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Full text of "Ceuvres De EHenri Poincare La Section De Geometrie Tome XI"

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W.  I.  PATTERSON,  1865-1954 

Industrialist,  Civic  Leader,  Philanthropist 

Founder,  Steel  City  Electric  Company,  19O4 

Established  W.  I.  Patterson  Charitable  Foundation 


(EUVRES 

DE 

HENRI   POINCARE 

PUBLIEES 

SOUS  LES  AUSPICES  DE  L'ACADEMIE  DES  SCIENCES 

PAR 

LA   SECTION   DE  GEOMETR1E 


TOME  XI 

PUBLIE  AVEG  LA  COLLABORATION 

DE 

GERARD    PETIAU 

MA.ITRE   DE    RECHBACHES 


MEMOIRES  DIVERS  -  HOMMAGES  A  HENRI  POINCARfi 

LIVRE  DU  CENTENAIRE 
DE  LA  NAISSANCE  D'HENRI  POINCARE  (1854-1954) 


PARIS 
GAUTHIER-VILLARS,   EDITEUR-IMPRIMEUR-LIBRAIRE 

Quai  des  Grands-Augustins,  55 

1956 


MEMOIRES  DIVERS 


SUR 


LES  POINTS  SINGULIERS 

DES  EQUATIONS  DIFFERENTIELLES 


Comptes  rendus  de  I'Academie  des  Sciences,  t.  94,  p.  4*6~4iS  (i3  fevrier  1882). 


comme 
une 


J'envisage  deux  Equations  diflferentielles  simultan£es 

\  dx  __  dy  __  dz 

(1)  y  -  Y  -  T' 

ou  X,  Y,  Z  sont  des  polynomes  entiers  en  #,  y,  s.  Si  je  regarde  a?,  y,  *  uuj 
les  coordonn^es  d'un  point  dans  1'espace,  ces  deux  Equations  d^fmissent 
infinite  de  courbes  gauches  que  j'appelle  caracteristiques. 

Par  chaque  point  de  1'espace  passe  une  caractdristique  et  une  seule.  Les 
seuls  points  qui  ne  satisfont  pas  a  cette  r&gle  sont  les  points  singuliers,  c'est- 
a-dire  les  points  d'intersection  des  trois  surfaces 

(2)  X  =  o,        Y  =  o,        Z  =  o. 

En  g£n6ral,  ces'trois  surfaces  ne  se  couperont  pas  suivant  une  courbe,  et  les 
point  singuliers  seront  isol6s.  Pour  les  classer,  on  envisagera  1'^quation  en  S, 


(3) 


Nous  supposerons  que  cette  Equation  n'a  pas  de  racine  multiple,-  ni  de 


«^X 

dX. 

dX 

dx 

dy 

~d~z 

dY 

dY 

dY 

dx 

~dy  ~~ 

d^ 

dl 

dZ 

dZ       c 

§ 

dx 

Ty 

dz 

4  SUR   LES  POINTS  SINGULIERS. 

racine  nulle,  ce  qui  arrivera  en  g&i&ral.  II  y  aura  alors  quatre  sorles  de  points 
singuliers  : 

i°  Les  nceuds.  Liquation  (3)  a  toutes  ses  racines  r^elles  et  de  m6me  signe. 
Toutes  les  caract&ristiques  qui  p£n£trent  dans  une  petite  sphere  d^crite  autour 
du  point  singulier  viennent  converger  en  ce  point  :  exemple,  liquation 

dx  __  dy  __  dz 

x   ~~~  y   ~~  z 

dont  1'inttSgrale  g^nerale  s't^crit 

a        b        c 

a,  b,  c  dtant  les  constantes  d'int^gration. 

2U  Les  cols.  Liquation  (3)  a  toutes  ses  racines  r^elles,  mais  non  de  m£me 
signe.  Une  infinite  de  caract^ristiques,  dont  Fensemble  forme  une  surface, 
viennent  converger  au  point  singulier;  en  dehors  de  cette  surface,  il  existe 
encore  une  autre  caract^ristique  qui  vient  passer  par  le  point  singulier;  les 
autres  restent  constamment  a  une  distance  finie  de  ce  point  :  exemple, 

1'^quation 

dx  __  dy  __    dz 
j  •** 

dont  I'int^grale  g£n£rale  s'^crit 


Une  infinite  de  caract^ristiques, 

£ =y          ^=0 

a       b  **        ' 

situ^es  toutes  sur  la  surface  z  =  o,  viennent  passer  par  1'origine.  II  en  est  de 
m6me  de  la  caract^ristique 

x  =y  =  o. 

Les  autres  restent  a  une  distance  finie  de  1'origine. 

3°  Les  foyers.  L'gquatiori  (3)  a  une  racine  r6elle  et  deux  racines  imaginaires 
conjugu^es,  dont  la  somme  est  de  rn6me  signe  que  la  racine  r£elle.  Une  carac- 
t^ristique,  et  une  seule,  passe  par  le  foyer;  les  autres  tournent  autour  de  ce 
foyer,  en  s'en  rapprochant  asymptotiquement,  en  forme  de  spirales  et  de  tire- 
bouchons. 


SUR   LES   POINTS   SINGULIERS.  5 

4°  Les  cols-foyers.  Liquation  (3)  a  une  racine  r£elle  et  deux  racines  ima- 
ginaires  conjugue'es,  dont  la  somme  n'est  pas  de  merne  signe  que  la  racine 
re"elle.  Une  caracte'ristique,  et  une  seule,  passe  par  le  point  singulier;  une  infi- 
nite' d'autres,  dont  Fensemble  forme  une  surface,  tournent  autour  de  ce  point 
en  s'en  rapprochant  asymptotiquement;  les  autres  restent  a  une  distance  finie 
de  ce  point. 

CJn  cas  particulier  inte'ressant  est  celui  ou  les  trois  surfaces  (2)  se  coupeiit 
suivant  une  m&me  courbe,  qui  est  alors  une  ligne  singuliere. 

Conside'rons  un  point  de  cette  ligne  singuliere.  En  ce  point,  1'equation  (3)  a 
une  racine  nulle.  Tl  y  a  toujours  une  caracte'ristique  qui  passe  par  le  point 
singulier,  et  c'est  la  ligne  singuliere  elle-m6me. 

Les  points  d'une  iigne  singuliere  sont  d'ailleurs  de  trois  sortes  : 

i°  Les  nceuds.  L'e'quation  (3)  a  une  racine  nulle  et  deux  racines  re'elles  et  de 
m&me  signe.  Dans  le  voisinage  de  ces  points,  une  infinite'  de  caracl(3ristiques, 
dont  1'ensemble  forme  une  surface,  viennent  converger  en  chaque  point  de  la 
ligne  singuliere. 

2°  Les  cols.  L'e'quation  (3)  a  une  racine  nulle  et  deux  racines  r^elles  et  de 
signe  contraire.  Par  chaque  point  de  la  ligne  singuliere  passent  deux  caracte"- 
ristiques  (outre  la  ligne  singuliere  elle-m&me) ;  les  autres  restent  a  distance 
finie  de  cette  ligne. 

3°  Les  foyers.  L'e'quation  (3)  a  une  racine  nulle  et  les  deux  autres  imagi- 
naires  conjugue"es.  Toutes  les  caracte'ristiques  se  rapprochent  alors  asymptoti- 
quement de  la  ligne  singuliere. 

On  trouverait  des  singularite's  d'ordre  plus  elev<3  aux  points  qui  se'parent  les 
arcs  de  la  ligne  singuliere,  dont  tous  les  points  sont  des  noeuds,  des  arcs  dont 
tous  les  points  sont  des  cols  etde  ceux  dont  tous  les  points  sont  des  foyers. 


SUR 

LA  GENERALISATION  DTN  THEOREME  D'EULER 
RELATIF  AUX  POLYEDRES 


Comptes  rendus  de  C Academic  des  Sciences,  t.  117,  p.  i44~r45  (17  juillet  iSg3). 


On  sait  qu'Euler  a  d6montr6  que,  dans  un  poly&dre  convexe,  le  nombre  des 
sommets,  plus  celui  des  faces,  moms  celui  des  aretes,  est  6gal  a  2;  si  done  on 
design e  par  a0?  a2  et  «1?  ces  trois  nombres,  on  aura 


Ce  r£sultal  s'^tend  a  tous  les  poly&dres  simplement  connexes;  on  sait  que  si 
Pordre  de  connexion  est  £gal  a  PI,  la  formule  doit  s'^crire 


a0—  a!-h  a2=  3  —Pi. 


II  peut  toe  int&ressant,  au  point  de  vue  de  V  Analysis  situs  et  de  ses  appli- 
cations, de  voir  ce  que  devient  ce  thtfor&me  pour  un  poly&dre  situ6  dans 
Pespace  a  plus  de  trois  dimensions.  Consid^rons  done  un  poly&dre  situ6  dans 
Pespace  a  n+  i  dimensions,  et  soit  a0  le  nombre  des  sommets,  at  le  nombre 
des  aretes,  c'est-a-dire  des  gtements  a  une  dimension,  a2  celui  des  6l6ments  a 
deux  dimensions,  etc.;  et  enfm  zn  celui  des  6l^ments  a  n  dimensions.  On 
trouve  ais^ment 

«o  —  «i  -+-  «a  —  «a  H-  .  •  .  ±  <x«  =  const. 


Mais,  ce  qu'il  y  a  de  remarquable,  c'est  que  la  constante  du  second  membre 
depend  de  Pordre  de  connexion  si  n  est  pair,  et  qu'elle  est  toujours  nulle  si  n 
est  impair. 


GENERALISATION   D'UN   THEOREME   D'EULER.  7 

On  peut  s'en  rendre  compte  de  diverses  manieres ;  par  exemple  si  nous  d£si- 
gnons  par 

PI?     Pa?      •  •  •  3     P/z—  ij 

les  ordres  de  connexion  du  polyedre  de'finis  par  Riemann  et  Betti,  on  voit 
qu'on  a 

a0  —  at  -4-  a2  — •  •  .H-  aft=  3  --  PI  H-  P2  —  .  .  .—  Pn-i, 

si  71  est  pair  et 

oc0  —  «!  -h  a2  —  .  .  .  —  a/t  =  —  PI  -+-  P2  — .  •  •-!-  P«— i) 

si  H,  est  impair. 

Comme  les  nombres  de  Betti  Pq  et  Pn—q  sont  6gaux,  on  voit  que,  dans  le 
second  cas,  le  second  membre  est  nul,  ainsi  que  je  1'avais  annonc^. 

Ces  re'sultats  supposent  que  tous  les  elements  du  poljedre  sont  simplement 
connexes.  S'il  n'en  e"tait  pas  ainsi,  on  serait  conduit  a  une  formule  analogue, 
mais  plus  complique"e. 


H.  P.  -  XI. 


SUR 

LA  GENERALISATION 

D'UN  THEOREME  ELEMENTAIRE 

DE  GEOMETRIE 


Comptes  rendus  de  UAcademie  des  Sciences,  t.  140,  p.  113-117  (16  Janvier  1906). 


La  somme  des  angles  d'un  triangle  est  <5gale  a  deuxdroits;  mais  nous  n'avons 
aucun  th6or&me  analogue  pour  le  t£tra&dre. 

La  surface  d'un  triangle  sph6rique  est  proporlionnelle  a  l'exc£s  sph^rique; 
mais  nous  n'avons  aucun  th£or6me  analogue  pour  le  t6tra£dre  hypersph6rique 
trac6  sur  1'hypersph^re  de  1'espace  a  quatre  dimensions. 

On  peut  done  se  demander  si  les  lh£or&mes  en  question  sont  susceptibles 
d'etre  6tendus  aux  espaces  a  plus  de  trois  dimensions.  Ainsi  que  nous  allons  le 
voir,  le  premier  de  ces  th£or&mes  peut  £tre  g^n^ralis6  dans  tout  espace  d'un 
nombre  pair  de  dimensions,  mais  non  dans  les  espaces  d'un  nombre  impair  de 
dimensions.  Le  second  th6or&me  peut  &tre  6tendu  auxhypersph&res  des  espaces 
a  un  nombre  pair  de  dimensions,  mais  non  aus.  hypersph^res  des  espaces  a  un 
nombre  pair  de  dimensions. 

Flagons-nous  dans  1'espace  a  n  dimensions,  et  soient  £1,  £2,  •  •  • ,  £n  les  coor- 
donn6es  d'un  point  dans  cet  espace  et 

(0  ?!  +  ?!  +  • ..-4-^  =  1 

liquation  d'une  hypersph&re.  Soient 

(2)  X!  =  o?        Xs=o,        ...,        X^=o 


GENERALISATION   D'UN   THEOREMS.  9 

les  Equations  de  n  plans  passant  par  Porigine.  Alors  X1?  X2,  .  .  .  ,  Xn  sont  des 
polynomes  lineaires  et  homogenes  en  £1?  £2,  .  .  .,  %n.  Nous  pouvons  toujours 
supposer  qu'on  a  identiquement 

(3) 


En  effet,  quels  que  soient  ces  polynomes,  on  pourra  trouver  n  constantes  Xi, 
A2,  .  .  .  ,  \n  telles  que  JKA/Xf=  ^;  mais  comme  nous  pouvons  aussi  bien  ecrire 

les  Equations  des  plans  A/X/  =  o,  an  lieu  de  X/=  o,  nous  ne  restreignons  pas 
la  generalite  en  supposant  que  ces  constantes  sont  e'gales  a  i  . 

Ces  n  plans  (2)  divisentla  surface  de  1'hypersphere  (i)  en  a/l  regions,  qui  se 
distinguent  entre  elles  par  les  signes  des  polynomes  X.  L'une  de  ces  regions 
sera  le  tetraedre  hyperspherique  que  nous  voulons  etudier  et  que  j'appelle  T; 
ce  sera  par  exemple  celle  pour  laquelle  tous  les  polynomes  X  sont  positifs. 

Mais  ce  n'est  pas  tout  a  fait  comme  cela  que  nous  opererons;  nous  com- 
mencerons  par  diviser  1'hypersphere  en  deux  hemispheres  par  le  plan  £ra—  o, 
et  nous  envisagerons  seulement  I'he'misphere  £n!>o;  la  surface  de  cet  hemi- 
sphere sera  partagee  en  2n  —  i  regions  seulement;  car,  en  vertu  de  liqua- 
tion (3),  tous  les  X  ne  peuvent  &tre  n(§gatifs  si  leur  somme  ^n  est  positive. 

Pour  distinguer  ces  regions  les  unes  des  autres,  nous  d^signerons  chacune 
d'elles  par  les  indices  de  ecus:  des  polynomos  X  qui  sont  positifs  a  1'int^rieur 
de  cette  region.  Ainsi  la  region  ou  les  polynomes  X2,  XA,  X3  sont  positifs  et 
tous  les  autres  n^gatifs  sera  la  region  245.  Nous  appellerons  regions  Rp  celles 
OUJD  de  nos  polynomes  seront  positifs  et  qui  seront  de'signe'es  par  consequent 

n  \ 
par^>  indices.  Le  nombre  total  des  regions  Rp  est  6videmment  —  ?  —  £-  —  f- 

II  n'y  a  qa'une  seule  region  Rn  qui  est  le  t^traedre  T,  il  n'y  a  pas  de  region 
R0.  La  surface  des  diverses  regions  sera  evalue"e  en  prenant  pour  unite  la  surface 
de  1'hemisphere. 

Gela  pos6,  il  nous  faut  definir  les  angles  du  tetraedre;  et  distinguer  parmi 
eux  les  angles  diedres  ou  angles  Aa,  les  angles  triedres  ou  angles  Aa,  et  plus 
generalement  les  angles  Ap  limites  par  p  plans. 

Un  angle  A^  sera  done  Fensemble  des  regions  ou  les  p  polynomes  X  corres- 
pondant  aux  plans  limites  de  Tangle  sont  tous  positifs,  ou  tous  negatifs.  Ce 
sera  la  somme  des  surfaces  de  ces  regions  qui  sera  la  mesure  de  Tangle  Ap. 
Cela  revient,  pour  les  angles  diedres  par  exemple,  a  prendre  n  pour  unite 
d'angle. 


10  GENERALISATION   D'UN   THEOREMS. 

Les  regions  Rr/  faisant  partie  d'un  angie  A^  seront  celles  ou  les  p  polynomes 
X  correspondanl  aux  plans  limites  seront  tous  positifs  ainsi  que  q  —  p  autres, 
et  celles  ou  ces  p  polynomes  seront  tous  ne'gatifs  ainsi  que  n  —  q  —  p  autres. 

11  y  aura  done 

ti  —  p  !  n  —  p  ! 

_  i  _    _|_     _  f  _  , 

n  —  q  !  q  —  p  \        q\  n  —  p  —  q\ 

regions  R,y  dans  Tangle  A^.  Soil  alors  pp  la  somme  des  angles  A^;  nous  voyons 
que  chaque  re'gion  Kq  figurera 


q  —  />!/>!        ri  —  p  —  <7  ! 
fois  dans  cette  somrne  ;  d'ou 

•  =  n 

q  \  n  —  q  \ 


?  repr^sentant  la  somme  des  surfaces  de  toutes  les  regions  Rr/.  Posons 
alors 


avec 

B<7=22R?        pour    3=^' 
II  r^sulte  de  cette  definition  que 

B<7=  ¥>n-(f,  Brt=B0=T, 

liquation  (4)  peut  alors  s'e'crire  : 


•B,. 


Dans  cette  Equation,  Tindice  p  peut  prendre  les  valeurs  2,  37  .  .  . ,  n  —  i ; 
nous  comple'terons  done  le  tableau  des  Equations  (5)  en  posant 

(p.0=B0-f-  Bi-+-...-f-  Bn=2, 
|ii  =  Bi  •+-  2B2-+-... 4-  ^B^=  n, 
^=Bn=T. 

Toutes  ces  formules  (5)  et  (6)  peuvent  se  r^sumer  dans  I'ldentite" 

(7) 


GENERALISATION   D'UN   THEOREME. 

Gomme  on  a  B9—  R;z_9,  on  aura 


ou 

(8) 

ou,  en  egalant  les  coefficients  de  #/% 

_X^  n  —  q  \ 


(9)  1^=7 

l  ^      ^  •  -'  •        ,    p  _  q{  n_  pi 

Ces  relations  peuvent  d'ailleurs  se  mettre  sous  une  autre  forme.  Posons 

la  relation  (9)  deviendra 

(")  >•/» 


Ces  relations  sont  etablies  pour  p  ^/i;  mais  si  p^>n^  p.p  devient  nul  et 
n  —  p  !  infini,  de  sorte  que  ^p  est  inde'termine'.  Rien  n'emp&che  alors  de  sup- 
poser  que  ces  relations  de'finissent  encore  Ap  pour/?  >>  n.  On  remarquera  que 
ces  relations  (i  i)  sont  inde'pendantes  de  n.  Elles  peuvent  d'ailleurs  s'e'crire  : 

(12)  cp(^)  =  cp(—  a;)ex, 

d'ou  Ton  tire 


6(^72)  e'tant  une  se'rie  quelconque  proc^dant  suivant  les  puissances  de  #2.  La 
relation  (i3)  permet  de  calculer  les  "kp  et  par  consequent  les  p.^. 

Reprenons  I'e'quation  (9)  et  faisons-j  p  =  n.  Dans  le  premier  membre,  le 
coefficient  de  p.tl  est  i  et,  dans  le  second  membre,  4-  1  si  n  est  pair  et  —  i  si  n 
est  impair,  de  sorte  que  les  termes  en  \t.n  se  d^truisent  dans  le  premier  cas  et 
ii6  se  de'truisent  pas  dans  le  second. 

Si  done  n  est  impair,  c'est-a-dire  dans  un  espace  d'un  nombrc  impair  de 
dimensions,  il  y  a  une  relation  line'aire  entre  :  fx,j,  qui  repr^sente  la  surface  du 
te"traedre  hypersphe"rique  T;  (xw_i,  j^n-a,  -  -  -  ,  f^a  qu^  repr^sentent  les  sommes 
de  ses  angles  des  diffe'rents  ordres;  ^  et  JULO,  qui  sont  e'gaux  a  n  et  a  2.  C'est  la 
generalisation  du  theoreme  sur  le  triangle  spherique. 


LETTRES  DE  HENRI  POINCARE 
A  L.  FUCHS  (') 


Acta  Mathematica^  t.  38,  p.  175-184  et  185-187  (1921). 


Caen,  le  29  mai  1880. 
MONSIEUR  LE  PROFESSEUR, 

J'ai  lu  avec  le  plus  grand  int6r6l  le  remarquable  M^moire  que  vous  avez  fait 
insurer  dans  la  derni&re  livraison  du  Journal  de  Crelle  (2)  et  qui  a  pour  titre  r 
Ueber  die  Verallgemeinerung  des  Umkehr problems.  Veuillez  me  permettre, 
Monsieur,  de  vous  demander  au  sujet  de  ce  travail,  quelques  t^claircissements. 

Vous  d^montrez,  page  i5g  que  la  fonction  z  est  fonction  m^romorphe  de  £, 
toutes  les  fois  que  £  prend  une  valeur  correspondant  a  une  valeur  donn£e  de  z: 
que  cette  valeur  de  z  soil  un  point  ordinaire  ou  un  point  singulier,  qu'elle  soit 
finie  ou  infinie.  Vous  d^monlrez  ensuite,  page  160  que  cela  est  encore  vrai 
pour  £~oc  et  comme  conclusion  vous  dites  : 

«.  .  .so  ist  die  durch  die  Gleichung  (H)  definirte  Function  z  von  £  fur  alle 
Werthe  von  £  meromorph.  » 

II  s'agit  ici  de  toutes  les  valeurs  de  £  finies  et  infinies ;  cet  £nonc£  ferait  done 
entendre  que  z  est  fonction  m^romorphe  dans  toute  fetendue  de  la  sphere  et 
par  consequent  fonction  rationnelle  de  £;  on  en  conclurait  que  liquation  (A) 
est  toujours  int^grable  alg^briquement  ce  qui  n'est  pas  exact  comme  vous  le 
faites  voir  un  peu  plus  loin  page  168. 

( 1 )  Les  lettres  que  nous  publions  ici  sont  d'importance  pour  1'histoire  de  la  th£orie  des  fonc- 
tions  fuchsiennes.  Ce  sont  en  effet  ces  lettres  dont  parle  L.  Fuchs  dans  les  Nachrichten  von  der 
Konigl.  Gesellschaft  der   Wissenschaften  und  der  G.-A.-Universitdt,  Gottingen,   1882,  p.  83; 
Gesammelte  Mathematische  Werke^  Band  II,  p.  286. 

(2)  T.  89,  1880,  p.  i5i-i6g. 


I^  CORRESPONDANCE  AVEC   L.    FUCHS. 

A  quoi  tienL  cette  contradiction  ?  G'est  a  ce  que  les  valours  de  £  sont  de  trois 
sortes  : 

i°  Celles  qu'on  peut  faire  atteindre  a  la  fonction -—^  en  faisant  decrire  a  la 
n          r  <p(s) 

variable  z  surla  sphere  un  certain  contour  fmi  unnombre^/  de  fois. 

2°  Celles  qu'on  peut  faire  atteindre  a  cette  fonction  en  faisant  decrire  a  z  un 
contour  infini  ou  bien  un  contour  Jini  un  nombre  injini  de  fois. 

3°  Celles  qu'on  ne  peut  jamais  faire  atteindre  a  la  fonction  '^T~}  quel  que 
soit  le  contour  decrit  par  z  sur  la  sphere. 

Rien  ne  prouve  en  effet  a  priori  qu'il  n'j  ait  pas  des  valeurs  de  ces  trois 
sortes  et  me"me,  en  ge"ne"ral,  on  est  certain  qu'il  y  en  a  de  la  deuxieme  ou  de  la 
troisieme  sorte,  sans  quoi,  je  le  re'pete,  liquation  (A)  serait  int^grable  alge'- 
briquement. 

Mais  alors  il  me  semble  qu'il  faudrait  encore  d^montrer  que  z  reste  me'ro- 
morphe  quand  £  prend  une  valeur  de  la  deuxi&me  ou  de  la  troisieme  sorte,  et 
que  la  demonstration  que  vous  avez  donn^e  dans  votre  Memoire  ne  s'applique 
qu'a  celles  de  la  premiere  sorte. 

On  peut  en  effet  faire  plusieurs  hypotheses  : 

i°  on  peut  supposer  que  1'on  n'a  que  des  valeurs  de  la  premiere  sorte  et  alors  z 
est  rationnel  en  £; 

2°  on  peut  supposer  que  1'on  a  des  valeurs  de  la  premiere  et  de  la  deuxieme 
sorte  et  que  z  reste  monodrorne  quand  £  prend  une  des  valeurs  de  la  deuxieme 
sorte.  Dans  cette  hypothese  votre  the'oreme  trouverait  encore  son  application; 

3*}  on  peut  supposer  que  1'on  a  des  valeurs  de  la  premiere  et  de  la  deuxieme 
sorte,  mais  que  z  ne  revienne  pas  a  la  m£me  valeur,  quand  £  decrit  un  contour 
infiniment  petit  autour  d'une  des  valeurs  de  la  deuxieme  sorte; 


4°  on  peut  encore  imaginer  que  Ton  ait  des  valeurs  des  trois  sortes;  que  les 
valeurs  de  la  premiere  sorte  rcmplissent  la  region  du  plan  que  je  couvre  de 


CORRESPONDANCE   AVEC  L.    FUCHS.  1 5 

hachures  sur  la  figure,  que  le  p^rim^tre  de  catte  region  soil  forme  de  valeurs 
de  la  deuxi&me  sorte;  enfin  que  les  parlies  ext^rieures  a  ce  p6rim£tre  corres- 
pondent a  des  valeurs  de  la  troisi&me  sorte.  Alorsla  fonction  z  rfexiste  plus 
quand  £  sort  de  ce  perim&tre,  et  ne  peut  prendre  qu'une  seule  valeur  quand  £ 
reste  dans  ce  p£rim£tre.  Alors  z  n'est  pas,  a  proprement  parler  fonction  analy- 
tique  de  £;  mais  elle  est  eindeutig-en  £,  ce  qui  vous  suffit  pour  les  consequences 
que  vous  en  tirez; 

5°  on  peut  imaginer  que  Ton  ait  des  valeurs  des  trois  sortes,  disposes  comme 
dans  la  figure  ci-dessous,  ou  la  region  occupee  par  des  valeurs  de  la  premiere 
sorte  est  couverte  de  hachures.  Alors  z  pourrait  ne  pas  revenir  a  la  m6me 
valeur  quand  £  d£crirait  un  contour  tel  que  HHHH. 

Enfin  on  pourrait  encore  faire  miile  autres  hypotheses. 

Je  dois  avouer,  Monsieur,  que  ces  reflexions  m'ont  inspire  quelques  doutes 
sur  la  generalite  du  r6sultat  que  vous  annoncez,  et  j'ai  pris  la  liberty  de  vous 
en  parler,  dans  1'esperance  que  vous  n'auriez  pas  de  peine  a  les  eclaircir. 


Mon  adresse  est  :  Henri  Poincare,  Professeur  a  la  Faculty  des  Sciences  de 
Caen  (Calvados). 

Veuillez  agr^er,  Monsieur  le  Professeur,  1'assurance  de  ma  consideration 
respectueuse. 


Heidelberg  5  Juni  1880. 
GEEHRTESTER  HERR  COLLEGA  ! 

Da  ich  aus  Ihrem  geschatzten  Briefe  ersehe,  dass  Sie  deutsche  Abhandlungen  mit 
so  tiefem  Yerstandniss  zu  lesen  in  der  Lage  sind,  so  erlaube  ich  mir  bei  der  Beant- 
wortung  Ihres  Briefes  mich  auch  dieser  Sprache  zu  bedienen,  weil  ich  hoffen  darf, 
mich  auf  diese  Weise  klarer  ausdriicken  zu  konnen. 

Empfangen  Sie,  geehrtester  Herr,  vor  alien  Dingen  meinen  besten  Dank  nicht  nur 
ftir  das  Interesse,  welches  Sie  die  Gute  haben  meiner  jiingsten  Arbeit  entgegenzu- 


!6  CORRESPONDANCE   AVEC   L.    FUCHS. 

bringen,  sondern  auch  dafttr,  dass  Sie  mich  durch  Ihren  Brief  darauf  aufmerksam 
gemacht  haben,  dass  der  Satz  I  p.  161  meiner  Abhandlung  nicht  mit  gentigender 
Precision  ausgesprochen  1st. 

Wenn  Sie  in  der  That  das  Resume  vergleichen,  welches  ich,  vor  dem  Erscheinen 
meiner  Arbeit  im  Borchardtschen  Journal,  von  meinen  Resultaten  in  den  Nachrichten 
der  Gesellschaft  der  Wissenschaften  zu  Gottingen  (Februar  1880,  p.  170-176) 
gegeben  habe,  so  werden  Sie  daselbst  p.  178  finden,  dass  ich  dort  denselben  Satz  in 
der  Weise  ausgedruckt  habe,  dass  unter  den  tiber  die  Wurzeln  der  zu  den  verschie- 
denen  singularen  Punkten  gehorigen  determinirenden  Fundamental  gleichungen 
gemachten  Yoraussetzungen  durch  die  Gleichung 

<-• 


z  als  eindeutige  Function  von  £  definirt  werde. 

Gestatten  Sie  niir  nun  mit  wenigen  Worten  auf  die  Bedeutung  des  Satzes  einzu- 
gehen. 

Aus  den  Entwickelungen  meiner  Arbeit  in  Borchardtfs  Journal  (p.  i58-i6o) 
ergiebt  sich  Folgendes  :  Berechnet  man  fur  jeden  Werth  von  z  die  zugehorigen 
Werthe  von  f  ,  indem  man  z  alle  moglichen  Umlaufe  machen  lasst  —  gleichgiiltig 
ob  eine  endliche  oder  eine  unendliche  Anzahl  mal,  so  erhalt  £  von  z  abhangige 
Werthe,  so  lange  die  Umlaufe  nicht  so  bes  chaff  en  sind,  dass  dadurchf(z]  undy  (z) 
identisch  das  heisst  fur  jeden  Werth  von  z  unendlich  werden. 

Die  Werthe  von  £  fur  welche  nicht  f(z)  und  cp(js)  identisch  unendlich  werden, 
erfullen  in  der  £-Ebene  eine  einfach  zusammenhangende  Flache,  welche  ich  mit  S 
bezeichnen  will.  Diese  Flache  bedeckt  die  £-Ebene  nur  einfach  und  an  ihre  Begren- 
zung  liegen  diejenigen  Werthe  von  f  fur  welche  f(z)  und  cp(js)  identisch  unendlich 
werden.  Innerhalb  der  Flache  S  ist  z  fiber  all  eine  meromorphe  Function  von  £. 
Dieses  ist  der  Sinn  des  Satzes  I  p.  161,  und  ein  Weiteres  brauche  ich  fur  dieAnwen- 
dungen,  welche  ich  von  demselben  mache,  nicht. 

Ich  hoffe,  dass  Ihnen  diese  Worte  zur  Aufklarung  uber  den  Sinn,  welchen  ich  dem 
Satze  I  p.  161  beilege,  genugen  werden,  um  so  mehr  als  ich  aus  Ihrem  Briefe  ersehe, 
dass  Sie  sich  der  Ergriindung  der  vorliegenden  analytischen  Frage  bereits  mit  so 
grossem  Scharfsinn  gewidmet  haben. 

Genehmigen  Sie,  Hochgeehrter  Herr,  die  Versicherung  meiner  ausgezeichnetsten 
Hochachtung.  . 

L.  FUCHS. 


Caen,  le  12  juin  1880. 
Tn£s~HONORfi  MONSIEUR, 

Je  vous  demande  pardon,  d'avoir  tant  tardg  i  r^pondre  &  votre  aimable 
lettre;  mais  j'^tais  absent  de  Caen,  lorsqu'elle  est  arriv^e  a  son  adresse;  je  Fai 


CORRESPONDANCE  AVEC  L.    FUCHS.  17 

regue  ce  matin  seulement  et  je  1'ai  lue  avec  le  plus  grand  int£r£t.  Je  vous 
remercie  beaucoup  des  ^claircissements  que  vous  avez  bien  voulu  me  donner 
et  qui  m'ouvrent  des  vues  nouvelles  sur  cette  question.  Cependant,  si  je  ne 
craignais  d'abuser  de  votre  obligeance,  je  prendrais  la  liberty  d'appeler  encore 
votre  attention  sur  quelques  points  de  detail,  qui  me  semblenl  encore  un  peu 
obscurs. 

Je  suppose  que  sur  le  plan  des  z,  je  joigne  tous  les  points  singuliers  au 
point  oo  par  des  coupures,  puis  quo  je  fasse  mouvoir  z  dans  son  plan  de  telle 
sorte  qu'il  ne  francliisse  aucune  des  coupures.  f  va  alors  erfiillend&ns  son  plan 
une  cerlaine  surface  FQ  qui  sera  e"videmment  zusammenhangejid.  Faisons 
main  tenant  mouvoir  z  dans  son  plan  de  telle  sorte  qu'il  ne  puisse  franchir  les 
di verses  coupures  plus  demfois;  £  varestercompris  dans  une  nouvelle  surface  Fm 
qui  sera  toujours  zusammenhangencL  Quand  in  augmentera,  la  region  Fm  va 
s'6tendre  de  plus  en  plus  et  la  surface  que  vous  appelez  F  n'est  autre  chose  que 
la  limite  Fm  pour  m  =  oo.  Dire  *que  cette  surface  F  ne  recouvre  le  plan  que 
einfach)  c'est  dire  que,  quelque  grand  que  soit  /n,  Fni  ne  recouvrira  le  plan 
que  einfach. 

Or  cela  est-il  une  consequence  n^cessaire  de  votre  demonstration?  II  me 
semble  qu'il  faudrait  pour  le  faire  voir  ajouter  quelques  explications.  En  effet, 
comment,  lorsque  m  grandit,  la  region  Fm  peut-elle  arriver  a  se  rccouvrir  elle- 
m6me?  Ellc  peut  y  arriver  de  deux  manieres  ainsi  que  1'indique  la  figure 
suivante  ou  le  trait  plein  represents  le  contour  de  la  region  Fm  et  ou  cette 
region  est  recouverte  d'une  couche  de  hachures  pendant  que  les  parties  duplan 
OIL  F,n  se  recouvre  elle-meme  sont  couvertes  d'une  double  couche  de  hachures. 


2°  maniere. 


Votre  demonstration,  Monsieur,  me  parait  faire  voir  de  la  fa^on  la  plus 
claire,  que  la  region  Fm  ne  peut  se  recouvrir  elle-m^me  de  la  premiere  maniere ; 
mais  non  pas  qu'elle  ne  peut  se  recouvrir  elle-m&me  de  la  deuxieme  maniere. 
H.  P.  —  XI  3 


1 8  CORRESPONDANCE  AVEC   L.    FUCHS. 

Je  vois  bien  que  cela  est  vrai  lorsqu'il  n'y  a  que  deux  points  singuliers 
a  distance  finie.  Dans  ce  cas  j'arrive  en  effet,  par  des  considerations  un  peu 
diiferentes  a  d6monlrer  que  F/n  ne  pout  se  recouvrir  elle-m^mc  ni  de  la  premiere 
ni  de  la  deuxi£me  manure.  Alors  la  fonction  z  reste  eindeutig  dans  Tint^riear 
de  la  surface  F  qui  est  ici  un  cerclc. 

Mais  il  ne  me  parait  pas  evident  qu'il  en  soit  de  mOme  dans  le  cas  g&igral, 
de  sorte  que  je  me  demande  si  le  th£or<jme  est  encore  vrai  quand  il  j  a  plus  de 
deux  points  singuliers  a  distance  finie. 

Dans  le  cas  ou  ces  points  singuliers  ne  sont  qu'au  nombre  de  deux  je  trouve 
que  la  fonction  que  vous  avez  d^flnie  jouit  de  proprieties  fort  remarquables  et 
comme  j'ai  1'intention  de  publier  les  r^sultats  que  j'ai  obtenus,  je  vous  deman- 
derai  la  permission  de  lui  donner  le  nom  de  fonction  fuchsienne  puisque  c'est 
vous  qui  1'avez  dtscouverte. 

Je  vous  demanderai  aussi  la  permission  de  communiquer  votre  lettre 
a  M.  Hermite  qui  s'int^resse  a  la  question. 

Veuillez  agr^er,  tr&s  honors  Monsieur,  1'assurance  de  ma  consideration 
respectueuse. 

POINCAR&. 


Heidelberg  16  Juni  1880. 
GEEHRTER  HERR  COLLEGA  ! 

Empfangen  Sie  den  herzlichsten  Dank  fur  Ihr  freundliches  Schreiben  vom  12  Juni, 
wodurch  Sie  von  Neuem  ein  so  tief  eingehendes  Interesse  fiir  meine  Arbeit  kundzugeben 
die  Giite  gehabt  haben. 

Es  wiirde  mir  ein  besonderes  Vergniigen  bereiten  in  die  Discussion  der  von  Ihnen 
aufgestellten  Frage  einzutreten.  Jedoch  wiirde  ich  dadurch  Ihre  Geduld  zum  Ueber- 
fluss  in  Ansprucli  nehmen.  Denn  eine  Arbeit,  welche  ich  schon  vor  der  Veroflentli- 
chung  meiner  Resultate  in  den  Gottinger  Nachrichten  vom  Februar  dieses  Jahres  in 
Angriff  genommen,  seitdem  aber  —  well  mich  Anderes  beschaftigte  —  liegen  gelassen 
hatte,  habe  ich  nun  mehr  zu  Ende  gefiihrt.  Diese  Arbeit  (*)  enthalt  unter  Anderem 
das  Tableau  aller  DifFerenzialgleichungen  zweiter  Ordnung,  welche  ausser  den  iibrigen 
in  meiner  Abhandlung  angegebenen  Eigenschaften  noch  die  auf  p.  161  derselben 

Abhandlung  geforderte  Eigenschaft  besitzt,  dass  die  Gleichung    ^   ^  = 

C1)  Ueber  die  Functionen,  welche  durch  Umkehrung  der  Integrate  von  Ldsungen  der 
linearen  Differentialgleichungen  entstehen  (Nachrichten  von  der  Kdnigl,  Gesellschaft  der 
Wissenschaften  und  der  G.-A.-Universitat,  Gottingen,  1880,  Sitzung  am  3.  juli,  p.  445-453). 


CORRESPONDANCE  AVEC   L.    FUCHS.  19 

erfullt  wird  durch  ;;2— ^5   natiirlich  so  lange      /^  ttberhaupt  einen  bestimmten 

Werth  hat,  d.  h.  so  lange  nicht  f(z)  und  cp(s)  identisch  unendlich  werden.  Die 
Arbeit  enthalt  ausserdem  die  Integrate  aller  DifTerenzialgleichungen  des  Tableau's, 
und  fiir  jede  derselben  den  analytischen  Ausdruck  von  z  als  Function  von  £, 

Sie  sehen  also,  geehrter  Herr,  dass  diese  Arbeit  jede  weitere  Discussiontiberfliissig 
macht.  Ich  hoffe  die  Resultate  im  Laufe  der  nachslen  Wochen  zu  veroffentlichen, 
und  werde  mich  beehren  Ihnen  einen  Abzug  zu  schicken. 

Es  machte  mir  grosses  Vergniigen  in  Ihrera  Brief e  zu  lesen,  dass  Sie  in  Bezug  auf 
die  von  mir  definirten  Functionen  wichtiche  Resultate  gefunden  haben,  welche  Sie 
zu  veroffentlichen  beabsichtigen.  Dass  Sie  die  Giite  liaben  \vollen,  die  genannten 
Functionen,  mil  meinen  Namen  zu  bezeichnen,  ist  fiir  mich  sehr  ehrenvoll  und  macht 
mich  Ihnen  zu  Dank  verpflichtet. 

Es  ist  selbstverstandlich,  dass  ich  mil  Ihrem  Wunsche  mein  Schreiben  dem  Herrn 
Hermite  mitzutheilen  einverstanden  bin. 

Gereicht  mir  ja  das  Interesse,  welches  dieser  grosse  Mathemat&er  an  meinen 
Arbeiten  nimmt,  nur  zur  grossten  Genugthuung. 

Empfangen     Sie,     geehrter    Herr,    die    Versicherung    meiner   ausgezeichnetsten 


Hochachtung. 


L.  FUCHS. 


Caen,  le  19  juin  1880. 
MONSIEUR  ET  CHER  COLLEGUE, 

Je  ne  saurais  vous  dire  combien  je  suis  satisfait  d'apprendre  que  vous  avez 
completement  r^solu  le  probleme  qui  fait  1'objet  de  notre  correspondance  et 
combien  je  suis  de"sireux  de  recevoir  1'extrait  que  vous  avez  bien  \oulu  me 
promettre  et  dont  je  vous  suis  bien  reconnaissant  d'avance. 

Les  conditions  que  vous  aviez  pose'es  dans  votre  Me"moire,  pour  que  z  fut 
eindeutig  en  ?,  6taient,  si  je  me  rappelle  bien,  les  suivantes  : 


i  2  35 

—  ,  52  =  H Oil  Si  =   -  5  $2  =   -  • 

n  n  22 


Or  voici  d'abord  ce  que  je  trouve  au  sujet  des  Equations  qui  satisfont  a  ces 
conditions.  Si  on  les  re'duit  a  la  forme  canonique,  de  fagon  a  faire  disparattre 

le  terme  en  c-~-^  les  points  singuliers  situe's  a  distance  finie  et  tels  que  la  diffe"- 
rence  des  racines  de  I'e'quation  fondamentale  soit  i  disparaissent. 


20  CORRESPONDANCE  AVEC   L.   FUCHS. 

II  pent  arriver  alors  que  Ton  ait 

$i  =  O,  52—  —  I. 

Dans  ce  cas  on  posera 

z  —  a  =  t-i, 

si  a  est  un  des  points  singuliers  a  distance  finie;  puis  on  ramenera  de  nouveau 
1'equation  a  la  forme  canonique;  le  point  singulier  t  =  o  qui  correspondrait  an 
point  singulier  z  —  GO  disparail.  Quand  toutes  ces  operations  sont  effectuees  : 

i°  Pour  tous  les  points  singuliers,  soit  a  distance  finie,  soit  a  distance  infmie, 
la  difference  des  racincs  de  1'equation  determinante  est  une  partie  aliquote  de 
1'unite  et  est  diile'rente  de  i  . 

2°  Le  nombre  des  points  singuliers  a  distance  finie  (qui  n'ont  pas  disparu 
dans  les  operations  pr6c6dentes)  ne  pent  £tre  plus  grand  que  3. 

II  reste  alors  a  considerer  qualre  cas. 

Premier  cas.  —  Le  nombre  des  points  singuliers  finis  est  plus  petit  que  2. 
Alors  z  est  rationnel  en  £. 

Deuxieme  cas.  —  Le  nombre  des  points  singuliers  est  e'gal  as;  et  si  p1}  pa, 
p:i  sont  les  differences  des  racines  des  Equations  fondamentales  determinates 
relatives  a  ces  deux  points  et  a  z  =  oo,  on  a 


Alors  z  est  encore  rationnel  en  ^. 

Troisieme  cas.  —  Le  nombre  des  points  singuliers  est  2  rnais 

pt-4-  p2-t-  P3=I- 

Alors  z  est  une  fonction  doublement  p6riodique  de  £. 

Quatrieme  cas.  -—  Le  nombre  des  points  singuliers  est  3  et  il  faut  alors  que 
la  difference  des  racines  de  toutes  les  equations  determinantes  soit  i-  C'est  sur 

ce  dernier  cas  que  je  prendrai  la  liberte  d'attirer  votre  attention.  On  peut  en 
effet  former  liquation  differentielle  correspondante  de  la  fagon  suivante  : 
soit  A(u)  une  fonction  doublement  periodique  de  u  defmie  par  1'equation 
differentielle 


CORRESPONDANCE   AVEC   L,   FUCHS. 

H  £tant  un  poljnome  du  troisieme  degre  en  A.  Posons 


on  aura 

<:/w          I  cl-u  2  P' 


et  TI  satisfera  a  liquation  differenticlle 

.  _  _     P" 

dz^  [ 

ou 

(0 

L'autre  inte'grale  sera 

d'ou 


/0  [iHH"-lH;2-+-a2Hl 

d*t\  _        4  ib 

u^  - T|  L          FP          J ' 


Pour  que  £,  c'est-a-dire  A  fut  eindeutig  en  ^,  il  faudrait  que  la  fonction  A(&) 
admit  la  p^riode  —  ce  cjui  n^a  pas  lieu  en  general. 
Et  pourtant  si  1'on  pose 

rj^TuH"^ 

Y)i  se  trouve  lie'  a  ^  par  une  Equation  diffe'rentielle  line'aire  (2). 

L'e'quation  (2)  admet  trois  points  singuliers  a  distance  finie  et  1'un  aFinfini. 
Les  racines  de  liquation  d^terminante  sont  : 

i°  pour  les  points  a  distance  finie 


I  I  2 

=— i-h-         et         o  =  — i-h-; 

O.  9  'i 


2°  pour  le  point  a  1'infini 


i  2 

-         et         a  =  n 


L'e'quation  satisfait  done  aux  conditions 


i  2 

a  =  —  n  —         et         r2  =  —  n  —  ? 


!  =  i  H  —         et         s%  ==  n  — 


22  CORRESPONDANCE  AVEC   L.    FUCHS. 

et  pourtant  z  rfest  pas  eindeutig  en  £,  de  sorte  que  dans  ce  cas  particulier 
votre  th^ortsme  me  semble  en  defaut. 

Mais  ce  n'est  pas  tout,  et,  si  je  ne  craignais  d'abuser  de  votre  patience,  je 
vous  ferais  part  de  quelques  reflexions  que  m'a  suggerees  I'tHude  de  celie 
question. 

Les  conditions  que  vous  avez  poshes  : 


o  =  I  H 

n 


vous  les  avez  trouvees  en  cherchant  a  satisfaire  a  deux  hypotheses  :  i°  z  devait 
6tre  eindeutig  en  £;  2°  toute  fonction  rationnelle  et  symetrique  de  z±  et  de  ^2 
devait  6tre  eindeutig  en  u±  et  en  &2- 

Mais  si  Ton  ne  fait  que  la  premiere  hypoth^se  (z  eindeutig  en  £)  ces  conditions 
ne  sont  plus  necessaires.  Si  en  effet  1'objection  dont  je  vous  ai  parle  dans  ma 
derni^re  lettre  n'existait  pas,  les  conditions  que  1'on  trouverait  (en  raisonnant 
tout  a  fait  comme  vous  1'avez  fait  dans  votre  Memoire)  seraient  les  suivantes  : 
que  pour  tous  les  points  singuliers  la  difference  des  racines  des  equations 
determinates  fut  une  partie  aliquote  de  Punite.  On  aurait  ainsi  'une  classe 
d'^quations  baucoup  plus  etendue  que  celle  dont  vous  vous  6tes  occupe  et 
auxquelles  votre  th6or^me  s'appliquerait.  Malheureusernent  1'objection  que  j'ai 
soulev^e  exige  une  etude  plus  approfondie  de  la  question;  et  cette  etude,  je  n'ai 
pu  la  faire  que  dans  le  cas  ou  il  n'y  a  que  deux  points  singuliers  a  distance  finie. 

Soient  p1?  p2,  p3  les  differences  des  racines  des  trois  equations  determinantes. 
Si  Ton  a 

Pl 

z  est  rationnel  en  £. 
Si  1'on  a 


z  est  doublement  periodique  en  J.  % 

Ces  proprietes,  je  les  ai  deja  enoncees  plus  haul  et  d'ailleurs  vous  les  aviez 

sans  doute  deja  decouvertes. 
Tant  que  Ton  suppose 


i  =  I  H  --  »  Sj>  =  H  --  OU 


CORRESPONDANCE  AVEC   L.    FUCHS.  23 

on  ne  peut  avoir 

piH-  p2-H  pn<I. 

Mais  si  Ton  se  borne  a  la  premiere  Jiypotfiese  (z  eindeutig  en  £)  pi,  p2,  p3  ne 
sont  plus  assujetlis  qu'a  6tre  des  parlies  aliquotes  de  I'unite',  et  Ton  pent  avoir 


Alors  z  n'est  plus  rationnel,  ni  doublement  pdriodique  en  £,  mais  je  de"montre 
que  mon  objection  peut  6tre  leve'e  et  que  z  reste  eindeutig  en  £.  C'est  cette 
fonction  nouvelle  que  j'ai  appel6e  fonction  fuchsienne  et  a  1'aide  de  cette  trans- 
cendante  nouvelle  et  d'une  autre  qui  s'y  rattache  j'integre  1'^quation  diffe"ren- 
tielle  du  deuxieme  ordrc  a  deux,  points  singuliers  finis,  non  seulement  quand  pi, 
p2,  pa  sont  parties  aliquotes  de  1'unite;  mais  quand  pi,  p2,  pft  sont  des  quantite's 
commensurables  quelconques. 

La  fonction  fuchsienne  a  beaucoup  d'analogies  avec  les  fonctions  elliptiques  ; 
elle  n'existe  que  dans  l'inl,6rieur  d'un  certain  cercle  et  reste  me"romorphe 
a  1'int^rieur  de  ce  cercle.  Elle  s'exprime  par  le  quotient  de  deux  series  conver- 
gentes  dans  tout  ce  cercle. 

Je  ne  sais  rien  au  contraire  sur  les  Equations  difie'rentielles  quand  il  y  a  plus 
de  deux  points  singuliers  a  distance  fmie. 

Permettez-moi,  Monsieur,  de  vous  remercier  de  votre  complaisance,  de 
remercier  aussi  les  Equations  lin^aires  auxquelles  je  dois  le  plaisir  d'etre  entr£ 
en  correspondance  avec  vous. 

Veuillez  excuser  la  longueur  de  ma  lettre  et  agre"ez  1'assurance  de  ma 
respectueuse  consideration. 

PoiNCARfi. 


Caen,  le  3o  juillet  1880. 

MONSIEUR, 

Je  vous  remercie  beaucoup  de  Penvoi  que  vous  avez  bien  voulu  me  faire  de 
votre  petit  opuscule  (1).  Le  tableau  que  vous  donnez  des  inte'grales  de  toutes 
les  Equations  diffe'rentielles  leve  completement  tous  les  doutes. 

C1)  FbirlanoteC1),  p.  18, 


24  CORRESPONDANCE  AVEC   L.    FUCHS. 

C'est  dans  les  cas  III  (i)  et  IV  (r)  que  s'appliquait  mon  objeclion;  vous 
envisagez  en  efFet  1'^quation 


dz*        2       dz      dz        i>2  R 


CO  =  O, 


pour  laquelle  votre  th^or&me  est  ^videmment  vrai;  mais  si  aii  lieu  de  ^-  vous 

aviez  pris  un  coefficient  nume'rique  quelconque  a,  le  the'oreme  se  serait  trouve' 
en  de'faut,  quoique  les  conditions  que  vous  aviez  e'nonce'es  primitivement  et  qui 
sont  relatives  aux  racines  des  equations  de'terminantes  eussent  continue  a  <Hre 
remplies.  Comme  vous  aviez  n£glig6  d'e'noncer  cette  condition  supple'mentnire, 
relative  a  la  valeur  du  coefficient  numerique  de  ^j  je  m'y  6tais  laisse'  tromper 

et  vous  voudrez  bien  m'en  excuser. 

Permettez-moi  d'insister  sur  les  fonctions  auxquelles  j'ai  donnd  votre  nom  et 
que  j'ai  rencontre'es  dans  ces  recherches. 

Ces  fonctions  pre'senlent  avec  les  fonctions  elliptiques  les  plus  grandes 
analogies  et  sont  susceptibles  d'etre  repre'sente'es  par  le  quotient  de  deux  series 
convergentes,  et  cela  d'une  infinite'  de  manieres.  Parmi  ces  series,  il  y  en  a  qui 
sont  des  series  entieres  et  qui  jouent  le  role  de  fonction  Tlie'ta. 

Elles  sont  convergentes  dans  toute  I'e'tendue  d'un  certain  cercle  et,  en  dehors 
de  ce  cercle  elles  cessent  d'exister,  ainsi  que  la  fonction  fuchsienne  elle-m£me. 

En  dehors  de  ces  fonctions,  il  en  est  d'autres  qui  jouent  le  me'me  role  que  les 
fonctions  Ze'ta  dans  la  the'orie  des  fonctions  elliptiques  et  grace  auxquelles  j  'integre 
toutes  les  Equations  diffe'rcntielles  line'aires  d'ordre  quelconque  a  coefficients 
rationnels  toutes  les  fois  qu'il  n'y  a  que  deux  points  singuliers  a  distance  finie 
et  que  les  racines  des  trois  Equations  d(5terminantes  sont  commensurablcs.  J'ai 
imagine'  aussi  des  fonctions  qui  sont  aux  fonctions  fuchsiennes  ce  que  les 
fonctions  abeliennes  sont  aux  fonctions  elliptiques  et  grace  auxquelles  j'espere 
inte"grer  toutes  les  Equations  line'aires  quand  les  racines  des  Equations  d£ter- 
minantes  seront  commensurables. 

Enfin  des  fonctions  tout  §.  fait  analogues  aux  fonctions  fuchsiennes  me 
donneront,  je  crois,  les  inte'grales  d'un  grand  nombre  d'6quations  i  coefficients 
irrationxiels. 

Veuillez,  Monsieur,  agre'er  encore  une  fois  mes  remerciements,  ainsi  que 
1'assurance  de  ma  consideration  la  plus  distingue'e. 

POINCARJ&. 


CORRESPONDANCE  AVEC   L.    FUCHS.  25 

Caen,  le  20  mars  1881. 


MONSIEUR, 


Je  vous  remercie  beaucoup  du  Me'moire  que  vous  avez  eu  la  bonte  de 
m'envoyer  et  que  j'ai  lu  avec  le  plus  grand  inte're't. 

J'ai  continue  a  m'occuper  des  fonclions  auxquelles  j'ai  donn6  votre  nom  et 
j'espere  publier  procliainement  mes  re'sultats.  Ces  fonctions  comprennent 
comme  cas  parliculier  les  fonclions  elliptiques  d'une  part,  et  d'autre  part  la 
fonction  modulaire.  Ces  fonctions  et  d'antres  que  j'ai  appelees  z^tafuchsiennes 
permettent  d'inte'grer  : 

i°  Toules  les  Equations  diff^rcntielles  line"aires  a  coefficients  rationnels  qui 
ne  pre'sentent  que  trois  points  singuliers,  deux  a  distance  finie  et  1'un  a  Finfini. 
2°  Toules  les  Equations  du  deuxieme  ordre  a  coefficients  rationnels. 
3°   Un  grand  nombre  d'6quations  de  divers  ordres  a  coefficients  algebriques. 

Veuillez  agr^er,  Monsieur,  1'assurance  de  ma  consideration  la  plus  distingue'e. 


H.P.  —  XI. 


CORRESPONDANCE  DE  HENRI  POINCARE 
ET  DE  FELIX  KLEIN 


Acta  Mathematica^  t.  39,  p.  g4-i32  ( 1923). 


La  Correspondance  que  nous  publierons  ici  interessera  tous  les  geometres  comme 
un  document  humain.  On  eprouve  un  sentiment  de  reconfort  a  suivre  la  lutte,  a  armes 
courtoises,  dont  parlera  Poincare  dans  une  de  ses  lettres.  Dans  redition  allemande 
de  V Encyclopedic  des  Sciences  mathematiques  on  vient  de  tracer  1'histoire  de  la 
theorie  des  fonctions  automorphes.  Les  pages  suivantes  sont  de  nature  a  y  ajouter 
quelque  chose.  Elles  retraceront  le  developpement  de  cette  belle  theorie  d'une 
maniere  plus  intime  qu'on  ne  peut  le  faire  dans  une  Encyclopedic. 

Dans  quelques  pages  emouvantes  Henri  Poincare  a  raconte  la  genese  de  la  decou- 
verte  qui  est  son  plus  beau  titre  de  gloire.  Cette  decouverte  date  de  1'annee  1880  et 
comme  elle  fut  1'origine  de  la  Correspondance  suivante  nous  nous  permettons  de 
reproduire  ces  pages  (1). 

Depuis  quinze  jours,  je  m'efforcais  de  demontrer  qu'il  ne  pouvait  exister  aucime 
fonclion  analogue  a  ce  que  j'ai  appele  depuis,  les  fonctions  fuchsiennes;  j'etais  alors  fort 
ignorant.  Tous  les  jours,  je  m'asseyais  a  ma  table  de  travail,  j'y  passais  une  heure  ou 
deux  :  j'essayais  un  grand  nombre  de  combinaisons  et  je  n'arrivais  a  aucun  re'sultat.  Un 
soir,  je  pris  du  cafe  noir,  contrairement  a  mon  habitude;  je  ne  pus  m'endormir,  les  ide'es 
surgissaient  en  foule;  je  les  sentais  comme  se  heurter,  jusqu'a  ce  que  deux  d'entre  elles 
s'accrochassent,  pour  ainsi  dire,  pour  former  une  combinaison  stable.  Le  matin,  j'avais 
elabli  I'existence  d'une  classe  de  fonctions  fuchsiennes,  celles  qui  derivent  de  la  se'rie 
hyperge'ometrique.  Je  n'eus  plus  qu'a  re'diger  les  resultats,  ce  qui  ne  me  prit  que  quelques 
heures. 

