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Full text of "Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris"

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BULLETINS 

DE  LA  SOCIÉTÉ 

D'ANTHROPOLOGIE 

DE  PARIS 


PARIS.    —    TYPOGRAPHIE  A.   HENNUYKU,    FlUE  DARCKT,  7. 


BULLETINS 


DE  LA  SOCIÉTÉ 


D'ANTHROPOLOGIE 

DE  PARIS 


TOME    DIXIÈME 

QUAxaiiiu-séRiE 

ANNÉE    1  887 


PARIS 
G.  MASSON.  ÉDITEUR 

BOVLEVARD  SAINT-GEBMAIN,   120 
«887 


SOCIÉTÉ  D'ANTHROPOLOGIE 

DE  PARIS 


STATUTS 


TITRB  PREMIER.  -»  but  n  ORGAïasATtoR  dk  la  soattrÉ. 

Articlb  l**.— -La  Société  d'anthropologie  de  Paris  a  pour  but  Tétuda 
scientifique  des  races  humaines. 

Art.  2.  —  Elle  se  compose^  en  nombre  illimité^  de  membres  titu- 
laires, de  membres  honoraires,  de  membres  associés  étrangers  et  de 
correspondants. 

ÂET.  3.  —  Tous  les  membres  et  correspondants  de  la  Société  sont 
nommés  par  Toie  d'élection,  sur  Ta  proposition  de  trois  membres,  sauf 
Texception  indiquée  en  Tarticle  11. 

Abt.  4.  —  Un  comité  central  de  trente  membres,  se  recrutant  lui* 
même  par  voie  d'élection  parmi  les  membres  titulaires,  est  chargé  de 
veiller  aux  intérêts  matériels,  moraux  et  scientifiques  de  la  Société.  Les 
membres  du  Comité  central  peuvent  seuls  voter  sur  les  modifications 
des  statuts  et  règlement.  Les  membres  du  Bureau  et  de  la  Commission 
de  publication  ne  peuvent  être  choisis  que  parmi  les  membres  du 
Comité  central. 

Art.  S^  --  Le  Bureau,  élu  par  la  Société  en  séance  publique,  se 
compose  d*un  président,  de  deux  vice-présidents,  d^un  secrétaire  gêné* 

1  Modifié  conformément  au  décret  du  3  octobre  1867. 


II  STATUTS . 

rai,  d'un  secrétaire  général  adjoint,  de  denx  secrétaires  annuels,  d'un 
archiviste/  d'un  trésorier  It  d'iln  COhservatèttif  àei  ooUecliobs.  La  Crnn- 
missioil  de  t)Ubl2cdlion  se  compose  de  trois  thembres.  Tous  ces  fonc- 
tionnaires sont  élus  pour  un  an^  à  Texception  du  secrétaire  général^  dont 
les  fonctions  sont  triennales.  Tous  sont  rééligibles,  à  Texception  du 
président,  qui  ne  peut  être  réélu  qu'après  une  année  d'interfalle. 

Art.  6.  —  La  Société  est  représentée  par  le  Bureau. 


TITRE  II.  — >  CANDIDATURES  ET  NOIUIfATIOIfS. 

Art.  7.  —  Les  titres  de  membre  titulaire  et  de  correspondant  national 
ne  peuvent  être  conférés  qu'aux  personnes  qui  ont  fait  acte  de  candida- 
ture. Les  membres  honoraires,  les  associés  et  correspondants  étrangers 
peuvent  être  nommés  directenient  par  la  Société. 

Art.  8.  —  Les  conditions  à  remplir  pour  devenir  membre  titulaire 
ou  pour  obtenir  le  titre  de  correspondant  national  sont  :  1^  d'être 
présenté  par  trois  membres  qui  inscrivent  leur  proposition  sur  le  grand 
registre  et  y  apposent  leur  signature  ;  2°  d'adresser  au  président  une 
demande  écrite  ;  3<»  d'obtenir  au  scrutin  secret  la  majorité  des  suf- 
frages des  membres  présents.  Ce  scrutin  a  lieu  dans  la  séapce  qui  suit 
l'inscription  de  la  candidature. 

Art.  9.  —  Les  associés  étrangers  et  les  correspondants  étrangers  sont 
nommés  individuellement  et  au  scrutin  secret,  à  la  demande  de  trois 
membres  qui  inscrivent  leur  proposition  sur  le  grand  registre  et  y  appo- 
sent leur  signature.  Le  scrutin  a  lieu  à  la  majorité  absolue  des  membres 
présents^  dans  la  séance  qui  suit  Tinscription  de  la  candidature. 

Art.  iO.  -^  Tout  tnembre  ayant  rempli  pendant  cinq  ans  au  moins 
les  fonctions  de  membre  du  Comité  central  (ou  de  membre  titulaire 
antérieurement  à  la  création  du  Comité  central),  et  ayant  fait  partie  de 
la  Société  pendant  dix  ans  au  moins  en  quahté  de  membre  titulaire 
(ou  de  membre  associé  national  antérieurement  à  la  création  du  Comité 
centrai),  pourra^  sur  sa  demande,  être  élu  membre  honoraire  en  séance 
publique,  à  la  majorité  absolue  des  membres  présents.  Il  cessera  dès 
lors  d'être  soumis  à  la  cotisation^  en  continuant  à  jouir  de  tous  les  droits 
des  membres  titulaires^  et  à  recevoir  gratuitement  toutes  les  publica- 
tions de  la  Société. 


sTATtm.  m 

AttT.  H»  -«  Le  Société»  suf  la  proposition  dti  cinq  memin^es,  Confère 
directement  le  titre  de  membre  IlotiOtnifé  ft  dés  datants  pris  lioh  dé 
son  sein,  et  ayant  renda  des  services  éminents  à  la  science.  Les  pré- 
sentateurs inscrivent  leur  proposition  sur  ie  grand  registre  et  y  appo- 
sent leur  signature.  L'élection  a  lieu  à  ta  majorité  absolue  des  membres 
présents,  dans  la  séance  qui  suit  l'inscription  de  la  oandidature. 


tllllË  m.  —  ÀôMAidfàÀfiéN. 

Akt.  12.  Les  ressources  de  la  Société  se  composent  : 

1<*  6u  revenu  des  biens  et  valeurs  de  toute  nature  appartenant  à  la 
Société  ; 

^  Du  dfoit  d'admlsâioti  pour  les  ttiëtnbres  titdlalfes  et  potif  les  èor- 
respondâHts  nationaut.  Ce  droit  est  fixé  à  XO  francs  ; 

2^  De  la  cotisation  payée  par  tous  les  membres  titulaires,  fésidahts 
ou  non  résidants.  Lé  montant  en  est  ùXé  par  Id  Société,  suivant  ses 
besoins  ', 

¥  Des  àtnendës  encourues,  suivant  qu'il  êèra  slalué  par  le  règle- 
ment; 

5<*  Du  produit  des  publications; 

6<>  Des  dons  et  legs  que  la  Société  est  autorisée  à  recevoir; 

7*  Des  subventions  qui  peuvent  lui  être  accordées  par  l'Etat. 

Art.  13.  —  Les  fonds  libres  sont  placés  en  rentes  sur  l'Etat. 

Art.  14.  —  Les  délibérations  du  Comité  central  relatives  à  des  alié- 
nations, acquisitions  ou  échanges  d'immeubles  et  à  l'acceptation  de 
dons  ou  legs,  sont  subordonnées  à  l'approbation  du  gouvernement* 
Elles  ne  peuvent  être  prises  qu'après  une  convocation  spéciale,  et  «V 
la  majorité  des  deux  tiers  des  membres  du  Comité  qui  assistent  à  la 
séance. 

Art.  15.  —  Les  livres,  brochures,  cartes,  cr&nes^  plâtres,  pièces 
d'anatomie,  objets  d'art  et  d'industrie,  dessins,  photographies,  etc.,  qui 
composent  les  collections  de  la  Société,  ne  peuvent  en  aucun  cas  être 
vendus;  mais  la  Société  pourra  compléter  son  musée  par  voie  d'échan- 
ges. Ces  échanges  ne  pourront  porter  que  sur  les  objets  possédés  à  plu- 
sieurs exemplaires.  Ils  ne  pourront  avoir  lieu  qu'entre  le  musée  de  lu 


If  STATUTS; 

Société  et  d^autres  musées  d'une  importance  reconnuei  et  ils  denont 
toujours  être  indiqués  sur  le  catalogue. 

TITRE  ly.—  DisPOsinoMS  gêrékales. 

Aax.  16.  —  La  Société  s'interdit  tonte  discussion  étrangère  au  but 
de  son  institution. 

Art.  17»  —  Un  règlement  particulier,  soumis  à  Tapprobation  du  mi* 
nistrede  rinstruction  publique,  détermine  les  conditions  d'administra- 
tion intérieure^  et  en  général  toutes  les  dispositions  de  détail  propres  à 
assurer  Texécution  des  statuts. 

ART.  48.  —  Nul  changement  ne  peut  être  apporté  aux  statuts  qu'avec 
Tapprobation  du  gouvernement. 

Art.  19.  —  En  cas  de  dissolution,  il  sera  statué  par  la  Sctciété,  convo- 
quée extraordinairement,  sur  remploi  des  biens,  fonds,  livres,  etc., 
appartenant  à  la  Société  ;  toutes  les  pièces  du  musée  deviendront  de 
droit  la  propriété  du  Muséum  d'histoire  naturelle,  à  moins  que  la  Société 
n'en  dispose,  par  un  vote  régulier,  en  faveur  d'un  autre  établissement 
public  ou  d'une  société  reconnue  par  PElat.—  Dans  cette  circonstance, 
la  Société  devra  toujours  respecter  les  clauses  stipulées  par  les  dona- 
teurs en  prévision  du  cas  de  dissolution. 


RÈGLEMENT 


DE 


LA    SOCIÉTÉ   D'ANTHROPOLOGIE 

BBVISÉ  Eli  AVRIL  1863,  OCTOBBE  18«7,  JANVIER  ItTS, 
AVRIL  ET  JUILLET  1880  ET  EN  188S. 


TITRE  PREMIER.  —  des  séances  pubuques. 

ARTICLE  1*'.  —  Les  séances  pobHques  ont  lieu  le  premier  et  le  troi- 
sième jeudi  de  cliaqne  mois,  de  trois  à  cinq  heures  de  Taprès-midi.  Il 
pourra  être  tenu  des  séances  extraordinaires  sur  la  proposition  du  Bu- 
reau et  par  décision  de  la  Société. 

Art.  2.  —  La  périodicité  des  séances  pourra  être  changée  par  une 
simple  décision  de  la  Société,  à  la  majorité  absolue  des  membres  pré- 
sents, pourvu  que  la  Société  en  ait  été  prévenue  une  séance  à  t'avance 
par  son  président,  et  que  tous  les  membres  aient  en  outre  été  convo* 
qués  à  domicile. 

Art.  3.  — La  Société  prend  chaque  année  deux  mois  de  vacances,  en 
août  et  septembre. 


TITRE  II.  —  F0NCTI01V8  DU  RUREAU. 

Art.  i.  —  Le  président  dirige  les  séances,  proclame  les  décisions  de 
la  Société  et  les  noms  des  membres  élus,  et  nomme;  après  avoir  pris 
ravis  du  Bureau,  les  commissions  chargées  des  rapports  et  des  travaux 
scientifiques. 

Art.  5.  —  En  Tabsence  du  président  et  des  vice*présidents,  le  plus 
ancien  membre  préside  la  séance. 

Art.  6.  —  Le  secrétaire  général,  élu  pour  trois  ans  et  rééligible, 
reçoit,  dépouille  et  rédige  la  correspondance.  Il  prépare  Tordre  du 
jour  des  séances  de  concert  avec  le  président.  Il  a  la  parole  immédia- 
tement après  Tadoplion  du  procès-veri)nl,  pour  communiquer  à  la 
Société  les  pièces  de  la  correspondance.  11  est  chargé  de  la  publication 
des  Bulletins  et  Mémoires  sous  la  direction  du  Comité  de  publication, 


VI  RÈGLEMENT. 

avec  le  concours  des  secrétaires  annuels.  Il  est  adjoint  de  droit  à  1  a 
Commission  de  publication,  et  tous  les  travaux  destinés  à  cette  Com- 
mission sont  d'abord  déposés  entre  ses  mains.  Il  est  suppléé  dans  ces 
différentes  fonctions  par  le  ^crétaire  général  adjoint. 

ART.  7.  —  Les  secrétaires  sont  chargés  de  la  rédaction  des  procès- 
verbaux.  Pour  concourir  à  cette  rédaction  des  procès- verbaux,  la 
Société  pourra  élire,  en  dehors  du  Comité  central^  deux  secrétaires 
adjoints  pris  parmi  )es  membres  qui,  étant  titulaires  depuis  plus  d*une 
année,  ont  fait  à  la  Société  une  communication  scientifique. 

Art.  8.  —  L'archiviste  est  chargé  de  la  conservation  des  manuscrits, 
des  dessins,  des  livres  et  gravures,  des  paquets  cachetés,  des  lettres 
adressées  à*  la  Société.  Il  date  et  parafe  toutes  ces  pièces  le  jour  de  leur 
réception.  Les  pièces  anatomiques,  les  moules  et  tous  les  objets  offerts 
à  la  Société  ou  acquis  par  elle  sont  mis  sous  la  garde  du  conservateur 
des  collections.  Tous  deux  dressent  un  catalogue  et  un  inventaire  des 
objets  de  tout  genre  qui  leur  ont  été  confiés,  et  en  rendent  compte  tous 
les  ans  à  une  commission  spéciale. 

ART.  9.  —  Le  trésorier  reçoit  le  montant  des  cotisations,  des  amendes 
et  des  droits  d'admission,  tient  toutes  les  écritures  relatives  à  la  comp- 
tabilité, signe^  de  concert  ^vec  le  président  les  baux  et  les  bordereaux 
de  dépenses,  solde  les  frais  de  publication,  louche  chez  les  libraires  le 
produit  de  la  vente  des  Bulletins  et  Mémoires^  et  rend  chaque  ani)ée 
compte  de  sa  gestion  à  une  commission  spéciale. 

TITRE  III.  —  DU  cowTi  CBimuL. 

Art.  10,  —  Les  questions  administratives,  personnelles,  réglemen* 

taires,  et  en  général  toutes  les  questions  qui  ne  sont  pas  purement 

scientifiques,  exception  faite  de  celles  qui  sont  mentionnées  dans  les 

articles  31,  32  et  68,  sont  examinées  et  résolues  dans  les  sé^ipces  du 

.  Comité  central. 

Art.  11.  —  Les  réunions  du  Comité  ne  sont  pas  publiques,  et  n^ont 
jamais  lieu  le  même  jour  que  les  séances  de  la  Société.  Elles  sont  annon- 
cées huit  jours  à  Tavance  par  le  président,  en  séance  publique.  Les 
membres  du  Comité  sont  en  outre  ^Vflrtis  à  domicile.  Tous  les  membres 
de  la  Société  ont  le  droit  d'assister  à  ces  réunions. 

Art.  12.  —  Les  membres  du  Comité  central  qui,  sans  être  en  congé 
régulier  ou  sans  justiHer  de  leur  absence,  manqueront  à  quatre  séances 
consécutives  du  Comité  seront,  après  avertissement  préalable,  consi- 
dérés comme  ne  faisant  plus  partie  du  Comité.  Cette  disposition  ne 
concerne  pas  les  anciens  présidents  de  la  Société» 

Art.  13.  —  Dans  ces  réunions,  tous  les  membres  de  la  Société 
indistinctement  ont  toujours  voix  consultative.  Les  membres  du  Comité 
seuls  ont  voix  délibérative. 

Art.  14.  -*-  Le  bureau  du  Comité  est  le  même  que  celui  de  la  Société, 
Toutefois  le  Comité  pourra,  à  la  demande  des  secrétaires,  charger  un 
de  ses  membres  do  rédiger  les  procès-verbaux  de  ses  séances* 


«IdWiHOT'  vu 

Art.  JSil,  —  Us  procès-verl^aui^  des  s^apceç  dq  Comité,  p*éUnt  w 
destinés  à  être  publiés^  sont  transcrits  par  les  soins  du  secrétaire  i(ur 
un  registre  spécial  qui  reste  toujours  déposé  daus  les  archives. 

Art.  46.  —  Lês  séances  du  Comité  ont  lien  régulièrement  :  1<*  en 
Janvier,  dans  la  quinzaine  qui  suit  la  séance  d'installation  du  Bureau  ; 
S*  dans  la  première  quinzaine  d'avril  ;  S<»  dans  la  première  quinzaine  de 
jaillet;  4*  dans  la  première  quinzaine  de  novembre. 

Art.  17.  -p  Le  Bureau  a  en  outre  le  droit  de  provoquer  une  réunioa 
du  Comité  touti^p  les  fois  qu'il  le  juge  Décessaire* 

ART.  18.  ~  Lorsqu'une  ou  plusieurs  places  sont  vacantes  dans  le 
sein  du  Comité^  le  comité  nomme  une  commission  de  cinq  membres 
chargée  de  lui  présenter  une  liste  de  candidats.  Les  personnes  portées 
sur  cette  liste  devront  a|>partenir  à  la  Société  depuis  au  moins  un  un 
en  qualité  de  membres  titulaires^  et  avoir  hi  un  travail  scientifique 
dans  Taoe  des  séances  publiques  de  la  S(»oiété. 

Art.  19.  —  La  présentation  de  cette  liste  doit  être  motivée  par  un 
rapport  écrit  qui  est  lu  et  discuté  séance  tenante.  Le  vote  suit  immé- 
diatement la  discussion,  et  Téleclion  a  lieu  à  la  majorité  absolue  des 
membres  aui  y  prennent  part.  Mais  elle  n'e^t  valable  que  lorsque  le 
candidat  élu  obtient  au  moins  douze  voix. 

Art.  20.  —  Le  Comité  peut  élire  plusieurs  meipbres  dans  la  même 
séance  et  à  la  suite  dn  même  rapport.  Ces  élections,  qui  ont  lieu  par 
scrutins  successifs  et  individuels,  ne  peqvent  dépasser  le  pombrede  trois 
dans  la  môme  séance. 

Art.  2i.  -^  Dans  la  séance  de  janvier,  le  Comité  nomme,  au  scrutin 
de  liste  et  à  la  majorité  relative,  une  commission  des  congés  composée 
de  trois  membres. 

ART.  21  bis,  —  Le  Comité  central  nomme  chaque  année  une  com- 
mission perpQanente  de  cioq  membres,  qui  est  chargée  d'examiner  les 
candidatures  au  titre  de  correspondant  étranger  ou  d'associé  étranger. 
Avant  d'inscrire  une  de  ces  candidatures  sur  1q  grand  registre,  Itîa 
présentateurs  doivent  soumettre  à  cette  commission  les  titres  anthro- 
pologiques ou  autres  de  leur  eandidat.  Le  jour  de  Télection,  te  prési- 
dent de  la  commission  annonce,  avant  le  serutin,  que  la  candidature 
est  présentée  avec  ou  sans  l'appui  de  la  commission.  (Avril  1880.) 

Aar*  t\  ier.  —  Cette  commission  est  chargée  en  outre  d*étudier  la 
liste  des  membres  étrangers  au  poiqt  de  vue  des  changemenls  d'adresse, 
des  vacances  par  décès  ou  par  démission,  et  des  lacunes  à  combler  sui-r 
Tant  les  besoins  de  la  Société.  (Avril  1880.) 

Art.  32.  —  Les  résultats  des  séances  du  Confite  sont  annoncés  par 
le  président  dans  la  plus  prochaine  séance  de  la  Société,  soit  publi- 
quement, soit  en  comité  secret,  et  sont  consignés>  s'il  y  a  lieu>  dans 
les  Bulletins.  Cette  commnnication  ne  peut  donner  lieu  a  aucune  dis- 
cussion» 

TITBB  IV.  —  REdTTEs  et  dispenses. 

Art.  23,  —  Le  droit  d*î|d|nissîon  est  fixé  à  20  francs  pour  les  membres 
titolaire^  et  ppur  les  correspondants  nationaux.  I^e?  membres  honorai- 


V'"  BiOLEMEHT. 

ras,  les  associés  étrangers  et  les  correspondante  étrangers  sont  admis 
gratuitement. 

Art.  24.  -—  Les  membres  titolaires  fournissent  chaque  année  nne 
cotisation  de  30  francs,  qui  peut  êlre  rachetée  par  le  versement  d'une 
somme  de  300  francs  dont  le  payement  pourra  ôlre  effectué  en 
trois  annuités  consécutives  de  100  francs.  Ils  reçoivent  gratuitement 
un  eiemplaire  de  toutes  les  publications  de  la  Société.  Les  membres 
nouvellement  élus  ont  droit  aux  fascicules  déjà  publiés  des  Bulletins 
de  1  année  et  du  volume  de  Mémoires  en  cours  de  publication. 

Art.  2f5.  —  Les  membres  titulaires  qui  ne  résident  pas  dans  le  dé- 
partement de  la  Seine  sont,  sur  leur  simple  déclaration,  autorisés  à  ne 
vereer  leur  cotisation  qu'à  la  fin  de  chaque  année.  Le  recouvrement 
s  effectue  à  leur  domicile  aux  frais  de  la  Société.  Toutefois  les  membres 
qui  résident  hors  de  France  doivent  désigner  à  Paris  une  personne 
chargée  de  verser  leur  cotisation. 

Art.  26.  —  Tout  membre  qui  aura  laissé  écouler  un  trimestre 
entier,  non  compris  les  mois  de  vacances,  sans  acquitter  le  montant  de 
ses  cotisations  et  des  amendes  qu'il  aura  encourues,  sera  averti  une 
première  fois  par  le  trésorier,  une  seconde  fois  par  le  président;  si  ces 
avertissements  sont  sans  effet,  il  sera  considéré  comme  démissionnaire 
et  perdra  ses  droits  à  la  propriété  des  objets  appartenant  à  la  Société. 

Art.  27.  —  Les  membres  honoraires  élus  directement,  les  membres 
associés  étrangers  et  les  correspondants,  n'étant  soumis  à  aucune 
cotisation,  n'ont  aucun  droit  à  la  propriété  des  objets  appartenant  à  la 
Société.  Les  correspondante  nationaux  ne  peuvent  ôlre  choisis  que 
parmi  les  Français  voyageant  ou  résidant  à  rétranger,  ou  appartenant 
soit  à  l'armée,  soit  à  la  marine. 

Art.  28.  —  Les  recettes  provenant  de  la  vente  des  publications  de 
Ja  Société  seront  encaissées  par  le  trésorier  aux  échéances  convenues 
avec  les  libraires  chargés  de  la  vente. 

Art.  29.  —  Les  frais  de  location,  de  bureau  et  d'administration 
seront  réglés  par  le  Bureau  et  acquittés  par  le  trésorier,  sur  le  visa  du 
président. 

Art.  30.  —  Les  frais  de  publication  sont  réglés  par  la  Commis- 
aion  de  publication;  ils  sont  acquittés  par  le  trésorier,  sur  le  visa  du 
président. 

Art.  31.  —  Le  trésorier  présente  ses  comptes  dans  la  première 
séance  de  janvier.  Une  commission,  composée  de  trois  membres  tirés 
au  sort  dans  la  dernière  séance  de  décembre,  fait  un  rapport  écrit  sur 
ces  comptes  dans  Tune  des  trois  séances  suivantes,  en  comité  secret. 
La  Société  vole  sur  le  rapport,  et  le  président,"  s'il  y  a  lieu,  donne 
ensuite  décharge  au  trésorier.  Tout  délai  dans  la  présentation  des 
comptes  ou  du  rapport  fera  encourir  au  trésorier  ou  à  chacun  des  com« 
missaires  une  amende  de  5  francs  par  chaque  séance  de  retard.  ' 

Art.  32.  —  Dans  la  derniècc  séance  de  décembre,  une  commission 
de  trois  membres  tirés  au  sort  est  chargée  d'examiner  le  catalogue  de 
tous  les  objete  dont  TarchiviKle  et  le  conservateur  des  collections  sont 


KiOLBIlIlfT*  IX 

déposittirM.  Getta  commisnon  fait  son  rapport  dans  la  séance  soiTante. 
Tout  délai  dans  la  présentation  du  catalo^jue  ou  du  rapport  fera  encourir 
à  Tarchiviste,  au  consenrateur  des  collections  ou  à  chacun  des  commis- 
saires nne  amende  de  5  francs  par  séance  de  retard. 


TITRE  V.   —  PDBUCATlOIfS. 


Art.  33.  —  La  Société  publie  des  Bulletim  et  des  Mémoires  ori« 
ginaui. 

ART.  34.  —  Tons  les  mémoires  manuscrits  lus  ou  communiqués  à  la 
Société,  tous  les  rapports  scientiBques  et  généralement  tons  les  travaux 
qui  ne  figurent  pas  dans  les  prooès^Torbiux  des  séances,  sont  remis 
ï  la  Commission  de  publication. 

ART.  35.  —  Les  Bulletins  sont  publiés  par  le  secrétaire  général,  sous 
It  direction  du  Comité  de  publication,  avec  le  concours  des  secrétaires 
annuels,  et  se  composent  :  i<>  des  procès-verbaux  des  séances;  2<»  des 
travaux  renvoyés  aux  Bulletins  par  la  Commission  de  publication  pour 
y  paraître  textuellement,  ou  en  extraits,  ou  en  analyses. 

Art.  36.  —  La  Commission  de  publication  se  compose  de  trois 
membres  élus  chaque  année  au  scrutin  de  liste  et  à  la  majorité  absolue 
des  votants.  Ils  sont  rééli^ibles  et  peuvent  faire  partie  du  Bureau.  Le 
secrétaire  général  est  adjoint  de  droit  à  cette  commission. 

Art.  37.  —  Cette  commission  dirige  la  publication  des  Bulletins 
et  des  Mémoires  de  la  Société.  Ses  droits  sont  absolus  et  ses  déci- 
sions sans  appel.  Elle  décide,  ajourne  on  refuse  Timpression  des  tra- 
vaux qui  lui  sont  renvoyés  et  détermine  Tordre  de  leur  publication  ; 
elle  s'entend  avec  les  auteurs  pour  les  modifications,  les  coupures  et 
les  suppressions  qui  lui  paraissent  opportunes,  ou  pour  la  rédaction 
des  extraits  qu'elle  juge  utile  de  publier  à  la  place  des  mémoires  pri« 
mitift. 

Art.  38.  —Les  frais  de  gravure  ou  de  lithographie,  et  généralement 
tous  les  frais  de  composition  supplémentaire  qui  ne  seront  pas  compris 
dans  les  conventions  passées  avec  le  libraire,  sont  supportés  par  les 
aateors,  à  moins  que  la  Société,  sur  la  proposition  de  la  Commission 
de  publication,  et  sur  Tavis  du  trésorier,  ne  décide  qu'elle  prend  ces 
frais  à  sa  charge. 

Art.  39«  —  Tous  les  travaux  inédits  lus  ou  adressés  à  la  Société 
deviennent  sa  propriété,  et  ceux  qui  ne  sont  pas  publiés  textuellement 
sont  déposés  aux  archives  avec  les  formes  officielles  destinées  à  en  dé- 
terminer exactement  la  date.  Ceux  qui  émanent  de  personnes  étrangères 
i  la  Société  ne  peuvent,  en  aucun  cas,  être  repris  par  les  auteurs. 
Ceux-ci,  toutefois,  ont  le  droit  d'en  faire  prendre  copie  aux  archives. 
Les  planches,  dessins,  pièces  anatomiques  ou  moules  en  plâtre  peuvent 
toujours  être  repris  par  ceux  qui  les  ont  présentés;  mais  la  Société  se 
réserve  le  droit  d'en  conserver  la  copie,  la  photographie  ou  la  reproduc- 
tion par  tout  autre  procédé,  à  la  condition  de  ne  point  les  détériorer. 


Abt,  40,.  •«  To«}  wanuwit  émanant  d'un  m^rabw  de  la  SMiété, 

qu  nç  serait  pas  puWi4  dans  Iq  délai  d'uo  an,  ou  dont  il  n'aurait  été 
publie  qu  un  extrait,  pu  qui  wrait  déposé  aux  arcldves,  sara  reroia  à 
J  auteur  sur  sa  deipapde. 

Art.  41.  —  Les  auleurs  des  travaux  publiés  dans  les  Mémoires 
reçoivent  gratuitement  vingt-cinq  exemplaires  d'un  tirage  a  part  sans 
remaniement.  En  renonçant  à  ce  privilège,  ils  ont  le  droit  de  faire 
faire  à  leurs  frais  un  tirage  à  part  à  cent  exemplaires  sans  remanie- 
ment, fces  tirages  plus  cpnsidérables  pe  peuvent  être  faits  qu'avec 
I  autorisation  du  Bureau.  Dans  ces  tirages  à  pari,  la  pagination  des 
Mémoires  de  la  Société  devra  toujours  être  conservée;  mais  les  auteurs 
pourront,  k  leur§  fr^is,  y  faire  ajouter  hua  paginaliou  spéciale. 

TITRE  Yh  •*  comiissioiii  bv  9ai»»ort8  seiEirrinougs. 

Art.  42.  —  Tout  travail  inédit  présenté  par  une  personne  étrangère 
a  la  Société  est  renvoyé  à  une  commission  de  trois  membres  désignés 
par  la  président,  sur  l'avis  du  Bureau.  La  commission  pourra,  suivant 
r importance  du  travail,  faire  un  rapport  verN  ou  écrit;  mais  toutes 
les  fois  qu'elle  présentera  des  conclusions  soumises  au  vote  de  la  So- 
ciété, il  faudra  que  le  rapport  soit  écrit  et  signé  des  commissaires. 

A^T.  43.  «^  Quoique  les  eommissioni  ordinaires  ne  se  composent 

3ue  de  trois  membreSf  on  peut,  si  on  le  juge  utUe,  adjoindre  un  ou 
eux  membres  de  plus  à  certaines  commissions. 

Art.  44.  —  Les  ouvrages  imprimés  adressés  à  la  Société  sont  ren- 
voyé?  h  line  oontmissioUf  fn  les  auteurs  en  font  la  demande;  dans  le  cas 
contraire,  le  renvoi  à  une  commission  ^st  facultatif,  et  le  président 
peut  m  désigner  qu'un  seul  commissaire. 

Art.  45.  —  Dans  toute  commission  scientifique,  les  pièces  sont 
remise^  au  commissaire  nommé  le  premier,  li  en  aççus^  feceptiou  sur 
un  registre  spécial  dont  l'archiviste  est  dépositaire,  et  c'c^l  \m  q\n  est 
chargé  de  convoquer  la  Commission.  Il  garde  le  travail  pendant  i){\\\ 
jours  pour  en  prendre  connaissance,  après  quoi  il  le  transmet  à  ies 
deux  collègues,  qui  ont  également  jiuH  jours  chacun  pour  prendre 
connaissance  du  travail.  Au  bout  de  trois  semaines,  la  Commission  se 
réunit  et  désigne  son  rapporteur.  La  durée  des  préliminaire^  ne  pourra 
être  abrégée  que  pour  les  rapports  d'urgence,  sur  rinvjution  du  pré^ 
sident. 

Art.  46.  ^  Les  commissaires  en  retard  seront  avertis  tous  les  trois 
mois,  par  le  président,  en  séance  publique  ;  leurs  non)s  seroq|  inscrits 
sur  le  tableau  des  commissions  en  retard,  et  le  président,  après  deux 
avertiitements,  aura  le  droit  de  nommer  une  autre  commission. 

titre;  VI  6f|.  «!!-  i)foÉGiT10N9  SCIEHTiriQOU. 
(Comité  central  du  fi  Juillet  1880.) 

A|iT.  46  ffis,  —  La  Spclété,  pour  faciliter  les  recherclips  en  pays 
étraD|gerS|  pçut  confier  des  missiopa  tempprajrç^  à  deç  vpyçigçura  Uft-* 


tiooaux  DM  éf|»|ii«rii,<Hii  rt^ivent  A  oêi  «fbt  (ton  déléofitionfl  ipéeiales 
8Qr  parcbemio-  Cm  déléfiaupn»»  e<ff^pti^ll#lll«llt  diflâraqtoa  des  di» 
plômes  de  correspopdaoU,  indiquent  ia  dale,  la  durée  «t  la  nature  de 
la  niissioo.  Elles  portent  la  signature  du  président  et  du  secrétaire 
générai.  Mur  durée  stra  déltrminée  d'aprài  la  satura  de  la  misiien. 
Kllaa  iont  rtoauvelablei. 

Art.  46  I^.  —  Nul  ne  peut  obtenir  une  nouTelle  délégation  av^nt 
d'afoir  eonihioDiqué  ou  traBimis  à  la  Société  les  résultats  scientiOques 
de  la  délégation  préoédente. 

Art.  46  fUBter.  ^  Toute  personne  oui  désire  obtenir  une  délé- 
gation doit  en  faire  la  demande  écrite  et  être  présentée  par  trois  mem- 
bres de  la  Société,  qui  inscrivent  la  proposition  sur  uu  registre  spécial. 

La  Société  peut  voter  séance  tenante  çur  cçtte  proposition. 

ART.  46  quinius.  —  En  cas  d'urgence  motivée  par  le  prompt  dé- 
part du  voyageur  et  par  Téloignement  de  la  première  séance^  le  Bu- 
reau peut  donner  une  délégation  dont  la  durée  n^excédera  pas  un  an. 

Art.  46  iextut,  —  Le  Comité  central  pourra  décerner  des  mé- 
dailles de  bronze  ou  d'argent  aux  personnes  qui  se  seront  acquittées 
de  leur  ipission-à  la  aatisniction  de  la  Société. 

TITRE  VII.  —  ORDRE  DES  SÉAKCES. 

Art»  47.  ^  L*ordre  du  jour  est  réglé  par  le  président^  après  avLi  du 
secrétaire  général.  Néanmoins,  sur  la  proposition  de  trois  membres,  la 
Sodété  peat  modifier  cet  ordre  du  jour. 

• 

Art.  48.  —  Toute  personne  étrangère  à  la  Société  peut  sMnscrire 
pour  une  lecture  ou  une  communication  orale,  mais  la  parole  ne  peut 
lui  être  accordée  dans  une  discussion  que  sur  la  proposition  de  trois 
membres. 

Art.  49.  —  Les  personnes  étrangères  à  la  Société,  ne  pouvant 
obtenir  la  parole  sur  la  rédaction  du  procès-verbal,  seront  toujours 
invitées  à  résumer  elles-mêmes  par  écrit  leurs  corpmunicatipns  orales 
et  à  remettre,  dans  un  délai  de  cinq  jours,  leurs  notes  qu  secrétaire. 
Si  elles  ne  répondent  pas  à  cette  invitation,  elles  ne  seront  admises  à 
élever  aucune  réclamation  sur  la  manière  dont  le  secrétaire  aura  rendu 
dans  son  procès-verbal  leurs  paroles  ou  leurs  opinions.  Le  secrétaire 
aura  même,  si  cela  lui  convient,  le  droit  de  ne  |air0  aucune  mention 
de  leurs  communications. 

Art,  50.  —  Lorsau'une  iectnre  ou  une  communication  est  renvoyéq 
à  une  commission,  la  discussion  ne  peut  s'ouvrir  iiDuiédj^teipent;  ellq 
e«t  remise  jusqu^au  jour  du  rapport. 

Art.  5t.  —  Les  lectures  et  les  pommnnlcations  émanant  des  mem- 
bres de  la  Société  sont  discutées  immédiatement,  ainsi  que  les  rapports. 
Lorsqu'il  v  a  des  conclusions  à  vot^pi  le  rapporteur  a  le  qrpit  de  prendra 
la  parole  le  dernier. 


xn  RÈGLEmâirr. 

ART.  52.  —  La  parole  est  accordée,  dans  le  coars  d^unô  discussion, 
à  tout  membre  qui  la  demande  pour  rétablir  la  question,  pour  proposer 
la  clôture  ou  Tordre  du  jour,  ou  pour  un  fait  personnel. 

Aht.  53.  -—  Le  président  rappelle  à  Tordre  quiconque  dépasse  les 
limites  des  discussions  scientifiques,  et  à  la  question  tout  orateur  qui 
s'éloigne  de  l'objet  de  la  discussion. 

Art.  54.  —  Le  président  ne  peut,  de  sa  propre  autorité,  Hiterrompre 
ou  terminer  une  discussion,  proposer  la  clôture  ou  Tordre  du  jour;  il 
ne  peut  consulter  la  Société  a  cet  égard  que  si  la  clôture  ou  Tordre  du 
jour,  proposé  par  un  membre,  est  appuyé  par  doux  autres  membres  au 
moins.  Toutefois,  dans  le  cas  où  Tordre  ne  pourrait  être  rétabli,  le  pré- 
sident, après  avoir  consulté  le  Bureau,  a  le  droit  de  lever  la  séance. 

Art.  55.  ^  Les  personnes  étrangères  à  la  Société  ne  peuvent  assister 
à  la  lecture  et  à  la  discussion  des  rapports  faits  sur  leurs  travaux. 


TITRE  VIII.  —  ÉLECTIONS  DU  BUREAU  ET  DES  COMMISSIORS. 

Art.  56.  —  La  Société  renouvelle  son  Bureau  dans  la  première 
séance  de  décembre,  par  voie  d'élection,  conformément  à  Tarticle  5 
des  statuts.  Le  nouveau  Bureau  entre  en  fonctions  dans  la  première 
séance  de  janvier. 

Abt.  57.  —  Les  élections  du  Bureau  et  de  la  Commission  de  publi- 
cation ont  lieu  à  la  majorité  absolue  des  volants.  Tous  les  membres 
titulaires,  résidant  soit  à  Paris,  soit  en  province,  sont  appelés  à  voter. 

Art.  58.  —  Les  membres  non  résidants  sont  seuls  autorisés  h  voter 
par  correspondance,  suivant  les  formes  indiquées  dans  les  articles  61 
et  62.  Les  membres  résidants  ne  peuvent  voter  qu'en  déposant  eux* 
mêmes  leur  bulletin  dans  Turne. 

Art.  59.  —  Le  Comité  central,  dans  sa  réunion  de  novembre,  dresse 
la  liste  des  candidats  qu'il  propose  pour  les  diverses  fonctious. 

Art.  60.  —  Cette  liste,  avant  d'èlre  envoyée  à  tous  les  membres 
titulaires,  est  communiquée  à  la  Société  par  le  président,  dans  h  seconde 
séance  de  novembre.  Toute  candidature  proposée  par  cinq  membres  est 
de  droit  ajoutée  à  la  liste,  pourvu  qu'elle  soit  conforme  à  Tarticle  4  des 
statuts,  et  transmise  au  secrétaire  général  dans  les  trois  jours  qui  sui- 
vent cette  séance  publique. 

Art.  64.  —  Au  terme  de  ces  trois  jours,  le  secrétaire  général 
adresse  à  tous  les  membres  titulaires  non  résidants  une  circulaire  ren- 
fermant :  i^  les  articles  du  règlement  relatifs  aux  élections;  2<^  la  liste 
des  candidats  proposés  par  le  Comité  central  et  des  autres  candidats 
proposés  par  cinq  membres;  5*  Tindicalion  du  jour  où  le  scrutin  sera 
dépouillé;  4^  un  Dulletin  de  vole  imprimé  et  numéroté  sur  lequel  les 
diverses  fonctions  vacantes  sont  énumérées  ;  5®  une  enveloppe  impri- 
mée dans  laquelle  Te  bulletin,  rempli  et  non  signé,  doit  être  renvoyé 
au  secrétariat. 


RteLBHUIT*  zut 

Ait.  fâ.  -«  Le  jour  da  scratiD^  le  préddent  tire  aa  sort,  parmi  les 
membres  présents,  le  nom  d*mi  commissaire  scratateor.  Tous  les  bul- 
letins envoyés  par  correspondance  sont  décachetés  en  séance  par  ce 
commissaire,  oui  dicte  aox  secrétaires  les  numéros  d'ordre  des  bulle* 
tins.  Lorsque  I  énumération  est  terminée  et  qnUI  est  constaté  qu'aucun 
membre  n*a  TOté  plus  d'uuefois,  le  scrutateur  dépose  un  à  un  les  bul- 
letins dans  Tume,  en  déchirant  chaque  fois  le  numéro  d'ordre.  Le 
secret  du  vote  se  trouve  ainsi  assuré.  Les  membres  présents  déposent 
ensuite  directement  leur  vote  dans  l'urne.  Le  président  procède  alors 
AU  dépooiUement  du  scrutin  suivant  les  formes  ordinaires. 

ÂBT.  63.  —  Les  candidats  qui  obtienneut  la  majorité  absolue  des 
suffirages  exprimés  sont  déclarés  élus.  Les  billets  blancs  sont  annulés. 

ÂAT.  61.  —  Lorsque,  pour  une  ou  plusieurs  fonctions,  il  n'y  a  pas 
en  de  majorité  absolue,  un  scrutin  de  ballottage  a  lieu  dans  la  seconde 
séance  de  décembre.  Dans  Tintervalle  des  deux  séances,  une  nouvelle 
circulaire  est  adressée  à  tous  les  membres  titulaires  non  résidants,  qui 
sont  invités  à  opter,  pour  chaque  fonction  vacante,  entre  les  deux  can^- 
-didats  qui  ont  réuni,  au  premier  tour,  le  plus  grand  nombre  de  suffra- 
ges. Le  nombre  de  voix  obtenu  par  chacun  des  deux  candidats  est 
indiqué  sur  la  circulaire.  Le  second  scrutin  est  dépouillé  comme  le 
premier.  En  cas  de  partage,  Tancienneté  de  titre  d'abord,  ensuite 
rancienoeté  d*&ge  décident  entre  les  deux  candidats. 


TITRE  IX.  —  COMITÉS  SECRETS. 

Art.  65.  —  Sauf  le  cas  d'urgence  absolue,  le  comité  secret  est  an- 
noncé une  séance  à  Tavance  par  le  président,  et  annoncé  de  nouveau 
par  lui  immédiatement  après  la  lecture  du  procès-verbal  de  la  séance 
du  jour. 

*  Art.  66.  —  Les  comités  secrets  commencent  à  quatre  heures  et 
demie.  Les  décisions  y  sont  prises  à  la  majorité  absolue  des  votants  et 
sont  valables,  quel  que  soit  le  nombre  des  membres  qui  preniient  part 
au  vote,  sauf  Texception  indiquée  dans  Tarticle  68. 

Art.  67.  —  Les  comités  secrets  peuvent  être  provoqués  de  deux 
manières  :  1^  par  le  président  au  nom  du  Bureau;  ^  sur  la  proposi- 
tion de  cinq  membres  de  la  Société  qui  en  font  au  président  la  demande 
écrite,  en  indiquant  l'objet  de  leur  proposition.  Le  président,  après 
avoir  pris  l'avis  du  Bureau,  accorde  ou  refuse  le  comité  secret;  dans 
ce  dernier  cas,  les  membres  signataires  de  la  demande  peuvent  faire 
appel  de  la  décision  du  Bureau  à  celle  de  la  Société. 

Art.  68.  —  S'il  arrive  jamais  qu'une  circonstance  grave  paraisse  de 
nature  à  motiver  l'examen  de  la  conduite  d'un  membre,  la  Société 
pourra  lui  demander  des  explications,  formuler  un  blâme  contre  lui  ou 
même  prononcer  son  exclusion.  Mais  cette  mesure  pénible  ne  pourra 
être  prise  que  de  la  manière  suivante  :  1^  cinq  membres  titulaires  dé- 
posent sur  le  bureau  une  demande  motivée  réclamant  en  même  temps 
on  comité  secret,  qui  ne  peut  avoir  lieu  moins  de  huit  jours  après  et 


XIT 

qui  wi  précédé  d*un«  eMTMation  ipé«iile«  *^  9^  Lé  jour  di  comité 
spcretf  lé  membre  interpellé  «m  teouié  e^t  appelé  à  donner  lef  explica- 
tions qui  lai  soni  demandées,  et  a  toujours  le  droit  de  parler  le  der'> 
nier.  Il  se  retire  ensoitei  si  la  Société,  consultée  par  le  président^  décide 
qu'il  j  a  lieu  de  prendre  la  proposition  en  considération  «  Dès  ce  mo<^ 
meni^  U  discussion  générale  est  close,  mais  il  est  toujours  permis  de 
présenter  â.es  amendements  à  la  proposition.  Le  Tote  peut  être  renvoyé 
a  une  proobaine  séance^  Il  n'est  valable  que  si  les  deux  tiers  au  moins 
yes  membres  résidanl  à  Paris  j  prennent  part  Ia  censure  et  rexotu-» 
sion  ne  peuvent  être  prononcées  que  par  un  nombre  de  voit  égal  on 
supérieur  aux  deux  tiers  des  membres  résidant  à  Paris.  —  3<*  €es  me«- 
sdres  ne  tout  appliquées  que  si  la  Société^  cdtisùltée  une  seconde  Ibis 
au  bout  d'un  mois»  aprèe  une  fiobvelle  oonvoCtttiod  ft  domicile,  Confirmé 
la  première  décision  par  un  vote  définitif  semblable  au  précédent. 


tlTtlë  X.  —  REVlsioil  DU  MBOLEMBIVTi 

Aht.  69.  ^  Toute  proposition  tëndfttlt  1  rëVlsef  le  fégleffieiit  detfâ 
être  signée  par  cina  membres  au  Moins,  dépdëée  sur  le  bufead  et 
soumise  à  rappréciatlon  d'une  commission  de  trois  membre^  du  Cottiité 
central  nommés  au  scrutin  de  liste  et  à  la  majorité  absolue  des  Votants. 
La  Commission  fait  son  rapport  dans  une  des  séances  du  Comité  cen- 
tral ;  la  proposition  est  disculée  immédiatement  après  ;  tous  les  membres 
de  la  Société  peuvent  prendre  part  à  cette  discussion  ;  mais  les  membres 
du  Comité  seuls  sont  appelés  à  voler  sur  la  modification  proposée,  ainsi 
qu'il  est  dit  en  rarticle  4  des  statuts.  La  modification  ne  peut  être 
adoptée  que  par  un  tiombre  de  voix  égal  ou  supérieur  à  la  moitié  plus 
un  du  nombre  total  des  membres  du  Comité;  Toute  abstention,  toute 
absence  sont  comptées  comme  des  voin  négatives.  TdUst  les  membres 
du  Comité  doivent,  par  conséquent,  être  convoqués  a  domicile  par 
une  circulaire  spéciale,  où  le  sujet  de  la  délibération  est  indiqué  en 
termes  précis* 

Art4  70.  —  Par  exception  aux  dispositions  précédentes,  la  revisioti 
des  articles  1  et  3  du  règlement  s'effectuera  suivant  les  régies  indiquées 
en  rarticle  â. 


ï>mX  GÔDAUD 

rONDi  PAR  H.  Iil  MMTM»  BANMT  «OBAft»  iH  18if« 


Extrait  du  testament.  —  €  Ce  prix  sera  donné  au  meilleur  mé- 
moire sur  UD  sujet  se  rattachant  à  Taothropologie  ;  aucuo  sujet  de 
prix  oe  sera  proposé,  i 


RÈGLEMENT 

ÂAticLB  i^.  ^  Le  prix  Godat-d  ftefa  àêcettii^  tous  Ie9  deux  ans,  le 
jour  de  la  séance  solennelle  de  la  Société. 

Ant.  2.  ^  Gé  pt\x  e^t  de  la  talëur  dé  500  franc». 

kwté  3.  — >  Les  membres  qui  composent  1ë  Comité  eenfral  de  h  So* 
ciété  d'anthropologie  sont  seuls  exclus  du  CoHcoon!. 

Aata  4.  —  Tous  les  lrdfaux>  manuscrits  on  imprimés,  adfesilés  ou 
non  I  la  Sociétéi  peuvent  prendre  part  an  concours. 

Art.  0.  -^^Tent  travail  oui  aurait  été  couronné  par  une  autre  société, 
avant  son  dépôt  à  la  Société  d'anthropologie,  est  exclu  du  concours. 

Art.  6.  —  Le  jury  d'examen  se  composera  de  cinq  membres  élus 
au  scrutin  de  liste  par  les  membres  du  Comité  central,  choisis  dans 
son  sein  et  à  la  majorité  absolue  des  membres  qui  le  com(iosent. 

AiiT<  7*  -^  Ce  jur;  fait  son  rapport  et  soumet  son  jugement  à  la  rati- 
fication du  Comité  central. 

Art4  8^  -^  Le  iorj  d'eitamen  sera  élu  quatre  mois  au  tnoins  atant 
le  jour  oii  le  prix  doit  être  décerné» 

art.  9.  —  Tous  les  travaux  imprimés  ou  manuscrits  adressés  ou  non 
à  la  Société  ou  publiés  après  le  jour  où  le  jury  d'examen  aura  été 
nommé,  ne  pourront  prendre  part  an  eoneoufs  du  prix  Godard  que  pour 
la  période  biennale  suivante. 

Art.  iO.  —  «  Dans  le  cas  où  une  année  le  prix  Godard  ne  serait 
pas  décerné»  il  serait  ajouté  au  prix  qui  serait  donné  deux  années 
plus  tard.  »  (Termes  du  testament.) 

Art.  il.  —  Le  prix  Godard  sera  décerné  pour  la  première  fois 
dans  la  séance  annuelle  que  tiendra  la  Société  fn  1865. 


PRIX  BROCA 

rORDÉ  PAR  M"*  BROCA  BN   188i. 


«  C\>  prix  est  destiné  à  récompenser  le  meilleur  mémoire  sur  une 
question  d'anatomie  humaine,  d*anatomie  comparée  ou  de  physiologie 
se  rattachant  à  l'anthropologie.  » 


RÈGLEMENT. 

Article  i*'.  ^  Le  prix  Broca  sera  décerné»  tous  les  deux  ans,  le 
jour  de  la  séance  solennelle  de  la  Socjété. 

Art.  2.  —  Ce  prix  est  de  la  valeur  de  1500  francs. 

Art.  3.  ^  Les  membres  qui  composent  le  Comité  central  de  la  So' 
ciété  d'anthropologie  sont  seuls  exclus  du  concours. 

Art.  4.  —  Tous  les  mémoires,  manuscrits  ou  imprimés,  adressés  à 
la  Société,  peuvent  prendre  part  au  concours;  toutefois,  les  auteurs  des 
travaux  imprimés  ne  pourront  prendre  part  au  concours  qu'autant  qu'ils 
en  auront  formellement  exprimé  Tinteotion. 

Art.  5.  —  Tout  travail  qui  aurait  été  couronné  par  une  autre  société 
avant  son  dépôt  à  la  Société  d'anthropologie,  est  exclu  du  concours. 

Art.  6.  -*  Le  jury  d'examen  se  composera  de  cinq  membres  élus 
au  scrutin  de  liste  par  les  membres  du  Comité  centrai,  choisis  dans 
son  sein  et  à  la  majorité  absolue  des  membres  qui  le  composent. 

Art.  7.  —  Ce  jury  fait  son  rapport  et  soumet  son  jugement  à  la  rati- 
fication du  Comité  centraL 

Art.  8.  —  Le  jury  d'examen  sera  élu  quatre  mois  au  moins  avant 
le  jour  où  le  prix  doit  être  décerné. 

Art.  9.  —  Tous  les  mémoires  imprimés  ou  manuscrits  adressés  à  la 
Société  après  le  jour  où  le  jury  d'examen  aura  été  nommé  ne  pour- 
ront prendre  part  au  concours  du  prix  Broca  que  pour  la  période 
biennale  suivante. 

Art.  10.  —  Dans, le  cas  où  une  année  le  prix  Broca  ne  serait  pas 
décerné,  il  serait  ajouté  au  prix  qui  serait  donné  deux  années  plus 
tard. 


PBIX  BERTILLON 


«  Le  prii  BertilloD  sert  décerné  au  meillear  IraTâil  envoyé  eur  une 
mttièie  concernant  Tanthropologie  et,  notamment,  la  démographie.  ■ 

GoiUHTioiia  : 

i*  Le  prix  Bertillon  sera  décerné^  tous  les  trois  ans,  le  jour  d*une 
aéance  solennelle  de  la  Société; 

2*  Ce  prix  sera  d'une  valeur  de  cinq  cents  francs  ; 

3<^  Les  membres  qui  composeront  le  Comité  central  de  la  Société 
d'anthropologie  seront  seuls  exclus  du  concours; 

4»  Tous  les  mémoires,  manuscrits  ou  imprimés^  adressés  à  la  So« 
ciété,  pourront  prendre  part  au  concours  ;  toutefois,  les  auteurs  des 
travaux  imprimés  ne  pourront  prendre  part  au  concours  qu'autant 
qu'ils  en  auront  formellement  exprimé  rintenlioo; 

5<*  Tout  travail  qui  aurait  été  couronné  par  une  autre  Société  avant 
son  dépôt  à  la  Société  d'anthropologie  est  exclu  du  concours; 

Ô**  Le  jury  d'examen  se  composera  de  cinq  membres  élus  au  scrutin 
de  liste  par  les  membres  du  Comité  central,  choisis  dans  son  sein  et  à 
la  majorité  des  membres  présents; 

7*  Ce  jury  fera  son  rapport  et  soumettra  son  jugement  à  la  ratifica- 
tion du  Comité  central; 

go  Le  jury  d'examen  sera  élu  quatre  mois  au  moins  avant  le  jour  où 
le  prix  devra  être  décerné; 

9^  Tous  les  mémoires  imprimés  ou  manuscrits  adressés  à  la  Société 
après  le  jour  où  le  jury  d'examen  aura  été  nommé,  ne  pourront  prendre 
part  au  concours  du  pnx  Bertillon  que  pour  la  période  triennale  sui* 
vante; 

iO^  Dans  le  cas  où,  une  année,  le  prix  Bertillon  ne  serait  pas  dé- 
cerné, il  serait  ajouté  au  prix  que  Ton  décernera  trois  ans  plus  tard; 

11^  Ce  prix  sera  décerné  à  la  personne,  sans  distinction  de  sexe,  de 
nationalité  ni  de  profession,  qui  aura  présenté  le  meilleur  mémoire  sur 
une  question  anthropologique; 

it"*  Ce  prix  sera  décerné  pour  la  première  fois  dans  une  séance 
solennelle  que  tiendra  la  Société  eu  i8ë9. 


USTE  DES  MEMBRES 

SOeiÉTÉ    D'ANTHROPOLOGIE 


BUREAU  DE  1887. 


Président MM.  MAGITOT. 

1*^  Vi€e'PréHdmt POUK 

2«  Vice-Présidint MAÎHIAS  DUVAL. 

Secrétaire  générûii ...  j ...  i  LETOVRNEAU. 

Seerétaire  généreU  atfJoffK .  t  HER VA. 

Secrétaires  annuels JfAUVELLEi 

Conservateur  des  eoUeclions.  GHUAZlA  WI; 

Archiviste DALLT: 

IHsorier DE  RANSB. 

COMMISSION  DE  tUBUCATlOM. 

MM.  DUREAU; 

LAGNEAÙ. 
THULIÉ. 

Membrea  teM^ralres. 

DuRUT  (Victor),  membre  de  l'Institut,  ancien  ministre  db  Tinstruction 

pubiiqae^  5,  rue  Médîeis.  (i%août  1864.) 
Krantz,  sénateur,  inspecteur  génëml  des  ponts  et  chaussées^  eortimis- 

saire  général  de  l'Biposition  uniterselle  de  1878|   47^  rae  Là 

Bruyère.  (2  août  1877.) 
MAtrlNâ  (Ghariea),  professeur  d^histoire  naturelle  à  la  Fteulté  de  roédé- 

èine  de  Montpellier,  iSf  quai  de  Bétliune.  (7  avril  1864.) 
Rbiun,  membre  de  TAcadémie  française,  professeur  au  Cullège  de 

France^  Â,  rue  Saint-Guillaume.  (3  mut  t860.| 
RoTBR  (M>*  Gléaience)t  9  quater^  avenue  Jourdtitt  (parc  Houtsouris). 

(^janvier  1870.) 
TaÉLAT  (Ulysse),  professeur  à  la  Faculté  de  médecine,  membre  de 

r Académie  de  médecine,  18^  rue  de  TArcode.  (18  aoéi  1889.) 
VoLPiAN,  membre  de  l'Institut  et  de  ^Académie  de  médedue,  doyen  ho- 
noraire de  la  Faculté  de  médecine,  24i  rue  Soufiot.  ({•*  avHi  1889.) 


XX  PBRSOIINBL. 

Membres  tltvlaipes. 

I.  Jfembret  tUuUtirei  réiidant  à  Paris. 

Abbâdib  (Antoine  D*),m6mbre  de  rinstitut,  i20,  rue  du  Bac.  (6ytitni867.) 

AcT  (Ernest  d')^  archéologue,  40,  boulevard  Malesherbes»  (3  dcceni' 
bre  1868.) 

Albert,  prince  héréditaire  de  Monaco,  16,  rue  Saint-Guillaume. 
(1  juiniSHZ.) 

Alolaye  (Em.)>  proresaeur  à  la  Faculté  de  droit,  27,  avonue  de  Paris, 
Versailles.  (18  octobre  i  883.) 

Aux,  D.  M.  P.,  10,  rue  de  Rivoli.  (4  février  1864.) 

Aluire^D.  m.  p.,  médecin  principal  de  !'•  classe  en  retraite,  ex-mé- 
decin enebefde  Tbôpital  Saint-Martin,  15,  rue  Perdonnet.  (6/an- 
w>ri862.) 

Amourocsmeau  (M"*  Jeanne),  étudiante  en  médecine,  22,  rue  Ber- 
thollet.  (14  mars  1886.) 

Aronssobn^  D.  m.  p.,  professeur  agrégé  libre  de  la  Faculté  de  médecine 
de  Nancy,  130,  boulevard  Haussmatin.  (!''  mars  1883.) 

AuBRT  (Paul),  externe  des  hôpitaux,  14,  rue  SoufBol.  {iQ décembre  1886.) 

AuBURTiif  (Ernest),  D.  M.  P.,  ex-chef  de  clinique  h  la  Faculté  de  méde- 
cine, 7,  rue  Las-Cases.  (3  janvier  1861.) 

AuDiPFRED,  avocat,  8>  boulevard  des  Capucines.  (4  mars  1880.) 

AviA  (De  Phrygie),  publiciste,  20,  rue  de  l'Arcade.  (3  décembre  1885.) 

Ata  (M.),  D.  M.  P.,  11,  rue  Sainl-Sulpice.  (17  décembre  1885.) 

Baer  (Gustave-Adolphe),  membre  de  la  Société  d'anthropologie  alle- 
mande, 1,  cité  Bergère.  (19  mat  J881.) 

Baetgr  (Otto),  directeur  de  Tlnstitution  des  onfonts  arriérés,  7,  rue 
Benserade,  Gentilly.  (1"  décembre  1881.) 

Baillargrr,  membre  de  l'Académie  de  médecine,  médecin  de  la  Salpè- 
trière,  8,  rue  de  PUniversité.  (1  juillet  1859.) 

Ball,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris,  membre  de  TAca- 
démie  de  médecine,  179,  boulevard  Saint-Germain.  (18  no- 
vembre  1875.) 

Barbie  du  Bocage  (Victor-Amédée),  membre  de  la  Société  de  géogra- 
phie, 10,  boulevard  Malesherbes.  (22  décembre  1864.) 

Barribr  (G.),  professeur  d*aoatomie  à  TEcoie  vétérinaire  d'Alfort. 
(i0fiMir5l884.) 

Bataillard  (Paul),  archiviste  de  la  Faculté  de  médecine,  119  ôû,  rue 
Notre -Dame-des-Champs.  (17  novembre  1863.) 

BEAOFPORT(Le  comte  Henri  de),  125,  rue  de  Grenelle.  (3  mat  1883.) 


PEBSONRfeL.  XXI 

BcAcmif  (H.-EO,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Nancy,  29,  roe 

des  Ecuriea-d'Arloîs.  (19  novembre  1863.) 
BcAUREGARD  (OllWier),  3,  rue  Jacob.  (8  janvier  1879.) 
Bbrtillon  (Jacques),  D.  M.  P.,  chef  du  service  de  la  atatiatique  mu- 

oicipale,  26,  rue  de  La?al.  (7  février  1878.) 
Bertillon  (Alphonse),  7,  rue  LiUré.  (1"  avril  1880.) 
Bbetrand  (Alexandre),  membre  de  Tlnsiitut,  conaerTatenr  du  Musée 

gallo-romain,  è  Saint-Germain  en  Laye.  {A  février  1864.) 
Bertrand  (Georges),  docteur  en  droit,  8,  rue  d*Alger.  (15  mare  1883.) 

■embre  à  Tle. 
Bes80ii(Eug.),  D.  M.  P.,  licencié  es  lettres,  licencié  en  droit,  95,  rue  de 

Seine.  (24  mot  1860.) 
BiDâRD,  D.  M.  P.,  ancien  interne  des  hôpitaux  de  Paris,  9,  rue  de 

Snresnes.  (3  janvier  1878.) 
BiHET,  D.  M.  P.,  32,  rae  Saint-Paul,  {il  juillet  1884.) 
Blanchard,  D.  M.  P.,  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine,  9, 

rue  Monge.  (15  jtittt  1882.)  MeMbre  à  vie. 
BuGNiÈRES  (Célestin  db),  capitaine  d*artillene,  38,  rue  de  Longchamps, 

à  Neoiily  (Seine).  (5  février  1863.) 
BuM»,  D.  H.  P.,  10^  boulevard  Poissonnière.  (19  décembre  1878.) 
BoissoKNEAU  (A  .-P.),  oculariste,  28,  rue  Vignon.  (I";iw7(él  1880.) 
Bonaparte  (Le  prince  Roland),  22,  Cours  la  Reine.  (7  février  1884.) 

■embre  à  vie. 
DoNRAPONT,  D.  M.  P.,  ancien  médecin  principal  de  Tarmée,  3,  rue  Mo- 

gador.  (1"  mars  1866.) 
BoNNAMADx  pèrc,  architecte,  53,  rue  de  Dunkerque.  (6  décembre  1883). 
BoNNARD,  avocat  à  la  Cour  d'appel,  agrégé  de  philosophie,  49,  rue.de 

Grenelle.  (6  décembre  1883.)  ■emlbre  à  vie. 
BoNNEMÈRR  (Lionel), avocat,  47,  rueNotre-Dame-de-Lorette.(6mat  1880.) 
BoNNtER  (Pierre),  75,  rue  Madame.  (3  awHl  4884.) 
BoRMER,  D.  M.  P.,  professeur  à  l'Ecole  d'anthropologie,  44,  avenue 

Marceau.  (21  décembre  1876.) 
Bosc,  architecte,  auteur  du  DictUmnaiire  d^architecturey  3,  rueSéguier, 

et  au  Val-des-Roses,  à  Nice.  (8  rwvêmbre  1877.) 
Breut  (Ernest),  35,  rue  d^Offemont,  place  Malesherbes  (17*  arrond.). 

(5yufii4875.) 
Broca  (Auguste),  D.  M.  P.,  prosecteur  à  la  Faculté  de  médecine,  1,  rue 

des  Saints-Pères.  (4  novembre  1880.) 
Broca  (Georges),  ingénieur  civil,  48,  quai  de  ia  Mégisserie.  (5  fé' 

vrier  1880.) 
Bkoca  (Emile),  licencié  en  droit,  16,  rue  des  Pyramides,  {ti  février  1880.) 
Brouardel,  doyen  de  la  Faculté  de  médecine,  195,  boulevard  Saint* 

Germain.  (4  novembre  1875.) 


BuuflVT  (à.),  trebitecte,  rue  d'UliQ,  3^.  (5  novm4r«  1880.) 
Gamds,  D.  m.  p.,  34,  rue  GodpHierMAUroy.  (20  ^^  mi») 
Capitan  (Louis),  Q.  II.  B.,  tDKJen  ioterp^  des  |)ôpiM|M3^>  ph^f  (]^  jcliiû- 

qup  jk  1»  FfCMlté  de  B>é(jf(ciDe,  $,  rue  des  Ursuliue^.  (1 7  mqr$  i^8i .) 
Gablier  (Auguste),  publipigt^,  42»  rqe  de  P^rljn.  (7  juilUt  iS64.) 
Carpentier-Méricque?>  D.  lif.  P.}  6,  rue  Villedo.  [i^^juin  1877.) 
GuHPSCBi  (Henri),  7,  avenue  ye||squez  (parp  Monc^auif).  (î(  a(^|  1^7^.) 
CHAMBELLAB(V.)t  0.  II.  P.,  61,  bpul^v^rd Séb|istpPQi.  (20  juUletm^.) 
Çhadtaro  (P.),  préparateur  du  laboratoire  (le  pbiipie  fie  TBoole  poly- 
technique, 47,  rue  OlIivier-de-Serres.  (1«"  mar^  1883.) 
GHAiBUCfT  (d9),  3,  rue  Sain^Dominique,  (4/iH^ft«f  1875.) 
Gbarn AT  (Désiré),  archéologue,  38,  boulevard  Magenta.  (lîi/^vrMr  1983.) 
GnERvin  (Arthur),  D.  M.  P.,  directeur  de  r{ostitut|oQ  des  bègy^a  de 

Paris,  82,  avenue  Victor-Hugo.  (15  février  1877.)  ■embre  à  vie. 
Ghoquet,  d.  m.  p.,  (3,  rilP  de  Seine.  (2marj  1882.) 
Cuvwimwj,  premier  préparateur   au  laboratoire  d'anthropolq^e,  5, 

rue  du  Faubourg-SaipMgoqiips.  (5  ooiU  1880.)  Memlir*  à  yle. 
C14M  (C.tT.),  7,  rue  (i'Arm^illé,  aux  Ternes.  (l&  juillet  1877.) 
GoiGNARD,  D.  M.  P.,  10,  rue  de  Gonatantinople.  (17  avril  1870.) 
GoLLiGMOfl  (René),  B.  M*  P.,  médecin riyi^jor  au  25*  de  ligqe,  à  ^giat- 

Denis  (Seine).  (âQ  oiaî  1886.) 
GoLUNBAD,  D.  M.  P.,  84,  rue  d'Hauleville.  (4  juUiet  1867.) 
GoRNiL,  sénateur^  professeur  à  la  Faculté  de  méd^isine  de  Paris,  19^ 

rue  Saint-Guillaume.  (1"  ^oUi  iB&l.) 
GoTARD,  D.  M.  P.,  ex-interne  des  hôpitan^,  2,  rue  du  Bois,  h  Vapves. 

(f8;aiM2itrl872.) 
GûTTEAU,  ancien  président  de  la  Socjéffî  géolpgique  de  France,  17» 

boulevard  Saint-Germain.  (3  jmn  l^£i9.) 
GiilU»6T  (Bugène)»  bQmme  d^  lettres,  50,  rue  Delabordp.  (16  déçem^r$ 

1869.) 
GaovzAT,  D.  M.  P.,  préparateur  (]q  copr^  d*accouchei|ient  à  la  ^acpUé 

de  médecine,  24,  boulevard  de  Sébastopol.  (16  man  1882.) 
ÇuïpR  (Edouard),  p^i^tre,  prosep^qr  à  TËcole  des  beaux-arts,  13,  rue 

de  Seine.  (4 /^Tt«r  1886.) 
Dariir  (Pau)),  bqis^ier,  5,  rue  du  Faubourg-Saint-Honoré.  (!*>'  mafs 

1883.) 
Ql^iNpoufiT  (Emmanuel),  Q.  M.  P.,  (^,  rue  de  Tournpn.  (2p  déçem^^ 

bre  1883.) 
Df LUT  (Eugène),  D.  H.  P.,  professeur  ^  TEcple  d'anthfopologj^,  ^j  rue 

Legendre.  (21  mar*  1861.)  ■emfcre  à  vie. 
D^Lf  (Césçr),  fl|rec(^ur  dp  là  flevm  d'arçhileclure,  51,  rue  desEcqles. 

(19  joiHïifr  186^.) 
Darestb,  d.  m.  p.,  37,  rue  de  Fleurus.  {FomiiHeur.) 


mu 

DiELOf ,  coiMfilar  maiiiciptl,  1S5,  boulevMTfl  y«ll«irt.  (M  tmU  IMV.) 
Datid,  D.  m.  p.,  180,  boulevard  Saint-Q«r»aîa.  (Si  jmH$t  iWi.) 
IhEaftfTx,  D.  M-  ?•>  «ncm  directeur  d«  TEcole  de  qdédeeiae  de  f^U 

au-Prince,  98^  roe  Oberkempf.  (31  ititn  1888.) 
Dei^iapve>  ancieo  ipédeciq  de  Thospice  de  I&  Sjilp^tfièr»,  3)}^  nm  dU 

âommerard.  (Fç^f^^te^r.) 
DEf.B9iTB  (Ju|ee),  8,  rpe  Vigeofi,  et  38,  riip  de  rOrpMinat,  à  Fleury- 

Meudon.  (ÏQ  décembre  1880.) 
P^l(f.^  D.  M.  P.,  préparateur  d'fAtbropologie  au  Mus^uip,  ?Û,  rue 

Gay-Lussac.  (15  février  1883.) 
Dn^fSLB  (F'ni^sais),  cQoeifl  f)^  l'«  classe,  ^%  rue  (ItalUée.  (Q  m^i  iW)- 
Dehou  (4.)9  oaturalifite,  6,  rue  p'riQçoia  p'.  (5  ^opem^re  198tt.) 
Duiif (R,  doe^ur  es  ^cieuees  Qelurelle«,  î(3i  fveuiie  dee  BpbeliDs. 

(20  janvm  mi')  Mf^mkfP  ♦  ▼••. 
DipioT,  Q.  M-  P-t  médecîQ  ioipepOur  géq<ial^  présidept  du  CwnHé 

consultatif  d'byg^pe^  fi9,  ereque  d'ApMi^*  (4^'  «mt-i  186Q,) 
QoiN,  li|)raire-édit^i|r,  8,  pl^ce  de  TQ^^od.  [^ /iéprifr  1888.) 
Doumat  (Léon),  ingénieur,  pep^iller  mimieipal,  U,  rt|e  Chardin. 

ii^  f^rier  im,) 
DouGLASs  (Andrew,  E.),  de  New-Tork,  99,  avenue  des  (Sbwpff- 

Elyféfig.  (!S  |i»(»il847.) 
Drouàult  (Cbarlae),  4,  iPUfi  4fftojpe7Diitai«*  ((3n^emtr«  1878.) il«>*- 

bre  à  yfte. 
DucBaaap  (EMgèoe-MoPii  P*  V.  P.,  \\m^  9°  droit,  34,  rue  TrARr 

chet.  (19  mars  188^.) 
DocHiNsii  (F.-H.),  4^  Jfiew,  §1,  FMe  4e  Pawy.  (6  juillet  i^65.) 
Dur  AT,  p.  M.  P.,  génafeurde  l-oir-^i-q|ïeF,  76,  r^^  d'^sf  »«.  (  t  Srifarf }  8§fl:) 
DuGUET,  professeur  agrégé  à  la  F^(;uU@  4fi  m^4eci|)e,  §0,  rue  ^e  |A)M4{'^i: 

[4  novembre  1875.) 
DpsiASf,  professeur  d'histpire  et  de  gépgrapbiç  4t|  )yc^e  I^p^UTlç-Gcand. 

({•^  décembre  i%S\.) 
Ddpiat  (Simon),  profpstjppr  &  la  FacuUé  de  méd^cinp  4^  Parig,  2^  rqe 

de  Penlhièyre.  (17  décernée  m^.) 
Dpii^u  (Alexis],  bihliûlbécaireder^çadémj)5  de  p)^4epi(i^>  ^^'  f^f  ^^^ 

Saints-Pères.  (2  orrii  1863.) 
DuçsELeoRP,  11,  ru#  ffquyeiie.  (30  mar$  (8840 
Ddval  (Mathias),  membre  de  TAcadémie  de  fné^eplf)^,  ppfaaseur 

à  la  Papulté  de  médecjne,  professeur  à  TEçoIff  it'^nlhrqpoJQgi^i 

41,  cité  Malesberbes  (rue  des  Martyrs).  (\9ifHin  j?'^?.)  Megili^ 

Do?  (Je^n),  12,  rue  Grpvauï.  (3  qoilt  J877.) 
EcBER^c  (d*),  inspecteur  de  TAçsistance  publjqi^e^  maire  dç  Sèvres^  6^ 
cbemin  des  Çomqrpg,  à  Sèvres.  (*  mars  IÇpO.) 


ZX1T  PnSORRIL. 

Edwabds  (Mh«  Blancbi'],  interne  provisoire  des  hôpitaux,  330,  rue 

Saint-Jacques.  (Si  atfril  1887.) 
EicBTHAL  (Adolphe  d'),  président  du  couseil  d'administration  des  chemins 

de  fer  du  Midi,  42,  rue  des  Mathnrins.  {il  juin  1875.) 
EscHENAUER  (le  pasteur),  149,  boulevard  Saint-Germain.  (18  mai  4876.) 
Faidherbb  (le  général),  sénateur,  membre  de  l'Institut,  grand  chance- 
lier de  la  Légion  d*honneur,  palais  de  la  Légion  d'honneur. 

{i9  décembre  iSQl.) 
Falret  (Jules),  D,  M.  P.,  médecin  de  Bicètre,  î,  rue  Falret,  à  Vanves-. 

(7  décembre  186».) 
Faitvellb,  D.M.P.,  ii,  rueMcdicîs.  (4yant^t«rl883.)lienibre  à  rie. 
Féré  (Charles),  D.  M.  P.,  médecin  de  la  Salpélrière,  ancien  interne  des 

hôpitaux  de  Paris,  37,  boulevard  Saint-Michel.   (3  janvier  4878.) 
FiAUX  (Louis),  D.  M.  P.,  89,  rue  Condorcet.  (2  janvier  1878.) 
FiEUZAL,  D.  M.  P.,  médecin  en  chef  de  Thospice  des  Quinze-Vingts, 

110,  boulevard  Haussmann.  (29  novembre  1866.) 
Flobert  (Gaston),  secrétaire  pour  les  commissariats  de  police  de  la 

Seine,  47,  nie  Brochant.  (5  juillet  1885.) 
Flournot  (Ed.),  étudiant  en  sciences,  13,  rue  Bonaparte.  (46  avril 

1885). 
FoviLLE  (Achille),  D.  M.  P.,  inspecteur  général  des  établissements  de 

bienfaisance,  177,  boulevard  Saint-Germain.  (1  juillet  1859.) 
FuMODZB,  D.M.P.,  78,  rue  du  Faubourg-Saint-Denis.  (fOjuin  1872.) 
Gaillard  (Georges),  D.  M.  P.,  182,  rue  de  Rivoli.  (26  octobre  1879.) 
Gallois  (Jules),  64,  rue  de  la  Boëtie  (6  mai  1875.). 
Gashb,  d.  m.  p.,  5,  rue  Brochant  (5  juin  1873.) 
Gaudermen  (Alcide),  licencié  en  droit,  22,  rue  Beccaria.(5/(^rt>r  1880.) 
Gaume,  d.  m.  p.,  13  bis,  rue  des  Mathurins.  (18  octobre  1866.) 
Gavarrit,  professeur  honoraire  à  la  Faculté  de  médecine,  membre  de 

l'Académie  de   médecine,  73,  rue    de  Grenelle-Saint-Germain, 

(23  août  1860.) 
Geoffroy,  D.  M.  P.,  12,  rueMalher.  (5jutnl879.) 
Geoffroy  Saint-Hilaire  (Albert),  directeur  du  Jardin  zoologique  d*ac- 

cllmalalion,au  Jardin  zoologique  d'acclimatation,  Neuilly  (Seine). 

(ib  février  iBSS.) 
George  (Hector),  D.  M.  P.,  licencié  es  sciences,  8,  rue  des  Ecoles. 

(18  novembre  1869.) 
Geslin,  peintre  et  architecte,  23,  rue  Lacondamine.  (5  août  1875.) 
GiLLEBERT  D*HERCODRTfils,  D.  M.  P.,  115,rue  Lafaycttc.  (3  janvier  1884.) 
GiLLBT- Vital,  ingénieur,  74,  quai  Jemmapes;  (20  mai  1875.) 
GiGNOux,  ancien  avoué,  64,  avenue  delà  GrandcTArmée.  (15  mat  1878.) 
GiRABD  DE  Rialle,  chcf  de  la  division  des  archives  au  ministère  des  af- 
faires étrangères,  1,  place  Pereire.  (21  janvier  1864.) 


PKHSONIfBL.  XXV 

GoGUEL  (Alfred),  D.  M.  P.,  médecin  de  la  Compagnie  des  "Messageries 

maritimes,  Î7,  me  de  rEchiqnier.  (2!  fèwier  1878.) 
GoRECKi  (Xavier),  D.  M.  P.,  16,  rue  Daiipbine.  (20  fwvemhrt  1879.) 
GftAFnn,  publicisle,  13,  rue  de  Rivoli.  (19  février  1874.) 
GuiLLOFf  (Alfred),  D.  M.  P.,  90,  rue  Saint-Lazare,  (ti  février  1880.) 
GcTOT  (Yves),  député  de  la  Seine,  publiciste,  95,  rue  de  Seine.  (7  mai 

1874.) 
GoYOT  (Prosper),  publiciste,  i66,  boul.  Moniparnasse.  {3  févrieri^T.) 
HiMT  (Ernest),  D.  M.  P.,  aide-naturaliste  d'anthropologie  au  Muséum 
d'histoire  naturelle,  conservateur  du  Musée  d'ethnographie,  40, 
rue  de  Lubeck,  avenue  du  Trocadéro.  (21  mars  1867.) 
Hàrmaiid,  D.M.  P.,  225,  rueduFaubourg-Sainl-Honoré.(5  avril  1875.) 
HeifiiDTBR,  imprimeur-éditeur,  7,  rue  Oarcet.  [Q  janvier  1881.) 
Hervé  (Georges)^  D.  M.  P.,  professeur  adjoint  à  TEcole  d'anthropo- 
logie, 49^  rue  Labruyère.  (10  novembre  1880.) 
BoTTiNGUBR,  ié,  ruo  LafBtte.  (iS  novembre  1880.) 
HovELACQUB  (Abol),    profossour  à  TÉcole  d'anthropologie,  conseiller 

municipal,  39,  rue  de  l'Université.  (17  janvier  1867.) 
HoBBARD  (Gustave-Adolphe),  député  de  Seine-et-Oise,  2,  rue  de  Bour- 
gogne, {^janvier  iSSl.) 
Bureau  de  Villeneuve (Abel),  D.  M.  P.,  91,  rue  d'Amsterdam.  (2  avril 

1863.) 
Htades,  d.  m.  p.,  médecin  de  \^  classe  de  la  marine,  6,  rue  Oudinot. 

(19;ttinl879.) 
IssAURAT,  homme  de  lettres,  98, boulevard  Saint-Germain.  (7  mai  1874.) 
Jacquemin  (Eugène),  métallurgiste^  8  et  10,  place  Voltaire.  (6  dé- 
cembre 1877.) 
Janvier  (LouisnJosepb),  D.  M.  P.,  lauréat  de  la  Faculté  de  Paris,  rue  de 

l'Ecole-de-Médecine,  hôtel  Saint-Pierre.  (21  décembre  1882.) 
Javal  (Emile),  D.  M.  P.,  député, directeur  du  laboratoire  d'ophthnimo- 

logie,  58,  rue  de  Grenelle.  (15/iîf?nerl872.)  Hemlire  à  vi©, 
Jennings  (Oscar)^  membre  du  Collège  royal  des  chirurgiens  de  Londres, 

95,  avenue  des  Champs-Elysées.  (19  juin  1879.) 
JouRDANET,  D.  M.  P.,  1,  Hie  de  Berry.  (i*^  juillet  1875.) 
Jou88EAUME,D.  M.  P.,6,  ruc  de  Vanves.  (l«'mar«  1866.)  Membre  à  vie. 
JouvENCBL  (Paul  de),  député  de  Seine-et-Oise,  66,  rue  de  Rennes. 

(22  novembre  1860.) 
JooLAR  (M"«  J.),  58,  rue  dès  Mathurins.  (3  mars  1881 .)  Hembre  à  irle. 
Kahar  (M"**  Bertha,  née  Meilach),  licencié  es  sciences,  64,  boule- 
vard du  Port-Royal.  (1"  avril  1886.) 
Karn  (Isaac)^  58,  avenue  du  Bois-^de-Boulogne.  (2  mat  1878.) 
Kercehoffs,  professeur  à  TEcole  des  hautes  études  commerciales, 
17,  rue  Vauquelin.  (19;ut7te^  1883.)  • 


XXYÏ  PEJISOIfNRf- 

LiQADiE-U^RiTE»  p.  M-  P*i  médecio  des  hôpit^MX,  8,  avenue  ||qi); 

taigne.  (4  viuir$  1869.) 
La  BépoLLiÈEB  (oe),  capitaine  de  vaisseau,  comipaDdant  le  Suffçeif^^  ^ 

Toulon.  (21  ;uf«^M88i.) 
Laborde,  D.  m.  p.,  chef  des  travaux  de  physiolpgie  à  la  Facqlté  dP 

médecine,  15,  rue  ()^  TEcole-de-Médecine.  (3  août  1876.)  Hem* 

bre  à  Tie. 
Lacombe  (P.))  ayenne  du  Marché,  à  Ghareqton.  {±\  avril  1887.) 
Ladreit  de  Lachabriére,  médecii^  en  chef  de  Plpstj^utjpn  nationale  de^ 

sourds-muets,  1,  rue  Bonaparte.  [|i  jjuillet  1^4*] 
Lafargue  (Paul),  O.M.,puhliciste,  66,  boulevard  du  EortrRQyal.(3^'iiin 

1886.) 
Lagneau  (Gqstaye),  D.  M.  P.,  fnembre  de  l'Académie  de  médecine^ 

38,  rue  de  ja  Çhaiissée-d'Anlin.  (18  août  13$i9.) 
Laguerre   (Georges),  §fQcat,   député^  11,    ru.e  Bernou|||i.  (7  jan- 

«ter  1886.) 
Laie  (René),  60,  rue  3aint-Ândrérdes-Ârts.  (4  tfuir^  1886.) 
Lamouroux,  d.  ]j[.  P.,  150,  rqe  de  Rivpii.  (6  juin  1872.) 
Lavy  (Ernest),  113,  bpu|eyard  ^^\X9Sïï\^^^/(^çefobre  1878.)|Ieml»r^ 

à  vie. 
Undolt,  d.  m.  p.,  4,  rue  Volney.  (l«f  avril  1875.) 
Landowski  (Paul),  D.  M.  P.,  36,  rue  Blanche.  (8  j'anmer  1880.) 
Lanessah  (oe),  député  de  )a  Seine,  professeur  agrégé  à  la  Faculté  ((e 

médecine  de  Paris,  13,  rue  des  Halles.  (6  janvioJf  1881.) 
Lann^ongub,  professeqr  à  la  Faculté  de  pnédecine  de  Paris,  meml^re 

de  l'Académie  dp  piédecine,  3,  rue  Frapçois  I*'.  (1®^  viar^  1^77.) 
Landrin  (Armand),  conservateur  du  Musée  d'ethnograp))ie,  at)  palais  du 

Trocadéro.  (3  fim7 1 879.) 
Larrit  (le  baron],  ancien  dépisté,  m^ipbire  de  TlnsUtut  et  de  TAca- 

déipie  de  médecine,  9),  rpe  de  Lille.  (19  avril  1877.) 
LatteuXjD.M.  P.,  chef  du  laboratoire  à  la  clinique  de  ^'Facult^  de  mé- 
decine, 4,  nie  ^ean-Lantier.  (3  août  1876.) 
Lattt,  d.  m.  p.,  7,  rue  Léonip.  (6  mqrs  1884.) 
Lavroff  (Pierre),  328,  rue  Saint-Jacqqes.  (21  avril  1870.) 
U  E(AfiO!i  [Ji|lps),  D.  ^.  P.,  inspecteur  suppléant  des  jeqpes  enfqqt^, 

4,  eue  de  Ljlle.  (19  mai  1881.) 
Le  Blond  (Albert),  D.  M.  P.,  53,  rue  d'Hauteville.  (7  novmpvf  1^72.) 
Lp  Bpn,  d.  ^.y  29,  rue  Vignon.  (18 jui7^ee  ^878.) 
Le  Cqïw  (Albert),  D.  M.  P.,  |5,  rpe  Qq^négaujl.  (4  ^fçfVf^r^  ^87^.) 
Lecrosnirr  (E.),  libraire-éditeur,  placp  de  rEcole-fj^-M^decipe.  (20  no- 

vemhre  1884.) 
Lbfèvre  (André),  hopime  de  letlires,21,rqe  qautefeui||e.  (7  fr|<ft  j?74.) 
Legrand  (Maximin),  D.  M^  P.,  e^-cbef  de  cliniqqe  à  la  Faculté  de 


PKRSOailEL.  XXTII 

inidecine,  39»  rue  de  (rrenelle-S^Int-Germain.  ({7  novembre 

i859!) 
Lb  HARCig,  17,  T^fi  Chanaleilles.  (3  avrH  iS!79.) 
Lb  Rousseau  (Julien),  42,  boulevard  dUt^lie.  (2i  novmntir^  tB67.] 
Issfi^f^  (4lex.rAn(|.|,  109,  bpplev8r4  B^^umarchftjs.  (^/<>nPKr  i877.y 
Le  Sppfi»  (Erutst},  D.  |f.  p.,  anoien  chifUFgien  ^^  |}|  marine,  4,  rue 

de  POdéon.  (2  février  1865.)  Membre  à  vie. 
Letqpbseau,  p.  1kl.  P.,  prpfesseuF  à  Ppcple  d'aRlbrppolpgie,  70,  bqu- 

levard  ^ïnt-Michel.  {\9  janvier  1865.) 
LEyA^cuit,  i^pmbrp  de  riqçtiMit,  profe^^eur  au  Collège  de  France,  26^ 

rue  MoDsieur-le-Prince.  (17  mars  188i .) 
Ledpet,  P-  m.  p.,  43,  rue  Tailboul.  (20  novembre  1879.) 
LiouviLLB,  D.  M.  P.,  député  de  la  Meu^e,  pfofesseur  agrégé  à  la  Faculté 

de  ipédecine,  n^é^ecin  des  hôpitaux,  3,  auai  Malaquais.  (18  no^ 

vempre  I875.) 
LojSEAq  (Charles),  D.  I^.  p.,  12,  rue  Pernelle.  (17;uin  1875.) 
LuGOL  (Edouard),  avocat,  11,  rue  de  Téhéran  (parc  Mopppaux).  (8  no" 

vembre  186^.] 
LcT^,  paembre  de  rAcadén^ie  de  médecinp,  médecjn  des  hôpitaux,  20, 

rue  de  Grenelle-Saint-Germain.  (18  août  1g59.) 
MAGiTOf,  D.  M.  P.,  8,  rue  des  Sainta-Père^.  (20  décembre  i860.) 
Magnaii,  d.  m.  p.,  hospice  Cabaniq,  rueFefrus.  (2  noven^bre  1876.) 
Magniv,  Q.  y.  P.,  34,  rup  Laborde.  (20  décembre  1883.) 
MAHOU0EAU  (P.-G.),  111,  rue  Monge.  (3  f^rier  f^SJ*) 
MAHeenoT,  D.  j)f.  P.,  52},  avpnup  dllalje.  (1''  mars  1883.) 
Mamouvrier,  b.  M.  P.,  préparateur  au  laboratoire  4^f|Btbropologie  de 

racole  dps  hapte^  ^tude^,  profeasepr  adjoint  |  TEpole  fl^antl^rpr 

pologie,  15,  rue  de  TEcole-de-Médeoin^.  (5iff;fpier  1^.)  Hem- 

bre  à  vif, 
Marcai«9,  d.  V,  P.^  aociei)  intepe  des  |i6pitaux.  5,  rue  de  Thann* 

(17 /évriiîf  1887.) 
Marche  (Alfred),  voyageur,  30,  rue  Gay-Lussac.  {i6  janvier  1879.) 

Membre  i^  vie. 
Marmptt^n,  d.  I|.  p.,  ancien  député  de  la  Seine,  31,  rue  Deshordes-. 

Valmore.  (20  moi  1875.) 
Martel  (E.  A.),  j|VQcat,  5,  rqe  ^|eyerbeer.  (3  décembre  1885.) 
Martin  (Hippolyte),  D.  Âf.  P.^  62,  rue  de  faCh^ussée-d^Antin.  (5  dé- 
cembre 1878.) 
Martin  (André),  D.  M.  P.,  auditeur  au  Copnité  cpnçpUqtif  d*hygiène. 

3,  rue  Gay-Lus^ac.  (3  février  18^1.) 
Maspéro,  professeur  au  Collège  de  France,  membre  de  Tlnstitut,  24, 

avenue  de  rQbservatoirp.  (20  maî  1880.) 
Masséna  (duc  de  Bivoli),  8,  rue  iean-:GpDjon.  (3  aqiit  1871 .) 


XXVIII  PERSONNEL. 

Massignon,  étudiant  en   médecine,  93,  rue  Saint-Honoré.  (15  marg 

1883.) 
Masson  (Georges)^  libraire  de  rAcadémie  de -médecine^  120,  boulevard 

Saint-Germain.  (16  mai  1861.) 
Mater,  conseiller  municipal,  40,  avenue  Philippe-Auguste  (5 mat  1887.) 
Maoduit  (Pierre-Isidore),  D.  M.  P.,  13,  rue  du  Temple.  (19  novem- 
bre ims,) 
Maunoir,  secrétaire  général  de  la  Société  de  géographie,  3,  square  du 

Roule.  {\^  février  1883.) 
Metners  d'Estret  (le  comte),  D.  M.  P.,  6,  place  Saint-Michel.  (21  fé' 

VI  ter  1884.) 
MiLLAUo  (Edouard),  ministre  des  travaux  publics^  sénateur  du  Rhône, 

78,  avenue  Rléber.  (3  juin  1880.) 
MiLLEscAMPS  (Gustave),  membre  du  comité  archéologique  de  Sentis, 

10,  rue  de  Lamennais.  (22  janvier  1874.)  Membre  à  vie. 
AlizoN  (A.),   attaché  au  ministère  des  beaux-arts,  15,  rue  Ramey. 

(4  mat  1882.) 
MoNCELON  (Léon),  ancien  membre  du  Conseil  supérieur  des  colonies, 

délégdé  de  la  Nouvelle-Calédonie,  1,  rue  Touiller.  (21  janvier 

1886.)  Memlire  à  vie. 
MoNoiÈRE,  D.  M,  P.,  médecin  de  la  marine  en  retraite,  7,  rue  Cam- 

pagne-Preraière.  (7  aotl<187i.) 
MoNOD  (Charles),  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine,  12,  rue 

Cambacérès.  (15  février  1872.) 
BloNTBLANC  (le  comtc  Ghislain  des  Cantons  de),  8,  rue  de  Tivoli, 

(21  avril  1864.) 
Morgan  (Jacques  de)^  ingénieur  civil  des  mines,  1,  avenue  de  ViU 

lars.  (17  décembre  1885.) 
Moricand,  d.  m.  p.,  86,  rue  de  Courcelles.  (\B  juillet  1873.) 
MoRTiLLET  (Adrien  de),  secrétaire  de  la  rédaction  du  jouitial  VHommc, 

3,  rue  de  Lorraine,  Saint-Cermain  en  Laye.  (17  novembre  1881.) 

■embre  à  irie. 
MoRTiLLET  (Gabriel  de),  député  de  Seine-et-Oise,  professeur  à  l'Ecole 

d'anthropologie,  maire  de  Saint-Germain  en  Laye.  (2  février 

1865.)  Hemlire  à  vie. 
Motet  (A.),  161,  rue  de  Charonne.  (17  février  1887.) 
MoDGEOLLE,  aucicn  élève  de  TEcole  polytechnique,  17,  rue  Diderot, 

a  Viocennes.  (17  décembre  1885.) 
MoussAUD,  D.  M.  P.,  Ty  boulevard  de  SébastopoL  (18;tft7/ef  1861.) 
Nadaillac  (le  marquis  de),  membre  de  Tlnstitul^  18,  rue  Duphot.  (15 

avril  1869.) 
Neis  (Paul),  D.  M.  P.,  médecin  de  l'«  classe  de  la  marine,  rue  et 

hôtel  Racioe.  (17  mat»  1881.) 


pnsoifiiiL.  xxix 

Nbptbu,  D.  m.  ?.,  chef  de  laboratoire  à  la  Pitié^eO^  rue  d*HaiiteTil)e. 

(47  intii  4875.) 
Névbrléi  (le  comte  db)»  ancien  officier  de  marine,  28,  rue  Jean-Goujon. 

(15  décembre  1881.) 
Nicolas,  0.  M.  P.,  médecin  à  la  Bourboule,  126,  bouloTard  Pereîre. 

(3  mari  1881.) 
Nkolk,  11,  bouleyard  du  Palais.  (5  décembre  1878.) 
OixiTifta,  D.  M.  P.,  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine,  5,  rue 

de  rUniyersité.  (3  aoûtiSie.) 
Pasqvieb  (L,),  directeur  des  affaires  municipales  è  la  préfecture  de  la 

Seine,  5,  rue  Bastiat.  (21  a^ril  1887.) 
PteATÉ,  D.  M.  P.,  26,  rœ  des  Ecurîes-d* Artois.  (17  décembre  1868.) 
Pbteb,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine,  membre  de  TAcadémie 

de  médecine,  20,  me  de  Hambourg.  (3  février  1876.) 
PniLBEET,  0.  M.  P.,  médecin-inspecteur  des  eaux  de  Brides -lefl-Bains, 

34,  boulevard  Beaumarchais.  (17  marj  1881.) 
PiETKiBwiGz(yalérius),  D.  M.  P.,  62,  rue  des  Mathurins.  (18 inUlet  1 878.) 
PiÉTREMEirr ,    Tétérinaire  miliUiire  en   retraite,  31,   rue   Denfert- 

Rochereau.  (19  mwrs  1874.) 
PiKETTT,  archéologue,  11,  boulevard  Bourdon.  (18mari  1886.) 
Ploix,  ingénieur  hydrographe  en  chef  de  la  marine,  en  retraite,  47, 

rue  de  Verneuil.  (4  mars  1869.) 
PoifCBT,  D.  M.  P.,  professeur  au  Val*de-Gràce,  76,  rue  Notre-Dame* 

des-Champs.  (7  avril  1881.) 
PoRSOT  (A.),  122,  rued'Assas.  (7  février  1884.) 
PoussiÉ,  D.  M.  P.,  64,  rue  de  Rivoli.  (7  février  1884.)  MeMbre  à  vie. 
Pozzi  (Samuel),  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine,  chirurgien 

des  hôpitaux,  10,  place  Vendôme.  (21  avril  1870.)  • 

Proust  (Adrien),  professeur  à  la  Faculté  de  médecine,  membre  de  l'Aca* 

demie  de  médecine,  9,  boulevard  Malesherbes.  (19  d^cem6r#1861 .) 
QuATEBFAGBS  DE  Bbéad  (Armand  bb),  membre  de  Tlustitut  et  de  l'Aca* 

demie  de  médecine,  professeur  d'anthropologie  nu  Muséum  d'his- 
toire naturelle,  36,  rue  GeoSroy-Saint-Hilaire.  (2  février  1860.) 

■embre  à  ▼!•• 
QiiiNQUAOD,  médecin  des  hôpitaux,  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de 

médecine,  5,  rue  de  l'Odéon.  {^décembre  1879.) 
Raboubdu  (Lucien),  50,  rue  des  Ecoles.  (17  mars  1881.) 
Rause  (Félix-Henri  de),  D.  M.  P.,  correspondant  de  PAcadémie  de 

médecine,  rédacteur  en  chef  de  la  Gazelle  médicale,  85,  avenue 

Montaigne.  (Û  février.  1863.)    ' 
Reclus  (Elie),  72,  boulevard  du  Port-Royal.  (17  février  1884.) 
Rbihwald,  libraire-éditeur,  15,  rue  des  Saints-Pères.  (3  février  1876.) 
Rémusat  (Paul  de),  118,  rue  du  Faubourg-Saint-Honoré.  (2  mat  1861.) 


RsT  (AHslide],  député  dé  i^Iâèré,  i,  bdbléVaH  Morladd.  (8  iûmh 

1880.) 
Rki  (Phîlippîë),  b.  k.  V.,  thédefeih  ïdjoidi  t  hsMi  tduclu^è  (Sëiâé- 

et-Oise).  (49  avril  1883.) 
ftkn^iEh  (Paul},  professedi"  iiu^  à  la  F'àcilltê  de  rbéflecide^  bhirtîF- 

gieo  des  hôpitaux,  11,  rue  de  Rome.  (!«'  novénibrè  1883.) 
Reyrier  (J.-B.),  D.  y.  P.i  «,  avenue  de  Èi'gni.  (2  rf^ifêtHftr»  1888.) 
Ri^BMoirt,  D.  M.  P.,  pi^fési^eur  agrégé  &  h  FacUlté  de  hnédeëinl,  ib, 

bouleyard  Malesherbes.  (3  août  i876.) 
RttOT  (Tb.),  directeur  de  lé  Rebué  j^hiloêbphi^uèj  186,   boùl^fàrd 

Saiat-GermaiQ.  (5  févriet  18èA.) 
RidtÉÉt  (QhAtles);  0:  M;  P.,  phiA^éUr  égHgé  à  là  Fiictttlé  de  fiÉéde- 

einé,  l»i  rue  de  rUniyeiiiUé.  (»  ttvHf  18t7.) 
RiTTi  (Antoine),  D.  M;  P.,  Maison  itattètliile  de  OhaHidton-^irtt-Mau- 

rice.  (iO  ftiai  1879.) 
RodUHD  (Jules),  inspecteur  ^nëràl  eU  retraite  dU  kéHibé  de  s^nté  de 

la  marine,  membri»  dé  rAcadëidiè  dé  itiédèeliie^  4^  rué  dtt  Uit^qUë. 

(21  janvier  1864.) 
RoGHET  (Charles),  artiste  sculpteur,  62,'  Hé  MdttJfedr-le^PKilce.  (fi  jan- 
vier 1868.) 
Rondeau,  D.  M;  P.^  préparateur  de  pBysiolbgié  à  là  l^aëiilté,  81^  riié  de 

la  Pompe,  Passy-Paris.  (2/^rffef- 1882.) 
R«Tii8cfiiLt»(le  baron  GustAYé  de),  28,  iltenuë  fÊiï\iéTnj^{\"  juillet  îBlli.) 
Rothschild  (le  baron  Edmond  de),  41^  rue  dd  PAltbDùrg-Saiut-Hônoré. 

(I«'ittt7/c(1875.) 
R«ifsSBLrr  (L.)j  archéologue;  li6,  bouléVard  Baint-Gcrmàin.  (18  atfril 

1872.)  Membre  à  Tt^. 
Saint-Vel,  d.  m.  p.,  43,  rué  de  la  Ghausi5ée-d'Ant!n.l30/ii«W  1868.) 
Sàléon  (Philippe),  yice-président  de  la  cotnmiâislon  deé  mbndttiëflts 

mégalithiques^  29,  i;ue  Le  Peletièr.  (9  dèbemhrt  1878:) 
Sanson  (André),  professeur  de  zoologie  à  TËcOlè  hàtiènélé  de  Qrifehtin 

et  à  rinstitot  national  agronomique,  40,  dVedlie  de  l'Observa- 
toire. (4  décetnhrè  1882:) 
SÉBiLLOT  (Paul),  artiste  peintre,  membre  de  la  comMisèioh  des  nionu- 

ments  mégalithiques^  4,  rue  de  TOdéob.  (4  avril  1878i) 
Sée  (Marc),  professeur  agrégé  I  la  Faculté  de  tnédëcilie,  membre  de  TAca- 

demie  de  médecine,  12B,boul'.  Saint-Germaih.(17  novemblre  infi9.) 
9ÉGLAS,  D.  M.  P.,  membre  de  la  Société  médieo-psjelioiogiquc,  13, 

rue  de  Mézières.  (6  novembre  1884.) 
Second,  D.  M.  P.,  professeur  agrégé  honoraire  à  la  Pacullé  de  méde- 
cine, 48,  rue  de  Yaugirahi.  (1«'  août  1872:) 
S&iALLÉ  (René  de),  1,  rue  de  THermitage,  ft  Tersaille^.   (23  /dh- 

vier  1888.)  Meiiibre  à  Tle. 


SâtaiiMiE)  D.  M;  P.,  atentie  d6  Madrid^  ehâlMtiSiifit^laliiM  (Néuilly). 

(21  novembre  1861.) 
SÉti  (tfE),  D.  U.  P.,  4^  fUe  Débroo^ëj  qtfâi  de  bitly.  (10  ééèmêre  1894.) 
SmoNEAu,  conseiller  municipal^  7,  rue  Goastaricfc.  (iljnîfi  1866.) 
SniETT  (de),  D.  H:  P.^  10;  rd^  de  Is  QhAise:  (5  /'cfvffèr  1874.  J 
S5RKN  (Hifaseè)^  D.  M.^  49^  rne  d«8  Ecotes*  (t1  Of(l>6re  1886.) 
SôVftT  (Iules),  Hhdtre  de  eooférenees  I  l'BedIé  phitique  des  iHiufcës 

études,  21,  rue  Gay-Lussac.  (20  moi  1886). 
TâOTiiN,  D.  M.  P.,  6}  place  VeHaire.  (5  /til/(»(  4884.) 
Tbbribr  (Félix),  D.  M.  P.,  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  hiédecinc, 

chirurgien  des  bôpiiAux,3,nie  de  Oopenhtgae:(21  déeeinbre iS'i.) 
THÉtKiOT,  D.  M.  P.(  44»  rne  de  Londres.  (7  juin  4877.) 
Thieullen  (Adrien),  85,  rue  de  VaugiiiiH.  (10 ibnvier  1887.) 
TBORt^  D.  M.  P.,  1i  place  d'Eylau.(1«io<n  1876.) 
Thuué,  d.  m.  P.,  31 ,  boulevard  Beauséjour,  Passy-Paris.  (2  dvrU  \  866.) 
TopwAiD,  D.  M.  P.,  directeur  adjoint  du  laboratoire  d'anthropologie  de 

FEcole  pratique  des  hautes  études,  professeur  à  FEcole  d^anthro- 

pologie,  105,  rue  de  Rennes.  (18  juillet  1860.)  Hembre  à  vie. 
TouRANGiif,  D.  M.  P.9  conseiller  général  de  Tlodre,  20  tor,  boulevard 

Yoltaire.  (19  ;um  1879.) 
Tramond,  préparateur  d'histoire  naturelle,  9»  rue  de  PEcole-de-Méde- 

cine.  (18  novembre  1880.) 
Trumbt  de  FoîrrARCE,  D.  M.  P^iô,  rue  du  Général-Foy.  (I^'juin  1882.) 
Ujfalyt  ICh.E.  db),  agrégé  de  rUniyersité,  37,  rue  de  Passy.  (16  dè^ 

cembre  1875.) 
Yallat,  d.  m.  P.^  68  biSj  avenue  Aubert,  à  Vineennes.  (16  décem- 
bre iS80.) 
Védbuib,  d.  m.  p.,  membre  du  conseil  d'bygiène  de  Seine-et-Oise, 

20,  avenue  de  Saint-Cloud,  à  Versailles.  (3  mai  1883.) 
Velain  (Charles) y  répétiteur  de  géologie  à  la  Faculté  des  sciences  de 

Paris,  9,  rue  Tbénard.  (5  mars  1874.) 
VERifEuiL  (Aristide),  professeur  à  la  Faculté  de  médecine^  membre  de 

FAcadémiede  médecine^  chirurgien  de  Fhôpitalde  la  Pitié,  11, 

boulevard  du  Palais.  (Fondateur.) 
Yernul,  d.  m.  P.>.45,  avenue  de  la  République»  àCourbevoie.  (3  no^ 

vembre  1880.) 
Yéror  (E.),  homme  de  lettres^  1,  rue  d'Epinay,  à  Groslay  (Seine- 

ei-Oise).  (7  décembre  1876.) 
Verrier,  D.  M.  P.,  ancien  préparateur  à  la  Faculté  de  médecine,  129, 

rue  Saint-Honoré.  (17  mat  1883.) 
Yidal-Naquet,  16,  rue  du  Qualre-SepUmbre.  (17  février  1887.) 
YiELLB  (A.),  juge  de  paix  à  Ecouen.  (5  novembre  1885.) 
YiMso!<  (Julien)i  sous-inspecteur  des  forêts,  professeur  à  FEcole  naliouale 


ZXXn  PBtSOlUIIL. 

des  langues  orienUles  vivactes,  5,  rue  de  Beaune.  (3  mai  i877.) 
■enkre  à  vie. 

Voisin  (Augnste)^  D.  M.  P.,  médecin  de  la  Salpêtrière>  16,  rue  Séguier. 

(19  janvier  1865.) 
Webbr  (E.)^  43^  rue  de  Bourgogne.  (&  février  i9S0.) 
Wecker  (L.  DR),  D.  M.  P.,  3j,  avenue  d^Antin.  (6  février  1868.) 
WiHLw,  D.  M.  P.f  29,  rue  de  Paris,  à  Glaman  (Seine).  (20  ne/vem- 

6f  6  1884.) 
Weisgbrbbr,  d.  m.  p.,  262,  rue  du  Faubourg-Sain^Honoré.  (47  juin 

4880.) 
WiLSON,  député,  au  palais  de  TElysée.  {i^^juin  1876.) 
Wtrouboff,  directeur  de  h  Philosophie  poeitive y  iSy  me  Molitor,  Paris- 

Auteuil.  (18  décembre  1873.) 
Zaborowski-Moirdron,  2^  avenue  de  Paris,  àTbiais,  près  Choisy^ie-Roi. 

(3  décembre  1874.) 

II.  Membres  titulaires  ne  résidant  pas  à  Paris, 

Albespy,  d.  m.  p..  à  Rodez.  (5  juillet  1877.) 

y^LRZAis  (H.),  D.  M.,  chef  des  travaux  analomiques,  47,  nie  de  Brcloiiil, 

à  Marseille.  (48  mars  1886.) 
Almeras  (Jean -Jacques),  ex-chirurgieii  en  chef  de  Thôpital  d'Etampcs,  .^ 

Autrelol,  par  Yvelot  (Seine-Inférieure),  et  Fhiver,  place  Nationale, 

maison  Trenca,  pension  Robello,  à  Menton.  (21  août  486S.) 
Ameghino  (Florentino),  946,callekivadavia,à  Buénos-Ayres(rép(iblique 

Argentine).  (8  janvier  4880.) 
Amiard,  d.  m.  p.,  médecin  de  2™«  classe  de  la  marine.  (4«'  février 

1883.) 
Arcelin,  archéologue,  12,  quai  des  Messageries,  à  Chalon-sur-Saône. 

(\S  juillet  4873.) 
Arbouin,  d.  m.  p.,  médecin  de  4'^  classe  de  la  marine,  38,  rue  de 

TArsenal,  à  Rochefort.  {il  juillet  1879.) 
Atgirr,  d.  m.  p.,  médecin    chef  à  Thôpital  de  Boghar   (Province 

d'Alger).  (7  mars  1877.) 
AuLT-DuMESitiL  (d*),  administrateur  des  musées,  1,  rue  de  TEauctte, 

àAbbeville  (Somme).  (46ium  1881.) 
AzAM ,  professenr  à  la  Faculté  de  médecine  de  Bordeaux.  (24  tio- 

vembre  1861.) 
Ba^ènoff  (Nicolas),  médecin  de  Thôpital  des  aliénés^  à  Moscou.  (20  dé^ 

cem6r«4883.) 
Baye  (Joseph  de),  à  Baye  (Marne).  (20  novembre  1873.) 
Beauhanoir,  d.  m.,  médecin  de  la  marine,  chef  des  travaux  anatomi- 

ques  à  l'Ecole  de  médecine  de  Brest,  {i^jnin  4882.) 


PBASOlIltEL.  XXXIU 

Bebchon,  chirurgien  de  1'"  classe  de  la  marine^  chef  do  service  de 

santé  de  la  Gironde,  à  Pauiilac.  (18  août  i859.) 
Derminchaii  (Edwards- J.)>  directeur  et  rédacteur  en  chef  de  la  Gazette 

médicale^  à  New-York,  1260,  Broadway. 
Bertoni,  D.  m.  p.,  directeur  de  la  Rivisia  scientiliea  êviizera^  à  Lot- 

ligna  (Ticino).  (3  janvier  1884.) 
BuiicHET,  D.  M.  P.^  villa  d'Alsace,  à  Vicby-les -Bains  (Allier).  (23  no^ 

vembre  1877.) 
BuTiif,  député^  professeur  à  TÊcole  de  médecine  de  Clennont'-Ferrand. 

(6dA?m5rel877.) 
BoBAn-DuvERcé  (Eugène-André),  antiquaire,  à  Mexico,  10,  calle  de 

la  VioleU  (Mexique).  (7  juillet  1881.) 
BouTEQDOi,  D.  M.  P.,  à  Cliâtillon-sur-Seine.  (7  novembre  1878.) 
Brdnet  (Daniel),  directeur  médecin  en  chef  de  Tasile  des  aliénés 

d'Evreux.  (8  décembre  1862.) 
Cartailhac  (E.),  directeur  des  Matériaux  pour  Phiitoire  primitive  de 

TAomme,  5,  rue  de  la  Chaîne,  à  Toulouse.  (13  mai  1869.) 
Cauvih,  médecin  de  1'^  classe  de  la  marine»  quartier  Saiote-Anuc,  à 

Toulon.  (20  janvier  1 881 .) 
Cazausde  Fondoucb,  ingénieur,  licencié  es  sciences,  18,  rue  des  Etuves, 

à  Montpellier.  (23  février  1865.) 
Cbauseaux,  d.  m.  p.,  à  Auhusson  (Creuse).  (îQ  juillet  1882.) 
CiAirres,  sons-directenr  du  Muséum^  37,  cours  Morand^   à  Lyon. 

(7  mai  1868.) 
Crapuliic-Duparc,  capitaine  au  long  cours,  ingénieur  civil,  4,  rue  des 

Minimes,  au  Mans.  (15  octobre  1874.) 
Chauvet,  notaire,  à  Ruffec  (Charente).  (2  décembre  1875.) 
Cravassier,  d.  m.  P.^  à  Saint-Sernin,  par  Duras  (Lot-et-Gaioune). 

(21  novembre  1861.) 
Claubrt  (Xavier-G.  db),  à  Bouk-Saïba,  par  Jemmapes  (Algérie,  dépar- 
tement de  Constantine).  (24  octobre  1878.) 
Closmadeug  (oe),  d.  m.  P.,  président  delà  Société  polymathique  du 

Morbihan,  à  Vannes.  (1  février  iSSA.) 
CouRAL,  médecin  de  la  m^irine,  à  Narbonne.  (29  novembre  1866.) 
Daleau,  à  Bourg-sur-Gironde.  (2  décembre  1875.) 
Danillo,  d.  m.  p.,  clinique  des  maladies  mentales.  Académie  impé- 
riale de  médecine,  à  Saint-Pétersbourg.  (21  décembre  1882.) 
Danker,  professeur  à   TEcole   de  médecine  de    Tours.  (6  janvier 

1870.) 
Debleni^e,  d.  m.  p.,  médecin  de  la  marine,  à Neuvy-sur-Loire.  (21  fé" 

vrier  1884.) 
Derucé  (Paul),  doyen  de  la  Faculté  de  médecine  de  Bordeaux.  (17  <f^- 

i^m6re  1863.) 

c 


DEPASSE,  féihciëUr  en  chef  de  la  Ch^bni^ue  dé  F)i>û9è)rei,  à  F^iig^i'es 

(llle-et-Vilaide).  (17  novtmbrt  IMl .) 
DobEdiL  (Timolébn)»  D.  H.  P.,  à  Ham  (âottlme).  (4 /oHmVr  1866.) 
OoDTBEBENTE,  D.  M.  P.,  tnéilecio,  directeur  de  Tasile  d^aliénés  de 

Blois.  (18  tnar$  4880.) 
DoTON,  D.  M.  P. 9  médecin-inspecteur  des  eaux  d^Uriage^  2i,  t'ue  de 

larente,  àLyoïl.  (3  avril  1B62.) 
Du  Boucher  (Henri),  membre  de  la  Société  Linnéenhe  de  Bordeaux  et 

dé  la  Société  d'histoire  naturelle  de  Toulouse,  au  château  du  bod- 

digan,  Sainl-Paul-lès-Dax  (Landes).  (i8  novethbre  1875.) 
DbFdtiàiAirfELLfi,  arebitiste  du  détmrlement  de  ta  Corée,  à  Âjaccio 

(Corse).  («1  février  1878.) 
DupoRtât»  Ingénieur  des  ponts  et  chaussées,  attaché  à  laCompagtiie  du 

chemin  de  fer  de  B6ne  à  Guelma  et  prolongements,  à  B()ne  (Algé- 
rie). (23  ia»»wr  1868.) 
EiCBTttÀL  (Louis  h"),  conseiller  général  du  Loiret,  aui  fiézards,  |)3ii>  No- 

gent-siir-Vernisson  (Loiret;.  (Smetts  1881.J 
Kssers  (W.»S.)>  magistral  aux  Indes  oHentales  hollandaises,  chez 

M.  Van  Oboken et  Oie,  à  Rotterdam  (Pays-Bas).  [iS  novembre  iB^.) 
FiLLOt,  D.  M.  P.,  médecin  adjoint  des  hôpitaux,  professeur  stippléànt 

à  l'Ecole  de  médecine,  133,  cours  UeUtdud,  à  Marseille.  (3  juillet 

1879.) 
Fournier,  d.  m.  P.,  à  Rambervifterii  (Yosgés).  (1  novembre  iilÈ.) 
Gabriel  (André),  D.  M.P.>  médecin  de  la  marine,  à  Nouméa  (Nouvelle- 
Calédonie).  (20  novembre  18810 
Gadeâu  de  Keryille  (Henri),  Sectétaihe  dé  la  Société  des  Âhlls  des 

sciences  naturelles  dé  Rouen.  (21  octobre  1886.) 
Gailurd^  archéologoe,  à  Plottharnel  (Morbihan).  (!«'  février  1883.) 
Gamba  (Albert),  professeur  d^anatomie  à  Tacadémlë  Albertiné^  membre 

de  TAcadébiie  royale  dé  médecine,  3b,  cbrso  Yittorio-Entaniiele,  à 

Turin.  (16  (Mcemôre  1886.] 
GâiiRiGOu  (P.),  D.  M.  P.>  à  Toulouse,  38^  rue  Valade.  (2  avtil  1863.) 
Gêner  (Pompeyo),  commissaire  de  TExposilioh  espagnole,  2,  Plno, 

à  Bareelone.  (4  mnil  1878;) 
Germain  (Henry),  ingénieub  eitil  des  mines,  pfaôe  BeàuHeu,  à  Cognac. 

(21itt<nl877.) 
GuÉRAutt  (Henri)^  ex-ehirorgien  de  la  marine,  chirurgien  de  TUOtel- 

Dieu  de  Tours.  (24  mm  1860.) 
GoiLLOT,  D.  M.  P.,  médecin  de  la  marine,  à  Dakar,  (^janvier  1887.) 
GumtT,  place  delà  Miséricorde,  à  Lyon.  (3  mai  1877.)  ttc^mbre  à  %lé. 
GuiRAUO,  D.  M.  P.,  ancien  interne  des  hôpitaux  de  Paris,  àMontauban 

(Tarn-el-Garonne),  l'été,  et  39,  avenue  de  la  gare,  è  Nice,  l'hiver. 

(16yutn  1881.) 


*  PE*«0^»ÉL.  XXXV 

UAfift  (PUlIl^pé),  D;  M.  P.jriiMcein  ilei'« datte  de  la  mariai,  roédeiiiu 

du   protectorat   au  Cambodge,  à  t^hdôrtt-^Pêuh.  (20  novembre 

4881.) 
UoÈ  libMctAii,  D.  11.  P.,  ft  Saïgoh  (COebideMoé).   (17  novembre 

«8810 
JkOiiùH  (Henry  Wittiatp)/199,  High  strfcét,  Letvi^hHm,  Londres,  S.  E. 

(20  mai  1865.)  Membre  à  vie. 
Jacqdiiiot,0.  m.  p., à  Sautigny-les-Bois  (NifiVre).  (3  juin  1875.) 
Jot)kttA!i  (Louis), fltocat^  à  Hendé  (Lozère).  (3  novembre i^i.) 
Kessleb  (F'ritz),  manufacturier,  à  Soullzroati  (Alsace).  (7  juin  1883.) 
Ladmoiiier  (J.),  placé  de  la  Préfecture,  fl  Poitiers.  {îi  juin  1883.) 
LAusiH,  D.  M.  P.,  médecin  de$  hOpitaùi  et  médecih  inspecteur  des 

écoles,  au  Havre.  (7  février  1884.) 
LÉcoTfeit  (Henri),  D.  M.  P.,  membre  de  la  Société  de  médecine  pu- 
blique de  Paris,  à  Beaorleux .(Aisne).  (19  décembre  1878.) 
Le  Double  (â.),  t).  M.  P.,  pfofesseur  à  TEcoie  de  médecine,  cbirur^en 

de  l'bOpital  général^  fl  Todrs.  (18  mare  1876.) 
LtÈtkt»^  D.  M.  V.y  membre  dé  la  Société  asiatique,  médecin  aux 

Haut  de  Plombières.  (9  juin  1862.) 
Li«o  0È  Macbdo,  d.  m.,  à  BOrba  (Portugal).  (7  mars  1867.) 
LoscHAii  (Félix),  membre  de  la  Société  d*anthropologie  de  Vienne, 

3}  Btesz  aM  bitnthel,  I,  kVientle  (Autriche).  (6  juin  1878.) 
Uacârio,  d.  m.  p.,  directeur  de  rétablissement  bydrothérapique,  à 

Nice.  (20;ttm  1861.) 
MfttLUho    (rabbé),   à   ThdHghé   en   Gbarnié  (Mayenne).  (G    at^rit 

1876.) 
MARCfeLtm  (A.),  membre  dti  cotiMll  d*hygiène>  au  château  de  Saussés, 

près  Entreveaux  (BasséS-Àlpés).  [Ijuln  1866.) 
IIabicourt  (René  de),  mehibre  du  bdmité  archéologique  de  Senlls,  i 

Yllletnétrie,  près  SedliS  (Oise).  (2  janvier  1873.) 
Martin  (J.  de),  D.  M.  P.,  à  Narbonne  (Aude).  (4  mai  1865.) 
MAlrhnENO,  B.  M.,  médecin  [Inneipal  de  la  marine,  à  Lorient.  (17  juin 

1886.) 
MAHTmBT  (Ludovic),  à  BanyuIs-sur-Mer  (Pyrénées-Orientales).  (2  avtil 

1874.) 
MAurBAS  (B.),  ancien  notaire,  à  Tillegouge,  par  Casteloau-de-Médoc 

(Gironde).  (4  novembre  1815.) 
Maret  (A.  bEj,  archéologue^  Les  Olrmeaux,par  Trois-Moutiers  (Vleûrie). 

(6  mare  1879.) 
Maorel,  d.  m.  p.,  médecin  principal  de  la  marine,  61,  rue  du  Chan- 
tier, à  Cherbourg.  (2§  nowmfrrc  1877.) 
Mauricit  (Alphonse)^  D.  M;  Pi, à  Tannes,  place  de  la  Halle-aux-Grains. 

Maison  Charpentier.  (21  août  1862.) 


XXXVI  PERSONNEL.  ' 

Mérejkowski  (G.  dk).  Udî  versité^  cabinet  zoologique^  à  Saint-Pélersboorg 

(Russie).  (i5  décembre  1881.) 
MiERZEjBwsKi,  D.  M.  P.,  professeur  ù  TÂcadémie  médico-chirurgicale 

(clinique  des  maladies  mentales),  C6té  de  Wyborg,  Saint-Péters- 
bourg. (20  mat  1875.) 
MoREL,  receveur   des  finances,  archéologue,  à  Mirecourt  (Vosges). 

(8  ;ant?ïer  1880.) 
Mdston,  D.  m.  p.,  à  Montbéliard  (Doubs).  (16  janvier  1862.) 
NicAisE  (Çharles-Louis-Âuguste),  archéologue,  à  Chàlons-sur-Maroe. 

(5  décembre  1878.) 
NiCAS,  D.  M.  P.,  à  Fontainebleau.  (7  novembre  1867.) 
Olliçr  de    Marighard  (Jules),  archéologue,  à    Vallon  (Ardèche). 

(1"  aoUM 867.) 
Orchanskt  (J.)»  ^*  M*  P*9  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine, 

à  Kharkofl*  (Russie).  (21  décembre  1882.) 
Paris  (Gustave),  D.  M.  P.,  à  Luxeuil.  (à  novembre  1880.) 
Pechdo  (J.),  D.  M.  P.,  à  Villefranche  (Âveyron).  (6  juin  1878.) 
Pêne  (X.),  voyageur,  membre  de  la  Société  de  géographie  commer- 
ciale de  Paris,  à  Libre-Ville  (Gabon,  côte  occidentale  d^Afrique). 
Penet,  conservateur  du  muséum  d'histoire  naturelle  de  Grenoble. 

(17  novembre  1881.) 
Pënnetier  (Georges),  professeur  à  TEcoIe  de  médecine  de  Rouen, 

impasse  de  la  Corderie  (barrière  St-Maur),  à  Rouen.  (21  mai 

1868.) 
Peut  (Abel),  D.  M.  P.,  65,  rue  de  la  Mairie,  à  Garcassonne.  (4  no' 

vembre  1875.) 
Piette,  juge  au  Tribunal  de  V^  instance,  18,  rue  de  la  Préfecture,  à 

Angers  (Maine-et-Loire).  (17  février  1870.) 
Pin,  d.  m.  P.,  à  Alais  (Gard).  (16  avril  1885.) 
PiNART   (Alphonse),  voyageur  dans  l'Amérique  du  Nord,  à  Marquise 

(Pas-de-Calais).  (20  mai  1872.) 
PuNTBAu,  D.  M.  P.,  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine, 

cours  d'Alsace-Lorraine,  à  Bordeaux.  (15  février  1877.) 
Plantibr,  d.  m.  p.,  29,  rue  d'Avignon,  à  Alais  (Gard).  (16  février 

1882.) 
Pommerol  (Félix),  D.  M.  P.,   conseiller  général  du  Puy-de-Dôme,  à 

Gerzat  (Puy-de-Dôme).  (1"  mars  1866.) 
Pruniéres,  d.  m.  p.,  à  Marvéjols  (Lozère).  (6  janvier  1870.) 
Pucheran,  d.  m.   p.,  à  Bouillouse,  près  Port-Sainte-Marie  (Lot-et- 
Garonne).  (18  août  1859.) 
Regnault  (Félix),  à  Toulouse,  28,  rue  des  Balances.  (3  juin  1869.) 
Rbkard  (Léon),  D.  M.  P.,  97,  rue  Toupot-de-Bréveaux,  à  Chaumont 
(Haute-Marne).  (l«'amH880.) 


PIKSONNBL.  IXXVII 

RiBBE,  D.  M.  P.,  a  Mauriac  (Cautal).  (!9  novembre  1885.) 
RiBELL  (François),  D.  M.  P.,  à  Toulouse.  (1''  février  1866.) 
Ricoux^D.M.  P.,  médecin  deThôpilal,  à  Pliilippeville  (Âlgérie).(l«'>iit7- 

let  1875.) 
Rosm  (Paul),  directeur  de  Porphelioat  Prévost  appartenant  au  dépar- 
tement de  la  Seine,  à  Cempuis  (Oise).  (7  avril  1881.) 
RocBEBRUNE  (dg),  le  Courl  au  Saiot-Cyr  en  Talmondois,  par  Champ- 

Saiol-Père  (Tendée).  (17  mat  1883.) 
RoossBL  (Charles),  médecin  de  la  marine,  54,  rue  Saint-Yves,  à  Brest. 

(19  octobre  1882.) 
Sabatier  (Camille),  député  d'Oran  (déprtrt.  d'Alger).  (4  mai  1882.) 
Sacaze  (Julien),  avocat,  à  Saiitl-Gaudcus  (Uaute-Garonne).  (7  ttovem- 

bre  iSlS.) 
Sapobta  (le  marquis  Gaston  de)^  correspondant  de  Tlnstitut,  à  Âix  en 

Provence.  (13  mat  1869.) 
Sauvage,  D.  M.  P.,  directeur  de  la  station  aqiiicole,9,  rue  Tour-Notre- 
Dame,  à  Boulogne-8ur-Mer.  (4  avril  1867.) 
SELTsLoNGCHAyps  (Walter  de),  Halloy,  près  Cioey  (Belgique).  (18 /an* 

vier  1877.)  Henibre  &  vie. 
Serrurieb  (L.)^  docteur  en  droit,  directeur  du  mnsée  national  d*etbno- 

grapliie  des  Pays-Bas^  à  Leyde.  {1  janvier  1886.) 
Souchu-Serviuiérb,  député  de  la  Mayenne,  2,  rue  des  Fossés,  à  Laval 

(Mayenne).  (7  novembre  1867.) 
Stephenson  (Franklin-Barbe),  D.  M.,  Surgeon  United  States,  Nnvy, 
Barletl  street  Roxburg,  Boston  (Massachusetts).  (7  mars  1878.) 
Henibre  &Tle. 
Teilledx  (Isidore),  médecin  en  chef  de  Tasile  d^aliénés  de  Bonneval, 

au  Mans.  (20  novembre  1862.) 
Teh  Kate  (Hermann-Frédéric-Karl),  D.  M.,  48,  Javastraat,  à  la  Haye. 

(18  décembre  1879.) 
Testut^  d.  m.  p.,  professeur  d*anatomic  à  la  Faculté  de  médecine  de 

Lyon.  (7  juin  1883.)  Membre  &  vie. 
ToROE  (de),  d.  m.,  professeur  à  rUniversilé  (faculté  philosophique),  8G, 

8.  z.  Kiralyotera,  à  Budapest  (Hongrie).  (5  novembre  1880.) 
TouRTODLOR  (Ds),  président  de  la  Société  des  langues   latines  de 
Montpellier,  Valergues,  par  La usargues  (Hérault).  (20  juin  1878.) 
Trucy,  d.  h.  p.,  médecin  de  1'"  classe  de  la  marine,  48,  rue  Na- 
tionale, à  Toulon.  (!•'  février  1883.) 
Valerzueu  (Thedoro),  docteur  en  droit,  ancien  ministre  plénipoten- 
tiaire de  Colombie,  à  Bogota,  représenté  par  M.  Garcia  (Raphaël), 
6,  cite  Rougemont.  (4  mars  1875.)  Membre  &  vie. 
Vauthier,  d.  m.  p.,  chirurgien  de  PH6lel-Dieu  de  Troyes.  (21  juil^ 
leliHlO.) 


Vernead,  D.  m.  p.,  à  Us  Palmas  (Grandes-Canaries).  (17;tt»ti4875.) 
ViANNA  RtBEiRû   (1^  coionel  Carlos^  Fernando),  à  Marahâo  (Brésil). 

[M  juillet  1884.) 
Wechniakof  (Ti)éodore),  membre  de  la  Cour  supérieure  de  justice»  rési- 

.dant  au  Kremlin,  è  Moscou.  (!«'  février  1866.) 
WiLsoN  (Thomas),  n^  12i8>  Connecticut  avenue,  à  Washington  (D.  C). 

.    [1  février  iSSL) 
WissENDORFF  (Henry),  membre  de  la  Société  des  Eludes  Leltones  de 

Riga-Moika,  n»  -(T,  app.  8,  à  Saint-Pétersbourg  (Russie).  (20  mai 

1886.) 

Membres  associés  élrangers. 

And^adbCorvo  (J-db),  conseiller  d'Etal  honoraire,  président  du  cofigrès 
d'anthropologie  et  d^archéologie  préhistoriques,  8.  T.  de  Espero, 
Lisbonne.  (16  décembre  1880.) 

Barkow,  professeur  à  TUniversité  de  Breslau,(4  janvier  1866.) 

Beddqb  (John)^  à  Clif(ori,  Bristol  (Angleterre).  (32  novçn}bre  18Q0.; 

Blake  (Carlerj,  membre  de  la  Société  d'anthropologie  de  Lopdres. 
28,  East  Street,  Queep's  square,  Londres,  W.  C.  (21  mai  1863) 

BoGDANOw  (le  professeur  Anatole),  à  Moscou.  (16  j\iiUet  1874.) 

Brown-Sequaro,  professeur  au  Collège  de  France^  15,  rue  SQufQql, 
(Fondateur,) 

Brucke,  professeur  à  rUnlverjité  de  Vienne.  (Il  juin  186Q.) 

BuRTON  (le  capitaine  William),  consul  anglais  à  Trieste.  (4  novembre 
1875.) 

Bdsk  (George),  ancien  professeur  hunlérien  au  Cpllège  (Jes  chirurgiens 
/  d'Angleterre,  à  Londres.  (2  juillet  1 874.) 

CAtORi>  professeur,  à  Bologne  (Italie).  (4  juin  1874.) 

Candolle  (Alph.  de),  de  Genève.  (19  décembre  ^867.) 

Capellini,  professeur  de  géolpgie  et  de  paléontologie,  à  Bologne  (Italie). 
(22  janvier  1874.) 

Castro  (Fernando),  vice-président  de  la  Société  d'anthropologie  de 
Madrid.  (19  octobre  1865.) 

Cbaix  (Paul),  à  Genève.  (22  novembre  1860.) 

GHAitNOCK  (Richard),  trésorier  de  la  Société  d'anthropologie  de  Londres. 
(21  janvier  1864.) 

Chil-y-Naranjo,  Ï).  m.  p.,  à  Palmas  (Grandes-Canaries).  (7  novem- 
bre 1878.) 

CoLLiNGwooD  (Frederick),  curalor  and  librarian  de  la  Société  d'an- 
thropologie de  Londres.  (21  janvier  1864.) 

CoccHi  (Igino),  professeur  à  Tlnslitut  des  études  supérieures,  à  Flo- 
rence. (15  février  1872.) 


CuRunc  (Blîzard)^  i  Lpndres.  {\^  décembre  1850.) 

CzoERifiG  (barpn  |^),  à  Vienne.  (3)  j^iH  1860.) 

Dawidofp  (â.),  vice- président  de  la  Société  ipnpériale  de$  fin^îs  des 

sciences  naturelles,  d*aqthrppal()gie  et  d^etboograpbie^  à  ^ûscom* 

(4  déeembvf  1879.) 
Dblgâdo  Jugo  (Pon  Francisco)^  secrétaire  de  \^  Société  ^nthropQlor 

giqoe  de  Madrid^  50j  calle  Âncha-de-Saii-Çeroardo,   \  ^^if\à. 

(I«';iitni865.) 
DupoifT,  directeur  du  musée   rpyal  4*bi8toire  patqrelle»  k  Br^i^^f^ 

(7  novembre  1872!)  ' 
EcKEB  (Âlexandrejx  à  Fribourg  en  Brisgan  (gn|nd-4(iché  ^  Pl^.fi)* 

(îl  janriVr  1864.) 
Evans  (John),  président  de  llnstitut  anthropologique  de  la  Grande-Breta- 
gne et  d'Irlande,  Nash  Mi||s,  ^en^psted  (Angleterre) .  (19  avril  \  877.) 
Farr,  à  Londres.  (^  juillet  1860.) 
Fcnkrlt-Effbiu>i,  professeur  à  racole  impériale  de  n^édecine  de  Çqp- 

stantinople.  {î  novembre  1865.) 
PuGiER,  ethnographe,    3,    Yiaduct  Glisse ,  à  Vienne  (Autncl^e). 

(%  mai  1878.) 
Floi^ter,  professeur  au  Collège  de$  chirqrgi^ns,  à  Londres.   (15  fé» 

trier  1877.) 
GucoMiifi,    professeur    à   PUniversité    de   Pérouse.    (7    ntnwmbre 

1878.) 
GiGLioLi  (E.),  professeur  de  zoologie  à  Tluslitut  supérieur,  Vjale  ()ai 

Colli  (Villa Belvédère),  h  Floreqce.  {^novembre  1882.) 
Gosse  (Hippolyte),  à  Genève.  (2  février  1860.) 
Haivnover  (Âd.)^  à  Copenhague.  (17  novembre  1859.) 
Hatoen,  inspector  général  of  U.  S.  Geological  Survey,  Washington 

(Etals-Unis).  (19  février  1880.) 
HELLW4LD  (Friedrich  nE)>  directeur  de  |a  Revue  A^sland,  Cs^xïsl^U 

près  Stuttgard  (Wurtemberg).  (5aoà(  1875.) 
HiGGiNS  (Alfred),  secrétaire  pour  l'étranger  de  la  Spciété  d'anthropo- 
logie de  Londres.  (17  décembre  1863.) 
His  (Wilhelœ),  prafesseqr  è  TUniversité  de  Leipzig  (Saxe).  (1  jui^ 

let  1864.) 
H0B1.DRB  (pb),  conseiller  supérieur  de  médecine»  Uarienstrasse,  k  Stvit- 

gard.(20jtitl/et1882.) 
HuMPHRT,  professeur  d'anatoraie  à  TUniversité  de  Gapabridga.  (8  avril 

1872.) 
ï\vugi  (Tliomas),  professeur  k  TEcoIe  royale  des  mioes  de  Londres. 

(5  avril  1866.) 
Htbti.,  professeur  k  lljqivajrsité  de  Viemie.  (21  juillel  186^.) 
Jacubowitch,  à  Saint-Pétersbourg.  (5  avril  1860.^ 


XL  PBKSONIfBL. 

Kanitz  (Félix),  président  du  Comité  de  rExpositiou  des  sciences 
antiiropologiques  (1878),  Eicherbacii  gasse,  à  Vienne  (Autriche). 
(7  novembre  1878.) 

Eatolinski,  à  Saint-Pétersbourg.  (20  novembre  1862.) 

KoPERMiÇKi,  professeur  à  Gracovie.  (21  novembre  1867.) 

Lazarus,  professeur,  5,  Kônigsplatz,  à  Berlin.  (15  mars  i866.) 

Lbnhossek  (Joseph  de)^  professeur  d'anatomie  à  PUniversité  de  Buda- 
pest. (7  novembre  1878.) 

LuBBOCK  (Sir  John),  Lamas  Gbisleh'urst  S.  E.,  London.  (!«'  aoiU 
1867.) 

Ma!nof  (Wladimir  de),  niembre  de  la  Société  impériale  de  géogra- 
phie, petite  rue  des  Italiens,  maison  18,  lig.  39,  à  Saint-Péters- 
bourg. (4  novembre  1875.) 

Malibf,  professeur  h  rUniversité  de  Kasan.  (2  novembre  i882). 

Mantegazza  (le  professeur),  à  Florence.  (7  mai  1863.) 

MoRSBLLi,  D.  M.  P.,  aide  de  clinique  médicale,  Ârcispedale  di  S.  Maria 
Nuova,  à  Florence.  (4  juin  1874.) 

MuLLER  (Frédéric),  professeur  à  PUniversité,  vice-président  de  la 
Société  d^anthropologie  de  Vienne,  18,Maxner  Gasse,  Landstrusse, 
à  Vienne  (Aulriche).  (15  octobre  1874.) 

NicoLUCci  (Giustiniano),  professeur  d'anthropologie,  à  Naples.  (4  fé^ 
vrier  1864.) 

NoTT  (J.-C),  à  Mobile  (Etats-Unis).  (17  novembre  1859.) 

O^DONOVAN  (Denis),  bibliothécaire  du  Parlementa  Brisbane^Queenslnnd. 
(Australie).  (19  novembre  1885.) 

Ornstein  (Bernard),  médecin  en  chef  de  l'armée  grecque,  à  Athènes, 
(->  novembre  iSS±.) 

OwEN  (Richard),  professeur,  à  Londres.  (20  août  1863.) 

Padilu  (don  Mariano),  à  Guatemala.  (1°^  août  1861.) 

Pedro  d'Alcantara  (S.  M.  dom),  empereur  du  Brésil^  à  Rio-Janciro. 
(6  janvier  1876.) 

PiGORiNi,  fondateur  et  directeur  du  musée  préhistorique  et  ethnogra- 
phique de  Rome.  (16jutnl881.) 

PiTT  RiYERs(le  major  général),  président  de  Tlnslitut  authropologique 
de  Grande-Bretagne  et  d'Irlande,  à  Londres.  (4  août  1881.) 

PowELL  (le  major  J.-W.),  président  de  la  Société  d'anthropologie  de 
Washington,  directeur  du  bureau  d'ethnologie,  à  Washington. 
(2  février  1882.) 

PuLSKY  (François  de),  ancien  président  du  Congrès  international  d'an- 
thropologie et  d'archéologie  préhistoriques  de  Budapest.  (7  novem- 
bre 1878.) 

Ranke  (de),  professeur  de  zoologie  à  l'Université  de  Munich.  (^29  juil- 
let 1882.) 


PBMONNIL.  XU 

UiBEiRO,  ingénieur  des  mines^  directeur  de  la  carte  géologique  de 

Portugal,  à  Lisbonne.  (1  novembre  i878.) 
RirriMETEii  (Ludwig),  à  Bftle.  (7  juillei  1864.)  * 

Sasse  (A.),  D.  M.  P.,  à  Zaandam  (Hollande).  (18  décembre  1873.) 
Schàafhàuscn,  professeur  d^anthropologie,  à  Bonn  (Prusse  rhénane). 

(19  novembre  1863.) 
ScBMiDT  (Waldemar),  professeur  à  TUniversité  de  Copenhague.  (4  no* 

vembre  1875.) 
Seriaro  (Matias-Meto),  président  de  la  Société  d*anthropologie  de 

Madrid.  (17  octobre  1865.) 
SouiER,  à  New-York.  (9  janvier  1868.) 
Stapleton,  à  Dublin.  (!«'  décembre  1859.) 
Steerstrup,  directeur  du  Muséum  de  zoologie,  à  Copenhague.  (5  /é- 

vrier  1872.) 
Stieda,  professeur  à  PUniversité  de  Dorpal  (Russie). 
Tqurnam  (John),  à  Devizes  (Wiltshirc,   Angleterre).^  (19  novem* 

bre  1863.) 
TutLOCH  (le  colonel),  à  Londres,  (li  juillet  1860.) 
Torneu   (William),  professeur   à  rUniverslté  d'Edimbourg.  (7   no* 

vembre  1878.) 
Ttlor,  président  de  Tlnslitut  anthropologique  de  la  Grande-Bretagne 

et  de  l'Irlande,  à  Londres.  (5  aoU/ 1880.) 
Tytler  (Robert),  goaverne*ur  du  Bengale,  h  Umballa.  [i^^  février  1866^.) 
Va.nderkinuèrb  (Léon),  professeur  à  la  Faculté  de  philosophie  et  lettres 

à  rUuiversité  libre  de  Bruxelle.<.  ('\  janvier  1884.) 
Yan  DuBEif,    professeur   et    directeur    du   Musée,  à    Stockholm. 

(4  avnl  1878.) 
ViRCHOw»  D.  M.,  député  de  Berlin.  (9  décembre  1867.) 
VoGT  (le  professeur  Garl),  à  Genève.  (16  août  1863.) 
Worsaae,   conseiller  d'Etat,  conservateur  du  Musée  des  antiquités 

du  Nord,  à  Copenhague.  (15  février  1872.) 

« 
CorrespondanlA. 

L  Correspondants  nationaux. 

Allé  (Edgar),  sous-inspecleur  des  douanes  au  Tonkin.  (4  mars  1875.) 

Armand  (Adolphe),  médecin-major.  (7  juillet  1864.) 

Aube,  contre-ami ral^  ministre  de  la  marine^  à  Paris.  ^15  mars  1874.) 

Bassignot,  médecin  de   la  marine,  à   Saint-Denis  (Réunion).  (4  fé- 
vrier 1869.) 

Be!«oit  (Barthélemi),  chirurgien  de  1'* classe  de  la  marine,  au  Sénégal.  . 
(15  décembre  1859.) 


JUl  PERSONNE}.. 

Ber  (Tl^éodore),  ^  Urne  (Pérqu).  («8  mars  1876.) 

Bernadet  (Charles),  à  Londres.  (19  janvier  1865.) 

Bbstion,  médecin  de  !'•  classe  de  la  qwine,   rqe  Saint-Rocli,  h 
Toulon,  (17  jui«ef  1879.) 

BiART  (Lucien),  à  Orizaba  (Mexique).  (16  janvier  1862.) 

BoTRRy  D.  M.  P.,  médecin  de  la  marine,  à  Brest.  (15  mai  1878.] 

Cabaret  de  Saint-Cernin,  lieutenant  de  vaisseau.  (18  juillet  1861.) 

Càzalis,  D.  m.  p.,  à  Moriab,  pays  des  Bassoutos  (Afrique  australe). 
(!•'  décembre  1864.) 

Cazalis,  pharmacien  de  la  marine,  à  Rocheforl.  (4  mars  1871.) 

Celle  (Eugène),  D.  M.  P.^  à  San-Francisco  (Californie).   (21  qaUt 
1862.) 

Cbanot^  d.  h.  p.,  ex-chirurgien  de  la  mafine^  à  Hle  de  la  Réunion, 
(22  novembre  1860.) 

Chaput  (César),  lieutenant  au  98«  de  ligne.  (17  novembre  1864.) 

CQA8SAGNE,  D.  M.,  médeciu-major  de  1'*  classe  au  35*  régiment  d'ar- 
tillerie, à  Vannes.  (19  février  1880.) 

Cbassin,  d.  m.  p.,  à  la  Yera-Cruz.  (21  avril  1870.) 

Corne,  vice-consul  de  France,  à  Coloo-Aspinwall,  ex-ofHcier  de  ma* 
rine,  40,  rue  Saint-Séverin.  (2  janvier  1879.) 

CofiK|M.iAC,  mé(lccin  de  la  marine.  (18  mars  1869.) 

Dallt   [Aristide),    commandant  dUnfanterie    en  retraite*    (6  juin 
1867.) 

Daninos,  conservateur  au  musée  de  BouUcq»  au  Caire.  (17  février 
1860.) 

DELi^  Bruyère»  artiste  peintre,  à  Alger.  (9  février  1880.) 

Demazes,    chef  de  bataillon  du  génie  (2*  régiment),  à  Montpellier. 
(^±  janvier  1880.j 

DuHoussET  (le  colonel),  6,  rue  Fiirslenberg.  (2Q  aoU^l  1863.) 

Fadre,  d.   m.  p.,  médecin  de  colonisation,  à  Chéraga  (Algérie). 
(7  juin  1860.) 

FoNTAN  (Alfred),  à  Mazamet  (Tarn).  (19  juillet  1860.) 

Fristo,  médecin-major  de  1"  c|asse,  (4  mat  1860.) 

GociN    (Léon),    ingénieur  civil  des  mines,  à  Cagliari  (Sardaigne). 
(17  avril  1884.) 

GuÉRiN  (Paul),  D.  M.  P.,  médecin  de  la  marine,  à  Rochefort-sur-Mer. 
(2  décembre  1886.) 

Henry  (R.),  chef  de  bataillon  du  génie.   (30  décembre  1877.) 

HuRST  (Marie-Joseph),  médecin  en  chef,  à  Laghouat  (Algérie).  (7  dé- 
cembre 1863.) 

Jacqdehet,  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine  de  Mont- 
pellier. (1"  décembre  1859.) 

Jalouzet,  vice-consul  de  France,  à  Belfast.  (!5  février  1883.) 


pRRffOimi.  xun 

JouYin,  premier  pharmacien  de  la  roarioe»  professeort  i*£cal6  de  mé- 
decine nf^vale,  à  Rochefort.  (it  mai  1873.) 
Lacassagne,  médecin  de  la  marine^  à  Marseille,  (à  février  1869.) 
Lagrené  (de),  consul  de  France,  à  Moscoy,  (16  janrier  1879.) 
Ladtbé,  médecin  missionnaire  ^  à  Thaba-Bossiou  (montagnes  de  la 

Nuit,  Afrique  australe).  (2i  août  1862.) 
Léger  (R.),  D.  M.  P.,  à  la  Guadeloupe.  (7  janvier  1864.) 
Mac-Cabtt,  pon^ervaleur  du  musée  d'Alger.  (17  avril  1879.) 
Martin,  D.  M.,  conseiller  municipal  d'Alger.  (17  avril  1879.) 
MAzé  (Hipp.)^  commissaire  de  la  marine.  (17  novembre  18S9.) 
MiRANDE,  juge  au  tribunal  de  Karikal  (Indes  françaises.)  (1 7  déeem^ 

bre  1868.) 
BlouNiER,  pharmacien  de  la  Société  des  voyages  d'études,  à  Bussière 

(Loire.)   (20  juin  1878.) 
BloNTANO,  D.  M.   P.^  chargé  d'une  mission  du  gouvernement   en 

Malaisie.  (17  avril  1879.) 
lloNTROuziEB  (lo  père),  missionnaire,  à  la  Nouvelle-Calédonie.  (2  dé» 

cembre  1860.) 
PiCHON,  D.  M.  P.^  à  Shang-Ha!  (Chine).  (7  novembre  1872). 
PiGNÉ,  D.  M.,  à  San^Francisco  (Californie).  (2  avril  1 863.) 
Pbtitot,  Mareuil-lôn-Meaux  (Seine-et*Marne).  (7  novembre  1872.) 
Poteau  (Anselme),  médecin  au  32«  d^artillerin,  détaché  à  Sousse  (Tu- 
nisie). (21  décembre  1882.) 
PftKiiGRDEBEB,  D.  P.  M.,  médecin  de  colonisation,  à  Palestre.  (4  août 

1881.) 
Rbght-Bev  (ds),  chef  du  service  central  de  statistique  d'Egypte,  membre 

de  l'Institut  égyptien,  à  Alexandrie  (Egypte).  (16  juillet  1874.) 
Reiiard  (Alexandre),  médecin •  major  en  chef,   à   Batna  (Algérie). 

(2  juin  1864.) 
Rocher  (Emile),  employé  aux  douanes  chinoises^  à  Sbang-Haï.  (1881.) 
RouviÉEE  (le  capitaine  dr),  officier  d'ordonnance  du  général  Fai- 

dherbe.  (19  décembre  1867.) 
Sainte-Marib  (Prigotde),  consul  de  France,  à  Syra.  (20  mai  1880.) 
Sarret,  d.  m.  p.,  ex-médecin-major,  médecin  de  colonisation,  à  Souk- 

Ahras,  province  de  Constantine  (Algérie).  (IS  mai  1878.) 
Sériziat,  médecin-major.  (3  mat  1866.) 

SiSTACH,  médecin-major  an  11*  bataillon  de  chasseurs  à  pied.  (6  fé- 
vrier 1862.) 
Tirant  ,  D.  M.  P.,  administrateur  des   affaires  indigènes,  à  Saîgon 

(Cochinchine).  (19  novembre  1874.) 
TissoT^  membre  de  l'Académie  des   inscriptions  et  belles-lettres, 
ambassadeur  de  la  République  française,  à  Londres.  (2  mars 
1876.) 


XUV  PERSONNEL. 

ToxMASiNi,  D.  M.  p.,  à  Mascara  (Algérie).  (15  avril  i880.) 

ToocHARD,  cliirurgien  de  l**  classe  de  la  marine,  au  Gabon.  (5  mat 
1864.) 

Vale«tin,  voyageur  en  Afrique.  (2  octobre  1873.) 

Vincent,  médecin  de  la  marine.  (2  décembre  1869.) 

Walthbr  (Charles),  premier  médecin  en  chef  de  la  marine,  à  la  Basse- 
Terre  (Guadeloupe).  (18  mai  186S.) 

Walthbr  de  la  Tour  (E.),  D.  M.  P.,  ex-médecin  de  la  marine  de 
FEtal.  (5  mars  1874.) 


11.  Cofrespondants  étrangers» 

Alba  (Léon  y),  D.  M.  P.,  à  Lima  (Pérou).  (^  janvier  i86l.) 

Almagro,  d.  m.  p.,  à  Madrid.  (19  juin  1862.) 

AnouTCHiNE  (Diniitri),  professeur  d^anthropologie.  Musée  polytech- 
nique^  à  Moscou  (Russie).  (3  mai  1877.) 

Arbo,  d.  m.,  à  Drammen  (Norwège).  (29  mai  1880.) 

AuDAiN,  D.  M.  P.,  à  Port-au-Prince  (Haîli).  (18  août  1859.) 

Belluci,  professeur  à  TUniversité  de  Pérouse  (Italie).  (7  novembre 
1878.) 

Barber  (E.-A.),  mntlre  es  arts  de  PUniversité  de  Philadelphie,  édi- 
teur adjoint  do  VÀntiquarianf  4007,  Ghestnut  street,  à  Phila- 
delphie. (U.  s.  a.).  (18  mars  1886.) 

Bbnedick,  professeur  à  TUniversité  de  Vienne,  I,  Pranciskaner  Platz  5 
(Autriche).  (7  novembre  1878.) 

Bensengre  (Basile),  D.  M.  P.,  membre  de  la  Société  d'anthropologie, 
grande  Moltchanowska,  maison  Maylowsky,  à  Moscou.  (16  oc- 
tobre 1873.) 

Betz,  professeur  et  directeur  du  laboratoire  d'anatomie,  à  TUniversité 
de  Kiew  (Uussie).  (4  décembre  1879.) 

BoisuNiÊRES  (Charles  de),  membre  de  TAcadémie  des  sciences  de  Saint- 
Louis  (Miissouri).  {t  novembre  1865.) 

Brabrook,  directeur  de  Tlnstitut  anthropologique  de  la  Grande-Bre- 
tagne et  de  l'Irlande,  à  Londres.  (5  août  1880.) 

Brintox,  d.  M. 9  professeur  d'ethnologie  et  d'archéologie  à  TAcadémie 
des  sciences,  à  Philadelphie.  (7  mai  1885.) 

Brochet  (Antonio).  (30  juillet  1868.) 

Calonge  (Belisario),  D.  M.  P.,  k  Truxillo  (Pérou).  (3  janvier  1801.) 

Cakr  (Lucien),  assistant  curator  of  the  Peabody  muséum,  Harwards 
university,  Cambridge  (Massacliusetts,  U.  S.).  (26or(o&rf  1879.) 

Carjiow,  d.  M.,  à  Canton  (Chine).  (16  janvier  1879.) 


PERSOIIIIBL.  XLT 

Castelfbanco  (Pompeio),  professeur,  à  Milan.  (i7  avril  1884.) 

Chakir-Bet,  ancien  attaché  militaire  à  Fambassade  ottomane. 
(5  août  1875.) 

Choodens  (Joseph  de),  D.  M.  P.,  à  Porto-Rico  (Antilles).  (16  mai  1861 .) 

CoRSTAimiiEsco  (Barbe)y  docteur  en  philosophie,  professeur  d^hbtoire 
àBokbarest.  (3  avril  iSn.) 

CoBA  (Guido),  directeur  du  Cosmoi^  74,  corso  Vittorio-Emmanoele, 
à  Turin.  (6  novembre  1873.) 

Costa  (Simoès  da),  professeur  à  TUniversité  de  Coîmbre  (Portugal). 
(1"  février  1866.) 

CooBURD  (Alfred),  D.  M.  P.,  Grande- Koniuchenui,  à  Saint-Péters- 
bourg. (18  mare  1875.) 

CoDERiÈRE,  à  Sainl-Pélersbourg.  (18  juillet  1873.) 

Dabling  (W.),  professeur  d'anatomie  descriptive  aux  Universités  de 
New-York  et  de  Vermonl,  à  New-York.  (8  novembre  1877.) 

Datis  (Chas.-Henr;^  Stanley),  D.  M.,  à  Mériden  (Connecticut,  Etats- 
Unis).  (2  janvier  1873.) 

Delmas  (Louis-H.),  D.  M.,  membre  numéraire  de  la  Société  anthropo- 
logique espagnole  de  Madrid,  fondateur  de  la  Société  anthropolo- 
gique de  Cuba,  à  la  Havane.  (3  janvier  1878.) 

Derizans  (Benito),  D.  M.,  Brésil.  (20  avril  1876.) 

Destruges  (Àlcide),  D.  M.  P.,  à  Guayaquil  (république  de  TËquateur). 
(19  févHer  1863.) 

DuNART,  D.  M.,  à  Genève.  (9  janvier  1868.) 

Fernandés  (Ânlonio-Francisco),  D.  M.  P.,  à  Rio*Janeiro  (Brésil). 
(4  avril  1861.) 

Frîjs,  professeur  à  l'Université  de  Christiania  (Norwége).  (18  mare 
1876.) 

Frter  (le  major),  commissaire  du  gouvernement  anglais  en  Birmanie, 
à  Calcutta.  (5  avril  1877.) 

Gardo  (Manuel),  membre  fondateur  de  la  Société  d*anthropologie  de 
Madrid.  (19  octobre  1865.) 

Garson,  d.  m.,  conservateur  du  musée  anthropologique  du  Collège 
des  chirurgiens  de  Londres.  (19  novembre  1885.) 

Gross,  Di  M.,  à  Neuville,  canton  de  Berne  (Suisse). 

Havres  (Henry-W.),  professeur  à  l'Université  de  Boston,  239,  Beacon 
Street,  Boston  (Massachusetts,  Etats-Unis).  (7  novembre  1878.) 

Hazbucs,  d.  m.  p.,  directeur  du  musée  ethnographique  Scandinave^  à 
Stockholm.  (5  novembre  1874.) 

Heger,  d.  m.  p.,  professeur  de  philosophie  à  TUniversité  de  Bruxelles. 
(3ianmer;i88*.) 

Huj»EBRA!«D  (Hans)^  D.  M.  P.>  1*'  conservateur  au  musée  royal  d*archéo- 
logie,  à  Stockholm.  (15  octobre  1874.) 


xLyi  psHM^àÉL. 

HiTCHMAM^  niértibt-e  rondateat*  fle  la  Société  d'àdthropolo^ë  d6  LlveN 

pool,  29,  Erskinc  strefet.  (-4  fiovèmbre  1869.) 
HouzÉ.  D.  M.  P.,  professeur  d'anthropologie  à  rUnivèifâlté  de  Bruxelles. 

(3i«l«Hfer  1884.) 
HYBfc  CUHKfe,  local  Sébrètdir^ûf  thé  Ànthropolo^Mt  Sottety  of  ton- 
don^  président  de  l'Académie  d'Aiialolle,  aSrtiyrne.  (15/ufnl865.) 
iKd^r  (G),  bëcHSlaire  de  lit  Section  ànthropoldgittue  de  lu  Société  des 

Amis  des  sciences  naturelles,  à  Moscdil.  (ï«'  Mà¥8  4883.) 
lTâLlà4^icASTRb,  D.  M.,  à  Pai&îzolo-Acrôlde  (Sicile),  [ti  juillet  1866.) 
IWANOFSKY,  D.  M.,  V.  Vyborskaïa  Storma,  Finshl  |[)eredalok,  mai- 
sort  Opotchinina,  à  Saint-Pétersbourg  (Russie).  (4  rftoirt6r«  4879.) 
Janssews,  d.  m.,  à  Bruxelles,  21,  rue  des  Coiiiédifens.  (18  novem- 
bre 1869.) 
Jones  (W.)>  ingénieur,  à  Bruxelles,  18,  rue   Bfarnix.  (20  décembre 
4866.) 

RiLMtlERQ,  D.  M.  p.,  à  Bukharëst.  (13  mai  1869.) 

KoLLMAWN,  professeur  de  zoologie,  à  Bâie  (Suisfee).  {!•*  mars  1883.) 

La  CalLb  (Antonio  de),  pHtat  doceùt  (linguistique)  à  TUniversité  de 
Genève,  48,  rue  de  Sèvres,  à  Glamart.  (17  mars  1881.) 

Landry,  professeur  à  t'Uni^fersIlê  de  Québec  (Canada).  (16  mot  1861.) 

Leboucq,  d.  m.  p..  professeur  à  TUniversilé  de  Gand  (Belgique). 
(3  janvier  1884.) 

Lesquizamon  (D.  Juan,  Martin),  ministre  du  gouvernement  de  la  pro- 
vince de  Salla  (république  Argentine).  (24  juin  1877.) 

LitTcm  F0RBB64  Membre  de  Itt  Société  de  géographie  de  Londres,  an- 
cien médecin  aux  consulats  anglais  en  Océanie,  Gbaudos.ciub, 
Laiigham  Plice^  à  Lotidreâ. 

Macedo  Pinto,  professeur  à  TUniversitô  deCoïmbre  (Portugal),  [i^^  fé- 
vrier 1866;) 

Masoh  (Otis,  P.),  conservateur  du  musée  elhnologiqueldu  Smithsonian 
instilutiodi  à  Washington.  (7  mai  1885.) 

Meyer  (A.),  directeur  du  musée  d'histoire  tiaturelle  de  Dresde.  (46  dé- 
oembre  1880.) 

M0NTELIUS  (0.),  D.  M.  P.,  2*  conservateur  au  ttiusée  rbyal  d'archéo- 
logie, à  Stockholm.  (15  oolobre  1874.)! 

MmenO)  128,  Florida^AltoSf  à  Buenbs-Ayres.  HOtel  dli  Palaia-Rdydl 
(place).  (A  juin  1873.) 

MoRSNO  Maiz,  D«  m.,  à  Lima  (Pérou).  (IÇ  aoûl  1864:) 

Morris  (J.-P.),  à  Ulverston,  Angleterre.  (8  avril  186t.) 

MucH,  secrétaire  général  de  la  St)ciété  d'anthf-opologie,  à  Vienile. 
(5  décembre  1878.) 

MuMoz  LoMi,  membrt  fondateur  ûB  id  Bodiété  d*ahthropologië  dé 
Madrid.  (19  octobre  18650 


PÊnsoîSNEL.  xLVli 

N0VAIO9  D.  M.,  proresseur  agrégé  é  la  Faculté  dôs  scieUcéS  de  fiaedos- 
Âyres,  i8,  rue  de  Gonstantinople.  (16  mat  1878.) 

Ossowskt  (G.)y  membre  de  la  commission  archéologique  des  Sciences 
de  Cracovie,  Alica  Slawkowska,  228»  à  Cracovie.  (17  avril  1879.) 

Pacliani,  proressear  de  physiologie  à  rtJntversité  de  Turin.  (12  no' 
vembre  1877.) 

Palus  (Alexis),  professeur  à  TtJniversilé  d* Athènes,  (i^  octobre  l8BB.) 

Peîigellt  (W.),  membre  de  ta  Société  royale  dé  Londres,  à  Torquay 
Devonshire  (Angleterre).  (8  janvier  1874.) 

PcKERA  (  Andrews  ) ,  professeur  à  Slave^bland,  Colombo  (Geytan). 
{{^  novembre  \S9Î.) 

Phiumoroff,  conservateur  du  musée  des  armures  au  Kredilin,  à 
Moscou.  (4  décembre  1870.) 

PiCHARDO  (Gabriel),  membre  correspondant  de  la  Société  antliropolo- 
gique  espagnole  de  Madrid,  fondateur  de  la  Société  anthropolo- 
gique de  Cuba,  A  la  Havane.  (3  janvier  1878.) 

PiUR  (Georges)^  professeur  de  géologie  à  TCniversité  d'Agram  (Au- 
triche-Hongrie), ({^juillet  1874.) 

PosADA  Arahgo,  D.  m.,  professeur  à  Médelline  (Etats-Unis  dd  Sud). 
a  juilUt  \%10.) 

PuTTUM  (F.-W.),  conservateur  en  chef  du  musée  teabody,  Harward 
uoiversity,  à  Cambridge  (Massachusetts).  (2  février  1882.) 

pROFiLLET  (le  R.  P.),  missionnaire,  à  Haïti.  (5  mai  1864.) 

Raagabé  (Alexandre),  membre  de  U  Société  d'archéologie  d'Athènes, 
ministre  de  Grèce.  (19  octobre  1865.) 

Rbgalia  (E.)yaumusée  anthropologique  de  Pldbence  (Italie).  (2  (ioilM8t7.) 

Hnutjs  (GustaO,  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  Stockholth.  (20  fé- 
vrwr  1873.) 

ilivRTt  CAiNâG  (H.),  archéologue  attaché  au  gouvernement  civil  dii 
Beogale,  à  Allahabad  (Indes  anglaises).  {A  janvier  1883.) 

RoMER  (Floris),  professeur  à  l'Université  do  Pesth  (Hongrie).  (17  no- 
vembre 1867.) 

UuoLER  (F.-W  ),  vice-président  de  Tlnslitut  anthropologique  de 
Grande-Bretagne  et  d'Irlande,  à  Londres.  (4  août  1881.) 

Saleb-Choukry,  D.  M.  P.,  médecin  de  rh6pilal  du  Caire  (Egypte),  49, 
rue  Monge.  (6  juin  1877.) 

ScHouTT  (John) ,  inspecteur  général  de  la  vaccination  à  Madras , 
membre  de  la  Société  d'anthropologie  de  Londres,  à  Madras  (Indes 
anglaises).  (5  août  1875.) 

SeBLA.^D  (N.),  D.  M.,  médecin  en  chef  de  la  province  de  Semiretscbenk, 
à  Verni  (Russie).  (18  février  1886.) 

SiGERSOM,  D.  M.,  professeur  de  biologie  à  TUniversité  de  Dublin,  3,  Glare 
Street,  à  Dublin.  (7  novembre  1878.) 


XLVIII  PBASOlflIBL. 

SxiRNOW  (Michel),  maison  Tamanisheeff,  à  Tiflis.  (22  novembre 
4877.) 

Sommier,  voyageur  eo  Sibérie,  secrétaire  de  la  Société  italieoae  d'an- 
thropologie, à  Florence.  (2  décembre  1886.) 

SuMAMGALA,  principal  du  coHège  de  Vidyodaya,  Colombo  (Gcylan). 
(i6  novembre  1882.) 

Tayano,  D.  m.,  à  Rio-Janeiro.  (27  novembre  1878.) 

TiHOMiROFF  (À.),  secrétaire  de  la  Société  impériale  des  A  mis  des  sciences 
naturelles,  d^anlhropologie  et  d'ethnographie,  à  Moscou.  (4  dé- 
cembre iS19.) 

ToDD  (Spencer)y  secrétaire  général  du  gouvernement  de  la  colonie^  au 
Cap  de  Ronne-Espérance.  (i9;tttn  1879.) 

ToRRcs  (Helchior),  professeur  agrégé  à  TEcoIe  de  médecine  de  Buenos- 
Ayres.  (20  novembre  1879.) 

TuBiNO,  82,  Huertas,  à  Madrid.  (30  juillet  1868.) 

Varela,  commissaire  à  TExposition  de  1878  pour  la  république  Argen- 
tine. (7  novembre  1878.) 

Vasconccllos-Abreu  (de),  à  Coîmbre.  (2  novembre  1875.) 

ViANNA,  D.  M.,  à  Pernambuc  (Brésil).  (21  juin  1877.) 

VoLDRicH,  secrétaire  de  la  Société  d'anthropolo(«ie,  à  Vienne  (Autriche). 
(5  décembre  1878.) 

Wallis  (Juan-N.),  D.  M.,  consul  de  Colombie,  à  Bruxelles.  (7  dé^ 
cembre  1871.) 

WiLSON  (Daniel),  professeur  à  TUniversité  de  Toronto  (Canada). 
(15  avrU  1875.) 

WrrHALL,  à  Genève.  (23  janvier  1868.) 

Wrzbsniowsbi,  professeur  d'anatomie  à  TUniversité  de  Varsovie^ 
12,  rue  Alexandria,  à  Varsovie.  (18  mars  1880.) 

ZocRAFF,  membre  du  comité  de  l'Exposition  anthropologique,  à  Moscou. 
A  décembre  iS19.) 


PERSONNEL. 


XUX 


COMITÉ  CENTRAL 


MM.  D'ABBADIE. 
AUBURTIN. 
BATAILLARD. 
fiORDIER. 
CHERVIN. 
CHUDZINSRl. 
COLLINEAU. 
DARESTE. 
DELASIAUYË. 
FAUVELLE. 
IIATHIAS  DUVAL. 
GIRARD  DE  RIALLE. 
HERVË. 
HOVELACQDE. 
ISSAURAT. 


MM.  LABORDE. 
MAGITOT. 
MANOUVRIER. 
MONCELON, 
MONDIÈRE. 
PIÈTREMENT. 
POZZI. 
ROUSSELET. 
ROYER  (M»«  Glémence). 
SALMON. 
SEBILLOT. 
TOPINARD. 
VINSON. 
ZABOROWSKI. 


ANCIENS  PRÉSIDENTS 


Membres    eu    €emlté    eestral. 


MM.  BERTRAND. 
DALLY, 
DUREAU. 
FAIDHERBE 
GAVARRET. 
HAMY. 
LAGNEAU. 
LETOURNEAU. 


MM.  DE  MORTILLET. 
PLOIX. 
PROUST. 

DE  QUATREFAGES. 
DE  RANSE. 
SANSON. 
THULIÉ. 


PBRgOIWEL. 


LISTE   GÉNÉRALE 

DES  PRÉSIDENTS  DE  hJi  SOCIÉTÉ. 


En   1859 

MM.  MARTIN-MAGRON. 

1S6Û 

I8!D.  GEOFFROY  SAINT^HILAIRE 

1861 

BÉCLARD. 

im 

POUDIN. 

1863 

DE  QUATREFAGES. 

1864 

GRATIOLET. 

4865 

PRUNER-BEY. 

1866 

PÉRIER. 

1867 

GAVARRET. 

1868 

BERTRAND. 

1869 

J-ARTET. 

1870-71 

GAUSSIN. 

187? 

J.AGNEAU. 

1873 

BERTILLON. 

1874 

FAIDHERBE. 

1875 

DALLY. 

1876 

DE  MORTir.LKT. 

1877 

DE  RANSE. 

1878 

MARTIN  (Henri). 

1879 

SANSON. 

1880 

PLOIX. 

1881 

PARROT. 

1882 

THULIÉ. 

1883 

PROUST. 

1884 

HAMY. 

1885 

DUREAU. 

1866 

LETOURNEAU. 

1887 

MAGÏTOT, 

6ECRÉTAERE  GÉNÉRAL 

DE  1859  A  1880. 

BROCA  (Paul),  fondateur. 

ARCHIVISTE  HONORAIRE  :  H.  DURBAU. 

COMITÉ    CONTENTIEUX. 
MM.  GALIN,  notaire. 

NICQUEYERT^  avoué  près  le  Tribunal  de  première  iastaoce. 
LAURENT  (Abel),  agent  de  change. 


SOCIÉTÉS  SAVANTES  ET  PÉRIODIQUES 

AVEC  LESQUELS  LA  SOCIÉTÉ  ÉCHANGE  SES  PUBLICATION» 


FRANCE 

Archives  de  médecine  naTale« 

Bulletin  de  la  Société  d'acclimatation* 

Bulletin  du  Muséum  d'histoire  naturelle  de  Lyon* 

Commission  des  monuments  mégalithiques. 

Laboratoire  d'anthropologie  du  Muséum  d'histoire  naturelle Jde  Parif« 

Laboratoire  d'anthropologie  de  l'Ecole  des  hautes  études» 

Matériaux  pour  servir  à  l'histoire  de  l'homme  primitif. 

Méinsine. 

Mémoires  de  médecine  et  de  chirurgie  militaires. 

Musée  Guimet. 

Philosophie  positive. 

Progrès  médical. 

Revue  des  sciences  naturelles  de  Montpellier. 

Revue  scientifique. 

Revue  des  traditions  populaires. 

Société  académique  de  l'Aube,  à  Troyes. 

Société  d'acclimatation. 

Société  d'anatomie. 

Société  d'anthropologie  de  Lyon. 

Société  d'anthropologie  du  Sud-Ouest  et  de  Bordeaux. 

Société  des  antiquaires  du  Centre,  à  Bourges. 

Société  des  antiquaires  de  l'Ouest,  à  Poitiers. 

Société  archéologique  de  Senlis. 

Société  archéologique  de  Constantine. 

Société  archéologique  du  Véndômois,  à  VendAme. 

Société  des  architectes  de  taris. 

Société  Belforlienne  d'émulalioû,  à  BeiroH. 

Société  de  biologie. 

Société  de  climatologie  algérienne,  à  Algei*. 

Société  dunoise  de  Ghâteaudun. 

Sociuté  d'elhnogfbphie. 

Société  d'émulation  de  l'Allier,  à  Moulins. 


LU  SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

Société  d'émulation  de  Montbéliard. 

Société  d*émulation  des  Vosges,  à  Ëpinal. 

Société  d'études  scientifiques  d'Angers. 

Société  géologique  de  France. 

Société  de  géographie  de  Paris. 

Société  de  géograpiiie  de  Tours. 

Société  d'histoire  naturelle  de  Toulouse. 

Société  d'histoire  de  Paris.  (Archives.) 

Société  de  médecine  et  de  chirurgie  de  Bordeaux. 

Société  médicale  des  hôpitaux. 

Société  polymathique  du  Morbihan,  à  Vannes. 

Société  savoisienne  d'histoire  et  d'archéologie  de  Ghambéry. 

Société  des  sciences  de  la  Creuse. 

Société  des  sciences  naturelles  de  l'Yonne»  à  Auxerre. 

Société  des  sciences  physiques  et  naturelles  de  Bordeaux* 

Société  de  statistique  de  Paris. 

Société  zoologique  de  France. 

LISTE  DES  SOCIÉTÉS  SAVANTES 

QUI   REÇOIVENT  DIRECTEMENT  LES  PUBLICATIONS  DB  LA  SOCIÉTÉ 
DU   MINISTÈRE   DE  l'iNSTRUCTION   PUBLIQUE 
(COMVCNTION   DU    3  MAI   1881) 

Académie,  Ntmes. 

Académie  delphinale,  Grenoble. 

Académie  d^Hippone,  Bône. 

Académie  nationale,  Reims. 

Académie  des  sciences,  arts  et  belles-lettres,  Bordeaux. 

Académie  des  sciences,  arts  et  belles-lettres,  Màcon. 

Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts,  Lyon. 

Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts,  Rouen. 

Académie  des  sciences,  lettres  et  arts,  Arras. 

Académie  des  sciences,  lettres   t  arts,  Marseille. 

Académie  de  Stanislas,  Nancy. 

Comité  historique  et  archéologique,  Noyon. 

Commission  des  antiquités  de  la  Côte-d'Or,  Dijon. 

Société  académique,  Boulogne-sur- Mer. 

Société  académique,  Laon. 

Société  académique  de  Maine-et-Loire,  Angers. 

Société  académique  de  la  Loire-Inférieure,  Nantes. 

Société  académique  d'archéologie,  sciences  et  arts,  Beauvais. 

Société  académique  des  sciences,  arts  et  belles-lettres,  Saint*Quentin. 


SOCIÉTiS  SATANTIS.  Lm 

Société  d'igriculture,  sciences  et  arts  de  la  Sarthe,  le  Mans. 

Société  des  antiquaires  de  la  Morinie,  Saiut-Omer. 

Société  des  antiquaires  de  Normandie,  Caen. 

Société  archéologique  de  la  Gironde,  Bordeaux. 

Société  arcliéologique,  Montpellier. 

Société  archéologique,  historique  et  scientifique!  Soissont. 

Société  dunkerquoise,  Dunkerque. 

Société  fiduenne»  Âutun. 

Société  d'émulation,  Âbbeville. 

Société  d'émulation  du  Doubs,  Besançon. 

Société  havraise  d'études  diverses,  Havre. 

Société  de  médecine^  Nancy. 

Société  de  médecine,  Rouen. 

Société  de  médecine,  Toulouse. 

Société  de  médecine  et  de  chirurgie  pratiques,  Montpellier» 

Société  nationale  d'émulation,  Montpellier. 

Société  des  sciences,  lettres  et  arts  de  la  Réunion,  Saint-Denis. 

Société  des  sciences  médicales,  Gannat. 

Société  des  sciences  naturelles,  Cherbourg. 

Société  des  sciences  physiques  et  naturelles^  Toulouse. 

Société  de  statistique,  sciences,  belles-lettres  et  arts,  Niorté 

ÉTRANGER 

Âkademie  der  Wissenschaflen,  Munich. 

Archiv  fur  Anthropologie,  Fribourg  en  Brisgau, 

Ausland,  Munich. 

Beitraege  zur  Anthropologie  und  Urgeschichte  Bayems,  Munich. 

Gesellschaft  fur  Anthropologie,  Berlin. 

Gesellschaft  fôr  œkonomie,  Kœnigsberg. 

Verein  fur  Erdkunde,  Dresde. 

AlMiee-LorrsIae . 

Société  d'histoire  naturelle,  Golmar. 

Angleterre. 

Anthropological  Institute  of  Great  Brîtain  and  Ireland,  Londres. 

Le  journal  Nature,  Londres. 

Journal  of  Anatomy,  Edimbourg. 

Société  royale  de  géographie  de  Londres.    . 

Société  royale  d*E(limbour«  (Kcosse). 


LIT  SOQliTi  SATAHTB8* 

AàtHehè. 

Ânthropologiche  Gesellschaft,  Vienne. 

4itfttt»iill6. 

Royal  Society  of  New  Soutb  Wales,  Sidney. 

Belipiqiië. 

Académie  royale  des  sciences,  lettres  et  arts  de  Belgique. 
Société  d'anthropologie  de  Bruxelles. 
Société  de  géographie  de  Bruxelles. 

Brésil. 

Muséum  d^hlstoire  naturelle  de'4Rio-Janeiro. 

GanliAii. 

Journal  Canadian  Naturalist. 

Proceediogs  of  Ihe  Canadian  Institut,  Toronto. 

Banemark. 

Société  royale  des  antiquaires  du  Nord,  à  Copenhague. 

Éffypte. 

Institut  égyptien,  Alexandrie. 

États-Unis. 

Academy  of  Sciences,  Saint-Louis. 

The  American  Naturalist,  Boston. 

American  Philosophical  Society,  Philadelphie. 

Boston  Society  of  natural  history. 

Bureau  d'ethnologie.  M.  Powell,  à  Washington. 

Department  of  the  interior,  United  States  geological  Survey. 

Essex  Institute  of  Salem. 

Journal  American  Antiquarîan^  Chicago. 

Journal  Science,  Cambridge. 

Muséum  Comparative  Zoology,  Cambridge. 

The  Numismatic  and  Aotiquarian  Society  of  Philadelphie. 

Peabody  Muséum,  Harward's  University,  Cambridge. 

Smithsonian  Institution,  Washington. 

Société  d^anthropologie,  Washington. 

Gréée. 

Société  historique  et  ethnographique  de  Grèce^  Athènes. 


SOaÉTÉS  SAVANTES.  hV 

■oUaade. 

Institut  royal  de  la  Haye  pour  la  géographie,  l'ethnographie  et  la 

philologie  des  Indes  orientales  néerlandaises. 
Société  de  géographie  d'Amsterdam. 
Tijdschrift  voor  indische  tadl-land  en  Volkenkunde,  la  Haye. 

Indes  anglaises* 

Asiatic  Society  of  Bengal,  Calcutta. 

ItaUe. 

Le  Cosmos,  Turin. 

Société  d'antropologia  e  d'etnologia,  Florence. 

Société  de  géographie  de  Rome. 

Bullelio  Palaelhnolog.  Ilaliana,  à  Rome. 

Japon. 

Journal  of  the  Asiatic  Society  of  Japan,  Tokio. 

Mexique. 

Maseo  Nacional,  Mexico. 

République  Argentine» 

Academia  Nacional  de  Ciencias,  Côrdoba. 

Russie. 

Société  impériale  des  naturalistes,  Moscou. 
Société  des  amis  des  sciences  naturelles  de  Moscou. 
Société  impériale  de  géographie  de  Saint-Pétersbourg. 
Université  impériale  de  Saint- Wladimir,  à  Kiew. 

Suède. 

Société  d'anthropologie  de  Stockholm. 

Tidskrift  fôr  anthropologi  och  kulturhistoria  a  Stockholm. 

Suisse. 

Naturforschende  Gesellschait,  Bàle. 

Société  de  géographie,  Genèye. 

Société  des  sciences  naturelles  de  Bàle. 

Société  Yaudoise  des  sciences  naturelles,  Lausanne. 


BULLETINS 

DE  lA  SOCIÉTÉ 

D'ANTHROPOLOGIE 

DE  PARIS 


-^»^'9>»»^*^9n 


a4*  StANCB.  ^  6  jantier  1887. 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

M.  Letourneau^  président  sortant,  prononce  Tallocution 
suivante  : 

«  Messieurs,  je  n'ai  pas  aujourd'hui  à  vous  faire  de  discours:. 
Ce  soin  incombe  à  mon  successeur,  notre  collègue  et  ami, 
M.  le  docteur  Magitot.  Cependant,  avant  de  quitter  ce  fau* 
teuil,  j'ai,  selon  l'usage,  à  vous  rendre  compte  de  l'état  actuel 
de  notre  Société.  Cette  situation  continue  à  être  très  floris- 
sante. La  Société  d'anthropologie  compte  632  membres, 
savoir  :  Membres  honoraires,  7  ;  titulaires,  454  ;  correspon- 
dants nationaux,  67  ;  correspondants  étrangers,  i04  ;  mem- 
bres  associés  étrangers,  85. 

a  Peu  de  sociétés  savantes  en  France  ont  un  personnel  aussi 
considérable.  Néanmoins  nous  avons,  cette  année,  été  parti- 
culièrement éprouvés  par  la  mort,  puisque  nous  avons  perdu 
42  collègues,  MM.  Grasset, Gillebert  d'Hercourt  père,  Laurent- 
Pichat,  Prat,  Ancelon,  Gaussin,  Mugnier,  Paul  Bert,  Bourges, 
Mazaé-Azéma,  Jules  Guérin  et  Rambaud. 

«  Depuis  quelques  années,  messieurs,  notre  obituaire  est  par» 
ticulièrement  chargé.  C'est  que,  sous  ce  rapport,  nous  sommes 
dans  une  période  critique  par  laquelle  doivent  nécessaire- 

T.  X  (3«  sÉnJ!:).  i 


2  SÉANCE   DU  6  JANVIER  1887. 

ment  passer  toutes  les  sociétés  qui  durent  longtemps.  La 
Société  d'anthropologie  a  été  fondée  en  1859,  il  y  a  vingt- 
huit  ans  :  par  suite,  nombre  de  ses  membres,  alors  jeunes 
ou  d'âge  moyen,  arrivent  aujourd'hui  à  la  vieillesse  et  payent 
par  conséquent  à  la  mort  un  tribut  proportionnellement 
fort.  Nos  recrues,  d'ailleurs,  compensent  largement  nos  pertes, 
puisque  nous  avons  élu,  cette  année  encore,  dix-neuf  mem- 
bres titulaires. 

«  Sous  le  rapport  du  travail  scientifique,  messieurs^  nous 
n'avons  aussi  qu'à  nous  féliciter.  Nos  Bulletins  forment 
toujours  un  recueil  sérieux^  varié,  intéressant,  indispensable 
à  quiconque  cultive  l'une  quelconque  des  diverses  branches 
de  la  science  de  Thomme.  Je  me  permettrai  cependant  de 
renouveler  un  vœu,  que  j'ai  déjà  formulé  en  prenant  posses- 
sion de  ce  fauteuil,  c'est  de  voir  la  Société  d'anthropologie 
donner,  dans  ses  travaux,  une  place  beaucoup  plus  grande 
à  la  sociologie  etl^nograpbique.  Il  y  a,  dans  ce  domaine,  à  re- 
cueillir, à  classer  et  à  interpréter  toute  une  moisson  de  faits 
particulièrement  intéressants. 

«  Maintenant,  messieurs,  je  n'ai  plus  qu'à  vous  remercier 
de  m'avoir,  par  votre  sympathie,  votre  bienveillance  sou- 
tenue, rendu  extrêmement  agréable  et  facile  l'honorable 
tâcha  de  présider  vos  séances  pendant  l'année  qui  vient  de 
finir.  J'ai  aussi  à  vous  exprimer  ma  gratitude  à  propos  de  la 
marque  d'estime  toute  particulière  que  vous  m'avez  donnée, 
en  me  confiant,  après  mon  année  de  présidence,  les  impor- 
tantes fonctions  de  secrétaire  général.  Avant  de  commencer 
à  les  remplir,  pendant  que,  pour  un  moment  encore,  je  suis 
votre  président,  je  serai  sûrement  aussi  votre  interprète,  en  re- 
merciant en  votre  nom  notre  collègue,  M.  Topinard,  d'avoir 
bien  voulu,  pendant  six  années,  accepter  l'honorable,  niais 
lourde  charge  que  vous  voulez  bien  me  confier  à  partir 
d'aujourd'hui.  Notre  premier  secrétaire  général,  dont  la 
perte  est  à  jamais  regrettable,  ne  pourra  certainement  être 
remplacé.  Yous  avez  donc  pensé  qu'il  n'était  plus  utile  main- 
tenant d'avoir  un  secrétaire  général  pratiquement  viager, 


DMCOUia  BU  PRÉtlBEIIT.  3 

et  qu'il  était  plui  avantageuM  de  fttire  pasMP  sveoessive- 
ment  an  secrétariat  général  divers  membres,  oheitis  parmi 
ceux  qni  s'intéreiient  le  plus  vivement  aux  études  anthropo- 
logiques* C'est  à  cette  manière  de  voir  que  je  dois,  pour  une 
grande  part,  de  sueeéder  aujourd'hui  à  notre  laborienm 
collègue,  M.  le  doeteur  Topinard,  qui,  je  Tespire,  voudra 
bien  pendant  quelque  temps  se  eonsidérer  eomme  un  secré- 
taire général  honoraire  et  me  faire  part  de  sa  vieille  expé- 
rience. i> 

M.  MiarroT,  en  prenait  plaoe  au  Aiiiteuil  de  la  présidence, 
s'exprime  en  ces  termes  : 

«  Messieurs,  lorsque  vous  appelée  chaque  année  l'un  d*entre 
nous  pour  présider  vas  réunions,  vous  cholsissac  tantét  le 
plus  digne,  celui  qui  a  enrichi  votre  domaine  de  travaux 
importante»  ou  de  découvertes  précieuses,  ^^  tel  est  le  eai 
des  savants  qui  m'ont  précédé  h  cette  place  ;  *«-  tantôt  vous 
dé%ign^i  l'un  des  plus  humbles,  l'un  des  plus  obscurs,  parmi 
ceux  qui  n'ont  d'autre  mérita  que  d'aimer  vqtre  science  et  de 
la  servir  dans  les  limites  parfois  fort  modestes  de  leurs 
moyens,  Je  suis  de  ces  derniers  et  Tbouneur  que  vous  m'avee 
fait  ma  touche  profondément, 

K  Si  je  ne  consul tai9  que  mes  forces,  je  me  jugerais  bien  au* 
dessous  de  la  t&(^be  qui  m'ioeombe  aujourd'hui,  bien  insuffi- 
sant pour  diriger  vos  débats,  pour  conduire  vos  disoussioni 
au  milieu  des  diversitéi  d'opinions  qui  trouvent  toujours  dans 
cette  enceinte  une  tribuue  ouverte.  Mais  je  prends  eonflance 
dans  cette  pensée  que  si  votre  président  a  parfois  une  mis- 
sion délicate,  il  est  toujours  assuré  du  moins  de  rencontrer 
parmi  vous  le  respect  réciprocjue  de  toutes  les  idées,  car 
nous  sommes  tous  animés  des  mêmes  sentiments  de  tolérance 
et  de  courtoisie,  parce  que  nous  sommes  tous  le?  serviteur? 
d'un  même  culte,  celui  de  la  Vérité. 

c(  Les  fondateurs  de  notre  société,  les  maîtres  qui  lui  ont 
donné  sa  force,  sa  vitalité,  son  autorité  ;  les  initiateurs  qui 
ont  ouvert  nos  horizons,  tous  nos  aînés  enfin  dans  la  carrière, 
nous  ont  légué  de  précieux  enseignements,  de  nobles  exemples 


4  SÉANCE  DU  6  JANYIEB  i887. 

et  aussi  de  grands  devoirs  dont  se  dégage  impérieusement 
une  tradition  de  liberté. 

«  Au  nom  de  cette  liberté,  nous  avons  largement  ouvert  nos 
portes;  au  nom  de  cette  liberté,  nous  avons  vu  accourir  de 
toutes  parts  dans  nos  rangs  des  naturalistes,  des  philosophes, 
des  savants,  des  chercheurs,  tous  ceux  enfin  qu*entraîne  et 
subjugueFattrait  de  rinconnu, l'amour  passionnédelascience. 

«  C'est  ainsi  que  l'anthropologie,  affranchie  de  toute  entrave, 
délivrée  de  toute  contrainte  et  de  tout  préjugé,  a  pu  marcher, 
fière  et  résolue,  à  la  poursuite  de  problèmes  si  longtemps 
interdits,  et,  riche  aujourd'hui  du  concours  de  tous^  elle 
pourrait  prendre  pour  symbole  :  la  Démocratie  dans  la  science. 

«  Avant  d'ouvrir  cette  séance,  j'ai,  messieurs,  un  devoir  à 
remplir  :  nous  ne  pouvons  laisser  partir  le  Bureau  de  Tannée 
précédente  sans  lui  exprimer  notre  gratitude  pour  la  mission 
qu'il  a  si  dignement  accomplie.  Quand  je  dis  que  notre 
Bureau  nous  quitte,  je  me  trompe,  messieurs,  car  notre  pré' 
sident  a  été  désigné  par  vos  suffrages  pour  occuper  un  poste 
bien  autrement  précieux  et  utile,  celui  de  secrétaire  général. 
Le  collègue  qu'il  remplace  a  voulu,  vous  le  savez,  après  deux 
mandats  successifs,  résigner  ses  fonctions,  et  demande,  en 
vrai  soldat  de  la  science,  à  rentrer  dans  le  rang  où  il  garde  à 
notre  service  son  expérience  et  son  activité.  Notre  secrétaire 
général  adjoint,  nos  secrétaires  annuels  ont  également 
accompli  leur  tâche.  A  tous,  messieurs,  je  vous  propose 
d'adresser  un  vote  de  remerciement.  » 

A  propos  du  procèi-verbal« 

M.  G.  DE  MoRiULET  dit  qu^à  propos  de  la  communication 
faite  dans  la  dernière  séance  par  M.  Bonnemère,  M.  Maufras 
lui  a  adressé  la  note  suivante  :  «  En  Saintonge  existe  une 
croyance  populaire  concernant  la  guérison  des  écrouelles.Le 
septième  garçon  d'une  femme  qui  n'a  jamais  eu  de  filles  a, 
dit-on,  la  propriété  de  guérir  cette  maladie  la  nuit  de  Noôl.  » 


RAPPORT  DU  TRÉSORIER. 


CORRESPONDANCE. 


Lettre  de  M.  G.  Hubbard,  député,  demandant  le  titre  de 
membre  titulaire  (lettre  datée  du  15  décembre  1886). 

OUVRAGES  OFFERTS. 

Gochinchine  française.  Statistique  médicale  de  4863  à  1870. 
Saigon,  1885,  in-4o,  194  pages. 

Brinton  (D.).  The  conception  ofLove  in  some  American  Lan- 
(juages  {American  philosophical  Society,  novembre  1886). 
Philadelphie,  1886,  broch.  in-8o,  18  pages. 

Exposition  anthropohgique  de  Moscou  en  1879,  t.  XLIX, 
fasc.  2.  Moscou,  1886,  in-4',  127  pages  (en  russe). 

RAPPORTS  ADMINISTRATIFS. 

M.  Hervé  lit,  au  nom  de  M.  de  Ranse,  trésorier,  le  rapport 
suivant  : 

Rapport  du  trésorier  aur  loa  eomptos  de  Texerelee  tSStt. 

«  Messieurs,  le  budget  de  notre  Société,  pendant  le  dernier 
exercice,  se  solde  par  un  excédent  de  recettes  de  9  472  fr.  70, 
somme  déposée  en  compte  coureint  à  la  Société  générale. 

M  Notre  capital  s'élève  à  la  somme  de  43  593  fr.  55,  placée 
en  rentes  sur  TEtat. 

«  Ces  chiffres  sont  suffisants  pour  vous  montrer  que  notre 
situation  est  on  ne  peut  plus  satisfaisante. 

«  Mais  ce  n'est  pas  une  raison  pour  nous  endormir  dans 
une  douce  quiétude.  Si^  en  effet,  la  somme  qui  nous  reste 
au  31  décembre  4886  est  supérieure  à  celle  que  nous  avions 
au  31  décembre  4885,  cela  tient  moins  à  une  augmentation 
de  recettes  qu*à  une  diminution  de  dépenses  dont  nous  ayons 
à  nous  féliciter. 

«  En  comparant  le  produit  des  cotisations  pendant  les  deux 
exercices,  on  trouve  le  dernier  notablement  inférieur  au  pré- 
cédent. G*est  que  la  mort  a  fauché  parmi  nos  collègues,  que 


6  8ÉANGB  DU  6  XANYIIR  1687. 

plusieurs  démissions  nous  ont  été  adressées  et  que  les  vides 
provenant  de  cette  double  source  n'ont  pas  tous  été  remplis. 
Je  crois  remplir  un  devoir  en  vous  signalant  ce  fait,  bien 
propre  à  stimuler  votre  esprit  de  propagande. 

«  D'un  autre  côté,  nos  dépenses  d^imprimerie  sont  infé- 
rieures à  celles  de  Tan  dernier.  Gela  tient  uniquement  à  ce  que 
la  publication  de  nos  Bulletins  est  en  retard.  Il  en  résulte  une 
appfiu^ônc©  d'ôcottomie  que  je  devais  vouà  dénoncer,  et,  dans 
ce  rapport,  votre  trésorier  est  le  premier  à  vous  conseiller 
pltttm  la  prodigalité  î  te  rapidité  et  Texactilude  dans  la  pu- 
bllcalloA  dei  travaut  d'une  société  sont  des  coAdlttons  essen- 
tielles de  vie  et  de  pl'ogrèd. 

ti  h  né  ni*af  rétiîrai  pas  à  d'autres  remarquer,  qui,  après  les 
précédentes,  n'auraient  qu'un  intérêt  tout  à  fait  secondaire. 
Le  tableau  suivant  vous  fera  connaître  la  situation  exacte  de 
la  Société  au  !•'  janvier  de  cette  année  : 

SITUATION  AU  !•'  JANVIER  1887. 


Actif. 
Pâllte  GàisMk k 

100  r^»  » 

43593      55 

536        » 

9479      70 

500         » 

Passif. 

PrtJtBhKîâ.  » 

—  Grodard 

Bxewices  clos 

Capital  placé» .  • . 

1 000  fr.  * 

Rentes  et  valeurs 

Société  générale  •«*..* 

250        » 

9  460      70 

43593      53 

Médaille  Brooa 

54  304  fr.  S5 

54  304fr.S5 

CANDIDATURBS. 

M.  le  docteur  E.  GûILlot,  présenté  par  MM.  Topinard, 
Chudzlhskl  et  fienlker,  et  M.  .Thieullen  (Adrien),  présenté 
par  MM.  Salnion,  G.  de  MôrtlUet  et  Letourneau,  demandent 
lô  titre  de  membre  titulaire. 

M.  HtfBBARD  eut  élu  membre  titulaire. 


DE  NADAJLLAG.  —  LE  BATON  DB  COMMAIOlBlIBirr  DE  MONTGAUDIER.  7 
PRÉSENTATIONS. 

CràM  ru  HéMTteglam  te  GlMUest 

f  AR  K.   TR.   CnCVSINSât. 

M.  Ghudzinski  présente,  au  nom  de  M.  Gollin,  un  cr&ne 
complet  d*ua  Mérovingien  de  Ghelles,  ainsi  que  les  divers 
ossements  représentant  le  squelette  à  peu  près  oomplet  du 
même  individu. 

En  outre,  deux  calvariums  incomplets. 

L'un  de  ces  calvariums  a  été  trouvé  dans  une  fosse  remplie 
d'ossements.  M.  Gollin  présume  que  cette  fosse  a  servi  de 
sépulture  aux  victimes  de  la  Saint-Barlhélemy.  L'autre  a  été 
déterré  dans  un  endroit  avoisinant  les  Gobelins. 

COMHUNIGATIOirS. 

he  MUii  4e  e«Bnn«m4cmeii«  et  HMUgavAier; 

PAR  H.  DB  NADAILLAG. 

La  Tardoire,  petite  rivière  du  département  de  la  Charenlô, 
coule  entre  des  rochers  escarpés  qui  atteignent  jusqu'à 
32  mètres  de  hauteur.  Toute  cette  masse  calcaire  est  percée 
de  nombreuses  grottes,  qui  ont  servi  soit  de  repaire  aux 
fauves,  soit  de  demeure  à  l'homme.  Parmi  ces  dernières, 
nous  citerons  la  grotte  de  Montgaudier,  qui  s'ouvre  sur  la 
rivière  par  une  large  arcade  de  14  mètres  de  longueur 
sur  5",50  de  hauteur.  Les  fouilles  ont  montré  qu'elle  avait 
été  habitée  à  plusieurs  reprises,  car  la  couche  de  limon, 
d'une  puissance  assez  considérable,  était  coupée  à  diffé- 
rentes hauteurs  par  des  bandes  de  terre  noire  et  brûlée;  les 
cendres,  les  fragments  de  charbon^  les  débris  d'ossements 
brisés  attestaient  les  foyers  successifs  d*un  homme. 

Le  bâton  de  commandement  a  été  trouvé  au  mois  de  no- 
vembre dernier,  à  70  centimètres  au-dessus  d'une  couche 
profonde  de  limon.  Il  est  certainement  le  plus  beau  spécimen 
connu  jusqu'à  ce  jour  de  Tari  préhistorique.  Les  deux  fiMes 


8  SÉANCE   DU  6  JANVIER   1887. 

sont  chargées  de  gravures  d'une  finesse  d'exécution,  d'une 
sûreté  de  main,  d'une  connaissance  de  la  forme  véritablement 
surprenants^  et  l'étonnement  redouble  quand  on  songe  que 
l'artiste  n'avait  à  sa  disposition  que  quelques  misérables  silex« 
que  quelques  os  grossièrement  apointés. 

Une  des  faces  représente  deux  phoques.  Les  membres  pos- 
térieurs, les  cinq  doigts  à  chaque  patte  sont  fidèlement  re- 
produits ;  le  corps  est  couvert  de  poils  très  visibles  ;  la  tête 
est  délicatement  exécutée,  le  museau  avec  ses  moustaches, 
l'œil,  le  trou  auditif  sont  indiqués.  Un  peu  plus  bas  est  un 
poisson,  probablement  un  saumon. 

L'autre  face  est  remplie  par  deux  animaux  grêles  et  allon- 
gés. M.  Albert  Gaudry  les  croit  des  anguilles  ;  eCTectivement, 
le  ventre  et  le  dos  sont  bordés  d*une  nageoire  continue  très 
caractéristique.  Il  y  a  une  grande  différence  comme  exécu- 
tion entre  les  anguilles  et  les  phoques,  et  il  est  difficile  de 
croire  que  les  gravures  soient  dues  au  même  troglodyte. 

11  a  été  recueilli  dans  la  grotte,  au  même  niveau  et  datant 
évidemment  du  môme  temps,  les  débris  du  Feh's  spelœa^  de  la 
Byena  spelœa,  de  VUrsm  spelœus,  du  bison,  du  renne,  du  Cer- 
vus  canadensîs,  du  Rhinocéros  tichorhinus,  VElephas  primige^ 
mus  manque  ;  mais  il  a  été  trouvé  deux  molaires  d'un  jeune 
mammouth  dans  une  grotte  voisine,  celle  de  la  Chaise,  qui 
remonte  à  la  même  époque.  Nous  avons  donc  là  toute  la 
faune  caractéristique  d'une  époque  antérieure  à  l'âge  du 
renne  ;  et  ce  bâton  de  commandement  serait  non  seulement 
supérieur  comme  exécution  aux  différentes  gravures  qui  ont 
été  découvertes  dans  les  cavernes  du  midi  de  la  France, 
mais  il  remonterait  à  un  temps  bien  plus  éloigné  de  nous. 

De  nombreux  objets  travaillés  par  l'honmie  gisaient  au  mi- 
lieu de  ces  ossements.  Nous  citerons  deux  morceaux  d'ivoire 
ornés  de  gravures,  des  poinçons  en  os,  des  aiguilles  avec 
leurs  chas  nettement  formés,  des  grattoirs,  des  couteaux  en 
silex,  des  lissoirs  tirés  des  défenses  de  l'éléphant,  des  co- 
quilles percées  pour  servir  soit  de  colliers,  soit  de  bracelets 
(le  gpût  de  l'ornementation  est  inné  chez  notre  race),  un  objet, 


DE  NADAILLAC.  —  LE  BATON  DE  GOMMAlfDEHENT  DE  MONTGAUDIER.   9 

enfin,  assez  difficile  à  définir.  C'est  un  carré  long  de  quelques 
centimètres,  moins  large  que  long,  tiré  d'un  bois  de  renne, 
portant  au  centre  un  trou  rond  et  tout  autour  des  dessins 
géométriques  profondément  incisés.  Nous  le  croyons  soit  une 
amulette,  soit  un  insigne  du  rang.  Mais  ce  sont  là,  il  faut  le 
dire,  des  hypothèses  tout  au  plus  plausibles  (1). 

En  poursuivant  les  fouilles  jusqu'au  sol  naturel  de  la  caverne, 
on  a  mis  au  jour  de  nouveaux  foyers  renfermant  des  osse- 
ments et  des  instruments  semblables  à  ceux  que  nous  venons 
de  raconter.  Il  faut  seulement  ajouter  un  harpon  barbelé 
analogue  à  ceux  que  Ton  rencontre  si  fréquemment  non 
seulement  en  Europe,  mais  encore  dans  d'autres  régions  du 
globe. 

La  découverte  de  Montgaudier,  pour  si  anciens  que  soient 
les  objets  mis  au  jour,  n'est  pas  isolée.  Dans  les  différentes  ca- 
vernes de  la  Vézère,  dans  celles  de  nos  départements  pyré- 
néens, on  trouve  de  nombreuses  gravures  exécutées  avec 
moins  de  talent  peut-être,  mais  où  il  est  facile  de  reconnaître 
l'animal  que  l'homme  a  voulu  représenter.  Il  est  curieux  de 
constater  que,  jusqu'à  présent,  des  gravures  ou  des  sculptures 
aussi  remarquables  comme  exécution,  n'ont  été  découvertes 
que  dans  la  seule  grotte  de  Thayngen,  située  aux  confins  de 
la  Suisse  et  de  l'Allemagne.  11  a  été  recueilli  dans  cette  grotte 
de  nombreuses  gravures  représentant  des  animaux  diffé- 
rents, tous  parfaitement  imités.  Nous  citerons  le  renne  au 
pâturage,  qui  est  gravé  avec  une  véritable  perfection.  Dans 
la  vallée  du  Petit-Morin,  M.  de  Baye  a  rencontré  des  figures 
humaines  burinées  sur  les  parois  des  cavernes  ;  mais,  outre 
qu'elles  sont  très  probablement  postérieures  à  l'âge  du  renne, 
leur  exécution  très  défectueuse  ne  saurait  entrer  en  compa- 
raison avec  les  gravures  provenant  soit  des  grottes  de  la 
Vézère,  soit  de  celles  de  la  Charente.  Celles  découvertes  par 

^  Tous  ces  objets  ont  été  donnés  par  M.Paignon  au  Muséum.  M.Albert 
Gaudry s'était  rendu  à  Montgaudier;  il  avait  suivi  une  partie  des  fouilles 
et  il  s'était  assuré  de  l'exactitude  de  tous  les  faits  se  rattachant  à  la  dé- 
couverte. 


40  8ÉANGB  DU  6  MNYIER   1887. 

M.  Dupont,  dans  les  cavernes  de  la  Meuse  ou  de  la  Lesse  et 
déposées  par  lui  au  musée  de  Bruxelles^  sont  plus  grossières 
encore  et  on  ne  peut  mieux  les  comparer  qu'aux  dessins  in- 
formes qu*enfants  nous  barbouillions  sur  nos  livres  d'études. 
On  cite  aussi  une  tête  d'équidé,  tracée  sur  un  os  trouvé  à 
GressweUCrags  ;  il  est,  paraît-il,  d'une  bonne  facture.  Je  ne  le 
connais  pas,  je  ne  puis  donc  en  juger;  mais  au  milieu  des 
milliers  d'objets  découverts  en  Angleterre  et  appartenant  à 
l'époque  quaternaire,  ce  serait  le  seul  qui  figurerait  un  être 
vivant. 

Les  goûts  artistiques,  qui  ont  fait  éclore  tant  d'œuvres 
intéressantes  et  q^i  culminent  dans  le  bâton  de  commande- 
ment de  Montgaudier,  seraient  dans  l'état  actuel  de  nos  con- 
naissances limités  aux  habitants  du  sud  de  la  France.  C'est 
là  un  fait  curieux  qui  a  déjà  été  signalé  à  la  Société,  mais 
qu'il  semble  intéressant  de  répéter,  chaque  fois  qu'une  dé- 
couverte nouvelle  vient  l'attester, 

Discassion. 

M.  G.  DE  MoRTiLLET  demande  à  M.  de  Nadaillac  quel  est  le 
nom  de  la  grotte  dont  il  vient  de  parler.  Il  y  a  plusieurs 
grottes  à  Montgaudier.  Il  est  bon  de  préciser,  pour  savoir 
s*il  s'agit  d'une  grotte  nouvelle  ou  d'une  grotte  qui  a  déjà  été 
plus  ou  moins  fouillée. 

M.  DE  Nadaillac  pense  que  la  grotte  en  question  n'a  jamais 
été  fouillée  par  d'autres  personnes  que  par  son  propriétaire 
actuel,  M.  Eugène  Paignon. 

Foulllea  «•«•  le  dallage  ém  aftoiiaiiieiit  Intériear  de  «avr'iala 
(Illorblhaa)i 

PAR  M.    DB  CLOSHADEtlC. 

(Note  lue  par  M.  Hervé.) 

On  n'a  pas  oublié  les  principaux  détails  des  fouilles  que 
j'ai  pratiquées,  il  y  a  deux  ans,  sous  l'allée  couverte  du  mo- 
nument de  Gavr'inis. 


DE  CLOSMADfiUC.  —  FOUILLBB  DC  ÔAVR'iNIS.  1 1 

Sxiste-t^il,  sous  les  dalles  de  la  galerie  et  de  la  chambre, 
un  étage  inférieur  et  des  cryptes  inexplorées  ? 

r4'est  dat»  oes  termes  que  j*avaiB  posé  la  question.  Des 
fouilles  Seules  pouvaient  donner  la  réponse» 

Ces  fouilles  furent  exécutées,  sous  ma  direction  et  à  mes 
frais^  dans  le  courant  du  mois  de  septembre  i684.  J*en  ai 
raconté  tout  au  long  les  détails  dans  mes  communications  à 
la  Société  polymathique  du  Morbihan»  Mon  mémoire  a  été 
publié  dans  le  Bulktin  {%•  semestre^  année  1884).  Il  Ta  été 
également  dans  la  Revue  arckéoiogique  de  Paris.  Une  note  a 
été  communiquée  à  Tlnstitut  par  M.  Alex.  Bertrand  (Âo.  des 
JDscr.  et  belles-lettres^  séance  du  iO  octobre  1884),  en  même 
temps  que  des  plans  et  des  photographies* 

Grâce  à  un  travail  bien  conduit,  dont  la  durée  avait  été  de 
plusieurs  jours,  les  grandes  dalles  de  pavage  de  Vallée  avaient 
été  soulevées  une  à  une  et  déplacées  successivement.  Toutes 
reposaient  à  plat  sur  un  lit  épais  de  terïe  et  de  pierrailles 
de  1  mètre  environ  de  profondeur. 

Nous  avions  vidé  complètement  le  contenu  de  l'espace 
intermédiaire,  entre  le  sol  et  les  dalles,  sans  y  trouver  autre 
chose  que  de  rares  fragments  de  poteries  sans  importance, 
quelques  morceaux  de  quartzite  rosé,  des  parcelles  de  char- 
bon et  cinq  ou  six  débris  de  coquilles  d'huîtres  et  de  buccins. 
Aucune  crypte,  aucune  conskuotion  spéciale  ;  rien  que  du 
remplissage. 

Ces  résultats  négatifs,  obtenus  par  l'exploration  de  Tespace 
sous-dallaire  de  la  galerie,  nous  faisaient  soupçonner  que 
des  recherches,  sous  la  grande  dalle  de  la  chambre,  ne  se- 
raient pas  plus  fructueuses.  Nous  fîmes  cependant  creuser  et 
déblayer  au-dessous  d'elle^  dans  toute  la  partie  antérieure 
de  respace,  jusqu'au  sol.  Ce  sondage>  bien  qu'incomplet  (ce 
que  j'ai  mentionné  dans  mon  mémoire  de  1884),  nous  permit 
de  constater  qu'il  y  avait  là  également  un  intervalle  absolu- 
ment semblable  à  celui  de  ValiéCy  comblé  de  terre  et  de 
pierrailles. 

Nous  ne  crûmes  pas  devoir  pousser  plus  loin  nos  investi- 


i2  SÉANCE  DU  6  JANVIER  4887. 

galions  bous  la  chambre.  Le  tout  fut  donc  remis  en  place. 
Mais,  prévoyant  l'objection  qu'on  pourrait  nous  faire  que, 
si  nous  n'avions  rien  trouvé,  c'est  que  nous  n'avions  pas 
effectué  le  déblaiement  à  fond  de  l'espace  sous-dallaire,  nous 
ajournâmes  seulement  l'achèvement  de  cette  fouille. 

Cette  année,  je  me  suis  décidé  à  en  finir  et  j'ai  opéré  l'ex^ 
ploration,  complète  cette  fois,  et  le  déblaiement  intégral  de 
l'espace  sous-dallaire  de  la  chambre. 

Gomme  il  y  a  deux  ans,  j'ai  eu  pour  collaborateur  M.  Don- 
delde  K'gonano  et  à  ma  disposition  des  ouvriers  sûrs  et  expé- 
rimentés. 

Voici  de  quelle  manière  et  avec  quelles  précautions  minu- 
tieuses nous  avons  procédé  : 

Nous  avons  commencé  par  soulever  la  dalle  du  seuil,  qui 
est  contiguê  à  la  grande  dalle  de  la  chambre.  C'est  cette 
dalle,  n*  11  du  plan,  qui  offre  des  ornementations  sur  une 
de  ses  faces  et  sur  deux  de  ses  tranches  ;  elle  a  été  placée  sur 
des  rouleaux  et  conduite  dans  l'allée. 

Nous  avons  dès  lors  vidé  l'espace  découvert  jusqu'au  sol, 
c'est-à-dire  jusqu'à  1  mètre  environ  de  profondeur  (ce  que 
nous  avions  déjà  fait  une  fois  en  4884). 

Dans  cette  tranchée,  les  ouvriers,  travaillant  devant  eux, 
ont  attaqué  le  dessous  de  la  grande  dalle  de  la  chambre. 
Aucun  vide  n'existait  au-dessus  du  remplissage  sur  lequel  la 
dalle  portait  en  entier.  Il  était  impossible  d'enfoncer  même 
une  canne,  en  rasant  le  plafond. 

Les  ouvriers  déblayaient  à  mesure  et  jetaient  les  déblais 
dans  l'allée.  Nous  avions  soin  d'examiner  à  Toeil  et  à  la  main 
chaque  pelletée,  pour  que  rien  n'échappât. 

A  mesure  que  le  travail  avançait  et  qu'on  faisait  le  vide 
sous  la  grande  dalle,  comme  celle-ci  n'était  soutenue  que 
parle  remplissage  compact  qu'on  extrayait,  les  ouvriers  étan- 
çonnaient  l'énorme  bloc  de  granit  au  moyen  de  forts  poteaux 
de  sapin,  que  nous  nous  étions  procurés  exprès. 

De  cette  façon,  nous  étions  assurés  de  ne  compromettre  en 
rien  ni  la  solidité  du  monument,  qui  eût  été  exposé  si  le 


DE  GLOSMADBUG.  —  FOUILLES  DE  eAVIl'lNIS.  13 

moindre  affaissement  s'était  produit,  ni  la  sécurité  des  ou- 
vriers, qui  étaient  obligés  de  travailler  à  plat  ventre,  à  la 
lueur  des  bougies. 

L'espace  sous-dallaire  de  la  chambre  a  été  de  la  sorte  vidé 
complètement  et  exploré  dans  toutes  ses  parties. 

Donnons  maintenant  les  dimensions  de  cet  espace  sous«> 
dallaire,  limité  latéralement  par  les  pieds  des  menhirs- 
supports,  en  haut  par  la  grande  dalle  et  en  bas  par  le  sol  : 

Paroi  d^entrée • 2b,15 

—  du  fond 2,44 

—  nord 2,53 

—  Bud 2  ,70 

Hauteur  moyenne 0  ,70 

Cet  espace  sous-dallaire  n'était  rempli  que  de  terre  noi- 
râtre, de  pierrailles  tassées,  parsemées  de  quelques  menus 
débris  de  poteries,  de  rares  parcelles  de  charbon,  de  petits 
cailloux  roulés^  de  fragments  de  quartzite  rosé  et  de  cinq  ou 
six  débris  de  coquilles. 

Ce  que,  dans  nos  premières  fouilles,  nous  avions  rencontré 
sous  toute  la  longueur  du  dallage  de  la  galerie,  nous  le  re- 
trouvons sous  la  grande  chambre^  qui  en  est  la  continuation. 
Aucune  crypte,  aucune  cavité,  aucune  construction  spéciale, 
aucun  objet  caractéristique  ;  un  simple  remplissage  compact 
d'environ  4  jmètres  cubes,  composé  comme  je  Tai  dit  plus 
haut. 

On  se  rappelle  que,  sous  l'allée,  nous  avions  remarqué  que 
quelques  menhirs  présentaient,  au-dessous  du  dallage,  une 
suite  de  sculptures  supérieures.  Rien  de  semblable  n'apparaît 
sous  la  grande  chambre.  Les  jambages  des  menhirs-sup« 
ports,  qui  se  prolongent  jusqu'au  sol,  où  ils  sont  calés,  sont 
totalement  frustes. 

Tels  sont  les  résultats  que  nous  ont  donnés  ces  dernières 
fouilles,  achevées  d'une  façon  aussi  complète  que  possible. 
Tout  négatifs  qu'ils  soient,  ces  résultats  confirment  et  ren- 
dent définitive  la  solution  de  la  question  que  nous  avions 
posée  en  1884  : 


U  iÉANGl  BU  6  JANVIER  1887. 

Ëxiste-i-il,  sous  lea  dalles  de  Tallôe  ai  do  la  chambre  du 
monument  de  Gavr'iniy,  on  étage  inférieur  et  dei  cryptes 
inexplorées? 

Nous  sommes  aujourd'hui  absolument  autorisé  à  répondre  : 
non,  sous  le  dallage  du  monument  intérieur  de  Gavr'inis,  il 
n'existe  pas  d'étage  inférieur  proprement  dit.  Non,  il  n'existe 
pas  de  cryptes  sous-jaoentes. 

L'absence  significative  de  tout  objet  earaotéristique  i^ûute 
encore  à  la  valeur  de  cette  conclusion. 

En  réalité,  il  n'existe  qu'un  espace  plein,  sous-dallaire, 
dont  les  dimensions  sont  maintenant  connues,  limité  en  haut 
par  les  dalles,  en  bas  par  le  roc,  et  sur  les  côtés  par  les  jam- 
bages des  menhirs-supports. 

Quelle  est  la  raison  d'être  de  ce  mode  de  construction, 
dont  Gavr'inis  offre  un  exemple  typique  ? 

En  1884,  j'écrivais  cette  phrase,  dans  mon  rapport  : 

«  Cette  disposition  architecturale,  dont  Gavr'inia  offre 
peutrétre  le  seul  exemple,  consistant  en  un  étage  inférieur 
rempli  jusqu'aux  dalles,  n'aurait-elle  eu  réellement  d'autre 
destination  que  de  servir  de  Ut  à  celles-oi,  en  même  temps 
qu'elle  diminuait  la  portée  des  supports^  en  les  renforçant 
par  un  remplissage  et  par  des  dalles  interposées?  » 

Aujourd'hui,  cette  supposition  s'est  changée  pour  moi  en 
certitude.  Après  avoir  pris  l'avis  d'hommes  spéciaux  en  archi- 
tecture et  celui  d'archéologues  compétents,  je  reste  convaincu 
que  c'est  la  seule  explication  admissible. 
•  Les  grandes  dalles,  posées  sur  un  lit  de  pierres  et  de  terre 
tassées,  à  une  certaine  distance  du  sol,  et  buttant  contre  les 
montants  pariétaux,  font  l'office  d'étrésillons  horizontaux, 
destinés  à  contre-balancer  les  poussées  latérales  des  matériaux 
extérieurs  composant  le  turaulus.  L'espace  sous-dallaire  n'a 
pas  d'autre  raison  d'être. 

L'expression  de  dolmen  à  deux  étages,  dans  le  sens  absolu 
du  mot,  est  donc  une  expression  impropre,  qui  ne  saurait 
s'appliquer  au  monument  de  Gavr'inis. 

Disons  maintenant  que^  nos  fouilles  une  fois  achevées. 


DE  DJFÀLVT.  «i*  SUR  LB8  QALTCHAS.  45 

nous  ne  nons  sommes  pas  oontentés  de  reeombler  la  caTité, 
sons  la  chambre,  avec  les  matériaux  qui  en  avaient  été 
extraits.  Si  nous  avions  agi  de  cette  façon,  le  tassement  était 
inévitable^  par  suite  de  Ténorme  pression  de  la  dalle  de 
granit,  dont  le  poids  n'est  pas  moindre  de  5  000  kilo- 
grammes. Un  affaissement  de  celle-ci  pouvait  entraîner  les 
conséquences  les  plus  graves  pour  la  stabilité  du  monument. 

Pour  parer  à  cette  éventualité^  nous  avons  fait  construire, 
par  nos  maçons,  quatre  murets  de  soutènement  en  pierres 
sèches,  de  70  centimètres  d'épaisseur,  parallèles  et  accolés 
aux  parois,  montant  du  sol  à  la  dalle  qu'ils  jdevaient  sup- 
porter. 

Entre  ces  murets,  restait  une  cavité  centrale,  à  peu  près 
rectangulaire  ;  nous  l'avons  remplie  à  moitié  de  terre  et  de 
pierrailles  et  nous  avons  déposé  sur  ce  remplissage,  entre 
deux  lames  de  verre,  une  plaque  en  plomb  sur  laquelle  nous 
avions  gravé  deux  noms  et  une  date  :  Closmadeue-Dondel,  vu 
en  4886  ;  puis  la  fosse,  sous  le  seuil,  a  été  comblée  et  la  dalle 
remise  en  place. 

Si,  dans  quelques  siècles,  il  prenait  fantaisie  à  des  fouil- 
leurs  de  recommencer  l'exploration,  la  plaque  de  plomb, 
enfouie  sous  la  chambre,  à  défaut  du  Bulletin  de  la  Société 
d'anthropologie,  servirait  à  la  fois  de  témoignage  et  d'aver- 
tissement. 

Quelques  observations  sur  les  TadJIks  des  montagnes» 
appelés  aussi  Galtchas; 

PAR    M.    CH.-E.     DE     UJFALVY. 

Retenu  loin  de  Paris  depuis  plus  de  deux  ans  à  la  suite 
d'une  cruelle  maladie  de  la  vue,  il  m'a  été  impossible  de 
prendre  une  part  active  aux  travaux  de  notre  Société.  J'ai 
profité  de  mes  loisirs  pour  préparer  un  travail  étendu  sur  les 
peuples  de  l'Asie  centrale.  Joignant  à  mes  propres  observa- 
tions tout  ce  que  les  savants  et  voyageurs  russes,  anglais, 
allemands  et  autres  ont  publié  sur  cette  matière^  je  suis 


16  SÉANCE  DU  6  JANVIBR  4887. 

arrivé  à  réunir  des  matériaux  considérables,  et  j'espère  pou- 
voir offrir  au  public,  dans  le  courant  du  printemps  prochain, 
la  première  partie  de  mon  ouvrage  sous  le  titre  :  Les  Aryens 
au  nord  et  au  sud  de  VHindou-Kouch.  J'ai  dédié  mon  livre  à 
mon  regretté  maître  Paul  Broca^  dont  les  leçons  m'avaient 
mis  à  même  de  faire  des  mensurations  anthropométriques^ 
que  je  crois  d'autant  plus  exactes,  que  Brooa  avait  mis  plu- 
sieurs semaines  à  bien  m'enseigner  sa  méthode.  J'ai  choisi 
comme  épigraphe  de  mon  ouvrage  les  paroles  suivantes  que 
Broca  m'avait  souvent  répétées  :  «  Je  préfère  quelques  bonnes 
mensurations  prises  sur  le  vivant  aux  plus  éloquentes  des- 
criptions des  voyageurs.  »  Je  croirai  donc  à  l'exactitude  de 
mes  chiffres  aussi  longtemps  qu'on  ne  m'aura  pas  opposé  des 
séries  de  mensurations  faites  par  un  autre  voyageur  préparé 
a  cette  tâche. 

Si  je  vous  offre  cependant  aujourd'hui  un  chapitre  dé* 
taché  de  mon  travail,  cela  tient  à  une  autre  raison.  On 
avait  jadis  accusé  Klaproth  d'avoir  découvert  un  archipel 
du  fond  de  son  cabinet  de  travail  ;  aujourd'hui  on  parcdt 
insinuer  que  le  peuple  des  Galtchas  ou  Tadjiks  des  monta- 
gnes, dont  je  me  suis  permis  d'entretenir  la  Société  à  diffé- 
rentes reprises,  n'a  jamais  existé  que  dans  mon  imagination. 
M.  Deniker  a  déjà,  dans  le  quatrième  tome  à^l^ Revue  d' ethno- 
graphie, p.  364,  fait  justice  de  cette  assertion  en  disant  : 
«  Le  peuple  galtcha  figure  dans  toutes  les  descriptions  statis- 
tiques et  ethnographiques  du  Zerafchan  publiées  en  russe 
{Dictionnaire  géog?'aphique,de  Séménov,  le  Turkestan^  de  Kos- 
tenko,  etc.),  et  il  n'y  aurait  rien  d'étrange  à  ce  que  les  Tad- 
jiks des  montagnes  soient  appelés  Galtchas  d'après  la  chaus- 
sure qu'ils  portent,  comme  les  Kara-Kalpaks  l'ont  été  d'après 
le  «  bonnet  noir  »  en  astrakan  qu'ils  avaient  jadis  et  qu'ils 
ont  encore  à  présent.  » 

Je  lis  dans  l'excellent  Précis  d'anthropologie  de  mes  col- 
lègues, MM.  Abel  Hovelacque  et  Georges  Hervé  :  «  Il  ne  con- 
vient de  parler  qu'avec  une  extrême  réserve  des  Galtchas, 
Tadjiks  montagnards  du  Kohistan,  qui  seraient  brachycé- 


DE  UJFALTY.  —  SUR  LES  GALTCflAS.      .  17 

phales.  Par  ce  caractère  ils  se  différencieraient  nettement  des 
Éraniens.  Mais  on  n'est  pas  encore  édifié,  il  faut  le  recon- 
naître, sur  r.existence  de  cette  soi-disant  population  à  tète 
courte.  » 

J'aurai  Toccasion  de  montrer  dans  mon  travail  que  la 
traînée  des  brachycéphales  de  l'Asie  centrale  se  poursuit  jus- 
qu'au sud  de  THindou-Kouch,  ou  les  habitants  du  Hounza  et 
ceux  du  Tchitral,  que  M.  Biddulph*  nous  a  fait  connaître  le 
premier,  paraissent  également  avoir  la  tète  courte  ;  je  me 
bornerai  cependant  aujourd'hui  à  établir  l'existence  irré- 
futable des  Galtchas,  et  j'aurai  l'occasion  de  vous  soumettre 
plus  tard  quelques  photographies  qui^  de  visu,  ne  vous  feront 
point  douter  de  la  brachycépBalie  des  Éraniens  de  l'Asie  cen- 
trale. 

Le  nom  de  Galtchas  n'existe  point  dans  les  récits  anciens  ; 
cependant,  à  l'exemple  de  Benoît  Goës,  Nazarof,  Mayendorf, 
Wood,  Fedchenko,  Arendarinko,  etc.,  etc.,  nous  conserve- 
rons ce  nom  pour  désigner  les  Tadjiks  des  montagnes^  que 
les  habitants  de  la  plaine  appellent  ainsi  et  que  nous  trou- 
vons également  dans  un  vocabulaire  de  noms  indigènes 
publié  dans  le  Turkestanski  Wiédemostt  de  1873»  tandis 
que  les  montagnards  eux-mêmes  se  disent  Tadjiks,  ou  pré- 
fèrent le  plus  souvent  le  nom  de  leurs  tribus,  telles  que  Pân, 
Yagnôb,  etc.,  etc. 

Un  voyageur  moderne  *  a  cru  devoir  écrire  ce  qui  suit  : 
«  On  a  donné  le  nom  de  Galtchas  à  des  peuplades  qui  habi- 
teraient le  Kohistan  et  que  nous  avons  cherchées  sans  les 
trouver  nulle  part.  Nous  pouvons  affirmer  qu'à  toutes  nos 
questions,  au  sujet  des  Galtchas,  lorsque  nous  avons  insisté 
pourvoirce  peuplequi  afourni  matière àdes  discussions  scien- 
tifiques, notre  interlocuteur  indigène  a  répondu  avec  un  sou- 
rire, invariablement  :  «  Au  bazar  de  Pendjekent  » ,  et  quand, 
par  hasard,  nous  étions  chaussés  à  la  mode  des  gens  du  pays, 
il  baissait  les  yeux  en  disant  :  a  Voilà  des  Galtchas.  » 

t  Bidduiph,  Tribes  of  ih$  Uindoo  Koosh,  CaloutU,  1880. 
*  G.  Bonvalot,  Du  Kohistan  à  la  Caspienne^  1885. 

T.  X  (3«  série).  Î 


Vi'diWewn^  pourquoi  les  ebAU6sure«  que  portent  ees  mon- 
t^fQÇLrds  q'nwwenMle»  pw  pu  servir  à  oe  qu^on  le»  dési- 
gQ^t  aia»i  Ai^ds  U  pUioe  -  ?  Mais,  sous  oe  rapport  eaoore, 
nous  préférons  rautoritédu  capitaine  Arendarinko,  qui,  en  «a 
qualité  decbef  de  distriot  et  parlant  parfaitement  la  langue, 
a  Ipngtdn^p»  réaidé  dans  leKobistan,  et  qui  donne  une  autre 
étjHjplpfie  dent  nous  parlerons  plus  loin,  ëq  Gurope,  à 
)'ex9mpl^  do  Tacite  et  de  Ptolémée,  nous  appelons  les  habi- 
faintfi  de  la  Finlande  les  Finnois,  et  la  langue  qu'ils  parlent 
Iç  flnQol^,  tandis  que  cette  peuplade  se  désigno  elle-même 
IIQU9  le  nom  de  Suornalaïnerif  et  désigne  aussi  sa  langue  sous 
le  nom  de  ^uorni-  De  même,  la  viUe  que  les  Hongrois  appel- 
lent $%ékesfehérvàr,  est  appelée  par  les  Allemands  Stublweis- 
senburg,  et  par  les. Français  Albe  royale;  eb  bien!  je  suis 
certain  que  beaucoup  d'habitants  non  lettrés  de  eette  ville 
ne  pe  douant  point  de  Vexjstenpe  de  oe  nom  français.  L*ap- 
pellation  dq  Ki)bistan  n'est-elle  pan  elle-même  purement  oon- 
ventionnelle?  11  e^^iste  à  ma  connaissance  deui^  Kobistans  au 
sud  de  i'Bindou-Koucb,  et  qn  troisième  au  noi*d  ;  il  serait 
dona  préférable  de  dire  la  haute  vallée  du  Zérafcbàq,  ou  du 
Vf^Qim  la  Kobistan  «érafobênais,  Il  est  étonnant  qu'un  voya* 
geur  qui  donne  des  renseignements  intéressants  au  sujet  des 
ipoqtagnards  dq  Kobistan,  se  soit  arrêté  à  de  pareilles 
arguties. 

Le  premier  voyageur  qui  fait  mention  du  peuple  galtcha 
e^\  le  jésuite  portugais  Benoît  de  Gofis^  qui,  en  l'an  4603, 
Yi^it^  le  pays  des  Calcia,  situé  au  nord  de  THindou-Koueb,  et 
Iç  frayersa  av^nt  d'atteindre  le  Pamir.  La  ceuractéristique 
qu'il  en  fait  ^st,  quoiqqe  courte  et  très  simple,  des  plussigni- 
flçative^, 

Le^  gens  de  pette  contréoi  dit-il,  put  les  cbeveux  et  la 
barljte  blonds  comme  les  Belges;  ils  habitent  plusieurs  vil- 


1  Nous  aTOiis  éerit  œs  Hgnes  avant  de  connatlre  ropinion  de  M.  De* 
niker,  qui  est  conforme  à  la  nf^tre. 
'  J.  Brucker,  Benoit  de  Goë$,  Lyon,  1870. 


DE  WFALVV.  r-  BOP  LES  (JUTCHAS.  19 

Nn^arof  aoBs  4.  1»  premier,  révélé  Vaiistencâ  des  Galt- 
cbds  »u  nord  du  PamiF  ;  ils  leâ  appelle  des  Persans  orien- 
taux, Galtchij  iialtçha  ;  ils  sont  montagnards,  dit-il,  et  s'pc- 
cup^nt  surtout  de  la  culture  des  fruits  ;  ils  ne  possèdent  ni 
çbAv^ux  ni  chameaux,  ils  sont  incultes  et  pauvres,  et  ils 
reçoivent  l^s  étrangers  iivec  rudesse.  Leurs  femmes,  à  ren- 
contre des  femmes  de  Tachkent,  sortent  sans  voile,  et  la 
jftlonsiQ  leur  est  imk)nnue^ 

Mayendorf  les  appelle  Galtebi  et  dit  qu'ils  ne  parlent  pas 
d*»ntr^  langues  que  le  persan  ;  leurs  traits  diffèrent  de  ceux 
denTadjil^s  de  la  plaine;  h  couleur  de  leur  peau  est  beaucoup 
plu^  foncée  que  chez  les  habitants  de  Bokhara;  ils  sont 
(cependant  à^h  musplmans  sunnites;  ils  s'occupent  d'agri- 
cuUurei  ils  possèdent  quelques  bestlaui^  et  quelques  chevaux, 
ils  habitent  de  misérables  cabales  d^ns  quelques  vallées  en* 
c^s^ée»  de  montagnes.  Us  habitent  au  nord  et  au  nord -ouest 
in  3iu)a]fçban,  c'est-à  dire  au  nord  de  Hissar;  c'est  une  peu- 
plade pauvre,  mais  indépendante.  Les  tribus,  au  nord  du 
SihPUn,  dont  les  deux  capitales  s'appellent  Matcha  et  lagmou^ 
font  également  partie  des  Qaltcbas;  ils  viennent  plus  souvent 
4u  nord  de  leur  pays  à  Kokand  pour  y  faire  leur  commerce 
d'éobanges  que  du  sud  par  le  Hissar  dans  le  Badakcban  '. 

L*observation  de  Mayendorf  sur  le  teint  foncé  de^  Galt? 
chas  est  d'autant  plus  intéressante,  que  le  docteur  Broca  dit, 
daps  ses  Instructions  générales  pour  les  recherches  anthro* 
pologiques  à  faire  sur  le  vivant  :  u  Ches  les  blancs,  le  h&le 
brunit  la  peau  au  point  de  la  rendre  quelquefois  semblable 
à  celle  4es  mulâtres,  tandis  que,  chez  les  autres  peuples  dont 
la  peau  est  naturellement  £ûncée,  les  parties  découvertes  sont 
quelquefois  plus  claires  que  les  parties  protégées  par  les 
vêtements.  Quant  au  langage  parlé  par  les  Qaltchas,  Mayen- 
dorf devait  forcément  ignorer  que  |es  Yagnôbis  avaient 
leur  langue  propre,  la  vallée  occupée  par  ces  montagnards 
étant  trop  écartée  des  contrées  qu'il  avait  visitées  ;  et  cepen- 

^  Nazarof,  Voyagea  iCo/^and,  dans  le  Magasin  pittoresque  y  ^mU^  1825. 
I  G.  de  M^yoqdorf,  Yoymg^  en  Boukharie,  Parin,  ISiS. 


20  SÉANCE  DU    6  JANVIER    1887. 

dant  il  cite  nominativement  cette  curieuse  tribu  à  côté  de 
celle  des  Matchas,  ce  qui  prouve  que  le  .nom  de  ces  deux 
tribus  était  connu  par  les  interiocuteurs  de  Mayendorf,  et 
ce  qui  prouve  encore  surabondamment  que  ceux-ci  les  appe- 
laient des  Galtchas;  car  il  n'est  pas  probable  qu'ils  se  soient 
entendus  avec  Nazarof  et  Mayendorf  pour  inventer  cette 
appellation. 

Enfin  Wood  qui,  comme  nous  le  savons,  a  visité  les  petits 
États  de  l'Asie  centrale  en  1832^  s'exprime  de  la  manière 
suivante  sur  les  Tadjiks  des  montagnes  :  «  Les  Tadjiks  sont 
une  belle  race  de  souche  caucasienne  ;  partout  où  on  les  ren- 
contre ils  parlent  persan,  et  quoique  actuellement  on  les 
trouve  en  dehors  des  limites  de  l'empire  de  Perse,  si  vaste 
jadis,  leur  passé  indique  clairement  que  leurs  destinées  ont 
toujours  été  plus  intimement  liées  à  celles  de  ce  royaume 
qu'à  celles  de  tout  autre  peuple.  Je  considère  les  habitants 
du  Kafiristan  et  d'autres  régions  montagneuses,  dont  les  soli- 
tudes n'ont,  très  probablement,  jamais  été  envahies  par  des 
conquérants  étrangers,  comme  étant  de  même  race  que  les 
Tadjiks,  et  ces  derniers  comme  des  aborigènes  des  plaines, 
où  on  les  trouve  maintenant.  Les  habitants  des  régions 
alpines  que  je  viens  de  mentionner  ont  des  dialectes  qui  leur 
sont  propres,  mais  il  y  a  une  ressemblance  frappante  entre 
eux  et  les  Tadjiks  de  la  plaine.  Quant  à  leurs  points  de  diffé- 
rence, ils  peuvent  être  expliqués  par  l'influence  des  causes 
physiques  et  ne  doivent  certes  pas  être  attribués  à  une  dif- 
férence de  sang.  Ces  peuplades  sont  celles  qui  habitent  le 
Kafiristan,  le  Tchitral,  le  'Wakhân,le  Chougnftn  et  le  Rochân. 
L'hypothèse  la  plus  probable  pour  expliquer  les  différences 
de  leurs  idiomes,  est  d'admettre  qu'ils  ont  été  forcés  de  se 
réfugier  dans  les  solitudes  où  ils  résident  actuellement,  à  une 
époque  très  reculée,  antérieure,  ou  tout  au  plus  contempo- 
raine de  la  première  invasion  musulmane \  » 

Avant  de  parler  des  progrès  considérables  qui  ont  été  faits 

'  Wood,  À  Joumey  to  the  Source  of  thê  River  Oxus,  London,  1872,  pré- 


DE  UIFALVT.  —  SUR  LES  GALTCHA8,  21 

depuis  dans  la  connaissance  des  Aryens  de  l*Asie  centrale, 
progrès  que  nous  devons  aux  voyageurs  anglais  et  russes, 
examinons  d'abord  les  résultats  acquis  qui  feront  ressortir 
les  mérites  de  Khanikof  ^ 

Depuis  Marc-Pol,  personne  n*avait  fait  un  voyage  aussi 
intéressant  au  cœur  de  TAsie  que  le  jésuite  Benedict  Goês  *• 
Heureusement  Tœuvre  de  Marc-Pol  nous  a  été  conservée, 
tandis  que  de  celle  de  Goës  quelques  fragments  seulement 
sont  venus  jusqu'à  nous.  Si,  grâce  à  Tillustre  Vénitien,  nous 
savons  que  les  Galtchas  du  Badakchan  construisaient  leurs 
demeures  dans  le  loess  (gisement  diiuvial  d  argile  marneuse) 
de  leur  pays,  ce  qui  nous  a  été  confirmé  plus  de  six  cents 
ans  après',  nous  apprenons  par  la  bouche  du  courageux 
père  jésuite  que,  parmi  ces  mêmes  Galtchas,  il  se  trouvait 
des  individus  qui  avaient  les  cheveux  et  la  barbe  blonds 
comme  les  Belges. 

Certes,  un  voyageur  européen  qui,  pendant  des  années  de 
pérégrinations  en  Asie,  n*a  vii  que  des  hommes  bruns  aux 
cheveux  foncés  et  aux  yeux  noirs,  doit  être  frappé  lorsque, 
parmi  une  population  au  teint  hàlé  comme  nos  Méridionaux, 
il  rencontre  même  quelques  blonds  ;  ils  attirent  son  attention 
et  son  intérêt,  et  plus  tard  ils  survivront  seuls  dans,  ses  sou- 
venirs. Ajoutez  à  cette  affirmation  de  Goês  celle  de  voyageurs 
venus  après  lui,  qui  vous  parleront  de  Kafirs  blonds  aux 
yeux  bleus,  qu'entre  parenthèses  ils  n*ont  jamais  vus,  et  vous 
pourrez  facilement  vous  rendre  compte  de  l'origine  de  la 
légende  des  blonds  de  l'Asie  centrale. 

L'observation  de  Wood,  d'après  laquelle  l'existence  des 
cheveux  blonds  chez  ces  mêmes  Galtchas  n'a  rien  d'extra* 
ordinaire^,  ne  fera  qu'affermir  dans  leur  opinion  ceux  dont 


cédé  d'une  inlrodaction  du  colonel  Henry  Yule  intitulée  :  Gtography  of 
the  ValUy  of  thê  Oœu$. 
'  Kbanikof,  Mémoire  sur  Vethnographie  de  la  Perse,  Paris,  1866. 

*  J.  Brucker^  ibid. 

>  Richthoren,  China,  Berlin,  1877. 

*  Woo<j,  ibid. 


22  SÉAlfCB   OU  Ô  JANVIER    1887« 

les  conjectures  scientiflques  ont  besoin  de  cette  légende.  If  cas 
verrons  plus  tard  combien  elle  est  contraire  à  la  réalité. 

Elphinstone  nous  donnera  des  renseignements  curieux  sur 
les  habitants  du  mystérieux  Kafiristan  *.  Au  mdmént  où  Kha* 
nikof  écrivait  son  magistral  mémoire^  les  données  d'Elphin- 
stone  pouvaient  avoir  une  valeur  réelle;  nous  savons  depui» 
que  le  voyageur  anglais  a  été  plus  d'une  fois  induit  en  erreur 
et  qu'il  se  trompe  absolument  lorsqu'il  établit  une  procbe 
parenté  entre  les  Tadjiks  des  plaines  afghanes  et  les  habi* 
tants  du  Kafiristan.  Sans  doute  ce  sont  ces  Tadjiks  mêmes 
qu'il  avait  interrogés  qui  ont  trompé  sa  religion.  Ils  étaient 
naturellement  fiers,  eux,  les  fils  déchus  d'une  race  autrefois 
dominatrice,  de  se  vanter  d'une  parenté  étroite  avec  les  vail- 
lants païens  des  montagnes  du  Kafiristan. 

Wood^  dont  le  voyage  dans  la  hanté  vallée  de  rûxus  aura 
un  intérêt  autrement  considérable  pour  la  connaissance  des 
habitants  de  ces  contrées,  fera  cependant  la  même  erreur 
qu'Elphîtistone  en  affirmant  qu'il  croyait  à  une  étroite  parenté 
entre  les  Galtchas  du  Wakhân  et  leurs  voisins  au  sud  de 
rHindou-Koudi '.  Naiftrof'et  Mayendorf  nous  fourniront 
également  de  précieux  renseignements,  en  constatant,  les 
premiers,  une  différence  de  type  entre  les  Tadjiks  de  la  plaine 
et  ceux  des  montagnes,  c'est-à*dlrè  les  Galtchas.  Khanikof, 
tout  en  reproduisant  les  observations  de  Wood,  se  bornera  à 
tracer  un  tableau  frappant  des  tadjiks  de  la  plaine  ;  il  éta- 
blira leur  étroite  parenté  avec  leurs  congénères  de  la  Perse , 
et  la  plupart  des  observations  qu  11  fait  à  ce  sujet  sont  encore 
aujourd'hui  d'une  vérité  absolue. 

Grâce  à  Khanikof,  nous  connaissons  donc  les  Tadjiks  de 
la  plaine  ;  Mayendorf  nous  fait  pressentir  rimportdnCfe  qu'il 
y  aura  à  connaître  ceux  des  montagnes,  quand  une  série  de 
voyageurs  russes  et  anglais  envahissant  les  vallées  qui  avoi- 
sinent  le  Pamir  nous  aura  fait  connaître  les  Oaltchas  depuis 

1  Elphinstone,  The  Kingdom  of  Canbul,  London,  1815. 
*  Celte  erreur  est  d'autant  plus^explioable  que  la  classe  dominante  du 
Tcbilral  est  en  oiïet  originaire  du  Chougnftn  et  du  Badakchàn. 


DE  UJFALYT.  *-  SUR  LB6  6ALTCHAS.  23 

les  sources  da  Zérafohfln  jusqu'au  rites  do  haut  Oxtis.  Plus 
tard  j*aurai  roocasion  de  parler  des  Toya^étird  russeé  ($t 
angUis  auxquels  nous  devons  la  connaissance  du  Pdmit*. 
Pour  le  moment,  je  me  bornerai  à  citer  ceux  qui  hOtts  entre- 
tiennent des  peuplades  que  des  circonstances  probabletttéHi 
indépendantes  de  leur  Tolonté  avaient  forcées  ft  se  retirer 
depuis  des  temps  fort  reculés  dans  les  vallées  initccéHèibleâ 
de  la  Bactriane  et  de  la  Sogdiane. 

Fedchenko,  qui,  le  premier,  gravit  les  contreforts  septefi» 
trionaux  du  Pamir  et  dont  plus  loin  nous  aurons  à  appré- 
cier les  importantes  découvertes  orographiques,  ftit  aussi  un 
des  premiers  qui  pénétra  dans  la  haute  vallée  du  Zérafchfln, 
dans  le  Kobistan^  la  véritable  patrie  des  Galtchas.  Ge  savant 
plein  de  mérite^  enlevé  à  la  science  dans  la  Vigueur  de  TA^e, 
avait  pris,  dit-on,  des  mensurations  anthropologiques  pendant 
le  ooulrs  de  cette  expédition  en  i868.  Le  professeur  Bogdatiof, 
de  Moscou,  de  la  bouche  duquel  je  tiens  ce  fait  et  qui  se  disait 
le  dépositaire  de  ces  papiers  anthropologiques,  n*a  malheu- 
reusement encore  rien  publié  de  ce  précieux  dépOt.  Bi,  d'un 
côté,  il  est  fâcheux  que  les  observations  anthropologique^  d'UU 
savant  aussi  sérieux  que  Fedchenlco  tardent  si  longtemps  à 
être  portées  k  la  connaissance  de  ceux  qui  y  verraient  un 
grand  intérêt^  d*un  autre  côté,  il  est  étonnant  que  ce  mém^ 
Pedchenko,  ayant  fait,  8ol-disant>  de  vastes  recherches 
anthropologiques  pendant  son  Voyage  dans  le  Zérafohân,  se 
soit  borné,  trois  ans  plus  tard^  pendant  sa  tournée  dans  le 
Haut-Ferghanah,  au  milieu  des  Tadjiks  des  montagnes,  pro- 
ches frères  des  Galtchas,  à  quelques  Observations  d'Une 
extrême  sobriété.  Voilà  les  seules  paroles  qu'il  en  dit  dans  le 
troisième  chapitre  de  son  intéressant  récit  de  voyage  :  «  Bn 
leur  qualité  de  Tadjiks,  les  indigènes  parlent  le  tadjik^  qui 
diffère  peu  de  Tidiome  persan.  Leur  langage  présente  les 
mêmes  particularités  que  l'on  saisit  dans  celui  des  Galtêhaê 
de  la  vallée  supérieure  du  Zérafchân,  je  ne  sais  pas  même 
si  ces  deux  populations  ne  se  comprendraient  pas.  Physique- 
ment, ils  ressemblent  beaucoup' aux  Galtchas  (vous  yoyet 


2  4  SÉANCE   DU   C  JANVIER   1887. 

donc  qu'il  emploie  le  même  mot)  ;  ils  ont  la  tète  peu  volumi- 
neuse, la  taille  élevée,  les  traits  réguliers  offrant  le  type 
aryen  ;  leurs  cheveux  qu'ils  portent  longs,  leur  barbe  et 
leurs  yeux  sont  noirs  et  leur  constitution  est  en  général  très 
robuste  *.  » 

Il  est  à  croire  qu'un  voyageur  qui  aurait  eu  Thabitude  de 
manier  un  compas  d'épaisseur,  un  compas  glissière  et  des 
rubans  métriques,  aurait  mis  moins  de  concision  dans  sa 
description. 

Le  capitaine  Arendarinko,  qui,  pendant  des  années,  rési- 
dait, en  qualité  de  chef  de  district  du  Kohistan,  dans  le  pays 
des  Galtchas,  a  donné,  sur  ce  peuple^  ainsi  que  sur  ses  frères, 
les  Karatéghinois,  les  renseignements  les  plus  précieux.  Plus 
tard,  le  naturaliste  Ochanine  et  le  colonel  Maiêf  les  ont  com- 
plétés par  tout  ce  qu'ils  ont  pu  recueillir  dans  le  Karatéghine 
et  dans  les  vallées  du  Hissar  ;  enfin,  M.  Regel  a  été  dans  le 
Darwâz-,  où  il  a  pu  obtenir  des  données  sur  les  langues  galtchas 
du  sud,  données  qui  ne  peuvent  guère  différer  de  celles  que 
le  voyageur  Shaw*  avait  publiées  déjà  en  <876  et  1877.  En 
revanche,  tout  ce  que  le  naturaliste  russe  nous  raconte  sur 
le  pays  et  les  hommes  du  Darwàz  est  du  plus  haut  intérêt. 

C'est  grâce  au  capitaine  Arendarinko  qu'il  m'a  été  possible 
de  faire  des  recherches  au  Kohistan,  en  1877  ;  j'y  ai  fait  de 
nombreuses  mensurations  anthropométriques,  me  rappelant 
la  parole  de  mon  maître  Broca,  que  j'ai  eu  soin  de  citer  plus 
haut'.  Nous  verrons  par  la  suite  combien  cette  recomman- 

*  Fedchenko,  U  Ferghanah,  traduction  de  M.  du  Laureos. 

Celte  précieuse  traduction  se  trouve  parmi  les  manuscrits  appartenant 
à  la  Société  de  géographie  de  Paris.  Il  est  regrettable  que  cet  intéressant 
ouvrage  ne  soit  point  publié. 

<  Robert  Shaw,  On  Ihe  Ghakhah  Languages,  Journal  of  the  Asialic 
Society  of  Bengal,  vol.  XLV,1876, 139-278;  vol.  XLVI,  1877,  97-126. 

*  Je  sais  que  depuis  la  mort  du  maître,  la  méthode  éclectique  a  égale- 
ment prévalu  en  antiiropologie.  On  a  fait  des  excursions  intéressantes 
dans  des  régions  voisines  et  on  a  déclare  d'après  les  observations  faites 
de  vt<!#,  grosso  modo^  je  dirai  presque  en  touriste,  que  l'anthropologie 
était  la  bouteille  à  Tencre.  Il  me  sera  permis  de  rester  Adèle  aux  principe» 
de  Broca  et  de  croire,  ju&qu*à  nouvel  ordre,  que  quelques  bonnes  men- 


DE  UJFALVY.  —  SUR   LES  tiALTGHAS.  25 

dation  de  Broca  était  fondée,  car  chacun  observe  d*une 
manière  différente  ;  tandis  que  des  mesures  prises  à  l'aide 
d'instruments  anthropométriques  fournissent  des  résultats 
positifs  basés  sur  les  mathématiques.  Tous  les  renseignements 
sur  le  caractère  du  pays,  les  mœurs,  les  croyances,  les  indus- 
tries relatives  au  Kohistan,  ou  d'autres  que  je  n'ai  pu  .con- 
trôler de  vi$u^  je  les  dois  à  l'obligeance  du  capitaine  Arenda- 
rinko  ;  cet  ofQcier  russe  est  un  chercheur  sérieux,  de  Técole 
des  Séménof,  Osten-Sacken,  Poltaratski,  Sévertsof,  Radlof, 
Midendorf,  Prjévalski  et  Kouropatkine,  et  je  me  crois  autorisé 
à  attacher  une  foi  entière  à  ses  renseignements.' 

Des  voyageurs  anglais,  marchant  sur  la  trace  de  Wood, 
nous  font  connaître  les  peuples  galtchas  à  Touest  et  au  sud' 
du  Pamir;  c'est  à  Robert  Shaw^^  négociant  anglais,  résident 
à  Yarkand,  que  revient  le  mérite  incontestable  d'avoir  le  pre- 
mier, dans  la  Société  asiatique  du  Bengale,  attiré  Tattention 
des  savants  sur  les  langues  des  Galtchas  du  Pamir.  Des  officiers 
de  la  brillante  mission  de  sir  Douglas  Forsyth  *  visitèrent, 
en  1873,  Sirikoul  et  Wakhân,  et  un  Hindou  lettré  de  leur 
suite  poussa  même  jusqu'au  Ghougnân.  Gordon,  Biddulph 
et  Trotter  complétèrent  ainsi  l'œuvre  commencée  par  Shaw  et 
permirent  à  M.  Tomaschek  '  de  rattacher,  dans  une  étude 
approfondie,  les  dialectes  du  Pamir  à  l'antique  idiome  de 
Bactre. 

Nous  devons  également  aux  explorateurs  anglais  la  des- 
cription fidèle  des  mœurs  et  coutumes  de  ces  Iraniens  du 
Pamir,  ainsi  que  la  constatation  des  vestiges  de  l'ancien 
mazdéisme  qui  fut  autrefois  la  religion  régnante  dans  ces 
contrées. 

surations  peuvent  nous  fournir  d'utiles  renseignements  sur  le  mélange 
des  races  sans  trancher  pour  cela  la  question  primordiale  des  origines.  Je 
crois  naïvement  que  le  travail  de  Broca  sur  les  Celtes  est  toujours  encore 
nn  modèle  dans  son  genre. 

»  Robert  Shaw,  ibid. 

•  D.  Forsyth,  Report  ofa  Mission  to  Yarkund,  Calcutta,  1876. 

»  Wilhelra  Tomaschek,  Centrafasiatischn  Studim.  //,  Die  Pamir-Dialekle. 
Wien,  1880. 


36  SÉANCE  DU  6  JANVIER  4887. 

Les  Tadjilcs  se  subdivisent  ea  trois  groupes  :  les  Tadjiks  de 
la  plaine,  les  Tadjiks  des  montagnes  ou  Galtchas,  et  enfin  les 
Oalichas  proprement  dits  parlant  des  dialectes  pamiriens. 

La  différence  entre  U  second  et  le  troisième  groupe  repose 
plutôt  sur  des  dissemblances  ethni()ues  que  physiques*  Je  me 
bornerai  à  vous  donner  aujourd'hui  quelques  renseignements 
sur  le  deuxième  et  le  troisième  groupe. 

Les  Tadjiks  des  montagnes  sont  aussi  appelés  Galtchas. 
Un  habitant  de  Fân  m'a  donné,  en  présence  du  prince 
Sviatopolk  Mirski,  l'explication  suivante  au  sujet  de  ce  nom  : 
((  Galtcha  signifie  le  corbeau  qui  a  faim  et  qui  s*est  retiré 
dans  la  montagne.  »  Cette  explication  m'a  été  confirmée  par 
le  capitaine  Arendarinko  (je  possède  à  ce  sujet  quelques 
lignes  écrites  de  sa  main),  et  M.  Tomasohek  la  trouve  par- 
faitemeUt  acceptable  Les  Galtchas  habitent  la  haute  vallée 
du  Zérafchân,  entre  Pendjakend  et  les  sources  de  cette 
rivièrd»  Il  parlent  un  dialecte  du  persan  exempt  de  mots 
arabes  et  turcs,  ce  qui  prouve  qu'ils  se  sont  retirés  dans  leurs 
âpres  vallées  avant  l'invasion  turco-tatare  ;  ils  ne  compren- 
nent point  le  turc  oriental. 

Les  Galtchas  sont  agriculteurs  et  pasteurs  ;  en  hiver,  ils 
habitent  leurs  villages  ;  en  été,  ils  remontent  les  pentes  de 
leurs  montagnes  à  la  suite  de  leurs  troupeaux.  Tandis  que 
la  maison  de  l'habitant  des  plaines  se  compose  de  poutres  en 
peupliers  et  de  terre  battue,  la  leur^  un  peu  surélevée  au- 
dessus  du  sol  pour  laisser  passer  les  eaux  pluviales  et  celles 
des  fontes  des  neiges,  est  construite  en  pierre  et  en  bois  de 
genévrier;  les  toits,  légèrement  inclinés,  sont  couverts  de 
grosses  pierres  pour  les  protéger  contre  la  tourmente  et  les 
avalanches;  les  cheminées  des  chambres  sont  disposées  en 
Capoté  à  cause  de  la  neige  ;  un  banc  court  le  long  des  murs 
dans  lesquels  de  petites  niches  abritent  des  pipes,  des  théières 
et  le  Coran;  quelquefois  une  table  et  des  tabourets  en 
bois  de  noyer  ornent  ces  simples  demeures.  Le  soir,  une 
branche  de  pin  sert  de  falot.  Le  Galtcha  laboure  ses  champs 
à  l'aide  d'une  charrue  primitive  dont  le  soc  est  en  bois  et 


DE  tljyAtVT.  -^  8UR  LIS  0ALTGHA8.  '37 

qoi  ressemble  à  l'instrament  aratoire  des  Carthaginois*  La 
terre  laboarabie  est  sonrent  rare  dans  la  Yallôe,  et  parfois  il 
est  obligé  de  remonter  des  pentes  très  élerées  qu'il  irrigue 
au  moyen  d'aqueducs  édifiés  à  des  hauteurs  Tertigineuses* 
Le  Zérafohân  est  franchi  sur  des  ponts  branlants  ou  traversé 
à  l'aide  d'outrés  en  peau  de  bouc,  à  l'exemple  des  soldats 
d'Alexandre,  qui,  d'après  Quinte-Guroe,  se  servirent  de  oe 
moyen  pour  passer  l'Oxus* 

Dans  lé  Kohistan^  il  y  a  même  des  orpailleurs,  qui,  proba- 
blement^ tout  en  ne  se  doutant  pas  de  l'étymologie  du  mol 
Zérafohân  (qui  charrie  de  l'or),  s'efforcent  dechereher  la  for- 
tune dans  les  sables  aurifères  de  la  rivière. 

Les  Galtchas  sèment  du  blé,  de  l'orge,  du  millet^  du  lin  et 
des  fèves  ;  leurs  demeures  sont  entourées  d'arbres  fruitiers, 
parmi  lesquelles  l'abricotier  et  le  mûrier  joumit  un  rôle 
important  dans  ralimentation.  Les  abricots  séchés  sont 
également  exportés  et  la  farine  des  mûres  leur  sert  à  faire  une 
espèce  de  pâte  ;  de  même  TAryen  du  Tchitral  fait  du  pain 
avec  ce  firuit.  On  trouve  aussi  ^s  cerisiers  et  surtout  des 
noyers  en  grande  quantité.  Le  laitage  est  le  fond  de  leur  ali- 
mentation ;  ils  boivent  de  YaXran^  espèce  de  lait  caillé^  et  ils 
fabriquent  du  koitnak,  o'est-à<>dire  la  croûte  de  lait  sécbée, 
produite  à  l'aide  d'un  peu  de  lait  caillé  versé  sur  du  lait 
chauffé  jusqu'à  la  tiédeur*  Cet  aliment  est  nourrissant  et  ra- 
fraîchissant à  la  fois.  Le  kumoch  <  est  une  espèce  de  soupe 
faite  avec  du  lait  aigre  dans  lecjuel  on  met  des  boulettes  de 
farine  cuite.  lies  montagnards  qui  habitent  des  régions  plus 
élevées  se  servent  d'une  sorte  de  fève  appelée  bokola^  qu'ils 
cuisent  en  bouillie  ou  en  pain,  les  riches  y  mélangent  du  blé. 
Mais  le  mets  le  plus  apprécié  est  la  chair  de  la  chèvre  sau^ 
vage  appelée  ahmi^  qu'ils  rôtissent;  enfin,  rm^i  se  préparé 
avec  du  mouton  dépouillé  qu'on  taille  en  morceaux,'  on 
le  jette  dans  une  marmite  pleine  d'eau,  puis  on  le  laissé 
bouillir;  ensuite,  on  retire  la  viande,  on  la  sale^  on  la  roule 

»  Voir  Bonvalot,  ibid. 


\ 

28  6ÉANCB  DU  6  JANVIER  1887. 

dans  de  la  graisse  de  mouton  et  on  la  place  par  couches  dans 
la  panse  qu'on  a  eu  soin  de  nettoyer  préalablement.  Chaque 
panse  est  solidement  fermée;  selon  la  température,  la  saison, 
la  longueur  du  chemin  et  le  nombre  de  personnes,  on  met 
une  quantité  de  cette  sorte  de  viande  qu*on  place  dans  un 
sac,  et,  pour  le  repas  du  soir,  on  assaisonne  le  riz  cuit  de 
cet  excellent  iahni.  On  peut  aussi  le  manger  tel  quel  lorsque 
le 'feu  fait  défaut  ou  dans  les  cas  de  presse  *. 

La  vie  menée  par  ces  montagnards  est  des  moins  acci- 
dentées ;  Tété  se  passe  dans  les  champs  (on  sème  et  on  récolte 
de  juin  à  septembre),  ou  sur  les  pâturages  en  compagnie  de 
ses  troupeaux  ;  les  villages  restent  déserts  et  c'est  seulement 
les  jours  de  fête  qu'on  voit  accourir  les  habitants.  Ils  ont 
mis  leurs  plus  beaux  habits  et  la  journée  s'écoule  en  prière 
et  en  conversation  aux  portes  des  mosquées.  En  automne,  il5% 
font  leur  provision  de  combustibles,  ils  rapportent  de  la 
montagne  des  broussailles  ou  des  branches  à^artcha  (gené- 
vrier). 

Les  femnies  confectionnent  le  kisiak^  galettes  en  fumier  de 
bétail,  qu'on  fait  sécher  en  les  collant  contre  le  mur  et  qui  ser- 
viront de  combustible.  L'hiver,  avec  ses  longues  veillées,  s'est 
annoncé  ;  aussi,  dès  raube,'les  hommes  enlèvent  la  neige  qui 
obstrue  le  sentier  qui  conduit  d'une  maison  à  l'autre,  ils  la 
retirent  aussi  du  toit  de  leur  demeure  ;  qui  sait  si  ce  frêle 
abri  pourrait  supporter  ce  blanc  fardeau?  Ce  travail  fait,  les 
hommes  se  réunissent  pour  la  prière  ;  celle-ci  terminée,  ils 
mangent  une  soupe  composée  d'abricots  séchés  bouillis  dans 
Teau  et  dans  laquelle  ils  trempent  leur  pain. 

Ils  prient  une  seconde  fols,  car  les  Galtchas  font  leurs  cinq 
prières  prescrites  parle  Coran,  puis  ils  mangent  de  l'aïran. 
Pour  occuper  les  longues  heures,  ils  cassent  des  noyaux 
d'abricot  et  se  groupent  autour  du  mollah  qui  leur  raconte 
des  légendes  on  leur  lit  le  Coran.  Pour  économiser  les  moyens 
de  chauffage,  qui,  hélas  !  sont  rares  dans  ces  régions  élevées, 

*  Voir  Bonvalot,  UAd. 


DE  UJFALYT.  —  SUR  LB8  GALTCHAS.  29 

tons  les  membres  d*une  famille  se  réunissent  antour  damème 
foyer.  Quant  aux  femmes,  leurs  occupations  consistent  à 
donner  à  manger  aux  bêtes,  à  nettoyer  les  étables  et  à 
vaquer  à  leurs  travaux  journaliers  '.  Pendant  cette  longue 
saison  d*biver,  les  communications  demeurent  interrom- 
pues plus  de  quatre  mois,  les  enfants  apprennent  alors  à 
lire,  à  écrire  et  se  préparent  à  la  carrière  sacerdotale  qu'ils 
vont  exercer  dans  la  plaine  à  leur  plus  grand  profit.  Les 
mêmes  causes  produisent  les  mêmes  effets  :  dans  le  Ladak, 
presque  à  l'autre  extrémité  de  TAsie  centrale,  où  les  habitants 
vivent  à  des  hauteurs  autrement  plus  élevées  que  celles  du 
Kohistan,  la  ville  de  Leh  étant  à  plus  de  10000  pieds  d'alti- 
tude, le  grand  nombre  d'hommes  lettrés  doit  son  origine  au 
même  isolement  hivernal.  Somme  toute,  le  climat  du  pays 
est  assez  tempéré;  il  doit  en  être  ainsi,  car,  sans  cela^  Tâne 
ne  pourrait  guère  s'y  acclimater  ;  cet  animal  ne  peut  vivre 
au-delà  d'une  certaine  latitude  septentrionale,  ne  supportant 
pas  les  très  grands  froids.  Par  exemple,  à  Omsk,  dans  la 
Sibérie  occidentale,  l'âne  est  une  rareté  et  il  y  mène  une 
existence  misérable.  Les  chevaux  sont  peu  nombreux  dans  le 
Kohistan,  mais  les  gens  riches  possèdent  de  vigoureux  am- 
bleurs.  Le  Tadjik  des  montagnes  aime  la  chasse  et  il  sait  se 
servir  à  merveille  de  son  fusil  à  mèche,  auquel  se  trouve 
adaptée  quelquefois  une  fourche  pour  assurer  le  tir;  les  peaux 
des  bêtes  abattues  lui  servent  souvent  d'article  d'exportation. 
Le  costume  des  Galtchas  est  fort  simple.  Ils  portent  sur  le 
corps  une  chemise  et  un  pantalon  de  toile,  de  gros  bas  de 
laine,  des  bottes  en  cuir  jaune  d'une  forme  grossière,  un 
khalat  (vaste  kaftan  serré  à  la  taille  au  moyen  d'une  ceinture) 
en  toUe  rayée  de  différentes  couleurs,  et  un  second  khalat 
en  drap  marron  foncé.  Tous  ces  produits  se  font  dans  le  Ko- 
histan même.  Les  hommes  du  peuple  se  coiffent  d'une  calotte 
adhérant  à  la  tète  ;  les  lettrés  portent  un  turban  blanc  ;  les 
riches  (kazi,  aksakaJ,  mollah,  etc.)  achètent,  à  Samarkand, 

1  Voir  Boavalot,  ibid. 


dd#  vâtemtfrt»  en  9C40  ^^t»at0,  ainsi  qp^  dP9  us^nsUes  en 
cuivf  »  spuyent  d'un  trto  h#An  travgU.  Les  inoeorfl  et  les  cou- 
tume«  tant  à  peu  da  e(u>^e  prè^  aonforn^on  m%  prescriptions 
mnsulmaoae- 

lie^Galtobas  n'ont  ni  poids  nimesnres;  ils  se  servent  d*ane 
^cueUe  ou,  à  défaut,  de  leurs  mains  pour  mesurer  le  blé  et 
Tppge  et  pour  les  troquer  eontre  une  aertaine  quantité  de 
ioile  ]pa«prée  h  l'aide  de  Tavantrbras. 

Les  Galtobas  sont  ombrageux,  mais  en  général  francs  et  bon- 
néte^f  Quant  au  type  pbysique,  voici  ce  qu'en  dit  un  voyageur 
français  qui  les  a  visités  en  iSBi  :  «  A  Dardane,  c'étaient 
des  bruns  à  profil  maigre  de  Gascons  ;  à  Yarsiminor,  telle 
face  rougeaude  fait  penser  à  un  Anglais  ;  les  blonds  sont  très 
rares  il  est  vrai*  »  Kt  plus  loin  :  «  Un  vrai  Tadjik  ressemble  à 
s'y  méprendre  à  un  européen  de  la  Méditerranée  aux  traits 
réguliers  ;  la  taille  est  piqs  ou  moins  grande  selon  la  somme 
de  bien-être  K  n 

^  1877,  quand  je  mo  trouvai  au  milieu  des  Tadjiks  d'Où- 
roumitane,  je  fus  frappé  de  leur  ressemblance  avec  les 
paysans  de  la  Romagne;  plus  tard,  gr&ce  à  mes  observations 
et  mensurations  prises  sur  le  vivant,  j'ai  composé  la  des<- 
cription  du  type  galtcha  que  je  crois  absolument  exacte» 

Au  pbysique,  le  Galtcba  est  d'une  taille  assein  élevée,  d'un 
embonpoint  moyen;  sa  peau  est  blanche,  souvent  bronzée 
par  le  soleil  ;  les  parties  couvertes  sont  blancbes;  elle  est  très 
velue,  ou  peu  velue,  jamais  glabre  ;  les  cbeveux  sont  noirs, 
châtains,  chez  les  F&ns  surtout,  quelquefois  roux,  souvent 
blonds;  ils  sont  lisses,  ondes,  bouplési  la  barbe  est  générale- 
ment abondante,  brune,  rousse  ou  blonde  ;  dans  un  village, 
près  de  Pendjak^d,  j*ai  vu  deux  frères  qui  avaient  les  che- 
veux blancs  comme  du  Un.  Les  yeui,  qui  ne  sont  jamais  re- 
levés des  coins,  sont  bruns,  souvent  bleus;  la  distance  inter- 
prbitaire  est  très  petite  ;  le  nez  est  d'une  forme  très  belle, 
il  est  long,  légèrement  arqué  et  effilé  ;  les  lèvres  sont  presque 

*  Voir  Bofîvalot,  ibfd. 


DE  U^rALVY.    -  %im  tBS  GAI.V6HA8.  31 

toujours  fines  et  droile»  ;  les  deaia  pctiUs,  gonvtni  luées,  à 
cause  de  Tabus  des  fruits  secs  ;  le  îjxmi  est  haut,  un  peu 
fQyaBt;lfts  bosses  sourcilières  sont  bien  prononeées,  la  dé- 
pression transversale  séparant  le  nez  de  la  glabelle  est  pro^ 
fonde,  les  sourcils  arqués  et  fournis;  la  bouehe  petite,  le 
menton  ovale,  Tensemble  da  la  face  ovale  et  les  oreilles  petites 
ou  moyennes  et  aplaties  (elles  ne  sont  que  rareonent  un  peu 
saillantes)  ;  la  boîte  osseuse  n'est  point  d'une  dimension  très 
considérable  et  présente  un  aplatissement  occipital  des  plus 
caractéristiques  ;  le  corps  est  nerveux,  vigoureux,  fortement 
charpenté  ;  les  mains  et  les  pieds  sont  plus  grands  que  ceux 
des  Tadjiks  et  surtout  que  ceux  des  Kirgbis  et  des  Tatars  ;  les 
attaches  sont  fines,  le  mollet  nerveux,  les  jambes  droites  et 
bien  faites  ;  la  taille  bien  prise,  généralement  élancée  ;  la  torse^ 
est  vigoureux  et  le  cou  fort.  Ils  sont  très  robustes^  exeelients 
piétons,  bons  cavaliers  et  aptes  à  supporter  les  plus  grandes 
fatigues.  Quant  aux  maladies,  les  opbtbalmies  sont  fréquentes; 
d'autres  souffrent  de  la  pierre,  et  il  y  a  des  villages  dont 
presque  tous  les  habitants  ont  une  maladie  rhumatismale 
dans  les  os;  ils  Tattribuent  à  un  mélange  qu'ils  font  du- 
lait  caillé  avec  une  espèce  de  racine. 

Les  Galtchas  du  Zérefcbàn  se  subdivisent  en  cinq  tribus  t 

i^  l-es  Maghians,  depuis  Pendjakend  jusqu'à  Maghian  ; 

i^  Les}Kphtûuts,  dans  la  vallée  du  même  nom  ; 

3*"  Les  Falgars,  entre  Ouroumitân  et  Varsiminore  ; 

A*"  Les  Matebas,  à  l'est  de  Varsiminore,  jusqu'aux  sources 
du  Zérafcb&B  ; 

6"  Les  Fans,  au  sud  de  Varsiminore,  dans  la  vallée  du  Fân- 
Daria,  jusqu'au  lac  d'Iskander-Koul. 

Quant  aux  Yagnôbs,  qui  habitent  une  vallée  écartée  du 
même  Kohistan,  ils  parlent  une  langue  qui  diffère  de  oelle 
de  leurs  voisins,  et  nous  leur  aâsigneroos  une  place  à  part 
dans  le  chapitre  suivant. 

Chaque  village  galtchas  choisit  son  aksakai  {havhe  blanche), 
qui  est  obligé  de  s'iuciiner  devant  les  décisions  prises  par  la 
commune  réunie.  Plusieurs  villages  reconnaissent  l'autorité 


32  SÉANCE  DU  6  JAirVIER  1887. 

d'un  /kozt  (juge)  qni,  dans  les  cas  graves,  en  réfère  à  l'admi- 
nistration russe  à  Pendjakend. 

Autrefois,  les  différentes  tribus  étaient  gouvernées  par  des 
princes,  qui  se  faisaient  entre  eux  nne  guerre  an  couteau  ; 
comme  économiquement  le  pays  dépend  de  ses  riches  et 
puissants  voisins,  il  devint  bientôt  la  proie  de  Bokhara^ 
du  Kokan  ou  du  Karatéghine.  G*est  à  ces  guerres  intestines, 
incessantes,  qu'il  faut  attribuer  Tappauvrissement  extrême  du 
Kohistan.  Aujourd*hui,  surtout  dans  les  vallées  reculées,  c'est 
un  peuple  en  haillons  qui  souffre  de  la  faim  et  du  froid. 

Du  temps  de  Baber,  c'est-à-dire  il  y  a  à  peine  quatre  cents 
ans,  le  roi  de  Fân  était  encore  un  prince  riche  et  considéré, 
qui  offrait  à  ses  hôtes  soixante-dix  à  quatre-vingts  chevaux 
et  qui  les  recevait  avec  faste  et  magnificence.  A  présent.  Je 
kazi  de  ce  district  serait  embarrassé  de  mettre  cinq  de  ces 
bètes  à  la  disposition  des  voyageurs. 

Le  géologue  russe  Mouchkétof,  qui  a  visité  les  glaciers 
près  des  sources  du  Zérafchân,  en  1880,  nous  fait  une  des- 
cription intéressante  de  la  petite  tribu  de  Matcha,  qui  occupe 
*  la  région  la  plus  élevée  du  Kohistan  zérafchànais  : 

«  Ce  sont  là,  dit-il,  les  descendants, directs  des  anciens 
Perses  ;  leur  civilisation  est  des  plus  primitives  ;  ils  ne  s'oc- 
cupent point  d'agriculture  ;Meurs  maisons  et  leurs  ustensiles 
sont  en  pierre,  les  premières  construites  sans  chaux  et  sans 
ciment.  Gomme  animal  domestique,  ils  ne  connaissent  que 
Tâne  (tcAdA),  dont  ils  se  servent  comme  bête  de  somme.  » 

En  1881 ,  Je  docteur  Regel*  pénétra  dans  la  vallée  du  Zéraf- 
chân chez  ces  mêmes  Matohas  ;  il  nous  en  trace  le  tableau 
suivant  : 

«  Semblables  au  nid  d'heureux  Phéaciens,  les  villages, 
entourés  de  mûriers  et  de  vignes,  paraissent  suspendus  aux 
flancs  des  montagnes  et  comme  enclavés  dans  ce  désert  de 
roches.  Eté  comme  hiver,  les  fruits  servent  de  nourriture  et 


*  Bêilage  aur  allgemeinen  Zeilung,  Mûncben,  Donnerstng  17  Juli  un  il 
FreitaglS  Julil884. 


DE  UJFALVT.  —  SUR   LES   GALTCHAS.  33 

rarement  le  bruit  du  monde  pénètre  dans  ces  solitudes  pro- 
tégées par  leurs  avalanches.  Des  fugitifs,  dit-on,  se  sont  reti- 
rés dans  ces  recoins  inaccessibles,  et,  en  effet,  le  type  et 
le  caractère  des  habitants  changent  de  village  en  village. 
Tantôt  on  rencontre  Taffable  Kirghis  on  TEusbeg  bourru, 
étendus  paresseusement  sons  leurs  tentes  en  feutre  ;  plus 
loin,  en  remontant  ces  hautes  vallées,  on  remarque  un  peuple 
d'un  agréable  type  persan,  un  autre  aux  regards  farouches 
et  aux  lèvres  charnues,  vaquant,  sous  leurs  toits  plats  en 
argile,  à  leurs  occupations,  tantôt  sociables  et  hospitaliers, 
tantôt  animés  par  un  courage  fanatique.  Mais,  quand  les 
pionniers  de  la  civilisation  auront  pénétré  dans  ces  régions, 
attirés  par  les  couches  de  lignite  qui  se  montrent  à  Ventrée 
des  gorges  à  côté  du  grès  rouge  brillant,  alors,  seulement 
*  alors,  ces  pays  prendront  part  au  mouvement  du  monde.  » 

Le  voyageur  atteignit  ainsi  la  dernière  grande  bourgade 
d'Oburdan,  située  à  la  limite  des  arbres  fruitiers,  bourgade 
dans  laquelle  s'étaient  réunis  les  Zérafchânais  pendant  la 
dernière  guerre  du  Kokan  pour  arborer  la  bannière  de  la 
révolte.  Plus  loin  encore,  des  peupliers  et  des  saules  ombra- 
gent les  maisons  en  pierre  fruste  appartenant  aux  Tadjiks,  qui 
s*adonnent  en  ce  lieu  à  l'agriculture  et  qui,  au  moyen  de  ca- 
ravanes composées  d'ânes,  transportent  le  fer  depuis  Kokan 
jusqu'au  Karatéghine  et  rapportent  sur  leurs  larges  épaules 
les  sacs  de  blé  qu'ils  ont  reçus  en  échange.  Parmi  ces  géants 
descendus  dans  le  Turkestan,  celui  qui  y  cherche  du  travail 
ou  qui  est  employé  dans  les  rizières  est  bientôt  pris  d'une 
nostalgie  irrésistible  qui  le  ramène  vers  son  âpre  patrie,  où 
les  mœurs  sont  patriarcales,  comme  le  tribunal  qui  siège  en 
plein  air  à  l'ombre  des  arbres. 

M.  Mouchkétof  dit  que  les  Galtchas  de  la  vallée  de  Mat- 
cha  ne  s'occupent  point  d'agriculture.  M.  Regel  soutient  le 
contraire.  Nous  ne  recherchons  point  qui  des  deux  voya- 
geurs a  raison  ou  a  tort  ;  bornons-nous  à  constater  que  même 
un  explorateur  russe  peut  se  tromper. 

M.  Arendarinko  nous  a  donné  une  série  de  renseignements 

T.  X  (3«  SÂRIX).  3 


34  SÉANCE   DU  G  JANVIER  1887. 

des  plus  intéressants  sur  le  Karatéghine.  Le  pays  n'est  en 
communication  avec  ses  voisins  qu'à  partir  de  la  mi-mai 
jusqu'à  la  mi-septembre,  au  moyen  de  défilés  d'une  altitude 
considérable  (4  000,  4  500  mètres)  ;  on  se  sert  de  mulets,  de 
chevaux  et  de  bœufs  comme  moyen  de  transport.  La  char^ 
rette  du  Turkestan,  Yarba^  n'existe  point  au  Karatéghine. 
Les  rivières  sont  franchies  à  Taide  d'outrés  en  peau  de 
bouc.  Le  fond  de  la  vallée,  qui  possède  la  population  la  plus 
dense,  s'élève  encore  à  plus  de  S  000  mètres  au-dessus  du 
niveau  de  la  mer.  Le  climat  est  très  rude,  la  neige  est  exces- 
sivement abondante  en  hiver  et  les  communications  entre  les 
villages  même  sont  parfois  interrompues  pendant  cinq  mois 
consécutifs;  en  hiver,  les  gelées  sont  plus  fortes  que  dans  le 
paya  des  Matchas  (jusqu'à  50  degrés  centigrades  ?). 

Les  habitations  sont  pourvues  de  murs  de  1°',75  d'épais- 
seur, tandis  qu'elles  ont  à  peine  3«,75  de  hauteur.  La  partie 
inférieure  de  ces  maisons  est  en  boia^  la  partie  supérieure 
est  en  briques  et  en  terre  battue  ;  elles  sont  généralement 
entourées  d'un  mur  protecteur  tout  aussi  épais  et  composé 
des  mêmes  matériaux.  Quant  aux  villages,  ils  sont  disposés 
comme  dans  le  pays  de  Matcha  :  des  rues  exiguës»  tortueuses, 
de  i»>50  de  large,  aboutissant  à  une  place  assez  vaste  qui 
entoure  la  petite  mosquée.  On  rencontre  des  vergers  jusqu'à 
une  hauteur  de  7  000  pieds.  Les  pentes  des  montagnes  sont 
couvertes  de  noyers,  d'érables,  de  sorbiers,  de  pommiers,  de 
poiriers  et  de  genévriers.  Les  forêts  sont  remplies  de  gibier 
de  toute  espèce.  Les  maisons  sont  entourées  de  mûriers, 
d'abricotiers,  de  cerisiers,  de  noyers,  etc.  Quelques  villages 
du  Karatéghine  méridional  possèdent  même  de  beaux  vi- 
gnobles. 

L'élevage  dii  bétail  constitue  une  occupation  importante  ; 
on  élève  des  moutons^  des  bêtes  à  cornes  et  des  chevaux  ;  mais 
la  plus  grande  richesse  du  pays  consiste  en  minéraux,  prin- 
cipalement en  mines  de  sel. 

Les  Matchas  reçoivent  leur  sel  du  Karatéghine  et  échan- 
gent 7i  centimètres  environ  d'une  cotonnade  très  étroite 


DE  UJFALVY.  —  SUR  LES  GALTCHAS.  35 

contre  120  livres  de  sel.  Le  préposé  à  ces  mines  de  sel,  au 
profit  duquel  se  font  ces  échanges,  paye  une  redevance  au 
chef  du  pays.  L'huile  à  brûler  se  fabrique  de  matières  oléa- 
gineuses contenues  dans  les  noix  ;  elle  est  exportée  au  Hissar, 
au  Koulab,  au  Darwâz  et  au  Matcha.  Le  commerce  des  pelle- 
teries est  également  assez  lucratif. 

Les  orpailleurs  cherchent  leur  butin  en  mai  et  en  sep- 
tembre, et  ils  trouvent  quelquefois  des  graviers  du  précieux 
métal  qui  atteignent  la  grosseur  d'une  lentille. 

Les  habitants  du  Karatéghine  sont  des  Tadjiks. 

La  partie  septentrionale  du  pays  fait  exception  ;  elle  est 
occupée  par  des  Kirghis  nomades. 

Les  Tadjiks  sont  d*une  taille  élevée^  d'une  musculature 
très  développée  ;  ils  ont  généralement  des  cheveux  noirs  et 
épais,  mais  parfois  on  en  rencontre  aussi  avec  des  cheveux 
roux  et  châtains.  Les  yeux  sont  ordinairement  noirs  ;  cepen- 
dant^ il  y  en  a  des  gris  et  même  des  bleus  ;  le  nez  est  grand 
et  droit.  Ils  parlent  un  dialecte  du  persan,  avec  des  modifi- 
cations locales.  Le  dialecte  que  parlent  les  Tadjiks  du  Zéraf- 
chân  ressemble  tellement  à  celui  des  Tadjiks  du  Karatéghine 
qu'ils  peuvent  facilement  se  comprendre  entre  eux. 

Dans  le  Karatéghine,  il  y  a  beaucoup  d'écoles  ;  aussi  les 
imans,  les  mollahs  et  les  mecktobdars  de  la  vallée  du  Zéraf- 
chàn  sont-ils,  pour  la  plupart,  originaires  de  ce  pays,  dont 
les  mœurs  et  les  coutumes  sont  presque  les  mêmes  que  celles 
de  Matcha. 

Dans  la  vie  restreinte  des  musulmans,  il  y  a  trois  événe- 
ments capitaux  :  ce  sont  les  cérémonies  du  mariage,  celles 
de  la  circoncision  et  celles  des  funérailles,  qui  sont  absolu- 
ment les  mêmes  que  celles  pratiquées  dans  le  Matcha.  Le 
jeune  homme,  qui  désire  se  marier,  convie  à  la  maison  de 
celle  de  son  choix  quelques  vieillards  de  sa  parenté  ou  quel- 
ques amis  ;  ceux-ci  doivent  régler  la  question  du  mariage 
avec  les  parents  de  celle  qu'il  a  distinguée  ;  si  ces  derniers 
tombent  d'accord,  trois  ou  quatre  jours  plus  tard,  un  plus 
grand  nombre  de  parents  et  d'amis  du  fiancé  viennent  réi- 


30  SÉANCE   DU  6  JANVIER   J887. 

térer  la  demande  de  leur  mandataire.  Gomme  la  première 
fois,  ils  sont  introduits  dans  la  chambre  réservée  aux  hôtes, 
où  on  les  régale  de  fruits  secs  et  de  gâteaux.  Avant  de  se 
mettre  à  table,  ils  récitent  une  prière  à  voix  basse,  puis  ils 
présentent  leurs  félicitations  à  haute  voix,  en  étalant  leurs 
cadeaux.  Le  prix  de  la  femme  s'appelle  Je  mocha  ;  il  s'élève 
d'ordinaire,  si  la  fiancée  n'est  pas  des  plus  riches,  à  trois 
chevaux,  trois  fusils,  trois  pièces  de  soie,  trois  pièces  de  co- 
ton, trois  batmanes  (24  pouds)  de  farine,  nn  bœuf  destiné  à 
être  abattu.  Ensuite,  on  offre  les  cadeaux  à  la  fiancée  :  ils  se 
composent  d'indienne  et  d'autres  étoffes,  de  deux  roumals 
ou  châles  de  soie  ou  de  coton,  et  de  deux  paires  de  souliers. 
L'indienne  est  employée  pour  les  chemises  et  les  pantalons; 
les  autres  étoffes  servent  à  confectionner  le  koltachay  espèce 
de  vêtement. 

Le  mikoch  est  le  nom  de  la  cérémonie  du  mariage  ;  elle 
est  présidée  par  le  mollah  ;  celui-ci,  avant  de  consacrer  cet 
acte,  demande  à  la  fiancée  si  c'est  bien  sa  volonté  d'épouser 
le  nommé  X...  On  sert  alors  un  repas  aux  invités,  qui  sont 
toujours  très  nombreux;  chez  les  riches,  il  y  a  parfois  deux 
à  trois  cents  personnes  environ,  parce  qu'il  arrive  assez  fré- 
quemment que  tout  le  village  est  convié. 

Les  mêmes  usages  s'observent  pour  la  cérémonie  de  la  cir- 
concision qui  coûte  fort  cher  aux  parents.  Cette  fête  dure  trois 
jours  entiers,  mais  la  circoncision  même  n'est  accomplie 
qu'après  le  départ  de  tous  les  invités.  Quant  aux  funérailles, 
on  se  rend  au  cimetière  le  troisième  jour  après  l'enterrement, 
là  les  assistants  reçoivent  une  archine  (72  cent.)  d'indienne 
ou  de  soie  en  souvenir  du  décédé.  Cette  cérémonie  est  suivie 
aussi  d'un  somptueux  festin.  En  dehors  de  ces  fôtes,  les 
Karatéghinois  sont  très  sobres.  Leurs  vêtements  sont  fort 
simples,  ils  se  composent  d'une  chemise  de  coton,  de  caleçons 
de  même  étoffe,  le  khalat  et  les  larges  pantalons  sont  en 
laine.  Tous  ces  habits,  ainsi  que  les  bottes  qu'ils  portent,  se 
fabriquent  dans  le  pays  pendant  l'hiver.  Chaque  habitant 
possède  sa  propriété;  la  terre  doit  être  cultivée,  car  le  pro- 


DE  UJFALVY.  —  SUR  LES  GALTCBA8.  37 

priétaire  en  risque  la  perte  s*il  laisse  ses  champs  plus  de  trois 
ans  en  friche  ;  les  crimes,  surtout  le  vol,  sont  très  rares  chez 
eux  ;  ainsi,  ils  font  paître  leurs  troupeaux  sans  y  prendre 
garde.  Leur  culture  intellectuelle  est  à  un  niveau  très  bas  ; 
ils  n'ont  que  des  idées  très  primitives  sur  les  poids  et  les 
mesures;  leur  commerce  est  des  plus  simples;  ils  échangent 
ordinairement  leurs  produits  contre  les  objets  dont  ils  ont 
besoin.  La  mesure  du  batmane  dépend  toujours  de  la  gros- 
seur de  la  tête  de  celui  qui  achète  ;  ce  sont  les  bonnets  qui 
remplacent  les  mesures  de  capacité. 

La  tradition  dit  :  Que  les  premiers  agriculteurs  du  Karaté- 
ghine  étaient  les  deux  Kirghis  Kara  et  Teghine,  à  qui  le  pays 
doit  son  nom. 

Aujourd'hui,  les  descendants  de  ces  deux  bons  Kir- 
ghis suivent  très  mal  Fexemple  donné  par  leurs  prétendus 
aïeux.  ' 

En  i878,  on  comptait  dans  ce  pays  environ  400  villa- 
ges avec  63  766  habitations.  En  général,  on  compte  six  per- 
sonnes pour  une  habitation,  ce  qui  fait  un  total  approximatif 
de  382000  àmes^  M.  Ochanine  rapporte  que  les  champs 
sont  divisés  en  champs  soumis  aux  irrigations  naturelles  et 
en  champs  soumis  aux  irrigations  artificielles  ;  le  nombre  de 
ces  derniers  est  proportionnellement  très  petit.  La  vallée 
d'Obiyasman  fait  exception  à  la  règle,  elle  est  entièrement 
arrosée  par  des  canaux  dlrrigation.  On  cultive  Torge,  le 
tabac,  l'ail  et  l'oignon;  le  blé  de  Turquie  et  le  tabac  sont 
rares;  les  gelées  blanches  sont  très  préjudiciables  à  la  cul- 
ture. Les  champs  se  trouvent  parfois  sur  des  pentes  si  abrup- 
tes, qu'on  comprend  difficilement  comment  les  Karatéghinois 
peuvent  y  arriver  avec  leurs  bœufs  et  les  labourer.  La  récolte 
est  descendue  au  moyen  de  traîneaux. 

Presque  tous  les  manœuvres,  dans  les  caravansérails  de  la 
plaine,  sont  des  Karatéghinois  recherchés  pour  leur  force, 
leur  exactitude  et  leur  probité. 

*  Arendarinko,  RuttUche  Revw,  1882. 


38  SÉANCE  DU  6  JANVIER  1887. 

M.  Regel  S  venant  du  pays  des  Matchas  dans  le  Karaté- 
ghine  (1881),  après  avoir  franchi  le  défilé  de  Pakchif,  con- 
state, sur  les  pentes  méridionales^  Texistence  de  quelques 
oasis  dont  les  habitants  s'adonnent  à  la  culture  ;  dans  la  ré- 
gion forestière  qui  doit  sa  fertilité  à  Tirrigation  pratiquée 
sur  un  sol  excellent  ;  le  Tadjik  est  frugivore,  et  dans  des 
pacages  alpestres  il  s'occupe  de  l'élevage  des  bestiaux. 
M,  Regel  continue  sa  route  et  descend  la  vallée  du  Sorbokh 
obstruée  souvent  par  des  avalanches  et  garnie  par  des  forêts 
de  genévriers  et  d'arbres  fruitiers  sauvages  qui  ofTrent  un 
refuge  agréable  à  Tours  au  poil  fauve.  Au  fond  de  la  vallée 
du  Sourkhab,  Je  voyageur  aperçoit  à  perte  de  vue  des  vergers, 
des  bocages,  des  pommiers  sauvages  entremêlés  de  vigou- 
reux ceps  de  vignes  et  de  noyers  aux  feuilles  luisantes. 
C'est  le  Karatéghine,  le  grenier  tant  vanté  des  pays  pami- 
riens. 

Vivant  dans  une  solitude  patriarcale,  le  Karatéghinois  ne 
connaît  ni  la  monnaie,  ni  le  marché,  ni  le  mensonge,  ni  le 
vol,  ni  l'adultère.  Seul,  Thomme  sans  patrie  est  considéré 
comme  hors  la  loi  et  vendu  comme  esclave. 

La  guerre  incendie  rarement  ces  paisibles  vallées  dans 
lesquelles  le  pâtre  conduit  ses  moutons  sur  les  bords  ver- 
doyants du  Sourkhab  ou  sur  les  prairies  élevées  des  Alpes 
Karatéghinoises  ;  le  cultivateur  fait  giisser  les  traîneaux  char- 
gés de  blé,  attelés  de  bœufs,  le  long  des  sentiers  calcaires  de 
ces  pentes  abruptes.  Arrivé  à  Harm,  la  capitale  du  pays,  le 
chef  de  la  vallée  assigna  au  voyageur  une  simple  demeure  ; 
le  vénérable  vieillard  s'avança  appuyé  sur  un  bâton  et  suivi 
de  serviteurs  chargés  de  fruits  du  pays  en  signe  d'offrande  ; 
il  donna  volontiers  des  renseignements  sur  son  pays  et  sur 
ses  mœurs  et  invita  le  voyageur  et  ses  compagnons  à  visiter 
son  château,  où  un  charmant  garçon,  dernier  rejeton  de  l'an- 
cienne famille  royale,  s'informa  avec  curiosité  du  pays  du 
Tsar-Blanc  et  de  celui  des  Francs. 

t  Regel,  ibid. 


DE  UjrALVY.  —  SUR  LES  GALTCHAS.  39 

M.  Regel  fait  remarquer  la  difTérenoe  qui  existe  entre  la 
duplicité  et  la  dissimulation  des  Bokhariotes  et  Thonnète 
franchise  des  Karatéghinois. 

Lorsqu'il  quitta  le  pays,  le  yieillard  l'accompagna  de  ses 
plus  ferventes  prières  et  de  ses  chaleureux  souhaits. 

Les  deux  derniers  voyages  de  M.  Regel  dans  la  haute  vallée 
de  rOxus  nous  ont  ftiit  connaître  le  Darwfls  et  le  Chougnân, 
pays  mystérieux  que,  jusqu'à  ce  jour,  le  pied  d'aucun  Anglais 
ni  d'aucun  Russe  n'avait  encore  foulés.  Le  célèbre  sanscritiste 
de  Tubîngen,M.  Roth,  a  magistralement  condensé,  en  quel- 
ques pages,  les  découvertes  de  M.  Regel  par  rapport  aux 
habitants  du  Darw&z  et  par  rapport  à  leurs  mœurs  et  à  leurs 
coutumes. 

En  abordant  la  partie  du  Darwàz  qui  s'appelle  Tchilass,  le 
voyageur  franchit  un  pont  de  45  pas  de  longueur  et  entre 
dans  le  bourg  de  Tevil-Dara,  où  son  œil  se  réjouit  à  la  vue 
des  maisons  bien  alignées,  aux  couleurs  claires,  avec  des 
fenêtres  au-dessus  des  portes,  et  entourées  de  jardins  soigneu- 
sement cultivés. 

Le  Tadjik  du  Darwàz  peint  les  murs  de  ses  chambres  en 
noir.  Un  coin  intérieur  de  la  grande  chambre  est  occupé  par 
une  espèce  de  poêle  couronné  par  de  véritables  palissades 
derrière  lesquelles  les  femmes  et  les  jeunes  flllesvaquent  aux 
occupations  domestiques  ;  quant  à  la  fumée,  elle  s'échappe 
par  un  trou  pratiqué  dans  le  toit  plat  de  la  maison  ;  les  pro- 
visions sont  resserrées  dans  des  boîtes  en  argile  exhaussées 
sur  quatre  pieds  afin  de  les  protéger  contre  les  souris. 
L'amour  de  Tordre  est  si  grand  chez  ces  gens,  que  chaque 
ustensile  de  ménage,  chaque  petit  balai  à  main  est  placé 
dans  une  niche  pratiquée  dans  le  mur  et  affectée  à  cet  usage  ; 
les  poulets  et  les  perdreaux  même  sont  gardés  avec  un  soin 
égal  dans  des  niches  disposées  parfois  au-dessus  des  bancs 
en  terre  battue  qui  courent  le  long  des  murs  et  servent  de 
couche  aux  indigènes. 

Les  habitants  de  la  vallée  de  Wakhia  sont  obligés  souvent 
de  quitter  leur  vallée  trop  peuplée  ;  on  les  rencontre  alors 


40  SÉANCE   DU  6  JANVIER  4887. 

dans  tous  les  pays  voisins  comme  ouvriers,  marchands  de 
bestiaux,  orpailleurs,  ils  sont  affublés  de  leur  gros  manteau 
en  laine  brune,  vêtus  de  leurs  bas  multicolores  montant  jus- 
qu'aux genoux,  de  leurs  chaussettes  en  cuir  de  chevcd,  et 
ornés  de  leurs  longs  cheveux  châtains  ébouriffés  qu'aucune 
paire  de  ciseaux  musulmans  ne  taille.  Cependant  ils  préfèrent 
toujours  au  piiao  bokhariote  leur  plat  de  haricots  ou  de 
fèves  et  leur  soupe  aux  choux. 

Quelque  temps  après.  Regel  atteint  la  vallée  principale  du 
Darwâz  et  fait  à  la  nuit  son  entrée  à  Kalaïkhoumb  (Rila- 
khoumbo),  la  capitale  du  pays  ;  des  torches  surgissent  de 
toute  part;  des  soldats  bokhariotes,  à  la  barbe  grise, vêtus  de 
leurs  uniformes  rouges,  présentent  les  armes,  obéissant  à 
des  commandements  en  langue  russe;  des  cavaliers  riche- 
ment vêtus  guident  les  voyageurs  à  travers  la  grande  rue  du 
bazar  éclairée  par  des  lanternes.  On  arriva  bientôt  près  d'un 
poste  de  soldats  qui  gardait  Tentrée  d'un  château  formidable. 
Le  voyageur  fut  reçu  par  le  beg  du  Darwâz  et  le  chef  des 
troupes,  et  lorsqu'on  fut  assis  autour  d'une  table  dressée  au 
milieu  de  la  salle  d'apparat,  le  vieux  beg  entama  une  conver- 
sation animée  dans  laquelle  il  raconta  son  voyage  dans  la 
capitale  de  la  Russie  lors  du  mariage  du  duc  d'Edimbourg. 

Les  premiers  jours  passés  à  Kalaïkhoumb  s'écoulèrent 
agréablement;  les  voyageurs  étaient  charmés  tantôt  par  le 
spectacle  des  vagues  écumeuses  du  fleuve  Pendj,  qui,  à  ce 
point,  décrit  un  circuit  formidable  en  se  frayant  un  passage 
à  travers  des  masses  abruptes  et  rocheuses,  tantôt  par  la  vue 
de  la  silhouette  grisâtre  de  l'antique  château  fort  dont  les 
tours  de  pierre  surplombent  le  fleuve  et  se  dressent  vertica- 
lement sur  ses  bords  à  pic,  tantôt  par  l'aspect  des  rangées 
de  maisons  bien  alignées  devant  lesquelles  des  soldats  aux 
uniformes  éclatants  circulent  en  se  pressant  ou  se  rangent 
sur  le  passage  de  la  musique  persane.  Puis  ce  sont  des 
pécheurs  qui  jettent  leurs  fllets  ou  bien  des  cavaliers  et  des 
conducteurs  d'ânes  qui  se  dirigent  vers  des  bourgades  voi- 
sines ;  ils  suivent  l'étroit  sentier  qui  serpente  le  long  des 


DB  UJPALVT.  —  SUR  LES  GALTCHAS.  41 

flancs  des  montagnes;  puis  encore  des  cultivatenrs  anx 
chanssettes  rouges  et  aux  bas  multicolores  grimpent  pénible- 
ment en  suivant  les  zigzags  du  chemin,  leurs  paniers  de 
forme  conique  sur  le  dos  ;  ravissants  paysages  qui  enchantent 
le  voyageur  plein  d'appréhension,  lorsqu'il  voyait  un  nageur 
muni  d*outres  en  peau  de  bœuf  se  laisser  aller  au  gré  du 
courant  et  disparaître  soudainement  près  d'un  rapide  pour 
reparaître  ensuite  près  de  la  rive  opposée  du  fleuve. 

L'ange  de  la  mort  plane  souvent  au-dessus  de  la  ville,  car 
les  détritus  de  la  population  dense  produisent  dans  cet  air 
chaud  de  mauvais  miasmes  ;  si  Touragan  venant  des  cimes 
des  montagnes  ne  les  chasse  pas  avec  son  souffle  purifica- 
teur, l'étranger  surtout  devient  la  proie  des  fièvres  perfides. 
C'était  aussi  un  délassement  pour  le  voyageur  de  se  promener 
sous  les  platanes  ombreux  du  parc  du  château,  d'y  voir 
paître  le  gibier  des  montagnes^  d'y  contempler  de  beaux 
paons  faisant  la  roue,  en  laissant  fondre  dans  sa  bouche  des 
pèches  grosses  comme  des  pommes  ou  en  suçant  le  jus  rafraî- 
chissant de  grenades  rouges  comme  du  sang.  Celui  qui  s'as- 
sied dans  ce  parc,  près  du  trône  verdoyant  du  magicien 
Ka-Kal^  celui  qui  contemple  les  deux  jattes  en  pierre  qui  se 
trouvent  près  du  pont,  jattes  appelées  khoumb^  qui  ont  donné 
leur  nom  à  la  ville  et  h  un  affluent  du  fleuve  qui  l'arrose,  voit 
involontairement  se  dresser  devant  ses  regards  les  ombres 
des  héros  iraniens  et  celle  du  grand  Alexandre. 

Longtemps  le  Dàrwâz  fut  le  plus  important  des  petits 
empires  du  Haut-Oxus  et  ses  princes  se  vantèrent  de  des- 
cendre du  grand  Macédonien. 

Hélas  !  aujourd'hui  leur  puissance  s'est  évanouie  et  a  fait 
place  au  pouvoir  brutal  des  Bokhariotes.  Le  dernier  rejeton 
de  lafamille  royale  se  retira  au  Badakchan,  où  la  cupidité  des 
Afghans  le  livra  bientôt  à  ses  ennemis  qui  le  sabrèrent 
et  plantèrent  sa  tète  au  sommet  du  château  de  ses  pères  à 
Kalalkhoumb. 

Plus  tard,  le  voyageur  décrit  les  villages  aux  maisons 
blanches  surmontées  de  toits  à  pignon;  les  tourelles,  les  bal- 


42  BÉiUlGB  DU  6  UTITIER  1887. 

cons  percent  partout  la  sombre  feuillée  et  présentent  un 
aspect  riant  ;  plus  loin,  il  voyait,  se  détachant  sur  les  murs 
blancs  des  maisons,  des  dessins  enfantins  d'arbres  et  d* ani- 
maux avec  lesquels  les  Darwaziens  ont  Thabitude  de  décorer 
leurs  habitations.  Il  apercevait  des  granges  perchées  sur  des 
blocs  de  pierre  ;  au  moyen  d'échelles,  on  descendait  les  provi- 
sions pour  remplir  les  coffres  en  argile  et  les  combustibles  pour 
alimenter  les  poêles.  Là,  des  hommes  aux  poitrines  velues 
cultivaient  des  champs  de  coton  ou  de  tournesol,  et,  dans 
réloignement,  des  femmes  et  des  jeunes  filles  étaient  assises 
près  de  leurs  rouets,  les  tresses  blondes  et  brunes  de  leurs 
cheveux  ornés  de  rubans  tombent  sur  leurs  rondes  épaules. 

Le  peuple  du  Darwâz  se  distingue  encore  des  autres  Tad- 
jiks  des  montagnes,  en  ce  sens  que  l'esprit  ombrageux  de 
rislamisme  lui  est  resté  étranger  et  qu'un  fils  de  ce  pays  a  le 
droit  de  choisir  librement  sa  compagne. 

Les  tableaux  les  plus  variés  passèrent  ainsi  devant  les  yeux 
émerveillés  du  voyageur;  ici,  c'était  un  platane  gigantesque, 
dans  le  tronc  creux  duquel  on  avait  disposé  une  école  et  un 
lieu  de  prière  ;  plus  loin,  une  ferme,  un  moulin  ombragé,  une 
ruine,  dernière  trace  des  temps  légendaires  ;  encore  plus 
loin,  un  paisible  cimetière  aux  tombes  oblongues  entourées 
de  pierres  et  recouvertes  de  plaques  ;  elles  sont  ornées,  sur 
le  devant,  d'une  simple  pierre  tombale  sans  aucun  signe. 
Regel  rencontra  aussi  un  chasseur  d'ibex,  armé  d'un  fusil  à 
mèche  et  d'un  javelot,  qui  grimpait  sur  les  montagnes  ;  puis  il 
distingua  le  corps  velu  d'un  moine  nu,  qui,  de  l'autre  côté 
du  fleuve,  lançait,  à  l'aide  de  sa  fronde,  des  pierres  contre 
les  Bokhariotes  détestés  ou  contre  les  uniformes  blancs  des 
Russes,  leurs  hôtes. 

M.  Regel  fait  ensuite  une  description  émouvante  des  dan- 
gereux balcons  en  branchages  qui  remplacent  souvent  les 
corniches  taillées  dans  le  roc  ;  la  terre  s'effrite  sous  le  sabot 
des  bêtes  et  la  lueur  blanchâtre  de  l'eau  apparaît  entre  les 
Assures  béantes  des  poutrelles.  Lorsque  l'eau  est  basse,  les 
Darwaziens  construisent  ces  frêles  balcons  à  l'aide  d'écha- 


DE  UJFALVT.  •—  SUR  LES  GALTGHAS.  43 

faudages;  ils  les  enlèvent  aussitôt  que  leur  pays  est  en  dan- 
ger et  le  voyageur  aperçoit  alors  des  rangées  de  pitons  fichés 
dans  le  flanc  des  montagnes,  aspect  qui  lui  produit  un  effet 
étrange. 

Regel  ne  put  rester  que  deux  jours  dans  le  Wœndch  ;  il  fut 
frappé  de  la  fréquence  des  goitres  chez  les  habitants.  Le  sort 
de  ces  montagnards  est  des  plus  misérables;  les  céréales 
viennent  rarement  à  maturité  et  seul  le  fruit  du  mûrier  leur 
fournit  un  pain  douceâtre  et  gluant.  Quelques-uns  d*entre  eux 
s'enfoncent  dans  la  montagne  pour  en  extraire  les  minerais 
de  fer,  ils  attendent  souvent  pendant  quelques  mois  le  résultat 
incertain  de  la  fonte  pratiquée  dans  les  mines.  Les  crampons 
et  les  socs  de  charrue  qu'on  forge  avec  ce  métal  sont  échangés 
dans  les  cantons  voisins  ;  cependant  personne  ne  voulut 
montrer  au  voyageur  ces  modestes  mines. 

Malheureusement,  M.  Regel  dut  rebrousser  chemin  et 
céder  devant  la  mauvaise  volonté  des  employés  bokhariotes  ; 
mais,  Tannée  suivante,  il  prit  sa  revanche  et  pénétra  dans  le 
Ghougnân  ;  là,  il  reconnut  le  grand  lac  Ghiva  signalé  par 
Wood. 

Les  Afghans,  qui  sont  devenus  les  suzerains  de  cette  petite 
principauté,  forcèrent  le  hardi  explorateur  à  quitter  le  pays, 
n  paraît  certain  pourtant  que  M.  Regel  nous  fournira  bientôt 
sur  le  Ghougnân  un  récit  tout  aussi  intéressant  et  tout  aussi 
nourri  de  faits  que  celui  qu'il  nous  a  donné  sur  le  Darwâz. 

La  séance  est  levée  à  cinq  heures  et  demie. 

L'un  des  êecrélaires  :  manouvrier. 


44  SÉANCE  DU  20  JANYIER  1887. 

U5«SfiANCE.  —  S0jtnfierl887. 

Préflldeiiee  4e  M.  IIA«IT«T,  prémldenU 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

GORBESPONDAIfCB. 

Envoi,  par  le  notaire  de  la  Société,  d'an  titre  de  rente  de 
167  francs  provenant  du  legs  Bertillon. 

M.  le  Secrétaire  général  annonce  la  clôture  du  concours 
pour  le  prix  Broca. 

r  Une  lettre  de  M.  Mahoudeau,  posant  sa  candidature  au 
titre  de  membre  titulaire. 

^^  Lettre  de  M.  G.  Hubbard,  député,  remerciant  la  Société 
d'anthropologie  de  Favoir  élu  membre  titulaire. 

3**  Lettre  de  candidature  de  M.  le  docteur  Prosper  Guillot, 
médecin  de  T  classe  de  la  marine,  demandant  le  titre  de 
membre  titulaire. 

4*  Une  lettre  de  faire  part  annonçant  la  mort  de  M.,Gar- 
biglietti. 

nÉCLAMATIONS  AU  SUJET  DU  FONCTIONNEMENT  DES  COMMISSIONS. 

A  propos  de  la  désignation  de  M.  Charnay  comme  membre 
de  la  commission  chargée  de  la  rédaction  des  instructions 
pour  TAmérique  centrale,  M.  Sanson  propose  de  confier  au 
Bureau  le  soin  de  la  convocation  des  commissions  qui,  actuel- 
lement ne  fonctionnent  plus,  aucun  de  leurs  membres  ne  se 
croyant  suffisamment  autorisé  pour  provoquer  les  réunions. 

M.  DE  Nadaillac  demande  qu'elles  soient  convoquées  une 
heure  avant  les  séances  de  la  Société. 

M.  le  Secrétaire  général  énumère  un  certain  nombre  de 
commissions,  qui,  nommées  depuis  quatre  ou  cinq  ans,  n'ont 
jamais  entrepris  les  travaux  dont  elles  étaient  chargées. 

Plusieurs  membres  en  signalent  d^autres  qui  sont  dans  le 
même  cas. 


DE  MORTILLET.  —  HACHE  EN  PIERRE  DE  LA  GUADELOUPE.     45 

Sur  la  proposition  du  PRÉsiDEyr^  il  est  décidé  que  les  con- 
TOcatioDs  des  commissions  seront  confiées  désormais  aux 
soins  du  Secrétaire  général,  qui  d'ailleurs  en  fait  partie  de 
droit. 

OUVBAGES  OFFERTS. 

Annales  du  musée  GuniET,  t.  XI  et  XII  :  De  Groot.  Le$  fite$ 
anmiellement  célébrées  à  Emoui  (Amoy)^  étude  concernant  la 
religion  populaire  des  Chinois.  Paris,  1886,  in-4^,  832  pages. 

Thuué  (H.).  Les  Enfants  assistés  de  la  Seine.  Paris,  1887, 
in-4<*,  657  pages. 

Revue  d^ anthropologie^  dirigée  par  Paul  Topinard,  parais- 
sant tous  les  deux  mois.  Numéro  du  15  janvier  1887.  Sommaire 
des  mémoires  originaux  :  Carte  de  la  répartition  de  la  couleur 
des  yeux  et  des  cheveux  en  France  (suite),  par  Paul  Topi- 
nard ;  la  Nomenclature  quinaire  de  Tindice  nasal  du  vivant, 
par  le  docteur  Gollignon  ;  Contribution  à  la  sociologie  des 
Australiens,  par  Elie  Reclus  ;  Observations  anthropologiques 
recueillies  dans  la  Guyane  et  le  Venezuela,  par  le  docteur 
Ten  Kate  ;  la  Dépopulation  de  la  France,  par  G.  de  Lapouge. 

H.  Topinard  appelle  Tattention  sur  le  tableau  des  types 
polychromes  annexés  à  son  mémoire  sur  la  carte  de  la  cou- 
leur en  France.  L'un  de  ces  types,  celui  inscrit  sous  la  lettre  Ë 
et  dit  châtain  jaunâtre^  a  été  manqué  au  tirage.  11  sera  cor- 
rigé dans  les  tableaux  semblables  destinés  aux  Bulletins  de 
la  Société. 

CANDIDATCEBS. 

M.  P.-G.  Mahoudeau,  présenté  par  MM.  Letourneau,  Pb. 
Salmon  et  Hervé,  et  M.  Guyot  (Prosper),  publiciste,  présenté 
par  MM.  Letourneau,  Salmon  et  Sébillot,  demandent  le  titre 
de  membre  titulaire. 

ÉLECTIONS. 

MM.  le  docteur  E.  Guillot  et  Thibullbn  (Adrien)  sont  élus 
membres  titulaires. 


46  SÉANGB  DU  90  JAHYIBR   4887. 

PIUBSENTATIONS. 


PAR  M.  A.   DB  MORTDLLET. 

J'ai  rhonneur  de  présenter  à  la  Société  çt  de  donner  au 
musée  Broca,  de  la  part  de  M.  Frédéric  Adam,  de  Pointe- 
à-Pitre,  le  moulage  d'une  fort  belle  hache  en  pierre  trouvée  à 
la  Guadeloupe.  Gomme  tous  les  instruments  en  pierre  polie 
recueillis  dans  presque  toutes  les  Petites  Antilles,  cette  hache 
est  en  roche  volcanique.  C'est  la  pièce  la  plus  remarquable, 
comme  travail  et  perfection  de  forme,  de  Timportante*  collec- 
tion préhistorique  réunie  par  M.  Louis  Guesde,  de  Pointe- 
à-Pitre.  Parfaitement  polie  et  plus  symétrique  que  ne  le  sont 
en  général  les  haches  de  ce  genre,  elle  se  compose  d'une 
lame  en  forme  de  trapèze  terminée  à  la  base  par  un  largç 
tranchant,  lame  au-dessus  de  laquelle  est  un  col  on  étran- 
glement surmonté  de  deux  tètes  d'oiseaux  à  crêtes  et  à  becs 
recoturbés.  Ces  haches  peuvent  être  rapprochées  de  certaines 
haches  océaniennes,  dites  haches  de  commandement^  fixées  an 
sommet  de  manches  quadrangnlaires  richement  sculptés  à 
jour.  Gomme  ces  dernières,  elles  devaient  être  emmanchées 
en  manière  d*hentiinettes. 

J'attirerai  encore  l'attention  de  la  Société  sur  une  particu- 
larité que  présente  la  hache  de  M.  Guesde.  Sur  une  des  faces, 
entre  le  haut  de  la  lame  et  le  col^  se  trouve  une  dépression 
très  visible,  et  surtout  très  sensible  au  toucher,  qui  doit, 
suivant  toutes  probabilités,  marquer  la  place  d'une  sorte  de 
cheville  ou  coin  qui  devait  servir  à  resserrer  la  ligature  qui 
entourait  le  col. 

Discussion 

M.  Hamy.  Les  haches  de  pierre,  du  type  de  celle  qui  vient 
d'être  déposée  sur  le  bureau  de  la  Société,  ne  sont  pas  très 
rares  aux  Petites  Antilles.  M.  Guesde  et  M.  Rousselot  en  ont 


DISCUSSION  SUR  UNE  HACHE  EN  PIERRE   DE  LA  GUADELOUPE.     47 

recueilli  plusieurs  à  la  Guadeloupe  et  à  Sainte-Lucie;  ]a 
Grenade  en  a  fourni  bon  nonobre  d^autres  à  MM.  Lowe,  Gorn- 
wall-Lewis,  Grifflths,  Deans,  etc. 

J*ai  vu  ces  dernières  pièces  à  l'Exposition  coloniale  de 
Londres  où  les,  antiquités  caraïbes  abondaient  d'ailleurs. 
L'archéologie  des  Antilles  anglaises,  à  peine  ébauchée  il  y  a 
quelques  années,  est  maintenant  à  peu  près  faite.  La  Grenade, 
Saini-Vincent,  la  Barbade,  Sainte-Lucie,  la  Dominique,  An- 
tigoa,  Nevis,  ont  été  très  attentivement  explorées  et  se  sont 
trouvées  aussi  abondamment  fournies  de  choses  antiques  que 
la  Guadeloupe,  qui  passait  pour  exceptionnellement  riche  à 
ce  point  de  vue  particulier. 

Les  industries  se  localisaient  d'une  faQon  très  remarquable 
chez  les  anciens  habitants  des  Antilles.  Par  exemple,  les 
pierres  mammiformes,  relativement  nombreuses  à  Porlo- 
Rico,  sont  rares  dans  les  îles  du  Vent.  Antigoa,  Saint-Martin, 
Saint-Vincent,  la  Barbade  en  ont  seules  fourni  des  spécimens 
isolés.  Par  contre,  les  haches  à  gorge  qui  manquent  presque 
complètement  à  Porto-Rico,  abondent  dans  la  plupart  des 
terres  de  l'Est. 

Les  haches  en  coquille  sont  spéciales  à  la  Barbade,  tout 
en  se  trouvant  aussi  parfois  à  ta  Grenade,  à  Antigoa,  à 
Nevis. 

Les  amulettes  en  marbre  viennent  de  Haïti,  enfin  les  haches 
en  pierre  à  figures  sculptées  semblent  plutôt  originaires  de  la 
Guadeloupe. 

M.  Hamy  montre  une  de  ces  haches  récemment  entrée  dans 
les  collections  du  Musée  d'ethnographie.  Cette  hache»  qui 
offre  le  type  des  celts  à  section  ovale  et  d  crosse  conique  (Evans), 
est  longue  de  154  millimètres^  large  de  63,  épaisse  de  43; 
Tune  de  ses  faces  porte  en  relief  une  grossière  figure  humaine, 
dont  le  contour  facial,  les  yeux  étroitement  fendus,  le  nez, 
la  bouche  et  les  deux  bras  se  dessinent  en  saillie  de  3  à 
4  millimètres.  La  face  postérieure  est  coupée  d'un  bandeau 
en  reUef  de  20  à 26  millimètres  de  haut  sur  lequel  s'amorcent 
les  bras  du  personnage.  Il  y  a  lieu  de  rapprocher  cette  pièce 


48  SÉANCE  DU  20  JANVIER  i887. 

de  Tune  de  celles  que  possède  le  musée  Berthoud,  à  Douai, 
et  dont  les  moulages  ont  été  jadis  offerts  à  la  Société  d'an- 
thropologie. 

M.  Hamy  termine  cette  courte  communication  sur  les 
antiquités  des  Petites  Antilles  en  montrant  deux  photogra- 
phies qui  représentent  une  grande  pierre  sculptée  sur  trois 
faces,  haute  de  22  pieds  anglais,  qui  a  élé  découverte  dans 
Tîle  Nevis  par  sir  GrahainBriggs.  On  distingue  assez  malaisé- 
ment sur  cette  pierre  trois  figures  humaines  nues,  portant 
toutes  trois  une  coiffure  bizarre.  Entre  leurs  jambes  écartées 
apparaissent  des  têtes  coupées  qui  sont  peut-être  celles  des 
ennemis  vaincus.  On  trouvera  dans  la  Revue  d'ethnographie 
(i886,  p.  461)  la  reproduction  de  ce  remarquable  monument. 

FcBtms  eyelope; 

PAR  M.  LE  DOCTEUR  ELIT. 

M.  le  docteur  W.  Blet  met  sous  les  yeux  de  la  Société  un 
fœtus  humain  qui  présente  un  exemple  intéressant  de  fusion 
des  deux  yeux  sur  la  ligne  médiane. 

NoiiTelle  néthode  de  eéphalonélrle; 

PAR  M.   LUTS. 

M.  Luys  présente  de  nouveaux  appareils  céphalométriques 
de  son  invention,  destinés  à  prendre  les  courbes  du  crâne 
suivant  ses  trois  dimensions. 

Us  forment  une  série  de  trois  instruments  qui  se  com- 
plètent les  uns  les  autres  :  l'un  est  destiné  à  prendre  les 
courbes  antéro-postérieures  du  crâne,  Tautre  la  courbe  cir- 
culaire, et  le  troisième  la  courbe  biauriculaire  *. 

Us  sont  conçus,  tous  les  trois,  sur  des  données  identiques. 
Us  se  composent  de  clavettes  mobiles  dans  un  cadre  et  sus- 

i  Ces  instrameats  sont  dessinés  avec  détails  dans  le  travail  original  de 
l'auteur,  inséré  dans  le  journal  CSncéphaUf  1886,  n»  de  novembre. 


