'Académie des sbiènces, par M. Marey, sur
la variabilité de forme et de longueur des muscles et des teil-
dons, sous rinfluence des tarlaliôhs de leurs fonctions.
Cette communication est le résultat d'expériences intéres-
saîites que M. Marey poursuit à la station physiologique du
parc des Princes,
Dans sa note, M. Marey rappelle que Borelli, il y a deux
644 SéANCB DU âO OCTOBRE 1887.
siècles, a fait voir que l*effort dont un muscle est capable est
proportionnel à la section transversale de ses fibres rouges,
tandis que l'étendue de son mouvement est proportionnelle à
leur longueur. M. Marey ajoute qu'aujourd'hui la notion du
travail mécanique étant mieux définie, on peut exprimer les
relations constatées par Borelli sous une forme précise, en
disant : Le travail qu'un muscle peut produire est propor-
tionnel au volume ou au poids de sa fibre rouge, tandis que
les deux facteurs de ce travail, l'effort et le chemin, sont
proportionnels, l'un à la section et l'autre à la longueur des
faisceaux contractiles, le tendon n'étant qu'un orgcme de
transmission du travail.
En 1873, M. Marey a montré dans son ouvrage sur la Ma-
chine animaley que Tanatomie comparée du système muscu-
laire des mammifères et des oiseaux confirme cette loi, et que
partout éclate une harmonie parfaite entre les formes d'un
muscle et les conditions dynamiques de son travail; de sorte
que les variations de forme que présente un même muscle,
chez les différents animaux, sont toutes motivées par les
exigences de leur type particulier de locomotion.
« Un problème se posait alors, ajoute M. Marey : Cette
harmonie est-elle préétablie dans les plans de la nature, ou
bien est-elle engendrée par la fonction elle-même? En
d'autres termes, la forme du muscle se met-elle spontané-
ment en harmonie avec les nécessités de sa fonction ? »
C'est le problème de l'adaptation des organes à leurs fonc-
tions par l'influence de ces fonctions mêmes que pose en ces
termes M. Marey, c'est-à-dire la possibilité des variations
d'organes, comme conséquences des variations de leurs
fonctions. C'est le problème capital de la doctrine de l'évo-
lution.
Pour des raisons diverses, M. Marey inclinait à croire à
cette influence de la variation des fonctions sur les variations
de Torgane, déjà attestées par les modifications constatées
par le docteur J. Guérin dans la longueur des tendons à la
suite d'ankyloses. Mais tandis que J. Guérin considérait
CLÉMENCE ROYER. — VARIABILITÉ DES MUSCLES. 645
comme une dégénérescence pathologique des tissus du
muscle Taccroissement de sa partie tendineuse, M. Marey
penchait à croire qu'un muscle, dont les mouvements sont
réduits par une ankylose partielle, réduit spontanément la
longueur de sa fibre rouge et n*en garde que ce qui est néces-
saire à l'étendue actuelle de ses mouvements. Il interprétait
ainsi rallongement des tendons et le raccourcissement de la
fibre rouge chez les vieillards, dont les mouvements perdent
peu à peu de leur étendue.
En Allemagne, le docteur William Rouf était arrivé aux
mêmes conclusions dans son travail sur la morphologie des
muscles; et M. Marey, dans son cours au Collège de France,
a inféré de cette loi que la forme spéciale des muscles gastro-
cnémiens, chez le nègre et chez le blanc, doit être en har-
monie avec les conditions de leur travail.
Il semble, en effet, tout naturel d'admettre que, chez
le nègre et, en général, chez tous les peuples sauvages, la
forme du mollet soit en harmonie avec la course et en général
avec une plus grande amplitude des mouvements dans la
marche ; tandis que chez le blanc ou,en général,chez l'homme
civilisé, la marche plus lente, à plus petits pas, la station
debout et Faction des muscles des jambes dans le travail, soit
pour porter des fardeaux, soit pour s'arc-bouter dans l'effort
pour pousser ou traîner, a dû développer surtout la section
des mêmes muscles plutôt que leur longueur. Or, il est re-
marquable que le nègre se promène rarement, et il reste
rarement arrêté en station droite. 11 se couche ou s'accroupit
dès qu'il ne marche plus, et court plus volontiers qu'il ne
marche, faisant ainsi le même chemin en moins de temps,
grâce à des mouvements plus étendus.
(( Si les nègres semblent avoir peu de mollet, observe
M. Marey, c'est que leurs muscles gastrocnémiens sont longs
et minces, se prolongeant en bas aux dépens du tendon
d'Achille, comme on peut le voir sur l'une des photographies
que je présente à la Société, et que reproduit la note de
M. Marey. Le nègre possède cependant, dit-il, une incontes-
646 SÉANG^ DU 20 OCTOBRE i887.
table aptitude à la piarcl^e. Si ses muscles gastrocnémiens
ont upe plus petite section que chez le blanc, et par conséquent
moins de force, ils doivent avoir des mouvements plus
étendus et faire dès lors le piême travail que des muscles
plus gros, mais dont les mouvements sont moindres. S'il
en est ainsi, les gastrocnémiens des nègres doivent agir sur
un bras de levier plus long, et leur calcanéum doit être, par
conséquent, plus long que celui du blanc. »
M. Marey a vérifié cette prévision sur les squelettes de
notre musée d'anthropologie, et a trouvé qu'en effet la lon-
gueur moyenne du calcanéum du nègre, mesurée du centre
du mouvement articulaire à l'attache du tendon, est à cette
longueur chez le blanc comme 7 est à 5.
Il en résulte que le pied du nègre est, en général, plus long
et paraît moins cambré que celui du blanc; mais déjà
M. Marey avait montré dans des travaux antérieurs, qu'un
grand pied est favorable à la rapidité de la marche en ce
qu'il allonge le pas, et doit ainsi être en relation avec des
mouvements musculaires plus étendus et conséquemment
avec dc§ gastrocnémiens plus longs, quoique peut-être plus
minces, le pied faisant une plus grande part du travail
total, ^l'outes ces variations seraient donc bien corrélatives,
s'appelant et tendant à se produire les unes les autres.
M. Marey a eu l'idée de soumettre cette loi de corrélation
à la vérification expérimentale. Disposant, à la station phy-
siologique du parc des Princes, d'un grand terrain où il peut
garder des animaux en liberté sans que leurs mouvements
soient entraves par la réclusion, il réséqua le calcanéum
de plusieurs chevreaux et lapins, de manière à réduire
environ de moitié le bras de levier du muscle postérieur de
la jambe.
11 possède aujourd'hui plusieurs lapins ainsi opérés depuis
plus d'un an, et chez lesquels l'opération faite par la méthode
antiseptique a été suivie d'une cicatrisation rapide. L'un de
ces animaux a été sacrifié en même temps qu'un autre lapin
normal, et la dissection de leurs muscles postérieurs a con-
DlSCUSSICm ^U^ U YARI^BI^Tl^ J\^^ IIUSGLES. g^
fjw^^ |;oute8 s^s préYisjOR^ quant a^^f njQpUQcatiflug çroçlj}itep
sur je Japin opéré.
L*qne ^e^ pbptpgrapjjies gue jeyqus préspnte moptre q^f{ les
clfangQmepts préyus se sont appompl^s : tandis q]ig suc le lajjip
fiprmc^l les faisceaux rquges et leurs tendon^ sont à ppu près
de la même longueur, sur le lapin dont le pdcai|é(im a été r^-
séqué^ |a Iqp^ueur (lu inpscle n*est p}u^ gP^f? ^^^ ^^. mgftié
de çel}e du tendqn.
Les mesures pfisps par M. Mafey lui oi^t dopné le^ çWfffgs
suivants :
opéré. DorBaT*
Longueur du muscle %lm¥^ ziwm
fJf^qç^e»^c du feq4flB :•::••.•••-: M 3e
M. Marey a vefrié rqpéjra^pn de (iiver^es njaqi^re^j. \\ a
pl^prché à réduire les moqyemepts ep 4^taçb^]:f^ les tendp|}s
du calcanéuip sur lequel ils se réfléphissent en y contractait
des ^dhérenpes^ puis en luxant la^praleipent pps tpndpji?. Ifi
résultat a été le même que celui de la résection ; Jes mô}flp?
changement^ ^e son^ prpdujts d^ns la longueur relative
du muscle et du tendon. « ^1 ^evajt en être ainsi, di|, M. Macey,
puisque dans les (leux c§s. le bras de levier de la forçp é^it
diminpé. >{
M. Marey poursuit encore d'autres expériences ^pftlqgugs
s^r ratrophjp partielle des 09 des iijembres, et sur le^ c^fin-
gements de forme et de volume des fléchi^s^ufs du pied. Ces
expériencps en cours p'pnt pas encore donpé de résul^ts,
mais il se djspqse à jes continuer en signalc^nt toute leiir
importance, comme pouvant donner la preuve expérimepta|e
des théories tfapsformistes.
|M«fiU«J|i01}.
^. Sanson. L*£^llopgementdu tendoq apx dépens di) muscle
peut très bien ne pas être la conséquence de phénomènes
mécaniques, mais de Timmobilité prplongée nécessaire pqijr
648 SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1887.
la consolidation de Tos. Une expérience de contrôle serait in-
dispensable pour faire ressortir la valeur de la première.
M"* Clémence Royer. Le temps d'immobilité imposé à
ranimai a été très court. M. Marey prend soin de détruire
cette objection dans sa note en disant que la cicatrisation de
la plaie a été rapide.
M. Manouyrier fait observer que Ton attribue le volume du
mollet au raccourcissement du calcanéum. Dans Texpérience
en question, c'est le contraire qui aurait en lien, à en juger
par les photographies.
M. Deniker. Il me semble qu*on a accepté sans preuve suf-
fisante que tous les nègres ont le mollet peu développé. Tai
une observation personnelle à opposer à cette assertion. Sur
dix-neuf Achantis et Kroomen exposés il y a un mois au Jardin
d'acclimatation, j'en ai observé deux ou trois qui avaient le
mollet peu développé; tous les autres présentaient un mollet
plus ou moins musclé et aussi bien développé que chez la
majorité des Européens. On devrait peut-être faire une res-
triction, et dire, par exemple, que « certains nègres » (proba-
blement les nègres du Soudan) n'ont point de mollet. Je
présenterai des photographies à l'appui de mon assertion.
M. Manouvrier. Quoi qu'il en soit, tout le monde est d'ac-
cord pour reconnaître que les nègres ont généralement peu
de mollet.
M. Chudzinski. Les Achantis ne peuvent être regardés
comme de véritables nègres.
M. Deniker. Tous les anthropologistes les comptent parmi
les peuples de race nègre ; quant à leur pureté, où trouver
des races parfaitement pures?
M. TopiNARD. Moi aussi, j'ai observé les Achantis ou pré-
tendus tels, et j'ai trouvé que quelques-uns n'avaient pas de
mollet, c'est-à-dire avaient le renflement du muscle triceps
sural nul, remplacé par un aplatissement très allongé, le
point où se dégage le tendon étant placé très bas; que d'au-
tres avaient un mollet vigoureux, court el saillant ; et que
d'autres enfin présentaient des degrés intermédiaires.
BOBAN. — INSTRUMENTS EN SILEX. 649
En ce qui concerne la longueur du calcanéum, réputée plus
longue chez le nègre, j'ai mesuré quelques centaines de cal-
canéums de races nègres et blanches. Je n'ai pas encore établi
mes moyennes, mais je puis dès à présent déclarer que cette
longueur n*a jamais dû être jugée que par à peu près et avec
des idées préconçues.
H. Sanson. Il est un fait incontestable, c'est que chez
l'homme la longueur du calcanéum varie beaucoup et que le
volume du mollet en est absolument indépendant.
ColleellOB d'iBStrsmeBts ea silex de l'Anérl^ae du Nord i
PAR M. BOBAN.
M. Bob AN a chargé le docteur Gapitan de présenter à la
Société soixante-cinq instruments en silex provenant de di-
verses localités des Etats-Unis d'Amérique. Cette série, qui
lui a été offerte parleSmithsonian Institution de Washington,
par l'intermédiaire tout amical de M. Thomas Wilson, de
Washington, comprend presque toutes les formes d'instru-
ments en pierre taillée que l'on rencontre sur le territoire des
Etats-Unis. Si Ton étudie ces pièces, toutes parfaitement carac-
térisées, on reconnaît facilement qu'elles peuvent être réduites
à un nombre minime de types. Or, et c'est là le point important
sur lequel tient à insister M. Boban, ces instruments sont
presque identiques à ceux qui existent en Europe et qui carac-
térisent les différentes époques de l'âge de la pierre. Un premier
groupe de vingt échantillons montre des spécimens absolu-
ment semblables aux haches du type chelléen d'Europe. Ces
instruments sont les uns en silex, les autres fabriqués avec
des galets de quartzite taillés. Les premiers, de forme géné-
ralement ovale, rappellent à s'y méprendre des pièces prove-
nant de l'Yonne ou encore des plateaux de la Vienne ; les
seconds sont identiques aux hachettes du Bois-du-Rocher
près Dinan (Bretagne) ou aux pièces trouvées aux environs
de Toulouse. Il n'y a réellement pas lieu de discuter l'opi-
nion générale des archéologues américains, qui ne voient
dans ces ii|strumpntsc[i]e4es ébaucl^es. L^^ ppfi^p^f^spif^vec
des séries de haches cheHéennes ^'Europe pe pe^mp^ pas
fl'^tablir de différence entrp ces fliverses pièces. Pppx dps
haches de cette §éfie (l'une mesure 45 centimètres) sont (je
forme triangulaire^ aplatie^, soigi^eu^pmpnt travaillées suf
une face et peu sur l'autre ; elles rappellent absolunjent les
beaux instruments (le la fin de l'époque chpUéenne, instru-
ments de passage au moustérien. Les formes ^eipblables à.
celles de l'époque du Moustier sont peu ahjpndantes \ dans
cette série cependant deux pointes et un racloir sont sem-
blables aux types dits du Moustier de France. Cette collection
renferme aussi huit pointes d'un 1res beau travail, de dimen-
sions variant de 6 à i2 centimètres en longueur. Ces pointes,
extrêmement mjnces, sont identiques aux types dit^ sqlu-
tréens de France. Epfîn, une dernière série est composée de
trente pointes de flèche à pédoncules pu portant des enco-
ches latérales à la base, de dimensions très djverses, de
3 jusqu'^ 12 centimètfes, toutes également bien travaillées :
quatre de ces pièces représentent up type assez rare fi'ail-
leurs et qui semble spécial aux Etats-Unis; cp sont des
flèches à encoches latérales à la base, mais dont les deijx
bords latéraux ne sont pas dans le même plan; elles pré§en-
j^cnt un aspect que l'on peut se représenter en imaginant (^ue
la flèche a subi une légère torsion autour de son gr^nd a^e, la
base restant fixe. Signalons aussi deux nucléi de difnensions
moyennes et deux percuteurs identiques aux sipiilai^cs d'E|i-
rope.
En somme, cette série démontre de la façon la plus nette que
les instruments en pierre taillée des Etats-Unis sont presque
identiques à ceux que l'on trouve en Europe, sauf une légère
différence dans certains types de pointes de flèche. L'opinjon
qq'il s'agit Jà d'instruments fabriqués tous à la même époque
ne pourrait guère se soutenir : en effet, le mode de travail est
absolument différent ; et, d'autre part, Tidentité avec nos
formes ne permet pa^ plus d'admettre la contpmporauéité cje
ces divers instruments qu'il ne serait possible de soutenir que,
DISGUSSIpN 9Ul( fpS mSTRUHENTS EN SILEX. 65^
en Frapce, Iç^ k^^chp chelléepne est contemporaine 4u tranchef
néolithique, ces cjeux objets pussefit-jls ^t^ prouvés à côté
Vux\ de l'autre h 1^ surface du sol. Mais pour que la démons-
tration soit cflpplète, pour qu'on puisse également savoir
quel est le r£^ppqr|; cjar^s ]e tpmps qui peut exister entre les
époques caractérisées par les mêmes types en Europe pt dans
r^mériqfip du Nor^, il est de toi^te nécessité que des fouilles
méthodiques soient entreprises afin de trouver in situ les di-
verses formes de Tâge de la pierre, d'étudier leur stratigra-
phie, de rpcj:jpillir les débris osseux q^i les acpompagnent et
de pouvoir ainsi reconstituer la faune correspondant à chaque
période. Seulement alors on pourra formuler des conclusions
absolues; w^is, d'ores pt déjà, il y a de grandes présomptions
pour croire que l'identité des formes doit pQ^Tespopdro
au moins en partip à upe classifipatipR analogue e\ h une
chronologie sensiblement la mêq^e, ^]x paoins pour les époques
primitives, que celle qui a été démontrée vraie pour FEurope
et pour plusieurs localités dans les autres parties dij monde.
Ces faits ne sont cprtes pas inédits, mais la série, assez
nombreuse et absolument typique de M. Boban, série d'ail-
leurs qui ne peut que donner une faible idée des innombra-
bles collections similaires réunies aux Etats-Unis, surtout
dans les si remarquables cojjeclions du Smithsonian Ipstitu-
tion, démontre d'une façon absolue |'iç}eptité des formes ^
type archaïque des fltats-Unis et fies formes ;*éellement pa-
lépUthiques si fibondantes eu Eurppe et surtout en France.
Bi8Ca89|QI).
M. G. pE MoRTn.LET, Les pièces envoyées par M. Boban
spnt fort belles et très intéressantes. M. Clapitan rend un vé-
ritable service à la science en cherchant à sypchroniser l'in-
dustrie de la pierre des Etats-Unis avec celle de l'Europe
occidentale. Ces rapprochenaents sont fqrt utiles, mais, pour
les admettrp d'une manière complète, il faut encore recueillir
bipq des faits et des observations. Ce qi|î me paraît bien
65Î SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1887.
démontré par la présentation de M. Capitan, c'est que Tîn-
dastrie de te pierre, dans les Etats-Unis, peut et doit se di-
viser en deux parties très distinctes : Tune se rapportant à
la portion la plus ancienne de notre paléolithique, le chel-
léen et Je moustérîen; Tautre, beaucoup plus récente,
représentant le néolithique, qui a continué en Amérique
bien plus longtemps qu'en Europe. C'est là un grand point
d'acquis.
laatraaMBis em plerr« des lies Caaarles t
PAR M. R. ?BRIIBAU.
J'ai l'honneur de présenter à la Société quelques instru-
ments en pierre des îles Canaries. Ces objets ont été trouvés
dans des grottes habitées jadis par les insulaires de cet ar-
chipel ; mais rien ne me permet de préciser leur âge ; tout ce
que je puis affirmer, c'est qu'ils sont antérieurs à la conquête
espagnole, c'est-à-dire au quinzième siècle.
A part quelques pièces exceptionnelles dont je parlerai
tout à l'heure, les instruments en pierre de ces îles sont gé-
néralement taillés fort grossièrement ; les plus beaux offrent
à peine quelques retouches. Cela tient très vraisemblable-
ment à ce que les anciens habitants ne trouvaient chez eux
aucune des roches qui se prêtent bien à la taille. Ils em-
ployaient surtout, pour fabriquer leurs outils, le basalte, et
tout le monde sait que cette roche, qui se divise si facile-
ment, je dirais presque spontanément, en prismes à trois,
quatre, six faces, est loin cependant de se laisser travailler
comme les diverses variétés de silex ou de quartz. Ce n'est
guère que dans un sens qu'elle s'éclate avec facilité et c'est
pour ce motif qu'on rencontre aux Canaries tant d'outils
prismatiques. Les couteaux^ par exemple, affectent à peu
près tons la forme de prismes triangulaires aplatis : à une
face très réduite est opposé un bord tranchant. Des frag-
ments de ce genre peuvent se détacher accidentellement des
parois ou de la voûte des grottes basaltiques, à la suite d'in-
R. YERNBAU. ^ INSTRUMENTS EN PIERRE. 653
filtrations aqueuses; plus d'une fois, je Tai observé moi-
même. Je n'en ai recueilli aucun dans de semblables condi-
tions; tous ceux que j'ai récoltés proviennent de grottes
d'une autre nature, de sorte que je puis affirmer qu'ils avaient
été apportés là pour être utilisés. Les uns ont pu être ra-
massés tout fabriqués dans les endroits où se produit le phé-
nomène dont je viens de parler; les autres ont été éclatés au
moyen du percuteur. J'ai rencontré, en effet, dans les grottes^
de nombreux cailloux roulés qui ont, sans aucun doute^ servi
à tailler la pierre ; il suffit, pour s'en convcdncre, d'examiner
leurs extrémités.
Parmi les couteaux, un seul diffère, par sa forme, des pré-
cédents : sur une seule de ses faces trois éclats ont été en-
levés de façon à obtenir deux bords tranchants ; son autre
face est à peu près plane.
Les instruments qui se trouvent le plus abondamment,
après ceux dont je viens de parler, sont les pointes de jave-
lot et de lance. Ce sont des éclats presque bruts^ taillés gé-
néralement sur une seule face ; leur forme est à peu près
triangulaire. Deux de ces pointes seulement portent à leur
extrémité la plus aiguë quelques grossières retouches.
Les haches sont de deux types : les unes, taillées sur leurs
deux faces, sont entièrement comparables aux haches amyg-
daloïdes de Saint-Acheul ; les autres, au contraire, taillées
d un seul côté, appartiennent au type dit du Moustier. C'est
avec intention que j'emploie le mot type et non celui
d'époque, car on ne saurait rattacher nos haches canariennes
à deux époques distinctes. En effet, deux d'entre elles, Tune
du type de Saint-Âcheul^ l'autre du type du Moustier, se
trouvaient dans la même grotte à la superficie du sol. Or,
cette grotte contenant environ 30 centimètres de détritus, il
est probable que si elles eussent été d'époques différentes, la
plus ancienne eût été enfouie sous ces détritus. Il nous faut
donc considérer ces deux haches comme contemporaines. .
On rencontre, dans l'archipel canarien, quelques éclata
d'obsidienne tranchants sur leur pourtour; jamais ils nepor-
654 SÉANCE DIJ 20 OCtOBRE iSSf .
tieht dé retouches et les plus bdaux h'àt)prbchent pas dé§ pliis
ttllgaîres pièces d'obsidienne du Meiique.
En dehors des înstrumefats simplement taillés que je vienâ
die mettre sous Vos yeux, SI a été trouvé quel(Jtieô objets, {ieu
nombreux, en pierre polie. L'un d'eux, de petites diiiieiisions,
dëh3rme régulièrement triangulaire, à bords droits et motisseè,
à faces parallèles, est cette sotte de pointe en limonite. EHIë
pi'ovleiit de la taldéra de Bandama, à laGrande-CdnaHe. Si
nies sotitenirs sont bien présents, des pièces analdj^Ubs ont
été heribontréës en France ad {3bnt du Gard. Il ne lui mahqiie,
pour être une amulette, comme celles dont nous Cdûilàisfedhs
uti bon nombre d'ëtlemples, que lé thou de suspension:
Les autres outils polis; dont je ne puis voiis présenter ^xië
des dessins ou des mbuiagëS; les originaiix appartenant aux
musées des Canaries, sont des haches en chloromélariitfe. Ôh
n'en connaît jusqu'à ce jour ijuc cinq ; trois offrent là lilBhie
forme; Entièrement Jiolies, elles se terminent en pdinle âuttë
extrémité et t)ortcnt à l'autre bout utt trahchaht en arc de
cérCld: Les detlx detnièrës, dont l'ilHti He prëséHte glièhé piixi
de 5 centimètres db Idhguélir, ont le trarichant Inoins ëdfa-
vexe et tont eti Se réti*ébls§îiHt pbn à peu jusqu'à TàUthe
bout; qui ne se termine t)as ëri pointe, malà blëti par tine
surface rectangulaire; léfeèrëhient cbHveië;
J'ajouterai, en termibarit ,que leô Ihstruinentâ en plël+ë
taillée se trouvent dans lodtfes leS îles ; tfeut en fïiei*rept)/ie
n'ont, au contraire; été rencontrés jusqu'à ce jour que dâhè
deux îles, la Grande-Caharië et la Goirièbe, et encore telle
dernière n'a-t-elle fourni qu'une hache de Cdttë catégorie, i'ai
démontré, en m'appuyant sur des ëonsidérîttions d'iin autre
ordre, que de nombi-eùx envahlssdlirs, partis du ildW dd
l'Afrique, étaient arrivée à la Ql-ande-Canarie. Je sui^ tëntB
de conclure de ce que je viens d'ëxjjoser, que leS premiers
habitants de l'archipel Savaient tailler la jjiferre, niais ijtlë
Tart de polir les outils d été introduit ptxr leâ nduveaui
venus.
DISCUSSIOI» SÛR liÈS tîlfeTRtjMËfîTS fek PIERRE. 65?)
Bisciiitibii.
M. b. tE teoRTtUET. t^àhilî les dfejéts présentés par M. Vër-
neau, ce qui ïhé frappé èuHout, fce sotit deux dessins dé
hâclieà de pit^rre. Il ^ a, clâtil ilii certain nombre dé cdllec-
tioriè ëlirbt36ennfe5, âurtôiit françaises, des haches dé pierre,
parWitëmeiil; polies, eil bbUrrelet assez âtrondi, à sommet eh
pdiilte, à base étt^oilë el tràncKaht fort arqué, en rbcHe Ibiitë
particulière, ititotlnué eii Europe cônimë ^isemeril. bës
hïlbhëâ prbviëtiheni toutes d*ancîennës collections, el sont
siltiè dHglhëS cohiiues. Ôr, leS deux dessins prbdiiils par
M. iTerheall tefiréSentënt justeiriènt dès bâches exactement
du tyJJë cjilë je vienà de décrire. Suivant notre collègue, elles
prdVienneHl de localités certàiries des îles Canaries. A l*Èx-
position iihiveràëlle de 1878, le docteur Cbil avait déjà ap-
pbrté tt là galerie dës sciences àrithropbldgiques des haches
de ce genre trouvées aux Canaries. D'après cela, ne sommes-
nous ^tlS ^orté â Conclure que là patrie de ce type est bien
leâ Canàrlëè ? tJepills fort longtemps, tous les navires qui
doublfeilt lé cap de Bônnè-Bspéraiicë relâchent aux Canaries.
Il est tout naturel qu'ils eh aient ^àppd^té des objets, qui se
sont répandus dans lés collections d'etbnbgràphîë et de
curiosités:
Qiiàht à là rbchë, elle e^t belle, fine et preiid un rérnar-
(JUàBlë poli. Elle doit cbhtëhif Un élément fëldspalhiqùë qui
la rapprdchë des jàdêlteS et des chldromélahilës. Mais elle d
des câhàbtèrëS Spéciaux qui là foiil distiiiguel» dès aUtrës ro-
ches de hiêmë tiâtUtê ; SoH gisëinënt iil*imilif est cbinplète-
meht ihcdUtiU. PbUi-quol ne serait-il ^a^ baharieh?
M; VÈRNEAtj. M. dé Mbrlillël tiëht de tidhs dire qu'il fcori-
naissdit uhe hache ëiltièt*emërit semblable à celles ddhl je
vous ai îhiâ les dëSSirife âbdsltîs yëuit. Cela hë §kUfàit inë sur-
prendre, attendu qUë là hache eipdSée en i&78 iJar faldh attll
D. Gregorio Chil, je l'ai dessinée, et qu'elle figure parmi les
trois que vous vëUëî: de voir:
Quant tt là nature de là roche, ce n'est pas moi qui l'ai dé-
656 stANCB DU SO OCTOBRE 1887.
terminée; je m'en déclare incapable. Bile a été étudiée par
un minéralogiste espagnol dont le nom fait autorité en la
matière, M. Salvador Calderon. Je dois accepter sa détermi-
nation et crois pouvoir maintenir ce que j'ai dit.
Il m'est difâcile d'adopter l'opinion de M. de Mortiliet. Aux
Canaries, les haches en chloromélanite sont excessivement
rares, puisque, jusqu'à ce jour, on n'en connût que cinq
exemplaires. Celles du type dont vient de parler M. de Mor-
tiliet ne sont, je le répète^ qu'au nombre de trois.
Cette rareté s'explique par ce fait que la roche n'existe pas
dans ces îles, ou du moins qu'elle n'y a été rencontrée par
aucun explorateur. 11 faut admettre, jusqu'à preuve du con-
traire, que, de deux choses Tune : ou bien les haches ont été
importées, déjà travaillées, dans Tarchipel, ou bien elles ont
été fabriquées là même où elles ont été trouvées. Mais, dans
ce dernier cas, il faudrait penser que la roche a été importée
soit volontairement, soit accidentellement.
Ces pièces si rares sont conservées avec un soin jaloux par
leurs propriétaires. Moi-même, après tous les dons que j'ai
faits au Museo Canarw,^^ n'ai pas pu obtenir un seul original.
Je ne puis guère supposer qu'un autre ait été assez heureux
pour se procurer toutes celles qu'on voit en France.
Je répondrai encore quelques mots à notre collègue. Dès
le commencement de ce siècle, avant l'arrivée aux Canaries
de Berthelot, il y avait déjà dans ce pays des collectionneurs
qui recueillaient soigneusement les antiquités dans toutes les
îles et qui en faisaient autant de cas qu'on peut en faire au^
jourd'hui. De toute façon, il me semble impossible d'admettre
qu'à une époque, même plus reculée, il se soit rencontré dans
l'archipel de ces haches en assez grand nombre pour qu'on
en ait fait une véritable exportation. Il n'est guère probable
que, à cette époque, on en ait trouvé beaucoup, lorsque, de
nos jours, malgré les recherches les plus actives, on en ren-
contre si peu.
La séance est levée à cinq heures et demie.
Uun des secrétaires : FAUVEIXE.
COMMUNICATIONS DU BURBAU. 657
160« SfiANCB. — 3 DOTcmbre 1887.
Le procès-verbal de la dernière séance est la et adopté.
COMMUNICATIONS DU BUUAU.
Mort de M. Dronanlt.
M. le Président informe la Société de la perle considérable
qu'elle vient de faire en la personne de M. Drouaalt, qui
depuis quinze années était l'agent de la Société, emploi
dont il s*est acquitté avec un zèle et une activité qui ne se
sont pas démentis un seul instant. M. Drouault était, en
outre, notre collègue, puisqu'il avait été élu membre titu-
laire en 1879. Ses obsèques viennent d'avoir lieu aujourd'hui
même, 3 novembre ; le Bureau et un certain nombre de nos
collègues y assistaient.
Sur la demande de plusieurs membres de la Société^ M. le
Président donne lecture du discours qu'il a prononcé sur la
tombe de M. Drouault.
(( Messieurs,
« La Société d'anthropologie doit un dernier hommage à
Drouault, et, puisque c'est à moi qu'est échu le triste devoir
de la représenter ici, permettez-moi de me borner à vous
dire que celui dont nous déplorons la perte fut, pour notre
Société, pour son organisation, pour ses intérêts, l'homme
du dévouement, l'homme du devoir.
c( Venu parmi nous au lendemain des désastres de 1870,
après avoir vaillamment combattu, lui aussi, pour la défense
de son pays, il nous trouva occupés à relever notre œuvre
interrompue, à reprendre le cours suspendu de nos études. Il
s'associa aussitôt à nos efforts et résolut de nous consacrer,
sans réserve et sans relâche, les dons précieux qu'il pos-
T. X (3* BÉRIV). 4S
MÈ bAàMGB du 3 NOVEMBRE 1887.
sédait, c'est-à-dire une infatigable puissance de travail, un
grand esprit de méthode et une ardeur sans bornes.
0 Mais, si notre Société a su inspirer àDrouault ce dévoue-
ment qu'il a mis à son Service, lui-même a pu, de son côté,
constater, pendant cette longue période de collaboration ,
que nous avions su le comprendre et l'apprécier. Aussi, notre
gratitude a-t-elle plusieurs fois cherché à reconnaître, sinon à
égaler son dévouement : on se souvient, par exemple, du jour
où Broca remit à Dronault, au milieu de Témotion générale,
les palmes académiques, au nom du ministre. On se souvient
encore combien nous fûmes unanimes pour lui donner plus
lard le titre, secrètement mais ardemment désiré par lui,
de membre de notre Société.
« Devenu notre collègue, plus étroitement Hé à nos intérêts
et à nos travaux, Drouault semblait ne rien ambitionner de
plus, lorsque l'un de nos anciens présidents, aujourd'hui
grand chancelier de la Légion d'honneur, le général Faidherbe ,
voulut lui décerner la croix de chevalier par un décret où,
parmi des titres divers, nous pouvions lire ces mots : « Pour
services rendus à la Société d'anthropologie de Paris. »
« Telle a été, au milieu de nous, la carrière de Drouault ;
elle peut se résumer ainsi : travail sans trêve, dévouement
sans limites, droiture et loyauté sans défaillances. »
M. TopiNARD annonce qu'une souscription en faveur de
M»« veuve Drouaulta été ouverte, sur Tinitiativede MM. Qarlel,
Auguste Broca et PozeI.
OUVRAGES OFFERTS.
Annalesdu Musée Guimet,U X. Paris, 1887, in-4**,600 pages.
A. Ribehont-Dessaignbs. Des placentas multiplet dans les
grossesses simples, Paris, 1887, broch. in-8*, 45 pages.
M. G. Hervé. J'ai l'honneur d'offrir à la Société, de la part
de l'auteur, notre collègue M. le docteur Ribemont-Dessai-
gnes, ce travail qui, bien que spécialement obstétrical, ne
laisse pas d'avoir pour nos études un réel intérêt.
DISCUSSION SUR LA CBAHIOMÉTRIE. 659
La Société se soaTient peut-être qu'il y a quelques années,
M. Verrier nous communiqua un cas où il avait trouvé le
placenta formé d'un double disque. Je fis alors remarquer
que cette disposition fournit un exemple manifeste de retour
à un type inférieur d'organisation, propre aux singes pithé-
ciens {Bull, de la Société â^ anihr op. ^ i88i, p. Î7). Aujourd'hui,
M. Ribemont-Dessaignes nous apprend que l'anomalie en
question est moins rare qu'on ne l'avait cru ; elle est môme
relativement fréquente, puisque, d'après la statistique de l'au-
teur, on la rencontrerait une fois sur 352 délivrances. Il est
vrai que cette statistique comprend également les eas où le
placenta présente plus d'un lobe accessoire.
Parmi les remarquables dessins qui accompagnent ce mé-
moire, je signalerai particulièrement, aupoint de vue de la
ressemblance avec le placenta simien, les figures des obser*-
vations VII (p. 17), XII (p. 24) et XIV (p. 26).
ELECTIONS.
M. Louis Catat est élu membre titulaire.
DisevssioB sur la cranlométrle.
M. Lc PRésmENT. L'ordre du jour appelle la discussion
soulevée par la lecture de M. Fauvelle, à la dernière séance.
La parole est à M. Topinard.
M. Topinard. Je regrette d'être le premier inscrit pour
ouvrir cette discussicm, car précisément je n'ai pas l'inten-
tion de répondre, du moins aujourd'hui, aux violentes attaques
que M. Fauvelle a dirigées contre la eraniométrie.
Tout ce que je désire, c'est de lui renouveler, à ce propos,
la demande que je lui ai faite en plusieurs circonstances,
de vouloir bien venir travailler au laboratoire, « mettre lui-
même la main à la pâte », pour me servir de sa propre
expression, et s'initier, en un mot, au sujet qu'il a abordé
dans la dernière séance, avec plus de bonne volonté, peut-
être, que de préparation.
660 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 4887.
AJors, je serai absolument à sa disposition pour échanger
toutes les idées qu*il lui plaira sur la craniométrie.
M. Manouvrier. Sans m'éloigner beaucoup de Tavis de
M. Topinard, je crois utile de faire suivre d'une réponse dans
notre Bulletin le travail de notre excellent et^savant confrère
M. Fauvelle, car il pourrait se faire que son opinion sur la
craniologie fût partagée par un assez grand nombre de per-
sonnes mal édifiées sur cette branche de la science. Mais je
demande à ajourner ma réponse, car j'ai noté, à l'audition
du discours de M. Fauvelle^ certaines erreurs et inexactitudes
qui dénoteraient, si j'ai bien entendu et compris, une com-
pétence très imparfaite en matière de craniologie. Je préfère
attendre la publication de ce discours, afin d'éviter tout
malentendu et de faire> à chacune des critiques qu'il contient,
une réponse topique.
M. Fauvelle. m. Manouvrier annonce qu'il a relevé à l'au-
dition de ma note du 20 octobre « diverses erreurs et inexac-
titudes » . — Est-ce dans les chiffres ? — Non. — Alors c'est
dans les interprétations ; ce qui veut dire que nous différons
d'opinion sur certains points. Lorsque ces divergences seront
formulées, nous les discuterons et nos collègues apprécieront.
Puisque ma compétence est contestée, je tiens à expliquer
comment j'ai été amené à donner ma manière de voir sur une
question qui paraît sortir du cadre de mes études habituelles.
En entrant dans la Société, j'ai cru de mon devoir de
prendre connaissance de ses travaux depuis sa fondation
jusqu'à nos jours. Je ne saurais dire tout l'intérêt que m'ont
inspiré les difficultés du début, puis la lutte brillante entre
Broca et GratioJet au sujet de l'importance du cerveau dans
les manifestations intellectuelles. Je m'enthousiasmai du
triomphe du maître, lorsqu'il établit d'une manière si écla-
tante la préexistence aux époques préhistoriques d'une race
dolichocéphale dans l'Europe occidentale. Je compris com-
ment, à un moment donné, son laboratoire avait été envahi
par une jeunesse ardente à le suivre dans cette voie féconde.
D'abord plein de confiance dans le résultat qu'on devait
DISCUSSION SUR LA CRAKIOMÉTRIE. 661
attendre d'an concours aussi empressé, je fas pris du désir
de suivre ces exemples et de contribuer, moi aussi, à la
découverte de la vérité. Mais auparavant, je voulus me rendre
compte des résultats obtenus, en môme temps que de la
valeur des méthodes employées.
Dans le cours de cette étude, je fus d'abord surpris de
l'importance donnée par Broca à Tindice cépbalique, alors
qu'il affectait de ne tenir aucun compte des éléments qui
servaient à l'obtenir ; il était pourtant évident qu'un crâne
court pouvait être dolichocéphale et un crâne long brachy-
céphale, si des variations individuelles venaient à diminuer .
ou augmenter le diamètre transverse maximum. D'autre part,
je ne pouvais me faire illusion, ces variations sont très fré-
quentes, puisque pour classer un groupe ethnique il est
indispensable de mesurer un grand nombre de crânes. Les
collaborateurs de Broca, d'abord si nombreux, ne se ren-
daient sans doute pas parfaitement compte de cette néces-
sité, car on les voit apporter de tous les points du globe cha-
cun son petit lot de crânes, et les classer bravement, d'après
l'indice cépbalique, parmi les dolichocéphales ou les brachy-
céphales. Mais quelque temps après, arrivaient des mêmes
régions d'autres crânes dont les indices différaient complè-
tement : ces déceptions sa multipliant, il en résulta une con-
fusion qui, à la longue^ découragea les plus intrépides.
J'eus alors Tidée de substituer à l'indice cépbalique l'in-
dice que j'appelle iniaque, c'est-à-dire le rapport centésimal
du diamètre bi-susauriculaire au diamètre antéro-postérieur
iniaque. En effet, les points extrêmes de ces diamètres
limitent exactement, chez l'embryon^ le cartilage du crâne
primordial, qui répond à la base du crâne chez l'adulte.
Cette base, étant dans certaines limites à l'abri des vicissi-
tudes causées par le développement variable des hémi-
sphères cérébraux^ me paraissait devoir donner, d'une ma-
nière plus précise, les caractères d'une race. Je me mis donc
à la recherche des éléments de l'indice iniaque.
Dans toutes les mensurations publiées, si l'on rencontre
60t 8ÉA1IGB DU 3 KOYKMBRE 1887.
90uTent le diamètre iniaque, le bi-susauriculaire est très rare.
Je me rappelai alors que Broca avait annonoé, en 1866, qu'il
destinait à la Société les registres sur lesquels il avait con-
signé toutes les dimensions des orânes du musée, et je
m'adressai à M. Topinard pour en prendre communication.
Gelui-oi me répondit que le plus grand nombre de ces
registres avaient été conservés par la famille de Broca^ que
ceux qui restaient appartenaient au laboratoire, et que, si je
voulais me faire inscrire comme élève, je pourrais les con-
sulter à loisir. Il cgouta qu'il se ferait un plaisir de me donner
des leçons de craniométrie et môme mettrait Félix Flandi-
nette h ma disposition. Malgré ces offres séduisantes, pour
des raisons que Ton comprendra sans que je les énumère^
je ne donnai pas suite à cette proposition et je ne devins pas
rélève do M. Topinard. J'eus tort, je le reconnais aujour-
d'hui, car c'eût été un brevet de compétence.
Pour arriver à mon but, j'eus alors recours aux Crania
ethm'ca, dans lesquels le diamètre bi-susauriculaire est le
plus souvent indiqué en même temps que l'iniaque. Malheu-
reusement les séries y sont généralement peu homogènes et
surtout peu nombreuses, si bien que, même en supposant
que les mensurations soient toujours parfaitement exactes^
les moyennes ne peuvent effacer les variations individuelles.
Cependant les résultats obtenus par mes calculs me démon-
trèrent que, lorsqu'on opère sur des nombres restreints,
l'indice iniaque ne vaut guère mieux que le céphalique. En
outre, dans certaines races inférieures, le premier diffère
trop peu du second pour pouvoir lui être supérieur. Au con-
traire, dans les groupes ethniques où les saillies pariétales et
occipitales sont devenues des caractères spécifiques, il donne
des résultats tellement différents que, pour bien apprécier
sa valeur, il faudrait un travail considérable dont les élé-
ments n'étaient pas à ma disposition.
Néanmoins mes recherches, quoique restreintes, n'ont pas
été tout à fait infructueuses. Elles me démontrèrent que la
longueur réelle du crâne a une importance beaucoup plus
DISCUSSION SUH LÀ GRAmOMÉTRIB. M8
grande qu*on ne le croit généralement, et que les variations
individuelles portent beaucoup plus sur la largeur de la
boîte osseuse que sur sa longueur. En effet, la différence
entre le diamètre iniaque et Tantéro-postérieur maximum
atteint rarement iO millimètres et ne dépasse presque jamais
ce chiffre, tandis que le diamètre bi-susauriculaire est le
plus souvent inférieur au transverse mazhnum de 30 à 30 mil-
limètres et même plus. En outre, dans beaucoup de groupes
ethniques, plus Tintelligence est développée, plus les dia*
mètres transverses augmentent, comme Schaaffbausen Ta
observé en suivant le développement du crâne de l'enfant
parallèlement à celui de l'intelligencç.
J'avoue que, peu encouragé par ces débuts, je ne poussai
pas très loin Tétude des autres indices, pas plus que celle
des angles, triangles et trapèzes que la craniométrie a in-
ventés. Du reste, je pense que peu de craniologistes sont aussi
ferrés sur Tindice palatin que sur l'indice céphalique.
En réalité, toutes ces mensurations extérieures sont abso*
lument insuffisantes pour caractériser la conformation crâ-
nienne d'une race, et, tant qu'on se limitera à ces calculs, Q^
restera dans le vague.
Pour faire progresser la craniologie et la mettre en mesure
de servir utilement Tanthropologie, il faut, comme je Tai
déjà dit, faire des coupes et décrire avec soin ce qu'elles
nous montrent. La plus importante est la médiane verticale
an ter 0- postérieure. En explorant la base du crâne sur cette
section, on y trouve d'abord un point fixe qui siège, comme je le
démontrerai dans une prochaine communication, à la partie
postérieure de la selle turcique. La région située en avant de
ce point varie d'étendue, dans les différentes races, entre 33
et 41 pour 100 de la longueur totale du diamètre antéro-
postérieur maximum, lien résulte, naturellement, des diffé-
rences dans la longueur des fosses sus-orbitaires et, par con-
séquent, dans la profondeur des orbites ; la face qui s'attache
au crâne par cette partie de la base, subit aussi des modifi-
cations corrélatives.
664 66 ANGE DU 3 NOVEMBRE 1887.
En arrière, on rencontre d'abord Tapophyse basilaire dont
la longueur et la courbure peuvent varier ; celte dernière,
d'après Ecker, est peu accentuée chez les nègres. Puis vient
le trou occipital dont la direction a été si bien étudiée par
Broca^ et qui, d'après SchaafThausen, est reporté en arrière
dans les races inférieures, et enfin les fosses cérébelleuses,
au-delà desquelles récaille de l'occipital fait plus ou moins
saillie. L'ablation de la calotte du crâne permettra de corn-
piéter l'étude de la base, dont les fosses et les saillies peu-
vent varier singulièrement de dimensions.
Les coupes transversales, sur différents points à spécifier,
donneront également des caractères descriptifs intéressants
sur la conformation crânienne. Tout cela n'exclut pas Tétude
des courbes et des diamètres, qui font naturellement partie
de la morphologie du crâne.
11 va sans dire que ces recherches descriptives ne doivent
pas être faites sur le premier crâne venu. Si Ton veut spé-
cifier une race, il est indispensable de réunir, au préalable,
un certain nombre de crânes de même provenance, et de les
mettre en série. En s'aidant des mensurations extérieures ou
simplement dé Taspect général, comme le conseille Mante-
gazza, il est facile de disposer les crânes d'un groupe ethnique
donné, de telle façon que Ton puisse reconnaître, au simple
coup d'œil, le type dominant. On sacrifiera alors un exem-
plaire de ce type pour en donner une bonne description. Si
Ton veut ensuite se rendre compte des éléments étrangers qui
ont pu l'altérer, on étudiera les crânes les plus divergents.
Si le groupe en question est un simple hybride, cette seconde
étude permettra d'en reconnaître les éléments formateurs.
Enfin, à mon avis, cette méthode peut seule permettre de
faire de véritables tiaités de craniologie ethnique, intéres-
sants et intelligibles. La meilleure preuve de l'insuffisance de
celle que je combats, c'est qu'elle a été poussée à son extrême
limite et n'a donné aucun résultat satisfaisant. Qu'ont produit
les indices verticaux, frontaux, stéphanique, facial, orbitaire,
nasal, palatin, la mesure du trapèze intra-crânien et des angles
DISCUSSION SUR LA GRANIOMÉTRIE. . 665
sphénoldal, occipital, orbito-occipital, orbito-alvéolo-con-
dylien, auriculaire, pariétal, mandibulaire, symphysien?
Encore, si on s'était contenté de prendre toutes ces mesures
arithmético-géométriques sur un nombre suffisant de crânes
d'un groupe ethnique donné, pour en fournir une caracté-
ristique générale, âais non; cette synthèse élémentaire n'a
pas même été faite. On n*a trouvé rien de mieux que de
prendre chacune de ces mensurations en particulier, pour
faire des tableaux comparatifs de toutes les populations du
globe, et on a classé, d*aprës l'indice palatin, les Néo-Calé-
doniens, les Esquimaux^ les Gafres, les Auvergnats, les parias
de rinde, les Usbegs, les Lapons, les Patagons et les Kabyles;
de même pour la mesure du trapèze intra-crânien, la pro-
jection horizontale antérieure et postérieure du crâne, Tangle
orbito-aWéolo-condylien, etc.
Je m'arrête dans cette critique, pour ne pas abuser de
l'attention de la Société. En résumé, la craniologie métrique
n'est aujourd'hui qu*un amas confus et indigeste de chiffres^
qui démontre, une fois de plus, que les mathématiques ne
sont pas applicables aux sciences naturelles, et que la mé-
thode descriptive seule leur convient. Si, comme j'en ai la
conviction, l'étude du crâne peut rendre des services à l'eth-
nologie, il faut remplacer par de bonnes descriptions mor-
phologiques tout ce fatras algébrico-géométrique qui n'est
plus de notre siècle.
M. TopiNARD. De la nouvelle communication écrite que
vient de nous faire M. Fauvelie,il ne résulte pour moi qu'une
chose : c'est la confirmation d'une remarque que j'ai faite
chaque fois qu'il est venu nous lire, depuis son entrée à la
Société, quelques-unes de ses communications; c'est qu'il a
beaucoup d'imagination.
En effet, deux des assertions me regardant personnel-
lement, qu'il vient d'avancer, sont sorties de son imagination
et non de sa mémoire.
En premier lieu, il prétend que je lui ai répondu un Jour que,
pour consulter ceux des registres de Broca qui sont au labo-
666 siAJfCB DU 3 irovsKBRS i887«
ratoire, il fallait qu'il fi*insoriye oonune élhye du laboratoire.
Il sait pourtant, lui qui circule parfois dans ce laboratoire et
y vient causer tantôt avecTunj tantôt avec Tautre, que tout le
monde y a libre accès, et qu'on y vient à son gré s'asseoir,
travailler et prendre dans sa bibliothèque les livres et les
registres de toutes sortes qui s'y trouvent. Il sait que l'in-
scription comme élève n'est qu'une formalité, que pour
s'inscrire il n'y a qu'à passer au bureau à côté, que cela
n'exige pas plus d'une minutCi et que si nous demandons
cette formalité non obligatoire, c'est qu'étant laboratoire des
Hautes Etudes, nous sommes tenus de faire annuellement
un rapport à la Sorbonne, dans lequel nous indiquons les
élèves qui ont profité de notre installation : registres, livres,
instruments et collections, et qui y ont fait des recherches
quelconques. Jusqu'à présent, personne ne s'est dérobé à
cette simple et facile formalité.
