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Full text of "Bulletin de la Société archéologique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure"

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SOCIÉTÉ  ARCHÉOLOGIQUE  DE  NANTES 


1879 


BULLETIN 


DE  LA 


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SOCIETE  ARCHEOLOGIQUE 


DE  NANTES 


ET  DU   DÉPARTEMENT   DE  LÀ  LOIRE-INFERIEURE. 


TOME    DIX-HUITIÈME. 

Année  1879. 


NANTES, 
IMPRIMERIE  DE  VINCENT  FOREST  5c  EMILE  GRIMA UD, 

PLACE  DU  COMMERCE,  A. 


1879 


™EGETTYCêNTER 
IWRARV 


EXTRAITS 


DES 


PKOCÈS-VERBAUX    DES   SÉANCES 


Séance  du  7  Janvier  1879. 
Présidence  de  M.  le  baron  de  Wismes. 

Présents  :  MM.  le  baron  de  Wismes,  De  l'Isle,  Maître,  Van  Iseghem  père, 
R.  Blanchard,  R.  Menard,  Evellin,  Perthuis  et  Lemeignen. 

Sont  déposés  sur  le  bureau  les  ouvrages  suivants  : 

lo  Mémoires  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Picardie.  1  vol.  in-8°, 
1878; 

2°  Bulletin  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Picardie.  Année  1878, 
n°  3,  br.  in-8°  ; 

3°  Mémoires  de  V Académie  du  Gard.  Année  1876,  1  vol.  in-8°. 

M.  Le  Coy  de  la  Marche,  archiviste-paléographe,  professeur  d'histoire  à 
l'Université  catholique,  79,  rue  du  Bac,  à  Paris,  qui  se  propose  de  publier 
une  Fie  de  saint  Martin  de  Tours,  prie  toute  personne  qui  aurait  quelque 
renseignement  sur  la  vie  du  saint,  les  légendes  locales,  les  monuments,  etc., 
de  les  lui  communiquer. 

M.  Boiselle,  curé  de  Sainte-Alpaïs,  par  Saint-Julien  du  Saulx  (Yonne), 
demande  des  renseignements  analogues  sur  la  vie  de  sainte  Alpaïs,  ber- 
gère de  Cadot. 

La  Société  a  reçu  un  buste  de  M&r  Fournier,  modelé  par  M.  E.  Etienne, 
son  parent.  M.  le  président  a  déjà  remercié  M.  Etienne  de  son  gracieux 
envoi,  et  la  Société  ne  peut  que  se  joindre  à  son  président.  Elle  est  heu- 
reuse de  placer  dans  son  musée  celui  qui  présida  si  souvent  nos  séances, 
avec  quelle  distinction  !  chacun  le  sait  1 


.     6  — 

Le  dépouillement  du  scrutin  pour  la  nomination  d'un  bibliothécaire  et 
de  deux  membres  du  comité,  donne  la  majorité  des  suffrages  à  M.  Blan- 
chard, qui  est  proclamé  bibliothécaire,  et  à  MM.  Van  Iseghem  et  Ch.  Seid- 
ler,  qui  sont  nommés  membres  du  comité  central. 

M.  l'abbé  Berthaud,  curé  de  Basse-Goulaine,  est  décédé  le  7  décembre 
1878,  à  l'âge  de  56  ans.  Il  faisait  partie  de  notre  Société,  et  se  montra 
toujours  des  plus  bienveillants  pour  elle. 

Nous  avons  perdu  encore  M.  le  docteur  Mahot,  un  des  médecins  les  plus 
distingués  de  Nantes,  et  qui  fut  avec  MM.  Bonamy  et  Bataille,  l'un  des 
meilleurs  élèves  du  docteur  Fouré. 

Enfin,  la  Société  peut  regretter  aussi,  bien  qu'il  ne  fût  plus  sociétaire,  la 
perte  de  M.  Hubin  de  la  Bairie,  un  des  plus  fins  connaisseurs,  surtout  en 
art  grec,  de  notre  cité  ^  il  avait  formé  une  jolie  collection  dont  il  dut  se 
séparer  peu  à  peu.  Plusieurs  beaux  objets,  qui  lui  avaient  appartenu,  enri- 
chissent aujourd'hui  notre  musée. 

M.  Garnier,  présenté  par  MM.  de  l'Isle  et  Lemeignen,  et  M.  Fr.  Bou- 
gouin,  présenté  par  MM.  Pître  de  l'Isle  et  B.  Menard,  sont  ensuite  procla- 
més membres  de  la  Société. 

Puis  il  est  décidé  que  dorénavant  toutes  les  séances  de  la  Société  et  du 
comité  auront  lieu  à  quatre  heures  moins  le  quart  précis.  C'est  une  heure 
adoptée  par  les  sociétés  savantes  de  Paris  et  qui  paraît  de  nature  à  satis- 
faire le  plus  grand  nombre  de  nos  adhérents. 

L'ordre  du  jour  appelle  ensuite  le  compte-rendu  de  l'Exposition  à  la  salle 
d'Anthropologie  au  Trocadéro. 

M.  le  baron  deWismes  a  déposé  sur  la  table  du  bureau  un  coffret  de 
tournure  séculaire,  contenant  les  diverses  pièces  envoyées  par  lui  a  l'Expo- 
sition. 

Au  moment  de  lever  le  couvercle  qui  pèse  sur  ces  divinités  fragiles,  ré- 
duites à  l'état  de  demi-dieux  par  l'injure  des  temps,  M.  le  président  jette 
un  coup  d'œil  de  regret  sur  l'auditoire  très  clairsemé. 

Après  avoir  décidé  que  cette  exhibition  serait  remise  à  la  prochaine 
séance,  on  passe  à  la  revue  des  différents  ouvrages  envoyés  à  la  Société. 

1°  Société  des  Antiquaires  de  Picardie.  —  Cette  revue  comprend  :  les 
sciences,  l'histoire  et  la  littérature.  Les  deux  derniers  volumes  contiennenl 
un  dictionnaire  topographique,  par  M.  L.  Garnier,  secrétaire  perpétuel. 
Malgré  l'étendue  de  ce  recueil,  les  détails  y  font  défaut  et  les  localités 
y  sont  analysées  d'une  façon  un  peu  brève. 

1o  Mémoires  de  l'Académie  du  Gard,  année  4876,  contenant  : 

1°  Un  très  beau  travail  sur  les  voies  romaines,  par  M.  Auguste  Aunez, 
membre  résident.  De  savantes  recherches  ont  permis  a  M.  Aunez  d'étudier 
un  grand  nombre  d'inscriptions  et  de  bornes  milliaires,  recueillies  non  seu- 


—  7  — 

lement  dans  les  musées  et  les  collections,  mais  aussi  dans  les  châteaux  et, 
les  localités  de  son  département.  Des  plans  et  de  nombreuses  gravures 
accompagnent  le  texte. 

2°  Notice  sur  le  peintre  A.  Collin,  élève  de  Girodet.  M.  le  baron  de 
Wismes,  si  compétent  en  pareille  matière,  nous  retrace  en  quelques  traits 
les  principales  qualités  de  ce  peintre. 

Collin  était  né  à  Nîmes,  en Très  lié  avec  Delacroix,  Gericault  et 

Bonington,  il  fut  nommé  directeur  de  l'école  de  sa  ville  natale  après  1830.  Il 
eut  une  certaine  célébrité,  éclipsée  toutefois  par  les  grands  noms  de  ses  amis. 
Ses  compositions  ont  un  grand  charme  de  coloris,  de  l'esprit,  de  la  finesse, 
mais  le  style  lui  a  manqué.  Ses  aquarelles,  un  peu  dans  la  manière  de 
Boninglon,  sont  encore  estimées,  bien  que  son  nom  commence  a  être  oublié. 
M.  Van  Iseghem  père  ajoute  à  ce  compte-rendu  quelques  renseignements 
sur  Collin  avec  qui  il  a  été  en  rapport  et  qui  a  fait  son  portrait.  Lorsque 
parut  le  Naufrage  de  la  Méduse,  Collin  fut  un  des  plus  zélés  partisans  de 
ce  chef-d'œuvre,  alors  très  contesté.  Il  en  publia  une  lithographie  qui 
contribua  au  succès  de  ce  tableau. 

3°  Découvertes  archéologiques  en  1873. 

M.  le  baron  de  Wismes  passe  en  revue  les  divers  noms  énumérés  dans  ce 
travail  : 

Ceux  de  Senocondus,  Solibilis  et  Soliceine,  par  leur  physionomie  celtique 
appellent  son  attention. 

Le  mot  :  utriculaires  (petites  outres),  rappelle  ces  confréries  si  répandues 
autrefois  dans  le  Midi  de  la  France. 

4°  Un  dernier  travail  Néologisme  est  consacré  aux  mots  nouveaux 
introduits  par  nos  romanciers,  et  dont  la  meilleure  part  revient  à 
Mme  Sand. 

La  séance  est  levée  à  9  heures  1/2. 


Le  Secrétaire  général, 
Henri  Lemeignen. 


Le  Secrétaire  du  Comité, 

PlTRR  DE  L'ISLE  DU  DrÉNEUF. 


Séance  du  21  Janvier  1879. 
Présidence  de  M.  le  baron  de  fVismes. 

Étaient  présents:  MM.  le  baron  de  Wismes,  Marionneau,  Maître,  Petit, 
abbé  Gallard,  Huette,  Bertrand- Duplessix,  A.  Garnier,  Van  Iseghem  père, 
Merland,  de  Brémond  d'Ars  et  Lemeignen. 

Sont  déposés  sur  le  bureau  les  ouvrages  suivants  : 


—  8  — 

io  Rapport  sur  la  Paléontologie.  Période  néolithique  ou  de  la  pierre 
polie,  par  M.  Em.  Carthaillac,  une  brochure  in-8°; 
2°  Société  archéologique  de  Bordeaux.  T.  III,  1er  fascicule,  mars  1876, 

in-8°  ; 

3°  Déposé  par  M.  Petit.  —  Plusieurs  livraisons  des  publications  archéo- 
logiques sur  le  Gatinais,  par  M.  Michel,  de  Fonlenay-sur-Loing,  don  de 
l'auteur. 

M.  le  baron  de  Wismes  fait  un  rapport  succint  sur  l'historique  des  expo- 
sitions anthropologiques  et  quelque  peu  gallo-romaines  aux  salles  du  Tro- 
cadéro  et  à  celles,  plus  spéciales,  qui  leur  avaient  été  consacrées  sur  le  quai 
de  Billy.  Il  rappelle  les  noms  des  principaux  membres  qui  y  ont  exposé.  Il 
cite  entre  autres  parmi  nos  Nantais,  M.  Charles  Seidler,  dont  l'exposition 
était  une  des  plus  belles,  puis  MM.  Parenteau  et  Marionneau.  Il  signale  les 
principaux  objets  qui  ont  fixé  l'attention  du  public  nombreux  qui  s'est 
porté  vers  ces  salles  pendant  plusieurs  mois,  et  passe  ensuite  à  la  descrip- 
tion succincte  de  sa  propre  exposition,  exposition  qu'il  nous  a  apportée  en 
entier. 

Dans  cette  première  séance,  car  le  temps  ne  lui  permettait  pas  d'achever 
de  montrer  et  surtout  de  décrire  tous  ces  objets,  dont  un  des  plus  grands 
intérêts  est  d'avoir  été,  pour  la  plupart,  trouvés  dans  les  fouilles  nantaises, 
M.  de  Wismes  nous  fait  surtout  voir  : 

1°  Une  des  plus  belles  épées  en  bronze  que  l'on  connaisse.  Elle  est 
mince,  pas  très  longue,  assez  pointue  et  coupe  des  deux  côtés  comme  un 
rasoir.  M.  de  Wismes  la  pense  gauloise,  mais  de  l'époque  oii  les  Gaulois 
avaient  appris  des  Romains  l'art  de  tremper  solidement  le  bronze.  Toute- 
fois, il  n'ose  rien  affirmer.  —  Cette  épée  a  été  trouvée  dans  les  marais  ou 
prairies  qui  bordent  l'Achenau,  alors  qu'on  établit  le  pont  de  Pilon  sur  cette 
petite  rivière,  et  a  été  donnée  à  notre  président  par  son  parent  et  ami  le 
comte  de  Lautrec,  du  château  de  Briord.  —  Les  débris  d'une  voie  antique 
gauloise  ou  romaine  existent  en  ce  lieu,  ou  des  fouilles  feraient  probable- 
ment découvrir  d'autres  objets  curieux,  et  il  suffit  de  jeter  un  coup  d'oeil 
sur  une  carte  pour  voir  qu'en  effet  une  voie  venant  du  Bas-Poitou  par  la 
Garnache,  Machecoul  et  Sainte-Pazanne,  devait  naturellement  passer 
à  Pilon  pour  aboutir  soit  au  Pellerin,  soit  à  Buzay,  soit  dans  ces  deux 
localités,  pour  de  là  poursuivre  en  Bretagne,  de  l'autre  côté  du  fleuve, 
dans  la  direction  de  Blain  et  de  Rennes,  et  probablement  aussi  dans  celle 
de  Vannes; 

2°  Une  très  belle  statuette  en  poterie  blanche,  probablement  des  fabriques 
de  l'Allier,  représentant  une  femme  tenant  une  patère.  Elle  a  été  trouvée 
devant  le  Mont-de-Piété; 

3°  Quatre  objets  trouvés  ensemble  et  se  rapportant,  trois  surtout  sans 


—  9  — 

contestation,  au  culte  d'Isis,  savoir  :  une  tête  de  l'Isis  Egyptienne  avec  deux 
cornes  recourbées  en  forme  de  croissant;  un  prêtre  Egyptien,  et  un  animal 
de  la  race  bovine  ou  l'on  peut  voir  soit  la  vache  Io,  soit  son  cousin  le  bœuf 
Apis;  le  quatrième  objet  est  une  charmante  petite  lampe.  Tous  ces  objets 
sont  en  terre  blanche. 

Une  médaille  d'Antonin  a  été  recueillie  tout  près  dans  le  même  terrain, 
par  M.  de  Wismes.  —  Or,  on  sait  justement  que  voyant  les  dogmes  de  la 
religion  païenne  de  Rome  s'effacer  d'année  en  année  devant  les  progrès  du 
christianisme,  Adrien,  Antonin,  Marc-Aurèle  firent  un  effort  très  vif  pour 
opposer  à  ce  culte  nouveau  les  cultes  étrangers  qui  le  rappelaient  davan- 
tage. L'Isis  d'Egypte  et  le  Mythras  de  Perse,  dont  les  mystères  se  célébraient 
d'ailleurs  à  Rome  déjà  depuis  longtemps,  leur  parurent  le  plus  propres  à 
remplir  ce  but,  et  c'est  sous  ces  empereurs  qu'ils  se  répandirent  le  plus.  Il 
y  a  donc  ici  concordance  frappante  des  faits  avec  les  notions  de  l'histoire. 
Ces  objets  ont  été  trouvés  rue  Saint-Denis,  au  coin  de  la  rue  de  Château- 
dun,  tout  contre  l'ancienne  église  Saint-Denis.  Serait-il  impossible  que  la 
déesse  Isis  eût  eu  sur  son  emplacement  un  sanctuaire  vénéré  comme  elle 
en  avait  un,  croit-on,  à  ou  près  Paris,  et  que  l'Eglise,  selon  un  usage  dont 
on  connaît  plus  d'un  exemple,  eût  choisi  Saint-Denis  dont  le  nom  se  rap- 
prochait de  celui  de  la  déesse  Egyptienne,  pour  faire  plus  vite  oublier  aux 
habitants  cette  déesse  et  son  culte?  M.  de  Wismes  n'émet  du  reste  cette 
pensée  que  comme  une  hypothèse  très  vague,  mais  qui  ne  serait  pas  inac- 
ceptable.—  Il  pense  aussi  que  ces  objets  peuvent  simplement  provenir  d'un 
modeste  laraire,  élevé  en  ce  lieu  par  des  troupes  égyptiennes  employées 
dans  la  garnison,  mise  par  les  Romains  ; 

4°  Un  curieux  fragment  de  verrerie,  avec  application  d'or,  trouvé  dans  les 
mêmes  passages. 

Sur  un  fond  de  verre  assez  épais  on  a  étendu  une  feuille  d'or  de  la 
forme  et  de  la  grandeur  d'une  case  de  damier.  On  a  recouvert  cette  feuille 
d'or  avec  du  verre  pilé  très  fin  lié  avec  une  gomme  quelconque, 
puis  on  a  remis  le  tout  au  feu,  la  poudre  de  verre  a  fondue  et  a  formé  sur 
la  feuille  d'or  comme  un  vernis  translucide.  C'est  à  peu  près  le  procédé 
des  verreries  des  Catacombes,  mais  le  moine  Théophile  le  décrit  comme 
encore  employé  au  XIe  siècle,  et  M.  de  Wismes  est  porté  a  considérer  ce 
curieux  fragment  comme  de  cette  époque.  Peut-être  a-t-il  fait  partie  d'un 
autel  ou  d'une  châsse  de  l'église. 

M.  Parenteau  possède  un  autre  fragment  non  semblable,  mais  aua- 
logue,  venant  des  mêmes  fouilles.  Ce  sont  les  seuls  qu'on  ait  trouvés  h 
Nantes  ; 

5°  Un  petit  peigne  en  ivoire  trouvé  près  du  Raptistère,  qu'on  découvrit, 
il  y  a  quelques  années,  dans  la  cour  de  l'Évêché; 


—  40  - 

6°  Un  grand  nombre  de  fragments  d'urnes  funéraires.  Il  n'est  pas  inutile 
de  rappeler  dans  quelles  circonstances  on  les  a  mises  au  jour.  La  ville  de 
Nantes,  autrefois  Condivicnum,  était  située  le  long  de  la  Loire.  Un  chemin 
sortait  de  la  ville,  a  peu  près  vers  l'endroit  oii  se  trouve  aujourd'hui  la  rue 
de  Strasbourg,  se  dirigeant  vers  la  route  de  Rennes.  M.  le  président  qui  a 
suivi  les  démolitions  nécessitées  pour  la  percée  de  la  rue  de  Strasbourg,  y 
a  rencontré  un  grand  nombre  de  débris  de  tombeaux.  C'était  en  effet  l'ha- 
bitude romaine  d'enterrer  les  morts  hors  des  villes,  le  long  des  chemins, 
des  grandes  voies. 

Sur  ces  poteries,  on  remarque  des  sujets  assez  peu  variés  du  reste,  des 
chasses,  des  combats,  des  fleurs.  Un  fragment  montre  une  barque,  sujet 
qu'on  n'a  peut-être  encore  jamais  rencontré  jusqu'ici.  Une  urne  porte 
cette  inscription  :  METIGGA.  Sur  d'autres,  on  lit  la  signature  du  potier  qui 
les  fabriqua. 

M.  de  Wismes  remet  à  la  prochaine  séance  la  suite  de  ses  communica- 
tions, et  la  parole  est  donnée  à  M.  Petit,  pour  une  note  accompagnée  d'un 
dessin  sur  une  tombe  gallo-romaine  en  grandes  briques,  récemment  trou- 
vée à  Saint-Donatien  dans  les  fouilles  nécessitées  pour  l'achèvement  de 
l'église.  Cette  note  curieuse  paraîtra  en  entier  dans  notre  Bulletin  et  sera 
accompagnée  de  la  gravure  du  tombeau. 

Eu  égard  à  l'heure  avancée,  la  lecture  du  travail  de  M.  Maître  est  remise 

à  la  prochaine  séance. 

Le  Secrétaire  général, 

Henri  Lemeignrn. 


Séance  du  4  Février  1879. 
Présidence  de  M.  le  baron  de  ÏPismes. 

Furent  présents  :  MM.  le  baron  de  Wismes,  de  la  Laurencie,  de  Brémond 
d'Ars,  L.  Maître,  L.  Petit,  abbé  Gallard,  Van  Iseghem  père,  de  Béjarry, 
Blanchard,  Arthur  de  la  Borderie,  A.  Perthuis-Laurant,  Arthur  Garnier, 
Louis  Viaud,  Baoul  de  Rochebrune. 

M.  Maître  lit  un  aveu  rendu  par  les  potiers  d'Herbignac  au  seigneur  de 
Kerolivier,  ou  les  dimensions  des  vases  sont  fixées  d'une  façon  très  précise. 
M.  de  la  Borderie,  présent  à  la  séance,  dit  que  ses  recherches  lui  ont  per- 
mis de  constater  que  les  potiers  de  Bieux  et  ceux  de  Chartres,  près  Rennes, 
étaient  également  réunis  en  corporations.  Ce  sont  les  seules  qu'il  connaisse 
en  Bretagne.  L'acte  lu  par  M.  Maître  se  rapporte  exclusivement  aux  droits 
de  réglementation  exercés  par  le  seigneur  de  Kerolivier,  pour  la  terre  que 
les  potiers  prenaient  sur  sa  seigneurie.  Ces  droits,  d'après  cet  acte,  dont 


— 11  — 

M.  Maître  nous  donnera  la  copie  entière  pour  être  imprimée  dans  nos  Bulle- 
tins, existaient  de  toute  antiquité. 

Au  sujet  de,  ces  communications,  et  prenant  acte  de  l'intérêt  avec  lequel 
on  le9  a  écoutées,  le  président  engage  tous  les  membres  de  la  Société  à 
bien  se  pénétrer  de  cette  pensée  :  que  nous  ne  sommes  pas  seulement  une 
Société  d'archéologie  monumentale,  mais  que  tous  les  documents  qui  à  un 
titre  quelconque  intéressent  l'histoire,  les  mœurs  des  anciens  temps,  les 
usages  des  localités,  l'histoire  des  familles,  des  corporations,  des  métiers, 
des  états,  des  municipalités,  etc.,  etc.,  ont  de  l'intérêt  pour  nous,  et  droit  à 
nous  être  apportés  et  communiqués  en  original  ou  en  copie 5  et  il  pense  qu'il 
n'est  presque  pas  un  des  membres  de  la  Société  qui  ne  pût  nous  apporter 
des  documents  de  cette  sorte.  Des  communications  d'imprimés  rares,  de 
gravures  rares,  etc.,  peuvent  aussi  avoir  un  grand  intérêt  5  il  engage  a  ne 
pas  avoir  à  l'égard  de  ces  communications  de  fausse  timidité  ;  outre  leur 
intérêt  en  elles-mêmes,  elles  peuvent  donner  lieu  à  d'intéressants  entre- 
tiens, et  ne  fussent-elles  parfois  que  d'agréables  distractions  à  des  sujets 
plus  sévères,  elles  seront  toujours  accueillies  avec  reconnaissance. 

M.  le  baron  de  Wismes  continue  et  termine  l'exhibition  de  son  exposition 
aux  salles  d'anthropologie  du  quai  de  Billy,  près  le  Trocadéro.  Pour  plus  de 
clarté  à  travers  la  description  même  très  sommaire  de  tant  d'objets  divers, 
nous  poursuivrons  l'ordre  de  numération  commencé  dans  notre  précédent 
procès-verbal  : 

7°  Sorties  d'eau  de  vases  fins  gallo-romaines  en  poteries  rouges  (fouilles 
de  Nantes).  Ces  sorties  d'eau  ou  d'un  liquide  quelconque  ne  sont  pas  très 
rares,  mais  il  est  difficile  d'en  rencontrer  de  plus  belles  que  celles  que  nous 
montre  notre  confrère  et  qui  consistent  en  une  tête  de  lion,  une  tête  de 
loup  (?)  et  un  fleuve  couché,  le  bras  droit  recourbé  sur  sa  tête,  et  envelop- 
pant du  bras  gauche  son  urne  par  où  s'épanchait  l'eau  ^  ce  dernier  motif 
n'avait  pas  jusqu'ici,  à  la  connaissance  de  M.  de  Wismes,  encore  été 
rencontré  dans  ce  genre  d'objets.  M.  de  Wismes  ajoute  au  sujet  de  ces 
sortes  de  vases,  que  comme  usage  pour  la  sortie  d'un  liquide,  si  ce 
n'est  pour  le  cas  d'un  trop  plein,  elles  devaient  être  fort  incommodes  ?  il 
est  d'ailleurs  porté  à  croire  qu'en  général  les  poteries  rouges,  dites  sa- 
miennes,  servaient  peu  dans  les  usages  familiers  et  avaient  le  plus  souvent 
une  destination  pieuse  ou  funéraire.  La  grande  quantité  qui  a  été  trouvée 
de  ces  poteries  dans  les  tombes  du  cimetière  gallo-romain,  dit  de  M.  Lan- 
deau,  près  du  Val-de-Grâce,  fouillé  en  1878,  tombes  parfaitement  intactes, 
vient  appuyer  sa  pensée.  Il  croit  aussi  que  les  vases  dont  proviennent  les 
trois  beaux  fragments  qu'il  nous  présente,  ont  dû  plus  d'une  fois  avoir  servi 
à  répandre  des  libations  en  l'honneur  des  dieux  ou  des  défunts,  puis  être 
renfermés  dans  les  tombes.  Les  vases  étaient  plus  ou  moins  riches,  selon  la 


—  12  — 

qualité  et  la  fortune  du  défunt.  C'est  ainsi  que  ceux  du  cimetière  Landeau, 
cimetière  que  M.  de  Wismes  pense  avoir  été  celui  d'une  petite  population 
rurale  suburbaine,  sont  en  général  très  simples,  tout  en  étant  très  purs  de 

formes. 

8°  Pendant  que  nous  en  sommes  aux  poteries  rouges,  achevons  de  suite 
|a  mention  de  celles  que  notre  confrère  nous  présente.  —  Deux  charmants 
génies  ailés,  le  genou  droit  en  terre,  répandent  des  libations,  évidemment 
avec  l'idée  d'une  tombe  dans  l'intention  de  l'artiste  et  répondent  bien  à 
l'idée  de  M.  de  Wismes.  Ces  figures  ont  une  telle  grâce  que  les  ouvriers 
les  prenaient  pour  des  anges.  C'était  probablement  un  type  reçu  et  consa- 
cré, car  ils  ne  sortent  pas  de  la  mémo  matrice. 

9°  Un  homme  avec  un  grand  couteau  de  chasse  qui  ressemble  presque 
à  un  cimeterre  attaquant  un  sanglier.  Ce  sujet  est  peu  commun  et  très 
bien  traité. 

10°  Un  magnifique  fragment  offrant,  outre  des  chevaux  qui  semblent 
avoir  succombé  dans  une  lutte  quelconque,  un  homme  nu  sur  un  cheval 
au  galop  -,  cet  homme  semble  frapper  ou  menacer  de  la  droite,  et  de  la 
gauche  il  tient  un  bouclier  rond.  Est-ce  une  scène  de  guerre,  une  scène 
de  cirque  ?  Noire  confrère  penche  pour  ce  dernier  avis.  C'est  un  des  beaux 
morceaux  qui  aient  été  rencontrés  à  Nantes. 

11°  Un  fragment  sur  lequel  se  trouve  un  navire  ^  la  droite  est  occupée 
par  des  rameurs  assis,  dont  on  ne  voit  que  les  têtes  ^  —  à  gauche,  en  avant 
du  navire,  est  un  guerrier  casqué  tenant  sa  lance  de  la  main  gauche.  Ce 
navire  a  une  grande  voile  au  vent.  —  Notre  confrère  ne  croit  pas  qu'on  eût 
encore  rencontré  de  navire  sur  des  vases  samiens  ;  —  de  savoir  s'il  faut  voir 
ici  l'image  de  quelque  César,  tel  qu'Auguste  à  Actium,  ou  plutôt  un  sujet 
grec,  tel  que  Jason  à  la  conquête  de  la  Toison  d'or;  notre  confrère  penche 
pour  cette  dernière  idée,  et  il  n'est  pas  difficile  de  trouver  dans  le  navire 
fendant  les  flots,  surtout  chez  les  anciens,  si  amateurs  de  l'allégorie,  c'est- 
à-dire  de  la  pensée  exprimée  sous  une  forme  sensible,  une  image  frappante 
du  passage  de  la  vie  terrestre  à  la  demeure  des  morts. 

12°  Autre  fragment  avec  Hercule  tuant  l'hydre  de  Lerne,  près  Argos. 
Notre  confrère  nous  fait  observer  qu'autant  sont  communes  les  représenta- 
tions d'Hercule  au  repos  et  isolé,  autant  sont  rares  les  images  du  héros 
accomplissant  ses  douze  fameux  travaux.  Le  premier  de  ces  travaux  fut 
l'étranglement  du  lion  de  Némée,  dont  il  revêtit  et  porta  toujours  depuis 
la  peau,  —  aussi  l'y  voit-on  déjà  la  portant  sur  son  bras  lorsqu'il  tue 
l'hydre,  ce  qui  fut  son  second  travail.  Cet  hydre  avait  sept  têtes,  dont  une 
seule  immortelle,  qu'Hercule  fut  obligé  d'enterrer  sous  un  énorme  rocher. 
Quelquefois,  comme  dans  la  poterie  de  notre  confrère,  l'hydre  est  réduite  à 
cette  seule  tête.  —  Ce  sujet  herculéen  est  presque  le  seul  qui  se  soit  en- 


—  13  - 

core  trouvé  sur  les  poteries  rouges.  M.  de  Wismes  en  connaît  au  moins 
une  représentation  identique  à  la  sienne. 

13°  Pan,  jouant  de  la  flûte,  le  bras  étendu,  comme  pour  la  prendre  sous 
sa  protection,  sur  une  femme  nue  tenant  une  écharpe  des  deux  mains  for- 
mant cercle  à  la  hauteur  de  ses  genoux.  —  M.  de  Wismes  possède  un  vase 
entier  ou  le  môme  sujet  traité  avec  quelques  différences  est  représenté  plu- 
sieurs fois.  —  Par  une  circonstance  singulière,  ce  vase  est  complètement 
traité  dans  le  style  du  fameux  orfèvre  ornemaniste  du  XVIIa  siècle,  Jean 
Berain. 

14°  Un  personnage  vêtu  d'une  courte  robe  serrée  à  la  taille  par  une 
ceinture,  et  portant  des  braies  ou  pantalons;  —  on  dirait  un  prêtre  ou 
druide.  C'est  une  représentation  fort  rare. 

15°  Un  morceau  d'une  grande  finesse  sur  lequel  se  voient  :  Silène,  ivre, 
supporté  par  un  de  ses  compagnons;  Vénus  tout-à-fait  dans  l'attitude  de 
la  déesse  de  Médicis,  une  autre  déesse  vue  de  dos  et  un  jeune  dieu. 

16°  Un  masque  d'homme  barbu,  la  barbe  tressée  à  la  façon  asiatique.  — 
On  sait  que  les  masques  ont  été  assez  souvent  employés  comme  sujets 
d'ornementation  sur  les  vases  samiens,  mais  la  plupart  diffèrent  l'un  de 
l'autre  et  leur  représentation  y  a  toujours  de  l'intérêt.  Les  masques 
d'hommes  se  voient  plus  souvent  que  ceux  de  femmes. 

17°  Une  fort  belle  signature  en  barbotine,  c'est-à-dire  dans  la  matière 
rouge  fluide  elle-même  dont  on  enduisait  le  vase.  —  Cette  signature 
CETTVS  est  dès  lors,  selon  toute  vraisemblance,  celle  de  l'artiste,  auteur 
du  vase  et  non  celle  du  fabricant  potier.  —  Ce  nom  n'a  encore  été  ren- 
contré que  deux  fois.  (Voir  Schwermans,  Sigles  figulins.)  Malheureusement 
presque  tout  le  vase  manque  à  notre  confrère. 

18°  Il  en  est  de  même  pour  un  autre  fragment  sur  lequel  on  lit  égale- 
ment en  barbotine  sur  la  panse  du  vase,  la  signature  non  moins  rare  de 
ÏUSSA. 

19°  Une  collection  très  remarquable  et  rarissime  représentant  une  Vénus 
couchée  sur  un  lit,  et  trois  petits  génies  nus,  ailés,  portant  l'un  un  lièvre, 
un  autre  un  arc,  etc.  —  Ces  sculptures  d'un  style  aussi  large  qu'artistique 
devaient  orner  des  petites  tasses,  dont  M.  de  Wismes,  faute  d'en  avoir  ren- 
contré dans  aucun  musée,  ignore  la  forme  complète.  C'est  une  des  parties 
de  sa  collection  dont  il  fait  le  plus  de  cas.  Il  possède  encore  quelques  autres 
sujets,  tels  qu'un  Ganymède  enlevé  par  Jupiter,  et  un  cerf  qui  ont  orné  des 
tasses  du  même  genre. 

20°  Une  portion  considérable  d'un  petit  vase  orné  de  ceps  de  vignes  et 
d'oiseaux,  d'un  style  et  d'une  élégance  vraiment  admirables;  dans  ces 
oiseaux  on  croit  reconnaître  des  hirondelles.  Cette  poterie  est  signée  sur  sa 
panse  du  nom  de  TIGRAWES  en  creux.  Ce  nom,  encore  ici  celui  d'un  ar- 


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tiste,  n'avait  été  trouvé  qu'en  Allemagne,  et  même  d'une  façon  in- 
complète. C'est  la  première  fois  qu'il  se  rencontre  en  France.  11  rappelle 
immédiatement  les  fameux  rois  d'Arménie  dont  plusieurs  firent  la  guerre 
aux  Romains.  Il  n'est  pas  impossible  de  penser  que  les  Romains  ayant  sou- 
vent, comme  on  sait,  la  coutume  d'envoyer  servir  loin  de  leur  pays  natal 
les  soldats  des  pays  qu'ils  se  soumettaient,  et  ces  soldats  s'étant  souvent, 
eux  ou  leurs  enfants,  établis  dans  les  pays  loin  de  Rome  où  ils  devenaient 
non  moins  colons  que  militaires,  ce  nom  de  Tigranes  était  bien  en  effet 
celui  d'un  arménien.  —  Cette  poterie  vient  de  Rezé  et  a  été  acquise  par 
M.  de  Wismes,  de  M.  Hubin  de  la  Rairie,  qui  la  considérait  comme  un  mor- 
ceau de  choix. 

21°  Non  moins  remarquable  et  plus  fin  encore  est  un  autre  fragment 
orné  aussi  de  pampres  et  d'oiseaux,  venant  également  de  Rezé  et  de 
W.  Hubin. 

22°  Enfin,  provenant  encore  des  même  origines,  une  charmante  signa- 
ture dans  laquelle  le  nom  EROS  est  en  tout  petit  renfermé  dans  un  H. 
Hermeros  était  apparemment  le  nom  du  gallo-romain  qui  imprima  cette 
signature  sur  la  poterie  avec  le  chaton  de  sa  bague. 

Au  sujet  de  ces  trois  dernières  poteries,  M.  de  Wismes  nous  dit  que 
M.  Hubin,  entre  les  mains  duquel  avaient  passé  tant  d'objets  venant  les 
uns  de  Nantes,  les  autres  de  Rezé,  considérait  la  civilisation  de  cette  der- 
nière cité  comme  ayant  été  plus  raffinée  que  celle  de  Nantes.  Sans  être 
opposé  à  cette  opinion,  M.  de  Wismes  la  regarde  cependant  comme  assez 
hypothétique. 

23°  Fragments  de  diverses  espèces  de  poteries  peintes,  les  unes  proba- 
blement gallo-romaines  et  les  autres  mérovingiennes.  Ces  fragments  se  sont 
montrés  rares  à  Nantes. 

24°  Rracelets  de  femmes,  incomplets,  les  uns  en  verre  vert,  les  autres  en 
verre  bleu,  variés  de  formes,  mais  simples.  Ils  proviennent  probablement 
de  tombes  soit  purement  gallo-romaines,  soit  enjambant  sur  l'époque  mé- 
rovingienne. L'usage  de  ces  bracelets  paraît  avoir  été  assez  répandu  dans 
notre  ville.  Leur  fragilité  les  rendait  un  bon  objet  de  commerce  pour  le 
marchand. 

25°  Tête  très  bien  exécutée  et  revêtue  d'un  enduit  jaunâtre,  d'un  jeune 
enfant  rieur.  Est-ce  le  débris  d'un  joujou  de  baby  gallo-romain,  dans  la  tombe 
duquel  ses  parents  désolés  avaient  renfermé  les  objets  qui  avaient  fait  ses 
innocentes  joies?  M.  de  Wismes  le  pense,  tout  en  admettant  que  cette  tête 
a  pu  représenter  le  dieu  Rire,  sur  lequel  il  y  a  dans  l'âne  d'or  d'Apulée  des 
pages  si  amusantes.  —  Un  buste  du  même  type,  mais  beaucoup  moins  bien 
exécuté,  est  reproduit  dans  l'ouvrage  de  M.  Tudot  sur  les  poteries  de  l'Al- 
lier. —  M.  de  Wismes  en  possède  lui-même  un  autre  exemplaire,  mais  mal 
conservé. 


—  15    - 

26°  Petite  tête  de  femme  en  terre  cuite  d'un  blanc  tirant  sur  le  gris. 
Elle  est  d'une  exécution  très  nue  et  fort  supérieure  aux  figures  du  Bourbon- 
nais, dont  elle  diffère  d'ailleurs  par  la  qualité  et  la  dureté  de  la  pâte.  Cette 
tête,  partie  supérieure  d'une  statuette  dont  le  reste  est  bien  regrettable, 
porte  une  coiffure  très  élégante  surmontée  d'un  diadème.  Elle  ne  peut 
être  que  celle  d'une  déesse  ou  d'une  impératrice.  Son  type  est  celui  d'une 
Junon  ^  elle  a  été  trouvée  vers  le  commencement  des  fouilles,  sur  la  place 
Saint-Pierre,  près  de  l'entrée  de  la  rue  Royale. 

27°  Parmi  diverses  poteries  du  Bourbonnais, notre  président  avait  choisi  un 
bélier  accroupi,  sujet  fort  rare,  dont  le  cou  porte  peut-être  une  inscription, 
et  un  des  plus  jolis  échantillons  trouvés  à  Nantes  de  la  Vénus  tenant  sa 
longue  chevelure  de  la  main  droite  et  sa  draperie  de  la  main  gauche.  Il 
remarque  a  ce  sujet  que  les  mains  de  cette  statuette  peu  rare  de  type,  mais 
produit  de  quantité  de  moules  différents,  offrent  cette  particularité,  avec  un 
ensemble  corporel  souvent  très  bien  exécuté,  de  demeurer  assez  giossières, 
ce  qui  semble  un  trait  commun  à  la  plupart  des  déesses  hindoues.  Ces 
mains  sont  toujours  vues  par  le  dehors,  ce  qui  paraît  un  trait  hiératique  et 
voulu. 

28»  Fragment  fort  curieux  d'une  poterie  noire  fort  rare.  On  y  voit  la  par- 
tie antérieure  d'un  chien  au  museau  pointu,  et  au  cou  très  fort,  garni  d'un 
collier.  M.  de  Wismes  ne  serait  pas  éloigné  d'y  voir  la  représentation  de 
certains  dogues  que  les  Gaulois,  au  dire  de  Strabon,  rapporté  par  Dom 
Pelloutier  dans  son  Histoire  des  Celtes  (2e  éd.  1771,  2  vol.  in-4°,  tome  Icr? 
p.  236),  tiraient  de  la  Grande-Bretagne,  et  qui  étaient  excellents  à  la 
chasse,  en  même  temps  qu'ils  leur  rendaient  service  à  la  guerre. 

29°  Flûtes  (ou  sifflets)  des  morts.  —  M.  de  Wismes,  tout  en  reconnais- 
sant que  les  flûtes  ou  sifflets,  comme  on  voudra  les  appeler,  assez  peu 
rares,  mais  dont  il  exhibe  une  collection  très  variée,  ont  dû  servir  aussi  aux 
vivants,  pense  que  la  plupart  de  celles  qu'on  rencontre  dans  nos  vieilles 
cités  gallo-romaines  proviennent  de  tombes,  à  titre  soit  de  souvenirs 
comme  instruments  ayant  servi  aux  défunts,  soit  de  symboles  de  l'extinc- 
tion de  la  voix  et  de  la  vie. 

(A  cette  occasion,  un  des  membres  présents  ayant  dit  qu'on  tirait  encore 
un  son  éclatant  de  ces  flûtes  en  fermant  les  deux  extrémités  avec  les 
doigts,  et  ayant  démontré  son  dire  par  des  sons  qu'il  tire  de  deux  de 
ces  flûtes  et  qui  remplissent  toute  la  salle,  ajoute  qu'en  effet  elles  lais- 
sent dans  la  bouche  comme  un  goût,  et  dans  le  nez  comme  une  odeur  de 
cadavre,  aussi  personne  n'est-il  tenté  de  recommencer  l'épreuve). 

30°  Crâne  frappé  au  front  d'une  blessure  demi- circulaire  exactement 
semblable  a  celle  que  formerait  une  hache  de  pierre  de  nos  dolmens.  Ce 
crâne  fut  donné  à  M.  de  Wismes,  il  y  a  longtemps,  a  Tramecourt,  en  Picar- 


—  16  — 

die,  comme  provenant  d'une  tombe  romaine,  mais  il  lui  paraît  plus  vrai- 
semblable qu'il  vient,  en  effet,  comme  l'indique  le  genre  et  la  forme  de  la 
blessure,  d'un  monument  mégalithique.  L'os  paraît  reformé  en  arrière  de  la 
blessure,  et  il  va  sans  dire  en  ce  cas,  que  l'individu  aurait  survécu  à  ce  coup 
quelque  violent  qu'il  ait  été. 

31°  Trois  os  affectant  la  forme  d'un  losange,  percés  d'un  trou  à  leur 
extrémité  et  dont  l'un  a  été  uni  artificiellement  sur  les  côtés.  Ils  ont  été 
trouvés  place  Saint-Pierre  et  rue  Royale.  Ce  genre  d'objets,  évidemment 
d'une  destination  ornementale,  n'avait  encore  été  rencontré  ou  du  moins 
signalé  nulle  part,  d'après  tous  ceux  qui  les  ont  vus.  Il  est  probable  qu'ils 
proviennent  de  tombes  gallo-romaines.  On  les  regarde  comme  des  os  de 
tortue. 

32°  Un  petit  peigne  d'ivoire  ou  d'os,  de  l'époque  mérovingienne,  portant 
à  sa  partie  médiane  des  ornements  composés  de  cercles  concentriques.  Il 
vient  de  la  cour  de  l'Evêché  et  probablement  du  baptistère  du  temps 
d'Evehmerus  et  de  saint  Félix,  ce  qui  le  fait  remonter  au  VIe  siècle.  Il  peut 
aussi  provenir  d'une  tombe  d'ecclésiastique;  le  peigne,  en  effet,  à  l'époque 
que  nous  citons,  faisait  partie  du  meuble  des  prêtres  qui  étaient  obligés 
avant  de  célébrer  la  messe  de  se  laver  les  mains  et  d'arranger  leurs 
cheveux,  aussi  en  mettait-on  souvent  dans  leurs  sépulcres.  (Millin,  Diction- 
naire des  Beaux-Arts,  au  mot  peigne).  Cet  objet  fort  rare  est,  malgré  sa 
petitesse,  un  des  plus  curieux  trouvés  dans  les  fouilles  nantaises. 

33°  Poteries  chrétiennes  mérovingiennes  de  quatre  sortes  différentes. 
Notre  confrère  renvoie  pour  trois  de  ces  sortes  de  poteries  à  la  lettre  qu'il 
a  écrite  a  leur  sujet  dans  le  beau  et  curieux  catalogue  de  l'exposition  archéo- 
logique à  Nantes,  en  1872,  dû  à  M.  Parenteau.  Cette  lettre  accompagnée  de 
dessins  n'a  paru  que  dans  le  tirage  à  part  et  augmenté,  tiré  a  100  exem- 
plaires. —  Depuis  lors,  M.  de  Wismes  a  reconnu  au  monogramme  de  Saint- 
Félix,  une  croix  pattée  latine  surmontée  d'un  ro  ,•  toute  une  autre  série  de 
poteries  comme  étant  aussi  de  la  même  époque.  —  Toute  cette  portion  de 
l'exposition  de  notre  confrère  est  examiné  par  l'assemblée  avec  le  plus  vif 
intérêt.  Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  nous  y  étendre  davantage. 

34°  Il  en  est  de  même  d'une  collection  de  poids  gallo-romains  en  bronze 
avec  incrustations  d'argent,  et  en  pierre,  tous  trouvés  à  Nantes,  et  qui  for- 
ment peut-être  la  série  la  plus  complète  qu'on  en  ait  encore  rencontré  dans 
nos  cités  gallo-romaines.  Nous  nous  bornons  à  dire  que  la  livre,  dont  on  se 
servait  à  Nantes  et  dont  M.  de  Wismes  possède  un  très  bel  échantillon  en 
bronze,  pesait  juste  330  grammes.  —  Ce  poids  porte  incrustés  un  grand  A 
et  un  grand  lambda  pointé.  —  L'A  est  la  lettre  qui  signifiait  un  chez  les 
Grecs,  et  le  lambda  est  l'abbréviation  de  Litra  qui  signifiait  livre.  M.  de 
Wismes  fait  remarquer  à  ce  sujet  la  fréquence  des  caractères  grecs  chez 


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les  Gaulois,  et  ajoute  qu'il  doit  cette  explication  et  plusieurs  autres  sur  ses 
poids  à  M.  Robert  Mowat,  le  savant  épigraphiste. 

35°  Un  beau  fragment  de  poterie  noire  sur  lequel  on  lit  en  assez  grands 
caractères  cursifs  le  nom  de  Meticca  —  C'est  un  des  plus  beaux  graffites  de 
nos  fouilles.  Il  provient  d'une  tombe  du  cimetière  gallo-romain,  dont  notre 
confrère  dit  avoir  constaté  l'existence  au  moins  depuis  la  Grand'Rue,  a 
l'angle  de  la  rue  de  Strasbourg,  jusqu'à  la  place  Saint-Jean.  Il  ignore  si  ce 
nom,  probablement  de  femme,  et  qu'il  croit  plutôt  gaulois,  avait  déjà  été 
trouvé  en  France. 

36°  Divers  beaux  objets  en  bronze,  tels  que  bracelets,  casse-tête,  fibules, 
cuillère,  haut  d'enseigne,  etc.,  soit  gaulois,  soit  gallo-romains,  mais  l'ori- 
gine de  tous  n'est  pas  nantaise. 

37°  Enfin,  trois  outils,  dont  deux  ébaucboirs,  en  os,  gallo-romains  et  un 
petit  compas  en  bronze  avec  quelques  ornements  qui  semblent  le  reporter 
jusqu'à  l'époque  romaine.  Il  a  été  trouvé  au  haut  de  la  rue  Royale,  près  do 
la  cathédrale,  à  plusieurs  pieds  de  profondeur.  —  Cet  objet  est  d'intérêt 
pour  les  discussions  qui  se  sont  déjà  élevées  sur  l'origine  de  cet  outil  si 
précieux,  le  compas. 

En  terminant  cette  sorte  de  conférence  qui,  par  sa  variété,  ne  pouvait 
qu'intéresser  la  Société  qui  l'en  a  remercié,  notre  président  ajoute  que  tout 
en  sentant  mieux  que  personne  tout  ce  que  ses  explications  ont  pu  offrir 
d'imparfait,  il  s'est  efforcé  néanmoins  de  justifier  les  deux  pensées  de 
Goethe  qu'il  a  choisies  pour  devises  de  ses  collections  : 

«  On  ne  possède  point  ce  qu'on  ne  comprend  pas.  » 
«  Une  différence  qui  ne  donne  rien  à  l'intelligence  n'est  point  une  différence.  » 


SÉANCE  DU   18  FÉVRIER  1879. 
Présidence  de  M.  le  baron  de  JVismes. 

Membres  présents  :  MM.  F.  Parenteau,  Arth.  Garnier,  R.  de  Rochebrune, 
abbé  Grégoire,  Alex.  Perthuis,  Evelin,  Van  Iseghem  père,  Ch.  Seidler,  de 
Rrémond  d'Ars. 

M.  le  président  donne  lecture  d'un  document  émanant  du  ministère  de 
Tinstruction  publique,  relatif  à  la  réunion  (17me)  des  délégués  des  Sociétés 
savantes. 

M.  Charles  Seidler  exhibe  une  collection  d'objets  préhistoriques  du  Da- 
nemark. 

(Il  en  doit  donner  une  description  technique  et  détaillée.) 

M.  F.  Parenteau  mentionne  des  objets  trouvés  à  la  Louisiane,  rapportés 

1879  2 


-  18  — 

par  des  missionnaires  catholiques,  qui  ont  identité  de  forme  avec  des 
haches  celtiques  trouvées  a  Pornic. 

11  donne  quelques  renseignements  sur  l'oppidum  de  Vue.  Il  a  fait  intro- 
duire au  musée  100  kilog.  de  fiches  en  fer  qui  en  proviennent. 

M.  de  Wismes  lit  son  compte  rendu  sur  les  ouvrages  parvenus  à  la 

Société. 

La  séance  est  levée. 

Par  absence  du  Secrétaire, 

A.  Perthuis-Laurant. 


Séance  du  4  Mars  1879. 
Présidence  de  M.  le  baron  de  IFismes. 

Étaient  présents:  MM.  le  haron  de  Wismes,  Maître,  Petit,  Parenteau, 
abbé  Gallard,  P.  de  Plsle  du  Dréneuf,  R.  Blanchard,  Merland,  Viaud,  de 
Béjarry,  de  la  Bretesche,  Raoul  de  Rochebrune  et  Lemeignen. 

Est  déposé  sur  le  bureau  l'ouvrage  suivant  : 

Edouard  Richer,  par  M.  C.  Merlaud.  —  1  broch.  in-8°.  Tirage  à  part 
du  Bulletin  de  la  Société  académique  de  Nantes,  offert  par  l'auteur. 

M.  Le  Ghauff  de  Kerguénec,  présenté  par  MM.  l'abbé  Gallard  et  Léon 
Maître,  est  élu  membre  de  la  Société. 

La  parole  est  donnée  à  M.  de  Béjarry,  qui  lit  une  description  de  pierres 
gravées  et  grossièrement  sculptées,  trouvées  dans  la  commune  de  Saint- 
Aubin  de  Baubigné  (Deux-Sèvres).  —  Ce  travail  intéressant  figurera  au 
Bulletin  avec  des  dessins  que  M.  de  Béjarry  a  relevé  avec  un  soin  minu- 
tieux. On  y  remarque  des  croix,  des  chevaux,  des  personnages  qui  repré- 
sentent peut-être  Adam  et  Eve,  etc.,  M.  le  président  dit  que  les  dessins 
signalés  et  décrits  sont  peut-être  l'œuvre  de  quelque  solitaire  des  premiers 
siècles  de  l'Église.  11  fait  remarquer  la  similitude  qui  existe  entre  l'un  de 
ces  dessins  et  notre  brique  de  Verlou.  Cette  opinion  serait  volontiers  adop- 
tée par  M.  Parenteau.  On  a  dit  souvent  en  effet  que  les  moines  des  premiers 
âges,  couvraient  de  signes  chrétiens  les  pierres  de  toute  nature  et  spéciale- 
ment les  autels  et  pierres  druidiques.  Toutefois,  il  est  bon  de  rappeler  que 
la  croix  figure  souvent,  même  avant  le  Christianisme,  sur  des  monnaies,  sur 
des  monuments  mégalithiques,  etc.  Il  ne  faut  donc  pas  se  hâter  et  adopter 
une  conclusion  prématurée,  dans  l'espèce  actuelle  qui  mérite  d'être  plus 
complètement  étudiée. 

M.  Parenteau  présente  un  vase  de  bronze  du  XIV0  siècle,  à  double  gar- 
gouille, trouvé  à  Plouarel  (Gôtes-du-Nord).  —  Ces  vases  à  panse  arrondie 


—  49  - 

servaient  soit  à  donner  à  laver,  soit  à  offrir  des  rafraîchisssemcnts.  Quel- 
ques-uns ont  dit  qu'ils  remontent  aux  Croisades  et  sont  d'origine  orientale. 
Ce  n'est  pas  l'opinion  de  M.  Parenteau,  qui  fait  remarquer  leur  forme  rap- 
pelant tout  à  fait  celle  de  nos  marmites,  forme  connue  et  usitée  dans  nos 
pays  depuis  la  plus  haute  antiquité. 

M.  Parenteau  a  vu  dernièrement  chez  un  armurier  une  épée  en  bronze, 
trouvée  en  Loire,  dans  la  partie  qui  porte  le  nom  de  canal  Saint-Félix. 
Cette  trouvaille  démontrerait,  suivant  M.  Parenteau,  l'existence  d'un  cours 
d'eau,  de  tourbière  ou  marais  a  l'endroit  précis  oii  la  légende  place  le 
travail  du  célèbre  évêque  de  Nantes. 

Enfin,  M.  Parenteau  présente  à  la  Société  une  croix  en  cristal  de  roche, 
de  grande  dimension,  qu'il  vient  d'acheter  pour  le  Musée.  D'après  les  indi- 
cations assez  obscures  fournies  par  le  brocanteur  qui  l'a  vendue,  cette  croix 
aurait  été  trouvée  dans  le  pays  situé  entre  Vannes  et  Guérande.  —  Or  nous 
savons  qu'un  bloc  en  cristal  de  roche  de  3  mètres  cubes  environ  fut  signalé, 
il  y  a  quelques  années,  dans  les  environs  de  Guérande,  par  M.  Huette.  — 
Est-ce  a  ce  bloc  que  fut  empruntée  jadis  la  matière  de  ce  curieux  objet 
d'art? 

M.  le  baron  de  Wismes  prend  la  parole  pour  sa  communication  sur  un 
bas-relief  manichéen,  trouvé  dans  les  fouilles  faites  à  Nantes  dans  les  démo- 
litions de  la  place  Saint-Pierre.  M.  le  président  rappelle  les  hérésies  qui 
essayèrent  de  dénaturer  la  religion  chrétienne  aux  premiers  âges.  Parmi 
les  plus  fameux  hérésiarques  se  fit  remarquer  Manès,  dont  les  opinions  ont 
reçu  le  nom  de  Manichéisme.  Manès,  dont  la  doctrine  fut  parfaitement 
exposée  par  saint  Augustin,  croyait  qu'il  y  avait  deux  Dieux,  le  Dieu  du  bien 
et  le  Dieu  du  mal...  Sa  doctrine  se  répandit  dans  les  Gaules,  et  nous 
savons  que  le  roi  Robert  le  Pieux  fit  brûler  treize  manichéens  à  Orléans.  Le 
Midi  en  était  infecté.  Le  manichéisme  parvint-il  jusqu'à  Nantes?  cela  est 
plus  que  probable.  M.  de  Wismes  a  trouvé  le  bas-relief  qui  fait  l'objet  de  sa 
communication  dans  les  démolitions  de  la  place  Saint-Pierre,  à  l'entrée  de 
la  rue  Royale,  à  peu  près  dans  l'endroit  ou  existait  l'ancien  magasin  de 
M.  Mazeau.  —  La  couche  de  débris  dans  lequel  on  le  rencontra  portait  à 
croire,  qu'il  avait  été  enfoui  là  et  à  la  hâte,  par  quelque  hérésiarque  dési- 
reux d'échapper  à  une  persécution  imminente,  et  s'empressant  de  cacher 
les  objets  qui  révéleraient  son  culte,  quitte  à  les  retrouver  étales  faire  repa- 
raître après  le  danger  passé.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'objet  mis  par  M.  le  baron 
de  Wismes  sous  les  yeux  de  la  Société  est  des  plus  curieux.  C'est  une  sorte 
de  petit  pupitre  en  ivoire  très  finement  gravé,  sur  lequel  se  remarquent 
des  dessins  et  figures  qu'on  ne  peut  attribuer  qu'au  culle  manichéen.  M.  le 
baron  de  Wismes  se  propose  du  reste  de  faire  sur  ce  bas-relief  un  mémoire 
qu'il  doit  lire  à  la  Sorbonne,  au  Congrès  annuel  des  Sociétés  savantes,  et 


—  20  — 

dous  devons  espérer  que  ce  travail  orné  de  dessins,  qui  le  rendront  double- 
ment intéressant,  ne  sera  pas  perdu  pour  notre  Bulletin. 

L;i  séance  est  levée  a  f>  heures. 

Le  Secrétaire  général, 

Henri  Lemeignen. 


Séance  du  1er  Avbil  1879. 
Présidence  de  31.  le  baron  de  Wismes. 

Étaient  présents  :  MM.  le  baron  de  Wismes,  Verger,  Van  Iséghem  père. 
Petit,  R.  de  Rochebrune,  de  Béjarry,  Leroux,  Maître,  Pertbuis,  de  la  Nicol- 
lière  et  Lemeignen. 

Assiste  à  la  séance,  M.  P.  Marchegay,  membre  correspondant,  qui  offre  à 
la  Société  le  Catalogue  des  diverses  Chartes,  composant  le  Cartulaire  géné- 
ral de  Saint-Florent,  près  Saumur,  soit  le  recueil  des  Chartes  de  cette 
abbaye,  antérieures  au  XIHe  siècle  (718-1200). 

Sont  déposés  sur  le  bureau  : 

1°  Catalogues  de  l'Exposition  universelle  de  1818  à  Paris,  section  an- 
glaise, section  des  beaux-arts,  section  des  Indes  et  Colonies,  etc.,  5  vol. 
in-8°  et  in-12,  brochés  $ 

2°  Bulletin  d'archéologie  chrétienne:  1877,  Nos  3  et  4.  —  1878,  Nos  1 
et  2  5  en  tout  2  vol.  in-8°,  br.  ; 

3°  Société  archéologique  de  Bordeaux,  juillet  1877.  1  vol.  in-8°. 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

M.  Petit  a  la  parole  pour  une  communication  relative  à  la  Ché/ine  : 

«  Il  y  a  quelques  mois  déjà,  le  propriétaire  de  la  briqueterie  de  Grillaud 
«  faisait  extraire  la  glaise  dans  un  terrain  exploité  depuis  plusieurs  années, 
«  au  sud  de  l'avenue  qui  descend  du  haut  Grillaud  au  chemin  des  Derval- 
«  lières.  A  quelques  mètres  au-delà  du  pont  sous  lequel  court  la  Chézine 
«  et  à  deux  mètres  de  la  perpendiculaire  du  mur  de  soutènement  élevé,  il 
«  y  a  onze  ans,  pour  le  nivellement  de  l'avenue,  on  a  trouvé  sous  la  couche 
«  de  glaise  épaisse  de  2m  40,  la  moitié  d'un  tronc  d'arbre,  long  de  quatre 
«  mètres,  horizontalement  posé  (essence  de  chêne,  a-t-il  été  affirmé  par 
«  quelques  charpentiers).  Cette  moitié  d'un  gros  arbre  avait  certainement 
«  été  placée  la  pour  faire  passerelle  sur  le  ruisseau  ^  la  partie  ronde  en 
«  dessous,  en  dessus  la  surface  plate,  large  de  41  centimètres  et  permet- 
«  tant  passage  facile. 

«  A  l'époque  fort  reculée  ou  celte  passerelle  fut  établie,  la  Chézine  cou- 
«  lait,  comme  à  présent,  entre  deux  bords  très  rapprochés,  et  elle  ne  dé- 
«  bitait  point,  alors,  un  volume  d'eau  plus  considérable  que  celui  de  nos 


—  21  — 

«  jours.  Les  crues  survenues,  et  l'inondation  permanente  depuis  quatre 
«  mois,  n'ont  pas  permis  à  M.  Petit  de  continuer  ses  observations.  Il  se 
«  propose  de  revenir  sur  ce  sujet,  n'ayant  autre  but,  aujourd'hui,  que  de 
«  faire  enregistrer  la  découverte.  » 

M.  Maître  donne  lecture  d'une  Charte  par  laquelle  Charles  de  Blois  donne 
à  l'emplacement  nécessaire  pour  y  édifier  une  chapelle  et 

une  maison  destinée  à  héberger. 

C'est  bien  là  la  fondation  des  anciennes  chapelle  et  aumônerie  de  Tous- 
saint, et  la  Charte  citée  est  suivant  M.  Maître  une  réponse  catégorique  à 
l'objection  qu'on  tire  quelquefois  d'un  teste  rapporté  par  Travers,  dans 
lequel  il  est  raconté  que  Charles  de  Blois  passant  un  jour  sur  les  ponts  de 
Nantes,  fit  l'aumône  à  des  pauvres  qui  sortaient  d'un  certain  hôpital  exis- 
tant dans  les  environs:  Cet  hôpital,  dit-on,  c'est  l'aumônerie  de  Toussaint ; 
donc,  Charles  de  Blois  n'est  pas  son  fondateur.  —  Mais  M.  Maître  croit  que 
le  texte  cité  par  Travers  se  rapporte  à  l'ancienne  chapelle  de  la  Madeleine, 
très  ancienne  et  antérieure  certainement  à  Charles  de  Blois,  mais  non  pas 
à  l'aumônerie  de  Toussaint,  fondée  par  ce  prince.  M.  Maître  veut  bien  pro- 
mettre cette  Charte  a  notre  Bulletin  .•  il  y  joindra  d'autres  pièces  intéres- 
santes et  inédites,  relatives  à  la  même  aumônerie  de  Toussaint. 

M.  Petit  ne  partage  pas  l'opinion  de  M.  Maître,  il  rappelle  le  texte  même 
cité  par  Travers  :  «  Semel  cum  transiret  Dux  Carolus  equitans  super 
pontes  Nannetenses ,  pauperes  cujusdam  hospitalis  suprà  dictos  pontes 
exislentis  ab  ipso  eltemosinam  petierunt.  Le  manuscrit  de  Travers  dit  ; 
suprà  dictos  pontes  existentes ;  mais  il  faut  lire  :  existentis,  ajoute  M.  Pe- 
tit, le  qualificatif  étant  commandé  par  cujusdam  hospitalis.  Si  les  titres 
présentés  par  M.  Maître  semblent  indiscutables,  il  n'en  promet  pas  moins 
de  communiquer,  en  séance  prochaine,  notes  et  dessins  des  restes  de  cette 
ancienne  chapelle  de  Toussaint,  dans  lesquels  on  retrouve  deux  anciennes 
constructions  superposées  qu'on  peut  croire  antérieures  au  XIVe  siècle.  » 
(Voir  Procès- Fer  bal  de  la  séance  du  10  juin.) 

M.  le  baron  de  Wismes  dépose  sur  le  bureau  trois  médailles  creuses. 
Deux  sont  des  médailles  allemandes  du  XVIII"  siècle,  qui  probablement  se 
donnaient  en  présent  le  jour  du  mariage.  Elles  sont  en  forme  de  petites 
boîtes  plates  en  argent,  s'ouvrent  par  le  milieu  et  renferment  une  série  de 
petites  enluminures  sur  papier  se  repliant  sur  elles-mêmes,  très  curieuses 
et  très  fines.  La  troisième  est  datée  de  1848;  elle  se  vendait  en  France  à 
cette  époque  et  contient  les  portraits  du  comte  de  Chambord  et  de  sa  fa- 
mille. 

M.  de  Wismes  fait  encore  passer  sous  les  yeux  des  membres  présents  un 
très  rare  volume  bien  connu  des  Bibliophiles,  le  Recueil  des  plus  illustres 
proverbes,  mis  en   lumière  par  Jacques  Lagniet.  Paris,  1657-1663,  (  vol. 


—  22  — 

in -4°,  orné  de  curieuses  gravures  très  intéressantes  pour  l'histoire  du  Cos- 
tume. 

Ces  objets  sont  examinés  avec  intérêt  par  les  assistants,  et  l'ordre  du 
jour  étant  épuisé,  la  séance  est  levée  à  6  heures. 

Le  Secrétaire  général, 

Henri  Lemeignen. 


Séance  du  6  Mai  1879. 
Présidence  de  M.  de  la  Laurencie. 

Présents  :  MM.  Blanchard,  Petit,  Parenteau,  Merland  père,  Van  Iseghem 
père,  de  Bremond  d'Ars,  de  Béjarry,  d'Izarn,  abbé  Cahour  et  Maître. 

En  l'absence  du  secrétaire  général,  la  lecture  du  procès-verbal  de  la  der- 
nière séance  est  ajournée. 

M.  l'abbé  Cahour  informe  la  Société  que  son  correspondant  d'Angers  lui 
a  fait  part  des  fouilles  intéressantes  entreprises  pendant  l'hiver  dernier,  sur 
la  place  du  Ralliement  de  cette  ville.  On  a  mis  à  découvert  les  ruines  de 
deux  basiliques  juxtaposées  dans  le  voisinage  d'un  établissement  de  bains, 
et  tout  près  une  cuve  octogone,  qu'on  prendrait  volontiers  pour  un  baptis- 
tère. Les  archéologues  d'Angers  n'ont  pu  se  mettre  d'accord  sur  la  destina- 
tion possible  de  ces  restes  de  l'époque  gallo-romaine.  M.  Parenteau  rappelle 
que  les  fouilles  de  Rezé  ont  une  certaine  analogie  avec  celles  d'Angers,  et 
sa  conviction  est  que  les  tuyaux  appartenaient  à  un  hypocauste  construit 
pour  des  bains  publics  ou  pour  une  maison  particulière. 

Le  même  membre,  dont  l'attention  ne  sommeille  jamais  quand  il  s'agit 
des  progrès  de  la  science  archéologique,  a  suivi  de  près  les  excavations  pra- 
tiquées à  la  place  du  Change  pour  la  construction  d'une  nouvelle  maison. 
Les  ouvriers  avertis  ont  apporté  au  conservateur  de  notre  Musée  dé- 
partemental, plusieurs  fragments  de  poterie  rouge  intéressants,  dont  l'un 
porte  la  représentation  de  la  Vénus  de  Wédicis,  et  une  brique  conique  qui 
ressemble,  dit  M.  Parenteau,  aux  poids  de  brique  suspendus  aux  filets 
égyptiens  dans  les  dessins  hiéroglyphiques. 

Après  cette  communication,  M.  Blanchard,  percepteur  à  Nozay  et  aupa- 
ravant à  Herbignac,  offre  à  la  Société  la  suite  de  ses  études  sur  les  popu- 
lations de  la  presqu'île  Guérandaise.  Le  chapitre  dont  il  donne  lecture  est 
consacré  à  démontrer  que  la  domination  des  Vénèles  dans  ce  pays  laisse 
des  traces  non  seulement  dans  les  mœurs,  comme  il  l'a  prouvé  antérieure- 
ment, mais  encore  dans  le  langage,  et  les  appellations.  Les  noms  des  lieux 
qu'il  interprète  avec  beaucoup  de  sagacité  à  l'aide  des  meilleurs  glossaires 


—  23  — 

bretons  lui  viennent  en  aide  abondamment,  dans  le  développement  de  sa 

thèse.  Par  les  nombreux  exemples  qu'il  emprunte  aux  répertoires  les  plus 

autorisés,  il  fait  voir  que  les  désinences  des  mots  ont  fléchi  dans  le  pays  de 

Guérande  de  la  même  manière  que  dans  le  Morbihan.  M.  de  Brémond  d'Ars, 

auquel  les  locutions  principales  de  la  langue  bretonne  sont  familières, 

ajoute  quelques  observations  à  celles  de  M.  Blanchard,  et  la  séance  est 

levée  à  9  heures. 

Le  Secrétaire  par  intérim, 

Léon  Maître. 


Séance  du  10  Juin  1879. 
Présidence  de  M.  de  la  Laurencie,  vice-président. 

Étaient  présents  :  MM.  Seidler,  Merland  père,  Leroux,  Mercier,  abbé 
Cahour,  Pitre  de  l'Isle,  Bousse,  Perthuis-Laurant,  abbé  Gallard,  Montfort, 
Van  Iseghem  père,  Linyer,  Lemeignen,  L.  Petit  et  de  la  Nicollière-Tei- 
jeiro. 

Ce  dernier  est  prié  par  M.  le  président  de  remplir  les  fonctions  de  secré- 
taire, en  l'absence  de  MM.  Lemeignen  et  de  l'Isle,  qui  ne  viennent  qu'après 
l'ouverture  de  la  séance. 

Après  la  lecture  et  l'adoption  du  procès-verbal  de  la  séance  du  6  mai, 
rédigé  par  M.  Léon  Maître,  M.  l'abbé  Cahour,  au  sujet  des  découvertes  de 
substructions,  récemment  mises  à  jour  à  Angers,  dit  qu'il  a  visité  ces 
ruines,  lesquelles  n'ont  aucun  rapport  avec  le  baptistère  de  la  cour  de 
l'Évêché  de  Nantes,  décrit  par  lui.  Il  a  véritablement  rencontré  les  restes 
d'un  baptistère,  tandis  qu'à  Angers,  suivant  la  lettre  qui  lui  a  été  adressée, 
c'est  une  simple  cuve  que  de  petits  piliers  assez  rapprochés,  désignent 
positivement  comme  ayant  fait  partie  d'un  hypocausle  gallo-romain. 

A  ce  propos,  M.  Van  Iseghem  rappelle  les  substructions  également 
gallo-romaines,  déblayées  par  ses  soins  à  sa  propriété  de  la  Caillère,  en 
Bouguenais,  et  visitées  par  le  Congrès  de  la  Société  française  de  M.  de 
Caumont,  pendant  la  session  tenue  à  Nantes  en  18. . 

M.  Parenteau,  inscrit  a  l'ordre  du  jour,  étant  absent,  mais  ayant  adressé 
sa  communication  a  M.  le  président,  celui-ci  en  renvoie  la  lecture  a  la  fin 
de  la  séance,  et  MM.  Lemeignen  et  Linyer,  inscrits  en  second  lieu,  n'étant 
pas  encore  arrivés,  la  parole  est  à  M.  Petit,  pour  son  exhibition  de  dessins 
du  vieux  Nantes. 

Douze  dessins  fort  intéressants,  faits  avec  le  soin  et  l'exactitude  qui  ca- 
ractérisent les  productions  de  notre  aimable  confrère,  passent  successive- 
ment sous  les  yeux  des  assistants  : 


_  21  — 

t°  Vue  des  restes  de  l'ancienne  aumônerie  de  Saint-Jean,  et  un  coin  du 
couvent  des  Cordelicrs; 

2°  Rue  du  Vieil-Hôpital  ; 

3°  Rue  Noire  (ancienne  entrée  de  la  route  de  Rennes  à  Nantes,  sur  le 
côté  nord  de  laquelle  sont  les  restes  de  l'aumônerie  de  Saint-Lazare.  —  En 
dernier  plan,  le  couvent  des  Capucins; 

4°  Petite  rue  Notre-Dame  ; 

5°  Carrefour  de  la  Casserie.  Maisons  démolies  en  1842,  1809,  1879; 

0"  Tour  de  l'horloge  du  Rouffay;  carrefour  de  la  rue  de  la  Poulaillerie  et 
de  la  rue  de  la  Rôtisserie  ; 

7°  Aux  Quatre-Vents.  —  Rrasserie,  tannerie  derrière  Grande-Riesse.— 
Partie  du  fleuve  aujourd'hui  comblée.  (Aval); 

8°  Arche  de  Grande-Riesse,  en  amont  ; 

9°  De  l'arche  de  Grande-Riesse,  vue  d'aval  ; 

10°  Chapelle  de  Toussaint,  intérieur; 

11°  Détails  indiquant  les  diverses  constructions  superposées; 

12°  Pont,  chapelle  et  restes  de  l'ancienne  aumônerie  de  Toussaint,  par- 
tie détachée  du  panorama  des  vieux  ponts  de  Nantes,  des  murs  du  Bouffa  y 
à  Pillemil. 

A  l'occasion  de  ces  trois  dernières  vues,  M.  Petit,  revient  sur  la  fonda- 
tion de  l'aumônerie  attribuée  a  Charles  de  Blois  et  que  l'abbé  Travers  dit 
positivement  avoir  existé  avant  ce  prince  (*).  «  Semel  cum  transiret,  D.  Ca- 
rolus  equitans  super  pontes  Nannetenses  pauperes  cujusdam  hospitalis 
supra  dictos  pontes  existentes,  ab  ipso  eleemosinam  petierunt.  »  (Enquête 
pour  la  canonisation  de  Charles  de  Rlois  en  1371.)  Ce  texte  est  précis;  et, 
soit  qu'on  modifie  le  mot  existentes,  en  y  voyant  le  génitif  existentis,  qui 
s'accorderait  alors  avec  cujusdam  hospitalis,  comme  l'indique  M.  Petit; 
soit  qu'on  laisse  le  texte  même  existentes,  s'accordant  avec  pauperes,  ce 
qui,  ainsi  que  le  dit  M.  Mercier,  ne  constitue  aucune  faute  en  bas-latin  ni 
de  rédaction,  la  mention  de  l'hôpital  antérieure  à  la  traversée  du  duc  sur 
les  ponts  de  Nantes,  n'en  est  pas  moins  démontrée. 

Toutefois  la  même  enquête  contient  encore  les  détails  suivants  :  Item 
inter  villam  Nannet.  et  villam  de  Pillemil  super  pontes  Nannetenses  unum 
hospitale  incepit  in  honore  omnium  sanctorum,  et  fundum  ad  dictum  hos- 
pitale  non  perfecit....  et  dictus  D.  Carolus  primarium  lapidem  ibidem 
possuit.  Celte  dernière  citation  semble  infirmer  jusqu'à  un  certain  point  la 
première,  et  M.  Maître  en  nous  donnant  dernièrement  une  analyse  de  la 
charte  de  fondation  de  Toussaint,  dont  une  copie  relativement  moderne, 


(»)  Histoire  îles  évêques  de  Nantes,  t.  I,  p.  435  et  436. 


-  25  — 

mais  authentique,  a  été  récemment  trouvée  par  lui,  vient  aussi  combattre 
l'opinion  de  Travers. 

Mais  le  dessin  N°  11,  présenté  par  M.  Petit  •.  «  Détails  indiquant  les  di- 
verses constructions  superposées  et  qu'on  voit  encore,»  nous  montre  des 
arcatures  plein-cintre  dans  les  parties  basses  de  murs  refaits  plus  tard  sur 
ces  substruclions  primitives.  Or,  le  plein-cintre  fut-il  employé  au  XIV* 
siècle?...  De  plus,  personne. n'ignore  que  nombre  d'établissements  ruinés, 
ont  été  rétablis,  relevés,  surtout  augmentés  par  des  personnages  que  la 
reconnaissance  décora  avec  juste  raison  du  litre  de  fondateur  !...  L'asser- 
tion de  l'abbé  Travers,  bon  localiste  et  fort  au  fait  des  traditions  nantaises, 
appuyée  surtout  par  la  démonstration  des  dessins  de  M.  Petit,  peut, 
croyons- nous,  être  parfaitement  soutenue  et  admise. 

Selon  l'ordre  du  jour,  la  parole  est  ensuite  donnée  à  M.  Lemeignen,  ins- 
crit avec  M.  Linyer,  a  l'ordre  du  jour,  pour  une  communication  sur  un 
gisement  gallo-romain. 

La  lettre  de  convocation,  dit  M.  Lemeignen,  contient  un  oubli  regret- 
table a  l'égard  de  M.  Pître  de  l'Isle,  qui,  a  bien  juste  titre,  devrait  y  figu- 
rer, car  c'est  à  lui  principalement  que  sont  dus  les  objets  les  plus  mar- 
quants de  la  découverte  dont  il  va  dire  un  mot,  afin  de  prendre  date 5  se 
réservant  d'y  revenir  plus  tard  après  de  nouvelles  explorations. 

MM.  Linyer  et  Lemeignen,  se  promenant  dans  une  propriété,  à  Saint- 
Vincent-sur-Jard  (Vendée),  vieille  paroisse  située  non  loin  de  Talmont  et 
dans  le  bourg  de  laquelle  M.  Benjamin  Fillon  croit  pouvoir  placer  Beccia- 
Cum,  avisèrent  un  monticule  formé  de  pierres  mêlées  à  de  nombreux 
fragments  de  briques  à  rebords.  Ils  questionnèrent  les  habitants,  et  appri- 
rent que  souvent  des  pierres  pour  construction  étaient  prises  à  cet  endroit. 
Quelques  sondages  préliminaires  mirent  à  jour  des  subslructions  portant 
des  enduits  peints,  des  traces  certaines  du  petit  appareil,  un  hypocauste 
tout-a-fait  analogue  h  celui  qui  vient  d'être  découvert  a  Angers  sur  la  place 
du  Ralliement,  et  dont  il  a  été  question  au  début  de  la  séance,  ainsi  qu'à  la 
séance  du  6  mai.  On  lait  passer  sous  les  yeux  des  assistants  un  fer  de  lance 
d'une  très  belle  conservation,  trouvé  dans  les  décombres  ;  et  encore  plu- 
sieurs dessins  représentant  le  plan,  l'aspect  des  murs  mis  a  jour  et  un 
fragment  de  la  décoration  muralle.  Aux  vacances  prochaines,  les  fouilles 
seront,  continuées  et  récompenseront  amplement,  nous  le  souhaitons,  le 
zèle  de  nos  explorateurs. 

M.  le  président  dépose  sur  le  bureau  les  ouvrages  offerts  à  la  Société  •. 

1°  Le  comte  d'Hector,  lieutenant  général  de  la  marine,  par  M.  C.  Mer- 
land,  Nantes,  1879,  in-8°  de  60  pages,  extrait  de  la  Revue  de  Bretagne  et  de 
Vendée,  don  de  l'auteur  5 

2°  Bulletin  d'archéologie  chrétienne,  de  M.  le  commandeur  J.-B.  de  Rossi, 
Belley,  1878  ^  troisième  série,  troisième  année,  numéros  3  et  4  ^ 


—  26  — 

3°  Notice  sur  les  émaux  peints  anciens  et  modernes.  L'atelier  d'émail- 
lerie  de  M.  Bourdery  à  Limoges,  mémoire  présenté  à  la  Société  archéolo- 
gique et  historique  du  Limousin,  par  M.  Camille  Jouhanneaudeau,  Limoges, 
1879,  in-8°,  16  pages. 

Suivant  l'ordre  du  jour,  la  parole  est  donnée  a  M.  l'abbé  Cahour  pour 
lire  le  testament  de  N...  Reverdy,  sieur  de  la  Berhaudière,  en  la  paroisse 
de  Villepot,  document  du  XII0  siècle.  Cette  pièce,  pendant  longtemps  con- 
servée dans  les  archives  de  la  fabrique  de  Noyal-sur-Bruce,  est  datée  de 
11 10,  et  a  disparu,  mais  il  en  reste  une  copie  faite  au  XVIe  siècle  par  un 
ecclésiastique.  C'est  de  cette  copie  que  M.  l'abbé  Cahour  donne  lecture. 
Mais,  dès  les  premières  lignes,  il  est  facile  de  reconnaître  que  ni  la  copie, 
ni  surtout  l'original  ne  remontent  à  une  époque  aussi  reculée.  Ce  testa- 
ment peut  remonter,  au  plus,  au  règne  de  Louis  XV. 

A  la  suite  d'une  discussion,  à  laquelle  prennent  part  tous  les  membres 
présents  et  M.  Mercier,  l'éminent  philologue,  unanimes  dans  cette  dernière 
appréciation  de  date,  la  séance  est  levée  à  9  heures. 

Le  Secrétaire  par  intérim, 

S.   DE    LA   NiCOLLIÈRE-TEIJEIRO. 


Séance  du  2  Juillet  1879. 
Présidence  de  M.  le  baron  de  JVismes. 

Étaient  présents  :  MM.  l'abbé  Cahour,  l'abbé  Callard,  Van  Iseghem  père, 
Le  Chauff,  L.  Maître,  Mercier,  A.  Perthuis. 

La  Société  approuve  le  vote  fait  dans  la  séance  du  Comité  du  29  avril 
1879,  sur  la  proposition  de  M.  de  la  Laurencie,  d'accorder  : 

1°  A  M.  de  Wismes,  150  francs,  pour  fouilles  à  Pornic; 

2°  A  M.  J.  Foulon,  100  francs,  pour  les  fouilles  à  Penchâteau,  qu'il  n'a 
pu  exécuter  l'année  dernière. 

La  Société  fixe  une  séance  à  la  mi-juillet,  et  décide  qu'elle  prendra  en- 
suite ses  vacances  jusqu'au  4  novembre. 

M.  L.  Maître  lit  une  étude  sur  les  lieux  dits  :  la  Madeleine  et  la  Mala- 
drie.  Il  fait  remarquer  qu'il  y  a  identité  complète  entre  ces  deux  termes. 

Les  nombreuses  citations  qu'il  apporte  à  l'appui  de  sa  thèse,  démontrent 
bien  que  la  majorité  des  léproseries  étaient  sous  l'invocation  de  sainte 
Madeleine. 

Ses  descriptions,  pleines  de  détails  topographiques,  tendent  h  prouver 
que  les  hôpitaux  peuvent  servir  de  jalons  pour  le  tracé  des  anciennes  voies 
romaines. 


—  27  — 

M.  Maître  se  réserve  de  revenir  plus  tard  sur  ce  fait,  quand  il  aura 

achevé  ses  recherches  :  l'importance  du  but  n'échappe  à  personne. 

Les  volumes  déposés  sur  le  bureau  sont  : 

1°  Le  Bulletin  de  la  Société  des  antiquaires  ; 

1°  Le  Bulletin  de  la  Société  académique  de  Brest  ,■ 

3°  Le  Bulletin  de  la  Société  des  antiquaires  de  VOuest. 

Il  en  est  lu  quelques  passages  intéressants  signalés  par  M.  le  président,  et 

la  séance  est  levée  à  6  heures. 

Pour  le  Secrétaire  absent, 

A.  Perthuis-Laurent. 


Séance  du  15  Juillet  1879. 
Présidence  de  M.  le  baron  de  Wismes. 

Furent  présents:  MM.  le  baron  de  Wismes,  de  la  Nicollière-Teijeiro, 
Parenteau,  Seidler,  R.  Blanchard,  Leroux,  Mercier,  Huette,  Rousse,  abbé 
Gallard,  Le  Chauff  de  Kerguénec  et  Lemeignen. 

Le  procès -verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

Sont  déposés  sur  le  bureau  : 

1°  Mémoires  et  documents,  publiés  par  la  Société  archéologique  de  Ram- 
bouillet, tome  IV,  1877-1878,  1  vol.  in-8°5 

2°  Dictionnaire  patois  français  du  département  de  l'Aveyron,  par  feu 
l'abbé  Vayssier,  publié  par  la  Société  des  Lettres,  Sciences  et  Arts  de 
l'Aveyron.  Rodez,  1879, 1  vol.  in-4°; 

3°  Bévue  archéologique  et  historique  du  Maine,  1870. 

M.  Parenteau,  à  propos  de  la  découverte  faite  a  Saint-Vincent-sur-Jart, 
par  MM.  Linyer  et  Lemeignen,  et  dont  le  procès-verbal  vient  de  faire  men- 
tion, rappelle  les  pages  si  curieuses  et  si  intéressantes  consacrées  par 
M.  B.  Fillon,  dans  son  bel  ouvrage  Poitou  et  Vendée,  à  cette  côte  pleine  de 
débris  gaulois  et  romains.  —  Il  dit  qu'il  est  regrettable  qu'on  n'ait  pas  parlé 
à  cette  occasion  de  la  découverte  si  remarquable  de  M.  de  Rochebrune, 
dans  le  bourg  de  Jart. 

M.  Lemeignen  répond  qu'en  résumant  brièvement  devant  la  Société  à  la 
séance  du  10  juin  1879,  les  fouilles  que  M.  Linyer  et  lui  commencèrent  à 
Pâques  dernier,  a  Saint-Vincent-sur-Jart,  il  n'a  eu  garde  d'oublier  la  mer- 
veilleuse trouvaille  de  M.  de  Rochebrune  \  qu'il  prit  soin  bien  au  contraire 
de  rappeler  que  la  villa  gallo-romaine  de  Saint-Vincent,  n'est  pas  distante 
de  plus  de  trois  kilomètres  du  lieu  oii  fut  trouvé  l'armement  complet  du 
légionnaire  romain  qu'on  peut  admirer  aujourd'hui  chez  notre  zélé  col- 
lègue :  Qu'il  fit  remarquer  soigneusement  qu'à  une  lieue  plus  au  nord  on 


-  28  — 

trouva  le  Fàllan,  ou  le  hasard  fit  découvrir  en  1856,  un  trésor  romain 
tellement  important,  que  quelques-uns  ont  voulu  y  voir  le  butin  de  toute 
une  légion  romaine,  qui,  surprise  par  l'ennemi,  aurait  pratiqué  à  la  hâte 
une  cachette,  que  les  hasards  de  la  guerre  ne  lui  permirent  pas  de  retrouver 
plus  tard  :  —  Qu'il  a  signalé  dans  les  vignes  qui  entourent  le  Feillon,  une 
tonnelle  tout  à  fait  semblable  à  celles  d'Angles  et  de  Moricq,  décrites  dans 
l'ouvrage  de  MM.  Fillon  et  0.  de  Rochebrune,  et  de  très  nombreux  débris 
gallo-romains  ;  qu'il  ne  croit  donc  pas  être  téméraire,  en  affirmant  que 
toute  la  côte  depuis  les  Sables- d'Olonne,  fut  autrefois,  à  l'époque  gauloise 
et  à  l'époque  gallo-romaine,  couverte  d'habitations.  D'autre  part,  il  faut 
noter  que  Saint-Vincent-sur-Jart  est  tout  voisin  du  pays  oit  M.  l'abbé 
Baudry,  curé  du  Bernnrd,  découvre  ses  curieux  puits  funéraires.  Quand  les 
découvertes  seront  plus  avancées,  il  y  aura  lieu  d'essayer  de  les  relier  en- 
semble et  d'en  tirer  des  conséquences. 

M.  le  baron  de  Wismes  analyse  rapidement  quelques  articles  intéressants 
du  Bulletin  de  la  Société  archéologique  de  Rambouillet,  tome  IV,  1877- 
1878,  très  spécialement  diverses  Chartes  faisant  partie  des  Cartulaires  de 
Saint-Thomas  d'Épernon  et  de  Notre-Dame  de  Maintenon,  prieurés  dé- 
pendant de  l'abbaye  de  Noirmoutier  et  relatives  à  certaines  redevances  des 
plus  curieuses.  (Voir  les  pièces  Clll  bis,  CXI,  CXX11I  et  CXXXIII.)  —  Puis 
une  description  de  l'église  paroissiale  de  Montfort-l'Amaury  (Seine- et- 
Oise),ou  existent  des  vitraux  d'une  rare  perfection  que  l'auteur  de  la  notice 
attribue  à  Jean  Cousin  et  à  Pinaigrier.  L'un  de  ces  vitraux,  et  c'est  un  point 
curieux  à  noter  pour  nous  Bretons,  reproduit  la  vie  de  saint  Yves  Hélori, 
patron  des  avocats. —  Enfin,  une  curieuse  légende  intitulée  :  les  trois  pen- 
daisons de  Jean  Chagrin,  nous  fait  connaître  les  incidents  d'un  conflit  de 
juridiction  au  XVI0  siècle. 

M.  Seidler  donne  lecture  de  la  traduction  de  V exposé-programme  d'un 
journal  de  philologie  germanique  et  romane,  par  le  professeur  Cari 
Bartsch.  A  ce  programme,  traduit  par  M.  Grimm,  professeur  d'allemand, 
M.  Mercier  veut  bien  ajouter  quelques  observations  sur  M.  Bartsch,  l'un 
des  professeurs  les  plus  connus  de  l'Allemagne,  qui  a  publié  divers  ou- 
vrages de  philologie  fort  appréciés  au-delà  du  Rhin. 

M.  Parenteau  s'était  procuré,  il  y  a  quelques  années,  une  curieuse  mon- 
naie trouvée  ii  Clisson.  C'était  un  trois-quart  de  statère  d'or  gaulois,  au 
type  de  la  Bécasse  placée  sous  le  Sphinx.  Depuis,  M.  Parenteau  en  décou- 
vrit un  second  à  Machecoul;  enfin,  un  troisième  exemplaire  vient  de  tom- 
ber entre  ses  mains  à  Nantes.  La  rencontre  de  ces  monnaies  a  une  impor- 
tance capitale,  si  on  la  rapproche  de  la  découverte  du  temple  d'Apollon, 
auquel  le  Sphinx  était  consacré,  et  qui  fut  un  des  dieux  incontestablement 
les  plus  honorés  dans  nos  contrées. 


—  29    - 

M.  Parenteau  fait  passer  sous  les  yeux  des  assistants,  une  très  jolie  cuiller 
en  argent  du  Ve  siècle,  à  manche  cannelé,  ciselée,  émaillée  noir  et  vairée 
(dorée  par  parties).  Il  la  rapproche  de  la  cuiller  chrétienne  que  possède  le 
Musée  de  Bordeaux,  et  des  nombreuses  cuillers  trouvées  en  Italie,  portant 
des  noms  et  des  emblèmes  chrétiens,  qu'on  retrouve  gravées  dans  l'ouvrage 
de  M.  le  Commandeur  J.-B.  Rossi.  [Bulletin,  3e  série,  3e  année,  n°  3. 
Planche  VIII«,  1878.  —  Crema,  Ruines  de  Porto.) 

Il  représente  encore  un  vase  en  bronze  du  XIVe  siècle,  avec  goulot  bi- 
furqué :  chaque  branche  ressemblant  a  une  gargouille.  Ce  vase  est  sup- 
porté par  trois  pieds  ^  la  panse  est  malheureusement  fragmentée  et  l'anse 
manque.  Il  fut  trouvé  en  Bretagne  dans  un  jardin  à  Plonaret,  près  Lannion 
(hauteur  0,29  c.)  —  M.  Parenteau  a  eu  en  sa  possession  deux  vases  de 
même  nature  et  même  forme,  sauf  les  deux  gargouilles,  l'un  trouvé  à  Niort 
(Deux-Sèvres),  le  second  trouvé  près  du  lac  de  Grand-Lieu.—  En  Angle- 
terre, ces  vases  sont  communs  et  assez  nombreux.  Us  appartenaient  h 
l'aristocratie  normande,  et  souvent  ils  portent  des  légendes  en  langue  fran- 
çaise. Ainsi,  au  château  de  Warwick,  on  en  trouve  un  du  XIVe  siècle,  por- 
tant ces  mots  :  Je  suis  pot  de  grant  honneur,  viende  à  fère  de  bon  saveur. 
—  Sur  un  autre  de  même  époque,  on  peut  lire  :  Je  suis  Lawz  Gilbert  ki 
m'emblera  mal  ildebert  (mal  lui  en  adviendra) .  Mais  tous  ces  vases  n'ont 
qu'un  goulot,  et  jusqu'ici,  aucun  vase  à  double  gargouille  n'avait  été  ren- 
contré, sauf  celui  qui  est  représenté  et  un  autre  beaucoup  plus  petit,  mais 
mieux  conservé,  qu'on  trouva  dans  le  puits  de  la  cour  du  château  de  Pou- 
zauges. 

M.  Parenteau  vient  de  faire  entrer  au  Musée  un  plomb  très  curieux,  base 
d'un  épi  de  la  charpente  d'un  des  bâtiments  du  Sanitat.  Ce  plomb  qui 
porte  quatre  têtes  de  lions  doit  dater  de  la  fin  du  XVIe,  ou  du  commence- 
ment du  XVIIe  siècle. 

La  séance  est  levée  et  la  Société  s'ajourne  au  4  novembre  prochain. 

Le  Secrétaire  général, 

Henri  Lemeignen. 


Séance  du  i  Décembre  1879. 
Présidence  de  M.  le  baron  de  TVismes. 

Étaient  présents  ■.  MM.  le  baron  de  Wismes,  Van  Iseghem  père,  A.  Per- 
thuis,  Parenteau,  Blanchard,  bibliothécaire ^  Blanchard  (d'Herbigoac)  \  de 
la  Nicollière,  l'abbé  Gallard,  Maître,  docteur  Lehoux,  Seidler,  Petit,  etc. 

Après  quelques  mots  de  M.  le  président  qui  pense  avec  l'assentiment  de 
tous  les  membres,  que  notre  Société  plus  spécialement  dévouée  à  l'archéo- 
logie, mais  dévouée  aussi  à  tous  les  travaux  de  l'intelligence,  doit  se  féiici- 


-  30  - 

ter  de  la  nomination  de  M.  Elie  Delaunay,  comme  membre  de  l'Académie 
des  Beaux-Arts,  succès  d'autant  plus  flatteur  pour  M.  Delaunay,  qu'il  avait 
un  concurrent  redoutable  dans  la  personne  de  l'illustre  M.  Bonnat,  la  pa- 
role est  donnée  à  M.  Gustave  Blanchard  (d'Herbignac),  percepteur  à 
Nozay,  pour  la  lecture  de  la  première  partie  de  son  travail  sur  le  Dialecte 
breton  de  Faunes  au  pays  de  Guérande. 

Cette  importante  étude  de  notre  érudit  confrère  est  digne  de  ses  précé- 
dents travaux  ;  il  faudrait  pour  ainsi  dire  la  citer  tout  entière  pour  l'analy- 
ser, mais  elle  sera  insérée  intégralement  dans  notre  Bulletin  oii  nous  en 
recommandons  la  lecture. 