LUTS.  -—  JfOUVELLE  MÉTHODE  DE   CÉPHALOMÉTHIE.  49 

ceptibles  d*êlre  ionmobilisées  sur  place  à  l'aide  des  viroles 
au  moment  où  elles  ont  pris  le  contour  demandé.  Un  système 
spécial  d'encliquetage  permet  d'ouvrir  le  cadre  et  de  porter 
sur  une  feuille  de  papier,  sous  forme  d*un  graphique  spécial, 
le  contour  du  crâne  pris  dans  tel  ou  tel  diamètre.  Chacun 
de  ces  instruments  donnant  un  graphique  propre^  permet 
d'établir  sur  chacun  d'eux  des  conventions  géométriques 
spéciales.  Ainsi  le  graphique  antéro-postérieur  permet  d'ap- 
précier le  diamètre  antéro-postérieur  du  cerveau,  de  même 
que  sa  hauteur  verticale  à  partir  du  point  auriculaire.  Le 
graphique  circulaire  indique  Vasymétrie  crânienne,  plus  fré- 
quente que  Ton  ne  croit,  et  la  fixité  des  régions  cérébrales 
postérieures  opposée  à  la  variabilité  des  régions  antérieures 
du  même  cerveau.  Les  graphiques  biauriculaires  confirment 
les  données  précédentes,  en  permettant  de  vérifier  les  asy- 
métries méconnues  ainsi  que  la  hauteur  verticale  du  cer- 
veau. 

En  appliquant  l'étude  des  contours  du  crâne  à  celle  du 
cerveau  sous-jacent  à  Taide  d'une  série  de  coupes  cranio- 
cérébrales,  on  peut  arriver  à  délimiter  assez  exactement  les 
groupes  corticaux  correspondant  à  telle  ou  telle  région  crâ- 
nienne. C'est  ainsi  qu'on  peut  certifier  que  la  saillie  du  para- 
central  correspond  à  la  partie  culminante  du  vertex  et  un 
peu  en  arrière,  et  les  circonvolutions  pariéto-temporales  aux 
bosses  latérales  postérieures. 

A  l'aide  des  chiffres  fournis  par  les  diamètres  multiples  des 
graphiques  précités,  on  peut  établir  des  données  capables 
de  jauger,  chez  des  sujets  différents,  la  valeur  relative  de 
tel  ou  tel  de  ces  diamètres.  On  peut  aussi  faire  des  tableaux 
qui  indiquent  que  tel  individu,  quia,  par  exemple,  un  diamètre 
antéro-postérieur  très  développé,  a,  par  contre,  un  diamètre 
circulaire  rétréci  en  tel  ou  tel  point,  et  qu'il  présente  une 
compensation.  C'est  ainsi  qu'avec  une  apparence  céphalique 
amoindrie,  certains  sujets  présentent  néanmoins,  par  com- 
pensation, une  masse  cérébrale  à  peu  près  normale. 

Les  données  fournies  par  cette  nouvelle  méthode  de  men- 
T.  z  (3«  série).  4 


50  SIÎANCE  DU  20  JANTIER   1887  J 

sorations  céphaliques  pourront  être  avec  succès  appliquées 
chez  les  jeunes  sujets  pour  Tétude  du  développement  céré- 
bral d'année  en  année,  ainsi  que  chez  les  jeunes  gens,  de 
façon  à  obtenir  des  données  précises  qui  font  complètement 
défaut  sur  le  déyeloppement  du  cerveau  aux  différentes 
époques  de  son  évolution. 

Enfin,  par  cela  même  qu'elles  apportent  une  précision  plus 
grande  à  la  connaissance  anatomiqae  du  crâne,  ces  données 
nouvelles  pourront  être  d'un  grand  secours  dansTétude  de  la 
recherche  de  Tidentité  des  criminels  et  fournir  ainsi  des 
moyens  fixes  de  confrontation  des  siyets  soupçonnés. 

DitoustiOB. 

M.  Manouvrisr,  tout  en  rendant  hommage  à  Tingéniosité 
des  instruments  de  M.  Luys,  a  le  regret  de  dire  que  ces 
instruments  sont  très  inférieurs  à  ceux  dont  on  se  sert  de- 
puis quinxe  ou  vingt  ans  dans  le  laboratoire  de  Broca,  no- 
tamment au  céphalomètre  d'Antelme  et  au  stéréographe  de 
Brooa. 

Le  céphaiomètre  d'Antelme,  outre  qu'il  est  d'une  exacti- 
tude parfalle,^  présente  l'avantage  de  fournir  à  la  fois  les 
courbes  céphaliques  dessinées  et  exprimées  en  chiffres,  puis- 
qu'il mesure  tous  les  rayons  auriculaires  de  degré  en  degré. 
Le  stéréographe  de  Broca  permet  de  dessiner  en  un.  instant  le 
crâne  sous  toutes  ses  faces,  et  l'on  peut  prendre  sur  les  des- 
sins ainsi  recueillis  toutes  les  mesures  possibles. 

Quant  aux  résultats  obtenus  par  M.  Luys,  ils  représentent 
l'état  primitif  de  la  craniologie  et  ne  méritent  pas  d'être  mis 
en  regard  de  ceux  que  connaissent  tous  les  craniolc^istes. 
De  nombreux  et  excellents  travaux  ont  été  faits  en  France 
par  Broca  et  ses  élèves,  en  Allemagne,  en  Italie,  en  Angleterre, 
en  Russie  et  jusqu'en  Amérique,  qui  ont  élucidé  depuis  long- 
temps les  questions  qui  viennent  d'être  aperçues  par  M.Luys. 
En  ce  qui  concerne  la  situation  du  lobule  paracentral,  M*  iMUi- 
nouvrier  dit  qu'elle  est  loin  d'être  constante,  ainsi  que  l'ont 


DISCUSSION  SUR  UME  NOUVELLE  MBTaOOE    DE  GÉPHALOMÉTRIE.   51 

prouvé  noiammant  les  recherches  de  Broca  et  de  M.  Féré  sur 
)a  topographie  cranio-cérébrale.  U  ^oute  que  la  ligne  courbe 
supérieure  de  Toocipital  ne  correspond  pas  toujours  à  Tex- 
trémité  postérieure  et  inférieure  du  cerveau,  attendu  qu'elle 
est  située  assez  souvent  à  un  niveau  différent  de  celui  de  la 
protubérance  occipitale  interne  qui,  seule,  constitue  la  limite 
fixe  du  cerveau.  En  avant^  ce  n'est  pas  à  la  racine  du  nez, 
mais  à  un  point  situé  à  15  on  âO  millimètres  pins  haut  sur 
une  ligne  tangente  au  toit  des  orbites,  que  correspond  la 
limite  antérieure  et  inférieure  du  cerveau. 

M.  G.  Lagmeau*  Les  instruments  de  notre  collègue,  II.  Lnjrs, 
diffèrent  complètement  du  eéphalomètre  d*Antelme^  et  du 
stéréographe  de  firoca*.  Ils  se  rapprochent  beaucoup  plus  du 
conformateur^  auquel  ils  apportent  des  modifications  avanta- 
geuses* 

Plusieurs  anthropelogistes,BiM.Broea*y  Har(ing(d*Utrechi), 
Le  Bon,  Lacassagne  et  Cliquet^,  se  sont  servis  du  fonnion  et 
du  eonformateur  des  chapeUers,  inventés  par  M.  Allié  pour 
prendre  des  mensurations  céphaliques.  Mais  Tapplication  de 
ces  instrumente  a  paru  offrir  quelques  difficultés. 

D'abord  tous  les  dessins  ou  découpures  que  les  chapeliers 
obtiennent  en  réduisant,  de  la  longueur  des  clavettes,  c'est*- 
à-dire  d'une  quantité  à  peu  près  égale,  les  diamètres  céphali- 
ques  inégaux,  aussi  bien  le  bilatéral  que  Tantéropostérieur, 
m  donnent  nullement  U  forme  réelle  de  la  tête.  Quant  aux 
dessins  non  rédu ite«  ils  peaveat  être  pbu  exaeis. 

P(wr  U  cireoDfiérence  horizontale  de  la  tête,  si  le  confor- 
inaieiir  n'est  pas  appliqué  avee  le  plus  grand  soin,  s'il  n'est 

«  Anlelme,  Note  sur  la  céphalométrie  {Mémoires  de  la  Société  d'atUhrop^ 
logU,  t.  I,  p.  837  etc.,  18  juillet  1861). 

»  Broca,  Sur  le  stéréographe,  instrument  craniographique  destiné  à  des- 
siner Unu lês déiaiis  du reitefdes  eorpe sdidee  {Mémoires de  USoeiéiéd^an- 
thropoU>9iê,  t.  111,  p.  99,  eU.,  7  déeerabre  1SS5). 

*  Broeft,  iSair  un  nommu  eâpheUogrmpkê  {Bull,  de  la  §êe.  d'atUkr^p.,  L  I, 
p.  SOi«  IS  déeomJbra  iSSi). 

«  LacasMgoe  et  Cliquet,  De  l'influence  du  iravêU  kUêUêohtsl  test  U  v^ 
Imm  ^  la  fêrm  de  U  We  {Anmtdss  éfh^glèm,  ••  «éri*,  t*  L,  p.  S0'4i,  iS7S}. 


52  SÉANCE   DU  20  JANVIER   1887. 

pas  maintenu  dans  une  parfaite  iiorizontalité,  il  exagère 
considérablement  les  asymétries  de  la  tête  *. 

Enfin  le  conformateur  de  M.  Allié  ne  peut  servir  à  prendre 
la  courbe  verticale,  an téro -postérieure,  fronto-occipitale. 
Contrairement,  les  appareils  de  M.  Luys  ont  cet  avantage, 
car,  grâce  à  la  division  de  la  série  des  clavettes  et  d'un  encli- 
quetage,  on  peut  les  écarter  de  la  tête  et  leur  faire  reprendre 
la  situation  qu'elles  avaient  lorsqu'elles  étaient  appliquées 
sur  la  tête.  Toutefois,  si  la  réalisation  et  l'application  de  ces 
appareils  reviennent  entièrement  à  M.  Luys^  il  est  juste  de 
reconnaître  que  l'idée  première  de  ces  modifications  appor- 
tées au  conformateur  semble  appartenir  à  Broca.  En  effet,  le 
19  décembre  1861,  en  présentant  à  la  Société  des  dessins  de 
circonférences  horizontales  de  la  tête  obtenues  avec  le  con- 
formateur de  M.  Allié,  il  ajoutait  :  «  Pour  obtenir  de  la  même 
manière  les  autres  courbes  du  crâne,  la  courbe  antéro-pos- 
térieure  par  exemple,  il  faudrait  scier  Tinstrument  en  deux 
parties,  ce  qui  ne  serait  pas  difficile  ;  et  M.  Mathieu  était  sur 
le  point  de  faire  pour  moi  cette  modification,  lorsque  mon 
collègue  de  Bicètre,  M.  Marcé>  me  fit  connaître  un  procédé 
beaucoup  plus  simple,  plus  rapide  et  plus  complet  dont  je  le 
crois  rinvenleur,  et  qui  consiste  à  prendre  les  courbes  de  la 
tète  et  du  crâne  avec  des  lames  de  plomb'.  » 

Quant  à  prendre,  chaque  année,  sur  les  écoliers  et  les 
lycéens  la  forme  de  la  tète,  ainsi  que  le  propose  M.  Luys,  in- 
contestablement ces  mensurations  successives  auraient  l'avan- 
tage de  nous  faire  mieux  connaître  le  développement  cépha- 
lique  selon  les  âges  et  suivant  les  races  ;  mais,  dans  leur 
application,  ces  mensurations  offriraient  plus  d'une  diffi- 
culté. 


1  Brocti,  Sur  la  fausseté  des  réstdtais  réphalométriques  obtmw  à  l'aide 
du  conformateur  des  chapeliers  {BuU,  de  la  Soc.  d*anlhrop,j  3»  série,  t.  II, 
p.  101,  etc.,  5  février  1879).  —  Gustave  Le  Bod,  Sur  Vinégalitédes  régions 
correspondantes  du  crûne  {Bull,  de  la  Soc.  danthrop.,  3«  série,  t.  I, 
p,  104,  etc.,  7  mars  1878). 

s  Broca,  toc.  dt.  (BuU.  de  la  Soc.  d'anthrop.,  1. 1,  p.  688, 19  décembre  1861.) 


DISCUSSION  SUR   UNE  NOUVELLE  MÉTHODE  DE  GÉPHALOMÉTRIB.    53 

M.  LuTS  n*a  pas  cru  devoir  faire  l'historique  et  l*énumé- 
ration  des  céphalomètres;  il  pense  que  les  siens  ne  présen- 
tent ancnn  des  inconvénients  signalés  chez  les  autres.  Quant 
aux  résultats  obtenus,  s'ils  sont  confirmés  par  ceux  anté- 
rieurement recueillis,  il  ne  peut  que  s'en  applaudir.  Il  main- 
tient l'exactitude  de  sa  topographie  cranio-cérébrale.  Elle 
repose  sur  des  coupes  pratiquées  sur  un  sujet  dont  la  tête 
'  avait  été  congelée  dans  la  position  assise.  Le  contenu  intra- 
cr&nien  ayant  été  ainsi  immobilisé,  les  coupes  lui  ont  donné 
entre  le  contenant  et  le  contenu  des  rapports  dont  l'exacti- 
tude ne  peut  être  contestée. 

M.  Hamy  fait  observer  que  les  reproches  adressés  au  cépha* 
lomètre  d'Antelme  ne  sont  mérités  que  lorsqu'ils  s'appliquent 
aux  appareils  dits  perfectionnés^  construits  dans  ces  dernières 
années.  Le  véritable  céphalomètre  d'Antelme^  dont  le  Mu- 
séum possède  le  modèle  primitif^  est  irréprochable.  Le  fonc- 
tionnement en  est  simple  et  rapide.  Plusieurs  de  nos  collègues 
Tout  utilisé  avantageusement,  et  il  a  donné  jadis,  eu  Laponie, 
entre  les  mains  de  Bravais  et  Martins,  d'excellentes  obser- 
vations. 

M.  TopiNARD,  La  communication  de  M.  Luys  a  soulevé  une 
multitude  de  questions  générales  et  particulières  sur  lesquelles 
il  y  aurait  beaucoup  à  dire  et  sur  lesquelles  je  tiens  expres- 
sément à  faire  mes  réserves.  J'espère  que  M.  Luys  voudra 
bien  nous  laisser  son  instrument  au  laboratoire,  je  l'expéri- 
menterai et  vous  en  parlerai  davantage  si  vous  le  voulez. 
Je  me  borne  pour  le  présent  aune  seule  observation.  M.  Luys 
nous  dit  qu'il  faut  des  faits  nombreux  pour  établir  la 
correspondance  des  parties  extérieures  du  cerveau  avec 
les  parties  extérieures  du  crâne  ;  et  il  nous  en  cite  un,  celui 
de  la  congélation,  par  lui,  d'une  tête.  Il  paraît  oublier 
que  Broca  a  publié  un  important  travail  sur  la  question.  Les 
pièces  sont  au  laboratoire  et  elles  sont  nombreuses.  On 
connaît  le  procédé  Broca,  c'est  celui  des  fiches  plongées  à  tra- 
vers un  trou  perforé  dans  le  crâne,  jusque  dans  le  cerveau 
sous-jacent.  Quant  à  l'instrument  de  M.  Luys,  qui  n'est  autre 


54  «ÉANCE-ra  8   FÉVRIER  1887. 

qae  le  conformateur  des  chapeliers  conau  depuis  vingt^cinq 
anS|  je  me  réserve  d'en  parler  plus  tard. 
La  séance  est  levée  à  cinq  heures  et  demie. 

Vun  de$  êecritaireê  i  fauvblle. 


4i6«  StANGB.  —  i  féirier  1817. 
IPrétfMeaea  de  M.  MAGITirr,  président. 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

A  propos  du  procès-verbal. 

Sur  tm  nouveau  céphalomètre.  ^  M.  Topinard.  A  propos  de 
la  communicalion  de  M.  Luys  j'ai  dit  quelques  mots  dans  la 
dernière  séance.  Je  ne  voulais  que  faire  mes  réserves  sur  la 
communication  tout  entière,  pensant  que  je  pourrais  examiner 
rinstrumentde  près  ensuite.  Mais  j'ai  été  entraîné  à  dire  que 
l'instrument  n'était  autre  que  le  oonformateur  des  chape- 
liers. Or,  quelqu'un  m'a  interrompu  et  dit  que  je  faisais  une 
confusion,  que  le  conformateur  d'Allié  réduisait  la  circonfé- 
rence et  celui-ci  point.  J'ai  répondu  qu'il  n'y  avait  aucune 
confusion^  qu'il  existait  un  autre  conformateur  donnant  la 
circonférence  avec  sa  grandeur  ordinaire.  Or,  depuis  la  der- 
nière séance,  j'ai  été  revoir  ce  conformateur.  Il  porte  le  nom 
de  conformateur  Davin,  il  existe  depuis  vingt-cinq  ans  et 
c'est  exactement  celui  de  M.  Luys. 

Procédé  de  la  congélation  pour  les  recherches  de  topographie 
cérébrale,  —  Au  nom  de  M.  Féré,  M.  Hervé  lit  un  passage  d  un 
mémoire  de  Broca,  dans  lequel  il  est  question  des  recherches 
sur  la  topographie  cérébrale  faites  par  M.  Féré  au  moyen  de 
la  congélation  du  cerveau  dans  le  crâne,  bien  antérieurement 
aux  recherches  entreprises  par  M.  Luys  sur  le  même  sujet. 

Voici  ce  passage  : 

a  Placé  conmie  externe  à  l'hospice  de  la  Salpêtrière,  où  les 
autopsies  sont  si  fréquentes,  M.  Féré  se  mit  à  l'œuvre  au  mois 


A  PROPO0  D0  PROCÈS-VERBAL,  55 

de  janvierl875,  et  recueillit  pendant  le  courant  de  cette  année 
de  nombreuses  observations,  dont  il  a  consigné  les  résultats 
dans  un  mémoire  communiqué  à  la  Société  anatomique  en 
décembre  i875  et  à  la  Société  de  biologie  au  commencement 
de  janvier  1876. 

«  M.  Féré  a  étudié  principalement  la  topographie  des  cir- 
convolutions, et  s'est  servi  pour  cela  du  procédé  des  fiches. 
Mais  il  s'est  occupé,  en  outre,  d'une  autre  question  que  ses 
prédécesseurs  n'avaient  pas  abordée.  Elève  de  mon  savant 
collègue  le  professeur  Charcot,  qui  poursuit  avec  tant  de 
talent  l'étude  pathologique  et  fonctionnelle  des  parties  pro- 
fondes des  hémisphères,  il  s'est  attaché  à  déterminer  la  posi- 
tion des  parties  profondes  par  rapport  aux  parois  crâniennes. 
J'ai  déjà  dit  que  le  procédé  des  fiches  est  applicable  à  ce 
genre  de  refcherches,  pourvu  qu'on  ait  le  soin  de  prendre 
des  fiches  très  longues  et  de  les  enfoncer  suivant  une  direc- 
tion exactement  perpendiculaire  à  la  surface  du  crâne;  mais 
il  ne  donne  que  des  résultats  partiels,  parce  qu'on  ne  peut 
étudier  le  trajet  profond  d'une  fiche  sans  pratiquer  des  inci- 
sions qui  déforment  gravement  les  parties.  M.  Féré  a  donc 
eu  recours  à  des  coupes  pratiquées  sur  des  têtes  préalable- 
ment congelées.  Ce  procédé  doit  porter  son  nom,  car  personne 
avant  lui  n'avait  appliqué  la  méthode,  déjà  ancienne,  de  la 
congélation  à  l'étude  de  là  topographie  cérébrale. 

«  Le  procédé  de  M.  Féré  donne  à  la  fois  les  rapports  des 
organes  cérébraux  profonds  et  des  circonvolutions  tant  ex- 
ternes qu'internes.  Il  est  bien  supérieur  à  celui  des  coupes 
ordinaires. 

«  Je  rappelle  que  H.  Féré  ne  s'est  pas  borné,  comme  ses 
prédécesseurs,  à  l'étude  des  rapports  superficiels  des  hémi- 
sphères. Il  a  le  premier  poussé  les  recherches  topographiques 
jusque  dans  les  parties  profondes.  »  (Revue  d'anthropologie^ 
1876,  p.  193-248  et  278,  et  Broca,  Mémoires  d'anthropologie, 
t.  V,  p.  494  et  suiv.) 


5G  SÉANCE  DU   3  FÉVRIER  1887. 

CORRESPONDANCE. 

1®  Uno  lettre  de  M.  le  docteur  Prosper  Guillot  remerciant 
la  Société  de  son  élection  ; 

^  Une  lettre  de  M.  Vidal-Naquet  demandant  le  titre  de 
membre  titulaire. 

RAPPORTS  ADMINISTRATIFS. 
Rapport  de  la  oommUalon  des  flaMieest 

PAR  M.   LE  DOCTEUR  WBI8GERBBR,  RAPPORTEUR. 

Messieurs,  nous  avons  Thonneur  de  vous  présenter  le  rap- 
port de  la  commission  désignée  pour  la  vérification  des 
comptes  de  Tannée  4886. 

La  commission  tient  tout  d'abord  à  signaler  la  régularité 
avec  laquelle  sont  tenus  les  registres  de  comptabilité  et  la 
garantie  qu'offre  pour  la  Société  le  système  adopté  par  notre 
trésorier. 

Elle  n'a  qu'à  se  louer  de  la  bienveillance  avec  laquelle 
M.  le  trésorier  a  bien  voulu  exposer  le  fonctionnement  de 
votre  budget.  Grâce  aux  précautions  prises  par  lui,  l'argent 
encaissé  est  immédiatement  versé  en  compte  courant  à  la 
Société  générale,  et  les  dépenses  sont  soldées  par  chèques. 

La  commission  se  plaît  en  outre  à  constater  que,  malgré  les 
multiples  dépenses  qu'exige  le  bon  fonctionnement  d'une 
Société  aussi  nombreuse  que  la  vôtre,  le  budget,  grâce  à  une 
bonne  gérance,  se  solde  de  nouveau  par  un  excédent  d'actif 
vous  peimettant  de  faire,  encore  cette  année,  de  notables 
économies  et  d'augmenter  votre  capital  de  plus  de  iOOOfrancs. 
Cette  somme,  placée  d'après  les  statuts  et  règlements,  ne  fait 
qu'accroître  vos  ressources  pour  l'avenir. 

La  commission  a  été  à  même  de  se  rendre  compte  de  toutes 
les  difficultés  que  M.  le  trésorier  a  eu  à  surmonter  et  du 
zèle  qu'il  a  mis  à  sauvegarder  les  intérêts  de  la  Société. 

La  commission  a  donc  l'honneur  de  vous  proposer  d'ap- 


J.  DENIKER.  —  MUSÉE  BROCA  ET  BIBUOTHÈQUE.  57 

prouver  les  comptes  de  l'exercice  1886  et  de  voter  des 
remerciements  à  M.  le  trésorier  pour  la  sollicitade  et  le  dé- 
vouement avec  lesquels  il  gère  les  fonds  de  la  Société  d'an- 
thropologie. 

Rapport  de  la  comniMion  do  musée  Braea 
et  de  la  hlMiotlièqae  ■  ; 

PAR   H.   J.    DENIKER,    RAPPORTEUR. 

Messieurs,  votre  commission  a  examiné  attentivement  la 
bibliothèque  et  le  musée,  et  a  trouvé  tout  dans  un  état  aussi 
satisfaisant  que  le  permet  Texlguïté  du  local.  Elle  n'a  que 
des  félicitations  à  adresser  au  bibliothécsiire,  au  conserva- 
teur des  collections  et  à  Tagent,  M.  Suby,  pour  le  bon  ordre 
dans  lequel  sont  tenues  ces  deux  institutions. 

D'après  un  état  qui  nous  a  été  remis  par  M.  Suby,  la  biblio- 
thèque a  reçu,  pendant  l'année  i886,  i77  ouvrages  (iOI  vo- 
lumes et  103  brochures);  un  peu  moins  que  Tannée  précé- 
dente. 

La  bibliothèque  n*a  acheté  qu'un  seul  ouvrage  :  Eléments 
de  psychologie  physiologique  y  par  Wundt.  Les  autres  livres  et 
brochures  ont  été  donnés  par  leurs  auteurs  ou  par  quelques 
généreux  membres  de  la  Société.  Ainsi  M.  le  docteur  Prat  a 
offert  12  volumes  ayant  trait  à  la  linguistique  africaine  ; 
M"'  Juglar  a  ajouté  aux  dix  premiers  volumes  du  Diction- 
naire encyclopédique  des  sciences  médicales  donnés  par  elle  en 
1885,  les  dix  tomes  suivants  ;  M.  Rousselet  a  fait  don  des 
deux  premiers  volumes  du  Dictionnaire  de  géographie  univer- 
selle de  Vivien  de  Saint-Martin;  M.  de  Quatrefages  a  offert  àla 
Société  %±  volumes  et  15  brochures  traitant  de  philosophie, 
de  religion^  d^archéologie,  d'anatomie,  etc.  ;  puis  36  volumes 
et  S8  brochures  russes,  2  volumes  et  diverses  brochures 
suédoises.  Ce  dernier  don  est  très  précieux,  car  il  a  permis  à 
votre  rapporteur  de  compléter  et  de  classer  méthodique- 

1  Commissaifet  :  MM.  Lagoeau,  Lefèvre  et  Deniker. 


58  8ÉANGB  DU  3  FÉTRIER  1887. 

ment  les  publications  de  la  «  Société  des  amis  des  sciences 
naturelles  de  Moscou  »  qui  se  trouvent  à  la  bibliothèque.  Ces 
publications  forment  aiyourd*hui  une  belle  collection  de 
200  mémoires  ou  brochures  classés  par  volumes  ou  par  ma- 
tières, et  dont  les  titres  complets  sont  traduits  par  mes  soins. 
Voici  un  tableau  indiquant  les  diverses  branches  de  la 
science  auxquelles  se  rapportent  les  livres  et  brochures  ache- 
tés ou  donnés  en  1886  : 

Livres.         Brochures. 

Anatomie. 2  15 

Anthropologie  générale 4  7 

Archéologie 4  33 

Biographie »  3 

Craniologie 3  10 

Dictionnaire  médical 10  » 

Ethnologie  et  voyages li  10 

Hygièno »  2 

Linguistique 13  7 

Pathologie 9  2 

Philosophie,  religions» • 31  » 

Physiologie 8  » 

Statistique •• . .  »  4 

Varia S  5 

Zoologie 8  » 

Total 97  98 

Dans  le  courant  de  TannéC)  il  a  été  relié  130  volumes  de 
différents  formats. 

Au  musée,   les  entrées  de  cette  année  ont  été,  d'après 

M.  Suby,  au  nombre  de  23,  supérieures  à  celles  de  Tannée 

^  passée  ;  mais  elles  ne  représentent  que  73  pièces,  chiffre  qui 

n*a  encore  jamais  été  si  faible  pendant  les  six  années  qui 

viennent  de  s*éoouler. 

Il  est  d^usage  que  la  commission  exprime  des  vœux  et 
signale  des  améliorations  à  apporter  dans  Tétat  et  la  gestion 
de  la  bibliothèque  et  du  musée.  Chaque  rapporteur  annuel 
ayant  exprimé  au  moins  deux  ou  trois  vœux,  cela  fait  au 
bout  de  six  ans  une  quinzaine.  Nous  avons  pensé  qu'il  serait 
utile  de  vous  rappeler  quelques-uns  de  ces  vœux. 


J.  DENIKBR.  ^  MUSÉE  BROCA  ET  BIBUOTHÈQCE.  50 

En  ce  qui  concerne  la  bibliothèque,  diyeni  rapporteurs  qui 
m'ont  précédé  ont  demandé  : 

l*"  Un  catalogue  par  ordre  de  matières  ; 

^^  Un  catalogue  des  archives; 

3*  Le  classement  des  collections  photographiques  ; 

4*  La  publication  d'un  catalogue  imprimé,  etc. 

Le  premier  de  ces  desiderata  a  été  réalisé  ;  M.  Suby  a  fait 
un  catalogue  en  fiches  par  ordre  de  matières.  L'existence 
de  ce  catalogue,  à  côté  d'un  autre,  par  noms  d^auteurs,  tous 
les  deux  tenus  au  courant  et  toujours  h  la  disposition  des 
lecteurs,  rend  inutile^  ce  nous  semble,  la  publication  d'un 
catalogue  général  qui  coûterait  fort  cher  et  ne  serait  en 
somme  que  la  répétition  d'un  des  catalogues  en  fiches,  avec 
ce  désavantage  qu'au  bout  de  trois  ou  quatre  années  il 
ne  serait  plus  au  courant.  Quant  au  catalogue  des  archives, 
sa  nécessité  ne  nous  semble  pas  être  absolue,  attendu  que 
les  archives  sont  classées  en  cartons  par  ordre  de  ma- 
tières, qu'il  existe  un  registre  chronologique  pour  leurs 
entrées^  et  que  le  nombre  de  pièces  qui  les  composent  ne 
dépasse  guère  3000  (dont  la  moitié  sont  des  lettres  et  des 
factures  sans  aucun  intérêt  scientifique).  Ce  qui  est  plus 
urgent,  c'est  de  procéder  au  classement  de  la  collection  des 
photographies.  Ce  classement  n'est  pas  difficile  à  faire,  et 
si  la  Société  y  consent,  je  me  mets  à  sa  disposition  pour  ce 
travail. 

Passons  au  musée. 

Ici  on  a  demandé  beaucoup  de  choses  :  un  inventaire, 
un  catalogue  scientifique  et  descriptif,  la  mise  en  ordre  et 
le  classement  de  la  collection  préhistorique  ;  on  a  signalé 
la  détérioration  des  collections  ethnographiques,  les  diffi- 
cultés du  service  pour  le  garçon,  etc.  Une  partie  des 
améliorations  indiquées  par  les  commissaires  qui  nous  ont 
précédés  ont  été  faites.  Grâce  à  l'activité  de  MM.  Suby  et 
Ghudzinski,  on  aaujourd'hui  uninventaire  annuel  des  pièces 
du  musée  et*  un  catalogue  en  fiches  des  collections  anatomi- 
ques  et  craniologiques  ;  mais  l'idée  de  la  rédaction  d'un  cata- 


60  SÉANCE  DU  3  FÉVRIER  1887. 

logue  scientifique  et  descriptif  semble  être  complètement 
abandonnée.  Le  classement  de  la  collection  préhistorique  si 
longtemps  désiré,  est  enfin  commencé  par  notre  collègue, 
M.  de  Mortillet,  qui  espère  terminer  ce  travail^  au  moins  en 
ce  qui  concerne  les  grandes  divisions  de  Tâge  de  la  pierre, 
dans  le  courant  de  cette  année.  Mais  Tétat  déplorable  dans 
lequel  se  trouvent  les  collections  ethnographiques  est  tou- 
jours le  même  :  les  objets  se  détériorent,  n'étant  suffisam- 
ment protégés  ni  contre  la  poussière  ni  contre  les  insectes 
destructeurs.  Ainsi,  les  mites  ont  mangé  presque  toute  la 
barbe  à  un  masque  polynésien  et  ont  fait  passer  la  momie 
d*un  homme  égyptien  à  Tétat  d*eunuque...  Songez  à  quelles 
graves  méprises  seront  exposés  les  savants  de  l'avenir,  le 
jour  où  ils  voudront  consulter  des  pièces  dans  un  tel  état  de 
conservation. 

Quoi  qu'il  en  soit,  malgré  quelques  défauts,  le  musée  n'a 
cessé  de  progresser^  et  plusieurs  améliorations  ont  été  déjà 
faites^  comme  vous  venez  de  le  voir.  Ce  n'est  donc  pas  tou- 
jours œuvre  stérile  que  d'émettre  des  vœux,  et,  epcouragés 
par  ces  bons  exemples,  nous  nous  permettrons  de  vous  en 
soumettre  quelques-uns,  à  notre  tour  : 

1**  Installation  d'une  armoire  ou  du  moins  de  planches 
provisoires  dans  la  bibliothèque,  car  il  n'y  a  plus  de  place 
où  loger  les  livres  arrivants,  et  nous  recevons  plus  de  200  vo- 
lumes par  an.  Cette  mesure  est  urgente,  et  si  l'installation 
n*est  pas  faite,  l'ordre  qui  existait  jusqu'à  présent  dans 
notre  bibliothèque  menace  d'être  sérieusement  compromis. 

2®  Classement  et  mise  en  ordre  de  la  collection  des  photo- 
graphies. 

3*  Achat  de  quelques  ouvrages  importants  qui  manquent 
à  la  bibliothèque  ;  je  ne  citerai  que  la  Pathologie  comparée 
de  Bouley,  le  Dictionnaire  des  antiquités  grecques  et  romaines 
de  Dareraberg  et  Saglio,  etc. 

4t^  Enfin,  il  nous  semble  que  le  moment  est  venu  de 
commencer  un  catalogue  descriptif  et  scientifique  du  musée, 
c'est-à-dire  un  catalogue  comprenant  les  principales  mesures 


OUVRAGES  OFFERTS.  61 

de  crânes  et  de  sque.  ettes,  dans  le  genre  de  ceux  qui  ont 
été  publiés  pour  le  musée  des  chirurgiens  de  Londres  ou 
pour  les  collections  anthropologiques  allemandes.  11  est  vrai- 
ment triste  de  voir  qu'une  des  plus  riches  collections  anthro- 
pologiques de  l'Europe  reste  jusqu'à  présent  sans  description 
et  ignorée  de  la  plupart  des  savants. 

Toutes  ces  propositions  peuvent  être  réalisées  facilement  ; 
il  ne  faut,  pour  cela,  qu*un  peu  d'argent  et  de  la  bonne 
volonté  de  la  part  de  quelques  membres  dévoués  de  la 
Société. 

Discussion. 

M.  Dally,  bibliothécaire,  dit  que  l'obstacle  k  Tachât  de 
livres  a  été  le  défaut  d'entente  des  membres  de  la  commis- 
sion d'achat  au  sujet  des  ouvrages  à  acquérir.  Il  signale  en 
même  temps  l'encombrement  de  la  bibliothèque  par  une 
foule  de  livres  sans  intérêt  anthropologique,  et  demande 
qu'une  commission  soit  nommée  pour  procéder  à  l'élimina- 
tion des  volumes  inutiles.  Il  demande,  en  outre,  qu'une  in- 
demnité annuelle  soit  donnée  au  conservateur  des  collec- 
tions. 

Ces  diverses  propositions  sont  renvoyées  au  comité  cen- 
tral. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

Gamba  (A.).  Nota  frenologica  sul  cramo  di  Vincenzo  Bellini. 
Turin,  4886,  broch.  in-8«,  H  pages. 

—  Stato  del  museo  craniologico  délia  R,  Academia  di  Medi- 
cina  di  Torino.  Turin,  4886,  broch.  in-S'*,  4  pages. 

Glosmadeuc  (G.  de).  Découverte  de  stone-cists  à  ffec-er-VUl 
{Quiberon),  Vannes,  4886,  broch.  in-8*,  45  pages. 

Levbsoue  (P.-C).  Histoire  de  Russie.  Paris,  4842,  8  vol. 
in-42,  i  atlas  in-4*. 


SÉANCE  DU  3  FÉVRIER  1887. 


DONS  AU  HU8EB. 


Oisements  hurnams  de  féglise  de  Croisiy.  —  M.  A.  de  Mor- 
TnxBT.  J'ai  rhonneur  d'offrir  à  la  Société  quelques  ossements 
humains  provenant  de  la  vieille  église  de  Groissy,  près  Gha- 
tou  (Seine-et-Oise).  Gette  église,  qui  date  du  treizième  siècle, 
menaçant  ruine,  on  en  construisit  il  y  a  quelques  années 
une  nouvelle  ;  mais  la  municipalité  de  Groissy ,  donnant 
en  cela  un  excellent  exemple^  ne  voulut  pas  se  défaire 
de  Tancienne,  sans  y  tenter  quelques  recherches.  Deux 
cents  francs  furent  votés  à  cet  effet  par  le  conseil  municipal, 
et,  sur  la  demande  du  maire  de  la  commune,  la  Gommission 
des  Antiquités  de  Seine-et-Oise  me  chargea  de  surveiller  les 
fouilles.  En  retournant  le  dallage  de  Téglise,  nous  avons  dé- 
couvert une  table  d'autel  du  seizième  siècle,  deux  pierres 
tombales  fort  intéressantes  du  dix-septième  siècle  et  plusieurs 
autres  pierres  à  inscriptions.  A  60  centimètres  au-dessous  du 
niveau  actuel,  se  trouvait  le  sol  ancien,  et,  à  80  centimètres 
plus  bas,  un  certain  nombre  de  sépultures,  sans  aucun  objet 
qui  puisse  servir  à  les  dater.  Elles  sont  probablement  du 
dix-septième  ou  dix-huitième  siècle,  époques  pendant  les- 
quelles on  a  enterré  dans  Téglise,  comme  j'ai  pu  m'en  assurer 
en  examinant  les  vieux  registres  de  l'état  civil  de  la  com- 
mune. 

Parmi  les  squelettes  que  j'ai  pu  recueillir,  les  uns  appar- 
tiennent à  des  hommes  d*un  Age  avaneé,  d*aatret  à  des 
femmes  moins  âgées  ;  un  de  ces  derniers  était  encore  ai^eom- 
pagné  de  longues  mèches  de  cheveux  blonds  ondulés.  Les 
os  isolés,  parmi  lesquels  se  trouvaient  des  tibias  accusant  un 
peu  de  platycnémie  et  quelques  fémurs  à  ligne  âpre  plus  ou 
moins  accentuée,  se  trouvaient  péle-méle  dans  une  sorte  de 
charnier  à  l'entrée  de  l'église. 

Cartes  des  Dolmens.  —  M.  A.  de  Mortillet.  J'ai  l'honneur 
de  remettre  à  la  Société  deux  cartes,  sur  lesquelles  j'ai  indi- 
qué la  distribution  des  dolmens.  Ges  cartes  ont  été  faites 


DISCUSSION  SUR   LE   FEAU  NATO.  63 

pour  un  ouvrage  de  vulgarisation  de  M.  Henri  du  Glenziou, 
que  vient  de  publier  la  librairie  Marpon  et  Flammarion. 

La  première  montre  la  distribution  des  dolmens  en  Europe, 
en  Asie  et  en  Afrique. 

La  seconde  donne  d'une  manière  plus  détaillée  leur  dis- 
tribution en  France.  Les  départements  sont  recouverts  d*une 
teinte  rouge  plus  ou  moins  foncée  suivant  le  nombre  des 
monuments  qui  y  ont  été  signalés,  nombre  qui  est  du  reste 
exprimé  en  chifiEres  au-dessous  du  nom  du  département. 

Pour  cette  dernière  carte,  j*ai  suivi,  en  la  complétant  au- 
tant qu'il  m*a  été  possible  de  le  faire,  Tinventaire  de  la  sous- 
commission  des  monuments  mégalithiques. 

CSes  cartes  n'ont  en  aucune  ftiçon  la  prétention  d'être  défi- 
nitives, mais  elles  sont  plus  complètes  que  toutes  celles  qui 
ont  été  faites  jusqu'à  œ  jour. 

Veam  moto.  —  M.  Darbstb  présente  un  veau  fiato  né  au 
Jardin  d'acclimatation  d'une  vache  et  d'un  taureau  également 
ftaiofl.  M.  Dareste  annonce  que  l'autopsie  de  cet  animal  va  être 
ftite  à  son  laboratoire,  et  invite  les  membres  de  la  Société 
qui  le  désireraient  à  y  assister.  Il  s'agit  de  savoir  si  la  mort 
a  été  le  résultat  de  quelque  autre  anomalie  intéressant  les 
viscères. 

Dîsoasiisii. 

M.  Sanson  dit  qu'il  était  venu  à  la  séance  précisément  avec 
l'intention  d'entretenir  la  Société  suir  ce  sujet.  Il  a  d'abord 
une  rectification  à  faire  à  Topinion  exprimée  par  lui  il  y 
a  une  vingtaine  d'années.  On  ne  connaissait  alors  qu'un 
seul  crâne  de  veau  ûato  apporté  d'Amérique  par  Darwin , 
et  il  ne  suffisait  pas  d'un  cas  unique,  avait  dit  M.  SansoUi 
pour  faire  admettre  l'existence  d'une  race  nouvelle.  Cette  ré- 
serve était  évidemment  commandée  par  l'insuffisance  des 
renseignements. 

En  1^69,  il  reçut  du  Mexique  de  nouveaux  docomenis, 
accompagnés  de  photographies  d'une  vache  sans  cornes  pré- 


64  SÉANCE  DU  3  FÉVRIER  i887. 

sentant  la  conformation  dont  il  s'agit.  M.  Sanson  avait  alors 
pensé  qu'il  pouvait  y  avoir  réellement  des  troupeaux  entiers 
ainsi  conformés.  Mais  ayant  prié  M.  le  professeur  Bernard, 
de  Santiago  du  Chili,  qui  présente  toutes  les  garanties  de 
compétence,  de  vouloir  bien  Tédifier  sur  ce  point,  il  lui  fut  der- 
nièrement répondu  que  nulle  part,  au  Brésil,  au  Chili  et  dans 
la  république  Argentine,  il  n'existait  de  troupeaux  de  ce 
genre  ;  que  Tanomalie  en  question  y  apparaissait  assez  sou- 
vent; qu'elle  était  ordinairement  plus  accentuée  chez  les 
femelles,  mais  qu'on  détruisait  avec  soin  tous  ces  animaux 
mal  conformés,  surtout  les  taureaux.  Il  n'a  donc  jamais  existé 
de  race  de  ûatos,  contrairement  à  ce  qui  a  été  avancé. 

Le  gouvernement  chilien,  qui  a  fait  preuve  en  cette  occa- 
sion d'un  zèle  scientifique  des  plus  louables,  envoya  à  ses 
frais,  il  y  a  quelque  temps,  au  Jardin  d'acclimatation,  un 
taureau  et  une  vache  fiatos  qui  ont  donné  naissance  au 
veau  présenté  à  la  Société.  Ce  veau  ressemble  à  sa  mère  trait 
pour  trait,  de  sorte  que  l'hérédité  est  incontestable.  Il  ne 
serait  donc  pas  impossible  d'obtenir,  par  sélection.  Une  variété 
nouvelle.  Mais  le  veau  étant  mort,  il  s'agit  de  savoir  d'abord 
s'il  a  succombé  comme  un  veau  quelconque  à  une  maladie 
ordinaire,  ou  bien  par  suite  de  quelque  malformation  interne 
accompagnant  celle  des  mâchoires.  C'est  ce  que  l'autopsie 
décidera.  Il  y  aura  là,  de  toute  façon,  un  fait  intéressant  à 
enregistrer. 

CANDIDATURES. 

M.  Motet  (A.),  présenté  par  MM.  Letoumeau,  Hervé  et 
Magitot  ;  M.  VmAL-NAOUET,  présenté  par  MM.  Magitot,  Le- 
tourneau  et  Hervé,  et  M.  le  docteur  Margano,  présenté  par 
MM.  Pozzi,  Féré  et  Manouvrier,  demandent  le  titre  de  mem- 
bre titulaire. 

ÉLECTIONS. 

MM.  Mahoudeau  (P.-G.)  etGuroT  (Prosper)  sont  élus  mem- 
bres titulaires. 


D.  CHARMAT.  —  EXPÉDITION  AU  TUCATAN.  65 

PRESENTATIONS. 

M.  AuBRT  lit  ane  note  sar  les  collections  anthropologiques 
de  Bergen  (Norwège),  et  présente  un  certain  nombre  d'objets 
proTenant  de  la  Laponie. 

Ditonsiioii. 

M.  Dbniker  dit  que  plnsieurs  de  ces  objets  ressemblent  à 
ceux  que  Ton  fabrique  en  Suède  et  dans  le  nord  de  la  Russie. 

GOHMtJNIGATIONa* 
BxpédItUii  an  Tacataa; 

FAR  M.   DBSIRB  CHARNAT. 

Messieurs,  les  fouilles  que  j'ai  nouvellement  pratiquées  à 
Izaroal,  m'ont  fourni  les  documents  nécessaires  à  la  restaura- 
tion d'une  pyramide  et  de  son  temple  ;  j'en  rapporte  aussi 
l'histoire  d^une  découverte  des  plus  intéressantes  et  que  je 
veux  dire  avant  de  parler  du  temple  lui-même. 

Il  y  a  quelques  années,  un  habitant  d'Izamal,  dont  la  pro- 
priété est  contiguë  au  côté  oriental  de  la  pyramide  en  ques- 
tion, voulant  agrandir  sa  cour,  détruisit  une  partie  de  la  py- 
ramide et  découvrit  deux  espingoles  espagnoles  du  seizième 
siècle,  enfouies  au  milieu  des  débris  qu'il  enlevait.  Ces  deux 
vieilles  armes  étaient  placées  le  canon  en  bas,  la  crosse  en 
l'air. 

Il  est  plus  que  probable  que  ces  armes  furent  enlevées  aux 
soldats  de  Francisco  de  Montejo.  Lors  de  sa  première  expé- 
dition de  1527,  Montejo  s'était  emparé  de  Chichen-Itza,  qu'il 
occupa  pendant  deux  ans  et  qu'il  fut  obligé  d'abandonner 
après  avoir  perdu  les  deux  tiers  de  sa  troupe. 

Ces  espingoles,  trophée  des  Mayas  vainqueurs,  furent  en* 
fouies  par  eux  dans  la  base  de  la  pyramide  comme  offrande 
au  dieu  du  temple.  Ce  serait  bien  là  une  preuve  de  plus  à 
l'appui  de  l'existence  déjà  constatée  de  la  ville  et  des  temples 
d'Izamal  au  temps  de  la  conquête.  Pour  la  restauration  que 

T.  X  (3«  sÉmB),  5 


66  S^^WiSE  Py  3  FEVRIER    1^7. 

j'ai  rhonneur  de  vous  soumettre,  il  s'agit  d'une  pyramide  et 
de  son  temple  faisant  partie  de  ces  édifices  d'Izamal.  Celui-ci 
^p  noipmfiit  Jf^b'ul,  p'est-à-dire  ^  k  mMo  opératrice  » ,  «  la 
mmn  ^uérâiMtq  }>  ;  car  p'était  à  ce  temple  que  1^^  Indiens 
portaient  leurs  malades  et  leurs  morts  ^  ^t  que  le  dieu  les 
guérissait  et  les  ressuscitait  en  les  touchant  de  la  main. 

Cette  pyramide  est  la  seule,  parmi  les  douze  citées  par 
Mada,  qui  nous  ait  laissa  quelques  traees  de  Te^rt  décoratif 
pbex  )ef»  Indiens  ;  les  ptutres  ont  k  moitié  disparu  ou  ne  pré- 
sentent qu'un  amas  de  décombres. 

La  pyramide  dont  je  parle  et  dont  la  restauration  est  à 
l'échelle  d'un  centième,  sp  compose  de  deux  plateaux  en  re- 
trait, dont  l'inférieur  mesure  41  mètres  de  long  sur  21  mètres 
de  large,  le  plateau  supérieur,  36  mètres  sur  16  mètres;  et  ils 
communiquaient  jB^fre  eux  par  un  espalier  à  marphes  étroites 
et  rapides  qui  don^j^jt  accès  k  wne  terrasse  de  2", 25  et  qui 
faisait  le  tour  du  second  plateau. 

Les  murailles  (}es  deux  plateaux  se  divisent  en  frises  pt  en 
corniches. 

La  fri$e  de  la  muraille  inférieure  n^esure  i",75  de  hau- 
teur, et  la  corniche  qui  la  surmonte  2", 10  avec  une  saillie  de 
30  centimètres. 

Lft  frise  était  plate,  couverte  de  stuc  et  ornée  d'une  bandp 
de  rosaces  peintes  en  roqge  sur  fond  jaune,  surmontée  d'une 
ligne  de  carrés  bleus  encadrés  de  Janine  ;  c'est  encore  aujour- 
d'hui la  décoration  intérieure  des  maisons  d'Izamal.  La  vaste 
corniche  était  peinte  en  rouge.  La  frise  de  la  muraille  supé- 
rieure mesure  1",22,  la  cornic)iq  90  centimètres  aveo  une 
même  s^ie  de  30  centimètres. 

Cette  seconde  frise  était  couverte  d'une  longue  ligne  de 
reliefs  en  ronde  bosse,  modelés  d^sle  stuc  frais  et  divisés  de 
droite  et  de  gauche  en  six  panneaux  de  2°',25  chacun,  tandis 
que  le  panneau  central,  légèrement  en  retrait,  occupait  une 
ligne  de  18  mètres.  Les  petits  panneaux  étaient  séparés  du 
grand  par  deux  immenses  figures  de  la  hauteur  entière  de  la 
muraiUei  soit  3^,10  sur  2  mètres  de  large. 


D.  CaiBJfAY.  -r  BJKPÉDITIÛN  AU  YUCATAN.  67 

D09  six  petits  panneaux,  un  seul,  qus  j*ai  découvert,  existe 
encore;  j'eii  ai  rapporté  le  moulage,  et  je  Tai  répété  six 
fois  dans  ma  restauration  pour  ne  pas  me  lancer  dans  Tinp 
connu. 

Quant  M  panneau  central,  je  Tai  pétfibli  sur  l'indioation  des 
gen^  qui  Tpnt  vu  il  y  a  quinze  ans  à  peine,  alors  qu'on  enleva 
les  éboulis  qui  ap^vraient  cette  partie  de  la  muraille.  On  m'eii 
a  indiqué  le  siyet  principal  !  un  cœur  sanglant  percé  d'une 
flèctie  et>  de  chaque  côté,  deu^  figures  prosternées.  Quant  aux 
difTérents  motifs,  palmes,  volutes  et  ornements  bicarrés  qui 
coifvrent  le  fond  du  panneau,  je  les  ai  tirés  de  la  pyramide 
même,  ainsi  que  les  deux  grandes  figures  dont  j'ai  les  photo- 
graphies et  que  j'ai  rét^ablies  en  cet  endroit,  en  plaee  des  deux 
qui  ont  disparu. 

La  pyramide,  avee  ses  deux  otages,  est  donc  absolument 
vraie,  puisque  j'ai  rapporté  les  dessins  et  les  couleurs  de 
la  frise  inférieure,  l'un  des  bas-reliefs  de  la  frise  supérieure, 
et  que  les  couleurs  dont  j'ai  constaté  les  traces  m'ont  en 
outre  été  données  par  des  habitants  d'Izamal  qui  avaient  vu 
Tensemble  de  cptte  frise  avec  les  couleurs  qui  la  couvraient 
Qlors. 

Pour  le  temple,  il  n'en  restait  pas  une  pierre,  et  je  Tai  en- 
tièrement reconstruit.  J*ai  cependant  le  droit  de  dire  que  ce 
n'est  pas  une  création  fantaisiste,  puisque  ces  monuments 
sont  presque  tous  semblables  et  que  les  différentes  parties 
qui  composent  celui-ci  sont  absolument  indiennes. 

J'ai  emprunté  mes  documents  à  deux  époques  de  cette 
même  civilisation  :  à  celle  qui  a  précédé  pour  moi  la  fonda- 
tion d'Isamal  et  à  celle  qui  l'a  suivie.  J'ai  pris  à  Comalcalco 
et  à  Palenque,  plus  anciens,  et  d'où  sont  venus  les  civilisa- 
teurs, l'obliquité  de  la  toiture,  certains  détails  d'ornementa- 
tion et  la  muraille  décorative  qui  surmonte  le  temple,  mu- 
raille qui,  du  reste,  s'est  perpétuée  dans  nombre  de  villes 
yucatèques. 

Le  corps  de  l'édifice  est  la  copie  d'un  monument  de 
Chichen-Itza,  ville  postérieure  à  Izamal;  les  deux  panneaux 


68  SÉANCE  DU  3  FÉVRIER  1887. 

de  la  muraille  inférieure  viennent  également  de  Gbichen, 
ainsi  que  le  médaillon  de  la  frise  et  les  cinq  grandes  figures 
qui  décorent  la  partie  supérieure  du  monument. 

Pour  ce  qui  regarde  les  couleurs,  je  dois  avouer  que  je  me 
suis  guidé  sur  des  fragments  de  peinture  que  j'ai  recueillis 
dans  des  édifices  divers  où,  comme  dans  la  base  du  temple, 
j'avais  noté  le  bleu,  le  jaune,  le  vert  et  le  rouge.  J'ai  pu  mettre 
du  jaune  à  la  place  du  rouge,  et  du  vert  à  la  place  du  bleu 
ou  réciproquement  ;  mais  il  s'agissait,  non  pas  tant  de  faire 
vrai,  ce  qui  nous  était  impossible,  que  de  faire  vraisemblable 
et  de  donner  une  idée  approximative  de  la  physionomie  poly^ 
chrome  d^un  temple  maya-toltèque  avant  la  conquête.  Je  puis 
dire  aussi  que,  loin  de  forcer  les  tons,  je  les  ai  adoucis  :  les 
couleurs  devaient  être  plus  vives,  les  contrastes  plus  violents, 
j'en  suis  convaincu,  et  j'en  prends  à  témoin  la  coupe  que  je 
vous  présente,  qui  appartient  à  la  même  civilisation  et  qui 
est  une  copie  exacte  d'une  coupe  que  j'ai  découverte  dans 
mes  fouilles  de  Tenenepanco. 

D'ailleurs,  tout  se  tient  chez  un  peuple  ;  il  est  un  dans  ses 
manifestations.  Un  vase,  une  coupe,  un  poignard,  un  bijou 
peuvent  nous  donner  une  idée  de  son  génie  décoratif,  car  il 
appliquera,  en  les  agrandissant,  tous  les  motifs  figurés  sur 
ces  divers  objets  à  l'ornementation  de  ses  monuments.  Les 
Arabes  n'ont  pas  fait  autre  chose  pour  la  décoration  de  leurs 
palais  de  Grenade  et  de  Gordoue. 

Le  civilisateur  américain,  le  Toltec,  nous  a  laissé  partout 
des  traces  de  son  amour  des  couleurs. 

A  Gomalcalco,  l'ancienne  Gentla,  la  capitale  indienne'de 
Tabasco,  j'ai  trouvé  un  fragment  de  muraille  exposé  depuis 
plus  de  quatre  siècles  aux  pluies  torrentielles  du  pays, 
rouge  sang,  et  de  couleur  si  fraîche  et  si  vive  qu'on  l'eût 
dit  peint  de  la  veille.  A  Teotihuacan,  les  deux  grandes  pyra- 
mides  étaient  doublées  d'une  épaisse  couche  de  stuc  peinte 
en  rose,  et  les  chemins  de  la  ville  étaient,  comme  au 
Yucatan,  peints  en  rouge.  Les  palais  devaient  être,  de  toute 
nécessité,  couverts  des  peintures  les  plus  vives,  car  ils  eus- 


D.  CHARNAT.  —  EXPÉDITION  AU  YUCATAN.        69 

sent  paru  ternes  et  pauvres  au  milieu  de  cette  débauche  de 
couleurs. 

Nous  n'avons  pu  voir  de  ces  monuments  que  des  restes  in- 
formes ;  mais  Torquemada,  qui  visita  Teotihuacan  bien  long- 
temps avant  nous,  fut  frappé  de  Tensemble  éblouissant  que 
présentait  encore  cette  ville  étrange. 

a  Tous  ces  temples  et  ces  palais,  dit-il,  et  toutes  ces  mai- 
sons qui  les  avoisinsdent,  étaient  parfaitement  bâtis  de  chaux 
blanche  et  polie  ;  à  les  voir  de  loin,  on  éprouvait  un  immense 
plaisir  à  les  admirer.  Les  ruelles,  les  rues  et  les  places  étaient 
de  ciment  poli,  et  elles  étaient  si  belles,  si  propres  et  si 
brillantes,  qu'il  paraissait  impossible  que  des  mains  humaines 
les  eussent  pu  construire,  et  que  des  pieds  humains  eussent 
osé  les  fouler. 

«  Et  cela  est  si  vrai,  qu'en  dehors  de  toute  exagération  on 
peut  me  croire,  parce  que,  outre  ce  que  d'autres  m'ont  cer- 
tifié, j'ai  vu  moi-même  certaines  ruines  qui  étaient  la  preuve 
de  tout  ce  que  j'ai  dit;  et,  parmi  les  temples,  il  y  avait  des 
arbres,  des  fleurs,  des  jardins  et  des  parterres  superbes  et 
parfumés  pour  le  service  et  rornement  des  temples.  » 

L'enthousiasme  de  Torquemada  eût  débordé  en  présence 
des  villes  yucalèques  comme  Izamal,  Chichen,  Uxmal,  Labna, 
où  de  nombreux  monuments,  entièrement  couverts  de  scul- 
ptures et  de  plus  de  iOO  mètres  d'étendue,  étalaient  leurs 
façades  polychromes  au  milieu  de  la  grande  végétation  des 
tropiques. 

Nous  pouvons  à  peine  nous  rendre  compte  du  spectacle 
que  devaient  offrir  ces  villes  et  dont  le  temple  que  je  vous 
présente  ne  peut  donner  qu'une  faible  idée  ;  mais  nous  aurons 
acquis  la  certitude  que  la  polychromie  était  familière  aux 
Indiens  comme  elle  le  fut  aux  Egyptiens,  aux  Grecs  et  aux 
populations  anciennes.  Ces  mêmes  Indiens  décoraient  aussi 
leurs  intérieurs,  mais  d'une  façon  moins  brillante,  et  j'ai  vu 
de  nombreuses  traces  de  leur  peinture  dans  les  édifices  du 
Mexique  et  de  l'Amérique  centrale. 

La  polychromie,  du  reste,  n'est  que  le  résultat  du  milieu 


70  SÉANCE   DU  3  FÊYRIER    i887. 

comme  toute  chose,  et  elle  s'ent  imposée  aux  populations  ri* 
vant  dans  un  pays  où  la  lumière  est  éclatante.  Dans  ces 
contrées,  les  édifices  de  chaux  et  de  marbre  blanc,  reflétant 
ayec  violence  la  lumière  du  soleil^  devaient  blesser  les  jeux  ; 
onlescouvraitalors  avec  plus  ou  moins  de  bonheur  et  selon  le 
génie  du  peuple,  de  couleurs  diverses  atténuant  la  réverbéra- 
tion de  la  lumière^  sans  pour  cela  nuire  à  la  beauté  du  mo- 
nument, au  contraire*  En  Italie»  en  Espagne,  en  Portugal 
comme  au  Mexique»  vous  verrez  des  maisons  bleues,  jaunes, 
rouges,  et  les  hommes,  en  les  couvrant  de  ces  peintures  qui 
nous  surprennent  tout  d'abord,  agissaient  poussés  par  le 
même  motif  qui  nous  fait  prendre  des  lunettes  à  verres  bleus 
ou  cendrés  pour  nous  préserver  la  vue  quand  nous  allons 
explorer  des  champs  de  neige  ou  les  glaciers  du  mont 
Blanc* 

Nous  allons  mcdntenant  passer  à  Ek-Balam,  la  ville  du 
Tigre  noir,  ville  totalement  inconnue  et  que  j*eus  le  bonheur 
de  découvrir. 

Cette  ville,  située  à  8  lieues  ati  nord  de  Yalladolid» 
continue  bien  la  tradition  architecturale  de  la  civilisation 
que  nous  avons  étudiée  :  pyramides  à  esplanades,  monu- 
ments semblables,  voûtes  en  triangle  ou  encorbellement, 
groupement  des  édifices  principaux,  comme  nous  Tont 
appris  les  historiens;  c'est  toujours  la  même  formule;  seule- 
ment, les  dimensions  réduites  des  palais,  la  mauvaise  qualité 
des  matériaux,  les  murailles  lisses,  les  frises  vides  de  scul- 
ptures, les  corniches  étroites  et  peu  saillantes,  tout,  jusqu'aux 
linteaux  des  portes,  qui  ne  sont  plus  que  des  rondins  de  bois 
brut  au  lieu  des  magnifiques  linteaux  sculptés  des  anciens 
palais;  tout  cela  nous  entraîne  loin  de  Ghiôhen,  Uxmal> 
Kabah,  loin  de  ces  glorieux  monuments  aUx  matériaux  mas- 
sifsi  aux  corniches  saillantes,  et  couverts,  de  la  base  au 
sommet,  d'une  si  merveilleuse  décoration.  C'est  que  lés  temps 
ont  changé^  et  que  la  péninsule  étant  divisée  en  une  multitude 
de  principautés  indépendantes,  les  caciques  do  bette  époque 
n'ont  plus  en  main  le  pouvoir  des  princes  d*autrefbis.  Non 


D.  CHARNAT.  —  EXPÉDITION  AU  TDCATAN.  H 

deuleiiieiii  ils  n'ont  p\\x^  1ë  rilêmë  t)otltdi^  ni  les  mêmes 
moyens  d'aotioti  pour  élever  de  graild*  monuments,  mais  ils 
en  ont  peMu  le  goût  ;  et  s'ils  construisetit  etltioi'e  des  pyrà^ 
mldfes,  deé  detnôures  et  des  temples  plus  ou  taoihs  Idxueu^t, 
c'est  qu'ils  ont  les  modèles  devant  les  yeux,  et  qile  là  tradi- 
tion ttrchitecturale  toltèque  est  enéOre  vivante;  c'est  que  les 
populations  mdyas,  à  l'arrivée  des  Espagnols,  s'en  allaient  à 
la  décadence  ;  c'est  que  n'étant  plus  soulevées  pût  l'élan  que 
leur  avait  donné  le  civilisateur,  n'étfimt  plus  soumises  &  Cette 
organisation  de  fer,  qui  en  avait  ftilt  le  t)lus  disolplihô  des 
peuples,  elles  s'en  retournaient  rapldenlent  à  la  barbarie,  et 
que  si  les  Espagnols  fussent  arrivés  un  siècle  plUs  tard,  peut** 
être  n'eussent-ils  plus  rencontré  qUe  des  traces  de  civili- 
sation ! 

Les  historiens  nous  disent,  en  eflTet,  qttë  les  Mayas  avaient 
l'instinct  dominant  dô  la  solitude,  qu'ils  fuyaient  les  groupe- 
ments de  Tilles  et  de  Villages  et  cherchaient  l'isolement  au 
fond  des  bois.  Bont-ce  là  les  instincts  d'un  civilisateur?  A  la 
chute  de  la  domination  toltèqiie,  lé  fractionnement  de  la 
péninsule  en  ûhe  multitude  de  petites  principadtés  préludait 
à  un  retour  vefs  ôfet  instinct  saUvage  qui  est  le  fbhd  de  la 
race,  et  aujourd'hui  qu'en  grande  partie  ces  Indlfetts  ont  re- 
couvré léttr  indépendance,  ils  sont  retournés  danâ  les  bois, 
dans  leurs  rancheriasy  ont  repris  cette  vie  d'isolement  qui  a 
pour  eux  tant  de  charme,  ce  qui  n'est  en  somme  qu'uh  phé* 
notoène  d'atavisme  des  plus  naturels. 

On  aurait  donc  le  droit  d'afflrmer  aujourd'hui  que  jamais 
la  race  maya  ne  ftit  civilisatriôe,  mais  seulement,  et  par  vio- 
lence, civilisée  par  une  race  étrangère,  et  qUe  pas  uh  des 
monuments  qui  parsèment  le  Yucatan  ne  saurait  lut  appar- 
tenir :  je  crois  l'avoir  démontré  dans  mes  études*  En  effet, 
si  les  Mayas  eussent  été  les  civilisateurs  que  d'aUouns  pré- 
tendent, depuis  quarante  ans  qu'Us  sont  libres,  les  instincts 
héréditaires  les  eussent  ramenés  à  une  sorte  de  civilisation 
originale,  qui  eût  participé  des  civilisations  ancienne  et  mo* 
deme^  sous  le  régime  desquelles  ils  ont  vécu  nntemps  à  peu 


7i  SÉANCE  DU  3  FÉVBIEU  1887. 

près  égal?  Us  eussent  tout  au  moins  reconstruit  ou  réparé 
une  pyramide,  signe  typique  de  leur  ancienne  architecture, 
pour  y  placer  une  chapelle,  ne  fût-elle  qu'en  torchis  et  cou* 
verte  de  chaume.  Ils  savaient  bâtir,  et  cela  leur  eût  été  bien 
facile;  ils  n'en  ont  rien  fait. 

La  capitale,  ou  plutôt  le  chef-lien  des  Indiens  orientaux, 
ChanSanta-Cruz,  participe  bien  comme  nom  des  deux  lan- 
gues, espagnole  et  maya>  et  marie  étrangement  les  deux  ci- 
vilisations, car  il  veut  dire  la  petite  ville  de  la  Sainte-Croix, 
ou  bien  la  ville  des  Dindons  Sainte-Croix^  par  suite  d'une 
croix  creuse  qu'ils  ont  prise  pour  idole  et  dans  laquelle  s'en- 
ferme un  sorcier  pour  débiter  ses  oracles. 

Et  même  s'ils  ont  adopté  cette  croix,  c'est  qu'il  y  avait  des 
métis  parmi  eux;  c'est  que,  de  plus,  ils  étaient  en  guerre 
avec  les  blancs  et  qu'il  leur  fallait  faire  intervenir  le  divin 
pour  entretenir  le  patriotisme  et  entraîner  les  gens.  Sans  le 
mélange  de  races,  ils  n'auraient  pas  même  cette  croix. 

Chez  les  Mayas  indépendants  de  la  bande  occidentale,  qui 
sont  de  race  pure;  chez  les  Chênes,  au  sud  de  Campêche,  qui 
sont  également  libres  depuis  la  môme  époque,  il  n'y  a  ni  chef- 
lieu,  ni  temple,  ni  sorcier;  et  quand,  par  suite  de  l'entraîne- 
ment religieux,  qu'ils  ont  subi  pendant  plus  de  trois  siècles, 
ils  éprouvent  le  besoin  de  légaliser  des  unions  ou  de  célébrer 
quelque  cérémonie,  prétextes  toujours  recherchés  pour  se 
livrer  publiquement  à  des  orgies  de  débauche  et  de  boisson, 
c'est  un  prêtre  de  Campéche  qui  vient,  à  ses  risques  et  périls, 
officier  au  milieu  d'eux  et  se  mêler  à  leurs  excès  ;  on  paye 
grassement  sa  peine,  mais  sitôt  la  fête  terminée  on  l'invite  cit 
regagner  ses  pénates. 

Ek-Balam  nous  offre  donc  un  exemple  de  cette  décadence 
que  nous  ne  connaissions  pas,  car  la  plupart  des  villes  ap- 
partenant à  cette  époque  ont  presque  entièrement  disparu  ; 
pourquoi?  Parce  que,  bien  que  plus  modernes  que  celles 
dont  les  beaux  monuments  existent  encore,  leur  construction 
défectueuse  et  leurs  dimensions  réduites  en  ont  fait  pour  le 
temps  une  proie  plus  facile:  l'on  s'en  est  moins  occupe, 


D.  GHABNilT.  —  EXPÉDITION   AU  TOCATAN.  73 

parce  qu'elles  étaient  moins  considérables,  et  pour  celle  qui 
nous  regarde,  Ek-Balam,  plus  éloignée  du  centre. 

Quant  à  cette  époque  de  décadence,  ils  ravcdent  bien  prévue, 
les  descendants  des  familles  civilisatrices,  le  Gocom  et  le 
Tutulxiu,  lorsque,  à  la  chute  de  leur  empire,  obligés  d  aban- 
donner leurs  palais  en  feu,  ils  allèrent,  accompagnés  de 
quelques  fidèles,  fonder  de  nouvelles  capitales  :  ils  appelè- 
rent l'une  TrBuloons  «nous  avons  été  jugés  »;  ils  appelèrent 
Tautre  Mani  :  «  Tépoque  de  la  félicité  et  de  la  grandeur  est 
passée  » .  Deux  noms  qui  sont  deux  sanglots  ! 

Nous  allons  maintenant  examiner  quelques-unes  des  haches 
que  j'ai  rapportées  du  Yucatan  et  qui  ont  été  recueillies  dans 
rtle  de  Gozumel. 

Cette  île  était,  au  temps  de  la  conquête,  très  habitée,  très 
civilisée  et  couverte  de  monuments.  C'était  un  lieu  de  pèle- 
rinage des  plus  célèbres  et  l'on  y  venait  de  fort  loin  pour 
y  ofiTrir  des  présents  et  des  sacrifices. 

Devons-nous  attribuer  aux  haches  que  j'ai  rhonneur  de 
vous  présenter  une  origine  pieuse?  Sont-ce  là  des  offrandes 
faites  par  des  fidèles  venus  de  points  différents,  ce  qui  expli- 
querait la  diversité  de  formé  et  de  matière  dont  ces  haches 
sont  faites?  ou  bien  devons-nous  les  considérer  comme  les 
outils  et  les  armes  ordinaires  des  habitants  de  l'île  ? 

Les  deux  suppositions  sont  admissibles,  mais  de  toutes  fa- 
çons ces  pierres  venaient  de  loin,  car  la  presqu'île  n'étant 
qu'un  vaste  banc  composé  du  calcaire  le  plus  pur,  ne  pouvait 
fournir  aux  habitants,  en  fait  de  haches,  ni  instruments  de 
travail,  ni  armes  de  guerre.  Ils  devaient  donc  aller  les  cher- 
cher au  dehors  de  leur  territoire,  ou  les  acquérir  par  voie 
d'échange  des  populations  voisines.  Ainsi  nous  savons  que  le 
cuivre  venait  de  Mexico  ;  les  haches  et  les  couteaux  d'obsi- 
dienne venaient  soit  de  Mexico,  soit  du  Guatemala. 

Mais,  en  outre,  les  Yucatèques  pouvaient  envoyer  des  gens 
recueillir  directement  des  pierres  dures  dans  les  torrents  de 
Chiapas  et  du  Guatemala,  et,  ce  qui  me  le  fait  supposer,  c'est 
que  plusieurs  des  haches  que  je  soumets  à  votre  examen  me 


71  ëËAifbfe  t)ù  3  ^ÊVHiER  1887. 

paraissent  être  des  cailloux  roulés.  Ces  haches  me  setablent 
absolument  différentes  de  celles  connues  généralement  et  qui 
appartiennent  à  Tépoque  de  la  pierre  taillée  ou  de  la  pieire 
polie. 

Ahisi,  la  première,  la  deuxième  et  la  troisième  dans  le 
premier  rang  nous  représentent  de  véritables  cailloux  foulés 
dont  on  a  choisi  rextrémitê  la  plus  propice  pour  la  polir  et 
la  disposer  en  tranchant.  La  deuxième  paraît  à  pe\h&  avoir 
été  touchée  et  l'on  ne  voit  sur  aucune  des  trois  la  trace  de 
taille  ou  d'éclat  ;  elles  ne  présentent  que  l'usure  régulière 
produite  par  le  frottement  des  pierres  entre  elles  dâtls  les 
torrents.  Chez  la  première  hache  du  second  l'ang,  ce  travail 
d'usure  naturel  est  plus  évident  encore,  par  suite  du  coil- 
traste  qu'il  forme  avec  le  poli  brillant  du  tranchaht  de 
l'arme;  la  seconde  du  même  rang  et  les  trois  plus  petites, 
quoique  mieux  travaillées,  me  semblent  appârtehiràlaîiiême 
catégorie. 

L'une  de  ces  haches  se  distingue  des  autres  par  la  tnatlère 
dont  elle  est  fabriquée.  Elle  A  été  taillée  dans  l'épaisseur 
d'ilh  grand  coquillage,  le  bUsyûùn  pervei'SUm  ou  le  strotnhus 
gigas,  qu*on  trouve  en  abondance  sur  la  côte  de  la  péninsule. 
Cette  hache  est  la  seule  que  j'aie  jamais  vue  soit  au  Yucalan, 
soit  au  Mexique,  et  doit  appartenir  à  une  époque  beaucoup 
plus  reculée  que  les  hàcheâ  en  pierre.  Ces  haches  eh  coquil- 
lages sont  aussi  rares  aux  Etats-Unis  qu'au  Ytioatan  et  le 
musée  de  Washington  n'en  possède  que  eUx  spécimens, 
fort  beaux  du  reste,  trouvés  dans  es  moiiilds  de  la  Floride 
et  du  Kentucky. 

Je  vais  vous  presencer  maintenant  quelques  objets  inté- 
ressants t)armi  ceux  que  j'ai  découverts  daris  mes  fouilles  : 
il  s'agit  d'un  cimetière  maya^  le  seul  cotlnii  jusqu'à  ce 
jour. 

Ce  cimetière  se  trouve  dans  l'île  de  Jaïna,  située  à  32  kilo- 
mètres au  nord  de  Campêche.  Cette  île  passait,  aux  yeux  des 
gens  du  pays,  pour  entièrement  artificielle  ;  mais  il  est  facile 
de  reconnaître,  à  première  vtie,  que  si  le  terrain  a  subi  des 


D.  CHARNÀT.  —  EXÏÉDITIOW  AU  TUCATAN.        78 

retnatiiements  considérables,  Ja  base  de  l'île  est  de  forma- 
tion calcaii'e  comme  tdtit  le  Tuoatail. 

Cette  île  a  3  kilomètres  de  Idng  dur  entlfon  800  mètres  de 
large  et  ti*est  sépàt^ée  de  là  terre  ferme  que  par  tin  canal  de 
80  à  100  mèt^es  qUi  kssSche  à  marée  basse,  ce  t|(ii  nous  fait 
suppoèér^  TU  renvahisscment  certain  de  la  mer,  que  Jâîtia 
faisait  âutrefoiâ  partie  du  continent. 

Jaina  manque  d'eau  douce  ëomme  tout  le  nord  de  la  pé- 
ninsule ttul  il'a  pcW  une  seule  rivière  et  où  les  Indiens  coh- 
dtruisaient  deê  citefnes,  creusaient  des  réservoirs  ou  profi- 
taient des  cénotés.  Qu'est-ce  qu'un  cénoté  ?  Si  le  Yticatan  h'a 
point  de  fleuve,  il  offre  le  phénomène  curiëtix  d'bne  vaste 
nappé  d'eau  soutei't^aine  avec  coilratttô  déterminés,  nappe 
d'autant  plus  éloignée  de  la  surface  que  la  couéhe  calcaire 
est  plus  épaisse  ;  très  rapprochée  ptès  de  la  eflte,  très  éloignée 
dans  l'intérieur^  et  l'on  appelle  cénotés  les  affaissements  du 
sol  produits  par  les  courants  et  qui  permettent  à  ciel  ouvert, 
en  grottes  ou  en  galeries  profondes,  d'atteindre  Ift  couche 
d'eau. 

Les  habitants  dé  idïnft  n'ont  d'àUtre  i'essburce  qU'un  jet 
tfettu  douce  qui  jaillit  dans  la  mer  à  queltjué  30  mètres  du 
rivage  et  qu'ils  ont  emprisdhhé  du  mieux  qtllls  ont  pti  dans 
lé  trortc  d'un  palmier  creux;  mais  l'eau  de  cette  source,  se 
mêlant  quoi  qu'on  fasse  à  Teail  de  tnet^  reste  dftutaâtt'e 
et  je  fus  obligé,  pendant  mon  séjour,  de  boire  de  l'ean  de 

COCOi 

Qe  tnême  phénomène  de  sources  au  milieu  de  la  mer  nous 
avait  été  signalé  par  Oviedo,  sUr  \A  côté  orieiltale,  en  face  de 
rîlëde  OoBumel,  où  les  Espagnols  débarquèrent  à  leur  arrivée 
dans  le  pays:  MaiiqUant  d'eaU,  ill  avaielit  remarqué  de  forts 
bonillonnements  dans  la  mer  ;  ô'étàit  de  l'eau  douce  et  fraî- 
che, et  ils  y  conduisaient  leurs  chevaux  pour  les  abreuve!*  ; 
là  comme  à  Jalha,  c'était  une  des  voies  d'échappement  de  la 
nappe  d'eau  souterraine  dont  je  viens  de  parleri 

L'île  de  Jaïna  dut  être  au  temps  de  la  dominatidn  toltèque 
un  lieu  saint  où  devaient  affluer  les  pèlërius  de  tdutés  lès  con- 


76  SI^.ANGE  DU   3   FÉVRIER   1887. 

trées  à  la  ronde,  car  elle  renferme  quatre  grandes  pyramides 
et  huit  petites,  bases  d*auiant  de  pedais  et  de  temples.  Ces 
sanctuaires  devaient  être  des  plus  cmciens,  car  les  historiens 
qui  nous  parlent  dlzamal,  de  Chichen  et  de  Gozumel  par 
ordre  de  date,  ne  nous  ont  rien  dit  de  Ji^na.  Cette  île  devait 
être  en  outre  consacrée  aux  sépultures  et  Ton  venait  s'y  faire 
enterrer  de  toutes  parts,  si  Ton. en  juge  par  le  nombre  de 
tombes  qu'on  y  a  trouvées,  par  la  multitude  d'ossements  que 
j'y  ai  découverts,  par  les  milliers  de  vases,  d'idoles  et  de 
terres  cuites  dont  les  débris  composent  presque  entièrement 
le  sol  du  rivage. 

Ces  vases,  ces  idoles,  ces  tombes  se  découvrent  parfois 
seuls  sur  les  rives  orientales  et  septentrionales  de  l'île,  car 
la  mer  est  une  grande  fouilleuse  et,  lorsque  le  vent  souffle  en 
tempête,  elle  attaque  la  terre  friable  des  esplanades,  pro- 
voque des  éboulements  et  met  à  nu  des  débris  ;  mais  la 
même  tempête  qui  met  au  jour  ces  antiquités  se  charge  éga- 
lement de  les  détruire,  et  nous  avons  là  une  explication  bien 
claire  de  la  formation  presque  artiflcielle  de  la  plage. 

Je  vécus  douze  jours  dans  l'île  de  Jaïna,  douze  jours  pen- 
dant lesquels  je  m'occupai  de  fouilles,  A  quelques  pas  de  la 
mer,  je  recueillis  de  grandes  urnes  à  ventres  rebondis  et  à 
large  ouverture,  espèces  de  jarres,  qui  durent  servir  dans  le 
temps  comme  elles  servent  encore  aujourd'hui  à  conserver 
la.  provision  d'eau  dans  les  cases  indiennes  ;  les  plus  grandes 
contenaient  les  ossements  de  deux  cadavres  accompagnés 
d'ustensiles  divers  appartencmt  aux  morts.  Je  découvris  éga- 
lement un  cantaro  des  plus  élégants,  de  ceux  qui  servent 
pour  aller  chercher  l'eau  à  la  fontaine  et  que  femmes  et  filles 
portent  sur  la  hanche  au  Yucatan.  Celui-ci  porte  au-dessus 
de  la  panse  une  guirlande  de  rosaces  fort  habilement  scul- 
ptées en  creux  dans  la  pâte  cuite  du  vase. 

L'emplacement  de  ces  sépultures  était  dénoncé  par  de 
gros  coquillages,  la  pointe  en  terre  et  la  partie  large  affleu- 
rant le  sol.  Nous  retrouvons  cette  même  coutume  dans  la 
basse  Californie,  où  les  Indiens  marquaient  remplacement 


D.  CHARNAT.  —  EXPÉDITION  AU  TUCATAN.  77 

de  leurs  tombes,  non  pas  avec  des  coquillages^  mais  avec  des 
os  de  baleine.  Je  dus  vite  renoncer  à  mes  fouilles  dans  les 
esplanades  et  la  terre  ferme  ;  les  trouvailles  y  étaient  fré- 
quentes, mais  les  résultats  presque  nuls  ;  je  ne  mettais  au 
jour  que  des  ossements  en  pièces  et  des  vases  brisés  par  la 
pression  des  terres  ;  et  d*ailleurs,  mes  hommes,  sous  le  poids 
de  leurs  idées  superstitieuses,  apportaient  à  leur  travail  une 
mauvaise  volonté  trop  évidente  ;  je  dus  les  congédier.  Je 
m'adressai  en  leur  lieu  et  place  aux  femmes  et  aux  enfants 
de  nie,  et  nous  allâmes  fouiller  à  marée  basse  le  rivage 
même  de  la  mer.  Ces  Indiens  ont  un  tel  instinct  et  une  telle 
finesse  de  touche,  que  dans  Teau  ou  la  boue  liquide  et  sim-* 
plement  armés  d'un  machete^  ils  me  trouvaient  des  vases, 
des  statuettes,  des  idoles  et  jusqu'à  de  tout  petits  grains  de 
collier.  Ce  fut  là  et  de  cette  manière  que  je  récoltai  le  plus 
grand  nombre  des  objets  intéressants  dont  j'ai  Thonneur  de 
vous  présenter  quelques*uns.  Tous  ces  objets  étaient  mêlés  à 
des  ossements  dont  ils  nous  racontent  l'histoire. 

Ainsi,  les  débris  d'ossements  au  milieu  desquels  je  trouvai 
cette  jolie  statuette  étaient  les  ossements  d'un  chef;  elle  nous 
représente  en  effet  un  cacique  en  vêlements  de  cérémonie  ;  il 
porte  une  coiffure  en  forme  de  couronne  surmontée  de  la 
grande  parure  de  plumes  yucatèque,  il  a  ses  ornements  d'o- 
reilles, un  collier  de  pierre  et  des  bracelets;  le  corps  est  vêtu 
d'une  longue  tunique  au-dessus  de  laquelle  s'étale  une  cui- 
rasse de  coton  magnifiquement  ouvragée  ;  la  figure  est  si 
joliment  modelée  qu'on  peut  l'accepter  comme  un  portrait; 
près  de  la  statuette  se  trouvait  la  superbe  hache  que  vous 
voyez  et  qui  devait  être  l'arme  d'un  chef. 

Plus  loin,  et  dans  les  mêmes  conditions,  nous  trouvons  une 
autre  statuette  d'un  caractère  tout  différent.  C'est  un  prêtre, 
et  nous  le  reconnaissons  à  la  tiare  qui  lui  descend  jusqu'à 
Tépaule  et  à  la  longue  robe  avec  ceinture  lâche  dont  il  est 
revêtu  ;  la  statuette  a  souffert  dans  le  voyage,  mais  il  est 
facile  de  voir  aux  traits  exagérés  du  personnage,  à  la  protubé» 
rance  de  l'arcade  sourcilière,  à  l'énormité  du  nez,  à  Tim- 


79  «ÉANçp  pu  3  F^ypiBB  1887^ 

iwensp  })oucba,  qup  ç'pgt  ^qe  pari^lypp  et  noi^  pli»  m  ppr- 

trait. 

N'est-il  pas  singulier  4e  retrpwyar  Ph^»  Ips  \nim^  p^H^ 
tend^npe,  on  poi|r|*ai|;  dire  iiqivarseUa,  qui  daas  tq^s  \&^  pays 
at  cb^z  les  races  les  plus  croyantes  PQUSse  i^g  artistes  pqpur 
laires  4  aaricaturpr  l0s  plasmas  religieuses,  La  ^as  qua  nous 
constatons  ici  n'est  pas  la  sev)l,npii9  l'avipug  déjik  aoustaté  sur 
les  hauts  plateaux  et  uou»  voyons  le  môme  fait  sa  reproduira 
to^(;  autre  part,  an  Chine  par  pxample,  dans  cps  aOTreui^ 
magpts  qui  représentant  dps  bonzes,  ^u  Jappu^  d^ns  Tlndp 
comme  en  Eurppe  ;  nue  spulp  rapp  sem^lp  h  l'abri  de  catta  irré- 
vérencieuse cputume,  c'est  la  race  musulfuaue  ;  luais  la  rftisPU 
en  est  bien  siinple,  c'est  que  la  reiigiou  lui  défan4  la  reprp- 
4uctipu  de  la  flgure  bum^iqe  |  aptren^ent  nous  aurions  Ift 
caricatura  de  quelques  m^^bPUts  ou  du  grand  piuf^i  lui- 
naêrne. 

PlpevMipn  car  U  eniif fi«ffPliiH«t* 

M.  DiVï-LV  fait  remarquer  combien  Je  public  mé4ical  a  peu 
tenu  compte,  en  général,  des  résultats  obtenus  depuis  long- 
temps relativement  h  l'influence  de  la  consanguinité.  Con- 
trairement à  ces  résultats,  Ton  voit  encore  dans  des  ouvrages 
des  plus  récents  la  consanguinité  fréquemment  invoquée  en 
étiologie.  La  plupart  des  médecins  ne  l'oublient  pj^s  non  plus 
dans  les  questions  qu'ils  adressent  à  leurs  malades. 

M.  Gustave  Lagneau.  Malgré  la  distinction  bjen  établie,  il 
y  a  plus  de  vingt  ans,  entre  la  nocuité  de  l'hérédité  morbide 
et  rinnocuité  de  la  consanguinité,  ainsi  que  M.  Daily,  j'ai 
souvent  remarqué  la  ten4ance  de  beaucoup  de  personnes, 
voire  même  de  beaucoup  de  médecins,  à  attribuer  à  la  con- 
sanguinité des  parents  les  maladies  des  enfants.  Aussi  en 
Pendant  compte  à  l'Académie  du  mémoire  de  M.  le  docteur 
Aubert,  intéressant  également  à  d'autres  égards,  ai-je  cru 
devoir  insister  surtout  sur  l'innocuité^  statistiquement  consta- 
tée, de  la  consanguinité  au  bourg  de  Batz. 


Je  dois  d'^leiirs  r^pppler  qu'u^  jpf^mQW^i  ^p\^\\yeju&i\t 
récent,  de  M.  le  professeur  Lacassagne,  distinguant  la  cpn- 
sanguinité  de  Théréditô  iporbidei  discute  ^vec  soin  les  faits 
contradictoires.  [Dictionn^  encyclop,  des  sciences  méd.^  t.  XIX, 
1876.) 

L'influence  sur  les  enfants  de  la  consanguinité  des  parents 
a  été  jadis  longuement  discutée ,  en  particulier  par  MM .  Boudin 
et  Daily  ^  A  Tappui  de  lUiinocuité  de^  i|nipns  consanguines, 
M.  Voisin  a  publié  un  intéressant  travail  sur  les  habitants  du 
bourg  de  Batz  ',  qui  déjà  avaient  été  l'objet  de  quelques  re- 
marques, beaucoup  moins  précisas,  de  la  p^rt  da  M.  Révil- 
lout». 

Je  ne  veux  que  constater  à  nouveau,  par  une  donnée  sta- 
tistique relevée  par  ^..  le  docteqr  Aubert,  la  parfaite  inno- 
cuité delà  consanguinité,  lorsque,  ainsi  que  l'avaient  montré 
M.  Bourgeois*  et  M.  Périer  *,  elle  est  inden^ne  de  toqte  héré- 
dité morbide. 

Dans  un  manuscrit  adressé  à  TAcad^mip  de  médecine,  in- 
titulé études  statistiques  et  médicales  sur  le  recrutement  dans 
le  département  de  Iq.  Ivoire-Inférieure^  M.  le  doctpur  A^ÏJert, 
médecin-major  de  première  classerait  ren^arquer  que  le  can- 
ton (du  Groisic,  dont  fait  partie  ]e  bourg  de  Batz,  ^vec  ses 
2733  habitants,  dont  490  portent  le  même  nom,  celui  de 
Lehuédé,  se  trouve  au  point  de  vqe  de  l'aptitude  niilitaire 
au  premier  rang  des  45  cantons  qui  composent  ce  départe- 
ment. Ce  canton  ne  con^ptp  que  ^  p^en^ptés  seulement. 


*  Boudin,  Daily  :  Sur  la  consanguinité  {Bull,  de  la  Sot\  d'anthrop,, 
t.  III,  p.  192,  323;  t.  IV,  p.  Bi6,  662,  etc.,  1862,  1868). 

*  Aug.  Voisin,  Contribution  à  Vhistoire  des  mariages  entre  consanguins. 
Etude  sur  la  cofntnune  de  Batz  (Mém,  de  la  Soc.  Wanthrop.,  t.  II,  p.  433). 

'  Révillout,  Congrès  médical  de  France, 2o  session,  tenue  à  Lyon,  2  sep- 
tembre 1864,  Compte  rendu^  p.  451,  etc.  ((ras.  des  hôp,,  13  octobre  1864, 
p.  478,  pi  28  janvier  186$,  p.  47). 

*  ?^\L  Bourgeois,  De  Cinflu^nce  des  mariages  consanguins  sur  les  géné- 
rations (Thèse  de  Paris,  1859). 

>  Périer,  Influence  des  mariages  consanguins  {BuU,  d9la8oc,d^anthrop,  y 
t.J,  p.  146,  etc.,  19  janviar  1860), 


80  SÉANCE  DU  17  FÉVRIER  1887. 

alors  que  ceux  d'Ancenis  et  de  Loraux  en  ont  i  42  et  145 
sur «000. 
La  séance  est  levée  à  six  heures. 

Le  secrétaire  :  MANOUVRIER. 


117«  SfiiNGI.  —  17  r«Trier  1887. 

Pré«ldeA«e  de  M.  MACIITOT,  prësldeat* 

Le  procès*verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  a'dopté. 

Mort  de  Xi.  Béelard* 

M.  le  Président  annonce  la  perte  que  vient  de  faire  la 
Société,  en  la  personne  de  M.  Béclard,  et  donne  lecture  du 
discours  qu'il  a  prononcé  à  ses  obsèques  : 

«  Au  nom  de  la  Société  et  de  l'Ecole  d'anthropologie  de 
Paris,  j'ai  dû  accepter  le  triste  devoir  de  venir  à  mon  tour 
apporter  sur  cette  tombe  Vexf^ression  de  nos  unanimes 
regrets  et  de  notre  profonde  douleur. 

«  Celui  que  nous  pleurons  fut  en  effet  non  seulement  Tun 
de  nos  plus  anciens  présidents,  mais  il  est  resté  jusque  dans 
ses  derniers  jours  le  maître  respecté  et  vénéré  auquel  nous 
devons  rendre  un  suprême  hommage. 

«  Dès  i860,  Béclard  faisait  partie  d'un  groupe  de  savants 
qui,  sur  l'initiative  de  Broca,  jetèrent  les  premières  assises 
de  notre  Société.  Ils  étaient  dix- neuf,  tous  jeunes,  ardents 
et  déjà  illustres  par  leurs  travaux,  tous  animés  de  cette  noble 
passion  de  Tinconnu  et  entraînés  à  la  poursuite  des  problè- 
mes nouveaux  que  soulève  sans  cesse  Tfaistoire  de  Thomme. 

«  La  mort,  hélas!  a  fait  de  nombreux  vides  dans  cette  glo- 
rieuse phalange  :  Geoffroy  Saint-Hilaire,  Martin-Magron, 
Graliolet,  Lartet,  Robin,  Henri  Martin,  Broca  et  d'autres 
encore.  Quelques-uns  nous  restaient  cependant,  témoins 
d'une  époque  chère  à  nos  souvenirs,  et  voici  qu'aujourd'hui 


A  PROPOS   DU   PROCÈS-VERBAL.  81 

Béclard  nous  est  enlevé,  laissant  un  nouveau  vide,  d'autant 
plus  profond,  d'autant  plus  cruel  qu'il  était  plus  imprévu. 

«  Je  n'ai  point  à  retracer  ici,  cher  maître,  votre  carrière 
scientifique  ;  d'autres  pourront  le  faire  avec  plus  d'auto- 
rité et  de  compétence.  Ce  que  je  tiens  à  dire,  c'est  que  vous 
avez  été  pour  nous  le  soutien  fervent  et  convaincu  des  pre- 
miers jours,  le  défenseur  dévoué  et  chaleureux  des  époques 
de  difficultés  et  de  luttes,  le  témoin  assidu  de  nos  travaux, 
le  conseiller  et  le  guide  qui  avait  foi  dans  nos  forces  et  dans 
notre  avenir. 

a  C'est  ainsi  que  votre  vie  si  digne,  si  noble,  si  irrépro- 
chable restera  pour  nous  comme  un  exemple  et  un  ensei- 
gnement. 

«  Adieu  donc,  cher  maître,  au  nom  de  tous  vos  collègues 
qui  étaient  aussi  vos  élèves,  adieu  I» 

A  propos  dn  procès-verbal. 

Les  anciennes  races  de  V Amérique.  —  M.  de  Nadaillac.  Nous 
avons  tous  entendu  avec  le  plus  extrême  intérêt  la  commu- 
nication que  M.  Charnay  a  bien  voulu  nous  faire  dans  notre 
dernière  séance.  Par  ses  voyages  entrepris  avec  un  si  grand 
désintéressement  et  exécutés  avec  une  si  rare  énergie,  par 
l'étude  sur  place  des  monuments  qu'il  décrit,  M.  Charnay  a 
rendu  à  la  science  américaine  d'inappréciables  services.  Sur 
un  point  il  a  modifié  ma  manière  de  voir:  je  croyais  les  palais 
et  les  temples  du  Yucatan  plus  anciens  qu'ils  ne  le  sont 
véritablement.  L'origine  des  villes  conmie  Palenque,  Uxmal, 
Izamal,  celle  de  tant  d'autres  qui  couvrent  le  pays,  peut  fort 
bien  être  très  ancienne  ;  mais  il  semble  prouvé  par  les  dé- 
couvertes de  M.  Charnay  que  presque  toutes  ces  villes  étaient 
encore  habitées  lors  de  l'arrivée  des  Espagnols  et  que  les  mo- 
numents^ dont  les  ruines  étonnent  le  voyageur,  ne  datent 
guère  que  d'un  ou  deux  siècles  avant  la  conquête. 

Mais  si  j'accepte  l'opinion  de  notre  collègue  sur  la  con- 
struction, plus  récente  que  je  ne  le  supposais,  de  ces  raonu- 

T.  X  (8«  série).  6 


82  SÉANCE   DU   47  FÉVRIER   1887. 

ments,  je  ne  puis,  il  faut  bien  le  dire,  la  partager  sur  un 
autre  point,  et  j'ai  bien  regretté  qu'une  extinction  de  voix  ne 
me  permît  pas  de  lui  signaler  immédiatement  mes  doutes  et 
mes  incertitudes.  Pour  lui,  tous  les  monuments  du  Yucatan 
sont  dus  aux  Toltecs,  les  grands  bâtisseurs  de  l'Amérique 
centrale  ;  pour  moi,  je  suis  plutôt  disposé  à  les  attribuer  aux 
Mayas.  Ce  sont  les  Mayas,  qui,  d'après  les  données  que  nous 
possédons,  ont  envahi  les  premiers  le  pays;  c'est  leur  langue 
qui  subsiste  encore  ;  ce  sont  leurs  manuscrits  qui  ont  con- 
servé jusqu'à  nous  quelques  faibles  notions  sur  l'histoire 
et  les  usages  de  ces  populations.  Je  ne  comprends  donc  pas 
bien  comment  on  peut  arriver  à  les  supprimer  complète- 
ment. 

Mais,  après  tout,  le  désaccord  entre  notre  savant  collègue 
et  moi  est  plus  apparent  que  réel.  Les  Mayas,  les  Toltecs, 
les  Aztecs  sont  certainement  les  rameaux. d'une  même  race, 
la  race  nahuati,  venue  du  nord  et  se  précipitant  vers  le  sud 
pour  y  trouver  un  climat  plus  tempéré  et  des  régions  plus 
fertiles.  Chaque  peuple,  chaque  clan  émigrait  successive- 
ment et  refoulait  ses  devanciers,  comme  une  vague  de  la 
mer  refoule  celle  qui  Ta  précédée.  C'est  ainsi  que  les  Mayas 
furent  acculés  dans  le  Yucatan  par  les  Toltecs,  et  que  les 
Toltecs  à  leur  tour  furent  vaincus  par  les  Aztecs.  Je  serais 
même  disposé  à  rattacher  <^  ces  races  les  Mound-Builders, 
dont  le  nom  et  l'origine  sont  restés  également  inconnus  et 
qui  ont  couvert  de  leurs  gigantesques  terrassements  l'Amé- 
rique depuis  les  grands  lacs  du  Canada  jusqu'au  golfe  du 
Mexique,  depuis  les  montagnes  Rocheuses  jusqu'à  l'Atlan- 
tique. 

Quelle  était  l'origine  de  ces  peuples  ?  Dans  Tétat  actuel  de 
nos  connaissances,  aucune  conclusion  sérieuse  n'est  possible 
et  notre  ignorance  reste  entière.  Il  n'est  guère  douteux  pour 
ceux  qui  ont  étudié  la  question,  que  des  immigrations  asia- 
tiques ont  eu  lieu  par  le  Nord,  par  les  îles  Aléoutes  par 
exemple.  Il  est  non  moins  certain  que  les  Malais  ont  pénétré 
sur  les  côtes  ouest  de  l'Amérique.  Il  est  probable  qu'avant  le 


A   PROPOS   DU  PROCÈS-VERBAL.  83 

quinzième  siècle,  les  Scandinaves,  peut-être  aussi  les  Islan- 
dais, avaient  débarqué  dans  les  régions  qui  forment  aujour- 
d'hui la  Nouvelle- Angleterre.  Il  est  même  possible  que  dans 
une  antiquité  plus  reculée,  les  Phéniciens,  ces  hardis  navi- 
gateurs, aient  traversé  TAtlantique  ;  mais  ce  n'est  pas  ainsi 
que  Ton  peut  expliquer  le  peuplement  d'un  continent,  et  nous 
ne  connaissons  aucun  fait  comparable  aux  immigrations  dont 
nous  relevons  en  Europe  les  traces  successives,  aucun  fait 
qui  explique  la  présence  des  populations  nombreuses  et 
diverses  qui  accueillirent  les  Espagnols  on  les  Portugais  à 
leur  débarquement.  J'avais  cru  que  leur  existence  pouvait  se 
rattacher  à  ce  continent  mystérieux,  l'Atlantide,  disparu  dans 
un  des  nombreux  cataclysmes  qu'atteste  l'histoire  géologique 
de  notre  planèle.  Mais  les  sondages  du  Challenger  ont  porté 
un  coup  terrible  à  cette  hypothèse  ;  ils  ont  montré  que  si 
l'Atlantide  a  véritablement  existé,  ce  n'est  pas  sur  les  côtes 
de  l'ibérie  qu'il  faut  la  chercher.  Le  problème  se  complique 
encore,  si  Ton  songe  que  l'existence  de  l'homme  sur  le  conti- 
nent américain  remonte  aux  temps  paléolithiques  '  et  qu'il 
était  le  contemporain  des  grands  pachydermes,  des  grands 
édentés  caractéristiques  de  la  faune  quaternaire  du  nouveau 
monde.  Le  docteur  Abbott  a  trouvé  des  débris  humains  dans 
les  alluvions  du  Delaware,  M.  Ameghino  dans  les  pampas 
de  l'Amérique  du  Sud.  Les  uns  et  les  autres  remontent  vrai- 
semblablement aux  plus  anciennes  périodes  de  l'existence  de 
l'homme.  A  une  époque  moins  éloignée,  des  kjôkkenmôd- 
dings,  amas  de  détritus  de  toute  sorte,  sont  les  témoins  irré- 
cusables de  la  longue  résidence  de  l'homme.  Les  explorations 
ont  donné  des  haches,  des  couteaux,  des  instruments  de  toute 
sorte  en  pierre,  en  os,  en  corne,  des  fragments  de  coquilles, 
du  bois  carbonisé.  Au  milieu  de  ces  foyers  abandonnés 
depuis  des  temps  qu'il  est  difficile  d'apprécier,  on  a  trouvé 
de  nombreux  ossements  de  mammifères  et  d'oiseaux,  des 

1  Je  ne  veux  pas  aborder  ici  une  question  plus  difQoile  encore,  ni  recher- 
cher si  les  périodes  géologiques  de  TAmérique  coïncident  avec  celles  de 
notre  conlinent.  C'est  un  point  sur  lequel  la  lumière  est  loin  d'dtre  faite. 


84  SÉANCE  DU  n  FÉVRIER  i887. 

arêtes  de  poisson,  des  coquilles  d*huître,  de  cardium,  d'autres 
mollusques.  D'immenses  bancs  de  coquilles,  lentes  accumula- 
tions des  siècles,  s'étendent  sur  les  côtes  de  Terre-Neuve,  de 
la  Nouvelle-Ecosse,  du  Afassachussetts,  de  la  Louisiane,  du 
Nicaragua.  On  les  retrouve  dans  les  Guyanes,  au  Brésil,  en 
Patagonie,  auprès  des  bouches  de  l'Orénoquc  comme  sur  les 
rivages  du  golfe  du  Mexique,  sur  les  plages  de  TAtlantique, 
comme  sur  celles  du  Pacifique,  et.  les  Shell-Mounds  de  la 
Terre  de  Feu  se  signalent  de  loin  au  navigateur  par  la 
nuance  plus  foncée  de  leur  végétation  *. 

Quels  étaient  les  hommes  qui  luttaient  contre  les  mammi- 
fères à  jamais  disparus?  Quels  étaient  ceux  qui  accumulaient 
les  kjôkkenmôddings,  ou  bien  encore  ceux  qui,  pour  établir 
leurs  demeures  à  l'abri  de  leurs  ennemis,  perçaient  des  ro- 
chers qu'on  aurait  pu  croire  inaccessibles?  Les  uns  ou  lesautres 
étaient-ils  les  ancêtres  des  Nahuas?  Les  Peaux- Rouges  qui 
vivent  aujourd'hui  sont-ils  leurs  descendants  ?  A  chaque  pas, 
nous  sommes  réduits  à  confesser  notre  impuissance. 

Un  seul  fait  estcertain,  c'est  que,  quelle  que  soit  la  diversité 
de  la  faune  mammalogique,  par  une  exception,  je  crois, 
unique  parmi  les  mammifères,  les  ossements  humains  que 
Ton  a  pu  recueillir,  soit  qu'ils  datent  de  l'époque  quaternaire, 
soit  qu'ils  aient  été  retirés  des  mownds  de  l'Amérique  du  Nord 
ou  A^^huacas  du  Pérou,  ne  diffèrent  en  rien  de  ceux  des 
Américains  actuels,  de  ceux  des  habitants  de  l'Europe.  C'est 
là  un  point  dont  on  ne  saurait  contester  l'importance. 

Revenons  à  la  communication  de  M.  Charnay.  Quelle  que 
soit  la  valeur  de  ses  recherches,  et  je  suis  disposé  à  leur  en 

1  Ces  kjOkkenmôddings  couvrent  souvent  une  superficie  considérable. 
Sir  C.  Lyell  en  cile  un  en  Géorgie  de  2«",50  de  hauteur;  un  autre,  u  l'em- 
bouchure de  la  rivière  Saint-Jean,  mesurclOO  môtres  de  longueur.  Oux  de 
la  Floride  ou  de  l'AIabama  sont  plus  iropurtanls  encore.  Il  en  est  un  sur  i'ilc 
Àmelia  qui  s'étend  sur  un  quart  de  mille  avec  une  profondeur  moyenne 
de  1  mètre  et  une  largeur  de  150  mètres;  celui  de  Bear-Poinl  couvre 
24  hectares,  celui  d'Anercety-Point,  40  ;  celui  de  Santa-Rosa,  60.  D'autres 
s'étagent  en  hauteur.  Nertle-Mound  atteint  10  mètres;  d'autres^  qu'il  serait 
trop  long  de  citer,  dépassent  12  et  15  mètres. 


A  PROPOS  DU  PROCÈS-VERBAL.  8K 

accorder  une  très  grande,  les  filiations  des  races  qui  ont  suc- 
cessivement OU  simultanément  peuplé  TAmérique,  restent 
encore  à  découvrir.  G*est  une  étude  d'une  haute  portée,  que 
nous  ne  saurions  trop  recommander  à  ceux  qui  se  préoccu- 
pent des  origines  de  rhumanité. 

Sur  la  consanguinité ,  — M.  de  Ranse,  Je  n'étais  pas  présent 
à  la  fin  de  la  dernière  séance,  quand  M.  Lagneau  a  fait  sa  com- 
munication sur  la  consanguinité.  Il  semblerait  résulter  de 
cette  communication,  et  de  la  courte  discussion  qui  Va  suivie, 
que  la  question  est  définitivement  jugée  et  qu'on  doit,  non 
seulement  cesser  de  proscrire,  mais  encore  conseiller  les 
unions  consanguines.  Je  ne  puis  souscrire  sans  de  grandes 
réserves  à  une  semblable  conclusion. 

Et  d'abord  la  statistique  apportée  par  M.  Lagneau  n'a  pas 
la  valeur  démonstrative  qu'il  lui  attribue.  Notre  collègue  a 
fait  ressortir  deux  points  principaux  : 

4°  Le  nombre  considérable  de  personnes  portant  le  même 
nom  dans  le  bourg  de  Batz  (890  sur  2  783  habitants)  ; 

2*  La  faible  proportion  de  cas  d'exemptions  pour  le  service 
militaire  présentée  par  le  canton  du  Croisic,  dont  Batz  fait 
partie,  comparée  à  celle  des  autres  cantons  du  même  dépar- 
tement. 

Relativement  au  premier  point,  je  ferai  remarquer  que  si 
les  890  habitants  de  Batz,  portant  le  même  nom,  descendent 
évidemment  de  la  même  souche,  ce  qui  suppose  dès  le  début 
des  unions  consanguines  fréquentes,  on  ne  peut  actuellement 
considérer  comme  mariages  consanguins  toutes  les  alliances 
entre  ces  mêmes  individus,  dont  la  parenté  décroît  de  géné- 
ration en  génération.  On  sait,  en  effet,  qu'à  partir  d'un  cer- 
tain degré  la  consanguinité  perd  ses  droits. 

En  ce  qui  concerne  le  second  point,  il  est  évident  que  la 
consanguinité  ne  constitue  pas,  comme  semble  l'admettre 
M.  Lagneau,  le  seul  facteur  de  la  faible^  proportion  des 
exemptions  du  service  militaire  présentée  par  le  canton  du 
Groisic.  Ce  résultat  tient  certainement  à  des  conditions  mul- 
tiples qu'il  importerait  de  rechercher  et  d'examiner  pouréta- 


86  SÉANCE  DU   17   FÉVRIER  1887. 

biir  la  part  respective  de  chacune  d'elles.  Je  n'ai  pas  les 
éléments  de  cet  examen  comparatif,  aussi  me  garderai-je 
de  tirer  aucune  conclusion  ;  mais  il  m'est  permis  de  dire  que 
celle  de  M.  Lagneau  n'est  pas  suffisamment  justifiée. 

Enfin,  en  admettant  que  les  avantages  des  unions  consan- 
guines entre  individus  parfaitement  sains  soient  définitive- 
ment démontrés,  est-on  autorisé,  d'une  manière  générale,  à 
relever  ces  unions  de  la  proscription  dont  elles  sont  frap- 
pées et  à  les  conseiller  dans  la  pratique  courante?  Si 
l'on  pouvait  appliquer  à  Tespèce  humaine  les  procédés  de 
sélection  dont  on  use  en  zootechnie,  je  l'accorderais  peut- 
être.  Mais  personne  n'ignore  combien  les  intérêts  de  la  race 
trouvent  peu  de  place  dans  les  considérations  qui  président 
aux  mariages  et,  dans  les  conditions  sociales  au  milieu  des- 
quelles nous  vivons,  combien  l'hérédité  saine  est  rare  com- 
parativement à  l'hérédité  morbide,  dont  la  consanguinité 
décuple  la  funeste  influence.  Par  ces  raisons,  je  persiste  à 
croire  que  les  unions  consanguines  offrent  en  général  plus 
de  dangers  que  d'avantages,  et  qu'une  sage  hygiène  doit  les 
proscrire. 

Le  veau  hatos.  —  M.  Sânson  annonce  que  l'autopsie  du 
veau  ûatos,  présenté  à  la  séance  précédente,  a  été  faite  et 
qu'elle  a  tranché  la  question  relative  à  la  viabilité.  Tout  en 
laissant  à  M.  Dareste  le  soin  de  faire  connaître  les  détails  de 
cette  autopsie,  il  croit  pouvoir  dire  que  ce  veau  n'était  point 
viable,  par  suite  d'une  malformation  des  organes  génito- 
urinaires.  Il  est  du  reste  habituel  de  rencontrer  chez  les 
sujets  de  ce  genre,  dont  il  a  été  observé  de  nombreux  cas  en 
France,  des  troubles  de  développement  analogues,  avec  la 
malformation  caractéristique  des  mâchoires. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

Gadbau  de  Kerville.  Causeries  sur  le  transformisme.  Paris, 
1886,  in-i8,  474  pages. 

Pavlow  (Marie).  Les  ammomies  du  groupe  Olcostepkanusver- 
sicolor.  Moscou,  i886,  kroch.  in-8",  48  pages,  2  planches. 


OBJETS  OFFERTS.  87 

Proust  (Antonin),  Rapport  fait  au  nom  de  la  Commission 
chargée  d'examiner  le  projet  de  loi,  adopté  par  le  Sénat,  pour 
la  conservation  des  monuments  et  objets  d'art  ayant  un  inté- 
rêt historique  et  artistique.  Paris,  4887,  broch.  in-4", 
i2l  pages. 

M.  G.  DE  MoRTiLLET.  Il  y  a  quelques  années,  sous  les  aus- 
pices de  Henri  Martin,  la  Société  d'anthropologie  prit  i'initia- 
tivedepublierlalistedesmonumentsmégalithiquesde  France, 
dressée  par  les  soins  de  Henri  Martin,  Salmon,  Leguay, 
de  Mortillet,  Martinet,  Chantre  et  Cartailhac.  Cette  liste 
servit  de  base  aux  travaux  de  la  Commission  des  monuments 
mégalithiques,  adjointe,  au  ministère  des  beaux-arts,  à  la 
Commission  des  monuments  historiques.  Cette  dernière  com- 
mission a  provoqué  le  dépôt  d'un  projet  de  loi  concernant  la 
conservation  de  ces  divers  monuments.  Ce  projet,  après 
quelques  modifications,  vient  d'être  admis  par  le  Sénat.  Il  est 
soumis  actuellement  à  la  Chambre  des  députés.  Le  rapport 
la  concernant,  rédigé  par  M.  Antonin  Proust,  vient  d'être 
publié.  11  contient  comme  pièce  justificative  la  liste  des  mo- 
numents renaissance,  moyen  âge,  antiques  et  mégalithi- 
ques, qui  méritent  principalement  l'attention.  La  liste  des 
mégalithes  a  été  dressée  d'après  la  liste  de  la  Société , 
revue,  corrigée ,  épurée  et  malheureusement  considérable- 
ment diminuée.  Le  rapport  sur  les  monuments  histori- 
ques trouve  donc  sa  place  toute  naturelle  dans  notre  biblio- 
thèque. 

Beddob  (J.).  The  Physical  Anthropology  of  tke  Isle  ofMan. 
Broch.  in-12,  44  pages. 

PiGORiNi.*  (L,).  Le  antiche  staziom  umane  dei\dintof*ni  di  Cra- 
covta  e  del  comune  di  Breonio  Veronese.  Rome,  1887,  broch. 
in-l®,  6  pages. 

OBJETS  OFFERTS. 

Carte  de  la  vallée  de  Pérak,  —  M.  Adrien  de  Mortillet.  Notre 
collègue,  M.  Jacques  de  Morgan,  m'a  chargé  d'offrir  de  sa 


88  SÉANCE  DU  17  FÉVRIER  i887. 

part,  à  la  Société,  un  exemplaire  de  la  grande  et  belle  carte 
de  la  vallée  de  Pérak,  qu'il  a  publiée  en  1885. 

Celle  carte  est  à  Téchelle  de  1/120  000  et  se  compose  de 
deux  feuilles.  Elle  comprend  presque  tout  Tintérieur  du 
royaume  de  Pérak  et  le  sud  du  royaume  de  Patani. 

Le  cours  de  la  rivière  de  Pérak  a  été  levé  par  les  ingé- 
nieurs du  gouvernement  de  Pérak,  pour  lequel  a  été  faile 
cette  carte,  mais  toute  la  contrée  siluée  à  Test,  comprenant 
les  rivières  qui  se  jettent  dans  celle  de  Pérak  et  les  mon- 
tagnes, est  rœuvre  de  M.  Jacques  de  Morgan,  qui  a  passé 
plusieurs  mois  dans  cette  région  en  grande  partie  inexplorée. 

ÉLECTIONS* 

MM.  A.  Motet,  Vidal-Naquet  e;t;,le  docteur  Margano  sont 
élus  membres  titulaires. 


PRESENTATIONS. 


Tiols  cas  de  conrormatioii  Tlelease  des  organes  génitaux  t 
atrophîo  testlonlalre;  eryptorehldle  ;  pseado-hermaphrO'» 
(Msme  m  Aie; 

PAR  LB  DOCTEUR  MAGNAM. 

L'étude  des  dégénérescences  héréditaires  est,  depuis  quel- 
ques années,  à  Tordre  du  jour.  Les  médecins,  les  crimina- 
listes,  les  anthropologistes ,  tous  ceux  qui  s'occupent  de 
sciences  biologiques  trouvent  là  un  fonds  inépuisable  d'ob- 
servations. Les  dégénérés,  en  effet,  sont  fort  intéressants 
aussi  bien  au  point  de  vue  psychique  qu'au  point  de  vue  phy- 
sique. Sous  le  rapport  psychique,  vous  savez  combien  est 
curieux  leur  état  mental,  cette  déséquilibration  intellectuelle, 
cette  déchéance  des  facultés  qui  nous  fait  assister  quelquefois 
à  ce  spectacle  étrange  d'une  aptitude,  d'une  faculté  prédo- 
minante, remarquable  à  côté  de  la  nullité  la  plus  complète 
pour  d'autres  modes  de  l'activité  cérébrale.  Et  puis,  lorsque 


MAGNAN.  —  CONFORMATION  VICIEUSE  DBS  ORGANES  GÉNITAUX.   89 

ces  déséquilibrés  sont  pris  de  troubles  intellectuels,  de  délire, 
ils  ont  une  folie  tout  à  fait  ^éciale,  comme  mode  d'évolution, 
comme  marche,  comme  durée,  même  comme  caractère  des 
manifestations  délirantes  ;  et  enfm,  eux  seuls  présentent,  avec 
une  rare  netteté,  des  obsessions,  des  impulsions,  des  phé- 
nomènes d'arrêt  dont  Yaboulie  fournit  un  bel  exemple;  tout 
autant  de  troubles,  du  reste,  que  Ton  peut  regarder  comme 
de  véritables  stigmates  psychiques  des  dégénérescences  héré- 
ditaires, au  même  titre  que  les  vices  de  conformation  qui  en 
sont  les  stigmates  physiques. 

Parmi  les  troubles  psychiques,  les  anomalies,  les  aberra- 
tions, les  perversions  sexuelles  sont  des  plus  importantes 
sous  le  rapport  de  la  physiologie  pathologique  et  de  la  méde- 
cine légale.  Pour  éviter  toute  confusion  et  se  faire  une  idée 
plus  précise  de  ces  anomalies,  il  est  nécessaire  de  les  distri- 
buer d'après  leurs  principaux  caractères  anatomiques  et 
physiologiques  en  quatre  groupes  distincts  : 

Les  spinaux,  qui  forment  le  premier  groupe,  sont  réduits 
au  réflexe  simple,  leur  domaine  se  trouve  limité  à  la  moelle, 
au  centre  génito-spinal  de  Bûdge.  C'est  Tonanisme  chez 
l'idiot  complet. 

Pour  les  seconds,  les  spinaux  cérébraux  postérieurs,  le  ré- 
flexe part  de  Técorce  cérébrale  postérieure  et  aboutit  à  la 
moelle.  La  vue  seule,  l'image  d'un  sujet  de  sexe  différent, 
quelles  que  soient  ses  qualités,  qu'il  soit  beau  ou  laid,  jeune 
ou  vieux,  provoque  l'orgasme  vénérien.  C'est  l'acte  ins- 
tinctif purement  brutal. 

Un  troisième  groupe  comprend  les  spinaux  cérébraux  anté- 
rieurs. Le  point  de  départ  du  réflexe  est  dans  l'écorce  céré- 
brale antérieure  ;  c'est  une  influence  psychique,  comme  dans 
l'état  normal,  qui  agit  sur  le  centre  génito-spinal;  mais 
l'idée,  le  sentiment  ou  le  penchant  sont  ici  pervertis.  Comme 
exemple,  je  rappellerai  le  penchant  d'une  femme  de  trente 
ans  pour  un  petit  garçon  de  trois  ans,  et  ses  appétits  irrésis- 
tibles de  copulation  avec  lui.  D'autre  part,  l'acte  conjugal 
chez  un  homme,  sous  la  dépendance  exclusive  du  souvenir  de 


90  81^ ANGE  DU   17   FÉVRIER   1887. 

la  tête  d'une  vieille  femme  ridée,  couverte  d'un  bonnet  de 
nuit.  Par  suite,  frigidité  complète  la  première  nuit  des  noces, 
Fimage  n'étant  pas  évoquée. 

Le  dernier  groupe  comprend  les  cérébratix  antérieurs  on 
psychiques^  ce  sont  des  extatiques,  des  érotomanes.  Un  jeune 
élève  des  beaux-arts  vit  dans  la  chasteté  absolue  ;  son  amour, 
c'est  Myrtho,  qui  s'est  réfugiée  dans  une  étoile;  il  con- 
temple tous  les  soirs  cette  étoile,  lui  adresse  des  vers,  brûle 
de  l'encens. 

Parmi  les  nialades  du  troisième  groupe,  à  sentiments  et  à 
penchants  pervertis,  se  trouvent  les  sujets  atteints  d'inversion 
du  sens  génital,  c'est-à-dire  des  sujets  qui,  avec  tous  les  at- 
tributs, la  conformation  extérieure  d'un  sexe,  offrent  des  sen- 
timents, des  aptitudes,  des  appétits  et  des  instincts  d'un  autre 
sexe;  un  cerveau  d'homme,  par  exemple,  au  service  d'un 
corps  de  femme  et  réciproquement,  ce  qui  crée  cette  anomalie 
étrange  de  Thomme  exclusivement  amoureux  de  l'homme 
et  indifférent  pour  la  femme,  et  réciproquement  la  femme 
manifestant  d'une  façon  exclusive  du  penchant  pour  la 
femme. 

Aujourd'hui,  je  demande  la  permission  d'entretenir  la  So- 
ciété de  trois  cas  de  conformation  vicieuse  des  organes  géni- 
taux. Ces  stigmates  physiques  se  traduisent  chez  l'un  par 
l'atrophie  des  testicules,  chez  le  second  par  de  la  cryptor- 
chidie  et  une  atrophie  considérable  de  la  vergé  ;  le  troisième 
est  un  hypospade  scrotal  à  forme  vulvaire,  un  pseudo-her- 
maphrodite mâle.  L'un  des  sujets,  le  cryptorchide,  offre  un 
degré  notable  de  faiblesse  intellectuelle;  les  autres,  tous 
deux  déséquilibrés,  ont  été  pris  d'accès  délirants  à  évolu- 
tion rapide,  comme  nous  en  voyons  chez  les  dégénérés  héré- 
ditaires. 

Observation!.  Mariage  consanguin  et  dispositions névropa- 
thiques  des  ascendants.  Débilité  mentale;  émotwité  dès  f enfance; 
impulsions;  plus  tard,  accès  délirant.  Atrophie  testiculatre;  seins 
du  volume  dune  mandarine.  —  S...  (Antoine),  âgé  de  trente 
ans,  est  issu  de  germains  ;  sa  grand'mère  maternelle  et  sa 


MAGNAN.  — CONFORMATION  VICIEUSE  DES  ORGANES  GÉNITAUX.   91 

mère  sont  hystériques  ;  son  père,  mal  équilibré,  se  faisait  re- 
marquer par  des  emportements  et  des  accès  dç  colère  que 
rien  ne  justifiait.  Sa  sœur  est  mélancolique. 

Quant  à  lui,  venu  à  terme,  il  a  eu  des  convulsions  dans 
Tenfance  ;  d'une  intelligence  au-dessous  de  la  moyenne,  il  a 
acquis  avec  difficulté  une  instruction  élémentaire  ;  il  sait  tou- 
tefois lire^  écrire  et  compter  d'une  manière  satisfaisante.  Il  a 
appris  au  sortir  de  l'école  le  métier  de  peintre  sur  porcelaine^ 
ety  au  bout  de  plusieurs  années,  il  a  fini  par  devenir  un  ou- 
vrier ordinaire. 

Il  est  habituellement  très  impressionnable,  irritable  ;  dans 
les  rues,  il  est  pris  souvent  de  craintes  vagues,  il  redoute  des 
accidents  ;  dans  l'enfance,  il  croyait  parfois  en  marchant  qu'il 
allait  perdre  l'équilibre;  il  lui  semblait  par  moments  qu'il 
s'enlevait  au-dessus  du  sol. 

11  s'est  senti,  à  diverses  reprises,  poussé  à  frapper  ;  il  pre- 
nait tout  à  coup  des  objets  et  les  brisait  :  «Je  deviens  enragé, 
disait-il,  je  briserais  tout.  »  Il  avait  confié  à  son  frère  un  ré-  . 
volver  qu'il  ne  voulait  plus  garder,  ne  se  sentant  plus  maître 
de  lui  et  redoutant  de  faire  usage  de  cette  arme  soit  contre 
les  autres,  soit  contre  lui-même. 

Dans  les  derniers  temps,  en  proie  à  des  préoccupations  hy- 
pochondriaques,  il  avait  rapidement  présenté  des  hallucina- 
tions^ des  troubles  de  la  sensibilité  générale  et  des  idées  de 
persécution  ;  très  excité  sous  l'influence  de  ce  délire,  il  avait 
été  amené,  le  28  février  4886,  à  l'asile,  d'où  il  est  sorti  au 
bout  de  trois  mois,  guéri  d'un  accès  délirant,  mais  non  de  sa 
déséquilibration  mentale. 

Il  présente  une  atrophie  considérable  des  testicules,  qui 
sont  réduits  au  volume  d'un  haricot,  les  bourses  et  le  scro- 
tum sont  très  peu  développés,  la  verge  est  petite,  mais  l'ex- 
trémité antérieure  relativement  volumineuse,  probablement 
à  la  suite  de  manœuvres  de  masturbation.  Il  a  du  penchant 
pour  les  femmes,  recherche  leur  société,  et  il  vivait  avec  une 
maîtresse  quand  il  a  été  pris  de  délire.  Les  seins,  comme  on 
le  voit  sur  un  plâtre  obtenu  par  le  moulage,  sont  du  volume 


92  SÉANCE  DU  17  FÉVRIER  1887. 

d'une  grosse  mandarine,  l'aréole  est  assez  étendue,  mais  le 
mamelon  est  petit  comme  celui  de  l'homme.  Le  ventre  est 
proéminent,  arrondi,  mais  le  bassin  a  les  apparences  mascu- 
Unes.  Le  larynx  est  peu  saillant,  la  voix  féminine.  Les  poils, 
d*un  blond  pâle,  sont  fins  et  peu  abondants. 

Le  second  malade  est  atteint  d*imbécillité,  il  n'a  aucun  sen- 
timent de  pudeur,  il  est  indifférent  à  tout  examen,  et  nous 
pourrons  sans  nul  inconvénient  nous  rendre  compte  immé- 
diatement de  la  conformation  vicieuse  de  ses  organes  géni- 
taux, qui  le  rapprochent  par  certains  côtés  du  pseudo-her- 
maphrodite que  nous  verrons  après  lui .  Voici  en  quelques 
mots  son  histoire. 

Observation  IL  Père  mèiancolique  suicidé;  oncle  et  tante  ma- 
tetmels  débiles.  Imbécillité,  microcépkalie  ;  prognathisme  infé- 
rieur ;  colobome  irien  double;  déformation  de  la  papille  et 
émo'gence  anormale  des  vaisseaux  centraux;  atrophie  de  la 
verge,  cryptorchidie;  scrotum  réduit  à  une  petite  bande  médiane 
,  plissée  transversalement,  —  C...  (Paul),  âgé  de  vingt-cinq  ans, 
est  entré  à  l'asile  Sainte-Anne  le  18  mai  1885.  Son  père,  mé- 
lancolique, faisait  parfois  des  excès  de  boissons  et  s'est 
pendu.  Sa  mère  est  d'une  intelligence  ordinaire,  mais  une 
tante  et  un  oncle  maternels,  faibles  d'esprit,  s'adonnent  à 
l'ivrognerie.  Sa  sœur  présente  une  asymétrie  faciale  des  plus 
accusées.  Le  malade,  venu  à  terme,  a  eu,  à  diverses  reprises, 
des  convulsions,  de  sept  mois  à  sept  ans.  11  n'a  commencé  à 
marcher  qu'à  dix-huit  mois  et  à  prononcer  quelques  mots  que 
vers  sa  septième  année.  Il  n'a  pu  recevoir  aucune  instruction, 
il  ne  sait  pas  lire,  il  a  été  incapable  d'apprendre  un  métier  ; 
sans  mauvais  instincts,  c'est  un  imbécile  docile,  qui,  sous  une 
direction  continue,  peut  se  livrer  à  quelques  ouvrages  ma- 
nuels. 

II  blèse  et  articule  difficilement  les  mots,  son  vocabu- 
laire est,  du  reste,  fort  restreint  ;  il  prend  plaisir  parfois  à 
faire  des  grimaces  qui  augmentent  sa  laideur  et  il  est  heu- 
reux de  pouvoir  ainsi  provoquer  le  rire.  Quand  il  marche,  son 
allure  est  très  disgracieuse,  il  renverse  le  tronc  en  arrière, 


MAGNAN.  —  CONFORMATION   VICIEUSE  DES  ORGANES  GÉNITAUX.    93 

fait  de  grands  pas  avec  un  déhanchement  tout  particulier  et 
projette,  avec  force,  ses  bras  devant  lui. 

La  tête  est  petite,  le  front  étroit  et  les  cheveux,  d'un  blond 
pâle,  s'étendent  en  pointe  à  la  partie  moyenne  jusqu'au  milieu 
du  front.  Les  dents  sont  grosses,  irrégulièrement  implantées  ; 
la  voûte  palatine  est  ogivale  ;  la  mâchoire  inférieure  est  al- 
longée et  proéminente.  Les  yeux  sont  d'un  bleu  pâle;  les 
iris  fissurés  en  bas  et  en  dedans,  comme  à  la  suite  d'une  iri- 
dectomie,  donnent  à  la  pupille  une  forme  ovalaire  et  au  regard 
un  aspect  étrange. 

L'examen  des  yeux,  fait  par  M.  Kalt,  chef  de  clinique  de 
M.  le  professeur  Panas,  a  donné  le  résultat  suivant  : 

«  Les  cornées  et  les  sclérotiques  sont  conformées  normale- 
me  nt.L' astigmatisme  cornéen  ne  dépasse  pas  une  dioptrie. 

«Observations  générales.  A  l'éclairage  oblique,  on  découvre 
à  la  partie  inférieure  de  la  fente  colobomateuse,  sur  l'œil 
gauche,  le  bord  équatorial  du  cristallin.  En  arrière  de  la  len- 
tille se  voit  une  petite  masse  brunâtre  paraissant  accolée  à  la 
cristalloïde  postérieure,  s'avançant  vers  le  centre  du  cris- 
tallin sur  une  hauteur  apparente  d'environ  2  millimètres.  11 
est  impossible  d'apercevoir  le  point  d'implantation  périphé- 
rique de  cette  masse  brune,  qui  paraît  être  en  continuité 
avec  le  corps  ciliaire. 

«  Le  cristallin  est  transparent  dans  toutes  ses  parties,  sauf 
au  côté  inféro-inteme  où  l'on  aperçoit  une  opacité  grisâtre, 
allongée  en  forme  de  strie  qui  gagne  presque  le  centre  de  la 
lentille.  Son  extrémité  périphérique  aboutit  à  l'insertion  de 
la  masse  brune  sur  le  cristallin.  Cette  strie  est  due  à  l'opaci- 
fication  des  masses  corticales  postérieurs  de  la  lentille. 

«  A  droite,  le  cristallin  est  normal. 

«  Les  deux  papilles  présentent  une  excavation  physiolo- 
gique. A  droite,  existe  un  croissant  blanc  décrit  sous  le  nom 
de  cône,  A  gauche,  la  papille  paraît  légèrement  ovalaire,  à 
grand  axe  vertical  (image  renversée).  Les  vaisseaux  émergent 
en  un  point  très  rapproché  du  bord  interne  de  la  papille  et 
se  bifurquent  prématurément  dans  l'intérieur  du  nerf,  en 


94  SÉANCE  DU  17  FÉVRIER  1887. 

sorte  qae  plusieurs  branches  sortent  en  des  points  très  rap- 
prochés du  bord  externe  de  la  papiJle. 

tt  Pas  de  coloboma  choroîdien  ;  les  maculas  ont  Taspeot  or- 
dinaire. Les  deux  yeux  sont  hypermétropes  de  quatre  diop- 
tries. L*acnïté  visuelle,  autant  qu'on  peut  l'apprécier  sur  ce 
sujet,  parait  à  peu  près  normale.  » 

La  poitrine  est  glabre,  les  seins  assez  développés  sans  tou- 
tefois que  Taréole  et  le  mamelon  aient  Taspect  féminin.  Sa 
taille  est  de  1",60,  son  poids  de  52  kilogrammes.  Les  mem- 
bres thoraciques  sont  longs,  les  doigts  grêles  et  effilés  comme 
ceux  d'une  femme.  Les  cuisses  sont  arrondies,  mais  le  bassin 
a  plutôt  la  conformation  masculine  :  le  diamètre  antéro-pos- 
térieur,  de  la  région  sacro-lombaire  à  la  partie  supérieure  de 
la  symphyse  pubienne,  est  de  19  centimètres;  la  circonfé- 
rence au  niveau  de  la  partie  supérieure  des  oseoxaux  mesure 
7i  centimètres  ;  le  diamètre  transversal  du  basain  au  détroit 
supérieur  donne  22  centimètres  ;  enfin  la  distance  entre  les 
deux  épines  iliaques  antéro-supérieures  est  de  17  centi- 
mètres. 

Le  pubis,  surmonté  d'un  mont  de  Vénus  saillant,  est  om- 
bragé de  rares  poils  (fig.  1,  a)  ;  la  verge,  du  volume  du  petit 
doigt,  est  profondément  implantée  au-dessous  [b]  ;  le  scrotum, 
très  effacé,  est  réduit  à  une  bande  médiane  d'une  largeur  de 
3  centimètres  environ,  plissé  transversalement,  divisé  au 
milieu  par  un  mince  raphé  (c).  En  déprimant  cette  bande 
à  l'aide  d'une  petite  tige,  on  voit  saillir  de  chaque  côté  un 
bourrelet  cutané  dont  le  rapprochement  de  la  ligne  médiane 
à  mesure  que  la  partie  moyenne  s'enfonce,  simule  une  vulve. 
L'exploration  du  scrotum  rudimentaire,  pas  plus  que  des 
replis  cutanés  avoisinants,  ne  laisse  percevoir  aucune  trace 
de  testicule. 

G..«  (Paul)  ne  se  livre  pas  à  l'onanisme,  il  ne  paraît  avoir 
aucun  désir  sexuel,  et,  sous  ce  rapport,  est  d'une  indifférence 
égale  pour  les  deux  sexes. 

Ce  fait  sert,  en  quelque  sorte,  de  trait  d'union  entre  l'atro- 
phie simple  des  organes  génitaux  et  l'atrophie  avec  division 


Fit',  i. 


96  SÉANCE   DU   17   FÉVRIER   4887. 

scrotale  donnant  les  apparences  d'une  vulve.  Ici,  en  effet, 
c'est  un  rudiment  de  scrotum  qui  semble  s'être  formé  tardi- 
vement pour  pourvoir  à  l'occlusion  du  sinus  urogénital,  et  la 
bande  étroite  qui  le  constitue,  bridant  la  région  sous-pu- 
bienne, n'a  pas  permis  la  descente  des  testicules.  La  micro- 
céphalie,  les  fissures  iriennes,  dénotent  les  troubles  considé- 
rables de  nutrition  qui  ont  présidé  au  développement  de  ce 
sujet;  la  faiblesse  intellectuelle,  à  son  tour,  nous  fait  pres- 
sentir des  modifications  notables  du  cerveau. 

Dans  le  fait  suivant,  c'est  dans  les  organes  génito-urinaires 
surtout  que  les  perturbations  nutritives  se  sont  produites. 

Observation  III.  Père  ivrogne.  Débilité  mentale  sur  laquelle 
se  greffe  un  accès  délirant  à  évolution  rapide.  Garçon  inscrit 
comme  fille  à  l'état  civile  conserve  des  vêtements  de  femme  jus- 
qu'à vingt^quatre  ans.  Hypospade  scrotal  à  forme  vutvaire. 
Pseudo-hermaphrodite  tnâle.  —  C...  (Marins),  âgé  de  vingt- 
cinq  ans',  entre  à  l'asile  Sainte-Anne  le  20  octobre  i886^  dans 
un  accès  d'agitation  avec  délire  mélancolique  et  mystique. 
Son  père,  adonné  à  l'ivrognerie,  est  mort  d'une  apoplexie  ce 
rébrale;  sa  mère  est  nerveuse,  mal  équilibrée;  une  de  ses 
sœurs  est  morte  de  méningite  à  onze  mois.  Né  à  Ballots 
(Mayenne),  où  on  l'a  inscrit  sur  les  registres  de  l'état  civil 
comme  appartenant  au  sexe  féminin.  Considéré  comme  fille, 
on  lui  met  des  vêtements  féminins  et  on  l'envoie  à  l'école  des 
filles.  A  sept  ans,  ses  petites  camarades  ayant  remarqué  une 
conformation  extraordinaire  de  ses  organes  génitaux  se  mo- 
quent de  lui.  On  le  place  alors  dans  un  pensionnat  dirigé  par 
des  religieuses.  A  treize  ans,  il  quitte  le  pensionnat  et  entre 
dans  un  couvent  de  Bénédictines,  où  Tune  de  ses  tantes,  reli- 
gieuse, le  destine  au  noviciat.  Son  peu  d'aptitude  au  travail, 
la  lenteur  de  son  intelligence  et  l'apparition  d'un  peu  de  barbe 
au  menton,  en  font  peu  à  peu  la  risée  de  ses  compagnes.  11 
quitte  le  couvent  et  rentre  à  la  maison  auprès  de  sa  mère, 
s'occupe  du  ménage,  fait  la  cuisine,  coud  et  tricote. 

A  la  mort  de  son  père,  il  s'éloigne  de  sa  famille  pour 
suivre,  en  qualité  de  domestique,  un  M.  G...,  âgé  de  soixante- 


MAGNAN.  --  CONFORMATION   VICIEUSE   DES   OUGANES  GÉNITAUX,   97 

dix  aas,  qui  l'emmène  à  la  Martinique.  A  peine  arrivé  en 
Amérique^  il  devient  l'objet  des  assiduités  de  son  vieux  pa- 
tron; il  lui  cède,  mais  comme  aucun  rapport  normal  ne  peut 
s'effectuer,  cet  homme  se  livre  sur  lui  à  des  actes  contre  na- 
ture, et  ils  finissent  par  Tonanisme  buccal  réciproque. 

Cependant,  une  négresse,  domestique  dans  la  même  mai- 
son, s'étant  aperçue  de  sa  conformation,  le  prend  pour  un 
homme,  en  devient  amoureuse  et  lui  demande  à  partager 
son  lit.  Une  mulâtresse  fait  à  son  tour  sa  conquête,  mais,  ni 
avec  Tune  ni  avec  Tautre  de  ces  deux  femmes,  il  n'éprouve 
les  satisfactions  que  lui  procurait  son  patron. 

La  barbe,  qui  continue  à  pousser,  devient  la  cause  des  mo- 
queries de  la  part  de  l'entourage,  et  C...  finit,  au  bout  de 
trois  ans,  par  se  décider  à  rentrer  en  France,  désireux  de 
changer  de  costume  et  de  position.  Arrivé  à  Saint- Nazaire, 
il  se  fait  examiner  par  un  médecin,  qui  le  déclare  homme.  Il 
change  aussitôt  son  nom  de  Marie  en  celui  de  Marius,  prend 
des  vêtements  d'homme,  rentre  à  Paris  et  s'engage  comme 
infirmier  dans  une  communauté  de  religieux,  non  sans  avoir 
subi  un  double  examen  du  Père  supérieur,  qui  finit  par  le 
reconnaître  masculin. 

Vers  le  17  octobre  i886,  il  est  pris  assez  rapidement  de 
délire  après  quelques  excès ,  d'ailleurs  très  modérés,  de 
boissons.  A  son  arrivée  à  l'eisile,  il  crie,  gémit,  se  lamente, 
prétend  répandre  autour  de  lui  une  odeur  empestée,  exprime 
des  craintes  de  toute  nature  ;  il  se  dit  l'archange  saint  Michel, 
l'Antéchrist,  le  roi  des  juifs.  «  Je  suis  un  misérable,  tuez- 
moi;  j'ai  tué  mon  père  et  ma  mère.  »  11  croit  qu'on  veut  l'em- 
poisonner, refuse  de  manger;  il  s'imagine  qu'on  veut  le 
mettre  dans  un  bain  d'huile  bouillante  et  il  s'échappe  par  la 
fenêtre.  C!onstamment  inquiet,  se  nourrissant  mal,  ne  dor- 
mant ni  jour  ni  nuit,  il  s'affaisse  rapidement;  les  vomisse- 
ments empêchent  le  cathétérisme  œsophagien,  on  le  nourrit 
à  l'aide  de  lavements  peptonisés.  Toutefois  les  hallucinations 
diminuent  d'intensité,  l'excitation  s'apaise  peu  à  peu,  les 
idées  mélancoliques,  mystiques,  ambitieuses,  disparaissent, 

T.  X  {3«  BéRUS).  7 


98 


SÉANCE  DU  17  FÉVRIER  1887. 


et  il  consent  à  prendre  quelques  aliments.  Quinze  jours  après 
son  entrée,  il  est  déjà  en  voie  d'amélioration,  et,  depuis  plus 


Fig.  2. 


de  six  semaines,  il  est  tranquille,  raisonnable,  il  dort  bien, 
mange  avec  appétit  et  s'occupe  d'une  façon  régulière  dans  le 
service. 
Ce  malade,  par  la  conformation  de  ses  organes  génitaux, 


MAGNAN. — CONFORMATION  VICIEUSE   DES   ORGANES  GÉNITAUX.    99 

est  un  hypospade  scrotal  à  forme  vulvaire^  un  pseudo-her- 


Fig.  8. 
raaphrodile  mâle  :  sa  verge  (a)  mesure  4  centimètres  et  demi 

1  F.  Guyon,  Des  vices  de  conformation  de  Vuréthre  chez  V homme  ei  des 
moyens  d'y  remédier,  Paris,  186:<,  p.  68. 


iÔO  SÉANCE  DU  17  FÉVRIER  1887. 

(fig.2);  elle  est  formée  de  la  portion  glandaire  du  corps  spon- 
gieux et  d'une  portion  du  corps  caverneux  ;  le  gland,  imper- 
foré, est  muni  au  bord  inférieur  d'une  légère  dépression; 
dans  l'érection,  l'organe  se  recourbe  en  bas  et  en  arrière, 
retenu  dans  cette  position  par  deux  brides  très  nettes,  qui 
sont  les  rudiments  de  la  portion  cylindroïde  du  corps  spon- 
gieux. Ces  brides  (fig.  3,  rf),  dites  masculines  par  M.  Pozzi,  se 
retrouvent  chez  la  femme  et  répondraient,  d'après  cet  auteur, 
à  des  parties  homologues  dans  les  deux  sexes  *.  Au-dessous 
delà  verge  et  de  chaque  côté,  il  y  a  apparence  de  griandes 
lèvres  résultant  du  défaut  de  soudure  des  deux  sacs  cutanés 
dont  la  réunion  à  l'état  normal  forment  la  double  poche 
8crotale(fig.  2,  b).  Ces  deux  lèvres  limilent  une  fente  verti- 
cale qui  aboutit  à  un  cul-de-sac  simulant  une  vulve  (flg.  2,  c). 
A  3  centimètres  et  demi  au-dessous  de  la  verge,  se  trouve 
le  méat  urinaire  (fig.  3,  e),  mis  en  communication  avec  le 
pénis  par  les  deux  brides  masculines,  qui  se  séparent  en  bas 
pour  embrasser  l'orifice.  A3  millimètres  au-dessous  du  méat, 
on  aperçoit  un  autre  orifice  qui  s'ouvre  dans  un  conduit 
analogue  au  vagin  qui  n'a  pas  moins  de  io  centimèjtres  de 
longueur  et  qui  admet  une  sonde  d'un  assez  gros  calibre 
(fig.  3,  f).  L'anus  [g)  se  trouve  à  4  centimètres  en  arrière  de 
l'orilice  de  ce  pseudo-vagin.  Le  toucher  rectal,  après  Tintromis- 
sion  de  deux  sondes,  l'une  dans  l'urèthre,  l'autre  dans  le  canal 
sous-jacent,  permet  de  sentir  la  première  sonde  dans  un  plan 
très  élevé,  et  la  seconde  presque  sous  le  doigt;  celle-ci 
semble,  en  outre,  profondément,  se  dévier  légèrement  à 
droite.  Celte  sonde  retirée  laisse  voir  à  son  extrémité,  au  ni- 
veau de  son  orifice  latéral,  quelques  gouttes  d'un  mucus 
blanchâtre,  inodore,  au  milieu  duquel,  au  microscope,  on 
voit  quelques  cellules  épithéliales. 

La  palpation  des  régions  inguinales,  sus  et  sous-pubiennes, 
de  môme  que  le  toucher  rectal,  ne  décèlent  pas  la  présence 


•  Pozai,  De  la  bride  masculitie  du  vestibule  chez  là  femme  et  de  l'origine 
de  Chymen  (Gomm.à  la  bociété  do  biologie,  2«  janvior  et  JO  février  1884). 


Fig.  4. 


102  SÉANCE    DU   17   FÉVRIER   1887. 

de  testicules.  Le  malade  ne  sait  pas  dire  si,  lorsqu*ilse  mas- 
turbe, il  sort  du  liquide  par  le  méat.  Toutefois,  on  a  trouvé 
dans  son  lit  des  taches  dont  Taspect  rappelait  les  taches  sper- 
matiques. 

Ajoutons  enfin  que  cet  individu,  hormis  ses  organes  géni- 
taux, possède  les  attributs  du  sexe  masculin.  Toutefois,  sa 
voix  est  flûtée,  sa  taille,  petite,  atteint  à  peine  i",44,  son 
bassin  est  un  peu  large  :  la  distance,  en  efl'et,  entre  les  deux 
épines  iliaques  antéro-supérieures  est  de  24  centimètres;  le 
diamètre  transversal  au  détroit  supérieur  est  de  23  centi- 
mètres et  demi  ;  la  circonférence  au  niveau  du  bord  supérieur 
des  os  coxaux  mesure  82  centimètres,  et  le  diamètre  antéro- 
postérieur  de  la  région  sacro-lombaire  à  la  partie  supérieure 
de  la  symphyse  pubienne  est  de  22  centimètres  ;  les  seins 
sont  un  peu  gros,  mais  ni  Taréole  ni  le  mamelon  n*offrent 
rien  de  particulier  (fîg.  4). 

Nous  avons  vu,  chez  ce  malade,  le  développement  brusque 
et  la  cessation  rapide  d'un  accès  délirant  polymorphe  ;  tout 
à  coup  des  idées  mélancoliques,  mystiques,  ambitieuses,  des 
idées  de  persécution  se  sont  montrées,  s*enchevôtrant  sans 
ordre  et  donnant  lieu  en  peu  de  temps  aux  manifestations 
les  plus  variées. 

Nous  devons  encore  relever  chez  ce  sujet  Taberration 
sexuelle  qui  le  poussait  à  rechercher  plus  volontiers  le  com- 
merce de  son  patron  que  les  caresses  des  femmes.  Cette  ten- 
dance à  Tinversion  du  sens  génital  est  assez  rare  chez  les 
pseudo-hermaphrodites  mâles,  qui  se  font  au  contraire  re- 
marquer par  Tattrait  qu'ils  éprouvent  pour  les  relations 
féminines  ;  c'est  même  pour  eux  une  sorte  de  révélation  ;  se 
croyant  femmes,  ils  s'étonnent  eux-mêmes  de  leur  inclina- 
tion pour  les  femmes,  et,  dans  quelques  cas,  ils  sont  ainsi 
portés  à  douter  de  leur  sexe  et  à  se  soumettre  à  l'examen  qui 
vient  les  éclairer. 

Dans  le  cas  de  M.  Magitot*,  le  sujet  marié  comme  femme  a 

*  Magitot.  Nouveau  cas  d'hermaphrodisme  {Bull,  Soc.  d*anfhtop.,  2  juin 


MAGNAN. —  CONFORMATION  VICIEUSE  DES  ORGANES  GÉNITAUX.    103 

loujoars  recherché  les  relations  féminines  et,  à  la  mort  de 
son  mari,  il  a  continué  à  avoir  des  maîtresses.  Dans  la  dis- 
cussion qui  a  suivi  cette  communication,  M.  Mathias  Duval  a 
fait  observer  qu*il  n'y  avait  jamais  d'hermaphrodisme  pro- 
prement dit,  et  dans  ce  cas  le  sujet  du  sexe  masculin  était 
un  homme  par  ses  organes  internes  et  un  embryon  par  ses 
organes  génitaux  externes  arrêtés  dans  leur  évolution. 

Pour  nous  rendre  mieux  compte  de  la  conformation  et  des 
rapports  des  différentes  parties  constituantes  des  organes  gé- 
nitaux dans  Thypospadi&s  périnéal,  nous  rappellerons  le  fait 
fort  instructif  publié  par  M.  Goujon  ^  L*examen  anatomique 
permet  de  constater  la  présence  dans  leur  position  habi* 
tuelle  des  deux  glandes  séminales,  en  arrière  de  la  vessie  ; 
d'autre  part,  les  deux  conduits  éjaculateurs  viennent  débou- 
cher près  du  bord  antérieur  du  pseudo-vagin  (utricule  pros- 
tatique). Cette  disposition  rappelle  Tétat  normal,  c'est-à-dire 
les  rapports  de  Tutricule  prostatique  avec  Tembouchure  des 
conduits  éjaculateurs. 

Sur  le  sujet  de  M.  Goujon,  le  pseudo-vagin,  qui  mesure 
6  centimètres  et  demi,  était  beaucoup  plus  court  que  chez 
notre  malade  ;  mais  il  était  plus  large,  puisqu'il  pouvait  re- 
cevoir le  doigt  indicateur.  Chez  lui,  l'un  des  testicules  était 
logé  dans  la  lèvre  droite,  tandis  que  G...  (Marins)  est  cryptor- 
chide.  La  verge  rudimentaire,  le  méat  et  les  replis  cutanés 
qui  simulent  les  grandes  lèvres  offrent  dans  les  deux  cas  la 
même  disposition. 

Discussion. 

M.  Sanson.  L'un  des  sujets  qui  viennent  de  nous  être  pré- 
sentés est  un  dégénéré,  et  il  est  issu  de  parents  consanguins. 
11  nous  fournit  un  exemple  excellent  pour  éclaircir  la  question 
soulevée  au  commencement  de  la  séance.  Il  faut  remarquer 

J881).  Voir  Brouardel,  Des  empêchements  au  mariage  et  de  l'hermaphro' 
disme  en  particulier  {Gazette  des  hôpitaux^  n^*  1  et  8,  jaov.  1887). 

'  GoujoD,  Elude  d'un  cas  d hermaphrodisme  bisexuel  imparfait  chez 
l'homme,  avec  2  planches  {Joum.  anat.  et  physiol.  de  Robin,  novembre  et 
décembre  1869). 


i04  SÉANCE  DU   17   FÉVRIER    1887. 

que  ses  parents  n*étaient  saios  ni  Ton  ni  Tautre.  Il  est  évident 
qu*en  pareil  cas  l'hérédité  pathologique  est  presque  fatale. 
On  n'a  pas  à  accuser  ici  la  consanguinité,  mais  simplement 
l'hérédité.  La  consanguinité  n  a  agi  qu*en  rendant  l'hérédité 
infaillible,  comme  c'est  toujours  son  cas^  en  bien  comme  en 
mal.  Avant  de  demander  au  nom  de  Thygiène  à  la  législation 
de  proscrire  les  unions  consanguines,  il  faudrait  savoir  si 
ces  unions  donnent  lieu  à  plus  d'accidents  fâcheux  que  les 
mariages  non  consanguins.  Or,  c'est  ce  que  Ton  n'a  pu 
éclaircir  jusqu'à  présent,  les  documents  statistiques  nous 
faisant  pour  cela  complètement  défaut. 

M.  DE  Ranse  fait  observer  que  M.  Sanson  est,  au  fond,  du 
même  avis  que  lui.  Puisqu'il  y  a  plus  de  chances  pour  que 
deux  époux  consanguins  apportent  des  influences  morbides 
identiques,  il  est  plus  sage  de  proscrire  leur  union. 

M.  Sanson.  Non,  parce  que  la  consanguinité  des  unions 
comporte  des  chances  heureuses,  autant  et  peut-être  plus  que 
de  mauvaises. 

CO,MMUMCAT10NS. 

Qnelqaes  e»aoldlératloiis  sar  révolaiioa  pkylog^afqwe 
des  kéaii«|ihéres  eérébraox  de  Tlioiitaie  ; 

PAR   M.    L8   DOCTBUR    FAUVELLB. 

Personne  ne  l'ignore,  les  propriétés  caractéristiques  des 
éléments  anatomiqnes  des  hémisphères  cérébraux  sont,  d'une 
part,  la  possibilité  d'être  impressionnés  d'une  manière  plus 
ou  moins  durable  par  les  excitations  périphériques,  et  do 
l'autre,  le  pouvoir  de  faire  contracter  volontairement  la 
substance  musculaire  avec  plus  ou  moins  d'énergie.  Sensibi- 
lité memor  et  volonté  sont  donc  les  caractères  spéciaux  qui 
distinguent  l'appareil  cérébral  de  la  moelle  épinière  et  des 
ganglions  viscéraux.  Ceux-ci  sont  également  excitables  et 
susceptibles  de  faire  contracter  les  éléments  musculaires  ; 
lAais  les  excitations  n'y  laissent  aucune  trace  appréciable, 
les  contractions  qu'ils  produisent  sont  involontaires  et  leur 


FAUVELLE.  —  ÉVOLUTION  DES  HÉMISPHÈRES  CÉRÉBRAUX.     105 

énergie  ne  dépend  que  de  Ténergie  de  Tezcitation.  Enfin  ces 
deux  derniers  appareils  diffèrent  entre  eux  en  ce  que  Tun 
est  en  relation  avec  le  monde  extérieur,  tandis  que  Tautre 
est  le  siège  des  excitations  et  des  mouvements  internes. 

L'embryogénie  nous  apprend  que  le  système  nerveux  dans 
son  ensemble  est  contenu  d'abord  implicitement  dans  Tœuf 
et  dans  les  cellules  qui  procèdent  directement  de  sa  seg- 
mentation. C'est  seulement  lorsque  les  trois  feuillets  du  blas- 
toderme sont  constitués,  que  les  cellules  de  la  substance 
nerveuse  se  différencient  de  l'ectoderme  sous  forme  d'une 
gouttière,  puis  d'un  tube  qui  n'est  autre  que  la  moelle  épi* 
nière. 

Avant  que  celle-ci  ne  s'isole  complètement  du  feuillet 
externe,  il  naît  de  la  lame  médullaire  qui  l'y  rattache, 
comme  l'a  démontré  M.  Mathias  Duval,  d'autres  éléments 
qui  vont  former  les  ganglions  des  racines  spinales  sensitives 
et  consécutivement  tous  les  ganglions  splanchniques. 

Quant  aux  hémisphères  cérébraux,  ils  n'apparaissent 
qu'un  peu  plus  tard  sous  forme  de  deux  sphères  qui  procè- 
dent du  renflement  terminal  du  tube  médullaire.  Ainsi  la 
moelle  est  le  centre  nerveux  par  excellence;  c'est  lui  qui 
concentre  d'abord  toutes  les  propriétés  du  système. 

Cette  première  partie  de  l'évolution  ontogénique  du  sys- 
tème nerveux  de  l'homme  a-t-elle  son  pendant  dans  la  série 
phylogénique  dont  il  procède  ?  C'est  ce  que  nous  allons 
examiner. 

La  paléontologie,  qui  d'une  manière  générale  nous  a 
fourni  des  renseignements  précieux  sur  l'origine  des  espèces 
animales  et  végétales,  nous  apprend  peu  de  chose  à  ce  sujet, 
puisqu'elle  ne  nous  a  conservé  que  les  parties  solides  des 
êtres  anciens.  Les  premiers  vertébrés  qui  apparaissent  à  la 
fin  du  silurien,  sont  des  poissons  dépourvus  de  squelette 
interne,  mais  qui  étaient  protégés  par  des  plaques  osseuses 
formant  cuirasse  autour  de  la  tète  et  du  tronc  ;  des  écailles 
plus  petites  couvraient  la  partie  postérieure  du  corps.  Cette 
espèce  de  carapace  a  fait  supposer  à  certains  paléonlologis- 


106  SÉANCE  DU  17  FÉVRIER  1887. 

tes  qu'il  existait  des  liens  de  parenté  entre  ces  poissons  et 
.les  crustacés.  Peut-être  est-ce  à  ce  moment  que  s'est  fait  le 
passage  entre  les  deux  grands  embranchements  du  règne 
animal.  Mais  il  serait  téméraire  d'être  affirmatif  à  ce  sujets 
sans  baser  son  opinion  sur  autre  chose  que  de  simples  appa- 
rences. En  effet,  on  aurait  tort  de  regarder  comme  un  lien 
de  parenté  directe,  la  ressemblance  extérieure  qui  existe 
entre  la  coquille  de  certains  foraminifères  et  celles  des  am- 
monites ou  des  gastéropodes.  Nous  verrons  plus  loiil  s'il  est 
possible  d'étayer  sur  des  bases  plus  solides  l'opinion  des  pa- 
léontologistes. 

Nous  sommes  donc  réduits  à  porter  nos  recherches  sur 
les  animaux  actuels  qui,  bien  que  ne  figurant  pas  dans  la 
généalogie  directe  de  l'homme,  ont  conservé  dans  la  suite 
des  âges  certains  caractères  primitifs,  remontant  aux  ancê- 
tres communs  qui  ont  disparu  soit  par  extinction,  soit  par 
transformation  de  l'espèce. 

L'individu  monocellulaire,  tel  que  l'amibe,  présente  à  un 
certain  degré  ^toutes  les  propriétés  des  animaux  supérieurs 
et  spécialement  la  sensibilité  memor  et  la  motilitô  volontaire. 
Observé  dans  le  champ  du  microscope,  on  le  voit  développer 
ses  pseudopodes  spontanément,  soit  pour  progresser,  soit 
pour  attirer  dans  l'intérieur  du  sarcode  les  particules  alibiles 
qui  nagent  dans  le  milieu  ambiant.  Il  fait  circuler  ces  petits 
corps  dans  sa  masse  protoplasmique  ;  ils  y  sont  digérés,  et 
les  parties  non  assimilables  sont  rejetées  au  dehors.  Si,  lors- 
que les  pseudopodes  sont  en  fonction,  une  substance  étran- 
gère liquide  ou  solide  vient  à  les  impressionner  péniblement, 
on  voit  l'amibe  les  rétracter  successivement  et  les  réintégrer 
dans  la  masse  centrale,  pour  reprendre  plus  tard  son  travail 
lorsque  le  danger  sera  passé.  Les  éléments  digestifs,  muscu- 
laires et  nerveux  se  trouvent  donc  confondus  dans  le  proto- 
plasma, sans  doute  dans  un  certain  ordre  qui  a  échappé 
jusqu'ici  à  nos  investigations. 

C'est  dans  la  classe  des  Cœlentérés  que  Ton  voit  successi- 
vement se  différencier  tous  ces  éléments.  Entre  l'ectoderme 


FAUYELLE.  —  ÉVOLUTION  DES  HÉMISPHÈRES  CÉRÉBRAUX.    107 

chargé  des  relations  extérieures  et  rentoderme  auquel  est 
confiée  la  digestion  des  aliments,  on  voit  d'abord  apparaître 
la  cellule  musculaire,  que  suit  un  filet  conducteur  sorti  des 
cellules  de  Tectoderme  et  qui  la  fait  contracter.  Dans  des 
familles  d*un  ordre  plus  élevé,  les  éléments  nerveux  sUsolent; 
d'abord  dispersés  entre  les  cellules  de  Tectoderme,  ils  finis- 
sent chez  les  méduses  par  se  réunir  en  anneau  autour  de 
Torifice  de  la  cavité^  centrale.  Cet  anneau  se  retrouve  dans  la 
même  situation  chez  les  échinodermes. 

Les  cellules  nerveuses  ne  commencent  à  se  grouper  en 
ganglions  que  chez  les  vers.  Les  plus  inférieurs  en  présentent 
un  seul,  simple  ou  scindé,  dans  le  voisinage  delà  bouche.  La 
trochosphère,  ou  larve  de  chétopode  de  Loven,  paraît  en 
être  le  type.  Les  annélides,  qui  ne  sont  qu'une  succession  de 
trochosphères,  ont  deux  ganglions  à  chaque  anneau  ;  mais 
jusqu'ici,  bien  que  le  ganglion  céphalique  paraisse  avoir  une 
cei*taine  prépondérance,  sans  doute  à  cause  des  organes  des 
sens  qu'il  anime,  on  ne  trouve  aucune  différenciation  entre 
les  centres  nerveux.  La  chaîne  ganglionnaire  tout  entière 
paraît  douée  de  sensibilité  consciente  et  de  volonté^  en  même 
temps  qu'elle  préside  aux  fonctions  de  la  vie  végétative. 
Cependant  les  hirudinées  possèdent,  parallèlement  au  sys- 
tème nerveux  central,  un  grand  sympathique  bien  déterminé. 

Cette  première  différenciation  est  à  peu  près  constante 
dans  les  arthropodes.  Chez  les  insectes  dont  les  éléments 
anatomiques,  malgré  leur  petit  nombre,  présentent  une 
grande  perfection,  on  admet  que  le  ganglion  sus-œsophagien, 
volumineux  et  d'une  structure  compliquée,  est  le  siège  de  la 
volonté  et  de  l'intelligence.  Mais  il  ne  paraît  pas  bien  démon- 
tré que  les  masses  nerveuses  de  la  chaîne  thoraco-abdominale 
soient  absolument  dénuées  de  sensibilité  tactile  et  de  voli- 
tions  indépendantes.  En  tous  cas,  la  spéciaUsation  du  gan* 
glion  cérébroïde  n'a  lieu  que  chez  l'adulte^  car  la  larve  offre 
généralement  tous  les  caractères  des  annélides,  et  il  ne  peut 
être  comparé  à  nos  hémisphères,  mais  seulement  à  la  vési- 
cule cérébrale  antérieure  qui  leur  donne  naissance. 


i08  SÉANCE  DU  17  FÉVRIER  1887. 

Voyons  maintenant  comment  a  Heu  le  passage  des  articulés 
aux  vertébrés.  L'insecte  présente  une  inversion  complète  des 
organes  :  le  vaisseau  cardiaque  est  dorsal  ;  puis  vient  le  tube 
digestif,  au-dessous  duquel  on  trouve  la  double  chaîne  des 
ganglions;  leur  moitié  dorsale  fournit  les  nerfs,  moteurs  et 
les  sensitifs  sortent  de  la  moitié  ventrale  ;  enfm  viennent  se 
placer  les  racines  des  membres.  On  le  voit,  la  seule  diffé- 
rence tient  à  la  position  de  la  bouche  ;  en  la  transportant  du 
côté  du  vaisseau  cardiaque,  on  obtient  immédiatement  un 
vertébré.  Or,  cette  transposition  a  lieu  par  le  fait  seul  du 
développement  de  Taxe  nerveux  central  ;  c'est  par  là  que  la 
question  se  rattache  à  mon  sujet. 

Chez  les  insectes,  comme  Kowalevski  Ta  démontré,  la 
gouttière  primitive,  formée  parTectoderme,  donne  naissance 
non  à  un  tube  nerveux,  mais  h  deux  cordons  réunis  à  leur 
extrémité  antérieure  par  ce  qui  deviendra  le  ganglion  sus- 
œsophagien.  Immédiatement  au-dessous  de  cette  commis- 
sure antérieure,  Tectoderme  s'invagine  et  va  s'ouvrir  dans 
rintestin  moyen  ;  la  bouche  est  constituée.  Chez  les  verté- 
brés, la  formation  d'un  tube  médullaire  continu  rend  cette 
invagination  impossible.  Néanmoins,  le  tube  digestif  a  tou- 
jours tendance  à  s'ouvrir  par-delà  Taxe  nerveux.  Il  part  de 
la  portion  pharyngienne  de  l'intestin  primitif  un  processus 
qui  vient  buter  contre  la  base  des  vésicules  cérébrales,  en 
avant  de  Textrémité  de  la  corde  dorsale.  Ce  processus  se 
trouve  bientôt  pincé  et  oblitéré  entre  le  sphénoïde  anté- 
rieur et  le  postérieur  par  le  développement  convergent  de 
leurs  cartilages,  sauf  à  son  extrémité,  qui  constituera  le 
corps  pituitaire ,  ou  hypophyse  ;  celui-ci  reste  là  comme 
témoin,  sans  remplir  aucune  fonction.  Cette  petite  masse 
épithéliale  intra-crânienne,  qui  a  tant  intrigué  les  physio- 
logistes, se  rencontre  chez  tous  les  vertébrés  craniotes  et 
manque  tout  naturellement  chez  les  acraniens,  puisque  c'est 
la  formation  de  la  base  du  crâne  qui  la  produit. 

Cette  hypothèse  du  mode  de  passage  des  articulés  aux 
vertébrés,  se  trouve  confirmée  par  les  belles  recherches  de 


FAL'VELLE.  —  ÉVOLUTION  DES  HÉMISPHÈRES  CÉRÉBRAUX.     i09 

Kowalevski  sur  le  développement  des  tuniciers.  En  effet,  sur 
des  figures  reproduites  par  Glaus  dans  sa  Zoologie  (p.  H 24, 
trad.  de  Moquin- Tandon,  fig.  958  et  959),  on  peut  voir  le 
processus  pharyngien  passer  graduellement  par-dessus  la 
vésicule  antérieure  du  tube  nerveux  de  la  larve  des  ascidies 
et  se  continuer  avec  l'invagination  buccale  de  Tectoderme 
dorsal.  Ainsi,  chez  ces  vertébrés  avortés,  la  brièveté  en 
avant  du  tube  nerveux  central  entraîne  la  persistance  de  la 
bouche  dorsale.  Chez  l'adulte,  cette  esquisse  du  vertébré 
s'efface  ;  la  vésicule  cérébrale  se  transforme  en  ganglion  et 
le  reste  dn  tube  médullaire  disparaît  ainsi  que  la  corde 
dorsale. 

Chez  tous  les  autres  animaux  dont  la  chaîne  ganglion^ 
naire  a  été  remplacée  par  un  axe  nerveux  continu,  le  proces- 
sus pharyngien  a  été  arrêté,  et  l'invagination  de  Tectoderme 
vers  l'intestin  antérieur  ayant  eu  lieu  en  avant,  la  bouche 
est  devenue  ventrale.  Ce  transfert  de  l'orifice  antérieur  du 
tube  digestif,  explique  tout  naturellement  là  disposition 
inverse  des  organes  splanchniques  chez  les  annélides  et  les 
articulés  d'une  part,  et  chez  les  vertébrés  de  l'autre.  C'est 
cette  même  transposition  qui  a  entraîné  le  changement  de 
direction  des  membres,  dont  les  attaches  au  lieu  d'être  ven- 
trales comme  chez  les  arthropodes,  sont  devenues  dorsales 
chez  les  vertébrés.  L'animal  s'est  simplement  retourné. 

En  somme,  l'apparition  des  vertébrés  a  pour  cause  le  dé- 
veloppement de  l'axe  nerveux  central,  dont  toutes  les  mas- 
ses ganglionnaires  se  sont  fusionnées  pour  former  une  co- 
lonne continue,  qui  se  trouve  enveloppée  par  les  cordons 
conducteurs  qui  unissent  les  centres  d'innervation  entre 
eux. 

n  n'y  a  donc  rien  d'impossible  à  ce  que  le  passage  ait  eu 
lieu  entre  les  crustacés  et  les  poissons  placodermes  durant 
le  silurien,  époque  où  abondaient  les  mérostomes,  dont  nos 
limules  sont  les  derniers  représentants  et  dont  le  Cephalaspis 
Lyelli  rappelle  si  bien  la  forme. 

L'amphioxus,  le  plus  inférieur  ou  mieux  le  plus  dégradé 


HO  SÉANCE   DU   17    FÉVRIEK   1887. 

des  vertébrés,  présente  la  moelle  épinière  dans  sa  ,plus 
grande  simplicité.  L'absence  d'organes  spéciaux  pour  la 
vision,  Touïe  et  l'odorat  a  fait  disparaître  tout  renflement 
cérébral  notable.  On  n'y  constate  aucune  différenciation 
entre  les  éléments  nerveux.  La  sensibilité  memor  et  la  moti- 
lité  volontaire  sont  réparties  dans  tout  l'axe  médullaire  qui 
préside  également  aux  fonctions  de  la  vie  végétative. 

Chez  les  cyclostomes,  qui  viennent  ensuite  dans  la  série 
ascendante,  la  présence  des  organes  des  sens  rend  à  la  par- 
tie antérieure  de  la  moelle  son  importance  naturelle.  Mais  il 
n'y  a  pas  encore  d'hémisphères  cérébraux,  pas  même  d'ap- 
pareil sympathique.  Toutes  les  propriétés  nerveuses  sont 
concentrées  dans  la  colonne  médullaire. 

Les  hémisphères  apparaissent  en  même  temps  que  la  chaîne 
des  ganglions  viscéraux  chez  les  poissons  osseux  et  cartila- 
gineux. Il  ne  s'ensuit  pas  pour  cela  que  la  mémoire  et  la 
volonté  aient  désormais  quitté  la  moelle  pour  se  localiser 
dans  les  vésicules  latérales  du  cerveau  antérieur.  En  effet, 
des  expériences  récentes  de  M.  Is.  Steiner,  d'Heidelberg, 
confirmées  il  y  a  quelques  mois  par  M.  Vulpian,  ont  montré 
que  des  carpes,  auxquelles  on  avait  enlevé  ces  vésicules,  ne 
présentaient  aucune  différence  tranchée  avec  d'autres  carpes 
restées  intactes. 

L'une  des  opérées  de  M.  Vulpian  a  survécu  six  mois.  «  Elle 
offrait,  dit  le  savant  physiologiste,  les  mêmes  allures  que  les 
carpes  saines,  les  mouvements  respiratoires  étaient  normaux. 
Elle  voyait  les  obstacles  et  savait  les  éviter  ;  elle  voyait  aussi 
les  aliments  qu'on  laissait  tomber  au  fond  de  l'eau,  allait  les 
saisir  et  les  avalait  facilement.  »  L'autopsie  démontra  que 
les  hémisphères  avaient  été  bien  exactement  enlevés,  sans 
aucune  lésion  des  parties  voisines,  et  qu'ils  ne  s'étaient  pas 
reproduits. 

Je  pense  néanmoins  qu'il  serait  prématuré  de  conclure  de 
ces  faits  à  l'inutilité  complète  de  ces  organes  chez  les  pois- 
sons osseux  ;  on  ne  connaît  pas  assez  l'état  mental  de  ces 
animaux  pour  oser  rien  affirmer.  11  y  aurait  intérêt,  je  pense, 


FAUYELLB.  —  ÉVOLUTION  DES  HÉMISPHÈRES  CÉRÉBRAUX.     IH 

à  faire  Tanatomie  microscopique  de  leurs  vésicules  céré- 
brales et  à  répéter  rexpérience  sur  des  poissons  cartilagi- 
neux, qui  présentent  des  caractères  d'élévation  incontestables 
et  qui  doivent  certainement  être  la  souche  des  vertébrés 
aériens. 

J'ajouterai,  toutefois,  que  d'autres  observations  du  même 
M.  Yulpian,  remontant  à  1854;  avaient  donné  lieu  à  des  con- 
clusions tout  à  fait  opposées^  et  qu'il  attribue  ces  résultats 
contradictoires  à  ce  qu'il  procède  aujourd'hui  à  l'occlusion 
hermétique  du  crâne  avant  de  remettre  l'animal  dans  son 
élément,  tandis  qu'en  J854  le  reste  de  l'encéphale  demeurait 
exposé  à  l'action  nocive  de  l'eau.  Ce  serait  donc  ce  reste  de 
l'encéphale  qui  serait  le  siège  de  la  fonction  cérébrale  chez 
ces  carpes. 

Si  la  différenciation  reste  douteuse  pour  les  poissons,  elle 
est  bien  définie  chez  tous  les  autres  vertébrés.  Sans  hémi- 
sphères cérébraux  il  n'y  a  pas  d'excitabilité  consciente,  quelle 
que  soit  la  surface  sensorielle  mise  en  jeu,  et  il  ne  se  pro- 
duit aucun  mouvement  volontaire  déterminé  par  des  sensa- 
tions anciennement  perçues  et  retenues.  Si  Texcitation  des 
nerfs  crâniens  sensitifs  produit  des  contractions  musculaires, 
elles  sont  purement  réflexes. 

Le  véritable  point  de  départ  de  l'évolution  phylogénique 
du  cerveau  de  l'homme  est  donc  l'apparition  de  cet  organe 
dans  la  classe  des  poissons.  Mais  pour  se  rendre  bien  compte 
du  développement  successif  qu'il  a  subi,  il  est  indispensable 
de  préciser  le  pouvoir  excito-moteur  de  la  moelle  et  de  son 
prolongement  encéphalique. 

Tous  les  physiologistes  sont  d'accord  pour  admettre  que 
l'excitation  de  tous  les  nerfs  sensitifs  est  susceptible  de  pro- 
duire des  mouvements  réflexes.  Déjeunes  chiens  et  de  jeunes 
chats  auxquels  Longet  avait  enlevé  les  hémisphères  céré- 
braux, exécutaient  des  mouvements  brusques  de  mastication 
et  faisaient  grimacer  leurs  lèvres,  lorsqu'on  versait  dans 
leur  gueule  une  décoction  concentrée  de  coloquinte.  Le 
même  expérimentateur  a  montré  que,  sur  des  pigeons  qui 


il2  SÉANCE  DU  n  FÉVRIER  1887. 

avaient  subi  la  même  mutilation,  la  lumière  et  le  bruit  exci<* 
talent  le  centre  médullaire.  Pour  Taudition^  ces  constatations 
ont  été  confirmées  par  M.  Yulpian  sur  des  rats.  Mai)s  pour 
obtenir  ces  résultats,  il  faut  des  excitations  d*une  certaine 
intensité.  Quand  on  compare  ces  animaux  mis  en  expérience 
aux  carpes  de  MM.  Steiner  et  Yulpian,  il  est  manifeste  que 
les  centres  de  perceptions  délicates  des  sens  spéciaux  ont 
subi  un  déplacement.  Il  n'en  est  pas  de  même  de  la  sensibi- 
lité générale.  Les  jeunes  chiens  de  Longet  se  grattaient  le 
nez,  lorsqu'on  en  approchait  de  Tammoniaque.  La  poule  de 
Flourens  qui  vécut  dix  mois  sans  cerveau  et  serait  morte  de 
faim  si  on  ne  Teût  empâtée,  secouait  la  tête,  agitait  ses  plu- 
mes et  s'épluchait  sous  Tinfluence  des  moindres  excitations 
de  la  peau. 

Par  ces  deux  derniers  exemples,  on  voit  que  les  mouve- 
ments qui  sont  sous  Tinfluence  de  la  moelle,  sont  nombreux 
et  présentent  une  coordination  souvent  très  compliquée.  La 
station,  la  marche,  le  saut,  le  vol,  la  natation  s'exécutent 
régulièrement  chez  les  oiseaux  privés  de  leurs  lobes  céré- 
braux, lorsqu'on  sollicite  ces  mouvements  par  des  excita- 
tions appropriées.  Il  en  est  de  même  chez  les  jeunes  chats 
pour  les  mouvements  de  défense,  d'après  les  expériences 
toutes  récentes  de  notre  collègue  Laborde.  Les  grenouilles 
décapitées  dirigent  leurs  pattes  postérieures  vers  l'anus  cau- 
térisé par  l'acide  azotique.  Après  l'ablation  de  toute  la  partie 
de  l'encéphale  située  en  avant  du  pont  de  Varole,  les  ani- 
maux pinces  énergiquement  poussent  des  cris  plaintifs.  Ce 
dernier  réflexe  a  pour  siège  la  protubérance. annulaire  dont 
on  a  voulu  faire  un  centre  émotif  ou  perceptif  des  impres- 
sions douloureuses,  sous  prétexte  que  les  cris  produits  par 
les  mêmes  excitations  perdent  après  son  ablation  leur  durée 
prolongée,  et  sont  brefs  et  comparables  à  ceux  qu'émettent 
certains  jouets  d'enfant.  Mais  maintenant  que,  grâce  aux 
travaux  de  M.  Mathias  Du  val,  on  sait  que  la  substance  grise 
de  la  protubérance  n'est  que  la  continuation  de  celle  de  la 
moelle  sans  interposition  de  nouveaux  éléments,  il  est  certain 


FAUVBLLS.  —  àtOLUnON  DBS  HÉMlSPHàRBfl  GÉRiBRAUX.     113 

que  les  plaintes,  si  prolongées  qu'elles  soient,  sont  de  purs 
réflexes.  Du  reste,  tous  les  animaux  et  Thomme  même  ont 
leurs  plaintes  et  cris  spéciaux  qui^  malgré  leur  expression 
déchirante,  sont  absolument  exempts  de  tout  calcul  voion- 
taire»  lorsqu'ils  répondent  à  des  excitations  proportionnelle- 
ment intenses. 

Les  notions  précises  que  Ton  possède  aujourd'hui  sur  la 
structure  de  la  moelle  et  du  mésocéphale  expliquent  parfai- 
«tement  la  production  de  ces  phénomènes  excito^moteurs  qui, 
chez  les  vertébrés  inférieurs  à  respiration  aérienne,  consti- 
tuent tous  les  phénomènes  de  la  vie  de  relation. 

Lé  cerveau  le  plus  simple  doit  donc  être  celui  dont  les  élé- 
ments sensitifs  et  volitifs  représentent,  comme  nombre  et 
relations,  les  éléments  excito-moteurs  de  la  moelle  et  de  son 
prolongement  encéphalique.  Ge  parallélisme  complet  existe- 
t-il  chez  les  amphibiens  et  les  reptiles  ?  Je  ne  connais  aucune 
expérience  qui  puisse  nous  éclairer  à  ce  sujet.  En  effet,  les 
réflexes  étudiés  chez  la  grenouille  Tont  été  après  la  décapi- 
tation et  non  après  Tablation  des  hémisphères.  Chez  les 
oiseaux  et  les  mammifères,  les  centres  visuels  et  auditifs 
paraissent  avoir  émigré  du  mésocéphale  dans  le  cerveau,  qui 
seul  perçoit  les  détails  fournis  par  la  vue  et  Touîe. 

Si  Faction  des  hémisphères  se  limitait  à  rendre  perçues  et 
retenues  les  excitations  médullaires  et  à  produire  volontaire- 
ment les  mouvements  réflexes,  ils  conserveraient  leur  sim- 
plicité primitive  et  leur  voluhie  serait  toujours  proportionnel 
à  celui  de  la  moelle.  Mais  il  n'en  est  rien  ;  ils  augmentent 
graduellement  de  dimensions  sans  que  Taxe  médullaire  suive 
la  même  progression,  pas  plus  que  les  nerfs  qui  en  émanent. 
Moelle  et  nerfs  restent  uniquement  proportionnels  à  reten- 
due des  surfaces  excitables,  au  nombre  et  au  volume  des 
muscles  à  faire  contracter. 

Cette  proportionnalité  s'explique  tout  naturellement.  En 
effet,  les  éléments  histologiques  ayant  sensiblement  les 
mêmes  dimensions,  même  chez  les  vertébrés  les  plus  volu- 
mineux^ on  conçoit,  par  exemple,  que  la  surface  considérable 

T.   X   (3«  9KIUR).  a 


lii  siAMGB  DU  47   FÉVRIBR  1887. 

da  la  rétine  du  bœuf  nécessite  un  nerf  optique  plus  gros  que 
celui  de  la  souris  ;  et,  oomme  chaque  cylindre-axe  correspond 
à  une  o^Uule  nerveuse,  celles-ci  doivent  être  beauooqp  plus 
nombreuses  chei  le  premier  que  ohez  la  seconde  ;  de  même 
pour  la  surface  cutanée,  de  même  aussi  pour  les  muscles. 
Ainsi  s*expliquent  les  renflements  de  la  moelle  au  niveau  des 
points  d'émergence  des  Qerfs  qui  vont  aux  membres.  Ces 
renflepients  disparaissent  chcK  les  serpents  qui  en  sont  dé* 
pourvus.  C'est  pour  la  même  raison  que  chez  la  tortue,  dont 
la  carapace  osseuse  a  entraîné  la  disparition  des  muscles  du 
tronc,  la  colonne  médullaire  se  trouve  réduite  pour  ainsi  dire, 
entre  les  deux  renflements,  aux  seuls  cordons  conducteurs. 
Le  volume  du  corps  influe  donc,  dans  de  certaines  propor- 
tions, sur  celui  des  hémisphères  cérébraux^  qui  avant  tout 
doivent  représenter  tous  les  éléments  de  la  moelle  qui  sont 
Taboutissant  des  nerfs  sensitifs  et  le  point  de  départ  des  nerfs 
moteurs. 

Mais  il  entre  dar)s  la  constitution  des  lobes  cérébraux  des 
cellules  nerveuses  qui  n'ont  pas  leurs  représentantes  dans  la 
moelle»  SU  en  était  autrement,  l'homme,  qui  sans  conteste 
PQSsède  les  hémisphères  les  plus  volumineux  par  rapport  à 
sa  taille,  aurait  aussi  la  plus  grosse  moelle  ;  ce  qui  n'a  pas 
lieu.  Cherchons  donc  quels  sont  les  facteurs  spéciaux  qui 
font  varier  le  volume  du  cerveau. 

Ce  sont  d'abord  les  cellules  sensitives  qui  permettent 
d'apprécier  les  détails  des  objets  qui  excitent  les  organes  des 
sens.  L'acuité  de  ces  derniers  ne  dépend  pas  en  effet  seule- 
ment de  leur  perfection  organique,  mais  du  nombre  de  cel- 
lules qui  peuvent  percevoir  les  impressions.  Ainsi,  nous 
avons  vu  que  la  moelle  n'était  excitable  que  par  un  bruit  ou 
une  lumière  intenses,  tandis  que  le  cerveau  peut  seul  perce- 
voir et  analyser  toute  espèce  d'ondulations  sonores,  toute 
espèce  de  vibrations  lumineuses.  Mais  quelles  différences 
nombreuses  et  variées  entre  les  animaux  à  ce  point  de  vue  ! 

Sans  parler  des  espèces  qui,  vivant  continuellement  dans 
Tobscurité,  ont  l'organe  de  la  vision  plus  ou  moins  atrophié^ 


FAUVELLE.  —.ÉVOLUTION  DBS   HÉMISPHÈRES  CÉRÉBRAUX.     ii5 

prenons  celles  chei  lesquelles  il  est  aassi  parfait  instrament, 
que  possible,  et  sur  la  rétine  desquelles  Timage  des  objets  se 
fait  d'une  manière  bien  nette.  Non  seulement  il  n^en  est  guère 
qui  en  perçoivent  tous  les  détails,  mais  il  n^en  est  peut-être 
pas  deux  qui  perçoivent  identiquement  Ips  mêmes  ;  de  niême 
pour  l'onle  et  l'odorat;  et  toutes  ces  différences  se  traduisent 
par  un  nombre  plus  ou  moins  considérable  d'éléments  ré- 
cepteurs qui  influent  sur  le  volume  du  cerveau.  Citons  quel- 
ques  exemples. 

Le  centre  auditif  des  oiseaux  chanteurs  doit  tenir  une  place 
plus  importante  que  celui  du  cygne  ou  de  tpute  autre  espèce 
plus  ou  moins  muette.  Deux  cerveaux  de  même  poids  appar- 
tenant à  un  oiseau  et  à  un  mammifère  tel  que  la  rat,  tous 
deux  de  môme  volume,  sont  absolument  dissemblables  quant 
à  leur  composition.  Dans  le  premier,  le  centre  visuel  occupe 
la  place  principale;  dans  le  second,  ce  sont  les  cellule»  qui 
correspondent  aux  terminaisons  nerveuses  des  surfaces  odo- 
rantes et  gustatives,  à  peine  représentées  cbea  l'oiseau.  En 
dehors  de  la  sensibilité  générale,  qui  a  ses  éléments  récep- 
teurs également  repiéscntés  dans  la  moelle  et  dans  le  cer- 
veau^ il  y  a  la  sensibililé  tactile  dont  les  cellules  réceptrices 
siègent  uniquement  dans  ce  dernier  et  doivent  y  tenir  une 
place  proportionnelle  aux  surfaces  réservées  au  touAer. 

Le  second  facteur  qui  doit  influer  d'une  manière  considé- 
rable sur  Tôtendne  de  la  surface  corticale  des  hémisphères^ 
c'est  le  nombre  des  cellules  motrices  volitives  qui  font  exé- 
cuter aifx  mêmes  muscles  des  mouvements  autres  que  ceux 
que  la  moelle  peut  produire  par  action  réflexe.  Tels  sont 
ceux  qui  concourent  à  la  préhension  des  aliments^  à  la  con- 
struction des  habitations^  aux  soins  à  donner  à  la  progéni- 
ture, au  chant  et  à  l'articulation  des  sons  autres  que  les  cris 
et  les  plaintes.  L'homme  est  sans  contredit  Tanimal  qui,  avec 
le  même  muscle  ou  le  même  groupe  do  muscles,  exépute  Ips 
mouvements  les  plus  variés  et  pour  les  motifs  les  plqs  diffé- 
rents ;  les  cellules  motrices  spéciales  doivent  donc  entrer 
pour  beaucoup  chez  lui  dans  la  masse  de  substance  grise  du 


116  SÉANCE  DU   17    FÉVRIER    1887. 

cerveau.  Mais  entre  lui  et  le  crocodile,  dont  tous  les  mouve^ 
ments  volontaires  paraissent  avoir  leurs  représentants  ré- 
flexes, il  y  a  une  foule  de  nuances  que  l'observation  physio- 
logique peut  constater  en  attendant  que  Tanatomie  micro- 
scopique vienne  les  préciser. 

Le  troisième  élément  qui  doit  faire  varier  le  volume  des 
lobes  cérébraux,  c*est  la  masse  plus  ou  moins  considérable 
des  cellules  idéophores.  Ces  cellules  ne  sont  pas  encore  ana- 
tomiquement  spécifiées  ;  mais  leur  existence  est  physioiogi- 
quement  démontrée.  En  effet,  on  perçoit  et  on  retient  les 
idées  comme  on  perçoit  et  on  retient  les  sensations  les  plus 
simples.  Cette  manifestation  physiologique  doit  donc  avoir 
son  siège  spécial,  qui  doit  être  intermédiaire  entre  les  cel- 
lules réceptrices  sensitives  et  les  cellules  motrices  volitives. 
Plus  rintelligence  est  élevée,  plus  cet  intermédiaire  a  d'im- 
portance. L'animal  qui  en  serait  privé  serait  celui  dont  le 
cerveau  serait  la  représentation  exacte  de  l'axe  médullaire. 
Les  sensations  perçues  et  retenues  détermineraient  directe- 
ment les  mouvements  volontaires,  sans  aucune  production 
d'idées.  L'anatomie  microscopique  pourra  seule  nous  appren- 
dre si  cet  animal  existe.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  certain  que, 
chez  tous  les  vertébrés  et  chez  l'homme  même,  bien  des  sen- 
sations simples  perçues  et  retenues  déterminent  directement 
des  mouvements  volontaires.  Une  sensation  vive,  quelle  qu'elle 
soit,  amène  immédiatement  un  mouvement  qui  peut  être  mo- 
déré ou  exagéré,  suivant  les  circonstances.  Le  commande- 
ment d'un  chef  de  troupe,  si  l'intonation  est  forte,  produit 
des  mouvements  d'ensemble,  sans  aucune  production  d'idée. 
C'est  peut-être  à  ces  espèces  de  réflexes  conscients  que  Ton 
a  donné  le  nom  d'instincts^  si  toutefois  on  peut  donner  une 
explication  d'un  mot  aussi  mal  défini  et  sous  la  rubrique 
duquel  on  a  trouvé  commode  d'entasser  une  foule  de  faits 
physiologiquement  inexpliqués.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  est 
certain  que^  plus  les  idées  sont  nombreuses  et  compliquées, 
plus  le  volume  de  l'écorce  cérébrale  augmente. 

Ce  qui  précède  nous  montre  quelle  lumière  jetterait  sur  la 


FAUVËLLE.  —  ÉVOLUTION  DBS   HÉMISPHÈRES  CÉRÉBRAUX.     Ht 

phyldgénie  une  étude  de  l'anaiomie  microscopique  comparée 
du  cerveau  des  vertébrés  en  général  ;  mais  cette  étude  n'est 
même  pas  encore  ébauchée.  En  son  absence,  voyons  si  le 
développement  ontogénique  de  la  couche  grise  corticale  des 
hémisphères  nous  éclairera  sur  sa  phylogénie. 

D'après  des  recherches  récentes  (Vignal,  communication 
faite  à  l'Académie  des  sciences,  séance  du  7  juin  i886),  aussi- 
tôt la  formation  des  vésicules  cérébrales,  l'assise  primitive  de 
cellules  se  scinde  en  deux  :  l'interne,  épithéltale,  tapissera  la 
cavité  des  ventricules  latéraux  et  l'externe  formera  l'écorce 
grise  ;  c'est  entre  elles  que  se  développera  la  substance  blan- 
che, émanation  de  la  couche  externe. 

Vers  le  milieu  du  sixième  mois,  les  cellules  de  la  couche 
externe  se  différencient  et  forment  la  couche  des  grandes 
pyramides,  troisième  couche  de  Meynert.  Dans  le  courant  du 
septième  mois  apparaissent  les  cellules  nerveuses  de  la  qua- 
trième couche  ;  puis,  durant  le  huitième,  celles  de  la  deuxième 
et  de  la  cinquième.  Quant  à  la  première  couche,  formée,  d'a- 
près Exner,  de  tubes  fins  nerveux,  elle  commence  à  se  des- 
siner dès  la  sixième  semaine,  en  même  temps  que  la  substance 
blanche. 

A  la  naissance, les  cinq  couches  se  reconnaissent  aisément, 
bien  que  la  plupart  des  cellules  soient  loin  de  présenter  l'as- 
pect qu'elles  auront  à  l'état  adulte.  Ajoutons,  pour  être  com- 
plet, que  les  cellules  de  la  névroglie  ne  se  montrent  qu'au 
huitième  mois.  Enfin,  lorsque  tonte  cette  organisation  se 
produit,  il  y  a  longtemps  que  toutes  les  cellules  de  la  moelle 
se  sont  différenciées,  particularité  que  la  phylogénie  nous 
faisait  prévoir. 

Si  rien  n'est  venu  troubler  le  parallélisme  entre  la  phylo- 
génie et  l'ontogénie,  la  troisième  couche,  qui  apparaît  la 
première  et  de  laquelle,  comme  on  le  sait,  partent  tous  les 
cylindres-axes  destinés  aux  communications  avec  la  péri- 
phérie, représenterait  les  vésicules  cérébrales  simples  des 
vertébrés  inférieurs.  Tous  les  perfectionnements  qui  se  sont 
successivement  produits  dans  la  série  des  âges  seraient  indi- 


118  SÉANCE  DU  47  FÉVRIER  1887. 

qués  par  Tapparition  successive  de  nouveaux  éléments^  soit 
par  superposition,  soit  par  intercalation,  dans  l'ordre  repro- 
duit plus  haut.  C'est  parmi  eux  que  Ton  trouvera  les  cellules 
idéophores,  plutôt  par  couche  que  par  groupes  intercalaires, 
puisque  les  impressions  qu'elles  reçoivent  procèdent  de  toutes 
les  cellules  sensitives  et  que  les  mouvements  qu'elles  déter- 
minent peuvent  ôtre  exécutés  par  toutes  les  cellules  voli- 
tives» 

L'anatomie  microscopique  comparée  des  hémisphères  pré- 
sente donc,  pour  nous  anthropologistes,  un  intérêt  capital, 
et  nous  devons  exprimer  le  vœu  que  notre  laboratoire  entre 
dans  cette  voie  féconde.  C'est  par  là  que  nous  arriverons  à 
démontrer  que  l'intelligence  est  bien  du  ressort  de  la  phy- 
siologie et  que  tious  rétrécirons  de  plus  en  plus  le  domaine 
de  la  philosophie,  c'est-à-dire  celui  de  l'ignorance  et  de 
Terreur. 

En  attendant  cet  heureux  résultat,  il  me  semble  que,  le 
mécanisme  de  Tintelligence  bien  compris,  il  serait  possible 
de  remonter  à  l'origine  phylogénique  du  cerveau  de  l'homme, 
en  observant  méthodiquement  les  phénomènes  intellectuels, 
d'abord  de  l'homme  civilisé,  puis  des  races  inférieures  et 
ensuite  des  primates,  depuis  les  anthropoïdes  jusqu'aux  lé- 
muriens. On  pourrait  ainsi  constater  physlologiqucment  les 
additions  successives  de  groupes  de  cellules  sensitives,  voli- 
tives  et  idéophores. 

Malheureusement  l'étude  de  l'intelligence  n'a  jamais  été 
faite  avec  méthode  par  les  biologistes,  et  les  règles  à  suivre 
sont  encore  à  spécifier.  C'est  pour  combler  cette  lacune  que, 
l'an  dernier,  j'avais  sollicité  la  nomination  d'une  commission 
qui  formulerait  les  instructions  nécessaires  pour  guider  les 
observateurs  et  faire  ooneourir  leurs  efforts  vers  le  but  prin- 
cipal de  Tanthropologie* 


FAUVELLE.  —  QU^EST-CË  QUE  LA  PSYCHOLOGIE  PHYSIOLOGIQUE  ?     I  f9 
||«'eBl««e  «ne  lups/akologle  pkyslologiqvo  t 

PAR  LE  DOCTEUR    FAUVfeLLB. 

Comme  concluBion  de  l'exposé  qui  précède,  et  en  général 
de  toutes  les  communications  que  j*ai  eu  Thonneur  de  faire 
à  la  Société  sur  la  fonction  cérébrale^  il  me  paraît  nécessaire 
de  rechercher  la  ^véritable  signification  du  mot  nouveau  : 
psychologie  physiologique^  qui  jouit  actuellement  d'une  cer- 
taine vogue,  et  d'apprécier  à  sa  juste  valeur  la  chose  qu'il 
représente. 

Les  biologistes  donnent  le  nom  de  physiologie  à  la  connais- 
sance des  manifestations  de  l'énergie  sur  les  éléments  cellu* 
laires  qui  constituent  les  végétaux  et  les  animaux. 

La  psychologie  signifie  la  connaissance  de  rame»  mot  in- 
venté pour  désigner  un  principe  plus  ou  moins  subtil,  dont 
la  manifestation  serait  l'intelligence ,  abstraction  faite  de 
toute  substance  matérielle»  Qette  conception,  comme  toutes 
celles  que  les  philosophes  ont  jetées  dans  le  monde,  est  le 
résultat  d'une  conjecture  absolument  arbitraire.  Néanmoins^ 
ils  l'ont  admise  comme  un  principe  indiscutable  auquel  on 
doit  rattacher  tous  les  phénomènes  intellectuels* 

De  ces  deux  mots,  l'un  représente  donc  la  méthode  des 
inductions  basée  sur  l'observation  et  l'expérimentation,  l'autre 
la  méthode  des  déductions,  qui  part  de  principes  réputés 
vrais,  mais  dont  la  démonstration  n'a  pu  être  faite.  Gomment 
est- on  arrivé  à  rapprocher  deux  mots  qui  hurlent  d'ôtre 
accouplés  ensemble?  C'est  ce  que  nous  allons  d'abord  exa* 
miner. 

Les  recherches  biologiques  modernes  ont  démontré  que 
rinteliigence  avait  pour  siège  le  cerveau,  tout  au  moins  ehez 
l'homme  et  les  animaux  supérieurs.  Cette  vérité  incontestable 
ne  permettait  plus  d'isoler  Vkme  du  corps  et  la  rattachait 
forcément  aux  hémisphères  cérébraux.  Les  spirituaiistes 
contemporains  ont  en  conséquence  décidé  que  le  oervean 
devait  être  considéré  comme  le  siège  momentané  de  Vktne, 


120  SÉANCE  DU  il   FÉVRIER  1887. 

qui  s'en  sert  durant  la  vie  pour  se  manifester  extérieurement. 

Mais  cette  union  vague  et  indéterminée  n'expliquait  pas 
les  phénomènes  physiologiques  dont  cet  organe  est  le  siège 
et  qui  se  rattachent  manifestement  à  Tintelligence.  D'autres 
philosophes  crurent  alors  devoir  revenir  à  l'antique  animisme, 
qui  attribuait  à  Tinfluence  de  Tâme  le  développement  du 
corps  et  toutes  les  manifestations  vitales  dont  il  est  le  siège. 
Anima  fingit  corpus^  a  dit  saint  Thomas  d'Aquin.  Sans  se 
préoccuper  du  devenir  de  cette  âme  après  la  mort,  ils  en 
firent  la  propriété  du  cerveau  et,  d'une  manière  plus  générale, 
celle  du  système  nerveux  tout  entier.  Puis,  pour  masquer  ce 
retour  à  de  vieilles  doctrines  absolument  démodées,  ils  eu- 
rent recours  à  un  mot  nouveau,  la  psychologie  physiologique 
fut  inventée,  et  tous  les  phénomènes  cérébraux  furent  qua- 
lifiés de  psychiques.  C'est  ainsi  que  nous  avons  maintenant 
des  phénomènes  psycho-sensitifs,  psycho-moteurs,  etc. 

Cette  espèce  de  rhabillage  de  l'animisme,  qui  n'exclut  pas 
la  vie  future,  avait  ceci  d'avantageux  qu'il  ne  mettait  pas  la 
nouvelle  philosophie  en  opposition  avec  les  religions,  aux- 
quelles on  ne  croit  plus  guère,  mais  qu'il  est  encore  utile  de 
ne  pas  répudier.  En  outre,  elle  avait  chance  d'être  acceptée 
par  des  matérialistes  peu  avisés. 

Entrons  dans  quelques  détails  sur  cette  adaptation  des 
vieilles  doctrines  aux  découvertes  modernes  sur  les  fonctions 
du  système'  nerveux. 

On  a  accepté  d'emblée  toute  la  physiologie  des  organes 
des  sens  et  celle  des  appareils  médullaires  et  ganglionnaires; 
mais  on  s'est  bien  gardé  de  s'expliquer  sur  la  force  nerveuse, 
cette  forme  particulière  de  l'énergie  que  l'oxygène  développe 
par  son  action  chimique  sur  les  molécules  de  certains  maté- 
riaux des  cellules  de  la  substance  grise  ;  c'eût  été  enlever  à 
l'âme  sa  raison  d'être.  On  a  ensuite  accepté  sans  objection 
l'existence,  dans  l'écorce  des  hémisphères^  de  centres  de 
perceptions  sensorielles  et  de  volitions  motrices,  localisés  sur 
différents  points. 

Malheureusement,  la  carte  des  circonvolutions  cérébrales 


FAUVELLE.  —  OV'SST-GB  QUE  LA  PSITGHOLOGIB  PHT8I0L06IQUB  f  12f 

contient  encore  des  espaces  considérables  jusqu'alors  in«- 
oonnus.  C'est  dans,  ces  contrées  inexplorées  que  se  retranche 
la  psychologie.  Là,  à  Tabri  des  regards  indiscrets  des  obser- 
vateurs et  des  expérimentateurs,  elle  peut  se  livrer  aux 
écarts  de  son  imagination  fantaisisle.  Le  langage  reprend 
cette  obscurité  voulue,  qui  rappelle  les  beaux  temps  de  la 
scolastique.  Nous  voyons  revenir  Taperception  de  Leibnitz, 
la  fusion  associative,  la  synthèse  intensive  et  extensive,  les 
événements  internes,  l'activité  volontaire  interne,  etc.  Ce- 
pendant, les  facultés  de  Fàme  paraissent  avoir  diminué  de 
nombre;  en  dehors  de  la  mémoire  et  de  la  volonté,  on  ne 
cite  plus  guère  que  la  conscience,  Tattention  et  la  perception 
interne  ;  mais  on  laisse  entendre  que  chacune  forme  un  tout 
homogène  et  que  toutes  sont  absolument  indépendantes  du 
substratum. 

Pour  être  juste,  je  dois  ajouter  que  certains  psycho-phy- 
siologistes, spécialement  en  France,  reconnaissent  Texis- 
tence  de  plusieurs  mémoires  ;  ils  fractionnent  même  la 
conscience.  Mais  ces  divers  états  de  conscience,  comme  on 
dit,  sont  bien  vagues  et  ne  se  localisent  pas.  Quant  à  la  vo- 
lonté et  aux  autres  facultés,  elles  restent  entières  et  leur  étude 
est  un  mélange  incohérent  de  psychologie  et  de  physiologie, 
un  véritable  galimatias. 

Où  peut  mener  un  pareil  travail  ?  Absolument  à  rien.  Des 
tentatives  d'hybridation  entre  des  espèces  si  éloignées  ne 
peuvent  donner  aucun  produit  viable.  Ce  que  Ton  sait  au- 
jourd'hui de  positif  sur  la  fonction  cérébrale  est  dû  unique- 
ment à  la  physiologie.  L'intervention  de  la  psychologie  ne 
peut  que  paralyser  son  essor  et  lui  mettre  des  entraves,  en 
admettant  comme  connu  ce  qui  n'est  que  conjecturé  et  en 
rendant  toute  recherche  ultérieure  superflue. 

Voyons  maintenant  ce  que  peut  nous  apprendre  la  physio- 
logie réduite  à  ses  propres  forces.  Le  cerveau  est  un  organe, 
comme  tous  ceux  de  l'économie,  composé  d'éléments  histo- 
'  logiques  dont  l'action  combinée  produit  la  fonction.  L'impor- 
tant est  donc  de  bien  spécifier  ces  éléments,  de  préciser  leur» 


422  SÉANCE  DU  17  FÉVRIER  1887. 

relations,  en  un  mot,  d'en  faire  Tanatomie  microscopique^ 
pour  ensuite  en  rechercher  les  propriétés  particulières.  C'est 
ainsi  qu'on  a  procédé  pour  les  muscles,  les  glandes,  la  moelle 
épinière  et  les  ganglions  splanchniques. 

On  sait  aujourd'hui  d'une  manière  positivB  qu'il  y  a  dans 
l'écorce  cérébrale  des  éléments  récepteurs  des  impressions 
sensorielles,  et  que  ces  impressions  y  restent  flxées  pendant 
un  temps  plus  ou  moins  long.  On  sait  aussi  qu'il  y  a  des  cel- 
lules en  relations  plus  ou  moins  directes  avec  les  muscles  vo- 
lontaires et  susceptibles  de  les  faire  contracter  plus  ou  moins 
énergiquement.  On  a  trouvé,  en  effet,  deux  localisations 
sensitives,  celle  de  l'audition  des  mots  articulés  et  celle  de  la 
vue  des  mots  écrits,  et  deux  centres  moteurs  volontaires, 
celui  de  l'écriture  et  celui  de  l'articulation  des  mots.  Chez  les 
animaux,  l'expérimentation  a  permis  d'étendre  le  champ  de 
ces  localisations  ,  mais,  pour  l'homme,  il  faut  attendre  pa- 
tiemment le  progrès  de  l'observation  méthodique  de  toutes 
les  lésions  pathologiques  cérébrales,  jusqu'à  ce  quel'analo- 
mie  microscopique  soit  parvenue  à  cuivre  dans  toute  leur 
étendue  les  prolongements  des  cellules  nerveuses,. prolonge-, 
ments  par  lesquels  elles  sont  reliées  entre  elles  ou  avec  la 
périphérie. 

Ce  n'est  pas  tout,  les  sensations  perçues  et  retenues  déve- 
loppent par  leur  seule  présence  des  associations  et  des  com- 
paraisons d'où  résultent  des  sensations  complexes  auxquelles 
on  a  donné  le  nom  d'idées.  Ces  idées  persistent,  on  en  a  le 
souvenir,  môme  après  la  destruction  pathologique  des  cel- 
lules réceptrices  dont  les  impressions  leur  ont  donné  nais- 
sance, comme  on  l'a  constaté  dans  les  cas  de  surdité  verbale 
et  de  cécité  scripturale.  Elles  ont  donc  pour  siège  des  élé- 
ments anatomiques  particuliers. 

L'anatomie  microscopique  comparée  et  les  lésions  patho- 
logiques chez  l'homme  permettront  certainement  de  les 
spécifler  un  jour.  Tout  ce  que  l'on  peut  dire  aujourd'hui, 
c'est;  qu'ils  ne  doivent  pas  être  en  relation  directe  avec  la 
périphérie,  mais  seulement  avec  les  éléments  sensitifs.  Il  ne 


FAUVELLE.  — qu'est-ce  QUE  LA  PSTCflOLOOlE  PHYSIOLOGIQUE?   123 

faut  donc  pas  s*attendre  à  les  voir  groupés  en  des  points 
spéciaux  de  Técorce  cérébrale.  611  existe  des  groupements 
sensitifs  et  moteurs,  ils  sont  la  conséquence  forcée  de  la  di- 
rection commune  des  cylindres-axes  rers  un  organe  senso- 
riel ou  vers  tin  groupe  de  muscles  concourant  au  même 
mouvement.  On  comprend^  par  exemple,  que  les  cellules  en 
relation  avec  Toreille  soient  agglomél'ôes  dans  une  même 
région,  comme  aussi  les  cellules  motrices  qui  agissent  synel*- 
giqueiûent  sur  les  muscles  de  TarUculation  des  mots.  Mais 
pour  les  idées  qui  procèdent  en  même  temps  de  tous  les  or- 
ganes des  sens  et  déterminent  toute  espèce  de  mouvements 
volontaires^  Tagglomération  n*a  pas  sa  raison  d'être.  Elles 
doivent  plutôt  siéger  dans  une  des  couches  différenciées  de 
la  substance  grise  des  hémisphères. 

Ainsi,  la  fonction  cérébrale  se  réduit  à  trois  tet*mes  :  sensa- 
tions, idées  et  volitions,  qui  doivent  avoir  pour  siège  des  élé- 
ments histologlques  spéciaux. 

Sous  quelle  influence  cet  appareil  est-il  mis  en  action?  Les 
psychologues,  même  physiologistes,  ne  sont  pas  embarrassés 
pour  répondre  à  cette  question.  U  y  a  des  tnilliers  d'années 
que,  pour  eux,  la  solution  est  trouvée,  avant  même  que  Ton 
sût  qu'il  existât  un  cerveau.  Mais  leur  âme  ne  peut  nous  sa- 
tisfaire, voyons  ce  que  nous  apprennent  Tobservation  et 
l'expérimentation. 

L'action  cérébrale,  comme  toute  action  nerveuse,  ne  peut 
se  manifester  que  lorsque  Toxygène  de  l'air  arrive  librement 
au  contact  des  cellules  de  la  substance  grise  pour  y  exercer 
une  modification  chimique  particulière.  Srj  la  physique  nous 
apprend  que  chaque  fois  que  Toxygène  intervient  de  cette 
manière,  il  y  a  toujours  dégagement  d'énergie,  soit  mouve- 
ment, seit  chaleur,  soit  lumière,  soit  électricité.  Il  est  donc 
^  naturel  que,  par  son  intervention^  une  forcq  se  dégage  dans 
le  système  nerveux. 

Cette  force,  que  nous  appelons  influx  nerveux,  entre  en 
action  lors  de  Texoltation  de  l'extrémité  périphérique  des 
nerfs  sensitifs  et  se  manifeste  bous  forme  de  courants  quî^ 


124  SÉANCE   DU   M  FÉVRIER  4887.      , 

partis  des   points  excités,  aboutissent  aux  extrémités  des 
nerfs  moteurs  en  passant  par  les  cellules  centrales. 

Dans  la  moelle,  oii  les  courants  ont  été  bien  étudiés,  ceux- 
ci  ne  subissent  aucun  temps  d'arrêt  appréciable  en  passant 
des  cellules  réceptrices  aux  cellules  motrices,  il  n'en  est  pas 
de  même  dans  le  cerveau.  La  force  s'accumule  sur  les  pre- 
mières et  aussi  sur  les  cellules  à  idées,  pour  passer  plus 
tard,  si  elle  n*est  pas  épuisée,  aux  cellules  motrices  volitives. 

La  direction  des  courants  dans  la  moelle  est  constante,  s'é- 
tendant  d'autant  plus  loin  que  l'excitation  a  été  plus  intense, 
en  suivant  des  trajets  réguliers  que  Texpérimentation  a  pré- 
cisés et  dont  les  formules  portent  le  nom  de  lois  des  réflexes. 

Dans  le  cerveau,  les  parcours  de  la  force  nerveuse  sont 
peu  connus  et  doivent  varier  beaucoup,  suivant  les  cir- 
constances et  suivant  les  sujets,  c'est-à-dire  suivant  la  faci- 
lité des  communications  entre  les  divers  éléments. 

En  attendant  que  cette  partie  du  problème  ait  été  abordée 
résolument  par  les  physiologistes  non  psychologues,  on  peut 
dire  que,  contrairement  à  ce  qui  se  passe  dans  l'appareil 
médullaire,  plus  les  excitations  sont  vives,  plus  les  arcs  ner- 
veux sont  raccourcis  et  les  courants  rapides.  Lorsque  cette 
rapidité  atteint  son  maximum,  aucune  idée  ne  surgit  ou  n'est 
ravivée  ;  le  pouvoir  interrupteur  ou  d'arrêt  des  cellules  mo- 
trices  est  vaincu,  et  Ton  a  une  espèce  de  réflexe  cérébral. 
C'est  encore  une  sorte  de  réflexe  conscient  quialieu,  lorsque 
le  courant,  encore  intense,  ne  l'est  pas  assez  pour  empêcher 
les  cellules  motrices  de  distribuer  l'influx  aux  muscles  en  di- 
verses proportions  :  on  agit  sans  réflexion,  mais  non  plus 
automatiquement  comme  dans  le  premier  cas.  Le  même 
trajet  direct  entre  les  éléments  sensitifs  et  volitifs  a  lieu 
lorsqu'on  agit  sans  comprendre.  A  la  suite  des  sensations 
vives,  mais  à  un  moindre  degré,  le  courant  peut  parcourir  un  ^ 
certain  nombre  de  cellules  idéophores;  mais  souvent  alors  le 
trajet  ne  varie  pas,  les  mêmes  sensations  amenant  toujours 
les  mêmes  idées  et  les  mêmes  actes.  Des  excitations  modé- 
rées, suivies  de  courants  calmes  et  tranquilles,  permettent,  au 


FAUTELLB.— QU*E8T-GBQUB  LA  PSYGH0L06IB  PHYSIOLOGIQUE  Y  126 

contraire,  Télaboration  complète  des  sensations  :  une  foule 
d'idées  surgissent  et  sUmpriment.  Enfin,  si  l'excitation  est 
faible,  le  courant  s'épuise  sur  les  cellules  à  idées,  si  même  il 
les  atteint,  il  n'en  résulte  aucun  acte,  aucun  mouvement  vo- 
lontaire ou  autre. 

Ainsi,  entre  les  points  extrêmes  de  Tare  nerveux  on  peut, 
suivant  Tintensité  du  courant,  observer  la  fonction  cérébrale 
à  tous  ses  degrés,  depuis  le  simple  réflexe  conscient  jusqu'au 
travail  intellectuelle  plus  compliqué,  et  depuis  celui-ci  jus- 
qu'aux idées  et  aux  sensations  les  plus  fugaces  qui  ne  dé- 
terminent aucune  volition.  C'est  durant  ce  trajet  que,  pour 
employer  le  langage  des  psychologues,  se  produisent  les 
passions  ou  facultés  affectives  et  les  opérations  intellectuelles, 
jugement,  discernement,  raisonnement,  ces  facultés  dites 
intellectives. 

\i  Une  autre  particularité  des  courants  nerveux  dans  l'or- 
gane cérébral,  c'est  l'arrêt  qu'ils  peuvent  y  subir  sur  cer- 
tains éléments  récepteurs  ou  idéophores,  temps  d*arrêt  après 
lequel  ils  reprennent  leur  cours  naturel.  Une  ou  plusieurs 
sensations  perçues  la  veille,  peuvent  n'être  suivies  que  le 
lendemain  des  réflexions  et  des  actes  qu'elles  entraînent.  Si 
la  suspension  du  courant  est  trop  longue,  il  s'épuise  sur 
place  et  une  répétition  de  la  sensation  est  nécessaire,  mais 
alors  le  nouveau  courant  ne  suit  pas  exactement  le  même 
trajet  et  Tacte  peut  en  être  modiflé.  C'est  ce  que  chacun  a  pu 
observer  sur  soi-même  :  lorsqu'un  travail  intellectuel  a  été 
trop  longtemps  suspendu,  les  idées  changent  et  l'acte  termi-* 
nal  est  quelquefois  tout  autre  que  celui  prévu.  Ënfln,  le 
même  cerveau  peut  être  en  même  temps  le  siège  de  cou- 
rants plus  ou  moins  nombreux.  C'est  en  général  le  propre 
des  organisations  supérieures.  César  pouvait,  paraît-il, 
dicter  sept  lettres  en  même  temps.  Le  plus  souvent,  de  deux 
courants  simultanés,  le  plus  intense  absorbe  l'influx  nerveux 
aux  dépens  du  plus  faible,  qui  disparaît. 

Ce  schéma  purement  physiologique  de  la  fonction  céré- 
brale rend  parfaitement  compte  de  toutes  les  opérations  in- 


iSQ  sÉANCp  pu  n  F^y^m  iW' 

tellectuelles  quelles  qu'elles  aoieut.  Pour  le  comprenôre,  il 
suffit  d'avoir  une  notiou  bien  qette  de  Tidée.  C'est  }e  résultat 
de  plusieurs  sensations  agglomérée^  ou  oomi^arées.  Les  sen- 
satiops  de  nature  différente  relatives  à  uu  mênie  objet 
s^accumulent  sur  un  même  élément  idéophqre"  et  eu  fixent 
ridée  plus  ou  moins  pqmplôte.  Des  seusations  de  même  pâ- 
ture provenant  (l'objets  différents,  dopnent  lieu  h  des  coip- 
paraisons  dont  le  résultat  est  encore  une  idée  qui  se  fixe  de 
la  même  manière.  EnQn,  les  idées  elles-mèmas,  agglomérées 
ou  comparées,  donnent  paissanca  h  de  nouvelles  idées  plus 
complexes,  et  ainsi  de  suite,  suivant  la  richesse  du  cerveau 
en  éléments  susceptibles  de  les  fixer. 

Maintenant  que  nous  sommes  éclairés  par  les  lumières  de 
la  physiologie,  voyops  quelles  sont  la  valeur  et  la  significa- 
tion des  facultés  de  Tâme  des  psychologues. 

La  mémoire  n*est  autrp  pbose  que  Fimpressionnabilité  des 
cellules  récpptrices  et  idfSophores  par  les  courants  qui  ré- 
sultent des  excitations  sensorielles,  et  le  $QUvenir  est  con- 
stitué par  les  impressions  produites  et  persistantes.  Comme 
les  cellules  en  question  peuvept  être  plus  ou  moins  impres- 
sionnables par  groupes,  il  en  résulte  la  mémoire  des  mots, 
de  la  forme,  des  lieux,  des  idéeS;  etc. 

La  volonté  est  la  propriété  que  possèdent  les  cellules  céré- 
brales motrices,  d'arrêter  la  marche  des  courants  nerveux 
ou  de  les  laisser  passer  dans  des  proportions  diverses,  pour 
Texécution  d'actes  déterminés  par  les  sensations  et  les  idées 
qui  en  résultent.  H  y  a  naturellement  autant  de  volontés  que 
de  groupes  de  cellules  motrices.  Quant  à  cette  prétendue 
mémoire  dont  elles  seraient  le  siège  et  par  laquelle  on  veut 
expliquer  la  coordination  des  contractions  pour  la  produc- 
tion des  mouvements  complexes,  c'est,  suivant  moi,  une 
erreur  d'appréciation.  Cette  coordination  doit  être  bien  plu- 
tôt le  résultat  des  connexions  anatomiques  des  pellules  mo- 
trices synergiques.  Ep  tous  cas,  ce  serait  upe  mémoire 
inconsciente,  c'est-à-dire  un  non-sens.  Nous  n'avons  pas  la 
notion  des  contractions  qui  produisent  un  mouvement,  mais 


FAUVELLE.—  OU*B&T-CB  QfJB  h  PSYCHOIX)fiIl  PHYSIOLOGIQUE?   18T 

seulement  de  ce  mouvement  lui-même,  et  cela,  grâce  i  la 
sensibilité  générale  des  organes  déplacés.  Si  oette  sensibilité 
disparaît,  la  notion  fait  défaut  :  témoin  les  ataxiques,  qui  ne 
peuvent  exécuter  les  mouvements  avec  la  précision  voulue 
qu'en  s'aidant  du  sens  de  la  v]ie. 

J'ariive  à  la  conscience  ou  aux  états  de  conscience,  comme 
on  voudra.  Ce  n'est  et  ce  ne  peut  être  que  des  ensembles  de 
sensations  et  d'idées  perçues  actuellement  ou  dont  le  souve- 
nir est  encore  vivace.  Qe  n'est  donc  pas  la  propriété  d'élé- 
ments anatomiques  spéciaux  et  encore^  moins  une  entité 
quelconque. 

h' attention  est  également  un  résultat  et  non  pas  une  pro- 
priété spéciale  de  cellules  nerveuses.  Elle  est  produite  par  la 
tension  de  l'influx  nerveux  sur  Tappareil  cérébral  en  géné- 
ral, ou  sur  certains  points  de  cet  appareil,  ou  bien  encore 
par  de  certaines  sensations  ou  de  certains  souvenirs  causés 
par  des  excitations  vives  ou  fréquemment  répétées. 

Quant  à  la  prétendue  perception  inteime,  elle  consiste  sim- 
plement dans  le  souvenir  simultané  des  sensations  simples  et 
des  idées  dont  le  cerveau  est  meublé. 

En  résumé,  ce  qui  caractérise  la  fonction  cérébrale,  c'est  : 
4  <^rimpressionnabilité  durable  de  deux  de  ses  éléments  histolo- 
giques,  les  cellules  réceptrices  sensilives  que  Ton  connaît,  et 
les  cellules  idéophores  non  encore  déterminées  ;  2'  la  pro- 
priété départie  aux  cellules  motrices  d'arrêter  les  courants 
nerveux  ou  de  les  distribuer  dans  des  proportions  voulues 
aux  muscles  volontaires,  par  Tentremise  de  leurs  prolonge- 
ments ;  3*  l'agent  de  ces  diverses  fonctions,  Tinflux  nerveux, 
forme  spéciale  de  l'énergie  universelle,  dégagée  par  l'action 
chimique  de  l'oxygène  et  que  la  suppression  de  ce  gaz  fait 
disparaître  instantanément. 

C'est  à  cet  ensemble  que,  dans  leur  ignorance  fort  excu- 
sable d'ailleurs,  les  anciens  philosophes  ont  donné  le  nom 
d'âme.  Il  paraîtrait  tout  naturel  qu'on  renonçât  aujourd'hui 
à  cette  théorie  arriérée,  comme  on  a  renoncé  à  la  théorie  du 
phlogistique,  après  les  découvertes  de  Lavoisier  ;  mais  la 


128  SÉANCE  DU  il  FÉVRIBR  i887. 

conjecture  des  philosophes  est  devenue  la  base  de  la  plupart 
des  religions  du  jour,  il  faut  donc  s'attendre  à  ce  que  les  in- 
téressés opposent  une  résistance  désespérée.  Si  je  ne  me 
trompe,  l'invention  de  la  psychologie  physiologique  indique 
que  celle  résistance  est  sur  le  point  de  mollir.  Que  les  phy- 
siologistes redoublent  donc  d'efforts  pour  éclairer  les  points 
encore  obscurs.  Surtout,  qu'ils  évitent  l'emploi  de  ces 
épithètes  qui,  rappelant  par  leur  étymologie  Tentité  con- 
jecturale qui  fait  l'objet  des  dissertations  des  psychologues^ 
semblent  leur  réserver  une  part  quelconque  dans  l'étude  de 
rintelligence  humaine.  Ce  domaine  appartient  tout  entier  à 
la  physiologie,  et  quand  elle  l'aura  complètement  exploré, 
la  psychologie,  même  physiologique,  disparaîtra  avec  toutes 
les  autres  inventions  des  philosophes. 

La  plalxaBémle  akes  rhoamie  el  ches  !••  sioffes  ^  ; 

FAR   M.    L.    MANODYRIBR. 

L'aplatissement  du  tibia  «  en  lame  de  sabre  »  est  peut-)ètre 
le  plus  saillant  et  le  plus  singulier  de  tous  les  caractères 
squelettiques  observés  dans  diverses  races  préhistoriques. 
Broca,  dans  son  mémoire  sur  les  crânes  et  ossements  des 
Eyzies,  insista  sur  l'importance  de  cette  modification  mor- 
phologique dont  il  donna  une  excellente  description.  Il  fit 
remarquer  l'analogie  qu'elle  établissait  entre  la  forme  de  cer- 
tains tibias  humains  et  la  forme  ordinaire  chez  les  grands 
singes.  Il  s'attacha  à  réfuter  l'opinion  de  Pruner-fiey  qui 
attribuait,  assez  à  la  légère,  la  platycnémie  au  rachitisme. 
Il  émit  l'avis  que  ce  caractère  était  plutôt  dû  à  des  conditions 
fonctionnelles  et  devait  se  rattacher  au  faible  développement 
du  mollet.  Cette  théorie  a  été  récemment  reproduite  dans  le 
précis  d'anthropologie  de  MM.  Hovelacque  et  Hervé,  d'après 
des  notes  recueillies  au  cours  de  Broca.  Ces  auteurs  pensent 

i  Résumé  et  conclusion»  d'un  mémoire  qui  sera  publié  in  eœiêmo  dans 
les  Mémoires  de  la  Société^  et  qui  a  été  communiqué  à  la  séance  du  6  jan- 
vier 1887. 


MANOUVRIER.  —  SUR  LA   PLATTCNÉIUE.  129 

que  raplatissement  du  tibia  résulte  du  faible  développement 
des  muscles  de  la  région  postérieure  relativement  à  celui  des 
muscles  de  la  région  antérieure  de  la  jambe.  Mes  recherches 
m'ont  conduit  à  une  interprétation  complètement  diffé- 
rente. 

J'objecte  tout  d'abord  que  les  nègres,  dont  le  mollet  est 
très  peu  développé,  n'ont  pas  le  tibia  aplati,  mais  aussi  par- 
faitement triangulaire  que  le  nôtre.  Je  fais  remarquer,  en 
outre,  que  la  platycnémie  des  hommes  préhistoriques  coïn- 
cidant avec  une  forte  saillie  de  la  ligne  âpre  du  fémur,  con- 
trairement à  ce  qui  a  lieu  chez  les  anthropoïdes,  ainsi  que 
Tavait,  du  reste,  observé  Broca,  il  est  difficile  de  s'expliquer 
comment  les  muscles  postérieurs  de  la  jambe  auraient  pu 
rester  inactifs  et  peu  développés  chez  des  races  dont  les  mus- 
cles postérieurs  de  la  cuisse  travaillaient  si  énergiquement 
et  acquéraient  un  développement  considérable.  Je  rappelle 
que  sur  les  squelettes  de  la  station  néolithique  de  Grécy,  dé- 
couverte par  M.  A.  ThieuUen,  j'ai  signalé  la  présence  très 
fréquente  de  fémurs  à  colonne  et  du  troisième  trochanter  en 
même  temps  que  de  la  platycnémie. 

Je  vais  exposer  maintenant  les  faits  nouveaux  que  m'a 
révélés  l'étude  de  deux  importantes  séries  de  tibias  préhisto- 
riques :  celle  de  Grécy  et  celle  antérieurement  connue  des 
Canaries^  Ces  deux  séries  représentent  deux  populations  re- 
marquables entre  toutes  par  la  fréquence  et  le  degré  de  la 
platycnémie. 

Les  débris  d'ossements  extraits  de  la  sépulture  de  Grécy 
représentaient  les  restes  de  80  à  90  squelettes.  Je  suis  par- 
venu à  recueillir,  parmi  ces  débris,  83  fragments  de  tibias 
présentant  le  trou  nourricier,  au  niveau  duquel  on  peut  me- 
surer les  deux  diamètres  dont  le  rapport  représente  le  degré 
d*aplatissement.  Ayant  mesuré  ces  diamètres,  j'ai  ordonné 
la  série  d'après  leur  somme  décroissante,  puis  je  l'ai  divisée 
en  trois  groupes,  le  premier  représentant  les  hommes  de 
forte  stature;  le  second,  les  hommes  de  stature  moyenne  ou 
médiocre,  et  k  troisième,  les  femmes.  Je  n'entrerai  point  ici 

T.  X  (8«  série).  9 


130  SÉANCE  DU  17  FÉVRIER  4887. 

dans  la  discassion  relative  à  ce  mode  de  séparation  des  deux 
sexes  et  des  individus  de  grande  ou  petite  taille. 

Le  degré  d'aplalissement  est  exprimé  par  le  rapport  du 
diamètre  transverse  de  l'os  au  diamètre  antéro-postérieur 
=:  400.  J'ai  reconnu  que  c'est  au  niveau  du  trou  nourricier, 
conformément  au  procédé  de  Broca  et  de  M.  Khuff,  qu'il  con- 
vient de  mesurer  ces  diamètres,  car  c'est  à  ce  niveau  que  la 
modification  platycnémique  atteint  son  maximum.  J'ajoute 
que  la  platycnémie  est  très  prononcée  au-dessous  de  l'in- 
dice 55,  qu'elle  est  à  peine  sensible  de  65  à  69  et  que  la  forme 
du  tibia  peut  être  considérée  comme  ordinaire  à  partir  de 
l'indice  70.  Cela  dit,  voici  les  résultats  que  j'ai  obtenus  : 

V  Dans  une  race  platycnémique,  la  platycnémie  n'existe 
pas  chez  les  enfants.  Elle  ne  commence  à  apparaître  que 
pendant  la  dernière  période  de  l'adolescence; 

^  La  platycnémie  est  moins  fréquente  et  moins  prononcée 
dans  le  sexe  féminin  que  dans  le  sexe  masculin; 

3*  La  platycnémie  est  moins  fréquente  et  moins  prononcée, 
d'une  manière  générale,  parmi  les  hommes  d'une  forte  sta- 
ture que  parmi  ceux  d'une  stature  moyenne  ou  médiocre  ; 

4»  Dans  une  même  population,  on  trouve  des  tibias  très 
platycnémiques  et  des  tibias  parfaitement  triangulaires  dans 
chacune  des  catégories  adultes  établies  ci-dessus. 

Ces  résultats  sont  établis  par  les  moyennes  que  j'ai  obte- 
nues, et  mieux  encore  parla  sériation. 

Pour  les  contrôler,  j'ai  eu  recours  à  l'élude  d'une  série  de 
460  tibias  provenant  des  Canaries.  Tous  ces  tibias  étaient  en 
parfait  état,  j'ai  mesuré  sur  chacun  d'eux,  non  seulement  les 
deux  diamètres  transversaux,  mais  encore  la  longueur  et  le 
poids.  C'est  d'après  le  poids  décroissant  que  j'ai  ordonné  la 
série,  et  j'ai  divisé  celle-ci  en  quatre  groupes  représentant 
des  hommes  de  différentes  tailles  et,  le  dernier,  les  femmes. 

Les  résultats  ont  été  identiques  à  ceux  fournis  par  l'étude 
de  la  série  précédente.  Je  note  incidemment  que  la  platycné- 
mie est  plus  fréquente  et  plus  accentuée  encore  dans  la  série 
des  tibias  de  Crécy  que  dans  celle  des  Canaries^ 


MANOUVRIER.  —  SUR  LA  PLATTCNÉMIE.  131 

J'ai  essayé  ensuite  d'utiliser  les  dififéreates  mensuraiioms 
effeotoées  dans  cette  dernière  série  pour  rechercher  si  Tapla^ 
tissement  du  tibia  appartenait  exclosivement  à  une  race  par« 
ticulière  dans  la  population  des  Canaries.  En  ordonnant  ma 
série  de  différentes  façons,  d'après  la  longueur,  d'après  le- 
rapport  de  la  somme  des  diamètres  à  la  longueur,  d'après  la 
valeur  des  indices,  je  suis  arrivé  à  montrer  que,  très  proba^ 
blement,  la  platycnémie  n'est  pas  nn  caractère  de  raee,  à 
proprement  parler,  mais  bien  une  variation  individuelle  te 
rattachant  à  des  conditions  anatomo-physiologiqnes  prodai-^ 
sant  leur  effet  vers  la  fin  de  l'adolescence,  et  susceptibles 
d'agir  sur  des  individus  quelconques  de  race,  de  sexe  et 
de  taille  quelconques,  mais  se  rencontrant  plus  souvent  dans 
certaines  populations,  dans  le  sexe  masculin  et  chez  les  in* 
dividus  de  stature  moyenne  ou  médiocre,  surtout  chez  ceux 
dont  le  tibia  est  mince  relativement  à  sa  longueur. 

Je  passe  aux  résultats  de  l'étude  morphologique  même  des 
tibias  aplatis.  Les  auteurs  semblent  considérer  la  platycnémie, 
conformément  à  la  théorie  qui  rattache  cette  modification  à 
la  faiblesse  relative  des  muscles  postérieurs  de  la  jambe, 
comme  résultant  d'un  simple  amincissement  transversal  du 
tibia  par  compression  latérale  des  muscles  antérieurs  et  dis- 
parition de  la  face  postérieure.  Telle  est  la  manière  de  voir 
figurée  dans  le  livre  de  M.  Ranke  S  d'après  Hartmann*  Or^  il 
n'en  est  pas  ainsi.  Mes  recherches  m'ont  démontré  que,  dans 
une  même  population,  les  tibias  aplatis  sont  sensiblement 
égaux  en  poids  et  en  longueur  aux  tibias  triangulaires  et  que 
leur  diamètre  antéro-postérieur  s'est  seulement  accru  aux 
dépens  de  leur  diamètre  transverse* 

J'ai  pu  constater,  en  outre,  que  l'allongement  porte  sur- 
tout sur  la  partie  de  l'os  située  en  arrière  du  ligament  inter^^ 
osseux. 

Etudiant  ensuite  la  disposition  et  les  dimensions  des  sur- 
faces et  ligne»  dimsertion  des  muscles  de  ia  jambe  afin  de 


132  SÉANCE  DU   17  FÉVRIER   1887. 

saisir  les  modifications  musculaires  qui  peayent  être  en  rap- 
port ayec  la  modification  de  Fos,  j*ai  vu  que  les  surfaces  et 
lignes  en  question  ne  sont  nullement  diminuées,  tout  au 
contraire  : 

'  1*  La  ligne  poplitée,  sur  laquelle  s*insèrent  les  muscles 
poplité,  soléaire,  tibial  postérieur  et  long  fléchisseur  des  or- 
teils, conserve  sa  longueur  et  ses  rugosités.  Bien  plus,  pour 
conserver  sa  longueur  malgré  la  diminution  en  largeur  de  la 
face  postérieure  du  tibia,  elle  devient  plus  oblique  et  s'inflé- 
chit de  façon  à  devenir  presque  parallèle,  dans  certains  cas, 
àladiaphyse.  Ce  ne  serait  évidemment  pas  le  cas  d'une  ligne 
d'insertion  dont  les  besoins  se  seraient  réduits; 

2»  La  surface  d'insertion  du  jambier  antérieur  ne  présente, 
en  moyenne,  ni  augmentation  ni  diminution  sur  les  tibias 
platycnémiques  ; 

3*  La  surface  du  jambier  postérieur,  loin  de  se  trouver 
réduite  par  suite  de  la  conversion  de  la  face  postérieure  du 
tibia  en  un  bord,  acquiert  une  largeur  et  une  longueur  re- 
marquables sur  les  tibias  platycnémiques.  En  outre,  elle 
n'est  plus  répartie  à  la  fois  sur  la  face  externe  et  sur  la  face 
postérieure  de  l'os.  Elle  est  devenue  franchement  et  exclusi- 
vement externe^  située  dans  un  plan  unique  dont  il  est  facile 
de  montrer  l'avantage  au  point  de  vue  du  nombre  et  de  la 
direction  des  fibres  musculaires  qui  s'y  attachent.  Le  muscle 
jambier  postérieur  n'est  donc  pas  amoindri  plus  que  les  autres 
muscles  postérieurs  de  la  jambe  par  l'aplatissement  de  l'os. 
C'est,  au  contraire,  lui  qui  profite  de  cette  modification,  et 
j'arrive  même  à  conclure,  d'après  certains  détails  morpholo- 
giques, que  c'est  lui  qui  la  détermine. 

Il  s'agit  donc  maintenant  de  savoir  pourquoi  et  comment; 
c'est  une  question  physiologique  à  résoudre. 

La  fonction  attribuée  au  muscle  jambier  postérieur  consiste 
dans  la  flexion-adduction  du  pied.  Or,  c'est  là  un  mouvement 
qui,  à  la  vérité,  doit  être  fréquent  et  énergique  chez  les  an- 
thropoïdes, essentiellement  grimpeurs,  mais  rare  chez  nous 
et  qui  devait  être  aussi  rare  chez  nos  ancêtres  néolithiques. 


MANOUVRlEa.  — SUR  LA  PLATTGNÉMIE.         133 

Mais  les  muscles  ont  souvent  une  fonction  double  :  Tune 
directe,  l'autre  inverse,  suivant  que  c'est  Tune  ou  Tautre 
extrémité  qui  est  fixe  ou  mobile.  Or,  la  fonction  du  jambier 
postériear,  le  pied  étant  fixé  au  sol,  ne  ipeut  être  que  d'im- 
mobiliser le  tibia,  immobilisation  nécessaire  lorsque  tout  le 
poids  du  corps  porte  sur  l'extrémité  supérieure  du  tibia» 
surtout  lorsque  celui-ci  est  légèrement  incliné  en  avant  (saut, 
course).  Elle  est  beaucoup  moins  nécessaire  dans  la  marche. 
Il  suit  de  là  que  des  hommes  obligés  de  sauter  et  de  courir 
beaucoup  ou  simplement  de  marcher  continuellement  sur  des 
pentes  raides,  doivent  exercer  énormément  leur  muscle  jam- 
bier |)ostérieur,  d'où  accroissement  de  celui-ci  et  modifica- 
tion corrélative  de  la  forme  de  l'os. 

Cette  modification  n'a  pas  seulement  pour  effet  de  fournir 
au  muscle  tibial  postérieur  une  surface  d'insertion  plus  large 
et  plus  favorablement  disposée.  £lle  rend  l'os  plus  résistant 
dans  le  sens  antéro-postérieur,  c'est-à-dire  dans  le  sens  où 
il  n'est  point  soutenu  par  son  union  avec  le  péroné  et  où,  le 
poids  du  corps  multiplié  par  la  vitesse  de  la  course  tend  à  le 
briser  ou  à  le  fléchir.  La  flexion  est  réalisée  néanmoins  sur 
certains  tibias  des  Canaries^  qui  sont  fortement  arqués  dans 
le  sens  antéro-postérieur. 

L'aplatissement  de  Tos  ne  résulterait-il  pas  simplement 
d'une  adaptation  directe  aux  conditions  mécaniques  qui  ten- 
dent à  le  fléchir?  Je  crois  qu'il  résulte,  au  moins  partielle- 
ment, de  l'action  musculaire  qui,  d'ailleurs,  est  difficilement 
séparable  de  l'action  purement  dynamique,  car  les  deux  in- 
fluences sont  intimement  liées  entre  elles  et  doivent  aboutir 
au  même  résultat.  Il  est  plus  probable  qu'elles  s'ajoutent 
l'une  à  l'autre. 

Au  point  de  vue  ethnologique,  l'analyse  précédente  nous 
condtift  à  considérer  la  platycnémie  comme  devant  se  pro- 
duire chez  les  peuples  chasseurs,  principalement  chez  les 
peuples  de  l'âge  de  la  pierre,  qui  devaient  chasser  à  la  course, 
et  surtout  dans  les  pays  accidentés.  On  s'explique  ainsi  pour- 
quoi la  platycnémie  n'existe  pas  chez  les  enfants,  pourquoi 


J34  SftAHCE  DU  17   FÉVRIER  1887. 

elle  est  relativement  rare  et  pea  accentuée  chez  les  femiiiesy 
pourquoi  elle  ne  se  produit  pas  chez  tous  les  hommes  d'une 
même  population,  car  il  devait  y  avoir  déjà  à  Tépoque  néo* 
lithique  des  différences  professionnelles,  pourquoi  enfin  les 
hommes  de  stature  moyenne  bu  médiocre  étaient  plus  sou- 
vent et  plus  fortement  platycnémiques,  car  c'étaient  les  plus 
aptes  à  exercer  la  profession  de  chasseurs  à  la  course. 

J'ai  étudié,  en  dernier  lieu>  la  platycnémie  comparative- 
ment chez  rhomme  et  chez  les  anthropoïdes.  Mesconelusiens 
sur  ce  sujet  sont  les  suivantes  : 

L'orang  n'est  point  du  tout  platycnémique.  Son  tibia  est 
parfaitement  triangulaire,  à  face  postérieure  plate  et  bord 
antérieur  tranchant. 

Le  gorill*)^  au  contraire,  est  franchement  platycnémique, 
mais  l'aplatissement  transversal  de  son  tibia  n'est  nullement 
comparable  à  celui  de  l'homme  platycnémique. 

Chez  ce  dernier,  le  tibia  reste  tranchant  en  avant  et  large, 
bien  qu'arrondi,  en  arrière.  Chez  le  gorille,  c'est  le  contraire  ; 
le  tibia  est  tranchant  en  arrière  et  arrondi  en  avant. 

Cette  forme  du  tibia  résulte  :  ("de  ce  que  le  muscle  jam- 
bier  antérieur  se  porte  directement  en  avant  chez  le  gorille^ 
au  lieu  d'être  un  muscle  antéro-externe  comme  chez  l'homme; 
2®  de  ce  que  le  muscle  long  fléchisseur  des  orteils,  au  lieu 
d'être  postéro-interne,  comme  chez  l'homme  même  platy- 
cnémique, s'insère  entièrement  sur  la  face  externe  avec  le 
jambier  postérieur  et  une  partie  du  muscle  jambier  anté- 
rieur, de  sorte  que  les  trois  muscles  en  question  contribuent 
à  creuser  la  face  externe  de  l'os  ;  3"  parce  que  le  muscle 
soléaire  ne  s'insère  pas  sur  le  tibia,  comme  chez  l'homme. 

Le  jambier  antérieur  n'est  pas  seulement,  comme  chez 
rhomme,  celui  qui  contribue  le  moins  à  aplatir  le  tibia  trans- 
versalement; il  contribue  bien  davantage,  par  sa  portion  an- 
térieure, à  l'aplatir  d'avant  en  arrière,  ce  qui  achève  la  ruine 
de  la  théorie  courante  sur  la  cause  de  la  platycnémie. 

Aussi  la  platycnémie  du  gorille  n'est  pas  homologue;  ana- 
tomiquement,  à  celle  de  l'homme. 


DISCUSSION  SUR    LA   PLATTCf^ÉMIE.  135 

Elle  n'est  pas  homologue  non  plus  physiologiquement, 
c'esi-à-dlre  qu'elle  n'est  pas  en  rapport  avec  les  mêmes  mou- 
vements. Chez  le  gorille,) le  muscle  jambier  postérieur  sert 
principalement  à  mouvoir  le  pied  ;  chez  Thomme,  c'est  sa 
fonction  inverse  qui  s'est  développée  pour  les  besoins  de  la 
marche  et  de  la  course.  Gela  explique  pourquoi  la  platycné- 
mie  du  gorille  coïncide  avec  la  faiblesse  des  muscles  de  la 
cuisse  et  Tabsence  de  la  ligne  âpre  du  fémur,  tandis  que  la 
platycnémie  de  Thomme  coïncide  avec  l'exagération  dh  cette 
ligne  âpre.  En  d'autres  termes,  la  platycnémie  chez  l'homme, 
loin  d'âtre  un  reste  de  la  platycnémie  simienne^  résulte  de 
l'activité  d'une  fonction  essentiellement  humaine  qu'entre- 
tenaient les  dures  nécessités  de  la  vie  à  l'âge  de  la  pierre. 

Je  termine  ici  l'analyse  de  mon  mémoire  qui  doit  paraître 
dans  le  prochain  fascicule  des  Mémoires  de  la  Société  (tanthro^ 
pologie. 

Diioussion. 

M.  G.  Lagneau.  m.  Manouvrier  pense  que  la  platycnémie, 
fréquente  chez  certains  habitants  de  l'Europe  occidentale, 
tiendrait  à  l'habitude  qu'ils  auraient  eue  de  grimper  aux  ar- 
bres, de  sauter  et  de  gravir  les  montagnes.  Aussi,  après 
l'avoir  vainement  recherchée  chez  différents  montagnards, 
notre  collègue  remarque. qu'il  a  constaté  cette  conformation 
chez  un  Corse  du  Monte-Rotondo.  De  cette  platycnémie,  il  est 
permis  d'inférer  le  développement  de  certains  muscles.  Evi- 
demment les  anciens  habitants  de  l'Europe  grimpaient  aux 
arbres,  sautaient  en  chassant  les  animaux  sauvages.  Mais  je 
rappellerai  que  le  premier  tibia  platycnémique,  que,  en  1863, 
j'eus  l'occasion  d'observer,  provenait  d'un  habitant  d'un  pays 
peu  montagneux.  C'est  en  assistant,  avec  Broca,  Bertiïlon, 
Simonot,  MM.  Alexandre  Bertrand  et  Girard  dé  Rialle,  à  la 
fouille  d'une  allée  couverte  ou  long-ôarrow,  à  Chamant,  près 
de  Senlis,  chez  M.  le  comte  de  Lavaulx,  que  je  ramassaifune 
diaphyse  tellement  platycnémique,  qu'en  la  passant  à  Broca, 


136  SÉANCE  DU  17  FÉVRIER  1887. 

j'hésitais  à  reconnaître  un  fragment  de  tibia  dans  cet  os 
aplati  *.  Vers  cette  époqne,  M.  Bask  observa  le  même  apla- 
tissement sur  des  troglodytes  de  Gibraltar.  Dans  une  région 
peu  éloignée  de  Chamant,  dans  une  région  également  peu 
montagneuse  du  département  de  TAisue,  à  Nanteuil-Vichel; 
dans  la  grotte  fouillée  par  M.  le  comte  des  Cars,  se  trouvaient 
aussi  quelques  tibias  pialycnémiques*. 

M.  Manouvrier.  J'ai  dit,  en  effet,  que,  dans  le  cas  où  le 
surcroît  d'activité  du  muscle  jambier  postérieur  aurait  porté 
sur  son  action  directe  déterminant  la  flexion-adduction  du 
pied,  ce  surcroît  d'activité,  d'où  résulte  laplatycnémie,  aurait 
pu  être  attribué  augrimpement  à  la  mode  australienne.  Mais 
j'ai  ajouté  que,  d'une  part,  le  grimpement  n'avait  pas  dû 
être  une  action  assez  fréquente  chez  les  hommes  néolithiques 
pour  expliquer  à  lui  seul  la  platycnémie,  et  que  cette  modi- 
fication était  due  plus  vraisemblablement  à  l'action  inverse 
du  jambier  postérieur  en  rapport  avec  la  course  et  le  saut, 
manière  de  voir  qui  se  trouve  appuyée  par  l'étude  compara- 
tive de  l'aplatissement  du  tibia  chez  l'homme  et  chez  le  go- 
rille. J'ai  ajouté,  d'autre  part,  que  la  course  et  la  marche 
dans  un  pays  accidenté  devaient  produire  plus  facilement  la 
platycnémie,  mais  je  pense  que  la  course  sur  un  terrain  plat 
est  une  condition  bien  suffisante.  Enfin,  si  j'ai  cité  le  cas  du 
Corse  de  Monte-Rotondo,  c'est  parce  que  ce  Corse  est  l'unique 
montagnard  dont  j'aie  pu  examiner  les  tibias. 

M.  Sanson  pense  que  si  la  platycnémie  était  la  conséquence 
de  l'habitude  de  grimper  aux  arbres,  on  devrait  la  rencontrer 
chez  les  habitants  des  Landes,  qui  exploitent  les  pinadas  de 
père  en  fils  depuis  plusieurs  siècles. 

M.  G.  Lagneau.  m.  Sanson  remarque  que  si  l'on  doit  attri- 
buer la  platycnémie  au  développement  des  muscles  servant  à 
grimper  aux  arbres,  ainsi  que  le  pense  M.  Manouvrier,  cette 
conformation  osseuse  devrait  se  trouver  très  développée  chez 

«  BulL  de  la  Soc.  d'anthrop.,  t.  V,  p.  641,  4  août  1864.  Voir  aussi  t.  IV, 
p.  513  et  632,  1863. 
«  BulL  de  la  Soc.  d'anthrop.,  3*  série,  t.  I,  p.  23,  3  janvier  1878. 


DISCUSSION  SUB  LA   PLATTGHÉMIE.  i37 

les  résiniers  des  Landes.  En  effet,  depuis  de  nombreuses  gé- 
nérations, au  moins  depuis  le  quatrième  siècle,  les  habitants 
de  cette  région  se  livrent  à  l'exploitation  des  pins,  ainsi  que 
Tatteste  certain  passage  d'une  lettre  de  saint  Paulin  à  Au- 
sone,  relatif  aux  BoTes,  qui,  au  sud  de  Bordeaux,  habitaient 
les  environs  de  la  Teste  de  Buch  : 

Burdigalam  et  piceos  malis  describere  Bolos. 

(Divi  Paulini  Opéra;  epist.  IV^  p.  477, 1622,  Antverpi».) 

Mais  je  crois  que  ces  résiniers,  pour  monter,  appliquent 
contre  Tarbre  un  morceau  de  bois  muni  de  crans  ou  entailles 
servant  d'échelons. 

M*"*  Cl.  Roter.  M.  Manouvrier  semble  supposer  que  tous 
les  peuples  à  tibias  platycnémiques  habitent  ou  ont  habité 
des  pays  de  montagnes.  Or,  c'est  surtout  en  Amérique  que 
'l'on  rencontre  ces  races.  Entrant  un  jour  au  laboratoire 
d'anthropologie,  au  Jardin  des  Plantes,  j'y  trouvai  notre 
collègue,  M.  Hamy,  au  mUieu  d'une  masse  énorme  d'osse^ 
ments  américains.  Gomme  je  lui  demandais  ce  qu'il  y  avait 
de  nouveau  chez  eux:  «  C'est,  me  dit-il,  que  tons  ces  gens-là 
sont  platycnémiques,  et  que  la  platycnémie,  chez  eux,  n'est 
pas  l'exception,  mais  la  règle.  » 

Or,  à  l'exception  de  la  grande  chaîne  des  Cordillères, 
l'Amérique  n'est  pas  généralement  une  contrée  montagneuse. 
Tous  les  bassins  de  ses  grands  fleuves,  le  Mississipi,  l'Ama- 
zone, rOrénoque,  le  Paraguay  ou  le  Parana,  sont  formés  de 
plaines  immenses  ou  de  plateaux  peu  accidentés. 

En  Europe,  on  a  trouvé  surtout  des  populations  à  tibias 
platycnémiques  dans  les  bassins  de  la  Garonne,  de  la  Loire  et 
même  de  la  Seine,  où  il  peut  y  avoir  des  collines,  mais  où  il 
n'y  a  point  de  montagnes. 

Quant  à  l'existence  de  collines  ayant  pu  exercer  les  jambes 
de  nos  ancêtres,  comme  il  y  en  a  à  peu  près  partout,  cette 
cause  ne  pourrait  rendre  raison  d'aucune  différence  eth- 
nique. 11  en  est  de  même  des  forêts,  qui  partout  ont  pu 
exercer  également  à  grimper  les  races  qui  pouvaient  y  trouver 


138  SÉANCE  DU   il  FÉVRIER   1887. 

avantage.  A  ce  point  de  vue  seulement  les  races  à  tibias  pla- 
tycnémiques  pourraient  descendre  d'ancêtres  peut-être  plus 
arboricoles  que  les  ancêtres  des  autres. 

En  plusieurs  occasions,  j'ai  déjà  protesté  contre  Thypothèse 
que  Tancêtre  de  Thomme  ait  jamais  niché  sur  les  arbres, 
comme  Torang  ou  le  chimpanzé.  J'ai  écrit,  en  1869,  dans 
mon  Origine  de  thomtne,  que  «  si  l'homme  avait  habité  sur 
les  arbres,  il  n*en  serait  jamais  descendu».  Tout  au  plus 
faut-il  admettre  qu'il  a  pu,  par  occasion,  y  chercher  un  refuge 
pour  échapper  aux  grands  fauves  dont  il  était  poursuivi,  ou 
un  afTût  d'où  il  pouvait  atteindre  à  coups  de  pierre  les  proies 
que  d'autres  chasseurs  rabattaient  vers  lui. 

Depuis  que  l'homme  a  cessé  d'être  un  animal  nageur,  ca- 
pable tout  au  plus  de  se  traîner  sur  les  rivages,  sur  les  rochers, 
ou  même  de  grimper  aux  troncs  des  arbres  avec  ses  quatre 
mèmbros  paUnés,  armés  d'ongles  recourbés^  son  attitude  a 
toujours  été  se  redressant  vers  l'attitude  bipède.  C'est  eb 
s'organisant  dès  lors  pour  la  marche  et  la  station  droite  qu'il 
s'est  séparé  des  singes  quadrumanes  ou  quadrupèdes  ;  mais 
il  n'a  jamais  été  lui-même  ni  quadrumane  ni  quadrupède 
au  point  de  vue  des  fonctions.  La  platycnémie  peut  être,  chez 
de  très  anciennes  races,  un  reste  de  cet  état  transitoire  oii 
l'ancêtre  de  l'homme  se  traînait  à  quatre  pieds;  car,  pour  la 
marche  bipède,  il  lui  a  toujours  été  avantageux  d'avoir  tous 
les  muscles  de  la  jambe  également  développés,  et,  par  con- 
séquent, d'avoir  des  tibias  dont  la  coupe  fût  de  plus  en  plus 
approchée  d'un  triangle  équilatéral.  Dans  toutes  les  condi'* 
lions  de  mUieu  où  l'homme  est  exposé  à  grimper,  soit  sur  des 
arbres,  soit  sur  des  montagnes,  il  est  amené  également  à  en 
descendre  et  à  faire,  par  conséquent,  un  travail  musculaire 
inverse  équivalent. 

La  platycnémie  apparaît  donc,  non  pas  comme  un  caractère 
acquis  par  suite  d'un  exercice  fonctionnel  prédominant,  mais 
comme  un  caractère  conservé  en  voie  de  résorption.  C'est 
une  tare  héréditaire  et  non  un  progrès  de  l'organisme. 

D'ailleurs,  l'homme  étant  voyageur,  il  a  si  souvent  émigré 


DISCUSSION  SUR   LA  PLATTCNÉMIE.  139 

de  contrée  en  contrée,  qu'aucune  race  ne  peut  avoir  acquis 
et  conservé  des  caractères  spécialement  adaptés,  soit  à  des 
pays  de  montagnes,  soit  à  des  pays  de  plaines,  mais  seule- 
ment des  adaptations  de  plus  en  plus  parfaites  à  ses  fonctions 
générales  et  permanentes  en  toute  contrée. 

M.  G.  Lagneau.  La  fréquence  de  la  platycnémie  chee  les 
Américains,  constatée  par  M.  Hamy^  selon  M"**  Glémience 
Royer,  ne  serait  pas  en  contradiction  avec  Topinion  qui  m'a 
porté  à  considérer  la  platycnémie  comme  un  des  caractères 
ethniques  observés  chez  les  Guanches,  chez  les  troglodytes 
de  Gibraltar,  chez  ceux  de  Gro-Magnon,  chez  les  néolithiques 
de  Ghamant  et  chez  bien  d'autres  anciens  habitants  du  sud- 
ouest  de  l'Europe.  Ge  serait  un  des  caractères  de  la  race  à 
laqiielle,  dans  mon  anthropologie  de  la  France,  j  ai  cru  de- 
voir laisser  ou  donner  les  noms  de  race  de  Gro-Magnon, 
de  race  Atlante,  de  race  dolichocyrtocéphale  {lokijji\,  xupri) 
xe^aXi),  longue,  convexe  tète),  par  opposition  à  la  race  de 
Nécmderthal  à  la  tête  plate  et  longue. 

De  cette   race  de  Gro-Magnon,   j'ai  même  cru  devoir 
rapprocher    certains   dolichocéphales  ,  soit  Basques ,   soit  * 
Gorses,  comme  ceux  d'Avapezza  \  peut-être  de  même  race 
que  le  platycnémique  du  Monte-Rotondo  observé  par  M.  Ma- 
nouvrier. 

M.  Lbtourneau.  Il  me  semble  que  M">*  Royer  confond  et  a 
tort  de  confondre  Tétat  social  barbare  avec  l'état  social  sau- 
vage. Dans  le  second  de  ces  états,  persistant  encore  en  divers 
points  du  globe,  particulièrement  en  Australie,  les  tribus  sont 
très  peu  nombreuses,  revendiquent  de  vastes  territoires  de 
chasse,  assez  bien  délimités,  où  aucun  intrus  ne  saurait  pé- 
nétrer sous  peine  de  mort.  Dans  ces  conditions,  le  sauvage 
non  seulement  n'est  pas  nomade  à  sa  fantaisie,  n'est  pas  libre 
d'errer  en  tout  sens,  comme  un  navire  en  mer,  mais  chaque 
tribu  est  forcément  cantonnée  dans  le  district  qui  lui  sert  de 


♦  fhtnee  (anthropologie),  fHci.  encyd,  des  ècUnces  mëdicaies,  4«  série, 
i.  IV,  p.  57S,  57»,  589. 


140  SÉANCE  DU  17  FÉVRIER  1887. 

garde-manger.  C'est  bien  pins  tard,  quand  on  est  mieux  armé, 
plus  civilisé,  quand  on  a  des  animaux  domestiques,  même  un 
certain  art  agricole,  qu*ilest  possible  de  former  de  puissantes 
agglomérations,  comme  celles  des  Germains,  dont  a  parlé 
M**  Royer,  et  de  se  permettre  de  puissantes  irruptions  guer- 
rières. 

M**  CL  Roter  répond  qu'elle  n'a  nullement  entendu  parler 
d*babitudes  nomades  régulières  et  périodiques  s'exerçant,  en 
somme,  dans  la  même  contrée,  mais  de  véritables  émigrations 
dont  toute  l'histoire  atteste  la  réalité.  Il  ne  faut,  pour  en 
donner  la  preuve,  que  rappeler  les  déplacements  des  peuples 
qui,  sous  Tempire  romain,  habitaient  l'Europe  orientale,  et 
aujourd'hui  ont  donné  leurs  noms  à  nos  nations  occiden- 
tales. De  même  les  Arabes>  nés  en  Arabie,  sont  aujourd'hui 
répandus  dans  toute  l'Afrique  du  Nord.  De  même,  il  est  à 
croire  que  la  platycnémie  nous  indique,  à  travers  l'Europe 
préhistorique,  les  migrations  d'une  race  spéciale  venue  par 
le  sud,  apparentée  aux  peuples  de  la  Méditerranée,  appa- 
rentée aux  Guanches,  et  dont  plus  d'une  fois  j'ai  indiqué 
l'origine  américaine. 

M.  Manouvrier.  Parmi  les  suppositions  émises  par 
M*"*  Royer,  il  y  en  a  un  certain  nombre  qui  sont  absolument 
en  opposition  avec  les  conclusions  les  mieux  établies  de  mon 
travail  qu'elle  a  négligé  de  réfuter.  Je  pense  que  les  faits  doi- 
vent avoir  le  pas  sur  les  hypothèses.  D'autres  affirmations  ne 
heurtent  ma  théorie  que  d'une  façon  très  indirecte,  celle-ci 
par  exemple  :  «  Que  si  l'homme  avait  habité  sur  les  arbres, 
il  n'en  serait  jamais  descendu.  »  Je  professe,  au  contraire, 
l'opinion  que  l'homme  ne  serait  jamais  devenu  bipède  s'il 
n'avait  passé  par  l'état  de  grimpeur,  qui  a  pu  transformer 
en  mains  les  extrémités  antérieures  et  changer  en  attitude 
oblique  l'attitude  quadrupède.  Mais  peu  importe  ce  point 
hypothétique,  puisque  mon  interprétation  de  la  platycnémie 
chez  l'homme  en  est  indépendante. 

M*«  Royer  m'a  objecté  que  beaucoup  de  tibias  américains 
sont  platycnémiques,  et  que,  cependant,  l'Amérique  n'est  pas 


OUVRAGES  OFFERTS.  14! 

un  pays  clusiTement  montagneux.  Je  pourrais  répondre 
que  TAmérique  n*est  pas  non  plus  exclusivement  un  pays 
plat.  Mais  qu'importe,  puisque  la  course,  même  en  pays  plat, 
développe  les  muscles  jambiers  postérieurs. 

Je  répondrai  aussi  un  mot  à  Tobjection  qui  consiste  à  ex- 
pliquer la  platycnémie  par  Tinfluence  de  la  race  et  non  par 
une  influence  fonctionnelle.  Expliquer  un  caractère  anato* 
mique  par  la  race,  ce  n'est  que  reculer  une  difficulté  ;  car,  à 
supposer  que  ce  caractère  ait  été  transmis  par  hérédité,  il 
reste  à  savoir  comment  il  s'est  produit  chez  les  ancêtres,  et  il 
faut  toujours  en  venir  à  l'analyse  anatomo -physiologique. 
L'influence  de  la  race  ne  pourrait  intervenir,  dans  la  ques- 
tion, que  pour  expliquer  l'existence  de  la  platycnémie  chez . 
des  hommes  qui  n'ont  été  soumis  à  aucune  des  conditions 
auxquelles  j'ai  été  amené  à  attribuer  l'aplatissement  du 
tibia. 

La  séance  est  levée  à  six  heures. 

Vun  dei  $€crèlaire$  :  MANOUVRIER. 


U8«  %tkMÏ.  —  3  mars  1887. 

MIa  de  WÊ.  PI<«1X,  ameleB  prémiû^mU 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

Regalia  (E.).  Besti  umani  délia  caverna  délia  Palmaria  {Ar- 
chivio  per  ranlropologia^  1886).  Broch.  in-8*,  8  pages. 

Gastelfranco  (P.).  LigurùGalli  e  Galli-Romani.  Parme, 
i886,  broch.  in-S"»,  61  pages,  2  planches. 

Philbert  (E.).  Du  Traitement  de  robésité  aux  eaux  de  Brides- 
leS'Bains  (Savoie).  Paris,  1887,  broch.  in-S*",  16  pages. 


142  SÉANCE   DU  3    IIAHS   1887. 

Sous  (A.  de).  Histoire  de  la  conquête  du  Mexique  par  Pernand 
Cortez.  Paris,  1774,  3  vol.  in- 18,  574,  514  pages. 

OBJETS  OFFEETS. 

M"**  Reab,  fille  de  M.  Cordier,  de  son  vivant  professenr 
de  géologie  an  Musénm,  offre  à  la  Société  d'anthropologie 
une  lettre  inédite,  adressée  à  son  père  par  Boacher  de  Perlhes. 
En  voici  la  teneur  : 

Àbbeville,  20  fémer  1849. 

a  Monsieur  et  cher  compatriote,  je  vous  remercie  de  la  com- 
munication que  vous  avez  bien  voulu  me  faire  au  sujet  de  mon 
livre  des  antiquités  celtiques  et  antédiluviennes. 

«  La  commission  ne  croit  pas  devoir  se  prononcer  encore  sur 
une  question  qui  pourrait  exciter  de  si  vives  controverses,  et 
veut  attendre  que  le  public  juge  et  que  les  faits  se  renouvel- 
lent. Hélas  !  si  la  commission  avait  voulu  voir  elle-mêùie,  en 
se  rendant  sur  les  lieux,  elle  ne  douterait  plus  aujourd'hui. 
Sans  même  quitter  Paris,  elle  aurait  vidé  la  question  en  fai  - 
sant  sonder  les  bancs  tertiaires  de  l'allée  de  Lamothe-Piquet, 
ceux  de  Saint-Germam,  etc..  où  sont  aussi  des  dépôts  d'osse- 
ments fossiles,  parmi  lesquels,  j'en  suis  certain,  on  trouve- 
rait ce  que  j'ai  trouvé  ici.  Je  n'ai  passé  qu'une  heure  dans  les 
bancs  de  Saint-Qermain,  et  j'y  ai  trouvé  un  silex  travaillé,  et 
TAcadémie  des  sciences  en  trouvera,  quand  elle  le  voudra  sé- 
rieusement, c'est-à-dire  chercher. 

«  C'est  par  erreur  que  l'on  a  présenté  mes  silex  comme  trou- 
vés dans  des  terrains  meubles  et  superficiels  ;  je  n'ai  cessé  de 
répéter  le  contraire.  On  ne  les  trouve  que  dans  les  couches 
inférieures,  presque  toujours  an-dessous  des  ossements  et  dans 
des  terrains  durs  et  compacts.  C'est  à  4,  5,  6,  7  et  8  mètres 
au  dessous  de  Thumus,  que  tous  ces  morceaux  ont  été  ren- 
contrés. 

c(  J'ai  beaucoup  perdu,  ici,  à  la  mort  de  M.  Brongniart  ;  lui, 
l'auteur  dv  système  contraire,  avait  à  peu  près  adopté  le  mien. 


A   PROPOS   DU   PROCÉS-VBRBAL.  143 

n  me  Ta  dit,  il  me  Ta  écrit.  Oui,  je  Tavais  convaincu  de  Texis- 
tence  des  hommes  antédiluviens.  Oomme  TAcadémie,  comme 
la  commission,  comme  vous-même  le  serez  bientôt,  comme 
vous  le  seriez  déjà,  si,  depuis  deux  ans,  la  publication  de  mon 
livre  n'avait  pas  été  arrêtée  par  l'attente  d'un  rapport.  Oui, 
et  je  vous  prie  de  prendre  note  de  ceci  :  avant  peu  d'an- 
nées, Texistence  des  fossiles  humains  sera  aussi  focilement 
constatée  que  l'est  aujourd'hui  celle  des  fossiles  quadruma- 
nes. Or  il  y  a  vingt  ans  qu'on  assurait  aussi  qu*il  n'en  exis- 
tait pas. 

(f  Les  volumes  que  j'ai  remis  à  MM.  de  la  commission  sont 
incomplets  ;  je  vous  serai  obligé  de  me  dire  à  quels  numéros 
s'arrêtent  les  planches  et  les  notes,  et  je  m'empresserai  de 
vous  adresser,  pour  chacun,  les  planches  et  les  notes  qui  man- 
quent. Voici  les  noms  des  membres  de  l'Institut  qui  ont  reçu 
ces  volumes  non  terminés  :  MM.  Flourens,  Elle  de  Beaumont, 
Dufrénoy,  Walkenaer,  Jomard^  feu  Brongniart  et  vous. 

«  Je  vous  prierai  de  faire  mettre  au  roulage  ou  au  chemin 
de  fer  (petite  vitesse)  la  caisse  contenant  les  échantillons  de 
silex  travaillé  et  terrain  qui  ont  servi  à  l'examen  de  la  com- 
mission. 

«  Il  me  reste  à  vous  exprimer  mes  regrets  de  vous  avoir 
fait  perdre  tant  de  temps  et  à  vous  renouveler  l'assurance, 
monsieur  et  cher  compatriote,  de  ma  respectueuse  amitié. 

«  J.  Boucher  de  Perthes.  » 

A  propos  du  procès-verbal. 

Swr  la  pédérastie.  —M.  Fauvelle.  Dans  la  dernière  séance, 
M.  la  docteur  Magnan,  en  présentant  trois  exemples  de  med- 
formation  des  organes  génitaux  chez  des  inférieurs,  a  classé  la 
pédértfsiie  parmi  les  déviations  do  sens  génésique  chez  les 
dégénérés.  Mes  observations  personnelles  ne  me  permettent 
pas  de  partager  cette  manière  de  voir. 

Pendant  vingt  ans  que  j'ai  été  médecin  du  dépôt  des  alié- 
nés â^  l'Aisne,  je  n'ai  jam^s  rencontré  de  pédérastes  parqû 


144  SÉANCE  DU  3  MARS  1887. 

les  mcdades  soumis  à  mon  examen,  mais  seulement  un  grand 
nombre  d'onanistes  et  quelques  individus  reoherchcmt  les  rap- 
prochements sexuels  normaux  d'une  manière  éhontée. 

D'autre  part,  conmie  médecin  légiste,  j'ai  eu  à  examiner 
une  trentaine  de  pédérastes^  dont  les  observations  ont  été, 
pour  la  plupart,  publiées  dans  la  dernière  édition  des  Atten- 
tais  aux  mœurs ^  d'Ambroise  Tardieu.  Aucun  de  ces  inculpés 
ne  présentait  de  caractères  d'infériorité.  Les  uns  avaient 
pris  ces  habitudes  contre  nature  dans  certaines  maisons  d'édu- 
cation; d'autres,  au  contact  d'individus  vicieux,  et  cinq  ou 
six  avaient  fait  vœu  de  chasteté  par  exigence  professionnelle. 

Du  reste,  tout  le  monde  sait  que,  dans  l'antiquité,  la  pédé- 
rastie était  pour  ainsi  dire  entrée  dans  les  mœurs.  Le  sage 
Xénopbon,  dans  le  livre  IV,  chap.  iv,  de  YAnabase^  ne  nous 
raconte-t-il  pas,  comme  une  chose  toute  naturelle^  qu'Epis- 
thène  d'Amphipolis^  auquel  on  avait  confié  la  garde  d'un 
otage,  enfant  arménien  à  peine  dans  l'âge  de  la  puberté, 
«  devint  amoureux  du  jeune  homme,  l'emmena  en  Grèce  et 
eut  fort  à  se  louer  de  sa  fidélité  !  »  (Trad.  de  Pessonneaux, 
t.  I*%  p.  308.)  Cette  dernière  phrase  vaut  tout  un  volume. 

L'absence  de  femmes  pousse  à  la  sodomie  la  population  des 
bagnes  et  des  prisons.  Il  en  serait  de  même  dans  l'armée,  si 
les  soldats  ne  rencontraient  pas,  dans  leurs  garnisons^  de 
quoi  satisfaire  leurs  besoins  sexuels.  Il  est  même  du  devoir 
des  chefs  de  corps  d'exiger  des  municipalités  tonte  latitude 
pour  rétablissement  de  maisons  de  tolérance. 

Enfin  la  bestialité,  pratiquée  par  les  pasteurs  montagnards 
qui  restent  plusieurs  mois  de  l'année  loin  de  leur  famille,  est 
encore  une  déviation  des  appétits  génésiques,  qui  a  pour  cause 
l'éloignement  des  femmes,  et  n'a  rien  à  faire  avec  la  dégéné- 
rescence de  la  race. 

Des  rapports  contre  nature  à  l'inceste  il  n*y  a  qn'nn  pas, 
et  celui-ci  nous  mène  à  la  consanguinité.  En  voici  un  exem- 
ple intéressant  : 

Dans  une  commune  du  canton  de  Neufchâtel  (Aisne),  vivait, 
sur  une  petite  propriété  à  l'écart,  une  famille  de  braconniers. 


DISCUSSION  A   PROPOS  DU   PROCÈS-VERBAL.  145 

composée  du  père,  de  la  mère  et  de  deux  enfants,  garçon  et 
fille.  Ces  gens,  d'une  vigoureuse  constitution,  étaient  redoutés 
des  habitants  du  village  pour  leurs  mœurs  sauvages  et  bru- 
taies,  si  bien  que  le  frère  et  la  sœur,  devenus  nubiles,  se  vi- 
rent repoussés  par  tous  les  jeunes  gens  de  leur  âge.  Il  résulta 
de  cet  isolement  une  union  incestueuse,  approuvée  par  les 
parents.  Le  nouveau  ménage  produisit  sept  enfants.  J*ai  vu 
Tainé,  petite  ûlle  de  dix  ans,  intelligente  et  solidement  con- 
stituée. Malheureusement  pour  Tétude  de  la  consanguinité, 
les  six  autres  rejetons  furent  tués  successivement  aussitôt  leur 
naissance.  J*ai  fait  Tautopsie  du  dernier,  dont  l'organisation 
ne  laissait  rien  à  désirer  ;  quant  aux  autres,  je  n'ai  pu  recueil* 
lir  que  leurs  squelettes. 

En  résumé,  la  pédérastie,  comme  Vinceste  et  la  bestialité, 
est  la  conséquence  d'obstacles  plus  ou  moins  infranchissa- 
bles, s'opposant  au  rapprochement  des  sexes. 

Difcuision. 

H.DALLTne  partage  pas  Topinion  de  M.  Fauvelle  sur  la  ca- 
tégorie de  sujets  atteints  de  dépravation  sexuelle.  Il  fait  obser- 
ver, néanmoins,  que,  chez  les  Grecs,  l'amour  entre  les  adultes 
et  les  jeunes  gens  avait  moins  pour  cause  une  déviation  des 
appétits  génésiques  que  la  recherche  de  l'esthétique  en  géné- 
ral et  de  la  beauté  des  formes  en  particulier.  On  cite  plusieurs 
exemples  d'affections  masculines  qui  sont  toujours  restées 
pures.  Du  reste,  la  pédérastie  proprement  dite  a  existé  chez 
toutes  les  races  humaines,  à  toutes  les  époques  et  dans  tous 
les  pays,  chez  les  sujets  sains  aussi  bien  que  chez  les  ma- 
lades. 

M.  DE  UjFALVY.  La  pédérastie  est  très  répandue  dans 
rOrient  musulman  ;  la  religion  de  Mahomet  enseignant  pour 
ainsi  dire  le  mépris  de  la  femme. 


T.  X  (S*  SÉIUE).  10 


146  SÉANCE  DU  3  MARS   i887. 


PRBSBNTATIONg. 


■«•!#  4'WM  J«««e  Cjach^^t^^l^^t 

»AR  M.   TH.    CHUDZIIISU. 

J'd  lliODnQur  de  présenter  à  la  Société  d'anthropologie  le 
boate  et  ie$  extrémités  d*une  jeune  fille  eynghalaise,  que 
pous  avons  moulés  au  laboratoire  d'anthropologie. 

Cette  jeune  fille,  nommée  Mena  Inga»  Âgée  de  dix^-huit 
ans,  est  née  à  TUe  deCeylan,  aux  environs  de  Colombo.  Bile 
est  morte  à  Paris,  à  Thépital  Beaujon,  dans  le  sertiee  dn 
docteur  Femet,  le  9  septembre  1886. 

Quoique  cette  jeune  fille  soit  morte  de  la  tuberculose  et 
qu'on  ait  constaté^  à  l'autopsie,  l'existence  de  cayemes  dans 
le  poumon,  rien  à  l'extérieur  de  son  corps  n'indique  la 
maladie  qui  a  causé  sa  mort.  En  effet,  même  au  premier  coup 
d'oeil,  on  remarque  facilement  que  le  prodigieux  développe- 
ment de  Ja  graisse  sur  toutes  les  parties  du  corps  a  résisté 
pendant  la  durée  de  la  maladie  de  la  jeune  fille. 

Nous  avons  essayé  de  reproduire  autant  que  possible  le 
teint  général  du  corps.  Ce  teint  est  d'un  rouge  brun  très  foncé 
et  rappelle  celui  d'un  vieil  acajou  ;  les  parties  postérieures 
du  corps  sont  beaucoup  plus  foncées,  notamment  la  nuque 
et  les  fesses.  Les  organes  génitaux  externes  et  l'auréole  du 
mamelon  sont  tout  à  fait  noirs. 

La  taille  n'est  pas  très  élevée  ;  elle  ne  dépasse  pas  l'^,49. 

Le  corps  est  vigoureux,  trapu,  et  ses  formes  sont  parfaite- 
ment arrondies,  à  cause  du  développement  énorme  du  tissu 
cellnlo-adlpeux.  Les  cuisses  et  les  bras  sont  gros  et  potelés, 
les  hanches  larges  et  les  fesses  saillantes. 

Le  système  pileux  est  aussi  très  développé,  et  les  poils  des 
différentes  parties  du  corps  sont  beaucoup  plus  abondants 
que  chez  les  sujets  mâles  de  la  race  blanche  ayant  le  même  âge. 

Même  la  lèvre  supérieure  est  ombragée  de  vrais  poils, 
rndes  et  abondants  et  que  Ton  voit  parfaitement  sur  ce  buste. 


TH.  CHUDZINSKU  «-  BUSTE  D*UNE  JBUNE  GTNGHALAI8E.  .  147 

De  plus,  la  figure  est  ornée  de  petits  fayoris  très  accentués. 

Les  cheveux  sont  longs,  relativement  fins  et  ondulés. 

Les  extrémités  sont  petites  et  d'un  contour  gracieux  ;  oe 
sont  les  mains  qui  sont  remarquables  sous  ce  rapport  ;  elles 
sont  munies  de  doigts  graciles  et  effilés. 

La  tête  est  massive  ;  elle  est  attachée  à  un  cou  large  et 
court.  Le  front  est  triangulaire  ;  il  est  bas,  étroit  et  un  peu 
fuyant.  Les  attaches  de  cheveux  descendent  latéralement  à 
9  millimètres  de  la  queue  des  sourcils  et  à  4â  millimètres 
au-dessus  d'une  ligne  passant  par  les  points  les  plus  culmi- 
nants de  ces  sourcils,  et  c'est  à  ce  mode  d'implantation  des 
cheveux  qu'est  due  la  forme  triangulaire  du  front  de  notre 
Gynghalaise. 

Cette  forme  de  front  et  le  mode  d'implantation  de  ces 
cheveux  sont  tout  à  fait  opposés  à  ceux  des  nègres  et  parti- 
culièrement des  Bochimans,  comme  on  peut  s'en  assurer  en 
regardant  le  buste  d'un  jeune  individu  de  celte  race. 

En  continuant  d'examiner  la  face  de  cette  jeune  fille,  nous 
remarquons  que  les  sourcils  sont  bien  arqués,  bien  fournis  et 
épais,  et  surtout  du  côté  droit.  Les  cib  sont  longs.  L'ouver- 
ture palpébrale  est  large,  37  millimètres  et  demi  ;  la  ligne 
de  cette  ouverture  palpébrale  est  parfaitement  horizontale. 
Les  yeux  sont  grands  et  à  fleur  de  léte.  Le  nez,  bien  que  saillant, 
est  court,  à  base  large.  Son  lobule  médian  est  gros  et  nette- 
ment détaché  des  lobules  latéraux.  La  bouche  est  moyenne, 
et  la  fente  buccale  mesure  47  millimètres.  Les  lèvres  sont  un 
peu  charnues,  et  la  lèvre  supérieure  est  courte  et  légèrement 
retroussée.  Nous  avons  vu  plus  haut  que  cette  lèvre  est  om- 
bragée de  poils.  Les  pommettes  sont  charnues  aussi  et  un  peu 
saillantes.  Le  menton  est  court  et  arrondi.  Les  oreilles  ont 
le  développement  moyen.  Elles  sont  bien  ourlées,  et  leur 
lobule  est  très  développé  (longueur  des  oreilles,  57  milli- 
mètres ;  largeur,  34  millimètres). 

En  général,  la  face  a  la  forme  d'un  losange  dont  la  plus 
grande  diagonale  correspond  à  la  racine  des  cheveux  d'une 
part  et  au  menton  de  l'autre,  et  dont  la  petite  passe  par  la  fente 


148  SÉANCE  DU  3  MARS  1887. 

palpébrale,  de  sorte  que  cette  dernière  divise  le  losange  de  la 
face  en  deux  triangles  :  le  supérieur  encadrant  la  région 
fronto-palpébrale  et  l'inférieur  englobant  le  reste  de  la  face. 
Les  seins  sont  relativement  petits  et  globuleux  ;  Tauréole 
du  mamelon,  peu  large,  de  couleur  noire  ;  le  mamelon  petit, 
arrondi  et  saillant.  Les  mollets  de  cette  jeune  fille  contrastent 
singulièrement  avec  le  développement  du  reste  du  corps,  et 
en  effet  ils  sont  à  peine  sensibles  et  presque  absents,  comme 
le  prouve  ce  moulage  que  je  mets  sous  les  yeux  de  la  Société. 

Tète  momifiée  provenant  de  la  trlba  des  Jivaroa 
(Répabli^ne  de  l'Eqnatear)>  ; 

PAR  LB  DOCTEUR  B.-T.  HAUT. 

Diicnssioa. 

M.  Dallt  demande  si  M.  Hamy  pourrait  préciser  la  date  de 
cette  pièce,  et  si  cette  coutume  est  encore  pratiquée  actuelle- 
ment. 

M.  Hamt.  Ce  genre  de  momification  était  encore  pratiqué  il 
y  a  vingt  ans,  si  Von  en  croit  le  voyageur  italien  Liozzi.  La 
date  de  la  pièce  que  je  présente  est  inconnue.  On  ignore  éga- 
lement la  nature  des  substances  employées  pour  la  prépara* 
tion.  Toujours  est-il  qu'elle  n'empôche  pas  les  vers  d'attaquer 
les  tissus  conservés.  La  coutume  de  momifier  la  tête  des 
ennemis  tués  dans  les  combats  existe  encore  aujourd'hui 
chez  les  tribus  du  cours  inférieur  de  l'Amazone,  mais  la  mé- 
thode employée  est  tout  autre  ;  il  n'y  a  pas  extraction  préa- 
lable des  os  de  la  face  et  du  crâne. 

*  T^  maousorit  n'a  pas  été  remis,  Tauteur  étant  parti  en  mission.  Il  sera 
publié  dans  un  prochain  fascicule. 


JEANNE  BERTQiLON.  *—  L'INDIGB  BNGÉPflALO-CARDUQUB.     149 

COMMUNICATIONS. 

L'indlee  eaeéplialo-eardlaqiie,  d'après  les  doeonteMts 
laissés  p«»  le  doetear  Parrot  t 

PAR  N^^*    JEANNE  BBRTILLON. 

Messieurs,  votre  regretté  collègue,  M.  le  docteur  Parrot, 
lors  de  la  remarquable  discussion  qui  eut  lieu  à  la  Société 
dans  les  premiers  mois  de  Tannée  1882  sur  le  poids  relatif 
de  Tencéphale,  vous  annonçait  une  communication  pro- 
chaine sur  un  indice  encéphalo-cardiaque. 

a  Je  m'occupe  depuis  longtemps  déjà,  vous  disait-il^  du 
poids  de  l'encéphale  chez  les  enfants  et  les  adultes,  et,  suivant 
en  cela  les  principes  admis  pour  la  détermination  d'autres  va- 
leurs, je  n'ai  pas  voulu  comparer  des  grandeurs  absolues.  J'ai 
donc  cherché  un  terme  de  comparaison  qui  me  permît  de 
calculer  la  valeur  proportionnelle  du  poids  du  cerveau,  son 
indice.  J'ai  passé  en  revue  les  os  et  les  muscles,  et  les  uns 
et  les  autres  m'ont  paru  devoir  donner  des  résultats  trop 
variables,  trop  éloignés  du  rapport  exact  des  choses. 

«  C'est  dans  le  système  viscéral  que  j'ai  cru  trouver  un 
véritable  terme  de  comparaison  et  j'ai  choisi  le  cœur,  qui 
représente  la  valeur  la  plus  fixe.  Il  varie  en  effet  aussi  peu 
que  l'encéphale,  et,  malgré  notre  phraséologie  habituelle, 
c'est  Torgane  le  plus  brutal. 

<c  Le  poids  du  cerveau,  proportionnellement  à  celui  du 
cœur,  doit  donc  nous  donner  la  mesure  la  plus  exacte  possible 
de  l'influence  respective  de  l'intelligence  et  de  la  motricité  du 
cerveau.  J'appelle  cet  indice,  l'indice  encéphalo-cardiaque, 
et  je  le  calcule  en  recherchant  sur  chaque  sujet  combien  il  y 
a  d'encéphale  pour  iO grammes  de  cœur.  J'ai  obtenu  d'assez 
nombreux  résultats,  et  je  me  propose  de  les  communiquer 
prochainement  à  la  Société.  » 

Vous  savez,,  messieurs,  qu'une  longue  et  douloureuse  mala- 

»  Séance  du  i  février  1882,  t.  V,  3«  aérie,  p.  105. 


480  SÂAHGB  DU  8  KA&S  1887. 

die  qui  emporta  M.  Parrot  le  5  août  i883,  l'empêcha  de  tenir 
parole.  Permettez  à  celle  qa*il  a  bien  Tonlu  charger  du  soin 
de  tenir  ses  registres  d'observations,  d'accomplir,  dans  la  fai- 
ble limite  de  ses  moyens,  rengagement  du  maître,  et  de  le 
rappeler  encore  une  fois  au  milieu  de  vous. 

Toutes  les  fois  que  M.  Parrot  faisait  une  autopsie,  il  notait 
exactement  le  poids  de  quelques  organes  et  il  choisissait  de 
préférence  Tencéphale,  le  cœur  et  la  rate,  enfin  il  mesurait 
la  taille  du  sujet.  Toutes  ces  observations  étaient  groupées 
selon  le  fœtus,  le  sexe  et  T&ge.  Le  tableau  ci-contre  les 
résume. 

Il  serait  difScile  de  tirer  des  conclusions  bien  nettes  de  ces 
chiffres,  aussi  avons-nous  dressé  le  tableau  suivant  qui  mon- 
tre la  marche  progressive  du  développement  des  organes 
étudiés  : 


Tablead  n»  1.  Marche  progreÈiive  et  eempùrée  chez  les  deux  eexee  de  la 
taille,  de  C encéphale,  du  cœur,  du  corps  et  de  ta  rate  ofe  0  à  5  ont  inclus. 


C0EP8. 

GGBtJR. 

kncAphali 

RAn. 

TAILLE. 

AGE. 

.^^^-^.^ 

-^ — * 

' 1 

r*^ 

1 

r.     a. 

F. 

1000 

O. 

r. 

o. 

1000 

r. 

1000 

o. 

F. 

0. 

lono 

De  0  à  1  mois. 

1000  1000 

1000 

1000 

1 

1000  1000 

De  1  à  3  mois. 

1190  1124 

1179,1135  1246  1348  1280 

1286  1066 

1036 

De  3  &  6  raoid. 

159Ù  1486 

1487  1499  1666' 1579  1352 

1  860  1  202 

1128 

De  6  mois  à  1  an. 

2257  2150 

2280|2191  217u'21d7!23il 

2153  1356 

1315 

De  1  à  2  ans... 

3200  2921 

3189  3095  2 756 12647 {3 230 

3  390  1540 

I51S 

De  2  à  4  ans... 

4341  4  229 

40223849  3210, 3202, 457U 

4210  1744 

1683 

De  4  à  6  ans... 

5367  5480 

5167i5160. 34351346115.130 

5  560  1971 

1960 

(Le  poids  réel  de  tons  les  corps  étadiés  étant  pris  poar  1  000  à  la  naissance,  qae 

4e^eni-il  à  l'Age  suiTtal  «1  ainsi  de  raite  jusqu'à  S  ans  inelns?).  Voir  le  tableau 

graphique  n»  î  bis. 

Il  est  maintenant  facile  de  suivre  chez  les  enfants  des  deux 
sexes  de  zéro  à  cinq  ans  le  développement  du  poids  du  corps  et 
de  certains  autres  viscères.  Tous  deux  sont  également  sou- 
mis à  la  même  loi. 

Nous  voyons  par  exemple,  que  de  léro  à  cinq  ans  la  taille 


8 
1 

i 


MOYENNE 

delà 

TAILLB. 

d 

• 

55  ,5 

8 

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i 

§    1 

152  SÉANCE  DU  3   MARS   i887. 

double,  ainsi  que  Quételet  Tayait  déjà  signalé  pour  les  petits 
enfants  belges  ;  que  le  cerveau  triple,  que  le  corps,  le  cœur 
et  la  rate  quintuplent  leur  poids  primitif. 

Enfin  nous  avons  cherché  quelle  part  avait  été  prise  par 
chaque  période  d'âge  dans  le  développement  de  Tenfant 
depuis  sa  naissance  jusqu'à  six  ans.  C'est  ce  que  nous  indique 
le  tableau  suivant  : 


Tableau  n«  3.  V accroissement  total  de  Q  à  6  ans  étant  ramené 
à  100,  quelle  est  la  part  de  chaque  période  cTâge? 


PÉRIODES. 


D6  0àlmois«t 

<Ulà3mois. 
DelàSmoiset 

de  3  à  6  mois. 
De3k6moi8et 

deC  m.  à  la. 
De  6  m.  à  1  an 

etdelanàS. 
Do  1  à  2  ans  et 

de  2  à  4  ans. 
De  2à4ans  et 

de  4  à  6  ans. 


POIDS 

DU  CORPS. 


F. 


4*  ,37 
9  ,20 
15  ,11 
21  .59 
26  ,14 
23  ,50 


2f,7« 
8  ,06 
14  ,82 
17  ,22 
29  ,04 
28  ,10 


POIDS 

de 

l'cmcéphale. 


i0«,17 

17  ,24 
20  .71 
24  ,21 

18  ,49 
9  .18 


14*,15 
9  ,36 
22  ,62 
20  ,72 
22  ,6 
10  ,49 


POIDS 

DU  CCBUR. 


F. 


4f,45 
6  ,98 
19  ,05 
22  ,06 

20 
27  ,46 


3ff,19 
8  ,69 
16  ,84 
21  ,74 
18  ,12 
31  ,42 


POIDS  POIDS 

DBLAIUTC.   DBLATAILLK. 


P.    G. 


6f,6 
13  ,1 
Il  ,1 
20  ,7 
31 
17  ,5 


6f,4  6*  ,86 

12  ,6  13  ,94 

I 
6  ,4  15  ,93 

i 
27  ,1  18  ,80 

I 
17  ,9  21  ,02 

1     I 
29  ,6  23  ,45  24  ,61 


3*  ,08 
8  ,32 

16  ,65 

17  ,65 
29  .69 


Ce  tableau  nous  montre  d'une  manière  irréfutable  un  fait 
qui  n'avait  pas  encore  été  indiqué,  à  ma  connaissance  tout 
au  moins,  c'est  que  le  cerveau,  contrairement  à  ce  qu'on  serait 
tenté  de  croire,  se  développe  très  rapidement,  beaucoup  plus 
rapidement  qu'aucun  des  autres  organes  que  nous  éludions, 
beaucoup  plus  rapidement  que  la  taille  elle-même  I 

C'est  ainsi  que,  pour  les  six  premiers  mois  de  la  vie,  nous 
voyons  que  l'accroissement  du  poids  du  corps  a  été  de  : 

43,66  pour  iOO  pour  les  filles,  et  de  i0,82  pour  les  gar- 
çons. 

L'accroissement  du  poids  du  cœur,  ii,43  pour  iOO  pour 
les  filles,  et  de  1  i  ,88  pour  les  garçons. 

L'accroissement  du  poids  de  la  rate,  49,7  pour  400  pour  les 
filles,  et  de  49  pour  les  garçons. 


JEANNE  BEBTILLON.  -^  L*INDICB  E!ICÉPHALO-CARDIAQUE.     )5S 

L'accroissement  de  la  taille,  20,8  pour  100  pour  les  filles, 
et  de  11,40  pour  les  garçons. 

Tandis  que  pour  l'encéphale,  Taccroissement  du  poids  est 
de  27,41  pour  100  pour  les  filles,  et  de  23,51  pour  les  gar- 
çons. 

Il  en  est  de  même  jusqu'à  Tâge  de  deux  ans,  époque  à 
laquelle  le  poids  du  cerveau  atteint,  chez  les  petites  filles, 
72  pour  100,  et  chez  les  petits  garçons  66  pour  100  de  Tac- 
croissement  total  qu'il  doit  acquérir  dans  les  six  premières 
années,  alors  que  les  poids  du  corps,  du  cœur  et  de  la  rate 
n'en  sont  à  peu  près  qu'à  la  moitié  de  leur  développement. 

C'est  ce  qui  ressort  avec  évidence  du  tableau  ci-dessous  : 


Poids  da  corps  de  0  à  S  aas 

—    du  oœur  de  0  à  2  aas. ..... 

^  de  la  rate  de  0  à  2  ans. . . . 
Mesure  de  la  taille  de  0  à  2  ans. . . 
Poids  de  rencéphale  de  0  à  2  ans... 


FillM. 

Garçons 

50,36  pour  100. 

42,86 

62,54       — 

50,46 

51,5         — 

52.5 

55,53       — 

45,70 

72,83       — 

68,85 

Ajoutons  que  les  petites  filles  se  montrent  beaucoup  plus 
précoces  que  les  petits  garçons  du  môme  âge. 

L'influence  du  sexe  s'affirme  également,  mais  dans  un  autre 
sens,  si  l'on  compare  le  poids  d'un  même  organe  chez  la  petite 
fille  et  chez  le  petit  garçon  ;  c'est  ce  que  nous  indique  très 
clairement  le  tableau  suivant  : 

Tableau  no  4.  Etant  1 000  chez  la  petite  fille,  que  deviennent  le  corps, 
le  cœur,  t encéphale,  la  taille  et  la  rate  chez  le  petit  garçon  ? 


AGE. 

CORPS. 

CŒUR. 

IKCtfPBALB. 

TAILLE. 

HATE, 

De  0  à  1  mois.... 

1131 

1100 

1100 

1056 

1095 

De  1  à  8  mois.... 

1050 

1039 

1187 

1026 

1101 

De  3  à  6  mois.... 

1036 

1107 

1041 

992 

1100 

De  6  m.  à  1  an... 

1060 

1057 

1C81 

n25 

10)6 

De  1  à  2  ans 

1014 

1068 

1055 

1039 

1150 

De  2  &  4  ans 

1084 

1052 

1097 

1021 

1007 

De  4  à  6  ans 

1138 

1099 

1108 

1052 

1140 

ISA  StA9CB  DU  3  MARS  4887. 

On  Toit  aioBi  que  tons  les  organes  du  petit  garçon  sont 
plus  lourds  à  tous  les  âges  compris  entre  zéro  et  oinq  ans 
que  ceux  de  la  petite  fille. 

Pour  le  poids  du  corps,  la  différence  la  plus  considérable 
est  notée  dans  le  premier  mois  de  la  vie  et  dans  la  dernière 
année  d'âge  observée.  C'est  encore  dans  le  premier  mois  que 
la  différence  est  la  plus  grande  pour  le  poids  du  cœur.  La 
différence  s'atténue  un  peu  d'un  à  trois  mois,  puis  grandit  de 
nouveau  entre  trois  et  six  mois^  pour  atteindre  son  minimum  de 
six  mois  à  un  an.  Mais,  à  partir  de  ce  moment,  la  différence 
grandit  toujours  pour  atteindre  la  même  importance  entre 
quatre  et  six  ans  que  dans  le  premier  mois. 

Pour  l'encéphale,  la  prééminence  du  sexe  masculin  suit 
une  marche  moins  régulière  ;  comme  pour  les  autres  organes, 
le  maximum  se  trouve  aux  deux  périodes  extrêmes  que  nous 
étudions.  J'en  dirai  autant  de  la  taille.  En  ce  qui  concerne  la 
rate,  les  irrégularités  sont  telles  qu'il  paraît  impossible  d'en 
tirer  une  conclusion  quelconque.  On  sait  du  reste  combien 
cet  organe  change  facilement  de  poids  sous  l'influence  de 
causes  pathologiques^  de  telle  sorte  qu'il  nous  paraît  inutile 
de  chercher  plus  longtemps  la  marche  du  développement 
régulier  de  cet  organe. 

En  résumé,  nous  voyons  que,  dès  la  naissance,  l'influence 
sexuelle  s'afflrme  avec  la  plus  grande  netteté,  en  ce  qui  con- 
cerne le  poids  de  certains  organes  et  que,  dans  les  quatre 
premières  années,  cette  influence  diminue  pour  reparaître  de 
quatre  à  six  ans  avec  la  même  intensité  que  dans  le  premier 
mois  de  la  vie. 

Le  développement  du  poids  du  corps,  de  l'encéphale  et  du 
cœur  étant  connus,  voyons  maintenant  si  nous  pouvons  éta- 
blir entre  eux  une  relation. 

Le  tableau  suivant  va  nous  fournir  les  rapports  entre  le 
poids  de  l'encéphale  et  le  poids  du  corps  d'une  part»  et  avec 
l'accroissement  de  la  taille  d'antre  part  : 


JBANNE  BBRTIIXqR.  *-  l^'ltOklGI  BNCiPlALO- CARDIAQUE.     iSS 
Tableau  V  5» 


AO   CORPB 

a:  1000  grammes 

de    oorpt    donneront 

tant  ae  grammes 

d*encéphale. 


Nombre 

de  eas 

obeenrés. 


De  0  à  1  moiff.. 
De  1  à  Si  mois.. 
De  3  à  6  mois.. 
De  6  m.  à  1  an 
De  1  à  2  ans. . . 
De  t  à  3  ann... 
De  3  à  4  ans... 
De  4  à  5  ans. . . 
De  5  à  6  ans. . . 
De  6  à  7  ans... 


RAPPORT  DE  L'ENCÉPHALE 


196 

88 

104 

120 

202 

115 

60 

44 

22 

17 


A  LA  TAILLE 

>Q  :  iOO  oenlimètres 

donneront 

tant  de  grammes 

d'encéphale. 


166c,6 

186  ,9 

175  ,8 

163  ,1 

147  ,4 

128  ,7 

118  ,1 

92  ,8 

101  ,8 

100  ,6 


Nombre 

de  cas 

obsenrés. 

94 
46 
56 
60 
149 
95 
48 
84 
22 
13 


726t,5 
865  ,7 

1006 

1220 

1174 

1871 

1531 

1279 

1205 

1264 


Tout  en  faisant  abstraction  des  oirconstanees  si  nombreuseï 
qni  peuvent  faire  varier  le  poids  du  corps  sans  avoir  aucun 
retentissement  sur  le  poids  du  cerveau,  nous  voyons  dans  le 
précédent  tableau  que  le  rapport  entre  le  poids  de  Tencé* 
phale  et  le  poids  total  du  corps  varie  constamment  et  qu'il 
en  est  absolument  de  même  pour  la  taille.  Il  n*est  donc  pas 
plus  logique  de  comparer  le  poids  du  cerveau  au  poids  total 
du  corps  qu*à  la  taille. 

Nous  confions  ces  chiffres  aux  méditations  des  savants  qui 
ont  déjà  cherché  à  établir  une  relation  entre  le  poids  de  l'en- 
céphale et  celui  de  la  taille. 

Si,  au  contraire,  nous  comparons  le  cœur  au  cerveau^  les 
résultats  sont  tout  autres  et  prennent  une  certaine  stabilité, 
ainsi  qu'on  pourra  en  juger  par  le  tableau  ci-deesous  : 


iKO 


SéANCE  DU  6  MARS  i887. 
Tableau  n*  6. 


AOE. 


De  0  à  1  mois... 
De  1  à  3  mois... 
De  8  à  6  mois... 
De  6  mois  à  1  aD 

De  1  à  2  ans 

De  S  à  3  ans 

De  3  à  4  ans 

De  4  ^  5  ans 

De  5  à  6  ans.... 
De  6  à  7  ans 


RAPPORT  DE  L*BNCÉPHALE 

au  cœur  OU  :  10  grammes 

de  cœur  donneront  tant  de  grammes 

d'encéphale. 


Nombre  de  ci 
obserrét. 


185 

90 

90 

114 

206 

117 

71 

89 

22 

19 


Rapport. 


230S 

257 

257 

234  ,9 

216 

192 

173 

158 

151 

151  ,1 


Il  est  fort  regrettable  que  ce  tableau  ne  comprenne  pas  des 
observations  au-delà  de  sept  ans,  car  il  nous  aurait  probable- 
ment montré  d'une  manière  très  nette  la  permanence  du 
rapport,  que  nous  voyons  déjà  prendre  une  certaine  fixité 
depuis  quatre  ans  jusqu'à  sept,  c'est-à-dire  aussitôt  que  les 
organes  ont  acquis  un  certain  développement,  la  moyenne 
ayant  une  simple  variation  de  quelques  grammes. 

J'ose  espérer,  messieurs,  que  ces  quelques  lignes  vous 
auront  convaincus  que  la  perspicacité  de  M.  Parrot  avait  vu 
juste,  cette  fois  encore  comme  dans  beaucoup  d'autres  cir- 
constances, et  c'est  pour  remplir  un  engagement,  que  la 
mort  seule  l'a  empêché  d'accomplir,  et  servir  en  même  temps 
une  science  à  laquelle  il  a  donné  tant  de  preuves  de  son  vif 
intérêt,  que  j'ai  pris  la'  liberté  de  vous  apporter  le  résultat 
jusqu'ici  inédit  de  ses  patientes  et  laborieuses  recherches. 

Qu'il  me  soit  permis  de  souhaiter  que  l'indice  encéphale- 
cardiaque  de  Parrot  prenne  bientôt  sa  place  définitive  dans  la 
science,  à  côté  des  nombreux  indices  de  Broca.  Vous  rendrez 
ainsi  hommage  à  la  mémoire  de  deux  hommes  qui  ont  con- 
tribué à  l'avancement  des  sciences  anthropologiques. 


DISCUSSION  SUR  L^lNDlCfi  BNGÉPHALO- CARDIAQUE.  157 

TabUttu  graphique  représentant  la  marche  progressive  et  comparée  chez 
Us  deux  sexes,  de  la  taille,  de  tencéphale,  du  cœur  et  du  corps,  de 
0  â  5  ans. 


«00 

f^ 

550 

550 

500 

/ 

500 

400 

/ 

\'V 

450 

400 

à 

n 

f 

• 

400 

350 

<r 

V 

380 

aoo 

^ 

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300 

250 

Ésf7 

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250 

200 

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200 

150 

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TOO 

i 
1 

HMit    1-0        5r«     f«A-i.,»       1-2          «-4         4-6          2-4         1-2     6nelt-1»      5^           VS    O-Iim» 

d«.    0     à     5    ano 

Le  poids  réel  de  tous  les  corps  étudiés  étant  pris  pour  100  à  la  nais- 
sance,  que  devient-il  à  l'âge  de  1  à  3  mois  et  sucoessivement  jusqu'à 
5  ans  ? 

Discussion. 


M.  Dallt  demande  si  les  tableaux,  qui  ont  dû  nécessiter  un 
travail  énorme,  sont  de  M^^*  Bertillon  ou  de  M.  Parrot  lui- 
même. 


188  SÉANCK  DU  3  MARS  1887. 

M.  litTOURNBAû.  M^Bertillon  a  entre  les  mains  les  régis* 
très  des  observations  recueillies  par  M.  Parrot  à  l'hôpital  des 
Enfants  ;  de  très  nombreuses  autopsies  y  sont  consignées.  De 
plus,  elle  était  très  au  courant  des  idées  de  notre  regretté 
collègue  ;  les  chiffres  qu'elle  présente  offrent  donc  toutes  les 
garanties  possibles. 

M.  Manouybibr.  Il  serait  à  souhaiter  que  l'auteur  du  mé- 
moire continuât  le  dépouillement  de  ces  précieuses  archives  ; 
on  en  tirerait  des  indications  pleines  d'intérêt. 

M.  Dally  a  été  frappé  de  la  rapidité  avec  laquelle  le  cerveau 
des  filles  se  développe.  Celte  précocité  les  rapproche  des 
enfants  des  races  inférieures.  Elle  coïncide,  en  outre«  avec  la 
décroissance  plus  rapide  des  facultés  intellectuelles  de  la 
femme,  que  Ton  observe  généralement.  Llntelligence  de 
l'homme  progresse,  au  contraire,  jusqu'à  un  âge  très  avancé. 

M.  Manouvrier.  L'activité  intellectuelle  dépend  de  condi- 
tions si  nombreuses  et  si  variées,  qu'il  est  difficile  d'en 
apprécier  les  variations  suivant  Tâge  et  le  sexe  en  se  basant 
sur  des  variations  du  poids  ou  de  la  forme  du  cerveau  qui, 
elles-mêmes,  ne  nous  sont  connues  que  très  imparfaitement. 
Ce  que  je  puis  répondre  à  M.  Dally,  c'est  que  la  science  ne 
possède  actuellement  aucune  preuve  valable  ni  pour  ni  contre 
les  opinions  qu'il  vient  d'émettre. 

Be  TeaimanelieBieHC  des  silex  tmillés*  ém  type  yénérmleaiest 
«•AHH  sens  le  noM  de  type  de  Salmt-Aiebeal  em  de  Chelles; 

PAR  M.    B.    d'aCT. 

J'ai  l'honneur  de  présenter  à  la  société  quelques  cailloux, 
dont  l'examen  me  semble  pouvoir  servir  à  réclaircissement 
d'un  intéressant  problème  d'archéologie  préhistorique. 

Gomment  les  hommes  de  Saint-Acheul  ou  de  Chelles  se 
servaient-ils  des  silex  qu'ils  taillaient  sur  les  deux  faces  ? 

Les  employaient-ils  tous  en  les  tenant  à  la  main  ? 

Ou  bien,  en  emmanchaient-ils  quelques-uns  t 

Ces  questions  ont  déjà  été  traitées  plus  d'une  fois.  Elles 


£•  d'aCY.  —  SUR  L'EMMANCflEMSirr   DIS  SILEX  TAULES.    IM 

Font  été  de  nouraati,  il  n'y  a  pas  longtemps  ;  mais  la  façon 
dont  elles  ont  été  résolues  alors,  pour  être  neuTe,  ne  m'en 
paraît  pas  plus  Traisemblable. 

Dans  le  numéro  de  la  Revue  scientifique  du  dO  octobre  der* 
nier,  M.  J.  Meunier  nous  apprend  que  «  la  plupart  des 
instruments  chelléens\  sinon  tous,  sont  calqués  sur  une 
forme  type,*la  même  dans  Tesprit  de  tous  les  hommes  de 
cette  époque,  et  que  s'il  présente  une  assez  grande  variété 
dans  Taspeot,  les  dimensions,  le  fini  du  travail,  la  matière  qui 
a  servi  à  le  confectionner,  Toutil  ohelléen  n'en  est  pas  moins 
un.  La  diversité  provient  presque  exclusivement  de  la  qua- 
lité de  la  roche  employée,  de  Tappropriation  du  marteau  et 
de  redresse  personnelle  de  chaque  ouvrier*...  d  L'homme  de 
Chelles  lance  ce  disque  --  tel  est  le  nom  proposé  par 
M.  Meunier,  pour  remplacer  celui  de  coup  de  poing,  donné 
par  M.deMortillet-^ttrhommede  Chelles  lance  ce  disque  con* 
tre  sa  proie  et  contre  son  ennemi.  Visant  principalement  à  la 
tète,  où  les  vaisseaux  sont  superficiels  et  appuyés  sur  un 
plan  résistant,  il  le  lance  d*un  bras  vigoureux  et  expéri- 
menté ;  et  cette  arme  pesante,  excessivement  dure,  pointue, 
tranchante  sur  tout  son  pourtour,  ouvre  au  point  touché  une 
large  blessure...  Tout  ceci  ressort  de  la  forme  discoldale,  à 
bord  tranchant,  de  Tinstrument  chelléen,  forme  défectueuse 
pour  un  instrument  utilisé  à  la  main,  puisqu'un  efTort  un  peu 
violent  risquerait  de  blesser  celui  qui  remploierait  de  cette 
manière.  Cette  forme  est  tellement  avantageuse,  au  contraire^ 
pour  un  instrument  destiné  à  être  lancé,  qu'elle  se  perpé- 
tuera sans  grande  modification  jusqu*aux  mains  des  Disco- 
boles* ». 

*  M.  Meunier  ne  parle  que  de  l'homme  obelléen,  de  Toutil  ohelléen; 
mais,  ce  qu'il  en  dit  s'applique  également,  sans  auoun  doute^  à  l'homme 
ou  aux  silex  de  Saint-Acheul  et  des  autres  stations  de  la  même  époque. 
Tons  les  instruments  qui!  eite  Tiennent  de  Saint-Acheul,  d'Àbbtnlle,  de 
Montguillain  ou  de  gisements  analogues.  Voir  Rsvuê  $cienti/ique,  n«  du 
30  octobre  1886,  p.  553  et  554,  aux  notes. 

*  /6M.,  p.  85t. 
»  Ibid.,  p.  554. 


160  SÉANCE  DU  3  MARS  1887. 

Les  grands  disqaes,  a  rinflme  disque  de  Saint-Acbeal,  dont 
la  longueur  n'excède  pas  6  centimètres,  la  largeur  5,  le 
poids  65  milligrammes  »,  et  aussi  ceux  à  talon,  sont  bien  un 
peu  gênants  pour  cette  théorie.  Mais  a  grands  et  petits  sont 
des  exceptions»;  les  premiers^  sont  des  instruments  à 
Tusage  «  des  géants,  des  colosses  »  —  il  y  en  a  dans  tous 
les  temps,  au  milieu  de  n'importe  quelle  peuplade—  ;  ou 
bien,  «  quelque  esprit  prime-sautier  aura  cherché  à  s'affran- 
chir de  la  routine,  en  triplant  les  dimensions  de  son  arme, 
dans  le  but  de  la  rendre  plus  efficace»  ;  les  seconds,  les  pe- 
tits, sont  c  des  jouets  d'enfants  ». 

«  Le  peu  de  saillie  de  la  pointe...,  l'extrémité  tranchante 
jouant  le  rôle  de  ciseau  ou  de  tranchet...,  la  tendance,  vers 
la  fin  de  l'époque  chelléenne,  à  donner  à  l'arme  une  forme 
triangulaire  »,  ne  sont  que  la  conséquence  de  l'emploi  du 
disque  comme  arme  de  jet.  «  Si  la  pointe  eût  été  plus 
allongée,  elle  eût  rarement  touché  le  but  »  ;  le  ciseau  ou  le 
tranchet  remplace  la  pointe  ;  la  forme  triangulaire  a  pour 
objet  de  multiplier  les  pointes.  Il  n'y  a  pas  jusqu'aux  points 
bruts,  non  retaillés,  du  pourtour  qui  n'aient  été  destinés  à 
jouer  un  rôle  dans  l'action  de  lancer  le  disque.  Us  permettent 
de  «  l'appuyer  solidement  sur  l'extrémité  du  doigt  au  moment 
de  le  lancer  ». 

Je  m'étonne  que  M.  Meunier  ne  trouve  pas  tout  cela 
«  bien  compliqué  pour  la  jeune  intelligence  de  l'homme  pri- 
mitif ». 

Mais  c'est  affaire  à  lui.  Pour  moi,  n'étant  nullement  con- 
vaincu du  «  faible  degré  d'intelligence  »  des  populations 
quaternaires,  je  n'élèverai  aucune  objection  de  ce  genre. 

Devant  un  silex  muni  d'un  «  talon  tellement  épais,  que  cet 
outil  n'a  pu  être  lancé  »,  devant  d'autres  «  variations  »  en- 
core^ M.  Meunier  est  obligé  d'admettre  que  si  le  disque  est  le 
plus  souvent  lancé  à  la  chasse,  parfois  aussi^  employé  à  d'autres 


1  Par  exemple,  celui  de  Schrub-Hill,  t  long  de  30  ceniimèlree,  large  de 
18,  pesant  près  de  2  idlogrammes  ».  Ibid,,  p.  554. 


E.  D^ACT.  —  SUH  L'EBniANCHEMBNT  DBS  SILEX  TAILLÉS.     161 

usages^  il  est  tenu  à  la  main  ;  mais,  en  thèse  générale,  «  le 
disque  chelléen  est  destiné  à  être  lancé  *  ». 

Yoici  donc  qui  est  bien  entendu  ;  Toutil  de  Thomme  de 
Ghelles  ou  de  Saint^Achenl  est  un  ;  cet  outil  typique,  unique^ 
est  un  disque;  et  ce  disque  est  destiné  à  être  lancé  à  la  main,  soit 
contre  une  proie,  soit  contre  un  ennemi. 

Si  M.  Meunier  s'était  moins  préoccupé  d'Indra  et  de  Vritra^ 
d'Ahnoàman,  de  Recaranus,  de  Taranus,  d*Hercule,  voire 
même  des  Discoboles,  dont  le  palet  est  séparé  de  Finstru- 
mentde  Ghelles,  noii  seulement  par  une  grande  différence  de 
forme,  mais  encore  par  un  laps  de  temps  très  considérable, 
pendant  lequel  rien  de  semblable  ne  se  rencontre  ;  s'il  s*était 
moins  laissé  entraîner  par  son  imagination  et  par  des 
théories  préconçues  ;  si,  dirai-je  avec  M.  Gartailhac,  <f  il  avait 
étudié  d'autres  collections  que  celles  qu'il  parait  avoir  eues 
sous  les  yeux*  »,  il  serait,  je  n'en  doute  pas,  arrivé  à  des 
conclusions  toutes  différentes. 

Sans  même  examiner  si  un  caillou  de  forme  polyédrique, 
beaucoup  plus  facile  à  façonner,  quand  on  ne  le  trouve  pas 
tout  fait  par  la  nature,  ne  remplit  pas  les  conditions  requi- 
ses pour  une  arme  de  jet,  bien  mieux  que  le  prétendu  disque 
de  Ghelles,  je  ferai  d'abord  remarquer  qu'il  est  au  moins 
singulier  de  prendre  pour  type  d'une  industrie  un  objet  qui  ' 
ne  s'y  rencontre  que  d'une  façon  tout  à  fait  exceptionnelle. 
Ge  qui  ressemble  le  moins  mal  à  un  disque,  ce  que  jusqu'à 
présent  on  a  appelé  disque  dans  l'outillage  préhistorique,  à 
l'exclusion  de  toute  autre  forme,  est  extrêmement  rare  à 
Saint-Acheul  et  à  Ghelles.  Je  n'en  ai  que  huit  ou  neuf  spéci- 
mens de  la  première  station,  et  que  trois  ou  peut-être  quatre 
de  la  seconde  ;  et  je  n'ai  laissé  échapper  aucun  de  ceux  que 
j'ai  vus. 

Les  silex  qui  affectent  plus  ou  moins  la  forme  en  amande, 
et  qu'en  vérité  on  ne  peut  appeler  des  disques,  ceux-ci  par 

1  /Nd.,  passim»  p.  554,  et  en  note. 

*  Matériaux  pour  rhistoir$  prinUUve  et  natureUê  de  Vhomme,  n»  de  dé- 
cembre 1S86,  p.  581. 

T.  X  (3«  bérue).  il 


162  SÉANCE  DU  3  MARS  i8B7. 

exemple,  loot  ineomparablemeni  plus  nombreux.  Il  aoepen- 
dant  fallu  beaucoup  plus  de  temps  et  d'habileté  pour  les 
façonner  ;  par  contre,  leur  forme,  la  position  de  leur  centre 
de  gravité,  les  rendraient  encore  beaucoup  moins  propres  à 
Tusage  indiqué  par  M.  Meunier  ;  et  je  ne  saurais  mieux  faire 
que  de  répéter  avec  le  père  de  l'archéologie  préhistorique  : 
f  An  temps  qu'a  dA  demander  leur  confection,  car  il  en  est 
qui  ont  une  régularité,  disons  mieux,  une  harmonie  dans 
leurs  proportions,  telle  que  le  plus  habile  de  nos  ouvriers  ne 
ferait  pas  beaucoup  mieux,  on  doit  croire  que  leur  emploi 
B^était  pas  d'une  mince  importance,  et  qu'il  ne  s'agissait  pas 
d'une  pierre  à  jeter  au  vent  ou  d'un  simple  projectile..*  A 
quoi  bon  cette  coupe  uniforme  et  régulière,  travail  long  et 
difBcile,  quand  la  première  pierre  brute  ramassée  et  jetée  à 
la  faee  de  l'adversaire  était  tout  aussi  dangereuse  pour  lui, 
sinon  davantage  ^  n 

Les  silex  très  volumineux,  qui  n'auraient  pu  être  lancés  que 
par  des  géants,  ou  qui  seraient  dus  aux  essais  de  quelques 
esprits  prime-sautiers,  ennemis  de  la  routine,  ne  sont  pas 
aussi  exceptionnels  que  le  croit  M.  Meunier,  d'après  M.  de 
Mortillet.  J'aurais  pu  présenter  plusieurs  échantillons  qui 
atteignent  25  centimètres,  et  même  un  peu  plus,  si  leur 
poids  ne  m'en  avait  empêché  ;  il  y  en  a  de  plus  considérables 
encore  dans  diverses  collections.  Les  pièces  o  infimes  »  telles 
que  celles-ci,  qui  évidemment  n'ont  pu  servir  d'armes  de 
jet,  et  dans  lesquelles  M.  Meunier  est  obligé  de  voir  des  jouets 
d'enfants,  sont  peut-être  moins  rares  encore. 

Les  petits  points  bruts,  non  retaillés,  sont  loin  de  se  ren- 
contrer sur  tous  les  silex  ;  tous  ces  spécimens,  et  j'aurais  pu 
en  apporter  bien  d'autres,  en  sont  dépourvus  ;  pourtant  il 
eût  été  facile  d'en  ménager,  et  on  n'eût  certainement  pas 
manqué  d'en  conserver,  si  leur  utilité  eût  été  réelle  ;  sur 
bfaucoup  de  pièces,  sur  celle-ci  par  exemple,  ils  sont  réduits 

>  Boucher  d%  PepUiM,  ÀtUépiiiét  ceUiquêi  U  ontédikufiÊmm.t  III,  1S64, 
p.  74;  t.  II,  1867,  p.  171. 


E.  d'âGT.  —  SUR  L'EKMANCHBIIENT  DES  SILEX   TAILLÉS.     163 

à  des  dimensions  tellement  exiguës,  qu'évidemment  ils  n'ont 
pu  servira  rien  ;  quelle  que  soit  leur  grandeur,  ils  se  rencon* 
trenten  n'importe  quel  endroit  du  pourtour,  à  la  base,  sur  les 
côtés,  et  même  tout  près  de  la  pointe,  comme  sur  cet  écban* 
tillon  ;  il  me  semble  pourtant  évident  que  s'ils  avaient  été 
destinés  à  a  appuyer  solidement  le  disque  sur  Textrèmité  du 
doigt,  au  moment  de  le  lancer  » ,  ils  auraient  occupé  partout 
la  même  place.  Dans  le  fait,  il  suffît  de  manier  quelques 
silex  pour  reconnaître  que,  pour  les  lancer^  il  est  impossible 
ou  au  moins  extrêmement  difficile  et  incommode  d'appuyer 
le  point  non  retaillé  sur  le  doigt« 

Enfin,  un  très  grand  nombre  de  silex  taillés  sont  loin 
d'être  tranchants  sur  tout  leur  pourtour,  et  affectent  des  for* 
mes  très  diverses,  très  caractérisées,  évidemment  voulues.  Je 
vous  demanderai  la  permission  de  m'en  occuper  tout  i 
rheure  plus  en  détail  ;  mais  il  suffit  de  les  avoir  un  instant 
sous  led  yeux,  pour  reconnaître  qu'ils  n'ont  absolument  aucun 
rapport  avec  le  disque,  et  que  ce  sont  des  couperets,  des 
racloirs,  des  couteaux,  des  poignards,  qui  n'ont  certainement 
été  employés  qu'à  la  main. 

Aussi,  je  me  crois  en  droit  d'affirmer  que  l'outil  chelléen 
est  loin  d'être  un  ;  qu'il  y  a,  au  contraire^  à  Cbelles  elàSaint- 
Acheul,  une  grande  variété  d'outils  ou  d'armes;  que  ces 
instruments  n'ont  rien  de  commun  avec  le  disque;  qu'un 
grand  nombre  d'entre  eux  ont  certainement  été  employés 
à  la.  main  —  à  Tbennes,  c'est  la  très  grande  msgorité  ;  — 
que  les  autres  n'ont  pas  servi  non  plus  d'armes  de  jet  ;  et 
j'espère  montrer  que,  suivant  toute  probabilité,  ces  derniers 
étaient  emmancbés. 

Dans  son  bel  ouvrage  sur  les  premiers  hommes,  M.  le  mar- 
quis de  Nadaillac  observe  une  grande  réserve  sur  cette  ques- 
tion de  l'emmanchement.  Il  se  borne  à  dire,  si  je  ne  me 
trompe,  que  «  durant  l'époque  acheuléenne,  l'industrie,  si  on 
peut  l'appeler  ainsi,  est  représentée  principalement  par  un 
gros  instrument  de  forme  amygdaloïde  en  silex  ou  en 
quartzite,  taillé  des  deux  côtés,  généralement  à  grands  éclats. 


