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Full text of "Calcul des chances et philosophie de la bourse"

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littp://www.arcliive.org/details/calculdescliancesOOregn 


CALCUL  DES  CHANCES 


PHILOSOPHIE 


LA    BOURSE 


Paris.—  Impr.  Pilloy,  boulevard  Pigale,  50. 


CALCUL  DES  CHANGES 

ET 

PHILOSOPHIE 

DE 

LA  BOURSE 


Jules    REGNAULT 


O  quam  bonus  et  suavis  est,  Domine,  spiriiiis  tuus 

in   omnibus! omnia  in    mensurâ,    et  numéro  et 

pondère  disposuisti  I 


BiBLÎA, 

Lib    s 

ipienline.  cap. 
A  VK'//.r, 

XI 

et  > 

.11 

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PARIS 

MALLET-BACHELIER 

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CASTEL 

des 

Grands 

Augustins       n" 

55          1        passe 

1863 

ge  de 

'Opéra       galerie 

de 

l'Hoi 

loge 

'ÎOUS 

dîoUs  rèsev^iés. 

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-#^ 


INTRODUCTION 


La  Bourse  est  le  temple  de  la  société  moderne  :  c'est  là 
que  sont  destinés  à  venir  converg-er  tous  les  grands  inté- 
rêts d'un  siècle  éminemment  positif  et  industriel  ;  mais 
la  Bourse  est  aussi  le  sanctuaire  officiel  du  jeu,  et  c'est  là 
que  viennent  s'engloutir  des  fortunes  et  des  existences. 
Nous  croyons  rendre  service  à  la  société  tout  entière  en 
essayant  d'en  analyser  les  cliances,  démontrer  les  dangers 
du  jeu,  en  même  temps  que  découvrir  le  but  que  doit  se 
proposer  la  Spéculation. 

La  morale,  sous  toutes  ses  formes,  n'a  pas  manqué, 
jusqu'à  présent,  pour  attaquer  les  abus  de  la  spéculation 
et  essayer  de  les  corriger  ;  mais  la  morale,  pour  persuader, 
doit  apporter  la  conviction.  L'iiomme,  esclave  de  ses 
passions,  indifférent  à  tout  ce  qui  ne  le  touche  pas,  n'est 
porté  au  bien  ou  au  mal  qu'en  raison  même  de  son  inté- 
rêt ;  ce  n'est  point  par  des  déclamations  abstraites  et 
oiseuses,  des  mots  vides  de  sens  qu'on  peut  espérer  de 


—  2  — 

réformer  ses  mauvais  instincts  ;  les  vérités  qui  forcent  la 
conviction  doivent  être  évidentes,  irréfutables. 

Ne  vaut-il  pas  mieux  démontrer  au  joueur  comment  le 
cours  naturel  des  choses  veut  qu'il  soit  inévitablement 
ruiné  à  tel  jour  donné,  que  de  lui  faire  sentir  que  s'il 
s'enrichit,  ce  ne  peut  être  qu'en  dépouillant  son  sem- 
blable? 

Or,  cette  vérité  peut  lui  être  prouvée,  parce  qu'elle  peut 
être  prévue.  Rien  dans  la  nature  n'est  disposé  arbitraire- 
ment et  n'arrive  qui  n'ait  été  préparé  par  quelque  cause 
antérieure,  que  nous  la  connaissions  ou  ne  la  connaissions 
pas.  Si  nous  étions  bien  pénétrés  de  cette  vérité  si  simple, 
nous  nous  laisserions  moins  séduire  par  le  merveilleux, 
nous  sacrifierions  moins  à  l'imprévu  et  à  ce  que  nous 
sommes  convenus  d'appeler  le  hasard.  Il  n'y  a  point  de 
hasard,  mais  il  y  a  notre  ignorance  qui  en  tient  lieu  ;  (')  c'est 
l'ignorance  qui,  en  nous  faisant  méconnaître  la  liaison 
nécessaire  de  tous  les  effets,  berce  nos  illusions  et  nos 
erreurs,  est  la  cause  première  de  tous  nos  débordements, 
de  toutes  nos  passions,  de  tous  nos  malheurs. 

Il  est  très- vrai  que  nous  ne  pouvons  jamais  arriver  k  la 
connaissance  entière  de  toutes  les  causes,  et  que  la  plu- 
part nous  échappent  dans  l'estimation  d'un  fait;  mais 
s'il  n'y  a  que  peu  ou  point  de  prévision  à  avoir  quand  il 
s'agit  d'un  fait  isolé,  il  y  a  souvent  une  certitude  à  peu 
près  complète  pour  ou  contre,  quand  il  s'agit  d'un  en- 
semble de  faits,  et  les  limites  du  doute,  entre  lesquelles 

(')  rhough  ihere  be  no  stich  thing  m  chance  in  the  world,  our  igno- 
rance of  the  real  cause  of  anp  cocnt  lias  the  same  influence  on  the 
understan  ding .  (Ho  me)  . 


peut  varier  notre  appréciation  ou  la  quantité  d'erreur 
qui  peut  l'affecter,  tend  à  diminuer  dans  des  rapports 
assignables  avec  l'augmentation  des  faits,  parce  que  les 
causes  particulières  qui  ag-issent  sur  chaque  fait  isolé- 
ment s'annulent  dans  un  grand  nombre  pour  ne  laisser 
ressortir  que  les  lois  générales;  c'est  ainsi  qu'on  ne  peut 
nullement  prédire  avec  quelque  certitude,  même  en  con- 
naissant sa  constitution,  1  âge  auquel  une  personne  doit 
mourir,  tandis  que  sur  un  grand  nombre  de  personnes, 
on  peut  dire,  à  très-peu  près,  combien  atteindront  ou 
n'atteindront  pas  à  un  âge  donné. 

Bien  fin  celui  qui,  à  la  Bourse,  en  voyant  s'engager 
une  opération,  pourrait  prédire  si  elle  rapportera  du  bé- 
néfice ou  de  la  perte  ;  mais  il  n'est  pas  besoin  d'être  devin 
pour  prédire  ce  qui  doit  arriver  dans  une  suite  continuelle 
d'opérations. 

Les  événements  particuliers  peuvent  tromper  nos  pré- 
visions, mais  il  faut  savoir  s'élever  au-dessus  de  la  con- 
sidération de  ces  événements  pour  ne  voir  que  l'ensemble 
des  résultats  derniers,  qui  ne  peuvent  jamais  tromper. 
C'est  à  J.  Bernoulli  que  l'on  doit  la  démonstration  de  ce 
beau  théorème  qu'il  considérait  avec  raison  plus  impor- 
tant et  plus  utile  que  la  découverte  de  la  quadrature  du 
cercle. 

«  En  multipliant  indéfiniment  les  observations  et  les 
expériences,  le  rapport  des  événements  de  diverses  natures 
qui  doivent  arriver,  approche  de  celui  de  leurs  possibilités 
respectives  dans  des  limites  dont  l'intervalle  se  resserre 
de  plus  en  plus  et  devient  moindre  qu'aucune  quantité 
assignable.   » 


C'est  là  un  pliénomène  bien  remarquable  de  voir  les 
événements  qui  semblent  le  plus  dépendre  de  causes  in- 
connues, inappréciables,  présenter,  en  se  multipliant  et 
se  combinant  à  l'infini  sous  nos  yeux,  une  tendance  à  se 
rapprocher  de  rapports  fixes,  déterminables,  dételle  sorte 
que  si  l'on  conçoit  de  part  et  d'autre  de  chacun  de  ces 
rapports  un  intervalle  aussi  petit  que  l'on  veut,  la  proba- 
bilité que  le  résultat  moyen  des  observations  tombe  dans 
cet  intervalle,  finit  par  ne  différer  de  la  certitude  que 
d'une  quantité  au-dessous  de  toute  grandeur  voulue. 

Tous  les  nombres  présentés  par  la  tliéorie  des  probabi- 
lités ne  présentent  jamais  qu'un  état  final,  oscillent  dans 
une  suite  de  vibrations  continuelles  autour  de  l'état  natu- 
rel, eu  diminuantprogTessivementcesvibrations  à  mesure 
qu'ils  s'étendent  autour  d'un  plus  grand  nombre  de  faits, 
et  deviennent  rigoureusement  exacts  dès  qu'on  en  sup- 
pose le  nombre  infiniment  g-rand.  Nous  saurions  donc 
l'avenir,  si  nous  avions  l'expérience  de  l'Infini. 

C'est  cette  idée  de  l'Infini,  finalement  évoquée,  qui  fait 
que  toute  théorie  mathématique  est  nécessairement  mo- 
rale et  philosophique,  et  que,  pour  en  comprendre  la  vé- 
ritable portée,  il  faut  se  dégager  des  influences  spéciales, 
des  considérations  mesquines  ou  passagères. 

Toute  la  science  des  hasards  se  réduit  en  dernier  lieu  à 
déterminer  d'une  manière  générale  tous  les  événements 
du  même  genre,  à  les  grouper  et  réduire  en  un  certain 
nombre  limité  de  faits,  d'événements  distincts  parfaite- 
ments  définis,  tous  également  possibles.  Etchaquegroupe 
d'événements  du  même  genre  étant  nettement  circonscrit, 
il  reste  à  déterminer  soit  par  la  nature  de  leur  production, 


soit  par  l'appréciation  attentive  des  faits  accomplis  anté- 
rieurement dans  chaque  ordre  d'événements,  le  nombre 
des  chances  favorables  ou  contraires  à  la  venue  de  cha- 
cun. 

Une  fois  que  tous  ces  rapports  sont  bien  établis,  que  par 
une  analyse  exacte  on  a  déterminé  le  nomlre  des  chances 
de  chacun  des  événements  possibles,  le  dernier  mot  de  la 
science  humaine  est  prononcé,  et  il  n'y  a  rien  de  plus  à 
apprendre.  La  nature  se  charge  d'ag-ir  et  de  démontrer 
irrémissiblement  par  ses  effets  l'exactitude  de  ces  rapports. 

Beaucoup  d'esprits  d'ailleurs  très-éclairés,  s'indignent 
qu'on  ose  faire  entrer  le  calcul  dans  des  questions  qu'on 
peut  considérer  de  l'ordre  moral  ;  mais  le  monde  moral  ne 
se  gouverne  pas  par  d'autres  lois  que  le  monde  physique  : 
toutes  nos  volontés,  toutes  nos  déterminations,  toutes 
nos  entreprises,  ne  se  dirigent  pas  au  hasard,  mais  ne 
sont  basées  que  sur  une  énumération  des  chances  favo- 
rables ou  défavorables,  car  tous  nous  aspirons  au  bon- 
heur et  à  la  réussite,  etpour  cela  nous  ne  pouvons  jamais 
nous  décider  que  sur  des  probabilités,  mais  comme  nous 
ne  sommes  pas  tous  ég-alement  instruits,  nous  suivons 
chacun  des  routes  différentes,  et  le  vice  est  la  route  de 
l'erreur,  malheureusement  trop  fréquentée.  Le  calcul  ne 
peut  rien  indiquer  que  l'homme  raisonnable  ne  sache 
déjà,  mais  c'est  parce  que  le  bon  sens  et  la  réflexion  ne 
suffisent  pas  toujours  à  énumérer  exactement  toutes  les 
chances  possibles,  que  le  calcul  est  quelquefois  nécessaire. 
N'est-il  pas  vrai  que  si  on  disait  :  «  Voici  une  urne  qui 
contient  une  boule  blanche  et  cent  boules  noires,  vous 
allez  en  retirer  une,  si  elle  est  blanche,  vous  doublerez 


—  6  — 

votre  fortune,  mais  si  elle  est  noire,  vous  serez  ruiné  ; 
n'est-il  pas  vrai  qu'il  n'y  aurait  pas  au  monde  un  seul 
homme,  à  moins  de  le  supposer  complètement  fou,  qui 
voulût  d'une  telle  convention?  Eh  bien  !  nous  démontrons 
d'une  manière  irréfutable  ,  que  dans  la  plupart  des 
conditions  du  jeu  à  la  Bourse,  l'urne  du  sort,  pour  une 
boule  blanche,  renferme  plus  de  cent  milliards  de  boules 
noires. 

Quelques  mots  sur  la  division  de  l'ouvrage.  Nous  l'a- 
vons divisé  en  deux  parties  et  subdivisé  en  paragraphes. 
Dans  la  première  partie,  nous  ne  nous  occupons  que  du 
Jeu.  Nous  cherchons  quels  sont  les  motifs  qui,  en  faisant 
croire  à  l'arrivée  d'un  événement  plutôt  que  d'un  autre, 
donne  au  joueur  une  conviction  pour  la  hausse  ou  pour  la 
baisse,  et  nous  cherchons  si  cette  conviction  est  fondée. 

Nous  démontrons  ensuite  que  le  droit  de  courtage  étant, 
sinon  la  seule ,  du  moins  la  principale  et  la  seule  cause 
appréciable  de  l'inégalité  des  chances,  peut  aug-menter 
indéfiniment  le  désavantage  du  joueur  et  la  certitude  de 
sa  ruine,  et  que  d'après  la  connaissance  de  certains  élé- 
ments, il  est  possible  de  mesurer  à  tout  instant  l'augmen- 
tation ou  la  diminution  des  chances  défavorables  au 
joueur. 

Dans  la  seconde  partie ,  nous  commençons  par  établir 
une  distinction  entre  les  deux  spéculations,  la  fausse  re- 
présentée par  le  Jeu,  la  véritable  représentée  par  le  Ca- 
pital, qui  n'est  autre  chose  qu'une  accumulation  des  fruits 
du  Travail  ;  nous  indiquons  les  tendances  de  chacune ,  et 
après  avoir  établi  que,  s'il  n'y  a  pas  de  prix  absolu,  le 
prix  relatif  des  valeurs  peut  cependant  être  resserré  dans 


—  7  — 

des  limites  do  plus  en  plus  étroites,  nous  donnons  les  règles 
de  la  véritable  spéculation. 

Par  la  Théorie  des  Ecarts,  les  lois  nouvelles  des  varia- 
tions de  la  Bourse  sont  enlîn  fixées,  et  il  devient  évident 
que  les  lois  du  monde  social  ne  sont  ni  plus  difficiles,  ni 
plus  compliquées  que  celle  du  monde  céleste.  Tout  dans  la 
nature  est  soumis  à  des  lois  communes,  générales  et 
immuables,  en  dehors  desquelles  aucune  chose,  aucun 
phénomène  ne  pourrait  se  produire  ou  se  maintenir,  et 
les  lois  les  plus  générales  sont  aussi  les  plus  simples. 

«  Tous  les  événements,  dit  Laplace  au  début  de  son 
Essai  pJbilosopJdq^ue,  ceux  mêmes  qui,  parleur  petitesse, 
semblent  ne  pas  tenir  aux  grandes  lois  de  la  nature  en 
sont  une  suite  aussi  nécessaire  que  les  révolutions  du  So- 
leil. Dans  l'ignorance  des  liens  qui  les  unissent  au  sys- 
tème entier  de  l'univers,  on  les  a  fait  dépendre  des  cau- 
ses finales  ou  du  hasard,  suivant  qu'ils  arrivaient  et  se 
succédaient  avec  régularité  ou  sans  ordre  apparent  ;  mais 
ces  causes  imaginaires  ont  été  successivement  reculées 
avec  les  bornes  de  nos  connaissances  et  disparaissent  en- 
tièrement devant  la  saine  philosophie,  qui  ne  voit  en  elle 
que  l'expression  de  l'ignorance  où  nous  sommes  des  vé- 
ritables causes.  » 

Les  variations  de  la  Bourse,  tout  aussi  bien  que  la  Terre 
dans  la  courbe  qu'elle  décrit  autour  du  Soleil,  sont  sou- 
mises aux  lois  de  l'attraction  universelle;  dans  certaines 
conditions,  le  capitaliste  peut  être  assuré  de  réaliser  des 
bénéfices  proportionnels  avec  autant  de  certitude  qu'il 
attend  le  retour  régulier  des  saisons. 

Toutes  ces  idées,  qui  un  jour  paraîtront  si  simples,  peu- 


—  8  — 

vent  passer  pour  de  Ici  hardiesse  aujourd'hui  ;  espérons 
cependant  que  nous  aurons  convaincu  le  lecteur  attentif. 
Puisse  ce  livre,  malgré  ses  imperfections,  répondre 
à  l'idée  qui  l'a  conçu  et  servir  utilement  le  ]iarti  de  la 
vérité. 


PREMIÈRE  PARTIE 


l'UEMlÈUE  PARTIE 


1 .  —  Toutes  les  causes  qui  concoureut  h  la  formation 
d'un  événement  quelconque,  se  partagent  en  deux  grandes 
catégories  :  constantes  et  accidentelles. 

Les  causes  constantes  sont  celles  dont  l'action  est 
continue  et  régulière,  dirigée  dans  un  même  sens  et  avec 
une  intensité  toujours  égale. 

On  comprend,  sous  le  nom  de  causes  accidentelles, 
toutes  celles  dont  l'action  n'est  ni  continue  ni  régulière, 
qui  se  produisent  sans  aucune  loi  apparente,  et  fortuite- 
ment, dans  un  sens  ou  dans  l'autre. 

Par  rapport  à  l'éloignement  qui  sépare  la  cause  de 
l'effet  et  qui  lui  donne  plus  ou  moins  de  force  pour  agir, 
on  peut  encore  diviser  chacune  de  ces  deux  catégories 
en  deux  nouvelles  :  causes  générales  et  spéciales. 

Les  causes  générales,  comme  étant  les  plus  nombreuses 
et  les  plus  variées,  seront  aussi  les  moins  importantes, 


—  \i  — 

tandis  (jue  les  causes  spéciales  auront  une  influence  plus 
directe  et  plus  immédiate. 

En  exprimant  par  les  chiffres  1  et  2  le  degré  de  puis- 
sance de  chacune  de  ces  espèces  de  causes  pour  concourir 
à  un  moment  donné  à  la  production  d'un  effet  ou  d'un 
événement  quelconque,  de  manière  à  avoir  : 

Pour  les  causes  constantes 1 

id.       accidentelles  ....     2 

id.      générales 1 

id.      spéciales 2 

on  pourra  former,  par  la  combinaison  des  diverses  causes 
possibles,  les  quatre  produits  suivants  : 

Causes  constantes  et  générales.     ...     1 
id.  spéciales.       ...     2 

accidentelles  et  générales,     ...     2 
id.  spéciales.       ...     4 

On  arriverait  à  un  plus  grand  degré  de  précision  sur 
la  relation  que  les  diverses  causes  ont  entre  elles,  si  on 
formait  de  nouvelles  catégories  intermédiaires,  telles  que 
causes  variables,  dont  l'arrivée  est  au  moins  irrégulière, 
mais  dont  la  durée  possède  une  certaine  constcxnce  ;  causes 
'particulières  prises  dans  un  ordre  de  faits  secondaire,  et 
n'ayant  qu'un  demi-caractère  de  généralité;  mais  la  clas- 
sification précédente  nous  donne  cependant  dès  à  2)ré- 
sent  une  idée  suffisante  de  la  force  des  causes  et  du  rap- 
port qu'elles  ont  entre  elles. 


2.  —  Si  je  jette  un  sou  en  l'air,  je  sais  que  la  cause  qui 
le  fera  retomber  de  préférence  sur  l'une  des  deux  faces  est, 


—  iô  — 

avant  V événement^  exprimée  par  -;  si  je  jette  un  dé  sur 
une  table,  je  sais  que  la  cause  qui  doit  amener  l'as,  aune 
valeur  de  -;  cette  probabilité  est  certaine,  évidente,  et 
personne  n'essaiera  de  la  contester  ;  mais  les  chances 
d'un  événement  ne  sont  pas  toujours  en  nombre  déterminé 
et  assignables  a  po^ioTi;  et,  dans  tous  les  cas,  où  cette 
connaissance  fait  défaut  par  la  nature  même  des  choses, 
on  est  forcé  de  s'en  rapporter  à  V observation  des  èténe- 
mcnts  passés. 

Il  existe  certaines  règles  qui  déterminent  exactement  le 
deg'ré  de  confiance  que  l'on  doit  ajouter  aux  observations, 
lorsque  celles-ci  ont  un  même  poids  ou  sont  également 
bien  faites  ;  bornons-nous  à  énoncer  les  suivantes  ; 

1"  Lorsqu'on  a  observé  un  événement  qui  s'est  réguliè- 
rement produit  un  certain  nombre  de  fois,  la  probabilité 
qu'il  se  reproduira  une  nouvelle  fois  peut  être  exprimée 
par  une  fraction  dont  le  numérateur  est  le  nombre  des 
observations,  augmenté  d'une  unité,  et  le  dénominateur, 
ce  même  nombre,  aug-menté  de  deux  unités. 

Si,  par  exemple,  j'avais  retiré  successivement  dix 
boules  blanches  d'une  urne  remplie  d'un  grand  nombre 
de  boules  dont  j'ignorerais  la  couleur,  je  pourrais  parier 
J|,  ou  11  contre  1,  que  je  retirerai  encore  une  boule  blan- 
che la  prochaine  fois. 

Si  les  événements  observés  sont  contradictoires,  il  faut, 
pour  obtenir  la  possibilité  du  retour  de  chacun  de  ces 
événements,  prendre  le  nombre  de  fois  que  chacun  d'eux 
a  été  observé,  ajouter  une  unité  et  diviser  par  le  nombre 
des  observations  totales,  augmenté  d'autant  d'unités  qu'il 
V  a  d'événements  différents. 


Si,  par  exemple,  j'avais  retiré  de  l'anic  dix  boules 
blanches  et  trois  noires,  l'arrivée  d'une  boule  bl;tnclie  au 
prochain  tirage  aurait  une  probabilité  de  -^  et  celle  d'une 
boule  noire,  -. 

2°  Za  probaHIilé  d'un  événement  futur  est  la  somme 
des  produits  de  la  prolaWité  de  cliaque  cause,  tirée  de 
révénement  observé,  par  la  probabilité  que  cette  cause 
existant^  V  événement  futur  aura  lieu. 

Exemple  :  On  nous  apprend  que  l'urne  qui  jusqu'à  pré- 
sent renfermait  un  nombre  de  boules  indéterminé  et 
supposé  très-g-rand,  n'en  renferme  que  trois  ;  nous  tirons 
successivement,  et  en  les  remettant  chaque  fois,  trois 
boules  qui  se  sont  trouvées  blanches,  que  devons-nous 
penser  d'un  nouveau  tirage  ? 

Il  y  a  trois  causes  h  l'événement  observé  : 

1»  Toutes  les  boules  sont  blanches. 

2^  Il  y  en  a  deux  blanches  et  une  noire. 

S^  Il  j  en  a  une  blanche  et  deux  noires. 

La  probabilité  de  chaque  cause,  tirée  de  l'événement 
observé,  est  ég'ale  à 

I  ou  la  certitude  pour  la  première. 
'-  ou  |j  pour  la  seconde. 

q-.  ou  ^  pour  la  troisième. 

C'est-à-dire  qu'elles  sont  dans  le  rapport  des  nombres 
27,  8  et  1,  et  que  l'ensemble  de  ces  trois  causes  étant  égal 
à  la  certitude,  la  probabilité  de  la  première  est  -,  de  la 
seconde  -,  de  la  troisième  i. 

36  36 

II  s'agit  de  multiplier  chacune  de  ces  dernières  valeurs 
par  la  probabilité  que  la  cause  existant,  l'événement  futur 
aura  lieu. 


—  15  — 


Or,  si  la  première  cause  existe,  l'événement  est  cer- 
tain.  ?-^  X  1  -  -  ou  ^. 

36  36  1(18 

Si  la  seconde  existe,   l'événement  a    la    probabilité 

36  '^  3  11  8 

Si  la  troisième  cause  existe,  l'événement  a  la  proba- 
bilité. 1  X  '  =  -. 

36       ^3  108 

Faisant  la  somme  de  ces  trois  produits,  — -,  nous 

1    .  98  49 

obtenons  —  ou  -. 

108  5* 

Il  y  aurait  donc  49  à  parier  contre  5  qu'on  retirera  en- 
core une  boule  blanche  au  prochain  tirag-e. 


3.  —  A  la  Bourse,  tous  les  événements  possibles  ne 
peuvent  déterminer  que  deux  effets  contradictoires  qui 
sont  la  /musse  et  la  baisse. 

La  meilleure  manière  de  calculer  les  chances  de  la 
hausse  ou  de  la  baisse  qui  doit  résulter  d'une  situation 
donnée,  serait  de  dégager  convenablement  les  causes  in- 
dépendantes les  unes  des  autres,  de  les  classer  suivant 
leur  degré  présumé  d'influence,  et  d'après  une  méthode 
d'observations  antérieures  bien  précises,  d'assig'uer  à  cha- 
cune le  degré  de  probabilité  de  son  arrivée,  ainsi  que  ce- 
lui de  son  effet  présumé  :  en  faisant  le  produit  de  ces  deux 
probabilités,  on  obtiendrait  la  valeur  de  la  hausse  ou  de 
la  baisse  probable. 

Prenons  un  exemple  que  nous  ferons  le  plus  simple  et 
le  plus  dégagé  possible  : 

Je  vois  dans  la  situation  présente  les  deux  causes  sui- 
vantes, de  nature  à  influer  sur  le  cours  des  actions  d'une 
compagnie  industrielle  quelconque  : 


—  Ifi  — 

P  La  Banque  réduit  son  escompte. 

2"  Il  est  question  d'une  concession  à  obtenir  par  la  sus- 
dite compag-nie. 

Je  n'hésite  pas  à  envisager  ces  deux  causes  comme  fa- 
vorables, parce  que  dans  toutes  les  circonstances  où  il 
m'a  été  permis  d'observer  par  moi-même  ou  par  le  témoi- 
gnage d'autrui,  des  causes  de  cette  nature  ont  toujours 
produit  un  effet  favorable. 

Comme  on  le  voit,  je  commence  par  tout  rapporter  à 
V observation,  le  raisonnement  ne  pouvant  jamais  indiquer 
en  dernier  ressort  que  des  effets  qui  sont  toujours  présen- 
tés par  une  observation  quelconque,  si  simples  que  soient 
ces  effets  ;  quelquefois  un  événement  se  produit  si  rare- 
ment, qu'il  n'a  été  donné  de  l'observer  qu'une  ou  deux 
fois  peut-être,  mais  si  ses  effets  ont  été  considérables,  ils 
ont  laissé  des  souvenirs  beaucoup  plus  vivaces,  et  son  ar- 
rivée une  nouvelle  fois,  ne  laisse  pas  plus  de  doute  à  l'es- 
prit que  d'autres  événements  beaucoup  plus  souvent  ré- 
pétés. 

J'ai  eu  de  plus,  relativement  à  la  première  cause,  l'oc- 
casion d'observer  que  chaque  fois  que  la  Banque  rédui- 
sait son  escompte,  l'effet  produit  était  en  moyenne  une 
hausse  de  10  fr,  sur  la  valeur. 

Or,  cette  cause,  réduction  de  l'escompte  par  la  Banque, 
est,  de  sa  nature,  une  de  celles  que  nous  devons  classer 
dans  la  catégorie  des  causes  accidentelles  et  générales  ; 
la  seconde  peut  être  regardée  aussi  comme  accidentelle, 
mais  spéciale;  je  pourrais  donc,  rien  que  par  le  rapport 
qui  les  unit,  même  sans  savoir  au  juste  l'effet  qu'elle  a  pro- 
duit, conclure  que  la  seconde  doit  amener  un  effet  supé- 


—   17  — 

rieur,  du  double,  ainsi  que  nous  l'avons  établi  en  com- 
mençant, et  produire  une  hausse  probable  de  20  fr. 

Mais  pour  la  première  cause,  la  probabilité  d'arrivée 
est  remplacée  par  la  certitude;  pour  la  seconde,  la  de- 
mande de  concession  est,  je  suppose,  soumissionnée  con- 
curremment par  une  compagnie  rivale,  et  il  est  douteux 
qui  obtiendra  l'adjudication,  des  deux  compagnies  péti- 
tionnaires; ici,  la  probabilité  d'arrivée  est-. 

Si  cbacun  de  ces  deux  faits,  réduction  de  l'escompte, 
augmentation  de  concession,  a  été  observé  par  exemple, 
dans  trois  occasions  à  peu  près  identiques,  la  probabilité 

d'effet  est  de  -  pour  chacune. 

5  '■ 

J'aurai  donc  : 

10  X  -  ^  8  pour  la  hausse  probable  résultant  de  la 
première  cause; 

20  X  -  X  -  ="  8  pour  la  hausse  probable  résultant  de 
la  seconde  cause, 

et  je  serai  fondé  à  attendre  une  hausse  de  16  fr.  comme 
résultat  des  deux  causes  précitées. 

Qu'il  y  ait  maintenant  dans  la  situation  une  cause  dé- 
favorable quelconque,  je  lui  attribuerai  son  degré  d'im- 
portance, ses  probabilités  d'arrivée  et  d'effet,  j'obtiendrai 
son  produit  probable  et  je  le  ferai  venir  en  déduction  du 
produit  précédent. 


4.  —  Mais  pour  arriver  à  une  détermination  si  nette  et 
si  précise,  il  aura  fallu  : 

1°  Etudier  attentivement  toutes  les  causes  qui  peuvent 
avoir  quelque  influence,  les  classer  méthodiquement  pour 


-^  18    - 

ne  pas  donner  à  l'une  yur  l'autre  une  importance  qu'elle 
n'aurait  pas,  et  pour  cela,  nous  avons  di\  les  considérer 
séparément,  une  à  une,  par  rapport  à  leur  durée  et  la 
manière  dont  elle  se  manifestent,  et  par  rapport  à  l'action 
qu'elles  peuvent  produire  pour  amener  l'effet  attendu. 

2"  Examiner  la  probabilité  de  l'arrivée  de  chacune  des 
causes,  en  remontant  à  des  causes  premières  ou  anté- 
rieures, recueillant  l'ensemble  des  faits  qui  doivent  les 
amener  et  en  nous  décidant  sur  le  plus  ou  moins  de 
chances  qu'elles  ont  de  se  présenter. 

3"  Examiner  la  probabilité  de  l'effet  qu'elles  produiront, 
en  recueillant  dans  nos  souvenirs  et  nos  observations  les 
effets  produits  par  les  mêmes  causes,  et  calculer  d'après 
cela  le  degré  de  probabilité  d'un  nouvel  effet. 

Tous  nos  calculs  ne  peuvent  avoir  d'autre  base  que 
V observation  personnelle. 

Mais  nous  pouvons  avoir  donné  une  importance  exa- 
g'érée  à  une  cause  dont  la  valeur  est  presque  nulle,  avoir 
négligé  une  autre  cause  dont  la  valeur  est  considérable, 
avoir  faussé  le  rapport  des  causes  ou  mal  jugé  des  eft'ets, 
prenant  un  effet  favorable  pour  défavorable,  et  tice  Ter  sa; 
les  avoir  observées  précédemment  un  trop  petit  nombre 
de  fois  pour  être  bien  édifié  sur  les  effets  qu'elles  ont  pro- 
duits, avoir  négligé  de  décomposer  ou  de  faire  entrer 
dans  les  éléments  de  l'effet  que  nous  leur  avons  supposé 
toute  autre  cause  qui  y  aurait  également  concouru  ou 
l'aurait  modifié  ;  enfin,  nous  pouvons  n'être  que  très-im- 
parfaitement renseignés  sur  la  nature  des  événements  et 
des  causes  primitives,  et  par  suite  sur  le  degré  de  prob.-i- 
bililé  de  l'arrivée  même  de  la  cause. 


—  I'.)  — 

On  peut  jug'tii'  de  la  diftieulté  dont  sont  entourées  des 
estimations  aussi  multiples,  aussi  délicates,  qui  ne  repo- 
sent absolument  que  sur  une  certaine  similitude  des 
événements,  qui  en  réalité  ne  se  représentent  jamais  deux 
fois  de  suite  dans  les  mêmes  conditions,  et  dont  l'observa- 
tion est  toujours  plus  ou  moins  bornée;  il  nous  faut  assi- 
miler complètement  des  causes,  du  moment  qu'elles  sont 
à  peu  près  pareilles,  et  présag*er  des  effets  semblables, 
lorsque  les  différences  ne  sont  pas  très-choquantes,  bien 
qu'une  différence  imperceptible  et  insensible  doive  amener 
par  sa  répétition  une  erreur  notable  sur  le  résultat  du 
calcul. 

A  moins  d'être  doués  d'un  jugement  supérieur  que  ne 
comporte  pas  la  nature  humaine,  il  est  impossible  que  par 
sentiment  ou  par  préjugé,  nous  n'ayons  point  exagéré 
les  probabilités  des  chances  favorables  ou  celles  des 
chances  contraires. 


5. — Le  joueur  qui  se  lance  dans  une  opération  quelcon- 
que, à  la  hausse  ou  à  la  baisse,  n'a  pas  pris  la  peine  d'ana- 
lyser préalablement  et  aussi  minutieusement  les  diverses 
probabilités ^o?^r  et  contre  ;  au  lieu  de  commencer  par  ob- 
server, comparer  et  calculer  mathématiquement  pour 
décider  alors  en  toute  connaissance  de  cause  dans  quel 
sens  il  doit  tourner  et  diriger  son  opération,  il  obéit  et  se 
laisse  guider  purement  par  son  instinct;  s'il  apprécie  les 
faits,  il  les  commente  plutôt  et  les  explique  dans  le  sens 
qu'il  a  d'abord  adopté;  si  cependant,  changeant  de  mé- 
thode, il  remontait  des  effets  supposés  aux  causes,  comme 


—  20  — 

son  appréciation  serait  entièrement  relative  et  se  modifie- 
rait selon  ses  vues,  en  se  moulant  en  quelque  sorte  sur 
elles,  il  arriverait  très-certainement  à  des  estimations  de 
probabilités  qui  ne  changeraient  nullement  sa  manière 
d'agir,  et  ne  feraient  que  l'affirmer  avec  une  nouvelle 
force  :  arrivant  tous  les  deux  au  même  résultat,  il  n'y 
aurait  cette  différence  entre  le  matliématicien  et  le  joueur, 
que  le  premier  aurait  soumis  ses  opérations  au  calcul,  et 
le  second,  ses  calculs  à  ses  opérations. 

Laquelle  de  ces  deux  méthodes  est  la  plus  exacte?  Nous 
ne  le  savons  pas,  car  enfin,  si  l'un  s'est  servi  de  l'analyse, 
en  allant  du  connu  à  l'inconnu,  et  l'autre  de  la  synthèse, 
en  suivant  une  marche  directement  opposée,  la  voie  des 
sensations  et  des  impressions,  qui  est  la  même  pour  tous 
deux,  et  peut  seule,  en  définitive,  fournir  des  éléments 
d'appréciation,  amène  leur  rencontre  au  même  point; 
mais,  et  ceci  est  la  conséquence,  si  le  joueur  n'explique 
pas  par  des  chiffres  le-  degré  de  probabilité  qu'il  attribue 
aux  événements,  ces  probabilités  n'en  existent  pas  moins 
d'une  manière  très-réelle  pour  lui,  et  il  peut  discuter  avec 
une  égale  raison  des  causes  et  des  effets,  et  des  chances 
plus  ou  moins  probables  de  leur  arrivée. 

Non-seulement  il  n'est  pas  un  seul  spéculateur  qui,  sans 
toujours  s'en  rendre  un  cxDmpte  exact,  n'ait  une  opinion 
plus  ou  moins  nette  au  sujet  des  probabilités  qu'il  accorde 
à  tel  ou  tel  événement,  mais  il  n'en  est  peut-être  pas  deux 
sur  mille  qui  aient  une  même  opinion  sur  l'ensemble  des 
causes  et  de  leurs  effets. 


—  21  — 

0.  —  Si  les  hommes  sont  si  éloignés  de  s'entendre  sur 
les  sujets  mêmes  qu'il  leur  importerait  le  plus  de  bien  con- 
naître, c'est  parce  que  chacun  donne  aux  mots  dont  il  se 
sert  dans  le  discours  une  signification  particulière  qui 
comprend  un  certain  nombre  d'idées  simples  ou  pre- 
mières, qui  diffèrent  d'autant  plus  que  ces  idées  sont  plus 
abstraites  ou  plus  composées  :  le  mot  maison  peut  avoir 
une  sig-nifîcation  à  peu  près  identique  pour  tous  les  ha- 
bitants d'une  même  7ille  ;  il  n'en  est  pas  de  même  des 
mots  droit ^  vertu,  etc. 

Dans  l'estimation  des  causes  et  de  leurs  effets,  chaque 
homme  puisant  les  motifs  de  son  jug-ement  dans  un  en- 
semble d'observations  personnelles,  qui  n'ont  pas  été  les 
mêmes  pour  tous,  trouve  dans  le  résultat  de  ses  recher- 
ches plus  ou  moins  d'exemples  et  de  raisons  de  croire  ou 
ne  pas  croire  à  un  même  effet,  d'après  la  quantité  plus  ou 
moins  g-rande  de  faits  analogues  qu'il  aura  pu  observer. 
Si  deux  personnes,  qui  se  font  une  idée  différente  d'une 
même  probabilité,  avaient  vécu  dans  un  même  milieu, 
dans  des  circonstances  exactement  pareilles,  et  avaient 
observé  le  même  nombre  de  causes  suivies  des  mêmes 
effets,  il  n'y  aurait  nécessairement  aucune  dissidence 
entre  elles  sur  l'opinion  qu'elles  se  font  de  l'arrivée  ou 
futurition  d'un  événement,  et  la  fraction  qui  exprime  sa 
probabilité  serait  la  même  pour  tous  deux  ;  tandis  que  si, 
au  contraire,  dans  une  supposition  plus  conforme  à  la 
réalité,  elles  n'ont  jamais  vécu  ensemble,  sont  d'âges,  de 
pays,  de  classes  différentes,  elle  auront  observé  des  faits 
différents,  en  inégales  quantités,  suivis  d'effets  plus  ou 
moins  dissemblables;  leur  opinion  variera  dès  lors  sur  la 


—  22  — 

nature  des  causes  et  la  probabilité  des  effets  d'une  ma- 
nière d'autant  plus  sensible  que  tontes  ces  circonstances 
antérieures  seront  elles-mêmes  plus  variables. 

Les  événements  de  nature  à  produire  des  variations  de 
hausse  ou  de  baisse  à  la  Bourse  sont  tellement  nombreux, 
dans  des  ordres  si  divers,  et  dépendent  de  causes  si  com- 
pliquées, qu'il  n'est  pas  étonnant  que  les  opinions  les  plus 
extrêmes  puissent  se  produire  au  sujet  de  leurs  effets 
probables. 

C'est  justement  la  diversité  d'appréciation  des  mêmes 
causes,  par  chacun  en  particulier,  qui  rend  les  affaires 
possibles  (au  moins  pour  celles  de  jeu),  en  faisant  que 
celui-ci  opère  dans  un  sens  et  celui-là  dans  le  sens  op- 
posé ;  car  si  tout  le  monde  avait  les  mêmes  idées  et  ap- 
préciait ég'alement  les  mêmes  causes,  il  n'y  aurait  plus 
de  contreparties  possibles,  l'aclieteur  ne  trouverait  plus 
de  vendeur,  ni  le  vendeur  d'acheteur,  et  les  variations 
seraient  nulles  par  conséquent. 


7,  —  Pour  voir  comment  agit  cette  diversité  d'opinions, 
supposons  qu'on  annonce  à  l'instant  un  événement  dont 
l'importance  est  décisive  et  favorable  à  la  fois  aux  yeux 
de  tout  le  monde,  tel  qu'une  paix  soudaine  qui  termine 
tout  à  coup  une  longue  guerre  ;  personne  ne  songera  à 
interpréter  cet  événement  comme  un  signe  de  baisse, 
mais  encore  que  de  divergences  d'opinions  à  ce  sujet  sur 
ses  conséquences  probables  et  sur  l'étendue  du  mouve- 
ment de  hausse  qui  doit  se  produire  !  L'annonce  de  cette 
nouvelle  élèvera  les  cours  brusquement  et  sans  transition 


—  23  — 

à  un  niveau  plus  ou  moins  élevé,  et  après  cetaines  oscil- 
lations, conséquences  nécessaires  de  la  surprise  et  de  l'in- 
décision, une  fois  que  l'opinion  se  sera  formée,  que  l'é- 
vénement sera  bien  jugé,  les  cours  s'arrêteront  à] une 
certaine  limite  et  y  prendront  leur  assiette  ;  cependant  le 
cours  ne  représentera  pas  une  valeur  universellement 
adoptée.  Tous  ceux  qui  verront  des  résultats  favorables 
moindres  seront  naturellement  les  vendeurs,  tous  ceux 
qui  croiront  à  des  résultats  favorables  supérieurs  seront 
les  acheteurs.  Les  quantités  étant  nécessairement  égales, 
puisque  toute  vente  suppose  un  achat  et  réciproquement, 
le  cours  sera  l'expression  moyenne  de  toutes  les  appré- 
ciations, si  différentes  qu'elles  soient.  Bien  entendu  que 
nous  faisons  abstraction  des  personnes  et  ne  faisons  en- 
trer en  ligne  de  compte  que  les  opérations  mêmes  ;  toute 
demande  ou  toute  offre  n'agit  qu'en  raison  proportion- 
nelle à  sa  quantité,  et  quand  elle  ne  s'exprime  pas,  elle 
est  nulle  sur  la  détermination  du  prix. 

Le  cours  n'est  pas  toujours  uniquement  déterminé  par 
les  circonstances  présentes  ;  il  comprend  encore  toutes  les 
espérances  légitimes  qui  peuvent  être  renfermées  dans 
cette  situation.  Ainsi,  le  lendemain  d'une  guerre  terminée 
par  une  paix  soudaine,  la  richesse  du  pays  n'est  pas  sen- 
siblement différente  de  ce  qu'elle  était  la  veille ,  mais  la 
hausse  qui  se  déclare  sur-le-champ  représente  toutes  les 
améliorations  futures  qui  ne  sont  encore  qu'en  germe 
dans  la  situation.  Les  travaux  repris,  les  impôts  diminués, 
la  dette  amortie,  la  confiance  rétablie,  toutes  ces  consé- 
quences que  l'on  n'aperçoit  encore  qu'en  perspective, 
agissent  comme  si  elles  étaient  présentes  et  sont  sur-le- 


—  24  — 

champ  escomptées^  selon  le  terme  en  usage  à  la  Bourse. 

Toutes  les  données  dont  chacun  dispose  sont  ici  les 
mêmes,  il  n'y  a  de  différence  que  dans  la  manière  de  les 
interpréter.  Que  l'on  fasse  un  pari  avec  une  personne 
mal  renseignée  au  sujet  d'un  fait  sur  lequel  on  n'a  aucun 
doute,  le  bénéfice  est  certain.  Mais  en  est-il  de  même  à  la 
Bourse  ? 

Voici  cinq  à  six  mille  spéculateurs  :  chacun  d'eux  n'a 
d'autre  passion  que  de  gagner  de  l'argeoit,  parce  qu'à  ses 
yeux,  l'argent  est  le  moyen  le  plus  sûr  de  satisfaire  toutes 
ses  autres  passions;  toutes  ses  facultés  sont  absorbées 
vers  ce  but.  Y  a-t-il  au  monde  un  stimulant  plus  énergi- 
que pour  arriver  à  la  découverte  de  la  vérité  ? 

Si  les  observations  individuelles  les  plus  étendues  et  les 
mieux  étudiées  sont  nécessairement  bornées,  quelle  pro- 
digieuse quantité  d'observations  qui  se  contrôlent  et  se 
complètent  les  unes  par  les  autres  dans  un  ensemble  aussi 
imposant  que  celui  d'une  société  tout  entière  qui  surveille 
et  dirige  ces  intérêts  ? 

On  dit  souvent  :  La  Bourse  est  le  thermomètre  de  l'opi- 
nion publique.  Il  y  a  là  quelque  chose  de  trop  général, 
car  il  n'y  a  personne  qui  n'ait  une  idée  et  une  opinion 
quelconque  au  sujet  des  événements  qui  intéressent  la 
société  tout  entière,  et  que  de  gens  dont  l'opinion  est  très- 
respectable  n'ont  jamais  d'occasion  de  l'exprimer  à  la 
Bourse?  N  a-t-on  pas  vu  souvent  la  Bourse  aller  au 
rebours  de  l'opinion  publique  ?  Mais  qu'il  s'agisse  d'appré- 
cier les  conséquences  plus  ou  moins  favorables  qu'un 
événement  aura  pour  les  intérêts  matériels,  alors  quelle 
sagacité  pour  les  deviner  et  les  interpréter  :  si  les  cour 


ont  monté  à  l'annonce  de  la  défaite  de  Waterloo,  on  ne 
croira  jamais,  en  France,  que  la  Bourse  fût  alors  l'inter- 
prète de  l'opinion  publique;  mais  elle  a  toujours  été  et 
sera  toujours  en  raison  de  l'importance  de  chacun  des 
joueurs  et  spéculateurs,  un  thermomètre  des  plus  sûrs  de 
l'opinion  du  public  qui  la  fréquente. 


8.  —  On  peut  se  faire  une  idée  juste  de  ce  qui  se  passe 
dans  le  cas  où  un  événement  quelconque  est  annoncé,  en 
observant  ce  qui  arriverait  si  un  grand  nombre  de  per- 
sonnes, placées  à  une  certaine  distance  d'un  édifice  élevé 
dont  elles  ne  pourraient  approcher,  étaient  chargées  de 
mesurer  approximativement  de  l'œil  la  hauteur  de  la  base 
au  sommet.  Entre  autres  propriétés  remarquables  four- 
nies par  l'ensemble  des  observations,  il  est  démontré  : 

P  Qu'en  additionnant  toutes  les  évaluations  obtenues, 
et  en  divisant  par  le  nombre  des  observateurs,  on  aura 
une  liauleur  moyenne^  ne  différant  de  la  véritable  hauteur 
que  d'un  écart  moyen,  qui  sera  d'autant  moindre  que  le 
nombre  des  observations  augmentera,  et  diminuera  en 
raison  de  la  racine  carrée  de  cette  augmentation. 

2''  Les  nombres  donnés  par  chacun  des  observateurs  ne 
se  présenteront  pas  au  hasard  et  sans  ordre,  mais  se  grou- 
peront, en  vertu  d'une  certaine  loi,  de  la  manière  la  plus 
symétrique  des  deux  côtés  de  la  valeur  moyenne  ;  si  on 
divisait  en  parties  ég'ales  la  distance  qui  s'étend  de  cette 
valeur  aux  termes  extrêmes,  la  valeur  numérique  de  cha- 
que groupe  irait  sans  cesse  en  diminuant  progressive- 
ment à  mesure  qu'on  s'éloignerait  de  la  valeur  moyenne. 


—  26  — 

Ces  résultats  sont  bien  faits  pour  étonner  les  personnes 
absolument  étrangères  à  ces  sortes  de  questions.  Com- 
ment croire  qu'un  ordre  quelconque  puisse  rég-ner  parmi 
des  éléments  tous  pris  au  liasard.  Comme  cette  donnée  a 
de  l'importance,  nous  essayerons  en  quelques  mots  de 
faire -comprendre  comment  cet  ordre  peut  exister. 

Si  une  personne  entreprend  une  série  d'observations, 
une  série  de  mesures,   s'il   s'agit  de  distances,  qu'elle 
n'obéit  à  aucune  idée  systématique  qui  pourrait  fausser 
tous  les  résultats  dans  un  même  sens,  qu'il  n'y  a  pas  enfin 
de  cause  constante  d'erreur  dans  sa  manière  d'opérer,  et 
que  toutes  les  observations  ou  les  expériences  sont  égale- 
ment bien  faites,  chaque  mesure,  chaque  appréciation, 
isolément,  est  susceptible  d'une  certaine  erreur  g^i  phùS  ou 
en  moins.  Or,  dans  un  grand  nombre  de  mesures,  toutes 
les  combinaisons  de  ces  erreurs  positives  ou  nég-atives  se 
présentent  en  quantités  bien  inégales,  eu  égard  au  nom- 
bre de  chacune.  Pour  prendre  le  cas  le  plus  simple,  s'il  y 
a  deux  mesures,  soit  «,  l'erreur  positive,  et  5,  l'erreur 
négative,  on  aura  les  combinaisons  suivantes  également 
possibles  :  aa,  ab^  la,  II,  et  l'on  voit  qu'il  y  en  a  deux  où 
les  erreurs  se  font  compensation  ;  s'il  y  a  trois  mesures, 
on  aura  :  (naa,  aab,  aba,  laa,  hla^  lai,  all^  lll,  et,  sauf 
les  deux  combinaisons  extrêmes,  toutes  les  autres  don- 
nent une  compensation  entre  deux  erreurs  du  sens  opposé; 
on  trouverait  ainsi,  en  continuant,  que  les  combinaisons 
les  plus  nombreuses  sont  toujours  celles  oi^i  les  erreurs 
positives  et  négatives  se  font  équilibre  ;  de  sorte  que  sur 
un  grand  nombre  de  chances  croissant  d'une  manière 
géométrique  avec  le  nombre  des  mesures,  il  n'y  en  aura 


—  -27  - 

jamais  qu'une  pour  que  tous  les  résultats  soient  faussés 
dans  le  sens  de  l'une  ou  de  l'autre  erreur  exclusivement  ; 
ce  sont  les  coefficients  dans  le  développement  du  binôme 
(<ï+^)'",  où  «  et  ^  représentent  les  deux  sortes  d'erreurs, 
m  le  nombre  des  observations,  qui  indiquent  le  nombre 
des  cliances  de  chaque  combinaison. 

Ce  que  l'on  conçoit  d'une  personne  mesurant  cent  fois, 
mille  fois,  la  même  distance,  peut  se  comprendre  de  cent 
ou  mille  personnes  qui  mesureraient  chacune  ime  fois 
avec  les  mêmes  moyens,  une  distance,  une  hauteur,  un 
édifice. 


9.  — Muni  des  données  précédentes,  et  n'ayant  nul  au- 
tre moyen  de  connaître  au  juste  la  hauteur  de  l'édifice 
ainsi  mesuré,  il  serait  complètement  oiseux  de  se  perdre 
à  ce  sujet  en  calculs  ou  en  supputations  arbitraires  :  nous 
ressemblerions  à  un  homme  qui,  parce  que  le  thermomè- 
tre ne  donne  pas  une  évaluation  absolument  vraie  de  la 
température,  aimerait  mieux  s'en  rapporter  aux  impres- 
sions présentes  et  passagères  qu'il  ressent  du  chaud  et  du 
froid,  mille  fois  plus  inconstantes  et  incertaines. 

Si  cependant,  après  que  chacun  a  fait  une  estimation 
différente  de  la  hauteur  de  l'édifice,  ces  divers  observa- 
teurs étaient  assez  ignorants  ou  assez  fous  pour  trouver 
là  matière  à  spéculation,  n'est-il  pas  clair  que,  selon  que 
chacun  pariera  pour  ou  contre  une  certaine  hauteur,  il 
s'établiera  bientôt  deux  camps  opposés,  également  nom- 
breux, que  la  hauteur  moyenne  qui  formera  la  limite  de 
l'appréciation  de  ces  deux  partis  deviendra  le  sujet  com- 


inun  du  pari,  pour  ou  contre,  que  chacun  de  ceux  qui  au- 
ront fait  une  estimation  mc-dessous^  aura  pour  tenant  un 
de  ceux  qui  ont  fait  une  estimation  aii-dessus,  et  qu'on 
aura  deux  factions  qui  se  distingueront  par  des  noms  dif- 
férents, tels  que  ceux  de  Caissiers  et  haussiers  ? 

Au  milieu  de  tout  cela,  que  fera  l'iiomme  sensé?  Lui 
qui  se  sait  sujet  à  l'erreur,  se  trouvera  heureux  d'avoir  à 
sa  disposition  un  moyen  d'approcher  de  la  vérité  autant 
que  possible,  et  reconnaîtra  sans  difficulté  que  l'appré- 
ciation sur  laquelle  roule  tout  le  débat,  est  par  la  force  et 
la  nature  même  des  choses,  la  plus  approchante  et  la  plus 
exacte  qu'il  puisse  se  procurer. 

Au  lieu  d'une  mesure  phj^sique  ou  extérieure,  on  a  dans 
l'estimation  de  tout  événement,  une  mesure  morale  prise 
du  sens  intime  :  nous  n'avons  pas  l'intention  de  dévelop- 
per ici  cette  idée  que  les  rapports  du  physique  et  du  mo- 
ral sont  plus  intimes  qu'on  ne  croit  (')  :  qu'il  nous  suffise 
d'indiquer  que  tous  les  événements  de  l'ordre  moral,  ceux 
même  où  la  libre  volonté  de  l'homme  joue  le  principal 
rôle,  sont  tout  aussi  bien  prévus,  déterminés  d'avance 
dans  de  certaines  limites  par  la  statistique,  que  les  évé- 
nements amenés  par  le  destin  le  plus  aveugle  :  dans  la 
question  présente,  tous  les  phénomènes  de  l'ordre  phy- 
sique se  représentent,  quoique  plus  difficiles  à  constater  : 
qu'un  événement  futur  et  incertain  d'où  doit  dépendre  un 
fort  mouvement  dans  les  cours  soit  le  produit  de  cent 
causes  différentes,  et  que  chaque  observateur,  au  sujet  de 


(')  Le  moral  n'est  que  le  physique  considéré  sous  certains  points, 
de  vue  plus  particîdicrs.  (Cabanis). 


—  2y  — 

cliacune  de  ces  causes  sur  l'événement  puisse  avoir  à  vo- 
lonté une  opinion  exacte  ou  fausse,  bonne  ou  mauvaise, 
on  peut  être  certain  que  la  compensation  se  fera  de  la 
même  manière  que  s'il  s'ag-issait  pour  chacun  de  répéter 
cent  fois  une  même  opération  mécanique  ;  si  l'un  amoin- 
drit les  conséquences  des  faits,  l'autre  se  plaît  à  les  exa- 
gérer ;  mais  tandis  que  les  appréciations  les  plus  extrêmes 
sont  aussi  les  plus  rares,  la  masse  jug-e  avec  plus  de  calme 
et  de  netteté  ;  quand  nous  accusons  l'opinion  publique, 
nous  nous  accusons  nous-mêmes,  car  en  définitive,  sur- 
tout quand  il  s'agit  d'intérêts  matériels,  le  public  est  son 
meilleur  juge. 

Pourquoi  donc  consent-on  volontiers  à  reconnaître  son 
erreur  dans  certains  cas,  où  il  s'agit  d'une  mesure  physi- 
que, est-il  au  contraire  si  difficile  de  la  reconnaître  dans 
d'autres  où  l'évaluation  est  toute  mortile?  C'est  que  cha- 
cun veut  bien  laisser  mettre  en  question  la  justesse  de 
son  coup-d'œil,  et  que  personne  n'entend  discuter  sur  la 
justesse  de  son  esprit. 


10.  —  En  achetant  ou  vendant  dans  l'espoir  que  les  cours 
iront  en  s'élevantous'abaissant,  le  joueur  entend  par  là  que 
les  cours  sont  au-dessous  ou  au-dessus  de  leur  véritable  m- 
leur  :  car  il  faut  pour  le  déterminer  qu'il  aperçoive  dans 
la  situation  présente  une  cause  de  hausse  ou  de  baisse  dont 
il  n'est  pas  tenu  compte  en  ce  moment.  En  vain  préten- 
drait-il que  ce  n'est  que  dans  des  conséquences  futures  et 
lointaines  qu'il  voit  ces  motifs  de  hausse  ou  de  baisse  ; 
nous  savons  que  ces  conséquences,  si  elles  existent,  sont 


—  30  — 

contenues  dans  le  cours  actuel  ;  or,  si  on  réfléchit  à  ce 
que  veut  dire  le  mot  taleur,  on  verra  que  la  valeur  est  et 
ne  peut  être  déterminée  que  par  le  cours  même,  qu'il  ne 
peut  donc  y  avoir  deux  sortes  de  valeurs,  une  véritable, 
et  une  qui  ne  le  serait  pas,  que  par  conséquent  cette  opi- 
nion si  souvent  exprimée,  que  les  cours  sont  au-dessus  ou 
au-dessous  de  leur  valeur  n'a,  le  plus  souvent,  aucune  si- 
gnification, et  revient  à  cette  autre  proposition^  évidem- 
ment absurde,  que  ce  qui  est  n'est  pas. 

Il  faut  cesser  de  ramener  des  faits  qui  ne  nous  trom- 
pent pas,  à  de  pures  hypothèses  en  dehors  de  la  réalité, 
qui  ne  reposent  que  sur  des  impressions  plus  ou  moins 
fugitives  et  décevantes. 

Cependant,  n'est-il  pas  possible  que  tout  le  monde  se 
trompe  en  même  temps? Mais  alors  où  prendre  la  mesure 
infaillible,  le  critérium  qui  décidera  de  l'erreur?  Ne  voit- 
un  pas  que  si  dans  toute  estimation  physique,  les  causes 
d'erreur  si  nombreuses  font  qu'à  vrai  dire  il  n'existe  au- 
cune mesure  ahsolue,  il  en  est  encore  bien  moins  dans  une 
appréciation  morale  qui  dépend  d'une  si  grande  quantité 
de  causes  physiques  ? 