Je  voulus  ensuite  representer  ces  fonctions  par  le  quotient  de  deux  series;  cette 
idee  fut  parfaitement  consciente  et  re'tle'chie;  Tanalogie  avec  Jes  fonctions  elliptiques  me 
guidait.  Je  me  demandai  quelles  devaient  etre  les  proprietes  de  ces  series,  si  elles  existaient, 
et  j'arrivai  sans  difficulte  ^  former  les  series  que  j'ai  appele'es  thetafuchsicnnes. 

A  ce  moment,  je  quittai  Caen,  ou  j'habitais  alors,  pour  prendre  part  k  une  course 
geologique  entreprise  par  1'Ecole  des  Mines.  Les  peripeties  du  voyage  me  firent  oublier 

(OH.  POINCAR&,  Science  et  Methode,  Paris,  1909,  p.  5o-53.  Voir  aussi  CEuvres  de  Henri 
Poincare,  Paris,  t.  2,  1916,  p.  67-58. 


CORRESPONDANCE   AVEC  F.   KLEIN.  27 

mes  travaux  mathematiques;  arrives  a  Coutances,  nous  montames  dans  un  omnibus  pour 
je  ne  sais  quelle  promenade.  Au  moment  ou  je  mettais  le  pied  sur  le  marchepied,  1'idee 
me  vint,  sans  que  rien  dans  mes  pensees  anterieures  parut  m'y  avoir  prepare,  que  les 
transformations  dont  j'avais  fait  usage  pour  definir  les  fonctions  fuchsiennes  etaient 
identiques  a  celles  de  la  geometric  non  euclidienne.  Je  ne  fis  pas  la  verification,  je  n'en 
aurais  pas  eu  le  temps,  puisque,  a  peine  assis  dans  1'omnibus,  je  repris  la  conversation 
commencee,  mais  j'eus  tout  de  suite  une  entiere  certitude.  De  retour  a  Caen,  je  verifiai 
le  resultat  &  tete  reposee  pour  Facquil  de  ma  conscience. 

Je  me  mis  alors  a  etudier  des  questions  d'arithmetique  sans  grand  resultat  apparent 
et  sans  soupgonner  que  cela  put  avoir  le  moindre  rapport  avec  mes  recherches  anterieures. 
Degoute  de  mon  insucces,  j'allai  passer  quelques  jours  au  bord  de  la  mer  et  je  pensai 
a  tout  aulre  chose.  Un  jour,  en  me  promenant  sur  la  falaise,  1'idee  me  vint,  toujours  avec 
les  memes  caracteres  de  brievete,  de  soudainete  et  de  certitude  immediate,  que  les  trans- 
formations ariihmetiques  des  formes  quadratiques  ternaires  indefinies  e'taient  identiques 
a  celles  de  la  geometric  non  euclidienne. 

Etant  revenu  a  Caen,  je  reflechis  sur  ce  resultat,  et  j'en  tirai  les  consequences; 
1'exemple  des  formes  quadratiques  me  montrait  qu'il  y  avail  des  groupes  fuchsiens  autres 
que  ceux  qui  correspondent  a  la  serie  hypergeometrique;  je  vis  que  je  pouvais  leur 
appliquer  la  theorie  des  series  thetafuchsiennes,  et  que,  par  consequent,  il  existait  des 
fonctions  fuchsiennes  autres  que  celles  qui  derivent  de  la  serie  hypergeometrique,  les 
seules  que  je  connusse  jusqu'alors.  Je  me  proposal  naturellement  de  former  toutes  ces 
fonctions;  j'en  fis  un  siege  systematise  et  j'enlevai,  Tun  apres  1'autre,  tous  les  ouvrages 
avances;  il  y  en  avail  un  cependant  qui  tenait  encore  et  dont  la  chute  devait  entralner 
celle  du  corps  de  place.  Mais  tous  mes  efforts  ne  servirenl  d'abord  qu'a  me  mieux  faire 
connaitre  la  difficulte,  ce  qui  etait  deja  quelque  chose.  Tout  ce  travail  fut  parfaitement 
conscient. 

La-dessus,  je  partis  pour  le  Mont  Valerien,  ou  je  devais  faire  mon  service  militaire; 
j'eus  done  des  preoccupations  tres  differentes.  Un  jour,  en  traversant  le  boulevard,  la 
solution  de  la  difficulte  qui  m'avait  arrete  m'apparut  tout  a  coup.  Je  ne  cherchai  pas 
&  1'approfondir  immediatementj  et  ce  fut  seulement  apres  mon  service  que  je  repris  la 
question.  J'avais  tous  les  elements,  je  n'avais  qu'a  les  rassembler  et  a  les  ordonner.  Je 
redigeai  done  mon  Memoire  defmitif  d'un  trait  et  sans  aucune  peine. 

D'autre  part,  dans  un  Cours  professe  a  TUniversite  de  Gottingen  pendant  1'annee 
universitaire  1915-1916,  M.  Klein  a  fait  un  recit  de  sa  decouverte  du  Zentral- 
theo7*em  dont  il  sera  question  dans  les  lettres  XY1II  et  XIX.  Nous  nous  permettons 
egalement  de  reproduire  ce  recit  (1). 

Den  Herbst  1881  verbrachte  ich  zu  meiner  Erholung  an  der  Nordsee  (in  Borkum), 
wo  ich  die  Schrift  (2)  iiber  Riemann  schrieb  und  das  Fundamentaltheorem  (Pt)  von 
Bd.  19  fand  (das  ich  dann  aber  erst  in  den  Weilmachtsferien  niederschrieb).  Entspre- 
chend  der  damaligen  Anschauung  der  Arzte  fasste  ich  den  Entschluss,  Ostern  1882  wieder 
an  die  Nordsee  zu  gehen  und  zwar  nach  Norderney.  Ich  wollte  dort  in  Ruhe  einen  2. 

(:)  F.  KLEIN,  Die  Entwicklung  der  Mathematik  im  19.  Jahrhundert  (Dritter  Teil,  Funk- 
twnentheorie  von  i85o  bis  ca.  1900). 

( 2 )  F.  KLEIN,  Ueber  Riemanrts  Theorie  der  algebraischen  Functionen  und  ihrer  Integrate, 
Leipzig,  1882;  Ges.  math.  Abh^  Berlin,  t.  3,  1928,  n°  99,  p.  499-^78. 

(3)  Ueber  eindeutige  Functionen  mit  linearen  Transformationen  in  sich  («  Das  Riickkehr- 
schnitt-theorem  »)  (Math.  Annalen,  t,  19,  1882,  p.  565-568);  F.  KLEIN,  Ges.  math.  Abh.,  Berlin, 
t.  3,  1928,  n°  101,  p.  622-626. 


2g  CORRESPONDANCE  AVEC   F.    KLEIN. 

Teil  meiner  Schrift  liber  Riemann  schreiben,  namlich  die  Existenzbeweise  fur  die 
algebraischen  Funktionen  auf  g-egebeaen  Riemannschen  Flachen  in  neuer  Form  ausar- 
beiten.  Teh  habe  es  dort  aber  nur  8  Tage  ausgehaken,  denn  die  Existenz  war  zu 
kiimmerlich,  da  heftige  Stiirrae  jedes  Ausgehen  unmoglich  machten  und  sich  bei  mir 
starkes  Asthma  einslellte.  Ich  beschloss,  schleunigst  in  meine  Ileimat  Diisseldorf 
iiberzusiedeln.  In  der  letzten  Nacht  vom  22.  zum  23.  Marz,  die  ich  wegen  Asthma  auf 
dem  Sofa  sitfcend  zubrachte,  stand  plotzlich  um  2  Va  Uhr  das  Zentrallheorem,  wie  es 
durch  die  Figur  des  14-Ecks  in  Bd.  XIV  dcr  Mathematischen  Annalen  ja  eigerillich 
schon  vorgebildet  war,  vor  mir.  Am  folgenden  Vormittag  in  dem  Postwagen,  der 
damals  von  Norden  bis  Emden  fuhr,  durchdachte  ich  das,  was  ich  gefunden  hatte,  nocli 
einraal  bis  in  alle  Einzelheiten.  Jetzt  wusstc  ich,  dass  ich  ein  grosses  Theorem  hatte. 
In  Diisseldorf  angekommen,  schrieb  ich  es  gleich  zusammen(1)3  datierte  es  vom  27.  Marz, 
schickte  es  an  Teubner  und  liess  Abziige  der  Korrekturen  an  Poincare  und  Schwarz 
und  beispielsweise  Hurwitz  gehen. 

Wie  Poiacare  am  10.  April  in  den  Comptes  rendus  reagierie  (2),  habe  ich  er/.ahlt. 
Mir  selbst  aber  schrieb  cr  :  ,,  Les  resultats  que  vous  enoncey,  m'intercsscnt  beaucoup, 
voici  pourquoi ;  je  Jes  avais  trouves  il  y  a  deja  quelque  temps  . . , ".  Wie  so  und  wie  lange 
er  es  kannte,  hat  er  nie  geiiussert.  Es  ist  begreiflick,  dass  die  Beziehung  zwischen  uns 
eine  gewisse  Spannung  annahm.  Schwarz  hinwieder  war  infolge  mangelhafter  Konstan- 
tenzahlung  zunachst  der  Meinung,  das  Theorem  miisse  falsch  sein;  er  hat  dann  aber 
spater  zu  neuen  Beweismethoden  wesentliche  Grundgedanken  geliefert. 

Mit  dem  Beweise  lag  es  in  der  Tat  sehr  schwierig.  Ich  benutzte  die  sogenannte 
Kontinuitatsmethode^  welche  die  Mannigfaltigkeit  der  Riemannschen  Fliichen  eines 
gegebenen  p  der  entsprechenden  Mannigfaltigkeit  automorpher  Gruppcn  mit  Grenzkrcis 
gegeniiberstellt.  Ich  habe  nie  gezweifelt,  dass  die  Beweismethode  richtig  sei,  aber  ich 
stiess  iiberall  zuf  Unferligkeiten  meiner  funktionentheoretischen  Kenntnisse  bezw.  der 
Funktionentheorie  uberhaupt,  deren  Erledigung  ich  vorlaufig  nur  postuliercn  konnlc, 
und  die  in  der  Tat  erst  3o  Jahre  spater  (1912)  durch  Koebe  voll  erledigt  worden  sind. 

Dies  konnte  mich  nicht  abhalten,  im  Sommer  1883  noch  allgemeinere  Fundamental- 
iheoreme  aufzustellen,  welche  Bd.  19  und  Bd.  20  gemeinsam  umfassen,  und  die  Ausar- 
beitung  der  g-anzen  Konzeption  zunachst  durch  Seminarvorlrage  vorzubereiten,  die 
Study  damals  niederschrieb.  Ich  habe  die  grosse  Mehrzahl  meiaer  Arbeiten  in  der  Weise 
fertiggestellt,  dass  ich  zunachst  bez.  Vorlesungen  hielt  und  in  den  Ferien  dann  die 
Redaktion  folgen  liess.  In  den  Herbstferien.  1882  in  Tabarz  (Thuringen)  ist  dann  die 
Abhandlung  des  Bandes  21  entstanden  und  am  2.  Oktober  1882  abgeschlossen  worden  (:5j. 
So  unvollkommen  und  unerledigt  dort  auch  manches  ist,  die  Koristruktion  des  Gedan- 
kenganges  im  Grossen  ist  geblieben  und  auch  durch  die  zunachst  folgenden  Abhandlungen 
Poincares  in  den  Banden  1,  3,  45  o  der  eben  damals  gegriindeten  Acta  Mathematical 
nicht  verschobea  worden. 

Nous  ferons  suivre  maintenant  la  Correspondance  qui  commence  ail  mois  de 
juin  1881;  elle  s'est  poursuivie  pendant  quinze  mois  et  elle  fut  interrompue  par  une 


(1)  Gedruckt  in  Math.  Annalen,  t,  20,  1882,  p.  4g-5i;  F.  KLEIN,  Ges.  math.  Abh.^  Berlin,  t.  3, 
1923,  11°  102,  p.  627629  («  Das  Grenzkreistheorem  »). 

(2)  Sur  les  fonctions  fuchsiennes  (C.  JR.  Acad.  Sc.,  t.  94,  1882,  p.  io38-io4o);  OEwres  de 
Henri  Poincare,  Paris,  t.  2,  1916,  p.  4i-/|3. 

(3)  Neue  Beitrage  zur  Riemannschen  Fuiictionentheorie  (Math.  Annalen,  t.  21,  i882-i8S37 
p.  i4i-ai8);  (F.  KLEIN,  Ges.  math.  Abh.,  Berlin,  U  3,  1928,  n°  103,  p.  680-710  («  Das  allgemeine 
Fiiadameataltheorem  »  stelit  daselbst  in  Abschnitt  IV). 


CORRESPONDANCE  AVEC   F.    KLEIN.  29 

maladie  de  M.  KLEIN.  Nous  avons  ajoute  quelques  notes  qui  faciliteront  aux  lecteurs 
de  trouver  rapidement  les  Ouvrages  dont  il  sera  question  dans  les  lettres. 

N.  E.  NORLUND. 


Leipzig-  12.  Juni  1881. 
SUHII  GEEHRTEU  HEUR  ! 

Ihre  3  Noten  in  den  Complex  rendus  :  Sur  les  f auctions  fncksiennes  ([),  die  ich 
erst  gesteni,  and  auch  da  nur  iluchtig  kennen  lernte,  stehen  in  so  engem  Zusam- 
menhange  mil  den  Ucberlegungen  und  Bestrebungen,  mil  denen  icli  mich  in  den 
letzten  Jahren  beschaftigte,  dass  ich  Ihnen  deshalb  schreiben  muss.  Icb  rnochte 
mich  zuniicbst  auf  die  verschiedenen  Avbeiten  beziehen,  die  ich  in  den  Banden  XIV  (-), 
XV  (3),  XVII  (*)  der  Mathematischen  Annalen  iiber  elJiptische  Funktionen 
verofTentlichte.  Es  handelt  sich  bei  den  elliptischen  Modulfanktionen  natiirlich  nur 
um  einen  speziellen  Fall  der  von  Ihnen  betrachteten  Abhangigkeilsverhallnisse;  aber 
ein  naherer  Vergleich  wird  Ihnen  zeigen,  dass  ich  sehr  wohl  allgemeine  Gesicht- 
spunkte  hatte.  Ich  niochte  Sie  in  dieser  Ilinsicht  auf  einige  besondere  Punkte 
aufmerksam  machen  : 

Bd.  XIV  p.  128  handelt  von  denjenigen  alg,  Funktionen,  die  sich  durch  Modul- 
funktionen  darstellen  lassen,  ohne  mil  den  doppeltperiodischen  Funktionen  zusam- 
naenzuhangen.  —  Dann  folgt,  zunachst  am  speziellen  Falle,  die  wichtige  Theorie  der 
Fundamentalpoljgone . 

Bd.  XIV  p.  1 59-160  ist  davon  die  Rede,  dass  man  alle  hjpergeometrischen 
Reihen  als  eindeutige  Funktionen  geeigneter  Modulfunktionen  darstellen  kann. 

Zu  Bd.  XIV  p.  4^8  fF.   gehort  eine  Tafel,  welche  die  Aneinanderlagerung  von 

7T      7T     71 

Kreisbogendreiecken  mit  den  Winkeln  —  j  ^  —  erlautert  [was  also  ein  Beispiel  der 

7     <5    2 

von  Halphen  (s)  betrachteten  partikularen  Funktionenklasse  ist],  wobei  ich  inzwis- 


(')  C.  It.  Acad.  So.,  t.  92,  1881,  p.  333-335  (i4  f evrier),  p.  3g5-3g6  (21  jevrier}  et  p.  869-861 
(4  avril);  OEuvres  de  Henri  Poincare,  Paris,  t.  2,  1916,  p.  i-io. 

(2)  Ueber    die     Transformation    der    elliptischen    Functional    und    die    Auflvsung    der 
Gleichungen  fun/ten  Grades  (Math.  Annalen,  t,  14,  1879,  p.  111-172;  Ueber  die  Erniedrigung 
der  Modulargleichungen  (ibid.,  p.  417-427);  Ueber  die  Transformation  siebenter  Ordnung  der 
elliptischen  Functionen  (ibid.,  p.  428-471),*  F.  KLEIN,  Ges.  math.  Abh.,  Berlin,  t.  3,  1928,  n°  82, 
p.  13-76,  n°  83,  p.  76-89,  n°  84,  p.  go-i35. 

(3)  Ueber  Multiplicatorgleichungen  (Math.  Annalen,  t.  15,  1879,  p.  86-88);  Ueber  die  Trans- 
formation elfter   Ordnung  der  elliptischen  Functionen  (ibid.,  p.  533-555);  F.  KLEIN,   Ges. 
math.  Abh.,  Berlin,  t.  3,  1923,  n°  85,  p.  187-139,  n°  86,  p.  i4o-i65. 

(*)  Zur  Theorie  der  elliptischen  Modulfunctionen  (Math.  Annalen,  t.  17,  1880,  p.  62-70); 
F.  KLEIN,  Ges.  math.  Abh.,  Berlin,  t.  3,  1923,  n°  87,  p.  169-178. 

(5)  Sur  des  fonctions  qui  proviennent  de  V equation  de  Gauss  (C.  R.  Acad,  Sc.,  t.  92, 
1881,  p.  856-858);  CEuvres  de  G.  H.  Halphen,  Paris,  t.  2,  1918,  p. 


3o  CORRESPONDANCE   AVEC   F.    KLEIN. 

chen  bemerken  muss,  dass  schon  in   Crelle's  Journal  Bd.  LXXY  Fir.  Schwarz  (!) 

den  Fall  ->  T?  ^  erlauterte. 
244 

Bel.  XVII  p.  62  jfT.  bringe  ich  sodann  in  knapper  Uebersicht  die  gereifteren  Anschau- 
ungen,  mil  denen  ich  mir  in  der  Zwischenzeit  die  Tlieorie  der  elliptischen  Modulfunk- 
tionen  zurecht  gelegt  batte. 

Diese  Anschauungen  selbst  habe  ich  nicht  publiziert,  ich  habe  sie  aber  im 
Somnier  1879  am  Munchener  Polytechnikum  vorgetragen.  Mein  Gedankengang, 
der  mit  dem  jetzt  von  Ihnen  eingeschlagenen  nun  vielfach  zusammentrifTl,  war  damals 
dieser  : 

1.  Periodische  und  doppeltperiodische  Funktionen  sind  nur  Beispiele  fur-  ein- 
deutige  Funktionen  mit  linearen  Transformationen  in  sicli.  Es  ist  Aufgabe  der 
modernen  Analysis,  alle  diesen  Funktionen  zu  bestimmen. 

"2.  Die  Anzabl  dieser  Transformationen  kann  eine  endliche  sein ;  dies  gibt  die 
Gleichungen  des  Ikosaeder's,  Oktaeder's  . .  .  die  ich  friiber  betrachtete  (Math. 
Annalen,  IX (2),  XII  (:!)  und  von  denen  ich  bei  Bildung  dieses  ganzen  Ideenkreises 
ausging. 

3.  Gruppen  von  unendlich  vielen  linearen  Transformationen,  die  zu  brauchbaren 
Funktionen  Anlass  geben  (groupe  discontinu  nach  Ihrer  Bezeichnung)  erhalt  man 
zum  Beispiel,  wenn  man  von  einem  Kreisbogenpolygon  ausgeht,  dessen  Kreise  einen 
festen  Kreis  rechtwinkelig  schneiden  und  dessen  Winkel  genaue  Theile  von  TT  sind. 

4.  Man  sollte  sich  mit  alien  solchen  Funktionen  beschaftigen  (wie  Sie  das  in  der 
That  jetzt  beginnen),  um  aber  konkrete  Ziele  zu  erreichen,  beschranken  wir  uns  auf 
Kreisbogendreiecke  und  insbesondere  auf  elliptische  Modulfunktionen. 

Ich  habe  mich  seitdem  vielfach,  auch  in  Gesprachen  mit  anderen  Mathematikern, 
mit  diesen  Fragen  beschaftigt,  aber  abgesehen  davon,  dass  ich  noch  zu  keinem 
definitiven  Resultate  gekommen  bin,  gehort  das  am  Ende  nicht  hierher.  Ich  will 
mich  auf  das  beschranken,  was  ich  publizirtoder  vorgetragen  habe.  Vielleichthatte 
ich  mich  schon  fruher  mit  Ihnen  oder  einem  Ihrer  Freunde,  wie  z.  B.  Herrn  Picard  (*), 
in  Verbindung  setzen  sollen.  Denn  der  Ideenkreis,  in  welchem  sich  Ihre  Arbeiten 
seit  2-3  Jahren  bewegen,  ist  mit  dem  meinigen  in  der  That  ausserst  enge  verwandt. 
So  wird  mich  freuen,  weun  dieser  mein  erster  Brief  Anlass  zu  einer  fortgesetzten 
Korrespondenz  geben  sollte.  Ich  bin  freilich  im  Augenblicke  dutch  andere 
Verpflichtungen  von  diesen  Arbeiten  abgedrangt,  aber  babe  um  so  mehr  Anlass, 

(J)  Ueber  diejenigen  Fdlle,  in  welchen  die  Gaussische  hyper geometrische  JReihe  eine 
algebraische  Function  ihres  vierten  Elementes  darstellt  (J.  reine  angew.  Math.,  t.  75,  1878, 
p.  202-335);  H.  A.  SCHWARZ,  Ges.  math.  Abh.,  Berlin,  t.  2,  1890,  p.  211-259. 

(3)  Ueber  bindre  Formen  mit  linearen  Transformationen  in  sich  selbst  (Math.  Annalen, 
t,  9,  1876,  p.  183-208);  F.  KLEIN,  Ges.  math.  Abh,  Berlin,  t.  2,  1922,  n(>  51,  p.  275-801. 

(3)  Ueber  lineare  Differentialgleichungen  (Math.  Annalen,  t.  12,  1877,  p.  167-179);  Weitere 
Untersuchungen  uber  das  Ikosaeder  (ibid.,  p.  5o3-56o);  F.  KLEIN,   Ges.  math.  Abh.,  Berlin, 

,  t.  2,  1922,  n°  52,  p.  307-820  et  3ai-384. 

( 4 )  Wiirden  Sie  Herrn  Picard  obgleich  es  ein  uatergeordneter  Pankt  ist,  vielleicht  gclegentlich 
auf  Annalen,  t.  14,  p.  122,  §  8  aufmerksam  machen! 


CORRESPONDANCE  AVEC  F.   KLEIN.  3 1 

in  einigen  Monalen  zu  denselben  zuriickzukehren,  als  ich  fur  nachsten  Winter  eine 
Vorlesung  uber  Differentialgleichungen  angezelgt  habe. 

Herrn  Hermite  wollen  Sie  mich  bestens  empfehlen.  Ich  dachte  lange  daran,  mil 
ihm  briefliche  Verbindung  zu  suchen,  und  wtirde  das,  wie  ich  nicht  zweifele  zu 
meinem  grossten  Vortheile,  schon  langst  ausgefiihrt  haben,  wenn  ich  nicht  in  der 
Sprache  ein  gewisses  Hemmniss  gefunden  hatte.  Ich  bin,  wie  Sie  vielleicht  wissen, 
lange  genug  in  Paris  gewesen,  um  franzosisch  sprechen  und  schreiben  zu  sollen  ;  in 
der  Zwischenzeit  aber  ist  letztere  Fahigkeit  durch  Nichtgebrauch  nur  zu  sehr 
verktimmert. 

Hochachtungsvoll 

Prof.  Dr.  F.  KLEIN. 
Adresse  :  Leipzig,  Sophienstrasse  10/11. 


MONSIEUR, 


II. 

1 5  juin. 


Votre  lettre  me  prouve  que  vous  aviez  apercu  avant  moi  quelques-uns  des 
r^sultats  que  j'ai  obtenus  dans  la  th^orie  des  fonctions  fuchsiennes.  Je  n'en 
suis  nullement  £tonn6;  car  je  sais  cornbien  vous  £tes  verse  dans  la  connaissance 
de  la  g6om6trie  non  euclidienne  qui  est  la  clef  veritable  du  probl^me  qui  nous 
occupe. 

Je  vous  rendrai  justice  a  cet  6gard  quand  je  publierai  mes  rgsullats; 
j'esp&re  pouvoir  me  procurer  d'ici  la  les  tomes  14,  15  et  17  des  Mathema- 
tische  Annalen  qui  n'existent  pas  a  la  bibliothkque  universitaire  de  Caen. 
Quant  a  la  communication  que  vous  avez  faite  au  Polytechnicum  de  Munich, 
je  vous  demanderai  de  vouloir  bien  me  donner  quelques  details  a  ce  sujet, 
afin  que  je  puisse  ajouter  a  mon  M6moire  une  note  vous  rendantpleine  justice; 
car  sans  doute,  je  ne  pourrai  me  procurer  directement  votre  travail. 

Comme  je  ne  pourrai  sans  doute  me  procurer  immediatement  les  Mathe- 
matische  Annalen,  je  vous  prierais  aussi  de  vouloir  bien  me  donner  quelques 
explications  sur  quelques  points  de  votre  leltre.  Vous  parlez  de  die  elliptischen 
Mo  d  u  Ifunktionen . 

Pourquoi  ce  pluriel?  Si  la  fonction  modulaire  est  le  carr^  du  module  exprim<§ 
en  fonction  du  rapport  des  p^riodes,  il  n'y  en  a  qu'une;  il  faut  done  entendre 
autrement  1'expression  Modulfunktionen. 


32  CORRESPONDANCE  AVEC   F.   KVEIN. 

Que  voulez-vous  dire  par  ces  fonctions  alg^briques  qui  sont  susceptibles 
d'etre  repr6sent£es  par  des  fonctions  modulaires  ?  Qu'est-ce  aussi  que  la 
Theorie  der  Fundament alpoly gone  ? 

Je  vous  demanderai  aussi  de  m'^clairer  sur  les  points  suivants  :  Avez  vous 
trouv(5  tous  les  Kreisbogenpolygone  qui  donncnt  naissance  a  un  groupe 
discontinu? 

Avez-vous  dtjmonlr^  1'existence  des  fonctions  qui  correspondent  a  chaque 
groupe  discontinu? 

J'ai  ecrit  a  M.  Picard  pour  lui  commimiquer  votre  remarque. 

Je  me  felicite,  Monsieur,  de  1'occasion  qui  me  met  en  rapport  avec  vous, 
j'ai  pris  la  liberte  de  vous  ecrire  en  frangais ;  car  vous  me  dites  que  vous 
connaissez  cette  langue. 

Veuillez  agr^er,  Monsieur,  1'assurance  de  ma  respectueuse  consideration, 

POINCARE. 


GEEHRTER  HERR  ! 


III. 

Leipzig  19.  Juni  1881. 


Als  ich  gestern  Ihren  willkornmenen  Brief  erhielt,  sandte  ich  Ihnen  umgehend 
Separatabziige  von  denjenigen  auf  unser  Thema  beziiglichen  Arbeiten  zu,  von  denen 
ich  solche  iiberhaupt  noch  besitze.  Lassen  Sie  mich  heute  diese  Sendung  durch 
einige  Zeilen  erlautern.  Mit  dem  einen  Briefe  wird  es  freilich  nicht  abgelhan  sein, 
sondern  wir  werden  viel  korrespondieren  miissen,  bis  wirwechselseitig  voile  Fuhlung 
gewonnen  haben.  Ich  mochte  heute  folgende  Punkte  hervorheben  : 

1.  Unter  den  iibersandten  Arbeiten  fehlen  die  3  wichtigsten  aus  dem  14.     Bande 
der  Annalen,  desgleichen  meine  Untersuchungen  uber  das  Ikosaeder  in  Bd.  9  und  12, 
sowie  meine  zweite  Arbeit  uber  lineare  DifTerentialgleichungen  (die  auch  Urn.  Picard 
unbekannt  scheint)  ebenfalls  in  Bd.  12.    Ich  bitte  Sie,  sich  dieselben  irdendwo  zu 
verschaffen.     Separatabziige  sandte  ich  verschiedene  nach  Paris,  z.  B.  an  llermite. 

2.  An   meine   eigenen  Arbeiten   schliessen   sich   die  meiner  Schiller  Djck  und 
Gierster.     Ich   benachrichtige  beide,  Ihnen  Separatabziige  zuzustellen.     Eine  auf 
dieselben  Theorien  beztigliche  Doktordissertation  von  Hrn.  Hurwitz  (1)  wird  eben 
gedruckt  und  Ihnen  in  einigen  Wochen  zukommen. 

3.  Seit    vorigem    Herbst   ist    einer  Ihrer  Landsleute   hier,    dessen   Namen    Sie 

(*)  Grundlagen  einer  independenten  Theorie  der  elliptischen  Modulfunktionen  und  Theorie 
der  Multiplikatorgleichungen,  1.  Stufe,  Leipzig,  1881 ;  Math.  Annalen,  t.  18,  1881,  p.  628-592. 


CORRESPONDANCE  AVEC   F.    KLEIN.  33 

vermuthlich  kennen,  da  er  zusammen  mil  Picard  und  Appell  studirte  :  Mr.  Brunei 
(Adr.  Liebigstrasse  38/2).  Vielleicht  interessirt  es  Sie,  auch  mil  ihm  in  Korre- 
spondenz  zu  treten;  er  wird  Ihnen  von  den  hiesigen  Seminareinrichlungen  und 
von  der  Rolle,  welche  eben  dort  die  eindeutigen  Functionen  mil  linearen  Trans  for- 
mationen  in  sich  gespielt  haben,  besser  erzahlen  konnen,  als  ich  selbst. 

4.  Ich  habe  Sommersemester  1879  von  Hrn.  Gierster  ein  Heft  meiner  Vorlesung 
ausarbeiten  lassen.     Im  Augenblicke  ist  dasselbe  verliehen,  doch  werde  ich  dasselbe 
nachster    Tage    zuruckbekommen    und   mit   Hrn.    Brunei   zusammen    durchgehen, 
worauf  wir  Ihnen  Bericht  erstatten. 

5.  Die  Benennung  „  fonctions  fuchsiennes  tc  weise  ich  zuriick,  so  gut  ich  verstehe, 
dass  Sie  durch  Fuchs'sche  Arbeilen  zu  diesen  Ideen  mit  veranlasst  wurden.     Im 
Grunde    basiren    alle    solche    Untersuchungen    auf  Riemann.     Fur   meine    eigene 
Entwickelung    war   die    eng   venvandte   Belrachtung   von    Schwarz  in  Bd.   75  des 
BorcharcWschen   Journals  (die  ich  Ihnen  dringend  empfehle,  wenn  Sie  dieselbe 
noch     nicht    kennen     solten)     von    massgebender    Bedeutung.     Die    Arbeit     von 
Hrn.  Dedekind  (l)  fiber  elliptische  Modulfunktionen  in  Bor  char  d?  s  Journal^.  83 
erschien  erst,  als  ich  mir  fiber  die  geonielrische  Representation  der  Modulfunktionen 
bereits  klar  war  (Herbst,  1877).     Zu  diesen  Arbeiten  stehen  die  von  Fuchs  vermoge 
ilirer   ungeometrischen    Form    in  be\\usstem   Gegensatze.     Ich  bestreite  nicht  die 
grossen  Verdienste,  welche  Hr.  Fuchs  um  andere  Theile  der  Lehre  von  den  Diffe- 
rentialgleichungen  hat,  aber  gerade  hier  lassen  seine  Arbeiten  um  so  mehr  im  Stich, 
als  ihni  das  einzige  Mai,  wo  er  in  einem  Briefe  an  Hermite  die  elliptischen  Modul- 
funktionen erlauterte(-),  ein  fundamentaler  Fehler  unterlief,  den  dann  Dedekind  I.e. 
nur  zu  sanft  monirte. 

6.  Man  kann  eine  Funktion  mit  linearen  Transformationen  in  sich  insbesondere 
so  definiren,  dass  man  die  Hatbebene  auf  ein  Kreisbogenpolygon,  welches  beliebig 
vorgegeben  ist,  abbildet.     Dies  ist  dann  freilich  ein  nur  spezieller  Fall  der  allgemeinen 
(ich  weiss  im  Augenblicke  nicht,  ob  Sie  sich  nicht  nur  auf  diesen  speziellen  Fall 
beschranken).     Die  Gruppe  der  linearen  Transformationen  ist  dann  dadurch  parti- 
kularisirt,  dass  sie  in  einer  doppelt  so  grossen  Gruppe  von  Operationen  enthalten 
ist,  welche  neben  linearen  Transformationen  auch  Spiegelungen  (Transformationen 
durch  reziproke  Radien)  umfasst.     In  diesem  Falle  ist  die  Existenz  der  Funktion 
durch  altere  Arbeiten  von  Schwarz,  resp.  Weierstrass,  sicher  gestellt,  sofern  man  nicht 
auf  die  allgemeinen  Riemann'schen  Prinzipien  rekurriren  will.     Siehe  Schwarz  (y) 
in  Borchardt  Bd.  70,  Abbildung  der  Halbebene  auf  Kreisbogenpolygone. 

7.  Auch  in  diesem  speziellen  Falle  habe  ich  bislang  durchaus  nicht  allegro upes 

f1)  Sckrelben   an   Herrn  Borchardt   uber  die  T/ieorie  der  elLiptischen  Modul-Functionen 
(J.  reine  angew.  Math.,  t.  83,  1877,  p.  266-292). 

(2)  Sur  quelques proprietes  des  integrates  des  equations  dijferentielles,  auxquelles  satisfont 
les  modules  de  periodicite  des  integrates  elliptiques  des  deux  premieres  especes  (J.  reine 
angew.  Math.,  t.  83,  1877,  p.  13-87);  L-  FUCHS,  Ges.  math.  Werke,  Berlin,  t.  2,  1906,  p.  85-m. 
Voir  aussi  la  Note'de  M.  SUHLESINGER.  loc.  cit.,  p.  na-ii^j. 

(3)  Ueber  eitiige   Abbildungsaufgaben  (J.   reine  angew.   Math.,   t.  70,   1869,  p.   io5-iao); 
H.  A.  SGHWARZ,  Ges.  math.  Abh.,  Berlin,  t.  2,  1890,  p.  65-83. 

H,  P.  -  XL  5 


34  CORRESPONDANCE  AVEC   F.    KLEIN. 

discontinus  aufgestellt;  ich  habe  nur  gesehen,  dass  es  sehr  viele  gibt,  bei  denen  kein 
fester  Grundkreis  existirt,  bei  denen  also  die  Analogic  mil  der  nicht-euklidischen 
Geometrie  (die  mir  ubrigens  in  der  That  sehr  gelaufig  ist)  nicht  zutrifft.  Nehmen 
Sie  z.  B.  ein  beliebiges  Polygon,  begranzt  von  irgend  welchen  sich  bertihrenden 
Kreisen,  so  \\ird  die  Vervielfaltigung  durch  Symmetric  ebenfalls  zu  einer  groupe 
discon tin  u  f u h  re  n . 


8.  Die  ubrigen  Fragen  Ihres  Briefes  finden  wo  hi  schon  durch  die  ubersandten 
Arbeiten  ihre  BeanLwortung,  insbesondere  die  nach  dern  Pluralis  der  ,,Moclul~ 
funktionen  cc  und  in  der  Hauptsache  auch  die  nach  den  ,,  Fundamentalpolygonen  u. 

In  der  Hoffnung  recht  bald  wieder  von  Ihnen  zu  horen. 

Ihr  ganz  ergebener 

F.  KLEIN. 


IV. 

Caen,  le  22  juin   1881. 


MONSIEUR, 


Je  n'ai  pas  encore  regu  les  envois  que  vous  m'annoncez  et  que  je  ne  tardcrai 
sans  doute  pas  a  voir  arrivcr  £  leur  adresse.  Mais  je  ne  veux  pas  atlendre  ce 
moment  pour  vous  remercier  de  vos  promesses,  ainsi  que  de  votre  letire  que 
j'ai  lue  avec  le  plus  grand  mtdr6t.  Aussitot  apres  1'avoir  recue,  j'ax  couru  a  la 
biblioth^que  pour  y  demander  le  70°  volume  de  Borchardt;  malheureusement 
ce  volume  tStait  pr6t6  et  je  n'ai  pu  y  lire  le  M6moire  de  M.  Schwarz.  Mais  je 
crois  pouvoir  le  reconstituer  d?apr^s  ce  que  vous  m'en  dites  et  y  reconnaitre 
certains  r^sultats  que  j'avais  trouvc^s  sans  me  douter  qu'ils  avaient  fait  Tobjet 
de  recherches  ante'rieures.  Je  crois  done  comprendre  que  les  fonctions 
fuchsiermes  que  les  recherches  de  M.  Schwarz  et  les  votres  permettent  de 
d(5finir  sont  celles  dont  je  me  suis  occup^  plus  particulieremeixt  dans  ma  Note 


CORRESPONDANCE  AVEC  F.    KLEIN.  3') 

du  28  mai  (x).  Le  groupe  particulier  dont  vous  me  parlez  dans  votre  derniere 
lettre  me  semble  fort  inte"ressant  et  je  vous  demanderai  la  permission  de  citer 
ce  passage  de  votre  lettre  dans  une  communication  (2)  que  je  ferai  prochainement 
a  I'Acade'mie  et  ou  je  chercherai  a  ge'ne'raliser  volre  re'sultat. 

Quant  a  la  denomination  de  fonctions  fuchsiennes,  je  ne  la  changerai  pas. 
Les  e'gards  que  je  dois  a  M.  Fuchs  ne  me  le  permettent  pas.  D'nilleurs,  s'il  est 
vrai  que  le  point  de  vue  du  savant  g6ometre  d'Heidelberg  est  completement 
different  du  votre  et  du  mien,  il  est  certain  aussi  que  ses  travaux  ont  servi  de 
point  de  depart  et  de  fondement  a  tout  ce  qui  s'est  fait  depuis  dans  cette  the'orie, 
II  n'est  done  que  juste  que  son  nom  reste  attache'  a  ces  fonctions  qui  y  jouent 
un  role  si  important. 

Veuillez  agre"er,  Monsieur,  1'assurance  de  ma  respectueuse  consideration, 

POINCARE. 


GEEHRTER  HERR  ! 


V. 

Leipzig  20.  Juni  1881. 


Schreiben  Sie  mir  doch  bitte  umgehend  eine  Karte,  ob  meine  Sendung  von  Sepa- 
ratabziigen  auch  jetzt  noch  nicht  eingetroffen  ist;  ich  brachte  sie  selbst  heute  vor  8 
Tagen  auf  die  Post.  Ueber  F.  wiirden  Sie  sich  anders  ausdriicken,  wenn  Sie  die 
Literatur  vollig  kennten.  Die  Lehre  von  der  Abbildung  der  Kreisbogenpolygone 
stelit  vollig  unabhangig  von  der  F.  Arbeit  (:{)  in  t.  66,  das  Gemeinsame  ist  nur,  class 
beide  Betrachtungsweisen  durch  Riemann  angeregt  sind. 

Hoch  achtungs  voll 

Prof.  Dr.  F.  KLEIN. 

VI. 

Caen7  le  27  juin  1 88 1 . 
MONSIEUR, 

Au  moment  ou  j'ai  recu  votre  carte,  j'allais  pre'cise'ment  vous  ^crire  pour 
vous  remercier  de  votre  envoi  et  vous  en  annoncer  1'arrive'e.  S'il  a  e'te'  retarde' 

(a)  Sur  les  Jonctiojis  fuchsiennes  (C.  ft.  Acad.  Sc.,  t.  92,  1881,  p.  1198-1300);  QEuvres  de 

Henri  Poincare,  Paris,  t.  2,  1916,  p.  i2-i5. 

(3)  C.  R.  Acad.  Sc.,  t.  92,  1881,  p.  1484-1487;  OEuvres  de  Henri  Poincare,  t.  2,  p.  19-22, 
(3)  Zur   T/ieorie  der   linear  en  Differentialgleichungen  mit  veraiiderlichen  Coefficienten 

(J.  reine  angew.  Math.,  t.' 66,  1866,  p.  121-160);  L.  Fucus,   Ges.  math.   Werke,  Berlin,  t.  1, 

1904,  p.  159-204. 


36  CORRESPONDANCE  AVEC   F.    KLEIN. 

c'est  par  suite  d'une  erreur  de  la  poste  qui  l'a  envoye"  d'abord  a  la  Sorbonne, 
puis  au  College  de  France,  bien  que  1'adresse  eut  <§td  parfaitement  bien  mise. 
En  ce  qui  concerne  M,  Fuchs  et  la  denomination  de  fonctions  fuchsieimes, 
il  est  clair  que  j'aurais  pris  une  aulre  denomination  si  j'avais  connu  le  travail 
de  M.  Schwarz;  mais  je  ne  1'ai  connu  que  par  votre  lettre,  apres  la  publication 
de  mes  resultats  de  sorte  que  je  ne  peux  plus  changer  maintenant  le  nom  que 
j'ai  donn6  a  ces  fonctions  sans  manquer  d'6gards  a  M.  FUGHS.  J'ai  commence  la 
lecture  de  vos  brochures  qui  in'ontvivenient  interesse',  principalement  celle  qui 
a  pour  litre  Ueber  elliptische  Modulfunktionen.  C'est  au  sujet  de  cette  der- 
niere  que  je  vous  demanderai  la  permission  de  vous  adresser  quelques  questions. 

i°  Avez-vous  determine  les  Fundamentalpolygone  de  tons  les  Unter- 
gnippen  que  vous  appelez  Kongruenzgruppen  et  en  particulier  dc  ceux-ci  : 

as=3==l7         p  ===  Y  ==  o        (modn). 

2°  Dans  mon  M^moire  sur  les  fonctions  fuchsiennes,  j'ai  portage"  les  groupes 
fuchsiens  d'apr&s  divers  principes  de  classification  et  entre  autres  d'apres  un 
nombre  que  j'appelle  leur  genre.  De  m$me  vous  partagez  les  Vntergruppen 
d'apres  un  nombre  que  vous  appellez  leur  Geschlecht.  Le  genre  (id.  que  je 
1'entends)  et  le  Geschlecht  sont-ils  un  seul  et  m6me  nombre?  Je  n'ai  pu  le 
savoir,  par  ce  que  je  ne  sais  pas  ce  que  c'est  que  le  Geschlecht  im  Sinne  der 
Analysis  situs.  Je  voissculemenLque  ces  nombres  s'annulent  a  la  fois.  Auriez- 
vous  done  1'obligeance  de  me  dire  ce  que  c'est  que  ce  Geschlecht  im  Sinne  der 
Analysis  situs  ou,  si  cette  definition  est  trop  longue  pour  £tre  donnee  clans 
une  lettre,  dans  quel  Ouvrage  je  pourrais  la  trouver  ?Dans  votre  derniere  lettre, 
vous  me  demandiez  si  je  ne  suis  renferme  dans  le  cas  particulier  ou  a  Die 
Gruppe  der  linearen  Transformationen  ist  dadurch  partikularisirt,  dass  sie  in 
einer  doppelt  so  grossen  Gruppe  von  Operationen  enthalten  ist,  welche  neben 
linearen  Transformationen  auch  Spiegelungen  umfasst  ».  Je  ne  me  suis  pas 
renferme'  dans  ce  cas,  mais  j'ai  suppose"  que  toutes  les  transformations  Iin6airos 
conservaient  un  certain  cercle  fondamental.  Je  pense  d'ailleurs  pouvoir  aborder 
par  une  me'thode  analogue  le  cas  le  plus  ge'ne'raL 

A  ce  propos,  il  me  semble  que  tous  les  Untergruppen  relatifs  aux  fonctions 
modulaires  ne  rentrent  pas  dans  ce  cas  special. 

Au  sujet  de  ce  groupe  discontinu  dont  vous  me  parlez  et  qu'on  obtient  par 
des  Spiegelungen  et  par  la  Vervielfaltigung  d'un  polynome  limite'  par  des 
arcs  de  cercle  se  touchant  deux  a.  deux  il  me  semble  qu'il  y  a  une  condition 


CORRESPONDANCE  AVEC   F.    KLEIN. 


supple'mentaire  dont  vous  n'avez  pas  parle"  bien  qu'elle  ne  vous  ail  sans  doute 
pas  e'chappe;  deux  arcs  de  cercle  quelconques  prolonges,  ne  doivent  pas  se 
couper.  Serait-ce  abuser  de  volre  complaisance  que  de  vous  poser  encore  une 
question. 


Fig.  i. 


Vous  dites  :  «  in  diesem  Falle  isl  die  Existenz  der  Funktion  durch  Arbeiten 
von  Schwarz  sichergestellt  »,  el  vous  ajoutez  :  «  so  fern  man  nicht  auf  die 
allgemeinen  Riemajirfschen  Principien  rekurriren  will  ».  Qu'entendez-vous 
par  la  ? 

J'ai  e"crit  dernierement  a  M.  Hermite;  je  lui  ai  fait  part  succinctement  du 
contenu  de  vos  lettres,  et  je  lui  ai  envoye"  les  compliments  dont  vous  m'aviez 
charge"  pour  lui. 

Veaillez  agr^er,  Monsieur,  1'assurance  de  ma  reconnaissance  et  de  mon 
respect. 

PoiNCARfi. 


VII. 

Leipzig  den  2.  Juli  1881. 


GEEHRTER  HERR  ! 


Lassen  Sie  mich  die  verschiedenen  Fragen,  die  Sie  in  Ihrem  wilkommenen  Briefe 
vom  27.  Juni  stellen,  so  gut  es  gehen  will,  umgehend  beantworten. 

1.  Die  Fundamentalpolygone  der  Koiigruenzgruppen  a  =  §  =  i ,  (3^y^o  (mod;i) 
habe  ich  bei  n  •=.  5  (wo  durch  Zusammenbiegen  der  Kanten  das  Ikosaeder  entsteht) 
und  bei  n  —  j  im  1/4.  Bande  (a)  ausfiihrlich  beschrieben.  Der  allgemeine 


(!)  Ueber  die  Transformation  der  elliptischen  Functionen  und  die  An/losung  der  Glei- 
chungen  fun/ten  Grades  (Math.  Annalen,  t.  14,  18-78-1879,  p.  111-170);  Ueber  die  Transfor- 
mation siebenter  Qrdnung  der  elliptischen  Functionen  (ibid.,  p.  428-471);  F.  KLEIN,  Ges.  math, 
.j  Berlin,  t.  3,  1928,  n°  82,  p.  18-75  el  n°  84,  p.  go-i35. 


38  CORRESPONDANCE  AVEC   F.   KLEIN. 

Fall  //  =  Priimahl  bilclet  tleu  Gegensland  einer  Arbeit  von  Djck  ('),  die  eben  im 
Druck  ist.  Wenn'//  eine  zusaunnengeselzte  Zalil  ist,  Iiabe  ich  die  Sache  nicht 
erledigt. 

2.  ,,  Geschlecht  im  Sinne  der  Analysis  situs  u  wird  jeder  geschlossenen  Flache 
beigelegt.     Dasselbe  ist  gleich  der  Maximalzahl  soldier  in  sich  zuriickkeh render 
Sclinitte  der  Flache,  die  man  ausfiihren  kann,  ohne  die  Flache  zu  zersliicken.     Wenu 
jelzt  die  betrefieude  Flache  als  Bild  der  Werthsysteme  tv,  -   einer  algebraischen 
Gleichuttg/(vv,  s)  —  o  betrachtet  werden  kann,  so  ist  ihr  Geschlecht  eben  auclrdas 
Geschlecht  der  Gleichung.     Ihr  genre  und  mein  ,,  Geschlecht  u  sind  also  materiell 
dieselben   Zahlen,    es  liegt  bei  mir  nur  vermuthlich  eine  freiere  Auffassung  der 
Riemann'schen  Flache  und  der  auf  sie  gegriindeten  Definition  von/?  zu  Grunde. 

3.  Es  gibt  innerhalb  der  Gruppe  der  Modulfunkdonen  allerdings  Unlergruppen, 
welche  ein  unsymmetrisches  Fundamentalpolygon  besitzen,  dahin  gehoren,  wie  ich 
in  Bd,  Jk  nachwies  (2),  insbesondere  diejenigen  Untergruppen,  welche  den  singularen 
Resolventen  cler  Modulargleichung  fur  n  =  7  und  n  =  11  entsprechen. 

4.  Dass  sich  bei  dem  Polygon  die  Kreise  riickwarts  verlangert  nicht  schneiden 
diirfen,  wenn  eine  eindeutige  Funktion  entstehen  soil,  ist  mir  in  der  That  wo  hi 
bekannt.     Gerade  auf  diesenPunkt  muss  man  ineines  Erachiens  die  Aufmerksamkeit 


Fig.  i. 

richten,  wenn  man  beweisen  will,  dass  sich  die  Koordinaten  vv,  3  des  Punkles  einer 
beliebigen  algebraischen  Kurve  als  eindeutige  Funktionen  mit  linearen  Transforma- 
tionen  in  sich  angeben  lassen.  Ich  werde  Ihnen  angeben,  wie  weit  ich  in  dieser 
Frage  gekommen  bin.  Nach  den  Arbeiten  von  Schwarz,  resp.  Weierstrass,  kann 
man  die  Halbebene  immer  so  auf  ein  Kreisbogenpolygon  abbilden,  dass  die  Punkte  I, 
II,  III,  IV,  V,  welche  den  1,  2,  3,  4,  5,  auf  der  Begranzung  der  Halbebene  entspre- 
chen, beliebige  Lage  haben,  Nun  seien  I,  II,  III,  IV,  V,  , . .  die  Verzweigungspunktc 
einer  algebraischen  Funktion  w(5);  und  diese  algebraische  Funktion  mage  keine 
anderen  Verzweigungspunkte  besitzen.  Dann  sind  offenbar  w  und  5  eindeutige 
Funktionen  der  gewollten  Art'  von  denjenigen  Halfsvariabeln,  in  deren  Ebene  das 
gezeichnete  Polygon  liegt.  Wenn  also  alle  Verzweigungspunkte  einer  algebrai- 

(>)  Versuch' einer  ubersichtlichen  Darstellung  der  Riemanrischen  Flache,  welche  der 
Galois  schen,  Resolvent*  der  Modular gUichung  fw  Primzahltransfrrmationm  der  elliptischen 
FunGtionen  eritspricht  (Math.  Annalen,  t.  18,  1881,  p,  507^627), 

(*}Vet>erdieErniedrigwgder  Modulargleichwigtn  (Math.  Anmlsn,  t.  u,  1879,  p.  417. 
27);  F.  KLEIN  Get.  math.  Abh.,  Berlin,  t,  3,  1928,  n"  83,  p.  76^89. 


CORRESPONDANCE   AVEC  F.   KLEIN.  89 

schen  Function  w(z)  auf  einem  Kreise  der  z-Ebene  liegen,  so  ist  die  Frage  ohne 
weiteres  zu  bejahen.  Wie  aber,  wenn  das  nicht  der  Fall  ist?  Da  komme  ich  unter 
Umstanden  auf  solche  Polygone,  wie  ich  sie  das  vorige  Mai  nannte.  Findel  keinerlei 

Symmetric  statL,  so  komme  ich  wenigstens     durch  Aufstellun^  zuerehori^er  Differen- 


.-///  3    /  r>t  \  2  ~| 

tialgleichungen  des  von  mir  behandelten  Typus  -~ (     1}  —  R(a)     au^  einen 

analog  gestalteten  Fundamentalraum,  dessen  Kanten  unter  Winkeln  —  Null  zusam- 
menstossen  und  iibrigens  paarweise  durch  gewisse  lineare  Substitutionen  zusammen- 
gehoren.     Aber  ich  kann  nicht  beweisen,  doss  dieser  Fandamentalraum  mil  seinen 
Wiederholungen  zusammen  nur  einen  Theil  der  komplexen  Ebene  iiberdeckt. 
Und  an  dieser  Schwierigkeit  ilnde  ich  mich  nun  schon  lange  aufgehalten. 


T     2 


Fig.  3. 

5.  Uebrigens  bekommt  man  merkwiirdige  andere  Beispiele  von  diskontinuirlichen 
Gruppen,  wenn  man  beliebig  viele  einander  nicht  schneidende  Kreise  annimmt  und 
nun  an  ihnen  durch  reziproke  Radien  spiegelt.     Ich   habe   dabei   den   Theil  der 
Ebene,  der  gleichzeitig  ausserhalb  aller  Kreise  liegt,  und  der  also  das  halbe  Funda- 
mentalpolygon  vorstellt,  der  Deutlichkeit  halber  schraffirt.     Diese  Gruppen  werden 
gelegentlich  von  Schottky  betrachtet  (Borchard1  ts  Journal,  t.  83,  p.  3oo-35i),  ohne 
dass  dort  ihre  prinzipielle  Bedeutung  hervorgehoben  wtirde  (1). 

6.  Riemann's  Prinzipien  geben  zunachst  keinen  Weg,  urn  eine  Funktion,  deren 
Existenz  man  erschliesst,  wirklich  zu  bilden.     Man  ist  daher  geneigt,  sie  als  unsicher 
zu  betrachten,  so  gewiss  es  auch  sein  mag,  dass  die  Resultate,  welch e  aus  ihnen 

(a)  Vgl.  hiei'zu  die  Note  von  SGHOTTKY,  Ueber  eindeutige  Funktionen  mit  linearen  Trans- 
formationen  in  sich  (Math.  Annalen,  t.  20,  1882,  p.  299-300), 


{o  CORRESPONDANCE  AVEC   F.    KLEIN. 

foliien,  richliii  Miid.  Oemgeyeniiber  haben  Weierstrass  und  Schwarz  bei  der  von 
mil1  beru'hrten  Fniiie  der  Abbilduni"  von  Kreisbo^enpolv^onen  wirkliclie  Bestim- 
inuu^en  der  in  IJelracht  koimnenden  Konstanten  durch  konver^enle  Prozesse 
gegeberi.  Will  man  Uiemamfsche  Prinzipien  gobrauchen,  so  kann  man  folgenden  ' 
sehr  all^iMiieinen  SaU  anMellen.  Es  sei  ein  Polygon  geyeben,  mil  einer  oder  auch 
melireren  getrennlen  Peripherien.  Das  Polygon  kann  ein  mehrbliiUriges  sein,  dessen 
Bla'Uer  dnreh  \  erzwei^unijspmikte  verbunden  sind.  Jede  Peripherie  besteht  aus 
einer  Anzahl  von  Stricken;  jedes  Stiick  ijehe  durch  eine  bestimmte  lineare  Substi- 
tution in  eiiL^  <ier  iibri^en  fiber.  Dann  kann  man  immer  eineFunktion  konstruiren, 
uelche.  im  Inneren  des  Polygons  beliebige  vorgeschriebene  Unsletigkeiten  liat,  und 
deren  reeller  Theil  ge\\isbe  vorgegebene  Periodizitalsmoduln  erhall,  \venn  man  von 
einem  Slfickc  der  Begranzung  durch  das  Innere  des  Polygons  zum  zugeborigen  Stiicke 
fibergeht.  I'nter  diesen  Fuuktionen  sind  insbesondere  solche,  welch e  im  Inneren 
des  Pohgons  durchweg  eindeutig  sind  und  auf  je  z\vei  entsprechenden  Punkten  des 
Kandes  deriselben  Werth  aufueisen  (1).  Der  Beweis  lasst  sicli  genau  demjenigen 
nachbilden,  den  Rieuiann  (-)  in  paragraph  12  des  ersten  Theils  seiner  Abelschen 
Funktioneu  fur  das  besondere  Polygon  gegeben  hat,  das  aus  p  tibereinander 
geschichteteti  Parallelograiumen  besteht,  die  durcb  o,p  —  2  Verzweigungspunkte 
verbunden  sind.  Dieser  Satz,  den  ich  mir  iibrigens  erst  in  den  letzten  Ta^en  vollie: 

a  o  o 

zurechllegte,  schliesst,  so  viel  ich  selie,  alle  die  Existenzbeweise,  von  denen  Sie  in 
Ihren  INoten  sprechen,  als  spezielle  Falle  oder  leichte  Folgerungen  ein.  Uebrigens 
ist  ntein  Satz,  \vie  manches,  was  icli  lieute  schreibe,  noch  ungenau  formuliert;  ich 
musste  zu  ausfuhrlich  sein,  wenn  ich  das  vermeiden  \rollte;  Sie  werden  leicht  meine 
Meinung  erkennen. 