En second lieu, il dit qu'après l'avoir invité à travailler au
laboratoire, j'ai cyouté que M. Félix Flandinette serait à sa
disposition.- Ici je ne puis m'empêcber de protester énergi-
quement. Tout d'abord il y a M. Manouvrier qui, quotidien-
nement, est prêt à donner à toute personne, élève ou non,
tous les renseignements, toutes les instructions qu'elle peut
désirer ; ensuite M. Ghudzinski, puis moi-même. Chacun a
pu m'entendre répéter que j'étais à l'entière disposition de
tous ceux qui manifesteraient la moindre velléité de s'initier
aux éléments de la craniométrie ou de l'anthropométrie.
Que l'on soit un, deux, trois ou plus, chacun le sait, je ne
regarde ni à mon temps ni à mes occupations, j'entame de
suite une conférence, que je répète jusqu'à ce que les élèves
se déclarent satisfaits. Gela je le fais presque pour le pre«
mier venu me paraissant sérieux, à plus forte raison pour
M. Fauvelle, que j'ai toujours considéré conmie un esprit
laborieux et chercheur, et auquel j'ai répété à plusieurs re-
prises que j'étais à ses ordres. Il doit se souvenir qu'une fois
entre autres, chez lui, j'ai dépensé toute l'éloquence dont
j'étais susceptible pour le convaincre qu'il devait se mettre
DlflOUMIOll 8UH LA CRAMIOMÉTRIE. 667
à rœuvre^ qu'il était déplorable de planer au-dessuB des su-
jets sans commencer par les commencements, que les raison*
nements devaient partir des faits personnellement observés,
qu'il était dangereux de s'élever comme en ballon, et là, de
regarder et de juger à distance, qu'en un mot, avant de parler
de craniométrie, il fallait en faire.
M. Manouvbier. Les nouvelles critiques que vient de nous
présenter M. Fauvelle ne font que confirmer l'opinion que
j'avais d'abord émise sous une forme dubitative, à savoir que
notre confrère est fort mal édifié en matière de craniologie.
Il me sufGra donc, je pense, de répondre à son dernier dis-
cours. J'ai parlé d'erreurs et d'inexactitudes : ce discours en
contient également; elles roulent parfois sur les faits, mais le
plus souvent sur la façon de présenter et d*apprécier ces faits.
c Broca, dit M. Fauvelle, attachait une grande importance
à Tindice céphalique, alors qu'il affectait de jie tenir aucun
compte des éléments qui servent à l'obtenir; il était pour-
tant évident qu'on crâne court pouvait être dolichocé-
phale...,» etc.
Le débutant le plus novice en craniologie sait que Tin-
dice céphalique est le rapport de la largeur du crâne à sa lon-
gueur =z 100, et que, par conséquent, cet indice n'exprime
ni la brièveté ni la longueur des crânes, mais seulement une
forme crânienne plus ou moins allongée ou arrondie. Objecter
à quelqu'un qu'un crâne dolichocéphale peut être court, c'est
tout aussi inutile que d'objecter à un géomètre qu'il y a de
grands et de petits carrés.
J'avoue, au surplus, que le passage auquel je réponds est
de nature à surprendre ceux qui connaissent les travaux de
Broca, et, en particulier, son mémoire Sur la subdivision des
groupes basés sur tindiçe céphalique^ mémoire où sont distin-
gués précisément et dénommés les crânes brachycéphales
par excès de largeur, ou par défaut de longueur (eurycé-
phales et bracbystocéphales], les dolichocéphales par défaut
de largeur ou par excès de longueur (sténocépbales et mégis-
topéphales), etc., etc.
668 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 4887.
Ces distinctions ont donc été faites, et l'on voit comment
Broca affectait de ne point tenir compte des éléments qni
servent à calculer l'indice céphalique. Mais ces distinctions
constituent une question spéciale, en dehors de laquelle Tin-
dice céphalique n*en conserve pas moins la grande valeur
que tout le monde lui attribue avec raison en ethnologie.
Il exprime en effet avec précision des formes crâniennes et
suffit, à lui seul, pour séparer nettement des populations que
Ton a supposé ou que Ton aurait pu supposer être de même
race. Beaucoup de théoriciens à priori ont pu s'en trouver
gênés, mais c'est tant pis pour eux et non tant pis pour l'in-
dice céphalique qui, lui, représente des faits, des caractères
morphologiques. Suffit-il pour caractériser complètement
les différentes races humaines, pour les classer? Eh non I
tout le monde sait cela. S'il en était autrement, on n*aui*ait
pas besoin d'autres indices craniométrîques en ethnologie.
Or, il y en a beaucoup d'autres, et parmi ceux que M. Fau-
velle nous a énumérés, non sans ironie, il en est plusieurs
dont rintérèt anatomique et ethnologique me paraît, à moi,
très grand, n'en déplaise à notre collègue. J'ignore si le
nouvel indice imaginé par lui, si l'indice iniaque sera jugé
digne, quelque jour, de figurer parmi eux, mais il est permis
d'en douter, et l'idée qu'un pareil indice pourrait remplacer
avantageusement l'indice céphalique témoignait, à mon avis,
d'une bien faible expérience craniologique. Je n'ai pas besoin
de combattre ici une conception qui semble être abandonnée
déjà par son auteur lui-même, mais je prendrai la liberté
d'adresser à celui-ci, en échange des conseils qu'il a bien
voulu prodiguer aux craniologistes, le conseil de se défier des
inspirations qui peuvent ainsi lui venir â pnori et lui faire
prendre en dédain les travaux de ses devanciers. Je sais par
expérience combien les idées des débutants leur paraissent
magnifiques. Alors que j'écoutais les leçons et les conseils de
Broca, en avais-je de ces idées supérieures 1 Autant de crânes
examinés, autant de vues lumineuses. Et puis viennent les
recherches infructueuses, les observations décevantes, l'ex-
DISCUSSION SUR LA CRANIOMÉTlUE. 669
périenoe en un mot, si bien qu'an bout du compte on finit
par voir que les découvertes coûtent beaucoup de temps et de
peine, heureux si Ton n'a pas livré à la presse quelques élu-
cubrations trop hâtives. Ainsi se passent les choses, et ce n*est
pas seulement en craniologie.
Tout cela, me dirart-on, n'est pas une réfutation précise
des idées de votre contradicteur. Aussi bien je ne cherche
qu*à montrer llnanité de ses critiques, car, en ce qui con-
cerne ses vues craniométriques, nous sommes trop loin Tun
de Tautre pour pouvoir nous comprendre. 11 cherche, avec
son indice iniaque, a à se mettre à Tabri des vicissitudes cau-
sées à rindice céphaiique par le développement variable des
hémisphères cérébraux ! », et moi ce sont précisément ces vi-
cissitudes qui me paraissent le plus intéressantes. Les hémi-
sphères cérébraux sont bien quelque chose dans un crâne.
Il y a des races humaines qui ont le cerveau arrondi, et d'au-
tres qui ont le cerveau allongé. C'est Tétude du crâne qui
nous a révélé cette curieuse différence, et c'est cette diffé-
rence qu'exprime Tindice céphaiique. Vous trouvez que cet
indice ne vous dit rien sur les dimensions absolues du cer*
veau. Mais il n'est pas destiné à cela. C'est parce qu'il y a
beaucoup de choses à considérer dans un crâne et un cerveau
qu'il y a tant de mesures et d'indices, et par conséquent de
chififres en craniologie.
Oui, il y en a beaucoup. Et cependant M. Fauvelle dit que
« toutes ces mensurations extérieures sont insuffisantes pour
caractériser la conformation crânienne d'une race, et que^
tant qu'on se limitera à ces calculs, on restera dans le
vague ».
Alors il demande « que l'on fasse des coupes et que l'on
décrive avec soin ce qu'elles nous montrent ». Singulier vœu
de la part d'un ennemi de la craniométrie 1 Car enfin, si vous
voulez décrire avec soin et ne pas rester dans le vague, il faudra
bien que vous mesuriez. Et alors, vous ajouterez encore de
nouveaux indices, de nombreux chififres à ceux qui existent
déjà.
670 SÉANCE DU 3 KOVfiMBRB 4887.
Mais on y a déjà songé aYant tous^ mon cher coUègae, à
faire des oonpes verticales et des coupes transTersales. On
a scié des crânes par centaines et 11 voas sera loisible, sans
sortir de notre musée, d'étudier rintérieur de la boîte crâ-
nienne tant que vous le voudrei. Tontefois, les points de
repère internes, et les rapports que tous prenez la peine de
nous signaler, je dois vous dire qu'ils ne nous étaient pas
inconnus ; ce sont là des choses élémentaires. Si même cer-
tains de met propres travaux avaient eu l'honneur d'attirer
votre attention, peut-être y auriez-vous remarqué quelques
résultats se rattachant aux questions que vous eroyez soule-
ver aujourd'hui*
a J'avoue, nous dit encore M. Fauvelle, que, peu encouragé
par ces débuts (il s'agit des siens et de son indice iniaque), je
ne poussai pas très loin l'étude des autres indices... » Il eut
tort en cela, car, outre qu'on ne doit pas considérer comme
inutiles les autres indices parce qu'on en a soi-même imaginé
un mauvais, une étude poussée plus loin n'eût pas manqué
d'accroître sa compétence. Elle lui eût permis de rectifier
son opinion sur la valeur relative de son indice iniaque (qu'il
flatte énormément en disant « qu'il ne vaut guère mieux que
l'indice céphalique ») et sur la valeur des nombreux indices
usités en cranioiogie.
Qu'ont produit ces indices ? s'écrie notre collègue. En pous-
sant plus loin leur étude qu'il a trop négligée, il se con-
vaincra que ces indices avaient tous leur raison d'être et que
tous ont fourni des résultats intéressants^ voire importants,
même au point de vue ethnologique. Bien des gens peuvent
être choqués de voir que la forme de telle ou telle partie du
crâne est semblable chez les Esquimaux et les Néo-Calédo-
niens. Eh! que voulez-vous qu'y fasse la craniométrie? Si les
faits qu'elle vous révèle ne vous conviennent pas, cela les em-
pêchera-t-il d'exister? M. Fauvelle signale, à la vérité, une ré-
forme qui mettrait bon ordre à cette insolence de la craniomé-
trie. Il s'agirait de mesurer, non pas les premiers crânes venus,
mais des crânes choisis, triés sur le volet. A son avis, « eette
DISCUSSION SUR LA CRANIOMÉTRIE. 671
méthode peut seule permettre de flaire de véritables traités
de craniologie ethnique intéressants et intelligibles » . Voilà
encore qui n'est pas noureau^ car c'est précisément cette
méthode^ fort commode en vérité, qui était en faveur lorsque
Broca vint démontrer la nécessité de traiter comme com-
plexes les choses qui le sont, au risque de rendre la science
<i indigeste n, comme Test, paraît-il, la craniologie.'
M. Fauvelle conclut en disant « que les' mathématiques ne
sont pas applicables aux sciences naturelles, et que la tné-
thode descriptive seule leur convient ». Conclusion singu-
lière d'un discours dans lequel bon nombre de mesures et
dlndices, tant anciens que nouveaux, sont presque recom-
mandés et utilisés; où il est dit que l'étude des coupes crâ-
niennes a n'exclut pas l'étude des courbes et des diamètres
qui font naturellement partie de la morphologie du crâne »,
tant il est vrai que, même pour des esprits prévenus, décrire
et mesurer ne sont pas le moins du monde des -méthodes
opposées. Qes chiffres invoqués, ces courbes et ces diamètres
recommandés, tout cela ne fait-il pas partie de « ce fatras
arithmético-géométrique qui, dit en terminant notre hono-
rable confrère, n'est plus de notre siècle » ?Mais il se trompe
encore en ceci, car ce qui n'est plus de notre siècle, c'est la
vieille méthode qu'il recommande, la croyant nouvelle; ce
sont les descriptions à vue de nez.
M. Fauvelle. L'imagination dont M. Topinard me gratifie
si gracieusement, n'est pour rien dans ce que j'ai dit. J'ai
reproduit à peu près textuellement sa réponse; et je la com-
prends parfaitement. Gela se passait il y a au moins deux ans,
et, comme je n'étais guère connu alors, on pouvait ne pas se
gêner avec moi. Quant à la visite d'une heure à laquelle il
vient de faire allusion, c'est une autre affaire. Elle a eu lieu
l'année dernière à pareille époque. M. Topinaid me renou-
vela bien en arrivant ses offres de service, sans parler cette
fois, je le reconnais, de Félix Flandinette; il alla même jus-
qu'à s'excuser de ne pouvoir m'offrir ses ouvrages, les édi-
teurs les lui faisant payer trop cher. Mais ce n'est pas de cela
67S SÉANCE DU 3 NOYBMBRE 1887.
qu*il s'agissait, il se présentait en soUicitenr... Les rfties
étaient changés. Je n'insiste pas par discrétion.
Je répéterai à M. Manouvrier ce que j*ai dit bien des fois :
je ne m'occupe que de la classification des races par la cra-
niométrie; il s'agit d'elle et non de la craniologie. Ensnite
je ne rejette nullement les mesures exactes, mais je ne les
considère que comme le complément d'une description mor-
phologique.
Je n'ai pas passé quinze ans au laboratoire, comme M. Ha<-
nouvrier^ ni un an, comme les savants étrangers dont il vient
de parler; j'ai même refusé d'y entrer, parce que je pensais,
à tort paraît-il, que toutes les mensurations publiées pou*
valent servir de base à une étude sérieuse. Cependant je crois
avoir montré que je m'étais suffisamment occupé du sujet en
question pour espérer être autorisé à en parler. Si malgré
cela je n'ai rien compris à la craniométrie, je prie instam-
ment les collègues désintéressés qui m'écoutent et qui ont
été plus heureux que moi, de m'indiquer dans quel sens j'ai
fait fausse route; je reprendrai alors mon travail et je recon-
naîtrai mon erreur, s'il y a lieu.
J'avoue que, sur la parole du maître, j'avais cru au bien
fondé de la méthode, mais un examen approfondi m'a dé-
montré que je m'étais fait illusion ; si j'élève aujourd'hui la
voix, c'est pour éviter à d'autres la même déception. Du reste,
les zélés de la première heure ont; eux aussi, abandonné la
partie, préférant faire autre chose. — Us sont morts, dites-
vous. — Non; fort heureusement le plus grand nombre vit
encore pour le plus grand bien de l'anthropologie.
Quoi que vous pensiez, mon cher collègue, j'ai lu tous vos
travaux, même je crois avoir constaté que la craniométrie
des races humaines y tient fort peu de place, et ce que je dis
là n'est pas une critique. Certes, je n'ai pas étudié comme
vous les centaines de volumes que l'on a écrits sur ce sujet,
tant en France qu'à l'étranger ; mais je crois pouvoir affirmer
qu'aucune application sérieuse de la méthode n'a été faite à
l'ethnologie ni même h l'ethnographie, et qu'il serait impos-
DISCUSSION son LA CRANlOMiTtUE. 673
sible de citer un mémoire dans lequel un groupe ethnique
quelconque ait été décrit et caractérisé craniométriquement.
Yous dites que, lorsqu'on se fait une idée bien nette des
indices, on se rend compte immédiatement de ce qu'ils re-
présentent. Soit. J'ai relevé patiemment toutes les mesures
craniométriques relatives aux types les mieux connus. Voici
les moyennes fournies par l'un d'eux :
Angle alvéolo-souB-nasal 69*,9
— maxillaire de Camper i53%8
— maDdibuiaire v. 111*
— symphyaien 8S«*
— pariétal + 20«,3
— orbito-oooipital — 7«,4
— occipital de Daubeo ton + 7o,88
— sphénoldal , 140o,4
Projection horizontale antérieure 52>»>»,i
Profondeur orbitaire 5B""»,6
Indice palatin 68,6
~* nasal 52
— orbitaire 80,6
— facial 48,5
— stéphanique 86,5
— frontal minimum 115,5
~ oéphalique 71,7
— cubique 1,15
Capacité cr&nienne (Broca) 1460^
Avec ces dix-neuf éléments qui sont pour vous pleins d'élo*
quence, pouvez-vous me dire de quel type il s'agit ? — Non.
— Cependant vous le diagnostiqueriez à distance; moi-
même, malgré mon incompétence, je le reconnaîtrais peut*
être à première vue. C'est tout simplement le type néo-oalé-
donien.Yous voyez bien que votre méthode n'est pas pratique
et que sa prétendue précision est un leurre. Une bonne des-
cription morphologique ferait bien mieux notre affaire.
M. TopiNARO. M. Fauvelle semble réellement croire que
nous ne faisons que de la craniométrie, que des mensura-
tions. Il se fait Técho de cette idée bourgeoise : qu'être an-
thropologiste, c'est être craniométriste, passez-moi ce nom,
je ne veux pas dire craniologiste.
T. X (8« SÂRIB). 43
6T4 , s^AirflB DU 8 kovbmbrb 1887.
C'est une grosBo erreur. Nous faisons autant de descriptif
que de mensurations, et celles-oi ne sont destinées qu'à com-
pléter le premier. Les mensurations ne sont qu'un petit côté
de Tanthropologie^ un moyen d'étude, une façon d'exprimer
en chiffres précis ce que le langage rend d'tine manière
vague et variable avec le sentiment de chacun* une façon de
rendre rigoureusement ce que les jeux Toîent, un moyen de
contrôle.
Voilà dix ans pour ma part que je ne cesse d'attirer Tat-
tention Sur les descriptions, soit du vivant, soit du crâne, et
de répéter que les mensurations n'en sont que le complément,
qu'elles ne doivent pas faire négliger le descriptif, et qu'à côté
de la craniométrie il y a la cranlologîe et même la cranio-
scopie (non dans le sens que Gall donnait à ce mot).
Je vous citerai parmi mes travaux ft ce sujet : mes deux
mémoires sur la Méthode d'observation sur le vivant sans le
secours d'instruments, écrits à la suite de mon voyage en
Algérie ; mémoire que plusieurs de nos collègues ici considé-
rèrent comme un abandon des principes de Broca. Puis mes
Eléments d'anthropologie générale ^ dans, lesquels je consacre
de nombreux chapitres et de nombreuses figures au descrip-
tif. Puis mes Instructions aux voyageurs^ dans lesquelles je
donne une plus grande part aux caractères descriptifs qu'aux
mensurations. Puis un mémoire récent sur une série de
crânes kirghis^ dans lequel je montre que le but de tout
craniologiste est de déterminer moins le crâne moyen que le
type général, et expose comment doivent se faire les des^
oriptions et appréciations par le secours de la vue seule.
Enfin deux communications récentes ici, à propos des types
crâniens dont M. de Hdlder nous a envoyé les moulages.
M. Makouvrier. m. Fauvelle vient de nous dire quelque
chose qui me fait désespérer de plus en plus de m'entendre
avec lui, car nous ne sommes même pas d'accord, je crois,
sur la signification des termes les plus essentiels et les plus
généiaux de la science dont il s'agit. « Je ne m'occupe, diMl^
que de la classiûcation des races par la craniométrie | il s'agit
DISCUSSION SUR LA GRANIOMÉTaiE. 675
d'elle et non de la craniologie,'» Or, la craniométrie étant un
procédé d*étude considéré jusqu'à présent par tous les cra-
niologistes comme indispensable à la craniologie, autant que
la dissection à Tétude des muscle^ et l'anthropométrie à l'é-
tude des proportions du corps humaini je ne yois pas que Ton
puisse discuter sur la cranioméUie et sa valeur sans qu*il
s'agisse par là même de craniologie. Ce n'est pas la cranio-
métrie, c'est l'ethnologie qui classe les races et elle se sert
pour cela» avec plus ou moins de suboès, de données crànio-
logiques obtenues par la craniométrie, c'est-à-dire de oarao*
tères décrits avec précision et dont l'utilité, la signification,
l'interprétation sont essentiellement des questions de cranio-
logie pure. Cette discussion est donc une discussion craniolo-
gique au premier chef.
M. Fauvelle, donc, s'attaque à la valeur des données obte-
nues par la craniométrie comme éléments de classification.
Il nous a manifesté, en eETet, son mécontentement de voir que
les Esquimaux, les Néo-Galédoniens, etc,, sont les uns
comme les autres dolichocéphales — et il s'en prend à l'in-
dice céphalique, comme si cet indice faisait autre chose que
d'exprimer avec précision le fait indénicd)le do cette simili-
tude entre deux races qui ne sont pas forcées, je suppose,
d'être différentes en tout.
Notre confrère admet les mesures exactes, mais il ne les
considère que comme le complément d'une description mor-
phologique. Je serais curieux de voir une description mor-
phologique d'un crâne sans ce complément. Elle ressem-
blerait assez aux signalements usités dans les permis de
chasse : visage ovale, menton rond, bouche moyenne, etc.,
et ne gênerait certes pas beaucoup les ethnologistes en
chambre. Aussi M. Fauvelle admet-il les mesures à titre de
complément. Il faudra faire alors deux descriptions au lieu
d'une et dire, par exemple : crâne grand (1580 centimètres
cubes), de forme allongée (indice céphalique = 71), à front
étroit (frontal minimum := 90), à moins que vous ne vous con-
tentiez de mesurer sans indiquer les chiffres obtenus, et alors
876 BÉANCÉ D0 3 NOVEMBRE 1887.
VOUS n*aurez qu'une liste d*adjectifs sans précision, c'est<^
à-dire sans valeur scientifique. Ou bien vous contenterei-vous
de mettre des chiffres sans adjectifs ? C'est ce qu'on fait très
souvent, et cela suffit, sans que Ton puisse reprocher aux
descriptions chifl'rées le défaut de clarté.
Si une capacité crânienne de i 580 on 1 600 centimètres
cubes ne représente pas à votre esprit un grand crâne, un
frontal minimum de 90 millimètres un front étroit, et un
jndice céphalique de 71 millimètres un crâne de forme allon*
gée, alors c'est que vous manquez complètement, permettez-
mei de vous le dire, d'expérience craniologique, car ces
chiffres sont clairs pour quiconque a étudié, ne fût-ce que
pendant quelques semaines, les éléments de la craniologie
et mesuré lui-même quelques crânes. Or, ce n'est pas seule-
ment en matière de craniologie, mon cher collègue, qu'une
préparation plus ou moins longue et des exercices de labo-
ratoire sont indispensables à quiconque veut faire des re*
cherches ou interpréter les données acquises par d'autres à
la science. Je sais que la craniologie n'a été que trop consi-
dérée, à ses débuts, comme un terrain banal accessible à
tout le monde, et si l'on a commencé à s'apercevoir qu'il en
est de la craniologie conmie de la chimie ou de la physio-
logie, etc., ce n'est pas malheureux. Parmi les zélés de la
première heure, dites-vous, on compte beaucoup de disparus ;
et ces disparus ne sont pas tous morts en effet. Qu'est-ce
que cela prouve contre la craniométrie ? Peut-être que ce
n'est pas un métier suffisamment lucratif et récréatif. Mais
ne croyez pas que la craniométrie soit abandoimée pour
cela, car on en fait de plus en plus, en France et à l'étran-
ger. Quant à votre assertion relative à l'absence d'applica-
tions de la craniométrie à Tethnologie a et même à l'ethno-
graphie » ,je ne puis me l'expliquer qu'en songeant que vous
n'avez pas étudié, ainsi que vous venez de nous l'avouer, les
centaines de volumes que Ton a écrits sur ce sujet.
Mais, je le répète, comment pourrais-je m'entendre avec
M. Fauvelle en matière de craniologie? Ne croit-il pas qu'on
DISCUSSION SUR LA CRANIOMéTRIB. 677
mesure des crânes afin de reconnaître les types au moyen
des chiffres obtenus I J'avoue que ce but de la craniométrie
m'avait échappé. Il ne faudrait, cependant, pourPatteindre,
qu'une mémoire prodigieuse ou bien une table dichotomique
analogue à celles qui servent aux herborisations — tandis que
la reconnaissance d'un type crânien au moyen d'adjectifs et
d'adverbes comme dans les descriptions non chiffrées serait
un tour de force bien plus prodigieux. J'accorde donc qu'au
point de vue du diagnostic^ la craniométrie est loin de valoir,
si ce n'est peut-être pour celui qui Ta beaucoup» pratiquée, le
coup d'oeil d'un ignare gardien de musée qui aurait passé dix
ou vingt ans à ranger et déranger des crânes. Mais la cranio-
métrie a d'autres buts, croyez-le bien. Elle vous donne les
résultats d'une analyse qui, pour avoir abouti à des chiffres,
n'en est pas moins utile pour cela. Vous demandez une
bonne description morphologique ; je vous l'ai dit, je n'en
connais pas de bonne sans précision, c'est-à-dire sans chif-
fres, car ici le coup d'œil a beau être exercé, il n'a pas de
valeur scientifique. Vous me direz par exemple que tel crâne
.est grand, ou passablement grand, ou de grandeur médiocre.
J'aime à croire que vous n'avancerez pas cela sans avoir
mesuré autrement qu'à vue de nez. Et alors pourquoi ne pas
me dire tout de suite que la capacité de ce crâne est de
i 400 centimètres cubes ? En m'aidant au besoin d'un regis-
tre, je pourrai ainsi faire des comparaisons précises entre
des individus, des catégories d'individus, des peuples et des
races; avec des données vagues et obtenues à vue de nez,
vous ne ferez rien de bon.*Les bonnes descriptions morpho-
logiques que vous demandez, c'est la craniométrie qui vous
les donne, et il n'y a qu'elle qui puisse vous les donner.
M. Sanson. Je n'avais pas l'intention d'intervenir dans la
controverse que la Société vient d'entendre sur la cranio-
métrie, mais je ne puis me dispenser de faire remarquer que
nous assistons à de singuliers procédés de discussion. Aux
critiques formulées par M. Fauvelle on répond simplement
en contestant sa compétence sur l'art de mesurer les crânes.
61i SÉAlfGB DU 3 NOVEMBRB 1887.
Ce n'est pas là un argument. Si notre collègne est réeUement
incompétent sur le sujet en question, il ne doit pas 6tre très
diffloile à vous, très compétents, de le montrer. Disentez les
faits qu'il oppose à votre méthode et faites-nous voir qu'ils
sont sans valeur. Cela sera infiniment plus probant.
Bn somme, le thème de la discussion est tellement simple
et facile à formuler, qu'il ne devrait point vous falloir de
longues méditations pour Taborder. De quoi s'agit-ii? M. Faa-
velle soutient que la méthode craniométrique fondée sur
remploi des indices moyens, des sinus des angles, etc., n'a
conduit et ne pouvait conduire à aucun résultat satisfaisant
pour la détermination des types naturels de race. Il soutient
que seule la morphologie crânienne ouTanatomie descriptive
du crâne osseux est capable de faire connaître ces types.
Voilà Tobjet du débat. Et c'est ce que nous voudrions vous
voir réfuter avec des preuves acceptables pour tout le monde.
Vous dites et répétez que votre méthode a l'avantage de
la précision, parce que vous exprimez le résultat de vos
recherches en chiflfres. Est-ce que, par exemple, vous con-
cluez que deux crânes ne sont point de même race parce que
Tun a un indice céphalique de 75 et l'autre de 78 ? Dans ce
qu'on appelle les sciences naturelles, rien ne me paraît plus
à redouter que cette apparente précision, dont les Allemands
abusent plus que personne. Dans les recherches de physio-
logie spéciale relatives à ralimentation des animaux, notann
ment, ils poussent les résultats de leurs analyses jusqu'à la
quatrième décimale, alors que nous pouvons à peine répondre
de la première. Pour mon compte même, quand les résultats
que j'obtiens ne diffèrent que par cette première décimale,
je les tiens pour semblables. Les phénomènes des êtres vivants
ne comportent point, soyez- en bien convaincus, cette pré-
cision rigoureuse qui vous fait illusion. Et encore, pour
comble, vous opérez sur des moyennes, c'est-à-dire sur ce
qu'il y a de plus abstrait, tandis que rien n'est plus concret
qu'un type morphologique. C'est quelque chose qui se voit et
qui se touche.
DISCUSSION 8UB U CBAmOllÉTfUB. VI9
Bn vain ooniostaE-Yous que dans votre laboratoire la ora^
uiométrie par indices a été substituée à la orauiologie mor-
phologique. Nous, les ancieus membres de la Société, uous
avons assisté à la substitution, Et nous avons vu ainsi Tobsou-
rite et la confusion se foire de plus en plus dans les questions
anthropologiques. Il fallait voir comme étaient reçues les
observations des quelques artistes statuaires qui étaient alors
nos collègues. Ils s*en sont allés l'un après Tautre et je sais
bien pourquoi, car ils me rpnt dit. On leur a fait clairement
sentir que le sentiment et le coup d'oeil artistiques, qui font
voir juste dans la distinction des types, n'avaient rien dQ
commun avec la science craniologique. Je n'hésite pas à pro*
clamer que j'ai toujours été d'un avis tout différent et que^
dans mes propres études sur les types naturels d'animaui
domestiques^ il m'est arrivé souvent de soumettre mes
diagnoses au contrôle de mes voisins et amisBeoquet, Gabeti
Caillé, Oliva, tous statuaires éminents, ayant conséquemment
au plus haut degré la vision claire des formes distinctes»
C'est de cela qu'il s'agit en oraniologie et pas d'autre chose*
En s'écartant de plus en plus de la notion arohiteoturale do
crâne type de chaque race pour accumuler, è^. l'aide d'un
arsenal d'instruments compliqués^ des mesures de diamètrei
et d'angles pratiquées sur des séries, des indices et des angles
moyens qui ne sont que des abstractions et ne permettent
point de passer du nombre h la forme, je dis qu'on a engagé
ranthropologie dans une voie qui Ta éloignée chaque jour
davantage de la connaissance des races. Or, cette connais-
sance est son premier objet. Notre Société a été fondée
expressément pour y arriver, comme le dit l'article J*' de ses
statuts. Toute étude scientifique des races humaines doit oom*'
mencer par leur détermination. Il faut bien distinguer et
classer d'abord les choses que Ton veut étudier à fond.
On procède ainsi dans toutes les sciences naturelles. Les
hommes, quelque idée qu'on s'en fasse, sont avant tout des
objets d'histoire naturelle.
Il est vrai que M. Topinard, dans un mémoire spécial, a
680 fifANGE DU 3 NOTEKBRE 1887.
entrepris de nous démontrer qn'îl n'y a point on qn*îl n'y a
plus de races humaines. Mais son argumentation, je Tavone,
ne m'a point convaincu Elle n'était, en vérité, guère faite
pour convaincre, et il y a exposé une singulière notion de la
race. Du reste, on a pu le remarquer ici plusieurs fois, notre
collègue a une tendance à croire que Tantbropologie doit
être envisagée tout à fait en dehors de la zoologie générale.
Il se trompe évidemment. Dans les populations humaines il
y a des types naturels comme dans toutes les autres popula-
tions animales, et ces types sont ceux des races. Nous repro-
chons précisément à la méthode craniométrique instituée
par Broca dé n'avoir pas encore conduit, malgré tant de tra-
vaux, d'ailleurs estimables, à les déterminer. Depuis vingt-
cinq ans je demande à tous les anthropologistes de ma con-
naissance de vouloir bien me dire à quelle race j'appartiens.
Aucun n'a encore pu me donner satisfaction. On m'a bien
fait connaître mon indice céphalique, mais ce n'est pas lace
qui m'intéresse. Je suis certainement issu d'une seule race,
ou de deux, ou de plusieurs. Si vous connaissiez leurs carac-
tères typiques ou spécifiques, vous les retrouveriez chez moi
comme nous les retrouvons chez nos animaux. Vous vous
déclarez impuissants à me satisfaire. Donc, comme il n'est
pas possible de l'attribuer à votre incapacité personnelle,
nous sommes -en droit de conclure que c'est la faute de la
méthode que vous suivez, laquelle embrouille de plus en plus
le sujet au lieu de l'éclaircir.
Nous ne nous élevons pas, veuillez bien le remarquer,
contre l'emploi des instruments métriques dans les recher-
ches craniologîques. Ce serait enfantin. Quand je veux faire
savoir, par exemple, que tel crâne a les os du nez plus larges
que ceux de tel autre, il n'y a point de meilleure façon de
l'exprimer que celle qui consiste à donner les deux largeurs
en centimètres ou millimètres. C'est là de la véritable préci-
sion dans l'expression des faits. Ce que je conteste absolu-
ment, pour ma part, c'est que les dimensions d'ensemble,
les dimensions moyennes et les indices usités en craniomé-
DISCUSSION SUR LA CRANIOMÉTRIE. 681
trie aient Ta moindre valeur caractéristique. Et la meilleure
preuve qu'on n'en peut rien tirer d'utile se trouve dans la
stérilité évidente, au point de vue de la caractéristique des
races, des résultats qui en ont été obtenus. Le peu qu'on sait,
au sujet de cette caractéristique, on le doit à la comparaison
des firmes d'après les pièces naturelles ou d'après des pho-
tographies ou des dessins exacts, on le doit, en un mot, aux
études morphologiques, non pas du tout aux recherches cra-
niométriques.
Voilà ce que l'attitude prise dans la discussion par nos col-
lègues du Laboratoire d'anthropologie m'a obligé à dire,
contrairement à ma première intention. J'aurais préféré m'en
tenir à l'exposé que j'ai fait, dans une de nos dernières
séances, de la méthode suivie en craniologie zootechnique
ou expérimentale, en la soumettant aux méditations des
anthropologistes. Du moment qu'on faisait intervenir les
questions de compétence, je ne pouvais décidément plus me
taire, car on eût été autorisé à prendre mon silence pour un
acquiescement.
M. TopiNARD. Mon observation s'écarte de la discussion.
Mais M. Sanson vient de donner, comme preuve de notre
peu de progrès en anthropologie, que jamais oh n'a pu lui
apprendre à quelle race il appartenait et — sur mon excla-
mation que c'est parce qu'il se fait une idée fausse de la race,
que la race chez l'homme est d'une nature abstraite et ne se
présente pas chez nous comme chez les animaux — que
l'homme ne différait pas sous ce rapport des animaux.
A cela je lui répondrai cpie je ne m'étonne pas de cette
dissidence entre nous, que nous sommes à deux portes
opposées.
Oui, chez les animaux domestiques, les seuls dont je veuille
parler en ce moment, la race ne se présente pas comme chez
l'homme. Chez eux, on sait quand elle commence, grâce à
quelle union connue; on enregistre les alliances qui suivent.
On sait les conditions de milieu qui en ont aidé le dévelop-
pement, les générations successives se ressemblent, la race
en BiàMGB DU 3 NoywPBi 1886,
est flxée, consolidéd, conforme dang la mesure de sa dorée
comme dans les plantes de M. Vilmorin.
Chez rhomme il en est tout autrement, les alliances sont
absolument laissées au hasard, nous n'enregistrons pas les
provenances des individus qui viennent s'ajouter & chaque
génération ; on, ressemble à son pore on à son grand-père ;
mais plus loin, des ressemblances remontant à huit généra*»
tions sont des cas qu'on cite ; les milieux, le genre de vie,
tout est laissé au hasard. L'origine de la race nous est entiè-
rement inconnue, elle se perd dans la nuit des temps, dans
l'inûnité des croisements de toutes sortes qui ont concouru à
former la lignée dont nous ne voyons que les derniers
anneaux, La race n'existe en somme que dans notre esprit,
c'est une notion abstraite, celle d'un type physique, celle
d'un ensemble de caractères se continuant de génération en
génération; elle se décompose en deux idées : celle de res-
semblance et celle de filiation de cette ressemblance. Mais
jamais laressemblance n'est complète, la filiation, suivie. Dans
chacun de nous entre une part quelconque de tout ce qui est
entré précédemment dans notre géuéalogie. Dans chacun de
nous, plusieurs races s'associent, l'une donnant un caractère,
l'autre un second caractère, une autre un troisième. Voilà
pourquoi il est impossible de dire à quelle race appartient
M. Sanson ; il y a en lui, comme dans chacun de nous, un peu
de plusieurs ;*aces. Ce n'est pas en Europe seulement qu'il en
est ainsi. Partout il y a mélange. Ce n'est donc qu'avec notre
esprit que nous pouvons suivre, dans nos généalogies com-
plexes, ce qui constitue la race, c'est-à-dire la continuité,
dans le temps, d'un même type, qui lui-même n'est acces-
sible que par une opération de l'esprit.
M, Manouvrier. Je répondrai d'abord à M, Sanson que son
intervention était au moins inopportune en ce qui concerne
la façon dont j'ai cru devoir répliquer aux conseils donnés
par M. Fauvelle aux craniologistes.
En pareille matière, le soupçon d'incompétence que j'ai
exprimé aveo des précautions très atténuantes n'avait rieo
DUGUSIIOll BUR LA CRAHIOMÉTRIfl. 683
de plus offensant que le jugement anqnel j'avais à répondre
comme oraniologiste, d'autant plus qu'on ne saurait être com«
pètent en toutes choses. En outre, il est fort inexact de dire
que là s*est bornée la réponse faite à M. FauTcUe. Si j*ai
demandé tout d'abord nn ajournement de la discussion, j'ai
eu soin de dire que c'était dans Tunique but de répondre à
un écrit et non à des paroles peut-être mal entendues ou
comprises. C'est une singulière illusion que d'attribuer cette
demande à l'embarras ou à un défaut de préparation, d'au-
tant plus que la réponse a été faite, et assez longuement,
semble-t-il La réponse à M. Sanson ne sera pas plus embar*
rassante, puisqu'il adopte, en les reproduisant, les principales
critiques de M. Fauvelle.
Oui, la cranioraôtrie apporte à la craniologie de la préci-
sion, et une précision réelle. On parle de crânes ayant des
indices céphaliques de 75 et de 78, et l'on dit que cette diffé-
rence ne permet pas de conclure à une différence de race.
Sans doute, puisque les variations de la forme du crâne dans
une môme race peuvent ôtre plus étendues, notion due, soit
dit en passant, à la oraniométrie.
Une telle différence, cependant, mérite parfois d'être prise
en considération plus qu'on ne paraît le croire. Mais fût-elle
négligeable dans tous les cas, encore faut-il savoir à quoi s'en
tenir sur sa valeur absolue et relative. Or c'est encore la
craniométrie qui nous l'apprend, et c'est elle qui nous évi-
tera de raisonner sur des différences évaluées à l'œil, au jugé,
moyens d'évaluation commodes pour les faiseurs de théories,
mais un peu discrédités en matière scientifique.
Gomme vous, je ne pousse pas l'amour de la précision dans
les mesures jusqu'à la quatrième décimale; on ne dépasse
pas la deuxième, d'ailleurs, en craniométrie, encore n'est-ce
que pour être sûr de la première. J'accorde qu'il y a beau-
coup de cas où il serait naïf de s'appuyer sur cette première,
voire même sur une unité ; cela dépend de la chose mesurée
et du degré de précision que comporte sa mesure, mais, en
tout oas, je préfère un excès] de précision négligeable à une
6M SÉAHCE DU 3 NOVEMBRE 1887.
évaluation fantaisiste, parce que je sais par expérience que^
même avec un coup d'œil exercé, on peut commettre les
erreurs les plus grossières et les plus graves.
Le comble, dit M. Sanson, c'est que les craniologistes
opèrent sur des moyennes I Si c'esl un comble, il faut avouer
qu'il n'est pas atteint par les craniologistes seuls, car c'est
d'un bout à l'autre de l'anatomie et de la physiologie que
Ton a recours aux moyennes, ce qui n'entraîne nullement le
mépris des cas individuels. De ce que l'étude des êtres vivants
ne comporte pas autant de précision que la physique ou la
mécanique, ce n'est pas une raison pour négliger la précision
alors qu'elle est possible, et pour attribuer par exemple à un
crâne une longueur de 180 millimètres, alors que cette lon-
gueur, qui peut être mesurée facilement à I millimètre près,
est seulement de 175 ou 170 millimètres.
Une moyenne, dit M. Sanson, est tout ce qu'il y a de plus
abstrait, tandis que rien n'est plus concret qu'un type mor-
phologique. Il est vrai que l'on donne au mot type des accep-
tions très diverses, mais je crois avoir le droit, à mon tour,
de dire qu'un type morphologique est, au contraire, une
abstraction, à tel point qu'il ne peut être représenté, souvent,
que par une moyenne ou une série de moyennes.
Il peut arriver qu'un type morphologique puisse être repré-
senté plus ou moins complètement (comme une moyenne)
par un individu ou un cas. Dans une espèce dont tous les
individus se ressembleraient, la chose serait facile, mais dans
l'espèce humaine et surtout chez certains groupes humains,
il est plus facile d'abstraire un type bien ou mal défini que
de palper un individu parfaitement typique.
C'est précisément parce que l'espèce humaine et les races
qui la composent sont constituées beaucoup moins simple-
ment qu'on ne le supposait, que vous avez vu, comme vous le
dites, l'obscurité se faire de plus en plus dans les questions
anthropologiques. Des questions que l'on considérait comme
simples et faciles se sont trouvées^ quand on a voulu y regarder
de près, très complexes et très difficiles. Là où on croyait voir
DISCUSSION Sim LA CRANIOMÉTRIE. ' 685
clair, on s'aperçoit aujourd'hui qu'on ne voyait pas. De très
gros problèmes, vingt fois résolus en apparence, finiront
peut-être par être considérés comme insolubles. D'autres ont
changé de face complètement.
Si Tethnologie est plongée dans l'obscurité, on ne peut que
le regretter, mais ce qui n'est pas regrettable et ce qui con-
stitue un grand progrès, c'est de connaître des difficultés qui,
alors qu'on ne s'en rendait pas compte, n'en existaient pas
moins. Si Ton attribue ce progrès à la prétendue « substitu-
tion de la craniométrie à la craniologie morphologique d , on
rend à la craniométrie un hommage qu'elle ne mérite certes
pas exclusivement.
Mais qu'est-ce que cette substitution dont parlent MM. Pau-
velle et Sanson? La craniologie morphologique, peu précise à
ses débuts, Test devenue graduellement, grâce à Broca sur-
tout, grâce aux perfectionnements de la craniométrie. Est-ce
là un amoindrissement ? La craniologie morphologique est
une branche de Tanatomie ; la craniométrie n'est qu'une
méthode d'investigation; comment, peut-on dire que la mé-
thode a été substituée à la science? La seule substitution qui
ait eu lieu, si tant est qu'il y ait eu substitution, c'est celle
de l'observation précise et scientifique à l'observation artis-
tique.
Et voilà la raison pour laquelle sont partis les artistes. Ce
sont sans doute les craniologistes disparus auxquels faisait
allusion trop vaguement M. Pauvelle. Certes, notre Société
doit regretter ces peintres ou sculpteurs distingués, mais
qu'y faire ? La craniologie, comme le reste del'anatomie, n'est
ni de la sculpture ni de la peinture, et si des artistes ont fini
par s'apercevoir que l'art et la science sont deux choses dif-
férentes, quant à leur but, quant à leur méthode et à leurs
procédés, ces artistes ont vu juste. Je me souviens, comme
M. Sanson, de certaines discussions dans lesquelles Broca fut
peu tendre en effet à l'égard des assertions craniologiques
qui avaient le tort de n'être basées que sur le coup d'œil ou
le sentiment vague de formes interprétées quelque peu meta-
686 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1887.
physiquement. C'étaient des assertions complètement fausses,
et lacraniométrie avait l'honneur de le démontrer d'une façon
si péremptoire que la démonstration put être parfois blessante.
J*arrive au grand reproche que M. Sanson adresse, en se
résumant, à la oraniométrie. Aucun anthropologiste n'a pu
dire à notre savant collège, depuis vingt-cinq ans qu'il le
demande, à quelle race il appartient.
Je crains bien qu'il n'obtienne jamais dé réponse sur ce
point, car il est probablement issu, comme la plupart d'entre
nous, de plusieurs races différentes et non d'une seule. Or la
craniométrie présente précisément ce grand avantage sur les
procédés sans précision : c'est de caractériser les individus,
comme les races, tels qu'ils sont, et non tels que l'on vou-
drait qu'ils fussent en vertu d'idées préconçues. Les mesures,
les indices craniométriques représentent avec précision des
dimensions, des formes réelles. Si ces dimensions et ces
formes constituent des caractères conmiuns à plusieurs races,
si les caractères ethniques se mêlent et s'entrecroisent, la
craniométrie n'en est pas cause ; elle ne peut évidemment pas
caractériser des crânes qui n'ont aucun caractère craniolo-
gique particulier. Mais si un tel caractère existe et qu'il soit
mesurable, elle l'exprimera avec précision et vous serez
obligé d'avoir recours à elle si vous voulez l'exprimer ainsi,
eussiez-vous la meilleure des photographies, le meilleur
dessin, eussiez-vous l'original lui-iùôme sous les yeux. Le
but de la craniologie, c'est la description, l'analyse, l'inter-
prétation.
Voici un crâne ou une série de crânes dont vous ne con-
naissez que l'origine. Ce sont des matériaux à étudier. Avec
la protographie vous les représentez, mais vous ne les étu-
diez pas, vous ne les décrivez même pas. Une description
suppose une analyse, et ce sont les éléments morphologiques
fournis par cette analyse que la craniométrie exprime et
permet de comparer scientifiquement. Qu'il s'agisse de cra-
niologie pure ou de craniologie ethnologique, vous ne ferez
rien de scientifique sans la craniométrie.
GAILLARD. *^ TUMULd8 DE KBRLB6CAN. 687
La oraniométrie, au gnrplus, ne s'est substituée nia la pho-
tographie ni au dessin dans l'étude du crâne. Ce sont là
autant de procédés de précision qui sont usités concurrem-
ment et chacun à sa place, car ils ne se remplacent pas mu-
tuellement. 8i la craniométrie ne différencie pas suffisam-
ment les races humaines, ce n*est pas à elle, mais au crâne
et aux races qu'il faut le reprocher. Et d'ailleurs, les carac-
tères craniométriques ne sont-ils pas ceux qui ont le plus
puissamment aidé à différencier les, races humaines depuis
que Ton ne se contente plus de compter quatre races d'après
la couleur de la peau? On fait intervenir aujourd'hui, des
caractères multiples pour déterminer une race, car on sait
que ni la taille, ni la couleur^ ni la forme des cheveux, ni le
langage ne suffisent isolément, et l'ethnologie doit à la cra-
niométrie une foule de données des plus utiles qui n'ont pas
peu contribué à renverser les théories trop hâtives. « Il faut
bien distinguer et classer d'abord les choses que l'on veut
étudier & fond, dit M. Sanson. » Je réponds que si l'on veut
classer les races humaines, il n'est pas mauvais non plus de
les étudier préalablement et de les étudier avec précision ;
or, en ce qui concerne les crânes, cela n'est possible qu'au
moyen de la craniométrie.
M. Denikbr. le veux ajouter seulement deux mots à ce qu'a
dit M. Manouvrier au sujet des artistes. Eux aussi se servent
des moyennes, bien que sans le savoir et sans précision.
Quand ils disent peu» exemple que telle dimension de la tête
est contenue tant de fois dans telle autre, ils ne font qu'ex-
primer une proportion moyenne ou typique.
COUMIJMCATIOAS.
Du lamnlns de Kerlesean * Camaet de son aeqnisitlon
et de sa restauration t
PAR M. GAHJLARD (dE PLOUHARNBl).
(Lue par M. Hervé.)
Dans la dernière quinzaine de septembre, comme je me
trouvais dans les alignements de Kerlescan, à Garnac, con-
688 8ÉA1CCB DU 3 NOVEMBRE 1887.
tiûuant les études que j*y ai commencées, j*eas occasion
d'aller voir le tumulus qui se trouve au nord de ces aligne-
ments. Ce monument avait, depuis fort longtemps, attiré
mon attention sur sa configuration, et je m'étais proposé de
l'explorer quand Taffreuse végétation de ronces et d'ajoncs^
qui le recouvrait, aurait été enlevée.
Je trouvai Tintérieur du dolmen et la galerie déblayés ; les
déblais, qui avaient été obtenus à grands coups de bêche,
étaient encore à l'entrée de la tranchée latérale d'ouverture.
Je m'informai de ceci auprès des ouvriers dans les aligne-
ments, et j'appris seulement alors que l'État avait acquis ce
dolmen. De plus amples détails ne m'ayant pas été fournis^ je
crus que le tumulus tout entier avait été acheté, et ma con-
viction se Ût probablement par ce que je savais, c'est-à-dire
que l'importance du monument était tout entière dans le
tumulus et non dans le dolmen ruiné qu'il contient.