Nous  pouvons  cependant  admettre  cette  supposition 
comme  possible.  Dans  l'exemple  qui  précède,  nous  avons 
pris  un  certain  nombre  d'observateurs  au  hasard,  chez  les- 
quels par  conséquent  il  n'existe  aucune  prédisposition  à 
l'erreur,  tenant  d'une  cause  constante  et  commune  :  ce- 
pendant l'expérience  nous  prouve  que  les  mêmes  objets 
peuvent  nous  paraître  plus  ou  moins  grands  selon  le  point 
de  vue  où  nous  nous  plaçons  ;  ainsi  un  précipice  profond 
ne  nous  donnera  jamais  une  idée  de  distance  égale  à  celle 


M    - 


d'un  édifice  élevé,  bien  que  l;i  profondeur  de  l'un  et  la 
hauteurdel'autre  comprennentle  même  nombre  de  mètres; 
une  population  de  montagnards,  habituée  à  jug-er  des 
distances  par  les  profondeurs,  donnerait  donc  une  esti- 
mation erronée  de  la  hauteur  de  l'édifice,  et  de  beaucoup 
supérieure  à  la  véritable  ;  et  un  habitant  des  plaines  don- 
nerait une  estimation  qui,  bien  qu'éloignée  de  la  moyenne^ 
serait  cependant  beaucoup  plus  probable. 

De  même  qu'il  y  a  des  préjugés  de  l'esprit  qui  obscur- 
cissent les  principes  les  plus  abstraits  de  la  morale,  il  ptut 
se  rencontrer  dans  la  conformation  des  sens  ou  dans 
l'emploi  habituel  qu'on  en  fait,  certains  défauts  qui  dé- 
naturent les  faits  les  plus  matériels  et  les  plus  vulgaires. 


11.  —  Certes,  nous  ne  croyons  pas  que  les  opinions 
de  la  foule  soient  si  respectables  qu'il  faille  s'y  sou- 
mettre aveuglément  et  sans  conteste  ;  mais  si  ceux-là  qui 
ont  le  courage  de  heurter  de  front  les  préjug'és  du  vul- 
gaire et  devancent  l'humanité  dans  la  voie  du  prog-rès, 
sont  quelquefois  honorés  longtemps  après  leur  mort, ,  ils 
font  de  leur  vivant,  l'histoire  le  prouve  abondamment,  de 
très-mauvaises  affaires  au  point  de  vue  de  la  spéculation. 
C'est  que  les  préjugés  sont  lents  à  déraciner.  Quelle  récom- 
pense pourrait  donc  attendre  le  joueur  qui  ne  travaille  pas, 
que  noue  sachions,  pour  la  postérité,  quand  même  il  lui 
serait  prouvé  que  son  jugement  est  supérieur  à  celui  de 
tout  le  monde  ? 

La  question,  pour  lui,  se  réduit  à  savoir  si  son  compte 
de  liquidation  sera  créditeur,  et  bien  moins  d'être  assuré 


—  :n  — 

(|ue  tous  les  événements  qu'il  prévoit  se  réaliseront  de 
point  en  point,  que  d'être  assuré  que  l'arrivée  de  ces  évé- 
nements produira  sur  les  cours  l'effet  auquel  il  s'attend,  et 
c'est  faute  de  bien  faire  cette  distinction  qu'il  s'expose  à 
tant  de  mécomptes  ;  de  ce  qu'un  fait  a  produit  un  effet 
moindre  ou  opposé  à  celui  qu'il  attendait ,  il  en  conclut 
que  les  conséquences  de  ce  fait  produiront  l'effet  même 
auquel  il  s'attend.  Mais  de  deux  choses  l'une  ;  ou  il  s'a- 
buse sur  les  conséquences  du  fait,  ou  sur  ce  que  produi- 
ront ces  conséquences,  et  l'écart  de  jugement  qui  l'a  fait 
agir  ne  diminuant  pas  pour  cela,  son  opinion  sera  dans 
un  état  constant  de  parallélisme  avec  l'opinion  générale 
dans  toutes  ses  expressions  ;  c'est  pourquoi  les  faux  juge- 
ments dépendant  presque  toujours  de  causes  générales 
qui  en  vicient  l'ensemble  plutôt  dans  un  même  sens,  le 
joueur  est  instinctivement  am.ené  à  se  classer  en  peu  de 
temps  dans  une  des  deux  grandes  catégories,  haussiers 
et  baissiers.  Alors,  quelque  logiques  que  soient  toutes 
ses  conclusions,  il  ressemble  à  un  tireur  qui,  sous  l'in- 
fluence d'une  déviation  constante  de  son  arme,  enver- 
rait toujours  sa  balle  à  un  mètre  au-dessus  ou  au-dessous 
du  but  ;  il  serait  très-adroit ,  et  cependant  on  ne  lui  dé- 
cernerait pas  le  prix. 

Or,  les  préjugés  qui  dirigent  l'esprit  du  vulg'aire  ne  se 
modifient  qu'avec  une  extrême  lenteur,  puisqu'ils  peu- 
vent persister  pendant  des  siècles.  Les  erreurs  en  politique 
ou  en  finances  sont  lentes  à  déraciner,  parce  que  l'éduca- 
tion d'un  pays  ne  se  refait  pas  d'un  jour  à  l'autre.  Certes, 
l'esprit  public  se  trompait  lorsqu'ignorant  les  forces  et 
les  ressources  de  notre  crédit  naissant  il  cotait  à  10  fr. 


—  33  - 

les  consolidés  5  "/^  ;  il  se  trompe  toutes  les  fois  qu'il  se 
laisse  entraîner  aux  exag-érations  puériles  de  la  crainte 
ou  de  l'espérance  ;  mais  comme  c'est  là  une  disposition 
qui  existe,  il  ne  sert  à  rien  delà  méconnaître  ;  si  l'on  veut 
réussir,  il  faut  suivre  le  courant  du  vulg-aire. 

«  Pourquoi,  dit  Pascal,  suit-on  la  pluralité?  est-ce 
à  cause  qu'ils  ont  plus  de  raison  ?  Non,  mais  plus  de 
force  (*).  » 

La  force  est  toute  puissante  à  la  Bourse,  et  il  est  dan- 
g'ereux  d'y  avoir  raison  contre  tous. 

Cependant,  si  les  principes  vrais  ou  faux  qui  dirigent 
l'économie  sociale  en  matière  de  crédit  public  peuvent 
être,  dans  la  pratique  de  la  spéculation  au  jour  le  jour, 
regardés  comme  immuables,  ces  principes  se  modifiant 
lentement  et  toujours  progressivement,  il  doit  arriver  que 
le  même  événement,  dans  des  circonstances  exactement 
semblables,  mais  à  des  intervalles  de  temps  très-éloignés, 
ne  produira  plus  le  même  effet;  de  même  qu'il  produirait 
à  la  fois  des  effets  dissemblables  sur  le  crédit  de  deux  pays 
différents;  d'où  nous  tirons  dès  à  présent  la  notion  de 
deux  sortes  de  mouvements  très-distincts  dans  les  varia- 
tions de  la  valeur  :  le  premier,  résultant  de  la  mobilité 
perpétuelle  des  événements  présents,  le  second,  résultant 
de  circonstances  beaucoup  moins  actives  ;  le  premier,  sous 
l'effet  de  causes  purement  accidentelles,  le  second,  sous 
l'effet  de  causes  constantes.  Cette  distinction  nous  sera 
très-nécessaire  par  la  suite. 


(')  Pensées,  art.  5,  paragr.  ;j. 


—  34  — 

12.  —  A  la  Bourse,  tout  le  mécanisme  du  jeu  se  résume 
donc  en  deux  chances  contraires  :  la  Tiausse  et  la  baisse. 

L'une  et  l'autre  peuvent  toujours  se  présenter  avec  une 
égale  facilité. 

Car  si  l'une  des  deux  chances  se  présentait  plus  facile- 
ment ou  plus  souvent  que  l'autre,  on  verrait  le  cours  de 
toutes  les  valeurs,  sollicité  dans  un  même  sens,  aug-menter 
ou  diminuer  indéfiniment,  tandis  que  l'on  voit  en  général 
la  moyenne  des  cours  rester  sensiblement  la  même,  et  la 
valeur,  dans  ses  variations,  graviter  autour  d'un  certain 
centre  presque  invariable,  tantôt  au-dessus,  tantôt  au- 
dessous. 

A  quelque  moment  que  ce  soit,  il  n'y  a  jamais  plus 
d'avantages  pour  une  chance  que  pour  une  autre  ;  et, 
dansTig-norance  où  nous  sommes  de  l'effet  futur,  il  est 
absolument  indifférent  de  parier  poicr  ou  contre^  de  se 
placer  dans  un  sens  plutôt  que  dans  un  autre,  d'acheter 
plutôt  que  de  vendre,  de  vendre  plutôt  qu'acheter. 

Jouer  à  la  hausse  ou  à  la  baisse  revient  donc  à  jouer  à 
pile  ou/ace. 

Toute  la  différence  consiste  en  ce  que  les  chances  sont 
déterminées  àjjriori  au  jeu  de  pile  ou  face,  ce  qui  fait 
qu'on  n'y  voit  jamais  par  avance  "une  plus  grande  pos- 
sibilité d'amener  l'un  ou  l'autre  côté  de  la  pièce. 

Mais  on  pourrait  très-bien  remplacer  la  pièce  de  mon- 
naie qui  sert  au  jeu  par  une  urne  remplie  de  boules  blan- 
ches ou  noires  en  égales  quantités,  oîi  les  boules  tirées 
seraient  remises  pour  que  les  conditions  restassent  les 
mêmes  à  tout  coup. 

N'est-il  pas  évident  que  la  composition  de  l'urne  n'é- 


—  3ri  - 

tant  connue  que  par  la  succession  des  tirages,  on  peut 
toujours  supposer  une  certaine  inégalité  entre  les  deux 
couleurs,  malgré  le  grand  nombre  de  boules  tirées  et 
l'égalité  presque  parfaite  des  couleurs  entre  ces  boules? 

Il  est  une  catég'orie  de  joueurs  qui  n'ont  pas  plus  de 
prédilection  pour  telle  variété  de  jeu  que  pour  telle  autre. 
Le  trente  et  quarante  et  la  roulette  étant  supprimés, 
ceux-là  se  sont  rabattus  sur  la  Bourse;  la  hausse  et  la 
baisse  ont  remplacé  pour  eux  la  roiige  et  la  noire,  et  ils 
ne  se  livrent  pas  en  général  à  de  liantes  combinaisons 
pour  spéculer. 

Ce  qui  rend  la  Bourse  si  séduisante  et  si  perfide,  c'est 
que  presque  toujours  le  joueur  est  convaincu  que  l'état 
d'égalité  des  cbances  n'y  est  pas  absolu,  que  son  habileté 
ou  son  expérience  ont  plus  de  part  que  le  hasard  aux  dé- 
cisions du  sort  ;  tous  les  intérêts  si  élevés  qui  touchent  à 
la  fortune  publique  et  à  ses  variations  sont  d'ailleurs  un 
sujet  d'étude  agréable  que  chacun  se  flatte  de  connaître 
et  d'apprécier  mieux  que  personne;  le  joueur  fait  mieux 
qu'exprimer  une  opinion,  il  la  traduit  dans  le  langage  des 
faits;  rien  ne  l'empêche  de  se  croire  une  puissance  dans 
l'Etat. 

C'est  pourquoi  il  n'est  personne,  du  plus  grand  au  plus 
mince  spéculateur,  qui  ne  se  croie  en  état  de  prophétiser 
à  tout  moment  la  hausse  ou  la  baisse,  de  donner  en  toute 
occasion  un  avis  important  et  dogmatique.  Quelqu'un  qui 
n'aurait  aucun  sentiment  au  sujet  de  la  hausse  ou  de  la 
baisse  à  venir  le  lendemain  et  ferait  profession  de  dou- 
ter, donnerait  aux  habitués  de  la  Bourse  une  triste  opinion 
de  son  esprit. 


—  36  — 

Si  on  réfléchit  à  la  facilité  avec  laquelle  l'homme  est 
porté  à  s'excuser  de  ses  erreurs,  à  tirer  vanité  de  ses  suc- 
cès, à  se  tromper  sur  des  efiFets  qu'il  confond,  on  ne  peut 
être  surpris  de  la  persistance  de  certains  préjugés  qui  tou- 
chent à  r amour-propre. 

Combien  attribuent  à  de  savantes  combinaisons  le  suc- 
cès qui  n'est  que  l'œuvre  du  hasard  !  Combien  échouent , 
au  contraire,  malgré  toutes  les  qualités  d'observation  qui, 
dans  un  meilleur  emploi,  les  feraient  réussir  partout 
ailleurs  ! 


13.  Toutes  les  illusions  si  persistantes  des  joueurs  à  ce 
sujet  peuvent  se  rapporter  à  deux  espèces  de  causes  prin- 
cipales : 

P  L'énumération  inexacte  ovi  incomplète  de  toutes  les 
chances. 

Le  cours  d'une  valeur  étant  nécessairement  déterminé 
par  un  certain  nombre  de  causes  agissantes,  l'imagina- 
tion du  joueur  donne  de  l'exagération  à  une  cause  et  en 
amoindrit  une  autre  ;  change  par  conséquent  les  rapports 
qui  unissent  les  causes  entre  elles,  en  découvre  de  nou- 
velles ou  en  néglig-e  complètement  quelques-unes,  par 
ignorance  ou  défaut  de  jugement. 

Nous  trouvons  dans  Laplace  (*)  un  exemple  qui  fera 
comprendre  ce  genre  d'illusion. 

«  Une  urne  renferme  quatre  boules  noires  ou  blanches, 
mais  qui  ne  sont  pas  toutes  de  la  même  couleur.  On  a 
extrait  une  de  ces  boules,  dont  la  couleur  est  blanche,  et 

(1)  Essai  philosophique  Sîir  les  probabilités,  édit.  1810,  page  203. 


—  3-/  — 

que  l'on  a  remise  dans  l'urne  pour  procéder  encore  à  de 
semblables  tirages.  On  demande  la  probabilité  de  n'ex- 
traire que  des  boules  noires  dans  les  quatre  tirages  sui- 
vants. » 

Avant  le  tirage,  comme  on  peut  admettre  égalité  entre 
les  couleurs,  c'est-à-dire  deux  boules  blanches  et  deux 
boules  noires,  supposition  parfaitement  légitime  dans 
l'ignorance  oii.  l'on  est  de  la  véritable  composition  de 
l'urne,  il  doit  y  avoir  une  probabilité  de  -  pour  l'extrac- 
tion d'une  boule  noire  et  de  -  ou  -  pour  l'extraction 
de  quatre  boules  noires  successivement. 

Le  tirage  d'une  boule  blanche  nous  indique  une  supé- 
riorité dans  le  nombre  des  boules  blanches  de  l'urne  ;  il 
semble  donc  que  le  tirage  de  quatre  boules  noires  succes- 
sivement doive  avoir  une  probabilité  inférieure  à  -. 

Cependant  il  n'en  est  pas  ainsi,  car  si  on  énumère  les 
différentes  hypothèses  et  qu'on  fasse  le  produit  de  la  pro- 
babilité de  chacune  par  la  probabilité  que  si  elle  existe 
l'événement  futur  aura  lieu  (parag.  2),  on  trouve  la  pro- 
babilité d'amener  quatre  boules  noires  de  suite  plus 
grande  qu'un  quatorzième. 

Ce  paradoxe  s'explique  en  considérant  que  d'après  l'é- 
noncé du  problème,  si  on  a  retiré  une  boule  blanche,  l'hy- 
pothèse que  les  trois  boules  restantes  sont  blanches  de- 
vient impossible,  et  que  celle  que  ces  trois  boules  sont 
noires  subsiste  toujours ,  et ,  bien  que  peu  probable , 
elle  augmente  néanmoins  la  probabilité  d'amener  de  suite 
quatre  boules  noires. 

2'  L'indépendance  prise  pour  la  dépendance  des 
causes. 


Il  est  certain  que  quand  je  joue  à  pile  ou  face,  chaque 
coup  est  complètement  indépendant  des  précédents,  ou 
du  moins  n'a  pas  de  dépendance  appréciable  ;  de  sorte 
que  si  j'avais  amené  face  trois  ou  quatre  fois  de  suite,  il 
n'y  aurait  jamais  qu'une  probabilité  égale  d'amener  pile 
au  coup  suivant;  cependant,  l'esprit  du  joueur,  sous  le 
coup  des  événements  qui  viennent  de  le  frapper,  tend  à 
amener  une  dépendance  entre  tous  les  coups  qui  se  sui- 
vent et  croira  d'avantage  à  l'arrivée  de  pile  après  un 
certain  nombre  de  coups  qui  auront  donné  face  ;  tandis 
que  l'on  démontrerait  facilement  que  s'il  y  a  quelque  iné- 
galité dans  les  cliances,  cette  inégalité,  au  contraire,  est 
favorable  à  l'arrivée  de  face  une  nouvelle  fois  au  coup 
suivant. 

De  même  à  la  Bourse,  le  joueur  est  toujours  tenté  de 
conjecturer  ce  qui  doit  arriver  d'après  ce  qui  est  arrivé, 
de  sorte  qu'après  trois  ou  quatre  jours  de  baisse,  il  croira 
plus  volontiers  à  la  hausse  le  jour  suivant,  ou  d'autres 
fois  y  verra,  au  contraire,  un  motif  pour  la  continuation 
du  mouvement,  bien  qu'après  tout  il  y  ait  complète  indé- 
pendance entre  ces  divers  effets. 


14.  —  Dans  tout  jeu  égal,  le  joueur,  quelque  système 
qu'il  suive,  ne  peut  jamais  acquérir  une  probabilité  plus 
forte  de  g-ain  qu'à  la  condition  de  diminuer  son  g*ain; 
par  contre,  iln'3  peut  augmenter  l'importance  de  son  gain 
éventuel  qu'à  la  condition  de  diminuer  ses  chances  de 
gain,  le  produit  qu'on  obtient  en  multiplant  le  gain  pos- 
sible par  la  probabilité  du  gain  devant  toujours  être  égal 


—  39  — 

à  celui  qu'on  obtient  en  multipliant  la  perte  possible  par 
la  probabilité  de  la  perte. 

Si  le  jeu  est  inég-al,  les  produits  de  la  perte  et  du  gain 
par  leurs  probabilités,  doivent  de  même  toujours  être 
identiques.  Tout  ce  que  le  joueur  peut  faire,  c'est  de 
changer  le  rapport  des  termes,  c'est  d'accroître  à  volonté 
l'un  des  facteurs  de  chaque  produit  constant  aux  dépens 
de  l'autre  facteur.  Toute  progression  montante  ou  des- 
cendante dans  le  montant  des  mises,  toute  combinaison 
pour  l'entrée  ou  la  sortie  au  jeu,  n'ont  jamais  le  pouvoir 
de  changer  les  conditions  primitives  d'un  jeu. 

Certain  auteur  (')  soutient  que  la  principale,  la  plus 
importante  maxime  à  observer  pour  gagner  de  l'argent  à 
la  Bourse  est  de  savoir  réaliser  une  inerte,  c'est-à-dire  de 
liquider  immédiatement  une  opération  dès  qu'on  s'aper- 
çoit qu'elle  est  mal  eng*agée.  N'est-il  pas  évident  que  si, 
par  ce  système,  on  liquide  des  pertes  dix  fois  moindres, 
on  en  liquidera  dix  fois  plus  ?  et  que  le  seul  résultat  aura 
été  de  payer  dix  fois  plus  de  courtages  ? 

A  la  Bourse,  il  n'y  a  aucune  théorie  absolue  que  celle 
qui  se  contente  de  rester  à  l'état  de  théorie  pure  ;  il  n'est 
pas  plus  juste  de  dire  que  le  grand  secret  est  d'acheter 
en  baisse  et  de  vendre  en  hausse,  car  la  hausse  et 
la  baisse  sont  entièrement  relatives ,  et  le  secret ,  si 
simple  qu'il  paraisse ,  restera  toujours  un  problème 
difficile  à  résoudre;  peu  importe  pour  le  joueur  cette 
vérité  vulg-aire  qu'avec  de  la  patience  tous  les  cours  se  re- 
voient, car  il  faut  qu'ils  se  revoient  à  temps  ;  l'essentiel 

(I)  M.  Calemard  de  la  Fayette,  Guide  du  client  à  la  Bourse. 


—  40  ~ 

n'est  pas  de  savoir  si  on  peut  gagner,  mais  si  l'on  gagne. 

Ceux-ci,  haussier  ou  baissier  systématiques,  ont  pour 
principe  de  se  faire  des  moyennes  ou  des  communes  f-qu  on 
baisse  sur  un  premier  achat,  le  haussier  continuera  d'a- 
cheter sans  relâche;  qu'on  monte  sur  une  première  vente, 
le  baissier  vendra  dix  fois  de  suite  s'il  le  faut  ;  mais  s'ils 
gagnent  chacun  un  léger  bénéfice  sur  la  dernière  affaire, 
ils  perdent  sur  toutes  les  précédentes  ;  celui-là  a  pour  sys- 
tème les  arbitrages  :  il  achète  une  valeur  et  en  vend  une 
autre  au  même  instant  ;  le  bénéfice  réalisé  d'un  côté  est 
absorbé  par  la  perte  essuyée  de  l'autre  côté;  celui-ci  m^ïr- 
tingale,  il  double  toujours  ses  opérations  sur  un  bénéfice 
acquis;  cet  autre  emploie  le  même  système,  mais  en  sens 
inverse  :  il  achète,  la  baisse  arrive,  vite  il  se  retourne 
et  vend  le  double  ;  qu'on  vienne  à  remonter,  il  rachètera 
au  quadruple  ;  l'un  ne  saura  qu'acheter  des  primes,  un 
autre  en  vendra  toujours  ;  celui-ci  attendra  toujours  pour 
acheter  qu'un  mouvement  de  hausse  se  soit  déjà  pro- 
duit, celui-là  se  mettra,  au  contraire,  en  travers  du  mou- 
vement, etc. 

Toutes  les  combinaisons  les  mieux  raisonnées,  toutes 
les  théories  les  plus  savantes,  tous  les  traités  les  mieux 
écrits  sur  l'art  de  guider  le  joueur  à  la  Bourse  ne  pourront 
jamais  assurer  un  centime  de  bénéfice  au  joueur. 

Le  jeu  n'a  rien  à  démêler  avec  la  connaissance  du  cœur 
humain  et  des  lois  économiques  qui  régissent  une  so- 
ciété (')  ;  ce  n'est  pas  l'art  de  ravir  au  hasard  tout  ce  qu'il 
est  possible  de  lui  enlever,  à  moins  que  cette  expression 

(1)  Des  02H'rations  de  Bourse,  par  Courtois,  i/age  67. 


—  M  — 

lie  soit  un  euphémisme  pour  signifier  des  moyens  frau- 
duleux et  illicites. 

Toutes  ces  déclamations  pompeuses  sur  le  rôle  de  la 
spéculation,  sur  ses  prétendus  services,  en  tant  qu'elles 
s'appliquent  au  jeu,  ne  sont  que  billevesées  et  lieux  com- 
muns destinés  ou  à  caresser  la  crédulité  des  nris,  ou  à 
masquer  la  supercherie  des  autres. 


15.  Il  n'y  a  qu'une  seule  manière  de  réaliser  des  béné- 
fices certains  à  la  Bourse  :  c'est  de  n'opérer  que  sur  des 
données  sûres  et  inconnues  du  public,  de  posséder  le 
secret  de  certains  événements  assez  importants  pour 
exercer  une  influence  considérable  sur  les  cours.  Mais 
pour  l'immense  majorité  du  public,  qui  ne  dispose  d'aucun 
de  ces  renseignements  accessibles  au  petit  nombre,  qui 
n'est  admis  dans  aucun  de  ces  cénacles  où  s'élaborent  les 
grandes  décisions  politiques  et  financières,  c'est  là  une 
première  cause  d'inégalité  toute  à  son  préjudice  à  laquelle 
il  lui  est  impossible  de  se  soustraire  par  aucun  mo3^en. 

Dans  tous  les  jeux  de  hasard  qui  comprennent  deux 
chances  contraires,  l'égalité  relative  résulte  précisément 
de  la  faculté  pour  le  joueur  de  choisir  l'une  ou  l'autre 
chance  à  volonté  :  ces  deux  conditions  sont  d'ailleurs  in- 
dissolubles, car  si  une  des  deux  chances  offrait  un  peu  plus 
d'avantage  que  l'autre,  c'est  celle-là  que  l'on  choisirait  à 
tout  coup. 

A  la  Bourse,  il  n'y  a  aussi  que  deux  chances  con- 
traires; et  de  ce  que  l'on  croit  en  soi  à  un  libre  arbitre 
qui  permet  de  choisir  indistinctement  l'une  ou  l'autre,  on 


—  42  - 

eu  conclut  à  la  parité  des  chances  ;  cependant,  l'action 
d'acheter  ou  de  vendre  est  toujours  déterminée  par  cer- 
tains mobiles  que  l'on  peut  nier,  parce  qu'ils  sont  souvent 
comme  insensibles,  mais  qui  n'en  existent  pas  moins. 
Est-ce  que  si  les  trois  ou  quatre  mille  personnes  qui  fré- 
quentent journellement  la  Bourse  y  venaient  toutes  un 
jour  avec  la  ferme  volonté  d'acheter,  la  chose  ne  serait 
pas  matériellement  impossible  ?  Pour  acheter,  il  faut  des 
vendeurs.  On  dira  que  le  changement  des  cours,  que  la 
hausse  qui  résultera  nécessairement  d'une  telle  situation 
changeront  la  résolution  d'une  partie  des  spéculateurs  qui 
étaient  venus  avec  l'intention  d'acheter  :  ce  sont-là  juste- 
ment les  principaux  mobiles  qui  modifieront  la  résolution 
primitive  de  chacun,  mais  il  faudra  forcément  qu'une 
partie  des  acheteurs  élève  de  plus  en  plus  le  niveau  des 
demandes,  que  d'autres,  ne  voulant  pas  monter  jusqu'à 
ce  niveau,  ne  le  trouvant  pas  d'ailleurs  suffisant  pour 
vendre,  s'abstienne  de  toute  action,  enfin,  que  d'autres 
se  constituent  vendeurs. 

Cependant,  les  mobiles  qui  agissent  en  cette  circons- 
tance sur  la  volonté  de  chacun  ne  sont  pas  les  mêmes,  car 
si  dans  l'hypothèse  même  qui  nous  sert  de  point  de  départ, 
quelques-uns  des  spéculateurs  qui  sont  venus  dans  l'inten- 
tion d'acheter,  ont,  à  l'insu  de  tous  les  autres,  la  connais- 
sance d'une  nouvelle  qui  doit  amener  une  hausse  consi- 
dérable, cette  raison  principale  triomphera  indubitable- 
ment de  toutes  les  raisons  secondaires  qui  déterminent 
une  certaine  partie  des  spéculateurs  à  se  constituer  ven- 
deurs. 

Voilà  donc  une  partie  que  l'on  croyait  égale,  qui  très- 


—  43  — 

souvent  n'est  tenue  que  si  elle  doit  être  désavantageuse. 

Les  théoriciens  de  la  Bourse  raisonnent  très-habile- 
ment dans  leurs  systèmes,  parce  que,  en  théorie,  toutes 
opérations  sont  possibles  sans  contreparties,  mais  à  la 
Bourse,  il  }'  a  loin  de  la  théorie  à  l'exécution. 

Qui  n'a  jamais  fait  cette  remarque  si  simple,  que  sur 
cinquante  ordres  qui  n'ont  pas  été  exécutés  comme  im- 
possibles, il  n'en  est  peut-être  pas  un  seul  qui,  exécuté, 
n'eût  produit  du  bénéfice,  et  qui  par  conséquent  n'eût  été 
exécuté  s'il  eût  dû  produire  de  la  perte? 


16.  —  A  la  Bourse,  il  ne  suffit  donc  pas  de  donner  un 
ordre  et  dire  en  reg-ardant  la  cote  :  j'achète  ou  je  vends 
à  tel  cours,  ainsi  qu'on  dirait  au  trente-et-quarante  :  je 
pose  sur  la  rouge ,  ou  je  pose  sur  la  noire  :  il  arrive  très- 
souvent  que  le  joueur  est  forcé  de  manquer  son  opération, 
dans  le  cas  où  elle  serait  bonne,  ou  enfin  de  payer  un  prix 
trop  élevé,  de  donner  h  un  prix  trop  bas,  s'il  tient  à  la 
conclure  ;  ce  qui ,  bien  que  l'opération  ne  soit  pas  tou- 
jours liquidée  avec  perte,  n'en  constitue  pas  moins  une 
perte  très-réelle. 

Le  dommage  qui  résulte  de  cette  situation  pour  le 
joueur  est  évidemment  en  raison  de  l'importance  de  cette 
petite  minorité  influente  qui  le  trompe,  ou  plutôt  delà 
quantité  de  ses  opérations ,  par  rapport  à  la  masse  totale. 
Toutes  choses  égales  d'ailleurs,  les  chances  défavora- 
bles sont  donc  beaucoup  moindres  dans  un  marché  très- 
large,  dont  le  courant  d'aftaires  est  très-étendu,  et  elles 


augmentent  en  proportion  dans  un  marché  restreint,  et 
surtout  impressionnable. 

Il  serait  assez  difficile  d'estimer  dans  un  cas  particulier 
quelle  peut  être  la  part  prélevée  de  cette  manière  sur  le 
public  ;  mais  si  on  remarque  que  le  nombre  de  ces  opéra- 
tions, faites  dans  le  but  d'exploiter  la  connaissance  d'une 
cause  précise,  encore  inconnue  du  public,  doit  être  en 
raison  directe  de  l'importance  de  cette  cause,  on  peut 
admettre  que  la  part  est  à  peu  près  la  même  dans  tous  les 
cas,  et  que  c'est  là  en  quelque  sorte  un  impôt  obligé, 
proportionnel  à  la  totalité  des  transactions  de  chacun, 
une  espèce  de  courtage  occulte  qui  grève  les  affaires. 

Rigoureusement,  il  est  toujours  possible  d'acheter  et 
de  vendre  à  la  Bourse,  en  élevant  le  prix  des  demandes 
ou  abaissant  celui  des  offres  ;  mais  la  différence  entre  les 
prix  déterminés  par  une  concurrence  loyale  et  une  con- 
currence déloyale  est  aussi  toujours  au  préjudice  du  spé- 
culateur. 

L'illusion  des  joueurs  au  sujet  de  cette  cause  certaine 
d'inégalité  n'est  pas  facile  à  dissiper  ;  cela  tient  surtout, 
croyons-nous,  à  ce  que  l'effet  n'est  pas  toujours  produit 
dans  le  même  sens,  que  c'est  tantôt  dans  l'un,  tantôt  dans 
l'autre,  que  les  probabilités  de  perte  deviennent  plus  con- 
sidérables. 

Mais  cette  illusion  ressemble  à  celle  du  joueur  qui, 
ayant  affaire  à  un  adversaire  muni  d'une  pièce  différente 
dans  chacune  de  ses  poches ,  dont  l'une  serait  préparée 
pour  retomber  ^wv^ile^  et  l'autre  pour  retomber  ^uvface^ 
ne  s'apercevrait  que  d'une  chose,  c'est  qu'il  lui  est  loisible 


—   /i.H  — 


(le  choisir  indifféremment  pile  ou  face,  et  se  verrait  perdre 
à  tout  coup,  sans  pouvoir  en  deviner  la  cause. 

Malheureusement,  à  la  Bourse,  on  ne  connait  jamais 
son  adversaire,  et  quand  on  perd  de  cette  façon,  on  ne 
peut  s'en  prendre  à  personne. 

Le  fonctionnaire  qui  trafique  de  sa  position  et  des  se- 
crets de  l'Etat,  l'administrateur  qui  trouve  moyen  de 
dérober  aux  actionnaires  plus  que  l'intérêt  qu'il  leur  paye, 
toutes  les  turpitudes  sont  à  couvert  sous  ce  voile  com- 
mode et  mystérieux  de  l'anonyme,  qu'on  qualifie  de  secret 
nécessaire,  de  garantie  indispensable  des  transactions. 


17.  —  Cette  première  cause  d'inégalité  dans  des  chan- 
ces que  l'on  croirait  égales,  n'est  cependant  ni  la  seule, 
ni  la  plus  importante  :  ce  qui  contribue  surtout  à  établir 
l'inégalité,  c'est  le  droit  de  transmission  ou  de  courtage 
prélevé  sur  toute  opération. 

Dans  l'impossibilité  de  donner  une  estimation  même 
approximative  de  ce  que  représente  la  première  de  ces 
deux  causes,  comme  elle  n'est  jamais  que  supposée  et  non 
certaine,  nous  n'aurons  égard,  dans  ce  qui  va  suivre,  qu'à 
la  seconde,  dont  les  effets  sont  autrement  évidents. 

Il  n'y  a  pas  un  seul  jeu  de  hasard  qui  ne  présente  dès 
le  principe  quelque  inégalité  résultant  d'un  droit  fixe  et 
déterminé  payé  au  banqider  ;  puisque  les  affaires  de  jeu 
n'ont  jamais  été  officiellement  reconnues  à  la  Bourse,  le 
droit  de  courtage,  prélevé  par  des  agents  officiels,  consi- 
déré comme  la  commission  d'une  transmission  réelle  de 
valeurs,  devait,  ce  nous  semble,  être  le  même  dans  toutes 


—   46  — 

]es  circonstances  ;  mais,  chose  étrange,  pour  se  plier  aux 
habitudes  dçs  joueurs,  pour  leur  permettre  d'opérer  plus 
souvent,  ce  droit  a  été  abaissé  sur  la  rente,  et  fixé  à  20  fr. 
par  1  500  de  r^^  :  on  a  fait  la  concession  d'un  courtage 
pour  les  affaires  liquidées  dans  une  même  bourse,  quel- 
quefois des  remises.  Le  courtage  est,  avant  tout,  le  droit 
d'une  simple  banque  de  jeu. 

Tous  les  événements  qui  se  succèdent  au  jeu  et,  en  fin 
de  compte,  la  balance  des  pertes  et  des  gains  sont,  à  la 
Bourse  comme  à  tous  les  jeux  de  hasard,  la  conséquence 
unique  du  développement  des  chances  favorables  et  défa- 
vorables, déterminées  par  le  droit  de  banque.  Il  est  donc 
très-important  de  fixer  le  rapport  de  ces  chances,  et  pour 
une  somme  que  l'on  peut  gag-ner,  quelle  est  la  somme 
correspondante  que  l'on  risque  de  perdre. 

Lorsque  Sauveur  donna  en  1679  l'analyse  et  le  rapport 
des  chances  du  jeu  alors  à  la  mode,  la  bassette,  beaucoup 
de  personnes  qui  jusque  là  avaient  été  persuadées  que  ce 
jeu  était  celui  qui  leur  offrait  le  plus  d'avantages,  le  dé- 
laissèrent aussitôt,  ou  en  choisirent  d'autres  où  le  bé- 
néfice du  banquier  leur  portait  moins  de  préjudice.  Ce  que 
le  gouvernement  avait  essa^^é  inutilement  par  une  foule 
de  décrets,  se  trouva  résolu,  et  si  le  jeu  ne  fut  pas  détruit, 
il  fit  moins  de  victimes.  Cette  étude  est  donc  intéressante, 
quand  ce  ne  serait  que  pour  montrer  aux  joueurs  quel  est 
le  jeu  qui  leur  présente  le  moins  de  désavantage. 

A  la  roulette,  au  trente-et- quarante,  dans  une  foule  de 
jeux  de  hasard  aujourd'hui  tombés  en  désuétude  pour  la 
plupart,  le  rapport  des  chances  a  pu  être  assez  facilement 
déterminé,  parce  qu'il  est  constant  et  ne  varie  jamais  ;  ce 


—  47  - 

(|ui  disting'ue  la  Bourse,  c'est  que  le  rapport  des  chances 
du  jeu  y  est  essentiellement  variable. 

Le  droit  de  courtage  qui  modifie  ces  cliances,  est  tantôt 
fixe  comme  sur  la  rente,  tantôt  variable  en  raison  du  capi- 
tal des  valeurs  négociées;  ensuite  ce  capital  est  presque 
entièrement  fictif.  En  réalité,  tout  se  réduit  pour  le  joueur 
à  une  diférence  entre  un  prix  d'achat  et  un  prix  de  vente  : 
c'est  cette  différence  qui  forme  le  véritable  enjeu  qu'il  se 
propose  de  perdre  ou  gagner,  augmenté  ou  réduit  du 
courtage  selon  l'un  ou  l'autre  cas.  Or,  il  n'y  a  aucun  rap- 
port apparent  entre  le  courtage  tel  qu'il  est  prélevé  et  la 
différence  de  gain  ou  de  perte  qu'une  opération  peut  pré- 
senter. 

Il  ne  serait  pas  impossible  de  prélever  le  courtage  sur 
la  différence  réalisée  entre  l'acliat  et  la  vente,  en  le  fixant 
par  exemple  à  20  p.  "/o  de  cette  différence,  ce  qui,  tout  en 
paraissant  énorme,  correspondrait  assez  bien  au  droit  ac- 
tuel quant  à  son  produit  ;  il  est  vrai  qu'un  droit  prélevé 
de  la  sorte  serait  profondément  immoral,  puisque  tout  en 
donnant  une  sanction  officielle  aux  affaires  de  jeu,  il  se- 
rait pris  au  détriment  de  ceux  qui  font  peu  d'affaires  au 
profit  de  ceux  qui  en  font  journellement,  et  n'aurait  d'au- 
tre effet  que  de  surexciter  au  dernier  point  la  spéculation 
à  terme,  mais  il  aurait  du  moins  l'avantage  de  simplifier 
singulièrement  la  science  de  la  Bourse. 


18.  —  Après  y  avoir  mûrement  réfléchi,  nous  avons 
reconnu  l'impossibilité  de  prendre  un  rapport  unique  en- 
tre le  gain  et  la  perte  que  présentent  les  opérations  de 


Bourse,  et  c'est  dans  les  différentes  manières  dont  se  li- 
quide le  spéculateur,  dans  le  temps  qu'il  consacre  habi- 
tuellement à  la  liquidation  de  ses  affaires,  que  nous  avons 
enfin  trouvé  une  base  certaine  pour  fixer  le  rapport  des 
pertes  et  des  gains  que  ses  spéculations  doivent  inévita- 
blement présenter. 

Expliquons-nous  :  lorsqu'un  spéculateur  eng-age  une 
affaire,  il  n'est,  le  plus  souvent,  nullement  décidé  à  la  li- 
quider précisément  à  tel  jour  et  à  telle  heure  ;  ce  qui  l'in- 
fluence surtout,  c'est  le  bénéfice  ou  la  perte  que  l'opération 
présentera  à  un  moment  quelconque,  toujours  indéterminé 
d'avance  ;  selon  son  caractère  et  ses  habitudes,  il  se  con- 
tentera de  réaliser  à  peu  près  tel  bénéfice,  et  il  suffira  de 
telle  perte  pour  le  déterminer  à  se  liquider.  Mais  bien 
qu'en  agissant  de  la  sorte,  il  puisse  rester  plus  ou  moins 
longtemps  sans  engager  d'affaires,  qu'il  n'y  ait  aucune 
régularité  apparente  dans  les  espaces  de  temps  nécessai- 
res à  amener  l'écart  de  liquidation  qui  lui  convient,  il 
serait  indifférent  pour  lui  de  remplacer  l'écart  fixe,  qu'il 
recherche  entre  ses  prix  d'achat  ou  de  vente,  par  un 
certain  temps  ég'al  entre  chacune  de  ses  opérations  et 
sa  liquidation,  bien  que,  de  cette  manière,  il  n'ait  plus 
que  des  différences  irrégulières,  tantôt  plus  fortes,  tantôt 
plus  faibles. 

Il  y  a  donc  une  certaine  relation  entre  la  différence  pré- 
sentée par  une  opération  lorsqu'elle  se  liquide,  et  le  tem'ps 
donné  à  sa  liquidation.  Mais  quelle  est  cette  relation  ? 
C'est  ce  que  nous  allons  chercher. 


~  49  — 

19.  —  Si  ou  suit  attentivement  les  variations  de  la 
Bourse  pendant  une  très-longue  période  de  temps,  en 
commençant  par  relever  le  cours  d'une  valeur  à  un  très- 
grand  nombre  de  dates  prises  indifféremment,  en  calcu- 
lant ensuite  l'écart  de  prix  entre  ces  cours  et  les  cours 
correspondants  à  une  époque  ég*alement  éloignée  de  cha- 
cune de  ces  dates,  à  un  mois  de  distance,  par  exemple, 
qu'on  recommence  plusieurs  fois  de  suite  la  même  expé- 
rience, on  obtiendra  toujours  des  sommes  d'écarts  ou  des 
moyennes  sensiblement  ég-ales.  De  sorte  que  différents 
spéculateurs  qui  se  seraient  invariablement  conformés  h 
ce  principe,  de  toujours  mettre  un  mois,  ou  en  général  un 
intervalle  de  temps  égal  entre  cliacune  de  leurs  affaires  et 
sa  liquidation,  et  qui  auraient  spéculé  très -longtemps, 
chacun  de  son  côté,  seraient  tous  arrivés  au  même  résultat, 
auraient  obtenu  en  moyenne  des  différences  ég-ales  entre 
leurs  prix  d' achats  et  leurs  prix  de  ventes.  On  peut  en 
conclure  que  les  écarts  sont  égatùx  j^oitr  des  ternes  égaux. 

Si,  en  second  lieu,  on  suit  les  différences  ou  les  écarts 
entre  deux  périodes  plus  rapprochées,  comme  à  quinze 
jours  de  distance,  on  s'aperçoit  que  la  moyenne  de  ces  nou- 
veaux écarts  est  plus  faible  que  la  première. 

Si  on  suit  les  écarts  à  une  période  encore  plus  rappro- 
chée, comme  tous  les  huit  jours,  la  moyenne  est  encore 
plus  faible  que  la  seconde. 

En  diminuant  les  périodes  de  temps,  comme  à  5  jours, 
3  jours,  2  jours  de  distance,  ouenlîn  d'une  bourse  sur  l'au- 
tre, les  moyennes  d'écart  vont  constamment  en  diminuant. 

Par  conséquent,  les  écarts  ront  en  diminuant  pour  des 

4 


temps  plies  rapprochés^  en  augmentant  pour  des  temps  plus 
éloignés. 

Enfin,  si  on  cherche  quel  est  le  rapport  qui  peut  unir 
ces  différents  écarts  aux  différents  temps  dans  lesquels  ils 
se  sont  produits,  on  peut  constater  que  pour  une  période 
moitié  moindre,  l'écart  diminue,  non  pas  de  moitié,  mais 
dans  une  proportion  qui  est  sensiblement  à  la  première 
comme  1  esta  1,41  ;  pour  une  période  trois  fois  moindre, 
l'écart  diminue  dans  un  rapport  qui  est  comme  1  à  1,73, 
pour  une  période  de  temps  quatre  fois  moindre,  dans  le 
rapport  1  à  2. 

Il  existe  donc  une  loi  mathématique  qui  règle  les  varia- 
tions et  l'écart  moyen  des  cours  de  la  Bourse,  et  cette  loi, 
qui  ne  paraît  pas  avoirjamais  été  soupçonnée  jusqu'à  pré- 
sent, nous  la  formulons  ici  pour  la  première  fois  : 

L'ÉCART  DES  COURS  EST  EN  RAISON  DIRECTE 
DE  LA  RACINE  CARRÉE  DES  TEMPS. 

De  sorte  que  le  spéculateur  qui  veut  se  liquider  avec  des 
écarts  doubles,  c'est-à-dire  des  différences  deux  fois  plus 
grandes  entre  ses  prix  d'achat  et  de  vente,  doit  attendre 
quatre  fois  plus  longtemps  ;  s'il  veut  se  liquider  avec  des 
différences  triples,  neuf  îoi&  plus  longtemps  et  ainsi  de 
suite,  en  multipliant  les  temps  par  les  carrés  des  écarts. 

Celui  qui  ne  met,  par  exemple,  qu'unjour  d'intervalle 
entre  ses  liquidations,  se  liquidera  avec  un  écart  moitié 
moindre  que  celui  qui  se  liquide  tous  les  quatre  jours, 
trois  fois  moindre  que  celui  qui  se  liquide  tous  les  neuf 
jours,  etc.,  en  divisant  les  écarts  par  les  racines  carrées 
des  temps. 


n  - 


Il  faut  du  reste  un  nombre  assez  considérable  d'opéra- 
tions pour  faire  ressortir  clairement  ces  rapports  qui  de- 
viennent rigoureusement  exacts  quand  le  nombre  des  opé- 


rations est  excessivement  grand. 


20.  —  Essayons  de  comprendre  la  raison  de  cette  loi  si 
remarquable  : 

La  valeur,  dans  ses  variations,  est  toujours  à  la  recher- 
che de  son  véritable  prix,  ou  d'un  prix  absolu,  que  l'on 
peut  se  figurer  comme  le  centre  d'un  cercle  dont  le  rayon 
représentera  l'écart  qui  peut  se  porter  indifféremment  dans 
l'un  ou  l'autre  sens  et  sur  tous  les  points  de  la  surfiice, 
dans  un  temps  égal  par  conséquent  à  cette  surface,  et 
dont  tous  les  points  de  la  circonférence  représenteront  les 
limites  d'écart.  Dans  toutes  ses  variations,  la  valeur  ne 
fait  jamais  que  s'éloigner  ou  se  rapprocher  du  centre,  et 
les  premières  notions  de  la  géométrie  nous  indiquent  que 
les  rayons  ou  les  écarts  sont  proportionnels  aux  racines 
carrées  des  superficies  ou  des  temps. 

Pourquoi  est-ce  la  loi  inverse  qui  se  produit  dans  la 
pesanteur  ou  les  oscillations  du  pendule,  oîi  les  espaces 
parcourus  et  les  écarts  d'oscillations  sont  en  raison  des 
carrés  des  temps?  C'est  uniquement  parce  que  les  corps, 
dans  leur  chute,  se  dirigent  de  la  circonférence  au  centre, 
tandis  que  la  valeur,  dans  ses  plus  grands  écarts,  est  re- 
poussée du  centre  à  la  circonférence. 

Quel  sujet  d'étonnement  et  d'admiration  nous  offrent 
les  vues  de  la  Providence,  quelles  réflexions  nous  suggère 
l'ordre  merveilleux  qui  préside  aux  moindres  détails  des 


—  52    - 

événements  les  plus  cachés  !  Quoi  !  les  variations  de  la 
Bourse  sont  soumises  à  des  lois  mathématiques  immua- 
bles !  Des  événements  qui  sont  le  produit  du  caprice  des 
hommes,  des  secousses  les  plus  imprévues  du  mouvement 
politique,  des  combinaisons  financières  les  plus  savam- 
ment étudiées,  le  résultat  d'une  multitude  d'événements 
qui  n'ont  aucune  relation  entre  eux,  tous  ces  effets  se 
combinent  dans  un  ensemble  admirable,  et  le  Jiasard  n'est 
plus  qu'un  mot  vide  de  sens!  Et  maintenant,  apprenez  et 
soyez  humbles,  princes  delà  terre  qui,  dans  votre  orgueil, 
rêvez  tenir  dans  vos  mains  les  destinées  des  peuples,  rois 
de  la  finance  qui  disposez  des  richesses  et  du  crédit  des 
Etats,  vous  n'êtes  que  de  frêles  et  dociles  instruments  dans 
la  main  de  Celui  qui  embrasse  toutes  les  causes  et  tous  les 
effets  dans  un  même  ordre,  qui,  selon  l'expression  de  la 
Bible,  a  tout  mesuré,  tout  compté,  tout  pesé,  tout  distri- 
bué dans  un  ordre  parfait. 

L'homme  s'agite.  Dieu  le  mène. 


21.  —  Il  suffisait  de  connaître  l'écart  de  liquidation 
d'une  certaine  période  de  temps,  pour  qu'au  moyen  de 
cette  loi,  on  pût  reconstruire  l'écart  d'une  période  de 
temps  quelconque. 

D'après  les  observations  faites  jusqu'à  ces  derniers 
temps  sur  les  variations  de  la  rente  3p.  '^/o  depuis  sa  créa- 
tion, Y  écart  moyen  des  cours,  dans  l'espace  d'un  mois , 
peut  êtrg  fixé  à  1  fr.  55  c. 

U écart  probable,  à  1  fr.  10  c. 

C'est-à-dire  que  si  un  spéculateur  engageait  pendant 


—  53  — 

très-longtemps  des  affaires  qu'il  liquiderait  régulièrement 
tous  les  mois,  l'écart  moyen  entre  ses  cours  d'achats  et  de 
ventes,  ou  la  somme  des  différences  dirisée  par  le  nombre 
des  opérations,  serait  environ  de  1  fr.  55  c.,  et  que  sur 
le  nombre  total  de  ses  opératione,  il  y  en  aurait  la  moitié 
qui  se  seraient  liquidées  avec  un  écart  supérieur  à 
1  fr.  10  c.  et  la  moitié  avec  un  écart  moindre. 

Nous  noterons  en  passant  le  rapport  remarquable  qui 
unit  l'écart  probable  à  l'écart  moyen,  à  peu  près  égal  à 
^,  rapport  qu'on  retrouve  fréquemment,  qui  est  celui,  par 
exemple,  qui  relie  la  vie  probable  à  la  vie  moyenne. 

Ce  rapport  n'est  d'ailleurs  pas  invariable ,  il  sert  à 
donner  la  mesure  de  la  régularité  du  mouvement  des 
cours,  et  selon  que  ce  mouvement  obéit  à  des  secousses 
moins  violentes,  à  des  élans  moins  discontinus,  l'écart 
probable  se  rapproche  de  l'écart  moyen  ;  il  pourrait  même 
se  confondre  avec  lui  si  le  mouvement  des  cours  était 
parfaitement  régulier,  entièrement  continu. 

Et  comme  la  tendance  de  la  vie  probable  à  se  rappro- 
cher de  la  vie  moyenne  est  un  indice  des  progrès  du  bien- 
être  et  de  la  civilisation  dans  un  pays,  ainsi  le  rapport 
des  écarts  pour  les  cours,  qui  tend  à  se  rapprocher  de  l'u- 
nité sans  pouvoir  jamais  y  parvenir  complètement,  est 
une  mesure  exacte  de  la  moralité  de  la  spéculation  et  de 
la  fermeté  du  crédit. 

On  peut  tirer  l'écart  probable  et  l'écart  moyen  des  cours 
l'un  de  l'autre,  en  les  multipliant  ou  divisant  par  1,41,  ou 
par  le  rapport  1 ,4,qui  a  l'avantage  d'être  très-simple, et  que 
nous  employerons  toujours,  ne  pouvant  exiger  d'ailleurs 
une  précision  rigoureuse  dans  des  rapports  variables. 


—  m  — 

22.  —  Le  spéculateur  qui  liquiderait  ses  affaires  tous 
les  mois,  au  commencement  et  à  la  fin,  de  manière  à 
éviter  tous  reports,  opérant  avec  un  écart  moyen  de  1  fr. 
55  c. ,  la  différence  produite  par  cette  variation  sur 
1500  fr.  de  rente,  ce  qui  est  la  plus  petite  quantité 
négociable  à  terme,  serait  775  fr.,  et  comme  il  aurait 
deux  courtages  de  20  fr.  à  payer,  un  pour  l'achat  et  un 
pour  la  vente,  son  bénéfice  serait  en  moyenne  de  775-40 
ou  735  fr.  tandis  que  sa  perte  s'élèverait  à  775+40,  ou 
815  fr.  Le  rapport  de  son  bénéfice  et  de  sa  perte,  ou  de  ses 
chances  favorables  et  défavorables,  serait  147  et  163  ou 
1  et  1,109  environ. 

Voulons-nous  savoir  maintenant  quel  sera  le  nouveau 
rapport  des  chances  de  ce  même  spéculateur,  si  au  lieu  de 
ne  faire  qu'une  opération  tous  les  mois,  il  en  fait  une  tous 
les  quinze  jours?  Nous  diviserons  la  différence  775  par 
1/2  =  1,414,  ce  qui  donnera  une  différence  moyenne 
de  548  fr.,  qui,  en  cas  de  gain,  se  réduit  à  508,  et  en  cas 
de  perte,  s'élève  h  588  ;  le  rapport  cherché  est  celui  de  ces 
deux  nombres,  ou  plus  simplement,  comme  1  à  1,1575. 

Nous  pouvons  enfin,  connaissant  le  rapport  qui  unit 
tous  les  écarts,  dresser  le  tableau  suivant,  pour  une 
moyennede  liquidation  jour  par  jour,  depuis  le  joueur  qui 
se  liquiderait  dans  la  même  bourse  jusqu'à  celui  qui  ne 
se  liquiderait  que  tous  les  mois. 

Bien  qu'il  n'y  ait  que  vingt-cinq  ou  vingt-six  jours  de 
bourse  dans  le  mois,  les  choses  se  passent  comme  s'il  y 
en  avait  trente,  et  l'écart' du  samedi  au  lundi  est  généra- 
lement plus  fort  que  celui  qui  sépare  deux  jours  consé- 
cutifs de  la  semaine. 


—  55  — 


TEMPS 

MOYEN 

de  liquld. 

(jouis\ 

'A 

ÉCARTS 

DIFF.Btcs 

aar 

1500  R'« 

DIFF.    NETTES 

Le  gain=  1 
La  pcrle= 

l'rob. 
0,14 

Moyen. 

en  gain 

en  perle 

0,2001 

100,05 

80,05 

120,05 

1,4997 1 

1 

0,20 

0,2830 

141,50 

101,50 

181,50 

1,7882 

2 

0,28 

0,4002 

200,10 

160,10 

240,10 

1,4997 

3 

0,35 

0,4902 

245,10 

205,10 

285,10 

1,3900 

4 

0,40 

0,5660 

283 

243 

323 

1,3292 

5 

0,45 

0,6328 

316,40 

276,40 

356,40 

1,2894 

6 

0,49 

0,6932 

346,60 

306,60 

386,60 

1,2609 

7 

0,53 

0,7487 

374,35 

334,35 

414,35 

1,2392 

8 

0,57 

0,8004 

400,20 

360,20 

440,20 

1,2221 

9 

0,60 

0,8490 

424,50 

384,50 

464,50 

1,2081 

10 

0,63 

0,8949 

447,45 

40X45 

487,45 

1,1963 

11 

0,07 

0,9386 

469,30 

429,30 

509,30 

1,1864 

12 

0,70 

0,9803 

490,15 

450,15 

530,15 

1,1777 

13 

0,72 

1,0203 

510,15 

470,15 

550,15 

1,1702 

14 

0,75 

1,0588 

529,40 

489,40 

569,40 

1,1635 

15 

0,78 

1,0960 

548 

508 

588 

1,1575 

16 

0,80 

1,1320 

566 

528 

606 

1,1521 

17 

0,83 

1,1668 

583,40 

543,40 

623,40 

1,1472 

18 

0,85 

1,2006 

600,30 

560.30 

640,30 

1,1428 

19 

0,87 

1,2335 

616,75 

576,75 

656.75 

1,1387 

20 

0,90 

1,2656 

632,80 

592,80 

672,80 

1,1350 

21 

0,92 

1,2968 

648,40 

608,40 

688,40 

1,1315 

22 

0,94 

1,3274 

663,70 

623,70 

703,70 

1,1283 

23 

0,96 

1,3572   678,60 

638,60 

718,60 

1,1253 

24 

0,98 

1,3863 

693,15 

653,15 

733,15 

1,1225 

25 

1 

1,4149 

707,45 

667,45 

747,45 

1,1199 

26 

1,02 

1,4430 

721,50 

681,50 

761,50 

1,1174 

27 

1,04 

i,4705 

735,25 

695,25 

775,25 

1,1151 

28 

1,06 

1,4974 

748,70 

708,70 

788,70 

1,1129 

29 

1,08 

1,5240 

762 

722 

802 

1,1108 

30     1,10 

1,5500   775 

735 

815 

1,1088 

—  56  — 

2'S.  —  La  méthode  de  formation  de  ce  tableau  n'e^^t  pas 
difficile  à  saisir.  Pour  obtenir  l'écart  moyen  de  liquida- 
tion d'un  nombre  quelconque  de  jours,  nous  commençons 
par  diviser  le  nombre  des  jours  d'un  mois,  30,  par  ce 
nombre  de  jours  ;  nous  avons  ainsi  le  rapport  des  temps  ; 
nous  prenons  la  racine  carrée  de  ce  rapport,  et  nous  di- 
visons l'écart  moyen  du  mois,  1,55,  par  cette  racine  car- 
rée. Pour  l'écart  moyen  de  liquidation  d'un  jour  au  sui- 
vant, nous  trouvons  0, 28  cent.  ;  pour  l'écart  de  deux  jours, 
0,40  cent.;  pour  l'écart  de  trois  jours,  0,49  cent,  etc....  En 
considérant  que  les  écarts  d'une  bourse  représentent  les 
écarts  d'un  jour,  et  que  se  liquider  dans  une  même  bourse 
revient  à  une  liquidation  moyenne  d'un  demi-jour,  nous 
trouvons  que  l'écart  moyen  de  liquidation  dans  une  même 
bourse  est  de  0,  20  cent.  Afin  de  donner  plus  d'exactitude 
aux  calculs  qui  vont  suivre,  nous  avons  pris  quatre  déci- 
males. L'écart  probable  se  forme  de  l'écart  moyen  en  di- 
visant celui-ci  par  1,4  :  nous  nous  sommes  borné  aux 
centimes,  n'ayant  pas  besoin  d'une  plus  grande  approxi- 
mation. 