7.  Lassen  Sie  mich  noch  eine  Bemerkung  iiber  eine  andere  Hirer  VerofTent- 
lichungen  hinzufiigen.  Sie  sprechen  davon,  dass  die  0-Funktionen,  die  aus  der 
I  mkehr  der  algebraiscben  Integrale  an  Kurven  vom  Geschlecbte  p  entstehen,  nicht 
die  allgemeinen  ihrer  Art  sind.  Dass  eben  diese  Ueberlegungen  in  Deutschland 
allgemein  gekannt  sind,  konnen  Sie  nicht  wissen  :  eine  ganze  AnzahljungererMathe- 
matiker  arbeitet  daran,  die  Bedingungen  zu  fmden,  durch  welch e  sich  die  sogenannten 
Riemann'schen  0-s  von  den  allgemeinen  unterscheiden.  Dagegen  wunderte  mich, 
dass  Sie  die  Konstantenzahl  der  Riemann'schen  6  gleich  (\p  -h  2  angeben,  wabrend 
es  doch  3p  —  3  sein  muss.  Haben  Sie  Riemann,  die  betr.  Entwickelungen,  nicht 
gelesen  ?  Und  ist  Ihnen  die  ganze  Diskussion,  welche  Brill  und  Neither  im  7.  Bande 
der  Math.  Annalen  (p.  300-807)  zum  Abschluss  bringen,  unbekannt? 


{^Pour  que  ce  th6oreme  soit  vrai  il  faut  encore  ajouter  une  condition;  cf.  Ueber  den 
Begriff  des  /unttionentheoretischen  Fundamental ereichs  (Math.  Annalen,  t.  40,  1892, 
p.  i3i).  F.  KLEIN,  Ges.  math.  Abh.,  Berlin,  t.-3,  192$,  n°  104,  p.  711-720.  Poincar<§  fait  allusion 
&  cettre  lettre  dans  son  Memoire  sur  les  fonctions  z^tafuchsiennes  (Acta  Math.,  t.  5,  :884, 
p.  an;  QEuvres,  Paris,  t.  2,  1916,  p.  4o4),  ou  il  s'exprime  comme  il  suit  :  «  J'avais,  il  est  vrai, 
dans  ks  Afathematiscke  Annalen,  6nonce  un  reSsultat  particulier  sur  ces  Equations  irregulieres, 
mats  ee  r^sultat  est  inexact;  J'avais  £t£  tromp^  par  une  fausse  interpretation  d'un  theoreme  de 
M.  Klein  dont  je  tie  connaissais  pas  la  demonstration. 

(a)  Tteorie  der  AbePschen  Functioned  (/.  reine  angew.  Math.,  t.  54,  1867,  p.  i33-i36)- 
B.  RiKtANN,  Ges.  math.  Werke,  Leipzig,  1892,  p.  119-122. 


CORRESPONDANCE   AVEC    F.    KLEIN.  fl 

In  der  IIofFnung,  bald  \\ieder  von  Ilinen  zu  lioren,  bin  irh   Ihr  hochacliluni^\o!l 
drgebener. 

F.  KLEIN. 


Caen,  ,">  juillet  1881. 
MONSIEUR, 

J'ai  recu  votre  lettre  quo  j'ai  lue  avec  le  plus  vif  int&rel.  Je  vous  demande 
mille  pardons  de  la  question  que  je  vous  ai  pose"e  au  sujet  du  GescitlecJtt  itn 
Si7Uie  der  Analysis  Situs.  J'aurais  pu  NOUS  evitcr  la  peinc  de  ni'y  rtfpondre, 
puisque  je  Irouvais  Fexplicalion  a  la  page  suivanLc  de  volre  Memoire.  Vous 
vous  rappelez  sans  doute  que  dans  ime  de  ines  dernieres  leltres,  je  vous  deman- 
dais  Pautorisation  d'en  ciler  une  phrase  dans  une  communication  ou  je  me  pro- 
posals de  ge'ne'raliser  vos  r6sultats.  Vous  ne  m'avez  pas  repondu  a  ce  sujet  el 
j'ai  pris  votre  silence  pour  un  acquiescement.  J'ai  fait  cette  communication  (l) 
en  deux  fois,  dans  les  stances  du  2j  juin  et  du  4  juillet. 

Vous  trouverez  que  nous  nous  somracs  rencontres  sur  quelqties  points. 
Mais  la  citation  que  j'ai  faite  de  votre  phrase  vous  sera,  je  pense,  une  garanlie 
suffisante. 

Permettez-moi,  Monsieur,  encore  une  question;  ou  trouverai-je  les  travaux 
de  MM.  Schwarz.et  Weierstrass  dont  vous  me  parlez;  d'abord  au  sujet  de  ce 
theorem  e  que  : 

«  Man  kann  immer  die  Halbebene  so  auf  ein  Rreisbogenpoljgon  abbilden, 
dass  die  Punkte  I,  II,  III,  IV,  V,  welche  den  1,  2,  3,  -4,  5  auf  der  Begranzung 
der  Halbebene  entsprechen,  beliebige  Lage  haben  ».  Ge  the"oreme  ne  m'6tait 
pas  inconnu,  car  je  Pai  d^montre'  dans  ma  communication  (-)  du  28  mai.  Mais 
ou  le  trouverai-je  dans  les  travaux  de  mes  devanciers?  Est-ce  au  tome  70  de 
Crelle?  Ou  trouverai-je  aussi  les  de'veloppements  dont  vous  me  parlez  dans  la 
phrase  suivante  :  «  Demgegenliber  haben  Weierstrass  und  Schwarz  bei  der 


(l]  Sur  les  fonctionsfuchsiennes(C.  R.  Acad.  Sc.,  t,  92,  1881,  p.  ilfik-i^-]};  Sur  les  groupes 
kleineens  (ibid.,  t.  93,  1881,  p.  44-46);  CEuvres  de  Henri  Poincare,  Paris,  t.  2,  1916,  p.  19-26, 

(2)  Sur  les  fonctions  fitchsiennes  (C.  /?.  Acad.  Sc.,  t.  9'2,  i88r,  p.  1198-1200;  GEuvres,  t.  2, 
1916,  p.  i2-i5. 


H.  P.  -  XL 


/J2  CORRESPONDANCE  AVEC  F.    KLEIN. 

von  mir  beruhrten  Frago  cler  Abbildung  von  Kreisbogenpolygonen  wirkliche 
Beslimmungen  der  in  BetracliL  kommenden  Konstanten  durch  konvcrgenle 
Prozesse  eeircben  »  ? 

o    ~ 


Le  th^oreme  que  vous  me  dites  avoir  d^couvert  m'a  beaucoup  int6ress<5.  II 
est  clair  que,  comme  vous  me  le  dites,  votre  re"sultat  contient  comme  cas  parti- 
CLilier,  alle  meine  Existenzbeweise.  Mais  il  arrive  apres. 

J'arrive  a  votre  remarque  relative  aus.  fonctions  abeliennes.  Quand  j'ai 
parlc';  de  4/>H-2  constantes,  il  ne  s'agissait  pas  du  nombre  des  modules.  J'ai 
dit  ceci  :  Une  relation  alge'brique  de  genre  p  peut  toujours  £tre  ramcnije  an 
degr<3  p  4-  i.  Une  relation  de  degrd  p  -+-  i  et  de  genre  p  depend  de  [\p  -f-  a 
parametres;  car  une  relation  generale  de  degree  p  +  r  depend  de 

^ parametres. 

Mais  il  y  a 

p(p  —  i) 

— — p        points  doubles. 

Ilresle  done  4/?  +  a  parametres  ind^pendants.  J'ai  ainsi,  non  le  nombre  des 
modules,  mais  une  limite  supe'rieure  de  ce  nombre,  ce  qui  me  suffisuit  pour 
mon  objet. 

Veuillez  agr^er,  Monsieur,  1'assurance  de  ma  respectueuse  consideration. 

PoiNCARfi. 


IX. 

Leipzig  9.  Juli  1 88 1. 
GEEHRTER  HERR  ? 

In  vor)au%er  Beantwortung  Ihres  Briefes  habe  ich  etwa  folgendes  zu  sagen  : 
1.  Es  ist  mir  ganz  recht,  dass  Sie  jene  Stelle  aus  meinem  Briefe  zitirt  habea 


CORRESPONDANCE  AVEC   F.   KLEIN.  /j3 

Bislang  besitze  icli  nur  erst  Hire  Note  vom  27  Juni.  Ueber  die  Benennung,  die  Sie 
dieser  Funktionenklasse  ertheilthaben,  war  ich  einigerrnassen  erstaunt;  denn  ich  habe 
ja  nichts  weiter  gethan  als  die  Existenz  dieser  Gruppen  beraerkt.  Was  mich  angeht. 
so  werde  ich  wedervon  ,,  fuchsiennes  "  noch  von  ,,  kleineennes  iL  Gebrauch  machen, 
sondern  bei  meinen  ,,  Funktionen  mil  linearen  Transformationen  in  sich  tc  bleiben. 

2.  Was    ich   iiber   den   Werth    der  Riemann'schen   Prinzipien  sagte,   war  nicht 
scharf  genug.     Es  ist  kein  Zweifel,  dass  das  ,,  Dirichlet'sche  Prinzip  tc,  als  iiber- 
haupt   nicht   konklusiv,    verlassen   werden    muss.     Man  kann  es  aber    vollstandig 
durch  strengere  Beweisfiihrung  ersetzen.     Sie  finden  das  naher  ausgefiihrt  in  einer 
Arbeit  von  Schwarz,  die  icli  eben  erst  in  diesen  Tagen  (zwecks  in  einer  Vorlesung) 
genauer  ansah  und  in  der  Sie  auch  die  Angaben  fiber  Konstantenbestimmungen 
finden,  die  in  B  or  char  d£  s  Journal  (an  Arbeiten  in  Borchardtfs  Journal  mussen  Sie 
jedenfalls    Bd.    70,    74,    75    ansehen)  nur  angedeutet  sind;   dieselbe  steht  in  den 
Berliner  Monatsberichten,  1870,  p.  767-795  (1). 

3.  Der   allgemeine   Existenzbeweis,    von    dem   ich    das    vorige   Mai  sprach,   gilt 
naturlich  auch  fiir  Gruppen,  die  aus  irgendwelchen  analytisclien  (nicht  notlnvendig 
linearen)  Substitutionen  zusammengesetzt  sind.     Es  ist  merkwiirdig,  dass  in  diesem 
Sinne  jede  Opera tionsgruppe  Funktionen  definirt,  die  bei  ihr  ungeiindert  bleiben. 
Die   ,,  groupes  discontinus  u   haben  nur  das    voraus,    dass   bei    ihnen    zugehorige 
eindeutige  Funktionen  existiren,  was  allerdings  sehr  wesentlich  ist.     Wtirde  man  die 
hoheren  Falle  durch  eindeutige  Funktionen  von  mehrereii  Veranderlichen  beherrschen 
konnen,  wie  man  es  in  dem  besonderen  bei  Riemann  in  paragraph  12  behandelten 
Falle  vermoge  des  Jacobi'schen  Umkehrproblems  zu  thun  pflegt? 

So  viel  fiir  heute.  Ich  habe  mittlererweile  mil  Herrn  Brunei  meine  alteren 
Sachen,  namentlich  auch  die  Yorlesungshefte  von  1877-1878  und  1878-1879  (die  ich 
damals  habe  umarbeiten  lassen)  durchgegangen  und  wird  Hr.  Brunei  Ihnen  dem- 
nachst  dariiber  schreiben. 

Hochachtungsvoll 
Ihr  ergebener 

Prof.  Dr.  F.  KLEIN. 


X. 

Leipzig  4-  Dez.  1881. 
Sophienstrass  10/11. 
SEHR  GKEHRTER  HERR  ! 

Nachdem  ich  lange  ttber  die  uns  gemeinsam  interessirenden  Fragen  nur  beilaufig 
nachgedacht  habe,  habe  ich  heute  fruh  Gelegenheit  genommen,  die  verschiedenen 

(»)  H.  A.  SCHWARZ,  Ges.  math,  Abh.,  Berlin,  t.  2,  1890,  p.  144-171. 


/{/j         -  CORRESPONDANCE  AVEC   F.   KLEIN. 

iMHUieilungen,  wie  Sie  sie  der  Reihe  nach  in  den  Comptes  rendus  veroffentlichl 
Iiaben,  im  Zusammeuhange  zu  lesen.  Ich  sehe,  dass  Sie  nun  wirklich  zu  einem 
Beweise  gekommen  sind  (8.  August)  :  „  que  toute  equation  differenlielle  lineaire  a 
coefficients  algebriques  s'integre  par  les  fonctions  zetafuchsiemies  "  und  "  que  les 
coordonnees  des  points  d'une  courbe  algebrique  quelconque  s'expriment  par  des 
fonctions  fuclisiennes  d'une  variable  auxiliaire  <c  (1).  Indera  ich  Ihnen  dazu 
gratuliere,  dass  Sie  soweit  gekommen  sind,  mochte  ich  Ihnen  einen  Vorschlag 
inachen,  der  Ihren  und  meinen  Interessen  auf  gleiche  Weise  gerecht  wird.  Ich 
mOchie  Sie  bitten,  mir  fur  die  Mathematischen  Annalen  einen  kurzen  oder  einen 
langeren  Aufsatz  zu  schicken,  oder,  wenn  Sie  keine  Zeit  zur  Ausarbeitung  eines 
solclien  finden,  mir  einen  Brief  zu  schicken,  in  welchem  Sie  in  grossen  Zugen  Hire 
Gesichtspunkte  und  Resultate  angeben.  Ich  selbst  wtirde  dann  diesen  Brief  mit 
einer  Anmerkung  begleiten,  in  welcher  ich  darlegte,  wie  sich  von  mir  aus  die  ganze 
Saclie  stellt,  und  wie  gerade  das  Programm,  welches  Sie  jetzt  ausfuhren,  als 
hodegetisches  Prinzip  meinen  Arbeiten  iiber  Modulfunktionen  zu  Grund  lag. 
Natiirlich  wtirde  ich  diese  Amrnerkung  Ihnen  vor  dem  Druck  zur  Begutachtung 
zustellen.  —  Eine  solche  Publikation  wurde  Zweierlei  erreichen  :  einmal  wiirde, 
was  Ihnen  vermuthlich  erwiinscht  ist,  das  Leserpublikum  der  Mathematischen 
Annalen  auf  Ihre  Arbeiten  mit  Entschiedenheit  aufmerksam  gemacht  werden; 
andererseits  warden,  auch  dem  allgemeineren  Publikum  gegeniiber,  Ihre  Arbeiten 
in  derjenigen  Verbindung  mit  den  meinigen  stehen,  die  nun  einmal  thatsachlich 
vorhanden  ist.  Sie  werden  zwar,  wie  Sie  mir  schreiben,  diese  Beziehungen  in 
Ihrem  ausfuhrUchen  Memoire  auseinandersetzen ;  aber  bis  dahin  vergeht  viele  Zeit, 
und  es  liegt  mir  daran,  dass  es  auch  in  den  Annalen  gesagt  wird. 

Ich  selbst  habe  mittlerweile  eine  kieine  Schrift  (-)  iiber  ,,  Riemanns  Theorie  tc 
fertig  gestellt,  die  Ihnen  vielleicht  interessant  ist,  weil  sie  diejenige  Konzeption 
der  Riemann'schen  Flache  gibt,  mit  der  R.  selbst  meines  Erachtens  eigentlich 
gearbeitet  hat.  Vielleicht  hat  Ihnen  Hr.  Brunei  davon  erzahlt.  Ich  habe  mich 
sodann  in  letzter  Zeit  mit  den  verschiedenen  Existenzbeweisen  beschaftigt,  welche 
man  an  Stelle  des  Dirichlet'schen  Prinzip's  gesetzt  hat,  und  babe  mich  iiberzeugt, 
dass  die  Methoden  von  Schwarz  in  den  Berliner  Monatsberichten,  1870,  p.  767  IT. 
allerdings  "vollkommen  ausreichen,  um  z.  B.  den  allgemeinsten  Satz  zu  beweisen, 
von  dem  ich  gelegentlich  im  Sommer  schrieb. 

Hochachtungsvoll 

F.  KLEIN. 


(1)  Sur  les  /auctions  fuchsiennes  ( C.  R,  Acad.  Sc.,  t.  93,  iSSi,  p.  3oi-3o3)j  OEuvres  de 
Henri  Poincare,  Paris,  t.  2,  1916,  p.  29-8 1. 

(2)  F.  KLEIN,  Ueber  Riemanns  Theorie  der  algebraischen  Funktionen  und  ihrer  Integrate, 
Leipzig,  1882;  Ges.  math,  Abh.,  Berlin,  t.  3,  1923,  n°  99,  p.  499-673. 


CORRESPONDANCE   AVEC   F.    KLEIN.  45 


XI. 

8  dgcembre  1881 

Paris 

rue  Gay-Lussac,  66. 
MONSIEUR, 

Je  vous  remcrcie  infiniment  de  1'offrc  obligeante  que  vous  voulcz  bien  me 
faire  et  je  suis  tout  dispos^  a  en  proflter.  Je  vous  enverrai  prochainemeixt  la 
lettre  que  vous  me  demandez;  je  vous  prierai  pouriant  de  me  dire  quell e  place 
vous  po uver  lui  consacrer  dans  les  Annales.  Je  sais  que  la  clientele  de  votre 
journal  est  nombreuse  et  que  1'etendue  que  vous  pouvez  permettre  a  chaque 
travail  est  force'ment  limite  et  je  ne  voudrais  pas  abuser  de  votre  bienveillance. 
Quand  je  saurai  quelle  longueur  je  puis  donner  a  ma  lettre,  je  vous  1'e'crirai 
imme'diatement. 

J'aurai  prochainement  1'honneur  de  vous  envoyer  diverses  notes  relatives 
a  la  th6orie  ge'ne'rale  des  fonclions,  si  vous  voulez  bicn  les  accepter. 

J'ai  lu  dernierement  le  Me'moire  de  Schwarz  dans  les  Monatsberichte  et  ses 
demonstrations  m'ont  paru  rigoureuses. 

Veuillez  agre'er,  Monsieur,  mes  remerciments  et  1' expression  de  ma  grande 
consideration, 

POIKCARE. 


XII. 

Leipzig  10.  Dez.  1881. 
SEHR  GEEHRTER  HERR  ! 

Es  freut  mich,  dass  meiue  Auflbrderung  Ihnen  angenehm  war  :  voila  une  loi  de 
reciprocite.  Was  nun  Ihre  Anfrage  angeht,  so  will  ich  vor  alien  Dingen  antworten, 
dass  mir  Ihr  Aufsatz  um  so  gelegener  kommt,  je  rascker  er  kommt.  Triflt  er  noch 
bis  zum  20.  dss.  ein,  so  bringe  ich  ihn  noch  in  das  L\.  Heft  des  eben  erschei- 
nenden  19.  Annalenbandes;  er  wird  dann  bis  Anfang  Marz  (spatestens)  publiziert 
sein.  Was  nun  dem  Umfang  angeht,  so  will  ich,  da  Sie  es  wunschen,  etwa  einen 
Druckbogen  (16  Seiten)  in  Vorschlag  bringen.  Das  ist  Raum  genug,  um  das 
Wesentliche  deutlich  zu  sagen,  und  doch  wieder  auch  fur  den  fluchtigen  Leser  nicht 


46  CORRESPONDANCE  AVEC   F.    KLEIN. 

zu  viel.  Lch  mochte  Sie  dann  bitten,  namentlich  auch  tiber  die  Methoden  Ihrer 
Beweise  die  erforderlichen  Angaben  /u  machen,  also  uber  die  Art,  wie  Sie  die  in 
Belracht  komrnenden  Funktionen  wirklich  bilden,  usw.  Doch  alles  das  beurtheilen 
Sie  besser,  als  ich  es  hier  vorschreiben  konnte. 

INoch  Eins  !  1st  Hire  Adresse  jetzt  dauernd  in  Paris?  Und  wie  ist  die  gegen- 
wartige  Adresse  von  Picard?  Ich  wurde  gliicklich  sein,  wenn  ich  auch  vom  letzteren 
einen  Beitrag  fur  die  Annalen  haben  konnte. 

Ilochachtungsvoll 
Ihr  ergebener 

F.  KLEIN 


XIII. 


Paris,  le  17  decembre  1881 
rue  Gay-Lussac,  66. 


MONSIEUR, 


J'ai  1'honneur  dc  vous  adresser  le  petit  travail  en  question  (*);  je  n'ai  pas, 
comme  vous  me  le  demandiez,  expos^  succinctement  mes  me'thodes  de  demon- 
stration.  Je  n'aurais  pu  le  faire  sans  depasser  de  beaucoup  les  limites  que  vous 
m'aviez  fixees.  Je  sais  bien  que  ces  limites  n'avaient  rien  d'absolu.  Mais  d'un 
autre  cote  je  ne  crois  pas  qu'une  demonstration  puisse  e"  tre  re'sume'e ;  on  ne  peut 
en  retrancher  sans  lui  enlever  sa  rigueur  et  une  demonstration  sans  rigueur 
n'est  pas  une  demonstration.  Je  prefererais  done  vous  adresser  de  temps  en 
temps  une  se'rie  de  courtes  lettres  ou  je  de~montrerais  successivement  les 
r^sultats  e'nonce's  ou  du  moins  les  principaux.  Ces  lettres,  vous  en  feriez  ce 
que  bon  vous  semblerait. 

J'habite  en  effet  Paris,  je  suis  Maitre  de  Conferences  a  la  Faculte  des 
Sciences. 

Voici  Fadresse  de  Picard  : 
Professeur  Suppliant  a  la  Faculte  des  Sciences,  rue  Michelet,  z3,  Paris. 


<*)  Sur  les  fonctions  uniformes  qui  se  reproduisent par  des  substitutions  lineaires  (Math 
Annalen,  t.  19,  1882,  p.  553-564);  CEwres  de  ttenri  Poincare,  Paris,  t.  2r  1916,  p.  92-xo5. 


CORRESPONDANCE  AVEC   F.   KLEIN.  47 

Je  vous  donne  par  la  m£me  occasion  celle  d'Appell  : 

Maitre  de  Conferences  a  TEcole  Normale  Sup^rieure, 
rue  Soufflot  22,  Paris. 

Veuillez  agr^er,  Monsieur,  Passurance  de  ma  consideration  la  plus  dis- 
tingu^e, 

PoiNCiRE. 

XIV. 

Leipzig  i3.  Jan.  1882. 
SEHR  GEEHRTER  HERR  ! 

Ich  habe  Ihnen  noch  nicht  personlich  fiir  die  Uebersendunglhrer  Arbeit  gedankt, 
mit  der  Sie  mich  in  der  Tat  in  hohem  Grade  verpflichtet  haben.  Wir  sind  jetzt  so 
weit,  dass  in  den  allernachsten  Tagen  gedruckt  wird.  Sie  werden  eine  Korrektur 
bekommen,  die  ich  Sie  bitte  nach  Durchsicht  : 

,,  An  die  Teubner'sche  Buchdruckerei,  Leipzig  u 
zuruckzuschicken.     Wollen  Sie  dabei  insbesondere  auch  die  kurze  Erklarung  (1) 

(*)  Die  vorstehend  abgedruckte  Arbeit  des  Herrn  Poincare  resumirt  gewisse  Resultate,  welche 
der  Verfasser  in  einer  Reihe  aufeinanderfolgender  Artikel  in  den  Comptes  rendus  dieses  Jahres 
mitgeteilt  hat.  Es  wird  kaum  noting  sein  dicselben  der  Beachtung  der  Mathematiker  noch, 
besonders  zu  empfehlen.  Handelt  es  sich  doch  um  Funktionen,  welche  geeignet  scheinen,  in  der 
Lehre  von  den  algebraischen  Irrationalitaten  den  Abel'schen  Funktionen  erfolgreichen  Konkurrenz 
zu  machen,  und  die  iiberdies  einen  ganz  neuen  Einblick  in  diejenigen  Abhangigkeiten  gewalxren, 
wclche  durch  lineare  Differentialgleichungen  mit  algebraischen  Koeffizienten  bestimmt  sind.  Indem 
ich  Herrn  Poincare  im  Namen  der  Annalenredaktion  den  besonderen  Dank  dafiir  ausspreche,  dass 
er  uns  vorstehenden  Aufsatz  hat  iiberlassen  wollen,  glaube  ich  ihm  nur  in  dem  Punkte  engegen- 
treten  zu  sollen,  dass  ich  die  von  ihm  vorgeschlagene  Benennung  der  in  Betracht  kommenden 
Funktionen  als  verfruht  bezeichne.  Einmal  namlich  bewegen  sich  alle  die  Untersuchungen,  welche 
Hr.  Schwarz  und  ich  in  der  betreffenden  Richtung  bislang  veroffentlicht  haben,  auf  dem  Gebiete 
der  fonctions  Juchsiennesy  iiber  die  Hr.  Fuchs  selbst  nirgends  publiziert  hat.  Andererseits  habe 
ich  iibcr  die  allgemeineren  Funktionen,  welche  Hr.  Poincare  mit  meinem  Namen  in  Verbindung 
bringt,  von  mir  aus  bisher  nichts  drucken  lassen;  ich  habe  nur  gelegentlich  Herrn  Poincare  auf 
die  Existenz  dieser  Funktionen  aufmerksam  gemacht  ( siehe  Comptes  retidus  t.  92,  1881,  p.  i484)- 
Letztcrer  Umstand  ist  aber  um  so  irrelevanter,  als  sich  ein  spezieller  Fall  jener  allgemeineren 
Funktionen  bereits  anderwarts  bei  Gelegenheit  in  Betracht  gezogen  findet,  na'mlich  in  der  Arbeit 
von  Hrn.  Schottky  im  83.  Bande  von  Borchardi, '5  Journal.  Es  werden  dort  (p.  346  iT. )  Funk- 
tionen besprochen,  welche  sich  symmetrisch  reproduzieren,  wenn  man  einen  ebenen  Bereich,  der 
von  lauter  getrennten  Kreislinien  begrenzt  ist,  an  eben  diesen  Kreislinien  spiegelt.  Uebrigens 
rno'chtc  ich  auch  auf  die  Dyck'schen  Arbeiten  im  17.  und  18.  Bande  dieser  Annaleu  sowie  insbe- 
sondere auf  dessen  demuachst  (in  Bd.  XX)  crscheinende  Habiiitationssehrift  vervveisen,  wo 
Gebietseinteilungen  der  allgcmeinsten  hier  in  Betracht  kommenden  Art  zu  gruppentheoretischen 
Zwecken  verwandt  werden.  Vielleicht  ist  es  gut,  diesen  kleinen  Bemerkungen  nach  eine  allge- 


^  CORRESPONDANCE   AVEC   F.    KLEIN. 

durchhehen,  \velche  icli  Hirer  Arbeit  in  clem  friiher  bereits  bezeichneten  Sinne 
hinzugefflgt  babe,  und  in  der  ich,  so  viel  an  mir  ist,  gegen  die  beiden  Benen- 
nungen  „  fuchsiennes  t;  and  „  kleineennes  "•  protestire,  beztiglich  lezterer  Schottky 
xitiere  und  ubrigens  Riemann  als  denjenigen  bezeichne,  auf  den  alle  diese  Unter- 
suchungen  zurtickgehen.  Ich  habe  mich  bemiiht,  diese  Erklarung  so  massvoll 
als  moglich  zu  halten,  bitte  Sie  aber,  mir  umgehend  zu  sclireiben,  wenn  Sie  nocb 
eine  Abanderung  minschen.  Dem  Verdienste  Ihrer  Untersuchungen  trete  ich 
damit  in  keiner  Weise  zu  nahe.  Hieruber  hinaus  habe  ich  nun  aber  noch  eine 
eigene  kleine  Arbeit  (*)  redigirt,  die  gleich  hinter  der  Ihrigen  abgedruckt  werden 
soil.  Dieselbe  bringt,  auch  ohne  Beweis,  einige  auf  dem  betr.  Gebiete  liegende 
Resultate,  vor  allem  dieses  :  doss  man  jede  algebraische  Gleichung  f(w,  s)  =  o, 
sob  aid  man  auf  der  zugehorigenRiemanri'schenFldchep  unabhdngige  Riickkehr- 
schnitte  gezogen  hat,  in  einer  und  nur  einer  Weise  durch  w=cp(yj),  z  =  &(~fi] 
auflosen  kann,  wo  -r\  eine  diskontinaierliche  Gruppe  von  der  Art  erfdhrt,  wie  Sie 
sie  damals  im  Anschluss  an  meinen  Brief  zur  Sprache  gebracJit  hob  en.  Dieser 
Satz  ist  darum  so  schon,  weil  diese  Gruppe  genau  3p  —  3  wesentliche  Parameter 
hat,  also  ebensoviele,  als  die  Gleichungen  des  gegebenen/?  Moduln  besitzen.  Hieran 
kniipfen  sich  weitere  Ueberlegungen,  die  mir  interessant  scheinen.  Um  Ihnen 
dieselben  moglichst  vollstandig  mitzuteilen,  habe  ich  die  Druckerei  angewiesen, 
Ihnen  auch  von  meiner  Arbeit  die  Korrektur  zuzuschicken,  die  Sie  dann  ruhig  fiir 
sich  behalten  wollen. 

Was  die  Beweise  angeht,  so  ist  das  eine  mtihselige  Sache.  Ich  operire  immer 
mil  Riemann'sclien  Anschauungen  resp.  geometria  situs.  Das  ist  schwer  ganz 
deutlich  zu  redigieren.  Ich  werde  mir  alle  Miihe  geben,  dieses  mil  der  Zeit  zu 
tun.  Mittlerenveile  wird  es  mir  selir  erwunscht  sein,  mil  Ihnen  hieriiber  und 
auch  uber  Hire  Beweise  zu  korrespondieren.  Seien  Sie  uberzeugt,  dass  ich  die 
Briefe,  welch e  Sie  mir  in  dieser  Hinsicht  in  Aussicht  stellen,  mit  grossteni  Interesse 
studiren  und  denientsprechend  eingehend  beantworten  werde.  Wenn  Sie  wunschen, 
dieselben  in  irgend  einer  Form  zu  publizieren,  so  stehen  Ihnen  die  Annalen 


selbstverstandlich  zur  Verfugung. 


Hochachtungsvoll 

F.  KLEIN. 


Ihr  ergebener 


metnerc  zuzugescllen  und  bei'vorliegendcr  GelegeuUeit  zu  konstuLiercn,  class  alle  die  hier  in  Frage 
kommenden  Untersuchungeu,  und  zvvar  sowohl  diejenigen,  welclie  ein  geoinctrische  Geprage 
besitzen,  als  auch  die  mehr  analylischeu,  die  sich  auf  die  Lusungen  linearer  DifTerentialgleichungen 
beziehen,  auf  Hiemann'sche  Idceubildungen  zuriickgehen.  Ber  Zusatnmenhang  ist  ein  so  enger, 
dass  man  bchaupten  kann,  es  liandele  sich  bei  Untersuchungen  im  Sinne  des  Hrn.  Poincare 
geradezu  urn  die  weitere  Durchfuhrung  des  allgemeinen  funktionentheorelischcn  Prograrnrn's, 
welches  Riemann  in  seiner  DoktordisserLation  aufgestellt  hat. 
Leipzig,  den  3o.  december  1881. 

F.  KLEIN. 

(l)  Ueber  eindeutige  Funktionen  mit  linearen  Transfonnationen  in  sich  („  Das  Riick- 
kehrschnitt-theorem"),  (Math.  Annalen,  t.  19,  1882,  p.  565-568),  F.  KLEIN,  Ges.  math.  Abh., 
Berlin,  t.  3,  1928,  n°  101,  p.  622-626. 


CORRESPONDANCE  AVEC   F.    KLEIN.  49 


XV. 

MONSIEUR, 

J'ai  recu  les  epreuves  de  Teubner  et  je  vais  les  lui  renvoyer.  J'ai  lii  votre 
Note  et  je  ne  vois  pas  qu'il  j  ait  lieu  d'y  changer  quoi  que  ce  soil.  Vous  me 
permettrez  cependant  de  vous  adresser  quelques  lignes  pour  chercher  a  jus- 
tifier  mes  denominations.  J'attends  avec  impatience  le  theoreme  que  vous 
m'annoncez  et  qui  me  parait  des  plus  inte'ressants. 

Veuillez  agreer,  Monsieur,  1'assurance  de  ma  consideration  la  plus  distinguee, 

PoiNCARfi. 


XVI. 

Paris,  28  mars  1882. 


MONSIEUR, 


Vous  avez  ajouie  a  mon  travail  :  Sur  les  f auctions  uniforrnes  qui  se  repro- 
duisent  par  des  substitutions  lineaires,  une  note  ou  vous  exposez  les  raisons 
qui  vous  ont  fait  rejeter  mes  denominations.  Vous  avez  eu  la  bonie  de  m'en 
envoyer  les  epreuves  imprime'es  en  me  demandant  si  j'y  desirais  quelque 
changement.  Je  vous  remercie  de  la  delicatesse  de  votre  procede,  mais  je  ne 
pouvais  en  abuser  pour  vous  demander  de  taire  la  moitie  de  votre  pens6e. 

Vous  comprenez  cependant  que  je  n'e  puis  laisser  les  lecteurs  des  Annales 
sous  cette  impression  que  j'ai  commis  une  injustice.  C'est  pourquoi  je  vous  ai 
ecrit,  vous  vous  le  rappelez  peut-£tre,  que  je  ne  vous  demandais  aucun  change- 
ment a  votre  note,  mais  que  je  vous  demanderais  la  permission  de  vous  adresser 
quelques  lignes  pour  jus tifier  mes  denominations. 

Voici  ces  lignes  (4) ;  peut-£trejugerez-vous  convenable  de  les  insurer.  A  mon 
tour,  je  vous  demanderai  si  vous  desirez  que  je  fasse  quelque  changement  &  la 
redaction  de  cette  petite  note.  Je  suis  pr6t  a  faire  tous  ceux  qui  n'alt6rernient 
pas  ma  pensee. 

(i)  Lettre  n°  XVII. 

H.  P.  —  XI.  7 


50  CORRESPONDANCE   AVEC  F.    KLEIN. 

Veuillez  excuser  mon  importunity  et  me  pardonner  ce  petit  plaidoyer 
pro  domo, 

Veuillez  agreer,  Monsieur,  1'assurance  de  ma  consideration  la  plus  distingutSe, 

PoiNCARfi. 

Je  vous  serais  oblige  si  vous  voulez  bien  me  dire  Fadresse  de  M.  Hur\\ilz 
a  qui  je  dt^sirerais  faire  hommage  d'un  exemplaire  de  mon  travail. 

Je  vous  serais  bien  reconnaissant  aussi,  si  vous  pouvier  m'indiquer  los  traits 
g6n6raux  de  la  demonstration  par  laquelle  vous  <3tablissoz  le  th^oreme  enonci'* 
dans  votre  dernier  travail  :  Ueber  eindeutige  Funktionen  mil  linearvn 
Transfonnationen  in  sicJt. 


XVII. 

Sur  les  fonctions  uni formes  qui se  reproduisent 

par  des  substitutiojis  lineaires  (*). 

(Extrait  d'une  lettre  adress^e  a  M.  F.  KLEIN.) 

Par  H.  PoiNCARfi,  a  Paris. 

. . .  .Vous  avez  eu  derni&rement  la  bont6  de  faire  insurer  aux  Mttlhema- 
tischen  Annalen  (t.  14,  p,  553-564)  mon  travail  sur  les  fonctions  unifonnes 
qui  se  reproduisent  par  des  substitutions  lineaires  ct  vous  1'avez  fait  suivre 
d'une  note  OIL  vous  exposez  les  raisons  qui  vous  font  trouver  peu  convertibles 
les  nonis  que  j'ai  donnas  a  ces  transcendantes.  Permettez-rnoi  de  vous  adresser 
quelques  lignes  pour  d^fendre  mes  denominations,  que  jc  n'ai  pas  choisies  au 
hasard  (2). 

Si  j'ai  cru  devoir  donner  aux  fonctions  nouvelles  le  nom  de  M.  Fuchs,  ce 
n'est  pas  que  je  m^connaisse  la  valeur  des  travaux  de  M.  Schwarz  et  des  votres, 

(1)  Gette  lettre  a  £t6  imprim^e  dans  les  Mathernatischen,  Annalen^  t,  20,   1882,  p.  aa-J3  ct 
r^imprim6e  dans  les  GEuvres  de  Henri  Poincart,  Paris,  t.  2,  1916,  p.  106-107. 

(2)  Herrn  Poincares  Darlegungen  habe  ich  zuna'chst  nur  die  eine  Bemerkung  hinzuzufiigen, 
dass  ich  fiir  mein  Teil  nach  wie  vor  an  der  Auffassung  festhalte,  der  ich  auf  p.  564  des  |9.  Annalen- 
bandes  Ausdruck  gegeben  babe.    Dabei  will  ich  nicht  unterlassen,  ausdriicklich  auf  die  Note  atif- 
merksam  zu  machen,  mlt  welcher  Hr.  Fuchs  von  sich  aus  dem  auf  ihn  beztigUchen  Passus  meioer 
Auseinandersetzung  entgegengetreten  ist  (cf.  Gottinger  Nachrichten  vom  4-  MSrz  1882). 

Diisseldorf,  den  2.  April  1882*. 

F.  KJUEIH. 


CORRESPONDANCE  AVEC   F.   KLEIN.  5l 

je  suis  le  premier  au  contraire,  &  en  appr^cier  la  haute  importance.  Mais  il  ne 
m'^tait  pas  possible  d'oublier  les  d^couvertes  si  remarquables  que  le  savant  pro- 
fesseur  d'Heidelberg  a  publics  dans  le  Journal  de  Crelle*  Elles  sont  le  fon- 
dement  de  la  th^orie  des  Equations  lin£aires  et,  sans  elles,  je  n'aurais  pu  aborder 
l'(5tude  de  mes  transcendantes  qui  se  lient  si  directement  a  cette  th6orie.  Dans 
ses  premiers  travaux,  M.  Fuchs  se  place,  il  est  vrai,  a  un  point  de  vue  un  peu 
different  du  mien  et  ne  se  pr6occupe  ni  de  la  discontinuity  des  groupes,  ni  de 
Puniformit6  des  fonctions.  Mais  M.  Schwarz,  dans  ses  M^moires  des  tomes  70 
et  74  du  Journal  de  Crelle  ne  s'en  pr^occupe  pas  non  plus ;  il  en  dit  quelques 
mots  dans  un  cas  tr&s  particulier,  dans  leM^moiredu  tome  75  que  j'ai  cit,6dans 
ma  note.  C'est  la  seulement  qu'il  se  trouve  Auf  dem  Gebiete  der  fonctions 
fuchsiennes.  Dans  vos  belles  recherches  sur  les  fonc lions  modulaires  votre 
fagon  d'envisager  les  choses  diffcirait  peu  de  la  mienne,  mais  vous  aviez  plutot 
en  vue  alors  l'6tude  des  fonctions  elliptiques  que  celle  des  Equations  lintjaires. 
Quant  a  M.  Fuchs,  dans  ses  M^moires  (*)  des  tomes  83  et  89  du  Journal  de 
Crelle,  il  s'est  6lev<3  a  un  point  de  vue  nouveau  et  a  mis  en  lumi&re  le  lien 
6troit  qui  unit  la  th<3orie  des  Equations  diff^renli  elles  a  colle  de  certaines  fonc- 
tions uniformes.  Ce  fut  la  lecture  de  ces  M^moires  qui  devint  le  point  de 
depart  de  mes  recherches  (2). 

En  ce  qui  concerne  les  fonctions  kl£in<2ennes,  j'aurais  cru  commettre  une 
injustice,  si  je  leur  avais  donn£  un  autre  nom  que  le  votre.  C'est  M.  Schottky 
qui  a  d^couvcrt  la  figure  qui  faisait  1'objet  de  votre  lettre,  mais  c'est  vous  qui 
avez  ihre prinzipielle  Wichtigkeit  betont]  comme  vous  dites  &  la  fin  de  votre 
savant  travail  :  Ueber  eindeutige  Funktionen  mil  linearen  Transforrna- 
tionen  in  sich. 

Quant  ^,  ce  que  vous  dites  de  Riemann,  je  ne  puis  qu'y  souscrire  pleinement. 
G'6tait  un  de  ces  g^nies  qui  renouvellent  si  bien  la  face  de  la  Science  qu'ils 
impriment  leur  cachet,  non  seulement  sur  les  oeuvres  de  leurs  6l&ves  imm<3- 
diats,  mais  sur  celles  de  to  us  leurs  successeurs  pendant  une  longue  suite 
d?ann£es.  Riemann  a  cr66  une  th^orie  nouvelle  des  fonctions,  et  il  sera  toujours 

(J)  Sur  quelques  propri&tes  des  integrates  des  Equations  differ  entielles  auccquelles  satisfont 
les  modules  de  piriodizite  des  integrates  elliptiques  des  deux  premieres  especes  (J.  reine 
angew.  Math.,  t.  83,  1877,  p.  i3-37);  Ueber  eine  Klasse  von  Funktionen  mehrerer  Variabeln, 
welche  durch  Urnkehrung  der  Integrate  von  Losungen  der  linearen  DifferentMgleichungen 
mit  rationalen  Koeffizienten  entstehen  (ibid.,  t.  89,  1880,  p.  i5i-i69);  L.  FUCHS,  Ges.  math. 
Werke,  Berlin,  t.  2,  1906,  p.  87-114  et  191-212. 

(2)  Cf.  la  Correspondance  de  PoincarS  et  de  Fuchs  (Acta  Math*,  t.  38,  1921,  p.  176-187). 
Ge  volume  page  r3-s5. 


CORRESPONDANCE  AVEC  F.   KLEIN. 


possible  d'y  retrouver  le  germe  de  tout  ce  qui  s'est  fait  et  se  fera  apr&s  lui  en 

analyse  mathgmatique  .... 

Paris,  le  3o  mars  1882. 


XVIII. 


Dlisseldorf,  3.  April  1882. 
Adr.  Bahnstrasse  i5. 


SEHR  GEEHRTER  HERR  ! 


Ihre  Zusendung,  die  ich  gestern  uber  Leipzig  erhallen  habe,  traf  mieh  eben  iiu 
Begriffe,  Ihnen  zu  schreiben,  um  namlich  meine  neue  Annalenuote  ('),  die  als 
Korrektur-Exemplar  nun  wohl  bereits  in  Ihre  Hande  gekommen  ist,  mit  ein  paar 
Worten  zu  begleiten.  Zugleich  erhielt  ich  die  Note  von  Prof.  Fuchs  (-)  in  den 
Gottinger  Nachrichten.  Wenn  ich  zunachst  betrefFs  letzterer  2  Worte  su<jen 
darf,  so  ware  es  diess,  dass  ich  sie  fur  ganz  verfehlt  bezeichnen  muss.  Ich  habe 
nur  behauptet,  dass  Fuchs  nirgends  iiber  fonctions  fuchsiennes  publizirt  habe. 
Hiernach  ist  die  zvveite  der  von  ihm  angezogenen  Arbeiten  (die  ich  mir  ubrigens 
zwecks  naheren  Studiums  hierher  kominen  lassen  werde)  gegenstandslos.  Die 
erste  subsumiert  sich  allerdings  unter  die  fonctions  fuchsiennes,  insofern  es  sich 
um  Modulfunktionen  handelt,  aber  gerade  den  eigentlichen  Charakter  der  let/.teren, 
der  in  der  Natur  der  singularen  Linie  liegt,  hat  Fuchs,  bei  seinem  Mangel  an 
geometrischer  Anschauung,  nicht  rich  tig  erkannt,  wie  bereits  Dedekind  in  Bd.  83 
von  Borchardt  hecvorgehoben  hat.  Was  endlich  die  Insinuation  ^'egen  Schluss 
der  Note  betrifFt,  als  sei  ich  wesentlich  durch  Fuchs'  eigene  Untersuchun^i»n  zu 
meinen  veranlasst  worden,  so  ist  das  historisch  einfach  unrichtig.  Meine  L'nter- 
suchungen  beginnen  in  1874  mit  der  Bestimmung  aller  endlichen  Gruppen  Iinean»r 
Transformationen  einer  Veranderlichen.  Im  Jahre  1876  zeigte  icli  sodann,  da.ss 
damit  das  von  Fuchs  damals  aufgeworfene  Problem,  alle  algebraisch  integrierbaren 
linearen  DifFerentialgleichungen  2.  Ordnung  zu  bestimmen,  co  ipso  erledigt  sei. 
Die  Sache  ist  also  gerade  umgekehrt,  wie  Fuchs  angibt.  Nicht  seiner  Arbeit 
entnahm  ich  die  Ideen,  sondern  ich  zeigte,  dass  sein  Thema  mit  meinen  Ideen 
behandelt  werden  musse. 

Mit  Ihrer  Darlegung  bin  ich,  wie  Sie  vermuthen  werden,  aucl»  nicht  ein- 
verstanden..  Wenn  es  sich  um  die  allgerneine  Werthschatzung  der  Fuchs'schen 
Arbeiten  handelt,  so  werde  ich  gerne  bereit  sein,  irgend  eine  neue  Funktionen- 
klasse,  auf  die  noch  niemand  Hand  gelegt  hat,  nach  ihm  zu  benennen,  oder  aueh 


(  l  )  Ueber  eindeutige  Funktioneti  mit  linearen  Transformationen  in  sich  (  „  Das 
kreistheorem  "}(Math.  Annalen,  t.  20,  1882,  p.  49-5  1).  F.  KLEIN,  Ges.  math.  Abh.^  Berlin,  t,  3, 
1928,  n°  102,  p.  627-629. 

(2)  Ueber  Funktionen,  welche  durch  linear  e  Substitutionen  unverandert  bleiben  (Nachr* 
Ges.  Wiss.  Gottingen,  1882,  p.  8i-84);  L.  FUCHS,  Ges.  math.  Abh.,  Berlinj  t.  2,  1906,  |>,  285^287, 


CORRESPONDANCE   AVEC   F.    KLEIN.  53 

z.  B.  die  Funktionen  mehrerer  Variabeln,  die  Fuchs  in  Vorschlag  bringt  (f).  Die 
Funktionen  aber,  welche  Sie  nach  Fuchs  benennen,  gehorten  bereits  anderen,  ehe 
Sie  den  Vorschlag  zur  Benennung  machten.  Ich.  bin  auch  uberzeugt,  dass  Sie 
gerade  diesen  Vorschlag  nicht  gemacht  hatten,  wenn  Sie  damals  (zu  Anfang)  die 
Literatur  gekannt  hatten.  Sie  bieten  mir  sodann,  sozusagen  zur  Entschadigung, 
die  fonctions  kleineennes  an.  So  sehr  ich  Ihre  freunclliche  Absicht  ,dabei  aner- 
kenne,  so  wenig  kann  ich  dies  akzeptieren,  weil  es  eben  eine  historische  Unwahr- 
heit  impliziert.  Wenn  meine  Arbeit  im  XIX.  Bande  so  scheinen  konnte,  als  hatte 
ich  mich  in  der  Tat  jetzt  besonders  auf  die  kleineennes  geworfen,  so  mag  die  neue 
Arbeit  in  Bd.  XX  zeigen,  dass  ich  nach  wie  vor  auch  die  fuchsiennes  als  meine 
Domaine  betrachte. 

Doch  genug'  da  von.  Ich  habe  Ihre  Note  umgehend  in  die  Druckerei  geschickt 
und  nur  die  eine  Bemerkung  hinzu  gefiigt,  dass  ich  fiir  mein  Theil  an  meiner 
frttheren  Darlegung  festhalte  (wobei  ich  zugleich  das  Publikum  ausdrucklich 
auf  die  Note  von  Hrn.  Fuchs  aufmerksam  mache).  Sie  werden  in  allernachster 
Zeit  die  Korrektur  bekommen  und  bitte  ich  sodann,  selbige  mir  hierher  (wo  ich 
mich  wahrend  der  Osterferien  aufhalte)  zuzuschicken,  worauf  ich  in  der  Druckerei 
das  Nothige  veranlassen  werde  (-).  Was  die  Stelle  tiber  Schottky  angeht,  so  mochte 
ich  Sie  auf  einen  nachgelassenen  Aufsatz  in  Riemann's  Werken,  p.  4*3,  aufmerksam 
machen,  wo  genau  entsprechende  Ideen  entwickelt  sind.  Es  vvird  allerdings 
schwer  sein,  zu  konslatieren,  wie  viel  der  Herausgeber,  Hr.  Prof.  Weber, ,  da 
hineingetragen  hat.  Riemann's  Werke  erschienen  1876,  Schottky' s  Dissertation 
1870,  spater  als  Aufsatz  im  Borchardf  schen  Journal,  1877.  Nun  1st  aber  die 
Dissertation  von  1870  nur  ein  Theil  derjenigen  von  1877  unc^  *c^  kann  aus  dem 
Gedachtnisse  nicht  sagen,  ob  die  eben  hier  in  Betracht  kommende  Figur  bereits 
in  der  Ausgabe  von  1870  enthalten  ist. 

Noch  muss  ich  hinzufiigen,  dass  ich  nicht  beabsichtige,  den  Streit  wegen  der 
Benennungen  (nachdem  ich  Ihrer  Erldarung  die  oben  bemerkte  Fussnote 
hinzugefiigt  habe)  von  mir  aus  ferner  fortzusetzen.  Nur  wenn  ich  erneut  dazu 
veranlasst  werden  sollte,  wiirde  ich  eine,  dann  allerdings  sehr  ausfiihrliche  und 
sehr  ofTenherzige  Darstellung  des  ganzen  Sachverhalt's  geben.  Lassen  Sie  uns 
lieber  darin  konkurrieren,  wer  von  uns  die  ganze  hier  in  Betracht  kommende 
Theorie  am  meisten  zu  fordern  geeignet  ist !  Ich  meine,  an  meinem  Teile  durch 
meine  neue  Note  einen  gewissen  Fortschritt  erzielt  zu  haben.  Eine  Reihe  von 
Theoremen  iiber  algebraische  Funktionen  beweist  man  vermoge  der  neuen  Yj-Funk- 
tion  sofort,  z.  B.  den  Satz,  den  ich  in  meiner  Schrift  tiber  Riemann  nur  erst  als 
wahrscheinlich  bezeichnete,  dass  namlich  eine  Flache  p  >  o  niemals  unendlich 
viele  diskrete  eindeutige  Transformationen  in  sich  besitzen  kann  (vermoge  deren 
sie  in  eine  oo  Zahl  ,,  aquivalenter  Fundamentalpolygone  u  zerlegt  erscheinen 
wtirde).  Dann  ferner  den  Satz,  dass  sich  verscbiedene  von  Picard  gegebene 
Siitze  von  p  =  o  auf  den  Fall  eines  beliebigen  p  tibertragen  usw. 


( * )  Sind  dieselben  wirklich.  eindeutig  ?    Ich  verstehe  nur,  dass  sie  in  jedem  Wertsysteme, 
welches  sie  erreichen  unverzweigt  sind.    Doch  kann  ich  mich  da  tcLuschen. 
(3)  Ihre  Note  kommt  unmittelbar  hinter  die  meinige  zu  stehen ! 


mir 


5/j  CORRESPONDANCE   AVEC   F,   KLEIN. 

Was  die  Methoden  betrifft,  dutch  die  ich  meine  Satze  beweise  so  schreih. 
ich-  davon,  sobald  ich  dieselben  noch  raehr  abgekiart  habe.  Konnen  Sie  mi 
mittlerweile  nicht  mitteilen,  welches  die  Ideen  sind,  die  Sie  eben  jelzt  ^e^fol^en? 
Ich  brauche  kaum  hinzuzufilgen,  dass  wir  in  den  Mathematischen  Annalen  jeden 
Beilrag,  den  Sie  uns  geben  wollen,  mil  Freude  abdrucken  werden.  Es  wird  mir 
sehr  viel  daran  liegen,  mil  Ihnen  in  regem  Verkehr  zu  bleiben.  Fiir  micli  i^l 
die  lebendige  Verbindung  mil  gleichstrehenden  Matbematikern  innner  die  Vor- 
bedingung  zur  eigenen  mathematischen  Produktion  gewesen, 

Hochachlunj»svoil 
Ihr  ergebener 

F.  KLEIN. 

Die  Adresse  von  Dr.  HURWITZ  ist  bis  auf  weiteres  :  Hildesheim,  Langer  Hagen, 


XIX. 

Paris,  4  avril  1882, 
MONSIEUR, 

Je  viens  de  recevoir  votre  lettre  et  je  m'empresse  de  vous  rt^pondre.  Vous 
me  dites  que  vous  de*sirez  clore  un  d^bat  sterile  pour  la  Science  et  je  no  puis 
que  vous  fdiciter  de  votre  resolution.  Je  sais  qu'elle  ne  doit  pas  vous  center 
beaucoup  puisque  dans  votre  note  ajout6e  &  ma  derni&re  lettre,  c'esi  vous  q«i 
dites  le  dernier  mot,  mais  je  vous  en  sais  gr£  cependant.  Quant  a  inoi,  jc  n'ai 
ouvert  ce  d^bat  et  je  n'y  suis  entr<3  que  pour  dire  une  fois  et  une  seule  man 
opinion  qu'il  m'^tait  impossible  de  taire.  Ce  n'est  pas  moi  qui  le  prolongerai, 
et  je  ne  prendrais  de  nouveau  la  parole  que  si  j'y  ^tais  forc6;  d'ailleurs  je  ne 
vois  pas  trop  ce  qui  pourrait  mfy  forcer. 

Si  j'ai  donn6  votre  nom  aux  fonctions  klein^ennes,  c'est  pour  les  raisons 
que  j'ai  dites  et  non  pas  comme  vous  Tinsinuez,  zur  Entschddigung;  car  je 
n'ai  a.  vous  d^dommager  de  rien;  je  ne  reconnaitrai  un  droit  de  propri<H$  ant^« 
rieur  au  mien  que  quand  vous  m'aurez  montre*  qu'on  a  avant  moi  dtudi<§  la 
discontinuity  des  groupes  et  Tuniformit^  des  fonctions  dans  un  cas  tant  soil 
peu  ge'n^ral  et  qu'on  a  donn6  de  ces  fonctions  des  d^veloppements  en  series.  Je 
r6ponds  a  une  interrogation  que  je  trouve  en  note  &  la  tin  d'une  page  de  votre 
lettre.  Parlant  des  fonctions  de'fimes  par  M.  Fuchs  au  tome  89  de  Grelle,  vous 


CORRESPONDANCE  AVEC  F.   KLEIN.  55 

dites  :  «  Sind  diese  Funktionen  wirklich  eindeutig?  Ich  versLehe  nur  dass  sie 
in  jedem  Wertsjstem  welches  sie  erreichen  unverzweigt  sind  ».  Voici  ma 
r^ponse,  les  fonctions  £tudi<3es  par  M.  Fuchs  se  partagent  en  trois  grandes 
classes ;  celles  des  deux  premieres  sont  efFectivement  uniformes ;  celles  de  la 
troisi&me  ne  sont  en  g<3n£ral  que  unverzweigt;  elles  ne  sont  uniformes  que  si 
Pon  ajoute  une  condition  a  celles  £nonc6es  par  M.  Fuchs.  Ces  distinctions  ne 
sont  pas  faites  dans  le  premier  travail  de  M.  Fuchs;  on  les  trouve  dans  deux 
notes  additionnelles,  malheureusement  trop  concises  et  ins^r^es  1'une  au 
Journal  de  B  or  char  dt:  t.  90,  Fautre  aux  Gottinger  Nachrichten^  1880  (*). 

Je  vous  remercie  beaucoup  de  votre  derni&re  note  (2)  que  vous  avez  eu  la 
bont6  de  m'envojer.  Les  r^sultats  que  vous  ^noncez  m'int^ressent  beaucoup, 
voici  pourquoi;  je  les  avais  trouv6s  il  y  a  ddja  quelques  temps,  mais  sans  les 
publier  parce  que  je  d<5sirais  6claircir  un  peu  la  demonstration;  c'est  pourquoi 
je  d^sirerais  connaitre  la  votre  quand  vous  1'aurez  edaircie  de  votre  cot£. 

J'espSre  que  la  lutte,  a  armes  courtoises,  d'ailleurs,  a  laquelle  nous  venons 
de  nous  livrer  a  propos  d'un  nom,  n'all<§rera  pas  nos  bonnes  relations.  Dans 
tons  les  cas,  ne  vous  en  voulant  nullement  pour  avoir  pris  Poffensive,  j'esp^re 
que  vous  ne  m'en  voudrez  pas  non  plus  de  m'&tre  drfendu.  11  serait  ridicule 
d'ailleurs,  de  nous  disputer  plus  longtemps  pour  un  nom,  Name  ist  Schall 
und  Rauch  et  apr£s  tout  ga  m'est  ^gal,  faites  comme  vous  voudrez,  je  ferai 
comme  je  voudrai  de  mon  cot<5. 

Veuillez  agr^er,  Monsieur,  1'assurance  de  ma  consideration  In  plus  distingu^e, 

PoiNCA.Rfi. 


XX. 

Paris,  7  avril  1882. 
MONSIEUR, 

J'ai  1'honneur  de  vous  renvoyer  corrig^e  l'6preuve  de  ma  lettre  (3).  Main- 
tenant  que  ce  petit  d^bat  est  termini  et  je  Tesp&re  pour  ne  plus  se  renouveler, 

(J)  Voir  aussi  le  Me"moire  de  Poincare".  QEuvres,  t.  I,  p.  336-373  et  la  Correspondance  de 
Poincare  et  de  Fuchs  (Acta  Math.,  t,  38,  1921,  p.  176-187.  Ce  vol.  p.  i3-a5). 