Le dolmen de Kerlescan a déjà été décrit en 1860, par
M. de Villeraeureuil* ; son rapporta la Société polymathique
reproduit le plan et les coupes du dolmen; il en résulte
qu'on peut aujourd'hui se rendre compte de la destruction
accomplie depuis. Le plan de 1860 donne au côté nord du
dolmen 11 menhirs supports debout et 1 renversé, au total 12;
au côté sud, 11 debout. Les deux côtés de la galerie, entre
les chambres est et ouest, se composaient donc dé 2i menhirs
debout et 1 renversé ; en outre, le menhir du fond du dolmen,
à Test, y existait aussi debout. Actuellement, nous n'y
retrouvons au côté nord que 6 menhirs, et au côté sud 1, au
total 7. Il a donc été détruit 17 menhirs supports, y compris
celui du fond à l'est.
Mais ce qui donnait le plus de valeur à ce dolmen, c'étaient
deux ouvertures pratiquées chacune entre deux pierres jux-
taposées ; d'abord, au milieu de la galerie et transversale-
ment en séparant les deux dolmens, puis^ au côté sud et vers
le milieu de la galerie du dolmen, à l'est. Ces pierres,
^ Bulletin 4e la Société polymathique, 18<)0, p. 13.
GAILLARD. — TUMULU8 DB KERLE8CAN.
comme les autres, ont aujourd'hui malheureusement dis-
paru ; les habitants affirment que tous ces matériaux furent
employés à la restauration du moulin à eau du Laz. On ne
se rendra jamais compte des actes nombreux de vandalisme
et de destruction qu'ont amenés les constructions des moulins
dans ce pays.
Il ne reste donc, actuellement, que le souvenir de ces
pierres de fermeture et les coupes qu'en a fournies M. de
Villemeureuil.
yauteur^ dans son appréciation, émet des conclusions qui
ne peuvent s'admettre. Ainsi, partant de ce fait que le dolmen
à Touest n'a pas de menhir support d'un côté de la chambre
et que la table repose sur le galgal, tout en constatant qu'elle
a glissé en ce sens, de façon à ne porter qu'en partie sur les
autres supports, comme il existe une cavité pénétrant dans
cette chambre par le fond et à travers le galgal, il en fait
l'ouverture réelle du monument entier.
Plus loin, et contradictoirement à ce qu'il a précédem-
ment conclu^ il constate également que vers Tendroit du côté
sud, oîi est situé l'orifice entre deux supports : une tranchée
sinueuse, creusée dans le iumulusy aboutit à cette ouverture, et
il en conclut, faute d'empierrement ou de revêtement, qu'elle
provient d'anciennes fouilles. Logiquement, il eût dû con-
clure que la cavité à l'ouest et au fond du dolmen provenait
des empinints faits lors de la démolition, mais que l'entrée
véritable du monument était bien réellement au côté sud et
à l'orifice entre deux parois.
Bien avant i860, m'ont affirmé les habitants de Kerlescan,
ce monument avait été exploré par M. de Kérenflech. Selon
les mêmes indications, il n'y obtint pas ou fort peu de résul-
tats. Ce qui est bien certain, c'est qu'il n'écrivit rien à ce
sujet, et cela confirme la nullité de son opération. En 1867,
M. Lukis visita également ce monument ; mais ayant remar-
qué qu'il avait été exploré antérieurement, il se borna à
revoir les déblais ; il en retira de nombreux débris de poterie.
11 reconstitua deux vases ornementés, dont l'un à anses ; les
T. X (3« série). 4^
600 séANGII DU 3 MOVBVBRfi 1887.
dessins de Cfl9 d^uic vases sont reproduits au rapport qu*il en
écrivit ^
Dans ce mémoire^ M. Lukis parle aussi des deux ouver*
tares qu avait signalées M. de Yillemeureuil, et il en donne
le dessin exact. Mais, oa qu'il fit beaucoup mieux que soa
prédécesseur, ce fut l'étude du tumulus lui-même, et U en
fournit le plan complet. Il constatai seulement au dolmen,
Texistence de 23 menhirs supports ; nous §avous donc ainsi
que la destruction de ce qu'il en manque aujourd'hui dut
s'opérer, à part le vingt-quatrième du plïtn de M. de Ville-
meureuil, postérieurement à 1867.
Le plan de M. Lukis reproduit la disposition extérieure du
tumulus, c'estrà-dire le cromlech qui l'entoure sur ses flancs.
11 constate l'existence de 10 menhirs sur le côté nord et 5 sur
le côté sud ; au total 15.
Les ronces, les ajoncs, les détritus de végétation roulés
par les eaux sur les flancs de ce tumulus y cachaient et y
avaient enfoui le cromlech, et maintenant que le double
dolmen a subi des mutilations déplorables, tout l'intérêt du
monument se reporte sur le tumulus lui-même, sur le
cromlech .
Ce type est très rare. Il affecte la forme d'un carré long ;
offrant cette étrange concordance avec celle de l'enceinte qui
précède les alignements. Ses menhirs sont alignés sur
chaque flanc du tumulus à 2°,50 de la base et laissent entre
eux une largeur totale de 7°',50 à l'ouest et 8"*,50 à l'est. Les
menhirs ont leur plus grande surface dirigée dans le sens du
côté qu'ils occupent, c'est-à-dire que ceux des extrémités
sont perpendiculaires aux autres et, en un mot, comme à Ven-
ceinte des alignements.
Les dimensions du tumulus sont plus grandes assurément
que ne le remarqua M. de Villemeureuil, par il le quahfie au
début de petit tumulus ovale.
Dans son ensemble il représente un rectangle dont les coins
1 Journçil of Archaologic^l AnociqUw^, %Xl\*
epr^iept arrondis ; mm il a néanmoins plus de }argear §^ l'est
qu'à rouest* Sa longueur totale est de 49 màtres. Sa largeur
à Touest de 13 mèlres et à T^st de 15 mètres,
Le monument qu'il recouvrait est à pou près au milieu de
la largeur, mais mesurant seulement 17 màtr^sep long^eiu%
ainsi qu'on le trouve aujourd'hui ^près les destructippp
opérées. Les extrémités du t9mulu? le 4épa49ent l)e^u^9p
de chaque qôlé. A Toueiit, U ne prolonge de i7 mètres et h
Test de 15 mètres. Ces dimensions donnaient à. efoire q:^ej
peut-être, ces e^^trémités prplopgées recouvraient d'autres
constructions funéraires ; j'y ai pratiqué d§ prpfon4? §PQn
dages. Je n*ai rencontré de galgal ni à l'ouest ni à Test, et je
n'ai pu constater qu'un seul fait, c'est que le terrain à l'est
est de terre glaise sans mélange et à l'ouest de terre du pays.
11 en résulte donc, et aussi par ce qu'on peut y voir dans
les coupes du terrain où les supports ont été enlevés, que ce
monument était entouré primitivement de son g^gftli ^t Que
celui-ci ne s'étendait nullement aux extrémités,
Dans le plan intérieur qu'ils en ont relevé, MM, de ViUer
meureuil et Lukis ont fait une omission que je dois indiquer,
Il existe sur le fond de la galerie^ et au droit du quatriômp
support nord, un rocher plat qui affecte la forme d'uije table
tombée ; ils ne le reproduisent pas ni ne le signalent. Or, il
faut remarquer que pe quatrième support se trouve en retrait
des deux autres ; c'était une conséquence de l'état du terrain
pour la consolidation de ce menhir ; ne pouvant diminuer la
volume du rocher, on a érigé en retrait. A part cette partie
de la galerie, où le rocher fait dallage sur une largeur de
90 centimètres, tout le reste, chambres et galerie, était
entièrement dallé de pierres plates choisies et de dimension
ordinaire. J'ai constaté, en le retrouvant dans les déblais,
que ce dallage avait été enlevé lorâ des fouilles, probable*
ment par M. de Kerenflech ou par les carriers. Malgré cette
opération, on avait cependant laissé deux objets remar*
quables ; les ouvriers ont recueilli dans la galerie, à l'entrée
de la tranchée d'ouverture, une pendeloque, et près du
691 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1887.
rocher plat de la galerie, une petite hache perforée. Ce qu'il
y avait de poterie était réduit en infimes morceaux, résultats
des fouilles d'abord et des démolitions ensuite.
La destruction des parois, depuis la description de M. de
Yillemeureuil et les plans de M. Lukis, s'était étendue aussi
aux pierres du cromlech. Ainsi, sur le flanc dutumulns, nous
trouvons quatre excavations d'où les menhirs ont été enlevés.
En d'autres endroits ils ont été renversés ou inclinés ; il y en
a quatre ainsi.
Ce que nous avons mis à jour jusqu'ici, car il a fallu sus*
pendre les travaux le i*' octobre, se compose de :
Côté longitadinal sud, 8 menhira debout, i renversé.
— Dordy 7 menhirs debout, S renversés, 1 trou.
Côté transversal ouest, 2 menhirs debout.
— est, 3 trous.
Au total et jusqu'à la reprise des travaux, l'enceinte carrée
du tumulus de Kerlescan se compose de 47 menhirs debout,
4 renversés et 4 trous d'où on a enlevé les pierres. En com-
parant ceci aux indications de M. Lukis, on voit donc, puis-
qu'il ne reproduit que 15 menhirs, qu'il en avait omis 6, et
si on ajoute ceux détruits dans les trous, un total de 40.
J'ai déjà dit que ce type est rare. Il n'existe, en effet, dans
toute la Bretagne, je crois, que cet exemple. Les enceintes
se retrouvent plus fréquemment en Irlande et en Angleterre ;
mais néanmoins ces cromlechs y affectent généralement la
forme ronde.
Le type du tumulus et du double dolmen de Kerlescaui
sorte d'allée couverte, se retrouve exactement dans les hune*
beds de Drenthe, en Hollande. Là il existe aussi des dolmens
en galeries de même largeur, environnés de cromlechs de
forme pareille. Il est essentiel de signaler aussi la similitude
des ouvertures des huneàeds et du dolmen de Kerlescan.
Gomme à ce dernier, à Drenthe l'ouverture est du côté le
plus long et les deux extrémités sont fermées.
A Valdbygaards, près de Soroë, en Zélande, existe aussi
COMMUNICATIONS DU BUREAU. 693
ane enceinte rectangulaire, mais environnant deux dolmens
séparés*.
Bonstetten a décrit un monument présentant une enceinte
pareille entourant un seul dolmen, à Lunebourg'.
Il est donc bien établi que le monument de Kerlescan, par
son tumulns et son cromlech, constitue un cas très rare et
très exceptionnel dans la Bretagne et même en France.
Ma conclusion est un vœu qu'il me semble logique et indis*
pensable de réaliser. Il faut que, dans ce brillant écrin de
monuments que possède TÉtat, les types exceptionnels de
tumuli figurent. Non seulement la conservation par Tacqui-
sition du tumulus de Kerlescan s'impose ; mais aussi celle du
tumulns de Saint-Michel, sans menhir ni cromlech, et du
tumulus du Moustoir avec son menhir à la. partie orientale.
Ainsi se trouvera complété ce splendide musée sur place, où
tous les savants du monde pourront librement et fructueu-
sement observer, comme ils en étudient à Saint -Germain
les collections admirables que ces monuments ont tant con-
tribué à former.
La séance est levée à six heures.
Uun des secrétaires : manouvrier.
I6i- S£aNGE. — 17 novembre i8S7.
Wwémîéente de M. iHACilTOT^ prémîûenU
Le procès*verbal de la dernière séance est lu et adopté.
COMMUNICATIONS DU BUREAU.
M. LE Président annonce que les décisions suivantes ont
été prises par le Comité central dans sa réunion du iO no-
vembre i887 :
l** M. Gillet-Vital a été désigné pour remplir les fonctions
> Antiquités préhUtoriques, pi. VIII.
* Essai sur les doknenSy p. 9.
694 SÉAlfCB DU 17 IfOTBVIRE 1887.
d'agent général de la Société en remplaoement de M i Droaault^
décédé.
2* La conférence annuelle Broca sera faite le mercredi
14 décembre par M, Mathias Duval. Le conférencier traitera
de V Aphasie depuis Brota.
Le Comité a ratifié d'ayance par un vote la décision qui
sera prise par la commission du prix Godard, afin que ce prix
puisse être décerné à Toccasion de la conférence Broca. Le
rapport de la commission sera lu à la prochaine séance de la
Société.
Le banquet annuel de la Société aura lieu également le
14 décembre*
3* ^î* Adrien de Mortillet a été élu membre du Comité
centrale
4^ Le Comité a ' arrêté comme il suit la liste des présenta
tiens pour le renouvellement du bureau de la Société :
Président : M. PozEh
!•* vtce-président : M. Mathias Duyal.
2* vice-président: M. Hoyelacque.
Secrétaire général adjoint : M. 0. Hervé.
Secrétaires annuels : MM. Faevelle et A. de Mortillet.
Conservateur des collections : M. Ghudzinski.
Archiviste: M. Dally.
Trésorier : M. de Ranse.
Commission de publication: MM. Bureau, Lagneau, Magitot.
Lecture est faite de l'article du Règlement concernant les
propositions contraires à la liste précédente.
OUVRAGES OFFERTS.
Cu ANTRE (Ernest). Recherches anthropologiques sur le Cau-
case. Paris, 1885-1887, 4 volumes et i atlas in-folio.
M. Manouvrier est chargé de faire un rapport sur cet im-
portant ouvrage.
Ravin (Prospcr). Notices sur divers marins de Sainl-Valery-
sur-Somme, Amiens, 1886, in-8", 255 pages.
otnrnAQBs offerts. 695
Mi Pauybllb. J'ai Thonneur d'offrir à la Bôoiété d'anthro-
pologie, au nom de M. le docteur Charles RaTin» d'Âmlenn,
uh Tolutnë de Mémoires dus à son père, le docteur Prosper
Raviu} décédé à Saint-Valery-sut-Somme , membre de la
Société d'émulation d'Abbeyille et correspondant de l'Aca-
démie de médecine.
Ce qui, dans ce voJume, peut surtout intéresser la Société)
ce sotlt des recherches archéologiques excesslTcmelit impor-
tantes sur la configuration aux temps proto-historiques dé
l'embouchure de la Somme et du littoral adjacent^ depuis
Berck-sur-Mer jusqu'au Bourg-d'Ault. Cette ancienne conflgu-
ration explique tout naturellement la situation des centres de
population actuels. Ainsi le sol de Saint-Valery^ placé aujour-
d'hui dans des considérations si défavorables pour Tacoès des
navires venant de la haute mer, était autrefois une presqu'île
bordée de falaises crayeuses qui commandait l'entrée de la
Somme et qu'il était très facile de défendre du côté de la
terre.
M. Prosper Ravin a décrit et figuré le retranchement, qui,
à Tépoque romaine et même bien avant, rendait la position
pour ainsi dire inaccessible. Dans ce travail, on trouve le
relevé et la description de tous les monuments des âges
anciens de la région. L'auteur a fait de nombreuses fouilles
dont les résultats sont pleins d'intérêt pour le lecteur^ grâce
aux figures intercalées dans le texte. Malheureusement une
mort tragique est venue arrêter M« Ravin dans le cours de
ses travaux, juste au moment où son ami et collègue Bou-
cher de Perthes commençait ses recherches devenues depuis
si fécondes. On trouvera néanmoins une lettre intéressante
sur les industries primitives que M. Ravin écrivit à son ami
quelques années avant sa mort.
Fauveixe. Conséquences naturelles de la science libre (Extr.
du journal V Homme, 1885). Broch. in-8**, 6 pages.
— Etiologie de la pellagre (Congrès de Grenoble, 1885).
Broch. in-8*, 5 pages.
— Recherches ethnographiques sur la fonction cérébrale
096 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1887.
(Extr.des Bulletins de la Société d'anthropologie^ 1885). Broch.
in-8*, 17 pages.'
— Volonté, conscience, idées, mémoire (Extr. des Bulletins de
la Société d'anthropologie^ 1883). Broch. m-8*, 54 pages.
— Recherches sur Porigine ancestrale de Phomme à l'aide du
système dentaire. (Journal F Homme du 25 septembre 1887),
8 pages.
— Delà philosophie au point de vue anthropologique (Extr.
des Mémoires de la Société d'anthropologie, 2* série, t. III).
Broch. in-8**, 15 pages.
— La station bipède chez l'homme (Extr. des Bulletins de la
Société d'anthropologiCy 1884). Broch. in-8*, 16 pages.
— Des moyens pratiques de se rendre compte du degré d*tn-
telligence des différents groupes ethniques (Congrès de Gre-
noble, 1885). Broch. in-8% 7 pages.
— Station moustérienne du Haut-Montreuil (Seine). Diffé^
rences intellectuelles dans un même groupe ethnique (Congrès
de Nancy, 1886). Broch. in-8% 14 pages,
— L'Histoire et V Anthropologie (Extr. des Bulletins de la
Société d'anthropologie, 1886). Paris, 1886, broch. in-8,
8 pages.
— Mélanges d'anthropologie (Extr. des Bulletins de la Société
d'anthropologie). Paris, 1888, in-8*, 147 pages.
M. Fauvelle. J'ai l'honneur d'offrir à la Société le tirage
à part des diverses communications que j'ai lues ici même et
dont le plus grand nombre sont réunies sous le titre de :
Mélanges d'anthropologie. J*y ai joint les communications que
j'ai faites, dans ces dernières années, à la section d'anthro-
pologie de TAssociation française pour Tavancement des
sciences.
J'appelle spécialement l'attention sur la dernière en date,
qui a été reproduite dans le numéro de VHomme du 25 sep-
tembre dernier. J'en dépose un exemplaire. Le but de ce tra-
vail a été de suivre, à l'aide du système dentaire, la généa-
logie de l'homme dans la série animale.
Les recherches auxquelles je me suis livré, confirment ce
OUVRAGES OFFERTS. 697
qui était pressenti depuis longtemps. Lliomme, comme les
anthropoïdes, auxquels il se rattache par les liens d'une
étroite parenté, procède des pithéciens, qui eux-mêmes
descendent des lémuriens. Ces derniers, par leurs représen-
tants de répoque éocëne, se rattachent manifestement aux
pachydermes suidés leurs contemporains, dont des décou-
vertes récentes montrent la parenté avec les premiers mam-
mifères marsupiaux. Enfin ceux-ci ont une dentition qui
rappelle celle des reptiles les plus élevés, tels que les cro-
codiliens.
Ce sont principalement les prémolaires qui m*ont permis
de suivre cette filiation. D'abord au nombre de huit, plus ou
moins espacées à chaque mâchoire, chez les premiers mam-
mifères, elles se tassent chez Yadapis, le plus ancien des
lémuriens fossiles connus ; on n*en trouve plus que six chez
les lémuriens actuels; et même Tindri adulte, le plus élevé
d'entre eux, n'en possède plus que quatre, comme lespithé-
ciens et les anthropoïdes. Mais ces derniers ont encore quatre
denticules à chacune d'elles, tandis que chez l'homme adulte
elles n'en présentent plus que deux.
Dans l'évolution qui a amené la formation de notre type,
il y a donc eu raccourcissement graduel de la région des
maxillaires comaprise entre les canines et les arrière-mo-
laires. Ce qui le confirme, c'est que la première dentition,
limitée en arrière aux prémolaires, rappelle l'état adulte de
Tancètre* immédiat. Ainsi les prémolaires de Tenfant sont
semblables à celles des anthropoïdes et des pilhéciens ; celles
du jeune indri sont au nombre de six à la mandibule, comme
chez les lémuriens inférieurs. Enfin les cébiens, dont les pré-
molaires, au nombre de six à chaque mâchoire, n'ont que deux
denticules comme chez Thomme, offrent une première den-.
tition qu'il serait difficile de distinguer de celle des lémuriens.
Quelle est la cause de ce raccourcissement des mâchoires,
qui, depuis le crocodile jusqu'à l'homme, suit une marche
régulièrement progressive ? C'est ce que je me propose de
rechercher ultérieurement.
699 SÉANCE DU 17 ROTEHBRB 1887.
Nadailuc (Marquis m). Ias Ptfgmée$ (Extr. du Cormpen^
danf). Paris, 1887, broob. in*8'', 15 pages*
— La poterie de la mllée du Mmmipi (Bxtr. des Maté-
riaux pour r Histoire de C homme). Paris ^ 1887, broch. iii-8*,
11 pages.
OlUfitS OPrERTS.
Chevelure birmane. — M. le docteur Bordier offre une natte
de cheveux de femme birmane. Cette natte mesure 1"^,35 de
long; les cheveux sont noirs, peu foncés, fins, légèrement
ondes, lisses néanmoins.
La femme qui les possédait était la femme d'un garde du roi
(Mindoumè-nim) : elle se nomme Maehouénû (littéralement
femme au feu d'or : itfa, femme, éhouéf or, w6, feu).
Ayant perdu son mari et son fils dans la même semaine,
elle entra dans un couvent de nonnes bouddhistes (A/a^Ais/a).
Ces nonnes sont vêtues de blanc et ont la tète rasée ; elles
vivent d* aumône.
En quittant le monde, la Mathisla fait présent de ses che-
veux à quelque grand personnage qui lui donne en échange
une petite somme.
C'est ainsi que M. Vossiou, consul de France en 1878, a eu
ces cheveux pour 10 roupies.
11 les a donnés à mon ami le commandant de vaisseau
Lucien de la Bédollière, de qui je les tiens moi-même.
»
Discussion.
M. TopiNard. Nous avons au laboratoire un certain nombre
de chevelures de ce genre, moins longues, mais offrant
le même aspect comme grosseur et ondulation. Ce n'est pas
absolument une raison pour dire que cette chevelure ne pro-
vient pas d'uh sujet de race jaune, car il y a beaucoup k
rabattre de Tidée qu'on se fait des cheveux absolument
droits, durs, rigides comme des crins, dont on fait l'attribut
essentiel de ces races-, même chez le Chinois et peut-être
chez l'Esquimau, on distingue avec de l'attention desondttla*
SIMONâAU. -^ OSSlMENtS HUMAINS DE LIZT.
tions allongées. Il âst possible, dtl l'esté^ qUe ces ondulations
aient été accrues par la toilette^ Après tout, il n'y a pas que
des races jaunes dçins les Indes.
Mi BoRDiER maintient Texactitude des renseignementë quHl
vient de donner.
M. Lbtourneau fait observer que les caractères de la che-
velure en question indiquent en effet une race caucasique,
mais que cela n'a rien d'incompatible avec Torigine birmane
de la femme qui la portent.
••Msiestii httiualÉis «e Ié%Mf ;
PAK M. StUOHSAt.
J'ai fait faire cette année, messieurs, des fouilles à Lizy, à
Tendroit où, Tannée dernière, j'avais trouvé le crâne trépané
que vous possédez. J'ai découvert cette fois-ci trois cercueils
en pierre d'un seul morceau.
Il y en avait deux dont les couvercles étaient encore exis-
tants ; l'un qui avait un couvercle d'un seul morceau, l'autre
recouvert de plusieurs dalles.
Malgré l'existence des couvercles,, il s'était infiltré un
peu de terre, sur environ 3 centimètres d'épaisseur, ce qui
n'a endommagé en rien ces deux squelettes que j'ai pu vous
rapporter entiers.
Ces cercueils étaient à peu près à i mètre au-dessous
du sol.
Celui qui avait le couvercle d'un seul morceau et que.je
nommerai le numéro i , paraissait avoir été fait avec beau-
coup de soin. Le couvercle, quoique en place, était cassé en
plusieurs endroits : est-ce cet accident qui, permettant une
infiltration des eaux toujours au même endroit, est cause
que le crâne se trouve endommagé à la partie frontale?
Le crâné était resté absolument dans la position où on
l'avait rais lors de l'ensevelissement ; malgré cela, toutes les
dents s'étaient détachées et je n'en ai pas trouvé trace dans
le cerctieil.
700 SÉANCB DU il NOVEMBRE 1887.
Après la levée du sqaelette, j*ai fait enlever avec beaucoup
de soin ce cercneil, qui, à lui seul, est un monument^ et Tai
mis chez moi, à l'abri des intempéries des saisons.
Celui que je nommerai le numéro 2 et dont le couvercle
était en plusieurs dalles^ renfermait le crâne le mieux con-
servé. La personne devait être Âgée, car au moment de la
mort elle n'avait plus que trois dents : une à la m&choire d*en
haut et deux à la mâchoire d'en bas.
La tête se trouvait dans un angle du cercueil. La colonne
vertébrale était incurvée : y avait-il eujdéviation pendant
Texistence ou bien le squelette avait-il pris cette position au
moment de la décomposition î Je pense que ce fait peut être
facilement éclairci par les spécialistes.
Pour le numéro 3, comme le couvercle du cercueil était
cassé, le squelette était plus endommagé et je n'ai pas cru
devoir le rapporter ici. J'ai rapporté seulement le crâne, dont
la conformation m'a semblé différer des autres.
Je dois ajouter que j'ai exploré avec le plus grand soin le
contenu de ces trois cercueils : dans les deux premiei^, je
n'ai rien trouvé d'étranger aux squelettes; dans le troisième,
j'ai trouvé une bague en cuivre avec médaillon que j'ai
l'honneur de mettre sous vos yeux, mais je crois que cet objet
ne peut pas nous être d'un grand secours pour nous éclairer
sur l'époque précise de laquelle datent ces ossements.
J'ai observé qu'à chaque tête de cercueil, extérieurement,
il y avait une pierre plate fichée en terre perpendiculairement.
Cette pierre, de même nature que celle des cercueils, avait
à peu près 40 centimètres de largeur et devait se prolonger
au-dessus du sol pour servir de marque indicative de la place
des corps.
CANDIDATURE ET ÉLECTION.
MM. Lagneau, Ploix et Topinard proposent de nommer
membre correspondant national, sur sa demande, M. le doc-
teur L. AuBERT, médecin-major de l"' classe, actuellement
CUTER. — ALLONGEMENT ANORMAL DU CUBITUS. 701
médecin en chef de Thospice mixte de Bourg, auteur de divers
travaux anttiropologiques.
Cette candidature est renvoyée à la commission des mem-
bres correspondants : M. Bordier, rapporteur, apporte un avis
favorable. M. Aubert est élu*
PRESENTATIONS.
B«F «■ altoBceMOBC «■•nsml ém c«Ml«s et sar la préseBea
4*aB Biaaele Faa4 pFaamtear eheB aa elieTal ;
PAR M. EDOUARD CUTER.
Vous savez, messieurs, que chez le cheval, le cubitus, très
atrophié, est soudé au radius, et que son extrémité inférieure
s'arrête vers la partie moyenne du corps de ce dernier, en
se confondant complètement avec lui(flg. I).
Il résulte de cette soudure des os de Tavant-bras que les
mouvements de supination et de pronation sont absolument
impossibles, et que Tavant-bras présente l'aspect d'une
colonne rigide qui contraste singulièrement avec la mobilité
des os de cette région chez Thomme et chez les carnassiers.
A cette absence complète des mouvements de pronation
et de supination, correspond naturellement celle des muscles
destinés à produire ces mouvements (long supinateur, rond
pronateur, etc.).
La pièce que j'ai l'honneur de vous présenter offre deux
particularités qui la différencient de la disposition normale
que je viens de vous rappeler.
Sur ce membre antérieur gauche d'un cheval que nous
avons disséqué au laboratoire de l'École nationale des beaux-
arts, on constate la présence d'un cubitus dont le dévelop-
pement en longueur est remarquable : au lieu de se terminer
à la partie moyenne du radius, il descend beaucoup plus bas^
et son extrémité inférieure, atteignant l'extrémité inférieure
de l'os principal de Tavant-bras, présente, à ce niveau, non
pas une pointe, mais une petite portion renflée (fig. 2).
101 BÉAKCE DU 17 NOVWBBB 1887.
Cette disposition, très rare chez \û cheval, ne mériterait
peut-être pas d'être signalée, si elle n'était associée à une
anomalie musculaire qui semble avoir quelque rapport avec
ce développement anormal du cubitus ; cette anomalie cou-
.«I
Fig. 1. Momliro aniéricur gauche
va par sa face externe.
1, Cubitus normal.
Fig. 2. Membre antérieur gauche
vu par sa face externe.
1, Cubitus beaucoup plus long que
le cubitus normal.
siâte dans la présence d'un muscle dont, jusqu'à ce jour, on
n'avait pas signalé l'existence chez le cheval. Ce muscle est
situé, dans la pièce que nous vous présentons, à la partie
interne de rarticulation du coude (fig. 3). 11 s'insère à la
partie interne de l'extrémité inférieure de l'humérus, c'est-
à-dire à l'épitrochlée, se dirige un peu obliquement en bas
CUyER. -r- ALLOMGEMBNT ANORMAL DU CUBITUS. 703
Qt en avant, et se termine sur la partie supérieure de la face
interne du radius, à laquelle il s^attache.
Un nerf, le nerf médian, s'engage sous la partie supérieure
da ce muscle dont il croise la direction.
Cette description a beaucoup d'analogie avec celle du
muscla rond pronateur de l'homme, de sorte que nous pou-
.-2
l. k
Fig. 3. — Mt'mbre anlôriour gauche vn par »« faco interne. 1, fl.îclii.-sL'ur inti ino <lu
métaqarpo ou grand palmaire ; 2, portion iu(éiiuuro du biceps ; 3, portion inférieure
du brachial antérieur ; 4, ligament lalériii interne do l'articulation du coude ;
5, muscle rond pronateur ; 6, nerf mcflian.
vons en conclure que le muscle suriiumcraire dont nous nous
occupons est un muscle rond pronateur dont le développe-
ment anormal s'associe, d'une façon digne d'être remarquée,
à celui d'un des os de l'avant-bras qui, ordinairement, a
presque disparu.
11 est vrai que, chez l'homme, le rond pronateur est décrit
comme s'insérant à la face externe du radius ; mais il faut
704 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1887.
remarquer que ceci se rapporte à l'attitude de la supination.
Lorsque Tavant-bras est en pronation, et chez les quadru-
pèdes il est dans cette attitude d'une façon permanente, la
face externe du radius devient interne par suite du mouve-
ment de rotation qui fait passer cet os en dedans du cubitus.
Telles sont les dispositions particulières que nous voulions
vous signaler ; nous vous les soumettons, persuadé que des
faits d'une importance quelquefois minime peuvent, en s'as-
sociant à d'autres faits signalés ultérieurement, présenter à
un moment donné un intérêt qu*ils n'ont peut-être pas lors-
qu'ils sont isolés.
Une «mnlelte bretonne i
PAR M. L. BONNEMiRB.
11 y a quelque temps, M. Guilterel, recteur de Saint-
Mayeux^ quittant cette commune, donna à ses enfants de
chœur quelques jetons à jouer dépareillés. Il comptait qu'ils
pourraient s'en servir pour jouer. Il n'en fut rien, comme on
va le voir.
Me trouvant à Corlay, je vis entrer la mère d'un de ces
enfants dans une maison où je me trouvais. Elle venait pour
faire percer un de ces jetons. Je l'interrogeai, et elle me dit
qu'elle voulait en faire une amulette et la suspendre au cou
de son nouveau-né, après Tavoir trempée dans de l'eau
bénite.
Les jetons de ce genre sont rares en Bretagne. Aussi, les
personnes qui sont assez heureuses pour en posséder quel-
ques-uns, les louent-ils à raison de 25 centimes par jour
aux gens dont les enfants sont tourmentés par des vers.
On n'attribue jamais de propriétés de ce genre à des objets
en os ou en ivoire autres que celui que je vous présente
aujourd'hui. Est-ce qu'il faut voir dans le cas présent un res-
souvenir d'une époque où les rondelles crâniennes étaient
tenues en si grande estime? Je n'en sais rien, pour ma part^
et j^ vous soumets cette question.
DE MORTILLBT, — RUBANS DE SAINT- AMABLB. 705
Uamulette dont je vous entretiens aajourd'hui porte le
nom i'olifanten, c'est-à-dire éléphant.
Batens 4e SidBt*AM«M6 1
PAR M. A. DB MORTILLVT.
Une curieuse ceinture bénite, formée d*nn ruban de soie
blanche^ portant une inscription écrite à la main en lettres
bleues, nous a été montrée dans la séance du 16 décembre 1886
par H. L. Bonnemère, qui Tavait rapportée de Quintin (Cdtes-
du-Nord).
Ces ceintures bénites ne sont pas spéciales à la Bretagne;
on en fait également usage en Auvergne; et j'ai pensé que
la présentation d'un spécimen de cette provenance, qui vient
dem'être envoyé par Ikl. le docteur Pommerol, pourrait inté-
resser quelques-uns de nos collègues.
Cette ceinture, qu'on appelle ceinture de SainUAmable^^ se
vend à tous les pèlerinages des Vierges d'Auvergne. Elle se
compose tout simplement d'un ruban en soie blanche, long
de 1 mètre et large d'environ 3 centimètres, sur lequel est
peint au patron, en caractères rouges, Tinscription suivante :
Ora pro nobis, sanctb Ahabilis. a la suite de l'inscription est
un dessin grossier du saint et une figure de dragon. On
porte ces ceintures autour du corps pour la préservation et
la guérison d'une foule de maladies.
On vend aussi des rubans plus étroits, dits 'rubans de Saint'
Amable, qui sont de couleur et portent en lettres blanches
rinscription : Amabilis, ora pro nobis. Ces petits rubans de
sole ou faveurs se mettent, me dit M. Pommerol, au cou et
aux poignets des enfants et des malades, pour les préserver
des maladies et des maléfices.
Tous ces rubans bénits sont bien proches parents des cor-
dons brahmaniques et des nombreux cordons en chanvre,
laine ou âloselle, que portendes feWents catholiques : cor-
^ Saint Amable, patron de Riom/est un des saints les plus populaires
de l'Auvergne.
• T. X (3« sérib). 45
706 léANOB DU 17 «OVEMBRS 1887.
don de SainUB^ai^çois, oordon de Saint-Joseph, eordon de
Sainte-Phîlomène, etc., etc., sans parler du cordon de Sainte
Cornély, qui se vend à Carnac et passe pour préserver les
animaux domestiqués, inrtont Im bètM à cornes, de toutes
les maladies.
COMlinNICÀTIOllS.
Ho lu 4lr««lta^ #t» I» erUiièr« eoiiiiii« «ii«i|Q|érl«Ui|«fi
ém lyp« chevul t
PAR LB DOCTEUR FAUVBLLB.
Au sujet de ma communication sur le prétendu cheval
sauvage de la Dzoungarie, equus^ Prjevalskii (voir le Bulletin^
p. 188 et suiv.), j'ai reçu dernièrement une lettre d'un de
nos collègues de province, M. Ed. Piette, par laquelle il
me demande si de nouveaux renseignements me sont par-
venus, et spécialement si M. Deniker, comme il nous l'avait
fait espérer, avait donné une analyse de la brochure de
M. PoliakofT, et mis sous nos yeux les planches qui raccom-
pagnent. Malheureusement il n'en est rien, et M, Deniker
n'assiste pas à la séance. Je profite néanmoins de l'occasion
pour demander à MM. Sanson et Piètrement de vouloir bien
nous donner quelques explications sur la valeur, comme
caractère spécifique chez les solipèdes, de l'état de la cri-
nière suivant qu'elle est dressée ou tombante. C'est un point
qui n'a pas été traité lors de la discussion qui a suivi ma
communication ; il a cependant, à mon avis^ de l'Importance
au point de vue, non seulement des espèces actuelles, mais
aussi des espèces fossiles dont nous avons la représentation.
DifCUMlML
M. Sanson. L'hémîone est caractérisée par une crinière
dressée, le cheval par uçe crinière tombante. On ne connaît,
jusqu'à présent, aucun cheval qui n'ait la crinière tombante.
M, PiÉTRKMBNT recommande à M. Fauvelle de préciser
avec beaucoup de soin les sources invoquées par lui.
CORRESPONDANCE. 107
M. Sànson. II. Plette a dû flaire une confusion, ear il est
dit expressément, par M. Prjevalski, que l'animal en question
avait la crinière courte et dressée.
La séance est levée h six heures.
L'un de» secrétaires : HANOUVEIER.
i6S« %t\mi. — 1'' décembre 1887.
Préflldenco de M* M AGITOT^ prëaldenl»
Le procèS'Verbal de la dernière séance est lu et adopté.
GOUESPONDAIfCK.
Lettre de H. Topinard.
Paris, 1q 19' décembre 1SS7.
A Monsieur le Président de la Société d'anthropologie.
Monsieur le Président,
J'ai appris par la carte que j'ai reçue, comme tous les mei^i-
bres de la Société, que la conférence Broca awra lieu celte
année le mercredi 14 décembre, à ti'ois heures et demie.
Or, mon cours de l'Ecole d'anthropologie a lieu tous les
mercredis à quatre heures, c'est-à-dire le môme jour, à la
même heure et dans la même salle.
Je regrette que le Bureau ait cru devoir prendre cette dé-
cision ^ans m'en prévenir, d'autant plus qu'il était d'usage
jusqu'ici de mettre cette conférence le jeudi, jour où la So-
ciété dispose de la salle à cette heure.
Cette décision m'obliçeant à renvoyer mes auditeurs, je
crois devoir signaler le fait à la Société.
Veuillez agréer, monsieur le Président, l'expression de ma
haute considération.
D^ Paul Topinard.
M. le Président. M. Duval n'a pas été libre dans le choix
708 SÉANCE DU 1*' DteBKBRE i887.
da jour et de Theure de sa conférence, par suite de ses obli-
gations professorales à la Faculté de médecine et à l'Ecole
des beaux-arts.
M. LE Sbcrétairb général, m. Topinard était présent au
Comité central lorsque la date et Theure de la conférence
Broca ont été arrêtées. Il lui était donc facile de réclamer
en temps opportun. Or, il n'a rien dit.
OUVRAGES OFFERTS.
Sgbmu>t (Emile). Die altesten Spuren Meruchen in Norda--
merika. Hambourg, 1887, broch. in-8®, 58 pages.
UUATEBFAGBS (Â. de). Tératologie et tératogénie (Extr. du
Journal des savants^ 1887). Paris, 1887, in-i"", 40 pages.
Revue d'anthropologie. Année 1887 (3* série, t. II), fasci-
cule n"* 6.
M. Topinard, en offrant ce fascicule, attire l'attention sur
les mémoires et articles ci-après :
La Taille des anciens habitants des îles Canaries, par M. To-
pinard;
ContHbution à la sociologie des Australiens^ par M. E. Re-
clus;
Les Villages lacustres et palustres et les Terremares, par
M. Pompeo Gastelfranco ;
Les Fouilles de Spy^ revue générale, par M. Gollignon.
EleclioBM p«ar le reaeavelleMieMC au B«rea«.
11 est procédé, conformément aux prescriptions du règle-
ment, à l'élection du bureau et de la commission de publi-
cation pour 1888.
Nombre de votants : 49.
Le dépouillement du scrutin donne, pour la présidence,
les résultats suivants :
M. Pozzi, 44 voix ; M. Laborde, 2; M. Dareste, I. Bulletins
blancs et nuls, 2.
Tous les autres candidats portés sur la liste de présentation
du Comité central réunissent 47 suffrages.
DISCUSSION SUR DES COSTUMES RUSSES. 709
En conséquence, le bureau de la Société sera composé
comme suit, po^r Tannée i888 :
Président : M. Pozzi.
!•» vice-président : M. Mathias Duval.
2* vice-président : M. Hovelacoub.
Secrétaire général adjoint : M. G. Hervé.
Secrétaires annueb : MM. Pauvellb et A. de Mortillet.
Conservateur des collections : M. Ghudzinski.
Archiviste : M, Dallt.
Trésorier : M. dc Ranse.
Commission de publication: MM. Bureau, Lagneau, Magitot.
PRESENTATIONS.
Pr^'aentatlon de costomes rassen ;
PAR Û. PAUL AUBRT.
Une chemise rouge de Moujik. — Cette chemise, qui sert en
môme temps de blouse, est beaucoup plus ornée de broderies
qu'elles ne le sont habituellement.
Une chemisette de femme de la Petite Russie, en toile
blanche, ornée de dentelles et de broderies rouges et bleues
ou violettes. Les manches seules sont brodées. Sur le devant,
une sorte de rabat semblablement brodé.
Le tablier est analogue. La robe est bleue^ en étoffe unie.
Elle est garnie en bas de bandes rouges, quelquefois en den-
telles.
Le diadème en soie rouge est garni de pièces de monnaies
fausses en cuivre doré, ou en perles fausses. Son nom russe
est Kakochnik.
Diflcuition.
M. Adrien de Mortillet. Le vêtement du moujik russe que
vient de nous présenter M. Aubry, se nomme roubachka. Il se
met sur la peau même et sert à la fois de chemise et de
blouse. Sa couleur n'est pas toujours rouge ; bien que ce soit
cette couleur qui domine, on en voit assez souvent aussi de
TiO 8ÉANGB DU I" DÉCBMBRB 1887«
bleus, et parfois même d*abtres oouleiir3> mais ces derniers ont
moins de succès. Si le moujik a une prédilection marquée
pour le rouge, il est cependant deux autres couleurs qu'il
aime également beaucoup : le bleu et le vert.
Quant à Tespèce de diadème, que Ton appelle kakochntky
c'est la coiffure nationale des femmes russes. Cette coiffure ,
fort ancienne, ne se rencontre plus guère aujourd'hui que
dans les campagnes, mais elle a été portée pendant long-
temps aussi bien par les grandes dames que par les pay-
sannes. Il y a des kakochniks d'une grande richessoi couverts
de perles et de pierreries.
Note ««r les sépaltares ll*ttile gmlerie eenverle fouillée en
septembre 1889» sur la eonmiuBe 4e MoBtlgay-rEacrsIit,
prés Vie- sar- Aisne (Aisne) ;
PAR M. VAUYQXB.
Cette galerie est située au lieu dit : Dessm les bois de Thézy.
Elle se trouve à environ 450 mètres au nord-ouest d'une autre,
découverte et fouillée en 1843 (voir Bulletin de la Société
archéologique de Sotssons^ volume de 1850, p. 55), à 260 mè-
tres à l'ouest de l'ancienne voie romaine et à 80 mètres au
sud de Tescarpement de la montagne.
Ce monument a été établi dans la direction du sud au
nord ; il est composé de diverses parties rectangulaires pla-
cées sur la même ligne, fig. 1. Il est formé pour les côtés de
très fortes pierres plates brutes placées verticalement, dispo-
sées pour recevoir au-dessus d'autres pierres plates pour
couverture; ces dernières, qui étaient presque au niveau du
sol, ont été enlevées, il y a une vingtaine d'années, pour ne
plus gêner la culture. Une seule de ces pierres a été retrouvée
inclinée fortement dans la fosse, par suite de réoartement
des pierres posées verticalement.
Le fond est dallé à peu près régulièrement avec des pierres
de 4 à 5 oentimèires d'épaisseur.
Le fait de l'enlèvement des pierres de la couverture, cas-
iATou)-
VAUVIUÉ. ^ OALIRIB COUVERTS DB MONTIGNT. 711
sées BUT plaoe, et de la pierre descendue dans l'intérieur, ont
produit Vécrasement des squelettes sur la majeure partie des
sépultures.
Une longueur de 7"*,00 a
été fouillée, la profondeur
est de i'^idO au-dessous du
niveau du sol actuel. La lar-
geur des divers groupes de
sépultures est variée: au sud,
en A, elle est de 2°",^, en B
de 2 mètreS; en C de l»,90 et
enfin en D de i"»,70.
Cette différence provient
de ce que les sépultures ont
été faites successivement.
Une seule partie, D, a pu
être fouillée avec observa-
tions sérieuses, en raison du
meilleur état de conservation
des squelettes, qui n'avaient
pas été touchés lors de l'en-
lèvement de la couverture*
Cette partie, fouillée soi-
gneusement, a pu permettre
de compter le nombre de
cadavres ayant été déposés
dans un rectangle de 2 mè-
tres de longueur sur {^^10
de largeur.
LÀ, quatre couches régu-
lières de corps ont été dé-
posées avec une régularité méthodique, car quatre groupes
de quatre têtes furent trouvés le long des murs à l'est et à
l'ouest, et deux autres groupes de même nombre au sud et
au nord.
En plus de ces 48 têtes avec squelettes, quatre antres fn-
712 SÉANCE DU r* DÉCEMBRE 1887.
rent aussi trouvées au milieu des sépultures. Il avait donc été
déposé 52 cadavres dans ce faible espace, avec un soin et
une régularité parfaite.
Toutes les tètes, à Texception de trois, étaient tournées la
face contre terre, comme on Tavait constaté dans les fouilles
des parties A, B et G; les squelettes de ces derniers groupes
étaient aussi placés dans le même ordre et de la même ma-
nière que ceux du groupe D.
Au centre se trouvait, comme dans les parties A, B et G,
beaucoup de cendres et de charbons de bois devant provenir
du feu fait, probablement, pour désinfecter Tendroit, avant
d'y déposer de nouveaux cadavres.
Objets recueillis dans les sépultures.
V Armes et outils en silex :
3 haches polies, dont deux trouvées dans la fouille D, pla-
cées près de la tête en sens inverse de la direction des corps.
3 fragments de haches polies.
23 lames ou couteaux.
15 tranchets ou flèches à tranchant transversai.
1 flèche forme feuille.
4 retouchoirs? dont un imitant la forme du burin.
1 perçoir.
5 pointes diverses.
i base de forte lance.
8 éclats.
2» Poteries, Les sépultures renfermaient aussi des vases de
pâte très grossière, ayant été façonnés à la main sans l'in-
tervention du tour. Un seul de ces vases a pu être conservé :
il a 8 centimètres de hauteur, 9 sur 10 de largeur du haut et
5 de largeur du fond.
Epoque des sépultures. Les sépultures n'étaient accompa-
gnées que d'instruments en silex de l'époque de la pierre
polie, et de poteries très grossières qui sont certainement de
la même époque ; il est donc bien évident que ces sépultures
sont contemporaines de l'époque de la pierre polie.
R. VERNBAU. — CRANES DE MONTIGNY. 743
Origine des sépultures. La forme des murs certainement
établis en plusieurs fois, au fur et à mesure des besoins, le
rangement méthodique des cadavres groupés en ayant tous
la tête contre le mur, la face tournée contre terre et les pieds
au centre; la présence, au milieu des divers groupes, de
cendres et de charbons nombreux, produits probablement
par le feu fait pour désinfecter l'endroit des sépultures, per-
mettent de conclure que ce sont bien là des sépultures ordi-
naires, régulières et continues de Vépoque de la pierre polie.
De tous les squelettes, évalués environ à 200, ime seule
tête a pu être extraite avec la mâchoire supérieure, par le
fait que les os de la face sur lesquels reposaient presque
toutes les tètes ont été brisés sous la pression delà terre qui
recouvrait les sépultures.
Un crâne, ayant reçu un coup de hache qui avait fait une
forte ouverture, y a été aussi riBCueilli.
M. le docteur Verneau a bien voulu avoir l'obligeance
d'examiner et de comparer ces crânes, et faire une note sur le
résultat de ses observations.
En conséquence, je prie M. le Président de vouloir bien
donner la parole au docteur Verneau.
Crânes de l'allée eo«verte de MoalIgny-rEngraiii i
La raee de Farfeoz * l'époque des dolnens t
PAR LE DOCTEUR R. VERNEAU.
L'allée couverte que vient de fouiller M. Vauvillé, à Mon-
tigny-l'Engrain, canton de Vie- sur-Aisne, département de
l'Aisne, lui a fourni une tête complète et une voûte crâ-
nienne qui offrent Tune et Tautre un véritable intérêt. De
nombreux restes humains occupaient la partie fouillée par
Texplorateur; ils n'avaient pas été remués avant qu'il entre-
prît ses recherches et c'est ce qui lui a permis de se rendre
exactement compte jde la disposition des quatre couches su-
perposées de cadavres, dont il vient de nous entretenir. Mais,
au milieu de tous ces ossements, un fort petit nombre était
714 StAHQt DU i** DÉCEMBRR 1887.
en bon état. Lat tètei notamment, sans doute à eansB d« lâ
position de la face qui se trouvait toujours en bas» étaient
tontes réduites à la voûte; là région faciale avait oédé sons
le poids. Aussi M. Vanvillé n'a-t-il pat cru devoir recueillir»
dans cet ossuaire, toutes ces voûtes, toutes ces calottes crâ-
niennes. Je le regrette pour ma part^ car, dans le cas actuel)
la voûte pouvait^ à elle seule, fournir des renseignements
utiles. Toutefois, mes regrets sont fortement atténués par la
promesse que m'a faite Tauteur de la fouille : d'ici peu, ea
effet, il a Tintention de reprendre ses investigations dans
la vallée de TAisne, et, avec son expérience consommée^ jo
ne doute pas qu'il ne puisse bientôt nous apporter de non-*
veaux documents.
J'ai dit que les deux pièces recueillies par M. Vanvillé of-
fraient un véritable intérêt, chacune d'elles à un point de vue
spécial. Je décrirai d'abord la tête complète qui rappelle
singulièrement le crâne n« 3 de Furfooz.
C'est bien à ce type brachycéphale surbaissé qu'appartient
la tête osseuse de l'Aisne, et je montrerai plus loin qu'elle ne
constitue pas le seul représentant connu de cette race à l'é-
poque mégalithique. Il est fort probable que le type de Fur*
fooz, qui a persisté jusqu'à nos jours, était alors représenté
par un bon nombre d'individus.