M.  Fortuné  Parenteau,  notre  si  dévoué  conservateur  du  Musée,  se  lève 
ensuite  et  verbalement  il  nous  donne  des  détails  accompagnés  des  rappro- 
chements les  plus  curieux,  les  plus  neufs,  parfois  les  plus  inattendus,  la 
plupart  certains  et  tous  très  plausibles  sur  des  poteries,  des  silex,  et  autres 
objets  pleins  d'intérêt  placés  devant  lui  et  dont  plusieurs  vont  enrichir  le 
Musée.  —  Mais  la  multiplicité  même  des  détails  dans  lesquels  entre  M.  Pa- 
renteau ne  nous  permet  pas  d'en  prendre  note,  avides  que  nous  sommes  de 
suivre  sa  parole.  Nous  espérons  qu'il  voudra  bien  lui-même  nous  donner 
pour  le  Bulletin  un  résumé  de  sa  savante  causerie  dans  quelques-unes  de 
ces  bonnes  pages  nourries  de  faits  et  d'aperçus  qui  appellent  la  réflexion, 
comme  il  sait  les  faire  et  qui  sont  si  appréciées  de  tous. 

M.  le  président  prend  ensuite  la  parole,  il  instruit  l'assemblée  que  le  vo- 
lume de  notre  Bulletin  pour  1878  sera  achevé  d'imprimer  sous  peu  de 
jours,  et  qu'il  a  pensé  être  agréable  à  la  Société  en  envoyant  à  notre  impri- 
meur pour  terminer  ce  volume  un  extrait  d'un  intéressant  article  du  Bulle- 
tin Monumental,  dû  à  M.  Jules  de  Sausière,  de  Tours,  sur  la  chapelle 
Saint-Yves  des  Bretons  à  Borne;  puis,  avant  de  lever  la  séance,  le  prési- 
dent engage,  de  nouveau,  les  membres  de  la  Société  à  apporter  à  nos 
séances  les  objets  capables  de  nous  intéresser  :  tels  que  anciens  parche- 
mins, documents,  généalogies,  manuscrits,  mémoires  inédits,  livres  rares, 
brochures  curieuses,  gravures,  objets  d'art  ou  d'archéologie,  tels  que  pote- 
ries, armes,  bronzes,  sculptures,  monnaies,  médailles,  etc.,  etc.  ;  il  n'est, 
dit-il,  presque  pas  un  de  nous  qui  ne  possède  une  ou  plusieurs  de  ces 
choses.  Pourquoi  nous  en  apporte-t-on  si  rarement?  Nous  n'obligeons  en 
aucune  façon  à  faire  des  mémoires  au  sujet  des  objets  présentés;  quelques 
mots  d'explication,  suffisent,  et  souvent,  au  sujet  de  ces  exhibitions,  des 
conversations  s'engagent,  des  discussions  instructives  et  de  bon  goût  s'ani- 
ment et  donnent  à  nos  séances  un  mouvement  qui  a  son  charme  particulier 
et  de  l'attrait  pour  tous. 

La  séance  est  levée  à  9  heures  et  demie. 


LES  TROUVÈRES  GUERRANDAIS" 

EN    LA    FÊTE     DE     SAINT    NICOLAS,     AU    XIV    SIÈCLE 

PREMIER  ARTICLE 
CHRONIQUE     FUMÉE     INÉDITE 


I 

Saint -Nicolas  de  Myre,  dont  la  vie  appartient  à  la  première 
moitié  du  quatrième  siècle,  fut  toujours,  depuis  sa  mort,  très 
célèbre  en  Orient,  sans  être  inconnu  en  Occident  ;  mais  son 
culte  n'acquit  une  grande  importance  chez  les  Latins  qu'à  partir 
de  l'enlèvement  de  ses  reliques  et  de  leur  translation,  de  Syrie  en 
Italie,  de  Myre  à  Bari,  par  des  marchands  de  cette  dernière 
ville,  en  1087.  Le  jour  propre  de  la  fête  du  saint,  le  6  décembre, 
se  vit  négligé  pour  la  mémoire  du  9  mai,  anniversaire  d'une 
translation  qui  remua  profondément  les  populations  latines  (2)  ; 
et  c'est  dans  cette  fête  printanière,  autrefois  si  populaire,  que 
nous  nous  plaçons.  Le  nouveau  thaumaturge  de  Bari  provoqua, 
dans  le  cours  du  moyen  âge,  les  manifestations  de  piété  les  plus 
éclatantes,  parmi  lesquelles  nous  citerons  une  confrérie  guer- 


(!)  Nous  rejetons,  surtout  d'une  étude  du  moyen  âge,  l'orthographe 
beaucoup  trop  moderne  :  Guérande,  Guérandais.  Bizeul  (de  Blain)  peut 
nous  servir  d'excuse,  comme  il  nous  sert  d'exemple. 

(2)  Voir  Rhorbacher,  1.  66  (t.  14). 


—  32  — 

landaise,   qui   s'intitulait   la   très  ancienne,    noble   et   dévote 
confrérie  de  Saint-Nicolas. 

Il 

Nous  ne  pouvons  nous  arrêter  à  l'étudier  après  les  savants 
articles  publiés  par  M.  Jégou  dans  la  Revue  de  Bretagne  et  de 
Vendée  (1864-1865).  Il  y  aurait,  il  est  vrai,  quelques  réserves  à 
faire  sur  ces  articles.  Notre  Société  archéologique  n'a  point  oublié 
la  solide  argumentation  de  son  secrétaire  général,  M.  Léon  Maître, 
contre  cette  double  thèse  :  Que  les  Templiers  avaient  apporté  en 
Occident  le  culte  de  saint  Nicolas,  et  avaient  fondé  à  Guerrande  la 
confrérie  de  ce  saint.  Sa  conclusion  est  que  le  premier  point 
n'est  pas  admissible,  et  que  le  second  n'est  pas  prouvé.  Dans 
l'ignorance  où  nous  sommes  de  la  vraie  origine  de  la  confrérie 
guerranclaisc,  il  faut  s'en  tenir  à  la  date  de  1350,  qui  est  celle 
d'une  meilleure  organisation  et  de  la  rédaction  des  statuts,  dont 
le  recueil  commence  ainsi  : 

«  C'est  l'establissement  de  la  confrarie  de  Mons  S.  Nicholas... 
lequel  établissement  fut  accordé  de  tous  les  frères  et  escript  en 
cest  papier  (mis)  en  quaier  le  lundi  amprès  la  translacion,  l'an 
mil  trois  cenz  cinquante.  » 

Suivent  les  statuts,  dont  un  surtout  doit  nous  occuper.  Après 
avoir  réglé  ce  qui  concerne  le  service  religieux  de  la  confrérie, 
ils  en  viennent  à  la  maison,  où  les  membres  doivent  se  réunir 
annuellement  :  c'est  la  maison  même  du  chapelain.  Nous  citons. 

«  La  meson  de  la  chapellanie,  sise  en  la  ville  de  Guerrande 
près  de  la  porte  S. -Michel...  doit  estre  subjette  et  obligée  ès- 
dits  frères...  pour  lour  digner  (de  la  fêle  du  9  mai),  et  y  devent 
auxi  faire  lez  chapitre  l'andemain  du  dit  jour.  » 

«  Item  devent  les  dits  frères  aler  touz  à  cheval  par  chacun  an 
à  malin  amprès  la  messe  le  jour  de  la  diie  feslc  hors  la  ville,  le 
plus  coitement  (')  que  ils  pourront  ot  retourner  en  la  ville  o  (a), 


(')  Du  latin  quielej  tranquillement. 
(-)  Pour  au,  abrogé  d'avec. 


-  33  - 

branches  de  foilles  et  de  flours,  et  faire  hystoires  d'aucunes 
choussez  (*)  pour  esbatement  avant  aler  digner.  » 

«  Item  celui  qui  fera  les  rimmes  de  l'istoire  aura  son  escuelle 
quitte  (de  l'écot  exigé  de  chacun).  » 

Après  cela  on  peut  se  demander  s'il  n'y  avait  pas  dans  la  cité 
bretonne,  dans  sa  confrérie,  une  académie  en  germe.  Ou  sait 
que  les  palinods  de  Normandie  sont  sortis  des  confréries  de 
rimmacuiée-Conception.  A  quoi  tint-il  que  pareille  société  lit- 
téraire n'ait  pas  brillé  à  Guerrande?  C'est  toujours  l'honneur 
de  cette  ville  d'avoir  su  allumer  à  son  foyer  religieux  l'inesti- 
mable flambeau  des  lettres. 

Nous  avons  entendu  l'invitation  faite  avec  prime  aux  trouvères 
du  pays  pour  le  9  mai,  ou  plutôt  l'injonction  aux  membres  de  la 
confrérie  eux-mêmes  de  faire  histoire  d'aucunes  choses  pour 
l'esbatement  commun,  et  partant  de  fournir  quelque  conteur, 
quelque  rimeur,  qui  donnât  ce  complément  à  la  fête.  Des 
statuts,  si  favorables  à  la  culture  de  l'histoire  et  des  vers,  ont-ils 
trouvé  de  l'écho  dans  le  pays  ?  Nous  le  croyons.  Si  nos  preuves 
ne  sont  pas  jugées  péremptoires,  on  nous  accordera  que  ce  sont 
de  forts  indices  d'un  appel  entendu,  et  cela  nous  suffira.  Nous 
les  puisons  à  deux  sources,  qui  sont  deux  chroniques  rimées, 
l'une  connue  et  publiée ,  que  nous  réservons  pour  la  faire 
valoir  à  loisir,  l'autre  inédite,  que  nous  présentons  aujourd'hui. 

m 

Nous  la  tirons  du  recueil  des  actes  de  la  confrérie,  embrassant 
la  durée  de  quatre  siècles,  de  l'an  1350,  où  cette  confrérie  rédige 
ses  statuts,  à  l'an  1751,  où  elle  est  supprimée  en  vertu  d'un 
arrêt  dicté  par  un  nouvel  esprit  qui  soufflait  sur  la  société.  Ce 
précieux  cartulaire  se  compose  de  quatre  volumes  de  papier  vélin 
fort  bien  conservés.  Propriété  de  la  fabrique  de  la  paroisse  de 


(J)  Du  latin  caussœ,  ou  plutôt  caussas.  On  sait  que  notre  mot  choses 
vient  de  l'accusatif  causas. 

1879  3 


-  34  — 

Saint-Aubin,  il  est  déposé  au  presbytère,  où  M.  le  curé,  l'abbé 
Plormel,  non  moins  ami  de  la  science  qu'il  est  le  nôtre,  nous  a 
permis  de  prendre  tous  les  renseignements  que  nous  désirions. 

La  chronique  que  nous  y  avons  copiée  est  écrite  au  dos  d'un 
cahier,  qui  cousu  avec  d'autres,  forme  le  premier  des  quatre 
registres  mentionnés.  Cachée  dans  un  dix-septième  feuillet,  entre 
les  procès-verbaux  des  délibérations  annuelles,  elle  est  très  courte, 
composée  de  huit  lignes.  L'écriture  assez  serrée  est  soignée  et 
régulière,  sans  être  sortie  de  la  même  main.  On  reconnaît  facile- 
ment deux  scribes  successifs,  auteurs  de  quatre  lignes  chacun.  II 
y  a,  en  deux  endroits,  des  ratures  qui  rendent  plusieurs  mots  illi- 
sibles et  qui  proviennent  d'un  grattage,  dont  nous  rechercherons 
la  raison,  en  tâchant  aussi  de  retrouver  les  mots  effacés. 

Si  la  pièce  se  dérobe  aux  premiers  regards,  entre  d'autres  qui 
lui  sont  tout  à  fait  étrangères,  sa  forme  versifiée  s'y  dérobe  en- 
core davantage,  grâce  à  la  dissimulation  des  vers  tant  par  des 
dates  écrites,  généralement  en  chiffres,  que  par  l'ancienne  méthode 
de  renfermer  dans  la  même  ligne  les  deux  parties  consonnantes 
ou  rimant  ensemble. 

Cette  méthode,  qu'on  peut  s'étonner  de  trouver  encore  en 
Guerrande  vers  la  fin  du  XIVe  siècle,  s'explique  par  l'origine  de 
notre  vers  français,  sorti  du  vers  latin  dit  léonin,  dont  les  hé- 
mistiches consonnants  formaient  une  seule  et  même  ligne,  comme 
dans  ce  vers  de  Martial  : 

Sint  Maecenates,  non  deerunt,  Flacce,  Marones. 

On  sait  que  cette  répétition  de  sons,  employée,  sans  être 
recherchée  toutefois  par  les  poètes  de  Rome,  fut  mise  en  crédit, 
au  XIIe  siècle,  par  un  chanoine  de  Paris  du  nom  de  Léon.  Aujour- 
d'hui et  depuis  bien  longtemps,  la  rime  ne  divise  plus  le  vers, 
mais  le  termine,  par  suite  de  la  séparation  et  de  la  superposition 
des  deux  hémistiches  de  notre  vers  primitif.  Cette  manière,  qui 
compte  autant  de  vers  et  de  lignes  que  de  rimes,  nous  est 
imposée  par  l'usage,  et  nous  devrons  nous  y  conformer.  Nous 
compterons  donc,  dans  notre  pièce  rimée,  seize  vers  au  lieu  de 


—  35  - 

huit;  chacun  était  de  seize  syllabes  :  nous  donnerons  huit 
syllabes  à  chacun.  Si  la  quantité  syllabique  ne  paraissait  pas 
exacte,  qu'on  se  souvienne  de  cette  règle  de  notre  ancienne 
versification,  que  l'e  muet  final  d'un  mot  faisait  ou  ne  faisait  pas 
compte,  à  la  volonté  du  poète.  Gela  dit,  nous  copions  : 

L'an  mil  trois  cent  quarante  un  an, 

Se  morit  le  bon  duc  Jahan. 

L'an  mil  trois  cent  quarante  et  dous 

Fut  ars  Guerrande  des  Espaigoouls. 

L'an  mil  trois  cent  soixante  et  quatre 

Vint  monsour  Charlles  se  combattre, 

Qui  tué  fut  en  la  bataille 

Par  Bretons,  gens  (de  rien  qui  vaille). 

L'an  mil  trois  cent  soixante  et  dous 

Alèrent  plusours  à  repous. 

L'an  mil  trois  cent  (et)  deux  fois  quarante 

Fust Guerrande. 

L'an  mil  trois  cent  quatre  vins  et  un 
Furent  François  (et)  Bretons  à  un  (*), 
La  pez  fut  feste  en  Guerrande  : 
Mariz  en  furent  gens  de  Yrlande. 

Si  nous  avons  intercalé  deux  fois  la  conjonction  eh  ce  n'est 
que  pour  une  clarté  plus  grande. 

Nous  avons  parlé  de  deux  ratures  et  de  notre  intention  d'y 
suppléer  autant  que  possible.  Pour  la  première,  à  l'aide  de  quel- 
ques linéaments  demeurés  des  lettres  effacées,  nous  avons  cru 
pouvoir  lire  : 

Bretons,  gens  de  rien  qui  vaille, 

en  parlant  des  vainqueurs,  prétendus  meurtriers  du  prince  Charles. 
C'était  bien  dur  pour  ce  parti  d'être  ainsi  traité.  On  comprend 
que  l'injure  ne  pouvait  subsister,  dès  que  le  registre  passerait  aux 
mains  d'un  partisan  du  comte  de  Blois  ou  du  roi  de  France. 
Elle  a  donc  disparu  sous  le  grattoir,  probablement  lorsque  les 

(J)  Ad  unum,  car  la  paix  fut  faite 


—  36  — 

Français  reprirent  leur  influence  en  Bretagne,  après  la  paix  du 
duc  Jean  IV  avec  le  roi  Charles  VI,  en  1381.  Nous  croyons  pou- 
voir expliquer  l'autre  rature  d'une  manière  analogue.  Il  faut 
préalablement  retrouver  la  lecture  de  ce  qui  a  été  raturé,  ce  qui 
n'est  pas  facile,  lorsque  les  mots  ont  été  aussi  intégralement  que 
rudement  grattés.  Mais  nous  avons  une  date,  1380,  et  le  lieu, 
Guerrande.  Il  s'agit  d'y  encadrer  quelque  fait  notable  qui  s'y 
rapporte.  Nous  n'en  trouvons  pas  d'autre  que  les  vives  hostilités 
entre  les  Guerrandais  et  le  fameux  compagnon  d'armes  de  Du- 
guesclin,  Olivier  de  Clisson,  qui  entreprit,  sous  ses  ordres,  de 
soumettre  leur  ville  a  Charles  V.  «  Ils  se  défendirent  si  bien,  dit 
D.  Morice,  qu'ils  l'obligèrent  à  lever  le  siège.  Ils  ne  se  conten- 
tèrent pas  de  cet  avantage  :  ils  allèrent  encore  ravager  toutes  les 
terres  que  le  sire  de  Clisson  tenait  dans  le  diocèse  de  Nantes.  » 
Ces  exploits  ne  méritaient-ils  pas  d'être  consignés  dans  les  an- 
nales guerrandaises?  Le  scribe  de  la  confrérie  de  Saint-Nicolas 
s'empressa  d'inscrire  la  victoire  de  ses  compatriotes.  Mais  c'était 
trop  d'empressement.  Dès  l'année  suivante  la  paix  se  faisait  entre 
le  duc  de  Bretagne  et  le  nouveau  roi  de  France,  Charles  VI; 
Olivier  de  Clisson  était  reçu  à  Guerrande  en  ami  ;  l'importante 
confrérie  de  Saint-Nicolas  lui  ouvrit  ses  rangs,  et  le  nom  tfOli- 
verius  de  Cliczon  figura  en  tête  d'une  liste  des  membres  qui  fut 
dressée  vers  ce  temps.  Mais  comment  laisser  subsister  sur  le  même 
registre  le  souvenir  de  l'humiliation  du  grand  capitaine,  déjà 
successeur  de  Duguesclin  dans  la  charge  de  connétable  de  France? 
Il  fallut  de  nouveau  se  hâter  d'effacer  ce  qu'il  y  avait  d'offensant 
pour  son  honneur  militaire.  L'effacement  fut  si  bien  opéré  qu'on 
ne  peut  s'aider  d'aucun  trait  pour  former  une  lettre,  composer  un 
mot.  On  est  réduit  à  deviner  ce  mot,  qui,  la  mesure  du  vers  ne 
s'y  opposant  pas,  pourrait  bien  être  victorieuse  ou  victoriouse. 
En  attendant  meilleur  avis,  nous  intercalerons  entre  fust  et  Guer- 
rande ce  dérivé  de  victoire,  et  nous  rétablirons  ainsi  le  distique 
mutilé  : 

L'an  mil  trois  cent  deux  fois  quarante, 
Fust  victorieuse  Guerrande. 


-  37  - 

Vers  le  milieu  de  notre  chronique  rimée,  s'ouvre  un  grand  es- 
pace blanc.  Qu'en  penser?  Nous  pensons  qu'il  était  destiné  à  rece- 
voir d'autres  rimes,  d'autres  dates  d'événements.  Entre  1364  et 
1381,  il  y  avait  des  faits  à  inscrire,  à  commencer  par  le  premier 
traité  de  Guerrande,  qui  mit  fin  à  la  guerre  de  succession,  en  1365, 
et  qui  avait  bien  l'importance  du  second.  Comment  expliquer 
la  lacune  signalée  ?  Plusieurs  suppositions  sont  possibles.  Avant 
tout,  il  convient  de  rechercher  quel  était  le  but  de  la  pièce. 

Ce  n'était  pas  de  procurer  un  esbatemenl  aux  confrères  entre  la 
chevauchée  du  matin  et  le  dîner  de  la  Porte-Saint-Michel.  La 
pièce  en  question  a  trop  peu  d'étendue  pour  cela.  Ajoutez  qu'elle 
n'est  pas  tout  entière  de  la  môme  année:  la  première  partie  est 
de  1379,  et  l'autre  est,  au  plus  tôt,  de  1381,  comme  nous  lo 
montrerons  en  finissant. 

Entre  les  hypothèses  qui  peuvent  être  faites,  nous  nous  arrê- 
tons à  celle-ci,  comme  à  la  plus  vraisemblable.  Le  confrère  à  qui 
la  plume  aura  été  remise  pour  la  rédaction  du  procès-verbal 
de  la  délibération  du  10  mai  1379,  aura  eu  la  fantaisie  de  se 
livrer  à  son  goût  pour  les  vers  historiques,  peut-être  au  souvenir 
de  ceux  qu'il  avait  entendus  la  veille.  De  là  une  ébauche  de  chro- 
nique rimée.  Cette  tablette  chronologique  ne  pouvait  être  poussée 
bien  loin.  Le  registre  de  la  Confrérie  s'ouvrait  rarement  et  no 
pouvait  guère  se  retrouver  dans  les  mêmes  mains,  par  suite  du 
renouvellement  annuel  des  procureurs  qui  l'avaient  en  garde. 

IV 

Nous  avons,  selon  notre  pouvoir,  déterminé  l'origine  de  notre 
chronique  guerrandaise.  S'il  fallait  juger  cette  pièce,  en  dehors  de 
la  Confrérie  et  de  la  fête  de  Saint-Nicolas  et  dans  le  détail,  il  y 
aurait  lieu  de  l'examiner  au  point  de  vue  de  la  langue  et  des  vers, 
des  événements  politiques  et  des  opinions  nationales  qui  les 
accompagnaient  nécessairement  :  ce  qui  nous  montrerait  dans  un 
petit  cadre  un  tableau  très  intéressant,  parce  qu'il  serait  vrai,  de  la 
Bretagne  ou  d'un  de  ses  principaux  cantons  dans  la  dernière 


-  38  — 

moitié  du  XIV0  siècle.  Qu'il  nous  soit  permis  de  toucher  ces  dif- 
férents points  de  vue  dans  quelques  remarques. 

Nous  observons  d'abord  que  Dom  Lobineau  nous  montre  dans 
un  français  un  peu  plus  avancé  les  mêmes  termes  qu'emploie 
la  Chronique  guerrandaise,  lorsqu'il  nous  fait  cette  citation  de  la 
Chronique  du  château  de  Nantes  :  «  En  1341  ne  furent  pas  Bre- 
tons à  un,  quand  mourut  le  bon  duc  Jehan.  »  Jahan  fut  usité 
pour  Jean  à  Guerrande,  au  moins  jusqu'à  l'union  de  la  Bretagne 
à  la  France.  Vlusours  alèrent  à  repous  (ad  repositum  ou  repo- 
sitionem).  Nous  dirions  :  Beaucoup  trépassèrent  ou  reposent  en 
paix.  Vers  la  fin  du  même  siècle,  on  trouve  dans  la  liste  des 
confrères  dont  le  décès  est  ordinairement  indiqué  par  le  mot 
mort:  Legentil  repouz  (repositus).  La  basse  latinité  avait  donné 
repositum  pour  repositio,  repos,  et  repositus  pour  depositus, 
déposé  et  reposant  en  terre.  Dernière  observation  grammaticale  : 
la  diphthongue  ou  règne  a  la  place  de  la  diphthongue  ewv  que  le 
français  du  nord  ne  tardera  pas  à  faire  prédominer.  Nous  avons 
déjà  parlé  du  vers,  dont  l'art  simple  et  sans  prétention  ne  saurait 
nous  arrêter.  Hâtons-nous  de  passer  aux  faits  historiques  d'une 
période  de  quarante  ans,  qui  s'écoula  entre  la  mort  de  Jean  III 
et  la  paix  de  Jean  IV  avec  la  France,  faits  consignés  dans  notre 
chronique  au  nombre  de  cinq  ou  six. 

1er  fait  :  Mort  de  Jean  III.  Nommé  le  bon  duc  par  son  peuple 
qui  avait  pu  l'apprécier  pendant  un  règne  de  près  de  30  ans 
(312-341),  il  a  bien  droit  d'être  dit  Jean-le-Bon  dans  l'histoire, 
justifiée,  remarquons-le,  par  notre  chroniqueur. 

2e  fait:  Incendie  de  Guerrande.  Philippe  de  Valois  avait  nommé 
le  prince  La  Cerda,  plus  connu  sous  le  nom  de  Louis  d'Espagne, 
amiral  de  sa  flotte,  après  la  perte  du  combat  de  l'Ecluse  contre 
les  Anglais,  par  la  mésintelligence  des  deux  amiraux  français. 
Leur  successeur  se  jeta  en  Bretagne  avec  une  armée  composée 
d'Espagnols,  de  Génois  et  de  Français,  mais  surtout  tfEspain- 
gnoulx.  «  Il  se  dirigea  a  (vec)  tout  son  ost,  comme  parle  Froissard, 
devers  une  moult  grosse  ville,  séant  sur  la  mer  que  on  appelait 


-  39  — 

Guerrande  et  l'assiégea  par  terre...  (Elle)  fut  assez  tôt  gagnée  et 
robée  (pillée)  et  mise  à  l'épée,  sans  merci,  hommes  et  femmes  et 
enfants,  et  cinq  églises  arses  et  violées,  dont  messire  Louis  fut 
durement  courroucé.  Si  fit  tantôt  pour  ce  pendre  24  de  ceux  qui 
ce  avaient  fait.  »  Voilà  des  détails  précis  ;  mais  un  fait  principal, 
l'incendie  général  de  la  ville  se  dérobe  chez  l'auteur,  comme 
chez  les  historiens  subséquents.  C'est  notre  chronique  locale  qui 
le  signale.  Ce  n'est  pas  sans  conséquence.  Jusqu'ici  l'histoire  por- 
tait à  croire  que  le  feu  fut  mis  préférablement,  exclusivement, 
aux  églises  guerrandaises,  par  une  armée  de  soldats  catholiques, 
mais  peu  dignes  de  ce  nom.  Cet  excès  d'impiété,  déjà  invraisem- 
blable, devient  inadmissible,  lorsque  la  combustion  des  cinq 
églises  nous  apparaît  comme  le  résultat  plus  ou  moins  naturel  et 
nécessaire  de  l'incendie  général  d'une  ville  prise  d'assaut.  Nous 
ne  voulons  pas  dire  pour  cela  que  Louis  d'Espagne  n'ait  pas  eu, 
dans  ce  désastre,  de  bonnes  raisons  de  sévir  contre  plusieurs  des 
siens.  Richer,  dans  son  Histoire  de  Bretagne^  vient  un  peu  tard 
nous  apprendre  que  la  population  guerrandaise  s'étant  réfugiée 
«  dans  l'église  de  Saint-Aubin,  les  soldats  mirent  le  feu  à  l'édifice, 
et  la  voûte  en  pierre  s'écroula  sur  les  malheureux.  »  A  la  vérité, 
les  murs  et  les  piliers  de  la  nef  de  cette  ancienne  collégiale  mon- 
trent beaucoup  de  pierres  noircies  et  calcinées  ;  mais  la  voûte 
en  pierre  n'a  jamais  existé  :  c'est  un  point,  aujourd'hui,  hors  de 
doute. 

3&  fait  :  Mort  de  Charles  de  Blois.  On  s'est  toujours  demandé 
par  qui  le  meurtre  du  comte  de  Blois  avait  été  commis  lors  de  la 
bataille  d'Auray.  Notre  chronique  affirme  que  les  meurtriers 
furent  des  Bretons,  en  les  qualifiant  d'une  manière  flétrissante, 
devenue  illisible,  mais  que  nous  croyons  avoir  retrouvée.  L'inju- 
rieuse qualification,  due  à  un  partisan  des  droits  politiques  de 
la  victime,  fut  postérieurement  effacée,  grattée  profondément 
par  un  adversaire  attaché  à  la  cause  du  duc  régnant;  mais  le 
nom  national  est  resté  :  la  vérité  le  maintenait  en  dépit  du 
patriotisme  breton,  qui  aurait  préféré  accuser  les  Anglais,  s'il 
y  avait  eu  lieu.  Le  prince  fut  donc  tué  en  la  bataille  par  Bre- 


—  40  — 

tons,  non  par  un  seul,  mais  par  un  corps  de  combattants,  dirigé, 
si  Ton  veut,  par  le  capitaine  anglais  Hue  de  Gaverley,  qui  déter- 
mina la  victoire  en  faveur  de  Jean  IV,  à  Auray,  mais  qui  ne 
pourra  plus  être  accusé  du  coup  mortel  porté  à  l'infortuné  rival  de 
ce  duc.  Il  ne  faudra  pas  davantage  accuser  un  seigneur  parti- 
culier du  pays  de  Guerrande,  Pierre  de  Lesnérac,  contre  lequel, 
du  reste,  l'histoire  n'a  jamais  osé  prononcer. 

4e  fait .-  Paix  de  Guerrande.  La  date  de  1381  ne  permet  pas 
de  confondre  cette  paix  avec  celle  de  1365,  qui  mit  fin  à  la 
longue  et  sanglante  guerre  de  succession.  Celle  dont  nous  voulons 
parler,  conclue  à  Paris  le  15  janvier  par  les  plénipotentiaires  de 
Charles  VI  et  de  Jean  IV,  fut  jurée  le  même  jour  à  Vincennes  par 
le  roi  de  France ,  et  par  le  duc  de  Bretagne  à  Guerrande  le 
6  avril,  dimanche  des  Rameaux. 

Mariz  en  furent  gens  de  Yrlande. 

Il  n'y  a  pas  de  difficulté  pour  reconnaître  dans  les  Irlandais  les 
Anglais  eux-mêmes,  dont  le  souverain,  Edouard  III,  s'intitulait 
seigneur  d'Irlande  en  même  temps  que  roi  d'Angleterre  et  de 
France,  et  dont  le  dépit  éclata,  lorsqu'il  fallut  en  conséquence 
du  traité,  évacuer  le  sol  de  la  Bretagne. 

Il  nous  reste  à  examiner  un  5e  fait,  étranger  aux  faits  poli- 
tiques entre  lesquels  il  se  trouve  néanmoins  consigné  en  ces 
termes  : 

L'an  rail  trois  cent  soixante  et  dous, 
Alèrent  plusours  a  repous. 

On  ne  peut  guère  voir  ici  qu'une  épidémie  meurtrière,  qu'une 
de  ces  invasions  de  la  peste  noire  qui  fit  de  si  grands  ravages  en 
Europe  vers  le  milieu  du  XIVe  siècle.  La  Bretagne,  le  comté  de 
Nantes  ne  furent  pas  épargnés.  Il  est  étonnant  que  notre  chroni- 
queur ne  cite  que  l'invasion  de  1362,  lorsqu'on  eu  connaît  deux 
autres  peu  antérieures  (en  1348  et  1356),  et  probablement 
plus  meurtrières,  La  plus  récente  aura  effacé  chez  lui  la  mémoire 
des  deux  autres.  Du  reste,  l'omission  a  été  réparée,  sinon  par  sa 
main,  du  moins  par  celle  d'un  contemporain,  compatriote  et  con- 


—  41  — 

frère  de  dévotion  et  de  métier  poétique,  puisque  le  supplément 
que  nous  allons  présenter  se  trouve  rimé  dans  le  même  cahier 
avec  tous  les  caractères  du  XIVe  siècle.  Dans  les  feuillets  d'enve- 
loppe de  ce  cahier  se  cachent  six  vers,  où  l'invasion  pestilen- 
tielle de  1356  est  décrite  dans  les  termes  les  plus  expressifs  et  les 
plus  lamentables  : 

L'an  mil  trois  cent  cinquante  six, 

Courout  un  mal  à  maint  pays  (J), 

Huchent,  crient  comme  chiens  vis, 

Plusours  doloint  de  leurs  amis 

Et  eux  joignaint  à  la  pierre. 

De  tel  mal  nous  guart  (garde)  Dieux  le  Père! 

Dans  ce  morceau  trois  vers  ont  peut-être  besoin  d'explication. 
Le  mot  le  plus  étrange  est  vis,  qui  est  purement  latin  :  c'est  la 
locution  abrégée  de  vis  magna  ou  maxima  hominum,  grande 
multitude.  Nous  tirons  en  conséquence  : 

Force  gens  huchent,  crient  comme  des  chiens. 

Le  distique  suivant  exprime  le  trait  de  sentiment  le  plus  tou- 
chant. Nous  l'entendons  ainsi  : 

Plusieurs  se  douloient,  se  désolaient  de  la  perte  de  leurs  amis, 
et  bientôt  joignaient  eux  à  la  pierre  sépulcrale  de  ces  amis,  en 
succombant  au  même  mal. 

La  Chronique  du  château  de  Nantes  va  suppléer  à  une  lacune  de 
nos  annales  guerrandaises,  au  silence  gardé  par  les  rimeurs  de  la 
confrérie  de  Saint-Nicolas  sur  la  première  invasion  de  l'effroyable 
fléau  de  la  peste  noire.  L'auteur  de  cette  chronique,  qui  paraît 
avoir  eu  aussi  ça  et  là  l'intention  de  rimer,  nous  dit  dans  les 
Preuves  de  D.  Lobineau  : 

L'an  mil  trois  cent  quarante  neuf, 
Fut  la  bosse  grosse  comme  un  œuf 
Et  grande  mortalité. 

(0  Dans  le  texte  original,  ces  deux  vers  n'en  forment  qu'un,  vers  léonin 
comme  les  précédents.  Le  rimeur,  se  ravisant  tout  à  coup,  abandonne  ce 
grand  vers,  qui  perdait  apparemment  de  sa  vogue,  pour  prendre  notre  vers 
usité  de  huit  syllabes.  Nous  avons  la  une  transition  curieuse  du  vers  léonin 
de  seize  syllabes  au  vers  de  huit,  si  commun  depuis. 


-  42  — 

L'abbé  Manet,  dans  son  histoire  de  Bretagne,  nous  explique  la 
bosse  en  question.  «  La  cruelle  maladie  fut  nommée  en  Bretagne 
la  bosse,  parce  que  son  dernier  degré  de  malignité  s'annonçait 
par  des  bubons  gros  comme  un  œuf.  »  Venue  du  fond  de  l'Asie, 
elle  éclata,  nous  apprend-il,  au  mois  d'août  1348  sur  l'Europe,  et 
ravagea  particulièrement  la  Bretagne  l'année  suivante.  Ainsi  voilà 
trois  coups  du  plus  effroyable  fléau  qui  frappent  à  intervalles  de 
7  ans  une  partie  considérable  du  monde  jusque  sur  notre  bord 
océanien.  Ce  retour  périodique  de  la  terrible  contagion  ne  nous 
paraît  pas  avoir  été  signalé.  Travers  nous  parle  assez  vaguement 
du  ravage  qu'elle  exerça  dans  le  comté  de  Nantes. 

Mais  revenons  à  notre  chronique  guerrandaise  de  1380  ou  en- 
viron pour  en  chercher  l'auteur. 

V 

Il  s'agit  de  trouver  le  nom  du  plus  ancien  peut-être  de  nos 
trouvères  bretons  qui  s'exercèrent  à  manier  le  grand  vers  fran- 
çais. L'auteur  est  double,  à  en  juger  par  l'écriture.  Mais  nous 
croyons  que  le  nom  de  famille  est  le  même.  Selon  toute  apparence, 
nous  avons  devant  nous  le  père  et  le  fils,  Guillaume  et  Nicolas 
Le  Corre,  qui  se  partageraient  par  moitié,  ou  à  peu  près,  la  com- 
position des  16  vers  étudiés.  Dom  Guillaume  Le  Corre,  en  latin 
Dominus  Guillelmus  Nanus,  comme  traduit  le  fils,  avait  en  main 
le  registre  de  la  confrérie  de  Saint-Nicolas,  en  qualité  de  procu- 
reur de  cette  confrérie,  de  mai  1378  à  mai  1379.  Il  aura  passé 
la  plume  à  son  fils  Nicolas,  qui  la  tenait  certainement  en  1381 
comme  secrétaire  officieux,  sinon  attitré  d'une  société  qui  n'en 
élisait  point  encore.  On  voit  ce  dernier  dresser  alors  une  liste  de 
cent  confrères,  au  bout  de  laquelle  il  s'inscrit  d'une  manière 
aussi  originale  que  modeste.  Il  écrit  à  rebours  :  Dictus  Le  Corre 
Nicolaus,  au  lieu  d'écrire  conformément  à  l'usage  :  Nicolaus  Le 
Corre  dictus  (latine  Nanus).  Nanus,  laissé  en  blanc,  équivalait  à 
niliil  dans  la  pensée  du  signataire,  qui  exigerait  un  peu,  par 
humilité  sans  doute,  le  sens  de  son  nom  propre  en  se  réduisant  à 
rien. 


—  43  — 

Le  père  et  le  fils  ne  laissaient  pas  d'être  des  personnages. 
Celui-là  figure  parmi  les  trois  premiers  procureurs  connus  de  la 
confrérie,  puis  au  centre  d'un  groupe  de  Domini  dans  la  liste  gé- 
nérale des  frères.  Si  nous  ne  pouvons  assigner  à  l'autre  quelque 
titre  ou  dignité,  c'était  toujours  un  habile  homme,  à  n'en  juger 
que  par  ce  long  catalogue  qu'il  a  dressé.  Sans  parler  de  sa  belle 
écriture  carrée,  il  traduisait  fort  bien  les  noms  personnels  du  pays 
en  latin,  à  commencer  par  le  sien.  Ainsi  il  se  gardait  d'introduire 
h  dans  Nicolaus,  il  connaissait  l'équivalence  de  Corre  et  de  Nain 
ou  Nanus  et  de  beaucoup  d'autres  semblables  ;  mais  il  se  permet- 
tait trop  facilement  de  substituer  le  nom  vulgaire  au  nom  latin 
correspondant,  ce  qui  cause  quelquefois  trop  d'embarras  pour  re- 
trouver le  premier.  Nous  ignorerions  même  quel  est  notre  écrivain, 
si  une  main  contemporaine  n'avait  eu  l'attention,  pour  qu'on  s'y 
reconnût,  d'ajouter  à  Nanus  les  mots  :  aliàs  Corre,  et  à  Nicolaus, 
ces  autres  mots  :  filius  Guillelmi.  C'est  ainsi  que  se  découvre,  à 
Guerrande,  entre  les  feuillets  du  cartulaire  de  la  confrérie  de 
Saint-Nicolas,  une  famille  de  trouvères  franco-bretons,  qui  nous 
invite  à  en  chercher  d'autres. 

Abbé  Gallard. 
(A  continuer). 


LA  CORPORATION  DES  POTIERS  D'HERBIGNAC 


Les  touristes  qui  ont  parcouru  la  presqu'île  guérandaise,  parti- 
culièrement les  stations  balnéaires  du  Pouliguen,  du  bourg  de 
Batz  et  du  Croisic,  n'ont  pas  été  sans  remarquer  la  forme  insolite 
des  vases  qui  servent  dans  cette  contrée  à  conserver  l'eau  fraîche. 
Ce  sont  d'énormes  pots  très  ventrus,  plus  larges  que  hauts,  munis 
d'une  anse  et  d'un  petit  goulot  dont  la  pâte  en  terre  rouge  semble 
poreuse.  Il  y  en  a  de  grands  et  de  petits,  mais  toujours  leurs 
lignes  correctes  sont  les  mêmes.  Les  connaisseurs  qui  les  ont 
observés  prétendent  que  leur  forme  doit  avoir  été  inspirée  par 
l'art  grec;  le  fait  est  qu'en  voyant  une  femme  du  pays  revenir  de 
la  fontaine  avec  l'un  de  ces  pots  sur  la  tête,  je  pensais  involon- 
tairement à  l'Orient.  Ce  qu'il  y  a  aussi  de  singulier,  c'est  que 
l'usage  de  cette  poterie,  pourtant  très  commode,  ne  s'est  pas 
étendu  au  delà  des  communes  qui  entourent  la  Grande-Brière. 
C'est  un  trait  de  plus  à  noter  dans  cette  contrée  où  les  mœurs, 
le  sol  et  la  langue  présentent  tant  de  caractères  curieux.  La 
poterie,  dont  nous  parlons,  se  fabrique  depuis  des  siècles  autour 
d'Herbignac  par  des  artisans  qui  ont  conservé  les  mêmes  tradi- 
tions, grâce  au  contrôle  qu'exerçait  sur  eux  l'un  des  seigneurs 
du  pays,  celui  de  Kerolivier.  Ce  domaine  de  Kerolivier  situé  dans 
la  commune  d'Herbignac  contient  une  carrière  d'argile  où  les 
potiers  vont  encore  puiser  aujourd'hui.  L'aveu  que  nous  publions 
plus  loin  nous  apprend  que  ces  ouvriers  potiers  formaient  une 
corporation,  comme  ceux  des  villes,  avant  1790.  Les  ouvriers 
potiers  de  Chartres  et  de  Rieux  étaient  également  organisés  de  la 


-  45  — 

même  manière.  Suivant  le  témoignage  de  M.  de  la  Borderie,  dont 
la  vaste  érudition  ne  laisse  rien  échapper,  les  corporations  rurales 
étaient  peu  communes  en  Bretagne  ;  ces  trois  exemples  sont  les 
seuls  connus. 

Le  jour  delà  saint  Barnabe,  les  potiers  allaient  chercher  le  sei- 
gneur de  Kerolivier  en  procession,  musique  en  tête  et  le  condui 
saient  à  la  messe,  tantôt  à  Herbignac,  tantôt  à  Saint- Lyphard.  Après 
la  cérémonie,  ils  lui  offraient  un  repas,  suivi  d'airs  champêtres,  et 
lui  payaient  une  redevance.  Les  délégués  delà  corporation  étaient 
élus  non  par  leurs  pairs,  mais  désignés  par  le  seigneur,  et  chaque, 
ouvrier  était  obligé  d'observer  dans  la  fabrication  des  règles  qui 
sont  formellement  prescrites  dans  la  déclaration.  En  outre,  l'acte 
indique  qu'elles  étaient  les  amendes  imposées  aux  contrevenants, 
les  conditions  d'admission  et  les  noms  de  tous  les  potiers  qui 
exerçaient  en  1750.  Ce  sont  des  faits  qu'il  est  intéressant  de  re- 
cueillir pour  l'histoire  de  l'industrie  en  Bretagne. 

HOMMAGE  DES  POTIERS  A  M.   DE  TRÉVELEC. 

«  L'onzième  jour  de  juin,  mil  sept  cens  cinquante  et  quatre, 
par  devant  nous,  notaires  soussignans  du  marquisat  d'Assérac, 
avec  soumission  et  prorogation  de  jurisdiction  y  promises  et 
jurées,  ont  en  personne  comparu  Jacques  Annezo,  René 
Grusson,  Michel  Hougard,  Jan  Trigodet,  Pierre  Léa,  René  Bernier, 
Simon  Mouraud,  René  Bernard,  Noël  Bernard,  René  Bizeul, 
François  Hallier,  Michel  Trigodet,  René  Julio,  Noël  Trigodet 
le  jeune,  Claude  Moyon,  René  Mouraud,  Jan  Moyon,  Michel 
Mouraud,  Jacques  Huet,  Guillaume  Mouraud,  Vincent  Lenué, 
Jacques  Lenué,  Yves  Moyon,  François  Hougard  et  Noël  Trigodet 
l'aîné,  tous  potiers  et  habitans  de  la  frairie  et  village  de  Hosca, 
paroisse  d'Herbignac ,  Jan  Gicquel  de  Kergas  et  Jonjulio  du 
Drezet,  aussi  potiers  et  paroissiens  de  Férel,  lesquels  ont  reconnu 
et  confessé,  reconnaissent  et  confessent,  à  messire  Jan -Marie 
de  Trévelec,  chevalier  seigneur  dudit  lieu  de  Querollivier,  la 
Desnerie,  Saint-Donatien  en  Nantes  et  autres  lieux,  ancien  con- 


—    46  — 

seiller  du  roi  en  son  parlement  de  Bretagne,  demeurant  à  son 
hôtel,  place  Saint-Pierre,  à  Nantes,  en  la  personne  d'écuyer 
Vincent-Louis  du  Bourgneuf  pour  ledit  seigneur  de  Trévelec, 
présent  et  acceptant,  que  de  tout  tems  immémorial,  le  jour  et  fête 
de  saint  Barnabe,  apôtre,  de  chacun  an,  tous  et  chacun  les 
potiers  tant  de  cette  paroisse  d'Herbignac,  que  de  Saint-Liphard, 
et  autres  paroisses  circonvoisines ,  sont  tenus  et  sujets  ayant 
chacun  d'eux  un  rameau  qu'ils  pourront  prendre  dans  les  bois  de 
ladite  maison  de  Trévelec ,  aller  quérir  le  seigneur  dudit  lieu 
en  sa  maison  de  Trévelec  avec  sonneur  de  hautbois  et  l'assister, 
conduire  et  accompagner  à  venir  à  la  messe  soit  en  l'église  parois- 
siale d'Herbignac,  ou  en  celle  de  Saint-Liphard,  savoir  :  deux 
années  consécutives  audit  Herbignac,  et  l'autre  année  à  Saint- 
Liphard,  puis  à  l'issue  de  la  messe  luy  donner,  et  à  ceux  qu'il 
luy  plaira  prier  et  convier  à  dîner  selon  sa  qualité  et  à  leurs 
frais,  et  après  le  dîner  feront  lesdits  potiers  ausdits  sonneurs 
jouer  de  leurs  instruments  le  reste  de  la  journée,  comme  aussy 
confessent  que  ledit  seigneur  de  Kerollivier  avec  eux  peut  choisir 
et  nommer  deux  desdits  potiers  le  jour  Saint-Barnabe,  et  yceux 
changer  d'an  en  an  pour  faire  visiter  chez-  les  autres  potiers,  les 
pots  qu'ils  feront,  afin  de  savoir  s'ils  sont  faits  selon  l'ordre 
observé  entre  lesdits  potiers  pour  la  grandeur  des  pots,  la  teneur 
duquel  ordre  ensuit,  savoir  : 

«  Que  le  pot  de  cinq,  tiendra  depuis  la  poitrine  jusqu'au  jable  un 
empan,  le  pot  de  quatre,  depuis  le  jable  jusqu'au  bréchet,  tien- 
dra un  empan,  deux  doigts;  le  pot  de  trois,  tiendra  un  empan 
trois  doigts,  depuis  le  jable  jusqu'au  bréchet,  et  le  pot  de  six, 
tiendra  un  empan,  depuis  le  jable  jusqu'au  col.  Lequel  ordre  tous 
et  chacun  lesdits  potiers  sus-nommés  promettent  continuer  et 
entretenir  à  l'avenir,  à  peine  de  trois  sols  quatre  deniers  monnoye 
d'amende  à  chacun  contrevenant  qui  tournera  au  profit  dudit 
seigneur  de  Trévelec  ;  pour  le  payement  de  laquelle  amende  il 
pourra  faire  exécuter  les  débiteurs  d'icelle  par  deux  potiers  com- 
missaires qui  pourront  prendre  et  exécuter  et  vendre  la  roue 
desdits  contrevenans  d'heure  à  autre,  sans  aucune  forme  ni 


—  47  — 

ministère  de  justice.  Confessans  pareillement  lesdits  potiers 
qu'aux  fins  de  leur  ancien  ordre  ils  ne  peuvent  et  ne  pourront 
montrer  ni  faire  apprendre  ledit  métier  de  potier  à  aucunes  per- 
sonnes s'ils  ne  sont  fils  de  potiers  ou  mariés  avec  filles  de 
potiers,  et  au  cas  qu'il  y  eût  quelques  autres  personnes  que  les 
fils  de  potiers  ou  ceux  mariés  avec  filles  de  potiers  qui  voudroient 
aprendre  ledit  métier  de  potier,  chacun  aprentif  doit  et  payera 
audit  seigneur  de  Trevelec,  Kerollivier,  la  somme  de  dix  livres 
monnoye  dès  le  commencement  de  leur  apprentissage,  et  si  ledit 
potier  aprentif  n'a  moyen  en  meubles  de  payer  ladite  somme, 
celuy  qui  luy  montrera  et  aura  montré  ledit  métier  sera  tenu  et 
contraint  par  exécution  et  vente  de  ses  biens  payer  audit  seigneur 
de  Trevelec,  Kerollivier,  ladite  somme  de  dix  livres  monnoye, 
sauf  à  lui  faire  rembourser  dudit  aprentif,  ainsi  qu'il  verra. 

Et  quant  aux  fils  de  potiers  ou  ceux  mariés  à  filles  de  potiers  qui 
apprendront  ledit  métier,  devront  et  seront  tenus  payer  la  pre- 
mière année  de  leur  apprentissage  au  jour  saint  Barnabe,  la  par- 
celle de  cinq  sols  monnoye  d'eux  audit  seigneur  de  Kerrollivier 
Trevelec,  à  faute  de  quoy  ils  y  seront  contraints  par  les  voyes 
ci-dessus  dites,  et  au  regard  des  défaillais  qui  sont  Jean  Grusson, 
Julien  Broussard,  Jacques  Grusson,  François  Pédron ,  Jean 
Annezo,  René  Le  Roux  de  Hosca,  Jacques  Trigodet  de  Morlai, 
Claude  Grusson  de  Langâtre,  Jan  Gadiet  de  Sapillon,  Jacques 
Trigodet  d'Arbourg,  Jan  Audrain,  Jan  Bernard,  Cir  David,  René 
Grusson,  Jacques  Anger,  Guillaume  Audrain,  Yves  et  Jan  San- 
terre  de  Lauvergnac  et  Kererné,  François  David  de  Kercou- 
ret,  Louis  Quitté,  Jan  et  Jacques  Grusson  de  Boya,  François 
Hervoche  dit  Grand  François  de  Tréman,  Jacques  Goquard, 
aussi  de  Tréman,  Jan  David  l'aîné,  autre  Jan  David  dit 
Grossac,  Gir,  René  et  Marc  David,  Yves  Dalino,  Michel 
Hougard,  Guillaume  Audrain  de  Landieule,  Pierre  Porcher 
de  Kernava,  Claude  Léa,  dit  grand  Guy  de  Kerhors,  Claude 
Gouret,  François  Hervoche,  Jan  Hervoche,  Jan  Durand,  Jan 
Baptiste  David,  Yves  Durand  de  Kerbitet,  Joseph  Trigodet  de 
Quelaud,  paroisse  d'Herbignac,  François  Boidrefaut  de  Trélidan 


—  48    - 

en  Ferel,  qui  se  sont  absentés  et  ne  se  sont  trouvés  ce  jour  sui- 
vant les  assignations  et  publications  faites  aux  prônes  de  messe, 
et  ceux  qui  manqueront  de  se  trouver  et  comparaître  audit  lieu 
de  Trevelec,  quérir  et  assister  ledit  seigneur  de  Trevelec  et  ses 
successeurs,  et  le  conduire  en  cette  ville  d'Herbignac  ou  audit 
saint  Liphar  ledit  jour  de  saint  Barnabe,  à  ouïr  et  entendre  la 
messe  que  lesdits  potiers  feront  dire,  payeront  chacun  d'eux 
audit  seigneur  de  Trevelec,  la  parcelle  de  cinq  sols  monnoye  et 
en  défaut  de  payement,  ledit  seigneur  les  y  pourra  faire  con- 
traindre par  lesdits  deux  potiers  commissaires  et  avouent  lesdits 
potiers  lesdits  devoirs  être  dûs  audit  seigneur  de  Trevelec,  et  que 
ses  auteurs  ont  été  en  possession  d'iceux  droits  de  tout  temps  im- 
mémorial. Et  pour  commissaires  afin  de  faire  exécuter  de  point  en 
point  l'ancien  ordre  et  coutume  desdits  potiers,  a  été  par  ledit 
seigneur  du  Bourgneuf  pour  ledit  seigneur  de  Trevelec  et  les  sus 
nommés  potiers,  nommé  et  choisi  François  Hougard  et  René 
Grusson  Trigodet,  et  René  Mouraud,  lesquels  prendront  pour  assis- 
tans  tous  autres  qu'ils  verront,  seront  tenus  à  la  prochaine  fêle  de 
saint  Barnabe,  faire  leur  raport  des  contraventions  à  ce  que  des- 
sus à  la  tenue  des  plaids  que  lesdits  potiers  tiendront  ledit  jour 
par  entr'eux  dans  la  maison  où  sera  assigné  le  dîner  en  présence 
dudit  seigneur  de  Trevelec,  ses  successeurs  ou  autre  de  sa  part, 
et  a  ledit  seigneur  du  Bourgneuf  audit  nom  déclaré  avoir  été  sa- 
tisfait cedit  jour  desdits  droits  par  les  présens  pour  l'an  et  tenue 
de  ce  jour,  et  a  réservé  de  faire  contraindre  et  exécuter  les  dé- 
faillans.  Ce  que  dessus  a  été  par  lesdites  parties  présentes,  ainsi 
voulu  et  consenti,  juré  et  promis,  tenir  et  accomplir  sans  y  con- 
trevenir, pourquoy  nousdits  notaires  soussignés  les  y  avons  de 
leur  consentement  jugées  et  condamnées,  les  y  jugeons  et  con- 
damnons. 

Fait  et  passé  en  la  ville  d'Herbignac  au  raport  de  Crespel, 
notaire.  » 

Léon  Maître. 


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PIERRES  GRAVÉES 

Trouvées  dans  la  commune  de  Saint-Auliiii-de-Bauliipé  (Deux-Sèvres). 


Un  jeune  chasseur,  parcourant  il  y  a  trois  ans  une  ferme  située 
dans  la  commune  de  Saint-Aubin  et  appartenant  a  M.  le  marquis 
de  la  Rochejaquelein,  remarqua  sur  de  nombreuses  pierres  grani- 
tiques des  signes  et  des  figures  de  différentes  sortes.  Il  fit  part 
de  sa  découverte  a  plusieurs  de  ses  amis,  et  l'un  d'eux,  M.  le 
marquis  de  la  Bretesche,  nous  indiqua  ces  singuliers  monu- 
ments. 

A  l'automne  dernier  j'ai  voulu  les  voir  à  mon  tour.  Un  court 
séjour  dans  la  contrée  m'en  a  fourni  l'occasion. 

Je  ne  suis  pas  assez  savant  en  de  pareilles  matières,  pour  appré- 
cier la  valeur  de  cette  découverte.  Mais  j'ai  pensé  qu'il  vous 
serait  agréable  d'en  recevoir  quelques  spécimens  et  que  peut- 
être  ils  donneraient  à  d'autres,  plus  habiles,  l'idée  d'étudier  plus 
complètement  ces  curieux  restes  d'un  autre  âge. 

J'ai  donc  relevé  les  dessins  que  je  viens  vous  présenter.  Mon 
procédé  a  été  un  décalquage,  grossier  peut-être,  mais  qui  a  le 
mérite  d'une  exactitude  complète. 

Voici  en  quelques  mots  le  récit  et  le  résultat  de  mon  voyage  : 

A  cinq  ou  six  kilomètres  de  la  station  de  Ghâtillon-sur-Sèvres, 
sur  la  roule  qui  conduit  de  Saint- Aubin  aux  Aubiers,  a  une  faible 
distance  du  premier  de  ces  bourgs,  on  aperçoit  sur  la  gauche,  à 
400  mètres  environ,  un  groupe  de  maisons  situé  sur  un  mame- 
lon qui  s'avance  dans  une  double  vallée.  Ce  groupe  s'appelle  le 
Veau  ou  plutôt  les  Veaux,  car  il  y  a  deux  fermes,  le  grand  et  le 

1879  4 


-  50  - 

petit  Veau.  J'écris  le  Veau  (vitulus),  et  pourtant  la  situation  sem- 
blerait indiquer  une  autre  orthographe. 

Le  nom  de  toutes  les  localités  situées  de  môme  façon  s'écrit 
partout  le  Vaux  ou  le  Vaulx  :  cette  désignation  indique  toujours 
un  vallonement  quelconque  ;  mais  l'usage  du  pays,  confirmé  par 
toutes  les  cartes  géographiques  à  partir  de  celle  de  Cassini,  main- 
tient l'autre  appellation.  Pourquoi  cette  localité  porte-t-elle  le 
nom  de  l'animal  qui  devient  plus  tard  le  taureau  ?  Je  constate  sans 
chercher  à  expliquer. 

Quoi  qu'il  en  soit,  je  découvris,  dès  mon  arrivée,  les  traces  que 
je  cherchais.  Les  dessins  sont  bizarres,  grossiers,  mais  nette- 
ment accusés,  et  la  profondeur  du  trait  semble  avoir  été  obtenue 
au  moyen  d'une  pointe  solide  et  acérée.  Aussi  sont-ils  très  appa- 
rents. Les  premières  pierres  que  j'observai  et  que  j'ai  relevées, 
ont  été  employées  à  une  époque  assez  ancienne  à  la  construction 
des  bâtiments,  et  l'ouvrier  semble  avoir  pris  soin  de  mettre  à 
parement  les  faces  qui  portent  les  figures.  On  les  distingue  au 
premier  coup  d'œil. 

Les  huit  premiers  numéros  des  dessins  que  j'ai  recueillis  ont 
tous  été  empruntés  à  ces  murailles  ;  elles  en  présentent  d'autres, 
dont  quelques-uns  sont  trop  frustes  pour  être  relevés. 

Au  milieu  de  la  cour  de  la  ferme,  une  masse  de  granit,  res- 
semblant à  un  bloc  erratique,  porte  sur  sa  surface  visible  les 
figures  Nos  10  et  10  bis. 

Cette  surface,  peu  régulière,  mesure  plus  d'un  mètre  carré. 
L'autre  face  a-t-elle  des  dessins  ?  Je  ne  le  crois  pas  ;  car  la 
pierre  semble  n'avoir  été  remuée  à  aucune  époque. 

En  revenant  sur  mes  pas,  sur  le  bord  du  chemin,  un  autre 
bloc  m'a  donné  le  calque  N°  11. 

Enfin  dans  le  champ  que  traverse  le  chemin  et  qui  est  attenant 
à  la  route,  au  milieu  d'un  fourré  d'ajoncs,  parmi  des  pierres, 
plus  ou  moins  remuées,  mais  qui  n'accusent  aucune  trace  de 
construction,  j'ai  trouvé  les  trois  dessins  formant  les  numéros  12, 
13  et  14. 


Echelle  à    -375 


/ 


11.    Grande  pierre    dix   chemin 


12:    Pierre   du   champ   d 


amp  a  ajoncs 


13.  Pierre,  du  champ  d'ajoncs 


14.  Partie  d'une  pierre  brisée 
au  champ  d'ajoncs. 


—  51  — 

Les  copies  que  je  vous  présente,  étant  décalquées,  donnent  les 
figures  dans  leur  sens  naturel. 

Un  séjour  plus  prolongé  m'eût  permis  de  multiplier  ces  copies, 
car  on  affirme  que  les  pierres,  ainsi  sculptées,  se  comptent  par 
centaines  sur  la  seule  ferme  du  Grand-Veau.  J'ai  dû,  dans  ma 
précipitation,  en  négliger  plusieurs  que  j'ai  entrevues.  On  m'avait 
assuré  qu'il  y  avait  un  rocher  dont  la  superficie,  mesurant  plu- 
sieurs mètres  carrés,  était  couverte  de  dessins.  Le  fermier  n'a  pu 
me  l'indiquer  et  je  n'ai  pas  eu  le  temps  de  le  rechercher. 

4  février  1879. 

A.  de  Béjarry. 


L'ABBAYE  DE  NOTRE-DAME  DE  LA  CHAUME 

* 

PRÈS    MAGHEGOUL 
1055-1792 


AVANT-PROPOS 

vant  1789,  le  diocèse  de  Nantes  comptait  neuf  abbayes 
d'hommes,  dont  six  reconnaissaient  Notre-Dame  pour 
patronne. 

La  première  en  date  était  l'antique  abbaye  de  Verlou,  devenue 
dans  la  suite  des  âges  la  prévôté  de  ce  nom,  dont  il  reste  à  peine 
quelques  traces  dans  l'enceinte  du  presbytère  de  ce  chef-lieu  de 
canton  (l)  ; 

2°  Celle  de  Saint-Gildas- des-Bois,  fondée  en  1026.  Les  bâti- 
ments plusieurs  fois  vendus,  passèrent  en  1828  entre  les  mains 
des  religieuses  de  l'instruction  chrétienne,  dites  Dames  de  Saint- 
Gildas.  L'abbatiale  bien  conservée,  sert  d'église  paroissiale  ; 

3°  Notre-Dame  de  la  Chaume,  1055; 


(>)  Mentionnons  aussi  l'abbaye  d'Aindre  (Basse-Indre),  fondée  par  saint 
Hermeland  vers  605,  et  détruite  pendant  les  invasions  normandes. 


—  53  — 

4°  Notre-Dame  de  Buzay,  fondée  en  1135,  par  le  duc  Conan. 
Celle-ci,  la  plus  riche  incontestablement  des  abbayes  du  diocèse, 
a  légué  aux  archives  départementales  un  fonds  des  plus  pré- 
cieux. Son  magnifique  autel,  de  la  fin  du  xvin6  siècle,  est  le  plus 
bel  ornement  de  l'église  de  Paimbœuf  ;  sa  haute  tour,  dominant 
encore,  de  sa  masse  noircie  et  percée  à  jour,  les  fertiles  prairies 
qui  l'environnent,  sert  de  point  de  repère  aux  navigateurs  de  la 
Loire; 

S0  Notre-Dame  de  la  Meilleraye,  fondée  en  1145  ;  restaurée  et 
occupée  depuis  1817  par  les  trappistes  ; 

6°  La  Madeleine  de  Geneston,  fondée  en  1148,  par  Bernard, 
évêque  de  Nantes,  et  dont  nous  avons  publié  le  nécrologe  et  les 
chartes  d'après  la  Collection  des  Blancs-Manteaux  (')  ; 

7°  Notre-Dame  de  Blanche-Couronne,  fondée  vers  1160,  et 
dont  les  archives,  moins  abondantes  que  celles  de  Buzay,  existent 
cependant  presque  complètes  dans  le  dépôt  de  la  préfecture  de 
la  Loire-Inférieure.  En  1767,  elle  fut  réunie  au  prieuré  de  Saint- 
Jacques  de  Pirmil  ; 

8°  Notre-Dame  de  Villeneuve,  fondée  en  1201,  aujourd'hui 
propriété  particulière.  Les  Blancs-Manteaux  renferment  un  certain 
nombre  de  chartes  qui  la  concernent.  Les  voûtes  de  sa  chapelle 
recouvraient  le  magnifique  tombeau  émaillé  de  la  duchesse 
Constance  et  de  sa  fille,  la  duchesse  Alix,  femme  de  Pierre  de 
Dreux,  et  les  dalles  funéraires  de  son  pavé  représentaient  les 
images  des  sires  et  des  dames  de  Machecoul,  des  seigneurs  et 
des  châtelaines  du  Chaffault,  recueillies  avec  soin  dans  la  collec- 
tion Gaignières; 

9°  Sainte-Marie  de  Pornic,  fondée  au  commencement  du 
xme  siècle. 

De  ces  neuf  abbayes,  celle  de  la  Chaume  fut  la  plus  pauvre  et 


(!)  Bulletin    de    la    Société   archéologique   de   Nantes,   t.   xn,  1873, 
pp.  141-158. 


—  54  — 

la  plus  obscure.  Son  nom  survit  à  peine  à  la  perte  complète  des 
actes  qui  témoignaient  de  son  existence  et  de  l'authenticité  de 
ses  possessions.  Que  pouvaient  fournir  d'intéressant,  à  l'archéo-  , 
logue  ou  au  paléographe,  les  annales  de  ce  petit  monastère,  que 
ne  signalent  aucun  événement  remarquable,  dont  on  ne  connaît 
que  l'acte  de  fondation,  et  dont  la  notoriété  dépasse  à  peine  les 
étroites  limites  de  la  ville  de  Machecoul  près  de  laquelle  il  était 
situé.  La  poésie  n'eut  point  à  chanter  les  beautés  de  son  sanc- 
tuaire, l'éclat  de  ses  vitraux,  la  splendeur  de  ses  arceaux  romans, 
la  richesse  ou  la  puissance  de  ses  bienfaiteurs.  Son  cloître,  ses 
bâtiments  claustraux,  affectaient  la  plus  modeste  simplicité.  En 
interrogeant  les  anciens  de  la  contrée,  nous  n'avons  pu  recueillir 
que  l'attestation  du  peu  d'importance  attaché  à  la  silencieuse 
retraite,  pour  ainsi  dire  inaperçue  et  oubliée  dans  notre  histoire. 

Quels  motifs  ont  donc  déterminé  ce  choix,  et  fait  naître  le 
désir  de  ne  pas  s'arrêter  aux  difficultés  qui  semblaient  tout 
d'abord  en  détourner  l'attention? 

Enfant,  j'ai  joué  et  couru  dans  ces  ruines,  et  la  dénomination 
d'Abbaye  exerçait  parfois  ma  jeune  imagination.  Presque  chaque 
année,  j'allais  passer  quelques  jours  à  Machecoul,  chez  une  sœur 
de  mon  père,  aimable  tante,  douce,  prévenante,  attentionnée 
pour  ses  neveux  qu'elle  gâtait  en  les  appelant  mes  petits-fils. 
Elle  m'avait  fait  cadeau  d'une  ou  deux  pièces  de  Louis  XIV,  de 
Louis  XV,  de  Louis  XVI,  de  la  Méthode  du  blason  du  Père 
Menestrier,  et  de  YHistoire  de  Bretagne,  par  E.  Gaschignard, 
maître  ès-arts  de  l'Université  de  Nantes,  et  principal  du  collège 
de  Machecoul.  Je  lisais  ces  deux  volumes,  de  préférence  aux 
ennuyeux  classiques  grecs  et  latins,  éprouvant  une  bien  plus 
grande  sympathie  pour  Alain  Barbe-Torte,  Nominoë,  Jean  IV,  la 
reine  Anne,  que  pour  Achille,  Thémistocle,  Romulus,  Giucinnatus, 
Lucrèce  et  Cornélie. 

Dessiner  les  créneaux  inclinés  du  vieux  donjon  des  sires  de 
Rays,  escalader  les  salles  ruinées  pour  en  copier  les  clefs  de 
voûte  ornées  de  l'écu  des  Chauvigny,  monter  sur  la  butte  de 
Sainte-Croix,  aller  rêver  à  la  Chaume,  tel  était  souvent  l'emploi 


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—  55  — 

des  matinées  de  vacances.  Or,  par  une  belle  journée  de  septembre 
1841,  je  me  trouvai  sur  l'emplacement  de  la  Chaume.  Des 
moellons  épars,  des  restes  de  subsiructions  affleurant  à  peine  le 
sol,  indiquaient  encore  à  peu  près  les  lignes  principales  des 
contours  de  l'enceinte  déjà  effacée  du  vieux  monastère.  Une 
réflexion  me  suggéra  l'idée  de  les  relever.  Je  dessinais  comme 
on  dessinait  alors  au  collège,  estompant  assez  bien  une  bosse,  ou 
une  académie,  mais  n'ayant  pas  le  moindre  principe  du  dessin 
linéaire,  ou  du  levé  des  plans.  Depuis,  l'enseignement  a  changé, 
ce  n'est  pas  un  mal. 

Le  lendemain  je  retournai,  muni  d'un  crayon  et  de  plusieurs 
feuilles  de  papier- écolier.  Tant  bien  que  mal,  à  la  troisième  ou 
quatrième  reprise,  un  mauvais  tracé  fut  esquissé,  puis  le  soir 
passé  à  l'encre  sur  la  table  boiteuse  de  ma  chambre.  En  1878, 
ouvrant  fortuitement  un  cahier  de  mon  cours  d'Histoire  de 
France  de  1842,  la  feuille  jaunie  de  1841  me  tomba  sous  la 
main.  Tout  informe  que  soit  ce  tracé,  auquel  dans  mon  inexpé- 
rience je  n'avais  pas  même  songé  à  donner  une  échelle  de  pro- 
portions, je  le  revis  avec  plaisir.  C'est,  en  effet,  comme  le  pre- 
mier jalon,  le  point  de  départ  de  mes  recherches  sur  le  pays  de 
Rays  et  Machecoul,  aux  archives  de  Nantes,  d'Angers,  de  Rennes, 
à  la  Bibliothèque  nationale  et  au  précieux  dépôt  de  la  rue  de 
Rambuteau. 

La  trouvaille  de  ce  chiffon  m'inspira  la  pensée  de  l'utiliser, 
en  y  joignant  quelques  données  historiques.  Cependant  j'eus  re- 
cours aux  cartes  de  l'administration  du  cadastre,  et  bien  que  j'y 
trouvai  la  preuve  que  pour  un  débutant  je  n'avais  pas  commis  de 
trop  grosses  erreurs,  je  préfère  à  tous  égards  reproduire  le  plan 
administratif,  plus  régulier  et  surtout  revêtu  d'un  caractère 
officiel.  (Voir  PL  IL) 

L'abbé  Travers,  dans  son  Histoire  des  évêques  de  Nantes,  parle 
deux  ou  trois  fois  de  la  Chaume  ;  dans  les  six  volumes  manus- 
crits de  son  Histoire  des  Conciles  de  la  province  de  Tours,  il 
donne  des  titres  relatifs  aux  abbayes  de  Pornic,  Saint-Gildas, 
Villeneuve,  etc.,  et  pour  la  Chaume  ne  cite  qu'une  lettre  cm- 


—  56  - 

pruntée  nu  trésor  des  ducs  de  Bretagne  (Arch.  départ,  de  la 
Loire-Infrc).  A  part  l'acte  de  fondation,  le  Cartulaire  de  Redon 
et  les  Preuves  des  Histoires  de  Bretagne  ne  fournissent  aucune 
indication. 

M.  A.  de  la  Borderie  a  bien  voulu  me  communiquer  un  histo- 
rique de  l'abbaye  de  la  Chaume,  tiré  du  fonds  de  Saint-Germain, 
Monaslicon  Bcncdklinum,  vu,  c,  manuscrit  de  la  Bibliothèque 
nationale.  C'est  la  pièce  la  plus  importante  que  je  connaisse  sur 
ce  sujet  et  elle  est  publiée  presque  entièrement,  sauf  en  ce  qui  re- 
garde les  origines  de  l'abbaye  assez  peu  étudiées  dans  ce  docu- 
ment. Mes  notes,  mes  recherches  ont  fait  le  reste. 

II 

LES  FONDATEURS,    SIRES   DE   SAINTE-CROIX,   BARONS  DE  RAYS 

^u  milieu  du  xie  siècle,  le  sire  de  Sainte-Croix, 
seigneur  de  Rays,  «  Senior  provincie  Radesia- 
rum  » ,  possédait  toute  la  partie  sud-ouest  du 
comté  nantais  d'outre-Loire,  le  climat  ou  doyenné  de  Rays, 
l'ancien  Pagus  Ratiatensis.  La  tradition  rattache  celte  puissante 
dynastie  féodale  a  Lambert  II,  comte  de  Nantes  (843-846,  con- 
temporain de  Charles-le-Chauve) ,  qui,  disent  nos  chroqueurs, 
inféoda  certaines  parties  du  territoire  nantais  à  ses  trois  neveux: 
les  Mauges  a  Ramaire,  Tiffauges  a  Girard,  Herbauges  à  Hunfroy  (*). 

«  De  cestuy-cy,  par  succession  de  temps  et  représentation  de 
personnes,  sont  issus  les  autres  barons  de  Raiz,  comme  il  est  à 
croire,  lesquels  s'appelèrent  anciennement  de  Sainte-Croix,  à 
cause  d'un  ancien  château,  maintenant  ruiné,  duquel  pour  toutes 


(')  Lambertus.,..  Comilatum  Nannelicum  invadens  rnilitibus  suis  dislri- 
bwit,  scilicet  Gunferio,  oepoti  suo  regionem  Uerbadillam,  Rainerio 
Metallium,  Girardo  Theofalgiam,  quœ  omnia  jure  heredilario  concessit. 
Chronicon  ISannetenst,  D.  Morice,  Pr.  I,  col.  138. 


—  57  - 

marques  et  vestiges,  il  ne  reste  qu'une  motte  près  l'église  paro- 
chialle  de  Sainte-Croix  (4).  » 

C'est  sur  cette  tradition  que  s'appuyait,  sans  nul  doute,  la 
prétention  des  sires  de  Rays,  à  être  considérés  comme  les  doyens 
des  neuf  barons  de  Bretagne.  Cette  prétention  n'a  jamais  été  bien 
définie,  ni  reconnue  môme  par  les  grandes  familles  du  comté 
nantais.  Ainsi,  pour  l'entrée  de  l'évoque  de  Nantes,  le  baron  de 
Rays  vient  après  celui  de  Pontcbâteau  ;  et  dans  les  vers  que  cite 
dom  Morice,  il  est  placé  après  le  baron  d'Avaugour,  qui  jouit  en 
paix  du  titre  de  doyen,  ceux  de  Vitré  et  de  Fougères,  puis  est 
encore  primé  par  le  seigneur  de  Ciiàteaubriant  : 


Lilia  hinc  aurea  cum  colore  rubea  ; 

Postea  Crux  nigrata,  aureo  compilata  ^ 

Aquila  nigra  volans,  in  aureo  terminans  ; 

Castrum  super  Ligeris,  qui  nuncupatur  Ancenis  (2). 

Dom  Lobineau,  Histoire  généalogique  des  barons  de  Bretagne, 
manuscrit  déposé  a  la  Bibliothèque  de  Rennes,  indique  comme 
seigneur  de  Rays  le  vicomte  Gestin,  qui  signe  en  qualité  de  pre- 
mier témoin  laïc,  immédiatement  au-dessous  des  évêques,  la 
fondation  du  prieuré  de  Ratz  faite  par  le  duc  Alain-Barbetorte, 
en  952  (3).  L'abbé  Travers  (4),  rapportant  aussi  ce  même  acte, 
met  en  note  :  Jestinus  vicecomes  Radesiarum. 

La  manière  de  voir  des  deux  auteurs  bretons,  qui  semble  reposer 
sur  la  similitude  du  prénom  et  l'analogie  frappante  de  la  position  des 
personnages,  est  parfaitement  acceptable.  En  effet,  la  généalogie 


(')  Histoire  généalogique  de  plusieurs  maisons  illustres  de  Bretagne,  par 
Fr.  Aug.  Du  Paz.  Hist.  gen  des  seigneurs  barons  de  Raiz,  p.  203. 

Ce  nom  de  Sainte-Croix,  supplanté  bientôt  par  celui  de  Machecoul,  ainsi 
que  le  blason  :  d'or  à  la  croix  de  sable,  qui  s'y  rattache,  proviennent 
sans  doute  de  quelque  relique  insigne  rapportée  dans  les  pieux  pèlerinages 
qui  précédèrent  les  croisades.  La  piété  des  premiers  suzerains  en  appliqua 
le  vocable  a  Yoppidum  dans  lequel  ils  faisaient  leur  demeure. 

(s)  D.  Taillandier,  t.  II,  supp.  aux  Preuves,  col,  CLXX. 

(3)  D.  Morice,  Pr.  I,  col.  345. 

(4)  Histoire  des  Conciles  de  la  province  de  Tours. 


—  58  — 

de  la  première  dynastie  des  sires  de  Rays  démontre  l'usage  per- 
sistant de  donner  au  petit-fils  le  nom  de  l'aïeul,  ainsi  que  le 
prouve  la  table  suivante  : 

Gestio  I,  avant  1038. 


Harscoid  I,  fondateur  de  la  Chaume,  épousa  Ulgarde. 


Gestin  II,  Urvoid,  Hilaire,  Auldroen,  plusieurs  filles. 

Garsine  I      Raoul,      Joscelin  Agnès. 

Epousa  Béatrix. 


Harscoid  II,      Raoul  I     Garsire         Agnès  la  vicomtesse 
Ep.  Marie  Talvaz. 


Harscoid  III  Gestin  de  Prigny  Bernard  de  Machecoul. 

Ep.  Etiennetle  de  Montfort. 

Gestin,  Garsire  H,      Olivier,  Olive,  Aaliz 

Harscoid,  Raoul  II,        Thiphaine,    Aliz 

Eustache 
Epouse  Girard  Chabot  ('). 

Remarquons  encore  qu'au  moment  où  les  actes  commencent  à 
devenir  plus  communs,  c'est-à-dire  au  milieu  du  xie  siècle,  nous 
retrouvons  les  sires  de  Sainte-Croix  signant  immédiatement  après 
les  grands  dignitaires  ecclésiastiques,  comme  le  vicomte  Gestin 
en  952,  par  conséquent  dans  une  situation  politique  et  civile 
absolument  identique. 

Ainsi,  les  deux  premières  signatures,  apposées  au  bas  de  la 
charte  de  don  du  monastère  de  Saint-Cyr  de  Nantes  à  l'abbaye 
du  Ronceray  d'Angers,  par  le  comte  Mathias,  comprise  entre  les 
années  1038-1041,  sont:  signum  -f-  Rodaldi,  vicecomitis ;  si- 
gnum  f  Arscuti  (s).  L'accord  passé  vers  la  môme  date,  entre  le 
comte  Budic  et  l'abbé  de  Redon  Catuallon ,  nous  présente , 


(»)  Ce  tableau  généalogique  est  le  résumé  de  l'excellent  travail  inédit  de 
M.  A.  de  la  Borderie,  sur  la  première  maison  de  Rays.  Il  constate  d'une 
façon  péremptoire  l'usage  du  prénom  de  Gestin  pendant  deux  siècles. 

(2)  D.  Morice,  Pr.  I,  col.  382.  —  Cartularium  Monasterii  Heatœ.  Mariât 
Caritatis  Andegavensis,  par  M.  P.  Marchegay,  s.  1.  n.  d.  ln-8",  p.  258. 


—  59  — 

aussitôt  après  le  seing  de  l'abbé,  celui  de  :  Harscoid  de  sancta 
Cruce. 

Parmi  les  seigneurs  qui  accompagnèrent  le  duc  Gonan  dans  le 
voyage  qu'il  fit,  vers  1058,  à  la  cour  de  Thibaud  de  Champagne, 
son  oncle,  figure  un  Ascol  (Harscoid),  filio  Rodaldi  vicecomitis 
Namnetis  (*).  Or  ce  Rouaud,  vicomte  de  Nantes,  est  incontesta- 
blement le  vicomte  de  Donges.  De  grandes  affinités  de  parentés, 
de  possessions  et  d'alliances  unissaient  les  vicomtes  de  Donges 
aux  sires  de  Rays.  Seraient-ils  de  la  môme  race?...  Formeraient- 
ils  deux  branches  de  la  même  famille?...  Ne  pourrions-nous  pas 
voir  dans  cette  grande  maison,  d'origine  essentiellement  nantaise, 
les  sentinelles  avancées,  gardiennes  de  l'ordre  et  des  intérêts  du 
pays,  par  opposition  aux  nombreux  chefs  des  hordes  normandes 
échelonnés  sur  les  bords  de  la  Loire,  au  Pèlerin,  au  Migron,  à  la 
Garnache  et  ailleurs.  Les  vicomtes  de  Donges,  placés  en  faction 
sur  la  rive  droite,  les  sires  de  Sainte-Croix  ou  de  Rays  en  dedans 
de  la  rive  gauche.  Ce  n'est  pas  un  simple  jeu  du  hasard  que  ce 
rapprochement,  qui  nous  montre  Alain-Barbetorte  relevant  le 
sanctuaire  de  Sainte-Marie  de  Nantes,  en  action  de  grâces  de  sa 
victoire  sur  les  barbares  du  Nord,  et  un  siècle  après  les  petits-fils 
de  son  compagnon,  le  vicomte  Gestin,  érigeant  en  monastère 
l'église  de  Sainte-Marie,  située  en  vue  de  leur  demeure  féodale, 
ante  oppidum  Sancte  Crucis,  cum  cimiterio  sibi  diviso,  avec 
un  cimetière  particulier,  preuve  de  son  existence  antérieure  ;  et, 
presque  en  même  temps,  le  vicomte  de  Donges  instituant,  près  de 
son  castel,  le  prieuré  de  Notre-Dame. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  déduction  basée  sur  l'étude  sérieuse 
et  approfondie  des  chartes  du  milieu  du  xie  siècle,  possible,  pro- 
bable si  l'on  veut,  mais  non  démontrée,  revenons  à  la  Chaume. 


0)  D.  Morice,  Pr.  I,  col.  409.  —  Bien  entendu  cet  Harscoid  de  Donges 
n'est  pas  le  même  qu'Harscoid  de  Sainte-Croix,  mais  ce  n'est  pas  la  seule 
fois  que  des  noms  identiques  se  retrouvent  chez  les  membres  de  ces  deux 
familles. 


—  60  — 

III 

LA  FONDATION 

,'acte  de  fondation  de  la  Chaume,  ou  mieux  de 
Sainte-Marie  de  MachccouL  est  bien  connu.  Il  a 
été  publié  dans  les  Preuves  des  histoires  de  Bretagne  de  D.  Lo- 
bineau  et  de  D.  Morice,  puis  dans  le  Cartulaire  de  Redon.  Il  est 
donc  inutile  de  le  reproduire  ici.  La  qualification  de  nobilissimus 
vin  qui  suit  le  nom  d'Harscoid,  désigne  un  personnage  des  plus 
considérables  de  l'époque.  Ce  donateur  y  paraît  avec  son  épouse 
Ulgarde,  ses  quatre  fils  Gestin,  Urvoid,  Hilaire,  Aldroen,  offrant 
son  aumône  pour  le  salut  de  l'âme  de  son  père  et  de  sa  mère,  la 
santé  de  ses  fils,  de  ses  filles  qui  ne  sont  pas  nommées,  et  la 
stabilité  de  son  honneur.  Les  deux  chapelles  de  Sainte-Marie  et 
Saint-Jean,  avec  leur  cimetière  spécial,  une  borderie,  le  tiers  de 
la  Chaume,  terlia  parte  Chamariae,  le  quart  d'un  arpent  de 
vignes,  un  pré,  un  moulin,  telles  sont  les  choses  que  le  sire  de 
Sainte-Croix  abandonne  sans  aucune  réverve.  C'est  un  don  pur 
et  simple,  une  pieuse  largesse,  un  acte  de  chrétien  accompli, 
sans  la  moindre  mention  de  violences  à  effacer,  de  crime  à  expier, 
de  fautes  à  réparer,  comme  on  le  remarque  parfois  dans  les 
actes  analogues.  La  date  est  celle-ci  :  Acta  est  hœc  donalio, 
feria  quinta,  in  eodem  loco  Sancte  Marie ,  pridie  nonas  Julii, 
luna  VIII*,  anno  ab  incamatione  Domini  nullesimo  quinqua- 
gesimo  qicinto  ,•  ce  qui  revient  au  jeudi  6  juillet  1055  (1). 

Le  Père  Du  Pas  (a)  a  publié,  lui  aussi,  d'après  le  Cartulaire  de 
Redon,  duquel,  dit-il,  il  «  a  pris  copie  audit  an  1595,  »  une 
charte  de  fondation,  bien  plus  longue  que  la  précédente,  diffé- 
rente au  point  de  vue  de  la  rédaction  et  des  détails,  et  qu'il  est 


(')  Cartul.  de  Bedon,  p.  204.  —  D.  Lobineau,  Pr.,  col.  172.  —  D.  Morice, 
Pr.  t.  I,  col.  406. 

(2)  Histoire  généalogique  de  plusieurs  maisons  illustres  de  Bretagne, 
Ilist.  gén.  des  seigneurs  barons  de  Raiz,  pp.  204-207. 


—  61  — 

inutile  de  chercher  aujourd'hui  dans  le  Cartulaire  édité  avec  tant 
de  soin  par  M.  A.  de  Courson.  Les  frères  de  Sainte-Marthe  repro- 
duisent également  ce  même  acte  comme  celui  de  la  fondation  de 
la  Chaume,  mais  M.  de  Brequigny  le  regarde  avec  raison  comme 
suspect. 

La  date  est  la  même  :  Patatra  denique  sunt  hec,  feria  quinla, 
in  basilica  Béate  Marie  nomini  dicata,  pridie  nonas  Julii,  lunâ 
octava,  anno  ab  incarnatiane  Domini,  milesimo  quinquagcsimo 
quinto,  Monarchiam  Regni  Francorum  Philippo  gubernanle, 
Vresulatum  vero  Nannelicoe  sedis  Quiriaco  providentia  régente, 
et  tam  donum  quam  conventionem  sigillo  proprie  authoritalis 
roborante.  Les  témoins  sont  aussi  les  mêmes. 

Les  mots  de  la  fin  et  tam  donum  quam  conventionem,  semblent 
nous  permettre  de  penser  qu'il  y  eut,  le  6  juin  1055,  deux  actes 
au  sujet  de  la  Chaume.  Le  premier,  donum,  l'acte  par  conséquent 
essentiel  de  la  fondation  ;  le  second,  conventionem,  la  convention, 
la  sanction  ecclésiastique  donnée  par  le  chef  du  diocèse.  On  y 
retrouve,  en  effet,  l'influence  de  l'évêque  qui  détermine  le  choix 
du  pieux  baron  en  faveur  de  l'abbaye  de  Redon,  qui  sanctionne 
le  don  des  deux  oratoires  (Sainte-Marie  de  la  Chaume  et  Saint  - 
Jean),  soumet  le  nouvel  établissement  à  Saint-Sauveur.  Il  ordonne 
que  si  plus  lard  la  Chaume  est  digne  d'avoir  un  abbé,  celui, 
ci  soit  béni  par  l'abbé  de  Redon,  et  obligé  de  visiter  l'église 
de  Redon  deux  fois  chaque  année,  le  jour  de  la  fête  de  saint  Mar- 
cellin,  pape  et  martyr,  et  le  jour  de  la  translation  de  ses  reliques 
en  y  montant  en  chaire,  célébrant  la  messe  et  traitant  splendi- 
dement ses  frères  à  table  ('). 


(')  ....  Ut  si  locus  Me  divitiis  et  possessionibus  adeo  creverit,  ut  pnstor 
ibi  proefwi  debeat,  ex  capitule»  Rotonensi,  electione  abbatis  et  conventus 
assumalur,  et  ut  obediens  Mi  monaslerio,  tanquam  proprius  ipsorum  mo- 

nachus  semper  existât Singulis  etiam   auras  ex  jure  visitare  Rolo~ 

nensem  ecclesiam  secundo  volumus,  in  natilicio  scilicet  beati  Marcellini 
Pàpœ  et  marlyris,  sedet  translations  ejusdem  cum  sacra  corporis  ejus 
plaça  occidenlalis  suscipere  meruit,  ut  his  tantum  diebus,  singulari  privi- 
legio,  verbo  doctrinœ  insistât,  Missas  celebret,  mensas  etiam  fratrum  splen- 


-  62  - 

Toutefois,  l'indication  du  règne  de  Philippe  Ier,  roi  de  France, 
soulève  une  grande  difficulté,  que  doni  Mabillon  signala  plus  tard 
sans  la  résoudre.  La  date  de  cette  charte,  dit-il,  n'est  pas  1055, 
comme  on  l'a  éditée,  car  Philippe  n'était  pas  encore  roi.  Elle  doit 
être  reportée  à  1066,  année  dans  laquelle  la  cinquième  férié 
tombe  au  second  jour  des  nones  de  juillet,  coïncidence  qui  n'ar- 
riva que  cette  fois  dans  l'espace  de  temps  écoulé  entre  le  décès 
du  père  de  Philippe,  et  celui  de  l'évoque  Quiriac  en  1075  ('). 

La  rectification  proposée  n'est  pas  heureuse^  car  l'abbé  de 
Redon  Pérennes,  présent  à  la  rédaction  de  l'acte,  étant  mort  au 
plus  tard  en  1061,  exclut  d'une  façon  absolue  la  date  de  1066. 
Le  savant  bénédictin,  préoccupé  seulement  de  l'irrégularité  de 
la  date,  a  proposé  l'année  1066,  parce  que  c'est  la  première  du 
règne  de  Philippe  Ier  dans  laquelle  le  6  juillet  tombait  un  jeudi  ; 
tandis  qu'il  ne  lui  est  pas  venu  à  l'idée  que  la  mention  du  roi 
de  France  devait  être  le  fait  d'une  interpolation  commise  à  une 
époque  de  beaucoup  postérieure  au  xr  siècle. 

En  résumé,  la  fondation  d'Harscoid  de  Rays,  telle  qu'elle  se 
trouve  au  Cartulairc  de  Redon,  présente  tous  les  caractères  d'une 
authenticité  incontestable  ;  la  confirmation  ou  la  sanction  de  Qui- 
riac peut,  à  la  rigueur,  n'être  pas  fausse,  mais  les  amplifications 
ajoutées  au  texte  et  la  date  fautive  justifient  pleinement  l'opinion 
de  M.  de  Brequigny.  Ce  document  peut  fort  bien  avoir  été  rema- 


dide  procurare  studeat. ...  —  Cet  acte  se  trouve  en  abrégé  au  Cartulaire 
de  Redon,  §  Monasterii  benefactores  prœcipui,  p.  445. 

Le  choix  de  ces  deux  solennités  paraît  tout  naturel,  lorsqu'on  sait  que 
les  reliques  du  saint  Pape  martyr  avaient  été  données  a  saint  Conwoyon, 
premier  abbé  de  Redon,  par  le  Pape  Léon  IV,  847-855.  Dès  lors,  c'était  en 
effet  un  privilège,  qu'exercèrent  longtemps  les  abbés  de  la  Chaume,  ainsi 
que  le  dit  le  R.  P.  Jousseaume  dans  son  mémoire. 

(*)  Quœ  notez  chronicœ  non  ad  annum  ML  F,  ut  id  editis,  quo  Philippus 
needum  rex  erat,  sed  ad  annum  MLXFI,  referendœ  sunt,  quo  anno  feria, 
quinta  in  secundum  nonas  Julii  incidebat.  Quod  a  morte  Henricis  régis 
Philippi  patris,  usque  ad  annum  MLXXF,  quo  decessit  Quiriacus  epis- 
copus,  non  nisi  semel,  scilicet  predicto  anno  MLXVI  contigit.  —  Annales 
Ordinis  Sancti  JBenedicti,  t.  IV,  pp.  676,  677. 


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-     63  — 

nié  au  XVe  siècle  dans  l'intérêt  des  ducs  de  Bretagne ,  ou  au 
XVIe  pour  appuyer  les  protections  du  parlement  et  du  roi  de 
France  à  la  nomination  des  abbés,  contre  les  droits  imprescrip- 
tibles des  barons  de  Rays. 

IV 

l'abbaye 

'abbaye  de  Notre-Dame  de  la  Chaume  (')  s'élevait 
dans  la  plaine  qui  s'étend  au  Nord-Ouest  de 
.l'ancien  faubourg  de  Sainte-Croix,  aux  rivages 
de  l'Océan,  voisins  de  l'Isle  de  Bouin.  Lorsque  les  seigneurs  aban- 
donnèrent leur  résidence  primitive  de  Sainte-Croix  pour  l'im- 
posant château  de  Machecoul,  la  petite  ville,  chef-lieu  de  leur 
vaste  et  riche  baronnie,  se  trouva  en  quelque  sorte  encadrée  à 
l'Est  par  la  demeure  féodale,  et  à  un  kilomètre  à  l'Ouest,  par  le 
monastère. 

La  construction  des  bâtiments,  dit  0gée(2),  eut  lieu  en  1063. 
L'aspect  des  ruines,  que  nous  avons  pu  reproduire  d'après  un 
dessin  très  imparfait  donné  à  la  Société  archéologique  par  M.  le 
docteur  Leray,  ne  paraît  pas  infirmer  cette  date  (3).  Le  Musée  de 
l'Oratoire  possède  un  fragment  de  crédence  romane,  seul  débris 
de  la  Chaume,  dont  l'élégante  sculpture  dénote  qu'un  soin  tout 
particulier  avait  été  apporté  dans  l'ornementation  des  diverses 
parties  des  bâtiments  (*). 

Une  pièce  importante  est  celle  de  la  donation  de  Renaud  de 


(i)  Culma,  la  Chaume,  les  Chaumes,  dénomination  qui  s'appliquait 
autrefois  aux  champs  dépouillés  de  la  moisson,  qui  gardaient  seulement  la 
partie  inférieure  de  la  tige  des  épis,  et  dans  lesquels  les  bestiaux  allaient 
alors  pacager.  —  Calmense  vel  Calmariense  monasterium  sic  dictum  a 
Calmaria  vico  Nanneticoe  dioecesis.  Biblioth.  nationale,  MM.  latin  12664. 

(2)  Dictionnaire  hist.  et  géog.  de  la  Bretagne,  art.  Machecoul. 

(3)  Voir  la  planche  1. 

(*)  Catalogue  du  Musée  archéol.  de  Nantes,  n°  .  Ce  fragment,  re- 

cueilli sur  l'emplacement  même  de  la  Chaume,  a  été  donné  par  M.  l'abbé 
Rousteau. 


—  64  — 

Mortesticr,  souscrite  entre  1081  et  1083,  alors  que  Justin  II, 
sire  de  Rays,  succédait  à  son  père  Justino  Radesii  dominatum 
jure  paterno  obtinenle^). 