Les  écarts  n'établissent  pas  ici  de  distinction  entre  le 
comptant  et  le  terme  :  les  opérations  peuvent  en  effet  être 
tout  aussi  nombreuses  et  revêtir  le  même  caractère  au 
comptant  qu'à  terme  ;  mais  les  courtages  ne  pouvaient 
que  se  rapporter  exclusivement  aux  opérations  à  terme, 
et  ce  sont  du  reste  les  moins  élevés  et  les  plus  favora- 
bles au  joueur. 

La  différence  brute  présentée  par  chacun  des  écarts 
mofens  sur  1  500  fr.  de  rente  est  de  —  ou  500  fois  cet 
écart  :  cette  différeaice  se  réduit  des  courtag-es  d'achat  et 


—  57  — 

de  vente  en  cari  de  gain,  elle  s'aug-inente  du  montant  de 
ces  courtig-es  en  cas  de  perte. 

Pour  trouver  le  rapport  de  la  perte  au  g-ain,  en  repré- 
sentant toujours  le  g*ain  par  l'unité,  nous  divisons  la  dif- 
férence en  cas  de  perte  par  la  différence  en  cas  de  gain. 

La  loi  qui  détermine  les  différences  brutes  est  très- 
simple  à  comprendre.  Selon  qu'on  se  liquide  habituelle- 
ment à  des  époques  plus  ou  moins  longues,  la  différence 
présentée  par  l'opération  est  plus  ou  moins  grande,  et  elle 
est  en  raison  directe  de  la  racine  carrée  du  temps;  si  le 
temps  est  double,  la  différence  s'augmente  dans  le  rap- 
port de  1  à  1/2,  et  il  faut  un  temps  quadruple  pour  que 
cette  différence  s'augmente  du  double. 

Si  maintenant,  detoutes.ces  différences  ainsi  obtenues, 
on  retranche  ou  si  on  ajoute  une  même  somme,  telle  que 
le  courtage  qui  est  invariable,  on  obtient  deux  différences 
nettes,  une  en  gain,  l'autre  en  perte,  dont  le  rapport  ex- 
primé par  la  dernière  colonne  du  tableau,  est  soumis  à 
une  certaine  loi  de  décroissance  qui  est  un  rapport  de 
puissances  ou  géométrique  inverse  du  rapport  aritliméti- 
que  des  écarts. 

Par  exemple,  l'écart  moyen  de  liquidation  de  4  jours 
donnant  une  différence  brute  double  de  la  différence  pré- 
sentée par  l'écart  d'un  jour,  le  rapport  des  différences 
nettes  après  prélèvement  du  courtage,  pour  une  moyenne 
de  4  jours  est  de  1,3292,  et  devrait  être  la  racine  carrée 
du  rapport  pour  un  jour,  qui  est  1,7882. 

Mais  il  se  trouve  que  c'est  entre  1,3372  et  1,3373  qu'est 
la  racine  carrée  de  1,7882,  et  cette  loi  n'est  donc  pas 
rigoureusement  exacte.  Elle  ne  le  devient  que  théorique- 


58  — 


ment  sur  des  différences  très-grandes,  à  mesure  que  di- 
minue le  rapport  du  courtage  à  la  différence. 


24.  —  Les  mêmes  lois  de  formation  se  continueraient 
d'ailleurs  pour  un  temps  au-delà  de  30  jours,  ou  pour  des 
fractions  de  jours,  identiquement  de  la  même  manière. 
Seulement,  dans  le  cas  où  l'écart  de  liquidation  dépasse 
un  mois,  pour  les  opérations  à  terme  et  à  découvert,  il 
faut  nécessairement  tenir  compte  du  courtage  des  reports. 

Assez  souvent  même,  une  afiFaire  liquidée  à  moins  d'un 
mois  de  date,  subit  un  report;  et  le  report,  considéré 
comme  une  opération  simultanée  d'achat  et  vente  à  deux 
liquidations  différentes,  est  soumis  à  un  courtage  de 
20  fr.  ;  il  faudrait  donc  dans  ce  cas,  ajouter  ou  retrancher 
de  la  différence  brute,  une  somme  de  40  +  20,  ou  60  fr. 
de  courtages.  Si  une  opération  est  reportée  sur  dix,  cela 
revient  à  augmenter  d'un  vingtième  le  courtag'e  de  cha- 
que opération. 

Celui  qui  se  liquide  le  jour  même,  n'a  qu'un  seul  cour- 
tage à  payer  pour  les  deux  opérations  d'achat  et  de  vente. 
Il  se  trouve  dans  la  position  de  celui  qui  se  liquiderait 
tous  les  deux  jours  :  l'avantage  de  ne  payer  qu'un  cour- 
tage revient  ici  à  celui  d'avoir  un  écart  double,  pour  le 
rapport  de  la  perte  au  gain  ;  si  celui  qui  se  liquide  le  jour 
même,  n'opérait  jamais  qu'au  commencement  et  à  la  fin 
de  chaque  bourse,  il  se  trouverait  dans  une  situation  pres- 
que aussi  favorable  que  celui  qui  se  liquiderait  tous  les 
quatre  jours.  Le  joueur  qui  liquiderait  toutes  ses  opéra- 


-  89  - 
tioiis  du  jour  au  lendemain,  serait  dans  la  position  la  plus 
désavantageuse  de  toutes. 

La  moyenne  des  temps  de  liquidation  ne  se  calcule  pas 
comme  la  moyenne  des  écarts.  Les  temps  sont  des  surfa- 
ces, les  écarts  sont  des  lignes.  Celui  qui  se  liquiderait, 
par  exemple,  régulièrement,  tantôt  tous  les  deux  jours, 
tantôt  tous  les  huit  jours,  ayant  d'abord  0,40  cent,  d'é- 
cart moyen,  et  en  second  lieu  0,80  cent.;  celui  qui  se  li- 
quiderait tous  les  cinq  jours,  c'est-à-dire  dans  un  temps 
également  distant  de  deux  et  de  huit  jours,  aurait  plus  de 
0,63  c.  (voir  au  tableau).  Pour  trouver  le  tem/ps moyen  qui 
correspond  à  l'écart  moyen  de  0,60  cent.,  il  faut  prendre 
la  mo3^enne  des  racines  carrées  des  temps,  et  l'élever  au 
carré.  Ici,  on  aurait  J/ô  +  1/8,  o^^  1,414  et  2,828,  dont 
la  moyenne,  2,121,  élevée  au  carrée,  donne  4,498.  Celui 
qui  se  liquiderait  tous  les  quatre  jours  et  demi  environ, 
serait  dans  la  même  position  que  celui  qui  se  liquiderait 
tantôt  tous  les  deux  jours,  et  tantôt  tous  les  huit  jours. 

Dans  une  suite  d'opérations  continuelle,  le  moyen  d'ob- 
tenir d'égales  différences  dans  un  temps  moindre,  ou  de 
plus  grandes  différences  dans  un  temps  égal,  d'opérer  par 
conséquent  avec  le  moins  de  désavantage  possible,  ce 
serait  de  toujours  laisser  un  temps  égal  employé  à  la  liqui- 
dation de  chacune  de  ses  affaires.  En  effet,  d'après  ce  que 
l'on  vient  de  voir,  les  écarts  doivent  toujours  augmenter 
à  mesure  que  diminue  l'irrégularité  des  temps.  Dans  tou- 
tes ses  leçons,  la  nature  nous  enseigne  que  la  situation  la 
plus  avantageuse  est  toujours  la  plus  égale,  et  celle  dont 
l'action  se  maintient  entre  de  plus  étroites  limites. 


—  60  — 

25.  — •  On  conclut  souvent  des  paris  sur  le  cours  probable 
des  valeurs  à  un  moment  donné,  et  comme  ils  ne  sont 
soumis  h  d'autres  règles  que  le  caprice  des  joueurs,  ceux- 
ci  ne  se  doutent  pas  que  le  pari  n'est  presque  jamais 
équitable,  puisque,  dès  le  principe,  ils  ont  chacun  des 
chances  très-inégales  de  le  gagner. 

C'est  ce  qu'il  nous  deviendra  facile  de  vérifier  à  l'a- 
venir. 

Exemple  :  Supposons  que  la  Rente  soit  aujourd'hui  à 
75  francs,  et  qu'il  s'agisse  de  savoir  ce  qu'elle  fera  dans 
un  mois,  cours  d'une  même  liquidation. 

Elle  a  autant  de  chances  d'être  au-dessus  qn'au-dessoîcs 
de  ce  cours,  avec  un  écsivt  plus  petit  ou  phcs  grand  que 
1  fr.  10  c.  en  hausse  ou  en  baisse. 

Ou  pourrait  donc  parier  îm  contre  im  pour  la  hausse 
ou  pour  la  baisse  à  volonté,  ou  pour  un  cours  compris 
entre,  ou  ne  dépassant  pas  les  prix  de  73  fr.  90  et  76  fr.  10, 
limites  extrêmes  de  l'écart  probable. 

A  trois  mois  de  distance,  comme  l'écart  probable  est 
de  1,10  VT,  —  1,90,  il  faudrait  prendre  les  limites 
de  73  fr.  10  et  76  fr.  90. 

A  six  mois  de  distance,  comme  l'écart  probable  est  de 
1,10  1/6,  :=  2,70,  il  faudrait  prendre  les  limites  de 
72  fr.  30  et  77  fr.  70. 

A  un  an  de  distance,  comme  l'écart  probable  est  de 
1,10  |/l2,  =  3,80,  on  prendrait  pour  limites  les  cours 
de  71  fr.  20  et  78  fr.  80. 

Mais  si  l'on  voulait  parier,  par  exemple  pour  un  cours  en 
hausse,  comme  il  y  aurait  une  probabilité-  pour  la  hausse, 
et  .;pour  un  écart  plus  petit  ou  plus  grand  que  1  fr.  10, 


—  61     - 

il  ne  taudmit  tloimei'  que  ,  uu  un  contre  trois  pour  le  cours 
de  76  fr.  10,  et  il  y  aurait  désavantage  si  le  cours  devait 
dépasser  cette  limite. 

A  mesure  que  l'écart  devrait  aug-menter  dans  un  même 
temps,  la  probabilité  diminuerait  en  raison  du  carré  de 
l'écart. 

Ainsi,  on  ne  pourrait  parier  tout  au  plus  que  -  ou  un 
contre  quatre,  que  le  cours  atteindra  1,10  i/ 1,  25  =  1,23? 
ou  76  fr.  23. 
ou  1  sur  10  pour    1,10   1/2^  =1,74  ou    76  fr.  74 
1,10  l/3;75-2,13    »     77       13 
1,10   yir=^2AQ    .)     77      46 
1,10   1/6^^2,75 
1,10   k' 72:5  =3,89 
1,10   l/2r"=5,50 
Dans  des  circonstances  ordinaires,  il  y  aurait  donc  dé- 
savantage à  parier,  par  exemple,  1  contre  24  que  la  Rente 
au  bout  d'un  mois  sera  à  un  prix  quelconque,  mais  supé- 
rieur à  77  fr.  75,  ou  de  parier  24  contre  1  qu'elle  sera 
au-dessous  de  ce  même  prix,  et  il  y  aurait  avantage  de 
tenir  les  paris  contraires. 

Même  chose  pour  les  écarts  en  moins  et  pour  les  écarts 
en  baisse. 

Tous  ces  cours  sont  à  une  même  liquidation,  c'est-à- 
dire  qu'ils  ne  subissent  pas  l'influence  du  report  ou  de 
l'intérêt. 


26.  —  Comme  les  écarts  ne  doivent  être  produits  que 
par  l'effet  des  seules  causes  accidentelles,  il  faudrait,  si 


» 

15 

» 

20 

» 

25 

» 

50 

» 

100 

77 

75 

78 

89 

80 

50 

—  62  - 

les  cours  étaient  à  des  termes  différents  ou  au  comptant, 
tenir  compte  du  report,  de  l'intérêt  semestriel,  ou  du  dé- 
tachement du  coupon. 

Exemple  :  La  Rente  étant  aujourd'hui  à  75  fr.,  au  comp- 
tant, dans  quelles  limites  son  cours  sera-t-il  probable- 
ment contenu  dans  deux  mois  d'ici,  jour  pour  jour,  et  au 
comptant  ? 

Il  faut  voir  si  le  détachement  du  coupon  se  fait  dans 
l'intervalle. 

S'il  ne  se  fait  pas,  il  ne  faut  tenir  compte  que  de  l'intérêt 
semestriel  ;  or,  cet  intérêt  représentant  exactement  0,50  c. 
pour  deux  mois,  j'ajoute  cet  intérêt  au  prix  de  75  fr.,  et 
j'ai  75  fr.  50.  Je  calcule  l'écart  probable  pour  deux  mois, 
il  est  de  1,10  ^^2"  =  1,55  à  1,56;  j'ai  par  conséquent  les 
limites  de  73  fr.  94  et  77  fr.  06,  entre  lesquelles  il  y  a  une 
probabilité  égale  à  -  que  le  cours  sera  contenu. 

Si  le  détachement  du  coupon  a  lieu  dans  l'intervalle  de 
ces  deux  mois,  j'observe  que,  indépendamment  de  l'in- 
térêt, le  détachement  du  coupon,  qui  est  de  0,75  cent.  ('), 
doit  diminuer  d'autant  le  prix,  et  que  ces  deux  causes 
réunies  donnent  une  baisse  de  0.25  cent.  Je  retranche 
0,25  cent,  du  cours  de  75  fr.,  et  j'opère  comme  ci-dessus, 
ce  qui  me  donne  les  limites  de  73  fr.  19  et  76  fr.  31. 

Tous  les  trois  mois,  la  Rente  se  retrouvant  dans  des 
conditions  identiques,  l'écart  doit  toujours  se  calculer 
directement  pour  des  échéances  de  trois  mois,  six  mois, 
un  an,  ou  multiples  de  trois  mois. 

(^)  Depuis  la  conversion  du  4  1/2  en  3  0/0,  l'inttirêt  delà  rente  est 
devenu  trimestriel,  et  le  coujjon  se  dctnche  à  la  Bourse  le  16  des  mois  de 
mars,  juin,  septembre  et  dt'comhre. 


—  63  — 

27.  —  Jusqu'ici,  nous  nous  sommes  occupé  exclusive- 
ment de  la  Rente,  parce  que  c'est  la  valeur  de  prédilection 
de  la  spéculation,  et  cette  préférence,  elle  la  doit  à 
l'étendue  de  son  marché  et  aux  facilités  de  négociation 
qu'elle  présente  ;  cependant  le  jeu  ne  s'exerce  pas  unique- 
ment sur  la  Rente. 

Ici  se  présente  naturellement  la  question  de  savoir  si 
les  chances  ne  sont  pas  plus  avantageuses  sur  quelqu'une 
de  ces  autres  valeurs  de  spéculation. 

Pour  en  faire  la  comparaison,  il  faut  remarquer  : 

1°  Que  le  courtage  est  plus  élevé  sur  ces  valeurs,  et  au 
lieu  d'être  fixe,  est  proportionnel  aux  prix  d'achat  et  de 
vente. 

2°  Que  les  écarts  moyens  sont,  selon  la  valeur,  plus  ou 
moins  grands  pour  un  même  espace  de  temps. 

Commençons  par  constater,  à  propos  de  la  différence 
des  courtages,  qu'il  y  a  toujours  une  certaine  relation 
entre  le  temps  moyen  de  liquidation  d'une  affaire  et  le 
taux  du  courtage  qu'elle  supporte.  Combien  de  joueurs 
liquident  une  opération  dans  la  bourse  du  même  jour,  au 
lieu  d'attendre  au  lendemain,  uniquement  pour  n'avoir 
qu'un  seul  courtage  à  payer  !  Qui  sait  si  tel  qui  reste  huit 
jours  sur  une  affaire  ne  la  liquiderait  pas  au  bout  de  deux 
jours,  si  on  réduisait  les  courtages  de  moitié? 

Toute  diminution  de  courtage  doit  amener,  chez  le 
joueur,  une  liquidation  plus  active  de  ses  opérations  ;  la 
moyenne  dehquidation  devait  être  autrefois,  dans  la  cou- 
lisse, inférieure  à  celle  du  parquet;  ce  qui  le  prouve,  c'est 
que  les  cours  cotés  s'y  fractionnaient;  le  parquet  lui- 
même,  pour  avoir  réduit  le  courtage  de  la  Rente  de  25  à 


--  (i 


20  fr.,  a  dCi  descendre  la  cote  des  cours  de  cinq  à  deux 
centimes  et  demi. 

Ce  qui  serait  gagné  d'un  côté,  serait  donc  perdu  de 
l'autre. 

Lorsque  sur  des  valeurs  différentes,  le  courtage  n'est 
pas  le  même,  il  s'établit  dans  la  manière  dont  se  liquident 
les  opérations  sur  chacune,  une  certaine  compensation 
qui  tend  à  rétablir  l'équilibre. 

On  pourrait  en  dire  autant  de  la  grandeur  des  écarts. 
Les  opérations  faites  sur  le  Crédit  Mobilier  se  liquident 
beaucoup  plus  rapidement,  à  des  intervalles  de  temps 
beaucoup  plus  rapprochés  que  les  opérations  sur  le  Midi, 
le  Nord,  l'Ouest,  et  toutes  ces  autres  valeurs  pour  les- 
quelles les  variations  sont  relativement  faibles. 

Il  n'y  aurait  d'avantage  relatif  à  spéculer  sur  le  Mobi- 
lier plutôt  que  sur  la  Rente  ou  toute  autre  valeur,  que  si 
le  joueur  qui  garde  ses  positions  un  certain  temps  sur  la 
Rente-,  les  conservait  un  temps  égal  sur  le  Mobilier. 

Mais  au  lieu  de  faire  une  opération  tous  les  jours  sur  le 
Mobilier,  qui  empêche  le  joueur  de  n'en  faire  une  que  tous 
les  deux  jours  sur  la  Rente? 

On  répondra  qu'il  faut  des  émotions  vives  et  variées  au 
joueur,  des  différences  de  perte  et  de  gain  se  produisant 
rapidement,  la  fortune  ou  la  ruine  dans  le  moins  de  temps 
possible,  et  que  rien  n'est  long  comme  l'attente.  C'est 
aussi  ce  raisonnement  qui  porte  instinctivement  le  joueur 
sur  les  valeurs  qui,  par  la  nature  de  leur  constitution, 
l'incertitude  de  leurs  produits,  offrent  le  plus  de  part  à 
l'incertain  et  présentent  de  plus  grandes  différences  dans 
un  même  temps. 


—  65  - 

Mais  sur  la  Rente,  comme  sur  le  Mobilier,  comme  sur 
toutes  les  autres  valeurs,  le  spéculateur  est  toujours  libre 
de /aire  son  jeic,  de  choisir  à  sa  g*uise  le  rapport  des 
chances  favorables  et  contraires.  La  seule  chose  que  le 
joueur  ne  puisse  jamais  faire,  c'est  de  rendre  ces  chances 
égales.  On  pourrait,  pour  toutes  les  valeurs  de  spécula- 
tion autres  que  la  Rente,  établir  des  tableaux  d'écarts 
comme  celui  que  nous  avons  donné  plus  haut  (parag\  21), 
et,  parleur  comparaison,  enverrait  clairement  que  si,  en 
opérant  sur  des  quantités  ég-ales  ou  équivalentes,  eu  ég-ard 
au  montant  des  capitaux,  le  rapport  des  chances  est  diffé- 
rent pour  un  même  temps,  tout  se  réduit,  pour  rendre  les 
chances  identiques,  à  choisir  convenablement  un  l'apport 
de  temps  dans  la  moyenne  de  liquidation. 

28.  —  Une  autre  considération  qui  se  présente  au  sujet 
de  la  grandeur  et  de  la  fixité  des  écarts,  c'est  que  les 
marcMs  affiriie,  offrent  le  moj'en  de  faire  des  opérations 
avec  des  écarts  beaucoup  plus  grands  que  pour  les  affaires 
fermes.  11  est  nécessaire  d'ex})liquer  succinctement  ce  qui 
a  donné  naissance  à  ces  opérations,  et  en  quoi  elles  con- 
sistent. 

A  la  Bourse,  dans  les  opérations  ordinaires,  la  perte  ou 
le  gain  possibles  sont  complètement  indéterminés.  C'est 
là  un  trait  distinctif  des  autres  jeux,  qui  est  loin  d'être  ici 
à  l'avantage  du  joueur.  On  sait  bien  qu'en  opérant  sur 
1  500,  on  risque  moitié  moins  que  sur  3  000,  mais  on  ignore 
encore  ses  risques.  Qui  dit,  lorsque  le  joueur  se  promet 
de  liquider  au-dessous  de  telle  perte,  qu'il  en  aura  le 


—  66  — = 

temps  avant  que  cette  perte  soit  décuplée?  C'est  pour  pa- 
rer à  cet  inconvénient  que  l'on  a  imaginé  le  système  des 
opérations  à  prime,  où  cependant  il  n'y  a  que  l'un  des 
deux  contractants  qui  puisse  limiter  sa  perte. 

La  Eente  est  à  tel  prix.  Je  veux  acheter,  mais  en  même 
temps  me  prémunir  contre  une  baisse  qui  dépasserait 
toutes  mes  prévisions;  je  stipule  alors  que,  à  une  époque 
fixée  d'avance,  j'annulerai  mon  marché  moyennant  l'a- 
bandon d'une  certaine  somme,  si  cela  me  convient;  la 
somme  que  je  peux  perdre  s'appelle  prime^  et  c'est  à 
l'époque  fixée  que  se  fera  la  réponse  des  primes. 

Cet  avantage,  on  le  comprend,  doit  être  payé  par  quel- 
que chose,  et  la  rente  que  j'achèterai  dans  ces  conditions, 
sera  toujours  plus  chère  que  la  rente  ordinaire  ;  l'aug-men- 
tation  du  prix  dépendra  de  deux  circonstances  :  le  mon- 
tant de  la  prime  et  l'époque  de  la  réponse. 

Les  primes  en  usage  sur  la  rente  3  %,  sont  de  1  fr. 
0,50  cent.,  0,25  cent,  et  0,10  cent,  du  prix  de  la  rente,  à 
multiplier  par  conséquent  par  le  tiers  des  quotités  sur 
lesquelles  on  opère  :  sur  les  actions,  la  prime  est  de  10  fr. 
par  action. 

La  réponse  a  lieu  à  la  fin  de  chaque  mois  pour  toutes 
les  valeurs  ;  mais  il  y  a  encore  une  réponse  au  15  pour 
les  actions,  et  les  primes  de  0,10  cent,  sur  la  rente  se  ré- 
pondent du  jour  au  lendemain  ou  au  surlendemain,  etc. 
Les  primes  donnent  lieu  à  une  foule  de  combinaisons,  où 
se  vantent  d'exceller  les  habiles,  d'opérations  à  primes 
contre  primes ,  de  primes  contre  ferme,  pour  des  primes 
de  différentes  espèces  et  de  différentes  quotités. 


29.  —  Au  point  de  vue  du  calcul  des  chances ,  le  mar- 
ché à  prime,  tel  qu'il  est  en  usage  à  la  Bourse  ('),  est  une 
affaire  dans  laquelle  l'un  des  deux  contractants,  l'ache- 
teur ,  limite  sa  perte  ,  et  l'autre ,  le  vendeur ,  limite  son 
bénéfice ,  en  aug-mentant  les  probabilités  de  perte  ou  de 
bénéfice.  De  là  vient  que  plus  la  prime  est  petite,  c'est- 
à-dire,  plus  la  perte  ou  le  bénéfice  sont  limités,  plus  elle 
est  chère,  c'est-à-dire,  plus  les  probabilités  de  perte  ou  de 
bénéfice  sont  augmentées  ;  plus  la  réponse  est  éloignée 
et  permet  d'espérer  ou  de  craindre  un  plus  g-rand  écart 
qui  augmente  le  bénéfice  ou  la  perte,  plus  encore  la  prime 
sera  chère. 

Dans  l'affaire  à  prime  le  joueur  fait  donc  varier  un  des 
facteurs  qui  exprime  la  perte  ou  le  gain,  en  faisant  varier 
proportionnellement  l'autre  facteur  qui  exprime  la  pro- 
babilité de  cette  perte  ou  de  ce  gain  ;  mais  les  produits 
decesdeuxfacteursdoiventtoujoursêtreégaux(parag.  14). 
Le  cours  des  primes  est  surtout  influencé  par  l'état  présent 
du  marché  qui  laisse  entrevoir  de  plus  ou  moins  grandes 
variations  dans  un  temps  rapproché  ;  mais  comme  ce 
cours  n'est  déterminé  en  définitive,  comme  celui  du 
ferme,  que  par  l'offre  et  la  demande  régulières  ,  l'ég-alité 
relative  n'est  pas  altérée,  et  il  ne  peut  jamais  y  avoir 
d'avantage  absolu  à  opérer  sur  primes. 

Si  l'acheteur  à  prime  limite  sa  perte ,  il  en  augmente 


(1)  Au  Stock-Exchange  de  Londres  il  se  négocie  encore  des  primes 
{options)  qui  engagent  raclicteur  à  recevoir  livraison  du  vendeur  (put):  le 
montant  de  l'écart  est  alors  à  diminuer  du  prix  ferme;  ou  qui  permettent 
d'exiger  la  livraison  ou  le  paiement  à  volonté  d'une  cert-iine  quantité  de 
rentes  à  un  prix  déterminé  [inU  and  call). 


—   68  — 

les  cliduces,  et  s'il  réalise  parfois  un  bénéfice  de  quelque 
importance,  ce  bénéfice  est  toujours  payé  par  l'abandon 
de  plusieurs  primes  ;  le  vendeur,  par  contre,  en  aug-men- 
tant  ses  chances  de  bénéfice,  les  limite  dans  une  égale 
proportion. 

Les  primes  n'ont  d'autre  utilité  que  de  varier  un  peu  les 
combinaisons  trop  arides  du  jeu  simple  à  la  hausse  ou  à 
la  baisse. 

Mais  le  prix  des  primes  n'est  pas  seulement  déterminé 
par  la  probabilité  mathématique  ,  il  est  encore  influencé 
par  un  élément  entièrement  étranger  au  calcul,  qu'on  pour- 
rait a\^])e\eY moral,  surtout  s'il  se  produisait  dans  un  meil- 
leur but,  qui  est  la  certitude  pour  l'acheteur  que  sa  perte 
ne  dépasserajamaisun  certain  taux,  certitude  qui  n'existe 
nullement  dans  les  opérations  ordinaires. 

Si  la  Rente  étant  à  75  fr.,  j'achète  dans  des  circon- 
stances ordinaires  à  76  prime  dont  un,  à  un  mois  de  date, 
je  puis  voir  assez  exactement  que,  en  cas  de  baisse, 
c'est-à-dire  dans  le  cas  où  le  prix  serait  au-dessous  de 
celui  de  75  fr,  au  moment  de  la  réponse,  je  perds  ma 
prime,  1  fr.;  en  cas  de  hausse,  l'écart  moyen  de  la 
rente  étant  1,55,  je  gagme  1,55 — 1,  ou  0,55  :  je  gagne  de 
plus  tout  ce  que  je  pourrai  sauver  de  ma  prime,  ce  qui 
est  représenté  par  la  probabilité  que  la  rente  se  trouvera 
entre  75  et  76  fr.,  au  moment  de  la  réponse,  à  un  certain 
écart  moyen  de  75  fr.,  et  qui  me  donnera  approximative- 
ment 0,30  cent.  ;  j'achète  donc  un  peu  plus  cher  que  je 
ne  devrais,  je  paie  1  fr.  ce  qui  ne  vaut  mathémati- 
quement que  0,85  cent,  environ  ;  mais  qui  peut  pré- 
ciser en  francs  et  centimes  ce  que  vaut  la  tranquillité 


—  69  — 

d'esprit  morale,  dont  je  jouirai  dans  le  courant  du  mois, 
en  présence  des  plus  brusques  variations  de  la  valeur, 
conservant  presque  toutes  les  émotions  du  gain,  et  ayant 
détruit  d'avance  celles  de  la  perte,  parle  sacrifice  anticipé 
de  la  prime  ? 

Voilà  donc  une  cause  constante  qui  tend  à  élever  le 
prix  des  primes  au-dessus  de  sa  valeur  mathématique, 
de  telle  sorte  que  le  joueur  qui  n'achèterait  jamais  que 
des  primes,  tout  en  réalisant  parfois  des  gains  assez  con- 
sidérables, et  en  tout  cas  infiniment  i)lns  calme  et  moins 
tourmenté  que  le  vendeur  qui,  pour  un  petit  gain,  s'ex- 
pose à  une  perte  considérable,  doit  cependant,  en  dehors 
des  courtages  qui  suffiraient  toujours  à  le  constituer  en 
perte,  se  trouver  inévitablement  en  déficit  au  bout  d'un 
grand  nombre  d'opérations. 

Cette  même  cause  fait  encore  qu'une  petite  prime  est 
relativement  plus  chère  qu'une  grande,  et  qu'une  prime 
à  quinze  jours,  par  exemple,  est  relativement  moins  chère 
qu'une  prime  à  un  mois. 


30.  —  En  dehors  de  ces  restrictions,  quelquefois  assez 
légères,  la  loi  qui  gouverne  les  écarts  des  primes,  ou  la 
différence  entre  leurs  prix  et  ceux  du  ferme,  est  bien  évi- 
demment une  loi  analogue  à  celle  qui  régit  les  écarts  du 
ferme. 

Par  rapport  à  une  autre,  et  à  une  même  réponse,  Vè~ 
cart  d'une  prime  est  en  raison  inverse  des  racines  carrées 
des  deux  primes. 

Une  prime  de  1  fr.  valant  1  fr.  d'écart,  une  prime  de 


—  70  — 

0,50  c.  vaudra  uwpeicphis  de  ^2"  ou  1,40  'd'écart,  une 

prime  de  0,25  c.  un  peu  plus  de  j/ï"  ou  2  fr.  d'écart; 

une  prime  de  0,10  c.  un  peu  plus  de  [/ÏÔ,  ou  3,16  d'é- 

1 
cart;  une  prime  de  2  fr.  aurait  un  peu  moins  de  j~r=  ou 

de  0,70  c.  d'écart. 

Par  rapport  à  elle-même,  V écart  cVune  prime  est  en 
raison  directe  de  la  racine  carrée  des  temps  qui  la  sépo.- 
rent  de  la  réponse. 

Une  prime  de  1  fr.  valant  1  fr.  d'écart  à  un  mois  de  date, 
vaudra,  dans  les  mêmes  circonstances,  îin  peu  moins  de 

1 

ou  0,91  c.  d'écart  à  25  jours  de  date. 


1/1,2 
t 

1 

Vf 

1 


»  0,82  »  à  20 

>)  0,71  »  à  15 

»  0,58  »  à  10 

y>  0,41  »  à     5 


1/6 

Dans  ce  dernier  cas,  la  diminution  est  vraisemblable- 
ment proportionnelle  au  temps,  c'est-à-dire  que  si  on  peut 
établir  que  la  différence  entre  l'écart  mathématique  et 
l'écart  réel  est  primitivement  de  0,30  c,  cette  différence 
ne  sera  que  de  0,25  c.  à  25  jours,  20  c.  à  20  jours,  15  c. 
à  15  jours,  etc. 

En  définitive,  un  joueur  qui  n'opérerait  jamais  que  sur 
les  primes,  à  la  condition  cependant  de  vendre  et  acheter 
ég'alement,  et  un  autre  qui  n'opérerait  jamais  que  sur  le 
ferme,  obtiendraient  au  bout  de  l'année  des  résultats  iden- 


-  71  — 

tiques,  puisque  les  deux  g-enres  d'opérations  sont  g-revées 
des  mêmes  droits  de  courtages.  Toute  la  différence  serait 
que  la  compensation  se  ferait  pour  ce  dernier  entre  de 
plus  grandes  sommes,  et  pour  le  joueur  à  prime  entre  de 
plus  petites  sommes  de  gains  et  de  pertes. 

Comme  il  serait  indifférent  à  celui  qui  achète  ou  vend 
à  prime,  d'acheter  ou  vendre  ferme  pour  le  résultat  der- 
nier de  ses  opérations,  dans  un  grand  nombre  de  coups, 
il  doit  être  indifférent,  dans  l'estimation  des  chances,  de 
confondre  également  les  deux  opérations  en  une  seule. 


31.  —  Lorsqu'il  existe  une  inégalité  quelconque  dans 
les  conditions  initiales  d'un  jeu,  cette  inégalité  s'accroît 
rapidement  et  dans  d'énormes  proportions  par  la  fré- 
quence ou  la  répétition  des  coups  ;  c'est  cet  accroisse- 
ment qui  amène  infailliblement,  dans  un  temps  donné, 
la  ndne  du  joueur. 

Pour  rendre  cette  démonstration  sensible,  nous  choisi- 
rons un  joueur  n'opérant  que  sur  1  500  fr.  de  rente,  et  se 
liquidant  avec  un  écart  constant  de  0,40  c,  c'est-à-dire 
réalisant  sa  perte  ou  son  bénéfice  chaque  fois  avec  une 
différence  de  0,40  centre  ses  prix  d'achats  et  de  ventes. 
Nous  supposons  que  toute  opération  d'achat  ou  de  vente 
paie  courtage. 

Chaque  fois  qu'il  sera  en  bénéfice,  il  recevra  1(50  fr.; 
chaque  fois  qu'il  sera  en  perte,  il  aura  à  débourser  240  fr. 

Ces  deux  nombres  sont  dans  le  rapport  de  2  à  3. 

Ce  joueur  peut  se  considérer  comme  ayant  affaire  à  un 
adversaire  invisible  dont  les  chances  de  gain  et  de  perte 


—  72   — 

sont  l'inverse  des  siennes  ;  chaque  fois  qu'il  gagne  2  ou 
qu'il  perd  3,  son  adversaire  perd  2  ou  gagne  3  ;  rien 
n'empêche  ces  deux  joueurs  de  rétablir  l'égalité  des  mises 
et  de  stipuler  que  chacun  d'eux  gagnera  à  l'avenir  une 
somme  ég-ale,  en  faisant  varier  les  chances  de  la  gagner 
dans  la  proportion  de  2  à  3,  les  conditions  du  jeu  laissant 
chacun  dans  une  situation  aussi  favorable  ou  défavorable 
qu'auparavant. 

Les  probabilités  -  de  gagner  2  ou  de  perdre  3  sont 
mathématiquement  égales  aux  probabilités  -  contre  ^ 
de  gagner  ou  perdre  une  même  somme  représentée 
par  ?—  t^  2  '/2.  En  effet,  les  produits  du  gain  et  de  la 
perte  sont  égaux  dans  les  deux  cas. 

Nous  pourrons,  par  ce  moyen,  nous  rendre  compte  des 
chances  qu'aurait  un  individu  de  perdre  ou  de  gagner 
une  même  somme  déterminée  d'avance,  de  se  ndner  ou 
de  douhler  seulement  sa  fortune  à  la  Bourse,  cliances  qui 
doivent  toujours  être  égales  dans  un  jeu  égal. 

Le  joueur  qui  opère  sur  1  500  fr.  de  rente  avec  un  écart 
constant  de  0,40  c.  est  dans  la  même  position  que  s'il 
jouait  une  mise  de  200  fr.  à  perdre  ou  à  gagner  à  chaque 
coup,  avec  une  chance  de  la  gagner  et  une  chance  et  demie 
de  la  perdre. 

Si  chacun  ne  risque  que  200  fr.,  les  chances  de  g-ain 
et  de  perte  seront  indiquées  par  ce  rapport,  et  si  long- 
temps que  le  jeu  se  prolonge,  les  chances,  à  chaque  partie 
isolément.,  resteront  dans  le  rapport  primitif. 


Mais  ce  serait  une  grande  erreur  de  penser  que 


—  73  — 

si  le  jeu  se  continue,  les  chances  de  chacun  pour  gagner 
un  certain  nombre  de  mises,  de  ruiner  son  adversaire,  si 
le  jeu  se  continue  indéfiniment,  resteront  dans  le  rapport 
des  chances  à  chaque  partie. 

Si  l'enjeu  dont  chacun  dispose  est  de  400  fr.,  ou  s'il 
s'agit  seulement  d'avoir  deux  parties  de  plus  pour  ter- 
miner le  jeu,  il  peut  se  faire  que  plusieurs  parties  soient 
jouées  avant  que  le  jeu  soit  terminé;  mais  rejetant  toutes 
celles  qui  font  une  balance  de  perte  et  de  gain,  et  qui  ne 
servent  qu'à  prolonger  la  partie,  il  suffit,  pour  se  rendre 
compte  des  probabilités  de  chacun,  de  comparer  les 
chances  qu'a  chacun  de  gagner  deux  parties  de  suite.  Or, 
les  chances  étant  l'unité  pour  le  premier,  et  1,5  pour  le 
second,  en  multipliant  ces  chances  par  elles-mêmes,  on 
a  toujours  l'unité  pour  le  premier,  et  1,5  au  carré  ou  2,25 
pour  le  second. 

Le  gain  étant  toujours  exprimé  par  une  chance,  parce 
que  1,  élevé  à  n'importe  quelle  puissance,  donne  tou- 
jours 1,  les  chances  de  perte  du  joueur  défavorisé  seront 
donc  successivement,  si  chacun  dispose  de  : 

1  000  fr.  1,5  %  ou 7  à     8 

2  000     »    1,5% 57  à  58 

3  000     »    l,5'^ 438 

4  000     »    1,5^   .......     3325 

5  000    «     1,5^ ,25251 

6  000     »    1,5^«, 191750 

7  000     .    1,5^ 1456100 

8  000     y>    l,5^ 11057  000 

9  000     »    1,5^ 83966000 

10  000     »    1,5='-',  .....     637620000 


—  7.i  — 

Tandis  que  le  joueur  favorisé  n'ayant  jamais  qu'une 
chance  de  perte,  ses  chances  de  gain  seront  évidemment 
données  par  les  chances  de  perte  de  son  adversaire. 

Il  est  facile  de  voir  que  chacun  de  ces  nombres  se  forme 
du  précédent  en  le  multipliant  par  un  facteur  constant 
qui  est  ég-al  au  premier  nombre,  c'est-à-dire  que  les 
chances  de  perdre  1  000  fr.  étant  données,  les  chances 
de  perdre  un  certain  nombre  de  fois  1  000  fr.  sont  le  pro- 
duit du  nombre  des  chances  de  perdre  1  000  fr.  multiplié 
successivement  autant  de  fois  par  lui-même. 

En  général,  les  chances  de  deux  joueurs,  pour  gagner 
un  même  nombre  de  mises,  sont  dans  le  rapport  des 
chances  primitives  de  chacun  élevées  à  la  puissance  re- 
présentée par  le  nombre  des  mises  ('). 


33.  —  Il  devient  évident  dès  lors  que  la  probabilité  de 
se  ruiner,  comparée  à  celle  de  doubler  seulement  sa  for- 
tune, dans  un  jeu  inégal,  dépend  essentiellement  du 
rapport  de  la  mise,  à  chaque  coup,  à  la  fortune  totale. 

Celui  qui,  possédant  seulement  1000  fr.,  n'opérerait 
jamais  que  sur  1500  fr.  de  rente,  avec  un  écart  constant 
de  0,40  c.  à  perdre  ou  à  gagner,  aurait  une  chance  pour 
gagner  contre  1,5^  chances  pour  perdre,  c'est-à-dire 
qu'on  pourrait  parier  de  7  à  8  contre  1  qu'il  se  ruinera 
avant  d'avoir  doublé  son  capital. 

Le  résultat  ne  changerait  pas  pour  celui  qui,  avec  un 


{^)  Voir  la  solution  du  5«  problème  d'Huygliens,  parBcrnouUi,  Montmort, 
Moivre,  etc. 


-  75  - 

capital  de  2000fi'.,  opérerait  sur  3  000  fr.  de  rente,  avec 
un  capital  de  4000  fr.,  opérerait  sur  C  000,  ou  avec  un 
capital  de  10  000  fr.  opérerait  sur  15  000. 

Mais  si  celui  qui  ne  possède  que  1  000  fr,  faisait  une 
seule  opération  sur  7  500,  ses  chances  deviendraient  dans 
le  rapport  des  différences  nettes,  800  et  1  200,  ou  comme 
1  àl,5,  tandis  que  si  celui  qui  possède  seulement  10  000  fr. 
n'opérait  que  sur  1500  fr.  de  rente  dans  les  mêmes  con- 
ditions, il  aurait,  pour  une  chance  de  doubler  son  capital, 
1,5^°,  ou  plus  de  637  millions  de  chances  de  se  ruiner. 

Ainsi,  pour  un  même  écart  de  liquidation,  en  augmen- 
tant et  faisant  varier  le  rapport  de  la  somme  risquée  à  la 
fortune  totale,  soit  qu'on  diminue  les  quotités  d'opéra- 
tions, soit  qu'on  considère  des  fortunes  de  plus  en  plus 
grandes,  soit  enfin  qu'on  combine  ces  deux  causes,  la 
probabilité  de  se  ruiner,  comparée  à  celle  de  doubler  sa 
fortune,  peut  prendre  des  proportions  de  plus  en  plus 
faibles  ou  de  plus  en  plus  considérables. 

Si  l'on  considère  des  quotités  égales  d'opérations, 
on  peut  rendre  les  probabilités  aussi  grandes  ou  aussi 
petites  que  l'on  veut,  en  faisant  varier  les  écarts  de  liqui- 
dation et  les  fortunes,  ou  les  sommes  qu'il  s'agit  de 
perdre  ou  gagner. 

Exemple  :  Supposons  un  joueur  n'opérant  jamais  que 
sur  3  000. 

Pour  rendre  ses  chances  de  perte  les  plus  petites  possi- 
ble, on  diminuera  indéfiniment  les  sommes  qu'il  s'agit  de 
perdre  ou  g-agner,  et  on  augmentera  les  écarts. 

S'il  ne  faut  seulement  que  gagner  2000  fr.  en  opérant 
avec  un  écart  de  2  fr.,  les  chances  sont  dans  le  rapport 


—  Io- 
des différences   présentées  par   une  opération  unique, 
comme  1  920  à  2  080,  ou  1  à  1,083. 

Pour  rendre  les  chances  de  perte  les  plus  grandes  pos- 
sible, on  augmentera  les  sommes  qu'il  s'agit  de  perdre 
ou  gagner,  et  on  diminuera  les  écarts. 

S'il  faut  gagner  ou  perdre  40000  fr.,  en  opérant  avec 
des  écarts  de  0,40  c,  on  a  déjà  un  nombre  de  chances  de 
perte  égal  à  1,5'°",  ou  composé  de  18  chiffres. 

Si  l'on  considère  des  sommes  ou  des  fortunes  égales,  on 
peut  rendre  de  même  les  probabilités  aussi  grandes  ou 
aussi  petites  que  l'on  veut,  en  faisant  varier  les  écarts 
de  liquidation  et  les  quotités  moyennes  d'opérations. 


34  —  Les  calculs  précédents  se  rapportent  à  un  écart 
de  liquidation  constant,  restant  toujours  le  même.  Mais, 
en  réalité,  on  ne  trouve  peut-être  pas  de  joueur  qui  se  li- 
quide constamment  avec  un  écart  invariable  de  perte  ou 
de  bénéfice;  quand  même  il  le  voudrait,  il  ne  serait  em- 
pêché par  l'irrégularité  des  cours. 

L'écart  de  liquidation  est  donc  essentiellement  va- 
riable. 

Si  cependant  cet  écart  ne  variait  que  d'une  manière 
parfaitement  régulière  et  continue,  ce  qui  ne  pourrait 
avoir  lieu  que  si  l'écart  probable  et  l'écart  moyen  se 
confondaient  entièrement  (parag.  21),  toute  différence 
dans  un  écart  serait  rigoureusement  compensée  par  une 
différence  opposée  ;  les  probabilités,  variables  pour  cha- 
que affaire  isolément,  seraient  ramenées  à  l'équilibre  sur 
un  ensemble  d'opérations. 


On  doit  comprendre  que  c'est  le  raffort  de  l'éccUt  pro- 
bable à  l'écart  moyen  qui  modifie  ces  probabilités. 

En  effet,  si  le  mouvement  des  cours  est  irrégulier,  la 
compensation  des  écarts  fortuits  ne  se  fera  plus  aussi  bien, 
et  ils  auront  une  tendance  à  se  manifester  toujours  du 
même  côté,  circonstance  qui  est  à  l'avantage  du  joueur, 
puisque  les  différences  que  ses  opérations  peuvent  pré- 
senter seront  d'autant  plus  grandes  que  la  compensation 
des  écarts  se  fera  moins  bien. 

Pour  deux  différences  égales  et  indépendantes,  il  n'y  a 
jamais  qu'une  probabilité  \  de  les  voir  se  rencontrer  dans 
le  même  sens  ;  mais  si,  pour  une  différence  nulle,  le  mon- 
tant de  deux  différences  se  rencontre  à  coup  sûr  du  même 
côté,  si  l'écart  probable  est  moitié  de  l'écart  moyen,  les 
chances  du  joueur,  beaucoup  moins  défavorables  pour 
une  même  somme,  redeviennent  cependant  les  mêmes 
que  si  l'écart  était  régulier,  dès  qu'on  suppose  doublée  la 
somme  qu'il  s'agit  de  perdre  ou  gagner. 

On  pourra  toujours  tomber  sur  les  mêmes  probabilités, 
quelle  que  soit  l'inégalité  des  cours,  en  multiplùuit  les 
premières  sommes  par  le  rapport  des  écarts. 


35.  —  A  la  Bourse,  nous  le  savons,  le  rapport  des  écarts 
est  de  1  à  1 ,4. 

Le  tableau  suivant  présentera  donc  les  chances  de  per- 
dre ou  gagner  un  capital  de  10  000  fr.  à  la  Bourse,  en  sup- 
posant des  écarts  constamment  égaux  aux  écarts  moyens, 
de  perdre  ou  gagner  en  réalité  ime  même  somme  qui,  jwo- 
hahïement^  ne  dépassera  pas  14  000  fr. 


CHANCES    DE    PERDRE  OU 

UNE    MÊME    SOMME,     d'uNE 

14  000 


Temps  DioyfB 

DIFFÉRENCfî 

G;  in  ^  ! 

Pour  me  chance  de 

de  liqiiid. 

sur 

nombres  suivants^  suivant 

(jours). 

1500  fr.  Rt<^ 

Terle  =^ 

1,500 

100,05 

1,4997 

390  000  000  000  000  000 

1 

141,50 

1,7882 

689  000  000  000  000  000 

2 

200,10 

1,4997 

625  000  000 

3 

245,10 

1,3900 

684  000 

4 

283 

1,3292 

23  300 

5 

316,40 

1,2894 

3  083 

6 

346,60 

1.2609 

803 

7 

374,35 

1,2392 

308 

8 

400,20 

1,2221 

150 

9 

424,50 

1,2081 

86 

10 

447,45 

1,1963 

55 

11 

469,30 

1,1864 

38 

12 

490,15 

1,1777 

28 

13 

510,15 

1,1702 

22 

14 

529,40 

1,1635 

17 

15 

548 

1,1575 

14 

16 

566 

1,1521 

12 

17 

583,40 

1,1472 

10,50 

18 

600,30 

1,1428 

9,24 

19 

616,75 

1,1387 

8,21 

20 

632,80 

1,1350 

7,38 

21 

648,40 

1,1315 

6,72 

22 

663,70 

1,1283 

6,16 

23 

678,60 

1,1253 

5,69 

24 

693,15 

1,1225 

5,30 

25 

707,45 

1,1199 

4,95 

26 

721,50 

1,1174 

4,68 

27 

735,25 

1,1151 

4,40 

28 

748,70 

1,1129 

4,17 

29 

762 

1,1108 

3,97 

30 

775 

1,1088 

3,79 

—  19 


GAGfJER,    A    LA    BOURSE 

VALEUR     PUOBABLE     DE 

FRANCS. 


r.nin,  les  chances  de  Perte  sont  représentées  par  les 
qu'on  opère   sur  des   quotités   moyennes      de   : 

3,000  I         6,000         I       12,000 


158 

170 
13 
5,36 
3,52 
2,73 
2,31 
2,05 
1,87 
1,74 
1,65 
1,57 
1,52 
1,47 
1,43 
1,39 
1,37 
1,34 
1,32 
1,30 
1,28 
1,27 
1,26 
1,24 
1,23 
1,22 
1,21 
1,20 
1,196 
1,188 
1,181 


625  000  000 

25  000 

830  000  000 

28  800 

25  000 

158 

827 

29 

153 

12 

56 

7,45 

28 

5,32 

18 

4,19 

12 

3,50 

9,27 

3,04 

7,39 

2,72 

6,16 

2,48 

5,30 

2,30 

4,66 

2,10 

4,18 

2,04 

3,78 

1,95 

3,49 

1,87 

3,24 

1,80 

3,04 

1,74 

2,86 

1,69 

2,72 

1,65 

2,59 

1,61 

2,48 

1,58 

2,39 

1,54 

2,30 

1,52 

2,22 

1,49 

2,16 

1,47 

2,10 

1,45 

2,04 

1,43 

1,98 

1,41 

1,95 

1,40 

30,000 

7,58 

7,80 

2,75 

1,96 

1,65 

1,49 

1,40 

1,33 

1,28 

1,25 

1,22 

1,20 

1,18 

1,17 

1,15 

1,14 

1,13 

1,125 

1,117 

1,111 

1,105 

1,100 

1,095 

1,091 

1,087 

1,083 

1,080 

1,077 

1,074 

1,071 

1,069 


—  80  — 

86.  —  Les  trois  colonnes  de  gauche  présentent  :  la  pre- 
mière, le  temps  mo3^en  de  liquidation  ;  la  seconde,  la  dif- 
férence brute  sur  J  500  fr,  de  rente;  la  troisième,  le  rap- 
port de  la  perte  ou  gain  sur  cette  difîerence  :  ces  trois 
colonnes  sont  la  reproduction  des  première,  quatrième  et 
dernière  colonnes  du  tableau  des  différences  (parag.  22). 

Pour  trouver  les  nombres  de  la  colonne  qui  suit,  expri- 
mant le  nombre  des  chances  de  perte  pour  une  de  gain, 
en  n'opérant  jamais  que  sur  1  500,  on  divise  la  somme 
qu'il  s  agit  de  perdre  ou  gagner,  14  000,  d'abord  par  1,4, 
ce  qui  donne  constamment  10  000,  puis  on  divise  10  000 
par  les  nombres  de  la  seconde  colonne,  et  le  quotient  in- 
dique le  nombre  probable  d'opérations  ou  de  coups  qu'il 
faudra  jouer;  on  élève  ensuite  la  chance  de  perte  à  cha- 
que coup  à  la  puissance  re}!résentée  par  le  nombre  total 
des  coups,  et  comme  la  chance  de  gain  reste  toujours  l'u- 
nité, qui  élevée  à  quelque  puissance  que  ce  soit,  est  tou- 
jours l'unité,  le  dernier  nombre  obtenu  indique,  pour  une 
chance  de  gain,  quel  est  le  nombre  définitif  des  chances 
de  perte. 

Pour  trouver  le  nombre  des  chances  de  perte,  si  on 
opère  sur  des  quotités  moyennes  de  3000  fr.,  6  000  fr., 
12  000  fr.,  30000  fr.  de  rente,  etc.,  on  multiplie  les  nom- 
bres de  la  seconde  colonne  par  2,  par  4,  par  8,  par  20, 
puisque  1  500  est  compris  autant  de  fois  dans  ces  diverses 
quotités,  et  on  opère  sur  les  produits  comme  précédem- 
ment. 

La  colonne  qui  donne  le  nombre  des  chances  de  perte 
quand  on  opère  sur  1  500,  pour  une  somm.e  de  14  000  fr. 
donnera  ép-alement  les  chances  de  perte,  si  on  opère 


—  81   — 

Sur    3  000,  pour  une  somme  de    28  000  fr. 
»      6  000,  »  56  000 

»    12000,  »  112000 

»    30  000,  »  280  000 

ou  sur  des  quantités  directement  proportionnelles  aux 
sommes  qu'il  s'agit  de  gagner. 

Les  chances  de  perte  pour  une  somme  de  1 4  000  f r. 
quand  on  opère  sur  3  000,  seront  les  mêmes 

Sur    1500,  pour  une  somme  de      7000  fr. 
»      6  000,  »  28000 

.)    12  000  ))  56  000 

»    30  000  »  140000 

Les  chances  de  perte  pour  une  somme  de  14  000  fr. 
quand  on  opère  sur  6  000,  seront  les  mêmes 

Sur    1500,  pour  une  somme  de     8500  fr. 
»      3000  »  7000 

»    12  000  »  28000 

»    30  000  »  70  000 

Les  chances  de  perte  pour  une  somme  de  14  000  fr. 
quand  on  opère  sur  12  000,  seront  les  mêmes, 

Sur    1  500,   pour  une  somme  de     1  750  fr. 
»     3  000  »  3500 

,)      6  000  »  7  000 

.,    30  000  »  35  000 

Les  chances  de  perte  pour  une  somme  de  14000  fr. 
quand  on  opère  sur  30  000,  seront  les  mêmes, 

Sur     1  500,  pour  une  somme  de        700  fr. 
»      3  000  »  1400 

»      6  000  »  2800 

«    12  000  »  5  600 

6 


—  82  — 

37.  —  Le  joueur  qui  n'opérerait  jamais  que  sur  1  500 
fr.  de  rente,  et  liquiderait  chacune  de  ses  opérations  dans 
la  même  bourse,  pour  une  chance  de  gain  qu'il  aurait  de 
gagner  une  somme  probable  de  14  000  fr.,  aurait  un 
nombre  de  chances  de  perte  exprimé  par  dix-Jmit  chiffres. 

Celui  qui,  n'opérant  jamais  que  sur  1  500,  liquiderait 
toujours  le  lendemain  chacune  de  ses  opérations,  aurait 
un  nombre  de  chances  de  perte  exprimé  par  le  même 
nombre  de  chiffres,  mais  encore  plus  considérable, 
689  000  000  000  000  000,  approximativement. 

Ce  dernier  nombre  est  compris  entre  la  59''  et  la  60^  puis- 
sance de  2. 

La  probabilité  qu'il  y  aurait  de  gagner  seulement 
14  000  francs  dans  ces  conditions,  est  plus  faible  que  la 
probabilité  qu'il  y  aurait  de  retirer  une  à  une,  d'une  urne 
composée  d'une  iniînité  de  boules  blanches  et  noires  en 
quantités  égales,  59  boules  blanches  de  suite. 

Ce  sont  là  de  véritables  impossibilités. 

Quand  même  on  pourrait  faire  dix  mille  expériences 
ou  dix  mille  tirages  par  jour,  un  événement  de  ce  genre 
ne  se  présenterait  pas  une  fois  en  un  milliard  de  siècles. 

Les  chances  de  gain  et  de  perte  sur  une  même  somme 
restant  constamment  les  mêmes,  la  somme  qu'il  s'agit  de 
gagner  ou  perdre,  égale  à  14  000  fr.  environ  dans  des 
circonstances  ordinaires,  peut  varier  dans  des  limites 
très-étendues  qui  dépendent  principalement  des  condi- 
tions exceptionnelles  de  la  spéculation. 

Ainsi,  dans  les  moments  de  marasme  et  de  stagnation, 
alors  que  les  variations  dans  les  cours  sont  insignifiantes, 
cette  somme  sera  nécessairement  moindre,  et  si  les  varia- 


—  s:\  — 

tions  diminuent,  par  exemple,  de  moitié,  les  mêmes  pro- 
babilités se  présenteront  sur  une  somme  quatre  fois 
moindre. 

Au  contraire,  dans  les  moments  où  la  spéculation  sera 
beaucoup  plus  active,  et  les  variations  plus  grandes,  cette 
somme  devra  être  plus  élevée,  et  si  les  variations  aug- 
mentent du  double,  les  mêmes  probabilités  ne  se  présen- 
teront que  sur  des  sommes  quatre  fois  plus  grandes,  en 
divisant  ou  multipliant  toujours  les  sommes  par  les  car- 
rés du  nouveau  rapport  des  variations. 