Le crâne de Montigny-l'Engrain est plus volumineux^ que
le crâne n° 2 du trou du Frontal ; cet accroissement de volume
tient surtout à l'augmentation des diamètres transverses, de
sorte que l'indice céphalique s'élève à 85, 09. Noua nous
trouvons donc en présence d'une tète franchement brachy-
céphale, tandis que celle de Furfooz n'est que sous-brachy-
céphale. Les indices verticaux nous montrent des différences
encore plus sensibles: le vertical proprement dit atteint seule-
ment 74,09 et le transverso-vertioal 87,01. Le crâne néoli-
1 Je n*ai pas cubé le crâne de Tallée couverte, mais il est évident, étant
donnés ses diamètres, que sa capacité dépasse celle du crâne de Purfooz.
Je dois faire remarquer qu'il s'agit d*un crâne masculin, tandis que ûelvA
auquel jt le compare a appartenu à une femme.
R. TBUIEAU. -r GHAHie DE MOIfTIGinr. 715
thique de la vallée de TAisne est donc relativement moins
haut que le cràne ancien trouvé en Belgique.
Mais si, au lieu de considérer les chiffres en eux^mômes,
nous recherchons la cause des différences, nous voyons
qu^elle tient, en réalité, à peu de chose. En effet> la hauteur
relativement plus grande du crâne de Furfooz résulte de Ta-'
baissement du trou occipital ; toute la partie de la base qui
limite ce trou descend beaucoup plus que sur le cràne de
Montigny-VËngrain. C'est par la base et presque uniquement
par cette région que les deux têtes diffèrent. Dans le reste da
leur étendue, elles offrentr de grandes analogies, comme va
le montrer la description de la pièce recueillie par H. Vauvillé.
Dans son ensemble, la voûte est fortement surbaissée. Les
bosses frontales latérales, très écartées Tune de Tautre, sont
nettement accusées, de même que les bosses pariétales. La
courbe antéro-postérieure monte droit depuis la glabelle jus-
qu'au niveau des bosses frontales; à partir de ce point, elle
s'infléchit jusqu'au bregma et subit en ce point une deuxième
inflexion. A 2 centimètres environ en arrière du plan ver-
tical, qui passerait par le sommet des bosses pariétales, la
courbe se dirige tout d un coup presque verticalement en bas
et suit cette direction jusqu'à 3 centimètres et demi à peu
près au-dessus de Tinion.
Ces caractères s'appliquent aussi au cràne n® â de Furfooz^
de sorte que, jusqu'ici, les deux têtes ne se différencient que
par Taplatissement relatif de la base que j'ai signalé sur la
tête nouvellement découverte dans l'Aisne.
Celle-ci présente cependant une particularité que je n'ai
pas encore mentionnée : je veux parler de la dépression post-
coronale, c'est-à-dire de cette gouttière très légère, placée en
arrière de la suture fronto-pariétale, dont elle suit la direo-
tion. Ce sillon, que j'ai observé sur une foule de crânes
appartenant aux races les plus diverses, n'a par lui-même
aucune valeur ethnique *, même lorsqu'il ne peut être attribué
> Il BufQi de le rencontrer sur des crftnes non déformét appartenant aux
types les plus différents pour lui enlever toute valeur ethnique. On te
7J6 SÉANCE DU 1*' DÉCEMBRE 1887.
à une cause mécanique. Dans le cas actuel, je ne saurais le
considérer comme le résultat d*une déformation : la con-
vexité régulière de l'écaillé occipitale, l'absence de plagiocé-
phalie, etc., ne permettent guère d'invoquer une déformation.
Vus d'en haut, le crâne de Montigny-rEn^rain et celui de
Purfooz offrent le même aspect général ; la seule dififérence
un peu sensible tient à la largeur un peu plus grande du
premier, et à un peu moins de renflement de ses écailles
occipitales, ce qui n'empêche pas la nof^ma verticalis d'être
comparable dans les deux cas.
En résumé, en faisant abstraction de la face, le crâne de
l'allée couverte de l'A-isne nous montre une voûte encore plus
surbaissée que celui du trou du Frontal et des diamètres
transverses plus grands; nous ne saurions voir là que l'exa-
gération de caractères appartenant à la race de Furfooz. C'est
seulement par l'aplatissement relatif de sa base et de ses
écailles temporales que le premier diffère quelque peu du
second. Quant à la dépression post-coronale, j'ai dit qu'on ne
pouvait y attacher aucune importance. Ces quelques diffé-
rences ne me semblent pas suffisantes pour isoler Vune de
l'autre deux pièces qui se ressemblent à tant de points de
vue; elles peuvent n'être qu'individuelles ou sexuelles.
Pour compléter la description du crâne que nous étudions,
il me faudrait ajouter qu'il porte de fortes apophyses meis-
toïdes; que les sutures, toutes ouvertes, sont compliquées;
que la lambdoïde, enfin, renferme plusieurs petits os wor-
miens et qu'il en existe, dans le lambda, deux grands dont
l'un mesure 16 millimètres sur 17, et l'autre, 22 miUimètres
sur 27.
Examinons maintenant la face. Sur la tête de la vallée de
l'Aisne, elle est plus haute et l'indice facial s'élève à 71,21 ;
on serait donc tenté de la rattacher à un type autre que celui
de Furfooz et cependant rien ne serait plus erroné. Plus en-
peut considérer comme un caractère de race une particularité qui se
trouve aussi bien dans la laoe de Furfooz que cUez les anciens Canariens,
chez des Américains, etc.
R. VBRNBAU. — CRANES DE M0NTI6NT. 717
core que pour les indices verticaux du crâne, il est nécessaire
de faire ici quelques observations : Télongation de la face
tient surtout à un plus grand développement de la région
sus-nasale ; la glabelle forte, saUlante, présente une hauteur
notable; la hauteur sous- cérébrale du front atteint 34 milli-
mètres, tandis qu'elle ne dépasse pas 17 millimètres sur le
Furfooz n^ 2. Mais ce sujet, ai-je dit, était féminin, tandis
que le crâne de TAisne a appartenu à un homme. C'est donc
à rinfluence du sexe qu'il faut attribuer Taugmentation^de
l'indice facial. Gela est si vrai que, dans tout le reste de la
face, l'individu de l'allée couverte de Montigny-l'Engrain
ressemble à la fenmie de Furfooz : de la racine du nez au
bord alvéolaire, nous ne trouvons que 4 millimètres en plus
chez l'homme, qui offre en même temps un plus grand dia-
mètre bizygomatique. Les deux indices seraient très voisins
l'un de l'autre, si l'on mesurait la hauteur de la face à partir
de la racine du nez.
L'homme de l'Aisne est mésorhinien, comme la femme du
trou du Frontal; comme elle, il nous donne un indice orbi-^
taire microsème. Il en difitère toutefois notablement par un
point : il ne présente pas ce prognathisme sous- nasal si
frappant sur le crâne de Furfooz. Son angle facial cdvéolaire
difiTèrepeu de l'angle facial sous-nasal; la projection de la
face par rapport au crâne, mesurée par la longueur de l'ho-
rizontale siluée en avant de la perpendiculaire abaissée du
point sus-orbitaire, n'est que de 10 millimètres, tandis qu'elle
atteint près de 20 millimètres sur la tête de Furfooz. La face
de cette dernière est donc infiniment plus projetée en avant.
Devons-nous attribuer à ce fait une importance capitale? Je
ne le crois pas. Remarquons encore ici que le sexe joue un
grand rôle : la femme est habituellement plus prognathe que
l'homme. D'ailleurs^ le prognathisme n'est pas un des ccurac-
tères essentiels de la race de Furfooz, et MM. de Quatrefages
et Hamy n'ont pas hésité, dans les Cranta ethnica, à faire
entrer dans ce groupé des individus^ les uns prognathes, les
autres sans prognathisme.
Tiff etAIKS DU |H DÉCEMBAB 1W7.
Pour terminer la description de la fàoe de la tète de Mon*
^^E^Vj j'ajouterai que le maxillaire supérieur eet un peu
large, sans dépasser toutefois 63 millimètres dans sa plus
grande largeur au niveau de» ^véoles. La voAte palatine
s'élargit p«i en arrière, de sorte que les deux branches de
Tarcade alvéolaire restent à peu près parallèles. Les dents,
quoique saines, offreat toutes une certaine usure ; les mo-
laires vont en diminuant régulièrement de volume de la pre^
mière h la troisième.
En somme, malgré les différences sur lesquelles j'ai insisté
et c[ue je n'ai nullement cherché à amoindrir, le eràne de
Tallée eouverte de l'Aisne présente avec celui de Purfooi
(n"" 2) assex de ressemblances pour qu'il soit permis de le rat*
tacher au même type ; c'est à la môme race qu'ont appartenu
les deux sujets que j'ai comparés. Nous ne saurions nous
étonner de Textension du type de Furfooz dans la vallée do
TAisne, située en réalité à peu de distance du trou du Fron-
tal ; rappelons-nous les grandes migrations accomplies par la
race de Gro-Magnon.
Le type de Furfooz^aurait donc persisté dans la vallée de
l'Aisne jusqu'à l'époque des dolmens. Si le fait que je viens
de citer semble insuffisant à lui seul pour le prouver, il m'est
possible d'apporter une autre preuve à l'appui de ma thèse.
Je veux parler d'un autre crâne découvert, il y a déjà quel-
ques années, à peu de distance de la sépulture fouillée par
M. V^uvillé, dans l'allée couverte de Vie-sur* Aisne. Ce mo»
nument mégalithique, exploré par M. Glouet, lui a fourni
plusieurs voûtes crâniennes dont il a fait don au Muséum.
Sur les sept voûtes que possède cet établissement, il en est
une qui se rapproche encore plus du crâne n* 2 de Furfooz
que celui que je viens de décrire. Je ne recommencerai pas,
pour cette voûte, l'analyse que j'ai faite plus haut; je me
bornerai à donner, dans l'un des tableaux ci-joints, ses di-
mensions à côté de celles du ci-âne de Montigny-l'Engrain et
du crâne de Furtooz. Je dirai simplement qu'il ne diffère
guère de ce dernier que par un peu plus de longueur : son
R. 711INEAU. — GRAMBS W MONTIGNY. 719
indiqe (79,77) le fait entrer dans le groupe des mésaticé-
phales; il ne lui manque, d'^mieursj que quelques oentiëmes
pour être sous-bpachycéphale.
FnrfoQs Mooligny- Vic-
CrAoefl. n» 2. l'Eagrain. sar-Aisne.
Capacité «rànienDe approchée 1 450 » »
Projection antérieure totale 102 92 »
— — faciale 19 10 »
postérieure 89 93 94
Diamètre antéro-postérieur maximum... 172 181 178
— trans verse maximum 140 154 142
^ — bitemporal 134 138 132
^ — binuriculaire 118 127 117
— bimaatoïdien 97 105 106
— — frontal maximum . . 112 125 112
— — — minimum... 92 102 90
— — occipital maximum, 110 117 106
— vertical basilo-bregmatique. . . . 134 134 132
Courbe horizontale totale , 504 628 509
— — préaunculairç 228 229 230
— tranaverse totale 432 463 427
— — sus-auriculaire 300 325 304
~ frontale cérébrale 103 102 109
— — totale 123 128 127
— pariétale 120 122 120
— occipitale 119 119 111
Longueur du trou occipital 85 85 33
Largeur du trou occipital , . 29 31 27
Ligne naso-basilaire 99 99 »
Circonférence médiane totale 496 503 »»
Indices. Longueurs 100 largeur 81.99 85.09 79.77
— — hauteur 77.90 74,03 74.16
— Largeur a 100 hauteur, 95,71 87.01 92.95
Farfooz Montigny-
Face. n* 2, l'Pngrain,
Diamètre biorbitaire externe • t.. 106 108
— inlerorbitaire 22 26
bizygomatique maximum 130 132
— bimaxillaireminimam*. 58 62
Orbites, Largeur..., 39 39
— Hauteur 30 32
Nez. Largeur supérieure des us uusau.^ 8 15
— — minima — 7 11
— -— inférieure — » 20
-- — maxima de l'ouverture 24 27
720 SÉANCE DU 1^ DâCBMBRfi 4887.
Furfoos MonUgoy*
Face. n* S* rBngrtio.
Longueur médiane des os nasaux » »
» toUledunez 49 55
Hauteur sous-oérébrale du front 17 24
— intermarillalre 17 17
— totole de la face 88 94
— de la pommette 30 24
— orbito-alvéolaire 37 41
Voûte palatine. Longueur » 50
I — Largeur » » 38
Dislance au trou occipital » 43
Angle facial sous-nasal 76» 72»
— alvéolaire 64« 69»
Indice orbitaire 76.92 82. 05
— nasal 48.97 49.09
— facial 63.83 71.21
De ce qui précède, il est logique de conclure que^ à Té-
poque où ont été construites les allées couTcrtes de TAisne,
le type de Furfooz comptait encore, dans cette région, un bon
nombre de représentants, puisque, sur neuf crAnes plus ou
moins complets que nous connaissons, il en est deux qui
offrent les traits essentiels de cette race.
J'ai dit que les différences que j*ai signalées entre Thomme
de Montigny et la femme du trou du Frontal pouvaient n'être
qu'individuelles ou sexuelles ; elles pourraient aussi résulter
en partie de croisements, car il vivait déjà, à l'époque dont
nous parlons, d'autres races sur les bords de TAisne.
Parmi ces races, il en est une qui jouait alors un rôle pré-
pondérant dans cette région : elle comprenait des individus
à crâne long et étroit, sans surbaissement de la voûte, sans
saillie notable des bosses ; Técaille de l'occipital forme^ en
arrière, un renflement remarquable. Sur les sept voûtes pro-
venant de l'allée couverte de Vie-sur- Aisne, six nous mon-
trent ce type^ Ge n'est assurément pas l'élément dont je
parle en ce moment qui a pu se mêler à la race de Furfooz
pour donner naissance au type décrit plus haut : le résultat
1 La moyenne de leur indice céphalique est de 71.67; le plus dolicho-
céphale de ces cr&nes donne un indice de 64.89 ; le plus court est encore
sous- dolichocéphale avec un indice de 75.93.
R. VBKNEAU. — CRANES DE MONTIGNT. 724
eût été absolument opposé, car nous avons vu que le premier
crâne de Montigny était franchement bracbycéphale. Mais
c'est à cette race dolichocéphale que se rattache le deuxième
crâne recueilli par Vauvillé.
Cette pièce, réduite aujourd'hui au calvarium, ne peut
guère fournir de renseignements sur le type ethnique ; tout
ce que je puis dire à ce sujet, c'est que le crâne est dolicho-
céphale (indice : 73,33), que les courbes en sont régulières,
qu'on n'observe pas en arrière cette brièveté si remarquable
de récaille occipitale, et que les sutures sont compliquées.
Mais le peu qui reste de cette tète présente plusieurs parti-
cularités intéressantes. Je ne ferai que mentionner les petits
os wQrmiens de. la suture lambdoïde et le grand os surnumé-
raire qui occupe le lambda (il mesure 25 millimètres sur 30).
Il existe un autre os surnuméraire bien plus intéressant et
infiniment plus rare que les précédents; il est situé dans la
suture coronale, du côté droite à 3 centimètres environ au-
dessus du stépbanion. Ses dimensions atteignent 14 milli-
mètres en largeur et 22 millimètres en longueur.
Ce que présente de plus remarquable ce fragment de
voûte^ c'est une vaste plaie qui intéresse toute l'épaisseur du
tissu osseux et dont les bords sont complètement cicatrisés.
La perte de substance porte sur le pariétal gauche et sar le
frontal ; elle remonte jusqu'à la ligne médiane, où elle suit à
peu près exactement la suture sagittale. Elle mesure 37 milli-
mètres dans sa plus grande largeur et 10 centimètres de
longueur. En avant, elle arrive à 35 millimètres environ de
la suture coronale.
Il s'agit bien ici d'une plaie et non pas d'une trépanation.
Il suffit; pour s'en convaincre, d*examiner attentivement la
pièce. Le bord supérieur de la plaie est taillé davantage en
biseau que le bord inférieur : l'os a été entamé en haut et
s'est éclaté en bas. Si le bord inférieur est quelque peu
oblique^ c'est uniquement par suite du travail de cicatrisa-
tion.
Un autre motif doit faire éloigner l'idée d'une trépanation :
T. X (8« sArib). 46
791 8ÊAKGB DU l*' DÉCEMBRE 1887.
les bords de 1& perla de Bnbstance sont un peu sinueui et
n^oSVent nullemeui la régularité qui résulte d'une trépa-
nation par raclage, comme on devait la pratiquer à cette
époque.
En arrière, la plaie est entourée d'un large sillon, à peu
près parallèle aux bords de la blessure, dont il est aéparé
par une partie épaissie, large de 9 centimètres environ. Le
sillon lui-même est le résultat d'une résorption du diploé
tout à fait analogue à ce qui se produit ohei: les vieillards.
Toutefois^ étant donné l'état des sutures, on ne saurait attri-
buer cette gouttière à de l'atrophie sénile ; je crois qu'elle
n'est que la conséquence de la plaie, et qu'elle s'est formée
pendant le travail de la cicatrisation.
Nous connaissions déjà plusieurs exemples de blessures ci-
catrisées sur des crânes de la fin de l'époque néolithique : il
me suffira de rappeler le crâne de la caverne sépulcrale de
Nogent-les-Vierges, près de Greil, et celui du tumulus de
Triel, dans 8eine-et-0ise. Ces deux têtes portent aussi de
vastes plaies osseuses du côté gauche.
La voûte qu'a bien voulu nous communiquer M. Vauvillé
montre une fois de plus que les populations de la pierre polie
n'étaient pas d'humeur absolument pacifique, et que les
hommes d'alors, sans avoir recours à nos moyens chirurgi-
caux, survivaient parfois à des blessures qui tueraient, dans
la plupart des cas, les hommes d'aujourd'hui.
J'ai fait allusion à une fouille faite par M. Glouet dans la
même région. Je me suis borné & vous donner la description
sommaire d'une des voûtes crâniennes qui y ont été rencon<
trées. M. Vauvillé va nous donner des renseignements com-
plémentaires sur toutes les fouilles pratiquées jusqu'à ce jour
dans cette contrée.
AUTRES GALERIES COUVERTES FOUILLÉES PRÉGÉDEMHENT
DANS LA MÊME RÉGION.
Sept monuments analogues à la galerie couverte dont il a
été question ont déjà été découverts et fouillés dans la même
R. VBRNEAU. — GRANBS DE MONTIftNT. 723
région; tons sont placés sur le haut des montagnes bordant
la vallée de la rivière d'Aisne. Il pent être intéressant de les
citer, attendu que six, plus celui fouillé en 1887, se trouvent
compris dans une circonférence d*un rayon de 3700 mètres
ayant Vic-sur-Aisne pour centre.
En voici la description sommaire avec Tindioation des pu-
blications qui en font mention :
i^ Montignt/'tÉngram j fouille de 1843. — Formé de
pierres brutes, il avait 4 mètres de longueur^ â mètres de
profondeur et 1",20 de largeur. H contenait environ cin-
quante squelettes, des poteries^ une petite hache ensilez ver-
dfttre et trois haches en bronze (type à talon arrondi) (voir
Bulletin de la Société archéologique de Soissonsy volume de
4856, p. 249).
2° Montigny-fEngrain, fouille Chotm, 4845 (?). — Situé à
peu de distance du précédent^ formé de la même manière,
sans dimensions prises,' il était couvert de dalles percées de
vingt trous ronds et assez réguliers. Il contenait un nombre
considérable de squelettes du milieu desquels on a retiré trois
haches polies, dont une en mélanite et deux en silex {Age de
pierre et les sépultures de l'âge du bronze du département de
V Aisne, par M. A. Wattelel, 1866).
3* Vic-mr-Aisne, fouille de 1858. — Formé comme les pré-
cédents, il avait 4°,30de longueur, 1°,20 de largeur et 1",30
de profondeur; il était dallé au fond.
11 contenait quarante-deux squelettes sur trois couches,
chaque couche avait été formée en déposant les têtes sur
deux rangs du côté des chevets; lepremier^de quatre contre
le mur ; le second, de trois, ce qui donnait quatorze sque-
lettes pour les deux bouts et par couche, et quarante-deux
pour les trois couches.
On a recueilli dans les sépultures : trois haches polies, des
couteaux et une pointe de lance, le tout en silex ; des vases
en terre cuite de forme très grossière.
Sept cr&nes, de cette fouille, ont été envoyés à M. de Qua-
trefages,ils sont exposés au musée d'anthropologie du Jardin
724 SÉANCE DU 4** DÉCBMBRB 1887.
des Plantes. La couverture du monument était formée de
trois pierres; celle du côté sud était percée d'un trou .rond
de 485 millimètres de diamètre {Bulletin de la Société archéo-
logique de Soissona^ volume de 4858, p. 53 à 63).
4" Courtieux {Oiie)^ fomlle de 1846. — De construction ana-
logue aux précédents, il avait 7 mètres de longueur, 2*^^20 de
largeur et 1",30 de profondeur. Le fond était pavé et sa table
était percée de trous régulièrement forés et espacés.
Ce monument était bourré de squelettes placés en travers
et rangés u tète bêche ». Contre Tune des parois on a compté
trente tètes alignées et seize de l'autre côté. Ainsi la couche
superficielle avait pu être de soixante squelettes, et comme
la profondeur du tombeau comportait trois épaisseurs de
corps, si ce n'est quatre, on aurait pu conjecturer qu'il en
contenait au moins deux cents.
On y a recueilli : cinq haches polies dont quatre en silex
blanc et une petite en silex noir, une pointe de lance en silex
bleinC; des coquillages et une amulette en silex gris, percés,
les uns et les autres, de trous pour former un collier {Bulletin
de la Société archéologique de Soissons^ volume de 1856,
p. 249).
5* Samt'Christophe'à'Berry. — M. Peigné-Delacourt a cité
un ossuaire trouvé près de Saint-Christophe, on y a compté
trente ou quarante squelettes. Ce tombeau était formé par
de larges pierres grossières et recouvertes de dalles pareilles.
On y a vu un pot rougeâtre grossier fait à la main, haut
de 20 centimètres, des bouts de flèche en silex et des haches
en pierre (Bulletin de la Société académique de Laon, t. IX,
p. 20).
6** Saint'Pierre-leS'Bitry {Oise). — Quelques années avant
les découvertes des galeries de Montigny, Vie-sur- Aisne .et
Courtieux, une autre du môme genre avait été fouillée à
800 mètres à l'ouest de celle de Vie-sur- Aisne, mais rien n'a
été trouvé au milieu des sépultures qui avaient déjà été
fouillées {Bulletin de la Société archéologique de Soissons, 1858,
p. 53 à 63).
MONDIÈRE. -— CONCOURS DU PRIX GODARD. 725
T Ambleny. — Un autre monument du même genre a été
découvert en 1879 sur cette commune; il avait environ
40 mètres de longueur sur 1»,50 de largeur. Fouillé sans
soins par des ouvriers pour avoir les pierres, rien n'y a été
recueilli ni constaté bien sérieusement {Bulktin de la Société
archéologique de SoissonSy 4879).
Bapport sur le e«B€)oars da prix Ciodard (i889) ;
PAR M. MONBliRE.
Messieurs,
Vous avez, cette année, désigné pour faire partie de la
commission du prix Godard: MM. Bordier, Sanson, Manou-
vrier, Lagneau et Mondière. La Commission m*a chobi pour
être rapporteur.
Je dois d'abord exprimer un regret, au nom de la Com-
mission : elle a vu avec peine que deux mémoires seule-
ment aient été adressés pour le concours. L'un <îe ces travaux
est de M. Atgier, médecin-major au 1 37e d'infanterie, et a
pour titre: « Étude d'ethnographie et de géographie médicale
dans le Morbihan, d'après les observations prises dans les
tournées de revision en 1885. » Le second est de M. Maurel,
médecin principal de la marine, et est intitulé : « Mémoire
sur l'anthropologie des divers peuples vivant actuellement
au Cambodge. » Le travail de M. Atgier, basé sur les obser-
vations et les renseignements qu'il a pu prendre pendant la
tournée du conseil de revision dans le département du Mor-
bihan est une sorte de monographie plutôt ethnologique
qu'ethnographique, mais surtout médicale, de ce départe-
ment.;*
Selon l'auteur, la population, qui est de cinq cents et
quelques mille individus, se compose de deux éléments :
deux tiers sont d'origine celtique, l'autre tiers d'origine kym-
rique, et, chose remarquable, les deux races occupent cha-
cune une zone assez nettement délimitée par une ligne com-
mençant un peu à l'ouest de Pontivy au nord, et aboutissant,
7M SlAirCI DU 1^ DiGBMBRB 1887.
au sud, i l'embouchiire de la Vilaine. A Touest est le Breton ,
Celte; à Test, le Gallot, Kymrique. Ce mot gallot vient de
oe que cette population est formée par les descendants d'an-
ciens émigrants, Gaôls ou Gallois. Ici il y a un peu de confu-
sion dans le mémoire ; Tautour ne donne que deux mesures
anthropométriques; la taille variant de 1*^,600 à |b,650,
c'est-à-dire variant dans de très faibles limites, et l'indice
céphalique qui est de 83 ou 85. Le texte fait supposer que
c'est des Bretons qu'il paile, car plus loin, mais d'une ma-
nière évidente, il dit un mot de la description qui appartient
aux Gallots. Les caractères du Breton seraient : des épaules
larges et trapues et surtout uQa voussure considérable de la
partie thoracique antérieure, assez forte souvent pour en-
traîner l'exemption du service militaire à cause de la gène
causée par les bretelles du sac. De plus, les déformations
générales du squelette de la poitrine, les déviations de la
colonne vertébrale seraient communes. Les individus ban-
cals sont assez nombreux, ainsi que les pieds plats. Au sujet
de cette dernière malformation, on sera peut-être étonné de
voir H. Atgier se demander si elle n'est pas due à la trans-
mission héréditaire d'une déformation artificielle ancienne.
Ce sont tous les détails anthropologiques donnés par l'au-
teur; il passe ensuite aux maladies endémiques de la région,
et la partie du mémoire qui en traite occupe plus des deux
tiers de celui-ci. Nous ne ferons que citer les titres des diffé-
rents chapitres, bien que Tauteur établisse une distinction
intéressante entre les maladies que l'on trouve dans tous les
cantons et celles qui paraissent spéciales à quelques-uns.
Dans le premier groupe, nous trouvons la diphthérie, la va-
riole, la rougeole, les fièvres de marais, la gale, l'alcoolisme
et la pneumonie épidémique, qui est probablement la consé-
quence du précédent. Dans le second, l'auteur n'indique que
des affrétions du système nerveux, géqéralement des acci«
dents que l'on peut rapporter à l'hystérie. Ainsi : !• une danse
de Saint-Guy, endémique dans le village de Saint-Malo des
Trois-Fontiânes et sévissant sur les petites filles de l'école ;
KONDltaB. «" GONOOURt DU PRIX OODARD. 7t7
3» les aboyeaaes de Josselin* La maladie débuta au comment
cernent du siècle dernier; les deux sexes, quel que soit leur
âge, peuyent en être atteinlâ. Elle est connue dans le pe^ya
sous le non^ de mal de la Vierge; on dit aussi des personne^
atteintes qu'elles ont « les bnles q . Uauteur range cette affec*
lion dans la classe des cborées. Enfin le mémoire se termine
par une longue description des exbibitiûna de madones^ de
vierges noires, de processions et de toutes les mises en scène
pratiquées par les prêtres depuis le neuvième siècle pour
amener la guérison de ces diverses alTections nerveuses qui
tendent actuellement à diminuer d'une façon sensible. JEln
somme, le travail de M. Atgier est fort intéressant, et il serait
bon quecbacun de nos départements eût son histoire anthrot
pologique et médicale étudiée, mais peut-être d'une façon
un peu plus anthropologique, car, il faut bien le dire, le mé*
moire de M, Atgier ne répond pas complètement au but que
Godard s'est proposé en instituant le premier encouragement
que notre Société a eu à décerner.
Tout autre est le travail de M. Maurel sur le Cambodge; il
est dans sa presque totalité anthropologique ou ethnogra-
phique. L'auteur commence par un résumé historique du
peuplement du sud de la Gochinchine, et il se range à l'opi-
nion de presque tous les auteurs qui ont écrit sur ce pays, en
admettant que le Cambodge fut d'abord occupé par une ou
des populations noires, aux formes grêles, aux yeux horizon-
taux, et qui, à l'heure actuelle, sont, sous différentes appella-
tions, refoulées dans les montagnes : Mois, Kas, Kouis,
Penongs, etc. Or, sur ces populations que Ton a considérées,
tantôt comme des Négritos, tantôt comme des Dravidiens^
l'auteur nous donne peu de détails ; il les considère, pour
ainsi dire, comme autochtones. Puis il vient à l'envahisse-
ment par le nord-est venant de l'Inde, puis h une seconde
invasion venant directement du Nord et opérée parles Tonki-
nois, et enfin à l'arrivée des Mongols au treizième siècle. Après
une digression sur le régime hydrologique du grand Lac,
M. Maurel arrive à la partie qui nous intéresse : l'antbropo-
728 SÉANCE DU i^ DÉCEMBRE 4887.
logie. Il dit d'abord que les documents sont considérables» il
eût peut-être été préférable de dire nouveaux. Car, pour les
populations dites sauvages^ M. Maurel nous donne seulement
Tingt-cinq mesures : 8 hommes penongs ; 3 femmes khouis ;
6 hommes roongs ; i homme nong ; 4 homme rodais ;
7 honmies vieux Khmers. Ici est intercalé un chapitre assez
étendu sur la technique suivie par Fauteur, bien que d'une
façon générale il ait adopté les Instructions. C'est une sorte
de petit manuel du voyageur anthropologiste. Nous allons ré-
su mer brièvement ses observations, mais en n'insistant que sur
celles qai ont un réel intérêt. Sous le nom de vieux Khmers ^
M. Maurel décrit ce qu'il croit être les descendants des grands
peuples, et il leur trouve une frappante analogie avec le type
hindou, surtout ceux de la province de Siem-Réap où sont
les ruines d'Ang-Kor-Tom. Nous ferons remarquer que sur
les quatre indices céphaliques ccdculés, il y en a un de 75.94,
ce qui fait tomber la moyenne des trois autres à 8â.70 et
80.50 ; ce chiffre donné par l'auteur est évîdenunent trop faible.
Pour les deux hommes laotiens ^ on trouve une différence de
40 centimètres dans la taille, il n'y a pas de moyenne à tirer.
Thiamsy 7 hommes. L'auteur, qui attache une grande impor-
tance à ce groupe, donne^ pour moyenne de la tcdlle, 4617.44
(les indices ne sont pas calculés). Ce qui distinguerait sur-
tout cette population serait un prognathisme alvéolaire tout
à fait simien; la partie alvéolaire du maxillaire serait projetée
en avant d'une façon exagérée, mais les dents sont implan-
tées verticalement. Malgré certaines analogies que plusieui*s
auteurs ont notées, entre les Malais et les Thiams, M. Maurel
est tout à fait opposé à une idée de parenté quelconque entre
les deux peuples; et il affirme que, non seulement les Thiams
n'ont rien de mongolique, mais qu'ils se rapprochent sensi-
blement des Aryens. La Commission pense que de nouvelles
observations plus nombreuses sont indispensables avant que
l'on accepte cette doctrine.
L'auteur donne ensuite des observations sur des popula-
tions déjà connues, mais ces observations sont toujours utiles,
MONDIÈRB. •— CONCOURS DU PRIX GODARD. 729
on ne saurait avoir trop de renseignements et venus de divers
côtés. Ainsi : !<> à propos de 42 hommes malais, il retrouve
bien le prognathisme des Thiams, mais ici les dents sont
obliques et suivent la direction du bord alvéolaire ; 2o 19 hom*
mes et 3 femmes annamites. M. Maurel, pour les premiers,
donne 1 587.09 pour la taille (j'avais trouvé 1 596.30)* Indice
eéphalique non calculé. Viennent ensuite 10 Chinois, 10 Ta-
gals, 2 Manillais, i Siamois. Passant aux métis divers actuels,
Fauteur ne donne qu'une seule observation de chacun d'eux ;
il n'y a donc pas de conclusions à tirer. Puis il aborde enfin
l'étude du Cambodgien actuel: 30 hommes, taille, i 617.66;
indice eéphalique, 83.16. 12 femmes, taille, 1 507 (27 femmes
m'avaient donné 1451.04); indice eéphalique non calculé.
A propos des mesures et des renseignements pris sur les
femmes cambodgiennes, je rappellerai que M. Maurel, sur
une observation que je lui fis de la difficulté que j'avais eue
à mesurer des femmes cambodgiennes, répondit que sa
position officielle lui avait donné des facilités très grandes.
Or je ne trouve dans son mémoire aucun renseignement sur
rage de la première menstruation, de la première parturition,
la ménopause^ le nombre des enfants et l'accouchement ; et
cette lacune a semblé fâcheuse. Il est une autre chose que
l'on regrette de ne pas trouver dans ce travail, c'est le tracé
même, à la lame de plomb, des courbes crâniennes de ses
sujets.
Nous ne poursuivrons pas l'analyse du travail de M. Maurel
dans les chapitres suivants : Station debout ou accroupie,
salutations en usage à la réception royale, habitations, ali-
mentation. Toutefois, à propos de celle-ci, il pourra rectifier
son expression de « huile de poisson » pour désigner l'assai-
sonnement que les Annamites appellent « nuoe-mam », qui
veut dire seulement « eau salée » et qui n'est qu'une saumure
dans laquelle on a fait macérer une espèce particulière de
poisson. L'article Mariage est très court; la seule remarqua
intéressante est que si, pendant le temps assez long où le
fiancé fait sa cour, en travaillant pour le compte de ses fu-
780 sIakci du ^^ DtooiBaB 1887<
tara beaux-parents, il vient un enfant, oelui-oi est légitime
de droit.
Voici les conclusions de Tauteur : « LesKhmers sont d'orif*
gine hindoustanique. Les sculptures du temps établissent
qu'ils professaient la religion brahmanique. Mais ces Khmera
agissaient sous Vinipulsion d'un certain nombre d'Aryens
auxquels ils étaient soumis et qui dirigèrent l'invasion.
Bientôt ceux-ci forent absorbés dans la masse. Ia tradition,
si elle est exacte, dit que les ancêtres du peuple kbmer avaient
des cheveux droits et les yeux horizontaux. »
Vous voyez, messieurs, par cette analyse, l'intérêt que pré-
sente le travail de M. Maurei. Il soulève un peu le voile qui
nous dérobe encore et les origines et les migrations de^
populations qui ont tour à tour occupé la presqu'île de
rindo-Chine. Mais ce n'est qu'un échelon, et il foudra encore
de longues recherches et des mesures anthropométriques plus
nombreuses, des observations minutieuses sur certaines cou-
tumes qui ont survécu, pour que Von puisse être à peu près
fixé sur ce que ces populations ont été et sur ce que la civi-
lisation européenne pourra en faire.
Vous comprenez^ maintenant, messieurs, pourquoi votre
commission, à l'unanimité, a accordé le prix Godard au tra-
vail de M. Maurei. Elle a, en outre, émis le vœu que, M. Àtgier
ayant, en 1881, obtenu une médaille de bronze, il fût fait
rappel de cette médaille afin d'encourager l'auteur à pour^
suivre ses recherches intéressantes sur les localités françaises
et qui nous manquent, en rengageant, toutefois, à se rappro-
cher davantage de l'esprit de nos Instructions.
COMMUNICATlOIfS.
PAR MM. 0. TARIOT R H. MORÂU.
Nous avons étudié, à l'aide des méthodes histologiques
modernes^ deux tatouages humsuns bleus : Tun nous a été
6. YARIOT BT H. IIOIUU. — TÀTOUÀftBI EUROPÉENS. 781
obligeamment fourni par M. le docteur Rémy ; Tantre, qui
datait de trente-deux ans, a été recueilli sur un détenu par
M. Variot, médecin de Tinfirmerie centrale des prisons de
Paris.
I
Les résultats fournis par Texamen microscopique de ces
divers tatouages ont été sensiblement analogues :
4® Sur des préparations incolores vues à un faible grossis-
sement^ on constate que les particules colorantes d*un noir
absolu, d*une configuration [et d'une forme très variables,
siègent exclusivement dans le derme et plus spécialement à la
partie moyenne de celui-ci. Ces particules noires sont géné-
ralement groupées en eéries presque linéaires qui sont super-
posées les unes aux autres dans la partie moyenne du derme.
Il y a aussi quelques parcelles noires éparses jusque dans le
tissu des papilles. L'épiderme est absolument intact.
2» Sur les coupes de la même peau colorées aupicro-carmin
et très minces, on voit que les séries de particules colorées
sont groupées à la périphérie des vaisseaux sanguins, recon-
naissables à leurs caractères ordinaires. Cependant il y a
aussi quelques fragments noirs très ténus, beaucoup moins
nombreux que ceux qui sont en contact avec les vaisseaux,
et qui sont placés entre les faisceaux du derme. Il semble
que les particules colorantes sont fixées assez intimement sur
la paroi externe des vaisseaux sanguins, car lors môme que
ces vaisseaux sont isolés dans les coupes, par écrasement,
les parcelles ne s'en séparent pas. Nos préparations ne nous
ont fourni aucun renseignement sur les rapports de ces par-
ticules avec les réseaux ou espaces lymphatiques du derme.
Nous n'avons pas eu non plus Toccasion de voir l'état des
ganglions lymphatiques correspondants. Mais les travaux
antérieurs de Follin et de Virchow ont amplement démontré
qu'un certain nombre de fragments colorés étaient charriés
par les vaisseaux lymphatiques jusqu'aux ganglions.
732 SÉANCE DU i*' DÉCEMBRE i887.
n
Noas avons pratiqué, en employant les procédés des ta-
toueurs, un tatouage à Tencre de Chine sur la peau da
ventre d'un jeune chien. Un premier lambeau de ce tatouage
a été enlevé au bout de huit jours, et un second, après quinze
jours. L*examen microscopique en a été fait d*aprôs la mé-
thode indiquée ci-dessus.
i<» Des coupes du lambeau enlevé au bout de huit jours
montrent que Tépiderme est bien réparé au niveau des pi-
qûres qui ont été faites ; que cet épiderme ne contient pas de
particules noires. Celles-ci siègent uniquement dans le derme,
dans la région des papilles, dans la partie moyenne et jusque
dans le panicule adipeux. Ces parcelles noires, les unes très
fines, les autres assez grosses^ sont diffuses dans le derme.
Néanmoins c'est bien plutôt entre les faisceaux fibreux, en
contact avec les fibres élastiques interfasciculaires, que se
trouvent les parcelles noires. Quelques-unes sont très près de
la gaine des follicules pileux ; dans d'autres points, les parti-
cules noires sont mêlées aux vésicules adipeuses et semblent
y avoir pénétré, mais comme il existe beaucoup de goutte-
lettes graisseuses très fines au voisinage de ces lobules adi-
peux, il paraît probable que des vésicules graisseuses auront
été rompues par les piqûres du tatouage.
â*" Les coupes du lambeau de peau enlevé après quinze
jours offrent des dispositions des particules colorantes très
sensiblement analogues ; celles-ci sont peut-être un peu moins
confluentes et ont toujours de la tendance à se masser dans
les espaces interfasciculaires.
La conclusion qui ressort de cet examen comparatif des
tatouages humains anciens et des tatouages expérimentaux
récents, c'est que la topographie des particules colorantes est
tout à fait différente dans les deux cas : ces particules sent
diffuses, ou à peu près, dans le derme, dans les tatouages ré-
cents ; tandis qu'elles ont une tendance manifeste à se grou-
per autour des vaisseaux sanguins dans les tatouages anciens.
G. VARIOT ET H. MORAU. — TATOUAGES EUROPÉENS. 733
Nous ferons remarquer que, ni dans les tatouages récents,
ni dans les tatouages anciens, on n'observe de vestiges d'un
processus inflammatoire quelconque, pas de dilatation vas-
cuiaire, pas de prolifération cellulaire ni d'exsudat de leuco-
cytes. Le tissu du derme présente donc une tolérance singu-
lière pour ces particules colorantes, et la migration de
quelques-unes de ces particules dans les voies lymphatiques
n'est évidemment pas en rapport avec une prolifération de
leucocytes, puisque ceux-ci font défaut. Quant à la migration
très limitée de ces particules dans les anciens tatouages, mi-
gration ({ui les amène en contact avec les vaisseaux sanguins,
elle est due à des phénomènes de translation que subissent
toutes les particules minérales placées au milieu des tissus
vivants. On peut donc dire, en résumé, que le tatouage à
Tencre de Chine est urfe sorte d'anthracose dermique,
II ressort également de tout ce qui précède que Tindélé-
bilité des tatouages à Tencre de Chine n'est pas absolue, mais
relative, comme on peut le voir, du reste, sur les figures un
peu informes des tatouages anciens. Ces modifications tien-
nent sans doute à ce qu'une portion de la matière colorante
passe lentement dans les voies lymphatiques. Nous croyons,
d'après nos recherches, que les particules les plus fixes sont
celles qui se sont groupées autour des vaisseaux sanguins.
Le siège intradermique de la matière colorante rend par-
faitement compte des tentatives infructueuses qui sont faites
à Taide de différents agents pour faire disparaître les ta-
touages. Un tatouage ne pourra donc être détruit qu'à la
condition que toute la portion du derme dans lequel il est
situé soit détruite également. L'un de nous a essayé de faire
disparaître un .tatouage obscène placé dans là région sous-
olaviculaire droite chez un tuberculeux ; on a fait plusieurs
applications assez profondes de pointes de feu avecle thermo-
cautère de Paquelin suivant les lignes du tatouage, et c'est à
peine si, dans quelques points, on a pu atténuer la teinte de
ces lignes.
Quant à ce qui est de la coloration bleue que, donnent*
734 8ÉA5CB bu 4'' DÉCEMBRE 18S7.
des particules noires disséminées dans Tépaisseur du derme,
c'est un phénomène du même ordire que Tapparence bleue
dn sang veineux vu à travers la peau. Le charbon siégeant
dans les couches dermiques moyennes est séparé de i*œil
non seulement par Tépiderme, mais aussi par une certaine
épaisseur de tissu dermique constitué par des faisceaux
fibreux intriqués en tous sens. L'image formée par les par-
celles de charbon n'est donc vue que par transparence au
travers d'un tissu grisâtre, c'est là manifestement ce qui
explique la teinte bleue.
LMndélébilité un peu variable des tatouages européens se
rapporte probablement au degré de division ou à Tinsolubi-
lité relative de la substance introduite dans le derme. Les
tatouages rouges, d'après les nombreux témoignages que
nous avons recueillis sur les détenus, sont beaucoup moins
stables que les noirs. Ceux qui sont faits au carmin ne tien-
nent pas comme on dit vulgairement; c'est que les particules
de carmin se dissolvent ou sont emportées par les leuco-
cytes ou passent plus facilement, à cause de leur ténuité, dans
les vaisseaux lymphatiques. Nous nous proposons de com-
pléter ultérieurement nos recherches microscopiques et expé-
rimentales à ce point de vue.
Les tatouages européens bleus, les plus fréquents de beau-
coup, sont faits, soit avec de Tencre de Chine, soit simple-
ment avec du charbon écrasé dans l'eau. L'indélébilité plus
grande de ces tatouages tient à l'inaltérabilité des particules
noires charbonneuses qui ne sont pas attaquées par les li-
quides de l'organisme et résistent aux mouvements molécu-
laires de la nutrition, à la manière des fhigments métal-
liques.
Nous manquons de documents précis sur la composition
chimique de l'encre de Chine. Est-ce du charbon finement
divisé et agglutiné par un mucilage? Est-ce, comme on l'a
prétendu, de la matière noire fabriquée par les seiches?
M. le professeur Gautier, qui a bien voulu faire quelques
essais devant nous pour éclairer cette question, pense, jusqu'à
DISCUSSION SUR LES TATOUAGES EUROPÉENS. 735
plus ample informé, qu'il y a dans Tencre de Chine vulgaire
deux substances colorantes : Tune, de nature organique, qui
se décolore par l'addition d'eau chlorée, et l'autre qui est très
probablement du charbon et qui résiste à tous les réactifs
chimiques. L'un de nous a publié, avec le docteur Desfosses,
en 4880, dans les Bulletins da la Société de biologie^ une
analyse chimique du pigment de la seiche. C'est une sub-
stance quaternaire, mais d'une résistance extrême, ne se
décolorant pas par l'acide sulfurique bouillant et ne se
décomposant que sous l'influence de l'eau chlorée. C'est dire
qu'elle doit résister dans l'intérieur des tissus comme le char-
bon. Donc, peu importe la composition chimique des parti-
cules colorantes incluses dans le derme. Ce qui prime tout,
pour ce qui concerne l'indélébilité des tatouages, c'est la
fixité du composé chimique colorant ou son inaltérabilité au
milieu des tissus vivants.
Biscnssion.
M, LetourneaO. Les particules de charbon, pour s'intro-
duire dans les lymphatiques, déchireraient donc ces vais-
seaux?
M. Yariot* Cela n'est pas impossible.
M. Hervé. Les corpuscules lymphatiques migrateurs du
tissu conjonctif ne seraient-ils pas les agents de ce transport?
M. Variot. Les leucocytes ne paraissent jouer aucun rôle
dans cette migration.
M. Sanson. Les vaisseaux lymphatiques ne sont pas fermés*
Les corpuscules de charbon peuvent s'y introduire par les
lacunes.
M. Hervé demande à M. Variot s'il pense que l'innocuité
des tatouages soit due à leur petitesse.
M. Variot pense qu'un tatouage, même très étendu, est
inofTensif, s'il est fait proprement.
M. Manouvribr rappelle qu'en Polynésie on voit des ta-
touages de la peau entière pratiqués sans accidents.
M. Hervé dit qu'il y a cependant des cas d'accidents et
736 SÉANCE hV i^ DéCÈKBRE i887.
même de mort, mais qu'ils peuvent être attribués à Teffet
direct des piqûres, surtout à la face, et non aux corps étran-
gers introduits dans la peau.
M. Magitot interroge M. Vâriot au sujet des tatouages
rouges.
M. Yariot. Les tatouages rouges paraissent s'effacer plus
vite que les noirs, probablement parce que les particules de
carmin sont plus fines.
M. Fauvelle dit que la migration des corpuscules de char*
bon n'a rien d'étonnant, attendu que le protoplasma se laisse
traverser par des corps étrangers.
Le kert«K quaternaire ;
PAR M. ED. PIBTTB.
Dans la séance du 47 mars 4887, M. le docteur Fauvelle a
fait, à la Société d'anthropologie de Paris, une communica-
tion sur un équidé sauvage <ie la Dzoungarie nommé kerlag
par les Kirghises, takké par les Mongols, et décrit en 1881 , par
M. Poliakoff, sous le nom d'equus Przewalskiù M. Deniker
a eu l'obligeance de m'envoyer la description latine que le
zoologiste russe a faite de cette espèce. Je la transcris ici :
Equus Przewalskii, Pouaeopf. — Caudx dimidia poste-
riore setosa; juba brevi, erecta; capronis {id est jubœ partibus in
frontem devexis) et loro dorsali nullis; verrucis brachtorum
pedumque distinctis; artubus crassis; ungulis latiSy rotun*
datis.
Le kertag a donc la crinière courte et droite, et la queue
dépourvue de crins dans sa partie basilaire. Son squelette
ne diffère pas beaucoup de celui du cheval, dont le rapproche
la présence de callosités (châtaignes) aux quatre membres.
Nous savons, en outre, par la relation du voyageur
Prjewalski,' publiée récenunent dans le Tour du mondes qu'il
est de petite taille avec une tête proportionnellement grande,
des oreilles moins longues que celles de l'&ne^ une robe
grise, presque blanche sous le ventre.
ED. PIBTTE. — LE KBRTAG OUATERNAIRE. 737
La description qu'en fait M. Poliakoff s'applique parfaite-
ment à un équidé quaternaire de TEurope occidentale dont
les artistes magdaléniens nous ont laissé de nombreuses re-
présentations. J'en ai reproduit deux dans une note sur les
équtdés de la période qtMiemaire parue dans les Matériaux
pour r histoire primitive de V homme (année 1887, XXI* volume,
3® série, t. IV, p. 361 et 363, fig. 47 et 50). Elles ont été re-
cueillieS; la première dans la caverne de Gourdan, la seconde
dans celle de Lorthet. M. Merk en a fait dessiner une autre
gravure, découverte dans la grotte de Tayngen. On en trouve
la copie dans les Matériaux: (XI° volume^ t. VII, année 1876,
p. 106, fig. 43). A la page 103 du même volume, fig. 41 et 42,
sont reproduites, d'après le même auteur, deux têtes d'équidés
gravées sur pierre et très mal faites, qui me paraissent ce-
pendant appartenir à la même espèce. Il y en a beaucoup
d'autres gravures non publiées dans les collections.