Ce  Renaud  avait  mené  une  vie  assez  irrégulière.  Sentant  la 
mort  approcher,  il  se  convertit,  pria  les  moines  de  venir  vers 
lui,  de  le  recevoir  parmi  eux,  et  du  consentement  de  son  seigneur 
Justin,  confirma  la  cession  de  l'île  Candelaman  précédemment 
faite  par  ses  ancêtres.  Il  y  ajouta  tout  ce  qu'il  possédait  dans  la 
paroisse  de  Saint -Même,  à  titre  d'héritage  paternel  (*).  Trois  jours 
après  avoir  reçu  l'habit  monastique  il  mourut,  et  fut  inhume  dans 
le  cimetière  de  Sainte-Marie.  Justin  de  Rays  et  plusieurs  autres 
témoins  signèrent  cet  acte.  Parmi  ceux-ci,  remarquons  :  Justin, 
chargé  de  l'obédience  de  Sainte-Marie,  c'est-à-dire  prieur; 
GHemmarôc,  qui  bientôt  allait  ouvrir  la  série  abbatiale;  les  moines, 
Payen,  Etienne,  Robert,  Hato,  Jarnogon,  de  Tréal,  dont  deux 
arrières- neveux  devaient  être  abbés,  et  Goessin.  En  tout  neuf 
religieux,  nombre  rarement  dépassé,  et  qui  viendrait,  jusqu'à  un 
certain  point,  infirmer  l'assertion  de  divers  auteurs  qui  avancent 
que  l'abbaye  n'avait  été  fondée  que  pour  quatre  religieux.  Ce 
dernier  chiffre,  il  est  vrai,  resta  souvent  au-dessous  du  complet, 
surtout  à  partir  du  xvie  siècle.  Mais  personne  n'ignore  que  parfois 
les  revenus  des  abbayes  furent  détournés  de  leur  destination,  par 
les  seigneurs  et  par  les  abbés  eux-mêmes. 

Justin  est  donc  le  plus  ancien  prieur  connu  de  la  Chaume.  De 
1092  à  1104,  le  siège  abbatial  de  Redon  fut  occupé  par  un  reli- 
gieux du  nom  de  Justin,  vraisemblablement  le  même  personnage. 
Cette  conjecture  semble  d'autant  plus  admissible,  que  c'est 
cet  abbé  qui,  réalisant  le  vœu  d'Harscoid  de  Sainte-Croix,  érigea 

(')  ...  Monachos  Sanclis  Salvatoris,  qui  erant  in  aecclesia  Sanctae  Marine 
de  Culrrio,  ad  se,  venire  fecit,  et  se  momehum  fieri  poslulavit...  -  Cartulaire 
di-  l'abbaye  de  Redon,  p.  245. 

L'Ile  de  Candelaman,  plus  tard  nommée  lîremefen,  et  dans  laquelle  se 
rend  il  immédiatement  le.  moine  Robert,  devint  un  prieuré,  que  nous  verrons 
en  1450  échangé  contre  le  litre  d'abbé  de  la  Chaume. 

('•*)  Telle  est  l'origine  du  Prieuré,  situé  sur  la  rive  droite  du  Tenu,  un 
peu  plus  haut  411e  le  bourg  de  Saini  Même. 


-  65  — 

un  abbaye  régulière  le  simple  prieuré  qu'il  avait  vu  établir,  puis 
construire  et  prospérer  par  ses  soins. 

Cette  érection  doit  être  pincée  en  1099,  ou  tout  au  plus  tard 
vers  les  premiers  mois  de  1100.  Toutefois  elle  ne  se  fit  pas  sans 
difficultés.  Lors  du  Concile,  tenu  à  Poitiers  en  1106,  les  moines 
de  Tournus  adressèrent  au  légat  du  pape  une  protestation  contre 
l'abbé  de  Redon  qui,  malgré  leur  vive  opposition  et  leurs  instantes 
réclamations,  leur  avait  enlevé  les  églises  de  Machecoul,  près  la 
Chaume,  pour  y  établir  un  abbé(').  Il  est  impossible  de  connaître 
les  raisons  sur  lesquelles  s'appuyaient  ces  religieux,  qui  avaient 
bien  tardé  pour  discuter  une  fondation  remontant  à  quarante- 
cinq  ans  au  moins.  Dans  tous  les  cas,  le  nouvel  abbé  fut  maintenu 
dans  sa  dignité  et  tous  ses  droits. 

Par  la  grandeur  de  ses  œuvres  et  la  régularité  de  ses  religieux, 
qui  suivaient  d'une  façon  exemplaire  les  préceptes  et  la  règle  cénobi- 
tiques  tracés  par  saint  Benoît,  la  Chaume,  jusqu'au  commencement 
du  xive  siècle,  brilla  d'un  éclat  presque  aussi  beau  que  celui  qui  en- 
tourait sa  maison-mère,  la  grande  abbaye  de  Redon.  C'est  ce  que 
nous  apprend  une  trop  courte  citation  des  lettres  données,  vers 
1310,  par  le  pape  Clément  V,  en  faveur  de  notre  abbaye,  lettres  au- 
jourd'hui perdues  et  dont  le  texte  eût  été  si  utile  pour  son  his- 
toire (*). 

Pendant  le  xve  siècle,  ces  belles  traditions  étaient  toujours  en 
honneur  à  la  Chaume,  dont  l'existence  calme  et  paisible  se  révé- 


(!)  ....  Iidem  quoque  fratres  (  TornucensesJ  proclamaverunt  ad  nos,  super 
abbatem  Bodonensem  (  JustinumJ  qui  ecclesias  de  Calma  apud  castrun 
Machicol  cis  aufert,  in  quibus,  eis  calumniantibus  et  contradicentibus 
abbatem  constituit...  —  Recueil  des  historiens  des  Gaules  et  de  la  France, 
t.  XIV,  1806,  p.  8!0.  —  Nouvelle  histoire  de  l'Abbaye  royale  et  collégiale  de 
Saint- Filibert  et  de  la  ville  de  Tonnais,  etc..  Dijon,  1733,  preuves, 
p.  138 

(!)  ...  flotonensis  itaque  monaslerii  cella,  non  minus  sanctilate  quant 
rerum  copia  nobilis  evasit  Calmana,  quam  liotonenses  ascetae ,  Bene- 
diclam  edocti  regulam  ;  eremeticum  sectantes  vivendi  genus  ad  annum  fere 
{310  incoluerunt,  id  docent  Clementis  V,  ponlificis  litterae....  Monasticon 
BenedicL,  latin  12664,  p.  4,  Biblioth.  nationale,  mm. 

1879  5 


—  66  — 

lait  de  temps  à  autre,  à  la  cour  de  Bretagne,  lors  de  la  nomination 
des  abbés.  Les  ducs,  en  effet,  voyaient  avec  peine  le  beau  privi- 
lège dont  jouissaient  les  barons,  et  cherchèrent  peu  à  peu  à  les 
en  dépouiller,  en  leur  adressant  des  lettres  de  recommandation 
pour  un  candidat  de  leur  choix,  ordre  déguisé  sous  une  appa- 
rence de  prière,  auquel  les  seigneurs  de  Rays  ne  pouvaient  se 
soustraire. 

Une  assez  longue  lacune,  dans  la  liste  des  abbés,  signale  la  fin 
de  ce  siècle.  En  1460,  le  plus  ancien  aveu  connu  de  la  baronnie, 
rendu  par  René  de  Rays  au  jeune  duc  François  II,  ne  fait  aucune 
mention  du  monastère  et  de  la  haute  prérogative  qui  y  était 
attachée  ('). 

Aux  Etats,  ou  parlement  général,  solennellement  ouverts  à 
Vannes  le  14  juin  1462,  assista  l'abbé  de  la  Chaume (a). 

Le  9  mars  1483,  l'abbé  de  la  Chaume,  qui  n'est  pas  nommé, 
assista  conjointement  avec  l'abbé  de  Villeneuve,  à  la  bénédiction 
de  frère  Jehan  Goheau,  célébrée  par  Pierre  de  Chaffault,  évêque 
de  Nantes  (3). 

Dans  les  premières  années  du  xvie  siècle,  le  long  et  orageux 
procès  qui  surgit  entre  les  divers  héritiers  d'André  de  Chauvigny, 
mort  en  1502,  au  sujet  de  la  baronnie  de  Rays,  eut  de  fâcheuses 
conséquences  pour  l'abbaye,  à  laquelle  les  prétendants  nommaient 
chacun  leur  créature.  Elle  retrouva  un  peu  de  repos  sous  la 
paternelle  administration  de  Jacques  de  la  Porte,  que  remplaça  le 
premier  abbé  commendataire,  Olivier  de  Montauban,  nommé  par 
le  roi  de  France,  auquel  allaient  bientôt  succéder  les  Gondi,  qui 
n'attachèrent  qu'une  importance  purement  nominale  à  la  posses- 
sion de  ce  mince  bénéfice. 

Albert  de  Gondi,  comte  et  premier  duc  de  Retz,  se  montra 

(')  Arch.  départ,  de  la  Loire-Infre,  série  E.  Aveux  de  Retz. 

(2)  L'Histoire  de  IJretaigne,  par  d'Argentré.  Paris,  1604,  fol.  673,  v°.  — 
C'est  la  seule  mention  de  la  Chaume  qui  se  trouve  dans  le  vieil  historien 
breton.  Au  folio  57,  en  énumérant  les  neuf  ahbuyes  du  diocèse  de  Nantes, 
il  ne  nomme  pas  noire  monastère. 

(3)  Travers,  Uist.  des  évêques  de  Nantes,  t.  II,  p.  183. 


—  67  — 

d'abord  jaloux  de  ses  privilèges  ;  et  un  grand  procès  s'engagea 
entre  le  Parlement  et  lui  au  sujet  de  la  mouvance  des  abbayes  et 
prieurés  de  ses  domaines. 

En  1573  et  1574,  il  remit  à  la  Chambre  des  Comptes  de 
Nantes  un  mémoire  concluant  «  à  ce  que  les  abbayes  et  prieurés 
«  sont  de  fondation  et  dotation  de  lui  et  de  ses  prédécesseurs 
«  comtes  barons  de  Retz,  à  ce  qu'il  soit  par  ladite  Chambre  or- 
«  donné  qu'ils  seront  renvoyés  absous  des  fins  et  conclusions 
«  prises  par  ledit  procureur  général,  leur  faisant,  en  cas  de 
«  saisie,  pleine  et  entière  mainlevée  du  revenu  temporel  de  leurs 
«  dits  bénéfices  (').  » 

A  la  date  du  15  décembre  1580,  les  plaidoiries  duraient 
encore,  comme  le  prouve  la  mention  suivante  :  «  Veu  la  requeste 
«  présentée  de  la  part  de  Mre  Albert  de  Gondy,  doyen  baron  de 
«  Retz,  maréchal  de  France  et  chevalier  des  deux  ordres,  re- 
«  monstrant  que  par  cy  devant  il  auroit  produyt  par  davant  nous 
«  contre  le  procureur  général  du  Roy  à  la  Chambre,  ou  procès 
«  pendant  entre  eux  touchant  les  adveuz  et  dénombrement  des 
«  abbayes  et  prieurés  de  ladite  baronnye,  et  que  son  sac  auroit 
«  esté  distribué  entre  les  mains  de  divers  rapporteurs,  qui  n'en 
o  nuroient  encore  fait  leur  rapport,  suppliant  luy  en  donner 
«  bonne  et  bresve  expédition  ;  la  Chambre  a  ordonné  et  ordonne 

(0  Arch.  départ,  de  la  Loire-Infre.  Extrait  des  Registres  de  la  Chambre 
des  Comptes.  Les  pièces  de  ce  procès  n'existent  plus.  —  Les  abbayes 
étaient  celle  de  la  Chaume  et  celle  du  Bourg-Notre-Dame,  Sainte-Marie 
de  Pornic,  qui  chacune  avaient  fourni  cinq  aveux  ^  les  prieurés,  de  Saint- 
Ladre  ou  Saint-Lazare,  Saint-Martin  de  Machecoul,  de  Quinquenavant,  de 
Saint-Thomas  près  Machecoul,  du  Haut-Perche,  de  Saint-Biaise,  alias 
Saint-Philbert  de  Machecoul,  le  prieuré  de  Cheméré,  le  prieuré  de  Saint- 
André  de  Pornic,  ceux  de  Sept-Faux  et  du  Loc,  le  prieuré  de  Saint- Viau, 
de  Saint-Léonard  de  Quiniau  et  de  la  Péranche  «  la  prieure  de  Notre- 
Dame  de  Valdemorière,  »  les  prieurés  de  Saint-Michel  de  l'Isle,  de  Saint- 
Jacques  de  Prigny,  de  Saint-Nicolas  de  Prigny  et  de  «  Nostre-Dame-du- 
Bourg-des-Moutiers,  »  de  Saint-Pierre  de  Cahouet,  de  Saint-Etienne-de- 
Corcoué,  etc. 

L'abbaye  de  Blanche-Couronne  comptait  aussi  les  sires  de  Rays  parmi 
ses  principaux  bienfaiteurs. 


-  68  - 

«  que  Me  Raoul  Boutin,  conseiller  et  maître  rapporteur  du  procès, 
«  se  trouve  prest  du  procès  pour  en  faire  rapport  au  premier 
«  jour  après  les  prochaines  festes  de  Nouel.  Ainsi  signé  Verge 
«  Charreton(').  » 

Malgré  les  droits  acquis  et  incontestables,  Albert  de  Gondi 
perdit  sa  cause,  et  le  roi  nomma  désormais  les  abbés,  qui  durent 
lui  prêter  serment  de  fidélité  et  rendre  aveu  à  la  Chambre  des 
Comptes.  Depuis  longtemps  déjà  l'abbaye  de  Redon  n'était  plus 
consultée,  et  ce  fut  le  pape  qui  délivra  les  bulles  au  nouvel  élu, 
obligé  d'acquitter  en  cour  de  Rome  la  somme  de  soixante-six 
florins  d'or  et  deux  tiers  d'un  florin. 

L'aveu  rendu  au  Roi,  le  19  août  1675,  par  Pierre  de  Gondi, 
duc  de  Retz,  entre  autres  détails  sur  la  Chaume  donne  le  sui- 
vant : 

«  Item  sont  tenus,  ledit  doyen  (le  doyen  de  Retz,  curé  de  la 
Trinité  de  Machecoul),  l'abbé  de  l'abbaye  de  la  Chaulme,  les 
prieurs  des  prieurés  de  Saint-Biaise,  Saint-Martin,  Saint-Pierre 
de  Cahouet,  Saint-Michel  de  l'Isle,  et  l'aumosnerie  de  Saint-Nico- 
las, le  tout  situé  en  ladite  ville  et  faubourgs,  proche  et  es  envi- 
rons, de  se  trouver  aux  quatre  festes  annuelles  de  chacun  an,  a 
la  fin  du  disner  dudit  seigneur  duc,  estant  en  présence  en  son  dit 
chasteau,  pour  luy  dire  grâces  et  distribuer  aux  pauvres  ce  qu'il 
luy  plaira  donner,  et  ensuite  le  conduire  à  vespres,  lesquelles  ils 
sont  tenus  chanter,  et  à  la  fin  un  libéra  ou  De  profundis,  avecq 
l'antiphone  et  oraison,  et  est  ledit  seigneur  fondateur  patron  de 
tous  lesdits bénéfices...  (a)  ». 

Le  mémoire  adressé  par  le  Frère  Jousseaume  à  un  religieux 
de  Saint-Germain-des-Prés,  à  Paris,  lorsque  l'ordre  de  Bénédic- 
tins conçut  le  projet  de  publier  l'histoire  de  de  ses  différents  éta- 
blissements en  France,  vient  compléter  ces  notes  trop  sommaires. 


(•)  Arch.  départ.,  série  B,  1311,  1578-1581,  Registre  des  Plumitifs, 
fol.  367. 

('-')  Arch.  départ.  ;  Aveu,  déclaration  et  dénombrement  du  pays,  terre  et 
duché  de  Rais,  pairie  de  France,  etc..  Série  E.  Aveux. 


—  69  — 

Il  donne  sur  les  bienfaiteurs  de  l'abbaye,  sa  juridiction,  ses  pos- 
sessions, son  aspect  et  plusieurs  usages,  des  détails  d'autant  plus 
intéressants  que  sans  lui  ils  seraient  complètement  perdus  et 
ignorés.  Bien  qu'il  renferme  des  répétitions  et  des  longueurs, 
autant  que  possible  le  style  et  la  forme  en  ont  été  conservés. 

«  Mon  Révérend  Père, 

J'ay  tasché  de  m'acquitter  le  plus  exactement  qu'il  m'a  esté 
possible  de  la  commission  que  m'a  donnée  le  Révérend  Père 
Prieur  de  la  Chaume,  qui  m'a  envoyé  les  lettres  que  Vostre  Révé- 
rence lui  avoit  escrites  pour  estre  instruit  des  choses  les  plus 
considérables  de  cette  petite  maison,  pour  les  insérer  dans  l'His- 
toire des  monastères  de  la  Congrégation.  J'adresse  à  V.  R.  ce 
que  ma  mémoire  m'a  peu  fournir. 

Je  n'y  parle  point  de  la  feste  de  la  Dédicace  de  l'Eglise,  parce 
qu'elle  n'en  a  point  de  particulière. 

Je  n'y  parle  non  plus  des  saintes  reliques,  parce  que  il  y  en  a 
si  peu  qu'elles  ne  sont  pas  considérables.  L'on  croit  seulement 
qu'il  y  a  une  petite  partye  de  la  vraye  Croix,  qui  est  au  pied  de  la 
croix  d'argent  doré  qu'on  met  au  grand  autel  les  bonnes  fêtes.  Il 
y  a  aussi  une  petite  particule  du  chef  de  saint  Guy,  martir,  qui 
est  dans  un  petit  reliquaire  d'argent  doré.  Les  prestres  séculiers 
qui  desservaient  il  y  a  quelque  temps  l'abbaye  de  l'Isle-Chauvet, 
dédiée  à  saint  André,  aposlre,  nous  firent  présent  d'une  petite 
particule  des  reliques  de  ce  saint,  trouvée  dans  la  sacristie  de  cette 
abbaye,  présentement  occupée  par  les  Pères  Camaldulesf).  Il  y  a 
grande  dévotion  dans  notre  église,  le  jour  de  Saint-André,  à 
cause  d'un  autel  qui  lui  est  dédié,  où  l'on  expose  cette  reliquo 


(i)  L'abbaye  de  l'Isle-Chauvet,  située  à  deux  lieues  Est  de  la  Chaume, 
sur  les  limites  du  diocèse  de  Nantes  et  de  celui  de  Luçon,dont  elle  relevait. 
A  la  suite  de  l'incendie  qu'elle  éprouva  en  1588,  pendant  les  guerres  reli- 
gieuses, elle  fut  desservie  par  des  prêtres  réguliers,  auxquels  succédèrent 
en  1679  les  Ermites  Camaldules  appelés  par  Me  Maupas  du  Tour,  évêque 
d'Evreux,  abbé  commandataire. 


-  70  - 

que  l'on  a  fait  enchâsser  dans  une  petite  statue  du  saint,  qui  est 
de  bois  doré. 

Je  ne  parle  point  non  plus  de  notre  introduction,  car  la  Société 
de  Bretagne  y  ayant  esté  introduite  en  1618,  et  cette  Société 
ayant  esté  incorporée  dans  notre  Congrégation,  nous  leur  avons 
succédé  après  leur  mort,  sans  faire  d'autre  concordat. 

C'est  la  Congrégation  qui  a  mis  les  lieux  réguliers  dans  Testât 
ou  ils  sont  aujourd'huy.  Le  cloistre  est  tout  neuf  avec  des  piliers 
de  belle  pierre  de  grès.  Ils  ne  sont  point  voûtez,  mais  ils  sont 
fort  gais.  L'on  a  changé  les  dortoirs  qui  étaient  au  Nord,  et  on 
les  a  mis  dans  le  logis  abbatial  qui  estoit  au  Levant.  On  y  a  fait 
neuf  chambres,  qui  sont  fort  belles,  spacieuses,  et  ont  vue  sur 
un  très  beau  jardin  qui  est  celui  que  M.  le  cardinal  de  Retz  leur 
a  cédé  avec  son  logis.  Il  y  a  encore  un  autre  grand  jardin  qui  est 
à  côté  de  l'église.  On  y  va  du  jardin  de  Monsieur  l'abbé,  qui  est 
au  pied  du  dortoir.  Il  y  a  de  1res  belles  allées  couvertes  et  bor- 
dées de  grands  buis,  qui  ont  plus  de  trente  pieds  de  hault.  Il  y  a 
un  beau  verger,  rempli  de  très  bons  arbres  fruitiers,  et  un  très 
beau  vivier  d'eau  de  source,  mais  qu'on  ne  peut  faire  couler  ;  il  a 
plus  de  trente  pieds  de  large  et  plus  de  cent  de  long.  Il  y  a  aussi 
des  douves,  dans  lesquelles  l'eau  de  ce  vivier  communique  par 
une  voûte  qui  sert  de  pont.  Le  poisson  y  vit  très  bien  et  devient 
très  bon  ;  le  mal  est  qu'on  a  de  la  peine  à  le  pescher  dans  le 
vivier.  Il  y  a  un  grand  pré  au  bout  du  jardin,  que  les  douves 
enferment.  Il  y  a  de  très  beaux  et  bons  espaliers  autour  d'une 
bonne  partie  de  ce  jardin  qui  est  tout  enclos.  L'église  est  petite, 
la  nef  éclairée  d'un  très  beau  vitrail  placé  au  bas  de  l'église  est, 
entre  deux  petits  collatéraux,  le  chœur  est  au  fond.  Il  y  a  deux 
autels  aux  deux  costés  de  la  nef,  dont  l'un  dédié  à  sainte  Emérence 
a  été  construit  par  les  Pères  de  la  Société  ;  il  est  fait  de  très 
belles  pierres  de  Combour.  Si  celui  qui  lui  est  opposé  était  fait 
de  môme,  l'église  en  serait  mieux  ornée.  Le  chœur  est  lambrissé 
comme  l'église,  mais  le  lambris  du  chœur  est  peint  à  l'huile, 
aussi  bien  que  les  murailles,  où  nos  mystères  peints  et  représentés 
font  un  bel  effet  a  la  vue.  On  a  fait  venir  de  Paris  un  très  beau 


—  71  — 

soleil  et  une  belle  croix  processionnelle  avec  son  baston  d'argent. 
Ils  ont  fait  faire  aussi  depuis  peu  trois  chappes  de  ces  nouvelles 
étoffes  de  soie  avec  des  chasubles  et  deux  dalmatiques. 

Je  ne  parle  point  de  la  bulle  de  Clément  V  (1305-1313),  par  ce 
que  je  ne  l'ai  jamais  vue,  et  je  me  persuade  que  le  Révérend  Père 
prieur  de  la  Chaume  aura  soin  de  la  demander  à  Redon. 

Je  n'ai  pu  non  plus  découvrir  en  quel  temps  la  Chaume  s'est 
séparée  de  Redon.  Je  me  souviens  seulement  d'avoir  lu  quelque 
vieille  pancarte  qui  m'apprit  que  l'abbé  de  la  Chaume  se  devait 
trouver  aux  deux  solemnités  de  saint  Marcellin  pour  y  officier  et 
y  prescher,  et  traiter  ensuite  la  Communauté  de  Redon  à  ses 
dépens. 

Pour  ce  qui  est  des  autres  points  de  la  lettre  de  Votre  Révé- 
rence, je  tasche  d'y  satisfaire.  Les  noms  des  bienfaiteurs  de  la 
Chaume,  se  trouvent  dans  les  adveus  qui  ont  esté  rendus  aux 
suzerains  ou  seigneurs  de  Bourgneuf,  de  Pornic  et  de  Mache- 
coul,  que  j'envoyai  à  Paris,  il  y  a  neuf  ou  dix  ans,  pour  les 
produire  au  procès  contre  Madame  la  duchesse,  et  qu'on  a 
perdu  faute  de  s'estre  servi  des  titres  qui  ruinoient  entière- 
ment les  deffenses  dont  Madame  la  duchesse  de  Retz  se  servoit 
contre  nous  ;  ce  qui  m'a  obligé  de  faire  un  petit  manifeste  pour 
l'instruction  de  l'advocat,  chargé  de  cette  affaire  pour  la  plaider, 
en  conséquence  de  la  requeste  civile  obtenue  à  ce  sujet.  Je  prie 
V.  R.  de  mettre  cette  pièce  entre  les  mains  du  Très  Révérend 
Père  supérieur  général  avec  celle  incluse. 

En  attendant  un  petit  mot  de  responce  que  je  vous  demande 
avec  instance,  et  après  m'ètre  recommandé  à  vos  saints  sacrifices, 
je  demeure, 

Mon  Révérend  Père, 

Votre  très  humble  et  très  affectionné  confrère, 
Fr.  Jacques  Jousseaume,  m.  b. 

A  St-Florent-le-Vieil,  ce  25'  novembre  88  (1688). 

Adresse  :  Au  Révérend  Père  dom  Michel  Germain,  Bénédictin 
de  l'abbaye  de  S*  Germain  des  Prez.  A  Paris. 


-   72  — 

L'abbaye  de  Notre-Dame  de  la  Chaume  n'estoit,  dans  son  prin- 
cipe, qu'une  simple  chapelle  de  dévotion  située  dans  les  Chaumes 
de  Machecoul ,  que  le  vulgaire  appellent  anciennement  les 
Chaumes  de  Notre  Dame  ;  et  depuis  elle  s'est  appellée  Nostre- 
Dame  de  la  Chaume,  de  Calma  ou  Calmaria.  Ce  dernier  nom 
n'est  plus  en  usage,  mais  bien  le  premier,  Domina  de  Calma,  à 
cause  que  celte  chapelle  éloit  dédiée  à  la  Vierge  et  que  Dieu  y 
opéroit  d'insignes  miracles  qui  attiroient  les  peuples  de  tous 
costez  pour  y  rendre  leurs  vœux. 

Et  chascun  souhaittant  de  se  faire  enterrer  auprès  de  ce  sanc- 
tuaire, l'on  fist,  a  la  suite  des  temps,  enclore  une  pièce  de  terre, 
pour  y  servir  de  cimetière  où  les  seigneurs  et  dames  se  faisoient 
enterrer  avec  le  menu  peuple,  pour  la  dévotion  qu'ils  portaient  à 
ce  saint  lieu,  dans  lequel  sont  présentement  les  jardins  du  monas- 
tère, où  l'on  descouvre  tous  les  jours  de  très  beaux  tombeaux, 
de  pierre  très  blanche  et  bien  polie,  remplis  d'ossements  consi- 
dérables par  leur  grandeur. 

Ce  nom  de  Notre-Dame  de  la  Chaume  étoit  anciennement  en 
si  grande  vénération,  que  tous  les  seigneurs  qui  voulaient 
favoriser  cette  maison  et  augmenter  ses  domaines  de  leurs 
liberalitez,  à  l'imitation  de  ses  fondateurs,  donnaient  le  nom  de 
fief  de  la  Chaume  aux  terres  et  dépendances  qu'ils  énervoient  de 
leurs  domaines  pour  leur  en  faire  donaison.  Et  c'est  pour  ce 
sujet  qu'outre  les  seigneurs  de  Machecoul,  elle  reconnaissoit 
encore  trois  autres  suserains  qu'elle  met  au  nombre  de  ses  bien- 
faiteurs ,  sçavoir  :  les  vicomtes  de  Loyaux,  les  seigneurs  de 
Bourgneuf  et  ceux  de  Pornic. 

Ces  premiers  énervèrent  deux  dépendances  considérables  des 
domaines  de  leur  vicomte,  qui  est  présentement  le  domaine  du 
Roy,  situées  en  deux  paroisses  de  ladite  vicomte,  appelées,  l'une, 
N.-D.  de  Fresnay,  et  l'autre  Sainte-Pazanne  ;  lesquelles  se  dis- 
tinguent et  se  font  connoislre  par  ce  nom  de  fief  de  la  Chaume 
en  la  paroisse  de  Fresnay,  et  l'autre  le  fief  de  la  Chaume  en  la 
paroisse  de  Sainte-Pazanne.  Lesquelles  dépendances  consistent 
en  quelques  pièces  de  terre  labourables  et  de  prés,  appelez  pour 


-  73  - 

ce  sujet  les  prés  aux  Moines,  et  le  reste  consiste  en  droits  de 
terrage,  à  la  sixiesme  gerbe  et  les  droits  de  dîmes  a  la  dixiesme 
sur  toute  sorte  de  grains.  Les  religieux  se  sont  maintenus  en  la 
jouissance  et  possession  desdites  dépendances  et  de  tous  leurs 
droits  par  le  moyen  des  adveux  que  les  anciens  abbés  et  reli- 
gieux ont  rendu  de  temps  en  temps  à  la  Chambre  des  Comptes 
de  -Nantes,  qui  les  inféodent  envers  le  Roy  de  tout  ferme  droit  de 
haute,  moyenne  et  basse  juridiction  sur  tous  les  hommes  et 
sujets  desdites  dépendances  qui  ne  reconnaissent  point  d'autres 
seigneurs  que  l'abbé  et  les  religieux,  et  point  d'autres  juges  que 
ceux  qui  exercent  leur  juridiction  dans  la  paroisse  de  Fresnay  au 
nom  desdits  abbés  et  religieux,  qui  sont  reconnus  pour  seigneurs 
suserains  dans  l'étendue  desdites  deux  dépendances,  sur  lesquelles 
ils  lèvent  et  appartiennent  tous  droits  seigneuriaux  de  retraits  féo- 
daux, de  lods  et  ventes,  de  rachapt,  quand  le  cas  y  eschet,  etc  (*). 
Les  seigneurs  de  Bourgneuf  et  de  Pornic  (fiefs  qui  appartien- 
nent présentement  à  Madame  la  duchesse  de  Lesdiguières  et  de 
Retz),  donnèrent  autrefois  à  l'abbaye  de  la  Chaume,  sçavoir  :  les 
seigneurs  de  Bourgneuf  une  dépendance  considérable,  appelée 
présentement  et  de  tout  temps  le  fief  de  la  Chaume  en  Saint-Cyr 
et  Bourgneuf,  qui  contient  les  deux  parts  de  ladite  paroisse  de 
Saint-Cyr.  Dans  laquelle  dépendance,  les  anciens  seigneurs  de 
Bourgneuf  ont  maintenus  les  abbés  et  religieux  dans  tous  les 
droits  de  ladite  dépendance  sous  le  nom  de  fief  de  la  Chaume, 
comme  il  appert  par  les  adveux  que  les  anciens  abbés  et  religieux 
ont  rendus  à  la  juridiction  desdits  seigneurs  de  Bourgneuf,  qui 
les  inféodent  de  tout  ferme  droit  de  juridiction  sur  tous  leurs 
hommes  et  sujets  dudit  fief  de  la  Chaume  qui  n'en  reconnoissent 
point  d'autre  que  celle  que  lesdits  abbés  et  religieux  faisoient 


(')  Le  fief  de  la  Chaume  en  Fresnay,  cédé  par  les  religieux  moyennant 
une  renie  annuelle  de  95  boisseaux  de  seigle,  fut  uni,  en  1681,  à  la  terre 
delà  Salle,  érigée  en  chatelainie  pour  Henri  de  Bastelard. 

Dans  la  déclaration  des  biens  ecclésiastiques  de  la  paroisse  de  Fresnay, 
fournie  en  1791,  les  rentes  en  froment  dues  à  l'abbaye  de  la  Chaume,  dont 
étaient  titulaires  les  Bénédictins  de  Vertou,  étaient  évaluées  h  190  livres  de 
revenus. 


-  74  — 

exercer  par  leurs  officiers  dans  le  faubourg  de  Sainte-Croix  de 
Machecoul,  qui  relevé  prochement  desdits  abbés  et  religieux, 
ainsi  qu'il  appert  par  les  anciens  registres  de  ladite  juridiction  et 
par  les  anciennes  déclarations  que  les  sujets  de  ce  fief  de  la 
Chaume,  aussi  bien  que  des  autres  fiefs  sous  ce  nom  de  la 
Chaume,  ont  rendus  aux  abbés  et  religieux  les  reconnaissant  pour 
leurs  propres  seigneurs  et  leur  juridiction  comme  leur  propre 
barre.  Et  quand  il  y  avoit  appel  des  sentences  de  ladite  juridic- 
tion, un  chacun  en  appelait  aux  juges  des  suserains  d'où  relevaient 
lesdites  dépendances  de  l'abbaye  sous  la  baronnie  de  Rets  ; 
sçavoir  :  à  Machecoul,  ou  à  Bourgneuf  ou  à  Pornic  ;  car  pour  ce 
qui  est  de  la  juridiction  des  fiefs  de  la  Chaume  en  Fresnay  et  en 
Sainte-Pazanne,  on  en  appelle  au  Présidial  de  Nantes,  comme 
au  suzerain  desdits  fiefs  (*). 

Les  seigneurs  de  Pornic  firent  aussi  paroistre  le  respect  qu'ils 
avoient  à  Nostre-Dame  de  la  Chaume,  en  lui  consacrant  aussi 
une  partie  de  leur  domaine  qui  porte  le  nom  de  fief  de  la  Chaume 
en  Pornic,  comme  il  appert  par  les  adveuz  que  les  abbez  et  reli- 
gieux rendoient  auxdits  seigneurs  leurs  suzerains  et  bienfaiteurs 
qui  les  ont  toujours  maintenus  dans  la  jouissance  du  fief  de  la 
Chaume  en  Pornic,  avec  tout  droit  de  juridiction  sur  les  hommes 
et  sujets  dudit  fief(2). 

Il  ne  reste  plus  qu'à  parler  des  seigneurs  des  Grandes  et  Petites 
Aubrays,  qui  eurent  tant  de  vénération  pour  la  Chaume,  qu'ils  la 
choisirent  pour  leur  sépulture,  laquelle  se  remarque  par  une 
petite  tombe  eslevée  à  deux  pieds  de  terre  sous  une  petite  voûte 


0)  Jean  de  Machecoul,  fils  d'Olivier  de  Bretagne  dit  de  Machecoul  et  de 
sa  première  femme,  mort  en  1308,  est  le  premier  que  nous  voyons  avec  le 
titre  de  seigneur  de  Bourgneuf.  C'est  vraisemblablement  à  cette  époque 
que  le  bourg  neuf  remplaça  Saint-Cyr,  sanctus  Cyricius  Radesiarum,  et 
devint  le  siège  de  cette  importante  seigneurie.  Elle  fut  réunie  de  nouveau 
ii  la  baronnie,  en  1403,  par  le  mariage  de  Marie  de  Graon  avec  Guy  de 
Laval,  dit  de  Bays,  après  avoir  été  possédée  pendant  125  ans  environ  par 
des  seigneurs  du  nom  de  Machecoul. 

(2)  Pornic,  au  XIe  et  XIIe  siècle,  eut  ses  seigneurs  particuliers,  avant 
d'être  possédé  par  les  sires  de  Bays. 


-  75- 

qui  est  dans  la  muraille,  sous  le  degré  qui  descend  du  dortoir  à 
l'église.  Il  n'y  a  aucune  épitaphe  dessus  ladite  tombe,  formée  par 
une  grosse  pierre  d'ardoise.  Ils  ont  chargé  leur  seigneurie  des 
Aubrayes  de  plusieurs  rentes  et  devoirs  envers  l'abbaye  pour  sa- 
tisfaire aux  trois  services  de  trois  grand- messes  chantées,  avec 
les  vigiles  chaque  année  par  les  religieux  qui  s'acquittent  régu- 
lièrement de  ces  services  et  de  trois  messes  de  fondation  chaque 
semaine(*). 

L'abbaye  n'a  aucune  prééminence  sur  les  églises  de  Mache- 
coul,  sinon  à  la  cérémonie  qui  se  fait  le  dimanche  des  Rameaux, 
pour  l'adoration  de  la  Croix  dans  le  grand  cimetière  commun, 
situé  dans  les  Chaumes  de  Machecoul,  et  dans  le  fief  de  l'abbaye, 
où  les  deux  paroisses  se  trouvent  avec  tout  le  clergé  et  le  peuple  ; 
les  religieux  y  vont  aussi  processionnellement,  le  supérieur  revêtu 
de  son  aube  avec  une  chappe  violette,  accompagnée  d'un  diacre 
en  dalmatique,  de  deux  chantres  en  chappe  et  d'un  thuriféraire  ; 
où  estans  arrivez  ils  se  placent  entre  le  clergé  des  deux  paroisses, 
tenans  le  milieu.  Le  diacre,  ayant  fait  bénir  l'encens  au  supérieur, 
après  avoir  pris  sa  bénédiction  ,  chante  l'évangile  de  la  béné- 
diction des  Rameaux,  à  la  fin  duquel  il  porte  le  livre  à  baiser 
au  supérieur  qu'il  encense  trois  fois.  Alors  les  chantres  religieux 
commencent  le  répons  :  Collegerunt,  que  tout  le  clergé  pour- 
suit jusqu'au  verset,  que  les  chantres  de  la  Trinité  antonnent, 
et  ceux  de  la  paroisse  de  Sainte -Croix  chantent  la  reprise  du 
répons.  Cela  étant  fini,  le  supérieur  baise  la  croix  du  cimetière, 
le  premier,    les   religieux   après,  puis   tout  le  clergé  ;   ensuite 


(')  Il  est  assez  difficile  de  connaître  aujourd'hui  les  noms  des  seigneurs 
des  Aubrays  inhumés  dans  l'église  de  la  Chaume. 

Vers  le  milieu  du  XVe  siècle,  les  Grandes  Aubrays  appartenaient  à  Rol- 
land de  Lannion,  chambellan  du  duc,  capitaine  du  Croisic  et  deGuérande, 
du  chef  de  sa  femme  Guyonne  deGrezy,  dame  des  Aubrays,  fille  de  Scvislrc 
de  Grezy. 

Les  Petites  Aubrays,  a  la  même  époque,  faisaient  partie  des  domaines  de  la 
famille  Gouy,  vieille  maison  du  pays  de  Rays,  possessionnée  en  Machecoul, 
Saint-Même,  Sainte-Pazanne.  etc.,  qui  a  donné  un  abbé  au  monastère  de 
Villeneuve  en  1441,  dans  la  personne  de  Nicolas  Gouy  du  Branday. 


—  76  — 

chacun  s'en  retourne  en  son  église  pour  y  chanter  la  grand  messe. 

Ce  qui  est  encore  à  remarquer  en  cette  petite  abbaye,  c'est 
qu'outre  toutes  les  dépendances  situées  dans  les  paroisses  de  la 
Trinité  et  de  Sainte-Croix  de  Machecoul,  de  Saint-Môme,  de  Saint- 
Pierre  do  Paulx,  de  Saint-Etienne-de-Bois-de-Céné,  de  Bourgneuf 
et  de  Pornic,  de  Fresnay  et  de  Sainte-Pazanne,  sous  le  nom  de 
Fiefs  de  la  Chaume,  que  les  seigneurs  fondateurs  et  bienfaiteurs 
leur  ont  donné,  non  seulement  pour  immortaliser  la  mémoire  de 
leurs  fondations  et  de  leurs  libéralités,  mais  aussi  pour  empêcher 
les  contestations  à  naître  entre  leurs  successeurs  et  les  religieux, 
au  sujet  des  bornes,  limites  et  autres  droits  de  ces  dépendances, 
et  pour  en  éternaliser  la  jouissance  et  possession,  sous  ce  véné- 
rable nom  de  Fief  de  la  Chaume,  les  religieux  étaient  encore,  à 
la  mort  de  leur  dernier  abbé  régulier,  arrivée  en  1594,  dans  la 
jouissance  et  possession  de  la  troisième  partie  des  rentes  et 
revenus  annuels  d'un  fief  appelle  vulgairement  le  Fief  Commun, 
situé  dans  les  marais  salans  du  Pont  de  la  Roche,  paroisse  de 
Sainte-Croix  de  Machecoul,  ainsi  nommé  Commun,  parce  que  tout 
ce  qui  lui  appartient  et  en  provient  se  partageait  autrefois  entre 
les  seigneurs  de  Machecoul,  les  abbés  et  religieux  de  la  Chaume, 
et  les  seigneurs  de  la  Cour  du  Bois  (*),  qui  en  faisaient  la  recette 
et  en  devaient  compte  comme  sergents  féodés  dudit  fief. 

Enfin  cette  petite  abbaye  ne  possède  aucune  pièce  de  terre  qui 
ne  soit  noble  et  exempte  de  tout  devoir,  même  du  droit  de  dîmes 
aux  curés  des  paroisses  dans  lesquelles  elles  sont  situées  ;  et 
tous  ceux  auxquels  on  les  afferme  ne  sont  sujets  à  aucun  fouage 
ni  à  aucun  subeide  à  raison  des  terres  do  l'abbaye  qu'ils  font 
valloir.  » 

Peu  de  faits  signalent  la  longue  possession  du  titre  abbatial  par 
les  Gondi  pendant  le  XVIIe  siècle.  Dans  le  cours  du  XVIIIe  sur- 
girent quelques  procès  sur  lesquels  nous  n'avons  pour  ainsi  dire 
aucun  renseignement,  mais  qui  indiquent  l'amoindrissement  de 


(>)  Le  Bois,  en  Sainte-Croix  de  Machecoul,  appartenait  en  1447  à  Jean 
du  Tiercent. 


—  77  — 

plus  en  plus  sensible  des  revenus  absorbés  en  grande  partie  par 
les  abbés  commendataires,  dont  plusieurs  ne  daignèrent  pas 
môme  visiter  une  fois  leur  bénéfice. 

Faute  d'entretien,  les  bâtiments  négligés  devinrent  inhabitables. 
La  manse  des  moines,  insuffisante  et  obérée  par  divers  emprunts, 
fut  supprimée  et  réunie  à  la  prévôté  de  Vertou  en  1767.  Les 
ornements  de  la  chapelle,  la  bibliothèque,  les  archives  composées 
de  cinq  liasses  formant  un  total  de  804  pièces,  y  furent  transpor- 
tées. Ce  fonds,  si  intéressant  pour  l'histoire  du  pays  de  Rays,  a 
disparu  pendant  la  Révolution  (*). 

La  maison  de  la  Chaume,  lisons-nous  dans  la  déclaration  des 
biens  ecclésiastiques,  «  consistant  en  bâtiments,  cloîtres,  anciens 
jardins,  cours  et  ménageries,  colombier,  verger,  le  tout  conte- 
nant quatre  journaux,  est  affermée  avec  80  journaux  de  prés,  une 
métairie,  moulins,  dîmes  et  terrages,  à  M.  Raimbaud,  par  bail 
commencé  le  1er  janvier  1789,  trois  mille  sept  cents  francs.  » 

Quatre  journaux,  voilà  donc  la  mesure,  des  terrains  occupés 
par  les  bâtiments  et  la  clôture. 

«  Ce  ne  sont  plus  que  des  ruines,  à  peu  près  sans  intérêt.  On 
y  remarque  trois  enceintes  distinctes,  closes  de  leurs  murs.  Dans 
la  première  étaient  renfermés  les  bâtiments  et  l'église  ;  dans  la 
seconde  était  compris  le  jardin,  et  la  troisième  formait  la  tenue 
ou  la  culture  pour  les  besoins  de  la  maison.  Ces  deux  dernières 
sont  labourées. 

«  Les  murs  du  couvent  encore  debout  avec  les  ouvertures  du 


(J)  Arch.  Départ.,  série  G,  Déclarations  ecclésiastiques. 

«  Lors  de  sa  réunion  à  Vertou,  la  Chaume  avait  cinq  constituts.  Celte 
dernière  maison  en  a  remboursé  deux,  savoir:  1,500  #  à  l'hôpital  le  10  juin 
1778,  un  autre  de  1,500  *  à  Mllc  Couturier,  le  30  mars  1779. 

«  Comme  la  réunion  de  l'abbaye  est  susceptible  de  retour,  on  eut  mieux 
fait  de  les  laisser  courir. 

«  Par  contrat  du  6  septembre  1751,  au  rapport  de  Mongin,  les  religieux 
avaient  emprunté  au  chapitre  de  la  cathédrale,  une  somme  de  4,000  * 
dont  les  intérêts,  au  denier  vingt,  furent  payés  jusqu'en  1788.  »  —  Arch. 
Départ,  Titres  de  Vertou,  cahier...  chapitre  de  Nantes,  art. 3,  Notre-Dame 
de  la  Chaume. 


—  78   - 

rez-de-chaussée  et  du  premier  étage  ont  encore  de  cinq  à  six 
mètres  de  hauteur.  On  reconnaît  a  peine  l'emplacement  qu'occu- 
pait l'église.  Mais  aux  pierres  travaillées  qu'on  voit  ça  et  là,  on 
pense  qu'elle  datait  du  XIVe  au  XVe  siècle.  On  retrouve  des 
caveaux  voûtés  sous  les  murs.  Le  seul  objet  bien  conservé  est  la 
fuie,  près  la  porte  d'entrée  (*).  » 

A  notre  époque,  M.  Orieux  écrivait  :  «  Les  ruines  de  l'église 
présentent  des  murailles  d'un  mètre  de  hauteur  ;  la  forme  des 
contreforts  et  l'appareil  d'un  oculus,  nous  font  présumer  que  ces 
restes  appartenaient  à  l'église  primitive  (*)  ».  Nous  sommes  com- 
plètement de  l'avis  de  notre  honorable  et  laborieux  confrère,  les 
restes  de  l'église  indiquaient  l'époque  romane. 

Nous  aurons  tout  dit,  en  ajoutant  qu'une  grande  cause  de 
l'anéantissement  des  derniers  vestiges  de  la  Chaume,  fut  l'exploi- 
tation à  laquelle  les  livra  M.  Paimparay,  qui  en  vendit  les  pierres 
comme  matériaux  de  construction.  La  nouvelle  église  paroissiale 
de  Fresnay  est  presque  entièrement  élevée  avec  les  débris  des 
anciens  bâtiments  du  moustiers  des  sires  de  Rays.  M.  Guimber- 
teau,  petit-fils  de  M.  Paimparay,  vendit  a  M.  V.  Ecomard,  de 
Sainte-Pazanne,  la  métairie  de  la  Ghetiverie,  sur  laquelle  se  trou- 
vait la  Chaume  ;  et  c'est  de  ce  dernier  que  l'a  acquise  M.  l'abbé 
Blanchard,  ancien  supérieur  du  collège  de  Machecoul,  aujourd'hui 
chanoine  honoraire,  supérieur  du  petit  séminaire  des  Couëts. 

(*)  Verger,  t.  II,  arrond1  de  Nantes,  art.  Machecoul,  mm.  de  la  Biblio- 
thèque de  Nantes.  M.  Verger,  qui  écrivait  ses  noies  vers  1830,  se  trompe 
en  indiquant  le  XIVe  et  le  XVe  siècle. 

(-)  Études  archéologiques  dans  la  Loire- Inférieure,  par  M.  Orieux,  Agent- 
Voyer-Inspecteur.  Nantes,  1865,  p.  70. 


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AUME   ET  ARMOIRIES  DES  ABBÉS. 


ABBÉS   DE   LA    CHAUME 

1100-1792 


om  Taillandier  (*)  a  le  premier  dressé  une  série  des 
abbés  de  la  Chaume,  en  même  temps  qu'il  éditait  un 
travail  semblable  sur  tous  les  monastères  de  la  pro- 
<>  vince  de  Bretagne.  Il  n'est  donc  pas  étonnant  qu'elle 
présente  d'assez  grandes  lacunes  et  quelques  erreurs. 

M.  l'abbé  Tresvaux  (')  s'est  borné  à  la  reproduire,  en  y  joi- 
gnant seulement  les  deux  ou  trois  abbés  nommés  postérieure- 
ment. 

M.  Haureau  (3)  n'a  pas  ajouté  grand  chose  aux  citations  de  ses 
devanciers.  Il  a  négligé  de  consulter  les  riches  archives  départe- 
mentales, qui  lui  eussent  fourni  pour  ses  séries  abbatiales  d'inté- 
ressants documents.  En  effet  si,  à  l'égard  d'un  monastère  dont 
tous  les  titres  ont  été  anéantis,  nous  avons  pu  donner  deux  ou 
trois  noms  nouveaux,  préciser  quelques  dates  et  formuler  d'assez 
importantes  rectifications,  ce  résultat,  quelque  minime  qu'il  soit, 
démontre  qu'il  ne  faut  plus  se  borner  à  recopier  les  noms  donnés 
par  Dom  Taillandier,  mais  que  son  travail  peut  être  amplement 
modifié. 

Afin  d'éviter  à  cette  sèche  et  aride  énumération,  la  monotonie 
que  présente  la  liste  de  ces  personnages  la  plupart  peu  connus, 
j'ai  indiqué  les  faits  extraits  des  actes  qui  me  sont  passés  sous  les 


(!)  Histoire  ecclésiastique  et  civile  de  Bretagne,  \r.  II,  pp.  ex  et  CXI. 

(2)  L'Eglise  de  Bretagne,  p.  471. 

(3)  Gallia  CHRISTIANA,  in  provincias  ecclesiasticas  distributa,  tomum 
quartum  decimum  ubi  de  provincia  Turonensi  agitur,  condidit  Bartholo- 
meeus  Haureau,  Parisiis  1856,  col.  851,  852,  853. 


—  80  - 

yeux,  et  qui  fournissent  des  détails  historiques  sur  l'antique 
moustier  des  Sires  de  Rays. 

Le  sceau  de  l'Abbaye  portait  au  centre  un  écusson  d'azur 
chargé  d'une  croix  d'or,  légère  variante,  ou  peut-être  simple 
altération  du  blason  des  seigneurs  de  Sainte-Croix  ;  et  autour  la 
légende  :  Sceau  de  l'abbaye  N.-D.  de  la  Chaume  (j). 

GLEMAROCH 

Glemaroch,  successeur  de  Justin,  comme  prieur,  devint  le  pre- 
mier abbé  de  la  Chaume. 

Il  signa  la  fondation  du  prieuré  de  Frossay,  faite  vers  1100, 
par  le  clerc  Urvoid,  fils  du  prêtre  Rivallon  :  «  Glemarochus,  abbas 
Sanctœ-Mariœ  de  Machicol  (2)  ».  Sa  souscription  est  encore  ap- 
posée, en  1104,  au  bas  de  la  donation  faite  à  l'abbaye  de  Redon, 
par  le  môme  Urvoid,  alors  revêtu  de  l'ordre  de  la  prêtrise  (J). 

TANGUY 

Il  signa  :  «  Tangico,  abbatc  de  Culmo  »,  le  chirographe  conte- 
nant l'accord  définitif  passé,  de  1107  à  1110,  entre  les  abbayes 
de  Marmoutier  et  de  Redon,  au  sujet  du  prieuré  de  Réré  (4). 

GAUTIER 

«  GautcriOj  Machicolensi  abbate  »,  assista  à  la  réconciliation 
de  l'église  de  Redon,  faite  le  23  octobre  1127,  par  l'archevêque 
de  Tours,  Hildebert,  en  présence  du  duc  Conan,  de  sa  mère 
Ermengarde,  et  d'une  imposante  assemblée  de  la  noblesse  et  du 
clergé  breton  (5).  «  Gauterius,  abbas  de  Machicol  »,  souscrivit 
la  donation,  faite  à  Redon,  le  lendemain  24,  par  Olivier  de  Pont- 
chaleau  (6).  Sa  signature  se  trouve  encore  au  bas  de  la  donation 

(i)  Armoriai,  général  de  d'1/ozier,-  Bibliothèque  Nationale,  sect.  des  ma- 
nuscrits, pi.  III,  N°  1. 

(2)  Cartul.  de  l'Abbaye  de  liedon,  p.  166-  -  D.  Morice,  l'r.  I,  col    504. 

(3)  Cartul.  de  l'Abbaye  de  liedon,  p.  250. 

(4)  Arch.  dôp.  de  la  Loire-Inférieure  i  Titres  du  prieuré  de  liéré.  — 
D.  Morice,  l'r.  I,  col.  4*22. 

(')  Cartul.  de  l'Abbaye  de  liedon,  p.  399.  —  D.  Morice,  l'r.  I,  col.  557. 
(6)  Cartul.  de  V Abbaye  de  liedon,  Apptndtx,  p.  392.  —  D.  Morice,  l'r.  I, 
col.  553.  La  date  1126  donnée  par  D.  Morice  est  erronée. 


—  84   - 

faite,  en  février  1133  (1134  N.  S.),  au  même  monastère,  par 
Guegon  de  Blain  (*). 

ALFRED 

Alfredus,  qui,  encore  simple  religieux  en  1131,  signa  avec 
plusieurs  des  moines  de  l'abbé  de  Redon,  la  donation  faite  à 
cette  abbaye  par  Olivier  de  Pontchâteau  (a),  succéda  au  précé- 
dent. 

Alfred  ne  nous  est  connu  que  par  l'acte  d'association  dans 
lequel  Hervé,  abbé  de  Saint-Serge  d'Angers,  lui  accorde  le  béné- 
fice des  prières  de  son  église,  et  l'inscription  de  son  nom  au 
martyrologe  après  son  décès.  Cette  pièce  est  antérieure  au  31 
mai  1150,  date  de  la  mort  d'Hervé  (3). 

ROBERT 

«  Robertus,  abbas  de  Chalma  » ,  assista  à  la  dédicace  de  l'é- 
glise de  la  Benâte,  faite  par  Bernard,  évêque  de  Nantes,  en  pré- 
sence des  abbés  d'Orbestier,  de  Breuil-Arbaud  et  de  Nieul,  entre 
les  années  1150  et  1155  (4). 

PHILIPPE 

Philippe  était  abbé  en  1184,  suivant  la  charte  que  nous  repro- 
duisons en  entier,  parce  qu'elle  sert  à  rectifier  plusieurs  erreurs. 

Carta  Bemardi  de  Machecollio  de  prato  Marescautiœ  et  terris 
apud  Vaux  et  Machecollium. 

Notum  sit  omnibus,  tam  futuris  quam  presentibus,  quod  ego 
Bernardus  de  Machecollio,  divine  pietatis  intuitu  et  amore  Gau- 


(i)  Carlul.  de  l'Abbaye  de  Redon,  Appendix,  p.  396.  —  D.  Morice,  Pr.  I, 
col.  554. 

(2)  Carlul.  de  l'Abbaye  de  Redon,  Appendix,  p.  395. 

(3)  «  Domno  Aufredo  abbati  Béate  Marie  de  Calma,  concessit  D.  abbas 
Herveus  in  gênerait  capitulo  beneficium  ecclesie  nostre,  et  ad  finem  suum 
martirologium  pro  anniversaria  commemoratione.  Ex  obit.  Mon.  S.  Sergii.  » 
Biblioth.  Nat.,  Dom  Housseau,  t.  XIII,  N°  10,046. 

(4)  Arch.  départ.,  Titres  de  Buzay,  boîte  A,  liasse  7,  N°  37.  Don  fait  à 
l'Abbaye  de  Buzay,  par  Renaud  Agnel  de  la  Benâte,  croisé. 

1879  6 


—  82  — 

fridi  Mengui,  concessi,  ad  faciendam  filiara  suam  sanctimonialem, 
ecclesie  Dei  et  S.  Marie  Andegavensis,  pratum  de  Marescautia  et 
unam  sextariam  terre  in  saltibus  de  Paux  et  aliam  in  territorio 
Machecolli,  in  terra  videlicet  Radulfi  Corsodii,  eo  concedente  et 
fratribus  Gaufridi  Mengui  concedentibus,  scilicet  Guillermo  et 
Guerrivo  :  Salvo  tamen  meo  et  ipsius  Radulfi  jure  in  perpetuurn 
habendum,  videlicet  duabus  partibus  décime,  et  terragio  salvo 
in  terra  Radulfi,  et  in  terra  mea  tota  décima  salva  et  terragio  ; 
quas  sextarias  supradictas  Gaufridus  Mengui  sibi  acquisierat.  Ne 
quis  concessionem  meam  infirmare  valeat,  litteris  annotare  feci  et 
sigillo  meo  corroboravi.  Hujus  rei  testes  sunt  :  Ego  Bernardus 
Machecolli  dominus,  Rollandus  Radiensis  decanus,  Radulfus  de 
Gorsot,  Guillermus  Mengui  et  frater  ejus  Guerriz,  Raginaldus  Ser. 
pant,  Raginaldus  Tedet,  Guillermus  Menart,  Aalar  Cornilles, 
Raginaldus  Gornillel,  Philippus  abbas  Calme,  Agnes  priorissa  de 
Monasteriis  Prugné  et  alii  multi.  Hec  carta  facta  (est)  et  recitata 
ante  me  in  capitulo  S.  Marie  de  Calma,  secundo  die  Natalis  Do- 
mini,  anno  ab  incarnatione  Domini  mgviii0  iiii°  (').  R.  6,  C.  23. 

La  date,  «  in  capitulo  S.  Mariœ  de  Calma,  secundo  die  Natalis 
Domini,  anno  ab  incarnatione  Domini  m.  c.  viii0  hii°  »,  mal  in- 
terprétée, par  Dom  Taillandier  et  ses  copistes,  a  donné  1112. 
Mais  Bernard  de  Machecoul,  fils  puîné  de  Raoul  sire  de  Rays, 
qui  figure  parmi  les  chevaliers  bannerets  de  Philippe  Auguste  en 
1204,  vivait  incontestablement  a  la  fin  du  XIIe  et  au  commence- 
ment du  XIII0  siècle.  Il  n'a  donc  pu  signer  une  charte  en  1112. 
Dom  Mabillon  ne  s'y  est  pas  trompé,  et  cite  la  date  exacte, 
octuagesimo  quarto,  1184. 

Dom  Taillandier  et  les  autres,  y  compris  M.  Hauréau,  disent  : 
que  le  savant  Bénédictin  ne  connaît  pas  d'abbé  de  la  Chaume 
plus  ancien  que  ce  Philippe.  Mais  Dom  Mabillon,  ne  voulait  ni 
Taire  une  liste,  ni  môme  émettre  le  sentiment  qu'on  lui  prête.  Il 


(»)  Melius  MCLXXXIV0. 

(2)  Cartularium  monasterii  Bealœ  Mariœ  Caritatis  Andegavensis.  In-8°, 
280  pp.,  s.  n.  d.  ni  1.  ni  d.,  p.  278.  cdxliv. 


-  85  — 

constatait  seulement  un  fait  :  dans  la  suite  des  temps,  le  monas- 
tère de  la  Chaume  fut  érigé  en  abbaye,  et  la  signature  de  l'un  de 
ses  abbés  se  trouve  au  bas  d'une  charte,  etc..  «  Processu  tem- 
poris  hoc  monasterium  erectum  est  in  abbatiam,  cujus  abbas 
Philippus  inscriptus  occurrit  in  quadam  charta,  etc.  (').  » 

De  plus,  ce  n'est  pas,  comme  il  a  toujours  été  dit,  une  consti- 
tution de  dot,  accordée  par  Bernard  à  sa  fille,  prenant  le  voile 
dans  l'abbaye  du  Ronceray,  mais  un  don  fait  par  ce  haut  baron, 
pour  l'affection  qu'il  portait  à  Geoffroi  Maingui,  dont  la  fille  se 
faisait  religieuse. 

Philippe  gouverna  l'abbaye  fort  longtemps. 

HAMON 

«  HaimOs  abbas  Calme  »,  signa  deux  actes,  peu  différents  l'un 
de  l'autre,  par  lesquels  Bernard,  seigneur  de  Machecoul,  permet 
aux  religieux  du  prieuré  de  Saint-Martin,  de  bâtir  un  bourg  et 
d'y  tenir  une  foire.  Ces  actes  durent  être  passés  vers  1213  ou 
1214  (a). 

( Lacune  pendant  le  XIIIe  siècle  presque  entier.) 

PIERRE  LOUYS  (s) 

Cet  abbé  reconnut  les  droits  féodaux  et  judiciaires  du  sire  de 
Rays  sur  son  monastère,  ainsi  qu'il  résulte  de  la  mention  de  l'In- 
ventaire du  Trésor  des  chartes  «  Copie  soubz  le  sceau  royal  de  la 
ville  de  Saint-Jehan-d'Angely,  d'une  sentence  donnée  par  Phi- 
lippe de  Beaumanoir,  chevalier,  baillif  de  Touraine,  entre  Monsieur 
Girard  Chabot,  chevalier,  sieur  de  Rays  et  de  Machecoul  d'une 


(»)  Annales  Ordinis  Sancti  Benedicti,  t.  IV,  p.  677. 

(2)  Arch.  départ.,  série  H,  Prieurés  dépendant  de  Marmoutier.  —  L'un 
de  ces  actes  a  été  publié  par  D.  Morice,  Pr„  1. 1,  col.  541,  qui  a  eu  le  tort 
de  le  placer  vers  1120,  c'est-à-dire  presque  un  siècle  avant  sa  date  réelle, 
ainsi  que  le  fait  également  remarquer  M.  A.  de  la  Borderie  dans  l'Inven- 
taire analytique  des  titres  des  Prieurés  de  Marmoutier  situés  dans  l'Evêché 
de  Nantes,  p.  72. 

(3)  Il  existait  en  Bretagne,  plusieurs  familles  de  ce  nom  ;  mais  nous  ne 
savons  à  laquelle  appartenait  cet  abbé. 


—  84    - 

part  et  Pierre  Louys,  abbé  de  la  Chaulme,  au  nom  de  luy  et  de 
ladite  abbaye  d'autre,  lequel  baillif  avait  été  spécialement  com- 
mis par  le  roy,  et  envoyé  à  Nantes,  pour  connaître  des  appella- 
tions pendantes  entre  lesdites  parties  en  la  cour  dudit  seigneur 
Roy.  Et  après  que  ledit  abbé  au  nom  dudit  couvent,  se  départit 
de  l'appellation  qu'ilz  avoient  fait  de  la  cour  du  comte  de  Bre- 
tagne, à  la  cour  dudit  sieur  Roy,  il  ordonna  que  le  jugement  fait 
en  ladite  cour  dudit  comte  pour  ledit  Monsieur  Girard,  sortirait 
son  effect.  Et  est  l'acte  du  jugement  donné  par  ledit  sieur  comte 
de  Bretagne  inséré,  par  lequel  jugement  est  dit  que  lesdits  reli- 
gieux et  hommes  de  ladite  abbaye,  demeureront  en  la  garde 
justice  et  obéissance  dudit  Girard  et  tiendront  de  luy  tous  les 
fiefz  et  arrière  fiefz  et  temporalité  de  ladite  abbaye.  Ledit  juge- 
ment dudit  comte  daté  du  lundy  après  la  feste  de  saint  Berthele- 
my  apostre  (24  août)  l'an  1292  ;  et  la  sentence  dudit  baillif  de 
Touraine,  le  vendredy  après  ladite  feste  saint  Berthelemy,  audit 
an;  et  ledit  Vidimus  du  24e  de  septembre  1446.  Signé  Vallée. 
V.  C.  de  Feuz  (4).  » 

L'abbé  Pierre,  mourut  probablement  deux  ans  après  ce  règle- 
ment ;  du  moins  la  vacance  du  siège  abbatial  est  constatée  en  ces 
termes  par  «  autre  vidimus  soubz  le  seel  royal  de  la  dite  ville  de 
Saint- Jehan-d'Angely,  des  lettres  escriptes  par  Jehan,  abbé  de 
Redon,  à  Monsieur  Gérard  Chabot,  chevalier,  seigneur  de  Rays  et 
de  Machecoul,  par  laquelle  ledit  abbé  luy  mande,  que  comme  il 
est  de  coustume  que  quand  l'abbaye  de  la  Chaulme  vaque,  de 
nommer  troys  moynes  de  ladite  abbaye  de  Redon,  desquels  ledit 
abbé  de  Redon  en  doit  eslire  ung  s'il  est  suffisant  et  capable, 
pour  estre  abbé  de  la  Chaulme,  et  que  nagueres  ledit  sr  de  Rays 
avoit  envoyé  à  Redon  aulcuns  de  ses  gens,  pour  faire  ladite  no- 


(')  Arclnv.  départ.,  Inventaire  du  Trésor  des  Chartes  5  Ann.  V.  cass.  D. 
N°  3.  —  Le  Cartulaire  des  Sires  de  liays,  publié  par  M.  P.  Marchegay, 
donne  sous  le  N°  113,  un  acte  qui  est  le  même  que  celui-ci  \  le  siège  de  la 
juridiction  seigneuriale  était  fixé  à  Machecoul,  ou  dans  le  périmètre  d'une 
lieue. 


-  85  — 

mination,  lesquelz  ne  furent  bien  advisez;  et  pour  cela  la  chose 
feut  prolongée  jusqu'à  ce  qu'il  eut  fait  parler  audit  sieur  de  Raiz, 
lequel  ledit  abbé  prie  de  bien  adviser  sur  ce  fait,  et  nommer 
preudes  gens  et  luy  en  escripre  sa  volunté.  Laditte  lettre  dattée 
du  jour  de  la  Magdelaine  (22  juillet),  l'an  1294  ;  et  ledit  vidimus 
du  24  septembre  1446.  Signé  Vallée,  le  Filz  (*).  © 

A  la  suite  de  cette  citation  assez  diffuse  de  l'article  de  l'Inven- 
taire, il  est  utile  de  reproduire  la  lettre  même  de  l'abbé  de 
Redon  ;  document  «  aussi  curieux  comme  orthographe  que  char- 
mant par  le  style  et  par  son  écriture  »,  dit  avec  raison  M.  P.  Mar- 
chegay,  qui  nous  a  fait  connaître  ce  texte  intéressant  pour  la 
philologie  de  la  langue  française  au  XIIIe  siècle. 

«  A  noble  home,  son  ami  e  seignor,  monsor  girard  chaboz,  cher, 
seignor  de  reis  e  de  machecou,  frère  johan,  humble  abbe  de 
redon,  saluz  e  lui  tôt. 

«  Sire,  corne  vous  ayez  de  costume,  quant  labaye  de  la  Chaume 
vaque,  de  nomer  de  nostre  abbaye  treis  moynes,  e  nos  devons 
eslere  un  diceux,  si  il  y  est  renable,  a  estre  abbe  de  la  Chaume  ; 
e,  Sire,  corne  vos  eussez  lautrier  envoyé  a  Redon  aucuns  de  voz 
gens  pour  fere  icelle  nomee,  les  queux  nestayent  mie  moût  bien 
avisez  sus  ce,  si  corne  len  nos  feseit  entendre,  e  por  ce,  Sire,  nos 
feirnes  tant  o  eux  que  la  chouse  fut  porloignee  juque  nos  eussons 
parle  ou  fet  parler  o  vous,  quar  nos  avons  grant  fiance  que  il  vos 
plese  que  la  chouse  ange  en  meillore  manière  que  a  nul  de  voz 
genz.  Por  quey,  Sire,  nos  vos  requérons  en  soppleyant,  corne  ami 
e  seignor,  que  il  vos  plese  vos  aviser  sur  ce,  e  nomer  prodegent 
por  que  nous  peussons  porveir  a  la  povre  abbaye  de  un  prodome, 
quar  grant  mester  en  a. 

E,  Sire,  ceste  chouse  aureit  mester  a  fere  brevement,  quar  les 
chouses  ne  vont  pas  bien.  Por  lamor  Nostre  Seignor,  plese  vous 
de  ce  tant  fere  que  vos  y  eyez  henor  e  le  povre  moustier  prou, 
e  que  Nostre  Seignor  vous  en  sache  gre.  Vostre  nomee,  Sire, 
vous  plese  nous  rescrire,  e  les  nos  enveyer  par  le  portor  de  ceste 

(i)  Archiv.  départ.,  Invent,  du  Trésor  des  Chartes.  V.  D.  N°  7. 


-  86  — 

lettres,  ou  par  autre  si  vos  veez  que  raeauz  seit.  E,  Sire,  a  ceste 
supplicacion  e  requeste  vos  fere,  e  a  vostre  volante  en  oir,  nos 
establissons  frère  Jame,  nostre  moyne,  priou  de  Seint  Nicholas, 
e  le  priou  de  Frocay,  nos  alloez,  ou  un  diceus  dous  si  ame- 
dous  ni  poayent  estre. 

Ce  fut  donc  le  jor  de  lundi  avant  la  feste  de  la  Magdalene,  en 
l'an  de  grâce  mil  e  dous  cenz  e  quatre  vinz  e  quatorze  (l).  » 

Original  en  parchemin^  jadis  scellé  sur  simple  queue. 

NICOLAS   DE   TRÉAL 

Cet  abbé,  que  les  catalogues  disent  avoir  été  tuteur  des  enfants 
d'Olivier  Le  Roux  en  1322,  et  vivant  encore  en  1324,  appartenait 
à  une  ancienne  maison  de  Bretagne,  possessionnée  dans  les 
évêchés  de  Saint-Malo,  Nantes  et  Vannes,  portant  pour  armoiries  : 
de  gueules  au  croissant  burelé  d'argent  et  d'azur.  (PI.  III,  N°  2.) 

Proche  parent  de  Raoul  de  Tréal,  évêque  de  Rennes  en  1364, 
Nicolas  eut  pour  successeur  sur  le  siège  abbatial,  un  membre  de 
sa  famille  ;  et,  déjà  parmi  les  religieux  de  la  Chaume  cités  plus 
haut  1081-1085,  se  trouve  un  de  Tréal. 

Nous  avons  deux  actes,  ayant  rapport  à  lui. 

«  Sachent  tous  que  nous,  Girard  Chabot,  sire  de  Rais  et  de 
Machecou,  avons  baillé  et  baillons  nostre  garanne  de  conniz  dudit 
Machecou  et  la  Chaume  à  religieux  homme  et  honneste  frère,  Ni- 
cholas de  Treal,  aabé  de  la  Chaume,  à  tenir  garder  et  explec- 
ter  à  sa  vollonté,  sans  vendre,  tant  comme  il  vivra  aabé  de  la 
Chaume,  tant  seulement  en  la  manière  que  nous  pouron  aie  jouer 
quand  nous  plaira  ou  ceux  de  nostre  compaignie,  et  aussy  nostre 
principal  hair,  o  arcz,  o  chiens  et  bastons,  sans  autres  garne- 
mens,  par  quoy  ladite  garanne  soit  grevée.  Et  doit  ladite  garanne 
tourner  à  nous  o  tout  son  amandement,  tel  comme  pourra  avoir 

(»)  Revue  de  Bretagne  et  de  Vendée;  avril  1879,  «  Vingt  lettres  missives 
originales  et  inédites  du  chartrier  de  Thouars  »,  p.  264. 

Frossay,  canton  de  Saint-Père-en-Retz,  arrondissement  de  Paimbœuf. 
Le  prieur  de  Saint-Nicolas  était  vraisemblablement  celui  de  Saint-Nicolas 
de  Redon,  relevant  directement  de  cette  abbaye. 


-  87  - 

fait  ledit  Nicholas,  quitement,  sans  débat,  après  son  décès  ou 
son  département  de  la  Chaume  ;  et  des  maintenant  à  ladicte  ga- 
ranne,  tant  que  ledict  Nicholas  la  tendra,  reservons  à  nous  la 
justice  a  fere  et  les  grousses  amandes,  tant  seulement  o  toute 
nostre  seignourye.  Et  ces  convenances  volons  promettons  tenir  et 
garder  en  bonne  foy  pour  nous  et  pour  les  nostres  sans  venir 
encontre,  donné  tesmoing  Nostre  sceau;  et  requérons  que  le 
sceau  des  contratz  de  Nantes  soit  exposé  a  ces  lettres  en  grei- 
gnour  tesmoing.  De  tout  ce  nous  Jacques  Souboys,  garde  dudit 
sceau  des  contractz,  a  la  requeste  dudit  seignour,  avons  a  ceste 
lettre  ledict  sceau  des  contractz  appousé.  Ce  fut  faict  et  donné  le 
jeudy  après  la  saint  Micheau  en  Montegargane  l'an  de  grâce  mil. 
troys  cens  vingt  et  ung.  » 

On  sait  combien  le  droit  de  chasse  était  prisé  par  les  seigneurs 
du  moyen  âge,  jaloux  de  se  livrer  seuls  à  ce  plaisir  défendu  sous 
les  peines  les  plus  sévères  à  leurs  vassaux.  Cette  concession  est 
donc  une  preuve  des  bonnes  relations  et  de  l'amitié  qui  existait 
entre  le  châtelain  et  le  supérieur  des  religieux.  Les  garennes  bien 
moins  étendues  que  les  forêts,  n'étaient  en  général  peuplées  que 
de  petits  animaux,  tels  que  lièvres,  lapins,  perdrix,  faisans. 
Cependant  une  charte  d'Edouard  III,  roi  d'Angleterre  1326- 
1377,  décide  que  le  chevreuil  est  un  animal  de  garenne  et  non 
de  forêt  ('j. 

De  son  côté,  l'abbé  reconnut  la  bienveillance  de  son  seigneur 
par  l'acte  suivant  : 

«  Comme  Noble  Homme,  Monsour  Girart  Chabot,  seignour  de 
Rais  et  de  Machecol,  par  son  don  et  par  sa  grâce  aet  volu  et 
veus-je  que  Messire  Nicholas  de  Tréal,  en  celui  temps  aabé  de  la 
Chaume,  eusse  gardasse  et  esplectasse  à  ma  volonté,  sens  vendre, 
sa  garanne  d'entre  Machecou  et  la  Chaume,  non  pas  comme  aabé 
m  en  nom  de  ladite  Abbaye,  durant  le  cours  de  ma  vie  tant 


(i)  Les  eaux  courantes,  par  Lucas  Charapionnièro,  p.  64.  «  Fidetur  tamen 
justiciariis  et  consilio  domini  régis,  quod  caprioli  sunt  bestiœ  de  Warenna 
et  non  de  foresta.  » 


-  88  — 

seulement  comme  je  demoure  abbé  de  la  Chaume  tant  seule- 
ment. Sachent  tous  que  je  ny  puis  ne  doy,  ne  autre  en  nom  ne 
par  raison  de  ceste  baillée  ni  de  ladite  abbaie  rien  demander 
après  ma  mort  ou  mon  département  de  la  Chaume,  ne  empescher 
que  lui  doit  retourner  quitement  et  senz  nul  delay  à  la  main  et  a 
la  sezine  doudit  seignour,  o  tôt  son  fet  et  son  amendement,  et 
si  aucun  en  y  avoit  fait  après  mon  décès  ou  mon  département  de 
la  Chaume.  Et  sy  ledit  seignour  reserve  en  povoir  aler  jouer  o 
ceux  de  sa  compaignie,  o  chiens  et  bastons  et  arez  et  auxi  son 
principal  héritier,  senz  a  nos  garnemez  qui  puissent  ladite 
garanne  grever.  Item  a  réservé  ledit  seigneur  la  justice  a  faire 
des  mesfessans  et  les  grosses  amandes  de  ceux  qui  sont  accusez 
ou  prix  par  moy  ou  par  mes  gens  durant  le  temps  dessus  divisé. 
Et  en  tesmoing  de  ce,  ge  ay  donné  a  Monseignour  dessusdict, 
cestes  lettres  scellées  dou  sceau  dont  len  use  a  la  Chaume,  pour 
abbé  et  couvent,  o  l'assentement  de  mes  compaignons.  Et  a  plus 
grand  fermeté,  ge  soupley  et  requiers  que  le  sceau  des  contraclz 
de  Nantes,  soit  en  tesmoing  de  cette  chouse  a  cestes  lettres 
appousé  (').  » 

Nicolas  de  Tréal,  jouit  pendant  sept  ans  seulement  du  droit  de 
chasse  dans  la  garenne  de  Machecoul,  car  en  1328,  il  fut  trans- 
féré sur  le  siège  abbatial  de  Saint-Melaine  de  Rennes,  où  il  mourut 
en  1357. 

MICHEL  DE  TRÉAL 

Michel  de  Tréal,  parent  et  peut-être  frère  du  précédent,  lui 
succéda  en  1328,  et  était  encore  abbé  en  1336. 

JEAN   DE  TAILLEFER  (2) 

Cet  abbé  appartenait  à  une  très  honorable  famille  de  Dol  et  de 


(•)  Ces  deux  pièces  sont  empruntées  à  un  vidimus  de  l'an  1667,  d'après 
les  originaux  déposés  a  la  Chambre  des  Comptes,  aujourd'hui  Archives 
départementales  île  la  Loire-Inférieure,  faisant  partie  du  fonds  Bizeul  à  lu 
Ribliothèque  de  Nantes. 

('-')  Avant  cet  ahbé,  tous  les  catalogues  placent  un  Pierre  Totjyac,  «  qui 


-  89  - 

Saint-Malo,  portant  pour  armes  :  de  gueules  à  trois  fers  de  lances 
d'or  (PL  III,  N°  3),  il  occupa  le  siège  abbatial  de  1351  à  1374  et 
peut-être  plus  longtemps. 

THOMAS  RUFFIER 

Thomas  Ruffier,  abbé  de  la  Chaume  en  1386,  appartenait  a 
une  famille  ancienne  des  évêchôs  de  Saint-Bricuc,  Saint-Malo  et 
Dol,  portant  :  d'azur  semé  de  billettes  d'argent  au  lambel  de 
même  (PI.  III,  N°  4). 

Geoffroy  Ruffier,  de  la  même  famille,  «  bien  amé  et  féal  es- 
cuyer  »  duduc  François  II,  était,  en  1486,  lieutenant  de  Nantes, 
aux  gages  de  «  cent  livres  monnoye  par  chacun  an  (*).  » 

JEAN  LARCHER 

Jean  Larcher,  régit  l'abbaye  de  1391  à  1402,  suivant  les  cata- 
logues, et  eut  pour  successeur  le  suivant,  qui  de  même  que  lui 
n'a  laissé  à  l'histoire  que  le  souvenir  de  son  nom. 

ANDRÉ  LARCHER 

André  Larcher  tint  la  crosse  abbatiale  de  1402  à  1411. 

Ces  deux  abbés,  très  proches  parents  l'un  de  l'autre,  sans  qu'il 
soit  possible  cependant  de  savoir  au  juste  à  quel  degré,  apparte- 
naient à  une  vieille  famille  bretonne,  portant  pour  armoiries  :  de 
gueules  à  3  flèches  tombantes  d'argent  2,  1.  Devise  :  Le  coup 
n'en  fatjlt  (PI.  III,  N°  5). 

En  1171,  Pierre  l'Archier  ou  l'Archer,  l'un  des  vaillants  cheva- 
liers du  duc  Conan  IV,  fut  tué  en  défendant  la  ville  de  Fougères 


plaidait,  comme  abbé  de  la  Chaume,  contre  Girard  Chabot,  sire  de  Rays, 
en  1346,  suivant  une  sentence  rendue  sur  cette  affaire,  par  Philippe  de 
Beaumanoir,  chevalier,  bailli  de  Touraine,  le  24  septembre.  »  Or,  c'est  tout 
simplement  une  mauvaise  interprétation  de  la  date  de  l'acte  de  1292,  relatif 
fc  l'abbé  Pierre  Louys,  dont  un  copiste  étourdi  a  mal  lu  le  nom  et  copié  la 
date  du  vidimus,  pour  celle  de  l'acte  môme.  D'ailleurs,  Philippe  de  Beau- 
manoir fut  bailli  de  Touraine  à  la  fin  du  XIIIe  siècle  et  non  au  milieu  du 
XIVe.  Il  faut  donc  nécessairement  rayer  ce  nom  de  Pierre  Touyac. 
(!)  Archiv.  municip.,  série  EE,  carton,  capitaines  et  lieutenants. 


-  90  - 

contre  les  Anglais.  Jean-Chrysostome  l'Archer,  comte  de  Tou- 
raille,  mestre  de  camp  de  cavalerie,  chevalier  de  Saint-Louis,  eut 
entre  autres  enfants  :  Isidore-François  l'Archer,  né  le  12  maj 
1740,  enseigne  de  vaisseau,  tué  en  1759,  sur  la  frégate  la 
Calypso,  en  défendant  l'entrée  de  la  rivière  de  Brest  contre  les 
Anglais  ('). 

ANDRÉ  DE  LORME 

André  de  Lorme,  fut  nommé  en  1413,  par  le  sire  de  Rays  Guy 
de  Laval,  ainsi  que  le  prouve  l'analyse  qui  suit  : 

«  Acte  fait  par  Raoul  abbé  de  S.  Sauveur  de  Redon  et  du  cou- 
vent de  ladite  abbaye,  par  lequel  il  atteste  et  confesse  que  toutes- 
fois  et  quantes  que  l'abbaye  de  nostre  Dame  de  la  Chaulme, 
membre  dépendant  de  Rhedon,  est  vacante,  il  appartient  au  sei- 
gneur de  Rays  de  nommer  et  présenter  audit  abbé  de  Rhedon 
trois  relligieux  profes  de  ladite  abbaye,  affin  que  iuu  deux  au 
choix  et  élection  dudit  abbé  de  Rhedon,  avec  le  conseil  du  cou- 
vent, soit  institué  et  ordonné  abbé  de  la  Chaulme,  et  que  lesdits 
seigneurs  de  Rays  sont  en  possession  paisible  dudit  droit,  et  que 
le  dernier,  pénultième  et  antépénultième  abbé  de  la  Chaulme  ont 
été  receuz  par  ses  prédécesseurs  abbez  de  Rhedon,  à  la  présen- 
tation et  nomination  des  seigneurs  de  Rays,  qui  ont  estes  pour  ce 
temps  ;  et  que  ayant  nagueres  ladite  abbaye  de  la  Chaulme  vac- 
quée  par  le  décès  de  frère  André  Larcher,  ledit  abbé  de  Redon, 
auroit  élu  et  pourvu  à  la  nomination  et  présentation  de  Guy,  lors 
seigneur  de  Rays,  frère  André  de  Lorme.  Datte  du  5  aoust  1413 
et  scellé  de  deux  sceaulx  (2).  » 

Nous  n'avons  aucun  détail  sur  cet  abbé,  qui  peut-être  apparte- 
nait à  une  famille  du  comté  nantais,  parmi  les  membres  de 
laquelle  figurent  :  Pierre  de  Lorme,  vivant  en  1388,  seigneur  de 


(J)  Dictionnaire  de  la  noblesse,  par  M.  de  la  ChesDaye-Desbois^  etc., 
(2)  Arch.  départ.,  Arm.  V,  Cass.  D,  JN°  6. 


—  91  - 

la  terre  de  la  Mauguitonnière  en  Maisdon,  et  Marguerite  de  Lorme 
dame  de  Liancé,  en  Orvault,  en  1475. 

GUILLAUME 

Abbé  en  1418. 

DENIS 

Abbé  en  1421. 

Nous  n'avons  rien  sur  ces  deux  abbés. 

JEAN   GROILARD,   OU  GIRESART 

Le  catalogue  de  D.  Taillandier  indique  ici  un  Jean  abbé  de  la 
Chaume  en  1428  et  1436.  Ainsi  que  M.  Hauréau,  nous  sommes 
porté  à  croire  que  c'est  Jean  Giresart. 

Un  acte  du  2  mars  1449  (1450  V.  S.),  inséré  au  Gartulaire  des 
sires  de  Rays,  nous  apprend  que  Jean  Giresart,  abbé  de  la 
Chaume,  échangea  son  bénéfice,  pour  le  prieuré  de  l'île  Brème- 
sen,  avec  Alain  Loret.  L'abbé  de  Redon  conféra  à  celui-ci  la 
dignité  abbatiale,  mais  seulement  après  avoir  constaté  que  le  sei- 
gneur de  Rays,  Prégent  de  Coëtivy,  amiral  de  France,  avait 
approuvé  cette  permutation  dès  le  9  février  précédent. 

Cet  acte,  parfaitement  explicite,  obligerait  donc  à  rayer  du 
catalogue,  Nicolas  de  Tréal  en  1446,  Jean-Louis  Le  Roux  en 
1448  et  Jacques  Rousseau  en  1453,  sur  lesquels,  du  reste,  les 
catalogues  ne  donnent  aucun  détail. 

ALAIN   LORET 

Alain  Loret,  encore  abbé  de  la  Chaume  en  1456,  était  fils  de 
Pierre  Loret,  conseiller  du  duc  Jean  V  et  sénéchal  de  Broerec  en 
1418,  et  de  son  épouse  Jeanne  de  Neuville.  Il  portait  pour  armes  : 
d'argent  au  sanglier  rampant  de  sable  (PI.  III,  N°  6)  (*). 

(*)  Un  Alain  Loret  était  abbé  du  monastère  de  Plle-Chauvet,  au  diocèse 
de  Luçon  en  1468.  Comme  dans  les  documents  suivants,  il  est  seulement 
question  de  la  vacance  de  l'abbaye  de  la  Chaume,  sans  mention  de  la  mort 
de  l'abbé,  peut-être  pourrait-on  en  inférer  que  c'est  le  même  personnage 
qui  avait  échangé  son  abbaye  ?.... 


-  92  — 
GUILLAUME  JEHANNO 

Les  Archives  départementales  possédaient  jadis  un  acte  du  25 
juillet  1456,  signé  par  Yves  le  Seneschal,  abbé  de  Redon,  et  dont 
nous  n'avons  plus  que  la  mention  analytique  portée  à  l'Inven- 
taire (')•  L'abbé  «  déclare  que  le  seigneur  de  Rays,  suivant  le 
droit  de  patronnaige  qui  lui  appartenoit,  en  l'abbaye  de  la 
Chaume,  toutesfoiz  qu'elle  est  vacante,  il  luy  auroit  présenté  trois 
des  religieux  de  ladite  abbaye  de  Redon,  afin  d'en  pourvoir  celui 
qui  serait  le  plus  proffitable  :  scavoir  frère  Yves  le  Mercier, 
prieur  du  bourg  des  Moustiers,  Jacques  Ruaigier,  prieur  de  l'Isle 
et  Yves  le  Pourceau  secretain  de  ladite  abbaye  de  la  Ghaulme  ;  et 
néanmoins  ladite  présentation,  n'auroit  encores  pourveu  à  la  col- 
lation de  ladite  abbaye,  auroit  différé  de  ce  faire,  en  partye  pour 
ce  que  l'ung  desdits  religieux  nommés  en  icelle  présentation, 
estoit  au  voyage  de  saint  Jacques  eu  Galice  (2).  » 

Cette  présentation  n'eut  pas  de  suite  ainsi  que  le  constate  la 
lettre  de  Pierre  II,  duc  de  Bretagne,  à  André  de  Laval,  sire  de 
Loheac,  baron  de  Rays. 

«  De  par  le  duc, 

«  Très  cher  et  très  amé  cousin  et  féal,  nous  avons  sceu  com- 
ment en  faveur  de  nous,  vous  avez  présenté  a  beau  cousin  le 
légat,  notre  bien  amé  et  féal  conseiller,  maistre  Guillaume 
Jehanno,  secretain  de  Redon,  a  l'abbaye  de  la  Chaume,  obtenir, 
dont  de  vous  suymes  très  contans,  et  vous  en  mercyons.  Si  vous 

(!)  Arch.  départ.,  série  E  243  (registre).—  Le  même  dépôt,  série  E  247, 
cassette  108,  contient:  «  l'Inventaire  de  divers  titres  extraits  du  Trésor  des 
Chartes  à  la  requête  d'Albert  de  Gondy,  duc  de  Retz.  Le  N°  524  de  ce 
dernier  inventaire  donne  la  note  suivante,  qui  se  rapporte  évidemment  a 
la  nomination  de  Jehanno  :  «  Une  nomynation  et  présentation  faicte  par 
André  de  Laval,  sire  de  Rays,  et  de  Machecoul,  h  l'abbé  de  Redon,  de 
l'abbaye  et  moustier  de  Notre-Dame  de  la  Chaume,  le  21  avril  1456,  atta- 
chées a  une  provision  et  institution  faite  par  ledit  abbé  de  Redon  d'icelle 
abbaye  de  la  Chaume  a  la  présentation  susdite,  en  date  du  9  mai  1457.  >» 

(2)  Arch.  départ.,  arm.  V,  cass.  D,  N°  2.  —  Cet  acte  était  signé  :  Y.  abbé 
de  Redon  et  scellé. 


-  93  — 

prions  que  a  maire  fermeté,  icelui  maistre  Guillaume  veillez  pré- 
senter a  l'abbé  de  Redon,  affin  que,  sur  icelle  abbaye  de  la 
Chaulme,  nulli  ne  puisse  donner  audit  maistre  Guillaume  aucun 
empeschement.  Et  ce  faisant  vous  nous  ferez  singulier  plaisir. 
Très  cher  et  très  ame  cousin,  le  sainct  esprit  soit  garde  de  vous. 
Escript  en  nostre  ville  de  Nantes  le  xxvje  jour  de  juillet. 

Pierre  (*).  » 

Il  y  avait,  on  le  voit,  de  graves  compétitions,  et  les  plus  puis- 
santes influences  étaient  mises  en  jeu  pour  obtenir  la  crosse 
abbatiale.  Guillaume  Jehanno,  qui  est  cité  dans  les  Conclusions 
du  Chapitre  de  l'Eglise  cathédrale  de  Nantes,  à  la  date  des  27 
janvier  et  7  février  1457  (1458  N.  S.),  avait  été  également 
chargé  des  intérêts  de  l'abbé  et  du  monastère  de  Redon,  à  ren- 
contre du  chapitre  de  la  Collégiale  de  Notre-Dame,  lors  de  la 
translation  du  prieuré  de  Toutes-Joies  dans  la  rue  de  la  Petite- 
Notre-Dame.  Il  ne  jouit  pas  longtemps  de  sa  dignité,  car  il  mou- 
rut cette  même  année  1458. 

Guillaume  Jehanno  portait  pour  armoiries  :  d'argent  à  la  croix 
fleurdelisée  de  sable  soutenue  par  deux  lions  affrontés  de  même 
(PI.  III,  N°  7). 

JEAN   DE   SAINT-GUEDAS 

La  famille  ducale,  jalouse  sans  doute  de  la  haute  prérogative 
des  puissants  barons,  semblait  chercher  à  s'immiscer  dans  le 
choix  du  sujet,  en  intervenant  par  ses  recommandations.  C'est 
du  moins  la  pensée  que  fait  naître  la  lettre  d'Artur  de  Bretagne, 
comte  de  Richemont,  dont  il  ne  reste  plus  que  la  mention  analy- 
tique, trop  succincte,  inscrite  à  l'Inventaire,  et  par  laquelle  ce 
prince  «  remercie  le  sieur  de  Raiz  de  ce  qu'il  avoit  présenté 

(')  Cette  lettre  missive,  porte  pour  adresse  :  «  A  notre  très  cher  et  très 
amé  cousin  et  féal  le  sr  de  Loheac  maréchal  de  France.  »  Arch.  départ., 
série  E,  77,  cassette  29.—  Elle  donne  seulement  ù  G.  Jehanno  la  qualité  de 
sccretain  de  Redon,  ce  qui  nous  fait  croire  que  la  désignation  de  secrétaire 
du  roi,  portée  dans  les  listes  de  D.  Taillandier,  Uauréau  et  Tresvaux,  est 
fautive. 


-  94  - 

Jehan  de  Saint-Guedas,  avecques  autres  pour  être  pourveu  de 
l'abbaye  de  la  Chaulme,  par  l'abbé  de  Redon,  et  le  prie  tenir  la 
main  que  ledit  Saint-Guedas  en  soit  pourveu  nonobstant  la 
poursuite  que  en  faisoit  pour  son  neveu  ledit  abbé.  Ecrit  à 
Redon,  le  septième  jour  d'avril  non  millésimé  (1458?).  Signé 
Artur  (').  » 

Nous  ne  savons  rien  de  plus  sur  cet  abbé  qui  appartenait  à 
une  famille  du  diocèse  de  Saint-Brieuc,  portant  pour  armoiries  : 
de  sable  à  12  étoiles  d'or,  4.4.4  (PI.  III,  N°  8). 

(Lacune  pendant  la  fin  du  XVe  siècle.) 

RAOUL  GESLIN 

Frère  Raoul  Geslin  était  issu  d'une  maison  d'ancienne  cheva- 
lerie du  diocèse  de  Saint-Brieuc,  portant  pour  blason  :  d'or  à  6 
merlettes  de  sable,  3.2.1  (PI.  III,  N°  9). 

Il  fut  maintenu  en  possession  de  son  abbaye,  malgré  les  dé- 
marches de  son  compétiteur  frère  Mathurin  de  Ghauvigny,  proche 
parent  d'André  de  Ghauvigny,  baron  de  Rays,  mort  en  1502, 
essaya  de  le  supplanter  et  en  appella  au  Conseil  de  Bretagne,  qui 
à  la  date  du  4  septembre  de  la  même  année,  rendit  l'arrêt  sui- 
vant : 

«  Mandement  dirigé  aux  Juges  de  Nantes,  impétré  de  la  part 
du  procureur  général,  contre  Me  Mathurin  de  Chauvigny,  non 
originaire  de  ce  dit  pays,  et  suppozant  que  par  les  indulz  de  cedit 
pays,  n'est  loisible  ne  permis  aux  alienigènes  tenir  bénéfice  en 
cedit  pays,  sans  tout  premier  en  avoir  congié  et  licence  du 
prince,  et  pareillement  treicter  les  subgectz  en  icelluy,  en  autre 
lieu  que  cedit  pays,  en  matière  possessoire  après  y  avoir  esté  in- 
tentée ;  et  que  néanmoins  ledit  de  Ghauvigny  en  y  contrevenant 
a  fait  convenir  en  court  de  Romme,  frère  Raoul  Geslin,  originaire 
de  cedit  pays  touchant  labaye  de  la  Ghaulme,  néanmoins  le  pro- 
ceix  intenté  en  conseil  par  avant  ces  heures.  Sur  quoy  a  esté 
deffendu  audit  de  Ghauvigny,  de  non  le  trecter  en  cour  de 

(•)  Cet  acte  portait  le  N°  5,  de  la  Cassette  D  de  l'Armoire  V. 