(2)  Ueber  eindeutige  Funktionen  mit  linear  en  Substitutionen  in  sich  (  ^Das  Grenzkreis- 
theorem  u)  (Math.  Annalen,  t,  20,  1882,  p.  49-5 0»  F*  KLEIN,  Ges.  math.  Abh.,  Berlin",  t.  3, 
1923,  n°  102,  p.  627-629, 

(»)  Lettre  n*  XVII. 


56  CORRESPONDANCE   AVEC   F.    KLEIN. 

permettez-moi  de  vous  remercier  de  la  courtoisie  dont  vous  n'avez  cess6  de  fa  ire 
preuve  pendant  tout  le  temps  qu'il  a  dur£. 

Veuillez  agr6er,  Monsieur,  1'assurance  de  ma  consideration  la  plus  distinctive, 

PoiNCARfi. 


XXI. 


Leipzig,  7.  Mai  1882. 
Sophienstrassc  10. 


SEHR  GEEHRTER  HERR  ! 


Vor  kurzem  las  ich  Ihre  Note  in  den  Comptes  rendus  vom  10.  April  1882  (l). 
Dieselbe  hat  mich  urn  so  mehr  interessiert,  als  ich  glaube,  dass  Ihre  jetaigt* 
Betrachtungen  mil  den  meinigen  auch  der  Methode  nach  eng  verwandt  sind.  Ich 
beweise  meine  Satze  durch  Kontinuitdt,  indem  ich  die  beiden  Lemmata  vorausstellc: 
1.  dass  zu  jeder  groupe  discontinu  eine  Riemann'sche  Flache  zugehort  und  2.  dass 
zu  der  einzelnen  zweckmassig  zerschnittenen  Riemann'schen  Flache  immcr  (<2)  nur 
eine  solche  Gruppe  gehoren  kann  (sofern  ihr  tiberhaupt  eine  Gruppe  zugehort). 
Die  Reihenentwicklungen,  wie  Sie  dieselben  aufstellen,  habe  ich  bislang  noeh  gan/ 
ausser  Betracht  gelassen.  Wie  beweisen  Sie  eigentlich  die  Existenz  der  Zahl  m, 

fur  welche  "V ^-r^  absolut  konvergiert  ?    Und  haben  Sie  fiir  dieselbt;  eine 

-*"•  (  YZ  7]  H~  Vi) 

genaue  oder  nur  eine  approximative  untere  Grenze  ? 

Ich  selbst  habe  mittlererweile  den  betr.  Satzen  wieder  allgemeinere  Gestalt 
gegeben,  und  da  die  Fertigstellung  einer  Annalennote  im  Augenblicke,  wo  ich 
sehr  wenig  Zeit  habe,  sich  noch  etwas  hinausziehen  muss,  so  schreibe  ich  Ihn^n 
wieder  davon.  Im  Falle  meines  ersten  Satzes  wurde  die  Gesamtkugel  r\  nut 
Ausnahme  unendlich  vieler  Punkte  von  den  wiedererhaltenen  Reprocluktionen  das 
Fundamentalbereiches  liberdeckt.  Im  Falle  des  zweiten  Satzes  bleibt  das  Innere 
einer  Kreisflache,  aber  nur  einer  einzigen,  unbedeckt.  Ich  habe  jetzt  die  Kxistenz 
von  Darstellungen  konstatiert  (die  ftir  die  einzelne  Riemann'sche  FI§che  wieder 
immer  und  immer  auch  nur  in  einer  Weise  vorhanden  sind),  bei  welclier  unendlich 
viele  Kreisflachen  ausgeschlossen  werden.  In  dieser  Richtung  formuliere  ich  hier 
nur  den  allereinfachsten  Satz  (bei  welchem  durchaus  unverzweigte  Darstellung 
der  Riemann'schen  Flache  vorausgesetzt  wird).  Sei  p  =  ^  -4-  fi2  -h . . .  4-  |um,  wo 
vorab  keines  der  //.  — i  sein  mag.  So  nehme  man  auf  der  Riemann'schen  FlSche 
m  Punkte  Ot,  . . . ,  Ow,  und  lege  von  d  in  der  bekannten  Weise  2^  Querschnitte 
AU  Bi;  A2,  B2;  ,..;  A^,  B^;  von  022^2  Querschnitte  usw.  Andererseits  kons- 
truiere  man  auf  der  TQ  Kugel  m  auseinander  liegende  Kreise  und  innerhalb  des 

(x)  CEubres  de  Henri  Poincare,  Paris,  t.  2,  1916,  p.  4i-43. 
(2)  D.  h.  unter  deti  Beschrankuugen  des  jeweiligen  Satzes. 


CORRESPONDANCE   AVEC   F.   KLEIN.  67 

von  letzteren  gemeinsam  begrenzten  Raumes  ein  Kreisbogenpolygon,  das  von 
4|Ui  Kreisen  begrenzt  ist,  welche  auf  dem  ersten  Fundamentalkreise  senkrecht 
stehen,  dann  ferner  von  /j./-^  Kreisen,  die  auf  dem  zweiten  Fundamentalkreise 
senkrecht  stehen,  usw.  (also  ein  Kreisbogenpolygon,  das  /n-fachen  Zusammenhang 
hat).  Die  begrenzenden  Kreise  werden  paarweise  in  der  bekannten  Reihenfolge 
A15  Bl5  A^1,  B71,  Ao,  B2,  ...  zusammengeordnet  und  zwar  durch  lineare  Substi- 
tutionen  des  73,  bei  denen  jeweils  der  betrefFende  Fundamentalkreis  invariant 
bleibt.  Ueberdies  sei  das  Produkt  der  betreffenden  linearen  Substitutionen  also 
etwa  :  A^Ay^^1  . .  .  A^B^1  allemal  der  Identitat  gleich.  Dann  gibt  es  immer 
eine  und  nur  eine  analytische  Funktion,  welche  die  zerschnittene  Riemanrische 
Fldche  auf  ein  der  art  beschaffenes  Kreisbogenpolygon  abbildet.  Der  Fall,  dass 
eines  der  JUL  gleich  i  wird,  unterscheidet  sich  nurdadurch,  dass  dann  der  zugehorige 
Fundamentalkreis  sich  auf  einen  Punkt  zusammenzieht  und  die  entsprechenden 
linearen  Substitutionen  in  diejenigen  ,,  parabolischen  u  iibergehen,  welche  jenen 
Punkt  festlassen  (1).  Doch  genug  fur  heute.  Ware  es  nicht  moglich,  eine 
vollstandige  Kollektion  von  Separatabziigen  Ihrer  einschlagigen  Arbeiten  zu 
bekommen  ?  Wenn  es  an  gent,  beginne  ich  nach  Pfingsten  in  meinem  Seminare  eine 
Reihe  von  Vortragen  iiber  eindeutige  Funktionen  mit  linearen  Transformationen  in 
sich,  und  mochte  dabei  meinen  Zuhorern  eine  solche  Kollektion  zur  Verfiigung 
stellen. 

Hochachtungsvoll 

Ihr 

F.  KLEIN. 


XXII. 

Paris,  12  mai  1882. 


MOMSIEUR, 


J'ai  bien  tard6  a  vous  r^pondre  et  je  vous  prie  dc  m'en  excuser,  car  j'ai  ^te 
forc£  de  faire  une  petite  absence.  Je  crois  comme  vous  que  nos  m^thodes  se 
rapprochent  beaucoup  et  different  moins  par  le  principe  g<3n£ral  que  par  les 
details.  Pour  les  lemmes  doat  vous  me  parlez,  le  premier,  je  Fai  6tabli  par  les 
considerations  des  d(§veloppements  en  series  et  vous,  a  ce  que  je  pense,  a  1'aide 
du  th£or£me  dont  vous  m'avez  parle"  dans  une  de  vos  lettres  de  l'ann£e  derni^re. 

Pour  le  second  lemme,  il  ne  pr6sente  pas  de  difficult^  et  il  est  probable  que 

i 

(!)  VgL  F.  KLEIN,  Neue  Beitrage  zur  Riemannschen  Funktionentheorie,  Abschnitt  IV, 
(  ,,Das  allgemeine  Fundamentaltheorem"  ),  (Math,  Annalen,  t.  21,  1882-1883,  p,  206-212),  Ges. 
math.  Abh.%  Berlin,  t.  3,  1928,  n°  103,  p.  630-710. 

H.  P.  —  XI.  8 


58  CORRESPONDANCE  AVEC   F.   KLEIN. 

nous  Pe'tablissons  de  la  m^me  maniere.  Une  fois  ces  deux  lemmes  tHablis  el, 
c'est  en  effet  par  la  que  je  commence,  ainsi  que  vous  le  faites  vous  inline, 
j'emploie  comme  vous  la  continuite,  mais  il  y  a  bien  des  manieres  do  Templojer 
et  il  est  possible  que  nous  difFe"rions  dans  quelques  details. 

Vous  me  demandez  comment  j'etablis  la  convergence  de  la  sthne  ^ ^v<T|-f-  5j)'"  * 
J'en  ai  deux  demonstrations  mais  qui  sont  toutes  deux  trop  longues  pour  lenir 
dans  une  lettre;  je  les  publierai  prochainement  (*).  La  premiere  ost  fondee  en 
principe  sur  ce  fait  que  la  surface  du  cercle  fondamental  est  flnie.  La  soeomle 
exige  la  me"me  hypothese,  mais  elle  est  fonde'e  sur  la  g£ome"trie  non  cuclidicnno. 
Quelle  est  maintenant  la  limite  infdrieure  du  nombre  m?  C'est  m  =  2.  Ici  si 
Ton  suppose  m  entier  on  a  une  limite  exacte.  En  ce  qui  concerne  les  series 
relatives  aux  fonctions  Zetafuchsiennes,  je  n'ai  au  contraire  qu'une  limite 
approximative.  Ce  qui  m'a  le  plus  inte'resse'  dans  votre  lettre  c'est  ce  que  vous 
me  dites  au  sujet  des  fonctions  qui  admettent  commc  espaces  lacunaircs  une 
infinite'  de  cercles.  J'ai  rencontr^  aussi  de  semblables  fonctions  et  j'en  ai  donm'* 
un  exemple  dans  une  ou  deux  de  mes  Notes.  Mais  j'y  suis  arrive*  par  une  voic 
absolument  difFe"rente  de  la  votre.  II  est  probable  que  vos  fonctions  el  les 
miennes  doivent  avoir  une  e'troite  parente" ;  cependant  il  n'est  nullement  Evident 
qu'elles  soient  identiques.  Je  croirais  volontiers  que  votre  mtHhode  ainsi  quo  la 
mienne  est  susceptible  d'une  generalisation  tres  e'tendue  et  qu'clles  conduiraient 
toutes  deux  a  une  grande  classe  de  transcendantes  comprenant  commc  cas 
particuliers  celles  que  nous  avons  d6ja  rencontrdes. 

Vous  me  parlez  de  tirages  a  part  de  mes  travaux.  Voulez-vous  parlor  de  mes 
Notes  des  Comptes  rendus?  Je  n'en  ai  pas  fait  faire  de  tiragos  a  part  et  il  strait 
malheureusement  difficile  maintenant  d'en  obtenir,  aumoins  pour  les  promidrcs 
d'entre  elles. 

Je  vous  enverrai  prochainement  et  des  que  je  les  aurai  reciis  les  tirages  & 
part  de  deux  travaux  plus  re"cents ;  le  premier  Sur  les  courbes  d^Jinies  par  les 
Equations  diff£rentielles  (2).  II  s'agit  d^tudier  la  forme  g^omcHrique  des 
courbes  demies  par  les  Equations  diffdrentielles  du  premier  ordre,  Malheureu- 
sement la  premiere  partie  de  ce  M^moire  est  seule  imprime'e  jusqu'ici  et  ne  * 
contient  que  les  pr6liminaires.  Le  second  travail  a  pour  objet  les  formes 

(x)  Memoir e  sur  les  fonctions  fuchsiennes  (Acta  Math.,  t.  1,  1882,  JK  193-294 );  GEuvr-es  d$ 
Henri  Poincare,  Paris,  t.  2,  1916,  p.  169-267. 

(2)  J.  Math. pur es  et  appl.,  3e  s^rie,  t.  7,  1881,  p.  375-422  et  t.  8,  1882,  p,  25i-2g6 
t.  I,  p,  3-84. 


CORRESPONDANCE  AVEC   F.    KLEIN. 


cubiques  ternaires,  dont  je  veux  faire  I'&tude  arithm^tique.  J'ai  voulu  rappeler 
d'abord  certains  r^sultats  alg^briques  qui  remplissent  la  premiere  partie  du 
M^moire.  Cette  premiere  partie  a  seule  6t(5  imprime'e  dans  le  5oc  cahier  du 
Journal  de  VEcole  Poly  technique,  le  reste  devant  paraitre  dans  le  5ie  cahier. 
Cette  premiere  partie  ne  vous  inte'ressera  done  pas  beaucoup.  II  y  a  cependant 
une  £tude  sur  les  transformations  lin^aires  et  sur  certains  groupes  continus 
contenus  dans  le  groupe  line'aire  atrois  et  quatre  variables. 

A  propos,  je  ne  me  souviens  plus  si  je  vous  ai  envoys  ma  these,  ainsi  que 
des  travaux  plus  anciens  sur  les  Equations  diflferentielles  et  un  travail  sur  les 
fonctions  a  espaces  lacunaires. 

Veuillez  agrger,  Monsieur,  1'assurance  de  ma  consideration  la  plus  distinguge. 

POINCIRE. 


XXIII. 

Leipzig,   1 4  mai  1882. 


SEHH  GEEHRTER  HERR! 


In  Beantwortung  Ihres  eben  eintreffenden  Briefes  mochte  ich  Ihnen  mit  2  Worten 
mitteilen,  wie  ich  die  ,,  Kontinuitiit  "  verwende.  Freilich  nur  ira  Prinzip;  denn 
die  Ausfiihrung  im  Einzelnen,  die  bei  der  Redaktion  viel  Muhe  machen  wird,  lasst 
sich  jedenfalls  mannigfach  modifizieren.  Ich  will  mich  auf  den  Fall  der  durchaus 
unverzweigten  yj-Funktion  der  zweiten  Art,  wie  ich  aie  in  meiner  Note  nannte, 
beschranken.  Hier  handelt  es  sich  vor  allem  urn  den  Nachweis,  dass  die  beiden  zu 
Vergleich  kommenden  Mannigfaltigkeiten  :  die  Mannigfaltigkeit  der  in  Betracht 
kommenden  Substitutionssysteme  und  andererseits  die  Mannigfaltigkeit  der  xiberhaupt 
existirenden  Riemann'schen  Flachen,  nicht  nur  dieselbe  Dimensionenzahl  (6/>  —  6 
reelle  Dimensionen)  besitzen,  sondern  dass  sie  auch  analytische  Mannigfaltigkeiten 
mit  anafytischen  Grenzen  sind  (im  Sinne  der  von  Weierstrass  eingefuhrten  Termi- 
nologie).  Diese  beiden  Mannigfaltigkeiten  sind  nun  infolge  des  i.  in  meinem  vorigen 
Briefe  angefiihrten  Lemma's  (i  —  ,a;)-deutig  auf  einander  bezogen,  wo  x  dem  2. 
Lemma  zufolge  fur  die  verschiedenen  Partieen  der  zweiten  Mannigfaltigkeit  nur  o 
oder  i  sein  kann.  Nun  aber  erweist  sich  jene  Beziehung  als  eine  analytische  und 
zwar,  wie  wieder  aus  den  beiden  Hulfssatzen  folgt,  als  eine  analytische  von  nirgends 
verschwindender  Funktionaldeterminante.  Hieraus  schliesse  ich,  dass  x  durchweg  i 
sein  muss,  Gabe  es  riamlich  einen  Uebergang  von  Gebieten  mit  x  =  o  zu  solchen 
mit^  =  i,  so  wurden  den  Punkten  des  Uebergangsgebietes  wegen  des  analytischen 
Charakters  der  Zuordnung  bestimmte  (wirklich  erreichbare)  Punkte  der  anderen 
Mannigfaltigkeit  entsprechen  und  fiir  diese  miisste  dann,  dem  Bemerkten  zuwider, 


60  CORRESPONDANCE  AVEC   F.    KLEIN. 

die  Funktionaldeterminante  der  Beziehung  verschwinden.  So  \\eit  main  Beweis. 
Einen  ganz  anderen,  doch  auch  auf  KontinuitStsbetrachtungen  beruhenden,  teilte 
mir  Hr.  Schwarz  mit,  als  ich  ihn  neulich  (am  n.  April)  in  Gottingen  besuchlc. 
Ohne  gerade  von  ihm  autorisirt  zu  sein,  meine  ich  Ihnen  doch  auch  da  von 
schreibeu  zu  sollen.  Schwarz  denkt  sich  die  Riemann'sche  Flache  in  geeigneter 
Weise  zerschnitten,  soclann  unendlichfach  iiberdeckt  und  die  verschiedenen  Ueber- 
deckungen  in  den  Querschnitten  so  zusammengeftigt,  class  eine  Gesanufliirho 
entsteht,  welche  der  Gesamtheit  der  h\  der  Ebene  nebeneinander  zu  legenden 
Polygone  etitspricht.  Diese  Gesamtflache  ist,  sofern  man  von  solchen  Attribulon 
bei  unendlich  ausgedehnten  Flachen  sprechen  kann  (was  eben  erlautert  werden 
muss),  im  Falle  der  -^-Function  3.  Art  (auf  die  sich  Schwarz  zuniichst  beschranktc) 
einfach  zusammenhangend  und  einfach  berandet,  und  es  handelt  sich  also  nur 
darum,  einzusehen,  dass  man  auch  eine  solche  einfach  zusammenhSngende,  einfach 
berandete  Flache  in  der  bekannten  Weise  auf  das  Innere  eines  Kreises  abbilden 
kann.  Dieser  Schwarz'sche  Gedankengang  ist  jedenfalls  sehr  schon. 

Sie  fragen  wegen  der  Separatabztige.  Ich  mochte  Ihnen  da  vor  allem  naturlirli 
nicht  lastig  fallen,  und  dies  urn  so  weniger,  als  ich  mir  ja  alle  Ibre  Publikatlouen, 
mit  alleiniger  Ausnahme  Ihrer  These,  immer  verschaffen  kann.  Aber  lie.b  \uirc 
mich  freilich,  eine  rnoglichst  vollstandige  Sammlurig  derselben  zu  haben.  Wonn  Sie 
mir  also  einige  Sachen  zuschicken  konnen  (ich  besitze  noch  keino  flerselbtkn),  so 
wxrd  es  mir  sehr  angenehm  sein, 

Haben  Sie  vielleicht  einmal  Lie's  Theorie  der  Transformatiorisgruppen  geles^n? 
Lie  denkt  sich  die  in  seine  Gruppen  eingehenden  Parameter  immer  als  kompl^x^ 
Grossen;  es  ware  interessant  zu  sehen,  wie  sich  seine  Resuitate  vervollstandigcn 
liessen,  wenn  man  auch  solche  Gruppen  in  Betracht  zoge,  die  nur  durch  wlfa 
Wiederholung  gewisser  oo  kleiner  Operationen  entstehen, 

Hermite  schickte  mir  vor  langerer  Zeit  eine  Numiner  seines  litho^raphierUkn 
Coan  d' Analyse,  Ware  es  vielleicht  mogiich  (nattirlich  gegen  Bezahlung)  das 
Ganze  zu  bekommen?  Ich  wiirde  das  fiir  mein  Seminar  in  Anbetracht  der  Zv 
die  ich  eben  jetzt  verfolge,  mit  besonderer  Freude  begrussen. 

Wie  immer 

Ihr  ergebenster 

F-    KlBIN. 

XXIV. 

Paris,   1 8  mai  1882. 

MONSIEUR, 

Je  n'ai  pas  besoin  de  vous  dire  combien  votre  derniere  lettre  m'a  h 
Je  vois  clairement  maintenant  que  volra  d^monstrauon  et  k  mienne  ne  peuveat 


CORRESPONDANCE  AVEC   F.    KLEIN.  6l 

diflferer  que  par  la  terminologie  et  par  des  details ;  ainsi  il  est  probable  que 
nous  n'6tablissons  pas  de  la  m&me  mani&re  le  caract&re  analytique  de  la  rela- 
tion qui  lie  les  deux  Mannigfaltigkeiten  dont  vous  parlez;  pour  moi,  je  relie 
ce  fait  a  la  convergence  de  mes  series,  mais  il  est  Evident  qu'on  peut  arriver  au 
m£me  r^sultat  sans  passer  par  cette  consideration. 

Les  id^es  de  M.  Schwarz  ont  une  port^e  bien  plus  gran.de;  il  est  clair  que  le 
th^or^me  general  en  question,  s'il  (Hait  demontre,  aurait  son  application  dans 
la  thdorie  d'un  tres  grand  nombre  de  fonctions  et  en  parliculier  dans  celle  des 
fonctions  defmies  par  des  Equations  diiKrentielles  non  lineaires.  C'est  en 
etudiant  de  pareilles  Equations  que  j'avais  6t6  conduit  de  mon  cot6  a  chercher 
si  une  surface  de  Riemann  a  une  infinite  de  feuillets  pouvait  &tre  etendue  sur 
un  cercle,  et  j'avais  6t6  amen6  au  problSme  suivaiit,  qui  permettrait  de 
d^montrer  la  possibility  de  cette  extension  : 

On  donne  une  Equation  aux  differences  partielles 

v    d-  u       ^.r      d-  u          ^    d-  u  da        .T    du 

\     _^    _}_  X., (_  \     -^    4_  Xv  —j h  X;  -y-    =    O 

dx-  d.u  dy  dy1  d,c  dy 


A  0  B 

Fig.  4- 

et  une  demi-circonference  AMBO,  Xi,  X2;  Xa,  X4,  X5  sont  des  fonctions 
donn^es  de  x  et  de  y}  ces  fonctions  sont  analytiques  a  1'interieur  de  la  demi- 
circonference  et  cessent  de  I'&tre  sur  son  p6rim£tre.  Peut-on  trouver  toujours 
une  fonction  u  de  x  et  dey  satisfaisant  a  liquation,  analytique  a  1'int^rieur  de 
la  demi-circonference,  tendant  vers  i  quand  le  point  x,  y  se  rapproche  de  la 
demi-circonf6rence  et  vers  z£ro  quand  il  se  rapproche  du  diam^tre  AOB  ?  Tous 
mes  efforts  dans  ce  sens  ont  6t6  jusqu'ici  infruclueux,  mais  j'esp^re  que 
M.  Schwarz  qui  a  si  bien  r<5solu  le  probl^me  dans  le  cas  plus  simple,  sera  plus 
heureux  que  moi. 

Je  vous  envoie  les  tirages  a  part  de  mes  travaux  anciens,  et  j'esp&re  pouvoir 
vous  adresser  d'ici  peu  les  autres  M^moires  plus  r^cents  que  je  vous  ai 
annonc^s  et  dont  je  ne  saurais  tarder  &  recevoir  le  tirage  a  part. 

Quant  au  cours  lithographic  de  M.  Hermite,  il  est  3dit6  chez  Hermann, 


62  CORRESPONDANCE   AVEC   F.    KLEIN. 

Librairie  des  Lyce'es,  rue  de  la  Sorbonne ;  le  prix  de  Pabonnement  est  i  a  francs. 
Je  ne  crois  pas  que  1'editeur  envoie  de  tirage  a  part  a  M.  Hennite. 

Veuillez  agr<5er  1'assurance  de  mes  sentiments  les  plus  devoues  el  de  mon 
estime  sincere. 

PoiISCARfi. 


XXV. 


Leipzig,  den   ly  Sept.   S-.i. 
Sophienstr.    10  II. 


SEHR  GEEIIRTER  HERR  ! 


Im  BegrifTe,  meinerseits  eine  langere  Arbeit  iiber  die  neuen  Funktionen  abzu- 
schliessen,  habe  ich  soeben  Ihren  Aufsatz  in  Bel.  19  der  Annalen  noch  einmal 
durchgesehen.  Es  ist  da  ein  Punkt,  den  ich  nicht  verstehe.  Sie  sprechen  an  zwri 
Stellen  (p.  558  Mitte  und  p.  56o  unten)  von  fonctions  fuchsienne,  die  uur  in  einrni 
Raume  existiren,  der  von  unendlich  vielen  Kreisen  begrenzt  ist,  \velche  auf  deat 
Hauptkreise  senkrecht  stehen.  Nun  kenne  ich  sehr  wohl  solche  Funktionen  (\\ie 
ich  Ihnen  schon  vor  einem  Yierteljahr  schrieb),  die  unendlich  viele  Kreise  als 
natiirliche  Grenze  haben.  Aber  an  der  zugehorigen  Gruppe  partizipieren  inimer 
solche  Substitutionen,  welche  nur  den  einzelnen,  beliebig  herausgegriflenen  Begren- 
zungskreis  invariant  lassen.  Nun  defmiren  Sie  fuchsiennes  als  solche  FunktiontMi, 
deren  Substitutionen  sdmmtlich  reell  sind  (p.  552),  und  diese  Definition  \vircl  durch 
die  Verallgemeinerung  auf  p.  557,  wo  an  Stelle  der  reellen  Axe  ein  beliebigor  Krcis 
tritt,  nicht  wesentlich  modifiziert.  Die  von  mir  gekannten  Funktionen  fallen  also 
nicht  unter  Ihre  Definition  der  fuchsiennes.  Ist  da  ein  Missverstiindnis  auf  nieiiu'r 
Seite  oder  eine  Ungenauigkeit  des  Ausdruck's  auf  der  Ihrigeu?  (!).  Was  ineint* 
Arbeit  angeht,  so  beschranke  ich  mich  darauf,  die  geoinetrische  AufTahSung 
darzulegen,  vermoge  deren  ich  im  Riemann'schen  Sinne  die  neuen  Funktionen 
definiert  denke.  Dabei  sind,  wie  es  in  der  Natur  der  Sache  liegt,  viele  Beriihrungs- 
punkte  auch  mit  Ihrer  geometrischen  AufFassung  des  Gegenstandes.  Die  allge- 
meinste  Gruppe,  welche  ich  in  Betracht  ziehe,  erzeuge  ich  aus  einer  beliebagen  Zahl 
,,  isolierter  u  Substitutionen  und  aus  einer  Anzahl  von  Gruppen  ,,  mil  Hauptkrt'is  ct 
(der  reell  oder  imaginar  sein  kann  oder  auch  in  einen  Punkt  ausgeartet)  durch 
,,  Ineinanderschiebung  u.  Die  Theoreme  meiner  beiden  Annalennoten  subsuinieren 
sich  dann  als  spezielle  Falle  unter  einen  allgemeinen  Satz,  der  etwa  so  lautet  :  doss 
zu  jeder  Riemannschen  Flache  mit  beliebig  vorgegebener  Verzweigung  und 
Zerschneidung  immer  eine  und  nur  eine  n-Funktion  des  betreffenden  Typm 
zugehort. 

( a )  Cf.  Ueber  den  Begriff  des  funktionentheoretischen  Pundamentalber&ichs  (  Math. 
Anualen,  t.  40,  1892,  p.  iSo-iSg);  F.  KLEIN,  Ges.  math.  Abh^  Berlin,  t.  3,  192^,0°  104»  p-  711-720. 


CORRESPONDANCE  AVEC   F.   KLEIN.  63 

Von  Mittag-Leffler  horte  ich,  dass  Sie  eben  auch  mil  grosseren  Ausarbeitungen  (!) 
beschaftigt  sind.  Ich  brauche  nicht  zu  sagen,  wie  sehr  es  mich  interessiren  wird, 
dariiber  Genaueres  zu  erfahren.  Wenn  Sie  in  einem  Monate  in  Paris  sind,  werden 
Sie  meinen  Freund  S.  Lie  kennen  lernen,  der  eben  ein  paar  Tage  bei  mir  zu  Besuch 
war  und  der,  obwohl  selbst  bislang  nicht  Funktionentheoretiker,  doch  lebhaft 
sich  fur  die  Fortschritte  interessiert,  die  die  Funktionentheorie  in  neuerer  Zeit 
gemacht  hat. 

Hochachlungsvoll 
Ihr 

F.  KLEIN. 


XXVI. 

Nancy,  le  22  seplembre  1882. 


MONSIEUR, 


Voici  quelques  details  sur  ces  fonclions  donL  j'ai  parl<$  dans  ma  Note  des 
Annalen  et  doni  la  limite  naiurelle  esL  formed  d'une  infinite  de  cercles.  Pour 
plus  de  simplicity  dans  1' exposition,  je  prendrai  par  exemple  un  cas  tr&s  parti- 
culier.  Supposons  quatre  points  a,  6,  c,  d  sur  le  cercle  fondamental  et  quatre 
cercles  coupant  orthogonalement  celui-ci :  le  premier  en  a  et  en  b,  le  deuxi^me 
en  b  et  en  c;  le  troisi^me  en  c  et  en  d\  le  quatri^me  en  d  et  en  a.  On  obtient 
ainsi  un  quadrilatere  curviligne.  Considerons  deux  substitutions  (hyperbo- 
liques  ou  paraboliques)  la  premiere  changeant  le  cercle  ab  dans  le  cercle  ad] 
la  deuxi&me  changeant  le  cercle  cb  dans  le  cercle  cd.  Les  Wiederholungen  de 
notre  quadrilatere  vont  recouvrir  la  surface  du  cercle  fondamental,  ou  une 
portion  seulement  de  cette  surface;  mais  dans  tous  les  cas  le  groupe  sera 
6videmment  discontinu.  On  reconnait  ais6ment  que  le  cercle  fondamental  ne 
sera  reconvert  tout  entier  que  dans  un  seul  cas;  lorsque  les  quatre  points  abed 
seront  harmoniques  et  que  les  deux  substitutions  (ab,  ad]  et  (cb,  cd)  seront 
paraboliques.  On  a  affaire  alors  a  la  fonction  modulaire.  Dans  tousles  autres 
cas,  on  trouve  que  les  Wiederholungen  en  question  ne  recouvrent  qu'un 

(*)  II  s'agit  ici  des  cinq  M^moires  suivants  :  Theorie  des  groupes  fuchsiens  (Ada  Math.,  t.  1, 
1882,  p.  1-62);  M£moire  sur  les  functions  fuchsiennes  (ibid.,  t.  1,  1882,  p.  193-294);  M&moire 
sur  les  groupes  klein&ens  (ibid.,  t.  3,  i883,  p.  49-92);  Sur  les  groupes  des  equations  lineaires 
(ibid.,  t.  4,  1884,  p.  2oi-3n);  M&moire  sur  les  fonctions  zetafuchsiennes  (ibid.,  t.  5,  1884, 
p.  209-278);  OEuvres  de  Henri  Poincare,  Paris,  t.  2,  1916,  p.  108-462. 


64  CORRESPONDANCE  AVEC   F.    KLEIN. 

domaine  limits  par  une  infinite  de  cercles.  Maintenant  le  plan  tout  entier  pent 
6tre  abgebildet  sur  notre  quadrilatere  et  de  telle  facon  que  deux  points  corres- 
pondants  du  p^rimetre  correspondent  au  m&me  point  du  plan.  Gette  Abbildung 
d^finit  une  fonction  n'existant  que  dans  le  domaine  reconvert  par  les  Wieder- 
holungen.  Mais  ici  il  faut  faire  une  remarque  importanle.  Le  groupe  derive 
des  deux  substitutions  (ab,  ad]  et  (c&,  cd)  peut  £tre  consid<3r<$  connne 
engendre'  d'une  autre  maniere.  Considt^rons  quatre  cercles  Cl7  Co,  C;J;  C» 
coupant  tous  quatre  orthogonalement  le  cercle  fondamental  et  ne  se  coupanl 
pas  entre  eux  de  fagon  a  e"tre  ext(3rieurs  les  uns  aux  a  litres.  Soit  deux  substi- 
tutions changeant  d  en  C2  et  C:{  en  C/(;  le  groupe  qui  en  derive  est  tfvidem- 
ment  discontinu  eL  si  les  quatre  cercles  sont  convenablement  choisis,  ii  peul 
£tre  identique  au  groupe  dont  il  a  <3te*  question  plus  haut.  La  portion  du  plan 
ext(5rieure  aux  quatre  cercles  est  une  sorte  de  quadrilatere  qui  peul  tore 
abgebildet  sur  une  surface  de  Riemann  de  genre  2  et  qui  engendre  aiasi  une 
fonction  existant  dans  tout  le  plan.  Voila  done  le  mfime  groupe  donnant  nais- 
sance  a  deux  fonctions  essentiellement  difF^rentes.  On  peut  se  poser  u  ce  sujtM. 
une  foule  de  questions  delicates  que  je  ne  puis  aborder  ici. 

En  r£sum<3,  vous  vojez  qu'il  s'agit  bien  de  fonctions  n'existant  que  daus  uu 
domaine  limits  par  une  infinites  de  cercles  et  cependant  de  «  fonctions  fu<;h- 
siennes  »  puisque  toutes  les  substitutions  du  groupe  conservent  le  cercle  fonda- 
mental. Chacun  des  cercles  de  la  fronti^re  est  consent  par  une  des  substitutions 
du  groupe,  laquelle  conserve  en  m£me  temps  le  cercle  fondamental.  Vous  save/, 
en  effet  que  toute  substitution  hyperbolique  conserve  tons  les  cerdes  (jta 
passent  par  les  deux  points  doubles. 

JPapprends  avec  plaisir  que  vous  pr^parez  un  grand  travail  sur  Pol>j«»t  <jui 
nous  intt5resse  tous  deux.  Je  le  lirai  avec  le  plus  grand  plaisir.  Comme  vous  1'a 
ditM.  Mittag-Leffler  je  prepare  moi«m6me  un  travail  sur  ce  sujet;  mais  vu  sa 
longueur,  je  Fai  partagt^  en  cinq  M^moires  : 

le  premier  qui  va  paraitre  cette  ann^e,  sur  les  groupes  &  substitutions  belles 
(que  j'ai  appel^s  groupes  fuchsiens) ; 

le  deuxitoe  sur  les  fonctions  fuchsiennes;  j'en  acKeverai  prochainement  la 
redaction ; 

le  troisi&me  sur  les  groupes  et  fonctions  plus  gto^rales  que  j'ai  appel^es 
klein^ennes. 

Dans  le  quatri^me  j'aborderai  un  ordre  de  questions  que  j'ai  laiss^as  de 


CORRESPONDANCE  AVEC   F.   KLEIN.  65 

dans  le  deuxi&me  Memoire;  c'est-a-dire  la  demonstration  de  Fexistence  de 
fonctions  satisfaisant  a  certaines  conditions,  par  example  la  demonstration  de 
ce  fait  qu'a  toute  surface  de  Riemann  correspond  une  semblable  fonction  et  la 
determination  des  constantes  correspondantes. 

Enfin  dans  le  cinqui&me  je  parlerai  des  fonctions  zetafuchsiennes  et  de  I'int6- 
gration  des  equations  lineaires. 

Je  dois  retourner  a  Paris  apr&s-demain;  je  serai  done  la  au  moment  du 
passage  de  M.  Lie.  Je  serais  desole  de  perdre  1'occasion  de  voir  ce  c6l£bre 
geom£jtre.  Vous  avez  du  recevoir  la  premiere  partie  de  mon  travail  sur  les 
courbes  deflnies  par  les  equations  differentielles.  Je  vous  en  enverrai  prochai- 
nement  la  seconcle  parlie ;  je  vous  enverrai  en  m6me  temps  mon  Memoire  sur 
les  formes  cubiques. 

Veuillez  agnSer,  Monsieur,  Fassurance  de  rna  consideration  la  plus  distinguee. 

PoiNCAttfi. 


H.  P.  —  XL 


LCTTRES  DE  HENRI  POINCARE 

A  M.  MITTAG-LEFFLER 
CONCERNANT  LE  MEMOIRE  COURONNE 

DU  PRIX  DE  S.  M.  LE  ROI  OSCAR  II  (') 


Acta  Mathcmatica^  t.  38,  p.  jGi-i^S  (1911) 


1 8  avril  1 883. 


J'ai  lu  avec  un  grand  inl6rel  la  leltre  de  M.  Wcicrs  trass  dual  vous  m'avez 
donned  copic  (-).  II  cst  bien  clair  com  me  Ie  dit  M.  Weirrslrass  quo  lus'coor- 
donn^es  des  plan&les  no  peuvont  s'exp  rimer  en.  series  ordountios  stiivant  les 

SiQt  _     T 

puissances  de  -^  —  cp1^  si  1'on  est  certain  d'avance  que  les  planOlcs  n<4  se  rtkn- 
contreront  pas,  et  d'auLrc  part  on  ne  peuljamais  en  dire  cerlain. 

Aussi  je  n'ordonnais  pas  suivant  les  puissances  de  —t  -  mais  suivani  ccHes 


de  —  --  ^  est  une  variable  auxiliaire  qui  jouit  des  propritHes  suJvantes  : 


e*t~>r-t 

c  Pdf  lino  vnrinhlp  niTviTInir/*  rrm   mint  T!AC  i 
e&s  _+- 1 

i°  t  s'exprime  comme  les  coordonnees  en  stSrie  ordonnee  suivant  les  puis* 
sances  de  ^p—  • 

2°  Si  les  planfetes  ne  se  rencontrent  pas/quand^variede  — oo  &  +00, 
constamment  de  — oo  a  +00. 


(x)  H.  POJNCAR&,  5wr  Le probleme  des  trois  corps  et  les  equations  de  la  m&canique  (Acta 
Math.,  t.  13;  QEuvres,  t.  7,  p.  262-479). 
(2)  Acta  Math.,  t.  35,  p.  35-36;  cf.  aussi  p.  45. 


CORRESPONDANCE  AVEC  MITTAG-LEFFLER.  67 

3°  Si  elles  se  rencontrent  au  temps  £0,  quand  s  varie  de  — oc  a  -t-oo,  t  croit 
constamment  dc  — oo  a  tQ.  Les  formnles  no  donnent  plus  rien  a  partir  du 
temps  (Q  et  c'est  d'ailleurs  ce  qu'clles  ont  de  mieux,  a  faire. 

Maintenant  je  n'avais  pas  eu  sp^cialement  en  vue  le  probl&mc  de  la  M^ca- 
nique  celeste;  mon  but  etait  de  monlrer  qu'on  pouvait  Loujours  resoudre  des 
Equations  diff^renticllcs  algt'ibriques  par  des  series  toujours  convergenles  pour 
toutes  les  valeurs  replies  des  variables.  Les  solutions  de  ce  probl&me  sont  en 
nombre  infini  el  celle  que  j'ai  donne^e  n'est  qu'un  exemple.  II  csl  clair  que  dans 
chaque  cas  particulier,  il  faut  choisir  la  plus  zweckmdssig*  Or  je  ne  crois  pas 
que  dans  le  cas  de  la  Mecanique  celeste  celle  que  j'ai  donn6  soil  la  plus  zweck- 
massig,  je  crois  qu'il  y  a  mieux  a  trotiver  (1). 


Paris,  1 6  juillet  1887. 

Je  n'ai  pas  oubiie;  le  prix  du  roi  Oscar  et  je  vous  dirai  meme  que  ce  prix  me 
pr^occupe  cxclusivemcnt  depuis  un  ou  doux  mois* 

Mon  ambition  e^tait  de  resoudre  la  premiere  question,  celle  qui  se  rapportc 
au  problfcme  des  n  corps.  Mais  je  n'ai  pas  arriv6  encore  a  des  r^sultals  coniplk- 
tement  satisfaisants,  au  moins  dans  lo  cas  general. 

J'ai  loutefois  obtenu  quelques  r6sultals  qui  ne  sont  pas  sans  int6r<H  et  dont 
je  ne  veux  vous  citer  qu'un  seul. 

II  s'agit  du  cas  particulier  ou  des  trois  corps,  le  premier  el  le  deuxieme  ont 
une  masse  ilnie  et  le  troisi^me  une  masse  nulle.  Lc  premier  et  le  deuxieme 
decrivenl  une  eirconfe'rence  aulour  de  leur  centre  de  gravity  commnn  ct  le 
troisi^me  se  incut  dans  le  plan  de  ces  circonfe^rences. 

Dans  ce  cas  particulier,  j'ai  lrouv£  une  demonstration  rigoureuse  de  la  stabi- 
lity et  un  moyen  dc  determiner  des  limites  precises  pour  les  elements  du 
troisieme  corps  (tj). 

Vous  savez  que  dans  ce  cas  particulier  M.  Hill  avail  d£ja  donn^  une  limite 


(1)  On  salt  quo  M.  K.  F.  Sundman  a  d<§montr6  r6cemment  qu'on  peut  choisir  Ja  variable  auxi- 
liaire  5  de  sortc  quo  les  series  en  question  convergent  pour  toutes  les  valeurs  de  t  meme  s'il  y  a 
des  chocs  entre  les  corps,  pourvu  que  les  constantes  des  aires  ne  soient  pas  toutes  nulles  (cf.  Acta 
Math,,  t.  36,  p.  105-179). 

(2)  Ou  se  rappelle  que  Poincare'  a  d^montre  que  la  masse  nulle  repassera  une  infinite  de  fois 
aussi  pres  qu'on  voudra  de  sa  position  initiale,  si  Ton  n'est  pas  place1  dans  certaines  conditions 
initiales  exceptionnelles  dont  la  probability  est  infini meuj,  petite. 


£g  CORRESPONDANCE   AVEC   MITTAG-LEFFLER. 

superieure  du  rayon  vecteur;  j'ai  recu  derniercment  un  M«5moire  de  M.  Boblm 
insure*  dans  le  tome  X  des  Ada  ou  ccLte  solution  de  M.  Hill  est  reprise  et 
complete.  Mais,  il  n'y  a  pas  de  limito  inferieure  et  de  plus  la  limite  superieure 
trouv<5e  est  trfcs  c$loign6e  de  la  limite  precise.  D'aillcurs  possedunt  cetle  limilc 
precise,  j'ai  plusieurs  moyeas  do  reprcsenter  le  mouvement  du  troisifcine  corps 
par  des  series  convergentes. 

Maintenant,  esl-ce  bien  la  ce  qu'avail  trouv<5  Lcjoune-Dirielilel  et  inline 
avail-il  nSelleinenl  trouv<5  quolque  chose,  jo  n'en  sais  rien  ;  mais  jo  sins  sur 
mainLenant  qu'onne  doit  pas  chcrchor  a  iiitegrer  le  probleme  par  les  fonelkms 
connucs  on  par  rion  qui  y  resscmbhi.  Car  les  parliculariltfs  inaltenducs  ([ue 
prysenient  les  fonctions  ou  je  suis  conduit  les  eloignenl  tout  a  fait  do  Unites  les 
fonc lions  connues. 

J'esperc  maintcnant  que  je  pourrai  aborder  le  cas  gtfndral  rt  quc  d'ici  au 
ier  juin  j'aurai,  sinon  ri^solu  compl^tcment  la  question  (cela,  je  nc  respire  pus) 
mais  trouvu  des  r(3sullats  asscz  com pl(Hs  pour  pouvoirftlrc  envoyes  au  concours. 
Je  crois  me  rappeler  qu'on  no  doit  envojer  au  concours  que  des  Memoires 
inedils^  et  que  le-nom  de  rauteur  doit  resLer  secret,  etanl  enfcrmtS  sous  un  pli 
cachet^  qu'on  ne  doil  ouvrir  qu'au  dernier  moment. 

Quant  au  mot  incdit,  il  doit  je  pcnsc  6tre  entendu  clans  un  sons  ahsolu,  cVsl- 
a-clire  que  les  rosultals  n'auront  pu  <}tre  anlerieurement  <5nojic<5s  et  resumes 
dans  une  Note  aux  Comptes  rendus  de  P Academic  des  Sciences. 


5  fiSvricr  1889* 

Merci  de  volre  lettre;  mallicureusement  je  ne  puis  pas  vous  dunner  des  ren- 
seigncments  plus  complets  au  sujet  de  la  me'thode  de  M.  Gyldcn;  je  ne  puis 
d^uiontrer  la  divergence  de  ses  d^veloppcments,  mais  je  n'en  puis  non  plus 
d^montrer  la  convergence. 

Pour  dtablir  ccite  convergence,  si  toutetbis  elle  a  lieu,  il  me  fuudrait  d'ahord 
avoir  une  id^e  Lout  a  fait  nette  de  la  fagon'dont  ces  ddveloppements  pea  vent 
6tre  obtenus.  Or  c'est  ce  que  je  ne  puis  faire  sans  avoir  6tudi£  a  fond  le 
M^moire  de  M,  Gyld^n  en  commengant  par  la  premiere  ligne  et  fimssant  par 
la  derni^re.  C'est  la  un  travail  que  jo  n'ai  pas  encore  eu  le  temps  de  faire. 

Vous  avouerai-je  que  je  trouve  le  style  de  M.  Gyld^n  un  peu  rehutant  et 
qu'il  me  donne  bcaucoup  de  mal  a  lire. 


CORRESPONDANCE  AVEC  MITTAG-LEFFLER.  69 

J'ai  1'habitude,  quand  je  lis  un  Memoire,  de  le  parcourir  d'abord  rapide- 
mont  de  fagon  a  me  donnerune  idee  de  1'ensemblc  el  dc  revenir  cnsuitesnr  les 
points  qui  me  semblent  obscurs.  Je  trouve  plus  commode  de  refairc  les 
demonstrations  que  d'approfondir  celles  de  1'auteur.  Mes  demonstrations 
peuvent  £tre  generalement  beaucoup  moins  bonnes  mais  elles  ont  pour  moi 
1'avantage  d'etre  miennes.  Or  c'est  ce  qu'il  m'est  impossible  de  faire  avec 
M.  Gylden,  ses  resultats  ne  sont  jamais  assez  ulersichtlich  pour  cela. 

Tout  cela  soit  dit  pour  vous  expliquer  comment  je  n'ai  pas  pris  encore  ime 
connaissance  plus  approfondle  du  Memoire  en  question.  Toutefois  j'cn  ai  vu 
assez  pour  voir  qu'il  obtient  dans  certnins  ens  une  libration]  or  ce  qui  fait  que 
les  developpemcnts  de  M.  Lindstedt  sont  cerlainement  divergents  c'est  ceci. 
S'ils  convergcaient  il  n'y  aurait  jamais  de  libration,  et  il  j  en  a  certainement. 

Les  m6mes  raisons  n'existent  done  pas  pour  conclure  a  la  divergence  des 
series  de  M.  Gylden.  Mainlenant  il  reste  bion  cntendu  que,  jusqu'a  nouvel 
ordre,  je  regarde  la  divergence  comme  plus  probable. 

Une  autre  raison  qui  m'empAcho  de  Hen  pouvoir  affirmer,  c'est  que  dans  ces 
developpements,  autant  que  je  puis  comprendre,  les  lermes  ne  se  deduisent 
pas  les  uns  des  autres  par  une  re-gle  inflexible.  A  cliaque  approximation  il  faut 
faire  intervenir  sa  jugeotte  (comme  on  dit  vulgairement)  pour  decider  dans 
quel  sens  on  doit  aiguiller  (comme  on  dit  dans  les  chemins  de  fer). 

Or  c'est  la  un  element  qu'il  est  difficile  d'introduire  dans  une  demonstration 
de  convergence  ou  de  divergence. 


ier  mars  1889. 

Venons  a  ce  que  vous  me  dites  de  M.  Gylden.  M.  Gjlden  dit  avoir  demontre 
1'existence  des  solutions  asymptotiques  et  nous  nous  pretendons  qu'il  ne  1'a 
pas  fait.  D'ou  vicnt  cela  !  De  ce  que  les  mots  demonstration  et  convergence 
n'ont  pas  le  m6me  sens  pour  lui  et  pour  nous.  M.  Gylden  croit  avoir  demontre 
la  convergence  d'une  serie  lorsqu'il  a  fait  voir  que  les  premiers  termcs  vont  en 
decroissant  et  qu'il  est  invraisemblable  qu'un  des  99  premiers  termes  par 
exemple  ait  une  valeur  plus  grande. 

Cela  peut  6tre  tr&s  suffisant  pour  les  applications  astronomiques  mais  ne 
saurait  contenter  le 

Venons  au  detail. 


rj0  CORRESPONDANCE   AVEC   MITTAG-LEFFLER. 

Voici  liquation  e'ludie'e  par  M.  Gylde'n  : 

(i)  ^  =2  A  sin  (a£  -+-  bt  H-  c), 

A,  a,  &  el  £  tUant  dcs  constantes  qui  dans  les  nolations  de  M,  Gylde'n  ont  um> 
expression  nssez  compliqu6e.  II  cxiste  il  est  vrai  d'aulres  arguments  £',  ^  ; 
mais  M.  Gylde'n  les  regarde  provisoiremcnl  comme  connus  en  fouctions  du 
temps  de  sorle  que  nous  pouvons  les  faire  rcnlror  dans  le  lenno  bl.  L'equalum 
est  ainsi  ramcne'e  au  deuxieme  ordre.  Tl  y  auraii  uvidemmenl  des  objections  a 
faire  a  celte  facon  de  simplifier  le  probleme;  mais  il  no  conviimt  pas  d\ 
insister,  puisqu'elles  sont  dc  m^rne  nature  que  celles  que  souleve  Fiate'graiion 
de  liquation  simplifiee  elle-m^me.  Gonside'rons  done  seulement  r^qualion  (i) 
qui  est  de  m6me  forme  que  celles  dont  je  me  suis  le  plus  occupo  el  <jui  corres- 
pondent aux  cas  ou  il  n'y  a  que  cleux  degrees  de  liber  16. 

M.  Gyld6n  commence  par  faire  un  triage  parmi  les  Uu'ines  du  scron<i 
membre.  II  met  a  parl  ceux  qui  lui  seni  blent  devoir  jouer  un  role  imporlauf  t*l 
qu'il  appelle  caracl^ristiques.  Voila  un  premier  oxomple  de  cetle  inltn'veution 
de  I'appr^ciation  personnelle,  de  la  jugeoile  donl  je  vous  parlais  la  dcrnifav 
fois  qui  donne  aux  me'thodes  de  M.  Gylde'n  une  grande  souplesst1  mais  ae  me 
permet  pas  d'aborder  une  demonstration  cle  la  convergence. 

M.  Gyld<5n  pose  ensuite  [p.  2i3  (d)]  : 


et  il  determine  Z0,  Z1?  elc.  par  une  serie  d'^quations  analogues  a  (0  <»u 
s'arrangeant  de  telle  fagon  que  chacuno  d'cllcs  ne  conlienno  qu'un  soul  UTIIJI* 
caracte'ristique. 

Quant  au  menu  fretin  des  lermes  non  caract<§risliques  il  les  n'tpartit  entn* 
ces  Equations  d7une  fagon  arbiiraire;  deuxi^me  intervention  de  la  jugeottc. 
Chacune  des  equations  est  ensuite  inte'gr^e  par  le  moyen  des  fonctions  ellip- 
tiques  ;  mais  est-elle  int^gre"e  de'finitivement  ?  Non,  quand  on  aura  integre'  la 
premiere,  puis  la  seconde,  il  faudra  modifier  la  premiere  et  Pinte'grer  de  nou- 
veau  et  ainsi  de  suite.  Voici  en  effet  ce  que  dit  £  ce  sujet  M.  Gylde'n  (p.  24^}  : 

«  Bei  dem  Fortgange  dieser  Operationen  muss  man  sich  indcssen  ermnern; 
dass  bei  derBildung  der  Functionen  (X)  Glieder  entstehen  kdnrxen,  vondene0 

(l)'_Acta  Math.,  t.  9. 


CORRESPONDANCE  AVEC   MITTAG-LEFFLER.  71 

ein  Theil  mil  vorhcrgehenden  charact.  Gliedern  zu  vereinigen  sind  und  also 
die  Werthe  der  vorhergehenden  Moduln  etwas  verandern,  ...» 

Ces  retours  en  arri^re  doivent,  ce  me  semble,  prodigieusement  agacer  les 
calculateurs,  etj'ai  cherchg  avec  soin  a  les  e>iter.  On  les  rencontre  non  seule- 
ment  dans  la  mtSthode  de  M.  Gyldt^n  mais  dans  celle  de  Delaunaj.  Vous  con- 
cevcz  sans  peine  qu'ils  rendent  impossible  toute  demonstration  de  convergence. 

M.  Gyldthi  arrive  ensuite  a  une  s^rie  (so),  page  ^44  donl  il  dit  qu'elle 
converge  parce  que  dil-il  : 

1C      TC 

<(  Die  Verbaltnisse  j—  >  ~  ?  *  •  •  ujueren  Annahmen  Rack,  .  .  .  eine  gegebene 
Grosse  nicht  fibers  tei  gen  ». 

En  r6alit6,  cela  veuL  dire  que  In  s^rie  ne  converge  que  si  Ton  suppose  (unseren 
Annalimen  nach)  que  ces  rapports  restent  inferieurs  £  une  certaine  limite,  et 
que  si  cela  n'avait  pas  lieu  il  faudrait  avoir  recours  a  une  autre  m^lhode,  celle 
qui  est  exposed  pages  267  a  268.  Mais  comment  pourra-t-on  savoir  d'avance  si 
celte  condition  est  remplie;  puisque  le  module  A",  calculi  d'abord,  va  Gtre 
incessamment  modified  par  les  retours  en  arriSre  dont  je  parlais  tout  a  1'heure 
et  qu'il  n'est  pas  certain  qu'il  ne  va  pas  s'approcher  ind6finiment  de  i. 

Mais  ce  n'est  pas  tout.  La  s^rie  (20)  n'est  pas  Pexpression  complete  de  Z. 
On  1'obtient  en  laissant  de  cot<5  les  termes  provenant  des  termes  non  caract6- 
ristiques  que  M.  Gylden  considerc  comme  trop  petits  pour  pouvoir  alt^rer  la 
convergence.  Cela  est-il  l^gitime  ?  De  ce  que  ces  termes  sont  tr6s  petits,  il  suit 
que  leur  influence  ne  sera  pas  sensible  avant  la  5ott  approximation  par  exemple, 
mais  non  qu'elle  ne  le  sera  jamais,  ni  m£me  qu'elle  nc  pourra  pas  devenir  tr£s 
grand  e. 

Bornons-nous  done  a  une  des  Equations  qui  donnent  Z0,  Z4,  etc.  c'est-a-dire 
a  une  Equation  de  la  forme  (i)  ne  contcnant  qu'un  seul  terme  caract^ristique. 

La  m^thode  de  M,  Gylden  consiste  a  appeler  2V  Fargument  de  ce  terme 
caract^ristique  et  a  6crire  ensuite  liquation  sous  la  forme  * 


A  est  une  constante,  AX  repr6sente  1'ensemble  des  termes  non  caracte^ristiques 
et  A  est  un  coefficient  tr&s  petit.  (M.  Gylden  ne  met  pas  ce  coefficient  en  Evi- 
dence de  cette  fa9on,  mais  il  entre  dans  ses  termes.)  Ensuite  il  d^veloppe  V 


72  CORRESPONDANCE   AVEC   MITTAG-LEFFLER. 

suivant  les  puissances  croissantcs  de  A.  Mais  la  encore  il  ne  parvient  pas  a 
demontrer  d'une  facon  satisfaisante  la  convergence  de  son  precede.  11  est 
evident  que  les  approximations  successives  introduiront  de  nouvoaux  terines 
caracteristiques.  II  est  probable  quo  s'il  s'introduit  de  semblables  lermos. 
M.  Gylden  en  tient  compte  comme  des  premiers  ot  inlrbduil  do  nwnolles 
Equations  de  Lame,  qui  vont  encore  nous  forcer  a  modifier  noire  module 
primitif  el  a  retourner  en  arriere  comme  je  1'ai  cxpliqutf  plus  haul.  II  mo  parait 
impossible  de  fonder  la-dessus  aucune  demonstration  rigoureuso  de  la  conver- 
gence. 

Les  solutions  asjmptotiques  correspondent  au  cas  ou  Tun  des  modules 
devienL  egal  a  i.  M.  Gylden  annonco  que  ce  cas  ne  pent  pas  se  presenter  pour 
plus  d'un  module;  c'est  la  un  point  important  sur  lequel  je  crois  necessaire 
d'insister.  . . .  Apr6s  avoir  examine  a  fond  la  demonstration  que  donne 
M.  Gylden  de  son  affirmation,  j'ai  reconnu  qu'elle  est  suffisanlc  bicu  que  cela 
n'apparaisse  pas  ainsi  au  premier  abord.  II  me  sernble  toutcfois  que  si 
M.  Gylddn  avait  dirige  son  calcul  comme  il  le  fait  dans  le  paragraphs  II  au 
lieu  de  le  diriger  comme  il  le  fait  dans  le  paragraphe  III,  il  aurait  pu 
rencontrer  plusieurs  modules  egaux  a  i ;  mais  cela  demnnderait  a  t^tn* 
examine  de  plus  pr6s. 