La figure 50 du XXP volume des Matériaux donne Tune
des allures de cet équidé. Les caractères de la queue sont
bien indiqués par cette gravure et par celle de Merk (vol. XP,
fig. 43); ils le sont moins bien par celle de la grotte de Gour-
dan (vol. XX1% fig. 47). L'artiste magdalénien avait com-
mencé à dessiner la queue en la plaçant trop bas. Il s'est
aperçu de cette erreur; et laissant inachevés les deux traits
qui devaient représenter sa partie basilaire, il Ta burinée
plus haut. Il faut donc faire abstraction de' ces deux traits
que Ton voit entre la queue et la fesse. Si la queue est mal
dessinée sur cette gravure, il n'en est pas de même de l'abon-
dance et de la longueur des poils. La longueur des poils du
kertag est signalée dans la relation de voyage de Prjewalski
publiée dans le Tour du mofide. Dans une lettre adressée à
Nering, de Berlin, M. Anoutchine reproche à M. PoliakofFde
n'avoir pas suffisamment indiqué ce caractère sur la litho-
graphie qu'il a fait exécuter de cet équidé. La gravure de
Gourdeui ne laisse rien à désirer sous ce rapport.
Je possède une autre représentation de cette espèce, prove-
nant aussi de la caverne de Gourdan, où la ligne de démar-
T. X (3» SÉRIE). 47
738 SÉANGB DU 1^ DâOBMBRB 1887.
cation entre la couleur grise des flancs et le blanc du ventre
est parfaitement indiquée.
Les différences entre Téquidé magdalénien et le kertag sont
peu considérables. Il convient pourtant de les signaler. Les
membres ne sont pas massifs; la forme, an contraire, en est
élégante. ^La tôte n'est pas trop grosse; la crinière, sans
tomber sur le front, s'avance entre les deux oreilles et les dé-
passe même. Enfin, la mâchoire inférieure est garnie de longs
poils qui forment une espèce de barbe. Ces dissimilitudes ne
me paraissent avoir rien de spécifique ; elles constituent une
simple variété et s'expliquent par l'éloignement des temps et
des lieux. Je crois donc que Ton peut désigner, dans les col-
lections, les gravures d'équidés à robe unie, à crinière
droite^ à queue dégarnie de crins dans sa partie basilaire^
sous le nom d'equtis PrzewaUkii ou, si Ton préfère, de kertag
ou de takhé.
Cette espèce, dont le front es{ légèrement bombé, n'était
pas, à l'époque quaternaire, celle de nos régions qui se rap-
prochait le plus du cheval actuel. Il y avait alors un équidé
à queue complètement garnie de crins, à crinière courte et
droite, dont le squelette ne diffère pas notablement de celui
de Vequus eaballus. La tête en était cependant plus grosse et
la mâchoire inférieure plus développée. C'est probablement
celle que M. Rutimeyer a désignée sous le nom à'equus ada-
meticus.
Elle a été représentée par les artistes magdaléniens. On en
a trouvé des gravures dans les cavernes d'Arudy, de Lourdes,
de Gourdan; mais elle paraît avoir été moins abondante dans
les Pyrénées que dans le Périgord, et c'est surtout à la Made-
laine et à Laugerie-Basse que l'on en a recueilli des figures.
J'en ai reproduit une gravure dans les Matériaux (3« série,
t. IV, p. 363, fîg. 49). On y remarque que le front de l'animal
représenté est presque droit; les membres sont massifs ; les
crins de la queue sont hérissés comme ceux d'un cheval
échauffé. Li^ tète, d'une grosseur disproportionnée an oorps,
est assez bien dessinée, chose assez rare à Langerie et à la
ED. PIETTE. — LE «ERTAG QÛAtERNAIRE. 739
Madelaiûe ; car les graveurs et les sculpteurs qui Tivalent
sous ces abris ont parfois tellement exagéré la massivité de
la tête, que leurs gravures et leurs sculptures ont fait de ces
animaux de véritables caricatures. Tels sont les grossiers re-
liefs reproduits dans les Reliquix aquitanicx (B, pi. X, ilg. 3
et 5). D'autres gravures, dessinées dans le ipéme ouvrage,
représentent fidèlement Tespèce (voir notamment B, pi. XXX,
fig. i). La orinière, à la différence de celle des kertags, était
dirigée d'avant en arrière. On pourrait même se demander, à
la vue de ces crinières inclinées et par conséquent souples et
déjà longues, si elles ne pendaient pas de Tautre côté du
cheval. Mais si ces équidés avaient eu des crinières tomban-
tes, les graveurs magdaléniens n'auraient pas manqué de les
représenter du côté où elles flottaient, ne fût-ce que pour
différencier les animaux qui les auraient eues de ceux qu'ils
voyaient ordinairement.
Je pense donc que le cheval & longue crinière flottante n'a
pas habité notre pays pendant la période quaternaire. t)ans
quelle région de la terre a*t-il apparu et s'est^il multiplié? Il
est vraisemblable que c'est en Asie, et que nos différentes
races de chevaux européens ne sont que le résultat du croise*
ment de nos équidés quaternaires avec les deux races de
chevaux amenés en Europe par les immigrante néolithiques.
Il est vrai qu'en Asie, pas plus qu'ailleurs, Veqtms caballuè n'a
jamais été vu vraiment sauvage; car les troupes de tarpans
de oe continent, comme celles de chevaux sauvages de l'A-
mérique, ne sont formées que de descendants de chevaux
domestiques rendus à la liberté. La diversité de leur pelage
est une livrée que leur a imprimée la servitude et dont ils
n'ont pu se débarrasser encore, malgré des siècles d'indépen*
danoe. Peut-être la longueur de la crinière esi^Ue un autre
fruit de la domesticité, et ne s'est^elle généralisée que par la
sélection de l'homme.
M. Fauvelle a fait remarquer, non sans raison, que la dé-
couverte du kertag dont la robe est dépourvue de toute
rayure, même de rayure dorsale, n'est pas de nature à oon-
740 SÉANCE DU i"' DÉCEMBRE 1887.
finner les vues des auteurs qui pensent que Tancêtre com-
mun de tous nos équidés devait être zébré. Cette conjecture
ne m'en semble pas moins la plus fondée. Chez les hybrides
de cheval et de zèbre, on a toujours remarqué des rayures
plus ou moins nombreuses, et Ton a conclu de la facilité de
ces produits du cheval à revêtir la robe zébrée que cette robe
avait été celle de Tancétre commun de tous les équidés. Les
rayures pourraient manquer sur certains métis sans que cette
induction, basée sur ce qui se passe dans la plupart des cas,
en fût infirmée. Elle ne Test pas non plus par l'existence
d'un autre solipède à pelage uni, car les hybrides de kertag
et de zèbre seraient probablement aussi rayés que ceux de
cheval.
Le nombre des espèces connues d'équidés zébrés est beau-
coup plus grand que celui des équidés à robe unie, et il
3*accroît tous les jours. Dernièrement, c'était Vequus Grevii
que Ton décrouvrait. Si les stations magdaléniennes m'ont
fourni des gravures de kertag, elles m'ont également donné
d'autres gravures représentant une espèce zébrée quater-
nairO; actuellement disparue. Elle était couverte de rayures
très nombreuses, très fines, en voie de résolution, car elles
étaient remplacées sur certaines parties du corps, notamment
sur la tête, par des mouchetures alignées. Je lui ai donné le
nom d'equm guttatus (équidé moucheté), et j'en ai reproduit,
dans les Matériaux ponr V histoire primitive de Vkommey une
gravure sur ivoire de mammouth découverte dans la caverne
d'Arudy (voir 3^ série, t. IV, p. 363, flg. 51). M. Merk en a
dessiné une autre gravure trouvée dans la caverne de Tayn-
gen (voir Matériaux^ 3* série, t. IV, p. 364, fig. 52). La grotte
des Ëspelugues, à Lourdes, renfermait une statuette de la
même espèce, en ivoire de mammouth, très bien exécutée et
fort intéressante, car presque toutes les rayures du corps s'y
résolvent en mouchetures alignées. Les oreilles, plus grandes
sur la sculpture que sur les deux gravures, sont loin d'avoir
une longueur égale à la moitié de la tête. J'ignore quelle forme
avait la queue. Celle de la statuette est cassée. Ce qui en
ED. PIKTTE. — LE KERTAG QUATERNAIRE. 741
reste a l'apparence de la partie basilaire d'une queue de
cheval; mais elle n'est que dégrossie, et Ton voit que la taille
en est restée inachevée. La gravure d'Arudy ne donne que le
devant de Tanimal. Je ne connais pas l'original de la gravure
de Tayngen, dont j'ai reproduit le dessin d'après M. Merk
(flg. 52). Mais la queue longue et mince, comme celle d'un
lévrier, dont on a gratifié l'équidé représenté, me paraît tra-
cée par le dessinateur moderne d'après des idées précon-
çues, et n'être qu'une mauvaise interprétation de l'œuvre de
l'artiste magdalénien qui, peut-être, avait voulu dessiner deux
crins. Une très mauvaise gravure d'équidé rayé que l'on
pourrait rapporter à cette espèce a été trouvée à Lorthet; la
queue de l'animal^ mieux faite que le reste, est dégarnie de
crins à sa partie basiJaire et ressemble à celle du zèbre. On
ne sait donc rien de certain sur l'appendice caudal de Vequus
yuttatus : mais cette espèce, dont les rayures tendent à se dis-
soudre, n'en constitue pas moins un intermédiaire entre le
kertag et le zèbre.
La multiplicité et la finesse des rayures paraissent être le
partage d'équidés chez lesquels le caractère tiré de leur pré-
sence a perdu de sa fixité. On peut voir, au Jardin d'accli-
matation, deux hybrides, l'un de daw et de cheval, l'autre de
daw et d'âne, très intéressants, en ce qu'ils présentent des
raies aussi étroites que celles de Vequus guttatus. L'un d'eux
en est tout couvert; l'autre a les rayures plus rares et plus
effacées; mais il a une croix très nette, et, ce qui est remar-
quable, la barre de l'épaule se divise en trois raies. On
peut en induire que la croix qui caractérise l'âne et l'hémione
n'est que le reste d'un pelage zébré. Lors donc que Von
compte les équidés rayés, il faut placer avec eux Vequus he-
mionus et Vequus onnger. Tous paraissent descendre d'un
auteur commun zébré. Vequus caballus^ Vequu$ adameticus^
Vequus Przewahkii auraient-ils eu une généalogie différente?
Je ne puis rien dire de Vequus adameticus^ dont le pelage devait
être uni ; mais le cheval, dont il sen^ble avoir été l'ancêtre im-
médiat, a parfois une bande dorsale. Or, cette bande, si ce que
748 86AKCB DU 1^ DÉCEMBRB 1887.
nous avons dit est vrai, est le dernier vestige de la rayure du
pelage* J*ai souvent remarqué cette ligne dorsale sur les
chevaux de couleur Isabelle, et quelquefois sur des chevaux
gris-souris. Peut-être pourrait-on prétendre qu'elle est un
signe du métissage de l'un de leurs ancêtres qui se serait
croisé avec l'âne ou l'hémione. Aux temps quaternaires, ces
croisements étaient plus faciles qu'aujourd'hui. Vequtts ada-
metieus, avec sa crinière courte, n'était pas éloigné de Vequus
Przewalskii, qui lui-même, par les caractères de la queue, se
rapprochait beaucoup de Vequus hemtonus et de Vequus gut^
tatus. Entre espèces si voisines les imes des autres, il dut alors
se former des hybrides doués de la faculté de se reproduire,
qui se croisèrent eux-mêmes avec le cheval et purent trans-
mettre à leurs descendants, avec la forme de ce dernier, la
ligne dorsale qu'ils tenaient de l'un de leurs auteurs. Toute-
fois, j'incline plutôt à expliquer par un retour à l'atavisme
cette rayure sur le dos de certains chevaux; et ce qui me
confirme dans cette opinion, c'est que les chevaux qui en sont
dépounus ont presque tous la crinière et la queue d'une
couleur plus foncée que le surplus de leur robe. Or, la queue
et la crinière sont les deux extrémités de la bande dorsale;
et^ si celle-ci manque, la couleur qu*elle avait subsiste, malgré
cette lacune, sur les crins du cou et de l'appendice caudal.
Le kertag n'a pas le dos rayé ; mais sa crinière et sa
queue sont noires comme le sont le plus souvent celles du
cheval.
Les équidés adamiques, si l'on s'en rapporte aux gravures
magdaléniennes, présentaient parfois, dans nos régions, le
phénomène pathologique connu sous le nom de queue de
rat. Je possède une gravure, burinée sur une côte d'équidé,
représentant un individu qui en est affecté. Elle a été re-
cueillie dans la caverne d'Arudy, à côté d'ossements de
mammouth.
Tous les équidés, à l'exception du cheval et de l'équidé
adamique dont il paraît n'être que la transformation, ont la
partie basilaire de la queue couverte de poils ras. Ces poils
MATHIA8 DUYAL. — l'aPHASIE DEPUIS BROGA. 743
subsistent même ordinairement^ chez Yequtu caballus^ sur la
partie supérieure de la queue, à son point d'attache, et ils y
forment un petit triangle dont la pointe s'ayance plus ou
moins dans les crins. Il est donc légitime de penser que l'ap-
pendice caudal de Tancêtre commun de nos équidés n'avait
de crins qu'à sa partie inférieure.
La séailce est levée à six heures.
L'un des secrétaires : MANOUVBlEa.
i(S« SiiNCB. — 14 décembre 1887.
QUATRIÈME CONFÉHENCE BROGA
Présldetiee de M. JÊÊAGkÈT&t^ présldenl*
M. LE Président, après avoir proclamé lauréat du prix
Godard M. le docteur Maurel, donne la parole au conféren-
cier, M. Mathias Duval :
Ii*A|iliâsle depaUi Bfo^A t
PAR tl. MATHIAS DtJTAt.
Messieurs,
Dans sa séance du 21 mars 4861, la Société d'anthropo-
logie fut témoin d'une discussion mémorable entre Gratiolet
et Auburtin, au sujet des fonctions des lobes antérieurs du
cerveau. Broca intervint dans cette discussion pour préciser
de quelle manière on devait procéder à la recherche dQs lo-
calisations cérébrales, et il déclara qu'à son avis les observa-
tions pathologiques, complétées par l'autopsie, pourraient
seules conduire à découvrir des localisations particulières, à
la condition expresse que les observateurs voulussent bien
s'attacher à désigner nettement, par des dénominations anato-
miques régulières, les circonvolutions malades, au lieu d'indi-
quer vaguement, oomme par le passé, le siège des lésions
744 SÉAlfCB DU 14 DÉCEMBRE 1887.
dans telle ou telle région da cerveau. C'était là le programme
qui a été Torigine de tant de découvertes, inaugurées par
Broca lui-même, par la découverte de la lésion dans Yaphasïe.
Depuis longtemps on avait observé, chez des sujets ayant
conservé leur intelligence, des troubles singuliers du lan-
gage, troubles de nature à faire penser à la lésion d'un organe
cérébral particulier présidant à la fonction de l'expression.
Mais quel était cet organe cérébral ? Bouillaud avait indiqué
les lobes antérieurs du cerveau. Mais ces lobes étant reconnus
comme le siège des facultés intellectuelles en général, c'était
une de ces indications vagues auxquelles faisait allusion
Broca, en mars 4861 , devant la Société d anthropologie. Pour
Broca, chaque circonvolution, chaque méandre d'une cir-
convolution était peut-être un organe cérébral distinct; c'est
dans ce sens qu'il se proposait de chercher. C'est dans ce
sens qu'ont été faites toutes les découvertes dont je dois
vous donner aujourd'hui un rapide aperçu, et dont la pre-
mière devait à jamais illustrer le nom de notre fondateur. En
effet, quelques mois après avoir précisé, devant la Société
d'anthropologie, les principes qui doivent présider à la re-
cherche des localisations dans les circonvolutions cérébrales,
Broca découvrait, conformément à ces principes, que la troi-
sième circonvolution frontale gauche est l'organe cérébral
de la parole articulée; que les lésions destructives de cette
circonvolution produisent l'aphasie.
I
Broca était alors chirurgien de Bicétre. Or, le 4 1 avril i86l ,
on transportait dans son infirmerie, pour une lésion chirur-
gicale, un vieux pensionnaire de Bicêtre, connu dans l'hospice
sous le pseudonyme de Tan, parce qu'à toutes les questions
il ne pouvait répondre verbalement que par le mot TaUj mais
en y joignant des gestes variés, au moyen desquels il réus-
sissait à exprimer la plupart de ses idées. 11 comprenait, en
effet, tout ce qu'on lui disait; mais, quoique les muscles de
la langue et du larynx ne fussent nullement paralysés, il ne
MATHIAS DUVAL. — - l' APHASIE DEPUIS BROGA. 74S
pouvait proférer que des sons inarticulés, n'ayant conservé
d'autre vocabulaire que le monosyllabe en question. Ce ma-
lade succomba peu de jours après, et^ à Tautopsie, Broca
constata qu'un ramollissement chronique avait détruit, sur le
lobe frontal gauche, la moitié postérieure des deuxième et
troisième circonvolutions frontales, dont la substance était
remplacée par une poche pleine de sérosité : Tétude exacte
de la lésion montrait que la troisième frontale avait dû être
atteinte la première, et qu*en elle la destruction était plus
profonde et plus étendue. Broca communiquait cette obser-
vation à la Société anatomique en août 1861. Mais, en pré-
sence d'un fait isolé, il s'abstenait de formuler une conclu-
sion et déclarait qu'avant de localiser le siège de la faculté
du langage articulé dans la moitié postérieure de la troisième
frontale, il voulait attendre de nouveaux faits. 11 n'attendit
pas longtemps.
En efTet, le 27 octobre, dans ce même service de Bicêtre,
Broca se trouvait en présence d'un nouveau cas, calqué pour
ainsi dire sur le précédent. C'était un vieillard qui, frappé
d'apoplexie, s'était promptement rétabli, ne conservant de
son accident que des troubles désignés par sa famille comme
une paralysie de la langue, parce que ce malade avait perdu
définitivement la faculté de parler. Mais, en réalité, la langue
ni aucun organe musculaire n'était paralysé; le sujet n'était
pas non plus aphone, mais il n'avait pour tout vocabulaire
que les monosyllabes : owi, noriy tois (pour trois) et toujours,
qu'il appliquait à tort et à travers; mais, ces mots ne répon-
dant que rarement à ce qu'il voulait exprimer, il corrigeait,
par des gestes expressifs, l'imperfection de ce langage rudi-
mentaire, imperfection dont il avait conscience. Il n'avait
donc pas perdu Tinteiligence. Ce malade étcmt mort au bout
de dix jours environ, l'autopsie révéla une lésion identique
à celle du cas précédent, mais beaucoup mieux circonscrite,
c'est-à-dire n'occupant exactement que la partie postérieure
de la troisième circonvolution frontale gauche. En communi-
quant ce nouveau cas à la Société anatomique, Broca se tint
T46 SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1887.
encore sur nue certaine réserve ; une coïncidence purement
fortuite pouvait peut-être s'être rencontrée ; mais cependant
il insistait sur l'importance de ces faits en faveur de son hypo-
thèse des localisations par circonvolutions.
Cependant l'attention des cliniciens était vivement attirée
sur ces observations, et des cas qui, dans d'autres circon-
stances, auraient peut-être passé presque inaperçus, furent
de divers côtés soigneusement étudiés avec autopsie. Trous-
seau, Gharcot, Gubler, Yulpian vinrent ainsi ajouter aux deux
cas de Broca diverses observations semblables, si bien qu'au
bout de deux ans, en 1863, la science se trouvait en posses-
sion de onze observations. Broca avait examiné toutes ces
pièces : toutes avaient cela de commun que la lésion attei-
gnait le tiers postérieur de la troisième frontale de l'hémi-
sphère gauche.
C'est alors, et devant sa chère Société d'anthropologio,
dans les séances des 3 et 16 août 1863, que Broca vint déve-
lopper ses idées, poser des conclusions fermes, établir en un
mot sa découverte. Le symptôme fut désigné par lui sous le
nom d'aphémie (a privatif; çtqiaC, je parle). Les aphémiques,
dit-il, ont perdu la faculté coordinatrioe des mouvements du
langage articulé; ils n'ont pas perdu la mémoire des mots,
puisqu'ils comprennent les mots articulés par leurs interlo-
cuteurs. Ils n'ont pas de trouble général de l'intelligence,
puisqu'ils peuvent se faire comprendre à leur tour par la mi-
mique et par l'écriture, et que, par conséquent, ils ont des
idées et peuvent» les exprimer. La mémoire en général per-
siste chez eux à un degré remarquable. Et du reste, ajoute
Broca, la mémoire ne saurait être considérée comme une
faculté simple , chaque faculté a sa mémoire particulière : le
pied de la troisième frontale est l'organe de la mémoire des
mouvements de la parole articulée.
Mais, avons-nous dit, c'est toujours la frontale gauche
qu'on trouvait lésée chez ces aphémiques. Ce fait était sur-
prenant : c'est avec stupéfaction que Broca le signale dès sa
seconde observation ; cette prédilection étrange pour le côté
MATHIAS DCVÂL. — L* APHASIE DEPUIS BROCA. 747
gauche lui paraît une subversion de nos connaissances en
psychologie cérébrale. Mais les faits se multiplient; il faut se
rendre à Tévidence. Alors Broca cherche une explication et
trouve celle que toutes les observations sont venues confirmer
depuis. Il fait remarquer que Thomme s'habitue dès Tenfanoe
à répartir entre les deux hémisphères le travail relatif aux
actes compliqués et difficiles dont la pratique ne s'acquiert
que par Téducation. C'est ainsi que la plupart des hommes
sont droitiers, c'est-à-dire se servent de préférence dQ la
main droite commandée par l'hémisphère gauche. C'est sans
doute de même que l'enfant s'habitue à diriger presque tou-
jours avec l'hémisphère gauche la mécanique délicate du
langage articulé. Mais les gauchers, qui sont droitiers du cer-
veau, doivent devenir aphémiques par lésion de la troisième
frontale droite. Aujourd'hui les faits confirmatifs ne se comp-
tent plus. De même le droitier, devenu aphémique par lésion
du cerveau gauche, pourra sans doute apprendre, par une
nouvelle éducation, à coordonner les mouvements de la pa-
role avec son hémisphère droit. Cette nouvelle induction de
Broca est également confirmée par l'observation, si bien que
Charcot déclare aujourd'hui n'avoir jamais rencontré de véri-
table infraction aux lois de Broca ^
Quand Broca eut établi cette localisation du langage, des
voix ne manquèrent pas pour en attribuer la découverte à
des auteurs antérieurs. On a surtout parlé de Bouillaud et de
Dax. Je n'ai pas ici à traiter de l'aphasie avant Broca, et du
reste l'examen de cette question prouve que Broca est bien
absolument l'auteur de la découverte. Bouillaud, à la tribune
de l'Académie de iQédecine, s'est lui-même désisté de toute
prétention à ce sujet '. Quant au mémoire de Dax, qui aurait
été lu en 1836 devant une société savante du Midi, il était
« Charoot, Progrès médical, 1883, p. 850.
' et Je suis heureux d^avoir entendu les explications de M. Broca qui
tranchent définitivement à mes yeux la priorité. C^est à lui que revient
tout l'honneur de la faculté du langage. » (BuUetin da l^ Académie de méde-
cine, 2« série, t. V, p. 589.)
748 SÉANCE DU U DÉCEMBRE 1887.
resté inédit et ne fut exhumé qu'en 1865 ; et du reste il a été
fait bonne justice de ces prétentions dans la monographie du
docteur Bernard ^ Passons et, après ce rapide résumé delà
découverte de Broca, voyons ce que lui réservait l'avenir;
nous entrons ainsi seulement dans notre sujet : Taphasie
depuis Broca.
II
B'abord, et par le fait de Trousseau, en vertu de considé-
rations de grammaire grecque^ on voulut substituer au mot
aphémie, celui d'aphasie (a, çaat;, parole). Or les deux mots
doivent être conservés aujourd'hui, le premier pour désigner
précisément le symptôme si bien étudié par Broca; le second
pour désigner l'ensemble des troubles de l'expression, car le
langage articulé n'est pas le seul mode d'expression; il y a
encore l'écriture, la mimique ; et puis, il y a, comme nous
allons le voir, bien d'autres troubles, bien d'autres lésions
cérébrales qui peuvent entraver le mécanisme complexe de
l'expression. Chacun de ces troubles devra recevoir un nom
particulier : celui de la coordination des mouvements phona-
teurs conservera le nom d'aphémie : l'aphasie désignera un
ensemble, dont l'aphémie est un cas particulier.
En effet, dans les nombreuses observations cliniques qui
suivirent la découverte de Broca et vinrent la confirmer, on
s'attacha à étudier sur les malades l'état des autres modes
d'expression, en dehors de la parole. En se reportant au mé-
moire de Jules Falret publié en 1864% on voit que déjà à ce
moment on reconnaît que tantôt les aphémiques peuvent
encore écrire, et que tantôt ils ont également perdu ce mode
d'expression de la pensée. Bientôt on observe des malades
qui peuvent plus ou moins parler, mais ont complètement
perdu la faculté d'écrire. D'autres peuvent écrire et parler,
mais ils ne peuvent plus lire, soit l'écriture, soit l'imprimé.
* Bernard, De i'aphasie et de ses diverses formes, Paris, 1885.
' Jules Falret, Des troubles du langage et de la mémoire des VMls dans Us
affections céréales {Archives générales de médecine, mars 1864).
MATHIAS DUVAL. ^ L^PHASIE DEPUIS BROGA. 749
D'autres ne peuvent ni écrire ni parler, mais ils lisent soit
récriture, soit Timprimé. Enfin quelques-uns peuvent écrire,
parler, lire ; mais ils ne comprennent plus les questions qu'on
leur adresse, ils n'entendent pliîs la parole parlée, et s'ils ont
conservé tous les moyens d'expression, entre autres l'exprès-
sign verbale, ils ne reconnaissent plus cette expression ver-
bale émise par un interlocuteur. Et toutes ces formes di-
verses de troubles se trouvant mêlées et combinées chez les
différents malades, la question de l'aphasie a pu un moment
apparaître comme un chaos défiant toute systématisation
simple, chaos duquel émergeait simplement, avec sa netteté
symptomatique , vu sa localisation cérébrale précise, Ta-
phémie de Broca ou perte de la faculté coordinatrice du lan-
gage parlé. ^
Ce chaos est aujourd'hui débrouillé d'une manière aussi
nette que possible: et faire l'histoire de l'aphasie depuis
Broca, c'est précisément montrer les résultats acquis à cet
égard par les observations cliniques suivies d'autopsie, selon
les règles mêmes posées par Broca. Ce travail a commencé
vers 1874, grâce surtout aux travaux de Magnan et de Char-
cot^ en France, de Wemicke, de Kussmaul en Allemagne,
pour ne citer ici que les principaux. On connaît ainsi aujour-
d'hui quatre formes d'aphasie, à localisations cérébrales bien
précisées; nous allons les passer en revue, en établissant
pour chaque type une sorte de schéma symptomatique dont
nous empruntons les éléments à diverses observations cli«
niques.
Premier type. — Le malade, frappé le plus souvent d'une
attaque d'apoplexie, s'est relativement bien rétabli, quant à
la paralysie; mais, d'après l'appréciation' de ceux qui l'en-
tourent, il semble resté sourd et idiot, car il répond de travers
aux questions qu'on lui pose, il ne comprend pas la conver-
sation. Cependant un examen attentif et méthodique montre
qu'il n'est ni sourd ni idiot. Il n'est pas sourd, car si, après
1 Cbarcot a repris Ht fond toute la question de Taphasie dans ses leçons
de 1883 et 1884.
750 SÉANCE DU' 14 DÉGBMBRB 1887.
un temps de silenoe, on lui adresse la parole, étant placé der-
rière lui) de façon qu'il ne puisse voir le mouvement des lè-
vres, il tourne la tète; il a entendu, mais il répond de tra*
vers, car si^ par exemple, on lui a demandé : « Quel âge
avez-vous ?» il aura répondu ; « Je me porte très bien, merci, n
11 n'est pas sourd, car il se retourne également au bruit
d'une porte qu'on ouvre, d'une fenêtre que fait battre le vent,
et même au bruit léger d'une épingle qu'on laisse tomber sur
le parquet. Après avoir répondu de travers à diverses ques*
tions, il voil très bien que ses réponses ne sont pas satisfai-
santes, il s'impatiente : « Je ne sais pas ce que vous me dites^
s'écrie-t41 ; que dites-vous? je ne vous comprends pas I gué«
rissez-moi 1 » Il n'est donc pas idiot. Et, en effet, s'il répond
de travers à une question, c*est fort correctement qu'il s'ex*
prime lorsqu'il parle spontanément, lorsqu'il exprime ses
propres idées, répond à sa propre pensée. De plus, il lit Vé*
critureet répond d'une manière toute normale aux questions
qu'on lui pose par écrit ; il lit les journaux, les romans ; il
joue aux échecs et gagne son adversaire. Dono oe siyet n'est
ni sourd ni idiot. Il parle, il lit, il écrit.
Que lui manque-t-il donc ? Il lui manque de comprendre
le langage parlé. Quand il entend parler sa langue mater-
nelle, c'est comme s'il entendait une langue étrangère corn*
plètement inconnue de lui. Cette langue maternelle, il l'avait
apprise peu à peu, comme nous tous, par une éducation
lente, c'est-à-dire quMl avait peu à peu appris à retenir et à
reconnaître la valeur conventionnelle des sons de la parole ;
les images auditives, les résidus, comme dit Taine, les résidus
des impressions auditives verbales s'étaient peu à peu emma-
gasinés dans son cerveau. Ce qui lui manque aujourd'hui, c'est
tout ce qu'il avait acquis à cet égard : il a perdu la mémoire
des sons de la parole, la mémoire atidUive verbale. 11 n'est pas
sourd à proprement parler ; mais il est sourd pour le sens
des articulations de la parole. Il est frappé de surdité verbak.
Ce seul mot résume tout son état ; il explique qu'un examen
superficiel ait pu faire croire que ce sujet est sourd et idiot.
MATHIAS DUVAL. — L'aPHASIE DEPUIS BROGA. 75i
Il y a donc une faculté qui consiste dans la mémoire des
sons du langage, dans la mémoire auditive verbale. Cette
faculté peut être lésée^ supprimée par une affection céré-
brale, alors que toutes les autres sont conservées. Elle a donc
probablement un organe cérébral bien distinct, c'est-à dire
une localisation bien précise, sans doute dans une circonvo-
lution particulière^ selon les idées de Broca. Et, en effet. Tau-
topsie d*un semblable malade montre toujours la même lé-
sion : c'est la première circonvolution temporale qui est
atteinte (T^, flg. \) : quelquefois la lésion s'étendait jusque
Fig. 1.
sur la seconde temporale ; mais la première était la plus at-
teinte: tantôt la lésion portait sur sa moitié antérieure,,
tantôt sur sa moitié postérieure. Donc, actuellement, sans
localiser dans telle moitié de cette circonvolution, nous pou-
vons dire que la lésion de la première temporale produit la
surdité reréa/^, c'est-à-dire que le sujet frappé a perdu lamé-
fnoire des sons verbaux. Cette circonvolution est donc le
siège, l'organe de la mémoire auditive verbale (M AV, fig. i).
Cbose singulière^ c'est la première temporale de l'hémi-
sphère gauche, et nullement celle de l'hémisphère droit, qui
est l'organe de la mémoire auditive verbale, du moins chez
les droitiers; c^est-à-dire que, selon l'explication de Broca,
752 SÉANCE DU 14 DâCBMBRE 1887.
ici encore nous sommes gauchers du cerveau. Mais chez les
gauchers, qui sont droitiers du cerveau^ la localisation est
inverse : en effet, Westpha,ll a donné Tobservation d'un cas
où, chez un gaucher, il y avait eu destruction du lobe
temporo-sphénoïdal gauche, et cependant le malade avait
toujours compris ce qu'on lui disait et répondu correc-
tement.
Au premier abord, ce fait d'admettre une faculté dite
mémoire auditive verbale, ce fait de lui donner pour organe la
première circonvolution temporale gauche, tout cela paraît
singulier, quoique les travaux de Broca nous aient préparés
à de semblables interprétations. Cette interprétation n'est
cependant qu'une déduction rigoureuse des cas cliniques,
suivis d'autopsie, dans lesquels les malades ont présenté le
symptôme si net de la surdité verbale. Mais ce que ces faits,
ces dénominations mêmes peuvent présenter de nouveau,
dinsolite et d'imprévu, va disparaître par l'analyse d'autres
formes d'aphasie, où nous verrons des types tout à fait ana-
logues et formant série. En effet, après la surdité verbale,
comme premier type, nous allons passer, comme second
type, à la cécité verbale.
Second type. — Ici il s'agira comme précédemment d'un
sujet frappé d'apoplexie dans le cerveau gauche, d'où para-
lysie des membres droits. Mais la paralysie a rapidement dis-
paru ; le malade se rétablit, il se lève au bout de trois se-
maines, ne présentant aucun trouble de la parole ni de
l'audition. Il paraît complètement normal ; c'est un commer-
çant, il songe à ses affaires interrompues^ et, ne sortant pas
encore, il veut envoyer un ordre par écrit relatif à ses affaires.
Il prend la plume, la tient bien, écrit lisiblement. Croyant
avoir oublié quelque chose dans sa lettre, il la reprend, et
alors se révèle dans son originalité presque fantastique le
phénomène que nous allons étudier. Il avait pu écrire, mais
il lui est impossible de relire son écriture. Impatienté, dési-
reux de multiplier l'épreuve, il ouvre ses registres : il ne peut
lire, il ne peut comprendre ce qui est écrit ; il prend un
1IATHIA9 DUYAL. — l'aPHASIB DEPUIS BROGA. 753
journal, mais l'imprimé est pour lui sans signification, aussi
bien que l'écriture.
Je le répète, ce malade entend et comprend le langage
parlé; il n*a donc pas de surdité verbale, comme le précé-
dent; il parle bien; ce n'est pas un aphémique de Broca;
chose remarquable, il écrit; mais il écrit comme chacun de
nous dans Tobscurité, c'est-à-dire qu'il a conservé la mémoire
des mouvements de la main dans l'écriture. Il peut ains
signer correctement son nom; mais quand il regarde sa si- ^
gnature^ il ne la reconnaît pas : il sait ce que c'est, dit-il;
c'est son nom qu'il vient de tracer lui-même, mais il est inca-
pable de le distinguer visuellement d'un autre nom ; les let-
tres qui le composent sont, dans leur forme visuelle et leur
association visuelle, des signes aussi indéchiffrables que le
serait une écriture chinoise ou toute autre dont il n'aurait
jamais eu connaissance; et de même pour Timprimé.
Qu'a donc perdu ce malade? Ce n'est ni la parole, ni l'au-
dition des mots, ni les mouvements de l'écriture. Il a perdu
la connaissance visuelle des signes écrits ou imprimés du
langage. Cette connaissance, il l'avait acquise peu à peu en
apprenant à lire et à écrire. Il avait emmagasiné dans son
cerveau le souvenir, les images visuelles des lettres, de façon
à les retenir et à les reconnaître, en même temps qu'il emma-
gasinait le souvenir des mouvements de l'écriture. Or, s'il
a conservé la mémoire des mouvements de l'écriture, il a
perdu ce qu'il avait acquis comme éducation par les yeux. Il
considère, dit Bernard {op. cit.y p. 103)^ les mots tout comme
un candidat embarrassé fait d'une substance dans un examen
de sciences naturelles à la Faculté de médecine, il tourne,
retourne, place sous diverses inclinaisons, à des distances
variées, la feuille imprimée ou écrite. Il ne sait plus lire, et
cependant il voit les lettres. D'autre part, s'il peut écrire,
c'est uniquement par la sensation des mouvements de la
main, comme chacun de nous dans l'obscurité ; mais il ne
peut pas copier de l'écriture, absolument comme nous dans
Tobscurité, car pour copier il faut d'abord lire, et il ne peut
T. X p« fll^RTF). <8
754 9éA!^CB t>U iA DÊCËllBRE 1887.
pas plus lire que hons ne le poUTons dans robscurité. Il a
donc perdu la mémoire visuelle des signes figurés de l'ex-
pression, la mémoire visuelle verbale. Il n'est pas aveugle,
quoique nous le comparions à certains égards àTétat où nous
nous trouvons quand nous sommes plongés dans l'obscurité ;
mais il est aveugle pour la valeur des signes figurés de l'ex-
pressioil verbale ! U est frappé de cécité verbale. Ce mot ré-
sume tout son état, comme celui de surdité verbale résumait
les troubles caractéristiques du type précédent.
Il y a donc une faculté qui (Consiste dans la mémoire des
formes des lettres et, des mots écrits ou imprimés. Cette fa-
culté peut être lésée, supprimée par une affection cérébrale,
alors que toutes les autres soût conservées. Elle a donc pro-
bablement un organe cérébral bien distinct, c'est-à-dire une
localisation bien précise, sans doute dans une circonvolution
particulière, selon les Idées de Broca. C'est, en effet, ce que
démontre l'autopsie.
La première observation de ce genre fut publiée en 1819,
par Queneau de Mussy, sous le nom A'amblyopie aphasique;
c'est Kussraaul qui lui a donné le nom, aujourd'hui en usage,
de cécité verbale. En janvier 1880, Magnan présenta à la
Société de biologie deux beaux cas de ce genre ; puis vînt
l'observation de Déjerine, contenant la première relation
d'autopsie faite en France. t)ans sa thèse de 1881 , M"* Skwor-
tzofif • en réunissait quatorze observations.
Aujourd'hui, on compte huit cas d'autopsie. Tous ces cas
désignent comme siège essentiel de la lésion la seconde cir-
convolution pariétale, ou lobule pariétal inférieur (MVV,
fig. I), avec ou sans particlpatioù du pli courbe, mais en
tout cas la partie la plus reculée, la plus postérieure du lo-
bule pariétal inférieur. Ici encore, comme dans la forme pré-
cédente, et pour les mêmes raisons, c'est de l'hémisphère
gauche qu'il s'agit.
Nous pouvons donc dire actuellement que la lésion de la
1 Nadine Skwortzoff, Dt la cécité 9t 0$ 2a turdité dês motidam Capha^if
(thèse de Parie, 1881).
MATHIA9 DUVaL. ~ L'APHASIE DEPUIS BROCA. 1S8
seconde dirconvolutioil pariétale {)rdd(iit la cécité verbale,
c'est-à-dire que le sujet frappé a perdu la mémoire visuelle
des sigiles de récriture. Cette circonvolution est ddUc le siège
de la mémoire visuelle verbale (MW, fîg. 1).
Troisième type. — Cotume ddns le cas pt-éôédent, le type
de màleLdë que nous décriions ici ' à été frappé d'ùhèl
hémiplégie droite, par lésion de rhémisphÔregaùtibe.En peu
de mois il s*est remis, et, (Juànd son état ft été soigneuse-
ment étudié au point de vue du symptôme qui va iious occu-
per, tout paraissait fonctionnel* régulièrement en lai: la
parole est facile, il peut lire aussi bien récriture que riîH-
primé. Un seul trouble le préoccupe : sa main droite, bien
qu'il la remue facilement et s'en serve d'une manière tiormslle
pour s'habiller, manger, etc., Se refuse absoltimetit à ejté*
cuter les mouvements de TécritUrë. Quand On l'invite à écrire,
il prend plume ou crayon, les tient bien comme s*il allait
pouvobf s'eh sel^; puis, quahd on lui dicte un mot, il
lui est impossible de tracer même uile seule lettre. Ou lui
a dit, par exernple, d'écrire Bordeaux} il décldt-e se rendre
parfaitement Compte mentalemerit des Càrttctèi'e*! qu'il fau-»
drait tracer, et il èpèle les letttès du mot. Il motitre sans
erreur ces lettres dans Un Jout*nal ; mais il lui est impossible
de les écrire. Ainsi ce malade ti*est pas aphémiqiie, Câl* il
parle ; il n'a ni la surdité verbale rii là Cécité Verbale que
nous venons d'étudier; c'est un autre élément de l'expression
qui lui manque. Il avait autrefois appris à écrire, il avait
emmagasiné dans sa mémoire le souvenir des mouvements
de la main droite dans l'écriture; le souvenir de Ces toOUve*
nlents, qui était resté au malade du type précédetit, et qui
lui permettait d'écrire comme nous écrivons dans l'obscurité^
c'est-à-dire sans voir et reconnaître les lettres, ce souvenir
est précisément ce que le présent malade a perdu. 11 a oublié
les mouvements de l'écriture; il est comme une personne qui
n'aurait jamais appris à écrire.
« Principalement d'après l'observation donnée par Bernard, op. ciï.,
p. 228.
756 SÉAKGB DU 14 DÉGEKBRE 1887.
L'étade attentive du sujet révèle encore des détails qui
précisent bien la nature de ce qu'il a perdu. Ainsi il peut
tenir plume et crayon et tracer des traits, de sorte qu'il peut
plus ou moins dessiner, copier des traits. Aussi peut-il, quand
on lui présente un mot écrit, le copier ; mais il le copie lente-
ment, laborieusement, comme un dessin, comme nous copie-
rions un mot écrit en chinois ou en une langue dont nous ne
saurions pas l'écriture. Et quand on lui enlève le modèle et
qu'on le prie de nouveau d'écrire le mot, il ne le peut plus.
Il ne sait que copier l'écriture, parce que, alors, il copie un
dessin.
Fait plus net encore, quand on lui donne un modèle en
caractères d*imprimerie, il ne le peut copier qu'en imitant le
dessin des lettres imprimées; il ne peut traduire en écriture
cursive ce qu'il lit en texte d'impression.
Ce malade a donc perdu la mémoire coordinatrice des
mouvements de récriture^ la mémoire motrice de l'expression
écrite, la mémoire motrice graphique ; il a conservé toutes les
autres mémoires spéciales étudiées à propos des types précé-
dents. Il est atteint d'aphasie de la main, à'agraphie en un mot.
11 existe donc une faculté qui consiste dans la mémoire des
mouvements coordonnés de la main et du membre supérieur
droit pour l'écriture. Cette facultépeut être lésée, supprimée
par une affection cérébrale, alors que toutes les autres sont
conservées. Elle a donc probablement un organe cérébral
bien distinct, c'est-à-dire une localisation bien précise, sans
doute dans une circonvolution particulière, selon les idées de
Broca. C'est ce qu'il est permis d'affirmer à priori, d'après
les localisations observées dans les types précédents; c'est ce
que les autopsies confirment, en effet; mais, pour le moment,
d'une manière moins absolue que pour les faits précédents.
Il n'y a pas eu encore d'autopsie pour un cas d'agraphie pure^
et par suite pas de fait anatomo*pathologigue nettement cir-
conscrit. Mais, dit Ballet \ en rapprochant les unes des
* Gilbert Ballet, l9 Langage intérieur et les diverses former 4$ Vaphasie>
Ptris, 1886.
MATHIAS DUVAL. — l'aPHASIB DEPUIS BROGA. 757
autres les lésions relevées dans les cas positifs et négatifs,
c'est-à-dire dans ceux par exemple d'aphasie motrice (t3rpe
ci-après) avec agraphie, et dans ceux d'aphasie motrice sans
agraj^hie, on est arrivé à cette conclusion que le siège vrai-
semblable du sens de l'écriture est le pied (partie posté*
rieure) de la deuxième circonvolution frontale (F*, fig. i).
Nous pouvons donc dire que la lésion du pied de la seconde
frontale produit Vagraptie^ c'est-à-dire que le sujet frappé a
perdu la mémoire motrice de l'écriture. Cette circonvolution
est donc, dans sa partie postérieure, le siège de la mémoire
motrice graphique Ç^MG, fîg. 1).
Et c'est encore et toujours de l'hémisphère cérébral gauche
qu*il s'agit. Ici la démonstration présente ce fait bien net^ que
les sujets frappés d'agraphie, ne pouvant plus écrire avec la
main droite, que dirige normalement l'hémisphère gauche,
apprennent de nouveau à écrire, mais cette fois avec la main
gauche, dont ils apprennent à coordonner les mouvements
avec l'hémisphère droit. C'est-à-dire qu'ils emmagasinent,
par une nouvelle éducation, les images motrices graphiques
dans leur seconde frontale droite, comme ils Pavaient fait
précédemment, lors de leur première éducation, dans la
seconde frontale gauche.
Quatrième type. — Celui-ci, nous le connaissons déjà: c'est
le type des aphémiques de Broca, que nous avons décrit tout
au début, et dont nous devons reprendre rapidement l'ana-
lyse, pour montrer combien ce type forme série complète
avec les précédents.
Les aphémiques purs du type décrit par Broca, en i861,
comprennent le langage parlé; ils écrivent, lisent; ils ont
une mimique expressive, mais ils ne savent plus émettre les
sons réguliers de la parole. Quelques mots, le plus souvent
monosyllabiques, ou bien un juron familier, sont seuls restés
à leur disposition ; ils s'en servent à tout propos, comme un
enfant qui n'a encore que quelques mots à sa disposition. Un
malade de Trousseau répondait à toute question: « Cousisi. »
Un autre : <c Monomomentif » ; un autre : « Ah ! malheur. »
758 SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1887,
Lq poète Bau4elaire, devenu aphasique^ne pouvait dire que :
« Cré nom ! »
Qu'ont donc perdu ces malades ? Ils ont perdu ce qu'ils
avaient acquis dès la première éducation de leur enfance: la
n^émoire des mouvements compliqués du larynx et de la
lapgue d^Qs l'expression yerbale. Ils n'ont perdu ni la mé-
moire visuelle verbale, ni la mémoire auditive verbale, ni la
mémoire motrice graphique. Ils ont perdu la mémoire motrice
verbale. C'est ce que Broca avait si admirablement spécifié
quand il a dit : « {.e langage articulé que ces malades par-
laient naguère leur est toujours familier, mais ils ne peuvent
exécuter la série des mouvements méthodiques et coordonnés
qui correspondent à Ift syllabe cherchée. Ce qui a péri en
em^, pe n'est donc pas la faculté du langage, ce n'est pas la
mémoire des mots, cp n'est pas upn plus Faction des nerfs et
(}6s muscles de la pt^qnation et de rariiculation, c'est autre
chose : c'est la faculté de coordonner les mouvements pro-
pres au langage articulé, puisque sans elle il n'y a pas d'ar-
ticulation possible. ))
Il y a donc une faculté qui consiste dans la mémoire des
mouvements du laugage parlée des mouvements verbaux, et
cette faculté peut être lésée, supprimée, par une affection
céréb^6^1e alors quq toutes les autres sont conservées. Cette
faculté a un organe cérébral bien distinct, une localisation
précise, dans uae cirponvplution particulière. C'est ce qu'a
découvert Broca eu i86|. Cet organe cérébral est le pied ou
moitié postérieure de la troisième circonvolution frontale.
Cette circonvolution est donc le siège de la mémoire motrice
verbale (WMVj fig. i); sa lésiou produit Y aphasie motrice,
ce qu'où appelle encore Y aphasie du type ProcaMBi& comme
Broça avait employé le mot d'aphémicy il serait mieux, et c'est
ce qu'on tend à faire généralement aujourd'hui (voir Ber-
nard, op. cit.^ p. 172), de conserver ce mot; il fait bien le
pendant du mot agraphie.
Nqus ^vons ainsi purcquru le pycle de Tenaernble des
troubles 4'expression désignés sous 1^ nom géuérai d'aphasi^^
MATHU8 DUVAIi. -*> l'àPHASIE DEPUIS BROGA. 759
et ()ont les types, actuellement bien définis, sont la surdité
verbale, la cécité verbale, Tagraphie et l'aphémie.
Gomme le disait si bien Broca, il n'y a pas une mémoire
unique, il y a différentes mémoires, et nous venons d'ap-
prendre à en connaître quatre bien distinctes; deux siègent
en arrière du sillon de Rolando, ce sont des mémoires de
sensations (visuelles et auditives) ; en effet, tout porte à croire
aujourd'hui que la partie postérieure du cerveau est sensitive,
forme le centre où s'emmagasinent les sensations; deux
siègent en avant du sillon de Rolando, ce sont les mémoires
motrices (graphique et verbale) ; et, en effet, tout démontre
aujourd'hui que la partie antérieure des hémisphères se
compose de centres moteurs, organes des mouvements volon-
taires.
m
En tenant compte de ces conquêtes anatomîques, dues à
l'observation clinique avec autopsie, il faut se demander s'il
n'y a que l'étude de divers malades qui puisse fournir des ren-
gnements sur ces questions. Voilà des facultés cérébrales, des
organes cérébraux bien distincts. Tous les hommes se res-
semblent-ils quant à la valeur de ces facultés ou organes, ou
bien y a-til entre eux des différences telles que certaines
personnes soient caractérisées par une mémoire remarquable
et prédominante des sons verbaux ou bien des images visuelles
verbales, c'est-à-dire, au point de vue anatomique, par un
grand développement de l'organe soit de la mémoire auditive,
soit de la mémoire visuelle verbale, soit même de la mémoire
motrice graphique ou de la mémoire motrice verbale ?