<64  SÉANCE  DU  3  MARS  1887. 

arrondi  à  la  base,  pointu  au  sommet,  sans  emmanchure 
et  se  maniant  probablement  à  la  main  n  ;  que  <c  dans  les  pre- 
miers temps,  l'homme  se  servait  de  haches  grossièrement 
taillées,  probablement  sans  emmanchure'  ». 

Bien  autrement  afflrmatif  est  M.  de  Mortillet. 

Selon  lui,  tous  les  instruments  chelléens  se  tenaient  à  la 
main  ;  non  seulement  ceux  à  talon^  pour  lesquels  «  la  réponse 
n'est  pas  douteuse  »,  mais  encore  ceux  dont  tout  le  pourtour 
est  retaillé  et  tout  à  fait  tranchant.  Ces  derniers  sont  par- 
faitement en  main,  et  d'ailleurs,  sauf  les  échantillons  tors, 
dont  la  forme  «  sied  admirablement  à  la  main  »,  ils  montrent 
habituellement  «  sur  le  côté  ou  à  la  base,  un  point  resté 
brut...  sur  lequel  doit  s'appuyer,  dans  le  premier  cas,  Tentre- 
deux  du  pouce  et  de  l'index,  dans  le  second,  la  paume  de  la 
main*». 

A  l'appui  de  sa  théorie,  le  savant  professeur  donne  la 
représentation  schématique  d'une  main  tenant  un  silex 
taillé  3. 

Cette  figure  est  identiquement  semblable  à  celles  publiées 
en  1864  par  Boucher  de  Perthes  *.  Et  même,  dans  l'explica- 
tion insérée  dans  le  Musée  préhistorique^  nous  retrouvons 
l'indication  de  la  place  réservée  pour  le  pouce,  cette  place  si 
chère  au  savant  Abbevillois,  mais  dont  la  fabrication  inten- 
tionnelle, si  je  peux  parler  ainsi,  est  rendue  plus  qu'invrai- 
semblable, rien  que  par  la  prodigieuse  habileté  qu'elle 
dénoterait.  L'éclat  qui  a  produit  cette  dépression  a  été  déta- 
ché un  des  premiers  ;  et  il  faudrait  admettre  que  toute  la 
délicate  opération  de  la  taille,  la  forme  et  les  proportions  de 
l'instrument  lui  eussent  été  subordonnées. 

Mais  Boucher  de  Perthes  ne  prétendait  pas  que  toutes  les 


•  Marquis  de  Nadaillao,  /m  Premiers  Hommes,  MassoD,  1881,  t.  I,  p.  6G 
et  90. 

•  G.  de  Mortillet,  1$  Préhistorique,  2«  édit.,  1885,  p.  142  et  8uiv. 

>  Ibid,,  p.  143,  fig.  17,  et  aussi  Q.  et  A.  de  Mortillet,  MMée  préhisto- 
rique, 1881,  pi.  IX,  n*  48. 

•  AnUquités  csUiques  et  aniédUumennes,  t.  III,  pi.  IV,  V,  VI  et  VII. 


E.  D*AGT.  —  8UH  L*SM1IANGHE1CENT  DBS  SILEX  TAILLÉS.     165 

haches^  comme  il  les  appelait,  eussent  été  employées  de  cette 
façon.  11  avait  parfaitement  reconnu  qu*il  y  a  c  deux  espèces 
de  haches  »  :  celles  dont  on  se  servait  à  la  main,  et  celles  qui 
étaient  destinées  à  être  emmanchées  '  ;  que  certaines  haches 
a  tranchantes  dans  toute  leur  circonférence...  ne  pouvaient 
servir  à  la  main,  en  raison  même  de  ce  tranchant*  »;  que 
Ton  i(  ne  retrouve  pas  dans  les  haches  destinées  à  être 
emmanchées  les  précautions  prises  dans  celles  destinées  à  être 
employées  à  la  main  pour  qu'on  ne  se  blesse  pas  en  les  em- 
poignant*... » 

Si  Ton  doit  se  tenir  en  garde  contre  certains  excès  dlma- 
gination  du  savant  auteur,  les  remarques  que  je  viens  de  citer 
me  semblent  inattaquables. 

M.  de  Mortillet  voit,  il  est  vrai,  un  préservatif  contre  le 
très  grave  inconvénient  de  ces  outils,  de  blesser  celui  qui  s'en 
servirait  sans  un  manche,  dans  les  points  restés  bruts  sur 
le  côté,  ou  à  la  base,  et  destinés,  suivant  lui,  à  fournir  un 
point  d'appui  à  la  main. 

C'est,  on  s'en  souvient,  à  lancer  le  disque  que  ces  points 
devaient  servir,  d'après  M.  Meunier. 

Les  objections  que  j'ai  présentées  contre  cette  dernière 
opinion  :  absence  extrêmement  fréquente  de  ces  points, 
variabilité  de  la  position  qu*ils  occupent,  exiguïté  de  certains 
d'entre  eux,  tout  cela  me  semble  déjà  devoir  ébranler  sin- 
gulièrement la  théorie  de  M.  de  Mortillet,  elle  aussi.  Cepen- 
dant, je  voudrais  aller  encore  plus  loin,  et  examiner,  devant 
vous,  un  spécimen  qui  présente  les  conditions  les  plus  favo- 
rables à  l'hypothèse  que  je  combats,  celui-ci,  par  exemple. 
H  offre  deux  et  peut-être  trois  surfaces  planes  bien  dévelop* 
pées.  Ces  plans  ne  sont  pas  des  restes  de  Técorce  du  silex  ; 
ces  deux-ci  ont  été  produits  par  des  cassures  naturelles, 
antérieures  à  la  taille  ;  ce  dernier  paraît  être  le  reste  d'un 
grand  éclat  du  début  de  l'opération.  Quelle  que  soit  leur  ori- 

^  Ibid.,  t.  m,  p.  viii,  passim,  et  pi.  I  et  II. 
•  /Wd.,  p.  74. 
»  /Wd.,  p.  471. 


186  8ÉAHGB  DU  3  MARS  1887. 

fine,  ce  flont  bien  là  les  points  non  retaillés  anxqnels  notre 
savant  confrère  attache  tant  d'importance*  Je  ne  ferai  pas 
remarquer  cette  arête  de  Tun  d'eux,  coupante,  écorchante, 
si  je  peux  parler  ainsi,  et  qu'il  aurait  été  pourtant  si  facile  de 
faire  disparaître  ;  je  demande  seulement  s'il  est  admissible 
que  des  plans  aussi  restreints  puissent  constituer  des  points 
d'appui  Téritables.  Quand  rien  ne  presse  et  que  l'on  adapte 
avec  grand  soin  ce  silex  dans  la  main,  on  peut  dire  qu'il  ne 
blesse  pas,  que  l'entre-deux  du  pouce  et  de  l'index  est  bien 
appuyé.  Mais  d'abord,  cette  façon  de  prendre  un  outil  est 
tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  incommode  au  monde  ;  on  ne  le  tient 
pas  ;  il  n'est  pas  en  main  ;  de  plus,  cette  forme  amincie, 
effilée,  indique,  à  elle  toute  seule,  que  c'était  la  pointe,  bien 
plutôtque  les  côtés,  qui  devaitètre  utilisée,  ce  qui  ne  s'accorde 
pas  du  tout  avec  ce  système  cfempoignement.  Puis  enfin, 
essayons  de  porter  un  coup  un  peu  énergique,  comme  ceux 
que  les  tailleurs  de  silex  devaient  asséner.  Le  point  plat,  si 
laborieusement  ajusté,  sera  immédiatement  déplacé  et  les 
bords  tranchants  se  feront  cruellement  sentir. 

Ces  points,  restés  bruts,  ne  peuvent  donc  être  d'aucune 
utilité;  ils  ont  été  laissés  tout  simplement  parce  qu'ils  ne 
gênaient  en  rien  pour  l'usage  réclamé  de  l'instrument  sur 
lequel  ils  se  trouvent  ;  et  parce  que,  pour  les  faire  dis- 
paraître, il  eût  fallu  mordre  sur  le  silex  et  altérer  la  forme 
ou  les  dimensions  que  l'on  voulait  obtenir.  Ce  sont  des  acci- 
dents, de  légères  imperfections  de  la  taille,  et  voilà  tout. 

L'homme  de  Ghelles  se  rendait  bien  compte  que,  pour  être 
employé  à  la  main,  sans  inconvénient  pour  celui  qui  s'en  sert, 
un  instrument  —  arme  ou  outil  —  doit  être  muni  d'une  sur- 
face suffisamment  étendue,  arrondie  ou  émoussée^  en  un  mot 
non  coupante,  que  Ton  puisse  commodément  saisir,  ^ussi, 
avec  quel  soin  ne  ménageait-il  pas,  ou  n'arrangeait-il  pas  les 
parties  du  silex  qui  pouvaient  lui  fournir  cette  espèce  de 
manche  I  Et  quand  le  silex  ne  lui  présentait  pas  naturelle- 
ment ce  manche,  comme  il  savait  le  façonner  lui-même  I 

Ces  couperets  ou  hachoirs  sont  taillés  et  tranchants  d'an 


s.  d'aGY.  —  SUB  Ii'fiMMAHCHftMBNT  DES  BILEX  TAILLÉS.     iÔ7 

eôté  ;  mais^  de  l^autre^  ils  sont  madis  d*on  dos  épais,  â*une 
poignée  véritable.  Avee  eux,  on  peut  frapper,  racler  Tigou* 
reu8ement>  sans  que  la  main  coure  le  moindre  risque  d'en 
souffrir. 

Ces  échantillons  ont  également  un  dos  épais  et  un  eôté 
tranchant  ;  de  plus,  un  manche,  disposé  d'une  façon  parti* 
cnlièrô,  leur  donne  la  forme  de  vrais  couteaux. 

Et  ces  poignards  à  lames  larges  ou  étroites  I  En  voici  pour 
lesquels  la  nature  a  fait  tous  les  frais  du  manche.  Pour  eeux« 
là,  au  contraire,  le  tailleur  de  silex  a  façonné  la  poignée  ;  il 
a  eu  grand  soin  de  ne  pas  faire  un  pourtour  partout  tran*« 
chant  ;  il  ne  s'est  même  pas  contenté  de  laisser  quelques 
points  bruts,  plus  ou  moins  exigus  ;  il  a  fait  un  véritable 
manche,  grâce  auquel  on  peut  se  servir  de  Tarme  sans  se 
couper  les  doigts.  Pour  ces  deux  spécimens,  le  manche  affecte 
une  forme  allongée  ;  chez  ces  deux  autres,  c*est  un  talon 
globuleux  qui  s'appuie  parfaitement  dans  la  paume  de  la 
main^  Et  tous  ces  outils,  toutes  ces  armes,  on  les  tient;  ils 
sont  vraiment  en  main  ;  on  peut  s'en  servir. 

Si  je  ne  m'abuse,  le  simple  rapprochement  de  ces  deux 
séries  d'objets  -**  ceux  qui  sont  tranchants  sur  tout  leur 
pourtour,  et  ceux  qui  sont  pourvus  d'une  poignée  —  rend  de 
plus  en  plus  probable  la  croyance  que  les  premiers  n'étaient 
pas  employés  à  la  main. 

Puisque  l'homme  de  Ohelles  savait  si  bien  se  faire  des  In- 
struments à  la  main,  d'un  usage  commode,  qui  ne  lui  cou- 
passent pas  les  doigts,  il  destinait  à  un  autre  mode  d'emploi 
ceux  qu'il  prenait  la  peine  de  tailler  sur  tout  leur  pourtour, 
et  qui,  grâce  à  ce  surcroît  de  travail,  l'auraient  certaine- 
ment blessé,  s'il  s'en  fût  servi  de  la  même  façon  que  des 
autres.  Gela  me  paraît  clair. 

Mais  alors,  si  ces  objets  ne  servaient  pas  à  la  main,  si  leur 
emploi  comme  armes  de  jet  est  inadmissible,  ils  devaient 
être  emmanchés. 

*  Lo  Musée  préhistorique  en  donne  un  semblable,  pi.  VI,  ti»  17. 


168  SÉANCE  DU  3  MARS  1887. 

M.  de  Mortillet  s'est  élevé  contre  la  possibilité  qu'ils  le 
fussent  ^  Mais  les  objections  qu'il  a  présentées  me  semblaient 
devoir  tomber  devant  les  observations  que  je  viens  de  pré- 
senter. J'étais  persuadé  que  ces  hacbes  avaient  été  emman- 
chées ;  seulement  je  ne  me  rendais  pas  compte  de  la  manière 
dont  elles  l'avaient  été. 

Notre  regretté  confrère  Reboux  et  aussi  M.  le  vicomte 
Lepic  ont^  il  est  vrai,  emmanché  des  silex  de  cette  époque, 
et  se  sont  servis  des  outils  ainsi  disposés  pour  racler  des 
peaux,  pour  fendre,  du  bois,  même  pour  abattre  de  petits 
arbres,  si  je  ne  me  trompe  ;  mais  ces  essais  ne  me  semblaient 
pas  assez  concluants  ;  je  trouvais  qu'ils  étaient  faits  par  des 
hommes  trop  civilisés.  Mais  voici  que  M.  Hamy  vient  de  nous 
donner  la  description  et  la  figure  d'un  engin,  qui  est  encore 
aujourd'hui  en  usage  parmi  les  sauvages  de  l'Australie  occi- 
dentale, et  dont  un  spécimen  se  trouvait^  l'année  passée,  à 
l'Exposition  coloniale  et  indienne  de  Londres.  Cette  hache, 
simplement  taillée  par  éclats,  <(  que  l'on  prendrait  assez  vo- 
lontiers pour  une  hache  aroygdaloïde  des  alluvions  de  la 
Somme  ou  de  l'Oise»,  est  emmanchée  dans  «  une  bande 
flexible  de  bois  ou  d'écorce,  ployée  en  anse  autour  de  la 
pierre,  et  dont  les  deux  extrémités,  ramenées  ensemble  et 
solidement  attachées  l'une  à  l'autre  à  l'aide  d'un  collier  de 
peau,  viennent  former  la  poignée  de  l'arme  ou  de  l'outil  '  ». 

Les  indigènes  de  la  Western  Australia  font,  paraît-il,  grand 
usage  d^une  gomme  qu'ils  tirent  d^une  xanthorrée,  et  que 
Ton  appelle  vulgairement  black  boy  gum.  Us  s'en  servent  pour 
fixer  la  hache  à  son  manche  ;  ou  même  pour  confectionner 
des  casse -tète  ou  marteaux,  dont  les  deux  extrémités 
sont  formées  d'éclats  de  roche  dure  nullement  travaillés  ;  et 
aussi  pour  fixer  des  éclats  de  roche  le  long  ou  à  l'extrémité 
de  morceaux  de  bois,  dont  ils  font  ainsi  des  scies  ou  des 
lances  •. 

t  U  Préhistorique^  p.  145. 

*  Bévue  d'ethnographie,  t.  V,  1886,  n»  4,  p.  333  et  837^  et  fig.  96,  n*  5. 

»  Ibid.,  et  ûg.  96,  n««  1,  2,  6,  7,  8  et  9. 


B.  D*ACY.  —  SUR  l'eMMANCHBIIENT  DBS  SILEX  TAILLÉS.    169 

De  même,  les  hommes  de  la  pierre  polie  de  la  Suisse  et  de 
la  Suède  employaient  une  résine,  un  mastic,  pour  fixer  à 
leurs  manches  des  scies  ou  des  couteaux  en  silex,  pour  assu< 
jettir  des  éclats  le  long  de  pointes  de  javelots  ^ 

Ce  moyen  simplifie  bien  des  choses.  Etait-il  usité  à  Saint- 
Âcheul  et  à  Chelles  ?  On  n'a  rien  retrouvé  qui  puisse  le  prou- 
ver. Mais  la  longueur  du  temps  écoulé  et  la  nature  des  gise- 
ments sont  plus  que  suffisants  pour  expliquer  la  destruction 
de  substances  de  ce  genre,  comme  aussi  celle  des  manches  de 
bois.  Et  je  suis  très  disposé  à  ne  pas  regarder  comme  impos- 
sible, même  au  début  de  Tépoque  quaternaire,  la  connais- 
sance d'un  procédé  dont  savent  se  servir  les  populations  si 
barbares  de  TAustralie  occidentale.  La  variété  des  instru- 
ments des  alluvions  des  vallées  de  la  Manie  ou  de  la  Somme, 
la  régularité  parfaite  des  formes  de  ces  outils  ou  de  ces 
armes,  Thabileté  qui  a  été  nécessaire  pour  les  façonner,  Tes- 
pèce  d*art,  si  je  peux  parler  ainsi,  qu'ils  dénotent,  nous  mon- 
trent les  hommes  qui  les  ont  confectionnés  comme  au  moins 
aussi  avancés  que  les  sauvages  Australiens  de  TOuest;  et 
cela,  mdgré  Taiguisage,  plutôt  peut-être  que  le  polissage, 
auquel  quelques-uns  des  engins  de  ces  derniers  —  mais  non 
pas  tous  —  sont  soumis  le  long  de  leur  tranchant  *. 

La  hache  amygdaloîde,  publiée  par  notre  savant  confrère, 
vient  donc  nous  montrer  quel  était,  selon  toute  probabilité, 
pour  les^  instruments  semblables  de  Saint-Acheul  et  de 
Chelles,  cet  emmanchement  que  tant  de  motifs  nous  indi- 
quaient avoir  existé. 

Je  dis  les  haches  amygdaloîdes  de  Saint-Acheul  ou  de 
Chelles^  parce  que,  avec  elles,  il  y  en  a  d'autres  retaillées, 


*  TroyoD,  Ui  Hahitations  lacustres,  1860,  p.  461,  et  pi.  V,  a<»  11.  Victor 
Gross,  Us  Protohelvètes,  1883,  p.  14  et  15,  fig.  3  et  4;  et,  sans  doute, 
qaoique  le*  savant  auteur  ne  le  dise  pas,  p.  13,  et  pi.  V,  no«  25  et  26.  La 
photogravure  semble  montrer  des  traces  noirâtres,  comme  de  mastic,  sur 
les  lames  de  ces  deux  instruments.  Sven  Nilsonn,  les  Habitants  primitifs 
d$  la  Scandinavie,  1868,  p.  67,  et  pi.  VI,  n<»  124, 125, 126. 

*  Rsvue  d' ethnographie f  toc.  cit. 


170  SÉAHGB  DU  3  HARS  4887. 

elles  aussi,  sur  leurs  deux  faces,  dont  remmancheolent 
échappe  aux  objections  présentées  contre  celui  des  premières 
et  dont  la  forme  fait  voir,  à  elle  seule,  le  mode  d'emploi. 

Ces  haches,  aux  deux  extrémités  presque  pareilles,  aux 
côtés  parallèles  S  quelquefois  même  plus  ou  moins  concaves, 
ne  sont-elles  pas  admirablement  disposées,  soit  par  la  nature, 
soit  par  la  main  de  Tborome,  pour  recevoir,  vers  leur  milieu, 
un  lien  formant  ensuite  manche,  ou  qui  les  assujettirait  à  un 
manche?  M*  Hamy%  et,  il  y  a  quatorze  ans,  Reboux*ont 
figuré  des  emmanchements  modernes  analogues;  les  spéci- 
mens n'en  sont  pas  rares. 

Cette  autre  hache,  au  large  tranchant  transversal  et  à 
Textrémité  opposée  taillée  en  pointe,  devait,  elle  aussi,  être 
facilement  fixée  à  un  manche  d'une  façon  semblable. 

Quant  à  ces  pointes,  elles  sont  amincies,  à  leur  base,  d'une 
manière  trop  évidemment  intentionnelle,  pour  qu'on  ne  soit 
pas,  en  quelque  sorte,  obligé  de  reconnaître  la  volonté  d'ar- 
river à  obtenir  une  extrémité  facile  à  placer  entre  les  deux 
lèvres  d'une  hampe  fendue. 

Enfin,  ce  véritable  pédoncule  ne  peut  guère  laisser  de  doute 
sur  l'emploi  auquel  il  était  destiné. 

Et  maintenant^  messieurs,  ne  puis^je  pas  dire,  pour  ré- 
pondre aux  questions  que  j'ai  posées  en  commençant  : 
Les  hommes  de  Chelles  ou  de  Saint-Acheul  employaient  à 
la  main  ceux  des  silex,  par  eux  taillés  sur  les  deux  faces^ 
qui  sont  munis  d'une  poignée  naturelle  ou  façonnée  ;  sui- 
vant une  probabilité  qui  équivaut  presque  à  une  certi- 
tude, ils  se  servaient  des  autres  à  l'aide  d'un  emmanche- 
ment ;  et,  ajouterai-je  en  terminant,  ce  dernier  procédé  n'est 
nullement  en  désaccord  avec  un  outillage,  dans  lequel,  même 

1  M.  de  Mortillet  a  dessiné  uoe  pièce  semblable  dans  U  Musée  préhisto- 
rique, pi.  VI,  n»  30  ;  mais  il  n'a  pas  fait  remarquer  les  très  grandes  facl- 
lilés  que  cette  forme  fournit  pour  Temmanchement  ;  et  il  croit  ce  type 
beaucoup  plus  exceptionnel  qtx'û  né  l'est  en.  réalité. 

«  Loc.  cit.,  tig.  96,  no  4. 

>  Compte  rendu  du  Congrès  international  des  Orientalistes,  1'*  session. 
Paris,  1873,  pi  LVII,  n«  1. 


DISCUSSION  SUR   t'filOIAlfGHBHBNT  DBS  SILEX  TAILLlSs.     17i 

en  laissant  de  côté  ponr  aujourd'hui  les  nombreux  spécimens 
retaillés  seulement  sur  une  de  leurs  faces,  la  régnlarité  et 
rharmonie  des  formes,  Thabileté  du  traTail  et  l'appropriation 
des  instruments  à  des  usages  variés,  dénotent  un  degré  A'in- 
lelligence^  de  oivilisation,  bien  supérieur  à  Tétat  de  demi- 
bestialité  dans  lequel  on  représente  généralement  les  pre- 
miers habitants  de  nos  contrées. 

Disoiiision. 

H.  0.  DE  MoRTULBi'.  Daus  mes  oours  comme  dans  mes 
écrits,  j'ai  toujours  soutenu  que  Tinstrumetit,  plus  on  moins 
amygdaloïde,  qui  se  rencontre  dans  le  quaternaire  le  plus 
ancien,  associé  à  YElephai  antiqutis  et  au  Rhinocéros  Merkii, 
le  tjrpe  du  ehelléen  désigné  sous  les  noms  de  hache  de  Saint- 
AchetU^  de  langue  de  chat^éiCi  était  employé  directement  à 
la  main,  sans  emmanchure.  C'est  ce  qui  fait  que,  dans  le 
volume  que  j'ai  publié  chez  Reinwâld,  le  Préhiêtoriquâ^  j'ai 
désigné  cet  instrument  sous  le  liom  de  coup-de-poing. 

H.  d'Acy  cherche  à  nous  démontrer  que  ees  instruments, 
au  moins  en  partie,  étaient  emmanchés. 

Telle  est  la  question. 

Tout  d'abord,  il  faut  remarquer  qu'un  assez  grand  nombre 
de  coops-de^polng  qu  instruments  Cheliéens  en  silex  des  bas- 
sins de  la  Seine  et  de  la  Somme,  conservent  à  la  base  une 
portion  non  taillée,  arrondie,  évidemment  destinée  à  être 
empoignée.  Ce  sont  là  incontestablement  des  instruments  à 
main,  et  H.  d'Acy  lui-même  le  reconnaît;  seulement  il  dit  : 
(I  C'est  le  moindre  nombre.  » 

Si,  au  lieu  de  s'enfermer  dans  la  région  du  nord-ouest  de 
la  France,  M.  d'Acy  avait  aussi  étudié  le  midi^  il  aurait  ren- 
contré dans  le  haut  du  bassin  de  la  Garonne  une  industrie 
tout  à  fait  analogue  à  celle  de  Saint-Acbeul,  de  Thennes  et 
de  Chelles.  Mais  là,  comme  le  silex  fait  défaut,  il  a  été  rem- 
placé par  le  quartzite  roulé.  Or,  ce  qui  est  la  minorité  dans 
les  bassins  de  la  Seine  et  de  la  Somme  devient  la  règle  gé- 


172  SÉANCE  DU  3  MARS  1887. 

nérale  dans  Je  bassin  de  la  Garonne.  On  peut  dire  que  tous 
les  coups-de- poing  chelléens  en  quartzite,  à  très  peu  près, 
conservent  une  portion  polie  et  arrondie  du  caillou  roulé, 
destinée  évidemment  à  servir  d'empoignure. 

Cette  démonstration  suffirait.  Mais  allons  plus  avant. 

Dans  le  nord-ouest  de  la  France  et  par  conséquent  dans  la 
collection  de  M.  d'Acy»  et  même  dans  les  pièces  de  choix 
qu'il  vient  de  nous  présenter,  presque  toutes  ont  conservé 
sur  un  côté,  vers  la  base,  un  petit  point  brut  ou  aplati,  qui 
serait  un  défaut  de  taille  sll  n'était  intentionnel.  Ce  petit 
point  est  l'équivalent  de  )a  partie  roulée  conservée  dans  les 
instruments  du  Midi.  Il  sert  à  faciliter  l'empoignure,  en  évi- 
tant que  la  main  ne  se  blesse  et  que  l'instrument  ne  glisse. 
C'est  d^ autant  plus  clair  qu'entre  les  pièces  à  véritable  poi- 
gnée, admises  par  M.  d'Acy  lui-même,  et  les  pièces  ayant  le 
point  latéral  le  plus  petit,  il  y  a  toutes  les  gradations,  tous 
les  passages.  On  reconnaît  que  c'est  la  même  idée,  le  même 
but  plus  ou  moins  accusé. 

Pourtant  M.  d'Acy  a  extrait  de  sa  splendide  et  très  nom- 
breuse collection  deux  ou  trois  pièces  fort  remarquablement 
taillées,  sur  les  deux  faces  et  tout  au  pourtour,  qui  ne  pré- 
sentent pas  le  petit  point  latéral  brut  ou  aplati.  Ce  sont  de 
très  rares  exceptions,  si  toutefois  exception  il  y  a.  Je  ne  ré- 
clamerai pas  l*hypothèse  des  instruments  de  luxe,  ne  devant 
pasi  servir,  comme  on  en  rencontre  à  diverses  époques.  Je 
ferai  seulement  observer  que  sur  ces  pièces  il  y  a,  justement 
à  la  place  du  méplat  des  autres  pièces,  quelques  éclats  plus 
larges,  produisant  une  surface  légèrement  oblique  qui  per- 
met très  bien  de  saisir  l'instrumenta  la  main  sans  se  blesser. 

Youlant  m'assurer  du  fait,  j'ai  essayé  un  de  ces  instruments 
admirablement  travaillé  de  partout,  et  je  suis  arrivé  à  scier, 
à  entailler  et  à  creuser  du  bois  sans  me  blesser.  Or  certaine- 
ment les  hommes  chelléens,  les  hommes  de  la  race  de  Néan- 
derthal  devaient  avoir  les  mains  moins  sensibles  et  moins 
délicates  que  les  miennes.  Ne  voyons-nous  pas  de  nos  jours, 
dans  les  régions  où  existe  la  craie,  des  paysans,  des  enfants 


DISCUSSION  SUR  L*BHHANCHEMBNT  DES  SILEX   TAULES.      173 

même^  marcher  et  courir  les  pieds  nus  au  milieu  des  silex 
brisés^  sans  se  blesser  ? 

Pour  justifier  son  hypothèse  d'emmanchure,  M.  d'Acy 
admet  que  les  coups-de-poing  chelléens  représentaient  des 
armes  et  des  outils  fort  divers.  Partie  de  ces  armes  et  outils 
devaient  se  manier  directement  à  la  main  ;  ce  sont  ceux  qui 
ont  consei'vé  un  talon  en  guise  de  poignée^  Les  autres,  le 
plus  grand  nombre,  ne  pouvaient  servir  qu'emmanchés.  J'ai 
déjà  dit  que  j'avais  employé  un  coup-de-poing  en  silex,  des 
plus  parfaits  comme  taille,  à  divers  travaux,  et  que  cet  essai 
avait  parfaitement  réussi. 

Les  coups-de-poing  étaient  des  instruments  à  tout  faire. 
Evidemment,  comme  notre  hache  actuelle,  qui  est  incontes- 
tablement un  outil,  ils  pouvaient  servir  d'arme  au  besoin. 
Mais  Farme  primitive  de  Thomme  a  dû  être  le  casse-téte  en 
bois,  qui  est  encore  Tarme  principale  et  essentielle  de  tous 
les  peuples  sauvages.  Pas  n'était  besoin  alors  de  fixer  avec 
grande  difficulté  et  peu  de  solidité  une  pierre  au  bo^it  d'un 
bâton. 

L'outillage  de  l'homme  chelléen  était  bien  simple,  il  se 
composait  d'un  seul  instrument  en  pierre,  le  coup-de-poing. 
Avec  le  tranchant  des  cassures,  il  coupait;  avec  le  sommet,  il 
perçait  ;  avec  la  base  arrondie,  il  évidait  les  bois.  Tous  ces 
travaux  pouvaient  s'effectuer  facilement,  sans  se  blesser  la 
main.  Restait  l'emploi  comme  hache,  pour  entailler  et  éclater 
le  bois.  Cet  emploi  nécessitait  des  coups  fortement  donnés. 
C'est  pour  lui  qu'on  a  ménagé  les  plats  pour  protéger  la 
main.  Ce  qui  montre  bien  que  cet  emploi  a  été  fait  en  te- 
nant l'outil  directement  à  la  main,  c'est  que  cet  outil  est 
généralement  gros  et  lourd.  Ces  deux  qualités  pour  entamer 
du  bois  à  grands  coups,  en  tenant  l'outil  à  la  main,  auraient 
été  deux  défauts  et  deux  obstacles  pour  l'emmancher. 

Une  dernière  observation.  M.  d'Acy  nous  dit,  en  montrant 
quelques  pièces  admirablement  taillées  et  à  bords  assez  tran- 
chants :  «  Ces  bords  blesseraient  la  main.  »  Soit  ;  mais  il  me 
semble  qu'ils  sont  bien  plus  nuisibles  dans  le  cas  d'une  em- 


174  SÉÀlfCB   DU  3   MAHë   i887. 

mancbure  en  boU  ou  ea  peau.  Ils  la  couperaieat  rapidemant, 
et,  de  fait,  toute  hache  en  pierre  emmanchée  est  toujours 
arrondie  ou  ômoussée  sur  les  bords. 

Je  reste  donc  plus  que  jamais  convaincu  que  les  instru- 
ments chelléens  en  pierre  n'étaient  pas  emmanchés  et  ser- 
vaient directement  à  la  main.  Ils  peuvent  donc  avec  raison 
Conserver  le  nom  de  coups-de-poing^  que  je  leur  ai  donné. 

M.  o'AcY«  Je  ne  suivrai  pas  M.  de  Mortiilet  dans  les  consi- 
dérations qu'il  a  développées  sur  Vétat  primitif  de  Tbuma- 
nité  ;  il  a  afflrmé  que  les  premiers  hommes  ne  devaient  avoir, 
et  par  conséquent  n'avaient  d'autre  arme  qu'une  massue  de 
bois,  ou  même  qu'une  branche  brisée,  comme  leur  cousin 
l'orang-outang;  que,  par  conséquent,  il  ne  devait  pas  y 
avoir  d'armes  parmi  les  silex  taillés  de  Chelles  ou  de  Saint- 
Acheul;  qu'il  ne  devait  y  avoir,  qu'il  n'y  avait  que  des 
outiU, 

Ce  sont  là  des  idées  préconçues,  dont  je  ne  m'occuperai 
pas.  Je  ne  m'occupe  pas  de  ce  qui  a  dû  être;  je  ne  m'occupe 
que  de  ce  que  les  faits  me  disent  avoir  été.  Je  ferai  seulement 
remarquer  qu'il  me  semble  difBcile  de  concilier  cet  état  si 
barbare,  dont  nous  parle  M.  de  Mortiilet,  avec  l'emploii  la 
fabrication  des  canots,  dont  se  servaient,  selon  lui,  ces  sau- 
vages populations. 

G*est,  entre  autres  choses,  à  la  confection,  au  creusement 
de  ces  canots,  qu'auraient  servi  les  silex  taillés;  les  plus 
poinlus,  au  début  de  l'opération;  puis,  ceux  moins  efSlés, 
plus  arrondis.  Il  m'est  impossible  d'admettre  que  ces  lames 
si  artistement  travaillées,  amincies  avec  tant  d'habileté,  ces 
lames  qu'un  seul  coup  mal  porté  aurait  suffi  à  briser  — 
M.  de  Mortiilet  est  le  premier  à  le  reconnaître — que  ces  lames 
aient  été  destinées  à  un  semblable  usage.  ËUes  eussent  été 
bien  vite  hors  de  service,  cassées  ;  et  tout  le  travail  qu'elles 
ont  coûté  eût  été  perdu.  Pour  des  armes^  il  en  va  tout  autre- 
ment. Quand  il  s'agit  de  tuer  ou  d'être  tué,  on  ne  regarde 
pas  à  la  peine  qu'il  faut  prendre  pour  rendre  ses  moyens 
d'attaque  ou  de  défense  plus  meurtriers.  Tout  l'ensemble  de 


DISCUSSION  SUR  C'EMMANCHEIIBNT  DBS  SILEX  TAULES.     475 

rinstrument  répond  si  parfaitement  aux  eonditions  que  doit 
remplir  une  arme,  qu'il  m*est  impossible  de  ne  pas  en  reoon** 
naître  une. 

M.  de  Mortillet  trouve  le  talon  flictioe  d*un  de  ces  poignards 
aussi  dur  à  la  main  que  les  pourtours  des  haches..  J*avoue  qu'il 
ne  vaut  pas  une  poignée  de  bois  ;  mais,  en  raison  de  sa  forme 
globuleuse,  il  est  bien  moins  coupant  qu'une  arête  aiguë  ;  il 
s'empoigne  très  aisément;  il  ne  peut  pas  glisser,  et  risque 
bien  moins  de  déchirer  la  main. 

~  Afin  de  montrer  que  ces  haches  coupantes  sur  toute  leur 
circonférence  étaient  destinées  à  scier,  puis  à  tailler  du  bois, 
et  cela  en  les  tenant  à  la  main,  M.  de  Mortillet  s'est  servi 
devant  nous  d'un  de  mes  silex.  Il  a  entamé  l'arête  d'une  plan- 
che de  sapin  sans  s'écorcher  les  doigts  ;  il  affirme  avoir  scié 
et  abattu  un  arbre  avec  des  outils  semblables;  et  il  a  oCTert  de 
recommencer  l'épreuve.  Mais  d'abord,  il  n'a  fait  que  scier 
légèrement;  dans  la  crainte  très  fondée  d*abîmer  mes  instru- 
ments, il  n'a  porté  aucun  coup  avec  eux,  et  le  mode  d'emploi 
qui  consiste  à  frapper,  i  tailler,  me  semble  devoir  être  bien 
plus  dangereux  pour  la  main,  que  Taotion  de  scier.  Les  silex 
dont  il  se  servirait,  fussent-ils  tous  aussi  tranchants  que  le 
mien  et  fUssent-ils  munis  de  tous  les  petits  points  bruts  dési- 
rables, je  serais  curieux  de  voir  l'effet  que  produirait  sur  les 
doigts  de  notre  confrère  un  usage  de  semblables  engins, 
asses  prolongé  et  assez  énergique  pour  abattre  un  arbre,  un 
arbre  véritable,  un  de  ces  arbres  dont  la  chute  coûte  tant  de 
temps  et  de  sueurs  à  nos  bûcherons,  armés  de  haches  d'acier, 
n  ne  s'agit  plus  d'une  planche  de  bois  tendre  à  entamer  sur 
son  arête,  mais  d'un  arbre  à  abattre,  et  d'un  arbre  assez 
gros  pour  que  Ton  puisse  ensuite  façonner  un  canot  avec  son 
tronc.  Mais  je  craindrais  d'être  inhumain  ;  et  puisque  M.  de 
Mortillet  déclare  avoir  abattu  un  arbre,  je  le  crois,  et  je  ne 
l'Interrogerai  pas  sur  les  dimensions  de  sa  victime. 

Je  lui  ferai  seulement  remarquer  que  Ton  peut  scier  avec 
n'importe  quel  outil  et  avec  n'importe  quelle  arme,  destinés 
cependant  àj;an  tout  autre  usagCf  U  suffit  qu'ils  soient  cou- 


176  SÉANCE  DU  3  MARS  1887. 

pants.  Ne  scie-i-on  pas  de  gros  barreaux  de  fer  avec  un  res* 
sort  de  montre  ? 

De  plus,  il  me  paraît  incontestable  que  les  couperets,  les 
hachoirs  à  poignée,  que  j'ai  fait  voir  tout  à  Theure,  remplis- 
sent Tofflcede  haches,  à  la  rigueur  de  scies  à  main,  bien 
mieux  que  les  silex  retaillés  et  coupants  sur  tout  leur  pour- 
tour, ceux-ci  fussent-ils  munis  de  tous  les  petits  points  bruts 
désirables  ;  et  je  ne  saurais  comprendre  comment  cet  emploi 
n'aurait  pas  été  réservé  aux  premiers,  d'une  façon  exclusive. 

Je  doute  fort  que  les  hommes  de  Ghelles  aient  été  d'aussi 
grands  scieurs  que  M.  de  Mortillet  le  suppose.  Si  toutes  les 
haches,  je  dirai  même  presque  tous  les  silex  taillés  sur  leurs 
deux  faces,  ont  été  des  scies,  cela  en  fait  beaucoup  ;  et  je  ne 
me  flgure  pas  que  les  vieux  Ghelléen3  en  aient  employé  au- 
tant. Ils  devaient,  si  je  ne  me  trompe,  couper,  frapper  avec 
leurs  haches  bien  plutôt  que  scier  ;  pour  abattre  les  arbres^ 
et  n^ème  pour  les  façonner  jusqu'à  un  certain  point,  ils  fai- 
saient probablement  usage  du  feu,  ainsi  que  le  pratiquent 
encore  les  sauvages.  Qu'ils  se  soient  servis  de  certaines  haches 
comme  d'outils,  je  ne  l'ai  jamais  contesté;  je  n'ai  jamais  dit 
que  tous  ces  engins  fussent  exclusivement  des  casse -tète  ;  je 
suis  même  très  convaincu  qu'une  fois  emmanchées^  les  haches 
munies  d'un  énorme  tranchant  transversal,  et  probablement 
quelques  autres  encore,  ont  été  employées  comçie  outils. 
Mais  je  crois  que  ni  les  unes  ni  les  autres  n'ont  servi  à  la 
main. 

Quant  à  la  place  du  pouce,  il  est  très  naturel  que,  parmi 
tous  les  éclats  qui  sillonnent  les  faces  des  silex  taillés,  il  s*en 
rencontre  souvent  un  où  le  pouce  trouve  à  se  loger.  Il  serait 
même  étonncmt  qu'il  n'en  fût  pas  ainsi;  mais  je  persiste  à  ne 
voir  là  que  l'effet  du  hasard.  Une  adaptation  intentionnelle 
me  semblerait  dénoter  une  habileté,  je  dirai  même  une 
recherche,  extraordinaire  pour  les  hommes  de  Ghelles,  bien 
que,  selon  moi,  ils  aient  été  à  un  degré  de  civilisation  que 
leur  refuse  M.  de  Mortillet. 

Notre  savant  confrère  a  décerné  à  ma  collection  des  éloges 


DISCUSSION  SUR  L^EMMANCHBMBNT  DES  SILBX  TAILLÉS.     177 

doDi  je  suis  extrêmement  flatté.  11  a  été  certainement  trop 
indulgent  ;  mais,  si  je  ne  crois  pas  ma  collection  la  plus  belle 
du  mondes  en  raison  des  dimensions  et  peut-être  de  la  perfec- 
tion de  la  taille  de  quelques  spécimens  qui  sont  dans  des 
musées  ou  chez  d'autres  amateurs  que  moi,  je  ne  serais  pas 
étonné  qu'elle  offrît  la  réunion  la  plus  complète  des  différents 
types  de  Tindustrie  de  ces  temps  reculés.  Sans  dédaigner, 
bien  entendu,  les  belles  pièces^  j'ai  eu  grand  soin  de  recueillir 
également  les  laides,  quand  elles  pouvaient  fournir  quel* 
que  renseignement.  C'est  précisément  tout  cet  ensemble  qui 
m'a  fourni  mes  conclusions  ;  il  m'a  peut-être  permis  d'arriver 
à  des  résultats  qui  avaient  échappé  jusqu'à  présent.  Les  spé- 
cimens que  j'ai  eu  l'honneur  de  présenter  sont^  sauf  un,  loin 
d'être  uniques,  comme  le  suppose  M.  de  Mortillet.  Celui-ci  seul 
l'est.  Tous  les  autres,  je  les  ai  choisis  évidemment;  mais  ils 
appartiennent  à  des  séries  noàibreuses  ;  ce  ne  sont  pas  des 
exceptions;  et  je  ne  demande  qu'une  chose,  c'est  que  ceux 
de  mes  confrères  que  ces  questions  intéressent,  veuillent  bien 
me  faire  le  plaisir  de  venir  visiter  mes  tiroirs.  Us  verront  si 
ce  n'est  pas  sur  des  séries  nombreuses  que  je  base  mes 
appréciations. 

Qu'il  y  ait  des  localités  où  tous  les  instruments,  ou  à  peu 
près  tous,  ont  dû  servir  à  la  main^  je  ne  le  conteste  nulle- 
ment. Mais,  que  les  instruments  en  quartzite  de  la  vallée  de 
la  Garonne,  plus  grossiers  que  ceux  en  silex  des  vallées  de  la 
Somme  ou  delà  Marne,  soient  tous  de  celte  catégorie,  qu'est- 
ce  que  cela  prouve?  Cette  grossièreté  des  instruments  peut 
tenir  à  la  mauvaise  qualité  de  la  matière  employée,  comme 
l'a  dit  M.  de  Mortillet  ;  et  rien  ne  s'oppose  à  ce  que  des  peu- 
plades, plus  favorisées  par  rapport  à  la  nature  des  roches 
qu'elles  avaient  à  leur  disposition^  aient  eu,  au  même  mo- 
ment, un  outillage  beaucoup  plus  compliqué,  beaucoup 
meilleur. 

Il  y  a  des  différences  sensibles  entre  les  industries  de  peu- 
plades contemporaines  et  très  peu  éloignées  les  unes  des 
autres.  Il  en  existe  une  très  appréciable  entre  l'outillage  de 
T.  X  (3«  sârib).  li 


178  SÉANCE  DU   3  MARS   1887. 

Sunt-Acheal  et  celai  de  Tfaennes.  A  Thennes^  les  pièces 
avec  manche  natarel  oa  ftiçonnë  sont  beaucoup  plus  nom- 
breuses qu^à  Saint- Acheul;  elles  le  sont  infiniment  plus  que 
cdles  du  même  gisement  de  thenhes,  retaillées  sur  tout 
leur  pourtour.  Et  pourtant,  pour  expliquer  cette  particula- 
rité, il  n'y  a  ni  infériorité  dans  Thabileté  de  la  mdn,  ni 
raauTaise  qualité  de  la  matière  première,  ni  même  éloigne- 
ment  des  deux  localités.  Thennes  n'est  guère  qu'à  trois  lieues 
de  Saint-Acheul.  Il  a  pu,  en  outre,  y  avoir  des  différences 
très  notables  entre  les  degrés  de  civilisation  dont  jouissaient 
les  habitants  des  vallées  de  la  Somme  et  de  la  Marne  et  ceux 
de  la  vallée  de  la  Garonne.  Je  n*admets  nullement  que  le 
développement  de  la  civilisation  ait  été  forcément  partout  le 
même  au  mèihe  moment.  De  nos  jours,  ne  rencontre-t-on  pas 
fréquemment,  à  des  degrés  d'avancement  extrêmement 
différents,  des  tribus  sauvages,  habitant  des  régions  limi- 
trophes? 

Je  ne  vois  pas  ce  que  peut  faire  à  la  question  qui  nous 
occupe,  que  les  haches  d'Australie  ne  soient  pas  en  silex.  Ce 
qui  importe,  c'est  la  forme  de  la  hache,  cette  forme  en 
amande,  qui  a  été,  jusqu'à  présent,  déclarée  t'nemmanchable. 
(Test  elle  qui  rend  très  intéressant  Tengin  publié  par  M .  Hamy . 
Jusqu'à  ce  jour,  les  emmanchements  connus,  au  moins  ceux 
connus  de  moi,  ceux  du  musée  de  Saint-Germain  conmie  les 
autres,  n*étaient  appliqués  qu'à  des  haches  à  bords  plus  ou 
moins  parallèles.  Aucun  ne  nous  montrait  une  hache  en 
amande  fixée  à  un  manche. 

M.  Adrien  de  Mortillet.  L*hypothèse  si  séduisante,  paraît- 
il,  de  l'emmanchement  des  instruments  chelléens,  queM.  d'Acy 
vient  de  ressusciter  et  de  défendre  avec  beaucoup  de  talent 
et  de  chaleur,  a  déjà  été  mainte  fois  réfutée.  Cette  idée,  qui 
aBUftout  eu  le  don  de  séduire  les  artistes  à  la  recherche  d'ac- 
cessoires  pittoresques  et  les  vulgarisateurs  peu  familiarisés 
avec  les  industries  préhistoriques,  est  depuis  longtemps  aban- 
donnée par  la  plupart  des  palethnologues,  et  nous  ne  voyons 
dans  la  très  Intéressante  communication  de  H.  d'Acy  aucun 


DISCUSSION  SUB  J[.'Ellll4N0a»IBNT  JMSS  BILEX  TAILLÉS.     179 

argamt ni  mawtM  oêpabi^  iâ  modifier  ea  <fim  que  m  toit 
leur  4>pljiioQ. 

AI.  d'Acy  Teoaaoatt  luino^Aina  qii^  le»  pièces  eh^lléenoa» 
gFOMÎirfifl,  conservant  encore  une  bonne  portion  de  la  erodte 
du  rçgsMn  PU  nodnla  de  9ilex  dans  leii««l  elles  ont  été 
talUées»  ont  l>ira  pn  être  utilisée»  4  la  main.  Pourquoi  dopoi 
lorsqu'il  passe  à  des  piàces  plus  déJimtesi  mieux  taillée»» 
suppose*t*il  que  cell^s^  devaient  être  eiQiMnebitoe  7  No 
reirouve-t-on  pas,  bien  qu'4  un  moindre  degré*  »uf  oa» 
inatruments  qui  dénotent  simplement  un  progrès  dans  l'aride 
travailler  le  silex,  tous  les  caractères  de  quelque  importance! 
toua  liesearactères  tpécifiques^  si  r<m  peut  s'exprimer  ainsi,  qua 
Ton  observe  sur  les  pièces  les  plus  groesièras  :  forme  générala 
en  amande»  talon  plua  ou  moins  prononcé  vers  la  lMuie« 
tranchants  dea  c6tés  plus  Tifs  v^s  le  sommet,  etc,  Bo  ex%* 
minant  avec  attention  et  sans  auM^une  idée  préconçue  un 
certain  nQïsùxi:^  de  pièces  priées  au  hasard,  appartenant  4 
Tune  en  à  l'autre  des  deux  catégeries»  i)  ait  facile  de  ae 
modre  compte  que  Ton  est  en  présence  d'échantillons  plus 
on  moins  jbabilement  confectionnée  d'un  sful  et  même  outil^ 
dont  on  a  sans  cesse  eherebé  A  «uf  manier  refBcaoité  et  è 
diminaor  Je  poUnt  afin  da  U  rendre  t^ut  è  la  lois  plus  productif 
etj^aaportalit 

C'est  w  pounnivant  «vec  peffsévéranae  ne  double  hut  que 
rhommn  fiemle  %  été  conduit  à  modifier  son  outillage,  4 
remplacer  le  lourd  eaup^dle*poijig  eheUéen  par  deux  instru* 
mente  Mon  flw  commodes  et  beaneoup  pins  légers  :  la  poi»ie 
et  le  raeloir  mouftétiena.  Maille  coup^dei^oing  n*a  pas  diapani 
tout  d'4m  opup;  aen  usage  a  continué  pendant  une  grande 
partie  de  Tépoquo  du  MousUer,  ^t  c'est  précisément  è  eette 
époque  que  doivent  appaj^ienir  bon  nombre  des  belLee  pièce» 
que  nous  a  numirée»  M.  d'iLoy* 

£b  bien,  poar  ce»  instrument»  oux-mémes^ dont  quelque»- 
uns  atteigneoit  ^m  tel  dngré  do  perfecUjpn  qu'ils  doivent  êtne 
oonaidéré»!  «en  aomme  do»  pièce»  uaueUe»»  mais  oommo 
du»  pièpa»  4o  ïvm.  paa  plw  «ua  pour  |o»  iwtrumants  loa 


180  SÉANCE  DU  3  MARS  1887. 

plus  rudimentaires  du  début  de  l'époque  chelléenne,  il  n^est 
besoin  d'avoir  recours  à  un  emmanchement  quelconque. 
Nous  voyons  au  contraire,  lorsque  nous  nous  donnons  la 
peine  de  les  manier,  lorsque  nous  cherchons  à  nous  en  servir, 
que  ces  instruments,  aussi  bien  que  ceux  qui  ont  tine  véri- 
table poignée,  sont  admirablement  appropriés  pour  être 
tenus  à  la  main  et  que  le  nom  de  coup-de-poing,  qui  a  rem- 
placé celui  de  hache^  est  bien  le  nom  qui  leur  convient  le 
mieux,  aux  uns'comme  aux  autres. 

Je  n'ajouterai  que  quelques  mots  relativement  aux  consi- 
dérations ethnogprapbiques  sur  lesquelles  a  insisté  M.  d'Acy. 
On  peut,  d'une  manière  générale,  dire  que  les  comparaisons 
ethnographiques  sont  très  souvent  aussi  dangereuses  en 
palethnologie  que  les  rapprochements  étymologiques  en 
linguistique,  et,  dans  le  cas  particulier  qui  nous  occupe,  que 
l'exemple  choisi  n'est  pas  heureux.  Les  haches  australiennes 
auxquelles  a  fait  allusion  H.  d'Acy  n'ont  absolument  rien  de 
commun  avec  les  coups -de-poing  quaternaires  de  l'Europe 
occidentale.  On  peut  s'en  convaincre  en  examinant  deux 
spécimens  de  ces  haches  rapportés  d'Australie  et  donnés  au 
musée  de  Saint-Germain  par  M.  Montefiore. 

M.  d'Agy.  Je  répondrai  à  M.  Ad.  de  Mortillet  ce  que  j'ai 
déjà  répondu  à  M.  de  Mortillet,  son  père;  c'est-à-dire  que 
l'emmanchement  publié  par  M.  Hamy  est  nouveau,  au  moins 
que  je  le  crois  tel.  Ceux  que  M.  Ad.  de  Mortillet  vient  de  pren- 
dre la  peine  de  dessiner,  je  les  connaissais;  je  les  ai  même 
indiqués,  dans  ma  communication,  comme  n'étant  pas  rares. 
L'emmanchement  sur  lequel  j'ai  appelé  l'attention  vient  de 
l'ouest  de  l'Australie,  dont  les  habitants  ne  font  que  com- 
mencer à  être  connus  ;  et,  de  plus,  trop  souvent  les  voya- 
geurs ne  rapportent  que  les  belles  pièces.  Les  objets  communs, 
qui  ont  pourtant  un  si  grand  intérêt^  puisqu'ils  nous  initient 
à  la  vie  de  chaque  jour  de  ces  curieuses  populations  sauvages, 
et  fournissent  des  termes  de  comparaison  que  je  demande  à 
M.  de  Mortillet  la  permission  de  continuer  à  regarder  comme 
très  précieux^  ces  instruments  communs,  laids,  sont  et  surtout 


DISCUSSION  SUR  l'eMMÀNCBEIIENT  DES  SILEX  TAILLÉS.    181 

étaient  trop  souvent  dédaignés.  Or,  ces  engins  de  F  Australie 
occidentale  sont  assurément  fort  laids.  Une  pièce  de  ce 
genre,  unique  encore  ici,  peut  parfaitement  être  des  plus 
répandues  là-bas. 

D'ailleurs,  que  Temmanchement  qni  nous  occupe  soit  réel- 
lement nouveau,  ou  qu'il  ne  le  soit  que  pour  mon  ignorance, 
peu  importe.  Ce  qui  est  extrêmement  instructif,  c'est  que 
nous  avons  sous  les  yeux  une  hache  en  amande,  analogue  i 
celles  de  Saint^Acheul  ou  de  Chelles,  fixée  à  un  manche. 

Cette  hache,  dit  M.  Ad.  de  Mortillet,  doit  être  plate  sur  ses 
faces  ;  celles  d'Australie  sont  ainsi  formées.  Je  le  veux  bien  ; 
et,  dans  le  fait,  la  figure  semble  l'indiquer.  Mais  pourquoi 
des  faces  plus  bombées  s'opposeraient-elles  à  un  emmanche- 
ment semblable  ?  Pourquoi  la  bande  de  bois,  qui  ne  glisse 
pas  sur  les  arêtes  convexes  de  la  hache,  ne  tiendrait-elle  pas 
sur  des  faces  arrondies,  mais  certainement  moins  courbes 
que  les  côtés  ? 

M.  de  Mortillet  pense  que  les  bords  tranchants  de  nos  ha- 
ches quaternaires  de  silex  auraient  bien  vite  coupé  le  lien  qui 
les  aurait  retenues.  Ces  manches  devaient  cependant  durer 
encore  un  certain  temps,  surtout  lorsque  les  haches  servaient 
comme  armes  et  non  pas  comme  outils  ;  ils  n'étaient  pas  dif- 
ficiles à  remplacer  ;  et,  de  plus,  si  l'on  ne  veut  pas  admettre 
l'emploi  d'un  mastic  à  Saint-Acheul,  un  peu  d'herbe,  de 
mousse^  de  peau,  placé  entre  le  silex  et  le  lien,  garantirait  ce 
dernier  ;  dans  le  spécimen  australien,  il  y  a,  en  effet,  quelque 
chose  de  ce  genre,  une  espèce  de  cale,  au-dessous  de  la 
hache. 

H.  de  Mortillet  qualifie  de  moustériens  quelques-uns  de  mes 
silex,  parce  qu'ils  sont  plats.  J'ignorais,  je  l'avoue,  que  le  plus 
ou  le  moins  d'épaisseur  d'un  silex  taillé  fût  suffisant  pour  lui 
assigner  une  date;  et  même,  malgré  l'assertion  de  notre  sa- 
vant confrère,  je  reste  complètement  incrédule.  Ce  silex,  le 
plus  plat  de  tous  ceux  que  j*ai  apportés,  vient  de  Saint-Acheul. 
Sa  patine  indique  à  quiconque  connaît  le  gisement  qui  Ta 
fourni^  qu'il  reposait  dans  les  sables  blancs  ;  et  il  me  serait 


4W  SÉANCl  MT  47  MARS  4887. 

ftlfîle  At  montrer  k  M.  de  MorUMot  des  éehantiOosa  bien  pltui 
épaià,  et  que  Icmr  CMholoftg  pronre  eepandant  avoir  été 
lrou?él  bien  pin»  heol,  tant  à  fait  à  k  base  da  limon  grossief , 
ou,  si  Ton  veut^  tout  à  fait  au  sommet  du  dîldyiam  gris* 

Knfinf  M.  de  Moriillet  affirme  que  Temmandienieni  né  de- 
vient certain  qu'à  répoqoe  de  Solutré.  Assarément,  je  ne 
oomj^rerai  pas  mes  pointes  à  eetles  si  admirablement  taillées 
de  Solutré  ;  mais  je  demande  si  Taminoissement  de  la  base 
des  premièrea  n*est  pas  tout  aussi  éyJdenmient  intentionnel 
que  celui  des  secondes  ;  je  ne  tois  pas,  dès  lors,  pourquoi 
reintnancbetndntt  déclaré  certain  posr  les  unesi  serait  con- 
testé pour  ICÉ  antres. 

Ia  séance  est  letée  à  six  heures. 

L*un  dei  ieerétttiref  :  FAinrStlB. 


■Piti* 


i»f>  SlANCB.  -^  17  dm  ISS7. 

l^r^ldeBee  ée  M.  WÊAGWrmTf  prémléeni. 

Le  procè9«terbal  de  la  dernière  séance  est  In  et  adopté. 

COmllESPONDANGe. 

M«  jM  Sbcrétahub  GâiiâiUL  donne  lecture  d'une  lettre  de 
M<  le  ministre  de  Finstruotion  publique,  invitant  la  Société 
d'anthropologie  à  prendre  part  aux  travaux  du  Congrès  des 
sociétés  savantes,  qui  aura  lieu  à  la  Sorbonne  le  31  mai  pro- 
cbaiiL 

COMUmCATfûHS  DO  »imBAt7« 

M.  LE  pRÉsmsifT  annonce  la  mort  de  M.  Leudet,  membre 
titulaire  du  5  août  4875,  décédé  h  Rouen  le  5  mars  4887,  à 
Ffige  de  soixante-deux  ans. 

^  annonce  également  la  perte  que  la  Société  vient  de  faire 


OnVBAGEft  OirSRTS,  183 

en  la  personne  de  H.  le  comte  Zawisza,  correspondant  étran- 
ger du  5  novembre  1874»  mort  à  Varsovie  le  22  février  1887, 
dans  sa  soixante-quatrième  année. 

M.  le  Président  adressera,  au  nom  de  la  Société,. des  let- 
tres de  condoléance  aux  fwmUea  dis  membres  dont  le  décès 
vient  d'être  annoncé. 

A  propos  4»  yrioèi  vor^aU 

M.  Adrien  de  Mortillet  annonce  qu'il  aurait  à  compléter 
son  argumentation  contre  la  thèse  soutenue  par  M.  d^Acy 
dans  la  séance  du  3  mars,  Sur  le  mode  d'emploi  des  tns/rti- 
menis  chelléens.  Mais,  en  l'absence  de  ce  collègue,  il  remet  sa 
communication  à  une  autre  séance. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

FiiAnKm  et  Lqhbst.  la  race  humaine  ife  Néand^itikat  am  de 
Canitadi,  en  Belgiqm.  Bruxelles^  1886,  brodi.  In-S*^  M  pages. 

Db  Loft  (A«).  Sur  um  kaeheête  irùwtée  à  Barméfnia,  Mons, 
1886,  broch.  in-8%  6  pages. 

AROtmaiNS.  ComHibuÈUm  à  tMHoire  primitive  dê$  optuhnaux 
domêitiqun  m  Huaiê.  OdeMa,  1886,  broch.  io-i%  46  pages, 
en  ruts». 

-^  Sur  qu$lq%»e$  formn  dê§  pim  mkciênmm  épée$  rtmm. 
Odessa,  1886,  broch.  hi-4%  17  pages,  en  pQsse« 

—  M.  le  wmtêA.^S.  Ouvarof.  Odessa,  18M|  broeb«  ii>4% 
18  pages»  an  msse. 

-«  Uêêer  die  Xêwte  dn  ffSkkn-Bàren  mt  Tramkmikmtm. 
Broeh.  Iih8«,  6  pagss. 

CUMt  Bbu.  Paperê  rêad  before  ihe  mediea^legal  Sptiêttf  of 
New^rork.  1886,  in-8«,  550  pagos. 


184  SÉANCE  DU    17  MARS  1887. 

PRÉSENTATIONS. 
SUex  taillés; 

PAR   M.   sniOlfBAU. 

H.  SiMONEAU  présente  à  la  Société  une  série  de  silex  taillés 
dont  il  expose  Torigine  comme  suit  : 

Etant  cet  hiver  avec  des  amis  à  une  partie  de  chasse,  nons 
traversions  la  plaine  vers  le  village  de  Montalet  (Seine-et- 
Oise),  nous  gravissions  une  charmante  petite  colline,  assez 
rapide  en  cet  endroit^  faisant  face  au  sud,  avec  une  source 
abondante  au  bas^  lorsque,  arrivé  sur  le  plateau,  c'est-à-dire 
h  iOO  mètres  plus  loin,  des  éclats  de  silex  frappèrent  ma 
vue,  je  m'arrêtai  et  en  ramassai  quelques-uns  ;  mais  le  de- 
voir de  rester  en  front  de  bataille  avec  mes  amis  me  fit 
abandonner  cet  endroit  plus  tût  que  je  ne  l'aurais  désiré. 

Le  soir,  en  revenant  au  logis,  je  pris  les  devants  et  tra- 
versai de  nouveau  la  plaine  pour  m'assurer  si  je  n'av€ds  pas 
été  le  jouet  d'illusions. 

J'explorai  avec  attention  l'emplacement  que  j'avais  ob- 
servé le  matin  et  j'acquis  de  suite  la  certitude  que,  d'après  la 
quantité  de  silex  éclatés  qui  se  trouvent  à  la  surface  du  sol, 
non  seulement  je  me  trouvais  dans  un  endroit  ayant  été 
habité  par  l'homme  préhistorique,  mais  aussi  vers  Tun  de 
ses  ateliers.  Dans  cette  traversée,  je  ramassai  une  douzaine 
de  ces  silex  et  quittai  cet  endroit,  forcé,  comme  le  matin^  par 
le  devoir,  de  monter  en  voiture  pour  rentrer  à  la  maison. 

Je  fis,  il  y  a  quelques  jours,  un  voyage  exprès  pour  m'as- 
surer, si  je  le  pouvais,  de  l'importance  de  cette  découverte. 
Je  visitai  les  collines  voisines,  où  je  ne  vis  absolument  rien. 
J'explorai  de  nouveau  l'endroit  déjà  désigné;  je  constatai  que 
ces  outils  se  trouvent  sur  un  espace  de  200  mètres  de  long 
sur  150  mètres  de  large. 

Je  ramassai  cette  fois  à  la  surface  du  sol  plus  de  deux 
cents  de  ces  silex^  parmi  lesquels  on  observe  des  couteaux. 


DARESTE.  —  SUR  UN  VEAU  NATO.  185 

des  grattoirs,  des  haches,  des  pomçonSy  une  massue,  des 
nucléas  et  un  fragment  de  hache  polie  ;  quelques-uns  de  ces 
outils  ont  subi  l'action  du  feu. 

Dans  la  quantité  que  j'ai  rapportée,  il  y  en  a  à  peine  une 
douzaine  qui  ont  la  forme  moustérienne,  le  reste  a  des  for- 
mes moins  déterminées,  excepté  le  fragment  de  hache  polie  ; 
par  cette  raison,  je  pense  qu'il  est  difficile  d'assigner  une 
époque  bien  déterminée  à  cette  station. 

Si  je  m'en  rapporte  aux  outils  et  aux  nucléus,  les  rognons 
devaient  être  relativement  petits^  et  jusqu'à  présent,  quoique 
je  connaisse  assez  bien  les  plaines  environnantes,  je  ne  vois 
pas  l'endroit  du  gisement  de  ces  silex. 

J'ai  l'espoir  d'être  plus  heureux  dans  des  recherches  ulté- 
rieures. 

Disemsion. 

H.  Adrien  de  HoRTnxET.  Les  silex  que  vient  de  nous  pré- 
senter M.  Simoneau  sont  bien  tous  incontestablement  taillés, 
mais  ils  n'affectent  pas,  pour  la  plupart  du  moins,  des  formes 
assez  caractéristiques  pour  qu'il  soit  possible  de  dire  si  la 
station  nouvelle  dans  laquelle  ils  ont  été  recueillis  est  exclu- 
sivement néolithique  ou  si  elle  contient  aussi  des  restes 
d'industries  plus  anciennes. 

A  côté  d'un  fragment  de  hache  polie  et  d'un  grattoir  ro- 
benhausiens  se  trouvent  des  pointes  triangulaires  et  des  éclats 
assez  larges,  qui  rappellent  les  pièces  non  retouchées  qui 
accompagnent  d'ordinaire  l'industrie  moustérienne. 

COmiUBilCATiONS. 

CoMple  MBda  4e  rantopsle  d'an  vea«  âaU»  présenté 
ÛÊkmm  la  séaaee  d«  %€  iévrlar; 

PAR  M.    DAEESTE. 

M.  Manouvrier  lit,  au  nom  de  M.  Dareste ,  la  note  sui- 
vante : 


186  SiANGK  BU  17  MARS  1887, 

J'ai  présenté  i  la  Société,  il  y  a  quelqmes  aéancest  un  veau 
ftato  femellej  né,  au  Jardin  d'acoUmatatiop»  â*un  taureau  et 
d'une  vache  fiato  du  Chili. 

L*autopsie  de  cet  animal  a  été^aite  à  mon  laboratoire. 
Commencée  le  jour  même  de  la  séance,  mais  forcément  in- 
terrompue par  la  tombée  de  la  nuiti  cette  première  partie  de 
Topération  avait  fait  erciire  à  M«  San9on,  qui  assistait  h  Tau- 
topsie,  ainsi  qu'à  M.  le  docteur  Yautbier  et  à  M.  Gâche,  mon 
préparateur,  que  l'animal  en  question  présentait  une  ano- 
malie ^ave  des  organes  çénito-urinaires.  Mais,  reprenant, 
le  lendemain,  cette  opération  avec  M.  Gâche,  nous  avons  pu 
constater  que  Tanimal  ^tait  parfaitement  bien  conformé,  et 
que  la  vessie,  rappareil  génital  et  le  rectum  ne  présentaient 
aucune  anomalie. 

L'animal,  qui  a  vécu  un  mois,  est  mort  presque  subite- 
ment. 11  a  été  pris  de  vertiges  qui  l'ont  fait  mourir  en  une 
heure,  sans  qu'il  y  ait  eu  de  prodromes  apparents.  Cela  m'a 
été  dit  par  M.  Salnt-Tveô  Ménard,  aons^directeuf  dtt  Jardin 
d'acclimatation. 

M.  Sanson  a  annoncé  à  la  Société  que  le  teau  dont  notis 
avons  fait  Tautopsie  présentait  une  anomalie  grave.  Je  n*assid- 
tais  pas  à  la  séance,  et  je  n*al  pu,  par  conséquent,  rétablir  les 
faits.  Ayant  eu  récemment  connaissance  de  la  communicsb- 
tion  de  M.  Sanson,  et  craignant  de  ne  pouvoir  assister  ft  la 
séance  prochaine,  je  m'empresse  de  signaler  ft  la  Société  un 
fait  auquel  j'attache  une  grande  Importance. 

Discussion. 

"  M.  Sanson  est  surpris  des  résultats  annoncés  par  M.  Da- 
reste.  Il  était  présent  lors  de  l'ouverture  du  corps.  La  vessie, 
dont  la  constatation  est  pourtant  si  facUer  n*a  pas  été  vue  à 
sa  place.  Un  des  assistants  de  M.  Dareste,  ayant  cherché  à 
introduire  une  sonde,  ne  put  y  parvenir,  et  annonça  que  le 
canal  de  l'nrètbre  h  terminait  par  un  oul<*de^MC|  à  peu  de 
distance  du  méat  ;  il  regrette  que  la  présentation  de  la  pii^ 


p.  SÉBILLOT.  —  0USIK)UE8  TRADITIONS  SUR  LES  VOLCANS.   187 

n'ait  pas  éW  faite  ;  c'était  le  meilleur  moyen  de  trancher  la 
question. 

Qnelqae»  tradltloBS  ««r  les  Toleans  ; 

PAR  H.  PAUL  giBILM)T. 

La  tradition  des  Néo-Zélandais  attribuait  Torigine  du  prin- 
cipal volcan  de  leur  île  à  l'intervention  des  dieux  de  THawaïki, 
qui  le  firent  surgir  pour  réchauffer  uû  héros  en  danger  de 
périr  de  froid  *. 

I^s  Australiens  expliquaient  les  phénomènes  volcaniques 
par  la  tradition  suivante  :  les  méchants  ingna,  démons  souter- 
rains, ont  coutume  d'allumer  de  grands  feux  et  de  jeter  dans 
Tair  les  pierres  qu'ils  ont  fait  rougir  dans  le  foyer.  Les  Kamt- 
chadales  disaient  que  les  Kamueti,  ou  esprits  des  montagnes, 
chauffent  les  montagnes  qu'ils  habitent  et  jettent  les  tisons 
par  la  cheminée  *. 

Beaucoup  de  peuples,  en  effet,  plaçaient  dans  les  volcans 
la  demeure  des  dieux  ou  des  démons. 

Aux  îles  Hawaï,les  indigènes  disaient  que  le  volcan  Kiro-Ea 
avait  été  choisi,  par  Pélè  et  les  autres  dieux  des  volcans,  comme 
Vhabitatlon  la  plus  digne  d'eux  ;  les  cratères  leur  servaient  de 
palais.  C'est  là  qu'ils  jouaient  au  konane,  et  leur  divertisse- 
ment le  plus  habituel  consistait  ft  nager  sur  les  laves  brû- 
lantes, écoutant  la  musique  du  volcan*. 

Les  Guanches  croyaient  que  Guayota,  le  génie  du  mal,  se 
tenait  caché  dans  un  volcan  formidable;  l'enfer  était  une 
effroyable  fournaise  qu'il  ne  cessait  d'attiser.  Une  croyance 
analogue  se  retrouve  dans  le  bassin  supérieur  du  Mil,  oh  les 
indigènes  regardent  les  monts  à  cratères  comme  le  séjour  des 
nanvais  esprits.  Les  chrétiens  d'Europe  y  ont  parfois  plaoé 
la  demeure  ^n  diable  :  d'après  la  légende  des  Lipariotes, 
saint  Calogera  chassa  les  diables  de  leur  île  et  les  enferma 

1  De  Quatrafagea^  les  Polyné^i^uM,  Pf  ISS. 
«  Tylor,  CMlisation  primiHve,  i,  II,  p,  270. 
*  Ritnci,  rOc^nlf,  1 1|,  p.  17. 


188  SÉANCE  DU  17  MARS  1887. 

dans  les  fournaises  du  Vulcano .  La  Légende  dorée  raconte 
qu*on  entend  les  hurlements  des  démons  dans  les  volcans  de 
la  Sicile*. 

Les  éruptions  étaient,  en  général,  attribuées,  par  la  croyance 
populaire,  à  la  colère  des  divinités,  bonnes  ou  malfaisantes, 
qui  avaient  choisi  les  cratères  pour  leur  demeure.  Une  lé- 
gende, populaire  à  HawaI,  raconte  qu'un  chef  ayant  refusé 
de  prêter  son  traîneau  à  Pélè,  qu*il  prenait  pour  une  femme 
ordinaire,  celle-ci  se  vengea  en  ordonnant  au  volcan  de  vo- 
mir des  flammes.  A  Naples,  après  Texpédition  de  Garibaldi, 
on  attribua  la  destruction  de  Torre  del  Greco  àla  colère  d'une 
statue  de  la  Vierge,  à  laquelle  on  avait  mis  une  écharpe  tri- 
colore. D'après  TEdda,  les  éruptions. étaient  causées  par  les 
flammes  qui  sortaient  de  la  gueule  du  loup  Fenris  '. 

Chez  les  peuples  qui  sont  souvent  exposés  aux  ravages 
causés  par  les  éruptions,  on  essayait,  par  divers  moyens, 
d*apaiser  les  divinités  que  Ton  supposait  irritées.  Â  HawaI, 
on  offrait  souvent  des  petits  cochons  à  Pélè  ;  les  indigènes 
de  Nicaragua  faisaient  des  sacrifices  humains  à  Mosaya  ou 
Popogatepec  (la  Montagne  fumante),  et  ils  précipitaient  les 
victimes  dans  le  cratère.  A  Dalhar,  dans  le  bassin  supérieur  du 
Nil,  les  magiciens  amènent  une  vache  en  sacrifice  aux  monts 
à  cratères»  et,  dès  que  Tanimal  a  été  mis  sur  le  bûcher,  ils  s*en- 
fuient,  sans  oser  regarder  en  arrière  '. 

Le  ahaval  MMivage  4e  la  Dme«asMriet 

PAR  LE  DOGTBUR   FAUVBLLB. 

«  Le  cheval  réellement  sauvage  n'existe  aujourd'hui  nulle 
part  »,  dit  Paul  Gervais,  dans  son  Histoire  naturelle  des 
mammifères  (t.  II,  p.  145).  Pour  Tancien  professeur  du 
Muséum,  les  troupeaux  signalés  de  tous  temps  dans  TAsie 

«  D'Avezao,  Iks  dé  V Afrique,  p.  141;  Reolos,  t.  XII,  p.  217;  1. 1,  p.  567; 
Jacques  de  Voragioe,  t.  I^  p.  314. 

s  Rienzi,  Océauie,  t.  II,  p.  20;  Tour  du  mondé,  t.  V,  p.  318;  Maury,  Lé- 
gendes fiêuies  du  moysn  âge,  p.  162. 

»  Rienzi,  t.  II,  p.  34  ;  Tylor,  i.  II,  p.  270;  R«elufl,  t.  XII,  p.  217. 


FAUTBILB.  —  LB  CHEVAL  SAUVAGE  DE  LA  DZ0UM6ARIE.     189 

centrale,  depuis  la  mer  Caspienne  jusqu'aux  chaînes  de  mon- 
tagnes de  THimalaya  et  de  l'Altaï,  sont  composés  de  chevaux 
libres,  que  les  Tartares  nomment  Tarpam  et  qui  proviennent 
de  chevaux  domestiques  abandonnés;  ils  sont  tout  à  fait 
comparables  à  ceux  de  l'Amérique  qui,  dans  certaines  con- 
trées, forment  des  troupes  de  plus  de  10  000  individus. 

L'opinion  de  Paul  Gervais  jme  paraît  aujourd'hui  démon- 
trée fausse,  par  la  découverte  faite  en  1879  parle  lieutenant- 
colonel  russe,  N.  Prjewalski,  dans  son  Voyage  en  Dzoungarie. 
Cette  découverte  vient  confirmer  ce  fait,  si  bien  établi  par 
M.  Piètrement,  à  savoir  que  TAsie  centrale  est  la  patrie  de  la 
plupart  des  chevaux  domestiques  que  Thomme  a  répandus 
sur  toute  la  terre. 

Cest  à  ce  point  de  vue  qu*il  m*a  paru  intéressant,  pour  la 
Société  d'anthropologie,  d'appeler  sur  ce  sujet  l'attention  de 
ceux  de  nos  collègues  qui  nous  ont  donné  si  souvent  des 
preuves  de  leur  connaissance  approfondie  de  la  science 
hippique. 

Voici  les  faits  tels  que  je  les  ai  puisés  dans  la  relation  du 
voyageur  russe,  publiée  récemment  parle  Taurdumonde. 

La  Dzoungarie,  ou  mieux  le  désert  de  la  Dzoungarie, 
s*étend  entre  TAltaï  au  nord,  et  le  Tian-cban  au  sud  ;  elle  est 
limitée  à  l'ouest  par  les  monts  Saour  et  les  chaînes  secon- 
daires, qui  unissent  le  Tarbagatval  au  Tian-chan  ;  à  l'est, 
elle  se  confond  avec  le  désert  de  Gobi.  Le  climat  de  cette  ré- 
gion, dont  la  faune  et  la  flore  sont  très  pauvres,  est  caracté- 
risé par  une  extrême  sécheresse  et  par  un  violent  contraste 
entre  les  chaleurs  torrides  de  Tété  et  les  froids  rigoureux  de 
rhiver,  durant  lequel  le  mercure  gèle  toutes  les  nuits.  Ce 
désert  n'est  arrosé  que  sur  ses  confins,  et  encore  Tirrigation 
n'y  est  pas  abondante  ;  les  sources  y  sont  rares  et  presque 
toujours  salées.  Il  est  inhabité  et  inhabitable.  C*est  là  que  vit 
VEquus  Prjewalskii^  comme  le  nomment  dès  maintenant  les 
zoologistes  russes;  en  voici  la  description  que  je  copie 
textuellement  : 

«  Ce  cheval  sauvage,  dont  un  spécimen  unique  se  trouve 


Ifè  SftANCfi  BtJ  il  llAftS  1887. 

au  musée  <!o  Sunt-Péterebotir^,  semble  former  ia  traneitkm 
entre  TAneet  le  ebeval  domestique.  C'est  eans  doute  le  proio* 
type  de  ee  dernier,  si  profondément  modifié  par  les  soins 
prolongés  que  l'homme  lui  a  prodigués.  L'Eqmis  PrjweakkU 
est  généralement  de  petite  taille,  sa  tête  est  proportionnelle- 
ment  grande,  arec  des  oreilles  moins  longues  que  celles  de 
Tftne  ;  saerinière  est  courte,  liériseée,  de  eouleur  brune  ;  il 
est  sans  garrot  et  sans  raie  dorsale.  Dans  sa  partie  supérieure 
la  qneue  est  presque  nue  ;  il  n'y  a  que  vers  TextrémMé  qu'elle 
porte  de  longs  poils  noirs.  La  robe  est  grise,  presque  Uan* 
ohe  flous  le  ventre;  la  tête  est  roussâtiie  avec  le  mueeau 
bkmc;  le  poil  d*tiiver  est  assesB  long  et  légèrement  ondulé. 
Les  jambes  de  devant  sont  blanches  à  la  paiiie  tnférieort, 
grises  vers  le  haut  et  sur  les  genoux,  noires  auprès  des  sabots, 
qui  sont  ronds  et  assex  larges. 

«  Ce  eheval,  nommé  pur  les  Kirgfaises  kertag^  et  par  les 
Mongols,  taldié,  n'habite  que  les  parties  les  plue  sauvages  dn 
désert  de  Dzoungarie.  On  le  rencontre  en  petites  troupes  de 
cinq  à  quinte  indJividuf,  qui  paissent  sous  la  surveiUance 
d'un  vieil  éts^ion^  Le  keriag  est  excessivement  méâamt,  et  avec 
cela  il  jouit  d'un  odorat  très  fin^  d'une  ouïe  at  d*aae  vie  à 
toute  épreuve,  ie  n'ai  eu  Toocasion  de  renoentrer  que  deux 
troupes  de  ces  animaux.  Nous  aurions  pu  nous  approcher  de 
laeeeondeà  une  portée  de  fusil,  mais  ils  ont  «éventé  mon  com- 
pagnon à  plus  d'un  kilomètre  et  ont  pris  ia  fttile«  Lemâie  co«^ 
rait  le  premier,  la  queue  en  Tair  et  le  cea  reaoUiM,  sept 
femelles  ie  suivaient  Le  bertoif  n'habite  nidie  paît  en  dehors 
du  désert  de  la  Dxoungarie  ;  c'est  un  (ait  que  je  puis  aujour^ 
d'hui  certifier.  » 

Je  ne  ferai  suivre  oette  description  que  d'unesenle  réflexion, 
c'est  que  VEqmis  PrjewaUkii^  qui  pourrait  bien  èti«  la  sou* 
cfae  de  tous  nos  chevaux  et  qui,  en  tout  cas,  se  trouve  bien 
plus  rapproché  de  Tancétre  commun  de  tons  les  équidés,  ne 
présente  aucun  de  ces  caractères  réversifs  ou  ataviques  qui, 
d'après  Darwin,  établiraient  la  parenté  du  cheval  avec  le 
zèbM,  l'âne  et  Thé 


FAUVELLB.  —  Ifi  CHETAL  8AOTAQE  M  LA  DZOUMGAHIS*    IM 

On  troave  aussi  «n  Dtoimgarie  deux  autres  espèoes  de  la 
fàtnille  des  solipèdes,  le  iJi^iàHwt  {A$imuê  kemionus)  et  le 
khoulan  {Asmus  onagtf^.  M.  Pfjewalski  n'en  donne  aucune 
description,  si  bien  qu'il  eel  impossible  de  dire  si  le  dfan  des 
Tongoutes,  qu*il  a  reneontré  sur  les  bords  du  Koukou-nor  en 
l^TO,  serait  plus  ou  moins  semblable  au  khoulan.  Voici  ce 
qu^  dit  de  cet  âne  sauvage  :  «  Il  ressemble  au  muiet  par 
la  taille  et  Taspect  général.  Sa  robe,  d*un  brun  dair,  est  en* 
tièrement  blanche  sous  le  ventre.  Les  formes  sont  arrondies, 
le  dos  est  cintré,  la  tête  grosse,  les  jambes  sont  fines  et  ner- 
veuses. Sur  le  cou,  de  moyenne  longueur,  se  dresse  une 
courte  crinière;  les  yeux  sont  grands,  bruns  et  pleins  de  feu.» 

Enfin,  le  voyageur  signale  encore  dans  la  région  qu'il  a 
parcourue,  la  présence  du  chameau  sauvage.  Voici  le  passage 
de  sa  relation  qui  y  a  trait  :  «  L'existence  du  chameau  sau- 
vage (Cwnelus  baHrianus  férus)  a  été  révélée  pour  la  pre- 
mière fob  par  Marco  Polo  ;  Buhald  et  Pallas  en  parient,  ainsi 
que  plasieurs  voyageurs  modernes^  mais  sans  l'avoir  étudié 
directement  et  seulement  sur  les  rapports  des  indigènes. 
Aussi  Cuvier  en  niait4l  Inexistence,  disant  que  les  pfétendus 
chameaux  sauvages  de  la  haute  Asie  n'étaient  que  des  cha- 
meamx  domestiques  rendus  à  la  liberté.  Pour  moi,  fl  m'a  été 
donné  de  rencontrer  cet  animal  remarquable  près  du  Lob- 
Hor,  sa  véritable  patrie^  et  de  l'y  observer.  Certes,  la  diffé- 
rence entre  le  chameau  sauvage  et  le  ehameau  domestique 
n'est  pas  considérable  ;  le  premier  a  seulement  les  bosses 
moins  proéminentes  et  n'a  pas  de  callosités  aux  genoux.  Les 
localités  qull  haMie  se  distmguent  partout  par  des  sables 
profonds,  au  milieu  desquels  il  fuit  la  présence  de  l'homme, 
n  est  répandu  dans  le  Tarim  inférieur,  le  Lob-nor  et  le  désert 
de  Khami,  puis  dans  les  sables  de  la  Dsoungarie,  sur  le  pla* 
teau  du  TUbet,  au  nord-^ouest  du  Tsaldam,  dans  la  plaine  de 
Syriin  et  dans  le  désert  de  Keu!toun*iior.  »  La  seule  ehose  à 
noter,  à  mon  point  de  vue,  c'est  que  le  volume  des  bosses  et 
les  callosités  sont  des  résultats  de  la  doBMsticatioo,  et  qulis 
sont  devenus  héréditaires. 


i9t  SÉANCE  DU   17   MARS  1887. 

Qnand  on  considère  Thabitat,  si  restreint  aujourd'hui,  du 
cheval  sauvage,  il  est  tout  naturel  de  se  demander  comment 
il  a  pu  être  le  réservoir  commun  où  tous  les  peuples  limitro- 
phes sont  venus  puiser,  pour  former  ces  nombreux  troupeaux 
qui  les  ont  suivis  dans  leurs  migrations  lointaines. 

Certainement,  la  civilisation  dont  Bokara  et  Samarkand 
ont  été  momentanément  le  centre,  a  pu  contribuer  à  refouler 
tous  les  animaux  sauvages  ;  mais  depuis  des  siècles  que  ces 
villes  sont  déchues  de  leur  grandeur  passée,  les  chevaux 
auraient  dû  reprendre  leur  expansion  primitive.  Comme  il 
n'en  a  pas  été  ainsi,  nous  sommes  amenés  à  supposer  que 
des  modifications  considérables  ont  dCl  se  produire  dans  la 
constitution  géologique  et  climatérique  de  ces  contrées.. 

M.  Prjewalski  ne  nous  donne  aucun  renseignement  à  ce . 
sujet.  Il  nous  dit  bien  que  toute  la  surface  des  déserts  de 
Gobi  et  de  Dzoungarie  était  occupée  jadis  par  une  mer,  dont 
les  Chinois  ont  conservé  le  souvenir  sous  le  nom  de  Khan- 
khan,  Il  ajoute  que,  dans  le  nord  et  Test  de  la  contrée  qu*il 
explore,  le  sol  est  composé  de  schistes  et  de  graviers  formés 
par  la  désagrégation  des  roches.  Au  sud  s'étendent  des  sables 
mouvants  et  des  salines,  tandis  que,  à  Touest  et  surtout  au 
nord-ouest,  prédominent  les  gisements  d'un  lœss  composé 
d'argile,  de  menu  sable  et  de  chaux  carbonatée.  Mais  aucun 
de  ces  détails  ne  nous  permet  de  tirer  des  conclusions  au 
sujet  du  problème  qui  se  pose. 

Je  pense  qu'il  faut  en  chercher  la  solution  dans  te  dessèche- 
ment progressif  de  toute  l'Asie  centrale,  qui  a  fait  disparaître 
les  pâturages  indispensables  au  développement  des  espèces 
herbivores. 

En  effet,  la  Revue  de  géographie  a  publié,  l'an  dernier,  un 
travail  très  intéressant  de  M.  YenukofT,  sur  la  diminution 
rapide  des  lacs  asiatiques;  qui  expose  à  un  changement  de 
climat  funeste  à  Tagriculture  la  Turquie,  la  Russie,  la  Sibérie, 
la  Mandchourie  et  la  Chine.  Le  vaste  territoire  des  Kirghises  a 
changé  de  physionomie  de  1856  à  1875.  Les  sables  ont  gagné 
de  l'espace  ;  plusieurs  petits  lacs  ont  disparu  et  la  végétation 


DISCUSSION  SDR  LE   CHEVAL  SAUVAGE  DE  LA  DZOUNGARIE.   193 

est  devenue  plus  maigre.  Dans  le  voisinage  des  steppes 
d'Astrakhan,  on  a  suivi  dans  tous  ses  détails  le  dessèchement 
du  lac  Astchi-koul,  disparu  depuis  1873. 

Deux  golfes  de  la  mer  d*Aral  ont  laissé  à  sec  de  vastes 
espaces,  comparables,  comme  étendue,  au  grand-duché  de 
Luxembourg  et  au  département  du  Rhône.  Le  lac  Balkach 
baisse  incessamment  de  niveau  ;  une  série  de  lacs  situés  à 
Test  et  qui  en  faisaient  primitivement  partie  ne  lui  appor- 
tent j)lus  que  rarement  leur  trop-plein.  Les  lacs  dzoungariens 
diminuent  rapidement  d'importance.  Enfin,  en  Sibérie,  le 
même  phénomène  s'observe  d'une  manière  non  moins  rapide. 

Bien  que  tontes  ces  constatations  soient  de  date  récente, 
elles  indiquent  que,  depuis  de  longs  siècles,  les  régions  dont 
il  s'agit  perdent  d'une  manière  continue  leur  humidité  et  par 
conséquent  leur  fertilité  primitive,  et  si  l'on  s'en  aperçoit 
seulement  aujourd'hui,  c'est  que  le  dessèchement  absolu 
approche.  Du  reste,  en  Perse,  on  ne  trouve  plus  que  quelques 
bassins  aux  environs  de  Ghiraz,  tous  les  autres  lacs  iraniens 
se  sont  évaporés, 

£n  résumé,  si  le  cheval  sauvage  est  aujourd'hui  confiné 
dans  un  étroit  canton  de  son  ancienne  patrie,  c'est  que  celle- 
ci  a  subi  dans  son  climat  des  modifications  profondes,  dont 
les  conséquences  peuvent  être  terribles  pour  l'homme  lui- 
même.  Il  est  donc  très  heureux^  pour  l'histoire  de  l'espèce 
chevaline,  que  le  voyage  d'exploration  de  M.  Prjevalski  ait 
en  lieu  avant  sa  disparition  complète. 

Discussion. 

M.  Piètrement.  Gomme  M.  Fauvelle  vient  de  le  dire,  j*ai 
montré  dans  mon  livre  sur  les  Chevaux  dans  les  temps  préhis-- 
toriques  et  historiques^  que  la  plupart  des  chevaux  domes- 
tiques actuels  descendent  d'ancêtres  qui  ont  été  domestiqués 
dans  l'Asie  centrale.  Mais^  pour  qu'on  soit  bien  fixé  sur  la 
véritable  portée  de  ce  fait,  je  dois  ajouter  que,  néanmoins^ 
deux  seules  races  chevalines  ont  été  domestiquées  dans  cette 

T.  X  ^^3«  SÀJUBj.  13 


194  SiAHCG  DU  17  MABS  1887. 

région,  Tuno  par  les  Aryas  et  l'autre  par  les  Mongols^  tandis 
que  six  raees  chevalines  ont  été  domestiquées  en  Europe;  et 
que  ces  huit  races  chevalines  ont  toutes  été  domestiquées 
dans  les  temps  préhistoriques.  De  sorte  que  si  les  chevaux 
asiatiques  forment  au  moins  les  neuf  dixièmes  de  la  popula- 
tion chevaline  actuelle,  cela  tient  uniquement  à  ce  quUls  ont 
anciennement  envahi  d'immenses  contrées  situées  en  dehors 
de  leurs  aires  géographiques  naturelles^  avec  les  peuples  qui 
les  ont  domestiqués,  et  avec  les  Sémites  qui  les  ont  rcQus  de 
leurs  premiers  possesseurs;  tandis  qu'au  contraire,  les  races 
chevalines  européennes  ne  se  sont  presque  pas  étendues  en 
dehors  de  leurs  aires  géographiques  naturelles.  C'est  donc,  à 
mon  avis,  l'un  des  faits  qui  montrent  le  mieux  que  les  an- 
ciennes grandes  migrations  civilisatrices  sont  parties  de 
rOrient,  et  non  de  nos  régions  occidentales. 

Quant  à  la  question  des  chevaux  sauvages  des  temps  his« 
toriques,  je  l'ai  traitée  dans  le  même  volume  (chap.  I*', 
§  8),  et  je  suis  arrivé  aux  conclusions  suivantes  :  Depuis 
l'antiquité  jusqu'à  nos  jours,  on  a  souvent  mentionné  l'exis- 
tence de  chevaux  sauvages  en  Asie,  en  Europe,  en  Afrique 
et  en  Amérique.  Dans  la  plupart  des  cas,  les  faits  ne  sont  pas 
exposés  avec  assez  de  précision  pour  qu'il  soit  possible  de 
reconnaître  si  ces  animaux  étaient  réellement  des  chevaux 
sauvages.  Dans  les  cas  où  les  faits  sont  exposés  avec  quelque 
précision,  il  est  facile  de  constater  que  ces  prétendus  che- 
vaux sauvages  étaient,  tantôt  des  chevaux  marrons  ou  issus 
de  marrons,  tantôt  des  sujets  appartenant  à  une  espèce 
d'équidés  autre  que  le  cheval;  et  le  fait  signalé  par  M.  Fau- 
velle,  d'après  M.  Prjewalski,  vient  précisément  à  l'appui  de 
la  dernière  conclusion. 

En  effet,  M.  Prjewalski  déclare  que,  chez  son  équidé,  les 
crins  sont  remplacés  par  du  poil  dans  la  partie  basilaire  de 
la  queue;  et  cela  suffit  pour  montrer  avec  la  dernière  évi- 
dence que  ce  n'est  pas  un  cheval,  puisque  l'un  des  caractères 
spécifiques  du  eheval  {Equus  caballus),  c'est  la  présence  des 
erias  dans  toute  la  longueur  de  la  queue.  La  conformation 


DISCUSSION  SUR  LE  CHEVAL  SAUVAGE  DE  LA  DZOUNGARIE.    195 

de  laqnaae  de  ce  prétendu  cheval  sauvage  permettrait  de  le 
ranger  indifféremment,  soit  parmi  les  hémiones,  soit  parmi  ' 
les  ftnes,  soit  parmi  les  zèbres.  Mais  son  origine  asiatique 
indique  avec  certitude  qu'il  appartient  à  Tune  des  variétés 
de  rbémione  ;  car  H.  Milne  Edwards  a  déjà  fait  observer 
dans  ses  cours  que  tout  ce  que  les  voyageurs  modernes  ont 
dit  sur  les  prétendus  onagres  ou  ânes  sauvages  de  l'Asie,  se 
rapporte  exclusivement  à  VEqutu  hemionus  et  non  à  VEquus 
astnm^  fait  qui  a  été  parfaitement  démontré  en  1869  par 
notre  collègue  M.  Hector  George,  dans  ses  remarquables 
Etudes  zoologiques  sur  les  hémiones  et  autres  espèces  chevalines. 
J'ai  d'ailleurs  montré  dans  mon  chapitre  XIV ,  que  les  anciens 
ont  commis  sur  ce  sujet  la  même  erreur  que  les  modernes  ; 
que  ce  sont  des  bémiones  qu'ils  ont  signalés  en  Asie  sous  les 
noms  d'onagres  ou  ânes  sauvages,  et  j'en  citerai  un  seul 
exemple.  Dans  la  Retraite  des  Dix-Mille,  Xénopbon  prétend 
avoir  chassé  et  mangé  des  ânes  sauvages  (  Svot  (ZYpioi  )  en  Méso- 
potamie ;  mais  sur  un  bas-relief  assyrien,  existant  actuelle- 
ment au  British  Muséum  et  représentant  une  chasse  aux 
équidés  sauvages,  il  est  très  facile  de  constater  que  ces  ani- 
maux sont  des  hémiones  et  non  des  *ânes. 

Ces  considérations  suffisent  pour  prouver  que  le  prétendu 
cheval  sauvage  de  M.  Prjewalski  est  en  réalité  un  hémione  ; 
et  je  ferai  remarquer,  en  terminant,  que  cet  auteur  ne  paraît 
pas  être  au  courant  de  l'état  actuel  des  connaissances  zoolo- 
giques sur  lôs  équidés  sauvages  de  l'Asie,  puisqu'il  parle 
encore  dans  son  article  des  prétendus  onagres  ou  ânes  sau- 
vages de  ce  continent,  comme  l'ont  fait  les  anciens  et  tant  de 
voyageurs  ou  même  de  naturalistes  modernes. 

M.  Sanson.  Ainsi  que  mon  ami  M.  Piètrement  vient  de  le 
dire,  il  existe  en  Europe  six  espèces  chevalines,  en  outre  des 
deux  qui  nous  sont  venues  d'Orient.  Ces  six  espèces  euro- 
péennes sont  toutes  originaires  du  nord-ouest  de  notre  con- 
tinent. Dans  l'ouvrage  où  il  a  si  profondément  fouillé  l'his- 
toire des  deux  espèces  orientales  à  l'état  domestique,  il  a 
bien  voulu  déclarer  que  94  tâche  historique  lui  avait  été  con- 


196  SÉANCE  DU  17   KARS  188*7. 

sidérablement  facilitée  par  mes  diagnoses  préalables  de  ces 
espèces  et  par  la  détermination  de  leurs  aires  géographiques 
naturelles.  Ces  faits  établis,  il  n'était  pins  possible  d'admettre 
que  tous  les  chevaux  de  TEurope  occidentale  provenaient,  par 
transformation,  de  ceux  d'Asie.  Les  descendants  des  chevaux 
asiatiques  restent  chez  nous  parfaitement  reconnaissables,  et 
j*ai  inontré  depuis  plus  de  vingt  ans  que  l'introduction  des 
ancêtres  de  quelques-uns  d'entre  eux  date  de  Fépoqne  pré- 
historique. Le  type  naturel  de  ceux-là  étant  resté  intact  jus- 
qu'à nos  jours,  quelque  opinion  qu'on  ait  sur  la  transforma- 
tion des  espèces,  il  est  évident,  d'après  cela,  que  pour  le  temps 
écoulé  et  dont  nous  ne  pouvons  nous  faire  idée  qu'avec  une 
approximation  de  quelques  milliers  d'années,  nos  espèces 
européennes,  de  type  très  différent,  n'ont  pas  pu  dériver  de 
l'une  ou  de  l'autre  des  espèces  orientales. 

La  question  du  prétendu  cheval  découvert  en  Asie  récem- 
ment a  été  traitée,  il  y  a  quelques  années,  par  M.  Anoutchine, 
dont  on  nous  présentait  tout  à  l'heure  des  travaux,  n  en  a 
parlé  dans  une  lettre  adressée  par  lui  à  Nehring,  de  Berlin. 
Cette  lettre  a  été  publiée  par  ce  dernier  dans  le  mémoire 
sur  Fossile  Pferde  aus  deutschen  Diluvial  Ablagerungen,  inséré 
au  Landw.  Jahrbûcher,  en  1884,  et  où  Nehring  reconnaît  que 
le  crâne  fossile  de  Remagen  est  identique  à  celui  de 
mon  E.  C,  ^ermantVrtis  actuel. 

Après  avoir  dit  ce  qu'il  faut  penser,  selon  lui,  du  cheval 
Tarpan,  M.  Anoutchine  continue  ainsi:  a  Nous  connaissons, 
paraît-il,  unsetil  vrai  cheval  sauvage  :  c'est  celui  que  Pijewalski 
a  rencontré,  ou  plus  exactement  dont  il  a  entendu  parler  par 
les  indigènes  près  du  lac  Lob-nov^  dans  l'Asie  centrale.  On 
lui  a  conté  que  ces  chevaux  sauvages  sont  entièrement  brunsj 
qu'ils  ont  la  crinière  longue  et  noire  ainsi  que  la  queue;  ces 
animaux  sont  très  sauvages  et  craintifs,  ils  vivent  en  troupes 
et  leur  chasse  est  très  difficile.  M.  Prjewalski  n'a  vu  lui-même 
aucun  de  ces  chevaux  sauvages  ;  mais  à  Saissan-Port  il  a 
reçu  en  cadeau  d'un  chasseur,  M.  Tichonoff,  la  peau  et  le 
crâne  d'un  jeune  cheval  sauvage.  Cette  peau  a  été  empaillée 


DISCUSSION  SUR  LE  CHEVAL  SAUVAGE  DE   LA  DZOUNGARIE.   497 

à  Pétersboorg  et  déposée  au  musée  de  l'Académie  ;  le  crâne 
y  est  aussi  conservé. 

<(  Pour  vous  donner  une  idée  de  cet  animal,  je  vous  envoie 
un  exemplaire  de  la  notice  de  M.  Poliakoflf,  voyageur  sérieux 
et  conservateur  à  l'Académie  de  Pétersbourg.  Le  travail  en 
question  est  extrait  des  Mittheilungen  d.  Geograph.  Gesellsch. 
de  Saint-Pétersbourg,  4881,  et  intitulé  :  Dos  Pferd  von 
Przewalski  {Eqtms  Przewalski,  n.  sp.). 

«  Il  y  a  dans  ce  travail  un  tableau  des  dimensions  du  crâne 
de  divers  équidés,  chevaux  et  ânes,  et  en  outre  une  brève 
description  de  la  peau,  ainsi  que  quelques  réflexions  et  con- 
clusions qui,  d'après  mon  appréciation,  ne  sont  pas  toutes 
exactes,  particulièrement  en  ce  que,  comme  vous  le  verrez, 
le  crâne  appartiendrait  à  un  jeune  animal  et  aurait  seulement 
quatre  molaires. 

«  L'animal  est  réellement  un  cheval^  mais  il  a  aussi  un  peu 
de  rhabitus  de  l'âne  sauvage  (par  exemple  dans  la  couleur, 
dans  la  crinière,  la  queue,  etc.]  La  lithographie  exécutée  sur 
les  indications  de  M.  Poliakoff  n'est  pas  tout  à  fait  réussie  ;  la 
robe  devrait  être  un  peu  plus  ondulée,  la  crinière  ne  devrait, 
non  plus  que  les  oreilles,  être  dirigée  en  avant.  » 

La  Société  a  pu  apercevoir  quelques  divergences  entre  le 
texte  de  la  lettre  de  M.  Anoutchine  et  celui  du  Tour  du  monde 
cité  par  M.  Fauvelle.  Ge  que  je  veux  retenir  seulement  de 
mon  auteur,  c'est  que  les  documents  sur  l'espèce  animale 
dont  il  s'agit  se  réduisent  à  bien  peu  de  chose.  Ils  me  parais- 
sent suffisants  cependant,  comme  à  mon  ami  M.  Piètrement^ 
pour  permettre  de  conclure  que  YEquus  Przewalski  de  M.  Po- 
liakoff n'est  pas  un  cheval,  mais  bien  un  hémione. 

Du  reste,  sur  ces  matières,  les  appréciations  des  simples 
voyageurs  et  même  celles  des  naturalistes  qui  n'en  ont  pas 
fait  leur  spécialité  ne  peuvent  être  accueillies,  en  général, 
qu'avec  une  grande  réserve.  On  trouve  notamment  répétée 
dans  tous  les  traités  de  zoologie,  surtout  dans  les  traités  élé- 
mentaires, l'indication  de  l'onagre  ou  âne  sauvage,  même 
depuis  que  M.  George,  mon  répétiteur  à  l'inititnt  agrono- 


198  SÉANCE  m  17  MARS  1887. 

mique,  a  péremptoirement  démontré  sur  pièces,  i  rinstigation 
de  son  maître  M.  Milne  Edwards,  que  les  prétendues  troupes 
d'ânes  sftutages  de  TAsie  ne  sont  pas  autre  chose  que  des  hé- 
miones.  Toutes  les  espèces  d'ânés,  ainsi  que  toutes  les  espèces 
de  eheraux,  sont  passées  entièrement  à  l'état  domestique  dès 
les  temps  préhistoriques.  Quand  oh  accepte  l'idée  que  j'ai 
développée  dans  l'article  Domestication  du  Dictionnaire eneyclo- 
pédique  des  sciences  médicales,  sur  la  façoh  dont  le  phénomène 
â  dû  s'accomplir,  on  le  comprend  facilement.  Les  iustincls 
des  cheraux  et  des  ânes  ne  les  portent  pas  à  fuir  la  société 
des  hommes.  Dès  que  ceux-ci  ont  cessé  de  les  chasser  pour 
les  tuer,  Us  se  sont  volontiers  ralliés  à  eux.  U  n'en  est  pas  de 
même  pour  les  autres  espèces  d'équidés,  pour  les  hémiones 
et  les  zèbres.  On  en  a  quelquefois  apprivoisé.  Au  Jardin  soolo- 
gique  du  bois  de  Boulogne,  vous  avez  pu  voir  des  zèbres 
attelés  à  des  voitures  et  les  traînant  asses  docilement.  Mais 
ce  n'est  pas  là  ce  qui  constitue  l'animal  domestiqué.  Peut- 
être,  dans  les  temps  futurs,  nos  arrière-neveux  auront-ils 
l'occasion  d'observer  des  hémiones  et  des  zèbres  domesti- 
ques ;  mais  jusqu'à  présent  personne  n'en  a  vu,  non  plus  que 
des  Ânes  ou  des  chevaux  réellement  sauvages.  Il  en  existe 
qui  vivent  libres  et  peu  domptés,  en  Amérique  méridionale  et 
dans  quelques  steppes  de  l'Asie.  Mais  tous  sont  issus 
d'ancêtres  ayant  vécu  à  l'état  domestique. 

M.  Fauvblle.  Je  me  félicite  d'avoir,  en  soulevant  cette 
question  si  intéressante  du  cheval  sauvage,  fourni  à  nos  ex- 
cellents collègues  l'occasion  de  nous  exposer  les  remar- 
quables résultats  de  leurs  études  et  de  leur  expérience. 
N'ayant  nulle  qualité  pour  soutenir  l'opinion  de  M.  Prjewalski, 
je  me  contenterai  de  les  prier  de  nous  éclairer  sur  quelques 
points  qui  me  paraissent  être  restés  dans  l'ombre. 

La  brièveté  des  oreilles  de  ïEquus  observé  par  le  voya- 
geur rtisse  ne  serait-elle  pas  un  caractère  qui  le  distinguerait 
de  l'àne  et  de  l'hémione?  Malheureusement  la  tradoction 
que  j*ai  rîtée  ne  contient  aucune  mensuration  exacte^  ce  qui 
eoiève  à  maquestion  la  précision  que  j 'aurais  désiré  lui  donner. 


DISCUSSION   SUR  LE  GHITAL  8AUYAGI  M  LA  DZOUNGARIS.   199 

Sniuite  la  ▼ariélé  de  cheval  dite  à  queue  de  rai  n^enlèya- 
rait-elle  pas,  si  elle  était  bien  réelle,  une  certaine  partie  de 
sa  valeur  au  caractère  distinelif  q«*ils  viennent  de  nous  don- 
ner de  Tespèee  chevaline? 

Gomme  il  est  permis  de  supposer  qu'une  domesticité  ao- 
oompagnée  dé  sélection  artificielle,  remontant  à  des  milliers 
d'anuées,  a  pu  amener  chez  le  cheval  certaines  modifica- 
tions, tont  au  moins  dans  le  pelage^  je  leur  demanderai  en 
dernier  lieu  si  Ton  ne  pourrait  pas  attribuer  à  cette  cause', 
non  pas  la  disposition  des  orius  sur  la  queue,  qui»  suivant 
eux,  caractérise  ab5olument  VEqum  cabaHus^  mais  Tidentité 
presque  complète  de  couleur  entre  les  faces  dorsale  et  abdo- 
diiDale,  identité  qui  ne  se  rencontre,  à'  ma  connaissance, 
ohei  aucune  race  sauvage,  du  moins  à  un  degré  aussi  pro- 
noncé. 

M.  Sanbon.  Je  puis  faire  aux  questions  posées  par  M.  Vau- 
velle  des  réponses  précises. 

D*abord,  en  ce  qui  concome  la  longueur  des  oreilles,  je 
dirai  que,  ehes  les  chevaux,  cette  longueur  ne  dépasse  jamais 
la  moitié  de  celle  de  la  tète,  tandis  que,  chea  les  ânes;  elle 
est  toujours  plus  grande  que  la  demi-longueur  de  la  tète. 
Toutes  les  espèces  chevalines  n'ont  point  les  oreilles  de  la 
même  longileur,  pas  plus  d'ailleurs  que  les  espèces  asines. 
Lee  unes  ont  les  oreilles  petites,  les  autres  les  ont  grandes. 
Mais  la  moitié  de  la  longueur  totale  de  la  tète  est  le  maxi- 
mum pour  les  chevaux  ;  le  minimum  pour  les  ânes  dépasse 
cette  moitié.  Il  jr  a  une  espèce  chevaline,  par  exemple,  dont, 
les  oreilles  ont  naturellement  ce  maximum  de  longueur  ;  el, 
comme  la  tète  est  elle-même  très  allongée,  elles  sont  abso- 
lument fort  longues.  L'une  des  variétés  de  sa  race  est  em- 
ployée en  Poitou  à  la  production  des  mulets.  Les  partisans 
de  la  doctrine  de  l'imprégnation,  que  nous  discutions  ici  il 
y  a  quelque  temps,  y  ont  vu  une  preuve  en  faveur  de  cette 
dectrkie.  Les  ohevaux  du  Poitou  devraient  leurs  longues 
oreilles  à  ce  que  leurs  mères  auraient  été  antérieurement  im- 
prégnées par  le  baudet  qui,  lui,  les  a  démesurément  longues 


200  8ÉANCB  DD  17  MARS  1887. 

et  larges,  beaucoup  plus  larges  et  plus  longues  que  celles  de 
l'âne  d'Afrique  ou  âne  commun.  Malheureusement  pour  la 
doctrine,  les  chevaux  picards  et  flamands,  de  la  même  race 
frisonne,  et  dont  les  mères  n*ont  eu  aucune  accointance  avec 
le  baudet,  ne  les  ont  ni  plus  ni  moins  longues. 

J'ai  été  conduit  à  mesurer  ainsi  avec  précision  les  oreilles 
des  deux  sortes  d'équidés  en  question  par  la  nécessité  de 
vérifier  scientifiquement  les  idées  reçues  au  sujet  de  certaines 
lois  de  rhérédité.  On  admettait,  depuis  Buffon,  que  le  père 
transmettait  toujours  ses  formes  extérieures,  et  Ton  8*y 
croyait  autorisé  en  prétendant  que  le  bardot,  qui  est  produit 
par  l'accouplement  du  cheval  avec  i'ânesse,  ressemble  plus 
à  son  père  qu'à  sa  mère,  c'est-à-dire  plus  au  cheval  qu'à 
ràne,  tandis  que  le  mulet,  produit  de  l'âne  avec  la  jument, 
ressemble  plus  à  l'âne  qu'au  cheval.  En  attribuant  cette  doc- 
trine à  l'Anglais  Stephens,  on  en  a  tiré  une  conséquence 
désastreuse  pour  la  production  chevaline.  Elle  a,  par  consé- 
quent, une  importance  zootechnique  énorme.  Entre  autres 
caractères  différentiels,  celui  de  la  longueur  des  oreilles  four- 
nissait un  moyen  excellent  de  vérification.  J'ai  pu  montrer 
ainsi  que  des  bardots,  observés  par  moi  en  Poitou,  avaient 
les  oreilles  plus  longues,  absolument  et  relativement,  que 
celles  de  mulets  de  même  âge  nés  dans  la  même  localité. 
Les  deux  sortes  de  produits  de  croisement  ont  la  longueur 
des  oreilles  variable  entre  les  deux  limites  extrêmes  que  j'ai 
indiquées. 

Mais  il  n'y  a  pas  lieu  d'insister  ici  sur  ces  faits.  Je  répète 
seulement  que  nous  avons,  avec  le  critérium  indiqué,  un 
moyen  certain  de  distinguer  les  oreilles  d'âne  des  oreilles  de 
cheval.  Les  unes  et  les  autres  sont  plus  ou  moins  courtes,  ou 
plus  ou  moins  longues.  Dès  qu'elles  dépassent  la  demi-lon« 
gueur  totale  de  la  tête,  ce  sont  des  oreilles  d'âne  on  d'hé- 
mione. 

Passons  à  la  queue  maintenant.  Pour  caractériser  celle 
des  trois  sortes  d'équidés  autres  que  les  caballins,  on  dit 
qu'ils  ont  la  partie  basilaire  de  la  queue  dépourvue  de  crins. 


DISCUSSION  SUR  LE   CHEVAL  SAUVAGE  DE  LA  DZOUNGARIE.   201 

Cette  partie,  plus  ou  moins  étendue  chez  les  ânes,  les  hé- 
miones  et  les  zèbres,  est  pourvue  de  poils  ordinaires,  sem- 
Uables  à  ceux  du  reste  de  la  robe  ;  Textrémité  libre  porte  un 
bouquet  de  crins  plus  ou  moins  touffu.  Chez  les  chevaux,  les 
crins  commencent  dès  la  base  et  leur  longueur  va  générale- 
ment en  augmentant  à  mesure  qu'on  se  rapproche  de  Textré- 
mité  libre  du  coccyx.  Ce  qu'on  appelle  vulgairement  la  gueue 
de  rat  chez  eux,  n'a  rien  de  commun  avec  ce  que  je  viens  de 
décrire  pour  les  ânes  et  les  autres  équidés  non  caballins.  C'est 
un  phénomène  pathologique  ettoutafaitindividuel.il  arrive 
aux  chevaux  à  queue  de  rat  ce  qui  nous  arrive  à  nous-mêmes 
quand  nous  perdons  nos  cheveux.  Les  crins  leur  tombent  en 
commençant  ou  non  par  la  base  de  la  queue.  Ordinairement 
ils  deviennent  de  plus  en  plus  rares  sur  toute  l'étendue  de 
l'organe,  et  parfois  ils  finissent  par  tomber  tous  par  atrophie 
des  follicules  pileux.  Us  ne  sont  point  remplacés,  ni  à  la  base 
ni  ailleurs,  par  des  poils  ordinaires.  On  ne  peut  donc  point 
confondre  la  queue  de  rat  du  cheval  avec  une  queue 
d'âne. 

Pour  ce  qui  est  de  la  différence  de  couleur  entre  les  poils 
de  la  région  ventrale  et  ceux  des  parties  latérales  et  supé- 
rieures du  corps,  c'est  un  fait  commun  à  tous  les  équidés. 
Le  contraste  est  plus  ou  moins  frappant,  selon  la  couleur 
même  de  la  robe.  Chez  les  chevaux  noirs,  dont  la  peau  est 
partout  fortement  pigmentée^  la  nuance  dégradée  des  poils 
du  ventre  est  moins  facile  à  saisir  que  chez  ceux  dont  la  robe 
est  bai-brun  ou  grise.  Elle  n'en  existe  pas  moins  pour  cela. 
Chez  l'âne  d'Europe,  dont  la  robe  est  invariablement  brune, 
les  poils  du  ventre^  des  aines  et  de  la  face  interne  des 
cuisses,  ainsi  que  ceux  des  lèvres,  sont  d'un  gris  argenté.  Ce 
n'est  donc  point  là  un  caractère  d'espèce  sauvage.  Nous 
l'observons  chez  tous  nos  animaux  domestiques,  et  chez  les 
équidés  en  particulier. 

M.  Hervé  demande  à  quels  caractères  précis  on  peut  re- 
connaître qu  un  troupeau  de  chevaux  vivant  actuellement  à 
l'état  sauvage  est  issu,  à  une  date  plus  ou  moins  éloignée, 


20t  8ÉAJIG1  Dtr  17  UIR%  1887. 

d*ânimattx  deyenas  libres  après  avoir  6té  élevés  en  domas- 
tioilé. 

M.  Piètrement.  A  la  question  de  M.  Hervé  sur  la  nature  des 
oaraetères  xoologiques  qui  m'ont  permis  de  reconnaître  des 
cUevaux  marrons  dans  les  prétendus  chevaux  sauvages  dont 
j'ai  parlé  dans  ma  première  allocution,  je  puis  répondre  oeei  : 

On  admet  à  Juste  titre  que,  sur  les  squelettes  des  mammi" 
fères,  le  développement  des  attaches  musculaires,  protubé- 
rances, tubérosités,  crêtes,  etc.,  est  généralement  dans  un 
rapport  direct  avec  le  développement  et  Tactivité  des  muscles 
des  sujets  auxquels  ces  squelettes  ont  appartenu  ;  et  il  est  à 
peine  besoin  d*aj  ou  ter  qu'il  s'agit  ici  du  volume  réel  des 
muscles,  et  non  du  volume  factice  qu'ils  peuvent  acquérir 
par  un  dépôt  intetstitiel  de  graisse. 

En  partant  de  ce  principe,  quelques  auteurs  ont  prétendu 
que  le  plus  ou  moins  grand  développement  des  attaches  mus- 
culaires peut  généralement  faire  oonnattre  si  les  os  appar* 
tiennent  à  des  animaux  sauvages  ou  à  des  animaux  dômes* 
tiques,  parce  que,  suivant  eux,  la  domesticité  doit  forcément 
amener  une  diminution  du  volume  des  attaches  musculaihes, 
après  un  certain  nombre  de  générations.  Mais  il  est  certain 
que  leur  prétention  est  beaucoup  trop  absolue,  qu'elle  est 
justifiée  seulement  dans  certains  cas  et  nullement  dans  d'an*- 
tres.  Ainsi,  par  exemple,  le  régime  de  l'engraissement  fait 
diminuer  le  volume  du  squelette  en  général,  et  celui  des 
attaches  musculaires  en  particulier,  chez  nos  animaux  do* 
mes  tiques  exclusivement  alimentaires,  tels  que  le  porc  et 
certaines  populations  bovines  ;  mais  il  ne  peut  pas  en  être 
ainsi  chex  nos  animaux  auxiliaires,  tels  que  les  bœufs  de 
travail,  les  chevaux^  les  chiens  de  berger,  les  chiens  de 
chasse,  etc.,  animaux  dont  la  vie  est  certainement  aussi 
active  que  celle  de  leurs  ancêtres  sanvages. 

Ne  trouvant  pas  dans  le  squelette  les  caractères  capablai 
de  faire  connaître  si  nne  troupe  de  chevaux  vivant  en  liberté 
est  composée  dd  sujets  sauvages  ou  de  sujets  marrons,  je  Its 
ai  cherchés  dans  leur  robe,  livrée  ou  pelage. 


DISCUSSION  SUB  LE  OHKTAL  SAtJVAftB  Bfi  tk  DZOUNGARIE.   203 

Ne  pouvant  pas  entrer  ici  dans  de  longues  oonsidéraliong 
sur  les  livrées  des  animaux,  ni  môme  sur  oelles  des  mammi* 
fères  en  particulier,  je  me  bornerai  à  rappeler  les  faits  sui- 
vants. Dans  chacune  des  espèces  mammifères  sauvaged,  tous 
les  sojels  adultes  ont  généralement  la  même  robe^  quel  que 
soit  leur  sexe  ;  et  la  livrée  des  jeunes  ne  diffère  seniiblemeut 
de  celle  des  adultes  que  cheK  une  Infime  minorité  de  ces 
espèces.  Aussi  les  troupes  de  mammifères  sauvages  se  com'» 
posent-elles  généralement  d'individus  ayant  touç  la  même 
robe;  On  peut  citer  comme  exemples  les  troupes  de  loups, 
de  renards,  de  chacals,  de  gabelles,  d'antilopes,  etc.,  et 
m£me^  œ  qui  importe  davantage  pour  notre  sujets  les  troupes 
d*équidés  incontestablement  sauvages,  comtbe  celles  des  hé- 
miones  et  des  isèbres.  L'unicité  de  la  livrée  se  remarque 
aussi  chez  quelques-unes  des  races  mammifères  domestiques  ; 
ainsi^  par  exemple,  lés  toisons  de  hos  moutons  sont  blanches, 
les  soies  sont  blaue-jaunàtre  chex  les  porcs  de  race  oeltlque 
et  elles  sont  noires  chez  les  porcs  de  race  ibérique.  J*ai 
prouvé  dans  mon  livre  précité  (chap.  i*%§  5)  que  la  blancheur 
de  nos  toisons  est  la  conséquence  d'une  sélection  attentive, 
continuée  depuis  la  hante  antiquité  jusqu'à  nos  jours  ;  mais 
telle  ne  |>arait  pas  être  la  cause  de  la  couleur  des  porcs  ceU 
tiques,  ni  de  celle  des  porcs  ibériques.  Qaoi  qu'il  en  soit,  ce 
n'est  pas  l'unicité  de  la  robe^  c'est  au  contraire  l'extrême 
variété  des  livrées  que  l'on  constate  sur  les  divers  sujets  de 
la  plupart  dés  races  mammifères  domestiques  ;  et  il  est  à 
peine  besoin  d'ajouter  que  tel  est  précisément  le  cas  de  nos 
chevaux  domestiques.  Or,  les  variations  de  couleurs  que  l'on 
constate  chez  ces  animaux  sont  évidemment  Id  oonséquetiee 
de  l'état  de  domesticité  dans  lequel  ils  vivent,  comme  Buffon 
Ta  déjà  très  justement  fait  observer.  L'ensemble  de  tous  ees 
faits  me  paraît  doue  Autoriser  les  deux  conclusions  sui- 
vîtes : 

i"*  Chaque  fois  qu'on  rehcontre  une  troupe  de  mammi^ 
fères  libres  appartenant  à  Fune  des  espèces  domestiquées,  et 
que  tous  les  individus  de  cette  troupe  portent  la  même  livHe, 


304  SÉANCE  DU  47  MARS  1887. 

il  est  seulement  probable,  et  non  certain,  que  c'est  une  troupe 
d'animaux  sauvages.  Tel  est  le  cas  des  troupes  d*ânes  libres 
qu'on  trouve  aujourd'hui  en  Abyssinie,  et  uniquement  dans 
cette  contrée,  comme  on  peut  le  voir  dans  mon  chapitre  xiv  ; 

2^  Chaque  fois  qu'on  rencontre  une  troupe  de  mammifères 
libres  appartenstnt  à  l'une  des  espèces  domestiquées,  et  que 
les  sujets  adultes  de  cette  troupe  ont  des  livrées  très  diffé- 
rentes les  unes  des  autres,  il  est  certain  que  ces  animaux 
sont  des  individus  marrons  ou  issus  de  marrons.  C'est  le  cas 
des  troupes  de  chevaux  libres  qui  ont  été  signalées  par  Gatlin 
dans  l'Amérique  du  Nord,  par  Azara  dans  l'Amérique  du  Sud 
et  par  Forster  dans  l'Asie  centrale,  comme  on  peut  le  voir 
dans  mon  chapitre  i*',  §  8. 

M.  Adrien  de  Mortillet  dit  que,  si  ses  souvenirs  sont  exacts, 
le  tarpan  empaillé  du  Musée  d'histoire  naturelle  de  Saint- 
Pétersbourg  a  un  aspect  tout  spécial  :  la  tète  a  le  volume 
ordinaire,  mais  le  corps  n*est  guère  plus  gros  que  celui  d'un 
poney;  les  oreilles  sont  courtes,  mais  cependant  un  peu  plus 
longues  que  celles  du  cheval  domestique. 

M.  Sanson.  La  tête  forte  ou  grosse,  par  rapport  à  la  taille 
et  au  volume  du  corps,  est  tout  simplement  un  caractère  de 
misérable,  ou  de  malheureux  exposé  aux  disettes  périodiques 
amenées  par  le  froid  ou  fax  la  sécheresse,  selon  les  climats. 
Ce  caractère  se  montre  chez  tous  les  chevaux  qui  vivent  dans 
les  pays  de  landes  ou  de  steppes  pauvres.  Vous  le  trouvères 
signalé  par  tous  les  auteurs  qui  ont  décrit,  dans  notre  pays, 
les  chevaux  des  landes  de  Bretagne,  ceux  des  landes  de  Gas- 
cogne, ceux  de  la  Camargue,  et  ailleurs  ceux  des  steppes  de 
la  Hongrie  et  de  la  Russie,  les  chevaux  cosaques  notamment. 

M.Deniker.  Je  regrette  qu'un  document  important  n'ait  pas 
été  produit  ici,  car  il  aurait  pu  donner  réponse  à  plusieurs 
questions  et  éclaircir  toute  la  discussion.  Je  veux  parler  du 
travail  du  zoologiste  russe,  M.  Poliakoff,  paru  il  y  a  six  ans 
et  publié  en  russe*  ;  ce  travail  contient  une  description  dé- 

1  BnU.Soe.  géogr.,  Saint-Pétorsboorer,  18S1,  t.  XVII,  faio.  1. 


DISCUSSION  SUR  LB  CHEtAL  SAUTAOE  DE  LA  DZOUNGARIB.   SOS 

taillée  et  unediagnose  derespèce  nouvelle,  Equtis  Przewabkii. 
Il  y  a  longtemps  que  j'ai  lu  ce  mémoire  et  je  ne  peux  pas  me 
souvenir  de  tous  les  détails  qu'il  renferme.  Je  me  rappelle 
que  la  description  est  faite  d'après  une  peau,  un  squelette  et 
deux  crânes,  rapportés  par  M.  Prjewalski  ;  les  caractères  dis- 
tinctifs  sont  tirés,  si  j'ai  bonne  mémoire^  de  la  forme  du 
crâne,  de  la  nature  de  la  queue,  de  la  longueur  des  oreilles 
et  de  la  présence  des  callosités  {châtaignes)  aux  quatre 
membres,  etc.  Le  travail  est  accompagné  de  deux  planches, 
dont  une,  qui  représente  l'animal,  m'a  paru  être  bien  faite. 
La  figure  du  cheval  sauvage  que  donne  M.  Prjewalski  dans 
la  relation  de  son  dernier  voyage  \  n'est  qu'une  repro- 
duction, assez  mal  exécutée,  de  la  planche  que  j'ai  vue.  C'est 
probablement  d'après  cette  figure  que  fut  faite  la  gravure 
du  Tour  du  monde,  qu'on  vous  a  montrée  ;  l'artiste,  M.  Pra- 
nichnikoff,  fort  habile  d'ailleurs^  a  naturellement  visé  plus 
à  l'efifet  pittoresque  qu'à  l'exactitude  zoologique  dans  son 
dessin  destiné  à  un  recueil  de  vulgarisation.  Je  tâcherai  de 
donner,  dans  une  des  prochaines  séances,  une  analyse  de  la 
brochure  de  M.  Poliakofif  et  de  vous  mettre  sous  les  yeux 
les  planches  dont  je  viens  de  parler. 

M.  Piètrement.  Je  crois  volontiers,  comme  mon  ami  M.  San- 
son,  que  les  bardots,  ou  produits  du  cheval  et  de  l'ânesse,  ont 
généralement  des  formes  intermédiaires  entre  celles  de  leur 
père  et  celles  de  leur  mère  ;  et  que,  si  quelques-uns  ressem- 
blent davantage  au  père,  d'autres  ressemblent  davantage  à 
la  mère  ;  d'autant  que  j'ai  pu  constater  des  faits  semblables 
sur  les  mulets  issus  de  l'âne  et  de  la  jument.  Je  dois  toutefois 
avouer  que  je  n'ai  encore  rencontré  que  des  bardots  ressem- 
blant plus  au  cheval  qu'à  l'ânesse  ;  mais  je  n'en  ai  vu  qu'une 
dizaine,  presque  tous  dans  les  Pyrénées  ariégeoises;  et, 
comme  il  est  possible  que  je  tombe  à  l'avenir  sur  une  série 
inverse  de  celle-ci,  je  rapporte  le  fait  uniquement  pour  expli- 
quer comment  a  pu  naître,  chez  certains  auteurs,  la  croyance 

1  Dé  Zaîsan  au  Thibet  (en  russe),  Saint-Pétersbourg,  1883,  p.  40. 


906  SÉANCE  DU  17  MARS  1887. 

ait  prédominance  des  caractères  caballios  sur  les  caractères 
asiniens  chez  les  bardots. 

Enfiat  un  fait  passer  sous  mes  yeux  le  numéro  du  Tour  du 
mande  où  se  trouve  figuré  le  prétendu  cbeTal  sauvage  de 
M.  Prjewalski.  Notre  collègue  M.  Deniker  vient  de  déclarer 
que  ce  dessin  est  quelque  peu  fantaisiste,  qu'il  n*est  pas  la 
reproduction  exacte  de  Toriginal,  et  cela  me  surprend  d'au- 
tant moins  que  ce  n'est  le  portrait  fidèle  d'aucune  des  espèces 
d'équidés  que  je  connais.  Je  constate  néanmoins  sur  le  des- 
sin que  le  siiget  a  des  poils  au  lieu  de  crins  à  la  partie  basi- 
laire  de  la  queue  ;  ce  qui  est  conforme  à  la  description  donnée 
par  M.  Prjewalski,  et  ce  qui,  je  le  répète,  suffit  pour  prouver 
que  cet  animal  n'est  pas  un  cheval  ;  c'est  donc  bien  un  hé- 
mione,  puisqu'il  est  originaire  d*Asie,  où  il  n'existe  aucune 
antre  espèce  d'équidés  sauvages  ayant  une  telle  queue. 

Ii««  |i«p«Utl«iM  t«r4«««  %m  Chine  et  pl«e  spéeialeaieBf 
|e«  IlAldee; 

PAR  M.    DBinXBR. 

Je  me  permettrai  de  signaler  à  l'attention  de  la  Société  les 
vrecherches  ethnographiques  d'une  grande  importance  faites 
tout  récemment  par  le  savant  voyageur  russe  H.  Potanin.  Il 
s'agit  de  la  région  nord- ouest  de  la  province  de  Kan-sou,  où 
M.  Potanin  a  trouvé  plusieurs  populations  turques,  en  partie 
mongoUsées  ou  chinoisées,  mais  ayant  encore  copservé  suffi* 
samment  de  leur  type  et  de  leur  langue  primitifs  pour  pou-' 
voir  en  établir  les  affinités. 

Dans  la  vallée  du  haut  Hoang-ho,  entre  J^ing-tcheou  et 
Tsin-yuen,  la  population  mahométane,  quoique  ayant  adopté 
le  costume  et  les  mœurs  chinois,  présente  le  type  turc  nette- 
ment caractérisé  :  a  J'ai  cru  voir  les  Tartares  de  Kazan  ou  des 
Turcs  de  Hami»,  dit  M.  Potanin.  Au-deU  de  Lan-tcheou, 
sur  la  rive  droite  du  Hoang-ho,  on  rencontre  une  petite  tribu, 
les  Salores  ou  Salares^  qui  parlent  un  dialecte  turc  et  qui  ont 
bien  le  type  turc.  Dans  la  même  région,  mais  sur  la  rive 


DEN1K£R.  *-  POPULàTIOHS  TUR0UK8  EN  GHIME.  â07 

gauche  du  fleave,  de  même  que  dans  la  ytUée  du  Te-toung, 
vivent  les  Chtringoli;  ils  parlent  le  mongol  avec  un  fort  mé- 
lange de  mots  chinois  et  de  mots  propres  que  Ton  doit  attri- 
buer à  l'ancienne  langue  de  ce  peuple,  attendu  que  ces 
mots  ne  présentent  point  d'affinité  ni  avec  le  chinois  ni  avec 
la  langue  tangoute.  Les  Chiringols  tiennent  pour  leur  patrie 
d'origine  le  pays  d*Ordos,  occupé  aujourd'hui  par  les  Mon- 
gols. Enfin,  en  suivant  la  grande  route  de  Lan*tcheou  à  Sa- 
tcbeou,  M.  Potanin  a  découvert  la  peuplade  appelée  Yégours, 
dont  une  partie  (les  Chara-Yégours)  sont  Turcs  par  la  langue 
et  par  le  type  physique.  Ces  Chara-Yégours  habitent  entre 
Kan-tcbeou  et  Sa-tcheou. 

La  découverte  de  tribus  turques  dans  ces  régions  de  la 
Chine  présente  un  haut  intérêt  scientifique  ;  elle  permettra 
sans  doute  d'établir  les  relations  entre  les  différents  peuples 
turcs  et  d'expliquer  plusieurs  faits  relatifs  à  leurs  migrations. 
Ainsi  le  nom  de  Salarei  ou  Salore$  est  commun  aux  habitants 
du  haut  fleuve  Jaune  et  à  une  des  tribus  turkmènes  habitant 
entre  Mourgh-ab  et  Héri-roud  ;  cette  identité  de  nom  indique 
peut-être  que  les  Turkmènes  doivent  compter  parmi  leurs 
ancêtres  les  Yué-tchi^  qui  habitaient,  jusqu'en  iS7  avant 
notre  ère,  la  région  du  Nan-chan.  Cette  supposition  est  en 
accord  avec  le  fait  qu'après  l'arrivée  des  Yué-tchi  dans  la 
Bactriane,  une  fraction  de  ce  peuple,  les  Tahia^  se  portèrent 
(en  127  avant  notre  ère)  vers  la  Caspienne,  c'est-à-dire  dans 
la  Turkménie  actuelle.  Quant  à  la  fraction  des  Yué-tchi  qui 
sont  restés  dans  leur  pays  d'origine,  il  est  fort  probable  qu'ils 
ont  été  refoulés  dans  las  montagnes,  où  on  les  retrouve 
aujourd'hui  sous  le  nom  de  Salan,  et  que  leur  place  a  été 
occupée  par  les  Onigours.  Ces  derniers  sont  venus,  comme 
on  le  sait,  au  preoûder  siècle  avant  notre  ère,  s'établir  au 
sud  du  Tian-cban,  et  pénétrèrent,  par  la  vallée  du  Tarim  et 
du  lac  Lob-nor,  jusqu'au  pied  du  Nan-chan,  où  nous  retrou- 
vons encore  leurs  descendants  décrits  par  M.  Potanin  sous 
le  nom  de  Yégours. 

En  ce  qui  concerne  les  Chiringols,  M.  Potanin  est  porté  à 


^08  SÉANCE  DU   17    MARS  1887. 

les  assimiler  aux  Daldes  du  Koukoa-Nor,  décrits  par  M.  Prje- 
walski.  Cette  supposition  nous  paraît  être  très  juste,  car, 
d'après  M.  Potanin,  les  Tangoutes  donnent  aux  Ghiringols 
le  nom  de  Djakhour,  et  le  colonel  Yule  ^  a  établi  que  ce  nom, 
employé  déjà  par  le  P.  Hue,  se  rapporte  au  même  peuple  que 
M.  Prjewalski  décrit  sous  le  nom  de  Daldes.  Or,  qu'est-ce  que 
c'est  que  les  Daldes,  dont  il  a  été  tant  question,  il  y  a  deux  ou 
trois  ans,  dans  notre  Société  ?  Vous  vous  rappelez  certaine- 
ment tous  la  discussion  qui  a  eu  lieu  entre  MM.  Beauregard, 
Girard  de  Rialle  et  Ujfalvy,  à  propos  de  la  parenté  de  ce 
peuple  avec  les  Dardis. D'après  la  description  de  Prjewalski*, 
les  hommes  daldes  ont  le  type  mongol  ;  mais  les  femmes 
«  rappellent  les  femmes  russes  »  et  ont  un  type  «  aryen  ».  La 
langue,  comme  le  reconnaissent  MM.  Potanin  et  Prjewalski, 
est  un  mélange  de  mongol,  de  chinois  et  de  termes  propres. 
Nous  attendons  avec  impatience  le  vocabulaire  dalde  que 
M.  Potanin  ne  tardera  certainement  pas  à  faire  paraître  ;  alors 
seulement  on  pourra  juger  si  ces  mots  peuvent  être  rapportés 
à  un  des  dialectes  turcs.  D'où  sont  venus  les  Daldes?  D'après 
Palladius  *,  ce  seraient  des  anciens  habitants  de  la  ville  de 
Daltou,  Dartou  ou  Kuyni-chin,  située  au  pied  du  Nan-chan  ; 
or  cette  ville  a  été  fondée  par  les  Chinois,  sous  les  Mings,  et 
peuplée  par  les  émigrants  turcs  musulmans  de  Hami  et  de 
Tourfan  ;  ces  Daltou  furent  obligés  de  se  sauver  dans  le  Kan* 
sou,  pressés  par  les  Tourfani,  qui  ont  ruiné  leur  cité.  D'autre 
part^  la  tradition  populaire  des  Daldou  ou  des  Ghiringols 
désigne  TOrdos  comme  leur  pays  d'origine.  Le  fait  est  rap- 
porté par  Prjewalski,  aussi  bien  que  par  Potanin,  qui  ont  vu 
les  différentes  fractions  de  ce  peuple  ;  la  tradition  paraît  être 
vraisemblable  si  l'on  se  rappelle  qu'une  des  sept  a  bannières  » 


1  Prjewalski,  Mongolia,  the  Tangut  country,  etc.  Londres,  t.  II,  p.  299. 
(Note  de  M.  Yule). 

*  !2  Zaisana  v.  Ihibet  (D$  Zaisan  au  Thibet)^  Saint-Pétersbourg,  1883, 
p.  330  (en  russe}. 

s  hveitia,  etc.  {Bulletin  de  la  Sodëté  russe  de  géographie),  1873,  t.  IX, 
V.  806. 


DENIKER.  —  POPULATIONS  TURQUES  EN   CHINE.  209 

entre  lesquelles  est  divisé  TOrdos  porte  encore  aujourd'hui 
le  nom  de  Daldi.  Cette  bannière  occupe  le  nord-ouest  de 
rOrdos,  et  la  traînée  de  populations  turques  que  Potanin  a 
rencontrée  entre  Ling-tcheou  et  Tsin-yuen  peut  bien  repré- 
senter le  restant  des  émigrants  daldes.  D*après  tout  ce  que 
nous  savons  des  migrations  des  peuples  turcs,  les  Hioung- 
nou  et  les  Oussoun  sont  les  deux  nations  qui  ont  habité  au 
voisinage  des  emplacements  actuels  des  Daldou  ;  or  Tune  et 
l'autre  ont  fourni  des  éléments  pour  former  le  peuple  kirghis. 
Je  ne  veux  pas  renouveler  la  discussion  relative  à  la 
parenté  des  Dardi  et  des  Daldes.  Les  travaux  récents  des 
ethnographes  et  des  voyageurs  anglais  ont  démontré  sura- 
bondamment que  le  nom  Dardou  désigne  une  nation  et  non 
un  peuple  ;  il  n*a  qu'une  portée  politique.  D'autre  part,  plu- 
sieurs auteurs  anglais,  Biddulph  en  tête,  reconnaissent  que 
parmi  les  habitants  du  nord  du  Dardistan^  les  Yechkouns  ou 
Bourich  de  Hounza,  de  Nagar,  etc.,  sont  une  peuplade  turque, 
du  moins  par  la  langue.  Dans  la  dernière  carte  linguistique 
de  rinde*,  ils  figurent  parmi  les  «  Turki  ».  Je  ne  peux  pas 
me  prononcer  sur  la  question.  Dans  le  vocabulaire  bourichki 
publié  par  M.  Biddulph  *,  j*ai  bien  trouvé  quelques  mots  res- 
semblant aux  mots  turcs.  Ainsi  Homme  se  dit  Hir  en  bourich, 
h  en  langue  bachkir  et  en  euzbeg;  Mère  :  Imi  en  bourich,  Yuni 
en  bachkir,  Ynaî  en  tatar  ;  Frère  :  Echoo  (Itchou)  en  bourich, 
Bitchtî  en  tchouvach  ;  Long  :  Gouseunom  en  bourich,  Ouzoun 
en  bachkir  ;  Blanc  :  Boureum  en  bourich,  Youroun  en  ouigour, 
Ourioun  en  iakoute,  etc.;  mais  je  suis  trop  peu  linguiste  pour 
me  prononcer  sur  la  parenté  de  la  langue  bourich  avec  le 
turc.  Je  me  permettrai  encore  d'observer  qu'on  a  longuement 
discuté  ici  même  sur  le  nom  de  Bourich  ou  Bourout,  en  le 
rapprochant  des  noms  de  différents  peuples,  et  qu'on  a  omis 
de  les  assimiler  aux  Bouroutes  ou  Kara-Kirghiz^  leurs  voisins 
immédiats  au  nord. 

•  Trelawney  Saunder,    Twelvê  Maps  of  India^  etc.,   Londres,   1885, 
carte  n®  5. 

*  Trihes  of  llindoo-Koosh,  LomiTQS,  1880. 

T.  X  (30  sÉniB).  U 


Pour  finir,  encore  un  rapprochement  ethnographique  :  la 
coiffure  des  femmes  daldes  que  figureM.Prjewalsky,dan8tla 
relation  de  son  dernier  voyage,  ressemble  beaucoup  à  oeUe 
que  portent  les  femmes  turkmènes.  Pour  s'en  convaincre,  il 
suffît  de  comparer  les  dessins  du  voyageur  russe  ^  avec  lea 
figures  représentant  des  femmes  turkmènes,  conune  celle, 
par  exemplç,  que  Ton  trouve  dans  la  a  Géographie  »  d'Elisée 
Reclus*. 

Discussion. 

M.  Htades  demande  si  l'on  a  retrouvé,  chez  tes  peuplades 
turques  de  la  Chine,  des  traces  des  langues  turque  ou  per- 
sane. 

M.  Deniker.  Je  comprends  sous  le  terme  de  Turcs,  faute 
de  mieux,  tous  les  peuples  qui  ont  le  type  turc  intermédiaire 
entre  les  types  mongol  et  aryen  ^  et  qui  partent  les  différents 
idiomes  de  la  famille  linguistique  turque  telle  qu'elle  a  été 
établie  par  Radlow,  Fr.  Muller,  etc.  Ce  groupe  comprend  les 
Yakoules  aussi  bien  que  les  Turcs  OsmanKs  de  la  Turquie  et 
les  Kirghiz  de  TAsie  centrale.  Il  est  parfaitement  exact  que 
[a  langue,  comme  le  type  turc,  a  subi  le  plus  de  modiflca* 
lions  chez  les  Turcs  OsmanKs.  Le  type  physique  le  plus  pur 
doit  être  cherché  parmi  les  Kara-Kirghiz  et  les  Eushegs. 
Quant  là  la  langue,  d'après  les  linguistes,  le  yakoute  serait 
le  sanscrit  du  turc.  J'emploie  le  terme  turc  de  préférence  au 
mot  touranien,  dont  on  a  par  trop  abusé. 

La  séance  est  levée  à  cinq  heures  trois  quarts  du  soir. 

Vun  des  secrétaires  :  fauvelle. 

<  De  Zaisan  au  Thibet,  etc.,  p.  330,  et  le  Tour  du  Monde,  1887^  t.  LUI, 
p.  7». 
*  T.  VI  (Asie  russe),  p,  437. 


A  PROPOS  DU   PROGÈS-TERBAL.  i|l 

iSO«  SÉANGK.  —  7  avril  1887. 
Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  addptéu 

CORRESPONDANCE. 

M.  Paul  Rawot,  avocat,  étant  sur  le  point  d'aller  dans 
TAfriqtte  australe  pour  y  étudier  les  langues  indigènes,  de- 
mande à  la  Société  d'anthropologie  une  délégation. 

M.  TopiNARD  demande  une  délégation  de  la  Société  d*an- 
thropologie  pour  M.  le  colonel  Wilbow,  directeur  de  TObser- 
vatoire  de  Taschkend,  sur  le  point  d'entreprendre  un  voyage 
dans  le  Turkestan.  Ces  délégations  sont  accordées. 

M.  le  docteur  Ed.  Boinet,  professeur  agrégé  à  la  Faeolté 
de  médecine,  demande  ue  exemplaire  des  InUrtêctimîè  ém^» 
thropologiques pour  t Indo-Chine. 

La  demande  de  rectification  suivaBte  est  adressée  à  la 
Société  d'anthropologie. 

A  propos  dn  procès-verbal. 

M.  le  Secrétaire  général  lit  la  lettre  suiyaote  de  UM.  Gaebe 
et  Vauthier  : 

«  Nous  avons  Thonneur  de  vous  prier  d'insérer  une  recti- 
fication à  une  communication  de  M.  Sanson  au  sujet  d'un 
veau  fkato,  présenté  par  M.  Dareste  à  la  Société. 

«  Dans  une  dissection  trop  précipitée,  nous  avions,  sous 
l'inspiration  de  M.  Sanson,  pris  la  vessie  pour  un  utérus. 
Mais,  après  dissection  plus  consciencieuse,  nous  venons  affir- 
mer que  le  veau  était  pourvu  de  sa  vessie  et  de  son  utérus, 
constitués  d'une  façon  normale. 

a  Nous  vous  prions,  monsieur  le  Secrétaire,  d'agréer  Tas- 
surance  de  notre  respectueuse  considération.  » 


212  SÉANCE  DU  7   AVRIL  1887. 

Discnssion. 

M.  Sanson  dit  qu'il  n*a  rien  à  ajouter,  si  ce  n*est  qu'il  eût 
été  bon  de  conserver  les  pièces. 

Instructions  pour  la  Cockmckine.  —  Une  demande  d'in- 
structions anthropologiques  pour  la  Gochinchine  ayant  été 
faite,  M.  le  Président  désigne,  pour  rédiger  ces  instructions, 
une  commission  composée  de  MM.  Mondière,  Maurel,  Daily, 
Hamy  et  GoUignon. 

INFORMATIONS    DIVERSES. 

MM.  DE  Nadaillag  et  Ghervin  annoncent  qu'il  y  aura,  au 
mois  de  septembre  prochain,  un  congrès  médical  international 
à  Washington^  et  qu'on  y  a  réservé  une  section  à  la  climato- 
logie et  à  la  démographie.  Ils  espèrent  que  la  Société  voudra 
bien  se  faire  représenter  à  cette  section,  dans  laquelle  seront 
discutées  des  questions  qui  ont  appelé  à  différentes  reprises 
son  attention. 

Sur  la  proposition  de  M.  6.  de  Mortillet,  la  séance  du 
comité  central,  qui  devait  avoir  lieu  pendant  la  semaine  de 
Pâques,  est  ajournée  au  dernier  jeudi  du  mois. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

D'Ornellas.  Pérou  et  Bolivie  (Extr.  du  Dictionnaire  encyc. 
des  sciences  médicales).  Broch.  in-8**,  27  pages. 

Van  Raemdonck.  L'Age  de  la  pierre  à  Rupelmonde,  Le  pays 
de  Waas  peuple  à  Vépoque  néolithique.  Saint-Nicolas,  1887, 
broch.  in-4*,  67  pages,  5  planches. 

NicoLUCCi  [(j.),  Antropologia  delC  ItalianelV evo  antico  e  nel 
modemo,  Naples,  1887,  in-4%  112  pages. 

Archives  du  Muséum  d'histoire  naturelle  de  Lyon^  t.  IV. 
Lyon,  1887^  in-folio,  365  pages,  27  planches. 


OUVRAGES  OFFERTS.  2t3 

OssowsKi.  Caverne  de  Wierzchowska-Goma^  avec  foyers  néo- 
lithiques. Bpoch.  in-4»,  15  pages,  en  polonais. 

M.  TopiNARD,  en  offrant  le  dernier  fascicule  de  la  Revue 
^anthropologie^  attire  Fattention  sur  les  mémoires  suivants: 
Note  sur  ftndt'ce  céphalique  de  la  population  provençale  et  en 
particulier  de  la  population  marseillaise,  par  le  docteur  A. 
Fallot  ;  l'Anthropologie  et  la  Science  politique^  leçon  d*ouver- 
ture  d'un  cours  d'anthropologie  à  la  Faculté  des  sciences  de 
Montpellier,  par  M.  G.  de  Lapouge;  la  Morphologie  du  nez^ 
par  M.  Alphonse  Bertillon  ;  la  Domestication  des  singes,  par 
M»»  Clémence  Royer;  la  Paléoethnologie  italienne  ;  les  Fonds 
de  cabane,  par  M.  Pompœo  Gastelfranco. 

Le  premier  de  ces  mémoires  montre  que  Tindice  céphalique 
de  la  population  marseillaise  est  inférieur  à  celui  de  la 
population  ligurienne  à  Test  ;  ce  qui  prouve  qu'un  élément 
dolichocéphale  s'est  ajouté  dans  cette  partie  de  la  côte 
méditerranéenne.  Or,  comme  la  proportion  des  blonds  n'y 
milite  pas  en  faveur  de  la  race  blonde,  jadis  gauloise,  cet 
élément  doit  être  l'élément  dolichocéphale  petit  et  brun,  que 
les  anthropologistes  qualifient  de  race  méditerranéenne. 

Le  dernier  travail  aboutit  à  des  conclusions  plus  impor- 
tantes encore.  C'est  qu'entre  les  civilisations  préhistoriques  de 
l'Italie  et  de  la  France  il  n'y  a  aucun  parallélisme  ;  que  la 
chronologie  n'est  pas  la  même  des  deux  côtés  des  Alpes;  et 
que  la  civilisation  néolithique,  entre  autres,  existait  déjà  en 
Italie  alors  que  la  France  en  était  à  l'âge  du  renne,  ou  mieux, 
à  l'âge  de  l'absence  des  animaux  domestiques,  comme  le 
chien.  Une  autre  proposition,  résultant  du  travail  de  M.  Gas- 
telfranco, c'est  que  la  civilisation  néolithique  de  l'Italie  était 
alliée  à  la  civilisation  des  Canaries,  et  que  les  deux  avaient 
des  relations  avec  TOrient,  mais  non  suivies. 

M.  Topinard  attire  également  l'attention,  d'abord  sur  le 
Catalogue  des  a*ânes  préhistoriques  de  France,  qu'il  publie, 
puis  sur  la  rubrique  Correspondance,  qui  se  rapporte  dans 
ce  numéro  à  l'opération  de  relèvement  de  la  carte  de  la 
couleur  des  cheveux  et  des  yeux  en  France,  à  laquelle  il  se 


814  SÉANCE  DU  7  AYRU.  4887. 

consacre  en  ce  moment.  «  Cette  opération,  dit*U,  est  en  pleine 
exécution  et  marche  très  bien.  De  toutes  parts,  de  nombreux 
travailleurs  ont  répondu  à  l'appel  et  sont  h  l'oeuvre.  » 

Mf  Q.  Lagneau.  m.  Topinard  pense  que  les  Provençaux»  en 
particulier  les  Marseillais,  étudiés  par  M.  Fallot,  sont  moins 
brachycéphales  que  les  habitants  des  montagnes  et  des  côtes 
voisines,  parce  qu'à  la  population  ligure  brachycéphale  du 
sud-est  de  la  France  se  sercuent  mêlés  soit  des  doliohocé* 
phales  blonds  venus  du  Nord,  soit  des  dolichocéphales  bruns 
de  race  méditerranéenne. 

En  faveur  du  croisement  ancien  des  Ligures  du  littoral 
avec  les  dolichocéphales  blonds,  on  peut  faire  remarquer 
que,  lors  de  l'arrivée  des  Phocéens  sur  notre  littoral,  Justin 
nous  dit  qu'il  était  occupé  par  des  Ligures  et  par  des  Gaulois 
sauvages.  Au  milieu  des  Salyes  ou  Salluves,  auprès  des 
0](ybes,  des  Déoiates  et  autres  tribus  ligures,  se  trouvaient 
des  Ségobriges,  dont  le  roi  Nann,  en  mariant  sa  fille  Gyptis 
ou  Petta,  surnommée  Aristoxène,  au  Phocéen  Euxène  ou 
Protis,  lui  donna  le  territoire  où  s'éleva  Massiiia,  Marseille  : 

Temporibux  Targuini  t^egis^  ex  A$ia  PhoecMnsium  juventua... 
Moêsiliam  inter  Ligures  et  feras  gentes  Gaiiorum  condicU't... 
Duces  classis  Simos  et  Protis  fuere.  Jiaque  regem  Segobrigio- 
rum^  Narmum  nomine,  in  eu  jus  fimbus  urkem  condere  gestiebanty 
amicUiam  petenteê  eovweuitmt.  Forte  eo  4ie  rex  occupatus  in 
apparatu  nuptix  G^j^h  filix  erat,..  (Justin,  lib.  XUII,  §  3» 
p.  &48,  coll.  Niisard.  -^  Voir  aussi  Aristote,  apud  Athénée» 
XIII,  p.  576;  A.  fragmenta,  t.  lY,  p.  276,  eoil.  Didot). 

D'aiUeurs^  il  faut  reioarquer  que,  depuis  cette  époque  re- 
culée, depuis  te  commencement  du  sixième  siècle  avant  J.*G., 
Marseille  ^'a  cessé  d'attirer  vers  elle  de  nombreux  immi- 
grants, non  seulement  des  montagnards  des  Alpes  de  raee 
ligure,  mais  beaucoup  d'ouvriers,  de  oommerçants^  aussi 
bien  du  nord  de  notre  pays  que  des  pays  méditerrflaié«ns. 
En  Provence,  selon  M.  Bérenger-Féraud>  il  y  aurait  un  re- 
nouvellement incessant  de  la  population.  Elle  s'étetndraii 
rapidement,  mais  se  recruterait  constamment  par  immigra- 


OBA&TS  OFFIBllTS.  SIS 

lion.  Par  opposition  à  certaioeB  autres  régions  productrices 
de  la  France,  la  Provence  serait  une  région  consommatrice 
de  la  population  ^ 

M.  le  docteur  Gollignon.  J'ajouterai  simplement  deux  mots. 

D'après  les  résultats  encore  inédits  de  mes  mesures  sur  le 
vivant,  tout  le  littoral  méditerranéen  est  relativement  doli- 
chocéphale. A  s*en  tenir  aux  départements  qui  le  bordent, 
nous  trouvons,  pour  Tindice  céphalométrique,  la  succession 
suivante  :  Pyrénées-Orientales,  78.4;  Aude,  80.5;  Hérault, 
82.9;  Gard,  83.1  ;  Bouches-du-Rhône,  84.8,  chiffre  très  voisin 
de  ceux  de  M.  le  docteur  Fallot  ;  Var  et  Alpes-Maritimes, 
84.2  et  83.9. 

La  setàonde  ligue  des  départements  (Ariège,  Haute-Ga- 
ronne, etc/)  est  plus  brachycéphale  et  varie  entre  les  in- 
dices 83  et  85. 

Cependant  il  m'a  semblé  qu'alors  que,  datis  les  Pyrénées- 
Orientales  et  l'Aude,  la  dolichocéphalie  était  due  à  la  race 
brune  dite  médtteiranéenney  celle  des  Bouches-du-Rhône 
semblerait,  du  moins. en  partie,  provenir  de  l'élément 
blond. 

OBJETS  OFFERTS. 

Crdneê  portngais.  —  M.  Manouvrier  offre,  de  la  part  de 
M.  Paoheco,  quarante  crânes  portugais  modernes,  provenant 
d'un  eimetière  des  îles  Açores.  L'âge  et  le  sexe  de  ces  crânes 
soilt  connus.  L'étude  en  sera  fedte  au  laboratoire  d'anthro- 
pologie par  M.  Pacheoo  lui-même. 

BuHé  (Tune  mkrocép/utte.  —  M*  MAGiTOt  otfré  à  la  Société, 
pour  le  musée  Broca,  le  buste  d'une  microcéphale,  qu'il  a  fait 
«xécuter  à  Qlermont  (Oise}  par  voie  de  moulage  et  avec  une 
parfaite  exactitude  de  mesures. 

Voioi  l'histoire  résumée  de  ce  cas  : 

La  nommée  Ootavie  Yaré,  née  le  92  juillet  1843  et  entrée 
•omme  pensionnaire  à  Tasile  de  Clermoiit  (Oise)  en  4860. 

>  Bérenger-Férand,  De  Vaccroissiment  de  la  poptUation  en  Provence  {An- 
«lalft  é'hygiànê  fiAH^,  notembre  1882,  p.  417,  etc.). 


216  SÉANCE  DU  7  AVRIL  4887. 

Aucun  renseignement  sur  les  ascendants. 
Mensurations  : 

Taille l-,33 

Poids  net 85  kil . 

Diamètre  antéro-postérieur  du  crâne 13  cent. 

—  transversal 12 

Longueur  de  la  main,  de  l'éminence  thénar 

au  médius Id 

Longueur  du  bras  et  de  la  main  ouverte. ...  53 

—      du  pied •....  24 

Largeur  des  épaules 37 

—  de  la  poitrine 26 

Hauteur  de  la  symphyse  pubienne  au  talon. .  48 

Cette  femme  ne  présente  aucune  asymétrie,  aucune  dif- 
formité, elle  n'a  jamais  été  réglée. 

Au  point  de  vue  psychique,  on  remarque  chez  cette  idiote 
une  notion  appréciable  des  relations.  Elle  dit  «  bonjour  !  », 
distingue  les  individus  de  sexe  différent,  dira  de  préférence 
«  bonjour,  la  petite  fille  »,  mais  dit  sans  difficulté  «monsieur 
ou  madame  »,  si  elle  est  sollicitée  de  le  faire. 

Elle  affectionne  et  reconnaît  les  six  infirmières  de  son  ser- 
vice, les  appelle  par  leur  nom  sans  commettre  d'erreur  ; 
elle  a  cependant  une  préférence  marquée  pour  Tune  d'elles. 

Elle  prévoit  et  annonce  également  sans  erreur  les  divers 
événements  de  la  journée,  tels  que  la  visite  du  médecin,  les 
différentes  corvées,  linge,  buanderie,  etc.;  on  la  voit  sou- 
vent faire  des  amas  de  provisions  de  pain,  qu'elle  tient  dans 
ses  poches  dans  un  état  de  propreté  convenable. 

Pas  de  manifestations  ni  de  perversions  de  l'instinct  gé- 
nital. 

L'histoire  de  cette  idiote  a  d'ailleurs  été  communiquée  par 
M.  Magitot  au  Congrès  de  l'Association  française  pour  l'avan- 
cement des  sciences  (session  de  Blois.  Voir  Compte  rendu  de 
TAssociation,  1884,  p.  391),  à  l'occasion  d'une  discussion  qui 
s'est  élevée  dans  la  section  d'anthropologie  sur  la  microcé- 
phalie  et  l'idiotie. 

Le  plan  de  t Exposition  [Wiking  Hall  Islandais),  —  M.  le 


OBJETS  OFFERTS. 


217 


docteur  Verrier  appelle  Tattention  de  la  Société  sur  une  ex- 
position devant  avoir  lieu  prochainement  à  Londres,  sous  la 
direction  de  raiss  Marie  Brown,  et  relative  à  tous  les  indices 
anciens  ou  écrits  modernes,  se  rapportant  à  la  découverte  de 
l'Amérique  par  les  Islandais,  cinq  cents  ans  avant  Christophe 
Colomb.  Cette  exposition  a  obtenu  l'approbation  d'un  grand 
nombre  de  Sociétés  savantes  de  l'Angleterre  et  du  continent. 


eniréeâatdtnK 


Nord 


U 


-^^— --    ^ 


c^ 


— "1i —  I  ^  — — *l^   „  -^  _  ■ 


u.  u 


INTÉRIEUR   d'un  ANCIEN  VIKING-SKALI  ISLANDAIS. 


A,  face  élevée  sur  la  rangée  inférieare;  B.  face  élevée  sur  la  rangée  anpérienre; 
C»  face  élevée  sar  la  rangée  transversale  ;  D.  foyers  où  étaient  allâmes  les  feux; 
E,  tables  où  étaient  dressées  les  couper  ;  F,  porte  de  la  salle  ;  G,  corridors  ;  H,  ves- 
tibule, portes  de  sortie  ;  I,  salle  de  rafraîchissements  et  de  réfection;  K,  porte  entre  les 
piliers,  entrée  des  hommes  ;  L,  porte  plus  petite  pour  les  femmes  et  les  domestiques; 
M,  lits  renfermés  avec  chaises  et  tables  pour  les  chefs  de  famille;  N,  taoles; 
P,  sièges. 

Dans  une  Exposition,  dont  le  but  unique  est  d'établir  un  fait 
historique  isolé,  non  encore  reconnu  par  toutes  les  nations 
de  TEurope  et  de  TAmérique,  et  dont  chaque  objet  exposé  est 
une  relique  de  l'âge  des  Yikings,  véritable  époque  de  la  dé- 
couverte de  VAmérique,  on  doit  éviter  de  mêler  un  élément 
moderne  quelconque  avec  ce  qui  est  purement  ancien.  Le 
cadre  convenable  pour  des  antiquités  de  Tàge  des  Yikings, 
est  une  Halle- Viking  de  cette  époque,  absolument  semblable 
à  celles  dans  lesquelles  se  tenaient  les  rois  et  les  guerriers, 


3i8  SÉANCE  DU  7  ATRn.  1887. 

dans  les  occasions  de  fête,  entourés  de  centaines  éê  con- 
vives, écoutant  ces  étonnantes  improvisations  des  Skalds  qui 
ont  immortalisé  les  races  dn  Nord. 

Le  Yiking-Skali  présente  un  aspect  noble  et  imposant,  en 
même  temps  que  l'intérieur  est  admirablement  adapté  à 
l'arrangement  du  genre  d'objets  dont  se  composerait  cette 
exposition  :  toutes  sortes  d'armures,  de  boucliers,  de  hau^ 
berts,etc.,  seraient  appropriés  à  la  décoration  des  murs,  ainsi 
que  d'anciennes  tapisseries  de  tous  genres  ;  et  des  spécimens 
de  sculpture  sur  bois,  aux  dessins  historiques  ou  mythologi- 
ques, pourraient  former  les  panneaux  le  long  de  la  halle,  entre 
les  piliers  de  la  nef  (voir  le  plan).  Une  table  E.  devrait  être 
couverte  de  coupes,  hanaps  en  or  et  en  argent,  etc.,  disposés 
comme  pour  un  banquet  ;  les  autres  serviraient  pour  y  étaler 
des  objets  quelconques  qui  pourraient  y  être  convenable- 
ment exposés.  De  même  pour  les  alcôves,  dont  une  ou  deux 
pourraient  être  meublées  de  façon  à  faire  voir  l'agencement 
des  appartements  à  coucher  de  ces  époques,  tandis  que 
les  autres  serviraient  comme  sections  pour  chaque  pays  qui 
y  enverrait  son  exposition  nationale,  dans  laquelle  le  goût 
du  pays  et  le  caractère  distinctif  de  chaque  nation  serait 
exhibé  sans  nuire  à  l'effet  d'ensemble.  Dans  les  deux  larges 
porches,  ou  halles  extérieures,  H,  on  placerait  tous  les  objets 
qui  exigent  de  l'espace  et  de  la  hauteur.  Le  pavillon  de  l'Is- 
lande devrait  flotter  sur  les  deux  pignons. 

CANDIDATURES, 

Edwards  (M"*  Blanche),  interne  provisoire  des  hôpitàUit, 
présentée  par  MM.  Mathias  Duval,  Laborde  et  Manouvrier; 
MM.  Darlot,  conseiller  municipal,  présenté  par  MM.  Letoor- 
neau,  Salmon  et  Hervé;  Pasquier  (L.),  directeur  des  af- 
faires municipales  à  la  préfecture  de  la  Seine,  présenté  par 
MM.  G.  de  Mortillet,  Letoumeau  et  Salmon  ;  Lacombb  (P.), 
présenté  par  MM.  Letoumeau,  G.  de  Mortillet  et  Hervé,  de- 
mandent le  titre  de  membres  titulaireSi 


E.  d'aCT.  —  SUR  l'EMMANCHEMBNT  DE8  SILEX  TAILLÉS.     249 

PRÉSENTATIONS. 

De  remmAaeheaieAt  dea  silex  taillés  de  ClMlles 
et  de  Salnt-Acheal  i 

PAR  M.    E.   d'aCT. 
(Suite.) 

i  Messieurs,  vous  vous  souvenez  certainement  de  Timpor- 
tance  que  M.  de  Mortiliet  attache  aux  petites  surfaces  restées 
non  retaillées  sur  le  pourtour,  partout  ailleurs  coupant,  de 
certaines  haches  de  Ghelles  ou  de  Saint*Acl\eul,  et  du  rôle 
qu'il  leur  fait  jouer  comme  points  d'appui  soit  de  la  paume 
de  la  main,  soit  de  Tentre-deux  du  pouce  et  de  Tindex. 

Je  regrette  vivement  de  n'avoir  pas  songé,  lors  de  notre 
avant-dernière  réunion,  à  attirer  l'attention  de  notre  savant 
confrère  sur  ces  deux  pièces.  Je  vous  demande  la  permission 
de  réparer  cet  oubli. 

Ce  silex,  de  forme  amygdaloïde  très  pointue^  présente, 
près  de  son  extrémité  aiguë,  une  de  ces  surfaces  brutes. 
Selon  moi,  ce  reste,  relativement  assez  considérable,  de 
récorce  du  caillou  a  été  laissé  dans  son  état  naturel,  uni- 
quement parce  que,  si  on  avait  cherché  à  Tenlever^  on  aurait 
couru  un  très  grand  risque,  pour  ne  pas  dire  plus,  de  faire 
une  brèche  assez  forte,  de  détruire  la  symétrie  de  la  pièce. 
Cet  éclat,  cela  est  facile  à  voir,  est  prêt  à  se  détacher.  Le 
moindre  coup  l'aurait  fait  partir.  Entre  deux  maux,  le  tailleur 
de  silex  a  choisi  le  moindre.  Il  a  mieux  aimé  laisser  subsister 
un  léger  défaut,  qui  d'ailleurs  ne  gênait  en  rien,  que  porter 
atteinte  à  la  régularité  de  Tarête  de  son  instrument.  Gela  me 
paraît  évident. 

Mais,  pour  M.  de  Mortiliet,  cette  petite  surface  brute  de- 
vait servir  de  point  d'appui  à  la  paume  de  la  main  ou  à 
l'entre-deux  du  pouce  et  de  l'index,  dans  les  travaux  divers 
auxquels  cet  outil  était  employé.  Je  serais  très  reconnaissant 
à  notre  savant  confrère  de  nous  montrer  comment  cet  em* 
poignement  pourrait  se  réaliser*  Tous  mes  efforts  pour  y 
parvenir  ont  été  infructueux. 


220  8ÉANCE  DU  7  AVRIL  1887. 

Un  point  brut,  à  peu  près  aussi  étendu  que  celui  que  je 
viens  de  vous  faire  voir,  se  trouve  sur  le  tranchant  de  ce 
couperet.  Qu*il  n'ait  pas  été  trop  gênant  pour  frapper,  pour 
couper  ou  plutôt  pour  hacher,  lorsqu^on  tenait  cet  outil  par  le 
côté  opposé,  sur  lequel  une  large  surface  plane  a  été  ména- 
gée et  même  façonnée,  cela  se  comprend.  Mais  que  ce  reste 
de  l'écorce  du  silex  ait  servi  de  point  d'appui  soit  à  la  paume 
de  la  main,  soit  à  Tentre-deux  du  pouce  et  de  Tindex,  pen- 
dant que  l'on  faisait  usage  de  ce  couperet,  voilà  une  explica- 
tion qui  me  semble  au  moins  difficile  à  accepter.  Nous  serions, 
en  effet,  amenés  à  cette  invraisemblable  conclusion,  que  le 
tranchant  était  la  poignée,  et  que  le  dos,  large  de  plus  de 
2  centimètres^  servait  à  hacher  ou  à  scier.  Je  doute  que  Tha- 
bileté  et  la  vigueur  de  M.  de  Mortillet  suffisent  à  utiliser  un 
semblable  outil. 

Ces  deux  points  restés  bruts  —  et  j'aurais  pu  en  présenter 
d'autres  tout  aussi  démonstratifs  —  ne  sont-ils  pas,  sans 
contestation  possible,  de  simples  accidents  de  la  taille,  et  ne 
fournissent-ils  pas  un  nouveau  et  puissant  motif  de  croire 
qu'il  en  est  de  même  pour  tous  leurs  semblables  ? 

Je  vous  demanderai  encore  la  permission,  Messieurs,  de 
rappeler  un  instant  votre  attention  sur  ce  silex.  Tout  en  lui 
me  semblait,  et  me  semble  toujours,  indiquer  une  arme,  un 
poignard  ;  mais  M.  de  Mortillet  en  fait,  vous  vous  en  souvenez, 
un  outil  destiné  à  commencer  à  creuser  le  bois.  Il  y  a  un 
mois,  je  ne  voulais  m'occuper  que  de  la  question  de  Tem- 
manchement.  Mon  but  n'était  pas  de  vous  soumettre  la  série 
complète  des  outils  ou  des  armes  de  Saint-Acheul  ou  de 
Ghelles.  Ce  n'est  pas  davantage  mon  intention  aujourd'hui  ; 
mais  je  désire  venger  mon  poignard  de  l'injure  qui  lui  a  été 
faite,  lorsqu'il  a  été  pris  pour  un  vulgaire  ciseau  de  menuisier. 
Le  ciseau  avec  lequel  on  travaillait  le  bois  à  Saint-Acheul,  le 
voilà;  et  il  n'est  même  pas  besoin,  pour  le  faire  reconnaître, 
de  mettre  à  côté  de  lui  son  descendant  actuel,  celui  en  acier, 
dont  nous  nous  servons  tous  les  jours. 

Ce  n'est  plus  la  pointe  acérée  du  poignard,  excellente  pour 


E.  d'aCT.  —  SUR   l'emmanchement  DES  SILEX  TAILLÉS.     2<2I 

pénétrer  dans  les  chairs,  pour  tuer  un  ennemi,  mais  impropre 
à  détacher  un  fragment  de  bois  ;  ce  n'est  plus  cette  lame 
taillée,  amincie  avec  tant  de  soin,  que  briserait  le  premier 
coup  porté  à  faux  sur  un  corps  dur,  —  et  en  voici  une  autre 
plus  fine  encore — ;  ce  n'est  plus  tout  cet  ensemble  artistique, 
si  je  peux  parler  ainsi.  C'est  quelque  chose  de  moins  soigné, 
mais  de  bien  nueux  approprié  à  un  travail  véritable.  C'est 
une  tige  courte,  épaisse,  de  largeur  partout  à  peu  près  égale, 
terminée  par  un  tranchant  transversal.  C'est  vraiment  un 
outil.  Avec  lui  on  peut  détacher,  enlever  des  copeaux,  fendre 
du  bois,  au  besoin  creuser  un  tronc  d'arbre. 

Voici  un  autre  échantillon  du  même  type.  Il  a  beaucoup 
servi  et  n'en  est  pas  moins  intéressant.  Il  porte,  sur  sa  large 
tête,  des  traces  de  coups  nombreux.  Viennent-elles  de  ce 
qu'il  aurait  été  roulé  ?  Mais  alors  il  devrait  se  trouver  des 
marques  pareilles  sur  toutes  les  arêtes  ;  et  il  n'en  est  rien. 
A-t-on  frappé  avec  un  morceau  de  bois  —  un  maillet  pri- 
mitif —  sur  ce  ciseau,  sur  ce  coin,  pour  le  faire  mieux  en- 
trer? Ou,  enfin,  a-t-on  voulu  adoucir  les  arêtes  du  talon,  afin 
d'en  faire  une  poignée  d'un  usage  plus  commode  ?  Je  ne 
saurais  me  prononcer  entre  ces  hypothèses. 

Ce  troisième  spécimen  est  beaucoup  plus  large  que  les 
précédents  ;  mais  c'est  bien  encore  un  outil  avec  lequel  on 
peut  couper,  creuser  du  bois;  et,  comme  il  devait  servir  à  la 
main,  on  a  eu  grand  soin  de  ne  pas  le  faire  coupant  sur 
tout  son  pourtour.  Tout  au  contraire,  non  seulement  on  a 
réservé  une  notable  partie  de  Técorce  du  caillou,  mais  encore 
on  a  émoussé,  en  les  martelant^  les  arêtes  de  ce  qui  devait 
servir  de  poignée. 

Enfin,  ce  quatrième  outil  a  toutes  les  apparences  d*un  ci- 
seau à  faire  des  mortaises.  Je  ne  prétends  certainement  pas 
que  l'homme  de  Saint-Acheul  ou  de  Chelles  se  soit  livré  à 
des  travaux  de  charpente  ou  de  menuiserie  aussi  compliqués; 
mais  je  crois  pouvoir  af^rmer  que  ces  instruments  sont  de 
vrais  outils  propres  à  travailler  le  bois,  et  qu'il  suffit  de  les 
mettre  à  côté  de  ceux  que  je  considère  comme  des  armes, 


S2S  SÉANCE  DU  7  AVRIL  1887. 

pour  reconmdtre  dans  les  premiers  des  etseanx,  et  dans  les 
seconds  des  poignards. 

Je  reyiens  maintenant  à  la  questîom  de  remmanehemettt. 
Je  vous  demanderai,  Messieurs,  d'être  assez  bons  pour  jeter 
les  yeux  sur  ees  silex.  Ils  sont  édatés  d'un  cAlé,  et  ne  sont 
retaillés  que  sur  Tautre  faee  ;  autrement  dit,  ils  appartieouwnt 
au  type  que,  à  tori  ou  à  raison,  on  appelle  généraleneni  h 
type  du  MotnHer.  Ils  proTienneoit  tous  du  dikuvium  gris  de 
Saint*Aohail  ou  des  eoucbes  infârieuresde  Chettes. 

Je  sais  que  j'aborde  là  une  queslioD  grosse  d^orages.  Biais  : 
Si  arnica  pax,  magis  â»uca  veit'tai. 

Et,  pour  prouTer,  tout  de  suite,  qu'à  Saint-Aobeul  o«  à 
Ghelles  on  ne  fidsalt  pas  seulement  usage^  tant  bien  que  md, 
d'éclats  produits  par  Ja  taille  des  haohes,  do  déehets  de  ftn 
bricatio»,  mais  qu*on  enlevait  intentiomiellemealdeslaraes^, 
des  pointes,  voici  trots  nucléus.  Gelui^i  vient  die  GbeMes, 
des  assises  profondes,  ainsi  que  le  prouve  sa  patiae  Ibneée 
et  tern&,  sans  même  parler  des  Mgmenis  de  calcin  très  dur, 
qui  sont  encore  adhérents  en  plusieurs  endroits.  Lee  devx 
autres  sont  du  diluvium  gris  de  Saint-Aoheul  ;  et,  détail  à 
noter,  celui-ci,  plus  encore  que  les  autres,  a  servi  à  obtenir 
des  lames  ou  des  pointes  de  très  petite  dimension. 

Ces  nucléus  démontreraient,  à  eux  tout  seuls,  que  Tboniae, 
dès  son  apparition  dans  nos  pays,  se  fabriquait  des  histra^ 
ments  moustérïens.  Et,  en  efTet,  en  voici  quelques-uns.  La 
variété  de  leurs  fbrmes,  Thabileté  avec  laqueHe*  ils  ont  été 
foçoftnés,  les  rendent  dignes  dé  figurer  à  oôté  As  leurs  frères 
du  type  ehettéen. 

Racloirs,  scies  «—  et  celles-là  véritables,  indubitables, 
bonnes  pour  seîer,  je  ne  dirai  pas  des  arbres,  mais  des  mor- 
ceaux de  bois,  peut-être  des  os  —  graHoîrs  convexes,  grat- 
toirs concaves,  perçoirs,  couteaux,  pour  me  servir  d'une 
expression  consacrée  par  Fusag e  —  rien  n'y  manque.  Voici 
enfl»  des  poMes  larges  ou  étroites,  retaillées  ou  non  retaÂL- 
lôes,  qui  ne  peuvent  être,  selon  moi,  quie  des  pMuies^  dtt 
laaee^  de  javeM  ou  de  ftèobe. 


E.  d'aGT.  -—  SUR  i'BMMANQHfiHSNT  DBS  SILEX   TAILLÉS.    3(iA 

U.  de  Mortillet  va,  sans  doute,  noua  dire  de  nouveau  qw 
œ  ^QsA  simplement  des  seies  ou  des  outils  k  ereuser  le  bois« 
Oa  peut  scier,  je  le  répète,  avee  des  instruments  destinés  en 
réalité  h  un  tout  autre  usage  ;  U  sufQt  qu'ils  aient  des  borda 
quelque  peu  coupants. 

Mais  les  vraies  seies,  les  voilà« 

Pour  creuser  le  bois,  il  ne  peut  être  question  un  seul  instani 
des  pietites  pointes  ;  les  grandes,  eUes-oanêines,  seraient  d'uA 
bien  pauvre  usage  ;  et  les  vrai»  outils  à  travailler  le  bois» 
nous  les  avons  vus  tout  à  Theure.  Enfin»  les  perçoirs»  lea 
Yoiel 

D'aiUeurs,  ees  grattoirs  concaves  ne  nous  disent*ils  pas  que 
les  hommes  de  Gbelles  ou  de  Saint-Aeheul  arrondissaient 
des  morceaux  de  bois  ?  Et  que  pouvaient-ils  arrondir  pJutôt 
que  des  manches  d'outil,  ou  plutôt  encore  que  des  manebee 
d'armes  et  des  hampes  de  lance,  de  sagaie  et  de  flèche  ?  Les 
sauvages  ont  surtout  besoin  d'armes^  et  ils  en  confectioiH^ 
nent  de  préférence  à  toute  autre  chose. 

En  outre,  il  serait  plus  qu'extraordinaire  que  des  hommes 
qui  savaient  travailler  le  silex  avec  tant  dlnlelligenee,  aveo 
une  si  grande  habileté;  j'allais  dire  avec  une  si  grande  per* 
fectioB,  eussent  employé  cette  matière  première  si  utile  uni-» 
quement  pour  se  faire  des  outils,  e4  qu'ils  n'eussent  pas  songé 
à  en  tirer  parti  pour  leur  oocupation  la  plus  fréquente,  la 
plus  importante,  la  plus  indispensable,  e!est-à-dire  pour 
pourvoir  à  leur  nourriture  et  pour  défendte  keur  existence  ; 
en  un  mot,  pour  la  chasse  et  pour  la  guenre^ 

Aussi,  pour  ma  part,  je  n'hésite  pas  à  eroire  que  ces 
pointes  armaient  des  lances,  des  javelots  et  des  flèches^  à 
Taide  d'emmanet^meats  analogues  à  ceux  dont  tos  p«i»> 
plades  sauvages  se  servent  encore  aujourd'hui. 

lilcutiion. 

M  Adrien  db  BfonsuuT.  Lorsque»  dais  l4  ^éaace  du 
3  mars,  j'ai  fait  observer  qu'un  certain  nombre  des  pièces 


234  SÉANCE  DU  7  AVRIL  1887. 

présentées  par  M.  d*Acy  à  l'appui  de  sa  thèse  sur  remman- 
chement  des  instruments  chelléens,  devaient  appartenir  à 
Tépoque  du  Moustier  et  non  à  l'époque  de  Ghelies,  notre  sa* 
vaut  collègue  s*est  récrié,  disant  que  je  qualifiais  de  mousté- 
riens  quelques-uns  de  ses  silex  parce  qu*ils  étaient  plats. 
Je  reviens  sur  ce  point,  avant  d'aborder  la  question  de  l'em- 
manchement,  afin  de  bien  établir  que  ce  que  j'ai  avancé 
n'est  nullement  une  opinion  personnelle  visant  uniquement 
les  silex  de  M.  d'Acy,  mais  bien  une  détermination  générale 
basée  sur  de  nombreuses  observations  et  applicable  au  moins 
à  toute  la  France.  Ce  sont  les  faits  eux-mêmes  qui  qualifient 
de  moustériens  les  coups  de  poing  de  travail  plus  délicat,  plus 
habile,  de  formes  plus  élégantes,  plus  légères  et  moins  épaisses 
que  les  rudes  instruments  qui  proviennent  des  gisements 
chelléens  absolument  purs.  Dans  un  grand  nombre  de  stations 
moustériennes  on  rencontre  de  ces  coups  de  poing  perfec- 
tionnés, associés  à  des  pointes  et  à  des  racloirs  moustériens. 

Je  ne  fais  que  rappeler  ici  des  faits  parfaitement  connus, 
que  M.  d*Acy  ne  contestera  certainement  pas,  bien  qu'ils  ne 
soient  guère  favorables  à  ses  théories. 

Quant  aux  silex  que  notre  collègue  nous  présente  aujour- 
d'hui et  qu'il  nous  donne  comme  des  outils  contemporains 
des  coups  de  poing  chelléens,  je  dois  avouer  que  je  ne  vois 
pas  du  tout  ce  qu'ils  peuvent  avoir  de  chelléen.  Je  constate 
même  qu'il  y  a  parmi  eux  de  singuliers  mélanges.  A  côté  de 
belles  pointes  moustériennes  se  trouvent  des  pièces  qui  ne 
sont  même  pas  quaternaires,  notamment  des  scies,  des  grat- 
toirs et  des  perçoirs  robenhausiens. 

M.  d'Acy  affirme  que  tous  ces  instruments  ont  été  trouvés 
dans  les  mêmes  couches  que  les  coups  de  poing,  mais  il  con- 
vient d'ajouter  qu'ils  n'ont  pas  été  recueillis  par  lui-même, 
que  les  ouvriers  desquels  il  les  tient  se  soucient  fort  peu  du 
niveau  d'où  ils  proviennent,  enfin  que  l'on  rencontre  à  Saint- 
Acheul  des  objets  de  presque  toutes  les  époques. 

Ces  diverses  causes  d'erreur  expliquent  les  mélanges  que 
nous  venons  de  signaler. 


DISCUSSION  SUR  L'EMMANGHBIIENT  DES  SILEX  TAILLÉS.      225 

J'arrive  à  la  question  de  remmanchement,  et  pour  plus  de 
clarté  je  vais  diviser  les  coups  de  poing  en  plusieurs  caté* 
gories  que  je  passerai  successivement  en  revue^  examinant 
pour  chacune  d'elles  quelles  sont  les  raisons  qui  nous  font 
repousser  toute  idée  d'emmanchure.  Je  laisse  bien  entendu 
de  côté  les  formes  rares  ou  exceptionnelles. 

Les  coups  de  poing  grossiers  et  épais  possédant  parfois 
une  véritable  poignée  et  souvent  une  portion  de  la  croûte 
naturelle  du  siiex^  disent  eux-mêmes  d'une  manière  assez 
éloquente  comment  ils  étaient  employés,  et  M.  d'Acy  a  lui- 
même  reconnu  qu'ils  devaient  servir  à  la  main.  Inutile  donc 
d'insister  sur  leur  compte. 

Pour  les  pièces  mieux  taillées,  plus  plates  et  plus  légères, 
j'ai  déjà  fait  remarquer  à  notre  collègue,  dans  la  séance  du 
3  mars,  que  Ton  retrouve  sur  elles^  bien  que  plus  ou  moins 
atténués,  suivant  leur  degré  de  perfection,  les  mêmes  carac^ 
tères  que  sur  les  premières.  Le  talon  est  quelquefois  réduit 
au  strict  nécessaire,  mais  il  existe  dans  presque  toutes.  Ces 
coups  de  poing  peuvent  aussi  bien  que  les  autres  être  com- 
modément et  solidement  empoignés^  sans  blesser  le  moins 
du  monde  la  main.  Ils  sont  même  plus  faciles  à  manier  à 
cause  de  leur  moindre  poids  et  de  leur  plus  faible  épaisseur. 
J'ajouterai^  et  c'est  une  des  preuves  les  plus  concluantes, 
que  ces  instruments  se  tenaient  à  la  main^  que  la  partie  du 
tranchant  la  plus  coupante  est  toujours  celle  qui  est  diamé- 
tralement opposée  au  talon,  soit  à  la  partie  de  l'outil  qui 
s'appuyait  contre  la  paume  de  la  main.  Il  est  du  reste  hors 
de  doute  que  les  beaux  coups  de  poing  plats  de  l'époque 
moustérlenne,  qui,  maniés  à  la  main,  pourraient  fournir  un 
travail  utile  et  appréciable,  seraient  bien  vite  brisés,  si  on 
cherchait  à  les  utiliser^  fixés  au  bout  d'un  manche. 

Avec  les  pièces  torses  nous  arrivons  encore  aux  mêmei 
résultats.  La  torsion  de  ces  instruments  facilite  considéra- 
blementl'empoignure,  tandis  qu'elle  serait  plutôt  un  obstacle 
qu'un  avantage  pour  remmanchement. 

Il  me  reste  à  dire  quelques  mots  des  haches  australiennes 

T.  X  (8«  siftiB).  15 


226  SÉANCE  DU  i   AVRIL  1887. 

que  M.  d'Acy  a  choisies  comme  termes  de  comparaison.  Ces 
instruments  modernes,  dont  le  liàusée  de  Saint-Germain  pos- 
sède deux  beaux  spécimens  (fig.  1),  ne  ressemblent  en  rien 
aux  coups  de  poing  quaternaires.  Ce  sont  de  véritables  haches 
dont  le  tranchant  porte  presque  toujours,  si  ce  n'est  tou- 
jours, des  traces  de  polissage. 


Fio.  i.  —  Hnehe  en  pierre  emmanchée  (Australie),  donnée  par  MunteSore  au  mnsée 
de  Saint-Germain,  quart  de  grandeur. 

,♦  i        i     .    .  .  t  ■ 

La  pièce  en  amande  dont  M.  d'Acy  nous  a  montré  le  dessin, 
paraît,  il  est  vrai,  ressembler  davantage  aux  instruments 
chelléens,  mais,  outre  que  c'est  là  une  forme  exceptionnelle, 
cette  ressemblance  est  plus  apparente  que  réelle,  car  les 


Fio.  2.  —  Coupe  d'un  coup  de  pjlng 
chelléen,  demi-graodeur. 


FiG.  i,  —  Coupe  d'une  hache  en    pierre 
australienne,  demi- grandeur. 


bords,  autant  que  Ton  peut  en  juger  d'après  le  dessin,  ne 
sont  pas  coupants  comme  dans  les  coups  de  poing  (fig.  2), 
mais  arrondis  comme  dans  les  hachés  australiennes  du  musée 
de  Saint-Germain  (fig.  3).  Il  fabdiràtt,  pour  pouvoir  faire  d'u- 
tiles comparaisons  ethnographiques,  d'autres  éléments  qu'une 
figut'e  faite  de  seconde  mairi^  à  une  bien  petite  échelle. 


DISCUSSION   SUR   l'eMMANCHEMENT   DES  SILEX  TAILLÉS.     227 

M>  d'Acy.  Messieurs,  je  ne  relèverai  pas  ce  qu'a  dit 
M.  Adrien  de  Mortillet  des  hallebardes  et  des  fusils  Chassepot, 
que  je  regarderais  comme  contemporains  des  silex  quater- 
naires, si  on  trouvait  les  uns  à  côté  des  autres.  Je  ne  me 
permets  de  vous  entretenir  que  de  choses  sérieuses. 

J'arrive  immédiatement  à  la  classification  que  vous  a  ex- 
posée M.  A.  de  Mortillet  et  qui,  si  je  ne  me  trompe,  est  basée 
sur  le  volume  des  silex.  Les  gros,  les  épais,  seraient  chelléens, 
—  il  n'est  question  que  de  ceu^t  retaillés  sur  leurs  deux 
faces,  bien  entendu.  Les  minces,  les  fins  seraient  môustériens. 

En  vérité,  je  me  demande  sur  quels  faits  M.  A.  de  Mortillet 
a  pu  baser  une  semblable  théorie.  îl  vous  a  montré  de  ttès 
jolis  silex,  provenant  d'une  station  des  environs  de  Dreux, 
qu'il  dit  être  moustérienne.  Je  ne  contesterai  pas  cette  appel- 
lation. Je  ne  connais  ce  gisement  qu'imparfaitement  ;  et  ce  que 
j'en  sais  me  porte  à  croire  qu'il  est,  en  effet,  moustérien, 
pour  me  servir  de  cette  expression  généralement  usitée.  Mais, 
parce  qu'il  renferme  des  silex  fins,  très  bien  travaillés,  est-ce 
une  raison  pour  que  tous  les  silex  également  bien  façonnés 
soient  nécessairement  de  la  même  époque,  les  trouvât-on 
dans  des  couches  géologiques  certainement  non  remaniées 
et  plus  anciennes  que  la  terre  à  briques  ?  Tous  les  silex  d'une 
même  époque  sont-ils  forcément,  identiquement  les  mêmes  ? 
La  théorie  veut  peut-être  qu'il  en  soit  ainsi;  mais  les  faits 
disent  le  contraire,  et  j'ai  le  mauvais  goût  de  m'en  rapporter 
aux  faits  et  non  pas  à  la  théorie. 

M.  A.  de  Mortillet  prétend  que  je  nie  le  progrès.  Je  lui 
demande  bien  pardon;  mais  cette  accusation,  formulée  d'une 
façon  aussi  générale,  aussi  absolue,  n'est  pas  exacte.  Je  n'ai 
jamais  contesté  que  les  admirables  pièces  de  Volgu,  celles  de 
Solutré,  et  même  quelques  très  beaux  échantillons  du  vrai 
mousiérien  ne  montrent  un  progrès  plus  ou  moins  notable 
sur  l'industrie  de  Saint- Acheul  ou  de  Chelles.  Ce  que  j'ai  dit, 
ce  que  je  maintiens,  c'est  qu'il  n'y  a  aucun  progrès  entre  les 
couches  inférieures  et  les  couches  supérieures  du  diiuvium 
gris  de  Saint-Acheul. 


228  SÉANCE  DU  7  AVRIL  1887. 

Ce  diluvium  est  absolument  intact,  non  remanié  ;  c^est  là 
un  point  capital,  qui  n'a  jamais  été  mis  en  doute  par  per- 
sonne. Il  a  été  raviné  par  la  formation  de  limon  grossier  et 
de  terre  à  briques  qull  supporte  ;  mais  ce  qui  en  reste,  ce 
que  nous  en  voyons,  est  tel  qu'il  s*est  déposé  à  une  époque 
pendant  laquelle  vivait  VElephas  antiquus,  à  une  époque  qui 
diffère  peu  de  celle  de  Ghelles^  si  elle  n*est  pas  la  même,  et 
qui  certainement  est  antérieure  à  celle  que,  pour  se  recon- 
naître, on  peut  appeler  moustérienne. 

Quand  on  a  étudié  ces  ailuvions  avec  soin,  il  est  facile  de 
reconnaître,  à  Taide  des  patines,  de  quelles  couches  provien- 
nent les  silex  taillés.  Dans  la  petite  veine  de  cailloux,  située 
tout  à  fait  à  la  base  du  limon  grossier,  ces  patines  sont  blan* 
ches,  d'un  beau  cacholong  de  porcelaine,  produit  par  la 
décomposition  de  la  surface  du  silex  sous  Taction  d'une  eau 
chargée  d*acide  carbonique  ;  puis,  à  mesure  que  Ton  descend, 
elles  passent  au  gris  roussâtre,  dans  le  sable  des  fondeurs  ; 
au  gris  pur  ou  à  un  simple  vernis,  dans  le  sable  blanc  ;  elles 
se  colorent  en  rouge  jaune  ou  noirâtre  plus  ou  moins  intense, 
dans  les  veines  de  cailloux,  suivant  la  nature  et  la  force  des 
oxydes  que  renferment  ces  couches  ;  et  enûn,  à  la  base  tout 
à  fait  du  gisement,  on  peut  dire  sur  la  craie,  elles  présentent 
une  disposition  toute  spéciale  —  différente  sur  chaque  face 
du  silex  —  qu'il  est  difficile  de  décrire,  mais  que  Ton  recon- 
naît immédiatement,  une  fois  qu'on  l'a  observée. 

Or,  grâce  à  ces  patines,  il  est  facile  de  constater  que  les 
silex  taillés  sur  leurs  deux  faces,  affectent  toutes  les  formes, 
toutes  les  épaisseurs,  dénotent  tous  les  degrés  de  l'habileté, 
dans  toutes  les  couches,  depuis  celle  tout  à  fait  inférieure 
qui  repose  sur  la  craie,  jusqu'au  sommet  de  la  première  assise 
par  en  haut  du  diluvium  gris;  et  j'ajouterai  que,  dans  toutes 
ces  couches,  le  type  dit  mous(érien  est  associé,  et  de  la  même 
façon,  au  type  appelé  chelléen. 

Jusqu'à  présent,  mes  recherches  m'ont  amené  à  peu  près 
au  même  résultat  pour  les  ailuvions  de  Chelles.  Dans  ce 
gisement,  on  peut,  jusqu'à  un  certain  point,  reconnaître 


DISCUSSION  80R  L'EMMANCHEMENT  BES  SILEX  TAILLÉS.     229 

également,  par  les  patines,  les  couches  dont  proviennent  les 
silex  taillés.  M.  Améghino  a  donné  à  ce  sujet  des  renseigne- 
ments fort  intéressants*.  Il  y  a,  selon  moi,  quelques  modifi- 
cations à  apporter  aux  indications  qu'il  a  fournies  ;  et,  si 
certaines  patines  —  celles  ternes  et  sombres  —  sont  indubi- 
tablement des  couches  inférieures,  auxquelles  les  ouvriers 
ont  donné  le  nom  de  calcm;  si  d'autres,  au  contraire  — 
celles  luisantes  et  comme  vernies —  indiquent  certainement, 
pour  leur  gisement,  les  couches  moyennes,  celles  de  la  seconde 
formation  ;  il  y  en  a  quelques-unes  qui  peuvent  laisser  des 
doutes  sur  leur  provenance. 

Mais  heureusement,  il  y  a  à  Chelles  une  assise  sur  laquelle 
on  n'a  pas  suffisamment  appelé  l'attention,  et  qui  peut  don- 
ner cependant  des  indications  très  précieuses.  C'est  celle  du 
pseudo-diluvium  rouge. 

Elle  ne  constitue  pas  une  formation  particulière.  Elle  ne 
doit  la  couleur  qui  la  différencie  de  la  couche  sous-jacente 
qu'à  Taltération  de  cette  couche  parles  eaux  atmosphériques, 
chargées  d'acide  carbonique.  En  réalité,  elle  est  tout  simple- 
ment le  sommet,  la  partie  la  plus  récente,  de  la  formation 
qu'elle  paraît  surmonter  et  même  raviner,  par  conséquent 
la  partie  la  plus  récente,  soit  des  couches  caillouteuses,  dites 
acheuléennes  par  divers  savants,  soit  des  sables  considérés 
comme  moustériens  par  les  mêmes  auteurs.  Elle  doit  donc, 
si  ces  savants  sont  dans  le  vrai,  renfermer,  dans  son  en- 
semble, les  spécimens  d'une  industrie,  sinon  complètement, 
au  moins  notablement  moustérienne. 

De  plus,  elle  a,  comme  toutes  les  couches  superficielles,  le 
privilège  de  donner  aux  silex  taillés  qu'elle  contient  une 
patine  impossible  à  méconnaître  et  qu'on  ne  rencontre  pas 
dans  les  assises  sous-jacentes.  C'est  un  beau  cacholong  blanc, 
ou  une  teinte  roussâtre.  Les  silex  y  sont,  en  outre,  très  fré- 
quemment fendillés.  Les  pièces  qui  en  proviennent  sont  donc 
reconnaissables  de  la  façon  la  plus  certaine. 

<  BuU,  Soc.  (Tanthrop.t  1881,  p.  201  et  suiv. 


230  SÉANCE  DU  7  AVRIL  1887. 

Eh  bien  !  cette  couche  m'a  fourni  trente-trois  instruments 
retaillés  sur  leurs  deux  faces,  et  seulement  dix-sept  silex 
éclatés  d*un  côté  ;  de  ces  derniers,  six  ou  sept  sont  de  simples 
déchets  de  fabrication  ;  et,  parmi  les  onze  ou  plutôt  les  dix 
autres,  un  seul  petit  fragment  est  véritablement  retaillé  avec 
finesse.  D'après  son  apparence,  on  pourrait  parfaitement  le 
ranger  dans  Tépoque  de  la  pierre  polie,  et  sa  présence  dans 
une  couche  superficielle  n'est  pas  faite  pour  contredire  cette 
attribution.  Mais  j'admets  qu'il  soit  moustérien. 

Les  chiffres  que  je  viens  de  donner  ne  parlent-ils  pas  d'eux- 
mêmes  ? 

J'avoue  que  je  n'ai  pas  dans  la  statistique  une  confiance 
sans  bornes;  ou  plutôt,  je  m'explique,  j'aurais  une  confiance 
entière  dans  la  statistique^  si  elle  réunissait  tous  les  renseigne- 
ments nécessaires;  mais  les  données  sont  trop  souvent  incom- 
plètes ;  et,  alors,  les  conséquences  que  l'on  en  tire  courent 
grand  risque  d'être  fausses.  Mais,  dans  le  cas  qui  nous  occupe, 
les  erreurs  ne  peuvent  être  qu'à  mon  désavantage,  la  récoite 
des  petits  silex  présentant,  pour  plusieurs  motifs,  beaucoup 
moins  de  difficulté  dans  le  pseudo-diluvium  rouge  que  dans 
les  couches  profondes.  En  outre,  je  peux  m'appuyer  sur  un 
aulre  fait,  peut-être  encore  plus  concluant  que  celui  que  je 
viens  de  faire  connaître . 

On  a  dit,  à  plusieurs  reprises,  que  les  sables  supérieurs  de 
Chelles  étaient  raoustériens.  Or,  la  carrière  Marié,  située  à 
gauche  de  la  route  de  Chelles  à  Brou,  dans  laquelle  ces  sables 
sont  plus  développés  que  partout  ailleurs,  m'a  fourni  une 
dizaine  de  silex  retaillés  sur  leurs  deux  faces,  et  ne  m'en  a 
donné  qu'un  qui  fût  éclaté  d'un  côté  et  retaillé  de  l'autre 
seulement. 

Aussi,  bien  que  je  reconnaisse  parfaitement  qu'il  y  a  à 
Chelles  deux  formations  distinctes  —  la  seconde  ravine  la 
première  — je  ne  constate  jusqu'à  présent  que  des  différences 
si  peu  importantes,  si  même  il  y  en  a  véritablement,  entre 
les  Industries  dont  les  échantillons  se  trouvent  dans  ces  deux 
formations,  que  je  ne  peux  pas  les  séparer  beaucoup  l'une  de 


DISCUSSION   SUR  l'eMMANCUEMENT  DES  SILEX   TAILLÉS.      231 

Tautre.  En  tout  cas,  il  est  absolument  certain  pour  moi  que, 
datls  les  coucliés  prbfondés/non  remaniées,  parfaitement  ïri- 
tactès  de  Chelies,  tout  comme  dans  celles  dû  diluvlùm  grlë, 
également  non  remanié,  de  Saint-Acheiil,  ie  type  éclaté  d'un 
côté  et  retaillé  de  Tantre  seulement  —  le  t3rpe  connu  sous  le 
nom  de  type  du  Moustier  —  est  associé  à  celui  retaillé  sur 
les  deux  faces,  au  type  appelé  généralement  type  de  CHeileh 
on  de  Saint' A  cheul. 

Avant  de  quitter  Chelies,  je  dirai  à  M.  A.  de  Mortillet  que, 
Tannée  dernière,  j'ai  eu  le  plaisir  de  faire  voir  à  M.  Sàlmon 
deux  silex  de  Chelies,  incontestablement  des  couches  infé- 
rieures —  ils  sont  même  assez  épais  et  assez  grossiers  ^our 
que  M.  A.  de  Mortillet  lui-même  ne  refuse  pas  de  leur 
reconnaître  cette  provenance,  —  qui  sont  de  grands  éclats 
un  peu  retaillés  sur  leur  face  d'éclatement  et  complètement 
retaillés  de  l'autre  côté  ;  en  un  mot,  deux  silex  exactement 
pareils,  comme  procédé  de  fabrication,  à  celui  que  notre 
savant  confrère  vient  de  nous  présenter  comme  formant  la 
transition  entre  le  type  de  Chelies  et  celui  du  Môustîer. 
Les  pièces  ainsi  faites  ne  sont  pas  rares  à  Saint-Acheul  ;  j'en 
ai  réuni  un  assez  grand  nombre  ;  et  ces  échantillons  pro- 
viennent aussi  bien  des  couches  les  plus  profondes  que  de 
celles  tout  à  fait  du  haut  du  diluvium  gris.  Leurs  patines  te 
prouvent  d'une  manière  certaine.  Aussi  m'est-il  impossible 
de  voir  en  eux  le  résultat  d'une  transition  chronologicïue 
d'un  type  à  l'autre.  Il  y  a,  si  Ton  veut,  une  transition  d*unè 
forme  à  l'autre  ;  mais  c'est  une  transition  qui  a  eu  lieu  à 
tous  les  moments  de  l'époque  chelléenne  ou  acheuléenne.* 

M.  A.  de  Mortillet  vous  a  présenté  également  une  très 
jolie  pièce,  au  talon  de  laquelle  existe  une  large  surface 
plane  ;  il  vous  a  dit  que  cette  surface  était  évidemment  des- 
tinée à  être  prise  à  la  main.  Mais  je  suis  absolument  du  même 
avis  que  lui.  J'ai  eu  l'honneur  de  vous  soumettre,  l'autre 
jour,  plusieurs  silex  qui  offrent  exactement  la  même  dispo^ 
«ition.  Le  poignard,  sur  lequel  je  me  suis  permis  de  rappeler 
tout  à  l'heure  votre  attention,  est  muni  d'une  poignée  tout  à 


S32  SÉANCE  DU  7  AYRU  1887. 

fait  semblable  ;  je  Tai  prise  à  la  main  devant  vous.  Je  n'ai 
jamais  refusé  de  reconnaître  comme  points  d*appui  pour  la 
main  que  les  petits  plans,  véritablement  insignifiants,  du 
genre  de  ceux  que  je  vous  ai  fait  voir,  et  je  me  suis  servi  de 
l'importance  et  de  la  disposition  de  ceux  qui  constituent  de 
véritables  poignées,  pour  prouver  que  les  autres  ne  pou- 
vaient pas  avoir  la  même  destination.  Ces  derniers,  MM.  de 
Mortîllet  les  abandonneraient-ils?  J'aurais  alors  obtenu  le 
but  que  je  me  proposais  à  cet  égard. 

Que  les  pièces  très  fines,  très  délicates,  n'eussent  pas  pu, 
si  on  les  avait  emmanchées,  être  employées  comme  outils, 
en  raison  de  la  facilité  avec  laquelle  elles  se  seraient  brisées, 
je  suis  loin,  assurément,  de  prétendre  le  contraire.  Leur 
fragilité  relative  est  précisément  un  des  motifs  que  j*ai  fait 
valoir  contre  la  destination  de  silex  si  bien  taillés,  à  servir 
d'outils,  môme  d'outils  à  la  main. 

Les  ciseaux  à  tranchant  transversal  sont  loin  d'être  aussi 
rares,  à  Saint-Acheul  et  à  Ghelles,  que  le  croit  M.  A.  de  Mor- 
tillet.  Ils  sont  abondants  à  Thennes. 

Quant  aux  pièces  torses,  je  suis  convaincu  qu'elles  doivent 
leur  forme  à  la  façon  dont  les  silex  se  sont  éclatés  au  moment 
de  la  taille,  à  une  particularité  de  leur  cristallisation,  si  je 
peux  parler  ainsi,  et  non  pas  à  la  volonté  des  individus  qui 
les  ont  travaillées.  Malgré  la  grande  estime  dans  laquelle  je 
tiens  les  tailleurs  de  silex  de  Saint-Acheul  et  de  Ghelles,  je 
ne  les  crois  pas  capables  d'avoir  obtenu  intentionnellement 
de  semblables  résultats.  D'ailleurs,  pourquoi  auraient-iU 
essayé  d'y  parvenir  ?  Ce  n'aurait  pu  être  que  par  un  raffine- 
ment d'artiste.  Cette  forme  n'offrait  aucun  avantage  —  de 
même  qu'elle  ne  nuisait  en  rien  —  soit  qu'on  eût  voulu 
emmancher  les  silex  qui  l'affectaient,  soit  qu'on  s'en  fût  servi 
à  la  main.  Et,  à  propos  de  la  facilité  qu'elles  auraient  présentée 
dans  ce  dernier  cas,  suivant  M.  G.  de  Mortillet,  je  dois  faire 
remarquer  que,  contrairement  à  Topinion  de  ce  savant*,  les 

«  Le  Préhistoriquêj  p.  143, 


DISCUSSION  SUR  L*EllMA!fGHEMENT  DES  SILEX  TAIUÉ8.      233 

pièces  torses  n*ont  pas  moins  fréquemment  que  les  autres 
des  petits  points  restés  bruts. 

Je  pourrai  d'autant  plus  répéter  que  Temmanchement  de 
la  hache  australienne,  publié  par  M.  Hamy,  est  le  premier 
connu  en  ce  genre,  que  les  très  jolis  dessins  de  M.  A.  de 
Mortillet  ne  font  que  me  donner  raison  à  ce  sujet.  Les  haches 
qu'il  a  représentées  ne  sont  pas  en  amande.  Mais  cette  ques* 
tion  de  priorité  n'a  guère  d'intérêt  en  ce  moment,  ainsi  que 
je  l'ai  déjà  dit.  Que  les  haches  de  TAustralie  soient  généi^àle* 
ment  polies,  cela  ne  me  semble  pas  avoir  plus  d'importance. 
Ce  qui  en  a,  c'est  que  nous  connaissons  l'emmanchement 
d'une  hache  m  amande^  non  polie,  simplement  taillée  par 
éclats^  si  bien  qu'on  la  prendrait  assez  volontiers  pour  une 
hache  amygdaloïde  des  alluvions  de  la  Somme  ou  de  l'Oise*. 
M.  A.  de  Mortillet  me  dit  que  je  n'ai  pas  vu  cette  pièce  ;  mais 
il  ne  l'a  pas  vue,  lui  non  plus  ;  et,  en  admettant  que  la  gra- 
vure manque  un  peu  de  netteté,  le  texte  que  je  viens  de 
citer  ne  laisse  aucun^doute. 

Les  Australiens  de  l'Ouest  aiguisent  leurs  instruments  plutôt 
qu'ils  ne  les  polissent,  je  l'ai  déjà  fait  remarquer  également  ; 
ils  font  même  des  casse-tête  avec  des  éclats  de  roche,  ni 
polis,  ni  aiguisés,  ni  même  taillés,  qu'ils  enchâssent'dans  de 
la  gomme  ;  toute  leur  industrie  décèle  certainement  beau- 
coup moins  d'habileté  que  celle  de  Chelles  ou  de  Saint-Acheul. 
Je  ne  vois  donc  pas  pourquoi  les  habitants  primitifs  de  ces 
dernières  localités  n'auraient  pas  été  capables  de  faire  des 
emmanchements  semblables  à  celui  publié  par  M.  Hamy.  Un 
peu  de  résine,  ou,  à  son  défaut,  un  peu  de  mousse  ou  de  peau, 
il  faut  bien  que  je  le  redise,  protégerait  le  lien  de  bois  contre 
les  arêtes  des  haches  de  Chelles  ou  de  Saint-Acheul,  avec 
autant  d'efficacité,  ou  peu  s'en  faut,  que  contre  celles  des 
haches  non  polies  de  l'Australie. 

M.  G.  DE  Mortillet.  Je  demande  à  présenter  deux  courtes 
observations. 

>  HemA€  d^ ethnographie,  t.  V,  1886,  n«  4,  p.  836,  837. 


234  SÉANCE  DU   7   AVRIL   1887. 

M.  d'Acy  tire  des  conclusions  générales  de  quelques  silex 
déteclueux,  qui  ont  conservé  des  plats  sur  les  ti^ancliahts  où 
sur  la  pointe.  Mais  ce  sont  là  des  rebuts,  des  déchets  de  fa- 
brication sur  lesquels  on  ne  peut  pas  s'appuyer.  Il  ne  faut 
pas  perdre  de  vue  que,  dans  les  stations  de  l'âge  de  la  pierre; 
ce  sont  les  rejets  qui  abondent,  les  bons  échantillons  étaient 
emportés  et  utilisés.  Il  est  déjà  dangereux  de  tirer  d'impor- 
tantes conclusions  d'échantillons  parfaits  peu  nombreux  ; 
à  plus  forte  raison  doit-on  être  extrêmement  prudent, 
quand  il  s'agit  de  pièces  incomplètes,  inachevées  ou  man- 
quées. 

En  second  lieu,  M.  d'Acy  cite  toujours  associées  ensemble 
les  stations  de  Chelles  et  de  Saint-Acheul.  Mais  ces  stations 
ne  sont  pas  synchroniques.  Chelles  est  plus  ancien  et  plus 
pur  ;  Saint-Acheul  est  plus  récent  et  présente  déjà  des  carac- 
tères de  transition.  11  n'est  donc  pas  étonnant  qu*on  y  trouve 
des  échantillons  de  passage.  C'est  même  pour  cela  que  Saint- 
Acheul,  en  partie  d'après  les  belles  recherches  de  M.  d'Acy, 
a  été  abandonné  comme  station  type  ou  caractéristique  de 
la  première  époque  quaternaire. 

M.  Adrien  de  Mortillet.  M.  d'Acy  attache,  il  me  semble, 
beaucoup  trop  d'importance  à  la  patine  et  an  câlcin.  Ces  ca- 
ractères ont  fourni  aux  palethnologues  de  précieuses  indica- 
tions, mais  il  ne  faut  pas  leur  demander  plus  qu'ils  ne  peu- 
vent donner.  ' 

Les  mêmes  patines  se  retrouvent  souvent  sur  des  silex 
d'époques  très  différentes.  Quelle  que  soit  l'époque  à  laquelle 
ils  appartiennent,  les  silex  qui  ont  été  longtemps  exposés  à 
la  pluie,  à  l'air  et  à  la  lumière  prennent  une  patine  blanche. 
Ceux  qui  se  trouvent  dans  un  milieu  ferrugineux  se  couvrent 
à  la  longue  d'une  patine  qui  varie  du  jaune  au  rouge-brun. 
Ceux  qui  ont  été  en  contact  avec  du  peroxyde  de  manganèse 
ont  une  partie  noirâtre. 

Quant  au  calcin,  il  n'est  pas  forcément  chelléen.  Il  peut 
tout  aussi  bien  être  moustérien. 

M.  d'Acy.  Si  je  ne  me  trompe,  M.  G.  de  Mortillet  vient  de 


DISCUSSION  SUR  l'emmanchement   DES  SILEX   TAILLÉS.      23S! 

nous  dire  qu'il  était  tout  naturel  que  les  pièces  sur  lesquelles 
j'aitoutàTheure  appelé  de  nouveau  votre  attention,  eussent 
des  points  non  retaillés  sur  leur  pourtour  ;  que  c*étaient  des 
pièces  de  rebut,  et  que,  par  conséquent,  on  ne  pouvait  en 
tirer  aucun  renseignement. 

Je  vous  le  demande,  Messieurs,  cette  pointe  aux  contours 
symétriques,  à  Textrémité  amincie  avec  tant  de  régularité  et 
de  finesse,  peut-elle  être  considérée  comme  une  pièce  de 
rebut?  Et  ce  couperet,  bien  qu'il  soit  moins  finement  travaillé, 
j'en  conviens  —  comme  le  sont  en  général  les  outils  —  peut-il, 
avec  son  tranchant  à  la  courbe  régulière,  avec  son  large  dos 
façonné  de  manière  à  servir  de  poignée,  peut-il  être  pris 
pour  une  pièce  de  rebut?  Les  petits  points  non  retaillés  me 
paraissent  tout  à  fait  insuffisants  pour  légitimer  une  sem- 
blable accusation.  Si  cependant  elle  devait  prévaloir,  tous 
les  silex  qui  présentent  la  même  particularité  devraient  être 
compris  dans  la  même  réprobation;  et  alors,  que  devien- 
drait la  théorie  de  ces  points  bruts,  servant  d'appui  à  la 
paume  de  la  main,  ou  à  l'entre-deux  du  pouce  et  de  l'index? 

M.  G.  de  Mortillet  m'objecte  que  j'associe  toujours  Saint- 
Acheul  à  Chelles,  et  que  Saint- Acheul  est  un  gisement  d'une 
époque  plus  récente,  d'une  époque  de  transition. 

D*abord,  parmi  les  silex  moustériens  que  j'ai  eu  l'hon- 
neur de  présenter,  ceux  provenant  de  Chelles  tiennent  fort 
bien  leur  place.  Puis,  je  pourrais  ajouter  que  si  M.  de  Mor- 
tillet considère  aujourd'hui  la  station  de  Saint-Acheul  comme 
appartenant  à  une  époque  de  transition,  il  l'a  regardée  pen- 
dant longtemps  comme  offrant  le  type  de  la  plus  ancienne 
industrie  quaternaire.  Ce  n'est  que  lorsque  je  lui  ai  eu  mis 
sous  les  yeux  des  échantillons  moustériens  de  toutes  les 
formes,  associés,  du  haut  en  bas  des  couches,  aux  silex 
retaillés  sur  les  deux  faces,  ce  n'est  qu'alors  qu'il  s'est  aperça 
que  ces  alluvions  étaient  moins  vieilles  qu'il  ne  l'avait  pensé 
jusque-là;  et  qu'il  est  allé  chercher  eta  cru'trouver  à  Chelles 
un  gisement  pur  du  mélange  des  types  que,  je  ne  sais  pour- 
quoi, il  ne  croit  pas  avoir  été  usités  simultanément  par  les 


236  SÉANCE  DU  7   AVRIL  1887. 

premiers  habitants  de  nos  contrées.  J'ai  la  conviction  que, 
s*il  persiste  dans  ses  théories,  il  sera  tôt  ou  tard  obligé 
également  d'abandonner  cette  dernière  station  ;  et  je  me 
demande  où  s'arrêteront  ses  pérégrinations  à  la  recherche  do 
son  idéal. 

Maintenant,  je  répondrai  à  M.  A.  de  Mortillet  qu'il  nous  a 
parlé  des  patines  de  silex  provenant  d'endroits  différents, 
qu'il  a  même  été  en  chercher  dans  les  dépôts  des  cavernes; 
et  je  lui  ferai  remarquer  que  ces  rapprochements  sont  com- 
plètement en  dehors  de  la  question.  Je  n'ai  mis  en  parallèle 
que  les  patines  des  silex  qui  appartiennent  à  un  même  gise- 
ment, soit  à  celui  de  Saint-Acheul,  soit  à  celui  de  Ghelles.  Je 
maintiens  qu'elles  fournissent  des  renseignements  fort  inté- 
ressants sur  les  couches  dont  proviennent  les  silex  taillés 
dans  chacune  de  ces  stations  ;  et  je  suis  d'autant  plus  étonné 
que  M.  A.  de  Mortillet  conteste  ce  fait  pour  Saint-Acheul,  que 
M.  G.  de  Mortillet  a  dressé,  dans  le  Musée  de  Saint-Germain, 
un  tableau  des  superpositions  des  patines  de  cette  station, 
tout  à  fait  analogue  à  celui  dont  je  viens  d'entretenir  la 
Société  et  que  j'ai  présenté  au  Congrès  d'anthropologie  de 
1878.  Celui  de  M.  de  Mortillet  ne  diffère  du  mien  que  par 
quelques  détails  sans  importance  pour  la  question  qui  nous 
occupe;  le  fond  et  l'ensemble  de  la  classification  sont  les 
mêmes  dans  tous  les  deux. 

M.  A.  de  Mortillet  a  dessiné  une  coupe  des  alluvions  de 
Chelles,  et  a  expliqué  qu'il  y  a  dans  ces  alluvions  du  calcin 
à  différents  niveaux.  Il  y  aurait  plusieurs  observations  à  pré- 
sentera ce  sujet;  mais,  pour  le  moment,  ilme  suffira  de  faire 
remarquer  que  je  ne  me  suis  nullement  appuyé  sur  la  pré- 
sence ou  sur  l'absence  du  calcin  dans  telle  ou  telle  couche,  et 
que  je  n'ai  guère  nommé  le  calcin  que  pour  dire  que  c'était 
ainsi  que  les  ouvriers  appelaient  les  alluvions  inférieures. 
C'est  du  pseudo-diluvium  rouge  et  non  du  calcin  que  je  me  suis 
occupé. 

Quant  aux  outils  et  aux  armes  des  sauvages,  je  m'en  rap- 
porte aux  récits,  aux  dessins  des  voyageurs.  Ils  nous  mon- 


D.  CHARNAT.  —  MONNAIE    DE   CUIVRE  EN  AMÉRIQUE.        237 

trent  ces  peuplades  bien  plus  fournies  d^armes  que  d'outils  ; 
toujours  occupées  de  la  chasse; ou,  sans  parler  des  querelles 
particulières,  continuellement  en  guerre  les  unes  contre  les 
autres.  Pour  que  ce  fléau  de  la  guerre  sévisse,  il  n*est  nulle- 
ment nécessaire  qu*il  y  ait  de  grandes  migrations,  ni  que  la 
population  soit  très  dense.  D'ailleurs,  d*après  le  nombre 
énorme  des  silex  taillés  que  Ton  a  recueillis  et  que  Ton 
recueille  tous  les  jours,  et  auxquels  il  faudrait  encore  ajouter 
tous  ceux  qui  n'ont  pas  attiré  ou  qui  n'attirent  pas  l'atten- 
tion, nos  régions  devaient  être  très  habitées,  à  l'époque  où  se 
sont  formées  les  alluvions  de  Ghelles  et  de  Saint- Àcheul. 

COniMUNlGATIONS* 
■omaia  de  enivro  es  Amérique  atabI  1a  eonquétei 

PAR  M.    nisiKà  CHARNAT. 

Toute  personne  qui  s'est  occupée  des  civilisations  améri- 
caines sait  pertinemment  que  les  Indiens  connaissaient  le 
cuivre,  en  exploitaient  les  mines,  le  fondaient  et  le  travail- 
laient comme  l'or  et  l'argent. 

Le  cuivre  était  exploité  au  Chili^  dans  le  Ghihuahua,  dans 
le  Nouveau-Mexique  et  dans  l'Etat  de  Guerrero.  Avant  la 
conquête,  les  peuples  tiraient  le  plomb  et  l'étain  des  mines 
de  Tasco  ;  mais  le  cuivre  était  le  métal  le  plus  communément 
employé  dans  les  arts  mécaniques.  Pour  les  Indiens,  il  rem- 
plaçait le  fer  et  l'acier. 

Les  armes,  haches,  ciseaux,  coa,  espèce  de  bêche,  étaient 
faits  du  cuivre  extrait  des  montagnes  de  Zaccatollan.  On  n'a, 
du  reste,  qu'à  s'en  rapporter  aux  lettres  de  Gortez  à  Gharles- 
Quint,  au  sujet  des  tributs  que  payaient  les  peuples  soumis 
aux  rois  mexicains  avant  la  destruction  de  l'empire.  Gertains 
villages  devaient  payer,  outre  d'autres  impôts,  cent  haches 
de  cuivre,  d'autres  quatre-vingts  et  quarante  lingots  du  môme 
métal,  et  ce  tribut  se  renouvelait  tous  les  quatre-vingts 
jours. 


238  SÉANCE  DU  1   AVRIL  1887. 

L'abondance  dés  haches  de  ce  métal  est  indiscutable,  et 
Bernai  Diaz  nous  raconté  que,  lors  de  sa  seconde  expédition 
avec  Griyalva,  les  habitants  du  Goatzacoalco  apportèrent  aux 
Espagnols  des  haches  de  cuivre  très  brillantes,  à  la  manière 
d'armes  d'apparat,  avec  des  manches  de  bbis  bariolés  de 
peintures.  «  Nous  crûmes,  dit-il,  qu'elles  étaient  en  or  mé- 
langé, et  j'affirme  qu'en  trois  jours  nous  en  amassâmes  plus 
de  six  cents*.  »  C'étaient  probablement  les  haches  dont  j'ai 
l'honneur  de  vous  présenter  un  exemplaire,  et  qui  diffèrent  es-, 
sentiellement  de  celles  que  je  vous  présenterai  tout  à  l'heure. 
Celle-ci  vient  de  l'Etat  de  Guerrero. 

Mais  voici  la  preuve  toute  moderne  de  l'exploitation  di- 
recte du  métal  parles  Indiens.  «  Au  mois  de  septembre  1873, 
en  pratiquant  une  reconnaissance  dans  la  montagne  del 
Aguila,  Etat  de  Guerrero,  au  milieu  de  la  veine  de  cuivre  qui 
existe  en  cet  endroit,  un  travailleur  vit  sa  barre  de  fer  dispa- 
raître tout  à  coup;  en  examinant  la  cause  de  cet  accident,  on 
découvrit  une  excavation  de  3"*, 50  de  long  et  de  1",S0  de 
profondeur  sur  une  largeur  de  plus  de  1  mètre,  au  fond  de 
laquelle  se  trouvait  une  riche  veine  de  cuivre  de  10  centi- 
mètres d'épaisseur. 

((  L'ingénieur  Felipe  Larrainzar  examina  la  concavité  avec 
soin  et  s'aperçut  bientôt  qu'il  n'y  avait  trace  de  fer  ni  de 
poudre,  mais  que  les  murailles  et  le  fond  présentaient  des 
traces  de  feu.  H  s'aperçut,  en  outre,  que  le  métal  et  la  roche 
qui  l'entourait  étaient  brisés  et  fondus  en  diverses  parties. 
Tout  d'abord,  on  ne  découvrit  aucun  instrument ,  mais,  en 
examinant  avec  soin  les  décombres,  on  trouva  cent  quarante- 
deux  masses  de  pierre  de  grosseurs  diverses,  en  forme  de 
marteaux  et  de  coins,  dont  les  extrémités  étaient  usées  et 
brisées.  Ces  pierres  n'appartenaient  à  aucune  des  roches 
constitutives  de  la  montagne.  Les  investigations  rie  laissèrent 
aucun  doute;  on  se  trouvait  en  face  d'une  veine  de  cuivre 
exploitée  par  les  anciennes  races  indigènes.  Le  procédé  d*ex- 

1  Bernai  Diaz  del  Castillo,  liv.  !•%  chap.  xvi. 


D.  CflARNAY.  —  MONNAIE  DE  CUIVRE  EN  AMÉRIQUE.        239 

traction  devint  évident;  on  chauffait  la  roche,  on  la  laissait 
refroidir  lentement,  ou  bien  oh  Taspergeait  d*eau  pour  accé- 
lérer l'opération.  Le  métal  et  la  gangue  éclataient,  offrant 
des  interstices  dans  lesquels  les  coins  avaient  prise;  puis,*  au 
moyen  de  masses,  on  séparait  des  morceaux  de  métal  plus 
ou  mçjins  considérables  *.  » 

Voilà  pour  le  cuivre  et  les  haches  ;  arrivons  à  la  mon- 
naie. 

Dupaix,  dans  son  exploration  des  ruines  de  Mitla,  ren- 
contra des  objets  semblables  à  ceux  que  j'ai  l'honneur  de  vous 
présenter;  le  capitaine  Galindo  en  avait  précédemment  dé- 
couvert, et,  moi-même,  j'en  rapportai  quelques-uns.  Mais 
Dupaix  prétendit  que  c'était  une  monnaie  et  non  pas  des 
outils. 

U  est  facile,  en  examinant  ceux-ci,  leur  peu  d'épaisseur, 
leurs  formes  et  leurs  dimensions  diverses,  il  est  facile  de  se 
convaincre  que  ce  ne  sont  point  là  des  haches,  et  que  Dupaix 
avait  raison,  en  avançant  que  ce  pourrait  bien  être  une  mon- 
naie, et  ce  qui  rendit  son  assertion  probable,  ce  fut  la  dé- 
couverte que  fît  peu  après  un  Indien  du  bourg  de  Zochoxo- 
cotlan,  à  une  demi-lieue  d'Oaxaca,  d'un  pot  de  terre  contenant 
vingt-trois  douzaines  de  ces  instruments,  tons  très  peu  diffé- 
rents les  uns  des  autres  en  largeur  et  en  épaisseur.  Les  In- 
diens d'alors  enfouissaient  donc  leurs  petits  trésors  dans  la 
terre,  comme  le  faisaient  nos  paysans  pendant  les  guerres 
civiles.  De  plus,  ces  objets  représentent  bien  la  monnaie 
dont  parle  Torquemada,  quand  il  dit  :  «  Dans  d'autres  par- 
ties, les  Indiens  se  servaient  beaucoup  de  monnaie  de  cuivre 
en  forme  de  tau,  de  trois  à  quatre  doigts  de  large,  et  c'étaient 
comme  des  planchettes  plus  ou  moins  minces  et  dont  le 
métal  contenait  de  l'or  '.  » 

C'était  bieii  la  forme  et  les  dimensions  des  pièces  que 
voici. 


*  Annales  del  museo  de  Mexico,  l.  !«',  arlicle  de  don  Jésus  Sauclicz. 
«  Torquemada,  Monarquia  indiana,  t.  II,  p.  560. 


tlO  s6angb  du  7  AVRIL  1887. 

Nous  pouvons  encore  ajouter  une  citation  dlxtlilxochitl, 
qui,  dans  sa  quatrième  relation,  nous  dit  que  les  Toltecs  se 
servaient  de  monnaies  de  cuivre,  longues  de  deux  doigts  et 
larges  d'un,  en  forme  de  petites  haches  de  l'épaisseur  d*un 
réal. 

Quant  à  Clavigero,  dansTénumération  qu'il  nous  donne  des 
différents  objets  servant  d'échange  à  Mexico  :  a  Celui  qui  se 
rapprochait  le  plus  de  la  monnaie  frappée,  c'était,  dit-iï,  des 
morceaux  de  cuivre  coupés  en  forme  de  tau,  qui  ne  servaient 
que  pour  les  transactions  de  peu  de  valeur*.  » 

On  pourrait  donc  affirmer  que  nous  avons  sous  les  yeux 
des  échantillons  d'une  monnaie  américaine  en  cuivre,  et  cela 
devient  plus  que  probable  en  examinant  la  série  de  ces  ob- 
jets, qui,  par  leur  légèreté,  leur  peu  d'épaisseur,  leurs  di- 
mensions diverses  indiquant  des  valeurs  différentes,  les  plus 
petites  ayant  à  peine  4  centimètres  sur  3  millimètres,  ex- 
cluent toute  idée  d'armes  de  guerre;  ils  n'offrent  même  pas, 
en  général,  trace  d'usure  indiquant  qu'ils  aient  pu  servir 
d'outils. 

Les  différentes  pièces  que  voici  ont  été  découvertes  dans 
le  district  d'Kjutla,  près  de  la  ville  d'Oaxaca  et  non  loin  de 
l'emplacement  où  avaient  été  trouvées  celles  dont  Dupaix 
nous  parle  dans  sa  relation. 

J'ajouterai,  pour  terminer,  que  les  Péruviens  devaient  em- 
ployer le  cuivre  dans  le  même  but,  car  nous  trouvons  au  cou 
d'une  momie  péruvienne,  au  Trocadéro,  un  instrument  ab^ 
solument  semblable,  comme  dimension  et  comme  forme,  à 
quatre  de  ceux  que  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  présenter. 

Discussion. 

M.  MoKDiÈRfi  ne  nie  pas  que  ces  objets  ne  soient  des  mon- 
naies, mais  il  est  frappé  de  leur  ressemblance  avec  certains 

i  F.-G.  Clavigero,  HUloria  anligua  de  Mexico  y  de  su  conquittaf  vol.  I«r, 
228. 


p.  228 


DOUTREBENTE   ET  MANOITVRIER.  —  IDIOTE  MlCUOCfc:PllALE.    241 

six  attaques  d'épilepsie  par  semaine,  dont  deux  ou  trois 
instruments  employés  aujourd'hui  par  les  corroyeurs  et  les 
bourreliers. 

M.  Gharnay  répond  que  ce  ne  peut  être  là  qu'une  simple 
coïncidence. 

M.  A.  DE  MoRTiLLKT  dit  que  des  haches  en  cuivre  assez 
semblables,  mais  plus  petites  et  plus  lourdes^  ont  dû  égale- 
ment servir  de  monnaie  en  Europe  dans  les  temps  protohis- 
toriques. 

M.  Gharnat  répond  qu'il  a  trouvé  également  des  monnaies 
plus  petites. 

M.  DE  Nadaillac  fait  observer  que  les  monnaies  présentées 
par  M.  Gharnay  rappellent,  par  leur  forme,  des  valeurs  en 
argent  trouvées  par  M.  Schliemann  dans  les  ruines  de  Troie. 
M.  GuBRViN  demande  si  Ton  ne  pourrait  pas  voir  dans  les 
pièces  présentées  par  M,  Gharnay  des  ornements,  des  pen- 
dentifs. 
M.  Gdarnay  n'accepte  point  cette  manière  de  voir. 
M.  A.  DE  MoRTiLLET  dit  qu'il  existe  des  objets  présentant 
une  forme  analogue  qui  sont  emmanchés  et  qui,  par  consé- 
quent, doivent  être  des  outils. 

Etude  d*ane  idiote  mieroeépliaie  (Nini,  morte  A  S5  mis); 

PAR  MM.    DOUTREBENTE  ET   MANOUVRIER. 

OBSERVATIONS  FAITES  SUR   LE   SUJET  VIVANT  ^. 

Pauline- Amélie  Nie...,  dite  Nini,  est  entrée  à  Tasile  des 
aliénés  de  Blois  en  1870,  venant  de  la  Salpêtrière.  Son  dossier 
ne  renferme  aucun  renseignement  sur  sa  famille  et  ses  anté- 
cédents. 

Gelte  femme  était  idiote  et  épileptique.  Elle  avait  cinq  ou 

*  L'ohservalion  médicale  et  les  mesures  sur  le  cadavre  frais  ont  été  prises 
par  le  docteur  DoulrcbeiUe,  qui  a  fait  doo  du  cr&ne  et  du  cerveau  au  musée 
Broca. 

T.  X  (3«  SéRIE).  IG 


342  SÉANCE  DU  7  AVRIL  1887. 

grandes  attaques  et  denx  on  trois  attaques  dites  internes, 
sans  tétanisme  ou  convulsions,  pendant  lesquelles  elle  cou« 
rail,  criait,  mais  ne  tombait  pas.  Les  cris  étaient  effrayants  et 
se  reproduisaient  toujours  semblables  à  chaque  crise. 

Nini  était  gâteuse  de  jour  et  de  nuit^  quand  on  n'y  veillait 
pas.  Généralement  douée  d'un  appétit  vorace,  elle  aurait 
mangé  sa  soupe  bouillante  sans  aucune  précaution.  Elle 
n'avait  plus  de  dents  dès  son  arrivée  à  Blois.  11  fallait  sur- 
veiller Talimentation  et  la  déglutition.  Plusieurs  fois  elle  a 
failli  s'asphyxier,  car  elle  s'emparait  des  vivres  de  ses  cama- 
rades et  les  avalait  gloutonnement. 

Elle  ne  parlait  pas  spontanément,  mais  elle  répétait  ce 
qu'on  lui  disait  {écholalîe).  Si,  par  exemple,  on  disait  :  «  Nini 
pas  sage,  Nini  a  gâté  »,  elle  répétait  immédiatement  :  «  Nini 
pas  sage,  Nini  a  gâté  ».  Quand  on  disait  :  «Nini  a  gagné  le 
fouet»,  elle  répétait  :  «Nini  a  gagné  le  fouet»  ;  puis  elle 
relevait  ses  jupes  et  se  donnait  le  fouet,  ou  bien  elle  se  firap- 
pait  par-dessus  ses  vêtements. 

Elle  dansait  parfois  toute  seule  quand  elle  entendait  de  la 
musique  et  chantait,  fort  mal  d'ailleurs,  un  tralala  insigni- 
fiant. La  danse  était  autrefois  provoquée  par  les  mots  : 
a  Nini  va  danser.  »  Elle  répétait  ces  paroles  et  dansait. 

Elle  aimait  la  toilette  et  disait  en  souriant  :  «Nini  belle  »  ; 
mais  à  la  condition  qu'on  lui  eût  dit  :  «Nini  belle. »  Un 
bonnet,  un  simple  fichu,  un  colifichet  quelconque  suffisaient 
pour  lui  faire  plaisir. 

Elle  n'a  jamais  donné  signe  de  sentiments  affectifs  ou  de 
préférence  pour  quelqu'un.  Mais  elle  n'était  pas  méchante  et 
était  très  aimée  des  religieuses  et  gardiennes. 

Nous  avons  fait  sur  cette  idiote,  en  1884,  pendant  le  con- 
grès de  TAssociation  française,  quelques  observations  an- 
thropométriques au  moyen  d'une  toise  improvisée. 

Taille in>,360 

Hauteur  du  conduit  auditif  au-dessus  du  sol. ...  1  ,242 

—  de  l'acroroioD •. 1,106 

—  de  la  fourchette  stcrualo 1  ,115 


DOUTREBENTE   ET   MANOUVRIER.  —  IDIOTE  MICROCÉPUALE.    243 

Les  mesures  suivantes  ont  été  prises  avec  un  ruban  mé- 
trique : 

Distance  de  racromion  à  Tépicondyle 0*^240 

—  de  l'épicondyle  à  l'apophyse  slylolde  du 

radius 0  ,200 

—  de  Tapophyse  stylolde  au  bout  du  mé- 

dius      0  ,166 

On  trouvera  plus  loin  les  mesures  de  la  tête  correctement 
prises  et  comparées  à  celles  du  crâne  sec. 

Bien  que  les  dents  eussent  complètement  disparu  depuis 
longtemps,  ainsi  que  les  alvéoles,  et  que  les  gencives  eussent 
des  bords  lisses  comme  chez  un  jeune  enfant,  le  menton  n^étcût 
point  rapproché  du  nez,  comme  il  arrive  d'ordinaire  en  pa- 
reil cas.  Sur  le  crâne  sec  cependant,  les  bords  libres  des  deux 
maxillaires  sur  la  ligne  médiane  doivent  être  écartés  de 
20  millimètres  pour  que  la  mandibule  ait  sa  direction 
normale. 

L*embonpoint  était  médiocre.  La  conformation  générale 
du  corps  paraissait  exempte  d'anomalies,  quant  aux  formes 
extérieures.  Nous  relevâmes,  toutefois,  les  particularités  sui- 
vantes : 

Les  seins  étaient  très  petits,  mais  les  mamelons  étaient 
très  gros  et  très  longs.  L*un  mesurait  13  millimètres  et 
l'autre  10. 

Le  pavillon  de  chaque  oreille  ne  s'élevait  pas  an-dessus  de 
son  point  d*attache  supérieur.  Il  se  dirigeait  horizontalement 
à  partir  de  ce  point. 

Le  nez  était  fort  et  aquilin. 

Les  notes  qui  précèdent  ont  été  déjà  publiées  dans  un  tra- 
vail lu  au  congrès  de  Blois*. 

*  Doutrebente  et  Maoouvrier,  Soles  sur  quelques  idiotes  ou  imbécHeSf  re^ 
cueillies  à  Vasile  de  Blois  {Comples  rendus  de  V Association  française ^  1884, 
p.  407-411). 


2i-4  SÉANCE  DU  7   AVRIL  1887. 

OBSERVATIONS  FAITES  SUR  LE  CADAVRE. 

La  mort  a  été  causée  par  une  maladie  aiguë  ordinaire* 

Les  mesures  suivantes  ont  été  prises  sur  la  table  d*au- 
topsie  : 

Taille  =  1»,445. 

Grande  envergure  =  1*,390. 

Distance  entre  les  épines  iliaques  antérieures  et  supérieures 
=  0»,230. 

On  peut  remarquer  que  la  longueur  du  corps  a  été  trouvée 
moindre  de  8  centimètres  sur  le  sujet  vivant.  Cette  dififérence 
tient  sans  doute,  en  grande  partie,  à  rallongement  que  subit 
ordinairement  la  taille  après  la  mort.  En  partageant  la  diffé- 
rence en  deux,  on  obtient,  comme  taille  probable,  1",40.  On 
peut  donc  dire  que  la  grande  envergure  était  relativement 
courte. 

Les  hémisphères  cérébraux,  étalés  à  l'état  frais  sur  le 
marbre,  avaient  les  dimensions  suivantes: 

Diamètre  antépo-postérieur  maximum.. 145 «n" 

—        verlical  temporo-pariétal  maximum..       85 

La  dure  mère  était  très  épaissie  et  opaque. 
*^  •  Il  est  intéressant  de  comparer  ces  dimensions  à  celles  de 
Tintérieur  du  crâne,  afin  de  juger  de  l'aplatissement  du  cer- 
veau lorsque  celui-ci  est  retiré  de  son  enveloppe  osseuse.  Or, 
le  diamètre  antéro-postérieur  et  interne  maximum  du  crâne 
=  13p  millimètres.  Le  cerveau  s'est  ^donc  allongé,  au  sortir 
du  crâne,  de  i5  millimètres.  Les  deux  mesures  sont  entre 
elles  comme  1M,11.  Pour  l'idiot  Pinon,  dont  nous  avons 
publié  l'observation  il  y  a  trois  ans  ',  ce  même  rapport  était 

i:i,i4. 

Les  pesccs  encéphaliques  ont  donné  les  résultats  suivants  : 

Poi  !s.  lolal  de  rencéplialo 609  gp. 

—  de  l'hémisplièro  gauche 237 

de  l'hémisphère  dpoit 238 

~      du  cervelet 118 

—  de  la  piolubéraDce  et  du  bulbe 16 

1  Dtdletins  de  la  Soc.  (Vanlhrop,  de  PariSf  1884,  p.  754. 


DOUTREBENTE  ET  MANOUYBIER.  —  IDIOTE  SnCROCÉPHALE.     245 

La  capacité  crânienne,  mesurée  par  le  procédé  Broca, 
=  708  centimètres  cubes.  En  multipliant  ce  nombre  par  0.87, 
Téquivalent  pondéral  moyen  de  la  capacité  du  crâne  \  on 
obtient  comme  poids  de  Tencéphale  616  grammes,  chiffre 
très  voisin,  on  le  voit,  de  celui  qui  a  été  fourni  directement 
par  la  balance. 

Le  fait  le  plus  remarquable  à  relever  ici,  après  la  petitesse 
de  l'encéphale,  c*est  le  poids  relativement  énorme  du  cerve- 
let, qui  est  au  poids  des  hémisphères  cérébraux  :  124.8  :  100. 

L'encéphale  est  aujourd'hui  très  altéré  dans  sa  forme  gé- 
nérale et  ratatiné  par  suite  d*un  séjour  trop  prolongé  dans 
Talcool.  En  cet  état,  les  poids  qui  précèdent  sont  devenus  : 

Hémisphère  gauche 50  gr. 

—         droit 49 

Cervelet 21 

Bulbe  et  protubérance *.      3,5 

Le  poids  relatif  du  cervelet  est  passé  de  24.8  à  2i  .2. 

C'est  dans  cet  état  que  nous  avons  pu  étudier  les  circon- 
volutions cérébrales,  dont  la  momification  a  pu  altérer  le 
volume  et  certains  détails  morphologiques,  mais  non  le 
nombre  et  la  disposition.  L'altération  principale  consiste 
dans  la  disparition,  par  aplatissement,  des  faces  supérieure, 
inférieure,  antérieure  et  postérieure  des  hémisphères  ;  mais 
ces  différentes  faces  se  sont,  par  là  même,  confondues  avec 
les  faces  latérales,  de  telle  sorte  que  les  dessins  ci-après  re- 
présentent tous  les  plis  cérébraux  dans  toute  leur  longueur, 
à  Texception  des  plis  orbitaires  qui,  du  reste,  ne  présentent 
rien  de  particulier.  Il  résulte  de  la  momification  très  regret- 
table de  ce  cerveau  que  sa  simplicité  schématique  ne  paraît 
pas  aussi  grande,  sur  les  figures  ci-jointes,  qu'elle  l'est  en 
réalité,  puisque  toutes  les  circonvolutions  apparaissent  pro- 
jetées sur  un  même  plan.  Ainsi,  la  figure  1,  qui  représente  la 
face  externe  de  l'hémisphère  droit,  montre  la  première  cir- 

>  L.  Manouvrier,  Recherchés  sur  l'interprétation  de  la  quantité  dans  Ven» 
cépha'e  {Mémoires  delà  Soc»  d'anihrop.,  2*  série,  1. 111). 


346  SÉANCB  DU  7  AVRIL  1887. 

convolution  frontale  aussi  complètement  qu'on  la  verrait  de 
face  sur  un  cerveau  frais.  Les  sillons  ont  pu  subir  dans  leur 
largeur  quelques  altérations,  dont  il  faut  également  tenir 
compte.  Aussi  ne  décrirons-nous  le  cerveau  de  Nini  qu'à 
grands  traits,  afin  d'éviter  tout  détail  plus  ou  moins  factice. 
La  forme  générale  du  cerveau  sera  décrite  après  les  circon- 
volutions, parce  qu'elle  ne  peut  être  appréciée  que  par 
rétude  craniologique. 

I.   SCISSURES  ET  SILLONS. 

1.  Scissure  de  Sylvius.  —  A  droite,  presque  horizontale, 
largement  béante  ;  mais  ce  caractère  peut  être  dû  en  grande 


Fio,  1.  Nini.  Hémisphère  droit,  fao«  exterae. 

partie  à  la  dessiccation  et  à  l'aplatissement.  Aucune  randfi- 
cation  à  son  extrémité.  Branche  ascendante  de  Broca  courte 
et  large.  Pas  de  branche  antérieure  visible. 

A  gauche,  la  scissure  de  Sylvius  est  plus  oblique  et  pré- 
sente à  son  extrémité  une  ramification  dessinée  sur  la  figure 
ci-jointe,  mais  qui  pourrait  résulter  simplement  d'un  fendil- 
lement par  dessiccation.  Pas  de  branche  antérieure  visible. 

2.  Scissure  de  Rolando,  —  A  droite,  presque  rectiligne. 
Présente,  à  gauche,  un  coude  à  peine  marqué  vers  la  partie 
moyenne. 


DOUTREBENTE  ET  MANOUVRIBR.  —  IDIOTE  MICROCÉPHALE.     247 

3.  Sillon  prérolandique.  —  Représenté  à  gauche  par  une 
simple  incisure. 

4»  Premier  sillon' frontal.  —  A  droite,  presque  rectiligne. 
Interrompu  par  un  seul  pli  de  passage  à  la  partie  antérieure. 

A  gauche,  un  peu  plus  ondulé.  Interrompu  aussi  en  avant 
par  un  pli  de  passage  venant  de  la  troisième  circonvolution 
frontale. 

5.  Deuxième  sillon  frontal.  —  A  droite,  très  court  et  très 
simple,  il  prend  naissance  entre  la  scissure  de  Sylvius  et  la 
scissure  de  Rolando  et  décrit  une  courbe  très  prononcée  à 
concavité  inférieure.  Il  se  termine  devant  un  pli  de  passage 
large  et  superficiel. 

A  gauche,  plus  simple  et  plus  court  qu'à  droite.  Même 
disposition.  Décrit  une  courbe  plus  arrondie  présentant  en 
avant  et  en  arrière  deux  ramifications  plus  longues  que  celles 
de  droite. 

6.  Sillon  postrolandique.  —  Représenté  seulement  à 
gauche  par  une  simple  Incisure  superficielle. 

7.  Sillon  pariétal.  —  A  gauche,  il  se  continue  sans  inter- 
ruption avec  le  premier  sillon  temporal. 

8.  Premier  sillon  temporal.  —  A  droite,  deux  inflexions 
assez  marquées. 

A  gauche,  les  mêmes  inflexions  à  peine  sensibles.  Se  con- 
tinue sans  interruption  avec  le  sillon  pariétal. 

9  et  <0.  Deuxième  et  troisième  sillon  temporal.  —  Diffi- 
ciles à  suivre  à  cause  de  Taplatissement  du  cerveau. 

i\.  QuattHème  sillon  temporal.  —  A  droite,  presque  recti- 
ligne, il  s'étend  jusqu'au  pôle  occipital.  11  est  seulement  in- 
terrompu vers  sa  partie  moyenne  par  un  pli  de  passage. 

A  gauche,  même  disposition,  si  ce  n'est  qu'il  existe  un  coude 
très  prononcé  vers  l'extrémité  occipitale.  Un  pli  de  passage 
très  mince  en  avant. 

42.  Seissîire  occipitale.  —  La  direction  des  scissures  et 
lillone  du  lobe  occipital  peut  être  suspecte  d'altération, 
comme  eelle  des  deuxième  et  troisième  sillons  temporaux. 

13.  Semtire  sê^is- frontale,  —  Interrompue  à  droite  et  à 


248  8ÉANCB  DU  7   AVRIL  i8o7. 

gauche  par  deux  plis  de  passage  superficiels  en  avant  du 
lobule  ovalaire.  Des  deux  côtés,  le  sillon  sous-pariétal,  qui 
fait  suite  en  arrière  à  cette  scissure,  est  très  rudimentaire^ 
surtout  à  gauche,  oii  il  n'émet  aucune  branche. 

IL   CIRCONVOLUTIONS. 

A.  Lobe  frontal  droiL 

La  première  circonvolution  frontale  présente  une  racine  su- 
périeure superficielle.  Elle  est  simple,  rectiligne,  et  présente 
seulement  sur  son  trajet  trois  ou  quatre  fossettes. 

La  deuxième  circonvolution  frontale  naît  d'une  racine  issue 
de  la  partie  moyenne  de  la  frontale  ascendante.  Elle  est 
également  simple,  avec  quelques  fossettes  seulement.  Elle  se 
divise  en  avant  en  trois  plis  :  un  supérieur,  qui  va  rejoindre 
la  première  circonvolution  frontale;  un  inférieur,  qui  se  joint 
à  la  troisième  circonvolution  frontale,  et  un  moyen,  de  même 
volume  que  les  deux  autres  et  qui  constitue  sa  portion  orbi' 
taire. 

La  troisième  circonvolution  frontale ^  très  simple,  ne  présente 
qu'une  seule  courbure  à  convexité  supérieure  très  accentuée. 
Elle  ne  présente  point  de  cap  distinct  par  suite  de  l'absence 
de  la  branche  antérieure  de  la  scissure  de  Sylvius.  En  avant 
du  pli  de  passage  superficiel  qui  Tunit  à  la  deuxième  circon- 
volution, elle  n'a  plus  qu'une  individualité  douteuse,  si  l'on 
peut  ainsi  dire,  car  elle  peut  être  considérée  alors  comme 
une  dépendance  de  la  deuxième  circonvolution. 

A'.  Lobo  frontal  gauche. 

11  diffère  du  lobe  droit  en  ce  que  les  trois  circonvolutions 
viennent  aboutir  à  un  large  sillon  transversal,  qui  détache 
complètement  la  portion  orbitaire  du  lobe  frontal,  sauf  à 
l'extrémité  supérieure  et  à  Tinférieure,  où  la  première  cir- 
convolution frontale  et  la  troisième  franchissent  ce  sillon.  La 
deuxième  circonvolution  frontale  le  franchit  cependant  par 
un  pli  un  peu  caché,  de  sorte  qu'on  peut  décrire  cette  circon- 


DOUTREBENTE  ET  MANOUVRIER.  —  IDIOTE  MICROCÉPHALE.     Î49 

volution  comme  divisée,  à  l'instar  de  son  homologue  du  côté 
droit,  en  trois  plis  antérieurs  :  un  pli  de  passage  joignant  la 
première  circonvolution  frontale,  un  pli  inférieur  joignant  la 
troisième  circonvolution  frontale,  et  un  pli  moyen,  plus  mince , 
constituant  une  communication  moyenne  avec  la  portion  or- 
bitaire  du  lobe  frontal. 


Fio.  2.  Nini.  Hémisphère  gauche,  face  externe. 

La  troisième  circonvolution  frontale  gauche  présente  la  même 
simplicité  et  la  même  disposition  que  son  homologue  de 
droite.  Plusieurs  anatomistes  des  plus  compétents,  à  qui 
nous  avons  montré  le  cerveau  de  Nini^  l'ont  considérée 
comme  une  dépendance  de  la  deuxième  circonvolution  fron- 
tale, dont  elle  ne  serait  que  le  pli  inférieur.  Mais  nous  ne 
pouvons  partager  cette  manière  de  voir,  appuyée  principa- 
lement sur  le  fait  que  la  deuxième  circonvolution  frontale 
est  ordinairement  double,  tandis  quHci  elle  serait  simple. 
Nous  ferons  observer,  en  effet,  que  le  dédoublement  habi- 
tuel de  la  deuxième  circonvolution  frontale  est  en  somme 
une  complication  qui,  pour  être  normale  sur  les  cerveaux  or- 
dinaires, n*en  serait  pas  moins  étrange  sur  un  cerveau  dont 
toutes  les  autres  circonvolutions  sontd*une  simplicité  poussée 
à  l'extrême,  mais  dont  le  type  est  cependant  parfaitement  hu- 
main. On  peut  remarquer,  en  second  lieu,  que,  sur  le  cerveau 


250  SÉANCE  DU  7  ATEa  1887. 

de  Nini,  la  prédominance  ordinaire  de  la  deuxième  circonvo* 
lution  frontale  existe  encore  en  l'absence  de  son  dédouble- 
ment, car  elle  est  notablement  plus  large  que  les  deux  autres 


C^    Fio^.  3.  —  Nini.  Hémisphère  droit,  face  interne. 

et  présente  plusieurs  incisures  qui  peuvent  être  considérées 
comme  un  rudiment  de  sillon  de  dédoublement.  Enfin,  nous 


Fia.  4.  —  Nini.  Hémisphère  gauohe,  faoe  ioleme. 

avons  à  invoquer,  à  l'appui  de  notre  manière  de  voir,  un  fait 
physiologique  :  c'est  que  Nini,  bien  qu'elle  ne  parlât  point 
spontanément,  possédait  la  fonction  de  la  troisième  circon- 
volution frontale  gauche,  car  elle  pouvait  répéter  les  mots  et 
les  phrases  qu'elle  entendait. 


DOUTREBENTE  ET  MANOUYBIER.   —  IDIOTB  MICROCÉPHALE.     251 

La  circonvolution  frontale  ascendante  est  à  peu  près  com- 
plètement rectiligne,  surtout  à  droite.  Elle  est  mince  des  deux 
eûtes,  surtout  à  droite. 

H.  Lobe  pariétal. 

1.  La  circonvolution  panétale  ascendante  est  plus  mince  et 
plus  rectiligne  à  droite  qu'à  gauche. 

Les  circonvolutions  pariétales  sont  peut-être  les  plus  remar- 
quables de  toutes  par  leur  petitesse  et  leur  simplicité. 

C.  Lobes  occipital  et  temporal. 

Nous  ne  décrirons  point  minutieusement  ces  deux  lobes 
dont  la  description  classique  nous  pareiît  être  quelque  peu 
arbitraire  sur  certains  points.  Nous  dirons  seulement  que  ces 
parties  sont  certainement  celles  qui  sont  le  moins  altérées 
quant  au  nombre  de  leurs  plis.  Alors  que  les  lobes  frontal  et 
pariétal  sont  beaucoup  plus  simples  encore  que  sur  le  cerveau 
schématique  de  Broca,  ce  dernier  n'est  pas  plus  compliqué 
dans  sa  région  temporo-occipitale  que  le  cerveau  de  notre 
microcéphale. 

D.  Face  interne. 

Outre  les  deux  plis  de  passage  ordinaires  prélimbique  et 
préovalaire,  il  existe  un  troisième  pli  superficiel  en  avant  du 
plipréovalaire.  Ce  troisième  pli  part  de  la  portion  antérieure 
du  lobe  du  corps  calleux  et  va  rejoindre,  suivant  une  direc- 
tion très  oblique^  la  partie  postérieure  du  lobule  métopique, 
très  près  du  pli  préovalaire  dont  il  n'est  séparé  que  par  une 
seule  incisure  représentant  la  partie  postérieure  de  la  scissure 
sous-frontale. 

Les  lobules  susorbitaire  et  métopique  sont  petits.  Leurs 
incisures  ordinaires  sont  très  simples  ou  même  remplacées 
par  des  fossettes. 

Le  lobule  ovalaire  est  très  petit  et  l'on  voit  avec  évidence 
qu'il  appartient  presque  exclusivement  à  la  circonvolution 
frontale  ascendante.  Il  est  dépourvu  d'incisures. 


252  SÉANCE  DU  7  AVRIL   1887. 

Le  lobule  quadrilatère  est  extrèmemeut  petit.  11  est  uni- 
quement constitué  par  deux  plis  de  passage  pariéto-Iimbiques, 
séparés  l'un  de  l'autre  par  une  simple  incisure.  A  droite,  ce- 
pendant, cette  incisure  émet  en  arrière  une  branche  horizon- 
tale. 

Au-dessous  de  la  grande  scissure  occipitale,  nous  ne  trou- 
vons aucune  particularité  morphologique  digne  d*ètre  notée. 
A  part  la  petitesse,  la  région  temporo-occipitale  du  cerveau 
de  Nini  est  conforme  au  cerveau  schématique  de  Broca.  C'est 
celle  qui  a  le  mieux  conservé  le  type  normal. 

Forme  générale  de  rencéphale,  d'après  la  forme  du  crâne. 

L*examen  du  crâne  montre  que  le  cervelet  était  parfaite- 
ment recouvert  par  le  cerveau,  contrairement  à  ce  qui  a  été 
observé  chez  certains  microcéphales. 

Une  forte  voussure  des  parois  latérales  du  crâne,  au  niveau 
de  la  partie  supérieure  de  la  suture  écailleuse,  paraît  être  en 
rapport  avec  le  développement  relativement  considérable  des 
lobes  temporaux. 

La  courbe  horizontale  endocrânienne  révèle  une  étroitesse 
remarquable  de  la  partie  antérieure  du  cerveau,  étroitesse 
absolue  et  relative  qui  rappelle  le  bec  de  l'encéphale  des 
singes.  L'étage  frontal  de  la  base  du  crâne  est  très  petit  dans 
tous  les  sens.  Une  reste,  de  chaque  côté  de  la  fosse  olfactive, 
très  profonde,  qu'une  très  petite  surface  horizontale  et  trian- 
gulaire. 

Ici  se  présente  une  remarque  importante  au  point  de  vue 
craniologique,  relativement  à  la  valeur  anatomique  du  dia- 
mètre frontal  minimum.  L'intérêt  de  ce  diamètre  consiste  en 
ce  qu'il  représente,  d'une  façon  générale,  la  largeur  minima 
de  la  partie  antérieure  du  cerveau.  Or,  on  sait  déjà  que  cette 
représentation  n'est  pas  absolument  fidèle,  en  vertu  de  l'épais- 
seur très  variable  des  parois  du  crâne  au  niveau  des  deux 
extrémités  du  diamètre  en  question.  C'est  ainsi  que  la  diffé- 
rence sexuelle  de  la  largeur  antérieure  du  cerveau  est  moins 


DOUTREBENTE  ET   MANOUVRIER.  —  IDIOTE   MICROCÉPHALE.     253 

grande  que  ne  Tindiquerait  la  difTéreoce  sexuelle  du  diamètre 
frontal  minimum  ^ 

Or,  une  nouvelle  cause  d'erreur  apparaît  d'une  façon 
frappante  sur  le  crâne  de  Nini.  A  voir  son  diamètre  frontal 
minimum  qui  mesure  90  millimètres,  on  pourrait  croire  que 
Textrémité  antérieure  du  cerveau  jouissait  d'une  largeur 
passable  et  même  assez  grande  relativement  à  la  largeur  bi- 
pariétale.  Maïs  l'examen  de  l'intérieur  du  crâne  montre  qu'il 
n'en  est  rien,  parce  que  la  région  sus-orbitaire  du  crâne  a  dû 


Fia.  5.  —  LZM,  ligfio  endocrâcicnnc;  EAE',  ligne  ev*  crânienne  ;  F  Z  F',  coupo 
transversale  ;  F  F',  diamètre  frontal  minimum  ;  0  O',  angles  externes  et  sapérieurs 
des  orbites. 

s'étendre  de  chaque  côté  et  en  arrière  bien  au-delà  de  sa 
portion  endocrinienne,  afin  de  fournir  une  place  sufGsante 
aux  orbites  et  de  rejoindre  les  parties  latérales  d'une  face 
trop  large  relativement  à  la  partie  antérieure  du  cerveau.  Ce 
n'esl  là  d'ailleurs  qu'une  exagération  de  la  disposition  nor- 
male, car  le  diamètre  frontal  minimum  coupe  ordinairement 
le  cerveau  en  arrière  de  l'extrémité  antérieure  de  celui-ci. 
La  figure  ci-dessus  représente  une  coupe  de  la  partie  anté- 
rieure du  crâne  de  INini  au  niveau  du  diamètre  frontal  mini- 


.  *  L.  Manouvriep,  Sur  la  grandeur  du  front  et  det  princiitales  régions  du 
crâne,  olc.  (Association  française  pour  l*avancement  des  sciences). 


254  SÉANCE  DU  7  AYRIL  4887. 

mum  et  dessinée  au  moyen  de  Taiguille  courbe  du  stéréo- 
graphe  de  Broca. 

Le  trait  pointillé  n  représente  une  dépression  linéaire,  qui 
doit  être  le  vestige  de  la  suture  fronto-sphénoïdale  complète- 
ment fermée.  Les  petites  ailes  du  sphénoïde  étaient  donc 
larges.  En  outre,  leur  bord  postérieur  est  épais  et  comme 
boursouflé,  caractère  fréquent  chez  les  idiots. 

La  gouttière  optique  est  très  convexe  transversalement  et 
plane  d'avant  en  arrière.  Les  empreintes  endocràniennes  des 
circonvolutions  n*existent  nulle  part,  sauf  au-dessus  des  or- 
bites, où  elles  sont  à  peine  marquées.  Il  n'existe  pas  de  fossette 
vennienne^  à  proprement  parler,  mais  la  crête  occipitale 
interne  se  bifurque  à  13  millimètres  environ  du  trou  occi- 
pital;  de  sorte  que  la  fossette  en  question  est  représentée  par 
une  surface  triangulaire  aplatie  à  base  inférieure  et  aussi 
large  que  le  trou  occipital. 

Les  fosses  cérébelleuses  sont  très  vastes  relativement, 
fait  à  rapprocher  du  poids  relatif  considérable  du  cer- 
velet. 

Sutures.  —  Toutes  les  sutures  sont  complètement  fermées 
en  dedans,  à  l'exception  de  la  suture  écailleuse,  fait  à  rap- 
procher du  renflement  des  régions  temporales. 

A  l'extérieur,  une  seule  suture  est  complètement  effacée  : 
c'est  l'occipito-temporale.  Les  autres  sont  encore  ouvertes,  à 
l'exception  de  la  partie  inférieure  des  coronales  et  de  la  par- 
tie postérieure  de  la  sagittale.  En  somme,  la  synostose  n'est 
pas  plus  avancée  que  chez  la  plupart  des  individus  normaux 
de  même  âge  et  elle  a  suivi  la  marche  normale. 

La  suture  sagittale  présente  une  complication  normale. 
Les  autres  sutures  sont  simples.  La  suture  zygomatique  est 
peu  oblique. 

Saillies  externes  du  crâne.  —  La  glabelle,  les  bosses  sour- 
oilières,  les  bords  orbitaires  présentent  un  aspect  masculin* 
Les  bosses  frontales  sont  absentes,  ou  plutôt  elles  sont  réu- 
nies en  une  seule  saillie  médiane  qui  n'empêche  pas  le  front 
d'être  fuyant. 


DOUTREBENTE  ET   MANOUVRIER.  —  IDIOTE  MICROCÉPHALE.     255 

Les  crêtes  temporales  montent  jusqu'à  la  partie  moyenne 
des  sutures  coronales. 

Les  apophyses  orbltaîres  externes  sont  très  fortes.  11  en 
est  de  même  des  apophyses  zygomatiqnes,  mastoldes  et  sty- 
loTdes. 


Fio.  6.  »  Crâne  de  NiQi  (Uettiné  an  ttéréographe  Bro««). 

Les  crêtes  et  rngosUés  occipitales  sont  très  marquées  et 
d'apparence  tout  à  fait  masculine. 

La  surface  inférieure  des  condyles  de  roccipital  est  tout  à 
fait  aplatie. 

Le  nez  est  très  gros  et  très  saillant.  La  suture  bi-nasale  est 
déjetée  à  droite  inférieurement. 

L'échancrure  nasale  est  projetée  en  avant,  comme  s'il  y 
avait  eu  hypertrophie  des  branches  montantes  de  l'os  inter- 
maxillaire. 

L'épine  nasale  est  forte  et  proéminente.  Le  bord  inférieur 
de  récbanorure  nasale  est  très  tranchant.  Le  vomer  est  épais 


250  SÉANCE  DU  7   AVRIL  1887. 

et  solide.  En  somme^  le  squelette  du  nez  est  très  développé 
dans  toutes  ses  parties. 

Nous  ne  terminerons  pas  cet  exposé  sans  faire  observer 
que  le  crâne  de  cette  femme  idiote  présente  une  apparence 
masculine  et  nullement  une  exagération  du  caractère  fémi- 
nin. C'est  là,  d'ailleurs,  une  règle  générale  sur  laquelle  Tun 
de  nous  a  insisté  à  diverses  reprises,  et  qui  n*est  guère  propre 
à  justifier  Tadmiration  exagérée  que  professent  certaines 
personnes  à  Tégard  des  caractères  masculins. 

CrâniométtHe.  —  Capacité  crânienne  =  708. 

Poids  du  crâne  =  280  grammes,  en  tenant  compte  des 
16  dents  absentes. 

Indice  crânio-cérébral  =  39.5.  —  L'indice  moyen  des  Pa- 
risiennes étant  40.1 ,  le  crâne  de  Nini  n'a  pas  dépassé  le  déve- 
loppement pondéral  relatif  moyen  par  rapport  à  sa  capacité, 
contrairement  à  ce  qui  a  lieu  d'ordinaire  chez  les  idiots. 

Poids  de  la  mandibule  et  indice  crânio-mandibulaire.  — 
Sans  intérêt,  en  raison  de  l'atrophie  complète  de  la  portion 
alvéolaire  de  la  mandibule. 

Diamètre  anléro-poslérieur  maximum  (A) \kl^^ 

—  Ipansvewe  maximum  (T) 117 

Indice  cépbalique 80 . 2 

.  Diamètre  aoléro-poatérieur  métopique 1 42 

—  vertical  basio-bregmalique  (B) 100 

—  du  basion  au  vertex 104 

La  différence  entre  ces  deux  dernières  lignes  indique  que 
la  ligne  médiane  du  crâne  continue  à  s'élever  en  arrière  du 
bregma. 

Indice  vertical  B  :  (A.  =  100) 68.0 

Diamètre  frontal  minimum  (F) 90 

—  astérique 92.6 

Ligne  naso-basilairc 82 

Diamètre  bizygomatique  (Z) 110 

Indice  fronto-zygomatique  F  :  (2=  100) 81.8 

Indice  frontal  F  :  (T=100) 76.2 

D'après  ces  deux  indices,  le  front  de  Nini  est  large  par 


DOUTRBBENTE  ET  MAKOUVRIBR*  -*  IDIOTE  MICROCÉPHALE.    257 

rapport  aux  diamètres  transverses  mazima  du  crâne  et  de  la 
face.  Mais  nous  avons  dit  plus  haut  pourquoi  il  n'y  a  pas  à 
conclure,  dans  ce  cas,  de  la  largeur  externe  du  front  à  la 
largeur  du  cerveau  en  avant. 

Tron  occipital*  Longueur. 28  «n 

~  Largear 24 

Angle  occipital  de  Broca.  .• IT^S 

Haatear  ophryo-alyéolaire  (incomplète). 

Courbe  médiane  antéro-postérieure. 

—  frontale  8ou»-cérébrale 1 8  ma 

—  frontale  cérébrale 78  i 

—  eogitUle 104  J  213 

—  occipitale  cérébrale 31) 

—  occipitale  cérébelleuse. 55 

Angles  auriculaires.  Parisiennes. 

—  frontal 49»  57«9 

—  pariétal 65  60  04 

~      occipiUl  cérébral 215  39  69 

—  occipital  cérébelleux •....  47  30  55 

On  remarquera  la  brièveté  de  la  courbe  occipitale  supé- 
rieure comparée  à  la  longueur  de  la  courbe  cérébelleuse. 
Cette  longueur  est  à  rapprocher  du  poids  relativement  con- 
sidérable du  cervelet. 

Sur  le  profil  crânien  ci-joint,  Finion,  c'est-à-dire  le  point 
extérieur  correspondant  à  la  protubérance  occipitale  interne, 
est  désigné  par  la  lettre  I.  On  voit  que  ce  point  est  situé  bien 
au-dessus  de  la  protubérance  occipitale  externe.  Cette  diffé- 
rence de  niveau,  très  grande  sur  le  crâne  de  Nini,  est  un 
bon  exemple  de  Terreur  commise  par  ceux  qui  considèrent 
la  position  de  l'inion  comme  étant  suffisamment  indiquée 
par  la  protubérance  occipitale  externe. 

Le  grand  développement  relatif  du  cervelet  est  indiqué 
aussi  par  la  grandeur  de  l'angle  auriculaire  cérébelleux. 
L'angle  occipital  cérébral  est^  au  contraire,  très  petit,  ainsi 
que  l'angle  frontal.  L'angle  pariétal  est  grand.  Ces  faits  rea- 
sortent  facilement  de  la  comparaison  des  angles  auriculaires 
de  notre  microcéphale  avec  les  moyennes  correspondantes 
de  51  Parisiennes  modernes. 

T.  X  (8«  SÉRIl).  17 


iS8  ^  slAffcÉ  h\j  1  A^tt  l88î. 

Un  aut^é  rftp^ort  iHtêredsatit  fest  eëltli  de  la  ligne  naso- 
bAsllalk-e  au  dtatuèlre  Atltél^ô-^pôstlîHfetir  ±s  100.  Ce  i-appott 
indique  le  développement  î^latif  de  la  basé  dû  brâne.  Il 
s'élève,  chez  Nlni,  à  55.7,  chiffre  supérieur  à  là  htoyétlhe  des 
Parisiennes  (53.6),  égal  à  la  moyenne  de»  nègres,  mais  très 
inférieur  à  celui  de  certains  autres  microcéphales  chez  les- 
quels il  dépasse  67  *. 

Orbites.  Hauteur z\nm 

—      Largeur « 35 

Indice  orbitaire 88.5 

Nez.  Hauteur 43 

—    Largeur Î0.5 

ludice  nasà! , 47.6 

Largeur  intérorbitaire 23 

Nous  terminerons  cette  description  du  cfâne  par  un  ta- 
bleau comparatif  des  principaux  diamètres  du  crâne  et  des 
mêmes  diamètres  mesurés  sur  le  sujet  vivant  par  le  même 
opérateur,  en  septembre  1884. 

Crâne  sec.  Vivant.  Différence. 

DlAiH5ih(  aniéro-t)ost.  hiaximum.  i  t . .  i  U7  156  9  ^ 

—  trâns verse  roailinuaifet.il. k  118  126  8 

—  auriculo-bregmalique »  Ml  » 

—  basio-bregmatique 1 00             »  » 

—  b(zyt<»^ali4(iê .;t  160  118  8 

Indice  cépliaUque...;.k..»...i.k 86.2          86.7  6.6 

ifandihuie  incomplètehient  mesurable  à  cause  de  Tatrophie 
ào.  sa  région  alvéolaire  : 

ProjecUon  totale  aniéro-postétieure .  i . . .  i 87"" 

Largeur  bicondylienne 1 02 

Longueur  dé  là  branche  montante 5t 

Largeur .»..i.....ï  ...^ *....•.;•   ...      22 

Distance  entre  Us  trous  mentonnieni  •  k  « .  «  & .  i  4  k  é      37 

Angle  mandibulaire  (sénile) 138^ 

L'atrophie  des  régions  alvéolaires  ne  permet  pas  de  iné^ 
sarer  i*an|^l6  symphysien»  Le  menton  est  trëâ  saillant.  Quant 

<  Voir  pour  ces  différents  indices  :  L.  Manouvrieri  Sur  la  grandeur  4u 
front  et  des  ^incipales  région^  du  crdftt (Compte  rendu  de  CAtsociation  fran' 
çaite,  1882,  p.  623  à  689}. 


OUVRAGES  OFFERTS.  259 

au  progiiathisme  sous-nasal,  il  devait  être  pltitôt  faible 
qu'exagéré. 

En  somme,  le  crâne  et  le  cerveau  de  IHhi  préseiiteiil  un 
certain  nombre  de  cai^actèrés  intéressaiits.  Noua  espérons 
que  Vétude  t[Ui  précède  ne  sera  pas  sans  utilité  pour  i*ana- 
t'omie  atithh)pologique. 

La  séance  est  levée  à  cinq  heures  et  demie. 

Vun  des  secrétaires  :  MANOlTVRlKli. 


iSI'  8iANCK.  —  SI  avril  ltt7. 
Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté* 

COMMUNICATIONS  DU  BUREAU. 

M.  le  PRÉsmENT  annoncé  ^ne  le  Comité  central  de  la  Société 
se  réunira  le  jeudi  28  avril. 

Il  annonce  ensuite  que  la  cinquième  conférence  annuelle 
transformiste  aura  lieu  le  jeudi  12  mai^  à  4  heures.  Elle  sera 
faite  par  M"^  Clémence  Royer  et  aura  peur  titre  :  fJivoUdion 
metUak  dam  Vhtmianité  et  dans  la  série  «rganique^ 

OUVRAOIA  OFFBETS. 

RiccARDi  (1^.).  Oscillazioni  giomalieri  délia  statura  deV  uamo 
sano.  Modène,  1887,  broch»  in-8%  6  pages» 

—  Circonferenza  toracicae  statura  studiate  a  seconda  deVetà 
e  del  sesso  in  una  série  di  Bolognesi,  Pavie,  4887,  broch»  in-8», 
15  pages. 

—  Un  caballito  peruviano.  Florence,  1886,  broch.  in-8% 
3  pages. 

LoEWENTHAL.  L'enseignement  actuel  de  r hygiène  dans  les  facul- 
tés de  médecine  en  Europe.  Paris,  1887,  in-8%  126  pages. 


260  SÉANCE  DU  âl   AVRIL  i887. 

GuTOT-D AUBES.  Lei  nains  et  les  géants  (Journal  la  Nature ^ 
des  11  décembre  1886,  i6  février  et  19  mars  1887). 

Ernst.  Etnographische  Mittheilungen  ans  Venezuela.  Ber- 
lin, 1886,  broch.  in-8*,  30  pages,  une  planche. 

TuRNER  (W,).  On  variabiltty  in  human  structure  (Journal  of 
anatomy  and physiology)y  1887,  broch.  in-8®,  22  pages. 

CANDIDATURES. 

M.  DouGLAss  (Andrew,  E.),  de  New-York;  présenté  par 
MM.  Letoumeau,  Magitot  et  de  Nadaîllac  ;  M.  Mater^  syndic 
du  Conseil  municipal,  présenté  par  MM.  G.  de  Mortillet, 
Letourneau  et  Hervé,  demandent  le  titre  de  membre  titu- 
laire. 

M^**  Edwards  et  MM.  Darlot,  Pasquiee  et  Lagohbe  sont  élus 
membres  titulaires. 


;  PRESENTATIONS. 
Bouet  de  derviche  tournevr; 

PAR   H.    PAUL  AUBRT. 

On  Ta  comparé  pour  la  forme  à  un  pot  de  fleurs  renversé. 
11  est  en  poil  de  chameau,  sa  couleur  varie  du  blanc  au  roux. 
11  est  double  comme  nos  bonnets  de  coton.  Il  est  très  difficile 
de  s*en  procurer.  A  Gonstantinople,  on  a  refusé  de  m*en  ven- 
dre. A  Smyme,  j*ai  pu  acheter  celui-cicher  un  juif,  mais  non 
sans  employer  une  certaine  diplomatie.  Il  est  également 
difficile  de  le  faire  sortir  de  Turquie,  ainsi  que  tous  les 
objets  touchant  de  près  ou  de  loin  à  la  religion  de  Mahomet. 
Les  Turcs  faisant  visiter  les  malles  de  tout  voyageur  à  leur 
sortie  de  (leur  pays,  j'ai  été  obligé  d'employer  de  grandes 
précautions  pour  passer  la  frontière. 


DISCUSSION  SUR  LBS  TOMBEAUX  EN  PIERRE  DE  LUXEUIL.    261 

COMMUNICATIONS. 

T«aiW««x  ea  pierre  trowés  h  L«3ce«il; 

PAR  H.   LB  DOCTEUR    G.    PARIS. 

I^Des  fouilles  récentes,  au  milieu  de  la  ville  de  Luxeuil 
(Haute-Saône),  ont  mis  à  découvert  un  certain  nombre  de 
tombeaux  formés  d^une  seule  pierre  creuse,  plus  large  à  la 
tête  qu'aux  pieds,  tous  orientés  de  Touest  à  Test.  Sur  les  huit 
ou  dix  découverts,  trois  seulement  n'avaient  pas  été  vidés  et 
possédaient  encore  les  squelettes  dans  les  positions  normales. 
J'ai  pu  recueillir  quatre  crânes  offrant  tous  une  saillie  plus 
ou  moins  prononcée  de  Toccipital;  et  de  plus,  un  de  ces  crâ- 
nes est  trépané  dans  la  partie  droite  du  frontal.  La  trépana- 
tion parait  avoir  été  produite  par  le  raclage,  mais  avec  un 
instrument  recourbé  en  rapport  avec  l'espèce  de  gorge  qu'on 
remarque  sur  Tos.  D'autre  part,  je  ne  crois  pas  qu'on  puisse 
attribuer  cette  perforation  à  un^oup  de  pioche,  qui  certaine- 
ment aurait  été  antérieur  à  la  fouille  actuelle.  Circonstance  à 
noter  :  ce  crâne,  appartenant,  je  pense,  à  un  homme  vigou- 
reux et  d'âge  mûr,  gisait,  dans  le  même  cercueil,  à  côté  d'un 
squelette  déjeune  homme. 

Du  reste,  nous  allons  continuer  les  fouilles.  Si  la  chance 
nous  favorise,  je  collectionnerai  tous  les  crânes  que  nous 
trouverons,  et  je  me  ferai  un  plaisir  de  les  offrir  à  la  Société 
avec  une  notice,  pensant  ainsi  intéresser  quelques-uns  de  ses 
membres. 

Nota.  Depuis,  interdiction  nous  a  été  faite  de  continuer, 
sous  le  prétexte  que  nous  blessions  les  sentiments  religieux 
des  habitants. 

Diicnsfion. 

M.  Magitot  dit  qu'on  a  trouvé  des  objets  de  même  genre 
dans  des  auges  semblables  découvertes  en  Seine-et-Oise. 
Dernièrement  il  en  a  observé  une  lui-même  dans  un  petit  vil- 


362  SÉANCE  DU  21  kvmh  1887. 

lage  du  canton  de  Poissy  (Viltenus).  L'auge  contenait  deux 
squelettes,  l'un  de  vieillard,  l'antre  d*enfant,  et  divers  objets 
de  bronze,  une  épée  courte,  une  boucle  de  ceinture,  etc. 

ff4R  H.  Mni  M  lURI(XHia7. 

On  s'est  occupé,  il  y  a  quelques  années,  à  la  Société 
d'anthopologie,  d'un  mode  de  trafic  usité  notamment  sur 
quelques  points  de  TAfrique.  Cet  usage  serait  répandu  sur 
la  côte  ligurienne,  si  l'on  s'en  rapporte  au  passage  suivant 
extrait  du  Docteur  Antonio,  roman  historico-poUtique  publié 
en  1856  en  Angleterre,  par  RufÛni,  réfugié  italien. 

<c ....  Une  autre  chose  intrigua  la  jeune  Anglaise  :  ce  fut  de 
rencontrer  de  temps  en  temps,  sur  \es  marches  en  dehors  des 
portes,  des  assiettes  pleines  d'oranges,  de  citrons  et  de  légu- 
mes sans  personne  pour  les  garder.  Sa  surprise  fut  grande 
quand  elle  apprit  que  ces  fruits  et  légumes  étaient  là  pour  la 
vente;  en  effet,  celui  qui  a  besoin  de  tel  ou  tel  article,  le 
prend  sans  cérémonie  dans  Tassiette  et  en  laisse  le  prix  à  sa 
place,  c'est-à-dire  un  ou  deux  sous. 

«  Cette  nouvelle  manière  de  faire  le  commerce  amusa  fort  le 
baronnet;  il  fit  remarquer  que  bien  qu'ingénieuse  et  écono- 
mique, elle  n'était  pas  de  nature  à  réussir  dans  beaucoup  de 
pays....» 

La  scène  se  passe  à  Taggia. 

Je  puis  ajouter  que  nous  avons  longtemps  résidé  à  Porto 
Maurizio,  près  d'Oneglia,  et  que  nous  avons  remarqué  sou- 
vent dans  les  ruelles  de  la  ville  haute,  à  la  porte  des  maisons, 
des  assiettes  pleines  de  fruits,  de  légumes,  qui  sembls^ient 
abandonnées,  ainsi  que  l'indique  Ruffini.  U  y  a  là  une  per- 
sistance d'anciens  usages,  à  la  source  desquels  il  serait  inté- 
ressant de  remonter. 


FAUYELLE.  —  DES  QAUSES  d'eRREUR  ^N  ^CTTHROPOLOGIE.    2Ç3 

Je  n^admets  pas  (|ue|les  erreurs  daqs  lesquelles  les  çav^ts 
peuvent  tomber,  soient  volontaires  et  qu'elles  aient  pour  but 
un  intérêt  personnel  quel  qu*il  soft.  Tous^  tant  que  nous 
sommes,  en  entrant  dans  cette  enceinte,  nous  déposons  tqute 
préoccupation  extérieure;  mais  noi|s  y  arrivons  avç|c  toutes 
nos  superstitions^  nos  pr^ugés  et  nos  ipclii^ations  qui  peu- 
vent troubler  iiQtre  jugement.  Je  sais  bien  que  ces  faiblesses 
sont  excusables  et  jusqu'à  un  certain  point  respectables  ;  mais 
elles  ne  nous  en  entraînent  pas  moins  à  comi^etlre  des 
erreurs  préjudiciables  à  la  science.  Il  est  dope  dp  Tintérét  de 
Tanthropologie  de  sigpaler  çç^  erreurs^  d>n  rechercfier 
Torigine  et  d'en  faire  voir  le3  conséquences.  C*est  uq  rQle 
ingrat,  dont  jç  pie  charge  bénévolement;  mais  je  coppte  sur 
rindulgence  de  mes  cpllègiies  qui  me  pardonneront  les  im- 
pressions désagréables  qu'ils  pourront  éprouver,  en  considé- 
ration  du  mo^if  qui  m'inspire, 

Les  religions,  qui  nous  sont  imposées  dès  potre  plqs  tendre 
enfance,  avant  que  notre  org{|nisalion  cérébrale  soit  en 
mesure  d'apprécier  les  idées  que  Ton  cherche  à  nous  incul- 
quer, laissent  sur  les  cellules  de  nos  hémisphères  4e$  im- 
pressions souvent  ineffaçables,  qui  donnent  à  nos  travaux 
d'homme  f^it,  upe  direction  qu^  les  conduit  fatalement  ù 
l'erreur.  La  place  donnée  à  l'homme  dans  Ja  nature  sous  le 
nom  de  Ifègne  humain^  en  est  une  preuve  éclatante. 

Quand  on  croit  au  règne  humain,  on  est  monogéniste  ; 
or,  le  mqnogénisme  a  sa  source  dans  les  livres  canoniques. 

a  Dieu  créa  l'jiomme  à  soq  image  ;  il  le  créa  à  Timaçe  de 
Dieu  ;  il  le  créa  mâle  et  femelle  »  (Genèse,  ch.  I,  v.  %\)\ 

*  Notons,  en  passant^  (ju'Adatn  ft^t  créé  androgyne.  En  effet,  quelques 
jours  après,  Dieu,  frappé  des  inconvénients  de  cette  fusion  et  de  la  com- 
paraison blessante  qui  pourrait  Atre  fisite  avec  les  animaux  inférieurs, 
procéda  à  la  séparation  des  sexes  \  l'aide  de  }*op^r|itiQn  qu^l  ap  çonnsU» 


264  SÉANCE  DU  21   AVRIL  i887. 

Ce  principe,  une  fois  gravé  dans  le  cerveau,  il  faut  mon'» 
trer  qu'il  est  en  harmonie  avec  les  faits.  Alors,  inconsciem- 
ment on  les  torture,  on  les  groupe  d'une  manière  artificielle  ; 
on  montre  les  routes  que  les  descendaints  du  premier  homme 
suivirent  pour  se  répandre  sur  la  terre,  les  courants  marins 
qui  les  entraînèrent  jusque  vers  les  îles  les  plus  reculées.  Il 
n'y  a  plus  de  races  autochtones,  mais  des  races  immigrées, 
parties  d'un  point  central  que  l'on  cherche  à  préciser. 

Mais,  disent  les  incrédules,  pourquoi  ces  différences  entre 
les  descendants  de  Tètre  unique  créé  à  l'image  de  la  Divinité  ? 
Pourquoi  la  supériorité  des  uns  et  l'infériorité  des  autres? 
Pourquoi  des  savants  anthropologistes  et  des  ignorants  ma- 
nœuvres? Pourquoi  des  Européens  et  des  Botocudos?  Des 
Chinois  et  des  Negritos?  —  C'est  Tinfluence  des  divers 
milieux,  répond-on.  —  Bien!  Mais  cette  influence  que  le  Dieu 
créateur  paraît  n'avoir  pas  prévue,  n'a-t-elle  pas  pu  faire 
d'un  Bochiman  un  gorille  ou  un  chimpanzé?  Et  de  dégéné- 
rescence en  dégénérescence,  de  dégradation  en  dégradation, 
n'arrivez-vous  pas  par  un  transformisme  au  rebours,  à  faire 
descendre  tous  les  animaux  de  l'image  de  la  Divinité  ? 

Pour  répondre  à  cette  objection  embarrassante,  on  a  recours 
à  un  critérium  :  L'homme,  si  dégradé  qu'il  soit,  se  distingue 
de  la  brute  par  la  Religiosité.  Ce  critérium,  qui  ne  figure  pas 
parmi  les  vérités  révélées,  d'où  peut-il  provenir?  Nous  le 
trouvons  parmi  les  preuves  morales  que  les  Pères  de  l'Eglise 
ont  données  de  l'existence  de  Dieu.  Car  les  incrédules  sont  si 
pervers,  qu'il  a  fallu,  malgré  l'affirmation  suffisante  de  la 
Bible,  leur  fournir  des  preuves  qui  établissent  que  cette  divi- 
nité existe  réellement. 

«  Le  consentement  unanime  des  peuples  sur  l'existence  de 
Dieu  »,  voilà  le  second  principe  imprimé  sur  les  cellules  céré- 
brales de  nos  savants  chrétiens.  Alors,  ils  se  mettent  enquête 
de  tous  les  faits  qui,  plus  ou  moins  torturés,  arriveront  à  le 
confirmer.  Le  plus  grossier  fétichisme  devient  de  la  religiosité, 
et  si  les  observateurs  ne  l'ont  même  pas  trouvé,  c'est  qu'ils 
ont  mal  cherché.  Les  incrédules  répondent  que  cette  préten- 


FAUVELLE.  —  DES  CAUSES  D*ERREUR  EN  ANTHROPOLOGIE.     265 

due  religiosité  n'est  que  la  crainte  de  Tinconna,  conséquence 
de  l'ignorance,  que  les  animaux  n'en  sont  pas  exempts^  et 
qu'ils  éprouvent  une  crainte  superstitieuse  pour  des  objets 
qui,  accidentellement,  leur  ont  nui.  Ils  ajoutent  que  beau- 
coup d'hommes  instruits  ne  présentent  pas  cette  religiosité, 
parce  que  leur  connaissance  exacte  des  choses  leur  enlève 
toute  crainte  chimérique.  Mais  cette  argumentation  reste  sans 
effet;  les  souvenirs  du  jeune  âge  persistent;  et  Ton  sait  que 
les  vieillards  les  conservent  jusqu'à  la  mort,  à  l'exclusion  de 
tous  autres. 

Ainsi,  l'idée  du  Règne  humain  et  les  preuves  que  Ton  pré- 
tend en  donner,  ont  leur  origine  dans  les  dogmes  ;  la  science 
y  est  étrangère.  On  la  fait  intervenir  a  posteriori,  afin  qu'elle 
fournisse  son  appui,  aujourd'hui  indispensable  pour  faire 
accepter  toute  opinion  sur  les  choses  naturelles. 

A  défaut  des  croyances  religieuses,  l'erreur  nous  vient  de 
la  Philosophie  que  l'Université  impose  à  tous  ceux  qui  reçoi- 
vent l'instruction  dite  classique.  Elle  pourrait  être  définie,  la 
science  des  superstitions,  et  c'est  surtout  à  propos  de  celle 
de  l'existence  de  l'âme  qu'elle  déploie  toutes  les  beautés  de 
sa  dialectique. 

Je  sais  bien  que  nous  nous  en  détachons  de  plus  en  plus,  au 
fur  et  à  mesure  que  nos  connaissances  s'étendent  davan- 
tage. Il  en  reste  néanmoins  là  fâcheuse  opinion  que  l'étude  de 
rintelligence  est  pour  le  moment  au-dessus  des  forces  de  la 
science  anthropologique.  Je  n'en  veux  pour  preuve  que  l'es- 
pèce d'indifférence  avec  laquelle  ont  été  accueillies  les  diver- 
ses communications  que  j'ai  faites  à  ce  sujet.  Je  dis  indiffé- 
rence parce  que  je  ne  veux  pas  supposer  que  c'est  une  crainte 
superstitieuse  qui  a  été  la  cause  de  cet  accueil  silencieux. 

Quoi  qu'il  en  soit,  cette  lacune,  que^  malgré  mon  isolement 
et  l'insuffisance  de  ines  moyens,  j'essaie  de  combler,  a  donné 
une  apparence  légitime  à  l'intervention  des  philosophes,  je 
ne  dis  pas  dans  nos  travaux,  car  ils  semblent  les  fuir  pour 
éviter  toute  discussion,  mais  dans  l'anthropologie  en  général. 

Enhardis  par  notre  timidité,  ils  prétendent  allier,  sous  le 


266  SPANGE  PU  gt  AYmi  1887. 

noin  i^  p§iicholopeph^iiologiq\^e,  la  superstition  de.  Tl^ld  àl^t 
physiologie  du  système  nerveux,  et  neutre^liser  ainsi,  en  se 
les  appropriant,  les  découvertes  récentes,  qui  viwn^ut  la 
battre  en  brèche.  Ces  connaissances  nouvelles,  résultats  de 
l'observation  et  de  rexpérimentation,  occupent  URe  la^'ge 
place  dans  leurs  ouvrages,  qui  sont  çqnstpllés  dç  figuras 
d'an^tomie  microscopique,  empruntées  aux  traités  spéciaux. 
Plusieurs  antbropQlogistes  se  sont  If^issé  prendre  à  ces 
trompe-rœil,  et  ils  ont  accueillt  leurs  «auteurs  comme  (Je  vér 
ritables  savants. 

Je  me  suis  trop  étendu,  dans  une  récente  communication 
(voir  séance  du  il  février  1887,  p.  119),  sur  la  psychologie 
physiologique  pour  y  revenir  aujourd'hui.  Ou  y  substitue 
à  l'âme  la  force  nerveuse;  c'est  Tanimisme  du  moyen  âge  1^^- 
bille  à  la  moderne ,  et  pas  autre  chose. 

Mais,  dira-t-op,  les  philosophes  sont  des  hommes  coipmc 
nous  qui  cherchent  la  vérité.  —  C'est  une  erreur  complète. 
Ils  ne  cherchent  pas  la  vérité  ;  i}s  croient  la  posséder  par 
principe  et  s'efforcent  de  nous  imposer  leurs  croy^^nc^s.  A 
leur  contact,  on  ne  peut  quo  perdre  la  notion  ^&  la  uiéthode 
féconde  qui  a  fait  la  science  ce  qu'elle  est  aujourd'hui. 

Je  dirai  plus,  ce  ne  sont  p^s  des  hommes  comme  nous.  En 
effet,  il  faut  véritablement  une  organisation  cérébrale  spé- 
ciale pour  concevoir  tout  ce  fatras  d'idées  hétéroclites,  tra- 
duites dans  un  langage  non  moins  bi^rre-  Que  peut  signifier 
pour  nous  ce  qu'en  psychologie  physiologique  on  appelle  : 
l'observation  et  l'expériuîentation  internes,  les  liaisons  aper- 
ceptives,  l'efficacité  unissante  et  décon^posante  de  l'aperçep- 
tion,  l'agglutination  et  la  fusion  aperceptives,  1^  forçuation 
des  concepts?  Lorsqu'on  cherche  ^  déç}iiffrer  ccjs  hiérogly- 
phes, on  reste  confondu  de  Tinanité  de  toutes  ces  élucubra- 
tions  qui  n'ont  d'analogue  n^lie  p§rt  M\\s  1^  nature  et  sont 
évidemment  le  produit  de  cerreanx  ma)  équilibrés. 

Si  la  philosophie  correspondait  à  la  norms^le  de  rintelU- 
gence  humaine,  depuis  tant  de  siècles  qu'elle  eat  imposée  â 
tous  ceux  auxquels  on  ^istribuQ  UR§  jnstructipa  plu4   ou 


FAUVELLE.  —  DES  CAUSES  D*BBREUR  EN  ANTHROPOLOGIE.    367 

mùv^^  coQiplète,  elle  se  serait  vulgarisée  ;  il  n'en  est  rieq  :  les 
pl^lo8opbes  sont  restés  une  exception  bei^reusement  très 
rare.  Queneus  est-il  resté,  à  nous  tous  tant  que  nops  sommes, 
de  notre  olasse  de  philosophie?  Absolument  rien,  si  ce  n'est 
le  sQuvenir  des  efforts  pénibles  que  nous  nous  sommes  im- 
posés pour  en  retenir  quelques  bribes  à  peine  suffisantes 
pour  satisfaire  à  Texamen.  Un  mois  après,  tout  était  oublié. 

Ge  n'est  flonc  pas  un  paradoxe  de  dire  que  ceux  qui  font 
profession  de  philosophie  ont  une  organisation  cérébrale  à 
part,  nne  yéritable  difformité. 

En  disant  qu'il  ne  nous  reste  rien  de  notre  classe  de  philo- 
sophie, je  fais  erreur  :  nous  en  avons  conservé  Thabitude 
d'appliquer  Tépithète  de  «  philosophique  »  à  tout  ce  que  la 
science  a  encore  d'obscur  et  de  confus  ;  en  un  mot,  à  tout  ce 
que  nous  ne  comprenons  pas  clairement. 

Gardons-nous  donc  d'introduire  les  philosophes  dans  le 
domaine  de  la  science;  leur  place  est  ailleurs.  Cherchons  à 
combler  par  nous-mêmes  la  lacune  que  je  signalais  tout 
à  l'heur^,  en  appliquant  nos  méthodes  à  l'étude  de  Tintelli- 
gence. 

L'éducation  religieuse,  qui  nous  a  tous  imprégnés  plus  ou 
moins  profondément,  a  disposé  certains  d'entre  nous  à  croire 
à  l'intervention  de  forces  particulières  que  nous  admettons 
sans  les  comprendre.  D'autre  part,  par  une  réaction  toute 
naturelle,  ceux  qui  craignent  de  tomber  dans  cette  espèce 
de  fétichisme,  se  refusent  à  établir  entre  les  fî^its  scientiflqucs 
les  relations  nécessaires  pour  en  expliquer  la  succession. 
L' erreur  est  dans  les  deux  camps.  L'esprit  soi-disant  positif 
des  derniers  arrête  les  progrès  de  la  science  ;  car  elle  n'a  pas 
seul^paept  pour  but  la  constatation  des  faits,  niais  encore  la 
rechefcbe  de  leur  enchaînement.  Se  limiter  à  la  première 
partie  de  sqn  çpuvre,  c'est  réduire  le  rôle  de  savant  à  celui  de 
collectionneur  de  timbres-poste. 

D'autres  arrivent  au  môme  résultat  négatif  pour  des  motifs 
différents.  Considérant  la  vie  comme  quelque  chose  de  tout 
à  fait  spécial,  qui  n'a  rien  de  commun  avec  les  propriétés 


268  SÉANCE  DU   2i   AVRIL   4887. 

physiques  et  chimiques  des  corps  inorganiques*  ils  refusent 
de  reconniutre,  dans  les  phénomènes  vitaux,  les  manifesta- 
tions des  forces  qui  animent  la  matière  en  général. 

Un  exemple  entre  mille.  On  a  observé  dans  ses  détails  les 
plus  intimes  la  multiplication  des  cellules,  mais  il  n'est  venu 
à  Tesprit  d^aucun  des  embryogénistes,  qui  en  ont  fait  une 
étude  spéciale,  d'y  voir  un  phénomène  de  gravitation.  Il  est 
pourtant  bien  naturel,  quand  on  est  familiarisé  avec  la  phy- 
sique, de  supposer,  d'admettre  môme  que,  lorsqu'une  cellule 
a  acquis  par  nutrition  un  volume  qui  dépasse  la  force  attrac- 
tive du  noyau,  celui-ci  doive  se  diviser  pour  former  deux  nou- 
veaux centres  d'attraction  qui  se  partageront  la  masse  moins 
dense  du  protoplasma  environnant,  c'est  à  cette  seule  condi- 
tion que  la  nutrition,  ou  laccumulalion  des  molécules,  pourra 
continuer  à  se  produire. 

Personne  n'a  eu  non  plus  Tidée  d'émettre  l'avis  que  la  diffé- 
renciation qui  se  produit  dans  les  cellules  des  trois  feuillets  du 
blastoderme  est  encore  un  phénomène  d'attraction,  par  lequel 
les  substances  nerveuses,  contractiles  et  autres  se  groupent 
entre  elles  de  manière  à  former  des  cellules  spéciales  qui  doi- 
vent fonctionner,  chacune  suivant  les  propriétés 'de  la  matière 
qui  la  compose.  L'afQnité,  seule  également,  peut  expliquer 
pourquoi  les  cellules  nerveuses  envoient  aux  éléments  épi- 
théliaux,  musculaires  et  glandulaires,  des  prolongements  qui 
s'allongent  au  fur  et  à  mesure  que  ces  éléments  s'éloignent 
par  le  développement  de  l'organisme. 

C'est  aussi  cette  répugnance  à  faire  intervenir  les  forces 
physico-chimiques  dans  les  phénomènes  vitaux  qui  fait  qu'on 
laisse  irrésolus  les  problèmes  de  la  limite  de  croissance,  de 
la  sénilité,  du  sommeil  et  tant  d'autres,  dont  on  cherche  en 
vain  la  solution  dans  les  ouvrages  de  physiologie  les  plus  au 
courant  de  la  science.  Qu'arrive-t-il  alors?  Les  philosophes 
s'en  emparent  et,  pour  montrer  notre  infériorité,  en  donnent 
l'explication  à  l'aide  de  leurs  conjectures  superstitieuses. 

Si  Ton  ne  pense  pas  à  voir  dans  la  vie  une  manifestation, 
sous  une  forme  spéciale,  de  l'énergie  qui  anime  toute  ma* 


FAUVBLLE.  —  DBS  CAUSES  d'eRRBUR  EN  ANTHR0P0LCM3IE.    M9 

tière,  par  contre,  on  nliésite  pas  à  admettre  Inexistence  de 
forces  imaginaires  pour  expliquer  certaines  successions  de 
phénomènes,  tels  que  ceipc  qui  caractérisent  Vhét*édîté. 

Je  me  suis  expliqué  assez  longuement,  Tannée  dernière^ 
sur  ce  sujet  (voir  Bulletins  de  1886,  p.  54)  pour  ne  pas  y  re- 
venir. Je  me  contenterai  d'en  reproduire  les  conclusions  :  «  11 
n'y  a  de  véritablement  héréditaire  que  les  caractères  anato- 
miques  des  éléments  cellulaires  constitutifs  et  leurs  diverses 
propriétés.  Ces  caractères  et  ces  propriétés  se  transmettent 
de  génération  en  génération  par  les  cellules  reproductrices, 
qui  en  contiennent  tous  les  principes.  Quant  à  la  forme, 
elle  est  le  plus  souvent  le  résultat  de  Taction  des  agents 
extérieurs.  » 

D'autre  part,  en  étudiant  les  effets  de  Y  imprégnation  {ibid.^ 
p.  170),  j'ai  démontré  que,  si  les  cellules  génitales  s'isolent 
de  très  bonne  heure  dans  l'épithélium  germinatif,  alors  que 
le  développement  embryonnaire  est  encore  à  son  début,  elles 
subissent  les  mêmes  vicissitudes  que  Têtre  dont  elles  de- 
viennent une  enclave  jusqu'à  leur  émission,  vicissitudes  qui 
sont  le  résultat  de  Tinfluence  du  milieu.  C'est  ainsi  que  se 
perpétuent  de  génération  en  génération  les  caractères  ances- 
traux  avec  toutes  les  modifications  que  le  milieu  ambiant 
leur  a  fait  subir. 

Depuis,  les  recherches  de  M.  A.  Gautier,  professeur  de 
chimie  à  la  Faculté  de  médecine,  publiées  dans  V Hommage  à 
M.  Chevreul  (Alcan,  31  août  1886)  et  que  j'ai  signalées  dans 
la  séance  du  16  décembre  4886^  sont  venues  confirmer  la  .doc- 
trine que  je  viens  de  résumer.  Elles  établissent  en  effet  que  le 
milieu,  dont  l'action  est  incessante,  amène  les  variations  et 
par  suite  les  transformations  qui  en  sont  la  conséquence, 
en  modifiant  la  composition  chimique  des  principes  immé- 
diats des  animaux  et  des  végétaux. 

L'hérédité  dépend  donc,  en  somme,  de  la  constitution  chi- 
mique des  principes  immédiats  contenus  dans  l'œuf  fécondé 
et  qui,  plus  tard,  s'isoleront  et  se  multiplieront  pour  former 
l'organisme  humain,  constitution  chimique  dont  leurs  pro- 


270  SÉANCE  DU  21  AVRIL  1887. 

ptiétés  physiologiques  sont  la  conséqtiéttce.  Il  n'y  a  donc  1& 
rien  de  ttjy&tôrieux,  maïs  des  phénoinèbes  simplement  ana- 
logues à  ceux  qnë  présehte  la  matière  iâôrgahiqUé. 

Que  dirai-je  que  je  U'aie  déjà  dit  et  répété  plusiéuf^  tbis 
dans  cette  enceiute  sur  la  prétendue  force  atavique  et  qui  iiè 
«oit  implicitement  Compris  dans  la  notioto  de  ITiôrédité,  telle 
que  je  viens  de  l'exposer  ? 

Il  est  bien  clair  qu'il  rie  peut  y  avoir  retout  d'uli  Cafaclêre 
ancestral  disparu  que  dans  deux  circonstanciés  i  !•  él,  la  (ton- 
etitution  chimique  des  principes  immédiats  i^estànt  Ihtacte, 
leurs  propriétés  ont  été  tnasquées  plus  ou  moius  longtferiips 
par  des  circonstances  qui  tiennent  &  disparaître  à  hh  iho- 
ment  donné  ;  2"  si  cette  constitution  chimique,  tnodîflëe  pab 
des  circonstances  de  milieu,  vient  à  être  rétablie  pa^  d'autres 
influences. 

Dans  ce  dernier  cas,  il  ne  peUt  y  avoir  atavisme,  puisque 
l'ancêtre  n'est  pour  rien  dans  Id  réapparition  des  caractères 
qu'il  présentait  ;  il  y  a  ressemblance  accidentelle  avfec  lui  par 
variation  ou  transformation,  et  pas  autl'c  chose. 

L'atavisme  n'est  réel  que  dans  la  première  hypothèse,  fear, 
alors,  le  lien  entre  l'ancêtre  et  son  descendant  n'a  pas  été 
rompu.  Or,  le  plus  souvent  il  est  très  difficile,  Si  ce  n'est  im- 
possible, de  prouver  cette  continuité.  Parmi  les  exemples 
d'atavisme  réel  ou  apparent  accumulés  par  Darwin  et  ses 
successeurs,  je  île  vois  de  suffisamment  établi  que  le  retour 
de  la  teinte  gris  ardoisé  de  la  Columba  li\)ta  sur  le  plumage 
de  ses  descendants  transformés,  et  quelques  autres  faits 
analogues.  On  doit,  en  effet,  supposer  que  la  substance  6hh)- 
matogène  était  tellement  diluée  chez  les  individus  à  plumage 
modifié,  qu'elle  ne  pouvait  plus  produire  son  effet  habituel 
et  qu'il  a  fallu  l'addition,  par  croisement,  d'une  nouvelle 
dose  de  cette  substance  pour  lui  permettre  de  se  manifester. 

Si  l'on  applique  le  Uom  d'atavimie  à  la  ressemblance  du 
petit-fils  à  sort  aïeul,  par  disparition  d'une  variation  acciden- 
telle, il  est  beaucoup  plus  fréquent,  comme  je  l'ai  établi  à 
propos  de  l'imprégnation.  Mais  ce  n'est  généralement  pas  à 


FAUVELLE.  —  bfeé  CAbSfeS  n*ÉRRÊUli  fe!f  ANTHROPOLOGIE.    2tl 

ee  retour  à  bref  délai  ^Ue  Ton  ^ipplique  le  mot  en  questioti. 
En  tous  cas,  il  n'y  èk  jfttnâis  ■iulertention  d'une  force  oc- 
culte. 

Si  la  médecine  était  reliée  pltis  étroitement  à  Tantbropo- 
logie,  Ce  Serait  Toccasion  de  montrer  combien  les  supersti- 
tionà  et  les  ^réjugfis  ont  introduit  d'erreurs  dans  kl  théra- 
peutique, depuis  les  pilules  de  tntûû  pants  Jusqu'aux  moelles 
de  làpln  ;  mais  la  médecine  est  ûti  ^rt  et  les  arts  ne  viTcnt 
que  dé  fictions.  Je  tne  tais,  pour  he  pas  blesser  ceut  de  nos 
boUèffueé  l}tii  sont  médecins  et  désillusionuer  ceux  (}ui  ne  le 
sont  pas. 

Il  me  reste  h  parler  d^une  autre  cause  d*erreur,  commune 
à  toutes  les  scietices^  mais  particulièrement  f&cheuse  pour 
celles  qui,- comme  l'anthropologie,  sont  à  leur  début.  C'est 
de  l*engouement  qu'il  s'agit.  Par  moments,  les  savants  s'ett- 
thousiasment  pour  Certaines  questions  qui  avaient  d'abord 
|)anl  très  simples  et  faciles  à  résoudre.  Puis,  si  des  difficultés 
imprévues  sttrgisseut^  si  les  résultats  immédiats  tle  répon- 
dent pas  à  Tattente  générale,  on  abandohne  la  partie,  et  le 
progrès  entreVu  est  rehvoyé  à  une  époque  souvent  tt*ès  éloi- 
gnée. C'est  ainsi  que  s'expliquent  ces  espèces  de  modes  que 
Ton  volt  pArattre  et  disparaître,  lorsque  l'on  considère  la 
marche  des  sciences  pendatot  une  période  suffisamment  éteu- 
due.  Je  he  citerai  qu'un  exemple,  mais  son  actualité  le  i*end 
particulièi*ement  intéressant. 

Il  y  a  bientôt  trente  ans,  Broca  démontra  que,  contraire- 
ment à  l'opinion  de  Retzius,  les  races  humaines  primitives 
de  l'Europe  occidentale  étaient  dolichocéphales  et  que  la 
brachycéphalie  n'était  apparue  dans  nos  régions  qu'à  la  suite 
d'une  invasion  venue  de  l'Orient.  Cette  découverte,  d'une 
^importance  considérable,  a  été  le  point  de  départ  d'un  mou- 
vement énergltî^e  veH  l'anthropométrie  et  spécialement  vers 
les  mensurations  crâniennes.  On  crut  qU'àVaide  de  mesures 
exactes  et  suffisamment  multipliées  on  allait  résoudre  le 
problème  de  Torigine  des  races  hutnaines  et  qu'on  serait 
bientôt  en  mesmre  de  préciser  les  points  du  globe  où  chacune 


272  SÉANCE  DU  21  ATBn.  1887. 

d'elles  a  pris  naissance,  pour  les  suivre  ensuite,  comme  à  la 
piste,  dans  leurs  migrations  plus  ou  moins  lointaines. 

Pendant  vingt  ans,  ce  fut  une  fièvre  généraie  due,  en 
grande  partie,  à  llmpulsion  vigoureuse  de  Broca.  Les  mu- 
sées s'enrichirent  de  collections  précieuses.  Les  bulletins  des 
Sociétés  d'anthropologie,  qui  se  fondèrent  à  l'exemple  de  la 
nôtre,  furent  remplis  d'observations  nombreuses  et  détaillées. 
Les  voyageurs  déployèrent  un  zèle  au-dessus  de  tout  éloge. 
En  un  mot,  chacun  voulut  apporter  sa  pierre  au  monument 
qui  allait  s'élever.  Alors  parurent,  prématurément,  des  ou- 
vrages dans  lesquels  on  cherchait  à  coordonner  tous  ces 
éléments.  C'est  ainsi  que  l'on  vit  surgir  les  Cranta  ethnica, 
les  Cranta  britannica  et  les  Cranta  helvettca.  Puis,  peu  à  peu, 
le  zèle  se  ralentit  ;  les  plus  ardents  portèrent  leur  activité 
dans  une  autre  direction.  A  l'enthousiasme  de  la  première 
heure  succéda  une  espèce  de  découragement. 

Il  est  vrai  que  le  grand  architecte,  sur  lequel  on  comptait, 
a  disparu  depuis  bientôt  sept  ans,  sans  avoir  même  pu  dres- 
ser les  premiers  plans  de  Tédifice  que  son  intelligence  avait, 
sans  doute,  conçu  et  que,  par  sa  volonté  énergique,  il  fût 
parvenu  à  construire.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  matériaux  restent 
là  épars,  et  la  solution  du  problème  de  l'origine  des  races 
humaines  semble  renvoyée  à  une  époque  indéterminée. 

Je  n'ai  aucune  prétention  à  la  compétence  en  cette  ma- 
tière ;  mais,  de  l'étude  que  j'ai  faite  de  toutes  les  mensura- 
tions crâniennes  publiées  dans  nos  Bulletins  et  dans  la  Revue 
d'anthropologie  jusqu'à  la  mort  de  Broca,  il  est  résulté  pour 
moi  la  conviction  que,  si  l'engouement  primitif  était  exagéré, 
l'espèce  de  découragement  actuel  n'a  pas  sa  raison  d'être. 
Voici,  du  reste,  quelques-unes  des  impressions  que  ce  travail 
m'a  laissées. 

L'étude  des  races  humaines  doit  nous  donner  deux  résul- 
tats principaux  :  l'origine  de  ces  races,  ,puis  leur  classement 
suivant  leur  degré  d'évolution.  Pour  atteindre  ce  double  but, 
l'anthropométrie,  prise  isolément^  est  insuffisante  ;  elle  doit 
s'aider,  d'une  part,  de  la  linguistique  et,  de  l'autre,  du  dé- 


FAUtELLE.    —  DBS  GAVHE8  d'bRRBUB  BN  ANTHROPOLOGIB.    273 

veloppement  intellectuel,  dont  l'industrie  est  la  plus  impor- 
tante manifestation. 

Pour  la  solution  du  premier  problème,  la  craniométrie  a 
une  importance  indiscutable.  En  effet,  il  est  hors  de  doute 
que  Tellipse  que  forme  le  crâne  est  allongée  dans  certains 
groupes  humains  et  raccourcie  dans  d'autres.  Ce  caractère 
est  héréditaire  et  ne  se  modifie  que  par  un  croisement  entre 
les  deux  types.  Mais,  pour  bien  apprécier  la  dolichocéphalie 
et  la  brachycéphalie,  il  me  semble  qu'avant  tout  il  serait  né- 
cessaire de  se  rendre  compte  de  la  cause  de  celte  différence 
de  forme.  Sans  avoir  la  prétention  de  traiter  incidemment 
ce  problème  difiiciie,  je  vais  essayer  d'indiquer  le  sens  dans 
lequel  les  recherches  devraient  être  dirigées. 

Pour  constater  la  dolichocéphalie  et  la  brachycéphalie,  on 
cherche  le  rapport  qui  existe  entre  le  diamètre  longitudinal 
maximum  et  Je  diamètre  transversal  également  maximum. 
C'est  donc  le  sens  du  développement  des  hémisphères  céré- 
braux qui  décide  de  la  forme  du  crâne.  Or,  ces  hémisphères^ 
malgré  leur  importance  physiologique,  ne  sont  pas  des  or- 
ganes fondamentaux.  Dans  la  série  phylogéniquè^  comme 
dans  Tontogénie,  ils  sont  les  derniers  venus.  11  en  est  de 
même  des  os  de  recouvrement  d'origine  cutanée  qui  les  pro- 
tègent. Leur  formation  et  leur  fusion  sont  tardives,  et  ils 
suivent  passivement  le  développement  des  organes  qu'ils 
doivent  défendre  contre  les  chocs  extérieurs.  On  se  trouve 
donc  amené  à  rechercher  quelle  est  la  cause  qui  dirige,  dans 
un  sens  ou  dans  l'autre,  l'extension  du  cerveau  proprement 
dit.  Elle  réside  nécessairement  dans  la  portion  intra-crâ- 
nienne  de  l'axe  médullaire,  qui  correspond  aux  trois  vési- 
cules cérébrales  primitives,  ou  mieux,  dans  la  base  du  crâne 
qui  continue  la  colonne  vertébrale.  Cette  base  a  une  origine 
tout  autre  que  les  os  de  revêtement:  d'abord  membraneuse, 
elle.se  transforme,  au  deuxième  mois  de  la  vie  intra-utérine, 
en  ime  masse  cartilagineuse  dans  laquelle  apparaissent  plus 
tard  des  points  d'ossification,  dont  l'extension  peut  varier 
suivant  les  races.  C'est  là;  je  pense,  le  point  important.  C'est 

T.  X  ^3«  3ÉRIE).  18 


donc  lirie  IJuesttoh  d^fembr^ogétiie  conlparée  éiitré  les  Hcts 
brachycéphales  et  les  races  dolichocéphales.  Mats  là  conipa- 
ralsbrt  ne  doll  pas  s'dtrêlet  à  la  vîfe  idlra-iiléHne  ;  feUc  doit 
Hvd  poursuivie  jusqu'à  Tâge  adulte  pour  bîeii  préciser  le 
bioment  oîi  la  Tohnc  du  cràrie  deVicnl  dèflHUlve.  Plusieurs 
de  nos  collègues  ont,  A  diirerscs  teprlsbs,  signalé  la  nécessité 
de  ces  dernières  recherchés  ;  ttiàis  je  ne  pensfe  ^âs  Qu'elles 
aient  été  e:fcécutées  d'une  thanîêbe  sérteiise. 

Ces  considératiohs  donnelil  de  l'iiliprfrlance  à  des  dia- 
hiêtres  crâniens  restés  jusqu'ici  sur  le  secohd  plah;  je  Veux 
parler  des  diamètres  bi-thasloïdien,  bi-BUsaurlculairè  et  an- 
*e'ro-poslérieur  inla^uè,  dottt  les  ëxlrémtiés  limitent  al}proxi- 
mativement  la  base  dd  crâne  formée  par  le  cartilage  primitif. 
Il  y  aurait,  bkl  effet,  intérêt  à  coiiîparer  l'indice  céphalique 
ordinaire  i  celui  fourni  pàt*  le  rappoK  entre  le  diamètre 
aniéro-|3ÔstébieUr  înlaque  et  le  bi-susailHculalre,  le  Ji^emier 
poUvaiit  élre  modifié  par  les  différences  individuelles  si  hom- 
breuscs  dans  les  groupes  ethniques  civilisés,  telles,  par 
eî^cniple,  que  le  dévélôppbH\èrit  des  bosses  pariétales,  qui 
peut  transforme^  eh  brachjxéphàllè  une  dolichocéphalié  prî- 
rtiillVe  ou  de  ràbe. 

Ld  forttle  du  fctâne  ISlant  bien  déllhlé,  son  origine  bleu 
établie  et  toute  catise  d'et-reUr  écartée,  là  première  chose  à 
faite,  b'csl  de  coristaler  l'état  afeltiel  et,  pat  conséquent,  de 
dresser  lirte  cattfe  de  la  distribution  de  la  dolichocéphalié  et 
dd  la  brachVcèphalle  dans  les  diverses  parties  de  la  terre 
habitée.  C'est  ce  (Ju'a  bien  compris  notre  collègue  !l.  Col- 
llgrtoh  ;  aussi  seâ  recherches  faites  en  France  et  en  Tunisie 
ôht-elles,  â  mon  avis,  une  grande  itnporlance. 

ta  stihàtlon  actuelle  une  fois  précisée,  H  faudrait  procéder 
de  la  même  manière  pour  les  ^ophlations  disparue^  en  les 
classdtit  â^e  ^àr  âge,  depuis  les  lenàps  préhistoriques  les  plus 
rbCiilés  jtist^u'â  hos  jours.  On  utiliserait  ainsi  tous  les  maté- 
riaux accumulés,  et  tous  les  efforts  tendraient  h  les  complé- 
ter. C'est  alors  seulement  qu'uh  travail  d'ensemble  sur  l'ori- 
gine des  races  humaines  pourrait  être  tenté  avec  espoir  de 


DISCUSSION  SUR  LES   CAUSES  D'ERR^R  EN  ANTHROPOLOGIE.     275 

succès,  en  s'aidaùl  naturellement,  s'il  est  nécessaire,  des 
données  anthropométriques,  comme  aussi  de  la  linguistique 
et  de  rindttstrie. 

Je  nlnsisle  pas  ;  U  nie  suffit  d'avoir  signalé  les  erreurs 
d'appréciation  et  de  méthode  causées  par  l'enthousiasme  de 
la  première  heure  et  les  conséquences  fâcheuses  qu'elles  ont 
entraînées. 

En  résumé,  de  la  série  d'erreurs  que  je  viens  de  signaler 
et  dans  lesquelles  sont  tombés  les  anthropologistes,  nous 
devons  tiiiîr  cet  enseignement  :  q\i'é,  dans  nos  éludes,  il  faut 
écarter  toute  espèce  de  préjugés  religieux,  philosophiques  oii 
autres,  et  s'en  tenir  â  la  méthode  formulée  par  IP.  Bacon: 
observer,  expérimenter  et  ensuite  induire,  s'il  est  possible. 

Discussion. 

M.  EscHENAUER  fait  observer  à  l'orateur  qu'il  traite  un  peu 
sévèrement  les  philosophes  et  la  philosophie.  Celle-ci  a  sans 
doute  commis  des  erreurs,  mais  elle  n'a  nullement  méprisé 
les  lumières  de  la  science.  Elle  a  grandement  profité  de  ces 
lumières  et  c'est  grâce  à  elle  que  beaucoup  de  philosophes 
modernes  sont  devenus  moins  dogmatiques.  Les  philosophes 
ont  rendu,  eux  aussi,  d'éminents  services  à  la  science  qui, 
d'ailleurs,  ne  saurait  se  passer  de  l'esprit  philosophique. 
M.  Fauvelle  semble  vouloir  les  imiter,  car,  tout  en  parlant  de 
supprimer  la  pbiJosophîe,  il  fait  lui-même  œuvre  de  philo- 
sophe et  il  n'a  rien  trouvé  de  mieux,  pour  terminer  sa  disser- 
tation, que  de  citer  Bacon,  un  philosophe  s'il  en  fut. 