Voyons  ce  qu'il  dit  au  sujet  de  la  demonstration  de  la  conve.rgenoe  (cf.  dans 
mon  Memoire  ire  partie,  chap.  I,  §  2,  ct  chap.  Ill,  §  13).  M.  (iyhh'tn  dit 
page  261  :  «  Die  Glieder  in  Vi  mil  dem  Factor  e~^  odor  mil  gunzon  [M>sitiven 
Potenzen  dieser  Grosse  multiplicirt  erscheinen  und  also  mil  wachscnde.ni  £ 
sehr  rasch  abnehmen.  .  .  also  schliessen  wir  dass  die  Darstollung  der  Inunction 
Vi  immer  convergent  ist,  wenn  £  auf  positive  AVerthe  bcschriinkt  ble.ibt.  » 

Ce  qui  revient  a  admettrele  principe  suivant  : 

Toute  st5rie  proc6dant  suivant  les  puissances  croissantes  d'une  variable  plus 
petite  que  i  esl  convergente  a  moms  qu'on  n'ait  des  raisons  stfrieuses  <!e  douter 
de  cette  convergence. 

Remarquons  que  cette  s^rie  n'est  qu'unc  premiere  approximation  mais  que 
les  approximations  suivantes  introduiraient  des  series  qui  seraient  de  m£me 
forme. 

Je  crois  pouvoir  conclure  ainsi  : 

M.  Gyld^n  u'a  pas  demontre  la  convergence  de  ses  series.  Si  sa  demonstration 
est  bonne  pour  les  series  dela  page  261  qui  convergent  effectiveraent,  pourquoi 


CORRESPONDANCE  AVEC   MITTAG-LEFFLER.  78 

ne  1'est-elle  pas  pour  les  series  des  pages  287,  243,  etc.,  qui  sonttres  probable- 
ment  divergentes. 

Le  raisonnement  par  lequel  M.  Gylden  croit  pouvoir  e'tablir  P  existence  des 
solutions  asymptotiques  n'est  ni  plus  rigoureux  que  celui  par  lequel  Delaunay 
1'e'tablissait  -avant  lui,  ni  plus  ~  rigoureux  que  celui  par  lequel  M.  Lindsledt 
ddmontre  qu'il  n'y  en  a  pas. 

Allons  bon  !  voila  que  je  suis  encore  une  fois  oblige*  de  relirer  ce  que  je 
viens  de  dire,  ce  diable  dc  M.  Gylden  est  vraiment  difficile  a  saisir  et  Ton  y 
decouvre  a  chaquc  instant  du  nouveau.  Je  vous  disais  tout  a  Fheure  que  les 
raisons  d'apres  lesquelles  M.  Gylden  e'tablit  qu'un  seul  module  pouvait  6tre 
egal  a  i  mo  semblaient  bonnes.  Je  ne  le  crois  plus  maintenant.  Voici  pourquoi. 
Pieportez-vous  aux  pages  260  a  261  de  son  Memoire.  Nous  y  trouvons  la  for- 
mnle  (3a)  qui  donne  le  lerme  de  Vj  qui  correspond  au  terme  de  X  qui  a  pour 
coefficient  PO-  Envisag<;ons  le  terme  qui  a  pour  coefficient  Pi  et  qui  s'ecrit 

—  ,V  AI  P1   Si  II  CO  COS  (  2  )v  i    lit  4-  2  AI  ). 

Introduisons  ce  terme  dans  la  formulc  (3o)  a  la  place  de  X  nous  aurons  une 
formule  analogue  a  (02)  et  dont  le  second  terme  s'(5crira  (remarquez  que  ce 
terme  ne  se  d<Hruira  pas  avec  le  premier  : 


p  6tant  un  coefficient  analogue  a  (34.  Si  nous  n<3gligeons  les  puissances  supe'- 
rieures  de  e~~^  il  vient 


d'ou 


Le  diviseur  d'int(3gration  est  aA4  et  je  nc  vois  aucune  raison  pour  qu'il  soit 
plus  grand  que  a2  contrairenicnt  &  ce  que  dit  M.  Gyld6n  page  263,  ligne  13 
et  U. 

M.  Gylde'n  objecterait  que  e~^  devient  tres  petit  mais  cela  ne  saurait  suffire. 

Encore  une  remarque;  M.  Gylden  ne  suppose  nulle  part  que  les/fuantite's 
qu'il  appelle  X,  XL,  etc.  soient  commensurables  entre  olles;  or  cette  condition 

'    H.  P.  -  XI.  J° 


74  CORRESPONDANCE  AVEC   MITTAG-LEFFLER. 

est  n^cessaire  pour  qu'il  y  ait  une  solution  asymptotique.  G'cst  la  preuve  quo 
sa  demonstration  est  insuffisante. 

En  relisant  ma  lettre  je  m'apercois  que  j'ai  Pair  de  vouloir  d&nolir  comple- 
ment le  M^moire  de  M.  Gykten;  ce  n'est  ntillemenl  mon  intention ;  JV  trouve 
de  tres  belles  choses;  j'ai  cherche"  seulemenl  a  faire  ressorlir  combien  les  mols 
demonstration  ct  convergence  ont  mi  sens  different  pour  lui  ot  pour  nous. 

Le  probltime  n'est  abord6  qu'au  point  cle  vue  de  1'astrononne  purement 
pratique  qui  est  peut-<Hre  le  plus  important,  mais  qui  n'esl,  pas  le  mien.  Jo  crois 
que  mGme  a  cc  point  de  vuc,  mes  mc'thodes  seront  plus  simples  el  paraitront 
telles  quand  je  les  aurai  d6velopp6es  suffisamment;  mais  pcut-Oln^  est-ce  inoi 
qui  ne  comprend  pas  encore  bien  celles  de  M.  Gyld^n. 

Pardon,  mon  cher  ami,  de  vous  imposer  la  lecture  d'une  lettro  aussi  loni»m» 
et  aussi  d^cousue.  Je  voulais  la  jeter  an  feu  ;  car  je  vais  vous  en  tfcrire  une  autn* 
plus  pos^ment  apr^s  avoir  approfondi  le  M^moire  de  M.  Gylden.  Jc  vois  ([tuk  jt* 
ne  le  poss^de  pas  encore  a  fond  puisque  je  trouve  encore  de  lomps  (*n  temps 
des  sujets  d'^tonnement. 

J'ai  cru  neanmoins  devoir  vous  envoyer  celle-ci  de  telle  sorltt  que  vous 
puissiez  la  lire  ot  correspondre  encore  avec  moi  avant  le  i3  mars. 


mars 


Dans  ma  derni^re  lettre,  j'ai  cherchtf  a  vous  montrer  que  les  d<;nioaslratK>ns 
de  convergence  de  M.  Gyldt^n  sont  insuffisantes  ;  il  me  resto  a  examiner  si  ses 
d^veloppements  convergent  effectivemont  (bien  qu'il  ne  Tail  pas  ddimmtre)  en 
me  bornant  au  cas  ou  il  existe  r^ellement  des  solutions  asymptotiquos. 

Je  consid&re  done  1'^quation  suivante  : 

r/*V 

-r-f   -+-  n*~sk  sin  VcosV  =  « 

ou 


h  est  une  constante  et  je  suppose  pour  ^viter  quelques-unes  des  difficult^  que 
je  vous  signalais  la  derni&re  fois  que  Xd  et  m  sont  eniiers. 


CORRESPONDANCE   AVEC   MITTAG-LEFFLER.  76 

Que  fait  M.  Gyld6n  ?  II  pose 

V  =  V0  •+•  V],         Vo  =  — 2arctge-£-+-  -     (p.  267), 
£  =  oc/z  £  -t-  c. 

a  csl  ma  coefficient  qu'on  se  reserve  de  modifier  a  chaqae  approximation.  Sa 
valeur  exacte  estcependant  enticement  determined  slJiepeut  pas  ne  pas  Vetre 
puisque  ex  n  n'est  autre  chose  que  ce  que  j'ai  appeltf  1'exposant  caracttSristique. 
Liquation  devienl  alors 


Y  = —  sinVoosY-h  sinVo^osVo — V,(3  sin2Vo — i). 

M.  Gyld6n  donne  le  de'veloppementde  Ysuivantles  puissances  de  Vi5  page  286, 
ligne  7  (en  complant  les  formules  pour  une  ligne).  En  appelanl  —X  le  second 
membre  de  1'equation  pr6cedente,  il  vient 


qui  ne  differe  pas  de  liquation  (6)  dc  M.  Gylde'n,  page  236. 

Gela  pose",  voici  comment  on  fera  pour  inte"grer  (i)  par  approximations  suc- 
ccssives.  On  ferad'abord  dans  X,  Vi  =  0,  on  aura  une  Equation  lin<3aire  en  Vi, 
on  1'inte'grera,  on  substiluera  dans  X  a  la  place  de  Vi  la  valeur  appro ch6e  ainsi 
obtenue,  on  aura  une  nouvolle  Equation  lin^aire  qui  donnera  une  valeur  plus 
approch(5e  de  Vi  qu'on  substituera  de  nouveau  dans  X  et  ainsi  de  suite. 

A  cliaque  approximation  on  dispose  de  trois  arbitraires  a  savoir  :  deux 
constantes  d'inttSgration  et  a  qu'on  s'est  r^serv6  de  modifier  a  chaquc  approxi- 
mation. 

L'inte'gration  de  liquation  (i)  quand  on  y  regarde  X  comme  connu  nous 
donne  conformdmenl  a  la  formule  (3 2)  de  la  page  261  : 


•Ci 


7$  CORRESPONDANCE   AVEC   MITTAG-LEFFLER. 

Je  n'^cris  pas  la  formule  lout  a  fait  coin  me  M.  Gylden  afin  cle  mettre  en  Evi- 
dence les  deux  constants  d' integration  d  et  C2. 

Considerons  d'abord  les  valeurs  negatives  de  £;  pourccs  valours  X  peut  6iru 
developp6  suivant  les  puissances  croissantes  de  e*,  de  V,t  et  suivant  les  sinus  et 

cosinus  des  multiples  do--  Si  on  remplace  V\  par  la  valour  trouvee  dans 
1'approximation  pre'cedente,  X  sera  developpe  suivant  les  puissances  de  e-  et 

£ 

les  sinus  des  multiples  de  --• 
1  a 

Nous  voulons  que  rapprcrx filiation  suivante  cle  V<  donuee  par  la  formule  (3:>.) 
soit  de  m£me  forme.  Elle  ne  doil  done  conlenir,  ni  termo  en  e~>,  ni  terme 
en  \e^. 

Pour  qu'elle  ne  contienne  pas  de  tonne  en  e~"*,  il  faul  que  la  constant!*  Ci 

soit  nulle. 

Pour  qu'elle  ne  conlienne  pas  de  terme  en  £<?*,  il  fauL  que  X  ne  contienne 
pas  de  terme  en  e*. 

Supposons  done  que  X  ne  contienne  pos  de  terme  en  «»  et  choisissons 
GI  =  o. 

II  nous  resle  deux  arbitraires  C2  et  a;  nous  pourrons  en  disposer  (il  cela 
cVune  infinite  de  manwres  de  telle  facon  qu'a  I7approximution  suhante  \  ne 
contienne  encore  pas  de  lerme  en  e*. 

Nous  pouvons  done  d'une  infinite  de  maniercs'  trouver  unc  S(5ri(i  satisfai.sant 
formellement  a  liquation  (i)  et  developp^e  suivant  les  puissances  do  (>*  el  les 

sinus  des  multiples  de -•  Parmi  ces  series,  en  nombre  infini,  un*>  scale  peut 

6 ire  convergente  pour  les  valeurs  negatives  de  \\  en  eflet  j'ai  dit  plus  haul  qw 
la  valeur  de  a  devait  <5tre  enti^rement  d(5termin(5e. 

Gonsid6ron,s  maintenant  les  valeurs  positives  de  £. 

Pour  ces  valeurs  X  peut  ^tre  d<5velopp6  suivant  les  puissances  croissanles  de 
e~^.  Nous  voulons  que  V4  soit  de  m6me  forme,  et  ne  contienne  ni  terme  fin  e*, 
ni  terme  en  £e~t. 

Pour  qu'il  ne  contienne  pas  de  terme  en  e^  il  faut  que 


Pour  qu'il  ne  contienne  pas  de  terme  en  c^,  il  faut  quo  X  ne  coatieane  pas 
de  terme  en  e~^. 


CORRESPONDANCE  AVEC   MITTAG-LEFFLER.  77 

Nous  supposerons  qu'il  en  soit  ainsi  et  nous  voulons  qu'il  en  soit  encore  ainsi 
a  Fapproximation  suivante.  Nous  disposerons  done  de  G3  et  de  a  pour  annuler 
les  termes  en  e~*>  dans  1'approximation  snivante  de  X. 

Nous  pouvons  le  faire  d'une  infinite"  de  manieres,  nous  obtenons  done  encore 
une  infinite  de  series,  parmi  lesquelles  une  seule  peut  converger. 

Admettons,  ce  qui  est  probablement  exact  (je  dis  probablement  parce  que  je 
n'ai  pas  entierement  v6rifit5 1'identite  de  ces  series  avec  les  miennes)  qu'il  y  ait 
effeclivement  une  se"ric  qui  converge  pour  les  valeurs  positives  de  Detune  autre 
pour  les  valeurs  negatives. 

Ces  deux  series  sont-elles  la  continuation  analytique  1'une  de  1'autre,  corres- 
pundent-elles  aux  monies  valeurs  de  GI,  de  C2  et  de  a  ?  M.  G)lde"n  ne  le  dit 
pas  expressemenl  mais  son  texte  le  laisse  entendre  et  je  crois  que  c'tUait  bien 
la  sa  pcns(5e.  Je  sais  d'ailleurs  qu'il  en  est  effeclivenient  ainsi,  puisque  j'ai 
de'rnonlre'e  que  les  surfaces  asymptotiques  sont  des  surfaces  ferme'es  ;  mais  dans 
les  demonstrations  de  M.  Gylde'n,  je  nc  vois  ancune  bonne  raison  de  le  croire. 

i°  Pour  que  Ci  ait  la  me" me  valeur  pour  £  ne"gatif  ct  pour  £  positif,  il  faut 
que 

r*"    x  <& 

-p   =  0. 


L 


Pourquoi  en  serait-il  ainsi;  si  je  prends  un  des  termes  de  X,  par  exemple  : 


\    a 


je  reconnais  aise'ment  que  I'inte'grale  corrcspondante  qui  est  tres  facile  a  cal- 
culer,  n'est  pas  nulle  a  moins  que  HI  ne  soit  nul. 

Pourquoi  les  integrates  provenant  des  diffe'rents  termes  se  dt^truiraient-elles? 
Je  n'en  verrais  aucune  raison  si  je  np  savais  d'avance  que  les  surfaces  asympto- 
tiques sont  ferme'es  (1). 

2°  Je  vcux  maintenant  que  C2  ct  a  aient  m6me  valeur  pour  £  positif  ou 
ne"galif. 

II  faut  done  que  je  dispose  de  ces  deux  constantes  de  fac/m  qu'a  Fapproxi- 
mation  suivante,  si  1'on  d^veloppe  X  suivant  les  puissances  de  e^^  on  n'ait  pas 


(l)  Poincar6  a  reconnu  plus  tard  que  le  the*oreme  sur  lequel  il  s'appuie  ici  n'est  pas  exact.  Nous 
avons  cru  pourtant  devoir  reproduirc  cette  lettre  parce  que  c'est  un  point  de  moindre  impor- 
tance pour  la  question  dont  il  s'agit. 


yS  CORRESPONDANCE  AVEC   MITTAG-LEFFLER. 

do  terme  en  e^  et  si  Ton  delveloppe  X  suivant  les  puissances  de  er;,  on  n'ait  pas 
de  terme  en  e~*.  II  est  clair  que  je  puis  le  fairc,  puisque  j'ai  deux  arbitraires  et 
deux  conditions  a  remplir.  Mais  pourquoi  parmi  les  series  en  nombre  infini 
qu'on  peut  former,  la  seule  serie  convergent  serait-elle  precise"ment  cellc  qui 
correspond  a  ce  choix  parliculier  de  C»  et  de  a. 

II  n'y  a  ici  encore  aucunc  raison  pour  le  croiro,  a  nioins  qu'on  ne  saebe 
d'avance  que  les  surfaces  asymptotiques  sonl  ferrules. 

3°  Ce  n'esl  d'ailleurs  pas  ce  choix  que  fait  M.  Gylden  an  inoins  si  Ton  rap- 
porte  a  sa  formule  (3)  de  la  page  2r>6. 

II  commence  par  disposer  de  a  de  facon  a  annuler  le  terme  en  t>;  (ou  f/";) 
dans  X —  (X)  et  probablemcnl  se  servirait  ensuite  de  la  conslante  Cu  pour 
annuler  le  terme  correspondant  dans  (X). 

Ge  choix  doit  conduire  a  un  re"sultat  divergent  puisque  nous  venon,s  do  vuir 
que  la  manure  d'obtenir  une  s(5rie  convergente  est  unique. 

En  r<$sum<5,  si  Ton  suit  a  la  lettre  les  indications  de  M.  Oyldthi  en  se  fiant  a 
sa  formule  (3),  page  23^  on  arrive  a  une  sdrie  divergente. 

Si  on  laisse  de  cot6  cette  formule  a  laquelle  je  suppose  quo  M.  (JyltU'm  no 
tient  gu^re,  on  arrive  a  une  infinite  de  series  dont  une  soulc  converge  el  Tun 
n'a  aucun  moyen  de  reconnaitre  quelle  est  celle  qui  converge. 

11  me  parait  probable  qu'on  obtiendra  cette  stfrie  convergent o  (»n  choisissant 
les  constantes  de  facon  que  la  s^ric  pour  \  n6galif  el  celle  pour  \  positif  se 
raccordent.  Mais  je  ne  vois  dans  le  Memoire  de  M.  <ijlden  <uicum»  boriuo  raison 
pour  cela,  je  n'y  suis  conduit  que  par  une  applicalion  des  resullats  de  moa 
travail  couronn^  (encore  faudrait-il  pour  en  ^tre  absolument  sur,  uu  examea 
plus  approfondi). 

Un  dernier  mot;  la  dernitire  fois  j'ai  parlel  des  raisonnernenls  par  lesquefs 
Delaunay^tablitl'existence  des  solutions  asymptotiques.  II  faut  bieu  sVuitendre. 
Delaunay  n'a  6nonc<$  nulle  part  un  pareil  re^sultat,  j'ai  voulu  dire  simplement 
que  sa  mahode  appliqu^e  au  cas  particulierlraiW  par  M*  Gylddin  1'aurait  conduit 
a  des  d^veloppements  de  m^me  forme. 


SUR 

LES  HYPOTHESES  FONDAMENTALES 

DE  LA  GEOMETRIE 


Bulletin  de  La  Societe  tnathematique  de  France^  t.  15,  p.  20^-^16  (seance  clu  i>  novembre  1887). 


C'est  surtout  en  Logiquc  que  rien  no  so  tire  do  rien;  dans  toute  dtkmons- 
tration,  la  conclusion  suppose  dcs  premisses.  Les  sciences  malhe'matiqiies 
doivent  done  reposer  sur  un  certain  nombre  de  propositions  inde'montrables. 
On  peut  discuter  si  Ton  doit  donner  £  ces  propositions  le  nom  ftaxiomes, 
<¥  hypotheses  ou  &Q  postulat,  si  1'on  doit  les  considerer  comme  des  faits  expe'ri- 
menlaux,  on  comme  des  jugements  analytiques,  ou  encore  comme  des  juge- 
ments  synthdliques  a  priori]  mais  leur  exislence  m6me  n'estpas  douteuse. 

Nous  sommes  done  conduit  a  nous  poser  le  probleme  suivant,  inte"ressant 
an  point  de  vue  logique  :  quclles  sont  les  px^misses  de  la  Ge'om^trie,  les  propo- 
sitions ind^montrables  sur  lesquelles  repose  cette  science,  en  excluant,  bien 
entendu,  les  propositions  qui  sont  d6ja  ne'cessaires  pour  fonder  1'Analyse?  car 
nous  regardons  les  r6sullats  de  1'Algebre  et  de  FAnalyse  pure  comme  d6ja 
connus  an  moment  ou  1'on  aborde  l\Hude  de  la  G(5ome'trie.  Bien  que  ce  pro- 
blrjmo  ait  depuis  longtemps  preoccup6  les  ge'ometres,  la  question  ne  saurait 
6tre  regard^c  comme  6puis6e. 

On  a  6tabli  que  le  postulatum  d'Euclide  est  ind^montrable.  Mais  ce  postulat 
ne  peut  6tre  la  proposition  unique  sur  laquelle  repose  toute  la  Ge'ome'trie;  car 
bien  des  re"sultats  peuvent  ^tre  d^montr^s  sans  IUK 

On  ne  saurait  se  contenter  non  plus  des  propositions  e'nonce'es,  sous  le  nom 
tfaxiomes,  au  d^but  des  Trait^s  de  Ge'ome'trie.  Si  on  les  soumet  &  un  examen 
s^rieux,  on  reconnaitra  qu'aucun  de  ces  axiomes  ne  doit  prendre  rang  parmi 


go  SUR  LES  HYPOTHESES   DE  LA   GEOMETRIE. 

les  premisses  de  la  Geometric.  Les  uns  sont  des  propositions  deja  necessaires 
pour  fonder  1' Analyse,  et,  si  cc  sontdes  hypotheses  (ce  que  Ton  pent  contesler), 
ce  ne  sont  certainement  pas  des  hypotheses  propres  a  la  Geomeirie;  lei  est, 
par  exemple,  1'axiome  suivant  :  Deux  quantltcs  cgales  a  une  meme  (m's/i'/tir 
sont  egales  entre  elles.  D'autros  axiomes  ne  sont  quo  des  definitions;  d'aulre* 
enfm  ne  peuvent  etre  regarde's  comme  indemontrables,  tel  esl,  par  exeutplr,  le 
suivant  :  La  llgne  droite  est  le  plus  court  chemin  tVun  point  a  un  (tut re. 

Mais,  en  dehors  des  axiomes  explicilement  enonees,  il  y  a  un  j^raud  nomluv 
d'hypotheses  que  Ton  fait  implicitemenl  an  debut  de  la  demonstration  des 
differents  theoremes. 

Mais  ces  hypotheses  echappent  generalement  an  lecteur,  a  inoins  qu'il  m» 
soit  particulierement  atlentif;  car,  bien  qu'elles  ne  soient  pas  e\idenU's,  an 
point  de  vue  de  la  pure  logique,  elles  nous  semblent  telles  par  suite  d'hahitudes 
invetdrees  de  nos  sens  et  de  notre  esprit. 

D'ailleurs  ces  hypotheses  explicites  ou  implicites  ne  sont  pas  tonics  indt;jMin~ 
dantes  les  unes  des  autres;  on  pourrait  se  contenter  d'en  inlro<Iuir<k  un  moms 
grand  nombre  et  les  autres  s'en  deduiraient  corame  des  consequences. 

Nous  sommes  done  amends  a  poser  le  probleme  en  ces  tonnes  :  enonoer 
toutes  les  hypotheses  n^cessaires  el  n'enoncer  quo  celles-la,  J<'  crois  {JIK*  ce 
probleme  n'est  pas  encore  resolu  el  je  cherchc  a  contribuer  a  sa  solufton. 

Nous  n'envisageons  d'abord  que  la  geometrie  a  deux  dimensions,  ou 
geometric  plane. 

Geometries  quadr^tiqties. 

Nous  connaissons  deja  trois  geometries  a  deux  dimensions  : 

i°  La  geometric  euclidienne,  ou  la  somme  des  angles  d'un  triangle  est  t%ale, 
a  deux  droits ; 

2°  La  geometric  de  Riemann,  ou  cette  somme  est  plus  grande  que  deux 
droits ; 

3°  La  geometric  de  Lobatchevski,  ou  elle  est  plus  petite  que  deux  droits. 

Ces  trois  geometries  reposent  sur  les  m£mes  hypotheses  fondamentales,  si 
Ton  excepte  le  postulatum  d'Euclide  que  la  premiere  admet  et  que  les  deux 
autres  rejettent.  De  plus,  le  principe,  d'apres  lequel  deux  points  determiBent 
complement  une  droite,  comporte  une  exception  dans  la  geometric  de 
Riemann  et  n'en  comporte  aucune  dans  les  deux  autres. 


SUE   LES  HYPOTHESES   DE   LA   GEOM^TRIE.  .  8 1 

Quand  on  se  borne  a  deux  dimensions,  la  geometric  de  Riemann  est  suscep- 
tible d'une  interpretation  tr£s  simple;  elle  ne  diflfere  pas,  comme  on  le  sail,  de 
la  geometric  sph£rique,  pourvu  qu'on  convienne  de  donner  le  noni  de  droites 
aux  grands  cercles  de  la  sphere. 

Je  vais  commencer  par  generaliser  cette  interpretation  de  facon  a  pouvoir 
1'etendre  a  la  geometric  de  Lobatchevski. 

Considerons  une  surface  da  second  ordre  quelconque.  Nous  conviendrons  de 
donner  le  nom  de  droites  aux  sections  planes  diametrales  de  cette  surface  et  le 
nom  de  cir conferences  aux  sections  planes  non  diametrales. 

II  reste  a  definir  ce  que  1'on  doit  entendre  par  Tangle  de  deux  droites  qui 
se  coupent  ou  par  la  longueur  d'un  segment  de  droite. 

Par  un  point  pris  sur  la  surface  faisons  passer  deux  sections  planes  diam6- 
trales  (que  nous  sommes  convenus  d'appeler  droites}.  Envisageons  alors  les 
tangentes  a  ces  deux  sections  planes  et  les  deux  generatrices  rectilignes  de  la 
surface  qui  passent  par  le  point  envisage.  Cos  quatre  droites  (au  sens  ordinaire 
du  mot)  ont  un  certain  rapport  anharmonique.  L'angle  que  nous  cherchons  a 
defmir  sera  alors  le  logaritlime  de  ce  rapport  anharmonique  si  les  deux  g^n6- 
ratrices  sont  reelles,  c'est-a-dire  si  la  surface  est  un  hyperboloide  a  une  nappe; 
dans  le  cas  contraire,  notre  angle  sera  ce  m6me  logarithme  divise  par  \j — i. 

Considerons  un  arc  de  conique  faisant  partie  d'une  section  plane  diarnetrale 
(c'est  ce  que  nous  sommes  convenus  d'appeler  un  segment  de  droite].  Les 
deux  extremites  de  1'arc  et  les  deux  points  a  1'iniini  de  la  conique  ont  un 
certain  rapport  anharmonique  comme  tout  syst^me  de  quatre  points  situes  sur 
une  conique.  Nous  conviendrons  alors  d'appeler  longueur  du  segment  consi- 
dere  le  logarithme  de  ce  rapport  si  la  conique  est  une  hyperbole  et  ce  m^me 
logarithme  divise  par  \/ - —  i  si  la  conique  est  une  ellipse. 

II  y  aura,  entre  les  angles  et  les  longueurs  ainsi  definis,  un  certain  nombre 
de  relations,  qui  constitueront  un  ensemble  de  th£or&mes  analogues  a  ceux  de 
la  geometric  plane. 

Get  ensemble  de  theor&mes  peut  prendre  le  nom  de  geom&trie  quadratique, 
puisque  notre  point  de  depart  a  £t6  la  consideration  d'une  quadrique  ou  surface 
du  second  ordre  fondamentale. 

II  y  a  plusieurs  geometries  quadratiques,  car  il  y  a  plusieurs  esp^ces  de 
surfaces  du  second  ordre. 

Si  la  surface  fondamentale  est  un  ellipso'ide,  la  geometric  quadra tique  ne 
diff&re  pas  de  la  geometrie  de  Riemann. 

H.  P.  «XI.  n 


$2  SUR   LES  HYPOTHESES   DE   LA  GEOMETRIE. 

Si  la  surface  fondamentale  est  un  hyperboloide  a  deux  nappes,  la  g6om£trie 
quadratique  ne  diflfere  pas  de  celle  de  Lobatchevski. 

Si  cette  surface  est  un  paraboloi'de  elliptique,  la  g6om6trie  quadralique  sc 
r<3duit  a  celle  d'Euclide;  c'est  un  cas  limite  des  deux  cas  precedents. 

II  est  clair  que  nous  n'avons  pas  £puis6  la  liste  des  ge'omtHries  quadratiques; 
car  nous  n'avons  considtk^,  ni  1'hyperboloide  a  une  nappe,  ni  ses  nombreuscs 


Nous  pouvons  done  dire  qu'il  y  a  trois  g^ome'  tries  quadra  tiques  principals  , 
qui  correspondent  aux  trois  esp^ces  de  surfaces  du  second  ordre  a  centre. 

Nous  devrons  y  ajouter  d'ailleurs  les  g£om<3tries  qui  correspondent  aux  cas 
limitcs  et  parmi  lesquelles  prendra  rang  la  ggom&rie  d'Euclide. 

Comment  se  fait-il  done  que  la  gdom6trie  de  1'hyperboloide  a  une  nappe  ait 
jusqu'ici  6chapp6  aux  th<3oriciens  ?  G'est  qu'elle  entraine  les  propositions 
suivantes  : 

i°  La  distance  de  deux  points  situ6s  sur  une  m£me  g6n6ratrice  rcctilignc  de 
la  surface  fondamentale  est  nulle. 

2°  11  y  a  deux  sortes  de  droites  corrcspondani,  les  premieres  aux  sections 
diam^trales  elliptiques,  les  autres  aux  sections  diamgtrales  hypcrboliques  ;  il 
est  impossible,  par  aucun  mouvement  reSel,  de  fairc  coincider  une  droite  de  la 
premiere  sorte  avec  une  droite  de  la  seconde. 

3°  11  est  impossible  de  faire  coincider  une  droite  avec  elle~m£me  par  une 
rotation  re'elle  autour  d'un  de  ses  points,  ainsi  que  cela  a  lieu  dans  la  g£om<Strie 
d'Euclide  quand  on  fait  Lourner  une  droite  de  180°  autour  d'un  de  ses  points. 

Tous  les  ggom&tres  ont  implicitement  suppose  que  cos  trois  propositions 
sont  fausses,  et  vraiment  ces  trois  propositions  sont  trop  contraires  aux  habi- 
tudes de  notre  esprit  pour  qu'en  les  niant  les  fondateurs  de  la  g^om^trie  aient 
cru  faire  une  hypoth&se  et  aient  song6  a  1'^non.cer. 


Applications  de  la  th,eorie  d,es  groupss  . 

D'apr^s  ce  qui  pr6c&de,  le  probUme  que  j^ai  pos£  au  d6but  de  ce  travail  se 
decompose  en  deux  parties  : 

i°  Quelles  sont  les  hypotheses  communes  a  toutes  les  g^om^tries  quadra- 
tiques  ? 


SUR  LES  HYPOTHESES  DE  LA  GEOMETRIE.  83 

2°  Quelles  sont  les  hypotheses  qui  distinguent  la  g<5om£trie  d'Euclide  des 
aulres  g6omt5tries  quadratiques  ? 

La  seconde  partie  du  probl^me  peut  6tre  regardee  commc  rcSsolue;  nous 
n'avons  done  £  nous  occuper  que  de  la  premiere  parlie. 

II  y  a  deux  hypotheses  que  Ton  est  oblig6  dc  faire  au  d<§but  de  toute 
g<3om6trie  a  deux  dimensions  el  que  Ton  peut  6noncer  ainsi  : 

A.  Le  plan  a  deux  dimensions. 

B.  La  position  d'unc  figure  plane  dans  son  plan  est  determine  par  trois 
conditions. 

Les  personnes  peu  families  avec  les  iravaux  r^cenls  des  geom^tres  trou- 
veront  extraordinaire  qu'on  puisse  tirer  de  pareilles  premisses  des  conclusions 
precises. 

Mais  ce  r^sultat  n'etonnera  pas  les  mathematiciens  qui  onL  lu  les  remar- 
quables  travaux  de  M.  Soplius  Lie  sur  la  theorie  des  groupes.  M.  Lie  d6montre 
en  effet  un  r^sultat,  tr£s  surprenant  au  premier  abord,  et  qui  peut  se  traduire 
ainsi  dans  le  langage  g<3om£trique  : 

Si  la  position  d'une  figure  plane  dans  son  plan  depend  d'un  nombre  fmi  de 
conditions,  le  nombre  de  ces  conditions  ne  peut  surpasser  huit. 

Nous  ferons  d'ailleurs  dans  la  suite  de  frequents  emprunts  au  M6moire  du 
savant  norv^gien. 

Nous  allons  chercher  quelles  consequences  il  est  permis  de  tirer  des  deux 
hypotheses  A  et  B. 

Le  plan  ayant  deux  dimensions,  la  position  d'un  point  dans  son  plan  est 
d6termint5e  par  deux  coordonn^es  x  et  y.  Nous  ne  faisons,  pour  le  moment, 
aucune  hypoth&se  sur  le  choix  du  syst&me  des  coordonnte  ;  mais  nous  nous 
r£servons  de  le  determiner  plus  completement  dans  la  suite. 

Supposons  qu'une  figure  plane  se  d^place;  soient  a?,  y  les  coordonn6es 
primitives  d'un  point  de  cette  figure;  et  #4,  y^  les  coordonn^es  de  ce  m6me 
point  apr^s  le  d^placement.  On  aura 


ou  9  et  ip  sont  deux  fonctions  de  x  et  de  y,  et  de  trois  param^tres  a,  (3,  y, 
il  y  aura  trois  param^tres,  puisque  la  position  de  la  figure  depend  de  trois 
conditions. 


84  SUR  LES  HYPOTHESES  DE  LA  GEOMETRIE. 

L'operation 

[07,7;  ?O,  y,  a,  p,  7),  <KJ7,/,  a,  [j,  7)] 

definira  Tun  des  mouvemenLs  possibles  d'une  figure  plane  et  Fensemhle  de  cos 
operations  ou  mouvements  devra  former  un  groupe.  Ce  groupe,  d'apr&s  le 
langage  de  M.  Lie,  sera  continu  et  d'ordre  3,  puisque  les  operations  dependent 
de  trois  para  metres. 

Parmi  les  operations  du  groupe,  on  devra  irouver  I'opcSration  identique.  Par 
consequent,  pour  certaines  valeurs  des  param^tres  a,  (3,  y,  on  devra  avoir 


JNous  pouvons  toujours  supposer  que  cela  ait  lieu  pour 


Nous  appellerons  alors  operation  infinitesimale  (ou  mouvcment  iufinite.siinal} 
une  operation  par  laquelle  a,  (3,  y  ont  des  valeurs  infiniment  pelites  et  qm* 
nous  pourrons  ecrire 


Dans  cette  expression  on  suppose,  bien  entendu,  que,  dans  les  d<;rivtVs 

d®    dy  r  . 

-f-  5  -rj  ?  •  •  •  5  on  a  lait 
da    d$ 

a  =  [j  =  7  =  o. 

M.  Lie  represente  une  pareille  operation  pur  la  notation  suivanto  : 


-r- 
da.       l  d$ 

de  telle  fa^on  que,  si  1'on  pose 


on  ait,  pour  une  operation  infinitesimale  quelconque, 

S  =  aA  -h  pB-hf  C. 

A,  B,  C  et  S  sont  done  des  fonctions  de  x^  dey,  de/?  et  de  q, 

Les  operations  A,  B,  C  peuverit  s'appeler  les  substitutions  fondamentale$ 
et  toute  operation  infinitesimale  n'en  est  qu'une  combinaison  lin^aire;  le  choix 


SUR   LES   HYPOTHESES   DE   LA   GEOMETRIE.  85 

des  substitutions  fondamentales  reste  d'ailleurs  arbitraire  dans  une  certaine 
mesure;  car  on  peut  remplacer  ces  trois  operations  A,  B,  G  par  trois  quel- 
conques  de  leurs  combinaisons  lin^aires. 
M.  Lie  a  fait  voir  que,  si  Ton  pose 

[A  Bl=  —  —  -  —  --  +  ——  ~-^  — 

^     '      J  ~"   dp  dx        dx  dp        dq   dy        dy   dq 

et  si  a  et  (3  sont  deux  quantit^s  infiniment  petites  quelconques,  I'op6ration 


(i) 


qui  fait  forc&nent  partie  du  groupe,  est  une  substitution   infinit^simale  du 
second  ordre,  qui  peut  s'ecrire 

<i[A,  B]. 

11  r^sulte  de  la  que  [A,  B],  [A,  G]  et  [B,  C]  sonl  des  combinaisons  lin^aires 
de  A,  B  et  C,  et  qu'on  a 

[A,  B]  =  X  A  +  jj.B-4-v  C, 
[A,  C]  =  VA~h|a'B~hv'C, 
[B,  C]  =  X"AH-lu"BH-v"C. 

Les  coefficients  X,  /JL,  v  sont  des  constantes;  mais  ils  ne  sont  pas  quelconques; 
car  on  doit  avoir  identiquement 

(2)  [A,  [B,  G]]  H-  [B,  [G,  A]]  -H  [C,  [A,  Bj]  =  o. 

Ce  qui  pr^c^de  contient  le  point  de  depart  de  toute  la  discussion,  mais  cette 
discussion  peut  6tre  consid^rablement  simplifi6e  : 

i°  Par  un  choix  convenable  du  syst^me  des  coordonn^es  x  ety; 

2°  Par  un  choix  convenable  des  trois  substitutions  fondamentales  A,  B  et  C. 

On  peut  d'abord  choisir  les  substitutions  fondamentales  de  telle  fagon  que 


ou  que 

[A,B]  =  jiB. 

On  peut  ensuite  choisir  le  systkme  de  coordonnt^es,  de  telle  sorte  que  A  se 
r^duise  &/>,  et  par  consequent  que  1'on  ait 


86  SUR  LES  HYPOTHESES   DE   LA   GEOMETRIE. 

Nous  en  d^duirons  pour  B  la  forme  suivaiite  : 


Nous  avons  fait  tout  a  1'heure  une  hypoth&se  sur  le  choix  du  syst&me  des 
coordonn^es;  mais  cette  hypothSse  ne  determine  pas  compl&tement  ce  sysieme. 

Nous  pouvons  encore,  sans  que  A  cesse  de  se  r^duire  a  /?,  remplacer  y  par 
une  fonction  arbitraire  de  y  et  aj  outer  a  x  une  fonction  arbitrairc  de  y. 

Nous  pouvons  faire  ce  nouveau  changement  de  coordonn£es  de  fagon  a 
simplifier  1'expression  de  B.  Si  02  n'est  pas  mil,  nous  pouvons  le  faire  de  facon 
que  62=i,  01  =  o.  Si  02  est  nul,  il  restera  nul  apres  le  changement  de  roor- 
donn^es,  mais  on  pourra  r^duire  Oi  soit  a  y,  soit  a  i.  Nous  sommes  done 
amends  a  1'une  des  trois  hypotheses  suivantes  : 

0!=o,         62  =  i  ;         01==i:          02=o;          Oi=j-,         Oj  =  o. 
Nous  pouvons  distinguer  deux  cas  : 

1°  Ou  bien  p.  est  nul,  ce  qui  signifie  que  les  deux  subsLilutioiis  A  el  H  sont 
permutables.    (Remarquons    en   passant    quo    I'hypoili^se    qu'il   exisli^    d<*ux 
mouvements  permutables  peut  ^Ire  rcgardde  com  me  un  des  enonctls  du  poxtn- 
latum  d'Euclide.) 
On  a  alors,  soit 

A=/?,        B  =  <7; 
soit 

A  =/•,        B  =  r/>. 

2°  Ou  bien  p.  n'est  pas  nul.  On  a  alors,  soit 

A=/>,         B  =  ^^? 
soit 

A=/>,         B=/;^--», 
soit 

A  =p,        B  =/?)Y"J-*1. 
Examinons  successivement  ces  cinq  ens  : 

Premier  cas  : 

A  =  />,        B  =  y. 

Les  Equations  (i)  se  rMuisent  alors  £ 


— 


SUR  LES   HYPOTHESES  DE   LA  GEOMETRIE.  87 

Si  v'  et  /  ne  sont  pas  nuls  a  la  fois,  les  Equations  ne  seront  compatibles  que  si 
Ton  a 

X  '  __  p.  '  _  / 
X'  ~~  j?~  7* 

II  est  permis  alors  de  supposer  que 

X'  =  |ji'  =  X"  =  IL"  =  Oj 

d'ou 


a  et  6  £tant  deux  constantes. 
Le  groupe 

A  =  jo,        B  =  #,        G  =  ev'^+v"r(op  -+-  6^) 

d^finit  une  g^om^trie  enticement  nouvelle.  Pourquoi  Euclide  ne  l'a-t-il  pas- 
rencontr^e?  ou  plutot  quelle  est  1'Iiypoth^se  qu'il  a  faite  implicitemenl  el  qui 
1'a  emp£che  de  rencontrer  cette  g^om6Lrie? 

Une  substitution  infinit^simale  quelconque  a  pour  expression 


Quels  sont  les  points  que  cette  substitution  laisse  immobiles?  Ces  points 
sont  donnas  par  les  Equations 


d'ou  cette  conclusion  :  si  Ton  n'a  pas  -  =  TJ  aucun  point  ne  reste  immobile. 

Si  1'on  a  ~  =  -T?  une  infinite  de  points  demeurent  immobiles. 
a        b  r 

Or  il  est  bien  ais6  de  se  rendre  compte  qu'Euclide  fait  a  chaque  instant, 
sans  l^noncer,  1'hypoth^se  suivanle  : 

Si  une  figure  plane  ne  qui  tie  pas  son  plan  et  si  deux  de  ses  points  restent 
immobiles^  elle  reste  tout  entiere  immobile. 

C'est  cette  hypoth^se  qui  nous  forcera  a  rejeter  la  g^om^tric  particuli^re  qui 
est  fondle  sur  la  consideration  du  groupe  dont  je  viens  de  parler. 
Si  v'=  v"=  o,  on  trouve 


G  =  p(\'x  +  X"j)  - 
et  le  groupe  d6riv6  de  A,  B  et  C  nous  conduit  a  la  g^om^trie  d'Euclide. 


SUR  LES  HYPOTHESES  DE  LA  GEOMETRIE. 

Deuxieme  cas  : 

As=^,       B-/./?. 

On  trouve  alors,  dans  le  cas  le  plus  gdn^ral, 


a  et  b  £tant  des  constantes  et/(y)  une  fonction  arbitraire  de  y  qu'on  pent 
d'ailleurs  supposer  nulle  si  Ton  choisit  convenablement  le  syst^me  des  coor- 
donnt^es. 

Une  substitution  infinit^simale  quelconque  s'^crit 

(  a  -h  pjK  4-  ay  #  )p  -+-  (  y  6  )  ^. 

Ce  groupe  doit  encore  &tre  rejetd  en  vertu  de  Fliypoth^se  failo  plus  haut. 

En  effet,  siy^n'estpas  nul,  aucun  point  ne  resle  immobile;  siau  conlruire  76 
est  nul,  tous  les  points  qui  satisfont  a  1'equation 

a  -i-  fiy  -+-  a  7  x  =  o 
restent  immobiles. 

Troisieme  cas  : 

A  =/?,         B  —pye\Lt'. 
On  trouve 


Les  substitutions  A  et  C  sont  permutables;  on  est  done  ramem'?  a  1'ua 
deux  cas  pr6c6dents. 

Quatrieme  cas  : 


On  trouve  encore  une  substitution  C  permutablc  a  A  et  Pen  est  ramenC*  par 
consequent  aux  deux  premiers  cas. 

Cinquieme  cas  : 

A=/>,        B  =  qepv, 


On  trouve  ici  pour  C  quatre  formes  difT^rentes  : 


i°    G  =  e^'x[ap  H-  jj.(oy  H-  b}q\        (a,  67  et  c  (Slant  des  constantes), 
20     C** 
30    C  = 


SUR  LES   HYPOTHESES  DE   LA   GEOM^TRIE.  89 

La  premiere  forme  doit  6tre  rejet^e  parce  que  B  et  G  sont  permutables  ;  la 
deuxi£me  parce  que  A  et  C  sont  permutables,  la  troisi&me  parce  que  B  et  C 
sont  permutables.  Si  Ton  adoptait  1'une  de  ces  trois  formes,  on  serait  done 
toujours  ramen6  a  Fun  des  deux  premiers  cas. 

II  reste  la  quatrieme  forme,  qui  nous  conduit  aux  g£om6tries  quadratiques. 

Le  m6me  r6sultat  pourrait  6tre  obtenu  en  -discutant  les  trois  relations  qui 
lient  les  neuf  coefficients  A,  p.,  v  et  qu'on  peut  d^duire  de  Fidentit£  (2). 

Conclusions. 

Nous  pouvons  done  ^noncer  ainsi  les  hypotheses  qui  sont  n^cessaires  et 
suffisantes  pour  servir  de  premisses  a  la  G6om6trie  plane. 

A.  Le  plan  a  deux  dimensions. 

B.  La  position  d'une  figure  plane  dans  son  plan  est  d6termin6e  par  trois 
conditions. 

Ces  deux  premieres  hypotheses  nous  laissent  le  choix  entre  les  diverses 
geometries  quadratiques  et  les  deux  g^omtHries  caractt5ristjes  par  les  deux 
groupes  suivants  : 


Ces  deux  geometries  sont  exclues  si  Ton  fail  encore  Thypoth^se  suivante  : 

C.  Quand  une  figure  plane  ne  quitte  pas  son  plan  et  que  deux  de  ses  points 
restent  immobiles,  la  figure  tout  entire  reste  immobile. 

Nous  n'avons  plus  alors  que  le  choix  entre  les  diverses  g6om6tries 
quadratiques. 

Faisons  encore  les  deux  hypotheses  suivantes  : 

D.  La  distance  de  deux  points  ne  peut  <Hre  nulle  que  si  ces  deux  points 
coincident; 

E.  Lorsque  deux  droites   se  coupent,  on  peut  faire  tourner  Fune  d'elles 
autour  du  point  d'interscction  de  facon  a.  la  faire  co'incider  avec  Fautre. 

Ces  deux  hypotheses  sont  H6es  n6cessairernent  Fune  a  Fautre;  il  suffit 
d'admettre  Fune  d'elles  pour  6tre  oblig^  d'admettre  Fautre  et  d'exclure  la 
g£om6trie  de  Fhyperboloi'de  A  une  nappe. 

H.  P.  —  XI.  12 


go  SUR  LES   HYPOTHESES   DE   LA   GEOMETRIE. 

Introduisons  encore  1'hypoth^se  suivanle  : 

F.  Deux  droites  ne  peuvent  se  couper  qu'en  un  point,  et  la  Geometrie  sphe- 
rique  se  trouvera  exclue  a  son  tour. 

II  ne  reste  plus  qu'a  introduire  \§  postulatum  d'Euclide  : 

G.  La  somme  des  angles  d'un  triangle  est  une  constant?. 

Nous  pouvons  remarquer  que  ce  postulalum  nous  dispense  des  hypotheses 
D,  E  et  F  qui  en  sont  des  consequences  necessaires. 

Remarques  diverses. 

Le  lecteur  qui  aura  bien  voulu  me  suivre  jusqu'ici  ne  manqucru  pas  dh*  s<» 
reporter  au  cel^bre  Memoire  de  Riemann  (Ueber  die  Hypothesen  walclw  der 
Geometrie  zu  Grundeliegeii)  et  de  remarquer  certaines  differences  enttv  I*»s 
methodes  et  les  resultats.  Riemann  caract6rise  une  geometrie  par  Fexpression 
de  1'element  d'arc  en  fonction  des  coordonnees.  II  est  ainsi  conduit  a  un  trt\s 
grand  nombre  de  geometries  logiquement  possibles  et  donl  je  n'ai  pa.s  mOim* 
parle.  Cela  tient  a  ce  que  j'ai  pris  pour  point  de  depart  la  possibility  du  mou- 
vement  ou  plutot  Fexistence  d'un  groupe  de  mouvements  qui  n'ali(jniiit  pas 
les  distances. 

On  peut  se  demander  maintenant  ce  que  sont  ces  hypotheses.  Sout-ce  di*s 
faits  exp6rimentaux,  des  jugements  analytiques  ou  synthetiques  d  priori*! 
Nous  devons  r^pondre  n6gativement  a  ces  trois  questions.  Si  ces  hypotheses 
^taient  des  faits  exp(5rimentaux,  la  G^om^trie  serait  soumiso  -\  une  imuts- 
sante  revision,  ce  ne  serait  pas  une  science  cxacte;  si  elles  tMaient  des  jugi^- 
ments  synthetiques  a  priori,  ou  a  plus  forte  raison  cles  jugements  analytiques, 
il  serait  impossible  de  s'y  soustraire  et  de  rieii  fonder  sur  lour  negation. 

On  peut  montrer  que  F  Analyse  repose  sur  un  certain  nomhtv  de  jugements 
synthetiques  a  priori;  mais  il  n'en  est  pas  de  m6me  de  la  Geometric. 

Que  devons-nous  done  penser  des  premisses  de  la  Gt^om^tric?  En  quel  si»ns 
peut-on,  par  exemple,  dire  que  le  postulatum  d'Euclide  soit  vrai  ? 

D?apr&s  ce  que  nous  venons  de  voir,  la  Geometrie  n'est  autre  chose  que 
Fetude  d'un  groupe  et,  en  ce  sens,  on  pourrait  dire  que  la  veritd  de  la  g<k>m<§~ 
trie  d'Euclide  n'est  pas  incompatible  avec  celle  de  la  geometric  do  Lobatchevski, 
puisque  Fexistence  d'un  groupe  n'est  pas  incompatible  avec  celle  d'un  autre 
groupe. 


SUE   LES  HYPOTHESES   DE   LA   GE'OMETRIE.  91 

Nous  avons  choisi,  parmi  tous  les  groupes  possibles,  un  groupe  particulier 
pour  y  rapporter  les  phe'nomenes  physiques,  comme  nous  choisissons  trois  axes 
de  coordonne'es  pour  y  rapporter  une  figure  ge'ome'trique. 

Maintenant,  qu'est~ce  qui  a  determine'  ce  choix  :  c'est  d'abord  la  simplicity 
du  groupe  choisi;  mais  il  y  a  une  autre  raison  :  il  existe  dans  la  nature  des 
corps  remarquables  qu'on  appelle  les  solides  et  F  experience  nous  apprend  que 
les  divers  mouvements  possibles  de  ces  corps  sont  lie's  a  fort  peu  pres  par  les 
monies  relations  que  les  diverses  operations  du  groupe  choisi. 

Ainsi  les  hypotheses  fondamentales  de  la  Ge'ome'trie  no  sont  pas  des  faits 
expe>imentaux;  c'est  cependant  1'observation  de  certains  phe'nomenes  physi- 
ques qui  les  fait  choisir  parmi  toutes  les  hypotheses  possibles. 

D'autre  part,  le  groupe  choisi  est  seulement  plus  commode  que  les  autres  et 
1'on  ne  peut  pas  plus  dire  que  la  ge'ome'trie  euclidienne  est  vraie  et  la  ge'ome- 
trie  de  Lobatchevski  fausse,  qu'on  ne  pourrait  dire  que  les  coordonne'es  carte- 
siennes  sont  vraies  et  les  coordonne'es  polaires  fausses. 

Je  n'insiste  pas  d'avantage;  car  le  but  de  ce  travail  n'esL  pas  le  de>eloppe- 
meiil  de  ces  ye*  rite's  qui  cornmencent  a  devenir  banales. 


LES  FONDEMENTS  DE  Li  GEOMETRIE  (') 


Bulletin  des  Sciences  mathematiques,  ^  serie,  t.  26,  p.  a4{)-a72  (septembre  190"). 


Quels  sont  les  principes  fondamentaux  de  la  G6om6trie;  quelle  en  est  Tori- 
gine,  la  nature  et  la  port6e?  Co  soul  la  des  questions  qui  onl  do  tout,  temps 
pre'occupe  les  mathematicians  et  les  penseurs,  mais  qui,  il  >  a  uu  sierle 
environ,  ont  pris  pour  ainsi  dire  une  figure  toule  nouvelle,  grace  aux  id<;cs  do 
Lobatchevski  et  de  Boljai. 

On  s'est  longtemps  efforc6  de  de"montrer  la  proposition  connue  sous  le  nom 
de  postulatum  cKEuclide,  on  a  constamment  6choue;  nous  eonnaissons  main- 
tenant  la  raison  de  ces  e'checs.  Lobatchevski  est  parvenu  a  conslruiiv  uin';<Iili<*<* 
logique,  aussi  coherent  que  la  Geometric  d'Euclide,  mais  ou  le  celel>re  postu- 
latum est  suppos6  faux,  et  ou  la  somme  des  angles  d'uu  triangle  (?st  tou jours 
plus  petite  que  deux  droits.  Riemann  a  imagine  un  autre  systC'iiu*  loyicjue,  t'gaht- 
ment  exempt  de  contradiction,  et  ou  cette  somme  est  au  contraire  toujours 
plus  grande  que  deux  droits.  Ces  deux  g^omtftries,  celle  de  Lobatchevski  et 
celle  de  Riemann,  sont  ce  qu'on  appelle  les  geometries  noji  euclidiennes. 

Le  postulatum  d'Euclide  ne  peut  done  ^tre  ddmontre,  et  (tolle  impossilnlite 
est  aussi  absolument  certaine  que  n'importe  quelle  v^rite  malh^matiquc,  C*t 
qui  n'empe"che  pas  TAcad^mie  des  Sciences  de  recevoir  chaquc  anuee  plusitnirs 
demonstrations  nouvelles  auxquelles  elle  refuse  naturellement  Fhospitaliu*  ties 
Comptes  rendus. 

On  a  deja  beaucoup  6crit  sur  les  gtSome'tries  non  euclidiennes;  apr&s  avoir 
cri6  au  scandale,  on  s'est  habitu6  &  ce  qu'elles  ont  de  paradoxal;  plusieurs 
personnes  sont  all6c"s  jusqu'§.  douter  du  postulatum,  &  se  demander  si  Tespace 

(:)  Analyse    et    discussion    de  POuvrage  tie   Hilbert   :   Les  fondements   de   la    Gtomtirfr 
(Grundlagen  der  Geomelrie}. 


LES  FONDEMENTS  DE   LA  GEOMETRIE.  9$ 

reel  es-t  plan,  comme  le  supposait  Euclide,  ou  s'il  ne  presente  pas  ime  legere 
courbure.  Elles  croyaient  m£me  que  1'experience  pouvait  leur  donner  une 
reponse  a  cette  question.  Inutile  d'ajouter  que  c'elail  la  miiconnailre  comple- 
tement  la  nature  de  la  Ge'ome'trie,  qui  n'est  pas  une  science  experimental. 

iMais  pourquoi,  parmi  tous  les  axiomes  do  la  Geometric,  le  postulalum 
serait-il  le  seul  qu'on  put  nier  sans  dommage  pour  la  Loglque?D'ou  tiendrait-il 
ce  privilege?  On  ne  le  voil  pas  tres  bien  el,  a  ce  compte,  bien  d'autres  concep- 
tions sonl  possibles. 

Gependant  beaucoup  de  geometres  contemporains  ne  semblent  pas  penser 
ainsi.  En  accordant  le  droit  de  cite  aux  deux  geometries  nouvelles,  ils  croienl 
sans  doute  avoir  ete  jusqu'au  bout  des  concessions  possibles.  C'est  pourquoi 
ils  ont  imagine'  ce  qu'ils  appellent  la  Gcometrie  generate,  qui  comprend 
comme  cas  parliculiers  les  trois  systemes  d'Euclide,  de  Lobatchevslu  et  de 
Riemann,  et  qui  n'en  comprend  pas  d'autres.  Et  cetle  dpithete  de  gencrale 
signifie  6videmment5  dans  leur  esprit,  qu'aucune  aulre  g^ome'trie  n'est  concc- 
vable. 

Ils  perdront  cetLe  illusion  s'ils  lisent  TOuvrage  de  M.  HilberL.  Ils  j  verront 
e'clater  de  toutes  parts  les  cadres  dans  lesquels  ils  avaient  voulu  nous  enfermer. 

Pour  bien  comprendre  cette  tentative  nouvelle,  il  faut  se  rappeler  quclle  a 
6t6  depuis  cent  ans  Involution  de  la  pens^e  matke'matique,  non  seulement  en 
Gcometrie,  mais  en  Arithm6tique  el  en  Analyse.  La  notion  de  nombre  s'est 
e'claircie  etpr6cis6e;  en  m6me  temps  elle  a  recu  des  generalisations  diverses. 
La  plus  pre'cieuse  pour  les  analystes  est  celle  qui  rtfsulte  de  1'introduction  des 
iinaginaires  dont  les  math^maticiens  modernes  ne  pourraienl  plus  se  passer; 
mais  on  ne  s'est  pas  arre'le'  la  et  Ton  a  fait  entrer  dans  la  Science  d'autres  ge'ne'- 
ralisations  du  nombre,  ou,  comme  on  dit,  d'autres  categories  de  nombres 
complexes. 