Quelque  g-randes  et  quelque  irrégulières  que  soient  les 
variations,  non-seulement  ou  pourra  toujours  trouver  des 
sommes  assez  fortes  pour  rétablir  le  rapport  des  chances, 
mais  on  j)OîLrTa  toicjours  trouver  des  sommes  assez  fortes 
'pour  que,  dans  tous  lescas^  les  chances  de  perte  deviennent 
infiniment  grandes. 

Il  n'est  pas  inutile  de  faire  observer  que  l'intérêt  per- 
manent du  joueur  est  de  voir  augmenter  l'écart  des  va- 
riations, et  en  même  temps  de  voir  augmenter  le  rapport 
qui  lie  l'écart  probable  à  l'écart  moyen  :  ces  deux  condi- 
tions dans  lesquelles  il  diminue  le  plus  ses  chances  de 
perte,  sont  précisément  celles  qui  apportent  le  plus  de 
trouble  aux  affaires  et  qui  nuisent  le  plus  aux  véritables 
transactions. 


38.  —  La  fortune  d'un  joueur  étant  donnée,  ainsi  que 
ses  quotités  moyennes  d'opérations  et  son  écart  moyen 
de  liquidation,  il  devient  possible  maintenant  de  déter- 
miner ses  chances  de  perte  et  de  gain,  et  ce  que  l'on 


—  84  — 

pourrait  parier  qu'il  perdra  une  certaine  somme  avant  de 
la  gagner,  qu'il  se  ruinera  avant  d'avoir  doublé  sa  fortune. 
Il  faut  pour  cela  : 

1°  Calculer  la  différence  produite  par  l'écart  de  liqui- 
dation sur  la  quotité  moyenne  d'opérations. 

2°  Diviser  par  1,4  le  montant  de  la  fortune  totale,  ou 
la  somme  qu'il  s'agit  de  perdre  ou  gagner,  et  diviser  le 
quotient  par  cette  différence. 

3"  Elever  le  rapport  de  la  perte  à  l'unité  pour  gain,  à 
chaque  opération,  à  la  puissance  donnée  par  le  dernier 
quotient,  ce  qui  devient  très-facile  avec  une  table  do 
logarithmes. 

Exemple  :  Un  joueur  possède  70  000  fr;  il  opère  tou- 
jours sur  15  000,  ou  sur  des  quotités  qui  donnent  15  000  fr. 
de  rente  pour  la  moyenne  de  chaque  opération,  et  il  se 
liquide  dans  des  temps  qui  donnent  0,40  c.  pour  l'écart 
moyen  de  chacune. 

L'écart  de  liquidation  donne  une  différence  de  2  000  fr. 
pour  15  000  de  rente. 

S'il  ne  s'agit  que  de  gagner  10  000  fr.,  je  divise  10000 
par  1 ,4,  ce  qui  donne  7 143,  et  je  divise  cette  dernière 
somme  par  2000,  ce  qui  donne  3,5715. 

En  cas  de  gain,  la  différence  2  000  se  réduit  de  400  fr. 
de  courtages,  et  devient  1  600  ;  en  cas  de  perte,  elle  s'aug- 
mente d'autant,  et  devient  2400. 

Le  rapport  de  la  perte  au  gain  pour  unité  étant  ^^  ou 
1,5,  j'élève  ce  rapporta  la  puissance  3,5715,  ce  qui  donne 
4,25. 

On  pourrait  parier  plus  de  4  contre  un  que  le  joueur 
perdra  10  000  fr.  avant  de  les  gagner. 


—  85  - 

On  trouverait  de  la  même  manière  que  l'on  peut  parier  : 

18, 10,  ou  plus  de  18  contre  1  qu'il  perdra  20  000  fr.  avant 
de  les  gag-ner. 

159  contre  1  qu'il  perdra 35  000  fr.  avant  de  les  gagner. 

1395  contre  un  qu'il  perdra  50  000  fr.  avant  de  les  ga- 
gner. 

25  251  contre  1  qu'il  sera  complètement  ruiné  avant 
d'avoir  doublé  sa  fortune. 

Tous  ces  nombres  pourraient  encore  se  déduire  les  uns 
des  autres,  en  élevant  chacun  à  la  puissance  représentée 
par  le  rapport  de  l'augmentation  des  sommes. 


39.  —  On  trouve  certainement  peu  de  joueurs  qui 
observent  une  si  grande  régularité  dans  leur  jeu,  qu'ils 
n'opèrent  que  sur  des  quotités  égales,  encore  moins  avec 
des  écarts  égaux  ;  mais  quelque  variées  que  soient  leurs 
opérations  et  leurs  écarts,  elles  sont  toujours  ramenées 
d'une  manière  très-simple  aux  moyennes  que  représen  - 
tent  toutes  les  quantités,  et  il  serait  complètement  indif- 
férent aux  joueurs,  surtout  sur  un  grand  nombre  d'opé- 
rations, d'opérer  exclusivement  sur  ces  moyennes  ;  le 
contraire  supposerait  que  les  plus  grands  écarts  s'appli- 
queront toujours  aux  plus  fortes  quantités,  ou  toujours 
aux  plus  faibles,  ce  qui  formerait  un  système  préconçu 
que  rien  ne  peut  motiver,  et  nullement  admissible. 

Toutes  les  combinaisons  imaginées  par  un  joueur  con- 
sistant à  aug*menter  ou  diminuer  la  quotité  de  ses  opéra- 
tions, à  augmenter  ou  diminuer  le  temps  de  liquidation 
de  ses  affaires  et  ses  écarts,  à  opérer  sur  telle  ou  telle 


—  86  — 

valeur,  ont  pour  effet  de  faire  varier  incessamment  ses 
chances  de  gain  et  de  jperte,  de  les  augmenter  ou  dimi- 
nuer dans  des  rapports  variables,  mais  seulement  en 
raison  de  la  somme  dont  il  dispose  pour  alimenter  son  jeu, 
et  ces  rapports  ne  font  qu'osciller  autour  des  rapports 
fixes  déterminés  de  la  manière  qui  précède. 

Pour  connaître  ces  moyennes,  dont  la  détermination  est 
la  seule  chose  importante,  le  plus  simple  est  de  remonter 
à  l'observation  des  opérations  antérieures,  et  rien  n'est 
plus  facile  que  de  calculer  sur  les  comptes  d'un  joueur  les 
moyennes  des  écarts  et  des  quotités  de  ses  opérations; 
seulement  il  faut  observer  que,  pour  que  l'on  puisse 
compter  deux  courtages  sur  les  moyennes  obtenues,  il 
faut,  pour  toutes  les  opérations  où  il  n'y  a  qu'un  cour- 
tage à  payer,  doubler  les  écarts,  et  diminuer  de  moitié  la 
quotité  des  opérations,  ce  qui  revient  à  peu  près  à  multi- 
plier les  écarts  par  I/2". 

Souvent  un  joueur  systématique  se  trace  un  plan  dont 
il  ne  s'écartera  pas  pour  la  conduite  de  ses  opérations  ; 
dans  ce  cas,  il  lui  est  possible  de  calculer  exactement  ses 
chances  avant  d'avoir  engagé  une  seule  affaire. 


40.  —  Beaucoup  d'autres  questions,  du  genre  de  la  pré- 
cédente (parag.  38),  pourraient  être  résolues,  mais  elles 
sont  plutôt  du  ressort  de  la  théorie  que  d'une  application 
suivie. 

On  pourrait,  par  exemple,  demander  ce  qu'il  y  a  à  parier 
qu'un  joueur  sera  ruiné  avant  d'avoir  gagné  telle  somme 
déterminée  d'avance. 


—  87  — 

On  pourrait  encore  demander  quelle  somme  on  peut 
parier,  à  ég-alité  de  chances,  qu'un  joueur  g-agnera  ou 
ne  g'agnera  pas  avant  d'avoir  perdu  telle  autre  somme 
déterminée  d'avance. 

Comme  la  démonstration  des  règles  au  moyen  des- 
quelles on  peut  résoudre  ces  calculs  est  longue  et  labo- 
rieuse, qu'elle  nous  écarterait  du  plan  que  nous  nous 
sommes  tracé,  nous  laissons  à  la  pénétration  du  lecteur 
le  soin  de  les  découvrir,  et  nous  nous  bornerons  à  énoncer 
les  résultats  dans  un  cas  précisé ,  celui  que  nous  venons 
de  prendre,  d'un  joueur  qui,  possesseur  de  70  000  fr., 
opère  sur  15  000  avec  un  écart  moyen  de  0,40  cent. 

Au  sujet  de  la  première  question,  on  pourrait  parier  : 

3,25,  ou  plus  de  3  contre  1  que  ce  joueur  sera  ruiné 
avant  d'avoir  gagné  10  000  fr. 

17,11 ,  ou  plus  de  17  contre  1  qu'il  sera  ruiné  avant 
d'avoir  gagné  20  000  fr. 

158  contre  un  qu'il  sera  ruiné  avant  d'avoir  gagné 
35000fr. 

1  394  contre  un  qu'il  sera  ruiné  avant  d'avoir  gagné 
50  000  fr. 


41.  —  Au  sujet  de  la  seconde  question,  on  pourrait 
parier  un  contre  un  ou  à  égalité  de  chances  : 

Qu'avant  d'avoir  perdu  10  000  fr. ,  ce  joueur  n'aura 
pas  gagné  une  somme  dépassant  3  925  fr. 

Qu'avant  d'avoir  perdu  20  000  fr.,  il  n'aura  pas  gagné 
une  somme  dépassant  4  591  fr. 


—  8S  — 

Qu'avant  d'avoir  perdu  35  000  fr. ,  il  n'aura  pas  g'ag-né 
une  somme  dépassant  4  769_fr. 

Qu'avant  d'avoir  perdu  50  000  fr.,  il  n'aura  pas  ^agné 
une  somme  dépassant  4  784  fr. 

Enfin,  qu'avant  d'être  ruiné,  il  n'aura  pas  gagné  une 
.somme  de  plus  de  4  787  fr. 

Toute  la  fortune  du  joueur  qui  opère  dans  ces  condi- 
tions, est  l'équivalent  d'une  somme  de  4  787  fr. 

Dans  cette  question,  les  sommes  que  peut  posséder  le 
joueur  n'augmentent  plus  sensiblement  au-delà  d'un  cer- 
tain chiffre,  les  probabilités  qu'il  peut  avoir  de  gagner 
une  somme  déterminée  ;  car  dans  l'exemple  présent, 
quand  même  il  posséderait  100  millions,  on  pourrait  en- 
core parier  un  contre  un  qu'il  ne  sera  jamais  en  gain  de 
plus  de  4  788  fr. 

Les  quotités  d'opérations  ag-issent  dans  une  mesure 
plus  étendue  et  plus  uniforme  sur  ses  gains  probables,  et 
si  avec  une  fortune  de  70  000  fr.  et  des  écarts  moyens  de 
0,40  cent. ,  il  quadruplait  les  quotités  sur  lesquelles  il 
opère  en  les  élevant  à  60  000,  on  ne  pourrait  pas  pa- 
rier plus  de  1  contre  1,  que  ses  gains  ne  dépasseront  pas 
18  832  fr. 

Mais  c'est  surtout  l'augmentation  des  écarts  qui  favo- 
riserait le  joueur  :  et  s'il  quadruplait  les  siens,  en  opé- 
rant sur  15000,  avec  1  fr.  60  d'écart,  ou  ne  pourrait 
pas  parier  plus  de  1  contre  1  que  ses  gains  ne  dépasse- 
ront pas  42  784  fr. 


42.  —  Dans  tout  jeu  inégal,  la  répétition  des  coups 


—  89  — 

augmente  très-rapidement,  et  dans  des  proportions  véri- 
tablement incroyables,  les  probabilités  de  perte  du  joueur 
défavorisé;  à  la  Bourse,  cette  augmentation  prend  un 
accroissement  encore  plus  rapide,  parce  que  les  deux 
causes  principales  qui  établissent  l'inégalité,  s'ajoutent 
dans  leur  combinaison. 

La  première  est  la  répétition  même  des  coups  néces- 
saires pour  arriver  à  gagner  une  même  somme,  lorsque 
l'écart  de  liquidation  ou  le  montant  des  différences  dimi- 
nue, et  que  l'inégalité  reste  constante. 

Dans  tous  les  jeux  de  basard,  le  droit  de  la  banque 
l'esté  toujours  proportionnel  à  la  somme  risquée  ;  l'iné- 
galité est  alors  constante  :  ce  droit  est  de  tant  pour  cent 
de  la  mise,  et  si  les  banques  établissaient  une  distinction 
quant  au  montant  des  mises,  ce  serait  bien  certainement 
sur  les  plus  fortes  qu'elles  prélèveraient  les  droits  les  plus 
élevés. 

A  la  Bourse,  c'est  tout  le  contraire  :  le  droit  étant  in- 
variable, quelle  que  soit  la  différence  de  gain  ou  de  perte 
réalisée,  c'est  sur  les  petites  différences,  sur  les  plus  fai- 
bles enjeux,  que  le  droit  est  relativement  le  plus  élevé,  le 
plus  onéreux. 

Vous  engagez  une  opération  quelconque,  sur  3  000  fr. 
de  rente,  par  exemple;  comme  le  droit  de  courtage 
est  indépendant  de  la  différence  que  l'opération  pourra 
vous  présenter,  si  cette  différence  est  de  1  000  fr., 
les  droits  d'acbat  et  de  vente,  invariablement  de  80  fr. 
représenteront  8  «/o  ;  si  la  différence  est  de  500  fr.,  ces 
droits  représenteront  16  "/o  ;  si  la  diff'érence  est  de  100  fr., 
ces  droits  représenteront  80  °/o.  Enfin,  si  la  différence  est 


—  90  — 

de  80  fr.,  les  droits  absorberont  toute  la  mise,  et  vous  ne 
pourrez  jamais  g-ag-ner  ;  si  la  différence  est  moindre,  les 
droits  absorberont  au-delà  de  la  mise,  et  vous  ne  pourrez 
jamais  que  perdre  ! 

C'est  la  plus  ironique  antithèse  de  Vimpôt  progressif. 

Si  on  ne  considérait  que  l'inégalité  primitive  résultant 
de  ces  conditions,  entre  les  chances  favorables  et  défavo- 
rables, on  serait  fondé,  au  milieu  de  cette  innombrable 
variété  de  jeux  de  hasard  auxquels  les  hommes  se  sont 
livrés  de  tous  temps,  à  regarder  le  jeu  à  la  Bourse,  comme 
le  plus  désastreux,  comme  le  plus  détestable  que  la  pas- 
sion ait  pu  inventer. 

Ce  qui  diminue  un  peu  cette  inégalité,  c'est  l'impossi- 
bilité presque  absolue  de  jouer  un  très-grand  nombre  de 
coups  en  peu  de  temps,  car  tandis  qu'à  la  roulette,  on 
peut  jouer  facilement  quatre  et  cinq  cents  coups  par  jour, 
le  boursier  le  plus  obstiné  est  souvent  forcé  de  rester  un  ou 
deux  jours  dans  l'inaction,  s'il  ne  trouve  pas  à  se  liquider 
convenablement.  La  grande  inégalité  des  chances  à  la 
Bourse  est,  en  partie,  compensée  parle  plus  petit  nombre 
des  coups  que  l'on  peut  y  jouer. 


43.  —  De  quelque  manière  que  l'on  opère,  les  chances 
de  gain  et  de  perte  ne  peuvent  jamais  être  égales,  et  les 
dernières  sont  toujours  les  plus  fortes  ;  le  gain  ayant 
constamment  îme  chance  pour  lui,  l'augmentation  des 
chances  de  perte  est  nettement  déterminée  par  trois 
éléments  qui  font  suivre  une  même  loi  à  cette  aug- 
mentation. 


—  01    — 

1"  Les  sommes  risquées. 

Les  chances  de  perte  s'élèvenô  à  la  puissance  donnée  par 
le  rapport  direct  des  fortunes.  Toutes  clioses  égales  d'ail- 
leurs, pour  des  sommes  ou  des  fortunes  doubles,  triples, 
quadruples,  le  nombre  des  chances  de  perte  s'élève  à  la 
seconde,  à  la  troisième,  à  la  quatrième  puissance ,  s'il 
s'agit  de  gagner  une  somme  égale  à  la  fortune. 

2"  La  quotité  des  opérations  moyennes. 

Les  cJiances  de  perte  s'élèvent  à  la  pîmsance  donnée  par 
le  ra'pport  inverse  des  qiootités.  Celui  qui  n'opère  que  sur 
30  000  fr.  de  rente  ayant  un  nombre  déterminé  de  chan- 
ces de  perte,  celui  qui  n'opère  que  sur  la  moitié,  15000, 
a  pour  chances  de  perte  le  carré  du  premier  nombre,  etc. 

Le  désavantage  présenté  par  la  petitesse  des  opérations 
n'est  réel,  il  faut  bien  le  remarquer,  que  s'il  s'agit  de  ga- 
gner une  même  somme.  Ce  désavantage  serait  nul  s'il  ne 
s'agissait  que  de  gagner  des  sommes  proportionnelles. 
Mais  du  moment  que  le  jeu  est  continué  indéfiniment,  le 
joueur  qui  préfère  de  petites  opérations  à  de  plus  grandes, 
fait  un  très-mauvais  calcul.  Gagner  peu  pour  perdre  'pei^, 
est  un  aphorisme  qui  n'est  vrai  tout  au  plus  que  si  les 
chances  du  jeu  sont  égales. 


44.  —  B*'  Le  temps  de  liquidation,  et  par  suite  l'écart. 

LES  CHANCES  DE  PERTE  S'ÉLÈVENT  A  LA 
PUISSANCE  DONNÉE  PAR  LE  RAPPORT  INVERSE 
DES  TEMPS. 

Ainsi,  celui  qui  se  liquide  dans  uu  temps  moitié  moiu- 


—  92  — 

dre,  élève  le  nombre  de  ses  chances  de  perte  au  carré, 
celui  qui  se  liquide  dans  un  temps  trois,  quatre,  ou  cinq 
fois,  moindre,  les  élève  au  cube,  à  la  quatrième,  cin- 
quième puissance,  etc. 

Si  le  temps  diminue  dans  le  rapport  de  7  à  10,  qui  ne 
donne  pas  un  nombre  entier,  il  faut  élever  le  nombre  des 
chances  de  perte  à  la  puissance  —  ou  1,42857. 

Si  le  temps  augmente,  on  a  toujours  des  puissances 
fractionnaires  moindres  que  l'unité,  ce  qui  veut  dire  qu'il 
faut  extraire  une  racine. 

Cette  loi  se  trouve  modifiée  dans  une  certaine  mesure 
pour  des  espaces  de  temps  très-courts,  parce  qu'alors  les 
chances  de  perte  à  chaque  coup  ne  sont  pas  tout  à  fait 
dans  le  rapport  énoncé  (parag.  23).  Mais  cette  différence 
augmente  encore  les  chances  de  perte  du  joueur  qui  se 
liquide  dans  un  temps  moindre. 

Par  suite  de  la  similitude  de  ces  lois  et  de  leur  combi- 
naison, on  peut,  pour  une  même  somme,  augmenter  ou 
diminuer  à  volonté  la  quotité  moyenne  de  ses  opérations 
en  diminuant  ou  augmentant  par  contre,  dans  les  mêmes 
proportions,  le  temps  moyen  employé  à  sa  liquidation, 
sans  faire  varier  sensiblement  ses  chances  de  perte.  Celui 
qui  ferait  une  opération  tous  les  cinq  jours  sur  3  000, 
ayant,  pour  gagner  14  000  fr.,  56  chances  de  perte  contre 
une  de  gain,  celui  qui  ferait  une  opération  tous  les  dix 
jours  sur  1  500,  aurait  55  chances  de  perte,  ou  seulement 
une  de  moins  que  le  premier.  (Voir  au  tableau.) 

Le  rapport  de  la  mise  à  la  somme  totale,  déterminé  par 
les  deux  premiers  éléments,  est  la  seule  cause  agissante 
dans  tous  les  jeux  de  hasard  où  le  droit,  déterminé  d'à- 


93  — 


vance,  est  de  tant  pour  cent  de  la  somme  risquée.  La  der- 
nière cause,  Vaction  dio  temps,  pour  modifier  les  chances, 
la  plus  remarquable  et  la  plus  caractéristique,  est  toute 
particulière  au  jeu  qui  s'exerce  à  la  Bourse. 


45.  —  En  résumé,  pour  comparer  exactement  le  plus 
ou  moins  de  chances  qu'il  y  a  de  perdre  ou  gagner  h  la 
Bourse,  il  faut  considérer  trois  éléments. 

\^  Plus  le  jeu  est  continué  longtemps,  ou  en  d'autre? 
termes,  plus  les  sommes  à  perdre  ou  à  gagner  sont 
grandes  ; 

2°  Plus  les  quotités  sur  lesquelles  on  opère  sont  petites; 

3°  Plus  le  temps  moyen  de  liquidation  est  court. 

Et  plus  les  chances  de  perte  sont  nombreuses. 

Au  contraire  : 

1°  Plus  les  sommes  à  perdre  ou  à  gagner  sont  petites; 

}i°  Plus  les  quotités  sur  lesquelles  on  opère  sont  grandes,- 

S^  Plus  le  temps  moyen  de  liquidation  est  éloigné, 

Et  moins  les  chances  de  perte  sont  nombreuses. 

La  probabilité  de  perte  étant  dans  tous  les  cas  supé- 
rieure à  - ,  peut  passer,  lorsque  l'on  fait  varier  ces  trois 
éléments,  et  qu'on  les  combine  convenablement,  par  tous 
les  degrés  voulus  compris  entre  '  et  l'unité,  depuis  le 
doute  jusqu'à  la  certitude  presque  absolus. 

Pour  l'augmentation  ou  la  diminution  que  l'on  peut 
faire  subir  à  chacun  de  ces  éléments,  la  loi  de  variation 
des  chances  de  perte  est  toujours  celle  de  l'extraction  des 
racines,  ou  de  l'élévation  aux  puissances. 


—  U  — 

4G. — Ainsi  que  nous  l'avons  déjà  énoncé  (par.  14), il  n'est 
aucune  méthode  de  gagner  plus  ou  moins  sure  au  jeu,  ou 
de  gagner  sûrement  une  somme  si  jîetite  qu'elle  soit,  les 
probabilités  premières  restant  invariablement  les  mêmes, 
à  chaque  partie  isolément,  et  laissant  toujours  subsister 
l'inégalité,  lorsqu'elle  résulte  des  conditions  primitives  du 
jeu;  la  conduite  la  plus  simple  à  tenir,  dictée  à  la  fois  par 
l'expérience  et  le  bon  sens,  serait  donc  de  ne  jamais  s'ex- 
poser au  jeu,  et  quand  on  a  eu  le  malheur  de  se  laisser 
aller  à  ses  séductions  trompeuses ,  il  est  toujours 
temps  de  s'arrêter  sur  la  pente  de  sa  propre  ruine  ; 
mais  il  y  aurait  une  manière  certaine  et  qui  résulte  claire- 
ment de  la  théorie  même  du  jeu,  de  diminuer  autant  que 
possible  ses  chances  de  perte,  si  une  fois  qu'on  s'est  mis 
au  jeu,  on  était  bien  décidé  à  ne  plus  le  quitter  tant  qu'on 
pourra  le  tenir  :  ce  serait  évidemment  de  jouer  le  moins 
de  coups  possible,  de  risquer  immédiatement  tout  l'enjeu 
dont  on  dispose,  de  livrer  en  une  seule  fois  sa  fortune 
toute  entière  aux  hasards  du  sort,  de  ne  faire  enfin  quîme 
seule  opération  ,  mais  de  la  faire  la  plus  forte  pos- 
sible. 

Si  le  jeu  est  incessamment  répété,  s'il  doit  être  prolongé 
indéfiniment,  comment  voulez-vous,  ô  joueurs,  qu'ilfinisse 
autrement  que  par  votre  ruine  ?  Quand  même  vous  arri- 
veriez à  doubler,  tripler  votre  fortune,  vous  n'avez  rien 
terminé,  et  cet  adversaire  invisible,  mystérieux,  qui  tient 
votre  partie  à  la  Bourse,  doit  être  considéré,  par  rapport  à 
vous,  comme  possédant  une  fortune  infiniment  gTande  ; 
or,  sachez-le  bien,  dans  ce  cas,  si  petite  que  soit  l'inég-a- 
lité  bien  plus,  quand  même  les  chances  seraient  stricte- 


05 


ment  égales,  vous  auriez  toujours  une  CERTITUDE  AB- 
SOLUE d'être  ruinés. 


47.  —  Il  est  même  possible  de  prévoir  le  moment  où 
s'effectuera  la  ruine  du  joueur  ;  car  en  ne  faisant  consister 
l'inégalité  que  dans  le  courtag-e,  si  on  admet,  comme  la 
supposition  la  plus  vraisemblable,  que  les  gains  et  les 
pertes  se  balancent,  le  montant  des  courtages,  à  lui  seul, 
doit  nécessairement  absorber  à  un  moment  donné  la  coîi- 
vertuo'e  du  joueur. 

La  règle  tirée  de  cette  supposition,  sera  d'autant  plus 
précise  que  le  courtage  sera  une  partie  plus  notable  de  la 
différence  ;  s'il  n'en  était  qu'une  faible  partie,  les  fluctua- 
tions de  perte  ou  de  gain  pourraient  encore  avancer  con- 
sidérablement ce  moment. 

Le  droit  de  courtage  est  généralement  de  ^'g  pour  o/°,  ou 
—  pour  les  affaires  de  jeu  comme  pour  les  affaires  sérieu- 
ses ;  mais  pour  ces  dernières,  le  droit  est  pris  sur  un  ca- 
pital réel;  pour  les  premières,  le  droit  est  pris  sur  un  ca- 
pital presque  entièrement ^c^ï/. 

Il  en  résulte  que  si  la  couverture  du  joueur  ou  la  somme 
qu'il  peut  perdre  représente,  par  exemple,  le  vingtième 
des  capitaux  sur  lesquels  il  opère  chaque  fois,  le  droit  de 
courtage  à  ^\^  pour  "/o  représente  pour  lui,  en  réalité, 
vingt  fois  plus,  ou  deux  et  demi  pour  cent. 

Par  conséquent,  la  perte  et  le  gain  se  balançant,  il  ne 
faudra  pas  plus  de  quarante  opérations  en  moyenne  pour 
absorber  la  couverture  du  joueur  ou  faire  qu'il  ne  lui  reste 
rien. 


-  or>  - 

Sur  la  rente  cependant,  le  courtage  ne  représentant 
pour  les  opérations  à  terme  que  ~^  pour  cent  au  cours  de 
64  francs,  i  au  cours  de  72,  et  1  au  cours  de  80,  il  fau- 

18  20 

drait  entre  ces  cours,  un  peu  plus  du  double  d'aflFaires,  de 
80  à  100  tout  au  plus,   pour  absorber  la  couverture. 

Si  le  joueur  met,  par  exemple,  deux  jours  entre  cha- 
cune de  ses  affaires  et  sa  liquidation,  il  faudra,  dans  le 
premier  cas,  40  X  2  ou  80  jours;  dans  le  second  cas,  de 
80  X  2  à  100  X  2,  ou  de  160  à  200  jours,  pour  consom- 
mer sa  ruine. 

C'est  le  rapport  du  capital  sur  lequel  ses  opérations 
sont  engagées,  ou  que  réprésente  la  moyenne  des  quoti- 
tés sur  lesquelles  il  opère,  au  montant  de  la  couverture 
ou  du  capital  réel  dont  dispose  le  joueur,  qui,  multiplié 
par  la  moyenne  des  jours  qu'il  laisse  entre  chacune  de  ses 
opérations,  déterminera  le  nombre  total  des  jours  ou  le 
temps  dans  lequel  il  y  a  chances  égales  qu'il  sera  ou  ne 
sera  pas  ruiné. 

Le  droit  de  courtage  est  insignifiant  pour  le  spécula- 
teur qui  n'opère  qu'au  comptant  ou  avec  les  capitaux  en 
mains,  ce  droit  est  énorme,  onéreux,  il  est  fatalement  rui- 
neux pour  le  joueur  qui  n'opère  que  sur  des  capitaux 
fictifs. 


48.  —  Les  quelques  fortunes  qui  se  sont  faites  et  se 
font  encore  à  la  Bourse,  nous  l'avons  déjà  dit,  sont  dues 
uniquement  à  la  position  personnelle  ou  aux  relations 
sociales  de  leurs  possesseurs  qui  sont  à  même  de  péné- 
trer le  secret  d'événements  dont  l'annonce  doit  influer  sur 


—  97    - 

les  cours,  et  qui  ne  se  servent  que  trop  souvent  de  leur 
position  pour  jouer  presqu'à  coup  sur.  Par  exemple,  un 
administrateur  qui  connaît  k  fond  la  situation  de  la  com- 
pagnie dont  les  intérêts  lui  sont  confiés,  à  la  veille  de  dé- 
créter une  mesure  qui  aura  pour  effet  de  produire  une 
forte  hausse  ou  une  forte  baisse,  hésitera-t-il  souvent  à 
placer  l'intérêt  personnel  au-dessous  de  celui  de  ses  com- 
mettants, quand  cela  lui  est  si  facile  sans  être  connu?... 

Mais  à  la  Bourse  comme  ailleurs,  on  peut  appliquer  le 
proverbe,  tricher  n'esl  pas  jouer,  et  l'origine  impure  de 
pareilles  fortunes  est  plutôt  une  preuve  éclatante  qu'un 
démenti,  de  l'impossibilité  dejamais  acquérir  une  fortune 
honnête  par  le  jeu. 

Quand  vous  entendrez  dire  parfois  qu'un  tel  a  fait 
une  fortune  à  la  Bourse,  tâchez  de  pénétrer  exactement 
dans  toutes  les  causes,  et  votre  surprise  ne  sera  jamais  de 
longue  durée. 

Il  est  encore  un  moyen  de  gagner  à  coup  sûr,  mais  à 
la  portée  de  peu  de  monde  :  c'est  d'avoir  assez  de  crédit 
pour  engager  des  sommes  d'opérations  tellement  impor- 
tantes, qu'elles  exercent  une  véritable  influence  sur  le 
marché.  Non  parce  que  de  fortes  quantités  de  ventes  et 
d'achats  produisent  par  elles-mêmes  un  mouvement  pro- 
noncé, car  l'action  produite  dans  un  sens  serait  annulée 
par  la  réaction  contraire  ;  mais  parce  que  dès  que  l'on  est 
assez  fort  pour  ébranler  le  marché,  la  tombe  inquiète  et 
moutonnière  des  petits  spéculateurs  se  met  aveuglément 
à  la  remorque  et  continue  le  mouvement  commencé. 

Parfois  encore,  un  joueur  aussi  audacieux,  mais  plus 
coupable,  lancera  traîtreusement  dans  l'ombre  l'annonce 


—  98  — 

d'une  fausse  nouvelle  qui,  ne  pouvant  être  vérifiée  sur-le- 
champ,  aura  pour  effet  d'occasionner  une  panique  géné- 
rale au  milieu  du  troupeau  ;  la  vérité  sera  connue  le  len- 
demain, mais  trop  tard,  et  le  tour  serajoué. 

Quant  aux  joueurs  honnêtes,  qui  ne  sont  qu'abusés,  et 
qui  rougiraient  d'employer  des  moyens  illicites,  si  quel- 
ques-uns parviennent  à  se  soutenir  momentanément  à  la 
Bourse,  ce  ne  peut  être,  ainsi  que  nous  l'avons  démontré, 
que  dans  certaines  conditions,  dont  la  principale  est 
d'opérer  rarement  :  le  petit  spéculateur,  avide  et  peureux, 
qui  ne  quitte  pas  d'une  minute  la  corbeille  de  la  Bourse, 
à  laquelle  il  paraît  accroché,  à  la  fois  dupe  et  victime,  ne 
peut  manquer  d  être  un  peu  plus  tôt  ou  un  peu  plus  taid, 
dépouillé  jusqu'à  son  dernier  sou. 

Le  joueur  sait  cependant  bien,  en  général,  par  l'exemple 
journalier  des  désastres  de  la  Bourse,  qu'il  s'expose  à 
consommer  sa  ruine  ;  malheureusement  il  fait  une  esti- 
mation fausse  et  beaucoup  trop  faible  de  ce  risque,  et  il  se 
flatte  d'échapper  où  tous  les  autres  ont  péri.  N'est-ce  pas 
leur  faute  après  tout,  et  n'apporte-t-il  pas  un  système 
raisonné  qu'il  saura  conduire  avec  prudence  et  habileté, 
en  se  gardant  de  toutes  les  défaillances  de  la  crainte,  de 
tous  les  enivrements  de  l'espoir  ?  Il  a  tout  étudié,  tout 
prévu,  il  connaît  à  fond  les  ressources,  les  détours,  les 
finesses  de  la  spéculation.  Hélas  !  pourquoi  ne  sait-il  pas 
que  sa  ruine  prochaine,  aussi  bien  prévue  que  les  révo- 
lutions des  planètes  dans  leurs  orbites,  est  un  effet  inévi- 
table, nécessaire,  des  chances  et  de  leurs  combinaisons  ! 


SECONDE  PARTIE 


SECONDE  PARTIE 


49.  —  Si  cinquante  personnes,  réunies  autour  d'un  ta- 
pis vert,  jouent  entre  elles  toute  une  nuit  sur  la  "rouge  et 
la  noire,  toutes  en  se  retirant  le  matin  auront  plus  ou 
moins  d'argent  qu'en  commençant  le  jeu  ;  il  y  aura  eu 
échange,  circulation,  par  conséquent  spéculation,  mais 
une  spéculation  entièrement  improductive,  car  à  la  somme 
d'argent  qu'elles  possédaient  toutes  en  commun,  il  n'aura 
été  ajouté  aucune  utilité  réelle,  aucune  augmentation  de 
valeur. 

Comme  toute  marchandise,  les  fonds  publics,  valeurs 
industrielles,  sont  soumis  aux  variations  de  l'offi-e  et  de 
la  demande,  en  raison  de  la  demande  ou  de  l'offre  des  ca- 
pitaux :  dans  le  premier  cas,  il  y  a  baisse,  dans  le  second 
cas,  il  y  a  hausse.  Tant  que  ces  oscillations  ont  une  cause 
réelle  dans  l'état  du  crédit  et  le  mouvement  inverse  et  cor- 
respondant d'une  partie  des  capitaux  disponibles  ou  de 


—  \01i  — 

capitaux  dont  le  gage  est  assuré,  la  spéculation  est  ce 
qu'elle  doit  être  dans  son  usage  modéré. 

Quand  ces  diverses  variations  n'ont  pour  cause  qu'une 
variété  du  jeu,  et  pour  résultat  qu'un  déplacement  stérile 
d'une  certaine  somme  ou  enjeu  d'une  main  dans  une  au- 
tre, alors  commence  l'agiotage  ou  l'abus  de  la  spécula- 
tion. 

Il  y  a  donc  deux  espèces  ou  variétés  de  spéculations  : 
l'une,  et  ce  n'est  pas  la  moins  connue  ni  la  moins  répan- 
due, qui  ose  en  usurper  le  nom,  n'est  que  l'abus  et  le  pa- 
rasite de  la  véritable  spéculation,  n'a  en  vue  que  l'appât 
du  gain,  opère  sans  ressources,  crédit  ni  capitaux,  ou  ne 
possède  du  moins  que  les  capitaux  strictement  nécessaires 
au  règlement  des  différences  sur  lesquelles  elle  s'exerce  ; 
elle  prend  toutes  les  formes,  s'attache  à  la  Production  sans 
repos  ni  trêve  ;  pour  exercer  ses  odieuses  manœuvres,  tout 
prétexte  lui  est  bon;  elle  repose  sur  l'ignorance,  la  cu- 
pidité, la  satisfaction  des  appétits  brutaux,  toutes  pas- 
sions qui  engendrent  et  caractérisent  le  jeu;  elle  est  une 
honte  et  une  souillure. 

L'autre,  qui  mérite  seule  le  nom  de  spéculation,  pos- 
sède le  talent  de  créer,  édifier,  transformer,  en  se  propo- 
sant pour  but  l'utilité  commune  ;  elle  corrige  les  mouve- 
ments exagérés  qu'une  confiance  aveugle  ou  une  panique 
insensée  produirait  dans  les  cours,  et  sert  le  crédit  en  en- 
tretenant un  équilibre  constant  entre  les  diverses  valeurs 
d'après  leur  utilité  et  leurs  produits,  en  tenant  un  marché 
toujours  ouvert  à  la  Bourse,  où  acheteur  et  vendeur  sont 
assurés  de  trouver  une  contre-partie,  un  placement  avan- 
tageux et  un  débouché  certain  :  c'est  celle  qui  opère  au 


—   103  — 

moyen  des  capitaux,  et  (•clle-là  no  saurait  être  trop  louée 
et  encouragée  par  tous  les  gouvernemeuts,  car  elle  est  la 
véritable  source  du  crédit  public. 

La  spéculation  abusive  demande  aux  émotions  du  jeu, 
aux  chances  instantanées  du  hasard,  une  fortune  acquise 
aveuglément,  sans  peine,  sans  travail. 

La  spéculation  utile,  honnête,  se  contente  de  légers 
gains  ;  elle  ne  demande  pas  la  fortune  en  un  jour,  sans 
labeur  et  sans  peine  ;  il  lui  suffit  des  produits  du  travail 
et  des  intérêts  de  ses  capitaux  ;  ses  bénéfices,  s'ils  sont 
lents,  sont  certains,  parce  qu'ils  reposent  sur  une  base  so- 
lide, et  qu'ils  sont  le  fruit  accumulé  du  Travail,  de  l'E- 
pargne et  de  la  Production. 

Tandis  que  le  joueur  n'arrive  jamais  qu'à  la  ruine  et  au 
déshonneur,  par  la  spéculation  utile,  l'entrepreneur,  le 
commerçant,  l'ouvrier,  sont  assurés  d'arriver  à  la  fortune 
ou  du  moins  à  l'aisance  qui  suffit  au  bonheur. 

Quels  sont  les  traits  qui  les  distinguent  l'une  de  l'autre, 
la  séparation  qui  les  fait  reconnaître,  le  point  précis  où 
finit  la  spéculation  utile  et  où  commence  l'abus  de  la  spé- 
culation ?  Elles  se  tiennent  malheureusement  si  bien  qu'il 
n'y  a  aucune  solution  de  continuité  entre  elles,  ni  de  bar- 
rières pour  en  marquer  les  limites.  Il  n'y  a  pas  de  distinc- 
tion précise  à  établir,  il  ne  peut  y  avoir  que  des  nuances 
presque  insensibles,  et  ici,  comme  en  toutes  choses, 
l'excès  tient  toujours  de  très-près  à  l'usage  modéré. 

Comment  déterminer  le  point  où  l'exagération  du  bien 
est  le  commencement  du  mal'f  A  quel  moment  la  foi  se 
change-t-elle  en  crédulité  et  superstition,  l'économie  en 
avarice,  la  dépense  en  prodigalité?  Boire  et  manger  sont 


—   104  — 

cIjs  actions  indispensables  au  soutien  de  la  vie,  et  bonnes 
en  elles-mêmes,  mais  à  quel  moment  précis  l'action  de 
manger  ou  de  boire  se  cliange-t-elle  en  g-ourmandise  ou 
ivrognerie? 

La  limite  qui  détermine  la  séparation  entre  l'utile  et 
l'abusif,  n'est  guère  plus  facile  à  indiquer  dans  les  spécu- 
lations de  Bourse. 


50.  —  La  Spéculation  en  général  se  traduit  par  deux 
espèces  de  négociations  :  à  terme  ou  au  comptant. 

On  a  l'habitude  de  considérer  toutes  les  opérations  à 
terme  comme  affaires  de  jeu,  toutes  les  opérations  au 
comptant  comme  affaires  sérieuses;  c'est  un  tort,  beau- 
coup d'opérations  à  terme  sont  sérieuses,  beaucoup  d'au- 
tres au  comptant  ne  sont  qu'affaires  de  jeu. 

Les  affaires  à  terme  offrent  certainement  beaucoup 
])lus  de  facilités  au  joueur,  parce  qu'elles  lui  permettent 
de  retarder  presque  indéfiniment  le  règlement  de  ses  opé- 
rations et  qu'elles  se  font  sur  des  quotités  fixes  dont  la 
négociation  est  des  plus  courantes,  tandis  que  les  affaires 
au  comptant  demandent  quelques  capitaux  et  se  règlent 
dans  les  quelques  jours  qui  suivent  le  marché;  cependant, 
à  cause  même  des  petites  différences  que  présentent  des 
opérations  faites  sur  des  quotités  minimes  de  valeurs,  ou 
sur  des  valeurs  qui,  parla  vilité  de  leurs  prix,  présentent, 
sur  de  petits  capitaux,  de  très-fortes  variations,  il  s'est 
toujours  attaché  aux  opérations  du  comptant  une  sorte 
de  petite  spéculation  peureuse  et  de  bas  étage,  composée 


—  10b   - 

d'éléments  liétérog-ènes  recueillis  dans  les  dernières  cou- 
ches de  la  société. 

Spéculer  à  terme  sans  moj^en  actuels  de  lever  ou  livrer 
ne  constitue  pas  le  jeu,  mais  sans  moyens  présumés  de 
prendre  ou  donner  livraison  de  la  chose  achetée  ou  vendue 
au  terme  du  marché,  et  c'est  l'intention  seule  qui  pour- 
rait établir  ici  une  distinction. 

Mais  nous  croyons  que,  même  dans  tous  les  cas  où  le 
spéculateur  a  la  possibilité  de  prendre  ou  donner  livrai- 
son, à  terme  comme  au  comptant,  la  fréquence  des  opéra- 
tions constiim  Valus  ;  et  l'unique  mobile  de  tout  échang-e 
étant  et  devant  être  V utilité,  toutes  les  fois  que  l'uti- 
lité disparaît,  il  y  a  erreur  ou  mauvais  usage  ;  nous  pou- 
vons partir  de  cette  donnée  pour  tracer  une  ligne  de  dé- 
marcation entre  l'agiotage  et  la  spéculation. 

Lors  même  qu'il  présente  des  chances  égales,  le  jeu  est 
immoral,  puisqu'il  est  une  perturbation  violente  des  for- 
tunes lentement  amassées  ;  mais  au  moins  on  n'y  risque 
rien  qu'on  ne  soit  en  droit  de  gagner,  quelque  prolongé 
qu'il  soit. 

Si  l'échange  était  entièrement  gratuit,  s'il  n'absorbait 
ni  l'argent,  ni  le  temps,  ni  la  pensée  du  joueur,  les  opé- 
rations de  Bourse  ne  seraient  qu'un  vain  passe-temps  qui 
pourrait  se  prolonger  et  se  répéter  souvent  sans  de  grands 
inconvénients. 

La  question  du  courtage  est  la  plus  importante  mesure 
pour  estimer  le  plus  ou  moins  d'opportunité  des  affaires 
en  général  ;  elles  peuvent  impunément  être  d'autant  plus 
nombreuses  que  le  courtage  est  moindre;  mais,  l'achat  et 
le  placement  sur  toute  valeur  n'ayant  d'autre  but  que  de 


—  106  — 

faire  rapporter  un  certain  intérêt  aux  capitaux,  et  le  cour- 
tage représentant  une  partie  de  cet  intérêt,  s'il  arrive  que 
les  négociations  deviennent  trop  nombreuses,  les  frais  de 
courtage  dépassent  le  taux  d'intérêt,  et  le  capital,  au  lieu 
de  s'accroître,  s'amoindrit  :  le  but  est  manqué  ;  accrois- 
sement ou  diminution  du  capital,  richesse  ou  pauvreté, 
voilà,  ce  nous  semble,  les  deux  fins,  les  deux  pôles  de 
toute  spéculation,  en  raison  de  sa  répétition,  et  ce  qui 
peut  servir  à  distinguer  l'usage  de  l'abus  ;  ainsi,  qu'un 
capitaliste  ait  en  portefeuille  des  titres,  rentes,  actions  eu 
obligations,  lui  rapportant  un  revenu  moyen  de  3  "/o,  il 
peut  facilement  augmenter  son  capital  ou  son  revenu,  s'il 
a  soin  de  n'engager  aucune  opération  que  dans  le  cas  où 
il  y  aurait  bénéfice  réel,   sur  la  revente  ou  le  rachat, 
s'il  ne  cherche  un  intérêt  plus  élevé  qu'en  demandant  d'é- 
gales garanties  ;  mais  ces  opérations  ne  pourront  jamais 
être  très-nombreuses  ;  au  contraire,  s'il  vend,  rachète,  ou 
fait  des  arbitrages  systématiquement  et  sans  mesure, 
comme  à  chaque  fois  le  courtage  est  de  Ve  pour  cent,  il 
suffit  de  vingt- quatre  opérations  dans  l'année  pour  dé- 
vorer l'intérêt  ;  par  conséquent,  ne  peut-on  pas  dire  que 
l'action  de  négocier  ses  valeurs  plus  d'une  fois  en  quinze 
jours  constitue  une  mauvaise  entente  de  ses  intérêts,  un 
abus  de  la  spéculation  ? 

Le  spéculateur,  dans  ces  conditions,  est  sur  la  pente 
insensible  de  sa  ruine,  et  il  se  met  volontairement  dans 
la  position  d'un  marchand  qui,  ne  pouvant  parvenir  à 
équilibrer  ses  frais  et  ses  recettes,  verrait  toujours  croître 
son  déficit. 


—  lOT  — 

51.  —  Mciiri  le  véi'itablo  joueiir,  celui  dont  riiifliieiice 
est  la  plus  pernicieuse  pour  le  crédit  d'un  pays,  c'est  le 
spéculateur  à  décoicvert^  qui  ne  se  contente  pas  de  spécu- 
ler à  toute  heure,  à  tout  instant,  mais  qui  ne  possède  ja- 
mais les  mo^'ens  de  lever  ou  livrer  ce  qu'il  achète  ou  ce 
qu'il  vend. 

Si  fréquentes  que  soient  ses  spéculations,  si  funestes 
qu'elles  soient  pour  lui-même,  l'influence,  sur  le  marché, 
du  spéculateur,  qui  peut  lever  ou  livrer,  est  toujours  lé- 
gitime; celle  du  joueur  à  découvert  n'est  jamais  que  fac- 
tice, immorale,  illég'itime. 

Les  spéculations  à  découvert  sont  toujours  mêlées  aux 
spéculations  sérieuses  d'une  manière  indissoluble  qui 
empêche  de  bien  se  rendre  compte  des  effets  de  chacune  ; 
on  ne  peut  les  saisir  qu'en  imaginant  ce  qui  adviendrait 
si  elles  étaient  les  unes  et  les  autres  abandonnées  entiè- 
rement à  elles-mêmes,  s'il  n'y  avait  entre  elles  aucune 
relation,  aucun  alliage  possible. 

Or,  si  les  négociations  qui  ont  lieu  sur  une  valeur 
quelconque  se  passaient  toutes  entre  des  spéculateurs 
opérant  exclusivement  à  découvert,  si  les  joueurs,  livrés 
rien  qu'à  eux-mêmes,  ne  pouvaient  engager  aucuns  rap- 
ports avec  la  classe  des  spéculateurs  couverts  et  nantis 
des  titres  et  des  capitaux,  qu'arriverait-il? 

Le  vendeur  à  découvert,  mis  en  mesure  de  livrer 
au  terme  du  marché  le  titre  de  la  valeur  vendue,  ne 
le  possédant  pas,  se  verrait  forcé  de  racheter  d'un  nou- 
veau vendeur  qui,  dans  la  même  position,  serait  égale- 
ment forcé  de  le  racheter  d'un  troisième,  celui-ci  d'un 
quatrième,  et  ainsi  de  suite  ;  c'est  ce  que  l'on  voit  par  les 


—  108  — 

escomptes^  lorsqu'il  y  a  du  découvert  parmi  les  vendeurs  ; 
la  hausse  serait  indéfinie,  parce  que  l'objet  vendu,  ne  se 
trouvant  nulle  part,  sa  valeur  serait  elle-même  indéfinie  ; 
si  le  prix  du  diamant  n'est  aussi  élevé  qu'en  raison  de  sa 
rareté,  le  prix  du  diamant  serait  au-delà  de  toute  estima- 
sion  s'il  était  impossible  de  s'en  procurer. 

Mais  cette  impossibilité  même  de  s'en  procurer  éloi- 
gnerait toute  demande,  car  la  demande  d'un  tel  objet 
serait  déraisonnable,  et  la  valeur  serait  par  conséquent 
aussi  bien  nulle  qu'indéfinie. 

C'est  pourquoi  les  acheteurs  ne  pouvant  exiger  la  li- 
vraison des  titres,  ne  pouvant  à  leur  tour  être  mis  par  les 
vendeurs  dans  l'alternative  de  lever  les  titres,  l'effet  serait 
nul  ou  se  produirait  indéfiniment  dans  le  sens  opposé  ; 
les  reports,  qui  sont  destinés  à  prolonger  une  opération 
ou  présentant  un  emploi  d'argent  temporaire,  n'auraient 
aucune  raison  d'être. 

On  aurait  donc  deux  effets,  aboutissant  l'un  et  l'autre 
à  l'indéfini,  ne  pouvant  se  rapprocher  en  aucun  point, 
s'iinnulant  d'eux-mêmes. 

C'est-à-dire  qu'il  n'y  aurait  aucune  estimation  de  va- 
leur possible,  aucune  apparence  de  cours  quelconque,  et 
qu'un  pareil  marché  ne  serait  rien  qu'une  fiction,  ou  le 
rêve  d'une  imagination  désordonnée. 

Qu'importeraient  au  pays  les  variations  fantastiques 
de  ce  marché  fantôme,  s'il  pouvait  se  maintenir  quelques 
moments  ?  La  hausse  et  la  baisse  n'auraient  pas  plus  de 
signification  que  le  détail  des  pertes  réalisées  autour  d'un 
tapis  vert  dans  quelque  tripot,  la  cote  journalière  de  la 
fortune  publique  n'en  serait  nullement  affectée  ;  ce  qui 


—  109  — 

serait  gagné  par  Tiin  serait  toujours  perdu  par  l'autre, 
et  il  n'y  aurait  pas  un  centime  ajouté  à  la  masse  des  ri- 
chesses. 


52.  —  Ce  qui  fait  que  les  cours  de  la  Bourse  représen- 
tent quelque  chose,  c'est  qu'à  tel  moment,  à  tel  cours,  il 
se  présentera  un  acheteur  qui  pourra  exiger  la  livraison 
du  titre  contre  son  capital,  un  vendeur  qui  ])0urra  exiger 
le  paiement  du  capital  contre  son  titre,  et  qui,  chang-eant 
tous  les  deux  les  conditions  du  jeu,  tels  que  nous  venons 
de  les  dépeindre,  arrêteront  la  continuation  indéfinie  de 
la  baisse  ou  de  la  hausse. 

La  hausse  n'est  plus  alors  une  simple  manifestation, 
vaine  et  sans  résultat,  car  elle  a  pour  effet  direct  d'accor- 
der une  plus-value  à  l'ensemble  de  tous  les  titres  existants 
dans  la  circulation,  tandis  que  la  baisse,  au  contraire,  leur 
enlève  une  certaine  portion  de  valeur.  Il  est  vrai  que  la 
hausse  n'a  pas  créé  un  seul  titre,  ni  ajouté  un  centime  à 
l'actif  social,  elle  a  fait  mieux,  elle  a  créé  une  valeur  ^;zo- 
rrt/e  qu'on  nomme  confiance  ou  crédit,  parfaitement  sus- 
ceptible d'une  appréciation  chiffrée,  comme  léseraient  des 
richesses  palpables  et  matérielles  ;  les  richesses  morales 
sont  de  vraies  richesses  ;  le  phénomène  de  la  hausse  et  de 
la  baisse  en  serait  au  besoin  la  plus  saisissante  démons- 
tration. 

C'est  V argent  et  le  titre  qui,  après  avoir  donné  la  vie  à 
la  spéculation,  puisque  sans  eux  elle  était  impossible  et 
n'avait  aucune  raison  d'être,  en  répriment  les  écarts  exa- 
gérés et  la  maintiennent  dans  de  certaines  limites  déter- 


—  HO  — 

minées,  par  leur  intervention  aux  moments  opportuns. 

Il  existe  une  démonstration  bien  simple  des  effets  pro- 
duits par  les  deux  sortes  de  spéculations;  bien  que  toutes 
les  affaires  à  terme  ne  soient  pas  à  découvert,  que  quel- 
ques affaires  au  comptant  puissent  être  de  jeu,  on  accor- 
dera volontiers  que  les  cours  à  terme  sont  l'expression  la 
plus  fidèle  des  mouvements  produits  par  le  découvert,  et 
les  cours  du  comptant  l'expression  principale  du  mouve- 
ment des  capitaux  ;  or,  quoiqu'il  y  ait  une  dépendance  né- 
cessaire entre  les  variations  des  cours  du  terme  et  du 
comptant,  que  les  reports  et  les  déports  ne  leur  permet- 
tent jamais  d'être  soumis  à  une  action  complètement  libre, 
il  ne  faut  que  consulter  quelques  cotes  de  bourse  pour 
acquérir  la  preuve  que  les  plus  grands  écarts  dans  les 
cours  sont  toujours  produits  par  le  terme,  les  plus  faibles 
écarts  par  le  comptant. 

Ainsi,  c'est  en  définitive  le  jeu  naturel  de  la  demande 
et  de  l'offre  qui,  après  avoir  été  le  principe  premier,  es- 
sentiel de  la  variation  des  cours,  assigne  une  limite  aux 
écarts  indéfinis  de  cette  variation  et  de  cette  mobilité. 


53.  —  Nous  avons  partagé  en  deux  catég-ories  toutes 
les  causes  qui  agissent  sur  le  prix  de  la  valeur  : 

Causes  constantes  et  causes  accidentelles. 

Les  causes  constantes  agissent  seules  d'une  manière 
continue  et  régulière  ;  par  conséquent  ce  sont  les  seules 
pour  lesquelles  on  puisse  déduire  quelques  règ-les  certai- 
nes ;  les  causes  constantes  elles-mêmes  se  divisent  : 

1°  En  causes  constantes  générales. 


—   Ml   — 

Ce  sont  celles  qui  embrassent  l'ensemble  d'une  situa- 
tion politique,  commerciale  et  financière,  élèvent  ou 
abaissent  le  taux  de  l'intérêt  général,  ou  influent  indi- 
rectement sur  les  prix  par  des  droits  d'impôts,  de  muta- 
tions, de  courtages  ou  toutes  mesures  financières  a^^aiit 
pour  principal  effet  d'accélérer  ou  ralentir  la  circulation 
des  valeurs. 

2"  les  causes  constantes  spéciales. 

Ce  sont  celles  qui  constituent  les  conditions  d'existence 
particulière  à  chaque  nature  de  valeurs  et  qui  restent  in- 
variables, telles  que  : 

Le  nombre  d'actions,  les  sommes  versées  ou  restant  à 
verser,  le  taux  et  le  mode  de  remboursement,  le  taux 
de  g-arantie  d'intérêt,  la  durée  de  la  concession,  l'intérêt 
de  la  valeur  considéré  par  rapport  aux  variations  dont  il 
est  susceptible  pour  les  valeurs  à  intérêt  variable. 

Toutes  ces  diverses  circonstances,  dont  chacune  a  son 
influence  spéciale,  doivent  présenter  par  leur  concours  le 
prix  véritable  de  la  valeur,  sans  pouvoir  jamais  le  déter- 
miner d'une  manière  absolue. 

Le^jn'iîîdes  choses  résulte  de  plusieurs  éléments;  c'est 
le  trmail  qui  en  est  la  mesure  réelle  et  la  plus  appro- 
chante, mais  cette  mesure  elle-même  est  soumise  à  toutes 
les  variations  résultant  du  rapport  entre  la  quantité  de 
travail  offerte  et  demandée,  rapport  qui  varie  selon  les 
temps  et  les  lieux  ;  de  plus,  il  est  difficile  de  déterminer 
une  proportion  entre  deux  différentes  quantités  de  tra- 
vail, car  un  travail  d'une  heure  peut  être  plus  utile,  par 
conséquent  valoir  plus  qu'un  autre  de  dix  heures  ;  il  faut 
tenir  compte  de  l'apprentissage,  de  l'habileté,  des  dangers, 


~  lia  — 

de  la  fatig-iie,  etc.,  toutes  choses  qui  ne  peuvent  se 
régler  par  une  mesure  exacte;  le  prix  fixé  par  l'échange 
n'est  jamais  que  le  résultat  d'un  débat  entre  le  vendeur 
qui  exige  et  l'acheteur  qui  marchande,  et  qui  se  décident 
tous  deux  d'après  cette  espèce  d'égalité  approximative 
établie  par  la  convenance  de  chacun,  qui  suffit  dans  toutes 
les  transactions  ordinaires  de  la  vie. 