M.  Matbias  Duval  dit  que  M.  Fauvelle  ne  doit  pas  attri- 
buer à  l'indifférence  de  la  Société  le  silence  qui  accueille 
généralement  ses  lectures.  Un  certain  recueillement  doit 
nécessairement  précéder  les  réponses  à  des  travaux  de  ce 
genre.  Mais  ces  travaux  ne  sont  point  perdus  pour  cela 
et  M.  Duval  déclare  en  avoir  profité  maintes  fois.  C'est  ainsi 
qu'il  s'est  efforcé,  dan»  ses  cours,  de  résister  à  la  tendance 
.  qu'il  avait  à  se    servir  du  terme  philosophiques  pour  qua- 


276  SÉANCE  DU  2i    AVRIL  1887. 

lifler  des  idées  qu'il  préfère  appeler  simplement  générales, 
M.  Duval  ajoute  que  la  philosophie  dont  M.  Eschenauer  a 
pris  la  défense,  a  peu  d'attraits  pour  lui,  mais  que  M.  Fau- 
velle  s'exagère  peut-être  l'influence  néfaste  qu'elle  exerce  sur 
lesjeunes  générations.  Il  est  possible  qu'elle  constitue  pour 
l'esprit  une  sorte  de  gymnastique  utile.  D'autre  part,  M.  Fau- 
velie  semble  parfois  se  faire  illusion  sur  la  valeur  de  l'intro- 
duction en  biologie  des  termes  de  chimie  et  de  physique. 
C'est  ainsi  qu'en  attribuant  à  la  gravitation  la  segmentation 
des  cellules,  il  n'explique  nullement  cette  segmentation.  Cette 
idée,  d'ailleurs,  se  rattache  à  une  idée  plus  générale  encore 
admise  notamment  par  le  professeur  His,  à  savoir  que  toutes 
les  transformations  et  évolutions  des  organes  embryonnaires 
se  réduisent,  en  somme,  à  des  phénomènes  mécaniques 
explicables  par  des  considérations  de  mécanique  pure,  etc. 
M.  Fauvblle.  Je  m'explique  parfaitement  l'émotion  que 
ma  critique  des  philosophes  a  fait  éprouver  à  M.  Eschenauer, 
et  je  comprends  qull  ait  trouvé  des  paroles  éloquentes  pour 
défendre  les  fondateurs  des  différentes  sectes  philosophiques  : 
ils  étaient  certainement  des  personnages  marquants.  Mais, 
s'ils  avaient  une  intelligence  supérieure  à  celle  de  leurs  con- 
temporains, ils  ont  aussi  beaucoup  trop  présumé  de  leurs 
forces.  Considérant  soit  l'homme,  soit  l'univers  dans  leur 
ensemble,  ils  s'en  sont  fait  des  idées  générales  qui  ne  repo- 
saient que  sur  des  données  très  vagues,  sur  de  simples 
conjectures  ;  ce  qui  ne  les  a  pas  empêchés  de  présenter  leurs 
conceptions  comme  des  réalités  et  comme  des  principes 
fondamentaux.  Mais  alors,  pour  y  rattacher  tous  les  faits^  ils 
sont  tombés  dans  ces  subtilités  étranges,  exprimées  dans  un 
langage  non  moins  bizarre  et  que  j'ai  signalées  dans  ma 
communication.  Ils  sont  partis  de  l'inconnu  pour  se  diriger 
vers  la  connu,  méthode  absolument  opposée  à  celle  pratiquée 
par  les  sciences  qui  procèdent  du  connu.  Il  est  vrai  que  Fr. 
Bacon  dont  je  préconise  ie  précepte^  est  rangé  parmi  les  phi- 
losophes ;  mais  à  cette  époque  ce  titre  s'appliquait  à  tous 
les  savants  en  générai,  tandis  qu'aujourd'hui  il  y  a  contra- 


DISCUSSION  SUR  LES  CAUSES   d'KRREUR  EN    ANTHROPOLOGIE.     277 

diolion  complète  entre  les  deux  noms.  Aussi,  sans  prétendre 
mériter  le  secoàd,  je  proteste  contre  l'honneur  que  mon 
honorable  collègue  croit  me  faire  en  m*appliquant  le  pre- 
mier. 

Je  suis  excessivement  sensible  aux  éloges  que  M.  Mathias 
Duval  a  bien  touIu  faire  de  mes  diverses  communications  ; 
sa  haute  compétence  en  double  le  prix.  Mais  il  n'en  est  pas 
moins  vrai  que  jusqu'ici  je  suis  resté  isolé  dans  mes  efforts 
pour  expliquer  physiologiquement  les  phénomènes  intellec- 
tuels. Je  l'ai  aussi  entendu  avec  plaisir  condamner  la  philo- 
sophie universitaire,  il  la  regarde  néanmoins  comme  une 
utile  gymnastique  de  l'esprit.  C'est  une  erreur  ;  s'il  veut  bien 
s'y  reporter,  il  reconnaîtra  qu'elle  est  absolument  irrationnelle 
et  qu'elle  ne  peut  que  troubler  le  fonctionnement  régulier  de 
Torgane  cérébral.  Il  en  donnelui-môme  une  preuve  saisissante 
parla  tendance  irrésistible  qu'il  éprouve  à  qualifier  de  philoso- 
phique la  généralisation  des  faits  scientifiques.  S'il  n'était 
hanté  par  ses  souvenirs  scolaires,  il  comprendrait  que 
l'observation  des  faits  aussi  bien  que  leur  généralisation  sont 
du  ressort  de  la  science,  et  qu'il  risque  de  discréditer  la 
seconde  en  lui  appliquant  une  qualification  qui  ne  convient 
qu'à  des  conjectures  plus  ou  moins  fantaisistes. 

Mon  honorable  ami  trouve  qu'en  attribuant  à  la  gravitation 
le  phénomène  de  la  segmentation  des  cellules,  je  n'en  donne 
nullement  l'explication.  Il  est  vrai  que  nous  ne  connaissons 
pas  la  gravitation  dans  son  essence,  mais  c'est  une  forme  de 
l'attraction  qui  se  rencontre  fréquemment  dans  la  nature,  et 
il  y  a  intérêt  pour  la  science  de  rapprocher  toutes  les  circon- 
stances dans  lesquelles  elle  se  manifeste.  J'en  dirai  autant  de 
TafCnité,  tontes  deux  jouant  un  rôle  important  dans  le  grou- 
pement de  la  matière. 

S'il  est  des  physiologistes  qui,  tels  que  M.  le  professeur  His 
cité  par  M.  Duval,  admettent  comme  principe  que  tout  est 
mécanique  dans  le  corps  humain,  ils  méritent  d'être  classés 
parmi  les  philosophes.  Mais  il  en  est  d'autres  qui  observent 
et,  n'y  trouvant  que  phénomènes  chimiques,  physiques  et 


S78  SÉANCE  DU  %^   AVRIL  1887. 

mécaoiques,  çittendent,  pour  y  voir  autre  cbose,  que  Tobser- 
vation  et  rexpérimentation  le  leur  e^^nt  montré. 

M.  MAifouvRiER.  M.  Fauvelle  semble  confondre  dans  sa  ré- 
probation, la  philosophie  et  l'enseignement  philosophique  de 
rUniversité.  Qr  ce  sont  den^  clioses  a]pisolument  distinctes. 
Si  l'Université  enseigne  une  p^l^osophie  m^^tphysique,  suran- 
née, ce  n'est  pas  à  Ic^  philosophie  qu'il  faut  s*en  prendre, 
mais  à  TUniversité.  Si  les  sciences  devaient  être  rendues  res- 
ponsables des  inepties  qui  se  débitent  en  leur  nom,  il  fau- 
drait les  supprimer  toutes  et,  dans  ce  cas,  l'anthropologie  ne 
survivrait  certes  pas  aux  autres.  Notre  collègue  est  loin 
d'être  le  premier  ennemi  de  la  métaphysique,  mais  il  ne  doit 
pas  igporer  qu'il  existQ  une  philosophie  positive  et  scienti« 
fique  dont  le  premier  principe  est  précisément  la  répudiation 
de  la  métaphysique  et  qui  n'admet  comme  bases  que  l'obser- 
vation et  l'expérience.  Cette  philosophie  scientifique,  pour 
n'être  pas  enseignée  à  la  Sorbonne,  n'en  est  pas  moins  vi- 
vante et  bien  vivante.  Elle  est  au  courant  des  sciences,  dont 
elle  ne  constitue,  du  reste,  que  l'expression  la  plus  générale 
sans  se  confondre  avec  aucune.  Lç  meilleur  moyen  de  se 
débarrasser  de  la  philosophie  ancienne,  ce  serait  d'enseigner 
la  nouvelle.  Beaucoup  de  savants  trop  exclusivement  can- 
tonnés dans  leur  spécialité  y  gagneraient  sans  aucun  doute. 

Je  demanderai  maintenant  à  M.  fauvelle  la  permission  de 
lui  faire  quelques  observations  en  échange  de  celles  qu'il 
vient  d'adresser  aux  craniologistes.  S'il  est  nécessaire,  pour 
faire  de  la  bonne  philosophie,  d'étudier  préalal)lement  d'une 
façon  sérieuse  les  sciences  sur  lesquelles  elle  repose,  il  ne 
saurait  guère  être  utile  d'indiquer  la  marche  à  suivre  dans 
une  science  que  l'op  ne  possède  point.  Avant  de  parler  sur 
la  craniologie,  notre  collègue  a  commencé  par  déclarer  son 
incompétence  et  la  suite  de  son  discours  n^'a  fait  penser  que 
ce  n'était  pas  uniquement  par  modestie.  Il  a  donc  agi,  en 
cela,  un  peu  à  la  façon  des  philosophes  de  la  mauvaise  école. 
Qpant  à  ses  vues  sur  l'origine  de  l'anthropologie  et  de  la 
craniométrie,  elles  m'ont  paru  au  TOoipshajsardées  et  un  peu 


DISCUSSION   SUR   LES  CAUSES  D*BRR£yR  ^  4NTnR0P0L0GlE.    %1^ 

étrpite^  popr  UQ  esprit  ai  philosop)^iqi^^.  SI  l'on  ;*est  m^  ^ 
mesurer  le  corps  fiumain  et  le  cr4ne  ei\  particulier,  ç*a  éi^ 
dans  un  but  be^^ucouD  plus  large  quq  ne  le  pense  ^.  Fau- 
velle.  On  a  compris  que,  pour  felfe  (ip  |a  crj^niologie  scien- 
tifique, il  fallî^jt  sub^titiier  au^  obs^ryatioas  à  vue  de  ne?  des 
mensurations  précises.  La  «  fîèvr^  »  dont  a  parlé  notre  col- 
lègue et  qui  n*est  nullement  calmée  e^  atteint,  compie  Broca, 
tous  CQU^  qui  préfèrpn(  l'o^SQrvat^on  Qt  re^péripçntatiqi)  à 
l'inspiration  pure,  çp  craniologie  comnie  aijleurs.  M.  Fs^n- 
velle  nous  a  parlé  d*un  travail  intéressant  qu'il  a  à  fajre.  Il 
va  sans  doute  se  mettre  h  To^uvre  et  mesurer  à  son  tour.  Je 
souhaite  fort  qu'il  entreprqane  le  travail  en  question,  ne  f<it-ce 
que  ppur  se  convaincre  de  la  différence  qui  existe  entfe  qnp 
vue  en  l'air  et  une  opération  scientifiaue. 

M.  Fauvelle.  m.  Manouvrier  s'étonne  que,  tout  en  recon- 
naissant que  je  pe  me  suis  jamais  livré  £(ux  mensurations 
crâniennes  et  qup  par  copséqijent  j^  n'^i  p^?  sa  compétence 
en  la  matière,  j'ai  cru  pouyoir  présenter  quelques  yues  cri- 
tiques 3ur  ce  sujet.  Je  copaprpdrais  son  émotion,  sn'avais 
contesté  Tei^^çtitude  des  chiffras  obtenus  par  la  craniométrie, 
et  si,  pour  en  parler,  je  f^ç  f^'étais  Uvfé  à  aucune  étude  préa- 
lable. ^e^e  p'apas  été  p^^  i^anièrp  4e  procéder.  4V  d'abord 
commencé  par  me  rendre  compte  de  l'état  de  la  question  ; 
pui3,  const^tap^  l'espèce  de  temps  d'arrêt  que  subit  la  re- 
cherche des  pagines  des  races  humaines,  j'ai  voulu  en  péné- 
trer les  causes.  Cettp  conduite  es^je  pense,  parfaitement 
correct^.  I^Iaintenaiit  devais-je  garder  mes  oJ)servationspour 
moi?Çert^li^emept  non.  Mon  devoir  strict  était  de  comn^u- 
niquer  ^  la  Société  mes  remarques  à  ce  sujet,  surtout  parce 
qu'elle^  résultaient  de  l'étude  minutieuse  de  ses  travauiç. 

C'es|i  ainsi  qpe  j'ai  été  amené  à  dire  que  pour  légitinjer 
l'importance  4®  fa  c^apiométrie,  importance  que  je  ne  pie 
pas  du  reste,  j)  aurai|»  fa}!^  4'a'^^''4  rechercher  l'origine 
em^^fyppf^ajfe  dç  1^  br^cbyc^phalie  et  <|e  la  dolichocéphalie. 
C'est,  ajputQ  notre  excellent  collègue,  plus  facile  à  dire  qu'^ 
faire.  C-est  vfai  ;  paais  il  est  jeune  e^  il  ^  à;  sa  dispositiop  uq 


S80  SÉANCE  DU  21   AVRIL   1887. 

laboratoire  où  tous  les  travaux  anthropologiques  sont  pos- 
sibles. Et  puis,  cette  idée  que  je  livre  à  la  publicité,  peut  être 
bien  accueillie  ailleurs  et  séduire  quelque  embryologiste. 

Au  sujet  de  la  comparaison  à  faire  entre  l'indice  iniaque 
et  rindice  céphalique  ordinaire,  M.  Manouvrier  m'engage  à 
présenter  un  travail  à  ce  sujet.  Je  ne  m*y  refuse  pas,  mais  il 
me  permettra  de  prendre  mon  temps  pour  cela. 

Quant  à  la  méthode  que  j'indique  pour  la  recherche  de 
l'origine  des  races  humaines,  libre  à  lui  de  la  critiquer  ;  je 
verrai  à  répondre  à  ses  objections. 

Enfin,  si  l'on  prenait  à  la  lettre  ce  que  vient  de  dire  notre 
excellent  collègue,  pour  se  permettre  de  parler  craniométrie, 
il  faudrait  avoir,  comme  lui;  mesuré  plus  de  6  000  crânes. 
Ses  paroles  m'étonnent  et  ne  cadrent  guère  avec  son  libéra- 
lisme bien  connu. 

M"«  Clémence  Roybr.  Gomme  plusieurs  de  nos  collègues, 
je  crois  qu'en  effet  M.  Fauvelle  fait  de  la  philosophie,  sinon 
sans  le  savoir,  ce  qui  est  dangereux,  du  moins  sans  vouloir  en 
convenir,  parce  que,  de  nos  jours,  la  philosophie  est  mal 
portée,  que  c'est  une  mode  très  répandue  d'affecter  de  n'en 
point  faire.  C'est  peut-être  une  réaction  légitime  contre  l'abus 
qu'on  en  a  fait.  N'en  point  faire  est  impossible.  Nul  n'échappe 
aux  lois  de  la  pensée  plus  qu'aux  lois  de  la  nature  ;  et  en 
dehors  des  lois  du  raisonnement,  nul  ne  saurait  raisonner 
qu'à  la  condition  de  déraisonner.  On  ne  peut  joindre  un 
attribut  à  un  sujet  sans  faire  de  la  métaphysique,  toujours 
impliquée  dans  la  grammaire  la  plus  élémentaire  et  dans  les 
catégories  du  langage.  C'est  pourquoi,  puisque  la  philosophie 
s'impose  ainsi  à  notre  pensée,  comme  le  code  qui  la  régit, 
vaudrait-il  mieux  en  faire  de  son  plein  gré,  sachant  qu'on  en 
fait,  pour  la  faire  aussi  bonne  que  possible.  Car  si  Ton  en  fait 
sans  le  savoir  et  sans  le  vouloir,  il  y  a  toutes  chances  pour 
qu'on  la  fasse  mauvaise  et  qu'on  retombe  dans  tous  les  erre- 
ments élémentaires  qu'on  a  tant  reprochés  aux  philosophes. 
Les  protestations  de  M.  Fauvelle  montrent  qu'il  a  gardé  ran- 
cune à  cette  sorte  de  philosophie  qui  seule  est  admise  dans  les 


DISCUSSION  SUR  LB8  CAUSES  d'eREBUR  EN  ANTHROPOLOGIE.    961 

programmes  universitaires.  Il  semble  croire  qa*il  n*en  est  point 
d'autre  qui  vaille  mieux,  ce  qui  a  lieu  de  me  surprendre. 
Encore  vaut-il  mieux,  peut-être,  avoir  étudié  celle  là  que  de 
n*en  avoir  étudié  aucune  et  de  ne  s'être  jamais  demandé 
comment  on  pense  et  comment  il  se  fait  qu'on  pense. 

Mais  je  suis  surprise  surtout  du  dédain  de  M.  Fauvelle  pour 
la  logique,  et  surtout  pour  la  logique  déductive,  qu'il  semble 
croire  scientifiquement  impuissante.  Refuserait-il  donc  le 
nom  de  science  aux  mathématiques  qui  sont  essentiellement 
déductives  ?  Ce  serait  emporter  du  même  coup  toute  la  phy- 
sique, toute  la  mécanique,  toute  l'astronomie  moderne,  avec 
ce  qu'il  y  a  de  meilleur  dans  la  chimie  et  peut-être  fermer 
d'avance  la  porte  aux  progrès  futurs  de  la  physiologie.  En 
réalité  toute  science  qui  est  arrivée  à  formuler  des  lois 
devient  par  cela  même  déductive. 

Je  sais  bien  que  cette  impuissance  de  la  logique  a  été  sou- 
tenue même  par  de^  esprits  éminents  ;  que  Stuart  Mill,  entre 
autres,  en  a  fait  son  cheval  de  bataille,  sans  paraître  se  douter 
que  tous  ses  arguments  contre  la  déduction  étaient  purement 
déductifs,  comme  toute  argumentation  l'est  fatalement.  Des 
Allemands,  avant  lui,  se  sont  targués  de  renouveler  la  logique 
d'Aristote  et  de  la  prendre  en  défaut.  Us  ont  cru  faire  dans 
Tesprit  humain  de  nouvelles  découvertes  en  multipliant  les 
formes  du  jugement,  en  supposant  qu'entre  l'affirmation  et 
la  négation  il  y  avait  une  catégorie  nouvelle  de  limitation. 
Je  sais  bien  que  des  Français,  à  leur  exemple,  ont  tenté  la 
synthèse  de  la  thèse  et  de  Tantithèse.  Malheureusement  il  y 
a  dans  tout  cela  plus  de  mots  que  d'idées,  et  des  idées  inven- 
tées pour  remplir  les  mots  qu'une  déplorable  facilité  de  con- 
struction de  nos  langues  permet  de  créer  sans  autre  besoin  que 
celui  de  la  symétrie  grammaticale.  Il  n'y  a,  en  réalité,  qu'une 
forme  de  proposition  on  de  jugement:  l'affirmation,  puisque 
toute  négation  peut  être  mise  sous  la  forme  affirmative  en  la 
faisant  tomber  sur  un  attribut  négatif.  Dire  qu'une  chose  est 
non  carrée  revient  exactement  à  dire  qu'elle  n'est  pas  carrée, 
e'est-à-dire  peut  être  de  toutes  les  formes,  excepté  carrée. 


28i  SÉAIJGE  DU  %\   AVaiL  1887. 

En  cela  donc  tout  jugement,  affirmatif  ou  négatif,  est  aussi 
limitatif,  puisqu'il  enferipe  le  sujet  da^s  les  limites  çlV^fl 
catégorie  définie. 

Si  donc  M.  Fauvelle  a  des  rancunes  contre  |a  ^ogique,  c'est 
sans  doute  contre  cette  logique  nouvelle  qui  ne  sert  qu'à 
jeter  beaucoup  de  trpqble  (îans  Tesprit,  en  obscurcissant 
ce  qui  est  clair,  et  con^pliquant  ce  qui  est  simplp  ;  mais  je  1^ 
soupçonne  de  n'avoir  jamais  fréquenté  directement  ni  le  texte 
de  ïOrganon,  ni  même  notre  vieux  Port-Royal  qui  en  est  Je 
commentaire  ;  car  il  y  aurait  appris  qvie  le  danger  de  rai- 
sonner avec  des  mots,  au  lieu  de  raisonner  directement  avec 
des  idées,  c'est  de  tomber  dans  des  sophismes  ve^'baux,  et  guç, 
parmi  ces  sophismes,  il  en  est  un  qui  consiste  à  conclure  d^ 
l'espèce  auçenre  çtdu  particulier  au  général.  Or,  c'est  jus- 
tement ce  qu'il  vient  de  faire  en  concluant  d'une  espèce  par- 
ticulière de  philosophie,  de  celle  qu'on  enseigne  à  la  Sor- 
bonne,  à  la  philosophie  en  général,  qui  n'^st  pas  plus  comp- 
table des  erreurs  des  philosophes  que  chaque  science  n'est 
comptable  des  erreurs  des  savapts  qi^i  la  cultivent.  P.arce 
qu'on  a  cru  longtemps  que  le  soleil  j,ourpait  autour  de  |a|,erre, 
il  ne  faydr^it  pj^s  nier  l'astronopiie  ;  et  l'anthropologie  n'est 
pas  responsable  du  dogme  qui  fais$iit  naître  Eve  d'une  côte 
métamorphosée  d'Adam^  et  qui^  cependant,  fut  son  point  de 
départ  primitif. 

Jusqu'ici  nous  ^vons  eu  autant  de  philosophies  que  de  phi- 
losophes. Tel  est  le  sort  de  toute  sçienc^,  à  ses  début?,  d'ad- 
mettre toutes  sortes  d'hypo^Jxèsçis  contradictoires,  jusqu'^  ce 
que,  à  force  de  se  contredire,  elles  se  détruisent  les  i^nes  les 
autres  et  fassent  naître  la  seule  vraie  d'une  observation  plus 
complète  des  faits. Il  en  sera  de  même  de  la  philosophie,  qui, 
bien  que  la  première  commencée  de  toutes  les  sciencp,  ne 
peut  être  achevée  que  la  ç}ef  n|ère,  parce  qu'elle  doit  les  résu- 
mer toutes. 

Quant  à  cette  partie  4e  la  philosophie  qui  s'appellç  la  lo» 
gique  et  qui  n'est  que  la  règle  de  l'entendement,  c'est  la 
mieux  connue,  la  plus  ancienpement  fondée.  Si  -Aristqtq  l'^ 


DISCUSSION  SUR  LBS  CAUSES  d'eBREUH  m   ANTHROPOLOGIE.    ^8^ 

déjà  codifiée,  il  n'a  pas  été  le  premier  à  en  découvrir  les  lois 
qu'il  a  formulées  surtout  contre  Técole  des  sophis^s.  C'est  une 
grande  erreur  dejcroire  qu'il  n'ait  point  connu  rinduetion, 
qu'il  a  t^t  de  fois  mise  en  pratique  dans  ses  livres  d'histoire 
naturelle,  et  Bacon  lui-même  ne  s'est  point  targué  de  l'avoir 
inventée.  Il  savait  trop  bien'qu'elle  n'était  qu'une  forme  du 
raisonnement  épagogique,  qui,  de  la  série  complète  des  juge-* 
men^  particuliers,  tire  une  proposition  générale. 

Bacon  a  seulep^^nt  constaté  que  ce^te  énumératîon  com- 
plète desjugements  particuliers  étant  impossible,  dans  la'p[u- 
part  des  cas,  il  suffisait  d'un  certain  nombre  de  ces  jugements 
pour  conclure  upe  proposition  générale  dont  la  probabilité 
augmente  avec  leur  nombre  et  leur  évidence  :  c'est-à-dire 
que  Bacon  a  par  là  codifié  l'hypothèse,  que  l'expérimentation 
€jt  l'observation  doivent  ensuite  vérifier,  mais  qui  devient 
évldpn^e  seulement  (orsque,  dans  la  série  çies  vérifications, 
serepqontfe  une  proposition  générale,  un  axiome  qui  permet 
d'en  conclure  la  preuve  déductive.  Car,  bien  contrairement  à 
ce  que  pense  M.  Fauvelle,  il  n'y  a  réellement  que  la  déduction 
qui  prouve,  et  dans  la  déduction  la  conclusion  vaut  toujours 
ce  que  valent  les  principes.  Elle  est  juste  s'ils  sont  justes; 
elle  est  fausse^  s'ils  sont  entachas  d'erreurs  ;  et  tout  principe 
n'est  en  réalité  qu'un  jugement  analytique,  c'est-à-dire  l'af- 
firmation d'un  fait. 

Toute  science  qui  part  des  faits  et  de  leur  observation  est 
donc  déductive  et  essentiellement  constituée  par  une  série 
de  déductions.  C'est  pourquoi  les  plus  parfaites  et  les  plus  évi- 
dentes des  sciences  seront  toujours  les  mathématiques,  et  que, 
môme  les  sciences  naturelles,  empruntent  aujourd'hui  toute 
leur  évidence  aux  relations  mathématiques  qu'elles  réussis- 
sent à  établir  entre  les  faits]  et  qui,  dès  lors,  prennent  la 
valeur  de  lois,  c'est-à-dire  d'axiomes  ou  de  principes  géné- 
raux dont  on  peut  ensuite  déduire  d'autres  faits  particuliers. 
C'est  là,  en  somme,  la  doctrine  de^Bacon,  celle  du  Novum 
Organim, 

Seulement,  dfins  le  cas  où  l'on  prewd  pour  axiomes  des  prin- 


984  SÉAKCB   DU  21    AVRIL  1887. 

cipes  imaginaires,  des  affirmations  erronées,  des  jugements 
contradictoires,  on  arrive,  déductivement,  à  des  conclusions 
fausses  dont  la  logique  n'est  point  comptable,  mais  seulement 
ceux-là  qui  ont  été  de  mauvais  logiciens,  en  cela  qu'ils  ont 
commencé  par  faire  des  inductions  fausses  et  par  prendre  pour 
des  axiomes  des  hypothèses  non  prouvées  et  parfois  de  sim- 
ples faits  imaginaires. 

La  philosophie,  une  fois  débarrassée  de  ces  faits  imagi- 
naires, de  ces  hypothèses  imprudentes  dont  la  fausseté  est 
aujourd'hui  démontrable,  peut  devenir  une  science  exacte, 
une  science  déductive  comme  les  mathématiques,  si  elle  a  le 
soin  d'emprunter  ses  principes  aux  lois  de  la  nature  démon- 
trées par  la  science  ;  mais  elle  aura  toujours  à  se  garder  des 
sophismes  verbaux  qui  consistent  à  prendre  chaque  terme  en 
divers  sens  dans  les  propositions  syllogistiques,  à  raisonner 
sur  des  termes  mal  définis,  à  tirer  d'un  jugement  autre  chose 
que  ce  qu'il  contient,  et  enfin  à  conclure  affirmativement  de 
jugements  ou  de  faits  qui  sont  encore  contestables. 

Si  la  philosophie  enfin  avait  toujours  respecté  les  lois  de 
la  logique  déductive^  elle  ne  mériterait  pas  les  dédains  de 
M.  Fauvelle  et  les  défiances  de  tous  ceux  dont  elle  a  abusé  la 
jeunesse  ;  elle  serait  restée  la  lumière  directrice  de  la  science, 
sa  synthèse  totale  à  chaque  époque.  Nous  ne  verrions  pas 
tant  de  gens  faire,  malgré  eux,  de  la  philosophie  sans  le 
savoir  et  la  faire  mauvaise,  si,  à  la  Sorbonne,  on  s'était  con- 
tenté, en  attendant  mieux,  d'enseigner  la  logique,  sans  la- 
quelle il  n'y  a  point  de  science. 

Si,  au  contraire,  on  l'avait  supprimée  de  nos  programmes 
universitaires,  n'est-ce  point  précisément  pour  cela  qu'elle  est, 
avant  tout,  le  Verbe  éternel  qui  éclaire  tout  homme  en  ce 
monde,  quand  la  parole  ne  la  trahit  pas  jusqu'à  la  faire  men- 
tir; et  qu'elle  a  surtout  cette  vertu  de  démêler  le  faux  d'avec 
le  vrai  dans  .les  arguments  sophistiques  des  docteurs  les  plus 
officiels. 

M.  Pauvelle.  Si  j'ai  bien  compris  le  langage  philosophi- 
que de  M"*  Clémence  Royer,  tout  en  accordant  une  impor- 


DISCUSSION  SUR  LES  CAUSES  D'BRREUR  EN  ANTHROPOLOGIE.    285 

tance  réelle  à  rinductioii;  elle  pense  que  la  déduction  a  aussi 
du  bon  et  qu'il  ne  faut  pas  la  rejeter.  Je  ne  vois  vraiment 
pas  comment  on  peut  allier  deux  manières  de  raisonner  abso- 
lument contraires.  La  méthode  syllogistique  ou  des  déductions 
part  d*un  principe  général  supposé  connu,  pour  y  rattacher 
les  faits  particuliers  ;  par  Tinduction,  au  contraire,  on  s'ap- 
puie sur  les  faits  particuliers  pour  arrivera  la  connaissance  du 
principe  général.  Si  Ton  compare  la  science  à  une  pyramide 
qu'il  s'agit  demesurer,  la  logique d'Aristote  nous  fait  procéder 
d'un  sommet  hypothétique  pour  arriver  à  déterminer  la  base, 
tandis  que  par  celle  de  Bacon  on  commence  par  préciser 
cette  base  pour  s'élever  jusqu'au  sommet  en  déterminant 
graduellement  chaque  tranche  de  la  pyramide.  Ce  sera  un 
pur  hasard  si  les  deux  résultats  arrivent  à  coïncider  ;  s'ils 
diffèrent,  l'erreur  sera  certainement  du  côté  d'Aristote.  Ce 
qui  est  vrai  pour  l'ensemble  l'est  également  pour  les  détails. 

Ainsi,  aucune  alliance  n'est  possible  entre  ces  deux  modes 
de  raisonnement.  Quant  aux  mathématiques,  personne  ne 
leur  accorde  aujourd'hui  le  titre  de  sciences  particulières. 
Ce  sont  simplement  des  méthodes  nécessaires  pour  observer 
certains  faits,  les  préciser  et  en  rechercher  les  enchaîne- 
ments. Se  livrer  à  l'étude  des  mathématiques  sans  les  appli- 
quer, ce  serait  faire  de  la  statistique  uniquement  pour  obte- 
nir des  totaux. 

M.  Sanson  dit  que,  d'après  une  définition  de  Claude  Bernard, 
le  philosophe  est  celui  qui  fait  sa  spécialité  des  généra- 
lités. Mais  il  y  a  deux  sortes  de  philosophes  :  ceux  qui  font 
des  généralités  basées  sur  la  science,  et  ceux  qui,  suivant 
l'expression  du  professeur  Chauffard,  dédaignent  de  descendre 
dans  le  marais  fangeux  des  réalités  objectives.  C'est  sans 
doute  des  derniers  seuls  que  M.  Pauvelle  veut  parler. 

M.  Laborde  dit  qu'il  existe  une  philosophie  contre  laquelle 
on  ne  saurait  trop  s'élever:  c'est  celle  quia  la  singulière 
prétention  de  se  passer  de  la  science,  et  de  considérer  cette 
dernière  comme  une  cuisine  méprisable  qu'il  faut  laisser  aux 
vulgaires  physiologiste?. 


286  SÉAHCE  DÛ  21   ÂVRtt  1887.  ' 

M.  PauItellï:.  mm.  Laborde  et  Sanson  ont  patfaîlenieril  ca- 
ractéHâé  Teâprit  de  la  philosophie  universitaire.  Elle  a  là 
préteiition  de  reléguer  la  science  sur  Ife  dernier  plan,  et  ce 
n'est  pas  tiiie  simple  prétention  théorique.  Leé  prbgranimes 
du  baccalauréat  es  lettres  en  sont  la  preuve.  A  rexatriéh 
pour  robtehtion  de  la  seconde  partie,  les  notes  de  la  philo- 
sophie comptent  double,  si  bien  que  les  candidats  qui  ne  pré- 
sentent t)as  une  orthodoxie  parfaite  sont  impîtoyablemehl 
évincés,  malgré  ou  plutôt  à  cause  de  leurs' connaissances 
scientifiques. 

Nous  sommes  donc^tous  à  peu  près  d*àccordJpour;cohdam- 
ner  cette  espèce  de  philosophie.  Mais  il  i)arâîl  qu'il  y  en  a 
beaucoup  d'autres,  chacun  de  mes  honorables  contradicteurs 
a  la  sienne  qui  diffère  notablement  de  celle  des  autres.  Quelle 
valeur  peut  donc  avoir  une 'prétendue  science  aussi  poly- 
morphe? Aucune.  Laissons  donc  là  ces  expressions  surannées, 
qui  sentent  d*une  lieue  la  scolaslique  du  moyen  âge  et  tenons- 
nous  en  simplement  à  la  science. 

En  tous  cas  je  proteste  contre  Tépilhète  de  philosophique 
par  laquelle  partisans  ou  adversaires  de  la  philosophie  vou- 
draient caractériser  mes  recherches. 

Elles  n'ont  mérité 
Ni  cet  excès  d'honneur  ni  cette  indignité. 

M°*  Clémence|RoYER.  C'est  une  fatalité  bien  étrange  que, 
dès  qu'on  parle  de  philosophie,  c'est-à-dire  de  ce  qu'il  y  a  de 
plus  clair  au  monde,  on  cesse  de  s'entendre.  Il  est  évident 
qu'ici  M.  Sanson  ne  comprend  nullement  le  mot  de  philo- 
sophie comme  M.  Laborde,  et  qu'en  [citant  la  définition  de 
Claude  Bernard,  il  ne  l'a  point  comprise  comme  lui.  Tandis 
que  M.  Laborde  et  M.  Mathias  Duvaljveulent  bien  accorder 
que  la  philosophie  est  nécessaire  à  la  science,  dont  elle  est 
l'achèvement,  M.  Sanson  juge  qu'elle  lui|est  nuisible,  ou  tout 
au  moinsMnutile,  et"que  cette  •«  spécialité  des  généralités», 
qui,  d'après  Claude  Bernard,  constituait  le  domaine  de  la 
philosophie... 


DISCUSSION  SUR  LES  (ÎAUSfeî^  D'feftREUR  EN  ANTHUOPOLOGIE.    287 

M.  Sanson.  Je  n  aï  pas  parlé  de  là  phllos<iphie;  mais  des 
philosophes. 

M"®  Clémence  Royer.  Pour  satisfaire  M.  Sanson,  je  dirai 
donc  qu'il  considère  Cette  «  spécialité  des  généralités»,  qui, 
selon  Claude  Bernard,  était  le  domaine  des  philosophes,  comme 
absolument  oiseuse  et  incapable  dé  nous  mener  à  aucune 
découverte  ;  tandis  qu'avec  raison,  à  mon  avis,  M.  Laborde 
et  M.  Mathias  Duval  veulent  bien  admettre  que  cette  même 
«  spécialité  des  généralités  »  est  là  conclusion  naturelle  des 
sciences  expérimentales  et  la  synthèse  nécessaire  sans  la- 
quelle elles  ne  sont  pas  réellement  constituées;  qu'il  doit  y 
avoir  ainsi  pour  chaque  science  une  partie  philosophique  et 
que  Tensemble  de  toutes  ces  pbilosophies  spéciales  constitue 
la  philosophie  en  général. 

Le  but  de  toute  science  n'est-il  pas,  en  effet,  de  faire  sortir 
des  faits  particuliers  une  loi  générale,  laquelle  n'est  elle-même 
qu'un  fait  premier,  qui  explique  tous  ceux  qu'il  régit  et  per- 
met d'en  saisir  les  rapports  nécessaires,  les  relations  de  cause 
à  effet?  La  philosophie  n'est  point  autre  chose  que  Ten- 
semble  de  ces  rapports  généraux  nécessaires  qui,  d'un  fait 
existant,  permettent  de  prévoir  toutes  les  conséquences 
futures  ou  actuelles,  dans  leur  succession  ou  leur  simulta- 
néité. Tel,  en  somme,  a  toujours  été,  pour  tous  les  philo- 
sophes, le  but  et  Tessence  de  la  philosophie,  de  nous  ap- 
prendre la  raison  des  choses.  C'est  cette  philosophie  qu'on 
peut  appeler  la  philosophie  naturelle,  et  qui,  après  avoir  eu 
pour  fondateurs  Aristote  et  Bacon,  a  eu,  de  nos  jours,  pour 
adeptes,  en  Angleterre  et  en  Allemagne,  des  savants  comme 
Darwin,  Huxley,  Tyndall,  Carpenter,  Haeckel,  et  tant  dau- 
trcs,  en  la  compagnie  desquels  aucun  de  nos  savants  français 
ne  devrait  se  sentir  déshonoré  d'être  compté.  Celte  philoso- 
phie, malheùreuseilient,  a  peu  d'adeptes  en  France;  elle  n'a 
de  chaire  ni  à  la  Sorbonne,  ni  au  Muséum,  ni  au  Collège  de 
France.  Quand  on  demande  à  la  Faculté  des  sciences  d'en 
ouvrir  une,  elle  dit  :  «  Adressez-vous  à  la  Faculté  des  lettres, 
c'est  de  son  Ressort  »  5  et  si  Ton  s'adresse  à  la  Faculté  des 


288  SÉANCE  DU  ai  AVRIL  1887. 

lettres,  celle-ci  vous  renvoie  à  la  Faculté  des  sciences,  parla 
raison  que  les  sciences  naturelles  ne  sont  point  dans  son  pro- 
gramme. 

Ainsi  promenée  d'Hérode  à  Pilate,  et  de  nouveau  de  Pilale 
à  Hérode,  la  philosophie  naturelle  n'a  pour  refuge  ni  les  sa- 
vants indépendants  qui,  comme  M.  Sanson,  la  repoussent 
parce  qu'elle  s'appelle  philosophie  ni,  moins  encore,  les 
lettrés,  les  historiens,  les  moralistes,  qui  Técarlent  parce 
qu'elle  est  naturelle^  et  que  le  surnaturel,  paraît-il,  seulement 
esl  digne  de  leur  intérêt.  Comme  la  chauve-souris  de  la 
fable,  elle  est  ainsi  repoussée  aVec  défiance  par  les  uns  parce 
qu'elle  a  des  ailes,  par  les  autres  parce  qu'elle  a  des  poils,  et 
les  conséquences  de  cette  proscription  de  la  plus  haute  des 
sciences,  de  cette  science  spéciale  des  généralités,  comme  la 
définissait  Claude  Bernard,  c'est  que  toutes  les  sciences  par- 
ticulières restent  sans  lien  commun,  et  qu'au  lieu  de  consti- 
tuer un  tout,  un  vaste  ensemble  synthétique  et  organique, 
elles  se  contredisent  les  unes  les  autres  par  leurs  hypothèses 
fondamentales,  que  leur  contenu  particulier  ne  leur  permet 
pas  de  critiquer  et  de  reviser,  parce  que  cette  revision  cri- 
tique n'est  justement  possible  que  par  l'ordination  logique  de 
leurs  lois  spéciales  en  lois  plus  générales,  formulant  leur  dé- 
pendance nécessaire. 

Je  sais  bien  que,  dans  la  pensée  de  M.  Sanson,  ces  généra- 
lités, qui  sont  la  spécialité  des  philosophes,  sont  très  gêné- 
ralement  dépouillées  de  certitude;  qu'il  les  considère  comme 
de  pures  hypothèses  temporaires,  qui  ne  seront  jamais  dé- 
montrées et  feront  place  à  d'autres  qui  ne  seront  pas  plus 
démontrables.  Il  ne  veut  pas  même  y  voir  des  pierres  d'attente 
de  l'édifice  scientifique,  mais  tout  au  plus  un  échafaudage 
qui  permet  de  le  construire  plus  commodément. 

C'est  que  M.  Sanson,  quoi  qu'il  en  ait,  fait  aussi  de  la 
philosophie  malgré  lui,  et  appartient  à  cette  école  extrême 
de  philosophes  qui  nient  qu'il  y  ait  une  vérité.  Avec  Claude 
Bernard,  M.  Sanson  se  complaît  à  dire  des  opinions  scienti* 
flques  abandonnées  :  c'était  vrai  dans  ce  temps-là.  Il  ne  fait 


DISCUSSION  SUR  LKS  CAUSES  D*ERREUR  EN  ANTHROPOLOGIE.     ^89 

aucune  différence  entre  une  hypothèse  provisoire  et  une 
théorie  démontrée  et  définitive.  II  n'admet  pas  que^  dans  une 
doctrine  qu'on  a  revisée  successivement,  il  pût  y  avoir,  en 
effets  un  élément  vrai^  qui  s'est  confirmé,  mêlé  à  des  erreurs 
caduques  qu'il  a  fallu  laisser  de  côté. 

Dans  cette  science  des  généralités  qui,  en  effet,  constitue 
la  philosophie,  il  faut  toutefois  distinguer  entre  les  généra- 
lités à  priori  et  les  généralités  à  posteriori.  Si  les  premières 
constituent  la  métaphysique,  c'est-à-dire  la  scieoce  de  ces 
axiomes  évidents  par  eux-mêmes  qui  sont  de  véritables 
truismes,  et  sont  le  fondement  inébranlable  de  la  logique  et 
des  mathématiques,  on  y  a  trop  souvent  mêlé  des  jugements 
très  éloignés  de  Tévidence,  qui  n'étaient  môme  parfois  que  de 
très  évidentes  erreurs  et  de  simples  sophismes  verbaux. 
Quant  aux  secondes,  elles  forment  la  base  législatrice  de  la 
philosophie  de  la  nature,  et  lui  sont  fournies  par  les  faits  ob- 
servés, classés  et  généralisés  sous  forme  d'induction,  dans  le 
domaine  de  chaque  science  particulière. 

Des  unes  comme  des  autres,  il  faudra  toujours  distinguer 
avec  soin,  pour  les  écarter  rigoureusement,  ces  généralités, 
qui  ne  sont  que  de  générales  erreurs  ;  ces  erreurs  que  Bacon 
a  désignées  d'une  façon  si  pittoresque  sous  les  noms  de  fan^ 
tomes  de  tùnagination,  de  fantômes  de  tribu  et  de  fantômes  de 
race  ;  ces  préjugés  d'éducation,  ces  croyances  traditionnelles 
ou  héréditaires,  reçues  passivement  par  l'espnt  humain  aux 
premiers  âgés  de  son  développement.  L'esprit  adulte  ne  se 
délivre  de  ces  erreurs  qu'avec  effort,  par  un  pénible  travail  de 
revision  logique,  à  mesure  qu'il  s'ouvre  à  des  évidences  qui 
le  placent  en  face  de  contradictions  telles  qu'il  lui  faut  choi- 
sir entre  sa  croyance  de  la  veille  et  la  certitude  nouvelle  qui 
s'impose  à  lui. 

Trop  souvent,  en  effet,  sous  le  nom  de  philosophie^  on  nous 
a  présenté  une  codification  de  ces  erreurs  séculaires,  inévi- 
tables aux  premières  phases  de  l'évolution  humaine  ;  et  ce  sont 
elles  qui,  encore  aujourd'hui,  occupent  la  première  place, 
sinon  toute  la  place,  dans  nos  programmes  philosophiques 

T.  X  (3«  sbrik).  19 


990  SÉAlfCE   DU  21   ATRIL   1887. 

officiels,  qui  ne  sont  jamais  et  ne  peuTent  ôlre  qu'un  rm- 
dttum  des  opinioBs  encore  en  majorité. 

Il  7  a  lieu  de  croire  que  c'est  à  ces  généraUtés-là,  c'esl- 
à-dire  à  des  illusions  encore  très  générales,  que  M.  Sanson 
faisait  allusion  tout  à  Theure,  tandis  que  MM.  Mathias  Duval 
et  Laborde,  comme  Claude  Bernard,  sans  doute,  entendaient, 
sous  le  même  vocable,  les  lois  générales  de  la  science  expéri- 
mentale, qui  procèdent  des  faits;  k)in  de  les  dédaigner, 
M.  Fauvelle,  de  son  côté,  songeait  surtout  aux  axiomes  i 
priori,  en  effet,  si  souvent  entremêlés  d^à  priori  imagincdres, 
de  dogmes  révélés,  de  ces  vérités  de  consentement  uniTersoI, 
qui  sont  d'universelles  erreurs,  qui  sont  d'autant  mieux 
d'accord  avec  le  sens  commun  qu'elle»  sont  plus  en  contra- 
diction avec  le  bon  sens^et  qu'on  a  si  fréquemment  présentées 
sous  le  nom  ambitieux  de  métaphysique^  tandis  qu'elles  con- 
stituaient ce  qu'on  eût  à  bon  droit  appelé  la   cûta  physique. 

Les  plerves  4e  seri^Bt; 

PAR   M.   L.    BONIŒHÈRX. 

Dernièrement,  enparoourant  un  petit  volume  queM.  Achille 
Genty  vient  de  publier  sous  le  titre  de  Beligionê,  à  propos  de 
la  mythologie  gauloise,  j'ai  lu  quelques  lignes,  sur  lesquelles 
je  veux  appeler  votre  attention. 

Les  voici  donc  textuellement  : 

<c  Comme  marque  de  leur  dignité,  les  druides  portaient  au 
cou  un  anguinum  ovum,  boule  ovale  de  cristal,  qu'on  croyait 
formée  de  la  bave  des  serpents.  En  Angleterre  (Comouailles, 
pays  de  GaQes,  montagnes  de  l'Ecosse),  les  paysans  attribuent 
à  certaines  boules  de  verre  qu'ils  portent  et  nomment  j9terres 
de  serpent,  des  vertus  particulières...  »  . 

Ces  lignes  me  frappèrent,  je  l'avoue,  et  je  résolus  d'ouvrir 
une  sorte  d'enquête,  pour  tâcher  de  savoir  si  nos  Bretons 
modernes  n'ont  point  quelque  superstition  analogue.  Cer- 
tains indices,  bien  vagues,  il  est  vrai,  me  permettaient  de  le 
conjecturer»  mais  je  voulais  être  pleinement  renseigné. 


BONNEMÈRE.  *-  LES  PIERRES  DE  SERPENT.  291 

Le  succès  a  dépassé  mes  espérances. 

D'une  lettre  d*un  de  mes  amis,  M.  F.  Mahé,  qui  demeure 
à  Locmariaquer,  ce  coin  de  terre  si  connu  des  arctiéologues, 
il  résulte,  en  effet,  que  les  habitants  de  la  contrée  où  il 
réside  ont  des  croyances  tout  à  fait  semblables  à  celles  de 
leurs  frères  de  la  Grande-Bretagne. 

Des  perles  de  forme  ovale  y  sont  souvent  retirées  du  sol 
et  leur  matière  diffère  beaucoup.  Mon  correspondant  m'en 
cite  notamment  qui  sont  en  jadéite^  en  agate  et  en  cristal  de 
roche.  Il  me  dit  aussi  que,  Tannée  dernière,  en  fouillant  le 
dolmen  de  Ruthual,  il  a  trouvé  un  morceau  de  quartz  d'un 
très  beau  blanc,  dont  le  poli  était  fort  remarquable  et  dont 
la  grosseur  et  la  forme  étaient  celles  d'un  œuf  d'oie.  Dans  le 
pays,  ajoute-t-il  encore,  quand  une  pierre  est  brillante,  on 
l'appelle  lagad  em  aer,  mot  à  mot,  œil  de  serpent. 

Vous  voyez  donc  apparaître  ici  le  nom  du  reptile,  qui  se 
retrouve  dans  l'expression  galloise.  Il  s'agit  aus^i  de  pierres 
ayant  très  souvent  la  forme  de  celles  dont  M.  Genty  nous 
parle. 

Ce  premier  point  une  fois  acquis,  poursuivons  notre  examen, 
pour  tâcher  de  savoir  si  les  Bretons  modernes  n'attachent 
pas  un  prix  particulier  aux  grains  de  cristal.  C'est  encore  à 
M.  Mahé  que  je  demanderai  tout  à  l'heure  des  éclaircisse- 
ments. 

Tout  le  monde  sait  qu'à  Locmariaquer  et  dans  ses  environs, 
on  a  trouvé  bien  souvent  des  colliers,  dont  l'âge  diffère  sans 
doute,  mais  qui  remontent  presque  tous  à  la  plus  haute 
antiquité.  Beaucoup  d'entre  eux  sont  allés  enrichir  le  musée 
de  Vannes  et  ceux  d'autres  villes.  Un  certain  nombre  pour- 
tant est  resté  aux  mains  des  paysans.  Dans  beaucoup  de 
familles  on  les  conserve  tels  qu'ils  ont  été  retirés  de  la  terre. 
Dans  d'autres,  on  les  a  recomposés  en  employant  des  élé- 
ments divers,  mais  toujours  fournis  par  les  fouilles.  J'ai  à 
peine  besoin  de  vous  rappeler  que  ces  derniers  sont  formés, 
en  majeure  partie^  de  grains  d'ambre,  quelquefois  de  la 
grosseur  d'un  œuf  de  pigeon,  de  quelques  petites  pendelo- 


292  SÉANCE  DU  21  AVRIL  1887. 

ques  en  cal  aïs  provenant  de  dolmens,  de  grains  d*agale  et  de 
verroteries.  Le  tout  est  connu  sous  le  nom  de  perenneUj  qu'on 
peut  traduire  exactement  p€u:  gemmes.  Parfois  une  cyprée 
est  suspendue  au  milieu  du  collier.  Quoique  cette  espèce  de 
coquillages  soit  fort  répandue  sur  toutes  nos  côtes,  ce  n*est 
point  à  nos  mers  que  Ton  demande  celles  que  Ton  emploie 
dans  les  curieuses  parures  qui  nous  occupent.  Elles  sont 
beaucoup  plus  grosses  et  je  me  réserve  de  revenir  plus  tard 
sur  leur  compte. 

Ces  colliers  se  transmettent  de  père  en  fils.  On  les  passe 
au  cou  des  enfants  pour  les  guérir  des  maux  de  gorge  et  sur- 
tout des  engorgements  ganglionnaires,  que  Ton  appelle  en 
breton  drouk-ar-roxié,  c'est-à-dire  mal  du  roi, 

M.  Mahé,  à  qui  je  dois  la  plupart  des  curieux  détails  qui 
précèdent,  me  dit  avoir  remarqué  bien  souvent,  que  dans  ces 
colliers  il  y  a  toujours  un  ou  plusieurs  grains  de  cristal.  11 
semble  que  les  Bretons  modernes  accordent  encore  à  cette 
matière  une  plus  grande  efficacité  qu'à  toutes  les  autres.  Il 
me  paraît  bien  difficile  qu'o.n  ne  soit  pas  frappé  par  cette 
circonstance.  Elle  vient  corroborer,  d'une  manière  surpre- 
nante, ce  que  M.  Genty,  dans  son  petit  livre,  nous  rapporte 
des  superstitions  écossaises  et  galloises. 

Il  y  a  lieu  encore  de  remarquer  que  les  perenneu  des  col- 
liers, pour  amener  la  guérison  des  malades,  doivent  être  en 
nombre  impair.  Il  faut  qu'il  y  en  ait  absolument  sept  ou 
neuf.  Je  laisse  à  de  plus  savants  que  moi  le  soin  de  recher- 
cher ce  qui  a  pu  déterminer  la  fixation  de  ces  chiffres,  qui 
sont  invariables. 

Une  question  se  présente  à  l'esprit.  D'où  a-t-on  tiré  le 
cristal  dont  on  s'est  servi  pour  en  façonner  tant  de  perles  ? 
La  réponse  n'est  guère  malaisée.  C'est  le  pays  même  qui  Ta 
fourni.  Je  ne  connais  pas  assez  le  littoral  pour  pouvoir  déter- 
miner les  endroits  où  cette  matière  se  rencontre.  Tout  ce 
que  je  puis  dire,  c'est  que  dans  l'intérieur  de  la  Bretagne  elle 
n'est  pas  rare.  A  Corlay,  notamment,  et  à  Saint-Martin  des 
Prés,  deux  localités  des  Côtes-du-Nord,  on  la  trouve  en  assez 


BONNEHÈBE.  —  LES  PIERRES  DE  SERPENT.       ^3 

grande  abondance,  sans  que  l'on  cherche  à  en  tirer  le  moin- 
dre parti.  J'imagine  qu'elle  doit  se  rencontrer  avec  la  même 
fréquence  dans  nombre  de  roches  avoisinant  la  mer. 

n  y  aurait  bien  des  choses  à  dire  sur  ces  colliers,  que  notre 
coUëgue,  M.  le  docteur  de  Glosmadeuc,  a  déjà  étudiés,  il  y  a 
de  cela  longtemps,  dans  la  Ifevue  archéologique  et  je  renvoie 
à  son  excellent  travail  ceux  d'entre  vous  qui  voudraient  de 
plus  amples  renseignements  sur  leur  compte. 

Un  détail  que  je  ne  puis  pas  cependant  passer  sous  silence 
est  le  suivant.  Les  paysannes  suspendent  encore  parfois  à 
leurs  chapelets,  sans  doute  en  guise  d'amulettes,  des  grains 
de  collier,  et  je  signale  ce  fait  à  ceux  des  membres  de  notre 
société  qui  s'occupent  plus  spécialement  de  rechercher  les 
superstitions  populaires.  J'avoue  que,  pour  ma  part,  je  ne 
sais  pas  si,  par  cet  usage,  elles  veulent  se  préserver  du  diable 
ou  de  quelque  maladie.  Peut-être  des  deux  choses  à  la  fois, 
car  dans  l'opinion  des  bonnes  gens  de  nos  campagnes,  elles 
se  confondent  bien  souvent. 

Je  dois  m'arrêter,  car  je  ne  veux  pas  abuser  plus  long- 
temps de  votre  bienveillante  attention. 

Je  ne  saurais  pourtant  terminer  ma  communication  sans 
vous  donner  (quelques  preuves  des  prix,  parfois  très  considé* 
râbles,  que  les  perles  trouvées  dans  la  terre  atteignent  assez 
souvent. 

L'automne  dernier,  à  Pontivy,  lors  du  congrès  tenu  dans 
cette  ville  par  l'Association  bretonne,  on  s'est  beaucoup 
préoccupé  des  perles  qui  font  le  sujet  de  ce  travail,  et  de 
fort  beaux  échantillons  figuraient  à  l'exposition  que  l'on 
avait  organisée.  Quelques  faits  les  concernant  méritent  d'être 
relatés. 

On  a  cité,  entre  autres  exemples,  celui  d'un  paysan  qui  a 
acquis  au  prix  d'un  journal  de  terre,  c'est-à-dire  d'un  demi- 
hectare  de  bonne  qualité,  deux  ou  trois  perles  auxquelles  on 
reconnaissait  par  tradition  des  propriétés  merveilleuses.  On 
pourrait  être  tenté  de  croire  qu'on  est  en  présence  d'un 
homme  bon  i^  faire  interdire  dans  l'intérêt  même  de  sa  fa- 


294-  SÉANCE  DU  5  HÀI  1887. 

mille,  n  ne  faut  pas  s'y  tromper,  en  agissant  de  la  sorte, 
notre  Breton  eut  la  plus  heureuse  inspiration.  Encore  aujour* 
d'hui  peut-être,  il  loue  les  précieux  grains  aux  gens  qui  sont 
malades  et  qui  souvent  Tiennent  le  trouver  de  fort  loin.  Le 
prix  exigé  par  lui  est  très  élevé.  Il  demande  30  francs,  si  mon 
souvenir  me  sert  bien,  et  on  ne  marchande  jamais  I  Ses 
clients  font  bouillir  le  précieux  talisman  dans  du  vinaigre 
avec  lequel  on  prépare  un  médicament  infaillible.  On  ne  nous 
a  pas  dit  pour  quel  genre  d'affection. 

Un  autre  homme,  dont  on  nous  a  également  parlé  au 
même  congrès,  a  échangé  contre  des  perles  du  même  genre 
une  excellente  paire  de  bœufs  ! 

Voilà,  on  en  conviendra,  des  remèdes  bien  étranges  et 
bien  chers  I 

Toutes  les  superstitions  dont  je  viens  de  vous  entretenir  ont 
une  très  lointaine  origine,  et  c'est  à  ce  titre  que  j'ai  pensé 
qu'elles  vous  intéresseraient. 

La  séance  est  levée  à  six  heures. 

L*un  des  secrétaires  :  MANOUvaiER, 


I6f  gfiANCB.  —  t  mai  1887. 

Préflldenee  de  M*  MAGITeT,  pré«ldeBl« 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

A  propos  du  procès-verbal. 

M.  Fâutellb.  Le  matérialisme  scientifique.  -**  Je  n'ai  pas 
l'intention  de  revenir,  même  incidemment,  sur  la  philosophie, 
qui,  prise  à  forte  dose,  trouble  les  intelligences  les  mieux 
douées  et  finit  souvent  par  les  rendre  aveugles.  Descartes  est 
un  exemple  frappant  de  cette  influence  néfaste.  L'ensemble 
des  œuvres  qu'il  a  laissées  démontre  que,  s'il  n'avait  été  phi- 
losophe^ il  aurait  pu  devenir  le  plus  grand  physicien  de  son 
temps,  capable  de  lutter  avantageusemeni  avers  Newton.  Ar- 


A  PB0POS  DU  PROCÂB-TBRBAL.  295 

rivé  à  r&ge  adulte,  il  se  rendit  cooipte  du  côté  défectueux 
de  la  philosophie,  car  il  dit  dans  son  discours  De  la  Méthode  : 
a  Elie  demie  moyen  de  parler  vraisemblablement  de  toute 
chose  et  à  se  faire  admirer  des  moins  savants.  y>  Et  plus  loin  ; 
«  On  ne  saurait  rien  imaginer  de  si  étrange  et  de  si  peu 
croyable  qu*il  n'ait  été  cUt  par  qnelqn'un  des  phUosophes.  i> 
G*e6t  ce  fui  l'engagea  à  fiiire  table  rase  du  passé  et  à  recom^ 
meneer  Tœuvre  entière.  Mais  son  cerveau  était  tellement  en- 
combré d'idées  fausses  que,  comme  le  fait  remarquer  Gondil- 
lac,  il  versa  dans  les  mêmes  ornières  que  ses  devanciers  et 
les  surpassa  tellement  que  «  Ton  ne  saurait  rien  imaginer  de 
si  étrange  et  de  si  peu  croyable  n  que  ses  doctrines  ;  ce  qui  ne 
Tempècha  de  <c  se  faire  admirer  des  moins  savants  ». 

Du  reste,  j'ai  traité  complètement  la  question  il  y  a  deux 
ans  (séance  du  21  mai  1885),  dans  ma  communication  sur  la 
Philosophie  au  point  de  vue  anthropologique^  qiie  M.  le  Secré- 
taire général  d'alors  a  cru  prudent  d'inhumer  dans  nn  fasd- 
ouïe  des  Mémoires^  qui  est  toujours  sons  presse  depuis  cette 
époque.  Je  dépose  un  exemplaire  de  ce  travail  sur  le  bureau. 
Ceux  de  nos  collègues  que  cette  question  intéresse,  le  trou- 
veront à  la  bibUothèqne. 

Je  tiens  aujourd'hui  à  m'expliquer  brièvement  sur  une  ex- 
pression qui  a  été  prononcée,  il  y  a  quinze  jours,  dans  le 
cours  de  la  disenssion,  bien  que  le  prooès-verbal  n'en  fasse 
pas  mention  :  je  veux  parler  du  matérialisme  scientifique. 

Le  mot  omaténaHsine»  est  anissi  ancien  que  ceiul  de  ((phi- 
losophie», car,  dans  toas  les  pays  comme  dans  tous  les  temps, 
depuis  l'époque  des  Védas  jusqu'au  dix-huitième  siècle,  il  y 
a  toujours  en  des  philosophes  matérialistes,  comme  il  y  a 
toujours  eu  des  spiritualîstes  et  des  syncrétistes.  Je  pourrais 
dire  que  les  premiers  avaient  plus  de  raison  que  les  autres, 
mais  ce  serait  aller  au-delà  de  la  vérité.  Tous  ces  systèmes 
n'étaient  basés  que  sur  des  conjectures,  et  l'on  ne  s'occupait 
des  faits  que  pour  les  rattacher  bon  gré,  mal  gté,  au  principe 
admis  au  préalable  comme  axiome;  celui  des  matérialistes 
n'étaili  donc  pas  plus  légitime  que  les  autres.  On  pourrait 


296  SÉANCE  DU  5  MAI  1887. 

dire  seulement  que,  dans  de  certaines  limites,  ces  philo- 
sophes avaient  plus  de  bon  sens. 

>  '  Aujourd'hui  les  savants  dignes  de  ce  nom  rejettent  toute 
idée  préconçue;  ils  commencent  par  observer  et  expéri- 
menter. Les  chimistes  et  les  physiciens  (j^entends  ceux  qui 
s^affranchissent  du  joug  universitaire)  induisent  de  leurs 
observations  et  de  leurs  expérimentations  qu'il  n'existe  dans 
l'univers  inorganique  que  la  matière  et  la  force  qui  Tanime, 
qu'elles  sont  inséparables,  que  ni  l'une  ni  l'autre  ne  se  créent 
ni  ne  se  perdent,  que  toutes  les  formes  que  revêt  la  force 
peuvent  se  substituer  l'une  à  l'autre,  qu'elle  est  donc  une, 
et  ils  lui  donnent  le  nom  A'énergie  universelle. 

En  biologie,  il  en  est  autrement.  Les  hommes  de  science 
observent  et  expérimentent  également  ;  mais  ils  se  partagent 
ensuite  en  deux  camps.  Dans  le  premier  sont  ceux  qui  se 
contentent  de  grouper  les  faits,  sans  en  pousser  plus  loin  la 
synthèse  ;  les  uns  parce  que,  paraît-il,  ils  craignent  de  verser 
dans  les  ornières  de  la  philosophie,  les  autres  pour  des  mo- 
tifs que  j'ai  exposés  longuement  dans  ma  dernière  commu- 
nication. 

La  deuxième  catégorie,  de  beaucoup  la  moins  nombreuse, 
comprend  les  biologistes  qui,  libres  de  toute  superstition,  de 
tout  préjugé  et  de  toute  crainte,  suivent  jusqu'au  bout  l'en- 
chaînement des  faits  et  ne  reculent  pas  devant  l'induction 
dernière.  Cette  induction  ultime  est  que  dans  les  êtres  orga- 
nisés, comme  dans  le  monde  inorganique^  il  n'y  a  que  la  ma- 
tière et  la  force  qui  l'anime,  et  que  la  force  qui  caractérise 
les  animaux  et  les  végétaux  est  une  forme  de  l'énergie  uni- 
verselle. Voilà  le  matérmlisme  scientifique;  il  n'a  donc  rien 
de  commun  avec  la  philosophie  matérialiste. 

J'ai  préparé  une  communication  dans  laquelle  je  crois 
avoir  établi  que,  d'après  l'observation  et  l'expérimentation, 
la  force  nerveuse  est  une  forme  de  l'énergie  universelle  et 
que  le  système  nerveux  de  l'homme  est  comparable  à  un 
appareil  de  physique. 

Je  prie  M.  le  Secrétaire  général  de  vouloir  bien  m'inscrire 


A  PROPOS  DU  PROCÈS-VERBAL.  297 

pour  une  séance  dont  Tordre  du  jour  présentera  une  lacune. 
Ce  sera  une  occasion  pour  les  philosophes,  les  partisans  de 
la  psychologie  physiologique,  les  biologistes  prudents,  en  un 
mot  pour  tous  ceux  qui  pensent  que  je  suis  dans  une  mau- 
vaise voie,  de  discuter  les  observations  et  les  expérimentations 
sur  lesquelles  je  m*appuie,  et  les  inductions  que  je  crois 
pouvoir  en  tirer.  En  d'autres  termes^  les  adversaires  du  ma- 
térialisme scientifique  pourront  lui  faire  son  procès.  Il  n'est 
pas^  je  pense,  de  question  qui  intéresse  de  plus  près  la  con- 
naissance de  rhomme,  qui  est  le  but  que  se  propose  notre 
Société. 

Toutes  les  parties  de  Tanthropologie  sont  tellement  con- 
nexes que  chacune  d'elles  nous  intéresse  tous,  et  qu'aucune 
des  communications  qui  sont  faites  à  cette  tribune  ne  doit 
nous  laisser  indifTérents  ;  elles  ont  toujours,  sinon  des  rela- 
tions directes,  du  moins  des  points  de  contact  avec  le  sujet 
ordinaire  de  nos  études  particulières.  Nous  devons  donc  tou- 
jours y  prêter  attention.  Cette  espèce  de  surveillance  mutuelle 
est  le  meilleur  moyen  d'assurer  la  coordination  de  nos  tra- 
vaux. 

Je  sais  bien  que  la  difficulté  d'établir  à  l'avance  les  ordres 
du  jour,  fait  que  nous  sommes  souvent  pris  au  dépourvu  par 
les  communications;  mais  il  est  toujours  facile  d'y  répondre 
dans  une  des  séances  suivantes  en  prévenant  à  l'avance 
l'auteur  du  travail.  On  éviterait  ainsi  de  voir  les  discussions 
dévier  et  s'éloigner  souvent  beaucoup  de  la  question  traitée. 

Je  n'insiste  pas,  n'ayant  aucune  autorité  pour  donner  des 
conseils.  Je  tiens  seulement  à  déclarer  que  je  verrai  toujours 
avec  plaisir  mes  opinions  discutées,  espérant  ainsi  arriver  à 
les  rectifier  ou  à  les  affermir,  et  que,  pour  ma  part,  je  n'ai 
jamais  l'intention  d'atteindre  la  personne  de  mes  collègues, 
en  portant  la  critique  sur  des  sujets  qui  font  l'objet  de  leurs 
travaux  habituels. 


JI98  8ÉAHGB  DU  5   MAI   1887. 

OUVRAGES  OFFUILTS. 

De  Lapouge,  L'Anthropologie  et  la  Science  politique  (in 
Revue  d'anthropologie).  Paris,  1887,  broctu  in-S»,  22  pages. 

TsN  Katb.  Observations  sur  la  Guyane  et  le  Venezuela  (in 
Revue  i anthropologie).  Paris,  1887,  broch.  in-8«,  25  pages. 

Ploss  (H.).  Das  Weib  m  der  Natur  un  Wôlkerkunde,  Leip- 
zig, 4887,  in-8%  428  pages. 

Albrecht  (P,).  Versammlung  deutscJier  Naturforscher  und 
Aerzte  zu  Berlin  {aus  dem  Biologiscken  Centralblatt)^  1386, 
broch.  in'8^,  6  pages. 

—  VerUeuft  der  Nervenstrom  in  geschlossener  Strombahn 
{aus  dem  Biologischen  Centralblatt^iSST,  broch.  in-8**,  7  pages. 

—  Ueber  die  cetoide  Natur  der  Promammalia  {aus  dem  Arui' 
tomischen  Anzeiger),  4886>  broch.  in-8»,  U  pages. 

RiGGARDi  (P.).  Intomo  a  la  forza  musculare  di  compressione 
{Mano  diritta  e  mano  simdtra].  Modèoe,  4887,  broch.  in-8% 

9  pages. 

De  Pina.  Deux  ans  dans  le  pays  des  Epices.  Pans,  1880, 
in-18,  324  pages  {Dictionnaire  des  sciences  anthropologiques^ 
fasc.  48  et  19). 

Les  cinq  premiers  numéros  du  journal  rBomme^  année 
1887. 

M .  6.  DE  M ORTiLLET,  en  présentant  les  cinq  premiers  nu* 
méros  de  4887  du  journal  V Homme,  indique  que  cette  publi- 
cation a  subi  un  retard  momentané  par  suite  d*un  changement 
d'imprimeur.  Elle  rattrape  le  temps  perdu  et  avant  peu  les 
numéros  vont  paraître  régulièrement  à  leur  date  réelle,  le 

10  et  le  25  de  chaque  mois. 

Le  premier  numéro  de  4887,  10  janvier,  débute  par  une 
notice  biographique  sur  Lamarck.  U  y  est  fait  mention  d^un 
comité  qui  se  forme  pour  élever  une  statue  à  Tillustre  pro- 
moteur du  transformisme.  Cette  notice  est  accompagnée  d'un 
portrait.  Il  en  existe  deux  publiés  du  vivant  de  Lamarck, 
mais  très  difficiles  à  se  procurer.  Ce  qui  était  encore  plus  dif- 


B.  EDWARDS.  —  PRACTURB  INTRA-UTÉRINE.  299 

ficile,  c^étaît  de  fixer  d*une  ncanière  exacte  la  date  de  sa 
naissance.  Dans  le  Dtcttonnaire  biographique  de  Michand,  on 
le  fait  DÉdtre  le  1*'  avril,  d'autres  indiquent  le  11  avril  ou  le 
11  août.  Notre  collègue  Philippe  Salmon  a  pu  se  procnrer 
l'acte  de  naissance  de  Lamarok.  Cette  pièce  établit  qu'il  est 
né  le  !•'  août. 

ELECTIONS. 

M.  DouGLAss  (Andrew,  E.),  de  New-Tork,  et  M.  Mater,  d» 
Paris,  sont  élus  membres  titulaires. 


PRESENTATIONS. 


Fraetare  intra-atériiie  des  deux  tibias  et  syailaetylle 
oo  eetrodaecylie  eoneonltaate  t 

par  E^'*   blanche  EDWARDS. 

'  L*enfant  Pemot  (Qermain-Perdinand),  né  le  23  avril  1887, 
a  été  apporté  à  l'bospice  des  Enfants  assistés,  le  30  avril, 
par  les  soins  du  commissaire  de  police,  ce  qui  fait  que  les 
antécédents  héréditaires  ne  peuvent  nous  être  connus. 

Cet  enfant  est  dans  un  excellent  état  de  santé,  il  est  par* 
faitement  bien  conformé  en  ce  qui  concerne  tout  le  corps, 
sauf  les  jambes,  à  partir  du  genou. 

En  effet,  en  déshabillant  Tenfant,  on  constate  qu'à  la  cuisse 
et  au  genou,  dont  la  forme  et  les  dimensions  sont  normales, 
fait  suite  une  jambe^  très  diminuée  de  longueur,  présentant 
au  tiers  inférieur  une  saillie  angulaire  très  aiguë,  et  au-des- 
sous un  pied  déjeté  en  arrière  et  terminé  par  deux  orteils. 

La  disposition  est,  du  reste,  parfaitement  symétrique,  et 
Tenfant,  au  premier  abord,  paraît  n'avoir  pas  de  jambes  ni 
de  pieds. 

Yue  de  profil,  la  jambe  présente  au-dessous  du  genou,  à 
4  centimètres  au-dessous  de  la  rotule,  une  saillie  antérieure, 
angulaire,  surmontée  d*une  dépression  à  bords  mamelonnés» 
d'aspect  cicatriciel,  un  peu  déjetée  en  dedans. 


300  '  SÉANCE  DU  5  MAI  1887. 

Au-dessous,  le  segment  inférieur  de  la  jambe  est  repré- 
senté par  un  moignon  de  1  centimètre  environ  qui  se  conti- 
nue avec  le  pied. 

La  face  postérieure  de  la  jambe  offre  à  considérer  une 
atrophie  considérable  des  muscles  gastrocnémiens,  et  cette 
face  est  complètement  occupée  par  les  plis  profonds  que  forme 
la  peau  dans  Tangle  rentrant  constitué  en  haut  par  la  face 
postérieure  de  la  cuisse  et  le  jarret,  en  avant  par  la  jambe 
tordue  à  angle  aigu,  en  bas  par  le  talon  du  pied. 

Le  pied  a  une  longueur  moindre  que  celui  d*un  enfant 
normal  ;  le  talon  y  est  bien  indiqué;  le  cou-de-pied  se  conti- 
nue avec  la  face  antérieure  de  la  jambe,  bien  marqué,  quoique 
un  peu  aplati.  La  face  plantaire  est  convexe,  ne  présentant 
pas  les  plis  normaux. 

Enfin  le  pied  se  termine  par  deux  orteils:  Tun,  situé  au 
dedans,  a  environ  le  volume  et  la  forme  du  gros  orteil  chez 
un  enfant  du  même  âge;  il  est  articulé  avec  le  pied  et  se 
termine  par  un  ongle  bien  constitué,  mais  qui,  en  un  mois, 
ne  s'est  pas  accru.  L'autre  est  différent  sur  les  deux  pieds  : 
sur  le  gauche  il  ressemble  à  un  orteil,  un  peu  plus  détaché 
que  normalement  du  gros  orteil,  ce  qui,  à  la  rigueur,  pourrait 
permettre  de  le  comparer  à  un  pied  fourchu,  une  pince  d'écre- 
visse;  il  est  également  pourvu  d*un  ongle. 

Sur  le  pied  droit,  le  deuxième  orteil  est  rudimentaire  et 
semble  un  petit  appendice  charnu  très  mobile,  nullement 
articulé  avec  le  pied.  Il  est  difficile  même  de  se  rendre 
compte  s'il  contient  un  noyau  osseux.  Il  se  termine  par  une 
petite  cicatrice  et  n'est  pas  pourvu  d'ongle. 

En  examinant  les  parties  profondes,  on  observe,  au  point 
de  la  saillie,  un  angle  osseux  très  aigu,  presque  sous-cutané 
et  dont  la  pression  est  sans  doute  douloureuse,  car  l'enfant 
crie  et  fait  des  mouvements  pour  repousser  la  main  de  l'ex- 
plorateur. 

Au  niveau  des  malléoles^  on  reconnaît  des  deux  côtés  une 
petite  saillie  osseuse  qui  semble  indiquer  la  présence  des 
extrémités  inférieures  du  tibia  et  du  péroné.  Il  est  également 


•      B.  EDWARDS.  —  FRACTURE   INTRA-UTÉRINE.  30! 

facile  de  reconnaître,  au  nbeau  du  genou,  la  présence  de  la 
rotule,  de  l'extrémité  supérieure  du  tibia  et  de  la  tête  du  pé- 
roné; mais  au  niveau  de  la  jambe,  malgré  la  diminution 
considérable  des  muscles,  il  est  impossible  de  se  rendre 
compte  s*il  existe  un  ou  deux  os  dans  la  jambe  déformée. 

En  effet,  Braun,  dans  une  citation  que  je  donnerai  m  extenso^ 
affirme  que,  dans  les  cas  de  ce  genre,  il  y  a  presque  toujours 
absence  du  péroné.  Si,  dans  notre  cas,  le  péroné  existe,  il  a 
sans  doute  subi  la  fracture  comme  le  tibia,  car  il  n'est  pas 
possible  de  le  sentir  isolément. 

Lapeau  des  deux  membres  est  parfaitement  saine  et  ne 
présente  que  la  dépression  antérieure  cicatricielle  déjà  men- 
tionnée. 

A  la  suite  d'un  examen  prolongé,  la  peau  fut  le  siège 
d'érythème  au  niveau  de  la  saillie  anguleuse,  et  l'enfant  cria 
beaucoup  ;  la  guérison  fut  rapide.  La  nourrice  affirme  que 
les  deux  extrémités  sont  toujours  froides,  et  nous  avons  pu 
constater  la  vérité  de  cette  assertion. 

L'enfant,  depuis  vingt  jours  qu'il  est  avec  nous,  a  beaucoup 
augmenté  de  volume,  mais  l'extrémité  du  membre  inférieur 
n'a  pas  varié,  ce  qui  rend  plus  accusé  encore  le  contraste  que 
nous  avons  signalé  au  début  entre  le  corps  vigoureux  et  bien 
portant  et  celte  terminaison  brusque  par  deux  petites  extré- 
mitées  déformées. 

Braun  (d'Iéna)  a  publié  '  vingt-sept  observations,  dont  cinq 
personnelles.  La  plupart  du  temps  la  fracture  est  consolidée 
et  on  observe  une  courbure  ou  flexion  anguleuse  ;  au  point 
courbé  qui  répond  toujours  au  tiers  inférieur  du  tibia,  la 
peau  est  souvent  cicatricielle  ou  ulcérée,  ce  que  l'aiiteur  at« 
tribue  à  l'issue  des  fragments  ou  à  une  escbare  produite  en  ce 
point  par  l'utérus  se  contractant  sur  une  poche  amniotique 
insuffisamment  remplie. 

Ces  contractions,  en  l'absence  de  tout  traumatisme  subi 
par  la  mère,  suffisent  à  produire  la  fracture  ou  l'infiexion  ; 

i  Ouvrage  analysé  dans  la  GazetU  hebdomadaire,  6  mai  1887. 


302  SÉAHCS  DU  5  MAI  -1887. 

et,  en  ce  cas,  il  semble  qu*il  y  ait  souvent  absence  concomi- 
tante du  péroné,  et  ce  défaut  de  soutien  en  dehors  est  une 
prédisposition  ;  cette  disposition  coïncide  atusi  avec  Cabsence 
d'un  ou  plusieurs  orteils. 

Le  pied  se  met  en  équinisme,  arrêt  qui  compense  en  partie 
le  raccourcissement  dû  à  un  arrêt  de  développement^  arrêt 
qui  augmente  pendant  la  période  de  croissance  et  s'accomr 
pagne  d'atropbie  musculaire. 

Objets  divers  d'etlusegimpMe  preveaant  da  legs 
de  M.  Svasset. 

Les  deux  panneaux  des  armes  de  diverses  sortes  qui  sont 
fixées  au  mur  de  la  salle  de  séance  de  la  Société  d'anthropo- 
logie, proviennent  de  la  succession  de  M.  Grasset,  qui  les  a 
léguées  dernièrement  à  notre  Société.  Cette  collection  a  été 
arrangée,  avec  le  goût  et  le  soin  qui  leur  sont  habituels^  par 
nos  collègues  MM.  Drouaultet  Chudzinski,  qui  n'ont  épargné 
ni  leur  temps  ni  leur  travail.  Ces  deux  panneaux  sont  garnis 
presque  exclusivement  avec  les  armes  les  plus  diverses.  Il 
nous  reste  à  placer  les  autres  objets,  qui  formeront  encore 
uu  ou  deux  panneaux. 

La  collection  Grasset  se  compose  de  nombreux  objets,  qu'on 
peut  diviser  en  quatre  catégories,  dont  M.  Chudzinski  a  bien 
voulu  rédiger  un  catalogue  descriptif  : 

A.  Les  armes  ;  B.  Instruments  de  musique  ;  G*  Vêtements 
et  parures  ;  D.  Objets  divers. 

M.  le  Secrétaire  général  appelle  Tattention  de  ses  collè- 
gues sur  les  difficultés  sans  nombre  qu'a  présentées  le  travail 
de  M.  Chudzinski  et  insiste  sur  Theureux  résultat  obtenu; 
il  a  ajouté  qu'une  part  d'éloge  revient  à  M.  Drouault,  qui  a 
prêté  son  concours  actif. 

L'assemblée  vote  k  l'unanimité  des  remerciements  à 
MM.  Chudzinski  et  Drouault,  avec  inscription  au  procès- 
verbal. 


ED.  GUTER.  •—  08  SURNUMÉRAIES  DU  CARPE.  303 

COKMUNICATIOIIS. 
9ar  an  o«  •amuméralre  da  carpe  hnntalB; 

PAR  M.   ED.  CUTKR. 

La  communication  que  j*ai  Thonneur  de  vous  faire  a  pour 
objet  un  os  surnuméraire  développé  dans  la  région  carpienne 
droite  d'un  sujet  ayant  servi  aux  démonstrations  du  cours 
d'anatomie  de  TEcole  nationale  des  beaux-arts. 

Je  vous  demande  la  permission  de  vous  rappeler  que  j'ai 
Tavantage  d'être,  à  ce  cours,  le  préparateur  de  mon  cher 
maître  et  ami  M.  le  professeur  Mathias  Duval.  Chaque 
année,  plusieurs  sujets  sont  disséqués  au  laboratoire,  et  je  ne 
laisse  rien  échapper  de  ce  qui  pourrait  intéresser  la  Société 
d'anthropologie. 

L'anomalie  que  je  vous  présente  consiste  en  un  osselet  dé- 
veloppé sur  une  des  faces  de  l'os  externe  de  la  seconde 


-0.C 


Fio.  1.  —  Seconde  raorée  de  carpe  me  par  ta  faee  infériaore;  T,  faee  inférieare 
da  trapèze;  T.  P,  tabérosité  palmaire  du  trapèze;  O.  S,  os  samuméroire.  —  O.  C, 
oaerochu. 

rangée  du  carpe,  c'est-à-dire  sur  le  trapèze.  Tout  semble  faire 
supposer  que  cet  osselet  est  uni  à  ce  dernier  par  une  articu- 
lation; car  une  petite  capsule  fibreuse  le  maintient  en  place, 
et  on  peut  lui  faire  exécuter  quelques  mouvements  de  glis- 
sement. 

11  est  situé  sur  la  face  externe  du  trapèze,  immédiatement 
en  dehors  et  en  haut  de  la  surface  inférieure  de  cet  os  (fig.  1 
et  )  ;  la  base  du  premier  métacarpien  [s'articule  non  seule- 
ment avec  cette  surface  du  trapèze,  mais  elle  est  aussi  en 
rapport  avec  l'osselet  surnuméraire. 


304  SÉANCE  DU  5  MAI   1887. 

Cet  osselet  a  comme  dimensions  :  9  millimètres  dans  le 
sens  transversal,  12  millimètres  dans  le  sens  antéro-posté- 
rieur,  et  7  millimètres  dans  le  sens  vertical. 


-0.C 


FiG.  2.  —  Seconde  rangée  da  carpe  vne  par  sa  face  antérienre  ;  T,  ftee  inférieare 
du  trapèze;  0.  S,  os  samuméraire;  G.  C,  ot  crocha. 

Que  signifie  cet  os?  Est-ce  un  os  du  carpe?  Est-ce  un  os 
du  pouce? 

«  Gruber  a  décrit  deux  cas  {Archives  d'anat,  et  de  physiol., 
1875;  p.  59,  pi.  II,  B),  dans  lesquels  la  tubérosité  palmaire 
du  trapèze  s'était  développée  comme  nodule  osseux  distinct, 
articulé  avec  le  reste  de  Tos*.  » 

Ce  n'est  pas  là  la  disposition  que  vous  constaterez  sur  la 
pièce  que  je  vous  présente  :  Tos  surnuméraire  est  situé  très 
en  dehors  de  la  tubérosité  palmaire  qui  est  nettement  déve- 
loppée (fig.  i). 

11  existe  chez  les  singes,  outre  les  neuf  osselets,  y  compris 
Tos  central,  un  dixième  os  considéré  comme  un  sésamoïde 
radial.  G*est  de  celui-ci  que  parle  Galien.  Il  décrit  cet  os 
comme  s 'attachant  au  naviculaire  et  au  muUangulum  majus; 
on  pourrait  le  prendre,  dit-il,  comme  un  neuvième  osselet 
du  carpe.  11  ne  semble  pas  avoir  connu  le  central  (Galien,  De 
usuparttum,  liv.  II,  chap,  xn). 

Il  ajoute  que  cet  osselet  est  contenu  dans  le  tendon  du 
muscle  qui  fait  mouvoii'  le  pouce,  et  en  même  temps  le  carpe, 
c'est-à-dire  dans  le  tendon  du  long  abducteur  du  pouce. 

Camper  l'a  décrit  et  figuré  chez  Torang. 

Daubenton  signale,  au  carpe  des  singes,  trois  osselets  sur- 

'  H.  Leboucq,  De  Caugmentatiim  numérique  des  os  du  carpe  humain 
(Annales  de  la  Société  de  médecine  de  Gand,  1884). 


ED.   CUYER,  —  OS  SURNUMÉRAIRE  DU  CARPE. 


305 


numéraires  dont  Fun  est  situé  à  la  fois  contre  le  premier  os 
de  la  première  rangée  et  le  premier  de  la  seconde. 

Guvier  en  indique  la  présence  chez  le  gibbon,  le  magot  et 
le  sapajou. 

Leboucq  représente*  une  main  de 
gibbon  (fîg.  3),  dont  le  trapèze  est 
accompagné  d'un  sésamoïde  radial. 
Il  est  à  remarquer  que  cet  osselet 
est  assez  éloigné  de  l'extrémité 
supérieure  du  premier  métacarpien 
et  que  ces  deux  os  n'ont  aucun  rap- 
port l'un  avec  Tautre. 

Nous  nous  sommes  demandé  si 
cet  os  n'appartiendrait  pas  au  pouce. 

Vous  savez  que  le  développement 
du  premier  métacarpien  ne  se  fait 
pas  dans  l'ordre  qu'on  observe  pour 
les  quatre  derniers. 

Les  quatre  derniers  métacarpiens 
se  développent  chacun  par  un  point  osseux  primitif  pour  le 
corps  et  l'extrémité  supérieure,  et  par  un  point  osseux  com- 
plémentaire pour  l'extrémité  inférieure. 

Le  premier  métacarpien  se  développe  différemment;  son 
développement  a  beaucoup  d'analogie  avec  celui  des  pha- 
langes :  le  point  osseux  primitif  donne  naissance  au  corps  et 
à  l'extrémité  inférieure  ;  le  point  complémentaire  correspond 
à  l'extrémité  supérieure.  Le  premier  métacarpien  peut  donc 
être  considéré  comme  contenant  la  première  phalange  du 
pouce,  tandis  que  la  portion  véritablement  métacarpienne 
ne  sercdt  représentée  que  par  la  partie  supérieure  de  l'os, 
dans  une  étendue  peu  considérable,  le  sixième  environ  de  la 
longueur  totale. 
L'os  surnuméraire  que  je  vous  présente  ne  serait-il  pas 


FiO.  3.  —  Main  gauche  de  gib- 
bon. T,  trapèze  ;  S,  sésamoïde 
radial  ;  M,  premier  métacarpien. 
{Archives  de  biologie.) 


<  H.  Leboucq,  Recherches  sur  la  morphologie  du  carpe  chez  les  mammi" 
(ères  {Archives  de  biologie,  1884,  pi.  IV,  flg.  28). 

T.  X  (8«  série).  20 


306  SÉANCE  bu  5  MAI  1887. 

ce  point  osseux  épiphysaire  métacarpien  non  soudé  aveô  la 
première  phalange? 

Il  semble,  en  effet,  que  l'extrémité  supérieure  est  ici  in- 
complète; à  sa  partie  postéro -externe,  elle  ne  présente  pas 
la  saillie  qu'on  trouve  sur  un  métacarpien  tiormal.  Les 
connexions  de  cette  région  avec  Vos  surnuméraire  qui  nous 
occupe  peuvent,  jusqu'à  un  certain  point,  légitimer  cette 
manière  de  voir. 

Carte  de  répa^tillon  de  l'Itadlce  eéphallqae  en  Franèel 

PAR  Lï    DOCTEUR  R.    COLLIGNON 
Médecin-major. 

J*ai  Thonneur  de  présenter  à  la  Société  noii  d'une  manière 
définitive,  mais  simplement  pour  prendre  date,  les  preifilers 
résultats  de  mes  recherches  sur  la  ^répartition  générale  de 
rindîce  côphalique  en  iFrance. 

La  carte  qui  les  résume,  et  qui  sera  provisoireftieût  l'emiie 
sous  pli  cacheté  à  la  Société,  ne  saurait  être  encore  publiée, 
parce  que  je  ne  suis  pas  parvenu  à  la  série  suffisante  pour 
tous  les  départements  ;  cependant,  les  renseignements  qu'elle 
fournit  dès  maintenant  sont  assez  concordants  et  assez  nets 
pour  permettre  de  se  faire  une  idée  sensiblement  exacte  de 
ce  que  sera  la  carte  définitive,  et  c'est  à  ce  titre  *que  je  crois 
intéressant  d'en  donner  un  rapide  aperçu. 

Deux  mots  d'abord  sur  la  façon  dont  je  procédé.  La  majo- 
rité des  sujets  que  je  mesure  sont  des  militaires,  par  consé- 
quent, des  hommes  de  vingt  et  un  à  vingt-cinq  ans.  Pour  la 
répartition  par  département,  il  est  de  toute  nécessité  d'avoir 
des  individus  dont  les  ascendants  soient  d'origine  pure.  Cette 
condition,  assez  difficile  à  obtenir  dans  les  villes,  se  rencontre 
presque  toujours  à  la  campagne  ;  aussi,  dans  la  pratiqué,  je 
fine  cotitente  de  demander  à  mes  sujets  le  lieu  de  naissance  de 
leurs  parents  et  d'éliminer  ceux  dont  le  père  et  la  mère  sont  de 
départements  différents,  sans  m'inquiéter  des  ascendants  plus 
éloignés.  D'ailleurs,  souvent  beaucoup  seraient  incapables  de 


B.  COLLIGNON.  —  l'iNWCE  CÉPHALIQUE  EN  FRANCE.        ^1 

donner  exactement  ce  renseignement.  Je  note  naturellement 
en  même  temps  VatTondissement.  Mon  but^  en  effet,  est  de 
oommenoer  par  dresser  une  carte  par  départements,  ce  qui 
sera  nn  premier  document^  puis  ensuite,  s'il  m'est  possible  . 
de  rassembler  les  mesures  suffisantes,  par  arrondissements. 
LHdéal,  en  ce  geure,  serait  de  pouvoir  arriver  au  canton, 
mais  ce  serait  un  travail  au-dessus  des  forces  d'un  seul  opé- 
rateur et  que  je  n'oserais  entreprendre. 

En  tous  cas,  ma  première  carte  sera  publiée,  lorsque  le 
plus  récalcitrant  des  départements  m'aura  fourni  20  obser- 
vations, et.la  suivante,  lorsque  j'aurai  20  sujets  dans  chaque 
arrondissement  de  France.  Il  va  sans  dire  que  ce  chiffre  se 
trouvera  être  un  minimum,  car  le  hasard,  qui  soumet  à  mon 
compas  une  série  quelconque  d'individus,  en  amène  acciden- 
tellement un  grand  nombre  d'un  point  donné  et  met  parfois 
une  curieuse  obstination  à  laisser  d'autres  régions  en  bluic. 

Ainsi,  par  exemple,  à  l'heure  actuelle,  alors  que  certains 
d'entre  eux,  comme  rille-et-Vilaine  ou  le  Nord,  ont  dépassé 
la  centaine,  d'autres,  tels  que  la  Haute-Marne  et  les  Basses- 
Alpes,  ne  m'ont  encore  fourni  que  2  sujets.  Il  est  donc  à 
supposer  que,  lorsque  ces  derniers  auront  atteint  le  chiffre 
vouhi,  les  nombres  auxquels  s'élèveront  les  autres  départe- 
ments seront  infiniment  plus  considérables. 

Il  va  sans  dire  que  j'utiliserai  tous  les  documents  qœ  pos- 
sède actuellement  la  science,  mais  qui  malheureusement 
sont  aesez  restreints.  Us  se  résument  dans  la  série  de  866  Bre- 
tons des  C6tes-^du-Nord,  de  Guibert;  dans  celle  de  l'Aveyron 
(282  sujets);  de  Durand  de  Gros  ;  puis  vieiment  47  Basques 
de  l'arrondissement  de  Bayonne,  d'Argelèz,  et  les  496  Mar- 
seillais du  docteur  Fallot.  Notre  collègue,  le  docteur  Carret, 
a  aussi  mesuré  plusieurs  milliers  de  conscrits  de  la  Savoie, 
mais  il  n'a  pas  publié  ses  chiffres,  qui  seraient  particulière- 
ment précieux.  Ajoutons  enfin  à  ce  total  quelques  séries 
partielles  de  6  ou  9  individus  de  Batz  ou  des  Landes.  On 
voit  donc  que  85  sur  89  départements,  car  je  ne  s^ar<e  pas 
l'Alsaoe-Lorraine  de  la  Franocvi  restent  à  étudier. 


308  SÉANCE   DU   5   MAI   1887. 

A  ne  considérer  que  ceux  où  la  moyenne  définitiTe 
semble  acquise  aux  dixièmes  près,  les  chiffres  d'indice  vont 
de  78  à  87,  écart  très  considérable  par  conséquent.  La  mé- 
diane serait  82.5,  mais,  pour  la  commodité  du  langage,  je 
demande  Tautorisation  de  couper  la  série  en  deux  entre  82 
et  83  et  d'appeler,  dans  cette  note,  au  sens  relatif  du  moty  bra- 
chycéphales  les  chiffres  de  83  et  au-dessus,  dolichocéphales 
ceux  de  82  et  au-dessous. 

Prise  en  ce  sens,  la  limite  entre  les  uns  et  les  autres  coupe 
obliquement  la  France  par  une  diagonale  allant  du  nord-est 
au  sud-ouest,  partant  des  Ardennes,  longeant  l'Argonne  en 
séparant  la  Champagne  de  la  Lorraine  et  de  la  Bourgogne, 
contournant  le  plateau  central  au  nord  de  F  Allier  et  de  la 
Creuse,  puis,  de  là,  venant  mourir  à  l'Océan  sur  le  littoral 
des  Landes.  Toute  la  région  de  Test  est  brachycéphale, 
celle  de  Touest  pourtant  relativement  dolichocéphale. 

La  Bretagne  et  la  Vendée  forment,  au  moins  en  partie,  à 
l'extrême  Ouest,  un  îlot  de  brachycéphalie  ;  car,  alors  que 
rille-et- Vilaine,  les  Côtes-du-Nord  et  la  Vendée  présentent  des 
indices  de  84  et  la  Loire-Inférieure  de  83,  le  Finistère  n'a 
que  82  et  le  Morbihan  81.  Cette  région  se  réunit  au  grand 
centre  brachycéphale  de  Test  par  une  mince  bande  de  dépar- 
tements intermédiaires,  dont  les  indices  ont  83  :  ce  sont  ceux 
de  Maine-et-Loire,  de  la  Sarthe,  de  TEure-et-Loir  et  du  Loi- 
ret. D'une  manière  plus  générale,  on  peut  dire  que  l'élément 
celtique  à  tête  ronde  s'est,  relativement,  bien  maintenu  sur 
toutes  les  collines  qui  séparent  les  bassins  de  la  Seine  et  de 
rOrne  du  bassin  de  la  Loire. 

D'autre  part,  le  littoral  de  la  Méditerranée,  depuis  les  Pyré- 
nées-Orientales jusqu'au  Var,  forme  un  nouveau  centre  d'in- 
dices relativement  dolichocéphales,  présentant  des  chiffres 
de  78,  81  et  82,  alors  que  les  départements  adjacents  à  Tinté- 
rieur,  Ariège,  Tarn,  Aveyron ,  Lozère,  etc.,  donnent  ceux 
de  83,  84  et  85. 

Certains  de  ces  résultats  sont  passablement  inattendus.  On 
sait  que  les  cartes  de  Boudin  et  de  Broca  pour  la  répartition 


H.  COLLIGNON.  —  INDICE   CÉPHALIQUE  EN  FRANCE.  309 

de  la  taille  divisent  aussi  la  France  en  deux  grandes  régions 
en  suivant  une  direction  oblique,  mais  dirigée  du  nord-ouest 
au  sud-est,  c'est-à-dire  inverse  de  celle  que  j'obtiens.  La 
zone  des  hautes  tailles  est  située  au  nord  d'une  ligne  qui, 
séparant  là  Bretagne  de  la  Normandie^  va  contourner  le 
massif  central  pour  venir  mourir  entre  l'Ain  et  l'Isère  à  la 
Savoie.  U  y  a  donc  toute  une  grande  région  est,  comprenant 
la  Lorraine,  la  Bourgogne  et  la  Franche-Comté,  qui,  malgré 
sa  haute  taille,  est  brachycéphale,  je  dirai  même  extrême- 
ment brachycéphale,  car  c'est  le  véritable  centre  des  indices 
moyens  de  86,  87  et  peut-être  même  davantage.  Tout  surpre- 
nant qu'il  puisse  sembler,  ce  fait  n'est  pas  niable.  Depuis 
longtemps  déjà,  tant  sur  le  crâne  que  sur  le  vivants  j'avais 
signalé  la  brachycéphalie  considérable  des  Lorrains;  j'ai 
même,  l'année  dernière,  publié  une  petite  carte  '  ébauchant 
la  répartition  de  l'indice  céphalique  par  arrondissements  en 
Lorraine.  Il  en  ressortait  ce  fait  intéressant,  que,  les  quatre 
départements  se  classant  ainsi  :  Moselle,  83.7,  Meurthe,84.9, 
Meuse,  85.0  et  Vosges,  86.6,  on  voyait  les  régions  monta- 
gneuses de  l'est  et  de  l'ouest,  c'est-à-dire  les  cantons  de  la 
chaîne  des  Vosges  et  de  l'Argonne,  atteindre  des  chiffres 
de  87  et  88  (fait  d'ailleurs  confirmé  par  la  série  des  crânes 
de  Monthureux  (Vosges)  de  Broca  qui  ont  87),  alors  que  les 
vallées  de  la  Moselle  et  de  la  Meurthe  n'avaient  que  82.9  ; 
mais,  à  l'est,  la  vraie  brachycéphalie  commence,  et  nous 
croyons  que  l'Argonne  et  l'impénétrable  forêt  des  Ardennes 
avaient  déjà,  au  temps  de  César,  tracé  la  frontière  entre  les 
deux  races,  en  élevant  des  limites  naturelles  entre  brachycé- 
phales  celtes  et  dolichocéphales  belges.  Les  Helvètes,  d'ail- 
leurs, étaient  Celtes,  et  il  n'est  pas  plus  surprenant  de  voir 
tous  les  massifs  montagneux  qui  avoisinent  les  Alpes,  c'est- 
à-dire  le  Jura  et  les  Vosges,  rester  occupés  par  la  race  cel- 


'  La  Racê  lorraine  (Bull,  Soc,  des  science*  de  Nancy^  1881). 
*  Anthropologie  de  la  Lorraine ^  Notice  du  qu'mzième  congrès  de  TAs- 
sociation  française  pour  l'avancement  des  sciences,  Nancy,  1886; 


310  BÉANCB  m  5  MAI  4887. 

tique,  qtre  àe  constater  le  même  fait  en  Aurergne  on  en  Bre- 
tagne. 

La  péninsule  bretonne  est  également  nne  des  régions  qui 
me  sont  le  mieux  connues  au  point  de  vue  qui  nous  occupe. 
A  s'en  tenir  aux  quatre  départements  principaux,  j*aî  déjà 
signalé  que  le  Finistère  et  le  Morbihan  étaient  moins  bracby- 
céphales  que  les  Côtes-du-Nord  et  surtout  que  rille-et^Vilaine. 
Si  nous  passons  à  la  répartition  par  arrondissements,  nous 
constatons  deux  faits  intéressants  ;  l'un  confirme  les  résultats 
obtenus  par  Broca  pour  la  répartition  de  la  taille  ;  de  même 
que  les  hautes  statures  occupent  le  littoral  et  les  petites  le 
centre,  de  même  le  centre  est  plus  brachycéphale  que  lo 
littoral.  Mais,  chose  curieuse,  la  côte  sud,  c'est-à-dire  les 
arrondissements  de  Lorient  et  de  Vannes,  sont  infiniment 
plus  dolichocéphales  (ils  ont  un  indice  de  79)  que  ceux  du 
rivage  nord,  c'est-à-dire  ceux  de  Lannion,  Saint-Brieuc  et 
Dînan,  qui  ont  81  et  84. 

Or,  si  l'on  doit  expliquer  l'augmentation  de  taille  par  Tîm- 
migration  de  peuples  de  race  germanique,  d'Anglo-Saxons 
venus  d'Angleterre,  nous  devrions  observer  plutôt  une  dis^ 
tribution  inverse  ;  la  côte  nord  devrait  être  occupée  par  un 
plus  grand  nombre  d'individus  grands  et  dolichocéphales 
que  le  rivage  sud,  puisqu'elle  se  trouve  plus  directement  sur 
le  chemin  des  envahisseurs.  On  est  donc  en  droit  de  se  de- 
mander si  une  partie  au  moins  des  populations  anciennes  du 
littoral  sud  de  FArmorique  n'était  pas  grande  et  dolichocé- 
phale ;  en  un  mot,  si  les  fameux  Yénètes  n'étaient  pas,  oomme 
le  disait  Strabon  (liv.  IV,  §  4),  des  Belges  et  n'appartenaient 
pas,  par  conséquent,  à  la  race  blonde  kymrique.  Mats  ce 
sont  là  des  questions  que  je  ne  veux  pas  creuser  pour  le 
moment  ;  je  me  réserve  d'y  revenir  lors  de  la  publication 
définitive  de  ma  carte. 

Signalons  enfin  ce  fait  curieux  de  l'abaissement  de  l'indice 
(Metz)  ou  83  (Briey,  Toul  et  Nancy).  De  même,  la  région  la 
plus  basse  du  département  des  Vosges,  celle  de  Mirecourt  et 
de  Neufehâteau,  n'atteignait  que  84. 


R.  C0LLI6N0N.  — -  L'INDiIGE  GÉPHAUQUE  EN  FRANCE.         3\\ 

Eu  somme,  rélément  à  têtfj  longue,  le  Kymïi,  ou,  si  Toa 
veut,  le  Germaiq  enyahisgeui',  là  comm^  partout,  s'est  p^n-r 
tonné  dc^ne  la  plaine  et  dans  les  grandes  villes,  laissant  la 
montagne  aw  Celtes  h^'achycéphales.  Il  n'est  cependant  p^s 
hors  de  propos  de  remarquer  que,  même  dans  les  vallées,  le 
Kymri  a'a  qu'qne  prépondérance  toute  relative  ;  des  indices 
de  83  et  84  n'ont  rien  que  je  sache  de  germanique,  et  ce 
n'est  certes  pas  en  se  basant  sur  eux  que  nos  voisins  d'outre- 
Rhiq  pourraient  appuyer  leurs  prétendus  droits  de  race  sur 
les  provinces  annexées.  On  se  souvient  d'ailleurs  que,  lors  de 
l'enquête  faite  récemment  en  Allemagne  pour  dresser  sur 
les  écoliers  la  carte  de  la  répartition  de  la  couleur,  ce  n'a 
pas  été  sans  quelque  sqrprise  que  les  anthropologistes  alle- 
mands ont  dft  enregistrer  la  haute  proportion  de  cheveux  et 
d'yeux  bruns,  qui  mettaient  la  Lorraine  et  l'Alsace  absolu- 
ment à  part  dans  l'empire. 

Il  est  pourtant  uu  fait  h  bien  noter,  c'est  que  la  Lorraine 
a  pour  «liusi  dire  été  de  tous  temps  une  des  voies  classiques 
des  invasions  germaniques  en  Gaple  et  e^  France.  Tous  les 
eoions  qu'elle  a  pu  recevoir  de  ce  côté  devaient  être  dolicho- 
cépbaleSf  D'autre  part,  pendant  toute  la  période  historique, 
rien  ne  peut  nops  faire  supposer  que  des  tribus  d'origine  cel- 
tique, que  des  bra^byoéphales,  y  soient  venus  faire  souche 
en  nombre  suffisant  pour  nous  expliquer  l'étonnante  pro- 
portion de  têtes  roudes  que  nous  y  coustatons  à  l'heure  ac- 
tuelle ;  il  faut  donc  conclure  qiue  le  vieji^x  fond  de  la  popu- 
l^Loa  iQrmine  {ei,  ajpjijfcpp^-)^;  de  \^  populatjiop  alsacienne) 
^aijb  br^iebycéph^e,  c'est-à-dir^  celte.  Conséquemment,  Jes 
peuplées  gaulois  qui  occupaienjt  jcette  région,  les  Médiomatri- 
ciens  et  les  Leuques,  devaient  être  brachycépbales  ou  Celtes 
et  non  dolichocéphales  et  Belges.  Remarquons  d'ailleurs  que 
cette  façon  d'envisager  ce  point  ethnographique,  bien  que 
contraire  aux  idées  reçues,  n'est  nullement  contredite  par  le 
texte  de  César,  qui  sert  toujours  de  base  à  toutes  recher- 
ches de  ce  genre.  Il  n'est  pas  un  passage  des  Commentaires 
où  César  se  prononce  sur  ce  point;  il  dit  simplement  :  «  La 


312  SÉANCE  DU  5   MM  i887. 

Marne  et  la  Seine  séparent  les  Gaulois  des  Belges.  »  Or,  cetle 
assertion  prise  à  la  lettre  est  exacte  encore  actuellement  ;  au 
nord  de  la  Seine  et  de  la  Marne,  nous  ne  trouvons  que  des 
indices  céphaliques  de  79,  80  et  81,  dans  les  départements  du 
centre  ouest:  Vienne,  Haute-Vienne,  Charente,  Dordogne, 
dont  l'indice  moyen  est  d'environ  80.  La  chose  est  d'autant 
plus  à  remarquer  que  sur  la  carte  de  Boudin  figurant  les 
exemptions  pour  défaut  de  taille,  ces  quatre  départements 
viennent  presque  en  dernier  lieu.  Sur  86  départements  fran^ 
çais,  la  Haute- Vienne  est  dernière,  la  Dordogne  venant  83*, 
la  Charente  82«  et  la  Vienne  53*.  On  né  peut  s'empêcher,  en 
voyant  cette  association  d'une  faible  taille  et  d'une  dolicho- 
céphalie  relative,  de  songer  au  texte  de  Pline*,  qui  range 
parmi  les  Aquitains  de  race  ibérienne  les  Pictons  et  les  San- 
tons (habitants  du  Poitou,  de  la  Saintonge,  de  TAngoumois) 
et  même  les  BituHges  et  les  Lemovices  (Berry  *  et  Limousin). 

Je  ne  pousserai  pas  plus  loin  cet  exposé  sommaire  , 
j'espère  en  avoir  dit  assez  pour  montrer  que  les  recherches 
de  ce  genre,  un  peu  négligées  à  l'heure  actuelle,  ne  laissent 
pas  que  de  présenter  un  haut  intérêt  et  pourront  servir  à 
élucider  bien  des  questions  nous  touchant  de  très  près,  puis- 
qu'il s'agit  de  nos  origines  nationales  et  qu'on  s'est  peut  être 
un  peu  vite  accoutumé  à  considérer  comme  définitivement 
tranchées. 

Je  terminerai  par  un  appel  à  tous  nos  collègues,  en  les 
priant  de  vouloir  bien  m'aider  dans  l'œuvre  que  j'ai  entre- 
prise, soit,  ce  que  je  n'oserais  demander,  en  mesurant  autour 
d'eux  quelques  indices  céphaliques,  soit  en  ayant  l'obligeance 
de  me  communiquer  les  résultats  qu'ils  auraient  pu  obtenir 
en  prenant  cette  mensuration  dans  un  but  tout  différent'. 


*  Pline,  Hist,  nat,,  liv.  IV,  chap.  xxxiii,  §  1. 

*  L'indice  du  département  du  Clier  est  de  81.7. 

>  Depuis  celte  communication,  deux  de  nos  collègues,  M.  Manouvrier 
et  M.  Debierre  (de  Lyon),  ont  bien  voulu  me  permettre  d'Ajouter  à  mes 
séries  les  observations,  l'un  de  20,  l'autre  de  166  sugets  mesurés  par  eux  ; 
je  les  prie  de  recevoir  tous  mes  remerciements. 


DISCUSSION   SUR  l'iNBICE  CÉPHALIQUE  EN  FRANCE.  313 

Sisonssion. 

M.  G.  Lagneau.  Sur  là  carte  des  indices  céphaliques  que 
nous  présente  M.  le  docteur  Gollignon,  pour  notre  Bretagne, 
la  répartition  des  brachycéphales  dans  les  arrondissements 
da  centre  et  des  dolichocéphales  dans  ceux  du  littoral,  est 
analogue  à  la  répartition  des  tailles  sur  la  carte  cantonale 
dressée  par  Broca;  les  exemptions  pour  défaut  de  taille  étant 
beaucoup  plus  nombreuses  dans  les  cantons  du  centre  que 
dans  ceux  du  littoral  *.  Cette  double  répartition  semble  donc 
indiquer  que  le  centre  de  notre  Armorique  a  conservé  son 
ancienne  population  brachycéphale,  de  petite  taille  ;  tandis 
que  le  littoral  a  reçu  des  immigrés  dolichocéphales  de  taille 
élevée. 

M.  Collignon  remarque  que  les  mêmes  indices  céphaliques 
s'observent  chez  les  habitants  du  littoral  de  notre  Bretagne 
et  chez  ceux  de  nos  départements  du  Nord.  A  Tappui  de  cette 
remarque,  je  rappellerai  que  certains  auteurs  anciens  sem- 
blent témoigner  de  Vorigine  germanique  ou  belge  de  cer- 
tains Bretons  insulaires  et  Armoricains. 

Denysle  Périégète  parle  des  Bretons  comme  de  belliqueux 
Germains,  à  la  peau  blanche,  habitant  les  montagnes  voi- 
sines de  la  forêt  Hercynienne,  actuellement  les  montagnes 
du  Hartz  : 

*ïlv6a  BpsTavol 
Aeuxi  Te  çùXa  véjJiovTai  àpstjiavécov  r6p[i.avûv 
'Epxuviou  Spu[xoto  irapaOpdtxjxovre;  ôpé^KOUç. 

(Denys,  (h'bis  description  v.  284-86,  Geàgraphi  Graeci  mino- 
res, t.  II,  p.  117,  coll.  Didot). 

Pline  place  les  Bretons  à  côté  des  Ambianiens  et  des  Bel- 
lovaques,  anciens  habitants  des  environs  d'Amiens  et  deBeau- 
vab,  dans  la  Gaule  Belgique  : 

<  Réparation  des  deux  racês  de  la  Basse  Bretagne  {Mémoires  de  la  Société 
d'anthropologie,  t.  III,  p.  186,  etc.). 


314  SâAlfCE  DU  5  MAI  1887. 

ttBritanni,  Ambiani,  Bellovaci.  »  (Pline,  lib.  IV,  cap.  xxxi, 
p.  203,  texte  et  trad.  de  Littré,  coll.  Nisard.) 

Suivant  Bède  le  Vénérable  et  Henry  d'Huntingdon,  ces 
Bretons  auraient  occupé  Tîle  voisine  et  lui  auraient  donné  le 
nom  de  Bretagne  : 

«  In  primis  hœc  insula  Britones  solum,  a  quibus  nomen 
accepit,  incolas  habuit...  »  (Beda,  Ecclesiasticœ  histortx genth 
Anglorum,  lib.  I,  cap.  i,  p.  2,  Antverpiae,  1550.) 

«  Brittones  tamen  occuparuntpriusBrittaniam.,.  »  (Hennci 
Buntendoniensis  historiarum^  lib.  I,  p.  301,  Rerum  anglicai*um 
scriptores  post  Bedam^  Francofurti,  1601 .) 

D*ailleur8,si  ces  Bretons  donnèrent  leur  nom  à  cette  grande 
île,  beaucoup  d'autres  peuplades  de  la  Gaule  Belgique,  ainsi 
que  le  dit  César,  en  colonisant  son  littoral,  y  conservèrent 
leurs  noms. 

<(  Maritima  pars  (insuis)  ab  iis  (incolitur),  qui  prœdsë  ac 
belli  inferendi  causa  ex  Belgis  transierant  ;  qui  omnes  fere  iis 
nominibus  civitatum  appeilantur,  quibus  orli  ex  civitatibus 
eo  pervenerunt,  et  bello  illato  ibi  remanserunt,  atque  agros 
colère  cœperunt  ».  (César,  De  BeUo  Gallico^  lib.  V,  cap.  xu.) 

Non  seulement  Ptolémée  nous  montre  que  des  Belges 
avaient  pour  villes  Ischalts^  Aquse  Calidœei  Venta  Belgarum^ 
actuellement  Ilchester,  Balh  et  Winchester,  mais  il  nous 
parle  d'Atrebates,  anciens  habitants  des  environs  d'Arras, 
ayant,  près  de  la  haute  Tamise  (Tamesis)y  la  ville  de  Caleva, 
Calais.  Il  indique  également  des  Parisiens  ayant  plus  au  nord- 
est  la  ville  de  Petuaria,  actuellement  Burgh,  auprès  de  l'em- 
bouchure de  THumber. 

BéXYat  %ol\  luéXetç  ^W/aklç,  *T8aTa  6ep(j.à,  Ouivra.  (Ptolémée, 
liv.  II,  ch.  II,  p.  109.) 

'ATpeêiTtot  xal  r.àXiç  KaXigoua  (foc.  cit,). 

UoLplaoi  xatiçéXi;  IleTOuapCa  (foc.  cit.,  p,  108). 

On  voit  donc  qu'au  sud  et  au  sud-est  de  Tile  de  Bretagne 
habitaient  de  nombreux  descendants  d'émigrés  de  la  Bel- 
gique, du  nord  des  Gaules.  On  peut  même  remarquer  que, 
parmi  les  insulaires  de  cette  région,  il  y  avait  des  blonds* 


DISCUSSION  SCm  L*INDKB  CÉPHAUQUE  EN  FRANCE.  315 

Suivant  Dion  Cassios,  Boadicée  ou  Bonndoucia,  reine  des 
IcèneSy  anciens  habitants  des  environs  de  Carter  et  de  Nor- 
wich,  avait  une  clievelure  touffue,  très  blonde  et  très  longue. 

. . .  TV  f s  *^t)v  xXsiotTQv  Texflti  ÇovôoTdEmjv  o5aav  jA^xpi  'wàv  ^XcurtSy 
xaOetTa.  (Dion  Cassius,  Hist,  rom,,  liv.  LXII,  §  2,  t.  IX,  p.  66, 
texte  et  trad.  de  Gros  et  Boissée.) 

Or>  ce  fut  surtout  du  midi  de  Tîle  qu'à  partir  du  cinquième 
siècle,  lors  des  invasions  successives  des  Saxons,  des  Angles, 
des  Danois,  de  nombreux  fugitifs  vinrent  se  fixer  sur  notre 
littoral  armoricain,  ainsi  que  le  rappellent  Ermold  NigeU, 
Eginhard,  Ingomar  et  autres  chroniqueurs  : 

Hio  populus  venions  supremo  ex  orbe  Britanni 
Qqos  modo  Brittones  franoica  lingua  vocal. 

(Ermoldï  Nigelli  Carminade  rebusgeitis  vit.  Lud.  Pii^  liv.  III, 
V.  411-112,  p.  38;  de  Rerum  Gallicarum  et  l'rancicarum  scrip^ 
tore$  de  Dom  Martin  Bouquet.) 

«  Nam  cum  ab  Anglis  ac  Saxonibus  Britania  insula  fuisset 
invasa,  magna  pars  incolarum  ejusmare  trajiciens  in  ultimis 
Galliœ  finibus  Yenetorum  et  Guriosolitarum  regiones  occu- 
pavit.  »  (Eginhard,  Vita  Karoli^  imp.^  texte  et  trad.  de  Teulet, 
1. 1,  p.  196,  Paris,  1840.) 

tt  Ruinallus,  ces  choses  oyes,  print  la  tierce  partie  de  tous 
ces  compagnons  tant  masles  que  femelles  et  vint  par  navire 
de  çà  la  mer  en  la  moindre  Bretagne  avecques  très  grande 
multitude  de  citoyens.  »  (Ingomar,  cité  par  Pierre  le  Baud, 
I/ist.  de  Bretagne,  p.  64-65,  1638,  Paris,  in-folio.) 

Je  sais  que  M.  Loth,  qui,  récemment^  a  étudié  avec  soin  la 
répartilton  sur  le  littoral  armoricain  des  divers  groupes  des 
Bretons  insolaires,  des  Domnonii  du  Gouesnon  à  la  rade  de 
Brest,  des  Contovti  jusqu'à  TEllé  et  au  Blavet,  et  des  Bretons 
de  Bro-Waroch  jusqu'au-delà  de  Guérande,  met  «  les  anthro- 
pologtstes  au  dléfl  de  prouver  que  le  type  grand  et  blond 
étsât  eehii  des  Bretons  insulaires  '  »,  conséquemment  de  ceux 

<  J.  Loth,  L'émigration  bretonne  «n  Armoriquêf  du  cmqtUèmê  au  iep- 
iièmf  tiède,  p.  S36^et  XIX,  Rennes,  1883. 


316  SÉANCE  DU   5  IfAI  1887. 

immigrés  en  Armorique.  En  effet,  les  Domnonit  et  Cornovu 
iosulaires,  qui  s'étaient  réfugiés  en  Armorique,  provenaient 
de  la  région  sud-ouest  de  Tîle,  région  peu  éloignée  du  pays 
des  Silures  que  Jornandès  dit  avoir  les  cheveux  noirs  et 
bouclés  : 

«  Silurum  colorati  vultus,  torto  plerique  crine  et  nigro 
nascuntur.  »  (Jornandès,  Hùt.  des  Goths^  chap.  ii,  p.  425, 
coll.  Nisard.) 

Mais  lorsqu'on  voit  que  les  Saxons  envahirent  d*abord  la 
région  sud-est  de  Tîle,  et  que  très  longtemps  la  région 
sud-ouest  resta  à  Vabri  de  la  conquête,  on  doit  supposer  que 
les  insulaires  fugitifs,  immigrés  en  Armorique,  provenaient 
pour  la  plupart  de  la  région  envahie,  anciennement  occupée 
par  les  Belges  venus  du  continent.  Ainsi  s'expliquerait  com- 
ment, sur  les  cartes  de  Broca  et  de  M.  Collignon,  les  habi- 
tants du  littoral  seraient  plus  grands  et  plus  dolichocéphales 
ou  moins  brachycéphales  que  ceux  du  centre  de  notre  Bre- 
tagne. 

M.  CoLUGNON  insiste  auprès  do  ses  collègues  pour  qu'ils 
veuillent  bien  lui  adresser  toutes  les  mensurations  crâniennes 
qu'ils  pourraient  avoir  faites  en  un  point  quelconque  du  ter- 
ritoire français. 

L'assemblée  accepte,  à  titre  de  pli  cacheté,  la  carte  que 
M.  Collignon  dépose  sur  le  bureau. 

Da  nom  de  l'ours»  en  grec  ancien  et  en  sanierlt  ; 

PAR    M.    PLOIX. 

Dans  une  communication  précédente',  à  propos  de  la  si- 
gnification du  nom  des  Aryens,  je  parlais  d'une  racine  ar^ 
ark,  en  sanscrit  7'i,  rik,  qui  comporterait  le  sens  d'éclairer, 
briller.  Un  de  mes  collègues  a  contesté  cette  interprétation 
de  la  racine  ar.  Mais  il  n'a  apporté  à  Tappui  de  son  dire  aucun 
argument  réel,  il  s'est  borné  à  affirmer  qu'il  n'avait  pas 
trouvé  cette  racine  dans  les  ouvrages  sur  la  langue  sanscrite. 

*  Séance  du  6  novembre  1884. 


PLOIX.  —  NOM  DE  l'ours  EN  GREC  ET   EN  SANSCRIT,       317 

n  est  admis  par  les  linguistes  que  la  racine  ark  a  le  sens 
précité.  A  mon  avis,  la  racine  ark  n*est  qu'un  élargissement 
d'une  racine  antérieure  ar;  car  je  suis  convaincu  que  toutes 
les  racines  primitives  sont  monosyllabiques  ou  plutôt  mono- 
consonantiques.  Quoi  qu'il  en  soit,  pour  ce  qui  va  suivre,  je 
n'ai  besoin  que  de  me  référer  à  la  racine  ou  au  radical  ark. 

En  grec  ancien,  àpxtoç  signifie  un  ours  ou  une  ourse  (le 
masculin  et  le  féminin  ayant  la  même  terminaison).  Ce  mot 
est  également  le  nom  d'une'  constellation  bien  connue,  que 
nous  appelons  VOurse,  à  limitation  des  Grecs.  En  sanscrit. 
Tours  se  nomme  nhka,  et,  dans  les  Yédas,  le  mot  jnksha 
est  aussi  employé  pour  désigner  une  éloile  ou  un  groupe 
d'étoiles.  Or,  arcios  (les  linguistes  sont  d'accord  sur  ce  point) 
correspond  exactement  au  sanscrit  riksha.  C'est  le  môme  mot 
régulièrement  transformé  suivant  les  lois  reconnues  qui  ont 
présidé  à  la  formation  de  Tidiome  hellénique.  Gomment  une 
même  expression  a-t-elle  pu  être  appliquée  à  deux  objets  aussi 
dissemblables  que  Tours  et  Té  toile  ? 

Je  crois  qu'il  est  absolument  impossible  de  reconnaître  un 
ours  dans  la  figure  formée  par  les  sept  étoiles  de  la  constel- 
lation qui  porte  son  nom.  Je  ne  crois  pas  davantage  que  les 
anciens  ont,  dans  le  cas  actuel,  supposé  une  ourse  dans  le 
ciel,  comme  ils  y  ont  transporté  une  foule  de  personnages  et 
d* animaux  mythiques,  sans  qu'il  y  ait  aucun  rapport  entre 
ces  êtres  et  les  figures  géométriques  que  peuvent  former  les 
étoiles.  C'est  à  une  époque  relativement  récente,  et  par  des 
considérations  inutiles  à  examiner  ici,  que  la  voûte  céleste  a 
été  peuplée  de  ces  noms  fabuleux  conservés  encore  aujour- 
d'hui dans  nos  catalogues  astronomiques.  Or,  Arctosse  trouve 
déjà  cité  dans  Homère.  L'Iliade  et  TOdyssée  mentionnent 
cette  constellation  en  même  temps  qu'Orion  et  les  Pléiades, 
et  font  remarquer  qu'elle  ne  se  baigne  jamais  dans  TOcéan, 
c'est-à-dire  qu'elle  reste  constamment  au-dessus  de  Tho- 
rizon*. 

*  Iliade,  XVIII,  v.  487  ;  Odyss.,  v.  273.  Il  esl  curieux  de  remarquer  que 
ces  mêmes  astres  sont  cités  ensemble  dans  le  livre  de  Job^  IX,  9. 


3i8  S^ABGB   DU   5  MAI  1887. 

Les  chantres  du  Rig-Yéda,  qui  appliquaient  le  mot  rik$ka  à 
des  étoiles,  croyaient-ils  toit  dans  ceB  astres  nne  ourse  ;  estoe 
le  sens  d*o«rs  qa*ils  avaient  alors  à  l'esprit?  On  doit  penser 
le  contraire.  D'un  côté,  rien  ne  prouve,  dans  les  hymnes  oà 
se  trouve  le  mot  rihkay  qu'il  s'agisse  de  la  constellation  de 
rOurse.  D'autre  part,  si  le  nom  d'un  «mmal  avait  été  donné 
aussi  anciennement  à  un  groupe  d'étoiles  sur  lequel  Taiten- 
tioa  n*a  pas  cessé  de  se  fixer,  on  devrait  en  retrouver  le  sou*- 
venir  dans  les  noms  popuiures  que  donnent  à  ce  groupe  ies 
r&ces  qui  ont  emprunté  aux  Aryens  leur  langage.  C'est  ce  qui 
n'a  pas  lieu.  Dans  la  revue  intitulée  Mélusine^^  MM.  Gaidoz  et 
Rolland  ont  recueilli  avec  beauconp  de  soin  toutes  les  exprès* 
sions  populaiiie«  qui  s'appliquent  à  la  grande  Ourse.  Ba  ce 
qui  concei*ne  les  idiomes  aryens,  presque  toutes  ces  expres*- 
stons  dMvent  de  la  même  idée  :  les  sept  étoiles  sont  coBsi*- 
dérées  comme  représentant  un  char,  an  chariot.  TaMM  oe 
cJiar  est  simplement  le  char  du  ciel,  le  char  de  la  nuit;  tantM 
il  est  le  char  des  âmes,  le  char  du  Seigneur,  le  char  de  David, 
le  char  de  Gharlemagne,  ou  encore  le  char  du  petit  Pomet. 
Le  nom  du  personnage  auquel  il  est  affecté  est  ici  sans  im- 
portance. Quant  à  l'objet  représenté,  l'origine  de  IHdée  st 
comprend  d'elle-noême  :  les  quatre  étoiles  qui  formcnrt  «n 
rectangle  figurent  la  caisse  du  char,  et  les  trois  étoiles  presque 
en  droite  ligne  figurent  le  timon.  Les  Latins  appelaient 
aussi  la  constellation  Plemstrunif  et  les  anciens  Grecs,  en 
même  temps  qu'ils  le  nommaient  Arctos,  la  désignaient  en* 
eore  par  le  mot  &\t.a^aL  (chariot)'.  11  est  aussi  facile  de  conce- 
voir comment,  dans  le  Vivarais^  on  assimile  la  grande  Ourse 
à  une  casserole  ^  on  comment  les  Indiens  y  voient  un  élé* 
phant  a:vec  sa  trompe^.  Mais  comment pourrait^on  y  découvrir 
une  ourse?  Les  anciens  avaient  déjà  constaté  ladiffîcnlté,  et 


*  Tome  II,  p.  30^  eipassim. 

*  Homère,  toc.  dt, 

3  Mélusine,  I,  p.  63* 

*  /rf.,  II,  p.  82. 


PLOIX.  —  NOM  DE  L*OURS  EN  GREC  ET  EN  SANSCRIT.       3l9 

Feslus  AVienus  dit,  à  propos  des  deux  constellations  rétmieâ 
sous  le  ttom  de  grande  et  petite  Ourse  : 

Ursasqne  et  I^laustra  vocare  solemus. 
FÈbt\k  namqué  Unas,  sptmet  dat  Plaustrt  vttieri. 

«  Nous  les  appelons  des  ourses  ou  des  chariots  ;  la  Fable 
veut  que  ce  soit  des  ourses,  mais  elles  ressemblent  à  des  cha- 
riots. » 

Si  le  nom  de  la  grande  et  de  la  petite  Ourse  se  trouve 
aujourd'hui  dans  toutes  les  langues  savantes  de  l'Europe, 
l'expression  a  été  empruntée  par  les  astronomes  à  la  langue 
latine,  comme  les  Latins  Pavaient  eux-mêmes  empruntée  aux 
ûrecs.  C'est  donc  aux  Grecs  qu'il  faut  demander  la  raison  de 
Tassimilation  de  la  constellation  avec  Tanimal. 

Max  *  Muller  a  fait  remarquer  qu'elle  était  Je  résultat  de 
Tinfluence  du  langage  sur  la  pensée.  Arctos^  en  grec,  et 
riksha,  en  sanscrit,  ont  dû  avoir  plusieurs  significations  ;  ce 
n'est  pas  avec  le  sens  d'ours  qu'ils*  furent  appliqués  aux 
étoiles.  Postérieurement,  en  grec,  les  autres  sens  se  perdi- 
rent, et  les  Hellènes,  ne  reconnaissant  plus  dans  ce  mot  que 
ridée  de  Tanimal,  crurent  qu'il  y  avait  une  ourse  dans  le  ciel, 
comme  ils  crurent  aussi  que  le  nom  d'àpxxoç,  donné  aux 
prêtresses  d'Artémis,  signifiait  les  ourses.  Max  Muller  a  dé- 
terminé le  sens  d'àpxxo;,  étoile.  11  dérive  le  mot  de  la  racine 
ark  (briller,  éclairer),  et  l'explique  comme  signifiant  la  bril- 
lante^  la  lumineuse,  devenant  très  naturellement  le  nom  d'un 
astre.  Mais  il  n'explique  pas  le  ïiom  de  l'ourse. 

Pourrons-nous  y  réussir  en  le  rattachant  à  la  même  racine? 
Ici,  nous  sommes  en  présence  de  deux  hypothèses.  Le  nom 
de  l'animal  peut  avoir  été  emprunté  par  les  Aryens  à  une 
autre  population  qui  aurait  connu  l'ours  avant  eux,  et  se 
trouver,  par  hasard,  phonétiquement  identique  à  un  des  mots 
de  leur  langue.  Dans  ce  cas,  nous  n'en  saurions  rechercher  la 
signification,  ne  connaissant  pas  l'idiome  auquel  il  apparte- 
nait. Mais  il  peut  être  aussi  un  mot  sanscrit,  et  nous  serons 

'  Nouvelles  Leçons  sur  la  science  du  langage,  trad*  franc.,  t.  n,  p.lTS. 


320  SÉANCE  DU  5   MAI   1887. 

disposés  à  admettre  cette  opinion  si  nous  réussissons  à  l'ex- 
pliquer par  les  racines  aryennes.  Kuhn  Ta  déjà  rattaché  à  la 
racine  ark,  dont  il  est  ici  question,  en  supposant  qu'on  a 
voulu  dire  Tanimal  au  poil  luisant.  Cette  interprétation  me 
semble  peu  satisfaisante.  L'ours,  surtout  à  l'état  sauvage,  ne 
brille  pas  assez  pour  la  justifier.  Mais  on  sait,  et  je  n'insisterai 
pas  sur  ce  point,  que  les  racines  qui  ont  le  sens  de  briller, 
éclairer,  ont  servi  postérieurement,  et  par  une  dérivation 
dldées  très  naturelle,  à  exprimer  la  couleur  blanche.  Arctos 
a  donc  dû  signifier  «  celui  qui  est  blanc  » ,  et  conviendra  à 
désigner  l'ours,  si  Ton  veut  bien  admettre  que  les  premiers 
de  ces  animaux,  qui  ont  été  connus  par  les  Aryens,  étaient 
des  ours  blancs.  Telle  est  la  conclusion  à  laquelle  m'ont 
conduit  mes  recherches  linguistiques,  et  je  la  crois  susceptible 
d'être  adoptée.  Au  point  de  vue  anthropologique,  elle  peut 
avoir  de  l'intérêt  ;  c'est  une  donnée  dont  il  faudra  tenir 
compte  pour  déterminer  la  région  qui  a  été  la  patrie  origi- 
naire des  Aryens. 

Discussion. 

M"*  Clémence  Royer  pense  que  Arcfw/ii* (gardien  d'Arctos), 
nom  de  l'étoile  a  du  Bouvkr,  doit  avoir  une  origine  iden- 
tique. 

Aphasie  eoD^énitale  eltex  un  enfant  de  quatre  ans  et  demif 

PAR  M.  DALLT. 

M.  Dally  appelle  l'attention  de  ses  collègues  sur  un  fait 
intéressant  qu'il  observe  actuellement  dans  sa  clientèle.  Il 
s'agit  d'un  enfant  de  quatre  ans  et  quatre  mois,  qui,  jus- 
qu'ici, n'a  pu  encore  parler  et  ne  prononce  que  quelques  syl- 
labes redoublées  sans  significalion.  Il  est  d'ailleurs  intelli- 
gent, comprend  parfaitement  tout  ce  qu'on  lui  dit  et  exécute 
régulièrement  tous  les  actes  en  rapport  avec  son  âge. 
M.  Dally  demande  quel  pronostic  on  peut  porter  dans  cette 
circonstance. 


DISCUSSION  SUR  l'aphasib  congénitalb.  321 

IMsenttioB. 

M.  Hbrtê.  Sans  remonter  jusqu'au  fils  de  Grésus,  qui,  au 
récit  d'Hérodote,  acquit  subitement  la  parole  en  présence 
d'un  danger  imminent  dont  son  père  était  menacé  —  mais 
cette  histoire  manque  peut-être  d'une  suffisante  authenticité 
—  on  trouverait  dans  la  science  bon  nombre  de  faits  sem- 
blables à  celui  dont  vient  de  nous  entretenir  M.  Daily.  Un  de 
nos  collègues,  M.  le  docteur  Ladreit  de  Lacharrière,  médecin 
en  chef  de  l'Institution  nationale  des  sourds-muets,  a  même 
consacré  à  c^tte  question  du  retard  dans  le  développement 
du  langage  et  du  mutisme^  chez  l'enfant  qui  entend,  un  tra- 
vail spécial  publié,  en  1876,  dans  les  Annales  des  maladies  de 
Poreille  et  du  larynx. 

Ce  qu'il  y  a  de  particulier  dans  ces  faits  d'aphasie  congé* 
nilale,  aphasie  purement  fonctionnelle,  semble-t-il,  c'est  que 
les  enfants  atteints  de  ce  mutisme,  sans  complication  de  sur- 
dité ni  d'idiotie,  récupèrent  la  faculté  de  parler,  souvent  très 
tard,  à  cinq,  six  et  sept  ans,  et  cela  parfois  brusquement,  à 
l'occasion  de  quelque  émotion  vive,  comme'  si  la  secousse 
produite  alors  ouvrait  tout  d'un  coup  à  l'influx  nerveux  les 
voies  conductrices  de  la  parole. 

M.  Dally  ne  peut  admettre  cette  invasion  en  bloc  de  l'ar- 
ticulation des  mots,  une  éducation  préalable  lui  paraissant 
nécessaire. 

M.  Hervé.  M.  Dally  m'objecte  qu'il  est  contraire  à  tout  ce 
que  nous  savons  de  l'acquisition  progressive  du  langage  arti- 
culé, d'admettre  que  cette  fonction  puisse  s'établir  soudaine- 
ment, sans  être  précédée  des  tâtonnements  et  des  efforts 
auxquels  nous  voyons  tous  les  jours  l'enfant  se  livrer  pour  se 
l'approprier.  D'abord,  je  ne  veux  pas  dire  que  les  sujets  dont 
il  est  question  disposent  immédiatement  d'une  langue  très 
parfaite;  mais  je  dis  qu'ils  ont  d'emblée  un  langage  suffisant 
pour  se  faire  comprendre.  Il  n'y  a  pas  lieu  de  s'en  étonner  ; 
car,  s'ils  ne  parlaient  pas,  ces  muets  du  moins  entendaient, 
et,  dès  lors,  ils  ont  pu  faire,  par  l'ouïe,  l'éducation  latente 
T.  X  (3c  série;.  *l 


m  %iàm%  M  B  VAi  1881. 

de  leur  centre  d^articnlatioD^  eqçore  que  Tactivité  de  ce 
centre  fût  resiée  longtemps  sans  se  manifester.  Il  est  évident 
qu  il  oe  le»r  fpanqqp  quf  le  H)éQ^pJiimfl  de  TwlicpUtton,  et 
qiie^  du  jot3r  ou  iU  ont  h  pQs^ibiUté  do  ]e  m^t(p0  §j\  jeu,  iU 
4pivpnt  le  perficiiouper  très  rftpi4ftmeRt,  AM^nt'  4fln»é  qu'iU 
iQpt  eu  posnesaion  d^à  4e  la  ipéuiQire  w4itw  4^?  rpots- 

CQnime  exemple  de  c§  bru^quo  ^tgblii^^pidat  d§  1^  parole, 
40  citf  rai  le  ca^  suivaat  qui  m^  r^yieut  |i  Ift  mémoircr  II  »*wt 
d'uu  eufapt,  intelligent  4  ftUleurii  et  pplleujent  sourd,  qui 
éf^it  resté  muet jusqu'^  Tâge  d^  w  ^n»,  ya  jpur,up  apc}4ept 
arrive  h  Tua  4e  ses  jouqt»  favorin  ;  repf«ut,  fqrtpipopt  éuiUi 
s'écrie  sow4«W  :  «QhpI  4Qin|UftgeU  A  Partir  de  ce  mQiQent, 
il  pari»,  Ijjeu  qu'ftHPW^v^nt  il  n'eût  jamjû»  prouopp*  ua  ipul 
mot. 

M.  F4uypwp.  Je  pense  que,  pour  porter  un  prouQ^Uo  sé- 
rjpux  *ur  le  fait  m  question,  il  faudrait  d'ftbord  w  rendre 
cpruptg  d§  Ift  paMW  qui,  jusqu'à  oe  jour,  a  empêché  l'enfant 
de  parler.  S'agit-il  d'un  simple  retard  dans  le  développemept 
de  la  cirQOnvolutioi}  frqptqle  de  Brpca?  Doit-on,  au  con- 
trftiïÇ»  attribuer  pçtle  mutité  ^  Hpp  cau^p  organique  ayant 
son  ^iége  dans  le  voi^in^e  de  eelte  cirppuvolutioQ^  ou  dans 
Tappareil  musculaire  du  langage,  op  bien  encore  4ftns  Iç» 
fjlpts  y^eryeux  gui  fpettppt  eu  pgipmunicatiop  ce?  deujc  ordres 
4'prg(jHe??  ^.  p^jly  Ypudrft  bisp  nou?  dire  |i  le»  mp^elps  du 
pharynx  et  de  la  bouche  ne  présentent  aucune  anpm^lip  et 
s'il  pxiste  unp  piçtlforui^Uop  quelcpnqpe  de  la  régiou  frontale 
gaupbe. 

M.  Manpuvwer  9'0tpï?pç  que  ]^.  Fauvelle,  qui  se  pique  de 
coppjiissancpg  ^atomiques  prépisçjj,  parle  de  nerfs  qui  ^ 
rpu4ppt  dirpQtemept  des  cellules  de  la  troisième  circonyplu- 
tion  frqpt^lp  au^  muscles  4e  Ve^rticul^tiqu  des  psots.  U  ^er^it 
ppriepx  4p  copuaître  leur  trajet.  l\  demande  à  qupl  çiiractère 
ïpprpbplQÇique  4u  crâne  M.  FauvpUe  proit  ppuyoir  recop» 
nf^î^rp  l§  plus  ou  moins  de  déyefpppefUpnt  dp  la  eircppvQlu» 
tipu  du  laugage»  Il  pense  que  }§  meilleure  réponse  ft  fftirp  ^ 
la  question  posée  par  M«  Daily»  c'est  qu'on  ne  9Qit  pas. 


DISCUSSION  Sim  L'APHASIIi  CONGÉNITALE.  ^3 

M.  Fauvelle.  J'ignore  à  quoi  fait  allusion  M.  Manouvrier 
en  m'attribuant  des  prétentions  aux  connaissances  anato- 
miques  précises.  Dans  la  cifcppstance  actuelle,  sa  critique  ne 
porte  pas.  Il  n'est  pas  douteux  que  les  communications  en 
question  existent;  il  est  également  certain  qu'elles  n'ont  pas 
la  simplicité  que  mon  honorable  collègue  m'accuse  à  tort  de 
leur  avoir  accordée.  Quant  à  la  nature  des  complications,  je 
PQPSQ  qu'il  n'pn  sftit  pas  plu?  qi|§  iftoi.  i'^i  spépi^lement 
voulu  p^lpr  des  fl|)r^§  f)§rveasp§,  qui  paissept  4es  cçUu^qs  de 
lfitffi|sièro§  çirfiQOVplutign  frpftl^le,  rti  se  dirfgpMyer^les 
(&orp§  striés,  fprpaeAt  le  npyau  WWP  4^  p^ttg  ojfCQnvQlutipft. 
On  mi,  fin  effpt,  qup  leur  dpstrqptipp  entrfi^lpe  ^g^eroept 
rap|ia§ie,  Eq  Pfltrl^nt  dp  malforips^t^pq,  j'ai  voulu  4«Rian4pr 
à  M.  Daily  s'il  n'avait  pas  constaté  une  asymétrie  exagérée 
des  deux  moitiés  du  crâdê,  avec  .dépression  prononcée  de  la 
rtgiPft  qui  rpQouvf  e  la  cirçouvolution  dp  firpc^. 

g'jl  n'p^jste  ^ucunp  lésjpp  an?itomi(|ue,  il  pst  possible  qu'il 
ue  s')|^sse  que  4'up  felai^d  4aps  le  développepiient  4e§  cpj- 
Jules  oiptripes,  et  qu'aussitôt  leur  prçanisaUon  acl^evée,  l'en- 
fant p^fvipPîîP  h  pwler  couraipment.  Puisqj^'il  fi  perçu  pt 
^•etenu  l?s  mots  de  la  langue  française,  ^nsi  que  leur  ?igni- 
fioaUpp  pt  gu'il  s'entpu4ru  parler,  son  éduçatipu  devra  être 
très  rapf^Pf 

M.  Daixt  p'a  observé  auçupe  4éform4tipn  4u  pràne  ;  les 
Wuscies  de  la  bouche  et  du  pl^arynx  fopctionnent  régulière* 
mpnt.  §ou  ui^la4P>  seulemept  un  peu  ç^gupUï,  UP  diffère  pn 
riep  4fis  epfants  de  ^on  âge.  Sp^  pareuts  et  se^  frères  et  sœurs 
ne  préçentept  rien  4*auo|'mal . 

M"*  G]L|ipBNCP  BoYBfi  comp^rp  la  situatiop  de  cet  enfant  à 
celle  d'une  personne  qui  comprppd  upp  langue  étrangère 
sans  savoir  la  parler.  Elle  pepse  que  c'est  la  mémoire  motrice 
qui  lui  fait  défaut. 

La  séance  est  levée  à  ping  heures  et  demie. 

Vun  des  secréiaires  :  FAUVELLE. 


324  SÉANCE  DU  19  MAI  4887. 

m*  SRANCB.  —  1»  nai  1887. 

PréfllfleBee  4e  M.  MAOIT«T,  président. 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

COMMUNICATIONS  DU  BUREAU. 

M.  le  Président  annonce  la  mort  de  M.  Yulpian,  membre 
titulaire  du  !•'  avril  4869  et  honoraire  du  l**  février. 

M.  le  Président  ajoute  que  si  M.  Yulpian  n'était  pas  un 
membre  actif  de  notre  Société,  il  a  du  moins,  comme  on  sait, 
par  ses  travaux  de  physiologie,  éclairé  un  grand  nombre  de 
questions  scientifiques  qui  touchaient  de  près  nos  études. 

A  propos  du  procès-verbal. 

Aphasie  congénitale.  —  M.  Hervé.  L'observation  que  j'ai 
citée,  à  la  dernière  séance,  à  la  suite  de  la  communication  de 
M.  Daily,  appartient  à  Charlton  Bastian  qui  la  rapporte  dans 
son  livre  :  le  Cerveau  et  la  Pensée^  t.  II,  p.  215.  Les  ouvrages 
de  Gall,  de  Hufeland,  de  J.  Franck  renferment  également 
des  faits  de  cet  ordre.  Notre  regretté  collègue,  M.  Yalsse,  en 
apporte  ici  môme  dans  un  travail  que  nos  Bulletins  ont  pu- 
blié (2*  série,  t.  I,  1866,  p.  146).  Enfin,  depuis  quinze  jours, 
j*ai  eu  l'occasion  de  recueillir  un  de  ces  cas  d'aphasie  con- 
génitale  de  la  bouche  de  mon  ami,  M.  le  docteur  P.  Aronssohn. 
ancien  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine  de  Stras- 
bourg. L'enfant,  âgé  d'une  dizaine  d'années,  parla  tout  d'un 
coup  à  la  suite  d'une  séance  de  magnétisme  chez  le  zouave 
Jacob,  à  qui  ses  parents  l'avaient  amené  en  désespoir  de 
cause.  Jusque-là  il  ne  s'était  exprimé  que  par  une  vociféra- 
tion inarticulée  que  sa  mère  seule  comprenait. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

Realia.  Registei'  op  de  générale  resolutien  van  het  kasteel 
Batavia^  t.  II.  Batavia,  1886,  in-4%  406  pages. 


OUVRAGES  OFFBRTS.  325 

Va^  der  Chus.  De  vestiging  van  het  NederlancUche  Gezag^ 
1599-1621.  Batavia^  1886,  in-4%  484  pages. 

—  Nederlandêch-indàch  Plakaatboek,  1602-1822.  Batavia, 
1886,  in-8%  681  pages. 

FiRSGH  (0.).  Hausbau,  Hàuserund  Siedebmgen  an  der  SûdosU 
kûste  von  Neti-Guinea  (ans  Mittheilungen  aus  Wien).  Vienne, 
1884,  broch.  in-4*,  15  pages. 

—  Canoës  und  Canoebau  in  der  Marshall- Insein  (aus  Ver- 
handlungen  der  Berliner  anthrop.  Geselhchafi\  1887,  broch. 
in-8®,  8  pages. 

BoRDiER  (A.).  La  vie  des  sociétés.  Paris,  1887,  in-8^, 
359  pages. 

CoLUGNON  (R.).  Les  âges  de  la  pierre  en  Tunisie  (in  Matériaux 
pour  V histoire  dePhomme).  Paris,  1887,  broch.  in-8",  38  pages, 
2  planches. 

MusTON.  Le  préhistorique  dans  le  pays  de  Montbéliard  et  les 
contrées  circonvoisines.  Montbéliard,  1887,  in-8',  228  pages, 
57  planches. 

M.  ToPiNARD,  en  offrant  le  dernier  fascicule  de  la  Revue 
d'anthropologie^  attire  l'attention  sur  les  articles  suivants  qu'il 
contient  : 

La  carte  de  la  répartition  de  ttndice  céphalique  en  Norwège, 
par  Je  docteur  G.  Arbo.  Les  brachycéphales  s'y  voient  con- 
centrés sur  les  côtes  de  TOcéan,  principalement  au  nord- 
ouest,  dans  les  îles,  et  au  sud  ;  tandis  que  les  masses  doli- 
chocéphales s'observent  sur  le  trajet  des  fleuves  qui  se 
jettent  dans  la  Baltique  ;  comme  si  les  premiers  occupants  du 
sol  avaient  été  les  brachycéphales  et  avaient  été  refoulés  par 
les  dolichocéphales  venus  de  TEst  par  mer. 

Les  types  brun  et  blond  au  point  de  vue  pathologique,  par  le 
professeur  Alphonse  de  Gandolle. 

La  splanchnologie  des  races  humaines,  par  M.  Ghudzinski. 

V Atlantide,  par  M.  Ploix. 

Le  préhistorique  Scandinave,  son  origine  et  ses  développe- 
ments, par  M.  Ingwald  Undset,  conservateur  du  musée  de 
Christiania.  G*est  une  introduction  à  Tétude  du  préhistorique 


326  SÉANCE  D0  49  HÀt  1887. 

actuel  que  M.  Undset  e^tposeta  dan»  de&  à^tidès  altérieurfc. 

La  carte  de  tindtce  céphaltque  dei  Italiens,  par  M.  Topiiiard, 
à  propos  de  là  carte  de  M.  R.  Livl.  il  en  résulte  que  Id  bra- 
chycéphalie  a  son  maximum  au  nord  de  ritalie,  et  diminue 
progressitetnënten  descendant  âti  sud,  où  l'Italien  est  essed- 
tiellëmeht  dolichocéphale,  par  exetnplë  dans  la  Gàlabre, 
ainsi  que  sur  la  côte  orientale  de  la  Sârdaigne. 

Parmi  les  Jtevties  françaises  et  étrangères  portant  sur  treize 
ouvrages  ou  mémoires,  une  critique  très  remarquable  dil 
livre  de  M.  Tarde  sur  la  criminalité^  par  M.  Paul  Mougeolle. 

Pal'mi  les  Actualités,  une  note  de  M.  Louis  Rdusselet,  sur 
les  Ghildjis  de  TAfghanistan,  qui  jouent  en  ce  moment  un 
rôle  si  Important  dans  Tlnsurrection  qnl  ensanglante  ce  pays; 
et  un  article  de  M.  Topinard,  â  propos  du  si^àlement  de 
Pranzini,  sur  le  fonctionnement  du  bureau  des  signalements 
anthropométriques  à  la  préfecture  dé  policé. 

Le  préhistorique  dans  le  pays  de  Montbéliard  et  les  contrées 
circonvoi'sines,  par  M.  G.  de  Mortillet,  au  nom  de  M.  Muston, 
membre  titulaire  de  la  Société. 

M.  CoLLiGNON  remet  un  mémoire  sur  les  Ages  de  la  pierre  en 
Tunisie,  extrait  des  Matériaux  pour  servir  à  thistoire  de 
rhomme.  Ce  travail  est  la  reproduction  de  la  communication 
faite  à  la  Société  en  décembre  1885.  Deux  cartes  qui  y  sont 
jointes,  représentant,  l'une  la  répartition  des  stations  préhis- 
toriques par  toute  la  régence^  Vautre  un  plan  détaillé  des 
environs  de  Gafsa,  seul  point  où,  jusqu'ici,  des  silex  chel^ 
léens  aient  été  trouvés  in  situ. 


HTADES.  -^   ttTlNOGftAPHIE  DIS  fUÉGIEIfS.  3ï7 

paisiNTAnoifSi 

Phallns  «ntlqae; 

[par  m.  PAUL  AUBRT. 

J'ai  rbonneur  de  présenter  à  la  Sooiété  un  phallus  aatique 
en  terre  cuite.  Malheoreasement  les  oirconstanoes  dans  les- 
quelles je  me  le  suis  procuré  enlèvent  à  cette  présentation 
une  grande  partie  de  son  intérêt.  Je  Tai  acheté  à  Jaffa,  cbei 
un  marchand  d'antiquités;  il  provenait^  m'a-t-il  dît,  d'Asca- 
lon.  Ce  sont  les  seuls  renseignements  que  j'ai  pu  obtenir.  On 
remarquera  que  ce  phallus  est  circoncis. 

Longueur  =  14,5. 

Circonférence  à  la  base  du  gland  =  13  centimètres.} 

Circonférence  près  du  point  dlnsertion  =  10  centimètres. 

QoiunmiCATioifs. 
ECluiogrAphIe  d«s  Faégimis; 

PAR   M.    HTADBS.l 

Enl883,unQuedtibhnaii*ë  de  sociologie  et  d^elhnoffraphie 
a  été  élaboré  par  les  soins  de  là  Société  (l*anlhropologie  et 
insété  ikm  lôâ  Bulletins  de  la  séance  diî  il  Juin  làR3.  Les 
auteurs,  dans  une  courte  préface,  ont  exposé  les  lignés  gédé- 
raies  de  ce  mémento^  qu'ils  ont  voulu  rendre  applicable  «aussi 
bien  aux  Fuégiens  qtt'aul  hàbitaniâ  des  capitales  les  plus 
civilisées  o . 

Je  présente  aujourd'hui  à  la  Société  les  réponses  qui  con- 
cernent les  Fuégiens  de  1* archipel  du  cap  Horn.  Sans  doute, 
toutes  les  données  du  Questionnaire  sont  examinées  en  détail 
dans  le  volume  sur  ^anthropologie  de  cette  peuplade,  qui 
a  été  prépare  par  la  commission  du  cap  Horn,  et  qui  sera 
publié  prochainement.  Mais  j'ai  pensé  qu'il  serait  utile  de 
remplir,  sous  une  forme  très  résumée,  le  Questionnaire  dont 
je  parle,  qui  ne  saurait  trouver  place  dans  «n«  monographie. 


SÉANCE  OU   19  MAI   1887. 


RèpoiiMs  au  «aestiomudre  de  «ooiologie  et  d*ethnoffraphie,  «n  oe  qai 
oonoarne  les  Foèfriena  de  l'archipel  du  oap  Horn  (Tékenika  de  Fits 
Roy,  Taligan  aoloéla)  *. 

VIE  NUTRITIVE. 

Alimentation.  —  1.  R.  On  pourrait  dire  que  les  aliments 
sont  exclusivement  animaux  sll  n'y  avait  accidentellement 
quelques  exceptions  pour  les  baies  de  Pernettha  ou  les 
fnngus  de  bouleau. 

2.  R.  Les  coquillages  (et  surtout  les  moules),  les  oursins, 
les  poissons,  les  phoques  et  les  baleines,  font  la  base  de 
Talimentation. 

3.  R.  On  préfère  toujours  les  aliments  cuits. 

4.  R.  On  fait  à  demi  griller  les  aliments  en  les  posant  sur 
les  tisons. 

5.  R.  n  y  a  deux  principaux  repas,  dont  Tun  le  matin, 
quelques  heures  après  le  réveil,  et  Tautre  le  soir,  avant  de 
dormir. 

.    7.  R.  Les  femmes  préparent  les  repas. 

8.  R.  Les  femmes  et  les  enfants  mangent  avec  les  hommes. 

9.  R.  Il  n'y  a  pas  d'aliments  privilégiés. 

10.  R.  On  ne  fait  pas  de  provisions. 

11.  R.  On  ne  connaît  aucune  substance  enivrante,  narco*- 
tique  ou  excitante. 

VIE  SENSITIVE. 

SBNSIBILITé  GÂNÉRALB  KT  SPACULI. 

1.  R.  On  est  peu  sensible  à  la  douleur. 
3.  R.  On  supporte  les  maladies  stoïquement. 
3.  R.  On  ne  craint  pas  beaucoup  la  mort. 
A,  Tact. —  R.  La  sensibilité  tactile  n'est  ni  plus  ni  moins 
développée  que  chez  les  observateurs  (Français). 

^  On  n'a  reproduit  ici,  de  ce  Questionnaire,  que  les  titres  des  chapitres 
et  les  numéros  des  questions  auxquels  se  rapportent  les  réponse». 


HTADES.  —  ETHNOGRAPHIE  DES  FUÉGIENS.  329 

B.  Sens  du  goût.  —  R.  Les  saveurs  préférées  sont  celles  des 
graisses  et  des  huiles  animales,  en  particulier  de  Fbuile  de 
phoque.  Les  Fuégiens  apprécient  beaucoup  Thuile  de  foie  de 
morue,  comme  goût,  et  plus  encore  les  saveurs  sucrées.  Ils 
ont  horreur  de  ce  qui  est  amer  et  n'aiment  pas  le  sel.  —  Il 
n'y  a  pas,  sous  le  rapport  du  goût,  de  différences  sexuelles. 

G.  Odorat. — R.  La  sensibilité  olfactive  est  peu  développée  ; 
elle  ne  s'exerce  guère  que  pour  reconnaître  les  matières 
animales  en  décomposition  ;  mais,  à  cet  égard,  l'odorat  des 
Fuégiens  est  aussi  fin  que  celui  d'un  Européen  normalement 
doué.  Ils  ne  m'ont  pas  paru  reconnaître  à  l'odeur  les  transpi- 
rations cutanées  des  Européens  ou  des  personnes  d'un  autre 
sexe  que  celui  de  l'individu  examiné. 

D.  Sens  de  l'ouïe,  —  R.  L'ouïe  a  la  même  acuité  et  la  même 
portée  que  chez  la  majeure  partie  des  Européens  (expériences 
de  la  montre,  du  diapason,  etc.).  Mais  les  bruits  qui  nous 
sont  hebituellement  désagréables  (explosion  d'une  mine, 
sifQet  de  machine  à  vapeur,  etc.),  laissent  les  Fuégiens  indif- 
férents. 

E.  Sens  de  la  vue*  —  R.  i.  Les  anomalies  de  la  réfraction 
sont  inconnues  chez  eux;  ils  possèdent  tous  une  grande 
puissance  d'accommodation.* 

2.  R.  Ils  préfèrent  les  couleurs  vives,  et  surtout  le  rouge. 

3.  R.  Ils  supportent  un  peu  mieux  que  les  Européens  la 
lumière  solaire  directe. 

i.  R.  Il  Ji'y  a  pas  de  différences  sexuelles  sous  le  rapport 
de  la  vue. 

ISTHinQUE.  —  PARURI.  —  BBAUX-ARTS. 

A.  Parure.^--  t.  R.  On  emploie  pour  le  visage,  principale- 
ment sur  les  joues,  des  fards,  blanc  (argile),  rouge  (ocre),  noir 
(charbon),  délayés  avec  de  l'huile  ou  de  la  salive.  Le  rouge 
et  le  blanc  sont  préférés. 

2.  R.  Le  tatouage  est  inconnu  chez  les  Fuégiens. 

3.  R.  Les  femmes  se  parent  un  peu  plus  que  les  homme?. 


330  sÉAifCB  DV  19  haï  {8rr. 

B.  DéfotmaitimiM  él  mutUatitm  ethniques.  ^  R»  U  n'existe 
tacUne  matUation  ethnique  ohes  les  Fuégleiis. 

G.  BijouJt.  -*^  R«  Lei  hommes  et  surtout  leé  femmes  por- 
tent autour  du  oou  des  colliers  en  coquillages^  en  moroeaux 
d'os  enfilés,  en  tresses  de  nerfs  ou  de  tendons.  Les  femmes 
poHent  souvent  Alix  poignets  et  faux  oheyillès  des  bracelets 
en  peau  de  guanaoo. 

D*  Coiffure.  ^  R*  Les  cheveux  sont  épar8>  coUpés  sur  le 
front,  à  la  chiens  la  coiffure  de  deUil  consiste  en  une  large 
tonsure  sur  la  tète* 

R  Vêtements.  — i.  R.  Le  vêtement  habituel  est  représenté 
par  une  peau,  non  travaillée,  de  loutrci  de  phoque  ott  de 
guanaque.  Mais  le  vêtement  manque  souvent^ 

â.  R.  Vers  trois  où  quatre  ans  les  enfètnts,  de  têmpfe  à 
autre,  |>ortent  uHe  petite  peau  sur  répaule« 

3.  R.  Aucune  dififérence  entre  les  deux  sexes^  sauf  une 
petite  feuille  de  vigne  en  peau  de  guanaque  potir  les  femmes. 

4.  R»  Il  n'y  a  pas  de  vêtement  de  luxe» 

F.  De  la  danse.  —  R.  La  danse  n'est  pas  pratiquée. 

G*  Musique,  —  1.  R.  M.  Rehé  de  Garfort  a  iioté  dftns  les 
chants  fuégiens  :  i^  l'emploi  exclusif  du  mode  mineur; 
2^  Tabsence  de  la  tonique  ;  3^  la  terminaison  Sûr  la  sous* 
dominante. 

2*  R.  Le  (chant  est  habituellement  gai  ;  il  sd  compose 
d'une  seule  parole  ou  même  d'une  seule  syllabe^  répétée  in* 
définiment* 

3.  R.  Il  n'y  a  aucun  instrument  de  musique. 

4.  R.  Le  sexe  féminin  est  le  plus  adonné  au  chant. 

H.  Arts  graphiques  et  plastiques.  —  R.  La  sculpture  et  la 
peinture  sont  complètement  inconnues  chez  les  Fuégiens. 

VIE  AFFECTIVE. 

SBHSIBILITÂ  MOBALE.  —  SBNTniBNTS  AFFECTITS. 

A.  Caractère.  Moralité.  —  i.  R.  Le  caractère  est  sélieuX  et 
concentré.  On  ne  rit  pas  faoUementi  le  rire  est  totyours 
bruyant* 


HTADES.  ^  BTHNOORAPHIB  DBS  FUÉGIENS.       33t 

3.  R.  Les  femmes,  seules»  pleurent  facilement* 

3.  R.  On  est  plutôt  t^ourageux. 

4.  R.  Le  caractère  est  mobile. 

5.  R.  Très  facilement  on  se  met  en  colère. 

6.  R.  Le  mensonge  et  la  ruse  sont  plutôt  approuvés. 

7.  R.  On  estime  surtout  la  générosité  et  Ton  méprise  l'ava- 
rice f 

8.  R.  On  ne  se  croit  pas  lié  par  ses  engagements. 
0.  R»  Le  sentiment  de  l'amitié  est  énergique. 

10.  R.  On  le  désigne  par  un  mot  :  maojakou. 

H  4  R.  Il  n'y  a  pas  précisément  d'exemple  de  dévoue- 
ment, mais  on  doit  toujours  à  son  ami  assistance  et  protec- 
tion. 

12.  R.  Ce  que  nous  appelons  politesse  est  inconnu. 

13.  R.  On  connaît  la  compassion  î  mais  il  n'y  a  pas  de  mot 
pour  la  désigner. 

14.  R.  Tout  visiteur  a  droit  à  une  place  dans  la  hutte  et  à 
une  part  de  repas. 

15.  R.  Les  faibles  sont  plutôt  seoourus. 

16.  R.  Les  malades  sont  soignés. 

17.  R*  Les  chiens,  seuls  animaux  domestiques,  ne  sont 
nullement  soignés. 

18.  R.  Il  n'y  a  aucune  tradition  d'anthropophagie. 

B.  Des  enfants.  -*  1.  R.  Les  parents  aiment  beaucoup 
leurs  enfants. 

2.  R.  Ils  les  caressent  très  rarement,  pour  ne  pas  dire 
jamais. 

3.  R.  L'infanticide  n'est  pas  en  usage. 

6.  R.  On  ne  s'occupe  que  d'apprendre  aux  enfants  l'indus- 
trie de  la  tribu. 

7.  R.  En  général  les  parents  s'occupent  des  enfants  jus- 
qu'au jour  du  mariage  de  ceux-ci. 

8.  R.  Rien  ne  s'opposerait  à  la  vente  des  enfants,  s'il  y 
avait  des  acquéreurs. 

C.  Des  vieillardi  et  des  parents,  —  1.  R.  Les  parents  aiment 
leurs  enfants. 


332  SÉANCE  DU  19  MAI  4887. 

2.  R.  Toujours,  en  règle  générale,  les  adultes  respectent 
leurs  parents; 

3.  R.  Un  peu  plus  le  père  que  la  mère. 

4.  R.  Les  vieillards  sont  bien  traités  ;  mais  si  les  infirmités 
leur  rendent  la  vie  impossible,  l'usage  pardt  être  de  les 
étouffer  pour  abréger  leurs  souffrances. 

D.  Condition  des  femmes.  —  r  R.  La  femme  doit  obéir  à 
son  msu:i, 

2.  R.  La  femme  qui  se  conduit  bien  est  indépendante  et 
respectée. 

3.  R.  La  pêche,  la  préparation  des  aliments  et,  en  général, 
la  conduite  des  embarcations  sont  les  travaux  dévolus  aux 
femmes. 

A.  R.  Les  femmes  ne  peuvent  être  vendues. 

E.  Guerre.  —  i.  R.  On  ne  fait  pas  de  prisonniers. 

2.  R.  On  préfère  la  guerre  d'embuscade  ;  mais  on  fait  aussi 
la  guerre  ouvertement. 

F.  Rites  funéraires.  —  i.  R.  On  prépare,  immédiatement 
après  le  décès,  les  morts  pour  les  funérailles*. 

2.  R.  Les  morts  sont  inhumés. 

3.  R.  Quelquefois,  ils  sont  brûlés  ;  surtout  quand  le  décès 
a  eu  lieu  loin  de  la  résidence  habituelle  de  la  famille. 

i.  R.  Il  n'y  a  ni  cérémonies,  ni  monuments  funéraires. 

5.  R.  11  n'y  a  pas  de  clergé. 

6.  R.  Il  n'y  a  pas  d'autre  signe  de  deuil  que  la  section  des 
cheveux  au  ras  sur  le  sommet  de  la  tête. 

RBLIGION.  —  VIE   FUTURE. 

A.  Vie  future,  —  I .  R.  On  croit  seulement  aux  ombres 
des  criminels,  et  on  les  craint  beaucoup  sans  chercher  à  se 
les  concilier. 
.    2.  R.  L'idée  de  vie  future  n'existe  pas. 

3.  R.  On  suppose  que  les  criminels,  après  leur  mort,  pour- 
raient passer  quelques  années  à  errer  misérablement,  sous 
des  formes  fabuleuses,  en  cherchant  à  nuire  aux  vivants. 


HTADES.  —  ETHNOGRAPHIE  DBS  FUÉOIENS.  333 

4.  R.  Ces  ombres  seraient  matérielles. 

5.  R.  On  croit  à  la  mort  naturelle. 

B.  Beligian.'^R.  Les  Fuégiens  n'ont  aacnne  idée  se  rap- 
portant à  la  religion  ni  &  la  cosmogonie. 

Les  voyageurs  ont  dit  qu'ils  avaient  des  sorciers  :  ceux-ci 
sont  tout  simplement  des  guérisseurs,  plus  ou  moins  charla- 
tans, qui  n'en  imposent,  dans  le  fond,  à  personne,  mais  que 
l'on  respecte  cependant,  parce  qu'on  ne  connaît  pas  d'autres 
secours  que  les  leurs  contre  la  maladie. 

VIE  SOCIALE. 

A.  Famille.  —  1.  R.  La  famille  est  bien  constituée,  mais 
la  tribu  n'existe  pas,  à  proprement  parler. 

2.  R.  L'enfant  appartient  à  ses  deux  parents,  mais  plutôt 
au  père. 

3.  R.  La  parenté  suit  la  ligne  directe  et  collatérale,  mas- 
culine et  féminine. 

4.  R.  Nous  avons  recueilli  tous  ces  mots,  qui  sont  très 
nombreux  et  dont  voici  quelques-uns  : 

Ytnou^  père. 
Dabif  mère. 
Magou^  fils. 
Maa  kipay  fille. 
Oalèny  frère  aîné. 
Baoua  makouçine,  frère  cadet. 
Ouat  kipa,  sœur  aînée. 
Makous  kipa^  sœur  cadette. 
Endoi'ouay  oncle  (frère  du  père). 
Ymanan,  oncle  (frère  de  la  mère). 
Damapou,  tante  (sœur  du  père). 
Yaka  dabéén,  tante  (sœur  de  la  mère). 
Yamana  magouy  neveu  (fils  du  frère). 
OuartrùUy  neveu  (fils  de  la  sœur). 
Yamana  maa  kipa,  nièce  (fille  du  frère). 
Kipartrou,  nièce  (fille  de  la  ?œur). 


334  sÉANCB  DU  49  Mil  4887. 

Darchinaka , 


Daranaka^     ^ 
Darchinaka  kipa^  | 
Daranaka  kipa,     \  •^• 

Atloum,  beau-frère. 
Xipa  ahum^  beUe-0œu». 
MépaghoUf  beau-père. 
Méçaa  hipa,  belle-mère. 
Toumagou  daroua^  parfttre. 
Toumagou  maa  kipa^  marâtre. 

5.  R.  La  parenté  est  reconnue  jusqu'au  quatrième  ou  au 
cinquième  degré. 

6.  R.  L'adoption  existe  dans  la  pratique,  mais  sans  aueune 
cérémonie. 

7.  R.  L'héritage  se  transmet  à  Tépou  survivant  on,  &  dé- 
faut, au  fils  aîné.  —  Voir  ce  que  nous  disons  plus  lûip  au 
mot  Propriété. 

B.  Amouvy  mariage.  —  1.  R.  Le  sentiment  de  l'amour  ert 
fréquent  ;  il  n'y  a  pas  de  chant  d'amour. 

2.  R*.  Le  baiser  est  totalement  ipconnu» 

3.  R.  La  pudeur  n'a  pas  de  nom  spécial;  elle  s^  manifeste 
très  bien  dans  le  maintien. 

4.  R.  La  masturbation  et  le  sodomisme  ne  sont  pas  en 
usage  ;  on  en  parle  cependant  souvent  pour  en  plaisanter. 

5.  R.  Il  n'y  a  dans  le  mariage  qu'un  contrat  veriial  ;  les 
femmes  ne  sont  pas  communes  (pas  de  polyandrie). 

6.  R.  La  communauté  n'intervient  pas  pour  sanctionner 
le  mariage. 

7.  R.  Il  n'y  a  aucune  cérémonie  pour  le  mariage. 

8.  R.  La  polygamie  est  permise. 

9.  R.  Le  mariage  est  généralement  endogamique. 

10.  R.  On  observe  quelquefois  le  mariage  par  capture. 
14.  R.  La  femme  p'est  pas,  en  général,  consultée^  on 

l'achète  ordinairement  à  ses  parents. 

42.  R.  Il  n'y  a  pas  de  fiançailles. 

43.  R.  La  virginité  n'est  pas  estimée. 


'    HYADES.  pw  ETBVOaRAPBIE  DU  9UÉGIENS.  33K 

i4.  R.  Le  mari  n'a  pas  le  droit  d'entretenir  des  concubines. 

i5.  R.  La  divorce  8'ob»9rv6  pas  incompatibilité  d'humeur 
et  ne  présente  aucune  forqrialité. 

16.  R.  Les  enfants  suivent  plutôt  le  père. 

IV.  R,  La  répudiation  de  la  femme  se  voit  plus  rarement 
que  le  divorce  ou  la  rupture  du  mariage. 

4B.  R.  Jja  prostitution  n'existe  pas,  dans  le  smis  d'institu- 
tion sooiala^  mais  il  arrive  que  des  femmes,  non  mariées^ 
s'adonnent  à  cette  pratique. 

10.  R.  Les  prostituées  sont  plutôt  méprisées. 

fiO.  R.  L'adultère  de  la  femme  est  puni  par  des  coups  que  le 
mari  ou  ses  parents  infligent  à  la  coupable  et  à  son  complice. 

21.  R.  L'adultère  du  mari  n*e&t  p^s  puni,  sauf  par  des 
scènes  de  jalousie  de  la  femme. 

G.  Propriété.  —  R.  La  propriété  est  individuelle  et  héré- 
ditaire saud  aucun  testament,  mais  elle  ne  peut  s'entendre 
ici  que  des  effets  personnels  :  pirogue,  ustensiles  de  chasse 
ou  de  pêche,  peaux  d'animaux,  ohai^un  n'ayant  de  ces  objets 
que  oe  qui  lui  est  nécessaire.  En  outre,  le  plus  souvent, 
Théritier  psu'tage  entre  les  amis  du  défunt  ce  qui  a  appartenu 
à  p^lui'Cb  comme  si  les  parents  l09  plus  proches  ne  voulaient 
pas  tirer  un  profit  quelconque  de  la  mort  d'un  des  leurs, 

D-  66lfVirnm§nt,  çonitlfulion  SQciah,  —  R.  Il  n'y  a  ni  roi, 
ni  chef,  ni  aristocratie,  ni  castes,  ni  hiérarchie  sociale,  ni 
escliay^»  ;  a^est  le  régime  de  i'^g^lité  (lans  toute  sa  pureté. 

K.  Ju^ticç,  —  R.  Or  ne  rend  pas  la  justice  et  il  n'y  a  pas 
de  lois.  Certains  actes  cependant  sont  considérés  comme 
criminels  :  teji^  que  l'enlèvement  d'unç  femme  m^iée,  le  vol 
d'uo§  pirogue,  ie  paewrtre  dç  ^Q^  pemblebie.  Les  parents  des 
victimes  cherchent,  dans  les  deux  premiers  cas,  simplement 
à  faire  restituer  ce  qni  ^  été  volé  Qt,  4^ns  le  dernier  cas,  à 
punir  de  mort  }p  ipenrtrier  pu,  h  défout,  l'un  des  sieus. 


336  SÉANCE  DO   19  MAI  1887*  ^ 

VIE  INTELLECTUELLE. 

INDUSTRIE. 

,A.  Données  générales,  —  1.  R.  On  est  chasseur  et  pécheur. 

S.  R.  Le  chien  est  le  seul  animal  domestique. 

B.  Chasse.  —  1.  R.  Les  animaux  chassés  de  préférence 
sont  les  oiseaux  de  mer,  les  loutres^  les  phoques  et,  acciden- 
tellement, les  baleines. 

2.  R.  On  se  sert  surtout  du  harpon  en  os  fîxé  sur  un  long 
manche  et  lancé  à  la  main  ;  on  emploie  aussi^  pour  les  oi- 
seaux^ des  lacets  ou  collets  en  fanons  de  baleine. 

3.  R.  On  chasse  le  plus  souvent  en  troupe. 

A.  R.  La  chasse  est  pratiquée  exclusivement  par  les  hommes 
et  par  les  jeunes  gens. 

G.  Pêche.  —  1.  R.  On  pêche  avec  un  long  fil  de  ligne, 
dont  une  extrémité  est  tenue  à  la  main  et  dont  l'autre  est 
munie  d'une  pierre  de  lest  et  d'un  appât. 

2.  R.  On  n'empoisonne  pas  les  eaux  pour  prendre  le 
poisson. 

3.  R.  Il  n'y  a  pas  d'animaux  employés  comme  auxiliaires 
à  la  pèche. 

4.  R.  Il  n'y  a  pas  d'espèces  de  poissons  dont  la  pèche  soit 
interdite. 

5.  R.  La  pèche  est  pratiquée  seulement  par  les  femmes* 

D.  Agriculture.  —  R.  On  ignore  complètement  l'agricul- 
ture. 

E.  Céramique,  —  R.  Elle  est  absolument  inconnue. 

F.  Métallurgie,  —  R.  On  n'a  aucune  idée  de  la  métal- 
lurgie. 

G.  Armes,  —  1.  R.  Il  y  a  des  masses  en  bois,  mais  plus 
communément  des  harpons  en  os  et  des  frondes. 

2.  R.  Les  armes  offensives  sont  les  frondes,  les  harpon?, 
très  rarement  les  flèches. 

3.  R.  La  variété  de  harpon  la  plus  usitée  comme  arme  de 
jet  est  une  pointe  en  os,  longue  de  0",16  environ,  à  une  en- 


HYADES.  —  ETHNOGRAPHIE  DES  PUÉGIËNS.  337 

taille,  solidement  assujettie  à  ud  manche  de  3  à  4  mèlrcs  de 
longueur. 

4.  R.  Il  n*y  a  aucune  arme  défensive. 

5.  R.  Les  femmes  combattent  avec  courage,  mais  sans 
armes  ;  elles  se  servent  de  pierres,  de  pagaies,  etc. 

6.  R.  Aucune  arme  n'est  empoisonnée. 

H.  Navigation,  —  4.  R.  Chaque  famille  possède  une  ou 
plusieurs  pirogues  en  écorce  de  Fagvs  betuloîdes^  avec  des 
bordages  cousus  et  des  membrures  en  demi-cercle  de  bois  de 
Drionys  Winieri  ou  de  Fagus  antarctica. 

2.  R.  Les  embarcations  se  manœuvrent  àlarame  ou  pagaie. 

3.  R.  On  ne  conndt  pas  Fusage  du  gouvernail. 

4.  R.  Il  n'y  a  pas  de  pirogues  doubles  ou  à  balancier. 

5.  R.  On  ne  sait  nullement  dresser  des  cartes. 

6.  R.  On  se  guide  d'après  la  connaissance  des  cAtes  et 
des  récifs. 

I.  Habitations.  —  R.  En  fait  d'habitations,  on  ne  connaît 
que  la  hutte  en  branchages  ou  troncs  d'arbres,  construite 
en  quelques  heures  au  plus,  par  les  hommes,  et  dépourvue 
de  tout  meuble.  Les  femmes  ne  prennent  pas  part  à  cette  con- 
struction. 

J.  Vêtements.  —  R.  On  n'est  pas  vêtu.  Les  femmes  portent 
seules,  au-devant  du  pubis,  un  petit  lambeau  triangulaire  en 
peau  de  guanaque,  de  12  à  15  centimètres  de  longueur  et  de 
7  à  8  centimètres  de  largeur  à  la  base:  c'est  un  emblème  de 
pudeur.  La  plupart  du  temps,  chaque  individu  possède  une 
peau  de  phoque  ou  de  loutre  qu'il  place  sur  ses  épaules  pour 
s'abriter  tant  bien  que  mal  contre  le  vent. 

K.  Moyens  de  transports^  routes.  — .  R.  Presque  toujours 
les  transports  se  font  en  pirogue  ;  il  n'y  a  ni  routes,  ni  ponts  ; 
on  passe  les  ruisseaux  à  gué. 

L.  Commerce^  monnaie.  —  R.  Il  n'y  a  ni  commerce  ni 
monnaie. 


T.  X  (3«  bérib).  sa 


338  8ÉANGE  DU  10   MAI    1887. 

QUESTIONS  SPéCIALKMENT  RELATIVES  AUX' FACULTÉS  INTELLECTUELLES. 

A.  Mémoire.  —  i.  R.  I^  mémoire,  eu  général,  est  de 
courte  durée  ;  la  variété  de  mémoire  la  plus  développée  est 
la  mémoire  des  lieux. 

â.  R.  Od  apprend  très  difQcilement  à  lira  et  à  compter 
(par  exemple,  en  anglais). 

3.  R.  C'est  rhomme  adulte,  qui  paraît  le  mieux  doué  %w% 
le  rapport  de  la  mémoire. 

4.  R.  En  général  on  se  souvient  d'un  fait,  plusieurs  jours 
après , 

5.  R.  Oi^  se  souvient  des  morts  pendant  une  dizain^  d*An- 
nées^  m  moins. 

6.  R.  11  y  a  deux  ou  trois  légendes  de  faits  fantastiques; 
aucun  récit  dq  fait  réel  ancien. 

7.  R.  Les  récits  sont  toujours  altérés  après  un  certain 
temps, 

B.  Imagination.  —  !•  R.  li'imaginfttiQn  ^t  asse?  vive. 
3.  R.  Elle  paraît  plus  développée  cbez  les  f^mWA  et  oh^s 

les  jeunes  gens. 

3.  R.  Les  rêves  sont  fréquents,  mais  on  ne  paraît  p^  y 
attacher  grande  importance, 

4.  R,  On  est  menteur  et  inventif  au  suprême  degré. 

5.  R,  II  n'y  a  ni  poésies»  ni  littérature^  mais  le  lapgAgÇ  est 
très  imagé- 

C.  Entendements  —  i.  R.  Cta  comprend  facilement  les 
questions. 

2.  R.  On  ne  peut  soutenir  un  long  interrogf^toire,  ni  suivre 
un  long  récit. 

3.  R,  L'c^ttention  se  fatigue  très  vite  pour  les  sigeta  un 
peu  abstraits. 

4.  R.  On  dort  habituellement  dix  heures  environ, 

5.  R.  Il  D'y  a  aucun  genre  d'écriture. 

D.  Obsefwation.  —  i.  R.  On  est  bon  observateur. 

2.  R.  L'attention  est  facilement  et  pour  longtemps  fixée 
par  un  objet  nouveau. 


HTADES.  —  STHNOGRAPHIB  DSS  FUÉGIENS.  339 

3.  R«  On  est  observateur  principalement  poartout  ce  qui 
a  trait  aux  organes  des  sens. 

4.  R.  On  est  très  curieux. 

E.  Règles  générales.  —  R.  Les  facultés  intellectuelles  sont 
très  précoces  dans  leurs  manifestations  et  persistent  à  un  âge 
très  avancé.  Elles  ne  se  sont  jamais  appliquées  à  l'amélio- 
ration des  conditions  d'existence. 

F.  Pathologie  cérébrale.  —  R.  La  folie,  si  elle  existe,  est 
très  rare.  M.  Bridges,  missionnaire  anglais,  dans  un  travail 
inédit,  afGrme  qu'on  observe  souvent,  surtout  chez  les 
femmes,  des  accès  de  manie  aiguë,  périodiques  et  s'ac- 
compagnant  d'bémorrbagies  nasales.  Ces  folies  sont  traitées, 
chez  les  indigènes,  par  les  bains  froids  et  par  la  surveillance 
des  malades.  Ceux-ci,  dans  leurs  efforts  pour  s'échapper» 
déploieraient  une  vigueur  extraordinaire,  mais  sans  jamais 
commettre  d'acte  nuisible. 

L'idiotie  n'est  pas  connue. 

APPU  GATIONS  SPltolALBS  DE  L*INTXLUQSNCE. 

A.  Langiœs.  —  1.  R.  Les  voyelles  sont  A,  B,  I,  0,  U 
(celle-ci  est  très  rare),  OU  très  commune. 

â,  R.  Dentales,  D,  T^  S,  V,  F;  labiales,  B,  P  ;  palatales, 
L,  R,  J,CH;  gutturales,  K,  KH,  CH  ;  nasales,  H,  N, 

3,  R.  La  langue  e$i  polysyllabique^ 

4.  Rr  Elle  est  agglutinative. 

6.  R.  ffaî  (je),  paf  (pas),  skaya  (vout)>  kourou  (aime)  t  Ja 
ne  vous  aime  pas. 

7.  R.  ywou  (père),  daW  (mère.) 

8.  R.  La  prononciation  est  douce,  mais  assez  souvent  peu 
distincte  pour  l'oreille  de  l'Européen. 

9.  H.  U  n'y  a  pas  de  mots  pour  les  idées  généralaa  ou 
abstraites^ 

iO.  R.  U  n'y  a  qu'un  seul  dialecte  cbei^  les  Yabgana,  et  U 
nQ  ptyraît  pas  se  déformer  facilepient. 


340  SÉANCE  DU  19  MAI  1887. 

i\,  R.  La  langue  ne  paraît  pas  se  rattacher  à  un  idiome 
connu. 

B.  Numération.  —  1.  R.  On  compte  jusqu'à  3. 

2.  R.  Kaouélis  1  ;  compatpi:  2  ;  maièn  :  3. 

3.  R.  Il  n*y  a  aucun  système  de  numération.  M.  Bridges 
suppose  que,  dans  des  temps  très  anciens,  on  comptait  jus- 
qu'à  10. 

5.  R.  On  n'a  pas  de  chiffres. 

C.  Supputation  du  temps.  —  R.  On  ne  connaît  pas  de 
période  de  temps  autre  que  le  jour  et  la  nuit.  On  détermine 
cependant  la  durée  des  saisons  par  certains  phénomènes  na- 
turels, tels  que  Témigration  de  quelques  espèces  animales, 
la  chute  des  feuilles,  Tapparition  des  fleurs,  etc. 

Discostion. 

M.  Letourneau.  Les  Fuégiens  observés  par  M.  Hyades 
avaient-ils  eu  contact  avec  des  Européens  ? 

M.  Htades.  Jamais  avant  l'arrivée  de  la  mission  française  ; 
toutes  les  réponses  que  je  viens  de  lire  s'appliquent  aux  Fué- 
giens vivant  à  l'état  sauvage,  sans  avoir  subi  aucune  influence 
de  civilisation. 

M.  Letourneau.  Dans  ce  cas,  ces  données  ne  sont  que  pins 
précieuses  à  enregistrer.  Elles  changent  les  idées  que  j'avais 
sur  les  Fuégiens.  Mais  comment  se  fait-il  que  M.  Hyades  dise 
qu'il  n'y  a  pas  de  traditions  d'anthropophagie  dans  cette  peu- 
plade où  le  célèbre  navigateur  anglais,  Fitz-Roy,  a  déclaré 
qu'il  avait  vu  une  scène  d'anthropophagie  dont  avait  été  vic- 
time une  vieille  femme  ;  les  morceaux  avaient  été  partagés 
entre  les  assistants  suivant  un  certain  ordre  de  préférence? 

M.  Hyades.  C'est  là  une  pure  légende;  Fitz-Roy  tenait  ce 
récit  de  la  bouche  d'un  jeune  Fuégien  emmené  par  lui  en 
Angleterre,  et  comme  le  futur  amiral  anglais  se  récriait,  ob- 
jectant que  cet  acte  était  trop  épouvantable  pour  exister 
réellement,  le  rusé  sauvage  lui  répondit  simplement  :  «  Je 
l'ai  vu.  »  Fitz-Roy  a  eu  le  tort  de  publier  ce  récit  en  parais- 


DISCUSSION  SUR  L'eTHNOGRAPHIB    DES  FUÉGIENS.  341 

«ant  lui  accorder  trop  de  confiance,  et  aussi  en  laissant 
croire,  peut-être,  et  bien  à  tort,  à  ceux  qui  le  lisent  mainte- 
nant, qu'il  avait  vu  lui-même  la  scène  dont  il  parle.  En  réa- 
lité il  ne  pouvait  y  assister,  puisque  cela  n'existait  pas. 

M.  Letourneau.  Mais  si  Fitz-Royapu  être  si  complètement 
trompé  par  un  Fuëgien,  comment  M.  Hyades  sera-t-il  sûr 
qu'il  n'a  pas  été  l'objet  de  la  même  erreur,  en  sens  con- 
traire ? 

Je  remarquerai  en  outre,  que,  sans  exception,  toutes  les 
races  très  sauvages,  comme  le  sont  les  Fuégiens,  sont  an- 
thropophages. 

M.  Hyades.  Nous  nous  sommes  tenus  constamment  en  garde 
contre  cette  cause  d'erreur  :  pendant  un  an  nous  avons  vécu 
parmi  les  Fuégiens,  vérifiant  constamment  les  renseigne- 
ments qu'ils  nous  donnaient,  et  ne  perdant  aucune  occasion 
de  les  mettre  en  contradiction  avec  eux-mêmes  ou  avec  les 
autres.  Nous  avons  ainsi  contrôlé  de  la  manière  la  plus  rigou- 
reuse tous  les  résultats  auxquels  nous  sommes  arrivés.  Nous 
avons  été  aidés  dans  notre  tâche  par  nos  conversations  fré- 
quentes avec  les  missionnaires  anglais  établis  dans  le  canal 
du  Beagle  depuis  vingt-cinq  ans. 

En  1851,  un  groupe  de  missionnaires  anglais  a  été  mas- 
sacrera Woollya  (côte  ouest  de  l'île  Navarin)  par  les  Fuégiens, 
dans  les  huttes  desquels  on  raconte  que  ces  missionnaires 
avaient  voulu  pénétrer  de  force  un  dimanche  matin  pour 
célébrer  leur  service  religieux.  Mais  les  Fuégiens,  après  ce 
massacre,  ont  inhumé  leurs  victimes  et  n'ont  pas  songé  à  les 
manger.  Ils  n'en  ont  pas  voulu  non  plus  aux  autres  mission- 
naires qui,  quelques  années  plus  tard,  sont  venus  remplacer 
les  premiers.  Seulement  ces  derniers  missionnaires  ayant,  au 
bout  de  peu  de  temps,  quitté  WooUya  pour  s'installer  quel- 
ques milles  plus  au  nord,  à  Ooshooia,  les  Fuégiens,  mécon- 
tents de  ce  départ,  déterrèrent  les  premiers  missionnaires  et 
firent  des  pointes  de  harpons  avec  leurs  os. 

M.  PiÉTREBiSNT.  Jc  rappellerai  qu'à  la  lin  de  son  Journal 
d'un  voyage  au  détroit  de  Magellan  et  dans  les  canaux  latéraux 


84C  BÉANGË  DÛ  19  MiU  1887. 

de  la  c6tê  ocûidèntale  de  la  Patagonie  (1856-1859),  le  chiniN 
giende  marine  Victor  de  Rochas  a  déjà  dit  :  a  Nullp  part  je 
n*al  TU  d'hommes  aussi  misérables,  aussi  ignorants,  aussi 
grossiers  que  les  Pécherais  qui,  pourtant,  soit  dit  en  pas- 
sant, se  contentent  delà  chair  des  animaux  et  respectent  celle 
de  leur  prochain.  »  {Le  Ihur  du  monde,  t.  III,  p.  836.) 
MM.  Hyades  et  de  Rochas  sont  donc  parfaitement  d'accord 
sur  Tabsence  d'anthropophagie  chez  les  populations  fué- 
giennes  ;  car  ce  sont  elles  que  de  Rochas  désigne  sous  le  nom 
de  Pécherais,  qui  leur  a  été  d'abord  attribué  par  Bougain- 
ville,  dans  son  Voyage  autour  du  monde,  Paris,  1772,  t.  î**, 
p.  Î76. 

M.  HBRTâ.  Les  Fuégiens  amenés  à  Paris  maniaient  l'arc 
avec  beaucoup  d'adresse;  cela  n'est  pas  mentionné  dans  le 
travail  de  M.  Hyades  :  avaient-ils  appris,  en  venant  en  Eu- 
rope, le  maniement  de  l'arc  ? 

M.  Htadbs.  Les  Fuégiens  dont  parle  M.  Hervé  étaient 
des  Alikhoolip  (ou  Âlakalouf),  race  très  voisine  des  Tekeuika 
(ou  Yahgan)  au  point  de  vue  physique,  mais  complètement 
dissemblable  au  point  de  vue  des  usages.  Ces  Alikhoolip 
provenaient  de  l'île  Glarence  ^détroit  de  Magellan).  J*ai  vu 
ce  qui  restait  de  leur  petite  troupe  revenue  à  Ooshooia, 
où  les  missionnaires  attendaient  une  occasion  pour  les  rapa- 
trier $  ils  ne  comprennent  pas  un  mot  de  la  langue  des  Yah- 
gans;  ils  se  servent  de  l'arc  avec  adresse;  ils  ont  des  canots 
en  planches,  gouvernés  avec  une  pagaie  de  queue  et  munis 
de  voiles  en  peau  de  phoque. 

M.  Hervé.  Les  cerveaux  de  ces  Fuégiens  examinés  à  Berlin, 
et  dont  l'étude  vient  d'être  publiée  dans  le  Zetbchr.  f&r 
EthnoL,  indiquent  nettement  que  ces  sauvages  ne  sont  pas 
inférieurs  aux  Européens  au  point  de  vue  cérébral.  Les 
Fuégiens  paraissent  d'ailleurs  se  rapprocher  beaucoup  des 
autres  types  de  TAmérique. 

M.  HovELACQUE.  Il  n'y  a  rien  d'étonnant,  me  semble-t-îl,  à 
Ce  que,  par  certains  caractères,  les  Fuégiens  se  distinguent 
Véritablement  des  races  qui  se  trouvent  au  dernier  degré  de 


.DISCUSSION  StIR  L*ETHNOGRAPHIB  DBS  FUÉGIENS,  343 

rhumànité.  J'ai  été  de  06ux  qui  les  ont  autrefois  rangés  dans 
cette  catégorie.  Je  pense  aujourd'hui  qu'il  est  prudent  de 
revenir  de  cette  opinion. 

A  mon  sèûB^  les  Fuégiens  seraie^nt  une  population  dégra- 
dée^  et  dégradée  par  le  fait  môme  de  son  habitat  si  ingrat. 
I)  faut  les  rattacher  aux  Peaux-Rouges  du  Nord»  Nous  savons 
que  lés  Américains  feepteiitrionaux  ont,  à  maintes  reprises, 
poussé  vers  le  sud.  C'a  été  le  cas  des  Ériés,  des  Itoquois,  de 
bieil  d'autres  i  le  Mexique  fut  envahi  par  une  population 
venant  du  nord,  du  nord-ouest.  Les  Fuégiens,  qui  sont  souô- 
doliehocéphales,  peuvent  parfaitement  être  les  émigrants  de 
la  raoe  septentrionale  qui  ont  été  le  plus  au  sud.  Dans  leur 
nouvelle  région  ils  n'ont  pas  dû  tarder  à  subir  une  dégra- 
dation fatale^  Pourtant  ils  ont  conservé  certains  caractères 
moraux  qui  rappellent  leur  origine.  811s  ne  sont  pas  an- 
thropophages;  cela  tient  à  ce  qu'ils  n'ont  pas  de  voisins  à 
manger  à  l'est,  au  sud,  à  l'ouest  ;  quant  à  ôeux  du  nord^  les 
Patagons,  ils  ne  peuvent  songer,  et  pour  cause,  à  s'en 
prendre  à  eux. 

Ges  conjecture^  sur  l'origine  des  Fuégiens  sont  hypothé- 
tiques, mftis  je  ne  vois  guère  quelle  autre  hypothèse  on  pour- 
rait légitimement  forger  en  la  circonstance. 

M.  Hyadbs.  Le  mot  de  Pécherais  a  disparu  complètement 
des  vocabulaires  actuels  sur  les  races  de  la  Terre  de  Feu  ;  il 
paraît  s'être  appliqué  aussi  bien  dux  Alikhoolip  qu'aux  Téké- 
nika;  maïs  je  n'en  suis  pas  moins  heureux  de  la  confirmation 
de  M#  Piètrement  relativement  à  Tahaenee  d'anthropophagie 
an  cap  Hom« 

L"anthropophagie  a-t-elle  pu  exister  autrefois,  sans  laisser 
de  souvenirs  ?  G'est  là  une  question  qui  peut  être  très  digne 
d'attention. 

En  effet,  les  Fuégiens  ont  presque  complètement  oublié 
les  voyages  de  Wilkes  et  de  Fitz-Roy;  il  n'y  a  pas  de  doute 
qu'ils  n'ont  pas  gardé  la  plus  petite  idée  de  ee  qui  se  passait 
cbe^  eux  il  y  a  quelques  sièeles^  Je  ne  prétends  nulle- 
ment qu'à  ees  époques  reculées  ils  n'étaient  pas  antbropo- 


344  SÉANCE  DU  19  MAI  1887. 

phages  :  il  n*en  est  pas  resté  de  preuves  ni  de  traditions, 
voilà  tout. 

Quant  à  la  supposition  de  M.  Hoveiacque  relative  à  la  civi- 
lisation relative  qu'ils  ont  pu  posséder  autrefois,  je  serais 
porté  à  la  partager.  En  effet,  on  expliquerait  facilement  de 
cette  manière  les  éclairs  dHntelligence  et  même  de  délica- 
tesse de  sentiments  qui  frappent  si  fort  l'étranger  admis  dans 
la  familiarité  des  sauvages  fuégiens. 

M.  LsTOURNEAU.La  canitie  ne  s'observe-t-elle  pas  à  la  Terre 
de  Feu? 

M.  Hyades.  Les  cheveux  grisonnent  tard,  mais  ne  blan- 
chissent jamais  complètement:  les  rares  poils  du  menton 
blanchissent  au  contraire  assez  vite,  aussi  les  hommes  s^épi- 
lent-ils  dans  un  but  de  coquetterie  pour  cacher  leur  âge. 

M.  Plotx.  Je  ne  saurais  partager  Tavis  que  M.  Letourneau 
exprimait  tout  à  Theure  sur  les  qualités  morales  des  Fuégiens, 
d'après  )e  questionnaire  auquel  M.  Hyades  a  répondu.  Les 
réponses  de  M.  Hyades  prouvent  qu'ils  sont  comme  tous  les 
sauvages.  Je  ferai  également  une  observation  au  sujet  du 
langage  imagé  des  Fuégiens.  La  demande  me  paraît  d'ail- 
leurs mal  posée  dans  le  questionnaire.  On  demande  plus  loin 
si  ces  tribus  ont  des  idées  abstraites  ;  cette  question  suffit. 
S'ils  n'ont  pas  d'idées  abstraites,  ils  n'ont  pas  de  mots 
abstraits;  ils  emploient  forcément  des  expressions  concrètes. 
Il  y  a  là,  si  l'on  veut,  un  langage  imagée  mais  les  Fuégiens 
n'ont  pas  le  choix  et  on  n'en  saurait  conclure  qu'ils  ont  beau- 
coup d'imagination.  On  constate  seulement  ainsi  qu'ils  n*ont 
pas  dépassé  une  certaine  période  du  développement  du  lan- 
gage. 

M.  Hyades.  Je  crois  que,  communément^  c'est  bien  cette 
faculté  d'appliquer,  par  analogie,  des  noms  concrets  à  de  nou- 
veaux objets  qu'on  appelle  Vimagination,  Ainsi,  la  première 
fois  qu'ils  ont  vu  un  moulage,  les  Fuégiens  l'ont  eu  bientôt 
appelé  oucéninkouch  (nid  de  cormoran),  par  analogie;  de 
même  qu'ils  ont  nommé  l'acte  de  photographier  toumayacha 
alakana  (regarder  la  tète  couverte).  N'est-ce  pas  de  l'imagi- 


E.  HAUREL.  —  MENSURATIONS  DE  LA  GAGE  TBORACIQUE.   345 

nation  dans  le  langage,  au  moins  dans  un  sens  employé  com- 
munément? Il  me  serait  facile  de  citer  bien  d'autres  exemples 
relatifs  aux  noms  de  localité  et  aux  surnoms,  très  fréquents 
en  Fuégie,  et  prouvant,  à  mon  sens,  que  le  langage  des 
Yabgans  est  imagé. 

Des  méthodes  de  mensorACioii  de  la  eage  thoraelqne  ; 

PAR   LE  DOCTEUR  E.    MAUREL. 

Tout  en  étant  convaincu  que  Texamen  de  la  poitrine  n'ac- 
querra jamais  en  anthropologie  llmportance  que  nous  avons 
donnée  à  celui  de  la  boîte  crânienne,  il  me  parsdt  cependant 
indiscutable  que  son  étude,  bien  faite,  bien  méthodisée, 
pourrait  nous  révéler  des  faits  intéressants. 

D*une  part,  en  effet,  nous  ne  pouvons  oublier  que  cette 
cavité  abrite  derrière  ses  parois  mobiles  deux  des  or- 
ganes les  plus  importants  de  la  vie  organique,  le  cœur  et  les 
poumons,  et,  d'autre  part,  nous  savons  que  la  forme  du 
thorax  varie  dans  la  série  des  vertébrés,  à  ce  point  que  son 
diamètre  antéro -postérieur,  qui  est  le  plus  long  chez  certains 
animaux,  devient  au  contraire  le  plus  court  chez  certains 
autres. 

.Ces  faits  n'ont  pu  évidemment  échapper  aux  anthropolo- 
gistes.  Or,  comment  expliquer  que,  tandis  qu'ils  ont  étudié 
avec  tant  de  soin  le  crâne,  le  bassin  et  les  membres,  seul,  le 
thorax  soit  resté  négligé  ? 

Deux  causes  me  paraissent  y  avoir  contribué.  La  première 
est  la  difficulté  même  de  cette  étude,  et  la  deuxième  est  l'im- 
perfection des  moyens  que  l'on  a  tour  à  tour  proposés  dans 
ce  but.  Le  thorax,  en  effet,  d'abord  varie  ses  formes  à  chaque 
instant,  ne  serait-ce  que  sous  l'influence  des  mouvements 
respiratoires,  et  ensuite  il  se  dissimule  soit  sous  des  masses 
musculaires,  soit  sous  des  os  volumineux  ;  de  telle  manière 
que  son  extrémité  la  plus  petite,  la  supérieure,  grâce  à  la 
ceinture  osseuse  des  membres  supérieurs,  paraît  être  la  plus 


346  0ÉANGB  DU   19  MAI  4887. 

vaste.  Quant  aux  procédés  de  mensuration,  l'étude  que  je 
vais  en  faire  me  permettra^  je  Tespère^  d'établir  leur  insuf'* 
fisance. 

Conduit  il  y  a  quelque  temps  à  étudier  la  marohe  des 
épanchements  pleurétiques,  j'ai  dû  rechercher  quel  était  le 
meilleur  procédé  de  mensuration  de  la  poitrine,  et,  pour  y 
arriver,  j'ai  expérimenté  successivement  tous  ceux  qui 
avaient  été  proposés*  Or,  en  comparant  ces  divers  procédés 
.  entre  eux,  j'ai  fait  une  série  d'observations  qu'il  m'a  paru 
d'autant  plus  utile  de  vous  exposer  qu'elles  trouvent  leur 
application  plus  encore  dans  le  domaine  de  Tanthropologie 
que  dans  celui  de  la  clinique. 

Des  deux  causes  ayant  contribué  à  restreindre  le  nombre 
de  travaux  sur  la  mensuration  de  la  poitrine,  mes  recherches 
auront  donc,  je  l'espère,  pour  résultat,  d'en  atténuer  une, 
celle  due  à  l'imperfection  des  instruments. 

Les  différents  procédés  proposés  pour  mesurer  la  poitrine 
se  groupent  sous  trois  méthodes  :  la  méthode  du  péfimètre  ;  la 
méthode  des  diamètres;  la  méthode  graphique. 

Méthode  du  périmètre.  —  En  anthropologie,  nous  pouvons 
dire  que  c'est  la  seule  employée,  ou  tout  au  moins  celle  qui 
Test  le  plus  souvent.  Elle  consiste  â  mesurer  le  pourtour  ou 
périmètre  de  la  poitrine  avec  un  ruban  métrique.  Or,  je  dois 
le  dire,  des  trois  méthodes,  c'est  [celle  qui  offre  le  moins  de 
garantie  ;  elle  est  incomplète,  inexacte^  et  peut  môme  datis 
certains  cas  être  fausse.  Je  m'explique. 

Elle  est  incomplète  en  ce  sens,  que  ceux  qui  la  conseillent 
ne  s^entendent  nullement  sur  la  manière  de  la  pratiquer. 
Les  uns  demandent  que  le  périmètre  soit  pris  au-dessous  des 
aisselles  et  les  autres  au  niveau  des  mamelons  ;  les  uns  exi- 
gent que  le  sujet  ait  les  bras  relevés  sur  la  tête,  et  les  autres 
les  laissent  pendre  le  long  du  tronc  ;  ceux-ci  attendent  que 
l'inspiration  soit  venue  donner  toute  son  expansion  à  la  cage 
thoracique;  enfin,  ceux-là  prennent  le  périmètre  minimum  à 
la  fin  de  l'expiration,  ou  bien  dans  une  situation  intermé- 
diaire. 


E.  MAUREL.  —  MENSURATIONS  DE  LA  CAGE  THORAGIQUE.   347 

On  le  voit  donc,  le  procédé  du  périmètre  eai  iacomplet  ;  il 
lui  manque  d'être  méthodisé,  d'avoir  tous  ses  temps  prévus, 
définis,  uniformisés,  ce  qui  est  indispensable  pour  que  les 
résultats  que  Ton  obtient  soient  comparables.  Or^  si  j'avais  à 
donner  mon  opinion  à  cet  égard,  je  demanderais  : 

1^  Que  le  périmètre  thoracique  fût  pris  les  bras  étant  pen- 
dants le  long  du  corps  et  en  état  de  résolution  ; 

^  Qu'il  ne  fût  pris  qu'au-dessous  de  Tangle  inférieur  de 
romoplatCi  sur  un  point  qui  correspond  à  la  huitième  ou 
neuvième  dorsale  environ  en  arrière,  et  à  reurticulation 
sterna;xyphoïdienne  en  avant. 

On  pourra  trouver  que  c'est  bien  bas  et  que  le  degré  d'em- 
bonpoint peut  faire  varier  le  périmètre  ;  j'en  conviens  ;  c'est 
là  une  cause  d'erreur,  mais  je  la  trouve  plus  facilement  né- 
gligeable que  les  autres.  Plus  haut,  le  périmètre  est  presque 
impossible  à  prendre  chez  la  femme,  et  même  chez  l'homme 
on  rencontre  la  saillie  des  omoplates,  dont  l'écartement  de 
la  paroi  thoracique  varie,  ce  qui  d'abord  peut  modifier  le 
périmètre  du  même  sujet  pris  à  quelques  instants  d'inter- 
valle, et  qui^  même  cette  cause  d'erreur  étant  évitée,  aurait 
l'inconvénient  de  comprendre  dans  le  périmètre  thoracique 
l'épaisseur  de  ces  deux  os  et  celles  des  masses  musculaires 
qui  les  entourent  ; 

3^  Quant  au  temps  de  la  respiration^  je  pense  qu'il  faut 
préférer  une  situation  moyenne,  l'expiration  et  l'inspiration 
forcées  étant  des  situations  exceptionnelles  qui  ne  sont  nul- 
lement en  rapport  avec  l'état  habituel. 

Ce  sont  là  les  desiderata  que  je  me  permettrais  de  formuler 
si  la  méthode  du  périmètre  devait  être  conservée.  Mais,  je  l'ai 
dit,  cette  méthode  n'est  pas  seulement  incomplète,  défaut 
auquel  la  Société  d'anthropologie  pourrait  remédier  ;  elle  est 
de  plus  inexacte,  et  même  fausse. 

Ce  que  nous  cherchons  à  apprécier  quand  nous  prenons  le 
périmètre  thoracique,  c'est  évidemment  la  capacité  thora- 
cique. Mentalement,  nous  établissons  le  peuralièle  entre  ces 
deux  données,  et  nous  admettons  non  seulement  qu'à  un  pé- 


318 


SÉANCE  DU   19   MAI  i887. 


rimëtre  plus  grand  doit  correspondre  une  capacité  thoracique 
plus  grande,  mais  aussi  que  cet  accroissement  est  propor- 
tionnel; or,  il  n'en  est  rien.  Non  seulement  le  périmètre  tho- 
racique n'est  pas  proportionnel  à  la  capacité  thoracique,  mais 
à  des  périmètres  égaux  peuvent  correspondre  des  capacités 
inégales,  et  même  des  capacités  thoraoiques  moindres  peu- 
vent être  comprises  dans  des  périmètres  plus  étendus. 

La  section  thoracique,  en  effet,  prise  dans  son  ensemble, 
représente  une  ellipse  ;  or,  la  géométrie  nous  apprend  que  le 
périmètre  restant  le  même,  la  superficie  qu'il  circonscrit  aug- 
mente au  fur  et  à  mesure  que  ses  deux  diamètres  s'égalisent, 
c'est-à-dire  que  l'ellipse  tend  vers  la  circonférence. 


^ 

^^           '^  \^                                                                                      i         _J 

^                        ^                                      f^^            ^^s 

2                        IjI.1.                                \                                                                        ^^                                                                             \                               r^ 

^f         ^&-^           ^     -                  f        -^n           ^ 

7  '          s^            1 

j                   .  ,                      '                           _I              '_                       iV^^- -^ 

-    -s^éïL.^r-                   3    .-^-'-f'^     ,      ^ 

"    \.       ^             -,               A    \                            ^' 

^                       t^                  %^                   ^2 

^                 /:        ^             ^^           ^^ 

14    j  K 1-1-  ft             il  niT  tttttH 

a''          fitï              '^ij              ^-,£.'                     ~-          ~■'- 

r        '^        Xn       z         -.Sut        ^v 

i                            n       -^  '       -   A 

^y^^   ^^^1^.  .?!<;      2        S          ^^«•'^'j'-     3 

^^'^     '                                 -.                       -'J-               -.- 

Fig.  i.  Fibres  réduites  au  quart  environ,  chaque  carré  représentant  i  centimètre  carré. 


Pour  rendre  ce  fait  scientifique  plus  saisissable,  j'ai  des- 
siné quatre  figures  de  formes  différentes,  mais  dont  le  péri- 
mètre est  pour  toutes  de  16  centimètres.  Or,  en  calculant  les 
surfaces  de  ces  quatre  figures  par  le  procédé  pratique  du 
papier  métrique,  on  trouve  que  ces  surfaces  sont  les  sui- 
vantes :  la  figure  1 ,  de  23.25  ;  la  figure  2,  de  22.75  ;  la  figure  3, 
de  18.00  ;  la  figure  4,  de  17,50  (fig.  1). 

Et  qu'on  ne  croie  pas  que  ce  sont  là  de  simples  vues  théo- 
riques. La  mensuration  du  thorax,  tout  aussi  bien  à  l'état 


s.  HAUnEL.  —  MENSURATIONS  DE  LA   CAGE   THORACIQUE.    349 

pathologique  qu'à  Tétai  normal^  les  confirme  pleinement. 

Dans  les  nombreuses  mensurations  de  la  poitrine  que  j'ai 
prises  dans  le  cours  des  pleurésies,  par  le  procédé  que  je  vais 
décrire,  il  a  été  assez  fréquent  de  constater  un  manque  de 
concordance  entre  le  périmètre  et  la  section  thoracique. 

Si,  en  effet,  dans  un  certain  nombre  de  cas,  la  relation  est 
frappante,  les  sections  tboraciques  ne  différant  que  d'un  cen- 
timètre carré,  par  exemple,  pour  le  même  périmètre,  dans 
un  certain  nombre  d'autres  les  écarts  ont  été  sensibles  ;  ils 
ont  pu  atteindre  un  maximum  de  16  centimètres  carrés  pour 
un  seul  hémithoraxy  comme  on  peut  le  voir  d'après  le  tableau 
suivant  : 

Pour  un  périmètre  de  Ob,40  j*ai  trouvé,  dans  un  premier  cas. . . .  215  co. 

—  dans  un  deuxième  cas...  220 

—  dans  un  troisième  cas ... .  231 
Pour  un  périmètre  de  0,n40,5  j'ai  trouvé,  dans  un  premier  cas. . . .  219 

—  dans  un  deuxième  cas*. . .  222 
Pourun  périmètre  de  0%41,5j'ai  trouvé,  dans  un  premier  cas....  225 

—  dans  un  deuxième  cas. ...  231 

Le  même  fait  se  retrouve  à  l'état  normal. 

J'ai  observé  deux  fois  un  périmètre  total  de  86  centimètres. 
Or,  la  superficie  de  l'un  était  de  526,  et  celle  de  Tautre 
de  506  !  Trois  périmètres  de  855  millimètres  m'ont  donné 
les  superficies  suivantes  :  498,  507  et  525  centimètres  carrés, 
soit  une  différence  de  27  centimètres  carrés. 

Si  des  périmètres  totaux  je  passe  aux  périmètres  des  hé- 
mithorax, le  môme  fait  se  présente.  Trois  hémithorax,  ayant 
le  même  périmètre  de  43  centimètres,  avaient  comme  super- 
ficie :  246,  256  et  264.  Enfin,  fait  qui  pourrait  surprendre 
davantage,  les  deux  hémithorax  d'un  même  sujet  peuvent 
avoir  le  même  périmètre  et  avoir  des  superficies  inégales. 
C'est  ainsi  que  chez  un  sujet  sain,  qui  avait  42  centimètres 
comme  périmètre  des  deux  côtés,  j'ai  trouvé  une  section  de 
246  centimètres  d'un  côté  et  250  de  l'autre. 

Il  résulte  donc,  de  ce  qui  précède,  que  si  le  plus  souvent 
le  périmètre  et  la  section  thoracique  sont  proportionnels,  et, 


350  SÉANCE  DU   19  MAI   1887. 

dans  eertalns  cas,  avec  une  exactitade  frappante,  dans  un 
certain  nombre  d^autres,  ces  deux  mensurations  ne  conoor* 
dent  pas.  Or,  rien  ne  permettant  de  reconnattre  ces  derniers 
cas,  cette  conclusion  s'impose  :  que  Ton  ne  saurait  se  baser 
sur  le  périmètre  pour  apprécier  la  section  thoracique,  puisque 
des  périmètres  égaux  peuvent  circonscrire  des  superficies 
notablement  inégales. 

Un  regard  Jeté  sur  les  quelques  chiffres  que  je  viens  de 
donner  va  même  nous  convaincre  d*un  fait  plus  grave  :  c'est 
que  les  sections  thoraciques  ne  croissent  pas  comme  le  péri- 
mètre. Parmi  ces  cas  pathologiques,  nous  trouvons  un  péri- 
mètre d'un  hémithorax  de  40  centimètres,  qui  mesure 
231  centimètres  carrés,  et  un  autre  de  4i,5  qui  n'en  mesure 
que  2!25 1  Un  plérimètre  supérieur  correspond  dope  à  une 
section  thoracique  moindre.  Le  même  fait  se  retrouve  à  l'état 
normal  :  un  périmètre  total  de  860  millimètres  n'a  donné 
que  506  de  superficie,  et  un  autre  de  855  a  pa  atteindre  5251 

Qu'il  s'agisse  de  l'état  pathologique  ou  de  l'état  normal, 
on  ne  saurait  donc  conclure  de  l'un  de  ces  éléments  à  Tautre. 
Vouloir  apprécier  la  section  thoracique  par  le  périmètre  est 
donc  impossible,  et,  comme  je  le  disais  en  commençant,  ce 
procédé  est  non  seulement  inexact,  mais,  de  plus,  il  peut  être 
trompeur. 

Méthode  des  diamètres,  —  Les  imperfections  de  cette  mé- 
thode, je  dois  le  dire,  du  reste  ont  été  reconnues  depuis  long- 
temps, et  déjà  Chomel  les  avait  signalées  au  monde  médîeal» 
Il  n'avait  pas  échappé,  en  effet,  à  l'esprit  observateur  de  ee 
clinicien  distingué,  que,  dans  la  pleurésie  avec  épanchement, 
l'agrandissement  de  la  poitrine  s'accomplit  moins  par  un 
allongement  du  périmètre  que  par  un  changement  de  forme 
qui  rapproche  la  section  thoracique  de  la  forme  circu- 
laire; ce  qui  augmente,  c'est  surtout  le  diamètre  antéro- 
postérieur,  et,  pour  me  servir  d'une  expression  très  juste  du 
professeur  Lassègue:  «la  poitrine  s'arrondit.»  Aussi  Ghomel 
abandonna-t-il  le  ruban  métrique  pour  le  compas  d'épais- 
seur :  au  lieu  de  prendre  le  périmètre,  il  prenait  les  dia- 


E.  HAURBL.  —  MENSURATIONS  DB  LA   GAOE  THORACIQUK.    S51 

mètres.  Mais  si,  dans  certains  cas,  les  mensurations  des  deux 
principaux  diamètres  donnaient  à  la  clinique  des  indloationa 
utiles,  Ghomel  reconnut  bientôt  que,  dans  d'autres,  leurs  in- 
dications restaient  insuffisantes.  Aux  diamètres  antéro-poëté* 
rieur  eiiraniversal^  il  dut  en  joindre  deux  autres  obliques  !  /et 
épineux  mamelonnairea  droit  et  gauche. 

Pour  mesurer  une  poitrine^  on  prenait  donc  huit  diamètres 
au  lieu  de  quatre.  C'était  évidemment  une  garantie  de  plus, 
mais  encore  insuffisante.  Le  périmètre  de  la  poitrine  pré* 
sent^  une  eourbe  trop  capricieuse  pour  que  quelques  dia- 
Qtètres  puissent  permettre  de  Tapprécier.  Aussi,  la  méthode 
des  diamètres  ne  survécut-elle  pas  à  son  auteur,  et,  aujour- 
d'hui, la  clinique  Ta-t-elle  complètement  oubliée. 

Je  crois,  du  reste,  que  c'est  avec  raison.  J'ai  cherché^  en 
effets  dans  ces  derniers  temps  à  savoir  quels  services  elle 
pouvait  rendre  à  ia  pratique  médicale.  Or,  après  J'avoir  sé- 
rieusement étudiée,  et  avoir  comparé  ses  résultats  avec  ceux 
des  autres  méthodes,  et  tout  particulièrement  avec  ceux  de  la 
stélhographie ,  je  reste  convaincu  que,  sauf  dans  des  cas 
donnés  peu  nombreux,  elle  n'offre  aucune  garantie  à  la  cli- 
nique, même  en  portant  le  nombre  de  diamètres  jusqu'à  12, 
ce  qui  enlève  à  ia  méthode  un  de  ses  avantages,  la  rapidité. 

Laméthode  des  diamètres,  telle  que  la  pratiquait  Ghomel, 
est  donc  également  à  rejeter.  Mais,  en  i874,  Fourmentin,  à 
qui  Ton  doit  une  thèse  pleine  de  faits  intéressants  sur  les 
mensurations  de  la  poitrine,  a  eu  Theureuse  idée  d'appliquer 
à  cette  cavité  la  méthode  des  indices  qui  nous  rend  de  si 
nombreux  services  pour  les  mensurations  du  crâne,  et,  ainsi 
modifiée,  je  suis  convaincu  que  la  méthode  des  diamètres, 
au  moins  pour  ce  qui  nous  concerne,  est  destinée  à  prendre 
place  à  côté  de  nos  procédés  d'étude  les  plus  utiles. 

81,  en  effet,  il  est  important  pour  nous,  de  savoir  quelle  est 
ia  capacité  thoracique  dans  les  différentes  races,  un  autre 
caractère  nous  intéresse  non  moins,  il  me  semble,  c'est  la 
forme  de  la  poitrine,  indépendamment  de  sa  capacité.  Ce 
sont  là  deux  éléments  différents;  or,  ia  cage  thoracique  offre, 


352  SÉANCE  DU  i9  MAI  i887. 

dans  la  série  des  vertébrés,  des  formes  bien  différentes,  à  ce 
point  que  la  prédominance  de  ses  deux  principaux  diamètres 
se  déplace.  Le  diamètre  antéro-postérieur,  qui  est  plus  court 
chez  rhomme,  est,  au  contraire,  de  beaucoup  le  plus  long 
chez  de  nombreux  animaux.  Il  y  aurait  donc  certainement 
un  grand  avantage  à  savoir  si  la  forme  de  la  cavité  est  la 
même  dans  les  différentes  races,  et  la  méthode  des  diamè- 
tres, mieux  que  toute  autre,  me  paraît  propre  pour  nous  le 
dire. 

Fourmentin  a  calculé  Tindice  thoracique  comme  Findice 
céphalique,  en  divisant  le  diamètre  transversal  multiplié  par 
400  par  le  diamètre  antéro-postérieur  ;  sa  formule^  par 
analogie  avec  celle  de  Tindice  céphalique,  devient  donc  : 

I.  th.  =  -^   '  ^^    ' —      ^j^jg  \q  diamètre  transversal  étant 

Diam.  aoU-post. 

ici  supérieur  à  Tantéro-postérieur,  contrairement  à  ce  qui  a 
lieu  pour  le  crâne,  il  est  évident  que  cet  indice  sera  toujours 
supérieur  à  100,  tandis  qu'il  lui  est  toujours  inférieur  pour  la 
tête.  Ce  n'est  là,  du  reste,  qu'un  fait  sans  importance;  de 
nombreux  indices  sont  déjà  dans  ce  cas. 

Ainsi  calculé,  l'indice  thoracique  a  déjà  rendu  quelques 
services  à  la  clinique,  et  Fourmentin  a  pu  formuler  une  loi 
que  j'ai  vérifiée  souvent,  c'est  que  les  indices  thoraciques 
élevés,  dépassant  150,  par  exemple,  indiquent  presque  fatale- 
ment un  état  cachectique,  anémie  tropicale,  dysenterie  chro- 
nique, phthisie  pulmonaire.  Ce  sont  là  d'abord  des  résultats 
dont  la  clinique  peut  profiter.  Mais  ce  n'est  pas  elle  qui  me 
semble  devoir  bénéficier  le  plus  de  la  méthode.  C'est  surtout 
à  l'anthropologie  qu'elle  me  paraît  destinée  à  rendre  les 
plus  grands  services.  C'est  vraiment  une  méthode  anthropo- 
logique. 

Mais,  une  question  s*impose  tout  d'abord  :  à  quelle  hauteur 
faut-il  prendre  les  diamètres? 

Mes  recherches  ont  porté  sur  quatre  points. 

!•  La  partie  supérieure  du  thorax,  au  niveau  de  la  four- 
chette sternale  ; 


E.  MAUREL.  —  MENSURATIONS  DE  LA  CAGE  THORAGIQUE.  353 

â*  Â  la  hauteur  de  rarticulation  de  la  première  pièce  du 
sternum  avecla  deuxième; 

3®  Au  niveau  de  Tarticulation  de  la  deuxième  pièce  du 
sternum  avec  l'appendice  xypboïde  ; 

4»  Au  sommet  de  l'appendice  xyphoïde. 

Le  premier  a  un  véritable  intérêt,  puisqu'il  correspond  à 
l'ouverture  supérieure  du  thorax.  Mais,  si  le  diamètre  antéro* 
postérieur  se  prend  facilement,  les  points  de  repère  manquent 
pour  le  diamètre  transversal. 

Je  reprocherai  au  quatrième  de  reproduire  plutôt  les  di- 
mensions de  l'abdomen  que  celles  de  la  poitrine,  et  ensuite 
de  pouvoir  être  modifié  par  un  fait  anatomique  sans  impor- 
tance, la  direction  variable  de  l'appendice  xypboïde. 

Deux  hauteurs  restent  donc  en  présence  ;  celles  qui  cor- 
respondent aux  deux  articulations  des  dernières  pièces  du 
sternum. 

Or,  après  avoir  pris  les  deux  diamètres  transversal  et  an- 
téro-postérieur  sur  un  certain  nombre  de  sujets,  à  ces  deux 
hauteurs,  c'est  à  la  troisième  que  je  donne  la  préférence* 
c'est-à-dire  à  celle  qui  correspond  à  Tarticulation  sterno- 
xypholdienne.  C'est  également  elle  qu'a  choisie  Fourmentin 
pour  le  diamètre  antéro-postérieur.  A  cette  hauteur,  les  deux 
diamètres  ont  souvent  leurs  dimensions  maximum,  et  ils  re- 
présentent sûrement  des  diamètres  thoraciques. 

Pour  prendre  les  deux  diamètres  thoraciques,  un  ruban, 
ou  simplement  un  fil,  est  jeté  circulairêment  et  horizontale- 
ment sur  la  poitrine  à  la  hauteur  de  cette  articulation,  et  les 
deux  diamètres  sont  pris  avec  un  compas  d'épaisseur.  Le 
diamètre  antéro-postérieurvadubordinférieurdeladeuxième 
pièce  du  sternum  à  l'apophyse  épineuse  correspondante  de 
la  huitième  ou  neuvième  dorsale,  et  le  transversal  est  donné 
par  le  plus  grand  écartement  que  l'on  puisse  obtenir  à  cette 
même  hauteur,  Taxe  du  compas  étant  tenu  perpendiculaire- 
ment au  plan  stemal  du  sujet. 

L'indice  thoraoique  ainsi  pris  varie  de  ISO  à  140.  Les  chiffres 
au-dessus  et  au-dessous  pour  notre  population  sont  excep- 

t.  X  (3e  8ÂRIB).  S3 


354  8KAKCB  DO  19  HAÏ   1886* 

tîonBela,  eiy  de  plas^  ceux  qui  sont  ao-dessos  appariiennenl 
souvent,  je  l*ai  dit,  aux  cachectiques. 

ifétMe  prmpkifue.  -^  Des  deux  méthodes  que  je  vieus 
d'examiner,  Tune,  celle  du  périaiètre,  est  saos  garantie, 
tandis  que  Taulrc^  ooUe  des  diamètres,  à  la  condition 
d  adopter  la  modifioaiion  de  Founooentin,  peurra  nous  rendre 
de  sérieux  services. 

Je  passe  maûiteoant  à  la  troisième  méthode,  Im  mèlMe 
graphique. 

L'idée  capitale  de  cette  métiiode,  eomme  son  soin  Tin- 
diqae,  est  de  mouler  la  ecurbe  dn  thorax  et  de  la  reproduire 
par  le  dessin.  A  ia  condition  d'avoir  des  instruments  suffi- 
samment exacts»  il  est  évident  que,  de  toutes  les  méthodes, 
e'est  celle  qui  permet  le  mieux  d^ppréeier  la  section  de  la 
poitrine. 

Les  instruments  employés  jusqu'à  présent  dans  ce  bot  sont 
au  nombre  de  quatre  :  celui  de  Woillex»  celui  de  Nielly, 
celui  de  Pourmentin,  et  oelni  que  j'emploie  depuis  quelque 
temps. 

C'est  à  Woiilet  que  revient  le  mérite  d'avoir,  le  premier, 
cherché  à  reproduire  par  la  deesio  les  courbée  de  la  poi- 
trine. 

Son  instrument  est  représenté  par  une  chafiie  en  baleine, 
dont  les  chaînons^  aenrés  à  frottement  dur,  se  maintiennent 
dans  la  position  qu'on  leur  a  donnée  une  M»  appliqués  exac- 
tement sur  la  poitrine.  Ces  chaînons  n'ont  que  f  centimètres 
de  longueur,  de  aorte  que,  qneiqDe  la  ligne  ainsi  (^enue  soit 
une  ligne  brisée,  leeaegnonts  de  cette  ligne  étant  très  courts, 
on  peut  la  considérer  nomme  égaie  à  une  ligne  eenrbe.  C'est 
ave«  laide  de  cet  a|]9Mireil,  auquel  Woilles  a  donné  le  nom 
de  cyrtomèkee^  qu'il  fit  ses  recherches  intéressantes  sur  les 
eongestions  pnlmonairea,  l'easphjrsème,  et  surtout  la  ple«N 
résie  avec  épanobement. 

Cependant,  je  dois  le  diie,  cet  appaieD^  et  surtout  le  pro- 
cédé mm  par  yfoiUea»  n^i  paraissent  prêter  à  quelques  cri- 
tiqueft«  O'uœ  p«rt,  son  appUeatioii  n'est  pas  commode  et  est 


E.  MAUREL.  —  MEIVSIJRATIONS  DE  LA  GAGB  TOORAGIQUE.     355 

peu  ejULcle»  puisque^  en  somme^  il  ne  peut  donner  gu'one 
ligne  brisée,  et,  d*aiitre  paii^  on  négligeail  de  prendre  cer^ 
taines  préetntioiie  qne^  j*eD  eub  eanTaiiieo«  on  troaTera 
indispensables  poor  donner  une  garantie  sérieoso  aux  ré«« 
soltats. 

Llnstmmeni  de  Nielly  est  Teim  corriger  ce  qae  Vappareil 
de  Woillez  avait  de  dèfectnenx.  Le  eyrtomètre^  qtt*il  a  pro- 
posé en  i874;  est  une  heureuse  application  des  lames  de 
plomb^  dont  nous  nous  serrons.  Les  lames  de  Nielly,  faites 
d'un  alliage  dont  les  proportions  ont  été  calculées  pour  les 
rendre  aussi  malléables  et  aosaipen  élastiques  que  possible, 
ont  constitué  un  véritable  progrès  :  elks  se  moulent  exac- 
tement sur  la  poitrine  et  donnent  bien  une  ligne  courbe 
au  lieu  d'une  ligne  brisée.  Son  exactitude,  comme  appareil, 
est  donc  supérieare  à  celle  de  Tappareil  de  Woillez.  Mais 
Nielly  n'a  modifié  que  rappareîl  aana  toucber  an  procédé^  de 
sorte  que  ce  dernier  est  resté  passible  des  mêmes  reproches. 

Au  moment  même  où  Hielly  faisait  connaître  son  cyrto- 
mètre,  Fourmentin  publiait  son  trayailsurlamensaration  de 
la  poitrine,  et  appliquait  le  pantograpbe  à  la  reproduction 
do  ses  courbes.  Quoique  {ngénieux^scm  appareil  enregistreur 
n'a  été  que  fort  peu  employé,  te  Cfois  devoir  cependant  le 
décrire  en  quelques  mots. 

Cet  appareil  se  compose  : 

V  D'une  eeinttrre  en  BCkr  faisant  lotit  le  (oerf  de  ta  poi- 
trine et  se  moulant  exactement  snr  elle; 

2*  Vnne  planchette  à  defssîner,  sontennepar  cette  eeîntore 
et  portant  une  fenilfe  de  papier  snr  laqoelle  cottrt  le  crayon 
du  pantographe  ; 

9*  D*nn  appareil  panCogrsphiqne; 

*•  If  une  grande  tige  eofrrbe  portaftt  la  pointe  sèche  â\t 
panlographe  et  pouvant  scrirre  facilement  la  ceinture  d'acier 
dans  toale  l'étendue  d'un  bémithorax. 

Les  denx  c6tés  de  la  poitrine  sont  dessinés  séparément. 

Tel  est  Tappareil  de  Foormentin  r  quoiqu'il  ait  été  peu  em- 
ployé josqn'à  présent  anssi  Ken  par  la  clinique  que  par  Tan- 


356  sÉiûfCE  DU  19  MAI  1887. 

Ihropologie,  je  croîs  cependant  qu'il  pourrait  rendre  des 
services  dans  certains  cas  donnés.  11  présente,  en  effet, 
l'avantage  de  pouvoir  reproduire  non  seulement  les  courbes 
de  la  poitrine  avec  leurs  dimensions  réelles,  mais  de  les 
réduire  d'une  manière  exactement  proportionnelle.  C'est 
là  un  avantage  dont  l'anthropologie  pourrait  parfois  tirer 
quelques  bénéfices,  et^  à  ce  point  de  vue,  je  le  répète,  il  m'a 
paru  utile  de  le  rappeler. 
Enfin,  conduit  il  y  a  quelque  temps  à  faire  des  recherches 


Fig.  2.  —  Stéthogrttphe. 

sur  la  marche  desépanchements  pleurétiques,  j'en  suis  arrivé 
après  quelques  essais  à  donner  la  préférence  aux  lames  de 
plomb,  qui  sont  devenues  l'instrument  que  je  vais  décrire  et 
auquel  j'ai  donné  le  nom  de  stéthographe  (fig.  2). 

Il  se  compose  : 

1»  D'une  lame  de  plomb  de  2  centimètres  de  largeur  sur 
2  millimètres  d'épaisseur  et  de  50  centimètres  de  longueur  ; 

2<^  De  deux  lacs  cousus  par  leurs  bords  et  lui  formant  une 
gaine  dans  laquelle  la  lame  de  plomb  se  trouve  serrée,  puis 
se  continuant  dans  un  espace  de  60  centimètres,  ce  qui  donne 
à  l'instrument  une  longueur  totale  de  l'",10; 

3o  D'une  boucle  ordinaire  cousue  à  une  des  extrémités  et 


E.  MAURBL.  —  MENSURATIONS  DE  LA  GAGE   THORAGIQUE.     357 

permettant  de  fixer  Tinstminent  sur  la  poitrine  pendant  qu'on 
le  moule  exactement  et  qu*on  lit  les  mesures  ; 

A*  D*un  ruban  métrique  fixé  sur  la  gaine  dans  une  étendue 
de  50  centimètres,  dont  le  zéro  correspond  à  la  boucle,  et 
dont  le  reste  flotte  libre,  de  même  que  les  lacs. 

Quant  aux  antres  modifications,  on  va  les  retrouver  dans 
la  description  du  procédé  tel  que  je  le  pratique  : 

4^  Le  malade  est,  autant  que  possible,  placé  debout^  et  à 
défaut  assis  sur  une  chaise  ou  sur  son  lit.  Les  bras  doivent 
être  pendants  le  long  du  corps  ; 

2^  Le  tronc  est  dépouillé  de  tout  vêtement  ; 

3^  Une  croix  tracée  au  crayon  dermo-graphique  indique 
sur  la  colonne  vertébrale  la  hauteur  à  laquelle  on  veut  prendre 
le  tracé. 

Après  de  nombreux  examens,  je  pense  qu'à  moins  d'indi- 
cations spéciales,  c*est  au  niveau  de  l'articulation  sterno- 
xyphoïdienne  qu'il  faut  le  prendre  ; 

4«  L'extrémité  du  stéthographe  portant  le  zéro  est  appliquée 
sur  l'apophyse  épineuse  correspondante,  et  la  lame  de  plomb, 
tenue  d^assez  pi;ès,  appliquée  lentement  sur  le  thorax,  en 
cherchant  à  lui  donner  du  premier  coup  une  direction 
horizontale  ; 

5*  Le  tour  de  la  poitrine  est  complété  par  la  partie  libre 
des  lacs  qui  vient  passer  dans  la  boucle  et  fixer  le  stétho- 
graphe à  la  hauteur  voulue; 

6«  On  vérifie  ensuite  si  la  lame  de  plomb,  et  surtout  son 
bord  inférieur^  s'applique  exactement  sur  le  thorax,  et,  au 
besoin,  on  corrige  les  imperfections  qui  auraient  pu  se  pro- 
duire dans  la  première  application.  On  comprend  que  c'est 
surtout  du  bord  inférieur  dont  il  faut  s'occuper,  puisque 
c'est  lui  que  doit  suivre  le  crayon  ; 

7*  Ces  précautions  prises  (horizontalité  et  application  exacte 
du  bord  inférieur),  on  trace  avec  le  crayon  dermo-graphique 
une  série  de  points  de  repère  sur  le  thorax  en  suivant  le  bord 
supérieur  de  Tinstrument; 

8«  Pendant  qu'un  aide  le  maintient  en  l'appliquant  d'une 


358  tÉÀNCS  DO  19  MAI  1887. 

part  aa  niveau  des  apophyses  épineuses,  'et  d'autre  part  sur 
le  sternum,  le  ruban  métrique  est  ramené  au  niveau  du  léro 
en  faisant  tout  le  tour  ;  et  ce  premier  chiffre  est  inscrit  sur 
la  fouiile  d'observations  ;  c'est  le  périmètre  Ma<; 

9"*  En  môme  temps,  on  lit  le  pérîmètre  dt  fkémitkorM^  qui 
est  également  porté  sur  la  feuille  d'observations  ; 


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---^^  ^  ni    z    ^    - 

„^.*    ^ItX^      ^_x 

Fig.  3.—  Stélbographe,  papier  métrique  pour  la  mawire  du  périmitro  d«  TbôiniUiorax 


iO^  Avant  de  déplacer  Vinstrumenit  on  prend  le  diamètre 
antéro-poslérieur  avec  le  compas  d'épaisseur.  Ce  diamètre 
est  pris  par-dessus  le  stéthographe.  Si  donc  on  voulait  con- 
naître le  diamètre  exact  de  la  poitrine,  il  faudrait  retrancher 
la  double  épaisseur  de  l'instrument; 

il''  Ce  n'e»t  qu'après  que  la  boucle  est  défaite  que  le  sté- 
thographe  est  enlevé,  en  le  tenant  par  chacune  des  deux  ex- 
trémités de  rhémithorax  ; 

12*  Il  est  ainsi  porté  sur  le  papier  métrique^  en  ayant 
soin  de  respecter  Técartement  autant  que  possible  (fig.  3)  ; 


E.  MAUREL.  —  JIBlfSURATIONB  BS  lA  CA«E  TUORACIQUE.     359 

13*  Uae  des  i\fpa/&s  de  ce  papior  étant  choisie  comme  dia- 
mètre aatéro-postéiteur,  on  p^ace  euf  elle,  d*im6  part^  le 
îéro  du  stéthographC)  et,  d'aulre  part,  le  chiffre  qui  oorrcs- 
pondait  A  la  ligne  médiane  antérieure.  On  t9ù  sitr  airnî  du 
périmètre^  mais  du  périmiUrt  tenkmeni  ; 

14*  Amr  avmr  h,  même  sm*fiice^  il  faut  s'assurer  que  l*écar- 
iement  de  ses  deux  extrémités  est  resiée  la  même,  ce  qu'on 
vérifie  avec  le  compas  d'épaisseur  ; 

IS*"  Ce  n'est  qu'après  s'être  assuré  ;  a>  que  le  téro  corres- 
pond bien  à  la  ligne  prise  comme  diamètre  antéro-poslérieur  ; 
bj  que  le  chiffre  indiquant  le  périmètre  de  rhémithoraxy 
correspond  également;  c>  que  l'éoartement  des  deux  extré- 
mités est  bien  celui  du  diamètre  antéro^ostérieur,  que  Ton 
fait  le  tracé; 

16*  Il  est  donné  par  un  crajun  oonduit  le  long  de  la  courbe 
du  stéthographe,  en  ayant  soin  que  j»a  pointe  suive  exacte- 
ment le  bord  inférieur  «ans  rester  en  dedans  ou  aller  en 
dehors  ; 

17«  Ce  premier  hémithorax  tracé>  on  passe  au  second; 

18*  Le  stèthographa  est  redressé  en  le  laissant  tomber  un 
certain  nombre  de  fois  sur  une  table  ou  tout  corps  plan^  et, 
au  besoin^  en  le  battant  avec  la  main  tenue  à  plat  ; 

19^  Puis^  on  le  plaoe  de  la  même  manière  sur  l'autre  hémi- 
thorax en  suivant  les  traits  de  crayon  tracés  pendant  la  pre- 
mière application; 

20^  La  boucle  étant  serrée,  on  ramène  la  partie  libre  du 
ruban  métrique  en  Csce  du  zéro,  pour  s'assurer  que  la  pres- 
sion exercée  est  bien  la  même.  On  doit  retrouver  le  même 
périmètre  total; 

2P  Assez  souvent,  ce  n'est  qu'après  quelques  tâtonnements 
que  l'on  y  arrive^  ce  qui,  du  reste,  démontre  d'une  manière 
bien  évidente  l'utilité  de  cette  précaution  ; 

ââ*  Ge  n'est  que  lorsque  le  périmètre  total  a  été  ramené 
à  la  même  longueur  qu'on  lit  celui  du  second  hémithorax; 

93*  Le  Ucs  est  alors  de  nouveau  sorti  de  la  boucle  et  ie 
s^thographe  reporté  sur  le  papier  métrique  ; 


360  SÉANCE  DU  19  MAI  4887. 

24*  Ce  second  hémitborax  est  tracé  après  avoir  place  soq 
zéro  à  côté  du  zéro  de  Fautre,  8*être  assuré  que  le  périmètre 
qu*on  lui  donne  est  bien  celui  qu'on  vient  de  prendre,  et 
ensuite  que  Fécartement  de  ses  deux  extrémités  coïncide  avec 
celui  des  extrémités  de  l'autre  hémithorax  ; 

35«  La  superficie  est  ensuite  calculée  en  comptant  le 
nombre  de  carrés  compris  dans  chaque  périmètre  (voir  la 
flçure  3)  ; 

26*  Le  papier  que  j'ai  adopté  est  divisé  en  carrés  de  5  mil- 
limètres de  côté,  de  sorte  que  les  quatre  font  le  centimètre 
carré; 

2**  Les  carrés  qui  ne  sont  compris  qu'en  partie,  quelle  que 
soit  l'étendue  comprise,  sont  comptés  pour  un  demi-carré.  Il 
s'établit  une  compensation  entre  ceux  dont  une  faible  partie 
seulement  est  inscrite  par  le  périmètre,  et  ceux,  au  contraire, 
dont  une  faible  partie  seule  reste  au  dehors  ; 

28*  Le  nombre  de  carrés  totalisés  divisés  par  4  donne  le 
nombre  de  centimètres  carrés. 

On  le  voit  donc,  en  somme,  le  perfectionnement  se  trouve 
plutôt  dans  la  manière  d'employer  et  d'utiliser  l'instrument 
que  dans  l'instrument  lui-même.  Ce  que  j'ai  cherché  surtout, 
c'est  donner  à  ce  procédé  les  garanties  d'exactitude,  qui  me 
semblaient  manquer  à  ceux  de  Woillez  et  de  Nielly,  les  seuls 
qui  soient  comparables  au  mien. 

Je  crois  y  être  arrivé  en  multipliant  et  rendant  obligatoires 
les  points  de  repère  :  4*  mensuration  du  périmètre  total  ; 
2*  détermination  de  la  hauteur  à  laquelle  est  pris  le  tracé  ; 
3*  trait  de  repère  circulaire  sur  la  poitrine  ;  4*  enfin,  usage 
du  compas  d'épaisseur  pour  déterminer  le  diamètre  antéro- 
postérieur. 

Voilà  pour  les  garanties  d'exactitude.  Quanta  la  meilleure 
utilisation  des  résultats,  je  la  trouve  dans  l'emploi  du  papier 
métrique^  me  donnant  exactement  la  surface  de  la  section  tho- 
.  racique  sur  laquelle  porte  l'instrument.  J'ai  ainsi  l'avantage 
précieuxde  pouvoir  dire  non  seulement  que  lapoitrme  est  aug- 
mentée ou  diminuée,  mais  de  combien  elle  l'est  dans  un  sens 


E.  ICAUREL.  —  MENSURATIONS  DE  LA  CAGE  THORAGIQUE.      361 

OU  dans  Vautre.  Pour  l'anthropologie,  je  pense  que  c'est  la 
seule  méthode  qui  pourra  nous  permettre  d'apprécier  la  ca- 
pacité thoracique,  en  nous  en  tenant  à  l'examen  des  formes 
extérieures.  Je  crois  donc  le  procédé  que  j'indique  appelé  à 
rendre  de  réels  services  à  ce  point  de  vue. 

Si  nous  tenons  compte,  en  effet,  que,  de  tous  les  spiro- 
mètres, aucun  n^a  pu  entrer  dans  la  pratique,  qu'aucun 
d'eux  n'est  transportable,  et  que  par  conséquent  l€|  voyageur 
est  complètement  désarmé  quand  il  s'agit  de  mesurer  un  des 
éléments  les  plus  importants  dans  l'appréciation  des  condi- 
tions vitales  d'une  race  :  la  capacité  thoracique,  on  devra,  il 
me  semble,  accepter  au  moins  avec  indulgence  un  instrument 
facile  à  manier  et  à  transporter,  pouvant  donner  sur  ce  point 
des  résultats  suffisamment  exacts.  Ces  résultats  seront  des 
données  précieuses  pour  l'anthropologie,  en  attendant  que 
l'on  fasse  mieux. 

Si  maintenant  je  résume  ma  communication,  j'y  trouve 
trois  faits  importants  à  signaler  : 

!<»  Le  premier,  c'est  que  le  périmètre  thoracique  ne  donne 
que  des  résultats  sans  garantie  ; 

â^  Le  second,  c'est  que  le  procédé  de  l'indice  thoracique 
doit  être  méthodisé,  et  qu'une  fois  un  procédé  uniforme 
adopté,  il  est  appelé  à  rendre  de  véritables  services  à  notre 
science.  Le  procédé  des  indices  est  véritablement  un  procédé 
anthropologique;  c'est  par  lui  que  nous  connaîtrons  les  dif- 
férences de  formes  du  thorax,  différences  de  formes  qui,  je 
le  crois,  constituent  un  des  caractères  les  plus  importants  au 
point  de  vue  des  différences  ethniques  ; 

3*  Enûn^  que,  quand  il  s'agira  d'apprécier  la  capacité  tho- 
racique, il  faudra  recourir  à  la  méthode  graphique,  et  qu'à 
la  condition  de  prendre  les  précautions  que  j'ai  indiquées, 
on  peut  espérer  obtenir  des  résultats  ayant  une  garantie 
sufllsante. 


362  SâANOE  DU  19  MAI   1887, 


Si8CUMi«B. 


M.  Matbias  Duval  peose  qu'il  y  aurait  intérèi  à  mesurer  le 
thorax  à  difTérentos  iiauteurs  et  à  tenir  compte  des  courbures 
<le  la  oolonue  vertébrale  et  surtout  de  la  directioa  du  ster* 
num,  qui  présente  de  grandes  variations. 

M.  Sanson.  Une  distinction  me  paraît  nécessaire  pour  ap- 
précier exactement  la  valeur  des  diverses  méthodes  dont 
M.  Maurel  vient  do  nous  entretenir.  S'il  s  agit,  par  exemple, 
de  mesurer  la  capacité  respiratoire  des  poumons,  il  est  évi- 
dent que  le  périmètre  thoracique  ne  peut  point  la  donner.  Le 
ruban  métrique  ne  vaut  donc  rien  pour  cela.  Nous  savons 
tous,  et  depuis  longtemps,  que  dans  ce  sens -le  volume  des 
poumons  dépend  de  la  figure  que  présente  la  section  de  la 
cavité  thoracique.  Pour  le  même  périmètre,  le  cercle  a  plus 
de  surface  que  Tellipse.  C'est  par  cet  argument  que|'ai,  pour 
ma  part,  bien  des  fois  réfuté  i  opinion  consistant  à  soutenir 
que  rétroitesse  de  la  poitrine  peut  être  compensée,  chez  les 
chevaux,  par  une  hauteur  plus  grande.  A  ce  point  de  vue 
du  volume  pulmonaire,  il  y  a  une  dimension  bien  autrement 
importante  :  c'est  celle  qui  est  commandée  par  la  longueur 
du  sternum.  Un  centimètre^  dans  cette  longueur,  en  vaut 
plusieurs  dans  colles  des  deux  diamètres  thoraciques.  Et  cela 
est  facile  à  démontrer. 

Mais  ce  point  de  vue  n*est  pas  le  seul  qui  soit  intéressant. 
Nous  sommes  d'accord  pour  rejeter  remploi  du  ruban  mé- 
trique, en  ce  qui  le  concerne»  et  aussi,  je  le  veux  bien,  pour 
Tappréciation  des  changements  que  la  pleurésie  apporte  dans 
la  forme  du  conoTde  thoracique,  ce  dont  nous  n'avons  pas  à 
nous  occuper  ici.  Je  suis  prêt  à  donner  mon  adhésion  pour 
son  remplacement  par  rinstrumeatqne  propose  M.  Maurel. 
Est-ce  à  dire  que  le  ruban  métrique,  dont  la  commodité  n'est 
pas  douteuse,  ne  soit  bon  à  rien  ?  J'en  fais,  pour  mon  compte, 
un  grand  usage,  et  je  ne  suis  pas  du  tout  disposé  à  l'aban- 
donner. Il  y  a  nombre  de  cas  dans  lesquels  la  connaissance 


DISCUSSION  SUR  LES  XSifSUBATIOKS  DE  LA  GAGE  TBORACIQUE.  363 

du  périmètre  ihoracique  a  soa  ttUlité«  Je  fais,  par  exemple, 
mesurer  périodiquement  les  diverses  dimensions  de  tous  les 
jeunes  animaux  de  i'£cole  de  Grignon,  pour  tâcber  de  saisir 
la  loi  qui  régit  leur  développement.  Le  périmètre  thoracique 
est  une  de  ces  dimecuions.  Sur  un  animal  comostible>  je  puis 
arriver,  le  connaissant,  à  déterminer  approximativement  la 
proportion  de  viande  que  cet  animal  fournira.  Le  ruban 
métrique  rend  donc,  lui  aussi,  des  services  dans  ces  divers 
cas. 

Qu'il  puisse  y  avoir  intérêt,  en  anthropologie,  à  mesurer 
le  périmètre  thoradque,  j*en  doute  un  peu.  Ce  dont  je  suis 
sûr,  c'est  que  la  forme  de  la  poitrine  ne  peut  pas  être  un  ca«- 
ractère  de  race.  Cette  forme  est  variable  comme  les  individus. 
Il  dépend  de  nous  de  la  foire  varier  À  volonté.  Les  sujets  qui 
se  sont  développés  dans  la  misère  ont  Ja  poitrine  étroite.  Ceux 
dont  Talimentation  a  été  régulièrement  riche  l'ont  au  con» 
traire  ample.  Je  puis  dire  que  c'est  là  une  notion  vulgaire  en 
zootechnie»  Il  n  y  a  pas  apparence  que  les  hommes  échap- 
pent aux  mêmes  influences*  Mais  enfin  si  le  périmètre  thora- 
cique n'a  pas  de  valeur  spécifique  ou  xoologique,  il  peut  avoir 
une  importance  ethnographique.  U  peut  être  intéressant  de 
savoir  que  dans  telle  population  ce  périmètre  est  générale- 
ment plus  grand  que  dans  telle  autre«  Je  suis  bien  convaincu 
que  cela  s'observe  entre  populations  de  même  type  naturel 
ou  de  même  race,  mais  habitant  des  milieux  différents.  Je 
pense  donc  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  rejeter  le  ruban  métrique, 
d'ailleurs  très  portatif  et  très  commode,  de  la  collection  in* 
strumentale  de  ceux  qui  croient  à  Tutilité,  en  anthropologie 
proprement  dite,  de  ce  qu'on  nomme  Vanihropoméirie.  On 
peut,  du  reste,  aussi  bien  se  servir  de  l'instrument  proposé 
par  M.  Maurel.  Le  choix  me  semble  tout  à  fait  permis. 

M.  TopiNARD.  Je  ne  veux  m'occuper  ni  des  critiques  théo- 
riques de  M.  Maurel  foites  à  la  mensuration  de  la  poitrine 
par  la  méthode  de  la  circonférence,  ni  des  applications  de 
sa  propre  méthode  à  la  clinique  médicale,  ni  même  de  l'in- 
dice thoracique  dont  il  nous  a  parlé  et  sgr  lequel  il  a  été 


364  SÉANCE  DU  19  MAI  4887. 

fait  une  thèse  à  notre  laboratoire  sons  l'inspiration  de  Broea. 
Je  ne  veux  m*arrêter  qu'à  la  façon  de  mesurer  la  circonfé- 
rence de  la  poitrine  que  nous  employons  et  qui  n'a  pas  son 
approbation. 

La  circonférence  de  la  poitrine  est  mauvaise,  dit-il,  surtout 
parce  qu*il  existe  une  foule  de  procédés  pour  la  prendre.  C'est 
comme  s'il  nous  disait  que  la  mesure  des  deux  diamètres  de 
l'indice  céphalique  est  mauvaise  parce  qu'ils  ne  sont  pas  pris 
par  les  mêmes  procédés  rigoureusement  en  France,  en  Alle- 
magne, en  Angleterre.  Mais,  réellement,  y  a-t-il  tant  de  pro- 
cédés? Pour  moi,  il  n'y  en  a  que  deux  :;le  premier,  suivi 
seulement  par  les  médecins  militaires,  celui  de  Vallin,  et  le 
second,  prescrit  par  Broca  et  la  Société  d'anthropologie  et 
employé  également  en  Angleterre.  Dans  ce  dernier,  on  dit  au 
sujet  d'écarter  ou  d'élever  les  bras,  on  passe  le  ruban  en  se 
plaçant  en  arrière  ;  un  aide,  placé  en  avant,  regarde  si  le 
bord  inférieur  du  ruban,  s'appuie  sur  le  dessus  des  mame- 
lons, et  est  bien  horizontal  ;  et  l'on  dit  au  sujet  d'abaisser 
les  bras  le  long  du  corps.  Cette  horizontalité  du  ruban  est  le 
point  capital  à  surveiller  ;  la  moindre  obliquité  fausse  la  me- 
sure, ainsi  que  l'a  prouvé  un  travail  spécial  fait  en  Angle- 
terre. On  ne  s'occupe  pas  des  omoplates,  on  les  croise  trans* 
versalement.  Dans  ces  conditions^  la  mesure  est  constante. 

Tous  ces  détails  ont  été  discutés  en  commission  à  l'époque 
de  la  seconde  édition  des  Instructions  de  la  Société  entre 
Broca,  moi-même  et  je  ne  me  souviens  plus  quelle  troi- 
sième personne,  membre  de  la  commission,  dans  le  cabinet 
de  Broca.  Je  n'ai  fait  que  les  reproduire  chaque  fois  que 
j'en  ai  eu  l'occasion,  notamment  dans  mes  Eléments  (Tan^ 
thropologie  générale. 

Il  y  a  une  seule  objection  à  la  circonférence  de  la  poitrine, 
et  justement  M.  Maurel  n'en  dit  pas  un  mot;  c'est  qu^elle 
varie  suivant  son  état  de  dilatation.  Pour  y  remédier,  voici 
ce  que  je  recommande  :  1®  de  lire  la  mesure  lorsque  la  poi- 
trine est  à  l'état  de  repos,  avant  qu'on  ait  fait  parler  le  sujet 
et  sans  lui  avoir  fcût  la  moindre  recommandation  ;  2*  de  lui 


DISCUSSION  SUR  LES  MENSURATIONS  DE   LA  CAGE  TUORACIQUE.   365 

dire  de  compter  de  20  à...  indéfiniment,  jusqu'à  ce  que, 
ayant  besoin  de  respirer,  il  fasse  une  inspiration.  C'est  la 
circonférence  minimum  ou  dans  ]'état  d'expiration  forcée. 
Placé  en  arrière  et  tenant  les  deux  extrémités  du  ruban,  on 
tire  doucement  celles-ci,  et,  juste  au  moment  où  le  sujet  prend 
son  yent,  on  lit  le  minimum  donné;  3®  de  lui  dire  de  faire 
une  grande  inspiration.  Placé  de  même,  on  soutient  encore 
les  extrémités  du  ruban,  on  suit  de  Tœil  la  dilatation,  et  au 
moment  précis  où,  fatiguée,  la  poitrinerevientsur  elle  même, 
on  lit  le  maximum  obtenu.  L'avenir  dira  quelle  est  la  meil- 
leure de  ces  trois  mesures  ;  pour  moi,  c'est  la  première  :  à 
Tétat  naturel.  Toutefois  Tintervalle  entre  les  circonférences 
maximum  dans  Tinspiration  et  minimum  dans  l'expiration 
exprime  bien  la  puissance  respiratrice  du  sujet. 

En  somme,  je  maintiens  que,  pour  les  besoins  de  l'anthro- 
pologie, la  circonférence  du  thorax  prise  suivant  la  rè- 
gle, au  niveau  des  mamelons,  le  ruban  étant  horizontal,  est 
une  mesure  satisfaisante,  aussi  constante  qu'aucune  autre  en 
anthropométrie. 

M.  Manoltrier  reconnaît  les  avantages  que  présente  le 
ruban  métallique  de  M.  Maurel  ;  mais  ils  ne  sont  pas  assez 
importants  pour  faire  rejeter  les  méthodes  antérieurement 
employées,  qui  sont  précieuses  par  leur  rapidité  en  même 
temps  que  par  leur  exactitude.  Il  cite  à  l'appui  de  son  opi- 
nion  le  mémoire  d'un  savant  italien,  M.  Maestrelli,  dans  le- 
quel sont  comparés  les  résultats  fournis  par  le  spiromètre, 
et  ceux  donnés  par  les  diamètres  antéro-postérieur  trans- 
verse et  vertical,  et  duquel  il  résulte  que  la  longueur  du  ster- 
num est  la  dimension  qui  représente  le  mieux  la  capacité 
thoracique. 

M.  Gustave  Lagnbau.  Je  rappellerai  que,  en  4880,  à  l'Aca- 
démie de  médecine,  au  concours  du  prix  fondé  par  notre  an- 
cien collègue,  M.  Rufz  de  Lavison,  pour  :  a  Etablir...  les  mo- 
difications, les  altérations  de  fonctions...  qui  peuvent  être 
attribuées  à  Tacclimatation  »,  M.  le  docteur  Alfred  Jousset, 
ancien  médecin  de  la  marine,  alors  à  lille,  envoya  un  impor- 


366  8ÉANGE  DU  19  MAI  1887. 

tant  manuscrii,  aaqael  Broca,  M.  le  professent  Jaecond  et 
xnoi  crûmes  deToir  Caire  déeemcr  ce  prix*. 

Dans  oe  ménunre,  qui,  TraisemblaMenieiit,  a  été  publié 
depuis,  8*aidani  do  ruban  métrique,  des  lames  de  plomb,  du 
oyrtomèire»  du  spiromètre,  do  spbygmographe,  M.  Jousset, 
durant  diven  voyages  auj[  Antilles,  au  Sénégal,  aux  Indes,  en 
Indo-Chine,  par  de  nombreuses  observations  prises  sur  des 
marins  français,  sur  des  nègres  du  Congo  et  du  Sénégal,  sur 
des  Ghinoid  et  des  Gocbiocbinois,  avait  étudié  les  modiflea^ 
lions  présentées  par  la  respiration,  la  eirculatton,  et  la  tem- 
pérature suivant  les  races  et  les  climats. 

M*  Sanson  paraît  considérer  comme  individuelles  et  nulle- 
ment ethniques  les  différences  constatées  dans  le  périmètre 
et  la  forme  du  thorax.  Ma  rappelant  le9  nombreux  gra- 
phiques qui  accompagnaient  le  manuscrit  de  M.  Jousset,  je 
ne  puis  partager  entièrement  Topinlon  de  notre  collègue. 
Chez  la  plupart  des  hommes  de  couleur,  aux  poumons  peu 
volumineux^  refoulés  vers  la  partie  supérieure,  les  courbes 
cyrtométriques  permettaient  de  reconnaître  que  le  thorax, 
de  forme  plus  cylindrique,  était  proportionnellement  plus 
étendu  dans  le  sens  antéro-postérieur  et  moins  étendu  dans 
le  sens  bilatéral  que  le  thorax  des  Européens. 

M.  TotHMAiD.  La  circonférence  de  la  poitrine  est  une  me- 
sure qui  intéresse  la  physiologie  générale,  plus  que  Tanthro- 
poI(^e  ;  eUe  est  en  rapport  avee  la  constitution,  la  santé  du 
si\îet,  et  seau  individualité  plu»  qu'avec  son  type  de  race.  Si 
nous  la  prenons,  c'est  qu'elle  pent  exercer  une  influence  sur 
certains  caractères  de  race»  et  nous  induire  en  erreur  sur  ces 
caractères* 

Du  reste,  elle  a  été  très  étudiée  un  peu  partout,  en  France 
d'abord,  ob  je  rappellerai  notamment  les  travaux  de  M.  Daily 
et  ceux  de  M.  Goldstein;  mais  surtout  en  Angleterre  et  en  Amé^ 
rique.  En  An^eterre^  les  observation»  qui  y  ont  trait  se  com- 
ptent par  mille  ei  centaines  de  mille.  Je  me  souviens  que,  il 

1  UuU.  de  VMa4.  4t  méd.j,  1 1  om  e4  2*  jviikl  iSS»,  p.  M«-iSi,  793-794. 


DISCUSSION   SUR  LES  MENSURATIONS  DB   LA   CAGE  THORACIQUE.   367 

y  a  Tingt  à  ringt-cinq  ans,  M.  Lasègne  rdromait,  dans  les 
Archives  de  médecine,  tout  oe  qtii  déjà  aTait  éié  fail  sur  ce  sujet 
en  Angleterre,  à  propos  des  travaux  de  M.  Hntchinson.  Dans 
ce  pays,  on  a  étudié  les  relations  de  la  circonférence  de  la 
poitrine  avec  le  poids  du  eorps,  la  laille,  la  profession,  les 
milieux  de  tontes  sortes,  que  sais-je  !  Il  y  a  deux  ou  trois  ans, 
le  comité  anthrapométriqne  de  l'Association  britannique  a 
établi  nn  questionnaire  sur  une  petite  carte  qu'il  répand  à 
profbsion  partout  ;  la  circonférence  thoracique  au  ruban  est 
Tune  des  mesures  fondamentales  demandées.  Dans  notre 
pays,  elle  a,  en  réalité»  donné  lieu  à  peu  de  statistiques  ; 
mais,  dans  les  autres  pays,  on  s'en  préoccupe  fortement.  Je 
le  répète,  J*ai  dît  la  façon  de  la  prendre,  mais  je  n'attache 
à  la  circonférence  théonque  qu'un  médiocre  intérêt  pour  l*an« 
thropologie  vraie. 

M.  Ck>Lii6N0iv.  Si  j'ai  biwi  compris  M.  Maurel,  son  procédé 
est  spécialement  destiné  aux  voyagenrs.  J'avoue  que,  guidé 
par  Texpérienee,  je  crains  qu'il  ne  soit  pour  ceux-ci  d'une 
application  difficile*  Si  chaque  observation  deçiande  dix  mi- 
nutes, c'est  beaucoup.  Un  médecin  au  lit  du  malade  usera 
volontiers  d'un  procédé  de  mensuration  même  long,  parc© 
que  son  but,  guérir,  Tempéthera  d*y  regarder.  Mais  l'anthro- 
pologîste  en  voyage  n*a  généralement  qu'un  temps  rela- 
lirement  limité  à  consacrer  à  chaque  sujet,  et  franchement, 
il  y  a  des  mensurations  plus  importante?  à  faire  passer  en 
première  ligne,  car,  au  point  de  vue  de  l'ethnologie  propre- 
ment dite,  l'étude  du  périmètre  de  la  poitrine  est  secon- 
daire. Je  ne  dirai  cependant  pas  qu'elle  est  incapable  de 
donner  des  résnllats  intéressants  ;  mais  ceux-ci  peuvent 
être  obtenus  bien  plus  rapidement,  et  pourtant  avec  un© 
exactitude  très  suffisante  par  Tassociation  des  diamètres  et 
de  la  cireonférence  prise  ca  divers  points. 

J'ai  entrepris,  depuis  six  mois  environ,  des  recherches 
analogues,  que  je  présenterai  un  de  ces  jours  à  la  Société.  Je 
mesure  deux  périmètres,  l'un  au  niveau  des  mamelons,  d'après 
la  méthode  de  Broca  ;  l'autre  suivant  le  procédé  de  M,  Vallin, 


368  SÉANCE  DU  49  MAI  1887. 

puis  les  trois  diamètres  :  transversal,  aniéro-postérieur  et 
vertical.  J'y  ajoute,  enfla,  les  mesures  en  hauteur  et  en  lar- 
geur du  Ironc  proprement  dit.  Mes  moyennes  n*ontpas  encore 
été  calculées  (j'ai  environ  400  observations)  ;  mais  il  me  sem- 
ble en  résulter  que,  dans  les  races,  ce  sont  les  diamètres 
verticaux  et  antéro-postérieurs  qui  varient  le  plus  ;  les  blonds 
de  souche  germanique  ayant,  par  exemple,  le  thorax  plus 
haut  et  plus  plat  que  les  petits  bruns  de  race  celtique.  Gela 
vient,  en  somme,  confirmer  cette  remarque  toute  militaire, 
que  les  cuirasses  faites  pour  les  poitrines  allemandes  ne 
vont  pas  bien  à  nos  soldats  et  sont  en  général  trop  plates. 
En  tous  cas,  l'évaluation  de  la  surface  d'une  section  thora- 
cique  n'est  pas  suffisante  pour  nous  renseigner  complètement 
sur  le  volume  de  la  poitrine  ;  il  est  indispensable  d'y  joindre 
une  mensuration  en  hauteur. 

D'autre  part,  en  ce  qui  concerne  l'augmentation  unilaté- 
rale du  thorax,  à  droite  chez  les  droitiers,  à  gauche  chez  les 
gauchers,  je  tiens  à  faire  des  réserves  absolues.  M.  Maurel 
nous  présente  une  série  de  quatre  gauchers  seulement,  ce 
qui  n'est  pas  suffisant.  Sur  le  vivant,  le  hasard  est  si  grand 
et  si  capricieux  qu'il  est  nécessaire  de  s'appuyer  sur  le 
nombre,  et,  pour  être  convaincu,  je  réclamerais  un  minimum 
de  cinquante  observations.  Je  me  demanderais,  enfin,  au  cas 
où  ce  point  serait  bien  établi,  si  cette  augmentation  ne  serait 
pas  due  plus  aux  muscles  pectoraux  qu'à  la  cage  thoracique 
elle-même. 

M.  Manouvrier  pense  que  M.  Maurel  n'a  pas  recueilli  un 
nombre  d^ observations  suffisant  pour  affirmer  que,  chez  les 
gauchers,  la  demi-circonférence  thoracique  gauche  est  plus 
grande  que  la  droite  ^ 

La  séance  est  levée  à  six  heures. 

Lun  des  secrétaires  :  fauvelle. 

<  La  réponse  de  M.  Maurel  étant  arrivée  trop  tard  au  comité  de  rédac- 
tion sera  publiée  dans  la  séance  suivante,  à  propos  du  procès-verbal. 


A  PROPOS  DU  PROCÈS-VERBAL.  369 

iSi*  StANGE.  —  i  joiD  1887. 

Préflldonee  de  M*  M ACilTOr,  préuïdenU 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

A  propos  du  procèt-verbal. 

Sur  les  Matas.  —  M.  Désiré  Gharnat  réfute  plusieurs  asser- 
tions émises  par  M.  de  Nadailiac  au  sujet  des  Maïas. 

Sur  la  mesure  de  la  capacité  thoracique.  —  M.  Maurel. 
Gomme  M.  Mathias  Duval,  M.  Maurel  pense  qu'il  serait 
avantageux  de  pouvoir  prendre  la  section  thoracique  à 
différentes  hauteurs  ;  mais  il  a  pu  constater  que  la  sté- 
thographie  ne  donne  que  des  résultats  incertains  dès  que 
Ton  remonte  plus  haut  que  Tangle  inférieur  des  omoplates. 
La  position  variable  de  ces  os,  leurs  dimensions  et  celles  des 
masses  musculaires  qui  s'y  insèrent,  entrent  alors  en  ligne  de 
compte  et  rendent  le  tracé  stéthographique  plus  difficile  à 
prendre  et  en  même  temps  moins  exact,  puisqu'on  ne  sait 
pas  exactement  ce  qui  appartient  réellement  à  la  poitrine  et 
ce  qui  appartient  à  l'épaisseur  de  ses  parois.  Répondant  en^ 
suite  à  M.  Sanson,  il  accorde  que,  dans  certains  cas  donnés,  le 
mètre  puisse  rendre  des  services  ;  mais  seulement  dans  ceux 
où  c'est  le  périmètre  qui  nous  intéresse  et  non  la  section. 

Ce  que  M.  Maurel  veut  bien  établir,  c'est  que  lorsqu'on 
cherche  à  apprécier  la  section,  comme  cela  a  lieu  le  plus 
souvent  dans  la  mensuration  de  la  poitrine,  le  périmètre  ne 
peut  donner  que  des  résultats  sans  garantie,  puisque  parfois 
ils  sont  exacts  et  que  d'autres  fois  ils  ne  le  sont  pas. 

M.  Sanson  pense  que  la  poitrine  ne  saurait  constituer  un 
caractère  de  race.  Il  se  peut  qu'il  soit  dans  le  vrai  ;  mais  rien 
jusqu'à  présent  ne  le  prouve.  D'une  part,  en  effet,  déjà  en 
s'en  tenant  aux  périmètres,  un  certain  nombre  d'anthropolo^ 
gistes  ont  cru  trouver  des  différences  qui  ont  été  géné'> 
ralement  acceptées,  et  d'autre  part,  même  en  considérant 

T.  X  (30  siRiE).  24 


a70  aÉAifGB  DU  s  JUIN  1887. 

toutes  ces  observations  périmétriques  comme  entachées  d'er- 
renr^  et  il  est  loin  d'aller  josque-là,  on  n'a  pas  encore  étudié 
le  thorax  au  point  de  vue  de  la  section,  et  il  se  pourrait  que 
des  recherches  faites  dans  ce  sens  parvinssent  à  révéler  des 
différanees  dignes  de  notre  attention. 

M.  GoUignon  vient  de  dire  qu'à  Faide  des  diamètres  tho- 
raciques  il  a  pu  constater  des  différences  entre  deux  des 
races  qui  peuplent  une  de  nos  provinces.  N'est-il  pas  à  croire 
que  ces  différences  ne  feraient  que  s'accentuer  s'il  avait  pu 
comparer  des  races  encore  plus  éloignées  Tune  de  l'autre  ? 

Mon  exposition  a  probablement  manqué  de  clarté,  dit  le 
docteur  Maurel,  quand  j'ai  parlé  du  nombre  des  procédés  du 
périmètre.  11  me  semble  cependant  que  je  n'ai  pas  dit  que 
ce  procédé  fftt  mauvais,  comme  l'a  entendu  M.  P.  Topinard, 
mais  seulement  incomplet,  non  méthodisé.  J'ai,  du  reste,  im- 
médiatement ajouté  qu'il  était  facile  à  la  Société  d'anthro* 
pologie  de  faire  disparaître  ce  défaut,  en  adoptant  une 
méthode  unique  et  bien  déterminée  dans  tons  ses  détails. 
Ce  que  disant,  M.  Maurel  ne  croyait  que  reproduire  l'opinion 
de  M.  Topinard.  C'est  l'impression  qui  lui  était  restée  de  la 
lecture  du  chapitre  sur  les  pointé  de  t^père  et  le$  procédé$ 
anthropométriques  des  Éléments  d'anthropologie  générale. 
Du  reste^  si  quelques  doutes  restaient  encore  à  cet  égard,  il 
suffirait  de  dire  qu'en  1877,  M.  Topinard  conseillait  de 
prendre  ce  périmètre  les  bras  élevés  et  les  mains  jointes  au- 
dessus  de  la  tête,  tandis  qu'en  1885  il  conseillait  de  le  pren- 
dre les  bras  étant  abaiisés. 

M.  Maure!  n'a  peut^tre  pas  asses  insisté  dans  son  exposé 
sur  les  variations  du  volume  de  la  poitrine  sous  l'influence 
des  mouvements  respiratoires.  Les  difficultés  qui  en  résultent 
ne  lui  ont  cependant  pas  échappé.  M.  Maurel  fait  son  possible 
pour  prendre  la  poitrine  dans  un  état  intermédiaire  entre  l'in- 
spiration et  l'expiration  forcées,  et  pour  cela  il  engage  le  sujet  à 
continuer  à  respirer  comme  d'ordinaire.  Il  pense  qu'il  est 
préférable  de  faire  cette  recommandation  que  d'inviter  le 
sujet  au  reposf  car  le  repos  aurait  lieu  trop  souvent  à  la  fin 


A  PROPOS  DU  PROCÈS-VERBAL.  37! 

d'une  expiration  ou  d'une  inspiration,  et  bien  rarement  dans 
une  situation  intermédiaire. 

Quant  aux  conclusions  de  M.  Topinard,  à  savoir  que  la  cir- 
conférence du  thorax  constitue  une  mesure  satisfaisante  pour 
les  besoins  de  Tanthropologie,  M .  Maurel  ne  saurait  y  souscrire. 
Ce  que  la  plupart  des  anthropologistes  cherchent  &  apprécier 
quand  ils  mesurent  la  cage  thoraoique,  c'est  la  capacité  de 
cette  cavité  ;  or,  il  vient  de  l'établir  théoriquement  et  prati- 
quement, la  longueur  du  périmètre  n'est  pas  en  rapport 
constant  aveo  la  section  ;  on  ne  saurait  donc  conclure  de 
Tune  de  ces  deux  données  à  l'autre.  Il  se  peut  même  que  ce 
soit  ce  manque  de  concordance  qui  soit  cause  du  peu  d'im- 
portance que  M.  Topinard  accorde  aux  mensurations  de  la 
poitrine.  Peut-être  que  des  mensurations  faites  autrement 
l'auraient  conduit  à  une  autre  opinion. 

Répondant  à  M.  Manouvrier,  M.  Maurel  dit  qu'il  n'a  pas 
la  prétention  de  faire  oublier  toutes  les  autres  méthodes  ;  il 
ne  combat  que  celle  du  périmètre.  Ainsi;  il  accorde,  au  con* 
traire,  une  réelle  importance  au  procédé  des  diamètres  et 
de  l'indice  thoracique,  et  ce  qui  le  prouve,  c'est  que  dans  le 
cours  de  sa  communication,  il  a  déclaré  que  c'était  là  vrai- 
ment le  procédé  anthropologique.  Le  procédé  de  l'indice 
thoracique  et  celui  de  la  section  thoracique  se  complètent. 
Ce  dernier  donne  une  idée  suffisamment  exacte  de  la  capa- 
cité thoracique,  et  le  premier  de  la  forme  du  thorax  qui, 
mieux  étudiée,  acquerra  peut-être  une  réelle  importance  dans 
la  suite.  Il  est  heureux  de  pouvoir  s'appuyer  sur  les  faits  que 
vient  de  citer  M.  Lagneau,  faits  qui  tendraient  à  éte^lir  que 
déjà  le  docteur  Jousset  a  constaté  des  différences  ethniques 
dans  la  forme  de  la  poitrine. 

Enfm,  répondant  à  M.  Gollignon,M.  Maurel  déclare  qu'il  a 
fait  depuis  longtemps  de  l'anthropologie  dans  des  conditions 
bien  mauvaises,  et  qu'il  n'en  voit  aucune  dans  lesquelles  il 
n'aurait  pu  employer  son  procédé  de  stéthographie  s'ill' avait 
voulu.  Il  juge,  par  conséquent,  que  son  procédé  peut  être 
appliqué  par  tous  les  voyageurs  qui  trouveraient  un  intérêt 


372  SÉANCB  DU  S  JUIN  4887. 

à  étudier  le  thorax  mieux  qu'on  ne  l'a  fait  jusqu'à  présent. 
Quant  au  temps  qu'exige  ce  procédé,  il  ne  lui  accorde  pas 
trop  d'importance.  Il  aime  mieux  n'avoir  que  20  graphiques 
bien  pris^  qui  le  fixeraient  sur  la  forme  générale  de  la  poi- 
trine, qui  lui  donneraient  une  idée  de  sa  capacité,  que IlOO  pé- 
rimètres dont  il  ne  pourrait  tirer  aucune  conclusion.  Il 
accorde  à  M.  GoUignon  que  le  procédé  de  la  section  thora- 
cique  serait  plus  complet  en  y  ajoutant  la  hauteur.  Ce  serait 
évidemment  un  élément  de  plus.  On  ne  prend  jamais  trop 
de  mesures.  M.  Maurel  s'est  contenté  de  la  section  thora- 
cique,  mais  il  ne  pourra  qu'approuver  cenz  qui  feront 
mieux. 

Quant  aux  procédés  employés  en  ce  moment  par  M.  Col* 
lignon,  c'est  celui  de  l'indice  thoracique  complété  par  le  dia- 
mètre vertical  et  les  périmètres.  Or,  ces  six  mesures  ne 
doivent  pas  demander  beaucoup  moins  de  dix  minutes  à 
M.  Collignon,  et  s'il  voulait  prendre  le  tracé  stélhographique, 
quelle  que  soit,  du  reste,  la  hauteur  qu'il  choisisse,  il  aurait 
en  même  temps  les  diamètres  anléro-postérieur  et  transversal 
et  tous  les  diamètres  à  son  choix,  ainsi  que  le  périmètre 
total  ;  il  pourrait  calculer  la  section  thoracique  et,  fait  des 
plus  importants  pour  ses  recherches^  il  conserverait  une  série 
de  graphiques  qui,  pour  ses  comparaisons,  parleraient  bien 
mieux  aux  yeux  que  des  indices,  des  diamètres  ou  des  péri- 
mètres. 

Enfin,  en  ce  qui  concerne  la  comparaison  des  hémithorax 
chez  les  droitiers  et  les  gauchers,  M.  Maurel  rappelle  que  son 
seul  but,  ainsi  que  l'indique  le  titre  de  sa  communication, 
est  d'exposer  et  de  comparer  les  divers  procédés  de  mensu* 
ration  de  la  poitrine,  et  que  ce  n'est  que  d'une  manière  inci* 
dente  qu'il  a  parlé  de  cette  question.  Elle  sera  reprise. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

Leclerc  (M.).  Les  Peuplades  de  Madagascar.  Paris,  1887, 
in-8'*,  68  pages. 

Mac  Farlahd  Davis.  A  few  additional  Notes  concei^inglndian 


CANDIDATURES,  373 

Games  {From  the  BulL  of  tke  Essex  Instàute^  t.  XXVIU). 
Salem,  1887,  broch.  in-8%  23  pages. 

Benedikt  (M.).  ^'•^  Chinesen-Gehirne,  Vienne,  1887,  broch. 
în-8»,  iS  pages. 

Sarlo  (F.  de).  Studi  $ul  darwintsmo.  Naples,  1887,  in-12, 
186  pages. 

—  Isogniy  saggio  psicologico,  Naples,  1887,  broch.  in-8°, 
32  pages. 

Ploix  (C).  L'Atlantide  (In  Revue  d'anthropologie,  1887). 
Broch.  in-8*,  22  pages. 

M.  Ploix  présente  à  la  Société  un  exemplaire  d'un  article 
qu'il  a  récemment  publié  dans  la  Revue  d'anthropologie  sur 
l'Atlantide,  et  dans  lequel  il  croit  avoir  démontré  que  cette 
île  ou  ce  continent  signalé  par  Platon  doit  être  définitivement 
rangé  dans  la  catégorie  des  régions  fabuleuses. 

M.  G.  de  Mortillet  présente,  au  nom  de  notre  collègue  le 
docteur  Muston,  un  fort  beau  volume  :  le  Préhistorique 
dans  le  pays  de  Montbéliard  et  les  contrées  ctrconvoùines.  Mont- 
béliard,  1887,  in-8**.  —  C'est  une  intéressante  monographie 
des  découvertes  faites  dans  la  région.  Il  y  est  surtout  ques- 
tion de  camps  ou  oppidums,  situés  sur  des  points  défendus 
naturellement,  et  ayant  fourni  de  riches  récoltes  néoli- 
thiques ;  et  de  grottes  ayant  servi  d'asile  à  des  populations 
d'âges  fort  divers.  Les  plus  importantes  sont  celles  de  la 
Beaume  et  de  Rochedane.  Cette  dernière,  découverte  par 
l'auteur,  lui  a  donné  des  produits  magdaléniens  associés  à 
des  ossements  de  renne.  Ils  étaient  superposés  à  des  silex 
plus  anciens,  solutréens  et  moustériens  d'après  le  docteur 
Muston.  Au-dessus  reposaient  des  couches  néolithiques,  de 
l'âge  du  bronze  et  même  de  l'époque  romaine.  Non  content 
de  décrire  les  objets,  l'auteur  a  complété  sa  monographie  en 
les  figurant.  L'ouvrage  contient  57  planches. 

CANDIDATURES. 

M.  le  docteur  W.  Dekhtereff,  attaché  au  département  de  la 
médecine,  médecin  de  l'hôpital  clinique  de  Saint-Pétersbourg, 


374  SÉANGB  DU  â  JUIN   1887. 

présenté  par  MM.  Magitoi,  Letourneau  et  Manonvrier,  de- 
mande le  titre  de  membre  titulaire. 

ELECTIONS. 

M.  RBHomuB,  député  de  Seine-et-Oise,  est  élo  membre 
titulaire. 

PRÉSENTATIONS. 
Vae  amulette  Ibretonne  t 

PAR  M.  L.  BONNEMÈRB. 

Les  habitants  de  Locmariaquer  désignent  sous  le  nom  bre- 
ton de  Kistin  Spagn^  châtaigne  d'Espagne,  une  graine  exo- 
tique que  je  crois  être  une  graine  d'acajou.  Quand  ils  veulent 
traduire  son  nom  en  français,  ils  l'appellent  marron  d'Inde» 

Ce  sont  les  matelots,  si  nombreux  dans  le  pays,  qui  leur 
procurent  des  Kistmien  Spagn  au  retour  de  leure  voyages. 
Ces  souvenirs  des  contrées  lointaines  que  Ton  a  visitées  sont 
toujours  très  bien  accueillis  dans  les  familles.  On  se  sert,  en 
effet,  des  châtaignes  d'Espagne  pour  préparer  un  précieux 
médicament.  Pour  cela,  on  le  râpe  avec  soin  et  on  le  fait 
bouillir  dans  du  lait  doux.  L'efficacité  de  ce  remède  est, 
dit-on,  merveilleuse  dans  nombre  d'affections  intestinales. 
Est-ce  la  foi  qui  sauve,  ou  bien  la  graine  qui  nous  occupe 
a-t-elle  quelques  propriétés  particulières  et  ignorées  des 
habitants  des  villes  ?  C'est  ce  que  je  ne  saurais  dire. 

Quelques  paysannes  emploient  encore  autrement  les  Kis- 
tinien  Spagn.  Elles  percent  leur  éoorce  et  les  suspendent 
avec  leurs  clefs  ou  leurs  ciseaux,  en  gnise  d'amulettes  et 
dans  nn  but  que  je  n'ai  pas  pu  clairement  déterminer. 

Puisque  j'ai  été  amené  à  parler  d'une  graine  que  l'on 
appelle  improprement  marron  d'Inde^  je  veux  profiter  de 
l'occasion  pour  dire  deux  mots  d'une  croyance  qui  s'attache 
à  ce  fruit  et  qui,  à  Paris  môme,  est  partagée  par  beaucoup 
de  personnes.  On  s'imagine  qu'on  n'a  qu'à  porter,  dans  une 
poobe  de  pantalon,  trois  ou  encore  cinq  marrons  d'Inde, 


DARESTE.  —  LES  VBAUX  A  TÊTE  DE  BOULEDOGUE.    376 

pour  n'avoir  rien  à  craindro  de  la  gonite»  C'est  là^  on  en 
conTiendra,  un  remède  faeile  à  suivre,  même  ea  voyage. 

Discussion. 

H.  Letourneau  a  rencontré  à  Paris  la  même  croyance  dans 
la  propriété  prophylactique  du  marron  d'Inde  porté  dans  la 
poche  du  pantalon. 

H.  PoMMBEOL  a  rencontré  la  même  coutume  en  Auvergne. 
Elle  doit  tirer  son  origine  de  quelque  coutume  très  ancienne. 

M.  DésmÉ  Chaiiat  a  constaté  l'existence  d'une  superstition 
semblable  en  Amérique.  Il  a  vu  à  New-York  un  individu  qui 
louait  des  graines  usitées  comme  préservatif  contre  les  dou* 
leurs  et  les  rhumatismes.  Le  prix  montait  jusqu'à  185  francs 
et  les  amateurs  étaient  nombreux. 

COMMUNICATIONS. 
JUes  veuMX  à  tète  4e  beiiledogiie  i 

PAR  V.    PARESTB. 

J'ai  présenté  à  la  Société»  dans  la  séance  du  8  février,  un 
veau  femelle,  né,  au  Jardin  d'acclimatation,  d'un  taureau  et 
d*une  vache  fiato  provenant  du  Ghi|i.  Cet  animal  m'avait 
été  adressé  par  M.  Saint-Yves  Ménard,  sous*directeur  du 
Jardin  d'acclimatation.  Il  avait  vécu  un  mois,  puis  il  était 
mort  de  vertiges,  presque  subitement. 

Ce  veau  a  été  disséqué  sous  mes  yeux  par  M.  le  docteur 
Vauthler  et  M.Qache.  L'examen  anatomique  ne  nous  a  mon- 
tré aucun  vice  de  conformation  incompatible  avec  la  vie  et 
avec  l'exercice  des  fonctious  génératrices.  Rien  n'indiquait 
qu'il  ne  fftt  pas  capable  de  reproduire,  s'il  avait  atteint  l'âge 
adulte.  Il  ne  présentait  d'autres  anomalies  que  celles  qui 
caractérisent  les  bœufs  fiâtes  de  l'Amérique  du  Sud. 

Je  mets  sous  les  yeux  de  la  Société  deux  photographies  de 
la  tète  de  Tanimal,  vue  de  face  et  de  profil,  ainsi  que  la 
tète  osseuse.  On  peut  voir  sur  les  photographies  les  carao. 
tëres  extérieurs  de  la  race  des  bœufs  fiatos  :  c'est-à-dire  ie 


376  SÉANCE  DU  2  JUIN  1887. 

raccourcissement  considérable  de  la  face  et  Tinégalité  des 
mâchoires,  la  mâchoire  inférieure  débordant  en  avant  la 
mâchoire  supérieure. 

Quant  à  la  tête  osseuse,  elle  reproduit  très  exactement  les 
caractères  d'une  tête  osseuse  rapportée  par  Tillustre  Darwin 
de  son  voyage  autour  du  monde,  et  conservée  au  Collège  des 
chirurgiens.  Je  mets  sous  les  yeux  de  mes  confrères  la  copie 
d'une  figure  que  H.  Rutimeyer  a  donnée  de  cette  tête,  dans 
un  mémoire  sur  les  races  de  bœufs. 

Voici,  du  reste,  la  description  de  cette  tête  osseuse,  qui  a 
été  donnée  par  R.  Owen  dans  le  catalogue  descriptif  de  la 
collection  ostéologique  du  Collège  des  chirurgiens  :  «  Ce 
crâne  est  remarquable  par  l'arrêt  de  développement  des  na- 
saux, des  préraaxillaires  et  de  la  partie  antérieure  de  la 
mâchoire  inférieure  qui  est,  d'une  manière  anormale,  re- 
courbée en  haut,  pour  venir  se  mettre  en  contact  avec  les 
prémaxillaires.  Les  os  nasaux  n'ont  qu'un  tiers  de  leur  lon- 
gueur ordinaire,  mais  ils  conservent  presque  entièrement 
leur  largeur  normale.  L'espace  vide  triangulaire  reste  entre 
eux,  le  frontal  et  le  lacrymal  ;  ce  dernier  os  s'articule  avec  le 
prémaxillaire,  et  il  exclut  ainsi  le  maxillaire  de  toute  jonc- 
tion avec  le  nasal.  Les  cornes  sont  développées  sur  le  fron- 
tal, dans  l'endroit  où  il  forme  les  angles  extérieurs  de  la 
crête  sus-occipitale.  La  dentition  de  Tâge  adulte  était  pro- 
duite sur  cet  exemplaire.  » 

On  peut  retrouver  ces  caractères  très  exactement  repro- 
duits sur  la  tête  osseuse  du  veau  îlato  du  Jardin  d'acclima- 
tation, si  Ton  fait  d'ailleurs  abstraction  des  caractères  qui 
dépendent  de  la  différence  d'âge.  On  voit  très  bien  l'espace 
vide  triangulaire  entre  le  frontal,  le  nasal  et  le  lacrymal  ; 
on  voit  également  le  lacrymal  s'articulant  avec  le  prémaxil- 
laire et  excluant  ainsi  le  maxillaire  de  toute  jonction  avec  le 
nasal. 

Il  y  a  donc  un  ensemble  de  caractères  communs  entre  ces 
deux  tôtes,  caractères  qui  se  reproduisent  par  voie  de  géné- 
ration. Il  serait,  par  suite,  tout  naturel  d'admettre  Texistence 


DARBSTE.  —  LES  VEAUX  A  TÊTE  DE  BOULEDOGUE.    377 

des  bœufs  fiâtes  comme  race  dans  l'Amérique  du  Sud,  quand 
bien  même  Texistence  de  cette  race  ne  serait  pas  attestée 
par  des  hommes  comme  Azara,  Lacordaire  et  Darwin,  qui 
étaient  tous  des  naturalistes  éminents,  et  qui  ont  observé 
ces  animaux  dans  leur  pays  natal. 

Maintenant  il  faut  ajouter  que  cette  race  tend  à  dispa- 
raître. L'explication  de  ce  fait  est  bien  simple.  Ces  animaux 
sont  mal  conformés  pour  la  boucherie.  Or,  pendant  long- 
temps, les  immenses  troupeaux  de  bœufs  de  TAmérique  du 
Sud  n'étaient  guère  utilisés  que  pour  le  cuir.  Ils  vivaient 
dans  un  état  à  moitié  sauvage,  et  leur  reproduction  était 
abandonnée  à  la  nature.  Depuis  que  Ton  a  commencé  à  uti- 
liser ces  animaux  pour  la  production  de  la  viande,  on  cherche 
partout  à  détruire  les  veaux  fiatos  aussitôt  qu'ils  sq  présen- 
tent, et  on  peut  penser  que,  dans  une  époque  assez  pro- 
chaine, ils  auront  complètement  disparu. 

Nous  n'avons  aucun  renseignement  sur  l'origine  de  cette 
race.  Tout  ce  que  nous  savons,  c'est  que  le  bétail  de  l'Amé- 
rique du  Sud  provient  de  bêtes  portugaises  introduites  au 
Brésil  au  seizième  siècle,  et  qui  se  sont  répandues  de  proche 
en  proche  dans  les  plaines  de  ce  continent.  Comme  il  n'y  a 
aucune  race  de  bœufs  îiatos  en  Europe,  il  est  très  évident 
que  ces  animaux  se  sont  formés  sur  place,  à  une  époque 
indéterminée  ;  mais  comment  cela  s'est-il  fait? 

Or,  nous  pouvons  suppléer  à  ce  silence  de  l'histoire  par  la 
constatation  de  faits  qui  se  produisent  dans  le  bétail  euro- 
péen. Déjà,  en  4863,  Nathusius  avait  signalé  l'apparition, 
dans  notre  bétail  européen,  de  veaux  présentant  les  carac- 
tères de  la  rdce  américaine.  Mais  il  s'était  contenté  de  cette 
simple  indication.  Il  y  a  vingt  ans,  lorsque  j'étais  professeur 
à  la  Faculté  des  sciences  de  Lille,  je  reçus  un  veau  à  tête 
de  bouledogue,  qui  m'était  adressé  pour  le  Musée  de  Lille 
dont  la  direction  dépendait  de  la  chaire  d'histoire  naturelle 
que  j'occupais  alors.  L'étude  ostéologique  que  je  fis  de  cet 
animal  me  permit  de  constater  les  principaux  caractères  de 
la  race  américaine.  Je  crus  donc  devoir  émettre  l'idée  que 


378  SÉANCE  DU  2  JUIN  1887. 

les  fiatos  amérioaiDS  proviendraient  d'animaux  apparus  subl- 
iemeni  dans  des  races  préexistantes ,  et  qui  auraient  transmis 
leurs  caractères  à  leur  postérité.  Cette  idée,  dans  laquelle  je 
persiste,  ne  s'applique  pas  seulement  h  la  race  bovine  qui 
fait  l'objet  de  ce  travail;  j'ai  la  conviction  qu'elle  expliquera 
quelque  jour  la  formation  d'un  très  grand  nombre  de  races 
dans  les  espèces  domestiques. 

Pour  le  moment,  je  me  borne  à  l'étude  des  bœufs  fiatos. 
Or^  depfuis  l'époque  déjà  ancienne  où  j'ai  donné  la  première 
description  détaillée  d'un  veau  à  tète  de  bouledogue  né  en 
France  d'animaux  d'ailleurs  bien  conformés,  j'ai  eu  connais- 
sance d'un  assez  grand  nombre  de  faits  de  cette  nature  ;  et 
j'ai  pu,  par  conséquent,  compléter,  sur  bien  des  points,  mon 
premier  travail.  Je  viens  faire  connaître  à  la  Société  les  ré- 
sultats de  mes  nouvelles  études. 

Le  fait  le  plus  important  qui  en  découle,  c'est  que  les 
veaux  à  tâte  de  bouledogue  qui  naissent  dans  nos  races  bo- 
vines présentent,  bien  qu'avec  une  mâme  forme  de  tôte,  des 
caractères  assez  différents  les  uns  des  autres.  U  y  a  là  des 
variations  anatomiques  beaucoup  plus  considérables  qu'on 
ne  serait  tenté  de  le  croire  au  premier  abord.  Aussi,  dans 
tous  les  faits  que  j'ai  pu  recueillir,  Je  n'ai  trouvé  aucun  cas 
qui  reproduisit  exactement  le  type  américain  des  iiatos;  mais 
un  certain  nombre  de  types,  qui,  bien  que  lui  ressemblant 
beaucoup,  s*en  écartent  cependant  par  certains  détails.  Je 
vais  faire  connaître  à  la  Société  deux  cas,  que  j'ai  pu  observer 
moi-même. 

Le  premier  est  un  veau  femelle,  envoyé  à  Alfort  par  M.  Fa* 
vereau,  médecin  vétérinaire  à  Neufchàtel-en-Bray.  Cet  ani- 
mal, qui  avait  huit  jours,  avait  voyagé,  le  20  mars  dernier, 
par  une  température  très  froide.  11  mourut  quelques  heures 
après  son  arrivée,  très  probablement  par  suite  du  froid  dont 
il  avait  souffert  pendant  son  trajet  en  chemin  de  fer.  C'est 
l'opinion  de  notre  collègue  M.  Barrier,  qui  l'avait  reçu  à 
Alfort  et  qui  me  l'a  gracieusement  envoyé. 

L'animal,  dont  vous  avez  ici  la  photographie,  présentait 


DARE8TE.  —  LEB  VEAUX  A  TÊTE  DE  BOULEDOGUE.    379 

extérienremetit  les  caractères  céphaliques  des  ftatos,  seule- 
ment plus  accentués.  La  mâchoire  supérieure  est  encore 
plus  courte.  Les  oreilles  sont  très  courtes  et  se  terminent  par 
un  bord  tronqué.  La  queue  est  rudimentaire.  Les  viscères  ne 
m'ont  présenté  aucune  anomalie.  Le  squelette,  que  J*ai  fait 
monter  et  que  j*ai  mis  sous  vos  yeux,  présentait  un  certain 
nombre  de  particularités  que  je  vais  indiquer  brièvement. 
Le  raccourcissement  de  la  tête  a  modifié  d'une  manière  plus 
intense,  si  Ton  peut  parler  ainsi,  les  connexions  des  os.  Les 
nasaux,  qui  sont  encore  plus  courts  que  chez  les  fiatos  amé- 
ricains, sont  complètement  séparés,  par  les  lacrymaux,  non 
seulement  des  maxillaires,  mais  encore  des  prémaxillaires. 
Il  en  résulte  une  conformation  tout  à  fait  insolite  du  con- 
tour des  fosses  nasales,  qui  est  constitué  par  les  nasaux, 
les  lacrymaux  et  les  prémaxillaires.  Ceux-ci  sont  encore  plus 
courts  et  beaucoup  moins  obliques.  L'espace  triangulaire 
vide  entre  les  frontaux,  les  lacrymaux  et  les  nasaux,  est 
très  petit.  Il  existe  un  os  wormien  asymétrique  entre  les 
frontaux  et  les  nasaux.  Le  reste  du  squelette  présente  plu- 
sieurs vices  de  conformation.  La  onzième  et  la  douzième  ver- 
tèbre dorsale  sont  soudées  par  leurs  arcs  supérieurs  ;  il  en 
est  de  môme  de  la  deuxième  et  de  la  troisième  vertèbre  lom- 
baire. Les  côtes  et  les  apophyses  transverses  qui  s'attachent 
à  ces  vertèbres  sont  elles-mêmes  modifiées.  La  région  coccy- 
gienne  est  réduite  à  trois  pièces.  Mais,  ce  qu'il  y  a  de  plus 
remarquable,  c'est  la  conformation  des  membres.  L'avant- 
bras,  et  surtout  la  jambe,  sont  très  raccourcis.  Les  péronés, 
qui  sont  rudlmentalres  chez  les  ruminants,  à  l'exception  des 
chevrotains,  existent  dans  toute  la  longueur  des  tibias  qui 
'  présentent  un  énorme  développement  en  largeur. 

Le  second  est  Tanimal  que  j'ai  décrit  dans  le  mémoire  que 
j'ai  publié  il  y  a  vingt  ans.  Le  squelette  de  cet  animal  fait 
partie  des  collections  du  Musée  de  Lille.  Mais  je  puis  mettre 
sous  vos  yeux  un  certain  nombre  de  photographies,  qui  vous 
montreront  très  bien  ses  principaux  caractères. 

Lorsque  j'en  fis  la  description,  j'avais  cm  tout  d'abord 


380  SÉAlfCB  DU  2  JUIN  1887. 

qu'il  reproduisait  très  exactement  les  caractères  des  ftatos 
américains  que  je  ne  connaissais  alors  que  par  la  très  brève 
description  de  R.  Owen.  Plus  tard,  ayant  eu  connaissance 
du  dessin  donné  par  Rutimeyer,  dessin  que  j'ai  mis  sous  vos 
yeux,  je  reconnus  facilement  que  ces  animaux  appartenaient 
à  des  types  différents,  quoique  très  semblables. 

Le  veau  du  Musée  de  Lille  rappelle,  à  bien  des  égards, 
celui  de  Neufchâtel  :  à  Textérieur,  par  la  brièveté  des  oreilles, 
par  l'état  rudimentaire  de  la  queue  ;  à  Tinlérieur,  par  la  dis- 
position des  os  de  la  face,  qui  présentent  la  même  relation 
entre  les  nasaux  et  les  lacrymaux  ;  par  la  brièveté  extrême 
de  Tavant-bras  et  surtout  de  la  jambe  ;  par  l'existence  des 
péronés.  Mais  il  en  différait  par  un  caractère  très  remar- 
quable qui  m'avait  échappé  lors  de  la  rédaction  de  mon 
travail.  Dans  la  cavité  buccale,  les  maxillaires  et  les  palatins 
ne  se  réunissaient  pas  sur  la  ligne  médiane,  et  le  milieu  de 
la  voûte  palatine  est  formé  par  le  vomer.  Cet  animal  avait 
vécu  deux  mois,  ce  qui  semble  exclure  Tidée  de  vices  de  con- 
formation des  viscères.  Je  n'avais  pu  les  étudier  moi-même, 
car  j'étais  absent  de  Lille  lorsque  la  pièce  me  fut  adressée, 
et  la  pièce  fut  préparée  avant  rîion  retour. 

M.  le  docteur  Delplanque  a  donné  Tannée  dernière,  dans 
une  thèse  soutenue  devant  la  Faculté  de  médecine  de  Lille, 
la  description  de  plusieurs  veaux  fiatos.  Il  résulte  de  la  com- 
paraison de  ces  descriptions  que  la  forme  extérieure  de  la 
tête,  semblable  chez  tous  ces  animaux,  accompagne  des  or- 
ganisations ostéologiques  assez  différentes.  Malheureusement 
l'imperfection  des  figures  qui  accompagnent  ce  travail  ne 
permet  pas  de  donner  exactement  les  caractères  de  ces  diffé- 
rents types. 

Les  dissections  faites  par  M.  Delplanque,  et  les  observa- 
tions de  M.  Barrier  sur  plusieurs  veaux  à  tête  de  bouledogue 
qu'il  a  observés  vivants,  ont  d'ailleurs  permis  de  constater, 
chez  plusieurs  de  ces  animaux,  des  anomalies  graves  et  fai- 
sant plus  ou  moins  obstacle  à  la  vie  indépendante.  Telles 
sont  le  spina  bifida,  Timperforation  de  Tanus  et  l'embou-. 


DARESTE.  —  LES  TBAUX  A  TÊTE  DE  BOULEDOGUE.    381 

churé  du  rectum  dans  la  vessie  urinaire  ;  telles  sont  aussi 
des  déviations  plus  ou  moins  considérables  des  membres, 
résultant  de  déformations  des  articulations.  Mais  ces  faits, 
qui  coexistent  avec  la  déformation  de  la  tête,  n'y  sont  pas 
nécessairement  associés.  Il  y  a  des  veaux  à  tête  de  boule- 
dogue chez  lesquels  la  tête  seule  est  modifiée,  comme  chez 
les  ûatos  de  T Amérique. 

Cette  coexistence  de  plusieurs  anomalies  sur  un  même 
sujet  est  un  fait  commun  en  tératologie.  Il  a  été  souvent  si- 
gnalé par  Is.  Geoffroy  Saint-Hilaire.  Mais  la  raison  de  ce  fait 
lui  était  restée  inconnue.  Or^  j'ai  constaté  depuis  longtemps, 
dans  mes  expériences  tératogéniques,  que  la  coexistence  de 
plusieurs  anomalies  sur  un  même  sujet  résulte  de  pressions 
exercées  sur  diverses  parties  de  l'embryon  par  Tamnios 
arrêté  dans  son  développement.  Gela  nous  explique  que  cette 
coexistence,  quoique  fréquente,  n'a  rien  de  nécessaire,  puis- 
que  tout  dépend  du  nombre  plus  ou  moins  grand  de  régions 
du  corps  qui  seront  soumises  à  cette  action  mécanique.  Je 
suppose  que  c'est  une  cause  semblable  qui  produit  la  coexis- 
tence des  anomalies  dans  les  veaux  à  tête  de  bouledogue. 
Un  jour  viendra  peut-être  où  cette  hypothèse  sera  vérifiée 
par  les  faits. 

Ainsi  donc^  nous  voyons  qu'il  se  produit  dans  nos  races 
bovines  européennes  des  veaux  plus  ou  moins  semblables 
aux  veaux  Hatos  de  l'Amérique  ;  et  que  ces  veaux,  parfois 
atteints  d'anomalies  incompatibles  avec  Ja  vie,  sont,  dans 
bien  des  cas,  parfaitement  viables  et  capables  de  se  repro- 
duire. 11  y  en  a  actuellement  un  remarquable  exemple  à 
Alfort.  C'est  une  vache  à  tête  de  bouledogue,  provenant 
d'une  race  suisse,  qui  a  vêlé  et  qui  donne  du  lait. 

J'ai  pensé,  pendant  longtemps,  que  l'apparition  sporadique 
des  veaux  à  tête  de  bouledogue  était  relativement  rare. 
Elle  est,  au  contraire,  beaucoup  plus  fréquente  qu'on  ne 
serait  tenté  de  le  croire  au  premier  abord.  M.  Barrier,  dans 
une  note  lue  à  la  Société  de  médecine  vétérinaire,  parle  de 
quinze  de  ces  animaux  observés  par  lui  en  dix  ans.  Mais  il  y 


382  SÉANCB  DU  2  JUIN  48B7. 

a  quelque  chose  de  plus  remarquable  encore.  M.  Pavereau, 
à  qui  je  dois  ranimai  dont  je  vous  ai  présenté  le  squelette,  a 
constaté  la  naissance  de  dix-sept  veaux  à  tète  de  bouledogue 
dans  la  même  localité,  pendant  Tespace  d'une  année  ;  fait 
qui  s'expliquerait  d'ailleurs  par  la  faculté  que  posséderaient 
certains  taureaux  de  produire  fréquemment  des  veaux  3atos« 
De  semblables  renseignements  me  sont  venus  d§  diverses  par- 
ties  de  la  FrancCé 

L'existence  des  veaux  à  tête  de  bouledogue  est  un  fait  très 
intéressant  d'histoire  naturelle,  non  seulement  par  lui-même, 
mais  encore  par  les  lumières  qu'il  peut  répandre  sur  certains 
points  encore  obscurs  de  la  science.  Actuellement  ces  ani^ 
maux  ne  sont  généralement  pas  conservés,  quand  ils  se  pro* 
duisent.  De  plus,  il  y  en  a  un  certain  nombre  chez  lesquels 
la  vie  indépendante  et  l'exercice  des  fonctions  génératrices 
sont  complètement  empêchés  par  des  anomalies  plus  ou 
moins  graves.  Mais  il  y  en  a  qui  ne  présentent  d'autre  défor- 
mation que  celle  de  la  tête,  et  qui  sont  d'ailleurs  parfaite- 
ment conformés.  Il  y  aurait  un  très  grand  intérêt  scienti- 
fique à  conserver  ces  animaux  et  à  les  accoupler  entre  eux. 
On  pourrait  ainsi  préparer  la  solution  d'un  des  plus  grands 
problèmes  scientifiques  de  notre  siècle,  celui  de  la  formation 
des  races.  Dans  le  cas  présent,  il  serait  très  intéressant  de 
tenter  de  refaire  avec  des  éléments  européens  la  race  des 
Aatos  américains,  et  aussi,  peut*être,  des  races  analogues, 
quoique  distinctes. 

Je  ne  puis  que  signaler  ces  expériences  aux  physiologistes. 
Il  est  clair  qu'elles  sont,  pour  diverses  raisons,  très  difOciles 
à  réaliser.  D'abord,  elles  seraient  très  longues,  par  suite  de 
l'âge  de  la  puberté  du  taureau  et  de  la  durée  de  la  gestation 
chez  la  vache.  De  plus,  elles  exigent  de  vastes  emplacements 
et  nécessitent  des  dépenses  considérables  de  tout  genre. 
Aussi  ces  expériences  ne  sont  pas  à  la  portée  des  particu- 
liers. Elles  ne  peuvent  être  entreprises  avec  succès  que  dans 
des  établissements  publics.  Les  écoles  vétérinaires  me  pa- 
raissent remplir  les  meilleures  conditions  pour  leur  réussite. 


F.   POMMKROL.  -—  COULEUR   DK8  GHEVBUX  ET  DES   YEUX.      381] 

Je  ne  puis  que  iignaler  oei  vues  aux  directeurs  de  ces  éta- 
blissements. 

Si  mes  paroles  étaient  écoutées,  ces  expériences  ne  de- 
vraient pas  être  bornées  à  Tespèee  bovine.  Les  déformations 
de  la  tête  qui  caractérisent  les  bœufs  natos  ont  été  signalées 
chez  d'autres  animaux  domestiques.  Il  faudrait  recueillir  et 
soumettre  à  la  reproduction  tous  les  êtres  présentant  des  ca- 
ractères nouveaux  ;  et,  d'une  manière  générale,  tous  ceux 
qui  s'écartent,  d'une  manière  quelconque,  du  type  spéci- 
fique. Quel  que  soit  le  résultat  de  ces  expériences,  elles  per- 
mettraient de  réunir  des  éléments  très  importants  pour 
rétude  des  questions  de  la  race  et  de  l'espèce.  J'ai  pensé  que 
la  Société  d'anthropologie,  qui  se  propose,  avant  tout,  l'étude 
de  ces  questions,  accueillerait  avec  beaucoup  d'intérêt  ce 
plan  d'expériences  qui,  si  elles  venaient  à  se  réaliser,  pour- 
raient préparer  la  solution  du  plus  grand  problème  des 
sciences  biologiques. 

Biseossion. 

M.  TopiNARD  remarque  sur  les  deux  cubitus  du  squelette 
présenté  par  M.  Dareste  une  sorte  de  solution  de  continuité 
qui  ressemble  à  une  suture,  mais  placée  bien  haufpour  être 
la  suture  épiphysaire. 

M.  Sanson.  Non,  c'est  tout  simplement  l'épiphyse  inférieure 
du  cubitus.  Cet  os  ne  présente  rien  d'anormal,  si  ce  n'est  sa 
brièveté. 

De  la  couleur  des  cheveuiL  et  des  yeux  en  lÀmmgne  i 

PAR  M.   LB  DOCTEUR   P.   POMMSROL. 

Notre  collègue,  M*  le  docteur  Topinard,  a  bien  voulu 
m'envoyer  des  feuilles  pour  relever  la  couleur  des  yeux  et 
des  cheveux  dans  la  population  du  Puy-de-Dôme.  J'apporte 
deux  cents  observations  faites  avec  beaucoup  de  soin,  et  je 
suis  heureux  de  pouvoû:  aujourd'hui  vous  en  communiquer 
les  résultats.  Elles  ont  été  prises  dans  la  Limagne,  celte 
grande  plaine  située  entre  les  deux  chaînes  parallèles  du 


384  SÉANCE  DU  2  JUIN  1887. 

Forez  et  des  monts  Dôme.  Le  plus  grand  nombre  provient 
du  village  de  Gerzat  ;  les  autres  des  villages  d'Aulnat,  Saint- 
Beauzin,  Malintrat.  Gerzat  semble  avoir  eu  autrefois  une  cer- 
taine importance.  Les  Romains  s*y  étaient  installés,  et  la 
large  chaussée  dallée  qui  reliait  Augustonemetum  aux  villes 
du  nord  de  la  Gaule,  longeait  le  vicus  de  Gerzat.  Une  voie 
de  communication  allait,  dans  la  direction  de  Test,  rejoindre 
la  chaussée  qui  passait  à  Lezoux  et  Yollore.  Gerzat  est  situé 
près  du  bord  occidental  des  collines  calcaires,  à  égale  dis- 
tance de  Glermontet  de  Rioin.  La  population  est  essentiel- 
lement sédentaire  et  agricole  ;  aucune  cause  connue  ne 
semble  Tavoir  modifiée  de  longtemps.  Il  est  à  croire  que  les 
habitants  représentent  un  mélange  normal  des  divers  élé- 
ments ethniques  qui  ont  successivement  peuplé  la  Limagne. 
Aucun  choix  n'a  été  fait  dans  nos  observations  :  nous  avons 
pris  les  sujets  comme  ils  se  présentaient  à  nos  visites  et  nos 
consultations.  Nous  avons  ainsi  étudié  107  hommes  et 
93  femmes,  dont  l'âge  est  contenu  entre  les  limites  fixées  par 
les  instructions  de  M.  Topinard. 

La  coloration  des  yeux  se  trouve  répartie  de  la  manière 
suivante  : . 

Yeux  foncés 66,  ou  39,5  pour  100 

—  moyens....,,.....,.    60,  ou  30  — 

—  bleus 75,  ou  87,5        — 

En  partageant  également  les  yeux  moyens  entre  les  foncés 
et  les  bleus,  nous  avons  : 

Yeux  foncés ,    95,  ou  47,5  pour  100 

—  clairs ,  105,  ou  52,5        — 

Examinons  maintenant  la  coloration  des  cheveux.  Le  dé- 
pouillement de  nos  feuilles  d'observation  nous  donne  les 
résultats  suivants  : 

Cheveux  foncés,  d'un  noir  absolu....  28,  ou  14  pour  100 

—  foncés,  d'un  brun  ordinaire.  96,  ou  48        — 

—  moyens 64,  ou  27        — 

—  blonds 17,  ou  8,5      — 

**       roux 4,  ou    2       — 


F.   POMMEROL.  —  GOULBUR  DBS  CHEVEUX  ET  DBS  TBUX.      385 

En  réunissant  d'une  part  tous  les  cheveux  foncés,  et 
d'autre  part  tous  les  cheveux  clairs  ;  en  répartissant  ensuite 
également  les  cheveux  moyens  entre  ces  deux  groupes,  nous 
obtenons  : 

Cheveux  foncés 4  51,  ou  75,5  pour  100 

—       clairs 48,  on  24  — 

Nous  avons  voulu  encore,  bien  que  la  demande  n'en  fût 
pas  contenue  dans  les  instructions  et  les  feuilles  de  statistique, 
prendre  les  observations  de  la  barbe  ;  et  pour  cela  nous  avons 
spécialement  choisi  la  moustache,  parce  que  de  toute  la 
barbe  c'est  la  partie  la  plus  variable.  Nous  en  avons  noté  81 
cas  qui  se  décomposent  ainsi  : 

Moustaches  blondes  ou  rousses 51 

—  moyennes 16 

—  brunes 14 

Ce  qui  nous  donne  : 

Moustaches  claires 58,  ou  72  pour  100 

~         brunes. •« 13,  ou  28       — 

Nous  avons  constaté  généralement  que,  la  moustache  étant 
blonde,  le  reste  de  la  barbe  est  parfois  foncé  ou  plus  ou 
moins  châtain  :  la  moustache  est  la  partie  la  moins  colorée 
du  système  pileux.  Nous  avons  vu  souvent,  en  assistant  aux 
conseils  de  revision,  que  le  poil  des  aisselles  et  du  pubis  est 
toujours  plus  foncé  que  celui  de  la  barbe. 

Nous  pouvons  dès  maintenant  nous  faire  une  idée  sur  le 
type  général  des  habitants  de  cette  partie  de  la  Limagne  qui 
avoisine  Gerzat.  Il  y  existe  un  quart  de  cheveux  blonds  et  trois 
quarts  de  cheveux  foncés.  La  moitié  possède  des  yeux  bleus 
et  l'autre  moitié  "des  yeux  foncés.  Un  quart  environ  présente 
la  moustache  brune,  et  les  trois  quarts  la  moustache  blonde. 

Le  type  normal  ou  moyen  de  la  population  nous  donne 
donc  une  race  à  cheveux  foncés,  à  yeux  bleus  et  à  moustache 
blonde.  Nous  constatons  ainsi  que  la  population  de  la  Limagne 
constitue  une  race  formée  par  le  croisement  d'éléments  bruns 
et  d'éléments  blonds.  Dans  ce  mélange,  la  couleur  foncée  de 

T.  X  (3«  sârib),  25 


386  sÉANCJS  DU  2  JUIN  4887. 

la  chevelure  a  été  moins  influenoée  qae  celle  des  yeux  ei  de 
la  moustaehei  par  rélément  blond. 

Le  résultat  qne  nous  venons  de  déduire  de  nos  observations 
s'applique  exactement  à  un  groupe  de  population  que  nous 
avons  observé  entre  VoUore  et  Noirétable^  dans  les  montagnes 
du  Forez.  Presque  tous  les  habitants  que  nous  avons  exa- 
minés un  jour  d*excursion,  nous  ont  montré  un  type  à  che- 
•  veux  bruns,  à  yeux  bleus  et  à  moustache  blonde.  Ils  consti- 
tuaient presque  des  métis  parfaits  des  deux  grandes  races, 
brune  et  blonde. 

IHteoffion. 

M.  ToPiNAHD.  La  communication  du  docteur  Pommerol  ne 
saurait  que  mlntéresser  considérablement^  mais  elle  ne  porte 
que  sur  une  localité  déterminée  du  Puy-de-Dôme  sur  laquelle 
je  compte  avoir  d'autres  renseignements  encore,  et  je  pense 
plus  sage  d'attendre,  pour  me  former  une  opinion^  que  tous 
ces  renseignements  me  soient  revenus  et  soient  réunis.  Je 
pense  bien  avoir  en  ce  moment  une  vingtaine  d'observateurs 
opérant  dans  le  département  du  Puy-de-Dôme,  sans  parler 
des  additions  qui  devront  y  être  faites,  prises  dans  des  feuilles 
regardant  d'autres  départements,  sans  parler  des  feuilles 
concernant  Tarmée. 

En  effet,  depuis  que  je  suis  venu  demander  leur  concours 
aux  membres  de  la  Société,  mon  opération  s'est  développée 
et  je  me  crois  en  mesure  d'affirmer  qu'elle  atteindra  les  pro- 
portions espérées.  J'eslime  que  j'ai  en  ce  moment  environ 
J600  personnes  relevant  la  couleur  des  cheveux  et  des 
yeux  dans  toute  l'étendue  de  la  France.  J'ai  des  corres- 
pondants dans  la  plupart  de  nos  grandes  usines,  dans  les 
mines,  les  fabriques  de  l'État,  dans  les  hôpitaux  ordinaires 
et  d'aliénés.  Un  avis  a  été  envoyé  par  le  ministre  de  la  guerre 
à  tous  les  chirurgiens-majors  des  vingt  corps  d'armée,  les  invi- 
tant à  se  rendre  à  ma  demande  et  à  remplir  mes  feuilles'. 

1  Depuis,  un  avis  semblable  a  élé  envoyé  par  le  ministre  de  la  marine 
à  tous  ifls  chirurgieni  des  étAbUtsements  lotts  ses  ordres. 


DISCUSSION  SUR  LA  COULEUR  DES  CHEVEUX  ET  DES  YEUX.  387 

Un  nombre  très  grand  de  médecins  de  campagne  sont  à  Tœayre 
aussi  sur  leurs  clients.  Il  n*est  pas  de  classes,  de  sociétés,  de 
professions  où  je  n*aie  rencontré  le  meilleur  accueil. 

Je  me  réserve  donc  sur  le  Puy-de»Dôme.  Toutefois  je  puis 
me  permettre  quelques  remarques,  en  ne  faisant  usage  que 
de  renseignements  antérieurs. 

Déjà  Tun  de  nos  collègues,  le  professeur  Roujou  (de  Cler- 
mont)  nous  a  indiqué  la  présence  d*yeux  bleus  en  notable  quan- 
tité dans  les  environs  de  Clermont,  à  Tépoque  du  congrès  de 
TAssociation  française  ;  il  a  même  eu  la  bonté  de  nous  trans- 
porter, avec  M.  Gollineau,  dans  certains  villages  des  flancs 
de  la  vallée  qui  Tavaient  particulièrement  frappé  sous  ce 
rapport. 

Il  existe  d'ailleurs  une  statistique,  par  M.  Beddoe,  sur  la 
couleur  des  yeux  et  des  cheveux  en  France,  portant  sur 
quelque  iOOOO  à  12000  cas,  empruntés  aux  localités  les  plus 
diverses  du  nord«ouest,  de  Touest,  du  centre  et  du  midi. 
M.  Beddoe  a  opéré  lui-même,  il  a  bien  relevé  quelque  80000 
cas  Qàet  là  en  Europe.  J*ai  constitué  une  carte  pour  la  France 
avec  ce  qui  concerne  notre  pays  dans  ses  documents.  Eh  bien, 
dans  le  Puy-de-Dôme,  où  il  a  six  ou  sept  séries,  il  a  trouvé  des 
différences  très  grandes  suivant  leslieux,  des  moyennes  autres 
sur  les  plateaux  et  dans  la  vallée,  par  exemple  à  la  base  et  au 
sommet  des  montagnes.  Certaines  de  ses  moyennes  concor' 
dent  avec  les  résultats  de  M.  Pommerol,  d'autres  sont  contra- 
dictoires. En  moyenne^  elles  donnent  une  coloration  plus 
foncée  aux  Auvergnats  que  je  ne  m'y  attendais. 