-  95  - 

Romme,  a  peine  de  dix  mil  escuz  et  autres  peines  arbitrages, 
avecques  prandre  de  corps  ledit  de  Chauvigny,  et  celui  qui  fist 
savoir  ladite  citation  en  cour  de  Romme  (4).  » 

JEAN  DU  PLEISSEIX 

Ce  religieux  était  abbé  en  1506,  mais  il  fut  débouté  l'année 
suivante. 

JEAN  COUTELIER 

Jean  Coutelier  prend  le  titre  d'abbé  en  1507. 

LOUIS   DE  SAIGES 

Louis  de  Saiges  ou  d'Aiges  tenait  la  crosse  abbatiale  en  1513. 

L'abbaye  de  la  Chaume  ressentait  alors  les  fâcheux  effets  pro- 
duits par  la  mort  du  baron  de  Rays,  André  de  Chauvigny,  en 
1502.  Ce  riche  et  puissant  seigneur  étant  décédé  sans  enfants, 
nombre  de  prétendants  surgirent  pour  entrer  en  possession  de  la 
Baronnie.  Parmi  eux  figurent  les  de  la  Tremoille,  le  sire  du 
Plessis-Guérif,  les  de  la  Lande-Machecoul,  etc..  De  longs  et  rui- 
neux procès  furent  entamés,  les  archives  du  château  enlevées  et 
pillées  par  chacun  des  prétendants,  qui  voulant  faire  acte  de  pos- 
session nommait  ses  adhérents.  C'est  ce  qui  explique  les  compé- 
titions et  les  nominations  qui  eurent  lieu  pendant  le  premier 
quart  du  XVIe  siècle. 

JACQUES  DE  LA  PORTE. 

Frère  Jacques  de  la  Porte,  présenté  par  le  baron  de  Rays,  à  la 
nomination  de  l'abbé  de  Redon,  le  1er  octobre  1519,  ne  fut  pas 
agréé  de  ce  dernier,  qui  lui  opposa  frère  Antoine  Geoffroy,  élu 
en  1516  et  maintenu  postérieurement  par  lettres  de  la  Chancel- 
lerie du  18  juillet  1522. 

Mais  Jacques  de  la  Porte  appella  de  cette  décision  au  Conseil, 
le  23  juillet,  et  gagna  sa  cause  (9). 

(*)  Arch.  départ.,  série  B.,  reg.  de  la  Chancellerie,  1502,  fol.  111. 
(*)  ffist.  de  Bret.  —  D.  Lob.  Pr.  II  col.  1622.  «  Présentation  par  Tanguy 
Sauvaige,  baron  de  Rais,  seigneur  du  Plessis-Guérif  et  de  Machecou,  de  la 


-  96  — 

Le  15  octobre  1543,  «  humbles  religieux  et  dévotz  orateurs, 
a  Révérend  père  en  Dieu  frère  Jacques  de  la  Porte,  humble  abbé 
«  de  ladite  abbaye  du  benoist  moustier  de  Nostre-Dame  de  la 
«  Chauhne,  frère  Jaroceau,  secrétaire  d'icelle,  frère  François 
«  Cyphye,  recepveur  de  ladite  abbaye,  frère  Thomas  Hurtin, 
«  frère  Jean  Picard,  les  tous  prebstres  et  religieux  de  ladite 
«  abbaye  »,  réunis  en  chapitre  dans  leur  couvent,  rédigèrent 
l'aveu  et  dénombrement  des  terres,  rentes  et  héritages  qu'ils  te- 
naient «  prochement  et  noblement  de  Monseigneur  le  Daulphin 
de  Viennois,  duc  de  Bretagne,  en  et  soubz  sa  court  et  juridic- 
tion de  Loyaulx  »,  pour  le  présenter  à  la  Chambre  des  Comptes  (*). 

Le  13  novembre  de  la  même  année,  l'abbé  de  la  Porte  prêta 
«  serment  de  fidélité  au  Roy  pour  cause  du  temporel  de  son 
abbaye  (2)  ». 

Le  20  janvier  1555,  Me  Nicolas  Chatellier,  docteur  en  droits, 
délégué  par  l'archidiacre  de  Nantes,  pour  visiter  les  églises  du 
climat  ou  doyenné  de  Rays,  constatait  que  l'abbaye,  alors  sous 
saisie  et  fort  mal  menée,  devait  compter  dans  son  personnel  cinq 
religieux  prêtres  et  un  novice  (3). 

Le  22  mai  1556,  Jacques  de  la  Porte  rendit  aveu  pour  son 
monastère  et  son  église  à  Jean  d'Annebaut,  baron  de  Rays  (4)  ; 
et  vers  les  premiers  jours  de  juin  «  renouvella  au  Roy  son  ser- 

personne  de  frère  Jacques  de  la  Porte,  pour  être  pourvu  de  l'abbaye  de  la 
Cliaulme,  à  notre  Saint  P6re  le  Pape  et  à  l'abbé  de  Redon,  duquel  dépend 
l'abbaye.  —  Les  registres  de  Chancellerie,  auxquelles  historiens  bretons 
ont  emprunté  ces  citations,  manquent  aujourd'hui  dans  l'intéressante  série 
conservée  aux  Arch.  départ,  de  la  Loire-Inférieure. 

(')  Arch.  Départ,  do  la  Loire-Inférieure;  Domaines  ecclésiastiques.  Aveux 
de  l'abbaye  de  la  Chaume. 

(2)  Arch.  Départ,  de  la  Loire-Inférieure  ;  Reg.  des  hommages,  R  1008, 
fol.  52;  R  1009,  fol.  58. 

(:')  Arch.  Dép.  de  la  Loire-Inférieure;  Visite  du  climat  de  Rays  ;  Mache- 
coul,  «  Calma;  retulerunt  dicli  monachi  quod  deberent  esse  quinque  pru- 
biteri  et  unus  novicius.  Dicta  abbatia  est  in  saesina  et  maie  tractalur  ». 

(/()  Arch.  Départ.;  Aveu  du  pays,  terre  et  duché  de  Rays,  par  Messire 
Pierre  de  Gondy,  rendu  le  19  août  1675,  magnifique  manuscrit  in-folio, 
relié  en  velours  vert. 


—  97  — 

ment  de  fidélité,  par  Messire  Olivier  de  Montauban,  son  procureur 
spécial,  pour  raison  du  revenu  et  temporel  de  ladite  abbaye  tenu 
prochement  en  fief  admorty  à  devoir  de  prières  et  oraisons  (')  ». 

La  Chaume,  dit  frère  Jousseaume,  est  très  redevable  à  cet  abbé 
qui  la  gouverna  pendant  quarante  ans  et  maintint  toujours  avec 
fermeté  les  droits  que  lui  contestaient  les  seigneurs  de  Rays.  Il 
les  obligea  de  recevoir  ses  aveux,  d'admettre  et  de  reconnaître 
sa  haute,  moyenne  et  basse  juridiction  sur  tous  les  hommes  et 
sujets  relevant  des  fiefs  de  la  Chaume. 

Jacques  de  la  Porte  fut  le  dernier  abbé  nommé  par  les  barons 
de  Rays;  il  mourut  à  Nantes  pendant  les  troubles  suscités  par  les 
protestants  et  sa  mort,  continue  notre  auteur,  fut  celée  à  ses  reli- 
gieux, afin  de  les  empêcher  de  procéder  à  une  élection  (2). 

Jacques  de  la  Porte  appartenait  à  une  famille  originaire  du  Poi- 
tou et  bien  connue  en  Bretagne,  de  laquelle  est  issu  le  maréchal 
duc  de  la  Meilleraye,  et  portait  pour  armoiries  :  de  gueules  au 
croissant  d'hermines  (PI.  III,  N°  10). 

OLIVIER  DE  MONTAUBAN 

D'après  D.  Taillandier,  cet  abbé  fut  député  vers  la  cour  de 
France  par  les  Etats  de  Bretagne  tenus  en  1567.  Le  27  avril  1558, 
il  prêta  au  roi  son  serment  de  fidélité,  renouvelé  le  10  juin  1560, 
et  dont  voici  la  mention  :  «  Révérend  père  en  Dieu,  Messire 
Ollivier  de  Montauban,  abbé  de  Notre-Dame  de  laChaulme,  éves- 
ché  de  Nantes,  fait  au  roy  le  serment  de  fidélité  pour  raison  du 
revenu  et  temporel  de  ladite  abbaye,  sans  préjudicier  au  seigneur 
baron  de  Rays,  dont  il  dict  ladite  abbaye  estre  prochement  tenue, 
à  prières  et  oraisons,  en  fyé  amorty  dont  il  a  esté  pourveu,  par  le 


(!)  Arch.  Départ.?  Reg.  des  hommages,  B  1010,  fol.  177. 

(2)  Frère  Jousseaume,  dans  son  historique,  donne  la  date  de  1563  comme 
celle  de  la  mort  de  l'abbé.  Mais  il  y  a  là  certainement  une  erreur,  puisqu'il 
lui  accorde  quarante  ans  de  prélature  à  partir  de  1519,  ce  qui  nous  conduit 
à  1559  ou  1560,  date  exacte  que  confirme  le  serment  de  fidélité  de  son  suc- 
cesseur, prêté  cette  même  année. 

1879  11 


—  98  — 

roy,  puis  deux  ans  derniers,  et  sans  préjudice  du  procès  pendant 
entre  ledit  baron  de  Rays  et  ledit  de  Montauban  (*)  ». 

Gomme  on  le  voit,  c'était  le  roi  de  France  qui  avait  nommé, 
se  substituant  ainsi  pleinement  aux  droits  réels  des  représentants 
du  fondateur.  Le  19  décembre  1564,  Olivier  renouvela  son  ser- 
ment à  peu  près  dans  les  mêmes  termes  ;  et  l'article  suivant  d'un 
des  registres  plumitifs  de  la  Chambre  des  Comptes  donne  la  date 
de  sa  mort  :  «  La  saesie  est  apposée  sur  les  fruits  temporels  et 
revenus  de  l'abbaie  de  la  Chaulme,  au  diocèse  de  Nantes,  vac- 
cante  par  le  déceix  de  deffunt  Me  Olivier  de  Montauban  dernier 
abbé  ;  et  pour  régir  les  fruits,  la  Chambre  a  commis  Me  Michel 
Loriot,  à  présent  fermier  du  domaine  de  Nantes.  Du  13  juin 
1569  (a)  ». 

Monsieur  de  Montauban,  archidiacre  de  la  cathédrale  de  Nantes, 
nous  dit  frère  Jousseaume,  obtint  l'abbaye  en  cour  de  Rome,  per 
obitum.  Il  en  afferma  le  temporel  à  un  marchand  de  Machecoul, 
auquel  il  abandonna  les  droits  de  lods  et  ventes  sous  la  condition 
qu'il  paierait  les  gages  des  officiers  de  la  juridiction  pour  en 
continuer  l'exercice. 

Le  22  mai  1561,  l'abbaye  de  la  Chaume  était  visitée  par  Tous- 
saint de  Laval,  vicaire  général  d'Antoine  de  Crequi,  évêque  de 
Nantes,  qui  rapporte  en  ces  termes  le  procès-verbal  de  sa  visite  : 

«  Nobilis  et  circumspectus  vir  Dominus  Olivérius  de  Montau- 
ban, abbas  commendatarius,  abbatie  de  Calma,  abest. 

«  Nomine  cujus  coraparuit  frater  Johannes  Datin,  sacrista,  qui 
dixit  eumdem  dominum  abbatem  teneri  adintegrum  officium  sin- 
gulis  diebus  diurnum  et  nocturnum. 

«  Frater  Franciscus  Syphie. 

«  Frater  Julianus  Le  Flave,  dyaconus,  qui  interrogatus  confes- 
sus  fuit  se  antea  religiosus  fuisse  monasteris  de  Bourgneuff,  nul- 
lamque  obtinuisse  dispensasionem  pro  commutatione  voti. 

(»)  Arch.  Départ.  Reg.  des  hommages.  Série  B.  N°  1009,  fol.  91  et 
101  ;  B  1010,  fol.  182  et  191. 

(*)  Arch.  Départ.  Série  B.  1300, 1568-1569.  Reg.  plumitifs  de  la  Chambre, 
fol.  IIe  XXXIII. 


—  99  - 

«  Johannes  Brechard,  presbiter. 

«  PetrusRemaud,  presbiter. 

«  Mathurinus  Jollain,  clericus. 

«  Legatum  en  eadern  ecclesia  per  defunctum  N...  Pellerin, 
de  una  mina  in  hebdoniada,  in  plena  dispositione  dicti  abbatis 
obtinet  et  desservit  dictus  Syphie. 

«  Retulit  nobis  dictus  Syphie  debere  esse  quinque  monachi  in 
eadem  abbatia  ex  antiqua  ibndatione,  présentes  sunt  tantum  duo, 
et  duo  presbitari  seculares  (*)  ». 

Cette  visite  du  22  mai  1561  et  la  date  du  décès  d'Olivier,  anté- 
rieure seulement  de  quelques  jours  au  13  juin  1569,  indiquent 
positivement  que  le  serment  de  fidélité  prêté  au  roi  le  19  avril 
1561,  par  un  Louis  de  Montauban,  est  le  fait  d'une  erreur  de 
copiste,  qu'il  faut  lire  Olivier  et  rayer  ce  Louis  de  Montauban  (2). 

Pendant  la  régence  de  cet  abbé  eurent  lieu  les  deux  faits 
suivants. 

Chacun  sait  qu'avant  la  patriotique  institution  de  l'Hôtel  des 
Invalides,  par  Louis  XIV,  les  vieux  soldats  blessés  ou  amputés 
étaient  envoyés  dans  les  abbayes  et  monastères.  Mais,  presque 
toujours,  ces  hommes,  considérés  comme  une  charge  inutile  et 
gênante,  n'obtenaient  ni  les  soins  ni  les  égards  dus  a  leur  position 
honorable  et  malheureuse. 

C'est  ce  qui  arriva,  en  1565,  à  Rolland  Papin,  «  religieux  et 

(*)  Arch.  Départ.,  g.  43.  Liber  visitationis  R.  In  G.  P.  D.  D.  Antonii,  Dei 
gracia  episcopus  Nannetensis,  in  Climate  Ultraligeris,  fol.  42  et  48.  L'abaye 
de  la  Chaulme  :,  anno  Domini  1561,  die  vero  vigesima  secunda  maii,  etc.... 

(2)  Le  registre  des  hommages  B  1008,  fol.  89,  Arch.  Départ.,  dit  :  «  Révé- 
rend Père  en  Dieu  Messire  Louis  de  Montauban,  abbé  de  N.-D.  de  la  Chaul- 
me, fait  au  Roy  le  serment  de  fidélité  qu'il  doibt  et  luy  est  tenu  faire  pour 
raison  des  revenus  et  temporel  de  ladite  abbaye  qu'il  tient  à  prières  et  orai- 
sons, en  fief  amorty  sous  la  juridiction  de  Nantes,  et  sans  préjudicier  aux 
droits  du  seigneur  d'Annebaut,  baron  de  Rays.  19  avril  1561.» 

Les  registres  de  la  même  série  B  1009,  fol.  104  et  B  1010,  fol.  194  repro- 
duisent une  mention  identique.  Mais  en  présence  de  nos  deux  dates  22  mai 
1561  et  13  juin  1569,  il  n'y  a  qu'une  explication  possible,  celle  de  la  subs 
titution,  par  un  copiste  étourdi  ou  maladroit,  du  nom  de  Louis  à  celui 
d'Olivier,  et  par  conséquent  il  faut  rayer  Louis  de  Montauban. 


—  100  - 

frère  lay  ou  oblat  de  la  Chaume  »,  suivant  lettres  du  roi,  et 
obligé  d'intenter  un  procès  à  l'abbé  pour  être  admis  dans  le 
couvent. 

Après  maints  et  maints  exploits  qui  s'échangèrent,  depuis  1565 
jusqu'en  1576,  c'est-à-dire  pendant  l'espace  de  onze  ans,  l'abbé 
fut  condamné  a  payer  et  continuer  de  solder  à  l'invalide  tant 
qu'il  vivrait  «  quatre  solz  par  jour.  » 

L'abbé  étant  décédé,  Papin,  qui  ne  savait  à  qui  s'adresser,  eut 
recours  au  fermier  de  l'abbaye,  appelé  Francisque.  Nouveau  pro- 
cès, à  la  suite  duquel  celui-ci,  condamné  à  payer  par  le  présidial 
de  Nantes  la  pension  et  les  arrérages  depuis  sept  ans  et  sept 
mois,  fit  intervenir  le  nouvel  abbé,  qui  à  son  tour  appela  de 
cette  sentence. 

Papin,  soutenait-il,  devait  montrer  trois  choses  pour  être  moine 
lay:  1°  la  fondation  royale  ducale,  ou  comtale;  2°  les  lettres  à  lui 
expédiées  sous  le  grand  sceau  ;  3°  qu'il  «  a  esté  rendu  estropiât, 
et  reçeu  playes  en  guerre  pour  le  service  du  Roy.  »  Que  d'abord 
l'abbaye  de  la  Chaume  n'est  ni  de  fondation  royale  ou  ducale, 
mais  bien  des  barons  de  Rais  ;  qu'ensuite,  le  poursuivant  n'a  pas 
de  lettres  du  roi,  mais  seulement  un  titre  de  provision  qui  dit 
qu'il  en  a,  et  en  troisième  lieu,  qu'il  «  n'appert  qu'il  soit  aussi  blécé.  » 

Le  malheureux  soldat  répondait  à  ces  subtilités  «  que  ladite 
abbaye  est  fondation  royale,  et  que  le  Roy  a  ce  droit  de  régale 
de  pouvoir  pourvoir  d'un  moine  et  frère  oblat.  Qu'il  avait  des 
lettres,  mais  qu'il  les  a  perdues,  et  que  la  sentence  de  provision 
dont  est  cas,  donnée  par  le  substitut  du  procureur  général  du 
Roy,  est  fondée  sur  les  dites  lettres;  quant  aux  plaies,  il  montre 
sa  personne  qui  en  porte  témoignage.  »  Le  baron  de  Retz  inter- 
vint également.  La  sentence  du  présidial  fut  maintenue,  29  sep- 
tembre 1577,  sans  préjudice  de  ses  droits,  et  un  conseiller  reçut 
l'ordre  de  descendre  à  la  Chaume,  pour  savoir  combien  elle  ren- 
fermait de  religieux  et  comment  s'y  faisait  le  service  divin  (*). 

(')  Mémoires  recueillis  et  extraits  des  plus  notables  et  solennels  arrêts 
du  Parlement  de  Bretagne,  par  du  Fail.  Rennes,  1579,  p.  186. 


-  401  — 

Le  second  fait  arrivé  pendant  la  prélature  d'Olivier  de  Mon- 
tauban,  qui  vraisemblablement,  de  même  que  ses  prédécesseurs 
et  successeurs,  ne  résidait  guère  à  son  abbaye,  est  relatif  à  la  dé- 
gradation d'un  prêtre.  Il  n'y  avait  pas  d'exemple  à  Nantes  d'une 
exécution  semblable  depuis  Pierre  Mauclerc,  c'est-à-dire  au  moins 
depuis  trois  siècles  et  demi,  dit  l'abbé  Travers  ('),  auquel  nous 
empruntons  les  détails  qu'il  nous  a  transmis  à  ce  sujet. 

Le  26  janvier  1568,  l'évêque  de  Nantes,  Philippe  du  Bec,  as- 
sisté de  l'évêque  de  Luçon,  Jean-Baptiste  Tiescelin,  et  du  doyen 
de  Nantes,  Antoine  de  Saint-Marsal,  les  deux  premiers  en  habits 
pontificaux,  le  dernier  en  costume  de  ehanoine,  procédèrent, 
dans  la  salle  de  l'évêché,  où  le  présidial  de  Nantes  avait  fait  con- 
duire le  coupable,  à  la  dégradation  de  frère  Jean  d'Astin,  prêtre 
religieux,  sacriste  de  l'abbaye  de  la  Chaume.  Le  greffier  criminel 
du  présidial  lut  d'abord  l'arrêt  du  Parlement  du  19  janvier  1568, 
qui  ordonnait  la  dégradation  et  confirmait  la  sentence  du  prési- 
dial du  24  décembre  1567. 

«  L'évêque  commença  la  cérémonie  par  une  exhortation  au 
coupable,  qui  était  à  genoux  et  revêtu  des  habits  sacerdotaux.  Il 
les  lui  ôta  l'un  après  l'autre  et  le  déclara  dégradé  et  déposé  ab 
officio  et  beneficio  par  les  canons  pour  toujours.  L'évêque  déchar- 
gea sa  conscience  de  la  procédure  criminelle  contre  d'Astin,  et 
en  chargea  le  parlement  ;  il  livra  ensuite  le  coupable  aux  juges 
présidiaux,  en  leur  recommandant  d'user  de  clémence  à  son 
égard. 

«  La  sentence  fut  exécutée  le  même  jour  ;  d'Astin  fit  amende 
honorable,  audience  tenante,  en  chemise,  tête  nue,  une  torche 
ardente  de  trois  livres  à  la  main  ;  il  fut  ensuite  tenaillé  aux  deux 
mamelles,  conduit  sur  l'échafaud  en  la  place  du  Bouffay,  où  il  fut 
tenaillé  de  nouveau  en  quatre  autres  endroits  de  son  corps,  mis 
à  la  torture  d'escarpins,  pendu,  étranglé  et  son  corps  brûlé.  Ce 
misérable,  avec  d'autres  complices,  avait  abusé  d'un  jeune  homme, 


(i)  Histoire  des  Evêques  de  Nantes,  t.  II,  p.  401.  —  Le  registre  de  l'évê- 
ché, duquel  Travers  a  extrait  cette  curieuse  procédure,  n'existe  plus. 


—  102  — 

et  pour  en  avoir  le  consentement  et  l'obliger  au  secret  l'avait  tel- 
lement brûlé  par  tisons  de  feu,  ou  fers  rouges,  qu'il  en  était  mort 
quatre  jours  après.  Astin  demanda  son  renvoi  à  la  Cour  qui  lui 
fut  refusé  ;  il  en  appela  ensuite  au  Parlement  qui  confirma  entiè- 
rement la  sentence  du  Présidial  de  Nantes.  » 

Olivier  de  Montauban  appartenait  à  une  branche  cadette  de 
cette  puissante  famille  bretonne  dont  une  branche  était  fixée 
dans  le  comté  nantais.  Olivier  possédait  les  seigneuries  du  Goust, 
le  Mas,  le  Port-Durand,  Rochefort-sur-Sèvre,  etc..  Elle  portait 
pour  armes  :  de  gueules  à  7  macles  d'or,  3.3.1.  au  lambel  d'ar- 
gent de  4  pendants  (PI.  III,  N°  11). 

HENRY  DE  RASTELLI 

Au  décès  de  leur  abbé,  nous  apprend  frère  Jousseaumo,  «  les 
religieux  s'estant  assemblés  esleurent  le  vénérable  frère  Henry  de 
Raslelly,  lequel  soustint  les  droits  de  son  abbaye  avec  beaucoup 
de  vigueur,  jusques  à  sa  mort  qui  arriva  en  1594.  Il  laissa  par 
son  testament  plus  de  seize  cent  escuz  d'or,  dont  il  destinoit  une 
partie  à  la  construction  de  son  mausolée.  Mais,  ayant  nommé 
pour  exécuteur  de  son  testament  l'intendant  du  seigneur  Albert 
de  Gondy,  premier  duc  de  Rets,  ledit  seigneur  s'empara  de  tout 
l'or,  l'argent,  les  meubles  du  deffunt,  et  le  mausolée  est  demeuré 
à  faire.  On  a  seulement  mis  une  tombe  de  pierre  commune  sur 
son  corps  qui  est  au  pied  du  balustre  du  grand  autel  ». 

Dom  Taillandier  indique  Henri  de  Rastelli  comme  abbé  de  la 
Chaume  en  1579,  d'après  un  acte  de  l'église  de  Quimper,  et  nous 
n'avons  sur  lui  aucun  autre  renseignement.  Sa  famille  cependant 
ne  devait  pas  être  étrangère  au  comté  nantais,  car  parmi  les  cha- 
noines de  la  collégiale  de  Notre-Dame  de  Nantes,  se  trouve,  de 
1411  à  1416,  Jean  Rastelli. 

Henri  mourut  au  commencement  de  l'année  1594,  après  avoir 
occupé  le  siège  abbatial  pendant  vingt-deux  ans  (l). 

(')  Le  véritable  manifeste  de  la  fondation  de  l'abbaye  de  la  Chaume, 
Biblioth.  uat.,  Mss.  (latin  12680),  p.  9. 


—  103  — 
PIERRE  DE  GONDI  («j 

Frère  Jousseaume  nous  apprend  que  les  religieux  de  la 
Chaume  furent  «  empeschez  de  s'assembler  pour  procéder  à 
l'élection  d'un  abbé  ».  Le  cardinal  Pierre  de  Gondi,  comte  de 
Joigny,  seigneur  de  Villepreux,  et  évêque  de  Paris,  frère  d'Albert 
de  Gondi,  duc  de  Retz,  obtint  l'abbaye  en  cour  de  Rome  et  en 
prit  aussitôt  possession. 

Pierre  de  Gondi  congédia  les  juges  de  la  juridiction  de  la 
Chaume,  et  en  confia  l'exercice  aux  officiers  de  la  juridiction  de 
Machecoul,  complètement  à  la  discrétion  du  duc  de  Retz  (a).  Cette 
mesure  porta  le  plus  grand  préjudice  au  monastère,  et  lui  causa 
par  la  suite  une  perte  de  plus  de  cinq  cents  livres  de  rente 
annuelle  ;  elle  fut  l'origine  du  procès  intenté  à  la  duchesse  de 
Lesdiguières,  dont  il  sera  parlé  plus  loin. 

Le  Cardinal  voulut  imposer  aux  religieux  des  règlements  que 
ceux-ci  refusèrent  d'accepter  ;  et  plutôt  que  de  s'y  soumettre,  ils 
quittèrent  l'abbaye,  dans  laquelle  ils  furent  remplacés  par  «  six 
séculiers,  tant  prêtres  que  clercs,  qui  servaient  de  chapelains  au 
duc  de  Retz,  et  vinrent  s'établir  dans  le  logis  abbatial  ».  Il  affer- 
ma tout  le  temporel  de  l'abbaye,  se  réservant  le  casuel,  dont  il 
confia  la  recette  au  receveur  du  duc  de  Retz,  qui  la  fit  toujours 
depuis  cette  époque.  De  sorte,  ajoute  Frère  Jousseaume,  «  que 
Madame  la  duchesse  s'est  imaginé  que  cette  recette  a  toujours 
été  faite  au  nom  des  seigneurs  de  Machecoul,  ses  prédécesseurs, 
et  non  point  au  nom  des  quatre  abbez,  ses  oncles,  qui  se  sont 
succédés  les  uns  après  Jes  autres  à  ladite  abbaye.  » 

Le  cardinal  Pierre  de  Gondi,  fils  d'Antoine  de  Gondi,  seigneur 


(*)  Les  Catalogues  placent  ici  un  Claude-Etienne  Nouvellet,  abbé  en 
1594,  qu'il  faut  nécessairement  rayer,  d'après  les  documents  nouveaux  et 
inédits  que  nous  avons  sous  les  yeux. 

(2)  La  juridiction  de  la  Chaume  s'exerçait  publiquement  dans  une  des 
maisons  du  marché  de  la  ville  de  Machecoul  nommée  le  Porche.  (Monas- 
ticon  Bénédictinum,  latin  12680,  mm.  Biblioth.  nationale). 


-  104  - 

du  Perron,  et  de  Marie  de  Pierrevive,  gouvernante  des  enfants  de 
France,  naquit  à  Lyon  en  1533  et  mourut  à  Paris  le  17  février 
1616,  âgé  de  quatre-vingt-quatre  ans.  Il  tenait  en  commende  les 
abbayes  de  Saint-Jean  des  Vignes,  de  Saint-Crespin  de  Soissons, 
de  Saint-Aubin  d'Angers,  de  Saint-Martin  de  Pontoise,  de  Sainte- 
Marie  de  Champagne  et  de  Lespau  au  diocèse  du  Mans  (*). 

La  maison  de  Gondi,  originaire  de  Florence,  avait  pour  armoi- 
ries :  d'or  à  2  masses  d'armes  de  sable,  posées  en  sautoir,  liées  de 
gueules.  (PI.  111,  N°  12). 

M.  Hauréau  omet  à  tort  Pierre  de  Gondi  dans  sa  liste  des  abbés 
de  la  Chaume.  Corbinelli  et  le  Père  Anselme  ne  citent  pas  non 
plus  ce  monastère  au  nombre  des  riches  bénéfices  possédés  par  le 
cardinal,  qui  en  eut  cependant  la  jouissance  depuis  1594  jusqu'en 
1616,  et  non  1606,  comme  le  disent  D.  Taillandier  et  l'abbé 
Tresvaux,  ce  qui  nous  oblige  à  rayer  encore  Olivier  de  Montauban, 
second  du  nom,  inscrit  comme  abbé  en  1615,  par  ces  deux  der- 
niers auteurs. 

HENRI  DE   GONDI 

Henri  de  Gondi,  fils  d'Albert  de  Gondi,  premier  duc  de  Retz, 
pair  et  maréchal  de  France,  général  des  galères,  et  de  Claude -Ca- 
therine de  Clcrmont-Vivonne  (*),  succéda  à  son  oncle  Pie/re  de 
Gondi  en  1616.  Il  laissa  les  choses  dans  l'état  où  il  les  trouva,  et 
confirma  la  commission  donnée  aux  receveurs  du  duc  son  père 
pour  la  perception  des  droits  féodaux  de  son  abbaye. 

En  1618,  deux  ans  après  sa  prise  de  possession,  il  rétablit  dans 


(!)  Histoire  généalogique  de  la  maison  de  Gondi,  par  M.  de  Corbinelli  ; 
Histoire  des  grands-officiers  de  la  couronne,  par  le  P.  Anselme,  t.  III,  etc. 

(2)  Claude-Catherine  de  Clermont-Vivonne,  une  des  femmes  les  plus 
spirituelles  et  les  plus  accomplies  do  son  temps,  avait  épousé  en  premières 
noces  Jean  d'Annebaul ,  baron  de  Retz,  du  la  Hunaudayc.  etc.,  (ils  de 
Claude  d'Annebaut,  maréchal  de  France,  et  de  Françoise  de  Tournemine. 
A  la  mort  de  son  mari,  die  reçut  a  litre  de  dou;iire  la  pleine  propriété  de 
la  kiroimir  de  Retz  qu'elle  apporta  en  dol  à  Albert  de  Gondi,  en  faveur 
duquel  cette  terre  fut  érigée  en  duché-pairie  en  1581. 


-  105  - 

le  monastère  de  la  Chaume  la  règle  de  saint  Benoît  en  y  introdui- 
sant des  religieux  de  la  société  de  Bretagne,  et  congédia  les  prê- 
tres que  son  oncle  y  avait  placés.  11  régla  les  pensions  de  ces  reli- 
gieux sur  le  chiffre  du  revenu  temporel,  et,  désireux  de  les  faire 
participer  au  casuel,  il  donna  ordre  au  receveur  de  son  père, 
chargé  de  cette  recette,  de  compter  aux  moines  la  somme 
annuelle  de  trente  livres,  qui  fut  régulièrement  payée  depuis 
1618  jusqu'en  1675,  date  du  refus  fait  par  les  officiers  de  la 
duchesse  de  Lesdiguières  de  continuer  à  servir  cette  rente. 

Henri  de  Gondi  ne  figure  ni  sur  la  liste  de  D.  Taillandier,  ni 
sur  celle  de  l'abbé  Tresvaux.  M.  Hauréau  l'indique  comme  abbé 
depuis  1596  jusqu'en  1622,  c'est-à  dire  pendant  vingt-six  ans.  En 
réalité,  il  ne  jouit  du  titre  d'abbé  de  la  Chaume  que  pendant  six 
ans,  de  1616  à  1622,  date  de  son  décès,  arrivé  au  camp  du  roi 
devant  Béziers,  le  13  août  de  cette  dernière  année.  Il  était  alors 
âgé  de  cinquante  ans,  évêque  de  Paris,  cardinal  depuis  1618,  et 
possédait  en  commende  les  abbayes  de  Buzay  et  de  Saint  Jean  des 
Vignes  de  Soissons. 

JEAN- FRANÇOIS   DE   GONDI 

Jean-François  de  Gondi,  frère  puîné  du  précédent  et  premier 
archevêque  de  Paris,  eut  également  l'abbaye  de  la  Chaume  en 
commende,  et  ne  changea  rien  au  mode  de  perception  des  reve- 
nus de  sa  communauté  qu'il  posséda  pendant  trente-deux  ans.  Il 
mourut  à  Paris  le  21  mars  1654,  âgé  de  soixante-et-onze  ans,  titu- 
laire des  abbayes  de  Saint-Aubin  d'Angers,  de  Saint-Martin  de 
Pontoise,  prieur  de  Montlean  et  d'Aulnay. 

JEAN-FRANÇOIS-PAUL   DE  GONDI 

Jean-François  Paul  de  Gondi,  damoiseau  souverain  de  Com- 
mercy,  prince  d'Euville,  fils  de  Philippe-Emmanuel  de  Gondi, 
comte  de  Joigny,  général  des  galères,  et  de  Françoise-Marguerite 
de  Silly,  naquit  en  octobre  1614,  et  était  neveu  des  deux  abbés 
précédents.  Bien  connu  sous  le  nom  d'archevêque  de  Corinthe  et 


-  106  — 

de  coadjuteur  de  Paris,  il  fut  promu  au  cardinalat  en  1652  et 
mourut  le  24  août  1679,  âgé  de  soixante-cinq  ans.  Il  possédait 
en  commende  les  deux  abbayes  bretonnes  de  Buzay,  Quimperlé, 
et  s'était  démis  en  1671  de  celle  de  la  Chaume,  qu'il  avait  gardée 
pendant  seize  ans. 

Ce  fut  lui  qui  laissa  aux  religieux  la  jouissance  du  jardin  et  du 
logis  abbatial  dans  lequel  ces  derniers  construisirent  «  neuf 
chambres  fort  raisonnables  et  belles  du  dortoir,  dans  la  longueur 
et  la  largeur  dudit  logis,  qui  ont  l'aspect  du  côté  de  l'Orient  et  du 
jardin  qui  est  carré  et  fort  grand.  Il  donna  mille  écus  pour  aider 
à  refondre  les  quatre  cloches  et  refaire  le  clocher  pour  les 
mettre  (*)  ». 

C'est  ici  que  doit  prendre  place  l'incident  du  long  procès,  en- 
gagé par  l'abbaye  contre  la  duchesse  de  Lesdiguières,  au  sujet  des 
lods  et  ventes  et  de  la  rente  de  trente  livres  dont  il  a  été  parlé.  La 
duchesse  invoqua  la  possession  immémoriale  des  officiers  de  la 
seigueurie,  et  les  religieux,  malgré  leur  bon  droit  incontestable, 
perdirent  leur  cause  et  furent  condamnés  aux  dépens.  La  Biblio- 
thèque nationale  possède  la  copie  d'un  long  factum,  probablement 
rédigé  par  frère  Jousseaume  et  dont  nous  citerons  seulement  les 
dernières  pages  qui  résument  assez  bien  l'ensemble  de  ce 
mémoire  (')  : 

«  On  aurait  pu  répondre  que  ce  temps  immémorial  ne 

pouvait  être  véritable,  puisqu'il  commença  dès  l'an  1594,  que 
ceite  illustre  famille  des  Gondi  entra  en  jouissance  de  l'abbaye 
de  la  Chaume,  dont  elle  demeura  maîtresse  pendant  l'espace  de 
soixante-seize  années,  pendant  lesquelles  les  seigneurs  abbez  de 
ladite  famille  en  ont  eu  la  possession.  Le  premier  desdits  sei- 
gneurs abbés,  après  en  avoir  pris  possession,  fit  cesser,  de  son 
autorité,  l'exercice  de  la  juridiction  de  l'abbaye,  en  congédiant 


(•)  Mémoire  de  frère  Jousseaume. 

(2)  Le  véritable  manifeste  de  la  fondation  de  l'abbaye  de  Notre-Dame  de 
la  Chaume  et  des  devoirs  et  droits  seigneuriaux  qui  y  sont  affectés  par  son 
fondateur.  Monasticon  lienedictinum,  latin  12680,  mm. 


—  107  — 

les  officiers  établis  par  les  abbés  réguliers  ses  prédécesseurs,  et 
en  obligeant  ses  sujets  à  reconnaître  la  juridiction  de  Monsei- 
gneur le  duc  de  Retz  son  frère.  C'est  ce  qu'on  appelle  maintenant 
temps  immémorial,  moyen  dont  se  sont  servis  les  seigneur  et 
dame  de  Retz  pour  faire  débouter  les  religieux  de  ce  droit  de 
juridiction. 

«  Ce  fut  ce  même  seigneur  cardinal  abbé  qui  entra  en  jouis- 
sance des  droits  de  lods  et  ventes,  à  la  manière  qu'en  avaient  joui 
ses  prédécesseurs  abbés  ;  mais  ne  pouvant  en  faire  lui-même  la 
recette,  il  en  chargea  le  receveur  du  duc  de  Retz  son  frère, 
nommé  Danisy.  Cette  commission  se  prouve  par  les  acquits  qu'il 
a  donnés  des  sommes  versées  pour  ledit  droit  de  lods  et  ventes, 
au  nom  dudit  seigneur  cardinal  abbé.  Cette  commission  ayant  été 
approuvée  par  chacun  des  trois  seigneurs  abbés,  ses  neveux,  qui 
lui  ont  succédé  dans  ladite  abbaye,  les  uns  après  les  autres,  il 
s'ensuit  que  cette  recette  a  dû  être  faite  au  nom  desdits  trois 
seigneurs  abbés,  et  non  point  au  nom  des  seigneurs  de  Mache- 
coul  qui  ont  succédé  à  Monseigneur  Albert  de  Gondi,  premier 
duc  de  Retz,  qui  avait  trouvé  bon  que  le  sieur  Danisy,  son  rece- 
veur générai,  fit  la  recette  en  particulier  de  ce  droit  de  lods  et 
ventes  au  nom  du  seigneur  cardinal  Pierre  de  Gondi  son  frère, 
et  de  Monseigneur  le  cardinal  de  Retz  son  fils,  qui  lui  succéda 
immédiatement  après  sa  mort,  et  entra  en  la  même  jouissance  de 
ce  droit  de  lods  et  ventes.  Cette  jouissance  se  prouve  par  le 
commandement  qu'il  fit  au  receveur,  de  payer  annuellement  sur 
les  deniers  de  cette  recette  la  somme  de  trente  livres  aux  reli- 
gieux de  la  Chaume,  qui  leur  fut  régulièrement  payée  pendant  six 
ans,  que  ledit  seigneur  cardinal  fut  abbé.  Cette  somme  de  trente 
livres  continua  d'être  payée  par  les  receveurs  des  seigneurs  de 
Machecoul,  pendant  trente-deux  ans  que  Monseigneur  Jean-Fran- 
çois de  Gondi,  archevêque  de  Paris,  son  frère,  en  eut  la  jouis- 
sance, laquelle  ayant  passé  à  Monseigneur  le  cardinal  de  Retz, 
son  neveu,  il  eut  la  bonté  de  ratifier  tout  ce  que  ses  deux  prédé- 
cesseurs avaient  ordonné  au  sujet  du  paiement  de  cette  rente  de 
trente  livres,  provenant  de  la  recette  des  droits  de  lods  et  ventes 


—  108  — 

que  continuaient  de  faire  les  officiers  des  seigneurs  et  dames  de 
Mnchccoul,  en  vertu  de  la  première  commission  que  leur  en  avait 
donnée  Monseigneur  le  cardinal  Pierre  de  Gondi,  abbé  en  l'an 
mil  cinq  cent  quatre-vingt-quatorze.  Laquelle  commission  ayant 
été  ratifiée,  comme  il  a  été  dit,  par  chacun  de  ses  trois  succes- 
seurs abbés,  à  leur  entrée  en  ladite  abbaye,  il  s'ensuit,  par 
une  conséquence  incontestable,  que  la  recette  de  ce  droit  de 
lods  et  ventes  a  dû  être  faite  au  nom  desdits  seigneurs  abbés, 
et  non  au  nom  des  seigneurs  de  Machecoul,  puisque  la  conti- 
nuation du  paiement  des  trente  livres  s'est  toujours  faite  sans 
interruption  depuis  mil  six  cent  dix-huit  jusqu'en  mil  six  cent 
soixante-dix-sept,  des  deniers  de  ladite  recette  et  non  point 
des  deniers  desdits  seigneurs  et  dames  de  Machecoul ,  qui 
n'auraient  point  approuvé  que  les  seigneurs  abbés  de  la  Chaume 
eussent  chargé  leur  recette  du  paiement  annuel  de  ladite 
somme  de  trente  livres  ;  ce  qui  est  encore  une  preuve  certaine 
que  lesdits  seigneurs  et  dames  de  Lesdiguieres  ont  été  abusés  par 
leurs  officiers,  qui  leur  ont  persuadé  que  l'abbaye  de  la  Chaume 
n'avait  jamais  eu  aucun  droit  de  juridiction  sur  les  hommes  et 
sujets  de  l'abbaye,  puisque  de  temps  immémorial  les  sujets  les 
reconnaissaient  pour  leurs  propres  seigneurs,  et  la  juridiction 
de  Machecoul  comme  leur  propre  barre,  et  par  conséquent  que 
les  droits  de  lods  et  ventes  qu'on  recevait  sur  les  dépendances  de 
ladite  abbaye  leur  appartenaient  légitimement,  et  non  point  aux 
abbés  et  religieux  de  la  Chaume  qui  n'ont  aucun  droit  de  juri- 
diction sur  les  suites  des  dépendances  de  l'abbaye. 

«  Voilà  la  croyance  dans  laquelle  étoit  feue  Madame  la  duchesse 
de  Retz,  lorsqu'elle  déffendit  à  ses  officiers  de  continuer  le  paie- 
ment de  ladite  somme  de  trente  livres,  attendu  qu'elle  étoit  per- 
suadée que  c'étoit  une  charité,  et  non  pas  un  droit,  qu'on  avoit 
toujours  fait  aux  religieux  de  la  Chaume,  qui,  s'en  pouvant  passer 
présentement,  ne  leur  devoit  point  être  continué. 

«  Mais  Madame  ayant  été  désabusée  de  cette  erreur  par  le 
raisonnement  que  je  lui  fis  de  la  vérité  de  ce  droit  de  lods  et 
ventes  et  du  paiement  de  ladite  somme  de  trente  livres,  qui  leur 


—  409  — 

avait  été  continuée  depuis  mil  six  cent  dix-huit  jusqu'à  la  mort 
de  Monseigneur  le  cardinal,  en  mil  six  cent  soixante-dix-sept; 
elle  me  demanda  si  j'avais  des  actes  authentiques  concernant 
les  preuves  de  tout  ce  que  je  lui  avais  avancé  au  sujet  de  la 
jouissance  et  possession  du  droit  de  lods  et  ventes  que  nous  pré- 
tendions appartenir  à  l'abbaye  de  la  Chaume,  et  au  sujet  du  droit 
de  juridiction  que  nous  prétendions  avoir  sur  les  hommes  et 
sujets  des  dépendances  de  l'abbaye.  Luy  ayant  répondu  que  nos 
archives  en  étaient  remplies,  ce  fut  pour  lors  qu'elle  me  dit 
agréablement,  en  me  mettant  la  main  sur  l'épaule  :  «  Soyez  per- 
suadé, Père  Procureur,  que  je  ne  veux  point  mourir  avec  du  bien 
de  l'Église,  ny  laisser  à  ma  famille  un  bien  qui  ne  m'appartient 
pas.  Je  vous  demande  seulement  que  vous  me  fassiez  connaître  la 
vérité  sur  ce  droit  de  lods  et  ventes,  et  la  création  de  cette  rente 
annuelle  de  trente  livres  que  mes  officiers  vous  ont  payée  depuis 
un  si  longtemps,  suivant  leurs  journaux  de  mises.  »  Et  en  me 
congédiant  elle  eut  la  bonté  de  m'exhorter  à  y  travailler  au 
plus  tôt. 

«  Mais  mon  travail  a  été  inutile.  La  mort  nous  enleva  cette 
pieuse  et  généreuse  princesse  pour  la  récompenser  de  ces  saintes 
intentions  de  nous  rétablir  dans  la  jouissance  des  droits  de  notre 
abbaye,  dans  lesquels  ses  prédécesseurs,  les  anciens  barons  de 
Retz,  et  même  Monseigneur  Albert  de  Gondy,  son  grand-père, 
nous  avaient  maintenus,  pendant  plus  de  soixante  années  qu'il 
avait  vécu,  puisqu'il  trouva  bon  que  son  receveur  général  fit  la 
recette  particulière  de  ce  droit  de  lods  et  ventes  au  nom  de  Mon- 
seigneur le  cardinal  Pierre  de  Gondy,  qui  avait  succédé  au  dernier 
abbé  régulier  de  l'abbaye. 

«  Mais  j'ai  lieu  d'espérer  que  Madame  la  duchesse  de  Lesdi- 
guières,  qui  jouit  présentement  de  ce  droit,  entrera  dans  les 
sentiments  de  feue  Madame  la  duchesse  sa  mère,  après  avoir 
reconnu  la  vérité  que  ce  droit  appartient  légitimement  à  l'abbaye 
de  la  Chaume,  et  qu'elle  ne  voudra  pas  engager  sa  conscience 
pour  un  bien  qui  ne  lui  appartient  pas  ». 

Les  dernières  lignes  laissent  deviner  l'issue  de  ce  procès.  La 


-     110  — 

duchesse  de  Lesdiguières  résida  fort  peu  au  château  de  Mache- 
coul,  démantelé  pnr  ordre  de  Louis  XIV.  Dans  ses  mains,  comme 
dans  celles  des  de  Villeroy,  le  duché  de  Retz  ne  fut  plus  qu'une 
terre  régie  par  un  intendant,  et  les  religieux  ne  purent  opposer 
aucune  entrave  à  l'usurpation  commise  par  les  officiers  de  la  juri- 
diction ducale. 

GUY   DE  LOPRIAC 

Nomme  sur  la  démission  du  précédent,  Messire  Guy  de  Lopriac 
de  Coëtmadeuc  prit  possession  du  siège  abbatial  en  1670.  «  Il 
est  très  honneste  homme,  écrivait  F.  Jousseaume,  et  passe  pour 
docte  ;  aussi  est-il  docteur  de  Sorbonne  et  chantre  de  la  cathé- 
drale de  Quemper-Gorentin.  Il  fait  beaucoup  d'estime  des  reli- 
gieux de  son  abbaye  ;  c'est  aussi  tout  ce  qu'ils  peuvent  espérer  de 
lui  ». 

Celui-ci,  clerc  tonsuré  du  diocèse  de  Rennes,  reçut  donc  des 
bulles  de  nomination  du  Pape.  Le  17  avril  1671,  il  nomma  pour 
son  procureur  spécial,  écuyer  Jean  Bourdin,  conseiller  du  roi, 
auditeur  de  la  Chambre  des  Comptes  de  Bretagne,  qui  le  31  mai 
se  rendit  dans  la  salle  du  chapitre  de  la  Chaume.  Là,  «  en  présence 
des  Révérends  frères  Jean  Hermier,  prieur  ;  Gilles  Le  Moulnier, 
sous-prieur  ;  Corisante  Cormier  et  Félix  de  Renusson,  les  tous 
religieux,  »  il  lut  les  lettres  apostoliques,  et  prit  possession  de 
l'abbaye  au  nom  du  nouveau  dignitaire  (*). 

Le  17  septembre  de  la  même  année,  il  prêta  au  roi  son  serment 
de  fidélité  «  pour  raison  du  temporel  de  ladite  abbaye  avecq  ses 
appartenances  et  dépendances,  qu'il  tient  et  relevé  prochement 
du  roy  en  fief  amorty  à  debvoir  de  prières  et  oraisons,  sous  la 
jurisdiction  de  Nantes (2)  ». 

Messire  Guy  de  Lopriac  de  Coëtmadeuc,  conseiller  et  aumônier 
de  la  reine,  docteur  en  Sorbonne,  abbé  perpétuel  et  commenda- 


(')  Arch.  de  l'Evêché.  Rcg.  dos  Insinuations,  du  20  février  1670  au  18 
août  1678. 
(2)  Arch.  Départ.  Rcg.  B.  1008,  fol.  379. 


—  111  — 

taire  de  l'abbaye  de  Notre-Dame  de  la  Chaulme,  ordre  de  Saint- 
Benoît,  rendit  aveu  au  roi  le  23  juillet  1678,  pour  tout  ce  que 
l'abbaye  possède  sous  la  vicomte  de  Loyaulx  (4). 

Le  procès-verbal  des  visites  faites  au  climat  de  Retz,  par  l'ar- 
chidiacre de  Nantes,  en  1689,  contient,  au  sujet  de  notre  monas- 
tère, l'intéressante  mention  que  voici  (2)  : 

«  Notre  Dame  de  la  Chaume,  de  l'ordre  de  Saint-Benoît,  en  la 
nomination  du  Roy,  sise  à  un  quart  de  lieue  de  la  ville  de  Mache- 
cou,  en  allant  d'icelle  à  Fresnay,  consistant  en  une  grosse  maison 
conventuelle,  dans  laquelle  il  y  a  un  prieur,  sous-prieur,  un  pro- 
cureur et  quatre  religieux  reformés  dudit  ordre,  et  en  une  belle 
église,  cours,  jardins.  Plus  en  fiefs,  juridictions  et  rentes,  plus  en 
trois  métairies  en  cette  paroisse,  prés,  marais  salants  ;  et  en  dix- 
mes  en  cette  paroisse,  celles  de  la  Trinité,  de  Saint- Cyr,  de 
Fresnay,  de  Sainte-Marie  de  Pornid,  de  Sainte-Pazanne,  de 
Saint-Mesme  et  du  Bois  de  Gêné,  tant  pour  l'abbé  que  pour  les 
religieux,  pouvant  valoir  cinq  mille  livres  ;  dont  on  a  dit  que  la 
part  de  l'abbé  étoit  affermée  1500  livres  à  un  fermier  qui  payoit 
outre  ladite  somme  les  décimes  ordinaires  et  les  aumosnes.  Et 
que  ladite  abbaye  estoit  chargée  de  tout  l'office  ordinaire  des 
Abbayes,  et  d'une  aumône  annuelle  de  158  boisseaux  de  bled, 
seigle,  jarosse  ut  feuves  mesure  de  Machecou  ;  laquelle  aumosne 
se  paioit  aux  receveurs  du  Bureau  des  pauvres  des  deux  paroisses 
de  Machecou ...» 

Guy  de  Lopriac,  fils  de  Guy  de  Lopriac  sr  de  Kermassonnet, 
conseiller  à  la  cour  du  parlement  de  Bretagne,  et  de  Julienne 
Grignon,  était  frère  de  René  de  Lopriac  en  faveur  duquel  la  sei- 
gneurie de  Coëtmadeuc  fut  érigée  en  baronnie  en  1637.  Cette 
ancienne  famille  du  comté  de  Vannes,  qui  posséda  dans  le  comté 


(!)  Arch.  Départ,  de  la  Loire-Inférieure.  Domaines  ecclésiastiques,  aveux 
de  la  Chaume. 

(2)  Arch.  Départ,  de  la  Loire-Inférieure.  Procès-verbaux  des  visites  faites 
aux  églises  du  climat  de  Retz  par  V.  et  D.  Mro  Antoine  Binet,  abbé  de 
Meilleray.et  grand  archidiacre  de  Nantes  en  1689.  Fol.  44. 


—  142  — 

nantais  la  vicomte  de  Donges  et  la  seigneurie  d'Assérac,  portait  : 
de  sable  au  chef  d'argent  chargé  de  trois  coquilles  de  gueules. 
(PI.  III,  n°  13). 

M6r  TURPIN  DE  CRISSÉ  DE  SANSAY 

Christophe- Louis  Turpin  de  Crissé  de  Sansay,  nommé  évêque 
de  Rennes,  le  15  octobre  1712,  fut  transféré  sur  le  siège  de 
Nantes  en  1723. 

Le  roi  le  nomma  à  l'abbaye  de  la  Chaume,  vacante  par  le  décos 
de  M.  de  Coëtmadeuc  le  21  mai  1725  (*).  Les  bulles  données 
à  Rome,  à  Sainte-Marie  Majeure  le  4  des  nones  d'août 
1725,  furent  contrôlées  à  Paris  le  1er  octobre;  et  le  9  du  même 
mois  M.  Meslier,  curé  de  la  Trinité  de  Machecoul  et  doyen  de 
Retz,  prenait  possession  de  l'abbaye  au  nom  du  prélat  nantais,  en 
présence  d'une  nombreuse  assistance,  ainsi  que  de  Dom  Louis- 
Jacques  de  Chiré,  prieur  ;  frère  Isaac  Hugonier,  sous-prieur;  frère 
Léonard  Colomb  (a). 

Msr  Turpin  de  Crissé  de  Sansay  mourut  le  29  mars  1746.  Ses 
armes  étaient  un  écu  losange  d'argent  et  de  gueules.  (PI.  III, 
n°  14). 

M.  DE  POLY   DE  SAINT- THIÉBAULT 

Gaspard  de  Poly  de  Saint-Thiébault,  prêtre  du  diocèse  de 
Besançon,  licencié  en  théologie,  fui  nommé  abbé  eommendataire 
de  la  Chaume  par  brevet  du  roi  daté  de  Versailles  le  17  avril  1746. 
Ses  bulles,  contrôlées  à  Paris  le  17  juin,  sont  datées  de  Castel- 
Gandolfo,  le  11  des  calendes  de  juin. 


(i)  Dora  Taillandier  dit  donc  à  tort  qu'il  fut  pourvu  en  1723  «  des 
abbayes  de  Quimperlé  et  de  la  Chaume,  en  place  du  doyenné  de  Saint- 
Martin  de  Tours  qu'il  avait  remis  au  roi  ».  Lors  de  sa  nomination  a  l'évêché 
de  Rennes,  Mi;r  Turpin  avait  dû  résigner  sa  dignité  de  doyen  du  chapitre 
de  Tours.  L'abbé  Tresvaux  commet  aussi  une  erreur  en  disant  qu'il  fut 
pourvu  de  l'abbaye,  «  étant  évéque  de  Rennes  s. 

('•>)  Arch.  de  l'Evêché  de  Nantes.  Reg.  des  Insiu.,  du  12  mai  1724  au  24 
novembre  1729,  fol.  44,  verso. 


—  113  — 

Après  la  nomination  du  Roi,  el  avant  l'investiture,  les  titulaires 
des  bénéfices  prêtaient  au  souverain  pontife  un  serment  dont  la 
formule  était  la  même  pour  tous.  Voici  le  texte  de  celui  prêté  par 
le  nouvel  abbé  ;  la  date  fautive  (1125)  est  évidemment  celle  qui 
a  rapport  à  Msr  Turpin  de  Crissé  de  Sansay  : 

Forma  juramenti.  Ego  Gaspardus  de  Poly  de  Sainl-ïhiébaull, 
perpetuus  commendatarius  Monasterii  Sanclas  Marias  de  Calma, 
ordinis  sancti  Benedicti,  Nannetensis  diœcesis,  ab  hac  horà  in 
antea  fidelis  et  obediens  ero  Beato  Petro  sanctasque  Apostolicas 
Romanas  ecclesias  et  domino  nostro  domino  Benedicto  decimo 
quarto,  ejusque  successoribus  canonice  intrantibus  non  ero  in 
consilio  aut  consensu  vel  facto  ut  vitam  perdant  et  membrum, 
seu  capiantur  aut  in  eos  violenter  manus  quomodo  libet  ingeran- 
tur,  vel  injurias  aliquas  inferantur,  quovis  quassito  colore  consi- 
lium  vero  quod  mihi  credituri  sunt  per  se  aut  nuncios  super  lit- 
teras  ad  eorum  danmurn  me  sciente  nemini  pendam  ;  Papotum 
Homanum  et  Piegalia  sancti  Pétri  adjutor  ejus  ero  ad  relinendum 
et  defendendum  contra  omnem  hominem  ;  legatum  apostolicas  se- 
dis  in  eundo  et  redeundo  honorifice  tractabo  et  in  suis  necessita- 
tibus  adjuvabo;  jura  honores  privilégia  et  authoritatem  Romanas 
Ecclesias  Domini  nostri  Papas  et  successorum  predictorum  conser- 
vare,  defendere,  augere  et  promovere  curabo  ;  nec  ero  in  consilio 
vel  facto  seu  in  tractatu  in  quibus  contra  ipsum  Dominum  nos- 
trum  vel  Eamdem  Romanam  Ecclesiam  aliqua  sinistra  vel  preju- 
dicialia  personnarum,  juris,  honoris,  status  et  potestatis  eorum 
machinentur,  et  si  lalia  a  quibuscumque  tractari  novero  vel 
procurari  impediam  hoc  pro  posse,  et  quanto  citius  potero  com- 
mode significabo  eidem  domino  nostro  vel  alteri  per  quem  ad 
ipsius  notitiam  polerit  pervenirc  ;  régulas  Sanctorum  Patrum, 
décréta,  ordinationes,  sentenlias,  provisiones,  disposiliones,  re- 
servationes  et  mandata  apostolica  totis  viribus  observabo  et 
faciam  ab  aliis  observari  ;  hasreticos,  schismaticos  et  rebelles 
Domino  nostro  vel  successoribus  prasdictis  pro  posse  persequar 
et  impugnabo.  Vocatus  ad  sinodum  veniam,  nisi  praspedilus  fuero, 
canonica  praspeditionc.  Possessiones  vero  ad  Mensam  meam  per- 

1879  8 


—  444  — 

tinentes  nequc  vcndam,  neque  donabo,  noque  impigncrabo,  ne- 
que  de  novo  infeodabo,  vcl  aliquo  modo  alieuabo,  etiam  cum 
consensu  conventus  et  Monasterii  mei,  incousulto  Romano  Ponli- 
fice  et  eonstitutionem  super  prohibitione  investiturarum  bonorum 
jurisdictionalium  ad  ecclesias  inferiores  spectantium. 

Dalum  anno  Domini  1725.  Editam  servabo,  sic  me  Deus 
adjuvet  et  haec  sancta  Dei  Evangelia.  Brunet  (*). 

A  la  suite  de  cet  acte,  nous  donnons  en  entier  le  procès-verbal 
de  prise  de  possession  de  l'abbaye  de  la  Chaume  le  1er  juillet  1746, 
qui  présente  un  certain  intérêt  par  les  détails  qu'on  y  trouve  : 

«  En  vertu  du  Bref  du  Roy  portant  nomination  de  l'abbaye  de 
Notre-Dame  de  la  Chaume,  ordre  de  Saint-Benoît,  diocèze  de 
Nantes,  a  Messire  Gaspard  de  Poly  de  Saint-Thiébault,  prêtre  du 
diocèse  de  Bezançon,  licentié  en  théologie  de  la  faculté  de  Paris, 
de  la  maison  de  Sorbonne,  demeurant  à  Paris  en  la  maison  de 
Sorbonne,  paroisse  de  Saint-Benoist,  donné  à  Versailles  le  dix- 
sept  avril  de  la  présente  année  1746,  signé  Louis,  et  plus  bas, 
Phelipeaux  ;  des  Bulles  de  Cour  de  Rome,  données  par  le  pape 
Benoist  XIV,  au  château  Gandulphe,  diocèze  d'Albe,  le  11  des 
calendes  de  juin  dernier  l'an  sixième  du  Pontificat  de  Benoît  XIV, 
impétrées  en  cour  de  Rome,  par  Brunet  et  Baudry,  banquiers  ex- 
péditionnaires de  la  cour  de  Rome,  vérifiées  à  Paris  par  Tournay 
et  Marchand,  expéditionnaires  banquiers  de  ladite  cour,  le  dix- 
sept  dudit  mois  de  juin,  demeurants  à  Paris,  controllées  audit 
lieu  ledit  jour  par  ledit  Marchand  ;  de  la  forme  de  prestation  de 
serment  envoyée  de  ladite  cour  de  Rome,  signée  Brunet;  de 
l'attestation  portant  que  ledit  sieur  Poly  de  Saint-Thiébault  a 
signé  le  formulaire  de  foy  dressé  en  exécution  des  constitu- 
tions de  Nos  Saints  Pères  les  Pape  Alexandre  sept  et  Innocent 
dix,  des  31  mai  1653  et  16  octobre  1656,  contre  la  doctrine 
des  cinq  propositions  de  Cornélius  Jansenius  contenues  dans 
son  livre  intitulé  Augustinus,  donné  à  Paris  le  18  dudit  mois 
de  juin,  signé  de  la  Tousche,  secrétaire  de  l'Archevêque  de 

(*)  Arch.  de  PEvêché.  Reg.  des  Insin.,  fol.  161  verso. 


—  115  — 

Paris;  de  l'acte  de  fulminution  desdites  Bulies,  par  M.  François 
de  Ramaceul,  prêtre,  chanoine  de  l'Eglise  cathédrale  de  Nantes, 
docteur  en  théologie  et  officiai  de  l'cvêché   de  Nantes,  le  siège 
épiscopal  vaquant,  en  date  du  2Û2  du  même  mois  de  juin,  signé 
au  délivré  de  Mandato  Dni  officialis  J.  Bahon,  canon. -secré- 
taire, scellé  du  sceau  du  chapitre  de  la  cathédrale,  et  de  la  pro- 
curation consentie  par  ledit  sieur  de  Poly  de  Saint-Thiébault 
à  N.  et  D.  Messire  Pierre-Mathurin  Sohier,  prêtre,  chanoine  de 
l'église  cathédrale  de  Nantes,  etc.,  pour  lui  et  en  son  nom, 
prendre   possession   de   ladite  abbaye   de  Notre-Dame  de   la 
Chaume,  et  requérir  tous  actes  ce  concernant,  donnée  à  Paris  le- 
dit jour  dix-sept  dudit  mois  de  juin,  signée  dudit  sieur  de  Poly 
de  Saint-Thiébault,  Desmeure  et  son  collègue  notaires  au  Ghâtelet 
de  Paris,  laquelle  procuration  signée  en  marge  Sohier,  reste 
annexée  aux  présentes  pour  y  avoir  recours  en  cas  de  besoin  : 
Nous  soussigné  René  Deluen,  notaire  royal  apostolique  de  la 
cour  et  diocèze  de  Nantes,  reçu  au  Présidial  dudit  lieu,  résident 
en  la  ville  de  Machecoul,  à  la  réquisition  et  de  compagnie  dudit 
sieur  Sohier,    demeurant    au  Palais  Episcopal    dudit  Nantes, 
paroisse  de  Saint-Jean  en  Saint-Pierre,  et  de  présent  en  cette 
ville  logé  à  l'auberge  des  Trois  Roys,  sommes  transportés  à  ladite 
abbaye  de  la  Chaume,  seize  paroisse  de  Sainte-Croix  de  Mache- 
coul,   où   étants    arrivés    et  entrés  au   monastère    de    ladite 
abbaye,  y  aurions  trouvé  les  Révérends  Pères,  Dom  Louis  Le 
Roy,    sous-prieur,  Dom  Louis   Vincent,    procureur,    et    Dom 
Pierre  Cherpentier,  tous  prêtres   et  religieux,  à  ladite  abbaye 
et  y  demeurants,  auxquels  ledit  sieur  Sohier,  en  qualité  de  pro- 
cureur général  et  spécial  dudit  sieur  de  Poly  de  Saint-Thié- 
bault, ayant  déclaré  son  transport  et  le  sujet  de  sa  commission, 
ont  dit  n'avoir  aucun  moyen  empêchant  la   prise  de  possession 
dont  est  cas,  au  contraire  être  prest  d'y  assister,  toutes  fois 
cependant  sous  la  réserve  de  leurs  droits  et  sans  qu'icelle  y  puisse 
préjudicier. 

«  A  l'instant  lesdits  religieux  ont  fait  ouverture  de  la  porte  de 
l'église  de  ladite  abbaye  de  Notre-Dame  de  la  Chaume,  et  ledit 


-     116   - 

sieur  Sohier,  audit  nom,  en  conséquence  desdits  Bref,  Huiles,  pres- 
tation de  serment,  attestation,  fulminalion  et  procuration,  ci-des- 
sus dattes  et  référés,  (Haut  revêtu  de  soutane,  surplis  cl  étoile, 
serait  entré  dans  ladite  église,  aurait  pris  de  l'eau  bénite  qui  lui 
auroit  été  présentée  par  ledit  Révérend  Père  Dom  Louis  Le  Roy, 
auroit  monté  au  haut  de  l'église,  se  seroit  agenouillé,  devant  le 
Saint-Sacrement,  auroit  fait  prières  et  oraisons,  se  seroit  levé  et 
monté  à  l'autel  qu'il  auroit  baisé,  ensuite  descendu  fait  génuflexion 
devant  le  Saint-Sacrement,  auroit  ensuite  été  conduit,  par  le  révé- 
rend Père  Dom  Louis  Le  Roy,  en  le  chœur  de  ladite  église,  dans 
la  première  stalle  du  côté  droit,  désignée  à  l'abbé,  s'}'  seroit  assis 
et  auroit  levé  ladite  stalle,  sonne  les  cloches  et  fait  tous  actes  de 
bonne  et  valable  possession. 

«  Sortis  à  la  porte  de  ladite  église,  nous  avons  lu  cl  publié  tout 
ce  que  dessus,  et  la  présente  prise  de  possession  à  haute  et  intel- 
ligible voix,  a  ce  que  personne  n'en  ignore.  Ce  fait  sommes  allés 
dans  le  chapitre  de  ladite  abbaye,  où  ledit  sieur  Sohier,  en  ladite 
qualité,  a  pris  place,  aurions  ensuite  été  conduits  dans  une 
grange  aparlenante  à  l'abbé,  où  ledit  sieur  Sohier  est  aussi  entré, 
ouvert  et  fermé  les  portes  et  le  portai  d'icelle,  et  dans  la  cour 
y  a  arraché  herbes,  fait  émotion  de  terre,  et  généralement  fait  et 
observé  toutes  les  formalités  requises  et  nécessaires  pour  une  bonne 
et  valable  possession,  prendre  et  acquérir  audit  sieur  de  Poly  de 
Saint-Thiébault,  de  ladite  abbaye  de  la  Chaume,  et  de  ses  droits, 
appartenances  et  dépendances  sans  aucun  trouble  ni  opposition 
de  personne  quelconque.  De  tout  quoi  ledit  sieur  Sohier,  audit 
nom,  nous  a  requis  lui  rapporter  le  présent  acte,  ce  que  nous  lui 
avons  accordé  pour  valoir  et  servir  audit  sieur  de  Poly  de  Saint- 
Thiébault,  ce  que  de  raison.  Le  tout  fait  eu  présence  de  Messire 
Jean -Baptiste  Galipaud,  prêtre  vicaire  de  la  Trinité  de  Machecoul, 
demeurant  au  doyenné  dudit  lieu,  et  de  N.  II.  François  Moquard, 
docteur  en  médecine,  demeurant  en  la  ville  de  Machecoul,  Grande- 
Rue,  dite  paroisse  de  la  Trinité,  témoins  à  ce  requis  et  appelles 
suivant  Pédit,  qui  ont  signés  avec  ledit  sieur  Sohier  et  lesdits  ré- 
vérends Pères  Dom  Louis  Le  Roy,  Vincent  Cherpentier  et  Messire 


—  117  — 

François-Pierre  de  Saint-Aubin,  a  ce  présent,  l'an  1746,  le 
premier  juillet,  environ  les  onze  heures  du  malin. 

«  Signé  sur  la  minute:  Sohier  ;  J.-B.  Galipaud,  prêtre  vicaire; 
F.  Moquard  D.  M.;  de  Saint-Aubin  ;  fr.  Louis  Le  Roy  ;  fr.  Louis 
Vincent;  IV.  Pierre  Charpentier,  et  Deluen  notaire  royal  aposto- 
lique qui  a  ladite  minute. 

Contrôlé  a  Machecoul  le  2  juillet  1746,  par  de  Lamotte,  qui  a 
reçu  six  livres.  Deluen  notaire  royal  apostolique  (*).  » 

M.  de  Poly  de  Saint-Thiébault  portait  pour  armoiries  :  d'azur 
à  la  f'nscc  d'or  chargée  d'une  quinlefeuille  d'azur.  (PI.  ni,  n°  16). 

M.  DU  CLUZEL. 

Pierre-François  du  Cluzel  appartenait  à  une  ancienne  famille 
du  Périgord,  qui  porte  pour  armes  :  d'or  au  pin  de  sinople  au  cerf 
passant  de  gueules  sur  une  terrasse  de  sinople,-  supports  deux 
lions  (PI.  III,  n°  16).  Il  était  chantre  et  doyen  de  la  cathédrale  de 
Tours,  lorsque  par  bulles  signées  à  Rome  le  12  décembre  1778, 
contrôlées  a  Paris  le  2  janvier  1779,  il  obtint  l'abbaye  de  la 
Chaume,  de  laquelle  il  fit  prendre  possession  le  11  janvier  par 
M.Simon  Blanchard,  recteur  de  Sainte-Croix  de  Machecoul  (2). 

M.  du  Cluzel  mourut  au  mois  de  mai  1782. 

MESLÉ  DE  GRANDCLOS. 

Julien-Jacques  Meslé  de  Grandclos,  vicaire  général  du  diocèse 
de  Saint-Malo,  fut  nommé  le  4  août  1782,  par  brevet  du  roi,  dont 
voici  la  teneur: 

«  Aujourdliuy  quatrième  jour  du  mois  d'aoust  mil  sept  cent  qua- 
tre vingt  deux,  le  Roy  étant  à  Versailles,  bien  informé  des 
bonnes  vie,  mœurs,  piété,  suffisance,  capacités  et  autres  vertueu- 
ses qualités  du  sieur  Jacques-Julien  Meslé  de  Grandclos,  vicaire- 


(i)  Arch.  (le  PEvêché.  Reg.  des  Insin.,  du  8  juillet  1745  au  7  novembre 
1747.  Fol.  165  verso  et  166. 

{-)  Arch.  de  l'Evêché.  Ueg.  des  Insinuations,  du  '.)  janvier  1775  au 
22  juillet  177'J. 


—  148  — 

général  de  Saint-Malo,  et  voulant  par  ces  considérations  le  grati- 
fier et  le  traiter  favorablement,  Sa  Majesté  lui  a  accordé  et  fait 
don  de  l'abbaye  de  la  Chaume,  ordre  de  Saint-Benoît,  diocèse  de 
Nantes,  qui  vaque  à  présent  par  le  décès  du  sieur  du  Cluzel,  der- 
nier titulaire,  à  la  charge  de  sept  cent  soixante  livres  de  pensions 
annuelles  et  viagères,  que  sa  Majesté  veut  être  dorénavant  payées 
et  livrées  sur  les  fruits  et  revenus  de  ladite  abbaye,  scavoir:  quatre 
cent  vingt  livres  au  sieur  Boisseau,  aumônier  du  régiment  de 
Grenoble,  artillerie  ;  cent  soixante  dix  livres  au  sieur  Le  Grand 
d'Arcantère,  chantre  de  l'église  de  Varry,  diocèse  d'Auxerre,  et 
cent  soixante  dix  livres  au  sieur  Pignot,  curé  de  ia  Roche,  diocèse 
de  (blanc).  Lesdites  pensions  payables,  tant  par  ledit  sieur  de 
Grandclos,  que  par  ceux  qui  posséderont  après  lui  laditte  abbaye  ; 
m'ayant  Sa  Majesté  commandé  d'expédier  toutes  lettres  et  dépê- 
ches nécessaires  en  cour  de  Rome,  pour  l'obtention  des  Bulles  et 
provisions  apostoliques  de  ladite  abbaye,  et  cependant  pour  assu- 
rance de  sa  volonté,  le  présent  brevet  qu'elle  a  signé  de  sa  main, 
et  fait  contre  signer  par  moi,  conseiller  secrétaire  d'état  et  de  ses 
commandements  et  finances.  Signé  Louis. 

Et  plus  bas,  Amelot(1)». 

Les  bulles,  datées  de  Rome,  1782,  furent  contrôlées  à  Paris  le 
27  décembre.  La  prise  de  possession  du  monastère  abandonné 
eut  lieu  suivant  la  forme  usitée,  le  8  octobre  de  la  môme  année, 
par  Messire  Julien  Genevoy,  prêtre  recteur  de  la  Chevrolière,  as- 
sisté du  doyen  de  Retz,  M.  Hervé  de  la  Bauche. 

M.  de  Grandclos  était  fils  de  M.  Jacques  Meslé  de  Grandclos  et 
de  Madame  Thomase-Marie  Gouasson.  M.  de  Grandclos,  très 
riche  armateur,  avait  obtenu  du  roi  Louis  XV  des  lettres  de  no- 
blesse, dont  les  considérants  fort  honorables  méritent  d'être 
reproduits,  pour  montrer  la  faveur  avec  laquelle  le  gouvernement 
traitait  alors  Je  commerce,  aujourd'hui  abandonné  et  qui  de  plus 
en  plus  tend  à  s'anéantir  et  disparaître. 


(')  Arcli.  de  l'Evêché.  Reg.  des  lnsin.,  du  24  IV-vricr  1781  au  27  janvier 
1783.  Folio  2U0  vo. 


—  449  — 

o, ...  Notre  cher  et  bien  amé  le  sieur  Pierre-Jacques  Meslé  de 
Grandclos,  négociant-armateur  à  Saint-Malo,  étant  un  des  négo- 
ciants de  notre  royaume  qui  ont  le  plus  contribué  à  le  rendre 
florissant,  Nous  Nous  sommes  déterminés  à  lui  conférer  la  no- 
blesse comme  une  juste  récompense  de  ses  travaux.  Issu  d'une 
ancienne  famille  de  négociants-armateurs,  petit-neveu  du  sieur  de 
Lépine  D'Anican,  qui  mérita  d'être  annobly  par  le  feu  Roy  notre 
très  honoré  seigneur  et  bisayeul,  Nous  sommes  instruits  que 
formé  par  les  leçons  et  par  les  exemples  de  Jacques  Meslé  de 
Grandclos,  son  père,  il  s'est  livré  à  la  navigation  dès  sa  plus  ten- 
dre jeunesse,  et  qu'il  a  suivi  cette  carrière  avec  tant  d'intelligence 
et  de  succès,  que  son  père  l'ayant  ensuite  associé  à  son  commerce 
et  à  ses  armements,  il  les  a  dirigés  jusqu'à  ce  que  l'âge  de  son 
père  l'ayant  déterminé  à  se  retirer,  il  est  resté  seul  à  la  teste  de 
son  commerce,  qu'il  a  même  considérablement  augmenté; 
qu'après  avoir  donné  des  preuves  multipliées  de  son  zèle  pour 
l'Etat,  par  les  différents  armements  qu'il  a  faits  en  course  pendant 
la  guerre,  il  a  repris  les  entreprises  maritimes  aussitôt  que  le 
retour  de  la  paix  le  lui  a  permis,  et  qu'il  les  a  continuées  jusqu'à 
ce  moment  ;  qu'il  est  propriétaire  de  neuf  grands  navires,  qui 
sont  dans  une  activité  continuelle  sur  les  différentes  mers,  et  de 
plusieurs  autres  bâtiments  d'un  rang  inférieur,  pour  le  service 
desquels  il  entretient  plusieurs  milliers  de  matelots  et  d'ouvriers 
de  tout  genre  ;  que  quelques-uns  de  ses  navires  ont  été  employés 
pour  Notre  service,  et  qu'il  est  propriétaire  d'une  manufacture  de 
cordages  et  agrès,  où  notre  marine  a  trouvé  quelques  fois  des  se- 
cours utiles  ;  A  ces  Causes . . . 

A  Versailles  au  mois  d'avril  1768. . 

D'azur  à  un  vaisseau  d'or,  ayant  pavillon  français,  allant  à 
pleines  voiles  sur  une  mer  de  sinople  mouvante  de  la  pointe  de 
reçu,  et  dirigé  d'un  pôle  à  l'autre  par  une  étoile  d'argent  posée 
à  l'angle  droit  du  chef.  (PI.  III,  N°  17). 

Enregistré  à  la  G.  des  G.  le  °2\  juin  1768  (*)  ». 

(*)  Arch.  départ.  Série  B.  Chambre  des  Comptes,  Livre  des  mnnd19  54 
1766-1770. 


—  120  — 

M.  de  Grandclos,  qui  clôt  la  liste  des  abbés  de  la  Chaume,  fut 
dépouillé  de  son  bénéfice  en  1792.  Il  avait  l'habitude  d'abandon- 
ner aux  pauvres  les  revenus  de  ses  bénéfices  et  partie  de  sa  for- 
tune particulière.  Il  rendit  d'éminents  services  aux  prêtres  émigrés 
en  Angleterre,  et  revint  après  la  révolution  à  Saint-Malo,  où  il  est 
décédé  le  six  mars  1812,  âgé  de  près  de  82  ans,  chanoine  hono- 
raire et  vicaire  général  de  l'évèché  de  Rennes. 


LE  DIALECTE  BRETON  DE  VANNES 

AU  PAYS  DE  GUÉRANDE 


IX  (suite). 


Je  m'étais  arrêté,  Messieurs,  aux  Gros-Fossés  de  Saint-Lyphard, 
et  je  vous  disais  :  «  Tous  les  noms  de  lieux  circonvoisins  se  rap- 
portent à  ces  travaux  de  défense  qui  ont  laissé  un  souvenir 
profond  dans  le  pays.  »  Nous  allons  en  juger. 

Le  rempart,  allant  de  l'est  à  l'ouest,  servait  de  limite  à  une 
vaste  lande,  aujourd'hui  défrichée.  Un  peu  en  arrière  du  point 
où  le  fossé  forme  une  courbe  pour  remonter  vers  Pompas,  est 
bâti  le  Pengrain.  Aucun  nom  ne  pouvait  mieux  convenir  à  ce  vil- 
lage, le  substantif  penn,  qui  caractérise  la  tète,  la  pointe  du  rem- 
part, ayant  pour  qualificatif  l'adjectif  cren  avec  le  sens  de  forti- 
fié, ou  l'adjectif  crenn,  avec  le  sens  de  gros  et  arrondi  (4). 

Un  hameau  moderne,  construit  sur  les  débris  du  retranche- 
ment, se  nomme  les  Gros-Fossés.  Tout  auprès,  s'élève  un  antique 
village,  qui  semble  un  faubourg  du  chef-lieu  communal  :  il  a 
nom  le  Fozart.  Ce  mot  dérive  clairement  du  breton  foz  qui,  en 
vannetais,  veut  dire  exclusivement  tranchée,  —  pour  un  fossé 
ordinaire  on  se  sert  d'un  autre  mot  (2),  —  et  de  arz,  qui  signifie 
obstacle,  défense. 

A  quelques  pas,  plus  à  l'est,  dans  la  direction  du  rempart,  est 

(')  Le  même  nom  de  Pengrin  désigne,  dans  la  commune  de  Pénestin, 
une  pointe  sur  la  Vilaine,  qui,  sans  doute,  était  autrefois  fortifiée. 

D'après  de  Rostrenen,  Le  Gonidec  et  Troude,  l'adjectif  cren,  fort,  se  pro- 
nonçait, en  vannetais,  avec  un  son  nasal,  comme  s'il  se  fflt  écrit  crenv. 

(2)  Gillart,  aux  mots  fossé  et  tranchée. 


-  422  - 

1b  village  de  Kerloumet.  Voici  encore  un  nom  bien  facile  à 
décomposer  :  Kerlou  mez,  les  circuits,  les  pourtours  de  la 
plaine,  c'est-à-dire  le  fossé  qui  en  ferme  l'enceinte.  Kerl,  pluriel 
archaïque  kerlou,  est  vannetais,  et  signifie  cercle,  circuit,  circon- 
férence, —  dans  les  autres  dialectes  on  dit  kelch  ('),  —  et  mez, 
qui  le  plus  souvent  ailleurs  se  prononce  méaz  ou  maez,  a  en 
Vannes  le  sens  exclusif  de  plaine,  campagne,  étendue  de  pays. 

A  partir  des  Gros  fossés,  et  des  deux  côtés  du  chemin  n°  47, 
d'IIerbignac  à  Saint-Nazsire,  s'étendent  vers  le  midi,  presque 
sans  discontinuité,  le  Fozart,  Saint-Lyphard,  Kervily  et  le  Petto. 
Que  veut  dire  Petto  en  breton?  Ce  mot  n'est  autre  que  le  compa- 
ratif de  l'adverbe  pett  :  pelloc'h,  plus  loin,  qui  se  prononce 
pelloh,  en  Vannes (2).  Mais  dans  quel  sens  faut-il  le  prendre? 
Plus  loin  que  le  bourg  dont  ce  village  n'est  a  vrai  dire  qu'une 
extension  ?  Cela  n'est  guère  admissible  ;  il  faut  donc  croire  que 
les  Gros-Fossés  servent  de  point  de  départ  à  ce  degré  d'éloigne- 
ment. 

Voilà  plus  loin  encore,  au  midi,  le  hameau  de  Trécrelin.  Il  a 
reçu  son  nom  des  terres  du  Grand  et  du  Petit-  Crèlin,  situées 
entre  ses  maisons  et  le  rempart.  Il  n'est  pas  nécessaire  de  tor- 
turer les  mots  de  ce  composé  pour  en  faire  ressortir  le  sens 
exact.  Les  lexicographes  donnent  au  mot  crû  les  significations 
suivantes:  fort,  lieu  fortifié,  forteresse,  fortification,  citadelle  (s). 
L'adjectif  lein,  terme  exclusivement  vannetais,  car  ailleurs  on  dit 
leûn  (4),  signifie  plein,  rempli  entièrement,  sans  vide.  N'est-ce 
pas  là,  en  deux  mots,  la  description  de  notre  massif  rempart  en 
terre? 


(')  Cillart,  de  Rostrenen,  Troude.  —  Le  Gonidec  au  mot  kelc'h. 
(a)  Gillart,  au  mot  loin. 

(3)  De  Rostrenen.  Le  Gonidec.  —  Le  dictionnaire  de  Cillart  ne  donne 
que  le  mot  casiel  pour  forteresse,  et  des  périphrases  pour  fort  ci  fortifica- 
tion ^  mais  le  radical  cré  y  apparaît  dans  creihuat,  fortifier,  et  dans  créan 
et  creihuë  pour  l'adjectif  fort. 

(4)  Cillart,  de  Rostrenen,  Le  Gonidec  et  Troude.  Impossible  ici  d'inter- 
préter lit  mot  lein  dans  le  sens  de  lenn,  étang,  attendu  qu'il  n'y  en  a  pas 
dans  Le  voisinage. 


-  123  — 

Le  nom  de  Crémeur,  le  grand  fort,  le  grand  rempart,  corres- 
pond au  même  ordre  d'idées,  et  une  terre  de  Crémeur,  en  Sainl- 
Lyphard,  nommée  en  1427,  se  rapporte  peut-être  aux  mêmes 
travaux  de  défense. 

On  comptait  encore  au  XVe  siècle  deux  autres  terres  du  même 
nom  en  Guérande,  Tune  au  Crémeur  actuel  qu'on  nommait 
Crémeur- en-Grémeur  et  l'autre  près  de  Glis,  appelée  Carné  ou 
Crémeur-en-Clis  (*).  Tous  ces  noms,  comme  tant  d'autres  que 
nous  avons  vus,  ou  que  nous  verrons  encore,  donnent  à  penser 
quels  mouvements  de  terre,  quelles  luttes  acharnées  eurent  lieu 
jadis  au  pays  guérandais. 

Avant  de  quitter  Saint-Lyphard,  nommons  encore,  en  passant, 
Kervernet  —  ker  vernec  —  situé  dans  un  bas-fond,  le  village 
marécageux;  le  Pont-Bihain,  le  petit  pont;  Kerlô,  le  lieu  de 
l'ermitage  dont  le  Pennelô  indique  les  limites. 


X 


Dans  la  commune  de  Saint-Molf,  tous  les  points  saillants  de 
ce  pays  accidenté  ont  un  nom  significatif.  Ici  Kerhaut  —  ker 
ros  —  le  village  du  Tertre;  là  Kerhué  —  ker  huel  —  comme 
ses  homonymes  du  Morbihan  et  de  la  presqu'île,  le  hameau  sur 
la  hauteur  ;  ailleurs  Monpignat  —  mont  pignat  —  le  mont  à 
gravir  (s);  plus  loin,  Pennemont ,  dernier  point  culminant  qui 
domine  les  paluds,  le  sommet  de  la  montée. 

Sur  la  pente  du  coteau  que  couronne  Kerhaut,  voici  Trébré- 
san,  dont  le  nom  mérite  bien  de  nous  arrêter  un  instant.  Suivant 
M.  de  Courson,  «  le  mot  tré>  trev,  tref,  signifie,  en  breton,  vil- 


(«)  De  Comulier,  Dictionnaire  des  terres  du  Comté  nantais. 

(2)  En  vannetais,  pignein,  gravir,  fait  aussi  a  l'infinitif  pignat  (Gillart). 

Le  mot  mont,  qui  ne  figure  pas  dans  les  dictionnaires,  avait  cours  pour- 
tant dans  la  langue  bretonne.  Il  est  employé  dans  un  poème  breton  du 
XVe  siècle,  intitulé  le  Trépas  de  Madame  la  Vierge  Marie.  (De  la  Ville- 
marqué,  Poèmes  bretons  du  moyen  âge.  JNanles,  1879,  p.  54.) 


_  m  — 

«  lnge,  réunion  d'un  petit  nombre  de  maisons.  Ce  mot  précède, 
«  dans  les  deux  Bretagnes,  le  nom  des  petites  succursales  des 
c  paroisses  (').  »  Rien  de  mieux,  pour  les  hameaux  situés  au 
milieu  des  terres  ;  mais  quand  il  s'agit  de  lieux  placés  près  des 
ruisseaux  ou  des  rivières,  il  faut  donner  au  mot  irë,  dans  le 
Morbihan  comme  ici,  un  tout  autre  sens,  et  y  voir  le  vannetais 
trch,  —  ailleurs  on  dit  treiz  —  qui  signifie  passage  sur  un  cours 
d'eau.  Ainsi  doit-il  en  être  pour  Trêbrésan,  en  Saint-Molf.  Ce 
mot  voudrait  donc  dire  :  le  Passage  de  la  Butte-du-Canal. 

De  temps  immémorial,  il  existe  à  l'entrée  des  marais,  du  côté 
de  Saint-Molf,  un  pont  en  bois,  jeté  sur  un  des  bras  de  l'étier  de 
Pont-d'Armes,  et  connu  dans  le  pays  sous  le  nom  de  Planche  de 
Trêbrésan.  Ce  passage,  situé  près  de  la  curieuse  Butte-anx- 
Cerfs,  monticule  artificiel  que  tout  archéologue,  explorant  le 
pays,  est  tenu  de  visiter,  ne  se  bornait  pas  autrefois  à  une 
simple  passerelle,  et  donnait  accès  à  une  route  pratiquée  au  tra- 
vers des  paluds,  laquelle  n'était  sans  doute  que  le  prolongement 
de  la  voie  romaine  qui  coupe  les  landes  du  Binguet,  venant  des 
environs  de  Guérande.  Construite  sur  des  terrains  baignés  par 
les  grandes  marées,  et  susceptibles  d'affaissement,  cette  chaussée 
reposait  sur  un  profond  statumen  de  pierres  parfaitement  agen- 
cées. De  chaussée  aujourd'hui  plus  guère  de  traces,  et  elle  a  dû 
servir  aux  remblais  des  marais  voisins;  mais  les  coupures  prati- 
quées à  ses  flancs  par  l'excavation  des  douves  latérales,  limites 
des  héritages,  ont  mis  a  découvert,  sur  une  longueur  d'une  cen- 
taine de  mètres,  ses  larges  et  solides  assises.  Tout  autour,  le 
sol  est  jonché  de  fragments  de  briques  et  de  tuiles  à  rebords,  qui 
ne  laissent  aucun  doute  sur  le  caractère  gallo-romain  de  ce  beau 
travail. 

Voilà  donc  trois  choses  importantes  résumées  par  le  nom  de 
Trêbrésan  :  irè,  c'est  le  pont  et  la  chaussée,  c'est-à-dire  le  pas- 
sage; hré,  la  Butte-aux-Cerfs,  et  san,  l'étier  de  Pont-d'Armes. 

Le  vocable  de  la  paroisse  de  Saint-Molf  ferait  supposer,  ai-je 

(')  De  Courson,  Hist.  des  Peuples  bretons,  i,  p.  46. 


-  125  — 

dit,  que  des  bretons  insulaires  étaient  venus  y  réchauffer  la  foi, 
et  durent  parfois  y  modifier  la  langue.  Toutefois  si  Kervocadé 
vient  ùaker  bochadec,  «  le  village  où  l'on  se  donne  des  soufflets  », 
les  prédications  de  l'évangile  n'avaient  pas  dompté  tous  les 
caractères.  Boc'had,  d'où  bochadec,  est  un  mot  léonais,  étranger 
au  dialecte  de  Vannes. 

Il  en  est  de  même  pour  le  nom  de  hameau  du  Cahotais. 
Caol,  choux,  pluriel  de  caolen,  et  son  dérivé  caolec,  lieu  planté 
de  choux,  sont  propres  au  pays  de  Léon  ;  partout  ailleurs  on 
emploie  col,  colen,  et  colec  (*).  Aussi  ces  derniers  noms  entrent- 
ils  seuls  dans  la  composition  des  noms  de.  lieux  morbiliannais. 
Les  lieux-dits  de  nos  cadastres  affectent  également  la  forme  van- 
netaise,  comme  le  Côlé,  en  Herbignac  (son  H),  les  Galets  (son  F) 
et  le  Colessa  (son  G),  en  Saint-Lyphard. 

Les  vieillards  du  pays  prétendent  que  les  côtes  de  Péneslin  et 
de  Penhé,  où  des  parcs  se  sont  récemment  établis,  produisaient 
autrefois  des  huîtres  en  abondance,  au  point  qu'on  en  trouvait 
jusqu'à  l'extrémité  de  la  baie,  à  l'embouchure  de  l'éticr  de  Pont- 
d'Armes.  L'énorme  quantité  d'écaillés,  enfouies  dans  les  sables  et 
dans  les  terres  voisines  de  la  côte,  suffirait  pour  leur  donner 
raison.  Mais  un  nom  de  lieu  vient  renforcer  encore  cette  affir- 
mation. Le  château  de  Quifistre,  en  Saint-  Molf,  situé  au  bord  des 
marais  salants,  près  de  l'endroit  où  l'etier  se  jette  dans  le  trait 
de  Mesquer,  doit  son  nom  à  celle  particularité  qu'un  banc 
d'huîtres  existait  dans  son  voisinage.  L'élymologio  n'en  semble 
guère  contestable  :  quef  dans  les  autres  dialectes,  quifou  q/icf, 
indifféremment  en  vannetais,  souche,  bnnc(s),  et  istr,  pluriel  de 
istrenn,  huîtres  (3). 

(»)  Le  Gonidec  et  Troude.  —  Lagadeuc,  le  plus  ancien  de  nos  lexico- 
graphes, donne  caul  et  caulenn  comme  des  mots  du  dialecte  de  Trëguier. 
Cillart  traduit  un  pied  de  chou  par  cauleenn  et  un  choutier,  c'est  le  mot 
dont  il  se  sert,  par  caulec.  Les  noms  du  Morhihan  concordent  parfaitement 
avec  ces  données  II  suffit  de  citer  les  hameaux  suivants  :  le  Col,  CÔlais, 
Collée,  Colé,  Colin,  sans  compter  tous  les  composés. 

(s)  Cillart,  au  mot  souche. 

(3)  Peut-être  ohjectera-t-on  que  dans  les  armoriaux,  les  De  Qui/istre, 


—  126  - 

De  Quifistrc  à  Penerf,  dans  le  Morbihan,  nos  cotes  rivalisaient 
sans  doute  avec  celles  de  Tréguier,  de  Cancale  et  de  Grandville, 
pour  fournir  aux  conquérants  romains  ces  précieux  mollusques 
qu'au  dire  d'Ausone  ils  avaient  en  si  haute  estime  : 

Sunt  et  Armorici  qui  laudent  ostrea  ponti  (*). 