Dans  l'impossibilité  de  comparer  le  bénéfice  tout  à  la 
fois  moral  et  physique  de  chacun  des  contractants  dans 
toute  opération  d'échange,  on  ne  peut  exiger  qu'il  soit 
rigoureusement  égal  pour  tous  les  deux,  et  il  suffit  que 
chacun  y  trouve  un  certain  bénéfice. 


54.  —  En  thécrie,  la  quantité  des  demandes  doit  croître 
en  raison  inverse  du  carré  du  prix,  de  sorte  que  si  une 
marchandise  trouve  un  certain  nombre  de  consommateurs 
au  prix  de  20  fr.,  elle  en  trouvera  quatre  fois  plus  au  prix 
de  1 0  fr.  et  seize  fois  plus  au  prix  de  5  fr.  D'après  ce  prin- 
cipe, si  une  marchandise,  une  valeur  ne  coûtaient  qu'un 
prix  infinimentpetit,  il  y  aurait  une  quantité  de  demandes 
infiniment  grande.  Mais  en  pratique,  c'est  autre  chose; 
plusieurs  causes  s'opposent  à  ce  que  le  prix  de  la  valeur 
puisse  tomber  au-dessous  d'une  certaine  limite  ou  ac- 
quérir une  valeur  indéfiniment  grande  ;  la  quantité  des 
produits  est  presque  toujours  subordonnée  à  la  quantité 
des  demandes,  en  nombre  plus  ou  moins  limité,  tout  pro- 
duit ne  s'adressant  jamais  qu'à  un  nombre  fini,  quelque- 
fois à  une  seule  classe  de  consommateurs,  et  la  produc- 
tion s'arrête  du  moment  que  le  bénéfice  du  producteur 


—    113    - 

devient  insuffisant.  Aus.si  le  prix  est  toujours  assez  élevé 
pour  laisser  un  certain  bénéfice  au  i)roducteur  ou  au  mar- 
chand, et  c'est  uniquement  à  trouver  le  plus  grand  pro- 
duit qui  puisse  résulter  en  multipliant  ce  bénéfice  par  le 
nombre  des  consommateurs  que  s'étudie  le  marchand. 
Elevant  son  bénéfice,  il  peut  trop  diminuer  le  nombre 
des  consommateurs  ;  le  diminuant ,  ne  pas  augmenter 
assez  ce  nombre,  et  dans  les  deux  cas  obtenir  un  produit 
moindre. 

Quelques  auteurs  ont  prétendu  donner  des  règles  inva- 
riables pour  la  détermination  du  point  précis  où  doit  se 
fixer  ce  bénéfice  ;  mais  il  est  aisé  de  voir  qu'en  se  basant 
sur  des  données  supposées  quant  au  nombre  et  à  la  con- 
venance des  consommateurs,  ils  ont  pris  des  hypothèses 
pour  des  réalités,  et  que  sans  cela,  il  y  a  toujours  une  in- 
connue qui  ne  permet  pas  de  résoudre  Téquation. 

On  ne  peut  pas  davantage  déterminer  d'une  manière 
certaine  la  nouvelle  valeur  résultant  pour  un  produit 
d'une  augmentation  de  sa  quantité.  On  sait  seulement  en 
général,  que  tout  produit  diminue  ou  augmente  de  valeur 
selon  sa  plus  ou  moins  grande  abondance;  mais  les  limi- 
tes sont  très-étendues  ;  car  un  produit  qui  double  en  quan- 
tité pourra  tomber  jusqu'à  la  moitié  de  sa  première  va- 
leur, si  le  nombre  des  consommateurs  ou  des  demandes 
reste  le  même,  c'est-à-dire  baisser  en  raison  directe  de  son 
augmentation,  il  pourra  ne  subir  aucune  dépréciation,  si 
le  nombre  des  demandes  s'élève  proportionnellement  à 
l'augmentation  du  produit. 

Il  ne  peut  donc  y  avoir  de  mesure  exacte,  absolue,  du 
prix  des  valeurs,  et  c'est  en  cela  que  réside  le  principe  des 


—  114  — 

Vciriations  discontinues  de  leurs  cours.  On  chercherait  en 
vain  à  fixer  une  limite  quelconque,  à  réprimer  cette  mo- 
bilité perpétuelle,  sans  s'attaquer  au  principe  même  qui 
fait  la  vie  des  transactions.  On  calcule  souvent  le  prix  de 
la  valeur  par  le  taux  d'intérêt,  mais  l'intérêt  n'est  pas  da- 
vantag-e  la  mesure  exacte  de  la  valeur,  que  le  temps  n'est 
celle  du  travail  ;  ce  n'est  jamais  qu'un  moyen  de  compa- 
raison qui  peut  aider  à  obtenir  des  résultats  approximatifs, 
mais  dont  on  ne  doit  pas  abuser  ;  on  peut,  on  doit  souvent 
préférer  3  ^/o  d'intérêt  à  7,  à  8  et  10  o/o;  non-seulement 
cette  différence  doit  varier  selon  la  nature  des  valeurs, 
mais  selon  une  foule  de  circonstances  dont  l'appréciation 
est  multiple,  selon  les  temps,  les  lieux,  etc. 

Toute  mesure  fixe,  invariable  des  valeurs  est  une  pure 
chimère,  parce  qu'on  ne  peut  mesurer  des  valeurs  que  par 
des  valeurs,  c'est-à-dire  des  quantités  variables  par  d'au- 
tres quantités  également  variables.  En  physique,  on  ne 
peut  pas  davantage  fixer  la  chaleur  des  corps,  et  le  ther- 
momètre n'en  donne  qu'une  mesure  relative;  il  ne  s'en- 
suit pas  que  les  degrés  de  chaleur  et  la  valeur  des  choses 
soient  des  quantités  chimériques  ou  arbitraires. 


55.  —  Le  degré  du  crédit  de  l'emprunteur,  la  valeur 
donnée  à  son  titre  sur  la  place,  sont  mesurés  à  l'origine 
même  et  dans  toutes  les  circonstances  où  il  se  crée  de  nou- 
veaux eng-agements,  par  le  taux  de  Yemiwunt^  en  tout 
temps  par  le  taux  de  V Intérêt. 

Lorsque  l'Etat  ou  les  compagnies  émettent  un  emprunt, 
soit  en  titres  de  rentes,  actions  ou  obligations,  parmi  les 


—  113  — 

conditions  de  cet  emprunt,  les  plus  importantes  sont  le 
montant  même  de  l'emprunt  et  le  taux  d'émission;  c'est 
la  grande  loi  de  l'offre  et  de  la  demande,  que  nous  retrou- 
vons dans  toutes  les  transactions,  qui  régit  cette  première 
opération  et  qui  doit  en  déterminer  toutes  les  clauses  ; 
l'offre  faite  par  l'emprunteur  ne  trouvera  la  demande  équi- 
valente qu'en  augmentant  successivement  les  avantages 
offerts  au  prêteur,  en  diminuant  le  taux  d'émission,  en 
aug*mentant  le  taux  de  l'intérêt;  c'est  à  trouver  le  prix  au- 
quel la  quantité  des  demandes  comblera  la  quantité  des 
offres,  que  doit  s'appliquer  toute  la  science  de  l'emprun- 
teur, car  à  un  prix  supérieur,  l'emprunt  ne  sera  pas  rem- 
pli, et  à  un  prix  inférieur  il  y  aura  dommage,  tout  en  pré- 
sentant une  quantité  de  demandes  superflue;  c'est  ainsi 
que  le  gouvernement,  dans  ses  divers  emprunts  par  voie 
de  souscription  publique,  en  offrant  de  grands  avantag-es 
aux  souscripteurs,  auraitpu  recueillir  jusqu'à  dix  fois  plus 
d'argent  qu'il  n'en  demandait ,  ce  qui  prouve  qu'il  aurait 
pu  emprunter  à  des  conditions  moins  onéreuses  ;  mais 
souvent  un  grand  intérêt  moral  peut  compenser  l'intérêt 
pécuniaire. 

L'emprunteur  se  trouve  exactement  dans  le  cas  du 
marchand  qui  clierche  à  placer  sa  marchandise  le  plus 
avantageusement  possible  ;  mais  il  n'est  pas  plus  facile 
de  déterminer  au  juste,  quel  que  soit  le  chiffre  de  l'em- 
prunt et  si  connu  que  soit  le  crédit  de  l'emprunteur,  le 
taux  précis  de  l'émission  de  ses  titres,  que  le  prix  de  vente 
du  premier  ;  il  est  tout  aussi  difficile  de  fixer  le  nouveau 
prix  que  donne  à  la  rente  déjà  existante  une  nouvelle 
émission  de  rentes. 


—  H6  — 

La  baisse  qui  précède  toujours  l'émission  d'un  emprunt 
doit  se  faire  sentir  sur  toutes  les  valeurs  en  général,  parce 
qu'il  y  a  entre  elles  toutes  une  certaine  solidarité,  mais 
principalement  sur  les  titres  déjà  existants,  soit  de  l'Etat, 
soit  de  la  compagnie  qui  emprunte,  jusqu'au  moment  où 
cette  diminution  de  la  valeur  du  titre  sera  suffisante  pour 
motiver  un  déclassement  des  capitaux  étrangers  qui 
trouveront,  dans  le  nouveau  placement,  un  intérêt  plus 
élevé  ou  mieux  garanti.  Il  y  a  là  une  loi  qui  a  de  l'analo- 
gie avec  celle  des  fluides,  et  c'est  parce  que  le  déclasse- 
ment s'opérera  plus  naturellement  de  la  part  des  anciens 
prêteurs  qui,  par  leur  positon  même,  se  trouvent  les  pre- 
miers dispensateurs  du  crédit  de  l'emprunteur,  que  le 
titre  déjà  circulant  de  celui-ci  baissera  le  premier. 


56.  —  Pour  apprécier  convenablement  l'effet  que  doit 
produire  l'annonce  d'un  nouvel  emprunt  et  en  déterminer 
le  plus  avantageusement  possible  le  prix  d'émission,  il 
faut  calculer  la  plus  ou  moins  grande  facilité  des  capitaux 
à  se  porter  d'une  valeur  à  une  autre ,  d'un  jDlacement 
immobilier  à  un  placement  mobilier,  des  entreprises 
d'un  pays  à  celles  des  pays  voisins,  car  tout  dépend  de 
cette  facilité  de  circulation  ou  de  déplacement  des  valeurs, 
et  par  là  nous  entendons  aussi  bien  les  facilités  morales 
résultant  des  richesses,  des  goiits  et  des  penchants  des 
populations,  que  des  facilités  purement  matérielles. 

En  effet,  si  ce  déclassement,  qui  peut  être  comparé  au 
frottement  des  rouages  dans  une  machine,  offrait  par  im- 
possible une  résistance  complètement  nulle,  l'effet  serait 


—  in  — 

nul,  de  même  que  le  mouvement  pourrait  se  transmettre 
indéfiniment  et,  ne  diminuant  jamais  dans  la  machine,  si 
tout  frottement  était  nul,  n'enlèverait  rien  à  la  force  pre- 
mière; au  contraire,  si  cette  facilité  n'existait  pas,  si  le 
déclassement  ne  pouvait  s'opérer,  l'effet  retomberait  tout 
entier  sur  l'emprunteur  seul,  et  son  crédit  diminuant  en 
raison  directe  de  ses  besoins,  tout  nouvel  emprunt  devien- 
drait inutile,  et  n'ajouterait  rien  à  ses  ressources. 

On  peut  reg'arder  comme  une  règle  générale  qui  ne 
souffre  pas  d'exceptions,  que  la  facilité  d'emprunter  est 
la  plus  grande,  où  la  circulation  de  la  richesse  est  la  plus 
facile.  Tout  impôt  sur  les  transactions  qui  frappe  la  cir- 
culation réelle  des  titres  va  directement  contre  son  but, 
parce  qu'il  diminue  rapidement  cette  circulation  qui  est 
la  base  même  de  son  produit;  de  plus,  il  est  inapplicable 
aux  opérations  de  jeu,  où  le  mouvement  des  titres  est  en- 
tièrement fictif.  Telle  est  la  loi  de  1857,  qui  prélève  un 
droit  de  timbre  sur  tous  les  effets  au  porteur. 

Tout  nouvel  emprunt  produira  d'autant  moins  de  per- 
turbation dans  la  richesse  générale  et  le  cours  des  valeurs 
que  la  circulation  des  valeurs  sera  plus  grande.  Les  va- 
riations relatives  seront,  par  conséquent,  d'autant  plus 
faibles,  bien  que  la  somme  de  ces  variations  puisse  rester 
la  même;  c'est  ce  qui  se  passerait  pour  un  corps  dont 
toutes  les  parties  seraient  repoussées  par  une  force  égale 
et  qui  se  maintiendrait  sans  aucune  altération,  tandis  que 
l'équilibre  serait  violemment  rompu  si  la  force  était  toute 
concentrée  sur  un  même  point  sans  se  communiquer 
également  aux  autres  parties. 

Sous  l'influence  de  la  spéculation  à  découvert,  l'an- 


—   118  — 

nonce  d'un  nouvel  emprunt  produit  toujours  de  brusques 
mouvements  et  une  baisse  considérable  qui  se  change 
quelquefois  en  une  véritable  panique.  Certaine  d'être  sou- 
tenue cette  fois  par  des  livraisons  de  titres,  la  spéculation 
vend,  vend  sans  cesse,  et  force  l'Etat  à  emprunter  à  des 
conditions  difficiles  ou  onéreuses.  Les  agioteurs  sont  les 
pires  ennemis  de  l'Etat.  Mais  l'emprunt  n'est  pas  plutôt 
souscrit,  que  l'on  voit  la  réaction  se  produire,  les  cours 
reprendre  leur  niveau ,  et  en  définitive  le  bénéfice  réalisé 
au  détriment  de  l'Etat,  est  passé  presque  tout  entier  dans 
les  mains  de  quelques  banquiers  influents  ou  d'une  coterie 
de  spéculateurs  audacieux. 

Le  g-ouvernement  ne  pourrait  que  gagner  à  exposer 
clairement  sa  situation,  ses  actes  et  ses  intentions.  La 
publication  mensuelle  du  bilan  du  Trésor,  donnerait  à 
tout  le  monde  le  moyen  d'estimer  exactement  l'état  de 
son  crédit,  de  ses  ressources,  et  on  ne  s'eifrayerait  plus 
à  l'annonce  inattendue  d'un  emprunt  dont  l'urgence  et 
l'emploi  ne  sont  pas  toujours  clairement  démontrés. 


57.  —  La  quantité  de  titres  ou  d'actions  dont  se  com- 
pose le  fonds  social  d'une  compagnie,  serait  très-peu 
importante  au  point  de  vue  des  variations  de  la  valeur, 
dans  l'hypothèse  que  toutes  les  opérations  qui  se  con- 
cluent sur  cette  valeur,  seront  sérieuses  et  nullement  fic- 
tives. D'un  autre  côté,  si  le  rapport  de  ces  opérations 
aux  affaires  de  jeu  était  le  même  sur  chacune  des  valeurs 
négociables ,  cette  distinction  entre  les  deux  genres 
d'opérations,  bonne  pour  juger  de  l'étendue  absolue  des 


—  1  i  '.)  — 

variations,  serait  eiicurc  inutile  ]iour  estimer  la  g-randeur 
des  variations  relatives,  et  la  probabilité  que  pour  un 
mouvement  déterminé  sur  une  valeur,  le  même  mouve- 
ment se  produira  sur  toute  autre  valeur.  Mais  à  la  Bourse, 
on  le  sait,  le  jeu  se  répartit  très-inégalement,  par  rapport 
à  la  quantité  réelle  des  titres  de  chacune  des  difi'érentes 
valeurs.  Il  n'est  pas  rare  de  voir  l'agiotag-e  s'exercer 
beaucoup  plus  fortement  sur  les  titres  de  telle  compagnie 
au  capital  de  18  à  20  millions,  que  sur  telle  autre  au 
capital  de  quatre  ou  cinq  cents  millions.  Nous  pouvons 
établir  que  les  opérations  sérieuses  agissent  seules  sur  le 
cours  de  la  valeur  d'une  manière  absolue,  entièrement 
indépendante  de  la  quantité  des  titres.  En  effet,  si  la  baisse 
résulte  de  la  quantité  même  des  actions  qui  se  trouve 
plus  considérable ,  la  hausse  doit  résulter  de  la  quantité 
même  des  demandes  qui  doit  forcément  se  proportionner 
à  la  quantité  des  titres,  pour  maintenir  l'équilibre  entre 
deux  valeurs  également  bonnes. 

Si,  en  même  temps,  le  jeu  se  porte  de  préférence  sur  la 
première  valeur,  ou  s'y  porte  exclusivement,  à  moins  de 
supposer  que  les  demandes  et  les  off'res  de  cette  nature 
ne  se  fassent  constamment  équilibre,  ce  qui  doit  arriver 
au  moins  très-rarement,  il  y  aura  toujours  une  certaine 
quantité  de  demandes  ou  d'offi'es  sur  la  première  valeur 
de  plus  que  sur  la  seconde,  de  sorte  que  les  variations  re- 
latives seront  plus  fortes  sur  l'une  que  sur  l'autre. 

11  ne  serait  pas  difficile  de  prouver,  d'après  les  faits,  que 
cette  nouvelle  force  se  produira  presque  toujours  dans  le 
sens  de  lapremière,  de  manière  à  exagérer  le  mouvement, 
soit  en  hausse,  soit  en  baisse,  au  lieu  de  l'atténuer. 


—    iiO  — 

Plits  les  opérations  de  jeu  sont  nombreuses  sur  une 
valeur,  en  raison  du  nombre  de  titres  et  de  la  circulation 
de  ces  titres ,  plus  aussi ,  à  part  toute  autre  cause,  les 
oscillations  des  cours  doivent  être  fortes  et  étendues. 

Dans  l'impossibilité  de  pouvoir  fixer  d'une  manière 
certaine  une  proportion  quelconque  entre  les  opérations 
réelles  et  les  opérations  fictives,  de  rendre  en  même  temps 
cette  proportion  invariable  ,  il  y  a  un  danger  réel  et  per- 
manent pour  les  capitaux  de  s'aventurer  dans  les  entre- 
prises dont  le  capital  est  peu  considérable,  parce  qu'il  est 
naturel  de  supposer  qu'elles  seront  proportionnellement 
plus  exposées  aux  manœuvres,  aux  menées  de  l'agiotage; 
non  pas  que  les  chances  de  perte  ne  puissent,  dans  ces 
circonstances,  être  souvent  compensées  parles  chances  de 
gain,  mais  parce  que  cet  état  constitue  de  plus  grands 
risques,  et  que  la  grandeîCT  des  risques  suffit  déjà  pour 
établir  un  dang*er  ;  par  contre,  il  y  a  constamment  avan- 
tage réel  pour  les  capitaux,  à  rechercher  de  préférence  les 
placements  sur  les  fonds  de  l'Etat ,  sur  ceux  des  grandes 
entreprises  dont  le  capital  est  très-considérable,  et  qui, 
par  cela  même,  présentent  des  conditions  mieux  définies, 
moins  obscures,  et  d'autant  moins  de  prise  à  l'action  per^ 
nicieuse  de  l'agiotage. 


58.  —  Le  taux  à' intérêt  est  l'élément  le  plus  important 
de  la  constitution  d'une  valeur,  celui  qui  domine  tous  les 
autres  dans  l'estimation  du  titre  en  circulation. 

L'intérêt  peut  être  i^ariahle  (m  fixe. 

Le  taux  d'intérêt  fixe  ou  constant  est  sans  contredit  la 


—   121   — 

nieilleuro  ganintio  de  la  bonne  tenue  d'une  valeur.  Il 
permet  d'en  apprécier  aussi  exactement  que  possible  le 
prix  moyen,  de  resserrer  davantage  les  fluctuations  au- 
tour de  ce  prix,  de  restreindre  les  baisses  et  les  hausses 
subites  ;  aussi  toute  valeur  qui  rapporte  un  intérêt  fixe 
doit -elle  généralement  être  préférée  à  toute  autre 
qui  rapporterait  un  intérêt  un  peu  plus  fort ,  mais  va- 
riable. 

Les  obligations  de  chemins  de  fer,  quoique  rapportant 
un  peu  moins  que  les  actions,  forment  un  placement  plus 
sûr  et  mieux  entendu,  surtout  par  cette  raison  que  leur 
intérêt  est  fixe,  et  que  celui  des  actions  est  variable. 

Ce  n'est  pas  que  l'intérêt  fixe  ne  puisse  offrir,  dans  des 
temps  différents,  plus  ou  moins  de  garantie,  de  sécurité  aux 
porteurs,  qu'il  ne  soit  lui-même  sujet  à  une  certaine  varia- 
bilité qui  se  manifeste  par  la  mobilité  des  cours  :  cette 
instabilité  incessante,  perpétuelle,  est  une  propriété  né- 
cessaire qui  forme  d'ailleurs  l'essence  même  de  la  valeur, 
tout  comme  le  mouvement  est  la  manifestation  de  la  vie  ; 
mais  avec  le  système  de  la  fixité  du  taux  de  l'intérêt ,  il 
est  possible  d'amasser,  dans  les  années  d'abondance,  pour 
parer  aux  années  de  disette  ;  il  reste  moins  de  part  à  l'im- 
prévu, et  dès-lors,  par  une  espèce  de  compensation  dans 
les  mouvements  extrêmes ,  tout  événement  de  nature  à 
porter  quelque  grave  perturbation  dans  les  conditions 
générales  de  la  société,  produit  un  dérangement  moins 
sensible  dans  les  cours. 

Comme  cause  agissante,  l'intérêt  fixe  est  la  plus  égale, 
lu  plus  constante  de  toutes  ;  elle  n'a  aucune  raison  de  se 
produire  dans  un  moment  plutôt  que  dans  tel  autre ,  et 


—   1-22  — 

elle  doit  élever  le  prix  de  la  valeur  d'une  manière  essen- 
tiellement continue,  dans  l'intervalle  compris  entre  le 
détachement  de  deux  coupons,  du  montant  exact  du 
coupon  à  détacher.  C'est  donc  un  faux  calcul  que  de 
spéculer  sur  l'approche  d'un  coupon  d'intérêt,  lorsque  cet 
intérêt  est  fixe  et  parfaitement  connu,  d'acheter  quelques 
jours  avant  son  détachement  pour  revendre  quelques 
jours  après,  dans  cette  idée  qu'on  se  plait  à  répéter  si 
souvent,  que  les  valeurs  regagnent  toujours  leurs  cou- 
pons. Toute  hausse  qui  se  produirait  de  la  sorte  ne  serait 
nullement  motivée  et  n'aurait  aucune  consistance. 

L'incertitude  sur  le  chiffre  du  prochain  dividende,  la 
difficulté  d'estimer  un  revenu  moyen  un  peu  certain, 
laissent  une  très- grande  latitude  aux  mouvements  sur  la 
valeur  à  intérêt  variable.  Comme  on  a  l'habitude  d'esti- 
mer le  revenu  d'un  titre,  principalement  d'après  les  pro- 
duits de  la  dernière  année  ou  de  l'année  courante,  et  que 
le  porteur  recherche  presque  toujours  un  revenu  au  moins 
égal  au  dernier,  l'annonce  de  toute  modification  dans  le 
taux  d'intérêt,  si  petite  qu'elle  soit,  doit  occasionner  dans 
les  cours  un  mouvement  proportionnel  à  celui  que  subit 
l'intérêt,  et  si  cet  intérêt  est  à  5  °/o,  il  suffit  d'une  diminu- 
tion de  5  fr.,  sur  le  revenu  annuel,  que  l'annonce  en  soit 
vraie  ou  fausse,  pour  opérer  une  baisse  d'une  centaine  de 
francs  sur  la  valeur  du  titre. 

A  l'exception  des  rentes  sur  l'Etat,  qui  trouvent  dans 
les  fluctuations  de  la  politique  de  quoi  alimenter  la  spé- 
culation, le  jeu  s'est  toujours  porté  de  préférence  sur  les 
valeurs  à  intérêt  variable,  qui  trouvent  dans  cette  condi- 
tion le  principal  élément  des  brusques  revirements  qui  se 


—   123    - 

font  remarquer  sur  leurs  cours.  Il  est  facile  d'effrayer  le 
porteur  du  titre  en  lui  i)résentant  sans  cesse  une  diminu- 
tion de  recettes  dans  l'exploitation,  en  laissant  toujours 
suspendue  la  menace  d'une  réduction  possible  d'intérêt; 
aussi  quel  prétexte  plus  commode  pour  tous  ces  faiseurs 
de  fausses  nouvelles  qui  n'ont  d'autre  métier  que  de  pê- 
cher en  eau  trouble  ! 

C'est  là  un  puissant  motif  de  dépréciation  pour  la  va- 
leur, car,  règle  générale,  les  capitaux  doivent  fuir  tous 
placements  sur  des  valeurs  livrées  aux  pratiques  de  l'a- 
o-iotao-e. 


59.  —  Lors  même  qu'il  y  aurait  autant  de  chances  de 
gagner  que  de  perdre,  la  grandeur  des  risques,  amsi  que 
nous  l'avons  déjà  dit,  bien  que  donnant  des  sommes  ma- 
thématiquement égales  de  pertes  et  de  gains,  suffit  pour 
constituer  un  danger  que  l'on  doit  toujours  éviter;  il  est 
reconnu,  en  effet,  que  le  gain  ne  nous  donne  jamais  au- 
tant de  satisfaction  que  la  perte  nous  cause  de  peine, 
parce  que  le  gain  ne  donne  jamais  à  un  capital  un  accrois- 
sement relatif  à  la  fortune  totale  aussi  considérable  qu'une 
perte  équivalente  y  apporte  de  diminution;  il  est  donc 
préférable  de  risquer  un  contre  un  que  deux  contre  deux, 
ou  trois  contre  trois,  et  le  plus  grand  tort  qu'un  homme 
puisse  se  faire  dans  cette  théorie  morale,  est  de  risquer 
toute  sa  fortune  dans  l'espérance  de  la  doubler. 

Ce  principe  doit  engager  le  spéculateur  qui  recherche 
un  placement,  à  éviter  avec  soin  les  risques  trop  grands 
qui  pourraient  compromettre  son  capital,  et  à  préférer 


—   I2't  — 

souvent  les  valeurs  qui  rapportent  un  intérêt  moindre  à 
celles  qui  rapportent  un  intérêt  plus  élevé. 

L'intérêt,  on  le  sait,  est  la  représentation  du  risque 
couru  par  le  capital  ;  par  conséquent,  et  c'est  là  une  des 
lois  fondamentales  de  l'économie  politique,  il  est  essen- 
tiellement variable  et  en  raison  des  risques  courus. 
A  une  entreprise  qui  court  des  risques  deux  fois  plus 
nombreux,  on  ne  demandera  jamais  que  des  produits 
doubles,  et  bientôt  la  considération  même  des  risques 
finira  par  disparaître,  et  on  n'aura  plus  égard  qu'à  une 
seule  chose,  la  différence  des  profits  et  des  intérêts  ;  de  là 
une  tendance  g'énérale  à  rechercher  les  placements  qui 
rapportent  de  gros  intérêts. 

Si  deux  valeurs  rapportent,  l'une  3%,  l'autre  6  Yo  d'in- 
térêt, par  ce  seul  fait  que  les  risques  sur  la  seconde  sont 
le  double  des  risques  sur  la  première,  bientôt  la  seconde 
finira  par  ne  plus  rapporter  que  5  "/q  au  prix  d'achat, 
parce  que,  pour  la  multitude  imprudente  et  aveugle  des 
spéculateurs,  la  comparaison  simple  des  deux  intérêts,  en 
dehors  de  toute  autre  prévision,  sera  toute  à  l'avantage 
de  la  valeur  qui  rapporte  six. 

Que  d'entreprises  véreuses  servent  des  dividendes  que 
rien  ne  justifie,  souvent  prélevés  sur  le  capital,  comme 
un  appât  trompeur  destiné  à  égarer  la  spéculation! 

Le  petit  rentier,  qui  ne  vit  que  difficilement  avec  deux 
ou  trois  mille  francs  de  revenu,  est  seul  excusable  jusqu'à 
un  certain  point  de  chercher  une  augmentation  de  rentes 
dans  un  taux  plus  élevé  d'intérêt  ;  pour  celui  qui  trouve 
dans  ses  revenus  de  quoi  subvenir  largement  à  ses  dé- 
penses, c'est  une  imprudence  coupable,  c'est  une  folie  de 


Mo    - 


risquer  le  capital  pour  une  augmentation  d'intérêt  su- 
perflue. 


60.  —  Il  y  a  donc  deux  raisons  qui  doivent  en  général 
engager  le  spéculateur  sérieux  à  préférer  toute  valeur  à 
intérêt  modique,  à  celle  d'un  intérêt  plus  élevé,  à  reclier- 
cher  par  exemple  un  placement  à  3  "/o ,  plutôt  qu'un  pla- 
cement à  6  Vo. 

D'abord,  il  profite  de  toute  la  différence,  de  tout  l'écart 
qui  existe  entre  la  valeur  mathématique  et  la  valeur  mo- 
rale de  la  moitié  des  risques  courus  sur  le  second  place- 
ment. S'il  emploie  toute  sa  fortune  dans  une  entreprise 
qui  lui  rapporte  6  °/o  au  lieu  de  3  ^/o  ^  à  la  condition  de 
courir  des  chances  de  perte  doubles,  si  petite  que  soit  la 
probabilité  de  la  perte  totale  sur  le  placement  à  3,  elle  est 
le  double  sur  le  placement  à  6,  et  la  différence  déterminée 
par  l'élément  moral  entre  les  deux  probabilités,  si  petite 
qu'elle  soit,  acquiert  une  valeur  nécessairement  très- 
grande  si  on  la  multiplie  par  une  quantité  telle  que  la 
valeur  de  la  fortune  engagée,  si  elle  l'était  en  totalité.  En 
second  lieu,  si  par  suite  d'une  concurrence  mal  entendue, 
la  valeur  qui  rapportait  6,  en  raison  du  nombre  double  de 
risques  courus,  vient  à  ne  plus  donner  que  5  ^jo,  il  béné- 
ficie encore  de  %  pour  cent  d'intérêt,  en  achetant  une  va- 
leur qui  rapporte  3,  au  lieu  de  2  '/s  qu'elle  devrait  seule- 
ment rapporter,  si  la  diminution  d'intérêt  qui  s'est  fait 
sentir  sur  la  seconde  valeur  avait  eu  lieu  proportionne- 
ment  sur  la  première. 

Quand  une  valeur  quelconque  rapporte  un  intérêt  de 


—  126  — 

3  Yo7  toute  antre  valeur  sur  laquelle  les  risques  courus 
sont  doubles,  devrait  rapporter,  en  raison  de  la  probabi- 
lité de  ces  différents  risques,  probabilité  qui  peut  être  très- 
variable,  mais  qui  ne  peut  jamais  être  supposée  nulle, 
non  pas  seulement  6  7o ,  niais  7,  8,  10  ou  15  Yo-  —  Au 
lieu  de  cela,  la  valeur  sur  laquelle  les  risques  seront  dou- 
bles, ne  rapportera  le  plus  souvent  que  5  y^,  5,  4  V^  pour 
cent,  et  quelquefois  moins. 

On  doit  au  contraire  préférer  une  valeur  qui  rapporte 
un  intérêt  plus  fort  à  celle  qui  rapporte  un  intérêt  moin- 
dre, lorsque  cette  diminution  d'intérêt  est  remplacée  par 
une  loterie,  ou  le  tirag-e  au  sort  de  lots  semestriels  ou  tri- 
mestriels, parce  que  si  cette  amorce  est  des  plus  sédui- 
santes pour  le  public,  elle  est  aussi  des  plus  fallacieuses, 
et  par  un  calcul  très-simple,  on  trouve  que  si  la  probabilité 
des  lots  répond  à  V^pour  cent  d'intérêt  aléatoire,  par  con- 
tre on  perd  souvent  2  ou  3  Y,j  d'intérêt  réel . 

Si  tout  le  monde  était  tellement  pénétré  de  la  vérité  de 
ces  observations,  qu'elles  en  devinssent  vulgaires  et  su- 
perflues, si  chacun  possédait  au  même  degré  l'esprit  de 
calcul  et  de  prévoyance,  il  est  certain  que  les  choses  ne 
se  passeraient  pas  ainsi;  toute  fausse  idée  et  tout  engoue- 
ment ayant  disparus,  l'élément  moral  ayant  conquis  la 
place  qu'il  devrait  occuper  dans  les  estimations  de  chacun, 
il  n'y  aurait  alors  aucune  recommandcition  à  faire  à  ce  su- 
jet, parce  que  l'équilibre  se  produirait  si  bien  qu'il  de- 
viendrait absolument  inutile  d'établir  aucune  distinction 
et  de  rechercher  tel  placement  de  préférence  à  tel  autre  ; 
la  prévoyance  individuelle  ne  dépasserait  plus  le  niveau 
de  la  prévoyance  commune  ;  c'est  parce  que  la  prévoyance 


—    12-  — 

cuininune  est  iuiii  d'être  arrivée  à  sou  apogée,  qu'il  faut 
que  l'homme  prudent  se  pénètre  du  sentiment  de  certaines 
vérités  qui  ne  seront  jamais  l'apanage  de  la  foule. 


61.  —  La  dhisioii  des  risques  est  encore  un  moyen 
certain  de  les  diminuer. 

De  même  qu'il  est  plus  prudent,  pour  lui  faire  passer 
la  mer,  de  partager  une  fortune  sur  plusieurs  vaisseaux 
qui,  bien  que  courant  des  chances  égales,  incertaines  et 
périlleuses,  courent  chacun  des  chances  différentes  de 
naufrag'e,  le  spéculateur  qui  recherche  un  placement,  au 
lieu  de  mettre  tous  ses  fonds  dans  une  seule  entreprise 
qui  peut  faire  faillite  et  engloutir  en  une  fois  la  totalité 
de  sa  fortune,  doit  de  préférence  placer  ses  fonds  sur  plu- 
sieurs entreprises  différentes.  Ce  principe  répond  à  un 
sentiment  vulgaire  et  instinctif  qui  se  traduit  par  ce  pro- 
verbe un  peu  trivial  :  M  ne  faut  pas  mettre  tous  ses  œufs 
dans  le  même  panier. 

Cette  division  de  la  fortune  entre  plusieurs  emplois  qui, 
en  théorie, pourraitêtrepoussée  indéfiniment,  aussiloin  que 
le  permettrait  la  quantité  d'entreprises  et  de  valeurs  de 
toute  nature,  apour  limites  en  pratique  certaines  considéra- 
tions dont  il  faut  tenir  compte,  et  dont  les  principales  sont  : 
1°  la  difficulté  d'être  exactement  renseigné  sur  une  trop 
grande  quantité  d'entreprises  différentes,  sur  le  compte 
desquelles  une  connaissance  seulement  superficielle  est 
insuffisante,  si  l'on  veut  bien  diriger  ses  intérêts  et  éviter 
au  capital  les  pertes  qui  pourraient  résulter  d'une  situa- 
tion mal  connue  ;  2*^  la  perte  de  soins  et  de  temps,  qui  cor- 


—  128  — 

respond  par  le  fait  à  une  perte  d'argent,  résultant  de  l'o- 
bligation d'opérer  des  versements  et  toucher  des  intérêts 
à  des  époques  différentes  de  l'année  dans  des  endroits 
quelquefois  fort  éloignés.  C'est  surtout  pour  les  person- 
nes de  province  et  de  la  campagne,  obligées  à  des  dé- 
marches personnelles  ou  à  des  transports  continuels  de 
titres  et  de  fonds,  que  cette  considération  est  importante. 
Dans  les  villes  de  quelque  importance,  la  création  d'une 
caisse  centrale,  instituée  par  un  syndicat  des  compa- 
gnies, à  laquelle  on  pourrait  opérer  tous  dépôts  de 
titres,  tous  versements,  recevoir  tous  coupons,  rendrait 
d'utiles  services  ;  cette  institution  n'est  remplacée,  jus- 
qu'à présent,  que  dans  une  mesure  trop  restreinte  par 
quelques  maisons  de  banque,  et  à  Paris  par  les  grands 
établissements  de  crédit  qui  ne  fonctionnent  qu'au  profit 
de  leurs  actionnaires  ou  demandent  une  commission  trop 
forte  ;  or,  toute  commission  pour  ce  service  réj^ond  à  une 
diminution  de  l'intérêt  du  titre. 

Sans  prétendre  donner  aucune  règle  absolue,  et  en 
laissant  chacun  juge  de  l'opportunité  du  fractionnement 
de  son  capital,  on  peut  cependant  admettre  que  cette  di- 
vision est  utile  et  conforme  aux  lois  de  la  prudence,  sur- 
tout nécessaire  pour  les  grandes  fortunes,  qu'elle  doit  se 
proportionner  à  la  nature  des  entreprises  dont  les  chances 
de  réussite  sont  plus  ou  moins  certaines,  depuis  les  fonds 
publics  de  l'Etat  jusqu'aux  entreprises  les  moins  connues 
et  les  moins  sûres,  et  que  dans  tous  les  cas  elle  peut,  en 
pratique,  se  réduire  à  un  petit  nombre  restreint  de  va- 
leurs de  différente  nature. 


—  129  — 

62.  —  Nous  avons  précédemment  (par.  51)  émis  la 
supposition  de  deux  marchés  distincts  et  séparés ,  l'un  où 
toutes  les  opérations  seraient  purement  fictives,  l'autre 
où  toutes  les  opérations  seraient  sérieuses  ;  la  Bourse  re- 
présente un  marché  mixte,  où  ces  deux  sortes  d'opéra- 
tions sont  unies  dans  des  proportions  variables,  les  pre- 
mières y  entrant  cependant  de  beaucoup  pour  la  plus 
grande  partie. 

Les  reports  qui  offrent  un  placement  productif  d'inté- 
rêts aux  capitaux  engag-és  dans  la  spéculation, donnent  en 
même  temps  la  mesure  précise  des  relations  que  ces  deux 
marchés  sont  forcés  d'entretenir  et  de  leur  dépendance 
réciproque.  Commençons  par  définir  le  report. 

Le  report  est  la  différence  qui  existe  à  un  même  mo- 
ment entre  les  cours  du  comptant  et  ceux  du  terme,  ou 
entre  les  cours  de  deux  liquidations  successives. 

Un  spéculateur  qui  achèterait  une  valeur  au  comptant 
et  la  revendrait  immédiatement  à  terme,  en  profitant  de 
la  différence  des  cours,  ferait  un  report  indirect. 

Le  report  direct,  celui  dont  il  est  toujours  question 
lorsque  le  mot  report  est  employé  seul,  est  une  opération 
unique,  qui  comprend  implicitement  les  deux  opérations 
de  l'achat  et  de  la  vente,  et  qui  ne  peut  être  scindée. 

Celui  qui,  par  l'opération  du  report,  se  trouve  acheteur 
au  comptant  et  vendeur  à  terme,  reporte  ;  celui  qui  se 
trouve  vendeur  au  comptant  et  acheteur  à  terme,  se/ait 
reporter. 

On  dit  qu'il  y  a  déport  lorsque  la  valeur  est  plus  chère 
au  comptant  qu'à  terme;  le  déport  n'est  autre  chose  que 
le  report  négatif. 


^  -  <^o  - 

Lorsque  les  prix  sont  les  mêmes,  on  dit  que  le  report 
est  mo  pair. 

Les  reports  peuvent  être  : 

Ou  un  emploi  de  capital,  argent  ou  titre; 

Ou  la  continuation  d'une  affaire  antérieure. 

Pour  expliquer  ceci,  il  faut  se  représenter  la  situation 
respective  des  spéculateurs  au  moyen  des  trois  groupes 
suivants  : 

1°  L'aeheteur  à  découvert  ; 

2"  Le  vendeur  à  découvert  ; 

3"  Le  vendeur  qui  livre  (ou  l'acheteur  qui  prend  li- 
vraison). 

Si  l'acheteur  et  le  vendeur  à  découvert  n'tivaient  affaire 
qu'entre  eux,  si  le  vendeur  qui  livre  avait  affaire  à  un  ache- 
teur en  état  de  lever,  l'équilibre  serait  maintenu  entre  les 
diverses  parties,  et  on  n'aurait  pas  l'explication  des  sin- 
gulières variations  du  report  ;  il  est  nécessaire  de  suppo- 
ser que  si  les  deux  vendeurs ,  l'un  à  découvert,  l'autre 
qui  livre,  ont  vendu  chacun  1  500,  l'acheteur  à  décou- 
vert aura  acheté  3  000. 

La  liquidation  venue,  et  chacun  ayant  conservé  sa  po- 
sition respective,  il  y  aura  1  500  à  livrer .^  1  500  à  repoo'ter 
et  3  000  h  faire  reporter. 

L'acheteur,  mis  en  mesure  de  lever  1  500,  ne  possé- 
dant pas  le  capital,  et  ne  trouvant  pas  de  contre -partie 
dans  l'état  du  marché,  est  forcé,  s'il  veut  continuer  son 
opération  à  la  hausse,  de  s'entendre  avec  un  capitaliste 
qui,  étranger  à  toute  négociation  antérieure,  ne  se  déci- 
dera à  prêter  les  fonds  nécessaires  que  s'il  y  trouve  un 
certain  bénéfice  dans  un  taux  élevé  de  report. 


—  131    - 

Pour  les  1  500  restants,  l'aclieteur  ,-^'enteiid  avec  le 
vendeur  comme  lui  à  découvert. 

Ce  second  report  n'est  qu'une  opération  feinte  destinée 
à  masquer  une  opération  antérieure,  qui  ne  présentera 
qu'une  différence  minime  entre  deux  cours  de  compen- 
sations ;  le  taux  en  est  nécessairement  subordonné  au 
premier  ;  il  est  l'effet  d'une  convention  et  non  d'un  débat. 

Si  en  retournant  les  positions,  c'eût  été  le  vendeur  qui 
manquât  du  titre,  il  aurait  fait  appel  à  un  détenteur  de 
ce  titre. 

A  la  Bourse,  l'argent  et  le  titre  sont  considérés  comme 
deux  marchandises  qui  peuvent  se  prêter  moyennant  une 
primo  qui  varie  selon  que  l'une  ou  l'autre  est  plus  de- 
mandée ou  qu'elle  est  plus  rare. 


63.  —  Si  toutes  les  opérations  étaient  sérieuses  à  la 
Bourse,  le  report  n'y  dépasserait  jamais  le  taux  d'intérêt 
g'énéral  ou  ne  tomberait  jamais  au-dessous. 

L'effet  serait  encore  maintenu  si  toutes  les  opérations 
fictives  ou  sérieuses,  engagées  dans  le  sens  de  la  hausse 
ou  de  la  baisse,  se  faisaient  parfaitement  équilibre,  parce 
qu'il  y  aurait  une  complète  indépendance  entre  les  deux 
marchés. 

Mais  si  l'équilibre  n'est  pas  complet,  selon  que  la  ba- 
lance penche  de  l'un  ou  l'autre  côté,  il  est  nécessaire 
que  le  découvert,  s'il  veut  continuer  ses  opérations  à  la 
hausse  ou  à  la  baisse,  s'adresse  aux  détenteurs  de  capi- 
taux ou  de  titres,  et  comme  la  concurrence  de  ces  der- 
niers se  trouve  limitée  par  les  ressources  présentes  du 


—  132  — 

marché,  le  taux  du  report  s'élève  au-dessus  ou  s'abaisse 
an-dessous  du  taux  d'intérêt  g-énéral. 

C'est  uniquement  la  spéculation  à  découvert  qui  exa- 
gère et  fausse  les  limites  du  report,  en  donnant  parfois  le 
scandale  d'intérêts  usuraires  à  20  et  25  %,  ou  présentant 
ce  curieux  spectacle  d'intérêts  négatifs  au  moyen  de  pri- 
mes sur  prêts  de  titres  ;  c'est  surtout  aux  approclies  et 
dans  le  cours  d'une  liquidation  que  se  font  ressentir  les 
plus  grandes  fluctuations  du  report. 

Chaque  fois  que  le  report  dépasse  le  taux  d'intérêt  des 
valeurs  courantes ,  chaque  fois  qu'il  est  au-dessous,  l'in- 
fluence du  jeu  est  manifeste;  on  peut  savoir  à  n'en  pas 
douter  de  quel  côté  penche  le  découvert,  et  ce  que  recèle 
la  situation  du  marché. 

Les  reports  élevés  signifient  toujours  découvert  à  la 
hausse;  les  reports  bas,  les  déports,  signifient  toujours 
découvert  à  la  baisse. 

Dans  le  premier  cas,  le  vendeur  possesseur  du  titre, 
momentanément  débordé  par  le  découvert  qui  élève  les 
cours,  trouve  la  facilité  de  retarder  la  conclusion  du  mar- 
ché ou  la  livraison  des  titres,  au  moyen  de  reports  élevés  ; 
si  la  spéculation  à  découvert  est  à  la  baisse,  l'acheteur  en 
possession  du  capital  peut  se  consoler  de  voir  baisser 
temporairement  sa  valeur,  en  ne  payant  que  peu  ou  point 
d'intérêt,  en  recevant  même  une  prime  de  déport  ;  comme 
il  est  très-rare  que  le  déport  existe  à  la  fois  sur  toutes  les 
valeurs,  rien  n'empêche  encore  l'acheteur  ou  le  prêteur 
de  titres  de  placer  leurs  fonds  en  reports  sur  une  autre 
valeur ,  et  de  recevoir  des  deux  côtés  à  la  fois. 

Le  vendeur  possesseur  du  titre,  qui  vient  en  réclamer 


—  133  — 

le  paiement  à  l'échéance  du  marché  à  terme,  force  l'ache- 
teur à  découvert  à  emprunter  d'abord  le  capital,  et  à  payer 
un  gros  intérêt  au  capitaliste,  en  fin  de  compte,  à  trouver 
un  acheteur  sérieux  qui  prenne  sa  place  ;  car  si  longtemps 
que  le  report  se  continue,  une  opération  à  découvert,  lors- 
qu'elle est  mise  en  face  d'une  opération  sérieuse,  ne  peut 
jamais  se  terminer  autrement  que  par  le  paiement  ou  la 
livraison  obligés  du  titre. 

Dans  ces  conditions,  il  n'est  pas  difficile  de  deviner 
qui  doit  l'emporter,  du  découvert  ou  des  capitaux. 


64.  —  Les  reports  tournent  toujours  au  préjudice  des 
joueurs,  et  toujours  au  bénéfice  des  spéculateurs,  posses- 
seurs de  titres  ou  de  capitaux. 

Lorsque  les  titres  ou  les  capitaux  répondent  aux  appels 
du  découvert,  ils  réalisent  des  bénéfices  certains  qui 
peuvent  être  considérés  comme  une  avance,  comme  un 
intérêt  des  bénéfices  futurs  qu'il  leur  serait  permis  d'ail- 
leurs de  réaliser  sur-le-champ  ;  en  effet,  il  dépendrait  ex- 
clusivement des  spéculateurs  nantis  des  capitaux  et  des 
titres,  qui  possèdent  le  dernier  mot  de  la  situation,  d'ame- 
ner instantanément  une  liquidation  générale  du  découvert, 
ou  du  moins  de  rétablir  la  balance  entre  haussiers  et  bais- 
siers  à  découvert,  si  les  capitaux  se  refusaient  aux  avan- 
tages des  reports  élevés,  si  les  titres  méprisaient  les 
séductions  de  la  prime  ;  car  alors  acheteurs  et  ven- 
deurs à  découvert,  forcés  de  traiter  entre  eux  pour  une 
partie  de  leurs  opérations,  celle  où  les  achats  et  les  ventes 
peuvent  se  compenser,  et  ne  trouvant  plus  la  contre-par- 


—  134  — 

tie  qui  leur  manque  pour  tout  ce  qui  excéderait  cette 
compensation,  n'auraient  d'autre  ressource  que  de  se  li- 
quider et  de  ramener  de  suite  les  cours  où  ils  les  auraient 
trouvés,  à  leur  valeur  véritable. 

On  peut  se  souvenir  des  déports  qui  furent  payés  aux  ac- 
tionnaires de  certaine  compagnie,  dont  le  capital  était  du 
reste  très-peu  considérable,  ce  qui  expliquait  la  rareté  des 
titres;  ces  actionnaires  se  consolaient  de  la  baisse  de  leurs 
titres  en  touchant  des  déports  qui,  en  moins d'unan,  au- 
raient suffi  à  doubler  leur  capital.  Si  cependant,  au  lieu 
de  se  faire  bénévolement  les  complices  de  la  spéculation 
à  la  baisse  sur  leurs  propres  titres,  ces  porteurs  avaient 
compris  qu'il  était  plus  adroit  de  se  refuser  à  un  pareil 
manège,  ils  seraient  probablement  arrivés  en  une  seule 
liquidation  au  résultat  qu'ils  convoitaient,  par  la  hausse 
considérable  que  le  découvert  aurait  forcément  amenée. 

Si  le  capital  se  refusait  aux  reports  élevés,  il  amènerait 
la  cessation  d'une  hausse  factice ,  et  pourrait  entrer 
résolument  dans  les  valeurs;  si  le  titre  se  refusait  aux  dé- 
ports, il  accroîtrait  sa  plus-value  en  amenant  la  hausse. 

Il  faut  que  le  capital  sache  bien  que  lorsqu'il  entre  dans 
les  opérations  de  reports  et  déports,  lorsqu'il  pactise  avec 
le  jeu,  il  ag'it  contre  ses  propres  intérêts. 

'L'escompte^  qui  n'est  autre  chose  que  la  faculté  pour  l'a- 
cheteur à  terme,  d'après  le  contrat  implicite  du  marché  à 
terme,  d'avancer  la  liquidation  en  exig-eant  livraison  im- 
médiate du  titre,  ne  peut  jamais  produire  grand  effet  sur 
la  place,  tant  que  le  vendeur  à  découvert  conserve  la  res- 
source d'emprunter  n'importe  à  quelles  conditions  le  titre 
qui  lui  fait  défaut.  Aussi,  contrairement  à  l'effet  naturel 


—   13^)  - 


qu'on  a  l'habitude  de  leur  supposer,  on  ne  voit  jamais  les 
escomptes  être  suivis  de  la  hausse,  mais  ils  amènent 
promptement  du  déport. 


65.  — C'est  le  Je^o,  c'est-à-dire  la  spéculation  avec  tous 
ses  abus,  qui  représente  la  force  expansive,  indéfinie  du 
mouvement  des  cours. 

C'est  le  Capital^  c'est-à-dire  la  spéculation  utile,  qui, 
seul  et  véritable  principe  de  ce  mouvement,  en  représente 
la  force  restrictive  et  définie. 

Tous  les  efforts  du  Jeu  tendent  à  accroître  les  écarts  de 
la  variation  des  cours. 

Tous  les  efforts  du  Capital  tendent  au  contraire  à  les 
resserrer. 

Quelle  que  soit  la  question  que  l'on  étudie,  quel  que 
soit  le  point  de  vue  où  l'on  se  place,  toujours,  partout,  les 
mêmes  causes  reproduisent  les  mêmes  effets. 

On  le  voit  donc,  et  il  serait  facile  de  le  prévoir  quand 
même  le  raisonnement  ne  nous  l'apprendrait  pas,  c'est  le 
jeu  seul  qui  trouble  l'économie  de  la  spéculation,  qui,  par 
ses  pratiques  et  son  action  dissolvante,  tend  sans  cesse,  au 
lieu  de  le  ramener  vers  le  centre,  à  élarg-ir  le  cercle  dans 
lequel  se  meut  et  s'agite  la  spéculation,  et  cela  au  g-rand 
détriment  de  la  solidité  des  fortunes,  de  la  moralité  de  ses 
principes. 

Dans  cette  lutte  constante  entre  le  Jeu  et  le  Capital, 
l'avantage  doit  en  définitive  rester  au  dernier.  Si  une 
hausse  qui,  sous  la  seule  influence  des  capitaux,  eût  été 
de  10  francs  sur  le  prix  d'une  action,  s'est  exag-érée  sous 


—   136  — 

l'iiilliience  du  jeu  en  une  hausse  artificielle  de  30  francs, 
il  faut  que  tôt  ou  tard  il  y  aitforcément  et  par  ce  seul  fait, 
un  mouvement  rétrograde  qui,  faisant  baisser  la  valeur 
de  20  francs,  ne  laissera  acquise  que  la  hausse  naturelle 
due  aux  capitaux.  Et  si  le  jeu,  agissant  en  sens  contraire, 
a  pu  amener  une  baisse  de  30  francs,  il  faut  absolument 
que  tôt  ou  tard,  il  y  ait  une  réaction  en  hausse  de  40  fr. 

La  somme  de  réaction,  toujours  ég*ale  à  la  somme  d'ac- 
tion dans  l'ensemble  des  eflFets  de  la  nature,  doit  l'être 
aussi  dans  l'ensemble  des  résultats  fournis  exclusivement 
par  le  jeu,  parce  que  l'effet  de  vendre  ou  acheter  à  décou- 
vert appelle  toujours  l'effet  contraire. 

La  réaction  qui  se  déclare  toujours  après  un  mouvement 
considérable,  plus  ou  moins  vive,  plus  ou  moins  prompte, 
en  raison  des  causes  qui  ont  amené  le  mouvement,  ne 
peut  jamais  être  égale  à  l'action  sur  le  moment  même, 
parce  que  la  cause  première  n'est  pas  détruite  ;  pour  que 
la  réaction  soit  complète,  il  faut  que  la  cause  n'existe 
plus. 

Ceci  n'est  d'ailleurs  qu'une  affaire  de  temps.  La  réac- 
tion serait  obtenue  dans  l'intervalle  d'une  seule  liquida- 
tion, si  acheteur  et  vendeur  à  découvert  n'avaient  la 
facilité  de  continuer  indéfiniment  leurs  opérations  fictives, 
au  moyen  des  reports. 

L'erreur  la  plus  déplorable  que  l'on  pourrait  commettre, 
serait  de  s'abuser  sur  la  prétendue  puissance  du  jeu,  de  lui 
attribuer  la  moindre  efficacité,  de  s'imaginer  qu'elle  peut 
opérer  dans  un  sens,  sans  une  réaction  forcée  dans  l'autre 
sens.  Les  gouvernements  peuvent  tolérer  l'agiotag-e  lors- 
que, par  ujie  hausse  factice  des  fonds  publics,  ils  espèrent 


—   137   - 

assurer  pour  un  moment  le  succès  de  leur  politique,  ils 
n'empêclieront  jamais,  et  rien  au  monde  ne  pourra  empê- 
cher un  juste  retour  des  clioses,  retour  d'autant  plus  fu- 
neste que  l'illusion  aura  été  plu  s  grande  et  aura  duré  plus 
longtemps. 

Il  n'y  a  de  richesse  possible  que  celle  qui  est  le  produit 
du  travail;  toute  autre  est  pure  chimère,  ou  n'est  qu'un 
déplacement  de  richesse  qui,  pour  en  enrichir  quelques- 
uns,  en  appauvrit  nécessairement  d'autres;  dans  l'estima- 
tion de  la  richesse  publique  il.'n'y  a  de  hausse  durable  que 
celle  qui  résulte  du  concours  des  capitaux;  toute  hausse, 
toute  baisse  factices,  en  dehors  du  jeu  régulier  de  l'offre 
et  de  la  demande  sérieuses,  en  ayant  pour  unique  effet  de 
ruiner  quelques  individus  au  profit  de  quelques  autres,  ne 
diminue  pas,  n'ajoute  pas  un  atome  à  la  somme  de  cette 
richesse. 

Qu'on  le  sache  donc.  Le  petit  spéculateur  qui  achète 
un  millier  de  francs  de  rentes,  qui  les  paie  et  les  serre  dans 
son  portefeuille ,  fait  plus  pour  le  succès  définitif  de  la 
hausse,  que  le  joueur  audacieux  qui  vend  cent  mille 
francs  de  rentes  qu'il  ne  possède  pas,  ne  peut  faire  pour 
assurer  la  baisse.  Aussi ,  entre  eux  deux ,  le  résultat  de 
la  lutte,  s'il  se  fait  attendre,  ne  saurait  être  douteux. 


66.  —  Tout  en  reconnaissant  les  abus  du  Jeu,  on  croit  eu 
g'énéral  que  ses  intérêts  sont  communs  à  ceux  du  Capital. 
Ses  intérêts,  ses  tendances,  sont  au  contraire,  directement 
opposés. 

Le  Jeu  ne  peut  donner  la  moindre  réalité  au  marché 


—   138  - 

OÙ  toutes  les  opérations  en  porteraient  le  caractère  en- 
tièrement exclusif.  Le  Jeu,  c'est  la  chaîne  sans  fin  qui 
revient  toujours  au  même  point,  le  roclier  de  Sisyphe  qui 
retombe  toujours  à  la  même  place,  la  meule  qui  tourne  a 
vide,  selon  l'expression  pittoresque  de  J.  B.  Say. 

Le  Capital,  qui  seul  peut  créer  et  vivifier  le  marché, 
suffit  parfaitement  à  en  entretenir  le  mouvement  sans  le 
concours  d'aucune  force  étrangère  ;  il  représente  une 
force  restrictive,  mais  qui  ne  peut  jamais  devenir  com- 
plètement nulle. 