Moi-même  j'ai  une  certaine  expérience  sur  les  habitants 
du  Puy-de*D6me.  J'y  ai  été  plusieurs  fois.  Une  fois  entre 
autres,  je  m'y  suis  transporté  expressément  pour  observer  le 
type  auvergnat  dans  les  localités  qui,  d'après  les  lois  générales 
de  l'anthropologie,  avaient  chance  de  le  présenter  plus 
pur.  J'avais  été  averti  que  tout  le  versant  océanique  de  TAu- 
▼ergne  était  dans  de  mauvaises  conditions,  parce  qu'il  a  été 
envahi  par  des  blonds,  peut-être  par  des  Anglais  a'irradiant 
de  la  Guyenne.  Je  me  suis  donc  attaché  au  versant  oriental 


388  SÉANCE  DU  2  JUIN  1887. 

dont  les  eaux  remontent  vers  la  Loire.  Or,  rhomogénéité 
du  type  n*a  pas  été  ce  que  je  mUmaginais;  dans  le  Cantal, 
à  Murât,  à  Saint-Flour,  le  vrai  type  auvergnat  classique  bien 
caractérisé  était  rare.  Toutefois  la  coloration  moyenne  des 
yeux  et  des  cheveux  était  bien  ce  que  je  m'attendais  à  ren- 
contrer, quoique  les  yeux  bleus  ne  fussent  pas  rares.  Je  me 
souviens  du  cas  suivant: 

J'examinais  les  sujets  au  marché,  à  la  sortie  de  Téglise, 
dans  les  gares^  à  la  danse,  et  je  finissais,  bien  entendu^  par 
attirer  l'attention,  d'autant  plus  que  je  ne  ménageais  pas  mes 
demandes  de  renseignements.  Eh  bien^  une  fois,  à  la  table 
d'hôte  de  Murât,  un  monsieur  vint  me  dire  :  «  Ma  famille  est 
auvergnate  de  père  en  fils  et  se  perd  en  ce  pays  dans  la  nuit 
des  temps,  on  ne  s'y  marie  qu'autour  de  soi,  je  suis  d^auprès 
de  Mauriac,  regardez-moi.  »  Il  était  grand,  aux  formes 
sveltes,  étroites,  son  visage  était  anguleux,  long,  en  lame  de 
couteau,  comme  on  dit^  sa  complexion  était  fraîche,  fleurie, 
ses  cheveux  étaient  clairs  sans  être,  il  est  vrai,  décidément 
blonds,  ses  yeux  étaient  bleu-faïence  ;  c'était  un  type  d'Anglo- 
Saxon. 

L'Auvergne  est  donc,  comme  c'est  la  règle  partout  en 
France  aussi  bien  qu'en  Savoie  ou  Haute-Savoie,  oîi  je  me 
suis  transporté  directement  ensuite  pour  comparer  le  type 
savoyard  avec  le  type  auvergnat,  une  mosaïque  au  point 
de  vue  du  type  comme  en  particulier  de  la  couleur.  Telle  loca- 
lité est  d'une  façon,  telle  d'une  autre.  On  ne  peut  tirer  de 
conclusions  un  peu  générales  qu'en  cherchant  les  prédomi- 
nances reposant  sur  des  nombres  suffisants. 

M.  le  docteur  Pommerol.  M.  Topinard  me  reproche  d'avoir 
fait  une  généralisation  trop  hâtive  ;  il  croit  qu'il  faut  des  do- 
cuments plus  nombreux  pour  arriver  à  obtenir  des  résultats 
généraux.  Je  suis  absolument  de  son  avis;  mais  je  pensais 
avoir  dit  que  mes  conclusions  ne  s'appliquaient  qu*à  la  petite 
région  de  la  Limagne  que  j'ai  signalée,  et  non  à  la  Limagne 
entière,  encore  moins  au  département  du  Puy-de-Dôme. 

M.  Letourneau  pense,  d'après  ses  propres  observations, 


DISCUSSION  SUR  LA   COULEUR  DES  CHEVEUX  ET   DES  YEUX.     389 

que  rassociation  des  yeux  clairs  et  des  cheveux  foncés  est 
commune  en  Bretagne  et  spécialement  dans  Tarrondissement 
de  Rennes.  Le  même  fait  se  constate  aussi  en  Irlande  et  dans 
le  pays  de  Galles.  Il  semble  donc  que  ce  soit  un  caractère 
des  races  celtiques. 

M.  le  docteur  Pommbrol.  M.  Letourneau  nous  parle  de 
Texistenoe  en  Bretagne  de  nombreux  exemples  d'yeux  bleus. 
Il  me  permettra  de  lui  rappeler  qu'Henri  Martin  {Etudes 
d'archéologie  celtique ;'9BTh^  1872,  p.  498)  avait  déjà  signalé 
ce  caractère  important.  Les  Bretons,  disait-il,  constituent 
une  race  à  cheveux  généralement  foncés  et  à  yeux  bleus.  Vous 
savez  que  Broca,  par  Tétude  des  crânes  de  Saint-Nectaire,  a 
démontré  que  là  tête  auvergnate  et  la  tête  bretonne  ont  une 
grande  ressemblance  de  conformation.  Les  faits  que  j'apporte 
aujourd'hui  sont  une  nouvelle  preuve  de  parenté  ethnique 
entre  la  Bretagne  et  T Auvergne. 

M.  Bonnemère  dit  qu'en  Bretagne  il  paraît  exister  une  race 
blonde  mélangée  à  une  race  brune  beaucoup  mieux  douée, 
mais  que  la  couleur  blonde  est  cependant  en  faveur,  tandis 
qu'une  sorte  de  discrédit  s'attache  à  la  couleur  noire  des 
cheveux. 

M.  TopiNARD.  J'ai  un  assez  grand  nombre  de  travailleurs  en 
Bretagne  aussi,  particulièrement  dans  les  régions  les  plus  inté- 
ressantes au  point  de  vue  de  la  couleur,  telles  que  Saint-Pol 
de  Léon  pour  les  blonds,  le  centre  de  la  péninsule  pour  les 
bruns,  Pont-I'Abbé  où  M.  Paul  de  Chatelier  s'est  obligeam- 
ment mis  à  ma  disposition,  la  pointe  du  Raz  et  Tîle  de  Sein, 
Quimper,  Belle-Isle,  etc.;  Rennes  et  Saint-Brieuc  ne  sont  pas 
négligés.  Du  reste,  dès  à  présent,  je  puis  dire  quelques  mots 
sur  la  répartition  de  la  couleur  en  Bretagne,  sans  avoir  re- 
cours aux  documents  qui  commencent  à  s'accumuler  chez 
moi.  Cette  répartition  nous  est  connue  en  partie  par  l'histoire 
qui  nous  montre  les  endroits  où  les  blonds  de  Bretagne  (An- 
gleterre) chassés  par  les  Danois  ont  débarqué  au  quatrième 
siècle  après  Jésus-Christ,  en  partie  par  quelques  statistiques 
du  docteur  Beddoe.  Puis  j'ai  souvent  voyagé  dans  ce  pays, 


890  9ÉANCB  DU  2  JUIN' 1887. 

choisissant  les  parties  les  plus  sauvages  ou  les  plus  caracté- 
ristiques comme  anthropologie.  Le  maximum  des  blonds  se 
rencontre  sur  toute  la  côte  d'une  manière  générale,  mais 
spécialement  dans  la  région  de  RoscofT  et  de  Saint-Pol  de 
Léon.  Ils  diminuent  un  peu  en  se  portant  de  ces  endroits 
vers  Test  pour  redevenir  fréquents  en  se  rapprochant  de  la 
Manche.  En  contournant  Textrémité  de  la  péninsule  armo- 
ricaine^ ils  sont  communs  encore  et  diminuent  sur  la  côte  sud 
pour  augmenter  vers  Vannes.  Quant  aux  bruns,  c'est  dans  le 
centre,  puis  vers  le  sud  qu'ils  sont  plus  communs.  Nous  ver- 
rons ce  que  nos  statistiques  diront. 

M.  PoMMEROL  répond  à  H.  Topinardque  si  ses  observations 
ne  conduisent  encore  à  aucune  conclusion  relative  à  l'en- 
semble de  la  population  française,  leur  valeur  est  indépen- 
dante des  observations  qui  pourront  être  faites  ailleurs,  puis- 
qu'il a  opéré  dans  une  région  bien  déterminée. 

M.  Fauveub.  Je  ne  sais  quel  but  se  propose  M.  Topinard 
en  mettant  en  mouvement,  paraît-il,  des  centaines  de  tra- 
vailleurs, lui  simple  particulier  sans  mandat.  Je  ne  comprends 
pas  non  plus  quelle  conséquence  il  pourra  tirer  de  la  constata- 
tion isolée  de  la  couleur  des  cheveux,  des  yeux  et  de  la  barbe 
de  tous  les  Français.  Il  prétend  que  la  teinte  claire  des  yeux 
qui,  dans  la  Limagne,  prédomine  chez  les  sujets  à  cheveux 
foncés,  prouve  que  les  Anglo-Saxons  sont  venus  mêler  leur 
sang  à  celui  des  anciens  habitants  du  pays.  Mais,  s'il  en  était 
ainsi,  son  enquête  nous  révélerait  des  faits  inconnus  qui 
viendraient  bouleverser  les  données  historiques  les  mieux  éta- 
blies. Heureusement  je  ne  la  crois  pas  à  ce  point  dange- 
reuse. 

Je  ferai  remarquer  en  outre  que,  d  une  manière  générale, 
la  couleur  des  yeux  et  de  la  barbe  est  plus  claire  que  celle 
des  cheveux  et  que,  bien  que  tout  le  système  pigmentaire  se 
fonce  simultanément  avecTâge,  les  différences  de  ton  entre 
riris  et  les  cheveux  tendent  à  s'effacer  chez  Tadulte.  Tel 
enfant  que  j'ai  vu  dans  sa  première  année  avec  des  cheveux 
noirs  et  des  yeux  bleus,  avait  les  yeux  noirs  de  vingt  à  vingt- 


DISCUSSION  SUR  LA  COULEUR  DBS  GHBTSUX  ET  DES  TEUX.  891 

cinq  ans.  Cette  trace  de  oroisemeat  avait  dooo  disparu  chez 
l'aduite. 

M.  TopiNARD,  Il  m'est  fort  agréable  d'entendre  la  derniëra 
observation  que  vient  de  faire  M»  Fauvelle,  car  elle  exprime 
ce  que  je  ne  cesse  de  répéter.  Les  enfants  sont,  en  règle  gé* 
oérale,  plus  clairs  de  cheveux  et  d'yeux  que  les  adultes  ; 
le  développement  du  pigment  est  progressif  et  n'atteint  sa 
période  d'état  que  chez  l'adulte.  Je  récuse  donc  les  enfants 
dans  mes  relevés  et  même  les  vieillards,  je  prescris  des 
limites  d'âges  et  c'est  en  cela  que  mes  statistiques  se  dis- 
tinguent de  celles  de  l'Allemagne.  Les  statistiques  allemandes 
ne  portent  que  sur  les  enfants  ;  personne,  du  reste,  ne  se 
dissimule  qu'elles  ne  donnent  pas  l'absolu  et  M.  Virchow  le 
reconnaît  tout  le  premier  ;  il  fixe  à  44  pour  100  le  nombre 
des  sujets  qui  à  un  certain  âge  sont  blonds,  je  suppose,  et 
passent  au  brun  chez  l'adulte. 

Le  jour  où  nous  voudrons  avoir  des  statistiques  sur  la  cou- 
leur des  enfantSi  rien  ne  sera  plus  facile»  je  sais  que  je  n'aurai 
qu'à  parler,  mais  elles  seront  mauvaises.  Avant  d'y  songer,  il 
nous  faut  des  statistiques  sur  l'adulte,  la  difficulté  est  plus 
grande,  j'aurai  moins  de  nombres,  mais  ils  seront  bons.  En 
toutes  choses  il  faut  commencer  par  le  difficile,  le  facile  vient 
de  soi  après. 

M  •  Fauvelle  dit  que  cette  statistique  ne  conduira  à  rien,  parce 
qu'elle  ne  porte  que  sur  un  caractère  et  qu'on  ne  détermine 
pas  une  race  avec  un  seul  caractère*  Je  pourrais  lui  répondre 
que  lorsque  ce  caractère  est  de  premier  ordre,  il  acquiert 
une  valeur  immense  et  suffit  souvent,  mais  j'accepte  sa  pro- 
position. Aussi  je  présente  ma  carte  comme  la  suite  de  celle 
de  la  taille  de  Broca,  et  je  compte  qu'après  elle  en  viendront 
d'autres  sur  l'indice  céphalique,  l'indice  nasal,  peut«6tre 
même  l'indice  facial.  Si,  armés  de  toutes  ces  répartitions  de 
caractères  et  voyant  où  elles  se  confirment  ou  se  neutralisent, 
nous  n'arri^Kons  pas  à  établir  la  répartition  de  nos  races,  alors 
jamais  nous  n'aboutirons,  et  autant  déclarer  que  l'anthropo- 
logie est  impuissante. 


391  SÉANCE  DU  2  JUIN  4887. 

n  me  demande  le  bat  qne  je  poursuis  ;  il  est  bien  simple 
accumuler  des  éléments  d'informations,  ne  pas  préjuger  de 
ce  qu'ils  apprendront,  coordonner  ces  éléments  et  laisser  à 
chacun  le  soin  de  les  discuter  et  d*en  tirer  les  déductions 
qu'il  y  trouvera. 

Je  commencerai  par  faire  la  carte  de  la  couleur  des 
yeux,  'puis  celle  des  cheveux,  puis  celle  des  deux  associés, 
suivant  une  méthode  sur  laquelle  je  suis  fixé  et  que  je  n'ai 
pas  à  exposer  en  ce  moment.  Je  le  ferai  par  départe- 
ments, comme  Broca  a  fait  pour  la  taille,  et,  ensuite,  mes 
matériaux  étant  tout  prêts,  par  arrondissements.  Plus  tard,  ne 
me  dissimulant  pas  que  nos  circonscriptions  administratives  ne 
sont  pas  des  circonscriptions  anthropologiques,  je  prendrai  les 
départements  les  plus  importants,  tous  si  je  puis  y  suffire, 
et  je  verrai  si  les  distributions  partielles  s'accordent  avec  ce 
qui  a  une  véritable  influence  sur  la  séparation  des  races, 
savoir  :  la  division  en  grandes  voies  de  communication  par  où 
passent  les  armées  conquérantes  et  en  territoires  hors  de  ces 
voies  où  se  réfugient  les  populations  vaincues  ;  la  division  en 
plaines  et  montagnes,  plateaux  et  hautes  vallées^  terrains 
boisés  ou  marécageux,  terres  favorables  dont  s'empare  le 
vainqueur  et  terres  ingrates  laissées  au  vaincu.  Ainsi,  dans  le 
département  de  l'Ain,  les  conditions  anthropologiques  sont 
tout  autres  dans  les  plaines  sèches  ou  marécageuses  de  la 
Bresse  et  dans  les  montagnes  du  Bugey.  Non  seulement  se 
dresse  dans  cette  répartition  la  question  de  races,  mais  aussi 
celle  de  milieux,  d'adaptation,  de  sélection.  Lorsqu'on  aura 
quelques  premiers  aperçus  généraux  sur  les  grandes  répar- 
titions, le  travail  de  détail  sera  bien  facilité  et  des  questions 
qui  nous  paraissent  aujourd'hui  insolubles  se  résoudront 
d'elles-mêmes. 

M.  Manouvrier.  Les  recherches  de  M.  Pommerol  tirent 
un  intérêt  particulier  de  ce  fait  même  qu'elles  ont  été  opérées 
dans  une  région  peu  étendue  et  bien  circonscrite.  D'après  les 
observations,  peu  précises  à  la  vérité,  que  j'ai  pu  faire  dans 
la  Creuse  et  la  Haute*Vienne,  je  crois  que  Ton  trouvera  dans 


DISCUSSION  SUR  LA  COULEUR  DES  CHEVEUX  ET   DES  TEUX.     393 

ces  départements  des  faits  analogues  à  ceux  qu*a  découverts 
M.  Pommerol  dans  le  Puy-de-Dôme. 

Mais  je  crois  que,  dans  les  statistiques  de  ce  genre,  il  faut 
non  seulement  séparer  les  enfants  des  adultes,  mais  encore 
tenir  compte  de  Tâge  de  ces  derniers.  Chez  beaucoup  d'indi* 
vidus,  en  effet,  qui  avaient  les  cheveux  et  la  barbe  très  bruns 
à  Tâge  de  vingt-cinq  ans,  la  couleur  devient  beaucoup  plus 
claire  entre  trente  et  quarante  ans.  La  barbe  surtout,  et  la 
moustache  en  particulier,  est  sujette  aux  changements  de 
couleur  sous  l'influence  de  Tâge  et,  je  crois  aussi,  de  certaines 
maladies  telles  que  le  rhumatisme,  la  goutte,  la  tuberculose. 
Il  m*a  semblé  que,  dans  ces  maladies  si  communes,  la  barbe 
tend  à  devenir  plus  ou  moins  rousse  et  que,  très  commu- 
nément, les  barbes  primitivement  noires  ne  deviennent  pas 
blanches  d*emblée,  mais  qu'elles  présentent  successivement 
des  couleurs  très  variées.  Il  y  a  là  sans  doute  des  altérations  * 
dont  il  faut  tenir  compte  dans  le^  statistiques  ethnologiques  ; 
et  Ton  éviterait  certainement  des  erreurs  en  se  bornant  à 
observer  la  couleur  des  cheveux  et  de  la  bfirbe  sur  des  indi- 
vidus âgés  de  seize  à  trente  ans  environ  et  bien  portants. 

M.  Sanson  se  demande  s'il  y  a  quelque  part  une  population 
parfaitement  homogène  quant  à  la  couleur.  En  tout  cas,  il 
doit  en  être  de  même  dans  l'espèce  humaine  que  chez  les 
animaux,  où  les  mélanges  de  couleur  du  pelage  indiquent 
sûrement  un  croisement.  Il  faut  considérer  aussi  qu'il  peut 
exister  plusieurs  races  ayant  la  môme  couleur  et  que,  par 
conséquent,  la  couleur  ne  suffit  pas  pour  caractériser  une 
race,  il  est  vrai,  comme  on  vient  de  le  faire  observer, 
que  les  poils  de  la  barbe  changent  de  couleur  graduellement 
et  non  brusquement  ;  mais  il  en  est  de  même  pour  les  che- 
veux.On  doit  reléguer  au  rang  des  fables  ces  histoires  de 
cheveux  qui  ont  blanchi  en  une  nuit.  11  faut  éviter  aussi  de 
prendre  des  différences  de  nuance  pour  des  différences  de 
couleur. 

M.  TopiNARD.  H.  Sanson  pose  la  question  suivante  :  Dans  une 
population  notoirement  pure,  peut-on  rencontrer  des  individus 


394  SÉANCE  DU  2  JUIN  1887. 

ayant  les  yeux  et  les  cheveiix  oontradiotoires^dei  cheveux  noirs 
avec  des  yenx  bleus,  par  exemple?  Il  ne  le  croit  pas  et  dit  que 
ces  cas  sont  dus  à  des  croisements.  Je  suis  absolument  de  son 
avis.  Je  ne  crois  pas  en  premier  lieu  que  Tidéal  dont  il  parle, 
une  race  notoirement  pure,  se  rencontre  en  aucun*lieu  de  la 
terre.  En  second  lieu,  dans  les  pays  où  les  races  en  présence  ne 
sont  pas  de  colorations  différentes,  le  fait  contradictoire  en 
question  ne  se  présente  pas  ;  mais  les  blonds  aux  yeux  bleus  se 
sont  tellement  répandus,  ils  sont  par  excellence  une  race  si  mi- 
gratricC)  qu'il  ne  faudrait  pas  s'étonner  beaucoup  s'il  arrivait  à 
se  présenter.  En  tout  cas  il  est  fréquent  en  Europe,  mais  alors» 
sans  aucun  doute,  dû  à  un  croisement.  Je  maintiens  qu^en 
France,  par  exemple,  il  n'est  pas  un  seul  individu  quine  soit 
la  résultante  d*influences  ancestrales  les  plus  diverses  et  les 
plus  inconnues  ;  en  un  mot,  qui  ne  soit  de  près  ou  de  loin  le 
produit  du  croisement  de  lignées  diverses,  dans  lesquelles 
déjà  entrent  des  races  diverses.  Dans  l'Auvergne,  dont  je 
parlais  tout  à  Theure,  il  y  a  des  localités  oii  prédomine  le 
blond,  d'autres  où  prédomine  le  brun^  d'autres  qu'on  doit 
rapporter  à  un  troisième  élément  ethnique  qui  n'est  ni  l'un 
ni  l'autre,  mais  partout  on  a  chance  d'y  rencontrer  des  cheveux 
blonds,  des  cheveux  bruns  et  des  cheveux  noirs,  comme  par- 
tout on  y  rencontre  des  yeux  bleus  et  des  yeux  bruns.  La  seule 
chose  que  peut  donner  une  carte,  c'est  la  proportion  de 
chacun  de  ces  caractères  et,  par  conséquent,  la  prédominance 
de  tel  ou  tel,  çà  et  là. 

M.  Sanson  s'élève  contre  les  quelques  faits  authentiques 
qui  ont  été  signalés,  de  cheveux  non  pas  blanchissant,  mais 
grisonnant  en  une  nuit  sous  Tinfluenoe  d'une  émotion. 
La  physiologie  associée  à  l'anatomie  les  explique  cependant. 
Le  cheveu  doit  sa  coloration  à  deux  causes  :  en  premier 
lien  et  principalement  au  pigment,  accessoirement  à  des 
gaz,  à  de  l'air  infiltré  dans  les  mailles  ou  dans  les  cellules 
du  cheveu,  gaz  qui  masquent  la  couleur  propre  du  pigment, 
et  de  fait  le  rendent  plus  clair.  Le  cheveu  s'entretient 
souple  et  brillant  grâce  à  l'humidité  qui  le  pénètrei  il  n'a  pas 


DISCUSSION  SUR  LA  COULEUR  DES  CHEVEUX  ET  DES  YEUX.     395 

de  vaisseaux.  Il  peat  être  comparé  à  une  mèche  :  le  liquide 
pénétrant  par  la  base,  s'élève  de  proche  en  proche  et  s'éva- 
pore sans  cesse  à  la  pointe  et  à  la  surface.  Dans  certaines 
émotions,  il  se  produit  un  spasme  des  vaisseaux  capillaires  à 
la  base  du  cheveu,  une  contraction  qui  anémie  sa  racine  ; 
le  liquide,  ne  montant  plus,  Tévaporation  se  continue  et  Tair 
extérieur  pénètre  le  cheveu  et  prend  la  place  du  liquide  absent. 
Le  cheveu  s'éclaircit  ainsi,  il  semble  plus  clair,  gris  même, 
si  le  spasme  a  eu  une  durée  suffisante.  Cette  coloration  blan- 
che, ou  cet  écran  de  gaz  qui  masque  le  pigment,  persiste  ou 
disparaît  suivant  que  le  phénomène  qui  Ta  produit  persiste 
ou  cesse.  Toutefois  la  vitalité  du  cheveu  elle-même  peut  être 
d'emblée  atteinte.  Ces  faits  ont  été  étudiés,  décrits  et  expé- 
rimentés par  les  histologistes. 

H.  Sanson  voudrait  savoir  comment  a  pu  être  constatée 
cette  présence  de  Tair  dans  les  cheveux. 

M.  Gustave  Lagneau.  Les  recherches,  comme  celles  de 
M*  Pommerol,  faites  sur  une  population  limitée,  d'un  canton, 
d'une  commune,  sont  utiles  ;  car,  dans  notre  nation  ethnolo- 
giquementsi  complexe,  elles  peuvent  permettre  de  distinguer 
les  descendants  de  peuplades  émigrées  n'ayant  constitué  que 
des  groupes  très  circonscrits.  D'ailleurs  la  réunion  de  recher- 
ches partielles  concourt  à  former  ces  vastes  enquêtes  comme 
celles  d'Allemagne,  de  Belgique,  de  Suisse,  utilisées  par 
xMM.  Virchow,  de  Hœlder,  Vanderkindere  et  Kollmann,  etc. 
Les  recherches  faites  à  Gerzat  paraissent  porter  principalement 
sur  les  adultes,  arrivés  à  un  âge  où  la  couleur  des  yeux  et 
des  cheveux  ne  se  modifie  plus  comme  durant  Tenfance,  chez 
les  écoliers.  Avec  les  couleurs  des  yeux  et  des  cheveux  il  eût 
certes  été  bon  de  rechercher  la  conformation  céphalique,  la 
taille,  etc.  Mais  des  recherches  si  multiples  sont  difficiles  sur 
un  grand  nombre  d'individus. 

Habitué  à  admettre  l'existence  d'une  race  grande,  dolicho- 
céphale, blonde  aux  yeux  bleus,  et  d'une  race  moins  grande, 
brachycéphale,  brune,  aux  yeux  de  couleur  foncée,  on  sem- 
ble porté  à  regarder  comme  métis,comme  issus  du  croisement 


396  SÉANCE   DU  2  JL'IX   1887. 

de  ces  deux  races,  les  individus  bruns,  aux  yeux  clairs,  à 
moustaches  blondes,  comme  ceux  observés  par  M.  Ponmierol. 
U  est  possible  qu'ils  soient  le  produit  d'un  croisement.  Les 
documents  ne  sont  pas  assez  nombreux  pour  permettre  d'assi- 
gner ces  derniers  caractères  aune  race  déterminée.  Toutefois, 
il  faut  bien  reconnaître  que  notre  population  n'est  pas  uni- 
quement la  résultante  de  deux  grandes  races.  L'histoire  en 
distingue  au  moins  trois  :  les  Aquitains  de  race  ibérienne  au 
sud«ouest,  les  Celtes  de  l'Océan  aux  Alpes,  et  les  nombreux 
immigrés  d'outre-Rhin  ou  d'outre- mer,  Belges,  Germains, 
Francks,  Burgondes,  Normands,  etc.  Or,  ainsi  que  je  l'ai  in- 
diqué dans  mon  travail  sur  les  Celtes,  si  l'on  attribue  aux 
Aquitains  les  cheveux  noirs  et  les  yeux  de  couleur  foncée, 
aux  immigrés  germains  les  cheveux  blonds  et  les  yeux  bleus, 
peut-être  pourrait-on  regarder  comme  Celtes  les  a  sous-bra- 
chycéphales,  de  petite  taille,  aux  cheveux  châtains  et  aux 
yeux  gris  clair*  ». 

Je  ne  prétends  d'ailleurs  nullement  contester  la  présence 
de  blonds  en  Auvergne  et  dans  les  régions  circonvoisines.  Si 
Lucain  parle  des  blonds  Ruthènes  de  l'ancien  Rouergue  ',  la 
Notice  des  Dignités  de  l'empire  d'Occident  signale  aussi  des 
Suèves  païens  cantonnés  en  Auvergne  '. 

A  des  époques  moins  éloignées,  Brieude,  dans  sa  topographie 
médicale  de  la  haute  Auvergne,  parle  des  femmes  blondes 
du  canton  de  Planèze*.  MM.  Roujou,  Topinard  et  Collinean 
ont  remarqué  des  blonds  à  la  peau  blanche  et  aux  yeux  bleus 
dans  ceux  de  Laschamp,  Fonfreyde*.  Roget  de  Belloguet 
mentionne  les  belles  blondes,  aux  yeux  bleus,  du  Gévaudan*. 

*  Lagneau,  Celtes,  Dictionn.  encycU  des  scicTices  méd.y  p.  779,  1873. 
^Soivuniur  fiavi  -longa  statione  Ruteni  (Lucain,  la  Pharsalt,  t.  I,  p.  26, 

vol.  I,  coll.  Nisard.)    . 

*Prœfectut  L(Btorum„.Gentilium  Suevorum Arvernos  (NotiUa  dignitatum 
Impepii  romani...,  cap.  xl,  §  4,  p.  119.  Edw.  BOcking,  Romœ,  1839-1833). 

^  Brieude,  Topog.  méd.  de  la  haute  Auvergne  (extrait  des  registrea  de  la 
Société  royale  de  médecine,  1782-1783,  p.  70,  à  Aurillac,  1831). 

*  Association  pour  Tavancement  des  sciences,  session  de  Ciermont-Fer- 
rand,  p.  1109, 1876. 

*  Roget  de  Belloguet,  Ethnogénie  gauloise,  p.  312,  Paris,  1K61. 


DISCUSSION  SUR  LA  COULEUR  DES   CHEVEUX  ET  DES  YEUX.     397 

Et  suivant  M.  Durand  de  Gros,  les  anciennes  familles  nobles 
du  Rouergue  se  feraient  encore  souvent  remarquer  par  leur 
blonde  chevelure*. 

M.  Fauvelle.  m.  Topinard  ne  m*a  pas  parfaitement  com- 
pris; je  vais  être  plus  explicite  tout  à  Theure,  Son  enquête 
sur  la  pigmentation  plus  ou  moins  prononcée  des  cheveux, 
des  yeux  et  de  la  barbe  ne  peut  donner,  à  mon  avis,  aucun 
résultat  sérieux,  même  s'il  la  faisait  suivre  d'une  série  d'au- 
tres enquêtes  sur  la  forme  du  nez,  la  longueur  des  bras,  celle 
de  la  taille,  etc.,  puisqu'on  ignorerait  toujours  commentées 
différents  caractères  sont  groupés  sur  le  même  individu.  Il 
a  donc  tort  de  convier  tous  les  anthropologistes  à  la  réali- 
sation d'un  projet  qu'aucun  intérêt  scientifique  ne  vient  légi- 
timer. En  tout  cas,  je  pense  que  la  Société  doit*  se  désinté- 
resser absolument  de  son  entreprise. 

M.  Topinard.  Puisque  M.  Fauvelle  serre  la  question  de-près 
et  conteste  encore  que  l'étude  de  la  répartition  d'un  caractère 
isolé  ait  de  l'intérêt,  je  suivrai  son  exemple  et  je  lui  deman- 
derai ceci  :  Accepte-t-il  que  la  carte  de  la  répartition  de  la 
taille  en  France  par  Broca,  qui  est  le  seul  document  sur  lequel 
reposent  toutes  nos  connaissances  sur  la  répartition  de  nos 
races  françaises,  ait  été  utile  ? 

M.  Manouvrier.  L'exemple  de  Broca  est  invoqué  à  tort 
ici,  car  Broca  distinguait,  entre  autres,  deux  races  en  France  : 
l'une  petite,  brune  et  brachycéphale,  l'autre  grande,  blonde 
et  dolichocéphale.  Cette  distinction  reposait  donc  sur  trois 
caractères  et  non  sur  un  seul. 

M.  Ploix.  Il  est  évident  que,  lorsque  tous  les  caractères 

concordent  entre  eux,  un  seul  suffit  pour  caractériser  une 

race,  mais  non  dans  le  cas  contraire. 

# 

1  Durand  de  Gros,  HulL  de  la  Soc.d'anthr.^  2«  série,  t.  XII,  p.  94, 1877. 


398  SÉANCE  DU  2  JUIN  4887. 

Le  ealte  de  TaraBis  dans  le»  tradllUna  papvlairea 
de  l'Auvergne» 

PAR  K.  LB  DOCTEUR  f,   fOMUliOL. 
I 

Les  autears  anciens  n'ont  laissé  snr  la  Gaule  que  des  no- 
tions fort  incomplètes*  Selon  eux,  cette  grande  régionn'était 
habitée  que  par  des  peuples  barbares,  dont  il  importait  peu 
de  connaître  Té tat  social,  les  mœurs,  la  religion.  Les  Gaulois 
ne  possédant  aucun  monument  écrit,  nos  connaissances  sur 
leur  civilisation  sont  restées  naturellement  bornées.  Depuis 
quelques  années,  des  chercheurs  de  talent,  comme  MM.  Gai- 
doz  et  Sébillot,  ont  dirigé  leurs  investigations  sur  un  terrain 
nouveau.  Pour  suppléer  aux  renseignements^  ils  se  sont 
adressés  aux  sources  mêmes  de  la  littérature  populaire,  aux 
anciennes  coutumes,  aux  légendes,  aux  traditions  qu'on  ren- 
contre encore  au  sein  de  nos  populations  rurales,  à  peine 
modifiées  par  la  marche  des  siècles  écoulés.  Grâce  à  cet 
appoint,  on  peut  espérer  remonter  plus  haut  dans  Tétude  do 
nos  origines  nationales  et  éclairer  d'un  jour  moins  obscurci 
plusieurs  questions  importantes  que  les  anciens  ont  laissées 
dans  l'ombre  et  l'oubli. 

C'est  à  l'aide  de  cette  méthode  nouvelle  que  nous  avons 
fouillé,  en  Auvergne,  le  champ  à  peine  exploré  des  tradi- 
tions populaires^  et  nous  sommes  arrivé  à  recueillir  un  cer- 
tain nombre  de  matériaux,  qui  pourront  servir  à  mieux  faire 
comprendre  la  situation  morale  et  religieuse  de  nos  an- 
cêtres. 

Nous  nous  trouvions,  un  jour  d'excursion^  près  du  petit 
village  de  Saint-Ignat,  dans  la  partie  centrale  de  la  Liraagne. 
Un  fait  remarquable  frappa  notre  attention  :  chaque  maison 
portait,  sur  la  toiture,  une  marque  ou  un  ornement  spécial. 
Sur  les  unes,  c'était  une  pierre  brute,  visiblement  placée  à 
une  des  extrémités  de  la  ligne  du  faîte  ;  sur  les  autres,  c'était 
une  croix  de  bois  ou  une  grossière  représentation  de  la  Vierge. 


F.  POMMEROL.  —  LE    CULTE   DE  TARAN18   EN   AUVERGNE.     399 

Notre  première  idée  fut  qu'il  existait  un  rapport  étroit  entre 
ces  trois  emblèmes.  Il  était  facile  de  saisir  l'indication  de  la 
croix  et  de  la  Vierge,  dont  le  rôle  évident  est  de  sanctifier  et 
de  protéger  Thabitation,  Mai»  que  signifiait  la  pierre  brute? 
Était-elle  aussi  un  symbole  religieux,  l'image  primitive  de 
quelque  ancienne  divinité  protectrice  7  A  partir  de  ce  mo- 
menti  nous  avons  examiné  avec  soin  Textérieur  d'un  grand 
nombre  de  maisons,  soit  dans  les  villages  de  la  Limagne,  soit 
dans  ceux  de  la  montagne.  Nous  avons  constaté  certaines 
partiouiarités  intéressantes,  qui  nous  aideront  à  résoadre  le 
problème  posé. 

Gomme  la  pierre  brute  sur  la  toiture,  la  croix  se  trouve 
souvent  placée  sur  la  ligne  faîtière,  au  point  culminant;  quel- 
quefois aussi  elle  est  située  au-dessus  de  la  porte  principale. 
Elle  est  ordinairement  en  bois,  on  en  trouve  cependant  qui 
sont  de  fer  ou  de  pierre.  En  certaines  localités^  elle  est  bâtie 
spécialement  sur  le  sommet  de  la  cheminée;  nous  en  avons 
observé  des  exemples  dans  les  villages  du  Bourbonnais,  aux 
environs  de  Saint-Germain-des-Fossés.  A  Sayat,  près  de  Gler- 
mont,  les  maçons  disposent  les  briques  extérieures  de  la  cbe- 
niinée  en  forme  de  croix.  Les  tuileries  dé  Montchanin  et  de 
Marseille  fabriquent,  à  l'usage  des  campagnes,  des  tuiles  faî- 
tières  portant  de  petites  croix.  Cette  coutume  de  mettre  un 
signe  religieux  sur  le  sommet  des  maisons  paraît  donc  être, 
en  France,  assez  généralement  répandu.  Ces  croix  sont  de 
dimensions  variables  :  celles  de  bois  ont  de  30  à  40  centi- 
mètres de  haut  ;  celles  de  fer  ont  des  dimensions  un  peu  plus 
grandes  ;  celles  de  pierre,  généralement  petites,  sont  quel- 
quefois encastrées  dans  une  grosse  dalle,  que  Ton  pose  au 
point  le  plus  élevé,  le  plus  en  vue  de  la  construction.  Dans 
certains  villages,  comme  à  Gerzat,  on  semble  avoir  combiné 
adroitement  les  deux  emblèmes  de  la  pierre  brute  et  de  la 
croix,  en  bâtissant  sur  la  maison  des  fragments  d'anciennes 
croix  de  pierre  abandonnés  dans  les  carrefours,  dans  les  vieux 
cimetières  ou  le  long  des  chemins.  J'ai  vu  des  paysans  recueil- 
lir pieusement  ces  débris  religieux,  les  porter  dans  leur  habi- 


400  SÉANCE  DU  2  JUIN  1887. 

talion  et  les  enchâsser  dans  un  mur,  pour  attirer  sur  le  foyer 
un  peu  de  bonheur  et  de  prospérité. 

L'emblèrae  de  la  pierre  simple  est  aujourd'hui  peu  com- 
mun ;  la  croix  lui  a  fait  une  rude  concurrence  et  Ta  remplacé 
presque  partout.  Il  consiste  généralement  en  un  bloc  brut  de 
basalte,  de  moyenne  dimension  et  de  forme  pyramidale  irré- 
guliëre.  Quelquefois  même  c'est  un  simple  caillou  roulé.  Les 
maisons  des  villages  situées  près  des  coulées  de  lave  portent 
souvent,  comme  pierres  de  sommet j  une  scorie  allongée,  d'ap- 
parence plus  ou  moins  bizarre  et  offrant,  de  loin,  une  vague 
ressemblance  de  forme  humaine  ou  de  forme  animale. 

La  pierre  n'est  pas  toujours  employée  à  l'état  brut.  Quel- 
quefois elle  est  taillée  en  forme  de  sphère,  de  demi-sphère 
ou  de  cône  ;  d'autres  fois,  c'est  un  fragment  sculpté,  ayant 
appartenu  a  quelque  monument  religieux  du  moyen  âge  ou 
de  l'antiquité  païenne.  J'ai  observé  une  de  ces  pierres,  asseï 
finement  ciselée,  montrant  sur  les  côtés  des  anneaux  sem- 
blables à  ceux  que  porte  le  tintinnabulum  de  Bouddha*. 
C'est  là,  il  faut  l'avouer,  un  fait  curieux  de  survivance. 

En  août  \  885,  j  assistais  au  Congrès  scientifique  de  Grenoble. 
Nous  allâmes  en  excursion,  à  travers  les  gorges  abruptes  des 
Alpes  dauphinoises,  jusqu'au  plateau  élevé  de  Lans.  Je  fus 
étonné  de  trouver  des  pierres  travaillées  sur  presque  toutes 
les  maisons  de  celte  petite  ville.  Ces  pierres  sont  en  calcaire 
cénomanien,  qui  est  la  roche  fondamentale  de  la  contrée  ; 
leur  hauteur  varie  de  15  à  30  centimètres,  et  elles  affectent 
les  formes  suivantes  :  la  pomme  de  pin,  Tœuf,  la  colonne 
carrée,  surmontée  d'une  boule  ou  d'un  cône  ;  le  cône  réuni  à 
la  sphère,  la  colonne  cylindrique.  On  voit  que  les  architectes 
du  pays  varient  singulièrement  la  forme  du  sujet.  En  Au- 
vergne, au  contraire,  ces  pierres  décoratives  sont  plus  rares 
et  d'un  style  plus  primitif. 

i  G.  et  A.  de  Mortillet,  Musée  préhistorique.  Paris,  1881,  pi.  XCVIIÎ, 
fig.  1230. 


F.  POMMEROL.  —  LE  CULTE  DE  TÀRANIS  EN  AUVERGNE.    4D1 

n 

La  construction  des  monuments  publics  et  des  maisons  par- 
ticulières donne  lieu  à  des  cérémonies  dont  Torigine  remonte 
à  une  haute  antiquité.  On  sait  qu'il  est  d*usage  de  fêter  avec 
éclat  la  pose  de  la  première  pierre,  d'y  sceller  des  monnaies 
de  l'époque  et  des  pièces  métalliques  ornées  d'inscriptions. 
A  ce  sujet,  il  existe  dans  nos  campagnes  une  curieuse  tradi- 
tion :  si  c'est  un  enfant  qui  pose  la  première  pierre,  une  ter- 
rible fatalité  pèse  aussitôt  sur  lui,  et  une  année  ne  s'écoule 
pas  qu'une  maladie  ou  un  accident  ne  vienne  lui  ravir  Texis- 
tence.  On  sait  encore  qu'une  fois  la  toiture  de  la  maison  ter- 
minée, on  place  sur  le  point  culminant  un  gros  bouquet  de 
fleurs  et  de  feuillages  ;  et  le  propriétaire  donne  aux  ouvriers 
un  certain  nombre  de  bouteilles  de  vin.  Les  bouteilles  et  les 
verres  qui  ont  servi  aux  libations  sont  considérés  comme  des 
objets  sacrés  :  on  les  bâtit  soit  au  faîte  de  la  maison,  à  côté 
du  bouquet,  soit  en  rangées  symétriques  au-dessus  de  la 
porte  ou  dans  l'épaisseur  d'un  mur  apparent.  Parfois  verres 
et  bouteilles  sont  couchés  horizontalement,  parfois  ils  sont 
en  position  verticale.  En  certains  villages  de  l'arrondissement 
d'Ambert,  si  le  propriétaire  refuse  aux  ouvriers  d'offrir  le  vin 
du  chantier^  de  payer  la  fête  du  bouquet,  ceux-ci  mettent 
dans  la  bâtisse  des  ossements  humains  ou  des  ossements 
d'animaux  *. 

Le  plus  souvent,  une  seule  bouteille  décore  le  faîte  de  la 
maison,  et  l'on  introduit  dans  le  goulot  une  tige  de  bois  à 
laquelle  est  attaché  le  bouquet.  Après  ces  cérémonies  de 
nature  toute  païenne,  la  religion  actuelle  vient  réclamer  ses 
droits,  et  le  paysan  oublie  rarement  d'appeler  un  prêtre  pour 
bénir  l'habitation  nouvellement  construite.  Sans  cette  pré- 
caution, le  diable  ne  manquerait  pas  d'habiter  sous  le  toit, 

t  C'est  &  M.  Béai,  ancien  instituteur,  que  nous  devons  ce  renseignement 
ainsi  que  la  légende  de  saint  Jean  et  quelques  autres  indications  contenue» 
dans  ce  travail. 

T»  X  (3«  série).  26 


40i  s6àiiicb  tv  2  imn  1897. 

si  même  un  jour  de  tempête  la  maison  n'était  pas  démolie  ou 

foudroyée. 

Aux  temps  passés,  les  coutumes  relatives  à  la  construction 
des  habitations  semblent  avoir  été  marquées  de  superstitions 
plus  grandes  et  plus  variées.  M,  Bonnemère  a  signalé  en 
Maine-et-Loire  la  découverte  d'une  hache  de  pierre,  en  même 
temps  que  la  rencontre  d'une  médaille  et  de  deux  petits  ob- 
jets de  bronze,  dans  les  fondements  d*un  ancien  manoir  *. 
Dans  les  Côles-du-Nord,  on  enfouissait  autrefois  des  haches 
de  pierre  dans  les  murs  des  maisons  en  construction  pour  les 
préserver  de  la  foudre*.  Sur  le  faîte  des  maisons  flamandes, 
d'après  M.  Gh.  Piot,  on  bâtit  encore  une  hache  de  pierre 
désignée  sous  le  nom  de  donderstein  ou  pierre  de  tonnerre.  A 
côté,  on  plante  une  toufl'e  de  joubarbe  ou  barbe-de-Jupiter** 
La  joubarbe  se  rencontre  fréquemment  sur  les  maisons  de  la 
Limagne,  mais  surtout  sur  le  mur  de  clôture,  près  de  la  porte 
d'entrée.  Les  paysans  rappellent  V herbe  à  la  blesswe  ;  ils  lui 
attribuent  une  grande  vertu  pour  la  guérison  des  plaies  et 
des  contusions. 

Suivant  tes  légendes  irlandaises,  on  pratiquait  ancienne- 
ment, au  moment  de  la  construction  des  palais  et  des  tem- 
ples, de  singulières  cérémonies  qui  nous  reportent  aux  temps 
lointains  des  druides  et  des  sacrifices  humains,  a  Quand  le 
roi  Nemède,  le  premier  de  Tîle,  fit  bâtir  son  palais,  il  en 
arrosa  les  fondements  avec  le  sang  des  architectes  *,  »  De 
même,  saint  Patrick,  «  voulant  bâtir  une  église,  en  fut  em- 
pêché par  un  mauvais  esprit  qui  faisait  tomber  les  murs  à 
peine  élevés,  jusqu'à  ce  qu'une  victime  humaine  eût  été  sa- 
crifiée et  enterrée  sous  les  fondations  de  rédiflce'n,  La 
même  tradition    se  retrouve  dans  les  récits  qui  se  rap- 


I  BuU,  de  la  Soc.  d'anthrop,  de  Paru,  18^6,  p.  681. 
«  L'Homme^  18^6,  p.  140. 

'  Matériaux  pour  l'histoire  naturelle  de  Vhommey  1882,  p.  424. 
^  0«Uea  Anoult,  BiêMndi  Imphiietcfhiâ  en  France,  t.  1,  période  gaa- 
lOÎBA,  p.  194. 
>  Ibid,t  p.  168. 


F.  POMMEROL.  —  LE   CULTE   DE  TARAN19   EN   AUVERGNE.     408 

portent  à  la  naissance  de  Tenchanteur  Merlin  ;  on  parle 
d'une  ville  que  voulait  bâtir  le  roi  Vortîgern  et  dont  les  mu- 
railles se  renversaient  constamment  d'elles-mêmes,  jusqu^à 
ce  que  les  fondements  aient  été  arrosés  de  sang  humain^. 
De3  traces  de  ces  légendes  profondément  altérées  se  consta- 
tent dans  notre  pays  ;  elles  sont  relatives  à  Tédifleatlon  des 
anciens  ponts  et  des  anciens  ch&teaux.  On  raconte  sonvent 
que  les  maçons  n'avaient  pu  mettre  à  l'oeuvre  la  dernière 
pierre,  tant  qu'on  prêtre  n'avait  pas  exorcisé  les  démons  qui, 
chaque  nuit,  démolissaient  ce  que  Ton  avait  lnâti  la  veille  *• 

On  peut  constater  Texistence  de  ees  tradllions  dans  la 
construction  de  nos  anciennes  églises  :  on  avait  autrefois 
rhabilude  de  mettre  dans  les  fondations  des  reliques  de 
saints  et  même  des  sarcophages  contenant  les  ossements 
d'hommes  illustres  par  leur  piété'.  On  trouve  aujourd'hui, 
dans  les  murs  de  certaines  églises,  de  petits  autels  de  pierre 
tournés  tantôt  à  l'intérieur  et  tantôt  à  l'extérieur  du  monu- 
ment. Il  n^est  pas  rare  de  rencontrer  sur  la  pierre  toute  une 
série  de  cupules,  dont  on  a  été  longtemps  à  connaîtra 
l'usage.  Nous  avons  essayé  de  démontrer  au  Congrès  de 
l'Association  française,  tenu  l'an  dernier  à  Nancy,  que  ces 
autels  devaient  recouvrir  des  restes  humains.  Ces  faits  ont 
trait  à  l'idée  d'écarter  de  Téglise  Tinfluence  malveillante  des 
esprits  infernaux,  en  la  mettant  sous  la  protection  d'un 
saint  personnage. 

Poursuivons  notre  incursion  dans  le  domaine  mystérieux 
de  la  tradition  et  des  légendes,  et  demandons*nous  quelle  est 
la  signification  de  ces  pierres  que  Ton  met  en  évidence  sur 
le  sommet  des  habitations.  M.  J.  Sacaze  a  déjà  signalé,  au 
pays  de  Luchon,  des  pierres  brutes  ou  très  grossièrement 
taillées,  bâties  au  faîte  des  vieilles  maison».  Les  vieillards 

t  Gatien  ArDoult,  Ilitloirê  de  la  philosophie  $n  Franoi,  U  I,  période  gau- 
loise, p.  167,  168. 

>  De  semblables  légendes  existent  au  sujet  de  la  çonatruotion  du  château 
de  Ghazefon  et  du  Pont-du-Diable^  à  Uiroux. 

*  Utkmmêt  1887,  p.  198. 


404  SÉANCE  DU  2  JUIN  1887. 

ont  pour  elles  une  grande  vénération  et  ne  souffrent  pas 
qu*une  main  profane  vienne  les  enlever^.  Dans  le  canton  de 
Courpière,  les  paysans  placent  sur  les  meules  de  blé  tantôt 
une  croix  de  paille,  tantôt  une  pierre  brute.  La  pierre^  selon 
eux,  représente  saint  Jean,  et  ils  prétendent  qu'elle  est  un 
préservatif  du  tonnerre.  Il  est  naturel  que  saint  Jean  soit 
assimilé  à  un  dieu  fulgurant.  Sa  fête,  qui  tombe  au  sol- 
stice d*été,  est  marquée  par  les  cérémonies  nocturnes  des 
feux  de  joie,  restes  curieux  des  anciens  cultes  solaires.  Au 
village  de  Cébazat  existe  une  légende  prouvant  que  saint 
Jean  et  la  foudre  ont  des  rapports  très  intimes  dans  la  tradi- 
tion populaire  :  saint  Jean  demanda  un  jour  à  Dieu  la  per* 
mission  de  voir  le  Tonnerre.  «  Je  ne  le  puis,  répondit  ce 
dernier,  tu  en  mourrais  de  frayeur.  »  Saint  Jean  répliqua 
qu'il  avait  vécu  au  désert  parmi  les  bêtes  féroces,  et  que  ja- 
mais la  peur  ne  l'avait  fait  trembler.  Cédant  à  de  vives 
instances,  Dieu  finit  -par  lui  montrer  ce  qu'il  désirait  ;  et 
à  Tinstant  saint  Jean  fut  foudroyé.  Il  ne  mourut  cependant 
pas  des  suites  de  cette  fatale  curiosité  ;  mais,  toute  sa  vie 
durant^  il  fut  atteint  du  mal  caduc,  qu'on  appela  depuis  le 
mal  de  Saint-Jean\  Dans  la  littérature  chrétienne,  saint  Jean 
est  appelé  le  fib  du  tonnetret  à  cause  de  son  caractère  em^ 
porté';  cette  désignation  ne  serait-elle  pas  plutôt  une  allu- 
sion à  son  aventure  légendaire? 

Un  certain  nombre  de  peuplades  sauvages  adorent  encore 
aujourd'hui  la  pierre  brute.  Jusqu'au  dix-septième  siècle,  les 
Lapons  lui  ont  voué  un  culte  spéciale  Jupiter  lui-même  était, 
à  l'origine,  représenté  par  un  simple  caillou.  On  l'appelait 
Jupiter  lapis,  tonans^fulgurans,  et  le  char  à  quatre  roues,  le 
char  du  soleil  et  de  la  foudre,  était  un  de  ses  attributs.  Les 
auteurs  supposent  que  cette  pierre  était  un  fulgurite  ;  elle 


1  BuU.  de  la  Soc,  d'anthrop.^  Paris,  1879,  p.  169. 
>  Cette  légende  se  retrouve  dans  le  Nivernais  (voir  Revue  des  TraiiHws 
populaires,  1887,  p.  269). 
»  E.  Renan,  V Antéchrist,  2»  édit.,  Paris,  1873,  p.  348. 
*  Scheffcr,  Histoire  de  la  Laponie^  Paris,  in-4»,  1678  ;  p.  79-90;  flg.  î,  3. 


F.  POMMEROL.  —  LE   CULTE  DE   TARANIS  EN  AUVERGNE,     405 

était  déposée  à  Rome  dans  le  temple  de  Jupiter  Feretrius  ^. 
Le  maître  des  dieux  protégeait  aussi  les  limites  des  champs  ; 
il  était  alors  un  dieu  Terme,  et  on  le  représentait  par  une 
simple  pierre.  Plus  tard,  5ilvain  hérita  de  cet  attribut;-  tout 
en  étant  le  dieu  des  forêts,  on  le  vénérait  comme  un  deus 
tetnninalis  ;  et,  quand  il  veillait  sur  la  maison,  on  Tinvoquait 
sous  le  nom  de  Silvanus  casanicus  '.  Les  autels  de  Silvain  se 
trouvent  souvent  associés  à  ceux  de  Mercure,  d'Hercule,  de 
Pan,  de  Liber  ^.  Ce  fait  a  été  constaté  par  Tinscription  sui- 
vante trouvée  au  Mont-Dore  :  Herculi,  Mercurio^  et  Silvano 
sacrum  et  divoPanteo^. 

Les  anciens  peuples  du  nord  de  l'Europe,  les  Germains  et 
les  Scandinaves,  ont  adoré  un  dieu  de  la  Foudre  qu*ils  nom- 
maient Thor  et  qulls  représentaient  sous  la  forme  d'une 
météorite  ou  d'un  marteau  de  pierre.  Malgré  leur  conversion 
au  christianisme,  ils  continuèrent  longtemps  leurs  pratiques 
païennes.  Au  huitième  siècle,  le  concile  de  Leptines  défendit 
aux  Germains  d'adorer  les  pierres  de  Thor  *.  Chez  les  Iakoutes, 
le  tonnerre  et  Téclair  forment  deux  divinités  distinctes.  Après 
la  tempête,  ils  vont  chercher  dans  les  champs  des  petites 
pierres  rondes  comme  des  balles  ou  allongées  en  forme  de 
ciseau  ;  ils  pensent  qu'elles  sont  tombées  du  ciel  :  ce  sont  les 
flèches  du  tonnerre.  Elles  ont  la  vertu  de  préserver  des  mala- 
dies la  personne  qui  les  possède  et  de  défendre  les  maisons 
des  atteintes  de  la  foudre  •• 

I  Preller,  trad.  Dielz,  les  Dieux  de  Vancienne  Rome,  Paris,  Didier,  in-12, 
1884,  p.  168. 

>  Preller,  op.  cit.,  p.  245.  -  Gerquaud,  Mémoires  de  P  Académie  de  VaU" 
cluse,  188Î,  p.  47.  , 

>  Cerqoaud,  op.  eil„  p.  43. 

*  SilvaiD  était  aussi  connu  sous  le  nom  de  Pautheus.  C'est  en  iuterpré* 
tant  faussement  cette  inscription  que  plusieurs  auteurs  ont  cru  qu'il  exis- 
tait au  Mont-Dore  un  véritable  Panthéon,  un  temple  consacré  à  tous  les 
dieux.  —  Voir,  à  ce  sujet,  Gault  et  Habany-Beau regard,  Tableau  de  la 
ci'devant  province  d* Auvergne,  p.  171^  ainsi  que  G.-B.  Bouillet,  StaUstique 
monumentale  du  Puy-de-Dôme^  p.  89. 

*  Matériaux  pour  thittoire  de  rhomme,  188S,  p.  424. 

*  Ibid.,  1887,  p.  254. 


406  SÉANCE  DU  2  JUIN   1887. 

Sigpualons  enfin  la  fameuse  pierre  noire  de  la  Mecque,  que 
les  musulmans  considèrent  aveo  une  extrême  vénération.  On 
prétend  qu'elle  fut  apportée  par  l'ange  Gabriel  pour  servir  à 
la  construction  de  la  mosquée,  a  Elle  était  autrefois,  dit  le 
clergé  musulman,  d'une  couleur  si  brillante,  qu'elle  éblouis* 
sait  les  yeux,  mâme  à  la  distance  de  quatre  jours  de  marche. 
Mais  elle  a  pleuré  si  longtemps  pour  les  péchés  de  l'huma- 
nité, qu'elle  a  fini  par  devenir  opaque  et  enfin  totalement 
noire*.  » 

L'idée  de  représenter  la  foudre  par  une  pierre  se  retrouve 
dans  les  traditions  populaires  de  TAuvergne.  Le  tonnerre, 
disent  les  paysans,  tombe  sous  trois  formes  différentes  :  le 
plus  souvent  il  tombe  en  feu,  et  il  brûle  ;  parfois  il  tombe  en 
eau,  c'est  une  trombe  qui  engloutit  tout;  et  d^autres  fois  U 
tombe  en  pierre  et  vous  écrase.  Cette  dernière  croyance 
trouve  sa  raison  d'être  dans  les  chutes  de  météorites  qui  se 
font  avec  accompagnement  de  bruits  et  de  lueurs  qui  res- 
semblent au  tonnerre  et  à  l'éclair,  Aussi  les  météorites 
sont-ils  appelés  vulgairement  des  pierres  de  tonnerre,  de 
même  que  la  hache  de  pierre,  que  l'antiquité  et  le  moyen 
âge  ont  considérée  comme  un  produit  de  la  foudre.  Le  mar- 
teau de  Thor  et  le  silex  de  Donar  trouvent  ainsi  une  expli- 
cation toute  naturelle. 

m 

Essayons  de  pénétrer  plus  profondément  sous  la  frondaison 
touffue  de  nos  vieilles  coutumes,  parfois  admirablement  con- 
servées par  les  pratiques  religieuses.  (Chaque  région,  chaque 
village  possède  les  siennes,  tantôt  semblables,  tantôt  diffé- 
rentes. Recueillons  et  comparons  celles  qui  se  rapportent  au 
culte  du  tonnerre.  Nous  arriverons  ainsi  à  constituer  un 
faisceau  de  faits  dont  il  sera  possible  de  dégager  la  cause  vé- 
ritable. 

Nous  observons  d'abord  dans  les  cérémonies  locales  de  la 

»  Niebuhr  translated  by  Robert  Héron  :  Travels  Ikrough  Àrabia  und  other 
Cmmtrietin  ihe  Eart,  Perth,  1799,  2  vol.  in-lî,  t.  II,  p.  J7. 


F.  POMMEROL.  —  lE   CULTE  DE  TARANIS  EN  AUVERGNE,    iOT 

Fétd-Dieu  certaines  particularités  qui  ne  sont  pas  étrangère 
à  notre  sujet.  Cette  solennité  se  célèbre  au  voisinage  de  la 
SaintrJean  ;  aussi  a-t-elle  avec  cette  dernière  plus  d'un  point 
de  contact  et  de  ressemblance.  Durant  Toctave,  il  se  fait 
chaque  soir  dans  les  églises  une  procession  suivie  par  des  en- 
fants qui  jettent  des  fleurs  ;  un  des  petits  garçons  est  appelé 
le  roh  une  des  petites  filles  est  appelée  la  reine.  Sur  les  autels 
de  chaque  chapelle,  les  femmes  ont  apporté  des  conronnes 
de  fleurs  que  le  prêtre  bénit  ^  Ces  couronnes  sont  conservées 
précieusement,  car  elles  possèdent  une  grande  vertu.  Quand 
le  tonnerre  gronde  et  que  Torage  a  déchaîné  sa  fureur,  la 
maîtresse  du  logis,  pour  préserver  la  maison  de  la  foudre,  en 
asperge  les  murs  avec  un  rameau  de  buis  trempé  dans  Teau 
bénite;  elle  allume  ensuite  un  grand  feu  et  fait  brûler  un 
fragment  de  la  couronne  de  fleurs. 

On  sait  combien  est  générale  Tancienne  coutume  des  feux 
de  la  Saint-Jean.  En  plusieurs  endroits,  comme  h  Gébazat  et 
à  Châteaugay,  le  prêtre  vient  le  soir  bénir  ces  feux,  pendant 
que  quatre  jeunes  garçons  du  nom  de  Jean  portent  sur  leurs 
épaules  la  statue  de  leur  saint  patron.  Chaque  assistant  tient 
à  la  main  un  bouquet  composé  de  fenouil,  de  lierre  terrestre, 
de  feuille  de  noyer,  le  tout  cueilli  le  matin  avant  V Angélus^ 
Ces  plantes  bénites  seront  désormais  d'exôellents  préservatifs 
du  tonnerre  et  du  mal  de  Saint-Jean*. 

Tout  le  monde  connaît  Tancienne  habitude  qu'ont  les  ha- 
bitants des  campagnes  de  sonner  les  cloches  au  moment  des 
orages.  Les  paysans  croient  que  le  tonnerre  et  la  grêle  sont 
causés  par  des  sorciers  qu'un  pouvoir  surnaturel  tient  sus- 
pendus dans  les  nuages.  Au  siècle  dernier,  on  ne  se  conten- 
tait pas  toujours  de  sonner  les  cloches,  le  prêtre  devait  aussi 

t  La  couronne,  de  môme  que  la  roue,  est  ua  emblème  solaire.  £a  Nor- 
mandie, les  couronnes  de  fleurs  sont  en  usage  à  la  Saint-Jean.  — 
G.- H.  Gaidoz,  le  Dieu  gaulois  du  soleil  et  le  Symbolisme  de  la  rôtie,  Paris^ 
Leroux,  in-S«,  1886,  p.  109, 110. 

'  A  Maraty  ee  sont  des  fleurs  de  sureau  cueillies  la  veille  de  la  Sainte- 
Jean  que  le  pi*éire  bénit  en  même  temps  que  le  feu  de  joie.  On  s'en  sert 
ensuite  pour  faire  dep  tisanes  9t  de9  fomentatipo». 


408  SÉANCE  DU  2  JUIN  4887. 

exorciser  la  tempête.  Au  moment  voulu  et  pendant  que  deux 
hommes  le  tenaient  sous  les  bras,  il  envoyait  aux  sorciers  sa 
malédiction  et  lançait  un  violent  coup  de  pied  dans  la  direc- 
tion du  nuage  chargé  d^éclairs  *.  Une  année,  dit-on,  lors  d'un 
orage  épouvantable,  pareil  exorcisme  fut  pratiqué  à  Châ- 
teaugay.  L*esprit  malin  voulut  emporter  le  prêtre,  mais  il  ne 
put  que  lui  arracher  son  soulier,  qu'on  trouva  le  lendemain 
près  de  Cœur,  dans  un  endroit  stérile  où  la  grêle  était  venue 
tomber.  A  la  fin  de  chaque  orage,  prétendent  les  paysans,  un 
sorcier  est  précipité  tout  nu  sur  le  sol  du  haut  des  nuages.  Il 
se  hâte  de  gagner  un  fossé,  une  mare;  il  en  agite  Feau  avec 
ses  bras;  le  brouillard  produit  l'enlève  de  nouveau  dans  les 
airs,  et  il  va  plus  loin  porter  la  tempête  et  la  dévastation. 

L'habitude  de  faire  du  bruit  pour  écarter  les  orages  doit 
être  fort  ancienne  et  se  pratiquait  sans  doute  avant  l'usage 
des  cloches.  Les  sauvages  actuels  se  livrent  à  un  grand  va- 
carme pour  faire  cesser  les  éclipses  *;  et,  dans  nos  campa- 
gnes, n'aime-t-on  pas,  au  moyen  de  bruyants  et  grotesques 
charivaris,  à  protester  contre  certains  événements  qui  frois- 
sent les  idées  reçues'? 

Au  Brugeron,  dans  le  canton  d'Olliergues,  on  invoque 
sainte  Agathe  pour  détourner  les  orages.  Il  se  forme  dans  ce 
but  des  confréries  de  femmes  appelées  les  Saintes- Agues. 
Quand  la  foudre  gronde  et  que  le  sonneur  monte  au  clocher, 
elles  se  rendent  à  l'église  et  récitent  des  prières  qui  doivent 
écarter  la  tempête  de  la  commune  et  l'envoyer  sur  les  terri- 
toires voisins.  Au  moment  des  moissons,  les  Agites  vont  avec 
le  sonneur  quêter  des  gerbes  dans  les  champs,  comme  prix 
du  service  public  qu'elles  pensent  avoir  rendu. 

^  J'ai  entendu  dire  qu'on  détournait  aussi  un  orage  en  tirant  vers  le 
nuage  un  coup  de  ftisil  chargé  d'une  balle  bénite. 

*  Association  française  pour  l'avancement  des  sciences,  12*  session, 
p.  692. 

*  On  fait  le  charivari  si  une  fille  raet  au  monde  un  enfant,  si  plus  tard 
elle  se  marie,  si  un  veuf  ou  une  veuve  convole  en  secondes  noces.  G*est 
une  forme  de  réprimande  publique  qui  date  d'un  temps  immémorial  et 
que  nulle  autorité  dans  les  villages  ne  pourrait  empêcher. 


F.  POMHEROL.  --  LE  CULTE  DE  TARANIS  EN  AUVERGNE.  409 

Tous  les  ans,  au  20  juin,  on  célébrait  à  Rome  un  sacrifice  en 
rbonneur  de  Jupiter  Summanus  ou  dieu  du  ciel  nocturne.  On 
lui  offrait  des  gâteaux  en  forme  de  roue,  symbole  probable 
du  char  de  la  foudre  > .  Ces  sortes  de  gâteaux,  un  peu  modifiés, 
se  fabriquent  encore  en  Auvergne,  au  moment  de  certaines 
fêtes  religieuses,  et  principalement  aux  fêtes  de  Pâques. 

Les  cratères-lacs  de  Pavin  et  de  Tazenat,  dans  le  Puy-de- 
Dôme,  possèdent  une  très  mauvaise  réputation^  On  affirme 
qu'à  certaines  époques  de  Tannée,  il  se  forme  à  leur  surface 
des  orages  effrayants.  Le  père  Foderé  prétend,  suivant  Du* 
laure,  qu'en  jetant  une  pierre  sur  Tonde  noirâtre  de  Pavin, 
on  voit  bientôt  s'élever  un  brouillard  épais  chargé  de  grêle 
et  de  tonnerre*.  Dans  le  gouffre  de  Tazenat,  dit  une  légende, 
une  ville  maudite  est  engloutie.  Chaque  année,  au  jour  de  la 
Toussaint^  et  à  minuit,  on  entend  sur  les  bords  escarpés  du 
lac  le  son  des  cloches  et  le  chant  des  coqs. 

IV 

Les  coutumes,  les  traditions,  les  légendes  que  nous  venons 
dlndiquer  se  rapportent  toutes  au  tonnerre,  à  ce  grand  phé- 
nomène céleste  qui,  de  tout  temps,  a  si  fortement  impres- 
sionné Tîmagination  des  hommes.  iNous  avons  montré  que  la 
pierre  brute  placée  au  faîte  des  maisons  et  des  meules  de  blé 
était  une  espèce  de  divinité  destinée  à  écarter  la  foudre. 
Nous  avons  vu  que  la  hache  de  pierre,  la  joubarbe,  la  croix, 
la  statue  de  la  Vierge,  possédaient  le  même  pouvoir  mysté- 
rieux. Nous  avons  dit  qu'à  Rome  Jupiter  Tonnant  était  repré- 
senté par  un  simple  caillou.  De  même  le  marteau  de  Thor 
et  la  pierre  de  Donar,  chez  les  peuples  du  Nord,  étaient  les 
symboles  delà  foudre.  Les  Gaulois,  d'après  Lucain%  ado- 
raient une  tfiade  composée  d'Ésus,  de  Tentâtes  et  de  Ta- 
ranis.  Les  Latins  avaient  assimilé  Ésus  à  Mars  ou  à  Gamulns, 

1  Preller,  op.  cit.,  p.  165. 

>  L*abbé  E.  J.  G.,  Souvenirs  de  voyage  ou  les  Vacances  en  Auvergne^ 
Clermont-Ferrand,  Thibaud,  1857,  in-lS,  p.  311. 
»  L.  I«S  r.  4U-6. 


410  SÉAJÎCS  DU  2  JUIN  4887. 

Teataiès  h  Marcur»,  et  Taranig  à  Jupiter.  Taranii  ^  fon 
Qom  Tindique  —  était  proche  parent  de  Tiior  et  de  Ponar  ^  ; 
il  était  dono  réellement  le  dieu  du  tonnerre  et  pouvait  sans 
inconvénient  être  confondu  avec  le  Jupiter  Fulgurant  des  Ro* 
mains.  Il  existe  des  monuments  de  l'époque  impériale  qui 
assimilent  Taranis  tantôt  à  Jupiter,  tantôt  à  Silvain.Des  sta* 
tues  gallo-romaines,  comme  celles  des  musées  d'Avignon  et 
d'Arles*,  représentent  Taranis  couvert  d'une  peau  de  loup 
et  tenant  un  marteau  on  une  pierre  à  la  main.  SUvain 
était  aussi  appelé  le  Louvetie?*,  et  sur  quelques  autels  qui 
lui  sont  dédiés  on  Ta  représenté  avec  les  marteaux  de  la 
foudre*. 

Nous  savons  que  le  marteau  a  parfois  joué  un  certain  rôle 
quand  il  a  fallu  choisir  l'emplacement  des  anciennes  églises. 
Nous  avons  donné  la  légende  qui  se  rapporte  à  la  construc- 
tion de  l'église  d'Orcival*,  et  dans  laquelle  un  marteau  jeté 
par  le  maçon  vint  en  tombant  marquer  l'emplacement  du 
sanctuaire  de  la  Vierge.  Saint  Bozon,  dans  les  Vosges,  indiqua 
ainsi  le  lieu  où  s'élève  l'église  deBouzemont*^.  L'emplacement 
de  la  chapelle  de  Tabbaye  de  Gluny  fut  désigné  de  la  même 
manière  par  un  marteau  que  lança  en  l'air  Gauzon,  ar- 
chitecte de  Saint-Hugues.  Où  tomba  le  marteau,  le  grand 
autel  fut  édifié*.  Ces  légendes  prouvent  réellement  que  le 
culte  de  Taranis  s'est  infiltré  jusqu'à  nous,  malgré  les  persé- 
cutions des  empereurs  romains  et  les  défenses  du  clergé  ca- 
tholique. Ainsi,  en  certaines  contrées  de  l'Angleterre,  aux  pre- 
miers jours  de  mai,  les  garçons  sonnent  du  cor  et  les  jeunes 
filles  se  couronnent  de  fleurs  et  de  feuilles.  On  croit  que  cette 

1  Thor  était  devenu  le  dieu  Thoron  ou  Thordoen  chez  les  anciens  Lapons. 
Ils  en  avaient  des  représentations  grossières  en  bois  ou  en  pierre.  Ils  lui 
mettaient  à  la  main  droite  un  marteau,  et  dans  la  tôle  iin  morceau  de 
caillou  (SohefTer,  op.  ci7.,  p.  78). 

*  Mém.  Acad.  de  Vaucluse,  1882,  flg.  1-4. 
»  /Wd.,  p.  42. 

*  L'Homme^  1886,  p.  624. 

*  Mém.  Acad.  de  Vaucluse,  1882,  p.  19. 
«  /6td.,  p.  88. 


F.  POMMEROL.  —  LB  CULTE  DE  TARANIS  EN  AUVERGNE.  411 

coutume  se  rapporte  à  une  ancienne  fête  celtique  en  Thon* 
neurde  Taranis*, 

La  pierre  brute  ou  la  croix  que  Ton  pose  sur  les  maisons 
est  un  reste  évident  du  culte  de  cette  vieille  divinité  gauloise. 
En  Irlande,  les  sacrifices  humains  se  sont  perpétués  en  son 
honneur  jusqu'au  temps  de  saint  Patrick.  En  Auvergne, 
Tusage  de  bâtir,  en  certaines  occasions,  des  ossements  hu- 
mains dans  les  murs  des  maisons  ;  la  tradition  de  considérer 
l'enfant  qui  pose  la  première  pierre  comme  devant  bientôt 
mourir,  celle  de  placer  des  cadavres  dans  les  fondements  des 
églises,  toutes  ces  pratiques  ne  sont  que  Técho  affaibli,  le 
symbole  moderne  des  anciens  sacrifices  humains  que  les 
Gaulois  faisaient  au  dieu  de  la  foudre,  à  leur  cruel  Taranis. 

Avec  le  secours  des  pratiques  et  des  documents  légen- 
daires, nous  essayerons  d'esquisser  la  physionomie,  de  re- 
constituer quelques-uns  des  attributs  de  cet  antique  dieu  de 
la  Gaule.  Nous  pensons  d'abord  qu'il  devait  être  une  divinité 
solaire  ;  qu'à  certaines  époques  de  Tannée  on  Tadorait  par 
des  feux  allumés  la  nuit.  C'est  sans  doute  sous  son  invoca- 
tion que  les  druides  cueillaient  .la,  verveine,  le  samolus,  le 
sélage,  ces  plantes  sacrées  en  si  grand  usage  dans  la  méde- 
cine gauloise  ;  nos  herbes  de  la  Fête-Dieu,  nos  herbes  de  la 
Saint-Jean,  ne  paraissent  être  qu'une  survivance  de  cet  an- 
cien culte.  Nous  avons  donné  des  faits  qui  tendent  à  démon- 
trer qu'à  la  manière  de  Jupiter  et  de  Silvain,  Taranis  était  le 
dieu  protecteur  de  la  maison  et  du  foyer,  qu'il  protégeait  les 
récoltes,  préservait  de  la  maladie  les  hommes  et  les  trou- 
peaux et  défendait  les  habitations  et  les  temples  contre  les 
esprits  des  ténèbres.  Étant  un  dieu  solaire,  la  roue  devait 
être  son  emblème,  comme  elle  Tétait  chez  les  Romains  du 
char  de  la  foudre  et  du  Jupiter  Tonnant.  Nous  sommes  ici 
de  Tavis  de  M.  d'Arbois  de  Jubainville,  contrairement  à 
Topinion  de  M.  Gaîdoz.  En  Auvergne,  la  roue  se  rencontre 
parfois  sur  les  maisons;  on  peut  en  voir  des  exemples  à  Vil- 

«  Hêvuê  dei  TradiLions  populaires^  1887,  p.  S65. 


412  SÉANCE   DU   2   JUIN    18ST. 

lars  et  aux  Martres-de-Veyre.  Ce  fait  établissant  un  rapport 
entre  la  pierre  brute  et  le  signe  de  la  roue  vient  à  Tappui  de 
notre  manière  devoir.  Les  hommes  du  moyen  âge  qui  je- 
taient en  Tair  un  marteau  avant  de  construire  leurs  églises 
ne  faisaient  que  rendre  à  Taranis  un  hommage  lointain, 
inconscient.  Bien  qu*il  ait  été  dans  la  suite  en  partie  absorbé 
par  les  personnalités  puissantes  du  Jupiter  romain  et  du  Dieu 
chrétien,  il  n'est  pas  difficile  aujourd'hui  de  le  retrouver 
encore  vivant  sous  certaines  pratiques  du  paganisme  ancien 
et  du  christianisme  actuel. 

D*autres  faits  semblent  rapprocher  le  culte  de  Taranis  de 
celui  de  Baal.  Dans  le  nord  de  TEurope,  les  feux  qu'on 
allume  dans  la  nuit  du  milieu  de  Tété  {midsummer-night)  ont 
certainement  la  même  signiflcation  que  nos  feux  de  la  Saint- 
Jean.  Les  habitants  de  la  Scanie  jles  appellent  Baldersbal  ou 
feux  de  Baldef'\  Gomme  en  notre  pays,  on  danse  en  rond,  on 
crie,  on  chante  autour  des  bûchers  allumés. 

Le  culte  des  Béthyles^  ou  des  pierres  consacrées  à  Baal,  a 
été  en  grand  honneur  dans  la  Phénicie  et  a  persisté  jusqu*à 
la  disparition  du  paganisme  gréco-romain.  «  Le  mot  de  be- 
thyle  était  un  terme  générique  qui  servait  à  désigner  toutes 
les  pierres  sacrées.  Rien  n'était  plus  variable  que  la  forme 
de  ces  pierres.  En  général,  elles  étaient  coniques  ou  ovoïdes; 
quelquefois  elles  avaient  la  forme  de  pyramides.  Dans  cer- 
tains sanctuaires,  c*étaient  des  cippes  équarris,àfaces  planes. 
Certaines  de  ces  pièces  étaient,  assure-t-on,  des  aérolithes, 
ce  qui  ajoutait  encore  à  leur  crédit*.  »  Au  temps  de  Tacite, 
la  déesse  Astarté  ou  Aphrodite  était  représentée  dans  les 
tetnples  de  Papbos  et  de  Bibles  par  une  pierre  taillée  en  forme 
de  cône  •.  A  Émèse,  on  voyait,  comme  à  la  Mecque,  une 

1  Gh.  Ran,  Ohsérvaiiont  en  cup-shaped  and  otii^r  lapidarian  sculpture  in 
the  Old  World  ar^  in  America,  in  ConlHbuiionz  to  North  american  Ethno- 
logy,  vol.  V,  p.  7î. 

•  Perrot  et  Chipiez,  Histoire  de  VÂrt  dans  FatUiquUéy  Pari»,  Hachette, 
iD-8<»,  1885.  t  III,  p.  59. 

»  Bùtoires,  II,  8. 


DISCUSSION  SUR  LE   CULTE  DE  TARANIS  EN  AUVERGNE.       413 

grande  pierre  noire  tombée  du  ciel  et  de  forme  conique,  dans 
le  temps  où  Héliogabale  en  était  le  prêtre  avant  de  devenir 
empereur  ^  Au  moment  de  la  décadence  de  Tempire  romain, 
alors  que  le  paganisme  latin  vacillait  sur  sa  base^  la  pierre 
brute  était  considérée  comme  la  plus  haute  incarnation  de  la 
divinité*.  Nous  savons  que  les  druides  avaient  plus  d'un  lieu 
de  parenté  avec  les  mages  de  TOrient  ;  que  le  berceau  du 
druidisme  doit  être  recherché  en  Asie,  et  que  les  Phéniciens 
avaient  établi  de  nombreux  comptoirs  sur  les  côtes  de  la 
Gaule.  Nous  ne  sommes  donc  pas  étonné  de  trouver  en  des 
régions  si  éloignées  les  unes  des  autres  des  symboles,  des 
emblèmes  religieux  ayant  la  même  signification  et  la  même 
origine. 

Le  Taranis  gaulois,  comme  le  Thor  des  Scandinaves  et  des 
Germains,  représente  le  même  principe  cosmogonique  que  le 
Baal  phénicien  et  le  Jupiter  classique.  Ces  grandes  entités 
religieuses  sorties  du  cerveau  de  races  distinctes  ont  néan- 
moins les  mêmes  attributs  divins,  et  il  est  facile  de  voir  en 
elles  la  personnification  réelle  du  Soleil  et  de  la  Foudre.  En 
remontant  aux  origines  aryennes,  au  vieux  culte  védique 
d'Indra,  on  trouverait  peut-être  la  raison  d'une  si  étroite 
ressemblance. 

Discussion. 

.  M.  Ploix.  Il  ne  me  paraît  pas  douteux  que  le  placement 
d'une  pierre  brute  ou  de  tout  autre  objet  au-dessus  d'une 
maison  dont  la  construction  vient  d'être  achevée,  ne  soit  le 
résultat  d*une  ancienne  superstition.  Mais  les  documents  que 
M.  Pommerol  a  réunis  me  semblent  insuffisants  pour  affir- 
mer que  cet  objet  a  été  primitivement  une  de  ces  pierres 
qu'on  appelle  pierres  du  (onner9*e,  ou  que  sa  destination  ori- 
ginaire était  de  proléger  spécialement  l'habitation  contre  la 
foudre.  On  peut  certainement  croire  qu'il  s'agissait  de  proté- 
ger la  construction  (et  peut-être  aussi  ceux  qui  l'habitaient) 

«  Hérodien,V,  5. 

«  Perrot  et  Chipiez,  op.  cil, y  p.  60. 


4U  SÉANCE  DU  2  JUIN  1887. 

contre  toutes  saHes  de  manvaises  chances;  la  <îhute  dé  la 
foudre  rentre  dans  cette  catégorie,  mais  elle  n'est  pas  la 
seule  qae  Ton  ait  à  redouter.  D*un  autre  cAté,  M.  Pommerol 
va  encore  plus  loin  ;  il  croit  voir  dans  la  pierre  brute  dont  il 
est  question  un  dieu,  et  il  est  prêt  à  reconnaître  ce  dieu 
comme  étant  le  Gaulois  Taranis^  dieu  du  tonnerre.  Cette 
conclusion  me  parait  prématurée,  et  même  très  hasardée. 

On  nous  parle  du  culte  des  pierres;  les  pierres  que  l'on 
adorait  n'étaient  pas  des  dieux;  c'étaient  de  simples  fétiches, 
et  nous  avons  affaire  évidemment  ici  à  une  survivance  féti- 
chique.  Mais  nous  ne  saurions  voir  dans  chacun  des  objets 
placés  au  faîte  des  maisons  la  représentation  d'un  dieu.  Il  a 
pu  arriver,  par  des  raisons  que  je  n'ai  pas  à  examiner  ici, 
qu'une  pierre  ait  été  regardée  comme  étant  un  véritable 
dieu  ;  c'est  alors  une  pierre  déterminée,  et  l'on  n'en  pourrait 
trouver  de  cette  sorte  autant  qu'il  y  a  de  maisons  à  con- 
struire. A  ma  connaissance,  les  pierres  du  tonnerre  n'ont 
jamais  passé  pour  être  le  dieu  lui-même  qui  lance  la  foudre. 

M.  Pommerol.  Une  superstition  n'est  autre  chose  qu'un 
reste  d'une  ancienne  croyance  religieuse.  Souvent  le  chris- 
tianisme, en  plaçant  une  croix,  n'a  fait  que  substituer  son 
emblème  à  des  emblèmes  de  religions  plus  anciennes.  Les 
faits  que  j'ai  cités  me  semblent  prouver  qu'il  existe  un  rap- 
port étroit  entre  les  symboles  de  la  pierre  brute,  de  la  hache, 
du  marteau  et  le  culte  du  tonnerre.  Le  tonnerre  étant  en 
Gaule  le  principal  attribut  du  dieu  Taranis,  ce  sont  les  survi- 
vances plus  ou  moins  altérées  de  cet  ancien  culte  que  nous 
retrouvons  dans  les  traditions  et  les  coutiimes  de  l'Au- 
vergne. 

M.  Verrier.  Il  existe  en  Auvergne  et  ailleurs  des  fontaines 
que  le  catholicisme  s'est  en  quelque  sorte  appropriées  et 
qui  étaient  déjà  des  lieux  de  pèlerinage  au  temps  des  Gaulois. 

M.  Pommerol  ajoute  que  le  fait  est  très  fréquent  et  que  le 
culte  des  pierres  était  intimement  associé  à  celui  des  fon- 
taines. 

M.  Piètrement  cite  une  fontaine  conservée  par  le  clergé 


A   PROPOS   DtJ   PROCÈS-YERBAL.  416 

catholique  et  dans  laquelle  jeunes  gens  et  jeunes  filles  vont 
jeter  des  épingles  dans  respoir  de  se  marier. 

M.  Gaultier  de  Glaubrt  ajoute  que,  dans  le  département 
des  Landes,  les  principales  maladies  portent  le  nom  d'un 
saint  et  se  guérissent  avec  Teau  d'une  fontaine  consacrée  au 
même  saint.  Le  mal  de  Saini-Loais  on  les  écrouelles  fait  excep- 
tion ;  il  se  guérit  infailliblement  en  faisant  toucher  la  partie 
malade  par  le  septième  garçon  oo  la  septième  fille  d*ane 
famille  de  sept  enfants  du  môme  sexe,  tous  vivants.  Faute  de 
mieux,  on  se  fait  toucher  par  un  enfant  posthume;  mais  ce 
moyen  ne  réussit  pas  toujours. 

La  séanoe  est  levée  à  six  heures. 

Vun  des  tecrèiairet  :  manouvrier* 


ilS'SiANCK.  --lejBifl  1887. 

Pré«ld6tteo  de  M.  MACSITOT,  préitideiit. 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séanoe  est  lu  et  adopté  « 

A  propst  du  pr#eè*^erbal. 

Sur  le  mot  Mto.  —  M,  0.  Béauregard  lit  une  note  sur  le 
mot  fiatù, 

A  notre  précédente  séance,  j'avais  llntentîon  de  présenter 
quelques  observations  à  propos  du  mot  Mto,  Mais  la  façon 
absolue  et  positive  dont  s'est  exprimé  à  ce  sujet  notre  col- 
lègue, M.  Sanson,  sous  Tinspiration  de  M.  Gharnay,  m'a  fait 
ajourner. 

Aujourd'hui  je  tiens  à  dire  que  le  mot  fiato  n'est  pas  espa- 
gnol-castillan. 

Le  mot  castillan  pour  Gamard  est  romo,  qui  a  pour  féminin 
roma, 

Nato  pour  camard  est  de  l'espagnol  du  centre-Amérique 
et  de  l'Amérique  du  8ud  ;  du  reste,  nato,  dans  l'Amérique 
ArgentinCi  a  un  féminin^  qui  est  ^a/a,  et  de  plus  un  diminutif; 


416  SÉANCE  DU  16  JUIN  1887. 

hcUitaf  qui  se  dit  des  personnes  dont  le  nez  manque  de  relief; 
et,  dans  l'usage  du  monde,  cette  expression  est  aimable  et 
caressante  à  Tégal  de  notre  expression  «  piquante  bru- 
nette». 

Par  occasion,  je  signale  à  notre  collègue  M.  Sanson  Tezis* 
tence  de  chevaux  dits  Bogotuèdoi^  c'est-à-dire  chevaux  à 
moustaches,  qui  se  rencontrent  dans  le  voisinage  de  Mendosa, 
dans  le  ParanuUo,  contrefort  occidental  des  Cordillères. 

Discussion. 

M.  Sanson.  Le  mot  hato  ne  peut  être  employé  dans  l'Amé- 
rique du  Sud  pour  désigner  une  race  bovine,  par  la  raison 
bien  simple  qu'il  n'existe  pas  de  race  hâta,  La  personne  qui 
a  dit  à  M .  Beauregard  qu'il  existait  une  telle  race  à  Buenos- 
Ayres  était  mal  informée.  Son  affirmation  concernant  l'exis- 
tence d'une  race  de  chevaux  à  moustaches  n'a  pas  plus  de 
valeur  scientifique  que  la  précédente.  Il  y  a  des  chevaux  à 
moustaches,  comme  il  y  a  des  femmes  à  moustaches.  C'est 
une  variété  individuelle  quipeut  être  plus  ou  moins  fréquente, 
mais  qui  ne  caractérise  aucune  race  particulière. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

Mantegazza  et  Regalia.  Studio  sopra  nna  série  di  crani  di 
Fuegini.  Florence,  1886,  broch.  in-8*,  55  pages,  2  planches. 

Kollmann.  Dos  Grabfeld  von  E lisried-Schàdel  aus  jenem 
Hûgel  bel  Genf-Schàdel  von  Genthod  und  Lully  bel  Genf,  Bàle, 
1887,  in-8%  63  pages. 

M"®  DE  Ujfalvy-Bourdon.  Voyage  dune  Parisienne  dans 
t Himalaya  occiiental,  Paris,  1887,  in-18,  452  pages. 

Dictionnaire  des  sciences  anthropologiques,  20*  livraison. 

Verne  AU.  Rapport  sur  une  mission  scientifique  dans  Var* 
chipel  Canarien,  Paris,  1887,  in-8%  272  pages,  4  planches. 

Discussion. 

M.  Letourneau  demande  s'il  existe  une  ressemblance  entre 
les  caractères  de  certaines  inscriptions  canariennes  et  ceux 


A.  DE  HORTILLET.  —  SOBX  TAILLÉS.  417 

de  Talphabet  touareg  relevés  par  M.  Daverrier  dans  le  Sahara 
occidental. 

M.  Vernkau  répond  que  ces  caractères  se  rapprochent  beau^ 
coup  des  caractères  numidiques. 

ÉLECTIONS. 

M.  le  docteur  W.  Dbxhterbfp,  de  Saint-Pétersbourg,  est  élu 
membre  titulaire. 

PBÉSENTATIONS. 

Silex  tallléa; 

PAR  M.   A.   DB  MORTUXn. 

J*ai  Thonneur  de  présenter  à  la  Société  une  intéressante 
série  de  silex  taillés  recueillis  par  M.  Emile  Gollin  sur  les 
bords  de  l'Epie,  petite  rivière  qui  sépare,  dans  la  partie  infé-  - 
rieure  de  son  cours,  les  départements  de  TEure  et  de  Seine- 
et-Oise  et  se  jette  dans  la  Seine,  entre  Vernon  et  Bounières. 

Cette  contrée  est  riche  en  ateliers  de  Fépoque  de  la  pierre 
polie.  M.  Collin  en  a  visité  plusieurs:  celui  d'Aveny,  près  de 
Bust  Saint-Remy  (Eure),  qui  a  été  exploré  par  M.  de  Pulligny 
il  y  a  quelques  années,  et  ceux  de  Vaumion,  commune  d'Am- 
hleville,  de  Louvière,  commune  d'Omerville,  et  de  Bray 
(Seine-et-Oise),  que  nous  ne  connaissions  pas  encore. 

Dans  ces  diverses  stations,  M.  Gollin  a  retrouvé  toute  l'in- 
dustrie du  silex  de  la  période  néolithique  :  percuteurs,  nu- 
cléus,  lames,  grattoirs,  tranchets,  scies,  perçoirs,  écrasoirs, 
ébauches  et  fragments  de  haches  polies. 

Parmi  les  nombreux  objets  récoltés  par  M.  Collin,  je  dois 
particulièrement  signaler  deux  pointes  de  flèche  en  amande, 
provenant  Tune  de  Vaumion  et  l'autre  d'Aveny,  plusieurs 
haches  polies,  dont  une  fort  belle  en  silex  d'eau  douce  pro- 
venant d'Aveny,  et  un  curieux  instrument  trouvé  près  de 
Bray.  Cet  outil,  qui  affecte  la  forme  d'un  long  tranchet,  pos- 
sède deux  tranchants,  un  à  chaque  bout.  Il  est  bienen  main, 
et  a  quelque  analogie  avec  certaines  pièces  de  Spiennes. 
T.  X  (3*  sÉaiB).  37 


418  sftANCll  t)U  16  lUiN  I8IIT. 

Bkiflti,  j*ftppellerai  encore  l'attebUon  de  là  Soeiété  sur 
deux  percuteurs.  Le  premier  est  un  oursin  portant  des  traces 
de  percussion,  recueilli  à  Vaumion.  Je  ferai  remarquer^  à  cette 
occasion,  que  ce  n'est  pas  la  première  fois  que  l'on  ren- 
contre des  échinides  fossiles  ayant  servi  de  marteaux.  Le 
second  est  un  percuteur  d*une  forme  spéciale,  il  est  muni 
d*unë  sorte  de  tnanahe  ou  poignée»  ménagé  intentionnel- 
lement dans  le  rognon  dont  il  a  été  confectionné,  appendice 
qui  devait  donner  aux  coups  une  plus  grande  élasticité. 
Malgré  sa  fragilité,  cet  instrument  a  beaucoup  servi,  ce  qui 
prouve  que  les  hommes  de  i'époqiie  robenhausienne  étaient 
parvenus,  dans  le  travail  de  la  pierrci  à  une  très  grande 
adresse,  à  une  remarquable  délicatesse  de  main.  Un  ouvrier 
peu  habile  dans  Tart  de  tailler  le  silel  l'aurait  certainement 
brisé  du  premier  coup. 

Diàcussioii. 

M.  Ploix.  m.  A.  de  Mortillet  vient  de  nous  présenter  un 
percuteur  si  fragile,  nous  a-t-il  dit,  qu'il  se  demande  com- 
ment on  a  pu  s'en  servir  sans  le  briser.  Peut'ètre  n'était-ce 
pas  un  percuteur. 

M.  A.  de  Mortillet  explique  qu'une  erreur  à  ce  sujet  est 
impossible.  Les  pièces  que  l'on  considère  comme  des  percu- 
teurs portent  des  traces  nombreuses  d'étoilures  très  caracté- 
ristiques, qui  ne  peuvent  être  obtenues  que  par  percussion. 
On  ne  rencontre,  du  reste,  ces  pièces  que  dans  les  endroits  où 
se  trouvent  des  silex  taillés. 

Chevelure  en  vadrouille  i 

PAR  M.  ESCHENAUBR. 

M.  BscËËNAUGil  présente  un  enfant  remarquable  par  Tabon- 
dance  et  la  finesse  de  ses  cheveux  blonds.  Ils  offrent  la  dis** 
position  dite  en  vadrouille.  Le  père  de  Cet  enfant  possède 
une  chevelure  analogue,  mais  brune. 


DISCUSSION  SUR  LBB   PRBMIBRS  AGES  DU  MÉTAL.  419 

PlMtelie  et  prospeetns  àen  premiers  âges  en  Biétal 
daas  le  sna-evl  4e  rBepugae 

Hk  M.  n.  LÂGifiAn. 

Deux  ingénieurs  beiges,  MM.  Henri  et  Louis  Siret,  d'An- 
vers, m'ont  écrit  pour  attirer  l'âttehtion  de  la  Société  sur 
leur  ouvrage  intitulé  les  Première  Ages  du  métal  dans  le  iud- 
est  de  l'Espagne.  Je  dépose  sur  le  bureau  une  planche  et  un 
prospectus  de  cet  ouvrage.  MM.  de  Mortillet,  de  Nadaillac, 
Salmon^  sont  plus  que  moi  à  même  d'apprécier  la  valeur  de 
cet  ouvrage,  qui  me  paraît  signaler  quelques  pièces  curieuses, 
de  grands  vases  servant  de  sépulture  pour  un  ou  deux  cada- 
vres, de  nombreux  objets  de  cuivre^  de  nombreux  objets 
d'argent. 

MM.  Siret  ajoutent,  dans  leur  lettre  ;  k  Notre  collection 
comprend,  entre  autres,  quatre-vingts  erànes  bien  conservés 
du  premier  âge  du  bronze  en  Espagne.*.  Nous  serions  heu- 
reux et  flattés  d'avoir  Ja  visite  des  savants  français.  » 

A  propos  du  grand  nombre  d'objets  préhistoriques  en  ar- 
gent trouvés  par  MM.  Siret  dans  les  provinces  d*Almérie  et 
de  Murcie,  je  rappellerai  que,  dans  l'antiquité  historique,  les 
anciens  habitemts  de  Tartesse  passaient  pour  être  très  riches, 
ainsi  que  le  disent  Festus  Avienus  et  Priscianus,  et  que  les 
Turdetans  et  les  Turdules,  dont  la  très  ancienne  civilisation 
semble  attestée  par  leurs  lois  écrites  et  rythmées,  datant  de 
six  mille  ans  avant  Slrabon,  lors  de  l'arrivée  de  Barca  et  des 
Carthaginois  en  Hispanie,  avaient  en  argent  des  mangeoires 
et  des  tonneaux  ou  grandes  jarres  à  vin  S 

«  Divites  Tartessii,  Festus  Avienus,  Orœ  maritimjet  p.  1^8.  Despois  et 
Saviot. 

8upm  dives  se  alla  Tartesius,  Prléoianus,  PérUgèst^  p.  193,  ?.  8S5 
Geographi  Grœci  Minor$t^  t.  I,  ooll.  Didot. 

...  Èxouai  ou']p[^X(A|Aa70(  x*i  icoiiiasita  xal  vôftcu;  ip^MT^ou;  i^oxtoxtXCwv  ttûv. 
Slrabon,  I.  III,  cap.  i,  §  6,  p.  115. 

...  ^dvtati  ép^pat;  xal  iri6ei(  x?**pvou$  tous  iv  Toup^riTAvià.  Strabon, 
•  III^  cap.  II,  §  14,  p.  123. 


420  SÉANCE  DU  i6  JUIN  4887. 

Discussion. 

M.  MiLLESGAUPs  fait  remarquer  la  ressemblance  qui  existe 
entre  certains  objets  figurés  dans  Touvrage  en  question  et 
des  objets  lacustres  du  Bourget. 

COMMUNICATIONS. 
Lm  elr«OHelslOH,  sm  signlMeatloa  soeimle  et  religieuse; 

PAR   M.    PAUL  LAFARGUB. 
(Lue  par  M.  Hervé.) 

I 

Tylor  donne  comme  exemple  de  survivance  de  Tàge  de 
pierre  l'emploi,  par  les  anciens  Juifs,  du  couteau  de  silex 
pour  pratiquer  la  circoncision  que  les  Juifs  opèrent  encore 
de  nos  jours  sur  les  enfants  morts  âgés  de  moins  de  huit 
jours,  avec  un  pareil  instrument  *.  L'usage  du  couteau  de 
pierre  pour  une  si  douloureuse  opération  est  un  signe  cer- 
tain que  la  circoncision  est  une  des  plus  antiques  institutions 
de  Tespëce  humaine. 

On  a  considéré  la  circoncision  comme  un  rite  religieux 
appartenant  sinon  exclusivement^  du  moins  spécialement  aux 
Hébreux,  à  cause  des  promesses  divines  attachées  à  son  ob- 
servance, de  sa  persistance  dans  la  race  sémite,  et  du  mé- 
pris avec  lequel  on  traite,  dans  le  Nouveau  Testament,  les 
incirconcis  de  gentils.  Cependant,  si  Ton  se  rapporte  à  la 
Bible,  Ton  voit  que  TÉternel  ne  songea  à  demander  à 
Abraham  le  sacrifice  de  son  prépuce  que  lorsqu'il  eut  atteint 
l'âge  de  quatre-vingt-dix-neuf  ans  {Genèse,  xvii),  et  après  son 
retour  d'Egypte,  où  le  patriarche  avait  appris  à  apprécier 
Timportance  religieuse  de  cette  mutilation.  On  est  donc  au- 
torisé à  supposer  que  les  Hébreux  ne  sont  pas  les  inventeurs 
de  cette  coutume,  qu'au  dire  d'Hérodote  (ii,  §  104)  les  Égyp- 
tiens, les  Golchidiens  et  les  Éthiopiens  pratiquaient  de  temps 

•  li.-B.  Tylor,  Hesearches  into  the  early  history  o/'Afanib'nd, 217-21 9, 2«  éd., 
1870. 


p.  LAFORGUE.  —  SUR  LA  CIRCONCISION.  4^1 

immémorial  et  que  les  Phéniciens  et  les  Éthiopiens  recon- 
naissaient avoir  reçue  des  Égyptiens.  La  circoncision  semble 
s'être  implantée  difficilement  chez  les  Hébreux,  car  Moïse, 
après  sa  fuite  d'Egypte,  s'étant  marié  au  pays  de  Madian 
avec  Séphora,  qui  descendait  d'Abraham,  ne  circoncit  son 
fils  que  lorsqu'il  rentra  en  Egypte  et  que  TÉternel  chercha 
àletuer  (£'.rorfe,  iv,  24)  ;  c'est  sa  femme  qui  opéra  l'enfant.  Les 
Phéniciens,  au  contact  des  Grecs,  perdirent  la  coutume  de 
circoncire  les  nouveau-nés  (Hérodote,  ii,  §  i04).  U  en  arriva 
de  même  aux  Israélites;  dès  qu'ils  quittèrent  la  terre  d'E- 
gypte, ils  s'empressèrent  d'abandonner  cet  usage,  qui  ne  fut 
rétabli  qu'après  leur  voyage  à  travers  le  désert,  et  sur  l'ordre 
formel  de  l'Éternel,  qui  enjoignit  à  Josué  de  circoncire  tous 
les  hommes  (Josué,  v).  Au  temps  d'Antiochus  Épiphane,  les 
riches  habitants  de  Jérusalem  rougirent  de  la  perte  de  leur 
prépuce  :  ceux  qui  se  rendaient  aux  gymnases  publics  pour 
s*y  exercer  nus,  se  firent  refaire  un  prépuce  artificiel.  Celse 
décrit  l'opération  (De  re  medica,  \ii,  §  25). 

Les  prêtres  d'Egypte,  dit  Hérodote  (ii,  §  37),  se  circonci- 
saient par  mesure  de  propreté  ;  «  mais  cette  coutume  n'était 
pas  confinée  aux  classes  sacerdotales,  ainsi  que  le  prouvent 
les  sculptures  et  les  momies  ;  la  circoncision  était  la  marque 
qui  distinguait  les  Égyptiens  de  leurs  ennemis,  et  dans  la 
suite,  quand  l'Egypte  se  peupla  d'étrangers,  elle  était  le 
signe  qui  empêchait  de  confondre  l'orthodoxe  égyptien  avec 
l'étranger  infidèle.  Son  institution  dans  le  pays  remonte  à 
la  plus  extrême  antiquité;  on  la  trouve  établie  à  la  plus  pri- 
mitive époque  dont  il  reste  des  monuments,  plus  de  2  500  ans 
avant  noire  ère,  et  elle  datait  d'une  époque  antérieure  K  » 
Les  Égyptiens  la  considéraient  comme  si  ancienne,  qu'ils  en 
faisaient  remonter  l'origine  aux  animaux,  aux  singes  cyno- 
céphales qui,  disaient-ils,  naissent  circoncis  *. 

On  n'a  voulu  voir  dans  cette  étrange  coutume,  ainsi  que 

J  J.  Gardncr  Wllkinson,  Mannsrs  and  Customs  of  ihe  aneient  Egyptian^t 
l,  p.  183-4.  London,  1878. 
«  HorapoUo,  Hieroglyphicat  §  i4. 


491  8ÉANGB  BU  16  JUIN  1887. 

dans  TépiUlion  du  oorps  que  pratiquaient  si  sorapuleuier 
meot  les  prêtres  égyptiens,  qu'un  simple  acte  de  propreté, 
qu'une  mesure  préventive  contre  les  attaques  épidémiques 
de  maladies  vénériennes  qui  se  déclaraient  après  les  fêtes 
orgiaques  deBaal-Pehors  {Nombrei,  xxv)  ;  cette  mesure  hygié- 
nique, pour  simposer  et  se  maintenir,  avait  dû  prendre 
le  caractère  d*une  cérémonie  religieuse.  En  effet,  Josué 
ne  fit  revivre  Tinstitution  tombée  en  désuétude  tant  que  les 
Israélites  vécurent  dans  le  désert^  que  lorsque,  arrivés 
dans  la  terre  sainte,  ils  eurent  les  opportunités  de  prendre 
part  aux  grandes  fêtçs  de  prostitution  du  monde  antique. 
Sans  vouloir  contester  la  valeur  de  ces  explications,  surtout 
dans  le  cas  spécial  de  Josué,  on  doit  cependant  reconnaître 
que  les  travaux  ethnographiques  et  les  études  religieuses  de 
notre  siècle  permettent  de  fournir  des  explications  plus  pro« 
bables  et  plus  générales  de  cette  coutume  barbare. 

II 

E.  Casalis,  qui  en  qualité  de  missionnaire  résida  vingt- 
trois  ans  dans  le  sud  de  TAfrique,  décrit  les  cérémonies  qui 
accompagnent  la  circoncision  chez  les  Bassoutos  :  son  récit 
est  confirmé  par  celui  de  Livingstone.  Gomme  ce  n'est  qu'en 
étudiant  les  mœurs  des  sauvages  et  des  barbares,  qui,  se- 
lon l'énergique  expression  du  docteur  Letourneau,  sont  la 
préhistoire  vivante,  que  Ton  pourra  reconstituer  les  premières 
phases  de  l'évolution  humaine,  je  résumerai  les  récits  de  ces 
deux  voyageurs  en  les  complétant  par  des  observations  faites 
en  Australie  ;  nous  pourrons  ainsi  remonter  à  l'origine  pro- 
bable de  cette  coutume  ' . 

La  circoncision  se  pratique  chez  les  Bassoutos  et  les  Bé- 
chouanas  vers  l'âge  de  treize  à  quinze  ans;  d'enfants  {pueri) 
qu'ils  étaient,  elle  en  fait  des  hommes  (veW).  Cette  cérémonie, 

t  E.  Casalis,  les  Bassoutos ,  chap.  xih,  Paris,  1859;  Livingstone,  Mis- 
sionary  TraveU  in  South  Africa,  p.  146-9,  London,  1857;  G.-F.  Angas,  Sa- 
vage Life  and  Scènes  in  Australia  and  NewZeatand,  vol.  I^  ohap.  m;  vol.  Il, 
chap.  VII,  Londou,  1847. 


p.  LAFARaUE.  ^  SUR  LA  CIRCONCISION.  433 

qui  ne  revient  que  tous  lei  cinq  gu  m  mh  est  ^  impor* 
tante,  que  les  Béchouanas  comptent  leur  histoire  par  cérér 
monies  de  circoncision,  comme  autrefois  les  Grecs  le  faisaient 
par  olympiades. 

Les  jeunes  gens  que  Ton  va  «  faire  hommes  n,  avertis  de 
Tépoque  fixée,  simulent  une  révolte  et  9*évadent  dans  Iqç 
bois  ;  les  guerriers,  armés  de  toutes  pièces,  partent  à  la 
poursuite  des  insurgés,  qu'ils  ramènent  au  milieu  de  danses 
bruyantes  qui  sont  le  signal  de  la  fête,  l<e  lendemain  on 
construit  des  cabanes  appelées  mapato  (mystère),  o^  aprè^  leur 
circoncision  ils  doivent  demeurer  pendant  six  à  huit  mois 
sous  la  direction  d'instructeurs  spéciaux  qui  les  exercent  au 
maniement  des  armes,  à  lancer  1^  javeline,  manœuvrer  i^ 
massue,  parer  les  coups  avec  le  bouclier  carré,  fis  endurcis* 
sent  leur  corps  à  la  fatigue,  à  la  faim,  h  la  douleur;  ils  eom- 
mencent  là  leur  apprentissage  d'hommes  et  de  guerriers.  Us 
sont  soumis  à  des  jeûnes  prolongés,  ht  de  fréquentes  et  im- 
pitoyables flagellations;  et  pendant  que  la  gaula  sifflante 
s'applique  sur  leurs  corps  nus,  les  mentors  les  moralisent  : 
«  Amendei-vous  1  soyea  hommes  \  Fuyez  le  vol  et  Vadul- 
tère  1  Honorez  votre  père  et  votre  mère  !  Obéissez  à  vos 
chefs  !  »  Ils  ont  le  droit  de  tuer  le  garçon  qui  essayerait 
d'échapper  à  cette  terrible  discipline  sous  laquelle  les  faibles 
succombent.  Les  femmes  sont  rigoureusement  écartées  du 
mapato,  mais  tout  homme  a  le  droit  d'y  venir  et  de  joindre 
ses  coups  et  ses  préceptes  à  ceux,  des  instituteurs.  Cette  édu- 
cation Spartiate  que  les  philosophe^  de  l'antiquité  et  les 
historiens  modernes  croyaient  spéciale  aux  habitants  de  la 
Laconie,  a  été  employée  par  tous  les  peuples  primitifs  pour 
former  des  guerriers  rompus  aux  fatigues  et  aux  souf^ 
frances.  L'originalité  des  Lacédémoniens  est  d'avoir  préservé 
en  pleine  civilisation  grecque  les  mœurs  barbares  qui  firent 
leur  supériorité. 

Après  six  à  huit  mois  de  ce  régime  disciplinaire,  les  jeunes 
gens,  oints  de  la  tête  aux  pieds,  reçoivent  des  vêtements  et 
un  nom  qu'ils  doivent  conserver  leur  vie  durant,  et  retour* 


AU  SÉANCE  DU  16  JUIN  4887. 

nent  dans  le  village  au  milieu  des  danses  et  des  acclama- 
tions :  le  mapato  est  livré  aux  flammes  dès  qu*ils  Tont  quitté. 
L'oncle  maternel  de  chaque  circoncis  lui  donne  un  javelot 
pour  défendre  la  tribu  et  une  vache  pour  le  nourrir.  Jusqu'à 
leur  mariage,  les  nouveaux  circoncis  continuent  à  vivre  en- 
semble dans  des  espèces  de  corps  de  garde;  ils  sont  astreints 
à  remplir  certaines  fonctions  publiques  :  faire  paître  les 
bestiaux,  procurer  du  bois  de  chauffage  et  chercher  les  ma- 
tériauxde  construction. 

La  circoncision  est,  chez  ces  peuplades  nègres,  une  des 
cérémonies  de  l'initiation  de  l'adolescent  aux  droits  et  de- 
voirs du  guerrier  :  les  jeunes  circoncis  forment  une  corpora- 
tion (takay  branche)  qui  prend  le  nom  du  jeune  chef  qui  doit 
les  commander  à  l'avenir  dans  les  expéditions  belliqueuses  : 
ce  chef  est  choisi  dans  la  gens  ou  clan  qui  fournit  les  com- 
mandants militaires.  Ce  que  les  historiens  ont  cru  une  in- 
vention du  père  de  Sésostris,  qui  fit  élever  avec  son  fils  les 
enfants  de  son  ^ge,  est  une  coutume  générale  des  barbares. 
Livingstone  n'hésite  pas  à  considérer  la  circoncision  (baguera) 
«  comme  une  cérémonie  civile  plutôt  que  religieuse.  ..  Et 
comme  il  n'existe  pas  de  chaîne  continue  entre  les  Arabes  et 
les  Béchouanas,  et  comme  elle  n'est  pas  une  cérémonie  reli- 
gieuse, elle  ne  peut  être  attribuée  à  une  origine  mahométane, 
ainsi  qu'on  a  l'habitude  de  le  faire.  » 

Les  filles  de  treize  à  quatorze  ans  passent  aussi  par  une 
semblable  initiation  que  certaines  tribus  désignent  du  mot 
circoncision.  Sous  la  direction  de  matrones  expertes,  elles 
quittent  le  village,  sont  conduites  à  la  rivière  où  elles  reçoi- 
vent une  espèce  de  baptême,  s'enduisent  le  corps  d'argile 
blanche,  se  couvrent  le  visage  de  masques  d'osier,  et,  psal- 
modiant des  chants  mélancoliques,  elles  se  livrent  aux  tra- 
vaux agricoles  qui  reposent  entièrement  sur  les  femmes  ;  le 
soir,  elles  apportent  des  fagots  et  de  grandes  jarres  remplies 
d'eau  :  les  coups  et  les  mauvais  traitements  ne  leur  sont 
pas  épargnés.  Livingstone  dit  que  «  leurs  bras  portent  de 
nombreuses  cicatrices  de  brûlures  faites  avec  des  tisons  ar- 


p.  LAFARGUE.  —  SUR  LA  GIRGONasiON.  425 

dents,  afin  d'éprouver  leur  pouvoir  de  résistance  à  la  dou- 
leur. »  Chez  les  Gallinas  de  Sierra  Leone,  les  jeunes  filles, 
après  avoir  appris  les  danses  qui  accompagnent  toutes  leurs 
occupations  (travaux  agricoles,  transport  des  fardeaux,  ser- 
vice de  rameuses,  préparations  culinaires,  funérailles,  ma- 
riages, etc.),  ont  leur  clitoris  excisé,  au  milieu  de  la  nuit, 
quand  la  lune  est  pleine  :  elles  reçoivent  ensuite  leur  nom  *. 

Les  cérémonies  d'initiation  sont  spéciales  à  chaque  sexe  : 
il  est  aussi  dangereux  pour  un  homme  de  se  glisser  parmi  les 
jeunes  filles  que  pour  une  femme  de  pénétrer  dans  le  mys- 
tique mapato  ;  tout  violateur  des  mystères  de  Tinitiation 
risquerait  de  payer  son  audace  de  sa  vie.  Avant  d*ètre  élevés 
au  rang  de  femmes  et  d*hommes,  les  filles  et  les  garçons 
vivent  ensemble,  plus  particulièrement  sous  la  direction  des 
femmes;  mais,  quand  ils  ont  été  initiés,  ils  se  séparent  et  vi- 
vent, les  filles  avec  les  filles  et  les  garçons  avec  les  garçons, 
jusqu'à  ce  que  le  mariage  rapproche  de  nouveau  les  sexes. 
Cette  division  des  jeunes  gens  d'une  même  gens  par  sexes 
s'est  établie  dans  la  tribu  lorsque  ce  que  Morgan  nomme  le 
mariage  punualien^  ou  par  groupe,  succéda  au  mariage  con- 
sanguin,  ou  intermariage  de  frères  et  sœurs  utérins  et  con- 
sanguins >. 

Le  fait  de  trouver  dans  les  peuplades  nègres  de  l'Afrique 
la  circoncision,  non  pas  pratiquée  au  moment  de  la  nais- 
sance, mais  à  l'âge  de  la  puberté,  au  moment  ou  s'établit 
la  séparation  des  sexes,  est,  ainsi  que  le  couteau  de  silex 
dont  parle  Tylor,  une  preuve  de  l'extrême  antiquité  de  cette 
coutume  :  aussi  devait-on  la  retrouver  chez  des  sauvages  au- 
trement inférieurs  que  les  Bassoutos  et  les  Béchouanas,  chez 
les  peuplades  australiennes,  tellement  grossières  qu'elles 
ignoraient  le  moyen  d'obtenir  le  feu,  bien  qu'elles  en  con- 
nussent l'usage  :  lorsque  les  tisons,  qu'étaient  chargées  de 
porter  les  femmes,  venaient  à  s'éteindre,  elles  étaient  obli- 
gées d'aller  chercher  du  feu  à  un  campement  voisin. 

^  Harris,  Memoirs  ofthe  Anthropological  Society  of  Lonion,  1865,  p.  31. 
*  L.-H.  Morgan,  Âncient  SocMy,  New-York,  1878. 


426  «iANOE  DU  46  JUIN  4887, 

L'initiation  du  jeune  Australien  à  la  dignité  de  guerrier  est 
une  cérémonie  si  in^portante,  que  les  tribus  ennemies  sus- 
pendent pour  cette  occasion  leurs  hostilités  et  se  rencon-* 
trent  en  paix.  Les  guerriers  font  le  simulaore  d'enlever  les 
garçons  âgés  de  treize  à  quatorze  ans  ;  les  femmes  se  lamen^ 
tent,  pleurent  leur  pertCi  et,  dans  leur  désespoir,  se  tailla^ 
dent  les  cuisses  avec  des  écailles  de  moules  jusqu'à  ce  qu'elles 
saignent  profusément.  Les  jeunes  gens  sont  entraînés  dans 
des  endroits  écartés  :  quand  on  pratique  les  rites  mysté- 
rieux, un  vieillard,  perché  sur  un  arbre,  tourne  le  wihtou* 
wïhtou,  instrument  sacré  formé  d'une  planchette  ovale,  at- 
taché par  une  corde  de  cheveux  d'homme  ;  son  bruit  stri- 
dent avertit  les  femmes  et  les  enfants  de  ne  pas  approclier 
sous  peine  de  mort. 

Le  garçon  doit  parler  à  voix  basse  ;  on  épile  sa  tête,  mais 
on  lui  met  des  touffes  de  mousse  au  pubis  et  aux  aisselles, 
les  poils  en  ces  endroits  caractérisant  Tadulte.  Les  Purn- 
kalias  et  les  Nauos  fendent  avec  un  silex  aiguisé  la  verge 
jusqu'au  scrotum,  puis  pratiquent  la  circoncision;  d'autres 
se  contentent  de  couper  circulairement  le  prépuce  qu'on 
passe  en  guise  de  bague  au  doigt  médian  gauche  de  l'initié. 
Le  circoncis  est  expédié  dans  les  montagnes,  et  pendant  un 
certain  temps  il  doit  fuir  l'approche  de  toute  femme.  Les 
Koradjée  de  la  Nouvelle-Galles  du  Sud  ne  circoncisent  pas 
les  jeunes  gens,  mais  leur  font  sauter  une  dent  de  devant, 
après  avoir  préalablement  incisé  la  gencive  avec  un  morceau 
d'os. 

On  procède  ensuite  à  la  troisième  cérémonie.  Le  parrain 
du  néophyte,  s'ouvrant  les  veines  du  bras,  lui  donne  à  boire 
de  son  sang,  puis,  le  mettant  à  quatre  pattes,  en  arrose  son 
dos  :  c'est  un  véritable  baptême  de  sang.  Pendant  qu'il  est 
dans  cette  position,  le  parrain  lui  fait  de  longues  entailles 
qui  partent  du  cou  aux  régions  lombaires,  qu'il  élargit  le 
plus  possible  avec  ses  doigts,  sans  doute  pour  mêler  les  deux 
sangs.  Si  le  malheureux  garçon  pleure  et  se  débat,  les  guer- 
riers poussent  un  cri  particulier  qui  fait  accourir  les  femmes; 


p.  LAPABauE.  --T  aun  LÀ  cmcowasioN.  427 

ils  leur  rendent  Tadolesoent  jugé  indigne  de  devenir  uu  ch^^* 
seur  et  un  guerrier.  Le  garçon  qui  supporte  stoïquement  ces 
mutilations  est  admis  homme  ;  on  lui  révèle  les  secrets  des 
guerriers  ;  son  parrain  lui  choisit  un  nom  à  terpiiqaison  spé- 
ciale qu'il  doit  porter  dorépavant;  jusqu'alors,  il  n'avait  eu 
d'autre  non)  que  celui  du  lieu  de  sa  naissance.  Qp  lui  remet 
le  talisman  qui  doit  le  protéger  h  la  guerre,  à  la  chasse  et 
dans  les  maladies  ;  c'est  un  morceau  de  pierre  cristalline, 
censée  être  un  excrément  de  la  divinité  ;  il  doit  le  garder 
dans  un  sac  enveloppé  de  cheveux  d'homme  et  ne  jamais 
le  montrer  aux  femmes,  qui,  sous  peine  de  mort,  ne  doivent 
pas  chercher  à  le  voir. 

Il  serait  facile  de  multiplier  les  récits  des  voyageurs,  mais 
ceux  qui  ont  été  cités  sont  typiques  ;  ils  montrent  que  chez 
les  nations  les  plus  primitives  qu'il  nous  soit  donné  de  con- 
naître^ l'admission  de  l'adolescent  dans  la  classe  des  guer- 
riers et  des  chasseurs  est  accompagnée  de  mutilations  dou- 
loureuses (incisions,  circoncision^  bris  de  dents,  etc.)  pour 
éprouver  son  stoïcisme,  et  que  la  circoncision  pratiquée  sur 
le  membre  viril  pardt  à  l'imagination  sauvage  celle  qui  con* 
vient  le  mieux  à  cette  initiation. 

m 

La  circoncision  se  présente  dans  l'histoire  avec  un  autre 
caractère  que  celui  de  cérémonie  civile  pratiquée  sur  des 
adolescents  parvenus  à  l'âge  de  puberté  ;  d'autres  peuples 
circoncisent  l'enfant  quelques  jours  après  sa  naissance  ;  ohez 
eux,  elle  prend  un  caractère  de  rite  religieux  dont  il  faut 
rechercher  la  signification* 

On  se  félicita  d'avoir  retrouvé  les  dix  tribus  d'Israël  per- 
dues depuis  la  captivité  de  Salmanazar,  quand  les  Espagnols 
découvrirent  les  Mexicains,  qui,  sans  y  voir  malice,  avaient 
différentes  cérémonies  religieuses,  entre  autres  la  circonci- 
sion que  l'on  croyait  l'apanage  du  peuple  hébreu. 

S'il  y  a  contradiction  entre  les  écrivains  qui  ont  rapporté 
les  mœurs  mexicaines  sur  la  pratique  de  la  circoncision,  tous 


428  SÉANCE  DU  16  JUIN  1887. 

sont  néanmoins  d*accord  pour  mentionner  une  opération 
faite  dans  les  temples  sur  les  organes  génitaux;  ils  ne  dif- 
fèrent entre  eux  que  sur  son  importance;  les  uns  prétendent 
qu'elle  n'était  qu'une  simple  incision,  les  autres  assurent 
qu'elle  était  une  complète  amputation  du  prépuce.  Ce  qu'il 
est  important  de  retenir  de  ces  récits  contradictoires,  ce  sont 
les  rites  religieux  qui  accompagnaient  l'opération. 

Palacio,  dans  sa  lettre  au  roi  d'Espagne,  raconte  que  le 
sang  qui  s'écoulait  du  prépuce  fendu  était  consacré  à  Dieu  '. 
Las  Casas  affirme  que  les  Aztecs  portaient  dans  le  temple 
l'enfant  le  vingt-neuvième  jour  de  sa  naissance  ;  le  grand 
prêtre,  après  l'avoir  placé  sur  une  pierre,  coupait  le  prépuce 
jusqu'à  la  racine  '.  Devant  l'image  de  Huitzilopochtli,  le 
dieu  de  la  guerre,  le  Sabaoth  des  Nahuas,  le  prêtre  faisait  une 
légère  incision  à  l'oreille  et  au  prépuce  du  nouveau-né  avec 
un  couteau  d'obsidienne  que  lui  apportait  la  mère,  et  jetant 
l'instrument  aux  pieds  de  l'idole,  il  donnait  un  nom  àl'eAfant, 
après  avoir  consulté  son  horoscope  et  les  signes  du  temps  *. 
D'après  un  verset  de  saint  Luc  (i,  59),  il  paraîtrait  que  l'ha- 
bitude chez  les  Hébreux  était  de  donner  à  l'enfant  son  nom 
le  jour  de  sa  circoncision;  c'était  l'Étemel  qui  avait  institué 
cette  coutume,  car  il  changea  le  nom  d'Abram  en  Abraham 
le  jour  qu'il  lui  ordonna  de  se  circoncire  (Genèse,  xvn,  5);  d'a- 
près des  passages  de  l'Ancien  Testament,  où  l'on  parle  de 
lèvres  et  d'oreilles  impures  parce  que  non  circoncises,  on 
pourrait  conclure  qu'autrefois  les  Israélites  consacraient  ces 
organes  à  l'Éternel  en  les  incisant  devant  son  autel  ♦.  Les 
mères  mexicaines  qui  désiraient  que  leurs  enfants  fussent 
reçus  serviteurs  du  dieu  Huitzilopochtli  devaient,  l'année  de 

I  D.  Garcia  de  Palacio,  Carta  dirigida  al  rey  de  Espana,  ano  1576,  p.  74. 

*  Las  Casas  (Bartolomé  de),  Historia  apologetica  de  las  Jndias  occiden- 
tales, manuscrit  cité  par  Bancroft,  The  Native  Racei  of  ihe  Pacific  States  of 
Sorlh  Arnerica,  Londou,  i875,  t.  II,  p.  278-9. 

*  Duran,  Historia  de  las  Indias,  manuscrit  cité  par  Brasseur  de  Bour- 
bourg,  Histoire  des  nations  civilisées  du  Mexique,  t.  III,  p.  525-|S26,  Paris, 
1867. 

*  Isaïe,  I,  59;  Jérémie,  VI,  10;  Exode,  VI,  12  et  30,  etc. 


p.  LAFARGUE.  —  SUR  LA  CIRCONCISION.  AÎ9 

leur  naissance,  leur  scarifier  les  bras  et  la  poitrine  le  jour  de 
sa  féte^ 

Ces  stigmates  étaient  le  pacte  écrit  dans  la  chair  du 
fidèle  qui  le  liait  à  Dieu;  c'est  ainsi  qu'on  marquait  les  sol- 
dats et  les  esclaves  en  signe  d'obéissance  à  leurs  chefs  et  de 
propriété  à  leur  maître*  La  peau  de  Thomme  est  le  premier 
parchemin  dont  il  ait  fait  usage  pour  écrire  ses  contrats. 
L'Éternel  exigea  qu'Abraham  circoncît  o  la  chair  de  son  pré- 
puce à  lui  et  aux  siens,  et  cela  sera  pour  signe  de  Talliance 
entre  moi  et  vous  » .  Il  insiste  sur  le  caractère  de  la  mutila- 
tion. «  Tout  enfant  mâle  de  huit  Jours  sera  circoncis  parmi 
vous  en  vos  générations,  tant  celui  né  dans  la  maison  que 
l'esclave  acheté  par  argent...  et  mon  alliance  sera  en  votre 
chair  pour  être  une  alliance  perpétuelle  (Genèse,  xvii, 
il-14).  »  Les  contrats  entre  individus  prenaient  ce  caractère 
sanglant.  Les  Arabes,  nous  dit  Hérodote  (iii,  §  8),  engagent 
de  celte  façon  leur  foi  :  un  médiateur  debout  entre  les  deux 
contractants  leur  fait  â  tous  deux,  avec  une  pierre  aiguë,  une 
incision  à  la  paume  de  la  main  près  des  grands  doigts.  11 
prend  ensuite  des  poils  du  vêtement  de  chacun,  le  trempe 
dans  leur  sang,  et  en  frotte  sept  pierres  placées  entre  eux 
en  invoquant  Uretal  et  Alilat. 

Pour  être  consacrées  à  Huitzilopochtli,  les  petites  filles 
avaient  leurs  oreilles  incisées.  La  petite  fille  aztec,  âgée  de 
vingt-neuf  jours,  était  déflorée  par  le  doigt  du  grand  prêtre. 
Une  semblable  consécration  se  faisait  chez  les  Sémites  :  Baal- 
Pehors,  que  les  Israélites  adorèrent  si  fréquemment  et  si 
longtemps,  avait,  d'après  Texplication  rabbinique,  pour  mis- 
sion spéciale  de  déflorer  les  jeunes  vierges,  ainsi  que  le  dieu 
mexicain  :  Peho7'  signifie  hiatus. 

Le  sang,  le  sang  humain  spécialement,  était  autrefois  le 
liquide  sacré  qui  liait  les  hommes  entre  eux  et  qui  les  con- 
sacrait à  la  divinité.  Le  jeune  Australien  boit  le  sang  de  son 
parrain  ;  les  nègres  du  Congo  se  jurent  amitié  en  buvant 

1  Juan  de  Torquemada,  AJonarquia  indiana^  II,  26G,  Madrid,  1728. 


430  SÉANCE  DU  16  juiif  4887. 

mutuelletoenl  leuir  sang;  au  moyen  âge,  ott  signàll  de  son 
sang  le  pacte  avec  le  diable,  et  il  arrive  encore  aux  amants 
d'écrire  avec  leur  sang  des  lettres  d'amour.  On  a  toujours 
attribué  au  sang  humain  des  propriétés  mystiques. 

Les  Nahuas  du  Yucatàn  et  d'autres  nations  mexicaines  ne 
coupaient  pas  le  cordon  ombilical  ail  moment  de  Ift  nais* 
sahce,  mais,  ad  Jour  fixé  pat*  rastrologne,  on  le  traUchAit  dur 
un  épi  de  maTs.  Les  grelins  de  Tépi  arrosé  de  sang  étaient 
précieusement  conservés  et  semés  en  temps  voulu  :  une  moi- 
tié de  la  récolte  était  destinée  à  servir  à  la  fabrication  du 
premier  aliment  solide  de  Tenfànt,  Tautre  était  donnée  à 
raslrologue,  après  avoir  prélevé  une  certaine  quantité  que 
Tenfant  devait  consacrer*  à  Dieu  et  semer  de  ses  propres 
mains  ^.  Le  sang  humain  avait  transmis  aux  grains  ses  pro- 
priétés mystérieuses  qu'ils  conservaient  pendant  plusieurs 
fructifications.  Dans  le  Nicaragua,  on  préparait  un  gâteau 
sacré  fait  avec  dtl  maïs  arrosé  de  sang  provenant  d'incisions 
faites  aux  parties  génitales  *. 

L'homme  a  été  la  victime  la  plus  agréable  â  la  Divinité;  il 
fallut  de  longs  siècles  avant  que  Dieu  permit  qu'ori  lui  sub- 
stituât l'animal  dans  les  sacrifices  divins.  Les  mythes  si  connus 
d'Isaac  et  d'Iphigénie  montrent  que  les  dieux  de  races  aussi 
supérieures  que  les  Juifs  et  les  Hellènes  étaient  tout  aussi 
sanguinaires  que  les  dieux  des  Aztecs.  La  circoncision  et  les 
autres  mutilations  faites  sur  le  corps  de  Tenfant  n'étaient 
que  des  atténuations  des  holocaustes  humains.  On  immo- 
lait d'abord  les  enfants,  puis  on  se  contenta  de  leur  amputer 
des  phalanges,  de  les  circoncire  ou  de  les  scarifier  pour  les 
consacrera  la  divinité.  Les  sauvages  habitants  de  la  Nouvelle- 
Galles  amputent  aux  petites  filles  deux  phalanges  du  petit 
doigt  de  la  main  gauche  ;  le  mot  qui  désigne  cette  opération, 
malgum,  signifie  couper  pour  protéger.  En  effet,  on  sacrifiait 
une  partie  de  Tenfant,  son  prépuce,  ses  phalanges,  ou  une 
certaine  quantité  de  sang  pour  le  sauver  tout  entier.  C'est 

«  H.  Bancpoft,  loc.  cU.y  II,  679. 
«  Banoroft,  /oc.  df.,  III,  507. 


p.  LAFARGUE.  ^   StJR  LA  CIRCONCISION.  431 

ainsi  qtié  LyôUtgue,  ie  |)ôt*9oniiage  légendaire  à  qui  les  La- 
cédémoniens  attribuèrent  l'invention  de  toutes  leurs  institu- 
tions, ordoniia  de  fouetter  Jusqu'au  saUg  les  enfants,  qui  au- 
trefois étaient  immolés  sur  Tàutet  d'Artémis  Orthia. 

Rite  purement  religiéUlc,  la  circoncision  présente  deux 
caractères  t  elle  est  le  signe  matériel  de  l'alliance  de  Thomme 
avee  la  divinité  ',  lorsque  le  vassal  jurait  fidélité  à  son  suze- 
rain, il  lui  apportait  une  taotte  de  sa  terre,  lorsque  le  Mexi- 
cain ou  llsraélite  jurait  fidélité  à  son  Dieu,  il  lui  apportait 
un  morceau  de  sa  chair.  Elle  marque,  ainsi  que  les  sai^riflces 
des  animaut,  radoucissement  des  cultes  primitifs  ;  on  immo- 
lait d'abord  la  créature  humaine,  on  lui  substitua  Tanimal, 
et  l'on  Se  contenta  de  faire  à  la  première  une  légère  muti- 
lation. Mais  la  circoncision  peut  affecter  une  autre  forme, 
dans  laquelle  se  combinent  les  deux  caractères  de  rite  social 
et  religieux  constatés  précédemment. 

IV 

Le  dieu  d'Émèse,  que  Tempereur  Élagabale  introduisit  à 
Rome,  était  adoré  en  Syrie  sous  la  forme  d'une  grosse  pierre 
conique,  tombée  du  ciel,  disait-on:  cette  image  grossière  du 
dieu  sufflrait  pour  le  classer  parmi  les  dieux  primitifs,  si  les 
rites  sanguinaires  de  son  culte  ne  démontraient  pas  sura- 
bondamment son  extrême  antiquité.  Le  jour  de  sa  fête,  le 
grand  prêtre  jetait  sur  son  autel  des  phallus  humains  ;  Dion^ 
qui  rapporte  le  fait,  ne  nous  dit  pas  sHls  étaient  enlevés  à 
des  cadavres  ou  à  des  hommes  vivants  :  c'était  l'offrande  la 
plus  sainte  qui  pouvait  lui  être  présentée  *. 

La  déesse  d'Hierapolis,  ainsi  que  les  grandes  déesses  pri- 
mitives des  peuples  méditerranéens,  qui  semblent  toutes 
avoir  une  même  origine  égyptienne,  était  honorée  par  la  cas- 
tration que  ses  fidèles  pratiquaient  en  public  les  jours  de 
grande  cérémonie  '.  Les  prêtres  de  la  Mère  des  dieux  s'am- 

*  Dion  Gassius^  Histoire  romaine ^  Ht.  XXIX,  §  11. 

*  Lucien,  ta  Déesse  syrienne^  §  32j  50,  51. 


432  SÉANCE  DU  16  JUIN  1887. 

putaient  les  parties  viriles  {virilitaiem  amputare)  avec  un  tes- 
son de  poterie  de  Samos  *. 

Les  anciens^  pour  expliquer  l'origine  de  cette  féroce  céré- 
monie, avaient  imaginé  différents  mythes^  dont  un. des  plus 
célèbres  est  celui  d'Attis.  Cybèle,  furieuse  de  ce  que  le  ber- 
ger phrygien,  qui  s'était  voué  à  son  culte,  avait  eu  des  rap- 
ports avec  la  nymphe  Sangaris,  fit  périr  la  naïade  et  rendit 
fou  son  amoureux.  Poursuivi  par  les  Furies  qui  le  lacèrent 
de  coups,  Attis  s'enfuit  dans  les  bois  et,  afin  d'échapper  à 
ce  supplice,  il  ampute  sa  virilité  avec  une  pierre  tranchante, 
80X0  acM^o,  rapporte  Ovide  [Fastes^  iv).  Pareille  aventure  semble 
être  arrivée  au  dieu  Osiris,  car  dans  le  Rituel  funéraire  des 
anciens  Égyptiens^  il  est  parlé  «  du  sang  qui  tomba  du  phal- 
lus du  Dieu-Soleil,  lorsqu'il  eut  achevé  de  se  couper  lui- 
même  »  ^.  Peut-être  Osiris,  ainsi  qu'Attis,  ne  s'était-il  mutilé 
que  pour  apaiser  sa  sœur  et  son  épouse  Isis.  La  mythologie 
grecque  possède  aussi  une  éviration  divine  :  Uranus  fut  éviré 
par  son  fils  Saturne,  sur  Tordre  de  sa  femme.  Il  est  extraor- 
dinaire de  voir,  dans  les  mythes  d'Egypte,  de  Grèce  et  d'Asie 
Mineure,  les  évirations  de  dieux  ordonnées  non  par  des  dieux 
jaloux,  mais  par  des  déesses.  Ammien  Marcellin  a  conservé 
une  tradition  qui  rapporte  à  Sémiramis,  c'est-à-dire  à  une 
reine  amazonienne,  le  triste  honneur  d'avoir  la  première 
fait  pratiquer  la  castration  (xiv,  6). 

Ces  mythes  et  ces  traditions  n'ont  pas  été  enfantés  dans 
l'imagination  fantaisiste  des  prêtres  et  des  poètes  sacrés  ;  ils 
sont  les  souvenirs,  religieusement  conservés,  des  mœurs 
féroces  du  passé.  Apollon,  le  dieu  de  la  lumière  et  de  l'art, 
écorchant  tout  vif  Marsyas,  qui  avait  osé  lui  disputer  le  prix 
de  la  musique,  semble  une  histoire  inventée  à  plaisir  par 
quelque  malencontreux  rapsode  cherchant  à  réveiller  Tat- 
tention  de  ses  auditeurs  :  un  tel  acte  de  férocité  n'a  pas  été 

1  Pline,  Histoire  nalureile,XKXW,  §  46. 

*  F.  Gbabas,  De  la  circoncision  chez  les  Égyptiens  {Revtie  archéologique ^ 
1861).  E.  de  Rougé,  Biluel  funéraire  des  anciens  Égypliens^chsip,  XVII, 
16  {Revue  archéologique,  1860), 


p.  LAFARGUB.  —  SUR  LA  CIRCONCISION.  433 

imaginé;  il  n'a  été  attribué  à  un  [dieu  que  parce  qu'il  était 
d'occurrence  fréquente  aux  temps  où  se  formaient  les  légendes 
des  dieux.  Assur-Nazir-Pal,  un  des  puissants  conquérants 
ninivites,  un  des  héros  de  la  civilisation  assyrienne,  grand 
bâtisseur  de  palais  et  de  temples,  fit  graver  l'histoire  de  ses 
exploits  sur  les  portes  de  son  palais  ;  une  inscription  porte  : 
«  J'ai  amené  à  Ninive  Aheabab  (le  chef  des  révoltés  de  la 
ville  de  Saru),  où  je  le  fis  écorcher,  et  j'étendis  sa  peau  sur 
le  rempart  de  sa  ville.  »  Un  des  bas-reliefs  de  Sargon  repré- 
sente un  prisonnier  mis  en  croix  et  en  train  d'être  écorché 
tout  vif  ^  Les  dieux  ne  sont  que  les  singes  des  hommes,  leurs 
légendes  doivent  donc  reproduire  les  vices  et  les  cruautés 
de  leurs  prototypes. 

Ces  évirations  ordonnées  par  des  déesses  sont  autant  de 
preuves  de  Tépouvantable  férocité  de  nos  ancêtres  sémites  et 
aryens,  et  de  la  domination  sociale  exercée  autrefois  par  la 
femme.  Les  Hellènes  se  débarrassèrent  de  la  suprématie  fémi- 
nine  dans  les  temps  héroïques,  mais  les  Egyptiens  la  conser- 
vèrent jusqu'aux  temps  historiques,  en  la  dépouillant  seule- 
mentde  soncaractère  sauvage.Les  mœurs  s'adoucirent  d'abord 
dans  la  vallée  du  Ni)  ;  ainsi  aux  fêtes  dlsis  à  Busiris,  tandis  que 
les  Cariens  qui  habitaient  TEgyple  en  étrangers,  se  taillaient 
le  front  avec  leurs  épées,  les  Egyptiens  se  contentaient  de  se 
fouetter  *  :  les  Cariens  avaient  préservé  les  antiques  usages 
que  les  Egyptiens  avaient  atténués.  L^Asie  antérieure,  le 
champ  de  bataille  des  races,  des  religions  et  des  civilisations 
de  l'Orient  et  de  l'Occident,  conserva  aux  cultes  des  déesses 
et  des  dieux  les  rites  barbares  qui,  en  pleine  civilisation 
gréco-romaine,  se  propagèrent  dans  Titalie  et  la  Grèce. 

La  taille  à  fleur  de  ventre  était  sans  doute  la  seule  muti- 
lation  qui  pouvait  satisfaire  les  déesses  aux  mœurs  amazo- 
niennes ;  leurs  prêtres,  non  seulement  devaient  porter  le 
costume  féminin,  mais  encore  avoii*  Tapparence  corporelle 

I  Histoire  ancienne  de  VOri$nt,  t.  IV,  chap.  v,  S  %t  par  F.  Lonormant, 
continuée  par  F.  Babelon,  1885. 
s  Hérodote,  II,  §  61. 
T.  X  (3«  sârib),  28 


434  sÉANCi:  py  iÇ  juin  \^1. 

c|9  la  flippe.  On  substitua  d'abprd  la  castr^Uoaà  Téviration,  k 
cause  des  moindres  dangers  qu'elle  présentait,  l^  circoncision , 
la  seule  mutilation  à  laquelle  s'astreignaient  scrupuleusement 
Iqs  prêtres  égyptiens,  pourrait  être  une  forme  plus  at^nuée 
encore  de  Véviration,  et  ce  qui  tendrait  à  le  prouver,  c'est 
que  Teippereur  Elagabale,  qui  était  graqd  prêtre  de  la  divi- 
pit^  d'Emèse,  et  qui  {jurait  dû  être  dévirilisé  pour  avoir  la 
Çgure  de  sa  fonciion  sacerdotale,  n'ayant  pas  le  coulage  d'am- 
puter s^  virilité  ni  même  de  se  fairç  chât^e^*,  mit  s^  conscience 
en  repos  en  se  faisant  circoncire  (Dion  Cassius^  loc,  crt.J. 

Leibnilz  dirait  que  si  l'homme  avait  intérêt  à  prouver  que 
le  carré  de  Tbypoténuse  n'est  pas  égal  à  la  somme  des 
carrés  construits  sur  les  deux  autres  côtés  du  triangle;  il 
s'arrangerait  pour  le  démontrer.  L'esprit  de  l'hopime  souffle 
où  il  veut  ;  il  accepte  toutes  les  tâches  et  surmonte  toutes 
les  difficultés  :  il  a  fait  pl^s  que  renverser  un  théorème  géo- 
métrique, il  a  légitiqjié  ces  mutilations  .irrationnelles  et  anti- 
naturelles. 

L'empereur  Julien,  avec  une  philosophie  bien  sophisti- 
quée, s'était  constitué  le  champion  des  dieux  païens  ridicu- 
lisés et  démodés  ;  il  nous  fournit  l'explication  éthique  des 
mutilations  religieuses  qui  soulevaient  la  juste  indignation 
de  saint  Augustin  et  des  docteurs  de  l'Eglise.  «  La  fable 
d'Attis,  écrit-il,  signifie  que  la  mère  des  dieux  qui  gouverne 
les  êtres  soumis  à  la  génération  et  à  la  corruption,  s'est  prise 
à  aimer  la  cause  énergique  et  génératrice  de  ces  êtres  \ 
qu'elle  lui  a  ordonné  d'engendrer  dans  l'ordre  spirituel  et 
d'avoir  commerce  avec  elle,  à  l'exclusion  de  toute  autre,  tant 
pour  conserver  une  salutaire  unité  que  pour  éviter  la  propen- 
sion vers  la  matière.  »  Plus  loin  il  avertit  que  l'hiérophante 
athénien  de  la  déesse,  qui  se  gardait  bien  de  soumettre  son 
corps  au  rite  barbare  de  Téviralion,  «  s'abstenait  de  toute 
génération...   pour  maintenir  pure  et  sans  altération  la  sub- 

^  Un  phallus  gigantesque  ornait  Bon  temple  à  liiérapolis;  un  prèlre, 
huche  k  son  sommet,  lui  transmettait  les  prières  des  fldèles  qui  venaient 
apporter  leurs  offrandes^ 


slance  flpie,  perpéluellQ  et  enfermée  dang  runitév,  Ju^ea 
mettait  en  galimatias  néo-platonicien  les  coutumes  barbare? 
qui  survivaient  h  un  passé  depuis  longtemps  disparq,  cpmma 
Eratosthène  et  d'autre3  avaient  mis  les  fables  mythologiqne^ 
çn  galimatias  météorologique  et  astrologique,  réédité  e^ 
considérablement  amplifié  par  les  mytholo|;ueft  pAoc^eçnçs. 
Cfi$  épouvantables  mutilations  devenaient  des  symbolç^ 
moraux  qui  prescrivaient  de  se  a  mutiler,  non  du  corps,  mais 
de  tous  les  appétits  déraisonnables  de  Tâme,  et  de  tous  les 
mouvements  superflus  et  inutiles  à  la  c^use  intelUg^uta  n  *. 

Le  symbolisme  moral  de  ces  mutilations,  rapporté  par 
Julien  dans  la  langue  philosophique  du  Bas-Empire,  la 
Bible  Ta  traduit  dans  la  langue  métaphorique  de  TOrient.  Le 
peuple  d'Israël  proclame  impur  tout  ce  qui  n'est  pas  circon- 
cis :  l'esclave  acheté  hors  du  pays  devait  être  circoncis  ainsi 
que  Vétranger  pour  être  admis  aux  festivités  de  la  Paque 
{Gen.y  xvii,  12  ;  Exod.y  xn,  48)  .L'arbre  lui-même  devait  être 
circoncis.  Tout  arbre  fruitier  qu'on  plantait  était  considéré 
pendant  trois  ans  impur,  le  fruit  était  son  prépuce;  à  la 
quatrième  année,  il  fallait  l'offrir  à  TEternel  pour  le  purifier 
{Lév.,  XIX,  23-;3i).  Quand  Moïse  veut  témoigner  4e  son  indi- 
gnité pour  la  mission  que  lui  impose  l'Etemel,  il  dit  :  Pha- 
raon m'écputera-t-il,  moi  qui  suis  incirconcis  des  lèvres? 
{Esçod,^  VI,  12  et  23.)  Jérémie  ordonne  aux  habitants  de  Jéru- 
salem de  a  se  circoncire  à  l'Eternel,  d'enlever  les  prépuces 
de  leurs  cœurs  »  pour  que  sa  fureur  ne  sorte  pas  comme  un 
feu  (iv,  4).  La  circoncision  devient  le  symbole  de  la  pureté  : 
Réjouissez-vous,  habitants  de  Jérusalem,  s'écrie  Isaïe,  car 
l'incirconcis  et  le  souillé  ne  séjourneront  pas  pc^rpii  vous 
(lu,  1).  L'Eternel  menace  de  sa  colère  ceux  dont  le  coeur 
est  incirconcis  {Lév,^  xxvi,  41);  mais  il  promet  les  biens  de  la 
terre  à  ceux  dont  il  circoncira  le  cœur  (Deut,,  xxx). 

Pour  résumer.  La  circoncision  présente  des  caractères 
nettement  tranchés  suivant  les  classes  et  les  peuples  chez  qui 

*  Julien,  Sur  la  mère  des  dieux,  §  4,  8j  10,  traduction  E.  Talbot. 


436  8ÉÀMCB  DU  16  JUDi  1887. 

on  l'observe.  Dans  les  classes  sacerdotales  de  l'Egypte  et  de 
TAsie  antérieure,  elle  est  probablement  la  forme  la  plus  at- 
ténaée  d*horribles  mutilations  pratiquées  pour  bonorer  les 
premières  déesses.  Les  peuplades  sauvages  font  de  la  cir- 
concision un  des  rites  de  Finitiationà  laclasse  des  guerriers* 
Chez  d*autres  peuplades  barbares,  elle  est  une  cérémonie 
religieuse,  un  hommage  rendu  à  la  divinité,  toujours  mal- 
faisante et  cruelle,  à  qui  il  faut  sacrifier  une  partie  pour  con« 
server  le  reste  ;  elle  est  la  marque  ineffaçable  du  contrat 
entre  Thomme  et  Dieu. 

L'teflaenee  ém  Mllfea  siur  les  peuples  de  l'Aale  «Miirale  ; 

Pia  K.   DB  UiFALVT 
(Lue  par  M.  Manoavrier). 

0  A  une  époque  dont  Tanliquité  prodigieuse  échappe  à 
toutes  nos  chronologies,  au  milieu  des  monstres  gigantesques 
qui  se  disputaient  la  possession  de  notre  sol,  apparut  un  être 
faible  et  chétif,  nu  et  sans  armes,  soutenant  à  peine,  au  jour 
le  jour,  son  existence  famélique,  et  ne  trouvant  dans  le  creux 
des  rochers  qu'un  refuge  insuffisant  contre  les  dangers  in- 
cessants qui  venaient  l'assaillir.  Au  calcul  des  choses  ordi- 
naires, cet  être  paraissait  privé  de  tout  ce  qui,  dans  la  ba- 
taille de  la  vie,  assure  la  survivance  des  espèces  ;  entouré 
d'ennemis  nombreux  et  terribles,  dénué  de  moyens  d'atta- 
que et  de  moyens  de  défense,  exposé,  pendant  sa  longue  et 
débile  enfance,  à  toutes  les  agressions,  à  toutes  les  vicissi- 
tudes, il  semblait  voué  à  la  destruction  par  une  nature  ma- 
r&tre.  Mais  il  possédait  deux  merveilleux  instruments,  plus 
parfaits  en  lui  qu'en  toute  autre  créature  :  le  cerveau  qui 
commande  et  la  main  qui  exécute.  A  la  force  brutale,  jus- 
qu'alors reine  du  monde,  il  opposait  rintelligence  et  l'adresse, 
][Utte  grandiose,  où,  suivant  l'expression  du  poète,  ceci  de- 
vait tuer  cela.  Les  espèces  colossales  des  temps  géologiques 
ont  disparu  ;  l'homme  est  resté  ;  il  a  vaincu  tous  ses  rivaux, 
vaincu  la  nature  elle-même,  et  à  cette  place  où  nous  sommes. 


DE  UJPALVY.  —   LB8  PEUPLES  DE  l'aSIE   CENTRALE.       437 

là  OÙ  jadis  d'une  main  novice  il  taillait  ses  premières  armes 
dans  le  silex  roulé  par  un  fleuve  encore  innomé,  il  étale 
aujourd'hui  les  splendeurs  de  l'Exposition  universelle.  » 

Ces  paroles  éloquentes  furent  prononcées  par  Paul  Broca& 
Touverture  du  Congrès  des  sciences  anthropologiques,  qui 
tenait  ses  assises  à  Paris  en  1878.  Il  est  certes  difficile  de  rendre 
un  plus  superbe  hommage  à  la  puissance  de  Tintelligence  hu- 
maine. Par  son  cerveau  et  par  son  adresse,  Thomme  occupe 
une  place  à  part,  une  place  dominatrice  au-dessus  de  tous  les 
animaux  ;  il  est  le  plus  apte  de  tous  les  êtres  vivants  à  affron- 
ter toutes  les  vicissitudes  de  la  vie,  et  certes  c'est  à  son  génie 
seul  qu'il  est  redevable  de  la  survivance  de  son  espèce. 
Gomme  Broca  le  dit  si  bien,  le  premier  obstacle  que  Thomme 
primitif  rencontrait  sur  son  chemin,  c'était  une  nature  le 
plus  souvent  marâtre,  qui  lui  disputait  à  chaque  pas  les  pro- 
grès accomplis  à  la  sueur  de  son  front.  L'observateur  judi- 
cieux qui  parcourt  une  galerie  d'objets  préhistoriques,  peut 
seul  se  faire  une  idée  de  cette  odyssée  de  l'enfance  humaine. 

Il  y  a  quelques  jours  à  peine,  un  savant  académicien, 
M.  Gherbuliez,  que  sessagaces  observations  ont  rendu  philo- 
sophe, écrivait  dans  un  recueil  périodique  :  «  On  a  remarqué 
depuis  longtemps  que  les  grands  voyageurs  sont  enclins  au 
scepticisme  et  fort  réservés  dans  leurs  jugements.  Ils  ont  con- 
staté, en  courant  le  monde^  l'infinie  diversité  des  institutions 
humaines  et  que  chaque  nation  a  sa  politique,  ses  opinions 
et  sa  morale,  que  rien  n'est  absurde  et  que  rien  n'est  par- 
fait, que  les  lois  d'un  peuple  s'expliquent  par  ses  mœurs  et  que 
ses  mœurs  s'expliquent  par  les  influences  de  son  climat^  par  la 
configuration  de  son  territoire,  par  ses  origines,  par  son  génie 
propre  et  aussi  par  les  circonstances,  par  les  accidents  de  sa 
destinée.  » 

Le  génie  de  l'homme  est  donc  avant  tout  influencé  par  le 
pays  qu'il  habite  :  il  dépend  donc  de  sa  glèbe,  et  sa  civilisa- 
tion est  régie  par  la  configuration  et  le  climat  de  sa  patrie. 
Ce  sont  là  d'étemelles  vérités,  que  des  géographes  comme 
Bitter  et  HumboWt,  et  eurtowt  Iç  regretté  Q$mv  Peacbel,  opt 


43S  SÉANCE  ûiî  <B  imn  1887. 

dêifa'ônltéê^  de  là  ftçon  la  plud  itigénieuse  et  la  plus  probante. 
Avant  de  décrire  un  peuple  dans  sa  conlplexion  physique, 
dans  seâ  ciroyances,  ses  tnœurs  et  soft  histoire,  il  faut  coû- 
naîtte  la  Halure  du  sol  qui  lui  sert  de  patrie  ;  là  description 
dé  cette  natut^e  est  donc  de  la  plus  haute  importance,  elle 
nous  aidera  à  résoudre  bien  des  énigmes  qu'une  observation 
superficielle  aurait  laissées  dans  Tombre.  Nous  allons  essayer, 
dand  les  pageè  i^uivantes,  d*esquisser  une  rapide  description 
géographique  de  l'Asie  centrale.  Marchant  sur  les  brisées  de 
Richlhofen,  il  ttous  sera  facile  de  dérouler  devant  les  regards 
de  nos  lecteurs  un  tableau  curieux  qui  lui  révélera  une  série 
de  particularités  dand  la  vie  des  peuples  dont  il  aurait  cher- 
ché inutilement  les  causes  ailleurs. 

Ce  sera  Thonneur  éternel  du  géologue  allemand  d'avoir  le 
premier  donné  une  définition  vraiment  scientifique  de  TAsie 
centrale.  Jusqu'au  moment  où  apparut  son  grand  ouvrage  sur 
la  Chine,  bien  des  géographes,  et  non  les  moins  réputés,  avaient 
tenté  de  résoudre  ce  problème.  Ritter,  Humboldt,  Klaprothet, 
plus  récemment,  Khanikoff,  essayèrent  de  déterminer  les  li- 
mites de  TAsie  centrale.  Pendant  de  longues  années,  on  avait 
pris  pour  d'immuables  vérités  les  ingénieuses  théories  d'Hum- 
boldt  sut  des  chaînes  de  montagnes  parallèles,  coupées 
presque  à  ahgle  droit  par  d'autres  chaînes  verticales,  qui 
subdivisaient  le  continent  asiatique.  Ritter,  le  plus  grand 
géographe  peut-être  du  siècle,  élaya  la  théorie  d'Humboldt 
de  sa  vaste  et  puissante  érudition;  Klaproth,  qui  avait 
déjà  découvert  tout  un  archipel  sans  quitter  son  cabinet 
dé  travail,  imagina  la  prodigieuse  mystification  du  voyage 
d'Un  barott  allemand  en  Asie  centrale,  mystification  que  Grô- 
gorieff  h'eut  pas  de  peine  à  percer  à  jour  ;  enfin,  Khanikoff 
crut  devoir  assimiler  les  bassins  intérieurs  du  plateau  de 
l'Iran  &  cent  de  l'Asie  centrale.  On  avait  ainsi  dépassé  déjà 
les  limites  de  la  dépression  aralo-caspienne,  que  presque 
tous  les  géographes  désignaient  sous  le  nom  d'Asie  centrale, 
au  même  titre  que  le  bassin  du  Tarym  et  le  désert  de  Gobi. 
Riohthofen  fut  donc  le  pfemiel'  qui  débrouilla  cet  écheveau  ; 


DE  UJPALVY.  —  LES  PEUPLES  DE  l'ASIE  CENTRALE.       439 

se  basant  sur  des  Considérations  géologiques,  il  détermina 
les  limites  de  la  véritable  Asie  cehtrale;  il  subdivisa  la  con- 
trée asiati(|ue  en  trois  zones  bien  distinctes  :  1*  une  zone 
centrale  ;  â**  Une  zone  (périphérique  ;  3<»une  zone  de  transi- 
tion. Dans  la  zone  centrale,  tous  les  produits  de  la  décom- 
position chimique  od  de  la  destruction  mécanique  des  pierres 
et  des  t^oches  demeurent  en  place  ;  dans  la  zone  périphé- 
rique, ces  mêmes  produits  sont  emportés  vers  TOcôan  ;  d'un 
côté,  il  se  fait  un  dépôt,  une  concrétion  subaérienné  ;  de 
l'autre,  ce  même  dépôt  se  fait  à  Taide  de  Teau  courante  ou 
stagnante.  Dans  la  zone  centrale,  tout  tend  au  nivellement 
de  la  surface  du  sol;  dans  la  zone  périphérique»  nous  voyons, 
au  contraire,  des  dépressions  profondes  labourées  par  les 
eaux  ;  dans  la  zone  centrale^  Tévaporation  dépasse  Thumi- 
dité  ;  dans  la  zotie  périphérique,  c'est  Thumidité  qui  dépasse 
Tévaporation.  Le  contraste  entre  ces  deux  zones  est  patent. 
Un  signe  caractéristique  de  la  zone  intérieure  est  la  présence 
du  sel,  qui  recouvre  partout  le  sol;  les  lacs  mêmes  en  sont 
saturés  et  la  sève  des  arbres  en  déborde.  La  zone  inté- 
rieure est  un  vaste  steppe^  souvent  un  désert  de  cailloux  ou 
de  sable;  les  oasis  sont  rares,  et  leur  existence  dépend  de 
Tactivité  de  Thomme  qui  doit  les  disputer  à  une  nature  en- 
vahissante. Cependant  le  signe  le  plus  caractéristique  de 
ces  contrées  est  la  présence  du  loess^  qui  doit  son  existence 
à  une  concrétion  subacrienno.  Richthofen  fut  le  premier  qui, 
lors  de  ses  voyages  en  Chine,  constata  Texistence  de  cette 
formation  géologique,  laquelle,  par  sa  fertilité  extraordi- 
naire, exerce  une  influence  prépondérante  sur  les  destinées 
de  la  Chine  septentrionale.  Le  loess  qui,  dans  les  contrées 
rhénanes,  est  connu  depuis  longtemps,  n'attira,  en  Asie  cen- 
trale, l'attention  d'aucun  voyageur  avant  l'arrivée  du 
géologue  allemand.  Celte  particularité  de  terrain,  qui  est 
facilement  reconnaissable  à  sa  porosité,  aux  conduits  capil- 
laires qui  le  traversent  partout  perpendiculairement,  sem- 
blable à  des  vides  laissés  par  des  plantes  et  des  racines 
disparues,  et .  à  l'absence  complète    des    couches    super- 


UO  8ÈAKCE  DU  46  JUIN  1887. 

posées,  doit  son  origine  à  une  triple  influence  subaérienne. 
Le  loess  se  forme  par  la  désagrégation  des  pierres  et  des  ro- 
ches occasionnée  par  Teau  pluviale,  par  les  détritus  des 
Tégétaux  emportés  par  le  vent  en  fine  poussière,  enfln  par 
des  ingrédients  minér&ux  que  les  racines  des  herbes  em- 
pruntent à  la  terre  au  moyen  d'une  diffusion  des  liquides  et 
qu'elles  déposent  sur  le  sol  après  leur  décomposition  ;  le 
loess f  qui  au  centre  de  l'Asie  se  distingue  par  un  caractère 
saumàtre  —  car  les  plantes  ont  eu  soin  d'attirer  les  sels  des 
profondeurs  à  la  surface  du  sol  —  est  soumis  à  un  procédé 
de  lessivage,  au  moyen  deTirrigation  naturelle  ou  artificielle, 
et  se  transforme  ainsi  en  terrain  d'une  fertilité  vraiment  sur- 
prenante. La  même  terre  encore  saumâtre,  dans  les  steppes 
de  l'Asie  centrale  et  de  la  dépression  aralo-caspienne^  de- 
vient le  meilleur  terrain  agricole  et  horticole  dans  les  oasis, 
grâce  à  l'irrigation  due  au  génie  humain  ;  il  en  est  de  même 
dans  certaines  parties  de  la  zone  de  transition,  où  des  cours 
d'eau  puissants  viennent  corroborer  les  efforts  de  l'homme. 
11  n'est  pas  dans  nos  intentions  de  nous  étendre  ici  sur  les 
transformations  géologiques  successives  auxquelles  l'Asie 
centrale  doit  son  climat  sec  et  continental  par  excellence, 
n  suffit  de  jeter  un  regard  sur  la  configuration  de  ces  con- 
trées, pour  se  convaincre  que  le  triple  môle  du  Kouen-Loun, 
des  monts  Karakorum  et  de  l'Himalaya,  ne  permet  point 
aux  vents  humides  du  sud  de  pénétrer  dans  ces  régions,  que 
les  ramifications  orientales  de  TAltaï  ne  protègent  qu'impar- 
faitement contre  le  septentrion.  Tous  ceux  qui  voudraient 
s'éclairer  sur  les  différentes  phases  de  transformation  d'un 
bassin  sans  écoulement  en  un  bassin  avec  écoulement,  phases 
qui  sont  déterminées  par  des  influences  climatologiques  et 
dans  lesquelles  le  loess  joxxe  un  rôle  important,  je  les  renvoie 
à  l'ouvrage  de  Richthofen,  où  ils  trouveront  tous  les  éclair- 
cissements désirés. 

Avant  d'aborder  la  description  des  zones  intérieure  et 
de  transition  dont  l'ethnologie  nous  intéresse  avant  tout, 
disons  cependant  que  la  configuration  du  sol  a  exercé  une 


DE   UJPALVY.  —  LES  PEUPLES  DE  l'aSIB   CENTRALE.        444 

influence  capitale  sur  les  habitants  de  ces  zones  ;  ces  peu- 
ples ne  peuvent  être  que  nomades  et  pasteurs,  la  vie 
sédentaire  y  étant  due  à  des  moyens  artificiels.  La  zone 
périphérique ,  au  contraire ,  abonde  en  contrées  riches 
et  fertiles;  la  nature  y  collabore  avec  Thomme,  le  sol  y 
est  pour  beaucoup  dans  le  développement  intellectuel  et 
moral  de  ses  habitants.  La  dépression  aralo-caspienne, 
le  bassin  du  Syr  et  de  TAmou,  constituent  la  partie  occiden- 
tale de  la  zone  intermédiaire.  Le  sol  y  est  aujourd'hui  un 
vaste  steppe  saumâtre,  qui  ressemble  beaucoup  aux  steppes 
de  la  zone  centrale  ;  cependant  Tancienne  mer  intérieure 
s'est  relativement  retirée  depuis  si  peu  de  temps,  qu'à  Tex- 
ception  de  ses  bords,  la  majeure  partie  du  sol  est  restée 
inaccessible  à  la  culture.  Ce  caractère  intermédiaire,  de 
transition,  se  manifeste  aussi  au  point  de  vue  ethnogra- 
phique.  Cette  contrée  fut  toujours  un  lieu  de  passage,  con- 
sidéré comme  tel  par  les  nombreuses  peuplades  venues  de 
TAsie  centrale  ;  les  maîtres  y  changent  souvent,  et  nous  n'y 
rencontrons  point  cette  stabilité  qui  caractérise  les  empires 
de  la  zone  périphérique  et  qui  est  la  condition  sine  qua  non 
de  toute  civilisation  durable. 

Il  ne  rentre  point  dans  le  cadre  de  ce  travail  de  donner 
une  description  géographique  détaillée  des  contrées  dont 
nous  allons  essayer  de  dépeindre  les  habitants.  Nous  voulons 
seulement  attirer  l'attention  de  nos  lecteurs  sur  l'influence 
vraiment  extraordinaire  exercée,  par  la  configuration  de 
l'Asie  centrale,  sur  la  destinée  de  ses  habitants,  ainsi  que  sur 
l'extension  des  terrains  de  loess  qui  constituent  un  si  puis- 
sant facteur  de  culture  et  de  civilisation.  Entourée  de  toutes 
parts  de  chaînes  de  montagnes  presque  infranchissables, 
l'Asie  centrale  ne  possède  que  deux  issuesj  la  porte  Dzoun- 
gare  au  nord-ouest  et  le  passage  de  Yumœnn  au  sud-est.  Les 
peuples  nomades  et  pasteurs  de  ces  contrées  choisirent  sur- 
tout ce  dernier  débouché,  qui  leur  permit  d'atteindre  en 
quelques  jours  de  marche  les  plaines  riches  et  fertiles  de  la 
Chine,  Cq  fait  nous  explique  comment  h  ^stndQ  migration 


442  SÉANCE  DU    10  JULN    1887. 

des  peuples  ne  s'est  effectuée  (ju'i  Une  date  relativement 
récente  dans  l'histoire  de  l'humanité.  Dans  le  troisième 
siècle  avant  notre  ère,  les  Chinois,  las  des  incursions  bar- 
bares qui  compromettaient  à  chaque  instant  leur  prospérité, 
construisirent  la  grande  muraille,  opposant  ainsi  une  digue 
presque  infranchissable  au  flot  des  envahisseurs.  Alors  celui- 
ci  dut  se  porter  ailleurs,  et,  débordant  par  la  porte  Dzoungare, 
il  submergea  la  Sibérie  occidentale  et  la  dépression  aralo- 
caspienne,  franchit  les  monts  Durais,  et  vint  battre  de  ses 
rafales  jusqu'aux  contreforts  orientaux  des  Alpes.  La  con- 
struction de  la  grande  muraille  de  Chine  fut  un  des  évé- 
nements les  plus  mémorables  de  l'histoire,  et  on  peut  dire, 
sans  être  taxé  d'exagération,  que  cet  événement  détermina 
la  chute  prématurée  de  l'empire  de  Rome  ;  il  fut  aussi  ca- 
pital pour  la  connaissance  de  l'histoire  du  Céleste-Empire, car, 
à  l'abri  des  incursions  barbares,  les  historiographes  chinois 
purent  songer  à  fixer  leurs  impressions  et  à  les  transmettre 
à  la  postérité.  Grâce  aux  Chinois,  dont  les  récits  se  distin- 
guent par  l'exactitude,  la  précision  et  la  sobriété,  nous 
sommes  à  mêriie  de  nous  procurer  quelques  renseignements 
sur  ces  temps  reculés,  renseignements  précieux  que  la  dif- 
fusion et  le  caractère  purement  légendaire  des  anciennes 
annales  turques  ne  viendront  pas  infirmer. 

A  peine  la  grande  muraille  était-elle  construite  que  déjà, 
au  deuxième  siècle  avant  notre  ère,  les  annalistes  chinois 
nous  fournissent  des  renseignements  précis  et  détaillés  sur  la 
carte  ethnographique  de  l'Asie  centrale.  Au  sud  du  lac  LoB, 
dans  les  régions  autour  de  l'importante  oasis  de  Khotan, 
d'après  Rlchthofen  le  berceau  ^des  Chinois,  les  enfants  de 
l'empire  du  Milieu  rencontrent  encore  des  races  congénères; 
depuis  Yarkand,  à  l'est  du  Pamir,  jusqu'à  Tourfan,  au  sud  des 
monts  Célestes ,  les  oasis  sont  occupées  par  les  longues 
figures  de  cheval,  au  nez  proéminent  et  aux  yeux  enfoncés 
dans  leurs  orbites;  à  l'est,  les  Youé-Tchl,  probablement 
d'origine  tibétaine,  se  sont  fixés  dans  la  partie  la  plus  impor- 
tante du  défilé  de  Yumœnn.  Le  peuple  turc  des  Hioungnous 


DE  UJPALVY.  —   Les  PEUPLES  DE  L'aSIE  CENTRALE.        443 

fait  paîtl-e  ses  Iroupeaut  dans  la  dépression  pierreuse  du 
Chamô;  des  Tongouses^  chasseurs  et  pêcheurs,  s'étendent 
depuis  la  vallée  de  l'Oussouri  jusqu'à  la  côte  de  la  mer  du 
Japon;  enfln  les  Mongols,  appelés  sous  peu  à  Tempire  du 
monde,  mènent  une  vie  patriarcale  et  paisible,  autour  du  lac 
Baïkâl.  Richthofen  pense  que  la  patrie  primitive  des  Turcs 
ne  se  trouvait  point  dans  les  monts  Altaï,  d'où  les  font  partir 
leurs  légendes,  mais  plutôt  dans  les  contrées  entre  TAmour, 
la  Létla  et  la  Séletigha,  où,  à  une  certaine  époque,  ils  habi- 
taient à  côté  de  leurs  frères,  les  Mongols  et  les  Tongouses. 
ttîen  ne  prouve  que  les  Yakouts  aient  jamais  émigré  vers  le 
nord  ;  il  est  plus  que  probable  qu'ils  sont  toujours  restés  dans 
leur  patrie  primitive. 

Peu  de  temps  après  la  construction  de  la  grande  muraille 
de  Chine,  les  HioungnoUs  quittent  leurs  pâturages  et  se  jettent 
sur  leurs  voisins,  les  Youé-tchi,  qu'Us  refoulent  vers  les  val- 
lées dzoungares,  où  ils  sotlt  bientôt  remplacés  par  les  Ou- 
souns,  population  blonde  aux  yeux  bleus  sur  l'origine  de  la- 
quelle les  savants  n'ont  jamais  pu  tomber  d'accord.  Nous 
verrons  par  la  suite  le  rôle  anthropologique  important  que 
les  OusoUns  sont  appelés  à  jouer  en  Asie  centrale.  Ce  peuple 
curieux  a  disparu  comme  un  météore  dans  le  firmament  de 
l'histoire,  mais  son  passage  a  laissé  des  traces  palpables,  et, 
grâce  aux  annales  chinoises,  il  n'est  point  permis  de  douter 
de  son  existence.  L'empire  des  Hloungrtous  s'écroule  sous  les 
attaques  répétées  de  la  Chine.  Les  Hloungnous  se  scindent 
en  plusieurs  parties,  dont  Tune  envahit  la  Dzoungarie, 
émigré  jusqu'au  cours  supérieur  de  l'Irtich  et  jusqu'au  lac 
Balkach,  tandis  que  les  autres,  demeurant  en  Asie  centrale, 
sont  absorbés  par  les  vainqueurs.  A  ce  moment,  un  nouveau 
peuple  fait  son  apparition  sur  la  scène  de  l'histoire  ;  les 
Sien-Piy  de  race  coréenne,  anéantissent  les  derniers  restes 
de  l'empire  des  Hioungnous  et  établissent  leur  pouvoir  sur 
toutes  les  tribus  turques,  qu'elles  forcent  à  se  retirer  vers 
l'ouest  ;  cette  nouvelle  poussée  oblige  les  Ousouns  de  quitter 
l'Asie  centrale  à  la  fln  du  quatrième  siècle  et  de  chercher  un 


444  SÉANCE  DU   16  JUIN  i887« 

refuge  éphémère  en  Dzoungarie.  Pendant  deux  siècles  en- 
tiers, les  Sien-Pi,  parmi  lesquels  les  Youan-youan^  ont  été  la 
tribu  la  plus  puissante,  et  sont  restés  les  maîtres  de  TAsie  cen- 
trale ;  puis  ils  disparaissent  de  Thistoire  et  nul  ne  sait  ce  qu'ils 
sont  devenus.  Successivement  surgissent  les  peuples  turcs 
desToukious,  des  Kweï-hé,  des  Ouïgours  et  des  Kirghises; 
ils  se  pourchassent  et  imposent  à  tour  de  rôle  leur  nom  aux 
vaincus  ;  au  septième  siècle,  la  tribu  tibétaine  des  Toufans 
apparaît,  son  pouvoir  est  de  peu  de  durée;  car  déjà  la  peu- 
plade tongouse  des  Khitans,  forcée  de  quitter  la  partie  orien- 
tale de  l'Asie  centrale,  leur  arrache  Thégémonie.  Enfin,  au 
treizième  siècle,  Gingis-Khan  survient  et  fonde  son  empire 
du  monde. 

Depuis  l'empire,  aussi  considérable  qu'éphémère  des  Mon- 
gols, TAsie  centrale  n*a  été  le  théâtre  d'aucune  nouvelle  mi- 
gration ;  ce  résultat  surprenant  est  dû  exclusivement  à  la 
politique  chinoise,  qui,  en  imposant  à  ces  rudes  nomades  la 
religion  énervante  et  abêtissante  du  lamaïsme,  les  a  rendus 
impropres  à  tout  mouvement  spontané.  Si  demain,  par  un 
hasard  quelconque,  les  Tatares,  les  maîtres  belliqueux  de 
la  Chine,  à  laquelle  ils  ont  imposé  leur  dynastie,  se  conver- 
tissaient à  Tislamisme,  nous  aurions  bientôt,  en  Europe,  de 
leurs  nouvelles. 

Les  peuples  qui,  après  une  occupation  plus  ou  moins 
longue,  sont  obligés  de  quitter  les  vallées  fertiles  de  la 
Dzoungarie,  poursuivent  deux  routes  différentes  :  Tune,  cô- 
toyant le  cours  de  Tlrtich  noir,  débouche  dans  les  plaines  de 
la  Sibérie  occidentale  et  conduit  jusqu'aux  monts  Durais, 
permettant  à  ceux  qui  Font  choisie  de  continuer  leur  vie  de 
nomades  et  de  pasteurs.  Les  Huns  ont  suivi  cette  route  avant 
d'envahir  l'Europe  orientale  et  centrale.  L'autre  chemin, 
sortant  de  la  vallée  de  Tlli,  contourne  les  contreforts  occi- 
dentaux du  Thien-chan,  et,  suivant  la  périphérie  de  la  dé- 
pression aralo-caspienne,  mène  dans  des  régions  plus  tem- 
pérées, dans  le  large  bassin  de  riaxarte,dans  celui  de  TOxus, 
et  de  ce  dernier  sur  le  plateau  de  Tlrçu),  Ici  Iç  courant  se  di- 


D£  UJFALVY.  —  LES  PEUPLES  DE  l'aSIE  CENTRALE.       445 

vise  de  nouveau  :  une  partie,  se  tournant  vers  TOccident,  en- 
vahit la  Perse,  la  Mésopotamie  et  la  Syrie;  Fautre,  franchis- 
sant les  défilés  de  Banian  etdeBoIan,  submerge  les  Indes. 
Les  fils  de  Gingis-Rhan  suivirent  les  traces  d'Attila;  puis, 
tournant  brusquement  au  sud,  ils  passèrent  par  le  Mazen- 
déran  et  se  jetèrent  sur  la  Syrie.  Timour  enfin  choisit  la  der- 
nière route,  ainsi  que  .celle  des  Indes,  où  son  petit-fils  Baber 
fonda  Tempire  du  Grand  Mogol. 

Aussitôt  que  les  hordes  barbares  eurent  atteint  les  régions 
périphériques,  leurs  mœurs  pastorales  se  modifièrent  et  ils 
devinrent  sédentaires  ;  la  tente  du  nomade  se  changea  en 
maison,  son  camp  se  transforma  en  ville  ;  au  lieu  de  faire 
paître  ses  troupeaux,  il  cultiva  le  sol;  il  abandonna  ainsi  la 
simplicité  de  ses  mœurs,  il  apprit  à  connaître  les  raffine- 
ments de  la  civilisation,  il  perdit  sa  force  prime-sautière  et 
disparut  bientôt  au  milieu  des  vaincus,  mieux  appropriés  que 
lui  à  la  vie  sédentaire.  Car  la  culture  même  veut  être  acquise 
lentement,  graduellement,  et  Thomme,  comme  les  animaux 
doit  s'acclimater  à  une  nouvelle  patrie.  Les  peuples  qui  ont 
traversé  la  scène  du  monde,  détruisant  tout  sur  leur  passage, 
n'ont  jamais  su  rien  mettre  à  la  place  des  ruines  dont  ils 
avaient  jonché  le  sol.  L'homme  est  l'esclave  de  ce  sol,  et  la 
civilisation  est  le  résultat  de  la  terre  et  du  climat.  Aussi  les 
sciences  naturelles  nous  renseignent-elles  surabondamment 
sur  les  origines  et  les  causes  des  migrations,  sur  la  marche 
des  peuples  et  sur  leur  sort  dans  l'histoire  ;  elles  nous  donnent 
des  renseignements  positifs,  palpables,  à  côté  desquels  les 
données  spéculatives  de  la  linguistique  et  de  l'ethnographie 
ne  sont  que  des  jouets  d'enfants,  aptes  à  divertir  des  esprits 
oisifs.  Loin  de  moi  la  pensée  de  vouloir  rapetisser  les  mérites 
des  recherches  linguistiques  faites  avec  méthode.  "Wambéry 
a  magistralement  établi  Torigine  septentrionale  des  Turcs 
au  moyen  de  la  paléontologie  de  leur  langue,  à  l'exemple  de 
Piclet,  qui  a  tenté  un  travail  analogue  pour  établir  le  berceau 
des  Aryens. 

Richthofen  décrit  admirablement  la  différence  ethnique 


446  SÉANCE   DU    16  4U1N    1887. 

qui  existe  entre  le  bassin  du  Tarym  et  la  Uzoungarie.  Le  pre- 
mier renferme  les  vestiges  de  toutes  les  migrations  qui,  sem- 
blables aux  vagues  d'une  mer,  sont  venues  se  briser,  à  un 
moment  donné,  contre  le  môle  gigantesque  du  Kouen-loun,  du 
PamiretduThian-chan;  tandis  qu'en  Dzoungarie,  les  peuples, 
se  pourchassant  sans  cesse,  se  sont  pour  ainsi  dire  substitués 
les  uns  aux  autres.  Cette  sagace  observation  de  Ricbthofen 
est  corroborée  par  mes  recherches  personnelles*  Le  Kachga- 
rien  présente  un  type  des  plus  curieux,  dont  le  véritc^ble  ca- 
ractère, à  la  fois  divers  et  uniforme,  est  difficile  à  définir. 
Partout  le  type  aryen  reparaît  et  absorbe  celui  des  Turco- 
Tatares  venus  après  lui.  En  Dzoungarie,  au  contraire,  la  diffé- 
rence entre  les  Kalmouques,  les  Chinois,  les  Dougâns,  les  Ta- 
rentchis  et  les  Kirghises  est  nette  et  visible  à  première  vue. 
Tandis  qu  au  sud  du  Thian-chan  nous  ne  rencontrons  que 
des  Kachgariens,  terme  qui,  toute  proportion  gardée,  ert 
aussi  vague  que  celui  d'Aryen,  nous  voyons,  au  pord  de  celle 
môme  chaîne  de  montagnes,  une  mosaïque  de  peuples  qui 
semble  s'ôtre  formée  d  hier. 

Richlhofen  constate  la  préserfce  successive  des  Ssou,  des 
Youé-tchi  et  des  Ousouns  en  Dzoungarie.  Ces  derniers,  enva- 
hissant bientôt  les  contrées  périphériciues  de  la  dépression 
aralo-caspienne,  mêlèrent  aux  Aryens  de  ces  régions  un  élé- 
ment blond  aux  yeux  bleus  dont  l'existence  sporadique  peut 
être  encore  constatée  aujourd'hui.  C'est  donc  aux  Chinois  seuls 
que  nous  devons  tous  ces  précieux  renseignements. 

Nous  arrivons  à  l'action  bienfaitrice  des  terrains  de  loess. 
Hélas  1  l'eau  pluviale  est  rare  dans  ces  contrées  intérieures, 
mais,  en  revanche,  le  vent  est  fréquent  et  la  nature  lui  a 
assigné  le  rôle  que  l'humidité  joue  dans  la  zone  périphérique. 
Les  grandes  oasis  du  bassin  du  Tarym,  ainsi  que  celles  de 
la  dépression  aralo-caspienne,  doivent  leur  existence  à  la  puis- 
sance des  cours  deau  au  bord  desquels  elles  sont  situées  ; 
mais  leur  fertilité  extrême  est  due  exclusivement  à  l'irri- 
gation artificielle  qui  donne  au  sable  la  faculté  de  retenir  la 
poussière  argileuse  amenée  par  le  vent,  et  cette  dernière  fait 


DE  UJFALVY.  •—  LES   PEUPLES  DE   L^ASIB  CENTRALE.       447 

pousser  la  végétation  avec  une  exubérance  étonnante. 
L'action  du  vent  est  si  grande  dans  toutes  ces  contrées, 
qu'elle  profite  des  causes  les  plus  miDiines  pour  emporter 
les  produits  de  la  sécrétion  subaérienne.  Les  fleurs  du  sel,  dit 
Richtbofen,  la  gelée,  le  pied  d'une  gazelle,  le  sabot  d'un 
âne  sauvage,  les  pas  d'une  caravane,  les  roues  d'une  char- 
rette, sont  autant  de  forces  motrices  qui  amollissent  la  croûte 
superficielle  du  sol  et  confient  au  vent  tout  ce  qu'il  peut  em- 
porter. L'observation  que  Richtbofen  a  faite  dans  le  nord  de 
la  Chine  sur  l'atmosphère  imprégnée  de  poussière  faisant 
paraître  le  soleil  comme  un  pain  à  cacheter,  je  l'ai  constatée 
lors  de  mon  passage  à  Touss,  dans  le  Ferghanah.  Cette  pous- 
sière fertilisatricc,  que  le  vent  amène  des  steppes  et  que  les 
habitants  d'Iltchi  (Khotan)  considèrent  comme  un  précieux 
engrais,  cette  même  poussière  qui  détermine  la  fertilité  des 
autres  oasis  du  bassin  du  Tarym  produit  les  mêmes  efFcLs  dans 
le  Ferghanah.  Le  désert  entre  Namangun  et  Touss  engraisse 
au  moyen  de  vents,  non  seulement  les  environs  de  ces  villes, 
mais  encore  la  belle  vallée  du  Kassan-sou.  Je  disais,  dans 
mon  récit  de  voyage  paru  en  1878,  que  Touss  était  affligé 
d'un  phénomène  des  plus  désagréables  pour  celui  qui  est 
obligé  d'y  résider  ou  d'y  passer.  Pendant  l'été  les  sables  fins 
des  bords  du  Syr  sont  soulevés  par  le  vent  dans  une  telle 
quantité,  que  les  nuages  de  poussière  obscurcissent  le  soleil 
pendant  plusieurs  jours.  Je  m'élais  trompé  ;  cette  poussière 
fine  des  steppes  et  des  montagnes  n*esl  point  du  sahle,  mais 
bien  les  restes  pulvérisés  des  détritus  végétaux,  —  c'est  du 
loesSf  et  ce  que  j'ai  pris  pendant  1  elé  de  1877  pour  un  fléau 
est  par  le  fait  une  bénédiction,  car  celle  atmosphère  obs- 
curcie, épaisse  et  jaunâtre,  pour  ainsi  dire  opaque,  désa- 
gréable à  respirer,  est  avec  Tirrigation  la  cause  principale  de 
la  fertilité  du  Ferghanah. 

Pour  ne  pas  perdre  une  parcelle  de  ce  terrain  précieux,  les 
Chinois  du  bassin  du  lïoang-ho  construisent  leurs  demeures 
dans  les  parois  des  crevasses  profondes  formées  par  le  loess. 
On  rencontre  la  cabane  du  pauvre  et  le  palais  du  riche  admi- 


448  SÉANCE  DU  i6  JUIN  i887. 

rablement  appropriés,  car  le  loess  est  un  matériel  de  con- 
struction à  la  fois  sec  et  solide.  Le  Pandit  Manphul  a  constaté 
Texistence  de  demeures  semblables  dans  le  loeis  du  Badak- 
chân,  à  plusieurs  milliers  de  kilomètres  de  la  Chine,  et  le 
grand  voyageur  Marc-Pol  avait  déjà  écrit  au  douzième  siècle 
les  lignes  suivantes  :  «  Cesle  cité  de  Casen  a  un  moult  grand 
province  qui  aussi  a  nom  Casen.  Ils  ont  langage  par  euls. 
Les  vilains  qui  ont  leur  bestail,  demeurent  en  montaignes  ; 
car  ils  ont  leurs  habitations  là  moult  belles  et  moult  grans 
dessous  terre,  en  grans  caves  et  les  font  moult  bien,  pour  ce 
que  les  montaignes  sont  de  terre.  » 

Ainsi  le  loess  s'étend  tout  autour  de  TAsie  centrale  ;  sa  cou- 
leur jaunâtre  est  celle  de  Tair  qu'il  imprègne,  elle  devint 
pour  les  Chinois  Temblème  de  la  fertilité,  leur  couleur  sacrée 
et  celle  de  la  famille  impériale. 

Cest  au  loess  que  les  êasis  du  Ferghanah  doivent  leur  fer- 
tilité extraordinaire  ;  c'est  sans  doute  sous  une  immense 
couche  de  cette  môme  terre  végétale  que  dorment  les  ruines 
de  Maracanda  et  d'Aphrasiab,  aux  portes  de  Samarkand  ; 
c'est  la  même  terre  qui  entoure  les  villes  de  Tachkend,  de 
Hodjend,  de  Turkestan  et  qui  s'étend  au  pied  des  monts 
Alexandre;  le  bassin  de  l'Ui  en  est  rempli,  ainsi  que  Toasis  de 
Bokhara,  les  petites  principautés  du  haut  Oxus  et  toute  la 
région  depuis  le  Badakchan,  Talikhan,  Koudouze,  Khoulm 
Balkh  jusqu'au  petit  Khanat  de  Maïmene.  Même  la  vallée 
du  haut  Indus,  le  Ladack  et  le  Baltistan  sont  composés  en 
grande  partie  de  cette  terre  fertilisatrice.  Lors  de  mon  séjour 
àlskardo,  en  août  i881,  j'ai  été  frappé  parla  similitude  qu'of- 
fraient la  culture  et  le  sol  de  cette  partie  de  la  vallée  de 
rindus  avec  les  oasis  du  Turkestan.  Ainsi,  au  centre  de 
l'Asie,  nous  rencontrons,  malgré  son  uniformité  apparente, 
une  nature  dont  la  variété  ne  laisse  rien  à  désirer. 

Al'est,  en  quittant  la  Chine  proprement  dite,  on  entre  dans 
une  vaste  région  ondulée,  émaillée  de  toufTes  d'herbe  et  jon- 
chée de  pierres  ;  en  hiver  un  vent  du  nord-est  fait  frissonner 
le  voyageur,  en  été  une  chaude  brise  l'incommode  ;  c'est  le 


DE  UJFALVT.  --*  LES  PEUPLES   DE  L'ASIE  CENTRALE.       449 

pays  de  la  vie  nomade  par  excellence  ;  les  troupeaux  y  trou- 
vent en  abondance  une  herbe  que  la  qualité  saum&tre  du  sol  a 
rendue  savoureuse  ;  Teau  n*y  est  pas  rare  et  leglbier  y  abonde. 
Le  berceau  de  presque  tous  les  peuples  conquérants  de  la  race 
mongolique  a  donc  été  dans  ces  régions;  s'abritant  sous  leurs 
tentes,  les  tribus  y  menaient  une  vie  patriarcale,  bravant  les 
excès  du  climat  et  élevant  de  rudes  enfants,  aptes  aux  priva- 
tions et  à  Ja  fatigue.  Alors  le  chef  d'une  tribu  obscure  enflamme 
ses  compagnons  et  excite  leurs  dispositions  guerrières.  Il 
éveille  leur  cupidité,  faisant  miroiter  à  leurs  yeux  les  richesses 
de  contrées  éloignées,  faciles  à  conquérir.  Les  ti'ibus  voi* 
sines  se  joignent  à  lui  sous  peine  d'être  écrasées,  la  horde 
des  nomades,  grossissant  &  chaque  pas^  avance  avec  une 
rapidité  effrayante,  balayant  tout  sur  sgn  passage,  semblable 
à  une  tourmente  de  neige  ou  à  une  rafale  de  sable.  Parfois, 
quelques  tribus  coalisées  réussissent  à  entraver  cette  marche 
dévastatrice  ;  mais,  lé  plus  souvent,  elles  succombent  à  leur 
tour  et  le  vainqueur  continue  son  chemin  jusqu'au  moment 
où  il  rencontre  un  obstacle  sérieux  qui  l'arrête.  Le  chef  de 
la  petite  tribu  a  réussi  à  fonder  ainsi  un  empire  qui  s'étend 
sur  tout  le  centre  de  l'Asie  et  quelquefois  au  delà;  et  bientôt 
des  rois  vassaux  viendront  lui  apporter  leurs  hommages 
dans  la  grande  cité  de  tentes  qu'il  aura  construite  au  sud- 
est  de  l'Altaï  et  qui  portera  dans  1  histoire  le  nom  fameux  de 
Kara^Korum.  Mais  tous  ces  empires  sont  d'une  durée  éphé* 
mère,  car  les  mêmes  causes  produisent  les  mêmes  effets  ; 
tous  ces  conquérants  partis  du  berceau  commun,  c'est-à-dire 
de  la  Mongolie,  se  succèdent  au  centre  de  l'Asie  avec  une  ra- 
pidité vertigineuse. 

£n  quittant  le  bassin  caillouteux  du  Ghamô  nous  arri'* 
vous  daps  le  désert  désolé  du  Takla-M&kan,  qui  enveloppe 
le  lac  Lob  de  son  linceul  de  sable.  L'évaporation  dépas- 
sant  le  volume  d'eau  que  le  Tarym  lui  amène^  ce  lac,  autre- 
fois si  grand  que  les  annales  chinoises  le  comparent  à 
une  mer,  se  meurt  et  Prjévalski  n'a  rencontré,  lors  de  son 
voyage,  que  quelques  nappes  d'eau  saumàtres  disparaissant 

T.  X  (3«  série).  ±9 


4M  Uànci  du  It  mn  tô97.. 

S61IS  des  }oti(|«  et  ddi  herities  marine»,  Mioaréea  d^un  p^ya 
aride  ob,  k  eôté  de  otiftipeaux  sauvages,  ane  Biisérable  popu- 
lalion  d'içlithyopbages  dispute  son  existence  famélique  à  une 
nature  marfllre.  Le  Tarym,  dontlôMble  Tolnme  d'eau  suffît 
à  peine  à  lessiver  see  rives  saumAlres,  coule  lentement  en« 
eaiss4  dans  des  steppes  à  la  surfaee  saline  qui  offre  une  ex6el«» 
lente  nourHtnre  aux  Mtes  des  nomades.  Les  maigres  bois 
de  peupliers  {Pôpuluê  Mvêi^ifoUa)  que  le»  membres  de  Texpé- 
dition  du  eelenelk(>urapalklnë  y  ont  rencontrés,  ont  leur  sève 
imprégnée  de  sel;  et  ce  dernier  jaillit  des  branches  cassées 
et  saupoudre  le  sol  d'un  léger  frimas  blanc.  Ces  sleppes  sont 
entonrés  d'oasIS  d*une  fertilité  extraordinaire  qui  ont  fait 
donner  au  Turltestan  oriental  tantôt  le  nom  de  Tempire  des 
Bix-Villes  tantôt  eelui  de»  Sept-Villes.  Le  DJltichar  ainsi  que 
TAltychar  ont  été  les  témoins  passifs  de  toutes  les  migrations. 
La  nature  est  à  peu  de  obose  près  la  même  de  Vautre  côté 
du  Pamir  ;  la  dépression  aralo-easpienne  ressemble  tellement 
au  bassin  du  Tarym^  qu'on  est  disposé  à  justifier  les  géo- 
graphes  qui  l'ont  assimilée  à  TAsle  centrale.  Des  déserts  sa-* 
blonneux  et  caillou  tenu  alternent  avec  des  stoppes  herbeux 
et  de  riantes  oasis.  Il  ne  faut  point  croire  que  ces  régions 
d'un  aspect  plat  et  uniforme  manquent  de  poésie.  Le  steppe 
sec  et  poussiéreux  en  été  et  on  automne,  blanchi  par  la  neige 
en  hiver,  est  merveilleusement  frais  au  printemps.  Il  est  cou« 
vert  de  hautes  herbes,  émaillées  de  fleurs  rouges,  jaunes  et 
bleues.  Puis,  quelle  animation;  quelle  vie  1  L'air  est  rempli 
du  bourdonnement  de  myriades  d'insectes.  Des  tortues 
innombrables  font  ondoyer  les  herbes  ;  le  steppe  ressemble  à 
une  immense  surface  mouvante.  Les  aigles  viennent  eu 
grand  nombre  du  Thian«Ghan  et  du  Pamir  pour  dévorer  les 
tortues  inoffensives  que  leur  double  carapace  ne  protège  pas 
contre  ces  terribles  ennemis.  Des  troupeaux  de  gaaeiles  tra« 
versent  la  plaine  avec  des  J>onds  joyeux  ;  le  lièvre  à  robe 
grise  y  gambade  ;  de  temps  en  temps  une  gerboise  y  pro* 
mène  sa  patite  mino  futée.  Parfois  aussi  un  loup  solitaire,  au 
poil  fauve,  la  guenla  au  vent,  li^  tangue  pendante,  se  pçor 


DE  UJFALYT.  -^  I.E0  PE0PLB9  Dg  i'^tlE  CENTRALE.       lU 

«f)èQ6  tranquillement  cherchant  pftture,  saut  s'affrayar  de  la 
vne  de  rhomma,  dont  il  n*a  rien  à  craindra.  Lorsqu'on  â^ap*- 
proche  par  hasard  d'un  de  oes  petit»  Iac9  ai  nombreux  a« 
pied  des  montagnes  de  TAsie  centrale^  on  voit  de  j^roi  p6Ur 
oana,  des  hérans>  des  grues  «t  des  ibis  stores  qui  s'eovolent 
bruyamment  quand  les  contours  du  magnifique  eerf  maral 
se  reflètent  dans  Teau,  Le  printemps  pare  égaldmaat  les 
xmsis  de  ses  charmes;  te  gaaon,  les  arbres,  les  buissona  sont 
d*un  vert  délicat  dont  les  nuances  diffârentes  se  marient  si 
bien  avec  la  fleur  rose  de  Tamandier  et  la  oorella  àcarlat^ 
du  grenadier  ;  le  pommier  et  le  poirier  sont  en  fleur  { le  phh 
tachier  s'élève  au  milieu  des  jardins  où  croissent  des  melotM 
succulents,  qui  firent  les  délices  de  Timoui^  ;  au  milieu  de  eei 
9)êmes  Jardins,  des  vignes  forment  d'épais  taillis  et  des  ton** 
nelles  presque  séculaires  qui  enchantèrent  Baber  ;  autour  des 
cités  s'étendent  &  perte  de  vue  des  champs  de  sorgho  qui 
atteignent  une  telle  hauteur,  que  des  hommes  à  cheval  peu« 
vent  s'y  cacher  ;  le  blé  y  croît  en  abondance  et  partout  le 
cotonnier  montre  ses  pousses  naissantes. 

{lemontons  le  cours  des  rivières  et  des  torrents  et  nous 
arrivons  dans  les  vallées  profondément  encaissées  du  Thtan* 
Cban,  du  Pamir,  du  Kouen-loun  et  de  l'Hiiadou^koueb.  Mal* 
gré  le  caractère  rocailleux  et  aride  du  paysage,  la  nature  y 
conserve  une  austère  beauté.  Le  bois  tordu  du  genévrier  sert 
à  l'habitant  à  construire  ses  maisons,  qu'il  surélève  au-dessus 
du  sol,  comme  en  Suisse,  afin  de  laisser  passer  Teau,  et  dont  il 
jonche  le  toit  de  grosses  pierres  pour  le  protéger  contre 
la  tourmente  et  les  avalanches.  De  beaux  noyers  lui  permet<- 
tent  de  tailler  dans  leur  bois  des  objets  d'ameublement  et  des 
ustensiles  de  ménage  ;  le  blé  le  nourrit  et  de  nombreux 
arbres  fruitiers  sont  la  source  d*un  commerce  d^exportation 
auquel  se  joint  celui  des  fourrures  de  son  gibier, 

A  une  certaine  époque  de  la  préhistoire,  les  Aryens  occu- 
paient les  rives  de  l'ancienne  mer  araio-caspienne.  Les  fer- 
tiles vallées  de  la  Bactriane  et  de  la  Sogdiane  les  avaient 
rendus  sédentaires  et  agriculteurs.  La  paléontologie  linguis* 


45S  SÉANCE  DU  m  jum  i887. 

tique  des  langues  aryennes  nous  démontre  ce  séjour  en 
Bactriane.  Etait-ce  leur  berceau^  comme  le  croyaient  nos 
pères?  Etaient-ils  venus  des  plaines  de  l'Europe  orientale^ 
comme  le  pensent  des  savants  modernes?  Je  me  garderai 
bien  de  vouloir  résoudre  cette  question,  qui,  à  mon  avis, 
n'est  pas  encore  sortie  du  domaine  de  la  spéculation* .  Adonnés 
à  la  foi  de  Zoroastre,  les  Aryens  de  ces  contrées  pouvaient 
86  livrer  en  toute  sécurité  à  leurs  paisibles  occupations  jus- 
qu'au moment  où  les  hordes  turques,  débouchant  par  la 
porte  Dzoungare,  vinrent  leur  disputer  leurs  richesses  et 
compromettre  leur  indépendance.  Il  sufQt  de  |se  reporter 
aux  récits  arabes,  bien  postérieurs  à  l'époque  dont  je  parle, 
pour  se  faire  une  idée  de  la  fertilité  et  de  la  richesse  des 
parties  habitées  de  la  dépression  aralo-caspienne.  «  Un  chat, 
dit  le  dicton  oriental,  peut  aller  de  Tachkend  à  Samarkand 
sans  toucher  le  sol,  en  sautant  d'un  toit  à  un  autre.  »  11  est 
donc  probable  qu'à  cette  époque  le  steppe  de  la  faim,  qui 
sépare  aujourd'hui  les  deux  grandes  cités  du  Turkestan, 
n'existait  pas,  ou  était  du  moins  beaucoup  plus  restreint. 
Les  mêmes  géographes  arabes  nous  apprennent  que  les  bords 
de  rOxus,  de  l'Iaxarte  et  de  leurs  affluents  étaient  parfaite* 
ment  irrigués  et  cultivés  par  les  descendants  de  ces  mêmes 
Aryens;  les  steppes  désolés  du  Kizyl-koum  et  du  Kara-koum 
étaient  à  cette  époque  sillonnés  de  bonnes  routes  et  n'étaient 

>  J'ai  adopté  ropioioD  de  M.  Ricbthofea,  et  ce  De  seront  certes  pas  les 
attaques  absurdes  de  M.  le  professeur  Penka,  de  Vienne,  qui  me  feront 
changer  d'avis.  Dans  une  communication  faite  à  la  Société  d^anthropologie 
le  15  mai  1884,  communication  intitulée  :  le  Berceau  des  Aryens  (Taprès 
des  ouvrages  récents,  j'ai  rt>ndu  compte  dans  des  termes  fort  mesurés  des 
Origines  ariacx  de  M.  Penka  ;  le  savant  auteur  me  répond  dans  un  tra- 
vail qu'il  vient  de  publier  à  Vienne  :  Die  Herkunft  der  Arier.  Netie  ftet- 
trUge  zur  historischen  Anthropologie  der  europàschen  Vôlker,  von  Karl 
Ponka  (Wien  und  ^Teschen,  1886),  que  je  me  sers  de  vulgaires  tours  de 
prestidigitateui*  pour  exciter,  même  dans  le  domaine  de  la  scieuce,  le 
chauvinisme  de  ma  patrie  d'adoption.  Je  dédaigne  de  répondre  à  des 
accusations  aussi  iueptes.  Si  M.  Penka  possédait  mieux  la  connaissance 
de  la  langue  française,  il  aurait  vu  que  je  n'ai  jamais  soutenu  que  les 
Grecs  avaient  été  une  race  petite,  brune  et  brachycéphale  !  Mais  il  est 
avéré  qu'il  n'y  a  pire  sourd  que  celui  qui  ne  veut  pas  entendre. 


DE  UJFALYT.  —  LES  PEUPLES  DE  L*ASIE  CENTRALE.       453 

nullement  dépourvus  de  végétation  ;  Samarkand,  si  brillant 
du  temps  du  terrible  boiteux,  devait  ètre^  certes,  plus  su* 
perbe  encore  quand  il  portait  le  nom  de  Maracanda. 

Bien  avant  Tarrivée  des  Turcs  au  nord  de  Tlaxarte,  quelques 
familles  aryennes  franchirent  le  Pamir  et  s'établirent  dans  le 
bassin  du  Tarym,  dans  les  hautes  vçjlées  des  rivières  de 
'Kachgar  et  de  Yarkand.  Il  est  probable  qu'un  accroissement 
de  la  population,  ou  peut-être  des  guerres  intestines,  les 
avaient  forcés  à  franchir  ces  câpres  montagnes.  Ces  guerres 
intestines  étaient  bien  la  vivante  image  des  luttes  fratricides 
des  petits  Etats  grecs,  pendant  que  Xercès  menaçait  leur  in- 
dépendance, et  des  combats  dans  les  rues  de  Byzance,  pen- 
dant que  Mahmoud  était  sur  le  point  de  forcer  ses  portes. 
Les  Aryens  établis  en  Kachgarie  se  mirent  aussitôt  à  cultiver 
le  sol  en  irriguant  le  sable,  espérant  qu'un  vent  fertile  leur 
apporterait  la  fécondité  dans  les  plis  de  sa  robe  aérienne.  En 
effet,  ce  vent  emporte  tout  sur  son  passage,  devenant  .ainsi 
un  des  facteurs  principaux  de  la  formation  du  sol.  Les  colons 
aryens  se  trouvèrent  ainsi  être  les  voisins  des  aïeux  des  Chi- 
nois qui,  des  milliers  d'années  avant  notre  ère,  occupaient 
les  contrées  fertiles  au  sud  du  lac  Lob.  ;Les  Chinois  furent 
frappés  par  les  pâles  et  longues  figures  de  cheval,  le  |nez 
proéminent  et  les  yeux  enfoncés  dans  leurs  orbites  de  ces 
Aryens  ;  de  môme  que  ceux-ci  ne  furent  probablement  guère 
moins  étonnés  à  la  vue  de  ces  faces  losangiques,  c'est-à-dire 
eurignathes,  décorées  de  nez  aplatis  et  de  petits  yeux  obli- 
ques. 

C'est  grâce  aux  barbares  pâles,  exécrés  et  conspués  par 
eux  déjà  à  cette  époque,  que  les  Chinois  ont  appris  sans  doute 
Vart  d'irriguer  les  champs,  art  dont  ils  ont  su  si  admira- 
blement tirer  profit  dans  leur  patrie  actuelle.  C'est  au  con- 
tact de  ces  mêmes  Aryens  que,  des  centaines  de  siècles  plus 
tard,  le  peuple  turc  des  Ouïgours  a  emprunté  les  rudiments 
de  son  éphémère  civilisation.  Le  Turc  n'a  jamais  rien  produit 
par  lui-même  ;  jamais^  sans  le  voisinage  des  Aryens,  corro- 
boré par  la  fertilité  du  sol  au  sud  et  au  nord  du  Tbian-Cban 


454  sÉANCfi  DU  16  JUIN  1887.. 

oriental,  les  OuXgoura  n'auraient  réussi  à  jouer  Timproinpia 
dont  ils  ont  enrichi  rhistoirô* 

Cependant  Tinfluenca  seule  du  climat  ne  suffit  pas  tou-^ 
jours  à  transformer  un  bassin  sans  écoulement  en  un  bassin 
aveo  écoulement,  et  vies  versa.  Les  tremblements  de  terre, 
si  fréquents  en  Asie  centrale,  exercent  aussi  une  grande  in- 
fluence sur  la  conformation  du  sol  ;. ainsi  StoUczka  attribue 
rabaissement  relativement  récent  du  bassin  du  Tarym,  au 
pied  du  Thian-Ghan,  à  des  causes  volcaniques  ;  ce  même  re* 
grelté  géologue  a  constaté  la  présence  du  loess  dans  la  vallée 
du  Yarkand'Deiia,  où  Tatmosphère,  remplie  de  cette  ma* 
tière,  remplace  Taclion  bienfaisante  des  nuages  saturés 
d'humidité»  Johnson  a  fait  la  même  observation  pour  Toasis 
de  Kbotan,  et  Punipelly  pour  la  Mongolie.  Richthofen  pense 
que  la  haute  vallée  du  Brahmapoutre^  ainsi  que  celle  de 
rindus^  sont  également  composées  de  loesSé  Mais  un  des 
plus  puissants  facteurs  dans  la  transformation  du  sol  est 
Thomme  lui*môme  ;  en  subdivisant  à  TinAni,  au  moyen  de 
rirrigation,  Teau  descendue  du  Kouen-Loun,  du  Pamir  et  du 
Thian-Ghan,  il  a^  pour  ainsi  dire,  créé  des  oasis  dont  per<« 
sonne  ne  saurait  décrire  la  merveilleuse  fertilité  :  des  arbres 
fruitiers,  des  mûriers,  des  légumes  de  toute  espèce,  des 
céréales,  des  plantes  oléagineuses  et  textiles,  croissent  à  sou- 
hait, et  il  se  forme  rapidement  des  industries  qui,  créant  des 
articles  d'exportation,  permettent  aux  habitants  de  se  pro- 
curer le  thé  et  le  sucre  qui  leur  manquent.  Mais,  hélas! 
l'homme  n*entrave  point  impunément  l'action  puissante  de 
la  nature»  Celle-ci  reprend  son  empire  d'une  façon  lentc^ 
mais  sûre  ;  les  rivières,  épuisées  par  Tirrigation,  roulent 
leurs  flots  afTaiblis  dans  un  lit  prêt  à  se  dessécher  ;  Tévapo^ 
ration  l'emporte  sur  la  masse  d'eau  courante  ;  la  végétation, 
qui  autrefois  permettait  aux  nomades  de  faire  brouter  leurs 
troupeaux  dans  ces  contrées,  se  rabougrit  ou  disparaît  en- 
tièrement de  ces  rives;  le  sable,  jusqu'alors  peu  considé- 
rable,  augmente,  recouvre  le  terrain,  et  bientôt,  dans  sa 
marche  destructive,  s'attaque  (à  l'œuvre  de  l'homme  ;  des 


DE   UJFALVT.^"  iEp  P^UI^BS  DB  Ii'aSIE  CENTRALE.        4BK 

iôurbillong  de  sable  mouvant  détruisent  en  on  oUn  d*œil  If 
produit  de  lo|igu69  années  de  lebenri  et  si|  à  la  suite  dei 
guerres  intestines  ou  dos  Qombats  livrés  à  des  bordes  enva^ 
hissankeS)  il  ne  peut  opposer  à  la  nature  une  résistanoe  jour^ 
nalièrei  il  suocombe)  et  celle-ci,  reprenant  ses  droits^  en- 
sevelit  sous  un  lineeul  de  sable  l'œuvre  fragile  de  son  géniat 
Ainsi  a  disparu  ]e  florissant  royaume  tle  Cbén«Chén,  au  sud 
du  lac  Lob;  ainsi  a  disparu  la  grande  route  commerciale 
appelée  Nan-Lou^  qui  côtoyait  autrefois  les  pontes  septen» 
trionales  du  Kouen-Loun  (depuis^  les  Chinois  ont  transmis 
ce  nom  à  Tancien  Pe-LoU)  au  sad  des  monts  CéiesleS|  e( 
appellent  Pe-Lou  le  obemin  qui  contourne  ces  montagnes  aa 
nord) ;  le  lac  Lob  loimôme,  quatre  mille  ans  avant  nolrç 
ère  une  mer  intérieure  puissante  (la  Si-HaT  des  annales  cbi» 
noises})  n^est  aujourd'hui  qu'une  réunion  de  deux  petites 
nappes  d'eau  marécageuses  ;  tout  ce  qua  nous  venons  df 
dire  sur  le  bassin  du  Tarym  s'appliqua  également  à  la  zonç 
intermédiaire!  et  maintes  foisi  pendant  nos  voyages  dans  la 
dépression  aralO'^oaspiennei  nous  avons  constaté  les  mêmes 
phénomènes,  les  mdmes  oeuvres  et  les  mâmes  effets*  Lors 
de  mon  passage  à  Sasaliuski  en  dioembre  1880,  j'a| 
observé  un  exemple  ourieux  de  aotte  irrigation.  Voici  ce 
que  j'écrivis  a  ce  sujet  au  secrétaire  générai  de  la  Société 
de  géographie  de  Paris  i  h  Mon  séjour  à  Kazalinsk  m'a 
permis  do  faire  des  recherches  intéressantes  concernant 
le  reste  des  canaux  d'irrigation  qui  sUloanent  encore  le  pays* 
Les  embouchures  de  l'Amou-Daria  sont  parfaitement  ou^ 
tivées  par  une  peuplade  pacîfiqua  at  laboriensa  qu'on 
appelle  les  Kara-'Kalpaksi  proches  parents  des  Usbegs,  al( 
point  do  vue  anthropologique*  Lee  contrées  près  de  l'em* 
bouohure  du  Syr*Daria  étaient  autrefotflf  avant  l'arrivée  dea 
Russesi  également  cuUivéesr  par  ces  mêmes  Kara-Kalptks. 
L'arrivée  des  Russes  dans  le  steppe^  au  si^  dX)rsk,  dans  la 
pays  qu'on  appelle  aujourd'hui  Le  Tourgi^,  a  fbrcé  les  Khir- 
ghises,  mécontents  de  ce  nouvel  ordi^  de  choses»  a  se  retirer 
au  sud  vers  les  ^mbolleburtes  du  gj^o  Uj»  ont.ohttssé  lasSara^ 


456  SÉANCE  DU  16  JUIN  4887. 

Kalpaks,  c'est-à-dire  ils  les  ont  refoulés  vers  le  delta  de 
rAmou-Daria  :  mais  ils  ont  continué  à  cultiver  le  sol,  comme 
leurs  prédécesseurs.  Lorsque  les  Russes  ont  fondé,  plus  tard, 
les  forts  d*Aralsk  (RaTm)  et  Kazalinsk»  ils  trouvèrent  le  pays 
parfaitement  cultivé  ;  il  y  avait  des  prairies  et  des  champs 
de  blé.  Le  système  d'irrigation  dont  les  habitants  se  servaient 
&  Tinstar  de  leurs  prédécesseurs,  les  Kara-Kalpaks,  est  telle- 
ment ingénieux,  qull  mérite  d*étre  signalé.  Ils  avaient  rendu 
l'eau  nomade,  ou  Tinondation  du  Syr,  parfaitement  obéis- 
sante à  leurs  desseins.  L'eau  se  transportait,  tantôt  par-ci, 
tantôt  par-là,  en  quantité  fixée  d'avance  à  des  époques  par- 
faitement prévues.  Les  nappes  d'eau,  qui  aujourd'hui  entou- 
rent  Kazalinsk  d'une  manière  fortuite  et  capricieuse,  doivent 
leur  origine  aux  irrigations  savamment  imaginées  par  les 
Kara-Kalpaks  et  les  Khirghises.  Au  moment  de  l'arrivée  des 
Russes,  il  y  avait  encore  un  employé  khokandais  qui  prési- 
dait à  cette  distribution  des  eaux.  » 

Nous  avons  la  conviction  que  le  dessèchement  du  lit  de 
VOuzboT,  autrefois  la  communication  fluviale  entre  l'Oxus  et 
la  Caspienne,  est  dû  en  grande  partie  à  la  main  de  l'homme. 
Nous  avons  parlé  ailleurs  de  la  texture  du  loess^  qui  le  rend 
propre  à  aspirer  l'humidité  comme  une  éponge.  Ce  sont  les  ^ 
eaux  souterraines  qui  déterminent  l'exhaussement  des  bandes 
de  loess^  qui  produisent  les  crevasses  de  plusieurs  milliers  de 
mètres  de  profondeur  qui  le  sillonnent  et  qui,  par  un  travail 
séculaire,  modifient  les  parois  de  ces  fentes.  Richthofen  a  rai- 
son, quand  il  dit  que  le  loess^  qui  nous  a  jusqu'à  présent 
transmis  d'une  façon  étonnante  la  faune  des  mammifères 
des  temps  passés,  se  montrera  l'ami  le  plus  fidèle  de  l'homme 
en  lui  dévoilant  les  mystères  de  sa  préhistoire  jusqu'aux 
temps  les  plus  reculés.  Les  antiquaires  chinois  des  plaines 
de  Taigen-fon  et  de  Signan-fou  possèdent  des  objets  rares 
et  précieux  de  la  plus  haute  antiquité.  Ce  serait  une  erreur 
de  croire  que  la  conservation  de  ces  objets  est  due  à  l'intelli- 
gente attention  des  habitants  de  ces  plaines.  Mais  Taigen- 
fou  et  Si£;naff-fpu  étaient  les  deux  capitales  de  la  plus  puis* 


OBJETS  OFFERTS.  457 

santé  terre  de  loess  du  globe,  qui,  pendant  des  milliers 
d'années,  a  gardé  intacts  dans  ses  entrailles  ces  précieux 
débris.  Ainsi,  les  beaux  bronzes  de  la  dynastie  des  Ghangs 
(1705-i4«2  av.  Ch.)  et  de  la  dynastie  des  Tchoû  (1122-249 
av.  Ch.)  ont  été  trouvés  dans  la  vallée  de  Wéï  et  dans  celle 
du  Ping-yang^fou,  de  même  que  les  fameuses  monnaies  de 
cuivre  en  forme  de  lame  de  couteau,  attribuées  à  l'empereur 
Yaou  (2356-2255  av..  Ch.).  Il  est  probable  qu'un  jour  nous  est 
réservé  où,  fouillant  dans  le  loess  de  la  plaine  de  Bactre,  près 
de  Maracanda  et  de  Hécatompy-lon,  dans  les  vallées  qui 
descendent  de  l'Hindou-Kouch  et  du  Pamir,  ainsi  que  dans 
celles  de  Yarkand  et  du  Khotan,  à  l'est  de  ce  plateau  que 
Richthofen  considère  comme  la  patrie  de  la  race  aryenne, 
on  fera  également  de  surprenantes  découvertes.  Le  loess 
dans  l'Asie  centrale  rendra  un  jour  les  mêmes  services  aux 
recherches  préhistoriques  que  les  couches  du  Nil  l'ont  fait 
pour  la  basse  Egypte,  et  nous  pouvons  compter  avec  assu- 
rance sur  le  moment  où  le  passé  des  peuples  de  l'Asie  cen- 
trale sera  aussi  connu  que  l'histoire  des  Pharaons. 

La  séance  est  levée  à  six  heures. 

L'un  des  secrétaires  :  MANOUVfilER. 


iSfStANCE.  —T  joillet(887. 

Présldeaee  de  II.  M ACtITfrr,  présldeai. 

Le  procès- verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

OUVBAGBS  OFFERTS. 

KoPBRNiGKi.  Contribution  à  Cethnographie  des  Jtuthéniens  de 
Volhynie.  Gracovie,  1887,  brocb.  in-8*,  99  pages,  en  polonais. 

PuTNAM  (W.).  Conventionalism  m  ancient  american  art. 
Salem,  1887,  broch,  in-8^,  43  pages^  3  planches. 

Robin  (P.).  L'Anthropométrie  à  l'école.  Cempuis  (Oise),  1887, 
broch.  in-8*,  16  pages. 


458  SÉADGE   DU  7   JUILLET    1887. 

FoRREST  (J.)«  IVôtei  on  Westem  Australia.  Portbi  i886,  broch. 
in-8*,  30  pagest 

—  Colonial  and  Indian^  Exhibition^  1886.  «^  Dominion  of 
Canada.  A  Guide  Book.  Ottawa,  1886,  ia-«%  159  pages. 

—  Handbook  of  South  Au$6ralia.  Londres,  1886,  in-8% 
175  pages* 

—  Catalogue  of  Exhibiti  in  ihe  Wettem  AustraUan  Court* 
Londres,  1886,  in-8<^»  74  pages. 

— -  Notes  on  ihe  ntraits  settlements  uni  Malay  States*  Lon^^^ 
dres,  1886,  in-8<»,  41  pages. 

—  Handbook  ta  ihe  West  African  Court.  Londres,  1886^ 
in-8^i  37  pages. 

—  Handbook  to  Fiji  and  Catalog  of  theExhibits*  Londresi 
1886,  in-8%  59  pages. 

Dareste.  Le  Mie  de  la^science  dans  faeclimatation  (in  Bulle^ 
tin  de  la  Société  d'acclimatation^  1887).  Broch.  in-8*^  9  pages* 

Rapport  sur  V Ecole  pratique  des  hautes  études^  1885-1886. 
In-8%  228  pages, 

M.  Mathias  Duval  offre  à  la  Société  son  rapport  au  mi- 
nistre de  rinslruction  publique,  sur  les  travaux  du  Labora- 
toire d'anthropologie  annexé  à  TÉcole  des  hautes  études. 

Il  offre  également  un  album  de  photographies  des  Cingha- 
lais qui,  il  y  a  quelque  temps,  ont  séjourné  au  Jardin  d'ac- 
climatation. Elles  ont  été  prises  par  les  soins  du  Laboratoire, 
avec  le  concours  de  M^  Drouault. 

A  ce  propos  M.  Manouvbier  signale  l'intérêt  qu'il  y  aurait 
pour  la  Société  à  consacrer  tous  les  ans  une  certaine  somme 
pour  rachat  de  photographies  anthropologiques. 

DON  fait  ad  musée. 

Crânes  de  Saint-Maur  des  Fossés.  —  M.  Manodvrier  pré- 
sente, de  la  part  de  M.  Léon  Gollin,  un  certain  nombre  de 
crânes  découverts  par  M.  Tarohitecte  Masset  dans  le  eime«. 
tière  gallo-romain  de  Saint-Maur  des  Fossés  (Sôine)i  Un  plan 
figuré  des  lieux  accompagne  ce  don  fait  au  Musée. 


DE   UJFALVT.  -^  EXPÉDITION  DANS  L'aBIE  CENTRALE.      459 

Des  reméfôiements  gdrônt  adressée  par  le  Bureau  aux  au  « 
leurs  de  cette  libéralité. 

Diacnssion. 

M.  AbRiBN  DE  MoRîiUBT  fait  remarquer  que  la  date  attri-- 
buée  aux  sépultures  du  Parc  de  Saint-Maur  n*est  pas  exacte. 
On  prétend  en  effet,  qu'elles  sont  de  Tépoque  de  la  révolte 
des  Bagaudes,  i85  de  notre  ère;  c'est  une  erreur.  Lq  mobilier 
funéraire  indique  une  époque  antérieure  à  rinstallation  des 
Romains  en  Gaule.  Les  armes  qu'on  y  a  trouvées  sont  pure- 
ment gauloises  et  semblables  à  celles  qui  ont  été  découvertes 
dans  les  cimetières  de  la  Marne«  Telles  sont  :  la  grande  épée 
gauloise»  le  bouclier  ovale  et  la  lanœ  de  fer.  Ces  sépulture! 
doivent  donc  remonter  an  moins  au  premier  siècle.  M*  A.  de 
Mortillet  pense  que  les  fouilles  n'ont  pas  été  faites  suivant 
une  méthode  vraiment  scientifique* 

COMMUNICATIONS. 

Méovellee  4e  la  dernière  expédition  française 
daim  TAsIe  «entralet 

fAK  m.  DE  tltALVT. 

Permettez«>moi  de  vous  présenter  quelques  observations 
succinctes  au  sujet  d'un  voyage  qui  vient  d'être  accompli  en 
Asie  centrale  dans  des  conditions  qui  méritent  d'attirer  toute 
votre  attenlion. 

Le  plateau  du  Pamir  a  été  franchi  à  différentes  reprises  par 
des  Européens  qui,  venant  du  Turkestan  afghan^  ont  suivi 
l'antique  route  commerciale  qui  conduit  aux  portes  du 
Céleste  Bmpire  en  traversant  le  Turkestan  chinois.  Marc 
Fol,  Benoit  Goés,  Panagioles  Potagos  ont  suivi  cette  roule 
à  plusieurs  siècles  d'intervalle.  Il  y  a  quelques  années,  j'ai  eu 
l'honneur  d'entretenir  la  Société  des  prodigieuses  pérégri- 
nations  du  voyageur  grec  Potagos. 

Mais  jamais  aucun  Européen  n'avait  franchi  le  Pamir  du 
nord  au  sud,  cherohant  ainsi  une  voie  directe  entre  les  posi 


460  SÉANCE  DU  7  JUILLET  1887. 

sessions  asiatiques  de  la  Russie  et  les  Indes  Britanniques. 
L'Anglais  Hayward  tenta  cette  périlleuse  entreprise  (1869) 
qu*ii  paya  de  sa  vie.  Arrivé  au  pied  du  défilé  de  Darkot  qui 
relie  le  bassin  de  Tlndus  à  celui  de  TOxus,  il  fut  assassiné  par 
les  ordres  du  petit  tyran  qui  régnait  à  cette  époque  à  Yassim. 
Depuis  1880,  les  voyageurs  russes  ont  tenté  cette  même 
entreprise  en  venant  du  nord  ;  Tingénieur  des  mines  IwanofT, 
peulant  du  Ferghanah,  arriva  jusque  sur  les  bords  du  fleuve 
Pandj  (nom  de  TOxus  supérieur) .  Et  le  naturaliste  Regel  réussit 
à  pénétrer  dans  le  mystérieux  Chougnan,  où  il  découvrit  le 
grand  lacSiva,  que  TAnglais  Wood  avait  déjà  signalé  en  1835. 
Un  Hongrois,  du  nom  de  Berzenczei,  était  allé  de  la  Sibérie 
à  Calcutta  en  passant  par  le  Turkestan  chinois,  évitant  ainsi 
par  un  grand  détour  les  neiges  et  les  glaces  du  PaiAir  et  de 
THindou-Kouch.  L'honneur  entier  d'avoir  résolu  ce  problème 
que  des  voyageurs  russes  et  anglais  croyaient  insoluble, 
revient  à  un  Français;  grâce  à  son  énergie,  M.  Bonvalot,  ac- 
compagné de  MM.  Capus  et  Pépin,  a  réussi  à  se  rendre  du 
Ferghanah  au  Tchitral  en  franchissant  le  Pamir  et  la  ligne  de 
faîte  de  THindou-Kouch.  Quelques  télégrammes  laconiques 
expédiés  de  Simla,  résidence  d*été  du  vice-roi  des  Indes,  nous 
apprennent  que  nos  hardis  compatriotes  ont  été  dépouillés 
en  route,  probablement  par  des  pillards  Kara-kirghises,  et 
sont  arrivés  dépourvus  de  toute  ressoure  dans  le  bassin  de 
rindus.  Soit  qulls  réussissent  à  explorer  le  mystérieux  Ka- 
flrîstan,  soit  que  les  autorités  britanniques  les  obligent  à 
revenir  par  le  Gachemir,  de  toutes  les  façons  ils  ne  tarderont 
pas  à  nous  donner  de  leurs  nouvelles;  pour  le  moment,  j'ai 
tenu  à  vous  signaler  ce  fait  d'un  intérêt  capital,  j'en  suis  sûr, 
qui  ne  manquera  pas  d'attirer  Tattention  légitime  du  monde 
savant  tout  entier. 

StaiiMi  die  la  pierre  pelle  en  Toalele; 

PAR   M.  LE   DOCTEUR    COLLIGNON. 

M.  GoLUGNON  signale  la  découverte  d'une  station  de  la 
pierre  polie  dans  le  nord  de  la  régence  de  Tunis,  a,\x^  environ» 


CLÉMENCB  ROTER.  —  UN  LABORATOIRE  A  MONTSCURIS.   461 

da  Djebel-Resas.  Les  renseignemeats  précis  ne  lui  sont  pas 
encore  parvenus;  mais  aussitôt  qu'il  les  aura  reçus,  il  s'em- 
pressera de  les  communiquer  à  la  Société.  Cette  découverte 
est  très  intéressante ,  car  jusqu'ici  on  n'avait  découvert  aucune 
station  préhistorique  dans  cette  partie  de  la  Tunisie. 

Piolet  fl*ls8t«llatl*ii  d'us  lmb«ra|*lre  dt'expévleaees 
trmrafonnistes  an  pare  die  HentSMiris; 

PAR  H"^*   CLilBRCI  ROTIR. 

La  vulgarisation  des  doctrines  transformistes  donne  à  ce 
projet  le  caractère  d'une  véritable  nécessité  scientifique.  Les 
expériences  auraient  pour  but  Tétude  du  croisement  des 
espèces  animales  voisines,  de  la  fécondité  ou  de  la  stérilité 
relatives  des  produits  obtenus  et  spécialement  la  recherche 
des  moyens  susceptibles  de  faire  reparaître  les  caractères 
ancestraux  plus  ou  moins  effacés.  Pour  l'installation  de  ce 
laboratoire,  le  concours  de  TËtat  et  de  la  Ville  de  Paris  est 
indispensable.  Pour  Fobtenir,  H**  Royer  réclame  l'appui  de 
la  Société  dont  Finfluence  peut  lui  être  d'un  grand  secours. 

Le  parc  de  Montsouris  étant  consacré  déjà  à  un  observa- 
ioîre  météorologique,  il  s'agirait  d'y  adjoindre  une  section  de 
physiologie  expérimentale. 

M.  Dareste.  J'ai  entrepris,  depuis  longtemps,  une  série  de 
recherches  dans  la  voie  que  vient  de  nous  indiquer  M"»  Royer. 
Ces  recherches  avaient  pour  but  la  production  artificielle  des 
monstruosités.  Elles  ont  été  constamment  entravées  par  l'in- 
suffisance des  ressources  mises  à  ma  disposition  et  par  l'exi- 
guïté de  mon  laboratoire,  où  je  ne  pqispas  élever  des  animaux. 

Arrivé  presque  au  terme  de  ma  carrière,  j'ai  voulu  signaler 
aux  hommes  de  science  les  expériences  dont  j'avais  conçu  le 
projet  et  que  je  n'ai  pu  réaliser  que  dans  une  mesure  très 
restreinte.  J'ai  fait,  au  commencement  de  cette  année,  deux 
communications  à  la  Société  d'acclimatation,  en  la  priant  de 
diriger  et  de  coordonner  les  efforts  des  travailleurs  qui  vou- 
draient me  suivre  dans  la  voie  de  l'expérimentation  zoolo- 


A6i  sÉAifûi  BU  7  juiUET  1887. 

iriqiie.  Még  pacolei  oqt  été  écontéoi.  Un  eAiomologiste  habile, 
M.  Fallon,  a  moDtré  à  la  Sdoiété  d'acclimatation  un  a^seï 
grand  nombre  da  papillons  rondui  monslme^x  par  dof 
actions  exercées  sur  les.  cbrysalidea. 

Maihenreasement,  ces  recherobes  sont  oonstamment  eo* 
travées  par  Tinsuffisance  des  moyens  de  recherches  et  par  le 
manque  de  locaux  spécialement  affectés  ^  la  reproduction 
des  animaux.  Le  Jardin  4*A(^€liwatation»  doot  nous  parlait 
M*""  Royer,  n'a  pu  jusqu'à  présent  se  prêter  à  de  pareilles 
études  par  suite  de  sa  situation  financière.  Un  jour  viendra 
certainement  où  il  en  sera  autrement  ;  mais  quand  ce  jour 
arriverat-il? 

L'attribution  d'une  partie  du  parc  de  Montsoiiris  &  la 
création  d*un  établissement  d'expérimentation  soologiqoe^ 
rendrait  évidemment  aujourd'hui  on  grand  serviee  à  la 
science.  J'appuie  donc  de  toutes  mes  forces  la  proposition  de 
Mœ«  Royer. 

M.  Mathias  Duval  appuie  énergiquement  la  demande  de 
concours  réclamée  par  M*"*  Royer.  11  espère  que  l'Etat  et  la 
Ville  de  Paris  ne  refuseront  pas  de  contribuer  de  leurs  de** 
niers  à  la  fondation  d'un  laboratoire  qui  peut  avoir  pour 
l'avancement  de  la  science  des  résultats  si  importants. 

La  demande  de  M"*  Clémence  Royer  est  renvoyée  à  l'exa*» 
men  du  Comité  central  qui  se  réunira  le  i8  juillet  prochain,  la 
fête  du  14  juillet  ne  permettant  pas  que  la  séance  ait  lieu  à 
la  date  réglementaire. 


Le  aystéme  nerveux,  la  nervesité  et  rinCellls^enee 
eoBsIdérés  mu  point  de  Tne  physlee-ehlmlgne; 

FAR   M.   LE  DOCTEUR   FAUVELLE. 

L'anthropologie  a  pour  but  de  concentrer  tout  qa  qui,  dans 
les  connaissances  humaines,  peut  nous  éclairer  sur  les  ori« 
gines.de  l'homme  et  sur  son  histoire  naturelle  passée  et  pré*' 
sente.  Parmi  ces  connaissances,  les  plus  importantes  sont, 
sans  contredit,  la  physique  et  la  chimie,  qui  forment  la 


FAU.VBLLE.  ^  IX,  sysiàHK  NERVEUX.  46i^ 

trame  sur  laquelle  sont,  pour  alnn  dire,  brodés  tau^  Jes 
phéiioiiièneë  qui  s'obserrent  dans  l'univer»,  ëa  effet,  malgré 
le  oaraelôre  essentiellement  biologique  de  oetle  science,  on 
n^  peut  approfondir  aucun  sujet  âans  se  beurier  à  la  physique 
et  à  la  ohimie.  C'est  précisément  ce  qui  arrive,  lorsqu'op 
cherche  à  préciser  le  mécanisme  du  système  nerveux  et  les 
earactères  de  la  force  qui  Tanime,  comme  il  ressortira,  je 
pense^  de  cette  commijinièatioQ. 

Parmi  toutes  les  formes  de  l'énergie  universelle  qu'il  nous 
a  été  possible  d'observer  jusqu'ici,  les  unes,  comme  ratlrac- 
tton^  rélectricité  et  le  magnétisme,  ont  pour  siège  spécial  U 
matière  tangible  ;  tandis  que  Tétber^  substance  hypothétique 
qui  en  est  peut-être  la  forme  la  plus  raréfiée,  est  le  véhicule 
de  la  lumière  et  de  la  chaleur  qui  traversent  les  espaces  inter- 
sidéraux. Toute  superstition  à  part,  c'est  parmi  les  premières 
qu'il  faut  classer  la  nervosité  ou  force  nerveuse,  puisqu'elle 
ne  s'observe  que  sur  la  substance  du  même  nom* 

On  a  d'abord  voulu  l'identifier  avec  Véiectrieité  ;  mais  les 
ei^périences  de  Longet  et  de  Matteucciont  démontré  qu'il  n'en 
est  rien,  et  que,  s'il  existe  quelque  analogie  entre  ces  denx 
forces,  elles  sont  plus  apparentes  que  réelles,  comme  nous 
le  montrerons  plus  loin. 

Conditions  nécsssaire$  pour  la  production  de  la  nervosité,  •« 
L'appareil  nerveux  tout  entier,  à  l'aide  d'une  vascularisation 
très  riche,  surtout  dans  les  parties  centrales,  plonge  dans  un 
liquide,  le  sang,  dont  la  constitution  chimique  est  connue 
dans  ce  qu'elle  a  de  plus  essentiel.  11  contient  de  l'oxygène  à 
l'état  de  combinaison  instable  avec  l'hémoglobine  des  glo-» 
bules  rouges.  Ce  gaz,  au  milieu  des  éléments  nerveux,  se 
porte  sur  certains  de  leurs  principes  immédiats,  et  de  ce9 
combinaisons  résultent  des  composés  plus  simples  qui  se  rap- 
prochent plus  ou  moins  de  la  matière  inorganique,  en  môme 
temps  que  la  force  se  dégage  et  n'attend  plus  pour  se  mani" 
fesler  que  des  circonstances  que  nous  spécifierons  tout  h 
l'heure.  Si  l'on  supprime  l'oxygène,  combinaisons  et  force 
cessent  de  se  produire. 


464  SÉANCE  DU  7  JUILLET  1887. 

Outre  les  globules  oxygénés,  le  sang  contient  en  dissolu- 
tion des  substances  albuminoïdes,  connues  sou»  le  nom  de 
pepiones,  qui  servent  à  la  réparation  immédiate  des  substances 
organiques  détruites  ;  si'bîen  que  l'action  analytique  de  Toxy- 
gène  peut  se  perpétuer.  L'observation  et  rexpérimentation 
ont  établi  ces  faits  d'une  manière  péremptoire.  Nous  sommes 
donc  aiftorisés  à  induire  que  Taction  chimique  de  l'oxygène 
est  la  condition  nécessaire  pour  la  production  de  la  ner- 
vosité. 

Manifestations  de  la  neiwosité  ;  travail  produit.  —  Gomme 
toutes  les  formes  de  Ténergie,  la  nervosité  se  manifeste  en 
se  transformant,  c'est-à-dire  en  produisant  un  travail  quel- 
conque. Pour  comprendre  le  mécanisme  de  cette  transfert 
mation,  il  est  indispensable  de  se  faire  une  idée  générale 
bien  nette  de  Tappareil  nerveux. 

Réduit  à  sa  plus  simple  expression,  il  se  compose  de  deux 
cellules  communiquant  entre  elles  par  des  filaments  de  leur 
protoplasma  et  munies  chacune  d'un  prolongement  unique, 
filiforme,  qui  met  en  rapport  l'une  avec  les  substances  exté- 
rieures et  l'autre  avec  les  principes  immédiats  sur  lesquels  le 
travail  va  se  produire. 

Peu  différents  en  apparence,  les  deux  éléments  nerveux 
se  distinguent  Tun  de  l'autre  par  une  espèce  de  polarité  : 
celui  qui  est  en  rapport  avec  l'extérieur  constitue  le  pôle  ré- 
cepteur, et  l'autre  le  pôle  émissif.  En  effet  la  force,  d'abord 
à  Tétat  de  repos,  entre  en  action  par  un  contact  avec  l'ex- 
trémité du  prolongement  de  la  cellule  réceptrice.  La  vibra- 
tion qui  en  résulte  se  propage  d'un  bout  à  l'autre  de  Tappa^ 
reil  et  se  transmet  aux  molécules  des  corps  liquides^  dans 
lesquels  baigne  l'extrémité  du  prolongement  du  pôle  émis« 
sif.  11  s'y  produit  alors  des  phénomènes  chimiques  qui,  à  leur 
tour,  dégagent  une  nouvelle  forme  de  Ténergie,  qui  se  ma- 
nifeste par  un  nouveau  travail,  conséquence  indirecte  de  la 
force  nerveuse. 

Les  vibrations,  en  passant  sur  la  cellule  réceptrice,  y  lais- 
sent une  trace  encore  inconnue  dans  son  essence,  mais  dont 


FÂUVELLfi.  —   LE  SYSTÈME  NBHTEUX.  465 

nous  traduisons  la  production  en  disant  que  l'excitation  est 
perçue  et  retenue,  ou  par  les  deux  mots  sensation  et  souvenir. 
Cette  impressionnabilité  de  la  cellule  réceptrice  a  reçu  les 
noms  de  sensibilité  et  de  mémoire.  Ce  premier  travail  produit 
peut  absorber  complètement  les  vibrations,  si  elles  ont  une 
intensité  faible.  Si  cette  intensité  est  plus  grande,  elles  s*ar* 
rêient  et  s'accumulent  sur  la  cellule  réceptrice  pour  repren- 
dre ultérieurement  leur  course.  Celte  propriété  est  connexe 
d*une  autre  dont  jouit  la  cellule  émissive,  à  savoir  d'inter^ 
rompre  les  vibrations  ou  d'en  diminuer  la  vitesse.  C'est  ce 
que  nous  nommons  volonté.  Mais,  si  les  vibrations  sont  exces- 
sivement rapides»  elles  passent  toutes  outre  pour  atteindre!  m* 
médiatement  l'extrémité  terminale.  Mémoire  et  volonté  sont, 
sans  doute,  dues  à  la  présence  d'un  principe  immédiat  quel- 
conque^ car,  chez  les  animaux  supérieurs  dont  les  cellules 
constitutives  sont  très  différenciées,  certains  groupes  d'ap* 
pareils  nerveux  en  sont  dépourvus  ;  les  vibrations  passent  sur 
les  éléments,  sans  y  laisser  de  trace  et  sans  s'y  arrêter.  D'au* 
très  groupes,  au  contraire,  possèdent  l'impressionnabilité  et 
les  pouvoirs  accumulateur  et  interrupteur  à  un  très  haut 
degré. 

On  ignore  complètement  quelle  est  la  nature  de  la  modi* 
fication  que  le  passage  des  vibrations  nerveuses  produit  sur 
la  cellule  réceptrice.  Quant  au  travail  qui  en  résulte,  nous  y 
reviendrons  plus  loin  à  propos  du  cerveau. 

Revenons  maintenant  aux  causes  extérieures  qui  font  en^ 
trer  en  vibration  l'appareil  nerveux,  sur  lequel  l'action  ana- 
lytique de  l'oxygène  a  développé  la  nervosité. 

Tout  corps  solide,  liquide  ou  gazeux,  appliqué  directe- 
ment ou  indirectement  à  l'extrémité  périphérique  d'un  nerf 
centripète,  y  produit  des  vibrations  qui,  parvenues  à  la  cel- 
lule réceptrice  dont  il  dépend,  y  produit  une  impression  que 
nous  traduisons  par  les  termes  de  tact^  de  sensibilité  générale^ 
de  douleur  et  de  sensation  de  pesanteur»  Ces  vibrations  sont 
d'autant  plus  intenses  que  le  contact  est  plus  direct,  et  le 
mouvement  réel  ou  relatif  du  corps  touchant  plus  violent, 

T.  X  (8«  SÂRIl).  30 


466  Bf^ANCI  DU  7  JUILLET  1887. 

L*anatomi6  nous  montre  les  dispositions  qui  nous  permettent 
de  distinguer  toutes  ces  formes  du  toucher  :  tels  sont  les 
corpuscules  de  Meissner  et  de  Wagner,  de  Krause  et  de 
Paoini. 

Ce  que  nous  appelons  saveur  acide  on  alcaline^  salée  ou 
sucrée,  sont  des  modes  d'excitation  de  la  vibration  nerveuse 
par  les  molécules  de  certains  corps  en  dissolution.  Ce  sont 
encore  les  atomes  ou  biolécules  de  la  matière,  qui  portés  à 
Tétat  gaaeux  sur  Texlrémitô  de  certains  nerfs  sensilifs,  y 
développent  les  vibrations  que  nous  qualifions  d'odetirs.  Mais, 
dans  les  deux  cas,  il  faut  qu'il  existe  une  certaine  affinité 
entre  les  molécules  ou  atomes  et  la  matière  nerveuse,  puis- 
que tous  les  corps  dissous  et  gazéifiés  ne  sont  pas  sapides  ou 
odorants,  et  que  la  sensation  cesse  lorsque  cette  affinité  est 
satisfaite.  Pour  qu'elle  reparaisse,  il  est  nécessaire  que  Texci* 
tation  soit  suspendue  pendant  un  certain  temps.  C'est  ainsi 
qu'après  un  séjour  prolongé  dans  un  air  confiné,  on  ne  per- 
çoit plus  les  odeurs  qu'il  renferme,  et  qu'elles  redeviennent 
perceptibles  après  un  certain  temps  de  séjour  dans  une  autre 
atmosphère.  De  même,  après  le  passage  dans  la  bouche 
d'un  mets  très  salé,  tous  les  autres  paraissent  fades. 

Le  liquide  dans  lequel  baignent  les  extrémités  des  nerfs 
dits  acoustiques,  les  met  en  vibration  en  leur  communiquant 
les  ondulations  plus  ou  moins  rapides  imprimées  aux  corps 
élastiques,  solides,  liquides  ou  gazeux.  Nous  donnons  le  nom 
de  sons  aux  sensations  ainsi  perçues  ;  on  les  distingue  en 
bruits  et  en  sons  musicaux,  suivant  la  disposition  des  nerfs. 
D'après  les  expériences  du  physicien  Despretz,  les  ondes 
sonores  simples,  dont  le  nombre  est  inférieur  à  3^  et  supé- 
rieur à  75  700  par  seconde,  ne  font  plus  vibrer  les  nerfs. 

Mais  ce  ne  sont  pas  seulement  les  mouvements  de  la  matière 
tangible  qui  peuvent  mettre  en  action  l'appareil  nerveux> 
ce  sont  aussi  ceux  de  l'élher.  Ces  derniers  sont  de  deux  ordres 
et  ne  sont  pas  identiques,  puisque,  parmi  les  corps  diaphanes, 
il  en  est  de  diathermanes  et  d'athermanes.  Du  reste,  ils  n'im- 
pressionnent pas  de  la  même  manière  la  cellule  sensilive  ; 


FAUVKLLB.  *-  LE   SYSTEMS  NERVEUX.  467 

et,  en  raibon  de  cette  différence^  nous  leur  avons  donné  les 
dénominations  conventionnelles  de  lumièf*e  et  de  chaleur. 

Les  mouvements  calorifiques  de  Téther  se  transmettent  aux 
molécules  du  nerf  centripète,  du  moment  qu'ils  n'en  altè- 
rent ni  Torganisation  ni  la  composition  chimique.  La  sensa*- 
tion  quUls  produisent  varie  non  seulement  d'après  leur 
intensité,  mais  diaprés  la  température  de  Textrémité  ner^- 
veuse.  C'est  ainsi  que  le  chaud  et  le  froid  que  nous  perce^^ 
vous  sont  essentiellement  relatifs. 

Les  ondes  lumineuses  de  Téther,  pour  influencer  l'appareil 
nerveux,  nécessitent  des  dispositions  tout  à  fait  spécialeSi 
Elles  doivent  d*abord  se  dépouiller  du  mouvement  calori- 
fique ;  celui-ci  est  absorbé  par  Tévaporation  de  Thumidlté  des 
surfaces  dlncidence,  puis  par  les  milieux  en  même  temps 
diaphanes  et  athermanes.  La  présence  des  cellules  à  pig« 
ment  noir  paraît  nécessaire,  puisque  ce  sont  elles  seules  qui 
permettent  de  distinguer  les  surfaces  oculaires  des  animaux 
inférieurs.  Leur  rôle  n'est  pas  encore  bien  spécifié  ;  il  en  est 
de  môme  du  rouge  rétinien,  découvert  par  BoU  chez  les  ver- 
tébrés. Il  est  sécrété,  suivant  toute  probabilité,  par  la  cho*- 
roîdc,  et  il  est  détruit  par  la  lumière  qui  y  Imprime  une 
image  photographique.  Plusieurs  physiologistes  pensent  que 
cette  réaction  photochimique  est  l'intermédiaire  indispen- 
sable entre  les  vibrations  de  l'éther  et  celles  des  molécules 
nerveuses  ;  mais,  pour  qu'il  en  soit  ainsi,  il  faudrait  que  tous 
les  organes  visuels  des  animaux  en  soient  pourvus,  ce  qui 
n'est  pas  démontré.  Les  ondes  lumineuses  et  les  ondes  so- 
nores sont  comparables,  dans  une  certaine  mesure.  La  lu- 
mière blanche  correspondrait  aux  bruits  non  musicaux,  et 
les  couleurs  du  spectre  aux  tons  de  la  gamme  avec  toutes 
leurs  nuances.  Mais  si  la  structure  de  l'organe  de  l'ouïe  nous 
permet  de  comprendre  la  perception  des  tons  musicaux^ 
nous  ignorons  à  quelle  disposition  de  l'œil  est  due  celle  des 
couleurs. 

Ainsi,  il  est  maintenant  bien  établi  que  la  nervosité  se  dé- 
veloppe sous  l'influence  des  agents  chimiques  et  que  ce  sont 


468  SÉANCE  DU  7  JUILLET  1887. 

des  agents  physiques  qui  la  mettent  en  action.  Cherchons 
maintenant  à  spécifier  les  diverses  espèces  de  travail  qu'elie 
peut  produire . 

Le  premier  et  le  plus  important  consiste  dans  les  modifica- 
tions produites  pai'  les  vibrations  sur  la  cellule  réceptrice. 
Gomme  je  Tai  dit,  je  me  réserve  de  le  traiter  à  propos  du 
cerveau.  Occupons-nous  actuellement  de  celui  qui  a  lieu  à 
Textrémité  du  prolongement  du  pôle  émissif. 

Ce  travail  est  représenté  par  des  combinaisons  chimiques 
dans  les  glandes,  par  du  mouvement  dans  les  cellules  ou 
fibres  contractiles,  par  de  Télectricité  dans  les  appareils  du 
gymnote,  de  la  torpille^  des  malaptérures  de  la  famille 
des  siluridées,  des  mormyrldées  et  des  raies  ;  par  de  la  lu- 
mière chez  les  noctiluques,  les  méduses^  les  pyrosomes,  un 
grand  nombre  dinsectes  et  certains  poissons  des  grandes 
profondeurs^  et  enfin  par  de  la  chaleur  lors  de  Taction  simul- 
tanée des  nerfs  vaso-moteurs. 

Le  travail  produit  par  la  nervosité  dans  les  glandes  n'a  pas 
été  analysé  pour  toutes  ;  mais,  comme  toutes  reçoivent  des 
nerfs  spéciaux,  les  conclusions  obtenues  pour  les  glandes 
salivaires  peuvent  être  généralisées.  L'action  nerveuse,  de 
nature  chimique,  se  traduit  par  une  élévation  de  tempéra- 
ture de  Torgane,  qui  dépasse  celle  du  sang  artériel.  Elle 
n'est  pas  due  à  une  oxydation,  puisque  le  sang  qui  sort  de 
la  glande  est  aussi  rutilant  qu'à  son  entrée^  mais  à  la  trans- 
formation en  salive  du  plasma  du  sang  qui  traverse  les  cel- 
lules épithéliales  des  acini. 

Sur  les  cellules  ou  fibres  contractiles,  le  travail  est  aussi 
de  nature  chimique.  En  effet,  sous  l'influence  de  la  nervosité, 
Thémoglobine  de  la  substance  musculaire  abandonne  son 
oxygène,  qui  se  combine  avec  les  hydrates  de  carbone  qui 
l'imbibent  ;  il  y  a  production  de  chaleur,  laquelle  augmente 
le  diamètre  transversai  de  la  fibre  aux  dépens  de  sa  lon- 
gueur, et  la  quantité  de  chaleur  absorbée  est  en  raison 
directe  de  l'effort  produit. 

La  nervosiié  se  transforme  directement  ou  indirectement 


PAUVELLB.  —  LE  SYSTÈME  NERVEUX.  469 

en  électricité  dans  les  appareils  électriques  des  animaux,  de 
la  manière  suivante.  Ces  appareils  sont  composés  d'une  réu- 
nion de  prismes,  comparables  chacun  à  une  pile  de  Yolta. 
Ils  sont,  en  effet,  formés  d'une  série  de  lames  transversales, 
séparées  par  une  substance  gélatineuse.  Chaque  prisme  con« 
stitue  une  pile,  et  l'ensemble  de  Torgane  une  batterie;  la 
décharge  électrique  a  lieu  lorsque  les  pôles  des  différentes 
piles  sont  mis  en  communication  par  un  intermédiaire  quel- 
conque, et  cela  sous  l'influence  de  la  volonté  de  Tanimal. 
Cette  dernière  particularité  s'explique  par  ce  fait  que  chaque 
lan^e  des  prismes  est  tapissée  sur  sa  face  électro-négative 
par  des  terminaisons  nerveuses,  nombreuses  et  très  fines  ; 
mais  on  ignore  si  la  nervosité  se  transforme  directement  en 
électricité,  ou  bien  si  elle  favorise  une  combinaison  chinaique 
dans  la  masse  gélatineuse  qui  sépare  les  éléments,  combi- 
naison chimique  qui  donnerait  lieu  à  un  dégagement  de 
chaleur  susceptible  de  se  transformer  en  électricité. 

La  production  de  lumière  ou  phosphorescence  ayant  lieu 
sous  l'influence  de  la  volonté,  c'est  encore  une  transforma- 
tion directe  ou  indirecte  de  la  nervosité  qui  en  est  la  cause. 
Mais,  à  ce  sujet,  nos  connaissances  anatomiques  sont  très  res- 
treintes :  nous  savons  néanmoins  que,  chez  les  insectes,  un 
nerf  centrifuge  se  rend  à  l'appareil  lumineux  et  que  le  lam- 
pyre allume  ou  éteint  sa  lanterne  suivant  les  circonstances. 
Nous  ignorons  absolument  si  l'organe  est  le  siège  de  phéno- 
mènes chimiques.  Nous  pouvons  dire  seulement  que,  dans 
ces  circonstances,  la  force  qui  nous  occupe  agit  de  la  même 
façon  que  certaines  parties  du  rayon  de  lumière  solaire.  On 
sait,  en  effet,  que  plusieurs  substances  placées  dans  la  partie 
la  plus  déviée  du  spectre  visible  et  même  dans  les  rayons 
uUra-violets,  répandent  une  lueur  phosphorescente  dont  la 
teinte  dépend  de  la  nature  de  la  matière  en  expérience. 
Quelques-unes  restent  lumineuses,  pendant  plusieurs  heures 
après  la  suppression  de  l'influence  solaire;  d'autres,  dites 
fluorescentes  y  redeviennent  obscures  aussitôt  qu'on  intercepte 
les  rayons  qu'elles  recevaient.  C'est  parnoi  ces  dernières  qu'il 


470  8ÉANGB  DU   7  lUILLET  1887. 

faut  ranger  les  surfaces  lumineuses  que  portent  l^s  animaux 
doués  de  cette  propriété.  Sans  cela,  la  disparition  de  là  lu- 
mière ne  serait  pas  instantanée  ;  il  en  résulterait  pour  eux 
une  infériorité  dans  la  lutte  pour  Texistence.  Ajoutons  que 
les  actions  mécaniques,  la  chaleur  et  Télectricité  produisent 
aussi  la  fluorescence. 

Enfin,  il  me  reste  à  signaler  un  phénomène  excessivement 
intéressant,  dont  la  découverte  est  due  à  Claude  Bernard.  Si 
une  fibre  nerveuse  centrifuge  se  trouve  en  communication 
avec  une  autre  de  même  nature  en  un  point  du  trajet  de 
cette  dernière,  lorsque  des  courants  nerveux  parcourent ^en 
même  temps  ces  deux  conducteurs,  ils  s'annihilent  au  point 
d'intersection.  C'est  ce  qui  s'observe  spécialement  dans  les 
nerfs  vaso-moteurs.  Celui  qui  se  rend  à  la  couche  des  cel- 
lules contractiles  des  capillaires  est  dit  vaio-constricteur  et 
Tautre  vasihdilatateur,  parce  que,  lorsquHl  intervient,  la  pres- 
sion sanguine,  n'étant  plus  contre-balancée,  dilate  les  vais- 
seaux. 

Ce  phénomène,  que  Claude  Bernard  compare  très  judi- 
cieusement à  l'interférence  des  ondes  sonores  ou  lumi- 
neuses qui  se  heurtent  animées  d'un  mouvement  d'égale 
intensité,  s'accompagne  d'une  production  de  chaleur.  L'il- 
lustre professeur  du  Collège  de  France  l'attribue  à  une  exa- 
gération de  l'action  chimique  intracellulaire.  Il  est  certain 
qu'elle  doit  y  contribuer  ;  mais  que  devient  le  mouvement 
vibratoire  des  molécules  nerveuses  ?  En  vertu  du  principe  de 
physique  qu'aucun  mouvement  ne  se  perd,  il  doit  certaine- 
ment se  transformer  et  produire  un  mouvement  calorifique 
des  particules  d'éther.  Les  exemples  de  ces  transformations 
sont  innombrables.  Le  marteau  échauffe  l'enclume  qu'il 
frappe  ;  la  température  de  tout  corps  traversé  par  un  cou-^ 
rant  électrique  s'élève  en  raison  directe  de  la  résistance  que 
ce  corps  oppose  à  son  passage.  Nous  pouvons  donc  induire 
légitimement  que  la  force  nerveuse  peut  se  transformer  di- 
rectement en  chaleur. 

Ain^  la  nervosité,  développée  par  une  action  chimique  et 


FAUVEUiS.  —  LB  SYSTÈME  «BRV£UX.  47 1 

mise  en  activité  par  des  ageots  physiques^  se  transforme  en 
d'autres  formes  de  l'énergie  universelle. 

Comparaison  de  la  nervosité  avec  tikctrieiii  et  de  l'appareil 
nerveux  avec  les  piles  électriqtées,  —  Voyons  d'abord  les  ana- 
logies. Comme  la  pile^  l'appareil  nerveux  a  besoin  de  deux  élé- 
ments qui  communiquent  entre  eux  et  baignent  dans  un  liquide 
susceptible  de  les  attaquer  chimiquement.  Dans  les  deux  cas» 
il  se  forme  par  cette  action  chimique  des  produits  secon- 
daires, qui  entravent  la  production  de  la  force.  Pour  la  pilCi 
on  s'en  débarrasse  à  l'aide  de  substances  dites  dépolarisantes. 
Dans  Tappareil  nerveux»  c'est  la  circulation  qui  les  entraîne 
et  les  porte  aux  organes  excréteurs  :  poumon,  reins  et  foie. 
Dans  le  premier  cas,  la  production  de  Télectricité  s'arrête 
lorsque  les  éléments  sont  détruits  par  le  liquide  d'inuuer- 
sion  ;  dans  le  second,  cette  destruction  est  prévenue  par 
rapport  continuel  de  matériaux  réparateurs.  La  cellule  sen- 
sitive  correspond  au  pôle  zinc  ou  négatif,  et  la  cellule  volitive 
au  pôle  cuivre  ou  positif.  Voilà  des  analogies  intéressantes, 
mais  qui  n'entraînent  nullement  l'identité  de  nature  des  deux 
forces  produites.  Passons  aux  différences. 

La  mise  en  marche  des  appareils  diffère  complètement* 
Pour  qu'une  pile  entre  en  action,  il  faut  rapprocher  l'extré* 
mité  des  fils  des  deux  pôles,  en  d'autres  termes  établir  le 
circuit.  Pour  Tappareil  nerveux  ce  circuit  n'est  pas  néces- 
saire :  un  simple  ébranlement  du  fil  centripète  ou  négatif  le 
fait  entrer  en  fonction,  et  le  courant  s'établit  de  proche  en 
proche  dans  la  direction  du  pôle  positif,  représenté  par  l'ex- 
trémité du  nerf  centrifuge  où  doit  se  produire  le  travail.  Les 
courants  qui  s'établissent  sur  les  deux  appareils  difTèrent  par 
leur  vitesse  toujours  beancoup  plus  grande  pour  l'éleetriailé.  A 
produetion  égale  de  forée,  cette  rapidité  s'aocélère  dansl'appar 
reil  nerveux  par  l'intensité  de  l'excitation  ;  rien  de  semblable 
dans  la  pile.  Le  courant  nerveux  agit  sur  un  des  éléments  de 
l'appareil  pour  y  développer  le*  sensations  et  le  souvenir; 
c'est  un  premier  travail.  Rien  d'analogue  ne  se  passe  dans 
les  piles. 


472  SÉANCE  DU  7  JUILLET   4887. 

Maintenant  si  nous  comparons  le  travail  produit  par  la 
nervosité  avec  celui  de  Télectricité,  nous  trouvons  des  ana- 
logies et  même  de  frappantes  similitudes.  Mais  elles  ne  prou- 
vent rien  au  point  de  vue  de  l'identité  des  deux  forces.  Elles 
montrent  seulement  combien  nous  avons  raison  de  consi- 
dérer la  première  comme  étant  aussi  une  des  formes  de 
Ténergie  universelle. 

L'électricité  favorise  les  combinaisons  chimiques  comme 
la  nervosité  ;  mais  elle  partage  cette  propriété  avec  la  cha- 
leur et  la  lumière.  Les  contractions  musculaires  que  toutes 
ces  forces  peuvent  produire  rentrent  dans  cet  ordre  de  phé- 
nomènes. Elles  n'agissent,  en  effet,  qu'en  favorisant  la  com- 
bustion des  hydrates  de  carbone  qui  détermine  le  raccour- 
cissement du  muscle.  En  effet,  nervosité  et  électricité  restent 
impuissantes  lorsque  ce  muscle  est  asphyxié,  c'est-à-dire 
lorsque  son  hémoglobine  est  privée  d'oxygène. 

En  physiologie  expérimentale  on  excite  très  souvent  les 
contractions  musculaires  en  faisant  passer  un  courant  élec- 
li'ique  sur  une  certaine  étendue  du  parcours  d'un  nerf  moteur. 
Il  agit  sans  doute  alors  en  développant  des  vibrations  ner- 
veuses dans  le  cylindre  axe.  Des  contractions  sont  également 
produites  par  le  pincement  du  nerf  et  l'application  de  cer- 
taines substances  chimiques  sur  son  extrémité  coupée.  C'est 
une  étude,  qu'il  y  aurait,  à  mon  avis,  grand  intérêt  à  re- 
prendre. 

Quoi  qu'il  en  soit,  cette  comparaison  entre  les  appareils 
nerveux  et  électrique  et  entre  les  forces  dont  ils  sont  le  siège, 
démontre  d'une  manière  évidente  que  la  nervosité  doit  être 
rangée  parmi  les  formes  de  l'énergie  qui  agite  la  matière. 

Du  m/stème  netn)eux  de  l'homme.  —  Dans  la  première  partie 
de  mon  travail,  j'ai  considéré  l'appareil  nerveux  d'une  ma- 
nière schématique,  c'est-à-dire  réduit  à  ses  éléments  essen- 
tiels. Je  vais  maintenant  rechercher  si  ce  qui  est  vrai  sché- 
matiquement,  Test  également  dans  l'application,  c'est-à-dire 
dans  cette  machine,  si  complexe  chez  l'homme,  que  Ton 
nomme  système  nerveux, 


FAUVELLE.  —   LE  SYSTÈME  NERVEUX.  473 

En  principe  nous  devons  le  considérer  comme  la  réunion 
d'une  quantité  innombrable  d'appareils  simples,  comme  une 
véritable  batterie  nerveuse.  Mais  les  progrès  de  l'organisa- 
tion y  ont  amené  des  différenciations  qui  Tout  singulièrement 
compliqué. 

La  phylogénie  et  l'ontogénie  nous  montrent  que  l'axe 
médullaire  est  l'appareil  central  primitif.  C'est  ainsi  qu'on 
l'observe  chez  l'amphioxus.  Il  est  formé  de  deux  colonnes 
d'appareils  nerveux  élémentaires.  Elles  sont  accolées  et  com- 
muniquent entre  elles  par  des  filets  conducteurs  transversaux 
qui  leur  permettent  d'agir  synergiquement.  Toutes  les  cel- 
lules des  pôles  négatifs  ou  récepteurs  forment  la  partie  posté- 
rieure de  chaque  colonne  et  les  cellules  émissives  ou  des 
pôles  positifs,  leur  moitié  antérieure.  Elles  se  subdivisent  en 
une  série  de  centres  d'action,  dont  les  éléments  ont  leur  sy- 
nergie assurée  par  Tanastomose  de  fibrilles  émanées  de  leur 
propre  substance  (réseau  de  Gerlach).  En  outre,  chaque  centre 
communique  avec  ses  voisins  par  des  fibres  en  arc  ou  com-^ 
missures  longitudinales. 

L'axe  médullaire  suffit  d'abord  à  tout,  sensibilité  memor^ 
volonté,  mouvements  et  sécrétions.  Mais  la  multiplication  des 
éléments  histologiques  et  leur  différenciation  ont  entraîné 
une  égale  multiplication  des  appareils  nerveux  élémentaires, 
qui  ont  dû  aussi  se  différencier  et  suivre  dans  leurs  migra- 
tions les  organes  auxquels  ils  président,  sans  que  cependant 
l'unité  du   système  ait  été  rompue. 

La  première  différenciation  qui  apparaît  est  celle  des 
ganglions  dits  sympathiques.  Ils  se  détachent  de  la  moelle  sur 
toute  sa  longueur  pour  suivre  l'appareil  circulatoire  et  les 
surfaces  endodermiques  de  l'intestin  et  de  tous  ses  annexes. 
En  même  temps,  les  cellules  de  tous  leurs  appareils  élémen- 
taires perdent  les  unes  leur  impressionnabilité  et  la  propriété 
d'accumuler  les  vibrations  nerveuses  et  les  autres  de  les  in- 
terrompre ou  de  les  modérer.  Les  excitations  cessent  d'être 
perçues,  le  travail  sécrétoire  ou  musculaire  est  absolument 
involontaire;  et  les  courants,  malgré  leur  lenteur,  ne  subissent 


474  SBAKCB   DU  7   JUILLET   1887. 

plus  aucun  temps  d^arrêt.  Les  caractères  anatomiques  de 
celte  différenoialion  n'ont  pas  encore  été  spécifiés  par  les 
histologistes. 

L'appareil  ganglionnaire  n'est  pas  tel  qu'on  le  pensait  il  y 
a  quarante  ans.  Les  gros  ganglions  ne  sont  pas  des  centres 
d'action  spéciaux  comme  on  l'avait  cru  longtemps.  Les  vrais 
centres  qui  président  à  la  vie  végétative,  sont  des  groupes  de 
cellules  nerveuses  placées  dans  le  voisinage  des  surfaces  ta- 
pissées soit  par  l'endothélium,  soit  par  l'épithélium,  entre  les 
cellules  desquels  se  distribuent  les  fibres  centripètes;  les 
fibres  cenlrituges  vont  aux  cellules  contractiles  et  sécrétrices, 
situées  les  unes  au-dessous  de  ces  surfaces,  les  autres  dans 
les  invaginations  glanduluires.  Chaque  ganglion  microsco- 
pique paraît  composé,  sinon  d'un  seul  appareil  élémentaire, 
tout  au  moins  d'un  nombre  très  restreint.  Du  reste,  l'analyse 
en  laisse  encore  beaucoup  à  désirer. 

Tous  ces  petits  groupes  agissent  isolément  et  ne  paraissent 
avoir  aucune  relation  directe  entre  eux.  Pour  les  actes  sy- 
nergiques rintervention  de  la  moelle  est  indispensable;  aussi 
communiquent-ils  avec  elle  à  l'aide  de  l'immense  réseau  des 
nerfs  sympathiques.  Quant  aux  gros  ganglions  disposés  çà  et 
là  sur  le  trajet  de  ces  nerfs,  on  peut  les  comparer  à  ces  ap- 
pareils électriques  de  relais  placés  sur  les  lignes  télégra- 
phiques d'une  grande  étendue  et  aux  points  de  bifurcation. 
Ils  n'ont,  en  effet,  de  valeur  qu'autant  qu'ils  communiquent 
avec  Taxe  médullaire  ;  après  la  section  de  leurs  filets  de  com- 
munication avec  lui,  toute  action  synergique  des  petits  gan- 
glions cesse  d'avoir  lieu  ;  ceux-ci  sont  livrés  à  leurs  propres 
forces. 

La  différenciation  qui  apparaît  en  second  lieu^  dans  la  phy* 
logénie  comme  dans  l'ontogénie,  est  celle  qui  a  pour  résultat 
d'isoler,  sur  des  groupes  spéciaux  d'appareils  nerveux  sim- 
ples, les  propriétés  que  possédait  primitivement  la  moelle 
dans  son  ensemble,  à  savoir  pour  les  cellules  réeeptrieea 
d'être  impressionnées  par  les  vibrations  et  de  les  accumuler, 
ei  pour  le»  oeUulea  émisaives,  de  le»  interrompre  plus  ou 


PAUVKLiE.  —  LS  STSTÉaiE  NBRYEUX.  475 

moins  oomplètement,  propriétés  qui  constituent  la  mémoire 
et  la  volonté.  Ces  groupes  différenciés  sont  les  hémisphèrei 
cerélfraux,  qui  seuls,  chez  les  vertébrés  supérieurs,  possèdent 
une  constitution  moléculaire  qui  permet  à  la  nervosité  d'y 
produire  le  travail  intellectuel,  (Voir  ma  communication  du 
17  février  1887,  p.  104.) 

Ils  sont  au  nombre  de  deux  qui  correspondent  chacun  à 
riine  des  colonnes  médullaires  dont  j*ai  parlé  plus  haut.  Us 
résultent  de  Taccumulation  d*un  nombre  considérable  d*ap- 
pareils  nerveux  simples,  qui  communiquent  avec  ceux  du  côté 
opposé  par  des  filets  conducteurs  qui  forment  les  commis- 
sures transversales  et  spécialement  le  corps  calleux. 

Les  cellules  des  appareils  nerveux  simples  ne  sont  plus 
groupés  par  couples,  comme  dans  la  moelle  et  les  ganglions, 
pour  former  des  centres  excito-moteurs  plus  ou  moins  im- 
portants. Ce  sont  les  éléments  sensitifs  et  les  éléments  voli- 
tifs  qui  sont  réunis  entre  eux  :  les  premiers  d'après  les  or- 
ganes des  sens  qui  leur  envoient  des  courants  de  vibrations^ 
et  les  seconds  d'après  les  groupes  de  muscles  qu'ils  doivent 
faire  entrer  en  contraction.  Us  se  subdivisent  en  groupes  se- 
condaires, d'après  la  nature  des  sensations  perçues  par  Ten- 
tremise  du  même  organe  sensoriel  et  suivant  le  travail  spé- 
cial que  doivent  produire  les  contractions  du  même  groupe 
de  muscles.  C'est  ainsi  que,  parmi  les  cellules  auditives, 
celles  qui  perçoivent  le  langage  articulé  sont  réunies  sur  la 
première  circonvolution  temporale,  et  parmi  les  cellules  vo- 
litives  qui  font  contracter  les  muscles  du  bras^  il  en  est  qui, 
spécialement  destinées  à  produire  les  mouvements  de  l'écri- 
ture, sont  groupées  à  la  base  de  la  deuxième  frontale. 

Ce  mode  de  groupement  n*implique  pas  une  disjonction 
complète  des  éléments  polarisés  des  appareils  nerveux  sim- 
ples. Leur  multiplication  sous  Tinfluence  des  progrès  de  Tor- 
ganisation  a  amené  un  désordre  plus  apparent  que  réel.  Les 
éléments  négatifs  ou  récepteurs  n'occupent  plus  uniquement 
la  partie  postérieure  comme  dans  la  moelle,  mais  ils  y  pré- 
dominent encore.  De  même,  c'est  encore  en  avant  que  l'on 


476  SÉANCE  DU  7   JUILLET  1887. 

trouve  le  plus  grand  nombre  d'éléments  positifs  ou  émissifs. 
En  outre,  les  cellules  sensitives,  dont  le  rôle  a  été  bien  spé- 
cifié, ont  leurs  cellules  volitives  correspondantes  ;  ainsi  les 
cellules  auditives  du  langage  articulé,  situées  sur  la  première 
temporale,  c'est-à-dire  en  arrière  de  la  scissure  de  Sylvius, 
ont  leurs  cellules  volitives  en  avant  de  ce  pli,  dans  le  pied  de 
la  troisième  frontale.  De  même  les  cellules  visuelles  du  lan- 
gage écrit,  qui  occupent  le  centre  de  la  pariétale  inférieure, 
correspondent  aux  cellules  volitives  de  l'écriture  que  l'on  a 
trouvées  dans  la  partie  postérieure  de  la  deuxième  frontale. 
Autant  qu'on  peut  en  juger  à  l'aide  de  nos  connaissances  en- 
core restreintes  en  anatomie  microscopique  du  cerveau,  les 
communications  entre  les  groupes  sensitifs  et  volitifs  corres- 
pondants auraient  lieu  par  renti:emise  de  filets  conducteurs, 
auxquels  on  a  donné  le  nom  de  fibres  d^ association.  Quant 
aux  synergies,  elles  sont  toujours  assurées  par  l'anastomose 
des  fibrilles  des  cellules  (réseau  de  Gerlach). 

Il  existe  une  autre  complication  dans  les  appareils  nerveux 
élément€dres  qui  constituent  le  cerveau.  Les  cellules  récep- 
trices sensitives  qui  perçoivent  les  sensations  simples,  peu- 
vent bien  encore  communiquer  directement  avec  les  cellules 
volitives  ;  mais  le  plus  souvent  les  courants,  avant  d'atteindre 
leur  teivnfiinm  ordinaire,  vont  impressionner  d'autres  cellules 
réceptrices,  sur  lesquelles  ils  convergent,  et  y  développent 
des  idées  ou  sensations  complexes.  Il  peut  même  se  produire 
de  la  même  manière  une  série  d'idées  de  plus  en  plus  com- 
pliquées, suivant  la  richesse  du  cerveau  en  cellules  récep- 
trices supplémentaires.  Enfin,  si  ce  travail  interne  n'a  pas 
épuisé  les  vibrations  nerveuses,  elles  passent  aux  cellules  vo- 
litives, qui  les  arrêtent  ou  les  laissent  parvenir  aux  muscles 
en  proportions  voulues  pour  la  production  d'un  travail  exté- 
rieur. Je  sais  bien  que  l'existence  des  cellules  à  idées  n'a  pas 
été  anatomiquement  démontrée  ;  mais  physiologiquement 
leur  existence  n'est  pas  contestable,  puisque  les  idées  se  fixent 
dans  la  mémoire  tout  comme  les  sensations  simples  dont  le 
siège  est  connu. 


PAUVELLE.  —   LE  SYSTÈME  NERVEUX.  477 

En  résumé,  l'ensemble  de  chaque  hémisphère  peut  être 
représenté  par  une  masse  innombrable  d*appareils  nerveux 
simples  dont  les  fibres  centripètes  et  centrifuges  se  réunissent 
pour  former  les  pédoncules  cérébraux  qui  s'entent  sur  la 
moelle. 

Chez  les  vertébrés  inférieurs,  tels  que  les  reptiles,  les  hé- 
misphères cérébraux  paraissent  représenter  simplement  les 
appareils  nerveux  élémentaires  de  la  moelle.  Le  travail  pro- 
duit dans  les  muscles  striés  est  alors  toujours  le  même,  seu- 
lement il  peut  être  alternativement  volontaire  ou  réflexe. 
Mais,  par  le  progrès  de  l'organisation,  il  s'est  ajouté  succes- 
sivement dans  le  cerveau  de  nouveaux  appareils  simples  qui 
n'ont  pas  leurs  représentants  dans  Vaxe  médullaire.  G*est 
ainsi  que  nous  trouvons  chez  Thomme  les  groupes  d'appareils 
relatifs  aux  langages  articulé  et  écrit. 

Que  devient  la  moelle  après  toutes  ces  différenciations? 
Nous  avons  vu  qu'elle  conserve  une  influence  considérable  sur 
les  appareils  ganglionnaires,  dont  elle  assure  la  synergie  du 
travail  à  l'aide  du  réseau  des  nerfs  sympathiques.  Elle  subit, 
au  contraire,  la  domination  des  hémisphères  cérébraux,  vis- 
à-vis  desquels  elle  joue  le  plus  souvent  le  rôle  de  simple  ap- 
pareil de  relais,  au  même  titre  que  les  couches  optiques  et 
les  corps  striés  qui  dérivent  des  vésicules  cérébrales  secon- 
daires par  leur  développement  embryogénique. 

Quand  on  considère  isolément  Taxe  médullaire,  on  con- 
state qu'il  a  conservé  sa  composition  primitive  et  que  le 
nombre  de  ses  appareils  élémentaires  est  simplement  en 
proportion  du  volume  de  Torganisme  dans  lequel  on  l'ob- 
serve. Mais  de  même  qu'il  n'intervient  plus  directement  dans 
les  sécrétions  et  dans  la  contraction  des  muscles  de  la  vie 
organique,  de  même  il  n'est  plus  le  siège  d'aucun  travail  in- 
tell.ictuel.  La  nervosité  qui  s'y  développe  ne  se  traduit  plus 
que  par  le  travail  excito- moteur  ou  réflexe  des  muscles  striés. 
En  d'autres  termes,  les  vibrations  de  la  matière  nerveuse  n'al- 
tèrent plus  la  cellule  réceptrice  et  ne  sont  plus  arrêtées  et 
ralenties  par  la  cellule  émissive. 


478  8ÉAHCB  DU  7  JUILLET  4887. 

La  seule  modification  sérieuse  que  présente  la  moelle  dans 
son  évolution  phylogénique,  a  lien  dans  la  partie  intracrà- 
nienne,  au  niveau  de  la  vésicule  cérébrale  postérieure  primi- 
tive, c'est-à-dire  dans  le  développement  du  cervelet,  espèce 
d'organe  de  renforcement  dont  les  appareils  élémentaires  ne 
communiquent  pas  directement  avec  la  périphérie.  Il  permet 
à  certains  mouvements  réflexes  médullaires  une  vigueur  et 
une  continuité  d'action  exceptionnelles,  travail  que  la  moelle 
réduite  à  ses  propres  forces  ne  pourrait  produire.  J'ai  dé*- 
montré,  en  effet,  dans  ma  communication  sur  les  Conditions 
statiques  et  dynamiques  de  la  station  bipède{yoiv  Bulletins,  1884, 
t.  VU,  3*  série,  p.  792),  que  la  force  nécessitée  parla  station, 
dans  les  diverses  espèces  de  vertébrés,  était  en  raison  directe 
du  volume  du  cervelet,  et  que  Thomme,  dont  la  station  bi* 
pède  et  la  progression  dans  cette  attitude  nécessitent  la  plus 
grande  dépense  de  nervosité,  possède  aussi  le  cervelet  le  plus 
développé  relativement  à  la  masse  de  son  corps.  Les  nom- 
breuses expérimentations  faites  sur  cet  organe  par  les  phy- 
siologistes confirment  ce  fait  d'observation  et  légitiment  mon 
induction. 

Travail  produit  par  la  nervosité  dans  les  hémisphères  céré- 
braux.  —  Pour  terminer,  voyons  si,  comme  je  l'ai^ avancé,  on 
peut  qualifier  du  nom  de  travail  l'impression  produite  [sur 
les  cellules  réceptrices  des  hémisphères  par  la  mise  en  acti- 
vité de  la  force  nerveuse. 

Mais,  avant  de  nous  livrer  à  cet  examen,  il  est  Indispen- 
sable de  distinguer  de  cette  impressionnabilité  la,,  propriété 
dont  ces  cellules  sont  en  outre  douées,  à  savoir  [d'ao- 
cumuler  les  vibrations.  En  effet,  si,  au  milieu  d'un  travail 
intellectuel  quelconque,  nous  éprouvons  des  sensations  et, 
par  suite,  des  idées  qui  doivent  entraîner  ;  certains  actes, 
nous  pouvons  néanmoins  continuer  le  travedl  interrompu  et 
remettre  après  son  accomplissement  l'exécution  de  ces  actes, 
sansqu'il  soit  nécessaire  que  ces  impressions  se  renouvellent. 
Cette  propriété  dépend  de  la  nature  même  des  cellules  sen- 
sitives  et  la  nervosité  y  reste  étrangère.  11  en  est  de  même 


FAUVELLE. —  LE   SYSTÈME   NERVEUX.  i79 

du  pouvoir  interruptenr  et  modérateardes  cellules  volitives, 
qui  nous  permet  de  doser  les  contractions  musculaires  et 
même  de  les  suspendre, et  auquel  se  réduit  en  dernière  ana- 
lyse ce  que  nous  appelons  volonté.  Ces  deux  propriétés  con- 
courent aux  phénomènes  intellectuels,  mais  n'en  font  pas 
partie. 

Le  problème  se  réduit  donc  à  savoir  si  les  sensations  et  les 
idées,  résultat  de  l'impression  produite  par  les  vibrations 
nerveuses  sur  les  cellules  réceptrices,  méritent  le  nom  de 
travail.  S'il  en  était  autrement,  les  manifestations  intellec- 
tuelles les  plus  complexes  n'entraveraient  pas  le  travail  qui 
doit  avoir  lieu  aux  extrémités  des  nerfs  centrifuges,  et  réci- 
proquement celui-ci  laisserait  le  champ  libre  aux  manifesta- 
tions intellectuelles.  Or,  Tobservation  nous  montre  que  le 
contraire  a  lieu. 

Le  système  nerveux,  si  simple  lorsqu'on  ne  considère  que 
l'un  de  ses  innombrables  éléments,  mais  si  compliqué  quand 
on  l'envisage  dans  son  ensemble,  est  composé,  comme  nous 
venons  de  le  voir,  de  trois  grands  groupes  d'appareils  élé- 
mentaires :  les  ganglions  splanchniques,  Taxe  médullaire  et 
les  hémisphères  cérébraux.  Tous  trois  communiquent  entre 
eux  par  de  nombreux  filets  conducteurs  qui  permettent  à 
chacun  de  soutirer  à  son  profit  tout  ou  partie  de  la  nervosité 
développée  sur  chacun  des  deux  autres,  pour  subvenir  à  un 
travail  exagéré.  Les  preuves  de  cette  solidarité  sont  d'ob- 
servation courante. 

L'ingestion  d'une  trop  grande  quantité  d'aliments  néces- 
site une  surabondance  des  produits  de  la  sécrétion  des 
glandes  digestives.  La  force  nerveuse  des  ganglions  splanch- 
niques devient  insuffisante  pour  subvenir  à  ce  travail  ;  aussi 
celle  de  tout  le  reste  du  système  est  appelée  à  y  concourir. 
Par  suite,  la  moelle  qui  fournit  aux  réflexes  de  la  marche  et 
de  la  station  debout,  ne  peut  plus  produire  ce  travail  :  il 
y  a  prostration  ;  on  est  obligé  de  s'asseoir  et  même  de  se 
coucher.  De  même  le  cerveau  ne  peut  plus  fonctionner,  et 
l'on  tombe  dans  une  torpeur  plus  ou  moins  profonde. 


480  SÉANCE   DU  7   JUILLET   J887. 

La  même  exagération  dans  les  fonctions  soit  de  Taxe  Qié- 
dullaire,  soit  des  hémisphères  cérébraux,  amène  la  même 
inertie  dans  les  deux  autres  grands  appareils.  Ainsi  une 
course  violente,  une  marche  trop  prolongée  font  consommer 
par  la  moelle  toute  la  nervosité  produite  par  le  reste  du  sys- 
tème. L'individu  ainsi  surmené  n^est  plus  apte,  sans  un  repos 
préalable,  à  se  rendre  compte  de  sensations  délicates  ;  il  perd 
l'appétit  et,  si  une  digestion  est  commencée,  elle  peut  être 
interrompue.  Le  même  résultat  du  côté  du  tube  digestif  se 
produit  sous  Tinfluence  d'une  douleur  vive  ou  d'une  émotion 
violente  ;  les  jambes  fléchissent,  on  ne  peut  plus  faire  un  pas  ; 
en  un  mot,  on  est  brisé  par  la  douleur  ou  l'émotion.  Tous 
ceux  qui  se  livrent  habituellement  aux  travaux  intellectuels 
savent  que  la  meilleure  hygiène  pour  les  hommes  d*étude 
consiste  dans  une  alimentation  légère  et  un  exercice  mo- 
déré. 

Si  nous  prenons  le  cerveau  isolément,  nous  voyons  que, 
lorsque  la  nervosité  est  absorbée  par  un  travail  volontaire  de 
quelque  violence,  les  cellules  idéophores  ne  peuvent  plus 
être  impressionnées.  Sciez  du  bois,  piochez  la  terre,  vous  ne 
pourrez  réfléchir  à  moins  de  vous  arrêter.  La  réflexion  néces- 
site un  repos  à  peu  près  absolu.  Par  contre  les  bras  vous 
tombent  au  milieu  d'un  travail  manuel,  si  une  nouvelle  ex- 
traordinaire vous  est  annoncée. 

Tous  ces  faits,  d'observation  journalière,  démontrent  sura- 
bondamment que  l'impression  produite  par  les  excitations 
sensorielles  sur  les  cellules  sensitives  et  à  idées  est  un  travail 
dans  lequel  la  nervosité  peut  s'épuiser,  et  cela  au  même  titre 
que  les  sécrétions  et  les  contractions  musculaires. 

Mais  le  discrédit  dans  lequel  les  folles  divagations  des  phi- 
losophes ont  fait  tomber  l'observation  directe  des  phéno- 
mènes intellectuels,  a  engagé  les  physiologistes  à  recourir  à 
la  méthode  expérimentale  pour  rechercher  si  l'intelligence 
était  la  manifestation  d'une  force  physique.  Les  moyens 
étaient  restreints.  Partant  de  ce  fait  que  la  température  dun 
muscle  s'élève  quand  il  entre  en  contraction,  on  a  recher- 


FAUVELLE.  — '  LB  SYSTÈME  MBAVEUX.  481 

cbô  si  l'excitation  cérébrale  produisait  le  môme  résultat.  En 
effet,  si  l*aiguille  d'un  appareil  thermo-électrique  est  plongée 
dans  la  couche  corticale  des  hémisphères  d'un  animal,  le  gal- 
vanomètre indique  une  élévation  de  température  au  moment 
où  on  lui  fait  subir  une  violente  douleur.  On  a  constaté  éga- 
lement que  la  paroi  du  crâne  d'un  homme  soumis  à  une  forte 
contention  d'esprit  est  plus  chaude  que  pendant  le  repos  in- 
tellectuel. Ces  faits  tendent  à  prouver  que  la  transformation 
de  la  nervosité  en  travail  mental  s'accompagne  d'un  dégage- 
ment de  chaleur  et  que  l'impression  produite  sur  les  cellules 
sensitives  et  à  idées  pourrait  bien  être  de  nature  chimique. 

Malgré  l'incertitude  qui  règne  sur  la  nature  de  cette  im- 
pression, il  n'en  est  pas  moins  certain  qu'elle  est  produite 
par  la  nervosité  et  que,  par  conséquent,  les  phénomènes  in- 
tellectuels sont  sous  la  dépendance  de  cette  dernière.  Nous 
ignorons  également  quelle  espèce  de  transformation  subit 
cette  force  pour  produire  ce  travail;  mais  nous  pouvons 
affirmer  que  TinteUigence  est  indissolublement  liée  à  l'exis- 
tence des  hémisphères  cérébraux,  que  sa  perfection  est  due 
à  la  qualité  des  appareils  nerveux  simples  qui  les  composent 
et  que  son  étendue  dépend  de  leur  nombre  et  de  celui  des 
cellules  idéophores  qui  leur  sont  adjointes.  Enfin,  il  est  au- 
jourd'hui manifeste  que  toutes  les  conjectures  et  toutes  les 
superstitions  dont  elle  a  été  l'origine  doivent  être  complète- 
ment rejetées. 

Conclusions,  -~  Cette  étude,  basée  uniquement  sur  l'obser- 
vation et  l'expérimentation,  me  permet,  je  pense,  d'induire 
légitimement  que  le  système  nerveux  de  Thomme,  comme 
celui  de  tous  les  animaux,  est  un  véritable  appareil  de  phy- 
sique, présentant  certaines  analogies  avec  les  piles  élec- 
triques, mais  s'en  distinguant  surtout  par  la  nature  de  la 
force  qu'il  dégage.  Cette  force  n'est  qu'une  lies  formes  de 
l'énergie  universelle,  et  elle  tientsous  sa  dépendance  tous  les 
phénomènes  vitaux  et  spécialement  l'intelligence. 

Il  reste  encore  bien  des  points  obscurs,  mais  ils  sont  se- 
condaires. Les  grandes  lignes  sont  tracées  ;  les  observations 

T.  X  (3«  série).  31 


48i  SÉANCB  DU  7  JUILLET  1887. 

et  les  expérimentations  ultérieures  ne  pourront  que  confir- 
mer rinduotion  qui  précède. 

En  résumé,  il  n'existe  dans  Punivers  rien  autre  chose  que 
la  matière  et  la  force  qui  Tanime,  unies  entre  elles  d'une  ma- 
nière indissoluble.  Les  phénomènes  biologiques  des  corps 
organisés,  que  si  longtemps  on  a  cru  devoir  distinguer,  ne 
font  pas  exception*  Le  matérialisme  scientifique  repose  donc 
sur  des  bases  inébranlables.  11  résulte  de  Tobservation  et  de 
rexpérlmentation,  tandis  que  le  matérialisme  philosophique 
était  une  simple  conjecture  admise  a  priori  comme  une 
réalité  I 

'   AttIhMpélogle  «t  philologie  t  —  Aox  Phlllpplneo  ; 

PAti  tt.    OLLITIBR  BBAURE6ARD. 

Quand,  en  1565,  les  Espagnols  s'établirent  aux  Philippines, 
ils  y  trouvèrent  en  grand  nombre  des  habitants  de  races 
diverses. 

Les  aborigènes  Itas  ou  Aétas,  que  les  nouveaux  arrivants 
dénommèrent  Négritos^  y  figuraient  pour  un  contingent  de 
quelque  importance  encore.  Mais  les  Malays  dès  longtemps 
impatronisés  dans  Tarcbipel  Indien  formaient  aux  Philip- 
pines, sous  des  étiquettes  variant  de  peuplades  en  peuplades, 
la  masse  principale  de  la  population  ;  après  eux,  comme  im- 
poii;ance  numérique,  venaient  les  Chinois,  en  nombre  va- 
riable suivant  la  saison.  Enfin  quelques  milliers  de  Malays 
musulmans,  dits  Maures^  disséminés  sur  les  côtes  de  la  baie 
de  Manille,  à  Luçon,  aux  îles  Sùlù  et  dans  le  sud  de  Min- 
danao^  où  Tislamisme,  que  cette  dernière  migration  de  Malays 
continentaux  y  avait  apporté,  trouva,  au  commencement  du 
seizième  siècle,  une  facile  expansion. 

Dans  ces  conditions,  c'est  pour  ainsi  dire  en  quatrièmes 
occupants  que  les  Espagnols  s'établirent  aux  Philippines. 

J'ai  cru  qu'il  y  aurait  quelque  profit  pour  l'anthropologie 
à  fouiller  le  langue  polyglotte  qu'a  créé  aux  Philippines  ce 
salmigondis  ethnique  et  je  m'y  suis  appliqué. 


BEAUREOARD.  ^   AUX  PHILIPPINES.  483 

I 

Ce  qu'affirme  à  première  vue  Tidiome  macaronique  des 
Philippines,  c*est  tout  naturellement  la  confusion  des  lan* 
gués,  partant  la  confusion  des  races,  deux  faits  qui  sont  ici 
d'une  réalité  parlante  ;  aussi  je  ne  m'en  occuperai  que  pour 
noter,  à  titre  de  curiosité  ethnique,  quelques-unes  des  ex- 
pressions dont  usent  les  Espagnols  des  Philippines  pour  spé- 
cifier les  métissages  divers  qui  marquent  la  population  de 
leur  colonie  de  Tarchipel  Indien. 

Les  Espagnols  disent  assez  volontiers  Meslixo-Malayo  pour 
indiquer  un  métis  malay  et  Mestizo-Chîno  ou  Mestizo-Sangley 
pour  indiquer  un  métis  chinois,  et  ils  sont  là  dads  de  raison- 
nables conditions  de  langage.  Mais  quand,  pour  désigner  un 
métis  en  général,  ou  malay,  ou  chinois,  ou  négrito,  ils  em- 
ploient l'expression  collective  de  Mestizo  tributante^  métis 
tributaire,  on  sent  quUls  se  dressent  de  toute  la  hauteur  de 
leur  titre  de  conquérant. 

Quand  il  s'agit  de  métis  espagnol  le  terme  est  bien  plus  fier 
encore.  Ils  s'y  prennent  de  loin  et  sont  pompeux.  Au  lieu  de 
dire  tout  bonnement  :  Mestizo  espanol,  ils  disent  par  préfé- 
rence :  Mestizo  peninsuhr ,  dénomination  dont  l'ampleur 
semble  embrasser  le  monde  ;  ou  bien  encore  Mestizo  privile- 
giadoy  dénomination  allière,  qui  sent  le  castillan  à  trois  mille 
lieues  à  la  ronde. 

Mais  cela  dit  pour  constater  que  les  hommes  portent  par* 
tout  avec  eux  leurs  qualités  et  leurs  défauts,  c'est  plus  parti- 
culièrement de  l'existence  des  indigènes  antérieurs  que  je 
m'occuperai,  dans  l'étude  qui  va  suivre,  du  vocabulaire  phi- 
lippin. 

II 

Tout  spécialement,  deux  mots  de  oe  Tocabulaire,  Tan 
purement  malay,  Balangay  ;  l'autre  complètement  chinois, 
Samparif  ont,  a  titre  archaïque,  vivement  piqué  ma  curiosité, 


484  SÉANCE  DU  7  JUILLET    4887. 

et  les  recherches  auxquelles  je  rae  suis  livré  à  leur  sujet 
m*ont  fourni  des  constatations  successivement  plus  intéres- 
santes. 

L'étude  de  ces  mots  nous  apprend,  en  effet,  presque  par  le 
menu,  l'histoire  du  peuplement  des  îles^de  Tarchipel  Indien. 

Chacun  de  ces  deux  mots  a  deux  significations,  Tune  pro- 
pre et  directe  qu'il  tient  de  son  étymologie  ;  Tautre,  pour, 
ainsi  dire,  collatérale^  qu'il  lient  des  circonstances  et  de 
l'usage. 

Chacune  de  ces  deux  significations  dénonce  un  fait  qui  lui 
est  propre. 

Le  mot  balangat/y  par  son  primitif  malay  balang,  barque, 
signifie  proprement  :  barque,  et  l'emplot  fait  dans  l'archipel 
Indien  de  ce  mot  et  de  l'objet  qu'il  désigne,  témoigne  delà 
migration  des  Malays  du  continent  aux  îles  de  l'archipel 
Indien  ^ 

De  même  le  mot  Sampan,  fait  des  deux  mots  chinois  san, 
trois,  et/^an^  planche,  trois  planches — éléments  constitutifs  de 
la  barque  la  plus  primitive  —  signifie  également  :  barque,  et 
remploi  qui  est  fait,  dans  l'archipel  Indien,  de  ce  mot  et  de 
l'objet  qu'il  désigne,  affirme  ouvertement  la  migration  des 
Chinois  du  continent  aux  îles  de  l'archipel  Indien. 

Ainsi  se  trouve  confirmé,  par  le  sens  étymologique  des 
mots  balangay  et  sampan,  le  fait  de  la  migration  des  Malays 
et  des  Chinois  du  continent  aux  îles  de  l'archipel  Indien,  fait 
sur  lequel  d'ailleurs  tout  le  monde  savant  est  d'accord. 

Mais  balangay  et  sampan  ont  reçu  des  circonstances,  le 
premier,  la  signification  :  centre  de  population  malaye,  le 
second  :  centre  de  population  chinoise,  et  c'est  en  effet,  en 
balangay,  centres  malays,  et  sampan,  centres  chinois  —  les 
uns  indépendants  des  autres  et  chacun  d'eux  séparément, 

*  Àio  est  UDO  exclamation  d'encouragement  familière  aux  matelots 
malays.  On  la  retrouve  dans  toutes  leurs  chansons  de  bord,  et  dans  la 
relation  de  son  voyage  à  la  Nouvelle-Guinée,  le  capitaine  Forrestcite 
quelques-unes  de  ces  chansons.  Le  mot  Balangay  serait  ainsi  fait  du  malay 
Balang,  auquel  se  serait  ajoutée  l'exclamation  dto  des  matelots  malays. 


BEAURÇGARD.  —  AUX  PHILIPPINES.  485 

patriarcalement  administré  —  que  les  Espagnols,  en  s'éta* 
blissant  aux  îles  Philippines,  trouvèrent  les  populations  an- 
térieures çà  et  là  cantonnées;  ce- qui,  nous  en  rapportant  au 
double  témoignage  des  mots  et  des  faits,  nous  autorise  à 
affirmer  que  la  migration  des  Malays,  aussi  bien  que  celle 
des  Chinois,  s'est  opérée^  du  continent  aux  îles  de  rarchipel 
Indien,  par  départs  successifs  de  barques  isolées  avec  un  per- 
sonnel immigrant  qui  savait,  en  prenant  terre,  s'adjuger,  pro- 
bablement au  détriment  des  Négritos  aborigènes,  telle  portion 
de  territoire  qu'il  trouvait  à  sa  convenance  et  s'y  constituer 
en  groupe  colonial,  auquel  s'attacha,  tout  naturellement  la 
dénomination  de  Balangay  ou  de  Sampan,  selon  que  le  per- 
sonnel transporté  était  Malay  ou  Chinois, 

Aux  jours  où  les  Espagnols  s'installèrent  aux  Philippines, 
les  centres  malays  y  étaient  beaucoup  plus  nombreux  que  les 
centres  chinois  et  il  semble  que,'  dans  le  passé,  il  en  ait  été 
toujours  ainsi. 

Les  vocabulaires  philippins  écrivent  par  corruption  CAam- 
pan  pour  Sampan  et,  loi*sque  ces  mots  y  sont,  l'un  ou  l'autre^ 
employés  pour  désigner  un  centre  de  population  chinoise, 
ils  sont  assez  généralement  accompagnés  du  mot  Sangley. 
.  Ce  mot  sangley  ast,  dans  son  ensemble,  la  corruption  des 
deux  mots  chinois  Hiang,  ambulant^  et  May,  marchand, 
marchand  ambulant,  ce  qui  nous  dit  la  classe  de  la  société 
chinoise  d'où  sont  sortis  les  Chinois  des  Philippines. 

C'est  seulement  dans  le  sud  de  Mindanao,  aux  îles  Sùlù  et 
sur  le  littoral  de  la  baie  de  Manille  à  Luçon,  où  les  Malays 
musulmans  les  avaient  précédés  de  plus  d'un  demi-siècle, 
que  les  Espagnols  ont  trouvé  des  centres  administratifs  et  re- 
ligieux de  quelque  ibportance.  C'est  là  en  effet  que,  sous  le 
patronage  de  l'Islam,  furent  instituées  les  petites  sultanies 
qui  vivent  encore  à  Mindanao  et  dans  les  îles  Sûlû,  et  qui  re- 
connaissent, seulement  dans  la  mesure  de  l'opportunité,  la 
suprématie  de  l'Espagne. 

Quant  à  l'époque  où  a  dû  se  produire,  dans  sa  plus  grande 
intensité,  la  migration  qui  peupla  de  Malays  et  de  Chinois 


4i6  8ÉÀNGB  DU  7  juaLBT  1887. 

les  îles  de  l'archipel  Indien,  nous  essayerons  delà  déterminer 
en  nous  occupant  du  personnel  mythique  auquel  les  indi- 
gènes antérieurs  envoient  leurs  hommages  grossiers. 

Avant  d'en  philosopher,  il  faut  que  nous  sachions,  au  moins 
sommairement,les  conditions  de  Texistence  matérielle  de 
ces  populations. 

III 

Lears  habitations,  à  ne  parler  d'abord  que  des  plus  con- 
venables, étaient  en  bois  charpenté,  tout  à  la  fois  légères  et 
spacieuses,  et  sinon  luxueuses  à  notre  façon,  au  moins  intelli- 
gemment disposées  et  appropriées  aux  usages  des  popu- 
lations et  au  climat. 

Le  vocabulaire  philippin  nous  tient  ici  informés  par  une 
série  d'expressions  qui,  une  à  une,  dénoncent  les  agents  actifs 
et  passifs  dé  la  construction  et  de  son  ensemble. 

Les  constraoteurs  sont  des  charpentiers,  panday  ^. 

Les  habitations,  toujours  placées  dans  un  milieu  planté 
d'arbres,  sont  isolées  du  sol  et  s'élèvent  sur  de  hauts  po- 
teaqx,  arigue*. 

A  hauteur  d'homme,  se  développe  horizontalement  le  bâta- 
lan^^  sorte  de  plate-forme,  aire  supérieure^  qui  sert  tout  à  la 
fois  de  soi,  de  cour  et  de  balcon  (véranda)  h  l'habitation. 

L'espace  que  couvre  le  iatalan  est  un  sous-sol  aéré,  si- 
tong^,  oîi  se  remisent  les  instruments  de  la  culture  et  autres 
objets. 

t  Le  malay  pandey  signifie  :  homme  habile^  et  pandey  kûrus,  orfèvre  ; 
pandey  besû,  forgeron  (Abbé  Favrc,  Dict.  malais- français). 

*  Le  malay  ûmk  signifie  :  haussé,  eihaussé  (Abbé  Favre,  Dict,  malais^ 
français), 

'  Le  malay  bûlala  signifie  :  terre,  le  sol  (Abbé  Favre,  Dici.  malais-fran- 
çais)j  mais  l'analyse  chinoise  de  ce  mot  nous  en  donne  une  plus  complète 
intelligence  :  ^a,  maison  faite  de  pisé  on  de  briques  ;  fa,  grande,  /an^  su- 
perficie, grande  superficie  sur  laquelle  s'élève  une  maison  de  pisé  ou  de 
briques. 

*  Le  malay  jarak  signifie  :  éloignemcnt,  dislance,  espace  entre  deux 
objets.  Le  j  t>ermule  parfois  avec  le  s,  il  semble  donc  que  l'on  puisse  dire 


BEAURBÛARD.  ^   AUX  PfllUPPIIÎES.  487 

Sur  la  surface  isupérieure  du  àatalan^  s'élève,  ea  retraite, 
dans  toute  la  largeur  de  la  façade,  rbabitatioa  proprement  dite^ 

Les  pourtours  de  Thabitation  se  dessinent  ^éi^éralemept 
en  carré,  et,  pour  l'ordinaire,  les  parois  en  sont  faites  d§ 
bambous  tressés,  doublées,  à  Tintérieur,  en  façpn  4e  ten- 
tures, de  nattes  f\neB,jipyapa\  peut-être, 

A  l'intérieur,  les  divisions  de  ce  léger  édiflpe  sQRt  fort 
simples,  et  l'ameublement  en  est  plus  simple  enooret 

La  pièce  d'entrée  est  une  sorte  d'antichambre»  circonscrit^ 
par  des  nattes  mdbiles,  ce  qui  lui  a  valu,  de  la  p^rt  des  espa- 
gnols, la  dénomination  de  caida*.  C'est  Ih,  que  1^  fanaillç 
prend  ses  repas. 

A  droite,  à  gauche  et  dans  le  fond,  sont  ménagées  les  pièces 
diverses  qui  servent  à  la  famille  de  lieux  de  retraite  ou  ^ 
réunion. 

Les  cloisons  séparatives  sont  des  claies  de  roseaux  tresa^s, 
din-dmg  V  d'ailleurs  point  de  sièges  ni  de  tables.  Les  Malays, 
comme  tous  les  Orientaux,  mangent  ou  se  reposent  ac(^QUpic( 
sur  leurs  talons  *. 


sarak  pour  jaràk^  comme  on  dit  jaring  pour  saring^  filet  de  otaastfe  et  de 
pêche  (Abbé  Pavre,  Dict.  malais- français) . 

1  Je  ne  trouve  dans  le  malay  aucun  radical  qui  me  donne  raison  de  ce 
mot  jipijapa.  Mais  l'analyse  des  mots  chinois  ype  ya  pa  donne  :  agréable 
rafraîchissement  de  Tair  par  la  circulation. 

*  Caida  est  espagnol.  Il  signifie  proprement  :  chute,  déclivité.  Il  s'ap- 
plique ici  aux  tentures  séparatives  qui  se  meuvent  de  haut  eu  bas  soit  pour 
faire  communiquer  deux  pièces  et  n'en  faire  qa^une,  soit  pour  les  isoler 
l'une  de  l'autre.  Le  capitaine  Porrest,  dans  la  description  qu'il  fait  d'une 
fête  à  laquelle  il  assista  au  palais  du  sultan  de  Mindanao,  s'exprime  ainsi  : 
a  ...  A  cette  occasion,  les  deux  appartements  du  sultan  furent  réunis  en  un 
seul.  Un  rideau  de  soie  suspendu  K  environ  douze  pieds  du  plancher  et 
tombant  jusqu'à  la  hauteur  seulement  de  cinq  pieds,  pour  qu'on  pût  faci- 
lement passer  dessous,  faisait  un  très  bon  effet,  parce  qu'il  remplissait  un 
grand  espace  entre  les  deux  colonnes  couvertes  de  drap  d'écarlate.  » 
(Voyage aux  Moluques,  etc.,  p.  273.) 

*  Le  malay  dinding  signifie  :  mur,  paroi,  cloison,  paravent,  bastingage  ; 
dmding  rtlmaA,  les  cloisons  d'une  maison  (Abbé  Favre,  Dict,  malais-fran* 
paw). 

^  Le  malay  sHa  exprime  l'action  de  s'asseoir  les  jambes  croisées  sous  soi. 
Ce  même  mot  avec  le  même  sens  est  javanais,  sundanais,  batak  et  tagalog. 


488  SÉANCE  DU  7  JUILLET   1887. 

Une  natte, />eM/e*,  faite  de  éuri*,  Coryphaumbractdifera^ 
étendue  sur  une  estrade,  penlaSy  peu  élevée,  constitue,  avec 
nn  traversin,  la  couchette  des  indigènes^  même  des  indigènes 
aisés  *. 

Le  Mayapis,  dipterocarpus  Mayapis^  semble  avoir  plus  par- 
ticulièrement fourni  les  ais  ou  les  planches  qui  entrent  dans 
la  construction  des  habitations  aux  Philippines.  Le  voca- 
bulaire philippin  me  donne,  en  effet,  le  mot  Malamayapts, 
qui  signifie  :  planche  ou  ais  tirés  du  Mayapis  ^. 

Ces  habitations  n'avaient  point,  semble-t-il,  de  fenêtres, 
au  moins  de  fenêtres  translucides,  avant  la  venue  des  Espa- 
gnols. Le  mot  conchaSy  que  je  rencontre  pour  fenêtre,  est 
espagnol  ;  il  signifie  proprement  :  coquilles,  et  désigne  ici  des 
fenêtres  qui  tamisent  la  lumière  à  travers  la  nacre  translucide 
de  certains  coquillages. 

Je  trouve  encore  le  mot  calan*,  qui  signifie  :  foyer.  Ce 
foyer^  aux  Philippines,  ne  doit  servir  qu*à  la  cuisson  des 
aliments. 

La  toiture  des  habitations  est  un  lattis  recouvert  de  tiges 

*  PêkUê  est  un  mol  espagnol  d'origine  mexicaine.  Le  diclionnaire  de 
V.  Salvà  en  donne  la  définition  suivante  :  «  En  la  America  la  estera  que 
bacen  y  usan  les  Indias  de  Nueva  Espafia  »^  c'esl-à-éire  :  a  Natte  de  jonc 
que  fabriquent  et  dont  se  servent  les  Indiens  de  la  Nouvelle- Espagne 
d'Amérique  ».  Et  je  trouve  [dans  le  dictionnaire  nahuatl  de  M.  Rémi 
Siméon  que  le  mot  pétale  s^est  formé  du  mot  nahuatl  petlall,  qui  a  la  même 
signification. 

*  Le  buri,  corypha  umbractdifera,  est  le  môme  arbre  que  le  talapat  de 
Geylan  où  il  est  dit  :  le  roi  des  palmiers. 

<  Chez  les  seigneurs  féodaux  de  Mindanao,  les  couobettes  sont  élevées 
sur  des  estrades,  pentas,  et  se  composent  de  plusieurs  nattes  superposées 
et  de  coussins  (Capitaine  Forrest,  Voyage  aux  Moluques^  etc.,  p.  261). 

^  Le  mayapis  des  Philippines  est  le  même  arbre  que  le  majapahit  de 
Java.  Ce  mot  majapahit  est  un  composé  fait  de  maja,  qui  signifie  moelle, 
et  de  pahit,  amer.  C'est  du  nom  de  cet  arbre  que  l'ancienne  capitale  de 
Java  avait  pris  sa  dénomination  :  majapahit. 

Les  planchers  à  Tintérieur  sont  pour  ainsi  dire  à  claire-voie,  les  ais  qui 
les  composent  sont  espacés  d'un  centimètre  ou  d'un  centimètre  et  demi 
pour  faire  circuler  l'air  et  donner  de  la  fraîcheur. 

*  Le  malay  kUat  signifie  :  éclat  de  lumière,  reflet  (Abbé  Favre,  Dict, 
malais- f tançait). 


BEAUREGARD.  —  AUX  PHILIPPINES.  489 

de  bahay,  mot  tagale  qui  désigne  le  Nipa  fimticnns  de 
Thunberg. 

Du  rôle  de  couverture  qu*ont  de  tout  temps  rempli  les 
feuilles,  atap^  de  cette  plante^  son  nom  indigène,  bahayy  a 
pris  la  signification  de  cabane,  et  on  dit  assez  couramment 
aujourd'hui  bahay  de  ?u/)a  pour  désigner  les  humbles  cabanes 
des  indigènes. 

Comme  habitacle  indigène,  il  y  a  encore,  aux  Philippines, 
les  bangea  S  que  les  Espagnols  nomment  banca^  tronc  d*ar- 
bre  creux  couvert  d'un  toit  de  bambou,  carang  •. 

Dans  la  province  de  Pampanga^  Luçon,  les  Baluga^  né- 
gritos  ou  métis  négritos,  ont,  pour  s'abriter  en  famille,  la 
hutte  nommée  bohio^  dont  les  parois  de  clôture  tombent  en 
poivrière  du  sommet  d'un  pilier  central,  quilo*. 

Après  les  abris  naturels  que  fournissent  les  excavations  et 
les  rochers^  le  bohio  est  le  plus  élémentaire  des  abris. 

Une  construction  qui,  aux  Philippines,  a  une  importance 
tout  à  la  fois  politique  et  industrielle,  est  le  sarambao  ^. 

Le  sarambao  est  un  poste  d'observation,  juché  sur  des  pilo- 
tis. Il  est  pourvu  d'un  toit  abri.  11  sert  aux  guetteurs  chargés 
de  donner  l'alarme,  en  cas  de  surprise^  et  aussi  aux  pêcheurs 
gardiens  des  filets  et  des  barques. 

Ce  même  mot,  sarambao^  désigne  les  radeaux  qui  traînent 
les  filets. 

La  pêche  est  une  des  industries  alimentaires,  aux  Philip- 
pines ;  elle  se  pratique  à  la  mer,  dans  les  rivières  et  sur  les 
lacs. 

■  Le  malay  baUmg  désigne  un  tronc  d'arbre  u  percé  de  part  en  part  »; 
hangsa  :  famille,  tribu,  peuple,  et  hagan  :  cabane  temporaire  dans  la 
forêt  (Abbé  Favre,  Dict.  malais- français). 

s  Les  mots  karang,  malay;  karung,  javanais,  sundanals,  makassarais, 
bonghis,  et  le  mot  harang,  batak,  signifient  :  composé,  arrangé,  et  aussi  : 
travail  d'imitation  (Abbé  Favre,  Dict.  malais- français). 

*  Les  mots  malays  :  kilam,  tourner  ;  kelim,  bord,  bordure  ;  kiUr^  aiguisé, 
pointu,  peuvent  avoir  donné  le  mot  quilo,  qui  n'est  pas  espagnol  dans  le 
sens  où  il  est  employé  ici. 

^  Le  mot  malay  sarang  signifie  :  nid,  et  les  mots  sarap^  malay  et  batak, 
et  sarah^  javanais  et  sundanals,  signifient:  ce  qui  flotte  au-dessus  de  l'eau. 


490  SÉANCE  DU  7  JUILLET   1887. 


IV 


Mais,  pour  les  Malays  et  plus  particulièrement  pour  ceux 
de  Tarchipel  Sûlû  et  de  Mindanao,  Tindustrie  de  prédilection, 
l'industrie  par  excellence,  celle  qui  sert  à  la  fois  leur  passion 
et  leurs  intérêts,  c'est  la  navigation  et  surtout  la  navigation 
d'aventures,  celle  qui  procède  par  surprise  sur  les  côtes,  celle 
qui  lutte  de  vitesse  et  d'audace  à  la  haute  mer,  la  piraterie 
enfin,  que  les  courses  à  la  mer  peuvent  seules  satisfaire. 

Elle  est  instinctive,  chez  les  Malays,  comme  le  travail  et 
Taccaparement  chez  la  fourmi. 

Le  capitaine  Forrest,  dans  la  relation  de  son  voyage  aux 
Moluques  et  à  la  Nouvelle-Guinée,  voyage  accompli  pendant 
les  années  1774,  1775,  1776,  par  ordre  et  pour  le  compte  de 
la  Compagnie  anglaise  des  Indes,  revient,  à  plusieurs  fois, 
sur  les  actes  de  piraterie  des  sultans  de  Mindanao. 

11  avait  été  leur  hôte  pendant  plusieurs  mois,  et,  un  jour, 
à  propos  d'une  goélette  anglaise,  enlevée  par  les  pirates  de 
Mindanao,  il  hasarda  de  vouloir  s'en  expliquer  avec  son  hôte 
Datu*  Topong.  «  Datu  Topong,  lui  dit-il,  d'où  vient  que  vo- 
tre frère  Datu  Uku  a  osé  prendre  un  navire  anglais?  »  et  il 
lui  fut  tout  simplement  répondu  :  «  Bugitu  adat  destni  ba- 
rankalh'n,  c'est-à-dire  :  «C'est  ainsi  qu'on  en  agit  à  l'oc- 
casion. » 

Après  la  conquête,  les  Espagnols  aventureux  et  dévoyés  se 
sont  mêlés  aux  pirates  malays,  et  cette  communauté  de  for- 
bans, que  leur  présence  incessante  à  la  mer  avait  fait  surnom- 
mer lutaos  *,  c'est-à-dire  :  hommes  flottants,  sans  cesse  alimen- 

et  le  mot  malay  panggar  désigne  une  sorte  de  pilotis  consistant  en  pieux 
enfonoés  dans  la  mer  et  sur  lequel  se  trouve  une  hutte  pour  les  pôoheurs 
(Abbé  Favre,  Dict,  malais-français), 

1  Datu  est  le  titre  des  seigneurs  féodaux  de  Mindanao. 

>  Il  existe  encore  dans  la  presqu'île  de  Sibiiguey  et  à  Mindanao  des  peu-* 
plades  malayes  dénommées  lutaos  et  luiayos.  C'est  d'eux  qu'entend  parler^ 
sans  doute,  sous  la  dénomination  de  Lanon,  Abd-AUah-ben-Abd-el-Kader 
dans  le  récit  de  son  voyage  &  Kalantan.  Ed.  Dulaurior  les  définit  dans  une 


BEAURBGARD.  —   AUX  PHILIPPINES.  491 

tée  et  renouvelée,  fixa,  pendant  près  de  trois  cents  ans,  par 
ses  sinistres  exploits^  l'attention  du  monde  maritime. 

En  1840,  un  voyage  d'affaires,  dans  la  mer  de  Farchipel 
Indien,  était  enoore  une  entreprise  guerrière,  et  petits  ou 
grands,  européens  ou  insulaires,  les  navires  qui  s'y  hasar* 
daient  devaient  être  bien  armés  et  leurs  équipages  bien  ré< 
solas. 

Un  Malay  d'origine  et  musulman,  Abd-AUah  ben  Âbd-el- 
Kader,  a  publié  la  relation  d'un  voyage  qu'il  fit,  en  Tannée 
1838  —  1353  de  l'Hégire,  **^  de  Singapur  à  Kalantan,  sur  la 
côte  orientale  de  la  péninsule  de  Malaka  ^  Aux  précautions 
qu'il  dut  prendre,  aux  péripéties  qui  marquèrent  son  voyage, 
op  peut  juger  du  danger  qu'il  y  ftvait  alors  de  courir  ces 
parages. 

Afin  d'exercer  lenjr  industrie  favorite  dans  les  meilleures 
conditions,  les  Malays  de  l'archipel  Indien,  sans  cesse  en  quête 
des  formes  et  des  dispositions  les  plus  avantageuses  à  donner 
à  leurs  embarcations,  ont  créé  pour  servir  à  la  navigation  de 
leurs  parages  une  étonnante  variété  de  barques,  qui,  de  l'une 
à  l'autre,  diffèrent  par  le  gabarit,  le  gréement,  le  tonnage, 
les  dispositions  d'arrimage  et  l'emploi  auquel  chacune  d'elles 
doit  satisfaire. 

La  nomenclature  en  serait  longue.  Voici  seulement  quel- 
ques-unes des  plus  employées. 

D'abord  le  balangay^  dont  le  nom  primitif  s'est  corrompu 
en  barangay.  C'est  le  bateau  de  la  migration  malaye,  comme 
la  sampan  est  le  bateau  de  la  migration  chinoise  vers  les  îles 
de  l'archipel  Indien.  Gomme  il  a  été  dit,  leur  nom  est  l'ex- 
pression de  leur  histoire. 

Viennent  ensuite,  sans  ordre  méthodique,  la  vinla*^  em- 

note  :  a  Peuple  qui  ne  vit  que  de  piraterie.  Les  Lanon  sont  originaires 
des  provinces  Iliana  et  Lanaw  à  Magindanao.  Le  root  lanun  est  passé  dans 
le  malay  avec  le  sens  de  pirate.  » 

^  Cette  inléressanie  relation  a  élé  traduite  par  M.  Ed.  Dulaurier  et 
publiée  dans  les  Nouveliet  Annales  des  voyages,  1849.  Arlus  Bertrand  en  a 
publié  une  édition  en  1850. 

>  Le  malay  panias  signifie  :  alerte,  agile,  prompt.  Dans  Talpbabet  malay 


492  SÉANCE  DU  7   JUILLET   1887. 

barcation  légère  et  rapide,  qui,  dans  son  emploi  courant, 
rappelle  la  pirogue  des  Indiens;  le  panco^y  embarcation  de 
haute  mer,  légère  et  rapide;  elle  peut  porter  35  tonneaux  ; 
elle  est  équipée  pour  la  chasse;  le  salisipan^  Q%i  aussi  une 
embarcation  de  haute  mer;  c'est  la  barque  préférée  des  pi- 
rates de  Sûlû;  le  garay*  est  une  variété  du  salisipan  et  re- 
lève^ comme  lui,  de  la  flottille  des  pirates  de  Sûlû;  lepontin 
est  un  caboteur  ponté,  il  est  gréé  de  deux  mâts  et  peut  por- 
ter 100  tonneaux;  son  nom  dit  qu'il  est  de  création  moderne  ; 
le  parao  ^,  mieux  peut-être  le  prao  ou  prabou^  est  une  sorte 
de  brick  dont  le  port  ne  dépasse  pas  35  tonneaux.  Le  pan^ 
qutllo*  est  aussi  une  barque  de  transport,  elle  peut  recevoir 
jusqu'à  25  tonneaux  de  charge;  le  mistieo  est  le  nom  espa- 
gnol d'une  barque  de  30  tonneaux  et  plus  de  port  ;  le  gitban  * 
est  une  embarcation  de  haute  mer  qui  fait  partie  de  la  flottille 
de  Sûlû;  le  barato'^  est  un  petit  transport  de  1  à  5  tonneaux; 
le  balayan  est  pour  les  indigènes  un  bateau  d'usage  local  ;  le 
barangayan^,  bateau  maté  et  ponté,  est  plus  particulière- 
ment affecté  au  service  des  îles  Visaya  et  Mindanao  ;  le 


le  P  ca  F  et  l'articulatioD  du  F  se  confond  assez  facilement  avec  celle 
duV. 

^  Aucun  radical  malay  n'a  pu  me  rendre  raison  du  mot  panco,  mais  les 
mots  chinois  pan-ihi^  (0  look  uoatchfuUy^  regarder  avec  attention,  donnent 
pour  panco  le  sens  fort  acceptable  de  guetter. 

*  L'analyse  chinoise  de  ce  mot  nous  donne  aussi  une  satisfaction  que 
nous  refuse  le  malay.  Ainsi,  en  décomposant  ce  mot,  nous  avons  :  sa, 
vaincre,  ii,  résistance,  ffi,  vigoureux,  pan,  saisir,  o'estrà-dire  :  ardent  à 
vaincre  les  obstacles. 

*  Le  malay  garagay  signifie  :  grappin,  et  peut  avoir  donné  garay. 
Constatons  que  ces  trois  dénominations  génériques  conviennent  très 

bien  h,  des  esquifs  de  pirates. 

^  C'est  le  maiay  prâhUf  barque,  terme  générique  qui  comprend  toutes 
sortes  d^embarcations. 

s  Ce  mot  est,  à  la  façon  espagnole,  le  diminutif  de  panco. 

*  Le  malay  ^o6a  désigne  une  sorte  de  navire. 

^  Baroto  doit  indiquer  les  navires  des  côtes  ouest  de  l'archipel  Indien, 
le  malay  harut  signifie  :  vent  d'ouest,  région  de  Touest. 

^  Balayan  et  barangayan  doivent,  comme  balangay,  avoir  pour  élymo- 
logie  commune  le  mot  mtlay  balang  :  barque. 