Mesquer,  —  Mes  kaër  —  le  joli  Mes,  nom  qui  lui  vient,  sup- 
pose-t-on,  du  ruisseau  du  Mes  qui  se  jette  dans  le  trait  (a), 
compte  au  nombre  de  ses  villages  :  Penhouet,  comme  son  homo- 
nyme do  Saint-Nazaire,  nom  qui  équivaut  à  notre  dénomination 
française  Bout-de-bois  ;  Rostu,  le  côté  du  Tertre  ;  Pennelan,  le 
Bout  de  la  lande  ;  Kerguilloté,  le  lieu  abondant  en  herbes,  du 
vannetais  guiautec  (5) ,  qui  ailleurs  se  prononce  guëauiec  ; 
Kervarin,  village  bâti  sur  une  pointe  qui  s'avance  dans  le  trait 
de  Mesquer,  le  village  de  la  Barre,  —  le  mot  barren,  d'après 
Gillart,  est  usité,  en  vannetais,  pour  signifier  une  pointe  de  sable 
ou  de  rochers  avancée  en  mer  (4)  ;  Kerlagadec,  la  demeure  de 
l'homme  aux  gros  yeux,  et  Kerdandec  celle  de  l'homme  aux 
grandes  dents  ;  Kenabellec,  le  village  de  l'alouette.  Le  breton 
cabellec  n'a  cours  qu'en  vannetais  avec  le  sens  d'alouette  (s),  et 


qui  étaient  seigneurs  de  Kerleau,  en  Elven,  sont  le  plus  souvent  nommés 
Quilftitre.  Gela  ne  change  rien,  du  reste,  a  l'élymologie,  puisque,  selon 
Le  Gonidcc,  quelf  et  quef,  —  et  conséquemment  quilf  et  quif,  —  ont 
absolument  le  même  sens.  Mais  le  vrai  nom  semblerait  Quifistre,  a  en  juger 
par  deux  anciennes  inscriptions  de  l'église  d'Elven,  où  sont  nommés  des 
membres  de  cette  famille,  vivant  au  commencement  du  XVIe  siècle,  les 
deux  frères  Bertrand  et  Guy  de  Quifistre,  successivement  recteurs  d'Elven, 
et  chanoines  de  Vannes.  (Bull,  de  la  Société  polym.  du  Morbihan, 
1877.  p.  45). 

(J)  Ausone.  Ep.  xi,  v.  55. 

("-)  C'est  l'interprétation  de  M.  de  Francheville.  (Dict.  d'Ogée,  1845,  art. 
Mesquer).  11  faut  dire  pourtant  que  le  cours  d'eau  du  Mes  n'est  point 
connu  sous  ce  nom  dans  le  pays.  On  ne  l'appelle  que  l'étier  de  Pont- 
d'Armes. 

(3)  Cillart,  au  mot  herbe.  —  De  Rostrenen. 

(4)  Cillart,  au  mot  barre. 

(*)  «  KabelLec,  alouette;  c'est  sans  doute  l'alouette  huppée.».  Ce  mot, 
est  du  dialecte  de  Vannes.  »  Le  Gonidec.  —  Cf.  Gillart. 


-  127  — 

certes  !e  lieu  est  bien  nommé,  car  ces  oiseaux  sont  toujours  en 
grand  nombre  sur  les  grèves  de  Kercabellec  et  sur  le  promontoire 
de  Penbé. 

Voici  un  village,  Fonlainebras,  la  grande  fontaine,  qui  porte 
un  nom  mi-français,  mi-breton.  Si  dans  sa  composition  fut  entré 
le  léonais  feuntun,  ou  le  trégorrois  f'antan,  il  est  probable  que  la 
dénomination  première  eût  été  conservée.  Mais  il  existe  un  tel 
rapport  entre  le  vannetais  feten  et  le  substantif  français  corres- 
pondant, que  partout,  dans  nos  cadastres,  le  nom  primitif  a  été 
francisé.,  tandis  que  son  qualificatif  est  resté  breton.  C'est  ainsi 
qu'en  Herbignac  il  y  a  la  Fontaine-aran,  la  fontaine  de  la  gre- 
nouille, et  la  Fontaine-isé (pour  isel),  la  fontaine  basse. 

Citons  encore,  en  Mesquer,  Kervagué  —  ker  vaguer  —  la 
demeure  du  batelier.  On  voit  qu'ici  nous  ne  sommes  pas  loin 
des  bords  de  la  mer.  Le  radical  bag,  bateau,  entre  également 
dans  la  composition  du  nom  de  Kervagaré,  corps  de  garde  de  la 
commune  de  Piriac. 

Cette  côte  tourmentée  de  Piriac,  si  curieuse  à  voir,  avec  ses 
rochers  gigantesques  et  ses  grottes  creusées  par  le  flot,  a  été 
l'objet  de  descriptions  nombreuses.  «  La  pointe  sur  laquelle  est 
«  situé  le  tombeau  d'Almanzor,  dit  Edouard  Richor,  offre  une 
«  étymologie...  remarquable.  Elle  est  appelée  la  pointe  ou  le  cap 
«  de  Penharang,  ce  qui  traduit  du  celtique  (?)  signifie  le  cap  aux 
«  harangues...  Le  cap,  d'où  les  druides,  rassemblés  dans  des 
«  sacrifices  augustes,  haranguaient  le  peuple,  aura  gardé  jusqu'à 
«  nous  sa  dénomination  primitive  (*).» 

Celte  étymologie  nous  semble  bien  risquée  et  quelque  peu 
lointaine.  Le  lieu  d'ailleurs  se  prêtait  mal  aux  effets  oratoires. 
Ce  n'est  point  aux  bords  de  la  mer,  où  le  vent  souffle,  où  la 
grande  voix  des  flots  domine  tout,  qu'il  faut  venir  haranguer  les 
foules.  Aussi  l'auteur  du  Voyageait  Croisic  se  ravise-t-il,  quand 
il  ajoute  :  «  Il  ne  manquerait  plus,  pour  désenchanter  tout  à  fait, 


(*)  Ed.  Richer.  Poyage  au  Croisic,  p.  28. 


—  428  - 

«  que  do  changer  le  cap  aux  harangues  en  celui  des  harengs,  qui 
«  se  pèchent,  comme  on  sait,  assez  communément  sur  cette  cote.  » 
Cette  seconde  version  est  moins  poétique,  assurément,  mais 
peut-être  plus  juste:  harancq,  pour  harang,  étant  un  mol  vanne- 
tais  qui  se  prononce  harincq  dans  les  aulres  dialectes. 

En  la  commune  de  Piriac  se  trouvent  encore  Kergobé  —  ker 
ijobcd —  le  village  de  la  Godelée,  «  ijobcd,  petite  mesure  pour  les 
grains  ;  ce  mot,  dit  Le  Gonidec,  est  du  dialecte  de  Vannes  »  ; 
et  MéliniaCj  le  quartier  des  moulins,  formé  du  substantif 
mélin.  Dans  les  autres  dialectes,  affirment  les  auteurs,  pour 
moulin  on  dit  milin  et  par  abréviation  mil,  en  Vannes  seulement 
on  prononce  mélin  et  mel.  Des  noms  que  nous  avons  vus  jusqu'ici, 
c'est  même  sans  contredit  un  des  plus  franchement  vannetais, 
car  il  existe  dans  le  Morbihan  une  foule  de  hameaux  portant  le 
nom  de  Mel,  Mellûj  Mélin,  avec  ou  sans  préfixe,  tandis  qu'on 
peut  dire  que  mil  et  milin  n'y  apparaissent  nulle  part  ('). 

La  même  étymologie  s'applique  à  Trémelu,  en  Saint-Lyphard, 
appelé  aussi  parfois  Trémeleuc  au  XVe  siècle  ;  c'est  le  hameau 
des  Moulins,  que  le  nom  dérive  de  l'adjectif  mélcuc  ou  du  pluriel 
mcllou. 

L'institution  féodale  devait  naturellement  laisser  des  traces  de 
son  organisation  dans  la  presqu'île  guérandaise.  Les  noms  de 
lieux  qui  la  rappellent  ne  manquent  pas  en  effet  :  en  Guérande, 
Kermarais  —  ker  marec  —  la  demeure  du  chevalier  ;  en  Piriac, 
Kerascouédé  —  ker  a  scoëder  —  l'habitation  de  l'écuyer,  et 
Kergentilj  celle  du  gentilhomme  ;  en  Herbignac,  Kcrsénêchal,  la 
maison  du  sénéchal.  D'après  le  P.  deRostrenen,  on  disait  sénes- 
sal  dans  les  aulres  dialectes,  el  chénéchal  en  Vannes.  Aussi  nos 
laboureurs  ne  prononcent-ils  jamais  autrement  que  Kerchénéchal. 

Au  même  ordre  de  choses  se  rattache  le  nom  patronymique 

11  ■ —        '  ■■■■■■!      MIMUll  H.—^— ^  I     JM — ^— ■— — —  I  '■'»■■         ■ —  !■  '  «■■■■■!    ■       — ■  ■ 

(J)  Sauf  dans  Coël- Milin,  en  Saint-Tugdual,  et  dans  Gohviline,  en 
Plœmeur.  Encore  faut-il  remarquer  que  ces  communes  ont  dû*  subir  l'in- 
fluence de  la  Gornouaille  à  laquelle  elles  confinent  En  revanche,  ou  pour- 
rait citer  plus  d'une  centaine  de  noms  de  hameaux  morbihannais  dans  la 
composition  desquels  entrent  les  mots  Mel  et  Mélin. 


—  429  — 

de  Le  Floch  —  en  français  nous  dirions  Le  Page  —  répandu 
dans  plusieurs  eoinmunes  de  la  presqu'île,  nom  qu'on  écrit  bien 
Le  Floch,  mais  qu'on  prononce  Le  Floh,  à  la  façon  vannetaise. 

XI 

La  commune  d'Assérno  compte  au  nombre  de  ses  villages 
Kergô  —  ker  gô  —  la  maison  du  forgeron  (*);  Kergéro  —  ker  zéro 
—  la  Ville- aux-chênes  (2);  KeriavalAa  Gormier(3);  Barzin,  peut- 
être  la  demeure  des  bardes,  du  breton  barz  ;  Cabemo,  juché  sur 
un  coteau  d'où  l'on  découvre  un  splendide  panorama,  dérivé  de 
cabj  tête,  sommet  ;  Kerscoul,  le  hameau  du  milan  ;  Pradelan  — 
prat  lann  —  le  pré  de  la  lande  ;  Kersaffa  —  ker  saffar  —  le 
hameau  du  vacarme.  En  Herbignac,  le  village  de  la  Sajfardière, 
et  le  Clos  Saffard  (son  Q),  dérivent  du  même  mot  breton. 

Puis-je  négliger  celte  baie  de  Penbé,  qui  a  peut-être  vu  échouer 
sur  ses  grèves  les  derniers  vaisseaux  de  la  flotte  venète  ?  Le  nom 
de  Penbé  offre  au  premier  abord  une  étymologie  saisissante  :  il 
voudrait  dire  la  pointe  du  tombeau,  le  breton  bez,  tombeau, 
s'étant  changé  en  bé  dans  le  dialecte  de  Vannes.  Touletois  cette 
interprétation  me  semble  devoir  être  rejetée,  par  le  motif  que 
les  plus  anciennes  chartes  où  ce  nom  de  lieu  est  cité  l'eussent 
écrit,  dans  ce  cas,  Penbez,  tandis  qu'elles  s'accordent  pour  écrire 
Penbec  (*). 

Bec  est  un  mot  breton,  et  je  puis  dire  gaulois,  passé  dans 
notre  langue.  Lagadeuc,  et  quatorze  cents  ans  avant  lui  un 
auteur  romain  l'ont  traduit  par  le  latin  rostrum.  Au  premier 
siècle  de  notre  ère,  le  mot  bec  avait  déjà  cours  dans  la  langue 
gauloise  :  cela  ressort  clairement  d'un  texte  de  Suétone.  Le 
général  entre  les  mains  duquel  tomba  Vitellius,  Antonius  Primus, 

(»)  Du  hreton  goff,  qui  fait  gô  en  Vaunes. 

(2)  Zéro  pour  dèro,  pluriel  de  derv,  chêne,  par  suite  de  la  permutation. 

(3)  C'est  le  sens  donné  à  ce  mol  par  M.  de  la  Villemarqué,  dans  sa  tra- 
duction des  Poèmes  bretons  du  VIe  siècle,  p.  200. 

(<)  Cart.  de  Bedon,  p.  258,  340  et  389. 

1879  9 


—  130  - 

natif  de  Toulouse,  y  avait  reçu,  dans  son  enfance,  le  surnom  de 
Becco,  ce  qui  veut  dire,  ajoute  rhistorien  des  Césars,  bec  de  coq: 
id  valet  gallinacei  rostrum  (♦). 

Cillart  nous  apprend  qu'en  breton  on  appelle  plus  spécialement 
bec,  une  langue  de  terre  qui  s'avance  dans  la  mer  (2)  ;  et,  en  effet, 
ce  mot  sert  à  désigner  une  foule  de  pointes  sur  l'océan,  depuis 
le  bec  d'Ambez,  dans  la  Gironde,  jusqu'au  bec  du  Raz,  aux  ex- 
trémités de  la  Bretagne  (s).  Le  nom  de  Penbec  caractérise  parfai- 
tement d'ailleurs  ce  promontoire  qui  s'avance  comme  une 
gigantesque  proue  entre  les  deux  baies.  Son  territoire  resta  long- 
temps inhabité.  La  chapelle,  dont  on  y  voit  encore  les  ruines,  ne 
fut  élevée  qu'à  la  fin  du  XIe  siècle,  dans  des  circonstances  toutes 
particulières,  et  la  légende,  que  le  carlulaire  de  Redon  nous  a 
conservée,  donne  à  son  érection  un  parfum  de  simplicité  si  tou- 
chante que  je  ne  puis  résister  au  désir  de  vous  en  faire  le  récit. 
Je  me  bornerai  d'ailleurs  à  traduire  le  texte  latin,  de  peur  de  le 
déflorer. 

Les  premières  lignes  de  la  charte  manquent,  mais  il  est  facile 
de  voir  qu'il  s'agit  d'étrangers  jetés  à  la  côte  par  une  tempête, 
et  réfugiés  sur  les  hauteurs  de  Penbé.  «  De  là,  ajoute  le  narrateur, 
ils  regardaient,  comme  d'un  observatoire,  si  le  vent  était  favorable 
ou  non,  pour  pouvoir  retourner  dans  leur  pays.  L'un  d'eux  souf- 
frait violemment  d'une  maladie.  Diverses  révélations  et  ses 
compagnons  eux-mêmes  l'engagèrent  à  attendre  là,  au  milieu  du 
sommeil,  le  secours  de  Dieu,  comme  cela  était  arrivé  à  beaucoup 
de  saints.  S'étant  donc  endormi,  il  se  réveilla  parfaitement  guéri 
et  bien  portant,  disant  comme  le  patriarche  :  «  vraiment  le 
Seigneur  est  dans  ce  lieu  et  je  l'ignorais  ».  Les  patrons  du 
navire,  rendant  de  grandes  grâces  à  Dieu,  élevèrent  un  autel  en 
l'honneur  de  sa  sainte  Mère,  et  aussitôt  un  vent  favorable  enflant 
leurs  voiles,  ils  fendirent  les  vagues  et  regagnèrent  leur  pays. 


(*)  Suétone.  Fie  de  Vitellius,  dernier  alinéa. 

(2)  Cillart,  aux  mots  langue  de  terre. 

(3)  Dans  le  Morbihan  notamment,  le  mot  bec  entre  dans  la  composition 
d'un  grand  nombre  de  noms  de  pointes  situées  sur  l'océan. 


—  131   - 

«  Trois  habitants  du  domaine  de  Misquiric  ('),  sortis  de  la 
même  famille,  Juhel  Goquard,  Jarnogon  Leroux,  et  Normandeau 
(Normandellus),  qui  s'étaient  partagé  leurs  biens,  mais  avaient 
laissé  indivise  entre  eux  la  pointe  (de  Penbec),  parce  qu'elle  était 
improductive  et  stérile,  voyant  le  Tout-Puissant  opérer  de  telles 
merveilles  sur  leur  terrain,  engagèrent,  du  consentement  du 
seigneur  de  Misquiric,  un  homme  pieux,  nommé  Aluehen,  à  y 
élever,  avec  leur  concours,  un  oratoire  pour  servir  la  Vierge 
Immaculée,  promettant  d'y  attacher  une  fondation  de  dix  novales. 
Aluehen  refusa  d'abord,  objectant  l'aridité  du  lieu,  si  exposé  aux 
vents  et  aux  tempêtes;  il  y  consentit  enfin,  mais  à  la  condition 
qu'il  pût,  à  son  gré,  disposer,  en  faveur  de  telle  ou  telle  abbaye, 
des  terres  qu'on  lui  offrait.  Ce  qui  fut  accepté  volontiers  par 
es  donateurs,  et  ratifié  par  leur  seigneur,  Frédor,  fils  de  Ri- 
chard. 

«  Quand  l'homme  de  Dieu  eut  bâti  son  oratoire,  il  alla  à  Redon 
et  concéda  à  l'abbé  Justin  et  au  couvent  de  Saint-Sauveur,  pour 
participer  aux  prières  de  la  Communauté,  le  lieu  précité  avec  la 
chapelle  et  les  terrains  annexés.  Puis  prenant  la  bure,  il  revint 
à  son  ermitage  avec  l'abbé  et  obtint  aisément  de  Frédor,  fils  de 
Richard,  de  Frédor,  fils  de  Daniel,  seigneur  d'Acérac  (a),  ainsi 
que  des  donateurs,  que  pour  le  salut  de  leurs  âmes,  l'abbaye  de 
Redon  fut  constituée  héritière  des  dites  possessions.  Et  cela  en 
présence  et  avec  le  consentement  de  Benoît,  évêque  de  Nantes, 
invité  à  venir  bénir  le  sanctuaire.  Par  égard  pour  l'abbé,  et  dans 
l'intérêt  de  la  fondation,  les  trois  habitants  de  Misquiric,  auto- 
risés par  leur  seigneur  Frédor,  fils  de  Richard,  déclarèrent  de 
plus  que  si  quelques-uns  de  leurs  héritiers  voulaient  faire,  de  leur 
propre  fonds,  une  donation  à  l'oratoire,  eux,  les  donateurs, 
acquitteraient  les  droits  dus  au  seigneur  de  Misquiric.  Et  ils  leur 


(i)  C'est  le  village  de  Mesquéry  près  de  Penbé,  en  face  de  Mesquer 
dont  il  est  séparé  par  le  trait.  Le  diminutif  ic,  qui  termine  son  nom,  semble 
lui  donner  le  sens  de  Petit  Mesquer. 

(2)  «  Aceraci  Domino.  » 


132  - 

enjoignirent  de  ne  jamais  rien  demander  aux  moines  (de  Penbec), 
sinon  Jésus-Christ  (*).  m 

Une  observation  se  dégage  de  la  lecture  de  cette  charte.  Nous 
n'y  trouvons  plus  les  noms  propres  bretons  avec  lesquels  nous 
étions  familiarisés.  Ce  ne  sont  ici  que  des  noms  d'une  autre 
langue,  Coquard,  Normandeau,  Frédor,  Daniel,  Richard,  qui 
dénotent  une  origine  normande  et  une  occupation  fortement 
organisée.  Le  seigneur  d'Acérac,  d'après  les  chartes  de  l'époque, 
paraît  relever  lui- même  de  Bernard,  encore  un  autre  Normand^), 
dont  l'aïeul  avait  donné  son  nom  à  la  Roche-Bernard. 

Les  cadastres  du  quartier  témoignent  à  leur  tour  de  cette  occu- 
pation. Il  y  a  des  terrains  nommés  la  Noë-du-Normand,  en  Saint- 
Molf  (Son  H),  le  Clos-Normand,  en  Mesquer  (SonE),  le  Ponl- 
Normand,  en  Assérac  (Son  C). 

Par  contre,  nos  noms  de  lieux,  Assérac,  Penbé,  Mesquéry  ont 
bien  peu  varié  depuis  huit  siècles.  Il  est  aussi  question,  dans  une 


•  C1)   Cart.  de  Bedon,  p.  387. 

(s)  Un  des  frères  de  ce  Bernard  porte  le  nom  de  Normand,  «  Norman- 
dus  »  dans  une  charte  du  XIe  siècle  (Cart.,  p.  314),  et  1rs  annales  de 
l'abbaye  de  Redon  désignent  l'aïeul  sour  le  nom  de  Bernard,  le  Normand, 
«  Bernardus  Normannus  ».  (Ibid.,  p.  441.) 

Les  premiers  fondateurs  de  la  puissante  baronnie  de  la  Roche-Bernard 
étaient  donc  bien  de  race  normande. 

Un  lien  de  parenté,  en  même  temps  que  de  vassalité,  rattachait- il  les 
seigneurs  d'Assérac  et  de  Mesquéry  au  seigneur  de  la  Boche  ?  On  le  croi- 
raii,  quand  on  lit  dans  les  annales  du  monastère  (Cart.,  p.  445),  que 
Simon,  fils  de  Bernard  de  la  Roche  et  d'autres  toparques  de  cette  race, 
a  aliique  stirpis  illius  toparchœ,  »  enrichirent  de  leurs  dons  le  sanctuaire 
de  Penbé.  N'est-ce  pas  nommer  les  Frédor,  seigneurs  d'Assérac  et  de  Mes- 
quéry, et  Rioc,  fils  de  ce  dernier,  qui  furent  les  bienfaiteurs  de  l'oratoire? 
Ces  Frédor  ou  Fréor  tournent  dans  l'orbite  du  seigneur  de  la  Roche.  Ils 
a?ssistent,  comme  témoins,  aux  actes  de  sa  maison,  et  à  l'air  dominateur 
que  prend  Bernard  vis-à-vis  des  siens,  s'intitulant  «  leur  seigneur,  le  sou- 
verain seigneur  d'eux  tous,  »  on  sent  bien  que  cette  supériorité  s'affirme 
sur  tous  ceux  qui  l'entourent.  (Ibid.,  p.  315.)  Prend-il  une  décision  impor- 
Lante,  du  consentement  de  ses  fils  et  et  de  tous  ses  parents,  «  consensu 
prolis,  ntc  non  lotius  consanguinilatis,  »  à  la  suit*;  des  noms  de  ses  enfants 
viennent  immédiatement  s'inscrire  les  noms  des  deux  Frédor.  (Ibid., 
p.  340). 


-  133  — 

autre  donation  se  rapportant  au  môme  oratoire,  du  petit  hameau 
du  Blanc,  qui,  si  la  lecture  a  été  exacte,  était  appelé*  «  villula 
Blane  »  au  commencement  du  XII0  siècle ('). 

C'est  au  monastère  de  Penbé,  et  aux  autres  chapelles  existant 
dans  le  voisinage,  que  le  village  de  Trélago,  en  Assérac,  doit 
son  nom  :  on  l'avait  nommé,  pour  ce  motif,  le  quartier  des  ora- 
toires. Loc,  pluriel  logo. 


XII 


P.,ur  aller  d' Assérac  a  Herbignac,  nous  passons  le  ruisseau  de 
Kerhougas,  limite  des  deux  communes,  sur  le  pont  de  Jurement 
—  trémen,  passage  —  qui  a  donné  son  nom  au  village  voisin. 
Sur  la  hauteur  prochaine  s'élève  Kerhéraut,  le  hameau  du  Tertre, 
ou  le  hameau  du  Rocher,  selon  qu'on  doive  écrire  Ker  er  ros,  ou 
Ker  er  roh. 

Avant  d'arriver  au  bourg  d'Herbignac ,  nous  trouvons 
Ponnement,  que  les  habitants  prononcent  Podeman,  —  pont 
men  —  le  pont  de  pierres.  Le  ruisseau  sur  lequel  ce  pont 
est  jeté  déverse  à  quatre  cents  mètres  de  là,  dans  la  fosse 
de  Govelin,  le  trop  plein  des  eaux  du  lavoir  de  Ponnement.  Il  est 
à  remarquer  que  le  même  nom  de  Govelin  a  été  donné  égale- 
ment à  un  autre  bas-fond,  placé  dans  des  conditions  identiques, 
au  bas  du  coteau  de  Bilon,  à  trois  kilomètres  plus  au  nord.  Il  y 
a  aussi  le  Clos-Govelin,  en  Péneslin  (Son  F).  Ce  nom  de  Gove- 
lin, —  goh  vélin,  pour  goh  mélin,  le  moulin  en  ruines,  ici  encore 
notre  vannetais  mélin,  —  est  l'indice  que  des  moulins  à  eau  exis- 
taient autrefois  en  ces  lieux.  Le  Morbihan  compte  également  plu- 
sieurs écarts  du  nom  de  Coh  vélin,  Goh-vélin,  et  Er-Goh-vélin, 
situés  sur  des  cours  d'eau  et  se  rapportant  à  des  moulins. 

Au  milieu  des  terres,  les  noms  d'arbres  jouent  naturellement 
un  rôle  important  dans  la  désignation  des  lieux.  En  Herbignac, 

(»)  Cartul.  de  Redon,  p.  389. 


-  134  — 

nous  avons  Kergestin  —  ker  guesten  —  le  hameau  des  châ- 
taignes, couché  comme  autrefois,  à  l'ombre  des  vieux  châtai- 
gners,  —  questen  le  plus  souvent  en  vannetais,  parfois  quisten, 
partout  ailleurs  quistin  (l)  ;  Kerlibérin  —  ker  hilibéren  —  le 
village  du  Cormier  ;  le  Guernais,  comme  nous  dirions  en  français 
l'Auuaie,  de  guernec,  lieu  planté  d'aunes  (2);  Couëpras  —  couët 
prat  —  le  pré  du  bois  ;  la  Ville-Drain ,  la  ville  aux  épines  ; 
Couetbouc,  qu'on  prononce  dans  le  pays  Couetbou,  le  bois  du 
bouc  (3)  ;  Couetcaret,  le  bois  du  charron,  ou  le  bois  du  rocher, 
selon  qu'on  écrira  carrer,  ou  carrée  (*). 
Il  faut  citer  encore  dans  la  commune  d'Herbignac  :  Kergoche, 

—  pour  ker  goz,  —  le  vieux  village  ;  Kerchus,  —  pour  ker  zu, 

—  le  village  enfumé,  à  la  lettre  le  village  noir  ;  le  Rohello,  forme 
plurielle  du  vannetais  rohel,  les  Roches  ;  le  Fozo,  pluriel  de  foz, 
les  Tranchées,  nom  commun  aux  moulins  du  Fozo,  et  à  la  mé- 
tairie de  la  Ville-Fozo,  bâtis  sur  les  anciennes  landes  du  Fozo 
que  traverse  une  voie  romaine. 

Ramoné,  avons-nous  dit,  veut  dire  le  lot  du  roi.  Ranlais, 
terre  noble,  qui  faisait  partie  du  domaine  de  Ranroué,  mérita, 
par  son  importance,  d'être  appelé  le  lot  de  la  Cour —  Ran  lès(h). 

(*)  De  Rostrenen  et  Le  Gonidec  :  châtaignes,  pi.  quistin,  en  Vannes 
questen.  —  Cillart  :  quislen. 

(2)  En  creusant  les  marais  situés  à  peu  de  distance  du  Guernais, 
on  ne  trouve  guère  dans  la  tourbe  que  deux  essences  d'arbres,  des  aunes 
et  des  saules. 

(3)  Actuellement  bouc  se  dit  boh  en  Vannes  \  mais  du  temps  du  P.  de 
Rostrenen  (1732)  et  de  l'abbé  Cillart  (1744),  les  vannetais  prononçaient 
bouh. 

(4)  Cette  dernière  version  est  la  plus  naturelle.  Le  breton  carrée,  qui 
dans  les  autres  dialectes  ne  signifie  plus  que  «rocher  a  fleur  d'eau,  écueil,  » 
garde  encore  en  vannetais  le  sens  primitif  de  «  roche,  rocher»  en  général, 
le  sens  que  lui  donnaient  les  bardes  du  VIe  siècle.  Quand  le  centenaire 
Liwarc'h-henn  s'écrie  dans  ses  angoisses:  «La  salle  de  Kendelan  est  triste 
cette  nuit,  au  sommet  du  rocher  d'Hodnct!  »  il  emploie  le  mot  carrée. 

De  la  Villemarqué.  Notice  des  principaux  manuscrits  des  anciens  Bre- 
tons. Paris,  1856,  p.  1 1.  -  Cf.  Cillart,  aux  mots  roc,  roche  et  rocher. 

(r>)  Le  mire  des  terres,  de  M.  de  Cornulier,  mentionne  :  «  Raulet, 

1679,  m  marquis  d'Assérac  »  }  c'est  une  orthographe  défectueuse,  car  les 


—  135  - 

Le  château  de  Ranroué,  ou  de  Ranrouet,  comme  on  l'écrit  le 
plus  souvent,  était,  avant  la  Révolution,  le  siège  du  marquisat 
d'Assérac,  et  plusieurs  actes  des  registres  paroissiaux  d'Herbignac 
font  connaître  que,  dans  le  XVIIe  siècle  et  nu  commencement  du 
XVIIIe  siècle,  les  seigneurs  y  faisaient  souvent  leur  résidence. 
Mais  bien  avant  la  création  du  marquisat  le  château  existait.  La 
barbacane  destinée  à  défendre  le  pont-levis,  la  porte  d'entrée  avec 
son  arche  à  plein  cintre,  certaines  parties  inférieures  des  tours  et 
des  remparts  dénotent  une  construction  du  XIIe  ou  du  XIIIe  siècle. 
Encore  est-il  permis  de  supposer  que  ce  château,  comme  tant 
d'autres  châteaux-forts,  s'est  superposé  à  quelque  construction 
gallo-romaine,  utilisée  à  l'époque  normande  (*). 

Nos  habitants  donnent  d'ordinaire  à  leurs  nouvelles  construc- 
tions le  nom  breton  des  champs  sur  lesquels  elles  sont  bâties, 
usage  qui  ne  contribue  pas  peu  à  conserver  les  anciennes  dési- 
gnations cadastrales.  On  ne  voit  pas  souvent  des  gens  de  la 
force  de  ce  bon  laboureur  qui,  du  prénom  de  sa  femme,  avec 
une  teinte  de  couleur  locale,  a  décoré  sa  maison  neuve,  en  Her- 
bignac,  du  nom  pompeux  de  Kerjulienne. 

A  deux  kilomètres  au  nord  du  bourg  d'Herbignac,  sur  le  bord 
de  la  route  départementale  n°  9,  de  Guérande  à  la  Roche-Bernard, 
est  le  hameau  moderne  de  Duret,  qui  a  reçu  son  nom  des  par- 


registres  paroissiaux  d'Herbignac,  antérieurs  ou  contemporains  à  cette  date, 
écrivent  toujours  Ranlais,  comme  on  le  fait  de  nos  jours. 

(')  Nous  venons  de  voir  que  les  premiers  seigneurs  connus  d'Assérac 
paraissent  d'origine  normande. 

On  a  trouvé  aux  environs  du  château  de  Ranroué  un  statère  gaulois,  en 
or,  qui  est  en  la  possession  de  M.  Chômait  de  Kerdavy,  propriétaire  à  Her- 
bignac.  Voici  la  description  de  cette  monnaie  -.  Droit  fruste,  tête  imberbe, 
à  droite,  entourée  de  cordons  perlés  ;  $.  Cheval  androcéphale,  marchant  à 
droite,  conduit  par  un  aurige.  Devant  la  tête  du  cheval,  le  vexillum  à 
bandes  verticales  que  M.  Hucher  attribue  en  propre  aux  Venetes  (Y Art 
gaulois,  H,  p.  17).  Sous  le  cheval,  génie  couché. 

Remarquons  que  ce  n'est  plus  ici  le  génie  debout,  aux  bras  étendus,  qui 
semble  particulier  aux  Wamnètes.  Sur  la  plupart  des  statères  trouvés  récem- 
ment dans  le  Morbihan  et  dans  la  presqu'île  guérandaise,  le  génie  ailé  et 
couché  alterne  avec  la  roue,  au  revers  des  monnaies. 


-  136  — 

celles  qui  l'avoisineut.  Bâti  près  du  Vont- de-Dur  et,  à  l'extrémité 
septentrionale  de  l'ancien  étang  de  Ranroué,  aujourd'hui  dessé- 
ché, il  confine  au  Pré  de  Duret  (*),  un  bas-fond  où  tombent  les 
ruisseaux  qui  descendent  des  coteaux  voisins.  Voilà  un  lieu-dit  qui 
mérite  bien  son  nom,  car  deur,  en  vannetais,  signifie  eau,  d'où 
deur  rct,  eau  rapide,  ou  deurec,  baigné  par  les  eaux.  Et  comme 
pour  mieux  accentuer  cette  dénomination,  les  parcelles  limi- 
trophes, situées  en  la  commune  de  Férel,  s'appellent  les  Cam- 
belles  de  Duret  (s). 

Ce  nom  rappelle  à  la  mémoire  la  ville  de  Durétie  de  la  carte 
de  Peutinger.  M.  de  Closmadeuc,  dans  un  article  plein  d'aperçus 
judicieux,  publié  en  1866,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  Poly- 
mathique  du  Morbihan,  place  cette  station,  avec  une  grande 
apparence  de  vérité,  à  l'isle,  enMar/an,  sur  la  rive  droite  de  la 
Vilaine.  A  ce  compte,  notre  hameau  d'Herbignac  n'en  serait  dis- 
tant que  de  sept  kilomètres  à  peine.  Ce  détail  a  bien  son  intérêt. 
Car  étant  admis  que  Durétie  fût  située  sur  la  Vilaine ,  cette 
concordance  de  noms  entre  l'antique  station  et  nos  parcelles 
cadastrales  donne  à  penser  que  la  langue  des  Vcnètes  était  la 
nôtre,  et  que  certains  mots  de  la  presqu'île  se  sont  conservés 
jusqu'à  nos  jours  sans  altération. 

Et  cette  coïncidence  n'est  point  une  simple  ressemblance  de 
hasard,  car  le  mot  de  Duret  se  retrouve  encore  dans  le  nom  du 
hameau  de  Kerdurel,  en  la  commune  de  Saint-Lyphard. 


(*)  Cadastre  d'Herbignac.  Soa  D,  n°  2106. 

(2)  Cadastre  de  Férel.  S°n  E,  n°  570. 

Le  mot  cambelle  ou  combelle,  usité  dans  le  pays  pour  exprimer  un  bas- 
fond,  une  petite  vallée,  semble  dériver  du  celtique  comù,  vallée. 

Dans  plusieurs  mots  bretons,  la  terminaison  el  est  venue  s'ajouter  à  un 
radical  beaucoup  plus  ancien  qui  a  disparu  de  la  langue,  du  moins  avec 
le  sens  primitif  :  comme  camel,  charnier,  reliquaire,  dérivé  de  cam  ,•  cru- 
guel,  butte,  monticule,  dérivé  de  crue.  Il  en  serait  ainsi  de  notre  mot 
combel.  Pour  beaucoup  d'autres  noms,  les  deux  formes  existent  simultané- 
ment en  breton  :  roh,  rohel,  prad,  pradel,  loc,  loijuel,  etc.,  el  dans  ce 
dernier  cas,  le  suffixe  el  donne  toujours  un  diminutif  du  radical,  règle  qui 
dès  le  principe  a  dû  être  générale. 


—  137  — 

Les  pestes  qui  sévirent  pendant  le  moyen  âge,  semblent  rappe- 
lées par  certains  noms  de  lieux  du  pays.  Ou  sait  combien  la  lèpre 
était  commune  en  Bretagne.  Je  crois  en  trouver  un  souvenir  dans 
le  nom  des  hameaux  de  Lauvergnac,  en  Herbignac  et  en  Gué- 
rande.  Louvr  et  lovr,  en  breton  signifient  lépreux  ;  au  pays  de 
Vannes  on  prononce  lovr,  et  lèpre  s'y  traduit  par  lovréréah  (*).  Je 
ferai  remarquer  que  nos  laboureurs  prononcent  encore  Lôvrignâ, 
en  dépit  de  l'orthographe  usuelle,  conservant  obstinément  à  ce 
mot  son  radical  vannetais.  Qu'on  ne  s'étonne  pas  d'ailleurs  de 
voir  un  pareil  nom  porté  par  des  hameaux  qui  devinrent  plus 
tard  chefs-lieux  de  juridictions  seigneuriales.  Le  Gonidec  donne 
une  semblable  étymologie  au  Louvre  :  «  Je  pense,  dit-il,  qu'il  ne 
faut  pas  chercher  ailleurs  l'origine  et  l'étymologie  du  mot  Louvre 
que  porte  le  palais  de  nos  rois,  ainsi  que  quelques  villages  de 
France  (s).  » 

En  Camoël,  le  village  du  Bocéno  présente  un  sens  analogue. 
Bocenn,  dans  tous  les  dialectes,  veut  dire  peste,  et  bocéno  en  est 
la  forme  plurielle.  Il  existe  aussi,  dans  la  presqu'île  guérandaise, 
des  familles  portant  le  nom  de  Bocéno,  soit  qu'elles  tirent  leur 
origine  de  ce  village,  soit  qu'au  contraire  quelqu'un  de  leurs 
ancêtres  ait  fondé  le  Bocéno.  Mais  assurément  ce  nom  a  dû  être 
donné,  dans  le  principe,  a  des  pestiférés,  ou  à  un  quartier  frappé 
de  la  contagion. 

J'ai  dit,  au  commencement  de  cette  étude,  qu'un  nom  de  lieu, 
en  Herbignac,  pourrait  bien,  par  exception,  ne  pas  appartenir  au 
dialecte  vannetais  :  c'est  celui  de  Kercoudry,  —  le  hameau  du 
Colombier.  «  Si  j'osais,  fait  observer  Le  Gonidec,  je  dirais  que  le 
«  mot  kouldriest  composé,  par  contraction,  de  koulm,  colombe, 
«  pigeon,  et  de  ti,  maison;  je  croirais  même  être  d'autant  plus 
«  fondé  à  lui  donner  cette  origine,  qu'en  Vannes  on  dit  klomdi,  pour 
«  exprimer  la  môme  chose.  »  Et  au  mot  koulm,  colombe,  Le 


(')  Cillart,  aux  mots  ladre  et  ladrerie.  —  Vh  final  suppose,  comme  nous 
l'avons  vu,  une  forme  antérieure  lovrereacli. 
(-)  Le  Gonidec  au  mot  lovrez. 


—  138  - 

Gonidec  ajoute  :  «  on  vannetais,  on  dit  klom  ».  Toutefois,  l'au- 
teur du  Dictionnaire  français-breton  du  dialecte  de  Vannes,  anté- 
rieur de  quatre-vingts  ans  a  Le  Gonidec,  traduit  colombe  par 
coulom,  colom  et  clom  (').  Or,  dès  lorsqu'on  disait  coûta,  en 
Vannes,  la  syncope  donnait  aussi  bien  coulm  que  clom.  Coulm 
semblerait  même  avoir  été  partout  le  mot  primitif,  puisque  Saint- 
Golomban  était  appelé  Saint-Coulm  dans  toute  la  Bretagne  ;  ce 
qui  fait  dire  a  M.  de  Gourson  que  coulm  signifie  colombe  dans 
tous  les  dialectes  bretons  (2). 

Kercoudry,  ferme  voisine  et  dépendante  du  château  de  Kero- 
bert,  était  certainement  autrefois  la  fuie  du  manoir.  Le  village 
de  Coulement,  en  Missillac,  puise  aussi  son  étymologie  à  la  même 
source  :  Coulm  men,  la  pierre  de  la  Colombe. 

J'ai  nommé  Kerobert.  On  se  tromperait,  selon  moi,  si  l'on 
voulait  voir  dans  ce  composé  le  préfixe  ker  suivi  d'un  nom 
propre.  Je  l'expliquerais  plutôt  par  le  substantif  breton  ober, 
œuvre,  exploit,  haut  fait.  Kerobert  serait  «  le  lieu  de  l'exploit  ». 
Son  étymologie  lui  vient,  à  n'en  pas  douter,  d'un  lieu -dit  voisin 
du  château,  appelé  la  Pierre-Obert.  A  quelques  pas  plus  loin, 
d'autres  cantons  de  terre  sont  nommés  les  Roches-louses,  c'est- 
à-dire  les  roches  maudites  :  louz,  impur,  infâme  (3).  11  est  pro- 
bable que  toutes  ces  pierres  étaient  des  mégalithes  qui  auront 
été  détruits  (*),  et  auxquels  se  rattachait  quelque  vieille  légende 
aujourd'hui  disparue. 

Un  corrigan  malin  en  aurait-il  été  le  héros  ou  la  victime  ?  Le 
village  de  Coroberl,  bâti  non  loin  de  la  Pierre  Obert,  le  donne- 
rait à  penser,  avec  son  préfixe  cor,  qui  n'est  point  assurément 
une  altération  de  ker,  deux  hameaux  aussi  distincts  que  Kerobert 
et  Corobert  ne  pouvant  porter  le  même  nom.  Or,  le  mot  corr, 


(')  Gillart,  aux  mots  colombe  et  pigeon. 

{-)  De  Gourson.  Hist.  des  peuples  bretons,  I,  p.  292. 

(3)  La  Pierre  Obert  porte  au  cadastre  le  n°  550  de  la  Son  C,  et  les 
Roches-louses  les  nos  564  et  suivants. 

(*)  Il  existe  encore  un  mégalithe  en  ruines,  à  peu  de  distance  de  Là, 
sur  la  commune  de  Missillac. 


-  139  — 

en  breton,  sert  exclusivement  à  désigner  ces  esprits  folâtres  qui 
étaient  les  sylphes  de  nos  pères. 

«  Les  Armoricains,  dit  M.  l'abbé  Mouillard,  ont  les  corri- 
«  gued,  corrigans,  guérionnets,  boudigued,  boudiguets,  poulpi- 
«  quets,  poulpiquans,  esprits  des  eaux  de  la  terre  et  des  bois, 
«  apparaissant  sous  la  forme  de  nains  qui  se  retirent  dans  les 
«  cavernes  ou  dans  le  creux  des  rochers,  et  dansent  la  nuit ,  au 
«  clair  de  lune,  autour  des  pierres  consacrées (*).  » 

Mais  voici  une  étrange  coïncidence.  Il  existe,  cantonnées  dans 
la  partie  septentrionale  de  la  commune  d'Herbignac,  à  Gorobcrt, 
à  Kercoudry,  à  la  Ville-Guervé,  et  aux  hameaux  circonvoisins,  de 
nombreuses  familles  portant  le  nom  de  Bodiguel.  N'est-ce  pas  là 
le  nom  à  peine  modifié  de  nos  nains  bretons  ?  Et  ne  peut-on  pas 
supposer  qu'autour  de  ces  Roches-louses,  flétries  sans  doute  par 
le  christianisme ,  corrigans  et  boudigued  venaient  danser  leurs 
rondes  nocturnes,  et  qu'un  événement  imprévu,  rappelé  par  la 
Pierre-Oberl,  y  vint  brusquement  mettre  fin  ?  Toujours  est-il  que 
la  croyance  de  nos  pères  à  ces  malins  esprits  a  laissé  des  traces 
dans  les  noms  de  lieux  comme  dans  les  superstitions  du  pays.  Le 
village  de  Boudicois,  en  Piriac,  n'a  pas  d'autre  origine  :  boudic 
couët,  le  bois  de  la  Sorcière  ;  et  tous  les  touristes  qui  ont  visité 
nos  côtes  entre  Batz  et  le  Groisic  connaissent  la  Grotte  du  Cor- 
rigan.  Le  nom  patronymique  de  Le  Corre,  qui  existe  dans  la  pres- 
qu'île, provient  encore  de  la  même  étymologie. 

Les  démons  prirent  plus  tard,  dans  les  imaginations,  la  place 
des  nains  celtiques.  Témoin  le  village  de  Landieul,  en  Herbignac  : 
lan  diaul,  le  territoire  du  diable  (2)  ;  diaoul,  démon,  en  Léon,  et 
diaul  en  Vannes.  A  Saille,  il  y  a  le  champ  du  Biaulet,  un  lieu 
hanté  par  les  démons  (s),  et  en  Camoël,  les  landes  de  Mendiol, 
—  la  Pierre  du  diable.  Sans  compter  les  dénominations  françaises 

[})  Bulletin  de  la  Société  Polymathique  du  Morbihan,  année  1859. 
En  breton,  corr,  corric,  corrigan,  boudic,  et  boudigued,  désignent  égale- 
ment les  génies  femelles. 

(2)  On  ta  lande  du  diable,  du  breton  lann. 

(3)  Soit  que  ce|nom  de  Biaulet  doive  être  considéré  comme  le  pluriel 


-  140  - 

entrées  depuis  dans  nos  cadastres,  comme  le  Trou  du  diable,  le 
Vertus  du  diable ,  etc.,  etc. 


XIII 


Férel,  ancienne  trêve  d'Herbignac,  apporte  aussi  son  contingent 
de  mots  significatifs,  et  on  peut  reconnaître  le  terrain  propre  à 
telle  ou  telle  essence  d'arbres  par  le  nom  du  village  voisin.  C'est 
Keralais  —  ker  halec  —  la  Ville-aux-Saules  ;  Quelnais  —  qué- 
lennec  —  la  Houssaie,  le  lieu  où  le  houx  abonde;  le  Guernais, 
comme  en  Herbignac,  le  terrain  planté  d'aunes;  Drézet  — 
drëzec  —  le  quartier  aux  ronces.  Ajoutons-y  Kerrabin,  le  village 
de  l'Avenue,  et  Couëlcouron  —  couët  curun  —  le  bois  de  la 
foudre. 

Le  lin,  non  plus,  ne  pouvait  être  oublié  dans  un  pays  où  sa 
culture  était  en  faveur.  Voici  Quesloubin  —  ker  slouben  —  le 
village  des  étoupes. 

Quelques  noms  plus  importants  pour  l'histoire  locale  méritent 
d'être  relevés.  Deux  voies  romaines,  après  un  long  parcours  dans 
notre  département,  traversent  la  commune  de  Férel  pour  aboutir 
au  passage  de  la  rivière,  et  se  diriger  sur  Vannes.  L'une  décrite 
par  le  président  de  Robien,  puis  par  MM.  Bizeul,  de  Glosmadeuc 
et  Desmars,  semble  la  grande  voie  de  Vannes  à  Angers,  avec 
bifurcation  sur  Nantes  ;  l'autre  entrevue  seulement  par  M.  Bi- 
zeul ('),  et  qui  porte  encore,  dans  nos  cadastres,  le  nom  de 
Grande  route  de  Saint-Nazaire,  venait  des  environs  de  Méans, 
de  Brivates-Portus  probablement,  en  contournant  la  Grande- 
Brière,  traversait  les  communes  de  Saint- Lyphard  et  d'Herbignac, 
où  elle  est  encore  visible  en  maint  endroit,  et  formait  un  angle 


de  diaul,  qui  fait  diaulet,  en  Vannes,  soit  qu'il  vienne  par  corruption  du 
vannetais,  diaulecs  avec  le  sens  de  diabolique.  L'aspiration  finale  ayant  dis- 
paru, il  devient  souvent  difficile  de  préciser  le  sens  rigoureux. 

(')  Bizeul  -.  Mémoire  sur  les  voies  romaines  de  la  Bretagne  et  en  parti- 
culier de  celles  du  Morbihan.  Gaen,  1843,  p.  56. 


-  141  — 

presque  droit  avec  Ja  première,  à  leur  point  de  jonction,  vers 
Ylsle,  en  Férel. 

Le  passage  du  Gué-de-1'Isle  sur  la  Vilaine  avait  donc,  par  les 
voies  qui  venaient  y  aboutir,  une  importance  bien  autre  que  celui 
de  Tréhiguier,  en  Pénestin.  Serait-ce  à  ce  degré  d'infériorité  que 
ce  dernier  village  doit  son  nom  vannetais  de  Tréhiguier  —  tra- 
hie guer  —  le  hameau  du  petit  passage  (')? 

Il  fallait  des  castella  pour  surveiller  les  voies  convergeant  vers 
le  Gué  de-l'Isle,  et  peut-être  à  proximité  de  Durélie.  Le  vieux 
manoir  de  Couëlcaslel,  le  fort  du  bois,  était  un  de  ces  points 
fortifiés.  Car,  selon  l'opinion  des  archéologues,  les  noms  dans  la 
composition  desquels  entre  le  mot  castel  désignent  fréquem- 
ment un  campement  romain,  et  même,  suivant  M.  Bizeul,  tou- 
jours (a). 

Non  loin  de  là,  se  trouve  la  terre  de  Trégraïn,  ancienne  juri- 
diction seigneuriale,  où  existait  un  château  fort  dont  les  douves 
sont  encore  visibles  en  certains  endroits.  Ce  nom  de  Trégrain, 
comme  celui  du  Pengraln,  implique  une  idée  de  retranchements, 
de  travaux  défensifs  (3),  et  la  dénomination  d'un  village  voisin, 
Kcrboulard  —  ker  boulouard  —  semble  garder  le  souvenir  d'an- 
ciennes fortifications  (4). 

Plus  au  nord,  à  proximité  de  l'Isle,  en  Férel,  des  lieux- dits 

appelés  les  Champs  de  la  chaussée  (Son  M),  signalent  le  passage 

|  de  la  voie  romaine.  Tout  auprès,  s'élève  le  hameau  du  Gastre, 

dont  le  nom  (castrum)  emprunté  au  latin,  comme  celui  de  Castel, 


(»)  Dans  les  chartes  du  moyen  âge,  le  nom  de  ce  petit  port  figure  sous 
les  formes  les  plus  variées,  mais  impliquant  toutes  un  sens  de  passage. 

(2)  Bizeul,  ouvrage  précité,  p.  39. 

(3)  Formé  du  substantif  tré  et  de  l'adjectif  cren,  Trégrain  voudrait  dire 
château  fort,  lieu  fortifié. 

(*)  «  Boulouard,  boulevard,  rempart,  bastion.  Ce  mot  s'il  est  breton,  dit 
«  Le  Gonidec,  doit  venir  de  Poull,  fosse  ou  fossé,  et  de  gward,  garde, 
«  défense.  » 

A  Kcrboulard,  en  Saint-Nolff,  dans  le  Morbihan,  on  voit  les  traces  dun 
ancien  retranchement.  —  Rosenzweig.  Répertoire  arch.  du  Morbihan. 


-  142  — 

dénote  l'existence  d'un  ancien  camp  dans  cet  endroit  ('),  indi- 
cation accentuée  par  un  lieu-dit  voisin  :  le  Toulart  (3)  —  toul 
arz  —  la  fosse  de  la  défense.  Ici  encore  des  retranchements, 
des  tranchées,  comme  nous  l'avons  vu  à  l'occasion  du  Fozo. 

Et  puisque  je  parle  de  travaux  de  défense,  je  dois  mentionner 
aussi,  dans  la  commune  de  Pénestin,  des  terrains  appelés  le  Clais 
brass^  le  Grand  fossé  (s),  d'abord  parce  qu'ils  nous  rappellent 
probablement  les  anciennes  luttes  de  notre  pays,  comme  les  Gros 
Fossés  de  Saint-Lyphard,  puis  parée  que  le  mot  clé  est  essentielle- 
ment vanuetais,  les  autres  dialectes  employant  une  forme  diffé- 
rente (*). 

Gamoël  nous  offre  des  idées  plus  riantes  avec  le  village  et  les 
landes  de  Corollais  —  corollec,  le  lieu  où  l'on  danse  :  soit  que 
jeunes  gens  et  jeunes  filles  du  pays  allassent  y  développer  leurs 
rondes  champêtres,  soit  que  corrigans  et  sorcières  y  vinssent 
danser  la  nuit,  au  clair  de  lune,  autour  des  dolmens.  Ce  mot 
de  coroll,  danse,  qui,  selon  le  P.  de  Rostrenen,  n'est  plus 
usité  qu'en  vannetais  et  dans  une  partie  de  la  Cornouaille,  est 
ancien  dans  la  langue  bretonne,  et  son  radical  corr  fait  supposer 
qu'il  exprima  d'abord  les  rondes  nocturnes  menées  par  les  cor- 
rigans (s). 

Le  nom  du  village  de  Kermadet  vient  appuyer  ce  que  j'avan- 
çais au  commencement  de  cette  étude  et  dont  nous  avons 
depuis  vu  de  nombreux  exemples  :  la  consonnance  finale  du  mot 
breton  a  presque  toujours  disparu  dans  les  noms  de  la  presqu'île. 
Si  les  nombreux  homonymes  qu'a  Kermadet  dans  le  Morbihan  se 
prononcent  tous  Kermadec  ou  Kervadec,  c'est  que  dans  les  com- 

(»)  Le  village  de  langâtre,  en  Herbignac,  —  le  territoire  du  Camp  — 
procède  de  la  môme  étymologie. 

(2)  Cadastre  de  Férel.  —  Son  M,  n°  1110. 

(5)  Cadastre  de  Pénestin.  S™  A,  n°s  813-859. 

(4)  Pour  fossé,  en  Léon,  on  dit  cleuz,  en  Tréguier  cleu,  en  Cornouaille 
cleun,  en  Vannes  clé.  —  Cf.  Lagadeuc,  Gillart,  de  Rostrenen,  Le  Gonidec  et 
Troude. 

(»)  Il  y  a  aussi  en  Férel  des  terres  Dommées  le  Corollo  (S»n  D).  C'est  le 
pluriel  de  coroll. 


-  143  — 

mimes  où  ils  se  trouvent  les  habitants,  parlant  la  langue  bre- 
tonne, savent  que  madec  veut  dire  riche  et  fertile,  et  n'ont  garde 
de  dénaturer  l'expression.  Mais  nos  laboureurs  qui  conservent  le 
nom  sans  le  comprendre,  par  tradition,  parce  que  c'est  le  nom  de 
leurs  villages  et  de  leurs  champs,  devaient  fatalement  en  arriver 
à  supprimer  des  aspirations  si  peu  en  rapport  avec  la  phonétique 
de  notre  langue. 

Au  fond  des  terres,  et  près  de  l'Océan  est  couché  Pénestin  — 
penn  e  sten  —  la  Pointe  de  l'étain  :  stéan,  étain,  en  Léon,  sten 
en  Vannes.  Les  mines  de  ce  métal  y  sont  inexploitées  depuis 
longtemps,  mais  il  est  permis  de  croire  qu'à  l'époque  de  la  puis- 
sance des  Venètes,  elles  étaient,  avec  celles  de  Piriac,  une  des 
sources  les  plus  lucratives  de  leur  commerce. 

En  1813,  le  monde  scientifique  fut  mis  en  émoi  par  la  décou- 
verte du  minerai  d'étain  sur  la  côte  de  Piriac.  Jusque-là,  aucune 
mine  de  ce  métal  n'était  connue  en  France  (*),  quoique,  d'après 
Strabon,  l'étain  se  trouvât  au  delà  des  Lusitaniens,  ce  qui  sem- 
blait s'appliquer  parfaitement  à  la  Gauie  (2j.  On  constata,  à  Piriac, 
l'existence  de  deux  filons  parallèles  courant  est-ouest,  et  abou- 
tissant à  un  troisième  filon  courant  au  nord  (3).  On  trouva  du 
minerai  à  la  superficie  du  sol,  comme  dans  les  rochers  et  les 
cailloux,  depuis  Poulbran,  près  de  la  Turballe,  jusqu'à  Mesquer. 
Des  indices  en  furent  également  suivis  jusqu'à  Pompas,  dans  la 
commune  d'Herbignac.  «  A  Mesquer,  dit  M.  de  Franchevillo,  on 
«  trouve  dans  les  rochers  de  la  côte  un  étain  oxidé  pareil  à  celui 
«  de  Piriac  (4).  » 

Nul  doute  qu'en  poussant  plus  loin  les  investigations,  on  ne 
fût  arrivé  à  reconnaître  que  les  filons  stannifères  embrassaient 
toutes  les  côtes  de  la  presqu'île,  de  la  Turballe  à  Pénestin,  car 
avec  Mesquer  et  Pompas  nous  voici  bien  rapprochés  de  la  Vilaine. 


(')  Roget  de  Belloguet.  Le  Génie  gaulois,  p.  487. 

(2)  Strabon.  Paris,  1620.  m,  p.  147. 

(3)  Richer.  Voyage  au  Croisic,  p.  33.  —  Morlenl.  Précis  historique  sur 
Guérande,  le  Croisic  et  leurs  environs,  p.  154. 

(*)  Ogée.  Nouvelle  édition,  art.  Mesquer. 


_  144  - 

Pénestin,  par  son  étymologie,  n'est  pas  seul,  d'ailleurs,  à  nous 
révéler  l'existence  de  l'étain  dans  ces  parages.  Le  même  radical 
sten,  insolite  ailleurs,  apparaît  dans  la  composition  de  plusieurs 
noms  de  lieux.  Je  citerai  notamment,  en  Camoël,  le  Leslin,  qui 
voudrait  dire  ou  le  lieu  de  l'étain,  — leac'h,  lech,  lieu,  ailleurs, 
leh,  en  Vannes,  —  ou  la  Pierre  d'étain,  avec  le  breton  lech, 
pierre,  qui  a  servi  à  former  le  mot  cromlech,  et  changé  en  Ich 
par  la  prononciation  vannetaise.  Je  nommerai  encore,  dans  la 
commune  de  Férel,  le  village  de  Kerostcn,  dont  le  sens,  en 
vannetais,  ne  paraît  guère  douteux  :  ker  roh  sien,  le  village  du 
rocher  d'étain. 

Ce  n'est  point  là  d'ailleurs  une  consonnance  fortuite.  L'étain 
existe  dans  la  commune  de  Pénestin,  comme  sur  les  autres  points 
précités  de  la  presqu'île.  M.  le  comte  de  Limur  a  consacré  à  ce 
gisement  un  intéressant  article  dont  je  détache  les  lignes  sui- 
vantes : 

«  A  partir  de  la  pointe  de  Pénestin,  après  avoir  passé,  sur  la 
«  côte,  non  loin  des  gros  rochers  appelés  les  Demoiselles,  on 
«  marche  sur  une  bande  de  sable  noir  contenant  une  quantité 
«  importante  d'oxyde  d'étain  granuliforrne.  Cette  bande  est  une 
«  alluvion  maritime  que  le  flux  et  le  reflux  de  la  mer  apportent 
«  et  laissent  à  la  côte.  Enlevez  ce  sable,  il  s'en  déposera  d'autre 
«  tout  semblable  à  la  prochaine  grande  marée;  c'est  ce  dont 
«  nous  nous  sommes  assurés,  un  conducteur  des  ponts  et 
«  chaussées  et  nous. 

«  Ce  phénomène  nous  induit  à  penser  que  très  probablement 
«  ii  est  le  résultat  de  la  destruction  des  roches  sous-marines  du 
«  voisinage  de  la  côte;  charriés  et  rejetés  par  les  courants  qui 
«  portent  justement  sur  ce  point,  les  sables  viennent  déposer  et 
«  former  une  alluvion  maritime  (').  » 

Les  lieux- dits  de  ce  quartier  autorisent  à  croire  que,  comme  à 
Piriac,  le  iilon  stannifère  se  prolongeait  dans  les  terres,  et  que 
l'Alain  existait  dans  les  roches  émergeant  du  sol,  comme  dans  les 

(')  /luUctinde  la  Société  polymalhique  du  Morbihan,  année  1878,  p.  125- 


-  145  — 

roches  sous-marines  de  la  côte.  Seulement  les  premières  ont  pu 
aisément  être  exploitées,  à  rencontre  des  autres  qui  sont  proté- 
gées par  le  flot. 

Si  je  parcours  les  hautes  falaises  du  rivage,  je  vois  à  l'embou- 
chure de  la  Vilaine  la  Pointe  du  Haliguen,  la  pointe  du  Saule,  — 
breton  haléguen  (*)  ;  au  sud  les  deux  pointes  de  Loscolo  et  de 
Golumer  dont  les  noms  feraient  supposer  que  des  feux  y  étaient 
allumés,  soit  pour  éclairer  les  basses  de  l'Océan,  soit  pour  facili- 
ter la  surveillance  des  garde-côtes.  Car  golou  et  golo,  qui  se  pro- 
noncent actuellement  goleu  en  Vannes,  signifient  lumière  (a)  ; 
Golumer  —  golou  mer  —  serait  donc  le  grand  feu,  la  graude 
lumière.  Quant  à  Loscolo,  composé  du  même  substantif  golo  et  du 
breton  losq,  «  état  d'une  chose  qui  brûle,  »  il  présente  le  sens 
d'un  phare  à  feu  fixe. 

Près  de  ces  pointes  où  des  corps  de  garde  étaient  établis, 
s'étend  la  côte  de  Lanchale  que  baigne  la  mer  à  la  marée  haute. 
Lan,,  avons-nous  vu,  est  employé  dans  la  composition  pour  ter- 
ritoire, et  chale  veut  dire  le  flux  de  la  mer,  le  flot,  la  marée 
montante.  Selon  Le  Gonidec,  ce  dernier  mot  appartient  exclusive- 
ment au  dialecte  de  Vannes. 

Est-il  surprenant  d'ailleurs  qu'on  se  heurte  si  fréquemment  à 
des  termes  vannetais  quand  il  est  constant  que  comme  le  reste 
de  la  presqu'île,  comme  Guérande  où,  selon  l'opinion  de  D. 
Lobineau,  Guérech  avait  sa  résidence  ordinaire,  le  quartier  de 
Péneslin  faisait  partie  du  territoire  de  ce  Broérec  ou  Broivérec,  — 
le  pays  de  Guerech,  —  auquel  le  farouche  breton  avait  donné  son 
nom.  Ce  ne  sont  point  de  simples  probabilités,  c'est  un  texte 
précis  qui  nous  l'apprend.  Un  recensement  de  la  fin  du  XIe  siècle, 
où  ne  figurent  que  les  paroisses  vannetaises  les  plus  rapprochées 


(')  11  est  a  remarquer  que  la  forme  haliguen  apparaît  bien  plus  fré- 
quemment que  haléguen  dans  la  composition  des  noms  de  lieu  vannetais. 
On  compte  dans  le  Morbihan  une  quinzaine  de  hameaux  ou  lieux-dits 
appelés  Haliguen,  Kerhaliguen,  Keraliguen,  Kernaliguen,  Rohaliguen, 
Féten- Haliguen,  contre  trois  seulement  nommés  Haléguen  et  A'ernaléguen. 

(2)  Cillart,  au  mot  luminaire. 

1879  10 


—  146  — 

de  nous,  Noyal-Muzillac,  Gaden,  Marzan,  Béganne,  Allaire, 
Malensac,  classe  l'église  de  Tréhiguier,  en  Pénestin,  parmi  les 
possessions  que  comptait  le  monastère  de  Redon  dans  le 
Browérec  (').  Et  cela,  un  siècle  et  demi  après  que  notre  pres- 
qu'île eût  été  rattachée  officiellement  au  diocèse  de  Nantes  ! 

Gomme  au  temps  des  Venètes,  c'était  donc  toujours  le  même 
peuple  que  celui  de  Vannes,  et  lorsqu'on  y  parlait  encore  la  langue 
bretonne,  ce  ne  pouvait  être  qu'un  dialecte  commun  au  reste  de 
la  contrée,  c'est-à-dire  le  dialecte  vannetais. 

Il  y  a  un  rapprochement  curieux  à  faire.  Qu'on  prenne  le 
Dictionnaire  des  lieux  habités  de  la  Loire-Inférieure ,  et  le  Dic- 
tionnaire lopographique  du  Morbihan,  et  que  l'on  compare  les 
noms  des  hameaux  de  la  presqu'île  guérandaise  avec  ceux  du 
département  voisin  :  on  sera  frappé  de  la  quantité  d'homonymes 
qui  existent  dans  ces  deux  pays.  Et  si  l'on  considère  qu'ailleurs 
on  ne  trouve  point,  de  commune  a  commune,  des  noms  semblables 
aussi  nombreux,  il  faudra  bien  reconnaître  qu'il  y  a  dans  ces 
ressemblances  multipliées  la  preuve  non  seulement  d'une  simili- 
tude de  langage,  mais  encore  de  relations  permanentes  et  d'une 
affinité  de  race. 

L'examen  des  noms  de  famille  de  la  presqu'île  guérandaise  ne 
fera  que  nous  confirmer  dans  cette  conviction.  C'est  par  là  que 
je  veux  finir  et  je  n'en  dirai  que  quelques  mots,  pour  ne  pas 
abuser  de  votre  bienveillante  attention. 


XIV 


J'ai  cité  dans  le  cours  de  cette  élude  plusieurs  noms  patrony- 
miques du  paysguérandais:  Eon,  Mahé,  Lefioch,  Bocéno,  LeCorre, 
Bodiguel.  Beaucoup  d'autres  mériteraient  également  d'être  men- 
tionnés. 

Les   invasions   successives  survenues    dans  la   presqu'île  y 


(»)  Cart.  de  Redon,  p.  284 


—  147   - 

laissèrent  des  étrangers  qui  finirent  par  s'y  acclimater  et  se  per- 
dirent dans  la  masse.  Telle  est  l'origine  du  nom  iïAdvenard, 
fort  répandu  en  Saint-Lyphard  et  en  Guérande,  mot  qui  paraît 
venir  du  latin  advena,  étranger,  et  remonterait  à  l'époque  gallo- 
romaine.  Telle  est  aussi  celle  du  nom  tfAnézo,  en  Herbignac.  Le 
breton  anézo  correspond  au  pronom  démonstratif  pluriel  ceux-ci., 
eux;  ceux  qu'on  désignait  ainsi  étaient  donc  des  étrangers, 
des  inconnus  pour  le  reste  de  la  population. 

Dénigo,  nom  assez  commun  en  Herbignac,  en  Saint-Lyphard 
et  en  Guérande,  est  le  pluriel  de  dénie,  petit  homme,  diminutif  de 
dm.  Il  a  dû  être  donné,  dans  le  principe,  à  des  gens  de  taille 
exceptionnellement  petite.  Faudrait-il  y  voir  les  descendants  de 
cette  race  ligure  qui  visita  autrefois  nos  contrées  et  y  construisit 
peut-être  nos  dolmens  (*)  ? 

Du  reste,  beaucoup  d'autres  noms  ont  été  attribués,  dans  l'ori- 
gine, à  l'occasion  de  la  taille  ou  de  la  conformation  physique. 
C'est  ainsi  que  Le  Bihain,  en  Saint-Lyphard  et  en  Guérande,  veut 
dire  Le  Petit  ;  que  le  nom  de  Créno,  en  Camoël,  pluriel  de  l'ad- 
jectif crenn,  a  été  donné  à  des  hommes  courtauds  et  replets. 
Le  lierre,  nom  fort  commun  dans  la  presqu'île,  répond  à  notre 
nom  français  Le  Court  (2)  ;  Rouzic,  en  Herbignac,  c'est  le  petit 
roux  —  Rousseau  ;  —  et  Borgny,  en  Assérac,  le  petit  borgne. 

Par  contre,  le  nom  de  Gouret,  répandu  dans  nos  cantons, 
équivaut  à  Le  Long;  littéralement  homme  de  longueur.  «Je  pense 
«  comme  le  P.  de  Rostrenen,  dit  Le  Gonidec,  que  ce  mot  vient 
«  de  gour,  homme,  et  de  lied,  longueur.  »  Avec  une  construc- 
tion semblable,  le  nom  de  Torlay,  en  Assérac,  voudrait  dire 
l'homme  au  gros  ventre,  du  vannetais  tôr,  panse,  gros  ventre, 
qui  se  dit  teûr  dans  les  autres  dialectes  (3),  et  de  led,  largeur  : 
mot  à  mot,  ventre  de  largeur.  De  même,  Denaire,  en  Herbignac, 


(*)  Roget  de  Belloguet.  Elhnogénie  gauloise. 

(2)  Dans  beaucoup  de  noms  propres,  l'article  français  précède  le  mot 
breton,  remarque  commune  à  tous  les  quartiers  de  la  Bretagne  oii  la  langue 
française  a  prévalu. 

(3)  Le  Gonidec,  au  mot  teûr. 


—  148  — 

signifierait  l'homme  agile,  —  den  err  —  à  la  lettre  l'homme  de 
rapidité. 

Le  nom  de  Haspot,  en  Saint-Lyphard,  a  été  donné  tout  d'abord 
à  quelque  chef  de  famille  gratifié  de  grands  pieds  et  de  grandes 
mains.  Ce  mot  est  formé  de  la  particule  as  qui,  dans  les  compo- 
ses, sert  à  marquer  le  redoublement,  et  du  vannetais  pô,  en  Léon 
pao,  qui  dans  le  style  familier  se  dit  d'un  grand  pied  et  d'une 
grande  main,  —  vulgairement  grandes  pattes  ('). 

Des  gens  trapus  reçurent  le  nom  de  Bily. 

Un  laboureur  boiteux  —  camm  arer  —  a  donné  son  nom  aux 

familles  Camaret,  nombreuses  en  Assérac  (2). 
La  vigueur  de  quelques-uns  les  a  fait  nommer,  dans  celle 

commune,  Quellais,  en  breton  quellec,  c'est  notre  nom  français 

Le  Masle  ;  ou  par  une  exagération  de  la  même  idée  Lasquellec, 

comme  en  Gamoël. 

La  longue  chevelure  des  autres  leur  a  valu  le  nom  de  Blouet, 
chevelu,  que  les  habitants  prononcent  Bléouet.  C'est  le  vannetais 
bléouec  qui  se  dit  blévec  en  Léon  (3).  Voilà  des  bretons  qui  sont 
bien  les  descendants  des  Celtes  de  la  Gaule  chevelue. 

Souvent  aussi  leurs  défauts  ou  leurs  qualités  morales  ont  servi, 
dans  le  principe,  à  désigner  les  individus.  Un  caractère  pointu, 
peu  endurant,  s'était  attiré  le  nom  de  Drëno  —  drénoc  —  ce  que 
nous  dirions  en  français  Lépine.  Celui-là  pouvait  avoir  bon  cœur 
mais  assurément  mauvaise  tête,  qui  le  premier,  en  Assérac,  fut 
appelé  Grenapin  —  gren  a  penn  —  mot  à  mot  vif  de  la  tête. 
Mais  ils  étaient  encore  plus  prompts  à  s'emporter  ceux  que  dans 
la  même  commune  on  désigna  sous  le  nom  de  Chasscrio.  Nos 
aïeux  étaient  parfois  goguenards  et  il  leur  restait  un  bon  fonds 
de  sel  gaulois.  Certaines  gens  se  cherchaient  noise  sans  doute  à 
tout  propos,  et  on  les  avait  surnommés  les  chiens  en  querelle, 
chass  è  riot. 


(*)  Le  Gonidec,  au  mol  pao. 

(2)  Toutefois,  la  consonnance  finale  ayant  disparu  dans  la  presqu'île, 
Camaret  pourrait  venir  également  de  camm  marec,  le  chevalier  boiteux. 

(3)  Le  Gonidec,  au  mot  blévec. 


—  149  - 

Mieux  eût  valu  pour  ces  disputeurs  s'inspirer  des  exemples  de 
ceux  qu'en  Herbignac  on  nommait  Le  Fur,  c'est-à-dire  Le  Sage. 

C'est  une  qualité  aussi,  la  fidélité,  la  constance  qui  mérita  à 
quelques  habitants  de  Pénestin  le  nom  de  Postée,  en  français 
Constant.  Conduite  aussi  louable  que  l'était  peu  celle  de  ces 
galants  du  nom  de  Poquet,  en  Herbignac,  —  breton  poquer  — 
qui  comme  le  papillon  voltigeaient  de  fleur  en  fleur. 

Le  nom  de  Guilloitry,  en  Camoël,  semble  avoir  eu  pour  origine 
chez  les  premiers  qui  l'ont  porté,  un  penchant  à  la  gourmandise. 
Si  j'en  crois  D.  Le  Pelletier,  guilliouri,  mot  disparu  de  la  langue 
bretonne,  voulait  dire  être  friand,  rechercher  les  bons  morceaux. 

Un  défaut  d'intelligence,  un  esprit  lourd  et  émoussé  a  fait 
donner  à  d'autres,  en  Herbignac,  les  noms  de  Souchet  et  de  Sou- 
quet, car  soucliet,  en  breton,  a  le  sens  d'obtus  (*). 

Toutes  les  professions,  tous  les  métiers  sont  représentés  par 
des  noms  de  famille  : 

Les  marchands  par  des  Marhadour,  en  Pénestin,  mot  qui  est 
la  forme  vannetaise. 

Les  fripiers,  les  revendeurs  par  des  Taconnct,  en  Herbignac, 
—  breton  taconner  (2). 

Les  cordonniers  par  des  Le  Querré,  sur  la  côte  de  Portnichet, 
en  Saint-Nazaire. 

Les  tailleurs  par  des  Le  Quimener,  en  Mesquer;  en  breton 
quéméner,  couturier. 

Les  forgerons  par  des  Le  Goff,  en  la  Chapelle-des-Marais;  et 
quoique  ce  nom  s'écrive  par  deux  f,  il  se  prononce  Le  Gô,  dans 
les  villages,  à  la  façon  vannetaise. 

Les  métayers,  par  des  Mêler  en  Pénestin.  Hors  de  Vannes,  le 
t  se  remplace  par  un  r,  et  on  dit  mérer  ou  mëreur. 


(i)  Il  y  a  dans  le  Morbihan,  commune  de  Cléguérec,  un  écart  nommé 
Ty-Souquet,  la  maison  de  Souquet. 

(2)  Dans  tous  nos  noms  terminés  en  et,  comme  Poquet,  Gamaret,  Marquet, 
Blouet,  T;iconnet,  Souquet,  etc.,  le  t  ne  se  fait  pas  sentir  et  la  dernière 
syllabe  se  prononce  comme  si  elle  finissait  par  un  e  ouvert. 


-  150  — 

Les  ménagers,  les  chefs  de  ménage  par  des  Le  Thiec,  en  Herbi- 
gnac,  —  breton  tiec. 

Les  journaliers  par  des  Gonidec,  en  Guérande. 

Les  tisserands  par  des  Tesséro,  en  Pénestin,  forme  plurielle 
archaïque  du  vannetais  tesser  (*). 

Les  bouviers  par  des  Bercegeay,  en  Herbignac  et  en  Assérac, 
substantif  formé  du  breton  berz  qui,  selon  Le  Gonidec,  a  le  sens 
de  commandement,  et  de  éjenn,  bœufs. 

A  l'origine,  tous  les  noms  propres  furent  des  sobriquets.  Plu- 
sieurs chefs  de  maison  empruntèrent  leurs  surnoms  soit  à  des 
animaux  avec  lesquels  les  malins  du  temps  avaient  cru  remarquer 
une  ressemblance  physique  ou  morale,  soit,  même  à  des  objets 
inanimés. 

C'est  ainsi  qu'en  Férel  nous  avons  des  Logodin,  mot  qui  en 
français  veut  dire  souris  ;  en  Saint-Lyphard,  des  Le  Marre,  c'est- 
à-dire  Cheval,  —  mark  pour  cheval  en  Vannes,  mardi  ailleurs  ; 
en  Herbignac  et  en  Assérac,  des  Hébel,  c'est-à-dire  Poulain.  Hors 
du  Morbihan,  au  lieu  de  hébel,  on  prononce  hébeul  ou  heu- 
beul{3). 

Et  ce  qui  accentue  mieux  U  sens  de  ces  mots  vannnetais,  c'est 
qu'on  Saint-Lyphard,  à  côté  des  Le  Marre,  il  y  a  des  gens 
nommés  Cheval,  et  auprès  des  Hébel,  'en  Herbignac,  d'autres 
habitants  nommés  Poulain.  Ici  le  nom  breton,  là  la  traduction 
française. 

Parmi  les  noms  de  famille  de  la  presqu'île  je  pourrais  citer 
encore  :  Rastel,  Râteau  ;  Lescop,  Lévesque  (')  ;  Ver  son,  Curé  ; 
Nédelé  —  nédellec  —  Noël  ;  Guével,  Jumeau  ;  Cabeldu,  Chaperon 
noir;  Prié  —  pried  —  qui  répond  à  notre  nom  français  Mary, 


(!)  Cillart.  —  D'après  le  P.  de  Rostrenen,  ce  mot  n'appartient  qu'au  dia- 
lecte de  Vannes. 

C-2)  Cillart.  —  Le  Gonidec,  au  mot  ébeul. 

(3)  Quoique  d'origine  latine,  le  mot  escob  est  fort  ancien  dans  la  langue 
bretonne,  puisqu'on  lit  dans  une  charte  du  xie  siècle  à  l'occasion  d'Escou- 
blac:  Ecclesia  Jipiscojn  lacus,  quant  lingua"  Britannica  Escoblac  nominant. 


—  151  — 

et  Chatal  qui  veut  dire  bétail.  Par  exception,   ce  mot  diffère 
du  substantif  vannetais  qui  se  prononce  chétal. 

Le  nom  de  Quistreberl,  en  Assérac,  désigne  une  famille  dont 
le  chef  était  sans  doute  venu  de  Questembert;  car  ce  bourg 
s'appelle  Quistreberh  en  breton  de  Vannes  (d). 

Certains  noms  patronymiques  affectent  la  forme  plurielle,  et 
durent  être  attribués  à  toute  une  classe  d'individus  :  nous  en 
avons  vu  déjà  plusieurs  exemples,  entre  autres  les  Gréno,  les 
Dénigo,  les  Tesséro.  Il  y  a  lieu  de  faire  à  ce  sujet  une  curieuse 
remarque  :  presque  tous  les  noms  propres,  même  ceux  dont  le 
pluriel  est  actuellement  irrégulier  ou  d'une  terminaison  différente, 
le  forment  régulièrement  par  l'addition  d'un  o,  soit  qu'à  l'époque 
où  les  noms  ont  été  donnés  ce  fût  un  principe  généralement 
admis  et  modifié  plus  tard,  soit  plutôt  que  nos  laboureurs  se 
préoccupassent  peu  de  toutes  ces  subtilités  grammaticales. 

En  Herbignac,  des  gens  violents  et  emportés  furent  appelés 
Bouillo,  du  vannetais  bouill,  irascible. 

Dans  la  même  commune,  plusieurs  reçurent  le  nom  de 
Maguéro,  pour  avoir  recueilli  quelque  orphelin,  ou  parce  qu'ils 
répandaient  l'instruction  autour  d'eux.  Car  maguer,  en  breton,  a 
les  deux  sens  :  au  propre,  il  signifie  nourricier,  mari  de  la  nour- 
rice, et  au  figuré  précepteur. 

En  Piriac,  il  y  a  des  familles  nommées  Mabo,  mot  qui  n'est 
qu'une  forme  plurielle  régulière  du  breton  mab,  qui  veut  dire 
fils. 

De  même,  en  Gamoël,  le  nom  de  Bellégo,  les  prêtres,  n'est 
autre  que  le  pluriel  régulier  du  breton  bellec. 

Des  malheureux,  des  misérables,  furent  appelés  Quesso,  nom 
assez  commun  en  Saint-Lyphard  et  en  Guérande.  Souvent  le 
singulier  fait  queaz  ailleurs,  mais  toujours  quess  en  Vannes.  De 
là  dérive  aussi  la  dénomination  d'un  village  de  Saint- And ré-des- 
Eaux,  Kerquesso,  la  demeure  des  misérables. 

Il  faut  citer  d'une  manière  toute  spéciale  les  noms  de  Le  Guen, 


(i)  Gillart,,au  mot  Quintembert. 


—  d52  — 

et  de  Guennec  en  Assérac,  et  celui  de  Guénégo  en  Guérande, 
mot  qui  n'est  que  le  pluriel  de  guennec,  soit  qu'on  doive  y  voir 
un  souvenir  de  nos  anciens  Venètes,  soit  qu'on  ne  veuille  consi- 
dérer ces  termes  que  comme  des  qualificatifs  se  rapportant  au 
teint  blanc  de  ceux  qui  les  reçurent.  Mais  voilà  du  moins  un 
mot,  guen,  blanc,  qui  est  bien  d'origine  gauloise. 

Pour  quelques  noms  de  nos  chartes  bretonnes,  la  particule  wr 
ou  gour,  homme,  qui  entre  dans  leur  composition,  a  été  changée, 
lors  de  l'introduction  de  la  langue  française,  en  l'article  déter- 
minatif  le,  article  que  nous  avons  vu,  dans  beaucoup  de  cas, 
précéder  le  mot  breton.  Wrbien,  l'homme  petit,  Wrgual , 
l'homme  étranger,  Wrguen,  l'homme  blanc  ou  venète,  sont 
devenus  Le  Bihain,  Le  Gai,  Le  Guen.  Dans  d'autres  noms  gué- 
randais,  le  préfixe  wr  a  disparu,  comme  dans  Wrbïli  et  Wrhucar 
qui  se  sont  changés  en  Bily  et  en  Hougard.  Toutefois  on  retrouve 
également  la  forme  primitive  Wrbili  dans  le  nom  propre  GourbiL 

La  suppression  facultative  du  préfixe  se  remarque  de  même 
dans  le  gaulois,  où  le  mot  ver,  identique  de  wr,  disparaît  dans 
quelques  noms  propres.  C'est  ainsi  que  nous  voyons  à  la  fois  Ver- 
cingetorix  et   Cingetorix,    Vercassivelaunus  et    Cassivelaunus. 

Un  mot  encore  propre  au  dialecte  de  Vannes  est  le  nom  de 
Braire,  porté  par  des  familles  de  Saint-Molf,  et  équivalent  à  celui 

de  Lefrère  qui  existe  en  Saint-Lyphard.  Au  cadastre  d'Herbignac 
figure  aussi  une  parcelle  appelée  la  Lande-du-Braire,  la  lande 
du  frère  (Son  A).  Cette  expression  brer,  usitée  en  vannetais,  avait 
donc  cours  dans  notre  pays,  à  l'exclusion  du  mot  breur,  employé 
dans  tous  les  autres  dialectes. 


XV 


Je  me  proposais  d'abord,  Messieurs,  de  compléter  cette  étude 
par  un  examen  approfondi  des  lieux-dits  de  nos  cadastres  où  les 
preuves  n'eussent  pas  manqué  non  plus  à  l'appui  de  ma  thèse. 
Mais  les  développements  auxquels  je  me  suis  laissé  entraîner  ont 
duré  déjà  trop  longtemps,  et  il  faut  savoir  se  borneri 


—  153  — 

Une  courte  observation  seulement  avant  de  finir. 

J'ai  cherché  autant  que  possible,  en  toutes  circonstances,  à  ne 
présenter  que  des  mots  dont  le  sens  me  parût  clair,  faisant  de  la 
traduction  beaucoup  plus  que  de  l'étymologie.  Encore  ai-je  tou- 
jours eu  soin  d'appuyer  mon  opinion  de  renvois  indiquant  mes 
sources.  J'ai  pu  néanmoins  me  tromper  parfois,  d'autant  plus 
que,  comme  je  n'ai  cessé  de  le  répéter,  la  suppression  de  l'aspi- 
ration finale  rend,  dans  certains  cas,  la  signification  douteuse. 
Mais  quelques  interprétations  contestables  ne  peuvent  infirmer 
l'ensemble  des  preuves  que  j'ai  produites. 

La  plupart  des  noms  de  lieux  guérandais  ont  pour  ceux  qui 
connaissent  la  langue  bretonne  un  sens  aussi  précis  qu'ailleurs  les 
dénominations  françaises.  Est-ce  que,  par  exemple,  Kergadoué, 
Kerrabin,  Mérionnec,  Rohello,  Penhouët,  Gohvélin,  ou  Mendiol 
sont  moins  faciles  a  comprendre  que  la  Chaise,  V Avenue,  la 
Fromière,  les  Rochers,  Bout-de-Bois,  le  Vieux- Moulin  ou  la 
Pierre-du-Diable  ?  Est-ce  que  d'autre  part  des  noms  patrony- 
miques comme  Le  Guen,  Braire,  Postée  Dénigo,  Eébel  ou 
Logodin  n'évoquent  pas  une  idée  aussi  nette  que  les  noms  fran- 
çais Leblanc,  Lefrère,  Constant,  Petiteau,  Poulain  ou  Lerat  ? 
Est-ce  que  ces  termes  étrangers  répandus  en  si  notable  propor- 
tion dans  notre  langage  vulgaire  ne  sont  pas  des  mots  bretons 
conservant  encore  leur  sens  primitif? 

Mais  en  même  temps  une  autre  remarque  s'impose.  Quand 
telle  ou  telle  expression  bretonne  revêt,  selon  les  dialectes,  une 
forme  différente,  ce  qui  se  voit  souvent,  nos  noms  de  lieux,  nos 
noms  de  famille,  la  langue  de  nos  laboureurs  s'accordent  pour 
démontrer,  dans  le  choix  de  la  variante,  la  prédominance  de 
l'élément  vannetais. 

C'est  cette  particularité  frappante  que  je  me  suis  efforcé  de 
mettre  en  relief,  et  de  tous  les  exemples  cités  dans  le  cours  de 
cette  étude,  je  crois  être  foudé  à  conclure  et  je  conclus  que  le 
dialecte  breton  de  Vannes  est  celui  qui  avait  cours  autrefois  dans 
la  presqu'île  guérandaise. 


UN  REGISTRE  DU  PRÉSIDIAL 


Voici  un  vieil  invalide,  mutilé,  défiguré,  en  quelque  sorte  mé- 
connaissable, réduit  à  peine  au  tiers  de  ses  folios.  Sur  la  couver- 
ture qui  le  protégeait  jadis,  et  n'a  pu  le  défendre  contre  les 
ravages  d'une  main  indifférente  et  malheureuse,  se  lit  encore  : 

1 609 

LIVRE  DES  DÉLIBÉRATIONS 
DE   MESSIEURS   DU  SIÈGE  PRÉSIDIAL   DE  NANTES  ('). 

Les  Archives  de  l'ancien  Présidial,  c'est-à-dire  du  Tribunal  civil 
antérieurement  a  1793  existent  au  Greffe,  où  elles  forment,  malgré 
de  grandes  lacunes,  une  collection  importante.  Un  volume  de 
plus  ou  de  moins  n'est  donc  pas  une  chose  bien  digne  d'atten- 
tion. Cependant  celui-ci,  consacré  spécialement  aux  Délibéra- 
tions de  la  Compagnie,  était  en  quelque  sorte  le  Cérémonial,  sur 
lequel,  à  côté  de  faits  plus  ou  moins  étrangers,  on  inscrivait 
successivement  le  récit  des  diverses  cérémonies  auxquelles  assis- 
taient les  membres  du  Tribunal.  Il  est  ainsi  facile  de  se  rendre  I 
compte  de  l'intérêt  que  ce  pauvre  Registre,  bien  conservé,  eût 
présenté  pour  les  annales  de  Nantes,  et  surtout  pour  celles  di 


1  La  Société  archéologique,  comprenant  l'intérêt  que  présente  ce  registre, 
a  remercié  M.  de  Bremond  d'Ars,  et  a  décidé  de  publier,  dans  le  Bulletin, 
un  certain  nombre  des  articles  qu'il  renferme. 


-  155  - 

corps  judiciaire  nantais,  antérieur  à  1793,  dont  l'histoire  est  en- 
core à  faire. 

Tel  qu'il  est,  cependant,  il  offre  des  renseignements  sur  un 
certain  nombre  d'événements  accomplis  dans  la  seconde  moitié 
du  XVIIIe  siècle  et  plus  ou  moins  connus.  Il  donne,  au  sujet  des 
futiles  questions  de  préséances,  alors  si  souvent  soulevées  et  dé- 
battues, de  minutieuses  remarques,  à  l'égard,  par  exemple,  des 
chaises  drapées  ou  non,  des  fauteuils,  des  bancs,  des  places  dans 
les  cérémonies  publiques.  Malheureusement  il  s'arrête  en  1789,  a 
la  convocation  des  États-Généraux. 

Il  commence  au  folio  160,  et  continue  jusqu'au  folio  216  dont 
les  numéros  sont  portés  sur  le  recto,  tandis  qu'à  partir  du  folio 
217  jusqu'au  278e,  les  chiffres  sont  portés  au  verso.  Avec  12  fo- 
lios non  numérotés,  cela  forme  un  total  de  139  folios. 

Il  nous  a  été  communiqué  par  notre  confrère,  M.  de  Bremond 
d'Ars,  qui  le  tient  d'une  parente  de  Mme  de  Bremond  d'Ars, 
Mme  Dreux,  décédée  à  Nantes  en  1874,  veuve  de  M.  Charles 
Dreux,  mort  en  1834,  âgé  de  soixante-dix  ans,  à  la  Chapelle- 
Heulin,  et  fils  de  René-Charles  Dreux,  reçu  conseiller  au  Prési- 
dial  le  10  janvier  1776.  M.  Charles  Dreux,  sous  la  Terreur,  avait 
été  du  nombre  des  132  Nantais  ;  il  ne  dut  qu'à  son  extrême  jeu- 
nesse, dit-on,  d'échapper  au  sort  qui  attendait  ses  compagnons. 
Comme  son  père,  M.  Dreux  avait  été  destiné  à  la  magistrature. 
Il  était  avocat.  Sa  femme  était  nièce  du  courageux  écrivain 
royaliste  M.  Peltier,  le  collaborateur  de  Rivarol  pour  la  rédaction 
des  Actes  des  Apôtres. 

Le  4  août  1775,  M.  le  sénéchal  informait  le  Conseil  que 
M.  Dreux,  «  qui  remplissoit  cy-devant  les  fonctions  d'avocat  du 
«  roy  à  l'amirauté,  s'étoit  présenté  chez  lui,  pour  le  prier  d'en- 
«  gager  la  Compagnie  de  lui  donner  son  agrément,  pour  traiter 
«  de  la  charge  de  conseiller  en  ce  siège,  que  possedoit  feu  M.  de 
«  la  Haye-Moricaud.  Qu'à  cette  fin  il  lui  avoit  remis  son  extrait 
«  d'âge,  celui  de  son  père  et  de  sa  mère,  qu'il  a,  à  l'endroit, 
«  représenté.  Sur  tout  quoi  la  Compagnie  délibérant  par  scrutin, 
«  après  avoir  examiné  les  extraits  d'âge  qui  lui  ont  été  présentés, 


—  156  — 

«  elle  les  a  trouvés  suffisants.  En  conséquence  elle  a  donné  son 

«  agrément  au  sieur  Dreux,  pour  traiter  comme  il  le  jugera  con- 

«  venable,  de  l'office  de  conseiller  que  possedoit  feu  M.  d«  la 

«  Baye-Moricaud,  et  a  engagé  M.  le  procureur  du  Koy  a  lui  déli- 

«  vrer  le  certificat  de  non  parenté  et  d'alliance,  nécessaire  pour 

«  obtenir  la  dite  provision.  Arrêté  le  dit  jour  et  an  que  dessus. 
Signé:  Bellabre  ;  Richard;  de  la  Ville,  doyen  ;  Gallot;  Marcé; 

«  LeLasst'ur;  Le  Lasseur  de  Ranzay;  Mahot  ;  par  approbation, 

«  Jamont.  » 

Ce  volume  n'est  point  une  copie,  c'est  l'original  lui-même,  et 
chaque  délibération  est  approuvée  par  les  signatures  authentiques 
des  juges,  parmi  lesquelles  figurent  nombre  de  noms  bien  connus 
de  nos  familles  nantaises. 

La  feuille  de  garde  de  la  fin  du  volume  porte  diverses 
remarques  écrites  a  contre-sens,  nous  en  détachons  les  deux 
suivantes  : 

«  Ce  jour  sixiesme  de  novembre  1614,  Me....  Rubion,  demeu- 
«  rant  en  la  pnroisse  de  Couffé,  a  esté  condamné  en  trente  livres 
«  d'amende  pour  avoir  proposé  de  frivoles  récusations  contre  tout 
«  le  siège,  la  sentence  par  escript  mise  entre  les  mains  de  Josse, 
«  commis  au  greffe.  » 

«  Le  xxij  jour  de  may  1624,  a  esté  arresté  que  l'on  n'entre 
«  point  par  picqueures  la  sepmaine  de  la  Pentecoste,  et  néan- 
«  moins  s'il  se  trouve  nombre  de  juges,  ils  pourront  tenir  les 
«  Audiances.  » 


—  157  — 

SOUSCRIPTION  POUR  LE  COURS  DES  ÉTATS. 

Du  16  décembre  1763.  En  la  Chambre  du  Conseil  du  Prési- 
dial  de  Nantes,  où  présidoit  M.  le  Sénéchal.  Présens  :  MM.  L'Alloué, 
juge  criminel  ;  Ertault,  Drouet,  Adam,  de  la  Ville,  Le  Lasseur, 
Jamont,  Deguer,  Monnier,  Gallot,  conseillers,  et  La  Brosse,  avo- 
cat du  Roi. 