Il  faudrait,  pour  annuler  toute  variation,  tout  mouve- 
ment, que  les  causes  si  nombreuses  qui  influent  sur  les 
cours  fussent  identiques,  fixes  et  constantes  ;  mais  au- 
cune cause  ne  peut  avoir  ce  caractère  de  fixité,  parce 
qu'elle-même  est  soumise  à  nue  infinité  d'influences 
multiples  qui  n'ont  pas  ce  caractère.  Aucune  cause  n'étant 
essentiellement  constante,  les  causes  dites  constantes  ne 
sont  en  réalité  que  les  moins  irrégulières,  et  celles  dont 
les  probabilités  de  retour  sont  les  plus  fortes. 

Il  faudrait  encore  faire  abstraction  du  principe  indivi- 
duel et  admettre,  ce  qui  est  impossible,  qu'aucune  diver- 
gence ne  séparant  jamais  les  hommes,  ils  n'auront  plus 
qu'une  seule  manière  de  voir  et  d'apprécier  les  causes,  les 
mêmes  penchants,  les  mêmes  besoins. 

Mais,  sans  espérer  pour  les  rentes  de  l'Etat  et  les  va- 
leurs publiques  dont  toutes  les  conditions  d'existence  sont 
le  plus  clairement  déterminées,  pas  plus  que  pour  les  au- 
tres valeurs  d'entreprises  particulières  moins  bien  défi- 
nies, qu'il  puisse  jamais  s'établir  une  estimation  de  prix 
invariable  et  incontestable,  universellement  acceptée,  de 


—  139  — 

manière  à  enlever  tout  aliment,  tout  prétexte  à  la  spécu- 
lation, on  doit  s'attendre  néanmoins  à  voir  se  resserrer 
de  plus  en  plus  les  écarts  de  la  spéculation. 

Cette  tendance  est  un  effet  et  un  signe  certains  de  la 
marche  du  progrès  et  de  l'aspiration  à  la  perfectibilité; 
c'est  un  moyen  infaillible  de  mesurer  l'état  d'avancement 
d'un  pa3^s  ;  on  peut  affirmer  sans  crainte  que  là,  oii  les  li- 
mites d'écarts  sont  les  plus  grandes,  le  crédit  est  le  plus 
arriérée  ;  que  là,  au  contraire,  oii  les  limites  d'écarts  sont 
les  moins  étendues,  la  confiance  est  la  plus  grande,  le  cré- 
dit le  mieux  assis ,  la  puissance  d'association  la  plus 
forte. 

C'est  une  opinion  presque  générale  et  une  erreur  fort 
accréditée,  que  la  mobilité  des  cours  est  un  indice  de  la 
facilité  des  transactions,  que  par  conséquent,  la  spécula- 
tion, malgré  ses  abus,  rend  d'utiles  services  en  permet- 
tant de  vendre  et  acheter  à  tous  cours,  à  tous  moments  ; 
on  feint  de  croire  que  sans  le  jeu,  l'offre  et  la  demande  ne 
trouveraient  pas  toujours  de  contre-parties  et  que  le  mar- 
ché s'éteindrait  ;  le  jeu  peut  bien  donner  une  animation 
factice  aux  transactions  lorsqu'elles  sont  rares,  peu  en- 
couragées par  les  lois  ou  par  l'opinion,  mais  il  ne  les  crée 
pas,  et  il  vivifie  le  crédit  à  peu  près  comme  la  chaux  vi- 
vifie l'arbre;  rien  ne  s'oppose  à  ce  que,  dans  un  cercle  de 
variations  très-restreint,  les  transactions  ne  puissent 
s'opérer  avec  la  plus  grande  facilité,  et  cela  ne  dépend 
que  des  conditions  de  la  circulation  et  de  l'étendue  du 
marché.  S'il  est  impossible  d'annuler  toutes  variations, 
on  doit  désirer  de  les  restreindre  le  plus  possible,  de 
même  que  tout  dans  la  nature  doit  tendre  sans  cesse  au 


—   liU  — 

centre  du  cercle  qui  représente  la  vériié  absolue,  en  s'ef- 
forçant  d'y  arriver  le  plus  près  possible.  Soutenir  la  doc- 
trine des  grandes  variations,  par  les  avantages  supposés 
qu'elle  offrirait,  c'est  faire  fausse  route,  c'est  prendre  le 
trouble  pour  le  repos,  la  fièvre  pour  la  santé,  le  délire 
pour  la  raison,  l'erreur  pour  la  vérité,  s'éloigner  du  cen- 
tre en  croyant  s'en  rapprocher. 


67.  —  La  connaissance,  ou  plutôt  l'intuition  des  faits 
à  venir,  cette  précieuse  faculté  qui  a  pu  faire  regarder 
comme  des  êtres  surnaturels  des  hommes  qui  la  possé- 
daient au  suprême  degré,  et  qui  s'est  prétentieusement  ap- 
pelée divination^  quand  son  véritable  nom  est  expérience, 
cette  faculté  n'est  rien  autre  que  le  fruit  de  l'observation, 
de  l'étude  attentive  des  faits  passés  :  c'est  làime  de  ces  vé- 
rités qui  ne  sauraient  être  répétées  trop  souvent.  Le  futur 
découle  fatalement  du  passé,  comme  l'effet  dérive  inva- 
riablement de  la  cause. 

La  découverte  de  l'avenir  a  toujours  eu  le  plus  grand 
attrait  pour  les  hommes,  parce  qu'en  leur  enseignant  à  di- 
riger leurs  actions  dans  le  sens  des  événements  attendus, 
elle  est  la  voie  qui  mène  à  la  sagesse  et  qui  doit  leur  don- 
ner la  plus  grande  somme  de  calme  et  de  bonheur,  dont 
la  possession  est  la  tendance  de  toute  la  nature  :  c'est  sur- 
tout lorsqu'il  s'agit  d'une  augmentation  de  fortune  comme 
instrument  réel  ou  supposé  de  ce  bonheur,  que  cette  dis- 
position se  change  en  un  désir  ardent  de  science  et  d'ins- 
truction, et  une  des  manières  les  plus  rapides  d'augmen- 
ter sa  fortune,  consiste  à  lui  donner  la  meilleure  direction 


—  lil  — 

dans  quelqne.s-unos  des  spéculations  plus  ou  moins  sûres 
dont  la  Bourse  est  le  principal  théâtre. 

Toute  spéculation,  depuis  celle  du  joueur  qui  achète 
aujourd'hui  pour  revendre  demain  un  peu  plus  cher,  jus- 
qu'à celle  du  capitaliste  qui  place  ses  fonds  dans  l'espoir 
d'une  augmentation  future  de  capital  peut-être  très-éloi- 
gnée,  toute  spéculation,  disons-nous,  n'est  que  la  recher- 
che plus  ou  moins  intellig-ente  des  causes  qui,  dans  le 
passé,  sont  la  source  et  le  fondement  des  lois  de  l'a- 
venir. 

Cette  découverte  à  la  Bourse  serait  complète  si  l'on  pou- 
vait connaître  le  prix  alsoJu  de  la  valeur.  En  effet,  il  suf- 
firait d'acheter  au-dessous,  comme  de  vendre  au-dessus 
de  ce  prix,  pour  être  certain  de  pouvoir  toujours,  dans 
un  temps  donné,  réaliser  un  bénéfice  quelconque  sur  l'o- 
pération. 

Mais  nous  savons  que,  quand  bien  même  l'observation 
du  passé  ne  serait  pas  forcément  limitée  à  un  petit  nombre 
de  faits,  eu  égard  à  l'ensemble  infini  de  tous  les  faits,  il  ne 
peut  y  avoir  de  prix  absolu  pour  une  valeur  quelconque  : 
cette  recherche  est  donc  aussi  chimérique  que  celle  de  la 
quadrature  du  cercle  ;  mais  si  on  ne  peut  arriver  à  ce  ré- 
sultat si  recherché,  si  ce  prix  absolu  est  introuvable,  on 
peut  du  moins  circonscrire  ses  écarts  et  les  limites  dans 
lesquelles  il  se  produit,  on  peut  enfin  en  approcher  aussi 
près  que  possible,  et  ce  résultat  est  bien  assez  considéra- 
ble pour  que  l'on  s'en  contente. 

On  entend  journellement  employer  ces  expressions  dans 
le  public  :  La  Rente  n'est  pas  à  son  prix,  la  Rente  est  au- 
dessus  de  son  prix,  telle  valeur  est  bon  marché,  telle  autre 


—   142  — 

est  trop  chère;  d'où  les  conséquences  en  pratique  sont 
qu'il  faut  acheter  ou  i\u'i\/(mt  vendre. 

Presque  toujours,  les  gens  qui  donnent  ces  avis  avec  le 
plus  d'assurance,  seraient  bien  embarrassés  de  dire  sur 
quoi  ils  se  fondent;  ou  les  raisons  qu'ils  emploient  sont 
bien  insig-nifiantes. 

Non,  on  ne  peut  jamais  être  assuré  que  telle  valeur  est 
trop  clière  ou  trop  bon  marché  :  mais  ne  pourrait- on  pas 
au  moins  en  acquérir  une  probabilité  voisine  de  la  certi- 
tude? 

La  question  que  nous  avons  à  résoudre  est  celle-ci  : 

Tel  cours  étant  donné,  est-il préf  érable  d'acheter  ou  de 
vendre  à  ce  cours  ? 

Si  t  n  effet  il  est  une  règle  pour  acheter  et  vendre  à  pro- 
pos, on  sent  de  quelle  importance  est  sa  découverte  ;  elle 
ne  ferait  pas  seulement  la  fortune  des  premiers  qui  s'en 
serviraient,  elle  serait  encore  un  puissant  moyen  de  don- 
ner plus  de  consistance  à  la  richesse  générale,  d'affermir 
le  crédit  en  restreignant  les  variations  des  valeurs  pu- 
bliques. 

Avant  de  passer  à  la  solution,  quelques  explications 
sont  indispensables. 


68.  —  Lorsque  l'on  étudie  les  lois  naturelles  du  mou- 
vement, en  mécanique,  physique,  astronomie,  etc.,  on 
ne  tarde  pas  à  s'apercevoir  que  le  mouvement  obéit  à  des 
lois  qui  sont  toujours  le  composé  de  deux  mouvements 
simples,  distincts  et  primordiaux. 

Un  projectile  lancé  décrit  une  parabole ,   c'est-à-dire 


—  143   - 

qu'il  rie  meut  horizontalement  sou.s  l'action  de  la  projec- 
tion, et  verticalement  sous  l'action  de  lu  force  centripète. 

Une  sphère,  boule,  roue,  cerceau,  rencontrés  par  un 
corps  mû  dans  l'espace,  prennent  un  mouvement  de  rota- 
tion en  même  temps  qu'un  mouvement  de  translation. 

L'aig-uille  aimantée,  sous  l'influence  de  la  force  ma- 
gnétique, se  dirige  suivant  les  lois  de  Vinclinaison  et  de 
la  déclinaison. 

La  Terre,  dans  sa  course  à  travers  l'espace,  est  animée 
de  deux  mouvements  bien  distincts  ; 

L'un  sur  elle-même,  en  un  jour  ; 

L'autre  autour  du  Soleil,  en  une  année. 

Pour  rendre  compte  du  mouvement  composé  de  ces  di- 
vers corps,  il  est  indispensable  d'étudier  séparément,  de 
décomposer  les  deux  mouvements  simples  qui  le  consti- 
tuent. 

Cette  méthode  est  celle  que  nous  suivons. 

Les  variations  de  la  Bourse,  soumises  comme  la  Terre 
dans  ses  mouvements,  aux  lois  de  la  gravitation  univer- 
selle, peuvent  aussi  se  décomposer  en  : 

Diurnes  et  annuels, 
c'est-à-dire,  à  courte  et  à  longue  période. 

Quand  on  étudie  les  lois  de  la  hausse  et  de  la  baisse,  il 
est  indispensable  de  distinguer  les  deux  principes  du 
mouvement  des  cours  : 

Le  premier,  produit  des  causes  accidentelles  : 

Le  second,  produit  des  causes  constantes. 

A  l'égard  du  premier,  il  n'est  aucune  prévision  pos- 
sible ;  les  causes  accidentelles  arrivent  sans  ordre,  indif- 
féremment favorables  ou  contraires;  par  conséquent,  dans 


—  144  — 

ce  premier  ordre  d'idées,  il  est  absolument  indifférent  de 
Y^avier  pour  ou  contre,  d'acheter  plutôt  que  de  vendre,  de 
vendre  plutôt  qu'acheter,  à  quelque  moment  que  ce  soit, 
et  la  'valeur  n'est  jamais  déterminée  que  par  le  coîirs  du 
titre  (par.  10,  U,  12,  13,14). 

La  spéculation  qui  a  pour  objet  la  prévision  des  causes 
accidentelles  s'appelle  Jeu;  nous  l'avons  étudiée  suffisam- 
ment dans  la  première  partie  de  cet  ouvrage. 

A  l'égard  du  second  principe  de  la  variation  des  cours, 
les  prévisions  sont,  non  seulement  permises,  mais  cer- 
taines ;  les  causes  constantes  présentent  dans  leurs  effets 
un  caractère  de  retour  et  de  régularité  admirables  ;  à  ce 
nouveau  point  de  vue,  dans  ce  nouvel  ordre  d'idées ,  on 
peut  toujours  parier  plus  ou  moins  pour  que  contre,  et 
dans  telle  circonstance  donnée,  on  doit  acheter  plutôt  que 
vendre,  ou  vendre  plutôt  qu'acheter. 

C'est  cette  nouvelle  étude  qui  forme  principalement  le 
sujet  de  cette  seconde  partie  :  c'est  la  recherche  et  la  con- 
naissance des  lois  constantes  de  la  variation  des  cours 
que  se  propose  la  véritable  Spéculation. 

Cette  contradiction  supposée  entre  les  deux  parties, 
n'est  que  le  développement  logique  et  complet  de  l'en- 
semble d'un  tout  indissoluble. 


69. — Le  joueur  ne  peut  opérer  que  sur  des  différences 
assez  considérables  se  produisant  rapidement;  car  s'il 
continuait  longtemps  une  opération,  les  frais  de  reports 
et  les  courtages  le  ruineraient  à  eux  seuls. 

Le  spéculateur  qui  garde  les  titres  peut  attendre  indé- 


—   145  — 

finimeiit;  loin  de  payer  des  reports  et  des  courtages,  il 
touclie  rég'ulièrement  aux  échéances  des  intérêts  qui,  à  la 
rigueur,  pourraient  le  dédommager  de  la  baisse  du  ca- 
pital. 

Aussi,  à  la  Bourse,  les  causes  accidentelles  ont  une 
importance  unique;  les  causes  constantes  y  sont  complè- 
tement nég'ligées. 

C'est  que  les  premières  présentent  des  différences  très- 
fortes  eu  peu  de  temps  ;  les  secondes  ne  donnent  que  des 
différences  minimes  dans  un  temps  fort  éloigné. 

Une  simple  note  de  deux  lignes  dans  le  Monitettr  peut, 
en  une  minute,  faire  perdre  à  la  Rente  l'intérêt  de  six 
mois. 

L'unique  objet  du  jeu  étant  d'obtenir  des  résultats  ra- 
pides en  peu  de  temps,  l'influence  des  causes  accidentelles 
s'élèvera  d'autant  plus  que  la  spéculation  sera  plus  tour- 
mentée de  l'esprit  du  jeu;  tout  alors,  jusqu'au  moindre 
fait,  donnera  lieu  à  des  interprétations  passionnées  dont 
l'exagération  se  traduira  par  des  mouvements  saccadés 
dans  les  cours,  et  au  milieu  de  cette  excitation,  les  causes 
constantes  pourront  être  ou  complètement  nég-ligées, 
ou  considérées  comme  des  faits  accidentels,  et  en  vue  de 
résultats  présents  qu'elles  ne  comportent  pas.  C'est  le 
contraire  qui  devrait  avoir  lieu. 

Sur  la  Rente,  par  exemple,  l'intérêt  étant  fixe,  il  est  fa- 
cile d'apprécier  l'effet  de  cette  cause,  essentiellement  con- 
stante. 

Cet  intérêt  est  de  8  fr.  par  an;  si  l'intérêt  est  payable 
par  semestre,  la  rente  doit  donc  valoir,  au  moment  du 
paiement  de  son  coupon,  1  fr.  50  de  plus,  et  si  l'intérêt 


—   146  - 

est  payable  par  trimestre,  doit  valoir  U,75  cent,  de  plus 
que  le  lendemain  de  ce  paiement;  cette  plus-value  doit  se 
faire  d'une  inanière  continue  et  régulière;  elle  doit  être 
de  0,25  c.  d'un  mois  sur  l'autre,  et  de  0,008  */,,  un  peu 
plus  de  Imit  dixièmes  de  ce^itime  par  jour. 

Parce  que,  dans  les  diverses  causes  de  variations  quel- 
quefois très-importantes  d'une  bourse  à  la  suivante,  cette 
cause  minime  d'une  hausse  de  moins  de  un  centime  n'ap- 
paraît pas  se  dégager  distinctement,  croit-on  qu'elle  n'en 
existe  pas  moins,  et  peut-elle  être  négligée  à  cause  de  son 
peu  d'importance  ? 

Si,  après  n'en  avoir  pas  tenu  compte  pendant  long- 
temps, on  vient  tout  à  coup  à  se  la  rappeler  la  veille  du 
coupon,  en  achetant  sans  mesure  et  sans  raison,  ne  se 
jette-t-on  pas  dans  l'excès  contraire,  en  prenant  pour  ac- 
cidentelle une  cause  constante  et  réo-ulière  ? 


70.  —  Pour  celui  qui  ne  borne  pas  son  attention 
aux  agitations  infîmes,  aux  préoccupations  mesquines  de 
chaque  jour,  mais  s'élève  plus  haut  et  cherche  le  résultat 
final  de  toutes  choses,  les  causes  accidentelles  n'exis- 
tent pas. 

Il  sait  qu'elles  doivent  se  détruire  les  unes  par  les  au- 
tres au  bout  d'un  certain  temps. 

Pour  comprendre  comment  ces  causes  peuvent  se  dé- 
truire et  disparaître,  il  n'est  besoin  que  de  se  rappeler  les 
résultats  fournis  par  l'inégalité  qui  ressort  d'une  cause 
aussi  faible  que  le  courtage,  et  en  général,  ])ar  toute  iné- 
galité, si  petite  qu'elle  soit. 


—  147  - 

Selon  que  les  résultats  du  jeu,  dans  une  suite  de  ])ar- 
ties,  se  ])ruduisent  d'une  ou  d'autre  manière,  ils  sont 
soumis  à  deux  ordres  d'influences  toutes  différentes  ;  sous 
l'effet  des  causes  accidentelles,  le  joueur  tantôt  gag-ne, 
tantôt  perd  ;  et  comme  cette  succession  de  g*ains  et  de 
pertes  se  produit  sans  ordre  apparent,  une  personne  qui 
ne  verrait  jouer  que  quelques  parties  ne  pourrait  soup- 
çonner l'inég'alité.  Cependant,  sous  l'empire  d'une  cause 
constante,  bien  que  très-faible,  d'inégalité,  la  ruine  ar- 
rive, d'un  pas  lent,  mais  mesuré  ;  sa  probabilité  aug- 
mente à  tout  instant  jusqu'à  devenir  une  certitude,  parce 
que  les  pertes  et  les  gains  accidentels,  finissant  par  se 
faire  compensation,  font  ressortir  de  plus  en  plus  la  cause 
primitive  et  constante  d'inég'alité. 

Les  causes  constantes  étant  connues  et  exactement 
estimées,  si  on  admet,  ce  qui  n'est  que  probable  pour 
un  petit  nombre,  mais  devient  rigoureusement  vrai, 
dès  que  l'on  admet  un  assez  grand  nombre  de  cas,  si  on 
admet  que  les  causes  accidentelles  et  imprévues  peuvent 
se  produire  aussi  bien  j;o?^r  que  contre,  dans  un  sens  fa- 
vorable que  défavorable,  de  sorte  que  l'on  n'ait  aucun 
compte  à  tenir  de  cette  espèce  de  causes  dans  une  longue 
série  d'observations,  on  aura,  dans  la  continuité  cons- 
tante des  autres,  une  base  certaine  qui  se  dégagera  de 
toutes  les  obscurités  et  les  inconséquences  supposées. 

C'est  ce  qui,  mieux  que  par  toutes  les  hypothèses,  va 
se  trouver  clairement  exposé  dans  le  tableau  qui  suit,  des 
cours  de  la  Rente  3  "/o  au  comptant,  par  plus  haut  et  plus 
bas  cours  de  chaque  mois,  depuis  l'époque  de  sa  création, 
en  mai  1825. 


VARIATIONS    1 

Mois    par    mo 


Années 


1825 
1826 
1827 
1828 
1829 
1830 
1831 
1832 
1833 
1831 
1835 
1836 
1837 
1838 
1839 
1840 
184l 
18^2 
1843 

1844 

1845 
1846 
1847 
1848 
1849 
1850 
1851 
1852 
1853 
1854 
1855 
1836 
1857 
1858 
1859 
1860 
1861 
1862 


Moyennes 
Prix  moyens 


Janvier     I     Février 


liâul  pl.tas 


68.70 

68.60 

70.40 

73. 4o 

85.35 

63 

67.60 

77.30 

76.20 

77.75 

81.50 

80 

79.80 

79.20 

81.  (r5 

77.80 

79. 40 

79.90 

82.9) 

85.40 

83.83 

80.30 

74.80 

46.83 

58.05 

38 

72.25 

81.15 

72.95 

69.50 

71.50 

68.30 

70.13 

72. 50 

69   15 

68.10 

71.45 


63.60 
66.25 
66. 80 
73  95 

83.30 

60.50 

62 

70 

74.75 

76.75 

8!l.13 

79.30 

78.83 

78.50 

80.43 

76.  4o 

78.15 

78  70 

81.93 

84.95 

82.95 

77. 40 

73,21 

44. 70 

56. 40 

56.20 

64 

77.80 

68.23 

65.23 

61. 85 

66.30 

68.30 

67.80 

07.33 

66.80 

67.45 


73.68     71.07 

72,37 
2,61 


67.40 

69. 4o 

73.70 

77.20 

84.85 

61  .30 

67.60 

80.50 

76.30 

79.60 

81.13 

79.9) 

79.83 

78.80 

82.50 

77.13 

80. 4o 

80.63 

82.65 

83.15 

85 

78.65 

74.80 

51.90 

58.65 

58.50 

66.15 

80.90 

70.20 

68.50 

73.50 

70,20 

70.20 

68.90 

08, 4o 

68.75 

71.35 


63 

68.25 

68.60 

75  55 

83.70 

55.25 

64.75 

76 

75.15 

77.80 

80 

79.10 

79.45 

77.80 

8  1.93 

75.60 

79.60 

79.60 

81. SO 

84,70 

83.65 

77.30 

73.70 

43.25 

57.20 

37.60 

63.90 

78.  4o 

63.80 

65.60 

72 

67.55 

68.70 

66,60 

67.10 

67.65 

69. 4o 


73.72     71.72 

72,72 
2. 


Mars 


65.80 

70.20 

69. 4o 

79.55 

84.23 

35.30 

71 

79.15 

78.75 

81.23 

81.60 

79.75 

80.35 

80.23 

83.75 

77.70 

8  1.70 

82.65 

83.40 

85.83 

85 

79.33 

38 

38 

58.20 

58.03 

71.90 

81.20 

67.15 

71.50 

73.30 

71.10 

70.2'J 

69.45 

70.6  ) 

08. 4o 

70. 4o 


64 

69 

68.30 

76.60 

80.83 

47.75 

66.90 

76.80 

77.83 

79.33 

80.60 

78.25 

79.50 

78.90 

82.35 

76.40 

80 

80.70 

82.23 

85 

83.65 

77.40 

38 

50  50 

54.25 

57.70 

65.50 

77.90 

62 .  05 

08.60 

71.60 

70.15 

68.73 

67.25 

67.65 

67.65 

69.40 


73.85     71.00 

72,46 
2,79 


Avril 

Mai 

Juin 

p.  haut 

pl.k 

p,  haut 

pi.  bas 

p.  haut 

pLha 

„ 

„ 

75.30 

74.55 

76.10 

74.5 

66.05 

64.10 

63.95 

63.75 

67.10 

6-). 6 

71.20 

70.15 

70.70 

69.55 

71 

69.3 

70.30 

68.30 

70.50 

69.80 

72.70 

69.9 

80 

78.50 

80 

76. 40 

80.55 

78.5 

84.33 

83.30 

83.40 

80. 4o 

80.20 

76.1 

60.50 

46 

66.70 

59.20 

67.50 

58.1 

71 

68 

70.85 

67.45 

70.50 

67.2 

78.15 

76.60 

80 

77.25 

80.45 

77.4 

78.75 

77.65 

80 

78.63 

79.55 

77.7 

82.23 

80.73 

82.35 

78.50 

79.60 

76.8 

82.20 

81.63 

82.13 

81.50 

81.90 

79.9 

79.20 

78.53 

79.6) 

78.65 

80 

77.7 

81.13 

80.20 

81. 4o 

80.65 

81.65 

79.8 

81.55 

79.95 

81. 9  J 

80.90 

81.30 

79.1 

84,35 

83.23 

85.10 

84.15 

86.15 

84.3 

79.50 

77.91 

79.70 

78.75 

78.90 

76.4 

81.73 

S  1.50 

82.25 

81.60 

82,15 

78.7 

83.20 

81.70 

82.33 

81.50 

81,63 

78.7 

84.6lI 

82.80 

84.90 

84.20 

84.60 

81.9 

86 

85.50 

86.40 

84.50 

86.03 

83.5 

84.80 

83.60 

84.25 

82.70 

84.55 

82.7 

78.75 

77.75 

78.75 

77.60 

79.10 

77.2 

48 

32.50 

30 

43.73 

48.50 

43 

57.35 

53.40 

58. 50 

46.75 

53 

48.7 

53.95 

34 

37.33 

53.30 

58.80 

53.7 

57.70 

55.50 

36.60 

35.20 

36.5) 

54.5 

72.30 

69.50 

71.40 

69.90 

71.93 

70 

80.80 

79.20 

82.15 

78.30 

79.10 

74.7 

64 .  60 

61.50 

71 

64.10 

74.90 

70.6 

70.23 

68.10 

70.50 

67.50 

70.45 

65.8 

74.50 

72.60 

75.40 

74 

75 

70 

70.15 

68.60 

69.50 

68.50 

09. 4o 

67.3 

69.80 

68.90 

69.9) 

69.  '5 

69.50 

67.5 

68.50 

60  90 

62.73 

60.50 

64.35 

61.7 

7.'. 90 

69.23 

71.40 

68.40 

70.15 

67.8 

68.80 

67.40 

69.63 

68.55 

69 .  4o 

67.3 

7(1. G5 

69.55 

71 

70 

70.45 

68.1 

73.79     71.35 

74.25     71.86 

74.12     71.1 

72,57 

73,05 

72,64 

(2)          (3) 
73.39     71.8 

2, 

44 

2, 

39 

2, 

dl 

Valeur  moyenne  =  72,48.  — Ecart  mensuel  mo;y 

(1)  Les  prix  donl  les  chiffres  ressorlent  sont  Xeaplns  haut  et   plus  bas  de  rannéc  —  (: 


UENTE    ô  V 


>iiâs9  sa  création. 


Juillet 

Août 

Scpicmbre 

Octobre 

1 

Novembre 

Décembre 

Écarts 
annuels 

laut 

pi.  bas 

piaut 

pi.  ks 

p.  haut 

pi.  bas 

p.liaut 

72.05 

pi.  bas 

71   30 

p.  haut 

pi.  bas 

p.  haut 

pi.  bas 

T 

75 

7.''>.7S 

75.80 

70.95 

72 

70.50 

71.40 

60 

65.75 

69.80 

16,95 

30 

65.50 

66.4il 

65.90 

GG.33 

65.70 

68.85 

66.50 

72  35 

69.50 

71.80 

66.25 

9,3j 

71.90 

73.70 

71.90 

73.35 

71.75 

72.30 

71.30 

71.9,1 

86.15 

69.15 

66.40 

7,55 

71.70 

73.10 

72.15 

74.45 

72.85 

74.30 

73.60 

75.05 

"4 

78.10 

73.65 

9,30 

79.95 

81.90 

78 

81.50 

80.50 

83.05 

81.13 

80.75 

82.85 

86.10 

83.55 

12,15 

25 

72 

79.50 

71.65 

73.70 

63.50 

66.65 

63 

66.20 

60 

62.80 

55 

30,35 

70 

55.55 

59 

49 

61.25 

55. 8  J 

66.75 

57.60 

70 

66. 4o 

70. 50 

67.25 

24,50 

60 

66.50 

69.60 

68.35 

69.85 

67.90 

68.30 

66.20 

68.35 

66.95 

7il 

67.45 

9 
10,50 

6.25 

"5 

76.25 

77. 4o 

76 

76.25 

74.95 

75.70 

70.8) 

75.70 

73.80 

76.40 

74  30 

80 

75.35 

75  75 

73.75 

77.15 

74.20 

78.90 

77.30 

79 

77 

78.13 

76.20 

60 

77.95 

79.25 

78.30 

81 

79.05 

82.35 

81.13 

81.70 

80.50 

80.60 

78.20 

5,60 
5,3b 
3,70 

65 

80.10 

80.50 

79.60 

80.10 

76.85 

79.25 

77.50 

79.45 

78.45 

80.20 

78.65 

30 

78.75 

79.50 

79 

79.73 

78. 8j 

81.15 

79.63 

81.45 

80.35 

80.73 

78.50 

05 

80 

81 

80. S5 

81 

80.50 

81.50 

80.70 

82. 20 

81.45 

81.63 

78.15 

4,05 

4,70 

20,75 

10 

78.90 

81.03 

80.15 

81.30 

80.30 

81.85 

81 

82. lit 

81.70 

82.50 

80.30 

is 

81.30 

82.80 

77.30 

80.10 

68.50 

76.90 

65.90 

80.35 

76.20 

79.05 

76.05 

u5 

76.30 

77.75 

76.80 

79.55 

76.95 

79.90 

79 

80. 60 

79.90 

80.20 

78.10 

S 

5,65 
4,50 
5,90 
5,50 
4,60 
5,65 
42,30 
13,80 

76.60 

79. 4o 

77.70 

80.30 

79.10 

80.25 

79.75 

80.60 

79.90 

80.80 

78.10 

45 

79.55 

81.60 

80.13 

82.80 

81.50 

82 

81.30 

82.05 

81.55 

82.43 

80.43 

20 

81.50 

82 

79.75 

82.25 

80.10 

82. 4o 

81.60 

83.65 

81.90 

85. 65 

83.20 

75 

82.90 

84.55 

83.65 

84. 4o 

83.25 

83.75 

82.20 

82.90 

81.50 

83.20 

80. 90 

45 

83 

83.80 

83.20 

84.45 

82.50 

83 

82.45 

82.80 

81 

82.40 

80.40 

10 

77.20 

77.30 

76. 40 

76.80 

74.65 

76.23 

74.90 

77.30 

76 

77.35 

74.90 

44.50 

46 

4l.75 

46 

43.50 

44.75 

43.70 

43.90 

39.25 

48.30 

4l.l5 

75 

52.70 

55.40 

53.20 

36.75 

33.13 

56.30 

54.90 

37.30 

55.10 

57.70 

55.95 

60 

56.40 

58.65 

57.95 

58.35 

57.55 

58 

56.30 

38.25 

56 

58.80 

56.23 

4,90 
t2,50 
22,10 

50 

55.75 

57.50 

56.10 

56.60 

55.33 

56.35 

55.20 

56.90 

55.70 

67 

54.73 

20 

70.70 

76.75 

74. 4o 

78.35 

75.70 

82 

77.80 

86 

81.50 

84 

80.90 

.10 

74.60 

81 

77 

79.20 

74.50 

75.35 

71. 70 

74.80 

73 

76.15 

73.45 

10,45 

4o 

70.35 

74.60 

70.75 

75.13 

73.25 

76. 35 

73.30 

73 

69.10 

72.70 

66.03 

■14,85 

90 

03.80 

67.50 

66.15 

G7.80 

65 

65.50 

63. 50 

66.10 

64 

66.73 

64.10 

8 

.30 

70.05 

71.10 

70.20 

71 

67.40 

68.10 

65.9  1 

69 

66 

69.73 

66 

13,55 

66.60 

67.10 

06.80 

68.25 

66.50 

68.50 

66.55 

67. 4o 

6G.15 

67.70 

65.85 

5,25 

.45 

68 

70.90 

68.25 

73.50 

71.20 

74.05 

72.80 

74.95 

72.80 

74. 4o 

72.70 

7,45 

.70 

63.10 

70.25 

68. 4o 

69.70 

68.23 

70 

69.05 

70.60 

69.70 

71.33 

63.95 

12 

.10 

67.75 

68.50 

67.80 

68.70 

67.75 

69.50 

68.55 

70.60 

69.23 

70.60 

67. 4u 

4,30 

.90 

67.45 

69 

67.80 

09.40 

68.60 

68.50 

67.70 

70.15 

68 

69.30 

67 

3,35 

.95 

67.90 

69.20 

67.85 

70.30 

68.70 

72.85 

70.10 

vi'5,40 

.38     71.21 

73.32     71.17 

73.39     71 

73.25     71.18 

73.86     71.42 

74. C2     70.71 

72,30 

72,25 

72,20 

72.22 

72,64 

72,37 

(2)          (3) 
73.12     71.62 

2,17 

2,15 

2,39     1     2,07 

2,44 

3,31 

2,48.   —  Ecart  annuel  moyen    =  10,50. 

du  délachcmenl  du  coupon.— (s)  Le  jour  de  son  délachemenl.— (4)  Au  ler  Novembre  1862 


—   loO  — 

71,  —  En  parcourant  ce  tableau,  on  peut  s'apercevoir 
de  suite  que  les  variations  de  la  Rente  se  sont  produites 
entre  des  limites  très-étendues,  puisqu'elle  oscille  du  prix 
de  86  fr.  65,  en  juillet  1840,  à  celui  de  32  fr.  50,  en 
avril  1848,  avec  un  écart  de  54  fr.  15  entre  les  deux 
prix. 

Les  révolutions  qui  modifient  et  changent  la  face 
de  l'ordre' social,  les  fléaux  qui  désolent  l'humanité,  les 
bouleversements,  les  crises  de  toute  nature  qui  déran- 
gent la  marche  régulière  des  événements,  paraissent  se 
produire  sans  aucun  ordre  visible  et  ne  devraient,  semble- 
t-il,  ne  laisser  aucune  place  à  l'appréciation  raisonnée 
des  choses  dont  l'économie  s'est  vue  troublée  par  des 
chocs  si  rudes,  si  imprévus.  Cependant,  et  c'est  là  le  fait 
important  sur  lequel  nous  appelons  l'attention,  bien  que 
les  causes  accidentelles  qui  ont  fait  éprouver  d'aussi 
énormes  variations  aux  cours  de  la  Rente  soient  considé- 
rées comme  l'œuvre  d'un  hasard  aveugle  et  n'aient  entre 
elles  aucune  relation  suivie,  que  leurs  effets  aient  été 
tellement  puissants  qu'on  soit  tenté  de  néglig-er  toutes  les 
causes  secondaires,  cependant,  dès  que  l'on  étend  un  peu 
le  champ  de  ses  observations,  il  est  aisé  de  s'apercevoir 
que  toutes  ces  anomalies  fortuites  finissent  bientôt  par  se 
compenser  et  se  détruire  les  unes  par  les  autres,  s'an- 
nihiler et  s'effacer  presque  entièrement  pour  ne  laisser 
ressortir  que  les  seules  causes  faibles,  mais  d'un  caractère 
constant. 

C'est  l'emploi  des  moyennes  qui  nous  donne  la  démons- 
tration de  ce  fait. 

Quand  nous  comparons  plusieurs  choses  dissemblables. 


-   «51   — 

nous  n'avons  que  des  idées  confuses  si  nous  ne  les  rat- 
tachons pas  à  une  unité  commune  ;  quand  nous  mesurons 
une  môme  longueur  et  que  nous  trouvons  des  résultats 
différents,  nous  n'avons  qu'une  idée  vague  de  la  distance, 
et  nous  ne  savons  encore  quelle  mesure  est  la  bonne  si 
nous  ne  prenons  un  terme  milieu  entre  les  diverses  me- 
sures. De  même,  si  au  lieu  de  nous  donner  un  prix  unique 
et  courant  pour  l'estimation  d'une  valeur  quelconque, 
rente  ou  marchandise,  on  nous  présente  un  grand  nombre 
de  prix  différents,  nous  ne  sommes  fixés  qu'en  prenant 
une  moyenne  entre  tous  les  prix. 

La  meilleure  manière  de  se  rendre  compte  du  prix  de  la 
Rente  dans  le  courant  d'une  année  quelconque,  est  de 
prendre  la  moyenne,  sinon  entre  tous,  du  moins  entre  un 
assez  grand  nombre  de  prix  ;  et  pour  se  rendre  compte  de 
la  marche  g-énérale  des  prix  dans  l'année  commune,  de 
prendre  la  moyenne  entre  plusieurs  époques  à  égale  dis- 
tance dans  un  grand  nombre  d'années. 

D'une  année  à  la  suivante,  les  moyennes  présenteraient 
des  différences  considérables,  parce  que  les  causes  qui  ont 
produit  de  grandes  variations  dans  certaines  années  ne  se 
sont  neutralisées  que  plus  tard,  mais  les  différences  de- 
viennent presque  insensibles  d'un  mois  sur  l'autre,  comme 
le  prouve  la  ligne  horizontale  au  bas  du  tableau,  qui 
donne  le  prix  moyen  de  chaque  mois  sur  un  ensemble  de 
trente-sept  années  et  demie. 

Pour  trouver  ces  moyennes  qui  figurent  au  bas  du  ta- 
bleau {^Hx  moyens  et  ècoA'U  moyens),  il  nous  a  suffi  de 
diviser  la  somme  des  prix  de  chaque  colonne  par  le  nombre 
des  années  qui  ont  concouru   aux   observations,  et  de 


—  152  — 

prendre  ensuite  le  prix  intermédiaire,  ainsi  que  l'écart  de 
prix,  entre  les  deux  moyennes  de  chaque  mois. 

Pour  le  moment,  ne  nous  occupons  que  au  prix  moyen. 

La  moyenne  varie  depuis  72,20  au  plus  bas,  jusqu'à 
73,05  au  plus  haut,  avec  un  écart  de  0,85  c.  seulement 
entre  les  deux  prix. 

La  moyenne  générale,  prise  entre  ces  quantités,  donne 
le  prix  de  72,48. 

Ainsi,  dans  une  période  relativement  courte,  qui  n'em- 
brasse encore  que  trente-sept  à  trente-huit  années,  du- 
rant laquelle  les  variations  se  sont  produites  chaque  an- 
née d'une  manière  toute  différente  dans  le  courant  de 
chaque  mois,  les  résultats  se  présentent  déjà  avec  une 
évidence  frappante. 


72  —  Les  deux  mois  où  la  moyenne  est  la  plus  élevée 
sont  Mai  et  Novembre,  et  cela  se  conçoit,  si  l'on  fait  at- 
tention que  le  coupon  s'est  détaché  au  commencement 
des  mois  suivants,  et  que  dans  ces  deux  prix  de  73,05  et 
72,64,  se  trouve  compris  le  montant  de  l'intérêt  semes- 
triel, 1  fr.  50. 

Les  deux  mois  où  la  moyenne  est  la  plus  basse,  sont 
Juin  et  Décembre,  dans  lesquels  s'est  opéré  le  détache- 
ment du  coupon. 

LemaMmum  des  prix  de  la  Rente  s'est  trouvé  être,  jus- 
qu'à présent,  à  la  veille  du  coupon  de  juin  (6  juin)  ;  le 
minimum,  le  jour  de  son  détachement  en  décembre  (7  dé- 
cembre) . 

Voici  d'ailleurs,  pour  rendre  les  choses  plus  sensibles, 


—  155  — 


le  diagramme  que  figure  la  marche  décrite  par  la  Rente, 
dans  l'année  moyenne  : 


73.25 

73 

72.73 

72.5'1 

72. 2o 

72 

71.70 

Janvier 

72.37 

Féïïier 

72.72 

Mars 

72.46 

Avril 

72. S7 

Mai 

73.05 

Juin    Juillet 

72.64     72.30 

Août 

72.25 

Sept. 

72.2) 

Ocf.      Nov. 

72.22     72.64 

Dec. 

72.37 

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-  — 

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/x 

1 

y 

M 

-// 

^ 

Dans  l'intervalle  compris  entre  le  détachement  de  deux 
coupons,  les  cours  devraient,  sous  l'influence  de  l'intérêt, 
s'élever  régulièrement,  en  figurant  une  ligne  parfaite- 
ment droite,  ainsi  qu'on  le  voit  sur  la  figure.  Cependant, 
on  trouve  un  moment  de  recul  au  mois  de  Mars,  et  une 
réaction  assez  persistante  de  Juillet  en  Octobre,  sans 
qu'on  puisse  assigner  immédiatement  de  véritable  motif 
à  ces  mouvements  rétrogrades. 

On  pourrait  en  trouver  l'explication  dans  le  ralentisse- 
ment général  des  affaires,  très-sensible  à  la  Bourse,  pen- 
dant les  mois  d'été  ;  ce  serait  là  une  cause  de  langueur 
qui  tiendrait  les  cours  un  peu  plus  bas  dans  cette  période 
de  l'année  ;  la  réaction  du  mois  de  Mars  pourrait  être  at- 
tribuée aux  réalisations  de  bénéfices  dans  le  cours  d'un 
mouvement  de  hausse  non  interrompu,  et  particulière- 
ment accentué  dans  les  deux  mois  précédents. 


—  <34  — 

Des  observations  ultérieures  pourront  donner  plus  de 
probabilité  à  ces  deuxliypotlièses,en  présentant  les  mêmes 
résultats,  ou  effaceront  ces  lég-ères  différences  (celle  de 
Mars  particulièrement),  si  elles  n'ont  aucune  cause  sé- 
rieuse. 


73.  —  Le  prix  de  la  Rente,  au  milieu  des  variations  les 
plus  capricieuses,  reste  donc,  en  dernier  lieu,  uniquement 
influencé  par  les  causes  constantes,  dont  la  principale, 
nettement  définie,   et   dont  l'existence  ne  laisse  aucun 
doute,  est  le  montant  de  Y  intérêt;  cette  cause  si  faible  en 
apparence,  doit  finir  par  avoir  raison  de  toutes  les  autres, 
par  triompher  de  toutes  les  résistances  ;  c'est  la  goutte 
d'eau  qui  creuse  les  rochers  les  plus  durs  ;  les  causes  se- 
condaires sont  moins  positives,  mais  se  reproduisant  tous 
les  ans  à  pareille  époque,  elles  auraient  par  cela  même 
un  caractère  de  fixité  qui  permettrait  de  les  considérer 
comme  constantes  et  de  leur  attribuer  une  influence  réelle. 
Les  causes  accidentelles  ont  totalement  disparu,  et  en 
général,  si  puissants  que  soient  leurs  efi'ets,  si  bizarres,  si 
irrégulières  que  soient  leurs  apparitions,  elles  finiront 
toujours  par  s'annuler  presque  complètement  au  bout  d'un 
certain  temps,  pour  ne  laisser  en  évidence  que  l'efi'et  des 
causes  régulières  et  constantes,  si  faible  que  soit  cet  eflfet. 
Supposons,  pour  donner  un  nouvel  exemple  de  cette 
importante  vérité,  un  climat,  de  ceux  qu'en  météorologie 
on  appelle  constants.,  où  la  différence  entre  les  tempéra- 
tures extrêmes  de  l'année  ne  soit  que  de  dix  degrés,  ainsi 
que   cela  se   présente   pour  certains  pays   situés  dans 


—   155  — 

l'écliptique ,  cuinniu  Surincim  (Amérique  Sud).  Cette 
différence  normale,  causée  par  l'action  constante  du  mou- 
vement du  soleil  dans  sa  course  annuelle,  disparaîtra  tout 
à  fait  sous  l'action  d'une  grande  quantité  de  causes  ac- 
cidentelles ,  comme  les  cliangements  de  vents,  le  plus 
ou  moins  de  nuages  répandus  dans  le  ciel,  l'humidité  de 
l'air,  les  pluies  et  tous  ces  phénomènes  qui  diversifient 
la  surface  du  globe;  la  température  sera  donc  très-iné- 
gale pour  tout  le  courant  de  l'année.  Mais  qu'on  rassem- 
ble les  observations  d'un  grand  nombre  d'années  jour  par 
jour,  et  les  causes  accidentelles  se  trouvant  tout  à  fait 
détruites,  laisseront  apercevoir  une  marche  des  plus  ré- 
gulières entre  les  limites  normales  d'écart  de  dix  degrés, 
entre  la  plus  haute  et  la  plus  basse  température,  pour 
chacun  des  jours  de  l'année. 


74.  — C'est  en  appliquant  à  l'ordre  social  ce  principe  de 
la  permanence  des  mêmes  faits  sous  l'empire  des  mêmes 
causes,  que  l'on  a  établi  la  plupart  des  spéculations  qui, 
ayant  pour  but  de  prévoir  et  prévenir  autant  que  possible 
les  éventualités  de  l'avenir,  rendent  tous  les  jours  de  si 
grands  services  à  la  cause  du  progrès.  Citons  d'abord  les 
sociétés  d'assurances  sur  la  vie,  de  caisses  de  retraite  et  de 
tontines.  Les  tables  de  mortalité  qu'on  a  dressées  à  cet 
effet,  dont  les  données  n'avaient  aucune  certitude  pour 
un  seul  ou  un  petit  nombre  d'individus,  donnant  des 
résultats  positifs  dès  qu'on  les  appliquait  à  un  grand 
nombre  de  personnes,  il  devenait  possible  à  une  société 
qui  n'avait  aucuns  risques  à  courir,  et  pouvait  d'avance 


-    15()  ~ 

calculer  ses  bénéfices,  d'établir  sur  une  large  échelle  une 
spéculation  à  cet  effet  de  compenser  le  gain  des  uns  par 
la  perte  des  autres.  De  là  encore  les  assurances  contre 
les  incendies,  les  grêles,  les  sinistres  maritimes,  et  tous 
ces  accidents  qui  par  leur  nature  semblent  échapper  à 
l'analyse  et  à  toute  prévision,  et  qui  cependant  se  repro- 
duisent presque  constamment  dans  les  mêmes  proportions 
chaque  année,  de  sorte  qu'on  peut  en  prévenir  et  en  cir- 
conscrire assez  nettement  la  marche  future. 

La  statistique  puise  de  précieux  secours  à  cette  source. 
Elle  est  parvenue  à  soumettre  à  ses  lois ,  non  pas  seule- 
ment les  sujets  matériels,  dont  la  marche  pourrait  jusqu'à 
un  certain  point  appartenir  au  domaine  de  la  mécanique, 
mais  bien  plus,  elle  a  renfermé  dans  uu  système  tout 
aussi  rigoureux,  les  faits  d'ordre  moral,  ceux  même  en 
apparence  les  moins  susceptibles  d'être  rattachés  à  un 
état  stable  ou  normal.  Les  naissances,  les  mariages,  les 
maladies,  les  suicides,  les  crimes,  etc.,  pourront  subir 
des  altérations  d'une  année  à  l'autre  sous  l'influence  de 
causes  accidentelles ,  mais  sur  une  série  d'années  un  peu 
longue,  se  succéderont  de  la  manière  la  plus  régulière: 
c'est  au  point  qu'on  pourrait  à  l'avance  classer  les  con- 
tingents par  pays,  par  professions,  par  âges,  par  catégo- 
ries, sans  craindre  de  s'éloigner  sensiblement  de  la  vérité. 

Ce  qui  pourra  surprendre  encore  davantage,  c'est  que 
nos  erreurs,  nos  distractions,  nos  préjugés,  nos  caprices 
mêmes  soient  assujettis  à  la  loi  des  probabilités.  Quoi  de 
plus  insaisissable,  de  plus  incoercible  que  la  pensée  hu- 
maine ?  Et  cependant,  les  phénomènes  qui  la  produisent, 
les  manifestations  qu'elle  enfante,  s'accomplissent  encore 


—  157  - 

plus  régulièrement  que  les  phénomènes  physiques,  quand 
les  hommes  agissent  librement,  c'est-à-dire  sans  être  mus 
dans  un  sens  détourné  par  des  causes  privées  d'intérêt 
personnel  (') . 

Les  causes  constantes  finissent  toujours  par  îiser  les 
causes  accidentelles,  par  se  dégager  complètement  de 
leur  action,  et  ce  sont  les  seules  qui,  produisant  tous  ces 
phénomènes,  exercent  une  action  réelle  et  définitive. 

C'est  à  reconnaître  cette  action,  à  en  prévenir  les  effets 
que  consiste  surtout  la  prévoyance  humaine  ;  c'est  elle 
qui  est  le  principe  de  tout  ordre  et  de  toute  activité. 

Qui  voudrait  se  donner  la  peine  de  travailler,  d'épar- 
gner, de  réprimer  ses  passions,  si  une  suite  d'actions 
constamment  remplies  par  le  travail,  l'intelligence,  l'or- 
dre, la  retenue,  la  persévérance,  n'étaient  pas  toujours 
suivies  de  la  richesse,  du  contentement  moral,  de  la  santé 
physique?  Serait-ce  la  peine  de  semer,  si  la  récolte,  qui 
est  l'acte  subséquent  et  nécessaire,  était  subordonnée  au 
seul  caprice  du  hasard  ? 

Le  travailleur  pourra  essuyer  des  revers,  mais,  avec  de 
la  patience,  il  se  relèvera  toujours  ;  la  récolte  pourra 
manquer  une  année,  mais  attendez,  elle  vous  rapportera 
double  produit  l'année  suivante. 

Sans  cette  inexorable  Fatalité  qui  préside  aux  lois  du 
monde  physique  et  moral,  ne  serait-il  pas  plus  commode 
et  plus  sûr  d'attendre  dans  une  facile  oisiveté  l'arrivée 
des  biens  répartis  arbitrairement  sur  tous,  sur  l'oisif 
comme  sur  le  travailleur? 

(1)  Quotclet,  Théorie  des  probabilités,  Druxellcs,  in-12,  Jaiiiar,  édit. 
page  9*. 


—   lo8    - 

Si  les  mêmes  causes  n'étaient  pas  toujours  suivies  des 
mêmes  effets,  s'il  n'y  avait  pas  une  liaison  nécessaire  en- 
tre la  cause  et  l'effet,  l'expérience  ne  serait  qu'un  vain 
mot,  et  le  vieillard  n'en  saurait  jamais  plus  que  l'enfant 
au  berceau. 


75.  —  Revenant  aux  résultats  fournis  en  particulier 
sur  les  cours  de  la  Rente  par  la  théorie  des  moj-ennes, 
nous  sommes  fondés  à  considérer  jusqu'à  présent  le  cours 
de  72,48  comme  le  terme  le  plus  exact,  le  plus  approchant 
de  la  'mlmiT  du  3  Vo-  Cependant  comme  il  est  impor- 
tant d'obtenir  ici  une  grande  exactitude,  nous  allons  nous 
assurer  si  ce  cours  ne  serait  pas  susceptible  de  certaines 
modifications  et  d'une  plus  g-rande  approximation. 

L'idée  qui  se  présente  la  première  à  l'esprit  pour  obte- 
nir la  moyenne  du  prix  de  la  Rente,  consiste  à  prendre  le 
prix  intermédiaire  entre  les  deux  prix  extrêmes;  on  s'as- 
surerait ainsi  que  le  cours  le  plus  élevé  a  été  celui  de 
86,65  (22  juillet  1840),  le  cours  le  plus  bas,  celui  de  32,50 
(5  avril  1848),  ce  qui  mettrait  la  moyenne  à  59,57  '/j- 

Mais  on  s'aperçoit  bien  vite  que  cette  moyenne  donne 
une  valeur  beaucoup  trop  basse,  parce  qu'en  comparant 
les  cours  de  32,50  et  86,65,  on  suppose,  ce  qui  est  évi- 
demment contre  les  faits,  que  les  négociations  se  sont  ré- 
gulièrement échelonnées  dans  l'intervalle  qui  sépare  ces 
deux  cours,  ont  été  aussi  nombreuses  des  deux  côtés  de 
la  moyenne. 

Pour  arriver  à  un  degré  d'exactitude  que  le  chiffre  pré- 
cédent ne  comporte  pas,  il  faut  donc  élargir  le  champ  de 


—   159  — 

l'observatiuii,  et  un  dresse  une  liste  des  cours  les  plus  bas 
et  les  plus  élevés  pour  chaque  année  séparément;  on  ob- 
tient ainsi  une  mo3'enne  particulière  pour  chaque  année, 
et  pour  moyenne  g-énérale,  le  prix  de  72  fr.  environ. 

Ce  prix,  beaucoup  plus  exact  que  le  premier,  n'est  lui- 
même  qu'approximatif,  parce  que  l'objection  qui  s'est 
présentée  pour  le  prix  de  59,57  '/a  se  représente  pour  clia- 
cune  des  moyennes  annuelles  séparément. 

En  dressant,  ainsi  que  nous  l'avons  fait,  un  tableau  des 
cours  les  plus  élevés  et  les  plus  bas  de  chaque  mois  de 
l'année  isolément,  nous  avons  obtenu  pour  moyenne  gé- 
nérale le  prix  de  72,48,  encore  plus  élevé  que  le  précé- 
dent, aussi  plus  exact  puisque  le  nombre  des  observa- 
tions qui  ont  concouru  à  le  former  est  plus  considérable. 
Il  semble  qu'on  ne  puisse  arriver  au  véritable  prix 
moyen  qu'en  faisant  minutieusement  le  relevé,  pour 
chacun  des  jours  de  l'année,  des  cours  moyens,  déter- 
minés par  le  plus  haut  et  le  plus  bas  cours  du  comptant  à 
la  fin  de  chaque  bourse.  Ce  relevé,  qui  comprendrait  plus 
de  11  000  nombres,  nous  donnerait  un  prix  qui  serait 
situé  aux  environs  de  73  fr.,  encore  plus  approchant  que 
les  précédents,  mais  qui  n'est  pas  encore  le  véritable  prix 
delà  Rente. 

En  effet,  le  cours  moyen  relevé  'àito  fin  de  chaque 
bourse,  en  prenant  le  cours  intermédiaire  entre  le  plus 
haut  et  le  plus  bas  cours  cotés  au  comptant,  n'est  pas 
encore  entièrement  exact,  et  n'est  tout  au  plus  qu'ap- 
proximatif. Il  ne  serait  exact  que  si  toutes  les  négocia- 
tions faites  dans  le  courant  de  la  bourse  étaient  aussi 
nombreuses  au-dessous  qu'au-dessus  de  ce  prix,  ég*ales 


—   160 


enfin  de  part  et  d'autre,  ce  qui  est  presque  impossible, 
surtout  si  le  chiffre  des  négociations  totales  est  assez  fort. 


76.  —  Cependant,  si  nous  ne  pouvons  arriver  di- 
rectement au  calcul  du  véritable  prix,  il  nous  reste  un 
procédé  indirect  qui  nous  permet  d'en  approclier  le  plus 
possible,  celui  de  Terreur  pro^aàle  d'un  certain  nombre 
d'observations.  Du  moment  que  nous  avons  obtenu  un 
résultat  moyen  quelconque,  dont  l'exactitude  est  en  raison 
du  nombre  des  observations  qui  ont  concouru  à  le  former, 
il  est  toujours  possible  de  calculer  l'erreur  ou  la  diffé- 
rence probable  qui  sépare  ce  résultat  du  résultat  véritable 
que  l'on  clierclie,  en  se  basant  sur  le  nombre  même  des 
observations  dont  on  s'est  servi. 

Les  observations  n'étant  judicieuses  qu'à  la  condition 
de  ne  pas  accorder  une  même  autorité  à  des  choses  très- 
inégales,  reste  à  savoir  s'il  faut  donner  à  toutes  les  an- 
nées le  même  poids  dans  la  balance  des  négociations.  Les 
premières  années  du  développement  de  notre  crédit  pu- 
blic ont,  aux  yeux  de  l'observateur,  une  importance  bien 
minime,  et  on  se  tromperait  en  faisant  entrer  les  cours  de 
cette  époque  dans  l'estimation  d'une  moyenne;  mais  en 
ne  remontant  pas  plus  haut  que  la  création  du  trois,  on 
trouve  une  marche  assez  régulière  dans  l'ensemble  des 
négociations  aux  différentes  époques,  ce  qui  permet  d'ac- 
corder une  valeur  égale  à  toutes  les  quantités  qui  entrent 
dans  le  tableau  des  prix  de  la  Rente  3  %• 

Acceptant  cette  égalité,  et  en  nous  bornant  à  l'emploi 
de  la  moyenne  qui  résulte  du  relevé  des  plus  hauts  et  des 


—   Kil    — 


plus  bas  cours  de  chaque  mois,  nous  pouvons  établir, 
d'après  une  formule  importante  que  nous  ne  pouvons 
qu'indiquer  ici,  que  l'erreur  probable  de  la  moyenne,  en 
raison  des  900  prix  ou  observations  qui  ont  concouru  à 
laformer,  est  une  quantité  représentée  par  7^^=  X  0,67, 
ou  par  la  fraction  0,0223  qui,  sur  l'écart  total  de  54,15, 
compris  entre  les  deux  limites  extrêmes  du  plus  haut 
et  du  plus  bas  cours,  représente  1,20.  C'est  là  l'erreur 
probable  de  notre  moyenne. 