Les  operations  de  PArithme'tique  ont  6t^  de  leur  cote"  soumises  a  la  critique, 
et  les  quaternions  de  Hamilton  nous  ont  montre"  un  exernple  d'une  operation 
qui  prdsente  une  analogie  presque  parfaite  avec  la  multiplication,  que  Ton  pent 
appeler  du  m&me  nom,  et  qui  pourtant  n'est  pas  commutative,  c'est-a-dire 
dont  le  produit  change  quand  on  intervertit  Tordre  des  facteurs.  C'e~tait  14,  en 
Arithme'tique  une  revolution  toute  pareille  a  cellc  qu'avait  faite  Lobatchevski 
en  Geometric. 

Notre  fagon  de  concevoir  Tinfini  s'est  6galoment  modifiee.  M.  G.  Cantor 
nous  a  appris  &  distinguer  des  degr£s  dans  Finfini  Iui-m6me  (qui  n'ont 


g^  LES   FONDEMENTS   DE   LA   GEOMETRIE. 

d'ailleurs  rien  de  commun  avec  les  infiniment  petits  dcs  different  ordres  creY'S 
par  Leibniz  en  vue  du  calcul  infinitesimal  ordinaire).  La  notion  du  continu, 
longtemps  regarde~e  comme  primitive,  a  6t£  analysed  ct  r6duitc  a  ses  6l<5menls. 

Mentionnerai-je  ^galement  les  travaux  des  Italians  qui  se  sont  offerees  cle 
cre"er  un  symbolisme  logique  universel  et  de  require  le  raisonnemcnl  malliO- 
matique  a  des  regies  puremcnl  me'caniques  ? 

II  faut  se  rappeler  tout  cela  si  Ton  veul  comprendrc  comment  des  concep- 
tions, qui  auraient  fait  bondir  Lobatchcvski  lui-me'mc,  tout  re"volutiounuire 
qti'il  fut,  nous  serablent  aujourd'hui  presque  naturellcs  et  ont  pu  etre  propo- 
se'es  par  M.  Hilbert  avec  une  parfaile  tranquillity. 

La  liste  des  axiomes.  —  La  premiere  chose  a  faire  e"tait  d'^numerer  lows  les 
axiomes  de  la  Ge"om<Hrie.  Ge  n'e'tait  pas  si  facile  qu'on  pourrait  le  croiro;  il  y  a 
les  axiomes  que  Ton  voit  et  ccux  qu'on  ne  voit  pas,  ceux  qu'on  intnxluit 
inconsciemment  et  sans  s'en  aperccvoir.  Euclide  Iui-m6me,  que  Ton  croit  uu 
logicien  impeccable,  en  applique  souvent  qu'il  n'<5nonce  pas. 

La  liste  de  M.  Hilbert  est-elle  definitive?  II  est  permis  de  le  croiro,  car  elle 
semble  avoir  ^te'  dress^e  avec  soin.  Le  savant  Profpsseur  re"partit  les  axiouu»s 
en  cinq  groupes  : 

I.  Axiome  der  Verkniipfung  (je  trnduirai  par  axiomes  project! fs  au  lieu  <le 
chercher  une  traduction  litte^rale,  comme  par  exemple  axiomes  de  la  connexion^ 
qui  ne  saurait  tHre  satisfaisante). 

II.  Axiome  der  Anordnung  (axiomes  de  Fordre). 

III.  Axiome  d'Euclide. 

IV.  Axiomes  de  la  congruence  ou  axiomes  m<Hriques. 

V.  Axiome  d'Archimede. 

Parmi  les  axiomes  projectifs,  nous  distinguerons  ceux  du  plan  et  ccux  de 
Pespace;  les  premiers  sont  ceux  qui  de"rivent  de  la  proposition  bien  conxma  : 
par  deux  points  passe  une  droite  et  une  seule;  mais  je  pr^fere  traduire  litt^- 
ralement  afin  de  bien  faire  comprendre  la  pens^e  de  M.  Hilbert* 

«  Imaginons  trois  systemes  d'objets  que  nous  appellerons  points^  droites  et 
plans.  Imaginons  que  ces  points,  droites  et  plans  soient  lie's  par  ceriaines  rela- 
tions que  nous  exprimerons  par  les  mots  &£re  situ&  sur,  entre,  etc. 

«  I.  —  1.  Deux  points  diffe'rents  A  et  B  d^terminent  toujours  une  droite  a; 


LES  FONDEMENTS   DE   LA   GEOMETRIE.  g5 

ce  que  nous  ecrirons 

AB  =  a        ou        BA  =  a. 

«  Au  lieu  du  mot  deter  minent  nous  emploierons  egalement  d'autres  tour- 
nures  de  phrase  qui  seronl  sjnonymes;  nous  dirons  :  A  est  situe  sur  a,  A  est 
un  point  de  a,  a  passe  par  A,  a  joint  A  a  B,  etc. 

«  I.  —  2.  Deux  points  quclconques  d'une  droile  determinent  cette  droite, 
c'est-a-dire  que  si  AB  =  a  et  que  AC  =  a,  et  si  B  est  different  de  C,  on  a  aussi 
BC  =  a.  » 

Voici  les  reflexions  que  doivent  nous  inspirer  ces  enonces  :  les  expressions, 
etre  situe  sur,  passer  par,  etc.,  ne  sont  pas  destinies  a  evoquer  des 
images;  elles  sont  simplement  des  synonymes  du  mot  determiner,  Les  mols 
point,  droite  et  plan  eux-m£mes  ne  doivent  provoquer  dans  1'esprit  aucune 
representation  sensible.  Us  pourraient  indifferemment  designer  des  objets 
d'une  nature  quelconque,  pourvu  qu'on  put  etablir  entre  ces  objets  une  corres- 
pondance  telle  qu'a  tout  syst&me  de  deux  des  objets  appeles  points  corres- 
pondit  un  des  objets  appeles  droites,  et  un  seul.  Et  c'est  pourquoi  il  devient 
necessaire  d'ajouter  (I,  2)  que,  si  la  droite  qui  correspond  au  syst&ne  des 
deux  points  A  et  B  est  la  meme  que  celle  qui  correspond  au  systeme  des  deux 
points  B  et  C,  c'est  aussi  la  m£me  qui  correspond  au  syst&me  des  deux  points 
A  etC. 

Ainsi  M.  Hilbert  a,  pour  ainsi  dire,  cherche  a  mettre  les  axiomes  sous  une 
forme  telle  qu'ils  puissent  £tre  appliques  par  quelqu'un  qui  n'en  comprendrait 
pas  le  sens  parce  qu'il  n'aurait  jamais  vu  ni  point,  ni  droite,  ni  plan.  Les 
raisonnements  doivent  pouvoir,  d'aprfes  lui,  se  ramener  a  des  regies  purement 
mecaniques,  et  il  suffit,  pour  faire  la  Geometrie,  d'appliquer  servilement  ces 
regies  aux  axiomes,  sans  savoir  ce  qu'ils  veulent  dire.  On  pourra  ainsi  cons- 
truire  toute  la  Geometrie,  je  ne  dirai  pas  precisement  sans  y  rien  comprendre, 
puisqu'on  saisira  Fenchainement  logique  des  propositions,  mais  tout  au  moins 
sans  y  rien  voir.  On  pourrait  confier  les  axiomes  a  une  machine  a  raisonner, 
par  exemple  au  piano  raisonneur  de  Stanley  Jevons,  et  Ton  en  verrait  sortir 
toute  la  Geometrie. 

C'est  la  m6me  preoccupation  qui  a  inspire  certains  savants  italiens,  tels  que 
MM.  Peano  et  Padoa,  qui  se  sont  efforces  de  creer  une  pasigraphie,  c'est-a- 
dire  une  sorte  d'Algebre  universelle  ou  tous  les  raisonnements  sont  remplaces 
par  des  symboles  ou  des  formules. 


g6  LES   FONDEMENTS   DE   LA   GEOMETRIE. 

Cette  preoccupation  pent  sembler  artificielle  et  puerile;  et  il  cst  inutile  do 
faire  observer  combien  elle  serait  funeste  dans  1'enseigncment  et  nuisiblc  au 
de~veloppement  des  esprits  ;  combien  elle  serait  desse"chante  pour  los  chercheurs , 
dont  elle  tarirait  promptement  roriginalite".  Mais,  choz  M.  Hilbert,  elle 
s'explique  et  se  juslifie,  si  Ton  se  rappelle  le  but  poursuivi.  La  lisle  dos 
axiomes  est-elle  complete,  ou  en  avons  nous  laiss^  e"chapper  quclquos-uns  quo 
nous  appliquons  inconsciemment?  Voila  ce  qu'il  faut  savoir.  Pour  cela  nous 
avons  un  critere,  et  nous  n'en  avons  qu'un.  II  faut  chercher  si  la  Geometric  est 
une  consequence  logique  des  axiomes  explicitement  enonce"s,  c'est-a-dire  si  cos 
axiomes  confi^s  a  la  machine  a  raisonner  peuvenl  en  faire  sortir  toutc  la  suite 
des  propositions. 

Si  oui,  on  sera  certain  de  n'avoir  rien  oublie*.  Car  noire  machine  no  pout 
fonctionner  que  conformthnent  aux  regies  de  la  Logique  pour  lesquelles  olio  a 
e"te  construite;  elle  ignore  ce  vague  instinct  que  nous  appelons  intuition. 

Je  ne  m'e"tendrai  pas  sur  les  axiomes  projectifs  de  Pespacc  que  Paulem* 
nume'rote  I,  3,  4,  5,  6.  Rien  n'est  change'  aux  enonce"s  habituels. 

Un  mot  seulement  sur  Paxiome  I,  7,  qui  se  formule  ainsi  : 

«  Sur  toute  droite  il  y  a  au  moins  deux  points;  sur  tout  plan,  il  y  au  moms 
trois  points  non  en  ligne  droite;  dans  Pespace  il  y  a  au  ruoins  quatro  points 
qui  ne  sont  pas  dans  un  m£me  plan.  » 

Get  e"nonc£  est  caract6ristique.  Quiconquc  aurait  laisse*  a  lTinluiti<m  uno 
place,  si  petite  qu'elle  fiit,  n'aurait  pas  song6  a  dire  que  sur  toule  droite  il  y  a 
au  moins  deux  points,  ou  bien  il  aurait  ajout6  tout  de  suite  qu'il  y  en  a  uno 
infinite;  car  1'intuition  de  la  droite  lui  aurait  r^vele"  imme'cliatement  et  simul- 
tane"ment  ces  deux  v6rit6s. 

Passons  au  second  groupe,  celui  des  axiomes  de  Fordre.  Voici  IMnonct*  dus 
deux  premiers  : 

«  Si  trois  points  sont  sur  une  m£mc  droite,  il  y  a  entre  eux  une  certaiae 
relation  que  nous  exprimons  en  disant  que  Tun  des  points,  et  un  seulement, 
est  entre  les  deux  autres.  Si  C  est  entre  A  et  B,  et  si  D  est  entre  A  et  G,  D  sera 
aussi  entre  A  et  B,  etc.  » 

Ici  encore  nous  ne  faisons  pas  intervenir  Pintuition ;  nous  ne  cherchons  pas 
a  approfondir  ce  que  signifie  le  mot  entre,  toute  relation  satisfaisant  aux 
axiomes  pourrait  etre  designed  par  le  m&me  mot.  Voik  qui  est  biea  propre  ^ 


LES   FONDEMENTS   DE   LA   GEOMETRIE.  97 

nous  e"clairer  sur  la  nature  purement  formelle  des  definitions  mathe"matiques ; 
mais  je  n'insiste  pas,  car  je  n'aurais  qu'£  r6p6ter  ce  que  j'ai  dit  a  propos  du 
premier  groupe. 

Mais  une  autre  reflexion  s'impose,  Les  axiomes  de  1'ordre  sont  presented 
comme  dependant  des  axiomes  projectifs,  et  ils  n'auraient  plus  aucun  sens  si 
Ton  n'admettait  pas  ces  derniers,  puisqu'on  ne  saurait  ce  que  c'est  que  trois 
points  en  ligne  droite.  Et  cependant  il  existe  une  g6ome"trie  particuliere,  pure- 
ment qualitative,  et  qui  est  absolument  indgpendante  de  la  Ge'ome'trie  projec- 
tive,  qui  ne  suppose  connues  ni  la  notion  de  droite,  ni  celle  de  plan,  mais 
seulement  celles  de  ligne  et  de  surface;  c'est  ce  qu'on  appelle  V Analysis  situs. 
Ne  serait-il  pas  preferable  de  donner  aux  axiomes  du  deuxieme  groupe  une 
forme  qui  les  affranchit  de  cette  d^pendance  et  les  s^parat  completement  du 
premier  groupe?  II  reste  a  savoir  si  cela  serait  possible,  en  conservant  a  ces 
axiomes  leur  c'aractere  purement  logique,  c'est-a-dire  en  fermant  completement 
la  porte  a  loute  intuition. 

Le  troisieme  groupe  nc  contient  qu'un  seul  axiome,  qui  est  le  ce"lebre  postu- 
latum  d'Euclide;  je  remarquerai  seulement  que,  contrairement  £.  1'usage  ordi- 
naire, il  est  pr6sent6  avant  les  axiomes  m6triques. 

Ces  derniers  forment  le  quatrieme  groupe.  Nous  y  distinguerons  trois  sous- 
groupes.  Les  propositions  IV,  1,  2,  3  sontles  axi6mes  me"triques  des  segments  : 
ces  axiomes  servent  a  d6finir  les  longueurs.  On  conviendra  de  dire  qu'un 
segment  pris  sur  une  droite  peut  6tre  congruent  (6gal)  a  un  segment  pris  sur 
une  autre  droite;  c'est  P axiome  IV,  1;  mais  cette  convention  n'est  pas  tout  a 
fait  arbitraire ;  elle  doit  etre  faite  de  fagon  que  deux  segments  congruents  a  un 
meme  troisieme  soient  congruents  entre  eux  (IV,  2);  on  d^finit  ensuite  par 
une  convention  nouvelle  Paddition  des  segments,  et  cette  convention,  a  son 
tour,  doit  &tre  faite  de  fagon  qu7en  additionnant  des  segments  6gaux  on  trouve 
des  sommes  6gales ;  et  c'est  la  Paxiome  IV,  3. 

Les  propositions  IV,  4,  5  sont  les  axiomes  correspondants  pour  les  angles. 
Mais  cela  ne  su'ffit  pas  encore  :  aux  deux  sous-groupes  des  axiomes  m^triques 
des  segments  et  des  angles  il  faut  adjoindre  Paxiome  m6trique  des  triangles 
(que  M,  Hilbert  num6rote  IV,  6);  si  deux  triangles  ont  un  angle  6gal  compris 
entre  cot6s  6gaux,  les  autres  angles  de  ces  deux  triangles  sont  <§gaux  chacun  & 
chacun. 

On  retrouve  &  Pun  des  cas  connus  de  I'6galit6  des  triangles,  que  Pon 
d^montre  d'ordinaire  par  superposition,  et  qu'on  doit  poser  en  postulat  si  Pon 
H.  P.  —XI.  :3 


gg  LES   FONDEMENTS   DE   LA  G^OMETRIE. 

veut  eViter  de  faire  appel  a  1'intuition.  Quand  d'ailleurs  onse  scrvaitde  Fintui- 
tion,  c'est-a-dire  de  la  superposition,  on  voyait  du  m6me  coup  que  les  iroi- 
siemes  cote's  e"taient  e"gaux  dans  les  deux  Iriangles,  et  les  deux  propositions 
e"taient  unies  pour  ainsi  dire  dans  une  me"  me  aperception;  ici,  au  contraire, 
nous  les  se"parons;  de  Tune  d'elles  nous  faisons  un  postulat,  mais  nous  n'eri- 
geons  pas  1'autre  en  postulat,  parce  qu'elle  pent  se  deduire  logiquement  do  lu 
premiere. 

Autre  remarque  :  M.  Hilbert  dit  bien  que  le  segment  AB  est  congruent  a 
lui-meme,  mais  (et  de  m£me  pour  les  angles)  il  devrait,  semble-t-il,  ajoulor 
qu'il  est  congruent  au  segment  inverse  BA.  Get  axiome  (qui  implique  la  syme"- 
trie  de  Fespace)  n'est  pas  identiqtie  a  ceux  qui  sonl  explicitement  enonetfs.  Jo 
ne  sais  s'il  pourrait  s'en  d^duire  logiquement;  je  crois  que  oui?  mais,  etant 
donne'e  la  marche  des  raisonnements  de  M.  Hilbert,  il  me  semble  que  ce  pos- 
tulat est  applique"  sans  6tre  e'noncd  (p.  17,  ligne  18). 

Je  regretterai  aussi  que,  dans  cet  expose'  des  axiomes  mutriques,  il  IHI  ro.sl(» 
plus  aucune  trace  d'une  notion  dont  Helmholtz  avait,  le  preinii'r,  compris 
1'importance  :  je  veux  parler  du  emplacement  d'une  figure  invariabli1.  On 
aurait  pu  conserver  a  cette  notion  son  role  naturel,  sans  sacrifier  le  caracten1 
logique  des  axiomes.  On  aurait  pu  dire,  par  exernple  :  Je  dtHlnis  i»nlro  lc<s 
figures  une  certaine  relation  que  j'appelle  congruence,  etc.;  deux  figures 
congruentes  a  une  meTne  troisieme  sonl  coiigruenles  entre  dies;  dt^ux  figures 
congruentes  sont  identiques  quand  trois  points  de  Pune,  non  on  liguc  droito,  son! 
identiques  aux  trois  points  correspondants  Je  Paulre,  etc.  On  aurait  evite 
ainsi  Tintroduction  artificielle  de  cet  axiome  IV,  6,  et  les  postulate  aurairnt  &(l 
rattacli^s  a  leur  veritable  origine  psycliologiquo. 

Le  cinquieme  groupe  ne  comprend  qu'unseul  axiomo,  celui  d'Archimcdt;. 

Soient  deux  points  quelconques  A  et  B  sur  une  droite  D;  soit  a  un  so^mcai 
quelconque;  construisons  sur  D,  a  partir  du  point  A,  et  clans  la  direction  AB, 
une  se"rie  de  segments  tousegaux  entre  euxettfgauxaa  :  AAt,  AiAa,..*A,,-.i  A,4; 
on  pourra  toujours  prendre  n  assez  grand  pour  que  le  point  B  se  trouvc  sur 
Fun  de  ces  segments. 

G'est~a,-dire  que,  si  Fon  se  donne  deux  longueurs  quelconques  /  et  L,  00 
pent  toujours  trouver  uu  nombre  entier  n  assez  grand  pour  que,  en  ajoutaat  n 
fois  &  elle-m£me  la  loaguaur  /,  on  obtienne  une  longueur  totale  plus  grande 
que  L. 


LES   FONDEMENTS   DE   LA   GEOMETRIE.  99 

Independarice  des  axiomes.  —  La  listc  des  axiomes  une  fois  dress^e,  il 
faut  voir  si  elle  est  exempte  de  contradictions.  Nous  savons  bien  que  oui, 
puisque  la  G<3om6trie  existe;  et  M.  Hilbert  r£pond  oui  6galement,  en  construi- 
sant  une  g£om£trie.  Mais,  chose  Strange,  cette  g£om£trie  n'est  pas  tout  a  fait 
la  notre,  son  espace  n'est  pas  le  notre,  ou  du  moins  ce  n'en  est  qu'une  partie. 
Dans  Pespace  de  M.  Hilbert,  il  n'y  a  pas  tous  les  points  qui  sont  dans  le  notre, 
mais  ceux  seulement  qu'on  pent,  en  partant  de  deux  points  donnas,  construire 
par  le  moyen  de  la  r&gle  et  du  compas.  Dans  cet  espace,  par  exemple,  il  n'exis- 
terait  pas,  en  g6n£ral,  un  angle  qui  serait  le  tiers  d'un  angle  donn<5. 

Je  crois  bien  que  cette  conception  aurait  6te  regard(5e  par  Euclide  comme 
plus  raisonnable  que  la  notre.  Toujours  est-il  que  ce  n'est  pas  le  notre.  Pour 
rctrouver  notre  g£om<3trie,  il  1'audrait  aj outer  un  axiom e. 

<(  Si,  sur  une  droite,  il  j  a  une  double  infinite  de  points  AI,  Ay,  .  .  . ,  A/n  ..., 
BI,  Bo,  .  .  . ,  BAi,  .  .  . ,  tels  que  B^  soit  compris  entre  Ayj  et  B7_i,  et  A7,  entre  B7 
et  A/;_i,  quels  que  soienty;  et  y,  il  y  aura  sur  cette  droite  au  moins  un  point  C 
qui  sera  entre  A.p  et  Bry,  quels  que  soient/>  et  q*  » 

On  doit  se  demander  ensuite  si  les  axiomes  sont  ind^pendants,  c'est-a-dire 
si  1'on  peut  sacrifier  Fun  des  cinq  groupes  en  conservant  les  quatre  autres  et 
obtenir  n^anmoins  une  g£om6trie  coh6rente.  G'est  ainsi  qu'en  supprimant 
le  groupe  III  (postulatum  d'Euclide)  on  obtient  la  g6om6trie  non  eucliclienne 
de  Lobatschevski. 

On  peut  ^galement  supprimer  le  groupe  IV.  M.  Hilbert  a  r£ussi  a  conserver 
les  groupes  I,  II,  III  et  V,  ainsi  que  les  deux  sous-groupes  des  axiomes 
mtHriques  des  segments  et  des  angles,  tout  en  rejetant  1'axtome  m^trique  des 
triangles,  c'est-a-dire  la  proposition  IV,  0. 

Voici  comment  il  y  parvient  :  considerons,  pour  simplifier,  une  G^om^trie 
plane  et  soit  P  le  plan  dans  lequel  nous  op^rons;  nous  conserverons  aux  mots 
points  et  droites  leur  sens  habituel ;  de  m£me  nous  conserverons  aux  angles 
leurs  mesures  habituelles ;  mais  il  n'en  sera  pas  de  m6me  pour  les  longueurs. 
Une  longueur  sera  mesur^e  par  definition  par  sa  projection  sur  un  plan  Q 
different  de  P,  cette  projection  conservant  elle-m£me  sa  mesure  habituelle.  II 
est  clair  que  tous  les  axiomes  subsisteront,  sauf  les  axiomes  in^triques.  Les 
axiomes  m£tri<jues  des  angles  subsisteront  6galement,  puisque  nous  ne  chan- 
geons  rien  £  la  mesure  des  angles;  ceux  des  segments  sont  vrais  £galement, 
puisque >  chaque  segment  du  plan  P  est  naesur<§  par  un  autre  segment  qui  est 


I0o  LES  FONDEMENTS   DE   LA   GEOMETRIE. 

sa  projection  sur  le  plan  Q,  et  que  cc  dernier  segment  est  mesure"  a  la  maniere 
habituelle.  Au  contraire,  les  theoremes  sur  Fegalite  des  triangles,  tels  que 
Faxiome  IV,  6,  ne  sont  plus  vrais.  Gette  solution  ne  me  satisfait  qu'a.  moitie  ; 
les  angles  ont  ete  defmis  independamment  des  longueurs,  sans  qu'on  so  soit 
prdoccupe  de  mettre  les  deux  definitions  d'accord  (ou  plutot  en  les  metlant  en 
disaccord  a  dessein).  II  suffirait  de  changer  Vune  des  deux  definitions  pour 
retomber  sur  la  Geometric  classique.  Je  pre'fe'rerais  qu'on  donnat  cles  longueurs 
une  definition  telle  qu'il  devint  impossible  de  trouver  une  definition  des  angles 
satisfaisant  aux  axiomes  metriques  des  angles  et  des  triangles.  Cela  ne  serai t 
d'ailleurs  pas  difficile. 

II  aurait  ete  facile  a  M.  Hilbert  de  creer  une  geometric  ou  les  axiomes  de 
Fordre  seraient  abandonnes,  tandis  que  tous  les  autres  seraient  conserves.  Ou 
plutot  cette  Geometric  existe  deja,  ou  plutot  encore  il  en  existe  deja  deux.  II  j 
a  celle  de  Riemann,  pour  laquelle,  il  est  vrai,  le  postulatum  tFEuclide 
(groupe  III)  est  abandonne  egalement,  puisque  la  somme  des  angles  d'un 
triangle  est  plus  grand e  que  deux  droits.  Pour  bien  faire  comprendre  ma 
pensee,  je  me  bornerai  a  considerer  une  geometric  a  deux  dimensions.  La 
Geometric  de  Riemann  a  deux  dimensions  n'cst  autrc  cliose  que  la  (.itiomt»lruk 
spherique,  a  une  condition  toutefois  :  c'est  que  Foil  ne  regarde  pas  comum 
distincts  deux  points  diametralement  opposes  sur  la  sphere.  Les  elements  de 
cette  Geometric  seront  done  les  differents  diametres  de  cettc  sphere.  Or,  si  Fuu 
envisage  trois  diametres  d'une  m6me  sphere  situes  dans  un  mo"  me  plan  <Uaiu<;- 
tralj  on  n'a  aucune  raison  de  dire  que  Fun  deux  est  e/itre  les  deux  suitivs. 
Le  mot  entre  n'a  plus  de  sens,  et  les  axiomes  de  Fordre  tombent  tPeux- 
m^mes. 

Si  nous  voulons  maintenant  une  Geometric  ou  les  axiomes  <!<»  Fordre  nt1 
subsisteront  pas,  et  ou  Fon  conservera  le  postulatum  d'Euclicle  avec  les  autri»s, 
nous  n'avons  qu'a  prendre  pour  elements  les  points  et  les  droites  imaginairvs 
de  Fespace  ordinaire.  II  est  clair  que  les  points  imaginaires  de  Fespace  ne  nou.s 
sont  pas  donnes  comme  ranges  dans  un  ordre  determine.  Mais  il  j  a  plus  :  ou 
peut  se  demander  s'ils  sont  susceptibles  d'etre  ainsi  ranges;  cela  serail  sans 
doute  possible,  comme  Fa  montre  G.  Cantor  (£  la  condition,  bien  entcndu,  de 
ne  pas  toujours  ranger  dans  le  voisinage  Fun  de  Fautre  des  points  que  0ous 
regardons  comme  infiniment  voisins,  de  rompre  par  consequent  la  continuity 
de  Fespace).  On  pourrait  bien,  dis-je,  les  ranger,  mais  cela  ne  pourrait  pas  se 
faire  de  telle  fagon  que  cet  ordre  ne  soit  pas  altere  par  les  diverges  op^ratioas 


LES   FONDEMENTS   DE   LA  GEOMETRIE.  IOI 

de  la  Geometrie   (perspective,    translation,   rotation,   etc.).  Les  axiomes  de 
Pordre  ne  sont  done  pas  applicables  a  cette  Geometric. 

La  Geometric  non  archimedienne.  —  Mais  la  conception  la  plus  originale 
de  M.  Hilbert,  c'est  celle  de  la  Geometric  non  archimedienne,  oh  tons  les 
axiomes  restent  vrais,  sauf  celui  d'Archimede.  Pour  celail  fallait  d'abord  cons- 
truire  un  systeme  de  nombres  non  ar  chime  diens,  c'est-a-dire  un  syst&me 
d'elements  entre  lesquels  ont  put  concevoir  des  relations  d'egalite  et  d'ine- 
galite  et  auxquels  on  put  appliquer  des  operations  correspondant  a  1'addition 
et  a  la  multiplication  arithmetiques,  et  cela  de  facon  a  satisfaire  aux  conditions 
suivantes  : 

1°  Les  regies  arithmetiques  de  1'addition  et  de  la  multiplication  (commul.a- 
tivite,  associativity,  distributivite,  etc.  ;  Aritmetisclie  Axiome  der  Verknup- 
fung)  subsistent  sans  changement. 

2°  Les  regies  du  calcul  eL  de  la  transformation  des  inegalites   (Arithme- 
tische  Axiome  der  Anordnung)  subsistent  egalement. 
3°  L'axiome  d'Archimede  n'est  pas  vrai. 

On  peut  arrlver  a  ce  resultat  en  choisissant  pour  element  des  series  de  la 
forme  suivantc  : 


OLI  m  est  un  enlier  posilif  ou  n^galif  et  ou  les  coefficients  A  sont  r^els,  et  en 
convenant  d'appliquer  a.  ces  series  les  regies  ordinaires  de  1'addition  et  de  la 
multiplication.  11  faut  ensuite  d6finir  les  conditions  d'in<%alit£  de  ces  series, 
de  facon  a  ranger  nos  elements  dans  un  ordre  determine.  Nous  y  arriverons 
par  la  convention  suivante  :  nous  attribuerons  a  notre  s6rie  le  signe  de  A0  et 
nous  dirons  qu'une  serie  est  plus  petite  qu'une  autre  quand,  retranch6e  de 
celle-ci,  elle  donne  une  difference  positive. 

II  est  clair  qu'avec  cette  convention,  les  regies  du  calcul  des  in£galitt$s 
subsistent;  mais  Faxiomc  d'Archim^de  n'est  plus  vrai;  et,  en  effet,  si  nous 
prenons  les  deux  elements  i  el  t]  le  premier,  additionne  a  Iui-m6me  autant  de 
fois  qu'on  le  voudra,  restera  loujours  plus  petit  que  le  second.  On  aura  tou~ 
jours  t  >>  n,  quel  que  soit  rentier  n,  puisquc  la  difference  t  —  n  sera  toujours 
positive,  le  coefficient  du  premier  terme  t,  qui,  par  definition,  donne  son 
signe,  restant  toujours  egal  &  i  . 

Nos  nombres  vulgaires  rcntrcnt  comme  cas  particuliers  parmi  ces  nombres 


102  LES  FONDEMENTS   DE  LA  GEOMETRIE. 

non  archimediens .  Les  nouveaux  nombres  viennent  s'intercaler  pour  ainsi 
dire  clans  la  se>ie  de  nos  nombres  vulgaires,  de  telle  facon  qu'il  y  ait,  par 
exemple,  une  infinite  de  nombres  nouveaux  plus  perils  qu'un  nombrc  vulgaire 
donn£  A  et  plus  grands  que  tous  les  nombres  vulgaires  infe'rieurs  a  A. 

Cela  pos6,  imaginons  un  espace  a  trois  dimensions  ou  les  coordonne'es  d'un 
point  seraient  mesure'es,  non  pas  par  des  nombres  vulgaires,  ma  is  par  des 
nombres  non  archimediens,  mais  ou  les  Equations  habiluelles  dela  droite  el  du 
plan  subsisteraient,  de  meme  que  les  expressions  analyliques  des  angles  et  des 
longueurs.  II  est  clair  que  dans  cet  espace  lous  les  axiomcs  rcsleraienl  vrais, 
sauf  celui'd'Arcliimede. 

Sur  une  droite  quelconque,  entre  nos  points  vulgaires,  viendraient  s'inter- 
caler  des  points  nouveaux.  Si,  par  exemple,  D()  est  une  droite  vul^aire,  DI  la 
droite  non  archime"dienne  correspondante ;  si  P  est  un  point  vulguire  <jut*l- 
conque  de  Do,  et  si  ce  point  portage  D0  en  deux  demi-droites  S  et  S'  (j'ajouie, 
pour  pr^ciser,  que  je  considere  P  comme  ne  faisant  partie  ni  de  S  ni  dt4  S'), 
il  y  aura  sur  DI  une  infinite'  de  points  nouveaux  tant  entre  P  et  S  qu'ontre  P 
et  S'.  II  y  aura  egalement  sur  DA  une  infinite  de  points  nouveaux  qui  sertml  a 
droite  dc  tous  les  points  vulgaires  de  D0.  En  resume',  noire  espace  vul^airr 
n'est  qu'une  partie  de  1'espace  non  archimedien. 

Au  premier  abord,  Fesprit  sc  rc5 volte  contre  de  pareille.s  <>oiictipti{)iis. 
C'estque,  par  une  vieille  habitude,  il  chcrche  une  representation  st»nsihle.  II 
faut  qu'il  sc  debarrasse  de  cette  pre'occupation  s'ii  veut  arriver  a  comprendrc, 
et  cela  est  encore  plus  n6cessaire  que  poor  la  GtfomiHric  non  eucli(li<»an«». 
M.  Hilbert  ne  s'est  propose  qu'une  chose  :  construire  un  systtuue  d'^nienls 
susceptibles  de  ccrtaines  relations  logiques,  et  il  lui  suffit  de  morUrer  qut»  <H\S 
relations  n'impliquent  pas  de  contradiction  interne. 

Qu'on  remarque  cependant  ceci  :  la  Geometric  non  euclidienne  res|x»<*tail 
pour  ainsi  dire  notre  conception  qualitative  du  continu  g^om^lrique  toot  <»n 
bouleversant  nos  id6es  sur  la  mesure  de  ce  continu.  La  Ge'oiitititrte  non  archi- 
mt^dienne  dtoiiit  cette  conception,  elle  disseque  le  continu  pour  y  inlroduire 
des  e'le'ments  nouveaux. 

Quoi  qu'il  en  soit,  M,  Hilbert  poursuit  les  consequences  de  ses  premisses  et 
il  cherche  comment  on  ponrrait  refaire  la  Geom^trie  sans  se  servir  de  1'axioim! 
d'Archimede.  Pas  de  difficulte'  en  ce  qui  concerne  les  Chapitres  que  les  e*€oliers 
appellent  le  premier  et  le  deuxieme  Livre.  Get  axiome  n'y  iatervient  nulle 
part. 


LES   FONDEMENTS  DE   LA   GEOMETRIE.  Io3 

Le  troisi&me  Livre  traite  des  proportions  et  de  la  similitude.  Voici,  en  sub- 
stance, la  marche  que  suit  M.  Hilbert  pour  le  reconstituer  sans  avoir  recours 
a  Taxiome  d'Archim&de.  II  prend  la  construction  habituelle  de  la  quatri&me 
proportionnelle  comme  definition  de  la  proportion,  mais  une  pareille  definition 
a  besoin  d'etre  jus tifiee;  il  faut  montrer  d'abord  que  le  r^sultat  est  le  m£me, 
quelles  que  soient  les  lignes  auxiliaires  employees  dans  la  construction,  et 
ensuite  que  les  regies  ordinaires  du  calcul  s'appliquent  aux  proportions  ainsi 
definies.  C'est  celte  justification  que  M.  Hilbert  nous  donne  d'une  fagon  satis- 
faisante. 

Le  quatri^me  Livre  traite  de  la  mesure  des  aires  planes;  si cette mesure  peut 
s'etablir  facilement  sans  le  secours  du  principe  d'Archim&de,  c'est  parce  que 
deux  poljgones  Equivalents  ou  bien  peuvent  &tre  decomposes  en  triangles  de 
telle  facon  que  les  triangles  elementaires  de  1'un  et  ceuxde  1'autre  soient  egaux 
chacun  a  chacun  (ou,  en  d'autres  termes,  peuvent  &tre  ramenes  1'un  a  Fautre  par 
le  procede  du  casse-t6te  chinois),  ou  bien  peuvent  &tre  regardes  comme  des 
differences  de  poljgones  susceptibles  de  ce  mode  de  decomposition  (c'est  tou- 
jours  le  mtoe  precede,  en  admcttant  non  settlement  des  triangles  additifs, 
mais  encore  des  triangles  soustractifs).  Mais  nous  devons  observer  qu'une 
circonstance  analogue  ne  parait  pas  se  retrouver  pour  deux  poly&dres  equi- 
valents, de  sorte  qu'on  peut  se  demander  si  1'on  peut  determiner,  par  exemple 
le  volume  de  la  pyramid e  sans  un  appel  plus  ou  moms  deguise  au  calcul  infini- 
tesimal. Tl  n'est  done  pas  certain  qu'on  pourrait  se  passer  aussi  facilement 
de  1'axiome  d'Archim^de  dans  la  mesure  des  volumes  que  dans  celle  des  aires 
planes.  M.  Hilbert  ne  1'a  d'ailleurs  pas  tente. 

Une  question  restait  a  traiter  toutefois;  etant  donne  un  polygone,  est-il 
possible  de  le  decomposer  en  triangles  et  d'enlever  1'un  des  morceaux  de  fagon 
que  le  polygone  restant  soit  equivalent  au  polygone  donne,  c'est-a-dire  de 
fagon  qu'en  transformant  ce  polygone  restant  par  le  procede  du  casse-t6te 
chinois,  on  puisse  relomber  sur  le  polygone  primilif.  D'ordinaire,  on  se  borne 
a  dire  que  cela  est  impossible  parcc  que  le  tout  est  plus  grand  que  la  partie. 
C'est  la  invoquer  un  axiome  nouveau,  et,  quelque  evident  qu'il  nous  paraisse, 
le  logician  serait  plus  satisfait  si  Ton  pouvait  Peviter.  M.  Schur  a  trouve  la 
demonstration,  il  est  vrai,  mais  en  s'appuyant  sur  1'axiome  d'Archim&de; 
M.  Hilbert.  voulait  y  arriver  sans  se  servir  de  cet  axiome.  Voici  par  quel  artifice 
il  y  parvient;  il  admet  que  la  surface  du  triangle  est  par  definition  le  demi- 
produit  de  sa  base"  par  sa  hauteur,  et  il  justifie  cette  definition  en  montrant  que 


104  LES  FONDEMENTS  DE  LA   GEOIMETKIE. 

deux  triangles  Equivalents  (au  point  de  vue  du  casse-t,6le  chinois)  ont  m£me 
surface  (au  sens  de  la  nouvelle  definition)  et  que  la  surface  d'un  triangle 
decomposable  en  plusieurs  autres  est  la  somme  des  surfaces  des  triangles 
composaats.  Une  fois  cette  justification  termintSe,  tout  le  reste  suit  sans  diffi- 
cult^. C'est  done  toujours  la  m£me  marclie.  Pour  £viter  d'incessants  appels  a 
1'intuition,  qui  nous  fournirait  sans  cesse  de  nouveaux  axiomes,  on  transforme 
ces  axiomes  ea  definitions,  el  Ton  justifie  apres  coup  cos  dofmilions  eu 
montrant  qu'elles  sont  exemples  de  contradictions. 

La  Geometric  non  arguesienne.  —  Le  lh<3or6me  fondamenlal  de  la  Geome- 
trie  projective  est  le  lh<5or£me  de  Desargues.  Deux  triangles  sont  dils  hoinolo- 
gues  lorsque  les  droites  qui  joignent  chacun  a  chacun  les  sommets  correspon- 
dants  se  coupenl  en  un  m6me  point.  Desargues  a  dtimontre  que  les  points 
d'intersection.  des  cotes  correspondants  de  deux  triangles  homologuos  sont  sur 
une  m&me  ligne  droite;  la  r(5ciproque  est  t^alement  vraie. 

Le  th(5or6me  de  Desargues  peut  s'etablir  de  deux  manures  : 

i°  En  se  servant  des  axiomes  projectifs  du  plan  et  des  axiomes  mtftrkjuus  du 
plan  ?* 

2°  En  se  servant  des  axiomes  projeciifs  du  plan  et  de  ceux  de  Fespacc. 

Le  tk^or^me  pourrail  done  6tre  decouvert  par  un  animal  a  deux  dimensions, 
a  qui  une  troisi&me  dimension  parai  trait  aussi  inconeevable  qu'a  nous  une 
quatri&me,  qui  par  consequent  ignorerail  les  axiomes  projectifs  do  Fespactt, 
mais  qui  aurait  vu  se  dt^placer,  dans  le  plan  qu'il  habile,  des  figures  invariahles 
analogues  §.  nos  corps  solides,  et  qui,  par  consequent,  coniiahrait  les  axiomes 
m^triques.  Le  th^oreme  pourrait  6tre  decouvert  e^alement  par  un  animal  £ 
trois  dimensions  qui  connaitrait  les  axiomes  projectifs  de  Fespace,  mais  qui, 
n'ayant  jamais  vu  se  d^placer  de  corps  solides,  ignorerait  les  axiomes 


Mais  pourrait-on  dtablir  le  th^or^me  do  Desargues  sans  se  servir  ni  des 
axiomes  projectifs  de  Pespace,  ni  des  axiomes  m&riques,  mais  seulement  des 
axiomes  projectifs  du  plan?  On  pensait  que  non,  mais  on  on  n'cUait  pas  silr. 
M.  Milbert  a  tranche  la  question  en  construisanl  une  gvomttrie  non  argu&- 
sienne,  qui  est,  bieix  entendu,  une  g&>ra#trie  plane,  Gonsiddrons  une  ellipse  E» 
A  Fext^rieur  de  cette  ellipse,  le  mot  droite  conserve  son  sens  habituel;  4 
Fiut^rieur  le  mot  droite  prend  un  sens  different  et  il  s'applique  &  un  arc  de 


LES   FONDEMENTS   DE  LA  G^OM^TRIE.  105 

cercle  qui,  prolong^,  irait  passer  par  un  point  fixe  P  ext^rieur  a  1'ellipse.  Une 
droite  qui  traverse  1'ellipse  E  se  composera  done  de  deux  parties  rectilignes, 
au  sens  ordinaire  du  mot,  raccord^es  a  Fint^rieur  de  Fellipse  par  un  arc  de 
cercle;  tel  un  rayon  lumineux  qui  serait  d6vi£  de  sa  trajectoire  rectiligne  en 
traversant  un  corps  rtffringent. 

Les  axiomes  projeclifs  du  plan  seront  encore  vrais  si  Ton  suppose  le  point  P 
assez  6loigu<3  de  1' ellipse  E. 

Placons  mainlenanl  deux  triangles  homologues  en  deliors  de  1'ellipse  E,  et 
de  telle  fagon  que  leurs  cotes  no  rencontrent  pas  E;  les  irois  droites  qui 
joignent  deux  a  deux  les  sommets  correspondanls,  si  on  les  entend  au  sens 
ordinaire  du  mot,  iront  se  couper  en  un  m6me  point  Q  d'aprSs  le  th£or6me 
de  Desargues;  supposons  que  ce  point  Q  soit  aFinttfrieur  deE.  Slmaintenant 
nous  entendons  le  mot  droile  au  sejis  nouveau,  les  trois  droites  qui  joignent  les 
sommets  correspondents  seront  devices  en  p<5n6trant  a  Finterieur  de  1'ellipse. 
Elles  n'iront  done  plus  passer  en  Q,  elles  ne  seront  plus  concourantes.  Le  th£o- 
r&me  de  Desargues  n'est  plus  vrai  dans  notre  nouvelle  g<5om6Lrie,  c'est  une 
g£om<Strie  non  arguesieniie. 

La  Geometrie  non  pascaliemie.  —  M.  Hilbert  ne  s'arr£te  pas  la  et  il  intro- 
duit  encore  une  nouvelle  conception.  Pour  bien  la  comprendre,  il  nous  faut 
d'abord  retourner  un  instant  dans  le  domaine  de  FArithm^tique.  Nous  avons 
vu  plus  haul  s'elarglr  la  notion  dc  nombre,  par  FinLroduclion  des  no mb res  71  on 
archimediens.  11  nous  faut  une  classification  de  ces  nombres  nouveaux,  et 
pour  Fobtenir  nons  aliens  classer  d'abord  les  axiomes  de  FArithmetique  en 
quatre  groupes  qui  seront  : 

i°  Les  lois  d'associativit6  et  de  commutativiuS  de  Faddition,  la  loi  d'associa- 
tivit6  de  la  multiplication,  les  deux  lois  de  distributivit^  de  la  multiplication; 
ou  en  r6suni(§  toutes  les  regies  de  Faddition  et  de  la  multiplication,  sauf  la  loi 
de  commutativit6  de  la  multiplication; 

2°  Les  axiomes  de  Fordre,  c'est-a-dire  les  regies  du  calcul  des  mdgalii<5s  ; 

3°  La  loi  de  commutativit6  de  la  multiplication,  d'apr^s  laquelle  on  peut 
intervertir  Fordre  des  facteurs  sans  changer  le  produit; 

4°  L'axiome  d'Archim^de. 

Les  nombres  qui  admettront  les  axiomes  des  deux  premiers  groupes  seront 
dits  argu<§siens;  ils  pourront  &tre  pascaliens  ou  non  pascallens  scion  qu'ils 
H,  P,  —  XI.  *4 


IO6  LES  FONDEMENTS   DE   LA   GEOMETRIE. 

satisferont  ou  ne  satisferont  pas  &  1'axiome  du  troisi&me  Croupe,  ils  seront  archi- 
mediens  ou  non  archimcdiens,  suivant  qu'il  salisferont  ou  noii  a  Faxiome  du 
quatri^me  groupe.  Nous  ne  tarderons  pas  a  voir  la  raison  de  ces  dchiomina- 

tions. 

Les  nombres  ordinaires  sont  a  la  fois  arguesiens,  pascaliens  et  archimtjdiens. 
On  peut  d^montrer  la  loi  de  commulativiUj  en  partant  des  axiomes  des  deux 
premiers  groupes  et  de  1'axiome  d'Archim£de;  il  n'y  a  done  pas  de  nombres 
arguesiens,  archim^diens  et  non  pascaliens. 

En  revanche,  nous  avons  cite"  plus  haul  un  exemple  de  nombres  arguesiens, 
pascaliens  et  non  archim^diens;  c'est  ce  que  j'appellerai  les  nombres  du  A;>',S- 
teme  T,  et  je  rappelle  qu'a  chacun  de  ces  nombres  correspond  une  serie  de  la 

forme 

Ao^-f-  \{f">-^-h  — 

ou  les  A  sont  des  nombres  r£cls  ordinaires. 

II  est  ais<5  de  former,  par  un  procede  analogue,  tin  syslfcme  do  nombivs 
arguesiens,  non  pascaliens  et  non  archim(5di(kns.  Les  t'il&nenls  de  ce  sysU>me 
seront  des  series  de  la  forme 

S  =  T«,?«-h  T,^'"1-^..., 

ou  s  est  un  symbole  analogue  a  t,  n  un  enlier  positif  ou  negatif,  et  T{)7  TI?  ,  .  . 
des  nombres  du  syslcinie  T;  si  done  on  romplacail  les  coefficients  To,  TI,  .  . . 
par  les  series  en  t  correspondantes,  on  aurait  une  S(5rie  dependant  a  la  Ibis  <lt*  / 
et  de  s.  On  additionnera  les  series  S  d'apr^s  les  regies  ordinaires,  et  d(.»  m^mt* 
pour  la  multiplication  de  ces  series  on  admettra  les  regies  de  distrihufivilt4  <»t 
et  d'associativite,  mais  on  admettra  que  la  loi  de  comniutativitd  n'est  pas  vraie 
et  qu'au  contraire  st  =  —  ts. 

II  reste  k  ranger  les  series  dans  un  ordre  d6termine,  pour  salisfairt!  aux 
axiomes  de  1'ordre.  Pour  cela,  on  allribuera  a  la  s^rie  S  le  signe  du  premier 
coefficient  T0;  on  dira  qu'une  s^rie  est  plus  petite  qu7une  aulre,  quand,  rtilriiu- 
ch6e  de  celle~ci,  elle  donnera  une  difference  positive.  C'est  done  loujours  la 
m6me  r^gle  :  t  est  regard6  comme  tr^s  grand  par  rapport  a  un  nombre  rt^el 
ordinaire  quelconque,  et  s  est  regard^  comme  tres  grand  par  rapport  &  un 
nombre  quelconque  du  syst&me  T. 

La  loi  de  commutativit^  n'6tant  pas  vraie,  ce  sont  bien  des  nombres  non 
pascaliens. 

Avant  d'aller  plus  loin,  je  rappelle  que  Hamilton  a  depuis  longtemps  iniro- 


LES   FONDEMENTS   DE   LA   GEOMJZTRIE.  107 

dull  an  systeme  de  nombres  complexes  ou  la  multiplication  n'est  pas  commu- 
tative; ce  sont  les  quaternions,  dont  les  Anglais  font  un  si  frequent  usage  en 
Physique  mathtSmatique.  Mais,  pour  les  quaternions,  les  axiomes  de  Fordre  ne 
sont  pas  vrais;  ce  qu'il  y  a  done  d'original  dans  la  conception  de  M.  Hilbert, 
c'esl  que  ses  nouveaux  nombres  satisfoni  a  ax  axiomes  de  Fordre  sans  satisfaire 
a  la  regie  de  coinmutativite, 

Revenons  a  la  Ge'ome'trie.  Admettons  les  axiomes  des  trois  premiers  groupes, 
c'est-a-dire  les  axiomes  projectifs  du,  plan  et  de  Fespace,  les  axiomes  de  Fordre 
etle  postulat  d'Euclide ;  le  the"oreme  de  Desargues  s'en  de'duira,  pufsqu'il  est 
une  consequence  des  axiomes  projectifs  de  Fespace. 

Nous  voulons  constituer  notre  ge'ome'trie  sans  nous  servir  des  axiomes 
metriques;  le  mot  de  longueur  n'a  done  encore  pour  nous  aucun  sens;  nous 
n'avons  pas  le  droit  de  nous  servir  du  compas ;  en  revanche,  nous  pouvons 
nous  servir  de  la  regie,  puisque  nous  admettons  que  par  deux  points  on  peut 
faire  passer  une  droite,  en  vertu  de  Fun  des  axiomes  projectifs;  nous  savons 
egalement  mener  par  un  point  une  parallele  a  une  droite  don.ne'e,  puisque  nous 
admettons  le  postulatum  d'Euclide.  Voyoiis  ce  que  nous  pouvons  faire  avec  ces 
ressources. 

Nous  pouvons  de'finir  F  homo  the' tie  de  deux  figures  ;  deux  triangles  seront 
diis  homothetiques  quand  leurs  cole's  seront  paralleles  deux  a  deux,  et  nous  en 
conclurons  (par  le  theoreme  de  Desargues  que  nous  admetlons)  que  les  droites 
qui  joignent  les  sommcts  correspondants  sont  concourantes.  Nous  nous  servi- 
rons  ensuite  de  FhomothiHie  pour  de'finir  les  proportions.  Nous  pouvons  aussi 
de'finir  Fe'galite'  dans  une  certaine  mesure. 

Les  deux  cote's  opposes  d'un  parallelogramme  seront  <5gaux  par  defi?iition; 
nous  savons  ainsi  reconnaitre  si  deux  segments  sont  6gaux  entre  eux,  pourvu 
qu'ils  soient  paralleles. 

Grace  a  ces  conventions,  nous  sommes  maintenant  en  mesure  de  comparer 
les  longueurs  de  deux  segments;  mais  pourvu  que  ces  segments  soient 
PARABLES.  La  comparaison  de  deux  longueurs  donL  la  direction  est  differente 
n'a  aucun  sens,  et  il  faudrait  pour  ainsi  dire  une  unit6  de  longueur  diffe'rente 
pour  chaque  direction.  Inutile  d'ajouter  que  le  mot  angle  n'a  aucun  sens. 

Les  longueurs  seront  ainsi  exprime'es  par  des  nombres;  mais  ce  ne  seront 
pas  force'ment  des  nombres  ordinaires.  Tout  ce  que  nous  pouvons  dire,  c'est 
que,  si  le  the'er^me  de  Desargues  est  vrai  comme  nous  Fadmettons,  ces  nom- 
bres appartiendront  a  un  syst^me  satisfaisant  aux  axiomes  arithme'tiques  des 


I08  LES   FONDEMENTS  DE    LA   GEOMETRIE. 

deux  premiers  groupes,  c'est-a-dire  a  un  systeme  arguesien.  Inversenient, 
6tant  donn£  un  syst&me  quelconque  S  de  nombres  ^arguesiens,  on  peut  cons- 
truire  une  g£om6trie  telle  que  les  longueurs  des  segments  d'une  droite  soient 
justement  exprime^es  par  ces  nombres. 

Voici  comment  peut  se  faire  cette  construction  :  un  point  de  ce  nouvel 
espace  sera  defini  par  trois  nombres  #,  y ,  z  du  syst£me  S  qui  s'appelleront  les 
coordonnees  de  ce  point.  Si  aux  trois  coordonnees  des  divers  points  d'une 
figure  on  ajoute  trois  constantes  (qui  sont,  bien  entendu,  des  nombres  argu£- 
siens  du  syst&me  S),  on  obtient  une  autre  figure  transform^  de  la  premiere, 
et  de  telle  facon  qu'a  un  segment  quelconque  de  1'une  des  figures  corresponde 
dans  1'autre  un  segment  egal  et  parall&le  (au  sens  donn^  plus  liaut  a  ce  mot). 
Cette  transformation  est  done  une  translation,  de  sorte  que  ces  trois  constantes 
dtjfinissent  uue  translation.  Si  maintenant  nous  multiplions  les  trois  coor- 
donntses  de  tons  les  points  d'une  m&me  figure  par  une  m6me  constante,  nous 
obtiendrons  une  seconde  figure  qui  sera  homotli<3tique  de  la  premiere. 

Liquation  du  plan  sera  une  Equation  lin^aire  comnxe  dans  la  Gt^om^trie 
analytique  ordinaire;  mais,  comme  dans  le  syst&me  S  la  multiplication  ne  sera 
pas  commutative  en  general,  il  importe  de  faire  une  distinction  et  de  dire  que 
dans  chacun  des  termes  de  cette  Equation  lin^aire  ce  sera  la  codrdonn^e  qui 
jouera  le  role  de  multiplicande,  et  le  coefficient  constant  qui  jouera  le  r6le  de 
multiplicateur. 

Ainsi,  a  chaque  syst&me  de  nombres  argues iens  correspondra  une  g£om6trie 
nouvelle  satisfaisant  aux  axiomes  projectifs,  a  ceux  de  1'ordre,  au  theor^me  de 
Desargues  et  au  postulatum  d'Euclide.  Quelle  est  maintenant  la  signification 
g^ometrique  de  1'axiome  arithmtitique  du  troisi^me  groupe,  c'est-a-dire  de  la 
r^gle  de  commutativit6  de  la  muliiplication?  La  traduction  geom&trique  de 
cette  regie,  c'est  le  theorems  de  Pascal;  je  veux  parler  du  th^or^mc  sur 
1'hexagone  inscrit  dans  une  conique,  en  supposant  que  cetle  conique  se  r^duit 
a  deux  droites. 

Ainsi,  le  th^or^me  de  Pascal  sera  vrai  ou  faux,  selon  que  le  syst&me  S  sera 
pascalien  ou  non  pascalien;  et,  comme  il  y  a  des  systemes  non  pascaliens,  il  y 
aura  egalement  des  geometries  non  pascaliennes. 

Le  th£or&me  de  Pascal  peut  se  d^montrer  en  pariant  des  axiomes  mgtriques; 
il  sera  done  vrai,  si  Ton  admel  que  les  figures  peuvent  se  transformer  non 
seulemcnt  par  homoth^tie  et  translation,  comme  nous  venons  de  le  faire,  mais 
encore  par  rotation. 


LES   FONDEMENTS   DE   LA   GEOMETRIE.  log 

Le  th^or^me  de  Pascal  pent  ^galement  se  deduire  de  Taxiome  d'Archim^de, 
puisque  nous  venous  de  voir  que  tout  syst&me  de  nombres  argu^siens  eL 
archimediens  est  en  m£me  temps  pascalien;  toute  geometric  non  pascalienne 
est  done  en  meme  temps  non  ar  chime  dienne. 

Le  Streckeniibertr  tiger.  —  Gitons  encore  une  autre  conception  de  Hilbert. 
II  (Hudie  les  constructions  qu'on  pourrait  faire,  non  pas  a  1'aide  de  la  r£gle  et 
du  compas,  mais  par  le  nioyen  de  la  regie  et  d'un  instrument  particulier  qu'il 
appelle  Streckenubertrager,  et  qui  permettrait  de  porter  sur  une  droite  un 
segment  ggal  a  un  autre  segment  pris  sur  une  autre  droile.  Le  Streckenilber- 
tr tiger  n'est  pas  Ftfquivalenl  du  compas;  ce  dernier  instrument  permettrait  de 
construire  1'intersection  de  deux  cercles  ou  d'un  cercle  et  d'une  droite  quel- 
conque;  le  Streckeniibertrdger  nous  donnerait  seulement  1'intersection  d'un 
cercle  et  d'une  droite  passant  par  le  centre  de  ce  cercle.  M.  Hilbert  cherche 
done  quelles  sont  les  constructions  qui  seront  possibles  avec  cos  deux  instru- 
ments, et  il  arrive  a  une  conclusion  bien  remarquable. 

Les  constructions  qui  peuvent  se  faire  par  la  r^gle  et  le  compas  peuvent  se 
faire  (Sgalement  par  la  r&gle  et  le  Streckeniibertrdger,  si  ces  constructions 
sont  telles  que  le  resultat  en  soit  toujours  reel.  II  est  clair,  en  eflet,  que  cctte 
condition  est  necessaire;  car  un  cercle  est  toujours  coup6  en  deux  points  reels 
par  une  droite  men^e  par  son  centre.  Mais  il  (Hait  difficile  de  pr^voir  que  cette 
condition  serait  6galement  suffisante. 