A  été  représenté  par  M.  le  Sénéchal,  que  M.  le  duc  d'Aiguillon 
venoit  de  lui  faire  remettre,  par  le  sieur  Pazumeau,  son  premier 
secrétaire,  le  projet  de  souscription  d'une  somme  de  36,000  livres, 
pour  parvenir  à  mettre  le  cours  des  Etats  dans  sa  dernière  perfec- 
tion. Les  souscriptions  étant  de  cinquante  livres  chacune;  celte 
somme  de  36,000  livres,  remboursable  par  la  communauté  de 
ville,  dans  six  ans,  par  forme  de  lotterie,  qui  commencera  au 
1er  janvier  1765. 

M.  le  duc  d'Aiguillon,  ayant  fait  dire  que  plusieurs  Compagnies 
de  cette  ville  et  personnes  de  considération  avoient  pris  des  sous- 
criptions, qu'il  nous  invitoit,  autant  que  nous  le  jugerions  conve- 
nable, à  vouloir  bien  y  concourir  : 

Sur  tout  quoi,  la  Compagnie  ayant  délibéré,  a  arrêté  que  M.  le 
Sénéchal  prendrait  en  son  nom  six  souscriptions,  montant  à  la 
somme  de  trois  cents  livres,  laquelle  somme  seroit  payée  par  le 
receveur  de  ses  épices,  sur  ses  deniers,  provenans  de  la  bourse 
commune,  et  au  cas  qu'il  n'y  aurait  pas  deniers  à  suffire  sur 
ceux  provenans  de  la  buvette,  laquelle  somme  sera  passée  en 
i  compte  au  receveur  des  épices,  en  représentant  par  lui  la  quit- 
tance du  receveur  de  la  communauté  de  cette  ville. 

Bellabre. 

Du  17  décembre  1763.  M.  le  Sénéchal  a  fait  raport  à  la  Compagnie, 
qu'en  conséquence  de  la  délibération  du  jour  d'hyer,  il  avoit  signé  pour 
six  souscriptions  ^  qu'ayant  reporté  la  feuille  à   M.  le  duc  d'Aiguillon,  il 
jen  avoil  paru  satisfait,  et  l'avoit  prié  de  faire  ses  remercirm'iis  a  la  Com- 
pagnie. 


158  - 


DÉPUTATION   PROPOSÉE   DE   M.   JOUSSE,   POUR   LES   PRIVILEGES   DES 

PRÉSIDIAUX. 

Du  9  février  1764.  En  la  Chambre  du  Conseil  de  Nantes,  où 
présidoit  M.  le  Sénéchal.  Présens  :  MM.  L'Alloué,  Ertault,  Drouet, 
Adam,  de  la  Ville,  Le  Lasseur,  de  la  Haye-Moricaud,  Jamont, 
Deguer,  Monnier  et  Gallot,  conseillers,  et  Goullin  de  la  Brosse, 
avocat  du  Roy. 

Il  a  été  fait  lecture  d'une  lettre  circulaire  de  MM.  du  Présidial 
de  la  ville  de  Tours,  tendante  à  engager  tous  les  Présidiaux  du 
royaume  à  envoyer  un  député  en  Cour,  qui  soit  membre  d'un 
Présidial,  pour  solliciter  une  décision  favorable  sur  les  privilèges 
qu'on  nous  fait  espérer  depuis  longtems  ;  qu'il  paroissoit  conve- 
nable que  chaque  Présidial  donnât  à  ce  député  200  livres,  ce  qui 
feroit  une  somme  de  vingt  mille  livres,  pour  paroistre  avec 
décence  et  subvenir  à  tous  les  autres  frais  inséparables  de  cette 
députation  ;  qu'ils  avoient  jette  les  yeux  sur  le  célèbre  M.  Jousse, 
conseiller  au  Présidial  d'Orléans,  connu  par  ses  ouvrages  ;  que 
connaissant  mieux  que  personne  la  jurisdietion  des  Présidiaux,  il 
seroit  plus  en  état  de  faire  valloir  leurs  droits. 

Surtout  quoy,  délibérant,  il  a  été  arresté  que  la  Compagnie 
écriroil  à  M.  Jousse,  pour  le  prier  d'accepter  la  députation  ;  qu'on 
écriroit  pareillement  à  MM.  du  Présidial  de  Tours  pour  leur  en 
donner  avis,  comme  aussi  qu'il  seroit  pris  sur  la  bourse  com- 
mune, une  somme  de  deux  cens  livres,  pour  estre  remise  au 
Greffe  civil  d'Orléans,  sur  le  premier  avis  que  MM.  de  Tours  don- 
neroient  de  faire  passer  cette  somme,  laquelle  pourroit  estre 
retirée  une  autre  année,  si  l'affaire  n'étoit  pas  consommée  dans 
la  première.  Il  a  pareillement  été  arresté  qu'on  écriroil  les  deux 
lettres  par  le  premier  ordinaire.  Que  coppies  d'ycelles  seroient 
écrites  sur  le  Livre  de  Délibération,  pour  y  avoir  recours  au 
besoin;  que  celles  de  B1M.  de  Tours  resteroient  attachées  au 
môme  livre,  pour  servir  de  mémoire  arresté  desdits  jour  et  an.  I 


-  159  - 


Suit  la  teneur  desdites  lettres.    . 

Messieurs  et  honorés  Confrères, 

Nous  n'avons  reçu  que  depuis  deux  jours  la  lettre  que  vous 
nous  avez  fait  l'honneur  de  nous  écrire,  du  28  du  mois  passé, 
nous  nous  empressons  d'y  répondre;  il  y  a  longtems  que  nous 
sentons  la  nécessité  d'avoir  un  député  en  Cour;  il  ne  nous 
restoit  que  de  trouver  ce  point  d'union  pour  le  choix  de  ce  député. 
Vous  l'avez  trouvé,  Messieurs,  nous  ne  serons  jamais  des  derniers 
à  nous  prester  à  ce  qui  sera  nécessaire,  pour  relever  les  Prési- 
diaux  de  l'avilissement  dans  lequel  ils  sont  tombés  ;  le  moment 
est  d'autant  plus  critique  que  nous  sommes  instruits  qu'on  tra- 
vaille sérieusement  au  Bureau  de  Législation,  à  mettre  la  dernière 
main  à  cette  grande  et  importante  affaire. 

Le  choix  que  vous  nous  proposez,  Messieurs,  du  célèbre 
M.  Jousse  pour  notre  député  est  bien  de  notre  goût.  Ses  talens 
ses  lumières  supérieures  connues  de  toutte  la  France,  le  mettent 
plus  en  état  que  personne  de  faire  valoir  nos  intérests  communs. 
Nous  sommes  si  persuadés  que  tous  les  Présidiaux  du  royaume 
penseront  comme  nous,  que  nous  n'estimons  pas  nécessaire  que 
nous  leur  écrivions.  Le  moment  est  instant,  il  faut  éviter  tout  ce 
qui  pourroit  éloigner  notre  objet  ;  d'ailleurs,  Messieurs,  votre 
lettre  circulaire  à  tous  les  Présidiaux  les  mettra  comme  nous  en 
état  de  ne  pas  hésiter  un  instant  sur  le  choix  de  M.  Jousse. 

Pour  accélérer  et  répondre  en  cela  à  vos  vues,  nous  écrirons  ce 
jour  à  M.  Jousse,  pour  le  prier  d'accepter  la  députation,  sans  lui 
parler  d'honoraires,  de  crainte  de  blesser  sa  délicatesse;  bien 
déterminés  à  faire  passer,  dès  que  vous  nous  le  marquerez,  par 
la  voye  que  vous  nous  indiquerez,  les  deux  cens  livres  auxquelles 
vous  jugez  que  chaque  Présidial  doit  contribuer  pour  le  présent; 
somme  que  nous  ne  trouvons  nullement  trop  forte,  étant  conve- 
nable (comme  vous  l'observez,  Messieurs),  qu'un  député  qui 
représente  tous  les  Présidiaux  du  royaume  soit  en  état  de  ne  rien 


—  460  — 

épargner  pour  la  réussite.  Nous  connoissons  le  païs  qu'il  habi- 
tera ;  il  est  dispendieux  à  tous  égards. 

Gomme  nous  sommes  plus  jaloux  d'honneurs  et  du  bien 
public  que  de  toutte  autre  chose,  nous  désirons  baucoup  qu'on 
puisse  nous  assimiler  à  la  noblesse  militaire,  et  que  les  premier 
et  second  chef  de  l'édit  des  Présidiaux  soient  augmentés.  Au 
surplus,  lorsque  le  Bureau  de  correspondance  sera  établi  (et  il 
ne  peut  l'estre  que  dans  le  cabinet  de  notre  député),  nous  lui 
erons  passer  un  extrait  des  mémoires  réitérés  que  nous  avons 
fait  passer  à  M.  le  Chancelier. 

Il  ne  nous  reste,  Messieurs,  qu'à  vous  remercier  des  bons  avis 
que  vous  nous  donnez  par  votre  lettre  et  de  vous  prier  de  nous 
faire  part  des  réponses  que  vous  recevrez  des  autres  Présidiaux. 

Nous  avons  l'honneur  d'estre,  avec  un  respectueux  attache- 
ment, Messieurs  et  très  honorés  confrères, 

Vos  très  humbles  et  très  obéissans  serviteurs, 
Les  Officiers  du  Présidial  de  Nantes. 

Nantes,  11  février  1764. 


Monsieur  et  très  honoré  Confrère, 

ÏM.  du  Présidial  de  la  ville  de  Tours  viennent  de  nous  faire 
part  du  projet  qu'ils  ont  formé  d'engager  tous  les  Présidiaux  à 
nommer  un  député  en  Cour,  pour  y  solliciter,  tant  auprès  de 
M.  le  Vice-Chancelier  que  du  Bureau  de  Législation,  une  décision 
favorable  sur  les  privilèges  qu'on  nous  fait  espérer  depuis  long- 
lems. 

Si  les  titres  d'honneur  qui  doivent  faire  l'ambition  de  tous  les 
Présidiaux,  servent  à  les  décorer  et  à  les  tirer  de  l'espèce  d'au- 
néantissement  et  de  discrédit  dans  lesquels  ils  sont  tombés,  ils 
ne  seront  pas  moins  utiles  au  public  si  on  ajoute  à  ces  privilèges 


-  161  — 

une  augmentation  de  jurisdiction  sur  le  premier  et  le  second 
chef  de  l'édit. 

Qui  peut  mieux  que  vous,  Monsieur,  faire  valoir  tous  les  mé- 
moires que  nous  n'avons  cessé  depuis  plusieurs  années  d'envoyer 
sur  cette  matière  ;  qui  connoît  mieux  que  vous  la  jurisdiction  des 
Présidiaux  ?  Quelles  obligations  ne  vous  devons  nous  pas  de  ce 
traité  et  de  ces  savans  ouvrages  qui  ont  été  si  bien  accueillis  du 
public  ?  Ce  sont  des  monumens  qui  resteront  pour  jamais  gravés 
dans  les  fastes  de  la  magistrature. 

MM.  du  Présidial  de  Tours  estiment,  avec  raison,  qu'il  vous 
étoit  réservé  d'estre  notre  deffenseur  et  notre  député  général  ; 
nous  pensons  comme  eux,  Monsieur,  nous  vous  prions  d'agréer 
ces  titres;  nous  sommes  persuadés  que  plusieurs  Présidiaux  vous 
en  ont  déjà  prié,  et  que  l'unanimité  ne  tardera  pas  à  se  mani- 
fester. Nous  sommes  d'ailleurs  informes  que  le  Bureau  de  Légis- 
lation travaille  à  mettre  la  dernière  main  à  ce  grand  ouvrage; 
nous  vous  invitons  à  vous  rendre  à  Paris  le  plus  tôt  que  vous 
pourrez.  Nous  mettons  touttc  notre  confiance  en  vous  ;  votre 
présence,  votre  réputation  et  vos  lumières  abrégeront  bien  des 
difficultés  presqu'inévitables  dans  un  aussy  vaste  projet.  Nous 
vous  prions,  Monsieur,  par  avance,  d'estre  bien  convaincu  de 
tous  les  sentimens  de  reconnoissance  et  de  respect  avec  lesquels 
nous  avons  l'honneur  d'estre 

Vos  très  humbles  et  très  obéissans  serviteurs, 

Les  Officiers  du  Présidial  de  Nantes. 


MARCHE  DU   PRÉSIDIAL   A   LA  FESTE-DIEU   ET   A  LA  MI-AOUST. 

Si  les  conseillers  qui  sont  en  même  tems  éckevins  doivent  marcher 
avec  le  Présidial  ou  l'Hôtel-de-Ville. 

Du  14  aoust  1764  :  En  la  Chambre  du  Conseil  où  présidait 
M.  le  Sénéchal.  Présents  :  MM.  L'Alloué,  Drouet,  Adam,  Le  Las- 

1879  H 


—  162  - 

seur,  Moricaud,  Deguer,  Monuier,  Gallot,  Le  Lasseur  de  Ranzay, 
conseillers;  Goullin  de  la  Brosse,  avocat  du  Roy. 

MM.  Guérin  de  Baumont,  procureur  du  Roy,  et  Jamont,  con- 
seiller au  siège,  tous  deux  échevins  actuellement  en  exercice, 
ont  représenté  que  la  religion  du  Roy  a  été  surprise  par  un 
exposé  aussi  malin  qu'il  est  calomnieux,  imputant  à  ceux  des 
Officiers  du  Présidial  que  les  suffrages  des  citoyens  appellent  à 
l'échevinage,  de  se  dispenser  avec  affectation  d'assister  aux  festes 
et  cérémonies  du  corps  de  ville.  Qu'en  conséquence,  M.  de  Saint- 
Florentin,  par  sa  lettre  du  26  juillet  dernier,  a  fait  scavoir  que 
l'intention  du  Roy  étoit  qu'ils  se  rendissent  à  l'avenir  assidus  à 
ces  cérémonies,  et  comme  ils  crainderaient  d'encourir  quelques 
disgrâces,  s'ils  manquaient  de  se  joindre  demain  au  corps  de 
ville  pour  la  procession  de  la  mi-aoust,  ils  ont  recours  aux 
lumières  de  la  Compagnie  pour  régler  leurs  démarches  dans  la 
circonstance  présente,  résolus  de  se  conformer  à  la  sagesse  de 
ses  viies;  eux  retirés  : 

La  Compagnie  délibérant,  et  considérant  que  la  cérémonie  de 
la  procession  de  mi-aoust  est  commune  avec  les  Officiers  du 
Présidial,  que  l'usage  d'y  assister  n'a  été  interrompu  de  leur  part 
qu'à  l'occasion  d'un  trouble  fait  à  leur  possession  de  la  part  des 
Officiers  municipaux,  qui  ont  prétendu  intervertir  l'ordre  de  la 
marche  au  préjudice  d'un  usage  immémorial,  au  sujet  de  quoi  il 
y  a  instance  pendante  au  Conseil,  à  laquelle  est  même  jointe 
l'Université  pour  défendre  avec  le  siège  leurs  droits  communs 
contre  les  nouveautés  du  corps  de  ville  ; 

Considérant  encore  que  le  siège  a  répondu  dès  le  4  de  ce  mois, 
à  la  lettre  de  M.  de  Saint-Florentin,  pour  lui  faire  connaistre  la 
surprise  faitte  à  la  religion  du  Roy  et  pour  engager  le  ministre  à 
s'entremettre  auprès  de  Sa  Majesté  aux  fins  de  faire  rétablir  les 
anciens  usages;  que  cette  lettre  étant  restée  sans  réponse  et 
sans  nouveaux  ordres,  il  y  a  lieu  de  présumer  que  le  Roy  est 
satisfait  :  Tout  considéré,  la  Compagnie  estime  que  MM.  Guérin  de 
Baumont  et  Jamont  ne  pourraient,  sans  compromettre  les  droits 


-  163  — 

du  siège,  se  joindre  au  corps  de  viile  pour  la  cérémonie  de  ia 
procession  de  mi-aoust  et  qu'ils  doivent  s'en  abstenir. 

Bellabre,  Jego,  Drouet,  Adam,  Le  Lasseur, 
Moricaud,  Deguer,  Monnier,  Galloz, 
Le  Lasseur  de  Ranzay. 

Goullin  de  la  Brosse,      Par  approbation  :      Par  approbation  : 
Avocat  du  Roy.  Bourgoing.  Delaville. 


BATISSE  SUR  L'EMPLACEMENT  DU  PRÉ  L'ÉVÊQUE  POUR  LE  SANITAT. 

Réformes  proposées  pour  cette  maison. 

Du  20  juin  1765:  En  la  Chambre  du  Conseil  du  siège  Présidial 
de  Nantes  où  présidoit  M.  le  Sénéchal.  Présens  :  MM.  Adam,  de 
la  Ville,  Le  Lasseur,  Moricaud,  Jamont,  Deguer,  Gallot,  et  Le 
Lasseur  de  Ranzay,  conseillers,  et  MM.  les  gens  du  Roy. 

MM.  de  la  Ville,  Deguer  et  le  procureur  du  Roy  ont  dit  qu'en 
conséquence  de  la  délibération  du  huit  may  dernier,  ils  se  sont 
transportés,  en  qualité  de  commissaires  de  la  Compagnie,  au 
Bureau  de  l'administration  de  l'hôpital  général,  dit  Sanitat, 
de  cette  ville,  pour  prendre  connoissance  de  l'état  actuel  de  cette 
maison  et  pour  examiner  les  comptes  rendus  par  les  deux  derniers 
trésoriers  ;  que  par  l'examen  qu'ils  ont  fait  des  registres  qui  leur 
ont  été  présentés,  ils  ont  vu  qu'il  est  aujourd'huy  dû  à  M.  de 
Sénicourt  Grou,  précédent  trésorier,  une  somme  de  trente  mille 
six  cens  quarante-sept  livres  sept  sols  six  deniers. 

Que  par  les  détails  où  ils  sont  entrés,  ils  ont  remarqué  que 
l'on  pourroit  diminuer  la  dépense  de  la  maison  et  en  augmenter 
les  revenus. 

1°  Que  l'on  pourroit  se  dispenser  d'avoir  dans  cette  maison  une 


—  164  - 

supérieure  externe,  à  laquelle  on  paye  des  appointemcns  oulre 
les  commodités  superflues  et  dispendieuses  qu'elle  s'accorde; 
qu'il  conviendroit  beaucoup  mieux  d'élire  de  trois  ans  en  trois 
ans,  pour  supérieure,  à  la  pluralité  des  suffrages,  comme  il  se 
pratique  à  l'IIôtel-Dieu,  l'une  des  sœurs  de  la  maison,  dans 
laquelle  on  appercevroit  le  plus  de  talens  pour  remplir  cette  place 
avec  l'exactitude  et  la  bonne  économie  qu'elle  exige,  et  qui,  ayant 
passé  par  tous  les  employs,  seroit  plus  en  état  de  les  faire  remplir 
par  les  autres  sœurs;  qu'à  ce  moyen,  on  encourageroit  les  sœurs 
à  redoubler  de  zèle  pour  le  bien  des  pauvres,  on  rétabliroit 
l'union  parmi  elles,  on  exciteroit  l'émulation  et  l'on  se  procureroit 
par  la  suite  de  bons  sujets  qui  se  trouveroient  animés  par  l'espé- 
rance de  parvenir  à  la  supériorité. 

2°  Qu'il  conviendroit  de  n'acheter  de  denrées  et  grosses  provi- 
sions que  dans  des  tems  heureux  et  favorables,  et  qu'autant  qu'il 
en  seroit  nécessaire  pour  la  nourriture  et  consommation  de  la 
maison,  dans  la  crainte  qu'on  ne  se  trouvât  obligé  au  premier 
cas  d'en  acheter  au  renchérissement,  et  dans  le  second,  d'en 
perdre  et  d'en  jetter  dehors. 

3°  Que  les  mêmes  provisions,  étant  confiées  à  des  sœurs  que 
leur  cage  met  hors  d'état  de  les  faire  par  elles-mêmes  et  qui  s'en 
rapportent  à  des  valets  mercenaires  et  peu  capables,  il  convien- 
droit que  ces  emplettes  ne  fussent  faittes  que  par  une  sœur  en 
état  d'y  travailler  par  elle-même,  et  en  cas  d'absence  par  une 
autre  sœur  qui  la  suppléeroit,  de  manière  que  cet  employ  ne  fut 
jamais  confié  à  des  domestiques. 

4°  Qu'il  seroit  bon  que  chaque  ouvrier  tel  que  le  boulanger, 
le  boucher,  le  menuisier,  le  jardinier,  le  fabriquant,  le  muletier, 
etc.,  eut  sous  lui  un  ou  plusieurs  élèves  de  la  maison,  parce  que 
ces  gens  une  fois  instruits,  déchargeroient  ladministration  de 
personnes  à  qui  l'on  est  obligé  de  payer  de  gros  gages,  sans  y 
comprendre  leur  nourriture  et  entretien. 

5°  Qu'il  seroit  très  à  propos  de  ne  plus  recevoir  à  l'avenir  au- 
cuns pensionnaires  qui  ne  fussent  en  état  de  frayer  au  moins  à 
leur  dépense,  et  de  n'écouter  à  ce  sujet  la  sollicitation  de  per- 


-  165  — 
sonne,  parce  qu'il  est  d'expérience  que  des  gens  qui  payent  dix 
écus  ou  cinquante  francs  coûtent  gros  à  la  maison,  étant  beau- 
coup mieux  nourris  que  le  commun  des  pauvres. 

6°  Qu'il  est  étonnant  que  dans  une  maison  aussi  nombreuse, 
on  prenne  du  dehors  des  journalières  comme  blanchisseuses  et 
lingères;  qu'il  conviendroit  de  faire  des  élèves  qui  déchargeaient 
la  maison  de  cette  dépense. 

7»  Que  pour  augmenter  les  revenus  du  Sanitat,  il  conviendroit 
de  faire  travailler  les  jeunes  filles  des  ouvroirs,  au  moins  deux 
heures  de  plus  par  jour,  parce  qu'on  est  instruit  que  depuis  le 
souper  jusqu'au  coucher,  ces  filles  travaillent  pour  leur  proffit 
particulier  et  pour  le  dehors,  ce  qui  fait  qu'elles  s'épargnent  le 
jour  pour  travailler  le  soir  avec  plus  de  courage  et  d'ardeur. 

8°  Que  la  maison  tireroit  quelque  avantage  si  l'on  occupoit  les 
vieillards  et  les  imbécilles,  autant  que  leur  situation  le  pourroit 
comporter,  et  ainsy  qu'il  est  d'usage  a  l'hôpital  de  Rennes  et 
autres  hôpitaux  de  la  province,  à  de  petits  ouvrages,  comme  à 
défiler  de  vieux  cordages,  éplucher  du  coton,  etc.,  du  moins  on 
les  tireroit  de  l'oisiveté. 

9*  Que  les  sœurs  sont  dans  l'usage  de  prendre  chez  un  apo- 
thicaire les  remèdes  les  plus  simples  dont  elles  ont  besoin  pour 
elles-mêmes,  ce  qui  se  monte  à  des  sommes  considérables,  et  que, 
pour  remédier  à  cet  abus,  il  est  à  propos  qu'elles  achètent  les 
drogues  chez  un  droguiste,  afin  de  composer  elles-mêmes  leurs 
remèdes,  comme  il  est  d'usage  dans  bien  des  maisons  de  cette 
ville;  qu'il  seroit  même  à  souhaiter  que  lorsqu'il  y  aura  quelque 
place  vacante  parmy  les  sœurs  on  s'en  procurât  une  qui  sçut  la 
pharmacie. 

Finalement,  MM.  les  commissaires  ont  donné  lecture  d'une 
lettre  écrite  à  la  Compagnie  par  MM.  les  administrateurs  du 
Sanitat,  accompagnée  d'un  projet  en  forme  de  mémoire,  ladite 
lettre  ayant  pour  objet  de  vendre  l'emplacement  que  la  maison 
possède  sur  le  terrain  du  prél'Ëvêque  pour  en  compter  le  produit 
audit  de  S^mcourt  Grou,  à  compte  de  ce  qui  lui  est  dû,  ou  de 
conserver  cet  emplacement  pour  y  bâtir  suivant  ledit  projet,  en 


-  166  — 

consentant  audit  sieur  Grou  un  contrat  constitut  de  ce  qui  lui 
est  dû  sans  retenue  des  impositions  royales. 

Sur  quoy,  délibérant,  la  Compagnie  est  d'avis  que  pour  libérer 
et  rétablir  la  maison,  il  est  à  propos  : 

En  premier  lieu,  que  la  supérieure  actuelle  soit  remerciée  et 
qu'il  soit  procédé  incessament  et  sans  délai  a  l'élection  d'une 
nouvelle  supérieure  prise  parmi  les  sœurs  de  la  maison,  dont 
l'employ  durera  trois  ans,  après  lequel  tems  il  sera  fait  une  nou- 
velle élection,  conformément  à  ce  qui  se  pratique  à  l'Hôtel-Dieu. 

En  second  lieu,  qu'on  ait  attention  de  ne  faire  de  grosses 
provisions  que  dans  des  tems  favorables,  et  qu'autant  qu'il  en 
sera  nécessaire  pour  la  consommation  de  la  maison. 

En  troisième  lieu,  que  l'emplette  des  menues  provisions  ne  soit 
faitte  que  par  une  sœur  en  état  d'y  vacquer  par  elle-même,  et  en 
cas  d'absence  par  une  autre  sœur  qui  la  suppléera,  de  manière 
que  cet  employ  ne  soit  jamais  confié  à  des  domestiques. 

En  quatrième  lieu,  qu'il  soit  enjoint  à  chaque  ouvrier,  tel  que 
le  boulanger,  le  boucher,  le  menuisier,  le  jardinier,  le  fabriquant, 
le  muletier,  etc.,  de  former  un  ou  plusieurs  élèves  de  la  maison 
pour  les  remplacer  au  besoin. 

En  cinquième  lieu,  qu'à  l'avenir,  il  ne  soit  reçu  aucun  pen- 
sionnaire qui  ne  soit  en  état  de  frayer  par  la  somme  qu'il  don- 
nera à  sa  nourriture  et  à  son  entretien. 

En  sixième  lieu,  qu'il  ne  soit  pris  de  journalières  du  dehors  que 
dans  les  cas  urgens  dont  le  Bureau  sera  instruit  et  jusqu'à  ce 
qu'on  ait  eu  le  tems  de  former  des  élèves. 

En  septième  lieu,  que  l'on  prolonge  le  travail  des  jeunes  filles 
au  moins  de  deux  heures  par  jour,  en  sorte  que  leur  travail 
tourne  au  seul  profit  de  la  maison. 

En  huitième  lieu,  que  l'on  occupe  les  vieillards  et  les  imbé- 
cilles,  autant  que  leur  situation  le  pourra  permettre,  à  de  légers 
travaux. 

En  neuvième  lieu,  que  les  sœurs  soient  tenues  d'acheter  chez 
un  droguiste  les  drogues  pour  composer  elles-mêmes  les  remèdes 
dont  elles  ont  besoin,  et  qu'au  surplus  il  seroit  à  propos  que 


-  467  — 

lorsqu'il  y  aura  une  place  vacante,  on  se  procurât  une  sœur  qui 
sçût  la  pharmacie. 

En  dixième  lieu,  que  comme  les  différens  articles  de  réforme, 
cy-dessus  mentionnés,  produiront  chaque  année  des  sommes  de 
réserve  pour  rembourser  le  contrat  de  constitut,  proposé  en 
faveur  du  sieur  de  Sénicourt  Grou,  il  est  à  propos  par  cette 
considération  seulement  et  lesdites  réformes  préalablement  faittes, 
de  consentir  audit  sieur  de  Sénicourt  Grou  le  contrat  en  question 
pour  la  somme  de  trente  mille  livres,  au  denier  vingt,  en  lui 
payant  comptant  six  cens  quarante-sept  livres  sept  sols  et  six 
deniers  pour  solde  de  ce  qu'il  réclame,  plutôt  que  de  vendre 
l'emplacement  du  pré  l'Évêque,  a  la  charge  néantmoins  que  ledit 
contrat  de  constitution  pourra  estre  remboursé  par  payemens  de 
cinq  mille  livres  chacun,  et  à  condition  que  ledit  sieur  de  Séni- 
court Grou  consentira  que  les  impositions  royalles  soient  retenues 
sur  les  arrérages  qui  lui  en  seront  payés,  étant  juste  à  tous 
égards  qu'il  ne  tire  pas  plus  d'intérest  de  son  argent,  vis-à-vis  des 
pauvres,  qu'il  n'en  tireroit  d'un  particulier  ;  faute  duquel  con- 
sentement de  la  part  du  sieur  de  Sénicourt  Grou,  l'avis  de  la 
Compagnie  sur  le  présent  article  sera  comme  non  avenu  et  ne 
pourra  préjudicier  aux  droits  de  l'hôpital. 

En  onzième  lieu,  qu'il  est  convenable  de  suivre  le  projet  pro- 
posé pour  la  bâtisse  de  l'emplacement  du  pré  l'Evêque,  par  forme 
de  souscription,  en  observant  néantmoins  qu'au  lieu  de  faire  ce 
bâtiment  par  économie  ou  par  adjudication,  il  seroit  plus  profi- 
table de  choisir  un  architecte  capable  et  connu  par  sa  probité 
et  la  solidité  de  ses  ouvrages,  avec  qui  on  feroit  un  marché  le 
plus  avantageux  et  le  plus  circonstancié  qu'il  seroit  possible;  qu'à 
ce  moyen,  on  éviteroit  les  inconvéniens  qui  résultent  presque 
toujours  des  bâtimens  entrepris  par  économie  ou  par  adjudi- 
cation. 

En  douzième  lieu,  la  Compagnie  invite  MM.  les  administrateurs 
à  observer  exactement  l'article  xi  des  lettres  patentes  du  mois  de 
février  1760,  et  pour  ne  laisser  rien  à  désirer  lorsque  les  com- 
missaires se  disposeront  à  recevoir  les  comptes,  ils  seront  tenus 


—  168  - 

de  déclarer  au  Bureau  assemblé  le  jour  auquel  ils  entendent  y 
procéder,  afin  que  chacun  des  administrateurs  puisse  y  assister, 
si  bon  lui  semble. 

Finalement,  la  Compagnie  a  arresté  que  copie  de  la  présente 
sera  délivrée  à  M.  Gallot,  son  député  audit  hôpital  général,  dit 
Sanitat,  pour  estre  remise  à  MM.  les  administrateurs  pour  leur 
servir  de  tout  pouvoir.  Arresté  lesdits  jour  et  an. 


SERVICE    POUR    MKr    LE  DAUPHIN,    MORT   A   FONTAINEBLEAU,     LE 

20    DÉCEMBRE    1765. 

Il  fut  enterré  dans  l'église  de  Sens,  et  son  cœur  porté  à 

Saint-Denis. 

Du  7  janvier  1766:  La  Compagnie  reçut  une  lettre  de  S.  A.  S. 
M«r  le  duc  de  Penthièvre,  gouverneur  de  Bretagne,  dattée  du  4, 
avec  une  copie  imprimée  de  celle  que  le  Roy  lui  avoit  écrite  le 
24  décembre  précédent,  portant  invitation  a  tous  les  officiers  de 
justice  des  villes  de  son  département,  de  se  trouver  au  service 
qu'il  avoit  ordonné  de  faire  faire  dans  touttes  les  cathédrales. 

Du  11  janvier  1766  :  M.  l'abbé  de  la  Tullaye,  grand  vicaire  de 
M.  l'Evêque  de  Nantes,  est  venu  de  sa  part,  chez  M.  le  Sénéchal, 
pour  le  prier  de  lui  donner  jour,  pour  inviter  la  Compagnie  à  se 
trouver  au  service  qui  devoit  se  faire  le  14,  dans  l'église  cathé- 
drale, pour  le  repos  de  l'âme  de  feu  M^r  le  Dauphin.  M.  le  Séné- 
chal ayant  dit  à  M.  l'abbé  de  la  Tullaye,  qu'il  pouvoit  venir  à  la 
Chambre  du  Conseil  le  lundy  13  du  mois,  à  dix  heures  du 
matin,  que  la  Compagnie  s'y  trouveroit  assemblée  pour  y  rece- 
voir l'invitation  : 

Du  13  janvier  :  En  la  Chambre  du  Conseil  du  Présidial  de 
Nantes  où  présidoit  M.  le  Sénéchal.  Présens  :  MM.  Jego,  de  la 
Blottierre  Alloué,  et  Richard  lieutenant,  et  MM.  Drouet,  de  la 
Ville,  Le  Lasseur  l'aîné,  Jamont,  de  la  Haye-Moricaud,  Deguer, 
Monnier,  Gallot  et  Le  Lasseur  de  Ranzay,  conseillers;  MM.  Da- 


—  169  — 

chon  et  Goullin  de  la  Brosse,  avocats  du  Roy,  et  Guérin  de  Beau- 
mont,  procureur  du  Roy. 

Est  entré  en  la  Chambre,  suivant  l'usage,  M.  l'abbé  de  la 
Tullaye,  qui  ayant  pris  place  dans  un  fauteuil  à  bras  au  bas  du 
Bureau,  a  fait  un  discours  pour  annoncer  la  perte  qu'on  venoit 
de  faire  de  M*r  le  Dauphin,  et  a  fini  par  inviter  la  Compagnie  à  se 
trouver  le  mardy  14  du  mois,  en  l'église  cathédrale,  pour  assister 
au  service.  M.  le  Sénéchal  a  répondu  par  un  autre  discours  que 
la  Compagnie  étoit  pénétrée  de  douleur  de  la  perte  qu'on  venoit 
de  faire,  qu'elle  ne  manqueroit  pas  de  se  trouver  à  l'invitation 
qu'on  venoit  de  lui  faire. 

Du  14  janvier  :  Environ  les  neuf  heures  du  matin,  la  Compa- 
gnie étant  assemblée  comme  le  jour  précédent,  ayant  ses  greffiers 
et  huissiers,  est  partie  en  robes  et  bonnets  pour  se  rendre  à  la 
cathédrale  où,  étant  arrivée,  elle  s'est  placée  dans  son  banc  ordi- 
naire ;  la  Chambre  des  Comptes  dans  le  sien,  la  communauté  de 
ville  également;  l'université  au  bas  de  la  nef,  le  recleur  étant 
assis  sur  une  chaise  à  dos,  sans  bras,  et  un  coussin  seulement  à 
ses  pies  pour  se  mettre  a  genoux,  n'ayant  point  de  prie-dieu 
devant  lui,  tous  les  membres  de  l'Université  étant  à  sa  droite  et 
à  sa  gauche,  assis  sur  des  chaises  de  bois  foncées  de  paille. 

Il  est  à  observer  que  le  Consulat  n'étant  point  ordinairement 
convoqué  à  ces  sortes  de  cérémonies,  ils  avoient  député  quelques 
jours  auparavant  deux  d'entre  eux,  vers  M.  l'Évoque,  pour  le 
prier  de  vouloir  bien  les  faire  inviter,  à  quoy  ledit  l'Évêque  voulut 
bien  se  rendre,  en  leur  disant  qu'il  enverroit  seulement  son  secré- 
taire chez  ieur  grand  juge,  pour  les  inviter  de  se  trouver  à  la 
cérémonie,  ce  qu'ils  firent,  étant  placés  dans  un  banc  derrière  et 
au  bas  de  celui  du  présidial,  et  attendu  que  ledit  banc  n'étoit 
pas  assez  grand  pour  les  contenir  tous,  plusieurs  étoient  assis  sur 
des  chaises  de  paille. 

Il  est  encore  d'usage  que  l'université  n'est  point  convoquée 
par  un  grand  vicaire,  mais  seulement  par  le  secrétaire  de 
M.  l'Évêque. 

MM.  du  Chapitre  avoient  fait  dresser  un  autel  dans  la  grande 


—  170  - 

grille  f»  l'entrée  du  chœur,  les  deux  côtés  de  la  grille  tendus  de 
noir,  ainsy  que  les  deux  petits  autels,  dans  la  nef,  étoit  seulement 
une  fausse  châsse  couverte  d'un  drap  mortuaire  de  velours  avec 
des  bandes  d'argent,  avec  six  cierges  de  chaque  côté.  Il  n'y  avoit 
aucune  tenture  dans  l'église,  non  plus  que  dans  la  nef.  Ce  fut 
M.  l'abbé  de  l'Aubrière,  doyen,  qui  officia;  M.  delà  Musanchère, 
pour  lors  évêque,  n'ayant  pu  le  faire,  étant  malade,  il  assista 
cependant  à  la  cérémonie,  en  habit  de  chanoine,  à  la  teste  de  tout 
le  chapitre  qui  étoit  placé  entre  les  deux  grilles,  et  ayant  celui  de 
la  collégiale  derrière  lui,  de  chaque  côté.  Le  bas  chœur  étoit  placé 
dans  la  nef,  ainsy  que  toutte  la  musique  et  le  clergé,  tant  séculier 
que  régulier  de  la  ville.  Les  Compagnies  défilèrent  et  se  retirèrent 
sans  observer  aucun  ordre,  n'étant  pas  d'usage  en  pareille  céré- 
monie, de  jetter  d'eau  bénite. 

Le  banc  du  château,  qui  est  à  la  teste  de  celui  du  présidial,  étoit 
occupé  par  M.  de  Livernière,  major,  et  quelques  officiers  mi- 
litaires du  château.  Il  y  avoit  plusieurs  gentilshommes  de  la  ville 
et  personnes  de  considération,  tant  en  hommes  que  femmes,  qui 
se  placèrent  indifféremment  dans  la  nef  sur  des  chaises. 


SERVICE  POUR  LE  DAUPHIN. 


Du  22  janvier  :  En  la  Chambre  du  Conseil  où  présidoit  M.  le 
Sénéchal.  Présens:  MM.  L'Alloué,  le  lieutenant,  MM.  Drouet,  de 
la  Ville,  Le  Lasseur  l'aîné,  Moricaud,  Jamont,  Deguer,  Monnier, 
Gallot  et  Le  Lasseur  de  Ranzay,  conseillers,  et  MM.  les  gens  du 
Roy.  M.  Guérin  de  Beaumont,  procureur  du  Roy,  a  dit  qu'en 
qualité  de  marguillier  en  charge  de  la  paroisse  de  Sainte-Croix,  il 
étoit  chargé  d'inviter  la  Compagnie  de  se  trouver  au  service  que 
le  général  doit  faire  célébrer  pour  M8r  le  Dauphin,  vcndredy  pro- 
chain, 24  du  présent. 

En  conséquence,  le  24  novembre  1766,  la  Compagnie  s'est 


—  471  — 

rendue  à  l'issue  de  l'audience  en  ladite  église  de  Sainte-Croix,  et 
a  assisté  au  service  qui  a  été  célébré  pour  Msr  le  Dauphin.  Toutte 
la  nef  étoit  tendue  de  noir;  il  y  avoit  une  représentation  très  bien 
illuminée. 

Nota.  —  La  Compagnie  étoit  placée  dans  le  chœur  a  droite  et  a  gauche, 
dans  les  bancs  des  fabriqueurs. 


PROCÈS-VERBAL     DES     DÉPUTÉS     A     L'HÔTEL -DE -VILLE  ,    AU     SUJET 
DES    DROITS    DE    LA   COMPAGNIE. 

Le  31  may  1768,  en  la  Chambre  du  Conseil  du  Présidial  de 
Nantes,  où  présidoit  M.  le  Sénéchal.  Présents  :  MM.  le  juge 
criminel,  le  lieutenant,  de  la  Ville,  doyen,  Le  Lasseur,  l'aîné, 
Jamont,  Déguer,  Monier,  Gallot,  Le  Lasseur  de  Ranzay  et  Tur- 
quetil,  conseillers.  Présents  :  MM.  Goulin  de  la  Brosse,  avocat  du 
Roy,  Guérin  de  Beaumont,  procureur  du  Roy,  et  Felonneau, 
avocat  du  Roy. 

A  été  fait  rapport  par  MM.  les  députés  que  le  dimanche  premier 
de  ce  mois,  ils  se  rendirent,  environ  les  quatre  heures,  à  l'Hôtel- 
de-Ville  dans  la  salle  du  procureur  du  Roy  sindic,  où  étant,  on 
vint  les  avertir  qu'on  les  attendoit  dans  la  grande  salle,  qu'ils  s'y 
rendirent,  précédés  de  la  trompette  et  de  quatre  valets  de  ville; 
qu'arrivés  au  bas  de  l'escalier  ils  y  furent  reçus  par  deux  éche- 
vins,  et  qu'étant  montés  ils  y  trouvèrent  deux  autres  échevins 
qui  les  accompagnèrent  dans  la  ditte  grande  salle,  qu'ils  se 
placèrent  sur  deux  chaises  bourrées  qui  étoient  à  gauche  en 
entrant,  et  qu'avant  l'ouverture  de  la  pique  ils  avoient  déclaré  à 
MM.  du  bureau  qu'ils  assistoient  à  l'assemblée  sans  que  leur  pré 
sence  pût  nuire  ni  préjudicier  aux  droits  que  la  Compagnie  pré- 
tendoit  avoir,  d'y  faire  présider  par  son  chef  ou  tout  autre  officier 
qui  pût  le  représenter,  desquelles  réservations  ils  avoient  deman- 
dé acte.  Lequel  M.  le  maire,  après  avoir  pris  les  avis  du  bureau, 
leur  décerna,  sans  toutefois  préjudicier  aux  droits  respectifs  des 


—  172  — 

parties.  Après  quoy  M.  le  maire,  tenant  la  plume,  reçut  les  suf- 
frages du  peuple,  fit  ensuite  passer  les  listes  aux  officiers  de  sa 
milice  bourgeoise,  qui  après  avoir  piqué  les  rémirent  au  procu- 
reur du  roy  sindic,  et  aux  anciens  maires  et  échevins,  qui  ayant 
volé,  présentèrent  la  plumeaux  députés  de  la  Compagnie  qui, 
après  avoir  donné  leurs  suffrages,  la  donnèrent  à  MM.  les  dépu- 
tés du  chapitre  qui  la  rendirent  à  M.  le  maire,  qui  suffragea  le 
dernier.  Que  le  24,  sur  la  semonce  faite  à  la  Compagnie  d'envoier 
ses  députés  pour  l'ouverture  des  paquets,  ils  s'y  rendirent  et 
furent  reçus  avec  le  même  cérémonial  que  cy  dessus  ;  que  les 
officiers  choisis  par  Sa  Majesté  ayant  été  nommés,  il  fut  arresté 
par  MM.  du  bureau  que  leur  installation  se  feroit  le  30,  qu'à  cette 
fin  MM.  les  députés  voudroiunt  bien  se  trouver  le  dit  jour,  qu'en 
conséquence  étant  dans  la  salle  du  procureur  du  Roy  sindic,  on 
vint  les  quérir  ainsi,  et  de  la  manière  que  les  deux  précédentes 
fois  ;  qu'après  la  prestation  de  serment  des  deux  échevins  entre 
les  mains  du  maire,  l'assemblée  se  leva  et  descendit  dans  la  cour 
où  le  dit  maire  fit  reconnoistre  par  les  officiers  de  la  milice  bour- 
geoise le  nouveau  lieutenant  colonel  qui,  après  avoir  été  reçu,  fit 
pareillement  reconnoistre  les  nouveaux  officiers.  Ce  qu'étant  fait, 
les  habitants  qui  étoient  sous  les  armes  défilèrent  et  se  tinrent  en 
haye  sur  ta  place  des  Cordeliers.  Qu'ensuite,  MM.  du  bureau  et 
les  députés  du  Présidial   seulement,  ceux  du  Chapitre  et  de  la 
Chambre  des  Comptes  n'y  étant  point,  s'étant  mis  en   marche 
pour  aller  à  la  messe  du  Saint-Esprit,  un  de  MM.  les  anciens 
maires  ayant  voulu  aller  à  la  gauche  et  sur  la  même  ligne  que  le 
maire  en  exercice,   ils  s'y   seroient  opposés,   prétendant  que 
c'étoit  à  eux  à  marcher  de  front  et  à  la  gauche  du  maire,  laissant 
toutefois  entre  luy  et  eux  la  place  du  commandant,  ainsi  que  des 
députés  du  chapitre  et  de  la  chambre,  sur  lesquelles  contesta- 
tions, le  bureau  remonta,  et  on  y  décida  que  les  prétentions  des 
députés  de  la  Compagnie  étoient  fondées  sur  le  droit  et  l'ancien 
usage.  En  conséquence  de  quoy,  on  se  rendit  aux  Cordeliers, 
M.  le  maire  a  la  droite  et   MM.  les  députés  du  Présidial  à  la 
gauche  du  dit  maire  et  sur  la  même  ligne,  laissant  entre  eux  et 


-  173  — 

luy  les  places  du  commandant  et  des  députés  du  Chapitre,  et 
MM.  les  anciens  maire  et  échevins  suivirent;  qu'étant  arrivés  à 
l'église  ils  se  placèrent  dans  les  deux  stalles  à  gauches  en  entrant 
dans  le  chœur,  et  le  corps  de  ville  entre  le  sanctuaire  et  le 
chœur  ;  que,  pendant  la  messe,  deux  valets  de  ville  leur  appor- 
tèrent deux  guillarés  dans  le  même  temps  qu'on  en  donnoit  au 
maire;  qu'après  la  messe  on  s'en  retourna  à  l'Hôtel- de-Ville 
dans  le  même  ordre  qu'on  en  étoit  sorti;  qu'on  entra  dans  la  salle 
basse  ;  qu'ensuite  ils  se  retirèrent. 


SERVICE   POUR  LA  REINE. 

Du  4  aoust  1768:  La  Compagnie  reçut  une  lettre  de  S.  A.  S. M&r 
le  duc  de  Penthièvre,  gouverneur  de  Bretagne,  dattée  du  11,  avec 
une  copie  imprimée  de  celle  que  le  Roy  luy  avoit  écritte  le 
25  juin  précédent.  Msr  le  duc  de  Penthièvre  y  disoit  qu'il  avoit 
marqué  aux  Officiers  municipaux  de  se  concerter  avec  la  Com- 
pagnie pour  se  trouver  au  service  que  Sa  Majesté  avoit  ordonné 
de  faire  faire  dans  toutes  les  cathédrales  du  royaume  pour  la 
Reine  morte  le  4  juin  1768. 

Du  2  aoust  1768:  M.  l'abbé  de  la  Tullaye,  grand-vicaire  de 
M.  l'Evêque  de  Nantes,  étant  allé  chez  M.  le  Sénéchal  pour  le 
prier  de  luy  donner  jour  pour  inviter  la  Compagnie  à  se  trouver 
au  service  qui  devoit  se  faire  le  9  aoust,  dans  l'église  cathédrale, 
pour  le  repos  de  l'âme  de  la  feue  Reine;  M.  le  Sénéchal  luy  dit 
qu'il  pouvoit  venir  à  la  Chambre  du  Conseil  le  jeudi  4  du  mois,  à 
10  heures  du  matin,  que  la  Compagnie  s'y  trouveroit  assemblée 
pour  y  recevoir  l'invitation. 

Du  4  aoust  1768:  En  la  Chambre  du  Conseil  du  Présidial  de 
Nantes  où  présidoit  M.  le  Sénéchal.  Présents  :  MM.  le  lieutenant, 
de  Laville,  Le  Lasseur  l'aîné,  Jamont,  Deguer,  Monnier,  Galtot, 
Le  Lasseur  de  Ranzay  et  Félonneau,  avocat  du  Roy. 


-  174  — 

Est  entré  en  la  Chambre,  suivant  l'usage ,  M.  l'abbé  de  la 
Tullaye,  grand  vicaire  de  M.  l'Évêque  de  Nantes,  qui,  ayant  pris 
place  dans  un  fauteuil  à  bras  au  bas  du  bureau,  a  fait  un  dis- 
cours où,  après  un  court  éloge  de  la  feue  reine,  il  a  dit  que  le 
mardi  9  du  mois,  à  10  heures  du  matin,  il  seroit  célébré  dans 
l'église  cathédrale  un  service  pour  le  repos  de  son  àme;  qu'il 
invitoit  la  Compagnie  à  se  trouver  à  l'invitation  qu'il  venoit  de 
luy  faire. 

Le  9  aoust  suivant  :  La  Compagnie  étant  assemblée,  environ 
les  9  heures  du  matin,  en  la  Chambre  du  Conseil  où  présidoit 
M.  le  Sénéchal.  Présents:  MM.  le  lieutenant,  de  la  Ville,  Le 
Lasseur  l'aîné,  Jamont,  Deguer,  Monnier,  Gallot,  Le  Las- 
seur  de  Ranzay  et  Turquetil,  conseillers;  Goulin  de  la  Brosse, 
avocat  du  Roy,  Guérin  de  Beaumont,  procureur  du  Roy,  et 
Félonneau,  avocat  du  Roy,  ayant  ses  greffiers  et  huissiers,  est 
partie  sur  les  10  heures,  en  robbes  et  bonnets,  pour  se  rendre 
à  la  cathédrale,  où  étant  arrivée  elle  s'est  placée  dans  son  banc 
ordinaire,  la  Chambre  des  Comptes  et  la  Communauté  de  ville 
étoient  aussi  dans  leurs  bancs,  l'Université  formoit  un  demi  cercle 
au  bas  de  la  nef,  le  recteur  étoit  assis  sur  une  chaise  à  dos  saus 
bras,  avec  un  coussin  à  ses  pieds;  les  autres  membres  de  l'Uni- 
versité étant  à  sa  droite  et  à  sa  gauche  sur  des  chaises  de  bois 
foncées  de  paille  ;  elle  avoit  été  convoquée  suivant  l'usage  par  le 
secrétaire  de  M.  l'Évêque. 

Le  Consulat  n'assista  point  à  la  cérémonie,  n'ayant  point  été 
convoqué. 

M.  de  Livernière,  major,  et  représentant  en  cette  qualité  le 
commandant,  étoit  assis  sur  une  chaise  rembourée,  et  avoit  à 
côté  de  luy  et  au  devant  du  banc  du  château  les  officiers  de  la 
milice  bourgeoise  sur  des  chaises  de  bois  foncées  de  paille. 

Il  est  à  observer  que  M.  Phelippon,  chanoine  de  la  cathédrale 
et  intendant  de  fabrice  pour  la  cérémonie,  vint  à  trois  fois  diffé- 
rentes représenter  aux  officiers  de  milice  bourgeoise  qu'ils 
n'étoient  pas  à  leur  place,  celle  qu'ils  occupoient  ayant  été  réser- 
vée pour  la  noblesse,  à   quoy  ces  officiers  répondirent  qu'ils 


-  175  — 

accompagnoient  le  commandant;  réponse  qui  fut  appuyée  par  le 
sieur  de  Livernière,  de  sorte  qu'ils  restèrent  en  la  même  place 
pendant  toute  la  cérémonie. 

Il  est  encore  à  observer  que  le  sieur  de  Livernière  avoit  engagé 
la  noblesse  de  venir  l'accompagner,  ce  que  n'ayant  voulu  faire, 
il  s'étoit  fait  assister  par  la  milice  bourgeoise  ;  il  avoit  aussi  fait 
demander  au  Chapitre  un  fauteuil  et  un  coussin,  et  le  chapitre 
n'ayant  pas  voulu  le  lui  accorder,  il  avoit  fait  porter  luy  même  la 
chaise  rembourée  sur  laquelle  il  étoit  assis. 

MM.  du  Chapitre  de  la  cathédrale  étoient  assis  sur  des  chaises 
de  paille  entre  les  deux  grilles,  revêtus  de  surplis  et  leur 
aumusse  sur  le  bras  ;  derrière  eux,  à  droite  et  à  gauche,  les  cha- 
noines de  la  Collégiale,  aussi  en  surplis  et  aurausses;  le  clergé 
séculier  et  régulier  étoit  rangé  dans  la  nef,  sur  des  chaises  placées 
le  long  des  bancs  des  Compagnies. 

L'autel  avoit  été  adossé  à  la  porte  de  la  grande  grille  du  chœur, 
avec  un  dais  au  dessus;  cette  grille  et  les  autels  de  la  Vierge  et 
de  S.  Charles  étoient  tendus  de  noir  avec  des  pilastres  semées  de 
larmes,  et  des  croix  entre  les  deux  formées  de  carton  représen- 
tant des  têtes  de  morts  ;  l'autel  étoit  garni  de  six  cierges  accom- 
pagnés de  deux  autres  sur  les  crédances  et  quatre  autres  sur 
chacun  des  autels  collatéraux  ;  la  représentation  étoit  formée 
d'une  fausse  chasse  couverte  d'un  drap  mortuaire  de  velours  noir 
dont  la  croix  étoit  brodée  en  larmes  or  et  argent.  Le  tout  envi- 
ronné de  deux  rangs  de  cierges. 

La  musique  étoit  placée  entre  cette  représentation  et  la  petite 
grille. 

La  messe,  chantée  en  musique  et  plain  chant,  fut  célébrée  par 
M.  l'abbé  de  l'Aubrière,  qui  officia  en  l'absence  de  M.  de  la 
Muzanchère,  évêque  de  Nantes. 

La  cérémonie  finie,  les  Compagnies  se  retirèrent,  sans  garder 
aucun  ordre  entre  elles,  n'étant  pas  d'usage  de  jetter  de  l'eau 
bénite. 

La  Compagnie  assista  également  au  service  que  fit  célébrer  le  général 
de  la  paroisse  de  Sainte-Croix,  en  ayant  été  invitée  par  deux  marguilliers 


-  176  - 

qui  furent  reçus  par  le  Bureau  5  M.  le  Doyen  entre  eux  deux  et  portant 
la  parole.  On  avoit  fait  préparer  les  baucs  des  fabriqueurs  pour  la  Com- 
pagnie. 


RAPPORT   DE  LA  DEPUTATION   A   LA   COMPAGNIE. 

Te  Deum,  et  autres  réjouissances  faites  par  la  Compagnie  pour 

le  rappel  du  Parlement. 

Du  vendredi  21  juillet  1769:  En  la  Chambre  du  Conseil  où 
présidoit  M.  le  Sénéchal.  Présens  :  MM.  le  lieutenant,  de  la  Ville, 
Le  Lasseur,  Jaraont,  Deguer,  Monnier,  Gallot,  Le  Lasseur  de 
Ranzay  et  Turquetil,  conseillers;  Goullin  de  la  Brosse,  avocat  du 
Roy,  et  Guériu  de  Beaumont,  procureur  du  Roy. 

MM.  le  lieutenant,  Gallot,  Turquetil  et  Guérin  de  Beaumont  qui 
avoient  été  députés  vers  le  Parlement,  par  la  délibération  de  la 
Compagnie  du  13  juillet  présent  mois,  ont  fait  le  rapport  de  leur 
députation  ainsi  qu'il  suit  : 

Nous  fûmes  admis,  lundi  dernier,  17  de  ce  mois,  à  dix  heures 
du  matin,  à  saluer  la  Cour  qui  étoit  rentrée  le  samedi  15  ;  nous 
témoignâmes  aux  Chambres  assemblées  la  joye  que  vous  ressen- 
tiez du  rappel  du  Parlement,  et  nous  insinuâmes  les  espérances 
que  vous  partagez  avec  tout  le  public  sur  le  retour  de  MM.  les 
procureurs  généraux. 

M.  le  premier  président,  au  nom  de  la  Cour,  fit  une  réponse 
honeste  et  flatteuse  pour  la  Compagnie. 

En  sortant  du  Parlement,  nous  nous  rendîmes,  suivant  vos 
ordres,  chez  M.  le  duc  de  Duras,  auquel  nous  marquâmes  voire 
reconnoissance  du  service  essentiel  qu'il  vient  de  rendre  à  toute 
la  province  et  à  la  magistrature  en  particulier. 

M.  le  duc  nous  répondit  qu'il  étoit  bien  sensible  à  l'attention 
de  la  Compagnie  et  qu'il  l'en  remercioit. 

Vers  les  cinq  heures  du  soir  du  même  jour,  nous  crûmes 


-   477  — 

devoir  aller  saluer  Mme  la  duchesse  de  Duras  pour  la  remercier 
de  l'interrest  qu'elle  a  pris  au  succez  des  affaires  de  la  Bretagne; 
cette  dame  parut  sensible  à  notre  compliment. 

Nous  assistâmes  mercredi  19  de  ce  mois,  à  un  Te  Deum,  que  le 
Présidial  de  Rennes  a  fait  chanter  en  action  de  grâces  du  rappel 
du  Parlement,  et  auquel  nous  avions  été  invités  la  veille  par 
M.  le  doyen  des  conseillers  ;  les  députés  des  deux  autres  Prési- 
diaux  y  assistèrent  comme  nous  ;  M.  le  Sénéchal  de  Rennes  pré- 
sidoit  toute  la  cérémonie  ;  à  côté  de  luy  marchoit  M.  le  lieute- 
nant, votre  député,  et  ils  étoient  suivis  immédiatement  de 
MM.  Gallot,  Turquetil  et  Guérin  de  Beaumont,  vos  trois  autres 
députés;  après  eux  marchoient  les  députés  du  Présidial  de 
Vannes,  qui  étoient  suivis  de  ceux  de  Quimper.  Le  corps  du  Pré- 
sidial de  Rennes  marchoit  ensuite,  ayant  le  lieutenant  à  sa  teste. 
On  retourna  après  le  Te  Deum,  dans  le  même  ordre,  à  la  Chambre 
du  Conseil  ;  cette  marche  fut  ainsi  réglée  relativement  au  rang 
que  les  Présidiaux  de  la  province  tiennent  entre  eux,  et  non  par 
l'ordre  de  réception  des  officiers  qui  composoient  les  députations, 
parce  que  l'on  considéra  que  chaque  députation  représentoit  la 
Compagnie  et  devoit  en  tenir  la  place. 

Après  lequel  rapport,  M.  le  Sénéchal,  au  nom  de  la  Compa- 
gnie, a  remercié  MM.  le  lieutenant,  Gallot,  Turquetil  et  Guérin 
de  Beaumont,  et  a  approuvé  tout  ce  qu'ils  ont  fait  en  son  nom. 

M.  le  Sénéchal  a  ensuite  représenté  qu'il  seroit  convenable 
dans  une  occasion  aussi  intéressante  que  celle  où  la  province  se 
trouve,  et  qu'on  peut  dire  unique,  de  donner  des  marques  écla- 
tantes de  la  joye  de  la  Compagnie,  en  faisant  chanter  un  Te  Deum, 
allumer  un  feu  de  joye  et  illuminer  la  façade  do  palais  ;  sur  quoy 
ayant  été  délibéré,  la  Compagnie  a  arresté  unanimement  de  faire 
chanter  un  Te  Deum  dans  l'église  de  Sainte-Croix,  lundi  prochain, 
24  du  présent  mois,  auquel  le  corps  des  avocats  et  la  Commu- 
nauté des  procureurs  seront  invités  de  marcher  ù  la  suite  de  la 
Compagnie  ;  qu'à  1'isstie  du  Te  Deum  il  sera  allumé  un  feu  de 
joye  sur  la  place  du  Bouffay,  et  que  le  soir  on  illuminera  la  façade 
du  palais  au  dessus  du  grand  escalier.  En  conséquence,  la  Com- 
1879  12 


—  478  — 

pagnie  a  prié  MM.  de  la  Ville,  Deguer,  Gallot  et  Le  Lasseur  de 
Ranzay,  de  voulloir  bien  se  donner  les  soins  nécessaires  pour 
l'exécution  delà  présente  délibération. 

En  conséquence  de  la  délibération  du  21  juillet  1769,  la  Com- 
pagnie se  rendit  le  lundi  24  du  même  mois,  sur  les  sept  heures 
du  soir,  en  l'église  de  Sainte-Croix  qui  avoit  été  tapissée  et  illu- 
minée à  cet  effet.  La  Compagnie  étoit  précédée  de  ses  greffiers 
et  huissiers,  le  corps  des  avocats  suivoit  immédiatement,  ayant  à 
sa  teste  M.  Goullin  de  la  Brosse,  avocat  du  Roy;  la  Communauté 
des  procureurs  marchoit  ensuite.  On  avoit  préparé  les  bancs  des 
anciens  fabriqueurs  pour  la  Compagnie  -,  ceux  du  haut  de  l'église, 
immédiatement  après  le  chœur,  de  part  et  d'autre,  étoient  cou- 
verts de  tapis  et  gardés  par  des  invalides  du  Château  pour  les 
avocats  et  procureurs.  M.  le  recteur  de  Sainte-Croix  vint  avec 
tous  ses  prestres  revêtus  de  leurs  chappes,  recevoir  au  bas  de 
l'église  la  Compagnie  et  luy  présenter  l'eau  bénite  ;  il  se  rendit 
dans  le  même  ordre  à  la  fin  de  la  cérémonie  pour  saluer  la  Com- 
pagnie à  la  porte  de  l'église.  Le  Te  Deum  fut  chanté  par  les 
musiciens  de  la  cathédrale  et  de  la  ville,  au  nombre  de  quarentev 
placés  dans  le  lutrin  au  bas  de  l'église,  au  dessus  de  la  grande 
porte.  Toutes  les  jurisdictions,  la  noblesse,  le  corps  de  ville,  les 
autres  corps,  et  générallement  tous  les  honestes  gens  avoient  été 
invités  par  des  billets  imprimés  qu'on  avoit  fait  distribuer.  A  l'issue 
du  Te  Deum  la  Compagnie,  précédée  de  ses  greffiers  et  huissiers, 
suivie  du  corps  des  avocats  et  de  la  Communauté  des  procureurs, 
se  rendit  sur  la  place  du  Bouffay  où  le  feu  de  joye  fut  allumé 
par  M.  le  Sénéchal  et  M.  le  juge  criminel. 

Le  soir  du  même  jour,  une  partie  de  la  façade  du  palais  fut 
illuminée  ;  la  décoration  étoit  surmontée  d'un  fronton  chargé  de 
l'inscription:  Vive  le  Roy  et  M.  le  duc  de  Duras  ;  au  centre  étoit 
une  autre  inscription  portant  ces  mots  :  Senatu  resliluto.  Deux 
devises  accompagnoient  ces  pilastres  illuminés,  l'une,  dont  le 
corps  étoit  un  phœnix  renaissant  de  ses  cendres  et  l'âme  post 
f'ala  resurgo,  relative  au  parlement;  l'autre,  dont  le  corps  étoit 
une  lune  touchant  à  son  plein  et  l'âme  jamjam  nil  décrit,  relative 


—  479  — 

aux  procureurs  généraux  ;  on  fit  couler  deux  fontaines  de  vin, 
des  tembours  et  des  fiffres  invitoient  lu  peuple  à  se  joindre  à  la 
Compagnie  pour  témoigner  sa  joye;  on  dansa  sur  la  place  une 
partie  de  la  nuit  ;  la  feste  fut  terminée  par  un  souper  que  M.  le 
Sénéchal  donna  à  la  Compagnie,  où  le  doyen  des  avocats  et  le 
sindic  des  procureurs  furent  invités  et  se  trouvèrent. 

La  Communauté  des  procureurs  avoit  fait  chanter  une  messe 
et  un  Te  Deum  dans  l'église  des  Jacobins,  le  vendredi  21.  La 
Compagnie,  qui  y  fut  invitée,  y  marcha  précédée  de  ses  greffiers 
et  huissiers,  et  suivie  de  la  Communauté  des  procureurs.  On  lui 
avoit  préparé  des  fauteuils  dans  le  sanctuaire,  et  les  procureurs 
occupoient  les  stales  du  chœur.  Arresté  ledit  jour  et  an  que 
dessus. 


DECLARATION    POUR    LA    LIQUIDATION    DES    OFFICES    DU    PRESIDIAL 

Du  20  novembre  1771  :  En  la  Chambre  du  Conseil  du  Présidial 
de  Nantes  où  présidoit  M.  Bellabre,  sénéchal.  Présens  :  MM.  Huet 
de  Coetlisan,  juge  criminel;  Richard,  lieutenant;  Delaville, 
doyen  ;  Le  Lasseur  l'aîné,  Jamont,  Deguer,  Monnier,  Gallot, 
Le  Lasseur  de  Ranzay,  Turquetil,  Marcé  et  Mahot,  conseillers,  et 
Fellonneau,  avocat  du  Roy. 

A  été  proposé  par  un  des  Messieurs  do  procéder  à  l'évaluation 
des  offices  du  siège,  conformément  à  l'édit  du  mois  de  février 
1771.  Sur  quoi,  délibérant,  nous  Officiers  susdits,  déclarons  que 
le  siège  est  composé  d'un  grand  bailli  de  pié  dont  l'office  est 
possédé  par  le  sieur  Binet  de  Jasson. 

De  deux  offices  de  présidents-Présidial  et  d'un  office  de  Séné- 
chal, possédés  ensemble  par  le  sieur  Bellabre. 

D'un  office  d'Alloué,  lieutenant-général,  vacant  par  la  mort  du 
sieur  Jego  de  la  Blottière. 

De  celui  du  juge  magistrat  criminel,  possédé  par  le  sieur  Huet 
de  Coetlisan. 


—  180  — 

De  celui  de  lieutenant  particulier  civil  et  criminel,  possédé  par 
le  sieur  Richard. 

De  onze  offices  de  conseillers,  dont  un  est  vacant  par  la  mort 
du  sieur  de  la  Haye-Moricaud,  et  les  autres  possédés  par  les  sieurs 
Delaville,  doyen;  Le  Lasseur  l'aîné,  Jamont,  Deguer,  Monnier, 
Gallot,  Le  Lasseur  de  Ranzay,  Turquetil,  Macé  et  Mahot. 

De  deux  offices  d'avocats  du  Roy,  possédés  par  les  sieurs 
Goullin  de  la  Brosse,  absent,  et  Fellonneau. 

D'un  office  de  procureur  du  Roy,  possédé  par  le  sieur  Bade- 
reau,  absent. 

Et,  procédant  à  l'évaluation  des  susdits  offices,  a  été  dit  par 
le  Sénéchal  que,  malgré  la  bonne  volonté  qu'il  auroit  de  satisfaire 
à  l'édit  du  mois  de  février  dernier,  il  ne  lui  est  pas  possible  de 
le  faire  quant  à  présent,  étant  propriétaire  et  titulaire  de  deux 
offices  de  présidents-présidial  ;  ces  offices  se  trouvent  supprimés, 
et,  par  les  dispositions  de  cet  édit,  l'un  de  ces  offices  se  trouve 
réuni  à  celui  de  juge  criminel  ;  que  pour  s'y  conformer,  il  auroit 
fait  sa  démission  en  faveur  de  M.  Huet  de  Coetlisau,  juge  criminel 
actuel,  par  acte  rapporté  par  Me  Girard,  notaire  royol,  le  26  août 
dernier;  qui  auroit  été  notifié  le  28  du  même  mois;  que  par  l'ar- 
ticle six  de  l'édit,  n'ayant  pas  pu  parvenir  à  traiter  à  l'amiable 
avec  mon  dit  sieur  le  juge  criminel,  il  a  été  forcé  de  se  pourvoir 
au  Conseil  pour  faire  liquider  les  dites  deux  charges  de  président, 
dont  l'une  doit  lui  être  remboursée  par  le  juge  criminel,  et  l'autre 
annexée  à  la  charge  de  Sénéchal,  dont  il  est  titulaire;  que  jusqu'à 
ce  que  cette  liquidation  soit  failte  au  Conseil,  il  ne  peut  donner 
de  valeur  certaine  à  son  office  de  Sénéchal,  auquel  se  trouvera 
jointe  une  des  charges  de  président;  qu'il  en  auroit  même 
donné  avis  à  M.  le  Contrôleur  général  par  lettre  qu'il  lui  a  écrite 
le  31  octobre  dernier,  dont  il  n'a  point  encore  eu  de  réponse. 

Par  M.  le  juge  criminel  a  été  dit  que,  pour  satisfaire  au  susdit 
édit,  il  déclare  évaluer  la  finance  de  son  office  à  la  somme  de 
trente  mille  livres,  montant  du  prix  de  l'acquisition  qu'il  en  a 
faitte.  Dans  laquelle  somme,  il  ne  comprend  point  3,900  livres  de 
provisions,  observant  que,  quoique  par  l'édit  de  création  de  son 


-  181  - 

office,  il  lui  soit  attribué  des  gages,  il  est  cependant  constant 
que  ses  deux  derniers  prédécesseurs,  ni  lui,  n'en  ont  point  tou- 
ché jusqu'à  présent. 

Par  M.  le  lieutenant,  a  été  dit  qu'il  évalue  la  finance  de  son 
office  à  la  somme  de  15,000  livres,  montant  du  prix  d'aquisition 
qu'il  en  a  faite  par  acte  passé  devant  Goisquaud  et  son  confrère, 
notaires  royaux  à  Nantes,  le  4  septembre  1764. 

MM.  les  Conseillers  ayant  délibéré,  ont  estimé  que  chacun  de 
leurs  offices  vaudroit  la  somme  de  24,000  livres,  mais  ils  sont 
chargés  de  51,314  livres  6  sols  6  deniers  de  dettes,  qu'ils  ont  été 
obligés  de  contracter  pour  le  remboursement  forcé  de  différents 
offices;  cette  somme  divisée  par  onze  fait  pour  chaque  4,665  livres, 
pour  lesquels  ils  ne  touchent  chacun  que  41  livres  4  sols  9  deniers 
de  gages,  qui  sont  même  en  arrière  depuis  quatre  ans,  ainsi  que 
leurs  anciens  gages  de  cent  livres  attribués  à  leur  première 
semaine. 

Pour  quoi  ils  déclarent  fixer  la  valeur  actuelle  de  leurs  offices  à 
la  somme  de  9,335  livres,  à  l'exception  du  sieur  Le  Lasseur  l'aîné, 
qui  l'évalue  à  celle  de  9,735,  à  cause  de  vingt  livres  de  gages  qui 
sont  attribués  de  plus  à  son  office. 

Par  M.  Goullin  de  la  Brosse,  avocat  du  Roi,  absent  pour  cause 
de  maladie,  a  été  dit  par  M.  le  Sénéchal  faisant  et  agissant  pour 
lui,  qu'il  évalue  son  office  d'avocat  du  Roi  à  la  somme  de  9,000 
livres. 

Par  M.  Fellonneau,  aussi  avocat  du  Roi,  a  été  dit  qu'il  évalue 
son  office  à  la  même  somme  de  9,000  livres. 

Fait  et  arrêté  double,  en  la  Chambre  du  Conseil,  le  dit  jour  et 
an,  pour  en  être  envoyé  un  à  M.  le  Contrôleur  général  et  l'autre 
demeurera  déposé  au  Greffe  du  siège,  conformément  au  dit  édit. 

Bellabre,  Huet  de  Coetlisan,  Richard,  Delaville, 
doyen  ;  Le  Lasseur,  Jamont,  Deguer,  Monnier, 
Gallot,  Turquetil,  Marcé,  Mahot,  Le  Lasseur 
de  Ranzay,  Fellonneau,  avocat  du  Roi. 
Déposé  au  Greffe  du  Présidial  de  Nantes,  le  vingt  novembre  1771. 

DrjLlEPVBE. 


—  182  — 


TAPISSERIES  POUR  LA  SALLE  D  AUDIANCE. 

Du  11  avril  1772;  :  En  la  Chambre  du  Conseil  du  siège  Prési- 
dial  de  Nantes  où  présidoit  M.  le  Sénéchal.  Présens  :  MM.  de  la 
Ville,  doyen;  Le  Lasseur,  Jamonl,  Deguer,  Monnier,  Gallot,  Le 
Lasseur  de  Ranzay,  Turquetil  et  Marcé,  conseillers. 

M.  Le  Lasseur  de  Ranzay  a  présenté  un  plan  de  tapisseries 
pour  la  salle  d'audiance,  qu'il  a,  conjointement  avec  M.  le  lieute- 
nant, fait  dessiner  par  le  sieur  Henon,  conformément  à  la  délibé- 
ration du  7  septembre  dernier,  qui  les  a  chargés  de  faire  faire  les- 
dittes  tapisseries  ;  et  il  a  fait  état  en  même  tems  des  propositions 
faittes  par  le  sieur  d'Arlige,  manufacturier  d'Aubusson,  de  présent 
en  cette  ville  de  Nantes  pour  l'exécution  dudit  plan. 

Sur  quoy,  la  Compagnie  délibérant  a  adopté  le  plan  de  tapis- 
series dont  il  s'agit,  représentant  sur  différentes  pièces,  la  religion, 
la  justice,  la  prudence,  la  force,  la  jurisprudence  et  la  paix  avec 
des  trophées  relatifs  et  des  vues  de  différens  édifices  de  cette  ville, 
aussi  y  relatifs  ;  en  conséquence,  la  Compagnie  a  prié  MM.  le 
lieutenant  et  Le  Lasseur  de  Ranzay  de  faire  exécuter  ledit  plan 
de  tapisseries  par  ledit  sieur  d'Artige,  dans  la  qualité  conforme  à 
un  trumeau  qui  a  été  présenté  et  sera  déposé  dans  l'armoire  de 
la  Chambre  du  Conseil  pour  échantillon,  parce  que  néantrnoins  les 
bordures  seront  entièrement  en  laine,  et  pour  la  somme  de  deux 
mille  quatre  cens  livres,  payables  savoir,  huit  cens  livres  d'avance 
sous  le  cautionnement  du  sieur  Barreau,  marchand  tapissier  de 
cette  ville,  tant  pour  laditte  somme  que  pour  l'exécution  du  plan, 
huit  cens  livres  lors  de  la  livraison  desdittes  tapisseries,  et  les 
huit  cens  livres  restans  dans  un  an  après  laditte  livraison  ;  et  au 
surplus  la  Compagnie  a  autorisés  mesdits  sieurs  le  lieutenant  et 
Le  Lasseur  de  Ranzay  à  régler  ainsy  qu'ils  le  verront  convenable 
sur  ce  qu'il  sera  nécessaire  de  payer  au  dessinateur,  au  tapissier 
qui  posera  et  aux  autres  ouvriers  qu'il  sera  nécessaire  d'employer, 
ainsy  que  sur  tous  autres  faux  frais,  s'en  rapportant  à  leur  pru- 


—  183  — 

dence  et  approuvant  dès  à  présent,  comme  pour  lors,  tout  ce 
qu'ils  feront  à  cet  égard.  Arresté  en  la  Chambre  du  Conseil,  les- 
dits  jour  et  an. 

Bellabre,  Delaville,  Le  Lasseur,  Jamont, 
Deguer,  Monnier,  Gallot,  Le  Lasseur 
de  Ranzay,  Turquetil,  Marce,  Mahot, 
par  approbation. 


Du  7  janvier  1773:  En  la  Chambre  du  Conseil  où  présidoit 
M.  le  Sénéchal.  Présens:  MM.  le  lieutenant,  Le  Lasseur  l'aîné, 
Jamont,  Gallot,  Le  Lasseur  de  Ranzay,  Turquetil,  Marcé  et  Mahot, 
conseillers,  Fellonneau,  avocat  du  Roy  et  Badereau,  procureur 
du  Roy.  Le  sieur  d'Artige,  le  jeune,  manufacturier  à  Feuilletin, 
ayant  livré  les  tapisseries  dont  il  s'étoit  chargé,  en  conséquence 
de  la  délibération  du  11  avril  1772,  et  du  marché  fait  en  consé- 
quence, le  13  du  même  mois,  par  MM.  le  lieutenant  et  Le  Lasseur 
de  Ranzay,  commissaires  nommés  par  ladite  délibération,  à  l'ex- 
ception des  tapis  des  sièges  qu'il  a  assuré  devoir  arriver  inces- 
samment; et  MM.  le  lieutenant  et  Le  Lasseur  de  Ranzay  lui  ayant 
fait  payer  deux  mille  cent  livres,  à  valloir  sur  la  somme  de  deux 
mille  quatre  cens  trente  livres,  montant  de  son  marché  ;  la  Com- 
pagnie, très  satisfaitte  de  l'exécution  de  laditte  tapisserie,  a  arresté 
d'ajouter  à  la  somme  de  trois  cens  trente  livres  qui  lui  reste  due, 
celle  de  cent  soixante-dix  livres  de  gratification,  au  moyen  de 
quoy  il  sera  payé  audit  sieur  d'Artige  le  jeune  la  somme  de  cinq 
cens  livres,  pour  solde  du  prix  des  tapisseries  livrées  et  des  tapis 
des  sièges  qu'il  fournira,  et  ce,  sur  les  premiers  fonds  qui  ren- 
treront par  le  droit  des  adjudications  affecté  aux  réparations  de 
l'auditoire. 

Bellabre  ,  Richard  ,   Le  Lasseur  ,  Jamont  , 

Gallot,  Le  Lasseur  de  Ranzay,  Turquetil, 

Marcé,  Mahot. 


—  184  - 
RÈGLEMENT  ENTRE  LE  SÉNÉCHAL  ET  LES  AUTRES  JUGES. 

Du  12  décembre  1774  :  En  la  Chambre  du  Conseil  où  présidoit 
M.  le  Sénéchal.  Présens  :  MM.  le  lieutenant,  de  la  Ville,  doyen, 
Le  Lasseur  l'aîné,  Jamont,  Deguer,  Gallot,  Le  Lasseur  de  Ranzay, 
Turquetil,  Marcé  et  Mahot,  conseillers. 

M.  le  Sénéchal,  et  MM.  Le  Lasseur  de  Ranzay  et  Marcé,  nommés 
par  MM.  les  conseiller»,  leurs  confrères,  pour  les  représenter 
par  le  compromis  du  20  juin  1772,  inséré  au  présent  registre, 
folio  193,  verso,  pour  parvenir  à  un  règlement  sur  les  fonctions 
respectives,  ont  dit,  qu'ayant  aux  fins  dudit  compromis  fourni 
de  part  et  d'autre  leurs  demandes  et  réponses  et  produit  leurs 
pièces  devant  MM.   les  arbitres,  il  parut  convenable  avant  que 
ces  Messieurs  en  entamassent  l'examen,  de  chercher  à  se  rappro- 
cher sur  les  articles  qui  souffriroient  le  moins  de  difficultés, 
même  de  transiger   sur  le  tout  s'il  étoit  possible,  la  matière 
paroissant  suffisament  éclairée  sur  tous  les  points  ;  qu'en  consé- 
quence, ils  avoient  eu  différentes  conférences  chez  M.  Heullin  de 
la  Martinais,  conseil  de  M.  le  Sénéchal,  et  y  étoient  convenu  d'un 
projet  de  règlement   général  ;  lequel,   ayant  été  lu  à  la  Com- 
pagnie, après  y  avoir  fait  quelques  changemens  et  additions  qui 
ont  paru  nécessaires,  il  a  été  unanimement  convenu  et  arresté 
ainsy  qu'il  suit  : 

Règlement  entre  M.  le  Sénéchal,  M.   le  lieutenant  et  MM.  les 
Conseillers  du  Présidial  de  Nantes. 

Article  premier. 

Il  ne  pourra  sous  quelque  prétexte  que  ce  soit  estre  tenu  d'au- 
diance  par  aucun  des  Officiers  du  Présidial  seul,  si  ce  n'est  dans 
les  cas  portés  aux  articles  9,  10  et  12,  fors  dans  le  tems  des 
vacances,  où  il  continuera  d'en  estre  tenu  une  par  ceux  des  Offi- 


-185  — 

ciers  qui  se  trouveront  en  ville,  même  par  un  seul  s'il  ne  s'en 
trouve  pas  d'autres,  et  ce  pour  les  matières  qui  requièrent  célé- 
rité. 

Article  2. 

Le  Sénéchal  continuera  néantmoins  d'exercer  seul  la  jurisdic- 
tion  volontaire  appellée  d'office,  et  en  son  absence  l'Alloué,  le 
lieutenant  ou  l'ancien  conseiller  suivant  l'ordre  du  tableau  ;  c'est 
à  savoir  qu'il  fera  seul  les  tutelles,  curatelles,  émancipations, 
décrets  de  mariage,  ordonnera  la  collocation  des  deniers  des 
mineurs,  homologuera  les  avis  de  parens  à  fin  de  vente  des  biens 
des  mineurs,  expédiera  les  requestes  à  fin  de  séquestre  de 
meubles,  donnera  mainlevée  des  successions,  les  paréatis,  rece- 
vra les  sermens  des  commis  à  la  marque,  fera  les  légalisations, 
chiffrature  des  registres  de  toute  espèce,  donnera  les  certificats 
de  vie,  fera  les  procédures  pour  parvenir  à  l'interdiction  des  ma- 
jeurs, aux  réformes  et  rectifications  sur  les  registres  de  baptêmes, 
mariages  et  sépultures,  et  les  informations  de  vie  et  mœurs  pour 
parvenir  à  la  réception  des  officiers  des  jurisdictions  du  ressort 
et  des  officiers  inférieurs  du  siège  ;  sans  néantmoins  que  les  sen- 
tences sur  lesdittes  interdictions  et  rectifications  de  registres 
puissent  estre  prononcées,  et  que  lesdittes  réceptions  d'officiers 
des  jurisdictions  du  ressort  et  d'officiers  inférieurs  du  siège 
puissent  estre  faittes  qu'au  corps  du  siège. 

Article  3. 

Dans  tous  les  cas  cy-dessus,  s'il  parvient  quelques  contesta- 
tions de  quelque  nature  qu'elles  soient,  le  Sénéchal  ou  celui  qui  le 
remplacera  en  son  absence  sera  tenu  de  les  renvoyer  au  corps  du 
siège  pour  y  estre  jugées  à  l'audiance,  si  faire  se  peut,  ou  sur 
délibéré ,  sinon  appointées,  et  en  cas  d'appointement,  le  rapport 
entrer  en  distribution,  et  après  le  jugement,  qui  sera  rendu,  estre 
procédé  en  exécution  en  la  forme  ordinaire. 


-  186  — 

Article  4. 

Au  Sénéchal  seul  appartiendra  la  police  des  prisons,  la  récep- 
tion des  geôliers  et  greffiers  desdites  prisons  et  la  chiffrature  des 
registres  de  la  geôle,  sans  que  néantmoins,  conformément  aux 
lettres  patentes  du  6  février  1753,  il  puisse  estre  interdit  aux 
juge  criminel,  lieutenant  et  autres  juges,  de  faire  la  visitte  parti- 
culière des  prisonniers,  dont  les  causes  ou  procès  seroient  pen- 
dant par  devant  eux,  ni  pareillement  le  droit  d'empescher  la 
communication  desdits  prisonniers  avec  d'autres  personnes,  ou 
de  leur  donner  un  conseil  ou  de  statuer  sur  leur  liberté  provi- 
soire ou  définitive,  et  sans  que  pareillement  le  Sénéchal  puisse 
exercer  aucun  acte  de  jurisdiction  criminelle  soit  pour  bris  de 
prison  ou  autrement. 

Article  5. 

Touttes  contestations  et  affaires  renvoyées  et  attribuées  par  le 
Roy  ou  par  les  cours,  soit  au  Sénéchal,  soit  aux  officiers  du  Pré- 
sidial  ou  de  la  Sénéchaussée,  seront  instruites  et  jugées  en  la 
manière  en  laquelle  les  affaires  de  pareille  nature  et  qualité 
doivent  estre  instruites  et  jugées  audit  siège  ;  et  le  Sénéchal  et 
autres  officiers  y  exécuteront  chacun  à  leur  égard  les  fonctions 
qui  leur  appartiennent,  le  tout  suivant  la  nature  et  qualité  des 
affaires,  et  à  ce  qui  est  porté  par  le  présent  règlement. 

Article  6. 

A  l'égard  des  commissions  qui  seront  données  au  Sénéchal 
pour  faire  informations  et  enqucstes,  dresser  procès- verbaux  et 
faire  toutte  autre  procédure  et  instruction  du  ministère  d'un  seul 
officier,  elles  seront  exécutées  par  ledit  Sénéchal  ;  et  si  elles 
étoient  adressées  à  la  Sénéchaussée  ou  au  Présidiai,  elles  seront 
faittes  par  les  Commissaires  en  mois. 


—  487  - 

Article  7. 

Touttes  affaires  autres  que  celles  dont  la  connaissance  appar- 
tiendroit  au  Sénéchal  seul,  aux  termes  des  articles  9,  10  et  12, 
soit  qu'elles  soient  ordinaires,  présidialles,  d'appel  ou  bénéfi- 
ciables,  soit  qu'elles  concernent  le  domaine,  les  fouagcs,  les  éco- 
nomats et  généralement  touttes  matières  quelles  qu'elles  soient, 
autres  que  celles  portées  auxdits  articles  9,  10  et  12,  seront  por- 
tées à  l'audiance  du  siège  où  elles  seront  appellées  à  tour  de 
rolle  ;  à  l'effet  de  quoy  il  sera  fait  deux  rolles,  l'un  des  causes 
ordinaires  et  l'autre  des  causes  d'appel.  Le  premier  sera  appelle 
les  mardys  et  mercredis,  et  l'autre  les  jeudys  et  vendredys  ;  sans 
que  l'ordre  desdits  rolles  puisse  estre  interverti,  et  qu'aucune 
cause  en  puisse  estre  exceptée,  si  ce  n'est  celles  qui  requièrent 
célérité  et  où  il  y  auroit  péril  en  la  demeure,  lesquelles  seront 
jugées  sur  un  simple  acte  pour  venir  plaider  dans  la  première 
demie  heure  de  l'audiance  ordinaire;  et  seront  lesdits  rolles  faits 
sur  papier  timbré,  chiffrés  et  millésimés  par  le  Sénéchal  ou  autre 
qui  présidera  en  son  absence,  a  l'effet  de  quoy  les  procureurs 
seront  tenus  de  remettre  aux  mains  du  premier  huissier  les 
qualités  des  causes  qui  seront  de  nature  à  estre  employées  dans 
lesdits  rolles,  et  en  estât  d'estre  plaidées;  lequel  sera  tenu  de  les 
enroller  suivant  l'ancienneté  des  dattes  des  présentations;  et  au 
cas  que  quelqu'unes  desdittes  causes  soient  renvoyées,  conser- 
vées ou  rayées  de  l'avis  des  juges,  il  en  sera  fait  notte  à  la  marge 
dudit  rolle  a  l'endroit  de  la  cause. 

Article  8. 

A  la  même  audiance  publique  du  siège  seront  faittes  touttes 
ventes  et  adjudications  judiciaires  de  biens,  les  demandes  de 
compte,  publications  et  réceptions  d'aveux  et  impunissement 
d'iceux,les  déshérences,  aubaines,  bâtardises,  épaves,  les  demandes 
de  fouages,  lods  et  ventes  et  rachapts  et  autres  de  pareille  nature 


—  488  — 

dus  au  domaine  du  Roy;  sans  que  dans  aucun  cas,  autres  que 
ceux  portés  aux  articles  1,  9,  10  et  12,  le  Sénéchal  ou  aucun 
autre  officier  du  siège  puisse  tenir  seul  des  audiances  et  juger 
seul  des  causes  sous  prétexte  de  célérité  ou  autrement. 

Article  9. 

Le  Sénéchal  connoistra  seul  des  causes  concernant  les  devoirs 
de  la  province,  droits  d'impôts  et  billots  et  contravention  aux 
ordonnances  du  Roy  et  bail  des  États  ;  et  ce,  dans  les  cas  seule- 
ment où  il  s'agira  de  faire  rentrer  dans  les  mains  du  fermier  des 
sommes  dues  par  autres  que  par  les  sous-fermiers,  commis  et 
employés  ;  et  quant  aux  contestations  des  fermiers  entre  eux,  ou 
d'entre  les  fermiers,  sous-fermiers,  cautions,   commis  ou  em- 
ployés, la  connoissance  en  appartiendra   au  corps   du  siège. 
A  l'égard  des  inscriptions  de  faux  dans  les  mêmes  affaires  des 
devoirs,  elles  ne  pourront  estre  jugées  par  le  Sénéchal  que  dans 
le  cas  où  le  fermier  sera  partie  dans  lesdittes  inscriptions  de 
faux;  lequel  cas  cessant,  elles  seront  jugées  au  corps  du  siège  de 
la  même  manière  que  les  autres  affaires,  et  après  avoir  été  dis- 
tribuées. Il  en  sera  de  même  si  les  inscriptions  de  faux  dans 
lesdittes  matières  des  devoirs,  sont  instruites  par  recollement  et 
confrontation,   quoique  le  fermier  y  soit  partie,  auquel  cas ,  et 
dans  tous  les  autres  où  la  voye  extraordinaire  sera  suivie,  le 
règlement  à  l'extraordinaire  et  les  suites  qu'il  conviendra  de  faire 
seront  renvoyées  et  jugées  au  corps  du  siège,  au  rapport  du 
Sénéchal,  qui  en  continuera  l'instruction  et  aura  deux  parts  dans 
les  épices,  comme  dans  tous  les  cas  où  il  est  rapporteur  né,  et 
les  autres  officiers  auront  chacun  une  part  ;  et  si  le  fermier  n'est 
point  partie  dans  lesdittes  instances,  elles  seront  dans  tous  les  cas 
instruites,  distribuées  et  jugées  au  corps  du  siège,  soit  qu'elles 
soient  suivies  criminellement  ou  civilement;  enfin  le  Sénéchal  ne 
pourra  connoistre  seul  des  plegemens,  arrests,  saisies,  bénéfices 
d'inventaire  et  autres  instances  où  le  fermier  interviendra  pour  le 


-  189  — 

payement  des  condamnations  énoncées  à  son  profit,  non  plus  que 
des  contestations  entre  des  particuliers,  pour  contribution  et 
rapport,  dommages  et  intérests  à  raison  des  condamnations 
énoncées  au  proffit  du  fermier  des  devoirs,  lesquelles  seront  por- 
tées au  corps  du  siège,  ainsy  que  les  plegements  et  arrests 
aux  mains  du  fermier,  ses  directeurs  et  receveurs  sur  les  sommes 
par  lui  dues  aux  commis  employés  ou  autres  qui  seront  ins- 
truites, distribués  ou  jugés  par  le  corps  du  siège,  en  la  forme 
ordinaire. 

Article  10. 

Le  Sénéchal  recevra  les  baux  judiciaires,  conversions  des 
baux  conventionnels  en  baux  judiciaires,  ventes  de  fruits,  connoî- 
tra  des  droits  d'entrée,  octrois,  pancarte  et  autres  droits  dé- 
pareille nature  dus  au  domaine  du  Roy  ;  parce  que  néantmoins  il 
ne  pourra  juger  seul  lesdittes  affaires,  que  lorsque  le  fond  du  droit 
ne  sera  pas  contesté  ou  que  celui  à  qui  il  sera  demandé  ne  pré- 
tendra pas  estre  exemt,  soit  à  raison  d'une  exeration  ou  d'un 
privilège  personnel,  soit  à  raison  de  la  qualité  et  nature  des  mar- 
chandises et  matières  qu'on  prétendroit  estre  soumises  aux 
droits;  et  seront  lesdits  procès  portés  au  corps  du  siège,  ainsy 
que  tous  autres  de  même  nature,  ou  qui  pourroient  s'élever  entre 
le  fermier  des  octrois  pour  raison  de  son  bail  avec  ses  associés, 
commis,  officiers  municipaux  ou  entre  les  receveurs  des  droits 
cy-dessus,  pour  y  estre  jugés  à  l'audiance  si  faire  se  peut  ou  sur 
délibéré,  sinon  appointés,  et  le  rapport  entrer  en  distribution. 

Article  11. 

En  cas  de  rébellion,  attaque  ou  mauvais  traitemens  faits  aux 
commis  et  autres  employés  des  devoirs  ou  des  octrois  dans  le 
cours  de  leurs  fonctions,  qui  donneroient  lieu  à  une  procédure 
extraordinaire  par  recollement  et  confrontation,  la  connoissance 
en  appartiendra  au  corps  du  siège  et  l'instruction  et  le  rapport  en 


—  190  - 

seront  faits  par  le  Sénéchal;  et  à  l'égard  des  demandes  de  dom- 
mages-intérests  et  des  procédures  criminelles  suivies  contre  les 
employés  pour  excès,  mauvais  traitemens  ou  autres  délits  par 
eux  commis  sous  prétexte  de  vérifier  des  fraudes,  elles  seront 
portées  au  corps  du  siège  pour  estre  l'instruction  faitte  comme 
des  autres  affaires  dudit  siège,  et  le  rapport  entrer  en  distribution 
s'il  y  échoit. 

Article  12. 

Les  plaids  généraux  continueront  d'estre  tenus  à  commencer 
aux  premiers  lundys  d'après  les  vingt  novembre,  vingt  mars  et 
vingt  juin,  en  la  même  forme  et  manière  que  les  autres  audiances 
publiques;  et  si  quelque  cause  appellée  a  l'audiance  desdits  plaids 
tombe  en  appointement,  elles  entreront  en  distribution;  et  quant 
aux  appropriemens,  ils  se  feront  aux  mêmes  jours  à  une  audiance 
de  relevée  tenue  à  cet  effet  seulement  par  le  Sénéchal  seul. 

Article  13. 