77.  —  Parmi  les  quantités  qui  admettent  une  moyenne 
dans  leurs  variations  accidentelles,  il  y  en  a  quelques- 
unes  qui  accusent  une  tendance  à  produire  des  écarts 
plus  grands  d'un  côté  de  la  moyenne  que  de  l'autre. 

Les  fluctuations  dans  le  prix  des  fonds  publics  donnent 
des  quantités  variables  qui,  dans  leurs  écarts  extraordi- 
naires, ont  une  tendance  prononcée  à  descendre  au-des- 
soîcs  de  la  moyenne  beaucoup  plus  qu'elles  ne  la  dépas- 
sent. 

On  peut,  d'après  cela,  regarder  l'état  de  hausse  comme 
normal,  plutôt  que  l'état  de  baisse;  ce  que  la  baisse  gagne 
en  vivacité, elle  doit  nécessairement  le  perdre  en  durée,  et 
cette  condition  est  indispensable  pour  rétablir  l'équilibre 
et  l'égalité  absolue  des  deux  espèces  d'états. 

En  d'autres  termes,  les  causes  qui  produisent  la  baisse 
sont  moins  nombreuses  que  les  causes  qui  produisent  la 
hausse,  mais  ce  qu'elles  perdent  en  nomlre^  elles  le  rega- 
g-nent  ç,'\i  force;  de  sorte  qu'en  multipliant  les  nombres 
par  les  forces  on  obtiendrait  des  produits  égaux. 


—   162  — 

Le  haussier  doit,  par  conséquent,  se  trouver  plus  sou- 
vent en  bénéfice  que  le  baissier  ;  mais  les  bénéfices  de  ce 
dernier  doivent  être  plus  forts,  et  assez  forts  pour  réta- 
blir une  compensation  parfaite  avec  ceux  du  haussier;  de 
sorte  qu'il  serait  indifférent,  dans  une  longue  suite  d'af- 
faires, d'être  toujours  à  la  hausse  ou  toujours  à  la 
baisse. 

Les  grands  écarts  devraient  être  plutôt,  semble-t-il,  au- 
dessus  qu'au-dessous  de  la  moj^enne  ,  car  la  baisse  a  tou- 
jours une  certaine  limite  dans  le  prix  fini  de  la  chose  ou 
de  la  valeur,  tandis  que  les  limites  de  la  hausse  sont  moins 
sensibles  et  paraissent  indéfinies.  C'est  ce  qui  arrive  aussi 
le  plus  souvent.  Les  fluctuations  dans  le  prix  du  blé ,  par 
exemple ,  présentent  des  écarts  au-dessus  de  la  moyenne, 
qui  s'en  éloignent  beaucoup  plus  que  les  écarts  au-dessous. 
En  estimant  le  prix  moyen  du  kilog.  de  pain  (!•'*'  qualité) 
de  0,35  à  0,40  cent..,  on  peut  regarder  comme  les  limites 
extrêmes  des  variations,  le  prix  de  0,30  cent,  seulement 
pour  minimum,  tandis  que  le  prix  maximum  s'élèverait 
jusqu'à  0,60  cent. 

L'intensité  des  écarts  en  hausse,  environ  trois  fois  plus 
g-rande  que  celle  des  écarts  en  baisse,  correspond  ici 
exactement  à  celle  des  écarts  en  baisse  pour  les  fonds 
publics. 

Il  n'est  pas  difficile  de  se  rendre  compte  des  circon- 
stances qui  produisent  plus  rarement  la  cherté  que  le  bon 
marché  relatif  pour  le  blé ,  aussi  bien  que  du  sentiment 
public  qui,  ftiisant  regarder  comme  l'état  normal  celui 
qui  se  rapproche  le  plus  de  l'état  moyen  ou  ordinaire, 
donne  une  toute  autre  signification  à  la  baisse  des  g-rains 


-   103    - 

et  denrées  d'cilimentatiun  qu'à  la  dépréciation  de.^  fonds 
publics. 

La  mortalité,  dans  ses  variations,  produit  aussi  déplus 
grands  écarts  au-dessus  qu'au-dessous  de  la  moyenne. 
Les  causes  cjui  diminuent  la  mortalité  n'agissent  que 
bien  faiblement  en  proportion  de  toutes  celles  qui  l'aug- 
mentent, telles  que  les  guerres  ou  les  épidémies. 

Si  nous  cherclious  la  raison  pour  laquelle  les  plus 
gTauds  écarts  sont  tantôt  au-dessus,  tantôt  au-dessous 
de  la  moyenne,  nous  trouvons  que  tout  écart  plus  grand 
d'un  côté  de  la  moyenne,  peut  toîij ouo'S  s,e  tTaduire  par 
ces  mots  :  gêne,  appauvrissement ,  misère  ou  douleur. 

C'est  pour  cela  que  sur  les  fonds  publics  les  plus  grands 
écarts  sont  en  baisse  ;  que  sur  les  grains,  les  blés,  la  mor- 
talité, etc.,  les  plus  grands  écarts  sont  en  Musse. 

Il  semble  que  la  nature  ait  voulu  nous  montrer  que  tout 
écart  est  funeste,  et  que  le  bonheur  des  sociétés  comme 
des  individus,  consiste  dans  un  état  stable  et  tranquille. 


78.  —  Pour  les  variations  des  fonds  publics,  cette  dis- 
position que  nous  venons  de  signaler,  à  produire  les  plus 
grands  écarts  au-dessous  de  la  mo^^cnne,  fait  que  cette 
valeur  moyenne  va  en  augmentant  sans  cesse ,  à  mesure 
que  l'on  étend  le  nombre  des  quantités  observées; la  va- 
leur 'prohahie,  qui  oscille  autour  de  la  valeur  moyenne, 
quand  les  variations  se  portent  également  des  deux  côtés, 
la  surpasse  ici  constamment  et  s'en  éloigne  d'une  quan- 
tité qui,  sur  le  montant  de  l'erreur  probable,  est  en  raison 
inverse  de  l'énergie  des  écarts. 


—  J64  — 

Or,  l'intervalle  qui  sépare  les  limites  extrêmes  de  la 
moyenne  obtenue  jusqu'à  présent ,  est  presque  trois  fois 
plus  considérable  au-dessous  delà  moyenne  qu'au-dessus  ; 
il  faut  donc  ajouter  environ  les  V*  de  la  différence  proba- 
ble 1,20,  au  cours  de  72,48,  pour  avoir  le  prix  probable 
de  la  Rente ,  aussi  approché  qu'il  est  possible,  eu  égard 
au  nombre  d'observations  qui  nous  ont  servi. 

On  arrive  ainsi  à  trouver  pour  ce  prix  une  valeur  très- 
approchée  du  cours  de  73,40. 

A  mesure  que  le  nombre  des  observations  d'après  les- 
quelles est  formée  la  moyenne,  est  augmenté,  l'intervalle 
qui  sépare  les  deux  valeurs  va  toujours  en  diminuant,  et 
la  valeur  moyenne  tend  à  se  rapprocher  de  plus  en  plus 
de  la  valeur  probable,  sans  cependant  pouvoir  jamais  l'at- 
teindre. 

C'est  ainsi  que  l'on  voit  l'intervalle  qui  sépare  l'âge 
d'une  personne  adulte ,  de  l'âge  probable  qu'elle  doit 
vivre,  diminuer  sans  cesse,  sans  qu'ils  puissent  jamais 
s'atteindre  l'un  et  l'autre. 


79.  —  La  valeur  moyenne  et  la  valeur  probable  ne 
peuvent  plus  se  confondre  ;  l'une  et  l'autre  ont  mainte- 
nant une  signification  déterminée. 

La  valeur  moyenne  est  la  résultante  obtenue  par  la 
fusion  d'un  certain  nombre  d'opérations  à  différents  prix 
en  une  seule  à  un  prix  unique. 

La  n^\qmv proiahU  est  le  prix  qui  séparerait  le  nombre 
de  ces  mêmes  opérations  en  deux  parties  ég-ales,  l'une 
au-dessus,  l'autre  au-dessous  de  ce  prix. 


—  i6o  — 

Qu'un  certain  nombre  d'opérations,  par  exemple,  aient 
été  faites  aux  cours  suivants  : 

70,  —  70.40,  —  70,60,  —  70,75,  —  71. 

Admettons,  pour  simplifier,  la  même  quantité  d'opéra- 
tions sur  chacun  de  ces  cours.  La  valeur  moyenne  sera 
donnée  par  l'addition  de  ces  cinq  nombres,  divisée  en- 
suite par  5  ;  ce  sera  le  cours  de  70,55.  La  valeur  probable 
sera  précisément  le  cours  de  70,60,  qui  partage  la  somme 
des  opérations  en  deux  parties  égales.  Il  y  aurait  autant 
à  parier  'pour  que  contre  qu'une  opération  quelconque, 
faite  dans  le  courant  d'une  bourse,  dans  les  circonstances 
supposées,  sera  faite  au-dessîcs  ou  au-dessous  de  70,60, 
et  à  un  prix  qui  ne  s'écartera  pas  davantage  en  plus  ou 
en  moins  du.  cours  de  70,55,  D'après  le  système  qui  a  tou- 
jours été  en  usage  à  la  Bourse,  le  coîco'S  moyen  serait  celui 
de  70,50,  également  distant  du  plus  haut  et  du  plus  bas, 
qui  ne  représente  cependant,  comme  on  le  voit,  ni  la  va- 
leur moyenne,  ni  la  valeur  probable. 

Pour  déterminer  le  cours  moj^en  avec  une  exactitude 
rigoureuse,  il  faudrait  commencer  par  connaître  l'impor- 
tance ou  la  somme  de  toutes  les  opérations  engagées  sur 
chacun  des  cours  du  comptant  isolément. 

Devant  les  difficultés  d'exécution  qui  rendent  presque 
impossible  un  tel  travail,  il  serait  cependant  très-facile, 
très-pratique,  de  déterminer  le  cours  moyen  avec  un  peu 
plus  d'exactitude,  en  prenant  la  moyenne  de  tous  les 
cours  cotés  au  comptant.  Tel  qu'il  est,  en  raison  du  grand 
nombre  d'opérations  qui  se  traitent  au  cours  moyen,  et 


—   IGG  ~ 

de  la  facilité  qu'on  trouve  à  le  modifier,  le  falsifier  dans 
un  sens  voulu  par  quelque  opération  simulée,  il  ne  donne 
lieu  qu'à  un  trop  grand  nombre  de  fraudes  et  d'abus. 


80.  —  C'est  autour  de  ce  prix  de  73,40  que  s'agitent  les 
évolutions  de  la  Rente,  non  pas  cependant  au  hasard  et 
sans  ordre,  mais  dans  une  certaine  disposition  dont  la 
régularité  est  la  conséquence  des  propriétés  curieuses  de 
la  théorie  des  écarts,  qui  complète  celle  des  moyennes.  Ce 
n'est  pas  assez  que,  sous  l'influence  de  causes  pertur- 
batrices, un  événement  varie  de  la  manière  la  plus  régu- 
lière ,  l'ordre  de  succession  dans  lequel  cet  événement  se 
présente  est  soumis  également  aux  lois  certaines  des  com- 
binaisons. Le  plus  g-rand  nombre  de  ses  retours  se  trouve 
situé  autour  de  la  moyenne,  en  décroissant  ensuite  symé- 
triquement des  deux  côtés,  à  mesure  que  l'écart  augmente. 
Le  même  phénomène  se  représente  toujours  avec  des  mo- 
difications qui  tiennent  principalement  à  la  nature  intime 
des  choses  ou  des  événements. 

Si  on  prend  un  grand  nombre  de  cours  sur  la  Rente  à 
différentes  époques  séparées  entre  elles  par  un  même 
intervalle  de  temps,  en  faisant  un  relevé  de  tous  ces  cours 
par  ordre ,  du  plus  bas  au  plus  haut,  on  s'aperçoit  que  les 
négociations  ont  dû  être  plus  ou  moins  fréquentes  sur  les 
différents  prix,  en  observant  un  certain  ordre,  et  se  g-rou- 
pant  de  préférence  sur  quelques-uns  des  cours  ;  c'est  cette 
disposition  bien  constatée  des  cours  à  se  mouvoir  autour 
d'un  certain  état  d'équilibre  que  nous  avons  traduit  par 
la  figure  ci-contre  : 


13 
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74 

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GO 

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83 

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84 

co 

83 
86 

—  168  — 

81.  —  La  somme  des  négociations  conclues  sur  chacun 
des  cours  de  la  Rente  depuis  sa  création,  est  relativement 
équivalente  à  la  portion  de  l'aire  que  ce  cours  embrasse 
entre  les  ordonnées  parallèles  qui  s'élèvent  de  la  base.  Le 
premier  fait  qui  ressort  de  l'inspection  de  la  figure,  c'est 
que  les  négociations  se  sont  régulièrement  groupées  au- 
tour de  quatre  centres  ou  axes  d'action  : 

1°  Le  cours  de  46  fr.  en  1848. 

2°  Le  cours  de  57  fr.  en  1830  et  1831,  de  1849  à  1851. 

3°  Le  cours  de  70  fr.  depuis  la  création  de  la  Rente  jus- 
qu'en 1830,  en  1832,  et  depuis  1854  jusqu'à  l'époque  ac- 
tuelle. 

4''  Le  cours  de  80  fr.  depuis  1833  jusqu'en  1847  et  du- 
rant les  années  1852  et  1853. 

Si  on  élevait  une  parallèle  sur  le  cours  de  73,40,  qui 
représente  la  vaIquv 2')Tolahle^  elle  séparerait  toute  la  sur- 
face en  deux  portions  équivalentes,  puisqu'il  y  a  eu  au- 
tant de  négociations  au-dessous  qu'au-dessus  de  ce  prix. 

Certes,  il  est  déjà  bien  étonnant  de  s'apercevoir  que  les 
fluctuations  si  capricieuses  des  fonds  publics,  qui  parais- 
sent s'agiter  confusément  au  gré  de  l'inconstance  des 
événements  les  plus  divers  et  les  plus  imprévus,  se  meu- 
vent au  contraire  avec  une  admirable  symétrie  autour  de 
certains  axes  d'attraction  ou  de  gravité,  obéissant  du 
reste  en  cela  aux  lois  universelles  qui  régissent  le  monde; 
mais  cette  régularité,  déjà  si  remarquable,  serait  encore 
bien  plus  grande,  en  ce  sens  qu'elle  serait  contenue  entre 
de  plus  étroites  limites,  dans  un  état  prospère,  calme,  à 
l'abri  de  toutes  les  secousses,  de  tous  les  bouleversements 
qui  en  troublent  le  repos  ;  l'état  d'une  société  est  soumis 


—   169    - 

aux  mêmes  lois  physiques  qui  rég-issent  les  corps  orga- 
nisés ;  lorsqu'un  grand  ébranlement  en  a  distendu  toutes 
les  parties  ,  et  que  cette  société  est  profondément  re- 
muée, il  ne  faut  pas  espérer  de  voir  les  oscillations  s'ar- 
rêter tout  à  coup  et  le  calme  renaître  à  l'instant;  ce  n'est 
que  peu  à  peu  que  l'ordre  renaîtra  de  manière  à  recons- 
tituer un  état  normal,  rarement  troublé,  dans  lequel  la 
succession  des  événements  sera  soumise  à  des  règles  de 
plus  en  plus  simples. 

Nous  avons  ici  quatre  centres  d'actions  différents;  mais 
l'un  d'eux,  le  moins  important  et  aussi  le  plus  éloigné  du 
centre  commun,  est  le  produit  des  événements  de  1848, 
qui  firent  tomber  la  Rente  à  son  minimicni  et  pivoter  pen- 
dant une  année  autour  du  cours  de  45  fr.  ;  le  second  est 
le  produit  de  deux  périodes,  dont  la  première  comprend 
les  années  1830  et  1831,  la  seconde  les  années  1849, 
1850,  1851,  périodes  qui  ont  accompagné  ou  directement 
suivi  deux  révolutions  politiques.  Si  l'on  ne  tient  pas 
compte  de  ces  deux  déviations,  d'ordre  secondaire,  résul- 
tats de  violentes  secousses  dans  l'ordre  social,  et  qui  cons- 
tituent un  état  tout  à  fait  anormal,  exceptionnel,  il  ne 
reste  que  deux  états  essentiels  à  considérer  : 

Le  premier  est  celui  qui  donne  à  la  Rente  le  cours  de 
70  fr.  comme  centre  d'attraction,  et  le  second  le  cours 
de  80  fr. 

Le  premier  a  subsisté  pendant  les  années  comprises 
entre  la  création  de  la  Rente  et  la  révolution  de  1830,  a 
servi,  en  l'année  1832,  de  transition  au  grand  mouve- 
ment industriel  et  commercial  qui  porta  la  Rente  à  son 
apogée  dans  les  années  suivantes,  et  depuis  1854,  sous 


170  — 


l'influence  de  la  guerre  d'Orient,  s'est  continué  jusqu'à 
l'époque  actuelle  (fin  1862).  Il  représente  un  état  normal, 
mais  non  stable. 

Le  second  mouvement,  qui  donne  le  prix  de  80  fr. 
comme  centre  de  gravité,  a  subsisté  pendant  une  très- 
longue  période  qui  s'étend  de  1833  à  1847.  A  peine  un 
moment,  en  1840,  la  crainte  d'une  guerre  imminente 
avec  l'Ang-leterre  a-t-elle  rejeté  la  Rente  à  68  fr.,  elle 
s'est  rapidement  relevée  à  ses  anciens  prix.  Enfin,  les  an- 
nées 1852  et  1853  ont  vu,  sous  l'influence  d'un  mouve- 
ment commercial  et  industriel  sans  précédents,  la  Rente 
recouvrer  un  instant  son  ancienne  splendeur. 


82.  —  Le  mouvement  qui  se  produit  fiutour  du  prix 
de  70  fr.  peut  être  reg-ardé  comme  constituant  l'état  de 
laisse  normale^  celui  qui  s'attache  an  prix  de  80  fr. 
comme  constituant  l'état  de  hausse  normale.  L'un  et 
l'autre  ont  une  certaine  durée  qui  ne  permet  pas  de  les 
regarder  comme  de  simples  accidents. 

Les  cours  de  67,  68,  69,  70  et  71  fr.  représentent  tous, 
plus  ou  moins,  un  état  stationnaire  qui  peut  conserver 
une  très -longue  durée,  les  prix  n'éprouvant  alors  au- 
cunes variations  ou  se  contentant  d'osciller  de  l'un  à 
l'autre  de  ces  cours. 

On  pourrait  en  dire  autant  des  cours  de  77,  78,  79,  80, 
81  et  82  fr.  lorsque  la  Rente  est  à  l'état  de  bausse  nor- 
male. 

Les  cours  de  60,  61  et  62  fr.,  73  et  74  fr.  sont  des  cours 
entièrement  de  transUion;  quand   la  Rente  est  à  ces  prix, 


—  m  — 

ou  eu  est  du  moins  très -rapprochée,  ou  peut  assurer 
qu'elle  n'y  restera  pas  très-longtemps  ;  il  faut  qu'elle 
monte  ou  descende,  et  on  est  à  la  veille  d'un  mouvement 
considérable  de  hausse  ou  de  baisse. 

Tous  les  autres  cours  de  la  Rente  représentent,  à  diffé- 
rents degrés,  un  état  intermédiaire  ou  exceptionnel. 

Nul  doute  que  dans  des  circonstances  parfiiites  d'ordre 
et  de  stabilité,  les  variations  de  la  Rente  ne  puissent  avoir 
qu'un  seul  pivot,  que  ses  écarts  ne  puissent  se  resserrer 
dans  des  limites  de  plus  en  plus  étroites.  Mais  il  n'est 
nullement  nécessaire  qu'il  n'y  ait  qu'un  seul  pivot,  un 
seul  centre  d'attraction  ;  dans  des  conditions  de  trouble 
et  d'irrégularité,  il  y  en  aura  plusieurs,  et  dans  des  con- 
ditions d'ordre  très-sufiîsantes  au  développement  d'une 
société,  à  l'exercice  calme  et  régulier  de  ses  fonctions,  il 
n'y  en  aura  généralement  quedeus)  qui  seront  comme  les 
deux  jjôles  du  mouvement. 

C'est  ce  qui  arrive  en  physique,  où  la  force  magnéti- 
que, au  lieu  de  se  manifester  avec  une  ég*ale  intensité  sur 
tous  les  points  de  la  surface  d'un  aimant,  ou  de  se  con- 
centrer en  un  seul  point,  se  porte  ordinairement  sur  deux 
portions  de  cette  surface,  et  quelquefois  même  davan- 
tage, que  l'on  nomme,  à  cause  de  cela,  les,  pôles  de  V ai- 
mant. 


83.  —  L'écart  de  10  fr.  qui  sépare  ces  deux  prix  :  70  et 
80  fr.,  peut  être  regardé  comme  V écart  normal  des  prix 
de  la  Rente.  Il  serait  donné  par  l'équation  parfaite  de  la 
superficie  que  ces  deux  cours  embrassent  dans  la  figure, 


—  Î7i  — 

à  la  moitié  de  la  superficie  totale,  ou  directement  par  la 
somme  de  la  moitié  des  termes  du  tableau  des  variations 
de  la  Rente,  également  compris  au-dessus  et  au-dessous 
de  la  valeur  probable.  On  peut  dire  en  général,  quand  il 
s'agit  de  donner  une  estimation  indépendante  de  cir- 
constances accessoires  ou  particulières,  présentes  ou  fu- 
tures, que  la  Rente  3  "/o  Française  tmit  de  70  à  80  fr.  La 
moitié  environ  des  opérations  qui  se  sont  conclues  sur  la 
Rente  depuis  sa  création,  l'ont  été  entre  ces  deux  cours 
qui  ne  sont  séparés  que  par  un  écart  cinq  fois  moindre 
que  l'écart  accidentel  des  prix  extrêmes  :  si  cette  appré- 
ciation laisse  encore  beaucoup  de  vague,  cela  tient  uni- 
quement à  l'élasticité  naturelle  de  la  valeur. 

h'écao't  qui  se  produit  dans  le  courant  d'une  année 
entre  les  cours  extrêmes  est  très-variable,  puisqu'il  oscille 
de8,35à42,30(par,70,  tab).  La  croissance  ou  décroissance 
des  écarts  s'opère  graduellementautour  des  w.<ïa;*^«.  Ainsi, 
l'année  1825  débute  par  un  écart  de  16,95,  dii  à  la  nou- 
veauté et  l'incertitude  du  nouveau  fonds,  écart  qui  va 
s'afFaiblissant  dans  les  deux  années  suivantes,  et  aug-- 
mente  prog-ressivement  dans  les  trois  années  qui  suivent, 
pour  arriver  à  un  écart  de  30,35  en  1830.  L'écart  indique 
ensuite  une  tendance  à  décroître  jusqu'en  1837,  où  il 
n'est  plus  que  de  3,70,  et  revient,  en  1840,  à  20,75.  Il 
n'offre  pas  de  variations  bien  sensibles  jusqu'en  1848,  où 
il  acquiert  son  maximum,  42,30.  Il  se  groupe  ensuite  au- 
tour des  principaux  écarts  des  années  1852,  1854,  1856 
et  1859,  dont  chacune  est  la  date  d'un  événement  remar- 
quable : 

1852,    proclamation  de  l'Empire;    —   1854,  guerre 


Janvier 

•^61 

Février 

2 

Mars 

2,79 

Avril 

2,44 

Mai 

2,39 

Juin 

2,97 

—    173  — 

d'Orient;  — 185G,  la  paix;— 1859,  guerre  d'Italie.  L'écart 
est  à  son  minimtcm,  3,35,  en  1861. 

La  moyenne  de  l'écart  extrême  que  ces  nombreuses 
variations  donnent  à  l'année  commune  est  de  10  fr.  50  c. 

Ensuite,  par  trimestre  et  pour  chacun  des  mois  de 
l'année,  l'écart  moyen  se  répartit  ainsi  : 

^.mensuel,     d.  Irimestiiel.  é.  mensuel,  é.  trimestriel. 

Juillet  2,17 

5,77         Août  2,15  J  4,47 

Septembre     2,39 

Octobre  2,07 

4,90         Novembre      2,44  )  4,82 

Décembre      3,31 

Les  écarts  trimestriels  que  nous  donnons  ici  peuvent 

se  prendre  sur  un  relevé  spécial,  ainsi  que  nous  l'avons 

fait,  en  choisissant,  dans  le  tableau  des  écarts  mensuels, 

le  plus  haut  et  le  plus  bas  cours  tous  les  trimestres. 

On  remarquera  que  les  plus  grands  écarts  appartien- 
nent aux  mois  où  la  spéculation  et  le  jeu  se  portent  de 
préférence  sur  la  Rente  et  les  valeurs  de  bourse.  L'écart  le 
plus  faible  est  en  Février,  mais  c'est  aussi  le  mois  le  plus 
court  de  l'année;  aux  mois  de  Juin  et  Décembre, une  cer- 
taine partie  de  l'écart,  qu'on  peut  porter  au  cinquième, 
est  due  au  détachement  des  coupons. 
L'écart  moyen  trimestriel  est  égal  à  4,99. 
L'écart  moyen  mensuel  est  égal  à  2,48. 

84.  —  Les  écarts  suivent  encore  ici,  dans  leurs  varia- 
tions extrêmes,  la  grande  loi  mathématique  des  écarts 


-    174  — 

directs  donnés  par  la  différence  immédiate  des  cours  d'un 
temps  à  un  avitre  :  la  grandeur  des  écarts  est  en  raison 
directe  de  la  racine  carrée  des  temps. 

Ainsi,    en  pratique  ,    d'après    l'expérience  que  nous 
venons  d'en  faire,  l'écart  moyen  est  : 

Pour  un  mois,  de  2,48. 

»      un  trimestre,  de     4,99. 
»      un  an,  de  10,50. 

Mais,  pour  les  comparer,  il  faut  observer  que  : 
1»  Dans  ces  écarts  est  compris  le  montant  de  l'intérêt. 
Le  coupon  s'étant  détaché  tous  les  six  mois,  n'a  pu 
compter  que  pour  1  fr.  50  dans  les  variations  de  l'année, 
mais  est  entré  pour  0,75  c.  dans  les  variations  du  trimes- 
tre, et  0,25  c.  dans  celles  du  mois. 
2*^  Ces  écarts  sont  ceux  du  comptant. 
Les  écarts  du  comptant,  il  est  facile  de  s'en  assurer  par 
l'expérience  ,   sont   toujours   moins    grands   que    ceux 
du  terme  ;  mais  cette  différence  entre  les  écarts  du  comp- 
tant et  du  terme,  ne  peut  jamais  être  proportionnelle  à 
leur  grandeur,  et  elle  doit  être  constamment  déterminée 
par  le  taux  des  reports  qui  rattachent  toujours  forcément 
les  deux  genres  de  négociation  :   or,  les  reports  ou  dé- 
ports ne  sont  jamais  plus  tendus  que  dans  les  variations 
extrêmes  de  hausse  ou  de  baisse. 

Ne  tenons  pas  compte  du  report  normal,  puisqu'il  n'est 
que  la  représentation  de  l'intérêt,  mais  seulement  des 
variations  du  report,  au-dessus  ou  au-dessous  du  taux 
normal,  dans  les  variations  extrêmes;  cette  variation 
moyenne  du  report,  au  -  delà  du  taux  normal ,  est  au 
moins  égale  à  l'intérêt  même,  0,25  c. 


—  175  — 

Ainsi,  en  dehors  de  la  question  d'intérêt,  lorsque  les 
cours  descendent  au  plus  bas  dans  le  courant  d'un  mois, 
on  peut  estimer  que  les  cours  du  comptant  sont  alors  à 
0,25  c.  au-dessus  de  ceux  du  terme  ;  lorsque  les  cours 
montent  au  plus  haut,  les  cours  du  comptant  sont  alors 
à  0,25  c.  au-dessoîis  de  ceux  du  terme  ;  de  même  pour 
les  variations  de  toute  période  plus  ou  moins  longue, 
comme  un  trimestre  ou  une  année. 

Il  suit  de  là  que  les  écarts  du  terme,  qui  entraînent  tou- 
jours ceux  du  comptant,  sauf  à  subir  plus  tard  la  réac- 
tion contraire,  sont  proportionnellement  plus  grands  que 
ceux  du  comptant  pour  une  période  plus  courte  ;  que 
si  on  en  excepte  la  question  de  l'intérêt,  ils  n'ont  à  subir 
aucune  correction  pour  répondre  à  la  loi  mathématique 
des  écarts,  et  que  pour  le  comptant,  il  faut  ajouter  à 
tous  les  écarts  une  quantité  constante  qu'on  peut  ég-aler 
à  0,50  c. 

Nous  arrivons  ainsi  à  obtenir  définitivement  : 

Pour  un  mois 2,48  —  0,%  +  0,50  =  2,73. 

«     un  trimestre     4,99  —  0,75  -f  0,50  =  4,74. 
>)     un  an 10,50  —  1,50  +  0,50  =  9,50. 

Or,  l'écart  moyen  mensuel  2,73,  multiplié  par  la  racine 
carrée  de  3,  qui  est  1,73,  donne  4,73  pour  l'écart  tliéo- 
Hque  d'un  trimestre;  et  multiplié  par  la  racine  carrée  de 
12,  qui  est  3,46,  donne  9,45  pour  l'écart  tliéoriqice  d'une 
année. 

Est-il  un  exemple  plus  frappant  d'un  accord  entre  la 
théorie  et  l'expérience  ! 


—  176  — 

85.  —  L'écart  probable  et  direct  des  cours  de  la  Rente 
pour  un  mois  étant  estimé  à  1,10  (par.  21),  l'écart  'pro- 
lahle  entre  les  plus  haut  et  plus  bas  cours  d'un  mois  est, 
en  tliéorie,  de  1  fr.  73  c.  environ,  avec  une  différence  de 
moins  de  22  centièmes  de  centime  ;  nous  verrons  bientôt 
comment  il  est  possible  d'obtenir  une  telle  précision  ; 
il  conserve  avec  l'écart  moyen  le  rapport  approché  de 
2  à  3. 

On  pourrait  parier  à  ég-alité  de  chances  nn  contre  un 
qu'il  n'y  aura  pas  plus  de  1  fr.  70  à  1  fr.  75  c.  d'écart 
entre  les  prix  extrêmes  dans  le  courant  d'un  mois. 

A  trois  mois  de  distance,  comme  l'écart  probable  est 
de  1,73  1/3  =  3,  on  pourrait  parier  un  contre  un  qu'il 
n'y  aura  pas  plus  de  3  fr.  d'écart  entre  le  plus  haut  et  le 
plus  bas  cours. 

A  six  mois  de  distance,  comme  l'écart  probable  est 
de  1,73  1/6  =  4,24,  on  pourrait  parier  un  contre  un 
qu'il  n'y  aura  pas  plus  de  4  fr.  24  c.  d'écart  entre  le  plus 
haut  et  le  plus  bas  cours. 

A  un  an  de  distance ,  comme  l'écart  probable  est 
de  1,73  1/Ï2  =  6,  on  pourrait  parier  un  contre  un  qu'il 
n'y  aura  pas  plus  de  6  fr.  d'écart  entre  le  plus  haut  et  le 
plus  bas  cours  de  Tannée. 


86.  —  Si  la  Rente  étant  à  un  cours  déterminé,  l'écart 
devait  se  porter  exclusivement,  soit  au-dessus,  soit  au- 
dessous  de  ce  cours,  on  ne  pourrait  continuer  à  parier 
dans  les  mêmes  conditions  que  pour  la  moitié  de  l'écart 
probable. 


—  n*  — 

Si  la  Rente  est  aujourd'hui,  par  exemple,  h  75  fr.,  on 
peut  pcirier  un  contre  un  : 

Que  dans  tout  le  courant  du  mois  son  cours  ne  dépas- 
sera pas  75,86  '/a,  ou  le  cours  actuel  aug-menté  de  la  moitié 
de  l'écart  probable  ; 

Ou  que  son  cours  ne  tombera  pas  au-dessous  de  74, 13  '/s, 
ou  le  cours  actuel  diminué  de  la  moitié  de  l'écart  proba- 
ble, cet  événement  étant  indépendant  du  premier. 

Que,  dans  l'espace  de  trois  mois,  le  cours  ne  dépassera 
pas  76,50  ; 

Ou  ne  tombera  pas  au-dessous  de  73,50. 

Que,  dans  l'espace  de  six  mois,  le  cours  ne  dépassera 
pas  77,12; 

Ou  ne  tombera  pas  au-dessous  de  72,88. 

Que,  dansl'espace  d'un  an,  le  cours  ne  dépassera  pas  78; 

Ou  ne  tombera  pas  au-dessous  de  72. 

Ces  deux  événements  étant  toujours  indépendants  l'un 
de  l'autre. 


87.  —  Pour  un  même  temps ^  les  probabilités  varient  en 
raison  directe  des  carrés  des  écarts. 

Ainsi,  à  un  mois  de  distance,  et  du  cours  de  75  fr.,  on 

aurait  une  probabilité  d'écart  de  : 

1    sur     10  pour  0,865   |/Î(F  ==  2,73  tu  77fr.  73 

»     0,865    ^j5~=:3,35    »  78      35 

»     0,865   i/2Ô~  =^  3,87    »  78      87 

»     0,865   1/^5- -4,32    »  79      32 

»     0,865   1/5^  r:.6,12    »  81       12 

»     0,865   1/7^  =  8,65    »    83      65 

12 


15 

20 

25 

50 

» 

100 

—  ns  — 

On  pourrait  donc  parier  à  égalité  de  chances,  par 
exemple,  1  contre  24,  ou  24  contre  1,  que  la  Rente  étant 
au  cours  de  75  fr.  sera  ou  ne  sera  |M5  cotée  à  79,32  dans 
l'intervalle  d'un  mois. 

Pour  un  écart  moindre  que  l'écart  probable,  on  aurait 
à  diviser  par  une  racine  carrée. 

Ainsi,  pour  une  année,  on  aurait  les  probabilités  : 
3 
9  sur     10  pour  y^\^^=  0,95  ou  75  fr.  95 
3 
24     »      25      »    "j72g~  ~  0,60    »    75       60 

3 
49    ..      50     »     171^  =  0,42    »    75       42 
3 


99     »    100     »     |/îôô  =  0,30    »    75       30 
Il  y  aurait  donc  99  contre  1  à  parier  que  la  Rente  fera 
75,30,  avec  un  écart  de  0,30  c.  dans  le  courant  d'une  année. 
On  calculerait  de  même  les  écarts  en  baisse. 


88.  —  Tous  ces  écarts  se  produisent  sous  la  seule  in- 
fluence des  causes  accidentelles. 

Si  les  cours  étaient  au  comptant  ou  à  des  liquidations 
différentes,  il  faudrait  donc  tenir  compte  des  intérêts  ou 
des  coupons  qui  augmenteraient  ces  écarts. 

Comme  l'intérêt  ou  le  report  agissent  en  raison  des 
temps,  et  l'écart  en  raison  des  racines  carrées  des  temp.', 
on  est  obligé  de  toujours  distinguer  le  mode  d'action  dif- 
férent de  ces  deux  causes,  dans  l'estimation  de  l'écart  réel. 

Voici  comment  on  devrait  s'y  prendre  pour  séparer  les 
deux  causes  dans  le  calcul  des  écarts  ; 


—   170  — 

Je  suppose  que  la  Rente  étant  aujourd'hui  à  75  tV.  au 
comptant,  on  parie  un  contre  un  que  d'ici  à  deux  mois, 
elle  n'atteindra  ou  ne  dépassera  pas  le  prix  de  76,22  ;  le 
pari  est  équitable. 

Il  faut  commencer  par  considérer  si  le  coupon  doit  être 
détaché  dans  l'intervalle  de  ces  deux  mois.  Admettons 
d'abord  qu'il  ne  le  soit  pas. 

Si  la  Rente  n'atteint  jamais  le  prix  de  76,22,  il  ne  peut 
y  avoir  doute  ou  contestation  ;  mais  supposons  que,  juste 
au  bout  d'un  mois,  elle  vienne  à  être  cotée  76,45  ;  comme 
l'intérêt  pour  un  mois  représente  exactement  0,25  c.  il 
faudra  déduire  0,25  du  prix  de  76,45,  ce  qui  mettra  en- 
core le  cours  au-dessous  de  la  limite  à  atteindre  pour  que 
le  pari  soit  perdu. 

Si  le  coupon  avait  été  détaché  dans  l'intervalle  de  ce 
premier  mois,  c'est  alors  0,75  c.  moins  0,25  c.  ou  0,50  c. 
qu'il  aurait  fallu  retirer  du  cours,  et  le  cours  de  75,72 
au  bout  d'un  mois,  aurait  fait  perdre  le  pari. 


89.  —  Vécart  direct,  qui  sépare  les  cours  au  commen- 
cement et  à  la  fin  d'une  période  de  temps  quelconque,  et 
Y  écart  extrême^  qui  sépare  le  plus  haut  et  le  plus  bas  cours 
dans  cette  même  période  de  temps,  obéissant  tous  les 
deux  à  la  même  loi  mathématique  de  l'augmentation  pro- 
portionnelle aux  racines  carrées  des  temps,  il  doit  y  avoir 
un  certain  ra'p'port  fixe  entre  ces  deux  genres  d'écarts. 

Ce  rapport,  au  moyen  duquel  nous  avons  déjà  déter- 
miné théoriquement  les  écarts  extrêmes  et  probables  des 
variations  de  la  Rente  (par,  85),  est  égal  à  1,57. 


—  180 


Ce  nombre  1,57  est  la  moitié  du  o'cijjpoH  de  la  circon- 
férence audiamUre. 

De  sorte  que  dans  la  figure  suivante  : 


j   B 


AB=  1. 
ACB=  1,5707963 

Le  diamètre  AB  représentant  l'unité  d'écart  ou  de 
différence  des  cours  d'un  moment  à  un  autre,  du  com- 
mencement à  la  fin  d'une  période  de  temps  quelconque; 
la  ligne  ACB,  demi-circonférence  de  cercle,  représentera 
l'écart  entre  les  cours  extrêmes,  plus  haut  et  plus  bas, 
dans  toute  la  durée  de  cette  même  période  de  temps. 

Si,  par  exemple,  on  nous  apprenait  qu'il  y  a  eu  sur  la 
Rente  une  différence  de  1  fr.  entre  le  cours  d'un  jour  et  le 
cours  d'un  autre  jour,  nous  pourrions  regarder  comme 
égale  à  1  fr.  57  c.  la  diff'érence  entre  le  plus  haut  et  le 
plus  bas  cours  cotés  dans  l'intervalle. 

Si  l'on  nous  apprenait  que  la  différence  qui  existe  entre 
le  plus  haut  et  le  plus  bas  de  tous  les  cours  cotés  dans  un 
intervalle  de  temps  quelconque  est  de  1  fr.  57  c,  nous 
pourrions  regarder  comme  égale  à  1  fr.  la  différence  en- 
tre le  premier  et  le  dernier  cours  cotés. 

En  général,  connaissant  la  différence  qui  existe  entre 


—   181 


le  premier  et  le  dernier  cours  d'une  période  quelconque, 
on  obtiendra  la  différence  probable  entre  le  plus  haut  et 
le  plus  bas  de  tous  les  cours  cotés  dans  la  même  période, 
en  multipliant  cette  première  différence  par  1,57. 

Réciproquement,  connaissant  la  différence  qui  s'est 
produite  entre  le  plus  haut  et  le  plus  bas  cours,  on  ob- 
tiendra la  différence  probable  entre  le  premier  et  le  der- 
nier cours,  en  divisant  cette  première  différence  par  1,57. 


90.  —Pour  comprendre  cette  relation  si  remarquable,  il 
faut  nous  rappeler  que  la  circonférence  représente  les  li- 
mites (L'écart  (par.  20)  ou  les  écarts  extrêmes.  Si  la  Rente  est 
à  74  fr.  le  l^""  Janvier  et  à  76  fr.  le  l*''"  Février,  on  peut,  du 
cours  intermédiaire  de  75  fr.  choisi  comme  centre,  décrire 
une  circonférence  dont  le  diamètre  sera  l'écart  direct  de 
2  fr.  entre  les  cours  de  74  et  76.  Mais  le  cours  de  75  fr. 
peut  être  également  le  centre  d'une  variation  égale  en 
sens  inverse,  ce  qui  arriverait  si,  au  lieu  de  2  francs  de 
hausse,  on  avait  fait  2  francs  de  baisse,  si  les  cours  avaient 
été  76  fr.  le  1"  Janvier  et  74  fr.  le  V"  Février.  C'est  pour 
cela  que  la  circonférence  entière  représentant  les  limites 
d'écart  pour  une  variation  dans  les  deux  sens,  c'est  la 
moitié  de  la  circonférence  qui  représente  les  limites  d'é- 
cart pour  une  variation  dans  un  des  sens,  et  c'est  le  cas 
de  toute  variation  qui  doit  être,  soit  en  hausse,  soit  en 
baisse. 

L'écart  direct  pourrait  encore  s'appeler  diar/iétral. 

L'écart  extrême  pourrait  encore  s'appeler  semi-circu- 
laire. 


—  182    - 

Quel  que  soit  l'écart  des  ccairs,  le  rapport  ne  cliaiige 
jamais  entre  l'écart  direct  et  l'écart  extrême;  on  sait  en 
effet  que  les  diamètres  et  les  circonférences  de  cercles, 
ou  les  écarts,  restent  toujours  dans  le  même  rapport,  tous 
deux  s'augmentant  en  raison  des  racines  carrées  des  sur- 
faces, ou  des  temps. 


91.  — L'écart  direct  ne  peut  jamais  être  plus  grand  que 
l'écart  extrême,  mais  il  peut  lui  êt:e  égal,  et  c'est  ce  qui 
arrive  toutes  les  fois  que  le  mouvement  a  été  continuelle- 
ment en  hausse  ou  en  baisse  sans  éprouver  de  réactions, 
ou  quand  les  réactions  se  sont  entièrement  annulées 
d'elles-mêmes.  Au  contraire,  cet  écart  peut  être  nul  si  la 
réaction  a  été  complète  et  que  les  cours  soient  revenus  au 
même  point,  bien  que  la  différence  des  cours  extrêmes 
dans  l'intervalle  ait  pu  être  considérable. 

Dans  des  limites  aussi  étendues,  lorsque  le  rapport 
constant  qui  lie  les  deux  genres  d'écarts  peut  passer  par 
toutes  les  valeurs  comprises  entre  l'unité  et  l'infini,  il  est 
souvent  difficile  de  découvrir  la  relation  véritable  sur 
chaque  cas  en  particulier  ou  sur  un  petit  nombre  d'exem- 
ples ;  mais  il  en  est  de  ce  principe  comme  de  tous  les  au- 
tres, les  limites  d'erreur  ne  se  resserrent  assez  pour  faire 
nettement  ressortir  les  rapports  des  quantités  que  sur  nn 
grand  nombre  d'exemples  et  lorsque  toutes  les  causes 
constantes  d'erreur  ont  disparu. 

La  vérification  du  rapport  entre  les  écarts  directs  et 
extrêmes  va  nous  fournir  un  singulier  procédé,  d'un  genre 
tout  nouveau  et  dont  personne  ne  s'est  encore  avisé,  de 


—   183  — 

déterminer  le  rapport  de  la  circonférence  au  diamètre. 

On  sait  que  la  cote  officielle  de  la  Bourse  donne  pour  le 
comptant  tous  les  cours,  tels  qu'ils  se  sont  suivis,  et  que 
pour  les  cours  à  terme,  elle  est  divisée  en  quatre  colonnes 
ainsi  désignées  :  Premier  cours,  plus  haut,  plus  bas,  der- 
nier cours.  La  différence  des  cours  de  la  première  et  de  la 
dernière  colonne  donne  l'écart  direct,  la  différence  des 
cours  des  deux  c'olonnes  intermédiaires  donne  l'écart 
extrême  pour  chaque  jour  de  bourse. 

Que  l'on  prenne  cinquante  ou  soixante  cotes  de  bourse, 
peu  importe  qu'elles  se  suivent  ou  qu'elles  soient  prises 
au  hasard;  le  nombre  n'importe  pas  absolument,  mais  plus 
l'expérience  sera  poussée  loin  et  moins  l'erreur  à  craindre 
sera  grande. 

Que  l'on  établisse  sur  une  feuille  de  papier  quatre  co- 
lonnes ;  au-dessus  des  deux  premières  on  écrira  :  comp- 
tant; au-dessus  des  deux  dernières  :  terme;  au-dessus 
des  première  et  troisième  :  écart  direct;  au-dessus  des 
deuxième  et  quatrième  :  écart  extrême. 

La  marche  à  suivre  est  toute  indiquée  ;  dans  la  première 
colonne,  on  posera  la  différence  entre  le  premier  et  le  der- 
nier cours,  et  dans  la  seconde  colonne,  la  différence  entre 
le  plus  haut  et  le  plus  bas  cours  de  la  Rente  au  comptant; 
dans  la  troisième  colonne,  la  différence  entre  le  premier  et 
le  dernier  cours,  et  dans  la  quatrième  colonne,  la  diffé- 
rence entre  le  plus  haut  et  le  plus  bas  cours  de  la  Rente  à 
terme.  Lorsqu'on  aura  terminé  ce  travail  pour  chaque 
jour  de  bourse,  on  tirera  des  barres  au-dessous  de  chaque 
colonne  et  on  fera  les  additions  de  chacune. 

Lorsque  la  cote,  dans  l'estimation  du  prix  de  la  Rente, 


—   184  — 

établit  une  distinction  nécessaire  entre  les  cours  du  comp- 
tant et  les  cours  du  terme,  il  faut  s'attendre  à  ce  que  les 
cours  du  terme  fourniront  de  plus  grands  écarts  que  les 
cours  du  comptant,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  fait  re- 
marquer (par.  52  et  84)  ;  non-seulement  les  écarts  directs 
et  extrêmes  du  terme  dépasseront  toujours  ceux  du  comp- 
tant, mais  le  rap'port  des  deux  écarts  du  terme  sera  encore 
supérieur  à  celui  du  comptant  ;  par  conséquent,  ces  écarts 
dépasseront  les  rapports  moyens  et  uniques,  ceux  qui  for- 
meraient véritablement  la  mesure  des  écarts  de  la  valeur, 
d'autant  que  les  écarts  du  comptant  resteront  en  deçà; 
l'équilibre  ne  sera  rétabli  que  de  cette  manière  ;  cette  dif- 
férence qui  serait  à  peine  sensible  pour  une  assez  longue 
période  de  temps,  l'est  davantage  sur  les  variations  d'une 
journée  ou  d'une  courte  période. 

Donc,  si  on  cherche  le  rapport  qui  existe  pour  les  deux 
écarts  du  comptant,  ce  qu'on  aura  en  divisant  l'addition 
de  la  seconde  colonne  par  celle  de  la  première,  on  trou- 
vera un  rapport  moindre  que  1,57;  mais  si  on  cherche  le 
rapport  qui  existe  entre  les  écarts  du  terme,  on  le  trou- 
vera supérieur  à  1,57,  et  le  dépassant  d'autant  que  le  pre- 
mier lui  reste  inférieur;  en  faisant  l'addition  de.ces  deux 
rapports,  celui  du  comptant  et  celui  du  terme,  on  trou- 
vera le  rapport  approché  de  la  circonférence  au  dia- 
mètre 3,1415926 


92.  —  Le  rapport  le  plus  ordinaire  des  écarts  est  de 
1,40  pour  ceux  du  comptant,  et  1,74  environ  pour  ceux 
du  terme  ;  mais  ces  rapports  varient  selon  le  rôle-différent 


—  185  — 

que  joue  la  spéculation  au  comptant  ou  la  spéculation  à 
terme.  Si  les  négociations  au  comptant  sont  rares  et  dif- 
ficiles, et  que  la  spéculation  à  terme  reste  très-active,  le 
rapport  diminue  pour  le  comptant,  et  il  augmente  pour 
le  terme.  Dans  la  situation  contraire,  ils  suivent  une  pro- 
gression inverse.  On  trouve  généralement  une  erreur  en 
phcs  dans  le  premier  cas,  une  erreur  en  moins  dans  le 
second. 

Quand  l'expérience  se  fait  pour  une  époque  dans  la- 
quelle s'est  produit  un  mouvement  prononcé  et  continu 
en  hausse  ou  en  baisse,  ou  pour  une  valeur  sujette  à  de 
brusques  variations  au-delà  ou  en  deçà  de  la  valeur 
moyenne,  le  rapport  peut  diminuer  sensiblement,  parce 
qu'alors  les  variations  figurent  une  ellipse  plus  ou  moins 
allongée,  dont  le  grand  axe  représente  l'écart  direct,  dont 
la  courbe  représente  l'écart  extrême. 

Mais  sur  un  ensemble  un  peu  considérable  de  négocia- 
tions sur  une  ou  sur  plusieurs  valeurs,  toutes  les  iné- 
galités accidentelles  pouvant  mieux  se  compenser,  on 
apercevra  toujours,  dans  le  rapport  des  écarts,  une  ten- 
dance manifeste  à  se  rapprocher,  ou  ne  pas  s'éloigner,  du 
rapport  de  la  circonférence  au  diamètre. 

Pareil  phénomène  se  réaliserait-il  si  les  cours  étaient 
l'œuvre  du  hasard,  si  leur  marche  n'était  réglée  d'avance 
et  n'obéissait  pas  à  des  lois  supérieures  et  providentielles? 
Au  lieu  de  trouver  constamment  le  même  rapport,  ne 
trouverait-on  pas  chaque  fois  des  rapports  diâ^érents  et 
n'ayant  aucune  ressemblance  entre  eux  ?  Au  lieu  de  ce 
rapport  célèbre  et  admirable,  celui  de  la  circonférence 
au    diamètre,  ne  trouverait-on  pas  mille   autres   rap- 


—    lo(i   —  ■* 

ports  différents  de  celui-là?  Supposons  une  personne 
chargée  de  rédiger  des  cotes  imaginaires  :  non-seule- 
ment elle  ne  s'en  acquittera  jamais  si  bien  que  l'aveu- 
gle hasard,  mais  il  sera  très -facile  de  vérifier  que 
les  cours  établis  de  cette  manière  ne  répondent  à  rien  et 
l'ont  été  arbitrairement.  L'homme  n'a  jamais  à  prétendre 
qu'il  dirige  le  cours  des  événements;  ils  se  dirigent 
beaucoup  mieux  qu'il  ne  pourrait  lui-même,  et  la  nature 
se  charge  de  veiller  sans  lui  à  ce  que  l'ordre  qui  préside  à 
ses  moindres  manifestations  ne  soit  jamais  troublé. 


93.  —  D'après  le  calcul  (par.  86  et  87),  on  aurait  une 
probabilité  :  1  contre  70,  que  la  Rente  étant  cotée  75  fr., 
atteindra  le  pair,  c'est-à-dire,  sera  cotée  à  100  fr.  dans 
le  courant  d'une  année  révolue. 

Ou  1  contre  1  qu'elle  atteindra  ou  n'atteindra  pas 
le  pair  avant  70  ans. 

Le  premier  de  ces  deux  événements  est  assez  extraor- 
dinaire pour  que  l'on  soit  tenté  de  regarder  comme  trop 
forte  la  probabilité  -  ;  mais  il  est  une  considération  im- 
portante qu'on  ne  doit  jamais  perdre  de  vue  :  c'est  qu'en 
prenant  un  cours  déterminé,  quel  qu'il  soit ,  on  ne  consi- 
dère jamais  qu'un  cas  particulier  de  la  question  ;  le  cours 
de  75  fr.  ne  vient  ici  que  pour  rendre  la  démonstration 
plus  sensible,  plus  matérielle. 

Si  par  suite  d'une  révolution  politique,  la  Rente  venait 
à  tomber  au  cours  de  50  fr.,  les  mêmes  probabilités  sub- 
sisteraient à  l'égard  du  cours  de  75  fr.,  et  on  serait  natu- 
rellement tenté  de  les  regarder  alors  comme  trop  faibles. 


—   IS7  — 

Le  seofjiul  événement  paraît  moins  improbable,  parce 
que  le  taux  moyen  des  valeurs  n'étant  pas  invariable, 
mais  tendant  à  s'élever  progressivement  avec  la  marche 
du  crédit  dans  tous  les  pays,  cette  valeur  moyenne  peut 
être,  dans  soixante-dix  ans,  soit  à  80,  soit  à  85  fr.,  et 
alors  le  prix  de  100  fr.  ne  représenterait  plus  qu'un  écart 
accidentel  moindre,  puisqu'il  s'éloignerait  moins  de  la 
nouvelle  valeur  moyenne. 

Les  'proiahiliiés  des  écarts  sont  entièrement  indépen- 
dantes des  cours  et  de  leur  distance  à  la  valeur  moyenne  ; 
elles  sont  indépendantes  de  la  valeur  moyenne  elle-même. 

Il  y  a,  en  effet,  deux  lois  distinctes  qui  régissent  toutes 
les  variations  des  cours  (par.  68)  et  on  ne  peut  presque 
jamais  faire  abstraction  complète  de  l'une  des  deux. 

La  première  de  ces  deux  lois  :  les  écarts  sont  en  raison 
directe  de  la  racine  carrée  des  temps,  serait  la  seule  que 
l'on  eût  à  considérer,  si  la  valeur  se  trouvant  à  son  prix 
moyen,  ou  du  moins  peu  éloignée  de  ce  prix,  n'était  pas 
sollicitée  dans  un  sens  plutôt  que  dans  un  autre. 

Mais  à  mesure  que  les  variations  de  hausse  ou  de  baisse 
se  produisent,  le  prix  s'écarte  plus  ou  moins  de  la  valeur 
moyenne,  au-dessus  ou  au-dessous,  et  alors  les  variations 
obéissent  à  une  seconde  loi  qui  est  celle-ci  : 

Za  valeur^  dans  tous  ses  écarts,  est  sans  cesse  attirée 
vers  son  prix  moyen,  en  raison  directe  du  carré  de  son 
éloignement. 

Si,  comme  il  arrive  presque  toujours,  la  valeur  a  plu- 
sieurs axes  d'attraction  (par.  82),  le  prix  moyen  représente 
le  centre  de  gravité  de  tous  \z&  axes. 

Ainsi,  en  vertu  d'une  première  loi,  quand  le  prix  de  lu 


—  188  — 

Rente  est  à  une  certaine  distance  au-dessous  de  la  valeur 
moyenne,  les  variations  peuvent  se  porter  indifféremment 
au-dessus  ou  au-dessousde  son  prix,  dans  des  conditions 
parfaitement  déterminées. 

En  vertu  d'une  seconde  loi,  les  variations  sont  sollici- 
tées dans  le  sens  de  la  hausse,  pour  revenir  à  la  valeur 
moyenne.  Quelle  est  la  mesure  de  cette  force,  et  à  quel 
moment  doit-elle  se  manifester?  Nous  l'ignorons,  mais 
nous  connaissons  d'une  manière  certaine  l'existence  de 
cette  force  et  les  effets  qu'elle  produit. 

Qu'au  lieu  de  revenir  à  la  valeur  moyenne,  le  prix  s'en 
écarte  davantage  et  àoulle  la  distance  qui  l'en  séparait  la 
première  fois,  la  première  loi  n'éprouve  aucune  modifica- 
tion, la  seconde  loi  lui  donne  quatre  îois  plus  de  force  pour 
remonter. 

Pourquoi,  lorsque  la  Rente  tomba  au  prix  de  32,50,  en 
1848,  reprit-elle  en  si  peu  de  temps  et  avec  autant  d'élan, 
tandis  qu'elle  put  rester  cotée  plusieurs  années  aux  prix 
extrêmes  de  85  et  86  ? 

C'est  parce  que ,  à  cause  de  sa  distance  à  la  valeur 
moyenne,  trois  fois  plus  grande  dans  le  premier  cas,  la 
Rente,  à  ces  deux  prix  extrêmes,  avait  neufiois  plus  de 
force  pour  remonter  qu'elle  n'en  avait  pour  redescendre. 


94.  —  Résumons  ici  brièvement  la  Théorie  des  Écarts  et 
des  variations  de  la  Bourse,  telle  qu'elle  est  répandue 
dans  les  deux  parties  de  l'ouvrage. 