La plus simple observation répond affirmativement à cette
question, et chacun de nous, en s'analysant, pourra arriver
parfois à constater qu'il possède plus spécialement telle ou
telle mémoire. Commençons par k mémoire visuelle. Nous
ne nous occuperons pas de la mémoire visuelle en général,
et nous laisserons de côté, quelque intéressants qu'ils soient,
les cas bien connus des peintres chez lesquels les représen-
760 SÉANCE DU 14 DÉCBHBRE 1887.
tations visuelles se produisent souvent avec une intensité telle
qu'elles confinent à Thallucination ; c'est ainsi qu'Horace
Vemet et Gustave Doré pouvaient reproduire, on pourrait
presque dire copier ^ un portrait de mémoire. Nous pour-
rions déjà invoquer le cas des petits calculateurs prodiges,
qui, comme Ta constaté Taine, écrivent mentalement à la
craie, sur un tableau imaginaire, les chiffres indiqués, puis
toutes leurs opérations partielles, puis le résultat final, en
sorte qu'au fur et à mesure, ils revoient intérieurement les
diverses lignes de figures blanches qu'ils viennent de tracer.
Mais nous nous en tiendrons aux phénomènes relatifs au
langage écrit ou parlé, et n'invoquerons que des faits relatifs
à la mémoire visuelle verbale. A cet égard, le professeur
Gharcot a publié* un cas typique d'autant plus remar-
quable que le sujet en question, après avoir possédé une
merveilleuse mémoire visuelle verbale, Ta perdue et a été
frappé de cécité verbale. Ce sujet avait toujours appris très
facilement par cœur, conmie disent les collégiens. Deux ou
trois lectures lui suffisaient pour fixer dans sa mémoire la
page avec ses lignes et ses lettres, et, quand il récitait, il ra-
conte qu'il lisait alors mentalement le passage voulu, qui, an
premier appel, se présentait à lui avec une grande netteté.
Recherchait-il un fait, un chiffre relaté dans sa correspon-
dance volumineuse et faite en plusieurs langues? Il les
retrouvait aussitôt, de mémoire, dans les lettres elles-mêmes
qui lui apparaissaient dans leur teneur exacte avec les
moindres détails, irrégularités et ratures de leur rédaction.
En dehors de cette mémoire visuelle verbale, la mémoire
visuelle générale était également très développée chez lui ;
aimant à voyager, il pouvait dessiner de mémoire les sites et '
panoramas qui l'avaient frappé ; il ne pouvait se rappeler un
passage d'une pièce de théâtre qu'il avait vu jouer sans évo-
quer les détails de la salle même. Psir contre, la mémoire
auditive était presque nulle chez lui, et il n'avait jamais eu
1 Ballet, op. ctf., p. 35.
s VragrU médical, 21 juillet iS83.
MATHIAS DUVAL. — L' APHASIE DEPUIS BROCA. 764
aucun goût pour la musique. Frappé de cécité verbale^ il
perdit absolument cette merveilleuse mémoire visuelle ver-
bale, et c'est, en effet, son observation qui nous a servi pour
le second type de Taphctôie.
Mais nous devons ajouter ici quelques nouveaux détails de
ce cas, relativement à la mémoire visuelle en général. Lui,
qui dessinait autrefois de mémoire^ est réduit aujourd'hui, à
cet égard, à ce que serait un enfant; prié de tracer une
arcade, il hésite et répond : « Je me souviens qu'un plein
cintre est une demi-circonférence, qu'une ogive est formée
par deux arcs ; mais je ne vois plus du tout ce que sont ces
choses dans la réalité* >> Un informe griffonnage représente
Tarbre qu'on Ta prié de tracer : « Je ne sais pas, dit-il, je ne
sais pas comment cela se fait. » Le souvenir visuel de sa femmei
de ses enfants, lui est impossible. « Ma femme, dit-U, a les
cheveux noirs, j'en ai la plus parfaite certitude ; mais il y a
pour moi impossibilité complète de retrouver cette couleur
en ma mémoire, aussi bien que de m'imaginer sa personne
et ses traits. » Il n'est pas jusqu'à sa propre figure qu'il
n'oublie, et récemment, dans une galerie publique, il s'est vu
barrer le passage par un inconnu auquel il ofTrit ses excuses
et qui n'était que sa propre image réfléchie dans une glace.
Avant son accident, quand il jouissait de sa mémoire vi-
suelle si développée, ce sujet était ce qu'on peut appeler
un visuel. Aujourd'hui il est obligé de se faire une nouvelle
éducation à l'aide de la mémoire auditive. Quand il veut re-
tenir une formule, une série de phrases, il doit la dire plusieurs
fois à haute voix, affecter ainsi son oreille, pour pouvoir évo-
quer ensuite des images auditives, sensation qu'il ne con-
naissait pas autrefois. Dernier détail, il n'a plus, comme
autrefois, des rêves par représentation visuelle des choses :
seule la représentation des sons, des paroles lui reste.
Beaucoup de personnes appartiennent à ce type visuel, et,
parmi nous, il en est sans doute plusieurs qui, en s'examinant,
reconnaîtront que quand ils se rappellent textuellement un
passage d'un auteur favori, c'est qu'ils le lisent mentalement
763 SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1887.
dans le texte de Téditbn môme qu'ils ont parcourue souvent
des yeux. Tel prqfesseur, en faisant sa leçon, relit menta-
lement les notes qu'il a jetées sur le papier. C'est ainsi que
j'opère pour ma part. Je ne relis pas précisément ces notes,
mais je revois les alinéas, les divisions que j'ai tracées; les
points successifs de mes leçons sont séparés, sur mes courtes
notes, par des traits à l'encre, plus ou moins épais selon
l'importance de la division ; les détails successifs d'un même
point sont reliés par une accolade, certains détails accessoires
sont mis entre parenthèses. Tout cela forme des figures plus
ou moins géométriques, des carrés, des losîmges ; je revois la
succession de ces figures, et c'est ainsi que je retrouve, par
vision mentale, la succession des diverses parties de la leçon.
Je connais un de mes collègues dont les notes de cours ne
sont que des dessins : pour noter que tel phénomène suit une
marche ascendante, il a dessiné un petit escalier, etc.
Ainsi il y a des visuels, c'est-à-dire des sujets chez lesquels
la pensée a lieu surtout par vision mentale, chez lesquels est
très développée la mémoire visuelle. Il est probable que chez
eux doit exister une disposition anatomique correspondante,
c'est-à-dire une prédominance en volume, en saillie, en dé-
veloppement de ses replis, dans la seconde circonvolution
pariétale, qui est l'organe de la mémoire visuelle verbale.
Mais nous n'avons encore que des autopsies de malades ; elles
nous montrent qu'un sujet affecté de cécité verbale a été
frappé dans son lobule pariétal inférieur. Nous n'avons pas
encore d'autopsie de sujet normal^ montrant qu'à un grand
développement de la mémoire visuelle correspond un grand
développement anatomique de l'organe correspondant.
A côté des visuels, il faut placer les auditifs » Ce mot
s'explique assez de lui-même par les études qui précèdent.
Les hommes de lettres, les hommes de science nous four-
nissent, à cet égard, de précieuses déclarations, résultant de
l'analyse qu'ils ont faite de leur manière de penser, de tra-
vailler, de composer mentalement. Legouvé déclare que son
heureuse entente de collaboration avec Scribe résulte de la
MATHIA8 DUVAL, — l'APflASIB DEPUIS BROCA. 763
différence de leur procédé de travail (Bernard, op. cit, , p. 50) :
« Quand j'écris une scèi^e, disait-il à Scribe, '^'entends; vous,
vous voye:^, A chaque phrase que j'écris, la voix du per-
sonnage qui parle frappe mon oreille. Les intonations diverses
des acteurs résonnent sous ma plume à mesure que les pa-
roles apparaissent sur mon papier. Vous qui êtes le théâtre
même, vos acteurs marchent, s'agitent sous vos yeux. Je suis
auditeur^ vous spectateur, » Remplaçons par auditif et visuel^
et cette analyse semble faite exprès pour Tétude qui nous
occupe. — De même Diderot écrivait en entendant intérieu-
ren^ent sa voix et celle d'un adversaire qu'il argumentait : de
là le choix de la forme dialogue qu'il affectionnait; aussi,
même ceux de ses morceaux qui n'ont pas cette forme ont-ils
cependant encore, dans la disposition et la vivacité des argu-
ments, quelque chose qui rappelle la polémique dialoguée.
Enffn, M. V. Egger a publié, il y a peu d'années, une étude
de psychologie, où, étudiant sur lui-même ce qu'il appelle la
parole intérieure, il nous présente, par sa propre observation,
un type parfait d'auditif*. Les hallucinations de l'ouïe, ces
cas où des sujets entendent des voix qui leur commandent,
qui les raillent, les menacent, ne sont autre chose que le ré-
sultat d'un fonctionnement morbide de l'organe des images
auditives verbales.
Ici encore, comme pour les visuels, nous n'avons pas d'au-
topsies de sujets sains chez lesquels il y ait eu lieu de constater
la disposition anatomique qu'il est si légitime de supposer
à priorif à savoir le développement prédominant de la pre-
mière temporale gauche, corrélatif au caractère d'auditif pré-
senté par un sujet pendant sa vie.
A côté des visuels et des auditifs, il semble aussi exister ce
qu'on peut appeler des graphiques^ ou mieux des moteurs
graphiques (par opposition aux moteurs verbaux^ que nous
verrons en dernier lieu). Telle personne qui trouve difflci-
lement ses expressions en parlant, dont Télocution est lourde,
1 V. fïgger, la Parok intérieure ; $9tai de psychcioffie descriptive^ Paris,
18S1.
764 SÉANCE DU 14 DÉGEUBRE 1887.
embarrassée^ pénible, écrit avec une facilité singulière : les
roots arrivent comme d'eux-mêmes sous sa plume, et ses idées
coulent alors nettes^ précises^ faciles. George Sand était sans
doute un sujet moteur graphique : le fait d'écrire faisait,
dit-on, naître sa pensée ; devant son papier, elle se racontait
à elle-même le roman en composition, et sa main allait tou-
jours, le fait d'écrire paraissant pour elle l'acte essentiel dans
le fait de penser et imaginer. Du reste, dans un autre ordre
d'observations, certains sourds-muets fournissent à cet égard
des aveux précieux. « Je sens, disait l'un d'eux, quand je
pense, que mes doigts agissent, bien qulls soient immobiles.
Je vois intérieurement l'image du mouvement de mes doigts. »
(Ballet, p. 56.) — Ici encore, pas d'autopsies.
Nous arrivons enfin aux moteurs verbaux. Ici les exemples
abondent. De même que M. V. Egger, par l'analyse de lui-
même, a donné un type auditif, Stricker, qui a écrit un vo-
lume sur le langage, nous a donné un type de moteur verbal.
« Quand, dit-il, je viens à évoquer dans ma mémoire quelques
vers bien connus, il me semble, si je fixe mon attention sur
mes organes articulaires, que je parle intérieurement. Mes
lèvres sont, il est vrai, closes, ma langue immobile..., et ce-
pendant il me semble que je prononce le vers auquel je
pense... Je ne puis absolument pas me représenter des mots
sans percevoir les sentiments (représentations motrices) qui
y correspondent. » Ces moteurs verbaux arrivent à être
obligés de parler, au moins à voix basse, quand ils écrivent
et composent. Chez eux la pensée reste froide, lente, pénible,
s'ils ne font que l'écrire; mais s'ils dictent, ils s'animent,
gesticulent, et alors seulement ils retrouvent tous leurs
moyens. Dans sa pièce de Numa Roumestan^ Daudet a donné
un bien joli type de ce genre, oîi nous voyons Roumestan
lui-même, dans son cabinet, dictant à son secrétaire et décla-
rant qu'il ne peut composer qu'avec Tillusion d'être à la tri*
bune, d'improviser, de parler et jouer son discours avec les
divers effets de voix qu'il comporte; la plume à la main, en
silence, son cerveau reste inerte et le travail de composition
MATmAS DUTAL. -^ L APHASIE DEPUIS BROCA.
765
impossible ; il ne compose qu'à condition d'improviser verba-
lement.
Du moins pour ces moteurs verbaux nous avons des
autopsies suffisamment démonstratives. Rudinger * a publié
un mémoire où il décrit et figure une série de cerveaux ayant
appartenu à des avocats, à des jurisconsultes de son pays,
tous célèbres par la facilité de leur parole et par leur mémoire
des mots. Chez tous, la troisième circonvolution frontale,
organe de la mémoire motrice verbale, présentait un déve-
loppement notablement supérieur à ce qu'elle est chez le
commun des hommes. Je ne voudrais pas trop insister sur ce
Pig. î.
sujets qui doit être prochainement Tobjet d'une savante mo-
nographie de mon collègue et ami Hervé : il montrera ce
qu'est la troisième frontale selon les races, les âges, les ca-
ractères cérébraux. Mais il est cependant un cas que je ne
puis me dispenser d'indiquer ici, c'est celui de Gambetta.
Quelle personnalité a jamais représenté à un plus haut degré
rorateur improvisateur, le moteur verbal ? Vous savez que,
grâce à l'intervention d'amis éclairés, , le cerveau du grand
homme put être recueilli, conservé, étudié au laboratoire
d'anthropologie. Voici le dessin (fig. 2), réduit de moitié
t Rudinger, ifia^omle dei Sprachantmmi {MtrUge aU FBitgàbe dcm
AnaU BUchoff, 1882).
760 SÉANCE D0 14 bÉGEMBHÈ 18B7.
(en diamètre), de soti hémisphère gauche : la troisième fron-
tale (F*) y est si développée que la partie désignée par Broca
sous le tiom de cap y est réellement double J pour s*en con-
vaincre, il n*est mèrhe pas nécessaire de la cdniparer avec ce
Fig. 3.
qu'elle est sur un autre cerveau, il suffira de la comparer
avec la môme circonvolution sur l'autre hémisphère (le droit)
de ce même encéphale (fig. 3.) *.
IV
Nous venons de voir qu'il y a des visuels, des auditifs, des
moteurs graphiques et verbaux, et que, pour tous ces types
intéressants de physionomies cérébrales, c'est à peine si la
science possède quelques cas d'autopsie. Je ne parle pas d'au-
topsies médicales proprement dites, c'est-à-dire faites pour
fixer le médecin sur la nature de la maladie à laquelle a suc-
1 « A droite, la troisième circonvolution frontale (F*, F*) naît du pieâ
de la frontale ascendante (F, F) par un pli anastomotique grôle et caché
dans le sillon prérolandique; elle décrit ensuite trois méandres flezueux,
bien séparés de ceux de la seconde frontale ; son eap est nettement deMinê
par les deux branches correspondantes {s et S") de la scissure de Sylvius ]
il est divisé en deux parties à peu près égales, de manière à dessiner un V
régulier dont la branche postérieure s'anastomose avec la seconde frontale
(en J). — A gauche, elle naît dans la profondeur, au conÛueht du sillon
prérolandique et de la scissure de Sylvius, par une racine 4tii s'enfonce
MATHIAS DUVAL. — - t*APËA8tÉ DEPtlS BROCA. 767
combé le malade. Je parle d'autopsies faites dans un but
purement scientifique de physiologie cérébrale. Une personne
a été connue pendant sa vie comme douée au plus haut degré
de telle ou telle faculté cérébrale, représentation auditive,
ou visuelle, tnotricilé graphique ou autre ; elle succombe à
une affection du cœur, du poumon ; enfin elle succombe sans
aucun trouble cérébral ; il n'y a pas de lésion cérébrale à
chercher, le médecin n'a pas à examiner Tencéphale. S'il y a
autopsie, l'encéphale sera laissé de côté. Mais le plus souvent
il n'y a pas même autopsie ; c'est contre cet oubli qu'il fau-
drait réagir* Je ne parle pas des hôpitaux, où les autopsies
sont toujours faites, où tons les organes sont scientifiquement
examinés, mais où les sujets sont des individus Inconnus, qui
sont venus pour une maladie spéciale, et sont en fin de
compte autopsiés pour cette maladie spéciale. Je parle des
autopsies à domicile, sur des personnes dont Tentourage,
famille et amis, peut préciser les particularités de caractère,
de mode cérébral pour ainsi dire. Il faudrait que chacun de
nous prît des dispositions testamentaires, imitées de celles
formulées par notre regretté maître et ami Bertillon : « Je
veux, a-t-il dit, que mon cerveau soit recueilli par le labora-
toire d'anthropologie, afin que l'étude des circonvolutions en
suit faite au point de vue de la concordance que peut pré-
senter la morphologie des circonvolutions avec ce que corl-
I missent mes amis sur les particularités de mes fonctions
cérébrales. Être utile m*a toujours paru le but le plus beau
de la vie; je désire être utile à la science encore après
ma mort. »
dans le pied de la frontale ascendante. A partir de cette racine, elle se
replie en méandres dont rensémble figure un double V (W), c'est-à-dire
que, vu la présence de trois branches antérieures de la soi8<^ure de Sylvius
(5, a, S", fig. 56), il y a en réalité deux caps, séparés l'un de Tautre par
une incisure nette et profonde (en a, fig. 2), qui occupe une place inter-
médiaire entre la branche horizontale et la branche ascendante de la scis-
sure de Sylvius. De ces deux caps, le postérieur est plus petit, etc. (Voir
Chudzinski et Mathias Duval, Description morphologique du cerveau de
Gambetla, BuUetins de la Société d^ anthropologie, 18 mars 1886» 8« série,
t. IX, p. 129. — Voir aussi p. 399 de ce môme volume.)
768 SÉANCE DU 14 DÉCBMBRE 1887.
Messieurs, c'est dans ce but qu'a été fondée à Paris, en
juillet 1880, la Société mutuelle d'autopsie, dont je ne puis
mieux caractériser le but scientifique qu'en reproduisant
îd les paroles que Letoumeau a prononcées à ce sujet sur
la tombe même de Bertillon^ : « Il y a quelques années,
disait-il, un petit groupe d'hommes, tous dévoués de longue
date au progrès scientifique et social, s*unirent dans une gé-
néreuse pensée. Depuis longtemps leur esprit était affranchi
de tout sprvage religieuz et métaphysique. Tous ils savaient
que, dans ses qualités et dans ses défauts, dans toute sa vie
mentale, chacun de nous obéit à son organisation. Aucun
d'eux n'ignorait quel immense intérêt il y aurait à pouvoir
scientifiquement déterminer la corrélation existant néces-
sairement entre les caraotères dits psychiques et les traits
physiques, dont les premiers sont l'expression. Mais pour
cela il est indispensable de scruter, d'étudier minutieusement
les centres nerveux d'hommes dont on a bien connu l'activité
mentale. Or l'autopsie, qui jadis, sous le règne de Louis XIY
par exemple^ était une distinction réservée aux grands, est
devenue pour la plupart de nos contemporains un épou*»
vantail. Pour la remettre en honneur, il fallait aller à ren-
contre de nos mœurs et, dans une certaine mesure, de nos
lois. Nos chercheurs n'hésitèrent pas, et il va sans dire que
Bertillon était parmi eux. Pour lui, comme pour eux, braver
les préjugés en vue d'un intérêt supérieur était une habitude,
se dévouer à la science et au progrès social était un besoin.
Payant d'exemple et s'engageant mutuellement à léguer leur
corps à la science, ils fondèrent une à'ociété mutuelle (f autopsie y
dont le titre a quelque temps égayé certains de nos faiseurs
d'esprit, mais à laquelle les natures d'élite se rallient et se
rallieront toujours de plus en plus \ »
i BiMêtins de la Société d'anthropologie, 15 mars 1883, p. 187.
• La Société d'autopsie a été autorisée le 8 Janvier 1881 par un arrêté Un
préfet de police (signé Andrieux) ; cet arrêté approuve les statuts de la
Société et détermine les conditions dans lesquelles fonctionne actuelle-
ment la Société. — > Actuellement, pour toute demande de renseignements,
s'adresser à M. Gillet-Vital, 15, rue de TËcole-de-Médecine.
MATHIAÂ DUTAL* — I'aPHASIB DEPUIS BROGA. 769
On peut dire que ces paroles de Letourneau ont été le pre-
mier manifeste de cette société. Je ne pouvais me dispenser
de rappeler une manifestation si parfaitement en accord avec
toutes les tendances de la Société d'anthropologie et avec
Tordre d'études que nous venons de résumer sous le titre de
Taphasie depuis Broca. On dira peut-être que je fais une ré-
clame pour la Société d'autopsie ; j'accepte Texpression; elle
est pour moi, à mes yeux, non un blâme, mais un éloge.
Nous venons de voir ce qu'est devenue l'étude de l'aphasie,
depuis Broca. Nous pouvons prévoir que l'avenir nous réserve
encore sur cette question bien des études complémentaires
et des détails de localisations cérébrales plus précises et plus
délicates. Nous n'avons, en effet, parlé que des cas ai:your-
d'hui bien étudiés, des troubles bien localisés. Mais que de
variétés encore énigmatiques et dont nous entrevoyons à
peine la théorie! Chez certains aphasiques, la faculté de
compter peut être absolument conservée, alors que cependant
il est impossible de prononcer les chiffres, ni de les lire, ni
de les écrire. Tel autre entend parfaitement sonner l'horloge,
distingue les coups, mais ne peut les compter. Il est aussi des
cas à* aphasie de la mimique : le sujet est alors incapable de se
servir à propos des gestes pour exprimer ses idées, et ne peut
même, par un signe de convention, exprimer son assentiment
ou sa dénégation. D'autres sont inaptes à imiter un mouve-
ment qu'on fait devant eux. Tel agraphique est cependant
encore capable de bien tracer des chiffres ou des figures de
géométrie ; ce sont les mouvements seuls de l'écriture qui
sont sortis de sa mémoire. Il y a des aphémiques qui peuvent
parler à condition de chanter, c'est-à-dire qu'ils peuvent pro-
noncer en musique des paroles qu'ils sont impuissants à
articuler s'ils ne font pas entendre en même temps la mélodie
qui les accompagne (comme par exemple les paroles et l'air
de la Marseillaise). Arrêtons-nous dans ces exemples : le peu
T. X (3* skrik). 49
770 tÉAHCB DU 44 DÉCKKBRB 1887«
que nous en citons permet de conclure qu'ils seront expliqués
un jour par des faits de localisations de mémoires spéciales,
comme cela a été fait pour les formes bien connues aujour-
d'hui de Taphasie.
Bn résumé, messieurs, Broca a découyeri Taphémie ; il en
a précisé les symptômes, la nature, la localisation ; il a tracé
les règles qui devaient présider à l'étude de toutes les autres
formes des troubles de l'expression. Tout ce qu'on a établi
depuis n'a été que Texlension de la découverte primitive de
notre illustre fondateur : Tagraphie, la cécité verbale, la sur-
dité verbale, calquées sur le patron de l'aphémie. Nouveau
Christophe Colomb, il a abordé un continent nouveau pour la
science : il a étudié le coin précis qu'il avait découvert;
d'autres sont venus après lui, ont reconnu que ce continent
était immense, et ils en ont étudié successivement les diverses
parties. Mais tout cela n'est pas venu apporter la moindre
contradiction à l'œuvre initiale de Broca ; tout n'a été que
confirmation et extension de sa découverte.
Si nous tenons compte maintenant de ce fait que penser,
c'est parler mentalement, nous voyons que l'œuvre de Broca,
avec son extension actuelle, est non seulement grande en
anatomie et en physiologie, mais que c'est, peut-être avant
tout, la plus grande découverte en psychologie, en physio-
logie cérébrale. Les rouages de la pensée et de son expression
nous apparaissent désormais comme une série d'organes
cérébraux distincts, et nous pouvons concevoir les enchaî-
nements de leur action. Cette nouvelle méthode en psychologie
est déjà féconde : les œuvres de Ribot (maladies de la mé-
moire, maladies de la volonté, maladies de la personnalité)
on font foi. C'est donc bien légitimement que la Société
danihropolop^io est fîére d'avoir été la première confidente des
pensées d(3 lîroca sur ces hautes questions; c'est bien légi-
timement que, dans ce jour, consacré chaque année à célébrer
la gloire de son fondateur, elle a voulu que cette fois, à côté
des immortels travaux du maître sur la craniométrie, Tethno-
logie, Vhybridité, l'anatomie des primates, sur toutes les
P.-G. MAUOUDEAU. — CIRCONVOLUTIONS CÉRÉBRALES. 771
branches de Tanthropologie, il fût parlé devant vous de
l'aphasie et particulièrement de Taphasie depuis Broca.
i6i« StiNCI. — 15 déeembre 1887.
Présldenee 4e M. MAQIT9V, présMeai.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
PRÉSENTATIONS.
Covpes de elreoiiYelnlieAe eérébrales ;
fÀR M. f.-a. MAHOUDEAU.
La morphologie des circonvolutions cérébrales est aujour-
d'hui relativement bien connue, et, quoiqu'elle n'ait pas
encore dit son dernier mot, tant s'en faut, pour ce qui est
des variations individuelles des circonvolutions selon les
sexes, les âges et les aptitudes des sujets, il est cependant
dès aujourd'hui évident que cette morphologie pure et simple
ne saurait suffire. Ce n'est pas tout de connaître le volume,
la quantité d'une circonvolution, il faudrait en apprécier la
qualité; or, puisque les cellules nerveuses sont les éléments
centraux, actifs, essentiels de la substance grise, la qualité
d'une circonvolution ne peut nous être révélée quepar sa ri-
chesse en cellules nerveuses, il faudrait faire la numération de
ces cellules comme on fait la numération des globules du sang.
C'est un travail de ce genre que mon émincnt maître, M. le
professeur Mathias Duval, a bien voulu me faire l'honneur
de me confier. Il s'agissait d'abord de trouver un procédé de
préparation aussi simple et en même temps aussi démons-
tratif que possible; les pièces que j'ai l'honneur de mettre
sous les yeux de la Société n*ont d'autre but que de montrer
que nous avons obtenu ce résultat. Les recherches compara-
tives viendront ensuite ; elles demandent la formation d'une
nombreuse collection. Nous l'entreprendrons.
77â 8ÊANCG Dl* 15 DÉCEMBRE 1887.
Toujours est-il que nous pourrons colorer les cellules de la
substance grise de manière que la numération soit on ne peut
plus facile, ainsi que l'étude de leurs dispositions par couches
et de la répartition de leurs diverses formes dans les cou-
ches, A Taide du carmin ordinaire ou du picro-carmin on
n'obtient que bien rarement un résultat satisfaisant ; la sub-
stance intercellulaire se colore plus ou moins et les cellules
ne sont pas suffisamment distinctes à un faible grossissement.
Mon éminent maître M. Mathias Duval avait déjà commencé
des recherches avec ce réactif colorant et il a été obligé de
les abandonner à cause de Finconvénient que nous venons
d'indiquer. C'est alors qu'il m'a engagé à essayer diverses
matières colorantes, et parmi celles que nous avons em-
ployées, le carmin aluné nous a donné toute satisfaction.
Désirant savoir si les cerveaux d'hommes connus, donnés
au laboratoire par la Société mutuelle d'autopsie, pourraient
encore se prêter à la recherche de la numération des cel-
lules, nous avonsdû faire une série d'expériences dans ce but.
Ces cerveaux, datant de plusieurs années, ont été moulés,
ils sont restés parfois plusieurs jours exposés à l'air, hors du
liquide conservateur, et ils n'ont, le reste du temps, baigné
dans l'alcool que d'une façon insuffisante. Dans ces conditions,
bien que l'aspect microscopique n'en soit pas changé, les
éléments présentent cependant un manque de cohésion entre
eux qui en rend l'examen histologique des plus difficiles.
Nous n'aurions certainement jamais pu surmonter de sem-
blables difficultés^ si nous n'avions pa ; eu recours à la mé-
thode du collodionnage que M. le professeur Mathias Duval
a fait connaître dans les Archives de neurologie, 1881-82.
C'est grâce à ce procédé, joint à l'emploi du carmin aluné,
que nous avons pu réussir à obtenir, avec d'anciens cerveaux,
des coupes sur lesquelles la possibilitéde la numération des
cellules prouve que nous avons obtenu le résultat cherché.
DISCUSSION SUR LES GIRGONTOLUTIONS CÉRÉBRALES. 773
DiBcnsiion.
M. Mathus Du val attire Tatteation de la Société sur Vin-
térêt considérable que présente le travail de M. Maboudeau.
Ce travail établit la possibilité d'étudier bistologiquement
des cerveaux conservés dans Talcool et plus ou moins alté-
rés, dont il était à craindre qa*il ne fût plus possible de tirer
parti. Gela est d'autant plus heureux que le laboratoire d'an-
thropologie possède déjà un certain nombre de cerveaux pré-
cieux dont l'étude a été faite au point de vue du développe-
ment quantitatif et morphologique, mais pas en<5ore au point
de vue de la qualité.
M. Manouvrier. Je suis heureux des résultats obtenus par
M. Mahoudeau et je l'en félicite, mais puisqu'il se propose,
avec raison, de pratiquer des coupes histologiques sur les
cerveaux d'hommes célèbres que nous possédons, je pense
qu'il ne voudra pas entamer ces cerveaux avant d'avoir étudié
d'abord un bon nombre de cerveaux quelconques. Il peut
arriver, en effet, que dans le courant de ses intéressantes re-
cherches il trouve lé moyen de perfectionner ses procédés
d'étude. 11 est probable, d'autre part, qu'il arrivera à déter-
miner de mieux en mieux, dans son esprit, les comparaisons
à faire. Je crois enfin que, pour tirer de l'étude des cas spé-
ciaux le meilleur parti possible, il est indispensable d'éta-
blir préalablement, par Tétude d'un grand nombre de cas
quelconques, une sorte de moyenne constituant un sérieux
terme de comparaison.
M. Mahoudeau. Il faut se bâter d'étudier les cerveaux dont
il s'agit, car bientôt leur altération ne le permettra plus.
On peut toujours, au contraire, revenir sur l'étude des
coupes une fois faites. Elles se conservent facilement, et une
coupe faite aujourd'hui pourra être examinée de nouveau
dans dix ans,
M. Manouvrier. Je le sais fort bien, mais il peut se faire
que, les coupes d'une circonvolution une fois terminées, vous
soyez amené à regretter de ne pas les avoir faites dans un
774 8ÉANCI DU 15 DÉCEMBRB 1887.
autre sens que vous aurez trouvé plus favorable à certaines
comparaisons.
M. Mahoudeau. Il n'y a pas à choisir le sens des coupes
â*iine circonvolution. On ne distingue les cellules que lors-
qu'elles sont coupées transversalement par rapport à leuj
grand axe.
M. Manouvrieu. Je m'en rapporte sur ce point à Texpé-
rience de M. Mahoudeau, mais il ne me semble pas possible
que le sens des coupes doive être le même, par exemple,
pour compter les cellules d'une même couche ou pour comp-
ter les différentes couches d'une circonvolution.
Note s«r «ne faillie fklte an «hamp d« llo«ble«d'Or ;
PAR LK DOCTEUR ?. DELISLB.
Au mois de mars dernier, le maître briquetier de MM. Des-
champs et Fau, occupé avec plusieurs ouvriers à extraire de
la terre à brique dans le champ dit du « Double-d'Or » , dé-
couvrit un crâne humain à la profondeur de 1"^,20. Le champ
du Double-d'Or est situé à gauche de la route qui va de Paris
à Ghâlillon, à près d'un kilomètre à l'est du fort de Vanves,
et fait partie de la dernière terrasse qui, de la Seine, conduit
au plateau de Ghâtillon.
Le sol du champ du Double-d'Or est exploité depuis plu
sieurs années déjà pour la confection des briques. Le terrain,
de couleur rougeâtre, est compact, et nulle part, dans les
tranchées, nous n'avons trouvé le moindre indice qui puisse
faire supposer qu'en un point quelconque il ait été fait des
travaux profonds ou des plantations plus ou moins anciennes.
Nous croyons que sur toute l'épaisseur de la couche, du
moins dans la partie que nous avons étudiée, il n'y a pas
trace de remaniements. C'est aussi l'impression des ouvriers
qui ont fait la découverte, et, pour eux, on n'a jamais fait là
que des cultures peu profondes.
Je n'ai pas assisté à la découverte du crâne que je présente
à la Société. Il fut mis à jour pendant le travail et brisé par
F. DELISLB. — ONE FOUaLB. 775
un coup de pioche. Le contremaître, avisé aussitôt, reoueillit
tous les morceaux qu'il put retrouver et put extraire ensuite
quelques parties encore engagées, une partie de la mâchoire
inférieure et quelques fragments de vertèbres, d'os longs et
des phalanges.
Le contremaître jugea prudent d'arrêter le travail, ne sa-
chant comment il fallait procéder pour retrouver le reste de
ce squelette qu'il supposait être celui d'un orang-outang.
A ma première visiteje reconnus, à l'inspection des débris
osseux qui me furent présentés, qu'il serait facile de recon-
stituer partiellement le crâne, et à l'inspection du gisement,
que le squelette devait être là tout entier. Je donnai les indi-
cations nécessaires pour faciliter les fouilles : deux tranchées
furent faites des deux côtés du squelette, laissant entre elles
un espace de 80 centimètres. J'avais pu reconnaître, en fouil-
lant le sol, quelle était la direction de la colonne vertébrale
et la position du membre antérieur droit. Je remis la fouille
jusqu'à ce qu'on eût fait les deux tranchées.
Pour extraire le squelette, j'opérai avec les plus grandes
précautions. Je pus me convaincre, dès mes premières tenta-
tives pour extraire les diverses pièces, que j'arriverais diffi-
cilement à les enlever sans dommage. Nous avons pu recon-
naître que le squelette entier se trouvait dans la position
suivante :
La tête était englobée à la base de la couche et reposait
sur la partie postéro-supérieure, ainsi que le montrait l'em-
preinte laissée dans la terre ; le corps reposant sur son plan
postérieur.
La colonne vertébrale en place présentait une disposition
légèrement curviligne jusqu'au bassin qui était sensiblement
plus élevé que la tête. Les côtes étaient en place, mais très
affaissées. Nous n'avons pas trouvé de débris osseux du
sternum. Les membres supérieurs étaient fléchis et les os
des mains étaient en contact avec ceux des régions cervicales
et thoraciques.
Les os du bassin étaient en rapport entre eux et les mem-
776 SÉAHCB DU 15 DÉGBMBRE 1887.
bres inférieurs fléchis sur eux-mêmes et sur le tronc. Les os
des pieds étaient détruits presque entièrement > mais on pou-
vait reconnaître la place qu'ils occupaient dans la couche.
Ces dernières parties du squelette étaient à une profondeur
moindre que les autres, les pieds étaient à 80 centimètres
seulement au-dessous du sol.
Malgré tout le soin que nous avons mis à faire cette fouille,
nous n'avons pu extraire qu'un très petit nombre de pièces
en état de conservation.
La situation de ce Squelette, ayant ses diverses parties en
connexion exacte dans un terrain non remanié, compact^
nous porte à croire que nous nous trouvons en présence
d*un noyé qui aura été englobé dans le dépôt lors de sa
formation.
Crâne. — En rapprochant les débris de la boîte crânienne
qui nous furent remis, nous avons pu reconstituer une partie
de la voûte, et nous croyons qu*il a appartenu à une femme.
La pièce comprend les pariétaux presque entiers et des por-
tions plus ou moins considérables du frontal, de l'occipital
et des temporaux.
La courbe antéro-postérieure est régulière dans la région
fronto-p€uriétale, autant qu'on en peut juger, vu l'absence
d'une partie du frontal; mais, à partir de la région moyenne
de la suture sagittale, cette courbe s'abaisse assez brusque-
ment et forme un méplat qui s'étend sur l'angle de l'écaillé
occipitale qui se continue en une courbe régulièrement cir-
culaire.
Apophyse mastoîde droite peu volumineuse.
Diamètre antéro-postérieur moyen, 175? diamètre trans-
versal, 144; indice céphalique, 82,28?
L'indice le placerait entre le Furfoozn* 2 (81.39) et les crânes
trouvés en divers points de la vallée de la Seine.
En résumé, ce crâne offre de très grandes analogies avec
l crâne de Furfooz n" 1 et avec les pièces similaires n* 6 qui
ont été trouvées, à Grenelle, dans la carrière Hélie, à Marly
et dans d'autres parties de la vallée de la Seine.
LBTOURNBATJ. — l' ANTHROPOLOGIE BiS AMÉRIQUE. 777
Le maxillaire inférieur est incomplet; les deux branches
ont été perdues et cassées lors de la découverte. Les indsives,
les canines et les petites molaires étaient en place, bien
implantées; trois incisives ne nous ont pas été remises. Les
grosses molaires étaient tombées. Les dents qui restent sont
sensiblement usées, et l'une d'elles, canine gauche, a un trou
latéral qui pourrait avoir été occasionné par de la carie. Ces
dents sont peu volumineuses.
La hauteur du maxillaire est faible.
COMMCJNICAXIONS.
Sar l'anthropophagie en Amérique ;
PAR M. LBTOVRNEAU.
11 y a environ deux ans, j'ai fait à la Société une courte
communication relative à l'anthropophagie en Amérique. Il
s'agissait d'observations faites dans l'extrême nord de l'Amé-
rique, par un missionnaire français, M. Faraud, évêque du
territoire de Mackenzie. M»^ Faraud rapporte que des Indiens
dits Pieds-Noirs (ce sont des Sioux) pratiquaient un genre
tout spécial d'anthropophagie. Quand l'un d'eux avait terrassé
un adversaire dans un combat, il lui ouvrait le thorax, en
extrayait le cœur et y mordait à belles dents. Je ne manquai
pas de rapprocher ce fait des rites de l'anthropophagie reli-
gieuse dans l'ancien Mexique. On sait comment procédaient
les prêtres mexicains, quand ils offraient une victime hu-
maine au dieu de la guerre, Huitzlilopotchli. Ils ouvraient le
thorax avec un couteau d'obsidienne, extrayaient le cœur et
en faisaient l'ofiTrande à la divinité. Cette concordance éveillait
nécessairement une idée de communauté d'origine confirmée
parlapictographie américaine. En effet, dans lacélèbrepicto-
graphiedu docteur Siguenza, où est représentée la migration
des Aztèques envahisseurs, les armes, le costume, l'habitude
extérieure, la touffe de cheveux du scalp, etc., rappellent sin-
gulièrement les Peaux-Rouges, et, d'autre part, les légendes
T78 SÉANCE DU 15 DÉGBMBRE 1887.
mezioaines font venir les Aztèques d*une contrée septen-
trionale.
Aujourd'hui j'apporte, à Tappui de cette hypothèse, déjà
si Yraisemblable, une autre preuve du môme genre. Dans
le résumé d*un voyage de circumnavigation,fait en 1600, par
un navigateur hollandais, Olivier de Noort, je trouve le pas-
sage suivant à propos des mœurs des Indiens du Chili : <c Us
haïssent mortellement les Espagnols, jusque-là que, quand
ils ont tué quelqu'un, ils lui fendent le corps et lui mordent le
cœur*. »
L'existence d'une coutume, si particulière, depuis Tocéan
Arctique américain jusqu'au Chili^ en passant par le Mexique,
me semble une très forte preuve en faveur de la commune
origine des Indiens d'Amérique.
Discussion.
M. Hervé pense qu'il faut distinguer, dans les faits cités,
plusieurs sortes d'anthropophagie : l'anthropophagie guer-
rière, dont le mobile est de s'incorporer les vertus et qualités
de l'ennemi tué, l'anthropophagie religieuse, et Tanthropo-
phagie que l'on peut appeler passionnelle^ consistant dans la
satisfaction plus complète d'une vengeance ou d'une haine.
Telle est, ce semble, celle dont parle de Noort.
M. Letourneau. M.Hervé se trompe en attribuant l'anthro-
pophagie cardiaque des Indiens du Chili à des mobiles indi-
viduels, comparables, par exemple, à ceux qui poussèrent
quelques Parisiens à mordre, après l'avoir fait griller, le cœur
du maréchal d'Ancre. Le texte que j'ai cité a une portée gé-
nérale, il indique des mœurs communes à tous les Indiens
du Chili, en l'an 1600.
M. G. DE MoRTiLLET pense que l'anthropophagie n'a pas au-
jourd'hui la même signification partout, mais qu'elle a dû
débuter partout sous l'influence du besoin. Puis elle a été
bientôt exploitée au profit des idées religieuses.
1 Recueil des voyages qui ont servi à l'établissement et aux jtrogris de la
compagnie des Indes orientales f formée dans les Provinces-Unies des Pays^
Bas, t. H, 1754.
DISCUSSION SUR l'aNTHROPOLOGIB EN AMÉRIQUE. 779
M. Letourneau. On ne saurait admettre la théorie, beaucoup
trop générale, deM.deMortillet. Sûrement Tanthropophagie
religieuse a été très commune; mais il y en a de plusieurs
autres genres. Il y a déjà bien des années (1869), j'ai essayé
de les classer dans Tordre suivant : anthropophagie par be-
soin, par gourmandise, par religion, par piété filiale; an-
thropophagie juridique; enfin anthropophagie par vengeance
ou folie. Le cannibalisme a d'abord, pour cause déterminante,
la faim, le manque d'aliments azotés ; puis, à mesure que
rhomme se civilise, et en même temps apprend à domesti-
quer les animaux, à cultiver la terre, le cannibalisme prend
des formes moins animales, spécialement la forme religieuse,
si répandue, mais nullement unique.
M. Sanson regrette Tabsence de M. de Quatrefages, qui
aurait sans doute été heureux d'entendre M. de Mortillet rat-
tacher l'anthropophagie à des idées religieuses, même chez
les peuples primitifs.
M. Hervé demande à M. de Mortillet s'il admet l'existence
de l'anthropophagie à Vépoque quaternaire, où l'homme était
dépourvu de toute religiosité, comme M. de Mortillet l'a lui-
même établi.
M. DE Mortillet est d'avis que Tanthropophagie était
inconnue à l'époque quaternaire et même à l'époque de la
pierre polie. Les faits invoqués à l'appui de l'avis contraire
n'ont rien de concluant.
M. DE Nadaillac. Il est vrai qu'il est difficile d'émettre à ce
sujet une affirmation catégorique. On peut dire cependant
qu'il existe des preuves de l'anthropophagie tout au moins à
l'époque néolithique.
M. de Mortillet. Que M. de Nadaillac produise des faits
précis, je pourrai alors les réfuter.
M. de Nadaillac répond qu'il n'est pas préparé pour le
moment à une discussion sur ce sujet. U n'affirme pas,
d'ailleurs, positivement.
M. DE Mortillet. La discussion pourra être reprise^ alors,
à la prochaine séance.
780 SÉANCE DU 18 DÉCEMBRE 1887.
M. DE Nadaillac accepte cette proposition.
M. Sànson est curieax de voir prouver qu'il a existé uns
espèce animsde dans laquelle» suivant l'opinion de M. de Mor-
tillet^ on ne se battait pas.
Sur nme emmtmmke ffanéralre ém mldU de la FMuiee ;
PAR M. LAGOHBB.
M. Lacombe assista, il y a quelques années, à la toilette
funèbre d*une paysanne de Gazes-Mondenard (Tarn-et-Ga-
ronne). On mit dans la main droite de la morte un bout de
chandelle, et dans sa bouche une pièce de deux sous. Puis
on assujettit les deux mâchoires par un fil de laine passé sous
le menton et noué sur le sommet de la tète. M. Lacombe
interrogea l'opératrice sur le sens de cette cérémonie et n'en
tira d'autre réponse, sinon que c'était Tusage.
Pour lui, cet usage est un reliquat des temps oii Ton croyait
que Tombre avait, après la mort, des lieux souterrains et
obscurs à parcourir, un fleuve à passer et un péage à satis-
faire. Des croyances nouvelles ont pu étouffer rintelligence
de ces pratiques ; elles n'ont pu déraciner les pratiques elles-
mêmes.
La baguette des soareicrs Tendéeiis ;
PAR H. BONNEHàRB.
J'ai l'honneur d'offrir à la Société une branche fourchue qui
sert, dans la partie vendéenne du département de Maine-et-
Loire, à découvrir des sources. Elle a été coupée sur un ar-
buste dontj'ignorelenom botanique. Dans le pays on l'appelle
la coudre blanche, sans doute à cause de ses fleurs qui sont de
cette couleur. Par le mot coudre^ on entend dans notre région
le noisetier. Je dois constater que la coudre blanche n'a
aucune ressemblance avec cette dernière plante. J'ai l'honneur
de vous présenter aussi quelques feuilles qui vous permettront
de la mieux reconncutre. Je crois, pour ma part, qu'elle est
l'origine des boules-de-neige de nos jardins.
BONNEHÈRE. •«* BAGUETTE DE SOURCIER. 781
Les gens qui s'occupent de rechercher les sources, les
sourciers^ comme on les appelle, sont encore assez communs
dans le pays, et on a souvent recours à leurs indications
lorsqu'on veut faire creuser un puits.
La fourche que je vous présente porte le nom de baguette y
qui jure bien un peu avec sa forme.
Le sourcier en saisit une des branches dans chacune de ses
mains, puis il se met à marcher dans Tendroit où la personne
qui Fa fait venir voudrait faire creuser un puits. On prétend
que lorsqu'il est arrivé au-dessus d'une source, la baguette
se met à tourner d'autant plus vite, que la source est plus
près du sol et plus abondante. Aussi, le sourcier a-t-U ton-
jours les yeux sur elle, prêt à interpréter ses moindres
oscillations.
Dois-je l'avouer? je me suis amusé bien des fois à faire
tourner des fourchettes de coudre blanche, mais, cela va
sans dire, sans attribuer la moindre importance à ses mouve-
ments. Je ne suis pas du tout initié à l'art des sourciers qui,
d'ailleurs, ne se décideraient pas aisément à faire part de
leurs connaissances à un homme qui ne serait pas un paysan
conmie eux. Il m'a semblé que je serrais très fortement le
bois et que pourtant il tournait à un point tel, que la pointe
de la fourche placée en bas, par exemple^ se redressait com-
plètement et remontait jusqu'en haut. J'ai cru devoir vous
signaler ce fait, qui présente peut-être quelque intérêt. 11 faut
que la baguette que l'on emploie soit verte et bien en sève.
La baguette des sourciers est employée aussi pour d'autres
usages. On prétend dans le pays qu'elle peut aussi faire dé-
couvrir les trésors enfouis dans la terre.
Je n'ai jamais entendu dire que les hommes qui se livrent
à ces deux genres de recherches dussent les accompagner de
paroles, de mots, pour me servir de l'expression consacrée.
Gela peut être cependant.
Peut-être trouverez-vous, messieurs, quelques rapproche-
ments à faire entre la curieuse pratique que je signale à votre
attention et quelque coutume analogue relevée dans un autre
782 SÉANCE DU 15 DÉGEMBRB i8S7.
pays. Je orois, en effet, que Tari des souroiers a dû ôtre
beaucoup plus. étendu autrefois qull ne Test à présent, et je
ne serais pas étonné que son origine remontât fort haut dans
la nuit des temps.
Discussion.
M. Delisle a .vu, dans le Midi, les sourciers se servir de
baguettes de figuier et non de coudrier. La pointe de la ba-
guette était venue en haut et devait s'abaisser pour indiquer
une source. Le sourcier faisait force contorsions. M. Delisle a
été témoin de la recherche d'une source par un sourcier.
A l'endroit indiqué on a creusé jusqu'à 14 mètres... et Ton n*a
rien trouvé.
M. BoNNEMÈRE. Eu Bretagne, je n*ai point vu les sourciers
faire des contorsions. Ils affectent au contraire une gravité
en quelque sorte sacerdotale.
M. Sanson. Cette question me semble vidée depuis les expé-
riences faites par M. Chevreul il y a plus de soixante ans.
Ces expériences ont montré Tinanité de la baguette divi
natoire.
M. G. DE MoRTiLLET. Il n'en est pas moins certain que la
baguette, tenue successivement par plusieurs personnes, à
Finsu Tune de l'autre, tourne aux mêmes endroits.
M. Lacombe dit que lui aussi a fait tourner la baguette
des sourciers; mais pour lui il n'y a là ni force occulte, bien
entendu, ni même mouvements musculaires inconscients.
Au contraire, le sourcier, en faisant tourner sa baguette, est
parfaitement conscient. Son secret consiste à écarter les
deux branches de sa baguette, dont les bouts restent libres
dans la paume des deux mains. L'élasticité du bois, en réa-
gissant, produit un mouvement giratoire autour d'un axe
idéal passant par la paume des mains. Le sourcier se sert
donc d'un petit phénomène d'élasticité, que le paysan, sa
dupe, est incapable de constater.
BONNAFONT. — LOCALISATIONS CâRÉBRALES. 783
»
Sor les locallMitloas eérébratos ;
PAR M. BOHNAfOnr.
La conférence d'hier, si intéressante, si bien dite et qui a cap-
tivé si agréablement l'auditoire, m'a rappelé deux faits assez in-
téressants qui viennent à l'appui de La théorie des localisations
cérébrales si bien décrites par notre si regretté Broca, et si
bien démontrées par notre savant et si sympathique collègue,
M. le professeur Mathias Duval.
Je regrette de n'avoir pu trouver» au milieu de mes pape-
rasses algériennes, le récit détaillé de ces deux observations
que j'ai dû communiquer à l'Académie des sciences en 1842.