Touttes  les  affaires,  de  quelque  nature,  importance  et  qualité 
qu'elles  puissent  estre,  autres  que  celles  qui  appartiendroient  au 
Sénéchal  seul,  aux  termes  des  articles  9,  10  et  12,  seront  jugées 
par  l'avis  des  juges  et  conseillers  qui  assisteront  à  l'audience  ou 
sur  délibéré,  ou  vu  au  bureau  ou  appointées;  et  sera  tenu,  celui 
qui  présidera,  de  prononcer,  à  la  pluralité  des  voix,  encore  qu'il 
fut  d'avis  contraire,  sans  pour  le  retarder  ou  remettre,  le  jugement 
des  affaires. 

Article  14. 

Le  greffier  ou  commis  aura  un  plumitif  sur  lequel,  à  chaque 
audiance,  il  portera  par  extrait  les  qualités  des  parties,  les  noms 
des  avocats  et  procureurs,  l'énoncé  de  chaque  jugement  d'au- 
diance,  les  noms  des  juges  qui  y  auront  assisté  et  de  ceux  qui  se 
seront  déportés  à  l'endroit  de  chaque  cause  ;  lequel  plumitif  il 


-  191  — 

représentera  à  l'issue  de  l'audience,  à  la  Chambre  du  Conseil 
pour  estre  arresté  par  celui  qui  aura  présidé. 

Article  15. 

Le  rapport  des  délibérés  et  vus  au  bureau  sera  fait  par  le 
Sénéchal,  ou  celui  qui  aura  présidé  en  son  absence  à  l'audience 
où  ils  auront  été  ordonnés. 

Article  16. 

Dans  les  affaires  non  appointées,  même  dans  celles  qui  le 
seront,  mais  qui  n'auront  pas  été  distribuées,  les  requestes  seront 
expédiées  par  celui  des  juges  auquel  elles  seront  présentées;  et 
à  l'égard  des  requestes  qui  seront  présentées  dans  les  procès 
appointés,  elles  seront  expédiées  par  le  rapporteur,  à  l'effet  de 
quoy,  les  procureurs  mettront  en  marge  de  chaque  requesle  le 
nom  du  rapporteur. 

Article  17. 

Touttes  les  affaires,  de  quelque  nature  et  qualité  qu'elles  soient, 
qui  seront  appointées  en  droit,  au  Conseil  à  écrire  et  produire  à 
mettre  ou  sur  simple  induction  ou  autrement  ensemble,  les 
requestes  à  fin  d'homologation  de  traités  entre  des  créanciers, 
les  requestes  pour  réformes  et  rectifications  de  registres  de  bap- 
têmes, mariages  et  sépultures,  homologation  d'arrentement  de 
bénéfice,  enregistrement  de  lettres  patentes  et  autres  lettres 
royaux,  et  généralement  toutes  requestes  autres  que  celles  men- 
tionnées dans  l'article  °2  du  présent  ,  seront  rapportées  et 
jugées  en  la  Chambre  du  Conseil,  sans  que  le  Sénéchal  puisse  sous 
aucun  prétexte  juger  seul  aucune  affaire  appointée  en  droit,  au 
Conseil  à  écrire  et  produire  à  mettre  sur  simple  induction  ou 
autrement  ;  ni  rendre  seul  aucune  ordonnance  sur  les  requestes 
susmentionnées. 


-  192  - 

Article  18. 

En  conséquence,  touttes  affaires  appointées,  de  quelque  espèce 
et  qualité  qu'elles  soient,  entreront  en  distribution,  a  l'exception 
néantmoins  des  cas  portés  aux  articles  9,  11  et  31,  et  des  inter- 
dictions, séparations  et  des  requestes  pour  réformes  ou  rectifica- 
tions de  registres  et  autres  qui  doivent  estre  rapportées  et  jugées 
à  la  Chambre  du  Conseil,  aux  termes  de  l'article  précédent,  dont 
le  Sénéchal  continuera  d'estre  le  rapporteur  né,  conformément 
à  la  délibération  du  27  janvier  1757. 

Article  19. 

La  distribution  des  affaires  au-dessus  des  chefs  de  l'édit 
appointées  en  droit  au  conseil  à  écrire  et  produire,  se  fera  de 
quinzaine  en  quinzaine,  le  samedy  de  relevée,  par  le  Sénéchal 
ou  autre  premier  juge,  ou  ancien  conseiller  en  son  absence,  en 
présence  des  deux  commissaires  en  mois  qui  pourront  y  assister, 
conformément  à  l'arrest  de  1734,  parce  qu'à  chaque  distribution, 
le  Sénéchal  ou  autre  par  qui  elle  sera  faite  en  son  absence,  pré- 
lèvera un  procès  pour  son  préciput,  et  le  surplus  des  procès  sera 
distribué  également  entre  lui  et  les  autres  juges  et  conseillers, 
suivant  le  mérite  et  capacité  d'un  chacun,  de  manière  que  le 
Sénéchal,  après  son  préciput  levé,  n'ait  pas  plus  de  procès  qu'au- 
cun autre  officier,  et  que  s'il  ne  s'en  trouvoit  pas  suffisament 
pour  égaler  tous  les  officiers,  ceux  qui  ne  l'auroient  pas  été,  le 
soient  à  la  distribution  suivante,  avant  que  le  Sénéchal  puisse 
prendre  de  nouveau  préciput.  A  la  ditte  distribution,  pourra 
assister  l'Alloué,  et  en  son  absence,  le  lieutenant  ou  l'ancien  con- 
seiller. 

Article  20. 

La  distribution  des  procès  sous  les  chefs  de  l'édit,  ensemble 
de  touttes  autres  affaires  appointées  à  mettre,  ou  sur  simple  in- 


—  193  - 

duction,  se  fera  de  jour  à  autre  dans  la  même  forme  portée  par 
l'article  précédent,  à  l'effet  de  quoy  il  y  aura  un  registre  parti- 
culier pour  lesdittes  affaires. 

Article  21. 

En  cas  de  décès,  démission  ou  départ  des  rapporteurs,  les 
procès  dont  ils  étoient  chargés  seront  remis  à  la  distribution 
et  distribués  également  entre  tous  les  autres  officiers  et  sans 
préciput,  en  observant  néantmoins  de  faire  une  distribution 
particulière  des  procès  appointés  à  mettre  ou  sur  simple  induc- 
tion et  affaires  présidialles. 

Article  22. 

Les  incidens  des  affaires  appointées,  brefs,  états  et  autres  de 
même   nature,  appartiendront  aux   rapporteurs,  qui  en   feront 

rapport  à  la  Chambre  du  Conseil,  sans  qu'ils  puissent  leur  tenir 
lieu  de  distribution. 

Article  23. 

Le  greffier  sera  tenu,  dans  trois  jours  après  la  distribution,  de 
faire  remplir  les  récépissés  des  sacs  pour  en  charger  les  rappor- 
teurs, et  de  mettre  un  double  du  registre  de  chaque  distribution 
à  la  Chambre  du  Conseil,  à  l'effet  que  l'article  qui  contiendra  la 
nomination  du  rapporteur,  puisse  estrc  vu  en  laditte  Chambre, 
avant  que  le  rapport  soit  commencé  et  l'ordonnance  de  distribu- 
tion sera  employée  dans  le  vu  de  la  sentence. 

Article  24. 

Le  greffier  ny  les  commis  ne  donneront  avant  la -distribution 
les  sacs  à  visiter  à  aucun  des  officiers  du  siège,  et  ne  retiendront 
aucun  procès,  pour  les  mettre  à  la  distribution  suivante,  sous  les 

1879  13 


-  194  - 

peines  portées  par  les  édits,  savoir,  de  cinquante  livres  d'amende 
pour  la  première  fois,  cent  livres  pour  la  seconde,  et  de  suspen- 
sion ou  privation  de  l'exercice  de  leur  greffe  pour  la  troisième 
fois. 

Article  25. 

La  taxe  des  épices  sera  délibérée  par  ceux  qui  auront  assisté 
au  jugement  et  marquée  par  celui  qui  y  aura  présidé. 

Article  26. 

Dans  les  affaires  distribuées,  les  rapporteurs  continueront, 
d'avoir  le  tiers  des  épices  et  les  deux  autres  tiers  seront  partagés 
également  entre  lesdits  rapporteurs  et  les  autres  juges  qui  auront 
assisté  au  jugement  ou  ne  s'en  seront  absentés  que  pour  cause 
de  départ,  récusation  ou  autre  légitime  empeschernent  admis  par 
la  Compagnie;  et  à  l'égard  des  épices,  des  interdictions,  sépara- 
tions, homologations  de  traités,  requestes  à  fin  de  lief  d'erreur 
sur  les  registres  de  baptêmes,  mariages  et  sépultures,  et  autres 
requestes  qui  doivent  estre  portées  à  la  Chambre  du  Conseil,  aux 
termes  des  articles  17  et  18,  et  des  cas  portés  aux  articles  9,  11 
et  81.  Le  Sénéchal  en  aura  deux  parts  â  lui  seul,  et  chacun  des 
autres  juges  une  part,  conformément  à  la  délibération  du  27  jan- 
vier 1757. 

Article  27. 

Les  euquestes  continueront  d'estre  faittes  par  les  deux  commis- 
saires en  mois  et  les  émolumens  en  seront  partagés,  savoir  deux 
parts  au  Sénéchal,  et  aux  autres  officiers  chacun  une  part,  confor- 
mément à  la  délibération  du  27  janvier  1757,  à  l'exception 
néantmoins  des  enquestes  qui  seroicnt  faittes  en  exécution  des 
sentences  de  rapport,  lesquelles  seront  faittes  par  le  rapporteur 
qui  en  percevra  les  émolumens  en  entier. 


—  195  - 

Article  28. 

Les  exécutions  des  sentences,  le  jet  et  calcul  des  dépens  et  les 
Commissions  ordonnées  dans  les  procès  appointés  ou  distribués, 
appartiendront  aux  rapporteurs,  quand  môme  les  parties  se  pour- 
voiraient à  l'audiance  pour  parvenir  à  laditte  exécution,  et  les 
rapporteurs  en  percevront  seuls  les  émolumens,  à  l'exception 
toutesfois  des  descentes  qui  seront  distribuées  à  l'ordre  du  tableau, 
entre  tous  les  officiers  qui  auront  assistés  au  rapport,  conformé- 
ment à  l'article  3  du  titre  xxi,  de  l'ordonnance  de  1667,  et  des 
présentations  de  compte  ordonnées  par  rapport,  lesquelles  seront 
distribuées  en  la  forme  ordinaire,  entre  tous  les  juges,  à  l'ex- 
ception du  rapporteur,  conformément  à  l'article  5  du  titre  xxix  de 
l'ordonnance  de  1667. 

Article  29. 

Les  exécutions  des  sentences  d'audiance,  autres  que  les  en- 
questes,  appartiendront  au  Sénéchal  seul  ou  autre  premier  juge, 
ou  ancien  conseiller  qui  présidera  en  son  absence. 

Article  30. 

Les  jurisdictions  subalternes  tombées  en  rachapt  ou  régale 
dans  le  ressort  du  siège,  seront  exercées  par  le  Sénéchal,  qui 
seul  pourra  en  prononcer  la  vacance,  et  dans  le  cas  où  il  ne 
jugeroit  pas  à  propos  de  les  exercer  lui-même,  elles  le  seront  par 
l'Alloué,  le  lieutenant  ou  premier  conseiller  à  l'ordre  du  tableau, 
parce  que  néantmoins  les  deux  tiers  des  émolumens  de  la  juris- 
diction  des  Reguaires,  et  la  moitié  seulement  de  ceux  des  autres 
jurisdictions  en  appartiendront  dans  ce  cas  au  Sénéchal,  et  l'autre 
tiers  ou  moitié  à  celui  qui  exercera  ;  et  dans  le  cas  où  aucun  des 
officiers  du  siège  ne  jugeroit  à  propos  d'accepter  l'exercice,  des- 
dittes  jurisdictions,  il  sera  décerné  commission  par  le  Sénéchal 


—  190  - 

pour  ledit  exercice,  à  tel  officier  ou  gradué  et  aux  conditions  que 
bon  lui  semblera. 

Article  81. 

Le  Sénéchal  recevra  seul  les  notaires  royaux  et  sergents,  tant 
royaux  qu'ameneurs,  parce  qu'en  cas  de  contestation,  laditte 
contestation  sera  jugée  par  le  corps  du  siège,  et  à  l'égard  des 
officiers  et  des  juridictions,  du  ressort  du  siège,  des  greffiers  et 
commis  du  greffe,  procureurs  et  huissiers  de  la  Sénéchaussée 
et  Présidial  et  jurisdietions  y  réunies,  le  Sénéchal  fera  l'informa- 
tion de  vie  et  mœurs  sur  les  requesles  qu'ils  présenteront  à  ce! 
effet  au  corps  du  siège,  pour  à  son  rapport  estre  reçus,  s'il  y  échet 
à  la  pluralité  des  voix  et  prester  serment  au  siège;  et.  les  épices 
desdittes  réceptions  faittes  au  siège  seront  partagées,  savoir  deux 
parts  au  Sénéchal,  et  aux  autres  officiers  chacun  une  part  ;  et 
quant  aux  vacations  de  l'information  de  vie  et  mœurs,  elles 
appartiendront  au  Sénéchal  seul,  conformément  à  l'article  2. 

Article  32. 

Touttes  les  délibérations  de  la  Compagnie  et  nominations  de 
commissaires  et  députés,  soit  pour  les  affaires  de  la  Compagnie, 
soit  aux  Bureaux  d'administration  des  hôpitaux  ou  autrement, 
seront  failles  à  la  pluralité  des  voix  et  signées  de  sept  officiers 
au  moins,  à  faute  de  quoy  elles  seront  nulles  et  aucun  membre 
de  la  Compagnie  ne  pourra  refuser  de  signer  lorsque  l'avis 
contraire  au  sien  aura  prévalu. 

Article  38. 

Le  Sénéchal  ou  celui  qui  présidera  en  sou  absence,  arreslera 

en  présence  de  la  Compagnie,  au  nombre  de  sept  au  moins  et  à 
la  pluralité  des  voix,  les  comptes  concernant  les  affaires  com- 
munes, les  mémoires  de  dépenses  et  recettes  de  toute  nature, 


-  197  — 

chiffrera  les  feuilles  des  épices  et  picques,  figurera  les  ordon- 
nances de  payernens  pour  les  nécessités  du  Présidial;  et  lesdits 
comptes  et  mémoires  ainsy  arrestés,  réglés  et  signés  du  Séné- 
chal et  de  tous  ceux  qui  y  auront  assisté,  comme  aussi  tous  les 
registres  et  délibérations  de  la  Compagnie  seront  mis  aux  archives 
communes,  desquelles  il  y  aura  trois  clefs,  dont  une  sera  remise 
au  Sénéchal  et  les  deux  autres  à  deux  officiers  choisis  par  la 
Compagnie. 

Article  34. 

Les  affaires  qui  sont  actuellement  pendantes  devant  le  Séné- 
chal et  qui  suivant  ce  qui  est  porté  cy-dessus,  ne  sont  point  de 
sa  compétence  privative,  seront  par  lui  renvoyées  au  corps  du 
siège. 

Article  35. 

En  cas  d'absence,  départ,  récusation  ou  autre  légitime  empes- 
chement,  les  fondions  attribuées  au  Sénéchal  seront  remplies  par 
l'Alloué,  le  lieutenant  ou  l'ancien  conseiller,  qui  percevront  les 
mêmes  émolumens  que percevroit  le  Sénéchal;  parce  que  néant- 
moins  dans  les  cas  où  il  est  attribué  deux  parts  au  Sénéchal,  des 
épices  des  affaires  dont  il  est  rapporteur  né,  et  des  vacations  des 
enquestes ,  lesdits  Alloué,  lieutenant  ou  ancien  conseiller,  n'au- 
ront qu'une  part  comme  les  autres  officiers,  lesdittes  deux  parts 
restantes  au  Sénéchal,  fors  en  cas  de  décès  où  elles  tomberont  à 
la  masse  ,  ainsy  que  dans  tout  autre  cas  de  valance  de  l'office  de 
Sénéchal,  et  qu'ils  ne  pourront  prononcer  la  vacance  des  juris- 
dictions  en  rachapt  ou  régale,  qu'en  cas  que  l'office  de  Sénéchal 
fut  vacant. 

Article  36. 

Tous  les  articles  du  présent  règlement  seront  exécutés  à  peine 
de  nullité. 


—  198  — 

Article  37. 

La  présente  transaction  sera  homologuée  au  Conseil,  ainsy  qu'il 
est  porté  en  l'acte  de  compromis  et  publiée  à  l'audience  du  Pré- 
sidial  et  partout  où  besoin  sera,  avec  deffenses  à  tous  les  officiers 
et  avocats,  greffiers  et  procureurs,  huissiers  et  sergens,  d'y  con- 
trevenir sous  les  peines  qui  échéent. 

La  Compagnie,  délibérant  sur  tous  les  articles  de  règlement, 
cy-dessus,  les  a  approuvés  et  unanimement  adoptés  pour  estre 
homologués  au  Conseil  du  Roy,  conformément  au  compromis  du 
20  juin  1772  et  à  l'article  37  dudit  règlement,  aux  frais  de  M.  le 
Sénéchal  pour  moitié,  et  de  MM.  les  conseillers  par  l'autre  moitié, 
et  néantmoins  exécuté  provisoirement,  à  compter  de  ce  jour. 

Bellabre,  sénéchal;  Richard,  lieutenant  civil 
et  criminel  ;  de  la  Ville,  doyen  ;  Le  Lasseur, 
Jamont,  Deguer,  Gallot,  Le  Lasseur  de 
Ranzay,  Turquetil,  Marcé,  Monnier,  Mahot, 
par  approbation. 

Par  approbation  le  8  avril  1775: 

Orry  de  Réveillon,  Alloué. 

Pour  approbation  le  8  janvier  1776  : 

R.  Dreux. 


Te  Deum  pour  le  sacre  et  couronnement  du  roi  ;  et  procès- 
verbal  sur  la  nouvelle  prétention  du  bureau  de  ville. 

Du  25  juin  1775:  En  la  Chambre  du  Conseil  du  Présidial  de 
Nantes,  nous,  soussignés,  officiers  de  la  Sénéchaussée,  siège 
Présidial  de  Nantes,  rapportons  que  nous  étant  rendus  ce  jour 
en  l'église  cathédrale  de  cette  ville,  suivant  l'invitation  de 
MM.  les  grands  vicaires ,  en  conséquence  des  ordres  du  Roy, 
pour  y  assister  au  Te  Deum  qui   y  a  été  chanté  en  actions  de 


-  199  - 

grâces  du  sacre  et  couronnement  de  S.  M.  Louis  XVI,  et  nous  y 
étant  placés  dans  notre  banc  ordinaire,  le  sieur  de  la  Ville,  maire 
actuel  de  la  Communauté  de  ville,  et  eu  cette  qualité,  colonel  de 
la  milice  bourgeoise,  auroit  quitté  la  tête  du  bureau  de  ville,  qu'il 
possédoit,  en  habit  noir  et  se  seroit  placé  sur  le  banc  du  Gouver- 
nement, vacant  par  l'absence  du  commandant,  lequel  est  en  tête 
de  notre  dit  banc  et  sur  ce  que  nous  aurions  appris  qu'il  s'y  étoit 
placé  à  dessein,  et  lui  ayant  vu  mettre  quelques  momens  après  un 
hausse  col  ;  la  Compagnie  a  prié  M.  le  Sénéchal  de  demander 
audit  sieur  de  la  Ville  qu'il  eut  à  déclarer  de  quel  droit  et  en 
quelle  qualité  il  avoit  pris  cette  place  ;  à  quoi  le  dit  sieur  de  la 
Ville  a  répondu  que  c'étoit  en  qualité  de  commandant  ;  sur  la- 
quelle réponse  la  compagnie,  voulant  éviter  l'éclat  d'une  contesta- 
tion plus  longue  dans  le  lieu  saint,  et  au  moment  d'une  cérémonie, 
dont  l'objet,  si  cher  à  tous  les  sujets  de  S.  M.,  occupoit  tous  les 
esprits,  a  réservé  de  rapporter  à  l'issue  le  présent  procès-verbal, 
contre  une  entreprise  sans  exemple  et  d'autant  plus  extraordinaire 
que,  dans  le  cas  où  le  maire  remplit  quelque  fonction  du  com- 
mandant, en  son  absence,  il  ne  quitte  jamais  sa  place  pour 
prendre  celle  du  commandant,  n'ayant  aucune  fonction  qu'en  sa 
ditte  qualité  de  maire,  protestant  contre  laditte  entreprise,  et  de 
se  pourvoir,  ainsy  qu'il  sera  vu  appartenir.  Fait  et  arresté  en  la 
Chambre  du  Conseil  du  Présidial  de  Nantes,  lesdits  jour  et  an 
que  devant. 

Bellabre,  Orry  de  Réveillon,  Le  Lasseur, 

Monnier,  Gallot,  Le  Lasseur  de  Ranzaï, 

Turquetil,  Marcé,  Mahot. 


arrivée  pour  la  première  fois  de  m.  de  cornullier, 
président  a  mortier. 

Le  12  décembre  1775,  M.  de  Cornullier,  président  à  mortier 
du  Parlement  de  Bretagne,  étant  arrivé  pour  la  première  fois 


—  200  — 

dans  cette  ville,  la  Compagnie  a  député  MM.  Le  Lasseur  l'aîné, 
Marcé  et  Mahot,  conseillers,  pour  le  saluer. 


Du  29  avril  1777  :  MM.  Turquetil  et  Mahot,  conseillers,  ont 
été  nommés  par  la  Compagnie,  députés,  pour  assister  à  la  pique, 
pour  l'élection  des  nouveaux  échevins.  La  Compagnie  les  a  char- 
gés de  faire  les  protestations  ordinaires,  relativement  au  droit  de 
présidence  à  ladite  assemblée. 


ARRIVÉE  DE  M.   LE   COMTE  D'ARTOIS,   FRÈRE  DE  LOUIS  XVI. 

Du  vendredi  23  mai  1777  :  Mer  le  comte  d'Artois,  l'un  des 
frères  du  Roi,  étant  arrivé  en  cette  ville,  à  cinq  heures  et  demie 
de  l'après-midi,  et  s'étant  rendu  au  château,  la  Compagnie,  qui 
s'étoit  assemblée,  a  chargé  M.  le  procureur  du  Roi  d'aller,  et  il 
est  allé  scavoir  l'heure  à  laquelle  il  plairoit  au  prince  de  recevoir 
les  respects  de  la  Compagnie.  M.  le  procureur  du  Roi,  de  retour, 
ayant  rapporté  que  le  prince  recevroit  en  ce  moment  la  Compa- 
gnie à  lui  rendre  ses  hommages,  tous  Messieurs  en  robes  et  bon- 
nets, ayant  M.  le  Sénéchal  à  leur  tête,  en  robe  rouge,  précédés 
et  suivis  des  greffiers  et  huissiers,  se  sont  rendus  au  château,  et 
étant  entrés  dans  l'une  des  salles,  ils  ont  été  présentés  à  S.  A.  R. 
par  M.  le  comte  de  Rourbon-Busset,  premier  gentilhomme  de  la 
Chambre.  M.  le  Sénéchal  a  fait,  au  nom  de  la  Compagnie,  un 
compliment  au  prince,  qui  étoit  debout  et  découvert,  et  a  fini 
par  lui  demander  sa  protection,  à  quoi  S.  A.  R.  a  répondu  que  la 
Compagnie  pouvoit  y  compter.  Ce  fait,  tous  Messieurs  se  sont  reti- 
rés, dans  l'ordre  qu'ils  avoient  été. 


ARRIVÉE   DE  L'EMPEREUR   JOSEPH. 

Le  14  juin  1777,  l'Empereur,  voyageant  en  France,  sous  le 
nom  de  comte  de  Falkeinstein,  est  arrivé  en  cette  ville,  où  ayant 


201 


voulu  garder  comme  dans  les  autres  villes  du  royaume,  un  parfait 
incognito,  il  n'a  été  complimenté  par  aucune  Compagnie.  Il  a  logé 
dans  une  hôtellerie  tenue  rue  de  Gorges,  et  est  parti  le  lende- 
main de  son  arrivée. 


INTERVENTION  PAR  LA  PRESIDENCE  AUX  ASSEMBLEES   DE   VILLE. 

Du  11  juillet  1777  :  En  la  Chambre  du  Conseil,  où  présidoit 
M.  l'Alloué.  Présens  :  MM.  de  la  Ville,  doyen  ;  Le  Lasseur 
l'aîné,  Deguer,  Gallot,  Le  Lasseur  de  Kanzay,  Turquetil,  Marcé, 
Mahot,  Dreux,  conseillers,  et  Fellonneau,  avocat  du  Roi. 

M.  l'Alloué  a  dit  qu'aucun  des  membres  de  la  Compagnie  n'igno- 
roit  l'instance  introduite  au  Conseil  entre  M.  le  Sénéchal  et  les 
officiers  municipaux,  au  sujet  de  la  présidence  aux  assemblées 
générales  de  l'Hôtel-de-Ville,  que  cette  présidence  intéressoit  la 
Compagnie,  tant  parce  que  les  honneurs  attribués  a  son  chef  ne 
peuvent  manquer  de  rejaillir  sur  elle,  que  parce  que  cette  préro- 
gative est  moins  un  attribut  de  l'office  de  M.  le  Sénéchal  que  de 
la  Compagnie  elle-même,  puisqu'il  n'en  jouit  qu'à  raison  de  ce 
qu'il  la  préside,  et  qu'en  son  absence  elle  passe  à  tous  les  officiers 
du  siège  successivement,  jusqu'au  dernier  reçu,  selon  l'ordre  du  ta- 
bleau ;  que,  par  ces  motifs,  la  Compagnie  avoit  toujours  pris  un  inté- 
rêt sensible  à  tout  ce  qui  s'étoit  passé  précédemment,  h  cet  égard, 
soit  en  n'envoyant  point  ses  députés  aux  assemblées  générales, 
soit  lorsqu'elle  en  a  envoyé,  en  les  chargeant  de  faire  insérer  sur 
le  registre  des  assemblées,  ses  protestations;  que  si  elle  n'a  point 
paru  jusqu'à  présent  nommément  dans  l'instance,  c'est  parce  que 
M.  le  Sénéchal  étoit  censé  faire  pour  tous  et  que,  dans  le  fait,  ses 
demandes  sont  dirigées  à  ce  que  le  droit  soit  rétabli,  non  seule- 
ment pour  lui,  mais  pour  tout  autre  membre  de  la  Compagnie  qui 
se  trouvera  dans  le  cas  de  le  remplacer,  selon  l'ordre  du  tableau, 
ce  qui  suffiroit  sans  doute  pour  l'économie  de  la  procédure,  niais 
que,  dans  une  affaire  aussi  importante,  il  semble  qu'on  ne  doit 
rien  négliger,  pour  marquer  de  plus  en  plus  combien  la  Compa- 


—  202  — 

gnie  est  unanime  sur  la  demande  formée  par  M.  le  Sénéchal  ;  que 
l'on  voit,  par  l'imprimé  d'un  arrêt  du  Conseil  du  Roi,  du  10  mars 
1776,  qui  vient  déjuger  la  même  question,  en  laveur  des  officiers 
delà  justice  seigneuriale  de  Pontivy,  contre  les  maire  et  échevins 
de  cette  viile;  que  les  juges  de  cette  jurisdiction  ont  suivi  la 
même  marche  et  ont  paru  en  nom  dans  l'instance  avec  le  Séné- 
chal, et  que  si  des  juges  seigneuriaux  ont  obtenu  cette  décision, 
on  doit  l'attendre  avec  bien  plus  de  raison  de  la  justice  du  Roi, 
en  faveur  d'un  des  premiers  Présidiaux  du  royaume. 

Sur  quoi,  la  Compagnie  délibérant,  a  arrêté  d'intervenir  dans 
l'instance  dont  il  s'agit,  et  qu'il  sera  écrit,  à  cet  effet,  à  M.  Mon- 
ceau, avocat  aux  Conseils  du  Roi,  pour  le  charger  de  mettre  la 
requête  d'intervention  et  faire  les  autres  suites  nécessaires. 

De  la  Ville,  Le  Lasseur,  Deguer,  Gallot, 
Orry  de  Réveillon,  Le  Lasseur  de  Ranzay, 

TURQUETIL,     MaRCÉ,     MAHOT,     R.     DREUX  , 

Fellonneau,  avocat  du  Roi. 


PROJET  D'UNE  RETRAITE  A  NANTES. 

Du  6  mars  1778  :  En  la  Chambre  du  Conseil  du  Présidial  de 
Nantes,  où  présidoit  M.  Bellabre,  sénéchal.  Présens  :  MM.  Orry  de 
Réveillon,  Alloué,  lieutenant  général  ;  de  la  Ville,  lieutenant  civil 
et  criminel  ;  de  la  Ville,  doyen  ;  Le  Lasseur,  Deguer,  Monnier, 
Gallot,  Le  Lasseur  de  Ranzay,  Turquetil,  Marcé  et  Dreux,  conseil- 
lers ;  Goullin  de  la  Brosse,  avocat  du  Roi  ;  Badereau,  procureur 
du  Roi,  et  Fellonneau,  avocat  du  Roi. 

M.  le  Sénéchal  a  dit  que  le  sieur  abbé  de  Mélient  ayant  acquis  pour 
6,100  livres  la  maison  où  se  faisoient  autrefois  les  retraites  des 
femmes,  dirigées  par  les  ci-devant  Jésuites,  a  obtenu  des  lettres 
patentes,  qui  lui  permettent  de  faire  don  de  cette  maison  au  dio- 
cèse de  Nantes,  pour  servir  à  des  retraites  de  l'un  et  l'autre  sexe, 
sous  l'inspection  et  les  ordres  de  l'Évêque  et  de  ses  successeurs, 


-203- 

qui  sont  autorisés  à  y  faire  tels  règlemens  qu'ils  jugeront  conve- 
nables ;  que,  par  ces  mêmes  lettres,  les  Évêques  de  Nantes  sont 
également  autorisés  à  faire  diriger  ces  retraites  par  tel  prêtre  sé- 
culier, qu'ils  jugeront  à  propos,  pourvu  qu'il  ne  soit  poiut  attaché 
à  une  Communauté  régulière,  avec  pouvoir  à  ce  directeur  de  se 
choisir  tel  nombre  qu'il  voudra  de  coopérateurs.  M.  le  Sénéchal 
a  ajouté  que  le  sieur  abbé  de  Mélient  s' étant  pourvu  au  Parlement 
de  cette  province  pour  obtenir  l'enregistrement  de  ses  lettres 
patentes,  il  a  été  rendu  arrest  qui  a  ordonné  que  la  requeste  et 
les  pièces  y  attachées  seroient  communiquées  à  la  Compagnie, 
pour  y  répondre,  et  le  tout  rapporté  à  la  Cour  et  communiqué  à 
M.  le  procureur  général,  être,  sur  les  conclusions,  statué  ce  qui 
seroit  vu  appartenir.  Il  a  été  en  conséquence  pris  lecture,  tant 
dudit  arrest  du  7  février  dernier,  que  des  lettres  patentes  du  mois 
de  may  1777,  requête  à  fins  d'enregistrement  du  4  décembre 
suivant,  imprimé  sur  lettres  patentes,  pour  la  vente  des  biens  des 
cy-devant  Jésuites,  du  14  juin  1763,  contrat  d'association  à  l'ac- 
quisition faite  par  la  veuve  Gherol,  consenti  par  ladite  veuve  audit 
abbé  de  Mélient,  le  22  février  1777,  bannies  à  fin  d'approprie- 
ment,  du  12  avril  de  la  même  année,  arrest  de  la  Cour  ordonnant 
la  communication  à  la  Communauté  de  ville,  du  9  décembre  suivant, 
réponse  de  ladite  Communauté  de  ville,  du  27  du  même  mois, 
requeste  en  réplique,  du  sieur  abbé  de  Mélient,  du  28  janvier 
dernier,  collationné  de  délibération  prise  par  la  Communauté  de 
ville,  le  9  décembre  1733,  au  sujet  d'une  augmentation  des 
retraites  dirigées  par  les  cy- devants  Jésuites,  et  collationné; 
d'arrest  du  Conseil,  conforme  aux  modifications  portées  dans 
ladite  délibération,  en  date  du  13  mars  1734. 

Sur  quoi,  la  Compagnie  délibérant,  a  observé  que  les  retraites 
projetées  ayant,  comme  tous  les  autres  établissemens  humains, 
des  avantages  et  des  inconvéniens,  ce  n'est  qu'après  avoir  appré- 
cié et  balancé  les  uns  et  les  autres  qu'on  peut  se  décider  avec 
justice  à  concourir  où  à  s'opposer  au  nouveau  projet. 

Les  avantages  exposés  dans  la  requête,  sur  laquelle  ont  été 
expédiées  les  lettres  patentes,  sont  de  prévenir  la  dépravation  des 


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mœurs  et  du  maintenir  les  principes  du  christianisme.  On  a  cru 
voir  ces  heureux  effets  se  produire  dans  les  retraites  dirigées  par 
les  ci-devants  Jésuites  :  mais,  comme  elles  ont  cessé  avec  la 
Régence,  dont  elles  étoient  soumises,  on  se  propose  de  les  réta- 
blir avec  d'autant  plus  de  raison  que,  dans  une  ville  comme 
Nantes,  l'affluence  d'étrangers  que  le  commerce  y  attire  peut 
contribuer  a  altérer  la  relision  des  habitans. 

Des  motifs  aussi  purs  sont  dignes  du  zèle  et  de  la  sollicitude 
pastorale  du  prélat  respectable  qui  gouverne  l'Eglise  de  Nantes; 
ils  font  l'éloge  du  pieux  ecclésiastique  qui  poursuit  l'établissement 
projette;  si  la  nouvelle  retraite  doit  opérer  à  la  fois  la  réforme 
des  secours  et  le  maintien  du  christianisme,  qui  pourroit  balancer 
sur  un  établissement  aussi  désirable?  Les  magistrats  protecteurs 
des  mœurs  publiques  et  défenseurs  de  la  religion  doivent  s'em- 
presser d'y  concourir. 

Mais  plus  ces  espérances  qu'on  se  forme  de  la  retraite  propo- 
sée, sont  imposans,  plus  il  importe  d'en  approfondir  la  réalité, 
ou  d'en  dissiper  le  prestige.  Une  première  raison  de  douter 
résulte  du  principe  si  connu,  que  les  institutions  spirituelles  ou 
civiles  se  conservent  par  les  mômes  moyens  qui  les  ont  établies, 
et  que  pour  empêcher  le  relâchement  de  s'y  introduire  et  y  remé- 
dier quand  il  s'est  introduit,  il  faut  les  ramener  à  l'esprit  de  leurs 
premiers  instituteurs.  Or  on  ne  trouvera  pas  dans  la  discipline  de 
la  primitive  Église  ces  assemblées  particulières  d'une  portion  du 
troupeau,  dans  un  lieu  fermé  aux  autres  fidèles  qui  ne  s'y 
scroient  pas  aggrégés  ;  l'histoire  ecclésiastique  nous  apprend  au 
contraire  que,  pendant  une  longue  suite  de  siècles,  on  n'a  connu 
d'aulre  lieu  d'instruction  et  de  prière  que  l'église  de  l'Evêque  et 
celles  des  curés,  où  ces  pasteurs  exerçoient  eux-mêmes  en  public 
leur  ministère,  a  l'exemple  de  leur  maître;  eyopalàm  locutus  sum 
mundo  :  cyo  semper  docui  in  synagoyd  et  in  templo  quo  omnes 
Judcei  conveniunt,  et  in  occulto  locutus  sum  nïhil.  Ce  n'est  que 
dans  les  derniers  temps  qu'on  a  imaginé  de  former  sous  les  noms 
de  retraites  de  femmes,  de  retraites  d'hommes,  de  congrégations 
des  artisans,  de  congrégations  des  messieurs,  ces  petits  troupeaux 


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d'élite,  où  une  société  justement  proscrite  par  l'Eglise  et  par 
l'État,  soulfloit  son  esprit  et  fômentoit  ces  divisions  funestes  que 
la  piété  éclairée  de  deux  grands  papes  et  la  sagesse  du  feu  Roy 
sont  parvenus  à  étouffer.  Il  est  vrai  qu'on  n'a  pas  à  craindre  que 
cette  société  se  rétablisse  jamais;  mais  a-t-on  bien  pris  les  pré- 
cautions nécessaires  pour  que  la  retraite  proposée  ne  tombe  pas 
dans  les  mains  de  quelques  congrégations  où  le  même  esprit 
pourroit  s'introduire?  Les  lettres  patentes  n'excluent  que  les 
Communautés  régulières:  elles  n'appellent  point  en  particulier 
les  ecclésiastiques  du  diocèse  :  elles  laissent  au  contraire  à 
l'Évêque  la  liberté  la  plus  indéfinie  d'employer  tous  les  ecclésias- 
tiques qu'il  voudra.  Il  a  donc  la  faculté  d'y  placer  des  étrangers 
et  des  congrégations  composées  d'étrangers.  Peut-être  que  dans 
les  premières  années,  il  pourra  faire  tomber  son  choix  sur  des 
prêtres  de  son  diocèse  :  mais  deux  raisons  frapautes  doivent 
porter  à  croire  qu'il  en  sera  bientôt  autrement. 

La  première  se  tire  de  ce  qui  se  passe  actuellement,  par  rap- 
port à  la  Communauté  de  Saint-Clément.  Dirigée  dans  son  prin- 
cipe par  des  ecclésiastiques  libres,  elle  a  été  depuis  affectée,  par 
un  évêque  de  Nantes,  à  la  congrégation  des  Sulpiciens,  et  l'Évêque 
actuel  soutient  au  Conseil  cette  congrégation,  contre  une  partie 
des  curés  de  son  diocèse.  Ce  qui  s'est  fait  pour  la  Communauté 
de  Saint-Clément  peut  bien  se  faire  encore  pour  la  retraite  pro- 
jettée,  puisque  tout  y  paroît  dispose,  par  la  liberté  indéfinie 
laissée  au  prélat  d'employer,  pour  la  direction  de  cet  établisse- 
ment, tous  autres  que  des  réguliers. 

La  seconde  raison  vient  à  l'appui  de  la  première.  Il  y  a  long- 
tems  qu'on  se  plaint  de  la  disette  des  ecclésiastiques  du  diocèse: 
on  prétend  même  que  leur  nombre  peut  a  peine  suffire  pour 
fournir  des  vicaires  aux  différentes  paroisses.  Il  n'en  restera  donc 
point  sans  emploi  et  qu'on  puisse  occuper  a  la  direction  du 
nouvel  établissement.  On  trouvera  peut-être  encore  qu'ils  y  sont 
aussi  peu  propres  qu'à  la  direction  de  la  Communauté  de  Saint- 
Clément,  et  jamais  prétexte  plus  plausible  ne  pourra  se  présenter 
pour  appellcr  à  leur  secours  une  congrégation. 


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On  pourroit  ajouter,  au  sujet  de  l'affluence  des  étrangers  à 
Nantes,  qu'il  n'est  peut-être  pas  aussi  à  craindre  qu'on  l'annonce, 
qu'elle  altère  la  religion  des  habitants.  Le  plus  grand  nombre  de 
ces  étrangers  sont  des  Irlandais,  des  Flamands  et  des  Espagnols, 
dont  on  connoît  l'attachement  aux  principes  de  la  religion  catho- 
lique. Si  parmi  les  Allemands  qui  vivent  à  Nantes,  il  se  rencontre 
des  protestants,  personne  n'ignore  l'attention  scrupuleuse  qu'ils 
marquent  à  exiger  de  leurs  domestiques  la  plus  grande  exacti- 
tude aux  devoirs  de  la  religion,  et  l'on  ne  voit  pas  au  surplus 
comment  les  retraites  pourroient  empêcher  l'altération  des  prin- 
cipes de  la  religion  plus  efficacement  que  les  instructions  pu- 
bliques des  églises  paroissiales  où  tous  les  fidèles  sont  admis. 

Quant  à  la  dépravation  des  mœurs  que  l'on  attribue  à  la  cessa- 
tion des  retraites  à  Nantes,  c'est  une  allégation  hazardée  bien 
légèrement.  Il  semble  au  contraire  qu'à  mesure  que  les  funestes 
divisions  qui  troubloient  l'Eglise,  se  sont  assoupies,  la  solide 
piété,  qui  ne  subsiste  qu'avec  la  charité  et  la  paix,  s'est  accrue 
dans  les  classes  de  cytoyens  où  l'on  a  quelque  respect  pour  la 
religion,  si  l'on  n'en  peut  pas  dire  autant  d'autres  classes  où  la 
piété  est  presqu'un  ridicule,  il  ne  faut  pas  l'attribuer  au  défaut 
des  retraites,  que  ces  personnes  ne  fréquentoient  jamais  ;  c'est  au 
progrès  de  ce  luxe  dévorant  que  les  richesses  d'une  longue  paix 
ont  étendu  partout  et  qui  multiplie  les  passions  en  leur  fournis- 
sant sans  cesse  de  nouveaux  alimens.  Ainsi  l'on  peut  conclure, 
malgré  les  apparences  spécieuses  du  bien  de  la  religion  et  des 
mœurs,  que  les  avantages  des  retraites  sont  bien  incertains. 

Mais,  quand  on  supposeroit  ces  avantages  réels  en  eux-mêmes, 
il  resteroit  encore  à  examiner  quelles  personnes  pourront  en  pro- 
fiter. Ce  ne  sera  pas  la  mère  de  famille,  dont  la  vraie  retraite  est 
dans  l'intérieur  de  son  ménage  et  dont  la  vie  active  fait  toute  sa 
gloire  ;  consideravit  semitas  domus  suœ,  et  panem  otiosa  non 
comedit.  Ce  sera  encore  moins  la  jeune  fille,  dont  la  place  est 
auprès  de  sa  mère  et  qui  ne  doit  jamais  quitter  cette  gardienne 
nécessaire  de  son  inexpérience.  Sera-ce  la  fille  âgée  qui  vit  dans 
le  célibat  ?  Mais  ces  personnes  ont,  pour  satisfaire  leur  piété,  les 


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pensions  des  couvents,  la  retraite  de  Saint-Charles.  Elles  ont  mille 
œuvres  de  charité  à  faire  dans  le  sein  de  leur  famille,  auprès  des 
pauvres  des  paroisses  et  des  hôpitaux.  Si  tout  cela  ne  suffit  pas 
pour  occuper  les  âmes  pieuses,  il  est  si  aisé  de  multiplier  les  ins- 
tructions dans  les  paroisses,  où  les  occasions  d'assembler  les 
fidèles  sont  bien  plus  fréquentes  et  à  la  portée  de  tous.  Ce  ne 
sont  point  encore  des  marchands  et  des  artisans  qu'il  faut  porter 
à  quitter  leur  commerce  et  leurs  travaux,  pour  se  livrer  pendant 
huit  jours  entiers  à  la  vie  contemplative  d'une  retraite.  Tout  ce 
qui  contredit  et  tend  à  détruire  l'habitude  des  devoirs  de  l'Etat, 
où  la  Providence  nous  a  placé,  ne  peut  être  dans  l'ordre.  Mais, 
ce  qui  forme  un  vrai  désordre  dans  l'Eglise  et  dans  l'Etat,  c'est 
de  voir  des  paisans  quitter  la  campagne,  arracher  à  leur  famille 
une  somme  nécessaire  à  sa  subsistance  pour  la  payer  à  la  retraite 
et  ne  faire  ce  sacrifice  immense  pour  eux,  que  dans  la  seule  vue 
de  trouver  un  confesseur  plus  facile  et  de  se  soustraire  à  la  con- 
duite de  leur  pasteur  plus  à  lieu  de  les  connoître  et  de  les  corri- 
ger. On  pourroit  citer  plusieurs  exemples  de  ces  malheureux 
abusés,  morts  dans  leurs  désordres,  en  laissant  leur  famille  dans 
la  plus  affreuse  misère.  Les  seuls  qui  pourroient  peut-être  retirer 
quelque  fruit  des  retraites,  seroient  quelques  marins,  qui  s'y  ren- 
draient par  compagnie  ou  par  désœuvrement  :  mais  outre  que 
ce  cas  est  infiniment  rare,  nous  laissons  à  juger  aux  ecclésias- 
tiques remplis  des  vrais  principes  de  l'Eglise,  si  ces  réconcilia- 
tions précipitées  sont  bien  conformes  à  son  esprit  et  si  l'on  doit 
y  compter  ;  d'ailleurs  cet  objet  est  d'avance  rempli  par  les  retraites 
qui  se  font  dans  les  maisons  religieuses.  Les  femmes,  comme  on 
l'a  déjà  observé,  ont  celles  de  Saint-Charles;  les  hommes  vont 
chez  les  Récollets,  les  Capucins  :  ils  ont,  dans  ces  maisons, 
l'exemple  de  la  piété  et  du  renoncement  à  soi-même  plus  persua- 
sif que  les  paroles,  et  l'on  n'y  trouve  point  à  beaucoup  près  tous 
les  inconvéniens  qu'on  va  détailler. 

Il  faut  d'abord  observer  qu'il  s'agit  réellement  ici  d'un  nouvel 
établissement.  La  maison  qu'on  y  destine  étoit  restée  dans  le 
commerce,  par  la  vente  faite  au  profit  des  créanciers  des  ci- de- 


—  208  - 

vant  Jésuites,  et  les  bannies  d'appropriement,  jointes  à  la  requête 
du  sieur  abbé  de  Mélient,  ont  rendu  irrévocable  ce  retour, 
regardé  comme  si  favorable  par  nos  loix.  D'ailleurs,  les  retraites 
des  ci-devants  Jésuites  faisoient  tellement  partie  de  leur  politique, 
étoient  si  intimement  adoptées  à  l'esprit  de  leur  régime,  qu'on  ne 
peut  supposer  que  ce  soient  précisément  ces  retraites  qu'on  se 
propose  de  rétablir.  S'il  en  étoit  ainsi,  il  nefaudroit  pas  chercher 
d'autres  raisons  de  les  proscrire,  mais  on  doit  rendre  justice  aux 
auteurs  du  projet.  C'est  un  nouvel  établissement  qu'ils  se  pro- 
posent, quoiqu'il  y  ait  lieu  de  craindre  qu'il  ne  soit  calqué  sur 
les  précédons. 

Ainsi,  c'est  un  premier  inconvénient  à  opposer  que  la  nou- 
veauté de  l'établissement.  Lorsque  l'Église  universelle,  assemblée 
aux  Conciles  généraux  de  Latran  et  de  Lyon,  défendit  d'établir 
de  nouveaux  ordres,  elle  prescrivit  à  ceux  qu'animeroit  le  désir 
de  la  perfection  chrétienne,  de  se  retirer  dans  les  ordres  déjà 
subsistans.  On  serait  donc  entré  dans  l'esprit  de  l'Église,  si,  au 
lieu  de  former  le  projet  d'une  nouvelle  retraite,  on  se  fût  borné  à 
perfectionner  celles  qui  se  font  à  Saint-Charles,  aux  Récollets, 
aux  Capucins,  à  la  Communauté  de  Saint-Clément.  Il  est  vrai  que 
jamais  défense  ne  fut  si  mal  observée  que  celle  des  Conciles  qu'on 
a  indiqués.  Les  Ordres  réguliers  se  sont  multipliés  depuis  ;  ensuite 
les  congrégations  de  toutes  espèces  pour  les  prêtres,  et  les  re- 
traites pour  les  laïcs.  Le  relâchement  des  premières  institutions 
cl  le  prétexte  de  quelque  nouveau  bien  ont  sans  cesse  servi  d'ali- 
incnl  à  la  piété  ou  à  l'ambition  de  quelque  fondateur.  Au  lieu  de 
réformer  les  anciens  élablissemens,  de  les  rappellera  leur  premier 
esprit,  on  n'a  seu  l'a  in4,  autre  chose  que  d'en  former  sans  cesse  de 
nouveaux,  contre  la  défense  de  l'Eglise  universelle  si  manifeste- 
ment déclarée.  De  son  côté,  le  Gouvernement  civil  n'a  rien  né- 
glige, pour  la  faire  exécuter.  En  publiant  l'édit  de  1749,  le  légis- 
lateur semble  ne  s'être  réservé  qu'à  regret  le  pouvoir  qu'il  ne 
pouvoit  s'ôter,  de  déroger  à  sa  loi.  Les  formalités  des  communi- 
cations à  divers  corps  ont  été  réunies  à  dessein  de  prévenir  les 
surprises,  et  pour  lui  lier  en  quelque  sorte  les  mains,-  et  l'on  a 


—  209  — 

ajouté  au  défaut  des  formalités  de  ces  communications  la  peine  de 
nullité,  signe  manifeste  de  défaveur,  dans  l'esprit  de  nos  loix.  Cet 
édit  est  l'ouvrage  d'un  magistrat,  M.  le  chancelier  d'Aguesseau, 
connu  par  son  zèle  éclairé  pour  la  religion  et  sa  piété  solide.  On 
ne  lui  supposera  pas  des  motifs  que  le  christianisme  désavoue. 

Le  second  inconvénient  des  retraites  est  d'inspirer  et  de  fo- 
menter l'esprit  particulier.  On  l'a  déjà  observé,  dans  les  beaux 
siècles  de  l'Eglise,  toute  assemblée  particulière,  sous  la  direction 
d'un  autre  prêtre  que  le  pasteur  établi  par  l'Eglise,  dans  l'ordre 
hiérarchique,  eût  paru  rompre  l'unité.  C'est  dans  l'assemblée 
générale  des  fidèles  que  la  religion  paroît  vraiment  grande  et 
imposante,  par  la  majesté  du  lieu,  la  pompe  des  cérémonies,  la 
publicité  des  instructions.  C'est  dans  cette  assemblée  qu'elle  est 
vraiment  touchante,  par  l'accord  des  vœux  réunis  de  tout  sexe, 
de  tout  âge  et  de  toute  condition.  Au  bien  de  la  religion  se  joint 
encore  celui  de  l'Etat  et  des  mœurs.  Dans  l'enceinte  de  l'église 
paroissiale,  les  liens  de  la  société  civile  se  resserrent,  par  la  parti- 
cipation habituelle  aux  mêmes  sacremens.  C'est  là  que  les  enfans 
sous  les  yeux  de  leurs  parens,  les  domestiques  sous  ceux  de  leurs 
maîtres,  les  grands  et  les  petits  ne  forment  qu'un  seul  troupeau  sous 
la  conduite  du  même  pasteur,  plus  à  portée  de  connoître  leurs 
besoins,  que  des  ministres  qui  ne  les  verroient  qu'en  passant. 

Mais  l'inconvénient  de  l'esprit  particulier  devient  bien  plus 
sensible  encore,  si  les  retraites  tombent  sous  la  direction  d'une 
congrégation  d'ecclésiastiques  étrangers  et  dont  on  ne  peut  espé- 
rer cette  unité  de  vues  avec  les  curés,  si  nécessaire  pour  opérer 
quelque  bien  et  ne  pas  causer  les  plus  grands  maux.  Or,  ne  peut- 
on  pas  prédire  avec  une  espèce  de  certitude,  que  cela  arrivera, 
comme  on  l'a  déjà  observé,  tant  par  l'exemple  frappant  de  la 
Communauté  de  Saint-Clément,  ôtée  à  des  ecclésiastiques  libres, 
pour  être  donnée  à  la  congrégation  des  Sulpiciens,  qu'à  raison  de 
la  disette  des  ecclésiastiques  dans  le  diocèse. 

Un  troisième  inconvénient  d'une  importance  encore  bien  plus 
grave,  ce  sont  les  instructions  à  portes  closes,  qui  se  font  dans 
les  retraites.  Outre  que  cet  usage  est  contraire  à  l'esprit  de 

1879  U 


-  210  — 

l'Eglise,  qui  veut  que  le  lieu  de  l'instruction  et  de  la  prière  soit 
ouvert  en  tout  tems  et  à  tous,  elles  sont  extrêmement  dange- 
reuses, par  deux  considérations  : 

Premièrement,  pour  le  sexe  que  l'on  y  isole  et  devant  qui  l'on 
se  permet  des  instructions  secrètes,  que  les  missionnaires  croient 
nécessaires  sur  certains  sujets  délicats,  mais  qui  instruisent 
plutôt  du  mal  qu'elles  n'apprennent  à  s'en  préserver  ;  instruc- 
tions d'ailleurs  qui,  pour  être  utiles  à  quelques  personnes  du 
sexe,  nuisent  au  plus  grand  nombre  dont  elles  réveillent  l'imagi- 
nation, que  le  silence  de  l'éducation  domestique,  et  la  réserve 
sévère  de  l'instruction  publique  eussent  laissé  dans  une  ignorance 
plus  favorable  aux  mœurs. 

Deuxièmement,  pour  le  repos  de  l'Eglise  et  de  l'Etat,  dans  des 
circonstances  critiques,  où  des  semences  de  division  sont  prêtes 
à  germer  de  toutes  parts.  Un  prédicateur  qui  se  borneroit  à  des 
généralités  devant  un  auditoire,  où  peuvent  se  trouver  bien  des 
gens  capables  de  le  contrôler,  où  même  chargés  par  état  de  cette 
censure  publique,  ce  prédicateur  se  donnera  carrière  aux  portes 
fermées,  devant  un  troupeau  choisi,  et  de  la  docilité  duquel  il 
croit  être  sûr.  De  là,  les  esprits  s'échauffent  et  des  divisions 
funestes  défigurent  l'Église  et  l'État.  Peut-être  est-ce  à  la  cessa- 
tion des  retraites  à  Nantes  qu'on  doit  attribuer  la  révolution  sin- 
gulière qui  s'y  est  opérée  relativement  aux  disputes  de  l'Église  et 
à  l'esprit  de  trouble  et  de  schisme,  dont  naguère  on  voyoit  par- 
tout des  effets  scandaleux. 

C'est  encore  un  grand  inconvénient  des  retraites,  que  de  dis- 
traire les  cytoyens  des  occupations  de  leur  état,  pour  se  livrer  au 
repos  de  la  vie  contemplative,  pendant  huit  jours  entiers  et  con- 
sécutifs. C'est  contredire  d'une  manière  frappante  les  vues  des 
sages  prélats  qui  ont  supprimé  des  fêtes  dans  leurs  diocèses, 
quoiqu'elles  eussent  des  effets  moins  sensibles,  n'étant  répandues 
que  par  intervalles  et  de  loin  en  loin,  dans  le  cours  de  toute 
l'année;  mais,  lorsqu'après  une  semaine  entière  d'inaction,  perdue 
pour  la  subsistance  de  la  famille,  sans  compter  la  dépense  ex- 
traordinaire, on  reviendra  à  l'exercice  de  sa  profession,  y  por- 


—  211  — 

tera-t-on  la  même  ardeur  et  la  môme  activité?  Ne  faudra-t-il  pas 
encore  un  certain  intervalle,  pour  détruire  l'habitude  de  la  paresse, 
si  naturelle  à  l'homme  et  si  dangereuse  pour  l'intérêt  civil,  comme 
pour  celui  de  la  religion. 

Cette  inaction  continuée  pendant  une  semaine  entière  aura  des 
effets  bien  plus  dangereux  encore  sur,  les  femmes  ;  après  s'être 
livrées  sans  réserve  à  ce  repos  des  facultés  corporelles,  auquel  la 
foiblesse  de  leurs  organes  les  fait  tendre  avec  tant  d'attrait,  elles  ne 
reprendront  pas  avec  plaisir  les  soins  multipliés  du  ménage  et  le 
mouvement  continuel  qu'il  exige  d'elles.  Après  avoir  goûté  la 
tranquillité  de  la  retraite,  elles  souffriront  avec  moins  de  patience 
les  jeux  bruyans,  ies  pleurs  et  les  cris  des  enfans,  les  contradic- 
tions domestiques  :  elles  seront  moins  frappées  de  mille  autres 
désagrémens,  que  l'habitude  de  les  supporter  avoit  rendu  moins 
sensibles  à  leurs  yeux.  Ne  seront-elles  pas  portées,  comme  malgré 
elles,  à  faire  des  comparaisons  ?  Et  dès  que  l'imagination  d'une 
femme  se  monte  sur  ces  objets,  l'union  du  mariage  est  perdue  sans 
retour,  l'éducation  des  enfants  en  souffre,  et  le  public  retentit 
bientôt  des  plus  scandaleuses  divisions. 

On  n'aura  pas,  à  la  vérité,  ces  malheurs  à  craindre  pour  les 
filles  âgées  et  les  veuves  sans  enfans,  qui  fréquenteront  les 
retraites  ;  mais  il  est  des  inconvéniens  d'un  autre  genre  pour 
elles;  plusieurs  absorberont  dans  la  bonne  œuvre  les  effets  de 
leur  charité,  qui  est  néanmoins  si  utile  dans  leurs  familles,  auprès 
des  pauvres  des  paroisses  et  ceux  des  hôpitaux.  On  les  verra 
dépouiller  de  leurs  biens  leurs  légitimes  héritiers,  et  se  dépouiller 
elles-mêmes  de  leur  vivant.  Ces  craintes  ne  sont  point  frivoles  ; 
les  pièces  jointes  à  la  requête  prouvent  combien  elles  sont  fon- 
dées. On  voit  dans  ce  contrat  d'association  du  sieur  abbé  de 
Mélient,  la  preuve  de  ces  libéralités  excessives  des  personnes  du 
sexe;  entr'autres  d'une  demoiselle  Mare  qui,  d'une  fortune  consi- 
dérable, fût  tombée  dans  les  horreurs  de  l'indigence,  si  la  Cour 
n'étoit  venue  à  son  secours  par  son  arrest  du  9  décembre  1763. 

D'ailleurs  on  doit  prévoir  que  l'établissement  des  retraites  se 
conservera  et  s'augmentera  par  les  mêmes  moyens  qui  lui  donnent 
l'existence.  Car,  quoiqu'il  soit  porté,  dans  la  requête  insérée  aux 


—  212  - 

lettres  patentes,  que  le  sieur  abbé  de  Mélient  donne  la  maison 
destinée  aux  retraites,  il  sera  permis  de  douter  qu'un  cadet  d'une 
fortune  médiocre  soit  en  état  de  faire  un  don  de  61,000  livres,  et 
l'on  pourroit  aisément  constater,  si  on  le  vouloit,  que  c'est  dans 
la  bourse  des  cytoyens,  tant  ecclésiastiques  que  laïques,  qu'il  a 
puisé;  or  il  est  bien  sensible  qu'on  ne  s'en  tiendra  pas  à  ces 
premières  contributions  ;  les  constructions  annoncées  dans  les 
lettres  patentes  en  exigeront  bien  d'autres,  et  les  charités  si 
nécessaires  aux  pauvres  des  paroisses  et  des  hôpitaux  en  seront 
diminuées. 

L'espèce  de  subreption  qui  vient  d'être  remarquée  dans  les 
lettres  patentes,  par  rapport  au  don  du  sieur  abbé  de  Mélient, 
n'est  pas  le  seul  défaut  qui  s'y  trouve.  On  peut  aussi  leur  repro- 
cher le  vice  d'obreption,  et  c'est  encore  dans  les  pièces  jointes  à 
la  requête  qu'on  en  voit  la  preuve.  En  effet,  on  y  lit  une  délibé- 
ration de  la  Communauté  de  ville,  prise  le  9  décembre  1733, 
lorsque  les  ci-devant  Jésuites  voulurent  augmenter  les  logemens 
de  leurs  retraites,  en  acquerrant  les  bàtimens  voisins,  et  suivant 
laquelle  il  devoit  être  réservé,  pour  le  logement  des  habitans, 
140  pieds  de  face  sur  32  pieds  de  profondeur,  qui  seroient  cou- 
verts de  bàtimens  construits  à  cet  effet.  On  lit  ensuite  un  arrest 
du  Conseil  du  10  mars  1734,  qui  adopta  une  demande  aussi 
sage,  malgré  les  efforts  des  ci -devant  Jésuites,  en  ordonnant 
l'exécution  de  celte  délibération.  Le  même  arrêt  décida  que  les 
bàtimens  destinés  aux  retraites,  ne  pourroient  être  employés  à 
autre  chose  qu'à  loger  des  habitans,  si  les  retraites  venoient  à 
cesser.  Or,  il  ne  paroît  pas  qu'on  ait  donné  connoissance  à  Sa 
Majesté  de  cet  arrest  du  Conseil,  lorsqu'on  a  sollicité  les  lettres 
patentes.  Elles  ne  contiennent  rien  de  pareil.  S'il  y  est  parlé  de 
louages  d'appartemens,  ce  n'est  que  pour  dispenser,  dans  ce  cas, 
d'obtenir  de  nouvelles  lettres  patentes.  Mais  elles  laissent  la 
liberté  la  plus  entière  d'employer  aux  retraites  la  totalité  des 
bàtimens  déjà  construits  et  ceux  qu'elles  autorisent  à  construire; 
elles  ne  disent  point  non  plus  ce  que  deviendront  ces  bàtimens, 
si  les  retraites  viennent  à  cesser. 

Il  étoit  cependant  plus  important  aujourd'huy  qu'en  1734,  de 


—  213  - 

s'occuper  d'un  objet  de  cette  considération.  Ces  constructions 
anciennes,  qui,  dans  un  espace  resserré,  contenoient  un  peuple 
immense,  ont  fait  place  aux  bâtimens  modernes,  où  chaque  fa- 
mille occupe  de  vastes  appartemens.  Deslà  les  logemens  sont 
devenus  extrêmement  rares  à  Nantes,  et  l'on  a  vu  dans  ces  der- 
niers lerns,  des  étrangers  qui  arrivoient,  obligés  de  remonter  la 
Loire  jusqu'à  Angers,  à  Tours  et  à  Orléans  pour  s'y  loger.  Dix- 
huit  capités  (?),  dont  plusieurs  ont  femmes  et  enfans,  occupent 
actuellement  les  bâtimens  qu'on  destine  à  la  nouvelle  retraite. 
Outre  l'expulsion  d'un  nombre  aussi  considérable  tte  cytoyens, 
on  perd  l'expectative  des  bâtimens,  fort  étendus,  qui  restent  à 
construire,  et  qui  ne  pourront  manquer  de  l'être  bientôt,  sur  un 
terrain  qui  devient  de  plus  en  plus  précieux,  par  les  embellisse- 
mens  que  la  Communauté  de  ville  a  fait  faire,  et  ceux  qu'elle  se 
propose  encore.  Le  nombre  des  contribuables  aux  taxes  publiques 
en  sera  diminué,  à  la  surcharge  des  autres  cytoyens. 

Mais  une  autre  surcharge  encore  plus  sensible  sera  celle  des 
vingtièmes,  auxquels  les  maisons ,  vendues  au  profit  des  créan- 
ciers de  ci-devant  Jésuites,  étoient  redevenues  sujettes.  Il  seroit 
aisé  de  prouver  que  la  maison,  que  le  sieur  abbé  de  Mélient  paroît 
donner,  supporteroit  aux  moins  150  livres  à  cette  taxe,  et  c'étoit 
un  dédommagement  bien  légitime,  pour  une  infinité  de  taux 
perdus,  par  la  destruction  sans  retour  de  plusieurs  bâtimens,  qui 
embarassoient  les  quais,  les  places  et  beaucoup  d'autres  endroits 
ordinaires  ou  public. 

Par  toutes  ces  considérations,  la  Compagnie  n'est  point  d'avis 
que  les  lettres  patentes  du  mois  de  mai  1777,  dont  il  s'agit,  soient 
enregistrées,  et  croit  devoir  au  contraire  supplier  la  Cour  de  faire 
au  Roi,  pour  en  obtenir  le  retrait,  telles  remontrances  que  sa 
sagesse  et  ses  lumières  supérieures  lui  inspireront. 

Bellabre  ,  sénéchal  ;  Orry  de  Réveillon  , 
de  la  Ville,  lieutenant;  de  la  Ville,  doyen, 
Le  Lasseur,  Deguer,  Monnier,  Gallot, 
Le  Lasseur  de  Ranzay,  Turquetil,  Bade- 
reau,  Marcé,  Mahot,  Fkllonneau,  avocat 
du  roi  ;  Dreux. 


—  2U  — 

ADHÉSION   A   UNE   DEMANDE   DES   PROPRIÉTAIRES   DES  VIGNOBLES  AUX 

ÉTATS  DE  BRETAGNE. 

Du  3  avril  1778  :  En  la  Chambre  du  Conseil,  où  présidoit 
M.  Bellabre,  sénéchal.  Présens  :  MM.  Orry  de  Réveillon,  Alloué, 
lieutenant  général;  de  la  Ville,  lieutenant  civil  et  criminel;  de  la 
Ville,  doyen  ;  Le  Lasseur,  Deguer,  Monuier,  Gallot,  Le  Lasseur  de 
Ranzay,  Turquetil,  Marcé,  Mahot  et  Dreux,  conseillers  ;  Fellon- 
neau,  avocat  du  Roi,  et  Badereau,  procureur  du  Roi. 

M.  le  Sénéchal  a  fait  lecture  d'un  mémoire  signé  des  princi- 
paux propriétaires  des  vignobles  du  comté  nantois  et  destiné  à 
être  présenté  aux  États,  dans  leur  prochaine  assemblée,  à  l'effet 
d'obtenir  une  modération  sur  les  droits,  auxquels  les  productions 
des  vignobles  sont  assujetties,  beaucoup  au  delà  de  ce  qu'ils 
peuvent  supporter  ;  ce  que  l'on  y  prouve,  en  faisant  voir  : 

Premièrement,  par  des  relevés  des  registres  de  recette  et  dé- 
pense des  plus  grands  vignobles  du  comté  nantois,  dont  on  cer- 
tifie l'exactitude,  suppliant  les  États  d'en  faire  faire  la  vérification 
par  des  commissaires  nommés  à  cet  effet,  que,  dans  les  vingt 
dernières  années,  le  produit  des  vignes  a  considérablement  dimi- 
nué, tant  par  les  hyvers  rigoureux  qu'on  a  essuyés,  que  par  le 
renchérissement  de  la  main-d'œuvre,  qui  a  suivi  l'augmentation 
du  prix  des  grains  et  autres  denrées,  tandis  que  les  autres  es- 
pèces de  biens  ont  à  peu  près  doublé  de  revenu,  pendant  les 
mêmes  vingt  années  ; 

Deuxièmement,  que  la  perte  des  propriétaires  et  colons  des 
vignes  ne  peut  qu'augmenter  progressivement,  par  la  faculté  lais- 
sée aux  fermiers  des  devoirs  de  tirer  leurs  vins  des  provinces 
étrangères,  et  notamment  depuis  que,  dans  la  dernière  tenue,  la 
consommation  de  ces  vins  a  été  si  favorisée,  par  la  permis- 
sion donnée  à  ces  fermiers  de  diminuer  les  droits  sur  les  vins 
étrangers,  en  les  laissant  subsister,  dans  toute  leur  étendue  sur 
le  vin  du  comté  nantois,  qui,  par  la,  ne  jouit  plus  de  la  préfé- 
rence, que  toutes  les  nations  commerçantes  ont  tant  d'attention 
de  conserver  aux  denrées  de  leur  cru  ; 


—  215  — 

Troisièmement,  qu'au  lieu  de  rétablir  la  juste  proportion,  en 
diminuant  les  impositions  .des  vignobles,  au  prorata  de  leur  dépé- 
rissement et  de  l'augmentation  des  autres  biens ,  non  seulement 
on  a  laissé  subsister,  à  leur  égard,  les  impositions  générales,  mais 
on  leur  a  encore  fait  supporter  seuls  le  fardeau  d'une  imposition 
qui  devroit  être  commune  à  toutes  les  espèces  de  biens  de  la 
province,  en  prenant  par  augmentation  et  rétablissement  de  droit 
sur  les  vins,  le  fonds  de  l'emprunt,  pour  les  4  fr.  pour  livre  de  la 
capitation  demandée  en  1748  et  continuée  depuis,  et  pour  rem- 
plir le  déficit  du  casernement  ; 

Quatrièmement,  qu'outre  les  augmentations  précédentes,  on  a 
encore  mis,  en  1772,  les  4  fr.  pour  livre  en  sus  des  droits  sur  les 
vins,  ce  qui  les  a  augmentés  d'un  cinquième,  et  il  a  été  établi  un 
nouveau  droit  de  méage  ;  de  manière  qu'en  prenant  la  masse  de 
ces  droits  sur  les  mêmes  registres,  dont  on  offre  la  vérification, 
et  la  réunissant  aux  vingtièmes  que  l'on  paye  pour  les  vignes, 
suivant  la  proportion  établie  avant  leur  dépérissement  et  l'aug- 
mentation des  autres  biens,  elle  triple  cette  taxe,  dans  un  tems 
qu'il  auroit  été  juste  de  la  diminuer  considérablement. 

Sur  quoi,  l'assemblée  délibérant,  après  avoir  reconnu  la  vérité 
des  faits  exposés  dans  le  mémoire  dont  il  s'agit,  par  le  rapport  de 
plusieurs  de  ses  membres  qui  possèdent  des  vignes  dans  le  comté 
nantois,  et  considérant  qu'indépendamment  des  raisons  de  justice 
et  d'impartialité  qui  animent  les  Etats,  et  suffisent  seules  pour  les 
porter  à  faire  cesser  la  disproportion  énorme  qui  existe,  par  rap- 
port aux  taxes  entre  les  vignobles  et  les  autres  natures  de  biens, 
on  doit  ajouter  qu'il  est  de  l'essence  d'une  administration  pater- 
nelle comme  la  leur,  de  ne  pas  écraser  une  culture,  qui  nécessite 
et  entretient  une  population  quadruple  au  moins  de  ce  qu'elle 
seroit,  si  on  y  substituoit  un  autre  genre  de  production  ;  qu'il 
est  en  même  tems  conforme  aux  premiers  principes  de  l'œcono- 
mie  politique  de  protéger  des  propriétaires  et  cultivateurs,  qui 
en  répandant  des  salaires  journellement  multipliés  dans  le  sein 
des  individus  les  plus  pauvres  de  la  société,  tirent,  au  moyen  de 
ces  avances  énormes,  des  valeurs  proportionnées  sur  des  terres 


-  216  - 

graveleuses  et  souvent  sur  des  rochers  stériles  pour  toute  autre 
espèce  de  fruits.  Par  toutes  ces  raisons,  la  Compagnie  est  d'avis 
d'adhérer  audit  mémoire  et  de  se  joindre  à  ceux  qui  l'ont  signé, 
pour  obtenir  des  États  les  diminutions  de  droits  y  mentionnés, 
ensemble  l'intervention  des  États  au  sujet  du  nouveau  droit  de 
méage  et  de  l'extension  qu'on  lui  donne  aux  vins  du  bas  de  la 
rivière  de  Loire,  qu'on  décharge  à  Nantes  pour  les  arméniens  et 
pour  la  mer,  et,  à  cet  effet,  il  sera  délivré  copie  de  la  présente 
délibération  à  M.  de  Maubreuil  qui  a  communiqué  ledit  mémoire 
et  auquel  il  a  été  rendu. 

Bellabre,  Orry  de  Réveillon,  de  la  Ville, 
lieutenant;  de  la  Ville,  doyen;  Le  Lasseur 
de  Ranzay,  Gallot,  Deguer,  Mahot,  Marcé, 
Dreux. 

Du  28  avril  1778  :  MM.  Gallot  et  Dreux,  conseillers,  ont  été 
nommés  par  la  Compagnie,  députés  pour  assister  à  la  pique,  pour 
l'élection  de  nouveaux  officiers  municipaux.  La  Compagnie  les  a 
chargés  de  faire  les  protestations  ordinaires,  touchant  le  droit  de 
présidence  à  l'assemblée  de  ville,  pour  la  pique. 

Bellabre,  Orry  de  Réveillon,  de  la  Ville, 
doyen;  Deguer,  Marcé,  Mahot,  Dreux. 


PONT   DE   L'ILE   FEYDEAU   A   L'iLE   GLORIETTE. 


Du  29  avril  1778  :  En  la  Chambre  du  Conseil,  où  présidoit 
M.  le  Sénéchal.  Assistans  :  MM.  Orry  de  Réveillon,  Alloué,  de  la 
Ville,  lieutenant;  de  la  Ville,  doyen;  Le  Lasseur,  Deguer,  Mon- 
nier,  Le  Lasseur  du  Ranzay,  Turquetil,  Mahot  et  Dreux,  conseil- 
lers, et  Badereau,  procureur  du  Roi. 

M.  Mahot,  député  de  la  Compagnie  au  Bureau  de  l'Hôtel-Dieu, 
a  présenté  et  lu  un  mémoire,  des  administrateurs  de  celte  maison, 


—  217  - 

par  lequel  ils  exposent  qu'ils  ont  appris  que  les  propriétaires  de 
l'île  Gloriette  ont  formé  le  dessein  de  faire  construire,  pour  le 
passage  des  gens  de  pied  seulement,  un  pont  qui  doit  traverser 
la  rivière  de  Loire,  à  prendre  depuis  la  calle  de  la  maison  Lau- 
rencin,  jusqu'à  celle  de  la  maison  Villestreux  ;  que  ce  pont  pro- 
cureroit  à  la  vérité,  une  commodité  de  passage  aux  habitans  de 
ce  quartier,  mais  que,  d'un  autre  côté,  il  seroit  très-préjudiciable 
à  l'Hôtel-Dieu,  à  qui  appartient  la  majeure  partie  des  maisons  et 
magasins,  au  dessus  ce  pont,  qui,  à  ce  moyen,  deviendroienl  de 
peu  de  valeur  et  ne  seroient  affermés  qua  très-difficilement,  parce 
que  les  barques,  gabarres  pontées  et  autres  grands  bâtimens, 
qu'il  n'est  pas  possible  de  démâter,  ne  pourroient  plus  venir 
charger  et  décharger  des  marchandises  au  quay  de  l'Hôpital  i 
pourquoi  les  administrateurs,  attentifs  à  veiller  à  l'intérêt  des 
pauvres,  ont  cru  devoir  faire  part  à  la  Compagnie  de  la  construc- 
tion du  pont  dont  il  s'agit,  et  la  prier  de  délibérer  s'ils  s'y  oppo- 
seront. 

Sur  quoi,  la  Compagnie,  après  avoir  délibéré,  a  été  d'avis  que 
les  administrateurs  de  l'Hôtel-Dieu  ne  doivent  pas  s'opposer  à  la 
construction  du  pont  projettée  par  les  propriétaires  du  quartier 
de  l'île  Gloriette,  pourvu  que,  pour  obvier  au  préjudice  qui  pour- 
roi  t  résulter,  pour  cette  maison,  de  l'interruption  de  la  naviga- 
tion, le  pont  dont  est  question  soit  construit  de  manière  à  laisser 
un  libre  passage  aux  barques,  gabarres  pontées  et  autres  embar- 
quations. 

Bellabre,  Orry  de  Réveillon,  de  la  Ville, 
lieutenant;  de  la  Ville,  doyen;  Deguer, 
Le  Lasseur  de  Ranzay,  Mahot,  Dreux. 


LETTRE   DE   M.    LE   GARDE   DES    SCEAUX    SUR   LA    PRESIDIALITK. 

Du  12  novembre  1778  :  En  la  Chambre  du  Conseil  du  siège 
Présidial  de  Nantes,  où  présidoit  MM.  Orry  de  Réveillon,  Alloué. 


—  218  — 

Assistants  :  MM.  Bourgoing,  juge  criminel  ;  de  la  Ville,  lieute- 
nant; de  la  Ville,  doyen  ;  Deguer,  Gallot,  Le  Lasseur  de  Ranzay, 
Turque til,  Marcé,  Mahot  et  Dreux,  conseillers,  et  Fellonneau, 
avocat  du  Roi. 

A  été  donné  lecture  d'une  lettre  écrite  à  la  Compagnie,  par 
M.  le  garde  des  sceaux,  le  29  octobre  dernier,  au  sujet  de  l'édit 
du  mois  d'août  1777,  concernant  la  jurisdiction  présidiale,  et  la 
Compagnie  a  arrêté  de  faire  registre  de  ladite  lettre,  dont  la 
teneur  suit  : 

Messieurs, 

J'ai  mis  sous  les  yeux  du  Roi  les  représentations  qui  m'ont  été 
adressées  par  plusieurs  Présidiaux,  au  sujet  de  l'édit  du  mois 
d'août  1777.  S.  M.  a  été  fort  mécontente  de  la  conduite  de 
quelques-uns  des  officiers  de  ces  sièges,  surtout  de  la  publicité 
qu'ils  ont  donnée  à  leurs  démarches,  en  faisant  imprimer  des 
représentations  qui  dévoient  demeurer  secrètes  ;  mais  ce  mécon- 
tentement particulier  n'a  pas  empêché  S.  M.  de  prendre  en  con- 
sidération les  objets  de  ces  représentations,  qui  lui  ont  paru 
mériter  son  attention.  Elle  a  eu  la  bonté  d'excuser  la  forme,  en 
faveur  des  motifs,  et  elle  n'a  pas  hézité  d'avoir  égard  à  celles  de 
ces  observations  qui,  sans  attaquer  la  substance  de  son  édit,  lui 
ont  paru  les  plus  capables  d'assurer  de  plus  en  plus  le  maintien 
de  la  jurisdiction  des  Présidiaux  et  de  procurer  plus  de  facilité 
et  moins  de  frais  à  ceux  de  ses  sujets,  qui  sont  dans  le  cas  d'y 
recourir. 

C'est  dans  ces  principes  qu'a  été  rédigée  la  déclaration,  que 
S.  M.  vient  d'adresser  à  ses  Parlemens.  Vous  y  reconnoîtrez 
l'esprit  de  justice  et  de  sagesse  qui  dirige  toutes  ses  décisions.  Je 
ne  doute  pas  que  vous  ne  vous  y  conformiés,  avec  le  respect  et 
la  soumission  dont  les  magistrats  doivent  l'exemple. 

Je  n'aurois  point  d'autres  réponses  à  faire  à  toutes  les  repré- 
sentations que  j'ai  reçues  sur  ce  même  édit,  si  je  n'avois  remar- 
quée qu'il  y  en  avoit  plusieurs  qui  n'étoient  fondées  que  sur  le 


—  249  — 

peu  d'attention  que  l'on  a  donné  au  véritable  sens  de  quelques 
articles. 

C'est  ce  qui  est  arrivé,  par  rapport  à  l'article  3,  dans  lequel  il 
est  aisé  de  reconnoître  : 

1°  Qu'en  ne  permettant  aux  Présidiaux  de  connoîtreen  dernier 
ressort,  que  jusqu'à  80  livres  de  rente,  le  législateur  n'a  entendu 
parler  que  des  rentes  foncières  qui  n'ont  point  de  capital,  et  qu'à 
l'égard  des  rentes  constituées,  c'est  le  capital  et  non  la  rente,  qui 
doit  déterminer  la  compétence  ; 

2°  Que  le  capital  des  rentes  constituées  ne  doit-être  cumulé 
avec  les  arrérages,  que  lorsqu'il  est  contesté,  mais  que,  dans  le 
cas  où  il  n'y  a  pas  de  contestation  sur  le  capital,  le  Présidial  peut 
connoitre  des  arrérages,  à  moins  que  ce  qui  en  est  échu,  avant 
la  demande,  n'excède  la  somme  de  deux  mille  livres  ; 

8°  Que  les  arrérages,  échus,  depuis  la  demande,  ne  doivent 
être  regardés,  ainsi  que  les  dommages  et  intérêts  et  les  dépens, 
que  comme  l'accessoire  de  la  demande  principale. 

Je  ne  crois  pas  devoir  m'arrêter  aux  réflexions  que  l'on  a  pro- 
posées sur  l'art.  6.  Les  édits  de  1551  permettoient  aux  défen- 
deurs de  rembourser  les  charges  foncières  que  le  demandeur 
avoit  évaluées,  mais,  comme  ils  laissoient  de  l'incertitude  sur  le 
tems  pendant  lequel  le  débiteur  pourroit  se  libérer,  il  étoit  néces- 
saire d'y  pourvoir,  et  le  terme  de  cinq  années  a  paru  également 
favorable  au  débiteur  et  au  créancier. 

Les  doutes,  que  l'on  a  élevés  sur  la  disposition  de  l'art.  9, 
par  lequel  S.  M.  a  excepté  de  la  Présidialité  les  affaires  concer- 
nant l'administration  des  fabriques  et  des  hôpitaux,  ne  sont  pas 
même  fondés. 

Les  termes  de  cet  article  annoncent  très  clairement  que  cette 
exception  ne  peut  s'appliquer  qu'à  ce  qui  regarde  le  régime  et 
l'administration,  et  qu'elle  ne  peut  s'étendre  aux  contestations 
concernant  leurs  biens  et  revenus. 

On  n'auroit  pas  insisté  si  fortement  sur  les  dispositions  des 
art.  12  et  13,  si  l'on  avoit  considéré  que  la  Présidialité  n'ayant 
pas  été  établie  en  faveur  des  officiers,  mais  en  faveur  des  justi- 


—  220  — 

niables,  le  bénéfice  de  cette  loi  doit  être  réclamé,  et  que,  si  toutes 
les  parties  s'accordent  à  refuser  d'en  profiter,  les  juges  n'ont  pas 
le  droit  de  les  y  contraindre.  En  ce  qui  concerne  la  nécessité 
d'un  jugement  de  compétence,  on  ne  dovoit  pas  oublier  que  celte 
obligation  n'étoit  pas  nouvelle,  qu'elle  étoit  conforme,  non  seu- 
lement à  l'esprit,  mais  a  la  lettre  des  édits  de  1551,  et  que 
c'étoit  en  effet  le  seul  moyen  de  prévenir  les  appels,  tant  comme 
de  juges  incompétens  qu'autrement.  Il  a  paru  d'autant  plus  né- 
cessaire de  les  prévenir,  que  les  parties  n'auroient  pas  manqué 
d'abuser  de  cette  ressource,  pour  éterniser  les  affaires,  en  con- 
fondant les  moyens  d'incompétence,  avec  les  moyens  de  fond, 
ce  qui  auroit  anéanti  ou  du  moins  affoibli,  en  bien  des  cas,  la 
jurisdiction  des  Présidiaux. 

L'art.  18  n'auroit  pas  donné  lieu  à  des  observations,  si  on 
l'avoit  lu  avec  attention.  Il  n'oblige  pas  les  parties  à  soutenir  un 
appel  de  compétence,  qu'elles  croyent  devoir  abandonner;  il  ne 
leur  défend  pas  d'acquiescer  au  jugement  de  compétence;  après 
en  avoir  interjette  appel,  il  enjoint  seulement  aux  juges,  si  les 
parties  les  obligent  à  prononcer,  de  n'avoir  aucun  égard  à  leurs 
acquiescemens,  et  de  s'en  tenir  aux  règles,  comme  on  doit  tou- 
jours le  faire,  en  matière  de  compétence. 

Je  n'ai  pu  m'empêcher  d'être  étonné  de  ce  que  l'on  a  regardé 
la  disposition  concernant  les  épices,  comme  capable  de  faire 
douter  de  la  confiance  dont  S.  M.  honore  les  officiers  des  sièges 
Présidiaux.  Ils  ne  doivent  pas  ignorer  que  les  ordonnances,  tant 
anciennes  que  nouvelles,  contiennent  un  nombre  infini  de  dis- 
positions pareilles,  non  seulement  à  l'égard  des  taxes  des  premiers 
officiers  des  Bailliages  et  Sénéchaussées,  mais  même  par  rapport 
aux  épices  et  taxations  des  cours  supérieurs. 

Ces  réflexions  ne  m'ont  point  empêché  de  proposer  à  S.  M.  de 
donner  une  nouvelle  marque  de  sa  confiance  aux  officiers  de  ses 
Présidiaux,  en  ordonnant  qu'il  seroit  sursis  à  l'exécution  de  cette 
disposition,  et  de  celle  qui  regarde  l'ordre  du  service. 

Telles  sont  les  réflexions,  dont  j'ai  bien  voulu  vous  faire  part, 
en  vous  assurant  que  vous  me  trouvères  toujours  disposé  à  faire 


—  221  - 

valoir  vos  services  auprès  de  S.  M.,  et  à  vous  procurer  des 
inarques  de  sa  bienveillance  et  de  sa  protection,  Je  suis,  Messieurs, 
votre  affectionné  à  vous  servir,  signé  :  Miroménil. 

Bellabre,  Orry  de  Réveillon,  de  la  Ville, 
lieutenant;  de  la  Ville,  doyen;  Deguer, 
Gallot,  Le  Lasseur  de  Ranzay,  Turquetil, 
Marcé,  Marot,  Dreux. 


OCTROIS  ANCIENS  DE  NANTES  ET  NOUVEL  OCTROI  POUR  UNE  BALISE 

ET  DEUX  MÔLES. 

Du  21  juillet  1780  :  En  la  Chambre  du  Conseil  du  siège 
Présidial  et  de  la  Sénéchaussée  de  Nantes,  où  présidoit  M.  le  Sé- 
néchal. Présens  :  MM.  Orry  de  Réveillon,  Alloué,  de  la  Ville, 
lieutenant;  Le  Lasseur,  Deguer,  Monnier,  Le  Lasseur  de  Ranzay, 
Turquetil  et  Dreux,  conseillers;  Fellonneau,  avocat  du  Roi,  et 
Baco  de  la  Chapelle,  procureur  du  Roi. 

M.  le  Sénéchal  a  présenté  à  la  Compagnie  un  arrêt  de  la  Cour 
du  3  juin  dernier,  portant  que  la  requête  des  maire  et  échevins 
et  procureur  sindic  de  la  ville  et  Communauté  de  Nantes,  à  fin 
d'enregistrement  des  lettres  patentes  du  Roy  sur  arrêt  de  son 
Conseil,  données  à  Versailles,  le  23  mai  précédent,  et  autres 
pièces  y  jointes,  seroit  communiquée  à  la  Compagnie  et  à  la 
Chambre  du  Commerce  de  Nantes,  pour  y  donner  leurs  avis, 
dans  quinzaine,  et  le  tout  rapporté  à  la  Cour,  être,  sur  les  con- 
clusions de  M.  le  procureur  général  du  Roy,  statué  ce  qui  seroit 
vu  appartenir. 

La  Compagnie  désirant  répondre  à  la  marque  de  confiance  que 
la  Cour  a  bien  voulu  lui  donner,  et  remplir  eu  même  lems  ce 
qu'exige  d'elle  son  attachement  au  maintien  de  la  justice  et  à 
l'intérêt  de  ses  justiciables,  après  avoir  pris  lecture  dudit  arrêt  et 
des  pièces  y  jointes,  notament  d'un  arrêt  du  Conseil  du  18  jan- 
vier 1780,  rendu  sur  requête  des  officiers  municipaux  de  Nantes, 


—  222  — 

des  lettres  patentes  sur  icelui  du  23  mai  suivant,  portant  proro- 
gation, pour  cinq  ans,  des  anciens  octrois,  avec  des  changemens 
et  ampliations  aux  dispositions  des  précédentes  lettres  sur  même 
objet,  et  d'autres  lettres  patentes  du  18  avril  1780,  accordant  un 
nouvel  octroi  à  la  Communauté  de  ville  de  Nantes,  pour  le  pro- 
duit être  employée  des  ouvrages  projettes  au  port  de  Paimbœuf, 
avec  attribution  à  M.  l'intendant  pour  recevoir  les  comptes  de  ce 
nouvel  octroi,  le  tout  mûrement  examiné,  ainsi  que  les  différens 
arrêts  du  conseil,  sentences  de  la  Sénéchaussée  et  autres  pièces 
mentionnées,  tant  dans  lesdites  lettres  patentes  que  dans  la 
requête  des  maire  et  échevins  insérés  dans  l'arrêt  du  18  janvier 
1780,  est  d'avis  que,  dans  le  nombre  des  changemens  et  exten- 
sions que  contiennent  les  lettres  patentes,  portant  prorogation  des 
anciens  octrois,  elle  doit  principalement  s'attacher  à  ceux  qui 
intéressent  l'ordre  public  des  jurisdictions  et  les  propriétés  des 
habitans  de  son  ressort,  s'en  référant  sur  d'autres  articles  qui 
concernent  plus  particulièrement  les  droits  sur  les  marchandises 
et  leur  circulation,  à  ce  que  pourra  dire  la  Chambre  du  Commerce 
plus  instruite  de  ces  matières. 

Le  premier  objet  et  le  plus  important  est  l'addition  faite  à  la 
fin  des  lettres  patentes,  d'une  disposition  que  l'on  chercheroit 
en  vain  dans  les  précédentes  de  1769,  1750  et  1741,  qui  ont  été 
imprimées.  Elle  porte  :  «  Enjoignons  au  sieur  intendant  et  com- 
missaire départi  pour  l'exécution  de  nos  ordres,  de  tenir  la  main 
à  l'exécution  des  présentes.  »  Jusqu'à  présent  cette  disposition 
n'avoit  été  mise  que  dans  les  arrêts  du  Conseil  qui,  avant  d'être 
revêtus  de  lettres  patentes,  ne  peuvent  effectivement  être  adressés 
aux  tribunaux  de  justice,  ni  reconnus  par  eux  :  mais  l'innovation, 
introduite  par  les  dernières  lettres,  est  d'une  conséquence  d'au- 
tant plus  grande  pour  l'ordre  public  des  jurisdictions,  que,  depuis 
quelque  tems,  tout  retentit  des  évocations  et  attributions  à 
l'intendance  et  au  Conseil  ;  que  les  maire  et  échevins  ne  cessent 
de  demander  coup  sur  coup,  pour  dépouiller  les  jurisdictions 
ordinaires  et  ravir  à  leurs  concytoyens  le  privilège  des  Bretons, 
tant  de  fois  reconnu  et  confirmé  par  nos  souverains,  depuis 


—  223  — 

l'union  de  la  province  à  la  France,  de  ne  pouvoir  être  traduits 
en  justice  hors  de  leur  ressort.  C'est  ce  que  Jean  V,  duc  de  Bre- 
tagne, dans  ses  lettres  patentes  du  18  février  1424,  données  sur 
les  requête  et  supplications  des  prédécesseurs  des  maire  et 
échevins,  traitoit  de  peine  et  oppression  dont  on  vexoit  et  travail- 
lait son  peuple,  hommes  et  subjets  et  qu'il  désiroit  leur  eschever. 
La  Cour  est  suppliée  de  se  rappeller,  à  cette  occasion,  l'arrêt  du 
Conseil  du  9  juin  1778  et  les  motifs  sur  lesquels  il  a  été  rendu. 
Les  maire  et  échevins  avoient  obtenu,  le  22  avril  1755,  un  arrêt 
du  Conseil  qui  approuvoit  un  plan  d'embélissement  de  la  ville  de- 
Nantes,  où  l'on  inséra  la  clause  d'attribution  à  l'intendance  et  au 
Conseil  ;  mais  cet  arrêt  ne  fut  ni  revêtu  de  lettres  patentes,  ni 
enregistré,  et  le  cours  de  la  justice  continua  dans  la  même  forme 
qu'auparavant.  Cependant,  sur  une  rectification  du  plan  d'embé- 
lissement, les  maire  et  échevins  obtinrent  le  19  mars  1766,  un 
nouvel  arrêt  du  Conseil,  où  la  clause  d'attribution  fut  omise, 
l'arrêt  se  bornant  à  celle  d'injonction  au  commissaire  départi,  de 
tenir  la  main  à  l'exécution,  et  cette  clause  d'ailleurs  ne  fut  pas 
répétée  dans  les  lettres  patentes  obtenues  sur  ce  dernier  arrêt,  le 
7  mai  1766.  Elles  furent  adressées  purement  et  simplement  à  la 
Cour.  Mais,  comme  ces  lettres  patentes,  qui  furent  enregistrées, 
ordonnoient  l'exécution  de  l'arrêt  de  1755,  en  ce  qui  n'y  étoit 
point  dérogé,  par  le  nouvel  arrêt  de  1766,  les  maire  et  échevins 
ont  prétendu,  dix  ans  après,  que  la  Cour  avoit  adopté,  par  cet 
enregistrement,  l'attribution  portée  par  l'arrêt  de  1755,  quoique 
non  enregistré,  et  qu'elle  avoit  dépouillé  par  là  les  tribunaux  de 
leur  jurisdiction  et  les  Bretons  de  leur  privilège.  Ils  ont  en  con- 
séquence proposé  des  déclinatoires,  toutes  les  fois  que  l'occasion 
s'en  est  présentée  et  ils  sont  parvenus  à  faire  adopter  leur  sis- 
tême,  par  l'arrêt  du  Conseil  du  9  juin  1778,  qui  n'est  point 
encore  révoqué.  L'abus  qu'on  a  fait  de  l'enregistrement  pur  et 
simple  de  la  Cour,  dans  un  cas  où  les  lettres  patentes  lui  étoient 
adressées,  sans  aucune  mention  du  commissaire  départi,  doit 
faire  sentir  combien  il  est  essentiel  qu'elle  modifie  son  enregis- 
trement dans  une  circonstance  où  les  lettres  patentes  contiennent 


—  224  — 

une  disposition  absolument  insolite  à  cet  égard  et  dont  on  ne 
manqueroit  pas  de  tirer  des  inductions. 