BEAURBGARD.   —   AUX    PHILIPPINES.  493 

casco^^  transport  de  25  à  30  tonneaux,  fait  le  service  des  côtes 
et  des  rivières  ;  il  est  manœuvré  à  la  perche.  Le  guildlo  '  des- 
sert la  lacune  de  Bay  ;  il  porte  des  voiles  et  à  Toccasion 
marche  à  la  rame.  La  falua^  felouque,  est  un  transport  dont 
le  tonnage  varie  de  3  à  70  tonneaux.  Il  navigue  à  la  rame  ; 
la  felouque  doit  être  une  importation  arabe,  de  même  que  le 
vilag*^  bateau  de  service  tout  spécial  aux  gens  du  territoire 
d'Ilocos. 

Toutes  les  embarcations  qui  tiennent  la  haute  mer  navi^ 
guent  ordinairement  sans  lest  et  sont  pour  cette  raison  pour- 
vues d*un  balancier. 

C'est  avec  cette  frêle  marine,  marine  fantôme,  pour  ainsi 
dire,  que  les  Malays  de  Tarchipel  Indien  ont,  pendant  près 
de  trois  siècles,  tenu  en  échec  la  marine  marchande  de  TEu- 
rope,  et  je  note  ici  que  près  de  quatre  cents  ans  avant  que, 
dans  notre  Occident,  il  fût  question  de  calfater  les  navires 
avec  la  cellulose  amorphe  que  fournit  par  le  peignage  la 
fibre  des  noix  de  coco,  les  Malays  employaient,  sous  la  déno- 
mination de  bonoto^f  la  fibre  des  noix  de  coco  pour  calfater 
leurs  embarcations  ;  et,  dès  la  fin  du  siècle  dernier^  peut-être 
même  auparavant,  la  Chine  recevait  de  l'archipel  Indien  une 
substance  végétale,  assez  semblable  à  l'amadou,  recueillie, 
dit  Raffles,  sur  le  palmier  saguir  [Borassus  gomaïus),  et  dont 
les  Chinois  calfataient  leurs  navires. 


Les  industries  sédentaires  n'ont  jamais  eu^  dans  l'archipel 
Indien,  l'éclat  et  l'activité  de  l'industrie  de  la  mer.  Et,  par 

<  Casco  est  espagnol.  Ce  mot  signifie  tout  à  la  fois  :  crftne  et  quartier 
d'orange.  Par  ce  dernier  sens  nous  avons  la  coupe,  le  profil  de  la  coque  de 
cette  sorte  de  navire. 

>  Cette  embarcation  a  dû  primitivement  servir  à  la  course.  Son  nom 
chinois  est  fait  de  trois  mots  qui  signifient  :  saisir,  briser,  filet. 

*  Vilog  est  le  malay  baluk  a  fulk,  felouque. 

^  Le  malay  banal  signifie  :  étoffe  fine. 


494  SÉAIfCE   DU   7  JUILLET  1887. 

exemple,  la  première  des  industries  sédentaires,  Tag^iculture 
existe  à  peine  aux  îles  de  Tarobipel  ladîcti,  et  il  est  bien  oer* 
taio,  d'ailleurs,  que  tout  ce  que  savent  et  pratiquent  sous  ce 
rapport  les  naturels  de  ces  parages  leur  vient  directement 
des  Chinois. 

Lo  vocabulaire  relatif  à  l'agriculture  y  est,  en  effet,  com- 
posé de  tertnes  chinois  à  peu  près  dans  son  entier. 

Ainsi  cainges,  défrichement  des  forêts  par  Tincendie,  est  la 
corruption  du  mot  chinois  kwang,  incendie. 

CogoHy  qui  nous  est  donné  comme  une  expression  tagalog, 
visaya  et  vigol,  pour  désigner  une  terre  inculte  couverte  de 
végétations  confuses,  est  le  chinois  ko-gang^  mélange  d'herbes 
marécageuses.  Et  le  mot  iubigan^  par  lequel  les  Philippins 
expriment  l'idée  de  terres  riches,  rappelle  syllabe  par  syllabe 
les  mots  chinois  luh-wei^gang^  qui  signifient  :  terre  assainie 
par  les  canaux. 

Le  mot  alili^  que  le  vocabulaire  philippin  nous  donne 
comme  un  mot  visaya,  et  qui  a  la  signification  de  :  avances 
sur  la  prochsdne  récolte,  est  le  composé  chinois  ya-lth-lth,  qui 
peut  se  rendre  par  :  avances  sur  l'herbe  à  couper.  De  môme, 
le  mot  utang,  prêt  sur  la  récolte  prochaine,  n'est  point  ori- 
ginairement tagalog,  quoi  qu'en  dise  le  vocabulaire  phi- 
lippin. 

Les  mots  chinois  «A-^an^  (avances  pour  améliorer  la  terre), 
l'ont  assurément  foimé,  et  le  mot  tacalanan,  également  pré- 
senté comme  tagalog,  avec  la  signification  :  avances  sur  la 
moisson  prochaine,  n*est-il  pas  fait  des  mots  chinois  ta-ka- 
la-nang  (avances  pour  attendre  la  maturité  de  l'herbe  de  la 
récolte)? 

La  charrue  et  la  herse  sont,  aux  Philippines,  d'Importation 
chinoise,  et  cet  instrument,  tout  à  la  fois  pelle  et  bêche,  le 
ùalo,  est  revêtu  d'un  nom  chinois  •. 

C'est  encore  une  expression  chinoise  qui  désigne,  aux  Phi- 
lippines, le  riz  des  marais,  le  mancassan,  dont  toutes  les  syl- 

*  WOi  crochet,  lo,  arracher,  traîner* 


BEAUnBGARD.  ^-   AUX   PHILIPPINES.  495 

labes  se  retrouvent  dans  les  mots  obinois  mang-ka-sang,  ger- 
mer avec  profusion. 

Ce  riz  des  marais,  dont  la  culture,  grâce  aux  lacs  intô- 
rieurs,  était  facile  à  Mindanao^  semble  avoir  été  la  seule 
variété  de  cette  gramiuée  cultivée  par  les  indigènes  avant  la 
venue  des  Espagnols.  Les  dénominations  de  deux  variétés 
de  riz  de»  montagnes^  el  secano  et  el  reomero,  sont,  en  effet, 
d'apparence  espagnole. 

C'est  aux  Espagnols  que  les  Philippines  doivent  le  cacao. 
Les  Jésuites  Tont  acclimaté  à  Tile  Samar  ^  vers  1665,  et  le 
piloté  Pedro  Brabo  de  Lagunas  Ta  porté  aux  Camarines 
en  1670. 

La  culture  du  café  aux  Philippines  date  seulement  de  la 
fin  du  dernier  siècle. 

Des  nombreuses  variétés  de  palmiers  dont  Tarchipel 
Indien  est  abondamment  pourvu,  les  Malays  antérieurs 
tiraient  des  résines  et  des  baumes  dont  ils  composaient  des 
onguents,  et  ils  n'avaient  point  attendu  l'arrivée  des  Euro- 
péens pour  extraire  de  leurs  végétaux  des  sucs,  qui,  dès 
longtemps,  leur  ont  fourni  des  boissons  enivrantes. 

Avec  la  semence  do  Vholcus  saccharalus^^  les  Visaya  fabri- 
quent leur  liqueur  fermentée,  pangasu  Convenablement  trai- 
tée, récorce  du  tanal^  arbre  des  îles  Sûlû,  donne  aux  Suluans 
une  liqueur  fortement  alcoolique  ;  les  Igorrotes  font  avec  le 
riz  une  bière  qu'ils  nomment  stniput^  et  produisent  leur  eau- 
de- vie,  basig.  Enfin,  sur  tous  les  points  de  l'archipel  Indien* 
et  pour  ainsi  dire  de  tout  temps,  les  indigènes  ont  distillé 
l*alak  (l'arack). 

Ils  ont  aussi  fuit  du  sucre  ;  en  langue  malaye,  iebu  signifie  : 
canne  à  suc/*e  ;  kiban  iebu,  plantations  de  cannes  à  sucre,  et 
gitla  tebu,  sucre  do  canne.  Mais  le  vocabulaire  relatif  à  la 
culture  et  au  traitement  industriel  de  la  canne  à  sucre  aux 

1  Le  mot  malay  samar  signifie  :  déguisé,  travesti.  Celte  dénomination, 
qui  est  moderne,  aurait-elle  été  donnée  à  Ttle  qu'elle  désigne,  en  raison 
du  tatouage  de  ses  habitants? 

*  Une  graminée,  le  millet  de  Cafrerie* 


496  SÉANCE   DU  7   JUILLET   1887. 

Philippines  y  est  dès  longtemps  à  peu  près  complètement 
espagnol  et  l'emploi  courant  des  mots  canadulzal  et  canûme- 
laVf  champs  de  cannes  à  sucre;  trapiehe,  moulin  à  sucre,  et 
aussi  ferme  oii  se  fait  le  sucre;  el pilon,  pain  de  sucre;  inge^ 
nio,  centre  d'industrie  sucrière,  témoigne  hien  ici  de  Tin- 
fluence  espagnole,  comme  les  mots  chinois  relatifs  à  la  cul- 
ture en  général  témoignent  de  Tinfluence  chinoise  dans 
l'archipel  Indien,  à  une  époque,  sans  contredit,  bien  anté- 
rieure aux  Eispagnols  et  probablement  contemporaine,  ou  à 
peu  près,  de  l'apparition  simultanée  des  Malays  et  des  Chi- 
nois dans  ces  parages. 

VI 

Mais,  tout  en  faisant  encore  ici  une  part  à  Tinfluence  chi- 
noise, une  industrie  qui  peut  passer  pour  être  en  propre  celle 
des  Malays  antérieurs,  tant  elle  tient  au  sol  des  Philippines, 
c*est  Tindustrie  des  textiles.  Ici  du  moins,  et  dans  ses  ex- 
pressions les  plus  courantes,  le  vocabulaire  est  indigène,  au 
moins  par  ses  dehors,  sinon  tout  à  fait  par  le  fond. 

VAbacùf  mma  textHi8;M  Nanas,  nom  malay  de  VAnanassa 
sativa,  que  les  Hispano-Philippins  ont  nommé  pma  en  raison 
de  l'analogie  de  forme  qu'ont  entre  eux  le  fruitdu  nanas  et  la 
pomme  de  pin;  le  Plantain,  musaparadisiaca;  le  Mague,  agave 
pittCf  aloès;  YAnakao^  palma  brava,  ont,  sur  les  divers  points 
de  Tarchipel  Indien  et  dans  des  proportions  diverses,  fourni 
de  tout  temps  aux  indigènes  les  matières  filamenteuses  dont  ici 
et  là  furent  faites  les  étoffes  de  leurs  vêtements. 

De  Vahaca,  dès  longtemps  connu  sous  le  nom  de  chanvre 
de  Manille,  ils  ont  tissé  les  toiles  fines  et  blanches  nommées 
nipts,  dont  remploi  est  d'un  grand  luxe  aux  Philippines. 

Dans  leur  ensemble,  les  autres  textiles  ont  eu  leur  emploi 
méthodique.  Les  qualités  moyennes  ont  fait  la  Guinara,  Té- 
tolTe  des  Saya,  vêtements  de  femmes,  et  des  Chinina,  vête- 
ments d'hommes. 

Les  capuchons  et  les  manteaux  contre  la  pluie^  plus  parti- 


BBAUREGARU.  —  AUX  PJBILIPPINES.  497 

culiërement  chez  les  Jlocanos  et  les  Itelapanes,  ont  été  tissés 
avec  les  fibres  de  VAnahao,  palma  brava. 

Un  choix  spécial  fait  dans  Tensemble  de  ces  matières  tex- 
tiles a  fourni  de  câbles  et  de  fanins  la  marine  et  la  pèche, 
sous  la  dénomination  générique  et  moderne  dejoi'cia. 

Mais  de  toutes  les  étoffes  confectionnées  avec  les  textiles 
dont  nous  parlons,  la  guinara  a  toujours  eu  le  plus  d'emploi 
et,  pour  un  temps,  avec  l'entrain  furieux  de  la  mode,  elle  a 
pu  faire  discrètement  le  tour  du  monde. 

A  répoque  delà  triomphante  crinoline,  alors  que  les  dames 
de  notre  vieux  monde  et  celles  du  monde  nouveau  se  crurent 
obligées  de  porter  des  jupons  en  coupole,  l'industrie  sauvage 
de  l'archipel  Indien  prit  sa  revanche  sur  les  cotonnades  de 
Manchester  et  de  Rouen,  et  la  gmnara,  étoffe  raide  et  solide, 
fut  alors  expédiée  par  cargaisons  en  Europe  et  en  Amérique; 
et,  plus  accommodante  que  les  armatures  en  acier  et  en  ba- 
leine, elle  y  fut  accueillie,  à  très  haut  prix,  avec  reconnais- 
sance et  comme  un  heureux  perfectionnement, 

La  vannerie  est  aussi  un  tissage  et  le  vocabulaire  de  cette 
industrie,  comme  celui  du  tissage  proprement  dit,  paraît  être 
indigène. 

Uupit  et  le  sacupit^  sont  des  hottes  nattées  que  fabriquent 
les  Igorrotes,  ainsi  que  le  cayabang,  corbeille  conique  à  l'usage 
des  femmes  Igorrotes  chargées  de  transporter  de  la  terre  ou 
des  grains. 

Vapirang  est  chez  les  Igorrotes  un  appareil  fait  de  rpseaux 
et  de  bambou  pour  faciliter  le  transport  de  lourds  fardeaux. 

Le  chapeau  des  Igorrotes  est  un  tissu  de  lamelles  du  ro- 
seau tacoco. 

Avec  le  roseau  bajuco  ou  avec  la  palma  brava^  les  Tagales 
font  des  hottes,  éi/ao*,  et  des  couffes,  bayon. 

C'était,  semble-t-il,  le  balangut,  plante  d'une  grande  ré- 
sistance, sarmenteuse  et  rampante,  qui  reliait  entre  elles  les 

^  Le  malay  sunghit^  le  javanais  songkétf  le  makassarais  s<mgké  et  le 
dayak  suit  signifient  :  tissu  brodé  à  jour. 
>  Le  malay  bilan  signifie  :  filé,  oardé. 

T.  X  (3«  S^RIfi).  3i 


49S  8ÉANCB  DU  7   JUILL&T   1887. 

différented  pièces  de  ces  travaux  de  grande  et  de  petite  van- 
nerie. 

Les  divers  dialectes  des  peaplades  malayes  des  Philippines 
laissent  également  apercevoir  des  traces  de  pratiqaes  métal- 
lurgiques chez  ces  populations. 

Le  mot  vidange  désigne  le  creuset  où  les  Igorrotes  fondent 
l'or;  le  mot  tagalog  perogumto*  signifie  l'or  le  plus  fin,  et  le 
mot  tumbaga*  un  alliage  d'or  et  d'argent  principalement 
utilisé  pour  la  confection  de  b^oux  d'usage  personnel. 

Les  calombiga^  sont  de  gros  bracelets  en  or  et  les  fra/t*  des 
anneaux  de  laiton  que  les  hommes  et  les  femmes  igorrotes 
portent  aux  bras  et  aux  jambes. 

Les  Igorrotes  nomment  gambang*  Tensemble  de  leurs  mar- 
élites  et  de  leurs  petits  ustensiles  de  cuivre,  et,  sous  ce  même 
appellatif^  les  Tanguianes  et  même  aussi  les  Igorrotes  dési-» 
gnent  les  pendants  d'oreilles  de  grande  dimension  en  or,  en 
argent  ou  en  onivre  dont  l'usage  est  coomiun  aux  deux  peu* 
plades'. 

Ce  même  nom  est  appliqué  aux  pendants  d'oreilles  faits 
en  dents  de  chien. 

Une  cloche,  dont  Tapparence est  celle  d'un  chaudron  ren- 
versé)  est  faite  d'un  alliage  d'aspect  blanc  fourni  par  deux 
métaux,  Tun  de  ces  métaux  est  le  cuivre.  Cette  cloche  est 
nommée  batintin*. 

'  Le  mot  malay  balança  signifie  :  pot  de  terre  (Maraden,  Dici.  français, 
mûlais). 
,  *  Je  ne  trouve  auoun  radioai  maUy  pour  oe  mot. 

*  C'est  le  raalay  temàaga.  Go  mot  est  aussi  hiiidoustani. 

*  Le  raalay  kalung  signifie  :  collier,  chaîne  de  cou  (Abbé  Favre,  Dict. 
malais- françaû), 

*  Je  n«  trouve  auoun  radical  malay  pour  ce  mot,  sinon  bwM  i  anneau, 
cercle. 

*  Le  malay  gilanbir  :  fanon,  lobe  qui  pend,  peut  donner  raison  du  mot 
gambouy,  ainsi  que  le  malay  kondam  :  ornement  des  oreilles. 

^  «  Il  y  a  ioi|  à  Mindanao,  des  orfèvr«i  qui  font  anses  bien  des  boutons 
et  des  pendants  d'oreilles,  etc.,  en  filigrane^  quoiquMls  n'approchent  pas,  u 
beaucoup  prèi,  de  la  perfection  des  ouvriers  malaise  Sumatra  et  à  Java,  p 
(Gapit.  Forrest,  Voyage  aux  Moluqu$s  et  à  la  NouvelMMn^ti  p.  iSS*) 

^  Mot  imitatif  qui  s'explique  luiH&èmeu 


BEAURBftARD,  —  AUX  PWUPPINES.  409 


VII 

Chez  les  Malays  aaléphilippIuB  Teâclavaga  était  l'œuvre  de 
la  piraterie;  c'est  par  les  prises  qu'il  se  recrutait,  et  parfois 
avec  une  telle  abondcuice,  que  les  Malays,  pour  modérer  le 
nombre  de  leurs  esclaves,  n'hésitaient  pas  à  mettre  à  mort 
ceux  de  nouvelle  prise,  ou  à  les  abandonner  dans  quelque 
lie  déserte,  aprèd  les  avoir,  par  la  mutilation,  rendus  abso* 
lument  impotents'. 

En  s'ctendant  d'île  en  île  la  domination  espagnole  a  peu  à 
peu  effacé  l'esclavage  aux  Philippines,  et  s'il  reste  encore  daus 
l'archipel  quelques  traces  de  l'esclavage  brutal  tel  qu'il  était 
antérieurement  appliqué  par  les  Indigènes,  ce  ne  peut  être 
que  dans  Tintérieur  de  Mindanao  et  aux  îles  Sûlû. 

La  dénomination  qualificative  de  la  condition  brutale  d*es« 
ûlave  variait  chez  les  indigènes  d'une  peuplade  à  l'autre,  et  il 
arrivait  même  que  certaine  dénomination  identique  et  com* 
mune  à  toutes  les  peuplades  avait  de  Tune  à  Tautre  des  nuan- 
ces diverses  d'acception. 

Ainsi  sacape  désigne  un  vassal  à  Mindanao  ;  dans  les  îles 
Visaya  c'est  un  tributaire;  dans  les  îles  Sûlû  c'est  un  esclave. 

Oiipuen  est  un  esclave  à  Mindanao  et  aux  Visaya;  chez 
les  Tagales  le  saguiguilù'  est  un  esclave  et  le  namamakay  un 
serf.  Mais,  avant  la  conquête  espagnole,  dans  toutes  les  peu- 
plades malayes;  almping-namamahay  s'entendait  des  serfs 
et  alimping^saguiguilir  des  esclaves. 

1  «  Dans  la  partie  nord-est  de  Bornéo,  il  y  a  un  peuple  sauvage  de  piraUw 
appelé  Orang-tedong  ou  TIrun,  qui  vivent  fort  avant  dans  le  pays  sur  les 
bords  dos  rivières...  On  m*a  assuré  que,  dans  certains  cas,  les  Cran 
Todongs  mangent  de  la  chair  humaine...  Lorsque  les  Oran  Tedongs  pren- 
nent un  grand  nombre  de  prisonniers^  ils  estropient  quelques-uns  des  plus 
robustes  pour  s'en  assurer  ou  bien  les  laisseut  dans  quelque  petite  tle 
sablonneuse^  toile  qu'il  s'en  trouve  dan^  l'archipel  de  Sùlû  et  parmi  les 
Philippines,  jusqu'à  ce  qu'ils  jugent  ^  propos  d  aller  les  obercber.  Us  ue 
font  aucun  scrupule  de  casser  les  membres  de  leurs  prisonniers  pour  se 
mettre  eux-mêmes  à  l'abri  de  toute  crainte.  »  (Capit.  Porrest>  Voyage  Qum 
MiAuques,  etc.,  p.  424,  4:2ô,  426.) 


500  SÉANCE  DU  7  JUILLET  1887. 

Les  serfs  me  paraissent  être  les  prisonniers  faits  à  la  guerre 
entre  tribus  malayes,  et  les  esclaves,  Jes  prises  à  la  mer. 

Nous  pouvons  aussi  mettre  au  compte  de  Tesclavage  l'a- 
liénation pour  trois  ans,  trois  mois,  trois  jours  que  fait  de  sa 
liberté  un  Malay  qui,  pour  s'acquitter  d'une  dette,  engage 
ses  services  à  son  créancier  *. 

De  même  est  esclavage  temporsdre  la  position  subalterne 
d'un  jeune  homme  pauvre,  qui  pour  acquérir  sa  femme  en- 
gage ses  services  à  la  famille  de  sa  fiancée  *. 

Avant  leur  asservissement  à  l'Espagne,  les  chefs  des  petits 
Etats  tagales  de  la  sultanie  de  Manille  portaient  le  titre  de 
Manguinoo^y  c'est-à-dire  chef,  gouverneur;  les  seigneurs  féo- 
daux des  districts  musulmans  de  Mindanao  s'intitulent  datu 
ou  dattu^;  et,  dans  les  Etats  de  la  partie  occidentale  de  cette 
île,  l'héritier  du  sultan,  celui  qui  doit  hériter  du  pouvoir 
souverain^  prend  le  titre  de  cachil^,  prince  du  sang.  Le  titre 
depaduca^  appartient  au  sultan  de  Sûlft  et  à  ses  fils  jusqu'à 
la  troisième  génération  ;  et  le  sultan  de  Sûlû,  quand  il  est  Ois 


A  Abd  Allah  ben  Abd-el-Kader^  Voyage  à  la  côte  orientale  de  la  péninsule 
de  Malaka,  p.  33,  et  note  d'Ed.  Dulaurier. 

*  Chez  les  indigènes  des  Philippines,  le  fiancé  pauvre  est  désigné  par  le 
qualificatif  catipado. 

Le  cas  du  fiancé  pauvre  aliénant  sa  liberté  pour  prix  d*achat  de  sa  fiancée 
est  le  cas  du  sémite  Jacob  s'engageant  au  service  du  sémite  Laban  pour 
en  obtenir  Rachel,  sa  seconde  fille. 

*  Aucun  radical  malay  ne  me  donne  raison  de  ce  mot. 

^  Le  malay  datuk  signifie  :  grand-père,  chef  de  famille.  Le  kawi  datu 
et  datuk  signifient  :  vieillard,  prince.  Le  sundanais  datu  signifie  :  chef. 
Le  batak  datu  :  augure,  docteur^  prêtre.  En  makassar,  le  mot  dafo  est  titre 
de  chef.  Le  dayak,  le  tagalog  et  le  bisaya  disent  talo,  dans  la  même  inten- 
tion. 

*  En  malay,  tuan  kexil  signifie  :  celui  qui  vient  après  le  chef,  fils  aîné, 
fils  ou  maître. 

*  Paduca  est  sanscrit  et  signifie  :  chaussure.  Dans  le  malay,  le  javanais 
et  le  sundanais,  il  s'interprète  par  majesté,  «  En  Javanais,  il  est  pronom 
de  la  seconde  personne  en  parlant  à  un  supérieur.  «  Votre  chaussure  »  se 
dit  pour  «  vous  »,  comme  si  la  personne  à  laquelle  on  parle,  ajoute  Tabbé 
Pavre,  était  si  élevée,  qu'on  ne  p&t  apercevoir  que  sa  chaussure.  Cest  de 
cette  pensée  que  lui  vient  le  sens  que  ce  mot  comporte  en  malay.  •  Dans 
notre  occident  on  baise  la  mule  du  pape. 


BEAUREGARD,  —   AUX  PfelLIPPINES.  501 

de  sultan  et  de  la  femme  légitime  de  son  père,  et  qu'il  a  pu 
d*ailleurs,  avant  de  régner,  légitimement  porter  le  titre  de 
paduca,  s'intitule  mayajçarm^  c'est-à-dire  pur  et  sans  tache. 

A  toutes  ces  qualifications  les  sultans  de  Sûlû  ajoutent 
encore  celle  deinaulana\  qui  équivaut  à  Majesté. 

Ces  pastiches  de  Hautesse  où  se  complaisent  les  petits 
sultans  de  Sûlû  et  de  Mindanao  ne  sont  pas  seulement  TefTet 
de  leur  mauvaise  éducation  musulmane  ;  la  constitution  aris- 
tocratique de  la  société  chez  les  Malays  de  l'archipel  les  y 
prédispose  et  les  absout  presque  du  ridicule  de  l'exagé- 
ration. 

Chez  les  Tagales,  par  exemple,  où  l'existence  à  peu  près 
sauvage  devrait  commander  Tégalité,  le  langage  atteste,  au 
contraire,  le  classement  aristocratique  de  la  population.  Ainsi 
taho  ou  ^ao' signifie  :  homme,  et  mahaldica''  :  homme  libre,  né 
libre. 

Tag a- bayant  est  la  classe  noble  des  indigènes  de  Tayabas, 
taga-tabi  •  la.  classe  moyenne  et  taga-linang  ''  la  plèbe  ;  à 
Mindanao,  tuam  •  est  le  degré  inférieur  de  la  noblesse. 

Chez  les  Ilocanes  et  les  Igorrotes,  Thomme  du  peuple,  s'il 
est  pauvre,  porte  la  dénomination  spéciale  de  Cailian^. 

Aux  îles  Mariannes,  (^Aamom*^  est  un  qualificatif  de  no- 
blesse. 


^  Les  mots  malays  mc^a,  moelle;  jart,  fleur,  peuvent,  sans  trop  les  tor- 
turer, rendre  raison  de  ce  titre. 

*  Les  mots  malays  matou  ou  mau^  vouloir,  volonté,  et  lanangt  court* 
geux,  courage,  peuvent  bien  aussi  rendre  compte  du  mot  maulana, 

3  Malay  :  iutva  ou  tua^  &gé  ;  orang  tuwa,  un  vieillard  ;  men-tuwa,  beaux 
parents,  beau-père,  belle-mère. 

^  Peut-être  du  malay  mahal,  précieux,  dikir,  gens  de  guerre,  valeureux 
hommes  de  guerre. 

^  Aucun  radical  malay  ne  me  donne  raison  de  cette  expression. 

«  Idem. 

7  Idem. 

B  Malay  :  tuwa  ou  tua,  vieux,  fln,  pur  ;  intan  luwa,  diamant  d'une  eau 
très  pure. 

*  Le  malay  sa  kali-an  rayât  signifle  :  tout  le  peuple. 

1^  Le  malay  œome  signifie  :  gentil,  mignon,  gracieux,  x  ast  çh  français. 


802  »êaKcb  ftu  7  JUiiLÉt  4887. 


VIII 


tes  Malays  de  l'archipel  Indien,  hommes  et  femmes,  por- 
tent des  pendants  d*oreilles  et  se  noircissent  les  dents. 

L'opération  du  percement  du  lobe  des  oreilles,  et  celle 
qui  consiste  à  enlever  Témail  des  dents,  à  les  amincir  et  à  les 
noircir  se  pratiquent,  au  moins  pour  les  jeunes  filles,  à  l'âge 
de  treize  ans. 

L'éclat  des  fêtes  qui  se  pratiquent  à  cette  occasion  se  mo* 
dère  à  la  fortune  dont  dispose  chaque  famille. 

Le  capitaine  Porrest,  dans  la  relation  de  son  voyage  aux 
Moluques  etàIaNouvelle*Qulnée,  donne  la  description  de  la 
fête  qui  eut  Heu  au  palais  du  sultan  de  Mindanao  en  l'honneur 
de  Noé,  sa  petite-fille,  «qui,  dit  il,  était  parvenue  àl'âge  d'avoir 
les  oreilles  percées  et  ses  belles  dents  blanches  limées  fort 
minces,  après  qu'on  aurait  ôlé  Vémail,  afin  de  les  teindre 
d'un  noir  de  jais*.»  Je  ne  répéterai  point  Ici  cette  description. 

Pour  les  Malays  insulaires  le  mariage  est  une  œuvre  de 
minutieuse  exécution,  et  chez  eux  ces  préliminaires  que  nous 
nommons  «  les  fiançailles  a  se  compliquent  de  démarches  et 
de  cadeaux  qui,  delà  part  du  fiancé,  passent  et  se  multiplient 
par  tous  les  degrés  de  la  parenté  dans  la  famille  de  la  fiancée. 
Pas  une  démarche  du  fiancé  vers  sa  fiancée  qui  ne  doive  être 


»  Chap.  VII,  p.  268  et  suiv. 

Le  malay  baja  signifle  :  dur,  diàttiant,  acier.  C'est  le  mot  JavanaidUMi/a, 
le  makassarais,  le  boughlfl  baJa  et  le  dayak  waja. 

Ce  même  mot  malay,  ba/d,  signifie  :  noiP  de  fUmée  fait  avpo  l'écopcc  de 
noix  de  coco  brûlée  pour  noircir  les  dents. 

^ûja,  javanais,  et  haja,  batak,  signifient  :  dents. 

Enfin,  le  mot  malay  banun  et  aussi  he-banun  signifient  :  du  noir  pour  les 
dents. 

Le  javanais  baiian  signifie  :  noircir  les  dents. 

Je  trouve  dans  Marsden  cotte  phrase  :  Gini-na  bahara  bakas  ber-baja  : 
ses  dents  portaient  les  marques  de  la  préparation  de  baja  récemment  ap{)li- 
quée. 

Sisu  signifie  :  action  de  polir  les  dent». 

bûr-sisu  signifie  :  qui  lime  les  dents  avec  une  pierre. 


BBAtJABèARB^  •^  ÀÛX  PHILIPPINES.  503 

payée  par  lui  de  présents  obligés»  à  faire  aax  parents  qael« 
conques  de  la  fiancée. 

Le  mot  tagale  dalaga^  correspond  à  notre  expression  :  de^ 
moiselle,  et,  chez  les  Tagales,  vagong-4ii(P^  a  le  Sens  de  notre 
mot  prétendant,  aspirant. 

Fiancé^  l'aspirant  n'est  déjà  plus  libre,  n  doit  mériter  Sa 
fiancée  par  les  services  personnels,  pamimian^^  quil  rend  à 
son  futur  beau<-père,  et  Tacheter  à  sa  famille  par  des  ottdeaux 
multipliés. 

Le  prix  d*achat  de  la  fiancée  tagale  se  nomme  bigay*eaya^ 
et  raccord  iiltervenu  sur  le  prix  d'achat  de  la  fiancée  se  cé- 
lèbre par  une  cérémonie  dite  taUng^-boho^.  Le  jour  do  cette 
cérémonie,  le  fiancé  remet  le  cadeau^  habUM^  qui  est  le 
témoignage  de  Taccord  fait  et  qui  le  consacre. 

Après  le  prix  d'achat  de  la  fiancée,  vient  le  poêalog',  somikie 
que  le  fiancé  paye  à  son  futur  beau-père  pour  dîner  avec  sa 

>  Le  màlay  dayang  signifie  :  demoiselle  de  oondilion  ;  le  jAvaoais  d$Êhy 
et  le  sandanaie  dayang,  femme  de  haut  rang. 

Le  malay  dalam  signifie  :  famille  nombreuse,  dame  du  palais. 

*  Le  malay  60^  signifie  :  beau,  gentil,  joli,  agréable;  orang  hagui, 
une  belle  personne  ;  aYeo  cette  étyroologie  vagoug-têo  signifia  littérale- 
ment :  bel  homme. 

>  Le  radical  malay  pimpin  signifie  :  pris  par  la  main,  conduit  par  la  main, 
et  pimpin-an,  action  de  conduire,  direction,  conduite. 

*  Le  malay  huka  signifie  :  ouvrir  ;  kmya,  riche,  être  riche  ;  les  mots 
higay-eaya  avec  cette  étymologie  signifieraient  littéralement  :  prix  de 
l'entrée. 

>  Le  mot  malay  taU  :  corde,  ceintore,  et  èsini,  épaule,  partie  supérieure 
de  r.épaule.  Dans  son  ensemble,  talimg  bohot  pourrait  alors  s'interpréter 
par  :  emb ressèment.  Je  rappelle  ici  qu'à  Çeylan,  le  jour  du  mariage^  les 
nouveaux  époux  se  présentent  au  public  sous  un  même  manteau  qui  cou- 
vre leurs  épaules. 

*  Les  mots  malays-arabes  hatibf  ami>  amant,  favori,  et  tiion,  ornement, 
peuvent  rendre  raison  du  mot  habilm;  tagale,  ul9n  tampala,  signifie  : 
ornement  en  or,  plaque  ronde  qui  se  place  dans  les  cheveux  du  côté  droit 
et  du  côté  gauche  de  la  tête  d'une  jeune  mariée  (Favrci  Diot,  malaU' 
français),  Habilhulanf  habilin^  sont  les  ornements  de  tête,  présents  du 
fiancé. 

"^  Le  malay  pahaia  signifie  :  mérite,  récompense,  et  ber^uish  pahala 
signifie  :  acquérir  des  mérites  ;  btr-bimt  pahala  y ang  h^sar,  faire  les  actions 
les  plus  méritoires. 


504  SÉAHCB  DU   7  JUILLKT   1887.  ^ 

fiancée;  pois  le  patignog^^  antre  somme  d*argent  qne  paye  le 
fiancé  aux  parents  de  la  fiancée  ponr  pooYoir  loi  parler,  et  le 
patayc?^  prime  à  payer  par  le  fiancé  anx  parents  de  sa  fiancée 
ponr  être  autorisé  i  la  lisiter. 

A  ces  obligations  se  joignent  encore  le  panhimujai*^  ca- 
deau personnel  du  fiancé  à  la  mère  delafiancée,  et  \epaso8o^^ 
cadeau  du  fiancé  à  la  nourrice,  hilot*^  de  sa  fiancée. 

Le  festin  casalan*  est  celai  de  la  veille  du  mariage  et  le  jour 
du  mariage  est  encore  marqué  par  des  cadeaux  imposés  au 
fiancé. 

C*est  d'abord  le  bigay-suso  ^,  cadeau  que  fait  le  fiancé,  le 
jour  même  du  mariage  à  la  mère  de  sa  fismcée  et,  pour  en 
finir  des  cadeaux  et  des  achats,  le  ghina-puang*,  prime  que 
le  marié  paye  aux  parents  de  la  mariée  pour  jouir,  dans  leur 
plénitude,  de  ses  droits  de  mari. 

A  ces  exigences  de  tout  ordre,  corvée,  démarches  et  dé- 
penses, la  conquête  espagnole  a  ajouté  le  paghaharap*y  rede- 
vance an  curé,  pour  en  obtenir  Tautorisation  d*être  marié  et, 
en  même  temps,  dénomination  donnée  à  la  fête  de  famille 
qni  célèbre  cette  autorisation.  Enfin  la  bandeja}^,  corbeille  élé- 
gante chargée  de  friandises  prélevées  sur  celles  du  repas  de 
noces  et  offertes  au  curé  à  titre  de  gracieux  remerciement. 

Quand  les  présents,  faits  par  le  fiancé  à  son  futur  beau- 
père,  dépassent  par  leur  valeur  le  prix  convenu  pour  Vachat 

I  Les  mots  malays  paiekrnênck  :  obéissant  aux  ancêtres,  déférence  envers 
les  parents,  rendent  bien  raison  da  mot  pattgnok  ou  palignog, 

*  Pasan:  ordre,  commandement,  etpojtôan;  salle  de  réception,  d'au- 
dience. 

>  Panah  signifie  :  arc,  et  moyang  :  trisaïeul  ;  le  panhimuyat  peut  être  un 
cadeau,  expression  de  dérérence  pour  les  ancêtres  guerriers. 
^  Bàbu-Musu  signifie  :  nourrice  qui  allaite,  et  aya^  bonnet  d'enfant. 

*  Le  mol  malay  pour  nourrice  est  babu,  et  hulu  signifie  :  source. 
'  Aucun  radical  malay  ne  me  donne  raison  de  casakm, 

T  Le  malay  «tau  signifie  :  sein,  et  bigay  suto,  parure  de  poitrine. 

*  Guna  :  valeur,  prix  ;  puwan,  jeune  fille,  vierge  :  prise  de  possession 
de  la  jeune  fille. 

*  Ce  root  est  Tespagnol  pagara,  quelque  peu  travesti. 

1*  Mot  espagnol  qui  signifie  :  corbeille  ou  plateau  dont  on  se  sert  pour 
présenter  avec  apparat  les  objets  offerts. 


BEAITRBOARD.  —   AUX   PHILIPHNES.  505 

de  la  fiancée,  le  beau-père  fait  à  son  gendre  un  cadeau  en 
retour,  ce  cadeau  se  nomme  pasanor^. 

Avec  sa  femme  légitime,  maîtresse  de  maison,  ynasala},  le 
Malay  peut  avoir  chez  lui  d'autres  femmes  à  titre  d'amies. 

Binocot^y  c'est-à-dire  femme  maîtresse  dans  la  chambre,  est 
le  titre  dont  se  parent,  chez  les  Visaya,  les  femmes  de  haute 
considération. 

Dayana^  désigne  la  femme  légitime  d'un  Malay  de  Sûlû,  et^ 
suivant  Dampier,  le  mot  pagaly^  s'applique  à  la  femme  de 
son  gynécée  qu'un  maître  de  maison  met  à  la  disposition  de 
son  hôte. 

Les  femmes  malayes,  même  les  métisses,  je  devrais  dire  : 
surtout  les  métisses,  sont,  paraît-il,  de  fort  belles  personnes*. 

I  Probablement  des  mots  ro(ilays  pasan^  ordre,  et  niir.  lumière  ;  pasa- 
nor  :  règlement. 

*  Ce  mot  paratt  chinois,  ou  du  moins,  à  défaut  du  malay,  le  chinois 
Texplique  avec  assez  de  précision  :  ym,  ce  qui  est  grand  h  l'intérieur;  sa* 
convenance  pour  les  Temmes;  la,  direction,  impulsion.  C'est  bien  là  le 
sens  de  :  maîtresse  de  maison. 

*  Les  radicaux  malays  ne  me  donnent  pas  raison  de  cette  qualiflcation. 
Le  chinois,  au  contraire,  l'interprète  et  l'explique  :  wa,  maison,  intérieur; 
no,  ordonner;  ko,  avoir  le  pouvoir  de  faire  :  gouvernante  de  la  maison, de 
l'intérieur. 

*  Le  malay  dayang  signifie  :  dame  d'honneur,  demoiselle  de  condition. 
^  Expression  chinoise  qui,  dans  son  ensemble,  se  rend  par  :  femme  dont 

la  conduite  irrégulière  est  autorisée  par  son  mari. 

<  Voici  le  portrait  qu*en  donne  F.  Ganamaque,  à  la  suite  de  ses  notes 
sur  la  province  de  Zambale,  insérées  dans  les  Bulletins  de  la  Société  acadé- 
mique  indo-chinoise^  année  1881,  p.  169. 

«  Les  Indiennes  sont  d'une  belle  stature.  Elles  ont  de  magnifiques  che- 
veux noirs  et  de  grands  yeux  foncés.  Elles  recouvrent  la  partie  supérieure 
du  corps  d'une  chemise  blanche  en  toile  du  pays.  Cette  chemise  est  parfois 
d'un  grand  prix,  d'une  finesse  transparente  et  blanche  comme  la  neige. 
Elles  portent,  à  partir  des  hanches,  une  robe  à  nombreux  plis,  dont  la 
partie  supérieure  est  recouverte  d'une  jupe  de  couleur  foncée  descendant 
jusqu'aux  genoux  ou  quelquefois  moins  bas,  selon  la  mode,  et  tellement 
serrée  que  les  plis  de  la  robe  en  sortent  comme  les  pétales  de  la  fleur  du 
grenadier  de  leur  calice.  Les  jeunes  filles  ne  peuvent  en  conséquence 
marcher  qu'à  petits  pas,  ce  qui,  en  môme  temps  que  leurs  regards  baissés 
vers  le  sol,  leur  donne  un  air  gracieux  de  modestie  et  de  pudeur.  Leurs 
pieds  nus  sont  chaussés  de  sandales  brodées,  retenues  par  le  petit  doigt 
qui  dépasse  la  chaussure.  » 


606  SÉANCE  DU  7  JOTLLET  4887. 

IX 

Les  croyances  religieuses  chez  les  insulaires  des  Philippines 
sont  aujourd'hui,  au  moins  en  apparence,  ou  musulmanes 
ou  chrétiennes. 

Elles  sont  musulmanes  dans  quelques  parties  des  Yisaya, 
aux  Sfilû  et  à  Mindanao,  où  les  ont  établies  telles  les  Malays 
musulmans  des  dernières  migrations  malayes. 

Elles  sont  chrétiennes  chez  les  peuplades  des  autres  con- 
trées de  Tarchipel  où  les  missionnaires  espagnols  ont  pa 
pénétrer. 

Mais,  aux  temps  préislamiques  et  préoathollques,  les  Insu- 
laires de  l'archipel  philippin  ont  pratiqué  le  culte  des  ancêtres 
et  des  esprits  célestes,  et  les  débris  qui  en  survivent  sont 
d'intéressants  sujets  d'étude  pour  l'ethnique  de  ces  contrées. 

Le  premier,  et  assurément  le  plus  considérable  de  ces  dé- 
bris, est  le  mot  anito, 

VAnito  est  le  dieu  domestique  des  Tagales.  C'est  l'âme  d'un 
ancêtre  ou  des  ancêtres  en  général,  douée  de  qualités  surna- 
turelles et  de  puissance  divine. 

Ce  mot  anilo,  où  se  concentrent,  pour  ainsi  dire,  les 
croyances  religieuses  des  Tagales,  n'est  cependant  pas  un 
mot  de  l'idiome  tagale.  Le  mot  de  cet  idiome  qui,  par  son 
essence  étymologique,  répond  à  la  valeur  ou  à  la  portée  du 
mot  anilOf  est  nonoy  qui,  lui-même,  dérive  du  malay  neneky 
grands-parents,  aTeux.  Quant  au  mot  anitoy  il  est  chinois*  et 
composé  de  trois  mots,  dont  l'ensemble  peut  se  traduire  par  : 
ceux  qui  dorment  ou  reposent  et  dont  les  conseils  doivent 
être  suivis. 

Cet  emploi  fait  par  les  Tagales  du  mot  d'essence  chinoise, 
anitOy  comme  expression  de  leurs  croyances  religieuses,  in- 
dique clairement  que  le  culte  des  ancêtres  leur  vient  des 

«  An  heb,  (0  fêst  as  ftwn  lahour\  to  tlêtp,  to  reposé  (tS34);  To,  to 
engage,  to  do,  to  lay  upon,  to  perform  (10289)  (Morriflon,  DIct.  chinois). 


BEAUnEGAHD.  —   AUX   PHILIPPINES.  507 

Chinois,  chet  qui  oe  culte  est  aussi  ancien  que  la  nation 
chinoise  elle-même. 

XvecVAnitOj  qu'ils  peuvent  invoquer  en  tout  temps  et  à 
tout  propos,  les  Tagales  croient  aussi  avoir  à  leur  dispo- 
sition toute  une  légion  de  divinités  secondaires.  Ils  en  ont 
contre  toutes  les  plaies  et  contre  toutes  les  misères.  Ainsi, 
Lacambui  ^  protège  les  provisions  alimentaires  ;  Lachamba* 
cor*  veille  sur  les  malades;  Im^a*  les  guérit;  le  Corbeau 
divin^  Malupa  ^,  garde  le  sol,  dont  il  est  le  seigneur  et  maître  ; 
tandis  que  Lacampati  *,  divinité  hermaphrodite»  domine  silen- 
cieusement sur  tout  et  sur  tous. 

Et  ce  n'est  point  trop  de  tous  ces  protecteurs  pour  défendre 
les  Tagales  d'assez  nombreux  démons  familiers,  toujours 
prêts  h  les  assaillir,  tels  que  :  Siligan^^  qui  se  plaît  à  manger 
le  foie  de  toute  personne  vêtue  de  blanc  qu'il  rencontre  ;  7\g^ 
balang  ^,  qui  multiplie  ses  formes  pour  multiplier  ses  malé- 
fices ;  Manocolam^i  qui  vomit  le  feu  ;  Magtatangal^y  qui  court, 
la  nuit,  sans  tête  et  sans  entrailles,  et  reprend,  le  jour,  sa 
forme,  et  encore  Macuculan  ***,  Naanayo  ",  Sara  ",  démons 
qui,  pour  n'avoir  point  de  méchant  emploi  avoué,  n'en  sont 
pas  moins  fort  entreprenants  et  dangereux. 


^  Le  malay  me''iangkap'i  signifie  :  pourvoir  quelqu'un  de  oe  qui  est  ué- 
cessftirô. 

Nota.  Me  est  une  particule  préfixe  qui  donne  àu  verbe  nuquel  elle  eit 
'  associée  un  sens  actif. 

'  Je  u'ai  pas  de  radical  malay  pour  expliquer  oe  mot,  mais  le  chinois  me 
donne  pour  l'Interpréter  quatre  mots  qui  peuvent  s'interpréter  :  ne  pas 
s'abandonner  à  la  crainte. 

»  Le  malay  lankaH  signifie  î  franchir. 

•  Le  malay  me-luput  han  signifie  :  délivrer,  affranchir. 
»  Le  malay  tangkap  signifie  :  complet,  complètement. 

•  L'analyse  chinoise  me  donne  pour  ce  mot  :  qui  cherche  à  diviser. 

7  Ting,  arracher,  déchirer;  wa^  creuser  ; /anflf,  \0\3p\  tigbalang,  loup 
cruel  et  dévorant,  d'après  l'analyse  chinoise. 
^  Semant  le  meurtre  et  la  rapine. 

•  Gourant  en  désordre,  cruel  et  envieux. 

*•  Cherchant  avec  avidité  partout  à  prendre. 
"  Vacarme  et  injure. 
>>  Sala,  en  haillons. 


508  SÉANCE  DU  7  JUILLET  1887. 

Langit  '  est  le  ciel,  le  paradis  des  Tagales,  et  Casanaan  *, 
leur  enfer. 

Chez  les  Visaya,  Divnta^  est  rappellaiion  de  YAnitOy  et 
Divata  se  comporte,  chez  les  Visaya,  comme  YAnito  chez  les 
Tagales.  Il  est  là  l'expression  du  culte  des  ancêtres. 

Laon''  est  la  divinité  suprême  et  créatrice  chez  les  Visaya, 
et  Lil'che^,  une  idole  en  grande  vénération. 

Les  Zambales  ont  pour  divinité  grande  et  puissante  Ma- 
ly-ari*^  le  Deus  maximus,  dit  le  vocabulaire  philippin. 

Ces  Zambales  sont  des  peuplades  d'agriculteurs,  aussi  tou-. 
tes  leurs  divinités  s'occupent-elles  des  champs  et  des  récoltes, 
et  toutes  sont  vêtues  de  noms  chinois. 

Anitong  ',  dieu  de  la  pluie,  arrose  les  champs  ;  Calasacas  * 
fait  mûrir  les  céréales  ;  Damalay  *  protège  les  moissons  ;  Du- 
magan  ",  par  surcroît,  s'emploie  à  les  conserver. 

Ifugaos  et  Igorrotes  ont  pour  divinité  suprême  Cabunian}^. 
Cabunian  a  enfanté  deux  couples  divins  :  l'un,  Cabigat  et  Dan- 
guiv}^^  veille  sur  les  Ifugaos  ;  l'autre,  Ubban  et  Bugan^^,  veille 
sur  les  Igorrotes. 

\  Le  ciel,  le  firmament.  Le  malay,  le  javanais,  le  sundanais,  le  dayak,  le 
bisaya  et  le  tagalog  écrivent  langit,  mais  le  makassarais  et  le  boughis  écri- 
ent langi.  Le  malay  kayangan  désigne  plus  particulièrement  le  ciel, 
yéjour  des  esprits  célestes. 

*  Le  malay  naraka  signifie  :  enfer,  régions  infernales,  et  ito-fiaraika-aii, 
qui  est  de  l'enfer,  infernal. 

Nota.  Ka  est  une  particule  prépositive  ;  elle  signifie  :  à,  vers  ;  ainsi  : 
fiatA;  ka-langitt  monter  au  ciel. 

*  Le  malay  dewaUtf  esprits  célestes  ;  dêwala  kamg  ai^kayanganj  les 
Génies  des  demeures  célestes. 

^  Lwan  (Morrison,  7462)  :  oiseau  fabuleux  qui  a  une  valeur  divine. 

B  Leih'Chê  (Morrisonf  7113)  :  prendre  son  parti,  se  résoudre,  résolution. 

*  MôAac-lih  :  la  plus  haute  expression  de  l'origine  et  du  progrès  des 
choses  (Morrison,  7745-6857). 

^  Tung  signifle  :  hiver  ;  antttmy,  génie  de  l'hiver. 

"Qui  fait  croître  les  herbes,  les  céréales. 

^  Qui  multiplie  les  produits. 

10  Qui  assure  la  protection. 

>»  Chaleur  et  fermentation. 

1*  Qui  ne  cultive  pas  les  plantes  folles;  qui  respecte  la  cause  première. 

**  Parfait,  riche  de  bonté. 


BEAUREGARD.  —  AUX  PHILIPPINES.  509 

Les  Igorrotes  ont  de  plus  à  leur  dévotion  Sumabit  et  Bum- 
gan^y  qui,  comme  les  couples  précédemment  indiqués,  sont  à 
la  fois  frère,  sœur  et  époux,  et  Pati^j  dieu  de  la  pluie.  Puis, 
sans  attributions  qui  nons  soient  connues,  toute  une  compa- 
gnie de  divinités  secondaires  :  Ltmantacas*^  Misi^,  Sadi- 
bubu^^  Saman^y  Sipat'^y  Dalig*^  Dasiasoiot^y  Capaiai^^,  ainsi 
que  Ttbougan  eiLirnoan^^y  divinités  féminines. 

Nous  trouvons  encore,  au  service  des  Igorrotes,  Suyan^^y 
à  titre  de  divinité  secondaire,  et  un  prêtre  sacrificateur  : 
Mambunung  *'*. 

Les  Bagobos  de  Mindanao  sont  aussi  fort  abondamment 
pourvus  de  protecteurs  divins.  Lumabat  *\  Taguiama  *•,  Taga- 
/»ma**et  le  couple  divin  formé  de  Todlay  et  de  Todlibon^'^y 
épouse  vierge,  les  défendent  des  maléfices  sans  cesse  ourdis 
contre  eux  par  les  démons,  tels  que  :  Mandarangan  *^,  qui  a 
sa  résidence  au  volcan  Apo;  Sù'ing^  TagamalingyCalambusany 
Camulay  et  Manama. 

Tagbtisau  est  le  dieu  de  la  guerre  chez  les  Manobas. 

Les  Philippins  antérieurs  croyaient  que  les  anitos  ou  nonos 
résidaient  sur  Tarbuste  Talic  nonOyBuddleia  virgatayd'oxx  son 

1  Actif  et  matinal  ;  belle  et  vaillante. 

*  Faire  croître. 

'  Qui  provoque  et  maintient  la  fermentation. 

*  Qui  soigne  le  dz  en  cosse. 
'  Qui  préside  à  la  nuit. 

*  Qui  préside  à  l'agriculture. 
1  Attentif  à  obliger. 

*  La  grandeur  suprême. 

*  Qui  veille  sur  les  malfaiteurs, 
to  Monstre  aux  dents  tordues. 

>^  Qui  calme  le  désespoir,  qui  règle  l'inondation. 
>>  Elxcellence. 
*^  Qui  facilite  la  culture. 

**  Loo^mang-ioac,  qaï  éloigne  les  fous,  ou  bien  aussi,  qui  préserve  de  la 
folie. 
1^  Tang-gae'tna,  qui  calme  les  passions  vives. 
^^  Tang'l§e-ma,  sentiment  qui  nivelle  les  rangs. 
^"^  Ting-leihf  appui  souverain.  Tan-leih-wangt  puissance  suprême. 
*^  Man^tang'lang,  vagabond  affairé. 
1*  St^Mi,  accapareur. 


510  SÉANCE  DU  7   JUILLET   4887. 

nom  indigène  Talic  nono^  qui  a  la  signification  de  «  Ruche 
des  Nonos  ».  A  ce  litre,  cette  planta  a  été  l'objet  d*un  culte 
divin. 

Le  Balete,  Ficus  indica,  est,  dans  Tarchipel  Indien,  comme 
dans  rinde,  Tarbre  vénéré  des  populations  indigènes. 

Les  sorciers,  les  spectres,  lei  amulettes,  toutes  imagina- 
tions de  peuples  naïfs  et  primitifs,  ont,  chez  les  tribus  de  Tar- 
chipel  Indien,  libre  cours  et  créance. 

Le  démon  Patianac  poursuit  les  voyageurs,  le»  pousse  hor» 
de  leur  chemin  et  les  égare.  De  concert  avec  son  compère 
0  Suang  \  Patianac  trouble  les  naissances  et  rend  le»  enfan- 
tements laborieux. 

Mangavayy  à  son  heure,  sorcier  de  bonne  composition, 
sauve  ou  tue  par  ses  incantations. 

Chez  les  Vlcols,  Hodoban,  sorcier  malfaisant,  se  plaît  au 
meurtre  des  populations  et  à  la  destruction  des  habitations. 

Le  sorcier  Manyhalat  a  le  pouvoir  d'énamourer  les  gens. 

Calapitnan  est  le  roi  des  chauves-souris  ;  il  réside  dans  la 
caverne  aux  stalactites  de  Llbmanan,  Gamarine»  du  Nord. 

La  rencontre  du  magu  ou  malmay^  lemur  spectrum^  est  regar« 
dée  comme  fâcheuse  et  de  mauvais  augure  par  les  indigènes 
de  l'archipel  Indien. 

En  dépit  de  la  déférence  qu'ils  témoignent  aux  anito$^  Les 
indigènes  de  Tarchipel  Indien  accusent  ces  patriarches  d*ou- 
tre-tombe  de  leur  prodiguer  le  mal  pamao,  que  l'analyse 
chinoise  de  ce  mot  me  fait  supposer  être  le  rhumatisme 
articulaire  *. 

Les  indigènes  des  Philippines  nomment  antin-antin  une 
amulette  qui  peut  donner  tous  les  bien»  et  préserver  de  tous 
les  maux. 

Ce  môme  mot,  antin-aniin^  ou  anting-anling^  signifie  :  pen- 
dants d'oreilles. 

Cette  double  signification,  attribuée  au  mot  antin''Qntin^ 

1  Méchant  et  sournoii. 

<  Pa  (8102),  a  disecue  of  the  tendons  orjohUs  :  mal  des  oarlilaget  ou  des 
articulations  ;  ma  (7741)  :  sensation  ;  hwu  (2923)  :  vioUote  (Morrison). 


BEAUREGARD.  —  AUX   PHILIPPINES.  511 

peut  expliquer  Tasage  géDéral  des  pendants  d'oreilles  chez 
les  indigènes  des  deux  sexes  et  aussi  la  solennité  avec 
laquelle  se  fête,  en  famille,  l'opération  du  percement  du  lobe 
des  oreilles. 


J'arrête  là  l'examen  du  vocabulaire  philippin  ;  non  pas  que 
je  croie  en  avoir  extrait  toutes  les  confidences  possibles,  mais 
parce  que,  bien  qu'elle  soit  courte,  Tétude  que  j'ai  faite  de 
quelques  mots  de  ce  vocabulaire  m'a  fourni  les  attestations 
dont  j'avais  besoin  pour  affii:mer  l'origine  première  de  chacun 
des  types  ethniques  dont  le  métissage  a  constitué  Tensemble 
pré-espagnol  des  populations  de  l'archipel  des  Philippines,  ce 
qui  était  le  but  de  ce  travail. 

L'analyse  de  quelques  mots  du  vocabulaire  philippin  me 
permet,  en  effet,  d'affirmer  que  l'ensemble  pré-espagnol  des 
populations  de  l'archipel  philippin  a  pour  origine  des  migra- 
tions de  Malays  et  de  Chinois  du  continent,  qui  se  sont  super- 
posés aux  négritos  aborigènes  ; 

Que  ces  populations  sont  assurément,  dans  des  proportions 
plus  malayes  que  chinoises  et  négrito  et  plus  chinoises  que  né- 
gritOjdes  populations  métisses  malayes,  chinoises  et  négrito  ; 

Qu'elles  ne  sont,  dans  ces  conditions,  l'expression  fidèle  et 
primitive  ni  du  type  malay  pur,  ni  du  type  chinois  pur,  ni  du 
type  négrito  pur  ; 

Qu'elles  sont,  dans  leur  caractère  intellectuel,  malayes  pur 
l'industrie  de  la  mer,  chinoises  par  leur  éducation  agricole,  et 
chinoises  encore  par  le  mysticisme  de  leur  culte  des  ancêtres 
et  des  esprits. 

J'ajoute  que  l'absence  de  toute  pratique  bouddhique,  chez 
ces  mêmes  populations,  peut  «nous  autoriser  à  placer,  avec 
quelque  justesse  d'appréciation,  l'époque  de  la  plus  grande 
intensité  de  migration  des  Malays  et  des  Chinois  du*  conti- 
nent aux  îles,  à  une  date  voisine,  en  deçà  ou  au  delà,  du  dé- 
but de  notre  ère  occidentale* 


512  SÉANCE   DU   7    JUILLET   1887. 

Au  cours  de  cette  étude,  j'ai  noté,  à  1-occasion,  quelques 
noms  géographiques  qui  relèvent  des  temps  antéphilippins, 
et,  en  assez  grand  nombre,  des  noms  de  tribus  d'origine  ma- 
laye  dès  longtemps  établies  dans  Tarchipel.  De  ces  titres  géo- 
graphiques et  de  ces  dénominations  de  tribus,  j'ai  dressé  deux 
listes  alphabétiques,  que  je  donne  en  appendice,  pour  aider, 
autant  qu*il  m'est  possible^  à  la  connaissance  plus  intime  de 
l'archipel  philippin. 


QUELQUES  NOMS  ANTARTSURS  DE  LA  gAOGRAPBIS  OSS  PHILIPPINES. 


AbuyOy 


Achan, 
Bagatao, 

BagUUf 

Bahi  ^laguna  de), 

Balayan, 

Calaga  ou  Calagan, 
CalUayay 

CamarineSt 


CanUaiOf 
Caraga, 


Comintana, 

Cubuiy 
IbabaOy 
Ibalon^ 
Uocos, 


Mail  (pays  des  Noirs?), 

Maluco, 

Oton  ou  Oiong, 


Ancien  nom  de  llle  de  Leyle.  (^e  nom  a  été  re- 
tenu par  un  village  de  cette  lie,  le  paeblo 
AbuUo  d'Abuyog» 

Ancien  nom  des  tles  Samar, 

Ancien  nom  du  port  de  Sorsogon,  proyince 
à'Albayy  Luçon. 

Nom  qu'a  porté  l'Ile  de  Negros. 

Ancien  nom  de  la  lagune  de  Bay, 

Ancien  nom  de  la  province  de  Balangas  ;  un 
pueblo  a  retenu  ce  nom. 

Ancien  nom  de  la  partie  orientale  de  Mindanao. 

Nom  qu'a  porté  la  province  de  TayabaSy  Luçon, 
aux  seizième  et  dix-septième  siècles. 

Avant  1825,  nom  de  la  contrée  qui  comprend 
aujourd'hui  les  province  de  Camarines  nord  et 

Camarmes  sud. 

Un  des  anciens  noms  de  l'tle  de  Samar, 

Ancien  nom  de  la  partie  de  Mindanao  qui,  depuis 
le  commencement  du  dix-neuvième  siècle, 
comprend  les  provinces  de  Surigao,  BisUg  et 
Davao, 

Nom  qu*a  porté  la  province  de  Batangat  aux 
seizième  et  dix-septième  siècles. 

Ancien  nom  de  l'tle  de  Cébu. 

Un  des  anciens  noms  de  l'tle  de  Samar. 

Ancien  nom  du  pays  à'Albay. 

Ancien  nom  de  la  contrée  qui  comprend  aujour- 
d'hui les  provinces  de  la  C/htott,  d'/toco^  nord 
et  d'ilocoi  sud. 

Nom  qu*a  porté  Tlle  de  Mindoro  au  seizième 
siècle. 

Dénomination  tagalf^  des  Moluques, 

Ancien  nom  de  la  contrée  située  sur  la  côte 
orientale  de  la  province  IkhUOt  tle  de  Panay. 


BBAURBGARD.  —   AUX  PHILIPPINES. 


513 


Pampanga, 
Pangatinan, 

Paniqui,  Paniguij 

Pau, 
Quipit, 

SabanUla, 


Sogbu, 

TagtUma, 

Tenpaya, 

Zebuy  Zubu,  Zubut^ 


Nom  primitif  de  tuçon» 

Ancien  nom  de  la  province  aotnelie  des  Zani' 
haies. 

Nom  d'un  district  de  mission  au  dix-septième 
siècle. 

Ancien  nom  des  tles  Palaos  ou  Pelew, 

Ancien  nom  des  côtes  de  Mindanao,  entre  la 
pointe  de  Gorda  et  Dapitan, 

Nom  d'un  petit  fort  que  les  Espagnols  construi- 
sirent en  1638  à  l*embouohure  du  Rio-Grande 
de  Mindanao. 

Ancien  nom  de  Ttle  et  de  la  ville  de  Cébu. 

Ancien  nom  de  l'tle  de  Basitan* 

Un  des  anciens  noms  de  l'tle  de  Samar, 

Anciens  noms  de  Ttle  et  de  la  ville  de  Cébu. 


PBTJPLADIS  D'ORIOINB  M4LAYB  AUX  PHILIPPINES. 


Buriks, 
Busaoi, 

CagayaneSf 
CalingaSy 
Caracas, 
Cuaman  (los  de), 
Gaddanes, 

GamunangeSy 
Guiangas, 
GuimbaSf  j 

Guimbaj'anos,     > 
Itrilaas, 

Ifugaos, 

IfumangieSi 

Igorrotes, 

Iléabanes, 

lUanos^  i 

lUanunit  Lanum,    ) 
Ilocanos, 
Hongotetf 

T.  Z  (3*  SÉRIE}. 


Peuplades  de  chasseurs  de  têtes,  qui  parlent 
rigorrote.  Ce  sont  les  Igorrotes  proprement 
dits. 

Peuplade  malaye  de  Luçon  nord. 

Peuplades  malayes  à  Test  de  Luçon  nord. 

Peuplade  malaye  des  côtes  de  Mindanao  oriental. 

Tribu  manobo  entre  Rio-Hijo  et  Caraja. 

Peuplade  malaye  de  chasseurs  de  têtes  du  nord- 
ouest  de  Luçon. 

Peuplade  malaye  do  la  province  de  Cagayan. 

Peuplade  malaye  de  Mindanao. 

Peuplade  malaye  du  centre  de  l'île  de  Sulu. 

Peuplade  malaye  de  chasseurs  de  têtes  du  centre 

de  Luçon. 
Peuplade  malaye  de  chasseurs  de  têtes  de  la 

Nueva-Viscaya,  Luçon. 
Peuplade  malaye  de  chasseurs  de  têtes,  Luçon 

nord. 
Peuplade  de  chasseurs  de  têtes  de  Luçon  nord. 

Les  Igorrotes  sont  d'origine  malaye.  Le  mot 

igorrote  signifie  :  sauvage,  païen. 
Peuplade  malaye  de  chasseurs  de  têtes  de  Luçon 

nord. 
Nom   des  peuplades  malayes  musulmanes  des 

bords  de  la  baie  Illana  et  de  la  mer  Malanao. 
Peuplade  malaye  de  la  province  d*Ilocos. 
Peuplade  malaye  de  chasseurs  de  têtes  du  centre 

de  Luçon. 

33 


814  SÉANCE  DU  7  JUILLET   1887. 

Jrayas,  Peuplade  malaye  de  l'eat  de  Luçon  nord. 

Isinayes,  Peuplade  malaye  du  oeutre  de  Luçon. 

itaUmeSy  Peuplade  malayli  de  chasseurs  de  têtes  du  centre 

de  Luçon. 
Peuplade  malaye  de  Cagayan. 
Peuplade  malaye  de  chasseurs  de  têtes  du  nord 

de  Luçon. 
Habitants  musulmans  de  Basilan,de  race  malaye. 
Peuplade  malaye  du  centre  de  Luçon. 
Voir  Illanos. 
Peuplade  malaye  musulmane  de  la  presqu'île  de 

Subuguey,  à  Mindanao. 
îllanos  qui  habitent  au  nord  de  la  mer  de  Ma- 

lanao. 
Peuplade  malaye  fortement  imprégnée  de  sang 

n^grito,  au  nord>est  de  Mindanao. 
Peuplade  d'origine  malaye^  à  Test  et  au  sud  de 

Mindanao. 
Peuplade  malaye  de  Mindanao. 
Peuplade  malaye  de  Mindoro  et  de   Romblon. 
Peuplade  malaye  de  Mindanao. 
Peuplade  malaye  de  ooupeurs  de  tètes  du  centre 

de  Luçon. 
Malays  musulmans  du  sud  de  l'archipel. 
Peuplade  malaye  de  Panay  et  de  Gcbu. 
Peuplade  malaye  de  Cagayan,  Luçon. 
Habitants  des  bords  de  la  lagune  de  Bay. 
Peuplade  malaye  de  la  province  de  Pamponga. 


ItaveSt 

IMapanes,  i 

Itetapaanes,         S 

JacaneSy 

Jumangi, 

lanum,  Ulamme,  ÎUanas, 

Lutaos^  LutayuSy 

hIalanaoSf 

Mamanuas  (hommes  des  i 
forêts),  \ 

MandayaSy 

ManguangaSt 
ManguianeSy 
Manobos  (brutes), 
MayoyaoSy 

JWoro, 

MundoSy 

NabayuganeSf 

Pagasilangancs, 

Pampangas, 

PannipuyeSt  i 

Pamipuyes^  S 

Quianganet, 

Sabanos, 

Samcacas, 

SanguileSf 

Silipanes, 

Tagacaolas,  J 

TagalaogoSy  ) 

Tagalos, 

TegurayeSf 

TingueSy  i 

TinguianeSf  \ 

TtrulayeSy 

Vicols, 


Peuplade  malaye  de  Luçon. 

Tribu  de  Mayoyaos  (Malays). 

Tribu  malaye  des  montagnes  et  de  la  presqu'île 

de  Subuguey,  à  Mindanao. 
Tribus  malaycs  du  centre  de  Basilan. 
Tribu  malaye  du  centre  de  Mindanao. 
Tribu  de  Mayoyaos, 

Peuplade  malaye  du  sud  de  Mindanao. 

Peuplade  malaye  de  Luçon  et  de  Mindanao. 
Peuplade  de  Malays  musulmans  de  la  province 
de  Bio-Qrande  à  Mindanao. 

Peuplade  malaye  du  nord-ouest  de  Luçon. 

Peuplade  malaye  pauvre  du  district  de  Cotabato. 

Ce  n'est  peut-être  qu'une  tribu  de  Manabas, 
Peuplade    malaye,    presqu'île    de    Camarinet^ 

Luçon. 


BEAUREGARD.  —  AUX   PUlUPPlNES.  5iS 

Vilanes,  Peuplade  malaye  du  sud  de  Mindanao. 

Visaya^  Peuplades  malayes.  Iles  du  même  nom. 

Zamôals,  Peuplades  malayes  de  Luçon». 


Disûussion. 

M.  Letourneau  demande  à  M.  Beauregard  s^il  pourrait  in- 
diquer la  date  approximative  de  l'introduction  en  Malaisîe 
du  gouvernail  monté  sur  gonds  et  rappelle  que  toute  Tanti- 
quité  gréco-latine,  de  même  que  l'Egypte  ancienne,  a  ignoré 
le  gouvernail. 

M.  0.  Beauregard  ne  possède  encore  aucun  renseignement 
pouvant  éclairer  cette  question  intéressante.  La  plupart  des 
navires  malays  naviguant  sans  lest,  sont  alors  munis  de  balan- 
ciers; cette  disposition  exige  un  système  spécial  de  gou- 
vernail. 

Quand,  dans  de  prochaines  communications,  M.  OUivier 
Beauregard  s'occupera  des  grandes  navigations  des  Malays 
vers  Touest  jusqu'à  Madagascar,  il  aura  alors  .l'occasion  de 
parler  du  gouvernail  dans  la  marine  des  Malays. 

M.  Drouadlt  fait  observer  que  la  batellerie  de  la  Loire  est 
encore  dirigée  par  la  piaute,  espèce  de  gouvernail  fixe  qui 
s'incline  en  biais  sur  un  bord  ou  sur  l'autre.  Il  lui  paraît  évi- 
dent que  son  emploi  a  dû  précéder,  dans  nos  contrées,  celui 
du  gouvernail  suspendu  sur  gonds. 

>  Consulter  :  Vocabulaire  de  locutions  et  de  mots  particuliers  à  V espagnol 
des  Philippines,  par  le  professeur  Ferdinand  Blumentrilt,  traduit  par 
A.  Hugol  (Bull,  de  ta  Société  académique  indê-chinoii$  de  France,  V  série, 
t.  II,  anuées  1882,1883). 


516  SÉANCE  DU  7  JUILLET  1887. 


RAPPORTS  SCIENTIFIQUES. 

Rapport  4e  U  contHilasloB  pour  l'étvde  éem  éeliMittlIoss 
de  eheveux  rapportés  par  H.  de  lljffolvy  de  son  voyage 
daasriiide; 

PAR   M.    DEImBR^ 


Messieurs, 

Nous  avons  examiné  soigneusement  les  125  échantillons 
de  cheveux  rapportés  par  M.  de  Ujfalv}\  La  moitié  de  ces 
échantillons  (64)  se  rapportent  à  la  population  balti  de 
Cachemir  ;  le  reste  provient  des  populations  diverses  du 
Lahoul,  de  Gachemir  et  du  Ladak. 

Nous  avons  étudié  ces  échantillons  au  point  de  vue  de  la 
couleur  et  de  la  nature  des  cheveux.  Malgré  la  difficulté 
d*établir  nettement  la  couleur  d'après  le  tableau  chroma- 
tique de  Broca,  nous  les  avons  quand  même  classés  d'après 
les  numéros  de  ce  tableau.  Quant  à  la  nature  des  cheveux,  il 
était  souvent  difûcile  de  se  prononcer,  attendu  que  les  échan- 
tillons assez  courts  ne  donnent  pas  Tidée  de  la  forme  qu'au- 
raient les  cheveux  en  grande  masse  et  relativement  longs  ; 
en  outre,  la  graisse  ou  les  matières  oléagineuses  dont  sont 
enduits  certains  cheveux  leur  communiquent  une  souplesse 
qui  n'est  point  naturelle,  tandis  que  d'autres  échantillons, 
desséchés  dans  les  tubes,  se  présentaient  peut-être  plus  durs, 
moins  fins  au  toucher,  qu'ils  n'étaient  sur  l'individu  vivant» 

Nous  n'avons  pas  tenu  compte  des  cheveux  qui  commen- 
çaient à  blanchir,  ni  de  ceux  qui  nous  ont  paru  teints  artifi- 
ciellement en  couleur  rougeâtre  et  sur  lesquels  on  voyait 
encore  les  parcelles  de  la  couleur  (peut-être  le  khené^  comme 
chez  les  Persans?). 

Ceci  dit,  voici  les  résultats  de  nos  observations  : 

Nous  avons  classé  toud  les  cheveux  en  deux  catégories^ 

*  La  commiwiou  se  compote  de  MM.  Dally»  Hervé  et  Deniker. 


DENIKER.  — '  ÉCHANTILLONS  DE  CHEVEUX  DE  L*INDE.   S17 

quant  à  la  couleur  :  bruns  et  noirs  d'une  part,  blonds  et  char 
tains  de  l'autre.  En  ce  qui  concerne  la  nature  des  cheveux, 
nous  avons  adopté  trois  catégories  :  cheveux  droits,  raides  ; 
cheveux  /îrw,  pour  la  plupart  ondes  ou  bouclés;  cheveux  m- 
termédiaires^  assez  fins  ou  légèrement  grossiers^  le  plus  souvent 
droits,  mais  quelquefois  légèrement  ondulés. 

Dans  le  tableau  suivant,  on  voit  la  répartition  des  échan- 
tillons entre  ces  catégories. 

Cheveux 

blonds       noin    raides     fins 
Nooibre       Noms  des  peuplades.  ou  on         et         et       intermé- 

d*6cbantiUoDS.  châtains,  brans,  droits,  ondulés,  diaires. 

I.  Ballis. 

SO    1)  De  Scbiger 4  16  8  8  4 

14    S)  De  Karkitchou »  14  10  2  2 

il    3)DeParkouU »  11  6  I  4 

19    4)DeSkar(io 1  18  10  »  9 

64  Ballis  en  général..      5         59        34       11        19 

6  II.    Dardons  Brokdas. . .      »  6         5  n         1 

18    III.  Ladakis »         18        11  »         7 

13    IV.  Koulous I»  13        10  1  2 

7  V.    Lahoulis» >»  7  4         12 

7    VI.  Tibétains »  7         4         1         2 

1    VII.  Caohmiris* »  1  1  »         » 

Comme  conclusion,  on  peut  dire  que  toutes  les  populations 
en  question,  sauf  les  Baltis,  ont  les  cheveux  presque  exclusi- 
vement noirs,  pour  la  plupart  droits,  raides  et  grossiers.  Les 
Baltis  ont,  au  contraire,  les  cheveux  parfois  blonds  ou  châ- 
tains et  souvent  ondulés  ou  bouclés.  Ces  résultats^  sont  en 
parfait  accord  avec  ceux  que  votre  rapporteur  a  eu  déjà 
l'honneur  de  vous  présenter,  il  y  a  cinq  ans'  ;  ils  sont  en 

1  Sur  onze  échantillons  de  cheveux  de  Lahonlis,!!  y  en  avait  trois  teints 
artificiellement  et  un  blanchi. 

*  Sur  quatre  échantillons,  deux  étaient  teints  artificiellement  et  un 
paraissait  être  atteint  d'une  maladie  ayant  complètement  altéré  sa  colori^- 
tion  normale. 

5  Deniker,  Rapport  sur  les  mensurations  des  différents  peupUs  de  la  haute 
vallée  de  Vlndus  (BulL  de  la  i$QC.  d'anihrop.,  1882,  p.  73). 


518  SÉANCE  DU  2i    JUILLET   1887, 

même  temps  la  confirmation  des  observations  directes,  faites 
par  notre  collègue,  M.  de  Ujfalvy*,etdontil  vous  a  entretenus 
à  la  même  époque.  La  conformité  va  jusqu'aux  détails  ;  ainsi 
le  nombre  de  blonds,  parmi  les  Baltis,  était,  d'après  les  pre- 
mières observations  de  M,  de  Ujfalvy  et  mes  calculs  *,  de 
2  sur  2i  •  Aujourd'hui,  nous  trouvons  5  sur  64,  à  peu  près  la 
même  proportion. 
La  séance  est  levée  à  cinq  heures  et  demie. 

L'un  de$  secrétaires  :  faitvellb. 


UT  SÉANCE.  —  SI  juillet  1887. 

Préflldenee  de  M.  MAOlTOl',  ppésldenl» 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

A  propos  du  procès-verbal. 

Sur  le  gouvernail.  —  M.  Letourneau.  Je  demande  la  per- 
mission de  développer  un  peu  la  courte  mention  du  procès- 
verbal  relativement  aux  quelques  paroles,  dites  par  moi,  sur 
l'introduction  du  gouvernail  en  Malaisie.  Ce  fait  particulier 
se  rattache  à  Thistoire  de  l'invention  du  gouvernail,  que  je 
résumerai  en  quelques  mots. 

Aucun  peuple  sauvage  ne  connaît  ni  n'a  connu  le  gouver- 
nail. Toutes  les  embarcations  primilives  se  gouvernent  à  la 
pagaie  et,  si  elles  sont  de  grandes  dimensions,  au  moyen  de 
deux  pagaies  placées  à  l'arrière.  Tune  de  chaque  côté.  D'autre 
part,  toute  TÉgypte  ancienne  et,  ce  qui  est  plus  étrange,  toute 
l'antiquité  gréco-latine,  ont  ignoré  le  gouvernail.  L'iconogra- 
phie  antique  nous  montre  des  navires  gouvernés,  comme  les 
grandes  pirogues  sauvages,  au  moyen  de  deux  grands  avirons 
(gubemaculum)  placés  à  l'arrière.  Par  contre,  la  Chine  con- 

*  Ch.  de  Ujfalvy,  Voyage  dans  l'Himalaya,  etc.,  même  recueil,  1882, 
p.  217. 
«  Denikep,  toc,  c«7.,  p.  77, 


naît,  de  temps  immémorial,  le  gouvernail  ;  elle  a  même  des 
variétés  savantes  de  gouvernail  :  de  larges  gouvernails  ajou* 
réSy  des  gouvernails  à  coulisses  pouvant  plonger  plus  ou 
moins  dans  Teau.  Je  serais  porté  à  croire  que  le  gouvernail, 
primitivement  inventé  par  les  Chinois,  a  été  transmis  aux 
Arabes  et  emprunté  à  ces  derniers  par  les  Européens,  à 
Tépoque  des  croisades. 

Inauguration  de  la  statue  de  Broca. 

M.  GoLUGNON  demande  à  quelle  date  aura  lieu  Tinaugura- 
tion  de  la  statue  de  Broca. 

M.  LE  PRÉsmENT.  L'époquo  est  encore  indécise. 

M.  TopiNARD.  Elle  peut  être  faite  à  bref  délai.  Je  pense  qu'il 
serait  trop  tard  d'attendre  après  les  vacances.  Du  reste,  la 
Commission  ne  s'étant  pas  réunie,  c'est  au  Bureau  de  la  So- 
ciété d'anthropologie  d'intervenir. 

M.  Letourneàu.  8i  l'inauguration  ne  doit  pas  être  remise 
après  les  vacances,  il  faut  se  hâter.  Cette  cérémonie  ne  peut 
être  faite  incognito.  Toute  simple  qu'elle  puisse  être,  il  est 
indispensable  de  lui  donner  le  caractère  scientifique  qu'elle 
comporte. 

M.  Ploix.  La  Commission  va  se  réunir;  elle  avisera. 

CORRESPONDANCE. 

M.  le  Secrétaire  général  donne  lecture  d'une  lettre  du 
Président  de  l'Association  française  pour  l'avancement  des 
sciences,  invitant  la  Société  d'anthropologie  à  envoyer  un 
délégué  au  Congrès  de  Toulouse,  qui  aura  lieu  du  22  au 
30  septembre  prochain. 

M.  Sanson  ne  comprend  pas  bien  le  rôle  qu'un  délégué 
peut  remplir  dans  cette  circonstance. 
.  M.  Drouault.  C'est  une  habitude  qui  date  de  la  fondation 
de  TAssocialion.  Son  but  est  de  permettre  aux  différentes 
sociétés  savantes  de  se  faire  rendre  compte  des  travaux  qui 
peuvent  les  intéresser  spécialement. 


520  SÉANCE  DU  21   JUILLET  1887. 

Beaucoup  de  membres  de  la  Société  devaut  assister  au 
Congrès  à  différents  titres,  il  est  passé  à  Tordre  du  jour. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

Benzengre.  Le  Nanisme.  Moscou,  1887,  Brocb.  in-8<», 
17  pages,  en  russe. 

Roter  (Clémence).  Conférence  transformiste  de  la  Société 
d^ anthropologie  :  C Évolution  mentale  dam  la  série  organique. 
{Revue  scientifique  des  H  juin  et  16  juillet  1887). 

MoMBELLO  (P.  di).  L'Evoluzione  geologica  inorganica,  ani- 
male ed  umana.  Foligno,  1887,  in-12,  534  pages. 

BoEMUs  (Joannes).  Mores^  leges  et  ritus  omnium  gentium, 
Lyon,  1539,  in-18,  3i\  pages,  offert  par  M.  Letourneau. 

Revue  d'anthropologie,  4'*  fascicule  de  1887,  seizième  an- 
née. 

M.  TopiNARD,  en  offrant  ce  fascicule,  énumère  les  princi- 
paux travaux  originaux  qu'il  contient: 

La  Poterie  en  Belgique  à  l'âge  du  Mammouth  (quaternaire 
inférieur)^  par  M.  Julien  Fraipont,  professeur  de  géologie  à 
Liège,  et  M.  Ivan  Braconier  ; 

La  Sélection  ethnique  et  la  Consanguinité  chez  les  Grecs  an* 
ciens^  par  M.  E.  Daily  , 

Description  et  Mensw*ation  d'une  série  de  crânes  kirghis 
offerts  au  musée  Broca  par  le  docteur  Seeland,  par  M.  Topi- 
nard  ; 

Le  Musée  Guimet,  par  M.  Comte  ; 

V  Homme  quaternaire  de  C  Amérique  du  Nord,  par  M.  Topi- 
nard. 

Parmi  les  Revues  et  les  Actualités  qui  suivent,  M.  Topinard  si- 
gnale un  article  sur  un  cas  de  polydactylie  chez  le  chat,  qui 
a  été  rigoureusement  suivi,  sur  sept  générations,  en  Angle- 
terre, et  qui  va  donner  lieu  à  une  expérience  curieuse,  celle 
de  la  ségrégation  d'un  couple  de  ces  animaux  dans  une  île 
déserte  de  Tarchipel  de  Madère  et  de  son  abandon  à  lui* 
même* 


OUVRAGES  OFFERTS.  521 

M.  Topinard  revient  sur  l'un  des  mémoires  précédents, 
très  remarquable  à  tous  les  points  de  vue,  et  qui  semble  juger 
une  question  préhistorique  très  controversée,  celle  de  Vexis- 
tence  de  la  poterie  à  Pépoque  paléolithique.  Ce  mémoire,  par 
MM.  Praipont  et  Braconier,  se  divise  en  trois  parties  répon- 
dant à  trois  trouvailles  récentes  de  poterie  à  l'époque  du 
mammouth  :  l'une  dans  la  célèbre  grotte  d'Engis,  près  de 
Liège  ;  l'autre  dans  celle  de  Spy^  dont  on  a  déjà  parlé  ici  ;  la 
troisième  dans  la  grotte  du  Petit-Modave.  La  plus  étendue 
de  ces  trois  parties  est  la  première. 

Les  grottes  d'Engis  sont  au  nombre  de  trois.  L'une  d'elles 
a  été  fouillée  en  premier  lieu  par  Schmerling,  qui  y  a  recueilli 
entre  autres  les  deux  crânes  humains  fameux  dits  cfEngis; 
en  second  lieu,  par  M.  E.  Dupont,  qui  y  a  recueilli  un  cubitus 
humain  avec  des  ossements  d'(/rsu5  spelxus  et  de  rhinocéros, 
et  en  troisième  lieu,  dernièrement,  par  M.  Fraipont. 

C'est  dans  un  couloir,  jusqu'ici  inexploré  et  obstrué  par  un 
bloc  tombé  de  la  voûte,  que  M.  Fraipont  a  recueilli  de  ses 
propres  mains,  sans  qu'aucun  ouvrier  soit  intervenu,  sauf 
pour  charrier  les  débris  au  dehors  :  i*  des  os  de  Rhinocéros 
tichorhinusy  d'Elephas  primigenius  et  de  Hyena  spelœa,  trois 
animaux  caractéristiques  du  quaternaire  inférieur  ;  2*  une  cin- 
quantaine de  silex  du  type  du  Moustier  ;  3**  la  poterie  qui  fait 
l'objet  du  mémoire,  le  tout  empâté  dans  une  masse  stalacti- 
forrae  qu'il  fallait  briser  à  coups  de  hache  et  dans  le  niveau 
ossifère  dit  supérieur.  Avec  les  divers  fragments  recueillis, 
on  put  reconstituer  le  vase  dont  la  figure  est  donnée  dans  la 
Bévue.  Il  pouvait  contenir  un  litre  de  liquide,  n'a  dû  jamais 
aller  au  feu  et  devait  servir  simplement  à  conserver  de  l'eau. 
On  sait  que  les  grottes  d'Engis  sont  presque  inaccessibles  et 
que  la  nécessité  d'avoir  un  réceptacle  pour  apporter  de  l'eau 
aux  vieillards  et  enfants  réfugiés  dans  cet  antre  était  tout  à 
fait  urgente.  La  pâte  et  la  façon  de  ce  vase  étaient  telles,  que 
M.  Fraipont  n'hésite  pas  à  le  considérer  comme  très  inférieur 
à  la  poterie  néolithique,  comme  la  première  étape  timide  dans 
la  voie  de  la  céramique,  La  grotte  elle-même  a,  du  reste, 


522  SÉANCE  DU  21  JUIU.ET  1887. 

fourni  la  matière  première  du  vase,  car  M,  Fraipont,  après 
plusieurs  essais,  a  réussi  à  façonner  et  à  cuire,  en  prenant 
cette  matière,  un  vase  semblable  comme  pâte  et  aspect  au 
vase  ci-dessus. 

Cette  partie  du  mémoire  de  M,  Fraipont  se  termine  par  une 
argumentation  contre  Topinion  de  M.  de  Mortillet  que  les 
deux  crânes  trouvés  à  Engis  par  Schmerling  sont  de  Tépoque 
robenbausienne.  Cette  partie  se  termine  ainsi  : 

tt  II  reste  acquis  que,  dans  le  couloir  de  droite  de  cette 
grotte,  se  trouvait,  sous  une  épaisse  couche  de  stalagmite, 
un  dépôt  ne  présentant  aucune  trace  de  remaniements  et  con- 
tenant la  faune  typique  de  l'âge  du  mammoutb,  sur  une 
longueur  de  20  mètres,  avec  cinquante  silex  du  type  mous- 
térien,  un  petit  polissoir  en  grès,  un  fragment  d'oligiste  et 
une  poterie...  » 

«  Je  conclus,  ajoute«t-il  plus  bas,  ce  qui  suit  : 

«  1®  La  deuxième  caverne  d'Engis  a  d'abord  été  un  repaire 
d'hyènes,  au  début  de  Tftge  du  mammoutb  (deuxième  niveau 
ossifère)  ; 

«  2°  Elle  a  ensuite  été  habitée  par  l'homme  moustérien,  fa- 
bricant de  la  première  poterie,  vers  la  fin  de  Tâge  du  mam- 
mouth (premier  niveau  ossifère)  ; 

((  3®  Elle  a  été  visitée  et  peut-être  habitée  par  l'homme 
magdalénien  (âge  du  renne)  (brèche  osseuse  qui  recouvre  le 
niveau  ossifère  supérieur  dans  la  chambre  principale)  ; 

«L  4*  Elle  a  pu  être  visitée,  à  Tépoque  robenbausienne,  par 
l'homme  néolithique,  qui  l'aurait  choisie  pour  enterrer  ses 
morts.  » 

Je  regrette,  dit  M.  Topinard,  de  ne  pouvoir  vous  résumer 
ici  même  Tbistoire  de  la  poterie  de  la  grotte  duPetit-Modave, 
qui  est  fort  intéressante. 

En  somme,  ce  mémoire  est|écrit  avec  une  lucidité  et  une 
intelligence  parfaites  du  sujet,  qui  entraînent,  je  l'avoue,  une 
complète  conviction  chez  le  lecteur.  La  doctrine  adverse  aura 
fort  à  faire  pour  résister  à  cet  ensemble  de  preuves  en  faveur 
de  la  poterie  paléolithique. 


OUVRAGES  OFFERTS.  5Î3 

Auguste  Broca.  Sur  le  siège  exact  de  la  fissure  alvéolaire 
dans  le  bec-de-lièvrè  complexe  de  la  lèvre  supérieure.  Ses  rela- 
lions  avec  le  système  dentaire  (Extr.  des  Bull.  Soc.  anat.,  4887). 

M.  TopiNARD.  Le  travail  que  j'offre  de  la  part  de  son  auteur 
est  le  premier,  se  rattachant  à  l'anthropologie,  de  Tun  des 
fils  de  riUustre  fondateur  de  la  Société  d'anthropologie. 

Jusqu'à  ce  jour  on  croyait  que  le  bec-de-lièvre  était  géné- 
ralement dû  à  la  persistance  de  la  fente  qui  sépare,  à  Tétat 
embryonnaire,  l'os  intermaxillaire  et  Tos  maxillaire  et  qu'il 
n'y  avait  qu'un  os  intermaxillaire  ou,  si  Ton  veut,  deux 
'  08  intermaxiilaires,  pairs. 

M.  Auguste  Broca,  reprenant  une  idée  de  M.  Albrecht,  a 
démontré,  en  se  servant  notamment  des  pièces  que  renferme 
notre  musée,  qu'il  y  a  un  intermaxillaire  médian  et  deux 
latéraux  on,  si  l'on  préfère,  deux  intermaxillaires  internes  et 
deux  externes,  et  que  dans  la  généralité  des  cas,  le  bec-de- 
lièvre  est  dû  au  défaut  de  suture  d'un  intermaxillaire  interne 
avec  l'intermaxillaire  externe  voisin.  Ce  qu'on  peut  exprimer 
encore,  en  se  reportant  à  l'embryon,  en  disant  que  le  bec- 
de-lièvre  est  dû  au  défaut  de  réunion,  en  bas,  du  bourgeon 
nasal  interne  ou  médian  et  du  bourgeon  nasal  externe. 

Voici,  du  reste,  ses  conclusions  textuelles  : 

1°  Le  bec-de-lièvre  complexe  vulgaire  sépare  l'incisive 
médiane  de  l'incisive  latérale.  Il  ouvre  la  narine  ; 

2°  Quand  il  est  bordé  par  la  canine  et  par  une  incisive, 
généralement  l'incisive  latérale  manque  et  rincisive  médiane 
est  celle  qui  borde  le  second  côté  de  la  fissure  ; 

3**  Dans  le  bec-de-lièvre  bilatéral,  le  tubercule  osseux  porte 
généralement  deux  incisives.  Quand  il  en  porte  quatre,  les 
deux  latérales  sont  souvent  complémentaires,  Tincisive  pré- 
canine existant  sur  la  lèvre  externe  de  la  fissure  ; 

40  Aussi  est-il  possible  que  quelques  cas,  où  la  fissure 
passe  entre  la  canine  et  deux  incisives  de  ce  côté,  soient 
explicables  par  la  combinaison  de  l'atrophie  de  Tincisive  la- 
térale et  de  l'existence  d'une  incisive  supplémentaire  ; 

5^*  Il  ne  faut  pas  nier  cependant  le  bec-de-lièvre  tel  qu'on 


524  SÉANCE  DU  21   JUILLET    1887. 

le  comprenait  autrefois.  Son  existence  seule  peut  expliquer 
la  fente  faciale  qui  n'ouvre  pas  la  narine  ; 

6**  La  théorie  des  quatre  bourgeons  nasaux  formant  les 
quatre  os  intermaxillaires  est  celle  qui  explique  le  mieux 
les  faits  ; 

V  Peut-être  le  bec^de-lièvre  est-il  souvent  causé  par  un 
défaut  de  longueur  du  bourgeon  nasal  externe. 

OBJETS  OFFERTS. 

Crânes  du  Soudan,  —  M.  Fras.  Au  retour  de  la  mission  du 
Ouassoulou,  dont  j'étais  l'un  des  membres,  j'ai  l'honneur  d'of- 
frir à  la  Société  d'anthropologie  huit  crânes  et  une  certaine 
variété  d'os  d'indigènes ,  recueillis  de  mes  mains  sur  le 
champ  de  bataille  de  Niafadié  (Siéké)  situé  entre  Niagassola, 
poste  avancé  du  Soudan  français,  et  le  Niger. 

Ce  sont  les  restes  de  guerriers  de  Samory,  roi  du  Ouassou- 
lou, qui  combattit  là  contre  nos  troupes  du  Soudan,  du  1" 
au  10  juin  1885.  Je  ne  puis  détermiaer,  d'une  façon  absolu- 
ment exacte,  le  lieu  d'origine  des  individus  à  qui  ces  osse- 
ments appartenaient,  mais  je  suis  à  même  d'avancer  que 
ces  indigènes  étaient  de  race  mandingue  et  plus  spécialement 
de  la  grande  famille  des  Ouassouloukés. 

Aucune  étude  n'a  encore  été  faite  à  leur  sujet.  Dans  un 
avenir  prochain  ils  seront  mensurés  et  communication  de  ces 
mensurations,  en  même  temps  que  d'une  notice  ethnogra- 
phique, sera  faite  à  la  Société  d'anthropologie. 

Des  remerciements  sont  adressés  à  M.  Fras. 

ÉLECTIONS. 

M.  Remoiville,  député  de  Seine-et-Oise,  est  élu  membre  ti- 
tulaire de  la  Société. 


DISCUSSION  SUR  UN  LABORATOIRE.  525 


RAPPORTS  SCIENTIFIQUES. 

iBStallation  d'an  laboratoire  de  trauBrormisine  an  pare 
de  Montsonris  t  proposition  de  H™«  CiéineBee  Royer  i 

PAR  M.    MATHIAS  DUTAL. 

Sans  vouloir  entrer  dans  Tappréciation  des  voies  et  moyens, 
le  rapporteur  pense  que  la  Société  d'anthropologie  peut  don- 
ner son  entière  approbation  à  l'idée  de  M""  Clémence  Royer 
et  adhérer  sans  restriction  à  un  projet  qui  a  pour  but  de 
faire  entrer  le  transformisme  dans  la  voie  de  Texpérimen- 
tation. 

Discussion. 

M.  Laborde  pense  que  le  projet  devrait  être  plus  mûri. 
Si  M"*  Royer  précisait  mieux  les  détails  de  Tinstaliation 
qu'elle  a  en  vue,  Tadhésion  de  la  Société  aurait  une  bien 
plus  grande  portée. 

C'est  aussi  l'avis  de  M.  le  secrétaire  général,  qui  désirerait 
que  les  moyens  pratiques  qui  doivent  assurer  la  réussite  du 
projet  soiei)t  exposés  en  détail. 

M"«  Clémence  Royer.  Il  s'agit  d'une  station  biologique 
dont  le  but  est  d'expérimenter  le  transformisme.  Les  détails 
d'installation  ne  peuvent  être  prévus  à  Tavance  ;  quant  au 
programme,  il  résultera  de  la  nature  des  choses.  Un  ajourne- 
ment compromettrait  tout.  La  demande  a  été  adressée  au 
Conseil  municipal  de  Paris,  qui  a  nommé  une  commission 
dont  le  rapporteur  n'attend  plus  que  le  vote  de  la  Société 
d'anthropologie  pour  se  prononcer. 

M.  Laborde.  Dans  ces  conditions,  je  suis  d'avis  détonner 
notre  adhésion,  quitte  ensuite  à  mettre  à  la  disposition  de 
]\|me  Royer  la  commission  dont  on  vient  d'entendre  le  rap- 
port. 

M.  Dareste  partage  cette  opinion,  mais  il  ajoute  qu'il  est 
peut-être  à  craindre  que  le  Conseil  municipal  ne  se  trouve 


526  ?îUnce  du  21  JUILLET  4887. 

pas  suffisamment  éclairé,  surtout  qu'il  s'agit  d'expériences 

de  longue  haleine. 

M.  Fauvelle.  J'applaudis  en  toute  sincérité  à  l'heureuse 
idée  de  M°°  Royer  ;  mais,  malgré  toute  l'attention  que  j'ai 
prêtée  à  tout  ce  qui  a  été  dit  à  ce  sujet,  je  ne  me  rends  pas 
du  tout  compte  de  ce  que  sera  ou  pourra  être  l'établisse- 
ment projeté.  Or,  il  est  certain  que  le  Conseil  municipal  ne 
voudra  pas  engager  les  finances  de  la  Ville  s'il  n'est  pas  plus 
éclairé.  En  administration,  on  ne  vote  des  fonds  que  sur  la 
vue  des  plans  et  devis  des  constructions  à  faire  et  du  budget 
des  dépenses  de  l'établissement  projeté.  La  manière  dont 
l'affaire  est  présentée  en  compromet  donc  absolument  le 
succès, 

M.  le  Secrétaire  général  partage  complètement  cet  avis. 

M.  Mathias  Duval  ne  comprend  pas  toutes  ces  objections, 
la  Société  n'ayant  à  se  prononcer  que  sur  le  principe. 

M"'  Clémence  Royer.  C'est  ainsi  que  la  question  doit  être 
posée.  La  commission  interviendra  ultérieurement,  s'il  est 
donné  suite  au  projet.  Tout  retard  en  compromet  la  réussite. 

M.  Sanson  ne  peut  se  ranger  à  cette  manière  de  voir.  Un 
vote  approbatif  engage  moralement  la  responsabilité  de  la 
Société.  Toutes  les  expériences  que  l'on  a  en  vue  sont  coû- 
teuses. Elles  doivent  avoir  une  très  longue  durée  pendant 
laquelle  il  faudra  nourrir  les  animaux,  payer  des  droits  d'oc- 
troi, etc.  La  question  n'est  pas  étudiée  et  dans  ces  condi- 
tions la  Société  ne  peut  se  prononcer. 

M.  G.  DE  Mortillet.  La  procédure  suivieest  irrégulière.  La 
commission  a  été  nommée  par  le  Comité  central  ;  c'est  à  lui 
que  le  rapport  doit  être  adressé.  Lui  seul  a  autorité  pour 
engager  la  Société. 

L'ajournement  est  prononcé,  ainsi  que  le  renvoi  à  une  pro- 
chaine séance  du  Comité  central. 


TOPINARD.  —   GftOTTË  NÉOLiTHiQtlB  t)B  PEIGNEUX.        627 


~  PRESENTATIONS. 

Grotte  néolitHiqiie  de  Felfnenx  (Oise)  ; 
CrAne  trépané  sur  le  Tivant  et  après  la  mort; 

PAU  M.   TOPINARD* 

Messieurs,  je  vous  présente  une  série  de  crânes,  dont  uti 
trépané  fort  beau,  et  quelques  silex  polis  et  taillés  prove- 
nant d'une  grotte  néolithique  récemment  découverte  près  de 
Feigneux  (Oise),  dans  la  même  vallée  que  la  célèbre  grotte 
du  même  genre  d'Orrouy ,  qui  a  donné  lieu  à  la  première  com- 
mission préhistorique  désignée  par  notre  Société  pour  se 
transporter  sur  les  lieux  et  faire  un  rapport.  C'était  en  i864, 
Broca  et  M.  Lagneau^  ici  présent,  en  faisaient  partie. 

Voici  l'histoire  de  la  grotte  de  Feigneux  :  En  mars  dernier, 
le  sieur  Riche,  cantonnier,  plongeant  le  bras  dans  un  terrier 
de  blaireau,  en  retira  des  os  humains.  Deux  ans  auparavant, 
une  trouvaille  semblable  avait  été  faite  à  mille  mètres  de  là  ; 
j'étais  arrivé  trop  tard,  les  os  avaient  été  perdus.  Sachant 
l'intérêt  de  ce  genre  de  trouvaille  pour  quelques  personnes, 
M.  Riche  se  mit  à  déblayer  Je  terrain  avec  soin,  pénétra  dans 
une  cavité  qu'il  reconnut  devoir  être  l'entrée  d'une  grotte 
et  bientôt  mit  à  découvert  sept  crânes  avec  ossements  bien 
conservés.  Les  laissant  en  place,  il  vint  prévenir  M.  RoUet,  le 
maire  de  Feigneux,  le  village  voisin.  Malheureusement,  il 
dut  en  parler  en  route,  car  au  retour  il  trouva  un  paysan 
retournant  les  crânes  et  cherchant  avec  anxiété,  comme  tou- 
jours, qn  trésor. 

Après  quelques  jours  de  travail,  on  rapportait,  au  village 
une  vingtaine  de  têtes  et  quatre  grands  paniers  d'os  divers. 
M.  Rollet  se  hâta  d'écrire  au  sous-préfet  de  Senlis,  qui  ne 
répondit  pas.  Une  note  fut  insérée  dans  le  journal  de  cette 
ville.  De  tous  côtés  aux  environs,  on  vint  voir  la  grotte  et 
les  ossements,  les  archéologues  seuls  ne  se  montrèrent  pas. 
Pour  ma  part,  j'entendis  parler  de  la  trouvaille,  mais  je 


528  SÉANCE  DU  21   JUILLET  1887. 

crus  la  Société  de  Senlis  avertie  et  s*en  occupant  ;  Tun  de  ses 
membres,  entre  autres,le  fut  par  moi  ;  ici  même,  à  la  Société, 
j'en  dis  quelques  mots.  Bref,  après  quinze  jours  d'attente, 
M.  Rollet,  ne  voyant  personne  venir,  fit  ensevelir  les  os  dans 
le  cimetière. 

Si  j'insiste  sur  ces  détails,  c'est  qu'il  est  vraiment  doulou- 
reux, au  jour  actuel^  de  voir  une  pareille  indifférence,  tant 
de  la  part  de  l'administration  que  des  plus  intéressés  dans 
la  question,  surtout  en  présence  de  la  bonne  volonté  si  rare 
en  semblable  circonstance  et  si  digne  de  tous  éloges  du  re- 
présentant local  de  l'autorité,  un  digne  cultivateur. 

Dès  que  j'appris  positivement  ce  qui  s'était  passé,  c'est- 
à-dire  la  semaine  dernière,  je  me  rendis  sur  les  lieux  avec 
mon  beau-frère, M.  Eugène  Duvivier,  et  fis  mon  enquête.  Je  vis 
successivement  M.  Rollet,  M.  Alfred  Dubreuil,  qui  avait  as- 
sisté le  cantonnier  dans  ses  fouilles,  les  objets  recueillis  qui 
étaient  dispersés  çà  et  là,  les  principaux  entre  les  mains  de 
M.  Rollet,  la  grotte,  et  enfin  les  os,  que  je  fis  déterrer  sous 
mes  yeux,  et  qui,  hélas  I  étaient  bien  détériorés  depuis  leur 
extraction. 

Je  décrirai  rapidement  :  1**  la  grotte;  2**  les  objets;  3**  les 
crânes  et  ossements. 

La  grotte  est  dans  un  vallon  s'ouvrant  sur  une  vallée  oc- 
cupée par  un  marais  boisé.  A  moins  d'un  kilomètre,  de  l'autre 
côté  de  la  vallée  se  voit,  au  lieu  dit  le  Terrier  de  rortîe,  la 
grotte  analogue  qui  a  fourni  des  crânes  et  ossements  il  y  a 
deux  ans.  A  6  kilomètres,  à  vol  d'oiseau,  est  la  grotte 
d'Orrouy  dans  la  vallée  de  l'Autonne,  que  rejoint  la  vallée 
marécageuse  qu'on  a  sous  les  yeux.  La  grotte  est  au  lieu  dit 
le  Lari'baréy  à  8  ou  iO  mètres  au-dessous  d'un  plateau  appelé 
le  Saut  du  prêtre,  à  20  mètres  environ  au-dessus  du  fond  du 
vallon,  sur  le  front  d'un  rocher  calcaire  qui  forme  un  banc 
abrupt  tout  le  long  du  vallon  et  de  la  vallée. 

On  ne  peut  se  tenir  debout  dans  l'intérieur  de  la  grotte, 
qui  a  i"',30  de  hauteur,  2°, 50  de  largeur,  avec  quelques  évi- 
déments  latéraux  dans  la  partie  supérieure,  et  8  mètres  de 


TOPINARD.  —  GROTTE  NéOLITHIQUE  DE  FEIGXEUX.         529 

profondeur.  On  ne  peut  se  redresser  qu*à  l'entrée,  en  avant 
de  laquelle  est  un  talus,  qui,  en  cet  endroit  et  avec  la  terre 
rejetée  de  la  caverne,  est  incliné  de  >I5  degrés  au  moins. 
Cette  entrée  n'est  donc  actuellement  précédée  d'aucune  plate- 
forme. Elle  regarde  l'est-sud-est  ;  sur  ses  côtés  il  y  a  deux 
blocs  placés  à  dessein  et  reliés,  avant  qu'on  ne  les  déplace, 
par  une  sorte  de  palissade  de  50  centimètres  de  hauteur  en- 
viron, formée  de  deux  ou  trois  pierres  plates  posées  verticale- 
ment bout  à  bout*  Cette  clôture  m'a  paru  avoir  été  courbe 
à  concavité  postérieure. 

Les  premiers  squelettes,  les  plus  blancs,  les  mieux  conser- 
vés étaient  immédiatement  derrière,  recouverts  par  une  terre 
blanche  essentiellement  formée  par  l'effritement  de  la  roche 
calcaire  qui  est  au-dessus.  A  mesure  qu'on  avance  vers  le 
fond,  les  squelettes  brunissaient  et  étaient  de  moins  en  moins 
conservés.  Ils  se  succédaient  sans  ordre  apparent,  sans  qu'on 
puisse  dire  s'ils  avaient  été  placés  assis  ou  couchés.  Cepen- 
dant ils  paraissaient  séparés  par  des  rangs  de  pierres  plates 
et  posées  de  champ,  et  quelques  autres  pierres  plates  gisaient 
au-dessus  d'eux. 

Sur  l'un  des  côtés,  pas  loin  de  l'entrée^  on  découvrit  au- 
dessous  des  corps  un  foyer  de  cendres  et  de  charbons  de 
30  centimètres  sur  40  d'étendue. 

La  grotte  s*est  formée  par  la  disparition  d'un  banc  de  tuf 
calcaire  blanc  et  friable  interposé  entre  deux  bancs  de  calcaire 
grossier,  grisâtre  et  compact.  Sur  le  sol  môme  se  voit  en- 
core la  poussière  blanc-jaunâtre  due  à  la  décomposition  du 
tuf  qui  formait  la  terre  originelle  dans  laquelle  ont  été  ense- 
velis les  corps.  Au  fondil  reste  une  certaine  quantité  de  laterre 
noire  et  grasse,  de  nature  arable,  qui  recouvrait  la  couche 
sèche  et  blanche  renfermant  les  os  et  comblait  le  reste  de  la 
caverne  en  ne  laissant  vers  le  plafond  qu'un  vide  d'environ 
30  centimètres  de  hauteur,  horizontal  ou  grandissant  peu  à 
peu  du  côté  de  l'entrée. 

Les  objets  suivants  ont  été  recueillb  : 

1*  Cinq  ou  six  silex  taillés  dont  un  couteau  à  trois  pans, 

T.  x  (3«  série).  34 


630  SÉANGE  DU   21   JUILLET  1887. 

de  8  ou  0  centimètres  de  longueur,  bien  caractérisé,  à  patine 
blanche,  avec  plan  de  frappe,  bulbe  de  percussion  et  es- 
quille du  contre-coup  ;  et  trois  grattoirs  de  silex  blond, 
courts  et  régulièrement  retouchés  ; 

3*  Une  hache  polie  mal  travaillée,  cassée,  de  3  centimètres 
de  largeur,  le  tronçon  total  ayant  7  centimètres  de  lon- 
gueur; 

3*  Trois  rondelles  de  collier,  trouées  au  centre  :  la  pre- 
mière de  S8  millimètre  de  diamètre  et  de  i3  d'épaisseur,  la 
deuxième  de  22  millimètres  de  diamètre  sur  9  d'épaisseur,  la 
troisième  plus  haute  que  large,  un  cylindre  renflé  en  olive  à 
son  centre,  de  35  millimètres  de  hauteur,  de  13  de  largeur 
au  milieu  et  de  6  de  largeur  aux  deux  extrémités.  Les  deux 
premiers  sont  en  corne,  je  pense,  et  le  troisième  en  albâtre  ; 

Â/*  Une  lame  de  fer,  tronçon  de  quelque  épée,  de  i2  centi* 
mètres  de  longueur,  de  42  millimètres  de  largeur  à  une 
extrémité  et  de  22  à  Vautre.  Extérieurement  on  ne  voit 
qu'une  couche  épaisse  de  rouille  demi-pulvérulente,  quoique 
adhérente.  Au  centre,  on  distingue,  sur  un  point,  une  lame 
solide,  dure  et  mince. 

Nous  verrons  tout  à  Theure  quelle  valeur  inégale  il  faut 
donner  à  ces  objets. 

J'arrive  aux  ossements.  Ceux  que  j'ai  rapportés  com- 
prennent : 

A  crAnes  complets  avec  la  face, 

0  calottes  crâniennes  à  peu  près  complètes. 

Les  fragments  de  4  ou  5  autres  ertoes, 

23  mâchoires  on  parties  de  mâchoires  inférieures, 

20  humérus  entiers  et  21  portions  d'humérus, 

10  fémurs  entiers  et  8  portions  de  fémurs, 

8  tibias  entiers  et  8  portions  de  tibias, 

8  cubitus  entiers, 

8  radius  entiers, 

6  péronés  entiers, 
1  clavicule, 

7  sacrmns. 


TOPINARD.  --  GROTTE  NÉOLITmQUE  DE  FEI6NEUX.        531 

Je  n'en  dirai  que  peu  de  mots,  en  commençant  par  les 
crânes  : 

N""  i.  Homme,  trente  ans.  C'est  celui  qui  a  la  double  tré- 
panation posthume  et  sur  le  vivant,  sur  laquelle  je  revien- 
drai. Son  type  est  fort  beau,  c'est  celqi  de  la  caverpe  néoli- 
thique de  THomme-Mort  (Lozère).  Il  est  dolichocéphale  et 
microsème  des  orbites.  Son  front  est  droit,  ses  arcades  sour- 
ciliëres  sont  modérément  saillantes.  Racine  du  nez  assez 
profonde,  voûte  du  nez  saillante.  Le  crâne  cérébral  est  hyp- 
sicéphale  sans  excès,  la  face  est  étroite,  aucun  prognathisme 
alvéolo-sous-nasal.  La  voûte  décrit  une  belle  courbe  qui 
s'abaisse  à  Tobéliou  et  aboutit  aune  bosse  occipitale  bombée. 
Indice  céphalique,  76.8.  Indice  orbitaire,  77.5.  Indice  nasal 
46.0,  Circonférence  horizontale,  538  millimètres. 

N»  2.  Homme,  trente-cinq  ans.  Suspect  d'un  peu  de  dé- 
formation sincipito-occipitale  qui  a  élargi  et  renOé  le  dia^ 
mètre  transverse  à  la  hauteur  des  bosses  pariétales.  Indice 
céphalique,  83.8.  Indice  orbitaire,  82.5.  Indice  nasal,  43.4. 
Circonférence  horizontale,  528  millimètres.  Un  peu  de  per* 
sistance  en  haut  de  la  suture  métopique. 

N""  3.  Homme,  trente-cinq  ans.  Indice  céphalique,  76.9. 
Indice  orbitaire,  75.6.  Indice  nasal,  48.1.  Circonférence  ho- 
rizontale, 513  millimètres. 

N<»  4.  Homme  (?),  vingt-cinq  ans.  Persistance  de  la  suture 
métopique.  Dépression  bregmatique  paraissant  l'effet  d'une 
compression  artificielle.  Indice  céphalique,  83.0» 

N^  5.  Homme.  Indice  céphalique,  79.8.  Circonférence  hori- 
zontale, 510.  Plagiocéphale. 

N""  6.  Homme,  vingt-cinq  ans.  Synostose  complète  de  la 
suture  sagittale.  Indice  céphalique,  77.9. 

N"  7.  Homme  de  trente-cinq  ans.  Déformation  artificielle 
légère,  mais  bien  évidente,  fronto-sous-occipitale,  qui  a  relevé 
l'occiput  et  élargi  le  diamètre  transverse.  Indice  céphalique, 
84.2.  Circonférence  horizontale,  505. 

N^  8.  Femme.  Dépression  longitudinale  en  gouttière 
s'étendant  de  l'obélion  au  métopion.   Trace  d'une  lésion 


532  SÉANCE  DU  21  JUILLET  1887. 

transversale  intéressant  les  deux  pariétaux,  qui  ressemble  à 
une  suture  transverse  anormale  synostosée  de  chacun  des 
pariétaux.  Nous  possédons  dans  notre  musée  des  cas  de  ce 
genre,  mais  à  suture  ouverte.  Indice  céphalique,  74.4.  Cir- 
conférence horizontale,  497. 

N*  9.  Homme  h  crâne  volumineux.  Diamètre  antéro-pos* 
térienr,  194.  Indice  céphalique,  74.1. 

N*  10.  Homme.  Indice  céphalique,  74.2. 

N»  H.  Femme  (?).  Indice  céphalique,  74.5  (?).     1 

N*  12.  Enfant.  Indice  céphalique,  84.7.  Indice  orbitaire, 
8i.3.  Indice  nasal,  48.7.  Circonférence  horizontale,  478. 

N<>  13.  Enfant  presque  adulte.  Indice  céphalique,  74.7. 
Circonférence  horizontale,  508. 

En  somme,  dans  cette  série,  il  y  a  4  brachycéphales,  5  do- 
lichocéphales au-dessous  de  75.0^  et  4  mésaticéphales  pour 
moi  (2  de  ceux-ci  pour  Broca,  sous-dolichocéphales  de  75  à 
77.7,  et  2  mésaticéphales  de  77.7  à  80).  Il  y  a  donc  un  mélange 
très  évident  de  deux  races  opposées,  ce  que  confirme  l'examen 
des  autres  caractères,  exactement  comme  à  Orrouy.  Toute- 
fois, à  Orrouy,  il  n'y  a  pas  un  seul  crâne  aussi  caractérisé 
du  type  troglodyte  de  la  Lozère  que  le  numéro  I,  et  la 
moyenne  de  l'indice  céphalique  est  plus  élevée.  A  Feigneux, 
cette  moyenne  est  de  78.07,  tandis  qu*à  Orrouy  elle  est 
de  79.50. 

Mais,  dans  la  série  de  Feigneux,  il  y  a  deux  crftnes  qu'il  est 
sage  de  retirer  :  Fenfant  n**  12  (les  enfants  sont  en  général 
brachycéphales  relativement  à  l'adulte),  et  le  numéro  7,  qui 
est  manifestement  déformé  et  élargi  par  ce  fait.  L'indice 
moyen  descend  alors  à  77.28,  c'est-à-dire  tombe  dans  le 
groupe  des  sous-dolichocéphales  de  Broca.  Les  troglodytes  de 
Feigneux  renferment  donc  une  plus  forte  dose  de  la  race  des 
troglodytes  de  la  Lozère  que  ceux  d'Orrouy  et  de  Baye.  Voici, 
du  reste,  un  tableau  emprunté  ù  mes  cours,  auquel  j'ajoute 
la  série  de  Feigneux,  qui  met  le  fait  parfaitement  jen  évi- 
dence. 

C'est  la  répartition  quinaire  et  proportionnelle  de  l'indice 


TOPINARD.  --   GROTTE   NÉOUTBIQUB  DE  FEIG.NEUX.        533 

céphaliqae,  suivant  la  méthode  que  j*ai  instituée  et  qui  est 
adoptée  partout  aujourd*tiui  à  Tétranger  et  qui  s'imposera 
forcément  en  France  à  tous, 

INDICE  CiPHALIQUB. 

SérkUkM  quinaire  $1  proporlionneUe, 

Grottes  Grotte 

Beanmes      Homme  Dolmont     de      "Grotte  de 

chaudes.         Mort.    Lozère.    Bave.  d*Orrouy.  Feigneax. 

«U)  à  64 2.9o/«  '  »  »  B  »  » 

65  à  69 17.6  5.5  4.1  <»  «  » 

70  à  74 67.6  77.7  42.5  SO.O  25.0  38.5 

75  à  79. ........  11.7  16.6  39.1  50.0  31.2  30.8 

80  à  84 »  «  12.5  23.0  81.2  80. 8 

85  à  89 •  »  12.5  5.0  12.5  » 

La  série  de  Feigneux  nous  montre  en  outre  un  fait  que 
nous  avions  déjà  soupçonné  à  Orrouy,  c*est  que  la  population 
néolithique  de  cette  vallée  avait  la  coutume  de  se  comprimer 
la  tète  volontairement,  on  inconsciemment,  avec  certaines 
coiffures.  L'un  de  ces  crânes  a  une  déformation  qui  rappelle 
un  peu  celle  du  crâne  de  Merueys,  dans  la  Lozère.  Un  autre 
est  très  suspect  sous  ce  rapport.  D'autres  ont  des  dépressions 
de  la  voûte  ou  des  lésions  de  sutures  qui  s'expliqueraient 
naturellement  par  des  pratiques  de  compression.  Nous  pou- 
vons donc  conclure  avec  certitude,  quoique  nous  n*en  n'ayons 
pas  d'exemple  très  accusé,  que  les  habitants  de  la  vallée  de 
Feigneux-Orrouy  se  déformaient  le  crâne  sciemment  ou  par 
des  coiffures  inconsciemment.  Il  ne  serait  donc  pas  impos- 
sible que  deux  ou  trois  des  crânes  que  nous  avons  laissés 
dans  notre  moyenne  corrigée  de  Tindice  céphalique  aient 
un  indice  réellement  plus  bas. 

Les  mâchoires  n'offrent  rien  de  particulier.  Les  dents  sont 
très  usées  chez  les  sujets  adultes,  et  même  déjàchez  quelques 
enfants.  Sur  toutes,  le  menton  est  saillant  et  bien  dessiné, 
les  apophyses  geni  présentent  l'un  des  types  classiques;  le 
volume  des  grosses  molaires  décroît  d'avant  en  arrière. 
Presque  toutes,  tant  par  les  alvéoles  à  quatre  racines  que  par 
les  couronnes  à  quatre  cuspides,  présentent  avec  une  flxilé 


934  SÉANCE  DO  21  JUILLET  1887. 

reltiarquable  la  forme  en  croîx  ou  à  quatre  denticnles.  Je  ne 
note  que  quatre  exceptions  :  trois  à  cinq  cuspides,  une  dent 
de  sagesse  à  trois  cuspides.  La  branche  postérieure  est  géné- 
ralement courte. 

Sur  les  41  humérus  ou  extrémités  inférieures  d'humérus, 
li  sont  perforés,  soit  25  pour  100,  la  proportion  la  plus 
élevée  que  nous  ayons  encore  rencontrée  dans  les  stations 
préhistoriques  de  France.  Je  le  dis  par  acquit  de  conscience, 
car  je  ne  suis  pas  convaincu  qu'il  y  ait  là  un  caractère  de 
race. 

Plusieurs  cubitus  ont  leur  extrémité  supérieure  incurvée, 
mais  faiblement.  Six  ou  huit  des  fémurs  sont  à  ligne  âpre 
saillante  ou  à  pilastre,  mais  sans  exagération.  La  plupart  des 
tibias  ou  fragments  de  tibias  sont  plactynémiques,  mais  sans 
excès.  Le  radius,  le  péroné  et  la  clavicule  ne  présentent  rien 
de  particulier. 

Au  point  de  vue  pathologique,  trois  des  fémurs  sont  à  re- 
marquer. L'un  offre  des  végétations  osseuses,  des  incrusta- 
tions tendineuses  au  côté  externe  dans  le  second  cinquième 
supérieur.  Le  second  a,  dans  le  même  cinquième,  une  fracture 
en  biseau  affreusement  consolidée  angulaireraent,  avec  un  che- 
vauchement énorme  qui  prouve  dans  ce  cas  l'absence  complète 
(le  soins  chirurgicaux.  Le  troisième  cas  est  d'un  diagnostic  dif- 
ficile. Est-ce  une  ostéite  à  la  suite  de  quelque  traumatisme,  un 
simple  ostéophyte  dans  les  insertions  des  muscles,  ou,  comme 
j'incline  à  le  croire,  une  fracture  en  biseau  dans  le  même  cin- 
quième supérieur  de  l'os,  fracture  magnifiquement  consolidée 
avec  un  simple  mouvement  de  rotation  en  dehors  du  fragment 
inférieur?  J'hésite  encore  à  conclure,  car,  dans  ce  dernier  cas, 
ce  serait  un  magnifique  témoignage  en  faveur  des  connais- 
sances chirurgicales  de  cette  époque,  et  le  cas  précédent  de 
fracture  si  mal  consolidée  n'apparaîtrait  plus  que  comme  un 
accident. 

Afin  de  Reconstituer  la  taille  moyenne  approximative  des 
adultes  de  la  grotte  de  Feigdeux,  j'ai  procédé  de  deux  façons. 
D'une  part,  j'ai  choisi  un  certain  nombre  d'os  d*un  même 


TOPINARD.  —  GROTTE  NÉOLITHIQUB  DB  PEIGNEUX.        535 

gexe,  bien  démontré  pour  moi>  du  sexe  maftoulin^  pins  faolle 
à  reconnaître,  soit  10  humérus,  6  fémurs  et  4  tibias,  et,  de 
]*autre,  j*ai  mis  tous  les  humérus  et  tous  les  radius  sans  dis-* 
tinction  de  sexe.  Voici  les  moyennes  qu'ils  m'ont  données  : 

Longueur  maximum. 

10  humérus  masoulins 30i  m» 

6  fémurs  masculins 433 

%  Ubias  masoulins 843 

21  humérus  sans  distinction  de  sexe 388 

8  radius  sans  distinction  de  sexe 215 

Avec  les  uns  et  les  autres,  j'ai  calculé  la  taille  moyenne 
à  l'aide  des  tableaux  et  des  règles  que  j'ai  établis,  et  j'ai  pris 
la  moyenne  de  tous  les  résultats.  Ceux-ci  s'accordaient  d'ail- 
leurs à  peu  de  chose  près. 

La  taille  moyenne  rapportée  à  l'homme  était,  à  Feigneux, 
de  1",60,  sinon  au-dessus.  Or,  jadis,  avec  les  femmes  d'Or- 
rouy,  je  suis  arrivé  à  une  taille  de  l™,60,  sinon  au-dessous. 
Les  habitants  des  deux  stations  avaient  donc  manifestement 
une  taille  petite,  la  plus  faible  constatée  dans  aucune  autre 
station  préhistorique,  les  stations  ensuite  où  la  taille  est  la  plus 
petite  étant  Beaumes-Ghaudes,  THomme-Mort  et  la  grotte  de 
Baye.  Il  y  a  donc  là  un  motif  de  plus  pour  dire  que  la  race 
prédominante  dans  toutes  ces  stations  était  de  petite  taille 
et  différente,  par  conséquent,  de  celle  de  la  Madeleine  et 
de  Cro-Magnon,  qui  était  grande,  et  dont  je  fais  les  ancêtres 
en  partie  de  la  race  blonde  de  nos  jours,  ainsi  que  je  l'ai 
soutenu  précédemment. 

Mais  j'ai  hâte  de  revenir  à  la  description  de  trépanation 
à  la  fois  posthume  et  ôur  le  vivant  du  crâne  n«  i,  que  j'ai 
ajournée. 

Sur  le  pariétal  gauche,  dans  sa  moitié  interne  touchant  à 
la  suture  sagittale,  un  peu  plus  près  de  la  suture  coronale 
que  de  la  suture  lambdoïde,  se  voit  une  large  perte  de  sub- 
stance tenant  le  milieu  entre  la  forme  arrondie  et  la  forme 
quadrilatère,  et  mesurant,  aux  points  les  plus  écartés  : 
1»  d'avant  en  arrière,  61  millimètres  sur  la  table  externe  de 


536  SÉANCE  DU  21  JUILLET  1887. 

1*08,  53  millimètres  sur  la  table  interne  ;  2^  transversalement, 
60  millimètres  sur  la  table  externe,  48  millimètres  sur  la  table 
interne.  Les  différences  entre  ces  mesures  donnent  Tincli- 
naison  du  biseau.  Ce  biseau,  c'est*à-dire  la  section  de  Tos, 
est  ferme,  décidé  sur  tout  le  pourtour,  sauf  dans  une  étendue 
d*un  centimètre  et  demi  vers  l'angle  antéro-interne  d&  la  so- 
lution de  continuité.  Très  oblique  dans  sa  moitié  postéro- 
externe,  ce  biseau  se  redresse  lorsqu'il  se  porte  denleb^rs  e» 
dedans  vers  Vanfjlù  anléro-inierne^  mais  il  reste  oblique  lors- 


Fi{7.  i .  —  Profll  du  crâne  néoUthiqoû  de  Feigncux,  n*  1 .   Mosée  Broc*. 

qu'il  s'en  rapproche  d'arrière  en  avant  en  entamant  la  suture 
sagittale.  Il  est  évident  qa*à  ce  niveau  l'instrument  obéissait 
moins  bien  h  la  main  de  l'opérateur.  La  lame  profonde  ou 
lèvre  interne  du  biseau  est  aiguë,  presque  coupante  partout. 
La  lame  externe  très  superficielle  est  au  contraire  émousséc 
dans  sa  moitié  externe.  Entre  les  deux  se  voit  partout  le 
diploé  normal  aréolaire,  sauf  hVangle  antêrotnlcf*ne  indiqué, 
où  la  surface  est  lisse.  Là  Tintervallc  entre  les  deux  lèvres 
du  biseau  est  plutôt  convexe,  tandis  que  dans  le  reste  de  re- 
tendue elle  est  plutôt  concave.  Cette  concavité  indique  que 
la  section  n'a  pas  été  faite  d'un  seul  coup.  La  convexité  et, 


TOliNARD.  ^  GROTTE   NâOLITOIQUE   DE   FKIGNECX.        537 

du  reste,  tout  ce  qui  concerne  Y  angle  antéro-inierne  précité, 
ressemble  très  exactement  aux  nombreuses  trépanations  sur 
le  vivant  et  cicatrisées  depuis  de  longues  années  que  pos- 
sède le  musée  Broca.  L^état  mousse  ou  arrondi  de  la  table 
externe  de  Tos  dans  la  partie  postéro-externe  de  la  perte  de 
substance  conduit^  avec  la  concavité  du  biseau  et  son  incli- 
naison, à  montrer  comment  on  a  procédé. 

Sur  presque  tout  le  pourtour  de  Tentaille,  à  la  surface  du 
crâne  se  voient  des  raies  allongées  ou  stries  superficielles 
de  i  à  2  centimètres  de  longueur,  nombreuses  et  parallèles 
par  groupes  ou  séries.  Dans  le  tiers  antéro- externe  du 
pourtour,  j*en  compte  une  vingtaine  aboutissant  à  l'en* 
taille  qu'elles  rencontrent  sous  un  angle  plus  ou  moins 
aigu.  Quelques-unesy  plus  obliques,  croisent  çà  et  là  celles 
faites  auparavant  et  tendent  à  longer  le  contour.  Dans  le 
quart  postéro-exteme,  on  voit  aussi  quelques  rayures,  mais 
rares  et  bien  effacées.  Dans  le  quart  postéro-inteme,  on  en 
voit  d'autres  plus  profondes,  toutes  tangentes,  cette  fois^  au 
bord  de  la  solution  de  continuité. 

kV angle  antéro-înterne,  il  n'y  a  qu'une  strie,  tangente  au 
bord,  mais  venant  de  loin  et  semblant  comme  une  échappée 
de  l'instrument.  A  son  niveau,  mais  un  peu  en  avant  sur 
la  surface  de  l'os,  on  distingue  pourtant  avec  quelque  diffi- 
culté la  trace  d'un  frottement  dont  l'extrémité  aboutit  au 
point  de  la  suture  sagittale  où  se  termine  en  avant  la  section, 
visiblement  faite  avec  un  instrument  coupant.  Sur  le  pour- 
tour du  trou,  les  stries  aboutissent  en  somme  directement  à  la 
lèvre  superficielle  de  la  section,  sauf  dans  la  partie  arrondie 
do  Y  angle  anléro-inlerne  ci- dessus. 

On  semble  vraiment  assister,  à  Taide  de  ces  rayures,  aux 
efforts  qu'a  dû  faire  l'opérateur  d'une  main  plus  ou  moins  ha- 
bile, aux  coups  mal  portés,  aux  échappées.  Etant  admis  qu'il 
opérait  de  la  main  droite  avec  un  couteau  en  silex,  il  devait 
se  trouver  sur  le  côté  droit  du  sujet  tenant  Pocciputdelamain 
gauche.  Il  portait  le  tranchantde  l'instrument  d*abord  perpen- 
diculairement a  la  surface  du  cr&ne,  à  la  partie  postérieure  de 


538 


SÉANCE  DU  24    JUILLET  1887. 


reniallle  à  pratiquer,  à  25  millimètres  à  gauche  de  la  suture 
sagittale,  sa  main  droite  tenant  l'instrument  placée  en  dehors, 
la  partie  coupante  de  Tinstrument  dirigée  en  dedans.  Puis  il 
décrivait  un  mouvement  circulaire  qui  amenait  Tinstrument 
en  dehors  et  en  avant,  où  il  s'échappait  obliquement  en  don- 
nant lieu  aux  rayures  en  question.  Alors  il  revenait  au 
point  de  départ,  décrivait  un  nouveau  mouvement  tournant, 
l'instrument  s'échappant  ou  non;  il  recommençait  et  ainsi 
de  suite,  les  échappées  étant  plus  fréquentes  à  mesure  que 


^^  /.f^'^^^Xy^^^^'^-l^^ 


i   *- 


} 


ptopift«fd 


Fig.  2.  —  Trépanation  rue  d'en  haut.  Les  raies  et  points  ont  été  exagérés. 
Cr&oe  de  Foigneux.    Musée  Broca. 

l'incision,  gagnant  en  profondeur,  se  prolongeait'de  plus  en 
plus  en  avant.  Les  trois  quarts  postéro-externes  de  l'incision 
étant  suffisamment  avancés,  l'opérateur  changeait  la  position 
de  la  main  et  du  couteau,  et  coupait  en  venant  à  lui  d'abord 
obliquement  d'arrière  en  avant  et  de  dehors  en  dedans  pour 
l'angle  postéro-interne,  puis  longitudinalement  d'arrière  en 
avant  le  long  de  la  suture  sagittale,  enfin  de  dehors  en  de- 
dans et  d'avant  en  arrière  pour  la  partie  antérieure,  tenant 
encore  des  deux  côtés  de  l'angle  antéro-interne  indiqué.  C'est 
évidemment  dans  le  mouvement  longitudinal  d'arrière  en 


TOPINARD.  —   GROTTE  NÉOLITHIQUE  DE  PEIGNEUX.        839 

avant,  en  entàtnatlt  la  suture  sagittale^  qu'il  étaitle  moins  ha- 
bile; là,  rinstrument  obéissait  mal,  la  ligue  est  gondolée.  La 
figure  ci-contre  fera  mieux  comprendre  ce  que  je  viens  de 
décrire. 

J*ai  dit  que  la  lèvre  exterhe  de  Tentaille  était  émoussée 
dans  une  certdiie  étendue,  en  arrière  et  en  dehors,  et  la 
lèvre  profonde  tranchante.  L'état  de  la  première  se  com- 
prend par  le  passage  réitéré  de  l'instrument  dans  la  même 
rainure.  J'explique  la  seconde  comme  il  suit.  Lorsque  Tinci- 
sion  circulaire  avait  suffisamment  entamé  la  table  interne, 
un  coup  sec  devait  terminer  l'opération  en  fracturant  ce  qui 
restait,  ou  bien  par  quelque  point  on  devait  introduire  une 
tige  et  opérer  une  pesée  ou  bascule  qui  finissait  de  détacher 
le  fragment. 

M.  Ghudzinski  m*objecte,  dans  la  conversation  que  nous 
avons  eue  à  ce  sujet,  que  les  stries  obliques,  si  abon- 
dantes sur  le  pourtour  antéro-externe  de  Tentaille  et  que  je 
considère  comme  des  échappées,  pourraient  bien  venir  du 
grattage  de  Tos  avant  Topération  pour  détacher  le  périoste. 
Je  lui  réponds  que,  dans  ce  cas,  les  rayures  ùe  seraient  pas 
toutes  dirigées  dans  le  même  sens,  que  le  plus  grand  nom- 
bre seraient  perpendiculaires  à  Tentaille,  sinon  enchevêtrées 
et  comme  capricieuses.  Seul  le  mécanisme  que  j'ai  indiqué 
explique  leur  parallélisme  et  leur  direction  déterminée. 

M.  Ghudzinski  pense,  d'autre  part,  qu'une  fois  la  première 
partie  de  l'opération  terminée,  la  section  circulaire  des  deux 
tiers  postéro-êxterne  et  tant  soit  peu  antérieurs,  l'opéra- 
teur, pour  sectionner  l'angle  postéro-interne,  a  agi  en  sciant. 
C'est  possible,  les  coups  de  silex  tangents  à  cette  partie  sur 
lesquels  je  me  base  dans  mon  mécanisme  en  ce  point,  s'ex- 
pliquent également  avec  cette  idée.  En  tout  cas,  le  long  de 
la  suture  sagittale,  je  maintiens  le  procédé  de  la  section. 

Nulle  part,  sur  le  trajet  de  l'entaille,  il  n'y  a  de  traces  d'un 
travail  inflammatoire  ou  congestif  quelconque,  c*est-à-dire 
qu'il  n'y  a  eu  aucune  réaction  vitale,  comme  il  en  est  sur  un 
os  mort.  Cependant,  en  regardant  à  distance  et  perpendicu- 


540  SÉANCE  DU  21   JUILLET  1887. 

lairement  la  surface  du  crâne,  on  finit  par  distinguer  comme 
un  cercle  irrégulier,  à  une  distance  du  bord  très  inégale^  va- 
riant de  5  à  17  millimètres,  cercle  frangé  le  long  duquel  Vos 
est  piqué  çà  et  là  ou  présente  de  petites  vacuoles  superfi- 
cielles et  irréguliôres.  Cela  est  en  contradiction  avec  les 
autres  particularités.  Voici  comment  je  l'explique.  Les  en- 
droits où  ce  cercle  est  le  plus  large  sont  ceux  où  il  y  a  le  plus 
de  rayures  par  Tinstrument;  celui-ci  a  nécessairement  fen- 
dillé, dilacéré,  décollé  le  périoste.  Dès  lors  la  décomposition 
putride  du  cadavre  s'est  faite  autrement  à  ce  niveau  qu*aux 
endroits  où  le  périoste  était  conservé  ;  plus  tard,  la  terre  s*est 
insinuée  sur  cette  surface  et  y  a  exercé  une  action  autre  que 
sur  les  endroits  voisins.  De  là  une  certaine  altération  de  Fos, 
qui  s*est  manifestée  à  la  jonction  du  périoste  décollé  et  du 
périoste  conservé.  D*autres  causes  adjuvantes  sont  faciles  à 
concevoir,  qui  ont  contribué  à  ce  résultat.  Quoi  qu*il  en  soit, 
ce  cercle  curieux  pourrait  parfaitement  induire  en  eirpur  à 
un  examen  superficiel  et  je  mets  en  garde  les  observaleurs  en 
semblable  occurrence. 

La  conclusion  est,  en  somme,  très  nette.  Il  y  a  là  deux 
sortes  d'entailles  :  l'une  faite  pendant  la  vie,  c'est  la  trépa- 
nation à  l'endroit  où  elle  se  rencontre  le  plus  habituellement 
à  l'époque  néolithique,  de  la  grandeur  d'une  pièce  de 
2  francs,  à  juger  par  ce  qu'il  en  reste  à  V angle  antéro-inierne 
indiqué,  et  l'autre  posthume,  très  probablement  pratiquée 
pour  avoir  des  amulettes  à  se  distribuer  dans  la  famille,  con- 
formément à  la  doctrine  de  Broca,  afin  sans  doute  de  se  pré- 
server de  la  maladie  qui  avait  donné  lieu  à  la  trépanation  sur 
le  vivant.  C'est  un  des  plus  beaux  cas  de  double  trépanation 
que  possédera  notre  musée.  Il  complète  notre  collection  et 
montre  très  bien  la  manière  dont  on  enlevait  les  amu- 
lettes après  la  mort.  Il  semble  indiquer  que  dans  beaucoup 
de  cas  on  devait  procéder  de  môme  sur  le  vivant.  Ce  pro- 
cédé serait  celui  par  section  directe  par  opposition  à  celui 
par  usure. 

Le  cas  de  notre  musée  qui  rappelle  le  plus  celui-ci  est  un 


TOPINARD.  —  GROTTE  NÉOLITHIQUE  DE  FEIGREUX.        541 

crâne  de  la  grotte  néolithique  de  Bray,  mais  la  solution  de 
continuité  y  est  plus  irrégulière  etle  mode  opératoire  plus  Com« 
plexe.  La  section  y  est  combinée  au  procédé  en  sciant,  sinon 
en  usant.  Il  se  pourrait  que  Topération  ait  été  terminée  d'un 
côté  par  fracture  de  Vos  dans  une  grande  partie  de  son 
épaisseur.  Les  deux  genres  de  rayures  se  rencontrent  :  tom- 
bant obliquement  sur  Ventaille  et  tangentes. 

Le  plus  différent  ^st  celui  de  la  caverne  de  THomme-Mort, 
ou  la  trépanation  sur  le  vivant  seul  existe  et  où  le  procédé 
par  usure  semble  seul  avoir  été  employé. 

Ce  qu'il  y  a  de  merveilleux  dans  la  pièce  actuelle,  c'est  sa 
parfaite  conservation,  qui  permet  de  voir  et  d'appréciier  les 
détails  mieux  peut-être  que  dans  toute  autre  pièce  jusqu'à  ce 
jour  *. 

Que  conclure  sur  Tépoque  d'inhumation  de  ces  crânes  et 
ossements  et  sur  la  population  à  laquelle  ils  répondent? 

Tout  d'abord,  au  point  de  vue  anthropologique,  que  c'est 

*  Je  proflterai  de  Tocoasion  pour  dire  quelques  mots  de  deux  citations 
singulières  qu*on  a  Taites  de  moi,  à  propos  de  crânes  trépanés  présentés 
dans  ces  dernières  années  à  la  Société.  Je  fais  allusion  à  un  travail  de 
M.  Pilloy  inséré  dans  les  Matériaux  (numéro  de  juillet  1887). 

La  première  a  trait  à  une  trépanation  très  bien  caractérisée  et  indisou- 
liible,  montrée  par  M.  Simoneau.  J'aurais  dit  «  qu'elle  ressemble  à  une 
trépanation  néolithique,  quoiqu'il  soil  à  supposer  que  la  sépulture  est  pos- 
térieure &  Tépoque  chrétienne  ».  La  citation  est  entre  guillemets.  Or,  le 
dernier  membre  do  phrase  n'existe  pas  dans  nos  BuUetinSt  où  je  dis  avec 
toute  la  netteté  possible  que  la  sépulture  est  pour  le  moins  mérovingienne 
et  prouve  par  conséquent  que  la  coutume  de  la  trépanation  s'est  perpétuée 
pour  le  moins  jusqu'à  cette  époque. 

La  seconde  citation  est  encore  moins  exacte,  h  propos  d'un  crâne  réputé 
trépané  présenlé  par  M.  de  Maricourt.  J'aurais  alors  émis  l'avis  que  ce 
crâne,  malgré  qu'il  ait  été  recueilli  dans  une  tombe  mérovingienne,  devait 
appartenir  â  un  Gaulois,  à  cause  du  type  de  ce  crâne.  Cette  appréciation 
est  si  étrange  et  si  contraire  aux  données  de  l'anthropologie,  que,  déjà  mis 
en  défiance  par  la  première  citation,  je  crus  devoir  aller  aux  sources:  1886, 
p.  G03,  et  pour  plus  d*exactitude,  1885,  p.  253,  et  1884,  p.  678.  Or,  je  sou- 
tiens précisément  l'inverse,  l'opinion  en  question  est  celle  de  M.  de  Mari* 
court  que  je  combats. 

Le  but  de  l'auteur  étant  d'établir  qu'il  a  découvert  la  première  trépansr 
tion  sérieuse  postchrétienne,  on  comprend  pourquoi  il  a  modifié  la  pre- 
mière citation  et  n'a  pas  cherché  à  comprendre  la  seconde  ! 


543  SÉANCE  DU  21   JUILLET   1887. 

le  pendant  de  Tossuaire  d'Orrouy.  Ce  sont  les  mêmes  formes 
crâniennes,  sans  oublier  cptte  dépression  latérale  de  rocci- 
put^  sur  le  trajet  de  la  suture  lambdoïde^  queBroca^aa  labo- 
ratoire, se  plaisait  à  qualifier,  chaque  fois  qu'il  la  rencontrait, 
de  caracthe  (TOrrouy.  Toutefois,  ces  crânes  sont  a  priori  plus 
dolichocéphales,  moins  mélangés,  plus  voisins  du  type  de  la 
caverne  de  THomme-Mort.  S'ils  ressemblent  à  la  série  d'Or^ 
rouy,  à  la  série  de  THomme-Mort,  ils  ressemblent  non  moins 
à  la  série  que  nous  avons  eue,  au  laboratoire,  des  grottes  de 
Baye.  Par  conséquent,  c'est  bien  au  type  moyen  de  la  race 
principale  ou  des  grottes  de  Tépoque  néolithique  qu'ils  ap- 
partiennent. 

Mais  cela  ne  donne  pas  la  date  de  rinhumation,  car,  si  le 
type  a  été  à  son  maximum  de  fréquence  et  de  caractérisation 
dans  les  débuts  de  l'époque  néolithique,  sinon  auparavant  à 
l'âge  du  renne,  nous  devons  reconnaître  qu'il  s'est  perpétaé 
en  diminuant  de  fréquence  et  de  netteté  jusqu'à  l'époque  du 
fer,  et  même  qu'il  se  retrouve  encore  de  temps  à  autre  au- 
jourd'hui :  le  type  ne  s'est  pas  éteint,  mais  il  a  été  noyé  dans 
la  masse  des  types  nouveaux  envahisseurs. 

Que  nous  disent  donc  les  objets  et  les  circonstances  du  gi- 
sement? Les  silex  taillés  et  la  hache  polie  sont  néolithiques, 
ce  sont  les  formes  que  Ton  rencontre  çà  et  là  dans  les  champs, 
sur  toute  la  surface  du  pays,  que  je  connais  parfaitement  à 
ce  point  de  vue,  entre  Compiègne,  Senlis,  Crépy  et  Villers- 
Gauterets.  Les  formes,  comme  le  genre  de  silex,  sont  les 
mêmes  *. 

Les  rondelles  trouées  en  os  et  en  albâtre  du  collier  répon- 
dent encore  à  l'époque  néolithique,  mais  à  sa  fin,  si  je  ne 
me  trompe.  Il  y  en  avait  d'analogues  dans  le  dolmen  de 
Vauréal. 

Quant  à  la  lame  de  fer,  elle  est  d'une  époque  relativement 
récente,  peut-être  historique. 

>  Le  plus  souvent  cependant  les  silex  sont  blancs^  très  patines,  et  vien- 
nent de  la  craie,  dans  cette  régioUi  mais  on  y  trouve  aussi  les  silex  blonds, 
peu  patines,  actuels. 


TOPINAHD.  ^  GROTTE  NÉOtITHlOUE  DE  FË1GNEUX«        543 

Il  y  a  donc  contradictioa  ici.  En  laissant  de  côté  cette  lame, 
tout  indique  que  Tinhumation  a  eu  lieu  dans  le  cours  de  la 
pierre  polie. 

On  ne  saurait  croire  que  la  grotte  a  servi  de  sépulcre  d'une 
façon  continue,  à  Tépoque  néolithique  et  à  l'époque  du  fer. 
Elle  renfermait  à  la  fois  des  hommes,  des  femmes  et  des  en- 
fants, environ  trente-cinq,  sans  parler  de  ceux  d'enfants  qui 
ne  se  sont  pas  conservés.  Supposons  quinze  hommes  et  quinze 
femmes,  et  une  inhumation  d'homme  tous  les  vingt  ans,  cela 
ferait  trois  cents  ans,  ce  qui  est  un  maximum  et  hien  peu  en- 
core. 

On  pourrait  penser  qu'il  y  a  eu  inhumation  à  deux  époques 
distantes  ;  mais,  nulle  part,  les  corps  n'étaient  superposés, 
partout  ils  étaient  dans  la  même  couche  blanche  ancienne  du 
premier  plancher.  D'autre  part,  on  ne  peut  songer  à  un  ha- 
hïlai  permanent  dans  cette  grotte  à  l'âge  du  fer  la  hauteur 
qui  restait  était  insuffisante,  on  n'aurait  pu  que  s'y  glisser, 
des  grottes  plus  commodes  ne  manquaient  pas  dans  le  reste 
de  la  vallée,  où  elles  sont  encore  nombreuses  et  même  ha- 
bitées par  des  troglodytes  contemporains. 

Reste  donc  à  songer  à  une  introduction  accidentelle  de  la 
lame  de  fer.  Nous  réservons  pour  tout  à  l'heure  celle  par 
l'homme  lui-même  et  examinerons  le  fait  possible  d'une  in- 
troduction toute  mécanique. 

Si  Ton  observe  les  cr&nes,  on  voit  que  quelques-uns  sont 
revêtus  d'une  couche  de  calcaire  très  blemc,  qui  remplit 
toutes  les  dépressions  et  petites  cavités;  que  d'autres  n'en 
ont  que  des  traces  revêtues  d'une  terre  un  peu  grasse  et  fon- 
cée, venue  après  coup  ;  et  que  d'autres  enfin  sont  entière* 
ment  empâtés  par  cette  terre  arable  noirâtre,  ce  sont  les 
plus  détériorés.  Si  nous  rapprochons  ces  faits  de  ce  que 
racontent  les  ouvriers,  que  le  devant  de  la  grotte  était  sec  et 
a  donné  des  os  bien  conservés,  tandis  que  les  os  du  fond 
étaient  recouverts  d'une  terre  noire  et  étcdent  parfois  comme 
(«  mangés  »  ;  on  arrive  à  conclure  qu'à  un  certain  moment 
une  faille  a  dû  se  produire  dans  le  fond  de  la  grotte,  par  la- 


544  SÉANCE  DU  21  JUILLET  1887. 

quelle  s'est  introduite  en  abondance  la  terre  arable  qui  s*est 
superposée  à  la  couche  première  blanche  dans  laquelle  gi- 
saient les  corps.  Or,  si  la  terre  du  dessus  de  la  grotte  a  pé- 
nétré dans  celle-ci  et  l'a  presque  remplie  en  ne  laissant  qu'un 
vide  de  30  centimàtres  environ,  la  lame  de  fer  a  bien  pu 
suivre  le  même  chemin.  Elle  se  trouvait,  m*a-t-on  dit,  environ 
à  moitié  de  la  profondeur.  Du  reste,  la  place  exacte  en  hau- 
teur ou  dans  Je  sens  horizontal  est  assez  indifférente.  Car, 
ainsi  que  Darwin  l'a  montré,  les  objets  lourds  tendent  à  des- 
cendre et  à  traverser  les  couches  profondes  avec  le  temps,  et 
les  blaireaux  ou  renards  peuvent  très  bien  les  avoir  fait 
voyager. 

En  somme,  cette  lame  de  fer  ne  se  serait  pas  rencontrée, 
que  nous  n'hésiterions  pas  un  instant  à  dire  que  nous  sommes 
en  présence  de  la  grotte  sépulcrale  néolithique  la  mieux  carac- 
térisée, sans  parler  du  type  de  ses  habitants  qui  confirme 
complètement  cette  conclusion. 

Au  point  de  vue  de  ce  qu'il  y  a  de  plus  intéressant  dans 
celte  série  de  crânes  :  la  trépanation,  la  date  importe,  du 
reste,  médiocrement,  depuis  qu'il  est  établi  que  la  pratique 
de  cette  opération  s'est  continuée  jusqu'à  l'époque  mérovin- 
gienne et  même  qu'on  n'a  sans  doute  jamais  cessé  de  la  pra- 
tiquer jusqu'à  nos  jours.  Pourtant,  il  y  a  une  particularité  qui 
plaide  ici  encore  en  faveur  de  Tépoque  néolithique.  Nous 
avon^  vu  que  le  crâne  en  question  a  deux  genres  d'entailles  : 
l'une  sur  le  vivant  qui  a  guéri,  la  véritable  trépanation; 
l'autre  posthume,  sur  le  pourtour  de  l'ancien  orifice  cicatrisé. 
Pour  expliquer  ces  entailles  posthumes,  il  n'y  a  que  l'idée  de 
Broca  qu'il  s'agit  d'amulettes  qu'on  voulait  prendre.  Or,  si 
la  pratique  de  la  trépanation  sur  le  vivant  s'est  continuée 
jusqu'à  l'époque  mérovingienne  et  l'époque  actuelle,  je  ne 
sache  pas  qu'on  ait  jamais  soutenu  et  prouvé  que  la  pratique 
d'enlever  des  fragments  après  la  mort,  pour  évidemment  les 
conserver,  se  soit  perpétuée  deméme.  Cet  usage  semble  jusqu'à 
ce  jour  appartenir  essentiellement  à  Tépoque  néolithique. 

J'ai  donné  laliste.  des  objets  trouvés  avec  certitude  en  même 


TOPINARD.  —  GROTTE  NÉOUTHIQUE  DE  FEIGNEUX.        545 

temps  que  les  ossements.  Il  me  reste  à  parler  d'objets  d*ane 
provenance  douteuse,  soit  de  fragments  de  poterie  que  l'on 
m*a  donnés  comme  ramassés  dans  la  grotte  ou  que  j*ai  re- 
cueillis dans  la  fosse  oh  les  os  avaient  été  ensevelis  au 
cimetière.  Les  deux  sortes  sont  assez  semblables  pour  qu'on 
les  rapporte  à  un  même  vase. 

Le  principal  fragment,  celui  que  les  ouvriers  ont  recueilli 
dans  la  grotte,  mais  en  l'absence  du  maire,  M..  Rollet,  qui  ne 
se. porte  pas  garant  de  sa  provenance  exacte,  appartient  au 
bord  supérieur  d'un  vase,  pouvant  avoir  10  à  12  centi- 
mètres de  diamètre  à  sou  entrée.  Au-dessous  de  ce  bord,  le 
corps  du  vase  se  renflait.  Ce  fragment  porte  un  goulot  comme 
façonné  au  doigt,  fermé  le  long  du  bord  supérieur  par  un 
pont  de  la  substance  et  s'ouvrant  dans  l'intérieur  du  vase  à 
2  centimètres  au-dessous  de  la  face  supérieure  de  ce  pont. 
Ce  fragment  est  gris  foncé  en  dedans  et  noir  en  dehors, 
cette  couche  noire  tachant  les  doigts  lorsqu'on  la  lave  à 
l'eau.  La  pâte  de  cette  poterie  est  gris  clair,  homogène,  dure, 
à  cassure  nette.  Ce  n'est  pas  une  poterie  néolithique. 

Les  fragments  que  j'ai  ramassés  dans  le  cimetière  avec  les 
os  sont  en  tout  semblables  ;  l'un  d'eux  montre  une  surface 
plate  sur  laquelle  pouvait  reposer  le  vase.  C'est,  en  somme, 
une  poterie  gauloise  ou  mérovingienne. 

Dans  le  cimetière,  j'ai  ramassé,  en  outre  des  fragments  ci- 
dessus,  quelques  petits  morceaux  de  verre  ou  lamelles  minces, 
translucides  et  irisées.  Les  ouvriers  me  dirent  :  «Inutile  de  les 
prendre,  ils  viennent  du  sol  même  du  cimetière.  »  Mais  de 
semblables  morceaux,  plus  petits,  ont  été  retrouvés  ici  au  la- 
boratoire dans  les  orbites,  non  dans  la  terre  blanche  qui 
adhérait  à  leur  fond,  mais  dans  la  terre  noire  qui  en  remplis- 
sait la  partie  la  plus  antérieure.  A  quel. moment  cette  terre 
noire  est-elle  venue  se  superposer  dans  les  orbites  :  dans  le 
cimetière,  lors  du  second  ensevelissement,  ou  dans  la  grotte 
longtemps  après  le  premier  ensevelissement? 

Si  j'insiste  sur  ces  faits,  c'est  qu'ils  permettent  l'hypo- 
thèse que  le  verre,  la  poterie  et  la  lame  de  fer  ont  tous  la 

T.  X  (8«  série).  35 


546  SÉANCE   DU  21   JUIUET  1887. 

même  provenance^  et  que  les  trois  ont  été  introduits  long* 
temps  après  Tensevelissement  néolithique  par  l'homme  lui- 
même,  lequel  se  serait  glissé  en  rampant  dansTétroit  espace 
qui  restait  sous  la  grotte.  La  roche,  dans  ce  cas,  aurait  été 
occupée  deux  fois  :  à  l'époque  néolithique  et  à  une  époque 
du  fer,  peut-être  historique. 

A  la  grotte  d'Orrouy  semblable  fait  s*est  produit.  Lorsque 
la  Société,  il  y  a  vingt  ans,  s*y  transporta,  on  accepta  qu'elle 
était  de  Tépoque  du  bronze,  parce  qu'on  y  avait  recueilli, 
dans  les  terres  rejetées  au  dehors,  un  objet  de  bronze,  que 
Ton  ne  montra  pas.  Depuis,  j'ai  visité  maintes  fois  la  grotte 
d'Orrouy  ;  j'ai  vu  la  pièce,  c'est  une  petite  cuiller  romaine  se 
terminant  par  une  figurine,  un  type  très  courant  que  j'ai  sou- 
vent revu  dans  les  magasins  d*antiqnités.  Je  rendis  donc  à 
cette  grotte  son  âge  véritable^  qui  est  l'âge  néolithique,  et 
personne  n'y  a  fait  d'objection. 

La  lame  de  fer,  la  poterie  et  peut-être  le  verre,  si  réelle- 
ment il  faut  les  rapporter  à  la  grotte,  ne  doivent  pas  da- 
vantage nous  inquiéter.  Quelle  que  soit  la  façon  dont  ils 
y  ont  pénétré,  ils  laissent  l'époque  de  l'ensevelissement 
intacte. 

Pour  nous,  en  somme,  la  grotte  sépulcrale  de  Peigneux 
est  incontestablement  néolithique  et  le  crâne  trépane  est  la 
confirmation  de  la  doctrine  émise  par  Broca  pour  la  première 
fois,  à  propos  de  la  grotte  néolithique  de  l'Homme-Mort, 
en  1873. 

IHsciiiBion. 

M.  Manouvhier.  Je  ne  partage  pas  l'opinion  de  M.  Topinard 
au  sujet  de  la  trépanation  de  l'un  de  ses  crânes.  Cette  trépa- 
nation, extrêmement  régulière,  me  semble  avoir  été  faite  sur 
le  cadavre.  La  partie  amincie  et  éburnée,  sans  trace  de  tissu 
spongieux  interposé  entre  les  deux  tables  du  crâne,  que  l'on 
remarque  sur  le  bord  antérieur  de  l'ouverture,  représente 
tout  simplement  la  section  d'une  portion  de  l'os  amincie  par 
la  présence  d'une  fossette  interne,  fossette  que  l'on  sent  très 


DISCUSSION  SUH  LA  GHOTTE  NÉOLITHIQUE  DE  FEIGNEUX.     547 

bien  avec  le  doigt  et  qui  a  été  creusée  par  des  corpuscules  de 
Pacchioni.  Une  fossette  semblable  existe  en  un  point  symé- 
triquement situé  de  Tautre  côté  de  la  suture  sagittale.  Au  ni» 
veau  de  ces  fossettes,  la  paroi  crânienne  est  réduite  à  ses 
deux  tables  de  tissu  compact  sans  tissu  spongieux.  Une 
autre  raison  m'empècbe  d'admettre  que  cet  amincissement 
avec  éburnation  soit  le  résultat  d*un  travail  de  réparation  ; 
c'est  qu*un  pareil  travail  au  voisinage  de  la  suture  sagittale 
eût  certainement  entraîné  la  synostose  de  cette  suture.  Or, 
elle  est  largement  ouverte,  bien  qu'elle  soit  contiguë  à  Tou- 
verture  pratiquée  dans  le  pariétal. 

t  M.  TopiNARD.  Je  ne  suis  pas  d'avis  que  le  premier  effet  d'une 
entaille  de  ce  genre  sur  le  vivant  serait  de  déterminer  un  tra- 
vail pathologique  sur  la  suture.  Du  reste,  la  trépanation 
sur  le  vivant  en  est  encore  éloignée.  Quant  à  l'objection 
de  la  minceur  du  crâne  et  de  l'absence  de  diploé  là  où  je 
vois  le  reste  de  l'ancienne  trépanation,  je  me  la  suis  faite 
aussi.  Néanmoins,  je  persiste  dans  mon  appréciation.  Je 
pourrais  montrer  plusieurs  trépanations  néolithiques  sur  le 
vivant  au  même  endroit,  qui  sont  dans  notre  musée,  par 
exemple  la  trépanation  de  la  grotte  de  Baye,  et  danslesquelles 
la  surface  ancienne  cicatrisée  a  exactement  les  mêmes  ca- 
ractères . 

M.  CuuDZixsKi.  La  curieuse  trépanation  présentée  par 
M.  Topinard  rappelle,  par  son  procédé,  la  célèbre  rondelle 
trouvée  par  M.  Prunières  dans  un  dolmen  de  la  Lozère.  Il  est 
inutile  que  j'insiste  sur  la  description  de  cette  rondelle,  car 
elle  a  été  longuement  décrite  par  M.  Prunières  lui-même  au 
(Congrès  pour  l'avancement  des  sciences  à  Lyon,  en  1873,  et 
par  M.  Broca  dans  la  Revue  d^ Anthropologie  ^e  1877. 

M.  Topinard.  En  effet,  cette  entaille  des  deux  lames  du  crâne 
à  la  fois  rappelle  bien,  par  sa  fermeté,  l'amulette  du  doc- 
teur Prunières,  de  Marvejols.  Cela  vient  à  l'appui  de  mon 
affirmation  qu'il  y  a  là  une  entaille  posthume  greffée  sur  une 
trépanation  du  vivant.  Car  pourquoi  irait-on  prendre  des 
amulettes  sur  un  crâne,  si  le  sujet  ne  présentait  quelque  par- 


548  SÉAHCE  DU  21    JUILLET  1887. 

ticularité  aniérienre,  en  faisant  un  sujet  pmilégié,  comme 
mystique,  dont  le  crâne  aurait  conservé  des  propriétés  mys- 
térieuses? 

Sar  lui  eas  de  Biler«plithal»le  ; 

PAR  H.   ATA. 

J'ai  Thonneur  de  présenter  à  la  Société  d'anthropo- 
logie le  cas,  fort  rare,  de  ce  bébé  qui  est  atteint  d'une  mi- 
crophthalmie  gauche.  C'est  un  petit  enfant  du  sexe  féminin, 
âgé  de  cinq  mois  et  très  bien  portant.  J*eus  l'occasion  de  voir 
sa  mère,  qui  est  toute  jeune^et  qui  n'a  pu  nous  donner  aucun 
renseignement  qui  puisse  nous  éclairer  sur  la  cause  de  cette 
ditTormité  de  l'œil.  Son  père  n'a  rien  d'anormal  non  plus. 
Ce  vice  de  conformation  de  la  tolalité  du  globe  oculaire  est 
accompagné,  chez  cet  enfant,  d'une  cataracte,  de  blépharo- 
phimosis  et  de  strabisme.  L'œil  gauche  a  le  volume  d'une 
cerise  ou  d'une  noisette.  On  a  observé  des  cas  de  microph- 
thalmie  se  montrant  d'une  manière  héréditaire,  oette  altéra- 
tion étant  plus  fréquente  à  droite.  Ici,  nous  voyons  un  cas 
contraire,  puisque  c'est  l'œil  gauche  qui  est  atteint. 

II  est  à  remarquer  que  l'enfant  n'a  ni  bec*dc-]ièvre,  ni 
malformation  de  la  bouche  et  de  la  voûte  palatine. 

COMMUMIGATIOKS. 

10  Sur  une  sépulture  aoa«  roche   de  l'dge  do  lu  pierre  * 

Créey-en-Brie  ; 
t»  9ar  des  silex  Initiés  trouvés  dans  les  sables  d'alluvlon5< 

•eus  Paris  (quartier  de  la  Banque)  ; 
9o   Sur  un  atelier   préblslorlque    de   meulières   taillées   * 

Foiitenay-aux*Roses  ; 

PAR   M.    THIEULLBR. 

Avec  leur  compétence  bien  reconnue,  MM.  de  Mortillet 
et  le  docteur  Manouvrier  nous  ont  fait,  il  y  a  quelques  mois, 
d'intéressantes  conférences  sur  les  instruments  et  les  osse- 
ments trouvés  à  Grécy-en-Brie,  dans  une  sépulture  sous  ro- 
che de  rflge  de  la  pierre. 


BéCOUVCRTBS  PRÉIIISTORIQUI^S .  549 

J'ai  fait  remanier  la  terre  qui  avait  été  extraite  de  cette 
sépulture,  etj*ai  l'avantage  de  vous  présenter  quelques  nou- 
veaux objets  échappés  aux  premières  recherches. 

Plusieurs  couteaux  en  silex,  une  hache  taillée,  une  autre 
polie  au  tranchant  bien  affûté,  trois  petits  tranchets  trian* 
gulaires  en  silex  ;  toutes  ces  pièces,  très  semblables  à  celles 
trouvées  précédemment,  viennent  confirmer  notre  hypothèse 
de  la  première  heure,  à  savoir  que  tous  les  instruments  soit 
en  silex,  soit  en  os,  élaient  ou  intacts  ou  remis  en  état  au 
moment  de  Tensevelissement  du  mort. 

Ce  fragment  d'os  poli  doit  être  considéré  comme  l'ex* 
trémité  de  eet  instrument  barbelé  que  M.  de  Mortillet  a  dé* 
nommé  pointe  de  sagaie  ou  de  javelot;  mais  la  forme  très 
allongée  de  cette  pièce,  sa  grande  fragilité,  son  extrémité 
finement  amincie,  m*ont  conduit  à  penser  que,  loin  d'être 
une  arme  de  guerre  ou  de  chasse,  cet  objet  servait  à  un 
usage  domestique;  il  est,  en  effet,  on  ne  peut  mieux  appro- 
prié à  maintenir  les  cheveux  enroulés.  En  voici,  du  reste,  la 
reconstitution  exacte  et  entière.  Une  certcdne  analogie  de 
forme  nous  fait  attribuer  un  emploi  similaire  à  Tinstrument 
en  os  qu'on  a  appelé  lissoir^  et  qui  pour  nous  servait  à  dé  • 
mêler  et  partager  les  cheveux.  Nous  en  avons  fait  l'expé- 
rience. Les  silex  dits  écrasotrs  pourraient  bien  être  les  ou- 
tils qui,  à  l'instar  de  tarières,  ont  perforé  les  gaines  en 
corne  de  cerf. 

Nous  avons  recueilli  une  nouvelle  quantité  très  importante 
de  dents  humaines,  dans  le  même  état  que  celles  trouvées 
antérieurement,  c'est-à-dire  très  saines.  Souvent  très  usées, 
quelquefois  même  jusqu'à  la  racine,  elles  confirment  l'opi- 
nion que  nous  avions  déjà  émise,  d'une  alimentation  végétale 
crue. 

Voici  deux  petites  rondelles  taillées  dans  une  coquille 
d'unio,  et  provenant  vraisemblablement  d'un  collier;  mais 
ce  qui  paraît  être  de  beaucoup  plus  intéressant,  puisque 
cela  témoigne  d'un  sentiment  affectif  très  prononcé,  ce  sont 
ces  quatre  petits  os  du  carpe  et  cette  vertèbre  qui,  percés  de 


5ft0  SÉANCE  DU  91  junxET  4887. 

pdrt  en  part,  devaient  èlre  portés  suspendus,  comme  reliques 
de  l*ètre  aimé  qui  n*est  plus. 

Il  est  quantité  de  pierres  taillées  et  travaillées,  en  silex, 
meulière,  calcaire,  granit,  quartzite,  etc.^  qui  ont  échappé 
jusqu'ici  à  Inattention  desanthropologistes;  Je  citerai,  comme 
exemple,  les  meulières  plates,  dont  les  cassures  naturelles 
et  intentionnelles  ont  été  modifiées  plus  ou  moins  par  le  tra- 
vail humain. 

En  voici  un  certain  nombre  que  j*ai  ramassées  dans  la  vallée 
du  Grand-Morin;  deux,  entre  autres,  provenant  de  la  sépul- 
ture de  Crécy,  semblent  sortir  de  la  main  de  l'ouvrier.  Toutes 
les  personnes  auxquelles  j'ai  présenté  ces  pièces,  n'y  ont  vu 
que  des  effets  naturels  et  non  intentionnels;  seul,  M*  Sta- 
nislas Meunier,  le  géologue  si  prudent  et  si  clairvoyant  tout 
à  la  fois,  était  frappé  de  Taspect  particulier  de  ces  cassures, 
sans  toutefois  vouloir  se  prononcer  sur  leur  nature*  Je  viens 
de  rencontrer  enfin  la  confirmation  éclatante,  indéniable,  de 
mes  observations  à  ce  sujet. 

A  Fontenay-aux-Roses,  au  lieu  dit  rOrme-rfti-J/ou/m  (de- 
puis» j'ai  constaté  le  même  fait  sur  les  territoires  de  Sceaux, 
FontenayetChàtillon),  j'ai  trouvé,  à  une  profondeur  moyenne  , 
de  I  à  3  mètres,  et  reposant  presque  directement  sur  le  sable'de 
Fontainebleau^  une  quantité  vraiment  prodigieuse  de  pierres 
meulières  plates,  de  toutes  dimensions,  portant  presque 
sans  exception  la  trace  irréfragable  du  travail  de  l'homme. 
C'est  là  oomtne  uHe  immense  réserve  de  pièces  travaillées 
et  de  percuteurs  rassemblés  intentionnellement  à  cette  place. 

La  caractéristique  de  ce  travail  produit  le  plus  souvent, 
peut-être,  par  polissage,  estque  ces  pierres  travaillées  peuvent 
être  posées  d'aplomb  sur  une  ou  plusieurs  de  leurs  faces, 
quelquefois  même  sur  toutes.  J'ai  l'honneur  de  vous  en  pré- 
senter une  centaine  que  j'ai  prises  un  peu  au  hasard^  dans 
un  des  tombereaux  qui  les  enlevaient  pour  l'empierrement 
des  routes.|L' examen  le  plus  superficiel  ne  laissera  sub- 
sister aucun  doute  sur  l'authenticité  de  la  [taille,  et  Tévi- 
dence  deviendra  entière  même  aux  yeux  des  plus  prévenus. 


DÊGOUVERtBd  PRÉHISTORtQlîËS.  BSl 

A  quoi  pouvaient  servir  ces  grandes  et  iotlrdes  pierres  dont 
plusieurs  ont  nécessité  uil  travail  long  et  opiniâtre  ?  Il  y  a  16 
matière  à  exercer  la  perspicacité  de  chacuh  ;  elles  pouvaient 
être  employées  à  creuser  le  sable  où  Thomme  préhisto- 
rique cherchait  un  abri. 
J*arrive,  messieurs,  à  ma  troisième  communication: 
On  fait  en  ce  moment  un  collecteur  qui,  dé  la  plaée  des 
Victoires  à  la  rue  de  Richelieu,  passe  par  la  rde  de  la  Féù Il- 
iade et  des  Petits-Ghamps.  Le  travail  s'effectue  en  tuhUel, 
des  puits  sont  forés  sur  le  parcours,  et  les  déblais,  déversés 
autour  des  oriflces,  forment  talus.  L'égout  se  construit  à 
1â  mètres  environ  de  profondeur,  en  plein  sable  d'alluvions. 
D'une  épaisseur  de  13  mètres,  d'après  la  carte  de  Delesse, 
ce  sable  apparaît  à  7  mètres  au-dessous  du  sol  de  la  rue.  Il 
est  très  fin  et  contient  quelques  silex.  J'en  ai  lavé  plusieurs 
et  j'ai  pu  constater  qu'ils  étaient  taillés;  mais  roulés  par  les 
'  eaux,  les  angles  de  la  taille  en  sont  fort  émoudsés.  J'ai  ra- 
massé avec  ces  silex  plusieurs  percuteurs,  trois  pièces  avec 
le  bulbe  classique,  et  ce  morceau  de  granulité,  roche  que 
l'on  sait  amenée  du  Morvan  par  le  cours  supérieur  de  l'Yonne; 
peut-être  ce  fragment  a-t-il  servi -de  polissoit? 

On  peut  donc  aujourd'hui  affirmer  sans  témérité  qUe  les 
débris  de  la  pierre  taillée  jonchent  les  terrains  de  toute  nature 
qui,  à  proximité  de  l'eau,  étaient  favorables  à  Texistehcë  de 
l'homme  préhistoriquci  et  qu'il  n'est  peut-être  pas  une  pierre 
de  la  surface  qui'ne  porte  peu  oU  beaucoup  l'empreinte  de 
l'industrie  humaine  de  cette  époque.  Non  seulement  le  sol^ 
mais  le  sous-sol»  recèle  une  quantité  innombrable  de  pierres 
taillées,  témoin,  autour  de  Paris,  ces  immenses  dépôts  de 
Grenelle  «  Billancourt,  Cplombes^  Houille,  l'Isle-Adam , 
Chelles,  etc.,  etc.  Sur  les  coteaux  qui  avoisinent  Crécy,  non 
seulement  le  sol  est  jonché  de  silex  taillés,  mais  on  rencontre 
souvent  de  véritables  murailles  de  Uucléus  et  de  silex  de 
toutes  dimensions,  sur  des  épaisseurs  et  largeurs  de  plus  de 
S  mètres  et  des  longueurs  de  plus  de  400  mètres  ;  dans  le 
pays,  on  appelle   ces  amoncellements  des  parés.  Sur  une 


552  SÉANCE  DU  21  JUILLET  1887. 

route  qn*on  traçait  de  Villiers-sur-Morin  à  Montaigu^  je 
rencontrai  plus  de  deux  cents  percuteurs  sur  un  parcours 
de  500  mètres;  et  la  route  en  contre-bas  de  2  mètres  sem- 
blait pratiquée  en  pleine  balastière. 

Depuis  quelques  années  seulement,  et  sans  en  faire  Tobjet 
de  recherches  spéciales,  j'ai  trouvé  des  silex  taillés  près  de 
Grignon,  près  de  Gompiègne,  sur  les  falaises  de  Boulogne, 
deGalais,  de  Folkestone,  près  d'Ancenis,  près  d'Aurillac,  sur 
les  deux  rives  du  Morin,  de  Ghalifert  à  Goulommiers;  et  j'ai 
rencontré  des  meulières  travaillées  à  la  butte  d'Orgemont, 
sur  les  plateaux  de  Sceaux,  Fontenay  et  Ghâtillon. 

L'homme  préhistorique^  partout  répandu  sur  le  globe, 
choisit  ses  premières  armes  dans  les  pierres  naturelles  qu'il 
modifie  bientôt  d*une  façon  toute  rudimentaire  ;  souvent  une 
ou  deux  percussions  lui  suffisent.  La  pierre  ramassée  à  la 
surface  se  taille  difficilement,  et  Thomme  n'a  aucun  loisir, 
préoccupé  qu'il  est  de  rechercher  sans  trêve  sa  nourriture. 
Le  silex  devient  pour  lui  la  plus  précieuse  de  toutes  les 
pierres,  car  elle  se  prête  merveilleusement  au  besoin  qu'il 
a  de  pointes  et  de  tranchants. 

Du  jour  où  il  a  enfin  taillé  la  hache  de  Saini-Acheul  ou  de 
Ghelles,  il  est  en  possession  de  tout  un  outillage;  il  trouve 
dans  les  éclats  qu'il  fait  ou  qu'il  retouche,  des  grattoirs,  des 
poinçons,  des  lances,  des  flèches  qu'il  peut  emmancher  dans 
le  bois.  Armé  pour  la  chasse,  il  va  pouvoir  ajouter  quelques 
rares  morceaux  de  la  chair  des  animaux  à 'son  alimentation 
jusqu'alors  presque  exclusivement  végétale.  Lentement,  par 
la  longue  succession  des  siècles^  les  conditions  climatériques 
vont  changer,  certains  animaux  vont  disparaître  sans  retour 
pour  faire  place  à  d'autres,  l'homme  est  toujours  là,  lullant 
sans  trêve  pour  l'existence,  avec  son  unique  et  indispensable 
auxiliaire,  la  pierre  ;  de  là,  bien  des  probabilités  pour  qu'il 
en  ait  fait  l'objet  principal  de  sa  vénération  et  de  son  culte. 
Plus  tard,  bien  plus  tard,  vivant  sans  doute  dans  un  milieu 
plus  favorable  à  son  existence,  il  a  quelques  loisirs.  Il  vvl 
chercher  le  silex  avec  son  eau  de  carrière^  il  polit  la  pierre 


DKCOUVERTES    PRÉBISTORIQUES.  553 

et  les  os,  grave,  avec  des  pointes  de  silex,  la  silhouette  d'ani- 
maux inconnus  de  nous,  et  disparus  depuis  un  temps  dont 
nous  sommes  impuissants  à  évaluer  le  prodigieux  éloigne- 
ment.  Le  plus  souvent  à  cette  époque,  Thomme  ignore  le 
feu;  s*il  Tentrevoit,  il  ne  peut  l'entretenir;  dans  les  sépul- 
tures dites  de  l'âge  de  la  pierre  polie  et  mises  au  jour  dans 
la  vallée  du  Grand-Morin,  on  n'a  rencontré  aucune  trace  n 
de  charbon  ni  de  poterie. 

Ces  belles  haches  polies,  ces  fragiles  et  fins  couteaux  que 
nous  retrouvons  intacts  au  fond  des  dolmens,  n'étaient  vrai- 
semblablement que  des  objets  de  luxe  ou  de  culte,  de  sim- 
ples fétiches,  les  dieux  lares  peut-être. 

Les  collectionneurs  et  les  musées,  préoccupés  de  réunir 
exclusivement  les  pièces  de  choix  et  bien  finies,  ont  négligé 
ces  pierres  plus  grossièrement  taillées  qui,  en  nombre  bien 
autrement  incalculable,  de  toute  forme  et  de  toute  nature, 
sont  les  vrais  instruments  de  cette  civilisation.  Ce  n'est  que 
par  l'étude  de  ces  pierres  sur  le  terrain  même,  que  nous 
pouvons  espérer  soulever  un  jour  le  voile  épais  qui  nous 
cache  encore  ce  passé  si  difficile  à  reconstituer. 

J'ai  l'avantage  de  vous  soumettre  divers  instruments  col- 
lectionnés en  vue  d'appuyer  la  théorie  que  j'émets;  j'ai  pris 
soin  de  grouper  plusieurs  spécimens  de  chacune  des  formes 
que  je  vous  présente,  afin  de  répondre  d'avance  aux  per- 
sonnes qui  nomment  éclats  les  silex  n'ayant  pas  la  taille  clas- 
sique, et  dont  il  est  difficile  de  déterminer  l'usage.  Je  si- 
gnalerai entre  autres  à  votre  attention  ces  silex  à  encoche 
demi-circulaire,  et  qui,  d'une  taille  un  peu  grossière,  présen- 
tent cependant  un  très  grand  intérêt.  Ces  encoches  devaient 
servir  comme  filières  à  racler,  à  arrondir  le  bois  des  arcs,  des 
flèches,  des  lances,  des  emmanchements.  Craignant  que  les 
pièces  que  je  vous  soumets  en  ce  genre  ne  soient  pas  assez 
parfaites  pour  être  probantes  à  tous  les  yeux,  j'y  ai  joint  les 
trois  plus  belles  empruntées  à  la  très  intéressante  collection 
de  M.  Régnier,  gendarme  à  Esbly.  Il  les  a  ramassées  dans  un 
atelier   qu'il  a  découvert  à   Coupvray.   De   la   même  col- 


S54  SÉAlfCE  DIT  SI    JUILLET   1887. 

leoiion,  oetie  pièce  à  encoche  et  ce  coup  de  poing  avec  creux 
intentionnel  pour  la  paume  de  la  main  ont  été  trouvés  6 
ChelleS)  et  confirment  ce  que  j'avançais  plus  haut,  que 
l'homme  de  Cheiles  avait  déjà  tout  un  outillage. 

Et  si  maintenant  de  la  sépulture  de  Grécyeti-Brie,  qui  d*après 
les  travaux  de  M*  Manouvrier  contenait  plus  de  87  individus, 
hommes,  femmes,  vieillards,  enfants,  ces  dertiiers  au  nom- 
bre d'une  vingtaine,  nous  avions  quelques  hypothèses  à  tirer, 
nous  dirions  que  ces  morts  de  tout  Age,  de  tout  sexe,  ne  pa- 
raissent pas  représenter  une  sélection  particulière,  et  que 
nous  sommes  là  en  présence  d'un  véritable  caveau  de  famille 
renfermant  diverses  générations  successives.  NoUs  pourrions 
donc  en  déduire  que  Thomme  de  celle  époque  vivait  en 
colonies  familiales,  et  non  en  tribus. 

Il  devait  être  en  état  de  paix  profonde  avec  ses  nombreux 
voisins,  celui  qui  n'avait  qu'une  seule  superstition,  le  culte 
de  la  pierre,  celui  qui  lentement  et  péniblement  creusait  un 
abri  sous  roche  pour  ses  morts,  qui  à  fofce  d'adresse,  de 
patience  et  de  temps  élevait  ces  murs  destinés  à  soutenir 
la  pesante  masse  meulière  formant  toit,  qui  polissait  Iti 
pierre,  façonnait  les  os  et  découpait  ses  objets  de  luxe  et  de 
parure  dans  les  coquilles  du  Grand-Morin. 

Au  début  de  celte  science  préhistoriciue  qui  devait  détruire 
et  efl'acer  toutes  les  légendes  de  notre  humanité,  il  était  né- 
cessaire d'apporter  des  pièces  éblouissantes  de  Vérité  qui 
pussent  s'imposer  aux  yeux  de  tous;  aujourd'hui  Tévidence 
est  faite,  l'existence  de  l'homme  avant  l'histoire,  avatit  les 
métaux,  n'est  plus  contestée,  et  nous  nous  efforçons  de  pé- 
nétrer plus  avant  chaque  jour  dans  ce  mystérieux  passé.  Je 
vous  soumets  avec  conviction,  messieurs,  ces  diverses  pierres 
travaillées  qui,  méconnues  jusqu'ici,  sont  poUr  moi,  après 
l'examen  que  j'en  ai  fait  pendant  plus  de  sept  ans  sur  le  ter- 
rain même,  les  véritables  agents  et  les  témoins  Indéniables 
de  cette  civilisation  préhistorique  dont  l'antiquité  prodigieuse 
échappe  à  toutes  nos  chronologies,  pour  me  servir  des  belles 
expressions  de  Broca. 


DISCUSSION  SUR  LES  DÉCOUVERTES  PRéHISTORlQUES.        5SH$ 

Ces  silet  taillés,  Complètement  cacholongués  dans  leur 
masse,  ont  été  relevés  par  moî  dans  le  cimetière  de  Voulangis^ 
près  Crécy;j*attribue  leur  modification  au  milieu  marneux 
dans  lequel  ils  étaient  empfttés. 

Discussion. 

M.  G.  DE  MoRTitLET.  M.  TbieuUen  est  un  chercheur  des 
plus  actifs  et  des  plus  intelligents.  Il  a  découvert  plusieurs 
gisements  préhistoriques  aux  envitons  de  Paris.  Dernière- 
ment, il  nous  présentait  le  produit  des  fouilles  d*une  curieuse 
sépulture  mégalithique  de  Crécy-en-Valols,  sépulture  qui  a 
introduit  des  données  nouvelles  dans  la  science.  Mais,  sur- 
excité par  ces  brillants  succès,  il  me  paraît  aller  un  peu 
trop  loin  aujourd'hui.  Je  ne  saurais  voir  des  silex  taillés  in- 
tentionnellement dans  les  nombreux  et  volumineux  frag- 
ments de  meulière  qti*il  vient  de  nous  présenter. 

La  meulière  a  été  produite  par  la  précipitation  et  la  con- 
densation de  silice  gélatineuse  dans  un  milieu  aqueux.  En 
se  condensant  et  se  séchant,  cette  silice  a  éprouvé  dé  forts 
retraits,  qui  ont  fkit  éclater  la  pïètte  suivant  des  lignes  plus 
ou  moins  droites  formant  des  réseaux  polygonaux.  C'est 
exactement  une  action,  sinon  semblable,  dû  moins  analogue 
à  celle  qui  s'est  produite  sur  les  basaltes  ;  seulement  les 
meulières,  étant  beaucoup  moins  épaisses,  au  lieu  de  se  divi- 
ser eu  véritables  ColonUeâ,  se  sont  divisées  en  petites  pla- 
quettes. Mais  l'homme  n'est  pas  plus  intervenu  dans  un  cas 
que  dans  Tautre.  Le  phénomène  d'éclatement  par  Retrait 
est  général  dans  les  meulières.  C'est  ce  qui  a  fait  dire  à 
M.  Thieullen  que,  dans  ces  stations,  toutes  les  pierres,  sans 
exception,  portent  les  traces  du  travail  humain. 

Ces  traces,  d'après  M.  Thieullen,  sont  surtout  de  deux  na- 
tures différentes  : 

V  Des  faces  sensiblement  droites,  qui  permettent  de  dres- 
ser les  échantillons  sur  leurs  tranches,  faces  qui  seraient 
dues  au  polissage  ; 


556  SÉANCE  DU  21    JUILLET  1887. 

â^"  Des  éclats  concholdaux  en  bosse  aatour  d*an  Doyan,  qui 
devient  plus  ou  moins  rond  et  serait  un  broyeur  ou  un  percu- 
teur. 

Les  faces-droites  sont  tout  simplement  le  produit  des  écla- 
tements par  retrait.  M.  Gollin  me  communique  un  échantil- 
lon qui  le  démontre  de  la  manière  la  plus  certaine.  Il  a  été 
ramassé  par  lui  dans  la  région  explorée  par  M.  Thieullen. 

Ce  fragment  de  meulière  montre  une  fente  de  retrait  en 
état  de  formation.  Sur  une  face  de  la  meulière,  la  fente  est 
complète  dans  toute  la  longueur,  mais  cette  fente  ne  traverse 
pas  l'épaisseur  de  la  pierre  et  n'apparaît  pas  sur  la  face 
opposée.  Cette  fente  est  rectiligne  et  un  éclat,  parti  sur  Tun 
des  côtés,  permet  de  constater  que  le  produit  de  la  Assure 
est  une  surface  parfaitement  plane.  L'action  de  la  nature  est 
donc  là  prise  sur  le  fait  et  son  mode  d'agir  ne  saurait  laisser 
de  doutes. 

Les  faces  de  retrait  paraissent  si  planes,  que  M.  Thieullen 
prétend  qu'elles  sont  polies.  Pour  s'assurer  du  contraire,  il 
suffit  de  les  appliquer  sur  une  surface  parfaitement  plane.  On 
reconnaît  alors  que  le  plan  des  surfaces  de  retrait  est  plutôt 
apparent  que  réel.  Ce  plan  ne  s'applique  pas  régulièrement 
sur  la  surface  réellement  plane.  C'est  pourtant  ce  qui  devrait 
exister,  si  la  meulière  avait  été  polie  au  frottement  sur  une 
meule  dormante. 

Mais,  dit  encore  M.  Thieullen,  le  polissage  a  été  fait  avec 
un  polissoir  à  main.  Alors  l'irrégularité  devrait  être  encore 
plus  grande  qu^elle  ne  Test. 

En  outre,  les  surfaces  planes  des  cassures  de  retrait  de  la 
meulière  contiennent  très  souvent  de  petites  aspérités  sur  les 
bords,  qui  ne  s'expliquent  ni  dans  l'un  ni  dans  l'autre  des 
modes  de  polissage  supposés. 

Les  meulières  sont  plus  ou  moins  pures.  La  silice  qui  les 
compose  contient  souvent  des  éléments  argileux  ou  calcaires. 
Ces  meulières  deviennent  alors  gélives  et,  par  suite  des  actions 
atmosphériques,  partent  par  éclats  affectant  des  formes  con- 
choïdales.  C'est  ce  qui  donne  naissance  aux  noyaux  arrondis 


DISCUSSION   SUR  LES    DÉCOUVERTES   PRÉHISTORIQUES.        557 

que  M.  Thieullen  a  présentés  comme  des  molettes  ou  des  per- 
cuteurs. Ces  pseudo-molettes  ou  pseudo-percuteurs  ont  les 
faces  de  départ  des  éclats  en  relief,  au  lieu  de  les  avoir  en 
creux.  C'est  un  caractère  qui  les  distingue  nettement  des 
œuvfes  de  Thomme. 

M.  Thieullen.  Messieurs,  c'est  d'un  fait  purement  matériel 
à  constater  qu'il  s'agit,  et  c'est  par  le  développement  d'une 
théorie  qu'on  vient  le  combattre.  J'apporte  une  centaine 
d'instruments  en  meulière  de  toutes  Formes,  de  toutes  dimen- 
sions ;  tous,  selon  moi,  portent  la  trace  indéniable  du  travail 
de  l'homme  préhistorique,  et,  au  lieu  de  les  examiner  atten- 
tivement, on  vient  étayer  toute  une  démonstration  préconçue 
sur  deux  échantillons  fournis  par  une  personne  tierce^  qui, 
paraît-il,  les  a  ramassés  dans  l'atelier  que  je  dis  avoir  dé- 
couvert. 

L'homme  qui  vivait  sur  la  meulière  taillait  cette  pierre 
comme  il  pouvait  le  faire,  c'est-à-dire  d'une  tout  autre  façon 
que  le  silex  de  la  craie  ;  et,  afin  qu'il  ne  puisse  subsister 
aucun  doute  à  cet  égard,  j'ai  pris  soin  de  vous  présenter  en 
comparaison,  des  meulières  de  carrière  avec  cassures  natu- 
relles et  non  travaillées  ;  la  démonstration,  vraie  ou  fausse, 
sera  donc  complète  après  examen.  Je  ne  puis  rien  faire  de 
plus. 

Entre  autres  pièces  travaillées,  voici  un  grattoir  en  meu- 
lière de  Fontenay-aux-Roses,  de  forme  presque  mathémati- 
quement semblable  à  celle  de  cet  autre  grattoir  en  silex  de 
Crécy-en-Brie  ;  parmi  ces  nombreux  percuteurs,  en  voici  un 
de  forme  toute  particulière  :  il  est  tout  étoile  des  nombreuses 
percussions  qu'il  a  fournies. 

M.  GAPrrAN  demande  si  .M.  Thieullen  a  pu  reproduire  ex- 
périmentalement les  instruments  en  meulière  dont  il  est 
question. 

M.  TmEULLEN.  J'ai  fait  quelques  ébauches,  mais  je  ne  les 
ai  pas  encore  terminées. 


K58  8ÉANCB  OtJ  SI   JUILLET   1887. 


Btade  aar  le  «erveau  de  Bertlllom; 

PAR  MM.  GQUDZmUl  BT  MANOUYRIBR. 


Notre  regretté  maître  Adolphe  Bertillon  mourut  après  une 
assez  longue  maladie,  le  1*^  mars  1883,  &  Tàge  de  soixante- 
deux  ans.  Membre  de  la  Société  mutuelle  d'autopsie,  Tillus- 
tre  démographe  avait  manifesté  formellement  le  désir  que 
son  corps  servit  autant  que  possible  à  des  recherches  scien- 
tifiques. Son  cerveau  fut  donc  recueilli*  et  transporté  au  La- 
boratoire d^anthropologie,  ainsi  que  le  moul(s^e  intraor&nien. 
Ce  cerveau  fut  pesé  en  temps  opportun,  puis  moulé  en  plâtre* 
et  conservé  dans  l'alcool.  M.  le  professeur  Mathias  Duval,  dépo- 
sitaire de  ces  précieuses  pièces,  nous  ayant  fait  Thonneur  de 
nous  confier  le  soin  de  les  décrire,  nous  venons  apporter  à 
la  Société  d'anthropologie  cette  description  faite  avec  une 
rigoureuse  exactitude. 

Nous  n'avons  pas  à  rappeler  ici  ce  que  fut  Adolphe  Ber- 
tillon comme  homme  de  science.  Ses  œuvres,  variées  et  pro- 
fondément originales,  témoignent  de  sa  puissance  intellec- 
tuelle. On  en  trouvera  la  liste  et  le  résumé  dans  une  brochure 
publiée  peu  de  temps  après  sa  mort  par  les  soins  de  ses  fils 
et  de  ses  amis^.  Cette  brochure  contient  également  sa  biogra- 
phie et  les  discours  qui  furent  prononcés  à  ses  obsèques. 
Parmi  ces  discours  pleins  d'éloges  qui,  cette  fois,  purent  être 
décernés  et  écoutés  sans  aucune  arrière-pensée,  celui  de 
M.  Letoumeau  fut,  en  quelque  sorte,  la  préface  du  présent 
mémoire,  car  il  Fut  prononcé  au  nom  de  la  Société  d'autopsie 
et  eut  pour  but  principal  de  tracer  le  portrait  moral  de  Ber- 
tillon. Nous  croyoàs  utile  de  reproduire  plusieurs  passages 
de  ce  remarquable  discours,  car  ils  expriment  saos  exagé- 
ration la  vérité. 

1  Par  MM.  M.  Diival^  Chudzinski^  Laborde  et  Hervé* 
^  Les  moulages  ont  été  exécutés  par  M.  Chadzioski. 
*  La  Vie  et  les  Œuvres  du  docteur  L.-i4.  BertiUony  Paris,  G.  Masson,  édi- 
teur, 1888  (160  page»). 


CnUDZINSKI  ET  MaNOUVRIBR.  -^   CERVEAU  t)E  BERTlUON.    559 

a  On  peut  dire  d'A.  BertiUon  ce  que  le  plus  grand  des 
poèlet  a  dit  d'un  de  ses  héros...  :  c'était  un  homme.  Chez  lui, 
et  cela  est  trop  rare,  la  personnalité  était  homogène  ;  le  carac- 
tère et  rintelligence  avaient  une  même  trempe  et  cette 
trempe  était  forte  ;  elle  se  manifestait  dans  la  vie  privée,  dans 
la  vie  publique,  dans  ses  travaux  scientifiques^  par  un  amour 
du  vrai  poussé  jusqu'au  scrupule,  par  unsentimentdu  devoir 
qui  ne  transigeait  pas, 

« ...  Bertillon]naquit  avec  des  iustinots  scientifiques.  Il  avait 
des  instincts  de  naturaliste  avant  de  savoir  lira  et  il  8*y  livrait 
non  seulement  sana  y  être  encouragéi  mais  en  dépit  même 
du  milieu  familial,  ainsi  que  plus  tard  il  étudia  la  médecine 
malgré  l'opposition  paternelle. 

«...  Tous  les  travaux  d*A.  Bertillon,ii  nombreuxet  si  divers, 
sont  marqués  d*un trait  commun;  la  conscience,  Texactitude, 
la  scrupuleuse  probité  scientifique.  Tel  petit  article,  lnsigni« 
fiant  en  apparence^  lui  a  coûté  des  semaines  de  recherches, 
de  minutieuses  observations. 

((  Longtemps  notre  ami  chercha  sa  voie,  abordanttour  &  tour 
plusieurs  branches  de  Thistoire  naturelle,  notamment  la 
botanique,  qu'il  a  enrichie  d'importantes  monographies. 

«  Tous  ceux  qu'il  a  aimés  et  qui  Vont  aimé  savent  quel  fonds 
de  bonté,  de  tendresse  même,  il  cachait  sous  une  apparence 
de  froideur  qui  n'était  en  réalité  que  de  Téloignement  pour 
toute  affectation.  Étrangère  tout  icntiment  de  vanité,  d'envie, 
il  était  en  amitié  la  sûreté  même,  Thomme  sur  lequel  on 
pouvait  hardiment  s'appuyer  dans  les  moments  critiques.  — 
Dans  la  vie  publique,  nul  n'a  eu  à  un  plus  haut  degré  le  cou- 
rage de  ses  convictions.  Plus  d*un  de  mes  auditeurs  l'a  vu,  en 
1866,  sanglotant  et  tout  brisé  par  la  douleur,  affirmer  sur  la 
tombe  de  sa  chère  fenmie  ce  qu'on  pourrait  appeler  sa  foi  de 
libre-penseur.  Au  moment,  il  fallait  quelque  courage  pour 
agir  ainsi,  et  notre  ami  porta  longtemps  la  peine  de  sa  vail- 
lance... 

«D'autre  part^  la  noblesse  même  de  son  caractère  le  tenait 
loin  des  sollicitations,  des  intrigues;  et,  sur  la  voie  du  succès, 


560  SÉANCE  DU  21  JUILLET  1887. 

des  honneurs,  qui  toujours  devraient  être  réservés  au  seul 
mérite,  il  avait  été  facilement  devancé  par  des  rivaux  que 


n*alourdissaitpas  le  poids  des  qualités  nobles  et  que  n'entra-» 
vaient  pas  les  gênants  scrupules  ». 

Ajoutons  que  la  modestie  et  la  réserve  de  Bertillon  ne  ré- 
sultaient point  d'un  défaut  d'activité  et  d'énergie,  qu'il  sut  à 


GHUDZmSKI  ET  HANOUYRIBR.  —  CERVEAU  DE  BERTILLON.   861 

l'occasion  se  montrer  un  vaillant  citoyen  et  qn'il  fit  preuve 
d'initiative  en  matière  d'administration  pendant  qu'il  exerça 
les  fonctions  difficiles,  en  1870-71,  de  maire  du  cinquième 
arrondissement  de  Paris. 

U  n'était  pas  seulement  fort  bien  doué  au  point  de  vue  des 
sciences  d'observation.  Il  était  également  bien  doué  pour  les 
mathématiques,  ainsi  que  le  prouvent  plusieurs  de  ses  travaux. 
Il  avait  été  reçu  à  l'École  centrale  des  arts  et  manufactures 
avant  de ,  commencer  ses  études  médicales,  —  U  s'adonna 
avec  ardeur,  pendant  ces  études,  à  la  chimie  et  devint  habile 
dans  les  dissections  anatomiques.  Il  trouvait^  malgré  cela,  le 
temps  de  cultiver  les  sciences  sociales  et  il  fréquentait  assi- 
dûment, au  Collège  de  France,  les  cours  de  Quinet  et  de 
Michelet.  C'était  donc  un  esprit  largement  doué,  largement 
ouvert. 

Mais  BertiUon  avait  aussi  quelques  défauts  qu'il  est  parti- 
culièrement intéressant  de  noter  ici  et  qui  n'étaient  peut-être 
pas  sans  connexion  entre  eux.  Il  s'exprimait  assez  difficilement, 
cherchant  ses  mots  et  construisant  péniblement  ses  phrases. 
U  écrivait  également  avec  difficulté  et  commettait,  paraît-il, 
beaucoup  de  fautes  d'orthographe.  Chose  curieuse,  ajoute  le 
docteur  Letourneau,  de  qui  nous  tenons  ce  dernier  rensei- 
gnement, il  était  cependant  amateur  du  beau  langage  et  avait 
assez  volontiers  recours  aux  ornements  du  style,  mais  sans 
beaucoup  de  succès.  Il  était  enfin  rebelle  à  la  musique,  au 
point  de  ne  pouvoir  distinguer  l'air  «  Au  clair  de  la  lune  *>  de 
rairde  «Malborough  ».  Et  pourtant,  nous  a  dit  son  fils  Al- 
phonse; bien  connu  par  ses  importants  travaux  d'anthropo- 
métrie, son  esprit  curieux  et  chercheur  le  conduisit  à  étudier 
l'harmonie  et  à  s'initier  à  la  méthode  chiffrée  de  Galin-Paris* 
Chevé. 

Nous  tenons  de  la  même  source  un  autre  renseignement 
des  plus  utiles  :  Bertilion  était  primitivement  gaucher,  mais 
il  était  très  adroit  de  ses  doigts  et  ce  fut  grâce  à  l'exercice 
qu'il  devint  ambidextre. 

Sa  taille  était  seulement  de  i^fiQ^  mais  bien  prise,  a  Une 

T.  X  (3«  série).  36 


dietëlut-e  hdre,  très  abondatilë  bt  sôyelise^  ehcâdt^alt  ôon 
¥lsage,  dbht  W  fitlesse  était  rëtnat-quabléi  quoiqu'uii  nér. 
litt  peu  fbrt,  mats  d'Uh  dessin  très  pur^  ëti  relevât  Texpres- 
sion.  Ses  yeux,  d  un  gris  très  doux  ou^  plus  exactetneût 
diaprés  le  système  de  son  flls  Alphonse*  «  bleu  violet  foncé 
ttvec  «ti  léger  cfercle  orange  concentrique,  et  avec  un  reflet 
verdftlr(3  )» ,  fttliaiéht  rihtelligence  à  là  f^nchise  (st  à  Tin^^ 
tinilé;  Avingt-tleuf  aos,  sa  barbe  semblait  encore  naid^ante. 
Elle  devint  longue  par  la  suite  J) 

Tels  iiSûi  les  rensetguémeiltà  qoë  tioud  avons  pa  réunir  et 
qui-,  pertsons-noùë,  ne  sôht  pas  déplacés  ici,  bien  que  nous 
h'ayottspaslttprétenlioil  de  faire  b^amibupde  rapprochements 
entre  eux  et  les  détails  de  morphologie  Cérébrale  qui  vont 
Suivre;  Wous  tenons  tout  d'abord  à  ittsister  sur  l'intérêt  tout 
spécial  que  présente  la  description  du  cerveau  d'un  homme 
si  remàrt|ûàble  par  son  intelligence  et^  en  même  temps^  de 
très  petite  taille.  Un  tel  cerveau  servira  certainement  à  nom- 
bre de  compàrKiisohs  fï'Uôtueuses  au  sujet  desquelles  nous  nous 
abstiéUdrohs^  pourle  moment,  de  nous  expliquer  datantagé^ 
n'iayijiut  ici  pour  but  qu'une  simple  deseriptioni 

POIDS  DE  L*ENCéPHALB. 

Lé  poids  de  l'encépha1e>  mesuré  à  l'autopsie,  était  de 
I  308  grammes»  Q'est  un  chiflre  élevée  car  là  moyenne 
des  Parisiens  (168  hommes  de  dix-neuf  ans  à  soixante  ans^ 
d'après  les  registres  de  Broca)  est  de  1 350  grammes>  la 
taille  moyenne  de  ces  168  hommes  étant  de  1*^679.  Mais 
Bertillon  était  de  très  petite  taille  (1"^56)  et,  bien  qu'il  fût 
parfaitement  Constitué,  il  avait  une  largeur  d'épaules  et 
de  poitrine  paraissant  proportionnée  à  sd  taille.  Ce  n'est 
donc  pas  aux  hommes  de  taille  moyenne  qu'il  faut  le  com- 
parer au  point  de  vue  du  poids  encéphalique,  mais  ùux 
hommes  de  même  taille  que  lui.  Or,  dans  le  tableau  dressé 
par  l'un  de  nous  d'après  les  registres  de  Broca,  nous 
trouvons  que,  pour  56  hommes  ayant  de  1"*,53  à  i"*v6o,  en 
moyenne   4",6i,   le  poids  moyen  de  Tencéphale  était  de 


CHUDZINSKI   ET  MANOUTRIll.  *-  (XRYKAU  DE  BERTILLON.    663 

1  3^  g^ammes^  Bt  comme  ce  poids  s'élève  assez  régulière- 
ment de  5  grammes  pour  un  accroissement  de  i  centimètre 
de  taille,  on  peut  admettre  qu'un  groupe  de  Parisiens  ayant 
comme  Bertilion  une  taille  de  l*"  56>  aurait  un  poids  encépha- 
lique moyen  d'environ  1304  grammes.  C'est  donc  parle  chiffre 
de  94  grammes  que  doit  èite  représentée  la  supériorité  du 
poids  de  Tencéphale  de  Bertilion»  Dans  le  tableau  cité  oi- 
dessus,  on  peut  remarquer  que  le  poids  encéphalique  dil 
groupe  des  58  hommes  les  plus  grands  (taille  moyeane» 
i™,743)  est  1398  grammes,  c'est-à-dire  exactement  le  même 
que  celui  de  Bertilion.  11  convient  peut-être  aussi  de  tenir 
compte  de  la  perte  de  poids  que  peut  avoir  subie  le  cer- 
veau de  notre  regretté  maître,  mort  à  Tâge  de  soixante-deux 
ans  après  plusieurs  années  de  maladie,  de  sorte  que  Ton  peut 
élever  sans  exagération  à  une  centaine  de  grammes  la  supé- 
riorité pondérale  dont  il  vient  d'être  question. 

L'encéphale  pesé  le  25  août  1887,  c'est-à-dire  après  un 
séjour  de  quatre  ans  et  six  mois  dans  l'alcool  à  90  degrés,  a 
donné  les  chiffres  suivants  : 

Hémisphère  droit 406  gr. 

—  gauche 484 

Cervelet,  isthme  et  bulbe 117 

ToUl 957  gr. 

L'hémisphère  droit  aété  plongé  pendant  quatre  jours  avant 
celte  pesée  dans  une  solution  très  faible  de  chlorure  de  zinc, 
ce  qui  a  pu  lui  faire  perdre  plusieurs  grammes  de  son  poids. 
Cette  cause  d'erreur  regrettable  empêche  de  savoir  si  l'hé- 
misphère gauche  était  réellement  plus  lourd  que  le  droit. 

FORME  GÉNÉRALE   DE   l'ENCÉPIIALE. 

C'est  sur  le  moulage  intracrânien  que  nous  avons  étudié  la 
forme  de  l'encéphale,  car  on  sait  combien  cette  forme  est 
altérée  dès  l'issue  de  la  cavité   crânienne,  tandis  que  le 

i  L.  Manouvrler,  Sur  IHnlerprétalion  de  la  quantUé  dans  Vencéphatey 
p.  250  {àiém.  de  la  Soc.  ^ûnth,,  II,  l.  iit>  fasc*  2). 


564 


SÉANCE  DU   21   JUnXET   4887. 


moulage  de  cette  cavité  reproduit  fldèlement  la  forme  encé- 
phalique telle  qu'elle  était  pendant  la  vie  et  lors  du  dévelop- 
pement maximum  de  Tencéphale. 

Nous  avons  pris  sur  le  moulage  intracrânien  un  certain 
nombre  de  mesures  pouvant  présenter  quelque  intérêt  au 
point  de  vue  de  la  comparaison  de  différentes  parties  de  Ten- 
céphale  entre  elles,  soit  sur  un  même  individu,  soit  sur  des 
individus  différents.  C'est  ainsi  que  nous  comparerons  la 
forme  encéphalique  de  Bertillon  à  celle  de  Gambetta,  dont  le 


Pig.  4. 

moulage  intracrânien  n'avait  pas  encore  été  mesuré  au  point 
de  vue  morphologique.  Cette  comparaison,  nous  n'avons  pas 
la  prétention  d'en  tirer  des  déductions  physiologiques,  car 
nous  savons  fort  bien  que  ce  n'est  point  avec  deux  cas  que 
Ton  peut  asseoir  solidement  de  telles  déductions  dans  cet 
ordre  de  recherches.  Il  nous  sera  toutefois  permis  de  faire 
remarquer  l'intérêt  spécial  d'un  rapprochement  entre  les 
deux  cas  dont  il  s'agit.  D'une  part,  en  effet,  la  prédominance 
de  telle  et  telle  région  du  cerveau  de  Bertillon  sur  les  régions 


CHUDZINSKI  ET  MANOUVRIER.   —  CERVEAU  DE  BERTILLON.    565 

homologues  du  cerveau  de  Gambettane  saurait  être  attribuée 
à  une  supériorité  de  taille,  puisque  la  taille  du  savant  était 
inférieure  à  celle  de  Thomme  d'Etat.  D'autre  part,  il  existait 
entre  ces  deux  hommes  illustres  des  différences  psycholo- 
giques extrêmement  tranchées  qui  pourraient  être  en  rapport 
avec  certaines  des  différences  morphologiques  que  nous  allons 
décrire.  C'est  là  une  hypothèse  qui,  dans  cet  état  assez  vague, 
ne  présente  assurément  rien  de  contraire  h  la  rigueur  scien- 
tifique, et  nous  nous  abstiendrons  de  la  pousser  plus  avant 
qu'il  ne  convient  pour  le  moment,  laissant  ce  soin  aux  ama- 
teurs de  dissertations  faciles.  Nous  nous  réservons  cependant 
de  revenir  sur  les  faits  exposés  ci-dessus  dans  un  travail 
depuis  longtemps  en  préparation^  ayant  pour  but  l'interpré- 
tation anatomo-physiologique  de  la  forme  du  cerveau. 

La  figure  1  représente  les  profils  superposés  des  moulages 
intracràniens  de  Bertillon  (B)  et  de  Gambetta  (G),  Tangle 
fronto-sphénoïdal  et  la  ligne  de  séparation  entre  le  cerveau 
et  le  cervelet  étant  pris  comme  points  de  repère.  On  voit  que 
le  profil  G  est  dépassé  par  le  profil  B  dans  presque  toute  son 
étendue  et  surtout  en  avant,  et  qu'il  le  dépasse,  au  contraire, 
au  niveau  du  cervelet  et  de  la  pointe  du  lobe  sphénoïdal. 

Dimensions  des  moulages  iniraerdniens. 

Diamètre  an téro-postérieur  maximum  (L)...    B.    179  G.    167 

—        transverse  maximum  (T) 141  187 

Indice  oéphalique  intraorânicn 78.77         82.03 

Cet  indice  est  un  peu  plus  élevé  qu'il  ne  le  serait  sur  le 
crâne  sec,  parce  que  le  diamètre  antéro-postérieur  du  crâne 
est  augmenté  de  l'épaisseur  des  sinus  frontaux.  Ces  sinus 
devaient  être  petits  chez  Bertillon,  dont  Tindice  céphalique 
crânien,  par  conséquent,  serait  peu  inférieur  à  78.7,  chiffre 
un  peu  plus  bas  déjà  que  la  moyenne  des  Parisiens.  Chez 
Gambetta,  au  contraire,  la  partie  inférieure  de  Tos  frontal 
paraissait  assez  épaisse,  de  sorte  que  son  indice  céphalique 
crânien  ne  dépassait  très  probablement  pas  80.  Comme  Tin- 
dice  céph6dique  est  en  général  un  peu  plus  élevé  sur  le  vivant 


5M  BÉANGS  DU  21    JUILLET   i887, 

que  sur  le  crâne  sec,  on  peut  oonsidérer  les  Indiees  intra-» 
crâniens  ci-dessus  comme  représentant  très  approximatif 
vement  les  indices  du  crâne  revêtu  des  parties  molles* 

Ches  Bertillon^  Thémisphère  gauche  est  un  peu  plus  court 
que  le  droit  (de3  à4  millimètres).  La  symétrie  est  à  peu  près 
parfaite  dans  le  sens  de  la  largeur,  car  le  milieu  du  diamètre 
transverse  maximum  tombe  sur  la  scissure  interhémisphé- 
riqua. 

Hauteur  dû  moulage  intracpânien  »  (H) B.    182»"»    G.    H7»m 

drcoDféreuce  horizontale  (maximum) 513  482 

Courbe  médiaue  an téro- postérieure  * 310  375 

L*arffeur  maxima  du  lobe  frontal  *  (F) 135  113 

Largeur  maxima  du  cervelet  (C) 110  110 

Distance  min.  entre  les  lobes  temporaux  (S).  81  34 

RapporU  de  F  à  (T  «>*  100) 88.6  82.4 

—  de  C  à  (T  ss  100) 78.0  80.2 

—  de  S  à  (T  =  100) 21.9  17.5 

—  de  H  à  (L  «  100) 68.1  70.0 

—  deHà(T'=*00) , 86.5  85.4 

Ces  rapports  montrent,  avec  les  dessins  ci-joints,  que  chez 
Bertiilon,  comparé  à  Gambetta,  le  lobe  frontal  était  large 
absolument  et  relativement,  que  le  cervelet  était  moins  déve- 
loppé en  largeur  aussi  bien  qu*en  hauteur,  que  le  cerveau 
était  moins  haut  dans  sa  région  temporo-pariétale  relative- 
ment.à  sa  longueur,  mais  un  peu  plus  haut  relativement  à  sa 
largeur,  et  que  l'espace  intra-sphénoïdal  était  plus  large  abso- 
lument et  relativement. 

Nous  ne  terminerons  pas  cette  partie  de  notre  travail  sans 
attirer  l'attention  sur  la  saillie  que  forme  sur  le  moulage  in- 
tracrânien  de  Gambetta  la  partie  postérieure  de  la  troisième 
circonvolution  frontale  gauche.  Cette  saillie  est  très  visible 
sur  le  dessin  ci-joint  (flg.  !2)  en  o,  sans  que  nous  ayons   eu 

1  Mesurée  perpendiculairement  à  un  plan  tangent  à  la  face  inférieure 
du  lobe  spbénoldal  et  du  oervelet.  KUe  peut  être  considérée  comme  une 
dimension  temporo -pariétale. 

s  Mesurée  sur  le  bord  interne  de  l'hémisphère  le  plus  long  à  partir  de  la 
ligne  8nsM>rbitaire  jusqu'au  milieu  de  l'épaisseur  du  sinus  latéral. 

>  (aimédi4teoi9ot  «a  «vaut  de  U  fao9  antérieure  du  lobe  spbénoldal. 


CHUDZINSKI  ET  l(4!fOUVf^||;|i,  -^  Gj^YpiU  fî^  BERTILLON.     ^^ 

recours  pour  cela  à  aucun  artifice,  car  les  deux  contours  en- 
céphaliques représentés  par  cette  flgnre  ont  été  dessinés  avec 
le  stéréographe  4e  Broca  et  pup^rposés  tels  quel^,  puis 
simplement  réduits  de  moitié,  La  s^illi^  en  question  p'existp 
pas  à  droite  et  il  est  inflQin^pnt  probable  qu'elle  résulte  d'fi^ 
grand   développement  de   }a   cirçonyplut'iop  4p  Qroc^  en 


Pig.  2. 

épaisseur.  Gette  saillie  existait-elle  dès  l'enfanoe,  ou  bien 
s'est-elle  formée  par  suite  d'un  long  exercice  de  Torgane 
cérébral  qu'elle  représente?  C'est  ce  qu'il  est  impossible  de 
dire,  et  il  est  permis  de  croire  que  chacune  des  deux  bypo- 
thèses  peut  avoir  sa  part  de  vérité. 


668  8ÉANGB  DU  29   JUILLET  4887. 


8GI8SDRBS  BT  SILLONS. 


Les  descriptions  qui  suivent  ont  été  faîtes  avec  le  cerveau 
même  sous  les  yeux  ;  les  figures  ont  été  faites  avec  le  stéréo- 
graphe  de  Broca  d'après  les  moulages  en  plâtre,  puis  repas- 
sées à  l'encre,  toujours  avec  le  cerveau  naturel  sous  les 
yeux.  Elles  sont  toutes  réduites,  comme  les  précédentes,  à 
la  demi-grandeur. 

Scissure  de  SyMus. 

A  droite  {fig,  3),  très  profonde  (de  20  millimètres  environ 
vers  le  milieu  sur  le  cerveau  déjà  rétracté  dans  l'alcool)  ;  à 


Fig.  3. 

peu  près  horizontale  dans  ses  trois  quarts  antérieurs,  elle 
se  relève  brusquement  à  son  quart  postérieur.  Deux  petites 
branches  terminales.  —  Branche  antérieure  (S"),  située  très 
inféri^urement,  presque  cachée  par  la  première  temporale, 
courte  (8  millimètres  environ)  et  légèrement  inclinée  en  bas. 
—  Branche  ascendante  longue,  bifurquée  en  un  Y  dont  la 
branche  verticale  ou  postérieure  est  de  beaucoup  plus  lon- 
gue que  l'autre  branche  dirigée  en  avant. 

Au  milieu  de  son  trajet,  la  scissure  de  Sylvius  émet  deux 
rameaux,  l'un  supérieur  qui  coupe  le  pied  de  la  pariétale 
ascendante,  l'autre  inférieur  qui  coupe  la  première  tem- 
porale.   Un  troisième  rameau  très  court  échancre  cette 


CHUDZDfSKI  ET  ■ANOUTRIBR.  —  GEHYBAn  DE  BERTILLON, 

mémo  circonvolution  au  niveau  du  point  où  la  scissure  com< 
mence  à  devenir  verticale. 

A  gauche  (flg.  4),  direction  plus  oblique  ;  aucune  branche 
à  rextrémité.  Celle-ci  est  plus  verticale  qu'à  droite;  elle  a 
même  une  tendance  à  revenir  en  avant.  Trajet  général  asse% 
sinueux. 

Branche  antérieure  située  à  un  niveau  plus  élevé  qu'à 
droite  et  paraissant  bifurquée  en  Y.  —  Très  longue. 

Branche  ascendante  très  courte,  à  peine  visible  sur  la  face 
convexe  de  Théraisphère.  Il  résulte  du  peu  d'éloignement 
des  deux  branches  antérieure  et  ascendante  une  exiguïté 


remarquable  du  cap  de  la  troisième  frontale.  Toutefois  on 
verra  plus  loin  que  cette  circonvolution  n'en  est  pas  moins 
très  développée. 

Gomme  à  droite,  la  scissure  émet  au  commencement  de 
son  quart  postérieur  un  rameau  vertical  légèrement  obli- 
que d'arrière  en  avant  et  qui  émet  lui-même  supérieure- 
ment un  ramuscule  antérieur.  Ce  rameau,  très  profond,  di- 
vise en  deux  parties  le  pied  de  la  pariétale  ascendante. 
Comme  à  droite,  il  existe  au  même  niveau  un  rameau  des- 
cendant qui  échancre  le  bord  supérieur  de  la  première 
temporale. 

Comme  adroite,  au  niveau"  du  changement  de  direction 
de  la  scissure,  un  rameau  postérieur  horizontal* 


570 


S«AKGfi  DU  2i   JUi^XST    1997* 


Scissure  de  Rolaajpt 

,  A  droite^  très  sinueuse  et  profonde  ,*  oblique  d'arrière  en 
avant  dans  son  quart  inférieur,  très  oblique  d'avant  en  ar- 
rière dans  ses  trois  quarts  supérieurs. 

Emet  six  ramuscules,  dont  quatre  en  avant  et  deux  en 
arrière. 

A  gauche^  moins  oblique  qu'à  droite  dans  ses  parties  infé- 
rieure et  supérieure;  émet  trois  ramuscules  en  avant  et  deux 
en  arrière.  —  En  somme,  moins  compliquée  qu'à  çauche. 


Fig.  5. 


Scissure  occipitale. 

A  droitfif  partie  interne  très  profonde.  Sa  partie  supé- 
rieure qui  traverse  rhémispbèrc  se  divise  en  trois  branches  : 
Tune  antérieure,  relativ^alent  courte,  l'autre  postérieure^ 
très  profonde  et  très  lopgue;  l'une  et  l'autre  presque  paral- 
lèles à  la  scissure  interhémisphérique  ;  la  troisième  trans- 
versale, d'une  -longueur  intermédiaire  à  celiez  ^es  précé- 
dentes. 

Partie  externe.  Interrompue  p;^r  deux  larges  plis  de  pas- 
sage pariéto-occipitimx,  la  scissure  occipitale  reparaît  vers 
le  milieu  de  la  face  convexe  de  l'hémisphère,  où  elle  pré- 
sente la  forme  d'une  étoile  à  quatre  branches.  De  nouveau 
iuterrompue  par  un  troi^ièm^  pli  de  passage  pariéto-occipi-f 


CBUDZINSKI  ET   MAKOUVRIBB»  —  CERTBAU  DE  BERTILLON.    57t 

tal>  elle  reparaît  soua  forme  d*uii  arc  à  concavité  postérieure 
qui,  vers  sa  partie  moyenne,  envoie  un  rameau  dans  l'épais* 
seur  de  la  troisième  temporale. 

A  gauche,  partie  interne  plus  sinueuse  qu'à  droite,  mais 
plus  simple  et  presque  rectiligne  dans  sa  partie  supérieure 
qui  envoie  seulement  un  ramuscule  très  court  dans  la  pre- 
mière circonvolution  occipitale. 

Partie  externe^  courte.  Se  continue  avec  le  deuxième  sil- 
lon occipital. 

Scissure  calcarine. 

Très  profonde  des  deux  côtés, 

A  droite^  son  trajet  est  très  irrégulier.  Commence  en  ar- 
rière par  un  sillon  en  H  auquel  fait  suite  une  portion  ascen- 
dante, parallèle  au  bord  postéro-interne  de  l'hémisphère. 
Au  niveau  du  cunéus,  cette  portion  envoie  dans  l'épaisseur 
de  ce  lobule  un  rameau  profond  qui  continue  la  première 
direction.  A  ce  niveau,  la  scissure  s'infléchit  de  façon  à  deve- 
nir d'abord  horizontale,  puis  descendante,  puis  oblique  en 
bas  et  en  avant,  A  la  jonction  de  ces  deux  dernières  portions, 
la  scissure  émet  un  petit  rameau  en  arrière. 

A  gauche^  plus  irrégulière.  Commence  par  un  sillon  ramifié 
à  cinq  branches  dont  la  centrale,  d'abord  ascendante  puis 
oblique  de  bas  en  haut,  se  recourbe  en  donnant  naissance  à 
un  rameau  récurrent  très  profond  qui  s'enfonce  dans  la  cin- 
quiènie  circonvolution  occipitale.  Le  reste  de  la  scissure  pré- 
sente une  disposition  semblable  à  celle  de  l'hémisphère 
droit. 

Scissure  sous-frontale. 

A  droite^  ininterrompue  d'un  bout  à  l'autre.  Absolument 
simple  dans  toute  sa  portion  métopique.  Horizontale  au- 
dessus  du  corps  calleux,  elle  devient  ramifiée  et  brisée  à 
partir  du  lobule  ovalaire.  Les  brisures  correspondent  à  cinq 
plis  de  passage  très  profonds  par  lesquels  la  circonvolution  du 
corps  calleux  communique  avec  1^  lobuie  ovalaire  (deux  plis)  et 


672  8ÉANCE  DU   21   JUILLET  4887. 

avec  le  lobule  quadrilatère  (trois  plis).  Dans  son  trajet  à  partir 
du  lobule  ovalaire,  la  scissure  sous  frontale  émet  trois  bran- 
ches principcJes,  toutes  ascendantes.  La  première  ou  anté- 
rieure^ profonde,  un  peu  oblique  de  bas  en  haut  et  d'arrière 
en  avant,  constitue  la  limite  antérieure  du  lobule  ovalaire. 
La  deuxième,  également  profonde,  divise  ce  lobule  en  deux 
parties  à  peu  près  égales.  La  troisième,  ou  postérieure,  sépare 
le  lobule  ovalaire  du  lobule  quadrilatère.  Le  bord  inférieur 
de  celui-ci  est  légèrement  échancré  par  deux  derniers  ra- 
muscules  de  la  scissure.  La  scissure  sous-frontale  s'avance 
presque  jusqu'au  contact  de  la  scissure  occipitale  dont  elle 
n'est  séparée  que  par  un  intervalle  d'environ  2  millimètres. 

(N.  B.)  Nous  avons  décrit,  contrairement  à  l'usage  clas- 
sique, la  scissure  sous-frontale  comme  se  continuant  jus- 
qu'au voisinage  de  la  scissure  occipitale,  parce  que  telle  est, 
en  effet,  la  disposition  réelle  de  cette  scissure  dans  le  cas  de 
Bertillon,  où  il  n'existe  aucune  interruption  entre  la  scissure 
sous-frontale  proprement  dite  et  le  sillon  sous-pariétal. 

A  gauche,  la  partie  susorbitaire  de  la  scissure  sous- 
frontale  se  confond  avec  l'incisure  prélimbique,  mais  seule- 
ment en  arrière,  car,  après  un  trajet  d'environ  35  millimètres, 
cette  portion  commune  se  bifurque  en  deux  branches,  l'une 
inférieure,  horizontale,  qui  représente  l'incisure  prélimbique, 
l'autre  ascendante,  qui  constitue  la  partie  supérieure  de  lare 
sus-orbitaire  de  la  scissure  sous-frontale. 

Au  niveau  de  son  point  de  réflexion,  la  scissure  est  inter- 
rompue par  le  pli  de  passage  prélimbique  déprimé  à  son 
origine. 

Dans  tout  son  trajet,  contrairement  à  ce  qui  a  été  noté 
pour  l'hémisphère  gauche,  la  scissure  sous-frontale  est  très 
brisée,  même  dans  sa  partie  antérieure  ou  métopique. 

Mais,  comme  à  l'hémisphère  droit,  cette  scissure  se  con- 
tinue sans  interruption  jusqu'au  bord  postérieur  du  lobule 
quadrilatère,  de  sorte  que,  comme  précédemment,  nous  ne 
décrirons  pas  de  sillon  sous-pariétal. 

La  scissure  sous -frontale  émet  trois  branches  ascendantes. 


GHUDZINSKI  ET  HANOUVRIER.  ~  CERVEAU   DE  BERTILLON.    573 

La  première,  très  profonde,  légèrement  inQéchie  en  avant,  est 
située  à  environ  2  millimètres  en  avant  de  Textrémité  supé- 
riènrede  la  frontale  ascendante;  elle  pénètre  dans  la  première 
frontale.  La  seconde,  qui  représente  la  terminaison  de  la  scis- 
sure sous-frontale  classique,  sépare  le  lobule  ovalaire  du  lo- 
bule quadrilatère.  La  troisième  pénètre  dans  Tepaisseur  de 
ce  lobule. 

11  n'y  a  qu*une  seule  branche  inférieure  au  niveau  du  bord 
antérieur  du  lobule  quadrilatère. 

Premier  sillon  frontal. 

A  droite,  très  sinueux.  Branches  nombreuses. 

Paraît  ininterrompu  au  premier  abord,  mais  il  est  inter- 
rompu en  réalité,  vers  son  milieu,  par  un  pli  anastomotique 
profond  et  grêle  qui  unit  les  deux  premières  circonvolutions 
frontales.  Au-delà  de  ce  point,  le  sillon  devient  encore  plus 
sinueux  et  se  continue  sans  interruption  jusqu'à  la  corne  an- 
térieure de  rhémisphère.  Il  émet  en  tout  douze  rameaux, 
dont  six  dans  la  première  frontale  et  six  dans  la  deuxième. 

A  gauche^  également  sinueux  et  ramifié. 

Se  confond,  à  son  origine,  avec  la  partie  supérieure  du 
sillon  pré-rolandique.  Il  est  interrompu,  h  partir  de  son 
milieu,  par  trois  plis  anastomotiques  grêles  et  superficiels. 
Il  envoie  dix  rameaux  dans  les  circonvolutions  voisines^  cinq 
de  chaque  c6té,  et  ces  rameaux  sont  plus  courts  que  ceux  du 
sillon  de  droite. 

Deaxiàme  sillon  frontal. 

A  droite  y  extrêmement  tortueux. 

Part  du  sillon  pré-rolandique.  Au  niveau  de  la  branche 
ascendante  de  la  scissure  de  Sylvius,  il  s'anastomose  avec  la* 
troisième  circonvolution.  Un  peu  plus  loin,  il  s'anastomose 
de  nouveau  avec  la  même  circonvolution.  Il  va  rejoindre  le 
premier  sillon  au  niveau  du  bord  antérieur  du  lobule  orbi- 
taire. 

Il  émet  sept  rameaux  :  quatre  en  haut  et  trois  en  bas. 


3T4  SÉANCE  DO  21   JUlLLEt  1887. 

A  gauchey  interrompu,  à  sa  partie  antérieure,  par  on  gros 
pli  ânastomotique  qui  unit  entre  elles  les  trois  circonvolutions 
frontales.  Il  ee  termine  comme  le  deuxième  sillon  du  côté 
droit.  Il  émet  six  branches,  dont  trois  en  haut  et  trois  en  bas. 

Sillon  pré-rolandique. 

A  droite,  assez  simple.  Interrompu  seulement  par  le  pied 
de  la  deuxième  circonrolution.  G'est  à  peu  près  vers  son 
milieu  que  prend  naissance  le  second  sillon  frontal.  Il  n'en- 
voie qu'un  ramuscule  qui  échancre  le  bord  antérieur  de  la 
frontale  ascendante. 

A  gauche,  presque  rectiligne»  S'unit,  à  sa  partie  supérieure, 
avec  le  premier  sillon  froniah  II  est  interrompu,  vers  sa  partie 
moyenne,  par  le  pied,  très  grêle»  de  la  deuxième  circonvolu- 
tion. Puis  il  continue  son  trajet  jusqu'à  2  millimètres  environ 
de  la  scissure  de  Sylvius,  où  il  semble  même  se  jeter  au 
premier  abord.  A  sa  partie  supérieure,  il  envoie  une  branche 
longue  et  profonde  dans  l'épaisseur  de  cette  ciixonvolution. 

Sillon  post-rolandique. 

A  droite^  interrompu,  sinueux  et  dirigé  un  peu  d'arrière 
en  avant,  mais  moins  que  la  scissure  de  Rolando  dont  il  est, 
par  conséquent,  plus  éloigné  en  bas  qu'en  haut.  Il  émet  trois 
rameaux  en  avant  et  un  en  arrière.  A  la  jonction  de  son  tiers 
supérieur  avec  les  deux  tiers  inférieurs,  il  reçoit  le  sillon 
interpariétal. 

A  gaudip,  interrompu  également.  Un  peu  moins  sinueux 
que  du  côté  droit.  Il  émet  un  seul  rameau  en  avant,  vers  sa 
partie  moyenne.  Un  peu  au-dessus,  il  reçoit  non  pas»  comme 
du  côté  droit,  le  sillon  interpariétal,  mais  l'extrémité  supé- 
rieure du  premier  sillon  temporal  (sillon  parallèle). 

Silloo  ioterpariétal. 

A  droite,  commence  dans  le  sillon  post-rolandique,  avec 
lequel  il  se  confond.  AiUéro-po^lérieur  dans  une  étendue 
d'environ  2  centimètres^  il  est  interrompu  par  un  pli  anasto- 


CHUDZINSKI  ET  BANODVftIEfl.  >—  CfiRtfeAtt  DE  BERTILLON.   875 

motiqu^  unissant  les  deux  clrconvDlutiohs  {pariétales.  Ëti 
arrière  de  ce  pli,  il  reparaît  avec  lé.  même  direction,  mais 
très  sinueux^  et  son  extrémité  va  se  confondre  avec  la  partie 
supérieure  de  la  scissure  occipitale  externe.  Au  contact  anté- 
rieur du  pli  anastomotique  tnentionné  ci-dessus,  le  sillon 
interpariétal  émet  une  longue  branche  descendante  exacte- 
ment transversale,  qui  n'est  autre  chose  que  Textrémité  isupé- 
rieure  du  premier  sillon  temporal. 

Au  contact  postérieur  du  même  pli  anastomotique,  le  sillon 
interpariétal  émet  une  branche  ascendante  et  courbe  à  con- 
cavité postérieure.  Plus  loin,  il  émet  deux  ramuscules  ascen- 
dants et  deux  descendants. 

A  gauche,  très  compliqué.  Commence,  comme  à  droite, 
dans  le  sillon  post-rolandique  et  est  immédiatement  inter- 
rompu, comme  à  droite,  par  un  pli  anastomosique  unissant 
les  deux  circonvolutions  pariétales.  Puis  il  se  continue  d'avant 
en  arrière  jusqu'à  la  scissure  occipitale  externe  dans  laquelle 
il  se  termine.  Gomme  à  droite,  il  se  confond  avec  l'extrémité 
supérieure  du  premier  sillon  temporal.  Plus  en  arrière,  il 
émet  deux  branches  ascendantes  qui  vont  atteindre  le  bord 
interne  de  Thémisphère,  et  deux  branches  descendantes  qui 
s'enfoncent  dans  le  pli  courbe . 

Premier  sillon  temporal. 

A  droite^  très  sinueux  et  ininterrompu,  il  se  relève  presque 
à  angle  droit  au  niveau  du  pli  courbe  et  se  divise  presque 
aussitôt  en  deux  branches  :  Tuhé  lantérieùre,  qui  se  confottd 
avec  le  sillon  interpariétal,  l'autre  postérieure,  un  peu  plus 
longue,  qui  coupe  transversalement  le  pli  courbe  presque 
jusqu'à  la  rencontre  de  la  portion  postérieure  du  sillon  inter- 
pariétal. 

Il  émet  quatre  rameaux  supérieurs  et  deux  inférieurs  doht 
le  second,  situé  au  niveau  du  point  de  réflexion,  constitue 
une  anastomose  avec  le  deuxième  sillon  temporal, 

A  gauche^  beaucoup  plus  sinueux  et  ramiûé.  Il  commence 
plus  bas  qu'à  droite.  Après  avoir  pris  la  direction  ascendante, 


576  SÉANCE  DU  21   JUILLET  1887. 

il  se  divise  en  trois  branches  :  deux  postérieares  et  ascen- 
dantes, une  postéro-antérieure  qui,  après  un  trajet  de  i  cen- 
timètre environ,  se  bifurque  à  son  tour  en  deux  branches  : 
Tune  qui  continue  le  trajet  d'arrière  en  avant  et  se  termine 
en  fourche,  Tautre  ascendante,  qui  va  se  terminer  dans  le 
confluent  des  sillons  post-rolandique  et  interpariétal.  C'est 
cette  dernière  qui  représente  la  branche  terminale  antérieure 
décrite  du  côté  droit.  Dans  ce  trajet  si  compliqué,  le  premier 


Fig.  6. 

sillon  temporal  émet  cinq  rameaux  en  avant  et  six  en  arrière 
ou  en  bas. 

Deuxième  sillon  temporal. 

A  droite^  interrompu,  vers  son  milieu,  par  un  pli  anasto* 
motique  joignant  les  deuxième  et  troisième  circonvolutions 
temporales,  il  va  se  jeter  dans  la  branche  issue  du  point  de 
réflexion  du  premier  sillon  temporal.  Il  émet,  en  avant  du 
pli  anastomotique,  une  branche  ascendante  et  une  descen- 
dante. En  arrière  du  même  pli,  il  émet  deux  branches  ascen- 


CHUDZINSKI  ET  MANOUVRIBR.  —  CERVEAU  DE  BERTÎLLON.    377 

dantes  :  Tune  antérieure,  bifurquée  ;  l'autre  postérieure, 
très  courte,  et  une  branche  descendante  assez  longue  et  re- 
courbée en  arrière. 

A  gauchcy  interrompu  par  deux  plis  anastomotiques  con- 
tigus  joignant  les  deuxième  et  troisième  circonvolutions 
temporales  et  séparés  Tun  de  l'autre  par  une  branche  trans- 
versale b.  Au-delà  de  ces  plis,  le  deuxième  sillon  temporal 
décrit  une  courbe  à  concavité  inférieure.  Dans  la  seconde 
partie,  on  voit  deux  ramuscules  :  Tnn  descendant  et  Tautre 
ascendant. 

Troisième  sillon  temporal. 

A  droite ,  commence  par  une  incisure  légèrement  ramifiée 
qui  s'arrête  devant  une  large  anastomose  joignant  les  troi- 
sième et  quatrième  circonvolutions  temporales.  Il  poursuit 
ensuite  son  trajet  sinueux  jusqu'au  bord  externe  et  inférieur 
de  l'hémisphère,  où  il  se  termine.  Il  émet  une  seule  branche  . 
ascendante  vers  sa  partie  moyenne. 

A  gauche,  très  long,  sinueux.  11  se  prolonge  au-delà  du 
bord  inférieur  de  Thémispbère  et  se  termine  dans  l'épaisseur 
du  lobe  occipital.  Cette  partie  terminale  constitue  le  troisième 
sillon  occipital.  Il  émet  deux  rameaux  ascendants  et  deux 
descendants. 

Quatrième  sillon  temporal. 

Très  long  et  peu  sinueux.  Se  prolonge  sans  interruption 
depuis  la  corne  sphénoïdale  jusqu'au  lobe  occipital,  où  il 
constitue  le  quatrième  sillon  occipital.  Dans  ce  long  parcours, 
il  n'émet  aucun  rameau. 

A  gauche,  disposition  identique. 

Premier  sillon  occipital. 

A  droite,  fait  suite  au  sillon  interpariétal.  Donne  deux  ra- 
meaux internes.  Interrompu  par  un  pli  anastomotique  joi- 
gnant les  deux  premières  circonvolutions  occipitales,  il  se 
termine  par  une  incisure  à  trois  branches. 

A  gauche,mai  délimité.  Fait  suite)également  au  sillon  inter* 

T.  X  (3®  série).  87 


578  SÉANCE  nu  21  jihllet  !887. 

pariétal.  Interrompu, comme  adroite,  par  un  long  pli  anasto- 
motique  en  avant  duquel  il  émet  une  assez  longue  branche 
récurrente  qui  remonte  dans  l'épaisseur  de  la  première 
circonvolution  occipitale.  Émet  en  dehors  un  petit  rameau. 

Deuxième  tilloo  oooipital. 

A  droite,  très  sinueux.  Fait  suite  à  la  scissure  occipitale 
externe  et  se  prolonge  Jusqu'à  la  corne  occipitale.  Dans  son 
trajet,  il  émet  trois  rameaux  supérieurs  et  trois  inférieurs. 

.4  gauche^  fait  également  suite  à  la  scissure  occipitale 
externe.  Décrit  ensuite  une  première  courbe  à  grand  rayon 
et  à  concavité  inférieure,  puis  une  deuxième  courbe  en  sens 
opposé  qui  se  termine  à  la  partie  interne  du  pôle  occipital. 
Il  émet  une  branche  et  un  rameau  postérieurs  et  un  rameau 
antérieur. 

Troisième  sillon  occipital. 

A  droite,  commence  sur  la  face  cérébelleuse  du  lobe  occi- 
pital. Presque  rectiligne,  il  se  prolonge  jusqu'au  pôle  occipital 
et  n'émet  qu'une  seule  branche  très  longue  qui  semble  con- 
tinuer le  troisième  sillon  temporal. 

^.^A  gauche^  très  court.  Fait  suite  au  troisième  sillon  tem- 
poral et  se  termine  par  une  extrémité  bifurquée. 

Quatrième  sillon  occipital. 

A  droite^  fait  suite  au  quatrième  sillon  temporal.  Se  pro- 
longe jusqu'au  pôle  occipital,  où  il  se  réunit  à  angle  aigu 
au  troisième  sillon  occipital.  Il  émet  une  branche  supérieure 
et  une  inférieure. 

A  gauche,  très  sinueux  dans  sa  moitié  postérieure,  où  il 
donne  naissance  à  un  rameau  et  à  une  branche  supérieurs 
presque  contigus  et  à  un  rameau  inférieur  situé  au  même 
niveau. 


CHUDZINSKI   ET  MANOl'VRIER.  —   CERVEAU  DE   BERTILLON.   579 
CIRCONVOLUTIONS. 

Lobe  frontal. 
Premièpc  circonvolution  frontale. 

A  droite,  large  et  divisée  par  huit  incisures  plus  ou  moins 
longues  qui  constituent  un  commencement  de  séparation  en 
deux  plis.  Son  bord  externe,  très  flexueux,  décrit  cinq 
méandres  fortement  prononcés.  Unie  à  la  deuxième  circon- 
volution par  un  pU  profopd  et  mince  an  a. 

Sa  face  interne  est  très  nettement  divisée  en  deux  plis  par- 
faitement distincts  dans  toute  son  étendue.  Ces  deux  plis  sont 


Fig.  7. 

seulement  unis  entre  eux  par  trois  plis  anastomotiques  :  le 
premier,  préovalaire  (n);  le  second,  très  profond,  méto- 
pique(7w),  et  le  troisième,  sus-orbitaire  (v),  superficiel  ainsi  que 
le  premier  (fig.  7).  Le  sillon  anormal  qui  sépare  ces  deux  plis 
émet  quatre  rameaux  ascendants.  Il  constitue  une  exagéra- 
tion des  fossettes  et  incisures  qui  existent  ordinairement  sur 
la  face  interne  du  lobe  frontal.  Le  cerveau  de  Bertillon  pré- 
sente donc  une  réelle  complication  de  cette  région.  Le  pli  in- 
férieur est  simple  et  lisse.  Le  pli  supérieur  est  lui-même 
creusé  de  nombreuses  incisures  qui  constituent  un  commen- 
cement de  subdivision. 

A  gauche^  la  première  circonvolution  est  un  peu  moins 
larg',  mais  plu^  profondément  creiisrc  pnr  six  inci?uro3sim- 


580  SÉilNCE   DU  21    JUILLET   1887. 

pies  ou  ramifiées.  Son  bord  externe  décrit  six  méandres  très 
accentués.  Il  est  uni  à  la  deuxième  circonvolution  par  trois 
plis  anastomotiques  superficiels  :  le  premier  au  niveau  du  se- 
cond méandre,  les  deux  autres  contigus  sur  la  face  anté- 
rieure. 

La  face  interne  n'est  pas  complètement  divisée,  comme  à 
droite^  en  deux  plis  distincts  ;  mais  elle  présente  huit  inci- 
sures  profondes,  dont  plusieurs  sont  ramifiées. 

Deuxième  circonvolution  frontale. 

A  droUcy  peu  large,  mais  très  contournée  sur  elle-même. 
Sur  la  face  convexe,  son  bord  externe  déciît  quatre  méandres 


Fig.  8. 

très  prononcés.  Le  bord  interne  en  décrit  cinq  plus  petits. 
Sa  surface  libre  présente  deux  incisures. 

Cette  circonvolution,  contrairement  à  ce  qui  a  lieu jl ordi- 
nairement, est  moins  large  que  la  première,  comme  si 
c'était  à  ses  dépens  que  s'est  produit  Télargissement  des  deux 
circonvolutions  voisines. 

Elle  est  unie  à  la  troisième  frontale  par  trois  plis  anasto- 
motiques assez  minces  :  le  premier  au  niveau  de  la  branche 
ascendante  de  la  scissure  de  Sylvius  ;  les  deux  autres  voi- 
sins du  lobule  orbitaire.  La  portion  qui  forme  ce  lobule  est 
divisée  par  un  sillon  en  H  irrégulier. 

A  gauche,  un  peu  plus  large  qu'à  droite  et  également  très 


GHUDZINSKI  ET  HANOUVRIER. —  GERVEilU  DE  BERTILION.   581 

sinueuse.  Sa  partie  moyenne  est  profondément  divisée  par  un 
sillon  à  quatre  branches.  Au-dessous  de  cette  partie,  elle  se 
présente  sous  la  forme  d'un  pli  transversal  qui  s*unit  aux 
deux  circonvolutions  voisines,  formant  ainsi  une  anastomose 
entre  les  trois  circonvolutions  frontales . 

Son  bord  interne  présente  six  méandres  et  son  bord  ex- 
terne trois  méandres. 

Outre  le  pli  anastomotique  indiqué  ci-dessus,  il  y  en  a  un 
second  très  profond,  joignant  les  deux  premières  circonvolu- 
tions au  niveau  delà  région  orbilaire  (en  a). 

Cette  région  est  largement  creusée  de  deux  sillons  à  quatre 
branches.  Elle  est  très  compliquée. 

Troisième  circonvolution  frontale. 

A  droite,  commence  au  pied  de  la  frontale  ascendante  par 
un  pli  ascendant  qui,  après  un  trajet  de  3  centimètres,  dis- 
paraît dans  la  profondeur  de  rhénnsphèrc,au  lieu  de  s'anas- 
tomoser avec  la  deuxième  frontale  comme  d'habitude.  De  la 
partie  inférieure  de  ce  pli  initial  part  un  autre  pli  très  large 
qui  s'enroule  autour  de  la  branche  ascendante  bifurquéc  de 
la  scissure  de  Sylvius  en  décrivant  un  long  et  large  méandre 
coupé  transversalement  par  une  incisure  en  h^  et  anastomosé 
avec  la  deuxièmcfrontale  pardeux  plis  très  apparents.  Puis  la 
troisième  frontale  décrit  un  nouveau  méandre  et  va  se  ter- 
miner dans  l'extrémité  orbitaire  de  la  deuxième  frontale.  Ce 
dernier  méandre  est  coupe  par  une  incisure  transversale 
assez  longue. 

L'incisure  située  entre  la  branche  ascendante  s  de  la  scis- 
sure de  Sylvius  et  la  branche  antérieure  s"  paraît  communi- 
quer avec  cette  scissure  sur  le  dessin  (fig.  3),  mais  elle 
ne  communique  pas  en  réalité.  Elle  n'en  constitue  pas 
moins  une  division  du  cap  de  la  troisième  circonvolution.  Ce 
cap  était,  on  le  voit,  beaucoup  plus  large  qu'à  gauche,  fait 
d'autant  plus  intéressant  que  Bertillon  était  gaucher. 

.4  gauche,  même  disposition  qu'à  droite,  si  ce  n'est  que  la 
branche  ascendante  de  la  scissure  de  Sylvius  (s),  au  lieu  d'être 


582  SÉANCE  DU  21   JUILLET  1887. 

longue  et  double,  est  très  courte  et  simple.  Les  méandres 
sont  plus  étroits,  mais  très  développés  en  hauteur;  sur  la 
figure,  la  branche  antérieure  de  la  scissure  de  Sylvius  / 
semble  être  bifurquée,  mais  le  rameau  supérieur  ne  lui  ap- 
partient pas  :  c'est  une  simple  incisure  ascendante.  Au  niveau 
de  la  réunion  des  étages  métopique  et  orbitaire,  la  troisième 
frontale  est  coupée  transversalement  par  une  incisure  à 
quatre  branches,  puis  elle  décrit  un  dernier  et  large  méandre 
qui  se  perd  dans  le  lobule  orbitaire.  La  partie  inférieure  du 
second  méandre  est  unie  par  un  pli  anastomotique  trans- 
versal aux  deux  premières  circonvolutions  frontales. 

Si  Ton  se  conforme  aux  conventions  classiques,  le  cap  de 
la  troisième  circonvolution  frontale  compris  entre  les  bran- 
ches antérieure  et  ascendante  de  la  scissure  de  Sylvius  est 
très  développé  et  divisé  par  deux  incisuresà  droite,  tandis 
qu'à  gauche  il  est  très  petit  et  divisé  par  une  seule  incisure 
très  longue  et  profonde,  il  est  vrai.  Mais  nous  croyons  qu'on 
peut  discuter  sur  la  question  de  savoir  si,  de  ce  côté,  c'est 
bien  la  petite  branche  s  qui  est  la  branche  ascendante,  et  non 
pas  la  branche  8"^  que  nous  avons  décrite  comme  étant  la 
branche  antérieure.  Dans  ce  dernier  cas,  la  branche  anté- 
rieure, non  visible  sur  la  figure,  serait  cachée  dans  la  profon- 
deur de  la  scissure.  Cette  manière  de  voir  aurait  contre  elle 
la  situation  trop  antérieure  de  la  branche  s^. 

Dans  tous  les  cas,  la  troisième  frontale  considérée  dans 
son  ensemble  est  très  développée  sur  l'un  et  l'autre  hémi- 
sphère. 

Frontale  asoendante. 

A  droite^  très  tortueuse.  Large  en  haut  et  mince  en  bas. 
Les  trois  racines  des  trois  circonvolutions  antérieures  qu'elb 
reçoit  sont  trèë  minces.  Sa  surface  est  seulement  creusée  de 
deux  fossettes. 

A  gauche^  moins  tortueuse  et  plus  mince  dans  toute  son 
étendue.  Une  seule  fossette  à  sa  partie  inférieure.  La  racine 


GHUDZmSKI  ET  MANOUVRIBR.  --  CERVEAU  DE  BERTILLON.   5S3 

de  la  première  fronlale  est  large  ;  les  racines  des  deuxième  et 
troisième  frontales  sont  minces. 


Pariétale  asoetidante. 

A  droite^  mince  en  haut,  elle  s'élargit  dans  sa  partie  in- 
férieure, qui  est  divisée  par  une  longue  incisure  communi- 
quant avec  la  scissure  de  Sylvius.  Sa  surface  est  creusée  à 
son  tiers  inférieur  de  deux  petites  incisures  transversales. 


Fig.  9. 

Cette  circonvolution  est  complètement  séparée  dfes  autres 
circonvolutions  pariétales,  excepté  à  ses  deux  extrémités. 

A  gauche^  très  large  et  divisée  en  apparence  en  deux  plîs 
dans  ses  trois  quarts  inférieurs  par  trois  incisures  transver- 
sales dont  la  troisième  est  ramifiée  à  quatre  branches.  Le 
pli  postérieur  qui  en  résulte  appartient,  pensons  nous,  au  pli 
pré-sylvien  en  bas  et  au  pli  courbé  en  haut.  Suivant  celte 
manière  de  voir,  la  pariétale  ascendante  serait  aussi  mince 
que  du  côté  opposé. 


584  SÉANCE  DU  21   JUILLET  4887. 

Première  circoavolution  pariétale. 

A  droite,  peu  développée.  Divisée  par  un  sillon  transversal 
en  deux  plis  dont  le  postérieur  est  très  mince  et  se  conlinue 
avec  la  partie  postérieure  du  pli  courbe. 

A  gauche,  moins  développée  encore  qu'à  droite.  Creusée 
d'une;  longue  incisure  oblique.  Son  anastomose  avec  le  pli 
courbe  est  très  développée.  Au-dessus  de  cette  anastomose  on 
en  voit  une  autre,  sous  forme  d*un  îlot  déprimé  (G)  (flg.  9), 
qui  unit  cette  circonvolution  à  la  pariétale  ascendante. 

Lobule  ovalaire  (Ov.) 

A  droite  y  très  peu  développé.  Divisé  en  deux  parties  par 
unjB  branche  ascendante  de  la  scissure  sous-frontale. 

A  gauche^  plus  étendu,  mais  mal  délimité  en  avant  par 
une  longue  incisure  oblique  et  isolée  o  (Gg.  5).  Divisé  en 
deux  parties  par  une  incisure  parallèle  à  la  précédente. 

Lobule  quadrilatère. 

A  droite,  très  développé  dans  le  sens  antéro-postérieur. 
Divisé  par  une  incisure  transversale  unie,  vers  son  tiers 
postérieur,  à  une  autre  incisure  ramifiée  antéro-postérieure 
s,;)(fig.7)  qui  semble  continuer  de  ce  côté  du  lobule  ovalaire 
le  sillon  antéro-postérieur  que  nous  avons  décrit  comme  di- 
visant en  deux  étages  lapartie  internede  la  première  frontale. 
Le  lobule  quadrilatère  présente  deux  autres  incisures  :  Tune 
vers  son  milieu  et  l'autre  vers  sa  partie  postérieure. 

A  gauche,  également  très  développé.  Profondément  divisé 
par  plusieurs  sillons  5,  p  (fig.  5)  qui  vont  rejoindre  la  scis- 
sure sous-frontale,  à  l'exception  d'une  incisure  profonde  qui 
vient  de  lapartie  supérieure  delà  pariétale  ascendante.  Plus  en 
arrière  on  voit  deux  autres  incisures  ramifiées,  et  en  haut  la 
terminaison  d'une  incisure  qui  prend  son  origine  sur  la 
partie  supérieure  de  la  première  pariétale. 

Deuxième  circonvolution  pariétale. 

A  droite f  divisée  de  haut  en  bas  par  un  profond  sillon  trans- 


GHUDZINSKI  ET  HANOUVBIER.  —  CERVEAU  DE  BBRTILLON.  B85 

versai  qui  n'est  autre  chose  que  la  branche  antérieure  ou 
ascendante  du  premier  sillon  temporal.  La  partie  antérieure 
constitue  le  pli  pré-sylvien  très  large,  à  contours  irréguliers 
et  creusé,  indépendamment  de  l'extrémité  de  la  scissure  de 
Sylvius,  par  deux  grandes  incisures  transversales.  La  partie 
postérieure,  ou  pli  courbe,  est  divisée  en  trois  plis  :  Tun  an- 
térieur, ascendant,  limité  en  arrière  parla  branche  postérieure 
du  premier  sillon  temporal,  les  deux  autres  postérieurs,  sé- 
parés l'un  de  l'autre  par  un  long  sillon  qui  commence  à  la 
partie  inférieure  de  la  branche  précédente  et  qui  se  continue 
sans  interruption  avec  le  second  sillon  occipital.  Chacun  de 
ces  trois  plis  de  la  seconde  pariétale  présente  des  fossettes 
et  de  petites  incisures.  L'antérieur  s'anastomose  avec  la  pre- 
mière pariétale,  et  les  deux  postérieurs  communiquent  lar- 
gement avec  les  deuxième  et  troisième  occipitales. 

A  gauche^  comme  à  droite,  un  pli  antérieur  ou  pré-sylvien 
est  détaché  par  la  branche  ascendante  du  premier  sillon  tem- 
poral /.  Mais  ce  pli  est  beaucoup  moins  large  qu'à  droite  et 
ne  présente  qu'une  incisure  assez  petite.  Le  pli  courbe,  au 
contraire,  est  large  et  très  sinueux,  décrivant  de  haut  en  bas 
plusieurs  méandres.  Son  bord  inférieur  est  échancré  par  un 
rameau  du  premier  sillon  temporal.  Sa  surface  est  creusée  de 
trois  fossettes  et  d'une  incisure.  Il  s'anastomose  en  haut  et 
en  avant  avec  la  première  pariétale  et  en  arrière  avec  les 
deuxième  et  troisième  occipitales. 

Première  circonvolution  temporale. 

A  droite,  mince.  Décrit  trois  méandres  peu  accusés.  Di- 
visée par  une  incisure  au  niveau  de  sa  jonction  avec  le  lobule 
pré-sylvien. 

A  gauche,  plus  épaisse  au  niveau  du  deuxième  méandre, 
qui  est  très  développé.  Les  deux  premiers  méandres  sont 
creusés  de  deux  incisures.  En  arrière,  elle  est  divisée  par  un 
rameau  récurrent  du  premier  sillon  temporal  en  deux  plis  : 
l'un  antérieur  et  supérieur,  qui  se  continue  avec  le  lobule 
pré-sylvien;  l'autre  inférieur  et  postérieur,  plus  large,  qua^ 


586  SÉANCE  DU  21  JUILLET  1887. 

drilalère  et  entouré  presque  'compètement  par  le  premier 
sillon  temporal  qui  le  sépare  du  pli  courbe  et  du  lobe  occi- 
pital. Ce  pli  est  creusé  d'une  fossette. 

Deuxième  circonvolution  temporale. 

A  droite^  surface  presque  lisse^  présentant  seulement  deux 
petites  fossettes.  S'anastomose  vers  sa  partie  moyenne  avec 
la  troisième  temporale  et,  en  arrière,  avec  le  pli  courbe,  par 
un  pli  profondément  caché  dans  la  profondeur  du  premier 
sillon  temporal. 

A  gauche^  s'anastomose  en  avant  avec  la  troisième  tem- 
porale et  en  arrière,  par  un  pli  très  profondément  caché,  n, 
avec  la  deuxième  occipitale  dont  elle  semble  être  séparée  par 
un  sillon. 

Troisième  oirconvoluliod  temporale. 

Adroite^  plus  large  et  plus  compliquée  que  les  précédentes. 
Coupée  vers  son  tiers  postérieur  par  une  branche  issue  du 
troisième  sillon  temporal.  Elle  s'anastomose  en  arrière  avec 
la  troisième  occipitale,  et  en  avant  avec  la  deuxième  tempo- 
rale. 

A  gauche^  également  large  et  compliquée.  Mêmes  anas- 
tomoses qu'à  droite.  Le  pli  anaslomotique  postérieur  se  con- 
tinue avec  la  deuxième  occipitale. 

Quatrième  circonvolution  temporale. 

A  droite,  très  étroite,  mais  bien  distincte.  S'anastomose  en 
arrière  avec  la  troisième  temporale.  Plus  en  arrière,  elle 
s'enfonce  comme  un  coin  entre  les  troisième  et  quatrième 
occipitales  avec  lesquelles  elle  s'anastomose  trèsprofondément. 
Elle  est  coupée,  vers  son  milieu,  par  une  incisure  transver- 
sale. 

A  gauche^  très  étroite  en  avant,  elle  s'élargit  considéra- 
blement en  arrière.  Divisée  en  deux  plis  par  un  sillon  secon- 
daire lequel  communique  avec  le  quatrième  sillon  temporal. 
Anastomosée  avec  les  troisième  et  quatrième  occipitales. 


CHUDZIN3KI   ET  MANOUVRIER.  —  CERVEAU  DE  BERTILLON.   387 

Cinquième  circonvolution  temporale. 

A  droite^  séparée  de  la  quatrième,  dans  toute  sa  longueur 
par  le  quatrième  sillon  temporal.  Divisée  en  arrière,  par  un 
sillon  antéro-postérieur^  en  deux  plis  qui  se  continuent  avec 
la  cinquième  occipitale. 

A  gauche  y  un  peu  plus  large  qu'à  droite.  Les  deux  plis 
postérieurs  sont  plus  courts  qu'à  droite  et  s'anastomosent 
aussi  avec  la  cinquième  occipitale. 

Première  circonvolution  occipitale. 

A  droite,  assez  large.  Séparée  du  cunéus  par  un  rameau 
antéro-postérieur  de  la  scissure  occipitale.  Séparée  en  arrière 
de  la  deuxième  occipitale  pal*  une  inoisure  en  K  à  branches 
très  écartées.  Le  pli  de  passage  pariéto-occipital  décrit  un 
double  méandre. 

A  gauche^  étroite  en  avant.  Se  confond  en  partie,  en  arrière, 
avec  la  deuxième  occipitale.  Séparée  du  cunéus  par  une  in- 
cisure  antéro-postérieure  courbe.  Sa  partie  postérieure  est 
divisée  en  deux  portions  par  une  incisure  transversale  et  plus 
en  arrière  par  une  autre  incisure  transversale  qui  la  sépare 
de  la  deuxième  occipitale.  Le  pli  de  passage  pariéto-occipital 
décrit  un  seul  méandre,  mais  très  large,  triangulaire  et  s'en- 
fonçant  comme  un  coin  entre  la  première  occipitale  et  le 
deuxième  pli  de  passage  pariéto-occipital. 

Deuxième  circonvolution  occipitale. 

A  droite,  se  continue  en  avant  avec  le  pli  courbe  par  un 
large  et  long  pli  de  passage.  Puis  elle  décrit  un  méandre  et 
va  se  terminer  au  pôle  occipital  après  s'être  anastomosée 
d'une  part  avec  la  première  occipitale,  d'autre  part  avec  les 
deuxième  et  troisième  temporales. 

A  gauche,  moins  large  qu'à  droite.  Son  pli  de  passage  pa- 
riéto-occipital est  plus  court,  mais  plus  large.  Elle  s'anas- 
tomose avec  la  troisième  occipitale  par  un  pli  qui  la  fait 
également  communiquer  avec  la  deuxième  temporale. 


588  SÉANCE  DU    21    JUILLET   i887. 

Troisième  circonvolution  occipilale. 

A  droite^  1res  large.  Incisée  parun  rameau  anl6ro-postérieur 
de  la  scissure  occipitale  externe.  Anastomosée  avec  la  qua- 
trième temporale  et  tout  à  fait  indépendante  de- la  deuxième 
temporale. 

A  gauche^  moins  large  qu'à  droite.  Anastomosée  avec  les 
deuxième  et  troisième  temporales  réunies. 

Quatrième  circonvolution  occipitale. 
A  droite,  très  petite.  Fusionnée  en  arrière  avec  la  cinquième 
occipitale.    Divisée  transversalement    par   une  incisure  en 


Fig.  10. 

arrière  de  laquelle  elle  se  continue  avec  la  quatrième  tempo- 
rale. 
A  gauche,  même  disposition. 

Cinquième  circonvolution  occipitale. 

A  droite,  très  petite  et  simple.  Fusionnée  presque  immé- 
diatement avec  la  cinquième  temporale. 

A  gauche,  même  disposition,  mais  plus  compliquée.  Elle 
est  creusée  de  deux  incisures  et  d'une  autre  incisure  ra- 
mifiée à  sa  jonction  avec  la  cinquième  temponile. 

Sixième  circonvolution  occipilale. 
A  droite,  très  simple  et  très  peu  développée.  Nettement 
séparée  de  la  première  occipitale  par  une  branche  (n)  de  la 


CHUBZINSKI  ET  HANOUVRIER.  —  CERVEAU  DE  BERTILLON.  589 

scissure  occipitale.  Sa  surface  est  divisée  par  une  incisure 
longitudinale.  Une  autre  incisure  existe  sur  la  face  antérieure 
formant  la  paroi  postérieure  de  la  scissure  occipitale. 

A  gauche f  elle  est  également  peu  développée.  Elle  est  aussi 
séparée  de  la  première  occipitale  par  une  incisure  antéro- 
postérieure,  mais  celle-ci  ne  communique  pas  avec  la  scissure 
occipitale.  Plus  contournée  qu'à  droite.  Sa  surface  est  creusée 
de  deux  légères  dépressions.  Son  pli  de  passage  cunéo-lim- 
bique  est  très  profond  et  tortueux. 

Circonvolution  du  corps  calleux. 

Très  réduite  sur  les  deux  hémisphères. 

A  droite,  elle  ne  mesure,  dans  sa  partie  métopique,  que 
5  millimètres  en  largeur.  Sa  partie  réfléchie  en  avant  et  au* 
dessus  du  genou  du  corps  calleux  était  cachée,  sur  le  cerveau 
frais,  entre  le  corps  calleux  et  la  première  frontale  formant 
deux  bourrelets  au-dessus  d'elle. 

Elle  s'élargit  en  arrière  à  partir  du  lobule  ovalaire,  tout 
en  restant  peu  développée.  Rappelons  qu'elle  est  séparée 
presque  complètement  du  lobule  quadrilatère  par  un  pro- 
longement de  la  scissure  sous-frontale.  Dans  cette  partie 
postérieure,  sa  surface  est  sillonnée  par  quelques  incisures 
peu  marquées. 

A  gauche^  plus  développée  qu'à  droite  et  assez  large  dans 
sa  partie  antérieure.  Elle  se  rétrécit  un  peu  au  niveau  du 
lobule  ovalaire  et  devient  large  en  arrière.  Bord  supérieur 
crête,  coulraireraent  à  l'hémisphère  droit.  Sa  surface  est 
creusée  de  plusieurs  dépressions  superficielles  en  avant  et  de 
véritables  incisures  en  arrière.  Contrairement  à  ce  qui  a  lieu 
du  c6té  droit,  elle  conmiunique  par  un  pli  de  passage  su- 
perficiel, au  niveau  du  genou  du  corps  calleux,  avec  la  pre- 
mière frontale,  et  par  un  second  pli  de  passage  profond,  en 
arrière,  avec  le  lobule  quadrilatère. 

Corps  calleux.  —Très  petit  des  deux  côtés,  dans  le  sens 
vertical. 


Î590  SÉAAXE  DU   21    JUILLET   1887. 

Rémmê  des  caractères  lesplus  saillants  de  la  surface  cérébrale. 
—  Incisnres  et  sillons  en  général  très  tortueux  et  ramifiés. 

Dédoublement  complet  de  la  première  frontale  à  gauche  à 
sa  partie  interne. 

Petitesse  du  cap  de  la  troisième  frontale  gauche  et  grand 
développement  en  hauteur  des  méandres  de  cette  drcon* 
volution. 

Petitesse  du  lobule  ovalaire  à  droite.  Simplicité  du  même 
lobule  à  gauche. 

Minceur  relative  de  la  frontale  ascendante. 

Complication  de  la  pariétale  ascendante  gauche,  surtout 
dans  sa  partie  inférieure. 

Grand  développement  du  lobule  quadilatère  nettement  sé- 
paré de  la  circonvolution  du  corps  calleux. 

Division  en  deux  lobules  distincts  de  la  deuxième  pariétale 
et  complication  du  pli  courbe. 

Délimitation  nette  des  trois  premières  occipitales. 

Étroitesse  de  la  circonvolution  du  corps  calleux  à  gauche 
et  minceur  du  corps  calleux  lui-même. 

Grand  développement  de  la  région  antérieure  du  cerveau 
dans  tous  les  sens. 

Faible  développement  relatif,  quant  aux  dimensions,  des 
lobes  temporaux  et  du  cervelet. 

DiscQfsioii. 

M.  Letourneau.  Ayant  eu  l'honneur  d'être,  pendant  de 
longues  années,  Tun  des  amis  intimes  d'A.  Bertillon,  j'ajou- 
terai quelques  mots  à  ce  que  nous  a  dit  M.  Manouvrier  dans 
sa  très  importante  communication.  Le  grand  intérêt  de  ces 
études  sur  le  cerveau  consiste  précisément  à  rapprocher  de 
la  structure  de  Torgane  ce  que  Ton  sait  de  sa  fonction.  Un 
trait  tout  à  fait  caractéristique  d'A.  Bertillon,  dont  tous  nous 
avons  pu  apprécier  la  forte  intelligence  et  l'élévation  du 
caractère,  c'était  une  grande  difficulté  à  exprimer  sa  pensée. 
Sous  ce  rapport,  il  était  exactement  l'opposé  de  Gambetla, 
auquel  on  vient  de  le  comparer.  Cette  difficulté  d'expression 


DISCUSSION  SUR  LE  CERVEAU  DE  BERTILLOX.  591 

était  si  grande  chez  A.  Bertillon,  qu'on  la  peut  presque  appe- 
ler aphasique.  Ses  auditeurs  en  éprouvaient  un  sentiment 
pénible,  quand  \,  Bertillon  parlait  en  public.  Et  pourtant 
au  fond,  tout  au  fond  de  sa  mentalité,  A.  Bertillon  était  un 
orateur;  il  avait  le  goût  très  accusé  du  langage  imagé,  mé- 
taphorique, poétique.  Parfois  même,  dans  certains  de  ses 
écrits,  il  s'est  laissé  aller  trop  complaisamment  à  cette  ten- 
dance. En  résumé,  il  y  avait  dans  A.  Bertillon  un  orateur 
psychique^  trahi  constamment  par  ses  moyens  d'expression. 
J'ajouterai  encore,  et  cela  complétera  mes  observations, 
qu'A.  Bertillon  n'avait  pu  réussir  à  se  rendre  complète- 
ment maître  de  l'orthographe  de  notre  langue.  Je  ne  crois 
pas  avoir  jamais  reçu  de  lui  une  lettre  qui  ne  contînt  quel- 
que faute  de  grammaire.  Il  m'a  dit  aussi,  bien  des  fois,  que 
dans  son  enfance  il  avait  eu  la  plus  grande  peine  à  apprendre 
à  lire.  Cette  imperfection,  si  spéciale  chez  un  homme  aussi 
distingué  que  Tétait  notre  collègue,  semble  donc  indiquer 
que  l'aptitude  à  bien  parler  et  à  bien  écrire  n'est  pas  néces- 
sairement le  signe  d'une  haute  intelligence. 

M.  Laborde  demande  le  renvoi  de  la  discussion  à  une  séance 
ultérieure,  la  question  par  son  importance  nécessitant  une 
étude  approfondie.  — Approuvé. 

La  séance  est  levée  à  cinq  heures  trois  quarts  du  soir. 
Vun  des  scerétairei  :  faijvi&|.le. 


15S«  SiANCË.  —  6  oelobre  1887. 

Préflldence  de  M.  MAGITOT^  préflldeai. 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté, 

COMMUNICATIONS  DU  BUREAU. 

M.  LE  Président.  Le  Comité  central  sera  convoqué  le  jeudi 
13  octobre  pour  prendre  telle  décision  qu'il  jugera  conve- 
nable, au  sujet  de  la  lettre  par  laquelle  M.  le  ministre  du 


592  SÉANCE  DU  6  OCTOBRE  .1887. 

commerce  invite  la  Société  d'anthropologie  de  Paris  à  parti- 
ciper à  l'Exposition  universelle  de  1889. 

Inauguratioii  de  la  statne  de  Broca. 

M.  LE  Président  rend  compte,  en  ces  termes,  de  l'inaugura- 
tion du  monument  élevé  à  la  mémoire  de  Paul  Broca,  fonda- 
teur de  la  Société  : 

Depuis  notre  dernière  réunion,  et  pendant  les  vacances  de 
la  Société,  votre  Bureau,  messieurs,  a  été  informé  que  le  mo- 
nument de  Broca.  qui  a  ûguré,  comme  on  sait,  au  dernier 
Salon,  allait  être  placé  au  lieu  désigné  pour  le  recevoir,  c'est- 
à-dire  dans  le  petit  square  situé  à  l'angle  du  boulevard  Saint- 
Germain  et  de  la  rue  de  l'Ecole-de-Médecine,  devant  Tune  des 
entrées  de  la  Faculté. 

La  commission  du  monument,  présidée  par  M.  Ploix,  an- 
cien président  de  la  Société,  s'est  aussitôt  réunie  et  a  posé  la 
question  de  Tinauguration  suivant  le  cérémonial  ordinaire 
en  pareil  cas  ;  mais  nous  fûmes  aussitôt  informés  que  la  fa- 
mille de  Broca  désirait  que  cette  inauguration  eût  lieu  d'une 
manière  tout  à  fait  intime  et  sans  qu'aucun  discours  fût  pro- 
noncé. 

Des  objections  furent  faites  alors  par  plusieurs  membres 
de  la  commission,  qui  pensaient  que  la  statue  de  notre  fon- 
dateur ne  pouvait  être  ainsi  découverte  sur  la  voie  publique 
sans  convoquer  à  cette  occasion  les  souscripteurs  du  monu- 
ment, ainsi  que  les  représentants  des  corps  savants  auxquels 
Broca  avait  appartenu,  et  sans  que  quelques  paroles  fussent 
prononcées. 

Il  fut  alors  convenu,  d'accord  avec  la  famille  et  dans  le  but 
de  souscrire,  dans  la  mesure  du  possible,  au  vœu  qu'elle 
avait  formellement  exprimé,  que  les  convocations  seraient 
restreintes  autant  qu'il  se  pouvait,  et  que  deux  courtes  allo- 
cutions seraient  seulement  prononcées,  l'une  par  le  prési- 
dent de  la  commission  du  monument,  l'autre  par  le  président 
de  la  Société  d'anthropologie. 

Toutefois,  tous  les  membres  de  la  Société  d'anthropologie 


COMllUNICATlONS  DU   BUREAtJ.  593 

furent  invités  par  une  circulaire  spéciale;  une  convocation 
particulière  fut  adressée  au  président  du  conseil  municipal 
de  Paris  ainsi  qu'aux  secrétaires  généraux  des  sociétés  sa- 
vantes dont  Broca  avait  fait  partie,  et  l'inauguration  eut 
lieu  le  29  juillet  dernier,  à  dix  heures  du  matin^  en  pré- 
sence de  tous  les  membres  de  la  famille  Broca,  du  doyen 
de  la  Faculté  de  médecine,  des  membres  de  TAcadémie  de 
médecine,  de  plusieurs  collègues  du  Sénat,  de  la  Société 
de  chirurgie,  de  la  Société  de  biologie,  et  d'un  grand 
nombre  de  membres  de  la  Société  d'anthropologie.  Divers 
représentants  de  la  presse  assistaient  à  l'inauguration,  ainsi 
qu'un  certain  nombre  d'étudiants.  Le  professeur  Bogdanow, 
président  de  la  Société  d'anthropologie  de  Moscou,  repré- 
sentant l'anthropologie  russe,  a  déposé  deux  couronnes  au 
pied  de  la  statue. 

Alors  M.  Ploix,  président  de  la  commission  du  monument^ 
prit  la  parole  en  ces  termes  : 

Messieurs, 

Lorsqu'une  mort  imprévue  et  soudaine  vint  enlever  Broca 
à  sa  famille,  à  ses  amis,  à  ses  collègues,  la  Société  d'anthro- 
pologie chargea  une  commission  prise  dans  son  sein  d'élever 
un  monument  à  la  mémoire  du  savant  éminent  qui,  après 
avoir  été  son  fondateur,  était  resté  depuis  lors  le  directeur 
et  l'âme  continue  de  ses  travaux.  Une  souscription  publique 
fut  ouverte;  les  adhésions  ne  se  firent  pas  attendre.  Toutes 
les  Sociétés  d'anthropologie  qui,  à  l'exemple  de  celle  de 
Paris,  se  sont  fondées  dans*  toutes  les  capitales  du  monde 
civilisé,  s'empressèrent  d'envoyer  leur  offrande.  En  France, 
nous  avons  vu  se  joindre  aux  collègues  de  Broca,  médecins 
ou  anthropologistes,  un  certain  nombre  de  conseils  élus  de 
nos  grandes  villes,  parmi  lesquels  je  dois  citer  en  première 
ligne  le  conseil  municipal  de  Paris.  L'abondance  des  sous- 
criptions a  permis  à  la  commission  d'ouvrir  un  concours 
pour  ériger  la  statue  qui  va  tout  à  l'heure  être  découverte 
devant  vous.  De  noiUbreux  sculpteurs  prirent  part  à  ce  con- 

T.  X  (3«  s*rte).  88 


304  SÉANCE  DU  6  OCTOBRE  1887. 

cours  et  la  commission  dut  s^adjoindre  quelques  artistes 
ôminents  qui  ont  bien  voulu  l'aider  de  leurs  conseils  pour 
éclairer  ses  décisions.  La  statue  est  enfin  élevée  sur  son 
piédestal  ;  nous  aurions  désiré  que  Vœuvre  fût  achevée  plus 
promptement,  mais  vous  savez  qu'en  toutes  choses  le  temps 
est  un  élément  nécessaire  dont  on  ne  dispose  pas  à  son  gré. 
Aujourd'hui  la  tâche  de  la  commission  est  terminée;  je  viens 
en  son  nom  remettre  le  monument  de  Broca  h  la  Société 
d'anthropologie. 
Votre  président  répondit  par  l'allocution  suivante  : 

Messieurs, 

La  Société  d'anthropologie,  au  nom  de  laquelle  j*ai  Thon- 
neur  de  prendre  ici  la  parole,  a  été  invitée  par  la  commission 
du  monument  de  Broca  à  recevoir  de  ses  mains  l'œuvre  qui 
va  tout  à  Theure  être  découverte  devant  vous. 

J*ai  donc  pour  premier  devoir  d'adresser  nos  remerciements 
à  la  commission  nommée  au  sein  même  de  la  Société,  et, 
en  particulier,  à  son  président,  M.  Ploix.  Nous  en  devons 
encore  au  secrétaire  de  la  commission,  M.  Pozzi,  qui,  pen- 
dant plusieurs  années,  a  consacré  tous  ses  soins  à  Tentre- 
prise  qui  s'achève  aujourd'hui.  Nous  exprimerons  ensuite 
notre  gratitude  aux  artistes,  MM.  Franceschi,  de  Saint- 
Marceaux,  Dubois  et  Escalier,  qui,  ayant  bien  voulu  faire 
partie  de  notre  commission,  nous  ont  éclairés  de  leur  auto- 
rité et  de  leur  haute  compétence  pour  le  choix  des  projets 
soumis  au  concours.  Enfin,  nous  avons  une  dette  toute  par- 
ticulière à  acquitter  envers  le  statuaire,  M.  Paul  Ghoppin, 
auquel  nous  devons  l'image  actuelle  de  Broca.  N'oublions 
pas  non  plus  l'architecte,  M.  Gamut,  ami  personnel  de  la 
famille,  qui  nous  a  offert  son  gracieux  concours  pour  l'exé- 
cution du  socle  de  ce  monument. 

Dans  la  statue  qu'on  va  mettre  sous  vos  yeux,  vous  retrou- 
verez, messieurs,  notre  fondateur  dans  cette  attitude  de 
méditation  grave  et  réfléchie  qu'il  prenait  si  souvent  parmi 
nous  dans  son  laboratoire,  au  sein  de  la  Société,  toutes  les 


COHMUHlGATlONd  DU  BUREAU.  595 

fois  qu^un  fait  ou  un  objet  nouveau  éveillait  dans  son  esprit 
un  intérêt  puissant;  vous  le  retrouverez  entouré  de  ses 
appareils  et  instruments  de  précision  qu'il  a  presque  tous 
imaginés,  et  fixant  son  regard  investigateur  sur  un  cr&ne 
humain,  ce  crâne  qui  fut  Tobjet  de  tant  de  patientes  et  infa- 
tigables recherches. 

Que  ceux  qui  passent  au  pied  de  ce  monument  s'inclinent 
donc  avec  respect.  L'homme  qu'il  représente  fut  un  puissant 
esprit  et  un  grand  caractère.  Vous,  médecins,  naturalistes, 
philosophes,  chercheurs  que  subjugue  Tattrait  des  grands 
problèmes  de  la  science  de  Thomme,  évoquez  la  mémoire  de 
celui  que  vous  avez  connu,  écoutent  aimé.  Vous,  étudiants 
des  générations  prochaines,  contemplez  l'image  d'un  mattre 
qui  fut  à  la  fois  anatomîste,  chirurgien^  anlhropologiste,  et 
dont  le  nom  va  reparaître  sans  cesse  dans  vos  livres,  dans 
vos  cours,  à  chaque  étape  de  vos  études. 

Tous  aussi^  vous  vous  étonnerez,  aux  datesj  inscrites  sur 
ce  socle,  qu'une  carrière  si  glorieuse  ait  eu  une  durée  si 
courte.  Broca,  en  effet;  est  mort  prématurément;  il  est  mort 
brisé  par  un  travail  sans  trêve,  victime  de  la  science  qui, 
elle  aussi,  est  un  champ  de  bataille  où  la  gloire  s'achète 
souvent  au  prix  de  la  vie. 

Mais  si  cette  statue  doit  transmettre  l'image  du  grand 
initiateur  qui  a  créé,  organisé  et  personnifié  l'anthropologie, 
il  est  un  autre  monument,  non  moins  impérissable  que  le 
bronze,  c'est  l'œuvre  scientifique  de  Broca,  cette  œuvre 
aujourd'hui  épanouie  et  rayonnante  qui,  depuis  sa  mort 
aussi  bien  que  durant  sa  vie,  conduit  et  éclaire  dans  la  voie 
qu'il  a  si  magistralement  ouverte  la  phalange  Adèle  et  dé- 
vouée des  disciples.  Aussi  est-ce  à  nous,  messieurs,  nous  qui 
sommes  ses  disciples,  de  conserver  précieusement  et  reli- 
gieusement les  pures  traditions  et  les  grands  exemples  qu'il 
nous  a  légués.  C'est  à  notre  Société  qu'est  confié  ce. dépôt; 
c'est  à  elle  qu'est  dévolue  cette  mission.  Elle  n'y  faillira 
pas. 

Je  m'arrête,  Messieurs,  car  je  n'ai  pas  le  droit  de  vous  faire 


596  SÉANCE  DU  6  OCTOBRE  4887. 

de  discours,  un  vœu  formel  de  la  famille  de  Broca  ayant 
imposé  à  cette  inauguration  un  caractère  à  la  fois  simple  et 
intime,  c'est  à-dire  celui  d'une  cérémonie  dans  laquelle  se 
trouvent  un.  instant  confondues  dans  un  même  souvenir  la 
famille  naturelle  dont  les  représentants  sont  devant  nous,  et 
la  famille  d'adoption,  la  famille  scientifique  que  Broca  s'était 
créée.  Aussi  est-ce  une  commune  pensée  qui  nous  réunit  tous 
ici,  pour  rendre  aujourd'hui  un  nouveau  et  un  pieux 
hommage  à  la  mémoire  doublement  vénérée  d'un  chef  et 
d'un  maître. 

Après  ces  deux  allocutions,  M.  de  Quatrefages  a  prononcé 
à  son  tour  quelques  mots  en  annonçant  qu'il  était  chargé 
de  déposer  sur  la  statue  de  Broca  plusieurs  couronnes 
au  nom  de  diverses  Sociétés  de  France  et  de  l'étranger. 

La  cérémonie  était  terminée  à  dix  heures  et  demie. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

Htades.  Mission  scientifique  du  cap  Hom.  Géologie.  Paris, 
4887,  in-4°,  242  pages,  4  cartes,  28  planches. 

Simon  (E.).  Mission  scientifique  du  cap  Hom,  Zoologie  : 
Arachnides.  Paris,  1887,  in-4',  42  pages,  2  planches. 

Spuller.  Discours  prononcé  au  congrès  des  Soc f  étés  savantes, 
le  A  juin  1887.  Paris,  1887,  broch.  in-4%  18  pages. 

Lefèvre-Pontalis.  Bibliographie  des  Sociétés  savantes  de  la 
France.  Paris,  1887,  in-4",  142  pages. 

Baye  (J.  de).  La  coupe  de  Castelletto.  Nogent-le-Rotrou, 
1887,  broch.  in-12,  6  pages. 

Fraipont  (J.).  La  poterie  en  Belgique  à  tâge  du  nummouth 
(Extrait  de  la  Revue  (t anthropologie  de  juillet  1887).  Broch. 
in-8",  23  pages. 

HouzÉ  (E.).  Description  d'un  squelette  d'Hindou  (Extrait  du 
Bulletin  de  la  Société  d'anthropologie  de  Bruxelles,  1886-87). 
Broch.  in-8'*,  15  pages. 
—  Comparaison  des  indices  céphalométrique  et  craniomé' 


OUVRAGES  OFFERTS.  B07 

trique.  (Extrait  du  Bulletin  de  la  Société  d'anthropologie  de 
Bruxelles,  1886-87).  Broch.  in-8%  il  pages. 

Regaua  (E.).  Sut  fenomeni  psichtci.  Milan-Turin,  1887, 
broch.  în-8*,  19  pages. 

Sommier  (S.).  Sirieni^  Ostiacchi  e  Samoiedi  deW  Obi.  I. 
Florence,  1887,  in4%  168  pages,  3  planches. 

CuLiN  (S.).  The  ReUgious  Cérémonies  of  the  Chinese  in  the 
Eastem  Cities  ofthe  United  States.  Philadelphie,  1887,  in-4*, 
23  pages,  â  planches. 

Stephenson  (P.-B.),  Duty  of  the  State  in  public  Health 
(Extrait  du  New-York  Médical  Journal^  1887).  Broch.  in-12, 
11  pages. 

Anoutchine.  Sur  les  anciens  crânes  déformés  artificiellement, 
trouvés  en  Russie.  Moscou,  1887,  in-8",  72  pages  en  russe. 

Lewis  (H. -T.).  Incised  Boulders  in  the  uper  Minnesota 
valley,  Saint-Paul,  Minn.,  1887,  feuille  in-S**. 

Durville  (H.).  Application  de  Vaimant  au  traitement  des 
maladies.  Paris,  1887,  broch.  in-8**,  24  pages. 

Revue  d' Anthropologe.  16«  année,  1887,  5»  fascicule. 

M.  Topinard,  en  offrant  ce  fascicule,  en  donne  le  sommaire 
suivant  : 

Mensuration  des  crânes  des  dolmens  de  la  Lozère,  époque 
néolithique,  diaprés  les  registres  de  Broca,  par  P.  Topinard. 

Les  Sélections  sociales^  par  de  Lapouge. 

Contributions  à  l'histoire  des  anomalies  musculaires^  par 
M.  Bérenger-Féraud. 

Les  Hottentots  ou  Khoi-Khoiet  leur  religion,  par  M.  Ploix. 

Le  BeC'de-lièvre,  par  M.  Dureau. 

Viennent  ensuite  dix  Bévues  de  livres  ou  de  brochures  fran- 
çais ou  étrangers  ;  une  Correspondance  du  docteur  Ricochon 
sur  l'anthropologie  des  Deux-Sèvres  ;  le  Catalogue  des  crânes 
préhistoriques  contenus  dans  le  musée  Broca;  trois  articles 
d^ Actualités  et  la  Bibliographie  des  périodiques,  livres  et  bro- 
chures reçus  par  la  Revue. 

M.  Topinard  insiste  particulièrement  sur  le  Catalogue  des 
crânes  préhistoriques,  dont  la  publication  était  demandée  et 


598  SÉANCE  DU  6  OCTOBRE  1887. 

qai  embrasse  tous  les  crânes  depuis  Tépoque  la  plus  reculée 
jusqu'à  l'époque  mérovingienne  inclusivement.  Il  comprend 
117  entrées  et  par  conséquent  autant  de  donateurs,  et 
compte  653  crânes  catalogués. 

Quelques  erreurs  ou  omissions  ont  pu  se  glisser  dans  ce 
catalogue.  Nous  prions  instamment  les  personnes  qui  en  dé- 
couvriraient de  vouloir  bien  nous  les  faire  connaître  (i). 
Quelques  crânes  sans  étiquettes  ou  dont  la  lettre  d'envoi  o'a 
pas  dû  arriver  à  qui  de  droit,  figurent  encore  dans  nos  gale- 
ries. Les  pièces  et  débris  en  trop  mauvais  état  pour  être 
étudiés  ont  été,  bien  entendu^  omis. 

Julien  Fraipont  et  Max-Lohest.  Recherches  ethnogra- 
phiques sur  les  ossements  humains  découverts  dans  les  dépôts 
quatei^aires  d'une  grotte  à  Spy  et  détermination  de  leur  âge 
géologique.  La  race  humaine  du  Néanderthal  et  de  Canstadt. 
(Extrait  des  Archives  belges  de  biologie).  Gand,  1887. 

M.  TopiNARD  offre  ce  travail  de  la  part  des  auteurs. 

Plusieurs  fois,  dit-il,  il  a  été  question  du  gisement  de  Spy 
dans  cette  Société  et  je  pense  que  nous  sommes  tous  aujour- 
d'hui pleinement  édifiés  à  ce  sujet.  Lagrotteaété  fouilléeelle- 
raème  par  M.  Rucquoy,  la  terrasse  en  avant  Ta  été  par 
MM.  Puydtet  Lohest.  C'est  celle-ci  qui  a  fourni  les  ossements 
humains,  la  faune  la  plus  complète  et  les  silex  et  os  travaillés. 

Il  y  a  trois  couches  :  une  supérieure,  qui  a  donné  quelques 
silex  finement  retouchés,  qu'on  peut  rapporter  à  la  fin  de  ce 
que  nous  appelons  en  France  l'époque  du  renne,  et  quelques 
os  de  mammouth  et  de  renne;  une  moyenne,  renfermant  do 
nombreux  silex,  des  instruments  en  os  et  en  ivoire  travaillés 
semblables  à  ceux  de  l'époque  que  nous  appelons  en  France 
de  Laugerie  et  de  la  Madelaine,  des  fragments  de  poterie,  du 
Mammouth,  du  rhinocéros  tichorhinus,  de  Yursus  spelœus  el 
les  carnassiers  qui  l'accompagnent  habituellement,  du  renne, 
du  bos  primigeniuSy  etc.;  et  une  inférieure,  qui  a  donné  des 
silex  du  type  duMoustier,  la  même  faune  sensiblement  que  la 

^  Au  docteur  P.  Topioard,  Laboratoire  d'anthropologie,  15,  ruo  de 
r£cole-de-médeoloe. 


OUVRAGES  OFFERTS.  599 

précédente,  notamment  du  mammonth,  du  rhinocéros  licho^ 
rhmus^  de  Vursus  speltBus,  du  conms  taràndus  et  du  bas  primi- 
genim  et  enfin  les  restes  de  deux  sujets  humains,  notamment 
deux  calottes  du  plus  beau  type  du  Néanderthal,  une  mà^ 
choire  supérieure,  une  mâchoire  inférieure,  plusieurs  os 
longs  dont  un  fémur  et  un  tibia  entier^  des  vertèbres,  de 
petits  os  de  la  main  et  du  pied,  etc. 

Aucun  doute  ne  peut  exister  sur  la  contemporanéité  des 
os  du  mammouth  et  des  deux  Néanderthal.  Les  deux  calottes 
humaines  sont  aussi  typiques  que  la  célèbre  calotte  qui  a  donné 
son  nom  à  cette  race,  aucun  des  caractères  de  celle-ci  n'y 
fait  défaut:  la  dolichocéphalie^  la  crête  sourcilière  énorme, 
le  front  étroit  et  fuyant,  la  dépression  transversale  qui  sépare 
la  crête  surcilière  de  la  naissance  du  front,  la  platycéphalie, 
Tévasement  en  besace  de  la  partie  postérieure,  la  forme 
arrondie,  empâtée,  ample  des  bosses  pariétales,  le  méplat  obli- 
que si  caractérisé  du  niveau  de  l'obélion.  La  seule  difTérenoe 
entre  les  deux  réside  dans  la  saillie  plus  grande  avec  contour 
mieux  arrondi  des  bosses  pariétales  du  numéro  2,  qui  par  là 
se  trouve  être  moins  dolichocéphale. 

Je  dois  ouvrir  ici  une  parenthèse  :  c'est  que  je  résume  ces 
caractères,  non  d'après  la  description  de  Tauteur,  mais 
d*après  mes  souvenirs.  J'ai  eu  la  satisfaction,  en  effet,  de 
voir  et  de  toucher  moi-même  ces  pièces  à  Liège,  chez 
M.  Lohest. 

Quant  aux  maxillaires,  le  supérieur  n*est  pas  sensiblement 
prognathe  et  Tinférieur  a  de  belles  apophyses  géni,  une 
décroissance  normale  d'avant  en  arrière  des  grosses  molaires, 
mais  pas  de  menton.  Sous  ce  dernier  rapport,  il  vaut  la  Nau- 
lette.  Quant  au  fémur  et  au  tibia  entier  qui  ont  attiré  surtout 
mon  attention,  ils  présentent  certains  caractères  simiens  pour 
la  description  desquels  je  renvoie  au  mémoire  ci-joint  et  à 
un  autre  mémoire  sur  un  point  spécial  qui  doit  paraître  dans 
la  Bévue  d'anthropologie^  sans  doute  du  15  mars  prochain. 

En  somme,  les  ossements  trouvés  à  Spy  au-dessous  de  la 
couche  des  os  travaillés,  au  milieu  d'ossements  de  mammouth 


600  SÉANCE  DU  6  OCTOBRE  1887. 

et  de  8ilexda  type  de  Moustier,  confirment  pleinement  la  des- 
cription classique  de  la  race  du  Néanderthal.  Elle  permet  de 
croire  que  la  mâchoire  delaNaulette  appartenait  bien  au  type 
du  Néanderthal  et  elle  ajoute  sur  le  squelette  des  renseigne- 
ments que  nous  ne  possédions  pas.  Ces  deux  hommes  de  Spy 
étaient  petits. 

Il  est  un  second  point  par  lequel  les  fouilles  de  Spy  présen- 
tent un  grand  intérêt,  et  ici  je  crains  que  cela  ne  dérange  les 
idées  qui  ont  davantage  cours  en  France.  C'est  qu'elle  montre 
l'homme  de  l'âge  des  os  travaillés  (du  renne  en  France,  du 
mammouth  en  Belgique)  possédant  déjà  la  poterie. 

Si  c*était  la  première  fois  que  semblable  fait  se  présente, 
on  pourrait  attendre.  Mais  déjà  en  France,  notamment  à  la 
caverne  de  Nabrigas^  on  a  signalé  le  contemporanéitédu  grand 
ours  et  de  la  poterie.  Depuis  longtemps  le  fait  est  signalé  pour 
la  Belgique.  Tout  récemment,  M .  Braconnier  en  a  recueilli  avec 
des  os  du  mammouth  dans  sa  grotte  du  Petit  Modave.  Enfin 
récemment  encore  M.  Julien  Fraipont,  l'auteur  du  présent 
mémoire,  a  extrait  lui-môme  un  petit  vase,  à  forme  basse  et 
évasée,  aux  deux  tiers  complet,  d'une  masse  de  stalagmite 
qui  renfermait  en  môme  temps  des  débris  de  mammouth,  dans 
un  couloir  resté  vierge  de  la  célèbre  grotte  d'Engis.  Quelle 
objection  y  a-t-il  à  faire  à  cette  dernière  trouvaille?  Je  n'en 
vois  pas. 

PRÉSENTATIONS. 
Doigis  «applémenCairea  sur  le  bord  eablUil  de  ebaqao  malii; 

PAR  LE  DOCTEUR  BERANGER   (dB  NIORt). 

L'enfant  M...  présente,  sur  le  bord  cubital  de  chaque 
main,  un  doigt  supplémentaire.  Ce  fait  offre  en  lui-même  peu 
d'intérêt.  Il  est  peu  de  médecins  qui,  dansle  cours  de  la  prati- 
que, n'aient  eu  à  en  constater  de  semblables.  Il  n'y  a  môme  pas 
lieu  de  s'étonner  de  cette  double  anomalie  ;  car,  autant  il  est 
rare  de  voir,  aux  deux  mains  à  la  fois,  des  pouces  surnumé- 
raires, autant  il  est  fréquent  de  rencontrer  des  doigts  s3Tné- 


BÉRANGER.  —    DOIGTS  SUPPLÉMENTAIRES.  601 

triques  à  chaque  main,  lorsqu'ils  sont  implantés  sur  le  bord 
cubital. 

Tantôt  ce  sont  des  tumeurs  petites,  mobiles,  souvent  pédi- 
culées,  d'une  sensibilité  très  restreinte,  semblant  aisées  à 
séparer  de  leur  surface  d'implantation.  Mais  ainsi  que  Po- 
laillon  Ta  démontré,  même  à  cet  état  presque  rudimentaire, 
ces  doigts  offrent,  à  la  coupe,  une  peau  de  même  texture  que 
celle  de  la  main,  du  tissu  graisseux  et  surtout,  toujours  au 
centre,  un  noyau  cartilagineux  ou  osseux.  Ces  doigts  peuvent 
aussi  avoir  une  structure  et  une  organisation  de  plus  en  plus 
complète  et,  par  une  graduation  successive,  arriver  à  être 
en  tout  semblables  aux  mieux  conformés  :  c'est-à-dLre  avec 
squelette  osseux  complet,  nerfs  et  tendons.  Cette  organisation 
complète  est  toutefois  assez  rare,  et  Morand  est  peut-être  le 
seul  qui  en  ait  donné  une  description  entière. 

Notre  jeune  fille  a  deux  doigts  supplémentaires  sur  le  bord 
cubital  des  mains,  très  bien  conformés,  presque  de  même 
longueur  que  les  petits  doigts  voisins,  qui  sont  plus  longs  que 
normalement;  ils  possèdent  des  ongles,  trois  phalanges,  etc. 
Chaque  doigt  supplémentaire  suit  son  voisin  dans  tous 
ses  mouvements.  Celui  de  la  main  gauche  peut  aisément 
venir  en  contact  avec  le  pouce  et  former  ainsi  la  pince  :  il 
est  implanté  sur  un  métacarpien,  supplémentaire  lui-même, 
parallèle  au  métacarpien  normal  :  ces  deux  os  voisins  ont 
un  volume  moindre  que  chez  les  enfants  bien  constitués.  — 
Le  doigt  supplémentaire  de  la  main  droite  se  trouve  au  con- 
traire implanté  sur  la  tête  augmentée  de  volume  d'un  cin- 
quième métarcapien  unique,  sur  une  apophyse.  —  Ces  deux 
doigts  offrent  enfin  une  sensibilité  nette  à  la  température 
comme  à  la  douleur.  —  Il  y  a  donc  là  une  constitution  très 
complète. 

Darwin,  dans  son  ouvrage  (Variations  des  plantes  et  des 
animaux),  d'accord,  dans  ses  opinions,  avec  Foltz,  avance 
que,  chez  tous  les  mammifères,  Thoamie  compris,  il  y  aurait 
tendance  à  la  formation  d'un  doigt  additionnel  ;  et  il  consi- 
dère, selon  ses  propres  termes,  l'apparition  d'un  doigt  sur- 


602  SÉANCE  DU   6   OCTOBRE   1887. 

numéraire  comme  un  cas  de  i^tour  à  un  ancêtre  prodigieusement 
éloigné^  d'une  organisation  inférieure  et  multidigité. 

Ce  retour  à  une  organisation  inférieure  ne  se  constate-t-il 
pas  encore  aux  formes  et  aspects  du  visage  et  du  crâne  de 
cette  enfant  ? 

La  tète  petite  est  symétrique  :  elle  a  une  forme  ovaiaire 
suivant  une  direction  allant  du  menton  à  la  soudure  de  Toc- 
cipital  avec^les  pariétaux.  Le  front  est  bas  et  fuyant,  le  nez  for- 
tement aquilin  et  plat  sur  les  côtés,  en  forme  de  lame  de 
couteau  :  au  contraire,  le  maxillaire  inférieur  fuit  en  arrière. 
L'aspect  général  du  masque,  surtout  de  profil,  est  celui  d'un 
oiseau  :  c'est  presque  la  physionomie  des  anciens  Aztèques. 

Je  dois  ajouter  que  la  voûte  palatine  est  étroite  et  haute, 
en  forme  d'ogive  ;  que  les  dents,  gênées  pour  se  développer, 
chevauchent  les  unes  sur  les  autres.  Les  oreilles  seules  n*ont 
rien  d'anormal.  L'enfant  parle,  mais  elle  zézaie,  bégaie 
presque,  et  par  moments  ce  défaut  de  prononciation  aug- 
mente. A  neuf  ans,  c'est  à  peine  si  elle  connaît  ses  lettres, 
malgré  plusieurs  années  d'école.  Chose  bizarre,  ne  sachant 
pas  lire,  elle  fait  de  remarquables  pages  d'écriture  ;  maïs 
c'est  pour  elle  reproduire  simplement  des  images,  des  signes, 
c'est  de  la  copie  :  le  modèfe  enlevé,  elle  perd  toutes  ses  ap- 
titudes. Elle  est  assez  apte  aux  travaux  manuels,  coudre,  tri- 
coter, etc. 

Enfin,  depuis  un  an  et  demi  environ,  la  mère  a  constaté 
chez  cette  enfant  des  accidents  nerveux.  A  deux  reprises,  une 
fois  pendant  des  jeux,  une  autre  fois  dans  son  lit,  brusque- 
ment, elle  s'évanouit,  inconsciemment,  sans  cri,  sans  écume. 
Cet  état  dura,  chaque  fois,  un  quart  d'heure  environ  et  le 
réveil  s'accompagna  de  cris  déchirants,  comme  de  terreur, 
et  de  vomissements.  Ces  sortes  d'absence  ont  été  souvent  si* 
gnalées  chez  les  idiots  ou  dégénérés  de  naissance. 

En  résumé  cette  enfant  est  certainement  atteinte  d'idiotie, 
mais  à  un  faible  degré  :  c'est  une  faible  d'esprit.  Une  cause 
qui  nous  échappe,  mais  congénitale,  l'a  faite  telle  que  Darwin, 
Foltz  et  autres  psychologistes  s'imaginent  les  êtres  éloignés 


CHUDZINSRI.  —  08  SURNUMl^RAIRE  DU  PIED.  603 

qui  ont  dû  être  nos  anoètres;  et  cela  plus  au  point  de  vue  phy- 
sique (main,  tôte)  qu*aii  point  de  vue  intellectuel  ;  car  cette 
enfant  manifeste  encore  un  certain  degré  de  la  civilisation 
accumulée  par  ses  ascendants  de  plus  en  plus  proches. 

Je  terminet^ai  en  disant  que,  malgré  de  laborieuses  recher- 
ches, je  n'ai  pu  découvrir,  ni  dans  les  ascendants  directs^  ni 
dans  les  collatéraux,  aucune  anomalie  ou  faiblesse  intellec- 
tuelle. Ce  sont  des  gens  simples,  mais  bien  pondérés^  de  la 
bonne  moyenne,  en  un  mot. 

Discussion. 

M.  TopiNARD.  Je  n*al  pas  souvenir  de  la  citation  de  Darwin 
que  Tauteur  rappelle.  Mais  il  me  paraît  que  Tidée  régnante 
est  que  la  polydactylie  n'est  pas  une  réversion,  mais  simple- 
ment un  cas  tératologique.  Le  type  général,  primordial,  des 
mammifères  estcinq  doigts  et  pour  retrouver  un  nombre  plus 
élevé,  il  faut  remonter  au-delà  des  reptiles  jusqu'aux  poissons. 


•or  «a  •■  âKPiiiiaiéraire  do  pied; 

^AR  M.    CHUDZINSKI. 

J'ai  l'honneur  de  présenter  à  la  Société  d'anthropologie  une 
anomalie  peu  commune  concernant  le  scaphoîde  du  tarse. 
Nous  avons  observé  cette  anomalie  sur  le  pied  gauche  du 
supplicié  Pranzini. 

Comme  on  le  voit,  ce  pied  est  relativement  petit  et  bien 
conformé,  même  il  est  remarquable  par  l'harmonie  de  ses 
proportions  ;  et,  en  le  regardant  superficiellement,  on  ne  voit 
rien  de  particulier  dans  la  conformation  des  pièces  osseuses 
qui  le  composent.  Et  même  quand  tous  ces  os  étaient  encore 
munis  de  tous  leurs  ligaments  intacts,  l'œil  le  plus  exercé 
n'y  pouvait  rien  découvrir  d'anormal. 

Seulement,  si  l'on  presse  sur  l'apophyse  du  scaphoîde,  on 
sent  très  bien  que  cette  apophyse  est  légèrement  mobile.  En 
examinant  plus  attentivement,  on  voit  que  cette  apophyse 
du  scaphoîde    est  nettement  détachée   du   reste   de  l'os, 


604  SÉANCE  DU  6  OCTOBRE  1887. 

aaquel  elle  s'attache  par  des  faisceaux  fibreux  très  serrés, 
formant  une  sorte  de  capsule  analogue  à  celle  de  Tos  pisi- 
forme.  Si  l'on  incise  maintenant  une  partie  des  fibres  liga- 
menteuses qui  fixent  ce  petit  os  au  scaphoïde,  on  aperçoit 
que  les  surfaces  osseuses  correspondantes  sont  totalement  dé- 
pourvues de  cartilage  d'encroûtement  et  ne  sont  revêtues  que 
par  du  tissu  fibreux.  Ainsi  revêtues,  ces  surfaces  sont  iné- 
gales et  comme  touffues.  Tout  le  monde  sait  que  le  tendon 
du  muscle  tibial  postérieur  se  fixe  sur  Tapophyse  du  sca- 
phoîde  ;  dans  notre  cas,  ce  muscle  s'attache  sur  ce  petit  os 
détaché  du  corps  même  du  scaphoïde  du  tarse  et  qui  repré- 
sente, dans  ce  cas^  l'apophyse  habituelle  de  cet  os. 

Ce  petit  os,  ainsi  individualisé,  a  la  forme  d'un  prisme 
triangulaire  dont  la  partie  postérieure  est  pointue  et  l'anté- 
rieure arrondie.  Ce  prisme,  par  son  bord  supérieur  et  ses 
deux  faces,  antérieure  et  postérieure,  donne  insertion  aux 
ligaments  qui  le  réunissent  au  scaphoïde. 

Les  deux  bouts  de  ce  prisme  et  les  deux  faces  mentionnées 
sont  destinées  à  l'attache  du  muscle  jambier  postérieur.  De 
la  partie  antérieure  de  ce  prisme  partent  trois  expansions 
tendineuses  qui  fixent  encore  cet  os  aux  extrémités  posté- 
rieures des  premier,  deuxième  et  troisième  métatarsiens. 

La  longueur  totale  de  l'apophyse  du  scaphoïde  détaché  est 
de  47  millimètres,  la  largeur  de  10  millimètres  et  la  hauteur 
de  11  millimètres. 

On  a  signalé  déjà  depuis  longtemps  ce  fait,  que  parfois, 
dans  l'épaisseur  du  tendon  du  jambier  postérieur,  on  trouve 
un  os  sésamoïde.  Dans  notre  cas,  suivant  nous,  il  ne  s'agit 
nullement  d'un  os  sésamoïde,  car  cet  os  se  fixe  solidement 
dans  tout  son  pourtour  au  scaphoïde  ;  il  donne  insertion  au 
tendon  du  tibial  postérieur,  tout  à  fait  comme  l'apophyse  du 
scaphoïde  normal,  et  enfin,  si  on  retranche  cet  os,  le  sca- 
phoïde est  comme  mutilé  :  non  seulement  il  manque  complè- 
tement de  son  apophyse  habituelle,  mais  au  lieu  de  présenter, 
comme  c'est  le  cas  normal,  un  bord  à  sa  partie  interne,  dans 
notre  cas  il  possède  une  véritable  face  interne. 


TniEULLEN.  -^  MEULIÈRES  DE  FONTENAY-ALX-ROSES.      603 

Sur  le  même  pied,  nous  avons  laissé  exprès  le  tendon  du 
long  péronier  latéral  pour  faire  voir  Tossification  partielle 
dn  noyan  du  tendon  de  ce  muscle.  On  sait  parfaitement  que 
le  tendon  du  long  péronier  latéral,  en  s'engageant  dans  la 
gouttière  du  cuboîde,  se  renfle  en  noyau  elliptique  très  dense. 
Chez  notre  sujet,  le  milieu  de  ce  noyau  est  ossifié  sur  une 
longueur  de  9  millimètres  et  sur  4  millimètres  en  largeur. 

COMMUNICATIONS. 
Snr  m  eATol  d*Eiiila-Be7  t 

PAR   M.    HAHT. 

Discnssion. 

M.  Denikeb.  Je  tiens  à  rappeler,  à  propos  de  Tintéressante 
communication  de  M.  Hamy,  qu'un  autre  document  émanant 
de  M.  Emin-Bey  et  contenant  des  mensurations  sur  les  Akkas 
et  les  Baris  a  été  publié  dans  le  journal  de  la  Société  d*anthro- 
pologie  de  Berlin  ^  Les  mensurations  ont  été  prises  d'après  les 
instructions  de  Broca,  et  le  mémoire  est  rédigé  et  publié  en 
français.  Il  est  inutile  de  faire  ressortir  Textrême  importance 
des  travaux  sur  les  Akkas,  car  vous  savez  tous  que  jusqu'à 
présent  on  n'a  examiné  et  mesuré  que  trois  ou  quatre  sujets  de 
cette  race.  Les  renseignements  fournis  par  M.  Emin-Bey  con- 
firment pleinement  la  description  du  type  akka  si  bien  faite, 
il  y  a  déjà  plusieurs  années,  par  MM.  de  Quatrefages  et  Haray, 
surtout  en  ce  qui  concerne  la  politesse  de  la  taille  et  la  bra- 
chycéphalie  de  cette  peuplade. 

Healièrea  taillées  de  FenteMay-anx-Roses  t 

PAR  M.    THIEUIXEN. 

Dans  la  dernière  séance  de  la  Société,  j*ai  eu  l'honneur  de 
vous  présenter  une  grande  quantité  de  pierres  meulières 

t  Zeitschrift  fUr  Ethnologie,  1886,  p.  145. 


606  SÉANCE  DU  6  ÛCTOBBË  1887. 

taillées,  provenant  d'an  atelier  préhistoriqae  àFontenay-anx- 
Roses. 

A  mon  grand  étonnement,  lorsque  je  croyais  ces  pierres 
acceptées  sans  conteste,  M.  G.  de  Mortillet  est  venu  en  nier 
la  taille  intentionnelle.  Mon  honorable  contradicteur  basait, 
il  est  vrai,  son  appréciation  sur  deux  ou  trois  spécimens, 
mais  lorsqu'il  aura  pris  le  loisir  d'examiner  l'ensemble  de  la 
collection,  il  sera  le  premier  à  regretter,  sans  nul  doute,  la 
théorie  qu'il  émettait  alors. 

L'honorable  M.  Capitan  m'a  demandé  si  j'avais  cherché 
à  reproduire  le  faciès  de  ces  pierres.  J'avais  en  effet  com- 
mencé ce  long  et  pénible  travail,  dont  j'ai  bientôt  compris 
l'inanité  absolue  ;  ne  pouvait-on  pas  m'objecter  que  je 
reproduisais  par  industrie  un  effet  naturel  ?  Ces  meulières 
de  Beauce  n'ont  fait  que  conflrmer  du  reste  les  constatations 
que  j'avais  faites  antérieuremeent  sur  les  meulières  de  Brie 
des  environs  de  Crécy  ;  l'homme  préhistorique  ne  taillait  pas 
seulement  les  rognons  de  silex,  il  façonnait  encore  pour  son 
usage  quantité  d'autres  pierres,  notamment  les  plaques  de 
meulières,  ce  qui  paraît  avoir  échappé  à  l'attention  des  col- 
lectionneurs et  avoir  été  ignoré  jusqu'ici. 

Je  pensais  demander  à  M.  le  Président  de  vouloir  bien 
nommer  ou  faire  nommer  quelques-uns  de  nos  collègues 
experts  en  la  matière,  afin  de  ne  pas  laisser  la  question  pen- 
dante sans  solution  précise  ;  mais  il  paraît  que  la  chose  est 
en  dehors  des  habitudes  de  la  Société. 

Je  viens  donc  vous  demander,  messieurs,  de  m'autoriser  à 
laisser  ici,  à  la  disposition  de  tous,  quelques-unes  de  ces 
pierres  taillées,  afin  qu'elles  puissent  être  examinées  à  loisir 
par  ceux  de  nos  collègues  que  la  chose  intéresse. 

Les  personnes  qui  seraient  tentées  de  voir  quand  même 
des  cassures  naturelles,  modifieront  bien  vite  leur  jugement, 
en  regardant  cette  douzaine  de  pièces  à  contours  circulaires. 
Malgré  Tévidence  de  la  taille,  il  est  certain  que  la  nouveauté 
des  pièces  que  je  présente  trouble  tout  d'abord  les  idées 
qu'on  peut  appeler  classiques;  mais  il  faut  songer  que  nos 


ANDRÉ  SANSON.  -*   CllANIOtOGIE  EXPÉRIMENTALE.  G07 

connaissances  actuelles  sur  les  instruments  de  la  civilisation 
préhistorique  sont  encore  à  Tétat  rudimentalre.  La  recher- 
che de  la  forme  nous  a  fait  négliger  cette  quantité  énorme 
de  pierres,  considérées  jusqu'ici  comme  déchets  ou  éclats,  et 
qui,  dans  leurs  formes  grossières,  sont  les  vrais  instruments, 
les  outils  solides  de  cette  civilisation.  Nous  avons  pris  le  plus 
souvent  des  objets  d*art  ponr  des  objets  usuels. 

Je  répondrai  à  la  personne  qui  me  demande  à  quoi  pou* 
valent  servir  ces  meulières,  que  ce  n'est  pas  la  question  que 
je  traite  en  ce  moment.  La  taille  de  la  pierre  est  un  fait  d*ordre 
positif,  son  appropriation  à  tel  ou  tel  usage  est  du  domaine 
de  rhypothèse.  On  peut  toutefois,  se  rappelant  que  ces  pierres 
grandes  et  petites,  taillées  en  pointe,  reposaient  sur  de  vraies 
dunes  de  sable  (sables  de  Fontainebleau),  supposer  que  les 
grandes  servaient  à  creuser  ce  sable  où  Thomme  cherchait 
vraisemblablement  un  abri;  quant  aux  petites,  ce  sont  de  vraies 
pointes  de  lance.  Du  reste  toutes  les  formes  se  trouvent  réu- 
nies, poinçons,  grattoirs,  coups  de  poing;  etc.,  etc., plus  des 
centaines  de  percuteurs,  rien  ne  manque  dans  cet  atelier 
préhistorique  pour  faire  l'évidence  complète. 

Discussion. 
M.  G.  DE  MoRTiLLET.  Je  ne  puis  que  répéter  ce  que  j*ai  dit 
dans  la  dernière  séance  à  propos  de  l'opinion  de  M.  Thieul- 
len. 

La  eranlologie  expérlmeiidale  ; 

PAR  M.    ANDRE  8AN80N. 

Bien  des  fois,  depuis  une  vingtaine  d'années,  j'ai  eu  la 
velléité  d'exposer  devant  la  Société  la  méthode  craniolo* 
gique  à  l'aide  de  laquelle  ontété  classées  les  races  d'animaux 
domestiques  qui  sont  lessujets  de  la  zootechnie.  En  présence 
de  la  prépondérance  de  plus  en  plus  exclusive  que^  sous  la 
puissante  impulsion  de  Broca,  prenait  la  méthode  craniomé- 
trique  dans  les  études  anthropologiques,  ou  ce  que  l'on 
pourrait  peut-être  mieux  nommei*  la  méthode  des  indices 


608  SÉANCE   DU  6  OCTOBRE   i887. 

moyens,  j'avais  toujours  renoncé  à  mes  projets,  m'en  tenant 
à  des  critiques  de  détail  que  Toccasion  m'entraînait  à  formu- 
ler. Je  me  disais,  à  la  réflexion,  qu*il  y  avait  en  vérité  peu 
de  chances  de  succès  pour  une  tentative  dont  Tobjet  devait 
être  de  se  mettre  en  travers  d'un  mouvement  si  nettement 
accentué.  On  n'entendait  ici  parler  que  de  craniométrie  et 
d'anthropométrie.  L'arsenal  du  laboratoire  s'enrichissait  sans 
cesse  de  nouveaux  instruments.  On  ne  nous  communiquait 
guère,  à  propos  des  races  humaines,  que  des  tableaux  de 
chiffres.  Elles  étaient  classées  d'après  l'indice  céphalique, 
d  après  l'indice  nasal  et  d'après  beaucoup  d'autres  indices 
que  je  m'abstiens  d'énoncer.  Je  redoutais,  je  l'avoue,  n'ayant 
jamais  mesuré  de  crânes  d*homme,  qu'on  me  fît  sentir  dure- 
ment mon  incompétence. 

Aujourd'hui,jemesens  un  peu  rassuré.  La  lecture  du /^rto'5 
d'anthropologie  publié  dernièrement  par  nos  deux  collègues 
MM.  Hervé  et  Hovelacque  m'a  montré  qu'il  y  aurait,  dans 
l'Ecole,  quelqu'un  pour  prendre  au  moins  en  considération 
la  méthode  dont  je  désire  entretenir  la  Société.  Dans  cet 
ouvrage,  les  auteurs  donnent  en  effet  résolument  le  pas  à  la 
morphologie  crânienne  sur  la  craniométrie.  Par  les  résultats 
obtenus  depuis  longtemps  en  zootechnie,  on  verra  qu'ils 
n'ont  peut-être  point  tout  à  fait  tort. 

Nous  avons  à  satisfaire,  en  notre  science  spéciale,  à  des 
exigences  que  les  anthropologistes  ne  connaissent  point. 
Etant  donné  un  animal,  il  nous  faut,  sauf  à  perdre  tout  crédit, 
dire  immédiatement  à  quelle  race  il  appartient,  s'il  est  d'ori- 
gine pure,  et  même  quelles  sont  les  races  qui  ont  contribué  à 
le  former,  si  c'est  un  métis.  Il  est  ordinairement  facile  de  vé- 
rifier ses  origines  et  le  plus  souvent  elles]  sont  connues  de 
ceux  qui  nous  interrogent.  Nous  ne  pouvons  dès  lors  que  bien 
rarement  échapper  à  la  responsabilité  de  nos  erreurs.  Une 
méthode  de  diagnose  qui  ne  serait  point  sûre,  —  et  c'était 
du  reste  le  cas  de  celle  dont  disposaient  nos  devanciers,  avant 
l'introduction  de  la  craniologie  expérimentale,  —  ne  sufflrait 
consôquemment  pas  à  nos  besoins. 


ANDRÉ  SANSON.  —  CRANIOLOGIE  EXPÉRIMENTALE.  609 

Je  qualifie  d'expérimentale  celle  dont  je  veux  parler, 
parce  qu'elle  a  en  effet  le  caractère  exigible  pour  mériter  ce 
qualificatif.  Les  formes  crâniennes  qui  lAi  servent  de  base  et 
dont  Fensemble  constitue  notre  craniologie,  à  nous  zootech- 

'  nistes,  sonttoutes  démontrées  par  rexpérience  transmissibles 
infailliblement  par  hérédité.  Aussi  loin  que  Tobservationnous 
permette  de  remonter,  et  les  recherches  nous  conduisent 
jusqu'aux  temps  préhistoriques,  nous  retrouvons  ces  formes 
telles  qu'on  les  voit  encore  de  nos  jours.  Ce  n'est  pas  seule- 
ment le  type  morphologique  ou  l'architecture  du  crâne  qui 
est  ainsi  héréditaire.  Chacun  des  os  jouit,  pour  son  propre 
compte,  de  la  faculté  de  se  transmettre  à  la  descendance. 
L'étude  des  métis  nous  le  montre  à  n'en  pas  douter.  J'ai  vu, 
par  exemple,  il  y  a  quelques  cmnées,  au  dépôt  de  la  Roche-sur- 
Yon,  un  étalon  anglo-normand  nommé  Gouverneur,  qui  avait 
d'un  côté  le  frontal  du  cheval  anglais,  et  de  l'autre  celui  de 
l'ancien  cheval  normand.  L'un  était  plat,  l'autre  incurvé.  Les 
observateurs  étrangers  à  la  craniologie  se  contentaient  de  le 
considérer  comme  ayant  le  front  difforme.  Auparavant, 
j'avais  eu  l'occasion  de  rencontrer,  dans  l'une  des  fermes  de 
M.  de  Gontaut,  aux  environs  de  Ghâteaudun,  une  pouliche 
née  d'une  jument  percheronne  et  d'un  étalon  de  l'Etat,  qui 
présentait  d'un  côté  le  lacrymal  de  son  père^  et  de  l'autre 
celui  de  sa  mère.  Gela  m'avait  suffi  pour  diagnostiquer, 
devant  mes  élèves,  ses  origines,  qui  furent  confirmées  séance 
tenante  par  le  fermier.  Les  faits  du  même  genre  sont  nom- 
breux. Je  pourrais  en  citer  beaucoup  d'autres.  Dans  Texercice 
des  fonctions  d'enseignement,  la  méthode  est  ainsi  à  chaque 
instant  mise  à  l'épreuve.  On  peut  donc  dire  sans  s'avancer 
trop  qu'elle  est  vérifiée  expérimentalement,  et  par  conséquent 
se  permettre  sans  hésiter  de  la  qualifier  d'expérimentale. 