Nous  avons  distingué  deux  sortes  d'écarts  :  l'écart  di- 
rect, ou  la  différence  entre  le  premier  et  le  dernier  cours 


—  189  - 

cotés  clans  un  espace  de  temps  quelconque  ;  l'écart  extrême^ 
ou  la  différence  entre  le  plus  haut  et  le  plus  bas  de  tous 
les  cours  cotés. 

Chacun  de  ces  deux  genres  d'écarts  se  divise  en  pro- 
bable et  moyen. 

L'écart  probable  est  donné  par  la  limite  qui  sépare  la 
somme  des  écarts,  du  plus  petit  au  plus  g-rand,  en  deux 
parties  égales. 

L'écart  moyen  est  donné  par  la  compensation  de  toutes 
les  quantités,  ou  la  somme  des  écarts  divisée  par  leur 
nombre. 

Les  écarts  sont  en  raison  directe  de  la  racine  carrée  des 
temps. 

Pour  les  cours  de  primes,  les  écarts  s'augmentent  d'une 
quantité  constante  et  indéterminable. 

La  spéculation  à  découvert  agrandit  les  écarts,  la  spé- 
culation nantie  des  capitaux  ou  des  titres  les  resserre. 

Les  écarts  sont  plus  grands  à  terme  qu'au  comp- 
tant; cette  différence  n'est  pas  proportionnelle,  et  elle 
est  toujours  limitée  par  les  reports. 

Les  écarts  sont  encore  plus  grands  dans  certains  mois 
de  l'année,  oii  la  spéculation  à  terme  est  plus  active, 
doivent  être  plus  grands  encore,  en  raison  de  cette  acti- 
vité, dans  certaines  périodes  de  temps  indéfinies. 

Les  écarts  se  groupent  symétriquement  autour  de  cer- 
tains axes  d'attraction. 

Les  écarts  sont  moins  fréquents  en  baisse  qu'en  hausse, 
mais  ils  sont  aussi  plus  grands  :  tous  les  écarts  en  hausse 
ou  en  baisse,  au-dessus  ou  au-dessous  de  la  vdhur  pro- 
bable., doivent  se  compenser  au  bout  d'un  certain  temps. 


—    190  - 

La  xaleiiT  est  sans  cesse  attirée  à  son  prix  moyen^ 
centre  de  gravité,  oi^  foyer  d'attraction^  en  raison  directe 
du  carré  de  l'èloignement. 

I]  faut  toujours  éliminer  les  causes  constantes  dans  l'es- 
timation des  écarts. 

Le  rapport  variable^  qui  lie  les  écarts  probables  aux 
écarts  moyens,  est,  pour  la  Rente  française,  environ  de 
là  1,4. 

Le  rapport  intariahle,  qui  lie  les  écarts  directs  aux 
écarts  extrêmes,  est  de  1  à  1,57.... 

Au  moyen  de  la  connaissance  de  la  loi  des  écarts  et  de 
leurs  rapports,  il  suffît,  pour  une  valeur  quelconque,  de 
connaître  le  rapport  de  ses  écarts,  et  une  difi'érence  nor- 
male entre  deux  prix,  dans  un  temps  donné,  pour  re- 
constituer tout  son  système  d'écarts. 

Que  l'on  se  représente  un  cercle  : 

Le  centre  sera  le  prix  ahsohc  de  la  valeur,  tous  deux 
incommensurables. 

Le  rayon,  ou  le  diamètre,  sera  V écart  direct;  le  qua- 
drant, ou  la  demi-circonférence,  sera  Y  écart  extrême. 

Le  cercle,  ou  la  surface,  sera  le  temps. 

Cette  expression,  le  cercle  des  variations,  n'est  donc 
plus  une  image  figurée,  c'est  une  réalité  des  plus  con- 
crètes, puisque  tous  les  rapports  des  variations  sont  ceux 
du  cercle  géométrique. 


95.  —  Voici  maintenant,  pour  la  Rente  française, 
indépendamment  de  la  distance  à  sa  valeur  moyenne,  le 
tableau  résumé  des  éccirts,  depuis  un  jour  jusqu'à  un  an  : 


Talileaii  des  Ëcai-ts  du  5  "/ 


/" 


DE  UN  JOUR  A  UN  MOIS 


DE  UN  A  DEUX  MOIS 


Nombre 

É.  DIRECTS 

il   EXTIiKMES 

Nombre 

É.  DIRECTS 

É.  EXTRÊMES 

joÎrs 

Piobaile 

Mojea 

PrèSiT 

Moyen 

joÎrs 

Probable 

Moyen 

Probable 

Moyen 

1 

0,20 

0,28 

0,32 

0,44 

31 

1,12 

1,57 

1,75 

2,48 

2 

0,28 

0,40 

0,45 

0,63 

32 

1,14 

1,60 

1,78 

2,52 

3 

0,35 

0,49 

0,55 

0,77 

33 

1,15 

1,63 

1,81 

2,56 

4 

0,40 

0,57 

0,63 

0,89 

34 

i,n 

1,65 

1,84 

2,59 

5 

0,45 

0,63 

0,70 

0,99 

35 

1,19 

1,67 

1,87 

2,63 

6 

0,49 

0,69 

0,77 

1,09 

36 

1,20 

1,70 

1,89 

2,67 

7 

0,53 

0,75 

0,83 

1,18; 

37 

1,22  1,72 

1,92 

2,71 

8 

0,57 

0,80 

0,89 

1,26 

3S 

1,24 

1,74 

1,94 

2,74 

9 

0,60 

0,85 

0,95 

1,33 

39 

1,25 

1,77 

1,97 

2,78 

10 

0,63 

0,89 

1 

1,40 

40 

1,27 

1,79 

2 

2,81 

11 

0,67 

0,94 

1,05 

1,47 

41 

1,29 

1,81 

2,02 

2,85 

12 

0,70 

0,98 

1,09 

1,54 

42 

1,30 

1,83 

2,04 

2,88 

13 

0,72 

1,02 

1,14 

1,60 

43 

1,32 

1,86 

2,07 

2,92 

14 

0,75 

1,06 

1,18 

1,66 

44 

1,33 

1,88 

2,09 

2,95 

15 

0,78 

1,10 

1,22 

1,72 

45 

1,35 

1,90 

2,12 

2,99 

16 

0,80 

1,13 

1,26 

1,78 

46 

1,37 

1,92 

2,14 

3,02 

17 

0,83 

1,17 

1,30 

1,83 

47 

1,39 

1,94 

2,17 

3,05 

18 

0,85 

1,20 

1,34 

1,89 

48 

1,40 

1,96 

2,19 

3,08 

19 

0,87 

1,23 

1,37 

1,94 

49 

1,41 

1,88 

2,2.1 

3,11 

20 

0,90 

1,27 

1,41 

1,99 

50 

1,42 '2 

2,23 

3,14 

21 

0,92 

1,30 

1,45 

2,04 

51 

1,44 '2,02 

2,25 

3,18 

22 

0,94 

1,33 

1,48 

2,08 

52 

1,45;  2,04 

2,27 

3,21 

23 

0,96 

1,36 

1,51 

2,13 

53 

1,46 

2,06 

2,30 

3,24 

24 

0,98 

1,39 

1,55 

2,18 

54 

1,47 

2,08 

2,32 

3,27 

25 

1 

1,41 

1,58 

2,22 

55 

1,49 

2,10 

2,34 

3,30 

26 

1,02 

1,44 

1,61 

2,27 

56 

1,50 

2,12 

2,36 

3,33 

27 

1,04 

1,47 

1,64 

2,31 

57 

1,5212,14 

2,38 

3,36 

28 

1,06 

1,50 

1,67 

2,35 

58 

1,53 

2,16 

2,40 

3,38 

29 

1,08 

1,52 

1,70 

2,39 

59 

1,54 

2,18 

2,42 

3,41 

30 

1,10 

1,55 

1,73 

2,44 

60 

1,55 

2  19 

2,44 

3,43 

^ntie    dsE    TiiStiieasB   dei^   Écarts. 

D£.  DEOX  A  SEPï  M0Ï3  DE  SEPT  MOïS  &  UN  AM 


Nombre 

É.  DIRECTS 

É.   IviTHÉMES 

Nombre 

É.  ÎJll'.EC'IS 

É.  EXTRÊMES  1 

•IoÎTiS 

Probable 

Mojen 

Probable 

^lojeiij 

DE 

JOllliS 

Probable 

ilojen 

Probable 

Mojeri 

65 

1,62 

2,28 

2,54 

3,58 

215 

2,95 

4,15 

4,63 

6,53 

70 

1,68 

2,37 

2,64 

3,72 

220 

2,98 

4,20 

4,68 

6,60 

75 

1,74 

2,45 

2,73 

3,85 

225 

3,02 

4,25 

4,73 

6,68 

80 

1,80 

2,53 

2,82 

3,97 

230 

3,05 

4,29 

4,78 

6,75 

85 

1,85 

2,61 

2,91 

4,10 

235 

3,08 

4,34 

4,84 

6,82 

90 

1,90 

2,68 

3 

4,22 

240 

3,11 

4,38 

4,89 

6,89 

95 

1,96 

2,76 

3,08 

4,33 

245 

3,15 

4,43 

4,94 

6,96 

100 

2,01 

2,83 

3,16 

4,44 

250 

3,18 

4,47 

4,99 

7,03 

105 

2,06 

2,90 

3,24 

4,56 

255 

3,21 

4,52 

5,04 

7,10 

110 

2,11 

2,97 

3,31 

4,67 

260 

3,24 

4,56 

5,09 

7,17 

115 

2,15 

3,03 

3,39 

4,77 

265 

3,27 

4,61 

5,14 

7,24 

120 

2,20 

3,10 

3,46 

4,87 

270 

3,30 

4,65 

5,18 

7,31 

125 

2,25 

3,17 

3,53 

4,97 

275 

3,33 

4,70 

5,23 

7,38 

130 

2,29 

3,23 

3,60 

5,07 

280 

3,36 

4,74 

5,28 

7,44 

135 

2,33 

3,29 

3,67 

5,17 

285 

3,39 

4,78 

5,33 

7,51 

140 

2,37 

3,35 

3,73 

5,26 

290 

3,42 

4,82 

5,37 

7,58 

145 

2,42 

3,41 

3,80 

5,36 

295 

3,45 

4,86 

5,42 

7,64 

150 

2,46 

3,47 

3,87 

5,45 

300 

3,48 

4,90 

5,46 

7,70 

155 

2,50 

3,53 

3,93 

5,54 

305 

3,51 

4,94 

5,51 

7,77 

160 

2,54 

3,58 

3,99 

5,63 

310 

3,54 

4,98 

5,55 

7,83 

165 

2,58 

3,64 

4,05 

5,72 

315 

3,57 

5,02 

5,60 

7,90  i 

170 

2,62 

3,69 

4,11 

5,80 

320 

3,59 

5,06 

5,64 

7,96 

175 

2,66 

3,75 

4,17 

5,89 

325 

3,62 

5,10 

5,69 

8,02 

180 

2,70 

3,80 

4,23 

5,97 

330 

3,65 

5,14 

5,73 

8,08 

185 

2,73 

3,85 

4,29 

6,05 

335 

3,07 

5,18 

5,78 

8,14 

190 

2,77 

3,90 

4,35 

6,13 

340 

3,70 

5,22 

5,82 

8.20 

195 

2,80 

3,95 

4,41 

6,21 

1  345 

3,73 

5,26 

5,86 

8,28' 

200 

2,84 

4 

4,46 

6,29 

350 

3,76 

5,29 

5,90 

8,32 

205 

2,88 

4,05 

4,52 

6,37 

355 

3,78 

5,33 

5,95 

8,39 

210 

2,91 

4,10 

4,57 

6,45 

360 

3.80 

i  5,36 

6 

8,45  \ 

—  I'.);!  — 

Les  écarts  sont  (k'iinés  depuis  un  jour  jiis(prà  dcMix 
mois,  jour  ])ar  jour,  et  depuis  doux  mois  jusqu'à  un  an, 
par  cinq  juurs. 

On  a  déjà  trouvé,  pour  le  premier  mois,  dans  le  tableau 
du  par.  22,  les  écarts  directs,  proljable  et  moyen,  ces  der- 
niers avec  quatre  décimales. 

Les  écarts  ne  pouvant  être  rigoureusement  ramenés  à 
un  état  fixe,  ],uisqu'ils  ont  une  tendance  continnelL^  à  di- 
minuer, nous  avons  calculé,  à  dessein,  les  écarts  un  peu 
moins  grands  que  ceux  qui  résultent  d'une  observation 
directe  et  très-rigoureuse,  et  ils  se  ra})procberaient  plu- 
tôt des  écarts  réels  du  comptant  que  de  ceux  du  terme, 
bien  Cjue  ce  soit  à  ceux  du  terme  qu'il  faille  toujours  se 
rapporter  en  tbéorie. 


96.  —  Il  suffit,  pour  mettre  en  évidence  l'énormité  des 
variations  de  la  Rente  Française,  et  juger  du  discrédit 
qu'un  tel  état  fait  éprouver  à  sa  valeur  intrinsèque,  de 
comparer  les  Vciriations  des  Consolidés  Anglais  3  "/„  de- 
puis leur  création  en  1731. 

Le  plus  bas  cours  des  Consolidés  a  été  47  %,  en  17'J8; 
le  plus  haut  cours,  107,  en  1787. 

Si  on  ne  remonte  pas  plus  haut  que  1825,  on  trouve 
pour  plus  haut  cours  101  ''4,  en  1852;  pour  plus  bas 
cours  73  'g,  en  182G. 

Les  plus  grands  écarts  de  la  Rente  Anglaise  ont  été  : 
24  ^/4  de  différence  entre  les  cours  extrêmes  de  l'année 
1792,  24  en  17G2,  22  '/,  en  1803,  22',  en  1817.  22 
en  !761. 


—  J94  — 

Les  plus  faibles  écarts  ont  été  de  1  seulement  de  diffé- 
rence dans  les  années  1771  et  1773,  de  2  en  1737,  1753, 
1754,  1756,  de  2^4  en  1841. 

Le  rapport  de  l'écart  probable  à  l'écart  mo^^en  des 
variations  est  comme  1  à  1,10. 

La  Rente  Anglaise  a  deux  pôles,  qui  sont  les  cours  de 
65  et  90  ;  elle  a  oscillé  autour  du  premier  depuis  1778 
(gnie  T3  d'Amérique),  jii  qu'en  1820  environ  (consolida- 
tion de  la  paix  eurc"-POiT.c  . 

Si  on  en  excepte  cet  'nte.  valle  de  quarante-deux  an- 
nées, elle  a  toujours  oscillé,  depuis  sa  création,  autour  du 
principal  axe  qui  est  le  cours  de  90. 

Avant  1825,  la  valeur  moyenne  de  la  Rente  Anglaise 
est  environ  79  '/a,  l'écart  annuel  moyen,  8  '/o. 

A  partir  de  l'année  1825,  la  valeur  moyenne  s'est  élevée 
à  90  %!  tandis  que  par  une  conséquence  naturelle,  l'écart 
moyen  est  tombé  à  7  Ve  ;  en  comparant  la  Rente  Française 
et  la  Rente  Anglaise  depuis  cette  époque,  le  rapport  des 
écarts  est  environ  de  1,40  à  1,  le  rapport  des  valeurs 
1  à  1,25,  le  rapport  des  valeurs  étant,  par  conséquent, 
inverse  de  celui  des  écarts. 

L'augmentation  de  la  valeur  d'un  fonds  est  une  consé- 
quence économique,  rigoureuse,  de  la  diminution  des 
écarts  ou  variations  de  la  valeur,  et  représente  la  dimi- 
nution d'intérêt  causée  par  l'amoindrissement  des  risques. 
Le  cercle  d'action  d'une  valeur  est  la  mesure  précise  des 
risques  courus. 


195 


LA  RENTE  FRANÇAISE  ET  LA  RENTE  ANGLALSE. 


AMPLITUDES  RELATIVES  DE  LEURS  ECARTS. 


Rente  Anglaise,  1. 
Rente  Française,  1,40. 

MESURES  RELATIVES  DE  LEURS  VALEURS. 

1 

Rente  Française,   1. 


Rente  Anglaise,    1,25. 


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107 

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CONCLUSIONS 


Les  conclusions  vont  se  déduire  d'elles-mêmes  des  idées 
qui  précèdent  : 

h'intérêt  est  la  seule  cause  qui,  par  sa  constance,  finisse 
par  donner  des  résultats  certains  et  positifs.  Or,  le  méca- 
nisme des  opérations  à  terme  rend  cette  cause  complète- 
ment nulle  pour  le  joueur.  L'intérêt  est  une  pure  fiction 
pour  le  joueur  à  terme.  Chaque  fois  qu'un  coupon  est 
payé  et  détaché  à  la  Bourse,  sur  la  Rente  comme  sur  toute 
autre  valeur,  il  en  est  bien  tenu  compte,  au  moyen  d'un 
solde,  à  chacun  des  deux  contractants,  et  le  vendeur  en 
est  débité  au  profit  de  l'acheteur  ;  mais  cet  intérêt  est  di- 
rectement compensé  par  les  reports  que  celui-ci  paie  au 
vendeur,  et  s'il  peut  rester  une  différence,  elle  n'est  que 
le  résultat  de  la  balance  des  opérations  à  découvert,  qui 
tourne  précisément  au  désavantage  du  joueur  (par.  64). 
Il  ne  peut  donc  venir  à  l'idée  d'unjoueur  à  découvert,  d'a- 
cheter dans  le  but  de  toucher  des  dividendes  imaginaires, 
de  vendra  pour  utiliser  un  capital  fictif.  Le  joueur,  qui  ne 


—  lys  —  . 

voit  rien  au-delà  d'une  liquidation,  achète  ou  vend  tou- 
jours en  vue  des  événements  présents  et  pour  profiter  d'un 
mouvement  accidentel  de  hausse  ou  de  baisse. 

Le  véritable  spéculateur,  le  capitaliste,  achète  en  vue 
des  intérêts,  et  c'est  moins  sur  les  circonstances  présentes 
qu'il  doit  tourner  son  attention  que  sur  un  avenir  plus  ou 
moins  éloigné.  Certes,  il  ne  dédaignera  pas  une  aug-men- 
tation  rapide  de  capital,  mais  ce  ne  sera  jamais  là  le  but 
unique  et  immédiat  de  son  opération.  Si  les  événements 
le  favorisent,  et  qu'il  puisse  réaliser  un  bénéfice  en  peu 
de  temps,  il  aura  raison  de  le  faire  ;  mais  dans  le  cas  con- 
traire, il  se  sera  mis  en  mesure  de  pouvoir  dire  :  j'atten- 
drai. En  effet,  tout  est  dans  ce  seul  mot.  Il  faut  pouvoir 
ATTENDRE. 

Cependant,  il  ne  suffît  pas  au  spéculateur  sérieux  de 
placer  étourdiment  ses  fonds,  à  n'importe  quel  moment, 
dans  n'importe  quelles  conditions,  sous  prétexte  qu'il 
peut  attendre  ;  il  faut  encore  qu'il  puisse,  sinon  être  as- 
suré, du  moins  avoir  une  probabilité  très-forte  ou  suffi- 
sante de  revoir  ses  cours  ;  c'est  un  principe  trop  facilement 
reçu,  qu'à  la  Bourse  o%  retoit  toujours  ses  cours;  les  cours 
reviennent  plus  ou  moins  souvent  les  uns  que  les  autres, 
et  le  talent  du  spéculateur  doit  consister  à  prévoir  quels 
sont  ceux  qui  reviendront  le  plus  souvent. 

A  quelque  cours,  si  élevé  qu'il  soit,  il  est  clair  que  le 
spéculateur  qui  achète  au  comptant  peut  presque  toujours, 
avec  de  la  patience,  reconstituer  son  capital  primitif,  au 
moyen  de  l'accumulation  des  intérêts;  mais  cela  revient 
alors  au  même  que  si  son  capital  avait  été  inactif,  et  de 
cette  façon,  il  jjerd^  en  réalité,  tous  les  intérêts  que  ce  ca- 


—  190  — 

pittil  lui  a  produite.  Il  suffit  encore  au  capitaliste  de  n'es- 
suyer aucune  réduction  de  capital  dans  la  réalisation, 
pour  trouver  à  la  rigueur  un  bénéfice  dans  le  montant  des 
intérêts  touchés.  Faisons  donc  abstraction  de  cette  ques- 
tion de  l'intérêt,  et  bornons-nous  à  formuler  pour  le  ca- 
pitaliste, le  spéculateur  sérieux,  le  moyen  de  réaliser  une 
augmentation  de  capital,  ou  du  moins  de  n'avoir  pas  de 
diminution  à  redouter. 

Les  premières  règles  de  la  prudence  commandent  de  ne 
jamais  s'eng-ager  dans  une  entreprise  quelconque,  que 
les  probabilités  de  bénéfice  ne  soient  supérieures  aux 
probabilités  de  perte.  Un  placement  n'est  sage  et  oppor- 
tun qu'à  condition  de  présenter  plus  de  certitude  de  voir 
le  capital  augmenter  que  diminuer. 

L'estimation  du  degré  de  chacune  de  ces  deux  probabi- 
lités et  leur  comparaison,  n'est  plus  chose  illusoire  et  peut 
être  ramenée  à  des  règles  précises.  Si  le  joueur  croit  trop 
facilement  ce  qu'il  espère,  ce  n'est  pas  une  raison  pour 
se  livrer  à  un  scepticisme  universel  et  pour  rejeter  les 
conseils  de  l'expérience.  L'appréciation  du  passé  peut 
mener,  il  est  vrai,  à  de  faux  résultats,  dès  qu'au  lieu  de 
g'énéraliser,  on  tombe  dans  des  dounées particulières,  dès 
qu'on  veut  y  soumettre  certaines  affaires  industrielles  et 
privées  qui  ont  pu  jusqu'alors  présenter  des  résultats  bril- 
lants, mais  dont  les  conditions  d'existence  ne  sont  pas 
clairement  définies^  dont  la  gestion  est  mal  dirigée  ;  c'est 
surtout  quand  il  s'agit  d'entreprises  dont  les  bases  sont 
étroites,  qui  ne  peuvent  couvrir  les  mauvaises  chances 
par  un  grand  nombre  d'affaires,  que  ces  craintes  sont  fon- 
dées ;  mais  quand  on  se  tourne  sur  les  vastes  entrepri- 


—   '200   — 

ses  d'un  pays  tout  entier,  quand  il  s'ag-it  surtout  du  cré- 
dit d'un  grand  peuple,  l'enseignement  du  passé  peut  être 
une  sûre  garantie  pour  l'avenir.  Un  peuple  ne  périt  pas. 

C'est  à  dessein  que,  dans  la  théorie  des  variations  de  la 
valeur,  nous  avons  toujours  pris  pour  exemple  et  pour  type, 
la  Rente  Française  3  y,,  qui,  par  sa  nature,  doit  présenter 
les  plus  solides  éléments  pour  une  appréciation  raisonnée, 
qui,  depuis  la  conversion  du  quatre  et  demi,  a  en  quel- 
que sorte  élargi  les  bases  sur  lesquelles  elle  repose,  en 
devenant,  dans  un  avenir  prochain,  le  fonds  unique  de  la 
Dette  Nationale. 

Les  variations  accidentelles  et  momentanées  de  hausse 
ou  de  baisse  ne  peuvent,  pour  la  Rente  Française,  affecter 
sensiblement  ses  valeurs  moyenne  et  probable. 

Que  Li  Rente  soit  aujourd'hui  à  70  fr.  et  demain  à  80  fr. , 
pour  le  public,  pour  le  joueur,  elle  aura  monté  de  10  fr.; 
pour  le  sage,  pour  le  véritable  spécitlat'ucr,  elle  ne  vau- 
dra ni  un  centime  de  plus,  ni  un  centime  de  moins. 

Po'ir  le  joueur,  une  opération  n'est  jamais  bonne  ou 
mauvaise  en  elle-même  ;  tout  dépend  de  la  manière  dont 
elle  se  liquidera. 

Pour  le  spéculateur,  une  opération  doit  être  bonne  ou 
mauvaise  dès  le  principe^  et  sa  moindre  inquiétude,  de 
savoir  comment  elle  se  liquidera;  car,  bien  qu'il  puisse 
liquider  une  opération  avec  perte,  plusieurs  opérations 
bien  engagées  dès  le  principe  ne  peuvent  jamais  que  lui 
rapporter  du  b  énélice. 

Or,  il  ressort  de  la  définition  même  delà  xûquv proba- 
ble, qu'il  suffit  à' acheter  au  dessous  de  cette  valeur,  ou  de 
vendre  au-dessus,  pour  acquérir  une  probabilité  supé- 


—  201    - 

rieure  à  !,  ou  plus  que  suffisante,  de  réaliser  un  bénéfice 
sur  l'opération  :  la  valeur  probable  est  celle  qui  fixe  la  li- 
mite d'une  complète  ég-alité  de  chances.  Si,  par  consé- 
quent, une  opération  d'achat  ou  de  vente  qui  doit  se  li- 
quider dans  l'avenir  par  une  opération  inverse  de  vente 
ou  d'achat,  est  exécutée  au  cours  même  qui  représente 
cette  valeur,  la  probabilité  du  bénéfice  est  ég-ale  à-,  c'est- 
à-dire  qu'elle  est  douteuse,  et  l'opération  pourra  aussi 
bien  présenter  de  la  perte  que  du  bénéfice  ;  si  l'opération 
est  exécutée  plus  avantageusement,  au-dessous  ou  au- 
dessus  de  ce  cours,  la  probabilité  du  bénéfice  surpasse 
*-  et  peut  s'élever  en  s'approchant  indéfiniment  de  la  cer- 
titude. 

La  loi  de  cette  croissance,  qui  est  celle  d'une  augmen- 
tation de  probabilité  proportionnelle  au  carré  de  l'éloi- 
g'nement,  donne  l'équivalent  de  la  certitude  pour  des 
cours  très-éloig-nés  de  la  valeur  probable,  et  dans  tous  les 
cas,  accroît  cette  probabilité  beaucoup  plus  rapidement 
que  les  cours  ne  s'éloignent  de  cette  valeur. 

Tout  ceci  est  de  la  dernière  évidence,  si,  mettant  de 
côté  tous  préjug'és,  toutes  influences  du  moment,  on  se 
rend  bien  compte  de  cette  vérité  que  le  prix  j^rohabh 
n'est  autre  chose  qu'un  pivot  autour  duquel  se  produisent 
les  variations  de  la  valeur,  que  les  circonstances  acciden- 
telles portent  tantôt  au-dessus,  tantôt  au-dessous,  mais 
que  la  constance  des  événements  tend  infailliblement  à 
faire  revenir  dans  un  t3mps  plus  ou  moins  éloigné. 

La  valeur  moyenne  ou  probable  d'une  marchandise, 
d'une  rente,  n'est  cependant  pas  absolument  invariable. 
Cette  valeur  })eut  éprouver  et  éprouve  en  efîet,  sur  une 


—  202  — 

échelle  de  durée  plus  grande  encore  que  celle  qui  sert  de 
base  à  sa  détermination,  des  variations  absolues,  de  même 
qu'en  astronomie,  on  reconnaît  des  variations  sécîtlaires, 
indépendamment  des  variations  périodiques. 

Ces  variations  de  la  valeur  moyenne,  produites  par  un 
grand  nombre  de  causes  qui  ne  laissent  apercevoir  en  der- 
nier lieu  que  les  lois  constantes  du  progrès,  tendent  à 
donner  une  plus  grande  valeur  aux  rentes  par  la  diminu- 
tion successive  du  taux  d'intérêt.  On  doit  se  représenter 
une  société  comme  une  immense  machine  où  tous  les  res- 
sorts sont  liés  les  uns  aux  autres;  le  crédit  est  le  fonction- 
nement de  ces  ressorts,  et  le  taux  général  d'intérêt  au- 
quel on  trouve  à  emprunter  dans  cette  société,  représente 
assez  bien  la  perte  de  force  vive  causée  par  le  jeu  de  la 
machine  ;  plus  le  mécanisme  sera  parfait,  plus  cette  perte 
devra  nécessairement  s'amoindrir. 

Pour  continuer  la  comparaison,  on  trouverait  que  la 
gratuité  du  crédit,  rêvée  par  quelques  réformateurs,  n'est 
qu'une  utopie  semblable  à  celle  du  m.ou.\em.eTit perpétuel^ 
sans  nulle  déperdition  de  forces  ;  l'inconvénient  d'une 
société  basée  sur  le  crédit  gratuit,  c'est  que  tout  le  monde 
voudrait  emprunter,  et  que  personne  ne  s'offrirait  à  prêter. 

L'histoire  du  crédit  est  celle  de  la  civilisation  ;  il  ne 
faudrait  pour  s'en  convaincre  qu'étudier  la  marche  qu'a 
suivie  chez  nous  le  taux  d'intérêt  depuis  la  création  de  la 
dette  consolidée,  en  17U7.  Or,  s'il  est  vrai  que  le  progrès 
tende  au  développement  matériel  et  moral  des  sociétés, 
aussi  bien  qu'à  la  perfection  et  à  la  simplification  des 
rouages  qui  les  font  mouvoir,  il  est  certain  que  le  taux 
d'intérêt  doit  diminuer  par  l'élévation  progressive  de  la 


—  203  — 

valoiii"  moyenne  des  rentes.  Qui  peut  dire  ce  que  sera  la 
valeur  normale  de  la  Rente  Française  dans  cinquante  ans, 
dans  un  siècle  d'ici?  Pourquoi  n'arriverait-elle  pas  un 
jour  à  la  valeur  actuelle  des  Consolidés  Anglais  ?  La  Rente 
3  pour  cent,  comme  son  nom  l'indique,  ne  peut  être  rem- 
boursée qu'au  prix  de  cent  francs.  Tant  qu'elle  est  au- 
dessous,  le  g-ouvernement  ne  peut  amortir  la  dette  que 
par  voie  de  rachat;  c'est  là  une  circonstance  qui,  tan- 
dis qu'elle  comprimait  l'essor  des  anciennes  rentes  cinq 
et  quatre  et  demi,  n'agit  aujourd'hui  que  dans  un  sens, 
et  sous  un  g-ouvernement  économe,  tend  à  élever  le  prix 
de  la  Rente,  en  ne  lui  assignant  d'autres  limites  que  le 
pair. 

Mais,  quand  nous  disons  qu'au-dessus  ou  au-dessous 
de  la  valeur  probable,  la  probabilité  de  bénéfice  surpasse 
-  ,  il  faut  s'entendre  : 

A  quelque  cours  que  ce  soit,  la  probabilité  de  réaliser 
un  bénéfice  iiQntjamais^an  moment  même  d'une  opération, 
supérieure  à  -  . 

Au-dessous  de  la  valeur  probable,  pour  toutes  les  opé- 
rations d'achats,  au-dessus  pour  les  ventes,  il  n  a  : 

1°  Une  probabilité  égale  pour  toutes,  de  réaliser  un 
hénéûce  proportionnel  à  l'écart  qui  sépare  le  cours  d'achat 
ou  de  vente  de  la  valeur  probable. 

Si  on  se  reporte  dans  un  avenir  peu  éloigné,  on  peut 
regarder  le  cours  de  75  ir.  comme  le  prix  normal^  répon- 
dant à  la  valeur  probable  du  3  °/o;  par  conséquent,  une 
opération  d'achat  qui  sera  faite,  par  exemple,  au  cours  de 
C5  fr. ,  et  une  opération  de  vente  qui  sera  faite  au  cours 
de  80  fr..  c'est-à-dire  à  10  fr.  au-dessous  et  à  5  fr.   au- 


-  ?04  — 

dessus  de  la  valeui'  probable,  auront  toutes  les  deux  une 
probabilité  égale  à  ce  qu'elles  puissent,  dans  un  temps 
donné,  être  liquidées  avec  un  bénéfice  sur  les  cours  d'a- 
chat et  de  vente,  de  10  fr.  pour  la  première,  de  5  fr.  pour 
la  seconde. 

Si  deux  opérations  dans  le  même  sens,  achats  ou  ven- 
tes, étaient  faites  à  ces  deux  cours,  le  bénéfice  de  l'une  se- 
rait probablement  double,  ou  moitié,  de  la  perte  de  l'autre. 

2**  Une  probabilité  difèrente  pour  chacune  de  réaliser 
un  bénéfice  égal,  en  raison  de  la  distance  qui  sépare  le 
cours  d'achat  ou  de  vente  de  la  valeur  probable. 

Ainsi,  dans  l'exemple  précédent,  l'opération  d'achat  se 
trouvant  à  une  distance  deux  fois  plus  grande  que  l'opé- 
ration de  vente,  de  la  valeur  probable,  il  y  a,  au-dessus 
de  -  ,  une  probabilité  quatre  fois  plus  forte  sur  la  première 
que  sur  la  seconde,  à  ce  qu'elles  puissent  être  toutes  les 
deux  liquidées  avec  un  bénéfice  quelconque,  mais  égal. 

Les  probabilités  de  bénéfice  ou  de  perte,  towjotirs  égales 
à  ~^au  moment  même  de  V  opération,  prennent  un  accrois- 
ment  insensible,  mais  régulier,  en  proportion  du  temps 
écoulé,  sans  jamais  cependant  pouvoir  atteindre  l'unité 
ou  la  certitude. 

C'est  cette  propriété  curieuse  que  figurent  en  géométrie 
certaines  lignes,  comme  Y  asymptote  ,  qui  indéfiniment 
prolongées,  se  rapprochent  de  plus  en  plus  d'une  autre 
ligne  donnée,  qu'elles  ne  rencontrent  jamais. 

Quelle  est  au  moins  la  raison  de  l'accroissement ,  et  la 
quantité  de  temps  nécessaire  pour  que  la  probabilité  ait 
acquis  telle  valeur  donnée,  c'est  ce  que  les  plus  grands 
mathématiciens  ne  pourront  jamais  résoudre.  Il  manque 


—  205  — 

ici  une  inconnue.  Les  causes  accidentelles  échappent  par 
leur  nature  à  toute  analyse  rigoureuse,  par  la  multipli- 
cité et  l'ignorance  où  nous  sommes  des  causes  qui  les 
produisent.  Nul  ne  peut  en  prédire  exactement  l'arrivée 
et  la  durée.  Tout  ce  que  l'on  peut  affirmer  sans  crainte  de 
se  tromper,  c'est  qu'elles  finiront  toujours  par  se  détruire 
et  disparaître  sous  l'action  incessante  du  temps. 

Le  TEMPS,  voilà  la  condition  essentielle,  indispen- 
sable, mais  infaillible,  du  succès  de  toute  opération  bien 
commencée. 

C'est  par  le  seul  effet  du  Temps,  qu'un  capitaliste  peut 
voir  doubler  son  capital  : 

En  23  ans  \,  s'il  a  été  placé  à  3  Vo 
»     18  ans  »  4  «/o 

»     14  ans  »  5  Yo 

Que  le  capital  placé  à  5  %  se  trouve  triplé  en  23  ans, 
quadruplé  en  29  ans,  décuplé  en  47  ans,  et  rendu  deux 
millions  de  fois  plus  considérable  en  moins  de  trois  siècles. 

Un  Etat  qui  veut  se  servir  utilement  des  ressources  que 
crée  l'accroissement  prodig'ieux  de  l'intérêt,  pour  amortir 
sa  dette  publique,  consacre  au  rachat  des  effets  publics 
un  fonds  annuel  dit  caisse  d'amortissement ^  sans  cesse 
accru  de  l'intérêt  des  rentes  rachetées.  Il  peut  ainsi  à  la 
longue  absorber  une  grande  partie  de  la  dette,  sans  effort:^ 
et  par  la  seule  action  du  Temps, 

Time  is  r/ioney^  le  Temps,  c'est  de  l'argent,  rien  n'est 
plus  vrai. 

Enfin,  c'est' le  Temps  qui  se  charge  de  ramener  les 
cours  à  leur  véritable  valeur  et  de  corriger  les  écarts  de 
la  spéculation. 


—  206   - 

Il  n'est  donné  à  personne  de  mesurer  jusqu'où  iront  les 
cours  dans  leurs  écarts  de  hausse  ou  de  baisse,  ni  quand 
se  produira  la  réaction,  mais  l'écart  s'arrêtera,  et  la  réac- 
tion se  produira;  cette  succession  alternative  d'effets 
contraires  est  tout  aussi  certaine  que  celle  du  flux  et  du 
reflux. 

Les  cours,  dans  leurs  plus  grands  écarts,  sont  toujours 
à  la  reclierclie  de  leur  équilibre,  comme  la  mièr  ! 

La  doctrine  des  Compensations  sans  cesse  rétablies  par 
le  mouvement  à  la  reclierclie  de  son  équilibre,  est  la  pre- 
mière loi  naturelle  ;  en  nous  apprenant  ce  que  valent  au 
juste  ces  honneurs,  ces  richesses  qui  éblouissent  la  foule, 
elle  doit  nous  délivrer  de  l'envie,  de  la  haine,  etde  toutes 
les  passions  violentes  ;  elle  doit  nous  engager  à  ne  jamais 
nous  réjouir  au-delà  de  certaines  limites  de  notre  bon- 
heur, comme  à  ne  jamais  nous  désoler  outre  mesure  du 
mal  qui  nous  arrive  :  toute  joie  est  suivie  d'une  douleur, 
toute  douleur  est  suivie  d'une  joie. 

C'est  la  doctrine  des  Compensations  qui  nous  indique 
avec  plus  de  certitude  et  d'autorité  que  ne  pourraient  tous 
les  meilleurs  traités  de  morale,  que  le  vice  et  l'ignorance 
sont  suivis  de  la  misère,  le  crime,  du  remords,  l'intempé- 
rance, de  la  maladie,  et  que  si  la  vertu  est  difficile,  elle 
porte  avec  elle  sa  meilleure,  sinon  sa  seule  récomp'ense. 

Le  devoir,  la  vertu,  ne  sont  qu'affaires  d'intérêt  et  de 
calcul  bien  compris.  11  avait  raison,  ce  penseur  qui  a  écrit  : 

«  Préférer  le  vice  à  la  vertu,  c'est  visiblement  mal 
juger  (')». 

(>)  Locke,  de  VEntmâeraent  humain,  tom.  Il,  cli.  XXI,  par.  7J. 


—  207   — 

En  résumé,  et  pour  revenir  à  notre  sujet,  il  est  par- 
faitement indifférent  d'acheter  ou  vendre  à  tel  moment 
que  ce  soit,  une  valeur  à  la  Bourse,  pour  réaliser  un  bé- 
néfice instantané;  chercher  de  bonne  fui  des  règles,  des 
lois  quelconques,  pour  diriger  ses  opérations  dans  ce  but, 
c'est  aussi  insensé  que  la  recherche  de  l'absolu. 

C'est  rarement  un  bénéfice  immédiat,  instantané  que 
l'on  demande;  on  sait  qu'un  certain  temps  est  toujours 
nécessaire  au  succès  de  quelque  opération  que  ce  soit  ; 
mais  lorsque  le  temps  jugé  nécessaire  est  très-court,  lors- 
qu'il n'est,  comme  dans  la  plupart  des  opérations  à  terme, 
qu'une  moyenne  de  un,  deux,  trois,  dix  ou  quinze  jours 
tout  au  plus,  l'accroissement  des  probabilités  favorables 
peut  être  tellement  faible  qu'il  est  inutile  de  s'en  préoc- 
cuper, en  raison  des  circonstances  accidentelles  qui  le 
font  disparaître.  Un  homme  doit-il  s'inquiéter  de  quel- 
ques centimes  quand  toute  sa  fortune  est  en  jeu? 

Cependant,  ainsi  que  nous  avons  essaj'é  de  le  faire 
comprendre,  on  peut  toujours,  à  la  Bourse,  acquérir  un 
degré  de  probabilité,  quelquefois  presque  égal  à  la  certi- 
tude, de  réaliser  des  bénéfices  éloignés,  et  (Sautant  i)lus 
prohahUs  quiïs  seront  plus  éloignés. 

Toute  l'intelligence,  toute  la  compréhension  de  la 
Bourse,  toute  sa  PHILOSOPHIE  sont  contenues  dans 
ces  deux  idées,  si  simples  quand  on  les  examine  séparé- 
ment, et  dont  la  réunion  ne  peut  présenter  quelque  chose 
de  complexe  ou  de  contradictoire  pour  quiconque  admet 
cette  vérité  que  la  valeur  future  ne  réside  pas  dans  l'objet 
même,  mais  dans  la  seule  action  produite  par  les  progrès 
du  temps. 


—  208  — 

Il  y  a  une  grande  différence  entre  une  probabilité  fu- 
ture et  une  probabilité  présente. 

La  certitude  même  de  gagner  une  grosse  somme  dans 
un  avenir  très-éloigné,  peut  ne  valoir  qu'une  probabilité 
très-petite  de  posséder  cette  somme  à  l'instant. 

Le  bénéfice  que  doit  rapporter  une  opération  bien  diri- 
gée suit  exactement  la  marche  constante  et  régulière, 
mais  lente,  de  l'intérêt.  C'est  une  aussi  grande  folie  de 
tenter  d'escompter  ce  bénéfice  par  le  jeu,  que  ce  serait  de 
payer  une  rente  le  double  de  sa  valeur  présente,  par 
la  seule  raison  qu'au  baut  d'un  certain  nombre  d'an- 
nées, la  valeur  de  cette  rente  se  trouvera  certainement 
doublée. 

C'est  ce  que  le  joueur  ne  veut  pas  comprendre. 

Rien  d^  plus  tristement  curieux  qu'un  groupe  de  bour- 
siers discutant  sur  la  hausse  ou  sur  la  baisse  probable  du 
lendemain,  les  uns  donnant,  les  antres  accueillant  des 
conseils  ;  on  ne  sait  ce  qu'on  doit  le  plus  admirer,  le  plus 
plaindre,  de  la  présomption  des  uns,  ou  de  la  niaiserie  des 
autres. 

Le  spéculateur  prudent  doit  peu  s'inquiéter  de  ce  qu'on 
fera  le  lendemain  ;  sans  crainte,  sans  soucis,  on  peut  dire 
sans  hyperbole  que  le  bien  lui  vient  en  dormant. 

Le  joueur  n'opère  qu'en  vue  des  résultats  présents  ;  le 
spéculateur  n'opère  qu'en  vue  des  résultats  futurs. 

Le  spéculateur  sème  pour  recueillir,  le  joueur  veut  re- 
cueillir sans  semer. 

Il  n'est  d'ailleurs  aucune  séparation  précise  qui  indique 
où  commence  le  joueur,  où  finit  le  spéculateur,  pas  plus 
que  sur  l'immense  échelle  qui  sépare  le  possible  de  l'im- 


—  io\)  — 

possible,  on  ne  peut  dire  où  finit  le  doute,  où  commence  la 
certitude. 

Que  de  déclamations  sonores  n'a-t-on  pas  faites  pour 
ou  contre  la  Spéculation!  Pour  l'un,  tout  jeu  est  spécu- 
lation, pour  un  autre,  toute  spéculation  est  jeu. 

Le  commerce  aussi  est  un  jeu,  soit;  mais  avec  cette 
différence  que  les  chances  favorables  y  surpassent  géné- 
ralement les  chances  défavorables. 

Si  la  Spéculation  à  la  Bourse  peut ,  en  raison  de  son 
caractère,  présenter  des  résultats  diamétralement  opposés, 
ruiner  les  uns,  enrichir  les  autres,  c'est  que  pour  le  joueur, 
il  j  a  dans  le  courtage  une  cause  constante  d'inégalité  à 
son  désavantage  ;  pour  le  capitaliste,  en  dehors  même  de 
toute  opération,  il  y  a  dans  Y  intérêt  une  cause  constante 
d'inégalité,  mais  cette  fois,  l'inégalité  est  toute  à  son 
avantag-e. 

Le  Jeu  est  l'abus  de  la  Spéculation,  mais  il  lui  est  indis- 
solublement lié  ;  toute  mesure,  tous  coups  portés  contre 
le  Jeu  réagissent  donc  plus  ou  moins  fort  sur  la  véritable 
spéculation ,  qui  ne  mérite  que  louanges  et  encourage- 
ments. 

Le  Jeu  est  le  parasite  obligé  de  la  Spéculation  ;  c'est 
lui  qui  exagère  tous  les  mouvements  des  cours,  qui 
fausse  le  prix  des  éléments  constitutifs  de  la  richesse 
publique,  abusant  en  même  temps  la  spéculation  honnête 
qu'il  remorque  dans  ses  plus  grands  écarts. 

C'est  contre  ses  illusions  trompeuses  et  ses  men- 
songes que  l'opinion  doit  se  prémunir;  c'est  contre  ses 
influences  malsaines,  ses  excès,  que  l'esprit  public  doit 

réag'ir. 

H 


—  210   — 

La  Bourse  est  l'expression  du  Crédit  public. 

Le  Crédit  public  est  l'expression  de  l'état  d'avancement 
d'une  société. 

Dans  notre  époque  si  matérielle  et  si  progressive,  tout 
doit  venir  converger  à  la  Bourse.  C'est,  comme  dans  un 
grand  corps,  le  C(Bî^t  qui  reçoit  la  vie  et  en  opère  la  diffu- 
sion à  travers  tous  les  membres. 

Quand  le  cœur  a  des  mouvements  inégaux  et  convul- 
sifs,  l'homme  et  la  société  sont  malades. 

La  moralité  des  individus  consiste  à  savoir  garder  en 
toutes  circonstances  un  juste  milieu;  les  vertus  ne  sont 
autre  chose  que  l'état  d'équilibre  de  nos  facultés,  et  nos 
qualités  elles-mêmes,  dans  leurs  plus  grands  écarts,  ne 
produisent  que  des  vices. 

Les  peuples  n'avancent  en  civilisation,  en  moralité,  en 
bien-être,  qu'à  mesure  que  les  éléments  sociaux  sujets  à 
varier  oscillent  entre  de  plus  étroites  limites  ;  que  le  calme 
politique  s'affermissant,  les  grandes  commotions  dispa- 
raissent ;  alors  la  confiance  grandit,  et  avec  elle  la  puis- 
sance de  l'Association  et  du  Crédit, 

Les  choses  extrêmes  sont  toujours  fatales,  aux  peuples 
comme  aux  individus. 


FIN. 


SOMMAIRE 


ÎMTRODUCTION 1 


PREMIERE  PARTIE. 

ï.  —  Des  causes  et  de  leurs  degrés  d'i.ctioD  présumée \\ 

2.  —  Probabilité  des  événements  à   posteriori,  c'esl-k-dire    dé- 

duite de  l'observation  des  événements  passés 12 

3.  —  Application  vulgaire  aux  événements  qui,  à  la  Bourse,  influent 

sur  les  cours 15 

à.  —  Des  causes  d'erreur  dans  l'estimation  de  la  probabililé  des  évé- 

ments 17 

5.  —  A  son  point  de  vue  particulier,  le  joueur  est  un  profond  ma- 

thématicien  19 

6.  —  De  la  diversité  des  opinions  qui  changent  le  point  de  vue  de 

chacun 21 

7.  —  Comment  se  déterminent  et  se  fixent  les  cours 22 

8.  —  Ce  qui  arriverait  si  un  certain  nombre  de  personnes  étaient 

chargées  d'effectuer  la  mesure  d'une  hauteur  ou  d'une  distance,       25 

9.  —  La  mesure  morale  d'un  fait  est  soumise  aux  mêmes  lois  phy- 

siques  27 


—  212  — 

pa^es 

10.  —  Le  cours  ne  oeut-il  pas  êlre  une  fausse  expression  de  la  va- 
leur du  titre?   .     .     .     .    ' 29 

31.  —  Quand  môme  cela  serait  prouvé,  quelle  utilité  en  retirerait  le 

joueur? 31 

Î2,  —  En  résumé,  qu'est-ce   que  le  jeu  à  la  Bourse?     ....  34 

13.  —  Principales  causes  des  illusions  du  joueur 36 

14.  — Existe--t-il  un  système  qui  ait  le  pouvoir  de  modifier  les  con- 

ditions primitives  d'un  jeu  de  hasard? 38 

15.  —  Peut-on  toujours  acheter  et  vendre  à  volonté,  à  la  Bourse?       41 

16.  —  Première  cause   d'inégalité 43 

17.  —  Le  courtage,  seconde  et  principale  cause  d'inégalité.  H  n'y  a 

aucun  rapport  fixe  entre  une  différence  de  jeu  et  le  courtage 
prélevé  sur  cette  différence 43 

!8.  —  Sur  quelle  base  nous  pourrons  déterminer  une  relation.     .     .       47 

19.  —  Loi  des  écarts.  Rapport  entre  V écart  ^présenté  par  une  opéra- 

tion, et  le /ewîjjs  employé  à  sa  liquidation 49 

20.  —  Explicaticin  de  la  loi  des  écarts 51 

21.  —  L'écart  se  divise  ^aprohable  it  moyen.  Quels  sont-ils  sur  la 

Rente  3  %? 52 

22.  —  Tableau  des  différences 55 

23  et  24.  —  Explications  relatives  au    tableau 56 

25  et  26.  —  De  l'écart  probable,  et  de  l'égalité  des  paris    sur   les 

variations  des  cours 60 

27.  —  Les  conditions  du  jeu  sont-elles  plus  favorables  sur  une  va- 
leur que  sur  une  autre  ? 63 

28  à  30.  —  Sont- elles  pins  favorables  sur  les  primes?  Théorie  ma- 
thématique des  prinies 65 

31.  — Les  chances  égales  de  perdre  ou  gagner  des  sommes  différentes, 

ramenées  à  des  chances  inégales  de  perdre  ou  gagner  une  même 
somme. 71 

32.  —  Comment  s'accroît  l'inégalité  dans  une  suite  de  parties.     .     .       72 

33.  —  Pour  un  même  écart,  des  quotités  égales,  et  des  sommes  égales, 

on  peut  faire  varier  à  sa  guise  le  nombre  des  chances  de  perte 

du  joueur 7  4 

24,  —  Comment  l'irrégularité  des  variations  profite  au  joueur,  et  ce 
qu'il  faut  faire  pour  rétablir  les  chances  dans  leurs  rapports 
avec  des  écarts  constants 76 


—   '213  — 

payes 

35.  —  Tableau  présentant  les  chances  de  perdre  ou  gagner  1 4,000  fr. 

à  la  Bourse 78 

36  et  37.  —  Explications  relatives  au  tableau 80 

38.  —  Calculer  gciiiéralemcnt  les  chances  d'un  joueur,  dtant  donné  le 

chiflre  de  sa  fortune,  les  quotités  moyennes  et  les  écarts 
moyens  de  ses  opérations 83 

39,  —  Quelque  irrégularité  qu'un  joueur  mette  dans   son  jeu,  on 

peut  toujours  en  trouver  les  véritables  éléments  par  la  con- 
sidération des  moyennes 85 

40  et  41.  —  Solution  de  deux  genres  de  questions  dont  la  démons- 
tration n'est  pas  donnée 86 

42.  —  Pourquoi  les  chances  de  perle  augmentent-elles  beaucoup  plus 

rapidement  à  la  Bourse  que  dans  tous  les  jeux  de  hasard  connus?      88 

43  et  44.  —  Les  trois  éléments  nécessaires  pour  calculer  les  chances 
de  perte  d'un  joueur,  font  toutes  suivre  à  ces  chances  la  même 
progression '       90 

45.  —  Comnienl  le  nombre  des  chances  de  perte  peut  devenir  le  plus 

grand  ou  le  plus  petit  possible 93 

46. — Du  jeu  prolongé  indéfiuimenl 94 

47.  —  Temps  dans  lequel  s'effectue  la  ruine  probable  du  joueur.   .     .      95 

48.  —  En  forme  de  conclusion 96 

SECONDE  PARTIE. 

49.  —  Distinction  des  deux  genres  de  spéculation.  Où  commence  l'a- 

bus, où  finit  l'usage? 101 

50.  —  C'est  le  résultat  xitile  qui  permet  de  tracer  une  ligne  de  dé- 

marcation  104 

51.  —  Quel  est  l'effet  produit  sur  les  cours  par  ciiacune  des  deux 

spéculations?  Que  serait  la  Bourse,  si  toutes  ses  opérations  se 

passaient  à  découvert? 107 

52.  —  Quelle  est  la  véritable  signification  des  variations  de  la  Bourse?  109 

53.  —  Comment  se  détermine  le  prix  des  choses 110 

54.  —  Existe-t-ii  une  mesure  absolue  des  valeurs? 112 

55  et  56.  —  Comment  l'emprunt  afiecte  le  prix  des  valeurs.  .     .     .  H  4 

57.  ~  Comment  la  quantité  des  titres  d'une  valeur  affecte  son  prix.  118 

63.  —  De  l'intérêt  variable  et  de  l'intérêt  fixe 120 


—  i>14  — 

59  et  60.  — Considération  des  risques.  Du  taux  plus  ou  moins  élevé 
de  l'intérêt,  et  ce  qu'il  faut  penser  des  valeurs  qui  rapportent 
de   très-forts  intérêts 123 

6î.  —  De  la  division  des  capitaux,  comme  moyen  d'aiténuerles  risques.     127 

62.  —  Théorie  des  reports  et  déports 129 

63.  —  Comment  le  jeu  élève  les  reports,  ou  peut  amener  du  déport.     131 

64.  —  Qu'arriverait- il  si  les  capitaux  et  les  titres  se  refusaient  à  ve- 

nir en  aide  au  découvert? 133 

65.  —  L'influence  du  jeu  est-elle  durable  ?  L'action  toujours  égale  à 

la  réaeiion 135 

66.  —  Les  tendances  du  Jeu,  opposées  à   celle  du  Capital.  Peut -on 

encore  prétendre  que  le  jeu  tempère  les  écarts  de  lu  spéculation? 

Où  est  l'erreur,  où  est  la  vérité  ? 137 

67.  —  De  quelle  utilité  serait  la  mesure  du  jifix  ahsoht,  des  valeurs.     140 

68.  —  Toutes  les  variations  de  la  Bourse  sont  le  produit  de  deux 

mouvements  simples 1 42 

69.  —  Des  causes  constantes.  A-t-on  raison  de   considérer  leur  in- 

fluence comme  nulle  ? 1 44 

70.  — Tableau  des  variations  de  la  Rente  Françaises  %,  plus  haut  et 

plus  bas  de  chaque  mois,  depuis  sa  création 148 

72.  —  De  l'iniluence  des  causes  constantes,  et  comment  ce  sont  les 

seules  qui  finissent  par  prévaloir 1 50 

72.  —  Marche  des  prix  de  la  Rente  dans  l'année  commune.  .  .  .  152 
73  et  74.  —  Exemples  nouveaux  de  l'influence  des  causes  constantes, 

même  dans  l'ordre  moral,  sur  un  certain  nombre  d'observalions 

ou  de   données 454 

75.  —  Comment   déterminer  le  véritable   prix   moyen  de  la  Rente 

Française? 158 

76.  —  Erreur  probable  du  résultat 160 

77.  —  Des  plus  grands  écarts  d'un  côté  de  la  moyenne.  En  quel  sens 

se  produisent-ils  à  la  Bourse? 161 

78.  —  Détermination  du  prix  probable,  représentant  la  valeur  la  plus 

approchée  de  la  Rente • 163 

79.  —  Des  valeurs   moyenne  et  probable.  Est-ce  que  le  cours  de  la 

Bourse,  dit  »2o|/e»,  représente  quelque  chose? 164 

80.  —  Comment,  dans  leurs  écarts,  les  prix  se  groupent  toujours  sy- 

métriquement autour  de  certains  axes  on  foyers  d'altraction. 
Exemple  pour  la  Rente  Francise 166 


-  215     - 

83.  —  Quels   sonl  les  axes  de  la   Rente,   et  coninieiit  ils  se  sont 

produits 168 

82.  —  Chaque  cours  de  la  Rente  a  plus  ou  moins  de  chances  de  durée.  170 
^3.  —  fomnicnt  les  écarts  se  distribuent  annuellement,  par  mois  et 
par  trimestres,  et  de  l'intluence  des  saisons  sur  les  variations 

des  cours i71 

8«.  —  Accord  de  l'expérience  et  de  la  théorie <73 

85  à  88.  —  Lois  des  écarts  extrêmes,  et  de  l'égalité  des  paris  sur  les 

variations  extrêmes HG 

89.  —  Du  rapport  enlre  les  écarts  direcis  et  les  écarts  extrêmes.     .  179 

30.  —  Explication  de  ce  rappoit 181 

91  et  S2.  —  Comment,  avec  quelques  cotes  de  bourse,  on  peut  trou- 
ver le  rapport  de  la  circonférence  au  diamfctre 182 

93.  —  Accord  des  deux  lois  de  la  variation  des  cours 186 

94. —  Résumé  de  la  Théoiie  des  Écarts 188 

95.  —  Tableau  des  écarts  de  la  Rente  Française 191 

96.  —  Comparaison  des  écarts  et  des  prix  de  la  Rente  Française  et 

de   la  Rente  Anglaise 193 

Conclusions 197 


FIN  DE  LA  TABLE. 


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