Pour  bien  entendre  le  second  objet  qui  fixe  L'attention  de  la 
Compagnie,  il  faut  se  rappeller  que,  dès  1712,  les  fermiers  des 
devoirs  de  la  province  ayant  entrepris  d'assujétir  aux  droits  les 
vins  gâtés  destinés  à  faire  des  vinaigres,  le  Conseil,  par  son  arrest 
du  19  septembre  1713,  donna  main-levée  des  saisies  qui  avoient 
été  faites  à  ce  sujet,  et  ordonna  aux  fermiers  de  rendre  les  choses 
saisies,  avec  défenses  d'exiger  à  l'avenir  les  droits  pour  les  vins 
gâtés  destinés  au  vinaigre,  à  peine  de  500  livres  d'amende  et 
de  tous  dépens,  dommages  et  intérêts.  Mais  une  décision  aussi 
péremptoire  n'arrêta  pas  pour  toujours  l'esprit  financier,  qui  ne 
dort  jamais.  Une  nouvelle  tentative  fut  réprimée,  par  une  délibé- 
tion  des  Etats  de  la  province,  du  26  novembre  1748,  qui  permit 
au  surplus  aux  commis  de  mettre  quatre  pots  de  vinaigre  dans 
chaque  barrique  de  vin  trouvée  chez  le  vinaigrier;  en  1778, 
l'abondance  des  vins  uantois  et  le  défaut  de  débouché  par  la 
mer  que  la  guerre  a  fermée,  les  ayant  fait  tomber  à  un  très  bas 
prix,  on  n'eut  d'autre  ressource  que  de  les  destiner  aux  vinaigres 
pour  Orléans  et  Paris.  Les  demandes,  qui  furent  immenses,  four- 
nirent l'occasion  d'une  nouvelle  entreprise,  de  la  part  du  direc- 
teur des  octrois  de  Nantes.  Il  forma  le  projet  d'assujétir  aux 
droits  ces  vins  destinés  au  vinaigre  ;  il  força  même  une  grande 
quantité  de  particuliers  de  payer  par  provision  ce  qu'il  exigeoit, 
pour  avoir  leurs  expéditions.  Les  fermiers  des  devoirs  suivirent 
sou  exemple  et  les  fermiers  généraux  auroient  vraisemblablement 
suivi  la  même  marche,  ce  qui  eut  totalement  détruit  une  branche 
de  commerce  devenue  la  ressource  des  vignobles  du  pais.  Mais 
les  États  de  la  province,  par  leur  délibération  du  17  janvier  1779, 
renouvelleront  celle  qu'ils  avoient  prise,  le  26  novembre  1748,  et 
ordonnèrent  la  restitution  des  sommes  perçues  par  les  fermiers 
des  devoirs.  La  même  restitution  fut  prononcée  contre  le  direc- 
teur des  octrois,  par  sentence  contradictoire,  de  la  Sénéchaussée 
de  Nantes,  du  24  juillet  1779,  dont  les  maire  et  échevins  ne 
paroissent  pas  avoir  interjette  d'appel.  C'est  après  ces  décisions 


—  225  - 

géminées  que  les  maire  et  échevins  ont  encore  eu  le  courage  de 
suspendre  au  Conseil  cette  disposition  de  l'arrêt  et  des  lettres 
patentes,  où,  après  avoir  établi  leur  droit  de  huit  sous  par  pipe 
de  vin  nantois,  il  est  ajouté  même  ceux  qui  auroient  été  convertis 
en  vinaigre.  En  réfléchissant  sur  ce  qu'on  vient  de  dire,  on  ne 
sçait  ce  qu'on  doit  admirer  le  plus,  ou  de  la  sagesse  du  Conseil  et 
des  États  de  Bretagne  qui,  du  millieu  des  grands  objets  qui  les 
occupent  pour  l'administration  du  royaume  et  d'une  de  ses  prin- 
cipales provinces,  n'ont  point  perdu  de  vue  les  intérêts  légitimes 
d'un  district  particulier,  ou  de  l'obstination  condamnable  des  maire 
et  échevins  à  sacrifier,  pour  une  mince  extension  de  finance,  la 
production  presque  unique  et  la  branche  principale  de  commerce 
intérieur  d'un  territoire,  dont  les  intérêts  leur  sont  principale- 
ment confiés  :  car  on  ne  doit  pas  douter  que  si  le  droit  d'octroy 
se  perçoit  sur  les  vins  destinés  au  vinaigre,  ceux  des  devoirs  et 
des  fermes  n'ayent  aussi  infailliblement  lieu  ;  pareequ'il  u'y  a  pas 
plus  de  raisons  d'exemptions  pour  les  uns  que  pour  les  autres, 
et,  par  là,  le  comté  nantois  perdra  sans  ressource  un  débouché 
absolument  nécessaire  dans  les  lems  d'abondance.  Il  faudra 
arracher  une  grande  partie  des  vignes  et  laisser  incultes  des 
terrains  qui  ne  sont  propres  qu'à  cette  espèce  de  production,  sur 
laquelle  sont  fondés  les  principaux  revenus  des  États  de  la  pro- 
vince. 

Avant  de  quitter  ce  second  objet,  nous  observerons  que  les 
arrêts  du  Conseil  du  14  novembre  1741  et  2  juin  1750  excep- 
toient  du  droit  mentionné  les  vivres  destinés  pour  ravitaillement 
des  vaissaux,  que  celles  du  15  février  1769,  sur  l'arrest  du 
6  décembre  précédent  ne  répétèrent  point,  à  la  vérité,  explicite- 
ment cette  exemption,  mais  qu'elles  confirmèrent  les  arrêts  des 
14  novembre  1741  et  °2  juin  1750,  ce  qui  remportait  implicite- 
ment; ainsi  l'on  a  continué  d'eu  jouir;  or,  les  nouvelles  lettres 
patentes  du  23  mai  1780  n'en  parlent  ni  explicitement,  ni  impli- 
citement, elles  ne  font  nulle  mention  des  arrêts  des  14  novembre 
1741  et  2  juin  1750,  et  elles  assujétissent  généralement  tous  les 
vins  au  droit.  Elles  semblent  donc  abroger  l'exception  portée  par 

1879  15 


-  -226  — 

cet  arrêt  de  1750,  qu'il  seroit  dès  là  fort  intéressant  que  la  Cour 
voulut  bien  rappeller  dans  une  de  ses  modifications. 

Un  troisième  objet,  qui  mérite  l'attention  la  plus  sérieuse,  c'est 
la  faculté  accordée,  par  les  nouvelles  lettres  patentes,  aux  maire 
et  échevins  d'avancer  ou  reculer,  pour  la  facilité  et  l'intérêt  de  la 
régie,  les  bureaux  d'entrée  actuellement  existants  et  d'en  établir 
de  nouveaux  partout  où  il  en  sera  besoin,  desquels  lieux,  où  les 
bureaux  seront  établis,  commencera,  soit  pour  l'entrée,  soit  pour 
la  sortie,  la  prescription  des  droits.  Ainsi  les  maire  et  échevins 
pourront  étendre  le  territoire  de  leur  perception,  autant  que  des 
employés  avides  leur  persuaderont  qu'il  est  nécessaire  de  le  faire. 
Des  parties  de  banlieue  qui  paient  les  droits  de  campagne  et  sont 
assujéties  aux  charges  et  corvées  dont  les  parties  de  ville  sont 
exemptes,  se  trouveroient  par  là  assujéties  aux  droits  de  ville, 
dont  ils  n'ont  pas  les  privilèges.  Il  est  aisé  de  sentir  l'injustice  de 
ces  extensions  et  combien  il  est  important  que  la  Cour  modifie 
cet  article,  en  disant  que  les  maire  et  échevins  ne  pourront  user 
de  la  faculté  qui  leur  est  donnée,  pour  l'avantage  et  la  commo- 
dité de  leur  régie,  qu'à  la  charge  de  ne  pouvoir  étendre  leurs 
perceptions  sur  des  parties  qui  auroient  joui  jusqu'à  présent  de 
la  franchise  des  droits  d'octrois. 

Le  quatrième  objet  d'observation  de  la  Compagnie  concerne  la 
cassation  d'une  sentence  de  la  Sénéchaussée  du  7  septembre 
1753,  en  faveur  des  corroyeurs.  Cette  sentence  a  été  rendue,  en 
conséquence  de  deux  autres  des  27  février  1744  et  21  mai  1749, 
au  profit  des  teinturiers,  bonnetiers,  blanconniers,  chamoiseurs, 
couverturiers  et  tisserands  de  la  ville  de  Nantes.  Elles  permettent 
les  unes  et  les  autres  à  ces  différons  ouvriers  de  faire  sortir  de  la 
ville  leurs  marchandises,  pour  leur  donner  les  perfections  que 
chaque  art  exige,  aux  moulins  à  foulons,  blanchisseries  et  tanne- 
ries, et  de  les  rentrer  en  ville,  pour  payer  les  droits  de  sortie  et 
d'entrée;  parce  qu'ils  seront  tenus  d'en  faire  des  déclarations  sur 
un  registre  tenu  par  les  commis  aux  octrois,  dont  il  leur  sera  dé- 
livré des  copies  qu'ils  feront  viser,  lors  de  la  rentrée  de  leurs 
marchandises  et  qu'ils  retiendront  pour  leur  servir  de  décharge, 


.._  227   - 

etc.  Les  deux  premières  sentences  avoient  été  adoptées  par  l'ar- 
rest  et  les  lettres  patentes  des  u2  juin  et  1er  aoust  1750  ;  mais 
cela  n'a  pas  empêché  les  maire  et  échevins  d'en  demander  la  cas- 
sation en  même  tems  que  de  celle  du  7  septembre  1753,  absolu- 
ment semblable  et  rendue  dans  le  même  esprit  ;  mais,  par  une 
singularité,  dont  il  n'est  pas  aisé  de  deviner  les  motifs,  les  deux 
sentences  de  1744  et  1749  sont  laissées  dans  toute  leur  force,  et 
celle  de  1753  qui  en  est  la  suite  et  parfaitement  calquée  sur  elles, 
est  cassée  et  annullée  par  l'arrêt  du  18  janvier  et  par  les  lettres 
patentes  du  23  may  1780;  de  manière  que  les  corroyeurs  et  tan- 
neurs sont  soumis  aux  droits  de  sortie  et  d'entrée,  pour  les  mar- 
chandises qu'ils  portent  à  leurs  tanneries  et  qu'ils  en  rapportent, 
tandis  que  tous  les  autres  manufacturiers,  mentionnés  dans  les 
sentences  de  1744  et  1749,  continuent  d'être  exempts  dans  les 
mêmes  cas. 

La  Cour  est  encore  suppliée  d'observer  la  manière  dont  les 
maire  et  échevins  se  pourvoyent  contre  les  sentences  qui  sont 
rendues  conlr'eux  par  les  premiers  juges,  au  lieu  de  suivre, 
comme  l'indiquent  toutes  les  loix,  l'ordre  des  jurisdictions,  en 
interjettant  appel  à  la  Cour,  lorsqu'ils  croyent  avoir  à  se  plaindre 
des  sentences  rendues  contre  eux, on  voit  qu'ils  vont  de  plein  vol 
au  Conseil,  pour  faire  casser,  sur  requête  non  communiquée  des 
sentences  rendues  contradictoirement,  et  faire  condamner  leurs 
parties  adversaires,  sans  qu'elles  ayent  été  entendues  dans  leurs 
moyens  de  défenses. 

La  Chambre  du  Commerce  ne  manquera  pas  de  s'expliquer 
beaucoup  mieux  que  la  Compagnie  ne  pourroit  le  faire,  sur  un 
cinquième  objet  qui  est  celui  du  passe  debout.  Les  maire  et 
échevins  ont  porté,  à  cet  égard,  leur  extension  au  delà  de  ce 
qu'ont  jamais  imaginé  les  traitants.  Ils  ont  surpris  au  Conseil 
l'abolition  entière  du  passe  debout  pour  les  marchandises  venant 
par  mer;  et,  à  l'égard  de  celles  venant  par  terre  et  par  la  rivière, 
ils  ont  fait  réduire  le  tems  du  séjour  à  vingt-quatre  heures,  pour 
les  premières,  et  trois  jours  pour  les  secondes  ;  nous  laissons  à 
la  Chambre  du  Commerce  le  soin  de  démontrer  l'extrême  rigueur 


—  228  — 

de  cette  disposition  et  même  l'impossibilité  de  la  pratiquer  dans 
une  infinité  de  circonstances,  comme  celles  des  glaces,  des  inon- 
dations où  des  basses  eaux,  etc. 

Nous  offrirons  à  la  Cour  un  sixième  objet  d'observations  dans 
la  clause  qui  règle  Femploy  du  produit  des  deniers,  d'octrois  et 
patrimoniaux  de  la  ville  et  Communauté  de  Nantes,  pour  le  paye- 
ment des  charges  ordinaires  et  extraordinaires,  et  le  surplus  au 
remboursement  des  dettes  de  la  Communauté,  sur  les  délibéra- 
tions prises  à  cet  effet,  par  les  maire  et  échevins  en  exercice.  Ces 
deux  derniers  mots  que  nous  ne  voyons  point  dans  les  lettres 
patentes  imprimées  de  1741,  1750  et  1769,  pourroient  donner 
lieu  d'induire  par  la  suite,  de  l'enregistrement  pur  et  simple  de 
la  Cour,  à  cet  égard,  qu'elle  auroit  revêtu  de  cette  forme  respec- 
table la  concentration  qui  s'est  opérée  depuis  un  certain  nombre 
d'années  de  toute  l'autorité  de  l'administration  dans  le  bureau 
servant,  en  réduisant  l'assemblée  générale  de  la  Communauté  à 
une  vaine  montre  de  cérémonial,  pour  les  processions,  la  récep- 
tion des  grands  et  les  installations  des  nouveaux  membres,  que 
l'on  restraint  même  de  jour  en  jour.  Il  en  étoit  autrement  autres 
fois  :  ainsi,  par  le  règlement  du  Conseil  du  18  juillet  1681,  il  étoit 
défendu  aux  maire  et  échevins  et  sindic,  d'intenter  aucun  procès 
que  par  l'avis  et  délibération  de  la  Communauté  assemblée  en  la 
maison  de  ville  et  en  présence  des  créanciers  domiciliés.  Un  autre 
règlement  du  21  février  1690  contenoit  des  défenses  aux  sindics 
et  chefs  des  villes  et  communautés  de  la  province,  de  faire  au- 
cunes dépenses  extraordinaires  non  contenues  dans  les  arrêts  et 
réglemens,  pour  en  avoir  obtenu  le  consentement  des  habitans 
dans  une  assemblée,  en  la  forme  ordinaire  :  mais  on  voit,  dans 
un  recueil,  imprimé  en  1729,  une  lettre  du  6  juillet  de  la  même 
année,  où  il  déclare  qu'on  ne  doit  convoquer  aucune  assemblée 
générale  ou  extraordinaire,  sans  sa  permission  où  celle  du  com- 
mandant et  qu'il  n'accorderoit  jamais  de  pareille  permission, 
sans  avoir  été  informé  par  un  mémoire  exact  des  affaires  qu'on 
se  proposoit  d'y  traiter.  On  trouve,  dans  le  même  recueil,  à  la 
date  du  22  juin  précédent,  une  délibération  qui  porte  «  que 


-  229  — 

»  depuis  l'établissement  de  la  Communauté,  il  avoit  toujours  été 
«  d'usage  que  l'ancien  bureau  et  toutes  les  Compagnies  de  la  ville 
«  fussent  consultées  sur  toutes  les  affaires  importantes  ;  que  cet 
«  usage  avoit  été  interrompu,  depuis  quelques  années,  quoiqu'il 
«  fût  plus  nécessaire  que  jamais  qu'ils  s'assemblassent  à  ce  sujet 
«  que  non  seulement  toutes  les  Compagnies  et  corps  de  la  ville 
«  le  désiroient  avec  empressement,  mais  qu'il  seroit  même  d'une 
«  nécessité  indispensable,  pour  le  bien  et  l'utilité  du  public, 
«  qu'ils  prissent  connoissance  de  plusieurs  affaires  qui  les  regar- 
«  doient  et  qu'il  seroit  à  propos  de.  supplier  MM.  les  gouverneurs, 
«  commandants  et  intendants,  de  rétablir  un  usage  si  utile  el  si 
«  nécessaire  et  d'ordonner  qu'à  l'avenir  il  seroit  exactement 
«  observé;  surtout  quoy  l'assemblée  délibérant,  prit,  d'une  voix 
«  unanime,  un  arrêté  conforme,  et  pria  M.  le  comte  de  Menou, 
«  présent  à  l'assemblée,  d'en  adresser  copie  à  MM.  les  gouver- 
«  neur  et  commandant,  et  de  l'appuyer  de  ses  bons  offices  ;  ce 
«  qu'il  accepta  ;  mais  le  même  recueil  imprimé  porte  qu'à  la 
«  marge  de  ia  délibération  ci-dessus,  est  écrite  une  ordonnance 
«  de  M.  de  Latour,  commissaire  départi,  en  date  du  4  septembre 
«  1729,  qui  ordonne  qu'elle  sera  rayée  et  biffée  sur  le  registre, 
«  avec  défenses  d'en  prendre  de  pareilles  à  l'avenir,  ce  qui  fut 
«  exécuté.  Ce  motif  est  que  ces  assemblées  sont  contraires  à 
«  l'usage  et  ne  paroissent  causer  que  du  trouble  et  du  préjudice 
«  au  bien  du  service.  Nous  laissons  à  la  sagesse  de  la  Cour 
«  d'apprécier  ces  motifs  et  de  juger  si  elle  doit  les  confirmer  en 
«  quelque  sorte,  par  le  sceau  de  son  enregistrement.  » 

Nous  joindrons,  pour  septième  objet  d'observations  ;  sur  les 
lettres  patentes  du  23  mai  1780,  qu'à  l'article  35,  concernant  les 
boutiques  adossées  à  l'échelle  du  palais  et  réunies,  aiusi  que 
plusieurs  rentes  aux  revenus  patrimoniaux  de  la  Communauté, 
par  arrêt  du  3  juillet  1742,  il  seroit  convenable  d'ajouter  que  c'est 
aux  charges  portées  par  ledit  arrêt  et  notamment  de  toutes  les 
réparations  grosses  et  menues  du  palais  et  des  prisons  et  de 
l'entretien  d'iceux. 

Nous  pourrions  encore  former  un  huitième  objet  de  quelques 


-  230  - 

erreurs  qui  se  sont  glissées  dans  l'énuméralion  des  deniers  patri- 
moniaux, soit  en  omettant  quelques  articles  qui  se  trouvoient  dans 
les  précédentes  lettres,  soit  en  en  portant  d'autres  a  des  sommes 
au-dessous  des  anciennes,  mais  cet  objet  concernant  particulière- 
ment la  comptabilité,  la  Compagnie  ne  croit  pas  devoir  entrer 
dans  cet  examen. 

Quant  aux  lettres  du  18  avril  1780,  qui  accordent  à  la  Com- 
munauté de  ville  de.  Nantes,  un  nouvel  octroy  pendant  cinq  ans, 
pour  le  produit  être  employé  aux  réparations  de  l'ancien  môle 
de  Paimbœuf,  à  la  construction  d'un  nouveau  et  à  l'établissement 
d'une  balise,  la  Compagnie  se  réfère  à  l'avis  que  la  Chambre  du 
Commerce  pourra  donner,  tant  sur  l'utilité  des  travaux  projettes, 
que  sur  la  nécessité  et  la  juste  proportion  du  nouvel  octroy;  mais 
la  Compagnie  ne  peut  dissimuler  ses  inquiétudes,  sur  la  nouvelle 
attribution  accordée  par  ces  lettres  patentes  à  M.  l'intendant,  au 
préjudice  d'une  cour,  chargée  jusqu'à  présent  de  recevoir  tous 
les  comptes  des  villes.  Cette  innovation,  par  rapport  à  la  comp- 
tabilité, est  d'un  bien  dangereux  exemple  et  elle  dérive  sans  doute 
du  môme  esprit  4m  porte  les  maire  et  échevins  à  dépouiller 
chaque  jour  les  tribunaux  de  la  connoissance  de  tout  ce  qui  peut 
avoir  quelque  rapport  à  leur  administration.  Ces  entreprises,  si 
persévérament  répétées,  semblent  annoncer  un  système  profon- 
dément conçu,  et  dont  les  conséquences  sont  effrayantes  pour 
tout  homme  généreusement  attaché  aux  principes  de  la  législation 
françoise  et  aux  véritables  intérêts  des  citoyens. 

Bellabre,  Orry  de  Réveillon,  de  la  Ville, 
Le  Lasseur,  Deguer,  Le  Lasseur  de  Ranzay, 
Turquetil,  Mahot,  Dreux. 


231 


MÉMOIRE   AUX   ÉTATS   POUR   LES   VIGNOBLES. 

Du  1er  septembre  1780:  En  la  Chambre  du  Conseil  où  pré- 
sidoitM.  le  Sénéchal.  Présents:  MM.  Orry de  Réveillon,  Alloué, 
Bourgoing,  juge  criminel;  de  la  Ville,  lieutenant;  Le  Lasseur 
l'aîné,  Deguer,  Monnier,  Gallot,  Le  Lasseur  de  Ranzay,  Tur- 
quetil,  Marcé,  Mahot,  Dreux,  conseillers  ;  Baco  de  la  Chapelle, 
procureur  du  Roy,  et  Fellonneau,  avocat  du  Roy. 

M.  le  Sénéchal  a  fait  part  à  la  Compagnie  d'un  mémoire  des- 
tiné à  être  présenté  à  l'assemblée  prochaine  des  Etats  de  province 
pour  les  propriétaires  des  vignobles  du  comté  nantois  par  lequel, 
après  avoir  rendu  hommage  aux  principes  établis  dans  les  rap- 
ports faits  aux  États  à  leur  dernière  assemblée  par  la  Commission 
des  vignobles,  on  fait  voir  que  MM.  les  commissaires  ont  été 
trompés  sur  les  faits  dont  on  donne  le  développement  et  les 
preuves  écrites,  destructives  de  toutes  les  assertions  contenues 
auxdits  rapports  ;  concluant  par  ces  motifs  à  ce  qu'une  délibéra- 
tion des  États  du  30  avril  1748  soit  rapportée  et  qu'en  consé- 
quence les  droits  sur  les  boissons  soient  remis  sur  le  même  pied 
qu'ils  étoient  en  1723,  lors  de  l'abonnement. 

La  Compagnie  délibérant  et  considérant  qu'il  résulte  dudit 
mémoire  et  des  pièces  y  attachées  que  par  l'état  de  choses  intro- 
duit en  1748,  les  propriétaires  des  vignobles  fournissent  seuls  le 
prix  d'abonnement  faits  pour  des  droits  qui  regardent  la  généra- 
lité de  la  province  ;  qu'ils  payent  pour  ces  objets  baucoup  plus 
qu'ils  n'auroient  fait  si  les  droits  étoient  restés  entre  les  mains  des 
traitans  et  n'avoient  point  été  abonnés  par  les  États  ;  qu'enfin 
l'inégalité  très  considérable  que  cette  surcharge  opère  entre  eux 
et  les  autres  cytoyens  a  encore  été  augmentée  par  les  nouveaux 
soldes  pour  livre  établis  en  1772,  ce  qui  ne  peut  s'accorder  avec 
les  principes  constans  de  l'administration  paternelle  des  Etats  et 
n'a  dû  être  l'effet  que  d'une  erreur  involontaire  de  leur  part, 


-  232  - 

qu'ils  s'empresseront  de  rectifier  dès  qu'elle  leur  sera  aussi 
évidemment  connue,  a  arresté  de  persister  en  tant  que  de  besoin 
dans  sa  délibération  du  3  avril  1778,  sur  le  même  objet,  et  d'ad- 
hérer à  la  réclamation  portée  audit  mémoire  ;  et  qu'au  surplus  il 
sera  délivré  une  expédition  de  la  présente  à  MM.  les  fondés  de 
procuration  des  propriétaires,  dénominés  en  la  précédente  déli- 
bération de  la  Compagnie  et  en  la  procuration  du  11  mars  1780, 
attachée  audit  mémoire.  Arresté  à  la  Chambre  du  Conseil,  lesdits 
jour  et  an. 

Bellabre,  Orry  de  Réveillon,  de  la  Ville, 
Le  Lasseur,  Deguer,  Le  Lasseur  de  Ranzay, 

TURQUETIL,    MARCÉ,    DREUX,    MaHOT. 


DÉPÔT   AUX   ARCHIVES   D'UNE    LETTRE   CONCERNANT   LA   BRIÈRE. 

Du  25  juin  1785  :  M.  le  Sénéchal  a  donné  lecture  a  la  Compa- 
gnie d'une  lettre  adressée  au  siège  et  envoyée  avec  un  exemplaire 
des  lettres  patentes  qu'il  a  plû  au  Roi  accorder  aux  habitans  des 
paroisses  voisines  de  la  Brière  pour  les  maintenir  dans  la  posses- 
sion de  cette  tourbière  commune.  Sur  quoi,  la  Compagnie  a 
arrêté  que  l'exemplaire  et  la  lettre  en  question  seroient  déposés 
dans  ses  archives. 


AVIS   DONNÉ  AUX  PASTEURS    POUR  FERMER  LA  PRAIRIE    DE    MAUVES 

AU    1er   MARS. 


Du  4  mars  1786  :  En  la  Chambre  du  Conseil  du  siège  Prési- 
dial  de  Nantes,  où  présifloit  M.  le  Sénéchal.  Présens  :  MM.  L'AI- 


—  233  — 

loué,  le  lieutenant,  Deguer,  Le  Lasseur  de  Ranzay,  Turquetil, 
Mareé,  Mahot  et  Dreux,  conseillers  ;  Fellonneau  et  Giraud,  avo- 
cats du  Roy. 

Il  a  été  fait  lecture  d'un  arrêt  de  la  Cour  du  18  février  der- 
nier, qui  ordonne  la  communication  au  siège  d'une  requête  des 
généraux  et  propriétaires  des  paroisses  de  Sainte-Luce,  Doulon 
et  Saint-Donatien  et  des  délibérations  y  jointes,  à  l'effet  qu'il  plût 
à  la  Cour  faire  défenses  à  tous  particuliers  de  quelque  qualité 
qu'ils  puissent  être,  de  laisser  paître  à  l'avenir,  aucune  espèce  de 
bestiaux  sur  la  prairie  de  Mauves,  près  Nantes,  depuis  le  1er  mars 
de  chaque  année,  jusqu'à  l'époque  de  la  fête  de  la  Madeleine, 
jour  ordinaire  de  la  clôture  de  cette  prairie,  sous  peine  de  vingt 
sous  d'amende  par  chaque  cheval  ou  autre  bétail  qui  seront  pris 
sur  ladite  prairie,  après  ledit  jour  1er  mars,  appliquantes  au  paye- 
ment du  garde  ou  forêtier  qui  sera  établi  pour  la  garde  de  ladite 
prairie,  pendant  le  tems  fixé. 

Sur  quoi  l'assemblée,  après  avoir  délibéré,  est  d'avis  que  le 
séjour  des  bestiaux,  suivant  l'ancien  usage,  sur  la  prairie  de 
Mauves,  après  le  1er  mars  et  jusqu'au  25  de  ce  mois,  est  très 
préjudiciable  à  la  production  de  l'herbe  et  à  la  multiplication  des 
fourages  devenus  si  intéressants  pour  les  propriétaires  et  pour  le 
public,  tant  pareequ'à  cette  époque,  l'herbe  qui  commence  déjà 
à  pousser  est  considérablement  retardée  par  la  dent  des  bestiaux 
qui  la  broutent  et  ne  peut  ensuite  acquérir  jusqu'au  tems  des 
chaleurs  et  de  sa  maturité ,  toute  la  h.'-uteur  qu'elle  auroit  pu 
avoir,  que  pareeque,  dans  des  prairies  basses,  comme  celle  de 
Mauves,  qui  sont  le  plus  souvent  inondées,  pendant  l'hiver,  les 
pieds  des  bestiaux  qu'on  y  met  avant  qu'elles  se  soient  consolidées 
par  le  tems,  en  détruisent  l'herbe,  en  l'écrasant,  et  forment  des 
trous  qui  en  rendent  la  fauchaison  très  difficile  et  moins  profitable; 
que  c'est,  par  ces  motifs  sans  doute  que,  dans  les  vallées  du  bas 
de  la  Loire,  où  l'on  met  les  bestiaux,  après  la  faux,  il  est  d'usage 
de  les  en  retirer  au  1er  mars,  qu'il  paroît  aussi  que  c'est,  par  les 
mêmes  motifs  que  l'intérêt  particulier,  pius  éclairé  en  général  sur 
ses  avantages   que   les  administrations  communes,  a    introduit 


-  234  — 

l'usage  général  de  fixer  le  terme  des  fermes  des  prés  au  2  de 
février,  près  d'un  mois  avant  celui  que  l'on  demande  à  la  Cour 
de  régler  ;  qu'enfin  cette  demande  étant  formée  par  les  proprié- 
taires et  fermiers  de  la  prairie,  dont  il  est  question,  qu'elle 
concerne  véritablement,  et  appuyée  par  les  généraux  des 
paroisses  voisines ,  la  solidité  de  ces  motifs  en  acquiert  une 
nouvelle  force,  qui  doit  faire  espérer  qu'elle  sera  accueillie  de  la 
Cour. 


TOMBE  GALLO-ROMAINE 


CIMETIERE  DE  SAINT-DONATIEN 


Messieurs, 

Au  mois  de  novembre  1873,  je  vous  donnais  le  procès-verbal 
des  fouilles  faites  à  Saint-Donatien,  dans  le  courant  de  la  même 
année  ;  aujourd'hui  je  viens  vous  entretenir  d'une  découverte 
récente,  faite  dans  le  même  cimetière.  Je  ne  doute  point  que,  des 
conclusions  de  ce  très  court  et  rapide  entretien,  comme  moi, 
vous  admettrez  que  les  fidèles  des  premiers  siècles  qui  ne  se 
refusaient  point  à  utiliser,  pour  leurs  monuments,  les  œuvres 
figurées  de  l'art  grec  et  de  l'art  romain,  durent  utiliser  les  tuiles 
romaines  pour  leurs  sépultures,  jusqu'au  moment  où  l'usage 
des  tombes  monolithes  devint  à  peu  près  général. 

Si  les  tombes  en  tuiles  ont  été,  rarement,  rencontrées  en- 
tières (*),  la  cause  peut  en  être  attribuée  à  la  disposition  même 


(*)  A  l'Exposition  de  1878,  une  tombe  lectiforme,  en  tuiles  a  rebords  et 
tuiles  faîtières,  trouvée  dans  les  environs  de  Nice,  avait  été  reconstituée 
dans  la  salle  de  l'exposition  des  sciences  anthropologiques.  Admise  comme 
une  des  rares  découvertes  faites  jusqu'à  ce  jour,  elle  devra  être  rétablie, 
au  musée  de  Saint-Germain,  auquel  elle  a  été  donnée,  aussitôt  que  les 
salles  destinées  à  recevoir  les  antiquités  romaines  seront  disposées. 


—  236  — 

donnée  aux  tuiles  pour  abriter  les  corps,  soit  qu'elle  fût  tecti- 
forme,  acumïnatum,  soit  qu'elle  fût  celle  de  la  tombe  découverte 
à  Saint-Donatien,  operimentum.  Elle  ne  présentait  point  une  ré- 
sistance suffisante  à  l'action  des  siècles,  et  l'affaissement  s'est 
produit  avec  celui  des  terres,  à  la  suite  des  infiltrations  des  eaux 
et  sous  l'influence  d'événements  inconnus. 

Si  l'on  n'a  pas  reconnu  des  tombes,  dans  les  nombreuses  ren- 
contres d'ossements  et  de  tuiles  romaines,  faites  parfois  loin  de 
tous  vestiges  d'anciennes  constructions,  souvent  a  peu  de  dis- 
tance, c'est  que  ces  tuiles  ne  présentaient  plus,  çà  et  là,  que  des 
amas  sans  formes  appréciables;  mais  les  unes  ou  les  autres  pou- 
vaient être  des  restes  de  sépultures  chrétiennes. 

A  Lillebonne,  en  1871,  en  suivant  le  chemin  de  la  vallée  qui 
conduit  de  Lillebonne  à  Alvimare,  non  loin  d'une  sorte  d'abside 
en  hémicycle  encore  imparfaitement  dégagée,  on  trouva  cà  et  là 
des  fragments  de  tuiles  à  rebords,  de  faîtières.  On  n'en  tira 
aucuue  déduction  ;  mais  la  tradition  de  Lillebonne  veut  qu'il  y 
ait  eu,  très  anciennement  dans  cet  endroit,  une  église  et  un 
cimetière. 

v  Vers  1864,  M.  l'instituteur  Oger,  autorisé  à  prendre  son  do- 
«  micile  et  à  ouvrir  son  école  dans  la  chapelle  abandonnée  de  la 
«  Madeleine,  en  Guérande,  et  voulant  créer  un  jardin  le  long  du 
«  côté  nord  du  vieux  bâtiment,  fit  défoncer  les  terres.  Il  trouva 
«  de  nombreux  ossements  humains  dans  des  compartiments  so- 
ft lides  en  briques  romaines.  Ces  tombes  avaient-elles  été  cou- 
«  vertes  par  d'autres  tuiles,  c'est  probable  ;  mais  les  couvercles 
«  avaient  dû  disparaître  depuis  longtemps.  » 

Ces  renseignements  ont  été  donnés  par  M.  Oger  lui-môme,  à 
M.  l'abbé  Gallard  qui  s'est  empressé  de  me  les  communiquer  ; 
je  lui  en  renouvelle  mes  remerciements. 

Ici  aucun  doute  ;  ce  sont  des  tombes,  des  tombes  sous  la 
gouttière,  comme  on  l'a  dit,  pour  indiquer  des  sépultures  chré- 
tiennes au  pied  des  murs  des  églises. 


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-  237  — 

La  tombe  dont  je  vous  présente  le  dessin,  fut  découverte,  le  6 
août  1878,  à  l'ouest  de  l'église  nouvelle  de  Saint-Donatien,  au 
point  où  s'élève  aujourd'hui  la  sacristie. 

Je  dois  à  l'obligeance  de  M.  l'abbé  Hillereau  et  à  celle  de 
notre  bon  collègue  M.  l'abbé  Cahour,  qu'd  m'ait  été  possible  d'en 
prendre  un  croquis  et  d'en  relever  tous  les  détails. 

L'ensemble  de  cette  tombe  était  formé  par  des  tuiles  à  rebords. 
Cinq  tuiles  placées  en  travers,  dans  le  sens  de  leur  plus  grande 
dimension,  en  faisaient  le  fond  ;  juxtaposées  avec  soin,  le  rebord 
en  dessous,  elles  présentaient  une  surface  très  plane  à  l'intérieur. 
Toutes  n'étaient  point  d'égale  proportion  ;  celles  de  tête  mesu- 
raient 0,37  sur  0,28;  celles  du  pied  n'avaient  que  0,35  sur  0,27  ; 
elles  donnaient  à  la  tombe  une  longueur  totale  d'un  mètre  qua- 
rante centimètres  :  lm40. 

Les  tuiles  qui  faisaient  côtés,  mesuraient  0,37  x  0,27.  Elles 
étaient  appuyées,  à  la  base,  contre  l'épaisseur  de  celles  du  fond, 
et  par  suite  de  cette  position,  la  profondeur  de  la  tombe  était 
réduite  à  0,245  m/m  :  vingt-quatre  centimètres  et  demi.  Elles 
étaient  imbriquées  de  dedans  en  dehors  et  alternativement  dis- 
posées, quant  au  rebord  qui  avait  été  supprimé,  de  7  à  9  centi- 
mètres, à  quatre  de  ces  tuiles  des  côtés,  afin  qu'elles  pussent 
être  mieux  apposées  les  unes  contre  les  autres.  La  première 
avant  son  rebord  en  dehors  était  intacte. 

Fermée,  en  tête,  par  une  tuile  un  peu  plus  grande  et  légère- 
ment cintrée  dans  le  sens  de  sa  longueur,  —  le  rebord  sur  la  face 
convexe,  —  la  tombe  était  couverte  par  des  tuiles  régulières  dans 
leur  forme,  mais  aussi  un  peu  plus  grandes  que  celles  des  côtés  : 
elles  mesuraient  de  0,38  à  0,40.  Celles  de  la  tête  étaient  brisées; 
elles  étaient  tombées  dans  l'intérieur,  et  la  terre  à  laquelle  leur 
effondrement  avait  ouvert  passage,  avait  pénétré  dans  toutes  les 
parties,  y  ayant  été  successivement  entraînée  par  les  eaux  filtrant 
là  depuis  des  siècles. 

Nous  ne  trouvâmes  qu'un  crâne  à  peu  près  intact  et  quelques 
menus  restes  d'ossements  friables  au  toucher.  Le  petit  dévelop- 
pement de  ce  crâne  et  les  dimensions  de  la  tombe  indiquaient 


—  238  - 

suffisamment  que  nous  étions  en  présence  de  la  sépulture  d'un 
adolescent. 

Nous  devons  regretter  que  l'empressement  des  ouvriers  ne 
nous  ait  pas  permis  de  recueillir  toutes  les  tuiles  de  cette  tombe 
que,  bien  certainement,  nous  eussions  pu  rétablir  en  son  entier, 
c'est-à-dire,  dans  l'état  où  elle  avait  été  découverte. 

Quand,  au  matin,  elle  avait  été  signalée,  M.  l'abbé  Hillereau 
avait  recommandé,  aussitôt,  qu'elle  fut  respectée  et  que  le  travail 
se  continuât  à  l'entour,  bien  qu'on  fût  pressé,  très  pressé  de 
niveler  le  terrain.  «  On  y  reviendra,  avait-il  dit,  alors  et  seule- 
ment après  qu'un  dessin  aura  été  pris,  —  aujourd'hui  même  pro- 
bablement. »  —  Celte  recommandation  était  trop  précise. 

Rentré  à  la  cure  afin  de  retracer  les  cotes  que,  sous  une  pluie 
de  brouillard,  j'avais  relevées  avec  le  concours  de  nos  collègues, 
j'en  sortais  moins  de  dix  minutes  après,  et  j'eus  à  déplorer  que 
le  zèle  des  terrassiers  eût  bien  maladroitement  interprété  la  pa- 
role de  M.  le  curé.  Tout  était  renversé  et  les  tuiles,  à  l'exception 
de  trois  ou  quatre,  n'étaient  plus  que  des  morceaux  :  —  La  tombe 
avait  été  dessinée. 

Cette  tombe  avait  été  enfouie  jusqu'à  sa  partie  supérieure,  dans 
la  couche  d'argile  jaune  rougeàtre,  au-dessus  de  laquelle  était  un 
terrain  de  compositions  diverses,  couches  dont,  antérieurement, 
nous  avions  constaté  la  présence,  dans  toutes  les  parties  fouillées. 

Ce  n'est  point  la  seule  qui  ait  été  rencontrée  sur  ce  point  ; 
déjà,  en  1873,  et  à  une  époque  antérieure,  beaucoup  d'autres  y 
furent  trouvées,  comme  je  vais  le  rappeler. 

Lors  des  fouilles  de  1873,  accompagné  de  M.  Kerviler,  nous 
avons  vu,  au  côté  est  de  l'église  (*),  une  tombe  en  tuiles  dont 
les  dispositions  étaient  très  différentes  de  celles  de  la  tombe 
trouvée,  à  l'ouest,  en  1878.  Elle  était  formée  en  grande  partie 
par  des  briques  plates  et  quelques  tuiles  à  rebords.  Assises  sur 


(')  Fouilles  de  Saint- Donatien.  —  Rapport  de  M.  Kerviler,  p.  VJ.  — 
Rapport  de  M.  L.  Petit,  p.  46.  —  Bulletin  de  la  Société  archéologique, 
t.  XIII. 


-   239  — 

une  couche  terreuse  et  de  graviers,  et  superposées  à  plat,  elles 
donnaient  une  épaisseur  de  25  centimètres  aux  côtés.  La  largeur 
intérieure  était  de  50  centimètres,  le  fond  étant  formé  par  deux 
briques  de  0,25,  placées  côte  à  côte,  deux  à  deux  dans  toute  la 
longueur;  ces  dimensions  laissaient  croire  qu'elle  avait  été  occu- 
pée par  un  corps  de  forte  stature.  Le  mur  latéral  de  la  plus  an- 
cienne église  avait  été  élevé  sur  cette  tombe  et  l'enveloppait 
complètement. 

On  ne  répugnait  point,  en  ces  temps,  à  édifier  sur  des  tom- 
beaux; un  autre  mur  avait  été  élevé  sur  des  sarcophages  voisins 
de  cette  tombe  en  tuiles.  A  Sainl-Lupien  de  Rezé,  nous  avons  vu 
plusieurs  sarcophages  placés  en  travers  sous  les  murs  des  deux 
chapelles  (*)• 

Plusieurs  tombes  en  tuiles  ont  existé,  très  probablement,  près 
de  celles  que  je  viens  de  décrire  ;  l'une  à  l'est,  sous  la  muraille 
même,  l'autre  à  l'ouest,  au  pied  d'un  mur  de  construction  plus 
récente.  Elles  durent  disparaître  dans  les  travaux  de  tranchées 
ouvertes  pour  les  fondations  des  deux  églises  qui  se  dévelop- 
pèrent, successivement,  sur  une  étendue  de  beaucoup  supérieure 
à  celle  de  la  plus  ancienne  dont  nous  avons  reconnu  l'abside  (*). 

En  1808,  dans  le  jardin  du  sieur  Litoux,  situé  derrière  le 
chevet  de  l'ég'ise  et  au  joignant  du  cimetière,  on  trouva  une 
très  grande  quantité  de  tombeaux  en  pierre  calcaire  coquillère, 
rangés  parallèlement,  dont  plusieurs  étaient  couverts  avec  des 
planches  d'ardoise.  P.  Fournier  y  vit,  aussi,  des  cercueils  en  terre 
cuite,  ce  jardin  en  contenait  un  nombre  infini.  (Bulletin  de  la 
Société  archéologique,  1. 1,  p.  556.) 

Ses  rapports  manquent  parfois  de  précision,  le  mot  employé 
n'est  pas  toujours  juste,  et  Fournier  s'est  exprimé,  ici  encore,  de 
manière  à  faire  voyager  l'imagination  des  plus  savants  archéo- 
logues. 


(*)  Aspect  des  fouilles.  —  Bulletin  de  la  Société  archéologique,  p.  80, 
t.  XVII. 

(*)  Voir  plan  des  églises,  par  M.  Kerviler,  P.  I. 


—  240  — 

De  l'expression,  cercueils  en  terre  cuite,  M.  Bizeul  a  pensé 
qu'on  pourrait  y  voir  «  des  canaux  en  terre  cuite,  des  caniveaux 
«  à  fond  plat  ;  puis  il  avoue  que  malgré  le  dessin  donné,  il  n'a 
«  jamais  pu  reconnaître  cet  objet  de  céramique  qu'il  n'a  rencon- 
«  tré  nulle  part...  11  serait  peu  difficile,  je  pense,  continue-t-il, 
«  de  s'en  procurer  un  exemplaire,  et  fort  intéressant  de  l'obser- 
«  ver  avec  un  peu  plus  de  critique  que  ne  paraît  l'avoir  fait  Four- 
«  nier.  On  pourrait  le  comparer  avec  les  tuyaux  d'aqueduc, 
«  venant  de  Tentegenac  en  Auvergne,  mentionnés  par  Montfau- 
o  cou,  qui  d'après  la  forme  donnée  par  le  dessin,  me  paraissent 
«  avoir  une  grande  analogie  avec  ceux  de  Saint-Donatien.  » 
(Bulletin  de  la  Société  archéologique,  t.  I,  p.  555-56.) 

Voici  tout  le  chemin  que  l'omission  de  trois  ou  quatre  traits 
parallèles,  et  le  peu  de  critique  de  Fournier  ont  fait  parcourir  à 
à  M.  Bizeul. 

Pour  moi,  je  n'irai  point  aussi  loin,  je  reste  au  chevet  de 
l'église,  avec  un  léger  bagage  :  une  copie  très  exacte  du  dessin 
de  Fournier,  et  un  crayon  à  la  main.  Je  trace  à  distance  régu- 
lière quelques  lignes  perpendiculaires,  et  j'ai  la  représentation 
précise  de  plusieurs  briques  à  rebords  juxtaposées,  épaisseur 
contre  épaisseur  —  ici  elles  ne  sont  point  imbriquées  —  et 
l'extrémité  du  cercueil  représenté  à  laquelle  je  n'ajoute  pas  un 
point,  est  une  brique  à  rebords  bien  indiquée  par  le  dessin  de 
Fournier.  Celle-ci  placée  en  travers  et  enfouie  de  moitié,  plus  bas 
que  les  autres,  pouvait,  dans  cette  position,  servir  de  contrefort 
et  faire  serrage  sur  celles  des  côtés.  Je  ne  veux  point  omettre 
de  dire  que  le  dessin  ne  représente  aucune  brique  faisant  cou- 
vercle. 

Si  quelque  doute  existait  sur  les  cercueils  en  terre  cuite,  vus 
en  grande  quantité  par  Fournier  et  rencontrés  en  nombre  infini 
par  le  maître  jardinier  Litoux,  dans  l'ancien  cimetière  chrétien , 
ce  doute  s'efface  en  présence  de  la  tombe  dont  un  dessin  accom- 
pagne ces  pages.  Cette  tombe  est  indiscutable  :  nous  y  avons 
trouvé  les  restes  d'un  corps  ;  c'était  une  tombe  chrétienne  :  le 
lieu  où  elle  a  été  trouvée  l'affirme. 


—  241  - 

Ramoné  sur  le  terrain  de  Saint-Donatien,  par  la  trouvaille  du 
6  août  dernier,  j'en  prends  occasion  d'ajouter  des  renseignements 
nouveaux  à  ceux  que  j'ai  donnés  dans  mon  rapport  des  fouilles 
faites  en  1873,  sur  des  tombeaux  monolithes  remarquables  par 
leur  forme  inconnue  jusqu'alors. 

Je  disais  avoir  signalé  à  l'attention  de  mes  collègues,  —  au 
cours  des  fouilles,  le  14  août,  —  une  tombe  de  forme  carrée- 
longue  qui  se  trouvait  près  de  la  pompe  de  la  cure.  Tous  ceux 
que  je  questionnai,  et  les  plus  anciens,  l'avaient  toujours  connue 
là,  mais  aucun  n'avait  souvenir  de  l'avoir  vu  mettre  en  place. 
Elle  devait  y  être  depuis  1808,  date  à  laquelle  autres  sarcophages 
en  pierre  calcaire  avaient  aussi  été  trouvés  au  même  lieu.  Sa 
forme  carrée-longue  fut  sans  doute  la  cause  de  la  préférence 
accordée  pour  la  place  qu'elle  occupait,  soixante-cinq  ans  après, 
car  on  peut  croire  que  sans  cette  distinction  de  forme  elle  n'au- 
rait point  été  mieux  appréciée  que  les  autres  ;  mais  ne  récrimi- 
nons pas  sur  la  préférence  qu'elle  lui  a  value,  si  nous  lui  devons 
sa  conservation. 

Pendant  une  partie  de  la  durée  de  la  construction  de  l'église 
nouvelle,  cette  tombe  était  restée  enveloppée  dans  un  tiers  de  sa 
longueur,  par  une  muraille  de  pierres  de  démolition  ;  position 
aussi  peu  accessible  que  celle  dans  laquelle  nous  l'avions  vue,  une 
première  fois.  Vint  enfin  le  moment  de  son  déplacement,  et  il 
m'a  été  possible  de  contrôler  l'exactitude  des  dimensions  que  j'en 
avais  données. 

Sa  longueur  est 2m10 

La  largeur  aux  deux  extrémités  (*) 0.75 

Hauteur,  de  la  base  à  la  gorge 0 .  70 

Hauteur  de  la  gorge  sur  laquelle  s'emboîtait  le  couvercle.  0  05 


(!)  Une  faute  que  nous  n'avions  pas  redressée,  répétant  0,70,  chiffres  de 
la  hauteur,  attribuait  cette  dimension  à  l'un  des  bouts  ;  nous  la  rectifions 
ici. 

1879  16 


—  242  — 

Trois  des  côtés  ont  10  centimètres  d'épaisseur  ;  celle  du  qua- 
trième, l'un  des  petits  côtés,  est  de  13  centimètres,  ce  qui  réduit 
la  longueur  intérieure  à  1  mètre  87  centimètres  au  sommet  ;  le 
fond  de  la  cuvette,  aux  deux  bouts,  se  relevant  par  une  courbe 
légère  vers  les  parois. 

Lorsque  je  donnai  procès-verbal  des  fouilles,  j'avais  complète- 
ment oublié  ce  que  M.  Bizeul  avait  écrit  à  l'occasion  de  cette 
tombe,  notes  que  j'avais  pu  lire,  treize  ou  quatorze  ans  aupara- 
vant. Je  les  transcris  ici,  parce  qu'elles  établissent  tout  l'intérêt 
qui  se  rattache  à  ce  sarcophage  dont  la  forme  n'a  point  été  ren- 
contrée dans  aucun  autre  des  cimetières  fouillés,  et  qui  paraît 
être,  comme  je  l'ai  dit,  toute  particulière  à  Nantes  où  se  trouvent 
eucore  deux  sarcophages  semblables,  en  granit  :  l'un  dans  la  cour 
de  l'Évêché,  l'autre  à  Saint-Donatien,  ce  dernier  en  partie  cassé 
et  sans  gorge  pour  recevoir  le  couvercle. 

Ayant  rappelé  ce  que  Fouruier  a  rapporté  du  sarcophage  en 
granit,  a  que  par  sa  capacité  il  devait  être  destiné  à  contenir  les 
«  corps  d'une  même  famille  ;  que  les  angles  intérieurs  en  sont 
«  consolidés  et  qu'il  était  clos  d'un  couvercle  qui  s'engageait 
«  dans  une  gorge  pratiquée  dans  l'épaisseur  du  haut  de  la 
«  cuvette.  »  M.  Bizeul  écrivait  : 

«  J'ai  vu  plusieurs  cercueils  en  granit,  fort  rares  dans  les  pays 

«  caloaires,  mais  assez  communs  dans  le  pays  nantais,  au  nord 

«  de  la  Loire  où  le  granit  ne  manque  pas  ;  mais  aucun  ne  m'a 

«  présenté  la  forme  carrée-longue  et  je  ne  sache  pas  qu'on  en  ait 

«  trouvé  d'autres.  Aussi  pour  dire  toute  ma  pensée,  je  ne  puis 

«  prendre  pour  un  monument  funéraire  l'auge  de  la  cour  de 

«  l'Évêché.  » 

M.  Bizeul  eût  certainement  exprimé  une  autre  pensée  s'il  eut 
connu  les  sarcophages  de  Saint-Donatien. 

Quant  à  l'opinion  émise  par  Fournier,  que  ce  sacorphage  ait 
pu  contenir  les  membres  d'une  même  famille,  elle  nous  semble 
quelque  peu  exagérée,  en  raison  de  la  profondeur  et  des  disposi- 
tions de  l'intérieur. 


-  243  — 
Voici  ses  proportions  : 

Longueur  de  dehors  en  dehors.  lm93        Intérieure.  lm74 

Largeur 0.76  —         0.57 

Hauteur ..(?)...  0.55(4)  —        0.33 

La  profondeur  n'est,  ainsi  que  je  le  répète,  que  de  0,33  et 
l'épaisseur  du  fond  est  relativement  très  forte,  les  côtés  ayant 
moins  de  10  centimètres. 

La  gorge  qui  bordait  la  cuvette  pour  recevoir  le  couvercle 
qui  s'y  emboitait,  a  disparu  ;  mais  les  traces  n'en  sont  pas  moins 
très  apparentes. 

L'intérieur  est  fort  rétréci  aux  deux  extrémités,  par  les  arêtes 
arrondies,  de  0,17  de  rayon,  qui  s'élèvent  à  chacun  des  quatre 
angles  jusqu'à  04e  du  bord  de  la  cuvette,  ne  laissant  entre  elles 
qu'un  espace  vide  de  0,23  pour  recevoir  la  tête  et  les  pieds  du 
mort.  Cette  double  disposition  est  une  particularité  qui  n'a  point 
été  rencontrée,  que  je  sache,  par  M.  l'abbé  Cochet,  dans  ses 
nombreuses  fouilles,  et  par  M.  de  Caumont  qui  n'a  signalé  que 
de  petites  colonnettes  de  3  à  5  centimètres,  telles  que  nous  les 
avons  vues  aux  qutre  angles  du  sarcophage,  N°  4  de  la  planche 
VIII. 

«  Dans  son  zèle  archéologique,  —  ajoutait  M.  Bizeul,  —  Four- 
«  nier  faisait  quelquefois  trotter  assez  vite  la  folle  du  logis,  et 
«  souvent,  avec  lui,  on  est  obligé  de  se  tenir  sur  ses  gardes.  Ainsi 
«  il  fit,  toujours  dans  les  mêmes  temps,  la  découverte  fort  impor- 
«  tante  d'un  vaste  cercueil  en  marbre  grossier.  Le  couvercle  en 
«  était  brisé.  Il  avait  la  forme  convexe,  et  était  orné  d'une  bande 
«  dans  sa  longueur  et  de  cinq  bandes  transversales.  Il  fermait  le 
«  cercueil  en  s'engageant  dans  une  gorge  à  la  cuvette.  Le  cer- 
«  cueil  en  marbre,  même  grossier,  est  encore  une  rareté  dans 


(!)  Le  terraiD  est  en  pente,  et  pour  régulariser  l'assise  du  sarcophage, 
des  pierres  ont  été  placées  dessous  et  maçonnées  ;  le  ciment  appliqué  sur 
le  sarcophage  en  cache  la  base;  néanmoins  je  considère  l'indication  0,55 
comme  exacte. 


_  244  — 

«  nos  départements  de  l'Ouest,  même  dans  ceux  où  cette  roche 
«  se  rencontre,  tels  que  la  Mayenne  et  la  Sarthe.  Il  est  fort  à 
«  regretter  qu'on  n'ait  pas  recueilli  ce  monument.  » 

Depuis  cinq  ans,  vous  saviez  tous,  Messieurs,  que  ce  tombeau 
est  resté  à  Saint -Donatien;  aujourd'hui,  je  puis  ajouter  aux  ren- 
seignements connus,  que  ce  n'est  point  un  marbre  grossier  extrait 
de  quelque  carrière  voisine  de  notre  département.  Ayant  détaché 
un  très  petit  morceau  de  la  gorge  de  la  cuvette  (0,07e),  je  l'ai  fait 
polir  et  vous  pouvez  reconnaître  que  ce  sarcophage  a  été  taillé 
dans  un  bloc  d'un  très  joli  marbre,  teinte  feuille  de  pêcher  mar- 
queté de  points  blancs,  dont  la  composition  présente  toutes 
les  particularités  du  gisement  jurassique.  Son  similaire  se  retrou- 
verait encore,  sous  une  teinte  moins  vive,  dans  la  carrière  de 
Sampans. 

Toutes  les  recherches  que  nous  avons  faites  pour  découvrir  le 
couvercle,  ou  une  partie  même  minime  du  couvercle,  sont  restées 
sans  résultat.  Un  fragment  de  0,40e  sur  0,20e  nous  aurait  permis 
de  reconnaître  la  disposition  de  son  ornementation  ;  je  ne  crois 
pas  à  l'exactitude  du  dessin  qu'en  a  laissé  Fournier. 

Notre  collègue,  M.  Gahour,  nous  a  appris  {Bulletin  de  la  So- 
ciété archéologique,  t.  XIII,  p.  96-97)  que  de  la  fin  du  VIIIe  au 
Xe  siècle,  quatre  évêques  ont  été  enterrés  a  Saint-Donatien,  dans 
des  tombeaux  de  marbre  ;  mais  il  ne  nous  est  pas  possible  d'attri- 
buer plutôt  à  l'un  qu'à  l'autre  le  tombeau  retrouvé  au  XIXe  siècle, 
celui-ci  étant  sans  inscription,  comme  tous  ceux  que  nous  ont 
fournis  les  fouilles  de  ce  cimetière. 

Nous  ne  sommes  point  renseigné  sur  la  place  qu'il  a  occupé  et 
nous  n'osons  émettre  l'opinion  qu'il  se  trouvait  au  rang  de  ceux 
qui  entouraient  la  petite  abside  et  qui  furent  exhumés  en  notre 
présence,  en  1873. 

Lorsque  Fouruier  écrivait,  en  1808  :  «  Dans  les  excavations 
«  qu'on  vient  de  faire  pour  la  reconstruction  de  l'église,  on  a 
«  retiré  un  vaste  sarcophage  en  marbre  grossier,  commun...  »  Il 
y  avait  quatre  ans  que  la  reconstruction  de  l'église  avait  été  com- 
mencée, et  il  est  plus  exact  de  dire  :  la  reconstruction  d'une 


—  245  — 

partie  de  l'église,  puisque  la  façade  et  le  clocher  étaient  restés 
debout.  Or  on  peut  croire  que  Fournier  a  répété,  bien  ou  mal,  ce 
qui  lui  aura  été  appris  sur  la  rencontre  de  ce  tombeau.  N'aurait- 
il  point  été  trouvé  sous  les  murailles  démolies  ? 

Si  je  me  hasarde  à  présenter  cette  hypothèse,  j'y  suis  conduit 
par  le  texte  du  rapport  de  la  visite  que  fit  à  l'église  de  Saint- 
Donatien,  en  1686,  le  grand-archidiacre  Binet.  «  Estant  allés  visi- 
«  ter  la  sacristie,  nous  avons  vu  qu'il  y  a  au  dedans  une  grande 
«  tombe  de  grison  élevée  en  l'air  touchant  d'un  bout  la  muraille 
«  du  grand  autel,  qu'on  nous  a  dit  estre  celle  où  les  corps  des 
cf  SS.  Donatien  et  Rogatien  auraient  été  mis;  de  laquelle  ayant 
«  fait  ouverture  nous  n'y  aurions  rien  trouvé.  » 

Il  est  vrai  qu'il  est  écrit  :  une  grande  tombe  en  grison  ;  mais 
le  grand-archidiacre  a  pu  être  trompé  par  l'aspect  du  manteau  de 
vétusté  dont  sept  ou  huit  siècles  l'avaient  recouverte. 

Dans  les  remaniements  partiels  de  reconstruction  exécutés 
postérieurement  à  1686,  cette  grande  tombe  toujours  respectée 
ne  dut  point  être  repoussée  hors  de  l'église  ;  elle  y  dut  rester 
jusqu'au  moment  où  les  murs  furent  renversés  durant  les  jours 
troublés  de  la  Révolution. 

Quelle  que  soit  la  place  qu'occupa  le  sarcophage  en  marbre, 
on  doit  croire  qu'il  fut  le  tombeau  de  l'un  des  quatre  évêques 
qui  furent  inhumés  à  Saint-Donatien  du  VIIIe  au  Xe  siècle,  et  qui 
nous  ont  été  indiqués  par  notre  collègue  M.  l'abbé  Cahour. 

Un  des  savants  membres  correspondants  de  notre  Société  a 
pensé  que  l'un  des  deux  sarcophages  trouvés  en  1872,  à  Sainl- 
Lupien,  et  desquels  j'avais  cru  devoir  donner  dessin,  au  pied  de 
la  PI.  VIII  des  fouilles  de  Saint-Donatien,  était  semblable  à  un 
sarcophage  trouvé  à  Dieppe  (l),  en  1848,  par  M.  l'abbé  Cochet; 
je  dois  indiquer  la  différence  qui  existe  entre  les  deux. 

La  tombe  découverte  à  Dieppe  a,  comme  celle  trouvée  à  Saint- 
Lupien,  les  côtés  inclinés  et  ces  côtés  sont  à  surface  plane.  Celle 


(!)  Le  dessin  en  a  été  reproduit,  à  la  page  240,  du  Bulletin  de  la  Com- 
mission des  antiquaires  de  la  Seine- Inférieure,  année  1871. 


-  246  — 

dont  j'ai  donné  le  dessin  a  les  côtés  inclinés,  et  ils  sont  légère- 
ment recourbés  de  dedans  en  dehors.  Je  l'avais  ainsi  décrite  : 
auge  évasée  en  cuvette  avec  bords  renversés  ;  cette  description 
était  insuffisante. 

Dans  ses  recherches  archéologiques  et  hagiographiques  sur 
Saint-Lupien  de  Rezé,  (t.  XVII),  M.  l'abbé  Gahour  a  rappelé  qu'un 
grand  nombre  de  sarcophages  furent  trouvés,  tant  à  l'intérieur 
qu'à  l'extérieur  de  la  chapelle;  je  lui  demande  la  permission  de 
dire,  ici,  quelques  mots  qui  doivent  expliquer  l'exactitude  du 
dessin  donné  :  Aspect  des  fouilles,  p.  80. 

Tous  les  sarcophages ,  sans  exception  ,  étaient  sans  couvercle , 
et  leur  exiguité  très  remarquable  avait  attiré  l'attention  des 
membres  de  la  Commission  qui  visitèrent  les  fouilles  de  cette  cha- 
pelle, une  première  fois,  le  20  novembre  1872.  —  Deux  exceptés, 
placés  l'un  près  de  l'autre  sous  un  des  murs  intérieurs ,  — 
tous  les  sarcophages  n'étaient  profonds  que  de  16  à  18  centi- 
mètres. Cette  petite  profondeur  ne  peut  s'expliquer  que  si  l'on 
suppose  que  les  couvercles  étaient  évidés. 

Mais  qu'étaient  devenus  tous  les  couvercles  ?  Nous  n'en  trou- 
vâmes nulle  trace.  Les  murs  de  la  chapelle,  dont  l'intérieur  était 
dans  un  état  de  dévastation  considérable,  étaient  sans  restes  de 
crépis,  et  ceux  des  constructions  contiguës  présentaient  leurs 
pierres  au  vif.  Nous  cherchâmes,  mais  en  vain,  si  quelques  frag- 
ments de  ces  couvercles  n'apparaissaient  point  dans  ces  murs. 

En  supposant  que  tous  les  couvercles  auraient  été  brisés  et 
employés,  lors  de  la  construction  de  la  première  chapelle,  tous 
auraient-ils  disparu  dans  la  démolition  de  celle-ci,  sans  qu'un 
morceau  ait  pu  reparaître  dans  les  murs  de  la  seconde  ?  ou,  tous 
les  débris  de  ces  couvercles  supposés  d'une  certaine  épaisseur,  en 
raison  de  la  forme  évidée  qu'ils  devaient  avoir,  auraient-ils  trouvé 
place  dans  le  gros  des  murailles  ?  cela  paraît  peu  probable  ;  les 
surfaces  planes  sont  ordinairement  employées  pour  le  parement 
des  murs. 

Notre  inspection  se  porta  également  sur  les  restes  des  murs 
primitifs  sous  lesquels  apparaissaient  quelques  sarcophages  ;  ces 


-  247  - 

vieux  restes  ne  nous  montrèrent  rien  de  plus  que  ceux  d'une 
époque  moins  ancienne. 

A  Saint-Donatien,  nous  avons  vu  des  murs  assis  sur  les  cou- 
vercles mômes  de  gros  sarcophages,  hauts  de  50  et  55  centi- 
mètres. A  Saint-Lupien  pas  un  seul  couvercle,  et  les  murs  n'en- 
dommageaient parfois  que  la  partie  indispensable  à  leur  tracé, 
respectant  le  corps  déposé  dans  l'auge,  ainsi  que  l'a  dit  notre 
savant  collègue. 

Dans  les  cercueils  faits  de  pierres  juxtaposées  de  champ,  pour 
les  côtés,  à  plat,  pour  le  couvercle,  et  fixées  à  l'aide  de  mortier, 
on  n'a  jamais,  ou  presque  jamais,  trouvé  de  pierre  pour  former 
le  fond,  les  corps  étant  posés  sur  la  terre.  On  peut  dire  avec  cer- 
titude que  ce  sont  des  cercueils  sans  fond. 

Mais  l'incertitude  reste,  devant  tous  ces  sarcophages  trouvés 
sans  couvercle  ;  on  ne  peut  affirmer  qu'ils  en  aient  toujours 
manqué. 

L.  Petit. 

21  janvier  1879. 


BIBLIOGRAPHIE 


Inventaire  archéologique,  par  F.  Parenteau,  conservateur  du 
Musée  archéologique  «le  Nantes.  Iu-4°  de  14*2  p.  et  62  planches  gravées. 
Édité  chez  Vincent  Forest  et  Emile  Grimaud,  Nantes. 


La  revue  des  Matériaux  pour  l'histoire  primitive  de  l'homme  (Toulouse 
1880),  a  publié  sur  l'Inventaire  archéologique  de  M.  Parenteau  la  note  sui- 
vante. En  la  reproduisant  ici,  nous  regrettons  de  ne  pouvoir  la  compléter, 
en  passant  en  revue  les  nombreuses  pièces  historiques  décrites  et  figurées 
dans  ce  travail,  et  qui  n'ont  pu  être  analysées  daas  la  revue  préhistorique 
de  Toulouse. 

Mais  Y  Inventaire  de  M.  Parenteau  intéresse  trop  directement  l'archéolo- 
gie de  notre  département,  pour  que  nous  n'y  revenions  pas,  dans  un  de 
nos  prochains  Bulletins. 

Le  temps  est  aux  inventaires  ;  de  tous  les  points  de  la  France 
nous  voyons  paraître  des  répertoires,  des  catalogues,  des  som- 
maires archéologiques.  Cette  tendance  à  classer  les  différentes 
découvertes  de  chaque  contrée  présente  certainement  de  très 
grands  avantages;  peu  à  peu,  Tordre  s'établit  dans  les  études 
d'ensemble,  on  voit  sur  chaque  point  les  modifications,  les  déve- 
loppements particuliers  des  mêmes  industries,  et,  enfin,  beaucoup 
de  monuments  et  d'objets  pourront  disparaître  sans  être  tout  à 
fait  perdus  pour  la  science. 

Si  accentué  que  soit  ce  mouvement  d'étude,  je  doute  que  son 
impulsion  ait  provoqué  le  nouvel  ouvrage  que  nous  signalons  ici. 
M.  Parenteau  n'est  pas  homme  à  se  laisser  entraîner  par  les  cou- 
rants ;  il  les  remonte,  les  traverse,  ou  les  dépasse  au  gré  de  son 
inspiration.  Aussi  l'inventaire  qu'il  vient  de  publier,  tout  en  étant 


-  249  — 

d'accord  par  son  titre  avec  le  goût  actuel,  diffère  complètement 
des  ouvrages  de  même  genre  pour  le  fond  et  pour  la  forme. 
Ce  n'est  point  une  simple  analyse  des  objets  recueillis  dans  le 
département  de  la  Loire-Inférieure,  c'est  un  catalogue  parlant. 

Chacune  des  trouvailles  indiquées  dans  ce  recueil  raconte  son 
histoire  ou  à  défaut  de  mieux  sa  légende.  Des  rapprochements 
ingénieux,  des  comparaisons  imprévues  éclairent  chaque  objet  et 
leur  donnent  un  attrait  piquant.  Tout  cela  est  très  étendu  comme 
vue  ;  c'est  une  excursion  à  travers  les  peuples  et  les  siècles,  et 
cependant  le  tour  de  chaque  indication  est  si  vif,  les  aperçus  sont 
jetés  avec  une  vivacité  si  soudaine  que  l'intérêt  s'éveille  à  chaque 
note.  Il  semble  que  pour  nous  conduire  au  milieu  de  tous  ces 
trésors,  notre  excellent  guide  ait  je  ne  sais  quelle  mystérieuse 
lanterne  dont  la  lumière  vient  tour  à  tour  éclairer  les  objets  et 
les  fait  énergiquement  ressortir. 

Pour  rendre  plus  saisissante  encore  cette  exhibition,  de  nom- 
breux dessins  accompagnent  le  texte.  Soixante-deux  eaux-fortes 
dues  au  talent  d'un  jeune  graveur,  M.  Th.  Thomas,  font  passer 
sous  nos  yeux  plus  de  six  cents  pièces,  reproduites  avec  une  fidé- 
lité parfaite.  M.  0.  de  Rochebrune  a  également  prêté  son  mer- 
veilleux talent  pour  enrichir  cette  œuvre.  En  somme,  le  catalogue 
est  digne  de  la  collection,  et  nous  ne  pouvons  que  souhaiter  de 
voir  l'exemple  donné  par  M.  Parenteau  suivi  par  beaucoup  d'ar- 
chéologues. 

Parmi  toutes  les  curieuses  trouvailles  que  nous  devons  au  zèle 
de  notre  excellent  conservateur,  je  signalerai  la  découverte  de 
Saint-Père-en-Retz  (Loire- Inférieure)  :  collier  et  bijoux  en  or 
trouvés  dans  un  dolmen  avec  deux  hachettes  en  bronze,  plates  et 
rugueuses,  identiques  de  forme  a  certaines  de  nos  haches  en  dio- 
rite.  —  Des  objets  en  pierre  polie,  gouges,  pendeloques,  hachettes 
d'un  fini  admirable  et  d'une  grande  beauté  de  matière.  —  Une 
épée  de  bronze  surmontée  d'un  pommeau  en  forme  d'olive  per- 
cée de  quatre  trous  pour  recevoir  des  rivets.  —  Les  objets  gau- 
lois provenant  des  fouilles  de  M.  Parenteau,  à  Pouzauges  :  des 
rouelles  en  serpentine  percées  d'un  trou  pour  servir  de  bouton, 


—  25Ô  - 

des  dés,  des  lampions  en  terre  cuite  avec  leurs  bobèches,  de 
curieuses  briques  ornées  de  dessins  sur  les  deux  laces  et  percées 
de  trous;  la  base  de  ces  briques  s'élargit  pour  se  fixer  plus  soli- 
dement. M.  Parenteau  émet  l'opinion  que  ces  grandes  feuilles 
ajourées  ont  pu  servir  de  fenêtres  aux  huttes  gauloises  du  Vicus 
de  Pouzauges. — Un  éperon  gaulois,  un  bracelet  en  électrum. — 
Des  objets  très  primitifs  en  fer,  accompagnés  d'intéressants 
détails  sur  les  forges  ou  bas-foyers  gallo-romains. 

Tous  ces  précieux  objets  dont  la  conquête  a  coûté  tant  de 
recherches  et  tant  de  travail  sont  étudiés  avec  un  soin  passionné 
qui  en  rehausse  encore  la  valeur.  Mais  si  M.  Parenteau  parle  en 
amoureux  des  beaux  yeux  de  sa  cassette,  ce  sentiment  n'est  pas 
égoïste;  on  sent  à  chaque  ligne  que  l'heureux  possesseur  de 
toutes  ces  richesses  aime  avant  tout  à  communiquer  les  jouis- 
sances qu'il  a  trouvées  dans  ses  études.  En  publiant  ainsi  sa  col- 
lection, il  l'abandonne  aux  mains  de  tous,  avec  le  fruit  de  son 
travail  et  de  son  savoir.  Bien  mieux,  il  la  donne  réellement,  et  le 
Musée  de  l'Oratoire  s'enrichira  un  jour  de  tout  ce  que  son  conser- 
vateur a  su  recueillir  dans  ses  infatigables  recherches. 

P.    DE   LlSLE. 


LES  LIMITES  DO  BRETON  ET  DU  FRANÇAIS 

ET  LES  LIMITES  DES  DIALECTES  BRETONS  (') 


La  langue  bretonne  a  été  parlée  dans  la  plus  grande  partie  de 
rille-et-Vilaine  et  dans  la  totalité  du  département  des  Côtes-du- 
Nord,  jusqu'à  une  époque  assez  moderne  :  au  onzième  siècle,  le 
breton  était  encore  en  usage  aux  environs  de  Redou  ;  au  seizième 
siècle,  la  plus  grande  partie  de  l'arrondissement  de  Loudéac  ne 
parlait  pas  français.  Toutefois,  considérée  dans  son  ensemble,  la 
ligne  de  démarcation  de  la  Bretagne  bretonnante  et  du  pays  gai- 
lot,  a  peu  varié  depuis  deux  siècles  ;  c'est  à  peine  si,  sur  cette 
longue  ligne  qui  va  de  l'extrémité  de  la  baie  de  Saint-Brieuc  à 
l'embouchure  de  la  Vilaine,  la  langue  française  a  pu  avancer  de 
quelques  kilomètres. 

Voici  la  limite  des  deux  langues,  telle  que  je  l'ai  indiquée  dans 
une  carte  linguistique  de  la  Bretagne  exposée  actuellement  à  la 
section  anthropologique  au  Trocadéro. 

Je  me  suis  servi  des  documents  les  plus  récemment  publiés  sur 
ce  sujet.  J'ai  reçu  des  communications  de  plusieurs  correspon- 
dants, parmi  lesquels  je  dois  citer  M.  Luzel  (de  Morlaix)  et 
M.  Léon  Bureau  (de  Nantes). 

Le  département  d'Ille- et- Vilaine  est  entièrement  français  :  sa 
partie  la  plus  rapprochée  du  pays  bretonnant  (Redon)  en  est 
éloignée  d'environ  30  kilomètres. 


(i)  Cet  article  a  déjà  été  publié  par  un  journal  de  notre  ville,  V Espérance 
du  Peuple;  mais  son  importance  a  déterminé  la  Société  a  le  reproduire 
dans  son  ftuiletin. 


—  252  - 

Dans  les  Côtcs-du-Nord,  sur  quarante-huit  cantons,  vingt-quatre 
parlent  exclusivement  français;  dans  les  vingt-quatre  autres,  la 
langue  bretonne  est  d'un  usage  général  dans  la  campagne. 

La  limite  des  deux  langues  est  marquée  par  une  ligne  allant  du 
nord  au  sud.  Elle  part  de  la  commune  de  Plouha,  située  sur  le 
bord  de  la  mer,  et  passe  par  Pléguien,  Tréguidel,  Bringolo, 
Plouagal,  Lanrodec,  Senven-Lehart,  Saint-Connan,  Saint-Gilles- 
Pligeaux,  Ganihuel,  le  Haut-Corlay,  Saint-Mayeux,  Gaurel,  Mûr  et 
Saint-Gonnec.  Dans  toutes  ces  communes,  la  langue  française  est 
généralement  parlée  concurremment  avec  la  langue  bretonne; 
cependant,  les  habitants  entre  eux  se  servent  plus  volontiers  du 
breton  que  du  français,  et  les  vieillards  ne  comprennent  que  cette 
dernière  langue.  (Gaultier  du  Mottay,  Vivier  et  Rousselot,  Géogra- 
phie des  Côtes -du-Nord;  Ogée,  Dictionnaire  de  Bretagne,  nou- 
velle édition.) 

Dans  l'arrondissement  de  Saint-Brieuc,  71  communes,  peuplées 
de  131,000  habitants,  ne  parlent  que  le  français  ;  21,  peuplées  de 
35,000  habitants,  ne  parlent  que  le  breton;  4  communes,  comp- 
tant environ  10,000  habitants,  parlent  indifféremment  les  deux 
langues. 

Les  120,600  habitants  de  l'arrondissement  de  Dinan  ne  se  ser- 
vent que  du  français. 

Par  contre,  dans  l'arrondissement  de  Lannion  (112,000  habi- 
tants), on  parle  breton  partout  ;  le  français  n'est  guère  usité  et 
même  compris  que  dans  les  villes  et  sur  le  littoral. 

Sauf  7  communes,  peuplées  de  10,000  habitants,  et  qui  sont 
sur  la  limite  des  deux  langues,  l'arrondissement  de  Guingamp 
(126,709  habitants),  ne  parle  que  le  breton. 

Dans  celui  de  Loudéac,  73,000  habitants  parlent  français,  5 
communes  des  cantons  de  Mûr  et  de  Gorlaix,  peuplées  de  6,881 
habitants,  se  servent  des  deux  langues;  9  communes,  peuplées  de 
9,000  habitants,  ne  parlent  que  le  breton. 

En  résumé,  le  français  est  le  langage  exclusif  de  324,000  habi- 
tants, environ  27,000  parlent  les  deux  langues,  278,000  ne  se 
servent  que  du  breton. 


-  253  — 

Voici  la  limite  du  breton  et  du  français  dans  le  Morbihan,  en 
allant  du  nord  au  sud-est  :  Croixanvec,  Noyal-Pontivy,  Gueltas, 
Kerfourn,  Naizin,  Moréac,  Sainl-Allouestre,  Saint-Jean-Brévelay, 
Monterblanc,  Elven,  Sulniac,  Berrie,  Lausach,  Muzillac,  Billiers 
(Mahé,  Essai  sur  les  antiquités  du  Morbihan,  1825).  D'après 
M.  Guyot-Jomard,  auteur  de  la  Vetite  Géographie  du  Morbihan 
(1867),  cette  délimitation  n'a  pas  cessé  d'être  exacte  ;  cependant 
le  français  gagne  du  terrain  à  Billiers,  Muzillac,  Berrie,  Elven, 
Gueltas,  où  le  breton  tend  à  disparaître. 

Communes  ou  l'on  parle  :  1»  le  français. 

Vannes 39  c.  57.000  h. 

Lorient 2  24-000 

Pontivy..... ...  1  1.000 

Ploërmel 68  88-000 

110  170.000 

Communes  où  2°  le  français  3° 

l'on  parle  :  et  le  breton.  le  breton. 

Vannes..  4  c.  7.850  h.  36  c  69.760  h. 

Lorient.  »               »  50  149.000 

Pontivy..  5  6.682  39  96.470 

Ploërmel.  »               »                 3  6.000 

9  14  532  128  321.203 

La  Loire-Inférieure  parle  français,  sauf  quelques  villages  du 
canton  de  Guérande,  tous  situés  dans  la  commune  de  Batz,  qui 
forment  un  îlot  breton  composé  d'environ  1,200  habitants. 

Départements.  Français.                  Breton. 

Gôles-du-Nord 324.000  278.000 

Finistère 50.000  550.000 

Ille-et-Vilaine 602.700 

Loire-Inférieure  .....  601 .  000                  » 

Morbihan.... 170.000  321.000 

1.747.700  1149.000 


-  254  - 

PopulatioD 

Départemeat9.                          Mixte.  totale. 

Gôtes-du-Nord 27 .  000  629 .  000 

Finistère '.  40.000  640.000 

Ille-et-Vilaine »  602.700 

Loire-Inférieure 1 .  200  602 . 200 

Morbihan 14 .  000  505 .  532 


82.732  2.979.432 

Pour  nous  résumer,  nous  dirons  que  le  français  est  la  langue 
exclusive  de  1,747,700  individus,  1,149,000  ne  se  servent  que 
du  breton. 

Parmi  les  populations  rurales,  82,782  individus  se  servent  des 
deux  langues. 

Comme  en  pays  breton,  la  population  des  villes,  même  petites, 
comprend  les  deux  langues,  il  convient  d'ajouter  à  ce  chiffre  de 
population  mixte  celle  des  villes  et  des  chefs-lieux  de  canton,  soit 
150,000  personnes  pour  les  trois  départements  bretonnants.  On 
arrive  ainsi  à  un  total  de  232,000  personnes  parlant  indifférem- 
ment les  deux  langues. 

Si  l'on  ajoute  aux  1,149,000  individus  bretonnants  la  population 
rurale  mixte,  82,732,  qui  se  sert  des  deux  langues,  on  voit  que 
1,232,000  individus,  en  chiffres  ronds,  parlent  ou  entendent  le 
breton. 

La  limite  des  dialectes  bretons  entre  eux  est  déterminée  d'une 
manière  moins  précise  :  sur  ma  carte  je  ne  l'ai  indiquée  que  par 
grandes  lignes,  d'après  le  travail  de  M.  Hamonnic  qui  figure 
dans  la  préface  du  Dictionnaire  breton  de  M.  Troude,  publié  a 
Brest  en  1869.  M.  Luzel,  très  versé  en  ces  matières,  m'a  dit  qu'il 
n'existait  pas  à  sa  connaissance  de  travail  plus  complet. 

Les  dialectes  bretons  correspondent  assez  exactement  à  l'an- 
cienne limite  des  évêchés,  le  dialecte  de  Tréguier  a  pour  limite  à 
l'est  le  pays  français  ou  gallot,  au  nord  la  Manche,  au  sud  le 
massif  des  montagnes  du  Mené,  à  l'ouest  la  rivière  de  Morlaix  et 
une  ligne  droite  menée  de  Morlaix  au  Cloître  :  il  comprend  toute 


-  355  - 

la  partie  de  l'arrondissement  de  Saint-Brieuc  qui  parle  breton,  la 
plus  grande  partie  de  l'arrondissement  de  Guingamp,  et  trois 
cantons  du  Finistère  situés  dans  l'arrondissement  de  Morlaix. 

Le  dialecte  de  Léon  est  limité  au  nord  et  à  l'ouest  par  la  mer; 
au  sud-ouest,  par  une  ligne  qui  part  de  la  rade  de  Brest,  passe 
entre  Plougastel  et  Daouias,  et  entre  Landerneau  et  la  Martyre  ; 
au  sud,  la  limite  correspond  à  peu  près  à  la  ligne  du  chemin  de 
fer  de  Paris  à  Brest  ;  à  l'est,  la  limite  est  la  rivière  de  Morlaix  et 
une  ligne  allant  de  Morlaix  au  Cloître. 

La  rivière  de  l'Aber-Benoît  sépare  le  Bas-Léon  du  Haut -Léon. 

La  plus  grande  partie  de  l'arrondissement  de  Brest,  sauf  la  ville 
elle-même,  qui  est  un  îlot  français,  et  une  grande  partie  de  l'ar- 
rondissement de  Morlaix,  parlent  ce  dialecte. 

D'après  M.  Luzel,  les  habitants  d'Ouessantse  servent  d'un  dia- 
lecte qui  a  une  plus  grande  parenté  avec  celui  de  Tréguier 
qu'avec  le  dialecte  de  Léon,  dont  ils  sont  cependant  plus  rap- 
prochés. 

Ces  deux  dialectes,  qui  sont  les  plus  purs  de  la  langue  bretonne, 
ne  s'éloignent  pas  beaucoup  de  la  mer,  ainsi  qu'on  le  voit  en 
jetant  les  yeux  sur  la  carte  ;  c'est  dans  le  dialecte  de  Tréguier 
qu'on  trouve  le  pays  le  plus  éloigné  de  la  mer,  et  il  n'en  est 
guère  distant  que  de  40  à  45  kilomètres. 

Il  est  possible  que  ces  deux  dialectes  doivent  leur  pureté  rela- 
tive à  l'émigration  des  Bretons  insulaires  qui  a  eu  lieu  à  deux 
reprises  différentes,  et  qui  s'est  arrêtée  presque  partout  aux 
approches  des  montagnes. 

Le  dialecte  de  Cornouailles,  le  plus  étendu  de  tous,  comprend 
les  arrondissements  entiers  de  Châteaulin,  de  Quimper  et  de 
Quimperlé,  la  partie  sud  des  arrondissements  de  Brest  et  de 
Morlaix  ;  il  est  en  outre  parlé  dans  les  Gôtes-du-Nord  par  quelques 
cantons  des  arrondissements  de  Guingamp  et  de  Loudéac;  dans 
le  Morbihan,  le  canton  de  Faouet  et  celui  de  Gourin  parlent  un 
dialecte  teinté  fortement  de  vannetais,  mais  qui  se  rapproche 
encore  plus  du  dialecte  de  Cornouailles. 

Le  dialecte  de  Cornouailles  est  limité  à  l'ouest  par  la  mer,  au 


—  256  - 

sud  par  la  mer  et  par  une  ligne  qui  suit  à  peu  près  la  limite  du 
Morbihan  et  du  Finistère;  à  l'ouest  la  séparation  et  la  rivière  de 
Quimperlé,  et  la  limite  des  cantons  d'Arzano,  de  Gourin  et  de 
Faouet,  et,  après  une  ligne  sud  déjà  indiquée  qui  correspond  à 
la  limite  du  Morbihan  et  des  Côtes-du-Nord,  il  est  limité  par  la 
partie  française  ou  gallot  de  l'arrondissement  de  Loudéac. 

Au  nord  la  limite  est  la  même  que  la  limite  au  sud  de  Léon  et 
de  Tréguier,  c'est-à-dire  une  ligne  correspondant  aux  massifs 
montagneux  du  Mené  et  des  monts  d'Arrée  et  venant  aboutir  à 
la  rade  de  Brest  entre  Plougastel  et  Daoulas. 

Le  dialecte  de  Vannes  n'est  pas  parlé  que  dans  le  Morbihan  : 
c'est  le  moins  pur  et  le  plus  mélangé  de  gallicismes  des  quatre 
dialectes  bretons  ;  il  est  limité  à  l'est  par  le  pays  gallot,  sud  par 
la  mer,  à  l'ouest  par  une  ligne  partant  de  l'embouchure  de  l'Ellé, 
et  passant  près  Arzano,  qui  est  du  dialecte  de  Cornouailles,  et 
suivant  la  limite  des  cantons  de  Gourin  et  du  Faouet  jusqu'à  la 
séparation  du  Morbihan  et  des  Côtes- du-Nord,  qui  forme  la 
limite  du  nord. 

L'enclave  bretonne  de  la  Loire-Inférieure  se  compose  de  sept 
villages,  peuplés  d'environ  l,û200  habitants  ;  ceux-ci  comprennent 
les  deux  langues,  et  se  servent  entre  eux  plus  volontiers  du  bre- 
ton que  du  français. 

Il  existait,  en  outre,  une  colonie  Bretonnante  à  Trelazé  (Maine- 
et-Loire),  petite  ville  située  à  quelques  kilomètres  d'Angers.  Elle 
se  compose  d'ouvriers  ardoisiers  originaires  de  la  Bretagne  et 
principalement  de  l'arrondissement  de  Ghâteaulin  ;  cette  émigra- 
tion remonte  à  quelques  années  seulement  et  tient  à  des  causes 
économiques  et  industrielles. 

Enfin,  au  Havre,  les  Bretons  bretonnants  sont  assez  nombreux; 
ils  ont  môme  une  chapelle  où  un  prêtre  leur  fait  des  sermons  en 
breton,  ils  habitent  un  quartier  spécial.  (Communication  de 
M.  Luzel.) 

Dans  toutes  les  villes  situées  en  pays  breton,  on  parle  les  deux 
langues,  sauf  dans  les  faubourgs,  où  le  breton  domine  ;  dans 
presque  tous  les  chefs-lieux  de  canton,  dans  toutes  les  agglomé- 


—  257  — 

rations  on  entend  les  deux  langues.  Il  en  sera  de  même  pour  les 
campagnes  du  Finistère  dans  un  temps  assez  peu  éloigné.  On 
enseigne  dans  la  plupart  des  écoles  à  la  fois  le  français  et  le 
breton.  Celui-ci  ne  disparaîtra  pas;  mais  on  arrivera  presque  par- 
tout à  pouvoir  parler  les  deux  langues. 

Le  langage  parlé  dans  le  pays  gallot  ou  français  est  un  dialecte 
du  français,  qui  a  des  affinités  avec  les  dialectes  des  pays  voisins, 
surtout  avec  l'angevin,  le  tourangeau  et  le  bas-normand  ;  il 
coutient  un  grand  nombre  de  vieux  mots,  un  très  petit  nombre 
de  mots  empruntés  au  breton,  et  est,  sauf  des  expressions  locales 
assez  nombreuses,  mais  à  tournures  françaises,  très  facile  à 
comprendre. 

Paul  Sebillot. 


1879  i7 


PLACEMENT  DES  GRAVURES 


Pierres  gravées  de  Saint- Aubin  (lre  de  1  à  10) 49 

__         _     (2me  de  11  à  14) 50 

Abbaye  de  la  Chaume                Plan 55 

—  Ruines 79 

—  Armoiries 79 

Tombe  gallo-romaine 237 


TABLE  DES  MATIÈRES 

PAR  ORDRE  ALPHABÉTIQUE  ET  TABLE  ANALYTIQUE 
DES  PROCÈS-VERBAUX 


ANNÉE    1879 


Abbaye  de  Notre-Dame  de  la  Chaume 52 

Arrivée  de  M.  le  comte  d'Artois  (1777) 200 

Arrivée  de  l'empereur  Joseph 200 

Assemblées  de  ville 201 

Bibliographie 218 

Brière.  (Une  lettre  concernant  la) 232 

*  Changes.  (Fouilles  à  la  place  des) 22 

*  Chapelle  de  Toussaint , 21  -24 

*  Charles  de  Blois 21-24 

*  Chézine.  (La) 20 

Corporation  des  potiers  d'Herbignac 44 

Cours  des  États. 157 

Délibérations  de  MM.  du  Présidial.  (Voir  Livre) 154 

Dialecte  breton  de  Vannes  au  pays  de  Guérande 121 

*  Dessins  inédits  du  vieux  Nantes 23 

*  Hôpitaux  pouvant  servir  de  tracé  pour  les  voies  ro- 

maines   26 

*  Hypocauste  découvert  à  Saint- Vincent-sur-Jard 25-27 

Ile  Faydeau  (Pont  de  1')  à  l'île  Gloriette 216 

Inventaire  archéologique  de  M.  Parenteau,  compte  rendu.  218 
Les  limites  du  breton  et  du  français  et  les  limites  du  dia- 
lecte breton 251 

Livre  des  délibérations  de  MM.  du  Présidial  de  Nantes . . .  154 

Arrivée  de  M.  le  comte  d'Artois 200 

—  de  l'empereur  Joseph 200 

—  de  M.  de  Cornulier,  président  à  mortier . . .  199 
Assemblées  de  ville.  (Intervention  de  la  présidence 

aux) 201 

Brière.  (Une  lettre  concernant  la) 232 


—  260  - 

Ile  Faydeau  (Pont  de  V)  à  l'île  Gloriette 216 

Lettre  du  Garde  des  Sceaux  à  la  Présidialité 217 

Marche  du  Présidial  à  la  Fête-Dieu 161 

Mauves.  (Prairie  de)  Avis  donné  aux  pasteurs  de  la.  232 

Mémoire  aux  États  pour  les  vignobles 231 

Octrois  anciens  de  Nantes 221 

Octroi  pour  une  balise  et  deux  môles 221 

Offices  du  Présidial.  (Liquidation  des) 179 

Pré  l'Évêque.  (Bâtisse  sur  le) 163 

Rappel    du  Parlement.   (Réjouissances    à    l'occa- 
sion du) 176 

Règlement  entre  le  Sénéchal  et  les  autres  juges. . .  184 

Retraite  à  Nantes.  (Projet  d'une) 203 

Sanitat.  (Réformes  proposées  pour  la  maison  du).. .  163 

Service  pour  le  Dauphin 168-170 

pour  la  Reine ...  173 

Tapisseries  de  la  salle  d'audience  du  Présidial 182 

Vignobles.  (Adhésion  à  une  demande  des  proprié- 
taires dets) , 214 

Vignobles.  (Mémoire  aux  États  pour  les) 231 

*  Madeleine  (La)  et  la  Maladrie. —  Identité  entre  les  deux 

termes 26 

Nantes.  —  Changes.  (Fouilles  à  la  place  des) 22 

Chapelle  de  Toussaint 21-24 

Charles  de  Blois 21 

Dessins  inédits  du  vieux  Nantes 23 

Saint-Donatien 8 

*  Objets  trouvés  à  Nantes 8-11-12-13-14-15-16-19-27 

Pierres  gravées  de  Saint-Aubin  de  Baubigné 49 

Potiers  d'Herbignac 44 

Saint-Aubin  de  Baubigné.  (Pierres  gravées  de) 49 

*  Saint-Vincent-sur-Jard 25-27 

*  Statère  d'or  au  type  de  la  bécasse 28 

Tombe  gallo-romaine 235 

Trouvères  guérandais 31 

*  Vases  à  double  goulot 29 


Les  articles  précèdes  d'un  astérisque  se  trouvent  aux 

procès  -  verbaux. 


TABLE  DES  MATIÈRES 

PAR  NOMS  D'AUTEURS 


ANNEE    1870 


De  Béjarry.  —  Pierres  gravées  de  Saint- Aubin  de 

Baubignë 49 

Blanchard  (G).  —  Dialecte  breton  de  Vannes  au  pays  de 

Guérande 121 

Gallard.  —  Les  trouvères  guérandais 31 

Pitre  de  l'Isle.  —  Inventaire  archéologique  de  M.  Pa- 

renteau,  compte  rendu — 218 

Maître.  —  Les  potiers  d'HerMgnac 44 

De  la  Nicollière.  —  L'abbaye  de  la  Chaume  52 

Petit.  —  Tombe  gallo-romaine 235 

Sebillot.  —  Les  limites  du  breton  et  du  français 251 


Nantes.  — Imp.  Vincent  Ferest  et  Emile  Grimaud,  plate  4»  Commerce,  4, 


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