Geometries  diver ses.  —  Je  voudrais,  avant  de  lerminer,  voir  quelle  place 
occupent  dans  la  classification  de  M.  Hilbert  les  diverses  geometries  propos6es 
jusqu'ici.  Et  d'abord  les  geometries  de  Rieniann;  je  ne  veux  pas  parler  de  la 
g6om<Hrie  de  Riemann  que  j'ai  signal^e  plus  haul  et  qui  est  I'oppos6  de  celle  de 
Lobatchevski;  je  veux  parler  des  g6om6tries  relatives  aux  espaccs  a  courbure 
variable  envisages  par  Riemann  dans  sa  c6l&bre  Habilitationsschrift. 

Dans  cette  conception,  on  attribue  par  definition  une  longueur  a  une  courbe 
quelconque,  et  c'est  sur  cette  definition  que  tout  repose.  Le  role  des  droites  est 
jou£  par  les  g£od£siques,  c'est-a-dire  par  les  lignes  de  longueur  minima  menses 
d'un  point  a  un  autre.  Les  axiomes  projectifs  ne  sont  plus  vrais,  et  il  n'y  a 
aucune  raison,  par  exemple,  pour  que  deux  points  ne  puissent  &tre  joints  que 
par  une  seule  g^od^sique.  Le  postulat  d'Euclide  ne  peut  plus  6videmment 
avair  aucun  sens.  L'axiome  d'Archim^de  reste  vrai,  ainsi  que  les  axiomes  de 


HO  LES   FONDEMENTS   DE   LA  GEOMETRIE. 

Pordre  mutatis  mutandis]  Riemann  n'envisage,  en  effet,  que  les  systemes  de 
nombres  ordinoires.  En  ce  qui  concerne  les  axiomes  me'triques,  on  voit 
aise'ment  que  ceux  des  segments  et  ceux  des  angles  resteni  vrais,  tandis  que 
Paxiome  me'trique  des  triangles  (IV, 6)  est  e'videmment  faux. 

El  ici  nous  retrouvons  1' objection  qu'on  a  le  plus  souvent  faite  a  Riemann. 

Vous  parlez  de  longueur,  lui  a-t-on  dit;  or  longueur  suppose  mesurc,  el, 
pour  mesurer,  il  faut  pouvoir  transporter  un  instrument  de  mesurc  qui  doit 
demeurcr  invariable;  d'ailleurs,  vous  le  reconnaissez  vous-mtoie.  II  faut  done 
que  1'espace  soit  partout  e"gal  a  Iui-m6me,  qu'il  soit  homogene  pour  que  la 
congruence  j  soit  possible.  Or,  votre  espace  ne  Test  pas,  puisque  sa  courbure 
est  variable;  il  ne  peut  done  j  &tre  question  ni  de  mesurc,  ni  de  longueur. 

Riemann  n'aurait  pas  eu  de  peine  a  r6pondre,  Supposons  une  geometric  a 
deux  dimensions  pour  simplifier;  nous  pourrons  alors  nous  repr6senter  1'espace 
de  Riemann  comme  une  surface  dans  1'espace  ordinaire.  Nous  pourrions 
mesurer  des  longueurs  sur  cette  surface  a  1'aide  d'une  ficelle,  et  cependant  une 
figure  ne  pourrait  pas  se  de"placei'  en  restant  applique'e  sur  cette  surface  el  de 
fagon  que  les  longueurs  de  tous  ses  e'le'ments.demeurent  invariables.  Car  la 
surface  n'est  pas,  en  ge'ne'ral,  applicable  sur  elle-m&me. 

C'est  ce  que  M.  Hilbert  iraduirait  en  disant  que  les  axiomes  me'triques  des 
segments  sont  vrais,  et  que  celui  des  triangles  ne  Pest  pas.  Les  premiers  sonl 
concretises  pour  ainsi  dire  dans  notre  ficelle;  celui  des  triangles  supposerait  le 
displacement  d'une  figure  dont  tous  les  elements  auraient  une  longueur 
constante. 

Quelle  sera  la  place  d'une  autre  ge'ome'trie  que  j'ai  proposed  autrefois  et  qui 
rentre  pour  ainsi  dire  dans  la  meme  famille  que  celle  de  Lobatchevski  el  celle 
de  Riemann?  J'ai  montre*  qu'on  peut  imaginer  trois  geometries  a  deux  dimen- 
sions, qui  correspondent  respectivement  aux  trois  sortes  de  surfaces  du  second 
degre,  Pellipsoide,  Phyperbolo'ide  4  deux  nappes  et  Phyperboloidea  une  nappe; 
la  premiere  est  celle  de  Riemann,  la  seconde  est  celle  de  Lobatchevski,  et  la 
troisieme  est  la  ge'ome'trie  nouvelle.  On  trouverait  de  m&me  quatre 
ge'ome' tries  a  trois  dimensions. 

Ou  viendrait  se  ranger  cette  ge'ome'trie  nouvelle  dans  la  classification  de 
M.  Hilbert?  II  est  aise"  de  s'en  rendre  compte.  Comme  pour  celle  de  Riemann, 
tous  les  axiomes  subsistent,  saul  ceux  de  Pordre  et  celui  d'Euclide;  mais, 
tandis  que  dans  la  g^ome'trie  de  Riemann,  les  axiomes  sont  faux  sur  toutes  les 
droites,  an  contraire,  dans  la  g6om^trie  nouvelle,  les  droites  se  r^partissent  en 


LES  FONDEMENTS  DE   LA  GEOMETRIE.  Ill 

deux  classes,  les  unes  sur  lesquelles  les  axiomes  de  1'ordre  sont  vrais,  les  autres 
sur  lesquelles  ils  sont  faux. 

Conclusions.  —  Mais  ce  qui  est  lo  plus  important,  c'est  de  nous  rendre 
coinpte  de  la  place  qu'occupent  les  conceptions  nouvelles  de  M.  Hilbert  dans 
Phistoire  de  nos  id6es  sur  la  philosophic  des  Mathe"matiques. 

Apr&s  une  premiere  p6riode  de  naive  confiance  ou  Ton  nourrissail  Pespoir 
de  tout  dtoontrer,  est  venu  Lobatchevski,  Pinventeur  des  g£om6tries  non 
euclidiennes. 

Mais  le  veritable  sens  de  cette  invention  n'a  pas  6t£  p£n6tr6  tout  de  suite; 
lielmholtz  a  montre  d'abord  que  les  propositions  de  la  g£om6trie  euclidienne 
n'etaient  autre  chose  que  les  lois  des  mouvements  des  corps  solides,  tandis  que 
celles  des  autres  g£om6tries  (Haient  les  lois  que  pourraient  suivre  d'autres  corps 
analogues  aux  corps  solides,  qui  sans  doute  n'existentpas,  mais  dontl'existence 
pourrait  £tre  congue  sans  qu'il  en  r^sultat  la  moindre  contradiction,  des  corps 
que  Ton  pourrait  fabriquer  si  on  le  voulait.  Ces  lois  ne  pouvaient,  toutefois,  6tre 
regard^es  comme  exp£rimentales,  puisque  les  solides  naturels  ne  les  suivent 
que  grossiterement  et,  d'ailleurs,  puisque  les  corps  fictifs  de  la  g£om£trie  non 
euclidienne,  n'existant  pas,  ne  peuvent  6tre  accessibles  a  Pexp£rience. 
Helmholtz,  toutefois,  ne  s'est  jamais  expliqu6  sur  ce  point  avec  une  parfaile 
netted. 

Lie  a  pouss£  1'analyse  beaucoup  plus  loin.  II  a  cherch^  de  quelle  manifere 
peuvent  se  combiner  les  divers  mouvements  possibles  d'un  systkme  quelconque, 
ou  plus  g6neralement  les  diverses  transformations  possibles  d'une  figure.  Si 
1'on  envisage  un  certain  nombre  de  transformations  et  qu'on  les  combine 
ensuite  de  toutes  les  manures  possibles,  Fensemble  de  toutes  ces  combinaisons 
tbrniera  ce  qu'il  appelle  un  groupe.  A  chaque  groupe  correspond  une  g6o~ 
m^trie,  et  la  notre,  qui  correspond  au  groupe  des  d^placements  d'un  corps 
solide,  n'est  qu'un  cas  tr&s  particulier.  Mais  tous  les  gro'upes  quel'onpeutima- 
giner  poss^deront  certaines  propri^t^s  communes,  et  ce  sont  pr^cis^ment  ces 
propri6t^s  communes  qui  limitent  le  caprice  des  inventeurs  de  g£orn6tries ;  ce 
sont  elles,  d'ailleurs,  que  Lie  a  6tudi6es  toute  sa  vie. 

II  n'^tait  pourtant  pas  enti&rement  satisfait  de  son  oeuvre.  II  avail,  disait-il, 
toujours  envisage  Tespace  comme  une  Zahlenmannigfaltigkeit.  II  s'^tait  born^ 
&  1'^tude  des  groupes  continus  proprement  dits  auxquels  s'appliquent  les  regies 
de  l?Analyse  infinit<3simale  ordinaire.  Ne  s'(^tait-il  pas  ainsi  artificiellemeiit 


II2  LES  FONDEMENTS  DE   LA  GEOMETRIE. 

restreint?  N'avait-il  pas  ainsi  n£glig6  un  des  axiomes  indispcnsables  do  la 
G<3oimnrie  (c'est  en  somme  de  1'axiome  d'Archim&de  qu'il  s'agit)?  Je  ne  sais 
si  Ton  trouverait  trace  de  cette  preoccupation  dans  ses  oeuvrcs  imprhnees, 
mais  dans  sa  correspondance,  ou  dans  sa  conversation,  il  exprimait  sans  cesse 
ce  m£me  regret. 

C'est  pr£cis£ment  la  lacune  qu'a  comblee  M.  Hilbert;  les  g£om£tries  de  Lie 
restaient  toutes  assujetties  aux  formes  de  I1  Analyse  et  de  rArilhmtflique  qui 
semblaient  intangibles.  M.  Hilbert  a  brisd  ces  formes  ou,  si  Ton  aime  mieux,  il 
les  a  6largies.  Ses  espaces  ne  sont  plus  des  Zalilenmannigfaltigkeiten* 

Les  objets  qu'il  appelle  point,  droite  ou  plan  devicnnent  ainsi  des  6tres 
purement  logiques  qu'il  est  impossible  de  se  represented  On  ne  saurait  s'ima- 
giner,  sous  une  forme  sensible,  ces  points  qui  ne  sont  que  des  systemes  de 
trois  series.  Peu  lui  importe,  il  lui  suffit  que  ce  soient  des  individus  et  qu'il  ait 
des  regies  stares  pour  distinguer  ces  individus  les  uns  des  autres,  pour  otabllr 
conventionnellement  entre  eux  des  relations  d'<5galit6  ou  d'in6galil6  et  pour  les 
transformer. 

Une  autre  reniarque  :  les  groupes  de  transformations  au  sens  de  Lie  ne 
semblent  plus  jouer  qu'un  role  secondaire.  G'est  du  moins  ce  qu'il  semblc 
quand  on  lit  le  texte  m&me  de  M.  Hilbert.  Mais,  si  Ton  y  regardait  de  plus 
pr6s,  on  verrait  que  cbacune  de  ses  g<5om6tries  est  encore  l'6tude  d'un  groupe. 
Sa  g^om^trie  non  archim^dienne  est  celle  d'un  groupe  qui  contient  toutes  les 
transformations  clu  groupe  euclidien,  correspondant  aux  divers  d^placements 
d'un  solide,  mais  qui  en  contient  encore  d'autres  susceptibles  de  se  combiner 
aux  premieres  d'apr^s  des  lois  simples. 

Lobatchevski  et  Riemann  rejetaient  le  postulatum  d'Euclide,  mais  ils  conser- 
vaient  les  axiomes  m6triques;  dans  la  plupart  de  ses  g(5om6tries,  M.  Hilbert 
fait  1'inverse.  Cela  revient  a  mettre  au  premier  rang  un  groupe  formtS  des 
transformations  de  1'espace  par  homoth^tie  et  par  translation;  et  aJa  base  de 
sa  g6om6trie  non  pascalienne,  c'est  un  groupe  analogue  que  nous  retrouvons, 
comprenant  non  seulement  les  homoth^ties  et  les  translations  de  1'espace 
ordinaire,  mais  d'autres  transformations  analogues  se  combinant  aux  premieres 
djapr£s  des  lois  simples. 

M.  Hilbert  semble  plutdt  dissimuler  ces  rapprochements,  je  ne  sais  pourquoi. 
Le  point  de  vue  logique  parait  seul  I'int6resser.  fitant  donn6  une  suite  de  pro- 
positions, il  constate  que  toutes  se  de§duisent  logiquement  de  la  premiere.  Quel 
est  le  fondement  de  cette  premiere  proposition,  quelle  en  est  Torigine  psycho- 


LES   FONDEMENTS   DE   LA   GEOM^TRIE.  Il3 

logique,  il  ne  s'en  occupe  pas.  Et  meme  si  nous  avons,  par  exemple,  trois 
propositions  A,  B,  C,  et  si  la  logique  permet,  en  partant  de  Fune  quelconque 
d'entre  elles,  d'en  deduire  les  deux  aulres,  il  lui  sera  indifferent  de  regarder  A 
comme  un  axiome  et  d'en  tirer  B  et  G,  ou  bien,  au  contraire,  de  regarder  G 
comme  un  axiome,  et  d'en  tirer  A  et  B.  Les  axiomes  sont  pose's,  on  ne  sait  pas 
d'ou  ils  sortenl,  il  est  done  aussi  facile  de  poser  A  que  C. 

Son  oeuvre  est  done  incomplete;  mais  ce  n'est  pas  une  critique  que  je  lui 
adresse.  Incomplet,  il  faul  bien  se  re'signer  a  T^tro.  II  suffit  qu'il  ait  fait  faire  a 
la  philosophic  des  Math6matiques  un  progres  considerable,  comparable  a  ceux 
que  Ton  devait  a  Lobatchevski,  a  Riemann,  a  Helmholtz  et  a  Lie. 


H.  P.  -  XI. 


REFLEXIONS  SUR  DEUX  NOTES 

DE  M.  A.  S.  SCHONFLIES 
ET  DE  M.  E.   ZERMELO  O 


Acta  Mathematica,  t.  32,  p.  196-200  (2  icvrier  1909). 


Les  considerations  presentees  par  M.  Schonflies  au  sujet  de  la  Note  de 
M.  Richard  seront  lues  avec  intent;  non  qu'aucune  de  ses  critiques  puissc 
resister  a  un  examen  approfondi,  mais  par  ce  qu'elles  peuvent  suggerer  d'utiles 
reflexions. 

1.  On  sait  que  M.  Richard  consid^re  1' ensemble  E  des  nombrcs  qui peuvent 
etre  defmis  en  un  nombre  fini  de  mots.  II  demontre  quo  cet  ensemble  est 
denombrable  et  c'est  cette  demonstration  que  M.  Schonflies  conlesle. 

Et  pourquoi?  Parce  qu'on  peut,  dit-il,  ddfinir  par  une  m£me  formulc  une 
infinite  d'objets'  mathematiques.  II  est  evident  qu'une  pareille  formule  ne  peut 
constituer  une  definition,  au  moins  au  sens  ou  M.  Richard  emploic  ce  mot. 
Et  en  effet  ce  qui  caracterise  precisement  une  definition,  c'est  qu'cllepermeldc 
distinguer  1'objet  defini  de  tous  les  autres  objets ;  si  elle  s'applique  a  une  infinite 
d'objets,  elle  ne  permet  pas  de  les  disceraer  les  uns  des  autres ;  elle  n'en  definit 
aucun;  elle  n'est  plus  une  definition. 

Ainsi  pour  prendre  le  premier  exemple  de  M.  Schonflies;  quand  on  dit 
«  une  fonction  constante  »,  on  a  une  formule  d'un  nombre  fini  de  mots  et  qui 
s'applique  a  une  infinite  de  fonctions;  mais  qui  ne  les  definit  pas,  qui  defmit 

(x)  Intitules  :  Ueber  erne  venneintliche  Antinomie  der  Mengenlehre  (Acta  Math.,  t,  32, 
1909,  p.  177-184)  et  Sur  les  ensembles  finis  et  le  principe  de  V induction  complete  (Acta 
t.  32,  1909,  p.  185-198). 


REFLEXIONS  SUR  DEUX  NOTES.  Il5 

seulement  leur  relation  avec  un  certain  nombre,  a  savoir  la  valeur  constante  de 
la  fonction.  Pour  achever  de  de'finir  une  de  ces  fonctions,  il  faut  definir  cette 
valeur  constante. 

C'est  seulement  si  cette  valeur  constante  peut  &tre  de'fmie  en  un  nombre  fini 
de  mots,  que  la  fonction  elle-m^me  pourra  1'eHre.  II  n'est  done  pas  exact  de 
dire  que  cette  formule  de'finit  en  un  nombre  fini  de  mots  un  ensemble  de 
fonctions  qui  a  la  puissance  du  conlinu,  c'est-a-dire  la  puissance  de  toutes  les 
constantes  possibles ;  cette  formule  permet  de  definir  en  un  nombre  fini  de  mots 
un  ensemble  de  fonctions  qui  a  m£me  puissance  que  Fensemble  des  constantes 
deTmissables  en  un  nombre  fini  de  mots,  et  ce  dernier,  d'apres  la  demonstration 
de  M.  Richard  est  de'nombrable. 

La  premiere  critique  de  M.  Schonflies  ne  tient  done  pas  debout;  et  ce  queje 
viens  de  dire  s'applique  sans  changemenl  a  tous  ses  autres  exemples.  Dans  tous 
les  cas  qu'il  cite,  il  de'finit  un  objet  A  comme  ayant  une  relation  B  avec  un 
autre  objet  C.  Cette  relation  B  ne  suffit  pas  pour  de'finir  A;  il  faut  de'finir 
e'galement  Fobjet  C;  pour  que  A  se  trouve  defini  en  un  nombre  fini  de  mots,  il 
faut  que  non  seulement  B,  mais  encore  C  soient  definis  en  un  nombre  fini  de 
mots.  Les  autres  critiques  qui  s'appuient  sur  la  premiere,  tombent  evidemment 
du  m6me  coup. 

2.  II  n'en  est  pas  moms  vrai  qu'on  peut  faire  les  reflexions  suivantes.  II  n'y 
a  pas  d'infmi  actuel;  ce  que  nous  appelons  1'infini,  c'est  uniquemcnt  la  possi- 
bilite  de  cr^er  sans  cesse  de  nouveaux  objets,  quelque  nombreux  que  soient  les 
objets  de'ja  cre^s.  Seulement  ces  nouveaux  objets  ne  sont  concevables  eux- 
m£mes  que  s'ils  sont  susceptibles  d'eHre  de'finis  en  un  nombre  fini  de  mots.  II 
en  re'sulte  qu'un  ensemble,  dont  chaque  element  ne  petit  pas  6tre  defini  en  un 
nombre  fini  de  mots,  est  un  pur  ne"ant;  on  n'en  peut  rien  dire,  ni  rien  penser. 

C'est  bien  ainsi  que  pense  M.  Richard;  et  je  signalerai  en  passant  une  tres 
inte"ressante  demonstration  de  Paxiome  de  Zermelo  que  ce  savant  vienl  de 
publier  dans  VEnseignement  Mathematique  ct  ou  il  s'exprime  a  ce  sujet  de  la 
fagon  la  plus  nettc. 

Mais  alors  il  n'y  a  pas  d'autre  ensemble  que  ceux  dont  tous  les  elements  sont 
deTmissables  en  un  nombre  fini  de  mots;  et  comme  on  peut  leur  appliquer  la 
demonstration  de  M.  Richard,  il  semble  qu'on  doive  conclure  que  tous  les 
ensembles  sont  denombrables.  Que  signifie  alors  la  distinction  des  puissances, 
et  en  quoi  le  continu  differe-t-il  de  r ensemble  des  nombres  entiers  ? 


Il6  REFLEXIONS   SUR  DEUX  NOTES. 

On  peut  demontrer  cependant  qu'il  y  a  une  difference  et  c'est  en  cela,  au 
fond,  que  consiste  1'antinomie  Richard. 

II  est  impossible  de  trouver  une  for  mule  definissant  en  un  nombre  fmide 
mots  une  relation  entre  un  nombre  reel  et  un  nombre  entier  et  qui  soit  telle 
que  tout  nombre  reel  defaiissable  en  un  nombre  fini  de  mots  corresponde  a 
un  nombre  entier  en  vertu  de  cette  for  mule.  Quelle  que  soit  cette  formule, 
on  pourra  toujours  definir  en  un  nombre  lini  de  mots  un  nombre  reel  que  cette 
formule  ne  fait  corresponds  a  aucun  nombre  entier.  Voila  ce  que  Cantor 
demontre  et  voila  ce  qu'oii  entend  quand  on  dit  que  la  puissance  clu  continu 
n'est  pas  celle  de  Pensemble  des  entiers. 

Comment  cela  s'accorde-t-il  avec  la  demonstration  de  M.  Richard  qui  nous 
enseigne  que  tout  ensemble  dont  les  elements  sont  definissables  en  un  nombre 
fini  de  mots  est  de'nombrable  ?  Conside'rons  une  formule  F  definissant  uiie 
relation  entre  les  divers  entiers  et  divers  nombres  reels  (qui  se  trouveront  par 
la  definis  en  un  nombre  fini  de  mots)  1'ensemble  E  de  ces  nombres  reels  seru 
de'nombrable.  Nous  pourrons  ensuite  definir  d'autres  nombres  reels  ne  faisant 
pas  partie  de  E;  ces  definitions  ne  contiendront  qu'un  nombre  fini  de  mots 
mais  parmi  ces  mots  figurera  le  nom  de  1'ensemble  E.  Soit  E;  1'ensemble  de 
ces  nouveaux  nombres  re'els.  La  demonstration  de  Cantor  nous  apprend  que 
1'ensemble  E'  n'est  pas  nul  et  celle  de  Richard  nous  apprend  que  I'ensemble 
E  +  E'  est  de'nombrable.  On  pourra  done  trouver  une  formule  F'  definissant 
une  relation  entre  les  divers  entiers  et  les  divers  nombres  del'ensemble  E  +  E'. 

Mais  alors  on  pourra  de  nouveau  trouver  d'autres  nombres  ne  faisant  pas 
partie  de  E-f-E'  et  dont  on  pourra  donner  une  definition  ne  contenant  qu'un 
nombre  fini  de  mots  parmi  lesquels  les  noms  des  ensembles  E  et  E'.  Ici  encore 
1'ensemble  E/;  de  ces  nombres  ne  sera  pas  nul  et  il  sera  denombrable.  Et  ainsi 
de  suite. 

3.  Et  alors  dira-t-on;  tous  ces  nombres,  ceux  de  E,  de  K',  de  E",  ccux  des 
ensembles  suivants,  sont  tous  definissables  en  un  nombre  fini  de  mots,  desorte 
qu'en  vertu  de  la  demonstration  de  Richard,  il  devrait  exister  une  formule  d'uu 
nombre  fini  de  mots  qui  permette  de  les  denombrer.  C'est  la  l'antinomie  dont 
M.  Richard  donne  1'explication;  on  doit  apres  avoir  forme  le  tableau  dc  tous 
les  assemblages  possibles  de  syllabes,  rejeter  ceux  qui  n'ont  aucun  sens  ou  qui 
ne  definissent  pas  un  nombre.  Tant  que  I'ensemble  E  n'est  pas  defini,  ceux  de 
ces  assemblages  ou  figure  le  nom  de  cet  ensemble  sont  denues  de  sens  et  doivent 


REFLEXIONS   SUR  DEUX   NOTES.  117 

£tre  rejetes.  Quand  on  a  defini  Fensemble  E?  ils  prennenl  un  sens  et  il  faut  les 
reprendre.  La  demons  Libation  dc  M.  Richard  suppose  au  contraire  que  Ton  fait 
ce  triage  d'un  seul  coup  ct  sans  s'y  reprcndro  a  plusieurs  fois. 

Je  ne  puis  resister  a  la  tentation  de  rappeler  ici  un  exemple  curieux  cite 
par  M.  Russell  et  ou  1'on  rctrouve  la  mfime  contradiction  apparente,  expliquee 
de  la  m6me  manure,  mais  ou  1'on  n'a  pas  a  envisager  Pinfini,  ce  qui  permet 
pcut-£trc  de  mieux  se  rendre  compte  des  faits.  Quel  est  le  plus  petit  nombre 
qui  n'est  pas  susceptible  d'etre  defini  par  une  phrase  form6e  de  moins  de 
cent  mots  frangais  ?  Ce  nombre  existe~t-il  ? 

Oui,  car  par  une  phrase  form6e  de  moins  de  cent  mots  francais,  on  peut 
definir  au  plus  7iiQQ  nombres,  n  etant  le  nombre  des  mots  du  dictionnaire 
francais.  On  nc  peut  done  definir  tous  les  nombres,  et  parmi  ceux  qui  ne 
peuvent  P6tre  il  y  en  a  certainement  un  qui  est  plus  petit  que  tous  les  autres  et 
qui  est  par  la  enti&rement  defini. 

Non,  car  ce  nombre  s'il  cxistait  impliquerait  contradiction;  car  il  serait  defini 
par  une  phrase  de  moins  de  cent  mots,  a  savoir  par  la  phrase  m6me  qui  annonce 
qu'il  ne  peut  pas  Petre. 

C'cst  que  cette  phrase  tantot  a  un  sens,  tantot  n'en  a  aucun,  selon  que  tous 
les  autres  nombres  ont  ete  ou  n'ont  pas  ete  prealablement  definis. 

4.  J'arrive  a  la  derni&re  objection  de  M.  Schonflies  (§  9).  M.  Richard  a  tort 
de  dire  d'apr&s  lui  que  toute  definition  introduisant  la  notion  de  Pensemble 
total  A  doit  £tre  ray^e  de  son  tableau.  Et  M.  Schonflies  cherche  a  le  prouver 
par  un  exemple.  II  consid&re  une  s&rie  de  definitions  d,  G2,  . . .  etl'ensemble  G 
de  ces  definitions.  Aucune  de  ces  definitions,  excepte  la  definition  G7.  (ou  r 
est  un  nombre  impair}  n'introduit  la  notion  de  1' ensemble  G.  Quant  a  Gr?  elle 
defmit  une  fraction  decimale  6r  en  nous  apprenant  que  la  pi6rac  decimale  de  8r 
depend  d'aprfcs  une  certaine  loi  de  la  /Jii6mo  decimale  de  la  fraction  d^  definie 
par  la  definition  G^>  Done  dans  la  definition  Gr  figure  la  notion  du  2I6me  ele- 
ment G2^  de  Fensemble  G,  et  par  consequent  la  notion  de  Pensemble  G. 
M.  Richard  la  rayerait  done  de  son  tableau,  et  cependant  elle  est  exempte  de 
contradiction  et  de  cercle  vicieux. 

Cette  objection  est  sans  valeur.  Et  en  effetnous  pouvons  definir  Pensemble  G' 
forme  par  les  elements  d'ordre  pair  G2,  G4,  .  .  . . 

Soit  alors  8r  la  fraction  decimale  dont  la  p.i6rae  decimale  depend  d'apr&s  une 
certaine  loi  de  la  p.16mo  decimale  de  la  fraction  d^  defmie  par  le  p.^me  element  G^ 
de  Pensemble  G', 


REFLEXIONS   SUR   DEUX   NOTES. 


Cetle  phraso  que  je  puis  appeler  G'r  a  m^me  sons  quo  la  phrase  G,.,  mais  elle 
n'inlroduit  plus  la  notion  de  Fensemble  G,  mais  souloment  celle  de 
Fensemble  G'.  Ces  deux  phrases  figuroront  dans  le  tableau  de  M.  Richard; 
mais  Gr  devra  6tre  offacee  comme  contenant  la  notion  de  G,  tanclis  que  G',.  qui 
est  independanle  de  cette  notion  devra  6lre  conserved.  La  fraction  3,.  qui  est 
definie  aussi  bien  par  G'r  quo  par  G,.  restera  done  dans  noire  tableau  des 
fractions  8^.  II  n'y  a  done  la  aucune  difficult. 

5.  Je  vous  envoie  en  meme  temps  une  Note  de  M.  Zermelo.  Cette  Note  n'a 
pu  me  convaincre  el  M.  Zermelo  ne  s'en  etonnera  pas;  puisqu'il  signale  lui- 
mtime  que  la  definition  de  Fensemble  qu'il  appelle  M0  est  de  celles  que  je  ne 
rogarde  pas  comme  legitimes.  Je  sais  que  M.  Zermelo  doit  exposer  ses  idt;es  sur 
ce  point  dans  un.  Memoire  plus  etendu,  mais  ce  Memoire  n'ayantpas  encore  ete 
public,  il  convient  d'cn  attendre  la  publication  pour  apprecier  ses  raisons. 

Je  ne  puis  me  faire  pour  le  moment  une  idee  de  ces  raisons  que  par  les 
quelques  lignes  qui  sont  a  la  lin  du  paragraphe  3;  et  je  vais  tacher  de  retablir 
Fobjection  de  M.  Zermelo,  sans,  je  Fespere,  m'e'carter  de  sa  pensee. 

Je  veux  demontrer  qu'une  Equation  algebrique  F  =  o  a  toujours  une  racine; 
pour  cela  je  remarque  que  |F  esl  toujours  positif  et  a  par  consequent  une 
limite  inferieure  ou  minimum,  qu'une  fonction  continue  atteint  loujours  son 
minimum,  et  je  dtSmontre  enfin  que  |  F  |  nc  peut  avoir  d'autre  minimum  que 
ze"ro  ;  j'en  conclus  qu'il  y  a  un  point  pour  lequel  F  |  =  o. 

Dans  cette  demonstration  on  parle  :  i°  de  Fensemble  E  des  valeurs  do  F  ; 
a°  de  Fune  de  ces  valeurs  e  qui  est  la  plus  petite  de  toutes  celles  deE;  el  3°  de 
la  valeur  correspondante  de  x.  La  definition  de  e  ou  figure  Fensemble  E  est 
non  predicative,  puisque  la  notion  de  E  devrait  etre  a  la  fois  anterieure  a  celh* 
de  e  dont  la  definition  depend  de  E  et  posterieure  a  celle  de  e  qui  est  un  element 
de  E.  On  ne  pourrait  done  rejeter  Femploi  des  definitions  non  predicatives  sans 
rejeter  une  demonstration  admise  par  tous  les  mathematiciens. 

Cela  serait  grave  ;  heureusement  il  est  aise  de  remettre  la  demonstration  sur 
ses  pieds  sans  y  laisser  subsister  de  petition  de  principe.  Soit  x  la  variable 
independante;  soit  y  une  valeur  de  x  dont  les  parties  reelle  et  imaginaire  soient 
des  nombres  rationnels  (je  dirai  pour  abreger  que  y  est  une  valeur  rationnello 
de  x}.  Soit  E'  Fensemble  des  valeurs  que  peut  prendre  |  F(j)  |.  Soit  e  la  limite 
inferieure,  ou  minimum  des  diverges  valeurs  de  Fensemble  E'. 

On  demontre  ensuite  successivement  qu'il  y  a  une  valeur  de  x  non  rationnelle 
en  general  et  telle  que  \F(x)\  =  e,  et  que  e  ne  peut  Stre  different  de  zero. 


REFLEXIONS   SUR  DEUX   NOTES.  Iig 

La  petition  de  principe  a  disparu  puisque  dans  la  definition  de  e  figure 
seulement  la  notion  de  1'cnsemble  E'  et  que  e  ne  fait  pas  en  general  partie  de  E!. 
Si  Ton  examine  avec  quelque  attention  les  details  de  la  demonstration  d'ailleurs 
bien  connue,  dont  nous  n'avons  fait  que  rappeler  les  lignes  generales,  on 
reconnaitra  que  e'en  est  bien  la  le  veritable  sens. 

Plus  generalement,  si  nous  envisageons  un  ensemble  E  de  nombres  reels 
positifs,  par  exemple,  on  peut  de'montrer  que  cet  ensemble  possede  une  limite 
inferieure  e]  cette  limite  inferieure  est  definie  apres  1'ensemble  E;  et  il  n'y  a 
pas  de  petition  de  principe  puisque  e  ne  fait  pas  en  general  partie  de  E.  Dans 
certains  cas  particuliers,  il  peut  arriver  que  e  fasse  partie  de  E.  Dans  ces  cas 
particuliers,  il  n'y  a  pas  non  plus  de  petition  de  principe  puisque  e  ne  fait  pas 
partie  de  E  en  vertu  de  sa  definition,  mais  par  suite  d'une  d6monstration 
posterieure  a  la  fois  a  la  definition  de  E  et  a  celle  de  e. 

La  raison  invoquee  par  M,  Zermelo  ne  saurail  done  suffire  pour  justifier 
Femploi  des  definitions  <c  non  predicatives  »,  car  Fassimilation  qu'il  fait  est 
inexacte.  M.  Zermelo  invoque  egalement  Fautorite  de  MM.  Peano  et  Russell; 
je  ferai  seulement  remarquer  que  M.  Peano  se  borne  a  une  affirmation  qu'il  ne 
justifie  pas,  et  que  M.  Russell  admet  au  contraire  que  les  definitions  non 
predicatives  ne  sont  pas  legitimes  en  general  (c'est  m£me  lui  qui  a  employe  le 
premier  le  mot  de  non  predicatif),  rnais  qu'elles  peuvent  I'&tre  a  certaines 
conditions  dont  je  n'ai  pu  comprendre  Fenonce. 


UBER  TRANSFINITE  ZAHLEN 


Seeks  Vortrdge  iiber  ausgewdhlte  gegenstande  aits  der  reinen  Mathematik 
und  mathematischen  P/iysiL,  FiinfUT  Vorlrag,  p.  4'j-^iiS  (-'7  avril  1909). 


Meine  Herren !  Ich  will  heute  iiber  den  BegrifT  der  Lransfiniten  Kardi- 
nalzahl  vor  Ihnen  sprechen;  und  zwar  will  ich  zumichstvoneinem  scheinbareii 
Widerspruch  reden,  den  dieser  Begrift*  enthult.  Dazu  schicke  ich  folgendes 
voraus  :  meiner  Ansicht  nach  ist  ein  Gegenstand  nur  dann  denkbar,  wenn  er 
sich  mil  einer  endlichen  Anzahl  von  Worten  defmieren  Uisst.  Einen  Gegen- 
stand, der  in  diesem  Sinne  endlich  defmierbar  ist,  will  ich  zur  Abki'irzung 
einfach  ,,definierbaru  nennen.  Demnach  ist  also  ein  nicht  definierbarer 
Gegenstand  auch  undenkbar.  Desgleichen  will  icli  ein  Geselz  ,,aussagbaru 
nennen,  wenn  es  in  einer  endlichen  Anzahl  von  Worien  ausgesagt  werden 
kann. 

Herr  Richard  hat  nun  bewiescn,  dass  die  Gesamtheit  der  deiinierbaren 
Gegenstande  abzahlbar  ist,  d.  h.  dass  die  Kardinalzahl  dieser  Gesamtheit 
Xo  ist.  Der  Beweis  ist  ganz  einfach  :  sei  a  die  Anzahl  der  Worter  des  Worter- 
buches,  dann  kann  man  mit  n  Wortern  hochstens  v.'L  Gegensliinde  dcfinieren. 
Lasst  man  nun  n  iiber  alle  Grenzen  wachsen,  so  sieht  man,  dass  man  nie  iiber 
eine  abzlhlbare  Gesamtheit  hinauskommt,  Die  Machtigkeit  der  Menge  der 
denkbaren  Gegenstande  Ware  also  X0*  Herr  Schoenflies  hat  gegen  diesen 
Beweis  eingewandt,  dass  man  mit  einer  einzigen  Definition  mehrere,  ja  sogar 
unendlich  viele  Gegenstande  definieren  k6nne.  Als  Beispiel  fiihrt  er  die 
Definition  der  konstanten  Funktionen  an,  deren  es  offenbar  unendlich  viele 
gibt.  Dieser  Einwand  ist  deshalb  unzulassig,  weil  durch  solche  Definitionen 
gar  nicht  die  einzelnen  Gegenstande,  sondern  ihre  Gesamtheit,  in  unserem 
Beispiel  also  die  Menge  der  konstanten  Funktionen  defimert  wird,  und  diese 


USER  TRANSFINITE   ZAHLEN.  I*il 

isl  ein  einziger  Gegensiand.     Der  Einwand  von  Herrn  Schocnflies  1st  also  nicht 
stichhallig. 

Nun  hat  bekanntlich  Cantor  bewiesen,  dass  das  Konlinuum  nicht  abzahlbar 
ist;  dies  vvidersprichl  dem  Beweise  von  Richard.  Es  fragt  sich  also,  welcher 
von  beiden  Beweiscn.  riclnig  ist.  Ich  beliauptc,  sie  sind  beide  richtig,  und  der 
Widerspruch  ist  nur  ein  scheinbarer.  Zur  Begriindung  dioser  Behauptung 
will  ich  einon  neuen  Bevveis  fur  den  Cantorschen  Satz  geben  :  Wir  nehmen 
also  an,  es  sei  eine  Strecke  AB  gegcben  und  ein  Gesetz,  durch  welches  jedem 
Punkte  der  Strecke  eine  ganze  Zahl  zugeordneL  wird.  Wir  wollen  der  Ein- 
fachheit  halber  die  Punkte  durch  die  ihnen  zugeordneten  Zahlen  bezeichnen. 
Wir  teileii  nun  unsere  Strecke  durch  zwei  beliebige  Punkle  A!  und  A2  in  drei 
Tfeile,  die  wir  als  Unterstrecken  i.  Stufe  bezeichnen;  diese  teilen  wir  wieder 
in  je  drei  Teile  und  erhalten  Unterstrecken  2.  Stufe;  dieses  Verfahren  denken 
wir  uns  ins  Unendliche  forlgesetzt,  wobei  die  Lilnge  der  Unterstrecken  unter 
jede  Grenze  sinken  soil.  Der  Punkt  i  gehort  nun  einer  oder  hochstens,  wenn 
er  mit  At  oder  A2  zusammenfallt,  zweien  der  Unterstrecken  erster  Stufe  an,  es 
gibt  also  sicher  eine,  der  er  nicht  angehort.  Auf  dieser  suchen  wir  den  Punkt 
mil  der  niedrigsten  Numrner,  die  nun  mindestens  a  sein  muss,  auf.  Unter 
den  3  Unterstrecken  2.  Stufe,  die  zu  derjenigen  Strecke  i.  Stufe  gehoren,  aut 
der  wir  uns  befinden,  ist  nun  wieder  mindestens  eine,  der  der  zuletzt  betrachtete 
Punkt  nicht  angehort.  Auf  dieser  sctzen  wir  das  Verfahren  fort  und  erhalten 
so  eine  Folge  von  Strecken,  die  folgende  Eigenschaften  hat  :  jede  von  ihnen  ist 
in  alien  vorhergehenden  enthalten,  und  eine  Strecke  ntcr  Stufe  enthalt  keinen 
der  Punkte  i  bis  n  —  i .  Aus  der  ersten  Eigenschaft  folgt,  dass  es  mindestens 
einen  Punkt  geben  muss,  der  ihnen  alien  gemeinsam  ist;  aus  der  zweiten 
Eigenschaft  folgt  aber,  dass  die  Nummer  dieses  Punktes  grosser  sein  muss  als 
jede  endliche  Zahl,  d.  h.  es  kann  ihm  keine  Zahl  zugeordnet  werden. 

Was  haben  wir  nun  zu  diesem  Beweise  vorausgesetzt?  Wir  haben  ein 
Gesetz  vorausgeselzt,  das  jedem  Punkte  der  Strecke  eine  gaiize  Zahl  zuordnet. 
Dann  konnten  wir  einen  Punkt  defmieren,  dem  keine  ganze  Zahl  zugeordnet 
ist.  In  dieser  Hinsicht  unterscheiden  sich  die  verschiedenen  Beweise  dieses 
Satzes  nicht.  Dazu  musste  aber  das  Gesetz  zuerst  feststehen.  Nach  Richard 
mttsste  anscheinend  ein  solches  Gesetz  existieren,  aber  Cantor  hat  das 
Gegenteil  bewiesen.  Wie  kommen  wir  aus  diesem  Dilemma  heraus?  Fragen 
wir  einmal  nach  der  Bedeutung  des  Wortes  , ,  defmierbar  ' ' .  Wir  nehmen  die 
Tafel  aller  endlichen  Satze  und  streichen  daraus  alie  diejenigen,  die  keinen 
H.  P.  -  XI.  r6 


122  UBER   TRANSFINITE   ZAHLEN. 

Punkt  definieren.  Die  Uebrigbleibenden  ordnen  wir  don  ganzon  Zahlen  zii. 
Wenn  wir  jetzt  die  Durchmusterung  der  Tafel  von  neuem  vornehmen,  so  wird 
es  sich  im  allgemeinen  zeigen,  dass  wir  jetzt  einige  Siitze  stehen  lassen  mussen, 
die  wir  vorher  gestriclien  haben.  Denn  die  Satze,  in  welchen  man  von  dem 
Zuordnungsgesetz  selbst  sprach,  hatten  fruher  keine  Bedeutung',  da  die 
Punkte  den  ganzen  Zalilen  noch  niclu  zugeordnet  waren.  Diese  Siilze  haben 
jetzt  eine  Bedeulung,  und  mussen  in  unserer  Tafel  bleiben.  Warden  wir 
jetzt  ein  neues  Zuordnungsgesetz  aufslellen,  so  wi'irde  sich  dieselbe  Schwie- 
rigkeit  wiederholen  und  so  ad  infinitum.  Hierin  liegt  aber  die  Losung  des 
scheinbaren  Widerspruchs  zwischen  Cantor  und  Richard.  Sei  M0  die  Menge 
der  ganzen  Zahlen,  MI  die  Menge  der  nach  der  ersten  Durchmusterung  der 
Tafel  aller  endliclien  Satze  definierbaren  Punkte  unserer  Strecke,  GI  das 
Gesetz  der  Zuordnung  zwischen  beiden  Mengen.  Durch  dieses  Gesetzkommt 
eine  neue  Menge  M2  von  Punkten  als  definierbar  hinzu.  Zu  MI  +  Ma  gehort 
aber  ein  neues  Gesetz  G2,  dadurch  entsteht  eine  neue  Menge  Ma  usw.  Richards 
Beweis  lehrt  nun,  dass,  wo  ich  auch  das  Verfahren  abbreche,  immer  ein  Gesetz 
existiert,  wahrend  Cantor  beweist,  dass  das  Verfahren  beliebig  weit  fortgesetzt 
werden  kann.  Es  besteht  also  kein  Widerspruch  zwischen  beiden. 

Der  Schein  eines  solchen  riihrt  daher,  dass  dem  Zuordnungsgesetz  von 
Richard  eine  Eigenschaft  fehlt,  die  ich  mit  einem  von  den  englischen  Philo- 
sophen  entlehnten  Ausdruck  als  ,,  pradikativ  u  bezeichne,  (Bei  Russell,  dem 
ich  das  Wort  entlehne,  ist  eine  Definition  zweier  Begriffe  A  und  A;  niclit  prii- 
dikativ,  wenn  A  in  der  Definition  von  A'  und  umgekehrt  vorkommt).  Ich 
verstehe  darunter  folgendes  :  Jedes  Zuordnungsgesetz  setzt  eine  bestimmlc 
Klassifikation  voraus.  Ich  nenne  nun  eine  Zuordnung  pradikativ,  wenn  die 
zugehorige  Rlassifikation  pradikativ  ist.  Eine  Klassifikation  aber  nenne  ich 
pradikativ,  wenn  sie  durch  Einfuhrung  neuer  Elemente  nicht  verandert  wird. 
Dies  ist  aber  bei  der  Richardschen  nicht  der  Fall,  vielmehr  andert  die  Ein- 
fuhrung des  Zuordnungsgesetzes  die  Einteilung  der  Satze  in  solche,  die  eine 
Bedeutung  haben,  und  solche,  die  keine  haben.  Was  hier  mit  dem  Wort 
,,  pradikativ £C  gemeint  ist,  lasst  sich  am  besten  an  einem  Beispiel  illustriererx : 
wenn  ich  eine  Menge  von  Gegenstanden  in  eine  Anzahl  von  Schachteln  einord- 
nen  soil,  so  kann  zweierlei  eintreten  :  entweder  sind  die  bereits  eingeordneten 
Gegenstande  endgtiltig  an  ihrem  Platze,  oder  ich  muss  jedesmal,  wenn  ich 
einen  neuen  Gegenstand  einordne,  die  anderen  oder  wenigstens  einen  Teil  von 
ihnen  wieder  herausnehmen.  Im  ersten  Falle  nenne  ich  die  Klassifikation 


"liBER  TRANSFINITE   ZAHLEN.  123 

pradikativ,  im  zwciten  nicht.  Ein  gates  Beispiel  far  einc  nicht  pradikative 
Definition  hat  Russell  gegeben  :  A  sei  die  kleinste  gauze  Xahl,  deren  Defi- 
nition mehr  als  hundert  deuLsclie  "Worte  erfordert.  A  muss  existieren,  da  man 
mil  hundert  Worten  jedenfalls  nur  eine  endliche  Anzahl  vonZahlen  definieren 
kann,  Die  Definition,  die  wir  cben  von  dieser  Zahl  gegeben  haben,  enthtilt 
aber  vveniger  als  hunderl  Wortc.  Und  die  Zahl  A  ist  also  definiert  als 
undefinierbar. 

Zermelo  hat  nun  gegcn  die  Verwcrfung  der  nicht  priidikativen  Definitionen 
den  Einwand  erhoben,  dass  damit  auch  ein  grosser  Teil  der  Mathematik 
lunfallig  wtirde,  z.  B.  der  Beweis  ff'ir  die  Existenz  einer  Wurzel  einer  alge- 
braischen  GleicKung. 

Dieser  Beweis  laulet  bekannllich  folgendermassen  : 

Gegeben  ist  eine  Gleichung  F(#)  =  o.  Man  beweist  nun,  dass  |F(#)  |  ein 
Minimum  habcn  muss;  sei  #0  einer  der  Argumentwerte,  fur  den  das  Minimum 
eintritt,  also 


Daraus  folgt  dann  weiter,  dass  F(#0)~oist.  Hier  ist  nun  die  Definition 
von  F(#0)  nicht  pradikativ,  denn  dieser  Wert  hiingt  ab  von  der  Gesamtheit 
der  Wertc  von  F(^),  zu  denen  er  sclbst  gehort. 

Die  Berechtigung  dieses  Einwandes  kann  ich  nicht  zugeben.  Man  kann  den 
Beweis  so  umformen,  dass  die  nicht  pradikative  Definition  daraus  versch- 
windet.  Ich  belrachte  zu  diesem  Zwecke  die  Gesanatheit  der  Argunaente  von 

der  Form  m  "*"  m  ,  wo  m,  n^  p  ganze  Zahlen  sind.     Dann  kann  ich  dieselben 

Schlusse  wie  vorher  ziehen,  aber  der  Argumentwert,  fur  den  das  Minimum 
von  |  F  (a?)  |  eintritt,  gehort  im  allgemeinen  nicht  zu  den  betrachteten.  Dadurch 
ist  der  Zirkel  im  Beweise  vermieden.  Man  kann  von  jedem  mathematischen 
Bevveise  verlangen,  dass  die  darin  vorkommenden  Definitionen  usw.  pradikativ 
sind,  sonst  ware  der  Beweis  nicbt  streng. 

Wie  steht  es  nun  mit  dem  klassischen  Beweise  des  Bernsteinschen  Theo- 
rems ?  1st  er  einwandfrei?  Das  Theorem  sagt  bekanntlich  aus,  dass,  wenn 
drei  Mengen  A,  B,  C  gegeben  sind,  wo  A  in  B  und  B  in  C  enthalten  isl,  und 
wenn  A  Equivalent  G  ist,  aucb  A  Equivalent  B  sein  nruss.  Es  handeltsicb  also 
aucb  hier  um  ein  Zuordnungsgesetz.  Wenn  das  erste  Zuordnungsgesetz 
(zwischen  A  und  C  pradikativ  ist,  so  zeigt  der  Beweis,  dass  es  aucli  ein  pradi- 
katives  Zuordnungsgesetz  zwischen  A  und  B  geben  muss, 


12$  UBER  TRANSFINITE  ZAHLEN. 

Was  nun  die  zweite  transfinite  Kardinalzahl  Xi  betrifft,  so  bin  ich  nicht 
ganz  ttberzeugt,  dass  sie  existiert.  Man  gelangt  zu  ihr  durch  Betrachtung  der 
Gesamtheit  der  Ordnung'szahlen  von  der  Miichtigkeit  K0 ;  es  is  I  klar,  dass  diese 
Gesamtheit  von  hoherer  Miichtigkeit  sein  muss.  Es  fragt  sich  aber,  ob  sie 
abgeschlossen  ist,  .ob  wir  also  von  ilirer  Machtigkeil  oline  Widerspruch 
spreclien  durfen.  Ein  aktual  Unendliches  gibt  es  jedenfalls  nicht. 

Was  liaben  wir  von  dem  beruhmten  Kontinuumproblem  zu  halten?  Kann 
man  die  Punkte  des  Raumes  wohlordnen  ?  Was  meinen  wir  damit?  Es  sind 
hier  zwei  Falle  moglich  :  entweder  behauptet  man,  dass  das  Gesetz  der 
Wohlordnung  endlich  aussagbar  ist,  dann  ist  diese  Behauptung  nicht  bewiesen; 
auch  Herr  Zermelo  erhebt  \vohl  nicht  den  Anspruch,  ^ine  solche  Behauptung 
bewiesen  zu  haben.  Oder  aber  wir  lassen  auch  die  Moglichkeit  zu,  dass  das 
Gesetz  nicht  endlich  aussagbar  ist.  Dann  kann  ich  mil  dieser  Aussage  keinen 
Sinn  mehr  verbinden,  das  sind  fur  mich  nur  leere  Worte.  Hier  liegt  die 
Schwierigkeit.  Und  das  ist  wohl  auch  die  Ursache  fiir  den  Streit  fiber  den 
fast  genialen  SaLz  Zermelos.  Dieser  Streit  ist  sehr  merkwiirdig  :  die  einen 
verwerfen  das  Auswahlpostulat,  halten  aber  den  Beweis  fiir  richtig,  die 
anderen  nehmen  das  Auswahlpostulat  an,  erkennen  aber  den  Beweis  fiir 
richtig,  die  anderen  nehmen  das  Auswahlpostulat  an,  erkennen  aber  den 
Bewreis  nicht  an. 

Doch  in  konnto  noch  manche  Stunde  dariiber  sprechen,  ohne  die  Frage  zu 
losen. 


LA  NOTATION  DIFFERENTIELLE 
ET  L'ENSEIGNEMENT 


VEtiscignement  niatMrnatiqac,  t.  1,  p.  106-110  (j5  mars  iSyij). 


Dans  un  article  trfcs  inte'ressant  de  M.  H.  Laurent  (*)  sur  les  malhe~matiques 
spe"ciales  en  France,  je  lis  la  phrase  suivante.  «  Ce  n'est  pas,  je  pense,  ici  qu'il 
convient  de  montrer  combien  la  notation  diflferenliellc  est  plus  commode  que 
celle  des  de'rive'es;  c'est  aux  gens  compe'tents  que  je  in'adresse  et  non  a  des 
cloves,  et  je  pense  que  personne  ne  contestera  la  haute  porte'e  philosophique 
de  la  doctrine  diffe'rentielle.  ;> 

Je  ne  clirai  pas  que  j'ai  lu  cette  phrase  avec  tHonnemcnt;  car  elle  exprime 
une  opinion  assez  re'panduc;  mais,  en  ce  qui  me  concerne,  je  conteste  abso- 
lumcnt  les  avantages  de  la  notation  diflorcntielle  et  je  crois  qu'on  ne  doit 
1'enseigner  aux  debutants  que  quand  ils  sont  d'e'ja  familiarises  avec  la  notation 
des  de'rive'es. 

La  notation  de  Leibniz,  dit  M.  Laurent,  est  plus  commode  que  celle  de 
Lagrange.  Pourquoi  plus  commode?  J'en  cherche  les  raisons  et  je  n'en  trouve 
que  deux  : 

i°  Si  on  emploie  les  accents  pour  repr6senter  les  de'rive'es,  on  sera  prive"  de 
cette  ressource  pour  distinguer  les  unes  des  autres  des  quantite's  analogues, 
mais  diffe>entes ;  on  ne  pourra  plus  dire,  par  example  :  soient  #,  y:  z,  eta?', 
y\  z] ,  deux  points  dans  Fespace; 

2°  Pour  faire  connaitre  la  variable  par  rapport  a  laquelle  on  difl^rentie,  il 
faut  affecter  les  letlres  d'indices  qui  peuvent  devenir  g^nants  pour  le  typographe 
si  la  lettre  porte  d6ja  d'autres  indices  pour  une  autre  cause. 

(*)  Voir  VEnseignement  mathernatique,  n°  1,  p.  38. 


126  LA   NOTATION   DIFFERENTIELLE. 

Ge  sont  la  des  inconve'nienls  tout  mate'riels,  tout  exie'rieurs  et  qui  peuvent 
£tre  compense's  par  des  avanlages  de  me'me  ordre,  tel  que  le  suivant  : 

Je  veux  repre"senter  la  valeur  que  prend  la  de'rive'e  dc  /(#)  pour  x  =  o;  je 
n'ai  aucun  moyen  de  le  faire  avec  la  notation  de  Leibniz ;  avec  celle  dc 
Lagrange  je  n'ai  qu'a  6crire/'(o). 

Mais,  dira-t-on,  c'est  la  prendre  la  question  par  le  petit  cote.  Que  sont  cos 
considerations  purement  materielles  aupres  de  la  haute  portt$e  philosophiquc 
d'une  notation  qui  rappelle  a  chaque  instant  la  definition,  le  sens  proibnd  des 
quantite's  que  Ton  a  a  manier? 

Helas,  elle  ne  les  rappelle  que  trop,  et  il  vaudrait  mieux  les  rappeler  moins 
que  de  les  rappeler  imparfaitement.  Neuf  ibis  sur  dix,  on  n'e>itera  les  erreurs 
qu'en  tachant  d'oublier  la  signification  primitive  de  ces  symboles;  c'est  ce  que 
je  vais  montrer  bientot. 

Quant  a  moi,  j'emploie  d'ordinaire  la  notation  diffe'rentielle,  d'abord  parcc 
que  c'est  la  langue  que  parlent  la  plupart  de  mes  contemporains  et  ensuite  a 
cause  des  petites  raisons  mat6rielles  que  j'ai  expose'es  plus  haut.  Mais  si  j'e'cris 
en  diffe'rentielles ,  le  plus  souvent  je  pense  en  de'rive'cs. 

J'ai  dit  que  la  notation  diffe'rentielle  est  impartaite  et  nous  expose  a  1'erreur; 
c'est  ce  qu'il  me  reste  a  demontrer. 

Tout  va  bien  quand  on  se  borne  aux  diffe'rentielles  du  premier  ordre  et  quand 
il  n'j  a  qu'une  variable  mde"pendanle.  Oh  alors,  j'approuve  sans  reserve  lout 
ce  qu'on  peul  dire  au  sujet  de  la  port6c  philosophique  du  symbole  leibnizien  el 
de  ses  avantages. 

Mais,  des  que  Ton  passe  aux  de'rivees  du  second  ordre,  on  nage  dans  Pabsur- 
dit6;  soit  z  une  fonction  d'une  variable  y  qui  est  elle-mOmc  fonction  de  x\ 
j'ecris 

d'*s  _  cfiz  dy-       dz  d-y 
~cLv*  ~~  ~df*  TUP  "*~  "dy  ~dx^ 

Dans  cette  formula  j'e'cris  deux  fois  d^z,  et  cc  symbole  a  deux  significations 
differentes.  Dans  le  second  membre,  il  signifie  que  si  je  donne  a  y  deux 
accroissements  successifs  egaux,  la  fonction  z  subit  deux  accroissernents 
successifs  dz  et  dz  -^d^z*  Dans  le  premier,  il  signifie  que  si  je  donne  a  x 
deux  accroissements  successifs  <§gaux,  d'ou  re"sultent  pour  y  deux  accrois- 
sements successifs  inegaux,  la  fonction  z  subit  deux  accroissements  successifs 
dz  et  dz  +  d*z. 


LA  NOTATION   DIFFERENTIELLE.  127 

La  difficult^  s'aggrave  si  Ton  a  plusieurs  variables  ind(5pendantes  ;  j'^cris 

,         dz    ,         dz 
dz  =  -r-  ax  H  —  —  dr. 
dx  dy    J 

La  encore  nous  avons  trois  fois  le  symbole  dz  avec  trois  significations  diff6- 
rentes.  La  premiere  fois  dz  repr^sente  1'accroissement  subi  par  z  quand  x  et  y 
se  changent  en  x  +  dx  et  y  -+-  dy  ;  la  seconde  fois  1'accroissement  de  z  quand 
x  ety  se  changent  en  x-\-dx  ety;  la  troisi&me  fois  1'accroissement  de  z  quand 
x  et  y  se  changent  en  x  et  y  -+-  dy. 