Mais le peu que la mémoire me rappelle suffira pour en
faire apprécier la valeur.
A l'assaut de LaQroun, en 1839, qui précéda la prise du
col de Mouzaïa, j'eus beaucoup de blessés, parmi lesquels le
colonel Ulrick, qui reçut une balle sur le nez : elle pénétra
dans les fosses nasales, où elle est restée quatre ans, à
l'exemple de celle que le général Trézel reçut à Waterloo, la-
quelle n'ayant pu être extraite, resta dans les fosses nasales
près de vingt ans et tomba toute seule dans la cuvette
pendant que le général faisait sa toilette. Celle du colonel
Ulrick n'y séjourna que quatre ans. Il courut me la montrer
le jour même, en 1843. Nous étions à Paris.
Puis un sergent-major qui avait été atteint sur la bosse
frontale gauche; la balle avait pénétré dans le crâne. Ce
blessé avait complètement perdu la faculté de parler, et
furieux de ne pouvoir dire le nom de ses parents, se sachant
atteint mortellement, il cherchait à se faire comprendre par
des signes.
Pendant la même expédition, excessivement meurtrière, un
soldat reçut un coup de feu ; la balle avait pénétré dans l'in-
térieur du crâne par la région pariétale ou mieux la bosse
pariétale gauche, le blessé perdit tout à coup la mémoire
tout en conservant complètement la parole. Son capitaine.
784 SÉANCE DU 26 DÊGEnRE 1885.
qui Tavait accompagné, avait beau lui faire des questions, le
blessé y répondait en lui disant qu'il ne se rappelait et jurant
d'avoir ainsi perdu toute mémoire.
Ce malade, comme le précédent, mourut le lendemain.
Discnssioii.
M. Hervé rappelle une observation d'aphasie traumatiqae
due à Larrey, et publiée en i827 dans les Bulletins de l'Aca-
démie de médecine. Bien que la balle n'eût pu être extraite,
le blessé guérit et récupéra complètement la parole.
La séance est levée à six heures.
L*tin det tecrétaifêê : manocvribr.
CONFÉRENCE BROCA (1885).
Les earfietères dlstlBelifo ém «erreaa de rii#nime»
anlpolMt de Tne norplielegiqMe ;
Par M. le D' S. Pozzi.
L'année dernière, à cette même place, mon éminent col-
lègue le docteur Daily retraçait, éloquemment devant vous
l'œuvre scientifique de Broca.
Aujourd'hui l'honneur m'a été confié d'inaugurer la série
des conférences annuelles auxquelles la Société a attaché le
nom de son fondateur, — de celui qui fut pour moi le meil-
leur des maîtres et le plus grand des amis.
Je ne saurais prendre la parole sans une profonde émotion
en présence d'auditeurs dont la plupart ont été les siens,
dans cette salle qui a encore gardé l'écho de sa voix, sur un
sujet enfin qui était celui de son étude favorite à la veille
même de sa mort.
Au poids d'un pareil souvenir s'ajoute encore le sentiment
des difficultés de l'exposition que je vais entreprendre, en
abordant un des plus complexes problèmes de Tanatomie,
les Caractères distinctifs du cerveau de l^ homme.
s. P0Z2I. — SUR LB GERYBâU DB L'HOIOIB. 785
J*ai bien vite reconnu que j'avais trop présumé de mes
forces en choisissant un pareil sujet. Mais il était déjà trop
tard, et le seul recours qui me reste est dans votre bienveil-
lante indulgence.
Le cerveau est Torgane de la pensée.
C'est par la pensée que l'homme se distingue essentielle-
ment des animaux. C'est en se basant sur son énorme supé-
riorité intellectuelle qu'on a proposé d'en faire non seulement
une classe, mais un règne à part, le règne humain.
Quel appui Tanatomie préte-t-elle à une pareille opinion 7
Quels sont, tout au moins, les signes physiques de la préé-
minence de l'homme, comment s'accuse-l-elle dans les res-
sorts de l'instrument de son intelligence ? Telle est l'étude
que je vais commencer devant vous.
Elle est éminemment laborieuse. 11 n'est aucun de nos
organes qui présente des détails plus compliqués que le cer-
veau. Les auteurs ont regardé longtemps comme inextricable
le (I chaos des circonvolutions » que nous allons explorer.
La tâche sera d'autant plus ardue, qu'avant de comparer
il faut connaître à fond chaque terme de comparaison, et que
l'exposition, même sommaire^ de détails aussi nombreux
risque de fatiguer et de rebuter l'auditeur.
Ënûn pourquoi ne pas l'avouer? Une considération vient
ajouter aux difficultés du problème. Dans ce procès que nous
instruirons sur la dignité de notre espèce, nous devrons sans
cesse oublier que nous sommes à la fois juge et partie, et.
quelque sûr que nous soyons de notre triomphe final, con-
sentir souvent à laisser humilier notre vanité.
I
On peut se faire une idée générale du système nerveux
central des mammifères en le considérant comme un cylindre
creux renflé supérieurement, composé d'une série de noyaux
de substance grise reliés entre eux par des fibres blanches.
T. X (8« SéRIR). 50
7g6 BtAMCB 00 96 DiflEUBEE 18W.
La partie de ce cylindre oootenae dans le eanal vertébFal est
mince et allongée : n'est 1^ moelle épinière. La portion élar-
gie qui est renfermée dans le cr&ne, ou Teneéphale, surmonte
la colonne médullaire à la façon d*un chapiteau. Outre les
éléments constitutifs de la moelle qu'on y trouve, quoique
très modifiés, Tencéphtle possède des masses particulières
de substance nerveuse. Parmi elles, la plus antérieure et la
plus importante constitue le cerveau proprement dit^ formé de
deuK moitiés : les lobes cérébraux. La surface de chacun de
ceux-ci est constituée par une oouche de substance grise, le
plus souvent divisée en plis qu'on a appelés les (nrconvolu-
Huns cérébrales. Ces notions sont élémentaires, et vous me re-
procheriez d*y insister.
Je viens de dire que tous les cerveaux de mammifères
n'étaient pas pourvus de eirconvolutions. Richard Owen a
appelé liisencéphaleM les animaux à cerveau lisse, gyrencéphales
ceux à cerveau plissé, et enQn archencéphaU l'homme, à cause
de sa prééminence incontestable. Ces dénominations doivent
être connues, bien qu'elles n'aient plus aujourd'hui qu*une
simple Y&leur descriptive.
Quels sont l'origine et le mode de formation des rirconvo-
lutions ?
11 est péremptoirement établi qu'elles sont dues à des con-
nections profondes, et qu'elles ont pour effei} d'augmenter
^nsidér^lement la surface de l'écorce cérébrale. Gela ex-
plique h la fois pomment leur disposition est constante dans
que I4 mêpo espè^ et pourquoi elles «ont d'autant plus
ricbes r^nim^ (tontes choses égales d'ailleurs) est plus intel-
ligent.
L'anatomie comparée a démontré en effet que c'est dans la
substance grise de la surface du cerveau, ou, suivant l'ex-
pression technique, dans le manteau de Vhémisphère, que siè-
gent les fonctions intellectuelles.
Détruisons tout de suite une objection qui pourrait se pro-
duire à ee propos. Il existe des animaux très intelligents qui
ont le cerveau lisse ; mais, selon la pénétrante remarque de
s. POZZI. — SUR LB GSRVBAU M l'hOHNE. 787
M. Dareste*, ces animaux sont toujours do potiie taille. Or,
M. Baillarger* Ta fait observor depuis longtemps, en faisant
la comparaison de la surface cérébrale de Tbomme et de
celle du lapin, la différence entre le rapport des volumes
et des surfaces est le résultat de cette loi mathématique :
les volumes des corps semblables sont ^ntre eux comme les
cubes de leurs diamètres; leurs surfaces, d*autre part, sont
entre elles comme le carré de ces diamètres, ee qui donne
des proportions très différentes. 11 en ^résulte qu'un animal
de petite taille, avec un cerveau lisse, ; possède, relativement
à la masse totale de son encéphale^ une quantité de sub-
stance corticale grise aussi grande qu'un gros animal n'en ^
avec un cerveau plissé.
Cette objection résolue, jetons un coup d'oeil sur Tensem-
bledes animaux gyreivséphales, qui nous intéressent seuls au
point de vue de notre comparaison.
Si vous parcoure^ dans ce but un atlas d'anatomie com-
peirée, comme celui de Leuretet Gratiolet', ou celui de notre
distingué collègue Ghudzinski^, vous serez immédiatement
frappés de l'immense diveriité que présente la surface du
cerveau au point de vue de son aspect général, de sa forme,
de ses divi3ions et surtout du dessin des plis qui le sillon-
nent. Toute oomp^aison, toute homologie paraît d'abord
impossible. Longtemps on a considéré comme un u caprice de
la nature » ce plissement en apparence biaarre et irrégulier qui
s'offrait au regard à 1 ouverture du crâne, sans plus de signi-
fic^tion que les replis désordonnés de l'intestin à l'ouverture
de l'abdomen. Leuret, le premier, conçut l'idée de débrouiller
ce chaos. 11 a réussi à établir quatorze groupes a d'après le3
' Troisième mémoire sur les Circonvolutions du pepveau chez les m W-
mirères {Annales des sciences naturelles, Zoologiey k^ série, t. III, 1855).
> De l'étendue de la surface du cerveau et de ses rapports avec l'intelligence
(Mémoire présenté à l'Académie de médecine le 15 août 1845, et réimprimé
dans les Heihsrches sur Canatomù^ la physkhgis ei la pathologie du sys*
téme nerveux, Paris, 1872, p. 54).
> Anatomie du système nerveux, par Leuret et Qratiolat Paris, tlS9-S9.
^ Anatomiaporôumawcia zwn^ow mMffgwyêh. Paria^ ISTS-Si.
788 dÉANCE DU 26 décembre i88S.
caractères tirés des circonvolutions elles-mêmes ^ Ce grou*
pement, ajoute-t-il, qui n*a pour base que la conformation
d'un seul organe et même d'une seule partie d*un organe,
n'est pas assurément celui qu'il faudrait suivre dans l'étude
de rhistoire naturelle des mammifères: je Tai fait seulement
dans le but de rapprocher les uns des autres les cerveaux
les plus analogues, d'éloigner les plus dissemblables en pre-
nant pour caractère unique la disposition et le nombre des
circonvolutions cérébrales. On verra de suite si les animaux
classés d'après leurs circonvolutions sont également classés
d'après leur intelligence, et par conséquent s'il y a entre la
production de l'intelligence et la conformation des circonvo-
lutions un rapport plus ou moins direct » .
Le quatorzième groupe de Leuret renfermait exclusivement
les makis et les singes^ et il présentait à ce sujet les remar-
ques auxquelles son collaborateur Gratiolet devait donner une
si grande portée : « Le cerveau du singe peut, jusqu'à un
certain point, être considéré comme une ébauche de celui de
i'honmie *. »
C'est ce principe fécond que Pierre Gratiolet prit pour base
de ses immortelles études. Le Mémoire sur les plis cérébraux
de l'homme et. des primates parut en 1855. Il marque une ère
nouvelle dans nos connaissances en morphologie cérébrale.
Cet ouvrage fondamental, qui est une des gloires delà science
contemporaine^ a ouvert la voie à tous les travaux qui ont été
entrepris depuis en France et à l'étranger. « Si nous compa-
rons entre eux les cerveaux de différentes espèces de singes,
écrit réminent naturaliste', les plis se développent à nos
yeux dans tous ces cerveaux avec des ressemblances si évi-
dentes qu'il est au premier^abord impossible de n'en être
point frappé. Si maintenons nous essayons la comparaison
entre le cerveau de l'homme et celui des singes, nous retrou*
1 Anatomie comparée du système nertmuCf t. !«% par Leuret, p. 368.
Paris, 1839.
s mdmj p. 399.
> Mémoire sur les plis cérébraux, p« tO«
s. POZZI. — 8UR LB GBRYBAU DB l'hOMME. 789
vons les mômes ressemblcuices,les mêmes parties essentielles,
la même disposition générale; seulement il y a pins de sim-
plicité dans les singes et plus de complication dans Thomme.
Or, à cause de ces analogies si évidentes, la complication du
problème dans Tun peut être résolue grâce & la simplicité du
problème dans les autres. C^est là une analyse dont les pro-
cédés n*ont rien d'artificiel et qui est fondée sur la nature
même. J*ai donc conçn le dessein de m'élever ainsi à la con-
naissance des plis cérébraux de Tbomme. »
J'ai dit comment Gratiolet accomplit son œuvre. Grâce à
lui, l'étude de la géographie du globe cérébral devint possi-
ble et relativement facile chez Tbomme; mais, en même temps^
la similitude frappante du type humain et du type simien,
surtout dans la famille supérieure des anthropoïdes (chim-
panzé, orang, gibbon), apparut soudainement si éclatante que
l'auteur de ces belles recherches en fut comme efTrayé.
Le singe s'approchait trop.
Alors, sans s^ départir de la parfaite bonne foi qui prési-
dait à toutes ses recherches, mais cependant sous l'empire
d'une préoccupation évidente, Gratiolet s'efTorça de trouver
des c€uractères spéciaux au cerveau de l'homme ; il crut les
rencontrer surtout dans deux particularités : les plis de pas-
sage pariéto-occipitaux et le lobule du pli marginal supérieur.
Presque au même moment, en Angleterre, Richard Owen*
recherchait aussi des caractères distincUfs pour notre espèce
qu'il avait érigée au rang de soùs-classe sous le nom d'ar-
chencéphales.
Nous venons de voir comment avait disparu le chaos pour
les circonvolutions de l'homme et des singes; mais il conti-
nuait à exister au-dessous d'eux. Les homologies les plus
fausses y étaient attribuées aux grandes divisions de l'hémi-
sphère, lorsqu'on ne se contentait pas, avec Foville, de dé-
clarer toute homologie impossible.
> On thê CharacUrSy principUs of division and primary groups of thê
Class UauuAUk (Journal of Proceedings of the Unnaan Society of l/mdon,
vol. II, Zoology, n« 5^ p. 19. London, June 31, 1857).
790 SÊANQE DU iO dAgexbre 1885.
PâBl Broca a accompli pour les mammifères inférieurs au
primates ce que Gratiolet ayait fait pour ces derniers. Son
Mémoire êur lé grand lobe limbique est Tenu apporter la lu-
mière dans cette obscurité^ débrouiller cet écheveau réputé
inextHcablC) en mènle tem}is qu'il apportait de nourelles et
précieuses notions applicables à Tanatomie «cérébrale de
l'homme.
Après ce rapide histori(]ue qui nous a en même temps servi
à exposer l'état de la question, nous aurions à TeuTisager suc-
cessitement dans ses deux parties essentielles qui sont :
!• Les caractères distinctifs entre le cerveau de Thomme
et celui des mammifères en général ;
^ Les caractères distinctifs entre le cerveau de l'homme
et celui des singes.
Notre temps étant limité, je me renfermerai pour aujour-
d'hui dans l'étude de la première partie de ce programme, et
je m'attacherai à y montrer la grande œuvre accomplie par
Broca.
IL Caractères distinctifs d'avec lb cerveau des mammifères
AU-DBSSOUS des PRIMATES.
Considérons comparativement : 1** le dessin d'un cerveau
d'hoiùtoe ratnené à ses divisions élémentaires ou, plus sira-
pletncnt, la figure d'iin cerveau d'un singe qui les reproduit
sans qu'il soit nécessaire de le réduire à l'état de schéma;
2* des figures représentant des cerveaux de rongeurs, de
pachydermes, de carnassiers.
Un fait frappe au premier coup d'œil : dans la première
série mdiique un grand prolongement antérieur de la sub-
stance cérébrale (lobe olfdctif) qui, dans la seconde, s'avance
au-dessous de la partie antérieure ou frontale de l'encéphale
et d'où partent les filets nerveux qui traversent la lame cri-
blée de l'ethmoïde pour aller à la muqueuse olfactive. A
sa place, chez l'homme et les singes, existe une dépression
au fond de laquelle rampe un filet grêle^ à peine un peu
renflé à son extrémité, àydht plutôt l'Élôpect d'ttti ttërf que
s. POZZL — 8(JB IiB GBHtEAU DB L'HOMME. 791
d'une division du mahteau. Aussi, Fanatomie n* ayant lohg-
iemps été que de l'ânthropotomle^ lui a-t-on appliqué la
dénomination de nei/ olfactif qu'il mérite si mal. L'étude
minutieuse des connexions) où nous ne pouvons entrer ici,
démontre péremptoirement que le ner/* olfactif de Thomme
et des sin^s ti*est que le vestige atrophié du lobe olfactif des
autres animaux. Gelui-d se continue avec le lobe, très agrandi,
de rhippocaHipe^ lequel se [Prolonge lui-même sans ligne de
démarcation à la face interne de Thémisphère par la préten<»
due circonvolution (lobe) du Corp6 calleux. Une même scis-
sure cerne cet arc complet concentrique au limbe^ de l'hé-
misphère, et la division qu'elle limite a par suite reçu dé
Broca le nom de grand lobe limbique, ainsi subdivisé eh trois
lobes (secondaires), celui du corps calleux^ celui de Thippo-
campe et enfin le lobe olfactif. Ce dernier, continu. en arrière
avec rhippocamp6| Test, en haut^ avec l'extrémité antérieUrci
du lobe dti corps calleux.
Un second fait frappe l'observateur. Ce lobe limbique, ches
les gyrencéphales inférieurs, se distingue absolument du reste
du manteau par son aspect lisse et sa simplicité, ci Le con-^
traste est tel, dit 6rooa, qu'il devient évident que ces deux
parties de Thémisphère, si différentes par* leur structure, le
sont aussi par la nature de leurs fonctions, et si Ton eonsi-»
dère que Tune reste stationnaire et imperfectible pendant
que l'autre se perfectionne et se développe, que celle-là perd
de son importance à mesure que celle-ci fait des progrès, on
est conduit à reconnaître que la première est le siège des
facultés inférieures qui prédominent chea la brute, que la
seconde est le siège des facultés supérieures qui prédominent
chez les animaux intelligents, et Ton peut exprimer cette
opposition de leurs caractères respectifs en disant que le man*
teau de Thémisphère se compose de deux parties : Tune bru-
taie, représentée par le grand lobe limbique ; l'autre^ intellec-
taelle^ représentée pdr le reste du manteau. »
1 Sur la circonvolution limhique et la scikmrB limblqué [ÉuUitihs de ia
Société éranihrop9hgi»t S* série^ t. XII, 1877, p. 648).
793 SÉANCE D(J 26 DÉCEMBRE 4885.
Ce sont les connexions du grand lobe limbique qui don-
nent la clef du plissement du reste du manteau chez les
mammifères pourvus de ces circonvolutions.
Nous avons vu comment Tare limbique était fermé par
l'union antérieure du lobe {vtdgd circonvolution) du corps
calleux avec le lobe de l'hippocampe par l'intermédiaire
du lobe olfactif. Ainsi bridé, pour ainsi dire, fixé du reste
de toutes parts au pourtour du grand lobe limbique, le
reste du manteau ne peut s'accroître en longueur et en
largeur sans se plisser, a Le plissement dans le sens trans-
versal produit les circonvolutions longitudinales; celles-ci
étant devenues plus longues que le lobe limbique sur lequel
leurs deux extrémités vont aboutir, décrivent des arcs dont
ce lobe représente la corde. La plus élevée, celle qui longe
la pente interhémisphérique et qu'on peut appeler circonvo-
lution sagittale^ forme un grand arc peu flexueux ; mais la
plus inférieure et la plus externe, celle qui longe l'arc infé-
rieur de la scissure limbique, forme un arc plus court, qui se'
replie en s'adossant à lui-même et ce plissement donne nais-
sance à la scissure de Sylvius. Lorsqu'il y a plus de deux cir-
convolutions longitudinales, les circonvolutions intermé-
diaires décrivent des arcs décroissants entre la sagittale et la
sylvienne. »
Le plissement dans le sens longitudinal dont la scissure de
Sylvius était déjà un indice, donne encore naissance, en
avant, à la scissure de Rolando. Chez les gjTcncéphales infé-
rieurs (aux primates), elle naît tout près de la scissure lim-
bique (dont elle est le plus souvent séparée par un petit pli)
très en avant de la scissure de Sylvius ; on aurait peine, par
suite, tout d'abord, à y reconnaître l'homologue de la scissure
de Rolando de l'homme et des singes. Son origine a lieu près
du point où le lobe olfactif commence à se réunir au reste de
l'hémisphère. Elle se dirige très obliquement en avant, puis
se recourbe en haut et en dehors, ne laissant au-devant d'elle
qu'un très petit lobe frontal.
Le plissement transversal ne se produit pas en arrière,
s. POZZI. — SUR LE GERVBAU DE L'hOHME. 793
chez les gyrencéphales inférieurs, de manière à limiter un
lobe occipital. Il en résulte que tout ce qui est postérieur au
lobe frontal forme ici un lobe pariéto-occipito-temporal, ou
plus simplement pariétal. La circonvolution temporale de
rhippocampe des primates est ici, en effet» détachée du reste
du manteau pour entrer dans la constitution du lobe lim-
bique.
Telle est la constitution essentielle de la face externe de
rhémisphère au-dessous des primates.
Quelques mots sur la face interne :
Ici le lobe limbique s'étale dans toute sa longueur. Au-
dessus de lui déborde la circonvolution sagittale, séparée du
lobe limbique par une scissure qui a reçu de Broca le nom de
scissure sous-patnélale, et qui, antérieurement, vient inciser,
chez beaucoup d^animaux, la face externe de l'hémisphère en
formant le sillon cnicial de Leuret'. En avant d'elle existe une
large communication du lobe limbique avec le lobe frontal ;
cette fusion est empêchée à la partie antérieure par un sillo7i
sous'frontal (Broca).
Si nous considérons maintenant le cerveau d'un carnas-
sier, d'un rongeur, etc., suivant sa face ou norma inférieure,
nous y voyons encore le grand lobe limbique représenté par
deux saillies importantes, le lobe olfactif en avant et le lobe
de l'hippocampe en arrière. Entre la base de celui-ci et la
partie antérieure de celui-là est une dépression transversale
peu profonde qui établit une simple ligne de démarcation
entre ces deux lobes sans interrompre en aucune façon leur
1 Poar le dire en passant, ce sillon n'est nullement Thomologue de la
scissure de Rolando des primates et de l'homme, comme ou renseigne
généralement, mais bien de Tenooche qu'on observe sur ces derniers, au
niveau du bord sagittal de rhémisphère, immédiatement en arrière du lo-
bule paracentral ou ovalaire. Nous avons dit que la scissure de Rolando
des mammifères en général, et en particulier des carnassiers, est située
très en avant du sillon crucial, entre lui et la partie antérieure de la scissure
limbique. On comprend, d*après cela, que les recherches relatives aux lo-
calisations cérébrales faites en se basant sur cette détermination morpho-
logique erronée du sillon crucial, péchaient par la base dans Tapplication
qu'on en a faite au cerveau humain.
79 i SÉAlfCS 00 M DÉCKMBllB iS&êi
conilnnité* G*e9t Tanologue de la pculie Intetue de la sdssard
de Syltiiis des primates. Celte partie liiteMie de la scissure ,
on le voit, est très diffé^ente pdr son oHgixtB de la paHie ex-
terne. Tandis que celle-ci est le résultat du plissement de
réoorce, la première est due, chee Thomme et les primates,
à une atrophie du grand lobe limbique qui a permis l'isole-
ment de ses deux parties constituantes, olfactive et hippo-
campique. Broca a judicieusement Consacré cette différence
capitale en réservant à la partie Interne de la scissure de
Sylvius, chez Thomme et les primates, le nom de vallée de Syl-
viuèK Dans la base du lobe olfactif on distingue trois racines
nerveuses: Tune externe, blanche, large bandelette qui longe
la scissure limbique et se perd dans la partie e jiterne de Thippo-
campe; la seconde interne, grise, qui passe sur la face interne
de rhémisphëre et se continue avec rextrémilé antérieul« de
la circonvolution du corps calleux ; ta troisième, intermé-
diaire, encore plus grise, qui se porte directement en arrière
dans la partie interne de Thippocampe; sàpaftle profonde est
formée de fibres blanches qui vont se continuer arec led
fibres inférieures du pédoncule cérébral. Ges trois racines
sont continuées entre elles par leurs bords, et assez dtl*oite«
ment confondues à leur origine *. La racine olfactive externe
sépare par son relief la dépression qui est l'analogue de Id
vallée de Sylviui^ d'avec la scissure de Sylvius proptemeilt
dite. Cette séparation rend très diffloile au premier coup
d'oeil i'homologie entre la scissure dd Sylvius des primates et
celle des autres gyrencéphales.
Récapitulons maintenant les principaux caractères du cer-
veau des gyrencéphales en général, comparé à celui de
l'homme. Ces caractères sont :
!• Existence d'un grand lobe limbique constitué par le grahd
1 Elle correspond sur le cerveau humain à oe qu*on appelle Télpact
criUé de Vicq d^Azyr.
* Broea a décrit une quatrième racine ou racine olfaetîifê iupérUure,
Rectwrchet tnr Uà e«fiN*«f oi/bcM/Sr [Rmtê étûHthrâp.f 187&, t. II, p. 106).
Je ne fais que la mentionner pour mémoirt*
s. POZEI. ~ BUR LE GiRVBAU DE Ii^HOMHE. 705
développement et la fusion d^éléménts qui demeurent plus oïl
moins distinots et en partie atrophiés ohet les primates : le
lobe dtt oorps calleuxj le lobe de Tbippocampe et le lobe
olfactifi — C'est Texistence de oe grand lobe^ à Tétat de diyi-
sion maîtresse du manteau, qui est la causé supérieure et dé-
terminante de tous les autres catactères que je vais énu-
mérer :
2** Réplétion de la vallée de Sylvius par un énorme lobe
olfactif (si réduit dans le type primate qu'il y a reçu Thumble
nom de nerf). Séparation établie entre le vestige de cette
vallée et la scissure de Sylvius sur la face externe par la
grosse racine olfactive externe,
3** Exiguïté extrême du lobe frontal réduit le plus souvent
à une seule circonvolution ^ L'extrémité inférieure de la sois*
sure de Rolande est toujours dirigée en arrière et tombe tou-
jours dans la scissure limbique en avant de Textrémité anté-
rieure du lobe de Thippocampe.
4» Absence de lobe occipital et de lobe temporal. Tout oe
qui, dans le manteau, n'appartient pas au lobe frontal ou au
lobe pariétal est absorbé par le grand lobe limbique. La pre-
mière circonvolution temporale ou circonvolution de l'hippo-
campe des primates est représentée seule sur le cerveau des
autres mammifères par la terminaison antérieure du grand
lobe limbique ou lobe de l'hippocampe. Quant aux autres cir-
convolutions temporales et aux circonvolutions occipitales,
elles n'existent pas, ou, pour mieux dire, elles sont confondues
en une seule masse avec les circonvolutions pariétales.
5** A la face interne de l'hémisphère, situation du lobe du
corps calleux presque tout entier au-dessous d'un lobe parié-
tal immense^ tandis qu'une très petite portion seulement se
trouve en contact et presque fusionnée avec un lobe frontal
rudimentaire. La scissure sous-frontale est presque efifaoée
et réduite à l'état de sillon^ la scissure soas-pariétale au con-
1 Sur les cerveaux les plus compliqués (cheval, chameau, bœuf, tapir),
le lobe frontal est un peu plus grand et subdivisé par un ou deux sillons;
tfur le cerveau de Téléphant cette complication est encore plus grande.
796 SÉANCE DU 96 DÉCEMBRE 4885.
traire est grande et accusée. C'est précisément Pinverse chez
les primates et Thomme. Le lobe frontal étant devenu très
grand et le pariétal très petit, le sillon sous-frontal devient
une profonde scissure, la scissure sous-pariétale se dégrade
en un simple sillon. De même que les rapports, les con-
nexions sont renversées. Un simple pli de passage rétro-lim-
bique est ici le vestige de la fusion interne du lobe pariétal
avec le lobe du corps calleux au niveau du lobule quadrilatère;
inversement, dans le lobe frontal de Thomme, un ou deux
plis de passage allant au lobe du corps calleux remplacent
les connexions étroites qu'on voit chez les gyrencéphales in-
férieurs.
Tel est, en résumé^ le tableau des différences qui existent
entre les deux types cérébraux que nous avons entrepris de
comparer. Certes, elles sont nombreuses et profondes, mais
cependant, vous le voyez, partout il nous a été possible,
après Broca, de retrouver les parties homologues, de recon-
naître leurs connexions identiques, en un mot de comparer
effectivement le cerveau des primates et des animaux placés
au-dessous d'eux dans la série animale.
Ainsi que l'écrit le maître : « Toutes les parties du cerveau
des primates ont leurs analogies dans les autres cerveaux,
et vice versâ^ et la détermination de ces analogies permettra de
constater un type commun à tous les mammifères, type gé-
néral dont les divers types spéciaux ne sont que des dé-
rivés*. »
Avant d'aller plus loin dans l'interprétation des faits, il est
nécessaire de nous arrêter un instant à l'étude d*un autre
type cérébral qui se rapproche par des traits remarquables
du type primate tout en en demeurant profondément séparé.
Je veux parler du cerveau des cétacés et des amphibies.
Le point commun à ces deux types est le peu de dévelop-
pement du grranrf/oée ftwWywe, corrélatif à Tatrophie de sa
portion antérieure ou lobe olfactif,
> P. Broca, Le grand hbe Hmibique, etc. (Revue éCanlhrop., i878, p. 465).
s. P02ZI. — SUR LE CERVEAU DE L'HOMME. 797
Voyez par exemple ce cerveau de dauphin (cétacé). L'ap-
pareil olfactif a entièrement disparu, tant le lobe olfactif que
ses filaments (si bien que la lame de Tethmoïde n*est plus m-
blée) ; le lobe de Thippocampe est encore plus réduit que chez
les primates, et se fusionne antérieurement avec les circon-
volutions adjacentes ^ La scissure de Rolando, détachée en
avant de la scissure de Sylvius, limite un lobe frontal très
petit^ presque entièrement réduit à un étage orbitaire plissé
antérieurement, mais tout à fait lisse en arrière. Il y a là,
dit Broca, « une large surface dont la simplicité absolue
contraste avec la grande complication de tout le reste du
manteau^ surface comparable à celle que forme, sur une
carte de géographie, un désert entouré de pays fertiles »•
Broca lui a effectivement assigné le nom pittoresque de
désert olfactî'f four marquer à la fois son aspect et sa rela-
tion avec l'absence totale de l'appareil olfactif. L'absence du
lobe olfactif et des racines qui en partent (en particulier de
la racine grise ou moyenne) amène la profonde dépression
de la portion interne de la scissure de Sylvius ou vallée de
Sylvius, qui se continue sans démarcation aucune avec la
portion externe de la scissure, et l'apparition d'un espace
quadrilatère ou espace perforé. On retrouve là le type hu-
main. Chez les amphibies (exemple, le phoque), où l'appareil
olfactif n'est pas anéanti, mais seulement atrophié, on ob-
serve des caractères analogues, quoique moins marqués.
Chez les amphibies comme chez les cétacés, la présence de
la vallée de Sylvius constitue une similitude d'autant plus
frappante avec les primates que les types cérébraux sont
du reste entièrements différents. En effet, l'atrophie de l'ap-
pareil olfactif coexiste chez les cétacés et amphibies avec un
développement rudimentaire du lobe frontal ; chez l'homme
et les primates, au contraire, cette même atrophie coïn-
cide avec l'exagération du lobe frontal. C'est là une dissem-
> Cette fusion est l'ébauche de la formation d'un lobe temporal, comme
dans le type primate où l'hippocampe ne forme plus qu'une circonvolution
de ce lobe.
^98 séAircB DU 96 ntaaam iSiS.
blwce onpitale et dont la aig^ification sera étudiée plus
loin.
Le développement du lobe olfactif étant toujours oorré-
latifàcelui des autres portions du gr^nd lobe limbique sur
lesquelles s'établissent du reste les connexions de ses raci*
nés, U est légitime d'induire que toute cette portion du
cerveau est subordonnée ^u secs de i'olfaetion. Brooa a
consacré à rétablissement de cette proposition une argumen-
tation remarquable et tout à fait probante K II a de plus
parftiitement mis en relief le rAle capital de l'odorat dans
rimmense majorité des mammifères : n ly 'odorat joue chez
euY un réle souvet^t égal et même supérieur à celui de la
vue. C'est lui qui les guide dans le ebolx do la nourriture,
dans la pourspite^de la proie, dans la fuite du danger, dans
la recherche de la femelle, dans le retour au gîte. L'exercice
de oe sens est simple et n'ei(ige qu'une faible opération intel-
lectuelle. L'odorat perçoit une certaine odeur qui est propre
h un certain corps ; pour reconnaître ce corps, il sufBt d'un
peu d'expérience ; pour en apprécier la distance, il suffit
d'apprécier l'intensité de la sensation. L'animal qui fait le
mieux ce diagnostic n'est pas le plus intelligent, c'est celui
qui possède l'appareil olfactif le plus développé ; et les qua-
drupèdes les plus stupides se trouvent souvent par là bien
supérieurs k Tbomme. Ce fait seul, ajoute Brpca, suffit pour
fîiontrer toute Tinfériorité du sens de Todorat. On ne peut
pas dire qu'il soit en raison inverse de l'intelligence, mais on
peut dire du moins qu'il prédomino chez la brute, et on peut
le qualifier de sens brutal^ car il tire son importance du degré
de perfection de l'appareil organique qui lui est attribué^ bien
plus que des actes intellectuels qu'il mot en jeu dans Ten-
semble du cerveau. »
Proca a donné le nom de mavmifèr^s Q$rn<Uiqu$ê (de ic[A»},
odorat) aux mau^mifères ordjuftirps c{ieff lesquels la pré-
dominance du sens de l'odorat est attestée par le^ grand
Hevue Ctanîhrop., 1878, p. 392 el suiv.
s. poxw. f— Bim WB CBfiViAU PB i^'homme. 799
dév^loppeI^ent de T^ppar^il olfactif; il a appelé mQsmar
tique$ C6i)x chez lesq^^ls oe sens, pouF up motif q^eIçonque,
a p^^(iu sa suprémalip, et où on observe par suite la dispari-
tion partielle ou ^amoi^drissefn^nt du grand lobe Umbique»
Qes cmQsmaiiguçs, pous l'avoQs vq, forment dons eatégorie^
distinctes, placées ^ des degrés bipn éloignés de l'échelle
ïoologique, D'une part, rhomipe et l€is primâtes, de Tautre,
les cétacés et les aipphibîe^.
Pour ces derniers, la caftse détermii^antP d^ T^trophie de
l'appareil olfactif et de ses dépendances ^§t d'URP gmnde
simplicité. Elle est l^ conséquence de lepr vie aquatique, ren-
dant inutile ou à peu près l'exerpicp du spnsde Todorat** La
fonction cessant, Torgaue disparaît ou ^'amoindrit.
Devons-nous rapporter aussi, simplement ^ Ift déGhéanç^
du sens de TolfactioUi chez Thomme et les primâtes, Texr
trôme simplicité de V^ppareil olfactif et de ses dépendances ?
Un observateur superflpiel pourrait être teuté de le supposer.
Il est certain, en effet, que Thomme p^r exemple e^t ipfini-
ment moins biep doué au point dp vup du f^m 9ue le plus
vulgaire camp^ssipr. Mais UU examen plu§ atteutif du cerveau
montre aussitôt que la raison de cette modification ai^tP-
mique est plus h^ute qpe la simple dimipution 4'UQe fonction.
Jj'immense développement du lobp frontal apparaît comme
la cause déterminante dP cette véritable révolution morpho-
logique. Et qu'on ne vienne pas dire que ce développement
frontal est Teffet et non la cause dp l'atrophiP olfactive, Le
cerveau des cétaftés et des amphibies est là pour attester le
contraire; la dégradatiop du lobe jimbique n'y est-elle pas
restée sans influenpe sur Ips djmeusjons dp lobp antérieur du
cerveau? Tout nous Tindique, c'est bien au contrairp ce
développement insolite du lobe frontal» cbe;ç les primates,
1 Cela est si vrai que chez les carnassiers de la famille des martres,
oumnif la loutre, qui passent une partie de leur existence dans l'eau et
l'autre sur terre, le grand lobe limbique, sans subir d'atrophie, offre une
réduction sensible de volume, ce qui le rend très propre à la comparaison
avec le cerveau des primates pour la recherche des parties homologues.
Broo».)
800 siAlfCE DO 26 DÉGEHERB 1885.
qui a été le fACieor primordial et suffisant de la dinûnatioii
du lobe olfactif en particulier, et du grand lobe Kmbiqne en
général. Ce lobe frontal, siège privilégié de la pensée, arrivé
à des proportions extracmlinaires chez Thomme, a exproprié
ponr ainsi dire, dans l'étage antérieur du Gtkae^ Ténorme
masse sensorielle qui gênait son expansion. Désormais Todo-
rat ne sera plus qu un sens secondaire et dont on pourra se
passer au besoin. -— Comparez Thomme qui en est dépottrva
avec Vanimai osmattque qui en serait privé. Le premier y perd
à peine quelques sensations ; le second, désarmé dans la latte
pour Texislence, est presque fatalement destiné à périr.
L'animal était quadrupède, posture essentiellement favo-
rable à Texercice du flair. Le Primate se relève^ Thomme
détache définitivement la tête du sol et dirige son regard pa-
rallèlement à Thorizon. L'hégémonie du sens de la vue se sub-
stitue à celle de Todorat et la station bipède est le corollaire
obligé de ce changement. Enfin, comme tout s'enchaîne et
se commande, les extrémités antérieures qui sont devenues
libres se modifient, deviennent des mains, et le toucher prend
place à côté de la vue, au premier rang parmi les sens de
THomme.
Quelle révolution radicale! N'est-il pas curieux pour Tana-
lomiste de pouvoir ia rattacher légitimement à ce premier
fait si simple en apparence : le développement du lobe
frontal?
Il ne Test pas moins, au même point de vue, de retrouver
dans le cerveau de Thomme les vestiges de cet organe dé-
trôné, le lobe limbique. Au lieu de former un tout imposant,
il est réduit à Tétat de tronçons à peine reliés entre enx et,
pour ainsi dire, de débris.
En ferons-nous Ténumération ?
D'abord, à la face interne, la circonvolution crêtée ou cir-
convolution du corps calleux dont l'aspect lisse garde bien
toujours, si je puis m'exprimer ainsi, quelque chose du type
limbique, mais qui dégénère, surtout en avant, en un simple
ruban, tandis que c'était, au contrairCi cette partie, voisine
s. POZZI. — SUR LE CERVEAU DE L'HOMME. 801
du lobe olfactif, qui possédait chez les mammifères osma-
tiques la plus majestueuse ampleur.
Ensuite, à la face inférieure, la circonvolution de Vhippo-^
campe, réduite aussi, et ne méritant plus le nom de foôe,
simple appendice, maintenant, du lobe temporal dont elle
forme la dernière circonvolution. Le lobule qu'elle présente
chez l'homme et les primates paraît être tout ce qui reste du
centre olfactif qui chez les osmatiques occupait la totalité
du lobe de l'hippocampe *. Au-dessous de ce lobule on voit
nettement, chez les singes, un sillon (sillon Umbiqué) qui,
partant de la vallée de Sylvius, entaille plus ou moins pro-
fondément d'avant en arrière la pointe du lobe temporal.
Chez rhonmie de race blanche ce sillon est le plus souvent
effacé et réduit à une légère dépression longitudinale, plus
large que profonde, et sur laquelle la pie-mère s'applique sans
former un repli. Broca a cru longtemps que l'absence du sil-
lon limbique différenciait le cerveau humain de celui des
singes. Mais il Ta retrouvé plus tard sur quatorze cerveaux
de nègres, sur celui d'un Annamite, d'un Chinois, d'un noir
de l'Hindoustan, d'un indigène du Pérou, en un mot sur tous
les cerveaux non caucasiques qu'il a étudiés. Il en conclut
que la présence de ce sillon chez l'homme est un véritable
caractère d'infériorité. Il est remarquable que l'évolution du
sillonlimbique soit Tinverse de celle.des autres sillons. Ceux-ci
se développent et se multiplient d'autant plus que le cerveau
se perfectionne davantage, tcmdis que dans les mêmes condi-
tions le sillon limbique tend au contraire à s'effacer. N'est-ce
pas précisément parce qu'il est en rapport avec une cause
fonctionnelle spéciale et locale,la fonction olfactive, qui, «por-
tée au maximum dans la vie de nature, tombe au minimum
chez les nations civilisées? ' » Son absence presque constante
chez le blanc n'est probablement pas un véritable caractère
ethnique, mais s'explique par l'influence de l'état social et
l'action prolongée de la désuétude.
• Broca, Recherches sur les centres olfactifs [Revue d'anthropologie, 1879,
p. U8).
T. X (3«f série). ^^
80Î sftAlfCE DU 26 DftCBMBRB 188B.
Le plus dégradé, si Ton peut ainsi dire, des vestiges da
grand lobe limbique des osmatiqnes, chee rhomme et les
primates, c*est sa partie antérieure ; qui reconnaîtrait, dans
ce mince tractus qui rampe humblement sous le lobule orbi*
taire, ce qui est une des plus importantes portions du man*
teau dans la grande majorité des mammifères? Le lobe olfac-
tif de rhomme ressemble tant, par ses proportions réduites,
aux nerfis qui naissent de l^encéphale, que les anatomisiet,
nous l'avons dit, n*ont pas hésité à le ranger parmi eux. Au
point de vue de la structure et de la morphologie » e'est pour-
tant bien plutôt une eireonvolution qu'un nerf; les radiaules
qui partent de son renflement, pour passer dans les fosses
nasales à travers la lame criblée de Tethmolde, méritent
seules cette dénomination.
Mais le Primate a de quoi se oonsoler de eette atrophie de
la partie btnttale de son encéphale. Bile a pour magnifique
compensation le développement imposant de la partie inteU
lectuelle. Cette conquête par le lobe frontal de la surface
dn cerveau est un envahissement véritable : en avant elle
émousse et arrondit Textrémlté effllée ou èêe de Feneépkale ;
sur toute la face externe, elle repousse loin en arrière sa
ligne frontière, la scissure de Rolando, et, en refoulant ainsi
tous les éléments voisins, elle les force, pour ainsi dire, à se
resserrer et à se contourner en groupements nouveaux i le
lobe occipital se sépare ainsi du lobe pariétal par une dé-
marcation distincte, le lobe temporal prend naissance : le
cerveau primate est constitué.
La détermination véritablement géniale de ces connexions
et de ces transformations morphologiques restera pour la
postérité le plus grand titre de gloire de Paul Broea.
* Broca, loc. clt.
TABLE US TRAVAUX ORIGINAUX
DBS PRINCIPALES COMMUNICATIONS
ACY (E.-D*). — De remnia|||ihf)|||A||t lies «ilex taillés du type
géa^r^pment ponon baus le nom <ie type 4^ ^i^t-
Ach^Hl m d§ Chelle^, 158, |19.
AUBRY (Paul). — Bonnet de dervl|s|ie lnnmettr, 260.
^ ri^Mini iiiirt9vi«« 327.
BEAUREaARO (ûUiyiep).-^AP»l»rpp«!PiP<e « |lM«logie : anx Phl-
PÉRANQER (dp Niort). - Baiffli wppWwepfalres sur le bord cu-
bital de chaque î^ain, 600.
BERTILLON (Jeanne). — Llndieeeneép||a|qr|i|irdlaqne, d'après les
documenta laissés par le docteur p^rot, ^49 .
BO^AN. — liisirpwwff W •«« *« TAmérlqne dv Word, 649.
BONNAFONT. — Sar les ïoefilhutiona eérébrales, 783.
BONNEMÈRE (L.). -r te» jplorrM 4a n^ww^m, 290.
„ Mm awfflalte Iiralfi«ii«. ^^^t 704.
CHARNAY (Désiré). Expédition nnTqoaffiPi 65.
- «tmiiOa 4# pwlf w» w 4Hi^rla'!<i ftYwit Ip. oop-
quête, 237.
CHUDZINSKI (Th.). - ^^mtp d'una Jfpae f3n«p1|M»i«e, M^-
,-, Sur m off ||f|f|ip||l0rfl|ra du pied, 603.
CHUO^NSH et MANOUVRIEli. — Etude sur le ^ervean de Ber-
iniqn, §58.
CtOSMAPBUC (de), — FpuiUes sous le dallage du mtnainapt IpW-
if^fpr de C^avr'lnU (Morbihan), l^
COLLIGNON (R.). - Ca?|© de réparlIUan de |'ip4^e «épIlMIWP
en France, 306 «
— Station de la pierre polie en Tnniale, 460.
CUYER (Ed.). — Sur un oa «nrpnméralre dp earpe, 80».
— Sur un allongement anormal 4a eul»lta# et sur
la préaence d*uu muselé rond pronatenr chez
un cheval, 701.
DALLY. — Apbasie congénitale chez un enfant de quatre ans et
demi, 320.
804 TRAVAUX 0RI6IHAUX ET PRINGIPALBS GOMMUNICATIONB.
DARESTE. — Compte renda de l'autopsie d'un Teaa mmim^ 185.
— Les vea«x à tète de bouledogue, 875.
DENIKER. — Les p«p«l«lloBft ter^nea es Chine et plus spéciale-
ment les Datées, 206.
— Rapport de la Commission pour Tétude des éeluAtU*
lens de eheveux rapportés par M. de Ujfalvy de son
voyage dans l'Inde, 316.
DOUTREBfiNTfi et MANOUYRIER. — Etude d'une Idiete Hiier^eé-
phale (Nini, morte à cin-
quante-cinq ans), 241.
DUVAL (Mathias). — L'aphasie depuis Broca (quatrième conférence
Broca), 748.
EDWARDS (Blanche). — Fraelare inlra-vtériMe des deux tibias et
■TBdaetyiie ou exCradaetylle eomee-
MiCaste, 299.
PAUVELLE. — Quelques considérations sur révélation phylogé-
nlqne des héadsphéree eéréhraox de
l'henuie, 104.
— Qu'cstrceque la peyehelogle physioleflqiie, 119.
— Le eheval eanvage de la Dzoungaric, 189.
. Des causes d' erreur en aathrepelogie, 263.
Le •jetéme aerveax» la nervosité et rintelli- '
genee considérés au point de vue physico-chi-
mique, 463.
GAILLARD (de Plouhamel}. — Du tmanlae de Kerleaean à Camac,
de éon acquisition et de sa restaura-
tion, 687.
HYADES. — Ethnograplde dee Faéflene, 327.
LAGOMBE. — Sur une eoutume fanéralre du midi de la France, 780.
LAFARGUE (Paul). — La elreoneision, sa signification sociale et re-
ligieuse, 420.
LETOURNEAU. — Sur l'anthropophagie en Amériqoe, 777.
LUYS. — Nouvelle métiuide de céphalométrle, 49.
MAGITOT. ^ Buste d'une mieroeéphaie, 215.
MAGNAN. - Trois cas de conformation vicieuse des organes génitaux :
atropiftie teetienlaire, eryptorehidie» psendo-
hermaphrodieme aU^ie» 88.
MAUOUDEAU (P.-G.).— Coupes de eireonvolutlons eérébrales, 771 .
MANOUVRIER.— La platycnémie chez l'homme et chez les singes, 128.
MARICOURT (René de). — Un mode de trafic, 262.
MAUREL (Ë.). » Des méthodes de mensaration de la eage tho-
raoiqne, 345.
MONDIÈRE. — Rapport sur le concours du prix Clodard, •»8«,725.
MORTILLET (A. de). — Haehe en pierre de la Guadeloupe, 46.
— Silex toiilé8,417.
^ Rubans de Saint-Amabie, 705.
NADAILLAC (de). — Le bAton de eonmandement de Montgau-
dier, 7.
TRAVAUX ORIGINAUX ET PRINCIPALE8 COMMUNICATIONS. 805
PARIS (G.). — Tombeau en pierre trouvés & Luzenil, 261.
PIETTE (Ed.). — Le kertag qaalemalre, 736.
PLOIX. — Du aom de l'oars, en grec ancien et en aanscrit, 316.
POMMEROL (F.). — De la couleur des eheveax et des yeax en Li
magne, 883.
— Le enlle de Tarante dans les traditions popu-
laires de TAuvergne, 398.
POZZI (S.). — Les caractères distinctifs du eerreaa de rhomme au
point de vue morphologique (3« conférence Broca, 1885,
784).
ROYER (Clémence). — Projet d'installation d'un laboratoire d*èxpé
rienees transformistes au parc de Mont-
souris, 461.
— Variabilité morphologique des mnseles sous
Tinfluence des variations fonctionnnelles, 6*3.
SANSON (André). .— La eranlologle expérimentale, 607.