De  telles  vérifications,  on  lé  comprend,  ne  seraient  que 
difficilement  exécutables  sur  les  races  humaines.  Je  n'ai  pas 
l'intention  de  discuter  le  point  de  savoir  si  elles  seraient 
possibles,  même  chez  les  animaux  domestiques,  en  prenant 

^   pour  base  les  données  numériques  fournies  par  la  craniométrie 

T.  X  (3«  siRil).  30 


610  BtAKCE  m  6  OGTÛBM  1887. 

telle  qu'elle  est  généralement  pratiquée  en  France  et  ailleurs. 
Dans  le  domaine  que  je  cultive,  j'ai  déjà  eu  quelques  oooa* 
aions  de  faire  voir,  notamment  an  sujet  du  crftne  de  cheval 
de  Remagen,  étudié  par  Nehring,  que  les  mesures  prises  sur 
des  ensembles  d'os  conduisent  presque  toujours,  pour  ne  pas 
dire  toujours,  à  des  rapprochements  inexacts.  Des  dimensions 
et  des  indices  égaux  se  montrent  chez  des  types  notoirement 
distincts.  La  eraniologie  expérimentale,  dont  je  viens  d'indi- 
quer les  résultats  pratiques  qui  en  font  une  méthode  de  dia- 
gnose  sûre,  est  purement  morphologique.  Elle  n'exclut  poinft 
d'une  manière  absolue  la  mesure  des  dimensions,  mais  elle 
ne  lui  fait  qu'une  place  accessoire,  en  la  restreignant  à  ce 
qui  concerne  chacun  des  os  du  crftne  en  particulier,  lafonne 
de  ces  os  restant  prépondérante,  et  d'ailleurs  suffisante  pour 
caractériser  le  type  naturel  de  la  race. 

Gela  dit,  je  vais  maintenant  exposer  cette  méthode. 

Chez  les  animaux,  on  n'observe  que  deux  types  céphaliques  : 
le  dolichocéphale  et  le  brachycéphale.  Il  n*y  a  point  de  place 
pour  toutes  ces  variétés  de  dolichocéphalie  et  de  brachycé- 
phalie  admises  en  anthropologie,  non  plus  que  pour  la  mésa- 
ticéphalie,  variétés  sur  lesquelles  nous  voyons  encore  les 
craniologistes  disonier,  sans  que  les  arguments  soient,  de 
part  ni  d'autre,  bien  concluants,  en  l'absence  de  tout  crité- 
rium expérimental.  L'extrême  difficulté  d'établir  la  pureté 
de  type,  pour  les  crânes  humains,  et  l'intervention  des  in- 
dices moyens  tirés  de  séries  souvent  composées  de  pièces 
présentant  des  écarts  assez  grands,  rendent  les  divergences 
sur  ce  point  facilement  explicables.  Je  ne  me  rends  pas  bien 
compte  du  phénomène  qui  s'est  produit  à  ce  propos.  On  se 
demande  comment  il  se  fait  que  de  bons  esprits  ne  se  soient 
pas  aperçus  que  par  leur  méthode  des  indices  et  des  moyennes, 
ils  faisaient  passer  dans  le  domaine  de  l'abstrait  une  notion 
essentiellement  concrète.  Il  s'agit  ici,  en  e£Fet,  pnrement  et 
simplement,  de  l'architecture  du  crÀne  eérébral,  c'e8t*à*dire 
du  type  d'après  lequel  il  est  construit. 

L'expérience  nous  montre,  chei  les  animaux^  que  devx 


ANDRÉ  SANSOJf.  «•  eiHmOLOOIB  SXPtelMENTALE.  641 

formes  seulement  sont  natureUes,  la  forme  globuleuse  ou 
hraehyeépbale  et  la  forme  allongée  on  dolicbooéphale.  I^a 
mesure  des  dimensions  en  longueur  et  en  largeur,  selon  des 
points  de  repère  convenus^  peut  intervenir,  mais  elle  n*6s(  en 
vérité  point  nécessaire  pour  faire  distinguer  ces  formes^  Les 
différences  entre  les  deux  types  naturels  sont  tellement  frap- 
pantes à  première  vue  qu'il  n'y  a  pas  moyen  de  s'y  tromper« 
En  serait-il  autrement  pour  les  orftnes  d'homme?  J'ai  bien  de 
la  peine  à  le  croire.  Un  grand  nombre  de  ces  crânes  me  sont 
passés  sous  les  yeux^  depuis  bientôt  trente  ans  que  j'assiste 
aux  séances  de  la  Société  d'anthropologie.  J'ai  souvent  pensé 
que  ceux  en  présence  desquels  le  doute  était  permis  pouvaient 
bien  être  des  crânes  de  métis  provenant  du  oroisement  des 
deux  types,  Nous  avons,  nous,  pour  reconnaître  ces  crânes 
ambigus,  des  caractères  certains,  montrant  qu'ils  ne  sont 
point  normaux.  Ce  n'est  pas  le  lieu  de  les  indiquer,  ne  m'oc- 
cupant  que  de  la  méthode.  J'ose  affirmer  seulement  que  la 
qualité  d'un  crâne  provenant  du  mélange  de  la  braohycé- 
phalie  avec  la  dolichocépbalie  ne  m'échapperait  point,  qu'il 
soit  d'Ëqnidé,  de  Bovidé»  d'Ovide  ou  de  Suidé.  La  raison  en 
est  sans  doute  que  nous  pouvons  plus  facilement  étudier  les 
types  certainement  purs. 

Sous  le  rapport  du  type  céphalique,  les  races  animales  se 
partagent  donc  en  deux  groupes  :  celui  des  dolichocéphales 
et  celui  des  brachyoéphales,  et  cela  dans  tous  les  genres. 
Les  nuances  de  la  dolichocépbalie,  et  celles  de  la  brachycét' 
phalie,  résultant  des  difTérences  d'écart  entre  les  deux  dimen*- 
sions,  n'ont  qu'une  importance  tout  à  fait  secondaire.  Cet 
écart,  qui  commande  le  type,  est  naturellement  toujours 
suffisant  pour  qu'aucune  confusion  ne  soit  possible.  Il  y  a  eu, 
dans  le  temps,  des  contestations  sur  ce  point.  Elles  étaient 
le  fait  d'anatomistes  encore  trop  peu  familiarisés  avec  la 
eraniologie,  et  surtout  avec  la  connaissance  des  races  ani- 
males. Elles  étaient,  en  outre,  motivées  sur  Tétude  impar- 
faite de  pièces  de  provenance  inconnue,  et  peut-être  aussi 
un  peu  trop  inspirée!  par  un  désir  de  contradiction.  On  y 


612  SÉANCE  DU  6  OCTOBRE  1887. 

soutenaît,  par  exemple,  que  tous  les  animaux  domestiques 
sont  dolichocéphales.  Il  n*est  plus  nécessaire  aujourd'hui  de 
réfuter  une  telle  affirmation,  qui  n*a  d'ailleurs  obtenu  Tadhé- 
sion  d'aucun  zootechniste  en  Europe.  Et,  du  reste,  la  distinc- 
tion des  deux  types  céphaliques,  comme  toutes  les  autres 
parties  de  la  caractéristique  spécifique,  se  juge  à  ses  résultats. 
Nos  diagnoses  établies  d'après  Tanalyse  craniologique  sont, 
je  le  répète,  facilement  vérifiables.  Nous  ne  procédons  point, 
comme  on  est  si  souvent  obligé  de  le  faire  en  présence  d'un 
crâne  ou  d'une  collection  de  crânes  trouvés  dans  une  sépul- 
ture, de  l'inconnu  pour  arriver  au  connu.  Si  nous  nous  trom- 
pions, ceux  qui  connaissent  les  origines  des  sujets  que  nous 
examinons  sauraient  bien  nous  rectifier.  Les  métis  que  les 
éleveurs  fabriquent  de  propos  délibéré  seraient,  par  exemple, 
un  écueil  sur  lequel  nous  ne  manquerions  point  d'échouer. 
Ces  métis,  quand  ils  résultent  du  croisement  des  deux 
types,  peuvent  obéir  à  trois  combinaisons,  dépendantes  des 
puissances  héréditaires.  Ils  sont  nettement  dolichocéphales, 
ou  nettement  brachycéphales,  ou  bien  de  type  oéphalique 
douteux.  Dans  ce  dernier  cas,  la  question  est  immédiatement 
jugée,  pour  la  raison  que  j'ai  déjà  dite.  Nous  savons  qu'il  n'y 
a  point  de  type  naturel  ou  pur  qui  puisse  donner  lieu  à  un 
pareil  doute.  Chez  tous  ceux  qui  ont  pu  être  étudiés,  la  doli- 
chocéphalie  ou  la  brachycéphalie  estj  toujours  nettement 
accusée.  Il  n'y  a  point  de  méprise  possible,  à  moins  d'une 
inattention  ou  d'une  incompétence  par  trop  flagrantes.  Pour 
peu  qu'il  soit  exercé,  l'œil  n'éprouve  aucune  difficulté  à  saisir 
ja  différence,  sans  qu'il  soit  nécessaire  d'avoir  recours  aux 
mesures  précises.  La  partie  céphalique  du  crâne  des  animaux 
est  ainsi  faite  que  les  formes  en  sont  frappantes.  Je  ne  me  suis 
pas  proposé  d'entrer  ici  dans  la  description  de  ces  formes, 
voulant  seulement  rester  dans  les  limites  d'un  exposé  général 
de  la  méthode.  Je  me  bornerai  à  dire,  pour  les  tenants  de  la 
craniométrie  classique^  que  le  diamètre  transversal  est  tou- 
jours plus  grand  ou  plus  petit  d'un  centimètre  au  moins  que 
le  longitudinal.  Ils  n'auront  pas  de  peine  à  comprendre, 


ANDHÉ  SANSON.  —  CRANIOLOGIE  EXPÉRIMENTALE.  613 

après  cela,  que  la  différence  soit  facile  à  saisir  à  première 
vue  et  qu'elle  ait  sur  Tarchitecture  du  crâne  une  influence 
capable  d'en  changer  considérablement  l'aspect.  Si  j'osais,  je 
dirais  bien  qu'il  en  est  de  même  pour  les  crânes  humcdns  de 
race  véritablement  pure,  je  veux  dire  de  type  naturel.  Mais 
je  laisserai  aux  anthropologistes  non  inféodés  à  l'abus  de  la 
craniométrie  le  soin  de  juger  du  cas  qu'ils  doivent  faire  des 
enseignements  de  la  craniologie  expérimentale. 

Dans  chaque  genre  d'animaux  domestiques,  on  constate 
qu'il  y  a  des  espèces  dolichocéphales  et  des  espèces  brachycé- 
phales.  La  dolichocéphalie  et  la  brachycéphalie  ne  peuvent 
par  conséquent  point  suffire  pour  les  caractériser. Nous  avons 
connu  le  temps  où  l'on  se  contentait  du  type  céphalique  pour 
distinguer  les  races  humaines.  Nous  voyons  encore  par  instants 
faire  abus,  en  ce  sens>  de  l'indice  céphalique.  Je  me  per- 
mettrai de  remarquer,  en  passant,  que  cela  ne  laisse  pas  de 
nuire  quelque  peu  au  crédit  de  l'anthropologie.  En  fait,  le 
type  céphalique  ne  peut  servir  qu'à  l'établissement  d'une 
première  classification  des  races  en  deux  groupes,  pour  cha- 
que genre.  Il  y  a^  par  exemple,  des  races  bovines  dolichocé- 
phales et  des  races  bovines  brachycéphales.  Les  unes  le  sont 
plus,  les  autres  moins,  mais  il  suffit  que  deux  seulement  le 
soient  au  même  degré  pour  que  l'indice  n*ait  [aucune  valeur 
caractéristique;  et  c'est  ce  qui  arrive.  Nous  en  concluons 
que  la  caractéristique  spécifique  ne  peut  être  tirée  que  des 
formes  faciales. 

Deux  sujets  de  même  type  céphalique,  dolichocéphales  ou 
brachycéphales,  mais  d'origines  différentes,  c'est-à-dire  qui 
ne  sont  point  de  même  race,  n'ont,  en  effet,  jamais  le  même 
type  facial.  Celui-ci  résulte  de  l'assemblage  d'un  certain 
nombre  d'os  dont  les  formes  déterminent  son  architecture 
propre.  Ce  sont  ces  formes  qu'il  s'agit  d'analyser  pour  éta- 
blir la  diagnose  définitive.  Aux  débuts  de  la  craniologie,  on 
n'en  tenait  aucun  compte.  Le  développement  prépondérant 
du  crâne  facial,  chez  les  animaux,  ne  pouvait  manquer  de 
mettre  en  pleine  évidence  leur  importance  caractéristique. 


614  SÉAlfCE  DU  6  OCTOBRE   1887. 

On  troaveraii  facilement,  daaf  les  Btdktt'ns  de  la  Société,  la 
trace  des  efforts  faits  pour  y  attirer  l'attention  des  anthropo*- 
logistes» 

A  cet  égard,  il  j  avait  accord  entre  la  ortAiologie  expé- 
rimentale et  le  sentiment  artistique  habitué  à  Tanaljrse 
des  types.  De  là  sont  venues  les  considérations  de  rindice 
nasal  et  des  types  rhiniens,  dont  il  n'était  point  qlieetioil  au- 
paravant. Je  ne  veux  pas  dire  toutefois  que  les  distinotions 
pour  la  désignation  desquelles  la  langue  grecque  a  été  mise 
à  contribution  avec  la  facilité  qui  faisait  le  désespoir  de 
H.  Ëgger,  soient  suffisantes.  En  craniologie  expérimentale, 
on  ne  s'en  contente  pas.  Aucun  os  de  la  face  n'a  des  formes 
indifférentes.  Il  faut  les  passer  tous  en  revue»  Us  n'ont  cepen- 
dant pas  tous  la  même  importance  dans  la  construction  du 
type  facial. 

Celles  qui,  parmi  ces  formes  faciales,  ont  le  rôle  principal, 
dépendent  des  frontaux.  Ce  n'est  pas  ici  une  affaire  de  di- 
mensions. Le  front  est  nécessairement  plus  large  chez  les 
brachycéphales  que  chez  les  dolichocéphales»  Nehring  l'a 
constaté  en  proposant  la  puérile  substitution  deë  termes  de 
brettstirnig  et  de  iûntfstirnig  à  ceux  adoptés  en  France.  A 
Berlin,  on  a  de  ces  faiblesses.  La  caractéristique  se  tire  de  la 
direction  de  la  table  externe  des  frontaux,  de  la  forme  et  de 
la  direction  de  leurs  apophyses.  Chez  les  ruminants  à  cornes, 
par  exemple,  la  hauteur  et  la  direction  du  chignon  dépen* 
dant  de  leur  bord  supérieur,  la  forme  et  la  direction  des  che- 
villes osseuses  fh)ntaleB  ont  une  grande  valeur;  chez  tous  les 
animaux,  il  en  est  de  même  de  la  surface  frontale,  qui  est 
plane,  déprimée  ou  saillante  de  diverses  façons,  et  aussi  des 
ai^ades  sourcilières  ou  apophyses  orbitaires.  Il  n'y  a  pas 
deux  types  dolichocéphales  ni  deux  brachycéphales  qui  pré- 
sentent les  mêmes  formes  frontales.  Il  n'y  en  a  pas  deux  non 
plus  chet  lesquels  la  connexion  entre  les  fh)ntaux  et  les  os 
propres  du  nez  s'établisse  de  la  même  façon.  Son  mode  dé'- 
pend,  en  effet,  de  la  forme  de  ces  os  qui,  elle  aussi,  est  es- 
sentiellement caractéristique.  II  y  a  là  des  corrélations  né« 


ANDRÉ  SAK0OM.  ^  CRANI0LO6IE  EXPÉRIMENTALE.  615 

oessaires,  de  telle  sorte  que  les  formes  frontales  impliquent 
forcément  les  formes  nasales. 

Ces  formes  nasales  dépendent,  de  leur  c6té,  delà  direction 
des  os  dans  le  sens  longitudinal  et  dans  le  sens  transversal. 
Dans  le  premier  sens,  ils  sont  ou  roctiiignes  ou  curvilignes 
dans  toute  leur  étendue,  en  arc  à  flèche  plus  ou  moins  courte, 
ou  bien  rectilignes  en  partie,  puis  curvilignes  en  un  sens  ou 
dans  les  deux  sens  opposés.  On  observe  tous  ces  cas.  Trans- 
versalement ils  forment,  en  s'unissant  sur  la  ligne  médiane, 
une  voûte  qui  est  le  plafond  des  cavilés  nasales.  Cette  voûte 
est  plein  ointre,  ou  surbaissée,  ou  en  ogive«  Elle  figure  aussi 
la  réunion  de  deux  arcs,  de  façon  à  montrer^  à  la  connexion 
médiane  des  deux  os,  un  sillon  longitudinal.  Gela  ne  se  voit 
que  chex  les  Équidés,  notamment  dans  le  type  Mson  et  dans 
le  type  séquanais  auquel  appartiennent  nos  percherons.  Mais 
entre  ces  deux  types  les  autres  formes  nasales  et  les  formes 
frontales  sont  différentes.  De  même  chez  les  Bovidés,  le  ba- 
tave  ^t  ririandais,  tous  deux  dolichocéphales,  ont  l'un  et 
l'autre  le  nés  en  ogive»  mais  les  formes  fix)ntales  fort  diffé* 
rentes  aussi.  Entre  autres,  à  partir  de  la  dépression  centrale, 
Tos  se  relève  jusqu'à  son  angle  inférieur  interne,  chec  le  pre* 
mier,  pour  venir  à  la  rencontre  du  sus-nasal  correspondant, 
de  sorte  que  la  racine  du  nez  est  en  saillie.  Il  n'en  est  pas 
ainsi  pour  Tirlandais»  dont  les  chevilles  osseuses  frontales 
ont  d'ailleurs  une  forme  et  une  direction  qui  exclut  la  con- 
fusion» 

Le  lacrymal^  qui,  chez  nos  animaux,  a  une  portion  orbi- 
taire  et  une  portion  faciale  par  laquelle  il  se  met  en  con- 
nexion avec  l'os  propre  du  nez  correspondant,  a,  lui  aussi, 
une  vsdenr  typique  par  les  dimensions  de  sa  portion  faciale, 
mais  surtout  par  la  direction  de  sa  surface.  Gelle-ci  est  plus 
ou  moins  saillante  ou  déprimée  à  divers  degrés.  Elle  suit  à  la 
foislacondition  de  l'os  du  nez  et  celle  du  grand  sus-maxillaire, 
avec  lesquels  s'établissent  ses  connexions,  en  vertu  des  cor- 
rélations anatomiquesdont  je  pariais  tout  à  l'heure.  En  tout 
cas,  elle  influe  d'une  manière  importante  sur  la  caractéris- 


616  BÉANGB  DU  6  OCTOBRE  1887. 

tique  des  types  naturels,  comme  contribuant  pour  sa  part  à 
Tarchitecture  de  la  face. 

On  n'aura  pas  de  peine  à  admettre  qu'il  en  soit  ainsi  pour 
Tos  jugal  ou  zygomatique,  pour  Tos  de  la  pommette.  A  ce 
qu'il  me  semble^  son  importance  est  cependant  plus  grande 
dans  la  craniologie  des  races  humaines  que  dans  celle  des 
races  animales.  Est-ce  que  je  me  trompe  en  pensant  que  les 
craniologistes  n'y  ont  pas  assez  porté  leur  attention?  En  tout 
cas,  nous  ne  négligeons  point  de  relever  ses  caractères  dans 
nos  propres  analyses. 

Après  vient,  dans  l'ordre  que  nous  suivons,  le  grand  sus- 
maxillaire,  dont  la  surface  extérieure  ou  faciale  est,  comme 
celle  du  lacrymal,  en  saillie  curviligne  dans  le  sens  trans- 
versal, ou  déprimée  de  diverses  façons,  et  dont  la  crête  ou 
l'épine  zygomatique  est  plus  ou  moins  proéminente.  Les  dif- 
férences que  cette  surface  présente  ne  sont  nullement  indivi- 
duelles. Elles  se  montrent  toujours  les  mêmes  dans  la  des- 
cendance des  divers  types  naturels.  Vous  ne  verrez  jamais, 
par  exemple,  un  sujet  issu  du  taureau  et  de  la  vache  de  Nor- 
mandie d'origine  pure,  avec  des  grands  sus-maxillaires  qui 
ne  soient  point  fortement  déprimés  à  leur  partie  moyenne. 

Les  petits  sus-maxillaires  ou  os  incisifs  ne  sont  pas  moins 
intéressants  à  considérer.  Nous  y  reconnaissons  une  branche, 
par  laquelle  s'établit  la  connexion  avec  le  grand  sus-maxil- 
laire et  l'os  nasal,  et  une  portion  incisive  ou  corps,  portant 
les  dents  ou  Je  bourrelet  cartilagineux,  comme  chez  les  ru- 
minants à  cornes.  La- direction  de  la  branche,  par  rapport  à 
celle  des  os  du  nez,  et  le  volume  du  corps,  commandant  la 
longueur  de  la  corde  de  l'arc  incisif,  et  conséquemment  le 
volume  relatif  de  l'extrémité  libre  de  la  tête,  sont,  eux  aussi, 
tout  à  fait  caractéristiques. 

Enfin  la  direction  du  bord  inférieur  de  la  branche  descen- 
dante de  la  mandibule,  le  plus  ordinairement  rectiligne, 
mais  se  montrant  aussi  curviligne  dans  les  deux  sens,  c'est- 
à-dire  à  convexité  supérieure  ou  inférieure, fournit  un  docu- 
ment intéressant.  •.  : 


ANDRÉ  SANSON.  —  CRANI0L06IE  EXPÉRIMENTALE.  617 

La  synthèse  de  ces  caractère»,  que  nous  venons  de  signaler 
successivement,  donne  une  vue  de  profil  et  une  vue  de  face, 
qui,  en  somme,  caractérisent  le  type  et  le  font  reconnaître  à 
première  vue  lorsque  l'œil  s'est  successivement  exercé  par 
des  analyses  répétées. 

Tout  ce  que  je  viens  de  dire  se  rapporte  à  Vexamen  des 
sujets  vivants,  tel  qu'il  est  exigé  par,  les  besoins  de  la  pra- 
tique. Gela  suffit  pour  satisfaire  à  ces  besoins,  pour  nous 
mettre  en  mesure  de  déterminer  la  race  à  laquelle  appartient 
ranimai  en  présence  duquel  nous  nous  trouvons,  et  dont 
nous  devons  en  obtre  reconnaître  la  variété,  à  Taide  d'autres 
signes,  ainsi  que  les  aptitudes.  Ce  n'est  pas  de  la  craniologie 
de  laboratoire.  C'est  celle  qui  se  peut  faire  sur  le  vivant, 
dont  les  formes  osseuses  ne  sont  pas  toutes  accessibles, 
quelques-unes  étant  cachées  soit  par  leur  situation,  soit  par 
les  muscles  et  la  peau  qui  les  recouvrent.  EUle  est  suffisante 
toutefois  pour  conduire  au  but,  car  les  formes  auxquelles 
elle  se  rapporte  caractérisent  essentiellement  le  type  naturel, 
en  lui  donnant  sa  physionomie  propre.  Je  ne  saurais  trop 
répéter  qu'il  n'y  a  point  d'illusion  possible  à  son  sujet, 
puisque  si,  en  Tappliqulant,  on  était  conduit  à  l'erreur,  cette 
erreur  pourrait  être  immédiatement  rendue  évidente  par  la 
connaissance  de  l'origine  du  sujet  examiné.  Supposez  que  je 
sois  interrogé  sur  la  diagnose  spécifique  d'une  vache  de 
Durham,  et  que  je  me  trompe.  Aussitôt  on  exhibera  le  pe- 
digree de  la  bête  et  je  serai  confondu.  En  pareil  cas,  l'hésita- 
tion n'est  pas  admise,  même  pour  nos  élèves^  la  méthode 
étant  certaine. 

Sur  les  crânes  préparés  ou  provenant  de  fouilles,  comme  ceux 
dont  on  dispose  dans  les  laboratoires,  on  peut  aller  plus  loin  ; 
et  cela  est  d'ailleurs  nécessaire  pour  se  mettre  en  mesure,  le 
cas  échéant,  de  reconnaître  les  fragments  isolés.  Là  il  faut 
étudier  le  trou  et  les  condyles  occipitaux,  la  base  du  crâne, 
les  temporaux,  les  rangées  molaires,  l'orifice  guttural  des 
fosses  nasales,  les  orbites,  enfin  tous  les  détails  de  la  mor- 
phologie crânienne.  U  n'y  a  que  des  avantages  à  joindre  aux 


êiê  SEANCE  DU  6  OCTOBRE   1887. 

noiiouB  de  forme  la  mesure  préoùe  des  dimen&ions»  pourvu 
que  cette  mesure  ne  concerne  que  chaque  os  en  particulier. 
L'abtti  de  la  cranioméiriei  dont  les  Allemandsi  d'après  Mti- 
meyer,  nous  donnent  unanimement  rezemplei  consiste  ici 
surtout  à  mesurer  plusieurs  os  ensemble»  et,  le  plus  Bonvent, 
au  moins  deux. 

U  est  vraiment  fiurprenant  que  de  bons  esprits  ne  se 
soient  pas  aperçus  du  vice  essentiel  d'une  telle  façon  de 
procéder.  A  des  longueurs  égaies»  ainsi  prises,  peuvent  cor- 
respondre des  types  absolument  différents.  En  fait,  il  en 
est  souvent  ainsi.  Par  exemple  ^  les  craniologistes  alle- 
mands prennent  pour  ligne  de  comparaison,  dans  leurs  études 
des  crânes  d'cmimaux,  celle  qui  va  du  bord  inférieur  du  trou 
occipital  à  la  partie  moyenne  de  l'arcade  inoisive.  Cette  ligne 
représente  la  plus  grande  longueur  du  crâne.  Qui  ne  voit 
qu'avec  une  partie  céphalique  plus  courte  et  une  partie  fa- 
ciale plus  longue,  la  somme  restera  la  même  qu'avec  une 
partie  céphalique  plus  longue  et  une  partie  faciale  plus 
courte?  Pour  une  même  longueur  totale^  les  types  seront 
pourtant  évidemment  différents.  Autre  exemple  :  si  nous 
mesurons  la  distance  du  bord  inférieur  de  rorbite  à  l'épine 
incisive,  englobant  ainsi  la  portion  faciale  du  lacrymal,  le 
grand  et  le  petit  sus-maxillaire,  nous  arrivons  souvent  à  la 
même  longueur  avec  des  os  très  différents  entre  eux  et  n'ap*- 
partenant  conséquemment  point  au  même  type.  Il  suffît, 
pour  arriver  au  résultat,  que  les  différences  se  compensent. 
Cela  juge  la  méthode,  fit,  en  effet,  je  pourrais  facilement 
montrer  qu'elle  a  conduit  dans  bon  nombre  de  oas  aux  plus 
singulières  conclusions. 

La  craniométrie,  même  bien  pratiquée  et  exempte  des 
erreurs  sur  lesquelles  *je  viens  d*appeler  l'attention,  n'est 
qu'un  des  éléments  de  la  craniologie,  et  cet  élément  n'est 
qu'accessoire  par  rapport  à  la  morphologie  crânienne.  C'est 
donc  à  grand  tort  qu'on  en  est  arrivé  à  la  substituer  presque 
entièrement  i  celle-ci.  Sa  quasi-stérilitéi  malgré  les  labeurs 
louables  de  ses  adeptes  et  le  nombre  énorme  de  ohiffres  aocu^ 


ANDRÉ  SANBOlf.  -^  CRAKIOLOGIE  EXPÉRIMENTALE.  619 

mules»  Buffîimit  d^aillenfs  à  lui  assigner  ion  rang.  Son  appa^- 
rente  commodité,  soit  pour  la  trayail  da  laboratoire,  soit 
pour  communiquer  le  résultat  de  ce  trayail  par  des  nombres, 
n'est  qu^un  trompe4*olil.  Je  ne  crains  pas  de  dire  qu'elle  n'a 
jamais  suffi  pour  faire  reconnaître  un  seul  type  naturel  de 
race.  Les  types  se  différenoient  par  des  lignes»  Ëa  l'absence 
de  Tobjet,  un  dessin  exact  de  cet  objet  m'en  dit  plus  que 
vingt  pages  de  chiffres  exprimant  ses  dimensions  et  surtout 
les  rapports  de  ces  dimensions  entre  elles. 

En  résumé,  Ton  toit  que  pour  la  caractéristique  des  types 
naturels  les  formes  faciales  sont  plus  importantes  que  les 
formes  céphaiiqnes.  A  de  faibles  nuances  près>  ces  formes 
oéphaliques  sont  communes,  dans  tous  les  genres  d'animaux, 
le  gehre  Homme  compris,  bien  entendu,  à  plusieurs  espèces 
oa  à  plusieurs  races,  comme  on  voudra.  Elles  n'en  peuvent 
donc  caractériser  sûrement  aucune  en  particulier.  Personne 
n'entreprendrait  plus  de  soutenir  maintenant,  parmi  les 
craniologlstes,  qu'on  ne  rencontre  point  le  môme  indice  ce* 
phalique  ches  des  races  notoirement  distinctes.  Plusieurs  sont 
dolichocéphales,  oonmie  plusieurs  sont  brach3rcéphales.  Mais 
quand  deux  dolichocéphales  ou  deux  brachycéphales  ne  sont 
pas  de  même  origine  ou  de  même  race,  o'est-à^ire  descen- 
dants d'un  même  type  naturel  ou  d'une  même  espèce,  jamais, 
à  ma.connaisscmce,  ils  ne  présentent  le  même  ensemble  de 
formes  faciales  ou  la  même  architecture  de  la  face.  Chacune 
des  pièces  de  cette  architecture  a  des  caractères  propres  et 
l'assemblage  en  est  typique.  11  Test  à  ce  point  que,  pour  les 
chevaux  notamment,  oa  n'avait  pas  attendu  l'analyse  cra* 
niologique  pour  en  être  frappé.  Tous  trouverez  dans  tous  les 
ouvrages  d'hippologie,  même  les  plus  anciens^  l'indication 
pittoresque  des  diverses  (brmes  de  tête  qui  se  présentent  à 
l'obserrateur.  Ou  y  distingue  la  tête  carrée,  la  tête  camuse,  la 
tête  busquée,  la  tète  moutonnée,  la  tète  de  rhinocéros,  etc., 
qui  correspondent  aux  types  naturels  à  présent  reconnus,  et 
dont  on  n'ignorait  point  la  puissance  héréditaire.  Ce  qui  a 
été  découvert  seulement^  c'est  la  valeur  toologique  qu'il  con-* 


620  SÉANCE  DU  6  OCTOBRE  1887. 

vient  d'accorder  à  ces  observations  de  nos  devanciers,  dont 
Texactitude  n'est  pas  douteuse. 

La  méthode  à  suivre  pour  appliquer  à  Ist  diagnose  spéci- 
cifique  les  notions  acquises  par  la  cranioloj^e  expérimentale 
est  donc  des  plus  simples.  En  présence  d'un  sujet  quel- 
conque, animal  vivant  ou  tête  osseuse  posée  sur  la  table  du 
laboratoire,  il  s'agit  d'abord  de  déterminer  auquel  des  deux 
groupes  céphaliques  il  appartient,  de  savoir  si  c'est  un  doli- 
chocéphale ou  un  brachycéphale.  Connaissant,  pour  chaque 
genre,  le  nombre  et  le  nom  des  espèces  de  Tun  et  de  l'autre 
groupe,  le  premier  classement  ainsi  opéré  élimine  de  la  re- 
cherche un  certain  nombre  des  espèces  de  ce  genre  et  res- 
treint ainsi  son  champ.  Les  espèces  d'Équidés  caballins,  par 
exemple,  sont  au  nombre  de  huit,  dont  quatre  dolichocé- 
phales et  quatre  brachycéphales.  Le  type  céphalique  étant 
déterminé,  il  n'y  a  plus  à  se  prononcer  qu'entre  quatre  au 
lieu  de  huit.  La  difficulté  se  trouve  réduite  de  moitié.  C'est 
ensuite  Texamen  des  formes  faciales  qui  décide  de  la  dia- 
gnose. On  y  rencontre  ou  non  réunies  toutes  celles  qui  ca- 
ractérisent l'un  des  types  naturels  connus  du  même  groupe. 
Dans  le  premier  cas,  le  sujet  est  reconnu  pur  et  classé  défi- 
nitivement; dans  le  second,  c'est  à  coup  sûr  un  produit  de 
croisement,  métis  ou  hybride.  Il  reste  à  rattacher  ses  formes 
disparates  aux  deux  types  naturels  dont  elles  proviennent, 
et  même  parfois  elles  se  rattachent  à  trois.  Il  nous  arrive  de 
rencontrer  cette  difficulté  avec  les  produits  des  étalons  anglo- 
normands  de  l'administration  des  haras.  Je  puis  dire  que  la 
méthode  est  assez  sûre  pour  qu'elle  ne  nous  arrête  point. 

Cette  méthode,  je  le  répète  en  terminant,  est  mise  à  chaque 
instant  à  l'épreuve  dans  l'enseignement,  et,  par  conséquent, 
sa  sûreté  a  été  nombre  de  fois  vérifiée.  Exactement  appli- 
quée, elle  est  aussi  infaillible  que  les  méthodes  d'analyse 
chimique.  Il  en  est  ainsi  parce  que,  comme  ces  méthodes, 
elle  s'appuie  sur  des  bases  expérimentales.  Pour  l'établir,  il 
a  fallu  de  longues  recherches  et  de  nombreuses  comparai- 
sons. Il  a  fallu  joindre  aux  travaux  de  laboratoire,  à  l'os- 


DISCUSSION  SUR  LA  CRANIOLOGIE  EXPÉRIMENTALE.         621 

téographie  et  àrexpérimentation,  les  observations  recueillies 
dans  de  nombreux  voyages  d'étude  en  France  et  à  Tétran- 
ger,  sur  ce  chan^p  si  vaste  qu*offre  partout  l'industrie  de  la 
production  animale,  où  les  éleveurs  expérimentent  pour 
nous,  en  quelque  sorte  sans  qu*ils  s*en  doutent.  Je  la  présente 
donc  en  pleine  confiance,  avec  la  certitude  qu'elle  ne  pourra 
pas  être  justement  contestée. 

Est-elle  de  tout  point  applicable  à  la  détermination  des 
races  humaines?  Je  le  crois,  pour  mon  compte,  ne  pensant 
point  qu'il  y  ait  pour  l'anthropologie  des  lois  particulières, 
mais  je  laisserai  aux  anthropologistes  le  soin  d'en  décider. 
J'en  connais  parmi  eux  qui  partagent  mon  sentiment  à  cet 
égard  et  qui  depuis  longtemps  agissent  en  conséquence.  En 
tout  cas,  Tordre  qu'elle  a  permis  de  mettre  dans  les  études 
zootechniques  est  aujourd'hui  partout  reconnu. 

Discussion. 

M.  Deniker.  Je  me  permettrai  de  faire  quelques  observa- 
tions à  propos  de  la  communication  de  M.  Sanson,  que  j'ai 
écoutée  avec  un  vif  intérêt. 

D'abord,  le  reproche  fait  aux  anthropologistes  de  ne  pas 
mesurer  les  os  séparés  du  crâne  n'est  pas  tout  à  fait  fondé. 
Les  mesures  de  ce  genre  sont  assez  nombreuses  et  figurent 
dans  toutes  les  instructions  (longueur  et  largeur  des  os  na- 
saux, du  frontal,  des  pariétaux,  de  l'occipital,  etc.). 

Une  autre  observation  est  relative  aux  indices  et  aux  me- 
sures d'ensemble.  Il  est  incontestable  que  les  anthropolo- 
gistes emploient  des  mesures  qui  portent  sur  plusieurs  os  à  la 
fois,  mais  il  est  incontestable  aussi  que  plusieurs  de  ces  me- 
sures expriment  de  vrais  rapports,  des  changements  de 
forme  qui  frappent  l'œil  au  simple  examen  du  crâne.  Tels  sont 
l'indice  céphalique,  l'indice  nasal,  etc.  Il  faut  remarquer 
cepeudant  qu'il  y  a  aussi  des  mesures  de  ce  genre  qui  ne  di- 
sent rien,  car  elles  embrassent  trop  d'éléments  hétérogènes 
(certains  angles  faciaux^  etc.). 


6tt  aÉAiidE  DO  6  OGT(»i«  4887. 

Enfin,  je  me  permettrai  de  faire  quelques  réservea  à  propM 
de  la  mésaticéphalie  ;  il  me  semble  que  cette  forme  crânienne 
n'est  pas  toujours  un  résultat  de  mélange  de  formes  brachy- 
céphales  et  dolichocéphales.  Il  existe,  par  exemple,  une  po- 
pulation certainement  la  moins  mélangée  du  monde,  les 
Fuégiens,  qui  cependant  présente  la  forme  typique  du  crâne 
mésocéphale.  Les  indices  céphaliques  de  soixante  individus 
vivants,  et  d'une  trentaine  de  crânes  que  j'ai  eu  occaMon 
de  réunir  pour  un  travail  fait  en  collaboration  avec  le  docteur 
Hyades,  s'échelonnent  presque  tous  entre  les  limites  de  la 
mésaticéphalie. 

M.  Hervé.  La  pureté  de  race  des  Fuégiens  n'est  pas  du  tout 
démontrée. 

M.  DBmKER.  Si  Ton  peut  dire  que  les  Fuégiens  ne  sent  pas 
une  race  pure^  c'est  seulement  parce  qu'il  n'existe  pas  en 
général  de  race  humaine  pure  sur  la  terre.  Je  crois  cepen- 
dant qu'avec  les  Négritos,  les  Boohimans,  les  Mongolo-Ti- 
bétains,  les  Aïnos,  etc.,  c'est  la  peuplade  la  moins  mélangée 
du  monde  entier. 

M.  TopiNARD.  Je  ne  veux  faire  qu'une  remarque.  Lorsqu'on 
a  lu  avec  soin  l'ouvrage  de  M.  Sanson,  et  qu'on  en  rap- 
proche des  passages  éloignés,  les  uns  à  propos  d'un  genre 
d'animaux  domestiques,  les  autres  à  propos  d'un  autre  genre, 
tout  ce  qu'il  vient  de  nous  dire  se  dégage  de  la  fkçon  la  plus 
nette  :  les  idées  qu'il  vient  de  développer  ne  sont  done  pas 
nouvelles  pour  moi. 

Mais  de  son  exposé  ressort  un  fait  très  évident,  c'est  que 
dans  les  races  domestiques  auxquelles  il  a  affaire  les  types 
sont  plus  fixes  que  dans  les  raoes  humaines,  autrement  dit  que 
les  caractères  des  premières  offrent  un  registre  de  variation 
moins  étendu.  C'est  tout  naturel  ohes  ces  animaux,  la  main 
de  l'homme  intervient  sans  cesse  pour  diriger  les  unions  et 
assurer  les  milieux  voulus  ;  elle  ramène,  concentre  les  earae* 
tères  et  joue  le  rôle  d'une  sorte  de  providence  qui  maintient 
les  types  et  fedt  que  les  individus  se  ressemblent  entre  eux. 
Chez  les  hommes  rien  de  semblable  :  rie»  na  régularité  ks 


DISCUSSION  Sim  Là  GlUmOLOeil  RPtRIMENTALB.  MS 

unions,  elles  se  font  en  toaa  sens  ée  ta  façon  la  plos  eiiprl« 
cieuse,  Tinfluenoe  de  désagrégation  remporte  sur  la  ten- 
dance naturelle  à  la  coneentration,  les  types  sont  bien  rare- 
ment purs,  si  jamais  ils  le  sont^  et  la  Tariabilité  des  earaotères 
atteint  uq  degré  eonaidérable.  Anssl  la  eraniologie  ethnique 
des  animaux  domestiques  est^elle  Inen  phia  facile  que  la  era- 
nioiogie  ethnique  des  hommes. 

Je  terminerai  par  une  simple  question.  Pourquoi  ne  pas 
appeler  la  crête  fronto«pariétale  des  animaux  la  erète  tenn 
porale,  comme  chei  Thomme?  Cette  crête  fronto-pariétale 
n'est  autre,  ohex  eux  comme  che«  Thomme,  que  la  limite  su- 
périeure de  la  fosse  temporale  on  encore  la  limite  supérieure 
d'insertion  des  fibres  du  muscle  temporal.  Les  deux  crêtes, 
à  droite  et  à  gauche,  sont  très  rapprochées,  sinon  réunies  en 
une  seule,  chez  les  animaux  oii  le  muscle  temporal  joue  un 
grand  rôle  et  est  très  développé,  comme  chez  les  carnassiers. 
Elles  sont  écartées,  au  contraire,  et  laissent  un  espaee  plus  ou 
moins  grand  entre  eUes  chez  ceux  oti  le  muscle  temporal  a 
une  moindi*e  importance  physiologique,  comme  chez  les 
ruminants. 

M.  dANsoN.  Afin  d'être  agréable  à  M.  Topinard  J'appellerais 
volontiers,  avec  lui,  l0mporaks  les  crêtes  fronto-pariétales 
des  chevaux;  mais  il  ne  dépend  pas  de  moi  seul  de  changer 
la  nomenclature  admise.  Nous  avons  à  nous  occuper  en- 
semble de  choses  plus  sérieuses.  Sur  le  fond  de  la  question, 
les  expressions  dont  il  vient  de  ae  servir  ne  doivent  pas  avoir 
rendu  exactement  sa  pensée.  Il  nous  a  dit  que  dans  les  races 
domestiques  les  types  sont  plus  fixes  que  dans  les  races 
humaines.  Cela  lui  a  paru  évident  et,  en  outre,  tout  naturel. 
D'après  l'explication  qu'il  en  donne,  il  a  voulu  dire  évidemment 
que  les  populations  animales  sont  en  général  moins  mélangéet 
que  les  populations  humaines,  où  on  ne  se  préoccupe  guère» 
pour  les  unions,  de  conserver  la  pureté  de  race.  Gela  n'est 
pas  douteux.  U  en  faut  conclure  que  dans  ces  populations 
humaines,  ainsi  composées  généralement  de  métis,  les  types 
naturels  sont  plus  difflciiai  à  reconnaître  tt  à  retrouver,  non 


624  SÉANCE  DU  6  OCTOBRE  4887. 

pas  qu'ils  sont  moins  fixes.  Il  n*y  a  pas,  à  ma  connaissance, 
des  lois  naturelles  spéciales  au  genre  Homme.  Dans  ce  genre, 
les  types  doivent  avoir  les  mêmes  propriétés  et  la  même  ca- 
ractéristique, conséquemment,  que  dans  les  autres  genres 
de  la  classe  des  Mammifères.  11  faudrait  voir  si  Tapplication 
de  la  méthode  craniologique  que  j'ai  exposée  ne  conduirait 
pas  à  les  déterminer. 

Nous  avons  à  étudier,  nous  aussi,  de  nombreuses  popula- 
tions métisses  en  état  de  variation  désordonnée.  Beaucoup 
trop,  malheureusement.  Nous  n'éprouvons  pas  de  réelles 
difficultés  à  discerner  les  types  qui  ont  contribué  à  leur  for- 
mation. C'est,  sans  doute,  parce  que  nous  avons  commencé 
par  établir  la  caractéristique  de  ces  divers  types  à  Tétat  de 
pureté.  Peut-être  les  anthropologistes  auraient-ils  mieux  fait 
de  commencer,  eux  aussi,  par  là. 

M.  ToPiNARD.  Il  reste  parfaitement  entendu,  pour  nous 
comme  pour  M.  Sanson,  que  les  termes  de  dolichocéphales  et 
de  brachycéphales  ont  avant  tout  une  valeur  relative,  que  les 
limites  que  nous  leur  donnons  sont  absolument  arbitraires  et 
conventionnelles,  que  ces  limites  varient  suivant  les  espèces 
animales  que  Ton  considère,  et  qu'en  somme  il  n'y  a  que 
trois  mots  de  vrais  :  dolicho  ou  long,  brachy  ou  court  (ou 
large),  ei  moyen  ou  intermédiaire.  Dans  les  races  humaines, 
il  m'arrive  souvent  de  dire  qu'une  race  est  doUcho  ou  brachy, 
alors  que  les  indices  calculés  ne  donnent  pas  droit  à  l'épi- 
thète.  Ainsi,  il  est  évident  que  les  Anglais  sont  dolichocé- 
phales par  rapport  aux  Français  mésaticéphales,  sinon  bra- 
chycéphales, et  cependant  les  chiffres  établissent  à  peine  de 
différences  entre  eux. 

La  discussion  qui  vient  d'avoir  lieu  me  paraît  du  reste 
très  fautive.»  Elle  semble  préjuger  qu'à  l'origine  il  n'y  eut  que 
deux  formation^  humaines,  Tune  dolichocéphale,  l'autre 
brachycéphale,  ce  qui  est  peu  probable.  D'ailleurs,  une  race 
ne  saurait  se  caractériser  par  un  seul  caractère.  C'est  le  type 
qui  la  caractérise,  c'est-à-dire  un  ensemble  de  caractères 
parmi  lesquels  deux  ou  trois  principaux,  je  le  veux  bien.  Ce 


A  PROPOS  DU  PROGÈS-YERBAI.  6iS 

qui  n'empêche  pas  que,  prenant  le  caractère  le  plus  frap- 
pant, le  plus  facile  à  relever,  comme  Tindioe  céphalique, 
nous  ne  partagions  les  races  en  dolichocéphales  et  bracby- 
céphales.  Aussi,  je  souscris  parfaitement  an  partage  que 
H.  Sanson  fait  des  races  bovines,  par  exemple,  en  brachycé- 
phales  et  dolichocéphales.  Mais,  en  même  temps,  je  suis 
convaincu,  je  sais  même,  que  ce  ne  sont  que  des  épithètes 
pour  lui  et  que,  lorsqu'il  parle  du  tjrpe  brachycéphale  des 
races  bovines,  il  entend  brachycéphale  avec  accompagne- 
ment de  tels  et  tels  autres  caractères;  que  par  type  dolichocé- 
phale, il  entend  dolichocéphale  avec  tels  et  tels  autres  caraO' 
tères. 

La  discussion  est  renvoyée  à  la  prochaine  séance. 

La  séance  est  levée  à  cinq  heures  trois  quarts. 

Lun  des  iecrétaires  :  FAinrELLB. 


iSt*  StANGI.  —  10  Mtobre  1887. 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté*   ^ 

k  propos  du  procèi-vorbal. 

Valeur  de  la  craniomitrie.  —  M.  Fauvbllb.  L'intéressante 
communication  que  M.  Sanson  nous  a  faite  dans  la  dernière 
séance,  nous  a  montré  Timportance  de  la  morphologie  de  la 
tête  pour  la  spécification  des  races  de  nos  animaux  domes- 
tiques. Chacun  des  os  qui  la  composent  présente  des  parti- 
cularités qui,  transmises  par  Thérédité,  se  retrouvent  dans 
la  descendance,  même  après  les  croisements  intentionnels  de 
nos  éleveurs. 

Gonmie  notre  honorable  collègue,  je  pense  qu'il  doit  en 
être  de  même  chez  l'homme.  Seulement,  lorsqu'on  observe 
un  groupe  ethnique  donné,  le  nombre  souvent  considérable 
de  croisements  dont  il  est  la  résultante,  et  qui  remontent  par- 

T.  X  (3«  SiEIB).  40 


6t6  9iiUICB  DU  SO  ooroBRi  1887. 

fois  ides  époQmei  très  reculées^  rend  tràs  difficile  laracbercbe 
des  caractères  qui  ont  appartenu  aux  races  composantes.  La 
détermination  même  de  ces  races  est  un  problème  excessive- 
ment ardu,  dont  la  solution  laisse  encore  beaucoup  à  désirer. 
De  plus,  le  volume  considérable  des  hémispbères  cérébraux 
et  la  consolidation  tardi?e  des  parties  de  la  bcdte  osseuse  qui 
|e£}  renferme»  viepuent  encore  compliquer  la  difficulté^  en 
permettant  des  variations  individuelles  qu'on  a  souvent  beau* 
coup  do  peine  i^  distinguer  des  caractères  de  race.  Cepen- 
dant le  principe  n'en  est  pas  moins  vrai,  et  la  morphologie  do 
la  tête  dpyra  toujours  être  la  base  de  toute  recherche  des 
origines  d'une  population  quelconque. 

Broca  et  tous  les  maîtres  en  ethnologie  Vont  bien  compris, 
comme  on  pedt  s'en  convaincre  en  lisant  leurs  trayanx.  Mais, 
en  présence  des  difficultés  considérables  d^une  description 
morphologique  de  Textrémité  céphalique  et  des  parties  qui 
la  constituent,  et  voulant  éviter  les  différences  d'appréciation 
d'observateurs  souvent  peu  versés  en  anatomie,  ils  ont  cru 
pouvoir  atteindre  le  but  dvec  plus  de  facilité  à  l'aide  de 
mensurations  et  de  calculs  géométriques  dont  la  précision 
leur  promettait  une  exactitude  indiscutable.  C'est  ainsi  que 
sont  liées  là  craniométrie  et  la  céphalométrie.  L'entreprise 
était  périlleuse,  car  c'était  prétendre  faire  le  portrait  d'une 
personne  en  donnant  la  mesure  exacte  des  parties  consti- 
tuantes de  son  visage.  Néanmoins,  malgré  de  nombreuses 
critiques  non  encore  réfutées,  la  méthode  des  mensurations 
a  prévalu.  Depuis  plus  de  trente  ans  qu'elle  règne  en  maî- 
tresse absolue,  on  peut  aujourd'hui  se  permettre  de  la  juger^ 
Or,  il  faut  le  dire,  les  résultats  qu'elle  a  donnés  sont  bien  loin 
des  promesses  que  l'on  avait  faites  en  son  nom. 

0^  s'e}çp\iquc  l'acilemcnt,  du  reste,  les  illusions  que  Içs 
ethnologues  se  sont  faites  sur  les  avantages  de  cette  méthode. 
En  manipulant  tant  de  crânes  pour  en  prendre  les  diamètres, 
les  angles,  les  triangles,  Qtc,  la  conformation  s'en  est  fixée 
dans  leur  mémoire  el  ils  sont  devenus  de  tr^^s  habiles  connais- 
seurs. Mais  les  chifl'rcs  qu'ont  donnés  ces  mesures  et  les  cal- 


A  PROPOS  DU  PROcis^TnaAi.  6ST 

culs  dont  ils  ont  été  la  base,  ont  ça  bien  peu  de  part  dans 
l'acquisition  de  oette  habileté.  Lorsqu'ils  ont  sur  leur  table 
des  crânes  de  Mongols,  de  Néo*Galédoniens  et  de  Savoyards, 
ils  les  reconnaissent  à  leur  conformation  et  non  àia  longueur 
des  diamètres  et  à  leurs  indices.  Bien  qdlls  ne  s'en  rendent 
pas  eompte,  les  connaissances  qu'ils  possèdent  sont  purement 
empiriques. 

Je  suppose  que  les  divers  Uboratolres  d'anthropologie  ont 
reçu,  sur  une  peuplade  jusqu'ici  ignorée,  un  grand  nombre 
de  feuilles  d'observation,  remplies  avec  exactitude.  Bst-ee 
que  le  savant,  chargé  d'en  tirer  un  travail  d'ensemble,  pourra 
fournir  des  données  précises  sur  la  conformation  crânienne 
de  cette  peuplade?  Non  certes;  il  attendra  pour  se  pro^ 
nonoer  que  d'autres  voyageurs  lui  aient  fourni  des  têtes  vl- 
vantes  ou  mortes.  11  ne  saurait  en  être  autrement. 

Liset  avec  attention  tout  ce  que  Broca  a  écrit  sur  les  crânes 
basques  de  Zaraus  et  de  8aint-Jean  de  Luz,  relevez  avec  soin 
toutes  les  mensurations  qu'il  a  données,  faites  de  même 
pour  les  observations  du  docteur  ArgelUès  sur  le  vivant  ; 
malgré  tous  les  chiffres  dont  vous  vous  serez  bourrés,  vous 
ne  vous  ferez  aucune  idée  exacte  sur  la  configuration  du 
crâne  basque  ;  il  vous  sera  imposssible  de  le  reconnedtre  dans 
nos  collections,  même  si  vous  êtes  armés  de  Téquerre,  du 
ruban  métrique  et  du  compas  d'épaisseur.  Passez,  au  con- 
traire^ une  heure  ou  deux  à  les  examiner  avec  soin,  à  les 
comparer  avec  d'autres,  et^  pour  peu  que  vous  ayez  quelques 
notions  précises  d'ostéologie,  leur  conformation  se  fixera 
dans  votre  mémoire  et  vous  les  reconnaîtrez  désormais.  Il 
en  sQra  de  même  pour  tous  les  autres  types  un  peu  tranchés , 
et  cependant  vous  n'aurez  fait  que  de  la  morphologie  crâ- 
nienne, de  la  cranioscopie,  comme  on  dit  quelquefois,  non 
sans  une  pointe  de  malice. 

On  juge  généralement  de  l'état  d'avancement  d'une  science, 
par  la  facilité  avec  laquelle  elle  se  vulgarise.  Or,  parmi  nos 
collègues  qui  ont  entendu  ou  lu  tout  ce  qui,  depuis  vingt-cinq 
ans,  a  été  dit  et  écrit  sur  le  sujet  qui  nous  occupe,  hormis 


eS8  SÉANCE  DU  90  OCTOBRE   1887. 

ceux  qui,  comme  on  dit  vulgairement,  ont  mis  sérieusement 
la  main  à  la  pâte,  combien  y  en  a-t-il  qui  puissent  se  vanter 
d'avoir  des  connaissances  précises  en  craniologie?  Je  ne  se- 
rais môme  pas  démenti,  si  je  disais  qu'il  en  est  un  bon  nom- 
bre qui  pensent  que  tout  est  illusion  en  craniométrie. 

Je  me  hâte  de  dire  qulls  ont  grand  tort.  Les  mesures 
exactes  sont  d'une  utilité  incontestable  en  morphologie, 
comme  les  mathématiques  appliquées  le  sont  en  physique 
et  en  astronomie.  La  seule  illusion  est  de  croire  qu*elles 
suffisent  indépendamment  de  toute  description  morpholo- 
gique. 

Prenons  pour  exemple  Tindice  céphalique,  «  qui,  comme 
le  dit  Broca  dans  les  Imtructions  générales^  est  le  plus  impor- 
tant, puisqu'il  sert  à  établir  la  célèbre  distinction  des  doli- 
chocéphales et  des  brachycéphales  ».  C'est,  personne  ne 
l'ignore,  le  rapport  centésimal  du  diamètre  transversal  maxi- 
mum de  la  tête  au  diamètre  antéro-postérieur  également 
maximum. 

,  Cet  indice,  malgré  son  importance,  ne  peut  nous  permettre 
d'affirmer  que  llndividu  qui  l'a  fourni  appartient  à  un  groupe 
ethnique  brachycéphale  ou  dolichocéphale,  car  le  chiffre  qui 
le  représente  peut  se  rencontrer  dans  toutes  les  séries  in- 
distinctement. 

Pour  qu'on  puisse  se  rendre  compte  de  sa  signification^  il 
faut  qu'il  soit  accompagné  de  la  dimension  des  diamètres  qui 
l'ont  fourni.  Alors  seulement  on  peut  essayer  de  le  rattacher 
à  tel  ou  tel  groupe,  et  comprendre  comment,  dans  les  séries 
les  plus  homogènes,  il  peut  se  rencontrer  des  indices  discor- 
dants qui  tiennent  uniquement  à  des  différences  indivi- 
duelles. Chose  remarquable^  ce  sont  les  variations  du  diamètre 
transverse  qui  entraînent  le  plus  souvent  ces  discordances 
inattendues. 

Dans  le  relevé  que  j'ai  fait  de  toutes  les  mensurations 
relatives  à  Tindice  céphaliqiic  dans  les  publications  de  la 
Sociélù  et  dans  la  Revue  d* anthropologie^  j'en  ai  trouvé  une 
multitude  d'exemples.  Je  n^en  citerai  que  quelques-uns;  ils 


À  PftOPOS  DU  PROGÈS-VERBilL.  629 

suffiront  pour  montrer  l'exactitude  de  ce  que  j'avance,  à  sa- 
voir que  cet  indice  n'a  aucune  valeur  par  lui-même. 

M.  Hovelacque  {Bulletins,  S"*  série,  t.  II)  nous  donne  la 
mensuration  de  deux  crânes  bulgares.  L'un  a  pour  indice 
86,33  et  l'autre  72,42,  et  cependant  leur  longueur  est  à  peu 
près  la  même,  183  et  186  millimètres.  Cette  différence  tient 
simplement  au  diamètre  transverse,  qui  dans  le  premier  cas 
est  de  458  millimètres,  et  dans  le  second  de  144. 

Dans  le  même  volume,  nous  trouvons  la  mensuration  de 
quatorze  crânes  d'Auvergnats  par  M.  Boyer.  Les  deux  plus 
longs  (190  millimètres)  ont  pour  indice  respectif  68,42  et 
78,94,  parce  que  la  largeur  maximum  dû  premier  est  130  mil- 
limètres et  celle  du  second  150. 

M.  Gauvin,  dans  le  tome  lY  de  la  troisième  série,  a  présenté 
deux  crânes  d'Australiens  à  peu  près  de  même  longueur, 
175  et  172  millimètres.  Or,  le  plus  long  est  bracbycéphale 
vrai,  83,42,  avec  une  largeur  de  146  millimètres,  et  le  plus 
court  mésaticéphale,  79,06  avec  136. 

Trois  crânes  ligures  de  Pruner-Bey,  1'*  série,  t.  VI,  ont, 
comme  longueur  maximum  172,  176  et  175  millimètres  avec 
les  indices  respectifs  84,30,  81,11  et  75,42;  si  bien  que 
3  millimètres  en  moins  suffisent  pour  faire  d'un  dolichocé- 
phale vrai  un  bracbycéphale  confirmé. 

M.  Cari  Vogt,  dans  le  volume  suivant,  2*  série,  1. 1*%  nous 
décrit  quatre  crânes  étrusques  de  la  même  longueur,  trois 
avec  185  millimètres  et  un  avec  186.  Les  indices  extrêmes 
sont  86,48  et  78,92,  avec  des  largeurs  respectives  de  160  et 
i46  millimètres. 

Dans  le  tome  Y  de  la  troisième  série,  notre  collègue  R.  Gol- 
lignon  donne  les  mensurations  de  cinq  crânes  de  Gumières, 
trois  hommes  et  deux  femmes.  Le  numéro  1  des  premiers, 
avec  un  diamètre  antéro-postérieur  médian  de  185  milli- 
mètres, a  pour  indice  76,75,  et  le  numéro  3,  82,50  avec  183, 
c'est-à-dire  seulement  2  millimètres  en  moins. 

M.  Girard  de  Rialle,  de  concert  avec  Pruner-Bey,  a  exposé, 
dans  le  tome  YI  de  la  première  série,  le  résultat  des  mensu- 


630  tÉAirCB  DO  M  OCTOBHB  1887. 

rations  de  douEe  crânes  syriens  de  Gebel-Gheickh.  C'est  une 
série  brachyoéphale  des  plus  homogènes.  Or»  les  numéros  8 
et  9,  avec  un  diamètre  antéro-postérieur  médian  de  465  mil- 
limètres ont  des  indices  qui  diffèrent  de  iO  unitéSi  leurs  dia- 
mètres transversaux  médians  respectifs  étant  155  et  138. 

La  oéphalométrie  offre  également  des  exemples  de  cette 
discordance. 

M.  Tbaon,  dans  le  tome  XII  de  la  deuxième  série,  donne 
les  mensurations  recueillies  sur  dix  conscrits  d'un  petit  vil- 
lage isolé  dans  la  montagne  à  quelques  lieues  de  Nice.  Trois 
d'entre  eux  ont  190  millimètres  de  diamètre  antéro-postôrieur 
médian  et  leurs  indices  respectifs  sont  74,73,  80,5â  et  84,il . 
Là  encore  la  dolichocéphalie  et  la  brachycéphalie  confirmées 
tiennent  uniquement  aux  variations  individuelles  de  la  lar^ 
geur  du  crâne. 

Deuxième  série,  tome  II.  Le  docteur  Argelliès,  de  Saint- 
Jean  de  Luz,  a  pris  les  mesures  céphalométriques  de  quarante- 
sept  paysans  des  environs  de  sa  résidence.  L*un  d'eux  a 
193  millimètres  de  diamètre  antéro-postérieur  médian  avec 
un  indice  céphalique  de  76,60,  tandis  que  celui  d'un  autre 
est  85,93,  avec  1  millimètre  seulement  de  longueur  en  moins, 
leurs  largeurs  respectives  étant  148  et  165.  Deux  autres  de 
180  millimètres  de  long  ont  pour  indice  90,55  et  81,66. 

Ces  faits  nous  prouvent  donc  que  lorsqu'on  nous  annonce 
que,  d'après  son  indice,  tel  crâne  est  brachycépbale,  on  ne 
dit  absolument  rien;  car,  malgré  une  variation  individuelle, 
ce  crâne  peut  faire  partie  d'une  série  dolichocéphale  parfai- 
tement homogène.  Pris  isolément,  l'indice  peut  être  la  source 
d'une  foule  d'erreurs.  Citons,  en  dernier  lieu,  un  exemple 
célèbre  qui  nous  le  prouvera  d^une  manière  encore  plus  pal- 
pable. 

Lorsque  la  première  édition  de  Y  Atlas  de  Carus  parut^  le 
profil  du  crâne  de  Schiller  y  était  dessiné.  Sa  plus  grande 
longueur  étant  de  190  millimètres,  on  en  conclut  de  suite 
que  le  célèbre  poète  allemand  était  dolichocéphale;  en  effet, 
dans  aucune  série  brachycépbale  la  moyenne  du  diamètre 


A  PROPOS  DU  PR0Cà8«TBBBAt.  Wl 

antéro-posiérienr  médian  ne  dépasse  18Q  milUmèires ,    il 

même  elle  atteint  jamais  ce  chiffre.  Trois  ans  après  parut  une 
deuxième  édition  de  VAtlas^  qui  pompléta  les  données  sur  le 
crâne  en  question.  Or»  le  diamètre  tcansverde  maximum 
étant  158  et  l'indice  83,16,  Schiller  fut  décrété  immédiate* 
ment  brachycépbale.  Ce  revirement  d*opinion  n'est  nulle- 
ment justifié.  En  effet,  suivant  la  remarque  de  Gratiolet^  le 
profil  était  très  harmonieux  et  sa  longueur  nullement  exa* 
gérée.  Mais,  par  variation  individuelle,  les  autres  diamètres 
étaient  tellement  considérables  que  Tindice  cubique  don-^ 
nait  2157  centimètres  cubes,  capacité  qui  n'a  peut-être  ja* 
mais  été  atteinte  paf  un  crâne  non  pathologique. 

Mais  laissons  là  les  cas  particuliers  et  passons  aux  moyennes, 
sans  tenir  compte  de  l'opinion  de  Bertillon,  qui  la  formulait 
ainsi  il  y  a  quelque  vingt-cinq  ans  :  a  Les  moyennes  des  in- 
dices, auxquelles  on  est  souvent  réduit  par  le  défaut  de  docu- 
ments, ont  le  tort  d'être  artificielles,  et  Ton  ne  doit  s'en  ser- 
vir qu*avec  une  extrême  prudence.  »  {Bulletins^  8?  séri0>  t«  V, 
Bertillon  père  cité  par  son  fils  Jacques.) 

Admettons  que  la  moyenne  des  indices  de  vingt  crânes 
normaux  d'individus  mâles,  ou  de  cinquante,  avec  mélange 
des  sexes,  nous  permette,  suivant  les  chiffres  obtenus»  de 
classer  un  groupe  ethnique  quelconque  parmi  les  dolichocé- 
phales ou  les  brachycéphales.  Mais  alors  nous  entassons 
pêle-mêle  dans  la  première  catégorie  ;  les  Catalans,  les  Kim- 
ris,  les  Basques,  les  Nègres,  les  Frisons,  les  Néo-Calédo- 
niens,  les  Arabes  et  les  Malgaches  ;  et,  dans  la  deuxième  : 
les  Auvergnats,  les  Lorrains,  les  Mongols,  -les  Syriens,  les 
Kabyles,  les  Lapons,  les  Négritos,  les  Laotiens  et  les  Anna- 
mites. Eneffet,lamétbodedes  mensurations  ne  nous  a  fourni 
jusqu'il  aucun  moyen  de  distinguer  les  diverses  espèces  dp 
dolichocéphalie  et  de  brachycéphalie. 

C'est  cette  confusion  qui  a  permis,  il  y  a  déjà  longtemps, 
à  M.  Mantegazzade  poser  la  question  suivante:»  En  accumu- 
lant tant  de  crânes  dans  les  musées  et  tant  de  chiffres  dans 
les  archives,  ne  court-on  pas  à  une  déception  qui  n'est  peut- 


689  SÉANCE  DU  30  OCTOBRE  1887. 

être,  pas  éloignée,  ou  acoamule-t-on  de  vrais  trésors  pour  les 
synthèses  de  l'avenir?  »  .  . 

'  '  Si  Ton  veut  cpie  la  seconde  hypothèse  soit  la  vraie,  il  faut, 
pour  la  spécification  des  races  humaines,  renoncer  à  la  géo- 
métrie et  à  latrigonométriei  et  revenir  à  la  méthode  descrip- 
tive,  à  la  morphologie  crânienne^  qui  seule,  aidée,  je  le.  veux 
bien,  des  mensurations,  peut  nous  donner  des  résultats  sé- 
rieux: BUe  nous  permettra  de  vulgariser  les  données  déjà 
acquises  et  attirera  dans  les  laboratoires  d'anthropologie 
la  jeunesse,  que  Taridité  des  chiffres  en  éloigne  manifeste- 
ment. 

Du  reste,  le  besoin  de  se  rendre  compte  des  formes  s'est 
fait  sentir  même  aux  partisans  les  plus  convaincus  de  la  mé- 
thode des  mensurations,  puisqu'ils  ont  inventé  les  instru- 
ments les  plus  variés  pour  dessiner  les  courbes  transversales 
et  longitudinales  du  crâne.  Mais  ces  simples  traits  ne  parlent 
qu'aux  yeux  et  sont  insuffisants.  Ce  qu'il  faut,  à  mon  avis, 
c'est  rechercher  et  décrire  les  modifications  qui,  pour  les  di- 
verses brachycéphalies,  par  exemple,  s'observent  dans  la 
conformation  des  différents  os,  dans  leurs  rapports  entre  eux 
et  avec  le  contenu  de  la  boîte  crânienne,  ainsi  que  les  chan- 
gements survenus  dans  les  cavités,  tant  internes  qu'externes, 
de  la  tête.  En  un  mot,  il  faut  faire  de  i'anatomie  descriptive 
qui,  seule,  permettra  de  se  rendre  compte  des  causes  par 
lesquelles  telles  dimensions  se  trouvent  réduites  ou  exagé- 
rées et  de  retrouver  dans  les  populations  mélangées  les  ca- 
ractères propres  aux  diverses  races  composantes. 

Mais,  pour  cela,  il  faut  faire  des  coupes  dans  différents 
sens,'  en  d'autres  termes,  sacrifier  un  certain  nombre  de 
crânes.  C'est  précisément  ce  que  l'on  tient  à  éviter,  coûte  que 
coûte,  de  crainte  d'abîmer  les  collections.  On  veut  avant 
tout  avoir  de  belles  vitrines,  bondées  de  crânes  intacts,  bien 
rangés  et  étiquetés.  C'est  là  Terreur.  Cette  manie,  si  j'ose 
m'exprimer  ainsi,  arrête  toute  espèce  de  progrès. 
^  Où' en  serait  l'anatomie,  si  le  scalpel  était  proscrit  des 
salles  de  dissection,  et  si,  après  avoir  disposé  les  cadavres  en 


CORRESPONDANCE  MANUSCRITE.  633 

ligne,  on  autorisait  seulement  les  travailleurs  à  prendre  des 
mesures  de  longueur,  largeur  et  épaisseur,  môme  en  leurre- 
commandant  de  faire  ensuite  tous  les  calculs  possibles  d'in- 
dices, c'est-à-dire  de  probabilités?  On  ne  fait  pourtant  pas 
autre  chose  avec  les  crânes  de  nos  collections.  On  croirait 
vraiment  que  Tanatomie  est  inutile  en  craniologie. 

Si  nous  voulons  progresser  dans  la  connaissance  des  races 
humaines  et  arriver  à  faire  pénétrer  l'anthropologie  dans 
l'enseignement  universitaire,  il  faut  d'abord  modifier  profon- 
dément cette  méthode  bizarre  qui  éloigne  de  cette  étude  les 
vrais  anatomistes.  Autrement,  suivant  la  parole  de  M.  Man- 
tegazza  :  a  Ces  accumulations  de  crânes  dans  nos  musées  et 
de  chiffres  dans  nos  archives  ne  nous  conduiront  qu'à  des 
déceptions.  » 

—  Plusieurs  membres  demandent  la  parole  ;  mais  la  dis- 
cussion est  renvoyée  à  la  suite  de  l'ordre  du  jour, 

CORRESPONDANCE. 

i*  Une  lettre  de  M™*»  G.  Geslin,  annonçant  à  la  Société  la 
mort  de  M.  Geslin,  membre  titulaire  de  la  Société; 

T  Une  lettre  de  M.  le  docteur  Durand  {de  Gros),  ancien 
membre  démissionnaire,  exprimant  le  désir  de  reprendre  sa 
place  dans  la  Société  ;  selon  la  pratique  ordinaire,  il  est  fait 
immédiatement  droit  à  la  demande  de  M.  Durand  (de  Gros)  ; 

3*  Une  lettre  de  VL  le  docteur  Catat,  demandant  à  faire 
partie  de  la  Société,  comme  membre  titulaire.  M.  Gatat  est 
présenté  par  MM.  Hamy,  Delille  et  Verneau  ; 

4«  Une  lettre  de  M"°  Jeanne  Bertillon,  ainsi  conçue  : 

Fontenay  (Loij-el),  jeudi,  4  août  1887. 

«  Monsieur, 

«  Je  reçois  à  l'instant  le  deuxième  fascicule  des  Bulletins 

de  la  Société  d'anthropologie^  et,  en  réponse  à  la  question  de 

M. 'Daily  (p.  157)  relative  à  mon  travail  sur  l'indice  encé- 

phalo-cardiaque,  je  viens  vous  dire  que  les  tableaux  qui  ont 


634  sAiNCB  DU  SO  oaroBim  1887. 

fait  l'objet  de  la  lecture  du  3  mars  1887  sont  tous  de  moi,  à 
rexception  du  tableau  n^  6,  qui  indique  le  rapport  de  Tencé-* 
pbale  au  oœur,  et  dont  je  n'ai  été  que  l'instrument  près  de 
II.  le  professeur  Parrot. 

M  Je  crois  deTolr  répéter  encore,  et  pour  Tezactitude  des 
choses,  et  pour  la  valeur  qu'on  doit  accorder  à  mes  chiffres, 
que  ce  travail  est  basé  sur  les  autopsies  que  M.  Parrot  faisait 
lui-même.  Je  n'ai  d'-ailleurs  aucune  observation  originale, 
aucune  note  manuscrite,  je  ne  possède  que  les  données  sta- 
tistiques que  M.  Parrot  me  faisait  relever  chaque  année. 

a  Avec  mes  remerciements,  veuille2  agréer,  monsieur  ie 
secrétaire  général,  l'expression  de  mes  sentiments  distingués. 

((  Jeanne  Behtillon.  »  . 

OIJVRAGES  OFFERTS. 

Association  française  pour  l*avancement  des  sciences*  Tou- 
louse,M887,  in-8%  il50  pages. 

Brinton  (D.).  Prehtsloric  Chronohgy  of  America.  Salem, 
i887,  broch,  in-8%  21  pages. 

Bella  (A.  de).  Prolegoment  di  filosofia  elementare,  Turin, 
i887,  in-8%  173  pages. 

Ploss  (H.).  Das  Weib  in  derNatur-und  Vôlkerkunde.lïvr.i, 
5,  6,  7.  Leipzig,  4887,  in-8\ 

Letourneau.  L Evolution  du  mariage  et  de  la  famille,  Paris, 
1888,  in-8%  467  pages. 

Marche  (A.).  Luçon  et  Palaouan.  Paris,  1887,  in-12,  406 
pages. 

Marey.  Recherches  expérimentales  sur  la  morphologie  des 
muscles  (Bxtr.  des  Comptes  rendus  des  séances  de  l'Académie  des 
sciences),  1887,  broch.  in-4°,  G  pages,  2  planches. 

Ploi3(  (C).  La  Grande  Ourse  (Ëxtr.  de  la  R&me  des  traditions 
populaires).  Paris,  1887,  broch.  in-8°,  8  pages. 

Leboucq  (H.).  L  Apophyse  styloîde  du  troisième  métacarpien 
chez  l'homme.  Gand,  1887,  broch.  in-8*,  15  pages. 

—  La  Nageoire  pectorale  des  cétacés.  léna,  1887,  broch. 
in-8%  7  pages. 


OUTRAGBS  0FFIRT8.  63S 

M.  Mathias  DuTiL.  De  la  pari  de  M*  H.  Leboucq,  professeur 
à  rUniversité  de  Gand,  j'ai  rhonneur  de  faire  hommage  à  la 
Société  de  ces  deux  mémoires  sur  le  squelette  des  membres. 

Le  premier,  intitulé  fApophy^e  styloîde  du  troisième  méta- 
carpien chez  V homme,  signale  la  tendance  de  cette  partie  os- 
seuse à  se  développer  codime  os  distinct,  fait  qui  se  repro- 
duit parfois  pour  le  deuxième  métacarpien.  Or,  cette  année 
même,  notre  collègue  ë.  Guyer,  dans  une  récente  séance, 
nous  présentait  une  pièce  où  on  voyait  un  os  accessoire  sur 
la  partie  externe  de  la  seconde  rangée  du  carpe,  os  qu'il  pen- 
chait à  considérer  comme  une  partie  détachée  du  premier 
métacarpien.  Les  faits  exposés  par  M.  Leboucq  viennent 
rendre  cette  interprétation  très  probable,  et  font  série  avec  le 
fiiit  de  M.  E.  Guyer. 

Le  second  mémoire,  intitulé  la  Nageoire  pectorale  de$  cé- 
tacés au  point  de  vue  phylogénique,  montre  que  la  main  des 
cétacés  est  un  organe  plus  parfait  à  Tétat  embryonnaire  qu'à 
rétat  adulte. 

U.  G.  DE  MoRTiLLET  présente  onze  numéros  de  f  Homme,  du 
10  avril  au  10  septembre  1887.  Cette  publication  contient  un 
grand  nombre  d'articles  de  divers  de  nos  collègues  de  la 
Société  d'anthropologie.  M.  Paul  Sébillot  y  poursuit  des  re- 
cherches sur  les  traditions  populaires,  surtout  en  ce  qui  con- 
cerne les  os  de  morts.  M.  Ph.  Salmon  y  a  inséré  un  impor- 
tant travail  sur  les  races  humaines  préhistoriques.  M.  Georges 
Hervé  s*est  occupé  des  Primates  à  propos  de  Jules  Simon. 
M.  Fauvelle  continue  ses  spirituelles  poursuites  contre  les 
abus  scientifiques;  M.  Collineau,  ses  recherches  sur  les  infé- 
rieurs. M.  Léon  Monceion  nous  y  fait  connaître  les  Canaques 
sous  un  jour  tout  à  fait  nouveau.  M.  Paul  Nicole  y  expose 
l'histoire  naturelle  de  l'Etre  suprême,  et  M.  P.  Pommerol 
nous  entretient  du  culte  de  Taranis  en  Auvergne.  Enfin, 
nous  citerons  encore  une  recherche  sur  le  solutréen  en  Italie, 
par  M.  A.  de  M ortillet  ;  des  considérations  sur  la  neutralité 
de  renseignement,  par  M.  Issaurat,  et  une  statistique  des 
étrangers  en  France,  par  M.  Mondièfe.  A  ces  travaux  origi- 


636  SÉANCE  DU  âO  OCTOBRE  1887. 

naux  se  joignent  de  nombreux  articles  de  bibliographie  et 
des  nouvelles  très  variées. 


OBJETS  OFFERTS. 

Crânes  de  Mandîngues,  —  M.  Manouvrier.  J'ai  Thonneur 
d'offrir  à  la  Société,  au  nom  de  M.  le  docteur  Frab,  médecin 
de  la  marine,  13  crânes  complets,  3  mandibules  isolées  et 
divers  autres  ossements  de  race  mandingue  recueillis  à  Seyla, 
province  de  Sakho,  bassin  du  Haut  Bakoy.  Ces  ossements 
proviennent  d'individus  massacrés  par  ordre  de  Samory,  roi 
des  OuassoulouSy  en  1885,  pour  avoir  surtaxé  des  commer- 
çants de  passage.  Ils  peuvent  être  joints  à  ceux  qui  ont  déjà 
été  donnés  à  la  Société  par  M.  le  docteur  Fras  (séance  du 
21  juillet  1887),  car  Torigine  est  la  même. 

Je  n'ai  pas  fait  l'étude  de  ces  13  crânes,  mais  je  puis 
cependant  noter  ici  quelques  faits  que  j'ai  remarqués,  en 
attendant  une  description  plus  complète. 

Ils  diffèrent  beaucoup  entre  eux  sous  le  rapport  de  l'in- 
dice orbitaire,  qui  varie  de  la  microsémie  jusqu'à  la  méga- 
sémie,  et  sous  le  rapport  de  la  distance  spino-alvéolaire,  qui 
varie  de  13  à  31  millimètres. 

Sur  ces  13  crânes,  il  y  en  a  3  qui  présentent  une  synos- 
tose  de  la  suture  sagittale  avec  les  caractères  de  la  préma- 
turation de  cette  synostose.  Sur  un  quatrième  crâne,  celle-ci 
est  également  complète  et  certainement  précoce,  puisque  le 
crâne  est  jeune,  mais  elle  semble  avoir  été  moins  précoce  que 
sur  les  trois  autres. 

La  fréquence  de  cette  synostose  dans  une  série  aussi  faible 
est  vraiment  extraordinaire,  etily  alieu  de  se  demander  quelle 
en  a  été  la  cause.  Peut-être  s'est-elle  produite  sous  l'influence 
de  coups  portés  sur  la  tète,  car  j'ai  lu,  je  ne  sais  où,  que 
dans  certaines  contrées  de  l'Afrique,  les  nègres  s'amusent 
parfois  à  se  frapper  mutuellement  ayec  des  bâtons.  Quoi  qu'il 
en  soit,  j'ai  cherché  à  savoir  si  la  synostose  précoce  de  la 
suture  sagittale  n'avait  point  contribué  à  abaisser  sur  les 


msiSussiON.  637 

quatre  crânes  en  question  le  chiffre  de  l'indice  céphalique, 
fait  dont  j'ai  montré  la  possibilité  dans  un  récent  mémoire  (1). 
Pour  cela,  j'ai  mesuré  les  13  crânes  et  les  ai  rangés  en  série, 
d'après  Tindice  céphalique  décroissant  : 

Diamètre  Diamètre 

Naméroe.        antéro-postérieur     transversal       Indice 

maximum.  maximum,    cépbaliqae. 

14...  r ..  180  138  76.66 

13 180  136  75.55 

11 182  185  74.17 

9 191  140  73.80 

18 186  1S4  72.04 

10 192  138  71.87 

19 173  124  71.67 

15 188  130  71.04 

21 182  128  70.30  — 

20 198  134  67.67  + 

17 191  128  67.01 

12 194  129  66.49  + 

16 189  124  65.61  + 

Le  crâne  désigné  par  le  signe  —  est  celui  dont  la  synos- 
tose  sagittale  est  précoce  sans  être  aussi  avancée.  Les  trois 
crânes  désignés  par  le  signe  +  sont  ceux  dont  la  s}mostose 
sagittale  présente  tous  les  caractères  de  la  prématuration. 
Cette  synostose  ne  s'est  pas  produite  assez  tôt  pour  entrsdner 
la  scaphocéphalie,  mais  elle  s'est  produite  assez  tôt  pour  abais- 
ser l'indice  céphalique,  car  Ce  n'est  point  par  hasard  que  ces 
trois  crânes  figurent  parmi  les  quatre  plus  dolichocéphales 
de  la  série.  C'est  un  nouveau  fait  à  ajouter  à  ceux  qui  sont 
exposés  dans  le  mémoire  cité  plus  haut.  Je  dois  donc  des 
remerciements  personnels  à  M.  le  docteur  Fras  pour  le  don 
important  qu'il  vient  de  nous  faire. 

Discussion. 

M.  TopiNARD.  Lorsque,  hier,  M.  Manouvrier  m'a  fait  remar- 
quer la  fréquence  relative  de  la  synostose  prématurée  de  la 
sagittale  dans  cette  série  de  nègres,  il  a  ajouté  cette  réflexion 

i  Manouvrier  et  Chantre,  la  Dolichocéphaliê  anormale  par  synostose  pré* 
mcUurée  <U  Ut^uture  sagiltalê  (Bull,  de  la  Soc.  éCanthr»  de  Lyon^  1886). 


638  8ÉANCB  DU  «û  QGTOBRB  1887. 

que  les  petits  nègres,  dans  te  pays  des  Mandingues,  s*amasent 
volontiers  à  se  donner  de  grands  coups  de  bâton  sur  la  tète 
pour  savoir  lequel  supporte  les  coups  les  plus  rudes.  Or,  rien 
n*est  plus  capable  d'engendrer  des  ostéites  comme  Tun  de  ces 
crânes  en  porte  des  restes  évidents,  susceptibles  d'amener 
une  synostose  prématurée  des  sutures  de  la  voiite.  Je  pense 
donc  qu'il  faut  souligner  la  réflexion  de  M.  Manouvrier,  ne 
serait-ce  que  comme  une  hypothèse. 

M.  Manouvrier  partage  cet  avis.  U  fait,  en  outre,  remar- 
quer, sur  ub  des  crânes  synostosés,  la  grandeur  des  trous  pa- 
riétaux. Cette  dilatation  pourrait  bien  être  la  conséquence  de 
Tétat  variqueux  des  vaisseaux  que  le  traumatisme  aurait 
produit. 

OAMe  é9  pirate  lenklnoU  oVcrt  pfir  H.  E«  Roelier. 

M.  TopiNARD  donne  lecture  de  la  lettre  suivante  : 

«  Je  profite  du  départ  de  mon  ami,  M.  Wehmng,  bôfres- 
pondant  du  Tefnps  att  Tohkîn,  pour  vous  envoyer  un  crâne 
de  métis  chinois. 

«  Ce  crâne  provient  d*un  grand  chef  pirate,  taort  des  suites 
d'une  blessure  aux  lies  de  la  Cackoh.  Cet  individu,  natif 
d'Haïnaiï,  était  le  produit  d'une  femme  ëfainolse  mariée  à  un 
Haca  ou  Hacka.  Gomme  nous  avoils  Ici  plusieurs  types  de  ce 
genre  de  croisement,  que  la  race  est  forte  et  vigoureuse,  j'ai 
pensé  que  ce  spécimen  pourrait  avoir  un  intérêt  pour  la  So- 
ciété. 

a  Veuilles  agréer,  etc.  a  B.  Rochbr.  » 

Ce  crâne,  ajoute  M.  Topinard,  a  bien  le  caractère  des  races 
chinoise  et  indo-chinoise  en  ce  qui  concerne  la  face,  mais 
par  le  crâne  il  a  an  indice  céphalique  plutôt  bas.  Il  est  doli- 
chocéphale, quelle  que  soit  la  nomenclature  adoptée.  C'est 
un  nouveau  fait  à  l'appui  de  la  thèse  que  j'ai  souvent  sou- 
tenue, que  les  races  jaunes  ne  sont  pas  aussi  brachycéphales 
qu'on  le  croit,  et  que  parmi  elles  s'en  trouvent  de  dolicho- 


GRAINE   SB  MBAtt  TONKINOIS.  639 

céphales.  Dans  l'empire  chinois  en  particulier,  Télément 
brachycëphale  semble  venir  des  Mongols  et  Mandchoux, 
c'est-à-dire  de  populations  relativement  récentes  ayant  joué 
le  rôle  de  dominateurs  depuis  quelques  siècles  avant  Jésus- 
Christ  pour  le  moins,  tandis  que  l'élément  dolichocéphale 
semble  devoir  être  rapporté  à  des  populations  plus  anciennes, 
que  les  Annales  de  Han  indiquent  et  nous  montrent  déjà 
refouléeS)  pHuôlpalement  au  sud^  dans  la  province  actuelle  de 
Tsé-Ghonan  et  dans  les  montagnes  qui  touchent  à  Tlndo* 
Chine.  Il  est  probable  que  ces  populations  anciennes  dési* 
gnées  dans  ces  Annales  sous  le  nom  de  Jungs,  ont  pour 
représentants  actuels  les  tribus  indépendantes  dites  Abori" 
gènes  et  plus  ou  moins  sauvages,  qu'on  retrouve  aujourd'hui 
dans  la  même  région  et  sur  lesquelles  nous  sommes  si  mal 
renseignés,  telles  que  les  Miaotsés,  les  Lolos  et  plus  bas  les 
Mois,  etc.  Les  Hakkas  se  rattachent-ils  au  même  groupe, 
quoique  habitant  aujourd'hui  la  province  de  Canton.  C'est  ce 
que  j*igiiore,  même  après  la  savante  dissertation  de  M.  Zabo- 
rowski,  à  propos  des  cinq  crânes  que  nous  possédons  offerts 
par  M.  Lagréoée. 

En  tout  cas,  la  question  suivante  se  pose  à  propos  de  ce 
crâne  ;  tient-il  sa  dolicbocéphalie'  de  sa  mère  chinoise  ou  de 
son  père  hakka?  Les  cinq  Hakkas  que  j'ai  mesurés  hier,  ont 
les  indices  suivants  :  69.6,  75.2,  76.3,  78.8  et  82.5,  c'est- 
à-dire  une  moyenne  de  76.5.  La  moyenne  des  Chinois  en 
général  est  de  77.0.  La  différence  est  faible.  Du  reste,  l'écart 
de  69  à  82  est  trop  fort  chez  ces  cinq  Hakkas  pour  qu'on  puisse 
se  fier  h  leur  moyenne  ;  la  série  est  aussi  mélangée  que  pour- 
rait l'être  une  série  quelconque  de  Chinois. 

Il  n'y  a  donc  pas  de  oonolusion  à  tirer  de  ces  rapproche- 
ments, et  je  ne  pe^x  qu'attendre  pour  la  solution  du  pro- 
blème que  j'aimerais  tant  à  voir  résoudre  :  étant  donnée  la 
dolichocéphalie  qu'on  rencontre  si  fréquemment  en  Chine  et 
eu  Indo-Chine,  à  quel  groupe  de  population,  à  quel  élément 
ethnique,  ancien  ou  actuel,  faut-il  la  rapporter  ? 


640  SÉAKCE  DU  30  OCTOBRE  1887. 

Monlages  ées  types  erABiema  du  WmtUmh^rg  $ 
oflèrts  par  H.  de  Hôlder. 

M.  TopmARD.  Ces  moulages,  envoyés  à  notre  laboratoire 
par  notre  collègue,  le  docteur  de  Hôlder,  sont  au  nombre  de 
six  :  deux  d'adultes  et  cinq  de  nouveau-nés  et  de  fœtus.  Les 
deux  premiers,  ajoutés  à  un  autre  que  M.  de  Hôlder  nous  a 
précédemment  adressé  et  que  je  vous  ai  présenté,  sont  la 
représentation  des  trois  types  crâniens  principaux  qu'on 
rencontre,  d'après  lui,  dans  le  Wurtemberg.  Ils  reposent  sur 
Fétude  raisonnée  de  plus  de  cinq  cents  crânes  anciens  et  mo- 
dernes, que  M.  de  Hôlder  a  eus  entre  les  mains  à  Stuttgart  et 
dont  un  certain  nombre  sont  déposés  au  musée  de  Stuttgart, 
où  je  les  ai  vus. 

Le  premier  type  est  le  germanique  et  est  caractérisé  à  son 
maximum  dans  les  tombeaux  en  rangées  de  Tépoque  iranco- 
alemane.  Voici  ses  caractères  :  dolicbocépbale,  front  étroit, 
occiput  proéminent,  hauteur  du  crâne  cérébral  l'emportant 
sur  sa  largelir,  côtés  du  crâne  presque  verticaux  ;  face  étroite 
et  baute,  prognathe  dans  son  ensemble,  bien  qu'il  y  ait  sou- 
vent un  certain  prognathisme  alvéolo-sous-nasal;  nez  lep- 
torrhinien^  grand,  saillant  ;  orbites  mégasèmes  ;  pommettes 
fortes,  mais  verticales  ;  maxillaire  inférieur  fort  et  haut. 

Le  second  type  est  le  touranierij  ainsi  appelé  parce  que  la 
forme  du  crâne  se  rapproche  de  celle  des  crânes  turcs,  mon- 
gols, tartares  et  lapons.  Voici  ses  earactères  :  brachycéphale, 
front  large,  occiput  vertical^  côtés  du  crâne  arrondis,  base  du 
crâne  moins  large  que  sa  voûte  ;  face  large,  courte,  arrondie, 
presque  orthognathe;  nez  petit,  aplati;  peu  saillant;  orbites 
microsèmes,  â  en  juger  par  le  moulage  ci-contre;  pommettes 
saillantes  â  bord  inférieur  s'écartant  en  dehors  ;  maxillaire 
inférieur  petit  et  bas. 

Le  troisième  type  ou  sarmate,  ainsi  appelé  parce  qu'il 
se  rencontrerait  fréquemment  parmi  les  populations  slaves, 
présente  à  son  tour  les  caractères  suivants,  en  général  inter^ 
médiaires  à  ceux  des  types  précédents  :  sous-bracbycéphale. 


TYPES  CRANIENS  DU  WURTEMBl^G.  64i 

sinon  mésaticéphale,  front  moyen,  hauteur  et  largeur  du 
crâne  presque  égales,  côté  du  crâne  intermédiaire,  arrondi 
et  vertical,  base  du  crâne  moins  longue  que  la  voAte  comme 
dans  le  type  touranien,  mais  comparativement  plus  large  ; 
face  haute  et  étroite,  mais  moins  que  dans  le  type  germa- 
nique, et  presque  orthognathe;  nez  et  orbites  moyens;  pom- 
mettes intermédiaires  aussi  aux  deux  types  précédents  ; 
maxillaire  inférieur  d'une  hauteur  moyenne. 

Ces  deux  derniers  types  de  M.  de  Hôlder  sont  toutefois  rares 
dans  le  Wurtemberg  à  Tétat  de  pureté.  Les  plus  fréquents  sont 
des  types  croisés  intermédiaires,  soit  entre  eux  directement^ 
soit  entre  eux  et  le  type  germanique. 

Quant  aux  moulages  de  nouveau-nés  et  de  fœtus,  ils  prou- 
veraient que  dès  le  sein  de  la  mère  ces  types  sont  déjà 
sensibles.  Toutefois,  ajoute  M.  Topinard,  il  importe  de 
remarquer  que  les  caractères  indiqués  sont  insensibles  sur  la 
face  et  se  réduisent  sur  le  crâne  à  des  questions  de  degrés 
analogues  dans  la  braohycéphalie  ou  la  dolichocéphalie. 

En  tout  cas,  ces  moulages  ont  un  grand  avantage,  c'est  de 
nous  résumer  d'une  façon  palpable  les  idées  de  M.  de  Hôlder, 
qui,  du  reste,  s'accordent  dans  une  certaine  mesure  avec 
celles  d'autres  auteurs  dans  l'Allemagne  méridionale,  sauf  en 
ce  qui  concerne  les  dénominations.  Ainsi,  le  type  dolichocé- 
phale à  face  étroite  de  Ranke,  le  type  dolichocéphale-lepto- 
prosope  de  Kollmann,  le  type  de  Hohberg,  de  Rutimeyer  et 
His,  seraient  le  même  que  le  germanique  de  Hôlder.  Le  type 
brachycéphale  à  face  large  de  Ranke  et  le  type  brachycéphale 
chamœprosope  de  Kollmann  seraient  identiques  au  type  tou- 
ranien de  Holder.  Le  type  brachycéphale  à  face  étroite  de 
Ranke,  le  type  de  Dissentis  de  Rutimeyer  et  His,  et  le  type 
brachycéphale-leptoprosope  de  Kollmann  seraient  les  mêmes 
que  le  type  sarmate  de  Hôlder. 

Je  pense  donc  exprimer  à  la  fois  les  sentiments  de  la 
Société  et  ceux  du  Laboratoire,  en  remerciant  M.  de  Hôlder 
de  son  précieux  envoi. 

7.  X  (3*  SiBUJ.  41 


BikbiUiibn. 

M.  ManoÛvrier  fait  toiile  espèce  dé  réserves  sûir  lis  carac- 
tères ethnic[ues  attribués  aux  crânes  de  telus  et  dfe  hoiiveau- 
nés. 

h.  ÈauvellÊ.  Je  ne  veux  pas  ôuVrîr  prériâ&turémelit  la 
discussion  sûr  la  tfanioînétrié,  niais  il  nié  sémtlé  qiiè  ce  qiië 
nous  venons  d'entenarë  conurmè  sihgiilièfëméiil  inon  àrgu- 
niehtation.  Est-ce  à  rÂlleihand  bu  àli  Français  qui!  miit 
ràtlrindér  r  Je  n'efl  sais  rien,  lïlàis  tout  ce  tjui  vient  cl*êlré  dil 
est  tort  obscur. 

M.  Yves  Ménard  est  nommé  membre  titulaire  à  l'unanimité 
de  26  votants. 

PRÉSENTATIONS. 

Ctthllië  p^élsbèë  \ 

m  «.  bixHiétt  ^É&rttËGAy. 

M:  OLEt^tfiR  BBAtmBGiRD  présente  à  la  Société  une  jeun^ 
fillfe  atteinte  de  banitle  précofcej  et  ibumit  à  son  siyet  les  ren- 
sei^n^nietits  stiivauts  : 

Emilie  SbilM  fest  née  à  Paris,  le  18  juillet  1878: 

A  kjuatre  àriài  Éiiiilie  a  fait  une  chute,  et  Son  fronlj  violem- 
mbrtt  heurté;  jlorte  à  sa  partie  supérieure;  dans  la  direction 
du  nez;  une  cicatrice  horizontale^  longue  de  3  centimètreis 
erivirôh: 

C'est  postérieurement  à  cet  accident  que  la  chevelure 
d'Emilie  a  fourni  les  premiers  témoignages  de  canitie: 

Cette  légère  infirmité  est  attribuée»  par  les  parents  d'Emilie^ 
à  l'accident  dont  elle  a  pftti. 

Quoique  alerte  et  gaie  et  avec  la  face  agréablement  cdWrcei 
Emilie  paraît  être  d'une  débile  santé^  Par  exemple^  fcUe  a  fré^ 
quemment^  la  nuit,  des  bémorrhagies  nasales. 


CLÉMENCE    ROYER.  —   VARiÀBiÙlÉ   DÉS   MUSCLES.  BI^ 

iVIaîs  accident  et.  débile  sàîité  peuvent  biéii  ii*8trb  pkè  Id 
cause  direclë  dé  la  décrépitude  prôcôCe  de  Ik  chevfeltlrë 
d'Érailië;  il  y  a,  eîi  effet,  des  antécédents  dans  sa  famille  :  â 
dix-sept  ans,  son  gi^and-père  patët'nëHëtdit  déjà  gHsôtiûatit, 
et  à  vingt  ans,  il  avait  la  chevelure  d'un  vieillard. 

fiiâcussiôii. 

M.  ToPiNARD.  C'est  une  canitie  prématurée  héréditaire. 

M.  Sanson.  Le  grand-père  de  l'enfant  ayant  présenté  la 
même  particularité,  il  y  a  évidemment  hérédité  atavique^ 
prédisposition  des  bulbes  pileux  à  subir  cette  espèce  de  dégé- 
nérescence. 

M.  G.  DE  MoRTiLLET  et  M"""  CLÉMENCE  RoTER  citcut  plu- 
sieurs exemples  analogues  de  canitie  précoce  héréditaire. 

M.  Fauvelle.  Le  traumatisme  du  cuir  chevelu  produit  sou- 
vent une  canitie  partielle  à  l'endroit  lésé.  Le  coup  que  l'en- 
fant a  reçu,  s'il  n'est  pas  l'unique  cause  de  ce  que  nous , 
voyons,  a  pu  favoriser  la  prédisposition  héréditaire  et  la 
rendre  encore  plus  précoce. 

M.  Sanson.  La  canitie  héréditaire  se  manifeste  le  plus  sou- 
vent sans  traumatisme;  il  est  donc  impossible  de  dire  si  dans 
la  circonstance  il  a  eu  une  influence  quelconque. 

VarlitbllUé  morphologique  des  muselés  sons  l'Ioflaence 
des  variations  fonellonnelles  ; 

par   m™**   clémence  ROYER. 

M°^^  DLf:MfeNCE  HbtEfe  présente  à  là  Société  deiix  phdtdgra- 
i)hiéâ  accompagnées  d'tirte  note  boricërnant  ilhe  bomWuhifca- 
tioti  faite  à  l'Académie  des  sbiènces,  par  M.  Marey,  sur 
la  variabilité  de  forme  et  de  longueur  des  muscles  et  des  teil- 
dons,  sous  rinfluence  des  tarlaliôhs  de  leurs  fonctions. 

Cette  communication  est  le  résultat  d'expériences  intéres- 
saîites  que  M.  Marey  poursuit  à  la  station  physiologique  du 
parc  des  Princes, 

Dans  sa  note,  M.  Marey  rappelle  que  Borelli,  il  y  a  deux 


644  SéANCB  DU  âO  OCTOBRE  1887. 

siècles,  a  fait  voir  que  l*effort  dont  un  muscle  est  capable  est 
proportionnel  à  la  section  transversale  de  ses  fibres  rouges, 
tandis  que  l'étendue  de  son  mouvement  est  proportionnelle  à 
leur  longueur.  M.  Marey  ajoute  qu'aujourd'hui  la  notion  du 
travail  mécanique  étant  mieux  définie,  on  peut  exprimer  les 
relations  constatées  par  Borelli  sous  une  forme  précise,  en 
disant  :  Le  travail  qu'un  muscle  peut  produire  est  propor- 
tionnel au  volume  ou  au  poids  de  sa  fibre  rouge,  tandis  que 
les  deux  facteurs  de  ce  travail,  l'effort  et  le  chemin,  sont 
proportionnels,  l'un  à  la  section  et  l'autre  à  la  longueur  des 
faisceaux  contractiles,  le  tendon  n'étant  qu'un  orgcme  de 
transmission  du  travail. 

En  1873,  M.  Marey  a  montré  dans  son  ouvrage  sur  la  Ma- 
chine  animaley  que  Tanatomie  comparée  du  système  muscu- 
laire des  mammifères  et  des  oiseaux  confirme  cette  loi,  et  que 
partout  éclate  une  harmonie  parfaite  entre  les  formes  d'un 
muscle  et  les  conditions  dynamiques  de  son  travail;  de  sorte 
que  les  variations  de  forme  que  présente  un  même  muscle, 
chez  les  différents  animaux,  sont  toutes  motivées  par  les 
exigences  de  leur  type  particulier  de  locomotion. 

«  Un  problème  se  posait  alors,  ajoute  M.  Marey  :  Cette 
harmonie  est-elle  préétablie  dans  les  plans  de  la  nature,  ou 
bien  est-elle  engendrée  par  la  fonction  elle-même?  En 
d'autres  termes,  la  forme  du  muscle  se  met-elle  spontané- 
ment en  harmonie  avec  les  nécessités  de  sa  fonction  ?  » 

C'est  le  problème  de  l'adaptation  des  organes  à  leurs  fonc- 
tions par  l'influence  de  ces  fonctions  mêmes  que  pose  en  ces 
termes  M.  Marey,  c'est-à-dire  la  possibilité  des  variations 
d'organes,  comme  conséquences  des  variations  de  leurs 
fonctions.  C'est  le  problème  capital  de  la  doctrine  de  l'évo- 
lution. 

Pour  des  raisons  diverses,  M.  Marey  inclinait  à  croire  à 
cette  influence  de  la  variation  des  fonctions  sur  les  variations 
de  Torgane,  déjà  attestées  par  les  modifications  constatées 
par  le  docteur  J.  Guérin  dans  la  longueur  des  tendons  à  la 
suite  d'ankyloses.    Mais  tandis  que  J.   Guérin  considérait 


CLÉMENCE  ROYER.  —  VARIABILITÉ  DES  MUSCLES.  645 

comme  une  dégénérescence  pathologique  des  tissus  du 
muscle  Taccroissement  de  sa  partie  tendineuse,  M.  Marey 
penchait  à  croire  qu'un  muscle,  dont  les  mouvements  sont 
réduits  par  une  ankylose  partielle,  réduit  spontanément  la 
longueur  de  sa  fibre  rouge  et  n*en  garde  que  ce  qui  est  néces- 
saire  à  l'étendue  actuelle  de  ses  mouvements.  Il  interprétait 
ainsi  rallongement  des  tendons  et  le  raccourcissement  de  la 
fibre  rouge  chez  les  vieillards,  dont  les  mouvements  perdent 
peu  à  peu  de  leur  étendue. 

En  Allemagne,  le  docteur  William  Rouf  était  arrivé  aux 
mêmes  conclusions  dans  son  travail  sur  la  morphologie  des 
muscles;  et  M.  Marey,  dans  son  cours  au  Collège  de  France, 
a  inféré  de  cette  loi  que  la  forme  spéciale  des  muscles  gastro- 
cnémiens,  chez  le  nègre  et  chez  le  blanc,  doit  être  en  har- 
monie avec  les  conditions  de  leur  travail. 

Il  semble,  en  effet,  tout  naturel  d'admettre  que,  chez 
le  nègre  et,  en  général,  chez  tous  les  peuples  sauvages,  la 
forme  du  mollet  soit  en  harmonie  avec  la  course  et  en  général 
avec  une  plus  grande  amplitude  des  mouvements  dans  la 
marche  ;  tandis  que  chez  le  blanc  ou,en  général,chez  l'homme 
civilisé,  la  marche  plus  lente,  à  plus  petits  pas,  la  station 
debout  et  Faction  des  muscles  des  jambes  dans  le  travail,  soit 
pour  porter  des  fardeaux,  soit  pour  s'arc-bouter  dans  l'effort 
pour  pousser  ou  traîner,  a  dû  développer  surtout  la  section 
des  mêmes  muscles  plutôt  que  leur  longueur.  Or,  il  est  re- 
marquable que  le  nègre  se  promène  rarement,  et  il  reste 
rarement  arrêté  en  station  droite.  11  se  couche  ou  s'accroupit 
dès  qu'il  ne  marche  plus,  et  court  plus  volontiers  qu'il  ne 
marche,  faisant  ainsi  le  même  chemin  en  moins  de  temps, 
grâce  à  des  mouvements  plus  étendus. 

((  Si  les  nègres  semblent  avoir  peu  de  mollet,  observe 
M.  Marey,  c'est  que  leurs  muscles  gastrocnémiens  sont  longs 
et  minces,  se  prolongeant  en  bas  aux  dépens  du  tendon 
d'Achille,  comme  on  peut  le  voir  sur  l'une  des  photographies 
que  je  présente  à  la  Société,  et  que  reproduit  la  note  de 
M.  Marey.  Le  nègre  possède  cependant,  dit-il,  une  incontes- 


646  SÉANG^  DU  20  OCTOBRE  i887. 

table  aptitude  à  la  piarcl^e.  Si  ses  muscles  gastrocnémiens 
ont  upe  plus  petite  section  que  chez  le  blanc,  et  par  conséquent 
moins  de  force,  ils  doivent  avoir  des  mouvements  plus 
étendus  et  faire  dès  lors  le  piême  travail  que  des  muscles 
plus  gros,  mais  dont  les  mouvements  sont  moindres.  S'il 
en  est  ainsi,  les  gastrocnémiens  des  nègres  doivent  agir  sur 
un  bras  de  levier  plus  long,  et  leur  calcanéum  doit  être,  par 
conséquent,  plus  long  que  celui  du  blanc.  » 

M.  Marey  a  vérifié  cette  prévision  sur  les  squelettes  de 
notre  musée  d'anthropologie,  et  a  trouvé  qu'en  effet  la  lon- 
gueur moyenne  du  calcanéum  du  nègre,  mesurée  du  centre 
du  mouvement  articulaire  à  l'attache  du  tendon,  est  à  cette 
longueur  chez  le  blanc  comme  7  est  à  5. 

Il  en  résulte  que  le  pied  du  nègre  est,  en  général,  plus  long 
et  paraît  moins  cambré  que  celui  du  blanc;  mais  déjà 
M.  Marey  avait  montré  dans  des  travaux  antérieurs,  qu'un 
grand  pied  est  favorable  à  la  rapidité  de  la  marche  en  ce 
qu'il  allonge  le  pas,  et  doit  ainsi  être  en  relation  avec  des 
mouvements  musculaires  plus  étendus  et  conséquemment 
avec  dc§  gastrocnémiens  plus  longs,  quoique  peut-être  plus 
minces,  le  pied  faisant  une  plus  grande  part  du  travail 
total,  ^l'outes  ces  variations  seraient  donc  bien  corrélatives, 
s'appelant  et  tendant  à  se  produire  les  unes  les  autres. 

M.  Marey  a  eu  l'idée  de  soumettre  cette  loi  de  corrélation 
à  la  vérification  expérimentale.  Disposant,  à  la  station  phy- 
siologique du  parc  des  Princes,  d'un  grand  terrain  où  il  peut 
garder  des  animaux  en  liberté  sans  que  leurs  mouvements 
soient  entraves  par  la  réclusion,  il  réséqua  le  calcanéum 
de  plusieurs  chevreaux  et  lapins,  de  manière  à  réduire 
environ  de  moitié  le  bras  de  levier  du  muscle  postérieur  de 
la  jambe. 

11  possède  aujourd'hui  plusieurs  lapins  ainsi  opérés  depuis 
plus  d'un  an,  et  chez  lesquels  l'opération  faite  par  la  méthode 
antiseptique  a  été  suivie  d'une  cicatrisation  rapide.  L'un  de 
ces  animaux  a  été  sacrifié  en  même  temps  qu'un  autre  lapin 
normal,  et  la  dissection  de  leurs  muscles  postérieurs  a  con- 


DlSCUSSICm  ^U^  U  YARI^BI^Tl^  J\^^  IIUSGLES.  g^ 

fjw^^  |;oute8  s^s  préYisjOR^  quant  a^^f  njQpUQcatiflug  çroçlj}itep 
sur  je  Japin  opéré. 

L*qne  ^e^  pbptpgrapjjies  gue  jeyqus  préspnte  moptre  q^f{  les 
clfangQmepts  préyus  se  sont  appompl^s  :  tandis  q]ig  suc  le  lajjip 
fiprmc^l  les  faisceaux  rquges  et  leurs  tendon^  sont  à  ppu  près 
de  la  même  longueur,  sur  le  lapin  dont  le  pdcai|é(im  a  été  r^- 
séqué^  |a  Iqp^ueur  (lu  inpscle  n*est  p}u^  gP^f?  ^^^  ^^.  mgftié 
de  çel}e  du  tendqn. 

Les  mesures  pfisps  par  M.  Mafey  lui  oi^t  dopné  le^  çWfffgs 
suivants  : 

opéré.      DorBaT* 

Longueur  du  muscle %lm¥^       ziwm 

fJf^qç^e»^c  du  feq4flB :•::••.•••-:       M  3e 

M.  Marey  a  vefrié  rqpéjra^pn  de  (iiver^es  njaqi^re^j.  \\  a 
pl^prché  à  réduire  les  moqyemepts  ep  4^taçb^]:f^  les  tendp|}s 
du  calcanéuip  sur  lequel  ils  se  réfléphissent  en  y  contractait 
des  ^dhérenpes^  puis  en  luxant  la^praleipent  pps  tpndpji?.  Ifi 
résultat  a  été  le  même  que  celui  de  la  résection  ;  Jes  mô}flp? 
changement^  ^e  son^  prpdujts  d^ns  la  longueur  relative 
du  muscle  et  du  tendon.  «  ^1  ^evajt  en  être  ainsi,  di|,  M.  Macey, 
puisque  dans  les  (leux  c§s.  le  bras  de  levier  de  la  forçp  é^it 
diminpé.  >{ 

M.  Marey  poursuit  encore  d'autres  expériences  ^pftlqgugs 
s^r  ratrophjp  partielle  des  09  des  iijembres,  et  sur  le^  c^fin- 
gements  de  forme  et  de  volume  des  fléchi^s^ufs  du  pied.  Ces 
expériencps  en  cours  p'pnt  pas  encore  donpé  de  résul^ts, 
mais  il  se  djspqse  à  jes  continuer  en  signalc^nt  toute  leiir 
importance,  comme  pouvant  donner  la  preuve  expérimepta|e 
des  théories  tfapsformistes. 

|M«fiU«J|i01}. 

^.  Sanson.  L*£^llopgementdu  tendoq  apx  dépens  di)  muscle 
peut  très  bien  ne  pas  être  la  conséquence  de  phénomènes 
mécaniques,  mais  de  Timmobilité  prplongée  nécessaire  pqijr 


648  SÉANCE  DU  20  OCTOBRE  1887. 

la  consolidation  de  Tos.  Une  expérience  de  contrôle  serait  in- 
dispensable pour  faire  ressortir  la  valeur  de  la  première. 

M"*  Clémence  Royer.  Le  temps  d'immobilité  imposé  à 
ranimai  a  été  très  court.  M.  Marey  prend  soin  de  détruire 
cette  objection  dans  sa  note  en  disant  que  la  cicatrisation  de 
la  plaie  a  été  rapide. 

M.  Manouyrier  fait  observer  que  Ton  attribue  le  volume  du 
mollet  au  raccourcissement  du  calcanéum.  Dans  Texpérience 
en  question,  c'est  le  contraire  qui  aurait  en  lien,  à  en  juger 
par  les  photographies. 

M.  Deniker.  Il  me  semble  qu*on  a  accepté  sans  preuve  suf- 
fisante que  tous  les  nègres  ont  le  mollet  peu  développé.  Tai 
une  observation  personnelle  à  opposer  à  cette  assertion.  Sur 
dix-neuf  Achantis  et  Kroomen  exposés  il  y  a  un  mois  au  Jardin 
d'acclimatation,  j'en  ai  observé  deux  ou  trois  qui  avaient  le 
mollet  peu  développé;  tous  les  autres  présentaient  un  mollet 
plus  ou  moins  musclé  et  aussi  bien  développé  que  chez  la 
majorité  des  Européens.  On  devrait  peut-être  faire  une  res- 
triction, et  dire,  par  exemple,  que  «  certains  nègres  »  (proba- 
blement les  nègres  du  Soudan)  n'ont  point  de  mollet.  Je 
présenterai  des  photographies  à  l'appui  de  mon  assertion. 

M.  Manouvrier.  Quoi  qu'il  en  soit,  tout  le  monde  est  d'ac- 
cord pour  reconnaître  que  les  nègres  ont  généralement  peu 
de  mollet. 

M.  Chudzinski.  Les  Achantis  ne  peuvent  être  regardés 
comme  de  véritables  nègres. 

M.  Deniker.  Tous  les  anthropologistes  les  comptent  parmi 
les  peuples  de  race  nègre  ;  quant  à  leur  pureté,  où  trouver 
des  races  parfaitement  pures? 

M.  TopiNARD.  Moi  aussi,  j'ai  observé  les  Achantis  ou  pré- 
tendus tels,  et  j'ai  trouvé  que  quelques-uns  n'avaient  pas  de 
mollet,  c'est-à-dire  avaient  le  renflement  du  muscle  triceps 
sural  nul,  remplacé  par  un  aplatissement  très  allongé,  le 
point  où  se  dégage  le  tendon  étant  placé  très  bas;  que  d'au- 
tres avaient  un  mollet  vigoureux,  court  el  saillant  ;  et  que 
d'autres  enfin  présentaient  des  degrés  intermédiaires. 


BOBAN.  —    INSTRUMENTS  EN  SILEX.  649 

En  ce  qui  concerne  la  longueur  du  calcanéum,  réputée  plus 
longue  chez  le  nègre,  j'ai  mesuré  quelques  centaines  de  cal- 
canéums  de  races  nègres  et  blanches.  Je  n'ai  pas  encore  établi 
mes  moyennes,  mais  je  puis  dès  à  présent  déclarer  que  cette 
longueur  n*a  jamais  dû  être  jugée  que  par  à  peu  près  et  avec 
des  idées  préconçues. 

H.  Sanson.  Il  est  un  fait  incontestable,  c'est  que  chez 
l'homme  la  longueur  du  calcanéum  varie  beaucoup  et  que  le 
volume  du  mollet  en  est  absolument  indépendant. 

ColleellOB  d'iBStrsmeBts  ea  silex  de  l'Anérl^ae  du  Nord  i 

PAR  M.   BOBAN. 

M.  Bob  AN  a  chargé  le  docteur  Gapitan  de  présenter  à  la 
Société  soixante-cinq  instruments  en  silex  provenant  de  di- 
verses localités  des  Etats-Unis  d'Amérique.  Cette  série,  qui 
lui  a  été  offerte  parleSmithsonian  Institution  de  Washington, 
par  l'intermédiaire  tout  amical  de  M.  Thomas  Wilson,  de 
Washington,  comprend  presque  toutes  les  formes  d'instru- 
ments en  pierre  taillée  que  l'on  rencontre  sur  le  territoire  des 
Etats-Unis.  Si  Ton  étudie  ces  pièces,  toutes  parfaitement  carac- 
térisées, on  reconnaît  facilement  qu'elles  peuvent  être  réduites 
à  un  nombre  minime  de  types.  Or,  et  c'est  là  le  point  important 
sur  lequel  tient  à  insister  M.  Boban,  ces  instruments  sont 
presque  identiques  à  ceux  qui  existent  en  Europe  et  qui  carac- 
térisent les  différentes  époques  de  l'âge  de  la  pierre. Un  premier 
groupe  de  vingt  échantillons  montre  des  spécimens  absolu- 
ment semblables  aux  haches  du  type  chelléen  d'Europe.  Ces 
instruments  sont  les  uns  en  silex,  les  autres  fabriqués  avec 
des  galets  de  quartzite  taillés.  Les  premiers,  de  forme  géné- 
ralement ovale,  rappellent  à  s'y  méprendre  des  pièces  prove- 
nant de  l'Yonne  ou  encore  des  plateaux  de  la  Vienne  ;  les 
seconds  sont  identiques  aux  hachettes  du  Bois-du-Rocher 
près  Dinan  (Bretagne)  ou  aux  pièces  trouvées  aux  environs 
de  Toulouse.  Il  n'y  a  réellement  pas  lieu  de  discuter  l'opi- 
nion générale  des  archéologues  américains,  qui  ne  voient 


dans  ces  ii|strumpntsc[i]e4es  ébaucl^es.  L^^  ppfi^p^f^spif^vec 
des  séries  de  haches  cheHéennes  ^'Europe  pe  pe^mp^  pas 
fl'^tablir  de  différence  entrp  ces  fliverses  pièces.  Pppx  dps 
haches  de  cette  §éfie  (l'une  mesure  45  centimètres)  sont  (je 
forme  triangulaire^  aplatie^,  soigi^eu^pmpnt  travaillées  suf 
une  face  et  peu  sur  l'autre  ;  elles  rappellent  absolunjent  les 
beaux  instruments  (le  la  fin  de  l'époque  chpUéenne,  instru- 
ments de  passage  au  moustérien.  Les  formes  ^eipblables  à. 
celles  de  l'époque  du  Moustier  sont  peu  ahjpndantes  \  dans 
cette  série  cependant  deux  pointes  et  un  racloir  sont  sem- 
blables aux  types  dits  du  Moustier  de  France.  Cette  collection 
renferme  aussi  huit  pointes  d'un  1res  beau  travail,  de  dimen- 
sions variant  de  6  à  i2  centimètres  en  longueur.  Ces  pointes, 
extrêmement  mjnces,  sont  identiques  aux  types  dit^  sqlu- 
tréens  de  France.  Epfîn,  une  dernière  série  est  composée  de 
trente  pointes  de  flèche  à  pédoncules  pu  portant  des  enco- 
ches latérales  à  la  base,  de  dimensions  très  djverses,  de 
3  jusqu'^  12  centimètfes,  toutes  également  bien  travaillées  : 
quatre  de  ces  pièces  représentent  up  type  assez  rare  fi'ail- 
leurs  et  qui  semble  spécial  aux  Etats-Unis;  cp  sont  des 
flèches  à  encoches  latérales  à  la  base,  mais  dont  les  deijx 
bords  latéraux  ne  sont  pas  dans  le  même  plan;  elles  pré§en- 
j^cnt  un  aspect  que  l'on  peut  se  représenter  en  imaginant  (^ue 
la  flèche  a  subi  une  légère  torsion  autour  de  son  gr^nd  a^e,  la 
base  restant  fixe.  Signalons  aussi  deux  nucléi  de  difnensions 
moyennes  et  deux  percuteurs  identiques  aux  sipiilai^cs  d'E|i- 
rope. 

En  somme,  cette  série  démontre  de  la  façon  la  plus  nette  que 
les  instruments  en  pierre  taillée  des  Etats-Unis  sont  presque 
identiques  à  ceux  que  l'on  trouve  en  Europe,  sauf  une  légère 
différence  dans  certains  types  de  pointes  de  flèche.  L'opinjon 
qq'il  s'agit  Jà  d'instruments  fabriqués  tous  à  la  même  époque 
ne  pourrait  guère  se  soutenir  :  en  effet,  le  mode  de  travail  est 
absolument  différent  ;  et,  d'autre  part,  Tidentité  avec  nos 
formes  ne  permet  pa^  plus  d'admettre  la  contpmporauéité  cje 
ces  divers  instruments  qu'il  ne  serait  possible  de  soutenir  que, 


DISGUSSIpN  9Ul(  fpS  mSTRUHENTS  EN  SILEX.  65^ 

en  Frapce,  Iç^  k^^chp  chelléepne  est  contemporaine  4u  tranchef 
néolithique,  ces  cjeux  objets  pussefit-jls  ^t^  prouvés  à  côté 
Vux\  de  l'autre  h  1^  surface  du  sol.  Mais  pour  que  la  démons- 
tration soit  cflpplète,  pour  qu'on  puisse  également  savoir 
quel  est  le  r£^ppqr|;  cjar^s  ]e  tpmps  qui  peut  exister  entre  les 
époques  caractérisées  par  les  mêmes  types  en  Europe  pt  dans 
r^mériqfip  du  Nor^,  il  est  de  toi^te  nécessité  que  des  fouilles 
méthodiques  soient  entreprises  afin  de  trouver  in  situ  les  di- 
verses formes  de  Tâge  de  la  pierre,  d'étudier  leur  stratigra- 
phie, de  rpcj:jpillir  les  débris  osseux  q^i  les  acpompagnent  et 
de  pouvoir  ainsi  reconstituer  la  faune  correspondant  à  chaque 
période.  Seulement  alors  on  pourra  formuler  des  conclusions 
absolues;  w^is,  d'ores  pt  déjà,  il  y  a  de  grandes  présomptions 
pour  croire  que  l'identité  des  formes  doit  pQ^Tespopdro 
au  moins  en  partip  à  upe  classifipatipR  analogue  e\  h  une 
chronologie  sensiblement  la  mêq^e,  ^]x  paoins  pour  les  époques 
primitives,  que  celle  qui  a  été  démontrée  vraie  pour  FEurope 
et  pour  plusieurs  localités  dans  les  autres  parties  dij  monde. 
Ces  faits  ne  sont  cprtes  pas  inédits,  mais  la  série,  assez 
nombreuse  et  absolument  typique  de  M.  Boban,  série  d'ail- 
leurs qui  ne  peut  que  donner  une  faible  idée  des  innombra- 
bles collections  similaires  réunies  aux  Etats-Unis,  surtout 
dans  les  si  remarquables  cojjeclions  du  Smithsonian  Ipstitu- 
tion,  démontre  d'une  façon  absolue  |'iç}eptité  des  formes  ^ 
type  archaïque  des  fltats-Unis  et  fies  formes  ;*éellement  pa- 
lépUthiques  si  fibondantes  eu  Eurppe  et  surtout  en  France. 

Bi8Ca89|QI). 

M.  G.  pE  MoRTn.LET,  Les  pièces  envoyées  par  M.  Boban 
spnt  fort  belles  et  très  intéressantes.  M.  Clapitan  rend  un  vé- 
ritable service  à  la  science  en  cherchant  à  sypchroniser  l'in- 
dustrie de  la  pierre  des  Etats-Unis  avec  celle  de  l'Europe 
occidentale.  Ces  rapprochenaents  sont  fqrt  utiles,  mais,  pour 
les  admettrp  d'une  manière  complète,  il  faut  encore  recueillir 
bipq  des  faits  et  des  observations.  Ce  qi|î  me  paraît  bien 


65Î  SÉANCE   DU  20  OCTOBRE   1887. 

démontré  par  la  présentation  de  M.  Capitan,  c'est  que  Tîn- 
dastrie  de  te  pierre,  dans  les  Etats-Unis,  peut  et  doit  se  di- 
viser en  deux  parties  très  distinctes  :  Tune  se  rapportant  à 
la  portion  la  plus  ancienne  de  notre  paléolithique,  le  chel- 
léen  et  Je  moustérîen;  Tautre,  beaucoup  plus  récente, 
représentant  le  néolithique,  qui  a  continué  en  Amérique 
bien  plus  longtemps  qu'en  Europe.  C'est  là  un  grand  point 
d'acquis. 

laatraaMBis  em  plerr«  des  lies  Caaarles  t 

PAR  M.    R.    ?BRIIBAU. 

J'ai  l'honneur  de  présenter  à  la  Société  quelques  instru- 
ments en  pierre  des  îles  Canaries.  Ces  objets  ont  été  trouvés 
dans  des  grottes  habitées  jadis  par  les  insulaires  de  cet  ar- 
chipel ;  mais  rien  ne  me  permet  de  préciser  leur  âge  ;  tout  ce 
que  je  puis  affirmer,  c'est  qu'ils  sont  antérieurs  à  la  conquête 
espagnole,  c'est-à-dire  au  quinzième  siècle. 

A  part  quelques  pièces  exceptionnelles  dont  je  parlerai 
tout  à  l'heure,  les  instruments  en  pierre  de  ces  îles  sont  gé- 
néralement taillés  fort  grossièrement  ;  les  plus  beaux  offrent 
à  peine  quelques  retouches.  Cela  tient  très  vraisemblable- 
ment à  ce  que  les  anciens  habitants  ne  trouvaient  chez  eux 
aucune  des  roches  qui  se  prêtent  bien  à  la  taille.  Ils  em- 
ployaient surtout,  pour  fabriquer  leurs  outils,  le  basalte,  et 
tout  le  monde  sait  que  cette  roche,  qui  se  divise  si  facile- 
ment, je  dirais  presque  spontanément,  en  prismes  à  trois, 
quatre,  six  faces,  est  loin  cependant  de  se  laisser  travailler 
comme  les  diverses  variétés  de  silex  ou  de  quartz.  Ce  n'est 
guère  que  dans  un  sens  qu'elle  s'éclate  avec  facilité  et  c'est 
pour  ce  motif  qu'on  rencontre  aux  Canaries  tant  d'outils 
prismatiques.  Les  couteaux^  par  exemple,  affectent  à  peu 
près  tons  la  forme  de  prismes  triangulaires  aplatis  :  à  une 
face  très  réduite  est  opposé  un  bord  tranchant.  Des  frag- 
ments de  ce  genre  peuvent  se  détacher  accidentellement  des 
parois  ou  de  la  voûte  des  grottes  basaltiques,  à  la  suite  d'in- 


R.  YERNBAU.  ^  INSTRUMENTS  EN  PIERRE.  653 

filtrations  aqueuses;  plus  d'une  fois,  je  Tai  observé  moi- 
même.  Je  n'en  ai  recueilli  aucun  dans  de  semblables  condi- 
tions; tous  ceux  que  j'ai  récoltés  proviennent  de  grottes 
d'une  autre  nature,  de  sorte  que  je  puis  affirmer  qu'ils  avaient 
été  apportés  là  pour  être  utilisés.  Les  uns  ont  pu  être  ra- 
massés tout  fabriqués  dans  les  endroits  où  se  produit  le  phé- 
nomène dont  je  viens  de  parler;  les  autres  ont  été  éclatés  au 
moyen  du  percuteur.  J'ai  rencontré,  en  effet,  dans  les  grottes^ 
de  nombreux  cailloux  roulés  qui  ont,  sans  aucun  doute^  servi 
à  tailler  la  pierre  ;  il  suffit,  pour  s'en  convcdncre,  d'examiner 
leurs  extrémités. 

Parmi  les  couteaux,  un  seul  diffère,  par  sa  forme,  des  pré- 
cédents :  sur  une  seule  de  ses  faces  trois  éclats  ont  été  en- 
levés de  façon  à  obtenir  deux  bords  tranchants  ;  son  autre 
face  est  à  peu  près  plane. 

Les  instruments  qui  se  trouvent  le  plus  abondamment, 
après  ceux  dont  je  viens  de  parler,  sont  les  pointes  de  jave- 
lot et  de  lance.  Ce  sont  des  éclats  presque  bruts^  taillés  gé- 
néralement sur  une  seule  face  ;  leur  forme  est  à  peu  près 
triangulaire.  Deux  de  ces  pointes  seulement  portent  à  leur 
extrémité  la  plus  aiguë  quelques  grossières  retouches. 

Les  haches  sont  de  deux  types  :  les  unes,  taillées  sur  leurs 
deux  faces,  sont  entièrement  comparables  aux  haches  amyg- 
daloïdes  de  Saint-Acheul  ;  les  autres,  au  contraire,  taillées 
d  un  seul  côté,  appartiennent  au  type  dit  du  Moustier.  C'est 
avec  intention  que  j'emploie  le  mot  type  et  non  celui 
d'époque,  car  on  ne  saurait  rattacher  nos  haches  canariennes 
à  deux  époques  distinctes.  En  effet,  deux  d'entre  elles,  Tune 
du  type  de  Saint-Âcheul^  l'autre  du  type  du  Moustier,  se 
trouvaient  dans  la  même  grotte  à  la  superficie  du  sol.  Or, 
cette  grotte  contenant  environ  30  centimètres  de  détritus,  il 
est  probable  que  si  elles  eussent  été  d'époques  différentes,  la 
plus  ancienne  eût  été  enfouie  sous  ces  détritus.  Il  nous  faut 
donc  considérer  ces  deux  haches  comme  contemporaines.    . 

On  rencontre,  dans  l'archipel  canarien,  quelques  éclata 
d'obsidienne  tranchants  sur  leur  pourtour;  jamais  ils  nepor- 


654  SÉANCE   DIJ   20  OCtOBRE    iSSf . 

tieht  dé  retouches  et  les  plus  bdaux  h'àt)prbchent  pas  dé§  pliis 
ttllgaîres  pièces  d'obsidienne  du  Meiique. 

En  dehors  des  înstrumefats  simplement  taillés  que  je  vienâ 
die  mettre  sous  Vos  yeux,  SI  a  été  trouvé  quel(Jtieô  objets,  {ieu 
nombreux,  en  pierre  polie.  L'un  d'eux,  de  petites  diiiieiisions, 
dëh3rme  régulièrement  triangulaire,  à  bords  droits  et  motisseè, 
à  faces  parallèles,  est  cette  sotte  de  pointe  en  limonite.  EHIë 
pi'ovleiit  de  la  taldéra  de  Bandama,  à  laGrande-CdnaHe.  Si 
nies  sotitenirs  sont  bien  présents,  des  pièces  analdj^Ubs  ont 
été  heribontréës  en  France  ad  {3bnt  du  Gard.  Il  ne  lui  mahqiie, 
pour  être  une  amulette,  comme  celles  dont  nous  Cdûilàisfedhs 
uti  bon  nombre  d'ëtlemples,  que  lé  thou  de  suspension: 

Les  autres  outils  polis;  dont  je  ne  puis  voiis  présenter  ^xië 
des  dessins  ou  des  mbuiagëS;  les  originaiix  appartenant  aux 
musées  des  Canaries,  sont  des  haches  en  chloromélariitfe.  Ôh 
n'en  connaît  jusqu'à  ce  jour  ijuc  cinq  ;  trois  offrent  là  lilBhie 
forme;  Entièrement  Jiolies,  elles  se  terminent  en  pdinle  âuttë 
extrémité  et  t)ortcnt  à  l'autre  bout  utt  trahchaht  en  arc  de 
cérCld:  Les  detlx  detnièrës,  dont  l'ilHti  He  prëséHte  glièhé  piixi 
de  5  centimètres  db  Idhguélir,  ont  le  trarichant  Inoins  ëdfa- 
vexe  et  tont  eti  Se  réti*ébls§îiHt  pbn  à  peu  jusqu'à  TàUthe 
bout;  qui  ne  se  termine  t)as  ëri  pointe,  malà  blëti  par  tine 
surface  rectangulaire;  léfeèrëhient  cbHveië; 

J'ajouterai,  en  termibarit  ,que  leô  Ihstruinentâ  en  plël+ë 
taillée  se  trouvent  dans  lodtfes  leS  îles  ;  tfeut  en  fïiei*rept)/ie 
n'ont,  au  contraire;  été  rencontrés  jusqu'à  ce  jour  que  dâhè 
deux  îles,  la  Grande-Caharië  et  la  Goirièbe,  et  encore  telle 
dernière  n'a-t-elle  fourni  qu'une  hache  de  Cdttë  catégorie,  i'ai 
démontré,  en  m'appuyant  sur  des  ëonsidérîttions  d'iin  autre 
ordre,  que  de  nombi-eùx  envahlssdlirs,  partis  du  ildW  dd 
l'Afrique,  étaient  arrivée  à  la  Ql-ande-Canarie.  Je  sui^  tëntB 
de  conclure  de  ce  que  je  viens  d'ëxjjoser,  que  leS  premiers 
habitants  de  l'archipel  Savaient  tailler  la  jjiferre,  niais  ijtlë 
Tart  de  polir  les  outils  d  été  introduit  ptxr  leâ  nduveaui 
venus. 


DISCUSSIOI»  SÛR  liÈS  tîlfeTRtjMËfîTS   fek   PIERRE.  65?) 

Bisciiitibii. 

M.  b.  tE  teoRTtUET.  t^àhilî  les  dfejéts  présentés  par  M.  Vër- 
neau,  ce  qui  ïhé  frappé  èuHout,  fce  sotit  deux  dessins  dé 
hâclieà  de  pit^rre.  Il  ^  a,  clâtil  ilii  certain  nombre  dé  cdllec- 
tioriè  ëlirbt36ennfe5,  âurtôiit  françaises,  des  haches  dé  pierre, 
parWitëmeiil;  polies,  eil  bbUrrelet  assez  âtrondi,  à  sommet  eh 
pdiilte,  à  base  étt^oilë  el  tràncKaht  fort  arqué,  en  rbcHe  Ibiitë 
particulière,  ititotlnué  eii  Europe  cônimë  ^isemeril.  bës 
hïlbhëâ  prbviëtiheni  toutes  d*ancîennës  collections,  el  sont 
siltiè  dHglhëS  cohiiues.  Ôr,  leS  deux  dessins  prbdiiils  par 
M.  iTerheall  tefiréSentënt  justeiriènt  dès  bâches  exactement 
du  tyJJë  cjilë  je  vienà  de  décrire.  Suivant  notre  collègue,  elles 
prdVienneHl  de  localités  certàiries  des  îles  Canaries.  A  l*Èx- 
position  iihiveràëlle  de  1878,  le  docteur  Cbil  avait  déjà  ap- 
pbrté  tt  là  galerie  dës  sciences  àrithropbldgiques  des  haches 
de  ce  genre  trouvées  aux  Canaries.  D'après  cela,  ne  sommes- 
nous  ^tlS  ^orté  â  Conclure  que  là  patrie  de  ce  type  est  bien 
leâ  Canàrlëè  ?  tJepills  fort  longtemps,  tous  les  navires  qui 
doublfeilt  lé  cap  de  Bônnè-Bspéraiicë  relâchent  aux  Canaries. 
Il  est  tout  naturel  qu'ils  eh  aient  ^àppd^té  des  objets,  qui  se 
sont  répandus  dans  lés  collections  d'etbnbgràphîë  et  de 
curiosités: 

Qiiàht  à  là  rbchë,  elle  e^t  belle,  fine  et  preiid  un  rérnar- 
(JUàBlë  poli.  Elle  doit  cbhtëhif  Un  élément  fëldspalhiqùë  qui 
la  rapprdchë  des  jàdêlteS  et  des  chldromélahilës.  Mais  elle  d 
des  câhàbtèrëS  Spéciaux  qui  là  foiil  distiiiguel»  dès  aUtrës  ro- 
ches de  hiêmë  tiâtUtê  ;  SoH  gisëinënt  iil*imilif  est  cbinplète- 
meht  ihcdUtiU.  PbUi-quol  ne  serait-il  ^a^  baharieh? 

M;  VÈRNEAtj.  M.  dé  Mbrlillël  tiëht  de  tidhs  dire  qu'il  fcori- 
naissdit  uhe  hache  ëiltièt*emërit  semblable  à  celles  ddhl  je 
vous  ai  îhiâ  les  dëSSirife  âbdsltîs  yëuit.  Cela  hë  §kUfàit  inë  sur- 
prendre, attendu  qUë  là  hache  eipdSée  en  i&78  iJar  faldh  attll 
D.  Gregorio  Chil,  je  l'ai  dessinée,  et  qu'elle  figure  parmi  les 
trois  que  vous  vëUëî:  de  voir: 

Quant  tt  là  nature  de  là  roche,  ce  n'est  pas  moi  qui  l'ai  dé- 


656  stANCB  DU  SO  OCTOBRE  1887. 

terminée;  je  m'en  déclare  incapable.  Bile  a  été  étudiée  par 
un  minéralogiste  espagnol  dont  le  nom  fait  autorité  en  la 
matière,  M.  Salvador  Calderon.  Je  dois  accepter  sa  détermi- 
nation et  crois  pouvoir  maintenir  ce  que  j'ai  dit. 

Il  m'est  difâcile  d'adopter  l'opinion  de  M.  de  Mortiliet.  Aux 
Canaries,  les  haches  en  chloromélanite  sont  excessivement 
rares,  puisque,  jusqu'à  ce  jour,  on  n'en  connût  que  cinq 
exemplaires.  Celles  du  type  dont  vient  de  parler  M.  de  Mor- 
tiliet ne  sont,  je  le  répète^  qu'au  nombre  de  trois. 

Cette  rareté  s'explique  par  ce  fait  que  la  roche  n'existe  pas 
dans  ces  îles,  ou  du  moins  qu'elle  n'y  a  été  rencontrée  par 
aucun  explorateur.  11  faut  admettre,  jusqu'à  preuve  du  con- 
traire, que,  de  deux  choses  Tune  :  ou  bien  les  haches  ont  été 
importées,  déjà  travaillées,  dans  Tarchipel,  ou  bien  elles  ont 
été  fabriquées  là  même  où  elles  ont  été  trouvées.  Mais,  dans 
ce  dernier  cas,  il  faudrait  penser  que  la  roche  a  été  importée 
soit  volontairement,  soit  accidentellement. 

Ces  pièces  si  rares  sont  conservées  avec  un  soin  jaloux  par 
leurs  propriétaires.  Moi-même,  après  tous  les  dons  que  j'ai 
faits  au  Museo  Canarw,^^  n'ai  pas  pu  obtenir  un  seul  original. 
Je  ne  puis  guère  supposer  qu'un  autre  ait  été  assez  heureux 
pour  se  procurer  toutes  celles  qu'on  voit  en  France. 

Je  répondrai  encore  quelques  mots  à  notre  collègue.  Dès 
le  commencement  de  ce  siècle,  avant  l'arrivée  aux  Canaries 
de  Berthelot,  il  y  avait  déjà  dans  ce  pays  des  collectionneurs 
qui  recueillaient  soigneusement  les  antiquités  dans  toutes  les 
îles  et  qui  en  faisaient  autant  de  cas  qu'on  peut  en  faire  au^ 
jourd'hui.  De  toute  façon,  il  me  semble  impossible  d'admettre 
qu'à  une  époque,  même  plus  reculée,  il  se  soit  rencontré  dans 
l'archipel  de  ces  haches  en  assez  grand  nombre  pour  qu'on 
en  ait  fait  une  véritable  exportation.  Il  n'est  guère  probable 
que,  à  cette  époque,  on  en  ait  trouvé  beaucoup,  lorsque,  de 
nos  jours,  malgré  les  recherches  les  plus  actives,  on  en  ren- 
contre si  peu. 

La  séance  est  levée  à  cinq  heures  et  demie. 

Uun  des  secrétaires  :  FAUVEIXE. 


COMMUNICATIONS  DU  BURBAU.  657 

160«  SfiANCB.  —  3  DOTcmbre  1887. 
Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  la  et  adopté. 

COMMUNICATIONS  DU  BUUAU. 
Mort  de  M.  Dronanlt. 

M.  le  Président  informe  la  Société  de  la  perle  considérable 
qu'elle  vient  de  faire  en  la  personne  de  M.  Drouaalt,  qui 
depuis  quinze  années  était  l'agent  de  la  Société,  emploi 
dont  il  s*est  acquitté  avec  un  zèle  et  une  activité  qui  ne  se 
sont  pas  démentis  un  seul  instant.  M.  Drouault  était,  en 
outre,  notre  collègue,  puisqu'il  avait  été  élu  membre  titu- 
laire en  1879.  Ses  obsèques  viennent  d'avoir  lieu  aujourd'hui 
même,  3  novembre  ;  le  Bureau  et  un  certain  nombre  de  nos 
collègues  y  assistaient. 

Sur  la  demande  de  plusieurs  membres  de  la  Société^  M.  le 
Président  donne  lecture  du  discours  qu'il  a  prononcé  sur  la 
tombe  de  M.  Drouault. 

((  Messieurs, 

«  La  Société  d'anthropologie  doit  un  dernier  hommage  à 
Drouault,  et,  puisque  c'est  à  moi  qu'est  échu  le  triste  devoir 
de  la  représenter  ici,  permettez-moi  de  me  borner  à  vous 
dire  que  celui  dont  nous  déplorons  la  perte  fut,  pour  notre 
Société,  pour  son  organisation,  pour  ses  intérêts,  l'homme 
du  dévouement,  l'homme  du  devoir. 

c(  Venu  parmi  nous  au  lendemain  des  désastres  de  1870, 
après  avoir  vaillamment  combattu,  lui  aussi,  pour  la  défense 
de  son  pays,  il  nous  trouva  occupés  à  relever  notre  œuvre 
interrompue,  à  reprendre  le  cours  suspendu  de  nos  études.  Il 
s'associa  aussitôt  à  nos  efforts  et  résolut  de  nous  consacrer, 
sans  réserve  et  sans  relâche,  les  dons  précieux  qu'il  pos- 

T.  X  (3*  BÉRIV).  4S 


MÈ  bAàMGB  du  3   NOVEMBRE  1887. 

sédait,  c'est-à-dire  une  infatigable  puissance  de  travail,  un 
grand  esprit  de  méthode  et  une  ardeur  sans  bornes. 

0  Mais,  si  notre  Société  a  su  inspirer  àDrouault  ce  dévoue- 
ment qu'il  a  mis  à  son  Service,  lui-même  a  pu,  de  son  côté, 
constater,  pendant  cette  longue  période  de  collaboration , 
que  nous  avions  su  le  comprendre  et  l'apprécier.  Aussi,  notre 
gratitude  a-t-elle  plusieurs  fois  cherché  à  reconnaître,  sinon  à 
égaler  son  dévouement  :  on  se  souvient,  par  exemple,  du  jour 
où  Broca  remit  à  Dronault,  au  milieu  de  Témotion  générale, 
les  palmes  académiques,  au  nom  du  ministre.  On  se  souvient 
encore  combien  nous  fûmes  unanimes  pour  lui  donner  plus 
lard  le  titre,  secrètement  mais  ardemment  désiré  par  lui, 
de  membre  de  notre  Société. 

«  Devenu  notre  collègue,  plus  étroitement  Hé  à  nos  intérêts 
et  à  nos  travaux,  Drouault  semblait  ne  rien  ambitionner  de 
plus,  lorsque  l'un  de  nos  anciens  présidents,  aujourd'hui 
grand  chancelier  de  la  Légion  d'honneur,  le  général  Faidherbe , 
voulut  lui  décerner  la  croix  de  chevalier  par  un  décret  où, 
parmi  des  titres  divers,  nous  pouvions  lire  ces  mots  :  «  Pour 
services  rendus  à  la  Société  d'anthropologie  de  Paris.  » 

«  Telle  a  été,  au  milieu  de  nous,  la  carrière  de  Drouault  ; 
elle  peut  se  résumer  ainsi  :  travail  sans  trêve,  dévouement 
sans  limites,  droiture  et  loyauté  sans  défaillances.  » 

M.  TopiNARD  annonce  qu'une  souscription  en  faveur  de 
M»«  veuve  Drouaulta  été  ouverte,  sur  Tinitiativede  MM.  Qarlel, 
Auguste  Broca  et  PozeI. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

Annalesdu  Musée  Guimet,U  X.  Paris,  1887,  in-4**,600  pages. 

A.  Ribehont-Dessaignbs.  Des  placentas  multiplet  dans  les 
grossesses  simples,  Paris,  1887,  broch.  in-8*,  45  pages. 

M.  G.  Hervé.  J'ai  l'honneur  d'offrir  à  la  Société,  de  la  part 
de  l'auteur,  notre  collègue  M.  le  docteur  Ribemont-Dessai- 
gnes,  ce  travail  qui,  bien  que  spécialement  obstétrical,  ne 
laisse  pas  d'avoir  pour  nos  études  un  réel  intérêt. 


DISCUSSION  SUR  LA  CBAHIOMÉTRIE.  659 

La  Société  se  soaTient  peut-être  qu'il  y  a  quelques  années, 
M.  Verrier  nous  communiqua  un  cas  où  il  avait  trouvé  le 
placenta  formé  d'un  double  disque.  Je  fis  alors  remarquer 
que  cette  disposition  fournit  un  exemple  manifeste  de  retour 
à  un  type  inférieur  d'organisation,  propre  aux  singes  pithé- 
ciens  {Bull,  de  la  Société â^ anihr op. ^  i88i,  p.  Î7).  Aujourd'hui, 
M.  Ribemont-Dessaignes  nous  apprend  que  l'anomalie  en 
question  est  moins  rare  qu'on  ne  l'avait  cru  ;  elle  est  môme 
relativement  fréquente,  puisque,  d'après  la  statistique  de  l'au- 
teur, on  la  rencontrerait  une  fois  sur  352  délivrances.  Il  est 
vrai  que  cette  statistique  comprend  également  les  eas  où  le 
placenta  présente  plus  d'un  lobe  accessoire. 

Parmi  les  remarquables  dessins  qui  accompagnent  ce  mé- 
moire, je  signalerai  particulièrement,  aupoint  de  vue  de  la 
ressemblance  avec  le  placenta  simien,  les  figures  des  obser*- 
vations  VII  (p.  17),  XII  (p.  24)  et  XIV  (p.  26). 

ELECTIONS. 

M.  Louis  Catat  est  élu  membre  titulaire. 

DisevssioB  sur  la  cranlométrle. 

M.  Lc  PRésmENT.  L'ordre  du  jour  appelle  la  discussion 
soulevée  par  la  lecture  de  M.  Fauvelle,  à  la  dernière  séance. 
La  parole  est  à  M.  Topinard. 

M.  Topinard.  Je  regrette  d'être  le  premier  inscrit  pour 
ouvrir  cette  discussicm,  car  précisément  je  n'ai  pas  l'inten- 
tion de  répondre,  du  moins  aujourd'hui,  aux  violentes  attaques 
que  M.  Fauvelle  a  dirigées  contre  la  eraniométrie. 

Tout  ce  que  je  désire,  c'est  de  lui  renouveler,  à  ce  propos, 
la  demande  que  je  lui  ai  faite  en  plusieurs  circonstances, 
de  vouloir  bien  venir  travailler  au  laboratoire,  «  mettre  lui- 
même  la  main  à  la  pâte  »,  pour  me  servir  de  sa  propre 
expression,  et  s'initier,  en  un  mot,  au  sujet  qu'il  a  abordé 
dans  la  dernière  séance,  avec  plus  de  bonne  volonté,  peut- 
être,  que  de  préparation. 


660  SÉANCE  DU  3  NOVEMBRE  4887. 

AJors,  je  serai  absolument  à  sa  disposition  pour  échanger 
toutes  les  idées  qu*il  lui  plaira  sur  la  craniométrie. 

M.  Manouvrier.  Sans  m'éloigner  beaucoup  de  Tavis  de 
M.  Topinard,  je  crois  utile  de  faire  suivre  d'une  réponse  dans 
notre  Bulletin  le  travail  de  notre  excellent  et^savant  confrère 
M.  Fauvelle,  car  il  pourrait  se  faire  que  son  opinion  sur  la 
craniologie  fût  partagée  par  un  assez  grand  nombre  de  per- 
sonnes mal  édifiées  sur  cette  branche  de  la  science.  Mais  je 
demande  à  ajourner  ma  réponse,  car  j'ai  noté,  à  l'audition 
du  discours  de  M.  Fauvelle^  certaines  erreurs  et  inexactitudes 
qui  dénoteraient,  si  j'ai  bien  entendu  et  compris,  une  com- 
pétence très  imparfaite  en  matière  de  craniologie.  Je  préfère 
attendre  la  publication  de  ce  discours,  afin  d'éviter  tout 
malentendu  et  de  faire>  à  chacune  des  critiques  qu'il  contient, 
une  réponse  topique. 

M.  Fauvelle.  m.  Manouvrier  annonce  qu'il  a  relevé  à  l'au- 
dition de  ma  note  du  20  octobre  «  diverses  erreurs  et  inexac- 
titudes » .  —  Est-ce  dans  les  chiffres  ?  —  Non.  —  Alors  c'est 
dans  les  interprétations  ;  ce  qui  veut  dire  que  nous  différons 
d'opinion  sur  certains  points.  Lorsque  ces  divergences  seront 
formulées,  nous  les  discuterons  et  nos  collègues  apprécieront. 

Puisque  ma  compétence  est  contestée,  je  tiens  à  expliquer 
comment  j'ai  été  amené  à  donner  ma  manière  de  voir  sur  une 
question  qui  paraît  sortir  du  cadre  de  mes  études  habituelles. 

En  entrant  dans  la  Société,  j'ai  cru  de  mon  devoir  de 
prendre  connaissance  de  ses  travaux  depuis  sa  fondation 
jusqu'à  nos  jours.  Je  ne  saurais  dire  tout  l'intérêt  que  m'ont 
inspiré  les  difficultés  du  début,  puis  la  lutte  brillante  entre 
Broca  et  GratioJet  au  sujet  de  l'importance  du  cerveau  dans 
les  manifestations  intellectuelles.  Je  m'enthousiasmai  du 
triomphe  du  maître,  lorsqu'il  établit  d'une  manière  si  écla- 
tante la  préexistence  aux  époques  préhistoriques  d'une  race 
dolichocéphale  dans  l'Europe  occidentale.  Je  compris  com- 
ment, à  un  moment  donné,  son  laboratoire  avait  été  envahi 
par  une  jeunesse  ardente  à  le  suivre  dans  cette  voie  féconde. 

D'abord  plein  de  confiance  dans  le  résultat  qu'on  devait 


DISCUSSION  SUR  LA  CRAKIOMÉTRIE.  661 

attendre  d'an  concours  aussi  empressé,  je  fas  pris  du  désir 
de  suivre  ces  exemples  et  de  contribuer,  moi  aussi,  à  la 
découverte  de  la  vérité.  Mais  auparavant,  je  voulus  me  rendre 
compte  des  résultats  obtenus,  en  môme  temps  que  de  la 
valeur  des  méthodes  employées. 

Dans  le  cours  de  cette  étude,  je  fus  d'abord  surpris  de 
l'importance  donnée  par  Broca  à  Tindice  cépbalique,  alors 
qu'il  affectait  de  ne  tenir  aucun  compte  des  éléments  qui 
servaient  à  l'obtenir  ;  il  était  pourtant  évident  qu'un  crâne 
court  pouvait  être  dolichocéphale  et  un  crâne  long  brachy- 
céphale,  si  des  variations  individuelles  venaient  à  diminuer  . 
ou  augmenter  le  diamètre  transverse  maximum.  D'autre  part, 
je  ne  pouvais  me  faire  illusion,  ces  variations  sont  très  fré- 
quentes, puisque  pour  classer  un  groupe  ethnique  il  est 
indispensable  de  mesurer  un  grand  nombre  de  crânes.  Les 
collaborateurs  de  Broca,  d'abord  si  nombreux,  ne  se  ren- 
daient sans  doute  pas  parfaitement  compte  de  cette  néces- 
sité, car  on  les  voit  apporter  de  tous  les  points  du  globe  cha- 
cun son  petit  lot  de  crânes,  et  les  classer  bravement,  d'après 
l'indice  cépbalique,  parmi  les  dolichocéphales  ou  les  brachy- 
céphales.  Mais  quelque  temps  après,  arrivaient  des  mêmes 
régions  d'autres  crânes  dont  les  indices  différaient  complè- 
tement :  ces  déceptions  sa  multipliant,  il  en  résulta  une  con- 
fusion qui,  à  la  longue^  découragea  les  plus  intrépides. 

J'eus  alors  Tidée  de  substituer  à  l'indice  cépbalique  l'in- 
dice que  j'appelle  iniaque,  c'est-à-dire  le  rapport  centésimal 
du  diamètre  bi-susauriculaire  au  diamètre  antéro-postérieur 
iniaque.  En  effet,  les  points  extrêmes  de  ces  diamètres 
limitent  exactement,  chez  l'embryon^  le  cartilage  du  crâne 
primordial,  qui  répond  à  la  base  du  crâne  chez  l'adulte. 
Cette  base,  étant  dans  certaines  limites  à  l'abri  des  vicissi- 
tudes causées  par  le  développement  variable  des  hémi- 
sphères cérébraux^  me  paraissait  devoir  donner,  d'une  ma- 
nière plus  précise,  les  caractères  d'une  race.  Je  me  mis  donc 
à  la  recherche  des  éléments  de  l'indice  iniaque. 

Dans  toutes  les  mensurations  publiées,  si  l'on  rencontre 


60t  8ÉA1IGB  DU  3  KOYKMBRE  1887. 

90uTent  le  diamètre  iniaque,  le  bi-susauriculaire  est  très  rare. 
Je  me  rappelai  alors  que  Broca  avait  annonoé,  en  1866,  qu'il 
destinait  à  la  Société  les  registres  sur  lesquels  il  avait  con- 
signé toutes  les  dimensions  des  orânes  du  musée,  et  je 
m'adressai  à  M.  Topinard  pour  en  prendre  communication. 
Gelui-oi  me  répondit  que  le  plus  grand  nombre  de  ces 
registres  avaient  été  conservés  par  la  famille  de  Broca^  que 
ceux  qui  restaient  appartenaient  au  laboratoire,  et  que,  si  je 
voulais  me  faire  inscrire  comme  élève,  je  pourrais  les  con- 
sulter à  loisir.  Il  cgouta  qu'il  se  ferait  un  plaisir  de  me  donner 
des  leçons  de  craniométrie  et  môme  mettrait  Félix  Flandi- 
nette  h  ma  disposition.  Malgré  ces  offres  séduisantes,  pour 
des  raisons  que  Ton  comprendra  sans  que  je  les  énumère^ 
je  ne  donnai  pas  suite  à  cette  proposition  et  je  ne  devins  pas 
rélève  do  M.  Topinard.  J'eus  tort,  je  le  reconnais  aujour- 
d'hui, car  c'eût  été  un  brevet  de  compétence. 

Pour  arriver  à  mon  but,  j'eus  alors  recours  aux  Crania 
ethm'ca,  dans  lesquels  le  diamètre  bi-susauriculaire  est  le 
plus  souvent  indiqué  en  même  temps  que  l'iniaque.  Malheu- 
reusement les  séries  y  sont  généralement  peu  homogènes  et 
surtout  peu  nombreuses,  si  bien  que,  même  en  supposant 
que  les  mensurations  soient  toujours  parfaitement  exactes^ 
les  moyennes  ne  peuvent  effacer  les  variations  individuelles. 
Cependant  les  résultats  obtenus  par  mes  calculs  me  démon- 
trèrent que,  lorsqu'on  opère  sur  des  nombres  restreints, 
l'indice  iniaque  ne  vaut  guère  mieux  que  le  céphalique.  En 
outre,  dans  certaines  races  inférieures,  le  premier  diffère 
trop  peu  du  second  pour  pouvoir  lui  être  supérieur.  Au  con- 
traire, dans  les  groupes  ethniques  où  les  saillies  pariétales  et 
occipitales  sont  devenues  des  caractères  spécifiques,  il  donne 
des  résultats  tellement  différents  que,  pour  bien  apprécier 
sa  valeur,  il  faudrait  un  travail  considérable  dont  les  élé- 
ments n'étaient  pas  à  ma  disposition. 

Néanmoins  mes  recherches,  quoique  restreintes,  n'ont  pas 
été  tout  à  fait  infructueuses.  Elles  me  démontrèrent  que  la 
longueur  réelle  du  crâne  a  une  importance  beaucoup  plus 


DISCUSSION  SUH  LÀ  GRAmOMÉTRIB.  M8 

grande  qu*on  ne  le  croit  généralement,  et  que  les  variations 
individuelles  portent  beaucoup  plus  sur  la  largeur  de  la 
boîte  osseuse  que  sur  sa  longueur.  En  effet,  la  différence 
entre  le  diamètre  iniaque  et  Tantéro-postérieur  maximum 
atteint  rarement  iO  millimètres  et  ne  dépasse  presque  jamais 
ce  chiffre,  tandis  que  le  diamètre  bi-susauriculaire  est  le 
plus  souvent  inférieur  au  transverse  mazhnum  de  30  à  30  mil- 
limètres et  même  plus.  En  outre,  dans  beaucoup  de  groupes 
ethniques,  plus  Tintelligence  est  développée,  plus  les  dia* 
mètres  transverses  augmentent,  comme  Schaaffbausen  Ta 
observé  en  suivant  le  développement  du  crâne  de  l'enfant 
parallèlement  à  celui  de  l'intelligencç. 

J'avoue  que,  peu  encouragé  par  ces  débuts,  je  ne  poussai 
pas  très  loin  Tétude  des  autres  indices,  pas  plus  que  celle 
des  angles,  triangles  et  trapèzes  que  la  craniométrie  a  in- 
ventés. Du  reste,  je  pense  que  peu  de  craniologistes  sont  aussi 
ferrés  sur  Tindice  palatin  que  sur  l'indice  céphalique. 

En  réalité,  toutes  ces  mensurations  extérieures  sont  abso* 
lument  insuffisantes  pour  caractériser  la  conformation  crâ- 
nienne d'une  race,  et,  tant  qu'on  se  limitera  à  ces  calculs,  Q^ 
restera  dans  le  vague. 

Pour  faire  progresser  la  craniologie  et  la  mettre  en  mesure 
de  servir  utilement  Tanthropologie,  il  faut,  comme  je  Tai 
déjà  dit,  faire  des  coupes  et  décrire  avec  soin  ce  qu'elles 
nous  montrent.  La  plus  importante  est  la  médiane  verticale 
an  ter  0- postérieure.  En  explorant  la  base  du  crâne  sur  cette 
section,  on  y  trouve  d'abord  un  point  fixe  qui  siège,  comme  je  le 
démontrerai  dans  une  prochaine  communication,  à  la  partie 
postérieure  de  la  selle  turcique.  La  région  située  en  avant  de 
ce  point  varie  d'étendue,  dans  les  différentes  races,  entre  33 
et  41  pour  100  de  la  longueur  totale  du  diamètre  antéro- 
postérieur  maximum,  lien  résulte,  naturellement,  des  diffé- 
rences dans  la  longueur  des  fosses  sus-orbitaires  et,  par  con- 
séquent, dans  la  profondeur  des  orbites  ;  la  face  qui  s'attache 
au  crâne  par  cette  partie  de  la  base,  subit  aussi  des  modifi- 
cations corrélatives. 


664  66 ANGE  DU  3  NOVEMBRE  1887. 

En  arrière,  on  rencontre  d'abord  Tapophyse  basilaire  dont 
la  longueur  et  la  courbure  peuvent  varier  ;  celte  dernière, 
d'après  Ecker,  est  peu  accentuée  chez  les  nègres.  Puis  vient 
le  trou  occipital  dont  la  direction  a  été  si  bien  étudiée  par 
Broca^  et  qui,  d'après  SchaafThausen,  est  reporté  en  arrière 
dans  les  races  inférieures,  et  enfin  les  fosses  cérébelleuses, 
au-delà  desquelles  récaille  de  l'occipital  fait  plus  ou  moins 
saillie.  L'ablation  de  la  calotte  du  crâne  permettra  de  corn- 
piéter  l'étude  de  la  base,  dont  les  fosses  et  les  saillies  peu- 
vent varier  singulièrement  de  dimensions. 

Les  coupes  transversales,  sur  différents  points  à  spécifier, 
donneront  également  des  caractères  descriptifs  intéressants 
sur  la  conformation  crânienne.  Tout  cela  n'exclut  pas  Tétude 
des  courbes  et  des  diamètres,  qui  font  naturellement  partie 
de  la  morphologie  du  crâne. 

11  va  sans  dire  que  ces  recherches  descriptives  ne  doivent 
pas  être  faites  sur  le  premier  crâne  venu.  Si  Ton  veut  spé- 
cifier une  race,  il  est  indispensable  de  réunir,  au  préalable, 
un  certain  nombre  de  crânes  de  même  provenance,  et  de  les 
mettre  en  série.  En  s'aidant  des  mensurations  extérieures  ou 
simplement  dé  Taspect  général,  comme  le  conseille  Mante- 
gazza,  il  est  facile  de  disposer  les  crânes  d'un  groupe  ethnique 
donné,  de  telle  façon  que  Ton  puisse  reconnaître,  au  simple 
coup  d'œil,  le  type  dominant.  On  sacrifiera  alors  un  exem- 
plaire de  ce  type  pour  en  donner  une  bonne  description.  Si 
Ton  veut  ensuite  se  rendre  compte  des  éléments  étrangers  qui 
ont  pu  l'altérer,  on  étudiera  les  crânes  les  plus  divergents. 
Si  le  groupe  en  question  est  un  simple  hybride,  cette  seconde 
étude  permettra  d'en  reconnaître  les  éléments  formateurs. 

Enfin,  à  mon  avis,  cette  méthode  peut  seule  permettre  de 
faire  de  véritables  tiaités  de  craniologie  ethnique,  intéres- 
sants et  intelligibles.  La  meilleure  preuve  de  l'insuffisance  de 
celle  que  je  combats,  c'est  qu'elle  a  été  poussée  à  son  extrême 
limite  et  n'a  donné  aucun  résultat  satisfaisant.  Qu'ont  produit 
les  indices  verticaux,  frontaux,  stéphanique,  facial,  orbitaire, 
nasal,  palatin, la  mesure  du  trapèze  intra-crânien  et  des  angles 


DISCUSSION  SUR  LA  GRANIOMÉTRIE.  .      665 

sphénoldal,  occipital,  orbito-occipital,  orbito-alvéolo-con- 
dylien,  auriculaire,  pariétal,  mandibulaire,  symphysien? 
Encore,  si  on  s'était  contenté  de  prendre  toutes  ces  mesures 
arithmético-géométriques  sur  un  nombre  suffisant  de  crânes 
d'un  groupe  ethnique  donné,  pour  en  fournir  une  caracté- 
ristique générale,  âais  non;  cette  synthèse  élémentaire  n'a 
pas  même  été  faite.  On  n*a  trouvé  rien  de  mieux  que  de 
prendre  chacune  de  ces  mensurations  en  particulier,  pour 
faire  des  tableaux  comparatifs  de  toutes  les  populations  du 
globe,  et  on  a  classé,  d*aprës  l'indice  palatin,  les  Néo-Calé- 
doniens, les  Esquimaux^  les  Gafres,  les  Auvergnats,  les  parias 
de  rinde,  les  Usbegs,  les  Lapons,  les  Patagons  et  les  Kabyles; 
de  même  pour  la  mesure  du  trapèze  intra-crânien,  la  pro- 
jection horizontale  antérieure  et  postérieure  du  crâne,  Tangle 
orbito-aWéolo-condylien,  etc. 

Je  m'arrête  dans  cette  critique,  pour  ne  pas  abuser  de 
l'attention  de  la  Société.  En  résumé,  la  craniologie  métrique 
n'est  aujourd'hui  qu*un  amas  confus  et  indigeste  de  chiffres^ 
qui  démontre,  une  fois  de  plus,  que  les  mathématiques  ne 
sont  pas  applicables  aux  sciences  naturelles,  et  que  la  mé- 
thode descriptive  seule  leur  convient.  Si,  comme  j'en  ai  la 
conviction,  l'étude  du  crâne  peut  rendre  des  services  à  l'eth- 
nologie, il  faut  remplacer  par  de  bonnes  descriptions  mor- 
phologiques tout  ce  fatras  algébrico-géométrique  qui  n'est 
plus  de  notre  siècle. 

M.  TopiNARD.  De  la  nouvelle  communication  écrite  que 
vient  de  nous  faire  M.  Fauvelie,il  ne  résulte  pour  moi  qu'une 
chose  :  c'est  la  confirmation  d'une  remarque  que  j'ai  faite 
chaque  fois  qu'il  est  venu  nous  lire,  depuis  son  entrée  à  la 
Société,  quelques-unes  de  ses  communications;  c'est  qu'il  a 
beaucoup  d'imagination. 

En  effet,  deux  des  assertions  me  regardant  personnel- 
lement, qu'il  vient  d'avancer,  sont  sorties  de  son  imagination 
et  non  de  sa  mémoire. 

En  premier  lieu,  il  prétend  que  je  lui  ai  répondu  un  Jour  que, 
pour  consulter  ceux  des  registres  de  Broca  qui  sont  au  labo- 


666  siAJfCB  DU  3  irovsKBRS  i887« 

ratoire,  il  fallait  qu'il  fi*insoriye  oonune  élhye  du  laboratoire. 
Il  sait  pourtant,  lui  qui  circule  parfois  dans  ce  laboratoire  et 
y  vient  causer  tantôt  avecTunj  tantôt  avec  Tautre,  que  tout  le 
monde  y  a  libre  accès,  et  qu'on  y  vient  à  son  gré  s'asseoir, 
travailler  et  prendre  dans  sa  bibliothèque  les  livres  et  les 
registres  de  toutes  sortes  qui  s'y  trouvent.  Il  sait  que  l'in- 
scription comme  élève  n'est  qu'une  formalité,  que  pour 
s'inscrire  il  n'y  a  qu'à  passer  au  bureau  à  côté,  que  cela 
n'exige  pas  plus  d'une  minutCi  et  que  si  nous  demandons 
cette  formalité  non  obligatoire,  c'est  qu'étant  laboratoire  des 
Hautes  Etudes,  nous  sommes  tenus  de  faire  annuellement 
un  rapport  à  la  Sorbonne,  dans  lequel  nous  indiquons  les 
élèves  qui  ont  profité  de  notre  installation  :  registres,  livres, 
instruments  et  collections,  et  qui  y  ont  fait  des  recherches 
quelconques.  Jusqu'à  présent,  personne  ne  s'est  dérobé  à 
cette  simple  et  facile  formalité. 

En  second  lieu,  il  dit  qu'après  l'avoir  invité  à  travailler  au 
laboratoire,  j'ai  cyouté  que  M.  Félix  Flandinette  serait  à  sa 
disposition.-  Ici  je  ne  puis  m'empêcber  de  protester  énergi- 
quement.  Tout  d'abord  il  y  a  M.  Manouvrier  qui,  quotidien- 
nement, est  prêt  à  donner  à  toute  personne,  élève  ou  non, 
tous  les  renseignements,  toutes  les  instructions  qu'elle  peut 
désirer  ;  ensuite  M.  Ghudzinski,  puis  moi-même.  Chacun  a 
pu  m'entendre  répéter  que  j'étais  à  l'entière  disposition  de 
tous  ceux  qui  manifesteraient  la  moindre  velléité  de  s'initier 
aux  éléments  de  la  craniométrie  ou  de  l'anthropométrie. 
Que  l'on  soit  un,  deux,  trois  ou  plus,  chacun  le  sait,  je  ne 
regarde  ni  à  mon  temps  ni  à  mes  occupations,  j'entame  de 
suite  une  conférence,  que  je  répète  jusqu'à  ce  que  les  élèves 
se  déclarent  satisfaits.  Gela  je  le  fais  presque  pour  le  pre« 
mier  venu  me  paraissant  sérieux,  à  plus  forte  raison  pour 
M.  Fauvelle,  que  j'ai  toujours  considéré  conmie  un  esprit 
laborieux  et  chercheur,  et  auquel  j'ai  répété  à  plusieurs  re- 
prises que  j'étais  à  ses  ordres.  Il  doit  se  souvenir  qu'une  fois 
entre  autres,  chez  lui,  j'ai  dépensé  toute  l'éloquence  dont 
j'étais  susceptible  pour  le  convaincre  qu'il  devait  se  mettre 


DlflOUMIOll  8UH  LA  CRAMIOMÉTRIE.  667 

à  rœuvre^  qu'il  était  déplorable  de  planer  au-dessuB  des  su- 
jets sans  commencer  par  les  commencements,  que  les  raison* 
nements  devaient  partir  des  faits  personnellement  observés, 
qu'il  était  dangereux  de  s'élever  comme  en  ballon,  et  là,  de 
regarder  et  de  juger  à  distance,  qu'en  un  mot,  avant  de  parler 
de  craniométrie,  il  fallait  en  faire. 

M.  Manouvbier.  Les  nouvelles  critiques  que  vient  de  nous 
présenter  M.  Fauvelle  ne  font  que  confirmer  l'opinion  que 
j'avais  d'abord  émise  sous  une  forme  dubitative,  à  savoir  que 
notre  confrère  est  fort  mal  édifié  en  matière  de  craniologie. 
Il  me  sufGra  donc,  je  pense,  de  répondre  à  son  dernier  dis- 
cours. J'ai  parlé  d'erreurs  et  d'inexactitudes  :  ce  discours  en 
contient  également;  elles  roulent  parfois  sur  les  faits,  mais  le 
plus  souvent  sur  la  façon  de  présenter  et  d*apprécier  ces  faits. 

c  Broca,  dit  M.  Fauvelle,  attachait  une  grande  importance 
à  Tindice  céphalique,  alors  qu'il  affectait  de  jie  tenir  aucun 
compte  des  éléments  qui  servent  à  l'obtenir;  il  était  pour- 
tant évident  qu'on  crâne  court  pouvait  être  dolichocé- 
phale...,» etc. 

Le  débutant  le  plus  novice  en  craniologie  sait  que  Tin- 
dice  céphalique  est  le  rapport  de  la  largeur  du  crâne  à  sa  lon- 
gueur =z  100,  et  que,  par  conséquent,  cet  indice  n'exprime 
ni  la  brièveté  ni  la  longueur  des  crânes,  mais  seulement  une 
forme  crânienne  plus  ou  moins  allongée  ou  arrondie.  Objecter 
à  quelqu'un  qu'un  crâne  dolichocéphale  peut  être  court,  c'est 
tout  aussi  inutile  que  d'objecter  à  un  géomètre  qu'il  y  a  de 
grands  et  de  petits  carrés. 

J'avoue,  au  surplus,  que  le  passage  auquel  je  réponds  est 
de  nature  à  surprendre  ceux  qui  connaissent  les  travaux  de 
Broca,  et,  en  particulier,  son  mémoire  Sur  la  subdivision  des 
groupes  basés  sur  tindiçe  céphalique^  mémoire  où  sont  distin- 
gués précisément  et  dénommés  les  crânes  brachycéphales 
par  excès  de  largeur,  ou  par  défaut  de  longueur  (eurycé- 
phales  et  bracbystocéphales],  les  dolichocéphales  par  défaut 
de  largeur  ou  par  excès  de  longueur  (sténocépbales  et  mégis- 
topéphales),  etc.,  etc. 


668  SÉANCE  DU  3  NOVEMBRE  4887. 

Ces  distinctions  ont  donc  été  faites,  et  l'on  voit  comment 
Broca  affectait  de  ne  point  tenir  compte  des  éléments  qni 
servent  à  calculer  l'indice  céphalique.  Mais  ces  distinctions 
constituent  une  question  spéciale,  en  dehors  de  laquelle  Tin- 
dice  céphalique  n*en  conserve  pas  moins  la  grande  valeur 
que  tout  le  monde  lui  attribue  avec  raison  en  ethnologie. 

Il  exprime  en  effet  avec  précision  des  formes  crâniennes  et 
suffit,  à  lui  seul,  pour  séparer  nettement  des  populations  que 
Ton  a  supposé  ou  que  Ton  aurait  pu  supposer  être  de  même 
race.  Beaucoup  de  théoriciens  à  priori  ont  pu  s'en  trouver 
gênés,  mais  c'est  tant  pis  pour  eux  et  non  tant  pis  pour  l'in- 
dice céphalique  qui,  lui,  représente  des  faits,  des  caractères 
morphologiques.  Suffit-il  pour  caractériser  complètement 
les  différentes  races  humaines,  pour  les  classer?  Eh  non  I 
tout  le  monde  sait  cela.  S'il  en  était  autrement,  on  n*aui*ait 
pas  besoin  d'autres  indices  craniométrîques  en  ethnologie. 

Or,  il  y  en  a  beaucoup  d'autres,  et  parmi  ceux  que  M.  Fau- 
velle  nous  a  énumérés,  non  sans  ironie,  il  en  est  plusieurs 
dont  rintérèt  anatomique  et  ethnologique  me  paraît,  à  moi, 
très  grand,  n'en  déplaise  à  notre  collègue.  J'ignore  si  le 
nouvel  indice  imaginé  par  lui,  si  l'indice  iniaque  sera  jugé 
digne,  quelque  jour,  de  figurer  parmi  eux, mais  il  est  permis 
d'en  douter,  et  l'idée  qu'un  pareil  indice  pourrait  remplacer 
avantageusement  l'indice  céphalique  témoignait,  à  mon  avis, 
d'une  bien  faible  expérience  craniologique.  Je  n'ai  pas  besoin 
de  combattre  ici  une  conception  qui  semble  être  abandonnée 
déjà  par  son  auteur  lui-même,  mais  je  prendrai  la  liberté 
d'adresser  à  celui-ci,  en  échange  des  conseils  qu'il  a  bien 
voulu  prodiguer  aux  craniologistes,  le  conseil  de  se  défier  des 
inspirations  qui  peuvent  ainsi  lui  venir  â  pnori  et  lui  faire 
prendre  en  dédain  les  travaux  de  ses  devanciers.  Je  sais  par 
expérience  combien  les  idées  des  débutants  leur  paraissent 
magnifiques.  Alors  que  j'écoutais  les  leçons  et  les  conseils  de 
Broca,  en  avais-je  de  ces  idées  supérieures  1  Autant  de  crânes 
examinés,  autant  de  vues  lumineuses.  Et  puis  viennent  les 
recherches  infructueuses,  les  observations  décevantes,  l'ex- 


DISCUSSION  SUR  LA  CRANIOMÉTlUE.  669 

périenoe  en  un  mot,  si  bien  qu'an  bout  du  compte  on  finit 
par  voir  que  les  découvertes  coûtent  beaucoup  de  temps  et  de 
peine,  heureux  si  Ton  n'a  pas  livré  à  la  presse  quelques  élu- 
cubrations  trop  hâtives.  Ainsi  se  passent  les  choses,  et  ce  n*est 
pas  seulement  en  craniologie. 

Tout  cela,  me  dirart-on,  n'est  pas  une  réfutation  précise 
des  idées  de  votre  contradicteur.  Aussi  bien  je  ne  cherche 
qu*à  montrer  llnanité  de  ses  critiques,  car,  en  ce  qui  con- 
cerne ses  vues  craniométriques,  nous  sommes  trop  loin  Tun 
de  Tautre  pour  pouvoir  nous  comprendre.  11  cherche,  avec 
son  indice  iniaque,  a  à  se  mettre  à  Tabri  des  vicissitudes  cau- 
sées à  rindice  céphaiique  par  le  développement  variable  des 
hémisphères  cérébraux  !  »,  et  moi  ce  sont  précisément  ces  vi- 
cissitudes qui  me  paraissent  le  plus  intéressantes.  Les  hémi- 
sphères cérébraux  sont  bien  quelque  chose  dans  un  crâne. 
Il  y  a  des  races  humaines  qui  ont  le  cerveau  arrondi,  et  d'au- 
tres qui  ont  le  cerveau  allongé.  C'est  Tétude  du  crâne  qui 
nous  a  révélé  cette  curieuse  différence,  et  c'est  cette  diffé- 
rence qu'exprime  Tindice  céphaiique.  Vous  trouvez  que  cet 
indice  ne  vous  dit  rien  sur  les  dimensions  absolues  du  cer* 
veau.  Mais  il  n'est  pas  destiné  à  cela.  C'est  parce  qu'il  y  a 
beaucoup  de  choses  à  considérer  dans  un  crâne  et  un  cerveau 
qu'il  y  a  tant  de  mesures  et  d'indices,  et  par  conséquent  de 
chififres  en  craniologie. 

Oui,  il  y  en  a  beaucoup.  Et  cependant  M.  Fauvelle  dit  que 
«  toutes  ces  mensurations  extérieures  sont  insuffisantes  pour 
caractériser  la  conformation  crânienne  d'une  race,  et  que^ 
tant  qu'on  se  limitera  à  ces  calculs,  on  restera  dans  le 
vague  ». 

Alors  il  demande  «  que  l'on  fasse  des  coupes  et  que  l'on 
décrive  avec  soin  ce  qu'elles  nous  montrent  ».  Singulier  vœu 
de  la  part  d'un  ennemi  de  la  craniométrie  1  Car  enfin,  si  vous 
voulez  décrire  avec  soin  et  ne  pas  rester  dans  le  vague,  il  faudra 
bien  que  vous  mesuriez.  Et  alors,  vous  ajouterez  encore  de 
nouveaux  indices,  de  nombreux  chififres  à  ceux  qui  existent 
déjà. 


670  SÉANCE  DU  3  KOVfiMBRB  4887. 

Mais  on  y  a  déjà  songé  aYant  tous^  mon  cher  coUègae,  à 
faire  des  oonpes  verticales  et  des  coupes  transTersales.  On 
a  scié  des  crânes  par  centaines  et  11  voas  sera  loisible,  sans 
sortir  de  notre  musée,  d'étudier  rintérieur  de  la  boîte  crâ- 
nienne tant  que  vous  le  voudrei.  Tontefois,  les  points  de 
repère  internes,  et  les  rapports  que  tous  prenez  la  peine  de 
nous  signaler,  je  dois  vous  dire  qu'ils  ne  nous  étaient  pas 
inconnus  ;  ce  sont  là  des  choses  élémentaires.  Si  même  cer- 
tains de  met  propres  travaux  avaient  eu  l'honneur  d'attirer 
votre  attention,  peut-être  y  auriez-vous  remarqué  quelques 
résultats  se  rattachant  aux  questions  que  vous  eroyez  soule- 
ver aujourd'hui* 

a  J'avoue,  nous  dit  encore  M.  Fauvelle,  que,  peu  encouragé 
par  ces  débuts  (il  s'agit  des  siens  et  de  son  indice  iniaque),  je 
ne  poussai  pas  très  loin  l'étude  des  autres  indices...  »  Il  eut 
tort  en  cela,  car,  outre  qu'on  ne  doit  pas  considérer  comme 
inutiles  les  autres  indices  parce  qu'on  en  a  soi-même  imaginé 
un  mauvais,  une  étude  poussée  plus  loin  n'eût  pas  manqué 
d'accroître  sa  compétence.  Elle  lui  eût  permis  de  rectifier 
son  opinion  sur  la  valeur  relative  de  son  indice  iniaque  (qu'il 
flatte  énormément  en  disant  «  qu'il  ne  vaut  guère  mieux  que 
l'indice  céphalique  »)  et  sur  la  valeur  des  nombreux  indices 
usités  en  cranioiogie. 

Qu'ont  produit  ces  indices  ?  s'écrie  notre  collègue.  En  pous- 
sant plus  loin  leur  étude  qu'il  a  trop  négligée,  il  se  con- 
vaincra que  ces  indices  avaient  tous  leur  raison  d'être  et  que 
tous  ont  fourni  des  résultats  intéressants^  voire  importants, 
même  au  point  de  vue  ethnologique.  Bien  des  gens  peuvent 
être  choqués  de  voir  que  la  forme  de  telle  ou  telle  partie  du 
crâne  est  semblable  chez  les  Esquimaux  et  les  Néo-Calédo- 
niens.  Eh!  que  voulez-vous  qu'y  fasse  la  craniométrie?  Si  les 
faits  qu'elle  vous  révèle  ne  vous  conviennent  pas,  cela  les  em- 
pêchera-t-il  d'exister?  M.  Fauvelle  signale,  à  la  vérité,  une  ré- 
forme qui  mettrait  bon  ordre  à  cette  insolence  de  la  craniomé- 
trie. Il  s'agirait  de  mesurer,  non  pas  les  premiers  crânes  venus, 
mais  des  crânes  choisis,  triés  sur  le  volet.  A  son  avis,  «  eette 


DISCUSSION  SUR  LA  CRANIOMÉTRIE.  671 

méthode  peut  seule  permettre  de  flaire  de  véritables  traités 
de  craniologie  ethnique  intéressants  et  intelligibles  » .  Voilà 
encore  qui  n'est  pas  noureau^  car  c'est  précisément  cette 
méthode^  fort  commode  en  vérité,  qui  était  en  faveur  lorsque 
Broca  vint  démontrer  la  nécessité  de  traiter  comme  com- 
plexes les  choses  qui  le  sont,  au  risque  de  rendre  la  science 
<i  indigeste  n,  comme  Test,  paraît-il,  la  craniologie.' 

M.  Fauvelle  conclut  en  disant  «  que  les' mathématiques  ne 
sont  pas  applicables  aux  sciences  naturelles,  et  que  la  tné- 
thode  descriptive  seule  leur  convient  ».  Conclusion  singu- 
lière d'un  discours  dans  lequel  bon  nombre  de  mesures  et 
dlndices,  tant  anciens  que  nouveaux,  sont  presque  recom- 
mandés et  utilisés;  où  il  est  dit  que  l'étude  des  coupes  crâ- 
niennes a  n'exclut  pas  l'étude  des  courbes  et  des  diamètres 
qui  font  naturellement  partie  de  la  morphologie  du  crâne  », 
tant  il  est  vrai  que,  même  pour  des  esprits  prévenus,  décrire 
et  mesurer  ne  sont  pas  le  moins  du  monde  des  -méthodes 
opposées.  Qes  chiffres  invoqués,  ces  courbes  et  ces  diamètres 
recommandés,  tout  cela  ne  fait-il  pas  partie  de  «  ce  fatras 
arithmético-géométrique  qui,  dit  en  terminant  notre  hono- 
rable confrère,  n'est  plus  de  notre  siècle  »  ?Mais  il  se  trompe 
encore  en  ceci,  car  ce  qui  n'est  plus  de  notre  siècle,  c'est  la 
vieille  méthode  qu'il  recommande,  la  croyant  nouvelle;  ce 
sont  les  descriptions  à  vue  de  nez. 

M.  Fauvelle.  L'imagination  dont  M.  Topinard  me  gratifie 
si  gracieusement,  n'est  pour  rien  dans  ce  que  j'ai  dit.  J'ai 
reproduit  à  peu  près  textuellement  sa  réponse;  et  je  la  com- 
prends parfaitement.  Gela  se  passait  il  y  a  au  moins  deux  ans, 
et,  comme  je  n'étais  guère  connu  alors,  on  pouvait  ne  pas  se 
gêner  avec  moi.  Quant  à  la  visite  d'une  heure  à  laquelle  il 
vient  de  faire  allusion,  c'est  une  autre  affaire.  Elle  a  eu  lieu 
l'année  dernière  à  pareille  époque.  M.  Topinaid  me  renou- 
vela bien  en  arrivant  ses  offres  de  service,  sans  parler  cette 
fois,  je  le  reconnais,  de  Félix  Flandinette;  il  alla  même  jus- 
qu'à s'excuser  de  ne  pouvoir  m'offrir  ses  ouvrages,  les  édi- 
teurs les  lui  faisant  payer  trop  cher.  Mais  ce  n'est  pas  de  cela 


67S  SÉANCE  DU  3  NOYBMBRE  1887. 

qu*il  s'agissait,  il  se  présentait  en  soUicitenr...  Les  rfties 
étaient  changés.  Je  n'insiste  pas  par  discrétion. 

Je  répéterai  à  M.  Manouvrier  ce  que  j*ai  dit  bien  des  fois  : 
je  ne  m'occupe  que  de  la  classification  des  races  par  la  cra- 
niométrie;  il  s'agit  d'elle  et  non  de  la  craniologie.  Ensnite 
je  ne  rejette  nullement  les  mesures  exactes,  mais  je  ne  les 
considère  que  comme  le  complément  d'une  description  mor- 
phologique. 

Je  n'ai  pas  passé  quinze  ans  au  laboratoire,  comme  M.  Ha<- 
nouvrier^  ni  un  an,  comme  les  savants  étrangers  dont  il  vient 
de  parler;  j'ai  même  refusé  d'y  entrer,  parce  que  je  pensais, 
à  tort  paraît-il,  que  toutes  les  mensurations  publiées  pou* 
valent  servir  de  base  à  une  étude  sérieuse.  Cependant  je  crois 
avoir  montré  que  je  m'étais  suffisamment  occupé  du  sujet  en 
question  pour  espérer  être  autorisé  à  en  parler.  Si  malgré 
cela  je  n'ai  rien  compris  à  la  craniométrie,  je  prie  instam- 
ment  les  collègues  désintéressés  qui  m'écoutent  et  qui  ont 
été  plus  heureux  que  moi,  de  m'indiquer  dans  quel  sens  j'ai 
fait  fausse  route;  je  reprendrai  alors  mon  travail  et  je  recon- 
naîtrai mon  erreur,  s'il  y  a  lieu. 

J'avoue  que,  sur  la  parole  du  maître,  j'avais  cru  au  bien 
fondé  de  la  méthode,  mais  un  examen  approfondi  m'a  dé- 
montré que  je  m'étais  fait  illusion  ;  si  j'élève  aujourd'hui  la 
voix,  c'est  pour  éviter  à  d'autres  la  même  déception.  Du  reste, 
les  zélés  de  la  première  heure  ont;  eux  aussi,  abandonné  la 
partie,  préférant  faire  autre  chose.  —  Us  sont  morts,  dites- 
vous.  —  Non;  fort  heureusement  le  plus  grand  nombre  vit 
encore  pour  le  plus  grand  bien  de  l'anthropologie. 

Quoi  que  vous  pensiez,  mon  cher  collègue,  j'ai  lu  tous  vos 
travaux,  même  je  crois  avoir  constaté  que  la  craniométrie 
des  races  humaines  y  tient  fort  peu  de  place,  et  ce  que  je  dis 
là  n'est  pas  une  critique.  Certes,  je  n'ai  pas  étudié  comme 
vous  les  centaines  de  volumes  que  l'on  a  écrits  sur  ce  sujet, 
tant  en  France  qu'à  l'étranger  ;  mais  je  crois  pouvoir  affirmer 
qu'aucune  application  sérieuse  de  la  méthode  n'a  été  faite  à 
l'ethnologie  ni  même  h  l'ethnographie,  et  qu'il  serait  impos- 


DISCUSSION  son  LA  CRANlOMiTtUE.  673 

sible  de  citer  un  mémoire  dans  lequel  un  groupe  ethnique 
quelconque  ait  été  décrit  et  caractérisé  craniométriquement. 
Yous  dites  que,  lorsqu'on  se  fait  une  idée  bien  nette  des 
indices,  on  se  rend  compte  immédiatement  de  ce  qu'ils  re- 
présentent. Soit.  J'ai  relevé  patiemment  toutes  les  mesures 
craniométriques  relatives  aux  types  les  mieux  connus.  Voici 
les  moyennes  fournies  par  l'un  d'eux  : 

Angle  alvéolo-souB-nasal 69*,9 

—  maxillaire  de  Camper i53%8 

—  maDdibuiaire v. 111* 

—  symphyaien 8S«* 

—  pariétal +  20«,3 

—  orbito-oooipital —    7«,4 

—  occipital  de  Daubeo ton +    7o,88 

—  sphénoldal , 140o,4 

Projection  horizontale  antérieure 52>»>»,i 

Profondeur  orbitaire 5B""»,6 

Indice  palatin 68,6 

~*  nasal 52 

—  orbitaire 80,6 

—  facial 48,5 

—  stéphanique 86,5 

—  frontal  minimum 115,5 

~  oéphalique 71,7 

—  cubique 1,15 

Capacité  cr&nienne  (Broca) 1460^ 

Avec  ces  dix-neuf  éléments  qui  sont  pour  vous  pleins  d'élo* 
quence,  pouvez-vous  me  dire  de  quel  type  il  s'agit  ?  —  Non. 
—  Cependant  vous  le  diagnostiqueriez  à  distance;  moi- 
même,  malgré  mon  incompétence,  je  le  reconnaîtrais  peut* 
être  à  première  vue.  C'est  tout  simplement  le  type  néo-oalé- 
donien.Yous  voyez  bien  que  votre  méthode  n'est  pas  pratique 
et  que  sa  prétendue  précision  est  un  leurre.  Une  bonne  des- 
cription morphologique  ferait  bien  mieux  notre  affaire. 

M.  TopiNARO.  M.  Fauvelle  semble  réellement  croire  que 
nous  ne  faisons  que  de  la  craniométrie,  que  des  mensura- 
tions. Il  se  fait  Técho  de  cette  idée  bourgeoise  :  qu'être  an- 
thropologiste,  c'est  être  craniométriste,  passez-moi  ce  nom, 
je  ne  veux  pas  dire  craniologiste. 

T.  X  (8«  SÂRIB).  43 


6T4  ,  s^AirflB  DU  8  kovbmbrb  1887. 

C'est  une  grosBo  erreur.  Nous  faisons  autant  de  descriptif 
que  de  mensurations,  et  celles-oi  ne  sont  destinées  qu'à  com- 
pléter le  premier.  Les  mensurations  ne  sont  qu'un  petit  côté 
de  Tanthropologie^  un  moyen  d'étude,  une  façon  d'exprimer 
en  chiffres  précis  ce  que  le  langage  rend  d'tine  manière 
vague  et  variable  avec  le  sentiment  de  chacun*  une  façon  de 
rendre  rigoureusement  ce  que  les  jeux  Toîent,  un  moyen  de 
contrôle. 

Voilà  dix  ans  pour  ma  part  que  je  ne  cesse  d'attirer  Tat- 
tention  Sur  les  descriptions,  soit  du  vivant,  soit  du  crâne,  et 
de  répéter  que  les  mensurations  n'en  sont  que  le  complément, 
qu'elles  ne  doivent  pas  faire  négliger  le  descriptif,  et  qu'à  côté 
de  la  craniométrie  il  y  a  la  cranlologîe  et  même  la  cranio- 
scopie  (non  dans  le  sens  que  Gall  donnait  à  ce  mot). 

Je  vous  citerai  parmi  mes  travaux  ft  ce  sujet  :  mes  deux 
mémoires  sur  la  Méthode  d'observation  sur  le  vivant  sans  le 
secours  d'instruments,  écrits  à  la  suite  de  mon  voyage  en 
Algérie  ;  mémoire  que  plusieurs  de  nos  collègues  ici  considé- 
rèrent comme  un  abandon  des  principes  de  Broca.  Puis  mes 
Eléments  d'anthropologie  générale ^  dans,  lesquels  je  consacre 
de  nombreux  chapitres  et  de  nombreuses  figures  au  descrip- 
tif. Puis  mes  Instructions  aux  voyageurs^  dans  lesquelles  je 
donne  une  plus  grande  part  aux  caractères  descriptifs  qu'aux 
mensurations.  Puis  un  mémoire  récent  sur  une  série  de 
crânes  kirghis^  dans  lequel  je  montre  que  le  but  de  tout 
craniologiste  est  de  déterminer  moins  le  crâne  moyen  que  le 
type  général,  et  expose  comment  doivent  se  faire  les  des^ 
oriptions  et  appréciations  par  le  secours  de  la  vue  seule. 
Enfin  deux  communications  récentes  ici,  à  propos  des  types 
crâniens  dont  M.  de  Hdlder  nous  a  envoyé  les  moulages. 

M.  Makouvrier.  m.  Fauvelle  vient  de  nous  dire  quelque 
chose  qui  me  fait  désespérer  de  plus  en  plus  de  m'entendre 
avec  lui,  car  nous  ne  sommes  même  pas  d'accord,  je  crois, 
sur  la  signification  des  termes  les  plus  essentiels  et  les  plus 
généiaux  de  la  science  dont  il  s'agit.  «  Je  ne  m'occupe,  diMl^ 
que  de  la  classiûcation  des  races  par  la  craniométrie  |  il  s'agit 


DISCUSSION   SUR  LA  GRANIOMÉTaiE.  675 

d'elle  et  non  de  la  craniologie,'»  Or,  la  craniométrie  étant  un 
procédé  d*étude  considéré  jusqu'à  présent  par  tous  les  cra- 
niologistes  comme  indispensable  à  la  craniologie,  autant  que 
la  dissection  à  Tétude  des  muscle^  et  l'anthropométrie  à  l'é- 
tude des  proportions  du  corps  humaini  je  ne  yois  pas  que  Ton 
puisse  discuter  sur  la  cranioméUie  et  sa  valeur  sans  qu*il 
s'agisse  par  là  même  de  craniologie.  Ce  n'est  pas  la  cranio- 
métrie, c'est  l'ethnologie  qui  classe  les  races  et  elle  se  sert 
pour  cela»  avec  plus  ou  moins  de  suboès,  de  données  crànio- 
logiques  obtenues  par  la  craniométrie,  c'est-à-dire  de  oarao* 
tères  décrits  avec  précision  et  dont  l'utilité,  la  signification, 
l'interprétation  sont  essentiellement  des  questions  de  cranio- 
logie pure.  Cette  discussion  est  donc  une  discussion  craniolo- 
gique  au  premier  chef. 

M.  Fauvelle,  donc,  s'attaque  à  la  valeur  des  données  obte- 
nues par  la  craniométrie  comme  éléments  de  classification. 
Il  nous  a  manifesté,  en  eETet,  son  mécontentement  de  voir  que 
les  Esquimaux,  les  Néo-Galédoniens,  etc,,  sont  les  uns 
comme  les  autres  dolichocéphales  —  et  il  s'en  prend  à  l'in- 
dice céphalique,  comme  si  cet  indice  faisait  autre  chose  que 
d'exprimer  avec  précision  le  fait  indénicd)le  do  cette  simili- 
tude entre  deux  races  qui  ne  sont  pas  forcées,  je  suppose, 
d'être  différentes  en  tout. 

Notre  confrère  admet  les  mesures  exactes,  mais  il  ne  les 
considère  que  comme  le  complément  d'une  description  mor- 
phologique. Je  serais  curieux  de  voir  une  description  mor- 
phologique d'un  crâne  sans  ce  complément.  Elle  ressem- 
blerait assez  aux  signalements  usités  dans  les  permis  de 
chasse  :  visage  ovale,  menton  rond,  bouche  moyenne,  etc., 
et  ne  gênerait  certes  pas  beaucoup  les  ethnologistes  en 
chambre.  Aussi  M.  Fauvelle  admet-il  les  mesures  à  titre  de 
complément.  Il  faudra  faire  alors  deux  descriptions  au  lieu 
d'une  et  dire,  par  exemple  :  crâne  grand  (1580  centimètres 
cubes),  de  forme  allongée  (indice  céphalique  =  71),  à  front 
étroit  (frontal  minimum  :=  90),  à  moins  que  vous  ne  vous  con- 
tentiez de  mesurer  sans  indiquer  les  chiffres  obtenus,  et  alors 


876  BÉANCÉ  D0  3  NOVEMBRE   1887. 

VOUS  n*aurez  qu'une  liste  d*adjectifs  sans  précision,  c'est<^ 
à-dire  sans  valeur  scientifique.  Ou  bien  vous  contenterei-vous 
de  mettre  des  chiffres  sans  adjectifs  ?  C'est  ce  qu'on  fait  très 
souvent,  et  cela  suffit,  sans  que  Ton  puisse  reprocher  aux 
descriptions  chifl'rées  le  défaut  de  clarté. 

Si  une  capacité  crânienne  de  i  580  on  1 600  centimètres 
cubes  ne  représente  pas  à  votre  esprit  un  grand  crâne,  un 
frontal  minimum  de  90  millimètres  un  front  étroit,  et  un 
jndice  céphalique  de  71  millimètres  un  crâne  de  forme  allon* 
gée,  alors  c'est  que  vous  manquez  complètement,  permettez- 
mei  de  vous  le  dire,  d'expérience  craniologique,  car  ces 
chiffres  sont  clairs  pour  quiconque  a  étudié,  ne  fût-ce  que 
pendant  quelques  semaines,  les  éléments  de  la  craniologie 
et  mesuré  lui-même  quelques  crânes.  Or,  ce  n'est  pas  seule- 
ment en  matière  de  craniologie,  mon  cher  collègue,  qu'une 
préparation  plus  ou  moins  longue  et  des  exercices  de  labo- 
ratoire sont  indispensables  à  quiconque  veut  faire  des  re* 
cherches  ou  interpréter  les  données  acquises  par  d'autres  à 
la  science.  Je  sais  que  la  craniologie  n'a  été  que  trop  consi- 
dérée, à  ses  débuts,  comme  un  terrain  banal  accessible  à 
tout  le  monde,  et  si  l'on  a  commencé  à  s'apercevoir  qu'il  en 
est  de  la  craniologie  conmie  de  la  chimie  ou  de  la  physio- 
logie, etc.,  ce  n'est  pas  malheureux.  Parmi  les  zélés  de  la 
première  heure,  dites-vous,  on  compte  beaucoup  de  disparus  ; 
et  ces  disparus  ne  sont  pas  tous  morts  en  effet.  Qu'est-ce 
que  cela  prouve  contre  la  craniométrie  ?  Peut-être  que  ce 
n'est  pas  un  métier  suffisamment  lucratif  et  récréatif.  Mais 
ne  croyez  pas  que  la  craniométrie  soit  abandoimée  pour 
cela,  car  on  en  fait  de  plus  en  plus,  en  France  et  à  l'étran- 
ger. Quant  à  votre  assertion  relative  à  l'absence  d'applica- 
tions de  la  craniométrie  à  Tethnologie  a  et  même  à  l'ethno- 
graphie »  ,je  ne  puis  me  l'expliquer  qu'en  songeant  que  vous 
n'avez  pas  étudié,  ainsi  que  vous  venez  de  nous  l'avouer,  les 
centaines  de  volumes  que  Ton  a  écrits  sur  ce  sujet. 

Mais,  je  le  répète,  comment  pourrais-je  m'entendre  avec 
M.  Fauvelle  en  matière  de  craniologie?  Ne  croit-il  pas  qu'on 


DISCUSSION  SUR  LA  CRANIOMéTRIB.  677 

mesure  des  crânes  afin  de  reconnaître  les  types  au  moyen 
des  chiffres  obtenus  I  J'avoue  que  ce  but  de  la  craniométrie 
m'avait  échappé.  Il  ne  faudrait,  cependant,  pourPatteindre, 
qu'une  mémoire  prodigieuse  ou  bien  une  table  dichotomique 
analogue  à  celles  qui  servent  aux  herborisations  —  tandis  que 
la  reconnaissance  d'un  type  crânien  au  moyen  d'adjectifs  et 
d'adverbes  comme  dans  les  descriptions  non  chiffrées  serait 
un  tour  de  force  bien  plus  prodigieux.  J'accorde  donc  qu'au 
point  de  vue  du  diagnostic^  la  craniométrie  est  loin  de  valoir, 
si  ce  n'est  peut-être  pour  celui  qui  Ta  beaucoup»  pratiquée,  le 
coup  d'oeil  d'un  ignare  gardien  de  musée  qui  aurait  passé  dix 
ou  vingt  ans  à  ranger  et  déranger  des  crânes.  Mais  la  cranio- 
métrie a  d'autres  buts,  croyez-le  bien.  Elle  vous  donne  les 
résultats  d'une  analyse  qui,  pour  avoir  abouti  à  des  chiffres, 
n'en  est  pas  moins  utile  pour  cela.  Vous  demandez  une 
bonne  description  morphologique  ;  je  vous  l'ai  dit,  je  n'en 
connais  pas  de  bonne  sans  précision,  c'est-à-dire  sans  chif- 
fres, car  ici  le  coup  d'œil  a  beau  être  exercé,  il  n'a  pas  de 
valeur  scientifique.  Vous  me  direz  par  exemple  que  tel  crâne 
.est  grand,  ou  passablement  grand,  ou  de  grandeur  médiocre. 
J'aime  à  croire  que  vous  n'avancerez  pas  cela  sans  avoir 
mesuré  autrement  qu'à  vue  de  nez.  Et  alors  pourquoi  ne  pas 
me  dire  tout  de  suite  que  la  capacité  de  ce  crâne  est  de 
i  400  centimètres  cubes  ?  En  m'aidant  au  besoin  d'un  regis- 
tre, je  pourrai  ainsi  faire  des  comparaisons  précises  entre 
des  individus,  des  catégories  d'individus,  des  peuples  et  des 
races;  avec  des  données  vagues  et  obtenues  à  vue  de  nez, 
vous  ne  ferez  rien  de  bon.*Les  bonnes  descriptions  morpho- 
logiques que  vous  demandez,  c'est  la  craniométrie  qui  vous 
les  donne,  et  il  n'y  a  qu'elle  qui  puisse  vous  les  donner. 

M.  Sanson.  Je  n'avais  pas  l'intention  d'intervenir  dans  la 
controverse  que  la  Société  vient  d'entendre  sur  la  cranio- 
métrie, mais  je  ne  puis  me  dispenser  de  faire  remarquer  que 
nous  assistons  à  de  singuliers  procédés  de  discussion.  Aux 
critiques  formulées  par  M.  Fauvelle  on  répond  simplement 
en  contestant  sa  compétence  sur  l'art  de  mesurer  les  crânes. 


61i  SÉAlfGB  DU  3  NOVEMBRB  1887. 

Ce  n'est  pas  là  un  argument.  Si  notre  collègne  est  réeUement 
incompétent  sur  le  sujet  en  question,  il  ne  doit  pas  6tre  très 
diffloile  à  vous,  très  compétents,  de  le  montrer.  Disentez  les 
faits  qu'il  oppose  à  votre  méthode  et  faites-nous  voir  qu'ils 
sont  sans  valeur.  Cela  sera  infiniment  plus  probant. 

Bn  somme,  le  thème  de  la  discussion  est  tellement  simple 
et  facile  à  formuler,  qu'il  ne  devrait  point  vous  falloir  de 
longues  méditations  pour  Taborder.  De  quoi  s'agit-ii?  M.  Faa- 
velle  soutient  que  la  méthode  craniométrique  fondée  sur 
remploi  des  indices  moyens,  des  sinus  des  angles,  etc.,  n'a 
conduit  et  ne  pouvait  conduire  à  aucun  résultat  satisfaisant 
pour  la  détermination  des  types  naturels  de  race.  Il  soutient 
que  seule  la  morphologie  crânienne  ouTanatomie  descriptive 
du  crâne  osseux  est  capable  de  faire  connaître  ces  types. 
Voilà  Tobjet  du  débat.  Et  c'est  ce  que  nous  voudrions  vous 
voir  réfuter  avec  des  preuves  acceptables  pour  tout  le  monde. 

Vous  dites  et  répétez  que  votre  méthode  a  l'avantage  de 
la  précision,  parce  que  vous  exprimez  le  résultat  de  vos 
recherches  en  chiflfres.  Est-ce  que,  par  exemple,  vous  con- 
cluez que  deux  crânes  ne  sont  point  de  même  race  parce  que 
Tun  a  un  indice  céphalique  de  75  et  l'autre  de  78  ?  Dans  ce 
qu'on  appelle  les  sciences  naturelles,  rien  ne  me  paraît  plus 
à  redouter  que  cette  apparente  précision,  dont  les  Allemands 
abusent  plus  que  personne.  Dans  les  recherches  de  physio- 
logie spéciale  relatives  à  ralimentation  des  animaux,  notann 
ment,  ils  poussent  les  résultats  de  leurs  analyses  jusqu'à  la 
quatrième  décimale,  alors  que  nous  pouvons  à  peine  répondre 
de  la  première.  Pour  mon  compte  même,  quand  les  résultats 
que  j'obtiens  ne  diffèrent  que  par  cette  première  décimale, 
je  les  tiens  pour  semblables.  Les  phénomènes  des  êtres  vivants 
ne  comportent  point,  soyez- en  bien  convaincus,  cette  pré- 
cision rigoureuse  qui  vous  fait  illusion.  Et  encore,  pour 
comble,  vous  opérez  sur  des  moyennes,  c'est-à-dire  sur  ce 
qu'il  y  a  de  plus  abstrait,  tandis  que  rien  n'est  plus  concret 
qu'un  type  morphologique.  C'est  quelque  chose  qui  se  voit  et 
qui  se  touche. 


DISCUSSION  8UB  U  CBAmOllÉTfUB.  VI9 

Bn  vain  ooniostaE-Yous  que  dans  votre  laboratoire  la  ora^ 
uiométrie  par  indices  a  été  substituée  à  la  orauiologie  mor- 
phologique. Nous,  les  ancieus  membres  de  la  Société,  uous 
avons  assisté  à  la  substitution,  Et  nous  avons  vu  ainsi  Tobsou- 
rite  et  la  confusion  se  foire  de  plus  en  plus  dans  les  questions 
anthropologiques.  Il  fallait  voir  comme  étaient  reçues  les 
observations  des  quelques  artistes  statuaires  qui  étaient  alors 
nos  collègues.  Ils  s*en  sont  allés  l'un  après  Tautre  et  je  sais 
bien  pourquoi,  car  ils  me  rpnt  dit.  On  leur  a  fait  clairement 
sentir  que  le  sentiment  et  le  coup  d'oeil  artistiques,  qui  font 
voir  juste  dans  la  distinction  des  types,  n'avaient  rien  dQ 
commun  avec  la  science  craniologique.  Je  n'hésite  pas  à  pro* 
clamer  que  j'ai  toujours  été  d'un  avis  tout  différent  et  que^ 
dans  mes  propres  études  sur  les  types  naturels  d'animaui 
domestiques^  il  m'est  arrivé  souvent  de  soumettre  mes 
diagnoses  au  contrôle  de  mes  voisins  et  amisBeoquet,  Gabeti 
Caillé,  Oliva,  tous  statuaires  éminents,  ayant  conséquemment 
au  plus  haut  degré  la  vision  claire  des  formes  distinctes» 
C'est  de  cela  qu'il  s'agit  en  oraniologie  et  pas  d'autre  chose* 
En  s'écartant  de  plus  en  plus  de  la  notion  arohiteoturale  do 
crâne  type  de  chaque  race  pour  accumuler,  è^.  l'aide  d'un 
arsenal  d'instruments  compliqués^  des  mesures  de  diamètrei 
et  d'angles  pratiquées  sur  des  séries,  des  indices  et  des  angles 
moyens  qui  ne  sont  que  des  abstractions  et  ne  permettent 
point  de  passer  du  nombre  h  la  forme,  je  dis  qu'on  a  engagé 
ranthropologie  dans  une  voie  qui  Ta  éloignée  chaque  jour 
davantage  de  la  connaissance  des  races.  Or,  cette  connais- 
sance est  son  premier  objet.  Notre  Société  a  été  fondée 
expressément  pour  y  arriver,  comme  le  dit  l'article  J*'  de  ses 
statuts.  Toute  étude  scientifique  des  races  humaines  doit  oom*' 
mencer  par  leur  détermination.  Il  faut  bien  distinguer  et 
classer  d'abord  les  choses  que  Ton  veut  étudier  à  fond. 
On  procède  ainsi  dans  toutes  les  sciences  naturelles.  Les 
hommes,  quelque  idée  qu'on  s'en  fasse,  sont  avant  tout  des 
objets  d'histoire  naturelle. 

Il  est  vrai  que  M.  Topinard,  dans  un  mémoire  spécial,  a 


680  fifANGE  DU  3  NOTEKBRE   1887. 

entrepris  de  nous  démontrer  qn'îl  n'y  a  point  on  qn*îl  n'y  a 
plus  de  races  humaines.  Mais  son  argumentation,  je  Tavone, 
ne  m'a  point  convaincu  Elle  n'était,  en  vérité,  guère  faite 
pour  convaincre,  et  il  y  a  exposé  une  singulière  notion  de  la 
race.  Du  reste,  on  a  pu  le  remarquer  ici  plusieurs  fois,  notre 
collègue  a  une  tendance  à  croire  que  Tantbropologie  doit 
être  envisagée  tout  à  fait  en  dehors  de  la  zoologie  générale. 
Il  se  trompe  évidemment.  Dans  les  populations  humaines  il 
y  a  des  types  naturels  comme  dans  toutes  les  autres  popula- 
tions animales,  et  ces  types  sont  ceux  des  races.  Nous  repro- 
chons précisément  à  la  méthode  craniométrique  instituée 
par  Broca  dé  n'avoir  pas  encore  conduit,  malgré  tant  de  tra- 
vaux, d'ailleurs  estimables,  à  les  déterminer.  Depuis  vingt- 
cinq  ans  je  demande  à  tous  les  anthropologistes  de  ma  con- 
naissance de  vouloir  bien  me  dire  à  quelle  race  j'appartiens. 
Aucun  n'a  encore  pu  me  donner  satisfaction.  On  m'a  bien 
fait  connaître  mon  indice  céphalique,  mais  ce  n'est  pas  lace 
qui  m'intéresse.  Je  suis  certainement  issu  d'une  seule  race, 
ou  de  deux,  ou  de  plusieurs.  Si  vous  connaissiez  leurs  carac- 
tères typiques  ou  spécifiques,  vous  les  retrouveriez  chez  moi 
comme  nous  les  retrouvons  chez  nos  animaux.  Vous  vous 
déclarez  impuissants  à  me  satisfaire.  Donc,  comme  il  n'est 
pas  possible  de  l'attribuer  à  votre  incapacité  personnelle, 
nous  sommes -en  droit  de  conclure  que  c'est  la  faute  de  la 
méthode  que  vous  suivez,  laquelle  embrouille  de  plus  en  plus 
le  sujet  au  lieu  de  l'éclaircir. 

Nous  ne  nous  élevons  pas,  veuillez  bien  le  remarquer, 
contre  l'emploi  des  instruments  métriques  dans  les  recher- 
ches craniologîques.  Ce  serait  enfantin.  Quand  je  veux  faire 
savoir,  par  exemple,  que  tel  crâne  a  les  os  du  nez  plus  larges 
que  ceux  de  tel  autre,  il  n'y  a  point  de  meilleure  façon  de 
l'exprimer  que  celle  qui  consiste  à  donner  les  deux  largeurs 
en  centimètres  ou  millimètres.  C'est  là  de  la  véritable  préci- 
sion dans  l'expression  des  faits.  Ce  que  je  conteste  absolu- 
ment, pour  ma  part,  c'est  que  les  dimensions  d'ensemble, 
les  dimensions  moyennes  et  les  indices  usités  en  craniomé- 


DISCUSSION  SUR  LA  CRANIOMÉTRIE.  681 

trie  aient  Ta  moindre  valeur  caractéristique.  Et  la  meilleure 
preuve  qu'on  n'en  peut  rien  tirer  d'utile  se  trouve  dans  la 
stérilité  évidente,  au  point  de  vue  de  la  caractéristique  des 
races,  des  résultats  qui  en  ont  été  obtenus.  Le  peu  qu'on  sait, 
au  sujet  de  cette  caractéristique,  on  le  doit  à  la  comparaison 
des  firmes  d'après  les  pièces  naturelles  ou  d'après  des  pho- 
tographies ou  des  dessins  exacts,  on  le  doit,  en  un  mot,  aux 
études  morphologiques,  non  pas  du  tout  aux  recherches  cra- 
niométriques. 

Voilà  ce  que  l'attitude  prise  dans  la  discussion  par  nos  col- 
lègues du  Laboratoire  d'anthropologie  m'a  obligé  à  dire, 
contrairement  à  ma  première  intention.  J'aurais  préféré  m'en 
tenir  à  l'exposé  que  j'ai  fait,  dans  une  de  nos  dernières 
séances,  de  la  méthode  suivie  en  craniologie  zootechnique 
ou  expérimentale,  en  la  soumettant  aux  méditations  des 
anthropologistes.  Du  moment  qu'on  faisait  intervenir  les 
questions  de  compétence,  je  ne  pouvais  décidément  plus  me 
taire,  car  on  eût  été  autorisé  à  prendre  mon  silence  pour  un 
acquiescement. 

M.  TopiNARD.  Mon  observation  s'écarte  de  la  discussion. 
Mais  M.  Sanson  vient  de  donner,  comme  preuve  de  notre 
peu  de  progrès  en  anthropologie,  que  jamais  oh  n'a  pu  lui 
apprendre  à  quelle  race  il  appartenait  et  —  sur  mon  excla- 
mation que  c'est  parce  qu'il  se  fait  une  idée  fausse  de  la  race, 
que  la  race  chez  l'homme  est  d'une  nature  abstraite  et  ne  se 
présente  pas  chez  nous  comme  chez  les  animaux  —  que 
l'homme  ne  différait  pas  sous  ce  rapport  des  animaux. 

A  cela  je  lui  répondrai  cpie  je  ne  m'étonne  pas  de  cette 
dissidence  entre  nous,  que  nous  sommes  à  deux  portes 
opposées. 

Oui,  chez  les  animaux  domestiques,  les  seuls  dont  je  veuille 
parler  en  ce  moment,  la  race  ne  se  présente  pas  comme  chez 
l'homme.  Chez  eux,  on  sait  quand  elle  commence,  grâce  à 
quelle  union  connue;  on  enregistre  les  alliances  qui  suivent. 
On  sait  les  conditions  de  milieu  qui  en  ont  aidé  le  dévelop- 
pement, les  générations  successives  se  ressemblent,  la  race 


en  BiàMGB  DU  3  NoywPBi  1886, 

est  flxée,  consolidéd,  conforme  dang  la  mesure  de  sa  dorée 
comme  dans  les  plantes  de  M.  Vilmorin. 

Chez  rhomme  il  en  est  tout  autrement,  les  alliances  sont 
absolument  laissées  au  hasard,  nous  n'enregistrons  pas  les 
provenances  des  individus  qui  viennent  s'ajouter  &  chaque 
génération  ;  on,  ressemble  à  son  pore  on  à  son  grand-père  ; 
mais  plus  loin,  des  ressemblances  remontant  à  huit  généra*» 
tions  sont  des  cas  qu'on  cite  ;  les  milieux,  le  genre  de  vie, 
tout  est  laissé  au  hasard.  L'origine  de  la  race  nous  est  entiè- 
rement inconnue,  elle  se  perd  dans  la  nuit  des  temps,  dans 
l'inûnité  des  croisements  de  toutes  sortes  qui  ont  concouru  à 
former  la  lignée  dont  nous  ne  voyons  que  les  derniers 
anneaux,  La  race  n'existe  en  somme  que  dans  notre  esprit, 
c'est  une  notion  abstraite,  celle  d'un  type  physique,  celle 
d'un  ensemble  de  caractères  se  continuant  de  génération  en 
génération;  elle  se  décompose  en  deux  idées  :  celle  de  res- 
semblance et  celle  de  filiation  de  cette  ressemblance.  Mais 
jamais  laressemblance n'est  complète,  la  filiation,  suivie.  Dans 
chacun  de  nous  entre  une  part  quelconque  de  tout  ce  qui  est 
entré  précédemment  dans  notre  géuéalogie.  Dans  chacun  de 
nous,  plusieurs  races  s'associent,  l'une  donnant  un  caractère, 
l'autre  un  second  caractère,  une  autre  un  troisième.  Voilà 
pourquoi  il  est  impossible  de  dire  à  quelle  race  appartient 
M.  Sanson  ;  il  y  a  en  lui,  comme  dans  chacun  de  nous,  un  peu 
de  plusieurs  ;*aces.  Ce  n'est  pas  en  Europe  seulement  qu'il  en 
est  ainsi.  Partout  il  y  a  mélange.  Ce  n'est  donc  qu'avec  notre 
esprit  que  nous  pouvons  suivre,  dans  nos  généalogies  com- 
plexes, ce  qui  constitue  la  race,  c'est-à-dire  la  continuité, 
dans  le  temps,  d'un  même  type,  qui  lui-même  n'est  acces- 
sible que  par  une  opération  de  l'esprit. 

M,  Manouvrier.  Je  répondrai  d'abord  à  M,  Sanson  que  son 
intervention  était  au  moins  inopportune  en  ce  qui  concerne 
la  façon  dont  j'ai  cru  devoir  répliquer  aux  conseils  donnés 
par  M.  Fauvelle  aux  craniologistes. 

En  pareille  matière,  le  soupçon  d'incompétence  que  j'ai 
exprimé  aveo  des  précautions  très  atténuantes  n'avait  rieo 


DUGUSIIOll  BUR  LA  CRAHIOMÉTRIfl.  683 

de  plus  offensant  que  le  jugement  anqnel  j'avais  à  répondre 
comme  oraniologiste,  d'autant  plus  qu'on  ne  saurait  être  com« 
pètent  en  toutes  choses.  En  outre,  il  est  fort  inexact  de  dire 
que  là  s*est  bornée  la  réponse  faite  à  M.  FauTcUe.  Si  j*ai 
demandé  tout  d'abord  nn  ajournement  de  la  discussion,  j'ai 
eu  soin  de  dire  que  c'était  dans  Tunique  but  de  répondre  à 
un  écrit  et  non  à  des  paroles  peut-être  mal  entendues  ou 
comprises.  C'est  une  singulière  illusion  que  d'attribuer  cette 
demande  à  l'embarras  ou  à  un  défaut  de  préparation,  d'au- 
tant plus  que  la  réponse  a  été  faite,  et  assez  longuement, 
semble-t-il  La  réponse  à  M.  Sanson  ne  sera  pas  plus  embar* 
rassante,  puisqu'il  adopte,  en  les  reproduisant,  les  principales 
critiques  de  M.  Fauvelle. 

Oui,  la  cranioraôtrie  apporte  à  la  craniologie  de  la  préci- 
sion, et  une  précision  réelle.  On  parle  de  crânes  ayant  des 
indices  céphaliques  de  75  et  de  78,  et  l'on  dit  que  cette  diffé- 
rence ne  permet  pas  de  conclure  à  une  différence  de  race. 
Sans  doute,  puisque  les  variations  de  la  forme  du  crâne  dans 
une  môme  race  peuvent  ôtre  plus  étendues,  notion  due,  soit 
dit  en  passant,  à  la  oraniométrie. 

Une  telle  différence,  cependant,  mérite  parfois  d'être  prise 
en  considération  plus  qu'on  ne  paraît  le  croire.  Mais  fût-elle 
négligeable  dans  tous  les  cas,  encore  faut-il  savoir  à  quoi  s'en 
tenir  sur  sa  valeur  absolue  et  relative.  Or  c'est  encore  la 
craniométrie  qui  nous  l'apprend,  et  c'est  elle  qui  nous  évi- 
tera de  raisonner  sur  des  différences  évaluées  à  l'œil,  au  jugé, 
moyens  d'évaluation  commodes  pour  les  faiseurs  de  théories, 
mais  un  peu  discrédités  en  matière  scientifique. 

Gomme  vous,  je  ne  pousse  pas  l'amour  de  la  précision  dans 
les  mesures  jusqu'à  la  quatrième  décimale;  on  ne  dépasse 
pas  la  deuxième,  d'ailleurs,  en  craniométrie,  encore  n'est-ce 
que  pour  être  sûr  de  la  première.  J'accorde  qu'il  y  a  beau- 
coup de  cas  où  il  serait  naïf  de  s'appuyer  sur  cette  première, 
voire  même  sur  une  unité  ;  cela  dépend  de  la  chose  mesurée 
et  du  degré  de  précision  que  comporte  sa  mesure,  mais,  en 
tout  oas,  je  préfère  un  excès]  de  précision  négligeable  à  une 


6M  SÉAHCE  DU  3  NOVEMBRE  1887. 

évaluation  fantaisiste,  parce  que  je  sais  par  expérience  que^ 
même  avec  un  coup  d'œil  exercé,  on  peut  commettre  les 
erreurs  les  plus  grossières  et  les  plus  graves. 

Le  comble,  dit  M.  Sanson,  c'est  que  les  craniologistes 
opèrent  sur  des  moyennes  I  Si  c'esl  un  comble,  il  faut  avouer 
qu'il  n'est  pas  atteint  par  les  craniologistes  seuls,  car  c'est 
d'un  bout  à  l'autre  de  l'anatomie  et  de  la  physiologie  que 
Ton  a  recours  aux  moyennes,  ce  qui  n'entraîne  nullement  le 
mépris  des  cas  individuels.  De  ce  que  l'étude  des  êtres  vivants 
ne  comporte  pas  autant  de  précision  que  la  physique  ou  la 
mécanique,  ce  n'est  pas  une  raison  pour  négliger  la  précision 
alors  qu'elle  est  possible,  et  pour  attribuer  par  exemple  à  un 
crâne  une  longueur  de  180  millimètres,  alors  que  cette  lon- 
gueur, qui  peut  être  mesurée  facilement  à  I  millimètre  près, 
est  seulement  de  175  ou  170  millimètres. 

Une  moyenne,  dit  M.  Sanson,  est  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus 
abstrait,  tandis  que  rien  n'est  plus  concret  qu'un  type  mor- 
phologique. Il  est  vrai  que  l'on  donne  au  mot  type  des  accep- 
tions très  diverses,  mais  je  crois  avoir  le  droit,  à  mon  tour, 
de  dire  qu'un  type  morphologique  est,  au  contraire,  une 
abstraction,  à  tel  point  qu'il  ne  peut  être  représenté,  souvent, 
que  par  une  moyenne  ou  une  série  de  moyennes. 

Il  peut  arriver  qu'un  type  morphologique  puisse  être  repré- 
senté plus  ou  moins  complètement  (comme  une  moyenne) 
par  un  individu  ou  un  cas.  Dans  une  espèce  dont  tous  les 
individus  se  ressembleraient,  la  chose  serait  facile,  mais  dans 
l'espèce  humaine  et  surtout  chez  certains  groupes  humains, 
il  est  plus  facile  d'abstraire  un  type  bien  ou  mal  défini  que 
de  palper  un  individu  parfaitement  typique. 

C'est  précisément  parce  que  l'espèce  humaine  et  les  races 
qui  la  composent  sont  constituées  beaucoup  moins  simple- 
ment qu'on  ne  le  supposait,  que  vous  avez  vu,  comme  vous  le 
dites,  l'obscurité  se  faire  de  plus  en  plus  dans  les  questions 
anthropologiques.  Des  questions  que  l'on  considérait  comme 
simples  et  faciles  se  sont  trouvées^  quand  on  a  voulu  y  regarder 
de  près,  très  complexes  et  très  difficiles.  Là  où  on  croyait  voir 


DISCUSSION  Sim  LA  CRANIOMÉTRIE.  '  685 

clair,  on  s'aperçoit  aujourd'hui  qu'on  ne  voyait  pas.  De  très 
gros  problèmes,  vingt  fois  résolus  en  apparence,  finiront 
peut-être  par  être  considérés  comme  insolubles.  D'autres  ont 
changé  de  face  complètement. 

Si  Tethnologie  est  plongée  dans  l'obscurité,  on  ne  peut  que 
le  regretter,  mais  ce  qui  n'est  pas  regrettable  et  ce  qui  con- 
stitue un  grand  progrès,  c'est  de  connaître  des  difficultés  qui, 
alors  qu'on  ne  s'en  rendait  pas  compte,  n'en  existaient  pas 
moins.  Si  Ton  attribue  ce  progrès  à  la  prétendue  «  substitu- 
tion de  la  craniométrie  à  la  craniologie  morphologique  d  ,  on 
rend  à  la  craniométrie  un  hommage  qu'elle  ne  mérite  certes 
pas  exclusivement. 

Mais  qu'est-ce  que  cette  substitution  dont  parlent  MM.  Pau- 
velle  et  Sanson?  La  craniologie  morphologique,  peu  précise  à 
ses  débuts,  Test  devenue  graduellement,  grâce  à  Broca  sur- 
tout, grâce  aux  perfectionnements  de  la  craniométrie.  Est-ce 
là  un  amoindrissement  ?  La  craniologie  morphologique  est 
une  branche  de  Tanatomie  ;  la  craniométrie  n'est  qu'une 
méthode  d'investigation;  comment,  peut-on  dire  que  la  mé- 
thode a  été  substituée  à  la  science?  La  seule  substitution  qui 
ait  eu  lieu,  si  tant  est  qu'il  y  ait  eu  substitution,  c'est  celle 
de  l'observation  précise  et  scientifique  à  l'observation  artis- 
tique. 

Et  voilà  la  raison  pour  laquelle  sont  partis  les  artistes.  Ce 
sont  sans  doute  les  craniologistes  disparus  auxquels  faisait 
allusion  trop  vaguement  M.  Pauvelle.  Certes,  notre  Société 
doit  regretter  ces  peintres  ou  sculpteurs  distingués,  mais 
qu'y  faire  ?  La  craniologie,  comme  le  reste  del'anatomie,  n'est 
ni  de  la  sculpture  ni  de  la  peinture,  et  si  des  artistes  ont  fini 
par  s'apercevoir  que  l'art  et  la  science  sont  deux  choses  dif- 
férentes, quant  à  leur  but,  quant  à  leur  méthode  et  à  leurs 
procédés,  ces  artistes  ont  vu  juste.  Je  me  souviens,  comme 
M.  Sanson,  de  certaines  discussions  dans  lesquelles  Broca  fut 
peu  tendre  en  effet  à  l'égard  des  assertions  craniologiques 
qui  avaient  le  tort  de  n'être  basées  que  sur  le  coup  d'œil  ou 
le  sentiment  vague  de  formes  interprétées  quelque  peu  meta- 


686  SÉANCE  DU  3  NOVEMBRE  1887. 

physiquement.  C'étaient  des  assertions  complètement  fausses, 
et  lacraniométrie  avait  l'honneur  de  le  démontrer  d'une  façon 
si  péremptoire  que  la  démonstration  put  être  parfois  blessante. 

J*arrive  au  grand  reproche  que  M.  Sanson  adresse,  en  se 
résumant,  à  la  oraniométrie.  Aucun  anthropologiste  n'a  pu 
dire  à  notre  savant  collège,  depuis  vingt-cinq  ans  qu'il  le 
demande,  à  quelle  race  il  appartient. 

Je  crains  bien  qu'il  n'obtienne  jamais  dé  réponse  sur  ce 
point,  car  il  est  probablement  issu,  comme  la  plupart  d'entre 
nous,  de  plusieurs  races  différentes  et  non  d'une  seule.  Or  la 
craniométrie  présente  précisément  ce  grand  avantage  sur  les 
procédés  sans  précision  :  c'est  de  caractériser  les  individus, 
comme  les  races,  tels  qu'ils  sont,  et  non  tels  que  l'on  vou- 
drait qu'ils  fussent  en  vertu  d'idées  préconçues.  Les  mesures, 
les  indices  craniométriques  représentent  avec  précision  des 
dimensions,  des  formes  réelles.  Si  ces  dimensions  et  ces 
formes  constituent  des  caractères  conmiuns  à  plusieurs  races, 
si  les  caractères  ethniques  se  mêlent  et  s'entrecroisent,  la 
craniométrie  n'en  est  pas  cause  ;  elle  ne  peut  évidemment  pas 
caractériser  des  crânes  qui  n'ont  aucun  caractère  craniolo- 
gique  particulier.  Mais  si  un  tel  caractère  existe  et  qu'il  soit 
mesurable,  elle  l'exprimera  avec  précision  et  vous  serez 
obligé  d'avoir  recours  à  elle  si  vous  voulez  l'exprimer  ainsi, 
eussiez-vous  la  meilleure  des  photographies,  le  meilleur 
dessin,  eussiez-vous  l'original  lui-iùôme  sous  les  yeux.  Le 
but  de  la  craniologie,  c'est  la  description,  l'analyse,  l'inter- 
prétation. 

Voici  un  crâne  ou  une  série  de  crânes  dont  vous  ne  con- 
naissez que  l'origine.  Ce  sont  des  matériaux  à  étudier.  Avec 
la  protographie  vous  les  représentez,  mais  vous  ne  les  étu- 
diez pas,  vous  ne  les  décrivez  même  pas.  Une  description 
suppose  une  analyse,  et  ce  sont  les  éléments  morphologiques 
fournis  par  cette  analyse  que  la  craniométrie  exprime  et 
permet  de  comparer  scientifiquement.  Qu'il  s'agisse  de  cra- 
niologie pure  ou  de  craniologie  ethnologique,  vous  ne  ferez 
rien  de  scientifique  sans  la  craniométrie. 


GAILLARD.   *^  TUMULd8  DE  KBRLB6CAN.  687 

La  oraniométrie,  au  gnrplus,  ne  s'est  substituée  nia  la  pho- 
tographie ni  au  dessin  dans  l'étude  du  crâne.  Ce  sont  là 
autant  de  procédés  de  précision  qui  sont  usités  concurrem- 
ment et  chacun  à  sa  place,  car  ils  ne  se  remplacent  pas  mu- 
tuellement. 8i  la  craniométrie  ne  différencie  pas  suffisam- 
ment les  races  humaines,  ce  n*est  pas  à  elle,  mais  au  crâne 
et  aux  races  qu'il  faut  le  reprocher.  Et  d'ailleurs,  les  carac- 
tères craniométriques  ne  sont-ils  pas  ceux  qui  ont  le  plus 
puissamment  aidé  à  différencier  les,  races  humaines  depuis 
que  Ton  ne  se  contente  plus  de  compter  quatre  races  d'après 
la  couleur  de  la  peau?  On  fait  intervenir  aujourd'hui,  des 
caractères  multiples  pour  déterminer  une  race,  car  on  sait 
que  ni  la  taille,  ni  la  couleur^  ni  la  forme  des  cheveux,  ni  le 
langage  ne  suffisent  isolément,  et  l'ethnologie  doit  à  la  cra- 
niométrie une  foule  de  données  des  plus  utiles  qui  n'ont  pas 
peu  contribué  à  renverser  les  théories  trop  hâtives.  «  Il  faut 
bien  distinguer  et  classer  d'abord  les  choses  que  l'on  veut 
étudier  &  fond,  dit  M.  Sanson.  »  Je  réponds  que  si  l'on  veut 
classer  les  races  humaines,  il  n'est  pas  mauvais  non  plus  de 
les  étudier  préalablement  et  de  les  étudier  avec  précision  ; 
or,  en  ce  qui  concerne  les  crânes,  cela  n'est  possible  qu'au 
moyen  de  la  craniométrie. 

M.  Denikbr.  le  veux  ajouter  seulement  deux  mots  à  ce  qu'a 
dit  M.  Manouvrier  au  sujet  des  artistes.  Eux  aussi  se  servent 
des  moyennes,  bien  que  sans  le  savoir  et  sans  précision. 
Quand  ils  disent  peu»  exemple  que  telle  dimension  de  la  tête 
est  contenue  tant  de  fois  dans  telle  autre,  ils  ne  font  qu'ex- 
primer une  proportion  moyenne  ou  typique. 

COUMIJMCATIOAS. 

Du  lamnlns  de  Kerlesean  *  Camaet  de  son  aeqnisitlon 
et  de  sa  restauration  t 

PAR  M.    GAHJLARD   (dE   PLOUHARNBl). 
(Lue  par  M.  Hervé.) 

Dans  la  dernière  quinzaine  de  septembre,  comme  je  me 
trouvais  dans  les  alignements  de  Kerlescan,  à  Garnac,  con- 


688  8ÉA1CCB  DU  3    NOVEMBRE  1887. 

tiûuant  les  études  que  j*y  ai  commencées,  j*eas  occasion 
d'aller  voir  le  tumulus  qui  se  trouve  au  nord  de  ces  aligne- 
ments. Ce  monument  avait,  depuis  fort  longtemps,  attiré 
mon  attention  sur  sa  configuration,  et  je  m'étais  proposé  de 
l'explorer  quand  Taffreuse  végétation  de  ronces  et  d'ajoncs^ 
qui  le  recouvrait,  aurait  été  enlevée. 

Je  trouvai  Tintérieur  du  dolmen  et  la  galerie  déblayés  ;  les 
déblais,  qui  avaient  été  obtenus  à  grands  coups  de  bêche, 
étaient  encore  à  l'entrée  de  la  tranchée  latérale  d'ouverture. 
Je  m'informai  de  ceci  auprès  des  ouvriers  dans  les  aligne- 
ments, et  j'appris  seulement  alors  que  l'État  avait  acquis  ce 
dolmen.  De  plus  amples  détails  ne  m'ayant  pas  été  fournis^  je 
crus  que  le  tumulus  tout  entier  avait  été  acheté,  et  ma  con- 
viction se  Ût  probablement  par  ce  que  je  savais,  c'est-à-dire 
que  l'importance  du  monument  était  tout  entière  dans  le 
tumulus  et  non  dans  le  dolmen  ruiné  qu'il  contient. 

Le  dolmen  de  Kerlescan  a  déjà  été  décrit  en  1860,  par 
M.  de  Villeraeureuil*  ;  son  rapporta  la  Société  polymathique 
reproduit  le  plan  et  les  coupes  du  dolmen;  il  en  résulte 
qu'on  peut  aujourd'hui  se  rendre  compte  de  la  destruction 
accomplie  depuis.  Le  plan  de  1860  donne  au  côté  nord  du 
dolmen  11  menhirs  supports  debout  et  1  renversé,  au  total  12; 
au  côté  sud,  11  debout.  Les  deux  côtés  de  la  galerie,  entre 
les  chambres  est  et  ouest,  se  composaient  donc  dé  2i  menhirs 
debout  et  1  renversé  ;  en  outre,  le  menhir  du  fond  du  dolmen, 
à  Test,  y  existait  aussi  debout.  Actuellement,  nous  n'y 
retrouvons  au  côté  nord  que  6  menhirs,  et  au  côté  sud  1,  au 
total  7.  Il  a  donc  été  détruit  17  menhirs  supports,  y  compris 
celui  du  fond  à  l'est. 

Mais  ce  qui  donnait  le  plus  de  valeur  à  ce  dolmen,  c'étaient 
deux  ouvertures  pratiquées  chacune  entre  deux  pierres  jux- 
taposées ;  d'abord,  au  milieu  de  la  galerie  et  transversale- 
ment en  séparant  les  deux  dolmens,  puis^  au  côté  sud  et  vers 
le  milieu  de  la  galerie  du  dolmen,  à  l'est.  Ces  pierres, 

^  Bulletin  4e  la  Société  polymathique,  18<)0,  p.  13. 


GAILLARD.  —  TUMULU8  DB  KERLE8CAN. 

comme  les  autres,  ont  aujourd'hui  malheureusement  dis- 
paru ;  les  habitants  affirment  que  tous  ces  matériaux  furent 
employés  à  la  restauration  du  moulin  à  eau  du  Laz.  On  ne 
se  rendra  jamais  compte  des  actes  nombreux  de  vandalisme 
et  de  destruction  qu'ont  amenés  les  constructions  des  moulins 
dans  ce  pays. 

Il  ne  reste  donc,  actuellement,  que  le  souvenir  de  ces 
pierres  de  fermeture  et  les  coupes  qu'en  a  fournies  M.  de 
Villemeureuil. 

yauteur^  dans  son  appréciation,  émet  des  conclusions  qui 
ne  peuvent  s'admettre.  Ainsi,  partant  de  ce  fait  que  le  dolmen 
à  Touest  n'a  pas  de  menhir  support  d'un  côté  de  la  chambre 
et  que  la  table  repose  sur  le  galgal,  tout  en  constatant  qu'elle 
a  glissé  en  ce  sens,  de  façon  à  ne  porter  qu'en  partie  sur  les 
autres  supports,  comme  il  existe  une  cavité  pénétrant  dans 
cette  chambre  par  le  fond  et  à  travers  le  galgal,  il  en  fait 
l'ouverture  réelle  du  monument  entier. 

Plus  loin,  et  contradictoirement  à  ce  qu'il  a  précédem- 
ment conclu^  il  constate  également  que  vers  Tendroit  du  côté 
sud,  oîi  est  situé  l'orifice  entre  deux  supports  :  une  tranchée 
sinueuse,  creusée  dans  le  iumulusy  aboutit  à  cette  ouverture,  et 
il  en  conclut,  faute  d'empierrement  ou  de  revêtement,  qu'elle 
provient  d'anciennes  fouilles.  Logiquement,  il  eût  dû  con- 
clure que  la  cavité  à  l'ouest  et  au  fond  du  dolmen  provenait 
des  empinints  faits  lors  de  la  démolition,  mais  que  l'entrée 
véritable  du  monument  était  bien  réellement  au  côté  sud  et 
à  l'orifice  entre  deux  parois. 

Bien  avant  i860,  m'ont  affirmé  les  habitants  de  Kerlescan, 
ce  monument  avait  été  exploré  par  M.  de  Kérenflech.  Selon 
les  mêmes  indications,  il  n'y  obtint  pas  ou  fort  peu  de  résul- 
tats. Ce  qui  est  bien  certain,  c'est  qu'il  n'écrivit  rien  à  ce 
sujet,  et  cela  confirme  la  nullité  de  son  opération.  En  1867, 
M.  Lukis  visita  également  ce  monument  ;  mais  ayant  remar- 
qué qu'il  avait  été  exploré  antérieurement,  il  se  borna  à 
revoir  les  déblais  ;  il  en  retira  de  nombreux  débris  de  poterie. 
11  reconstitua  deux  vases  ornementés,  dont  l'un  à  anses  ;  les 

T.  X  (3«  série).  4^ 


600  séANGII  DU  3  MOVBVBRfi  1887. 

dessins  de  Cfl9  d^uic  vases  sont  reproduits  au  rapport  qu*il  en 
écrivit  ^ 

Dans  ce  mémoire^  M.  Lukis  parle  aussi  des  deux  ouver* 
tares  qu  avait  signalées  M.  de  Yillemeureuil,  et  il  en  donne 
le  dessin  exact.  Mais,  oa  qu'il  fit  beaucoup  mieux  que  soa 
prédécesseur,  ce  fut  l'étude  du  tumulus  lui-même,  et  U  en 
fournit  le  plan  complet.  Il  constatai  seulement  au  dolmen, 
Texistence  de  23  menhirs  supports  ;  nous  §avous  donc  ainsi 
que  la  destruction  de  ce  qu'il  en  manque  aujourd'hui  dut 
s'opérer,  à  part  le  vingt-quatrième  du  plïtn  de  M.  de  Ville- 
meureuil,  postérieurement  à  1867. 

Le  plan  de  M.  Lukis  reproduit  la  disposition  extérieure  du 
tumulus,  c'estrà-dire  le  cromlech  qui  l'entoure  sur  ses  flancs. 
11  constate  l'existence  de  10  menhirs  sur  le  côté  nord  et  5  sur 
le  côté  sud  ;  au  total  15. 

Les  ronces,  les  ajoncs,  les  détritus  de  végétation  roulés 
par  les  eaux  sur  les  flancs  de  ce  tumulus  y  cachaient  et  y 
avaient  enfoui  le  cromlech,  et  maintenant  que  le  double 
dolmen  a  subi  des  mutilations  déplorables,  tout  l'intérêt  du 
monument  se  reporte  sur  le  tumulus  lui-même,  sur  le 
cromlech . 

Ce  type  est  très  rare.  Il  affecte  la  forme  d'un  carré  long  ; 
offrant  cette  étrange  concordance  avec  celle  de  l'enceinte  qui 
précède  les  alignements.  Ses  menhirs  sont  alignés  sur 
chaque  flanc  du  tumulus  à  2°,50  de  la  base  et  laissent  entre 
eux  une  largeur  totale  de  7°',50  à  l'ouest  et  8"*,50  à  l'est.  Les 
menhirs  ont  leur  plus  grande  surface  dirigée  dans  le  sens  du 
côté  qu'ils  occupent,  c'est-à-dire  que  ceux  des  extrémités 
sont  perpendiculaires  aux  autres  et,  en  un  mot,  comme  à  Ven- 
ceinte  des  alignements. 

Les  dimensions  du  tumulus  sont  plus  grandes  assurément 
que  ne  le  remarqua  M.  de  Villemeureuil,  par  il  le  quahfie  au 
début  de  petit  tumulus  ovale. 

Dans  son  ensemble  il  représente  un  rectangle  dont  les  coins 

1  Journçil  of  Archaologic^l  AnociqUw^,  %Xl\* 


epr^iept  arrondis  ;  mm  il  a  néanmoins  plus  de  }argear  §^  l'est 
qu'à  rouest*  Sa  longueur  totale  est  de  49  màtres.  Sa  largeur 
à  Touest  de  13  mèlres  et  à  T^st  de  15  mètres, 

Le  monument  qu'il  recouvrait  est  à  pou  près  au  milieu  de 
la  largeur,  mais  mesurant  seulement  17  màtr^sep  long^eiu% 
ainsi  qu'on  le  trouve  aujourd'hui  ^près  les  destructippp 
opérées.  Les  extrémités  du  t9mulu?  le  4épa49ent  l)e^u^9p 
de  chaque  qôlé.  A  Toueiit,  U  ne  prolonge  de  i7  mètres  et  h 
Test  de  15  mètres.  Ces  dimensions  donnaient  à.  efoire  q:^ej 
peut-être,  ces  e^^trémités  prplopgées  recouvraient  d'autres 
constructions  funéraires  ;  j'y  ai  pratiqué  d§  prpfon4?  §PQn 
dages.  Je  n*ai  rencontré  de  galgal  ni  à  l'ouest  ni  à  Test,  et  je 
n'ai  pu  constater  qu'un  seul  fait,  c'est  que  le  terrain  à  l'est 
est  de  terre  glaise  sans  mélange  et  à  l'ouest  de  terre  du  pays. 
11  en  résulte  donc,  et  aussi  par  ce  qu'on  peut  y  voir  dans 
les  coupes  du  terrain  où  les  supports  ont  été  enlevés,  que  ce 
monument  était  entouré  primitivement  de  son  g^gftli  ^t  Que 
celui-ci  ne  s'étendait  nullement  aux  extrémités, 

Dans  le  plan  intérieur  qu'ils  en  ont  relevé,  MM,  de  ViUer 
meureuil  et  Lukis  ont  fait  une  omission  que  je  dois  indiquer, 
Il  existe  sur  le  fond  de  la  galerie^  et  au  droit  du  quatriômp 
support  nord,  un  rocher  plat  qui  affecte  la  forme  d'uije  table 
tombée  ;  ils  ne  le  reproduisent  pas  ni  ne  le  signalent.  Or,  il 
faut  remarquer  que  pe  quatrième  support  se  trouve  en  retrait 
des  deux  autres  ;  c'était  une  conséquence  de  l'état  du  terrain 
pour  la  consolidation  de  ce  menhir  ;  ne  pouvant  diminuer  la 
volume  du  rocher,  on  a  érigé  en  retrait.  A  part  cette  partie 
de  la  galerie,  où  le  rocher  fait  dallage  sur  une  largeur  de 
90  centimètres,  tout  le  reste,  chambres  et  galerie,  était 
entièrement  dallé  de  pierres  plates  choisies  et  de  dimension 
ordinaire.  J'ai  constaté,  en  le  retrouvant  dans  les  déblais, 
que  ce  dallage  avait  été  enlevé  lorâ  des  fouilles,  probable* 
ment  par  M.  de  Kerenflech  ou  par  les  carriers.  Malgré  cette 
opération,  on  avait  cependant  laissé  deux  objets  remar* 
quables  ;  les  ouvriers  ont  recueilli  dans  la  galerie,  à  l'entrée 
de  la  tranchée   d'ouverture,  une  pendeloque,  et  près  du 


691  SÉANCE  DU  3  NOVEMBRE  1887. 

rocher  plat  de  la  galerie,  une  petite  hache  perforée.  Ce  qu'il 
y  avait  de  poterie  était  réduit  en  infimes  morceaux,  résultats 
des  fouilles  d'abord  et  des  démolitions  ensuite. 

La  destruction  des  parois,  depuis  la  description  de  M.  de 
Yillemeureuil  et  les  plans  de  M.  Lukis,  s'était  étendue  aussi 
aux  pierres  du  cromlech.  Ainsi,  sur  le  flanc  dutumulns,  nous 
trouvons  quatre  excavations  d'où  les  menhirs  ont  été  enlevés. 
En  d'autres  endroits  ils  ont  été  renversés  ou  inclinés  ;  il  y  en 
a  quatre  ainsi. 

Ce  que  nous  avons  mis  à  jour  jusqu'ici,  car  il  a  fallu  sus* 
pendre  les  travaux  le  i*'  octobre,  se  compose  de  : 

Côté  longitadinal  sud,    8  menhira  debout,  i  renversé. 

—  Dordy    7  menhirs  debout,  S  renversés,  1  trou. 
Côté  transversal  ouest,    2  menhirs  debout. 

—  est,    3  trous. 

Au  total  et  jusqu'à  la  reprise  des  travaux,  l'enceinte  carrée 
du  tumulus  de  Kerlescan  se  compose  de  47  menhirs  debout, 
4  renversés  et  4  trous  d'où  on  a  enlevé  les  pierres.  En  com- 
parant ceci  aux  indications  de  M.  Lukis,  on  voit  donc,  puis- 
qu'il ne  reproduit  que  15  menhirs,  qu'il  en  avait  omis  6,  et 
si  on  ajoute  ceux  détruits  dans  les  trous,  un  total  de  40. 

J'ai  déjà  dit  que  ce  type  est  rare.  Il  n'existe,  en  effet,  dans 
toute  la  Bretagne,  je  crois,  que  cet  exemple.  Les  enceintes 
se  retrouvent  plus  fréquemment  en  Irlande  et  en  Angleterre  ; 
mais  néanmoins  ces  cromlechs  y  affectent  généralement  la 
forme  ronde. 

Le  type  du  tumulus  et  du  double  dolmen  de  Kerlescaui 
sorte  d'allée  couverte,  se  retrouve  exactement  dans  les  hune* 
beds  de  Drenthe,  en  Hollande.  Là  il  existe  aussi  des  dolmens 
en  galeries  de  même  largeur,  environnés  de  cromlechs  de 
forme  pareille.  Il  est  essentiel  de  signaler  aussi  la  similitude 
des  ouvertures  des  huneàeds  et  du  dolmen  de  Kerlescan. 
Gomme  à  ce  dernier,  à  Drenthe  l'ouverture  est  du  côté  le 
plus  long  et  les  deux  extrémités  sont  fermées. 

A  Valdbygaards,  près  de  Soroë,  en  Zélande,  existe  aussi 


COMMUNICATIONS  DU  BUREAU.  693 

ane  enceinte  rectangulaire,  mais  environnant  deux  dolmens 
séparés*. 

Bonstetten  a  décrit  un  monument  présentant  une  enceinte 
pareille  entourant  un  seul  dolmen,  à  Lunebourg'. 

Il  est  donc  bien  établi  que  le  monument  de  Kerlescan,  par 
son  tumulns  et  son  cromlech,  constitue  un  cas  très  rare  et 
très  exceptionnel  dans  la  Bretagne  et  même  en  France. 

Ma  conclusion  est  un  vœu  qu'il  me  semble  logique  et  indis* 
pensable  de  réaliser.  Il  faut  que,  dans  ce  brillant  écrin  de 
monuments  que  possède  TÉtat,  les  types  exceptionnels  de 
tumuli  figurent.  Non  seulement  la  conservation  par  Tacqui- 
sition  du  tumulus  de  Kerlescan  s'impose  ;  mais  aussi  celle  du 
tumulns  de  Saint-Michel,  sans  menhir  ni  cromlech,  et  du 
tumulus  du  Moustoir  avec  son  menhir  à  la.  partie  orientale. 
Ainsi  se  trouvera  complété  ce  splendide  musée  sur  place,  où 
tous  les  savants  du  monde  pourront  librement  et  fructueu- 
sement observer,  comme  ils  en  étudient  à  Saint -Germain 
les  collections  admirables  que  ces  monuments  ont  tant  con- 
tribué à  former. 

La  séance  est  levée  à  six  heures. 

Uun  des  secrétaires  :  manouvrier. 


I6i-  S£aNGE.  —  17  novembre  i8S7. 

Wwémîéente  de  M.  iHACilTOT^  prémîûenU 

Le  procès*verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

COMMUNICATIONS  DU  BUREAU. 

M.  LE  Président  annonce  que  les  décisions  suivantes  ont 
été  prises  par  le  Comité  central  dans  sa  réunion  du  iO  no- 
vembre i887  : 

l**  M.  Gillet-Vital  a  été  désigné  pour  remplir  les  fonctions 


>  Antiquités  préhUtoriques,  pi.  VIII. 
*  Essai  sur  les  doknenSy  p.  9. 


694  SÉAlfCB  DU  17  IfOTBVIRE  1887. 

d'agent  général  de  la  Société  en  remplaoement  de  M  i  Droaault^ 

décédé. 

2*  La  conférence  annuelle  Broca  sera  faite  le  mercredi 
14  décembre  par  M,  Mathias  Duval.  Le  conférencier  traitera 
de  V Aphasie  depuis  Brota. 

Le  Comité  a  ratifié  d'ayance  par  un  vote  la  décision  qui 
sera  prise  par  la  commission  du  prix  Godard,  afin  que  ce  prix 
puisse  être  décerné  à  Toccasion  de  la  conférence  Broca.  Le 
rapport  de  la  commission  sera  lu  à  la  prochaine  séance  de  la 
Société. 

Le  banquet  annuel  de  la  Société  aura  lieu  également  le 
14  décembre* 

3*  ^î*  Adrien  de  Mortillet  a  été  élu  membre  du  Comité 
centrale 

4^  Le  Comité  a  '  arrêté  comme  il  suit  la  liste  des  présenta 
tiens  pour  le  renouvellement  du  bureau  de  la  Société  : 

Président  :  M.  PozEh 

!•*  vtce-président  :  M.  Mathias  Duyal. 

2*  vice-président:  M.  Hoyelacque. 

Secrétaire  général  adjoint  :  M.  0.  Hervé. 

Secrétaires  annuels  :  MM.  Faevelle  et  A.  de  Mortillet. 

Conservateur  des  collections  :  M.  Ghudzinski. 

Archiviste:  M.  Dally. 

Trésorier  :  M.  de  Ranse. 

Commission  de  publication:  MM.  Bureau,  Lagneau,  Magitot. 

Lecture  est  faite  de  l'article  du  Règlement  concernant  les 
propositions  contraires  à  la  liste  précédente. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

Cu ANTRE  (Ernest).  Recherches  anthropologiques  sur  le  Cau- 
case. Paris,  1885-1887,  4  volumes  et  i  atlas  in-folio. 

M.  Manouvrier  est  chargé  de  faire  un  rapport  sur  cet  im- 
portant ouvrage. 

Ravin  (Prospcr).  Notices  sur  divers  marins  de  Sainl-Valery- 
sur-Somme,  Amiens,  1886,  in-8",  255  pages. 


otnrnAQBs  offerts.  695 

Mi  Pauybllb.  J'ai  Thonneur  d'offrir  à  la  Bôoiété  d'anthro- 
pologie, au  nom  de  M.  le  docteur  Charles  RaTin»  d'Âmlenn, 
uh  Tolutnë  de  Mémoires  dus  à  son  père,  le  docteur  Prosper 
Raviu}  décédé  à  Saint-Valery-sut-Somme ,  membre  de  la 
Société  d'émulation  d'Abbeyille  et  correspondant  de  l'Aca- 
démie de  médecine. 

Ce  qui,  dans  ce  voJume,  peut  surtout  intéresser  la  Société) 
ce  sotlt  des  recherches  archéologiques  excesslTcmelit  impor- 
tantes sur  la  configuration  aux  temps  proto-historiques  dé 
l'embouchure  de  la  Somme  et  du  littoral  adjacent^  depuis 
Berck-sur-Mer  jusqu'au  Bourg-d'Ault.  Cette  ancienne  conflgu- 
ration  explique  tout  naturellement  la  situation  des  centres  de 
population  actuels.  Ainsi  le  sol  de  Saint-Valery^  placé  aujour- 
d'hui dans  des  considérations  si  défavorables  pour  Tacoès  des 
navires  venant  de  la  haute  mer,  était  autrefois  une  presqu'île 
bordée  de  falaises  crayeuses  qui  commandait  l'entrée  de  la 
Somme  et  qu'il  était  très  facile  de  défendre  du  côté  de  la 
terre. 

M.  Prosper  Ravin  a  décrit  et  figuré  le  retranchement,  qui, 
à  Tépoque  romaine  et  même  bien  avant,  rendait  la  position 
pour  ainsi  dire  inaccessible.  Dans  ce  travail,  on  trouve  le 
relevé  et  la  description  de  tous  les  monuments  des  âges 
anciens  de  la  région.  L'auteur  a  fait  de  nombreuses  fouilles 
dont  les  résultats  sont  pleins  d'intérêt  pour  le  lecteur^  grâce 
aux  figures  intercalées  dans  le  texte.  Malheureusement  une 
mort  tragique  est  venue  arrêter  M«  Ravin  dans  le  cours  de 
ses  travaux,  juste  au  moment  où  son  ami  et  collègue  Bou- 
cher de  Perthes  commençait  ses  recherches  devenues  depuis 
si  fécondes.  On  trouvera  néanmoins  une  lettre  intéressante 
sur  les  industries  primitives  que  M.  Ravin  écrivit  à  son  ami 
quelques  années  avant  sa  mort. 

Fauveixe.  Conséquences  naturelles  de  la  science  libre  (Extr. 
du  journal  V Homme,  1885).  Broch.  in-8**,  6  pages. 

—  Etiologie  de  la  pellagre  (Congrès  de  Grenoble,  1885). 
Broch.  in-8*,  5  pages. 

—  Recherches  ethnographiques  sur  la  fonction  cérébrale 


096  SÉANCE  DU  17   NOVEMBRE  1887. 

(Extr.des  Bulletins  de  la  Société  d'anthropologie^  1885).  Broch. 
in-8*,  17  pages.' 

—  Volonté,  conscience,  idées,  mémoire  (Extr.  des  Bulletins  de 
la  Société  d'anthropologie^  1883).  Broch.  m-8*,  54  pages. 

—  Recherches  sur  Porigine  ancestrale  de  Phomme  à  l'aide  du 
système  dentaire.  (Journal  F  Homme  du  25  septembre  1887), 
8  pages. 

—  Delà  philosophie  au  point  de  vue  anthropologique  (Extr. 
des  Mémoires  de  la  Société  d'anthropologie,  2*  série,  t.  III). 
Broch.  in-8**,  15  pages. 

—  La  station  bipède  chez  l'homme  (Extr.  des  Bulletins  de  la 
Société  d'anthropologiCy  1884).  Broch.  in-8*,  16  pages. 

—  Des  moyens  pratiques  de  se  rendre  compte  du  degré  d*tn- 
telligence  des  différents  groupes  ethniques  (Congrès  de  Gre- 
noble, 1885).  Broch.  in-8%  7  pages. 

—  Station  moustérienne  du  Haut-Montreuil  (Seine).  Diffé^ 
rences  intellectuelles  dans  un  même  groupe  ethnique  (Congrès 
de  Nancy,  1886).  Broch.  in-8%  14  pages, 

—  L'Histoire  et  V Anthropologie  (Extr.  des  Bulletins  de  la 
Société  d'anthropologie,  1886).  Paris,  1886,  broch.  in-8, 
8  pages. 

—  Mélanges  d'anthropologie  (Extr.  des  Bulletins  de  la  Société 
d'anthropologie).  Paris,  1888,  in-8*,  147  pages. 

M.  Fauvelle.  J'ai  l'honneur  d'offrir  à  la  Société  le  tirage 
à  part  des  diverses  communications  que  j'ai  lues  ici  même  et 
dont  le  plus  grand  nombre  sont  réunies  sous  le  titre  de  : 
Mélanges  d'anthropologie.  J*y  ai  joint  les  communications  que 
j'ai  faites,  dans  ces  dernières  années,  à  la  section  d'anthro- 
pologie de  TAssociation  française  pour  Tavancement  des 
sciences. 

J'appelle  spécialement  l'attention  sur  la  dernière  en  date, 
qui  a  été  reproduite  dans  le  numéro  de  VHomme  du  25  sep- 
tembre dernier.  J'en  dépose  un  exemplaire.  Le  but  de  ce  tra- 
vail a  été  de  suivre,  à  l'aide  du  système  dentaire,  la  généa- 
logie de  l'homme  dans  la  série  animale. 

Les  recherches  auxquelles  je  me  suis  livré,  confirment  ce 


OUVRAGES  OFFERTS.  697 

qui  était  pressenti  depuis  longtemps.  Lliomme,  comme  les 
anthropoïdes,  auxquels  il  se  rattache  par  les  liens  d'une 
étroite  parenté,  procède  des  pithéciens,  qui  eux-mêmes 
descendent  des  lémuriens.  Ces  derniers,  par  leurs  représen- 
tants de  répoque  éocëne,  se  rattachent  manifestement  aux 
pachydermes  suidés  leurs  contemporains,  dont  des  décou- 
vertes récentes  montrent  la  parenté  avec  les  premiers  mam- 
mifères marsupiaux.  Enfin  ceux-ci  ont  une  dentition  qui 
rappelle  celle  des  reptiles  les  plus  élevés,  tels  que  les  cro- 
codiliens. 

Ce  sont  principalement  les  prémolaires  qui  m*ont  permis 
de  suivre  cette  filiation.  D'abord  au  nombre  de  huit,  plus  ou 
moins  espacées  à  chaque  mâchoire,  chez  les  premiers  mam- 
mifères, elles  se  tassent  chez  Yadapis,  le  plus  ancien  des 
lémuriens  fossiles  connus  ;  on  n*en  trouve  plus  que  six  chez 
les  lémuriens  actuels;  et  même  Tindri  adulte,  le  plus  élevé 
d'entre  eux,  n'en  possède  plus  que  quatre,  comme  lespithé- 
ciens  et  les  anthropoïdes.  Mais  ces  derniers  ont  encore  quatre 
denticules  à  chacune  d'elles,  tandis  que  chez  l'homme  adulte 
elles  n'en  présentent  plus  que  deux. 

Dans  l'évolution  qui  a  amené  la  formation  de  notre  type, 
il  y  a  donc  eu  raccourcissement  graduel  de  la  région  des 
maxillaires  comaprise  entre  les  canines  et  les  arrière-mo- 
laires. Ce  qui  le  confirme,  c'est  que  la  première  dentition, 
limitée  en  arrière  aux  prémolaires,  rappelle  l'état  adulte  de 
Tancètre*  immédiat.  Ainsi  les  prémolaires  de  Tenfant  sont 
semblables  à  celles  des  anthropoïdes  et  des  pilhéciens  ;  celles 
du  jeune  indri  sont  au  nombre  de  six  à  la  mandibule,  comme 
chez  les  lémuriens  inférieurs.  Enfin  les  cébiens,  dont  les  pré- 
molaires, au  nombre  de  six  à  chaque  mâchoire,  n'ont  que  deux 
denticules  comme  chez  Thomme,  offrent  une  première  den-. 
tition  qu'il  serait  difficile  de  distinguer  de  celle  des  lémuriens. 

Quelle  est  la  cause  de  ce  raccourcissement  des  mâchoires, 
qui,  depuis  le  crocodile  jusqu'à  l'homme,  suit  une  marche 
régulièrement  progressive  ?  C'est  ce  que  je  me  propose  de 
rechercher  ultérieurement. 


699  SÉANCE  DU  17  ROTEHBRB  1887. 

Nadailuc  (Marquis  m).  Ias  Ptfgmée$  (Extr.  du  Cormpen^ 
danf).  Paris,  1887,  broob.  in*8'',  15  pages* 

—  La  poterie  de  la  mllée  du  Mmmipi  (Bxtr.  des  Maté- 
riaux pour  r Histoire  de  C homme).  Paris  ^  1887,  broch.  iii-8*, 
11  pages. 

OlUfitS  OPrERTS. 

Chevelure  birmane.  —  M.  le  docteur  Bordier  offre  une  natte 
de  cheveux  de  femme  birmane.  Cette  natte  mesure  1"^,35  de 
long;  les  cheveux  sont  noirs,  peu  foncés,  fins,  légèrement 
ondes,  lisses  néanmoins. 

La  femme  qui  les  possédait  était  la  femme  d'un  garde  du  roi 
(Mindoumè-nim)  :  elle  se  nomme  Maehouénû  (littéralement 
femme  au  feu  d'or  :  itfa,  femme,  éhouéf  or,  w6,  feu). 

Ayant  perdu  son  mari  et  son  fils  dans  la  même  semaine, 
elle  entra  dans  un  couvent  de  nonnes  bouddhistes  (A/a^Ais/a). 

Ces  nonnes  sont  vêtues  de  blanc  et  ont  la  tète  rasée  ;  elles 
vivent  d* aumône. 

En  quittant  le  monde,  la  Mathisla  fait  présent  de  ses  che- 
veux à  quelque  grand  personnage  qui  lui  donne  en  échange 
une  petite  somme. 

C'est  ainsi  que  M.  Vossiou,  consul  de  France  en  1878,  a  eu 
ces  cheveux  pour  10  roupies. 

11  les  a  donnés  à  mon  ami  le  commandant  de  vaisseau 
Lucien  de  la  Bédollière,  de  qui  je  les  tiens  moi-même. 

» 
Discussion. 

M.  TopiNard.  Nous  avons  au  laboratoire  un  certain  nombre 
de  chevelures  de  ce  genre,  moins  longues,  mais  offrant 
le  même  aspect  comme  grosseur  et  ondulation.  Ce  n'est  pas 
absolument  une  raison  pour  dire  que  cette  chevelure  ne  pro- 
vient pas  d'uh  sujet  de  race  jaune,  car  il  y  a  beaucoup  k 
rabattre  de  Tidée  qu'on  se  fait  des  cheveux  absolument 
droits,  durs,  rigides  comme  des  crins,  dont  on  fait  l'attribut 
essentiel  de  ces  races-,  même  chez  le  Chinois  et  peut-être 
chez  l'Esquimau,  on  distingue  avec  de  l'attention  desondttla* 


SIMONâAU.  -^  OSSlMENtS   HUMAINS  DE  LIZT. 

tions  allongées.  Il  âst  possible,  dtl  l'esté^  qUe  ces  ondulations 
aient  été  accrues  par  la  toilette^  Après  tout,  il  n'y  a  pas  que 
des  races  jaunes  dçins  les  Indes. 

Mi  BoRDiER  maintient  Texactitude  des  renseignementë  quHl 
vient  de  donner. 

M.  Lbtourneau  fait  observer  que  les  caractères  de  la  che- 
velure en  question  indiquent  en  effet  une  race  caucasique, 
mais  que  cela  n'a  rien  d'incompatible  avec  Torigine  birmane 
de  la  femme  qui  la  portent. 

••Msiestii  httiualÉis  «e  Ié%Mf  ; 

PAK  M.   StUOHSAt. 

J'ai  fait  faire  cette  année,  messieurs,  des  fouilles  à  Lizy,  à 
Tendroit  où,  Tannée  dernière,  j'avais  trouvé  le  crâne  trépané 
que  vous  possédez.  J'ai  découvert  cette  fois-ci  trois  cercueils 
en  pierre  d'un  seul  morceau. 

Il  y  en  avait  deux  dont  les  couvercles  étaient  encore  exis- 
tants ;  l'un  qui  avait  un  couvercle  d'un  seul  morceau,  l'autre 
recouvert  de  plusieurs  dalles. 

Malgré  l'existence  des  couvercles,,  il  s'était  infiltré  un 
peu  de  terre,  sur  environ  3  centimètres  d'épaisseur,  ce  qui 
n'a  endommagé  en  rien  ces  deux  squelettes  que  j'ai  pu  vous 
rapporter  entiers. 

Ces  cercueils  étaient  à  peu  près  à  i  mètre  au-dessous 
du  sol. 

Celui  qui  avait  le  couvercle  d'un  seul  morceau  et  que.je 
nommerai  le  numéro  i ,  paraissait  avoir  été  fait  avec  beau- 
coup de  soin.  Le  couvercle,  quoique  en  place,  était  cassé  en 
plusieurs  endroits  :  est-ce  cet  accident  qui,  permettant  une 
infiltration  des  eaux  toujours  au  même  endroit,  est  cause 
que  le  crâne  se  trouve  endommagé  à  la  partie  frontale? 

Le  crâné  était  resté  absolument  dans  la  position  où  on 
l'avait  rais  lors  de  l'ensevelissement  ;  malgré  cela,  toutes  les 
dents  s'étaient  détachées  et  je  n'en  ai  pas  trouvé  trace  dans 
le  cerctieil. 


700  SÉANCB  DU  il   NOVEMBRE  1887. 

Après  la  levée  du  sqaelette,  j*ai  fait  enlever  avec  beaucoup 
de  soin  ce  cercneil,  qui,  à  lui  seul,  est  un  monument^  et  Tai 
mis  chez  moi,  à  l'abri  des  intempéries  des  saisons. 

Celui  que  je  nommerai  le  numéro  2  et  dont  le  couvercle 
était  en  plusieurs  dalles^  renfermait  le  crâne  le  mieux  con- 
servé. La  personne  devait  être  Âgée,  car  au  moment  de  la 
mort  elle  n'avait  plus  que  trois  dents  :  une  à  la  m&choire  d*en 
haut  et  deux  à  la  mâchoire  d'en  bas. 

La  tête  se  trouvait  dans  un  angle  du  cercueil.  La  colonne 
vertébrale  était  incurvée  :  y  avait-il  eujdéviation  pendant 
Texistence  ou  bien  le  squelette  avait-il  pris  cette  position  au 
moment  de  la  décomposition  î  Je  pense  que  ce  fait  peut  être 
facilement  éclairci  par  les  spécialistes. 

Pour  le  numéro  3,  comme  le  couvercle  du  cercueil  était 
cassé,  le  squelette  était  plus  endommagé  et  je  n'ai  pas  cru 
devoir  le  rapporter  ici.  J'ai  rapporté  seulement  le  crâne,  dont 
la  conformation  m'a  semblé  différer  des  autres. 

Je  dois  ajouter  que  j'ai  exploré  avec  le  plus  grand  soin  le 
contenu  de  ces  trois  cercueils  :  dans  les  deux  premiei^,  je 
n'ai  rien  trouvé  d'étranger  aux  squelettes;  dans  le  troisième, 
j'ai  trouvé  une  bague  en  cuivre  avec  médaillon  que  j'ai 
l'honneur  de  mettre  sous  vos  yeux,  mais  je  crois  que  cet  objet 
ne  peut  pas  nous  être  d'un  grand  secours  pour  nous  éclairer 
sur  l'époque  précise  de  laquelle  datent  ces  ossements. 

J'ai  observé  qu'à  chaque  tête  de  cercueil,  extérieurement, 
il  y  avait  une  pierre  plate  fichée  en  terre  perpendiculairement. 
Cette  pierre,  de  même  nature  que  celle  des  cercueils,  avait 
à  peu  près  40  centimètres  de  largeur  et  devait  se  prolonger 
au-dessus  du  sol  pour  servir  de  marque  indicative  de  la  place 
des  corps. 

CANDIDATURE  ET  ÉLECTION. 

MM.  Lagneau,  Ploix  et  Topinard  proposent  de  nommer 
membre  correspondant  national,  sur  sa  demande,  M.  le  doc- 
teur L.  AuBERT,  médecin-major  de  l"'  classe,  actuellement 


CUTER.  —  ALLONGEMENT  ANORMAL  DU  CUBITUS.  701 

médecin  en  chef  de  Thospice  mixte  de  Bourg,  auteur  de  divers 
travaux  anttiropologiques. 

Cette  candidature  est  renvoyée  à  la  commission  des  mem- 
bres correspondants  :  M.  Bordier,  rapporteur,  apporte  un  avis 
favorable.  M.  Aubert  est  élu* 

PRESENTATIONS. 

B«F  «■  altoBceMOBC  «■•nsml  ém  c«Ml«s  et  sar  la  préseBea 
4*aB  Biaaele  Faa4  pFaamtear  eheB  aa  elieTal  ; 

PAR  M.   EDOUARD  CUTER. 

Vous  savez,  messieurs,  que  chez  le  cheval,  le  cubitus,  très 
atrophié,  est  soudé  au  radius,  et  que  son  extrémité  inférieure 
s'arrête  vers  la  partie  moyenne  du  corps  de  ce  dernier,  en 
se  confondant  complètement  avec  lui(flg.  I). 

Il  résulte  de  cette  soudure  des  os  de  Tavant-bras  que  les 
mouvements  de  supination  et  de  pronation  sont  absolument 
impossibles,  et  que  Tavant-bras  présente  l'aspect  d'une 
colonne  rigide  qui  contraste  singulièrement  avec  la  mobilité 
des  os  de  cette  région  chez  Thomme  et  chez  les  carnassiers. 

A  cette  absence  complète  des  mouvements  de  pronation 
et  de  supination,  correspond  naturellement  celle  des  muscles 
destinés  à  produire  ces  mouvements  (long  supinateur,  rond 
pronateur,  etc.). 

La  pièce  que  j'ai  l'honneur  de  vous  présenter  offre  deux 
particularités  qui  la  différencient  de  la  disposition  normale 
que  je  viens  de  vous  rappeler. 

Sur  ce  membre  antérieur  gauche  d'un  cheval  que  nous 
avons  disséqué  au  laboratoire  de  l'École  nationale  des  beaux- 
arts,  on  constate  la  présence  d'un  cubitus  dont  le  dévelop- 
pement en  longueur  est  remarquable  :  au  lieu  de  se  terminer 
à  la  partie  moyenne  du  radius,  il  descend  beaucoup  plus  bas^ 
et  son  extrémité  inférieure,  atteignant  l'extrémité  inférieure 
de  l'os  principal  de  Tavant-bras,  présente,  à  ce  niveau,  non 
pas  une  pointe,  mais  une  petite  portion  renflée  (fig.  2). 


101  BÉAKCE   DU  17   NOVWBBB  1887. 

Cette  disposition,  très  rare  chez  \û  cheval,  ne  mériterait 
peut-être  pas  d'être  signalée,  si  elle  n'était  associée  à  une 
anomalie  musculaire  qui  semble  avoir  quelque  rapport  avec 
ce  développement  anormal  du  cubitus  ;  cette  anomalie  cou- 


.«I 


Fig.  1.  Momliro  aniéricur  gauche 
va  par  sa  face  externe. 

1,  Cubitus  normal. 


Fig.  2.  Membre  antérieur  gauche 
vu  par  sa  face  externe. 

1,  Cubitus  beaucoup  plus  long  que 
le  cubitus  normal. 


siâte  dans  la  présence  d'un  muscle  dont,  jusqu'à  ce  jour,  on 
n'avait  pas  signalé  l'existence  chez  le  cheval.  Ce  muscle  est 
situé,  dans  la  pièce  que  nous  vous  présentons,  à  la  partie 
interne  de  rarticulation  du  coude  (fig.  3).  11  s'insère  à  la 
partie  interne  de  l'extrémité  inférieure  de  l'humérus,  c'est- 
à-dire  à  l'épitrochlée,  se  dirige  un  peu  obliquement  en  bas 


CUyER.  -r-  ALLOMGEMBNT  ANORMAL  DU  CUBITUS.     703 

Qt  en  avant,  et  se  termine  sur  la  partie  supérieure  de  la  face 
interne  du  radius,  à  laquelle  il  s^attache. 

Un  nerf,  le  nerf  médian,  s'engage  sous  la  partie  supérieure 
da  ce  muscle  dont  il  croise  la  direction. 

Cette  description  a  beaucoup  d'analogie  avec  celle  du 
muscla  rond  pronateur  de  l'homme,  de  sorte  que  nous  pou- 


.-2 


l.  k 


Fig.  3.  —  Mt'mbre  anlôriour  gauche  vn  par  »«  faco  interne.  1,  fl.îclii.-sL'ur  inti  ino  <lu 
métaqarpo  ou  grand  palmaire  ;  2,  portion  iu(éiiuuro  du  biceps  ;  3,  portion  inférieure 
du  brachial  antérieur  ;  4,  ligament  lalériii  interne  do  l'articulation  du  coude  ; 
5,  muscle  rond  pronateur  ;  6,  nerf  mcflian. 


vons  en  conclure  que  le  muscle  suriiumcraire  dont  nous  nous 
occupons  est  un  muscle  rond  pronateur  dont  le  développe- 
ment anormal  s'associe,  d'une  façon  digne  d'être  remarquée, 
à  celui  d'un  des  os  de  l'avant-bras  qui,  ordinairement,  a 
presque  disparu. 

11  est  vrai  que,  chez  l'homme,  le  rond  pronateur  est  décrit 
comme  s'insérant  à  la  face  externe  du  radius  ;  mais  il  faut 


704  SÉANCE  DU  17   NOVEMBRE  1887. 

remarquer  que  ceci  se  rapporte  à  l'attitude  de  la  supination. 
Lorsque  Tavant-bras  est  en  pronation,  et  chez  les  quadru- 
pèdes il  est  dans  cette  attitude  d'une  façon  permanente,  la 
face  externe  du  radius  devient  interne  par  suite  du  mouve- 
ment de  rotation  qui  fait  passer  cet  os  en  dedans  du  cubitus. 
Telles  sont  les  dispositions  particulières  que  nous  voulions 
vous  signaler  ;  nous  vous  les  soumettons,  persuadé  que  des 
faits  d'une  importance  quelquefois  minime  peuvent,  en  s'as- 
sociant  à  d'autres  faits  signalés  ultérieurement,  présenter  à 
un  moment  donné  un  intérêt  qu*ils  n'ont  peut-être  pas  lors- 
qu'ils sont  isolés. 

Une  «mnlelte  bretonne  i 

PAR  M.  L.  BONNEMiRB. 

11  y  a  quelque  temps,  M.  Guilterel,  recteur  de  Saint- 
Mayeux^  quittant  cette  commune,  donna  à  ses  enfants  de 
chœur  quelques  jetons  à  jouer  dépareillés.  Il  comptait  qu'ils 
pourraient  s'en  servir  pour  jouer.  Il  n'en  fut  rien,  comme  on 
va  le  voir. 

Me  trouvant  à  Corlay,  je  vis  entrer  la  mère  d'un  de  ces 
enfants  dans  une  maison  où  je  me  trouvais.  Elle  venait  pour 
faire  percer  un  de  ces  jetons.  Je  l'interrogeai,  et  elle  me  dit 
qu'elle  voulait  en  faire  une  amulette  et  la  suspendre  au  cou 
de  son  nouveau-né,  après  Tavoir  trempée  dans  de  l'eau 
bénite. 

Les  jetons  de  ce  genre  sont  rares  en  Bretagne.  Aussi,  les 
personnes  qui  sont  assez  heureuses  pour  en  posséder  quel- 
ques-uns, les  louent-ils  à  raison  de  25  centimes  par  jour 
aux  gens  dont  les  enfants  sont  tourmentés  par  des  vers. 

On  n'attribue  jamais  de  propriétés  de  ce  genre  à  des  objets 
en  os  ou  en  ivoire  autres  que  celui  que  je  vous  présente 
aujourd'hui.  Est-ce  qu'il  faut  voir  dans  le  cas  présent  un  res- 
souvenir d'une  époque  où  les  rondelles  crâniennes  étaient 
tenues  en  si  grande  estime?  Je  n'en  sais  rien,  pour  ma  part^ 
et  j^  vous  soumets  cette  question. 


DE  MORTILLBT,  —   RUBANS   DE  SAINT- AMABLB.  705 

Uamulette  dont  je  vous  entretiens  aajourd'hui  porte  le 
nom  i'olifanten,  c'est-à-dire  éléphant. 

Batens  4e  SidBt*AM«M6 1 

PAR  M.  A.  DB  MORTILLVT. 

Une  curieuse  ceinture  bénite,  formée  d*nn  ruban  de  soie 
blanche^  portant  une  inscription  écrite  à  la  main  en  lettres 
bleues,  nous  a  été  montrée  dans  la  séance  du  16  décembre  1886 
par  H.  L.  Bonnemère,  qui  Tavait  rapportée  de  Quintin  (Cdtes- 
du-Nord). 

Ces  ceintures  bénites  ne  sont  pas  spéciales  à  la  Bretagne; 
on  en  fait  également  usage  en  Auvergne;  et  j'ai  pensé  que 
la  présentation  d'un  spécimen  de  cette  provenance,  qui  vient 
dem'être  envoyé  par  Ikl.  le  docteur  Pommerol,  pourrait  inté- 
resser quelques-uns  de  nos  collègues. 

Cette  ceinture,  qu'on  appelle  ceinture  de  SainUAmable^^  se 
vend  à  tous  les  pèlerinages  des  Vierges  d'Auvergne.  Elle  se 
compose  tout  simplement  d'un  ruban  en  soie  blanche,  long 
de  1  mètre  et  large  d'environ  3  centimètres,  sur  lequel  est 
peint  au  patron,  en  caractères  rouges,  Tinscription  suivante  : 
Ora  pro  nobis,  sanctb  Ahabilis.  a  la  suite  de  l'inscription  est 
un  dessin  grossier  du  saint  et  une  figure  de  dragon.  On 
porte  ces  ceintures  autour  du  corps  pour  la  préservation  et 
la  guérison  d'une  foule  de  maladies. 

On  vend  aussi  des  rubans  plus  étroits,  dits  'rubans  de  Saint' 
Amable,  qui  sont  de  couleur  et  portent  en  lettres  blanches 
rinscription  :  Amabilis,  ora  pro  nobis.  Ces  petits  rubans  de 
sole  ou  faveurs  se  mettent,  me  dit  M.  Pommerol,  au  cou  et 
aux  poignets  des  enfants  et  des  malades,  pour  les  préserver 
des  maladies  et  des  maléfices. 

Tous  ces  rubans  bénits  sont  bien  proches  parents  des  cor- 
dons brahmaniques  et  des  nombreux  cordons  en  chanvre, 
laine  ou  âloselle,  que  portendes  feWents  catholiques  :  cor- 

^  Saint  Amable,  patron  de  Riom/est  un  des  saints  les  plus  populaires 
de  l'Auvergne. 
•  T.  X  (3«  sérib).  45 


706  léANOB  DU  17   «OVEMBRS  1887. 

don  de  SainUB^ai^çois,  oordon  de  Saint-Joseph,  eordon  de 
Sainte-Phîlomène,  etc.,  etc.,  sans  parler  du  cordon  de  Sainte 
Cornély,  qui  se  vend  à  Carnac  et  passe  pour  préserver  les 
animaux  domestiqués,  inrtont  Im  bètM  à  cornes,  de  toutes 
les  maladies. 

COMlinNICÀTIOllS. 

Ho  lu  4lr««lta^  #t»  I»  erUiièr«  eoiiiiii«  «ii«i|Q|érl«Ui|«fi 
ém  lyp«  chevul  t 

PAR  LB  DOCTEUR    FAUVBLLB. 

Au  sujet  de  ma  communication  sur  le  prétendu  cheval 
sauvage  de  la  Dzoungarie,  equus^  Prjevalskii  (voir  le  Bulletin^ 
p.  188  et  suiv.),  j'ai  reçu  dernièrement  une  lettre  d'un  de 
nos  collègues  de  province,  M.  Ed.  Piette,  par  laquelle  il 
me  demande  si  de  nouveaux  renseignements  me  sont  par- 
venus, et  spécialement  si  M.  Deniker,  comme  il  nous  l'avait 
fait  espérer,  avait  donné  une  analyse  de  la  brochure  de 
M.  PoliakofT,  et  mis  sous  nos  yeux  les  planches  qui  raccom- 
pagnent. Malheureusement  il  n'en  est  rien,  et  M,  Deniker 
n'assiste  pas  à  la  séance.  Je  profite  néanmoins  de  l'occasion 
pour  demander  à  MM.  Sanson  et  Piètrement  de  vouloir  bien 
nous  donner  quelques  explications  sur  la  valeur,  comme 
caractère  spécifique  chez  les  solipèdes,  de  l'état  de  la  cri- 
nière suivant  qu'elle  est  dressée  ou  tombante.  C'est  un  point 
qui  n'a  pas  été  traité  lors  de  la  discussion  qui  a  suivi  ma 
communication  ;  il  a  cependant,  à  mon  avis^  de  l'Importance 
au  point  de  vue,  non  seulement  des  espèces  actuelles,  mais 
aussi  des  espèces  fossiles  dont  nous  avons  la  représentation. 

DifCUMlML 

M.  Sanson.  L'hémîone  est  caractérisée  par  une  crinière 
dressée,  le  cheval  par  uçe  crinière  tombante.  On  ne  connaît, 
jusqu'à  présent,  aucun  cheval  qui  n'ait  la  crinière  tombante. 

M,  PiÉTRKMBNT  recommande  à  M.  Fauvelle  de  préciser 
avec  beaucoup  de  soin  les  sources  invoquées  par  lui. 


CORRESPONDANCE.  107 

M.  Sànson.  II.  Plette  a  dû  flaire  une  confusion,  ear  il  est 
dit  expressément,  par  M.  Prjevalski,  que  l'animal  en  question 

avait  la  crinière  courte  et  dressée. 
La  séance  est  levée  h  six  heures. 

L'un  de»  secrétaires  :  HANOUVEIER. 


i6S«  %t\mi.  —  1''  décembre  1887. 

Préflldenco  de  M*  M AGITOT^  prëaldenl» 

Le  procèS'Verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

GOUESPONDAIfCK. 

Lettre  de  H.  Topinard. 

Paris,  1q  19'  décembre  1SS7. 
A  Monsieur  le  Président  de  la  Société  d'anthropologie. 

Monsieur  le  Président, 

J'ai  appris  par  la  carte  que  j'ai  reçue,  comme  tous  les  mei^i- 
bres  de  la  Société,  que  la  conférence  Broca  awra  lieu  celte 
année  le  mercredi  14  décembre,  à  ti'ois  heures  et  demie. 

Or,  mon  cours  de  l'Ecole  d'anthropologie  a  lieu  tous  les 
mercredis  à  quatre  heures,  c'est-à-dire  le  môme  jour,  à  la 
même  heure  et  dans  la  même  salle. 

Je  regrette  que  le  Bureau  ait  cru  devoir  prendre  cette  dé- 
cision ^ans  m'en  prévenir,  d'autant  plus  qu'il  était  d'usage 
jusqu'ici  de  mettre  cette  conférence  le  jeudi,  jour  où  la  So- 
ciété dispose  de  la  salle  à  cette  heure. 

Cette  décision  m'obliçeant  à  renvoyer  mes  auditeurs,  je 
crois  devoir  signaler  le  fait  à  la  Société. 

Veuillez  agréer,  monsieur  le  Président,  l'expression  de  ma 
haute  considération. 

D^  Paul  Topinard. 

M.  le  Président.  M.  Duval  n'a  pas  été  libre  dans  le  choix 


708  SÉANCE  DU  1*'  DteBKBRE  i887. 

da  jour  et  de  Theure  de  sa  conférence,  par  suite  de  ses  obli- 
gations professorales  à  la  Faculté  de  médecine  et  à  l'Ecole 
des  beaux-arts. 

M.  LE  Sbcrétairb  général,  m.  Topinard  était  présent  au 
Comité  central  lorsque  la  date  et  Theure  de  la  conférence 
Broca  ont  été  arrêtées.  Il  lui  était  donc  facile  de  réclamer 
en  temps  opportun.  Or,  il  n'a  rien  dit. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

Sgbmu>t  (Emile).  Die  altesten  Spuren  Meruchen  in  Norda-- 
merika.  Hambourg,  1887,  broch.  in-8®,  58  pages. 

UUATEBFAGBS  (Â.  de).  Tératologie  et  tératogénie  (Extr.  du 
Journal  des  savants^  1887).  Paris,  1887,  in-i"",  40  pages. 

Revue  d'anthropologie.  Année  1887  (3*  série,  t.  II),  fasci- 
cule n"*  6. 

M.  Topinard,  en  offrant  ce  fascicule,  attire  l'attention  sur 
les  mémoires  et  articles  ci-après  : 

La  Taille  des  anciens  habitants  des  îles  Canaries,  par  M.  To- 
pinard; 

ContHbution  à  la  sociologie  des  Australiens^  par  M.  E.  Re- 
clus; 

Les  Villages  lacustres  et  palustres  et  les  Terremares,  par 
M.  Pompeo  Gastelfranco  ; 

Les  Fouilles  de  Spy^  revue  générale,  par  M.  Gollignon. 

EleclioBM  p«ar  le  reaeavelleMieMC  au  B«rea«. 

11  est  procédé,  conformément  aux  prescriptions  du  règle- 
ment, à  l'élection  du  bureau  et  de  la  commission  de  publi- 
cation pour  1888. 

Nombre  de  votants  :  49. 

Le  dépouillement  du  scrutin  donne,  pour  la  présidence, 
les  résultats  suivants  : 

M.  Pozzi,  44  voix  ;  M.  Laborde,  2;  M.  Dareste,  I.  Bulletins 
blancs  et  nuls,  2. 

Tous  les  autres  candidats  portés  sur  la  liste  de  présentation 
du  Comité  central  réunissent  47  suffrages. 


DISCUSSION  SUR  DES   COSTUMES  RUSSES.  709 

En  conséquence,  le  bureau  de  la  Société  sera  composé 
comme  suit,  po^r  Tannée  i888  : 
Président  :  M.  Pozzi. 
!•»  vice-président  :  M.  Mathias  Duval. 
2*  vice-président  :  M.  Hovelacoub. 
Secrétaire  général  adjoint  :  M.  G.  Hervé. 
Secrétaires  annueb  :  MM.  Pauvellb  et  A.  de  Mortillet. 
Conservateur  des  collections  :  M.  Ghudzinski. 
Archiviste  :  M,  Dallt. 
Trésorier  :  M.  dc  Ranse. 
Commission  de  publication:  MM.  Bureau,  Lagneau,  Magitot. 

PRESENTATIONS. 
Pr^'aentatlon  de  costomes  rassen  ; 

PAR   Û.   PAUL   AUBRT. 

Une  chemise  rouge  de  Moujik.  —  Cette  chemise,  qui  sert  en 
môme  temps  de  blouse,  est  beaucoup  plus  ornée  de  broderies 
qu'elles  ne  le  sont  habituellement. 

Une  chemisette  de  femme  de  la  Petite  Russie,  en  toile 
blanche,  ornée  de  dentelles  et  de  broderies  rouges  et  bleues 
ou  violettes.  Les  manches  seules  sont  brodées.  Sur  le  devant, 
une  sorte  de  rabat  semblablement  brodé. 

Le  tablier  est  analogue.  La  robe  est  bleue^  en  étoffe  unie. 
Elle  est  garnie  en  bas  de  bandes  rouges,  quelquefois  en  den- 
telles. 

Le  diadème  en  soie  rouge  est  garni  de  pièces  de  monnaies 
fausses  en  cuivre  doré,  ou  en  perles  fausses.  Son  nom  russe 
est  Kakochnik. 

Diflcuition. 

M.  Adrien  de  Mortillet.  Le  vêtement  du  moujik  russe  que 
vient  de  nous  présenter  M.  Aubry,  se  nomme  roubachka.  Il  se 
met  sur  la  peau  même  et  sert  à  la  fois  de  chemise  et  de 
blouse.  Sa  couleur  n'est  pas  toujours  rouge  ;  bien  que  ce  soit 
cette  couleur  qui  domine,  on  en  voit  assez  souvent  aussi  de 


TiO  8ÉANGB  DU  I"  DÉCBMBRB  1887« 

bleus,  et  parfois  même  d*abtres  oouleiir3>  mais  ces  derniers  ont 
moins  de  succès.  Si  le  moujik  a  une  prédilection  marquée 
pour  le  rouge,  il  est  cependant  deux  autres  couleurs  qu'il 
aime  également  beaucoup  :  le  bleu  et  le  vert. 

Quant  à  Tespèce  de  diadème,  que  Ton  appelle  kakochntky 
c'est  la  coiffure  nationale  des  femmes  russes.  Cette  coiffure , 
fort  ancienne,  ne  se  rencontre  plus  guère  aujourd'hui  que 
dans  les  campagnes,  mais  elle  a  été  portée  pendant  long- 
temps aussi  bien  par  les  grandes  dames  que  par  les  pay- 
sannes. Il  y  a  des  kakochniks  d'une  grande  richessoi  couverts 
de  perles  et  de  pierreries. 

Note  ««r  les  sépaltares  ll*ttile  gmlerie  eenverle  fouillée  en 
septembre  1889»  sur  la  eonmiuBe  4e  MoBtlgay-rEacrsIit, 
prés  Vie- sar- Aisne  (Aisne)  ; 

PAR  M.    VAUYQXB. 

Cette  galerie  est  située  au  lieu  dit  :  Dessm  les  bois  de  Thézy. 
Elle  se  trouve  à  environ  450  mètres  au  nord-ouest  d'une  autre, 
découverte  et  fouillée  en  1843  (voir  Bulletin  de  la  Société 
archéologique  de  Sotssons^  volume  de  1850,  p.  55),  à  260  mè- 
tres à  l'ouest  de  l'ancienne  voie  romaine  et  à  80  mètres  au 
sud  de  Tescarpement  de  la  montagne. 

Ce  monument  a  été  établi  dans  la  direction  du  sud  au 
nord  ;  il  est  composé  de  diverses  parties  rectangulaires  pla- 
cées sur  la  même  ligne,  fig.  1.  Il  est  formé  pour  les  côtés  de 
très  fortes  pierres  plates  brutes  placées  verticalement,  dispo- 
sées pour  recevoir  au-dessus  d'autres  pierres  plates  pour 
couverture;  ces  dernières,  qui  étaient  presque  au  niveau  du 
sol,  ont  été  enlevées,  il  y  a  une  vingtaine  d'années,  pour  ne 
plus  gêner  la  culture.  Une  seule  de  ces  pierres  a  été  retrouvée 
inclinée  fortement  dans  la  fosse,  par  suite  de  réoartement 
des  pierres  posées  verticalement. 

Le  fond  est  dallé  à  peu  près  régulièrement  avec  des  pierres 
de  4  à  5  oentimèires  d'épaisseur. 

Le  fait  de  l'enlèvement  des  pierres  de  la  couverture,  cas- 


iATou)- 


VAUVIUÉ.  ^  OALIRIB  COUVERTS  DB  MONTIGNT.  711 

sées  BUT  plaoe,  et  de  la  pierre  descendue  dans  l'intérieur,  ont 
produit  Vécrasement  des  squelettes  sur  la  majeure  partie  des 
sépultures. 

Une  longueur  de  7"*,00  a 
été  fouillée,  la  profondeur 
est  de  i'^idO  au-dessous  du 
niveau  du  sol  actuel.  La  lar- 
geur des  divers  groupes  de 
sépultures  est  variée:  au  sud, 
en  A,  elle  est  de  2°",^,  en  B 
de  2  mètreS;  en  C  de  l»,90  et 
enfin  en  D  de  i"»,70. 

Cette  différence  provient 
de  ce  que  les  sépultures  ont 
été  faites  successivement. 

Une  seule  partie,  D,  a  pu 
être  fouillée  avec  observa- 
tions sérieuses,  en  raison  du 
meilleur  état  de  conservation 
des  squelettes,  qui  n'avaient 
pas  été  touchés  lors  de  l'en- 
lèvement de  la  couverture* 

Cette  partie,  fouillée  soi- 
gneusement, a  pu  permettre 
de  compter  le  nombre  de 
cadavres  ayant  été  déposés 
dans  un  rectangle  de  2  mè- 
tres de  longueur  sur  {^^10 
de  largeur. 

LÀ,  quatre  couches  régu- 
lières de  corps  ont  été  dé- 
posées avec  une  régularité  méthodique,  car  quatre  groupes 
de  quatre  têtes  furent  trouvés  le  long  des  murs  à  l'est  et  à 
l'ouest,  et  deux  autres  groupes  de  même  nombre  au  sud  et 
au  nord. 

En  plus  de  ces  48  têtes  avec  squelettes,  quatre  antres  fn- 


712  SÉANCE  DU   r*  DÉCEMBRE  1887. 

rent  aussi  trouvées  au  milieu  des  sépultures.  Il  avait  donc  été 
déposé  52  cadavres  dans  ce  faible  espace,  avec  un  soin  et 
une  régularité  parfaite. 

Toutes  les  tètes,  à  Texception  de  trois,  étaient  tournées  la 
face  contre  terre,  comme  on  Tavait  constaté  dans  les  fouilles 
des  parties  A,  B  et  G;  les  squelettes  de  ces  derniers  groupes 
étaient  aussi  placés  dans  le  même  ordre  et  de  la  même  ma- 
nière que  ceux  du  groupe  D. 

Au  centre  se  trouvait,  comme  dans  les  parties  A,  B  et  G, 
beaucoup  de  cendres  et  de  charbons  de  bois  devant  provenir 
du  feu  fait,  probablement,  pour  désinfecter  Tendroit,  avant 
d'y  déposer  de  nouveaux  cadavres. 

Objets  recueillis  dans  les  sépultures. 

V  Armes  et  outils  en  silex  : 

3  haches  polies,  dont  deux  trouvées  dans  la  fouille  D,  pla- 
cées près  de  la  tête  en  sens  inverse  de  la  direction  des  corps. 

3  fragments  de  haches  polies. 
23  lames  ou  couteaux. 

15  tranchets  ou  flèches  à  tranchant  transversai. 
1  flèche  forme  feuille. 

4  retouchoirs?  dont  un  imitant  la  forme  du  burin. 
1  perçoir. 

5  pointes  diverses. 

i  base  de  forte  lance. 

8  éclats. 

2»  Poteries,  Les  sépultures  renfermaient  aussi  des  vases  de 
pâte  très  grossière,  ayant  été  façonnés  à  la  main  sans  l'in- 
tervention du  tour.  Un  seul  de  ces  vases  a  pu  être  conservé  : 
il  a  8  centimètres  de  hauteur,  9  sur  10  de  largeur  du  haut  et 
5  de  largeur  du  fond. 

Epoque  des  sépultures.  Les  sépultures  n'étaient  accompa- 
gnées que  d'instruments  en  silex  de  l'époque  de  la  pierre 
polie,  et  de  poteries  très  grossières  qui  sont  certainement  de 
la  même  époque  ;  il  est  donc  bien  évident  que  ces  sépultures 
sont  contemporaines  de  l'époque  de  la  pierre  polie. 


R.  VERNBAU.  —  CRANES  DE  MONTIGNY.        743 

Origine  des  sépultures.  La  forme  des  murs  certainement 
établis  en  plusieurs  fois,  au  fur  et  à  mesure  des  besoins,  le 
rangement  méthodique  des  cadavres  groupés  en  ayant  tous 
la  tête  contre  le  mur,  la  face  tournée  contre  terre  et  les  pieds 
au  centre;  la  présence,  au  milieu  des  divers  groupes,  de 
cendres  et  de  charbons  nombreux,  produits  probablement 
par  le  feu  fait  pour  désinfecter  l'endroit  des  sépultures,  per- 
mettent de  conclure  que  ce  sont  bien  là  des  sépultures  ordi- 
naires, régulières  et  continues  de  Vépoque  de  la  pierre  polie. 

De  tous  les  squelettes,  évalués  environ  à  200,  ime  seule 
tête  a  pu  être  extraite  avec  la  mâchoire  supérieure,  par  le 
fait  que  les  os  de  la  face  sur  lesquels  reposaient  presque 
toutes  les  tètes  ont  été  brisés  sous  la  pression  delà  terre  qui 
recouvrait  les  sépultures. 

Un  crâne,  ayant  reçu  un  coup  de  hache  qui  avait  fait  une 
forte  ouverture,  y  a  été  aussi  riBCueilli. 

M.  le  docteur  Verneau  a  bien  voulu  avoir  l'obligeance 
d'examiner  et  de  comparer  ces  crânes,  et  faire  une  note  sur  le 
résultat  de  ses  observations. 

En  conséquence,  je  prie  M.  le  Président  de  vouloir  bien 
donner  la  parole  au  docteur  Verneau. 

Crânes  de  l'allée  eo«verte  de  MoalIgny-rEngraiii  i 
La  raee  de  Farfeoz  *  l'époque  des  dolnens  t 

PAR   LE  DOCTEUR   R.    VERNEAU. 

L'allée  couverte  que  vient  de  fouiller  M.  Vauvillé,  à  Mon- 
tigny-l'Engrain,  canton  de  Vie- sur-Aisne,  département  de 
l'Aisne,  lui  a  fourni  une  tête  complète  et  une  voûte  crâ- 
nienne qui  offrent  Tune  et  Tautre  un  véritable  intérêt.  De 
nombreux  restes  humains  occupaient  la  partie  fouillée  par 
Texplorateur;  ils  n'avaient  pas  été  remués  avant  qu'il  entre- 
prît ses  recherches  et  c'est  ce  qui  lui  a  permis  de  se  rendre 
exactement  compte  jde  la  disposition  des  quatre  couches  su- 
perposées de  cadavres,  dont  il  vient  de  nous  entretenir.  Mais, 
au  milieu  de  tous  ces  ossements,  un  fort  petit  nombre  était 


714  StAHQt  DU  i**  DÉCEMBRR  1887. 

en  bon  état.  Lat  tètei  notamment,  sans  doute  à  eansB  d«  lâ 
position  de  la  face  qui  se  trouvait  toujours  en  bas»  étaient 
tontes  réduites  à  la  voûte;  là  région  faciale  avait  oédé  sons 
le  poids.  Aussi  M.  Vanvillé  n'a-t-il  pat  cru  devoir  recueillir» 
dans  cet  ossuaire,  toutes  ces  voûtes,  toutes  ces  calottes  crâ- 
niennes. Je  le  regrette  pour  ma  part^  car,  dans  le  cas  actuel) 
la  voûte  pouvait^  à  elle  seule,  fournir  des  renseignements 
utiles.  Toutefois,  mes  regrets  sont  fortement  atténués  par  la 
promesse  que  m'a  faite  Tauteur  de  la  fouille  :  d'ici  peu,  ea 
effet,  il  a  Tintention  de  reprendre  ses  investigations  dans 
la  vallée  de  TAisne,  et,  avec  son  expérience  consommée^  jo 
ne  doute  pas  qu'il  ne  puisse  bientôt  nous  apporter  de  non-* 
veaux  documents. 

J'ai  dit  que  les  deux  pièces  recueillies  par  M.  Vanvillé  of- 
fraient un  véritable  intérêt,  chacune  d'elles  à  un  point  de  vue 
spécial.  Je  décrirai  d'abord  la  tête  complète  qui  rappelle 
singulièrement  le  crâne  n«  3  de  Furfooz. 

C'est  bien  à  ce  type  brachycéphale  surbaissé  qu'appartient 
la  tête  osseuse  de  l'Aisne,  et  je  montrerai  plus  loin  qu'elle  ne 
constitue  pas  le  seul  représentant  connu  de  cette  race  à  l'é- 
poque mégalithique.  Il  est  fort  probable  que  le  type  de  Fur* 
fooz,  qui  a  persisté  jusqu'à  nos  jours,  était  alors  représenté 
par  un  bon  nombre  d'individus. 

Le  crâne  de  Montigny-l'Engrain  est  plus  volumineux^  que 
le  crâne  n°  2  du  trou  du  Frontal  ;  cet  accroissement  de  volume 
tient  surtout  à  l'augmentation  des  diamètres  transverses,  de 
sorte  que  l'indice  céphalique  s'élève  à  85, 09.  Noua  nous 
trouvons  donc  en  présence  d'une  tète  franchement  brachy- 
céphale, tandis  que  celle  de  Furfooz  n'est  que  sous-brachy- 
céphale.  Les  indices  verticaux  nous  montrent  des  différences 
encore  plus  sensibles: le  vertical  proprement  dit  atteint  seule- 
ment 74,09  et  le  transverso-vertioal  87,01.  Le  crâne  néoli- 

1  Je  n*ai  pas  cubé  le  crâne  de  Tallée  couverte,  mais  il  est  évident,  étant 
donnés  ses  diamètres,  que  sa  capacité  dépasse  celle  du  crâne  de  Purfooz. 
Je  dois  faire  remarquer  qu'il  s'agit  d*un  crâne  masculin,  tandis  que  ûelvA 
auquel  jt  le  compare  a  appartenu  à  une  femme. 


R.  TBUIEAU.  -r  GHAHie  DE  MOIfTIGinr.  715 

thique  de  la  vallée  de  TAisne  est  donc  relativement  moins 
haut  que  le  cràne  ancien  trouvé  en  Belgique. 

Mais  si,  au  lieu  de  considérer  les  chiffres  en  eux^mômes, 
nous  recherchons  la  cause  des  différences,  nous  voyons 
qu^elle  tient,  en  réalité,  à  peu  de  chose.  En  effet>  la  hauteur 
relativement  plus  grande  du  crâne  de  Furfooz  résulte  de  Ta-' 
baissement  du  trou  occipital  ;  toute  la  partie  de  la  base  qui 
limite  ce  trou  descend  beaucoup  plus  que  sur  le  cràne  de 
Montigny-VËngrain.  C'est  par  la  base  et  presque  uniquement 
par  cette  région  que  les  deux  têtes  diffèrent.  Dans  le  reste  da 
leur  étendue,  elles  offrentr  de  grandes  analogies,  comme  va 
le  montrer  la  description  de  la  pièce  recueillie  par  H.  Vauvillé. 

Dans  son  ensemble,  la  voûte  est  fortement  surbaissée.  Les 
bosses  frontales  latérales,  très  écartées  Tune  de  Tautre,  sont 
nettement  accusées,  de  même  que  les  bosses  pariétales.  La 
courbe  antéro-postérieure  monte  droit  depuis  la  glabelle  jus- 
qu'au niveau  des  bosses  frontales;  à  partir  de  ce  point,  elle 
s'infléchit  jusqu'au  bregma  et  subit  en  ce  point  une  deuxième 
inflexion.  A  2  centimètres  environ  en  arrière  du  plan  ver- 
tical, qui  passerait  par  le  sommet  des  bosses  pariétales,  la 
courbe  se  dirige  tout  d  un  coup  presque  verticalement  en  bas 
et  suit  cette  direction  jusqu'à  3  centimètres  et  demi  à  peu 
près  au-dessus  de  Tinion. 

Ces  caractères  s'appliquent  aussi  au  cràne  n®  â  de  Furfooz^ 
de  sorte  que,  jusqu'ici,  les  deux  têtes  ne  se  différencient  que 
par  Taplatissement  relatif  de  la  base  que  j'ai  signalé  sur  la 
tête  nouvellement  découverte  dans  l'Aisne. 

Celle-ci  présente  cependant  une  particularité  que  je  n'ai 
pas  encore  mentionnée  :  je  veux  parler  de  la  dépression  post- 
coronale,  c'est-à-dire  de  cette  gouttière  très  légère,  placée  en 
arrière  de  la  suture  fronto-pariétale,  dont  elle  suit  la  direo- 
tion.  Ce  sillon,  que  j'ai  observé  sur  une  foule  de  crânes 
appartenant  aux  races  les  plus  diverses,  n'a  par  lui-même 
aucune  valeur  ethnique  *,  même  lorsqu'il  ne  peut  être  attribué 

>  Il  BufQi  de  le  rencontrer  sur  des  crftnes  non  déformét  appartenant  aux 
types  les  plus  différents  pour  lui  enlever  toute  valeur  ethnique.  On  te 


7J6  SÉANCE  DU  1*'  DÉCEMBRE  1887. 

à  une  cause  mécanique.  Dans  le  cas  actuel,  je  ne  saurais  le 
considérer  comme  le  résultat  d*une  déformation  :  la  con- 
vexité régulière  de  l'écaillé  occipitale,  l'absence  de  plagiocé- 
phalie,  etc.,  ne  permettent  guère  d'invoquer  une  déformation. 

Vus  d'en  haut,  le  crâne  de  Montigny-rEn^rain  et  celui  de 
Purfooz  offrent  le  même  aspect  général  ;  la  seule  dififérence 
un  peu  sensible  tient  à  la  largeur  un  peu  plus  grande  du 
premier,  et  à  un  peu  moins  de  renflement  de  ses  écailles 
occipitales,  ce  qui  n'empêche  pas  la  nof^ma  verticalis  d'être 
comparable  dans  les  deux  cas. 

En  résumé,  en  faisant  abstraction  de  la  face,  le  crâne  de 
l'allée  couverte  de  l'A-isne  nous  montre  une  voûte  encore  plus 
surbaissée  que  celui  du  trou  du  Frontal  et  des  diamètres 
transverses  plus  grands;  nous  ne  saurions  voir  là  que  l'exa- 
gération de  caractères  appartenant  à  la  race  de  Furfooz.  C'est 
seulement  par  l'aplatissement  relatif  de  sa  base  et  de  ses 
écailles  temporales  que  le  premier  diffère  quelque  peu  du 
second.  Quant  à  la  dépression  post-coronale,  j'ai  dit  qu'on  ne 
pouvait  y  attacher  aucune  importance.  Ces  quelques  diffé- 
rences ne  me  semblent  pas  suffisantes  pour  isoler  Vune  de 
l'autre  deux  pièces  qui  se  ressemblent  à  tant  de  points  de 
vue;  elles  peuvent  n'être  qu'individuelles  ou  sexuelles. 

Pour  compléter  la  description  du  crâne  que  nous  étudions, 
il  me  faudrait  ajouter  qu'il  porte  de  fortes  apophyses  meis- 
toïdes;  que  les  sutures,  toutes  ouvertes,  sont  compliquées; 
que  la  lambdoïde,  enfin,  renferme  plusieurs  petits  os  wor- 
miens  et  qu'il  en  existe,  dans  le  lambda,  deux  grands  dont 
l'un  mesure  16  millimètres  sur  17,  et  l'autre,  22  miUimètres 
sur  27. 

Examinons  maintenant  la  face.  Sur  la  tête  de  la  vallée  de 
l'Aisne,  elle  est  plus  haute  et  l'indice  facial  s'élève  à  71,21  ; 
on  serait  donc  tenté  de  la  rattacher  à  un  type  autre  que  celui 
de  Furfooz  et  cependant  rien  ne  serait  plus  erroné.  Plus  en- 

peut  considérer  comme  un  caractère  de  race  une  particularité  qui  se 
trouve  aussi  bien  dans  la  laoe  de  Furfooz  que  cUez  les  anciens  Canariens, 
chez  des  Américains,  etc. 


R.  VBRNBAU.  —  CRANES  DE  M0NTI6NT.        717 

core  que  pour  les  indices  verticaux  du  crâne,  il  est  nécessaire 
de  faire  ici  quelques  observations  :  Télongation  de  la  face 
tient  surtout  à  un  plus  grand  développement  de  la  région 
sus-nasale  ;  la  glabelle  forte,  saUlante,  présente  une  hauteur 
notable;  la  hauteur  sous- cérébrale  du  front  atteint  34  milli- 
mètres, tandis  qu'elle  ne  dépasse  pas  17  millimètres  sur  le 
Furfooz  n^  2.  Mais  ce  sujet,  ai-je  dit,  était  féminin,  tandis 
que  le  crâne  de  TAisne  a  appartenu  à  un  homme.  C'est  donc 
à  rinfluence  du  sexe  qu'il  faut  attribuer  Taugmentation^de 
l'indice  facial.  Gela  est  si  vrai  que,  dans  tout  le  reste  de  la 
face,  l'individu  de  l'allée  couverte  de  Montigny-l'Engrain 
ressemble  à  la  fenmie  de  Furfooz  :  de  la  racine  du  nez  au 
bord  alvéolaire,  nous  ne  trouvons  que  4  millimètres  en  plus 
chez  l'homme,  qui  offre  en  même  temps  un  plus  grand  dia- 
mètre bizygomatique.  Les  deux  indices  seraient  très  voisins 
l'un  de  l'autre,  si  l'on  mesurait  la  hauteur  de  la  face  à  partir 
de  la  racine  du  nez. 

L'homme  de  l'Aisne  est  mésorhinien,  comme  la  femme  du 
trou  du  Frontal;  comme  elle,  il  nous  donne  un  indice  orbi-^ 
taire  microsème.  Il  en  difitère  toutefois  notablement  par  un 
point  :  il  ne  présente  pas  ce  prognathisme  sous- nasal  si 
frappant  sur  le  crâne  de  Furfooz.  Son  angle  facial  cdvéolaire 
difiTèrepeu  de  l'angle  facial  sous-nasal;  la  projection  de  la 
face  par  rapport  au  crâne,  mesurée  par  la  longueur  de  l'ho- 
rizontale siluée  en  avant  de  la  perpendiculaire  abaissée  du 
point  sus-orbitaire,  n'est  que  de  10  millimètres,  tandis  qu'elle 
atteint  près  de  20  millimètres  sur  la  tête  de  Furfooz.  La  face 
de  cette  dernière  est  donc  infiniment  plus  projetée  en  avant. 
Devons-nous  attribuer  à  ce  fait  une  importance  capitale?  Je 
ne  le  crois  pas.  Remarquons  encore  ici  que  le  sexe  joue  un 
grand  rôle  :  la  femme  est  habituellement  plus  prognathe  que 
l'homme.  D'ailleurs^  le  prognathisme  n'est  pas  un  des  ccurac- 
tères  essentiels  de  la  race  de  Furfooz,  et  MM.  de  Quatrefages 
et  Hamy  n'ont  pas  hésité,  dans  les  Cranta  ethnica,  à  faire 
entrer  dans  ce  groupé  des  individus^  les  uns  prognathes,  les 
autres  sans  prognathisme. 


Tiff  etAIKS  DU  |H  DÉCEMBAB   1W7. 

Pour  terminer  la  description  de  la  fàoe  de  la  tète  de  Mon* 
^^E^Vj  j'ajouterai  que  le  maxillaire  supérieur  eet  un  peu 
large,  sans  dépasser  toutefois  63  millimètres  dans  sa  plus 
grande  largeur  au  niveau  de»  ^véoles.  La  voAte  palatine 
s'élargit  p«i  en  arrière,  de  sorte  que  les  deux  branches  de 
Tarcade  alvéolaire  restent  à  peu  près  parallèles.  Les  dents, 
quoique  saines,  offreat  toutes  une  certaine  usure  ;  les  mo- 
laires vont  en  diminuant  régulièrement  de  volume  de  la  pre^ 
mière  h  la  troisième. 

En  somme,  malgré  les  différences  sur  lesquelles  j'ai  insisté 
et  c[ue  je  n'ai  nullement  cherché  à  amoindrir,  le  eràne  de 
Tallée  eouverte  de  l'Aisne  présente  avec  celui  de  Purfooi 
(n""  2)  assex  de  ressemblances  pour  qu'il  soit  permis  de  le  rat* 
tacher  au  même  type  ;  c'est  à  la  môme  race  qu'ont  appartenu 
les  deux  sujets  que  j'ai  comparés.  Nous  ne  saurions  nous 
étonner  de  Textension  du  type  de  Furfooz  dans  la  vallée  do 
TAisne,  située  en  réalité  à  peu  de  distance  du  trou  du  Fron- 
tal ;  rappelons-nous  les  grandes  migrations  accomplies  par  la 
race  de  Gro-Magnon. 

Le  type  de  Furfooz^aurait  donc  persisté  dans  la  vallée  de 
l'Aisne  jusqu'à  l'époque  des  dolmens.  Si  le  fait  que  je  viens 
de  citer  semble  insuffisant  à  lui  seul  pour  le  prouver,  il  m'est 
possible  d'apporter  une  autre  preuve  à  l'appui  de  ma  thèse. 
Je  veux  parler  d'un  autre  crâne  découvert,  il  y  a  déjà  quel- 
ques années,  à  peu  de  distance  de  la  sépulture  fouillée  par 
M.  V^uvillé,  dans  l'allée  couverte  de  Vie-sur* Aisne.  Ce  mo» 
nument  mégalithique,  exploré  par  M.  Glouet,  lui  a  fourni 
plusieurs  voûtes  crâniennes  dont  il  a  fait  don  au  Muséum. 
Sur  les  sept  voûtes  que  possède  cet  établissement,  il  en  est 
une  qui  se  rapproche  encore  plus  du  crâne  n*  2  de  Furfooz 
que  celui  que  je  viens  de  décrire.  Je  ne  recommencerai  pas, 
pour  cette  voûte,  l'analyse  que  j'ai  faite  plus  haut;  je  me 
bornerai  à  donner,  dans  l'un  des  tableaux  ci-joints,  ses  di- 
mensions à  côté  de  celles  du  ci-âne  de  Montigny-l'Engrain  et 
du  crâne  de  Furtooz.  Je  dirai  simplement  qu'il  ne  diffère 
guère  de  ce  dernier  que  par  un  peu  plus  de  longueur  :  son 


R.  711INEAU.  —   GRAMBS  W  MONTIGNY.  719 

indiqe  (79,77)  le  fait  entrer  dans  le  groupe  des  mésaticé- 
phales;  il  ne  lui  manque,  d'^mieursj  que  quelques  oentiëmes 
pour  être  sous-bpachycéphale. 

FnrfoQs  Mooligny-     Vic- 

CrAoefl.                                     n»  2.  l'Eagrain.  sar-Aisne. 

Capacité  «rànienDe  approchée 1 450  »  » 

Projection  antérieure  totale 102  92  » 

—  —        faciale 19  10  » 

postérieure 89  93  94 

Diamètre  antéro-postérieur  maximum...      172  181  178 

—  trans verse  maximum 140  154  142 

^                —        bitemporal 134  138  132 

^                —        binuriculaire 118  127  117 

—  bimaatoïdien 97  105  106 

—  —        frontal  maximum  . .       112  125  112 

—  —             —     minimum...        92  102  90 

—  —         occipital  maximum,      110  117  106 

—  vertical  basilo-bregmatique. . . .      134  134  132 
Courbe  horizontale  totale , 504  628  509 

—  —        préaunculairç 228  229  230 

—  tranaverse  totale 432  463  427 

—  —         sus-auriculaire 300  325  304 

~     frontale  cérébrale 103  102  109 

—  —       totale 123  128  127 

—  pariétale 120  122  120 

—  occipitale 119  119  111 

Longueur  du  trou  occipital 85  85  33 

Largeur  du  trou  occipital , .       29  31  27 

Ligne  naso-basilaire 99  99  » 

Circonférence  médiane  totale 496  503  »» 

Indices.  Longueurs  100  largeur 81.99  85.09  79.77 

—  —                     hauteur 77.90  74,03  74.16 

—  Largeur  a  100  hauteur, 95,71  87.01  92.95 

Farfooz  Montigny- 

Face.  n*  2,    l'Pngrain, 

Diamètre biorbitaire  externe • t..  106  108 

—  inlerorbitaire 22  26 

bizygomatique  maximum 130  132 

—  bimaxillaireminimam*. 58  62 

Orbites,  Largeur..., 39  39 

—  Hauteur 30  32 

Nez.  Largeur  supérieure  des  us  uusau.^ 8  15 

—  —       minima               —         7  11 

—  -—       inférieure            —         »  20 

--         —       maxima  de  l'ouverture 24  27 


720  SÉANCE  DU  1^  DâCBMBRfi  4887. 

Furfoos  MonUgoy* 
Face.  n*  S*    rBngrtio. 