SÉBILLOT (Paul). — Quelques traditions snr les volcans, 187.
SIMONEAU. — SUex talUés, 184.
' Ossements hnmains de Lizy, 699.
THIEULLEN. — i» Sur une sépnltare sons roehe de Tàge de la
pierre h Crécy, en Brie ; 2» sur des silex taillés
dans les sables d'alluvions de Paris (quartier de la
Banque); 3» sur un atelier prèblstorlqne de
meulières taillées à Fontenay-aux-Roses, 548.
— Meulières taillées de Fontenay-aux-Roses, 605.
TOPINARD. — carotte néoUthiqoe de Feigneux (Oise). Crâne trépané
sur le vivant et après la mort, 527.
— Honla^es des types eràniens, de Wurtemberg, of-
ferts par M. de Holder, 640.
UJFALVY (Ch. E. de). — Quelques observations sur les Tadiiks des
montagoes, appelés aussi Oaltehas, 15.
— L'influence dn mlUea snr les peoples de
TAsie centrale^ 436.
VARIOT (G.) et MORAU (H). — Étude microscopique et expérimentale
sur les tatonayes européens, 730.
VAUVILLÉ. — Note sur les sépultures d'une galerie couverte
fouillées en septembre 1887, sur la commune de Mon-
tigny-rEngrain, près Vic-sur-Aisne (Aisne), 710.
VERNEAU (R.). — Instruments en pierre des lies Canaries, 652.
— CrAnes de l'allée eouverte de HonUipiy-
l'Engraln. La race de Furfooz à Tépoque des
dolmens, 713.
TABLE DES AUTEURS
Âcy (E. d'), 158, 174, 180, 219, 227,
234.
Aubry, 65, 260, 327, 709.
Aya, 548.
Beauregard (0.), 415, 482, 515, 642.
Bérenger (de Niort), 600.
Bertiilon (M"« Jeanne), 149, 633.
Blet, 48.
Bobariy 649.
Bonnafont, 783,
Bonnemère{L.)f 290, 374, 380, 704,
780, 782.
Bordier, 698, 699.
Boucher de Perthes (J.), 142.
Capiton f 557.
Chamay (Désiré), 65, 237, 241,
369, 375.
Chervin, 212, 241.
Chudsinski (Th.), 7, 146, 547, 558,
603, 648.
Closmadeuc (de), 10.
CoUignon, 215. 306, 326, 367, 460^
519.
Cwy<?r (Ed.), 303, 701.
Daily, ^i, 78, 145, 321, 323.
Dareste, 63, 185, 375, 461.
Delisle (F.), 771, 782.
Deniker (J.), 57, 204, 206, 210, 516,
603, 621, 622, 648, 687.
Doutrebente, 241.
Drouault, 515.
Duval (Mathios), 275, 362, 458,
462, 635, 748, 773.
Edwards (M»»« Blanche), 299.
Eschenauer, 275, 418.
Fauvelle, 104, 119, 143, 188, 198,
263, 276, 278, 284, 286, 294, 322,
323, 390, 397, 462, 526, 625, 642,
643, 660, 671, 695, 706, 736.
Féré, 54.
GacAe, 211.
Gaillard (de Plouharael), 687.
Gaultier de Claubry, 415.
Grasset, 302.
Hamy (E.-T.), 46, 53, 148, 605.
Hei-vé, 201, 321, 342, 622, 658, 735,
778, 779, 784.
Hovelacgue, 342.
Hyadês, 210, 327, 840, 841, 842, 344.
Laborde, 285, 525.
Lacombe^ 780, 782.
Lafargue (Paul), 420.
Lagneau (G.), 78, 135, 139, 214,
313, 365, 395, 418.
Letoumeau, 1, 139, 314, 840, 375,
388, 416, 515, 518, 519, 590, 699,
735, 777, 778, 779.
Luys, 48, 53.
Magitot, 3.80,21 5,261, 592, 657, 694.
Magnan, 88.
Mahoudeau (P. G.), 771, 773.
Manouvrier, 50, 128, 136, 140, 241,
278, 322, 365, 392, 397, 546, 558,
636, 642, 648, 660, 667, 674, 682,
735, 773.
Maricourt (René de), 262.
Maurel, 345, 369.
MillescampSy 420.
Mondiére, 240, 725.
Moreau (H.), 780.
Mortillet (Adrien de), 87, 178, 183,
185, 204, 223, 284, 417, 418, 459,
705, 709.
Mortillet (G. de), 4, 10, 46, 62, 87,
171, 233,298, 873, 526, 555,607,
635, 651, 665, 779, 780, 782.
Nadaillac (de), 7, 10, 44, 81, 212,
779, 780.
Paris (G.), 261 .
Piètrement, 193, 202, 205, 341, 416,
706.
Piette (Ed.), 736.
Ploix, 316, 344, 397, 418, 418, 593.
Pommerol, 375, 883, 388, 389, 390,
398, 414.
Pozzi (S.), 7^4.
Quatrefages (de), 696.
Hanse (de), 85, 104.
Rocher ^E.). 638.
floi^er(M«>o a.), 137,140, 280, 286,
320,461, 525,643, 648.
Sanson (A), 44, 63, 86, 103, 104,
136, 186, 195, 199, 204, 212, 285,
362, 383, 393, 416, 607, 623, 643,
647, 649, 677, 706, 707, 735, 736,
779, 780, 782.
808 TABLE DBS AUTEURS.
SébUlot (Paul). 187. Uffalvy (de), 15, 145, 436, 459.
Simmeau, 184, 699. Variot (G.), 730, 735, 736.
Thieullen, 548, 557, 605. Vauthier, 211.
Topinard, 53, 54,213, 325,363, 866, Vauvillé, 710.
383^ 386, 389, 391, 393, 897, 519, Verneau, 417, 652, 655, 713.
521, 523, 527, 547, 598, 608, 622, Verrier, 217, 414.
624, 687, 638, 646, 648, 658, 659, Weisgerber, 56.
665, 678, 681, 698, 707.
TABLE ANALYTIQUE ET ALPHABÉTIQUE
des matières eonteMaes daas ee Tolaine
Par M. DuREAU.
Aboyeuses de Josselin, 727.
Aélas ou Itas aux Philippines, 482.
Afrique, Mode de trafic en —, 262.
Age du métal. Premiers — dans le
sud-est de l'Espagne, 419.
AoRicuLTURE aux Philippines, 495 ;
— chez les Galtchas, 26 ; — chez
les Karatt'ghinois, 37.
Akkas^ 605.
Alimentation des Galtchas, 26.
Allée couverU: de Gavr'inis (Mor-
bihan), 10; — de Montigny-rEn-
grain (Aisne), 710 ; — de Vic-
sui^Aisne, 723 ; — de Courvieux
(Oise), 724; — de Saint-COiris-
tophe-à-Berry (Oise), 724 ; — de
Saint - Pierre - les- Bitry (Oise),
724 ; — d'Amblemy, 725.
Amblemy (Oise). Allée couverte
d*— , 725.
Amblyopie aphasique ou cécité
verbale, 754.
Américains. Fréouence de la pla-
tycnémie chez les —, 139.
Amérique, Races anciennes d'— ,
81; instruments en silex de T—
du Nord , 649 ; anthropophagie en
—, 777 ; monnaie de cuivre en —
avant la conquête, 237.
Amulette bretonne, 374.
Anthropologie. Des causes d'er-
reur en —, 262 ; — des Philip-
pines, 482.
Anthropophagie en Amérique, 777;
— n'existe pas chez les Fué-
giens, 340.
Aphasie congénitale chez les jeu-
nes enfants, 320, 321, 324; de
r— depuis Broca, 743.
Apophyse stylolde du troisième
métacarpien chez l'homme, 635.
Asie, Expédition française dans
r— centrale, 459; de la castra-
tion en —, 481 • le cheval do-
mestique actuel descend d'un
cheval de 1'—, 193; influence du
milieu chez les peuples de 1'—,
436.
Association française pour l'avan-
cement des sciences. Congrès
de 1887, 519.
Atelier préhistorique de meu-
lières à Fontenay-aux-Roses,
548,555^557.
Atlantide n'a point existé, 373.
Atrophie testiculaire, 88, 90.
Australiens, Circoncision chez les
—, 426 ; cérémonies religieuses
chez les —, 429.
Auvergne, Ceinture de Saint-Ama-
ble populaire en—, 705; culte
de Taranis en —, 399.
Baguette des sourciers vendéens,
780.
Bassoutos. Circoncision chez les —,
422.
Bâtons DB COMMANDEMENT de Mont-
gaudier (Charente), 7.
Batz (bourg de). Mariages con-
sanguins au —, 85.
Bec-de-lièvre. Sur le —, 523.
Bechuanas, Circoncision chez les
—, 422.
Birmans, Couleur des cheveux des
-, 698.
Bonnet de derviche tourneur, 260.
Bretons, Amulette chez les —,
374; couleur des cheveux des
—, 389.
Broca. Inauguration de la statue
dtj —, 619, 592.
Cambodge,
727.
Anthropologie du -^y
810
TABLE ANALYTIQUE ET ALPHABÉTIQUE
Ganitis précoce, 64i.
GARACTàRES physîques des Galt-
chas, 18.
Camac. Tomulus de Rerlescan, &
—, 687.
Carpe. Os surnuméraire du —
humain, 303.
Castration en Syrie, 431 ; — en
Asie, en Italie et en Grèt^, 4la.
Catalogue des crânes préhistori-
ques du musée Broca, 597.
Cécité verbale, 754.
Ceinture de Saint-Amahle popu-
laire en Auvergne, 705.
Céphalomètre d'Antelme, 50, 53 ;
Céphalométrie. Nouvelle méthode
de —, 48.
Cerveau. Localisations cérébrales,
783: caractères distinctifs du —
de l'homme, 784 : — de Bertil-
LON, 558 ; procédé de la congé-
lation pour les recherches de
topographie cérébrale, 54; pro-
cédés de momification du -,
148 ; — du singe, 788.
GÉTAGÉ8. Ndgeoire pectorale des
— au point de vue phylogéni-
que, 685.
Chara-Yegours, Î07.
Chasse ctiez les Fuégiens, 836 ; —
chez les Galtchas, 29.
Chellbs (Seine-et-Marne). Crâne
d'un Mérovingien de —, 7; em-
manchement des silex taillés de
—, 219, 223, 227j 233.
Cbbval â la crinière tombante,
707 ; allongement anormal du
cubitus chez im — et présence
d'un muscle rond pronateur,
701; — sauvage de la Dzoun*
garie, 188; — est un hémione,
195 : — domestique actuel des-
cend d'ancêtres domestiqués
dans l'Asie centrale, 193.
Cheveux. Couleur des — en Li-
magne, 383 ; — en Bretagne, 389;
— dans la Creuse et la Haute-
Vienne, 393 ; —des Galtchas, 18 ;
— dans le Puy-de-Dôme, 388 ;
— de femme birmane, 698 ; étude
de — rapportés de l'Inde, 517;
sujet ayant une chevelure en
vadrouille, 418.
Chine, Populations turques en —,
206.
C^mo« dans l'archipel Indien, 484;
crânes de métis —, 638.
Chiringols, 207.
Cii^etière maya, 74.
Circonvolutions cérébrales. Cou-
pes de —, 771 j des —, 789.
CmooNGisiON. Origine de la —,
420 ; — chez les Hébreux, 420 ,
485 ; — en Éffypte, 421 ; — chez les
Bassoutos et les Béchuanas, 422,
•t chez les filles.au moment de
la puberté, 423 ; — en Australie,
426; — au Mexique, 428; -
dans le Yucatan, 430 ; — chez
les Karateghinois, 36. -
Cœur. Rapports du — avec Ten-
céphale, 157.
Cochinchine, Demande d'instruc-
tions pour la —, 212.
Conférence Broca, 743, 784.
conformateur, 50, 52, 53, 54.
Congélation. Procédé de la —
pour les recherches de topogra-
phie cérébrale, 54.
Congrès des sociétés savantes»
182.
CoNSANGuiwrré. Unions consan-
guines au bourg de Batz, 85; sur
la—, 78, 108*
Coutumes funéraires du midi de
la France, 780*
Courvieux (Oise). Allée couverte
de —, 724.
Costumes russes, 709.
Craillologte. — l» Ckaniolooic
Qfei^ÉRALE.— expérimentale, 607 ;
— et craniométrie, 674, 677, 682.
20CRAN10L0GIE DESCRIPTIVE . CrâUC
d'un Mérovingien de Chelles
(Beine-et-Mame), 7; — de Saint-
Maur-les-Fossés (Seine)i 418; —
de l'allée couverte de Montignv-
TEngrain (Aisne), 718; — du
cham^ du DoublGHi'Or, près Châ-
tillon (Seine), 774 ; — portugais,
215 ; moulages de tvpes crâniena
du Wurtemberg, 640; — de métis
chinois, 688; — galtchas, 16;
— du Soudan, 624 ; — de Man-
dingues, 636; synostose préma-
turée de la «agittale sur des —
nègres, 637; catalogue des —
préhistoriques du musée Broca,
597.
3» Craniologie pathologiqub. Crâ-
ne trépané de la grotte de Fei-
gneux (Oise), 627.
Craniométrie. Valeur de la *-,
625, 659, 660.
Creuse. Couleur des cheveux des
habitants de la — , 393.
Crinière. Direction de la —, 706.
Croùsy (8eine-et-0ise). Ossements
humains de l'église de —, 02.
Croyances populaires, en 8ain-
tonge pour la guérison des
êcrottelles, 4.
DB8 KATIArBS*
§11
Cryptorchidib, 92.
Cubitus. Sot tin allongement
anonnal du — chez nn cheval^
701.
Culte deTaranis en AuTergne, 3^9.
Ctclope (fœtus), 48.
Cynghalais, Buste d'une jeune —,
146.
Cyrtomètrb^ 354.
Daldes, 206, 208.
Danse de Saint-Guy endémiaue à
Sainl-Malo-des-TroIs- Fontaines,
726.
Darrfû, 208.
Dentition chez l'homme, Ii97.
DEtivicuE tourneur. Bonnet de —,
260.
Doigts supplémentaires sur le
bord cubital de chaque main,
600.
Dolmens. Carte des —,63.
DrouauU, Discours prononcé sur
la tombe de M. —, 657.
Ecrouelles. Croyances populaires
en Saintonge, pour la guêrison
des —, 4.
Egyptiens, Circoncision chez les
—.421.
Ek^Balam, 70.
Engéphalb. Rapports de V— à la
taille, 155; rapports de T— au
cœur, 157.
Enfants. Aphasie congénitale chez
de jeunes—, 320, 321, 324; pla-
tycnémie n'existe pas chez les
—, 130.
Esclavage aux Philippines. 499.
Espaqne. Age du métal dans le
sud-est de 1'—, 419.
Esthétique chez le8Fuégiens,329.
Exposition universelle de 1889<
592.
FalgarSy 81.
Famille. De la — chez les Pué-
gicns, 333.
Fans y 31.
Feigneux (Oise). Crâne trépané de
la grotte de —, 527.
Feux de la Saint-Jean, 407.
Fœtus. Types ethniques visibles
sur le crâne des— humains, 641.
Fontenajf-auX'Roses, Atelier pré-
historique de meulières à —,
548, 555, 557.
FORMION, 51.
Fracture intra-utérine des deux
tibias et syndactvlie ou ectro-
dactylie concomiiante, 299.
France. Indice céphalique delà
— , 80é« monuments mégalithi-
ques de —, 87.
Fuégiens, Ethnographie des —,
327, vie nutritive, vie sensitive,
328 ; esthétique, parure, beaux-
arts, 329 ; sentiments moraux et
affectifs, 330; religion, vie fu-
ture, 332; vie sociale^ famille,
333; mariage, 334; industrie,
chasse, pêche, 336; navigation^
habitation, commerce, 337; fa-
cultés intellectuelles, patholo-
gie, 389; langue, 339,344; nu-»
mération, 340; anthropophagie
n'existe pas chez les —, 840.
Funérailles chez les Karatéghi*
nois, 36.
Furfooz. Race de — à l'époque
des dolmens, 713.
Galtchas (ou Tadjiks des monta-
gnesi,15; crâne, 16; origine, 17;
mœurs, cai actères physiques,
peau, 18, 19, 30; langue, 19,26;
cheveux, 18, 21; agriculture, ha-
bitations, alimentation, 26, 27,
chasse, costumes, 29.
Gavr'inis (Morbihan). Allée cou^^
verte de —, 10.
GéooRAPHiE médicale du Morbi"
han, 725.
Grasset. Collection d'objets eth-
niques provenant du legs de
M. -,302.
Grèce. De la eastration en —, 488.
Grottes de Spy, 598; — de
la Beaume et de Rochedane
(Doub9,373;— néolithique de
Feigneux (Oise), 827; — de
Moutgaudier (Charente), 7.
Gouvernail. Sur le —, 493, 515,
518.
Guadeloupe. Hache en pierre do
la —, 46.
Habitations aux Philippines, 486 ,
— chez les Galtchas, 26.
Haches du Yucatan, 73 ; — de la
Guadeloupe, 46 ; types divers de
— en pierre, 47.
HÉBREUX. Circoncision chez les —,
420.
Hémione a une crinière dressée,
706.
HÉMISPHÈRES CÉRÉBRAUX. ÈVOlU-
tion des — chez l'homme, 104.
Hermaphrodisme. Pseudo-herma-
phrodite mâle, 96.
jtioungnouSf 442.
Homme. Caractères distinctifs du
8ia
TABLE ANALYTIOUE BT ALPHABÉTIQUE
cerveau de r--,784; dentition
de V^s 697; apophyse stylolde
du troisième métacarpien chez
r— , 635; os surnuméraire du
carpe chez T— , 308; évolution
des hémisphères cérébraux chez
r—, 104 ; rancètre de 1'— n'apas
vécu sur les arbres, 138; opi-
nion contraire, 140 ; platycné-
mie chez T— , 1Î8.
Htpospabias sgrotal à forme vul-
vaire, 96.
Idiote microcéphale. Étude d*une
—,241.
!le de Jaîna, 74.
Iles Canaries, Instruments en
pierre des —, 65Î.
lUi Philippines. (V. Philippines).
Indice céphauqui de la popula-
tion provençale, 213, 214 ; — • en
France, 306; — des Italiens, 326;
valeurdel— , 661, 667.
Indice encâphalo-gardiaque, 149,
633.
Indice iniaqub, 661, 668.
Indice thoracique, 353.
Industrie des Fuégiens, 836.
Instructions. Demande d*— pour
la Cochinchine, 212.
Instruments pour mesurer les di-
mensions de la poitrine^ 353 ;
— en pierre, des lies Canaries,
652 ; — en pierre de rÀmérique
du Nord, 649.
Intelligence considérée au point
de vue physico-chimique, 462.
Islandais, Viking-Skali —, 216.
Italie, De la castration en —, 438.
Italiens. Indice céphalique des —,
826.
lias ou Aetas aux lies Philippines,
482.
Jivaros, Tête momifiée provenant
de la tribu des —, 148.
Josselin, Aboyeuses de —, 727,
Kachgariens^ 446.
Kara-KalpakSf 455.
KaratéghinoisMœnrs et coutumes,
mariage, circoncision, funérail-
les, 36; agriculture, 37. .
Kchtouts, 81.
Kirghises, 444.
Kertag quaternaire, 736,
Kwei'hé, 444.
La Beaume, Grotte'de — S73.
Laboratoire d*expériences trans-
formistes au parc de Montsou-
ris, 461, 525.
Lamarck, Date exacte de sa nais-
sance, 298.
Langue des Galtchas, 19 ; — des
Fuégiens, 339.
Limagne. Couleur des cheveux des
habitants de la —, 888.
Lizy, Ossements humains de — ,
699.
Localisations cérébrales, 788.
Logique. De la— , 281.
Maghians^ 31.
Maïas, 869.
Malays aux Philippines, 482.
Manaingues. Crânes —, 686.
BIariage. Cérémonies du — aux
Philippines, 502 ; du — chez les
Fuégiens, 834 ; du — chez les
Karatéghinois, 36; — chez les
Matchas, 85.
Marron dInde. Propriété légen*
daire du —, 375.
Matchas, 31, 34. Mariage, 35.
Matérialisme soentifique. Du —,
294.
Mayas, 71.
Mémoire auditive verbale, 751,
760; — visuelle verbale, 754;
— motrice graphique, 756 ; mo-
teurs graphiques et moteurs ver-
baux, 764.
Mensurations de la PorrRiNB, 853.
Métacarpien. Apophyse styloïde,
du troisième — chez l'homme,
635.
Métal. Premier âge du — dans je
sud-est de l'Espagne, 419.
MÉTIS. Crânes de — chinois, 638 ;
aux Philippines, 483.
Meulières taillées de Fontenay-
aux-Roses, 605.
Mexique, Circoncision au —, 428.
Microcéphale. Buste d'une — ,
215 ; étude d'une idiote, 241.
MlCROPHTHALMlE. CaS dC —, 548.
Milieu. InÛuence du — sur les
peuples de l'Asie centrale, 436.
Mœurs des Fuégiens, 827; — des
Galtchas, 15; — des Karatéghi-
nois, 36.
Mollet. Forme du — chez les
nègres, 645.
MoMincATiON. Procédés de — ,
148.
Monnaie de cuivre en Amérique,
avant la conquête, 237.
Montgaudier (Charente). Grotte de
—, 7; bâtons de commande-
ment de —, 7.
Montigny-TEngrain (Aisne) .Crânes
de —, 713.
DES HATIÈRES.
813
Montalet (Seine-et-Oise). Silex tail-
lés de —, 184.
Montbéliard, Préhistorique dans
le pays de —, 326.
Montsouris, Laboratoire d'expé-
riences transformistes au parc de
—, 461, 626.
Monuments mégalithiques de
France, 87.
Moi^bihan. Etude d'ethnographie
et de géographie médicales dans
le —, 725.
Moulages de types crâniens du
Wurtemberg, 640.
Muscles. Variabilité morpholo-
gique des — sous l'influence des
variations fonctionnelles, 643.
Musée Broca. Catalogue des crânes
préhistoriques du —, 597.
Nageoire pectorale des cétacés au
point de vue phylogénique,635.
Nato. Sur le mot —, 415^ — veau,
185, 210, 375.
Navigation aux Philippines, 490;
— chez les Fuégiens, 337.
Nécrologie. MM. Garbighetti, 44 ;
Béclard, 80 ; Drouault, 657 .
Nègre, Forme du mollet chez les
—, 645; synostose prématurée
de la sagittale sur des crânes —,
637.
Négritos des Philippines, 482.
Nervosité considérée au poin de
vue physico-chimique, 463.
Numération chez les Fuégiens,
340.
Organes génitaux. Conformation
vicieuse des — , 88.
Os surnuméraire du pied, 603.
Ossements humains de l'église de
Croissy (Seine-et-Oise), 62.
Ouîgours,^01, 444.
Ours. Nom de 1'— en grec ancien
et en sanscrit, 316.
OusoimSf 446.
• Pantographe, 855.
Paris. Silex taillés des sables d'al-
luvions sous — , 551.
Parure des Fuégiens, 29.
Peau des Galtchas, 18.
PÊCHE aux Philippines, 490; —
chez les Fuégiens, 336.
Pédérastie, 143; — très répandue
dans rOrient musulman, 145.
Phallus antique, 327.
Philippines (Iles). Aétas ou Itas aux
—, 482 ; noms antérieurs de lu
géographie des —, 512; peu-
plades d'origine liialaye aux —,
482,513 ; agriculture aux—, 495;
esclavage aux —, 499; habita-
tions aux —,486; négritos des
—, 482; mariage aux —, 602;
métis aux —, 488 ; religion aux
—, 506; philologie aux —, 482.
Philosophie. Est la science des
superstitions, 266, 276 ; opinion
contraire, 275, 278; 280, 285, 286.
Pied. Os surnuméraire du —, 603.
Pierre. Culte de la — brute, 404;
— de serpent, 290 ; station de
la — polie en Tunisie, 460; In-
strument en — des îles Cana-
ries, 652.
Placenta formé d'un double dis-
que, 659.
Platycnémib, n^existe pas chez les
enfants, 130 ; — moins fréquente
dans le sexe féminin que dans
le sexe masculin, IHO ; — moins
fréquente parmi les hommes de
haute stature que chez les
autres, 130 ; — tient à l'habitude
de grimper et de sauter, 132,
135, 186, 137; fréquence de la
— chez les Américains, 139 ;
— chez l'homme et les singes,
128.
PoriRiNB. Valeur des mensurations
de la —, 345, 369; instruments
pour mesurer la —, 353.
Polychromie des édifices duYuca-
tan, 69.
PoLYDACTYLiE n'cst pas uue réver-
sion, mais un cas tératologique,
603.
Portugais, Crânes —, 215.
Poterie à l'époque paléolithique,
521.
Provence, Indice céphaliqne de la
population de la —, 213, 214.
Psychologie physiologique. Qu'est-
ce que la -? 119.
Puy-dv-Dôme, Couleur des che-
veux et des yeux dans le dé-
partement du —, 383.
Rbugion. Croyances religieuses
aux Philippines, 506.
Rochedane (Uoubs). Grotte de —,
373.
Ruban métrique, 362.
Saint' Acheid, Emmanchement des
silex taillés de -, 219, 223, 227,
233.
Saini'Christophe-à'Berry (Oise),
724.
8i4
TABLE ANALTTIOUB WT ALPHABÉTIQUE.
Samh Maio-dest TroUf Fontaines .
Danse de fiaini-Ouy endéoUaue
à-, 716. ^
Saint-Maur-les^Foisés (Seine). Crâ-
nes de -^, 458.
Saintonge, Croyances populaires
en — - pour la guérison des
écrouelles, 4.
Saint-Pierte-les-Bitry (Oise). Allée
couverte de —, 724.
Salares ou Solares, 306.
Salait, 207.
Sano humain. Emploi du — dans
les cérémonies religieuses en
Australie, 429.
Sentiments moraux des Fuégiens,
330.
Sépultures sous roche de l'âge de
la pierre à Grécy-en-Brie, 548;
— de Montigny-l'Ëngrain (Aisne),
710.
Sieitrdi, 443.
SiLBX taillés des bords de l'Egypte,
417; instruments en — de 1 Amé-
rique du Nord, 649; — taillés
des sables d'alluvions sous Pa-
ris, 551;— taillés de Montalet
(Seine-el-Oise), 184; ~ taillésde
remmnnchemeiit des —, 158,
17 J, 178; emuiaiichement des —
taillés de Chelles et de Saint-
Acheul, 219, 223, 227. 233.
Singes. Platycnémie cnea les —,
128 ; cerveau du —, 488.
Société d'anthropologie de Paris.
Statuts, I ; rùglemeuts de la So-
ciété, v; du prix Godard, xv;
du prix Brocîi, xvi; du prix
Bertiilon, xvii; Bureau de 1887
et Commission de publication,
xix; liste des membres de la So-
ciété, XIX ; comité central, xlix ;
liste générale des présideuts,
comité cont«aitieux, l; sociétés
savantes et périodiques avec les-
quels la — échange ses publica-
tions, Li ; discours de M. Letour-
neau, président sortant, 1; dis-
cours de M. Magitot, président
pour 1887; 3 ; rapport du tréso-
rier, 5 ; rapport de la commis-
sion des nuances, 56; rapport
de la commission du musée
Broca et de la bibliothèque, 57 ;
catalogue des crânes préhisto-
riques du musée Broca, 597 ;
conférence Broca, 1885, 784;
1887, 743; rapport sur le con-
cours du prix Godard, 725;
M. Gillet-Vital est nommé agent
de la Société, 694. *
524.
L Crânes d'habitants du —,
Sourciers. Baguette des — ven-
déens, 780.
Spy, Grotte de —, ô98.
8sou, 446.
Stéréographe de Broca, 51.
Sternum. Longueur du — repré-
sente le mieux la capacité tko-
racique, 365.
STâTHOORAPHB, 356,
Synostosb prématurée de la sa-
gittale sur des erânes nègres,
637.
Syrie. De la castration en —,435.
Système dentaire. Evolution du
—, 696.
SysTèME NERVEUX oonsidéré au
point de vue physico-ehimique^
462.
Tadjiks, 26 ; caractères physiques,
langue, 35, 39.
Tahia, 207.
Taille. Rapports de la — avec
ronccphaie, 157.
Taranis. Culte de — en Auvergne,
899.
Tatouages. Etude microscopique
et expérimentale sur les — eu-
ropéens, 730.
Tête momifiée provenant de la
tribu des Jivaros, I48.
Tombeaux en pierre à Luxeuil, 261 .
Toukioîis, 444.
Trapic. Mode de — en Afrique,
262.
Trépanation. Procédé de —, 535,
546 ; crâne trépané de la grotte
de Feigneux (Oise), 527.
TuMULus de Kerlescan, à Carnac,
687.
Tunisie. Station de la pierre polie
en —, 460.
Turcs, 210; populations turques
en Chine, 207.
Veau nato, 185, 210; à tête de
bouledogue, 375.
Vendée, Sourciers en —, 780.
Vêtements aux Philippmes, 496 ;
— chez les Galtchas, 29 ; — chez
les Fuégiens, 329.
Vic-sur-Aisne (Aisne). Allée cou-
verte de —, 723.
Vienne (Haute-). Couleur des che-
veux des habitants de la —, 393.
Vikino-Skau islandais, 216.
Volcans. Traditions sur les— , 187.
Vulpian. Mort de M. —, 324.
DES MATIÈRES. 815
Wurtemberg, Moulages de types Yégours. 207.
crAniens du —, 640. Youé-tchi ou Yué»tc?ti, 442 446.
Yué-tchi, 207.
YagnôbSf 31. Youan-youan^ 444.
Yeux. Couleur des — en Limagne, Yucatan, Expédition au —, 65 ;
383 ; — en Bretagne^ 383 ; — pyramide dTzamal, 66 ; circon-
dans la Creuse et la Haute- cision au —, 430 ; polychromie
Vienne, 393; — dans le Puy-de- des édifices du — 69.
Dôme, 383.
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1887
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Klle se compose de MM. Lagneau. de Raose, Bertrand
et Barbier dn Bocage.
SOMMA! HE
Séanre du 1Ë Jalft 1IIS9* — h prQp4)§ du proeës^rrrbat, p. 360 i —
\.}\i\t^^i^% ofîi'fti*, p. ô7i; — l^rèâenutiuus : M. BasumÈn^. Vnf amuhttw
p. ^75 ; — ^ CoiiirrtuiiicitllûQ$ i M* i^hUtttw.. Les t'paij^ à fétê i/«r boitU'dogtrWf
p 57rj ; — |liicu»Âioii : MM. ToHiiino, Sa^isoii, p. 3H3 ; — U. F. P^uvi-
*ipt, />e /il fûtf/i^ur rfrs rfti'ivUit ri d^ï t/fiw tn tiViiaj^nr, p. 5lî3: ^ Uîs-
M4îiiiti*fii»B, S*î(5<>ii, L*ci*F-*D, Puiïs. p. 7tb%: — ¥,V. ViMuttnOL />« mfftf
tU tiifunt» thtnx if s *ruftiHi*nA pttiiutuir^s Uf i'A^vrrf}nfy p, 3UH, ^^ lïis-
cusHiou : MM. Tloii, Poïiikilul, VàAfim», TiÊTitt^siAT, GAULtmji tu Clauiit^
8iVi*«ii*« dtt 10 Juin f §S7. — A propos du proeës-vrrbil» p. Il5 : —
liUltesi. p. 417 ; ' DlMUsaion : B1N. Î'loix, At itK MûnTiLLET^ {^t. 418; - Sf> £s-
prc^u^ dfS prtmyërs dgfi du mëtai dam U ^ud^eii df iK^^firtf, p. 419:
— Discusaion : M. VlaLKScttir^^ p- 4iO ; — M. PAiît* lar^niitrE. Ln eirron-
ciiiun, sa tt^n $fftiittijn itifitaie rt rtligi^tse. p- 430 ; — M. j>m Dif*Lti
t'ififfurno! itu tmitm sur k» prupks dv CAsir centralff p. 43Ij>
fië»tt#e du 9 J»ltl<*t t SS9. — Ouvraj^et offeriet, p. 4â7 * — CâniintiDÉ-
éâtifing : M, et UjFALvt» î^onveUnd^ la dernière exprdifi' ^ - - ' .,?
l'ÀHr centrale, p, 4ô9 ; -^ M. D«LL.ieR(ïH. Sfufwn d^ h* j
nfSiei p. 460 ■ —M"* Cï. Hûtik. I*rûjet timslaiitiitân . -
d'rxprfrirnf« /r(în.</orf/ii*|flf Cl* parr de Montgimris, p. 4tïl ; — M. Fao*
YKi^te. JL^ stf^lt'Tne fêtfveu^j tu nervosité et f mfpiUg**itf tomîft^^t au
piAnt dt* fu« ph}/ëtco'chimtffTiif^p^ 4lï^2; — &I^ Ommi^ii tUjttJitkGAni». Aurhro~
ptfio'jff ^f philtjiogie tttsii^ J^hutppin^î, p. 482 ; — Lh(it'u;*sioti : M\i. L»-
TitfluntiiUj Bi£jiiru£.a*iiD, Uitufuttr, p. 515; — Bap''"'^' ■■ '-ndljfjocij : M-
0sMitt*t, Happuri dr îa €ùmtiHi!>tiju pour Véttttli* d- uns tU ehi-
veuj: rappariés pur M. dûi'jfitivij ae êvn vùyaffé < . % p, Sl*^.
Méance du t£i |iiill«l 1 1187. — A propos Ju pracè^-vtrUMl, (^^ 5ilt ; ^
CarrespQn«Jan«t p. r»lU; — Oiivrages oiferu, p. &iil ; — (ilkjèt* i^ffert*,
p. Mï\ — Bitpporb ïiLiriihfiquf^j^ : &I . MAinuà htiVAt. Irtifni/afiuo rf'tiii
i^bo^atmr^diïntni^furmismi' aupurrdt ^oHîisuurn^pritpmtiïtyn dt M^* Vié-
flffnr* Hoytfr, p. .',25 ; — llbcu^î^ion: MM. l,At^otii»«:, LiAi^i^rt. FéiiT«Ltr,
MaTIIU» HuViL^ SaSAÛH, G* fiK MUHTRLI-T, Vl""' Cl* Hw** K, p, 5l5 ; — Vfè'
àcntfttions : M. TuriMAhc». iirutw nëiAithtqui* de Fettinnuj^ \t n^p] , rtûnw frê*
pané lur iwiiant r( ap* h la nurt^u. DU ; — Uiscussiop : .\l V* >Uko»-
TUUrtt»TçMWj*iitij Cirufitjîisiit. p, 54ij ; ^ M. Aïa, Sur ti» coj 4e mta'ophtkùlmtft
p. 541^; - Coitimyriicalion:»: M* TuuuLiVît. 1^ Sur rm^K^^ruIltirfïinir t^i^^t
dû l'fi(}ê de ta pitrre à Ctétij-fn* Ht te : S** vur d*"^ stira^ miUés ift*tn^ï tlmt
kâ subk^ d'oUuvn/tiS mus Paris iquartitr de ta Han^iÀf}^ > sur nn ulfhwr
Îirehisiunque <i<* mt'uiifrfs latiUti û Fi>Ht*nii}i'at43L-iiù$gH, p *Vii; —
.»îscu*siflTi .WW, G. DU ^laiitauT/riiirDi,i.F.]*,€AHTi^. p* 5à6; - MM. Ciivo-
x^ntiEi et MAKouviuri^. Étuav àur te r«rvfau d9 UeruuuH^ p. îh^; ^ Iht-
ruHsioQ ; M5i. LtTtitrEiXEAù, Lai^ohue, p, 5*JU.
Eiiéaiiee du ft orrobre l Sli7. — CommimicaUotia ûa bureau t |>^ 5t)* ; ^
liiHUguraUoh df! \a statue de llroca. p. hUi.
Hiri«. - 1||)4»^rnplti« Â. lltiiïicti*. ri*« |1«n»l
C« Biiltetin eai publié par faitctculeB IrJnaesilrlets.
BULLETINS
i)K i.A :;oniÊTi!;
■I
D'ANTHROPOLOGIE
DK PARIS
TOME DIXIÈME (Ul" SERIl )
i' FaSCICCLE
«Hobrc n Uéccmbre 1SS3
PARIS
G, MASSON, ÉDlTliUR
1887
PUBLICATlO^i DES BULLETINS ET lllfi::?I01R£S
I^s auteurs recoiyent dea épreuves en placards sautemeril; lea épreuves
iloivont être retournées daïis ^iH dé/ta MAI iHuiï ik kuiî jours kl' Agent générai ilo
la Société (M. Gillkt \' [tal, ingénieur, '37, bouleTard Saint-Michel)»
PmCCATlONS DE 11 SOCIÉTÉ D'ASIBRUrOLOfilE
La Société piil}lke des Bi;LL£Ti|q5 3t des Mémojk^^.
«iri.ii»TEif«»
Les BuLLETins de la Société forment chaque année un volume
îii-S**, publié en quah^ fascicyles. Le prix a abonne me ni est de
iO francs, (Le porl en sm pour la province et TétrangerJ
La collection des BuUetins forme trois séries :
1" sériel sii volâmes (tS59*i§63). Celle série nVsl pïns dans
le commerce; elle ne peut être cédée qu*eii tolalilé, après avis
du Comité central, aux nïembres de la Société, pour la somme
de 45 Francs, et aux étattlissemenls publics de la France et de
l'étranger, pour la somme de 60 francs et le port en sus.
Toutefois le tome V de celte série, ayanl été réinïprîmé, est
en vente chei !*édîteur aux conditions ordinaires.
La lable alphabétique et analytique de la première série
rédigée par M. Ddheau, formant un volume iu-8= de 174 pages,
se vend séparément 4 francs,
2* série, douze volumes (I8(i6-i877). Prix de la série complète :
120 francs sans remise, et 90 francs pour tes membres delà
Société- Les tomes XI et XI t ne neuvent Ôtre vendus qu^avec ta
série complète. Les autres volumes de la série so vendcol
isolément 10 fmncs le volume, et 7 fr. 50 pour les membres de
la Société,
3- série, les tomes l.II, 111, IV, V, VL VU, VIU, IX et X (1877 k
1887) sont dans le commerce.
n KM 4» m EU,
Les MÊsioiiiEs SûDt publiés par fascicules de huit feuilles an
moins. Quatre fascicules forment un volume grand ïn*S° vcmJu
par réditeur 16 francs (le port en sus). Le prix de chaque
volume est payable en recevant le premier fascicuïe,
ÊK VtyjB LA E-nEMlERE SÉRIE, COÎklt'REf^AM' THOIS VOLCIIES '
Tome 1 (1 «60-1 863), i volume de iv-365 pages, avec une carte,
deux tableaux» quatorze planches et un porlrait-fronlispice.
Tome H (1864*1867), i volume de Gxvni406 pa^es, avec un
porlrait, quatre cartes, quatre planches, trois tableaux, un
lablcau chromatique, et figures dans le texte.
Tome m (1871-1872), 1 volume de cxxxix-434 pages, avec
neuf planches et trois cartes.
D£D1J£&I£ SERIE
Tome I (1873-1878), I volume de xxjtvi-aG8 pages, avec dix-
sepl plancht*s*
Tome 11 (1870-1882), 1 volume de 544 pages avec six planches.
Tome III (1883-188H), I volume de 530 pages, avec figures,
cartes et tableaux.
Tome IV. -^ Eu cours de publication.
Séance du 1& 4lé<<einlire I 8SÎ. — Présentaliaua : M. MinotrDrAH
Coupes (U circonvolutions c&ébf aies, p- 771 ; -^ Dis eu a ai on : MM. Ma-
ihîaS DlftiL, ïllîlODTfljE^, MAHQI^DCAtl. p. 773; — M. ¥. liliL|4LG. Nu/f*
inr une fouiUe fmfg au champ du DoubU-iTOr^ p, 774 ; — Cûtûmunj-
citîons : M, LEToutisKAïr» Sur l'anihrdpophaffit ea Amérique, p* 777 »
'^ Liscuasiou : AtM. Heaté, LiTOîiEiiaEAtjj G. di UonTaiËf , Saubo^'
DE PîtB*iiL*c, p. 778; — M* Lacohde, Sur «ne cmitume funéraire du
midi fie la France, p.TSH; -- 11. BawTieîilnE. La baguette des SQurriers
venfiéen^,^ p. 780 ; ^ Diacussion : MU. [lËUsti, Bos^emèhe* SausoHj
G. D£ WoBTU-LBfj Lacow&k^ p. 782; — M BossAronT, Sur U3 locatr-
lasiotis céréùraîes, p. 783 ; — Discuaaion : H . Hkhvè, p. 784.
Confèrettce Broca (f CiS^Ï), — U. le dacleur ?q%iu Les caracUrfn
distjnctifs du cerveau d» l'himmef au puini de vue morphologique^
La Société donûe des instructions particplIèr^H à lous les
voyageurs qui lui en font la demande et qui indiquf^nl 1#*9
contrées où ils se proposent de recueillir tettrs observa lions.
— On trouve chez réditeur :
Instruciîons eraniologiques ei craniomé triques . Prîï- 6 fra ncs/
Pfimdês feuiites et régis (r es craniûmétriquet tithogra}fhi^s.
Pousse reullles craniométnquéft et douze feQÎlIea de relevéa. 3 francs.
Les deux regialrea brochés, nouLctiaul chacun sottjiQte reuiJletsÉ 10 fr,
Imtructions çênêrale$ pour îes recherches anthropaîogiçut»
â faire sur te vivant Un volume in-16 de xiv-290 pages avec
26 fleures dans le lexle, et deux planches dont une doubïe
en chromo-lilhograpliieâ 54 teintes* Pris, , , , 5 francs,
Fenîïles d'observations complèteSj 3 francs le cahier de
lOt) feuilles.
Feuilles d*observations abrégées^ I fr. 50 le cahier de
100 feuilles.
Instructions pour le Pérou ^ pour le Sénégal^ te Memif/ue^
k Chilif la Sicile^ hlittorùi de la mer B^uge^ le Cambodge,
tAsie centrale^ la Malaisie ei tile de Madagascar, Prix :
î franc l'une.
Les instruments destinés aux observations anthropologi-
ques et aux éludes craniologiquea ae trouvent chez
MM. CoLLiw, 6, rue de TEcoie-de-Médecine ; Molteni,
44, rue du Cliâteau-d'Eau.
Une Commission permanente est chargée de recevoir
toutes les communications relatives à Panthropologie de la
France et émanant de personnes étrangères à la Société,
Elle se compose de MM. Lagneau, de Ranse, Bertrand
et Barbier du Bocage*
SOMMAIRE
Séance An « oetol*Fo ifl^ï. — Ouvrag:es otTeHs, p, 5!»ft; — Prdseula-
tioQâ : M. Le docti^ur B^,ii4?i(iEn. Doigts juppfémenfairfx xnr ie bord ct*béta£
de chaque main^ p* HOU j — DîaeussioD : M- TuPisàRD, p. flilH; — M. Caun*
iiHiKt. Sur u^ oj surnumtf faire du piWf p. ^ïi% ; — Commutïlcaliotisi :
M. H4«T Sur un fnvoi d'Emin Bey^ p ê05; — ^ Diseussrot) : 11. i>E9ii£i-ii,
p. 605 ;— » M-TiTteuLi-EK Jilfufi^r» îaifiéti dé Fonifnay-atix- fiosts, p, 605 j
DjâCUS-sioû : M. G. ne -Hortillct* p» fiHT; — M. André S<i?r«0K« La cranîo-
hgie t^périmfnîale^ p. 607] — [>ïfCu$MOU : MM* DsstiKÉii^ ToftjvAim,
Sennes du itO nctoltre iS87. — A propo» du protê»'¥^rhaU p^ 625 ;
— Correspûnd»rvRe, p. 035 ; — Ouvrages offcrtA^ p. 634; — OL»)vla offerr^^
p. STig ; ^ M. Topm*iiD. Crûn^ de pirate (QnkinoiM offert par if, E* Rt^cher,
p, 63S ^ — M. TûPtNAHii. Moiiiùgex d^s types erânitm du iVurtemberg ^
offh-fs par Ai* de Hôider^ p. 6in; — DtseussioD : MM- M*(toi3YHJtn, Fac-
VELLCi p. 642^ — ËïectîoDâ. p, (>4â ; -— Préseolations - H j;)i.livi!eb Beapre-
CAnt}, Cânf^« préco€tt p> t<4â; — Diacy^âiûn : MM Ti)f>i^4itD,S«Eiso5t G. de
MoiiTiLLET, FAirrBtufj V4<ne CL HoTCH,p.H45. —M"»" Cî. HoTÈR,rarfa6i7i/^
inorpiiofo^MfMJ* c'f'f mttides sous i'infiufttce dfs rariaiÎQns fùncfiontirtirs,
p. 64^; — Di9eU3:»ioii- MM-BAitjinit. M AKucrvniEit,iUitit£ft, CRtrusiK^i.!* Topi-
XAtD, M"*' ClémencÊ Roiëji^ p. Ûil ; - M. {Son an. Cotfevtivn d'instrument t
fn $UeJ! de l'Amérique du HQ^d^ p. 649; — HiàCHiîiîOD i M* G. &E Mor-
TiLLKt.p. 651 ; — V^:fisi;*fl. Intirument^ en pierre dfS êtes CttHarées^ p- l>i>3 j
~~ UiscuKion : MM. G. de 4Iç*btîi.i*i.t. VfjiskaPj p. 65S.
Béanre rfu 3 novembre 1899. — CommunlcaliûnR du bureâO : mort
df M. Drouaulïj p, 651; — Ouvrages ofTirt:*, p, liaK; — KleciioDS, p. ti5î»;
Uii'cuËSJoa sur b cranîomctrié ; i^IUp TopiVAtin, SlivopThji^rij PtcrYELLE,
&Aii8oifi D£m&R», p, 050r — Comniunii'»Lioiv& : It. GAiLtAnt). fi>i ^imiufuj df
Ktrie&CQn à Car *i«c, d^ v^on ^cg^i;; tfjoit e/ de la rcj/jjura/iuj*^ p, 687.
Sénnre da 1 9 nfivf^mlire lSS9t — Communlcatiofia ûu bureau,
p. mî^i — Ouvrages oflerls, p, 69t; — Objets offeris, p. 6^8; - 11* Sïïo-
ïTKAc, OjjfemeM/^ iiuma/fiï de Li^y. p. 699: **- CaîJuliiïalure cl eJrcîioiit
p. 700; — PréAeDtallon.^ : M. Edouard Cutt h. Sur^n aslûngemfHt anurmnl
du cu^Mtis fi jur la prff^ênre d'un tuuifle rand pft.nai'-ur chez un ehcvai,
p. 701 ; — M» DotutEHÊnE. Lne amul^itê br^lunne^ p. 701 ; -- M, A.sr Moh-
TiLLtf. Huèansde Saint- Amabie^ p.7<>5; — Cominuoiciilioasi H Faiîti^ui«
rit* ^a directiùn dfia crinière cmnmt c/ïractértstiqu^ du type chtval^ p, 7uC;
litâJCUs^ian : MU* SANtox^ ViÉttiB%E¥t, p. lùÛ,
HéntÈce du i^^ dêrenibr« iMâ7. — Correspondance, p. 707;^ Ou-
vrages offerU, p. 708; — Ejections pour N r^nouveOeratût du burejni,
p. 7flS ; ^— Présentât tons : M. P. Aobrï PrésmtaUon de roitutnes rus^tx^
p. 7ùy ; — Diicuîtàlon = M, A. ur MoKTit.i.eTj p. 7(iO; — M. VvïtviuU, A'ti^tf
jur tes sépiiiturcx dune ffftlertL' iQuvtrle famitér en wpti;m*trr IS87 sur tri
commun ç fte Mon titjny- t'Èng ra m j prés Vic-su r-Ahn<.% p . 7 1 0 ; — M . V e n-
iftin» Crânet de i'atiéf! Cituverta de Montigntf-l'Enfjrain ; la. race àe fur*
foos à t'éptjque <ks dotmen** p- 713. -- M. Miuniitni. Happoti sur le cun-
cours ittà prij" (jf/fiaff/^ p. 723 ; ** Comuiunica lions; >IM. Vamkt et Won au.
Étude mirruscQptqueetexpérimmttiiesiirlfitaiQuagei tur&pé^ns, p.7ôlï; --
tHtcussJon : ^M. LtiToirnHKAU, VarioTt IhHVË.SAKsmi, MAntiDVHiKn, Mac^tut,
FacvellKj p, 736; — .^t. Pi^tte. Le kerïug liunurtmtr^^p. 73H.
Séance extrjuorilliinire du II dée^einhrr^ 1997, — QnHLriitm«
conférence Brtica : Al Mathias UuVal. LtAphane^ depuu Bruta, p. 745.
( l'ouïr la tuitt à ta pag^ 3j^
|*#rtp. - tjputtnythn A* flvniicTiii, m« tkiiml
mil J J 1/ U U 1/ NI 1 fil/ i tu m h \r
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This book is not to be
taken from the Library
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