Longueur  médiane  des  os  nasaux »  » 

»       toUledunez 49  55 

Hauteur  sous-oérébrale  du  front 17  24 

—  intermarillalre 17  17 

—  totole  de  la  face 88  94 

—  de  la  pommette 30  24 

—  orbito-alvéolaire 37  41 

Voûte  palatine.  Longueur »  50 

I  —             Largeur » »  38 

Dislance  au  trou  occipital »  43 

Angle  facial  sous-nasal 76»  72» 

—          alvéolaire 64«  69» 

Indice  orbitaire 76.92  82. 05 

—  nasal 48.97  49.09 

—  facial 63.83  71.21 

De  ce  qui  précède,  il  est  logique  de  conclure  que^  à  Té- 
poque  où  ont  été  construites  les  allées  couTcrtes  de  TAisne, 
le  type  de  Furfooz  comptait  encore,  dans  cette  région,  un  bon 
nombre  de  représentants,  puisque,  sur  neuf  crAnes  plus  ou 
moins  complets  que  nous  connaissons,  il  en  est  deux  qui 
offrent  les  traits  essentiels  de  cette  race. 

J'ai  dit  que  les  différences  que  j*ai  signalées  entre  Thomme 
de  Montigny  et  la  femme  du  trou  du  Frontal  pouvaient  n'être 
qu'individuelles  ou  sexuelles  ;  elles  pourraient  aussi  résulter 
en  partie  de  croisements,  car  il  vivait  déjà,  à  l'époque  dont 
nous  parlons,  d'autres  races  sur  les  bords  de  TAisne. 

Parmi  ces  races,  il  en  est  une  qui  jouait  alors  un  rôle  pré- 
pondérant dans  cette  région  :  elle  comprenait  des  individus 
à  crâne  long  et  étroit,  sans  surbaissement  de  la  voûte,  sans 
saillie  notable  des  bosses  ;  Técaille  de  l'occipital  forme^  en 
arrière,  un  renflement  remarquable.  Sur  les  sept  voûtes  pro- 
venant de  l'allée  couverte  de  Vie-sur- Aisne,  six  nous  mon- 
trent ce  type^  Ge  n'est  assurément  pas  l'élément  dont  je 
parle  en  ce  moment  qui  a  pu  se  mêler  à  la  race  de  Furfooz 
pour  donner  naissance  au  type  décrit  plus  haut  :  le  résultat 

1  La  moyenne  de  leur  indice  céphalique  est  de  71.67;  le  plus  dolicho- 
céphale de  ces  cr&nes  donne  un  indice  de  64.89  ;  le  plus  court  est  encore 
sous- dolichocéphale  avec  un  indice  de  75.93. 


R.  VBKNEAU.  —  CRANES  DE  MONTIGNT.  724 

eût  été  absolument  opposé,  car  nous  avons  vu  que  le  premier 
crâne  de  Montigny  était  franchement  bracbycéphale.  Mais 
c'est  à  cette  race  dolichocéphale  que  se  rattache  le  deuxième 
crâne  recueilli  par  Vauvillé. 

Cette  pièce,  réduite  aujourd'hui  au  calvarium,  ne  peut 
guère  fournir  de  renseignements  sur  le  type  ethnique  ;  tout 
ce  que  je  puis  dire  à  ce  sujet,  c'est  que  le  crâne  est  dolicho- 
céphale (indice  :  73,33),  que  les  courbes  en  sont  régulières, 
qu'on  n'observe  pas  en  arrière  cette  brièveté  si  remarquable 
de  récaille  occipitale,  et  que  les  sutures  sont  compliquées. 
Mais  le  peu  qui  reste  de  cette  tète  présente  plusieurs  parti- 
cularités intéressantes.  Je  ne  ferai  que  mentionner  les  petits 
os  wQrmiens  de. la  suture  lambdoïde  et  le  grand  os  surnumé- 
raire qui  occupe  le  lambda  (il  mesure  25  millimètres  sur  30). 
Il  existe  un  autre  os  surnuméraire  bien  plus  intéressant  et 
infiniment  plus  rare  que  les  précédents;  il  est  situé  dans  la 
suture  coronale,  du  côté  droite  à  3  centimètres  environ  au- 
dessus  du  stépbanion.  Ses  dimensions  atteignent  14  milli- 
mètres en  largeur  et  22  millimètres  en  longueur. 

Ce  que  présente  de  plus  remarquable  ce  fragment  de 
voûte^  c'est  une  vaste  plaie  qui  intéresse  toute  l'épaisseur  du 
tissu  osseux  et  dont  les  bords  sont  complètement  cicatrisés. 
La  perte  de  substance  porte  sur  le  pariétal  gauche  et  sar  le 
frontal  ;  elle  remonte  jusqu'à  la  ligne  médiane,  où  elle  suit  à 
peu  près  exactement  la  suture  sagittale.  Elle  mesure  37  milli- 
mètres dans  sa  plus  grande  largeur  et  10  centimètres  de 
longueur.  En  avant,  elle  arrive  à  35  millimètres  environ  de 
la  suture  coronale. 

Il  s'agit  bien  ici  d'une  plaie  et  non  pas  d'une  trépanation. 
Il  suffit;  pour  s'en  convaincre,  d*examiner  attentivement  la 
pièce.  Le  bord  supérieur  de  la  plaie  est  taillé  davantage  en 
biseau  que  le  bord  inférieur  :  l'os  a  été  entamé  en  haut  et 
s'est  éclaté  en  bas.  Si  le  bord  inférieur  est  quelque  peu 
oblique^  c'est  uniquement  par  suite  du  travail  de  cicatrisa- 
tion. 

Un  autre  motif  doit  faire  éloigner  l'idée  d'une  trépanation  : 

T.  X  (8«  sArib).  46 


791  8ÊAKGB  DU  l*'  DÉCEMBRE  1887. 

les  bords  de  1&  perla  de  Bnbstance  sont  un  peu  sinueui  et 
n^oSVent  nullemeui  la  régularité  qui  résulte  d'une  trépa- 
nation par  raclage,  comme  on  devait  la  pratiquer  à  cette 
époque. 

En  arrière,  la  plaie  est  entourée  d'un  large  sillon,  à  peu 
près  parallèle  aux  bords  de  la  blessure,  dont  il  est  aéparé 
par  une  partie  épaissie,  large  de  9  centimètres  environ.  Le 
sillon  lui-même  est  le  résultat  d'une  résorption  du  diploé 
tout  à  fait  analogue  à  ce  qui  se  produit  ohei:  les  vieillards. 
Toutefois^  étant  donné  l'état  des  sutures,  on  ne  saurait  attri- 
buer cette  gouttière  à  de  l'atrophie  sénile  ;  je  crois  qu'elle 
n'est  que  la  conséquence  de  la  plaie,  et  qu'elle  s'est  formée 
pendant  le  travail  de  la  cicatrisation. 

Nous  connaissions  déjà  plusieurs  exemples  de  blessures  ci- 
catrisées sur  des  crânes  de  la  fin  de  l'époque  néolithique  :  il 
me  suffira  de  rappeler  le  crâne  de  la  caverne  sépulcrale  de 
Nogent-les-Vierges,  près  de  Greil,  et  celui  du  tumulus  de 
Triel,  dans  8eine-et-0ise.  Ces  deux  têtes  portent  aussi  de 
vastes  plaies  osseuses  du  côté  gauche. 

La  voûte  qu'a  bien  voulu  nous  communiquer  M.  Vauvillé 
montre  une  fois  de  plus  que  les  populations  de  la  pierre  polie 
n'étaient  pas  d'humeur  absolument  pacifique,  et  que  les 
hommes  d'alors,  sans  avoir  recours  à  nos  moyens  chirurgi- 
caux, survivaient  parfois  à  des  blessures  qui  tueraient,  dans 
la  plupart  des  cas,  les  hommes  d'aujourd'hui. 

J'ai  fait  allusion  à  une  fouille  faite  par  M.  Glouet  dans  la 
même  région.  Je  me  suis  borné  &  vous  donner  la  description 
sommaire  d'une  des  voûtes  crâniennes  qui  y  ont  été  rencon< 
trées.  M.  Vauvillé  va  nous  donner  des  renseignements  com- 
plémentaires sur  toutes  les  fouilles  pratiquées  jusqu'à  ce  jour 
dans  cette  contrée. 

AUTRES    GALERIES  COUVERTES  FOUILLÉES  PRÉGÉDEMHENT 
DANS  LA  MÊME  RÉGION. 

Sept  monuments  analogues  à  la  galerie  couverte  dont  il  a 
été  question  ont  déjà  été  découverts  et  fouillés  dans  la  même 


R.  VBRNEAU.  —  GRANBS  DE  MONTIftNT.  723 

région;  tons  sont  placés  sur  le  haut  des  montagnes  bordant 
la  vallée  de  la  rivière  d'Aisne.  Il  pent  être  intéressant  de  les 
citer,  attendu  que  six,  plus  celui  fouillé  en  1887,  se  trouvent 
compris  dans  une  circonférence  d*un  rayon  de  3700  mètres 
ayant  Vic-sur-Aisne  pour  centre. 

En  voici  la  description  sommaire  avec  Tindioation  des  pu- 
blications qui  en  font  mention  : 

i^  Montignt/'tÉngram  j  fouille  de  1843.  —  Formé  de 
pierres  brutes,  il  avait  4  mètres  de  longueur^  â  mètres  de 
profondeur  et  1",20  de  largeur.  H  contenait  environ  cin- 
quante squelettes,  des  poteries^  une  petite  hache  ensilez  ver- 
dfttre  et  trois  haches  en  bronze  (type  à  talon  arrondi)  (voir 
Bulletin  de  la  Société  archéologique  de  Soissonsy  volume  de 
4856,  p.  249). 

2°  Montigny-fEngrain,  fouille  Chotm,  4845  (?).  —  Situé  à 
peu  de  distance  du  précédent^  formé  de  la  même  manière, 
sans  dimensions  prises,'  il  était  couvert  de  dalles  percées  de 
vingt  trous  ronds  et  assez  réguliers.  Il  contenait  un  nombre 
considérable  de  squelettes  du  milieu  desquels  on  a  retiré  trois 
haches  polies,  dont  une  en  mélanite  et  deux  en  silex  {Age  de 
pierre  et  les  sépultures  de  l'âge  du  bronze  du  département  de 
V Aisne,  par  M.  A.  Wattelel,  1866). 

3*  Vic-mr-Aisne,  fouille  de  1858.  —  Formé  comme  les  pré- 
cédents, il  avait  4°,30de  longueur,  1°,20  de  largeur  et  1",30 
de  profondeur;  il  était  dallé  au  fond. 

11  contenait  quarante-deux  squelettes  sur  trois  couches, 
chaque  couche  avait  été  formée  en  déposant  les  têtes  sur 
deux  rangs  du  côté  des  chevets;  lepremier^de  quatre  contre 
le  mur  ;  le  second,  de  trois,  ce  qui  donnait  quatorze  sque- 
lettes pour  les  deux  bouts  et  par  couche,  et  quarante-deux 
pour  les  trois  couches. 

On  a  recueilli  dans  les  sépultures  :  trois  haches  polies,  des 
couteaux  et  une  pointe  de  lance,  le  tout  en  silex  ;  des  vases 
en  terre  cuite  de  forme  très  grossière. 

Sept  cr&nes,  de  cette  fouille,  ont  été  envoyés  à  M.  de  Qua- 
trefages,ils  sont  exposés  au  musée  d'anthropologie  du  Jardin 


724  SÉANCE  DU  4**  DÉCBMBRB  1887. 

des  Plantes.  La  couverture  du  monument  était  formée  de 
trois  pierres;  celle  du  côté  sud  était  percée  d'un  trou  .rond 
de  485  millimètres  de  diamètre  {Bulletin  de  la  Société  archéo- 
logique  de  Soissona^  volume  de  4858,  p.  53  à  63). 

4"  Courtieux  {Oiie)^  fomlle  de  1846.  —  De  construction  ana- 
logue aux  précédents,  il  avait  7  mètres  de  longueur,  2*^^20  de 
largeur  et  1",30  de  profondeur.  Le  fond  était  pavé  et  sa  table 
était  percée  de  trous  régulièrement  forés  et  espacés. 

Ce  monument  était  bourré  de  squelettes  placés  en  travers 
et  rangés  u  tète  bêche  ».  Contre  Tune  des  parois  on  a  compté 
trente  tètes  alignées  et  seize  de  l'autre  côté.  Ainsi  la  couche 
superficielle  avait  pu  être  de  soixante  squelettes,  et  comme 
la  profondeur  du  tombeau  comportait  trois  épaisseurs  de 
corps,  si  ce  n'est  quatre,  on  aurait  pu  conjecturer  qu'il  en 
contenait  au  moins  deux  cents. 

On  y  a  recueilli  :  cinq  haches  polies  dont  quatre  en  silex 
blanc  et  une  petite  en  silex  noir,  une  pointe  de  lance  en  silex 
bleinC;  des  coquillages  et  une  amulette  en  silex  gris,  percés, 
les  uns  et  les  autres,  de  trous  pour  former  un  collier  {Bulletin 
de  la  Société  archéologique  de  Soissons^  volume  de  1856, 
p.  249). 

5*  Samt'Christophe'à'Berry.  — M.  Peigné-Delacourt  a  cité 
un  ossuaire  trouvé  près  de  Saint-Christophe,  on  y  a  compté 
trente  ou  quarante  squelettes.  Ce  tombeau  était  formé  par 
de  larges  pierres  grossières  et  recouvertes  de  dalles  pareilles. 

On  y  a  vu  un  pot  rougeâtre  grossier  fait  à  la  main,  haut 
de  20  centimètres,  des  bouts  de  flèche  en  silex  et  des  haches 
en  pierre  (Bulletin  de  la  Société  académique  de  Laon,  t.  IX, 
p.  20). 

6**  Saint'Pierre-leS'Bitry  {Oise).  —  Quelques  années  avant 
les  découvertes  des  galeries  de  Montigny,  Vie-sur- Aisne  .et 
Courtieux,  une  autre  du  môme  genre  avait  été  fouillée  à 
800  mètres  à  l'ouest  de  celle  de  Vie-sur- Aisne,  mais  rien  n'a 
été  trouvé  au  milieu  des  sépultures  qui  avaient  déjà  été 
fouillées  {Bulletin  de  la  Société  archéologique  de  Soissons,  1858, 
p.  53  à  63). 


MONDIÈRE.  -—  CONCOURS  DU  PRIX  GODARD.  725 

T  Ambleny.  —  Un  autre  monument  du  même  genre  a  été 
découvert  en  1879  sur  cette  commune;  il  avait  environ 
40  mètres  de  longueur  sur  1»,50  de  largeur.  Fouillé  sans 
soins  par  des  ouvriers  pour  avoir  les  pierres,  rien  n'y  a  été 
recueilli  ni  constaté  bien  sérieusement  {Bulktin  de  la  Société 
archéologique  de  SoissonSy  4879). 

Bapport  sur  le  e«B€)oars  da  prix  Ciodard  (i889)  ; 

PAR  M.   MONBliRE. 

Messieurs, 

Vous  avez,  cette  année,  désigné  pour  faire  partie  de  la 
commission  du  prix  Godard:  MM.  Bordier,  Sanson,  Manou- 
vrier,  Lagneau  et  Mondière.  La  Commission  m*a  chobi  pour 
être  rapporteur. 

Je  dois  d'abord  exprimer  un  regret,  au  nom  de  la  Com- 
mission :  elle  a  vu  avec  peine  que  deux  mémoires  seule- 
ment aient  été  adressés  pour  le  concours.  L'un  <îe  ces  travaux 
est  de  M.  Atgier,  médecin-major  au  1 37e  d'infanterie,  et  a 
pour  titre:  «  Étude  d'ethnographie  et  de  géographie  médicale 
dans  le  Morbihan,  d'après  les  observations  prises  dans  les 
tournées  de  revision  en  1885.  »  Le  second  est  de  M.  Maurel, 
médecin  principal  de  la  marine,  et  est  intitulé  :  «  Mémoire 
sur  l'anthropologie  des  divers  peuples  vivant  actuellement 
au  Cambodge.  »  Le  travail  de  M.  Atgier,  basé  sur  les  obser- 
vations et  les  renseignements  qu'il  a  pu  prendre  pendant  la 
tournée  du  conseil  de  revision  dans  le  département  du  Mor- 
bihan est  une  sorte  de  monographie  plutôt  ethnologique 
qu'ethnographique,  mais  surtout  médicale,  de  ce  départe- 
ment.;* 

Selon  l'auteur,  la  population,  qui  est  de  cinq  cents  et 
quelques  mille  individus,  se  compose  de  deux  éléments  : 
deux  tiers  sont  d'origine  celtique,  l'autre  tiers  d'origine  kym- 
rique,  et,  chose  remarquable,  les  deux  races  occupent  cha- 
cune une  zone  assez  nettement  délimitée  par  une  ligne  com- 
mençant un  peu  à  l'ouest  de  Pontivy  au  nord,  et  aboutissant, 


7M  SlAirCI  DU  1^  DiGBMBRB  1887. 

au  sud,  i  l'embouchiire  de  la  Vilaine.  A  Touest  est  le  Breton , 
Celte;  à  Test,  le  Gallot,  Kymrique.  Ce  mot  gallot  vient  de 
oe  que  cette  population  est  formée  par  les  descendants  d'an- 
ciens émigrants,  Gaôls  ou  Gallois.  Ici  il  y  a  un  peu  de  confu- 
sion dans  le  mémoire  ;  Tautour  ne  donne  que  deux  mesures 
anthropométriques;  la  taille  variant  de  1*^,600  à  |b,650, 
c'est-à-dire  variant  dans  de  très  faibles  limites,  et  l'indice 
céphalique  qui  est  de  83  ou  85.  Le  texte  fait  supposer  que 
c'est  des  Bretons  qu'il  paile,  car  plus  loin,  mais  d'une  ma- 
nière évidente,  il  dit  un  mot  de  la  description  qui  appartient 
aux  Gallots.  Les  caractères  du  Breton  seraient  :  des  épaules 
larges  et  trapues  et  surtout  uQa  voussure  considérable  de  la 
partie  thoracique  antérieure,  assez  forte  souvent  pour  en- 
traîner l'exemption  du  service  militaire  à  cause  de  la  gène 
causée  par  les  bretelles  du  sac.  De  plus,  les  déformations 
générales  du  squelette  de  la  poitrine,  les  déviations  de  la 
colonne  vertébrale  seraient  communes.  Les  individus  ban- 
cals sont  assez  nombreux,  ainsi  que  les  pieds  plats.  Au  sujet 
de  cette  dernière  malformation,  on  sera  peut-être  étonné  de 
voir  H.  Atgier  se  demander  si  elle  n'est  pas  due  à  la  trans- 
mission héréditaire  d'une  déformation  artificielle  ancienne. 
Ce  sont  tous  les  détails  anthropologiques  donnés  par  l'au- 
teur; il  passe  ensuite  aux  maladies  endémiques  de  la  région, 
et  la  partie  du  mémoire  qui  en  traite  occupe  plus  des  deux 
tiers  de  celui-ci.  Nous  ne  ferons  que  citer  les  titres  des  diffé- 
rents chapitres,  bien  que  Tauteur  établisse  une  distinction 
intéressante  entre  les  maladies  que  l'on  trouve  dans  tous  les 
cantons  et  celles  qui  paraissent  spéciales  à  quelques-uns. 
Dans  le  premier  groupe,  nous  trouvons  la  diphthérie,  la  va- 
riole, la  rougeole,  les  fièvres  de  marais,  la  gale,  l'alcoolisme 
et  la  pneumonie  épidémique,  qui  est  probablement  la  consé- 
quence du  précédent.  Dans  le  second,  l'auteur  n'indique  que 
des  affrétions  du  système  nerveux,  géqéralement  des  acci« 
dents  que  l'on  peut  rapporter  à  l'hystérie.  Ainsi  :  !•  une  danse 
de  Saint-Guy,  endémique  dans  le  village  de  Saint-Malo  des 
Trois-Fontiânes  et  sévissant  sur  les  petites  filles  de  l'école  ; 


KONDltaB.  «"  GONOOURt  DU  PRIX  OODARD.  7t7 

3»  les  aboyeaaes  de  Josselin*  La  maladie  débuta  au  comment 
cernent  du  siècle  dernier;  les  deux  sexes,  quel  que  soit  leur 
âge,  peuyent  en  être  atteinlâ.  Elle  est  connue  dans  le  pe^ya 
sous  le  non^  de  mal  de  la  Vierge;  on  dit  aussi  des  personne^ 
atteintes  qu'elles  ont  «  les  bnles  q  .  Uauteur  range  cette  affec* 
lion  dans  la  classe  des  cborées.  Enfin  le  mémoire  se  termine 
par  une  longue  description  des  exbibitiûna  de  madones^  de 
vierges  noires,  de  processions  et  de  toutes  les  mises  en  scène 
pratiquées  par  les  prêtres  depuis  le  neuvième  siècle  pour 
amener  la  guérison  de  ces  diverses  alTections  nerveuses  qui 
tendent  actuellement  à  diminuer  d'une  façon  sensible.  JEln 
somme,  le  travail  de  M.  Atgier  est  fort  intéressant,  et  il  serait 
bon  quecbacun  de  nos  départements  eût  son  histoire  anthrot 
pologique  et  médicale  étudiée,  mais  peut-être  d'une  façon 
un  peu  plus  anthropologique,  car,  il  faut  bien  le  dire,  le  mé* 
moire  de  M,  Atgier  ne  répond  pas  complètement  au  but  que 
Godard  s'est  proposé  en  instituant  le  premier  encouragement 
que  notre  Société  a  eu  à  décerner. 

Tout  autre  est  le  travail  de  M.  Maurel  sur  le  Cambodge;  il 
est  dans  sa  presque  totalité  anthropologique  ou  ethnogra- 
phique. L'auteur  commence  par  un  résumé  historique  du 
peuplement  du  sud  de  la  Gochinchine,  et  il  se  range  à  l'opi- 
nion de  presque  tous  les  auteurs  qui  ont  écrit  sur  ce  pays,  en 
admettant  que  le  Cambodge  fut  d'abord  occupé  par  une  ou 
des  populations  noires,  aux  formes  grêles,  aux  yeux  horizon- 
taux, et  qui,  à  l'heure  actuelle,  sont,  sous  différentes  appella- 
tions, refoulées  dans  les  montagnes  :  Mois,  Kas,  Kouis, 
Penongs,  etc.  Or,  sur  ces  populations  que  Ton  a  considérées, 
tantôt  comme  des  Négritos,  tantôt  comme  des  Dravidiens^ 
l'auteur  nous  donne  peu  de  détails  ;  il  les  considère,  pour 
ainsi  dire,  comme  autochtones.  Puis  il  vient  à  l'envahisse- 
ment par  le  nord-est  venant  de  l'Inde,  puis  h  une  seconde 
invasion  venant  directement  du  Nord  et  opérée  parles  Tonki- 
nois, et  enfin  à  l'arrivée  des  Mongols  au  treizième  siècle.  Après 
une  digression  sur  le  régime  hydrologique  du  grand  Lac, 
M.  Maurel  arrive  à  la  partie  qui  nous  intéresse  :  l'antbropo- 


728  SÉANCE  DU  i^  DÉCEMBRE    4887. 

logie.  Il  dit  d'abord  que  les  documents  sont  considérables»  il 
eût  peut-être  été  préférable  de  dire  nouveaux.  Car,  pour  les 
populations  dites  sauvages^  M.  Maurel  nous  donne  seulement 
Tingt-cinq  mesures  :  8  hommes  penongs  ;  3  femmes  khouis  ; 

6  hommes   roongs  ;    i    homme  nong  ;    4  homme  rodais  ; 

7  honmies  vieux  Khmers.  Ici  est  intercalé  un  chapitre  assez 
étendu  sur  la  technique  suivie  par  Fauteur,  bien  que  d'une 
façon  générale  il  ait  adopté  les  Instructions.  C'est  une  sorte 
de  petit  manuel  du  voyageur  anthropologiste.  Nous  allons  ré- 
su  mer  brièvement  ses  observations,  mais  en  n'insistant  que  sur 
celles  qai  ont  un  réel  intérêt.  Sous  le  nom  de  vieux  Khmers  ^ 
M.  Maurel  décrit  ce  qu'il  croit  être  les  descendants  des  grands 
peuples,  et  il  leur  trouve  une  frappante  analogie  avec  le  type 
hindou,  surtout  ceux  de  la  province  de  Siem-Réap  où  sont 
les  ruines  d'Ang-Kor-Tom.  Nous  ferons  remarquer  que  sur 
les  quatre  indices  céphaliques  ccdculés,  il  y  en  a  un  de  75.94, 
ce  qui  fait  tomber  la  moyenne  des  trois  autres  à  8â.70  et 
80.50  ;  ce  chiffre  donné  par  l'auteur  est  évîdenunent  trop  faible. 
Pour  les  deux  hommes  laotiens  ^  on  trouve  une  différence  de 
40  centimètres  dans  la  taille,  il  n'y  a  pas  de  moyenne  à  tirer. 
Thiamsy  7  hommes.  L'auteur,  qui  attache  une  grande  impor- 
tance à  ce  groupe,  donne^  pour  moyenne  de  la  tcdlle,  4617.44 
(les  indices  ne  sont  pas  calculés).  Ce  qui  distinguerait  sur- 
tout cette  population  serait  un  prognathisme  alvéolaire  tout 
à  fait  simien;  la  partie  alvéolaire  du  maxillaire  serait  projetée 
en  avant  d'une  façon  exagérée,  mais  les  dents  sont  implan- 
tées verticalement.  Malgré  certaines  analogies  que  plusieui*s 
auteurs  ont  notées,  entre  les  Malais  et  les  Thiams,  M.  Maurel 
est  tout  à  fait  opposé  à  une  idée  de  parenté  quelconque  entre 
les  deux  peuples;  et  il  affirme  que,  non  seulement  les  Thiams 
n'ont  rien  de  mongolique,  mais  qu'ils  se  rapprochent  sensi- 
blement des  Aryens.  La  Commission  pense  que  de  nouvelles 
observations  plus  nombreuses  sont  indispensables  avant  que 
l'on  accepte  cette  doctrine. 

L'auteur  donne  ensuite  des  observations  sur  des  popula- 
tions déjà  connues,  mais  ces  observations  sont  toujours  utiles, 


MONDIÈRB.  •—  CONCOURS  DU  PRIX  GODARD.  729 

on  ne  saurait  avoir  trop  de  renseignements  et  venus  de  divers 
côtés.  Ainsi  :  !<>  à  propos  de  42  hommes  malais,  il  retrouve 
bien  le  prognathisme  des  Thiams,  mais  ici  les  dents  sont 
obliques  et  suivent  la  direction  du  bord  alvéolaire  ;  2o  19  hom* 
mes  et  3  femmes  annamites.  M.  Maurel,  pour  les  premiers, 
donne  1 587.09  pour  la  taille  (j'avais  trouvé  1 596.30)*  Indice 
eéphalique  non  calculé.  Viennent  ensuite  10  Chinois,  10  Ta- 
gals,  2  Manillais,  i  Siamois.  Passant  aux  métis  divers  actuels, 
Fauteur  ne  donne  qu'une  seule  observation  de  chacun  d'eux  ; 
il  n'y  a  donc  pas  de  conclusions  à  tirer.  Puis  il  aborde  enfin 
l'étude  du  Cambodgien  actuel:  30  hommes,  taille,  i  617.66; 
indice  eéphalique,  83.16.  12  femmes,  taille,  1 507  (27  femmes 
m'avaient  donné  1451.04);  indice  eéphalique  non  calculé. 
A  propos  des  mesures  et  des  renseignements  pris  sur  les 
femmes  cambodgiennes,  je  rappellerai  que  M.  Maurel,  sur 
une  observation  que  je  lui  fis  de  la  difficulté  que  j'avais  eue 
à  mesurer  des  femmes  cambodgiennes,  répondit  que  sa 
position  officielle  lui  avait  donné  des  facilités  très  grandes. 
Or  je  ne  trouve  dans  son  mémoire  aucun  renseignement  sur 
rage  de  la  première  menstruation,  de  la  première  parturition, 
la  ménopause^  le  nombre  des  enfants  et  l'accouchement  ;  et 
cette  lacune  a  semblé  fâcheuse.  Il  est  une  autre  chose  que 
l'on  regrette  de  ne  pas  trouver  dans  ce  travail,  c'est  le  tracé 
même,  à  la  lame  de  plomb,  des  courbes  crâniennes  de  ses 
sujets. 

Nous  ne  poursuivrons  pas  l'analyse  du  travail  de  M.  Maurel 
dans  les  chapitres  suivants  :  Station  debout  ou  accroupie, 
salutations  en  usage  à  la  réception  royale,  habitations,  ali- 
mentation. Toutefois,  à  propos  de  celle-ci,  il  pourra  rectifier 
son  expression  de  «  huile  de  poisson  »  pour  désigner  l'assai- 
sonnement que  les  Annamites  appellent  «  nuoe-mam  »,  qui 
veut  dire  seulement  «  eau  salée  »  et  qui  n'est  qu'une  saumure 
dans  laquelle  on  a  fait  macérer  une  espèce  particulière  de 
poisson.  L'article  Mariage  est  très  court;  la  seule  remarqua 
intéressante  est  que  si,  pendant  le  temps  assez  long  où  le 
fiancé  fait  sa  cour,  en  travaillant  pour  le  compte  de  ses  fu- 


780  sIakci  du  ^^  DtooiBaB  1887< 

tara  beaux-parents,  il  vient  un  enfant,  oelui-oi  est  légitime 

de  droit. 

Voici  les  conclusions  de  Tauteur  :  «  LesKhmers  sont  d'orif* 
gine  hindoustanique.  Les  sculptures  du  temps  établissent 
qu'ils  professaient  la  religion  brahmanique.  Mais  ces  Khmera 
agissaient  sous  Vinipulsion  d'un  certain  nombre  d'Aryens 
auxquels  ils  étaient  soumis  et  qui  dirigèrent  l'invasion. 
Bientôt  ceux-ci  forent  absorbés  dans  la  masse.  Ia  tradition, 
si  elle  est  exacte,  dit  que  les  ancêtres  du  peuple  kbmer  avaient 
des  cheveux  droits  et  les  yeux  horizontaux.  » 

Vous  voyez,  messieurs,  par  cette  analyse,  l'intérêt  que  pré- 
sente le  travail  de  M.  Maurei.  Il  soulève  un  peu  le  voile  qui 
nous  dérobe  encore  et  les  origines  et  les  migrations  de^ 
populations  qui  ont  tour  à  tour  occupé  la  presqu'île  de 
rindo-Chine.  Mais  ce  n'est  qu'un  échelon,  et  il  foudra  encore 
de  longues  recherches  et  des  mesures  anthropométriques  plus 
nombreuses,  des  observations  minutieuses  sur  certaines  cou- 
tumes qui  ont  survécu,  pour  que  Von  puisse  être  à  peu  près 
fixé  sur  ce  que  ces  populations  ont  été  et  sur  ce  que  la  civi- 
lisation européenne  pourra  en  faire. 

Vous  comprenez^  maintenant,  messieurs,  pourquoi  votre 
commission,  à  l'unanimité,  a  accordé  le  prix  Godard  au  tra- 
vail de  M.  Maurei.  Elle  a,  en  outre,  émis  le  vœu  que,  M.  Àtgier 
ayant,  en  1881,  obtenu  une  médaille  de  bronze,  il  fût  fait 
rappel  de  cette  médaille  afin  d'encourager  l'auteur  à  pour^ 
suivre  ses  recherches  intéressantes  sur  les  localités  françaises 
et  qui  nous  manquent,  en  rengageant,  toutefois,  à  se  rappro- 
cher davantage  de  l'esprit  de  nos  Instructions. 

COMMUNICATlOIfS. 
PAR  MM.   0.   TARIOT  R  H.   MORÂU. 

Nous  avons  étudié,  à  l'aide  des  méthodes  histologiques 
modernes^  deux  tatouages  humsuns  bleus  :  Tun  nous  a  été 


6.  YARIOT  BT  H.  IIOIUU.  —  TÀTOUÀftBI  EUROPÉENS.      781 

obligeamment  fourni  par  M.  le  docteur  Rémy  ;  Tantre,  qui 
datait  de  trente-deux  ans,  a  été  recueilli  sur  un  détenu  par 
M.  Variot,  médecin  de  Tinfirmerie  centrale  des  prisons  de 
Paris. 

I 

Les  résultats  fournis  par  Texamen  microscopique  de  ces 
divers  tatouages  ont  été  sensiblement  analogues  : 

4®  Sur  des  préparations  incolores  vues  à  un  faible  grossis- 
sement^ on  constate  que  les  particules  colorantes  d*un  noir 
absolu,  d*une  configuration  [et  d'une  forme  très  variables, 
siègent  exclusivement  dans  le  derme  et  plus  spécialement  à  la 
partie  moyenne  de  celui-ci.  Ces  particules  noires  sont  géné- 
ralement groupées  en  eéries  presque  linéaires  qui  sont  super- 
posées les  unes  aux  autres  dans  la  partie  moyenne  du  derme. 
Il  y  a  aussi  quelques  parcelles  noires  éparses  jusque  dans  le 
tissu  des  papilles.  L'épiderme  est  absolument  intact. 

2»  Sur  les  coupes  de  la  même  peau  colorées  aupicro-carmin 
et  très  minces,  on  voit  que  les  séries  de  particules  colorées 
sont  groupées  à  la  périphérie  des  vaisseaux  sanguins,  recon- 
naissables  à  leurs  caractères  ordinaires.  Cependant  il  y  a 
aussi  quelques  fragments  noirs  très  ténus,  beaucoup  moins 
nombreux  que  ceux  qui  sont  en  contact  avec  les  vaisseaux, 
et  qui  sont  placés  entre  les  faisceaux  du  derme.  Il  semble 
que  les  particules  colorantes  sont  fixées  assez  intimement  sur 
la  paroi  externe  des  vaisseaux  sanguins,  car  lors  môme  que 
ces  vaisseaux  sont  isolés  dans  les  coupes,  par  écrasement, 
les  parcelles  ne  s'en  séparent  pas.  Nos  préparations  ne  nous 
ont  fourni  aucun  renseignement  sur  les  rapports  de  ces  par- 
ticules avec  les  réseaux  ou  espaces  lymphatiques  du  derme. 
Nous  n'avons  pas  eu  non  plus  Toccasion  de  voir  l'état  des 
ganglions  lymphatiques  correspondants.  Mais  les  travaux 
antérieurs  de  Follin  et  de  Virchow  ont  amplement  démontré 
qu'un  certain  nombre  de  fragments  colorés  étaient  charriés 
par  les  vaisseaux  lymphatiques  jusqu'aux  ganglions. 


732  SÉANCE   DU  i*'  DÉCEMBRE  i887. 

n 

Noas  avons  pratiqué,  en  employant  les  procédés  des  ta- 
toueurs, un  tatouage  à  Tencre  de  Chine  sur  la  peau  da 
ventre  d'un  jeune  chien.  Un  premier  lambeau  de  ce  tatouage 
a  été  enlevé  au  bout  de  huit  jours,  et  un  second,  après  quinze 
jours.  L*examen  microscopique  en  a  été  fait  d*aprôs  la  mé- 
thode indiquée  ci-dessus. 

i<»  Des  coupes  du  lambeau  enlevé  au  bout  de  huit  jours 
montrent  que  Tépiderme  est  bien  réparé  au  niveau  des  pi- 
qûres qui  ont  été  faites  ;  que  cet  épiderme  ne  contient  pas  de 
particules  noires.  Celles-ci  siègent  uniquement  dans  le  derme, 
dans  la  région  des  papilles,  dans  la  partie  moyenne  et  jusque 
dans  le  panicule  adipeux.  Ces  parcelles  noires,  les  unes  très 
fines,  les  autres  assez  grosses^  sont  diffuses  dans  le  derme. 
Néanmoins  c'est  bien  plutôt  entre  les  faisceaux  fibreux,  en 
contact  avec  les  fibres  élastiques  interfasciculaires,  que  se 
trouvent  les  parcelles  noires.  Quelques-unes  sont  très  près  de 
la  gaine  des  follicules  pileux  ;  dans  d'autres  points,  les  parti- 
cules noires  sont  mêlées  aux  vésicules  adipeuses  et  semblent 
y  avoir  pénétré,  mais  comme  il  existe  beaucoup  de  goutte- 
lettes graisseuses  très  fines  au  voisinage  de  ces  lobules  adi- 
peux, il  paraît  probable  que  des  vésicules  graisseuses  auront 
été  rompues  par  les  piqûres  du  tatouage. 

â*"  Les  coupes  du  lambeau  de  peau  enlevé  après  quinze 
jours  offrent  des  dispositions  des  particules  colorantes  très 
sensiblement  analogues  ;  celles-ci  sont  peut-être  un  peu  moins 
confluentes  et  ont  toujours  de  la  tendance  à  se  masser  dans 
les  espaces  interfasciculaires. 

La  conclusion  qui  ressort  de  cet  examen  comparatif  des 
tatouages  humains  anciens  et  des  tatouages  expérimentaux 
récents,  c'est  que  la  topographie  des  particules  colorantes  est 
tout  à  fait  différente  dans  les  deux  cas  :  ces  particules  sent 
diffuses,  ou  à  peu  près,  dans  le  derme,  dans  les  tatouages  ré- 
cents ;  tandis  qu'elles  ont  une  tendance  manifeste  à  se  grou- 
per autour  des  vaisseaux  sanguins  dans  les  tatouages  anciens. 


G.  VARIOT  ET  H.  MORAU.  —  TATOUAGES  EUROPÉENS.   733 

Nous  ferons  remarquer  que,  ni  dans  les  tatouages  récents, 
ni  dans  les  tatouages  anciens,  on  n'observe  de  vestiges  d'un 
processus  inflammatoire  quelconque,  pas  de  dilatation  vas- 
cuiaire,  pas  de  prolifération  cellulaire  ni  d'exsudat  de  leuco- 
cytes. Le  tissu  du  derme  présente  donc  une  tolérance  singu- 
lière pour  ces  particules  colorantes,  et  la  migration  de 
quelques-unes  de  ces  particules  dans  les  voies  lymphatiques 
n'est  évidemment  pas  en  rapport  avec  une  prolifération  de 
leucocytes,  puisque  ceux-ci  font  défaut.  Quant  à  la  migration 
très  limitée  de  ces  particules  dans  les  anciens  tatouages,  mi- 
gration ({ui  les  amène  en  contact  avec  les  vaisseaux  sanguins, 
elle  est  due  à  des  phénomènes  de  translation  que  subissent 
toutes  les  particules  minérales  placées  au  milieu  des  tissus 
vivants.  On  peut  donc  dire,  en  résumé,  que  le  tatouage  à 
Tencre  de  Chine  est  urfe  sorte  d'anthracose  dermique, 

II  ressort  également  de  tout  ce  qui  précède  que  Tindélé- 
bilité  des  tatouages  à  Tencre  de  Chine  n'est  pas  absolue,  mais 
relative,  comme  on  peut  le  voir,  du  reste,  sur  les  figures  un 
peu  informes  des  tatouages  anciens.  Ces  modifications  tien- 
nent sans  doute  à  ce  qu'une  portion  de  la  matière  colorante 
passe  lentement  dans  les  voies  lymphatiques.  Nous  croyons, 
d'après  nos  recherches,  que  les  particules  les  plus  fixes  sont 
celles  qui  se  sont  groupées  autour  des  vaisseaux  sanguins. 

Le  siège  intradermique  de  la  matière  colorante  rend  par- 
faitement compte  des  tentatives  infructueuses  qui  sont  faites 
à  Taide  de  différents  agents  pour  faire  disparaître  les  ta- 
touages. Un  tatouage  ne  pourra  donc  être  détruit  qu'à  la 
condition  que  toute  la  portion  du  derme  dans  lequel  il  est 
situé  soit  détruite  également.  L'un  de  nous  a  essayé  de  faire 
disparaître  un  .tatouage  obscène  placé  dans  là  région  sous- 
olaviculaire  droite  chez  un  tuberculeux  ;  on  a  fait  plusieurs 
applications  assez  profondes  de  pointes  de  feu  avecle  thermo- 
cautère de  Paquelin  suivant  les  lignes  du  tatouage,  et  c'est  à 
peine  si,  dans  quelques  points,  on  a  pu  atténuer  la  teinte  de 
ces  lignes. 

Quant  à  ce  qui  est  de  la  coloration  bleue  que, donnent* 


734  8ÉA5CB  bu   4''  DÉCEMBRE   18S7. 

des  particules  noires  disséminées  dans  Tépaisseur  du  derme, 
c'est  un  phénomène  du  même  ordire  que  Tapparence  bleue 
dn  sang  veineux  vu  à  travers  la  peau.  Le  charbon  siégeant 
dans  les  couches  dermiques  moyennes  est  séparé  de  i*œil 
non  seulement  par  Tépiderme,  mais  aussi  par  une  certaine 
épaisseur  de  tissu  dermique  constitué  par  des  faisceaux 
fibreux  intriqués  en  tous  sens.  L'image  formée  par  les  par- 
celles de  charbon  n'est  donc  vue  que  par  transparence  au 
travers  d'un  tissu  grisâtre,  c'est  là  manifestement  ce  qui 
explique  la  teinte  bleue. 

LMndélébilité  un  peu  variable  des  tatouages  européens  se 
rapporte  probablement  au  degré  de  division  ou  à  Tinsolubi- 
lité  relative  de  la  substance  introduite  dans  le  derme.  Les 
tatouages  rouges,  d'après  les  nombreux  témoignages  que 
nous  avons  recueillis  sur  les  détenus,  sont  beaucoup  moins 
stables  que  les  noirs.  Ceux  qui  sont  faits  au  carmin  ne  tien- 
nent pas  comme  on  dit  vulgairement;  c'est  que  les  particules 
de  carmin  se  dissolvent  ou  sont  emportées  par  les  leuco- 
cytes ou  passent  plus  facilement,  à  cause  de  leur  ténuité,  dans 
les  vaisseaux  lymphatiques.  Nous  nous  proposons  de  com- 
pléter ultérieurement  nos  recherches  microscopiques  et  expé- 
rimentales à  ce  point  de  vue. 

Les  tatouages  européens  bleus,  les  plus  fréquents  de  beau- 
coup, sont  faits,  soit  avec  de  Tencre  de  Chine,  soit  simple- 
ment avec  du  charbon  écrasé  dans  l'eau.  L'indélébilité  plus 
grande  de  ces  tatouages  tient  à  l'inaltérabilité  des  particules 
noires  charbonneuses  qui  ne  sont  pas  attaquées  par  les  li- 
quides de  l'organisme  et  résistent  aux  mouvements  molécu- 
laires de  la  nutrition,  à  la  manière  des  fhigments  métal- 
liques. 

Nous  manquons  de  documents  précis  sur  la  composition 
chimique  de  l'encre  de  Chine.  Est-ce  du  charbon  finement 
divisé  et  agglutiné  par  un  mucilage?  Est-ce,  comme  on  l'a 
prétendu,  de  la  matière  noire  fabriquée  par  les  seiches? 

M.  le  professeur  Gautier,  qui  a  bien  voulu  faire  quelques 
essais  devant  nous  pour  éclairer  cette  question,  pense,  jusqu'à 


DISCUSSION  SUR  LES  TATOUAGES  EUROPÉENS.  735 

plus  ample  informé,  qu'il  y  a  dans  Tencre  de  Chine  vulgaire 
deux  substances  colorantes  :  Tune,  de  nature  organique,  qui 
se  décolore  par  l'addition  d'eau  chlorée,  et  l'autre  qui  est  très 
probablement  du  charbon  et  qui  résiste  à  tous  les  réactifs 
chimiques.  L'un  de  nous  a  publié,  avec  le  docteur  Desfosses, 
en  4880,  dans  les  Bulletins  da  la  Société  de  biologie^  une 
analyse  chimique  du  pigment  de  la  seiche.  C'est  une  sub- 
stance quaternaire,  mais  d'une  résistance  extrême,  ne  se 
décolorant  pas  par  l'acide  sulfurique  bouillant  et  ne  se 
décomposant  que  sous  l'influence  de  l'eau  chlorée.  C'est  dire 
qu'elle  doit  résister  dans  l'intérieur  des  tissus  comme  le  char- 
bon. Donc,  peu  importe  la  composition  chimique  des  parti- 
cules colorantes  incluses  dans  le  derme.  Ce  qui  prime  tout, 
pour  ce  qui  concerne  l'indélébilité  des  tatouages,  c'est  la 
fixité  du  composé  chimique  colorant  ou  son  inaltérabilité  au 
milieu  des  tissus  vivants. 

Biscnssion. 

M,  LetourneaO.  Les  particules  de  charbon,  pour  s'intro- 
duire dans  les  lymphatiques,  déchireraient  donc  ces  vais- 
seaux? 

M.  Yariot*  Cela  n'est  pas  impossible. 

M.  Hervé.  Les  corpuscules  lymphatiques  migrateurs  du 
tissu  conjonctif  ne  seraient-ils  pas  les  agents  de  ce  transport? 

M.  Variot.  Les  leucocytes  ne  paraissent  jouer  aucun  rôle 
dans  cette  migration. 

M.  Sanson.  Les  vaisseaux  lymphatiques  ne  sont  pas  fermés* 
Les  corpuscules  de  charbon  peuvent  s'y  introduire  par  les 
lacunes. 

M.  Hervé  demande  à  M.  Variot  s'il  pense  que  l'innocuité 
des  tatouages  soit  due  à  leur  petitesse. 

M.  Variot  pense  qu'un  tatouage,  même  très  étendu,  est 
inofTensif,  s'il  est  fait  proprement. 

M.  Manouvribr  rappelle  qu'en  Polynésie  on  voit  des  ta- 
touages de  la  peau  entière  pratiqués  sans  accidents. 

M.  Hervé  dit  qu'il  y  a  cependant  des  cas  d'accidents  et 


736  SÉANCE  hV  i^  DéCÈKBRE   i887. 

même  de  mort,  mais  qu'ils  peuvent  être  attribués  à  Teffet 
direct  des  piqûres,  surtout  à  la  face,  et  non  aux  corps  étran- 
gers introduits  dans  la  peau. 

M.  Magitot  interroge  M.  Vâriot  au  sujet  des  tatouages 
rouges. 

M.  Yariot.  Les  tatouages  rouges  paraissent  s'effacer  plus 
vite  que  les  noirs,  probablement  parce  que  les  particules  de 
carmin  sont  plus  fines. 

M.  Fauvelle  dit  que  la  migration  des  corpuscules  de  char* 
bon  n'a  rien  d'étonnant,  attendu  que  le  protoplasma  se  laisse 
traverser  par  des  corps  étrangers. 

Le  kert«K  quaternaire  ; 

PAR  M.  ED.   PIBTTB. 

Dans  la  séance  du  47  mars  4887,  M.  le  docteur  Fauvelle  a 
fait,  à  la  Société  d'anthropologie  de  Paris,  une  communica- 
tion sur  un  équidé  sauvage  <ie  la  Dzoungarie  nommé  kerlag 
par  les  Kirghises,  takké  par  les  Mongols,  et  décrit  en  1881 ,  par 
M.  Poliakoff,  sous  le  nom  d'equus  Przewalskiù  M.  Deniker 
a  eu  l'obligeance  de  m'envoyer  la  description  latine  que  le 
zoologiste  russe  a  faite  de  cette  espèce.  Je  la  transcris  ici  : 

Equus  Przewalskii,  Pouaeopf.  —  Caudx  dimidia  poste- 
riore  setosa;  juba  brevi,  erecta;  capronis  {id est  jubœ partibus  in 
frontem  devexis)  et  loro  dorsali  nullis;  verrucis  brachtorum 
pedumque  distinctis;  artubus  crassis;  ungulis  latiSy  rotun* 
datis. 

Le  kertag  a  donc  la  crinière  courte  et  droite,  et  la  queue 
dépourvue  de  crins  dans  sa  partie  basilaire.  Son  squelette 
ne  diffère  pas  beaucoup  de  celui  du  cheval,  dont  le  rapproche 
la  présence  de  callosités  (châtaignes)  aux  quatre  membres. 

Nous  savons,  en  outre,  par  la  relation  du  voyageur 
Prjewalski,' publiée  récenunent  dans  le  Tour  du  mondes  qu'il 
est  de  petite  taille  avec  une  tête  proportionnellement  grande, 
des  oreilles  moins  longues  que  celles  de  l'&ne^  une  robe 
grise,  presque  blanche  sous  le  ventre. 


ED.  PIBTTE.  —  LE  KBRTAG  OUATERNAIRE.  737 

La  description  qu'en  fait  M.  Poliakoff  s'applique  parfaite- 
ment à  un  équidé  quaternaire  de  TEurope  occidentale  dont 
les  artistes  magdaléniens  nous  ont  laissé  de  nombreuses  re- 
présentations. J'en  ai  reproduit  deux  dans  une  note  sur  les 
équtdés  de  la  période  qtMiemaire  parue  dans  les  Matériaux 
pour  r histoire  primitive  de  V homme  (année  1887,  XXI*  volume, 
3®  série,  t.  IV,  p.  361  et  363,  fig.  47  et  50).  Elles  ont  été  re- 
cueillieS;  la  première  dans  la  caverne  de  Gourdan,  la  seconde 
dans  celle  de  Lorthet.  M.  Merk  en  a  fait  dessiner  une  autre 
gravure,  découverte  dans  la  grotte  de  Tayngen.  On  en  trouve 
la  copie  dans  les  Matériaux:  (XI°  volume^  t.  VII,  année  1876, 
p.  106,  fig.  43).  A  la  page  103  du  même  volume,  fig.  41  et  42, 
sont  reproduites,  d'après  le  même  auteur,  deux  têtes  d'équidés 
gravées  sur  pierre  et  très  mal  faites,  qui  me  paraissent  ce- 
pendant appartenir  à  la  même  espèce.  Il  y  en  a  beaucoup 
d'autres  gravures  non  publiées  dans  les  collections. 

La  figure  50  du  XXP  volume  des  Matériaux  donne  Tune 
des  allures  de  cet  équidé.  Les  caractères  de  la  queue  sont 
bien  indiqués  par  cette  gravure  et  par  celle  de  Merk  (vol.  XP, 
fig.  43);  ils  le  sont  moins  bien  par  celle  de  la  grotte  de  Gour- 
dan (vol.  XX1%  fig.  47).  L'artiste  magdalénien  avait  com- 
mencé à  dessiner  la  queue  en  la  plaçant  trop  bas.  Il  s'est 
aperçu  de  cette  erreur;  et  laissant  inachevés  les  deux  traits 
qui  devaient  représenter  sa  partie  basilaire,  il  Ta  burinée 
plus  haut.  Il  faut  donc  faire  abstraction  de' ces  deux  traits 
que  Ton  voit  entre  la  queue  et  la  fesse.  Si  la  queue  est  mal 
dessinée  sur  cette  gravure,  il  n'en  est  pas  de  même  de  l'abon- 
dance et  de  la  longueur  des  poils.  La  longueur  des  poils  du 
kertag  est  signalée  dans  la  relation  de  voyage  de  Prjewalski 
publiée  dans  le  Tour  du  mofide.  Dans  une  lettre  adressée  à 
Nering,  de  Berlin,  M.  Anoutchine  reproche  à  M.  PoliakofFde 
n'avoir  pas  suffisamment  indiqué  ce  caractère  sur  la  litho- 
graphie qu'il  a  fait  exécuter  de  cet  équidé.  La  gravure  de 
Gourdeui  ne  laisse  rien  à  désirer  sous  ce  rapport. 

Je  possède  une  autre  représentation  de  cette  espèce,  prove- 
nant  aussi  de  la  caverne  de  Gourdan,  où  la  ligne  de  démar- 

T.   X   (3»  SÉRIE).  47 


738  SÉANGB  DU  1^  DâOBMBRB  1887. 

cation  entre  la  couleur  grise  des  flancs  et  le  blanc  du  ventre 
est  parfaitement  indiquée. 

Les  différences  entre  Téquidé  magdalénien  et  le  kertag  sont 
peu  considérables.  Il  convient  pourtant  de  les  signaler.  Les 
membres  ne  sont  pas  massifs;  la  forme,  an  contraire,  en  est 
élégante. ^La  tôte  n'est  pas  trop  grosse;  la  crinière,  sans 
tomber  sur  le  front,  s'avance  entre  les  deux  oreilles  et  les  dé- 
passe même.  Enfin,  la  mâchoire  inférieure  est  garnie  de  longs 
poils  qui  forment  une  espèce  de  barbe.  Ces  dissimilitudes  ne 
me  paraissent  avoir  rien  de  spécifique  ;  elles  constituent  une 
simple  variété  et  s'expliquent  par  l'éloignement  des  temps  et 
des  lieux.  Je  crois  donc  que  Ton  peut  désigner,  dans  les  col- 
lections, les  gravures  d'équidés  à  robe  unie,  à  crinière 
droite^  à  queue  dégarnie  de  crins  dans  sa  partie  basilaire^ 
sous  le  nom  d'equtis  PrzewaUkii  ou,  si  Ton  préfère,  de  kertag 
ou  de  takhé. 

Cette  espèce,  dont  le  front  es{  légèrement  bombé,  n'était 
pas,  à  l'époque  quaternaire,  celle  de  nos  régions  qui  se  rap- 
prochait le  plus  du  cheval  actuel.  Il  y  avait  alors  un  équidé 
à  queue  complètement  garnie  de  crins,  à  crinière  courte  et 
droite,  dont  le  squelette  ne  diffère  pas  notablement  de  celui 
de  Vequus  eaballus.  La  tête  en  était  cependant  plus  grosse  et 
la  mâchoire  inférieure  plus  développée.  C'est  probablement 
celle  que  M.  Rutimeyer  a  désignée  sous  le  nom  à'equus  ada- 
meticus. 

Elle  a  été  représentée  par  les  artistes  magdaléniens.  On  en 
a  trouvé  des  gravures  dans  les  cavernes  d'Arudy,  de  Lourdes, 
de  Gourdan;  mais  elle  paraît  avoir  été  moins  abondante  dans 
les  Pyrénées  que  dans  le  Périgord,  et  c'est  surtout  à  la  Made- 
laine  et  à  Laugerie-Basse  que  l'on  en  a  recueilli  des  figures. 
J'en  ai  reproduit  une  gravure  dans  les  Matériaux  (3«  série, 
t.  IV,  p.  363,  fîg.  49).  On  y  remarque  que  le  front  de  l'animal 
représenté  est  presque  droit;  les  membres  sont  massifs  ;  les 
crins  de  la  queue  sont  hérissés  comme  ceux  d'un  cheval 
échauffé.  Li^  tète,  d'une  grosseur  disproportionnée  an  oorps, 
est  assez  bien  dessinée,  chose  assez  rare  à  Langerie  et  à  la 


ED.  PIETTE.  —  LE   «ERTAG  QÛAtERNAIRE.  739 

Madelaiûe  ;  car  les  graveurs  et  les  sculpteurs  qui  Tivalent 
sous  ces  abris  ont  parfois  tellement  exagéré  la  massivité  de 
la  tête,  que  leurs  gravures  et  leurs  sculptures  ont  fait  de  ces 
animaux  de  véritables  caricatures.  Tels  sont  les  grossiers  re- 
liefs reproduits  dans  les  Reliquix  aquitanicx  (B,  pi.  X,  ilg.  3 
et  5).  D'autres  gravures,  dessinées  dans  le  ipéme  ouvrage, 
représentent  fidèlement  Tespèce  (voir  notamment  B,  pi.  XXX, 
fig.  i).  La  orinière,  à  la  différence  de  celle  des  kertags,  était 
dirigée  d'avant  en  arrière.  On  pourrait  même  se  demander,  à 
la  vue  de  ces  crinières  inclinées  et  par  conséquent  souples  et 
déjà  longues,  si  elles  ne  pendaient  pas  de  Tautre  côté  du 
cheval.  Mais  si  ces  équidés  avaient  eu  des  crinières  tomban- 
tes, les  graveurs  magdaléniens  n'auraient  pas  manqué  de  les 
représenter  du  côté  où  elles  flottaient,  ne  fût-ce  que  pour 
différencier  les  animaux  qui  les  auraient  eues  de  ceux  qu'ils 
voyaient  ordinairement. 

Je  pense  donc  que  le  cheval  &  longue  crinière  flottante  n'a 
pas  habité  notre  pays  pendant  la  période  quaternaire.  t)ans 
quelle  région  de  la  terre  a*t-il  apparu  et  s'est^il  multiplié?  Il 
est  vraisemblable  que  c'est  en  Asie,  et  que  nos  différentes 
races  de  chevaux  européens  ne  sont  que  le  résultat  du  croise* 
ment  de  nos  équidés  quaternaires  avec  les  deux  races  de 
chevaux  amenés  en  Europe  par  les  immigrante  néolithiques. 
Il  est  vrai  qu'en  Asie,  pas  plus  qu'ailleurs,  Veqtms  caballuè  n'a 
jamais  été  vu  vraiment  sauvage;  car  les  troupes  de  tarpans 
de  oe  continent,  comme  celles  de  chevaux  sauvages  de  l'A- 
mérique, ne  sont  formées  que  de  descendants  de  chevaux 
domestiques  rendus  à  la  liberté.  La  diversité  de  leur  pelage 
est  une  livrée  que  leur  a  imprimée  la  servitude  et  dont  ils 
n'ont  pu  se  débarrasser  encore,  malgré  des  siècles  d'indépen* 
danoe.  Peut-être  la  longueur  de  la  crinière  esi^Ue  un  autre 
fruit  de  la  domesticité,  et  ne  s'est^elle  généralisée  que  par  la 
sélection  de  l'homme. 

M.  Fauvelle  a  fait  remarquer,  non  sans  raison,  que  la  dé- 
couverte  du  kertag  dont  la  robe  est  dépourvue  de  toute 
rayure,  même  de  rayure  dorsale,  n'est  pas  de  nature  à  oon- 


740  SÉANCE  DU  i"'  DÉCEMBRE  1887. 

finner  les  vues  des  auteurs  qui  pensent  que  Tancêtre  com- 
mun de  tous  nos  équidés  devait  être  zébré.  Cette  conjecture 
ne  m'en  semble  pas  moins  la  plus  fondée.  Chez  les  hybrides 
de  cheval  et  de  zèbre,  on  a  toujours  remarqué  des  rayures 
plus  ou  moins  nombreuses,  et  Ton  a  conclu  de  la  facilité  de 
ces  produits  du  cheval  à  revêtir  la  robe  zébrée  que  cette  robe 
avait  été  celle  de  Tancétre  commun  de  tous  les  équidés.  Les 
rayures  pourraient  manquer  sur  certains  métis  sans  que  cette 
induction,  basée  sur  ce  qui  se  passe  dans  la  plupart  des  cas, 
en  fût  infirmée.  Elle  ne  Test  pas  non  plus  par  l'existence 
d'un  autre  solipède  à  pelage  uni,  car  les  hybrides  de  kertag 
et  de  zèbre  seraient  probablement  aussi  rayés  que  ceux  de 
cheval. 

Le  nombre  des  espèces  connues  d'équidés  zébrés  est  beau- 
coup plus  grand  que  celui  des  équidés  à  robe  unie,  et  il 
3*accroît  tous  les  jours.  Dernièrement,  c'était  Vequus  Grevii 
que  Ton  décrouvrait.  Si  les  stations  magdaléniennes  m'ont 
fourni  des  gravures  de  kertag,  elles  m'ont  également  donné 
d'autres  gravures  représentant  une  espèce  zébrée  quater- 
nairO;  actuellement  disparue.  Elle  était  couverte  de  rayures 
très  nombreuses,  très  fines,  en  voie  de  résolution,  car  elles 
étaient  remplacées  sur  certaines  parties  du  corps,  notamment 
sur  la  tête,  par  des  mouchetures  alignées.  Je  lui  ai  donné  le 
nom  d'equm  guttatus  (équidé  moucheté),  et  j'en  ai  reproduit, 
dans  les  Matériaux  ponr  V histoire  primitive  de  Vkommey  une 
gravure  sur  ivoire  de  mammouth  découverte  dans  la  caverne 
d'Arudy  (voir  3^  série,  t.  IV,  p.  363,  flg.  51).  M.  Merk  en  a 
dessiné  une  autre  gravure  trouvée  dans  la  caverne  de  Tayn- 
gen  (voir  Matériaux^  3*  série,  t.  IV,  p.  364,  fig.  52).  La  grotte 
des  Ëspelugues,  à  Lourdes,  renfermait  une  statuette  de  la 
même  espèce,  en  ivoire  de  mammouth,  très  bien  exécutée  et 
fort  intéressante,  car  presque  toutes  les  rayures  du  corps  s'y 
résolvent  en  mouchetures  alignées.  Les  oreilles,  plus  grandes 
sur  la  sculpture  que  sur  les  deux  gravures,  sont  loin  d'avoir 
une  longueur  égale  à  la  moitié  de  la  tête.  J'ignore  quelle  forme 
avait  la  queue.  Celle  de  la  statuette  est  cassée.  Ce  qui  en 


ED.  PIKTTE.  —   LE  KERTAG  QUATERNAIRE.  741 

reste  a  l'apparence  de  la  partie  basilaire  d'une  queue  de 
cheval;  mais  elle  n'est  que  dégrossie,  et  Ton  voit  que  la  taille 
en  est  restée  inachevée.  La  gravure  d'Arudy  ne  donne  que  le 
devant  de  Tanimal.  Je  ne  connais  pas  l'original  de  la  gravure 
de  Tayngen,  dont  j'ai  reproduit  le  dessin  d'après  M.  Merk 
(flg.  52).  Mais  la  queue  longue  et  mince,  comme  celle  d'un 
lévrier,  dont  on  a  gratifié  l'équidé  représenté,  me  paraît  tra- 
cée par  le  dessinateur  moderne  d'après  des  idées  précon- 
çues, et  n'être  qu'une  mauvaise  interprétation  de  l'œuvre  de 
l'artiste  magdalénien  qui,  peut-être,  avait  voulu  dessiner  deux 
crins.  Une  très  mauvaise  gravure  d'équidé  rayé  que  l'on 
pourrait  rapporter  à  cette  espèce  a  été  trouvée  à  Lorthet;  la 
queue  de  l'animal^  mieux  faite  que  le  reste,  est  dégarnie  de 
crins  à  sa  partie  basiJaire  et  ressemble  à  celle  du  zèbre.  On 
ne  sait  donc  rien  de  certain  sur  l'appendice  caudal  de  Vequus 
yuttatus  :  mais  cette  espèce,  dont  les  rayures  tendent  à  se  dis- 
soudre, n'en  constitue  pas  moins  un  intermédiaire  entre  le 
kertag  et  le  zèbre. 

La  multiplicité  et  la  finesse  des  rayures  paraissent  être  le 
partage  d'équidés  chez  lesquels  le  caractère  tiré  de  leur  pré- 
sence a  perdu  de  sa  fixité.  On  peut  voir,  au  Jardin  d'accli- 
matation, deux  hybrides,  l'un  de  daw  et  de  cheval,  l'autre  de 
daw  et  d'âne,  très  intéressants,  en  ce  qu'ils  présentent  des 
raies  aussi  étroites  que  celles  de  Vequus  guttatus.  L'un  d'eux 
en  est  tout  couvert;  l'autre  a  les  rayures  plus  rares  et  plus 
effacées;  mais  il  a  une  croix  très  nette,  et,  ce  qui  est  remar- 
quable, la  barre  de  l'épaule  se  divise  en  trois  raies.  On 
peut  en  induire  que  la  croix  qui  caractérise  l'âne  et  l'hémione 
n'est  que  le  reste  d'un  pelage  zébré.  Lors  donc  que  Von 
compte  les  équidés  rayés,  il  faut  placer  avec  eux  Vequus  he- 
mionus  et  Vequus  onnger.  Tous  paraissent  descendre  d'un 
auteur  commun  zébré.  Vequus  caballus^  Vequu$  adameticus^ 
Vequus  Przewahkii  auraient-ils  eu  une  généalogie  différente? 
Je  ne  puis  rien  dire  de  Vequus  adameticus^  dont  le  pelage  devait 
être  uni  ;  mais  le  cheval,  dont  il  sen^ble  avoir  été  l'ancêtre  im- 
médiat, a  parfois  une  bande  dorsale.  Or,  cette  bande,  si  ce  que 


748  86AKCB  DU  1^  DÉCEMBRB  1887. 

nous  avons  dit  est  vrai,  est  le  dernier  vestige  de  la  rayure  du 
pelage*  J*ai  souvent  remarqué  cette  ligne  dorsale  sur  les 
chevaux  de  couleur  Isabelle,  et  quelquefois  sur  des  chevaux 
gris-souris.  Peut-être  pourrait-on  prétendre  qu'elle  est  un 
signe  du  métissage  de  l'un  de  leurs  ancêtres  qui  se  serait 
croisé  avec  l'âne  ou  l'hémione.  Aux  temps  quaternaires,  ces 
croisements  étaient  plus  faciles  qu'aujourd'hui.  Vequtts  ada- 
metieus,  avec  sa  crinière  courte,  n'était  pas  éloigné  de  Vequus 
Przewalskii,  qui  lui-même,  par  les  caractères  de  la  queue,  se 
rapprochait  beaucoup  de  Vequus  hemtonus  et  de  Vequus  gut^ 
tatus.  Entre  espèces  si  voisines  les  imes  des  autres,  il  dut  alors 
se  former  des  hybrides  doués  de  la  faculté  de  se  reproduire, 
qui  se  croisèrent  eux-mêmes  avec  le  cheval  et  purent  trans- 
mettre à  leurs  descendants,  avec  la  forme  de  ce  dernier,  la 
ligne  dorsale  qu'ils  tenaient  de  l'un  de  leurs  auteurs.  Toute- 
fois, j'incline  plutôt  à  expliquer  par  un  retour  à  l'atavisme 
cette  rayure  sur  le  dos  de  certains  chevaux;  et  ce  qui  me 
confirme  dans  cette  opinion,  c'est  que  les  chevaux  qui  en  sont 
dépounus  ont  presque  tous  la  crinière  et  la  queue  d'une 
couleur  plus  foncée  que  le  surplus  de  leur  robe.  Or,  la  queue 
et  la  crinière  sont  les  deux  extrémités  de  la  bande  dorsale; 
et^  si  celle-ci  manque,  la  couleur  qu*elle  avait  subsiste,  malgré 
cette  lacune,  sur  les  crins  du  cou  et  de  l'appendice  caudal. 
Le  kertag  n'a  pas  le  dos  rayé  ;  mais  sa  crinière  et  sa 
queue  sont  noires  comme  le  sont  le  plus  souvent  celles  du 
cheval. 

Les  équidés  adamiques,  si  l'on  s'en  rapporte  aux  gravures 
magdaléniennes,  présentaient  parfois,  dans  nos  régions,  le 
phénomène  pathologique  connu  sous  le  nom  de  queue  de 
rat.  Je  possède  une  gravure,  burinée  sur  une  côte  d'équidé, 
représentant  un  individu  qui  en  est  affecté.  Elle  a  été  re- 
cueillie dans  la  caverne  d'Arudy,  à  côté  d'ossements  de 
mammouth. 

Tous  les  équidés,  à  l'exception  du  cheval  et  de  l'équidé 
adamique  dont  il  paraît  n'être  que  la  transformation,  ont  la 
partie  basilaire  de  la  queue  couverte  de  poils  ras.  Ces  poils 


MATHIA8  DUYAL.  —  l'aPHASIE  DEPUIS  BROGA.  743 

subsistent  même  ordinairement^  chez  Yequtu  caballus^  sur  la 
partie  supérieure  de  la  queue,  à  son  point  d'attache,  et  ils  y 
forment  un  petit  triangle  dont  la  pointe  s'ayance  plus  ou 
moins  dans  les  crins.  Il  est  donc  légitime  de  penser  que  l'ap- 
pendice caudal  de  Tancêtre  commun  de  nos  équidés  n'avait 
de  crins  qu'à  sa  partie  inférieure. 
La  séailce  est  levée  à  six  heures. 

L'un  des  secrétaires  :  MANOUVBlEa. 


i(S«  SiiNCB.  —  14  décembre  1887. 

QUATRIÈME   CONFÉHENCE   BROGA 

Présldetiee  de  M.  JÊÊAGkÈT&t^  présldenl* 

M.  LE  Président,  après  avoir  proclamé  lauréat  du  prix 
Godard  M.  le  docteur  Maurel,  donne  la  parole  au  conféren- 
cier, M.  Mathias  Duval  : 

Ii*A|iliâsle  depaUi  Bfo^A  t 

PAR  tl.  MATHIAS  DtJTAt. 

Messieurs, 
Dans  sa  séance  du  21  mars  4861,  la  Société  d'anthropo- 
logie fut  témoin  d'une  discussion  mémorable  entre  Gratiolet 
et  Auburtin,  au  sujet  des  fonctions  des  lobes  antérieurs  du 
cerveau.  Broca  intervint  dans  cette  discussion  pour  préciser 
de  quelle  manière  on  devait  procéder  à  la  recherche  dQs  lo- 
calisations cérébrales,  et  il  déclara  qu'à  son  avis  les  observa- 
tions pathologiques,  complétées  par  l'autopsie,  pourraient 
seules  conduire  à  découvrir  des  localisations  particulières,  à 
la  condition  expresse  que  les  observateurs  voulussent  bien 
s'attacher  à  désigner  nettement,  par  des  dénominations  anato- 
miques  régulières,  les  circonvolutions  malades,  au  lieu  d'indi- 
quer vaguement,  oomme  par  le  passé,  le  siège  des  lésions 


744  SÉAlfCB  DU   14  DÉCEMBRE   1887. 

dans  telle  ou  telle  région  da  cerveau.  C'était  là  le  programme 
qui  a  été  Torigine  de  tant  de  découvertes,  inaugurées  par 
Broca  lui-même,  par  la  découverte  de  la  lésion  dans  Yaphasïe. 
Depuis  longtemps  on  avait  observé,  chez  des  sujets  ayant 
conservé  leur  intelligence,  des  troubles  singuliers  du  lan- 
gage, troubles  de  nature  à  faire  penser  à  la  lésion  d'un  organe 
cérébral  particulier  présidant  à  la  fonction  de  l'expression. 
Mais  quel  était  cet  organe  cérébral  ?  Bouillaud  avait  indiqué 
les  lobes  antérieurs  du  cerveau.  Mais  ces  lobes  étant  reconnus 
comme  le  siège  des  facultés  intellectuelles  en  général,  c'était 
une  de  ces  indications  vagues  auxquelles  faisait  allusion 
Broca,  en  mars  4861 ,  devant  la  Société  d  anthropologie.  Pour 
Broca,  chaque  circonvolution,  chaque  méandre  d'une  cir- 
convolution était  peut-être  un  organe  cérébral  distinct;  c'est 
dans  ce  sens  qu'il  se  proposait  de  chercher.  C'est  dans  ce 
sens  qu'ont  été  faites  toutes  les  découvertes  dont  je  dois 
vous  donner  aujourd'hui  un  rapide  aperçu,  et  dont  la  pre- 
mière devait  à  jamais  illustrer  le  nom  de  notre  fondateur.  En 
effet,  quelques  mois  après  avoir  précisé,  devant  la  Société 
d'anthropologie,  les  principes  qui  doivent  présider  à  la  re- 
cherche des  localisations  dans  les  circonvolutions  cérébrales, 
Broca  découvrait,  conformément  à  ces  principes,  que  la  troi- 
sième circonvolution  frontale  gauche  est  l'organe  cérébral 
de  la  parole  articulée;  que  les  lésions  destructives  de  cette 
circonvolution  produisent  l'aphasie. 

I 

Broca  était  alors  chirurgien  de  Bicétre.  Or,  le  4 1  avril  i86l , 
on  transportait  dans  son  infirmerie,  pour  une  lésion  chirur- 
gicale, un  vieux  pensionnaire  de  Bicêtre,  connu  dans  l'hospice 
sous  le  pseudonyme  de  Tan,  parce  qu'à  toutes  les  questions 
il  ne  pouvait  répondre  verbalement  que  par  le  mot  TaUj  mais 
en  y  joignant  des  gestes  variés,  au  moyen  desquels  il  réus- 
sissait à  exprimer  la  plupart  de  ses  idées.  11  comprenait,  en 
effet,  tout  ce  qu'on  lui  disait;  mais,  quoique  les  muscles  de 
la  langue  et  du  larynx  ne  fussent  nullement  paralysés,  il  ne 


MATHIAS   DUVAL.  — -  l' APHASIE  DEPUIS  BROGA.  74S 

pouvait  proférer  que  des  sons  inarticulés,  n'ayant  conservé 
d'autre  vocabulaire  que  le  monosyllabe  en  question.  Ce  ma- 
lade succomba  peu  de  jours  après,  et^  à  Tautopsie,  Broca 
constata  qu'un  ramollissement  chronique  avait  détruit,  sur  le 
lobe  frontal  gauche,  la  moitié  postérieure  des  deuxième  et 
troisième  circonvolutions  frontales,  dont  la  substance  était 
remplacée  par  une  poche  pleine  de  sérosité  :  Tétude  exacte 
de  la  lésion  montrait  que  la  troisième  frontale  avait  dû  être 
atteinte  la  première,  et  qu*en  elle  la  destruction  était  plus 
profonde  et  plus  étendue.  Broca  communiquait  cette  obser- 
vation à  la  Société  anatomique  en  août  1861.  Mais,  en  pré- 
sence d'un  fait  isolé,  il  s'abstenait  de  formuler  une  conclu- 
sion et  déclarait  qu'avant  de  localiser  le  siège  de  la  faculté 
du  langage  articulé  dans  la  moitié  postérieure  de  la  troisième 
frontale,  il  voulait  attendre  de  nouveaux  faits.  11  n'attendit 
pas  longtemps. 

En  efTet,  le  27  octobre,  dans  ce  même  service  de  Bicêtre, 
Broca  se  trouvait  en  présence  d'un  nouveau  cas,  calqué  pour 
ainsi  dire  sur  le  précédent.  C'était  un  vieillard  qui,  frappé 
d'apoplexie,  s'était  promptement  rétabli,  ne  conservant  de 
son  accident  que  des  troubles  désignés  par  sa  famille  comme 
une  paralysie  de  la  langue,  parce  que  ce  malade  avait  perdu 
définitivement  la  faculté  de  parler.  Mais,  en  réalité,  la  langue 
ni  aucun  organe  musculaire  n'était  paralysé;  le  sujet  n'était 
pas  non  plus  aphone,  mais  il  n'avait  pour  tout  vocabulaire 
que  les  monosyllabes  :  owi,  noriy  tois  (pour  trois)  et  toujours, 
qu'il  appliquait  à  tort  et  à  travers;  mais,  ces  mots  ne  répon- 
dant que  rarement  à  ce  qu'il  voulait  exprimer,  il  corrigeait, 
par  des  gestes  expressifs,  l'imperfection  de  ce  langage  rudi- 
mentaire,  imperfection  dont  il  avait  conscience.  Il  n'avait 
donc  pas  perdu  Tinteiligence.  Ce  malade  étcmt  mort  au  bout 
de  dix  jours  environ,  l'autopsie  révéla  une  lésion  identique 
à  celle  du  cas  précédent,  mais  beaucoup  mieux  circonscrite, 
c'est-à-dire  n'occupant  exactement  que  la  partie  postérieure 
de  la  troisième  circonvolution  frontale  gauche.  En  communi- 
quant ce  nouveau  cas  à  la  Société  anatomique,  Broca  se  tint 


T46  SÉANCE  DU  14  DÉCEMBRE  1887. 

encore  sur  nue  certaine  réserve  ;  une  coïncidence  purement 
fortuite  pouvait  peut-être  s'être  rencontrée  ;  mais  cependant 
il  insistait  sur  l'importance  de  ces  faits  en  faveur  de  son  hypo- 
thèse des  localisations  par  circonvolutions. 

Cependant  l'attention  des  cliniciens  était  vivement  attirée 
sur  ces  observations,  et  des  cas  qui,  dans  d'autres  circon- 
stances, auraient  peut-être  passé  presque  inaperçus,  furent 
de  divers  côtés  soigneusement  étudiés  avec  autopsie.  Trous- 
seau, Gharcot,  Gubler,  Yulpian  vinrent  ainsi  ajouter  aux  deux 
cas  de  Broca  diverses  observations  semblables,  si  bien  qu'au 
bout  de  deux  ans,  en  1863,  la  science  se  trouvait  en  posses- 
sion de  onze  observations.  Broca  avait  examiné  toutes  ces 
pièces  :  toutes  avaient  cela  de  commun  que  la  lésion  attei- 
gnait le  tiers  postérieur  de  la  troisième  frontale  de  l'hémi- 
sphère gauche. 

C'est  alors,  et  devant  sa  chère  Société  d'anthropologio, 
dans  les  séances  des  3  et  16  août  1863,  que  Broca  vint  déve- 
lopper ses  idées,  poser  des  conclusions  fermes,  établir  en  un 
mot  sa  découverte.  Le  symptôme  fut  désigné  par  lui  sous  le 
nom  d'aphémie  (a  privatif;  çtqiaC,  je  parle).  Les  aphémiques, 
dit-il,  ont  perdu  la  faculté  coordinatrioe  des  mouvements  du 
langage  articulé;  ils  n'ont  pas  perdu  la  mémoire  des  mots, 
puisqu'ils  comprennent  les  mots  articulés  par  leurs  interlo- 
cuteurs. Ils  n'ont  pas  de  trouble  général  de  l'intelligence, 
puisqu'ils  peuvent  se  faire  comprendre  à  leur  tour  par  la  mi- 
mique et  par  l'écriture,  et  que,  par  conséquent,  ils  ont  des 
idées  et  peuvent»  les  exprimer.  La  mémoire  en  général  per- 
siste chez  eux  à  un  degré  remarquable.  Et  du  reste,  ajoute 
Broca,  la  mémoire  ne  saurait  être  considérée  comme  une 
faculté  simple ,  chaque  faculté  a  sa  mémoire  particulière  :  le 
pied  de  la  troisième  frontale  est  l'organe  de  la  mémoire  des 
mouvements  de  la  parole  articulée. 

Mais,  avons-nous  dit,  c'est  toujours  la  frontale  gauche 
qu'on  trouvait  lésée  chez  ces  aphémiques.  Ce  fait  était  sur- 
prenant :  c'est  avec  stupéfaction  que  Broca  le  signale  dès  sa 
seconde  observation  ;  cette  prédilection  étrange  pour  le  côté 


MATHIAS  DCVÂL.  —  L* APHASIE  DEPUIS  BROCA.  747 

gauche  lui  paraît  une  subversion  de  nos  connaissances  en 
psychologie  cérébrale.  Mais  les  faits  se  multiplient;  il  faut  se 
rendre  à  Tévidence.  Alors  Broca  cherche  une  explication  et 
trouve  celle  que  toutes  les  observations  sont  venues  confirmer 
depuis.  Il  fait  remarquer  que  Thomme  s'habitue  dès  Tenfanoe 
à  répartir  entre  les  deux  hémisphères  le  travail  relatif  aux 
actes  compliqués  et  difficiles  dont  la  pratique  ne  s'acquiert 
que  par  Téducation.  C'est  ainsi  que  la  plupart  des  hommes 
sont  droitiers,  c'est-à-dire  se  servent  de  préférence  dQ  la 
main  droite  commandée  par  l'hémisphère  gauche.  C'est  sans 
doute  de  même  que  l'enfant  s'habitue  à  diriger  presque  tou- 
jours avec  l'hémisphère  gauche  la  mécanique  délicate  du 
langage  articulé.  Mais  les  gauchers,  qui  sont  droitiers  du  cer- 
veau, doivent  devenir  aphémiques  par  lésion  de  la  troisième 
frontale  droite.  Aujourd'hui  les  faits  confirmatifs  ne  se  comp- 
tent plus. De  même  le  droitier,  devenu  aphémique  par  lésion 
du  cerveau  gauche,  pourra  sans  doute  apprendre,  par  une 
nouvelle  éducation,  à  coordonner  les  mouvements  de  la  pa- 
role avec  son  hémisphère  droit.  Cette  nouvelle  induction  de 
Broca  est  également  confirmée  par  l'observation,  si  bien  que 
Charcot  déclare  aujourd'hui  n'avoir  jamais  rencontré  de  véri- 
table infraction  aux  lois  de  Broca  ^ 

Quand  Broca  eut  établi  cette  localisation  du  langage,  des 
voix  ne  manquèrent  pas  pour  en  attribuer  la  découverte  à 
des  auteurs  antérieurs.  On  a  surtout  parlé  de  Bouillaud  et  de 
Dax.  Je  n'ai  pas  ici  à  traiter  de  l'aphasie  avant  Broca,  et  du 
reste  l'examen  de  cette  question  prouve  que  Broca  est  bien 
absolument  l'auteur  de  la  découverte.  Bouillaud,  à  la  tribune 
de  l'Académie  de  iQédecine,  s'est  lui-même  désisté  de  toute 
prétention  à  ce  sujet  '.  Quant  au  mémoire  de  Dax,  qui  aurait 
été  lu  en  1836  devant  une  société  savante  du  Midi,  il  était 


«  Charoot,  Progrès  médical,  1883,  p.  850. 

'  et  Je  suis  heureux  d^avoir  entendu  les  explications  de  M.  Broca  qui 
tranchent  définitivement  à  mes  yeux  la  priorité.  C^est  à  lui  que  revient 
tout  l'honneur  de  la  faculté  du  langage.  »  (BuUetin  da  l^ Académie  de  méde- 
cine, 2«  série,  t.  V,  p.  589.) 


748  SÉANCE  DU  U  DÉCEMBRE  1887. 

resté  inédit  et  ne  fut  exhumé  qu'en  1865  ;  et  du  reste  il  a  été 
fait  bonne  justice  de  ces  prétentions  dans  la  monographie  du 
docteur  Bernard  ^  Passons  et,  après  ce  rapide  résumé  delà 
découverte  de  Broca,  voyons  ce  que  lui  réservait  l'avenir; 
nous  entrons  ainsi  seulement  dans  notre  sujet  :  Taphasie 
depuis  Broca. 

II 

B'abord,  et  par  le  fait  de  Trousseau,  en  vertu  de  considé- 
rations de  grammaire  grecque^  on  voulut  substituer  au  mot 
aphémie,  celui  d'aphasie  (a,  çaat;,  parole).  Or  les  deux  mots 
doivent  être  conservés  aujourd'hui,  le  premier  pour  désigner 
précisément  le  symptôme  si  bien  étudié  par  Broca;  le  second 
pour  désigner  l'ensemble  des  troubles  de  l'expression,  car  le 
langage  articulé  n'est  pas  le  seul  mode  d'expression;  il  y  a 
encore  l'écriture,  la  mimique  ;  et  puis,  il  y  a,  comme  nous 
allons  le  voir,  bien  d'autres  troubles,  bien  d'autres  lésions 
cérébrales  qui  peuvent  entraver  le  mécanisme  complexe  de 
l'expression.  Chacun  de  ces  troubles  devra  recevoir  un  nom 
particulier  :  celui  de  la  coordination  des  mouvements  phona- 
teurs conservera  le  nom  d'aphémie  :  l'aphasie  désignera  un 
ensemble,  dont  l'aphémie  est  un  cas  particulier. 

En  effet,  dans  les  nombreuses  observations  cliniques  qui 
suivirent  la  découverte  de  Broca  et  vinrent  la  confirmer,  on 
s'attacha  à  étudier  sur  les  malades  l'état  des  autres  modes 
d'expression,  en  dehors  de  la  parole.  En  se  reportant  au  mé- 
moire de  Jules  Falret  publié  en  1864%  on  voit  que  déjà  à  ce 
moment  on  reconnaît  que  tantôt  les  aphémiques  peuvent 
encore  écrire,  et  que  tantôt  ils  ont  également  perdu  ce  mode 
d'expression  de  la  pensée.  Bientôt  on  observe  des  malades 
qui  peuvent  plus  ou  moins  parler,  mais  ont  complètement 
perdu  la  faculté  d'écrire.  D'autres  peuvent  écrire  et  parler, 
mais  ils  ne  peuvent  plus  lire,  soit  l'écriture,  soit  l'imprimé. 

*  Bernard,  De  i'aphasie  et  de  ses  diverses  formes,  Paris,  1885. 
'  Jules  Falret,  Des  troubles  du  langage  et  de  la  mémoire  des  VMls  dans  Us 
affections  céréales  {Archives  générales  de  médecine,  mars  1864). 


MATHIAS  DUVAL.  ^  L^PHASIE  DEPUIS  BROGA.  749 

D'autres  ne  peuvent  ni  écrire  ni  parler,  mais  ils  lisent  soit 
récriture,  soit  Timprimé.  Enfin  quelques-uns  peuvent  écrire, 
parler,  lire  ;  mais  ils  ne  comprennent  plus  les  questions  qu'on 
leur  adresse,  ils  n'entendent  pliîs  la  parole  parlée,  et  s'ils  ont 
conservé  tous  les  moyens  d'expression,  entre  autres  l'exprès- 
sign  verbale,  ils  ne  reconnaissent  plus  cette  expression  ver- 
bale émise  par  un  interlocuteur.  Et  toutes  ces  formes  di- 
verses de  troubles  se  trouvant  mêlées  et  combinées  chez  les 
différents  malades,  la  question  de  l'aphasie  a  pu  un  moment 
apparaître  comme  un  chaos  défiant  toute  systématisation 
simple,  chaos  duquel  émergeait  simplement,  avec  sa  netteté 
symptomatique ,  vu  sa  localisation  cérébrale  précise,  Ta- 
phémie  de  Broca  ou  perte  de  la  faculté  coordinatrice  du  lan- 
gage parlé.  ^ 

Ce  chaos  est  aujourd'hui  débrouillé  d'une  manière  aussi 
nette  que  possible:  et  faire  l'histoire  de  l'aphasie  depuis 
Broca,  c'est  précisément  montrer  les  résultats  acquis  à  cet 
égard  par  les  observations  cliniques  suivies  d'autopsie,  selon 
les  règles  mêmes  posées  par  Broca.  Ce  travail  a  commencé 
vers  1874,  grâce  surtout  aux  travaux  de  Magnan  et  de  Char- 
cot^  en  France,  de  Wemicke,  de  Kussmaul  en  Allemagne, 
pour  ne  citer  ici  que  les  principaux.  On  connaît  ainsi  aujour- 
d'hui quatre  formes  d'aphasie,  à  localisations  cérébrales  bien 
précisées;  nous  allons  les  passer  en  revue,  en  établissant 
pour  chaque  type  une  sorte  de  schéma  symptomatique  dont 
nous  empruntons  les  éléments  à  diverses  observations  cli« 
niques. 

Premier  type.  —  Le  malade,  frappé  le  plus  souvent  d'une 
attaque  d'apoplexie,  s'est  relativement  bien  rétabli,  quant  à 
la  paralysie;  mais,  d'après  l'appréciation'  de  ceux  qui  l'en- 
tourent, il  semble  resté  sourd  et  idiot,  car  il  répond  de  travers 
aux  questions  qu'on  lui  pose,  il  ne  comprend  pas  la  conver- 
sation. Cependant  un  examen  attentif  et  méthodique  montre 
qu'il  n'est  ni  sourd  ni  idiot.  Il  n'est  pas  sourd,  car  si,  après 

1  Cbarcot  a  repris  Ht  fond  toute  la  question  de  Taphasie  dans  ses  leçons 
de  1883  et  1884. 


750  SÉANCE  DU'  14  DÉGBMBRB  1887. 

un  temps  de  silenoe,  on  lui  adresse  la  parole,  étant  placé  der- 
rière lui)  de  façon  qu'il  ne  puisse  voir  le  mouvement  des  lè- 
vres, il  tourne  la  tète;  il  a  entendu,  mais  il  répond  de  tra* 
vers,  car  si^  par  exemple,  on  lui  a  demandé  :  «  Quel  âge 
avez-vous  ?»  il  aura  répondu  ;  «  Je  me  porte  très  bien,  merci,  n 
11  n'est  pas  sourd,  car  il  se  retourne  également  au  bruit 
d'une  porte  qu'on  ouvre,  d'une  fenêtre  que  fait  battre  le  vent, 
et  même  au  bruit  léger  d'une  épingle  qu'on  laisse  tomber  sur 
le  parquet.  Après  avoir  répondu  de  travers  à  diverses  ques* 
tions,  il  voil  très  bien  que  ses  réponses  ne  sont  pas  satisfai- 
santes, il  s'impatiente  :  «  Je  ne  sais  pas  ce  que  vous  me  dites^ 
s'écrie-t41  ;  que  dites-vous?  je  ne  vous  comprends  pas  I  gué« 
rissez-moi  1  »  Il  n'est  donc  pas  idiot.  Et,  en  effet,  s'il  répond 
de  travers  à  une  question,  c*est  fort  correctement  qu'il  s'ex* 
prime  lorsqu'il  parle  spontanément,  lorsqu'il  exprime  ses 
propres  idées,  répond  à  sa  propre  pensée.  De  plus,  il  lit  Vé* 
critureet  répond  d'une  manière  toute  normale  aux  questions 
qu'on  lui  pose  par  écrit  ;  il  lit  les  journaux,  les  romans  ;  il 
joue  aux  échecs  et  gagne  son  adversaire.  Dono  oe  siyet  n'est 
ni  sourd  ni  idiot.  Il  parle,  il  lit,  il  écrit. 

Que  lui  manque-t-il  donc  ?  Il  lui  manque  de  comprendre 
le  langage  parlé.  Quand  il  entend  parler  sa  langue  mater- 
nelle, c'est  comme  s'il  entendait  une  langue  étrangère  corn* 
plètement  inconnue  de  lui.  Cette  langue  maternelle,  il  l'avait 
apprise  peu  à  peu,  comme  nous  tous,  par  une  éducation 
lente,  c'est-à-dire  quMl  avait  peu  à  peu  appris  à  retenir  et  à 
reconnaître  la  valeur  conventionnelle  des  sons  de  la  parole  ; 
les  images  auditives,  les  résidus,  comme  dit  Taine,  les  résidus 
des  impressions  auditives  verbales  s'étaient  peu  à  peu  emma- 
gasinés dans  son  cerveau.  Ce  qui  lui  manque  aujourd'hui,  c'est 
tout  ce  qu'il  avait  acquis  à  cet  égard  :  il  a  perdu  la  mémoire 
des  sons  de  la  parole,  la  mémoire  atidUive  verbale.  11  n'est  pas 
sourd  à  proprement  parler  ;  mais  il  est  sourd  pour  le  sens 
des  articulations  de  la  parole.  Il  est  frappé  de  surdité  verbak. 
Ce  seul  mot  résume  tout  son  état  ;  il  explique  qu'un  examen 
superficiel  ait  pu  faire  croire  que  ce  sujet  est  sourd  et  idiot. 


MATHIAS  DUVAL.  —  L'aPHASIE  DEPUIS  BROGA.  75i 

Il  y  a  donc  une  faculté  qui  consiste  dans  la  mémoire  des 
sons  du  langage,  dans  la  mémoire  auditive  verbale.  Cette 
faculté  peut  être  lésée^  supprimée  par  une  affection  céré- 
brale, alors  que  toutes  les  autres  sont  conservées.  Elle  a  donc 
probablement  un  organe  cérébral  bien  distinct,  c'est-à  dire 
une  localisation  bien  précise,  sans  doute  dans  une  circonvo- 
lution particulière^  selon  les  idées  de  Broca.  Et,  en  effet.  Tau- 
topsie  d*un  semblable  malade  montre  toujours  la  même  lé- 
sion :  c'est  la  première  circonvolution  temporale  qui  est 
atteinte  (T^,  flg.  \)  :  quelquefois  la  lésion  s'étendait  jusque 


Fig.  1. 

sur  la  seconde  temporale  ;  mais  la  première  était  la  plus  at- 
teinte: tantôt  la  lésion  portait  sur  sa  moitié  antérieure,, 
tantôt  sur  sa  moitié  postérieure.  Donc,  actuellement,  sans 
localiser  dans  telle  moitié  de  cette  circonvolution,  nous  pou- 
vons dire  que  la  lésion  de  la  première  temporale  produit  la 
surdité  reréa/^,  c'est-à-dire  que  le  sujet  frappé  a  perdu  lamé- 
fnoire  des  sons  verbaux.  Cette  circonvolution  est  donc  le 
siège,  l'organe  de  la  mémoire  auditive  verbale  (M  AV,  fig.  i). 
Cbose  singulière^  c'est  la  première  temporale  de  l'hémi- 
sphère gauche,  et  nullement  celle  de  l'hémisphère  droit,  qui 
est  l'organe  de  la  mémoire  auditive  verbale,  du  moins  chez 
les  droitiers;  c^est-à-dire  que,  selon  l'explication  de  Broca, 


752  SÉANCE   DU   14  DâCBMBRE  1887. 

ici  encore  nous  sommes  gauchers  du  cerveau.  Mais  chez  les 
gauchers,  qui  sont  droitiers  du  cerveau^  la  localisation  est 
inverse  :  en  effet,  Westpha,ll  a  donné  Tobservation  d'un  cas 
où,  chez  un  gaucher,  il  y  avait  eu  destruction  du  lobe 
temporo-sphénoïdal  gauche,  et  cependant  le  malade  avait 
toujours  compris  ce  qu'on  lui  disait  et  répondu  correc- 
tement. 

Au  premier  abord,  ce  fait  d'admettre  une  faculté  dite 
mémoire  auditive  verbale,  ce  fait  de  lui  donner  pour  organe  la 
première  circonvolution  temporale  gauche,  tout  cela  paraît 
singulier,  quoique  les  travaux  de  Broca  nous  aient  préparés 
à  de  semblables  interprétations.  Cette  interprétation  n'est 
cependant  qu'une  déduction  rigoureuse  des  cas  cliniques, 
suivis  d'autopsie,  dans  lesquels  les  malades  ont  présenté  le 
symptôme  si  net  de  la  surdité  verbale.  Mais  ce  que  ces  faits, 
ces  dénominations  mêmes  peuvent  présenter  de  nouveau, 
dinsolite  et  d'imprévu,  va  disparaître  par  l'analyse  d'autres 
formes  d'aphasie,  où  nous  verrons  des  types  tout  à  fait  ana- 
logues et  formant  série.  En  effet,  après  la  surdité  verbale, 
comme  premier  type,  nous  allons  passer,  comme  second 
type,  à  la  cécité  verbale. 

Second  type.  —  Ici  il  s'agira  comme  précédemment  d'un 
sujet  frappé  d'apoplexie  dans  le  cerveau  gauche,  d'où  para- 
lysie des  membres  droits.  Mais  la  paralysie  a  rapidement  dis- 
paru ;  le  malade  se  rétablit,  il  se  lève  au  bout  de  trois  se- 
maines, ne  présentant  aucun  trouble  de  la  parole  ni  de 
l'audition.  Il  paraît  complètement  normal  ;  c'est  un  commer- 
çant, il  songe  à  ses  affaires  interrompues^  et,  ne  sortant  pas 
encore,  il  veut  envoyer  un  ordre  par  écrit  relatif  à  ses  affaires. 
Il  prend  la  plume,  la  tient  bien,  écrit  lisiblement.  Croyant 
avoir  oublié  quelque  chose  dans  sa  lettre,  il  la  reprend,  et 
alors  se  révèle  dans  son  originalité  presque  fantastique  le 
phénomène  que  nous  allons  étudier.  Il  avait  pu  écrire,  mais 
il  lui  est  impossible  de  relire  son  écriture.  Impatienté,  dési- 
reux de  multiplier  l'épreuve,  il  ouvre  ses  registres  :  il  ne  peut 
lire,  il  ne  peut  comprendre  ce  qui  est  écrit  ;  il  prend  un 


1IATHIA9  DUYAL.  —  l'aPHASIB  DEPUIS  BROGA.  753 

journal,  mais  l'imprimé  est  pour  lui  sans  signification,  aussi 
bien  que  l'écriture. 

Je  le  répète,  ce  malade  entend  et  comprend  le  langage 
parlé;  il  n*a  donc  pas  de  surdité  verbale,  comme  le  précé- 
dent; il  parle  bien;  ce  n'est  pas  un  aphémique  de  Broca; 
chose  remarquable,  il  écrit;  mais  il  écrit  comme  chacun  de 
nous  dans  Tobscurité,  c'est-à-dire  qu'il  a  conservé  la  mémoire 
des  mouvements  de  la  main  dans  l'écriture.  Il  peut  ains 
signer  correctement  son  nom;  mais  quand  il  regarde  sa  si-  ^ 
gnature^  il  ne  la  reconnaît  pas  :  il  sait  ce  que  c'est,  dit-il; 
c'est  son  nom  qu'il  vient  de  tracer  lui-même,  mais  il  est  inca- 
pable de  le  distinguer  visuellement  d'un  autre  nom  ;  les  let- 
tres qui  le  composent  sont,  dans  leur  forme  visuelle  et  leur 
association  visuelle,  des  signes  aussi  indéchiffrables  que  le 
serait  une  écriture  chinoise  ou  toute  autre  dont  il  n'aurait 
jamais  eu  connaissance;  et  de  même  pour  Timprimé. 

Qu'a  donc  perdu  ce  malade?  Ce  n'est  ni  la  parole,  ni  l'au- 
dition des  mots,  ni  les  mouvements  de  l'écriture.  Il  a  perdu 
la  connaissance  visuelle  des  signes  écrits  ou  imprimés  du 
langage.  Cette  connaissance,  il  l'avait  acquise  peu  à  peu  en 
apprenant  à  lire  et  à  écrire.  Il  avait  emmagasiné  dans  son 
cerveau  le  souvenir,  les  images  visuelles  des  lettres,  de  façon 
à  les  retenir  et  à  les  reconnaître,  en  même  temps  qu'il  emma- 
gasinait le  souvenir  des  mouvements  de  l'écriture.  Or,  s'il 
a  conservé  la  mémoire  des  mouvements  de  l'écriture,  il  a 
perdu  ce  qu'il  avait  acquis  comme  éducation  par  les  yeux.  Il 
considère,  dit  Bernard  {op.  cit.y  p.  103)^  les  mots  tout  comme 
un  candidat  embarrassé  fait  d'une  substance  dans  un  examen 
de  sciences  naturelles  à  la  Faculté  de  médecine,  il  tourne, 
retourne,  place  sous  diverses  inclinaisons,  à  des  distances 
variées,  la  feuille  imprimée  ou  écrite.  Il  ne  sait  plus  lire,  et 
cependant  il  voit  les  lettres.  D'autre  part,  s'il  peut  écrire, 
c'est  uniquement  par  la  sensation  des  mouvements  de  la 
main,  comme  chacun  de  nous  dans  l'obscurité  ;  mais  il  ne 
peut  pas  copier  de  l'écriture,  absolument  comme  nous  dans 
Tobscurité,  car  pour  copier  il  faut  d'abord  lire,  et  il  ne  peut 

T.   X   p«  fll^RTF).  <8 


754  9éA!^CB  t>U  iA  DÊCËllBRE  1887. 

pas  plus  lire  que  hons  ne  le  poUTons  dans  robscurité.  Il  a 
donc  perdu  la  mémoire  visuelle  des  signes  figurés  de  l'ex- 
pression, la  mémoire  visuelle  verbale.  Il  n'est  pas  aveugle, 
quoique  nous  le  comparions  à  certains  égards  àTétat  où  nous 
nous  trouvons  quand  nous  sommes  plongés  dans  l'obscurité  ; 
mais  il  est  aveugle  pour  la  valeur  des  signes  figurés  de  l'ex- 
pressioil  verbale  !  U  est  frappé  de  cécité  verbale.  Ce  mot  ré- 
sume tout  son  état,  comme  celui  de  surdité  verbale  résumait 
les  troubles  caractéristiques  du  type  précédent. 

Il  y  a  donc  une  faculté  qui  (Consiste  dans  la  mémoire  des 
formes  des  lettres  et,  des  mots  écrits  ou  imprimés.  Cette  fa- 
culté peut  être  lésée,  supprimée  par  une  affection  cérébrale, 
alors  que  toutes  les  autres  soût  conservées.  Elle  a  donc  pro- 
bablement un  organe  cérébral  bien  distinct,  c'est-à-dire  une 
localisation  bien  précise,  sans  doute  dans  une  circonvolution 
particulière,  selon  les  Idées  de  Broca.  C'est,  en  effet,  ce  que 
démontre  l'autopsie. 

La  première  observation  de  ce  genre  fut  publiée  en  1819, 
par  Queneau  de  Mussy,  sous  le  nom  A'amblyopie  aphasique; 
c'est  Kussraaul  qui  lui  a  donné  le  nom,  aujourd'hui  en  usage, 
de  cécité  verbale.  En  janvier  1880,  Magnan  présenta  à  la 
Société  de  biologie  deux  beaux  cas  de  ce  genre  ;  puis  vînt 
l'observation  de  Déjerine,  contenant  la  première  relation 
d'autopsie  faite  en  France.  t)ans  sa  thèse  de  1881 ,  M"*  Skwor- 
tzofif  •  en  réunissait  quatorze  observations. 

Aujourd'hui,  on  compte  huit  cas  d'autopsie.  Tous  ces  cas 
désignent  comme  siège  essentiel  de  la  lésion  la  seconde  cir- 
convolution pariétale,  ou  lobule  pariétal  inférieur  (MVV, 
fig.  I),  avec  ou  sans  particlpatioù  du  pli  courbe,  mais  en 
tout  cas  la  partie  la  plus  reculée,  la  plus  postérieure  du  lo- 
bule pariétal  inférieur.  Ici  encore,  comme  dans  la  forme  pré- 
cédente, et  pour  les  mêmes  raisons,  c'est  de  l'hémisphère 
gauche  qu'il  s'agit. 

Nous  pouvons  donc  dire  actuellement  que  la  lésion  de  la 

1  Nadine  Skwortzoff,  Dt  la  cécité  9t  0$  2a  turdité  dês  motidam  Capha^if 
(thèse  de  Parie,  1881). 


MATHIA9  DUVaL.  ~  L'APHASIE   DEPUIS  BROCA.  1S8 

seconde  dirconvolutioil  pariétale  {)rdd(iit  la  cécité  verbale, 
c'est-à-dire  que  le  sujet  frappé  a  perdu  la  mémoire  visuelle 
des  sigiles  de  récriture.  Cette  circonvolution  est  ddUc  le  siège 
de  la  mémoire  visuelle  verbale  (MW,  fîg.  1). 

Troisième  type.  —  Cotume  ddns  le  cas  pt-éôédent,  le  type 
de  màleLdë  que  nous  décriions  ici  '  à  été  frappé  d'ùhèl 
hémiplégie  droite,  par  lésion  de  rhémisphÔregaùtibe.En  peu 
de  mois  il  s*est  remis,  et,  (Juànd  son  état  ft  été  soigneuse- 
ment étudié  au  point  de  vue  du  symptôme  qui  va  iious  occu- 
per, tout  paraissait  fonctionnel*  régulièrement  en  lai:  la 
parole  est  facile,  il  peut  lire  aussi  bien  récriture  que  riîH- 
primé.  Un  seul  trouble  le  préoccupe  :  sa  main  droite,  bien 
qu'il  la  remue  facilement  et  s'en  serve  d'une  manière  tiormslle 
pour  s'habiller,  manger,  etc.,  Se  refuse  absoltimetit  à  ejté* 
cuter  les  mouvements  de  TécritUrë.  Quand  On  l'invite  à  écrire, 
il  prend  plume  ou  crayon,  les  tient  bien  comme  s*il  allait 
pouvobf  s'eh  sel^;  puis,  quahd  on  lui  dicte  un  mot,  il 
lui  est  impossible  de  tracer  même  uile  seule  lettre.  Ou  lui 
a  dit,  par  exernple,  d'écrire  Bordeaux}  il  décldt-e  se  rendre 
parfaitement  Compte  mentalemerit  des  Càrttctèi'e*!  qu'il  fau-» 
drait  tracer,  et  il  èpèle  les  letttès  du  mot.  Il  motitre  sans 
erreur  ces  lettres  dans  Un  Jout*nal  ;  mais  il  lui  est  impossible 
de  les  écrire.  Ainsi  ce  malade  ti*est  pas  aphémiqiie,  Câl*  il 
parle  ;  il  n'a  ni  la  surdité  verbale  rii  là  Cécité  Verbale  que 
nous  venons  d'étudier;  c'est  un  autre  élément  de  l'expression 
qui  lui  manque.  Il  avait  autrefois  appris  à  écrire,  il  avait 
emmagasiné  dans  sa  mémoire  le  souvenir  des  mouvements 
de  la  main  droite  dans  l'écriture;  le  souvenir  de  Ces  toOUve* 
nlents,  qui  était  resté  au  malade  du  type  précédetit,  et  qui 
lui  permettait  d'écrire  comme  nous  écrivons  dans  l'obscurité^ 
c'est-à-dire  sans  voir  et  reconnaître  les  lettres,  ce  souvenir 
est  précisément  ce  que  le  présent  malade  a  perdu.  11  a  oublié 
les  mouvements  de  l'écriture;  il  est  comme  une  personne  qui 
n'aurait  jamais  appris  à  écrire. 

«  Principalement  d'après  l'observation  donnée  par  Bernard,  op.  ciï., 
p.  228. 


756  SÉAKGB  DU  14  DÉGEKBRE  1887. 

L'étade  attentive  du  sujet  révèle  encore  des  détails  qui 
précisent  bien  la  nature  de  ce  qu'il  a  perdu.  Ainsi  il  peut 
tenir  plume  et  crayon  et  tracer  des  traits,  de  sorte  qu'il  peut 
plus  ou  moins  dessiner,  copier  des  traits.  Aussi  peut-il,  quand 
on  lui  présente  un  mot  écrit,  le  copier  ;  mais  il  le  copie  lente- 
ment, laborieusement,  comme  un  dessin,  comme  nous  copie- 
rions un  mot  écrit  en  chinois  ou  en  une  langue  dont  nous  ne 
saurions  pas  l'écriture.  Et  quand  on  lui  enlève  le  modèle  et 
qu'on  le  prie  de  nouveau  d'écrire  le  mot,  il  ne  le  peut  plus. 
Il  ne  sait  que  copier  l'écriture,  parce  que,  alors,  il  copie  un 
dessin. 

Fait  plus  net  encore,  quand  on  lui  donne  un  modèle  en 
caractères  d*imprimerie,  il  ne  le  peut  copier  qu'en  imitant  le 
dessin  des  lettres  imprimées;  il  ne  peut  traduire  en  écriture 
cursive  ce  qu'il  lit  en  texte  d'impression. 

Ce  malade  a  donc  perdu  la  mémoire  coordinatrice  des 
mouvements  de  récriture^  la  mémoire  motrice  de  l'expression 
écrite,  la  mémoire  motrice  graphique  ;  il  a  conservé  toutes  les 
autres  mémoires  spéciales  étudiées  à  propos  des  types  précé- 
dents. Il  est  atteint  d'aphasie  de  la  main,  à'agraphie  en  un  mot. 

11  existe  donc  une  faculté  qui  consiste  dans  la  mémoire  des 
mouvements  coordonnés  de  la  main  et  du  membre  supérieur 
droit  pour  l'écriture.  Cette  facultépeut  être  lésée,  supprimée 
par  une  affection  cérébrale,  alors  que  toutes  les  autres  sont 
conservées.  Elle  a  donc  probablement  un  organe  cérébral 
bien  distinct,  c'est-à-dire  une  localisation  bien  précise,  sans 
doute  dans  une  circonvolution  particulière,  selon  les  idées  de 
Broca.  C'est  ce  qu'il  est  permis  d'affirmer  à  priori,  d'après 
les  localisations  observées  dans  les  types  précédents;  c'est  ce 
que  les  autopsies  confirment,  en  effet;  mais,  pour  le  moment, 
d'une  manière  moins  absolue  que  pour  les  faits  précédents. 
Il  n'y  a  pas  eu  encore  d'autopsie  pour  un  cas  d'agraphie  pure^ 
et  par  suite  pas  de  fait  anatomo*pathologigue  nettement  cir- 
conscrit. Mais,  dit  Ballet  \  en  rapprochant  les  unes  des 

*  Gilbert  Ballet,  l9  Langage  intérieur  et  les  diverses  former  4$  Vaphasie> 
Ptris,  1886. 


MATHIAS  DUVAL.   —  l'aPHASIB  DEPUIS  BROGA.  757 

autres  les  lésions  relevées  dans  les  cas  positifs  et  négatifs, 
c'est-à-dire  dans  ceux  par  exemple  d'aphasie  motrice  (t3rpe 
ci-après)  avec  agraphie,  et  dans  ceux  d'aphasie  motrice  sans 
agraj^hie,  on  est  arrivé  à  cette  conclusion  que  le  siège  vrai- 
semblable du  sens  de  l'écriture  est  le  pied  (partie  posté* 
rieure)  de  la  deuxième  circonvolution  frontale  (F*,  fig.  i). 

Nous  pouvons  donc  dire  que  la  lésion  du  pied  de  la  seconde 
frontale  produit  Vagraptie^  c'est-à-dire  que  le  sujet  frappé  a 
perdu  la  mémoire  motrice  de  l'écriture.  Cette  circonvolution 
est  donc,  dans  sa  partie  postérieure,  le  siège  de  la  mémoire 
motrice  graphique  Ç^MG,  fîg.  1). 

Et  c'est  encore  et  toujours  de  l'hémisphère  cérébral  gauche 
qu*il  s'agit.  Ici  la  démonstration  présente  ce  fait  bien  net^  que 
les  sujets  frappés  d'agraphie,  ne  pouvant  plus  écrire  avec  la 
main  droite,  que  dirige  normalement  l'hémisphère  gauche, 
apprennent  de  nouveau  à  écrire,  mais  cette  fois  avec  la  main 
gauche,  dont  ils  apprennent  à  coordonner  les  mouvements 
avec  l'hémisphère  droit.  C'est-à-dire  qu'ils  emmagasinent, 
par  une  nouvelle  éducation,  les  images  motrices  graphiques 
dans  leur  seconde  frontale  droite,  comme  ils  Pavaient  fait 
précédemment,  lors  de  leur  première  éducation,  dans  la 
seconde  frontale  gauche. 

Quatrième  type.  —  Celui-ci,  nous  le  connaissons  déjà:  c'est 
le  type  des  aphémiques  de  Broca,  que  nous  avons  décrit  tout 
au  début,  et  dont  nous  devons  reprendre  rapidement  l'ana- 
lyse, pour  montrer  combien  ce  type  forme  série  complète 
avec  les  précédents. 

Les  aphémiques  purs  du  type  décrit  par  Broca,  en  i861, 
comprennent  le  langage  parlé;  ils  écrivent,  lisent;  ils  ont 
une  mimique  expressive,  mais  ils  ne  savent  plus  émettre  les 
sons  réguliers  de  la  parole.  Quelques  mots,  le  plus  souvent 
monosyllabiques,  ou  bien  un  juron  familier,  sont  seuls  restés 
à  leur  disposition  ;  ils  s'en  servent  à  tout  propos,  comme  un 
enfant  qui  n'a  encore  que  quelques  mots  à  sa  disposition.  Un 
malade  de  Trousseau  répondait  à  toute  question:  «  Cousisi.  » 
Un  autre  :  <c  Monomomentif  »  ;  un  autre  :  «  Ah  !  malheur.  » 


758  SÉANCE  DU  14  DÉCEMBRE  1887, 

Lq  poète  Bau4elaire,  devenu  aphasique^ne  pouvait  dire  que  : 
«  Cré  nom  !  » 

Qu'ont  donc  perdu  ces  malades  ?  Ils  ont  perdu  ce  qu'ils 
avaient  acquis  dès  la  première  éducation  de  leur  enfance:  la 
n^émoire  des  mouvements  compliqués  du  larynx  et  de  la 
lapgue  d^Qs  l'expression  yerbale.  Ils  n'ont  perdu  ni  la  mé- 
moire visuelle  verbale,  ni  la  mémoire  auditive  verbale,  ni  la 
mémoire  motrice  graphique.  Ils  ont  perdu  la  mémoire  motrice 
verbale.  C'est  ce  que  Broca  avait  si  admirablement  spécifié 
quand  il  a  dit  :  «  {.e  langage  articulé  que  ces  malades  par- 
laient naguère  leur  est  toujours  familier,  mais  ils  ne  peuvent 
exécuter  la  série  des  mouvements  méthodiques  et  coordonnés 
qui  correspondent  à  Ift  syllabe  cherchée.  Ce  qui  a  péri  en 
em^,  pe  n'est  donc  pas  la  faculté  du  langage,  ce  n'est  pas  la 
mémoire  des  mots,  cp  n'est  pas  upn  plus  Faction  des  nerfs  et 
(}6s  muscles  de  la  pt^qnation  et  de  rariiculation,  c'est  autre 
chose  :  c'est  la  faculté  de  coordonner  les  mouvements  pro- 
pres au  langage  articulé,  puisque  sans  elle  il  n'y  a  pas  d'ar- 
ticulation possible.  )) 

Il  y  a  donc  une  faculté  qui  consiste  dans  la  mémoire  des 
mouvements  du  laugage  parlée  des  mouvements  verbaux,  et 
cette  faculté  peut  être  lésée,  supprimée,  par  une  affection 
céréb^6^1e  alors  quq  toutes  les  autres  sont  conservées.  Cette 
faculté  a  un  organe  cérébral  bien  distinct,  une  localisation 
précise,  dans  uae  cirponvplution  particulière.  C'est  ce  qu'a 
découvert  Broca  eu  i86|.  Cet  organe  cérébral  est  le  pied  ou 
moitié  postérieure  de  la  troisième  circonvolution  frontale. 
Cette  circonvolution  est  donc  le  siège  de  la  mémoire  motrice 
verbale  (WMVj  fig.  i);  sa  lésiou  produit  Y  aphasie  motrice, 
ce  qu'où  appelle  encore  Y  aphasie  du  type  ProcaMBi&  comme 
Broça  avait  employé  le  mot  d'aphémicy  il  serait  mieux,  et  c'est 
ce  qu'on  tend  à  faire  généralement  aujourd'hui  (voir  Ber- 
nard, op.  cit.^  p.  172),  de  conserver  ce  mot;  il  fait  bien  le 
pendant  du  mot  agraphie. 

Nqus  ^vons  ainsi  purcquru  le  pycle  de  Tenaernble  des 
troubles  4'expression  désignés  sous  1^  nom  géuérai  d'aphasi^^ 


MATHU8  DUVAIi.  -*>  l'àPHASIE  DEPUIS  BROGA.  759 

et  ()ont  les  types,  actuellement  bien  définis,  sont  la  surdité 
verbale,  la  cécité  verbale,  Tagraphie  et  l'aphémie. 

Gomme  le  disait  si  bien  Broca,  il  n'y  a  pas  une  mémoire 
unique,  il  y  a  différentes  mémoires,  et  nous  venons  d'ap- 
prendre à  en  connaître  quatre  bien  distinctes;  deux  siègent 
en  arrière  du  sillon  de  Rolando,  ce  sont  des  mémoires  de 
sensations  (visuelles  et  auditives)  ;  en  effet,  tout  porte  à  croire 
aujourd'hui  que  la  partie  postérieure  du  cerveau  est  sensitive, 
forme  le  centre  où  s'emmagasinent  les  sensations;  deux 
siègent  en  avant  du  sillon  de  Rolando,  ce  sont  les  mémoires 
motrices  (graphique  et  verbale)  ;  et,  en  effet,  tout  démontre 
aujourd'hui  que  la  partie  antérieure  des  hémisphères  se 
compose  de  centres  moteurs,  organes  des  mouvements  volon- 
taires. 

m 

En  tenant  compte  de  ces  conquêtes  anatomîques,  dues  à 
l'observation  clinique  avec  autopsie,  il  faut  se  demander  s'il 
n'y  a  que  l'étude  de  divers  malades  qui  puisse  fournir  des  ren- 
gnements  sur  ces  questions.  Voilà  des  facultés  cérébrales,  des 
organes  cérébraux  bien  distincts.  Tous  les  hommes  se  res- 
semblent-ils quant  à  la  valeur  de  ces  facultés  ou  organes,  ou 
bien  y  a-til  entre  eux  des  différences  telles  que  certaines 
personnes  soient  caractérisées  par  une  mémoire  remarquable 
et  prédominante  des  sons  verbaux  ou  bien  des  images  visuelles 
verbales,  c'est-à-dire,  au  point  de  vue  anatomique,  par  un 
grand  développement  de  l'organe  soit  de  la  mémoire  auditive, 
soit  de  la  mémoire  visuelle  verbale,  soit  même  de  la  mémoire 
motrice  graphique  ou  de  la  mémoire  motrice  verbale  ? 

La  plus  simple  observation  répond  affirmativement  à  cette 
question,  et  chacun  de  nous,  en  s'analysant,  pourra  arriver 
parfois  à  constater  qu'il  possède  plus  spécialement  telle  ou 
telle  mémoire.  Commençons  par  k  mémoire  visuelle.  Nous 
ne  nous  occuperons  pas  de  la  mémoire  visuelle  en  général, 
et  nous  laisserons  de  côté,  quelque  intéressants  qu'ils  soient, 
les  cas  bien  connus  des  peintres  chez  lesquels  les  représen- 


760  SÉANCE  DU  14  DÉCBHBRE  1887. 

tations  visuelles  se  produisent  souvent  avec  une  intensité  telle 
qu'elles  confinent  à  Thallucination  ;  c'est  ainsi  qu'Horace 
Vemet  et  Gustave  Doré  pouvaient  reproduire,  on  pourrait 
presque  dire  copier  ^  un  portrait  de  mémoire.  Nous  pour- 
rions déjà  invoquer  le  cas  des  petits  calculateurs  prodiges, 
qui,  comme  Ta  constaté  Taine,  écrivent  mentalement  à  la 
craie,  sur  un  tableau  imaginaire,  les  chiffres  indiqués,  puis 
toutes  leurs  opérations  partielles,  puis  le  résultat  final,  en 
sorte  qu'au  fur  et  à  mesure,  ils  revoient  intérieurement  les 
diverses  lignes  de  figures  blanches  qu'ils  viennent  de  tracer. 
Mais  nous  nous  en  tiendrons  aux  phénomènes  relatifs  au 
langage  écrit  ou  parlé,  et  n'invoquerons  que  des  faits  relatifs 
à  la  mémoire  visuelle  verbale.  A  cet  égard,  le  professeur 
Gharcot  a  publié*  un  cas  typique  d'autant  plus  remar- 
quable que  le  sujet  en  question,  après  avoir  possédé  une 
merveilleuse  mémoire  visuelle  verbale,  Ta  perdue  et  a  été 
frappé  de  cécité  verbale.  Ce  sujet  avait  toujours  appris  très 
facilement  par  cœur,  conmie  disent  les  collégiens.  Deux  ou 
trois  lectures  lui  suffisaient  pour  fixer  dans  sa  mémoire  la 
page  avec  ses  lignes  et  ses  lettres,  et,  quand  il  récitait,  il  ra- 
conte qu'il  lisait  alors  mentalement  le  passage  voulu,  qui,  an 
premier  appel,  se  présentait  à  lui  avec  une  grande  netteté. 
Recherchait-il  un  fait,  un  chiffre  relaté  dans  sa  correspon- 
dance volumineuse  et  faite  en  plusieurs  langues?  Il  les 
retrouvait  aussitôt,  de  mémoire,  dans  les  lettres  elles-mêmes 
qui  lui  apparaissaient  dans  leur  teneur  exacte  avec  les 
moindres  détails,  irrégularités  et  ratures  de  leur  rédaction. 
En  dehors  de  cette  mémoire  visuelle  verbale,  la  mémoire 
visuelle  générale  était  également  très  développée  chez  lui  ; 
aimant  à  voyager,  il  pouvait  dessiner  de  mémoire  les  sites  et  ' 
panoramas  qui  l'avaient  frappé  ;  il  ne  pouvait  se  rappeler  un 
passage  d'une  pièce  de  théâtre  qu'il  avait  vu  jouer  sans  évo- 
quer les  détails  de  la  salle  même.  Psir  contre,  la  mémoire 
auditive  était  presque  nulle  chez  lui,  et  il  n'avait  jamais  eu 

1  Ballet,  op.  ctf.,  p.  35. 

s  VragrU  médical,  21  juillet  iS83. 


MATHIAS  DUVAL.  —  L' APHASIE  DEPUIS  BROCA.  764 

aucun  goût  pour  la  musique.  Frappé  de  cécité  verbale^  il 
perdit  absolument  cette  merveilleuse  mémoire  visuelle  ver- 
bale, et  c'est,  en  effet,  son  observation  qui  nous  a  servi  pour 
le  second  type  de  Taphctôie. 

Mais  nous  devons  ajouter  ici  quelques  nouveaux  détails  de 
ce  cas,  relativement  à  la  mémoire  visuelle  en  général.  Lui, 
qui  dessinait  autrefois  de  mémoire^  est  réduit  aujourd'hui,  à 
cet  égard,  à  ce  que  serait  un  enfant;  prié  de  tracer  une 
arcade,  il  hésite  et  répond  :  «  Je  me  souviens  qu'un  plein 
cintre  est  une  demi-circonférence,  qu'une  ogive  est  formée 
par  deux  arcs  ;  mais  je  ne  vois  plus  du  tout  ce  que  sont  ces 
choses  dans  la  réalité*  >>  Un  informe  griffonnage  représente 
Tarbre  qu'on  Ta  prié  de  tracer  :  «  Je  ne  sais  pas,  dit-il,  je  ne 
sais  pas  comment  cela  se  fait.  »  Le  souvenir  visuel  de  sa  femmei 
de  ses  enfants,  lui  est  impossible.  «  Ma  femme,  dit-U,  a  les 
cheveux  noirs,  j'en  ai  la  plus  parfaite  certitude  ;  mais  il  y  a 
pour  moi  impossibilité  complète  de  retrouver  cette  couleur 
en  ma  mémoire,  aussi  bien  que  de  m'imaginer  sa  personne 
et  ses  traits.  »  Il  n'est  pas  jusqu'à  sa  propre  figure  qu'il 
n'oublie,  et  récemment,  dans  une  galerie  publique,  il  s'est  vu 
barrer  le  passage  par  un  inconnu  auquel  il  ofTrit  ses  excuses 
et  qui  n'était  que  sa  propre  image  réfléchie  dans  une  glace. 

Avant  son  accident,  quand  il  jouissait  de  sa  mémoire  vi- 
suelle si  développée,  ce  sujet  était  ce  qu'on  peut  appeler 
un  visuel.  Aujourd'hui  il  est  obligé  de  se  faire  une  nouvelle 
éducation  à  l'aide  de  la  mémoire  auditive.  Quand  il  veut  re- 
tenir une  formule,  une  série  de  phrases,  il  doit  la  dire  plusieurs 
fois  à  haute  voix,  affecter  ainsi  son  oreille,  pour  pouvoir  évo- 
quer ensuite  des  images  auditives,  sensation  qu'il  ne  con- 
naissait pas  autrefois.  Dernier  détail,  il  n'a  plus,  comme 
autrefois,  des  rêves  par  représentation  visuelle  des  choses  : 
seule  la  représentation  des  sons,  des  paroles  lui  reste. 

Beaucoup  de  personnes  appartiennent  à  ce  type  visuel,  et, 
parmi  nous,  il  en  est  sans  doute  plusieurs  qui,  en  s'examinant, 
reconnaîtront  que  quand  ils  se  rappellent  textuellement  un 
passage  d'un  auteur  favori,  c'est  qu'ils  le  lisent  mentalement 


763  SÉANCE  DU  14  DÉCEMBRE  1887. 

dans  le  texte  de  Téditbn  môme  qu'ils  ont  parcourue  souvent 
des  yeux.  Tel  prqfesseur,  en  faisant  sa  leçon,  relit  menta- 
lement les  notes  qu'il  a  jetées  sur  le  papier.  C'est  ainsi  que 
j'opère  pour  ma  part.  Je  ne  relis  pas  précisément  ces  notes, 
mais  je  revois  les  alinéas,  les  divisions  que  j'ai  tracées;  les 
points  successifs  de  mes  leçons  sont  séparés,  sur  mes  courtes 
notes,  par  des  traits  à  l'encre,  plus  ou  moins  épais  selon 
l'importance  de  la  division  ;  les  détails  successifs  d'un  même 
point  sont  reliés  par  une  accolade,  certains  détails  accessoires 
sont  mis  entre  parenthèses.  Tout  cela  forme  des  figures  plus 
ou  moins  géométriques,  des  carrés,  des  losîmges  ;  je  revois  la 
succession  de  ces  figures,  et  c'est  ainsi  que  je  retrouve,  par 
vision  mentale,  la  succession  des  diverses  parties  de  la  leçon. 
Je  connais  un  de  mes  collègues  dont  les  notes  de  cours  ne 
sont  que  des  dessins  :  pour  noter  que  tel  phénomène  suit  une 
marche  ascendante,  il  a  dessiné  un  petit  escalier,  etc. 

Ainsi  il  y  a  des  visuels,  c'est-à-dire  des  sujets  chez  lesquels 
la  pensée  a  lieu  surtout  par  vision  mentale,  chez  lesquels  est 
très  développée  la  mémoire  visuelle.  Il  est  probable  que  chez 
eux  doit  exister  une  disposition  anatomique  correspondante, 
c'est-à-dire  une  prédominance  en  volume,  en  saillie,  en  dé- 
veloppement de  ses  replis,  dans  la  seconde  circonvolution 
pariétale,  qui  est  l'organe  de  la  mémoire  visuelle  verbale. 
Mais  nous  n'avons  encore  que  des  autopsies  de  malades  ;  elles 
nous  montrent  qu'un  sujet  affecté  de  cécité  verbale  a  été 
frappé  dans  son  lobule  pariétal  inférieur.  Nous  n'avons  pas 
encore  d'autopsie  de  sujet  normal^  montrant  qu'à  un  grand 
développement  de  la  mémoire  visuelle  correspond  un  grand 
développement  anatomique  de  l'organe  correspondant. 

A  côté  des  visuels,  il  faut  placer  les  auditifs  »  Ce  mot 
s'explique  assez  de  lui-même  par  les  études  qui  précèdent. 
Les  hommes  de  lettres,  les  hommes  de  science  nous  four- 
nissent, à  cet  égard,  de  précieuses  déclarations,  résultant  de 
l'analyse  qu'ils  ont  faite  de  leur  manière  de  penser,  de  tra- 
vailler, de  composer  mentalement.  Legouvé  déclare  que  son 
heureuse  entente  de  collaboration  avec  Scribe  résulte  de  la 


MATHIA8  DUVAL,  —  l'APflASIB  DEPUIS  BROCA.  763 

différence  de  leur  procédé  de  travail  (Bernard,  op.  cit, ,  p.  50)  : 
«  Quand  j'écris  une  scèi^e,  disait-il  à  Scribe,  '^'entends;  vous, 
vous  voye:^,  A  chaque  phrase  que  j'écris,  la  voix  du  per- 
sonnage qui  parle  frappe  mon  oreille.  Les  intonations  diverses 
des  acteurs  résonnent  sous  ma  plume  à  mesure  que  les  pa- 
roles apparaissent  sur  mon  papier.  Vous  qui  êtes  le  théâtre 
même,  vos  acteurs  marchent,  s'agitent  sous  vos  yeux.  Je  suis 
auditeur^  vous  spectateur,  »  Remplaçons  par  auditif  et  visuel^ 
et  cette  analyse  semble  faite  exprès  pour  Tétude  qui  nous 
occupe.  —  De  même  Diderot  écrivait  en  entendant  intérieu- 
ren^ent  sa  voix  et  celle  d'un  adversaire  qu'il  argumentait  :  de 
là  le  choix  de  la  forme  dialogue  qu'il  affectionnait;  aussi, 
même  ceux  de  ses  morceaux  qui  n'ont  pas  cette  forme  ont-ils 
cependant  encore,  dans  la  disposition  et  la  vivacité  des  argu- 
ments, quelque  chose  qui  rappelle  la  polémique  dialoguée. 
Enffn,  M.  V.  Egger  a  publié,  il  y  a  peu  d'années,  une  étude 
de  psychologie,  où,  étudiant  sur  lui-même  ce  qu'il  appelle  la 
parole  intérieure,  il  nous  présente,  par  sa  propre  observation, 
un  type  parfait  d'auditif*.  Les  hallucinations  de  l'ouïe,  ces 
cas  où  des  sujets  entendent  des  voix  qui  leur  commandent, 
qui  les  raillent,  les  menacent,  ne  sont  autre  chose  que  le  ré- 
sultat d'un  fonctionnement  morbide  de  l'organe  des  images 
auditives  verbales. 

Ici  encore,  comme  pour  les  visuels,  nous  n'avons  pas  d'au- 
topsies de  sujets  sains  chez  lesquels  il  y  ait  eu  lieu  de  constater 
la  disposition  anatomique  qu'il  est  si  légitime  de  supposer 
à  priorif  à  savoir  le  développement  prédominant  de  la  pre- 
mière temporale  gauche,  corrélatif  au  caractère  d'auditif  pré- 
senté par  un  sujet  pendant  sa  vie. 

A  côté  des  visuels  et  des  auditifs,  il  semble  aussi  exister  ce 
qu'on  peut  appeler  des  graphiques^  ou  mieux  des  moteurs 
graphiques  (par  opposition  aux  moteurs  verbaux^  que  nous 
verrons  en  dernier  lieu).  Telle  personne  qui  trouve  difflci- 
lement  ses  expressions  en  parlant,  dont  Télocution  est  lourde, 

1  V.  fïgger,  la  Parok  intérieure  ;  $9tai  de  psychcioffie  descriptive^  Paris, 
18S1. 


764  SÉANCE  DU  14  DÉGEUBRE  1887. 

embarrassée^  pénible,  écrit  avec  une  facilité  singulière  :  les 
roots  arrivent  comme  d'eux-mêmes  sous  sa  plume,  et  ses  idées 
coulent  alors  nettes^  précises^  faciles.  George  Sand  était  sans 
doute  un  sujet  moteur  graphique  :  le  fait  d'écrire  faisait, 
dit-on,  naître  sa  pensée  ;  devant  son  papier,  elle  se  racontait 
à  elle-même  le  roman  en  composition,  et  sa  main  allait  tou- 
jours, le  fait  d'écrire  paraissant  pour  elle  l'acte  essentiel  dans 
le  fait  de  penser  et  imaginer.  Du  reste,  dans  un  autre  ordre 
d'observations,  certains  sourds-muets  fournissent  à  cet  égard 
des  aveux  précieux.  «  Je  sens,  disait  l'un  d'eux,  quand  je 
pense,  que  mes  doigts  agissent,  bien  qulls  soient  immobiles. 
Je  vois  intérieurement  l'image  du  mouvement  de  mes  doigts.  » 
(Ballet,  p.  56.)  —  Ici  encore,  pas  d'autopsies. 

Nous  arrivons  enfin  aux  moteurs  verbaux.  Ici  les  exemples 
abondent.  De  même  que  M.  V.  Egger,  par  l'analyse  de  lui- 
même,  a  donné  un  type  auditif,  Stricker,  qui  a  écrit  un  vo- 
lume sur  le  langage,  nous  a  donné  un  type  de  moteur  verbal. 
«  Quand,  dit-il,  je  viens  à  évoquer  dans  ma  mémoire  quelques 
vers  bien  connus,  il  me  semble,  si  je  fixe  mon  attention  sur 
mes  organes  articulaires,  que  je  parle  intérieurement.  Mes 
lèvres  sont,  il  est  vrai,  closes,  ma  langue  immobile...,  et  ce- 
pendant il  me  semble  que  je  prononce  le  vers  auquel  je 
pense...  Je  ne  puis  absolument  pas  me  représenter  des  mots 
sans  percevoir  les  sentiments  (représentations  motrices)  qui 
y  correspondent.  »  Ces  moteurs  verbaux  arrivent  à  être 
obligés  de  parler,  au  moins  à  voix  basse,  quand  ils  écrivent 
et  composent.  Chez  eux  la  pensée  reste  froide,  lente,  pénible, 
s'ils  ne  font  que  l'écrire;  mais  s'ils  dictent,  ils  s'animent, 
gesticulent,  et  alors  seulement  ils  retrouvent  tous  leurs 
moyens.  Dans  sa  pièce  de  Numa  Roumestan^  Daudet  a  donné 
un  bien  joli  type  de  ce  genre,  oîi  nous  voyons  Roumestan 
lui-même,  dans  son  cabinet,  dictant  à  son  secrétaire  et  décla- 
rant qu'il  ne  peut  composer  qu'avec  Tillusion  d'être  à  la  tri* 
bune,  d'improviser,  de  parler  et  jouer  son  discours  avec  les 
divers  effets  de  voix  qu'il  comporte;  la  plume  à  la  main,  en 
silence,  son  cerveau  reste  inerte  et  le  travail  de  composition 


MATmAS  DUTAL.  -^   L  APHASIE  DEPUIS  BROCA. 


765 


impossible  ;  il  ne  compose  qu'à  condition  d'improviser  verba- 
lement. 

Du  moins  pour  ces  moteurs  verbaux  nous  avons  des 
autopsies  suffisamment  démonstratives.  Rudinger  *  a  publié 
un  mémoire  où  il  décrit  et  figure  une  série  de  cerveaux  ayant 
appartenu  à  des  avocats,  à  des  jurisconsultes  de  son  pays, 
tous  célèbres  par  la  facilité  de  leur  parole  et  par  leur  mémoire 
des  mots.  Chez  tous,  la  troisième  circonvolution  frontale, 
organe  de  la  mémoire  motrice  verbale,  présentait  un  déve- 
loppement notablement  supérieur  à  ce  qu'elle  est  chez  le 
commun  des  hommes.  Je  ne  voudrais  pas  trop  insister  sur  ce 


Pig.  î. 

sujets  qui  doit  être  prochainement  Tobjet  d'une  savante  mo- 
nographie de  mon  collègue  et  ami  Hervé  :  il  montrera  ce 
qu'est  la  troisième  frontale  selon  les  races,  les  âges,  les  ca- 
ractères cérébraux.  Mais  il  est  cependant  un  cas  que  je  ne 
puis  me  dispenser  d'indiquer  ici,  c'est  celui  de  Gambetta. 
Quelle  personnalité  a  jamais  représenté  à  un  plus  haut  degré 
rorateur  improvisateur,  le  moteur  verbal  ?  Vous  savez  que, 
grâce  à  l'intervention  d'amis  éclairés, ,  le  cerveau  du  grand 
homme  put  être  recueilli,  conservé,  étudié  au  laboratoire 
d'anthropologie.   Voici  le  dessin  (fig.  2),  réduit  de  moitié 

t  Rudinger,  ifia^omle  dei  Sprachantmmi  {MtrUge  aU  FBitgàbe  dcm 
AnaU  BUchoff,  1882). 


760  SÉANCE  D0  14  bÉGEMBHÈ  18B7. 

(en  diamètre),  de  soti  hémisphère  gauche  :  la  troisième  fron- 
tale (F*)  y  est  si  développée  que  la  partie  désignée  par  Broca 
sous  le  tiom  de  cap  y  est  réellement  double  J  pour  s*en  con- 
vaincre, il  n*est  mèrhe  pas  nécessaire  de  la  cdniparer  avec  ce 


Fig.  3. 

qu'elle  est  sur  un  autre  cerveau,  il  suffira  de  la  comparer 
avec  la  môme  circonvolution  sur  l'autre  hémisphère  (le  droit) 
de  ce  même  encéphale  (fig.  3.)  *. 

IV 

Nous  venons  de  voir  qu'il  y  a  des  visuels,  des  auditifs,  des 
moteurs  graphiques  et  verbaux,  et  que,  pour  tous  ces  types 
intéressants  de  physionomies  cérébrales,  c'est  à  peine  si  la 
science  possède  quelques  cas  d'autopsie.  Je  ne  parle  pas  d'au- 
topsies médicales  proprement  dites,  c'est-à-dire  faites  pour 
fixer  le  médecin  sur  la  nature  de  la  maladie  à  laquelle  a  suc- 


1  «  A  droite,  la  troisième  circonvolution  frontale  (F*,  F*)  naît  du  pieâ 
de  la  frontale  ascendante  (F,  F)  par  un  pli  anastomotique  grôle  et  caché 
dans  le  sillon  prérolandique;  elle  décrit  ensuite  trois  méandres  flezueux, 
bien  séparés  de  ceux  de  la  seconde  frontale  ;  son  eap  est  nettement  deMinê 
par  les  deux  branches  correspondantes  {s  et  S")  de  la  scissure  de  Sylvius  ] 
il  est  divisé  en  deux  parties  à  peu  près  égales,  de  manière  à  dessiner  un  V 
régulier  dont  la  branche  postérieure  s'anastomose  avec  la  seconde  frontale 
(en  J).  —  A  gauche,  elle  naît  dans  la  profondeur,  au  conÛueht  du  sillon 
prérolandique  et  de  la  scissure  de  Sylvius,  par  une  racine  4tii  s'enfonce 


MATHIAS  DUVAL.  — -  t*APËA8tÉ  DEPtlS  BROCA.  767 

combé  le  malade.  Je  parle  d'autopsies  faites  dans  un  but 
purement  scientifique  de  physiologie  cérébrale.  Une  personne 
a  été  connue  pendant  sa  vie  comme  douée  au  plus  haut  degré 
de  telle  ou  telle  faculté  cérébrale,  représentation  auditive, 
ou  visuelle,  tnotricilé  graphique  ou  autre  ;  elle  succombe  à 
une  affection  du  cœur,  du  poumon  ;  enfin  elle  succombe  sans 
aucun  trouble  cérébral  ;  il  n'y  a  pas  de  lésion  cérébrale  à 
chercher,  le  médecin  n'a  pas  à  examiner  Tencéphale.  S'il  y  a 
autopsie,  l'encéphale  sera  laissé  de  côté.  Mais  le  plus  souvent 
il  n'y  a  pas  même  autopsie  ;  c'est  contre  cet  oubli  qu'il  fau- 
drait réagir*  Je  ne  parle  pas  des  hôpitaux,  où  les  autopsies 
sont  toujours  faites,  où  tons  les  organes  sont  scientifiquement 
examinés,  mais  où  les  sujets  sont  des  individus  Inconnus,  qui 
sont  venus  pour  une  maladie  spéciale,  et  sont  en  fin  de 
compte  autopsiés  pour  cette  maladie  spéciale.  Je  parle  des 
autopsies  à  domicile,  sur  des  personnes  dont  Tentourage, 
famille  et  amis,  peut  préciser  les  particularités  de  caractère, 
de  mode  cérébral  pour  ainsi  dire.  Il  faudrait  que  chacun  de 
nous  prît  des  dispositions  testamentaires,  imitées  de  celles 
formulées  par  notre  regretté  maître  et  ami  Bertillon  :  «  Je 
veux,  a-t-il  dit,  que  mon  cerveau  soit  recueilli  par  le  labora- 
toire d'anthropologie,  afin  que  l'étude  des  circonvolutions  en 
suit  faite  au  point  de  vue  de  la  concordance  que  peut  pré- 
senter la  morphologie  des  circonvolutions  avec  ce  que  corl- 
I missent  mes  amis  sur  les  particularités  de  mes  fonctions 
cérébrales.  Être  utile  m*a  toujours  paru  le  but  le  plus  beau 
de  la  vie;  je  désire  être  utile  à  la  science  encore  après 
ma  mort.  » 

dans  le  pied  de  la  frontale  ascendante.  A  partir  de  cette  racine,  elle  se 
replie  en  méandres  dont  rensémble  figure  un  double  V  (W),  c'est-à-dire 
que,  vu  la  présence  de  trois  branches  antérieures  de  la  soi8<^ure  de  Sylvius 
(5,  a,  S",  fig.  56),  il  y  a  en  réalité  deux  caps,  séparés  l'un  de  Tautre  par 
une  incisure  nette  et  profonde  (en  a,  fig.  2),  qui  occupe  une  place  inter- 
médiaire entre  la  branche  horizontale  et  la  branche  ascendante  de  la  scis- 
sure de  Sylvius.  De  ces  deux  caps,  le  postérieur  est  plus  petit,  etc.  (Voir 
Chudzinski  et  Mathias  Duval,  Description  morphologique  du  cerveau  de 
Gambetla,  BuUetins  de  la  Société  d^ anthropologie,  18  mars  1886»  8«  série, 
t.  IX,  p.  129.  —  Voir  aussi  p.  399  de  ce  môme  volume.) 


768  SÉANCE  DU  14  DÉCBMBRE  1887. 

Messieurs,  c'est  dans  ce  but  qu'a  été  fondée  à  Paris,  en 
juillet  1880,  la  Société  mutuelle  d'autopsie,  dont  je  ne  puis 
mieux  caractériser  le  but  scientifique  qu'en  reproduisant 
îd  les  paroles  que  Letoumeau  a  prononcées  à  ce  sujet  sur 
la  tombe  même  de  Bertillon^  :  «  Il  y  a  quelques  années, 
disait-il,  un  petit  groupe  d'hommes,  tous  dévoués  de  longue 
date  au  progrès  scientifique  et  social,  s*unirent  dans  une  gé- 
néreuse pensée.  Depuis  longtemps  leur  esprit  était  affranchi 
de  tout  sprvage  religieuz  et  métaphysique.  Tous  ils  savaient 
que,  dans  ses  qualités  et  dans  ses  défauts,  dans  toute  sa  vie 
mentale,  chacun  de  nous  obéit  à  son  organisation.  Aucun 
d'eux  n'ignorait  quel  immense  intérêt  il  y  aurait  à  pouvoir 
scientifiquement  déterminer  la  corrélation  existant  néces- 
sairement entre  les  caraotères  dits  psychiques  et  les  traits 
physiques,  dont  les  premiers  sont  l'expression.  Mais  pour 
cela  il  est  indispensable  de  scruter,  d'étudier  minutieusement 
les  centres  nerveux  d'hommes  dont  on  a  bien  connu  l'activité 
mentale.  Or  l'autopsie,  qui  jadis,  sous  le  règne  de  Louis  XIY 
par  exemple^  était  une  distinction  réservée  aux  grands,  est 
devenue  pour  la  plupart  de  nos  contemporains  un  épou*» 
vantail.  Pour  la  remettre  en  honneur,  il  fallait  aller  à  ren- 
contre de  nos  mœurs  et,  dans  une  certaine  mesure,  de  nos 
lois.  Nos  chercheurs  n'hésitèrent  pas,  et  il  va  sans  dire  que 
Bertillon  était  parmi  eux.  Pour  lui,  comme  pour  eux,  braver 
les  préjugés  en  vue  d'un  intérêt  supérieur  était  une  habitude, 
se  dévouer  à  la  science  et  au  progrès  social  était  un  besoin. 
Payant  d'exemple  et  s'engageant  mutuellement  à  léguer  leur 
corps  à  la  science,  ils  fondèrent  une  à'ociété  mutuelle  (f  autopsie  y 
dont  le  titre  a  quelque  temps  égayé  certains  de  nos  faiseurs 
d'esprit,  mais  à  laquelle  les  natures  d'élite  se  rallient  et  se 
rallieront  toujours  de  plus  en  plus  \  » 

i  BiMêtins  de  la  Société  d'anthropologie,  15  mars  1883,  p.  187. 

•  La  Société  d'autopsie  a  été  autorisée  le  8  Janvier  1881  par  un  arrêté  Un 
préfet  de  police  (signé  Andrieux)  ;  cet  arrêté  approuve  les  statuts  de  la 
Société  et  détermine  les  conditions  dans  lesquelles  fonctionne  actuelle- 
ment la  Société.  — >  Actuellement,  pour  toute  demande  de  renseignements, 
s'adresser  à  M.  Gillet-Vital,  15,  rue  de  TËcole-de-Médecine. 


MATHIAÂ  DUTAL*  —  I'aPHASIB  DEPUIS  BROGA.  769 

On  peut  dire  que  ces  paroles  de  Letourneau  ont  été  le  pre- 
mier manifeste  de  cette  société.  Je  ne  pouvais  me  dispenser 
de  rappeler  une  manifestation  si  parfaitement  en  accord  avec 
toutes  les  tendances  de  la  Société  d'anthropologie  et  avec 
Tordre  d'études  que  nous  venons  de  résumer  sous  le  titre  de 
Taphasie  depuis  Broca.  On  dira  peut-être  que  je  fais  une  ré- 
clame pour  la  Société  d'autopsie  ;  j'accepte  Texpression;  elle 
est  pour  moi,  à  mes  yeux,  non  un  blâme,  mais  un  éloge. 


Nous  venons  de  voir  ce  qu'est  devenue  l'étude  de  l'aphasie, 
depuis  Broca.  Nous  pouvons  prévoir  que  l'avenir  nous  réserve 
encore  sur  cette  question  bien  des  études  complémentaires 
et  des  détails  de  localisations  cérébrales  plus  précises  et  plus 
délicates.  Nous  n'avons,  en  effet,  parlé  que  des  cas  ai:your- 
d'hui  bien  étudiés,  des  troubles  bien  localisés.  Mais  que  de 
variétés  encore  énigmatiques  et  dont  nous  entrevoyons  à 
peine  la  théorie!  Chez  certains  aphasiques,  la  faculté  de 
compter  peut  être  absolument  conservée,  alors  que  cependant 
il  est  impossible  de  prononcer  les  chiffres,  ni  de  les  lire,  ni 
de  les  écrire.  Tel  autre  entend  parfaitement  sonner  l'horloge, 
distingue  les  coups,  mais  ne  peut  les  compter.  Il  est  aussi  des 
cas  à* aphasie  de  la  mimique  :  le  sujet  est  alors  incapable  de  se 
servir  à  propos  des  gestes  pour  exprimer  ses  idées,  et  ne  peut 
même,  par  un  signe  de  convention,  exprimer  son  assentiment 
ou  sa  dénégation.  D'autres  sont  inaptes  à  imiter  un  mouve- 
ment qu'on  fait  devant  eux.  Tel  agraphique  est  cependant 
encore  capable  de  bien  tracer  des  chiffres  ou  des  figures  de 
géométrie  ;  ce  sont  les  mouvements  seuls  de  l'écriture  qui 
sont  sortis  de  sa  mémoire.  Il  y  a  des  aphémiques  qui  peuvent 
parler  à  condition  de  chanter,  c'est-à-dire  qu'ils  peuvent  pro- 
noncer en  musique  des  paroles  qu'ils  sont  impuissants  à 
articuler  s'ils  ne  font  pas  entendre  en  même  temps  la  mélodie 
qui  les  accompagne  (comme  par  exemple  les  paroles  et  l'air 
de  la  Marseillaise).  Arrêtons-nous  dans  ces  exemples  :  le  peu 

T.  X  (3*  skrik).  49 


770  tÉAHCB  DU   44  DÉCKKBRB   1887« 

que  nous  en  citons  permet  de  conclure  qu'ils  seront  expliqués 
un  jour  par  des  faits  de  localisations  de  mémoires  spéciales, 
comme  cela  a  été  fait  pour  les  formes  bien  connues  aujour- 
d'hui de  Taphasie. 

Bn  résumé,  messieurs,  Broca  a  découyeri  Taphémie  ;  il  en 
a  précisé  les  symptômes,  la  nature,  la  localisation  ;  il  a  tracé 
les  règles  qui  devaient  présider  à  l'étude  de  toutes  les  autres 
formes  des  troubles  de  l'expression.  Tout  ce  qu'on  a  établi 
depuis  n'a  été  que  Texlension  de  la  découverte  primitive  de 
notre  illustre  fondateur  :  Tagraphie,  la  cécité  verbale,  la  sur- 
dité verbale,  calquées  sur  le  patron  de  l'aphémie.  Nouveau 
Christophe  Colomb,  il  a  abordé  un  continent  nouveau  pour  la 
science  :  il  a  étudié  le  coin  précis  qu'il  avait  découvert; 
d'autres  sont  venus  après  lui,  ont  reconnu  que  ce  continent 
était  immense,  et  ils  en  ont  étudié  successivement  les  diverses 
parties.  Mais  tout  cela  n'est  pas  venu  apporter  la  moindre 
contradiction  à  l'œuvre  initiale  de  Broca  ;  tout  n'a  été  que 
confirmation  et  extension  de  sa  découverte. 

Si  nous  tenons  compte  maintenant  de  ce  fait  que  penser, 
c'est  parler  mentalement,  nous  voyons  que  l'œuvre  de  Broca, 
avec  son  extension  actuelle,  est  non  seulement  grande  en 
anatomie  et  en  physiologie,  mais  que  c'est,  peut-être  avant 
tout,  la  plus  grande  découverte  en  psychologie,  en  physio- 
logie cérébrale.  Les  rouages  de  la  pensée  et  de  son  expression 
nous  apparaissent  désormais  comme  une  série  d'organes 
cérébraux  distincts,  et  nous  pouvons  concevoir  les  enchaî- 
nements de  leur  action.  Cette  nouvelle  méthode  en  psychologie 
est  déjà  féconde  :  les  œuvres  de  Ribot  (maladies  de  la  mé- 
moire, maladies  de  la  volonté,  maladies  de  la  personnalité) 
on  font  foi.  C'est  donc  bien  légitimement  que  la  Société 
danihropolop^io  est  fîére  d'avoir  été  la  première  confidente  des 
pensées  d(3  lîroca  sur  ces  hautes  questions;  c'est  bien  légi- 
timement que,  dans  ce  jour,  consacré  chaque  année  à  célébrer 
la  gloire  de  son  fondateur,  elle  a  voulu  que  cette  fois,  à  côté 
des  immortels  travaux  du  maître  sur  la  craniométrie,  Tethno- 
logie,  Vhybridité,  l'anatomie  des  primates,  sur  toutes  les 


P.-G.   MAUOUDEAU.  —   CIRCONVOLUTIONS  CÉRÉBRALES.      771 

branches  de  Tanthropologie,  il  fût  parlé  devant  vous  de 
l'aphasie  et  particulièrement  de  Taphasie  depuis  Broca. 


i6i«  StiNCI.  —  15  déeembre  1887. 

Présldenee  4e  M.  MAQIT9V,  présMeai. 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

PRÉSENTATIONS. 

Covpes  de  elreoiiYelnlieAe  eérébrales  ; 

fÀR   M.    f.-a.    MAHOUDEAU. 

La  morphologie  des  circonvolutions  cérébrales  est  aujour- 
d'hui relativement  bien  connue,  et,  quoiqu'elle  n'ait  pas 
encore  dit  son  dernier  mot,  tant  s'en  faut,  pour  ce  qui  est 
des  variations  individuelles  des  circonvolutions  selon  les 
sexes,  les  âges  et  les  aptitudes  des  sujets,  il  est  cependant 
dès  aujourd'hui  évident  que  cette  morphologie  pure  et  simple 
ne  saurait  suffire.  Ce  n'est  pas  tout  de  connaître  le  volume, 
la  quantité  d'une  circonvolution,  il  faudrait  en  apprécier  la 
qualité;  or,  puisque  les  cellules  nerveuses  sont  les  éléments 
centraux,  actifs,  essentiels  de  la  substance  grise,  la  qualité 
d'une  circonvolution  ne  peut  nous  être  révélée  quepar  sa  ri- 
chesse en  cellules  nerveuses,  il  faudrait  faire  la  numération  de 
ces  cellules  comme  on  fait  la  numération  des  globules  du  sang. 

C'est  un  travail  de  ce  genre  que  mon  émincnt  maître,  M.  le 
professeur  Mathias  Duval,  a  bien  voulu  me  faire  l'honneur 
de  me  confier.  Il  s'agissait  d'abord  de  trouver  un  procédé  de 
préparation  aussi  simple  et  en  même  temps  aussi  démons- 
tratif que  possible;  les  pièces  que  j'ai  l'honneur  de  mettre 
sous  les  yeux  de  la  Société  n*ont  d'autre  but  que  de  montrer 
que  nous  avons  obtenu  ce  résultat.  Les  recherches  compara- 
tives viendront  ensuite  ;  elles  demandent  la  formation  d'une 
nombreuse  collection.  Nous  l'entreprendrons. 


77â  8ÊANCG  Dl*  15  DÉCEMBRE  1887. 

Toujours  est-il  que  nous  pourrons  colorer  les  cellules  de  la 
substance  grise  de  manière  que  la  numération  soit  on  ne  peut 
plus  facile,  ainsi  que  l'étude  de  leurs  dispositions  par  couches 
et  de  la  répartition  de  leurs  diverses  formes  dans  les  cou- 
ches, A  Taide  du  carmin  ordinaire  ou  du  picro-carmin  on 
n'obtient  que  bien  rarement  un  résultat  satisfaisant  ;  la  sub- 
stance intercellulaire  se  colore  plus  ou  moins  et  les  cellules 
ne  sont  pas  suffisamment  distinctes  à  un  faible  grossissement. 
Mon  éminent  maître  M.  Mathias  Duval  avait  déjà  commencé 
des  recherches  avec  ce  réactif  colorant  et  il  a  été  obligé  de 
les  abandonner  à  cause  de  Finconvénient  que  nous  venons 
d'indiquer.  C'est  alors  qu'il  m'a  engagé  à  essayer  diverses 
matières  colorantes,  et  parmi  celles  que  nous  avons  em- 
ployées, le  carmin  aluné  nous  a  donné  toute  satisfaction. 

Désirant  savoir  si  les  cerveaux  d'hommes  connus,  donnés 
au  laboratoire  par  la  Société  mutuelle  d'autopsie,  pourraient 
encore  se  prêter  à  la  recherche  de  la  numération  des  cel- 
lules, nous  avonsdû  faire  une  série  d'expériences  dans  ce  but. 

Ces  cerveaux,  datant  de  plusieurs  années,  ont  été  moulés, 
ils  sont  restés  parfois  plusieurs  jours  exposés  à  l'air,  hors  du 
liquide  conservateur,  et  ils  n'ont,  le  reste  du  temps,  baigné 
dans  l'alcool  que  d'une  façon  insuffisante.  Dans  ces  conditions, 
bien  que  l'aspect  microscopique  n'en  soit  pas  changé,  les 
éléments  présentent  cependant  un  manque  de  cohésion  entre 
eux  qui  en  rend  l'examen  histologique  des  plus  difficiles. 

Nous  n'aurions  certainement  jamais  pu  surmonter  de  sem- 
blables difficultés^  si  nous  n'avions  pa  ;  eu  recours  à  la  mé- 
thode du  collodionnage  que  M.  le  professeur  Mathias  Duval 
a  fait  connaître  dans  les  Archives  de  neurologie,  1881-82. 

C'est  grâce  à  ce  procédé,  joint  à  l'emploi  du  carmin  aluné, 
que  nous  avons  pu  réussir  à  obtenir,  avec  d'anciens  cerveaux, 
des  coupes  sur  lesquelles  la  possibilitéde  la  numération  des 
cellules  prouve  que  nous  avons  obtenu  le  résultat  cherché. 


DISCUSSION  SUR  LES  GIRGONTOLUTIONS  CÉRÉBRALES.        773 

DiBcnsiion. 

M.  Mathus  Du  val  attire  Tatteation  de  la  Société  sur  Vin- 
térêt  considérable  que  présente  le  travail  de  M.  Maboudeau. 
Ce  travail  établit  la  possibilité  d'étudier  bistologiquement 
des  cerveaux  conservés  dans  Talcool  et  plus  ou  moins  alté- 
rés, dont  il  était  à  craindre  qa*il  ne  fût  plus  possible  de  tirer 
parti.  Gela  est  d'autant  plus  heureux  que  le  laboratoire  d'an- 
thropologie possède  déjà  un  certain  nombre  de  cerveaux  pré- 
cieux dont  l'étude  a  été  faite  au  point  de  vue  du  développe- 
ment quantitatif  et  morphologique,  mais  pas  en<5ore  au  point 
de  vue  de  la  qualité. 

M.  Manouvrier.  Je  suis  heureux  des  résultats  obtenus  par 
M.  Mahoudeau  et  je  l'en  félicite,  mais  puisqu'il  se  propose, 
avec  raison,  de  pratiquer  des  coupes  histologiques  sur  les 
cerveaux  d'hommes  célèbres  que  nous  possédons,  je  pense 
qu'il  ne  voudra  pas  entamer  ces  cerveaux  avant  d'avoir  étudié 
d'abord  un  bon  nombre  de  cerveaux  quelconques.  Il  peut 
arriver,  en  effet,  que  dans  le  courant  de  ses  intéressantes  re- 
cherches il  trouve  lé  moyen  de  perfectionner  ses  procédés 
d'étude.  11  est  probable,  d'autre  part,  qu'il  arrivera  à  déter- 
miner de  mieux  en  mieux,  dans  son  esprit,  les  comparaisons 
à  faire.  Je  crois  enfin  que,  pour  tirer  de  l'étude  des  cas  spé- 
ciaux le  meilleur  parti  possible,  il  est  indispensable  d'éta- 
blir préalablement,  par  Tétude  d'un  grand  nombre  de  cas 
quelconques,  une  sorte  de  moyenne  constituant  un  sérieux 
terme  de  comparaison. 

M.  Mahoudeau.  Il  faut  se  bâter  d'étudier  les  cerveaux  dont 
il  s'agit,  car  bientôt  leur  altération  ne  le  permettra  plus. 

On  peut  toujours,  au  contraire,  revenir  sur  l'étude  des 
coupes  une  fois  faites.  Elles  se  conservent  facilement,  et  une 
coupe  faite  aujourd'hui  pourra  être  examinée  de  nouveau 
dans  dix  ans, 

M.  Manouvrier.  Je  le  sais  fort  bien,  mais  il  peut  se  faire 
que,  les  coupes  d'une  circonvolution  une  fois  terminées,  vous 
soyez  amené  à  regretter  de  ne  pas  les  avoir  faites  dans  un 


774  8ÉANCI  DU  15  DÉCEMBRB  1887. 

autre  sens  que  vous  aurez  trouvé  plus  favorable  à  certaines 
comparaisons. 

M.  Mahoudeau.  Il  n'y  a  pas  à  choisir  le  sens  des  coupes 
â*iine  circonvolution.  On  ne  distingue  les  cellules  que  lors- 
qu'elles sont  coupées  transversalement  par  rapport  à  leuj 
grand  axe. 

M.  Manouvrieu.  Je  m'en  rapporte  sur  ce  point  à  Texpé- 
rience  de  M.  Mahoudeau,  mais  il  ne  me  semble  pas  possible 
que  le  sens  des  coupes  doive  être  le  même,  par  exemple, 
pour  compter  les  cellules  d'une  même  couche  ou  pour  comp- 
ter les  différentes  couches  d'une  circonvolution. 

Note  s«r  «ne  faillie  fklte  an  «hamp  d«  llo«ble«d'Or  ; 

PAR   LK  DOCTEUR   ?.    DELISLB. 

Au  mois  de  mars  dernier,  le  maître  briquetier  de  MM.  Des- 
champs et  Fau,  occupé  avec  plusieurs  ouvriers  à  extraire  de 
la  terre  à  brique  dans  le  champ  dit  du  «  Double-d'Or  » ,  dé- 
couvrit un  crâne  humain  à  la  profondeur  de  1"^,20.  Le  champ 
du  Double-d'Or  est  situé  à  gauche  de  la  route  qui  va  de  Paris 
à  Ghâlillon,  à  près  d'un  kilomètre  à  l'est  du  fort  de  Vanves, 
et  fait  partie  de  la  dernière  terrasse  qui,  de  la  Seine,  conduit 
au  plateau  de  Ghâtillon. 

Le  sol  du  champ  du  Double-d'Or  est  exploité  depuis  plu 
sieurs  années  déjà  pour  la  confection  des  briques. Le  terrain, 
de  couleur  rougeâtre,  est  compact,  et  nulle  part,  dans  les 
tranchées,  nous  n'avons  trouvé  le  moindre  indice  qui  puisse 
faire  supposer  qu'en  un  point  quelconque  il  ait  été  fait  des 
travaux  profonds  ou  des  plantations  plus  ou  moins  anciennes. 
Nous  croyons  que  sur  toute  l'épaisseur  de  la  couche,  du 
moins  dans  la  partie  que  nous  avons  étudiée,  il  n'y  a  pas 
trace  de  remaniements.  C'est  aussi  l'impression  des  ouvriers 
qui  ont  fait  la  découverte,  et,  pour  eux,  on  n'a  jamais  fait  là 
que  des  cultures  peu  profondes. 

Je  n'ai  pas  assisté  à  la  découverte  du  crâne  que  je  présente 
à  la  Société.  Il  fut  mis  à  jour  pendant  le  travail  et  brisé  par 


F.  DELISLB.  —   ONE   FOUaLB.  775 

un  coup  de  pioche.  Le  contremaître,  avisé  aussitôt,  reoueillit 
tous  les  morceaux  qu'il  put  retrouver  et  put  extraire  ensuite 
quelques  parties  encore  engagées,  une  partie  de  la  mâchoire 
inférieure  et  quelques  fragments  de  vertèbres,  d'os  longs  et 
des  phalanges. 

Le  contremaître  jugea  prudent  d'arrêter  le  travail,  ne  sa- 
chant  comment  il  fallait  procéder  pour  retrouver  le  reste  de 
ce  squelette  qu'il  supposait  être  celui  d'un  orang-outang. 

A  ma  première  visiteje  reconnus,  à  l'inspection  des  débris 
osseux  qui  me  furent  présentés,  qu'il  serait  facile  de  recon- 
stituer partiellement  le  crâne,  et  à  l'inspection  du  gisement, 
que  le  squelette  devait  être  là  tout  entier.  Je  donnai  les  indi- 
cations nécessaires  pour  faciliter  les  fouilles  :  deux  tranchées 
furent  faites  des  deux  côtés  du  squelette,  laissant  entre  elles 
un  espace  de  80  centimètres.  J'avais  pu  reconnaître,  en  fouil- 
lant le  sol,  quelle  était  la  direction  de  la  colonne  vertébrale 
et  la  position  du  membre  antérieur  droit.  Je  remis  la  fouille 
jusqu'à  ce  qu'on  eût  fait  les  deux  tranchées. 

Pour  extraire  le  squelette,  j'opérai  avec  les  plus  grandes 
précautions.  Je  pus  me  convaincre,  dès  mes  premières  tenta- 
tives pour  extraire  les  diverses  pièces,  que  j'arriverais  diffi- 
cilement à  les  enlever  sans  dommage.  Nous  avons  pu  recon- 
naître que  le  squelette  entier  se  trouvait  dans  la  position 
suivante  : 

La  tête  était  englobée  à  la  base  de  la  couche  et  reposait 
sur  la  partie  postéro-supérieure,  ainsi  que  le  montrait  l'em- 
preinte laissée  dans  la  terre  ;  le  corps  reposant  sur  son  plan 
postérieur. 

La  colonne  vertébrale  en  place  présentait  une  disposition 
légèrement  curviligne  jusqu'au  bassin  qui  était  sensiblement 
plus  élevé  que  la  tête.  Les  côtes  étaient  en  place,  mais  très 
affaissées.  Nous  n'avons  pas  trouvé  de  débris  osseux  du 
sternum.  Les  membres  supérieurs  étaient  fléchis  et  les  os 
des  mains  étaient  en  contact  avec  ceux  des  régions  cervicales 
et  thoraciques. 

Les  os  du  bassin  étaient  en  rapport  entre  eux  et  les  mem- 


776  SÉAHCB  DU  15  DÉGBMBRE  1887. 

bres  inférieurs  fléchis  sur  eux-mêmes  et  sur  le  tronc.  Les  os 
des  pieds  étaient  détruits  presque  entièrement  >  mais  on  pou- 
vait reconnaître  la  place  qu'ils  occupaient  dans  la  couche. 
Ces  dernières  parties  du  squelette  étaient  à  une  profondeur 
moindre  que  les  autres,  les  pieds  étaient  à  80  centimètres 
seulement  au-dessous  du  sol. 

Malgré  tout  le  soin  que  nous  avons  mis  à  faire  cette  fouille, 
nous  n'avons  pu  extraire  qu'un  très  petit  nombre  de  pièces 
en  état  de  conservation. 

La  situation  de  ce  Squelette,  ayant  ses  diverses  parties  en 
connexion  exacte  dans  un  terrain  non  remanié,  compact^ 
nous  porte  à  croire  que  nous  nous  trouvons  en  présence 
d*un  noyé  qui  aura  été  englobé  dans  le  dépôt  lors  de  sa 
formation. 

Crâne.  —  En  rapprochant  les  débris  de  la  boîte  crânienne 
qui  nous  furent  remis,  nous  avons  pu  reconstituer  une  partie 
de  la  voûte,  et  nous  croyons  qu*il  a  appartenu  à  une  femme. 
La  pièce  comprend  les  pariétaux  presque  entiers  et  des  por- 
tions plus  ou  moins  considérables  du  frontal,  de  l'occipital 
et  des  temporaux. 

La  courbe  antéro-postérieure  est  régulière  dans  la  région 
fronto-p€uriétale,  autant  qu'on  en  peut  juger,  vu  l'absence 
d'une  partie  du  frontal;  mais,  à  partir  de  la  région  moyenne 
de  la  suture  sagittale,  cette  courbe  s'abaisse  assez  brusque- 
ment et  forme  un  méplat  qui  s'étend  sur  l'angle  de  l'écaillé 
occipitale  qui  se  continue  en  une  courbe  régulièrement  cir- 
culaire. 

Apophyse  mastoîde  droite  peu  volumineuse. 

Diamètre  antéro-postérieur  moyen,  175?  diamètre  trans- 
versal, 144;  indice  céphalique,  82,28? 

L'indice  le  placerait  entre  le  Furfoozn*  2  (81.39)  et  les  crânes 
trouvés  en  divers  points  de  la  vallée  de  la  Seine. 

En  résumé,  ce  crâne  offre  de  très  grandes  analogies  avec 
l  crâne  de  Furfooz  n"  1  et  avec  les  pièces  similaires  n*  6  qui 
ont  été  trouvées,  à  Grenelle,  dans  la  carrière  Hélie,  à  Marly 
et  dans  d'autres  parties  de  la  vallée  de  la  Seine. 


LBTOURNBATJ.  —  l' ANTHROPOLOGIE  BiS  AMÉRIQUE.  777 

Le  maxillaire  inférieur  est  incomplet;  les  deux  branches 
ont  été  perdues  et  cassées  lors  de  la  découverte.  Les  indsives, 
les  canines  et  les  petites  molaires  étaient  en  place,  bien 
implantées;  trois  incisives  ne  nous  ont  pas  été  remises.  Les 
grosses  molaires  étaient  tombées.  Les  dents  qui  restent  sont 
sensiblement  usées,  et  l'une  d'elles,  canine  gauche,  a  un  trou 
latéral  qui  pourrait  avoir  été  occasionné  par  de  la  carie.  Ces 
dents  sont  peu  volumineuses. 

La  hauteur  du  maxillaire  est  faible. 

COMMCJNICAXIONS. 


Sar  l'anthropophagie  en  Amérique  ; 

PAR   M.    LBTOVRNEAU. 

11  y  a  environ  deux  ans,  j'ai  fait  à  la  Société  une  courte 
communication  relative  à  l'anthropophagie  en  Amérique.  Il 
s'agissait  d'observations  faites  dans  l'extrême  nord  de  l'Amé- 
rique, par  un  missionnaire  français,  M.  Faraud,  évêque  du 
territoire  de  Mackenzie.  M»^  Faraud  rapporte  que  des  Indiens 
dits  Pieds-Noirs  (ce  sont  des  Sioux)  pratiquaient  un  genre 
tout  spécial  d'anthropophagie.  Quand  l'un  d'eux  avait  terrassé 
un  adversaire  dans  un  combat,  il  lui  ouvrait  le  thorax,  en 
extrayait  le  cœur  et  y  mordait  à  belles  dents.  Je  ne  manquai 
pas  de  rapprocher  ce  fait  des  rites  de  l'anthropophagie  reli- 
gieuse dans  l'ancien  Mexique.  On  sait  comment  procédaient 
les  prêtres  mexicains,  quand  ils  offraient  une  victime  hu- 
maine au  dieu  de  la  guerre,  Huitzlilopotchli.  Ils  ouvraient  le 
thorax  avec  un  couteau  d'obsidienne,  extrayaient  le  cœur  et 
en  faisaient  l'ofiTrande  à  la  divinité.  Cette  concordance  éveillait 
nécessairement  une  idée  de  communauté  d'origine  confirmée 
parlapictographie  américaine.  En  effet,  dans  lacélèbrepicto- 
graphiedu  docteur  Siguenza,  où  est  représentée  la  migration 
des  Aztèques  envahisseurs,  les  armes,  le  costume,  l'habitude 
extérieure,  la  touffe  de  cheveux  du  scalp,  etc.,  rappellent  sin- 
gulièrement les  Peaux-Rouges,  et,  d'autre  part,  les  légendes 


T78  SÉANCE  DU  15  DÉGBMBRE   1887. 

mezioaines  font  venir  les  Aztèques  d*une  contrée  septen- 
trionale. 

Aujourd'hui  j'apporte,  à  Tappui  de  cette  hypothèse,  déjà 
si  Yraisemblable,  une  autre  preuve  du  môme  genre.  Dans 
le  résumé  d*un  voyage  de  circumnavigation,fait  en  1600,  par 
un  navigateur  hollandais,  Olivier  de  Noort,  je  trouve  le  pas- 
sage suivant  à  propos  des  mœurs  des  Indiens  du  Chili  :  <c  Us 
haïssent  mortellement  les  Espagnols,  jusque-là  que,  quand 
ils  ont  tué  quelqu'un,  ils  lui  fendent  le  corps  et  lui  mordent  le 
cœur*.  » 

L'existence  d'une  coutume,  si  particulière,  depuis  Tocéan 
Arctique  américain  jusqu'au  Chili^  en  passant  par  le  Mexique, 
me  semble  une  très  forte  preuve  en  faveur  de  la  commune 
origine  des  Indiens  d'Amérique. 

Discussion. 

M.  Hervé  pense  qu'il  faut  distinguer,  dans  les  faits  cités, 
plusieurs  sortes  d'anthropophagie  :  l'anthropophagie  guer- 
rière, dont  le  mobile  est  de  s'incorporer  les  vertus  et  qualités 
de  l'ennemi  tué,  l'anthropophagie  religieuse,  et  Tanthropo- 
phagie  que  l'on  peut  appeler  passionnelle^  consistant  dans  la 
satisfaction  plus  complète  d'une  vengeance  ou  d'une  haine. 
Telle  est,  ce  semble,  celle  dont  parle  de  Noort. 

M.  Letourneau.  M.Hervé  se  trompe  en  attribuant  l'anthro- 
pophagie cardiaque  des  Indiens  du  Chili  à  des  mobiles  indi- 
viduels, comparables,  par  exemple,  à  ceux  qui  poussèrent 
quelques  Parisiens  à  mordre,  après  l'avoir  fait  griller,  le  cœur 
du  maréchal  d'Ancre.  Le  texte  que  j'ai  cité  a  une  portée  gé- 
nérale, il  indique  des  mœurs  communes  à  tous  les  Indiens 
du  Chili,  en  l'an  1600. 

M.  G.  DE  MoRTiLLET  pense  que  l'anthropophagie  n'a  pas  au- 
jourd'hui la  même  signification  partout,  mais  qu'elle  a  dû 
débuter  partout  sous  l'influence  du  besoin.  Puis  elle  a  été 
bientôt  exploitée  au  profit  des  idées  religieuses. 

1  Recueil  des  voyages  qui  ont  servi  à  l'établissement  et  aux  jtrogris  de  la 
compagnie  des  Indes  orientales f  formée  dans  les  Provinces-Unies  des  Pays^ 
Bas,  t.  H,  1754. 


DISCUSSION  SUR  l'aNTHROPOLOGIB  EN  AMÉRIQUE.  779 

M.  Letourneau.  On  ne  saurait  admettre  la  théorie,  beaucoup 
trop  générale,  deM.deMortillet.  Sûrement  Tanthropophagie 
religieuse  a  été  très  commune;  mais  il  y  en  a  de  plusieurs 
autres  genres.  Il  y  a  déjà  bien  des  années  (1869),  j'ai  essayé 
de  les  classer  dans  Tordre  suivant  :  anthropophagie  par  be- 
soin, par  gourmandise,  par  religion,  par  piété  filiale;  an- 
thropophagie juridique;  enfin  anthropophagie  par  vengeance 
ou  folie.  Le  cannibalisme  a  d'abord,  pour  cause  déterminante, 
la  faim,  le  manque  d'aliments  azotés  ;  puis,  à  mesure  que 
rhomme  se  civilise,  et  en  même  temps  apprend  à  domesti- 
quer les  animaux,  à  cultiver  la  terre,  le  cannibalisme  prend 
des  formes  moins  animales,  spécialement  la  forme  religieuse, 
si  répandue,  mais  nullement  unique. 

M.  Sanson  regrette  Tabsence  de  M.  de  Quatrefages,  qui 
aurait  sans  doute  été  heureux  d'entendre  M.  de  Mortillet  rat- 
tacher l'anthropophagie  à  des  idées  religieuses,  même  chez 
les  peuples  primitifs. 

M.  Hervé  demande  à  M.  de  Mortillet  s'il  admet  l'existence 
de  l'anthropophagie  à  Vépoque  quaternaire,  où  l'homme  était 
dépourvu  de  toute  religiosité,  comme  M.  de  Mortillet  l'a  lui- 
même  établi. 

M.  DE  Mortillet  est  d'avis  que  Tanthropophagie  était 
inconnue  à  l'époque  quaternaire  et  même  à  l'époque  de  la 
pierre  polie.  Les  faits  invoqués  à  l'appui  de  l'avis  contraire 
n'ont  rien  de  concluant. 

M.  DE  Nadaillac.  Il  est  vrai  qu'il  est  difficile  d'émettre  à  ce 
sujet  une  affirmation  catégorique.  On  peut  dire  cependant 
qu'il  existe  des  preuves  de  l'anthropophagie  tout  au  moins  à 
l'époque  néolithique. 

M.  de  Mortillet.  Que  M.  de  Nadaillac  produise  des  faits 
précis,  je  pourrai  alors  les  réfuter. 

M.  de  Nadaillac  répond  qu'il  n'est  pas  préparé  pour  le 
moment  à  une  discussion  sur  ce  sujet.  U  n'affirme  pas, 
d'ailleurs,  positivement. 

M.  DE  Mortillet.  La  discussion  pourra  être  reprise^  alors, 
à  la  prochaine  séance. 


780  SÉANCE  DU  18  DÉCEMBRE  1887. 

M.  DE  Nadaillac  accepte  cette  proposition. 

M.  Sànson  est  curieax  de  voir  prouver  qu'il  a  existé  uns 
espèce  animsde  dans  laquelle»  suivant  l'opinion  de  M.  de  Mor- 
tillet^  on  ne  se  battait  pas. 


Sur  nme  emmtmmke  ffanéralre  ém  mldU  de  la  FMuiee  ; 

PAR   M.   LAGOHBB. 

M.  Lacombe  assista,  il  y  a  quelques  années,  à  la  toilette 
funèbre  d*une  paysanne  de  Gazes-Mondenard  (Tarn-et-Ga- 
ronne).  On  mit  dans  la  main  droite  de  la  morte  un  bout  de 
chandelle,  et  dans  sa  bouche  une  pièce  de  deux  sous.  Puis 
on  assujettit  les  deux  mâchoires  par  un  fil  de  laine  passé  sous 
le  menton  et  noué  sur  le  sommet  de  la  tète.  M.  Lacombe 
interrogea  l'opératrice  sur  le  sens  de  cette  cérémonie  et  n'en 
tira  d'autre  réponse,  sinon  que  c'était  Tusage. 

Pour  lui,  cet  usage  est  un  reliquat  des  temps  oii  Ton  croyait 
que  Tombre  avait,  après  la  mort,  des  lieux  souterrains  et 
obscurs  à  parcourir,  un  fleuve  à  passer  et  un  péage  à  satis- 
faire. Des  croyances  nouvelles  ont  pu  étouffer  rintelligence 
de  ces  pratiques  ;  elles  n'ont  pu  déraciner  les  pratiques  elles- 
mêmes. 

La  baguette  des  soareicrs  Tendéeiis  ; 

PAR   H.    BONNEHàRB. 

J'ai  l'honneur  d'offrir  à  la  Société  une  branche  fourchue  qui 
sert,  dans  la  partie  vendéenne  du  département  de  Maine-et- 
Loire,  à  découvrir  des  sources.  Elle  a  été  coupée  sur  un  ar- 
buste dontj'ignorelenom  botanique.  Dans  le  pays  on  l'appelle 
la  coudre  blanche,  sans  doute  à  cause  de  ses  fleurs  qui  sont  de 
cette  couleur.  Par  le  mot  coudre^  on  entend  dans  notre  région 
le  noisetier.  Je  dois  constater  que  la  coudre  blanche  n'a 
aucune  ressemblance  avec  cette  dernière  plante.  J'ai  l'honneur 
de  vous  présenter  aussi  quelques  feuilles  qui  vous  permettront 
de  la  mieux  reconncutre.  Je  crois,  pour  ma  part,  qu'elle  est 
l'origine  des  boules-de-neige  de  nos  jardins. 


BONNEHÈRE.  •«*  BAGUETTE  DE  SOURCIER.  781 

Les  gens  qui  s'occupent  de  rechercher  les  sources,  les 
sourciers^  comme  on  les  appelle,  sont  encore  assez  communs 
dans  le  pays,  et  on  a  souvent  recours  à  leurs  indications 
lorsqu'on  veut  faire  creuser  un  puits. 

La  fourche  que  je  vous  présente  porte  le  nom  de  baguette  y 
qui  jure  bien  un  peu  avec  sa  forme. 

Le  sourcier  en  saisit  une  des  branches  dans  chacune  de  ses 
mains,  puis  il  se  met  à  marcher  dans  Tendroit  où  la  personne 
qui  Fa  fait  venir  voudrait  faire  creuser  un  puits.  On  prétend 
que  lorsqu'il  est  arrivé  au-dessus  d'une  source,  la  baguette 
se  met  à  tourner  d'autant  plus  vite,  que  la  source  est  plus 
près  du  sol  et  plus  abondante.  Aussi,  le  sourcier  a-t-U  ton- 
jours  les  yeux  sur  elle,  prêt  à  interpréter  ses  moindres 
oscillations. 

Dois-je  l'avouer?  je  me  suis  amusé  bien  des  fois  à  faire 
tourner  des  fourchettes  de  coudre  blanche,  mais,  cela  va 
sans  dire,  sans  attribuer  la  moindre  importance  à  ses  mouve- 
ments. Je  ne  suis  pas  du  tout  initié  à  l'art  des  sourciers  qui, 
d'ailleurs,  ne  se  décideraient  pas  aisément  à  faire  part  de 
leurs  connaissances  à  un  homme  qui  ne  serait  pas  un  paysan 
conmie  eux.  Il  m'a  semblé  que  je  serrais  très  fortement  le 
bois  et  que  pourtant  il  tournait  à  un  point  tel,  que  la  pointe 
de  la  fourche  placée  en  bas,  par  exemple^  se  redressait  com- 
plètement et  remontait  jusqu'en  haut.  J'ai  cru  devoir  vous 
signaler  ce  fait,  qui  présente  peut-être  quelque  intérêt.  11  faut 
que  la  baguette  que  l'on  emploie  soit  verte  et  bien  en  sève. 

La  baguette  des  sourciers  est  employée  aussi  pour  d'autres 
usages.  On  prétend  dans  le  pays  qu'elle  peut  aussi  faire  dé- 
couvrir les  trésors  enfouis  dans  la  terre. 

Je  n'ai  jamais  entendu  dire  que  les  hommes  qui  se  livrent 
à  ces  deux  genres  de  recherches  dussent  les  accompagner  de 
paroles,  de  mots,  pour  me  servir  de  l'expression  consacrée. 
Gela  peut  être  cependant. 

Peut-être  trouverez-vous,  messieurs,  quelques  rapproche- 
ments à  faire  entre  la  curieuse  pratique  que  je  signale  à  votre 
attention  et  quelque  coutume  analogue  relevée  dans  un  autre 


782  SÉANCE  DU  15  DÉGEMBRB  i8S7. 

pays.  Je  orois,  en  effet,  que  Tari  des  souroiers  a  dû  ôtre 
beaucoup  plus. étendu  autrefois  qull  ne  Test  à  présent,  et  je 
ne  serais  pas  étonné  que  son  origine  remontât  fort  haut  dans 
la  nuit  des  temps. 

Discussion. 

M.  Delisle  a  .vu,  dans  le  Midi,  les  sourciers  se  servir  de 
baguettes  de  figuier  et  non  de  coudrier.  La  pointe  de  la  ba- 
guette était  venue  en  haut  et  devait  s'abaisser  pour  indiquer 
une  source.  Le  sourcier  faisait  force  contorsions.  M.  Delisle  a 
été  témoin  de  la  recherche  d'une  source  par  un  sourcier. 
A  l'endroit  indiqué  on  a  creusé  jusqu'à  14  mètres... et  Ton  n*a 
rien  trouvé. 

M.  BoNNEMÈRE.  Eu  Bretagne,  je  n*ai  point  vu  les  sourciers 
faire  des  contorsions.  Ils  affectent  au  contraire  une  gravité 
en  quelque  sorte  sacerdotale. 

M.  Sanson. Cette  question  me  semble  vidée  depuis  les  expé- 
riences faites  par  M.  Chevreul  il  y  a  plus  de  soixante  ans. 
Ces  expériences  ont  montré  Tinanité  de  la  baguette  divi 
natoire. 

M.  G.  DE  MoRTiLLET.  Il  n'en  est  pas  moins  certain  que  la 
baguette,  tenue  successivement  par  plusieurs  personnes,  à 
Finsu  Tune  de  l'autre,  tourne  aux  mêmes  endroits. 

M.  Lacombe  dit  que  lui  aussi  a  fait  tourner  la  baguette 
des  sourciers;  mais  pour  lui  il  n'y  a  là  ni  force  occulte,  bien 
entendu,  ni  même  mouvements  musculaires  inconscients. 
Au  contraire,  le  sourcier,  en  faisant  tourner  sa  baguette,  est 
parfaitement  conscient.  Son  secret  consiste  à  écarter  les 
deux  branches  de  sa  baguette,  dont  les  bouts  restent  libres 
dans  la  paume  des  deux  mains.  L'élasticité  du  bois,  en  réa- 
gissant, produit  un  mouvement  giratoire  autour  d'un  axe 
idéal  passant  par  la  paume  des  mains.  Le  sourcier  se  sert 
donc  d'un  petit  phénomène  d'élasticité,  que  le  paysan,  sa 
dupe,  est  incapable  de  constater. 


BONNAFONT.  —  LOCALISATIONS  CâRÉBRALES.      783 

» 

Sor  les  locallMitloas  eérébratos  ; 

PAR  M.   BOHNAfOnr. 

La  conférence  d'hier,  si  intéressante,  si  bien  dite  et  qui  a  cap- 
tivé si  agréablement  l'auditoire,  m'a  rappelé  deux  faits  assez  in- 
téressants qui  viennent  à  l'appui  de  La  théorie  des  localisations 
cérébrales  si  bien  décrites  par  notre  si  regretté  Broca,  et  si 
bien  démontrées  par  notre  savant  et  si  sympathique  collègue, 
M.  le  professeur  Mathias  Duval. 

Je  regrette  de  n'avoir  pu  trouver»  au  milieu  de  mes  pape- 
rasses algériennes,  le  récit  détaillé  de  ces  deux  observations 
que  j'ai  dû  communiquer  à  l'Académie  des  sciences  en  1842. 
Mais  le  peu  que  la  mémoire  me  rappelle  suffira  pour  en 
faire  apprécier  la  valeur. 

A  l'assaut  de  LaQroun,  en  1839,  qui  précéda  la  prise  du 
col  de  Mouzaïa,  j'eus  beaucoup  de  blessés,  parmi  lesquels  le 
colonel  Ulrick,  qui  reçut  une  balle  sur  le  nez  :  elle  pénétra 
dans  les  fosses  nasales,  où  elle  est  restée  quatre  ans,  à 
l'exemple  de  celle  que  le  général  Trézel  reçut  à  Waterloo,  la- 
quelle n'ayant  pu  être  extraite,  resta  dans  les  fosses  nasales 
près  de  vingt  ans  et  tomba  toute  seule  dans  la  cuvette 
pendant  que  le  général  faisait  sa  toilette.  Celle  du  colonel 
Ulrick  n'y  séjourna  que  quatre  ans.  Il  courut  me  la  montrer 
le  jour  même,  en  1843.  Nous  étions  à  Paris. 

Puis  un  sergent-major  qui  avait  été  atteint  sur  la  bosse 
frontale  gauche;  la  balle  avait  pénétré  dans  le  crâne.  Ce 
blessé  avait  complètement  perdu  la  faculté  de  parler,  et 
furieux  de  ne  pouvoir  dire  le  nom  de  ses  parents,  se  sachant 
atteint  mortellement,  il  cherchait  à  se  faire  comprendre  par 
des  signes. 

Pendant  la  même  expédition,  excessivement  meurtrière,  un 
soldat  reçut  un  coup  de  feu  ;  la  balle  avait  pénétré  dans  l'in- 
térieur du  crâne  par  la  région  pariétale  ou  mieux  la  bosse 
pariétale  gauche,  le  blessé  perdit  tout  à  coup  la  mémoire 
tout  en  conservant  complètement  la  parole.  Son  capitaine. 


784  SÉANCE  DU  26  DÊGEnRE  1885. 

qui  Tavait  accompagné,  avait  beau  lui  faire  des  questions,  le 
blessé  y  répondait  en  lui  disant  qu'il  ne  se  rappelait  et  jurant 
d'avoir  ainsi  perdu  toute  mémoire. 
Ce  malade,  comme  le  précédent,  mourut  le  lendemain. 

Discnssioii. 

M.  Hervé  rappelle  une  observation  d'aphasie  traumatiqae 
due  à  Larrey,  et  publiée  en  i827  dans  les  Bulletins  de  l'Aca- 
démie de  médecine.  Bien  que  la  balle  n'eût  pu  être  extraite, 
le  blessé  guérit  et  récupéra  complètement  la  parole. 

La  séance  est  levée  à  six  heures. 

L*tin  det  tecrétaifêê  :  manocvribr. 


CONFÉRENCE  BROCA  (1885). 

Les  earfietères  dlstlBelifo  ém  «erreaa  de  rii#nime» 
anlpolMt  de  Tne  norplielegiqMe  ; 

Par  M.  le  D'  S.  Pozzi. 

L'année  dernière,  à  cette  même  place,  mon  éminent  col- 
lègue le  docteur  Daily  retraçait,  éloquemment  devant  vous 
l'œuvre  scientifique  de  Broca. 

Aujourd'hui  l'honneur  m'a  été  confié  d'inaugurer  la  série 
des  conférences  annuelles  auxquelles  la  Société  a  attaché  le 
nom  de  son  fondateur,  —  de  celui  qui  fut  pour  moi  le  meil- 
leur des  maîtres  et  le  plus  grand  des  amis. 

Je  ne  saurais  prendre  la  parole  sans  une  profonde  émotion 
en  présence  d'auditeurs  dont  la  plupart  ont  été  les  siens, 
dans  cette  salle  qui  a  encore  gardé  l'écho  de  sa  voix,  sur  un 
sujet  enfin  qui  était  celui  de  son  étude  favorite  à  la  veille 
même  de  sa  mort. 

Au  poids  d'un  pareil  souvenir  s'ajoute  encore  le  sentiment 
des  difficultés  de  l'exposition  que  je  vais  entreprendre,  en 
abordant  un  des  plus  complexes  problèmes  de  Tanatomie, 
les  Caractères  distinctifs  du  cerveau  de  l^ homme. 


s.  P0Z2I.  —  SUR  LB  GERYBâU  DB  L'HOIOIB.  785 

J*ai  bien  vite  reconnu  que  j'avais  trop  présumé  de  mes 
forces  en  choisissant  un  pareil  sujet.  Mais  il  était  déjà  trop 
tard,  et  le  seul  recours  qui  me  reste  est  dans  votre  bienveil- 
lante indulgence. 

Le  cerveau  est  Torgane  de  la  pensée. 

C'est  par  la  pensée  que  l'homme  se  distingue  essentielle- 
ment des  animaux.  C'est  en  se  basant  sur  son  énorme  supé- 
riorité intellectuelle  qu'on  a  proposé  d'en  faire  non  seulement 
une  classe,  mais  un  règne  à  part,  le  règne  humain. 

Quel  appui  Tanatomie  préte-t-elle  à  une  pareille  opinion  7 
Quels  sont,  tout  au  moins,  les  signes  physiques  de  la  préé- 
minence de  l'homme,  comment  s'accuse-l-elle  dans  les  res- 
sorts de  l'instrument  de  son  intelligence  ?  Telle  est  l'étude 
que  je  vais  commencer  devant  vous. 

Elle  est  éminemment  laborieuse.  11  n'est  aucun  de  nos 
organes  qui  présente  des  détails  plus  compliqués  que  le  cer- 
veau. Les  auteurs  ont  regardé  longtemps  comme  inextricable 
le  (I  chaos  des  circonvolutions  »  que  nous  allons  explorer. 

La  tâche  sera  d'autant  plus  ardue,  qu'avant  de  comparer 
il  faut  connaître  à  fond  chaque  terme  de  comparaison,  et  que 
l'exposition,  même  sommaire^  de  détails  aussi  nombreux 
risque  de  fatiguer  et  de  rebuter  l'auditeur. 

Ënûn  pourquoi  ne  pas  l'avouer?  Une  considération  vient 
ajouter  aux  difficultés  du  problème.  Dans  ce  procès  que  nous 
instruirons  sur  la  dignité  de  notre  espèce,  nous  devrons  sans 
cesse  oublier  que  nous  sommes  à  la  fois  juge  et  partie,  et. 
quelque  sûr  que  nous  soyons  de  notre  triomphe  final,  con- 
sentir souvent  à  laisser  humilier  notre  vanité. 

I 

On  peut  se  faire  une  idée  générale  du  système  nerveux 
central  des  mammifères  en  le  considérant  comme  un  cylindre 
creux  renflé  supérieurement,  composé  d'une  série  de  noyaux 
de  substance  grise  reliés  entre  eux  par  des  fibres  blanches. 

T.   X   (8«  SéRIR).  50 


7g6  BtAMCB  00  96  DiflEUBEE  18W. 

La  partie  de  ce  cylindre  oootenae  dans  le  eanal  vertébFal  est 
mince  et  allongée  :  n'est  1^  moelle  épinière.  La  portion  élar- 
gie qui  est  renfermée  dans  le  cr&ne,  ou  Teneéphale,  surmonte 
la  colonne  médullaire  à  la  façon  d*un  chapiteau.  Outre  les 
éléments  constitutifs  de  la  moelle  qu'on  y  trouve,  quoique 
très  modifiés,  Tencéphtle  possède  des  masses  particulières 
de  substance  nerveuse.  Parmi  elles,  la  plus  antérieure  et  la 
plus  importante  constitue  le  cerveau  proprement  dit^  formé  de 
deuK  moitiés  :  les  lobes  cérébraux.  La  surface  de  chacun  de 
ceux-ci  est  constituée  par  une  oouche  de  substance  grise,  le 
plus  souvent  divisée  en  plis  qu'on  a  appelés  les  (nrconvolu- 
Huns  cérébrales.  Ces  notions  sont  élémentaires,  et  vous  me  re- 
procheriez d*y  insister. 

Je  viens  de  dire  que  tous  les  cerveaux  de  mammifères 
n'étaient  pas  pourvus  de  eirconvolutions.  Richard  Owen  a 
appelé  liisencéphaleM  les  animaux  à  cerveau  lisse,  gyrencéphales 
ceux  à  cerveau  plissé,  et  enQn  archencéphaU  l'homme,  à  cause 
de  sa  prééminence  incontestable.  Ces  dénominations  doivent 
être  connues,  bien  qu'elles  n'aient  plus  aujourd'hui  qu*une 
simple  Y&leur  descriptive. 

Quels  sont  l'origine  et  le  mode  de  formation  des  rirconvo- 
lutions  ? 

11  est  péremptoirement  établi  qu'elles  sont  dues  à  des  con- 
nections profondes,  et  qu'elles  ont  pour  effei}  d'augmenter 
^nsidér^lement  la  surface  de  l'écorce  cérébrale.  Gela  ex- 
plique h  la  fois  pomment  leur  disposition  est  constante  dans 
que  I4  mêpo  espè^  et  pourquoi  elles  «ont  d'autant  plus 
ricbes  r^nim^  (tontes  choses  égales  d'ailleurs)  est  plus  intel- 
ligent. 

L'anatomie  comparée  a  démontré  en  effet  que  c'est  dans  la 
substance  grise  de  la  surface  du  cerveau,  ou,  suivant  l'ex- 
pression technique,  dans  le  manteau  de  Vhémisphère,  que  siè- 
gent les  fonctions  intellectuelles. 

Détruisons  tout  de  suite  une  objection  qui  pourrait  se  pro- 
duire à  ee  propos.  Il  existe  des  animaux  très  intelligents  qui 
ont  le  cerveau  lisse  ;  mais,  selon  la  pénétrante  remarque  de 


s.  POZZI.  —  SUR  LB  GSRVBAU  M  l'hOHNE.      787 

M.  Dareste*,  ces  animaux  sont  toujours  do  potiie  taille.  Or, 
M.  Baillarger*  Ta  fait  observor  depuis  longtemps,  en  faisant 
la  comparaison  de  la  surface  cérébrale  de  Tbomme  et  de 
celle  du  lapin,  la  différence  entre  le  rapport  des  volumes 
et  des  surfaces  est  le  résultat  de  cette  loi  mathématique  : 
les  volumes  des  corps  semblables  sont  ^ntre  eux  comme  les 
cubes  de  leurs  diamètres;  leurs  surfaces,  d*autre  part,  sont 
entre  elles  comme  le  carré  de  ces  diamètres,  ee  qui  donne 
des  proportions  très  différentes.  11  en  ^résulte  qu'un  animal 
de  petite  taille,  avec  un  cerveau  lisse,  ;  possède,  relativement 
à  la  masse  totale  de  son  encéphale^  une  quantité  de  sub- 
stance corticale  grise  aussi  grande  qu'un  gros  animal  n'en  ^ 
avec  un  cerveau  plissé. 

Cette  objection  résolue,  jetons  un  coup  d'oeil  sur  Tensem- 
bledes  animaux  gyreivséphales,  qui  nous  intéressent  seuls  au 
point  de  vue  de  notre  comparaison. 

Si  vous  parcoure^  dans  ce  but  un  atlas  d'anatomie  com- 
peirée,  comme  celui  de  Leuretet  Gratiolet',  ou  celui  de  notre 
distingué  collègue  Ghudzinski^,  vous  serez  immédiatement 
frappés  de  l'immense  diveriité  que  présente  la  surface  du 
cerveau  au  point  de  vue  de  son  aspect  général,  de  sa  forme, 
de  ses  divi3ions  et  surtout  du  dessin  des  plis  qui  le  sillon- 
nent. Toute  oomp^aison,  toute  homologie  paraît  d'abord 
impossible.  Longtemps  on  a  considéré  comme  un  u caprice  de 
la  nature  »  ce  plissement  en  apparence  biaarre  et  irrégulier  qui 
s'offrait  au  regard  à  1  ouverture  du  crâne,  sans  plus  de  signi- 
fic^tion  que  les  replis  désordonnés  de  l'intestin  à  l'ouverture 
de  l'abdomen.  Leuret,  le  premier,  conçut  l'idée  de  débrouiller 
ce  chaos.  11  a  réussi  à  établir  quatorze  groupes  a  d'après  le3 

'  Troisième  mémoire  sur  les  Circonvolutions  du  pepveau  chez  les  m  W- 
mirères  {Annales  des  sciences  naturelles,  Zoologiey  k^  série,  t.  III,  1855). 

>  De  l'étendue  de  la  surface  du  cerveau  et  de  ses  rapports  avec  l'intelligence 
(Mémoire  présenté  à  l'Académie  de  médecine  le  15  août  1845,  et  réimprimé 
dans  les  Heihsrches  sur  Canatomù^  la  physkhgis  ei  la  pathologie  du  sys* 
téme  nerveux,  Paris,  1872,  p.  54). 

>  Anatomie  du  système  nerveux,  par  Leuret  et  Qratiolat  Paris,  tlS9-S9. 
^  Anatomiaporôumawcia  zwn^ow  mMffgwyêh.  Paria^  ISTS-Si. 


788  dÉANCE  DU  26  décembre  i88S. 

caractères  tirés  des  circonvolutions  elles-mêmes  ^  Ce  grou* 
pement,  ajoute-t-il,  qui  n*a  pour  base  que  la  conformation 
d'un  seul  organe  et  même  d'une  seule  partie  d*un  organe, 
n'est  pas  assurément  celui  qu'il  faudrait  suivre  dans  l'étude 
de  rhistoire  naturelle  des  mammifères:  je  Tai  fait  seulement 
dans  le  but  de  rapprocher  les  uns  des  autres  les  cerveaux 
les  plus  analogues,  d'éloigner  les  plus  dissemblables  en  pre- 
nant pour  caractère  unique  la  disposition  et  le  nombre  des 
circonvolutions  cérébrales.  On  verra  de  suite  si  les  animaux 
classés  d'après  leurs  circonvolutions  sont  également  classés 
d'après  leur  intelligence,  et  par  conséquent  s'il  y  a  entre  la 
production  de  l'intelligence  et  la  conformation  des  circonvo- 
lutions un  rapport  plus  ou  moins  direct  » . 

Le  quatorzième  groupe  de  Leuret  renfermait  exclusivement 
les  makis  et  les  singes^  et  il  présentait  à  ce  sujet  les  remar- 
ques auxquelles  son  collaborateur  Gratiolet  devait  donner  une 
si  grande  portée  :  «  Le  cerveau  du  singe  peut,  jusqu'à  un 
certain  point,  être  considéré  comme  une  ébauche  de  celui  de 
i'honmie  *.  » 

C'est  ce  principe  fécond  que  Pierre  Gratiolet  prit  pour  base 
de  ses  immortelles  études.  Le  Mémoire  sur  les  plis  cérébraux 
de  l'homme  et.  des  primates  parut  en  1855.  Il  marque  une  ère 
nouvelle  dans  nos  connaissances  en  morphologie  cérébrale. 
Cet  ouvrage  fondamental,  qui  est  une  des  gloires  delà  science 
contemporaine^  a  ouvert  la  voie  à  tous  les  travaux  qui  ont  été 
entrepris  depuis  en  France  et  à  l'étranger.  «  Si  nous  compa- 
rons entre  eux  les  cerveaux  de  différentes  espèces  de  singes, 
écrit  réminent  naturaliste',  les  plis  se  développent  à  nos 
yeux  dans  tous  ces  cerveaux  avec  des  ressemblances  si  évi- 
dentes qu'il  est  au  premier^abord  impossible  de  n'en  être 
point  frappé.  Si  maintenons  nous  essayons  la  comparaison 
entre  le  cerveau  de  l'homme  et  celui  des  singes,  nous  retrou* 

1  Anatomie  comparée  du  système  nertmuCf  t.  !«%  par  Leuret,  p.  368. 
Paris,  1839. 
s  mdmj  p.  399. 
>  Mémoire  sur  les  plis  cérébraux,  p«  tO« 


s.    POZZI.  —  8UR  LB  GBRYBAU  DB  l'hOMME.  789 

vons  les  mômes  ressemblcuices,les  mêmes  parties  essentielles, 
la  même  disposition  générale;  seulement  il  y  a  pins  de  sim- 
plicité dans  les  singes  et  plus  de  complication  dans  Thomme. 
Or,  à  cause  de  ces  analogies  si  évidentes,  la  complication  du 
problème  dans  Tun  peut  être  résolue  grâce  &  la  simplicité  du 
problème  dans  les  autres.  C^est  là  une  analyse  dont  les  pro- 
cédés n*ont  rien  d'artificiel  et  qui  est  fondée  sur  la  nature 
même.  J*ai  donc  conçn  le  dessein  de  m'élever  ainsi  à  la  con- 
naissance des  plis  cérébraux  de  Tbomme.  » 

J'ai  dit  comment  Gratiolet  accomplit  son  œuvre.  Grâce  à 
lui,  l'étude  de  la  géographie  du  globe  cérébral  devint  possi- 
ble et  relativement  facile  chez  Tbomme;  mais,  en  même  temps^ 
la  similitude  frappante  du  type  humain  et  du  type  simien, 
surtout  dans  la  famille  supérieure  des  anthropoïdes  (chim- 
panzé, orang,  gibbon),  apparut  soudainement  si  éclatante  que 
l'auteur  de  ces  belles  recherches  en  fut  comme  efTrayé. 

Le  singe  s'approchait  trop. 

Alors,  sans  s^  départir  de  la  parfaite  bonne  foi  qui  prési- 
dait à  toutes  ses  recherches,  mais  cependant  sous  l'empire 
d'une  préoccupation  évidente,  Gratiolet  s'efTorça  de  trouver 
des  c€uractères  spéciaux  au  cerveau  de  l'homme  ;  il  crut  les 
rencontrer  surtout  dans  deux  particularités  :  les  plis  de  pas- 
sage pariéto-occipitaux  et  le  lobule  du  pli  marginal  supérieur. 

Presque  au  même  moment,  en  Angleterre,  Richard  Owen* 
recherchait  aussi  des  caractères  distincUfs  pour  notre  espèce 
qu'il  avait  érigée  au  rang  de  soùs-classe  sous  le  nom  d'ar- 
chencéphales. 

Nous  venons  de  voir  comment  avait  disparu  le  chaos  pour 
les  circonvolutions  de  l'homme  et  des  singes;  mais  il  conti- 
nuait à  exister  au-dessous  d'eux.  Les  homologies  les  plus 
fausses  y  étaient  attribuées  aux  grandes  divisions  de  l'hémi- 
sphère, lorsqu'on  ne  se  contentait  pas,  avec  Foville,  de  dé- 
clarer toute  homologie  impossible. 

>  On  thê  CharacUrSy  principUs  of  division  and  primary  groups  of  thê 
Class  UauuAUk  (Journal  of  Proceedings  of  the  Unnaan  Society  of  l/mdon, 
vol.  II,  Zoology,  n«  5^  p.  19.  London,  June  31,  1857). 


790  SÊANQE  DU  iO  dAgexbre  1885. 

PâBl  Broca  a  accompli  pour  les  mammifères  inférieurs  au 
primates  ce  que  Gratiolet  ayait  fait  pour  ces  derniers.  Son 
Mémoire  êur  lé  grand  lobe  limbique  est  Tenu  apporter  la  lu- 
mière dans  cette  obscurité^  débrouiller  cet  écheveau  réputé 
inextHcablC)  en  mènle  tem}is  qu'il  apportait  de  nourelles  et 
précieuses  notions  applicables  à  Tanatomie  «cérébrale  de 
l'homme. 

Après  ce  rapide  histori(]ue  qui  nous  a  en  même  temps  servi 
à  exposer  l'état  de  la  question,  nous  aurions  à  TeuTisager  suc- 
cessitement  dans  ses  deux  parties  essentielles  qui  sont  : 

!•  Les  caractères  distinctifs  entre  le  cerveau  de  Thomme 
et  celui  des  mammifères  en  général  ; 

^  Les  caractères  distinctifs  entre  le  cerveau  de  l'homme 
et  celui  des  singes. 

Notre  temps  étant  limité,  je  me  renfermerai  pour  aujour- 
d'hui dans  l'étude  de  la  première  partie  de  ce  programme,  et 
je  m'attacherai  à  y  montrer  la  grande  œuvre  accomplie  par 
Broca. 

IL  Caractères  distinctifs  d'avec  lb  cerveau  des  mammifères 

AU-DBSSOUS  des  PRIMATES. 

Considérons  comparativement  :  1**  le  dessin  d'un  cerveau 
d'hoiùtoe  ratnené  à  ses  divisions  élémentaires  ou,  plus  sira- 
pletncnt,  la  figure  d'iin  cerveau  d'un  singe  qui  les  reproduit 
sans  qu'il  soit  nécessaire  de  le  réduire  à  l'état  de  schéma; 
2*  des  figures  représentant  des  cerveaux  de  rongeurs,  de 
pachydermes,  de  carnassiers. 

Un  fait  frappe  au  premier  coup  d'œil  :  dans  la  première 
série  mdiique  un  grand  prolongement  antérieur  de  la  sub- 
stance cérébrale  (lobe  olfdctif)  qui,  dans  la  seconde,  s'avance 
au-dessous  de  la  partie  antérieure  ou  frontale  de  l'encéphale 
et  d'où  partent  les  filets  nerveux  qui  traversent  la  lame  cri- 
blée de  l'ethmoïde  pour  aller  à  la  muqueuse  olfactive.  A 
sa  place,  chez  l'homme  et  les  singes,  existe  une  dépression 
au  fond  de  laquelle  rampe  un  filet  grêle^  à  peine  un  peu 
renflé  à  son  extrémité,  àydht  plutôt  l'Élôpect  d'ttti  ttërf  que 


s.   POZZL  —  8(JB  IiB  GBHtEAU   DB  L'HOMME.  791 

d'une  division  du  mahteau.  Aussi,  Fanatomie  n* ayant  lohg- 
iemps  été  que  de  l'ânthropotomle^  lui  a-t-on  appliqué  la 
dénomination  de  nei/  olfactif  qu'il  mérite  si  mal.  L'étude 
minutieuse  des  connexions)  où  nous  ne  pouvons  entrer  ici, 
démontre  péremptoirement  que  le  ner/*  olfactif  de  Thomme 
et  des  sin^s  ti*est  que  le  vestige  atrophié  du  lobe  olfactif  des 
autres  animaux.  Gelui-d  se  continue  avec  le  lobe,  très  agrandi, 
de  rhippocaHipe^  lequel  se  [Prolonge  lui-même  sans  ligne  de 
démarcation  à  la  face  interne  de  Thémisphère  par  la  préten<» 
due  circonvolution  (lobe)  du  Corp6  calleux.  Une  même  scis- 
sure cerne  cet  arc  complet  concentrique  au  limbe^  de  l'hé- 
misphère, et  la  division  qu'elle  limite  a  par  suite  reçu  dé 
Broca  le  nom  de  grand  lobe  limbique,  ainsi  subdivisé  eh  trois 
lobes  (secondaires),  celui  du  corps  calleux^  celui  de  Thippo- 
campe  et  enfin  le  lobe  olfactif.  Ce  dernier,  continu. en  arrière 
avec  rhippocamp6|  Test,  en  haut^  avec  l'extrémité  antérieUrci 
du  lobe  dti  corps  calleux. 

Un  second  fait  frappe  l'observateur.  Ce  lobe  limbique,  ches 
les  gyrencéphales  inférieurs,  se  distingue  absolument  du  reste 
du  manteau  par  son  aspect  lisse  et  sa  simplicité,  ci  Le  con-^ 
traste  est  tel,  dit  6rooa,  qu'il  devient  évident  que  ces  deux 
parties  de  Thémisphère,  si  différentes  par*  leur  structure,  le 
sont  aussi  par  la  nature  de  leurs  fonctions,  et  si  Ton  eonsi-» 
dère  que  Tune  reste  stationnaire  et  imperfectible  pendant 
que  l'autre  se  perfectionne  et  se  développe,  que  celle-là  perd 
de  son  importance  à  mesure  que  celle-ci  fait  des  progrès,  on 
est  conduit  à  reconnaître  que  la  première  est  le  siège  des 
facultés  inférieures  qui  prédominent  chea  la  brute,  que  la 
seconde  est  le  siège  des  facultés  supérieures  qui  prédominent 
chez  les  animaux  intelligents,  et  Ton  peut  exprimer  cette 
opposition  de  leurs  caractères  respectifs  en  disant  que  le  man* 
teau  de  Thémisphère  se  compose  de  deux  parties  :  Tune  bru- 
taie,  représentée  par  le  grand  lobe  limbique  ;  l'autre^  intellec- 
taelle^  représentée  pdr  le  reste  du  manteau.  » 

1  Sur  la  circonvolution  limhique  et  la  scikmrB  limblqué  [ÉuUitihs  de  ia 
Société  éranihrop9hgi»t  S*  série^  t.  XII,  1877,  p.  648). 


793  SÉANCE  D(J  26  DÉCEMBRE  4885. 

Ce  sont  les  connexions  du  grand  lobe  limbique  qui  don- 
nent la  clef  du  plissement  du  reste  du  manteau  chez  les 
mammifères  pourvus  de  ces  circonvolutions. 

Nous  avons  vu  comment  Tare  limbique  était  fermé  par 
l'union  antérieure  du  lobe  {vtdgd  circonvolution)  du  corps 
calleux  avec  le  lobe  de  l'hippocampe  par  l'intermédiaire 
du  lobe  olfactif.  Ainsi  bridé,  pour  ainsi  dire,  fixé  du  reste 
de  toutes  parts  au  pourtour  du  grand  lobe  limbique,  le 
reste  du  manteau  ne  peut  s'accroître  en  longueur  et  en 
largeur  sans  se  plisser,  a  Le  plissement  dans  le  sens  trans- 
versal produit  les  circonvolutions  longitudinales;  celles-ci 
étant  devenues  plus  longues  que  le  lobe  limbique  sur  lequel 
leurs  deux  extrémités  vont  aboutir,  décrivent  des  arcs  dont 
ce  lobe  représente  la  corde.  La  plus  élevée,  celle  qui  longe 
la  pente  interhémisphérique  et  qu'on  peut  appeler  circonvo- 
lution  sagittale^  forme  un  grand  arc  peu  flexueux  ;  mais  la 
plus  inférieure  et  la  plus  externe,  celle  qui  longe  l'arc  infé- 
rieur de  la  scissure  limbique,  forme  un  arc  plus  court,  qui  se' 
replie  en  s'adossant  à  lui-même  et  ce  plissement  donne  nais- 
sance à  la  scissure  de  Sylvius.  Lorsqu'il  y  a  plus  de  deux  cir- 
convolutions longitudinales,  les  circonvolutions  intermé- 
diaires décrivent  des  arcs  décroissants  entre  la  sagittale  et  la 
sylvienne.  » 

Le  plissement  dans  le  sens  longitudinal  dont  la  scissure  de 
Sylvius  était  déjà  un  indice,  donne  encore  naissance,  en 
avant,  à  la  scissure  de  Rolando.  Chez  les  gjTcncéphales  infé- 
rieurs (aux  primates),  elle  naît  tout  près  de  la  scissure  lim- 
bique (dont  elle  est  le  plus  souvent  séparée  par  un  petit  pli) 
très  en  avant  de  la  scissure  de  Sylvius  ;  on  aurait  peine,  par 
suite,  tout  d'abord,  à  y  reconnaître  l'homologue  de  la  scissure 
de  Rolando  de  l'homme  et  des  singes.  Son  origine  a  lieu  près 
du  point  où  le  lobe  olfactif  commence  à  se  réunir  au  reste  de 
l'hémisphère.  Elle  se  dirige  très  obliquement  en  avant,  puis 
se  recourbe  en  haut  et  en  dehors,  ne  laissant  au-devant  d'elle 
qu'un  très  petit  lobe  frontal. 
Le  plissement  transversal  ne  se  produit  pas  en  arrière, 


s.    POZZI.  —  SUR  LE  GERVBAU  DE  L'hOHME.  793 

chez  les  gyrencéphales  inférieurs,  de  manière  à  limiter  un 
lobe  occipital.  Il  en  résulte  que  tout  ce  qui  est  postérieur  au 
lobe  frontal  forme  ici  un  lobe  pariéto-occipito-temporal,  ou 
plus  simplement  pariétal.  La  circonvolution  temporale  de 
rhippocampe  des  primates  est  ici,  en  effet»  détachée  du  reste 
du  manteau  pour  entrer  dans  la  constitution  du  lobe  lim- 
bique. 

Telle  est  la  constitution  essentielle  de  la  face  externe  de 
rhémisphère  au-dessous  des  primates. 

Quelques  mots  sur  la  face  interne  : 

Ici  le  lobe  limbique  s'étale  dans  toute  sa  longueur.  Au- 
dessus  de  lui  déborde  la  circonvolution  sagittale,  séparée  du 
lobe  limbique  par  une  scissure  qui  a  reçu  de  Broca  le  nom  de 
scissure  sous-patnélale,  et  qui,  antérieurement,  vient  inciser, 
chez  beaucoup  d^animaux,  la  face  externe  de  l'hémisphère  en 
formant  le  sillon  cnicial  de  Leuret'.  En  avant  d'elle  existe  une 
large  communication  du  lobe  limbique  avec  le  lobe  frontal  ; 
cette  fusion  est  empêchée  à  la  partie  antérieure  par  un  sillo7i 
sous'frontal  (Broca). 

Si  nous  considérons  maintenant  le  cerveau  d'un  carnas- 
sier, d'un  rongeur,  etc.,  suivant  sa  face  ou  norma  inférieure, 
nous  y  voyons  encore  le  grand  lobe  limbique  représenté  par 
deux  saillies  importantes,  le  lobe  olfactif  en  avant  et  le  lobe 
de  l'hippocampe  en  arrière.  Entre  la  base  de  celui-ci  et  la 
partie  antérieure  de  celui-là  est  une  dépression  transversale 
peu  profonde  qui  établit  une  simple  ligne  de  démarcation 
entre  ces  deux  lobes  sans  interrompre  en  aucune  façon  leur 

1  Poar  le  dire  en  passant,  ce  sillon  n'est  nullement  Thomologue  de  la 
scissure  de  Rolando  des  primates  et  de  l'homme,  comme  ou  renseigne 
généralement,  mais  bien  de  Tenooche  qu'on  observe  sur  ces  derniers,  au 
niveau  du  bord  sagittal  de  rhémisphère,  immédiatement  en  arrière  du  lo- 
bule paracentral  ou  ovalaire.  Nous  avons  dit  que  la  scissure  de  Rolando 
des  mammifères  en  général,  et  en  particulier  des  carnassiers,  est  située 
très  en  avant  du  sillon  crucial,  entre  lui  et  la  partie  antérieure  de  la  scissure 
limbique.  On  comprend,  d*après  cela,  que  les  recherches  relatives  aux  lo- 
calisations cérébrales  faites  en  se  basant  sur  cette  détermination  morpho- 
logique erronée  du  sillon  crucial,  péchaient  par  la  base  dans  Tapplication 
qu'on  en  a  faite  au  cerveau  humain. 


79 i  SÉAlfCS  00  M  DÉCKMBllB  iS&êi 

conilnnité*  G*e9t  Tanologue  de  la  pculie  Intetue  de  la  sdssard 
de  Syltiiis  des  primates.  Celte  partie  liiteMie  de  la  scissure , 
on  le  voit,  est  très  diffé^ente  pdr  son  oHgixtB  de  la  paHie  ex- 
terne. Tandis  que  celle-ci  est  le  résultat  du  plissement  de 
réoorce,  la  première  est  due,  chee  Thomme  et  les  primates, 
à  une  atrophie  du  grand  lobe  limbique  qui  a  permis  l'isole- 
ment de  ses  deux  parties  constituantes,  olfactive  et  hippo- 
campique.  Broca  a  judicieusement  Consacré  cette  différence 
capitale  en  réservant  à  la  partie  Interne  de  la  scissure  de 
Sylvius,  chez  Thomme  et  les  primates,  le  nom  de  vallée  de  Syl- 
viuèK  Dans  la  base  du  lobe  olfactif  on  distingue  trois  racines 
nerveuses:  Tune  externe,  blanche,  large  bandelette  qui  longe 
la  scissure  limbique  et  se  perd  dans  la  partie  e jiterne  de  Thippo- 
campe;  la  seconde  interne,  grise,  qui  passe  sur  la  face  interne 
de  rhémisphëre  et  se  continue  avec  rextrémilé  antérieul«  de 
la  circonvolution  du  corps  calleux  ;  ta  troisième,  intermé- 
diaire, encore  plus  grise,  qui  se  porte  directement  en  arrière 
dans  la  partie  interne  de  Thippocampe;  sàpaftle  profonde  est 
formée  de  fibres  blanches  qui  vont  se  continuer  arec  led 
fibres  inférieures  du  pédoncule  cérébral.  Ges  trois  racines 
sont  continuées  entre  elles  par  leurs  bords,  et  assez  dtl*oite« 
ment  confondues  à  leur  origine  *.  La  racine  olfactive  externe 
sépare  par  son  relief  la  dépression  qui  est  l'analogue  de  Id 
vallée  de  Sylviui^  d'avec  la  scissure  de  Sylvius  proptemeilt 
dite.  Cette  séparation  rend  très  diffloile  au  premier  coup 
d'oeil  i'homologie  entre  la  scissure  dd  Sylvius  des  primates  et 
celle  des  autres  gyrencéphales. 

Récapitulons  maintenant  les  principaux  caractères  du  cer- 
veau des  gyrencéphales  en  général,  comparé  à  celui  de 
l'homme.  Ces  caractères  sont  : 

!•  Existence  d'un  grand  lobe  limbique  constitué  par  le  grahd 

1  Elle  correspond  sur  le  cerveau  humain  à  oe  qu*on  appelle  Télpact 
criUé  de  Vicq  d^Azyr. 

*  Broea  a  décrit  une  quatrième  racine  ou  racine  olfaetîifê  iupérUure, 
Rectwrchet  tnr  Uà  e«fiN*«f  oi/bcM/Sr  [Rmtê  étûHthrâp.f  187&,  t.  II,  p.  106). 
Je  ne  fais  que  la  mentionner  pour  mémoirt* 


s.    POZEI.  ~  BUR  LE  GiRVBAU  DE  Ii^HOMHE.  705 

développement  et  la  fusion  d^éléménts  qui  demeurent  plus  oïl 
moins  distinots  et  en  partie  atrophiés  ohet  les  primates  :  le 
lobe  dtt  oorps  calleuxj  le  lobe  de  Tbippocampe  et  le  lobe 
olfactifi  —  C'est  Texistence  de  oe  grand  lobe^  à  Tétat  de  diyi- 
sion  maîtresse  du  manteau,  qui  est  la  causé  supérieure  et  dé- 
terminante de  tous  les  autres  catactères  que  je  vais  énu- 
mérer  : 

2**  Réplétion  de  la  vallée  de  Sylvius  par  un  énorme  lobe 
olfactif  (si  réduit  dans  le  type  primate  qu'il  y  a  reçu  Thumble 
nom  de  nerf).  Séparation  établie  entre  le  vestige  de  cette 
vallée  et  la  scissure  de  Sylvius  sur  la  face  externe  par  la 
grosse  racine  olfactive  externe, 

3**  Exiguïté  extrême  du  lobe  frontal  réduit  le  plus  souvent 
à  une  seule  circonvolution  ^  L'extrémité  inférieure  de  la  sois* 
sure  de  Rolande  est  toujours  dirigée  en  arrière  et  tombe  tou- 
jours dans  la  scissure  limbique  en  avant  de  Textrémité  anté- 
rieure du  lobe  de  Thippocampe. 

4»  Absence  de  lobe  occipital  et  de  lobe  temporal.  Tout  oe 
qui,  dans  le  manteau,  n'appartient  pas  au  lobe  frontal  ou  au 
lobe  pariétal  est  absorbé  par  le  grand  lobe  limbique.  La  pre- 
mière  circonvolution  temporale  ou  circonvolution  de  l'hippo- 
campe des  primates  est  représentée  seule  sur  le  cerveau  des 
autres  mammifères  par  la  terminaison  antérieure  du  grand 
lobe  limbique  ou  lobe  de  l'hippocampe.  Quant  aux  autres  cir- 
convolutions temporales  et  aux  circonvolutions  occipitales, 
elles  n'existent  pas,  ou,  pour  mieux  dire,  elles  sont  confondues 
en  une  seule  masse  avec  les  circonvolutions  pariétales. 

5**  A  la  face  interne  de  l'hémisphère,  situation  du  lobe  du 
corps  calleux  presque  tout  entier  au-dessous  d'un  lobe  parié- 
tal immense^  tandis  qu'une  très  petite  portion  seulement  se 
trouve  en  contact  et  presque  fusionnée  avec  un  lobe  frontal 
rudimentaire.  La  scissure  sous-frontale  est  presque  efifaoée 
et  réduite  à  l'état  de  sillon^  la  scissure  soas-pariétale  au  con- 

1  Sur  les  cerveaux  les  plus  compliqués  (cheval,  chameau,  bœuf,  tapir), 
le  lobe  frontal  est  un  peu  plus  grand  et  subdivisé  par  un  ou  deux  sillons; 
tfur  le  cerveau  de  Téléphant  cette  complication  est  encore  plus  grande. 


796  SÉANCE  DU  96  DÉCEMBRE  4885. 

traire  est  grande  et  accusée.  C'est  précisément  Pinverse  chez 
les  primates  et  Thomme.  Le  lobe  frontal  étant  devenu  très 
grand  et  le  pariétal  très  petit,  le  sillon  sous-frontal  devient 
une  profonde  scissure,  la  scissure  sous-pariétale  se  dégrade 
en  un  simple  sillon.  De  même  que  les  rapports,  les  con- 
nexions sont  renversées.  Un  simple  pli  de  passage  rétro-lim- 
bique  est  ici  le  vestige  de  la  fusion  interne  du  lobe  pariétal 
avec  le  lobe  du  corps  calleux  au  niveau  du  lobule  quadrilatère; 
inversement,  dans  le  lobe  frontal  de  Thomme,  un  ou  deux 
plis  de  passage  allant  au  lobe  du  corps  calleux  remplacent 
les  connexions  étroites  qu'on  voit  chez  les  gyrencéphales  in- 
férieurs. 

Tel  est,  en  résumé^  le  tableau  des  différences  qui  existent 
entre  les  deux  types  cérébraux  que  nous  avons  entrepris  de 
comparer.  Certes,  elles  sont  nombreuses  et  profondes,  mais 
cependant,  vous  le  voyez,  partout  il  nous  a  été  possible, 
après  Broca,  de  retrouver  les  parties  homologues,  de  recon- 
naître leurs  connexions  identiques,  en  un  mot  de  comparer 
effectivement  le  cerveau  des  primates  et  des  animaux  placés 
au-dessous  d'eux  dans  la  série  animale. 

Ainsi  que  l'écrit  le  maître  :  «  Toutes  les  parties  du  cerveau 
des  primates  ont  leurs  analogies  dans  les  autres  cerveaux, 
et  vice  versâ^  et  la  détermination  de  ces  analogies  permettra  de 
constater  un  type  commun  à  tous  les  mammifères,  type  gé- 
néral dont  les  divers  types  spéciaux  ne  sont  que  des  dé- 
rivés*. » 

Avant  d'aller  plus  loin  dans  l'interprétation  des  faits,  il  est 
nécessaire  de  nous  arrêter  un  instant  à  l'étude  d*un  autre 
type  cérébral  qui  se  rapproche  par  des  traits  remarquables 
du  type  primate  tout  en  en  demeurant  profondément  séparé. 
Je  veux  parler  du  cerveau  des  cétacés  et  des  amphibies. 

Le  point  commun  à  ces  deux  types  est  le  peu  de  dévelop- 
pement du  grranrf/oée  ftwWywe,  corrélatif  à  Tatrophie  de  sa 
portion  antérieure  ou  lobe  olfactif, 

>  P.  Broca,  Le  grand  hbe  Hmibique,  etc.  (Revue  éCanlhrop.,  i878,  p.  465). 


s.  P02ZI.  —  SUR  LE  CERVEAU  DE  L'HOMME.      797 

Voyez  par  exemple  ce  cerveau  de  dauphin  (cétacé).  L'ap- 
pareil olfactif  a  entièrement  disparu,  tant  le  lobe  olfactif  que 
ses  filaments  (si  bien  que  la  lame  de  Tethmoïde  n*est  plus  m- 
blée)  ;  le  lobe  de  Thippocampe  est  encore  plus  réduit  que  chez 
les  primates,  et  se  fusionne  antérieurement  avec  les  circon- 
volutions adjacentes  ^  La  scissure  de  Rolando,  détachée  en 
avant  de  la  scissure  de  Sylvius,  limite  un  lobe  frontal  très 
petit^  presque  entièrement  réduit  à  un  étage  orbitaire  plissé 
antérieurement,  mais  tout  à  fait  lisse  en  arrière.  Il  y  a  là, 
dit  Broca,  «  une  large  surface  dont  la  simplicité  absolue 
contraste  avec  la  grande  complication  de  tout  le  reste  du 
manteau^  surface  comparable  à  celle  que  forme,  sur  une 
carte  de  géographie,  un  désert  entouré  de  pays  fertiles  »• 
Broca  lui  a  effectivement  assigné  le  nom  pittoresque  de 
désert  olfactî'f  four  marquer  à  la  fois  son  aspect  et  sa  rela- 
tion avec  l'absence  totale  de  l'appareil  olfactif.  L'absence  du 
lobe  olfactif  et  des  racines  qui  en  partent  (en  particulier  de 
la  racine  grise  ou  moyenne)  amène  la  profonde  dépression 
de  la  portion  interne  de  la  scissure  de  Sylvius  ou  vallée  de 
Sylvius,  qui  se  continue  sans  démarcation  aucune  avec  la 
portion  externe  de  la  scissure,  et  l'apparition  d'un  espace 
quadrilatère  ou  espace  perforé.  On  retrouve  là  le  type  hu- 
main. Chez  les  amphibies  (exemple,  le  phoque),  où  l'appareil 
olfactif  n'est  pas  anéanti,  mais  seulement  atrophié,  on  ob- 
serve des  caractères  analogues,  quoique  moins  marqués. 
Chez  les  amphibies  comme  chez  les  cétacés,  la  présence  de 
la  vallée  de  Sylvius  constitue  une  similitude  d'autant  plus 
frappante  avec  les  primates  que  les  types  cérébraux  sont 
du  reste  entièrements  différents.  En  effet,  l'atrophie  de  l'ap- 
pareil olfactif  coexiste  chez  les  cétacés  et  amphibies  avec  un 
développement  rudimentaire  du  lobe  frontal  ;  chez  l'homme 
et  les  primates,  au  contraire,  cette  même  atrophie  coïn- 
cide avec  l'exagération  du  lobe  frontal.  C'est  là  une  dissem- 

>  Cette  fusion  est  l'ébauche  de  la  formation  d'un  lobe  temporal,  comme 
dans  le  type  primate  où  l'hippocampe  ne  forme  plus  qu'une  circonvolution 
de  ce  lobe. 


^98  séAircB  DU  96  ntaaam  iSiS. 

blwce  onpitale  et  dont  la  aig^ification  sera  étudiée  plus 
loin. 

Le  développement  du  lobe  olfactif  étant  toujours  oorré- 
latifàcelui  des  autres  portions  du  gr^nd  lobe  limbique  sur 
lesquelles  s'établissent  du  reste  les  connexions  de  ses  raci* 
nés,  U  est  légitime  d'induire  que  toute  cette  portion  du 
cerveau  est  subordonnée  ^u  secs  de  i'olfaetion.  Brooa  a 
consacré  à  rétablissement  de  cette  proposition  une  argumen- 
tation remarquable  et  tout  à  fait  probante  K  II  a  de  plus 
parftiitement  mis  en  relief  le  rAle  capital  de  l'odorat  dans 
rimmense  majorité  des  mammifères  :  n  ly 'odorat  joue  chez 
euY  un  réle  souvet^t  égal  et  même  supérieur  à  celui  de  la 
vue.  C'est  lui  qui  les  guide  dans  le  ebolx  do  la  nourriture, 
dans  la  pourspite^de  la  proie,  dans  la  fuite  du  danger,  dans 
la  recherche  de  la  femelle,  dans  le  retour  au  gîte.  L'exercice 
de  oe  sens  est  simple  et  n'ei(ige  qu'une  faible  opération  intel- 
lectuelle. L'odorat  perçoit  une  certaine  odeur  qui  est  propre 
h  un  certain  corps  ;  pour  reconnaître  ce  corps,  il  sufBt  d'un 
peu  d'expérience  ;  pour  en  apprécier  la  distance,  il  suffit 
d'apprécier  l'intensité  de  la  sensation.  L'animal  qui  fait  le 
mieux  ce  diagnostic  n'est  pas  le  plus  intelligent,  c'est  celui 
qui  possède  l'appareil  olfactif  le  plus  développé  ;  et  les  qua- 
drupèdes les  plus  stupides  se  trouvent  souvent  par  là  bien 
supérieurs  k  Tbomme.  Ce  fait  seul,  ajoute  Brpca,  suffit  pour 
fîiontrer  toute  Tinfériorité  du  sens  de  Todorat.  On  ne  peut 
pas  dire  qu'il  soit  en  raison  inverse  de  l'intelligence,  mais  on 
peut  dire  du  moins  qu'il  prédomino  chez  la  brute,  et  on  peut 
le  qualifier  de  sens  brutal^  car  il  tire  son  importance  du  degré 
de  perfection  de  l'appareil  organique  qui  lui  est  attribué^  bien 
plus  que  des  actes  intellectuels  qu'il  mot  en  jeu  dans  Ten- 
semble  du  cerveau.  » 

Proca  a  donné  le  nom  de  mavmifèr^s  Q$rn<Uiqu$ê  (de  ic[A»}, 
odorat)  aux  mau^mifères  ordjuftirps  c{ieff  lesquels  la  pré- 
dominance du  sens  de  l'odorat  est  attestée  par  le^  grand 


Hevue  Ctanîhrop.,  1878,  p.  392  el  suiv. 


s.  poxw.  f—  Bim  WB  CBfiViAU  PB  i^'homme.  799 

dév^loppeI^ent  de  T^ppar^il  olfactif;  il  a  appelé  mQsmar 
tique$  C6i)x  chez  lesq^^ls  oe  sens,  pouF  up  motif  q^eIçonque, 
a  p^^(iu  sa  suprémalip,  et  où  on  observe  par  suite  la  dispari- 
tion partielle  ou  ^amoi^drissefn^nt  du  grand  lobe  Umbique» 
Qes  cmQsmaiiguçs,  pous  l'avoQs  vq,  forment  dons  eatégorie^ 
distinctes,  placées  ^  des  degrés  bipn  éloignés  de  l'échelle 
ïoologique,  D'une  part,  rhomipe  et  l€is  primâtes,  de  Tautre, 
les  cétacés  et  les  aipphibîe^. 

Pour  ces  derniers,  la  caftse  détermii^antP  d^  T^trophie  de 
l'appareil  olfactif  et  de  ses  dépendances  ^§t  d'URP  gmnde 
simplicité.  Elle  est  l^  conséquence  de  lepr  vie  aquatique,  ren- 
dant inutile  ou  à  peu  près  l'exerpicp  du  spnsde  Todorat**  La 
fonction  cessant,  Torgaue  disparaît  ou  ^'amoindrit. 

Devons-nous  rapporter  aussi,  simplement  ^  Ift  déGhéanç^ 
du  sens  de  TolfactioUi  chez  Thomme  et  les  primâtes,  Texr 
trôme  simplicité  de  V^ppareil  olfactif  et  de  ses  dépendances  ? 
Un  observateur  superflpiel  pourrait  être  teuté  de  le  supposer. 
Il  est  certain,  en  effet,  que  Thomme  p^r  exemple  e^t  ipfini- 
ment  moins  biep  doué  au  point  dp  vup  du  f^m  9ue  le  plus 
vulgaire  camp^ssipr.  Mais  UU  examen  plu§  atteutif  du  cerveau 
montre  aussitôt  que  la  raison  de  cette  modification  ai^tP- 
mique  est  plus  h^ute  qpe  la  simple  dimipution  4'UQe  fonction. 
Jj'immense  développement  du  lobp  frontal  apparaît  comme 
la  cause  déterminante  dP  cette  véritable  révolution  morpho- 
logique. Et  qu'on  ne  vienne  pas  dire  que  ce  développement 
frontal  est  Teffet  et  non  la  cause  dp  l'atrophiP  olfactive,  Le 
cerveau  des  cétaftés  et  des  amphibies  est  là  pour  attester  le 
contraire;  la  dégradatiop  du  lobe  jimbique  n'y  est-elle  pas 
restée  sans  influenpe  sur  Ips  djmeusjons  dp  lobp  antérieur  du 
cerveau?  Tout  nous  Tindique,  c'est  bien  au  contrairp  ce 
développement  insolite  du  lobe  frontal»  cbe;ç  les  primates, 

1  Cela  est  si  vrai  que  chez  les  carnassiers  de  la  famille  des  martres, 
oumnif  la  loutre,  qui  passent  une  partie  de  leur  existence  dans  l'eau  et 
l'autre  sur  terre,  le  grand  lobe  limbique,  sans  subir  d'atrophie,  offre  une 
réduction  sensible  de  volume,  ce  qui  le  rend  très  propre  à  la  comparaison 
avec  le  cerveau  des  primates  pour  la  recherche  des  parties  homologues. 
Broo».) 


800  siAlfCE  DO   26  DÉGEHERB  1885. 

qui  a  été  le  fACieor  primordial  et  suffisant  de  la  dinûnatioii 
du  lobe  olfactif  en  particulier,  et  du  grand  lobe  Kmbiqne  en 
général.  Ce  lobe  frontal,  siège  privilégié  de  la  pensée,  arrivé 
à  des  proportions  extracmlinaires  chez  Thomme,  a  exproprié 
ponr  ainsi  dire,  dans  l'étage  antérieur  du  Gtkae^  Ténorme 
masse  sensorielle  qui  gênait  son  expansion.  Désormais  Todo- 
rat  ne  sera  plus  qu  un  sens  secondaire  et  dont  on  pourra  se 
passer  au  besoin.  -—  Comparez  Thomme  qui  en  est  dépottrva 
avec  Vanimai  osmattque  qui  en  serait  privé.  Le  premier  y  perd 
à  peine  quelques  sensations  ;  le  second,  désarmé  dans  la  latte 
pour  Texislence,  est  presque  fatalement  destiné  à  périr. 

L'animal  était  quadrupède,  posture  essentiellement  favo- 
rable à  Texercice  du  flair.  Le  Primate  se  relève^  Thomme 
détache  définitivement  la  tête  du  sol  et  dirige  son  regard  pa- 
rallèlement à  Thorizon.  L'hégémonie  du  sens  de  la  vue  se  sub- 
stitue à  celle  de  Todorat  et  la  station  bipède  est  le  corollaire 
obligé  de  ce  changement.  Enfin,  comme  tout  s'enchaîne  et 
se  commande,  les  extrémités  antérieures  qui  sont  devenues 
libres  se  modifient,  deviennent  des  mains,  et  le  toucher  prend 
place  à  côté  de  la  vue,  au  premier  rang  parmi  les  sens  de 
THomme. 

Quelle  révolution  radicale!  N'est-il  pas  curieux  pour  Tana- 
lomiste  de  pouvoir  ia  rattacher  légitimement  à  ce  premier 
fait  si  simple  en  apparence  :  le  développement  du  lobe 
frontal? 

Il  ne  Test  pas  moins,  au  même  point  de  vue,  de  retrouver 
dans  le  cerveau  de  Thomme  les  vestiges  de  cet  organe  dé- 
trôné, le  lobe  limbique.  Au  lieu  de  former  un  tout  imposant, 
il  est  réduit  à  Tétat  de  tronçons  à  peine  reliés  entre  enx  et, 
pour  ainsi  dire,  de  débris. 

En  ferons-nous  Ténumération  ? 

D'abord,  à  la  face  interne,  la  circonvolution  crêtée  ou  cir- 
convolution du  corps  calleux  dont  l'aspect  lisse  garde  bien 
toujours,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi,  quelque  chose  du  type 
limbique,  mais  qui  dégénère,  surtout  en  avant,  en  un  simple 
ruban,  tandis  que  c'était,  au  contrairCi  cette  partie,  voisine 


s.  POZZI.  —  SUR  LE  CERVEAU  DE  L'HOMME.      801 

du  lobe  olfactif,  qui  possédait  chez  les  mammifères  osma- 
tiques  la  plus  majestueuse  ampleur. 

Ensuite,  à  la  face  inférieure,  la  circonvolution  de  Vhippo-^ 
campe,  réduite  aussi,  et  ne  méritant  plus  le  nom  de  foôe, 
simple  appendice,  maintenant,  du  lobe  temporal  dont  elle 
forme  la  dernière  circonvolution.  Le  lobule  qu'elle  présente 
chez  l'homme  et  les  primates  paraît  être  tout  ce  qui  reste  du 
centre  olfactif  qui  chez  les  osmatiques  occupait  la  totalité 
du  lobe  de  l'hippocampe  *.  Au-dessous  de  ce  lobule  on  voit 
nettement,  chez  les  singes,  un  sillon  (sillon  Umbiqué)  qui, 
partant  de  la  vallée  de  Sylvius,  entaille  plus  ou  moins  pro- 
fondément d'avant  en  arrière  la  pointe  du  lobe  temporal. 
Chez  rhonmie  de  race  blanche  ce  sillon  est  le  plus  souvent 
effacé  et  réduit  à  une  légère  dépression  longitudinale,  plus 
large  que  profonde,  et  sur  laquelle  la  pie-mère  s'applique  sans 
former  un  repli.  Broca  a  cru  longtemps  que  l'absence  du  sil- 
lon limbique  différenciait  le  cerveau  humain  de  celui  des 
singes.  Mais  il  Ta  retrouvé  plus  tard  sur  quatorze  cerveaux 
de  nègres,  sur  celui  d'un  Annamite,  d'un  Chinois,  d'un  noir 
de  l'Hindoustan,  d'un  indigène  du  Pérou,  en  un  mot  sur  tous 
les  cerveaux  non  caucasiques  qu'il  a  étudiés.  Il  en  conclut 
que  la  présence  de  ce  sillon  chez  l'homme  est  un  véritable 
caractère  d'infériorité.  Il  est  remarquable  que  l'évolution  du 
sillonlimbique  soit  Tinverse  de  celle.des  autres  sillons.  Ceux-ci 
se  développent  et  se  multiplient  d'autant  plus  que  le  cerveau 
se  perfectionne  davantage,  tcmdis  que  dans  les  mêmes  condi- 
tions le  sillon  limbique  tend  au  contraire  à  s'effacer.  N'est-ce 
pas  précisément  parce  qu'il  est  en  rapport  avec  une  cause 
fonctionnelle  spéciale  et  locale,la  fonction  olfactive,  qui, «por- 
tée au  maximum  dans  la  vie  de  nature,  tombe  au  minimum 
chez  les  nations  civilisées?  '  »  Son  absence  presque  constante 
chez  le  blanc  n'est  probablement  pas  un  véritable  caractère 
ethnique,  mais  s'explique  par  l'influence  de  l'état  social  et 
l'action  prolongée  de  la  désuétude. 

•  Broca,  Recherches  sur  les  centres  olfactifs  [Revue  d'anthropologie,  1879, 
p.  U8). 

T.  X  (3«f  série).  ^^ 


80Î  sftAlfCE  DU  26  DftCBMBRB  188B. 

Le  plus  dégradé,  si  Ton  peut  ainsi  dire,  des  vestiges  da 
grand  lobe  limbique  des  osmatiqnes,  chee  rhomme  et  les 
primates,  c*est  sa  partie  antérieure  ;  qui  reconnaîtrait,  dans 
ce  mince  tractus  qui  rampe  humblement  sous  le  lobule  orbi* 
taire,  ce  qui  est  une  des  plus  importantes  portions  du  man* 
teau  dans  la  grande  majorité  des  mammifères?  Le  lobe  olfac- 
tif de  rhomme  ressemble  tant,  par  ses  proportions  réduites, 
aux  nerfis  qui  naissent  de  l^encéphale,  que  les  anatomisiet, 
nous  l'avons  dit,  n*ont  pas  hésité  à  le  ranger  parmi  eux.  Au 
point  de  vue  de  la  structure  et  de  la  morphologie  »  e'est  pour- 
tant bien  plutôt  une  eireonvolution  qu'un  nerf;  les  radiaules 
qui  partent  de  son  renflement,  pour  passer  dans  les  fosses 
nasales  à  travers  la  lame  criblée  de  Tethmolde,  méritent 
seules  cette  dénomination. 

Mais  le  Primate  a  de  quoi  se  oonsoler  de  eette  atrophie  de 
la  partie  btnttale  de  son  encéphale.  Bile  a  pour  magnifique 
compensation  le  développement  imposant  de  la  partie  inteU 
lectuelle.  Cette  conquête  par  le  lobe  frontal  de  la  surface 
dn  cerveau  est  un  envahissement  véritable  :  en  avant  elle 
émousse  et  arrondit  Textrémlté  effllée  ou  èêe  de  Feneépkale  ; 
sur  toute  la  face  externe,  elle  repousse  loin  en  arrière  sa 
ligne  frontière,  la  scissure  de  Rolando,  et,  en  refoulant  ainsi 
tous  les  éléments  voisins,  elle  les  force,  pour  ainsi  dire,  à  se 
resserrer  et  à  se  contourner  en  groupements  nouveaux  i  le 
lobe  occipital  se  sépare  ainsi  du  lobe  pariétal  par  une  dé- 
marcation distincte,  le  lobe  temporal  prend  naissance  :  le 
cerveau  primate  est  constitué. 

La  détermination  véritablement  géniale  de  ces  connexions 
et  de  ces  transformations  morphologiques  restera  pour  la 
postérité  le  plus  grand  titre  de  gloire  de  Paul  Broea. 

*  Broca,  loc.  clt. 


TABLE  US  TRAVAUX  ORIGINAUX 

DBS  PRINCIPALES  COMMUNICATIONS 


ACY  (E.-D*).  —  De  remnia|||ihf)|||A||t  lies  «ilex  taillés  du  type 
géa^r^pment  ponon  baus  le  nom  <ie  type  4^  ^i^t- 
Ach^Hl  m  d§  Chelle^,  158,  |19. 

AUBRY  (Paul).  —  Bonnet  de  dervl|s|ie  lnnmettr,  260. 

^  ri^Mini  iiiirt9vi««  327. 

BEAUREaARO  (ûUiyiep).-^AP»l»rpp«!PiP<e  «  |lM«logie  :  anx  Phl- 

PÉRANQER  (dp  Niort).  -  Baiffli  wppWwepfalres  sur  le  bord  cu- 
bital de  chaque  î^ain,  600. 
BERTILLON  (Jeanne).  —  Llndieeeneép||a|qr|i|irdlaqne,  d'après  les 
documenta  laissés  par  le  docteur  p^rot,  ^49 . 
BO^AN.  —  liisirpwwff  W  •««  *«  TAmérlqne  dv  Word,  649. 
BONNAFONT.  —  Sar  les  ïoefilhutiona  eérébrales,  783. 
BONNEMÈRE  (L.).  -r  te»  jplorrM  4a  n^ww^m,  290. 

„  Mm  awfflalte  Iiralfi«ii«.  ^^^t  704. 

CHARNAY  (Désiré).  Expédition  nnTqoaffiPi  65. 

-  «tmiiOa  4#  pwlf  w»  w  4Hi^rla'!<i  ftYwit  Ip.  oop- 

quête,  237. 
CHUDZINSKI  (Th.).  -  ^^mtp  d'una  Jfpae  f3n«p1|M»i«e,  M^- 
,-,  Sur  m  off  ||f|f|ip||l0rfl|ra  du  pied,  603. 

CHUO^NSH  et  MANOUVRIEli.  —  Etude  sur  le  ^ervean  de  Ber- 

iniqn,  §58. 

CtOSMAPBUC  (de),  —  FpuiUes  sous  le  dallage  du  mtnainapt  IpW- 

if^fpr  de  C^avr'lnU  (Morbihan),  l^ 
COLLIGNON  (R.).  -  Ca?|©  de  réparlIUan  de  |'ip4^e  «épIlMIWP 
en  France,  306  « 
—  Station  de  la  pierre  polie  en  Tnniale,  460. 

CUYER  (Ed.).  —  Sur  un  oa  «nrpnméralre  dp  earpe,  80». 

—  Sur  un  allongement  anormal  4a  eul»lta#  et  sur 

la  préaence  d*uu  muselé  rond  pronatenr  chez 
un  cheval,  701. 
DALLY.  —  Apbasie  congénitale  chez  un  enfant  de    quatre  ans  et 
demi,  320. 


804      TRAVAUX  0RI6IHAUX  ET  PRINGIPALBS  GOMMUNICATIONB. 

DARESTE.  —  Compte  renda  de  l'autopsie  d'un  Teaa  mmim^  185. 

—  Les  vea«x  à  tète  de  bouledogue,  875. 

DENIKER.  —  Les  p«p«l«lloBft  ter^nea  es  Chine  et  plus  spéciale- 
ment les  Datées,  206. 

—  Rapport  de  la  Commission  pour  Tétude  des  éeluAtU* 

lens  de  eheveux  rapportés  par  M.  de  Ujfalvy  de  son 
voyage  dans  l'Inde,  316. 
DOUTREBfiNTfi  et  MANOUYRIER.  —  Etude  d'une  Idiete  Hiier^eé- 

phale  (Nini,  morte   à  cin- 
quante-cinq ans),  241. 
DUVAL  (Mathias).  —  L'aphasie  depuis  Broca  (quatrième  conférence 

Broca),  748. 
EDWARDS  (Blanche).  —  Fraelare  inlra-vtériMe  des  deux  tibias  et 
■TBdaetyiie  ou  exCradaetylle  eomee- 
MiCaste,  299. 
PAUVELLE.   —  Quelques  considérations  sur  révélation  phylogé- 
nlqne     des     héadsphéree    eéréhraox    de 
l'henuie,  104. 

—  Qu'cstrceque  la  peyehelogle  physioleflqiie,  119. 

—  Le  eheval  eanvage  de  la  Dzoungaric,  189. 
.  Des  causes  d' erreur  en  aathrepelogie,  263. 

Le  •jetéme  aerveax»  la  nervosité  et  rintelli-  ' 
genee  considérés  au   point  de  vue  physico-chi- 
mique, 463. 
GAILLARD  (de  Plouhamel}.  —  Du  tmanlae  de  Kerleaean  à  Camac, 

de  éon  acquisition  et  de  sa  restaura- 
tion, 687. 
HYADES.  —  Ethnograplde  dee  Faéflene,  327. 
LAGOMBE.  —  Sur  une  eoutume  fanéralre  du  midi  de  la  France,  780. 
LAFARGUE  (Paul).  —  La  elreoneision,  sa  signification  sociale  et  re- 
ligieuse, 420. 
LETOURNEAU.  —  Sur  l'anthropophagie  en  Amériqoe,  777. 
LUYS.  —  Nouvelle  métiuide  de  céphalométrle,  49. 
MAGITOT.  ^  Buste  d'une  mieroeéphaie,  215. 
MAGNAN.  -  Trois  cas  de  conformation  vicieuse  des  organes  génitaux  : 
atropiftie  teetienlaire,  eryptorehidie»  psendo- 
hermaphrodieme  aU^ie»  88. 
MAUOUDEAU  (P.-G.).— Coupes  de  eireonvolutlons  eérébrales,  771 . 
MANOUVRIER.—  La  platycnémie  chez  l'homme  et  chez  les  singes,  128. 
MARICOURT  (René  de).  —  Un  mode  de  trafic,  262. 
MAUREL  (Ë.).  »  Des  méthodes  de  mensaration  de  la  eage  tho- 

raoiqne,  345. 
MONDIÈRE.  —  Rapport  sur  le  concours  du  prix  Clodard,  •»8«,725. 
MORTILLET  (A.  de).  —  Haehe  en  pierre  de  la  Guadeloupe,  46. 
—  Silex  toiilé8,417. 

^  Rubans  de  Saint-Amabie,  705. 

NADAILLAC  (de).  —  Le  bAton  de  eonmandement  de  Montgau- 
dier,  7. 


TRAVAUX  ORIGINAUX  ET  PRINCIPALE8  COMMUNICATIONS.      805 

PARIS  (G.).  —  Tombeau  en  pierre  trouvés  &  Luzenil,  261. 
PIETTE  (Ed.).  —  Le  kertag  qaalemalre,  736. 
PLOIX.  —  Du  aom  de  l'oars,  en  grec  ancien  et  en  aanscrit,  316. 
POMMEROL  (F.).  —  De  la  couleur  des  eheveax  et  des  yeax  en  Li 
magne,  883. 

—  Le  enlle  de  Tarante  dans  les  traditions  popu- 

laires de  TAuvergne,  398. 
POZZI  (S.).  —  Les  caractères  distinctifs  du  eerreaa  de  rhomme  au 
point  de  vue  morphologique  (3«  conférence  Broca,  1885, 
784). 
ROYER  (Clémence).  —  Projet  d'installation  d'un  laboratoire  d*èxpé 
rienees  transformistes  au  parc  de  Mont- 
souris,  461. 
—  Variabilité  morphologique  des  mnseles  sous 

Tinfluence  des  variations  fonctionnnelles,  6*3. 
SANSON  (André). .—  La  eranlologle  expérimentale,  607. 
SÉBILLOT  (Paul).  —  Quelques  traditions  snr  les  volcans,  187. 
SIMONEAU.  —  SUex  talUés,  184. 

'  Ossements  hnmains  de  Lizy,  699. 

THIEULLEN.  —  i»  Sur  une  sépnltare  sons  roehe  de  Tàge  de  la 
pierre  h  Crécy,  en  Brie  ;  2»  sur  des  silex  taillés 
dans  les  sables  d'alluvions  de  Paris  (quartier  de  la 
Banque);  3»  sur  un  atelier  prèblstorlqne  de 
meulières  taillées  à  Fontenay-aux-Roses,  548. 

—  Meulières  taillées  de  Fontenay-aux-Roses,  605. 
TOPINARD.  —  carotte  néoUthiqoe  de  Feigneux  (Oise).  Crâne  trépané 

sur  le  vivant  et  après  la  mort,  527. 

—  Honla^es  des  types  eràniens,  de  Wurtemberg,  of- 

ferts par  M.  de  Holder,  640. 

UJFALVY  (Ch.  E.  de).  —  Quelques  observations  sur  les  Tadiiks  des 

montagoes,  appelés  aussi  Oaltehas,  15. 

—  L'influence  dn  mlUea  snr  les  peoples  de 

TAsie  centrale^  436. 

VARIOT  (G.)  et  MORAU  (H).  —  Étude  microscopique  et  expérimentale 

sur  les  tatonayes  européens,  730. 
VAUVILLÉ.  —  Note  sur  les  sépultures  d'une  galerie  couverte 
fouillées  en  septembre  1887,  sur  la  commune  de  Mon- 
tigny-rEngrain,  près  Vic-sur-Aisne  (Aisne),  710. 
VERNEAU  (R.).  —  Instruments  en  pierre  des  lies  Canaries,  652. 

—  CrAnes  de   l'allée  eouverte  de  HonUipiy- 

l'Engraln.  La  race  de  Furfooz  à  Tépoque  des 
dolmens,  713. 


TABLE  DES  AUTEURS 


Âcy  (E.  d'),  158, 174,  180,  219,  227, 

234. 
Aubry,  65,  260,  327,  709. 
Aya,  548. 

Beauregard  (0.),  415,  482,  515,  642. 
Bérenger  (de  Niort),  600. 
Bertiilon  (M"«  Jeanne),  149,  633. 
Blet,  48. 
Bobariy  649. 
Bonnafont,  783, 
Bonnemère{L.)f  290,  374,  380,  704, 

780,  782. 
Bordier,  698,  699. 
Boucher  de  Perthes  (J.),  142. 
Capiton f  557. 
Chamay  (Désiré),    65,    237,  241, 

369,  375. 
Chervin,  212,  241. 
Chudsinski  (Th.),  7,  146,  547,  558, 

603,  648. 
Closmadeuc  (de),  10. 
CoUignon,  215.  306,  326,  367,  460^ 

519. 
Cwy<?r  (Ed.),  303,  701. 
Daily,  ^i,  78,  145,  321,  323. 
Dareste,  63,  185,  375,  461. 
Delisle  (F.),  771,  782. 
Deniker  (J.),  57,  204,  206,  210,  516, 

603,  621,  622,  648,  687. 
Doutrebente,  241. 
Drouault,  515. 
Duval    (Mathios),  275,   362,   458, 

462,  635,  748,  773. 
Edwards  (M»»«  Blanche),  299. 
Eschenauer,  275,  418. 
Fauvelle,  104,   119,  143,  188,  198, 

263,  276,  278,  284,  286,  294,  322, 

323,  390,  397,  462,  526,  625,  642, 

643,  660,  671,  695,  706,  736. 
Féré,  54. 
GacAe,  211. 

Gaillard  (de  Plouharael),  687. 
Gaultier  de  Claubry,  415. 
Grasset,  302. 

Hamy  (E.-T.),  46,  53,  148,  605. 
Hei-vé,  201,  321,  342,  622,  658,  735, 

778,  779,  784. 
Hovelacgue,  342. 


Hyadês,  210, 327,  840,  841, 842, 344. 

Laborde,  285,  525. 

Lacombe^  780,  782. 

Lafargue  (Paul),  420. 

Lagneau  (G.),  78,  135,   139,    214, 

313,  365,  395,  418. 
Letoumeau,  1,  139,  314,  840,  375, 

388,  416,  515,  518,  519,  590,  699, 

735,  777,  778,  779. 
Luys,  48,  53. 

Magitot,  3.80,21 5,261, 592, 657, 694. 
Magnan,  88. 

Mahoudeau  (P.  G.),  771,  773. 
Manouvrier,  50, 128,  136,  140,  241, 

278,  322,  365,  392,  397,  546,  558, 

636,  642,  648,  660,  667,  674,  682, 

735,  773. 
Maricourt  (René  de),  262. 
Maurel,  345,  369. 
MillescampSy  420. 
Mondiére,  240,  725. 
Moreau  (H.),  780. 
Mortillet  (Adrien  de),  87, 178,  183, 

185,  204,  223,  284,  417,  418,  459, 

705,  709. 
Mortillet  (G.  de),  4,  10,  46,  62,  87, 

171,  233,298,  873,  526,  555,607, 

635,  651,  665,  779,  780,  782. 
Nadaillac  (de),  7,  10,  44,  81,  212, 

779,  780. 
Paris  (G.),  261 . 
Piètrement,  193,  202,  205,  341,  416, 

706. 
Piette  (Ed.),  736. 

Ploix,  316,  344,  397,  418,  418,  593. 
Pommerol,  375,  883,  388,  389,  390, 

398,  414. 
Pozzi  (S.),  7^4. 
Quatrefages  (de),  696. 
Hanse  (de),  85,  104. 
Rocher  ^E.).  638. 
floi^er(M«>o  a.),  137,140,  280,  286, 

320,461,  525,643,  648. 
Sanson  (A),  44,   63,  86,   103,  104, 

136,  186,  195,  199,  204,  212,  285, 

362,  383,  393,  416,  607,  623,  643, 

647,  649,  677,  706,  707,  735,  736, 

779,  780,  782. 


808  TABLE  DBS  AUTEURS. 

SébUlot  (Paul).  187.  Uffalvy  (de),  15, 145,  436,  459. 

Simmeau,  184,  699.  Variot  (G.),  730,  735,  736. 

Thieullen,  548,  557,  605.  Vauthier,  211. 

Topinard,  53,  54,213, 325,363,  866,  Vauvillé,  710. 

383^  386,  389,  391,  393,  897,  519,  Verneau,  417,  652,  655,  713. 

521,  523,  527,  547,  598,  608,  622,  Verrier,  217,  414. 

624,  687,  638,  646,  648,  658,  659,  Weisgerber,  56. 

665,  678,  681,  698,  707. 


TABLE  ANALYTIQUE  ET  ALPHABÉTIQUE 

des  matières  eonteMaes  daas  ee  Tolaine 

Par  M.  DuREAU. 


Aboyeuses  de  Josselin,  727. 
Aélas  ou  Itas  aux  Philippines,  482. 
Afrique,  Mode  de  trafic  en  —,  262. 
Age  du  métal.  Premiers  —  dans  le 

sud-est  de  l'Espagne,  419. 
AoRicuLTURE  aux  Philippines,  495  ; 

—  chez  les  Galtchas,  26  ;  —  chez 
les  Karatt'ghinois,  37. 

Akkas^  605. 

Alimentation  des  Galtchas,  26. 

Allée  couverU:  de  Gavr'inis  (Mor- 
bihan), 10;  —  de  Montigny-rEn- 
grain  (Aisne),  710  ;  —  de  Vic- 
sui^Aisne,  723  ;  —  de  Courvieux 
(Oise),  724;  —  de  Saint-COiris- 
tophe-à-Berry  (Oise),  724  ;  —  de 
Saint  -  Pierre  -  les-  Bitry  (Oise), 
724  ;  —  d'Amblemy,  725. 

Amblemy  (Oise).  Allée  couverte 
d*— ,  725. 

Amblyopie  aphasique  ou  cécité 
verbale,  754. 

Américains.  Fréouence  de  la  pla- 
tycnémie  chez  les  —,  139. 

Amérique,  Races  anciennes  d'— , 
81;  instruments  en  silex  de  T— 
du  Nord ,  649  ;  anthropophagie  en 
—,  777  ;  monnaie  de  cuivre  en  — 
avant  la  conquête,  237. 

Amulette  bretonne,  374. 

Anthropologie.  Des  causes  d'er- 
reur en  —,  262  ;  —  des  Philip- 
pines, 482. 

Anthropophagie  en  Amérique,  777; 

—  n'existe  pas   chez  les  Fué- 
giens,  340. 

Aphasie  congénitale  chez  les  jeu- 
nes enfants,  320,  321,  324;  de 
r—  depuis  Broca,  743. 

Apophyse  stylolde  du  troisième 
métacarpien  chez  l'homme,  635. 

Asie,  Expédition  française  dans 
r—  centrale,  459;  de  la  castra- 


tion en  —,  481  •  le  cheval  do- 
mestique actuel  descend  d'un 
cheval  de  1'—,  193;  influence  du 
milieu  chez  les  peuples  de  1'—, 
436. 

Association  française  pour  l'avan- 
cement des  sciences.  Congrès 
de  1887,  519. 

Atelier  préhistorique  de  meu- 
lières à  Fontenay-aux-Roses, 
548,555^557. 

Atlantide  n'a  point  existé,  373. 

Atrophie  testiculaire,  88,  90. 

Australiens,  Circoncision  chez  les 
—,  426  ;  cérémonies  religieuses 
chez  les  —,  429. 

Auvergne,  Ceinture  de  Saint-Ama- 
ble  populaire  en—,  705;  culte 
de  Taranis  en  —,  399. 

Baguette  des  sourciers  vendéens, 

780. 
Bassoutos.  Circoncision  chez  les  —, 

422. 
Bâtons  DB  COMMANDEMENT  de  Mont- 

gaudier  (Charente),  7. 
Batz  (bourg  de).  Mariages  con- 
sanguins au  —,  85. 
Bec-de-lièvre.  Sur  le  —,  523. 
Bechuanas,  Circoncision  chez  les 

—,  422. 
Birmans,  Couleur  des  cheveux  des 

-,  698. 
Bonnet  de  derviche  tourneur,  260. 
Bretons,  Amulette    chez    les   —, 

374;  couleur  des  cheveux  des 

—,  389. 
Broca.  Inauguration  de  la  statue 

dtj  —,  619,  592. 


Cambodge, 

727. 


Anthropologie  du  -^y 


810 


TABLE  ANALYTIQUE  ET  ALPHABÉTIQUE 


Ganitis  précoce,  64i. 

GARACTàRES  physîques  des  Galt- 
chas,  18. 

Camac.  Tomulus  de  Rerlescan,  & 
—,  687. 

Carpe.  Os  surnuméraire  du  — 
humain,  303. 

Castration  en  Syrie,  431  ;  —  en 
Asie,  en  Italie  et  en  Grèt^,  4la. 

Catalogue  des  crânes  préhistori- 
ques du  musée  Broca,  597. 

Cécité  verbale,  754. 

Ceinture  de  Saint-Amahle  popu- 
laire en  Auvergne,  705. 

Céphalomètre  d'Antelme,  50,  53  ; 

Céphalométrie.  Nouvelle  méthode 
de  —,  48. 

Cerveau.  Localisations  cérébrales, 
783:  caractères  distinctifs  du  — 
de  l'homme,  784  :  —  de  Bertil- 
LON,  558  ;  procédé  de  la  congé- 
lation pour  les  recherches  de 
topographie  cérébrale,  54;  pro- 
cédés de  momification  du  -, 
148  ;  —  du  singe,  788. 

GÉTAGÉ8.  Ndgeoire  pectorale  des 

—  au  point  de  vue  phylogéni- 
que,  685. 

Chara-Yegours,  Î07. 

Chasse  ctiez  les  Fuégiens,  836  ;  — 
chez  les  Galtchas,  29. 

Chellbs  (Seine-et-Marne).  Crâne 
d'un  Mérovingien  de  —,  7;  em- 
manchement des  silex  taillés  de 
—,  219,  223,  227j  233. 

Cbbval  â  la  crinière  tombante, 
707  ;  allongement  anormal  du 
cubitus  chez  im  —  et  présence 
d'un  muscle  rond  pronateur, 
701;  —  sauvage  de  la  Dzoun* 
garie,  188;  —  est  un  hémione, 
195  :  —  domestique  actuel  des- 
cend d'ancêtres  domestiqués 
dans  l'Asie  centrale,  193. 

Cheveux.  Couleur  des  —  en  Li- 
magne,  383  ;  —  en  Bretagne,  389; 

—  dans  la  Creuse  et  la  Haute- 
Vienne,  393  ;  —des  Galtchas,  18  ; 

—  dans  le  Puy-de-Dôme,  388  ; 

—  de  femme  birmane, 698  ;  étude 
de  —  rapportés  de  l'Inde,  517; 
sujet  ayant  une  chevelure  en 
vadrouille,  418. 

Chine,  Populations  turques  en  —, 
206. 

C^mo« dans  l'archipel  Indien,  484; 
crânes  de  métis  —,  638. 

Chiringols,  207. 

Cii^etière  maya,  74. 

Circonvolutions  cérébrales.  Cou- 
pes de  —,  771  j  des  —,  789. 


CmooNGisiON.  Origine  de  la  —, 
420  ;  —  chez  les  Hébreux,  420  , 
485  ;  —  en  Éffypte,  421  ;  —  chez  les 
Bassoutos  et  les  Béchuanas,  422, 
•t  chez  les  filles.au  moment  de 
la  puberté,  423  ;  —  en  Australie, 
426;  —  au  Mexique,  428;  - 
dans  le  Yucatan,  430  ;  —  chez 
les  Karateghinois,  36.  - 

Cœur.  Rapports  du  —  avec  Ten- 
céphale,  157. 

Cochinchine,  Demande  d'instruc- 
tions pour  la  —,  212. 

Conférence  Broca,  743,  784. 

conformateur,  50,  52,  53,  54. 

Congélation.  Procédé  de  la  — 
pour  les  recherches  de  topogra- 
phie cérébrale,  54. 

Congrès  des  sociétés  savantes» 
182. 

CoNSANGuiwrré.  Unions  consan- 
guines au  bourg  de  Batz,  85;  sur 
la—,  78,  108* 

Coutumes  funéraires  du  midi  de 
la  France,  780* 

Courvieux  (Oise).  Allée  couverte 
de  —,  724. 

Costumes  russes,  709. 

Craillologte.  —  l»  Ckaniolooic 
Qfei^ÉRALE.— expérimentale,  607  ; 

—  et  craniométrie,  674, 677,  682. 

20CRAN10L0GIE  DESCRIPTIVE  .  CrâUC 

d'un  Mérovingien  de  Chelles 
(Beine-et-Mame),  7;  —  de  Saint- 
Maur-les-Fossés  (Seine)i  418;  — 
de  l'allée  couverte  de  Montignv- 
TEngrain  (Aisne),  718;  —  du 
cham^  du  DoublGHi'Or,  près  Châ- 
tillon  (Seine),  774  ;  —  portugais, 
215  ;  moulages  de  tvpes  crâniena 
du  Wurtemberg,  640; — de  métis 
chinois,    688;  —  galtchas,  16; 

—  du  Soudan,  624  ;  —  de  Man- 
dingues,  636;  synostose  préma- 
turée de  la  «agittale  sur  des  — 
nègres,  637;  catalogue  des  — 
préhistoriques  du  musée  Broca, 
597. 

3»  Craniologie  pathologiqub.  Crâ- 
ne trépané  de  la  grotte  de  Fei- 
gneux  (Oise),  627. 

Craniométrie.  Valeur  de  la  *-, 
625,  659,  660. 

Creuse.  Couleur  des  cheveux  des 
habitants  de  la  — ,  393. 

Crinière.  Direction  de  la  —,  706. 

Croùsy  (8eine-et-0ise).  Ossements 
humains  de  l'église  de  —,  02. 

Croyances  populaires,  en  8ain- 
tonge  pour  la  guérison  des 
êcrottelles,  4. 


DB8  KATIArBS* 


§11 


Cryptorchidib,  92. 

Cubitus.    Sot    tin    allongement 

anonnal  du  —  chez  nn  cheval^ 

701. 
Culte  deTaranis  en  AuTergne,  3^9. 
Ctclope  (fœtus),  48. 
Cynghalais,  Buste  d'une  jeune  —, 

146. 
Cyrtomètrb^  354. 

Daldes,  206,  208. 

Danse  de  Saint-Guy  endémiaue  à 

Sainl-Malo-des-TroIs- Fontaines, 

726. 
Darrfû,  208. 

Dentition  chez  l'homme,  Ii97. 
DEtivicuE  tourneur.  Bonnet  de  —, 

260. 
Doigts    supplémentaires    sur  le 

bord  cubital  de  chaque  main, 

600. 
Dolmens.  Carte  des  —,63. 
DrouauU,  Discours  prononcé  sur 

la  tombe  de  M.  —,  657. 

Ecrouelles.  Croyances  populaires 

en  Saintonge,  pour  la  guêrison 

des  —,  4. 
Egyptiens,    Circoncision  chez  les 

—.421. 
Ek^Balam,  70. 
Engéphalb.  Rapports  de  V—  à  la 

taille,  155;  rapports  de  T—  au 

cœur,  157. 
Enfants.  Aphasie  congénitale  chez 

de  jeunes—,  320,  321,  324;  pla- 

tycnémie  n'existe  pas  chez  les 

—,  130. 
Esclavage  aux  Philippines.  499. 
Espaqne.  Age  du  métal  dans  le 

sud-est  de  1'—,  419. 
Esthétique  chez  le8Fuégiens,329. 
Exposition  universelle  de  1889< 

592. 

FalgarSy  81. 

Famille.  De  la  —  chez  les  Pué- 
gicns,  333. 

Fans  y  31. 

Feigneux  (Oise).  Crâne  trépané  de 
la  grotte  de  —,  527. 

Feux  de  la  Saint-Jean,  407. 

Fœtus.  Types  ethniques  visibles 
sur  le  crâne  des—  humains,  641. 

Fontenajf-auX'Roses,  Atelier  pré- 
historique de  meulières  à  —, 
548,  555,  557. 

FORMION,  51. 

Fracture  intra-utérine  des  deux 
tibias  et  syndactvlie  ou  ectro- 
dactylie  concomiiante,  299. 


France.  Indice  céphalique  delà 
— ,  80é«  monuments  mégalithi- 
ques de  —,  87. 

Fuégiens,  Ethnographie  des  —, 
327,  vie  nutritive,  vie  sensitive, 
328  ;  esthétique,  parure,  beaux- 
arts,  329  ;  sentiments  moraux  et 
affectifs,  330;  religion,  vie  fu- 
ture, 332;  vie  sociale^  famille, 
333;  mariage,  334;  industrie, 
chasse,  pêche,  336;  navigation^ 
habitation,  commerce,  337;  fa- 
cultés intellectuelles,  patholo- 
gie, 389;  langue,  339,344;  nu-» 
mération,  340;  anthropophagie 
n'existe  pas  chez  les  —,  840. 

Funérailles  chez  les  Karatéghi* 
nois,  36. 

Furfooz.  Race  de  —  à  l'époque 
des  dolmens,  713. 

Galtchas  (ou  Tadjiks  des  monta- 
gnesi,15;  crâne,  16;  origine,  17; 
mœurs,  cai  actères  physiques, 
peau, 18, 19,  30;  langue, 19,26; 
cheveux,  18,  21;  agriculture,  ha- 
bitations, alimentation,  26,  27, 
chasse,  costumes,  29. 

Gavr'inis  (Morbihan).  Allée  cou^^ 
verte  de  —,  10. 

GéooRAPHiE  médicale  du  Morbi" 
han,  725. 

Grasset.  Collection  d'objets  eth- 
niques provenant  du  legs  de 
M. -,302. 

Grèce.  De  la  eastration  en  —,  488. 

Grottes  de  Spy,  598;  —  de 
la  Beaume  et  de  Rochedane 
(Doub9,373;—  néolithique  de 
Feigneux  (Oise),  827;  —  de 
Moutgaudier  (Charente),  7. 

Gouvernail.  Sur  le  —,  493,  515, 
518. 

Guadeloupe.  Hache  en  pierre  do 
la  —,  46. 

Habitations  aux  Philippines,  486  , 

—  chez  les  Galtchas,  26. 
Haches   du  Yucatan,  73  ;  —  de  la 

Guadeloupe,  46  ;  types  divers  de 

—  en  pierre,  47. 
HÉBREUX.  Circoncision  chez  les  —, 

420. 
Hémione  a  une  crinière   dressée, 

706. 

HÉMISPHÈRES     CÉRÉBRAUX.    ÈVOlU- 

tion  des  —  chez  l'homme,  104. 

Hermaphrodisme.  Pseudo-herma- 
phrodite mâle,  96. 

jtioungnouSf  442. 

Homme.  Caractères  distinctifs  du 


8ia 


TABLE  ANALYTIOUE  BT   ALPHABÉTIQUE 


cerveau  de  r--,784;  dentition 
de  V^s  697;  apophyse  stylolde 
du  troisième  métacarpien  chez 
r— ,  635;  os  surnuméraire  du 
carpe  chez  T— ,  308;  évolution 
des  hémisphères  cérébraux  chez 
r—,  104  ;  rancètre  de  1'—  n'apas 
vécu  sur  les  arbres,  138;  opi- 
nion contraire,  140  ;  platycné- 
mie  chez  T— ,  1Î8. 
Htpospabias  sgrotal  à  forme  vul- 
vaire,  96. 

Idiote  microcéphale.  Étude  d*une 
—,241. 

!le  de  Jaîna,  74. 

Iles  Canaries,  Instruments  en 
pierre  des  —,  65Î. 

lUi  Philippines.  (V.  Philippines). 

Indice  céphauqui  de  la  popula- 
tion provençale,  213,  214  ;  — •  en 
France,  306;  —  des  Italiens,  326; 
valeurdel— ,  661,  667. 

Indice  encâphalo-gardiaque,  149, 
633. 

Indice  iniaqub,  661, 668. 

Indice  thoracique,  353. 

Industrie  des  Fuégiens,  836. 

Instructions.  Demande  d*—  pour 
la  Cochinchine,  212. 

Instruments  pour  mesurer  les  di- 
mensions de  la  poitrine^  353  ; 
—  en  pierre,  des  lies  Canaries, 
652  ;  —  en  pierre  de  rÀmérique 
du  Nord,  649. 

Intelligence  considérée  au  point 
de  vue  physico-chimique,  462. 

Islandais,  Viking-Skali  —,  216. 

Italie,  De  la  castration  en  —,  438. 

Italiens.  Indice  céphalique  des  —, 
826. 

lias  ou  Aetas  aux  lies  Philippines, 
482. 

Jivaros,  Tête  momifiée  provenant 

de  la  tribu  des  —,  148. 
Josselin,  Aboyeuses  de  —,  727, 

Kachgariens^  446. 

Kara-KalpakSf  455. 

KaratéghinoisMœnrs  et  coutumes, 
mariage,  circoncision,  funérail- 
les, 36;  agriculture,  37.    . 

Kchtouts,  81. 

Kirghises,  444. 

Kertag  quaternaire,  736, 

Kwei'hé,  444. 

La  Beaume,  Grotte'de  —  S73. 

Laboratoire  d*expériences  trans- 
formistes au  parc  de  Montsou- 
ris,  461,  525. 


Lamarck,  Date  exacte  de  sa  nais- 
sance, 298. 

Langue  des  Galtchas,  19  ;  —  des 
Fuégiens,  339. 

Limagne.  Couleur  des  cheveux  des 
habitants  de  la  —,  888. 

Lizy,  Ossements  humains  de — , 
699. 

Localisations  cérébrales,  788. 

Logique.  De  la— ,  281. 

Maghians^  31. 

Maïas,  869. 

Malays  aux  Philippines,  482. 

Manaingues.  Crânes  —,  686. 

BIariage.  Cérémonies  du  —  aux 
Philippines,  502  ;  du  —  chez  les 
Fuégiens,  834  ;  du  —  chez  les 
Karatéghinois,  36;  —  chez  les 
Matchas,  85. 

Marron  dInde.  Propriété  légen* 
daire  du  —,  375. 

Matchas,  31,  34.  Mariage,  35. 

Matérialisme  soentifique.  Du  —, 
294. 

Mayas,  71. 

Mémoire  auditive  verbale,  751, 
760;  —  visuelle  verbale,  754; 
—  motrice  graphique,  756  ;  mo- 
teurs graphiques  et  moteurs  ver- 
baux, 764. 

Mensurations  de  la  PorrRiNB,  853. 

Métacarpien.  Apophyse  styloïde, 
du  troisième  —  chez  l'homme, 
635. 

Métal.  Premier  âge  du  —  dans  je 
sud-est  de  l'Espagne,  419. 

MÉTIS.  Crânes  de  —  chinois,  638  ; 
aux  Philippines,  483. 

Meulières  taillées  de  Fontenay- 
aux-Roses,  605. 

Mexique,  Circoncision  au  —,  428. 

Microcéphale.  Buste  d'une  — , 
215  ;  étude  d'une  idiote,  241. 

MlCROPHTHALMlE.    CaS  dC  —,   548. 

Milieu.  InÛuence  du  —  sur  les 
peuples  de  l'Asie  centrale,  436. 

Mœurs  des  Fuégiens,  827;  —  des 
Galtchas,  15;  —  des  Karatéghi- 
nois,  36. 

Mollet.  Forme  du  —  chez  les 
nègres,  645. 

MoMincATiON.  Procédés  de  — , 
148. 

Monnaie  de  cuivre  en  Amérique, 
avant  la  conquête,  237. 

Montgaudier  (Charente).  Grotte  de 
—,  7;  bâtons  de  commande- 
ment de  —,  7. 

Montigny-TEngrain  (Aisne)  .Crânes 
de  —,  713. 


DES  HATIÈRES. 


813 


Montalet  (Seine-et-Oise).  Silex  tail- 
lés de  —,  184. 

Montbéliard,  Préhistorique  dans 
le  pays  de  —,  326. 

Montsouris,  Laboratoire  d'expé- 
riences transformistes  au  parc  de 
—,  461,  626. 

Monuments  mégalithiques  de 
France,  87. 

Moi^bihan.  Etude  d'ethnographie 
et  de  géographie  médicales  dans 
le  —,  725. 

Moulages  de  types  crâniens  du 
Wurtemberg,  640. 

Muscles.  Variabilité  morpholo- 
gique des  —  sous  l'influence  des 
variations  fonctionnelles,  643. 

Musée  Broca.  Catalogue  des  crânes 
préhistoriques  du  —,  597. 

Nageoire  pectorale  des  cétacés  au 

point  de  vue  phylogénique,635. 
Nato.  Sur  le  mot  —,  415^  —  veau, 

185,  210,  375. 
Navigation  aux  Philippines,  490; 

—  chez  les  Fuégiens,  337. 
Nécrologie.  MM.  Garbighetti,  44  ; 

Béclard,  80  ;  Drouault,  657 . 
Nègre,  Forme  du  mollet  chez  les 

—,  645;  synostose  prématurée 

de  la  sagittale  sur  des  crânes  —, 

637. 
Négritos  des  Philippines,  482. 
Nervosité  considérée  au  poin  de 

vue  physico-chimique,  463. 
Numération    chez   les   Fuégiens, 

340. 

Organes  génitaux.  Conformation 

vicieuse  des  — ,  88. 
Os  surnuméraire  du  pied,  603. 
Ossements  humains  de  l'église  de 

Croissy  (Seine-et-Oise),  62. 
Ouîgours,^01,  444. 
Ours.  Nom  de  1'—  en  grec  ancien 

et  en  sanscrit,  316. 
OusoimSf  446. 

•   Pantographe,  855. 
Paris.  Silex  taillés  des  sables  d'al- 

luvions  sous  — ,  551. 
Parure  des  Fuégiens,  29. 
Peau  des  Galtchas,  18. 
PÊCHE  aux   Philippines,   490;   — 

chez  les  Fuégiens,  336. 
Pédérastie,  143;  —  très  répandue 

dans  rOrient  musulman,  145. 
Phallus  antique,  327. 
Philippines  (Iles).  Aétas  ou  Itas  aux 

—,  482  ;  noms  antérieurs  de  lu 

géographie  des  —,  512;  peu- 


plades d'origine  liialaye  aux  —, 
482,513  ;  agriculture  aux—,  495; 
esclavage  aux  —,  499;  habita- 
tions aux  —,486;  négritos  des 
—,  482;  mariage  aux  —,  602; 
métis  aux  —,  488  ;  religion  aux 
—,  506;  philologie  aux  —,  482. 

Philosophie.  Est  la  science  des 
superstitions,  266,  276  ;  opinion 
contraire,  275,  278;  280,  285,  286. 

Pied.  Os  surnuméraire  du  —,  603. 

Pierre.  Culte  de  la  —  brute,  404; 

—  de  serpent,  290  ;  station  de 
la  —  polie  en  Tunisie,  460;  In- 
strument en  —  des  îles  Cana- 
ries, 652. 

Placenta  formé  d'un  double  dis- 
que, 659. 

Platycnémib,  n^existe  pas  chez  les 
enfants,  130  ;  —  moins  fréquente 
dans  le  sexe  féminin  que  dans 
le  sexe  masculin,  IHO  ;  —  moins 
fréquente  parmi  les  hommes  de 
haute  stature  que  chez  les 
autres,  130  ;  —  tient  à  l'habitude 
de  grimper  et  de  sauter,  132, 
135,  186,  137;  fréquence  de  la 

—  chez  les   Américains,  139  ; 

—  chez  l'homme  et  les  singes, 
128. 

PoriRiNB.  Valeur  des  mensurations 
de  la  —,  345,  369;  instruments 
pour  mesurer  la  —,  353. 

Polychromie  des  édifices  duYuca- 
tan,  69. 

PoLYDACTYLiE  n'cst  pas  uue  réver- 
sion, mais  un  cas  tératologique, 
603. 

Portugais,  Crânes  —,  215. 

Poterie  à  l'époque  paléolithique, 
521. 

Provence,  Indice  céphaliqne  de  la 
population  de  la  —,  213,  214. 

Psychologie  physiologique.  Qu'est- 
ce  que  la -?  119. 

Puy-dv-Dôme,  Couleur  des  che- 
veux et  des  yeux  dans  le  dé- 
partement du  —,  383. 

Rbugion.    Croyances    religieuses 

aux  Philippines,  506. 
Rochedane  (Uoubs).  Grotte  de  —, 

373. 
Ruban  métrique,  362. 

Saint' Acheid,  Emmanchement  des 

silex  taillés  de  -,  219,  223,  227, 

233. 
Saini'Christophe-à'Berry    (Oise), 

724. 


8i4 


TABLE   ANALTTIOUB  WT  ALPHABÉTIQUE. 


Samh  Maio-dest  TroUf Fontaines . 
Danse  de  fiaini-Ouy  endéoUaue 
à-,  716.  ^ 

Saint-Maur-les^Foisés  (Seine).  Crâ- 
nes de  -^,  458. 
Saintonge,  Croyances  populaires 
en    — -    pour   la  guérison   des 
écrouelles,  4. 
Saint-Pierte-les-Bitry  (Oise).  Allée 

couverte  de  —,  724. 
Salares  ou  Solares,  306. 
Salait,  207. 

Sano  humain.  Emploi  du  —  dans 
les    cérémonies   religieuses  en 
Australie,  429. 
Sentiments  moraux  des  Fuégiens, 

330. 
Sépultures  sous  roche  de  l'âge  de 
la  pierre  à  Grécy-en-Brie,  548; 
— de  Montigny-l'Ëngrain  (Aisne), 
710. 
Sieitrdi,  443. 

SiLBX  taillés  des  bords  de  l'Egypte, 
417;  instruments  en  —  de  1  Amé- 
rique du  Nord,  649;  —  taillés 
des  sables  d'alluvions  sous  Pa- 
ris, 551;—  taillés  de  Montalet 
(Seine-el-Oise),  184;  ~  taillésde 
remmnnchemeiit  des  —,  158, 
17 J,  178;  emuiaiichement  des  — 
taillés  de  Chelles  et  de  Saint- 
Acheul,  219,  223,  227.  233. 
Singes.  Platycnémie  cnea   les  —, 

128  ;  cerveau  du  —,  488. 
Société  d'anthropologie  de  Paris. 
Statuts,  I  ;  rùglemeuts  de  la  So- 
ciété, v;  du  prix  Godard,  xv; 
du  prix  Brocîi,  xvi;  du  prix 
Bertiilon,  xvii;  Bureau  de  1887 
et  Commission  de  publication, 
xix;  liste  des  membres  de  la  So- 
ciété, XIX ;  comité  central,  xlix  ; 
liste  générale  des  présideuts, 
comité  cont«aitieux,  l;  sociétés 
savantes  et  périodiques  avec  les- 
quels la  —  échange  ses  publica- 
tions, Li  ;  discours  de  M.  Letour- 
neau,  président  sortant,  1;  dis- 
cours de  M.  Magitot,  président 
pour  1887;  3  ;  rapport  du  tréso- 
rier, 5  ;  rapport  de  la  commis- 
sion des  nuances,  56;  rapport 
de  la  commission  du  musée 
Broca  et  de  la  bibliothèque,  57  ; 
catalogue  des  crânes  préhisto- 
riques du  musée  Broca,  597  ; 
conférence  Broca,  1885,  784; 
1887,  743;  rapport  sur  le  con- 
cours du  prix  Godard,  725; 
M.  Gillet-Vital  est  nommé  agent 
de  la  Société,  694.  * 


524. 


L  Crânes  d'habitants  du  —, 

Sourciers.  Baguette  des  —  ven- 
déens, 780. 

Spy,  Grotte  de  —,  ô98. 

8sou,  446. 

Stéréographe  de  Broca,  51. 

Sternum.  Longueur  du  —  repré- 
sente le  mieux  la  capacité  tko- 
racique,  365. 

STâTHOORAPHB,  356, 

Synostosb  prématurée  de  la  sa- 
gittale sur  des  erânes  nègres, 
637. 

Syrie.  De  la  castration  en  —,435. 

Système  dentaire.  Evolution  du 
—,  696. 

SysTèME  NERVEUX  oonsidéré  au 
point  de  vue  physico-ehimique^ 
462. 

Tadjiks,  26  ;  caractères  physiques, 

langue,  35,  39. 
Tahia,  207. 
Taille.  Rapports  de  la   —  avec 

ronccphaie,  157. 
Taranis.  Culte  de  —  en  Auvergne, 

899. 
Tatouages.  Etude  microscopique 

et  expérimentale  sur  les  —  eu- 
ropéens, 730. 
Tête  momifiée   provenant  de   la 

tribu  des  Jivaros,  I48. 
Tombeaux  en  pierre  à  Luxeuil,  261 . 
Toukioîis,  444. 
Trapic.  Mode   de  —  en  Afrique, 

262. 
Trépanation.  Procédé  de  —,  535, 

546  ;  crâne  trépané  de  la  grotte 

de  Feigneux  (Oise),  527. 
TuMULus  de  Kerlescan,  à  Carnac, 

687. 
Tunisie.  Station  de  la  pierre  polie 

en  —,  460. 
Turcs,  210;   populations  turques 

en  Chine,  207. 

Veau  nato,  185,  210;  à  tête  de 
bouledogue,  375. 

Vendée,  Sourciers  en  —,  780. 

Vêtements  aux  Philippmes,  496  ; 
—  chez  les  Galtchas,  29  ;  —  chez 
les  Fuégiens,  329. 

Vic-sur-Aisne  (Aisne).  Allée  cou- 
verte de  —,  723. 

Vienne  (Haute-).  Couleur  des  che- 
veux  des  habitants  de  la  —,  393. 

Vikino-Skau  islandais,  216. 

Volcans.  Traditions  sur  les— ,  187. 

Vulpian.  Mort  de  M.  —,  324. 


DES  MATIÈRES.  815 

Wurtemberg,   Moulages  de  types  Yégours.  207. 

crAniens  du  —,  640.  Youé-tchi  ou  Yué»tc?ti,  442  446. 

Yué-tchi,  207. 

YagnôbSf  31.  Youan-youan^  444. 

Yeux.  Couleur  des  —  en  Limagne,  Yucatan,  Expédition    au  —,  65  ; 

383  ;   —  en    Bretagne^  383  ;  —  pyramide  dTzamal,  66  ;  circon- 

dans  la   Creuse  et    la    Haute-  cision  au  —,  430  ;  polychromie 

Vienne,  393;  —  dans  le  Puy-de-  des  édifices  du  —  69. 
Dôme,  383. 


PARIS.   —  TYPOGHAPniE  A.    HENNUYER,    RUK   DARCET,  ' 


Ce  Balle ttn  est  ^«Mlé  pftv  fÉ«eietiIe«  irifnesfrlei«« 


BULLETINS 


lïK  LA  SOC  JETÉ 


D'ANTHROPOLOGIE 


DE   PARIS 


TOME    DIXlÈiVm  (ill'    SÊRIK) 


W  FASCICULE 


f«ii 


PARIS 

G.  MASSON,  ÉDITEUR 

BÔULtIVARD  SAINT-GERMAIN,    «20 
1887 


PtJBMCATIOM  DES  BUI^LCTraS  ET  HÉMOIRES 

L68  auteurs  reçoiveot  des  épreuves  en  placards  seuiement  ;  les  éprauvos 

doivent  être  retournées  dans  tm  dé/ai  maximum  de  huit  jours  à  l'Agent  de  la  Société 

(M-  DftouAOLT,  4.  ruô  Antoine-Dubois,  place  dû  l'Ecole-de-Médecine;, 

— tPajià^  cfidiilau  IflM  r:^orTectionssontraiteid'ofîiceDarM.  le  Sécréta^ 


PCBLICATIO^K  DE  U  SOCIETE  D'ANTIIROPOlOblB 


Ld  Société  publie  des  UrLLETfîïs  et  des  Mémoires. 

Les  BcLLKTBs  de  la  .Soriélé  forment  chamieanfjcc  un  vol  uni  t* 
în-8*j  pubïié  en  quatre  fascicules.  Le  prix  «  aboiiuenienl  esl  tîc 
iO  francs.  {Le  port  en  sus  pour  la  province  et  l'élranjErer,) 

La  collection  des  ButteUns  Tormê  trois  sénés  : 

l"  série,  sii  volumes  (tSSO-l 865).  Celle  série  n'(*s\  plus  ilans 
le  commerce;  elle  ne  peut  Être  cédée  qu^en  lolalitA,  après  avis 
du  Comilé  cetilraL  aui  membres  de  la  Société,  pour  la  somme 
de  45  francs,  et  aux  élablissemenls  piift/iV*  de  ta  France  et  de 
rélranger,  pour  b  souime  de  00  francs  et  le  pmi  en  m%. 

Toutefois  le  tome  V  de  cette  série»  ayant  été  réimprimé,  est 
en  vente  chez  Téditeur  aux  cnndilions  ordinaires* 

La  lai>le  alphal>elique  et  analytique  de  ïa  première  sérir 
rédigée  par  M.  DuntAV,  formant  un  volume  in-8'  de  I7i  pa^e^, 
se  vend  séparément  4  francs, 

2*  «ériCi  douze  volumes  (180ii  1877).  Prh  de  la  série  complète  :^ 
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S  0  ci  été*  Les  t  o  m  us  V  l  et  X 1 1  ne  n  o  u  v  e  n  t  èi  re  v  c  ndu  s  *{  u  'a  v  vc  I  a 
série  complète^  Les  autres  volumea  de  la  sériû  se  \(  niient 
isolément  10  francs  le  volume^  et  7  fr.  jO  pour  les  membres  de 
la  Société. 

3*  série,  les  tomes  ML  IlL  IV,  V,  VI,  VIL  Mil  el  IX  (1878  k 
IB86)  sont  dans  le  commerce. 

Les  MÉstoiHEs  sont  publiés  par  fascîcnles  de  htJil  feuîUes  au 
moins*  Quatre  fascicules  forment  un  v*JÏume  grand  ici-S*  vendu 
par  Tcditeur  16  francs  (le  port  en  sus)*  Le  \mx  de  cliaquo 
volume  esl  payable  en  recevanl  le  premier  laseïcule, 

SN  VEMti  LA   rnEMIÈIlE  SÉKIB,  COMPRESaKT  TftOIS  VOLtJUKS  I 

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deux  tableaux,  quatorze  planches  ut  uu  portrait  froulîspke. 

Tome  U  (  1864-1807),  l  volume  de  CJtviîi-SfiO  pages,  avuc  un 
portrait»  quatre  cartes,  quatre  plancbcs,  trois  ïableaox,  un 
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Tome  l  (1B73-1878),  I  volume  dii  x.uvi-ytl8  pagc^^  avec  dix- 
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Tome  IIL  — *  En  Cours  de  publication* 


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La  Socîété  lionne  des  iiiBlrtuctons  partlcalières  à  tous  îe» 
voyageurs  qui  lui  en  fout  îa  demande  et  qui  indiquent  les 
iKirJré^^s  où  ils  se  proposent  de  reeueiflir  leurs  obs(M*vîiiiiins, 


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Insiructiùm  sur  tantkropolûyie  de  l^Aigérie,  Ijrocbure  de 
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In$tructiôm  pour  le  Pérou^  pour  le  Sénégal,  U  âh:ritfùê^ 
h  Chili f  la  Skik^  le  littoral  de  la  mer  Ihuge,  le  Cambodge ^ 
l'Ane  centrale^  la  Malaisie  ei  tîle  de  Afadagasicar.  Viïx  : 
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Les  instruments  destinés  aux  otiservations  anthropologie 
qiies  et  aux  étuiles  crnntologiquea  se  trouvent  chez 
MM.  CoLUN,  6,  rue  de  l'Ecoïe-do-Médecine  ;  Molte:*i, 
44^  rue  du  Cbâteau-dTau. 


Une  Commission  permanente  est  char^^ée  an  rec<*Aoir 
toutes  les  couimunications  relatives  à  l'anthropologie  de  la 
France  et  émanant  de  personnes  étrangères  à  la  SociiUê, 

Klle  se  compose  de  MM.  Lagneau.  de  Raose,  Bertrand 


et  Barbier  dn  Bocage. 


SOMMA!  HE 


Séanre  du  1Ë  Jalft  1IIS9*  —  h  prQp4)§  du  proeës^rrrbat,  p.  360  i  — 
\.}\i\t^^i^%  ofîi'fti*,  p.  ô7i;  —  l^rèâenutiuus  :  M.  BasumÈn^.  Vnf  amuhttw 

p.  ^75  ;  — ^  CoiiirrtuiiicitllûQ$  i  M*  i^hUtttw..  Les  t'paij^  à  fétê  i/«r  boitU'dogtrWf 
p  57rj  ;  —  |liicu»Âioii  :  MM.  ToHiiino,  Sa^isoii,  p.  3H3  ;  —  U.  F.  P^uvi- 
*ipt,   />e  /il  fûtf/i^ur  rfrs  rfti'ivUit  ri  d^ï  t/fiw  tn  tiViiaj^nr,  p.  5lî3:  ^  Uîs- 

M4îiiiti*fii»B,  S*î(5<>ii,  L*ci*F-*D,  Puiïs.  p.  7tb%:  —  ¥,V.  ViMuttnOL  />«  mfftf 
tU  tiifunt»  thtnx  if  s  *ruftiHi*nA  pttiiutuir^s  Uf  i'A^vrrf}nfy  p,  3UH,  ^^  lïis- 
cusHiou  :  MM.  Tloii,  Poïiikilul,  VàAfim»,  TiÊTitt^siAT,  GAULtmji  tu  Clauiit^ 

8iVi*«ii*«  dtt  10  Juin    f  §S7.  —  A  propos  du  proeës-vrrbil»  p.  Il5  :  — 

liUltesi.  p.  417  ;  '  DlMUsaion  :  B1N.  Î'loix,  At  itK  MûnTiLLET^  {^t.  418;  -  Sf>  £s- 

prc^u^  dfS  prtmyërs  dgfi  du  mëtai  dam  U  ^ud^eii  df  iK^^firtf,  p.  419: 
—  Discusaion  :  M.   VlaLKScttir^^  p-  4iO  ;  —  M.  PAiît*  lar^niitrE.  Ln  eirron- 
ciiiun,  sa    tt^n $fftiittijn   itifitaie  rt  rtligi^tse.  p-  430  ;  —  M.  j>m   Dif*Lti 
t'ififfurno!  itu  tmitm  sur  k»  prupks  dv  CAsir  centralff  p.  43Ij> 

fië»tt#e  du  9  J»ltl<*t  t  SS9.  —  Ouvraj^et  offeriet,  p.  4â7  *  —  CâniintiDÉ- 
éâtifing  :  M,  et  UjFALvt»  î^onveUnd^  la  dernière  exprdifi'      ^  -    -         '   .,? 
l'ÀHr  centrale,  p,  4ô9  ;  -^  M.  D«LL.ieR(ïH.  Sfufwn  d^  h*  j 
nfSiei  p.  460  ■    —M"*   Cï.   Hûtik.    I*rûjet  timslaiitiitân  .  - 

d'rxprfrirnf«  /r(în.</orf/ii*|flf  Cl*  parr  de  Montgimris,  p.  4tïl  ;  —  M.  Fao* 
YKi^te.  JL^  stf^lt'Tne  fêtfveu^j  tu  nervosité  et  f  mfpiUg**itf  tomîft^^t  au 
piAnt  dt*  fu«  ph}/ëtco'chimtffTiif^p^  4lï^2;  — &I^  Ommi^ii  tUjttJitkGAni».  Aurhro~ 
ptfio'jff  ^f  philtjiogie  tttsii^  J^hutppin^î,  p.  482  ;  —  Lh(it'u;*sioti  :  M\i.  L»- 
TitfluntiiUj  Bi£jiiru£.a*iiD,  Uitufuttr,  p.  515;  —  Bap''"'^'  ■■ '-ndljfjocij  :  M- 
0sMitt*t,  Happuri  dr  îa  €ùmtiHi!>tiju  pour  Véttttli*  d-  uns  tU  ehi- 

veuj:  rappariés  pur  M.  dûi'jfitivij  ae  êvn  vùyaffé  <  .  %  p,  Sl*^. 

Méance  du  t£i  |iiill«l  1 1187.  —  A  propos  Ju  pracè^-vtrUMl,  (^^  5ilt  ;  ^ 
CarrespQn«Jan«t  p.  r»lU; —  Oiivrages  oiferu,  p.  &iil  ;  —  (ilkjèt*  i^ffert*, 
p.  Mï\  —  Bitpporb  ïiLiriihfiquf^j^  :  &I .  MAinuà  htiVAt.  Irtifni/afiuo  rf'tiii 
i^bo^atmr^diïntni^furmismi'  aupurrdt  ^oHîisuurn^pritpmtiïtyn  dt  M^*  Vié- 
flffnr*  Hoytfr,  p.  .',25  ;  —  llbcu^î^ion:  MM.  l,At^otii»«:,  LiAi^i^rt.  FéiiT«Ltr, 
MaTIIU»  HuViL^  SaSAÛH,  G*  fiK  MUHTRLI-T,  Vl""'  Cl*  Hw**  K,  p,  5l5  ;  —  Vfè' 
àcntfttions  :  M.  TuriMAhc».  iirutw  nëiAithtqui*  de  Fettinnuj^ \t n^p] ,  rtûnw  frê* 
pané  lur  iwiiant  r(  ap*  h  la  nurt^u.  DU  ;  — Uiscussiop  :  .\l  V*  >Uko»- 
TUUrtt»TçMWj*iitij  Cirufitjîisiit.  p,  54ij  ;  ^  M.  Aïa,  Sur  ti»  coj 4e  mta'ophtkùlmtft 
p.  541^;  -  Coitimyriicalion:»:  M*  TuuuLiVît.  1^  Sur  rm^K^^ruIltirfïinir  t^i^^t 
dû  l'fi(}ê  de  ta  pitrre  à  Ctétij-fn*  Ht  te  :  S**  vur  d*"^  stira^  miUés  ift*tn^ï  tlmt 
kâ  subk^  d'oUuvn/tiS  mus  Paris  iquartitr  de  ta  Han^iÀf}^  >  sur  nn  ulfhwr 

Îirehisiunque  <i<*  mt'uiifrfs  latiUti  û  Fi>Ht*nii}i'at43L-iiù$gH,  p  *Vii;  — 
.»îscu*siflTi  .WW,  G.  DU  ^laiitauT/riiirDi,i.F.]*,€AHTi^.  p*  5à6;  -  MM.  Ciivo- 
x^ntiEi  et  MAKouviuri^.  Étuav  àur  te  r«rvfau  d9  UeruuuH^  p.  îh^;  ^  Iht- 
ruHsioQ  ;  M5i.  LtTtitrEiXEAù,  Lai^ohue,  p,  5*JU. 

Eiiéaiiee  du  ft  orrobre  l  Sli7.  —  CommimicaUotia  ûa  bureau  t  |>^  5t)*  ;  ^ 
liiHUguraUoh  df!  \a  statue  de  llroca.  p.  hUi. 


Hiri«.   -  1||)4»^rnplti«  Â.  lltiiïicti*.  ri*«  |1«n»l 


C«  Biiltetin  eai  publié  par  faitctculeB  IrJnaesilrlets. 


BULLETINS 


i)K  i.A  :;oniÊTi!; 


■I 


D'ANTHROPOLOGIE 


DK    PARIS 


TOME    DIXIÈME  (Ul"   SERIl  ) 


i'  FaSCICCLE 
«Hobrc  n  Uéccmbre  1SS3 


PARIS 

G,  MASSON,  ÉDlTliUR 
1887 


PUBLICATlO^i  DES  BULLETINS  ET  lllfi::?I01R£S 

I^s  auteurs  recoiyent  dea  épreuves  en  placards  sautemeril;  lea  épreuves 
iloivont  être  retournées  daïis  ^iH  dé/ta  MAI  iHuiï  ik  kuiî  jours  kl' Agent  générai  ilo 
la  Société  (M.  Gillkt  \' [tal,  ingénieur,  '37,  bouleTard  Saint-Michel)» 


PmCCATlONS  DE  11  SOCIÉTÉ  D'ASIBRUrOLOfilE 


La  Société  piil}lke  des  Bi;LL£Ti|q5  3t  des  Mémojk^^. 
«iri.ii»TEif«» 

Les  BuLLETins  de  la  Société  forment  chaque  année  un  volume 
îii-S**,  publié  en  quah^  fascicyles.  Le  prix  a  abonne  me  ni  est  de 
iO  francs,  (Le  porl  en  sm  pour  la  province  et  TétrangerJ 

La  collection  des  BuUetins  forme  trois  séries  : 

1"  sériel  sii  volâmes  (tS59*i§63).  Celle  série  nVsl  pïns  dans 
le  commerce;  elle  ne  peut  être  cédée  qu*eii  tolalilé,  après  avis 
du  Comité  central,  aux  nïembres  de  la  Société,  pour  la  somme 
de  45  Francs,  et  aux  étattlissemenls  publics  de  la  France  et  de 
l'étranger,  pour  la  somme  de  60  francs  et  le  port  en  sus. 

Toutefois  le  tome  V  de  celte  série,  ayanl  été  réinïprîmé,  est 
en  vente  chei  !*édîteur  aux  conditions  ordinaires. 

La  lable  alphabétique  et  analytique  de  la  première  série 
rédigée  par  M.  Ddheau,  formant  un  volume  iu-8=  de  174  pages, 
se  vend  séparément  4  francs, 

2*  série,  douze  volumes  (I8(i6-i877).  Prix  de  la  série  complète  : 
120  francs  sans  remise,  et  90  francs  pour  tes  membres  delà 
Société-  Les  tomes  XI  et  XI  t  ne  neuvent  Ôtre  vendus  qu^avec  ta 
série  complète.  Les  autres  volumes  de  la  série  so  vendcol 
isolément  10  fmncs  le  volume,  et  7  fr.  50  pour  les  membres  de 
la  Société, 

3- série,  les  tomes  l.II,  111,  IV,  V,  VL  VU,  VIU,  IX et  X  (1877  k 
1887)  sont  dans  le  commerce. 

n  KM  4»  m  EU, 

Les  MÊsioiiiEs  SûDt  publiés  par  fascicules  de  huit  feuilles  an 
moins.  Quatre  fascicules  forment  un  volume  grand  ïn*S°  vcmJu 
par  réditeur  16  francs  (le  port  en  sus).  Le  prix  de  chaque 
volume  est  payable  en  recevant  le  premier  fascicuïe, 

ÊK   VtyjB   LA    E-nEMlERE  SÉRIE,  COÎklt'REf^AM'  THOIS  VOLCIIES  ' 

Tome  1  (1  «60-1 863),  i  volume  de  iv-365  pages,  avec  une  carte, 
deux  tableaux»  quatorze  planches  et  un  porlrait-fronlispice. 

Tome  H  (1864*1867),  i  volume  de  Gxvni406  pa^es,  avec  un 
porlrait,  quatre  cartes,  quatre  planches,  trois  tableaux,  un 
lablcau  chromatique,  et  figures  dans  le  texte. 

Tome  m  (1871-1872),  1  volume  de  cxxxix-434  pages,  avec 
neuf  planches  et  trois  cartes. 

D£D1J£&I£  SERIE 

Tome  I  (1873-1878),  I  volume  de  xxjtvi-aG8  pages,  avec  dix- 
sepl  plancht*s* 

Tome  11  (1870-1882),  1  volume  de  544 pages  avec  six  planches. 

Tome  III  (1883-188H),  I  volume  de  530  pages,  avec  figures, 
cartes  et  tableaux. 

Tome  IV.  -^  Eu  cours  de  publication. 


Séance  du  1&  4lé<<einlire  I  8SÎ.  —  Présentaliaua  :  M.  MinotrDrAH 
Coupes  (U  circonvolutions  c&ébf  aies,  p-  771  ;  -^  Dis  eu  a  ai  on  :  MM.  Ma- 

ihîaS     DlftiL,    ïllîlODTfljE^,    MAHQI^DCAtl.   p.  773;   —    M.   ¥.    liliL|4LG.    Nu/f* 

inr  une  fouiUe  fmfg  au  champ  du  DoubU-iTOr^  p,  774  ;  —  Cûtûmunj- 
citîons  :  M,  LEToutisKAïr»  Sur  l'anihrdpophaffit  ea  Amérique,  p*  777  » 
'^  Liscuasiou  :  AtM.  Heaté,  LiTOîiEiiaEAtjj  G.  di  UonTaiËf ,  Saubo^' 
DE  PîtB*iiL*c,  p.  778;  —  M*  Lacohde,  Sur  «ne  cmitume  funéraire  du 
midi  fie  la  France,  p.TSH; -- 11.  BawTieîilnE.  La  baguette  des  SQurriers 
venfiéen^,^  p.  780  ;  ^  Diacussion  :  MU.  [lËUsti,  Bos^emèhe*  SausoHj 
G.  D£  WoBTU-LBfj  Lacow&k^  p.  782;  —  M  BossAronT,  Sur  U3  locatr- 
lasiotis  céréùraîes,  p.  783  ;  —  Discuaaion  :  H .  Hkhvè,  p.  784. 
Confèrettce  Broca  (f  CiS^Ï),  —  U.  le  dacleur  ?q%iu  Les  caracUrfn 
distjnctifs  du  cerveau  d»  l'himmef  au  puini  de  vue  morphologique^ 

La  Société  donûe  des  instructions  particplIèr^H  à  lous  les 
voyageurs  qui  lui  en  font  la  demande  et  qui  indiquf^nl  1#*9 
contrées  où  ils  se  proposent  de  recueillir  tettrs  observa  lions. 

—  On  trouve  chez  réditeur  : 

Instruciîons eraniologiques ei  craniomé triques .  Prîï-  6  fra ncs/ 

Pfimdês  feuiites  et  régis (r es  craniûmétriquet  tithogra}fhi^s. 

Pousse  reullles  craniométnquéft  et  douze  feQÎlIea  de  relevéa.    3  francs. 
Les  deux  regialrea  brochés,  nouLctiaul  chacun  sottjiQte  reuiJletsÉ    10  fr, 

Imtructions  çênêrale$  pour  îes  recherches  anthropaîogiçut» 
â  faire  sur  te  vivant  Un  volume  in-16  de  xiv-290  pages  avec 
26  fleures  dans  le  lexle,  et  deux  planches  dont  une  doubïe 
en  chromo-lilhograpliieâ  54  teintes*  Pris,   ,  ,  ,     5  francs, 

Fenîïles  d'observations  complèteSj  3  francs  le  cahier  de 
lOt)  feuilles. 

Feuilles  d*observations  abrégées^  I  fr.  50  le  cahier  de 
100  feuilles. 

Instructions  pour  le  Pérou ^  pour  le  Sénégal^  te  Memif/ue^ 
k  Chilif  la  Sicile^  hlittorùi  de  la  mer  B^uge^  le  Cambodge, 
tAsie  centrale^  la  Malaisie  ei  tile  de  Madagascar,  Prix  : 
î  franc  l'une.  

Les  instruments  destinés  aux  observations  anthropologi- 
ques et  aux  éludes  craniologiquea  ae  trouvent  chez 
MM.  CoLLiw,  6,  rue  de  TEcoie-de-Médecine  ;  Molteni, 
44,  rue  du  Cliâteau-d'Eau. 

Une  Commission  permanente  est  chargée  de  recevoir 
toutes  les  communications  relatives  à  Panthropologie  de  la 
France  et  émanant  de  personnes  étrangères  à  la  Société, 

Elle  se  compose  de  MM.  Lagneau,  de  Ranse,  Bertrand 
et  Barbier  du  Bocage* 


SOMMAIRE 


Séance  An  «  oetol*Fo  ifl^ï.  —  Ouvrag:es  otTeHs,  p,  5!»ft;  —  Prdseula- 
tioQâ  :  M.  Le  docti^ur  B^,ii4?i(iEn.  Doigts  juppfémenfairfx  xnr  ie  bord  ct*béta£ 
de  chaque  main^  p*  HOU  j  —  DîaeussioD  :  M-  TuPisàRD,  p.  flilH;  —  M.  Caun* 
iiHiKt.  Sur  u^  oj  surnumtf faire  du  piWf  p.  ^ïi%  ;  —  Commutïlcaliotisi  : 
M.  H4«T  Sur  un  fnvoi  d'Emin  Bey^  p  ê05;  — ^  Diseussrot)  :  11.  i>E9ii£i-ii, 
p.  605  ;— »  M-TiTteuLi-EK  Jilfufi^r»  îaifiéti  dé  Fonifnay-atix-  fiosts,  p,  605  j 
DjâCUS-sioû  :  M.  G.  ne  -Hortillct*  p»  fiHT;  —  M.  André  S<i?r«0K«  La  cranîo- 
hgie  t^périmfnîale^   p.    607]    —  [>ïfCu$MOU  :   MM*     DsstiKÉii^   ToftjvAim, 

Sennes  du  itO  nctoltre  iS87.  —  A  propo»  du  protê»'¥^rhaU  p^  625  ; 
—  Correspûnd»rvRe,  p.  035  ;  —  Ouvrages  offcrtA^  p.  634;  —  OL»)vla  offerr^^ 
p.  STig  ;  ^  M.  Topm*iiD.  Crûn^  de  pirate  (QnkinoiM  offert  par  if,  E*  Rt^cher, 
p,  63S  ^  —  M.  TûPtNAHii.  Moiiiùgex  d^s  types  erânitm  du  iVurtemberg ^ 
offh-fs  par  Ai*  de  Hôider^  p.  6in;  —  DtseussioD  :  MM-  M*(toi3YHJtn,  Fac- 
VELLCi  p.  642^  —  ËïectîoDâ.  p,  (>4â  ;  -—  Préseolations  -  H  j;)i.livi!eb  Beapre- 
CAnt},  Cânf^«  préco€tt  p>  t<4â;  —  Diacy^âiûn  :  MM  Ti)f>i^4itD,S«Eiso5t  G.  de 
MoiiTiLLET,  FAirrBtufj  V4<ne  CL  HoTCH,p.H45.  —M"»"  Cî.  HoTÈR,rarfa6i7i/^ 
inorpiiofo^MfMJ*  c'f'f  mttides  sous  i'infiufttce  dfs  rariaiÎQns  fùncfiontirtirs, 
p.  64^;  —  Di9eU3:»ioii- MM-BAitjinit.  M  AKucrvniEit,iUitit£ft,  CRtrusiK^i.!*  Topi- 
XAtD,  M"*' ClémencÊ  Roiëji^  p.  Ûil  ;  -  M.  {Son an.  Cotfevtivn  d'instrument t 
fn  $UeJ!  de  l'Amérique  du  HQ^d^  p.  649;  —  HiàCHiîiîOD  i  M*  G.  &E  Mor- 
TiLLKt.p.  651  ;  —  V^:fisi;*fl.  Intirument^  en  pierre  dfS  êtes  CttHarées^  p-  l>i>3  j 
~~  UiscuKion  :  MM.  G.  de  4Iç*btîi.i*i.t.  VfjiskaPj  p.  65S. 

Béanre  rfu  3  novembre  1899.  —  CommunlcaliûnR  du  bureâO  :  mort 
df  M.  Drouaulïj  p,  651;  —  Ouvrages  ofTirt:*,  p,  liaK;  —  KleciioDS,  p.  ti5î»; 
Uii'cuËSJoa  sur  b  cranîomctrié  ;  i^IUp  TopiVAtin,  SlivopThji^rij  PtcrYELLE, 
&Aii8oifi  D£m&R»,  p,  050r  —  Comniunii'»Lioiv&  :  It.  GAiLtAnt).  fi>i  ^imiufuj  df 
Ktrie&CQn  à  Car  *i«c,  d^  v^on  ^cg^i;; tfjoit  e/  de  la  rcj/jjura/iuj*^  p,  687. 

Sénnre  da  1 9  nfivf^mlire  lSS9t  —  Communlcatiofia  ûu  bureau, 
p.  mî^i  —  Ouvrages  oflerls,  p,  69t;  —  Objets  offeris,  p.  6^8;  -  11*  Sïïo- 
ïTKAc,  OjjfemeM/^  iiuma/fiï  de  Li^y.  p.  699:  **-  CaîJuliiïalure  cl  eJrcîioiit 
p.  700;  —  PréAeDtallon.^  :  M.  Edouard  Cutt h.  Sur^n  aslûngemfHt  anurmnl 
du  cu^Mtis  fi  jur  la  prff^ênre  d'un  tuuifle  rand  pft.nai'-ur  chez  un  ehcvai, 
p.  701  ;  —  M»  DotutEHÊnE.  Lne  amul^itê  br^lunne^  p.  701  ;  --  M,  A.sr  Moh- 
TiLLtf.  Huèansde  Saint- Amabie^  p.7<>5;  — Cominuoiciilioasi  H  Faiîti^ui« 
rit*  ^a  directiùn  dfia  crinière  cmnmt  c/ïractértstiqu^  du  type  chtval^  p,  7uC; 
litâJCUs^ian  :  MU*  SANtox^  ViÉttiB%E¥t,  p.  lùÛ, 

HéntÈce  du  i^^  dêrenibr«  iMâ7.  —  Correspondance,  p.  707;^  Ou- 
vrages offerU,  p.  708;  —  Ejections  pour  N  r^nouveOeratût  du  burejni, 
p.  7flS  ;  ^— Présentât  tons  :  M.  P.  Aobrï  PrésmtaUon  de  roitutnes  rus^tx^ 
p.  7ùy  ;  —  Diicuîtàlon  =  M,  A.  ur  MoKTit.i.eTj  p.  7(iO;  —  M.  VvïtviuU,  A'ti^tf 
jur  tes  sépiiiturcx  dune  ffftlertL' iQuvtrle  famitér  en  wpti;m*trr  IS87  sur  tri 
commun ç  fte  Mon titjny- t'Èng ra m j  prés  Vic-su r-Ahn<.%  p .  7 1 0  ;  —  M .  V e n- 
iftin»  Crânet  de  i'atiéf!  Cituverta  de  Montigntf-l'Enfjrain  ;  la.  race  àe  fur* 
foos  à  t'éptjque  <ks  dotmen**  p-  713.  --  M.  Miuniitni.  Happoti  sur  le  cun- 
cours  ittà  prij"  (jf/fiaff/^  p.  723  ;  **  Comuiunica  lions;  >IM.  Vamkt  et  Won  au. 
Étude  mirruscQptqueetexpérimmttiiesiirlfitaiQuagei  tur&pé^ns,  p.7ôlï;  -- 
tHtcussJon  :  ^M.  LtiToirnHKAU,  VarioTt  IhHVË.SAKsmi,  MAntiDVHiKn,  Mac^tut, 
FacvellKj  p,  736;  —  .^t.  Pi^tte.  Le  kerïug  liunurtmtr^^p.  73H. 

Séance  extrjuorilliinire  du  II  dée^einhrr^  1997,  —  QnHLriitm« 
conférence  Brtica  :  Al   Mathias  UuVal.  LtAphane^  depuu  Bruta,  p.  745. 

(  l'ouïr  la  tuitt  à  ta  pag^  3j^ 


|*#rtp.  -  tjputtnythn  A*  flvniicTiii,  m«  tkiiml 


mil J  J  1/  U  U  1/  NI  1  fil/   i  tu  m  h  \r 


3   2044   041    739   608 


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