Que  de  pi^ges  a  £viter  !  Aussi  les  debutants  ne  les  <5vitent-ils  pas.  J'ai  vu  un 
6l£ve  intelligent  et  d£ja  avanc£  exposer  comme  il  suit  la  ihgorie  de  la  vitesse  du 
son,  en  masquant  settlement  par  quelques  artifices  ce  que  sa  demonstration 
avait  de  choquant. 

Nous  avons  a  int^grer  liquation 


je  divise  par  d-z  et  je  multiplie  par  d^r'2  ;  j'ai 


d'ou 

dx 


ce  qui  prouve  que  le  son  peut  sc  propager  dans  les  deux  sens  avec  la  vitesse  a. 

«  C'est  singulier,  r^pondait  Fexaminateur,  excellent  physicien  que  je  ne  veux 
pas  nommer;  votre  demonstration  est  bien  plus  simple  que  toutes  celles  que  je 
connaissais  »  ;  et  il  lui  donna  la  note  19. 

Si  je  voulais  &tre  m^chant,  il  ne  serait  pas  difficile  de  trouver  des  erreurs 
analogues  dans  des  livres  imprimis. 

L'emploi  des  d  ronds  est  un  palliatif  insuffisant.  Ce  n'est  pas  deux  formes  de 
d  qu'il  faudrait,  il  en  faudrait  cinq,  il  en  faudrait  dix. 

Pourquoi  en  somme  est-on  peu  choqu6  de  ces  anomalies,  pourquoi  engen- 
drent-elles  relativement  peu  d'erreurs?  C'est  parce  qu'on  oublie  1'origine  de 
ces  notations,  qu'on  ne  consid^re  pas  -T~  comme  le  quotient  de  deux  qualities 
d-z  et  dx1  envisag(jes  s6par6ment,  mais  qu'on  regarde  au  contraire  cette  frac- 
tion comme  un  bloc,  comme  la  dt5riv£e  seconde  de  z  par  rapport  a  x.  C'est  en 
un  mot  parce  qu^on  pense  en  derivees. 

II  faut  done  apprendre  &  penser  en  d^riv^es ;  quand  on  aura  pris  cette  habi- 
tude on  pourra  sans  danger  se  servir  de  la  notation  leibnizienne.  Ilestclairque 


128  LA  NOTATION   DIFFERENTIELLE. 

le  meilleur  mojcn  de  donner  cette  habitude  aux  eleves,  c'cst  clc  leur  enseigner 
d'abord  la  notation  de  Lagrange.  Quand  ils  s'eront  familiarises  avec  cc  langagc, 
quaiid  ils  s'en  seront  servis  dans  de  nombreux  exercices,  quand  ils  sauronl 
faire  un  changement  de  variables,  on  pourra  sans  inconvenient  leur  parler  de 
la  notation  de  Leibniz.  Jusque-la  on  doit  s'en  abslenir,  ou  tout  au  moins  se 
borner  aux  differentielles  du  premier  ordre  et  settlement  dans  le  cas  ou  il 
riy  a  gu'une  variable  independante. 

Si  au  contraire  des  le  debut  on  veut  leur  apprendre  a  la  ire  des  changcments 
de  variables  avec  la  notation  de  Leibniz,  ils  ne  sauront  jamais  les  fairc  correc- 
tement. 

Je  ne  veux  pas  dire  qu'il  ne  faut  pas,  plus  tard,  leur  enseigner  la  notation 
diffe'rentielle ;  ils  faut  qu'ils  puissent  manier  ce  langage  qui  est  usite"  par  lout  le 
monde,  de  m&mc  qu'il  faut  savoir  1'allemand,  bien  que  cette  langue  ait  des 
regies  de  construction  ridicules  et  un  alphabet  qui  n'a  pas  de  sens  comnum, 
parce  qu'elle  est  parl6e  par  soixante  millions  d'hommes  dont  beaucoup  soul 
des  savants. 

II  est  un  cas  cependant  ou  la  notation  diffe'rentielle  reprend  tons  ses  a  van- 
tages, ou  ses  inconve"nients  disparaissenl,  et  ou  Ton  ne  pent  lui  refuser  une 
haute  valeur  philosophique  et  Educative.  C'est  celui  ou  1'on  n'envisage  quo  des 
diffe'rentielles  du  premier  ordre  et  avec  une  seule  variable  inde'pendanle.  II 
peut  6tre  utile  de  se  familiariser  de  bonne  heure  avec  celte  notion,  d'apprendre 
ainsi  a  raisonner  correctement  sur  les  infmiment  petits.  On  comprenclra  ainsi 
tacilement  la  the'orie  des  petites  erreurs,  si  importante  pour  la  pratique. 

En  re'sume",  en  mathdmatiques  spticiales,  on  doit  employer  presque  exclusi- 
vement  la  notalion  de  Lagrange;  on  fera  connaitre  aux  (Sieves  les  difl'drenliello.s 
premieres,  en  insistanL  surtout  sur  le  cas  ou  il  n'j  a  qu'une  variable  indepen- 
dante. Si  Ton  aborde  le  cas  ou  il  y  en  a  plusieurs,  on  se  servira  exclusiveuiont 
de  la  notation  de  Lagrange  pour  les  de'rive'es  partielles  ;  on  n'e'crira  jamais 

if         f)f    i  ()/'    r 

d  =  -/-  dx  -+-  -:  -  dy\ 
J        dx  dy    </5 

mais 

clf^Jldx-*-j"ydy, 

On  s1  abstiendra  absolument  de  parler  des  differ etitielles  secondes. 
A  Pficole  polytechnique  et  dans  les  Faculty's,  on  enseignera  la  notation  diffe'- 
rentielle et  on  1'emploiera  de  pr6fe"rence. 


LA  LOGIQUE  ET  I/INTUITION 

DANS 

LA  SCIENCE  MATHEMATIQUE  ET  DANS  L'ENSEIGNEMENT 


L'eiiseignetnent  niatkematique,  t.  J,  p.  157-1612  ( i5  mai  1889). 


Pour  bien  faire  comprendre  la  question  que  je  vais  trailer  et  qui  est  a  mes 
yeux  d'une  importance  capilalc  pour  Penseignemcnt  mathgmatique,  il  faut  que 
jc  jette  un  petit  coup  d'oeil  retrospectif  sur  1'histoire  du  de'veloppement  de  la 
science. 

Si  nous  lisons  un  livre  6crit  il  j  a  cinquante  ans,  la  plupart  des  raisonne- 
ments  que  nous  j  trouverons  nous  sembleronl  de'pourvus  de  rigueur. 

On  admcLtait  a  cette  6poque  qu'une  fonction  continue  ne  peut  pas  changer 
de  signe  sans  s'annuler;  on  le  de'nionlre  aujourd'hui;  on  admettait  que  les 
regies  ordinaircs  du  calcul  sont  applicables  aux  nombres  incommensurables ; 
on  le  clgmontre  aujourd'hui.  On  admeUait  bien  d'autrcs  choses  qui  quelquefois 
etaient  fausses. 

Nous  voyons  done  qu'on  a  marcli6  vers  la  rigueur;  j'ajouterai  qu'on  Fa 
alteinte  et  que  nos  raisonnements  ne  paraitrontpas  ridicules  a  nos  descendants  ; 
je  veux  parler,  bien  entendu,  de  ceux  de  nos  raisonnements  qui  nous  satisfont. 

Mais  comment  a-t-on  atteinl  la  rigueur?  C'est  en  restreignant  de  plus  en 
plus  la  part  de  1'intuition  dans  la  science,  et  en  faisant  plus  grande  celle  de  la 
logique  formelle.  Autrefois,  on  partait  d'un  grand  nombre  de  notions,  regard <3cs 
comme  primitives,  irre'ductibles  et  inluitives ;  telles  <5taiont  celles  de  nombre 
entier,  de  fraction,  de  grandeur  continue,  d'espace,  de  point,  de  ligne,  de 
surface,  etc.  Aujourd'hui  une  seule  subsiste,  celle  du  nombre  entier;  toutes  les 
autres  n'en  sont  que  des  combinaisons,  et  a  ce  prix  on  atteint  la  rigueur 
parfaite. 

Nos  peres  inscrivaient  dans  une  aire  plane  une  se>ie  de  rectangles,  et 
obtenaient  comme  limite  de  la  somme  de  ces  rectangles  une  inte'grale  qui  repr^- 

H.  P.  —  XL  17 


l3o  LA   LOGIQUE   ET  L'lNTUITION. 

sentait  cctte  aire  plane.  En  effet,  disaient-ils,  la  difference  entre  la  surface 
cherchee  et  la  somme  tend  vers  zero ;  car  on  pent  la  rendre  plus  petite  que 
toute  quantity  donne'e.  Us  faisaient  ce  raisonnement  sans  scrupule,  parce  qu'ils 
crojaient  savoir  ce  que  c'est  qu?une  surface.  Nous,  au  contraire,  ce  raisonne- 
ment ne  nous  satisfait  plus,  parce  que  nous  savons  qu'on  ne  sait  pas  ces  choses- 
la  en  naissant,  qu'on  ne  peut  savoir  ce  que  c'est  qu'une  surface  que  quand  on 
sait  le  calcul  integral.  Nous  ne  demontrons  plus  que  la  surface  est  e'gale  a 
1'integrale,  mais  nous  considerons  1'integrale  comme  la  definition  de  la  surface. 
Cette  notion  de  surface,  autrefois  fondle  sur  1'intuition,  ne  nous  parait  plus 
legitime  par  elle-meme. 

D'autre  part,  les  notions  mathematiques  n'ont  acquis  cette  purete  parfaite 
qu'en  s'eloignant  de  la  realite.  On  peut  parcourir  tout  le  domaine  mathema- 
tique  sans  rencontrer  aucun  des  obstacles  qui  le  herissaient  autrefois  ;  mais  ces 
obstacles  n'ont  pas  disparu,  ils  ont  seulement  ete  transport's  a  la  frontiere;  et 
1'on  aura  a  les  vaincre  de  nouveau  si  Ton  veut  franchir  cette  frontiere  pour 
entrer  dans  le  domaine  de  la  pratique. 

On  possedait  une  notion  plus  ou  moins  vague,  forme'e  d'elements  disparates, 
les  uns  a  priori,  les  autres  fournis  par  la  generalisation  de  donn6es  d'expe- 
riences ;  on  croyait  connaitre  par  intuition  ses  principales  proprietes.  Aujour- 
d'hui  on  rejette  tous  les  elements  empiriques,  on  ne  conserve  que  les  elements 
a  priori;  on  prend  1'une  des  proprietes  pour  definition  et  on  en  deduit  toutes 
les  autres  par  un  raisonnement  rigoureux.  Mais  il  reste  a  prouver  que  la 
propriete  qui  sert  de  definition  appartient  en  effet  aux  objets  reels,  que  nous 
connaissions  par  1'experience,  et  d'ou  nous  deduisions  autrefois  la  notion 
intuitive  par  une  generalisation  inconsciente.  G'esl  ce  que  M.  Milhaud  a  fort 
bien  mis  en  evidence  dans  la  these  qu'il  a  soutenue  devant  la  Faculte  des 
Lettres  de  Paris. 

Voila  dans  quel  sens  la  science  a  evolue  depuis  un  demi-siecle. 

C'est  alors  qu'on  vit  surgir  toute  une  foule  de  fonctions  bizarres  qui  semblaieiit 
s'efforcer  de  ressembler  aussi  peu  que  possible  aux  honne'tes  fonctions  qui 
servent  a  quelque  chose.  Plus  de  continuite,  ou  bien  de  la  continuite,  mais  pas 
de  derivees,  etc.  Bien  plus,  au  point  de  vue  logique,  ce  sont  ces  fonctions 
etranges  qui  sont  les  plus  generates ;  au  contraire,  celles  qu'on  rencontre  sans 
les  avoir  cherchees,  et  qui  suivent  des  lois  simples,  n'apparaissent  plus  que 
comme  un  cas  tres  particulier;  il  ne  leur  reste  plus  qu'un  tout  petit  coin. 

Autrefois,   quand  on  inventait  une   fonction  nouvelle,  c'etait  en  vue   de 


LA   LOGIQUE   ET   L'lNTUITION.  l3l 

quelque  but  pratique ;  aujourd'hui,  on  les  invente  tout  expr£s  pour  mettre  en 
defaut  les  raisonnements  de  nos  p&res,  et  on  n'en  tirera  jamais  que  cela. 

Or,  si  la  logique  doit  6tre  notre  seul  guide  dans  les  questions  d'enseignement, 
c'est  e>idemment  par  les  fonctions  les  plus  bizarres  qu'il  faut  commencer. 
C'est  le  debutant  qu'il  faut  d'abord  familiariser  avec  ce  mus£e  t6ratologique. 
Faute  de  1'avoir  fait,  on  n'atteindra  jamais  la  rigueur,  ou  on  ne  1'atteindra 
que  par  Stapes. 

Voila  a  quoi  la  logique  absolue  voudrail  nous  condamner;  devons-nous  lui 
fairc  ce  sacrifice?  Telle  est  la  question  a  laquelle,  pour  mon  compte,  je  n'h^site 
pas  u  repondre  non. 

Sans  cloute  il  est  dur  pour  un  maitre  d'enseigner  un  raisonnement  qui  ne  le 
satisfait  pas  enti&rement;  et  ce  ne  sera  a  ses  jeux  qu'un  palliatif  insuffisant  de 
dire  :  nous  admettons  que,  ou  :  il  arrive  souvent  que,  au  lieu  de  dire  :  il  est 
Evident  que. 

Mais  la  satisfaction  dxi  maitre  n'est  pas  1'unique  objet  de  1'enseignement,  et 
Ton  doit  se  prt^occuper  avant  tout  de  ce  qu'est  1'esprit  de  l'6l£ve  et  de  ce  qu'on 
veut  qu'il  devienne. 

Les  zoologistes  pretendent  que  le  d^veloppement  embrjonnaire  d'un  animal 
resume  en  un  temps  tr£s  court  toute  1'histoire  de  ses  anc^tres  des  epoques 
g^ologiques.  II  semble  qu'il  en  est  de  m6me  du  developpement  des  esprits.  La 
tache  de  1'educateur  est  de  faire  repasser  1'esprit  de  1'enfant  par  ou  a  pass6 
celui  de  ses  p&res,  en  passant  rapidement  par  certaines  Stapes  mais  en  n'en 
supprimant  aucune.  A  ce  compte,  1'histoire  de  la  science  doit  &tre  notre  guide. 

Quand  un  £l&ve  commence  s6rieusernent  a  etudier  les  math^matiques,  il 
croit  savoir  ce  que  c'est  qu'une  fraction,  ce  que  c'est  que  la  continuity,  ce  que 
c'est  que  1'aire  d'une  surface  courbe ;  il  consid£re  comme  Evident,  par  cxemple, 
qu'une  fonction  continue  ne  peut  changer  de  signe  sans  s'annuler.  Si,  sans 
autre  preparation,  vous  venez  lui  dire- :  Non,  tout  cela  n'est  pas  Evident,  il  faut 
que  je  vous  le  demontre ;  et  si  dans  la  demonstration  vous  appujez  sur  des 
premisses  qui  ne  lui  semblentpas  plus  ^videntes  que  la  conclusion,  que  pensera 
ce  malheureux?  II  pensera  que  la  science  math6matique  n'est  qu'un  entasse- 
ment  arbitraire  de  subtilit^s  inutiles ;  ou  bien  il  s'en  d^goutera,  ou  bien  il  s'en 
amusera  comme  d'un  jeu  et  il  arrivera  a  un  6tat  d'esprit  analogue  a  celui  des 
sophistes  grecs. 

Au  contraire,  quand  il  sera  plus  avanc^,  quand  il  se  sera  familiarise  avec  le 
raisonnement  mathematique  e!  que  son  esprit  se  sera  muri  par  cette  fr£quen- 


132  LA   LOGIQUE   ET  L'lNTUITION. 

tation  meme,  les  doutes  naitront  d'eux-m£mes,  et  alors  votre  demonstration 
sera  la  bien venue.  Elle  en  eveillera  de  nouveaux,  et  les  questions  se  poseront 
successivement  a  1'enfant,  comme  elles  se  sont  poshes  successivement  a  nos 
p&res,  jusqu'a  ce  que  la  rigueur  parfaite  puisse  seule  le  satisfaire.  II  ne  suffit 
pas  de  douter  de  tout,  il  faut  savoir  pourquoi  Ton  doute. 

Ce  n'est  pas  tout;  j'ai  dit  qu'au  point  de  vue  de  la  pure  logiquo,  il  no  resle 
plus  qu'une  notion  irr6ductible,  celle  du  nombre  enlier,  et  que  toutes  les  autres 
n'en  sont  que  des  combinaisons.  Mais  des  combinaisons  pareilles,  on  en  pent 
imaginer  des  milliers ;  pourquoi  celles-la  plutot  que  d'autres?  Le  choix  ne 
s'explique  que  par  le  souvenir  de  la  notion  intuitive  dont  cette  combinaison  a 
pris  la  place;  et  si  ce  souvenir  m&me  fait  d6faut,  le  choix  semblera  injuslifi(5. 
Or,  pour  comprendrc  une  th^orie,  il  ne  suffit  pas  de  constater  que  le  chemin 
que  Ton  a  suivi  n'est  pas  coup<5  par  un  obstacle,  il  faut  se  rendre  compte  des 
raisons  qui  Font  fait  choisir.  Pourra-t-on  done  jamais  dire  qu'on  comprend 
une  thcSorie  si  on  veut  lui  donner  <Tembl<Se  sa  forme  definitive,  cellc  que  la 
logique  impeccable  lui  impose,  sans  qu'il  reste  aucune  trace  des  tatonnements 
qui  j  ont  conduit?  Non,  on  ne  la  comprendra  pas  r<5ellement,  on  ne  pourra 
mtime  la  retenir,  ou  on  ne  la  retiendra  qu'a  force  de  1'apprendre  par  cceur. 

Le  but  principal  dcPcnseignementmath6matique  est  de  d^velopper  certaines 
faculties  de  1'esprit,  et  parmi  elles  1'intuition  n'est  pas  la  moms  pr6cieuse.  C'cst 
par  elle  que  le  mondc  mathemalique  rcste  en  contact  avec  le  monde  rtfel;  et 
quand  m6me  les  mathtjmatiques  pures  pourraient  s'en  passer,  il  faudrail 
toujours  y  avoir  recours  pour  combler  1'abime  qui  s(5pare  le  symbole  dc  la 
r£alit(3.  Le  praticien  en  aura  done  toujours  besom,  et  pour  un  genome- tre  pur  il 
doit  y  avoir  cent  praticiens. 

Mais  pour  le  g£om&tre  pur  lui-m£mc,  cette  faculty  est  necessaire;  c'est  par  la 
logique  qu'on  d^montre,  mais  c'est  par  Fintuition  qu'on  invente ;  et  il  ne  suffit 
pas  d'etre  &  m6me  de  critiquer  les  th6or&mes  des  autres,  il  faut  en  inventer  de 
nouveaux.  II  ne  suffit  pas  de  savoir  faire  des  combinaisons  correctes,  il  faut 
poss^der  Part  de  choisir  entre  toutes  les  combinaisons  possibles.  Get  art,  j'ui 
dit  plus  haut  pourquoi,  c'est  Fintuition  qui  nous  1'apprend.  Sans  elle  le 
g^om^tre  serait  comme  un  6crivain  qui  serait  ferr6  sur  la  grammaire,  mais  qui 
n'aurait  pas  d'id^es. 

Or,  comment  cette  faculty  sc  d6velopperait-elle  si  d6s  qu'elle  se  montre,  on 
la  pourchasse  et  on  la  proscrit,  si  on  apprend  a  s'en  d6fier  avant  de  savoir  ce 
qu'on  en  peut  tirer  de  bon? 


LA   LOGIQUE   ET  L'lNTUITION.  1 33 

Mais  1'art  de  raisonner  juste  n'est-il  pas  aussi  une  quality  precieuse,  que  le 
professeur  do  rnath^matiques  doit  avant  tout  cultiver?  Je  n'ai  garde  de  1'oublier, 
et  on  doit  s'en  pntoccuper  avant  tout  d&s  le  d(±but;  mais^on  a  assez  d'occasions 
d'exercer  les  £l6ves  au  raisonnement  correct,  dans  les  parties  des  math^matiques 
ou  les  inconv^nients  que  j'ai  signals  nc  se  pr^sentent  pas.  On  a  de  longs 
enchainements  de  th<5or6mes  ou  la  logique  absolue  a  r6gn£  du  premier  coup  el 
pour  ainsi  dire  tout  naturellement,  qui  ont  par  consequent  consent  la  forme 
que  les  premiers  gttom&tres  leur  avait  donn^e. 

Ce  qu'il  faut  6viter  seulement,  c'est  de  chercher  la  petite  b6te  dans  1'exposi- 
tion  des  premiers  principes.  Celan'emp6cliepas  d'apprendre  a  raisonner  juste, 
pourvu  que  Ton  aitsoin  de  ne  pas  donneraux  6ltjves  des  id^es  fausses,  Quelque- 
fois  il  faudra  pour  cela  beaucoup  de  tact  de  la  part  du  maitre;  souvent  il  lui 
suffira,  comme  je  1'expliquais  plus  haut,  de  dire  :  nous  admettrons  que,  au  lieu 
de  dire  :  il  est  Evident  que. 

Parmi  les  jeunes  gens  qui  recoivent  une  Education  mathtoatique  complete, 
les  uns  doivent  devenir  des  ing&nieurs;  ils  apprennent  la  Geometric  pour  s'en 
servir;  il  faut  avant  tout  qu'ils  apprennent  a  bien  voir  et  a  voir  vite ;  c'est  de 
1'intuition  qu'ils  ont  besoin  d'abord.  Les  autres,  moins  nombreux,  doivent  a 
leur  tour  devenir  des  maitres ;  il  faut  done  qu'ils  aillent  jusqu'au  fond;  une 
connaissance  approfondie  et  rigoureuse  des  premiers  principes  leur  est  avant 
tout  indispensable.  Mais  ce  n'est  pas  une  raison  pour  ne  pas  cultiver  chez  eux 
1'intuition,  car  ils  se  fcraient  une  idee  fausse  de  la  science  s'ils  ne  la  regar- 
daient  jamais  que  d'un  seul  cottf,  et  d'ailleurs  ils  ne  pourraient  d^velopper 
chez  leurs  6l£ves  une  qualite  qu'ils  ne  possdderaient  pas  eux-m^mes. 

J'ai  (5crit  un  bien  long  article  sur  une  question  bien  abstraite  et  bien  g£n£- 
rale.  Pour  que  le  lecteur  me  le  pardonne,  je  vais  (Snoncer  quelques  conclusions 
precises. 

En  sp6ciales  et  dans  la  premiere  ann^e  d'ficole  Poly  technique,  on  ne  parlera 
pas  des  fonctions  sans  d6riv6es,  on  n'en  parlera  que  pour  dire  :  il  peut  y  en 
avoir,  mais  nous  ne  nous  en  occuperons  pas. 

La  premiere  fois  qu'on  parlera  aux  dl&ves  des  int^grales,  il  faudra  les  d^fmir 
par  les  surfaces  et  ce  n'est  que  quand  ils  auront  pris  beaucoup  d'int^grales 
qu'on  leur  donnera  la  definition  rigon reuse. 


NOTES 


Dans  les  tomes  I  a  X  des  GEuvres  de  Henri  Poincare  a  <H<3  ins<5r£  P  ensemble 
des  articles,  notes,  mdmoires,  a  caract£re  scientifique  et  classes  par  Ernest  Lebon 
dans  sa  Bibliographic  analytique  des  ecrits  de  Henri  Poincare  dans  les 
sections  Analyse  math^matique,  M^canique  analytique  et  M6canique  celeste, 
Physique  math^matique.  Figurent  reproduits  ci-dessus  dans  la  premiere  partie 
du  tome  XI  quelques  textes  parmi  les  plus  importants  des  publications 
de  Henri  Poincar£  classes  dans  la  Bibliographie  d'E.  Lebori  dans  les  sections 
Philosophie  scientifique  (articles,  discours,  conferences),  Histoire  des  Sciences 
(discours  n^crologiques,  articles  et  notices  n^crologiques,  discours,  rapports, 
articles,  prefaces,  analyses),  Publications  diverses  (notes,  articles,  confe- 
rences, discours,  rapports,  prefaces,  analyses).  Nous  y  avons  ajcmUS  en  outre 
les  correspondances  entre  Henri  Poincar^  et  Mittag-Leffler,  L.  Fuchs  et 
F.  Klein  publfees  dans  les  tomes  38  et  39  des  Ada  mathematica. 

La  Bibliographie  d'Ernest  Lebon  mentionne  done  un  grand  nombre  d'ecrits, 
qui  ne  seront  pas  ins(5r6s  dans  les  ceuvres  scientifiques.  Parmi  ceux-ci  nous 
signalerons  notamment  Pimportante  s6rie  d'articles  publics  par  Henri  Poincare 
dans  la  Revue  de  Metaphysique  et  Morale.  Toulefois  ceux-ci  ont  pour  la 
plupart  <H6  r6ins£r6s  sans  modification  par  Henri  Poincar6  dans  ses  Ouvrages 
de  Philosophie  scientifique.  Citons  :  Le  continu  math6matique  (Rev.  Met. 
Mar.,  t.  1,  1898,  p.  26-34)  dans  La  Science  et  Vhypothese  (chap.  2) ;  Sur  la 
Nature  du  raisonnement  math&matique  (ibid.,  t.  2,  1894,  p.  371-384)  dans 
La  Science  et  Fhypothese  (chap.  1);  L'espace  et  la  g£om£trie  (ibid.,  t.  3, 
1894,  p.  63 1-646)  dans  La  Science  et  Vhypothese  (chap.  4) ;  La  mesure  du 
temps  (ibid.,  t.  6,  1898,  p.  i-i3)  dans  La  valeur  de  la  Science  (chap.  2) ;  Sur 
lavaleurobjectivede  la  Science  (ibid.,  1. 10, 1902,  p.  263-2g3)  dans  La  valeur 
de  la  Science  (chap.  11) ;  Uespace  et  ses  trois  dimensions  (ibid.,  1. 11,  1908, 
p.  28i-3oi  et  4o7~4°9)  dans  La  valeur  de  la  Science  (chap.  4) ;  Les  Mathg- 
matiques  etla  Logique  (ibid.,  1. 13,  igoS,  p.  8i5-835  et  1. 14,  1906,  p.  17-34 


NOTES.  l35 

et  294-317)  dans  Science  et  Methods  (chap.  3) ;  La  logique  de  Vinfini  (ibid., 
t.  17,  1909,  p.  4^1-482)  dans  Dernieres pensees  (chap.  4).  De  m6me  la  celebre 
conference  de  Henri  Poincare'  au  Congres  international  des  Mathe'maticiens 
tenu  a  Ziirich  en  1897,  Sur  les  rapports  de  V Analyse  pure  et  de  la  Physique 
mathematique  (Acta  Math.,  t.  21,  1897,  P-  33i-34i)  a  gte*  re'inse're'e  par 
H.  Poincar£  dans  La  valeur  de  la  Science  (p.  i36-i55)  et  1'adresse  de  Henri 
Poincare'  a  la  Section  de  Mathe'matiques  du  Congres  international  d'Arts  et  de 
Science  de  1'Exposition  universelle  de  Saint-Louis  :  L^etat  actuel  et  V avenir 
de  la  Physique  mathematique  (Bull.  Sc.  math.,  2C  s(3rie,  t.  28,  ire  partie, 
1904,  p.  802-824)  ft  cite  republic^  dans  La  valeur  de  la  Science  (p.  170-21 1). 


HOMMAGES 


A  HENRI  POINCARE 


HENRI  POINCARH 
EN  MATHEMATIQUES  SPECIALES  A  NANCY 


PAH  P.  APPELL 


(Lettre  a  M.  Mittag-Leffler . ) 


Acta  Mathematica^  t.  38,  p.  189-195  ( 1921 ). 


Vous  me  demandez,  mon  cher  ami,  de  vous  raconter  mes  souvenirs  de 
College  sur  Henri  Poincar6.  Je  vais  tacher  de  le  faire,  le  plus  simplemenl 
possible,  avec  le  seul  souci  de  la  sinc£rit6  eL  de  la  v6rit(3,  sans  me  laisser 
dominer  parl^motion  que  soul^ve  en  moi  Invocation  de  ces  annexes  dejeunesse, 
&  la  fois  si  lointaines  et  si  proches,  ou  naquil  entre  Poincar<3  et  moi  une  amiti6 
profonde,  cliaque  jour  accrue,  si  cruellement  brisc^e. 

G'est  en  oclobre  1872  que  je  le  vis  pour  la  premiere  fois. 

Apr6s  les  fetes  de  Paques,  ma  m6re  m'avait  envoy 6  de  Strasbourg  a  Nancy, 
pour  suivre  la  classe  pr^paratoire  a  1'ficole  Poly  technique.  Je  tombai,  jeune 
£colier  inexp£riment6,  dans  la  classe  de  M.  Pruvost,  qui  voulut  bien  m'admettre, 
quoique  les  cours  fussent  tr6s  avanc^s,  et  qui  me  donna  des  conseils  dont  je  lui 
garde  une  grande  reconnaissance.  A  la  rentr^e  d'octobre,  la  classe  de  sp6ciales 
fut  confine  a  un  jeune  agr6g6  des  plus  distingu6s,  Elliot  (d),  math^maticien  de 
valeur  qui  eut  la  plus  heureuse  influence  sur  tous  les  6l&ves. 

C1)  Elliot,  £leve  de  la  promotion  de  1866  &  PEeole  Normale,  agr«5g6  en  1869,  docteur  en  1876 
apras  soutenance  d'une  these  :  Determination  du  Jiombre  des  integrates  abeliennes  de  premiere 
espece  (Ann.  tc.  Norm.  Sup.,  2C  s6rie,  t.  4);  collaborates  des  Acta;  mort  en  1894,  £tant  pro- 
fesseur  a  la  Facult^  des  Sciences  de  Besancon.  Je  tiens  de  M.  le  Recteur  Liard  le  fait  suivanl  : 
pendant  les  vacances  de  Piques  en  1878,  Elliot,  rencontrant  ^  p^ris  son  camarade  Liard,  lui  dit 
«  J'ai  dans  ma  classe  un  £leve  qui  est  un  monstre  de  math6matiques  »;  il  parlait  de  Poincare"  (P.A.). 


l4o  H.   POINCARE   EN   MATHEMATIQUES  SPECIALES. 

D£s  la  premiere  classe,  un  de  mes  camarades  me  dit,  on  montrant  Poincare  : 
«  voila  un  type  tr&s  fort,  il  vient  d'etre  recu  second  a  1'ficole  Foresti&re,  il  a 
remporte  le  premier  prix  de  malh^matiques  el^mentaires  au  concours  general, 
il  a  r^solu  tout  seul  1'ann^e  derni^re  le  probl^me  donn^  a  1'ficole  Polytech- 
nique  ». 

La  pliysionomie  de  Poincard  me  frappa  :  il  n'avail  pas,  a  premiere  vue,  le 
type  ordinaire  de  Thieve  intelligent  :  il  etait  comme  absorb**  dans  ses  pcnsees 
interieures,  avec  des  yeux  en  quelque  sorte  voiles  par  la  reflexion  :  quand  il 
parlait,  ses  yeux  s'animaient  d'une  expression  de  bont<5,  a  la  fois  malicieuse  et 
profonde.  Je  me  sentis  allirt}  vers  lui  :  comme  nous  (Hions  externes  tous  deux, 
nous  ediangeames  quelques  mots  en  sortant.  Je  fus  frapp6  de  sa  fagon  de  parler 
un  pen  breve  et  saccad6e,  entrecoup^e  de  longs  silences. 

D&s  les  premieres  interrogations  en  classe,  sa  superiority  apparut  dclatante  : 
il  r(5pondait  aux  questions  en  supprimant  les  raisonnements  intermediaires,  avec 
une  bri£vet6  et  une  concision  telles,  que  le  professeur  lui  demandait  toujours 
de  d^velopper  ses  r^ponses  :  il  lui  disait  :  «  Si  vous  ri^pondez  uinsi  a  Fexamen, 
vous  risquez  de  n'^tre  pas  compris  ». 

Nous  primes  Phabitude,  Poincar6  et  moi,  de  causer  en  sortant  de  classe  et 
bientot  nous  fumes  tout  a  fait  lies. 

Deux  de  nos  camarades  demeuraient  assez  loin  du  Iyc6e ;  1'un  nanct^ien, 
Henry,  aujourd'bui  professeur  agr(5g(5  au  lycue  do  Saint-Qucntin,  habitait  en 
ville,  rue  de  Malzeville  ;  1'autre  strasbourgeois,  Hartmann,  aujourd'liui  comman- 
dant d'arlillerie  en  relraite,  chef  des  travaux  de  M^canique  a  IMicobi  Polytecb- 
nique,  habilaitle  village  de  Malz6ville.  Accompagner  ces  deux  camarades  devint 
notre  promenade  quolidiennc  aprtis  la  classe  de  1'aprcis-midi.  Nous  no  prenions 
pas  toujours  le  chernin  le  plus  court.  Parfois,  tout  en  discutant  un  probl^me  de 
matb^matiques,  nous  interrompions  notre  promenade  :  surle  nmr  voisin,  Poin- 
car6  tracait  du  doigt  une  figure  g£om6trique  id^ale,  qui  nous  aidait  &  suivre 
son  raisonnement.  Apr&s  avoir  traverse  la  grande  rue  Ville-Vieille,  nous  fran- 
chissions  les  portes  de  la  Craffe  et  de  la  citadelle,  pour  arriver  jusqu'a  la  rue 
de  Malzeville,  ou  nous  laissions  Henry;  quelquefois  nous  allions  plus  loin, 
mais,  ordinairement,  nous  revenions  Poincar^  et  moi,  seuls  ou  avec  Hartmann, 
et  nous  allions  jusqu'a  la  porte  de  Poinear<3:  6,  rue  Lafayette.  Nous  parlions 
des  grands  6v£nements  qui  venaient  de  bouleverser  notre  pays,  do  la  guerre, 
de  la  Commune,  de  la  liberation  du  territoire,  de  FAlsace-Lorraine  et  de  son 
immuable  attachement  a  la  France  :  puis  aussi  des  incidents  de  la  vie  publique, 


H.   POINCARE  EN  MATHEMATIQUES  SPECIALES.  l4l 

de  Election  Barodet-Re"musat,  des  d^bats  de  l'Assemblt5e  nalionale,  des 
partis  politiques .... 

Nancy  6tait  occup£  par  les  vainqueurs ;  la  tristesse  de  la  d<*faite,  1'annexion 
de  FAlsace-Lorraine  pesaient  lourdement  sur  nos  entretiens  :  mais  nous  avions 
une  confiance  enti&re  dans  1'avenir  :  nous  de'sirions  que  Thiers  put  fonder  une 
Re^publique  ordonn^e  et  active,  qui  nous  apparaissait  comme  le  regime  le  plus 
capable  de  relever  la  Patrie  el  de  lui  rendre  sa  place  dans  le  monde.  Cette 
opinion,  qui  6tail  celle  de  la  grande  majority  de  nos  camarades,  se  manifesta 
quand  Thiers  fut  renvers^  le  16  mai  :  une  adresse  dc  sjmpatliie  el  de  protes- 
tation, au  President  tombed,  circula  sur  les  banes,  pendant  une  classe  d'Allemand, 
et  fut  signec  par  tous  les  6l£ves  de  sp^ciales,  a  1'exceplion  d'tm  seul. 

Dans  nos  promenades  nous  parlions  aussi,  comme  on  peut  le  penser,  de  nos 
etudes,  des  probl&mes  pos6s  par  noire  professeur,  des  generalisations  qu'on 
pouvait  leur  apporter,  des  solutions  fournies  par  la  g6ome"trie.  II  nous  arrivail 
quelquefois  de  philosopher  :  Poincar^  souriait  doucement  de  la  psychologic  et 
de  la  the"odic6e  naives  qu'on  enseignait  alors  en  vue  du  baccalaur6at.  Je  me 
souviens  6galement  de  longues  conversations,  sur  les  raisons  scientifiques  et 
philosophiques  de  croire  a  F  existence  de  la  vie  dans  les  autres  plan&tes. 

Poincar^  lisait  beaucoup  :  il  etudiait  Falg6bre  de  J.  Bertrand,  Fanalyse  de 
Duhamel,  la  g£om6trie  superieure  de  Chasles,  la  geometric  de  Rouch6.  Avec  la 
plus  grande  simplicity  et  la  camaraderie  la  plus  cordiale,  il  donnait  a  ses 
condisciples  tous  les  renseignements  et  toutes  les  explications  qu'ils  d^siraient. 
II  avait  des  apercus  synth^tiques  des  probl&mes ;  ainsi,  le  professeur  ayant 
demand^  le  lieu  g6om6trique  des  points  d'ou  1'on  voitune  ellipse  sous  un  angle 
donn<5,  Poincar6  dit  imm6diatement :  la  tangente  de  Tangle  sera  un  rapport;  au 
num<§raleur  se  trouvera  le  premier  membre  de  liquation  de  1'ellipse,  au  d^no- 
minateur  le  premier  membre  de  liquation  du  cercle  lieu  des  sommets  des 
angles  droits  circonscrits  :  il  reste  a  voir  seulement  avec  quels  exposants  et 
quels  facteurs  constants,  figureront  ces  polynomes.  Dans  les  problemes  de 
G^om(5lrie  analytique  il  donnait  des  solutions  g<3om£triques  souvent  tr6s 
(5l6gantes.  En  voici  des  exemples  qui  me  reviennent  a.  la  m^moire  : 

A  la  question  de  trouver  analytiquement  le  lieu  des  projections,  d'un  point 
fixe,  P,  sur  les  tangentes  a  une  parabole,  Poincar6  donna  imm^diatement  la 
solution  g6om6trique  suivante.  Soient  F  le  foyer,  AB  la  tangente  au  sommet 
de  la  parabole,  TH  une  tangente  qui  rencontre  AB  en  H,  M  la  projection  de 
P  sur  cette  tangente ;  projetons  F  sur  PM  en  I  et  prenons  PK.  £gal  et  parall&le 


142 


H.  POINCAR£  EN  MATHEMATIQUES  SPECIALES. 


a  FH,  de  m^me  sens  que  FH ;  le  point  I  de"crit  une  circonfe'rence  de  diametre 
PF,  le  point  K  une  droite  DD'  parallele  a  AB.  On  peut  done  deTmir  le  lieu  du 
point  M  a  1'aide  d'une  droite  et  d'un  cercle,  de  la  facon  suivante  :  on  donne  une 
circonfe'rence  et  une  droite  fixes,  un  point  P  fixe  sur  la  circonfe'rence,  on  mene 
par  P  une  s^cante  variable  PKI  qui  coupe  la  droite  en  K,  la  circonfe'rence  en 
I,  et  on  prend,  sur  cette  se'cante,  IM  =  PK,  les  deux  segments  ayant  le  meme 
sens ;  trouver  le  lieu  du  point  M.  Partant  de  la,  Poincare'  discute  la  forme  de 
la  courbe  suivant  les  positions  relatives  de  la  droite  et  du  cercle,  trouve 
1'asymptote,  les  tangentes  au  point  P,  et  reconnait  les  cas  particuliers  ou  lu 
courbe  est  une  cissoide  ou  une  strophoiide. 


Fig.  i. 


Fiff.  2. 


Pour  re"soudre  le  problfeme  de  Gt3ome"trie  analytique,  de  trouver  les  directions 
de  diametres  conjugu^s  communes  £  deux  coniques  donne'es,  Poincar6  rend  les 
coniques  concentriques  en  conside'rant  en  m^me  temps  les  coniques  conjugiuSos ; 
il  fait  varier  1'une  d'elles  homoth^tiquement  par  rapport  au  centre  commun, 
jusqu'a  ce  qu'elles  soient  bitangentes  (si  cela  est  possible)  :  la  corde  des 
contacts  AAr  et  la  parallele  aux  tangentes  communes  en  A  et  A'  forment  le 
syst£me  cherch^;  la  discussion  d^coule  facilement  de  cette  me"thode. 

Notre  professeur  donnait  quelquefois  des  devoirs  sp^ciaux  aux  6l^ves  les 
plus  avanc^s  :  un  de  ces  exercices  consistait  dans  1'e'tude  des  fonctions 

ex  _j-  e~ x      ex  -^  e—x  .   .  , .    .    .  , 

,  :  addition  des  arguments,  division  par  deux  et  par  trois. 

Tandis  que  nous  cherchions  &  re'soudre  directement  la  question,  Poincare'  se 
servant  de  la  formule  d'Euler  qu'il  avait  vue  dans  Duhamel,  ramena  imme'dia- 
tement  le  probleme  aux  fonctions  circulaires. 


H,   POINCARE  EN  MATHiMATIQUES  SPECIALES,  l43 

En  Physique,  il  s'int<3ressait  beaucoup  au  cours  qui  6tait  tr&s  bien  fait ;  la 
Chimie  par  centre,  enseign^e  par  le  m£me  professeur,  1'ennuyait,  probablement 
parce  qu'il  etait  visible  que  le  professeur  ne  s'j  int6ressait  pas.  Ce  professeur, 
qui  nous  enseignait  aussi  la  M^canique,  nous  donna  un  jour  a  trailer,  comme 
exercice,  F^tude  du  mouvemenl  d'un  point  qui  peut  glisser  sans  frottement  sur 
une  droite  tournant,  dans  un  plan  horizontal,  avec  une  vitesse  angulaire 
constante  co,  autour  d'un  dc  ses  points  supposd  fixe.  Le  professeur  croyait  que 
la  trajectoire  £tait  toujours  une  spirale  logarithmique.  Poincar^  contesta  son 
raisonnement,  en  imaginanl  un  observateur  qui  serait  entrain^  avec  la  droite 
et  qui  observerait  le  mouvement  relatif.  II  donna  liquation  exacte  du  probl&me  : 

/=  0)2  7' 

et  en  conclut  la  veritable  trajectoire.  Le  professeur  maintint  son  opinion  el  1'on 
prit  comme  arbitre  le  professeur  Bach  de  la  Faculty  des  Sciences,  qui  dut  donner 
raison  a  l'6l&ve. 

Au  concours  general  de  math^matiques  spe'ciales,  la  composition  de  Poincar6, 
non  seulement  fut  class^e  la  premiere  sur  P  ensemble  de  Paris  et  des  departe- 
menls,  mais  fut  Lr6s  remarqu^e  des  correcteurs. 

A  1'approche  des  examens,  notre  professeur  manifestait  de  plus  en  plus  la 
crainte  que  Poincar6  fit  des  r6ponses  trop  elliptiques,  qui  pourraient  paraitre 
obscures  aux  examinateurs.  II  arriva,  en  effet,  qu'al'EcoleNormale  Sup6rieure, 
un.  des  examinateurs,  mort  aujourd'hui,  trouva  que  Poincart§  s'exprimait  mal 
et  qu'il  ne  serait  pas  un  bon  professeur ;  aussi  lui  donna-t-il  une  note  qui,  a 
notre  stupefaction  g(5nc5rale,  le  fit  recevoir  cinqui&me.  fitrange  destin^e  du 
g6nie  qui  ne  pcutrentrer  dans  les  classifications  des  hommes  ordinaires  !  Erreur 
moins  grave  pourtant  que  celle  qui  fit  refuser  Galois  a  TEcole  Polytechnique, 
sur  une  question  relative  aux  logarithmes>  a  la  suite  d'une  discussion,  dans 
laqueile  il  avait  eu  raison  contre  son  examinateur. 

A  ce  mfime  concours  de  1'Ecole  Normale^  se  place  un  incident  amusant. 
Les  candidats  admissiblos,  devaient  fairo  a  Paris,  au  moment  des  examens 
oraux,  une  <5pure  de  G6om6trie  descriptive  :  en  voici  le  sujet,  que  je  dois  a 
Tobligeance  de  M.  Caron,  alors  maitre  d,e  conferences  de  G£om<3trie  descriptive 
a  1'ficoie. 

« Intersection  d'un  hyperboloi'de  de  revolution  et  d'un  cone  de  revolution 
dontles  axes  se  rencontreut.  Le  centre  de  rhyperboloi'de  est  ie  point  x  =  o, 
y=:  10  cm,  z=  10  cm;  1'axe  est  vertical;  le  rayon  du  cercle  de  gorge  est  de 


1 44  H.   POINCARE   EN  MATHEMATIQUES  SPECIALES. 

2  cm;  enfm  les  generatrices  font,  avec  Faxe,  un  angle  de  45°.  Le  sommet  du 
cone  est  le  point  #  =  0,7  =  10  cm,  s  =  9  cm  :  Faxe  est  parall&le  a  la  ligne  de 
terrc  et  les  generatrices  font,  avec  Faxe,  un  angle  de  45°.  Solide  commun  ». 

Poincare,  qui  ne  voyait  aucun  intent  mathematique  a  tracer  des  lignes  de 
rappel  et  a  faire  un  dessin  minutieux  qui  1'ennuyail,  prefera,  apr&s  avoir  mis 
Louies  les  donnees  en  place,  chercher  par  le  calcul  liquation  de  la  projection 
horizontal  de  la  courbe  d'inlorsection.  II  ironva  ainsi  cette  courbe,  avec  une 
perfection  qtie  n'alteignirent  pas  ceux  qui  avaient  employ^  les  constructions 
classiques  :  mais,  en  la  dessinant  sur  sa  feuille,  il  eut  une  distraction  et  la  placa 
a  Fenvers,  la  faisant  tourner  dc  180°.  Le  correcteur  fut  tr6s  intrigue  par  eetle 
solution,  a  la  fois  inexacle  el  parfaite. 

Apres  les  examens  de  FEcolc  Normale,  nous  revinmes  a  Nancy,  faire  les 
compositions  ecrites  pour  FEcole  Poly  technique  du  4  au  6  aoul  1878.  Nous 
trouvames  la  ville  dans  Fallegresse  :  des  drapeaux  partout,  a  toutes  les  nutisons, 
a  toutes  les  voitures,  jusqu'aux  charrettes  des  laitiers  ou  des  maraichers  :  les 
troupes  allemandes  venaicnt  de  partir,  et  precisemcnt,  pendant  la.  composition 
de  lavis,  Favant-garde  de  Farmee  francaise  fit  son  entree  a  Nancy.  Jour  do  joie 
et  de  delivrance,  bien  melancolique  pour  nous,  les  Alsaciens,  qui  ne  pouvions 
pas  perdre  de  vue  que  la  liberation  du  territoire  frangais  allait  s'amHer,  pour 
longlemps  peut-6lre,  aux  Vosges.  Poincare,  rendu  nerveux  par  Femotion,  avait 
particulieremenlmalreussi  son  la  vis,  exercice  uuquel  iln'excellailpas  d'ailleurs; 
il  avait  colle  sa  feuille  de  papier  trop  vile,  puis  il  avait  etendu  trop  rapidomonl 
les  couches  d'encrc  de  Chine  successives,  avant  que  les  precedonlos  fusscuit 
s^ches.  II  avait  hate  de  rejoindre,  a  FHotel  de  Ville,  su  famille  qui  atlendaii 
Farrivec  des  troupes  frangaises  sur  la  place  Stanislas. 

Pendant  que  nous  preparions  les  examens  oraux  de  FEcole  Poly  technique, 
Poincare,  pour  rendre  service,  consentaita  interroger  ses  camarades  :  il  prenait 
les  feuilles  d'examens  et,  imitantles  intonations  des  examinateurs,  reproduisant 
leurs  habitudes  d'esprit,  il  poussait  des  colles  terribles,  dont  il  riait  ensuito 
discrtitement.  II  demandait,  par  exemple,  a  un  candidat,  de  construire  la  courbe 


•  ' —    , / 

yi  -h  sin  2  3 

de  chercher  Fasymptote,  les  points  de  rencontre  de  la  courbe  et  de  Fasymptote 
avec  les  axes,  avec  la  bissectrice  des  axes  . , .  points  qui  comcidaient  tous, 
jusqu'a  ce  qu'enfin  le  candidat  decouvrit  que  la  courbe  se  confondait  avec  son 


H.    POINCARE   EN  MATH&MATIQUES  SP^CIALES.  l45 

asymptote.  Je  le  vois  encore  disant,  avec  un  air  de  pince-sans-rire,  a  un 
candidat  d'un  college  voisin,  terrifie  par  cette  revelation,  que  Uexaminateur 
Moutard  demandait  les  propriety  du  lim.ac.on  de  pascaloide  de  revolution. 

Apres  des  examens  tres  brillants  etun  examen  de  G6ometrie  particulierement 
remarquable  avec  Tissot,  il  futregu  premier  a  Fficole  Poly  technique. 

Nous  nous  retrouvames,  a  la  rentr^e  suivante,  a  Paris,  Poincare"  a  1'ficole 
Polytechnique,  et  moi  a  1'Ecole  Normale.  Mais  je  dois  m'arr^ter,  puisque  je  ne 
parle  que  de  Nancy. 

Vous  voyez,  mon  cher  ami,  que,  des  le  lyc£e,  Poincar£  etait  un  grand 
intuitif,  rapide  et  sur,  pe"n6trant  et  fin,  un  bon  frangais,  un  ami  fidele,  un. 
camarade  simple  et  d6vou6  :  tel  il  6tait  alors,  tel  je  1'ai  toujours  connu,  admire 
et  aime. 

Paris,  le  22  decembre  1912. 


H.  P.  -  XI.  rcj 


LETTRE  DE  M.  PIERRE  ROUTROUX 

A  M.  MITTAG-LEFFLER 


Acta  Mathematica^  t.  38,  p.  197-201  ( 19?! ). 


Vous  voudriez  avoir,  cher  Monsieur,  quelques  details  sur  la  vie  in  lime  de 
mon  oncle,  sur  la  fagon  dont  il  travaillait,  sur  ses  habiludes  et  son  caracl^re? 
Je  n'ai  cependant  rien  d' extraordinaire  a  vous  raconter.  Les  enquStes  sensa- 
lionnelles,  faites  un  peu  bruyamment  par  certains  psychologues  modernes, 
lendraient  a  nous  faire  croire  qu'un  savant  est  un  &tre  anormal  dont  lous  les 
actes  doivent  &lre  Granges.  Vous  savez  pourtant  qu'on  ne  pourrait  imagiuor 
une  existence  plus  simple,  plus  exempte  d'6v6nements,  plus  uniforme  en 
apparence,  que  celle  de  Henri  Poincar^.  L'activit^  de  sa  pens^e  lui  suffisait  et 
se  suffisail.  Point  ne  lui  6tait  besoin  de  chercher  des  excitations  au  dehors,  ou 
d'entretenir  chez  lui  par  des  moyens  artificiels  cette  exaltation  sp<$ciale,  cette 
fi£vre  intellectuelle,  sans  laquelle  certains  inventeurs  ne  sauraient  produire.  II 
ne  fuyait  pas,  il  recherchait  m6me,  les  distractions,  les  voyages,  les  plaisirs 
artistiques;  mais  c'est  qu'il  y  £tail  port<3  par  un  int6r£t  veritable,  par  une 
curiosity  naiurelle  tr6s  6tendue,  en  m6me  temps  que  par  le  besoin  de  se 
dtSlasser.  C'est  chez  lui,  en  famille,  c'est  dans  le  calmede  son  existence  journa- 
li&re,  qu'il  a  accompli  la  plus  grande  partie  de  sa  tache. 

Dans  son  paisible  cabinet  de  travail,  rue  Claude-Bernard,  ou  sous  les 
ombrages  de  son  jardin,  a  Loz&re,  Henri  Poincar<§  s'asseyait  quelques  heures 
par  jour  devant  une  main  de  papier  ^colier  r<^gl67  et  Ton  voyait  alors  les 
feuillets  se  couvrir,  avec  une  rapidit6  et  une  r£gularit£  surprenantes,  de  son 
^criture  fine  et  anguleuse.  Presque  jamais  une  rature,  tr^s  rarement  une 
tation.  En  quelques  jours  un  long  M&naoire  se  trouvait  achev£,  pr^t  & 
imprim^,  et  mon  oncle  ne  s'y  int^ressait  plus  d£sormais  que  comme  &  une 


LETTRE   DE   P.   BOUTROUX.  I 47 

chose  du  passed  A  peine  consentail-il  —  ses  £diteurs  en  savenl  quelque 
chose  —  a  Jeter  un  rapide  coup  d'oeil  sur  les  ^preuves. 

Voila  a  quoi  se  bornait  le  travail,  je  veux  dire  le  travail  apparent  d'Henri 
Poincar£.  A  quel  labeur  sa  pens£e  avait-elle  du  se  livrer  au  pr^alable,  lui  seul 
Fa  jamais  su.  II  pensait  dans  la  rue  lorsqu'il  se  rendait  a  la  Sorbonne,  lorsqu'il 
allait  assister  a  quelque  reunion  scientifique,  ou  lorsqu'il  faisait,  apr&s  son 
dejeuner,  une  de  ces  grandes  marches  a  pied  dont  il  £tait  coutumier.  II  pensait 
dans  son  antichambre,  ou  dans  la  salle  des  stances  dc  1'Institut,  lorsqu'il  d<3am- 
bulait  a  petits  pas,  la  physionomie  tendue,  en  agitant  son  trousseau  de  clefs. 
II  pensait  a  table,  dans  les  reunions  de  famille,  dans  les  salons  m£mc,  s'inter- 
rompant  souvent  brusquement  au  milieu  d'une  conservation,  et  plantant  la 
son  interlocuteur,  pour  saisir  au  passage  une  pens^e  qui  lui  traversait  1'esprit. 
Tout  le  travail  de  d^couverte  se  faisait  mentalement  chez  mon  oncle,  sans 
qu'il  eiit  besoin,  le  plus  souvent,  de  controler  ses  calculs  par  6crit  ou  de 
fixer  ses  d6monstrations  sur  le  papier.  11  altendait  que  la  v<5ril£  fondit  sur 
lui  comme  le  tonnerre,  et  il  comptait  sur  son  excellente  memoire  pour  la 
conserver. 

On  a  souvent  remarqu6  que  Henri  Poincar6  gardait  jalousement  pour  lui 
ses  pens^es.  A  Finverse  de  certains  savants,  il  ne  croyait  pas  que  les  communi- 
cations orales,  F^change  verbal  des  id^es,  pussent  favoriserla  d^couverte.  Cette 
reserve  de  mon  oncle  me  frappa  sp<5cialement  lorsque,  passant  quelques  mois  a 
Gottingen,  je  fus  te'moin  d'habitudes  toutes  diff^rentes.  On  sait  quel  admirable 
foyer  de  pens6e  en  commun  et  de  travail  collectif  est  la  c£l&bre  university 
allemande.  La  tout  se  passe  au  grand  jour.  A  peine  F^tranger  est-il  d6barqu6 
dans  la  petite  cit<3  hanovrienne,  qu'il  sait  d<3ja  quels  sont  les  travaux  dont 
s'occupent  les  illustrations  du  lieu,  jusqu'ou  elles  sont  parvenues  et  quelles 
difflcult^s  les  arr<Hent.  Les  id^es,  colport^es,  confront<5es,  discuses,  au  cours 
des  promenades  dans  la  for6t  et  aux  stances  de  la  Soci^t6  math^matique, 
murissent  d'elles-m^mes  dans  ce  milieu  fertile,  ou  la  curiosit6  toujours  alerte 
et  la  n(5omaieutique  de  M.  Klein  contribuent  a  entretenir  un  ferment  in£pui- 
sable.  Le  profit  que  peuvent  retirer  les  jeunes  gens  d'un  contact  aussi  intime 
avec  leurs  maitres  est  manifeste.  Ce  n'est  point,  cependant,  par  accident, 
ou  par  besoin  6goi"ste  de  solitude,  que  mon  oncle  s'abstenait  d'imiter  sur  ce 
point  ses  collogues  allemands.  Nul  n'^tait  plus  liant  que  lui,  nul  n'6tait  plus 
port^  a  la  sympathie,  pour  les  jeunes  en  particulier.  Mais  mon  oncle  se  faisait 
de  la  d^couverte  math6matique  une  id^e  qui  excluait  toute  possibility  de 


148  LETTRE   DE   P.   BOUTROUX. 

collaboration.  La  recherche  telle  qu'il  la  comprenait  doit  £tre  une  lutte  &  deux. 
C'est  un  corps-a-corps  avec  la  r£alite  fuyante  el  rebelle,  qu'il  s'agit  de  frapper 
au  co3ur.  Dans  un  tel  duel  il  n'y  a  pas  de  place  pour  des  t&noins.  L'intuition, 
par  ou  s'op&re  la  d6couverte,  est  une  communion  directe?  sans  intermediates 
possibles,  de  1'esprit  et  de  la  verite.  II  ne  convient  pas,  il  faut  se  garder, 
de  troubler  ce  t£te-a-t6te. 

Sans  doute,  une  fois  1'idee  conquise,  il  peut  6tre  utile  de  se  mettre  a 
plusieurs  pour  1'exploiter.  Mais  c'est  la  une  besogne,  en  parlie  m^canique,  qui 
n'avait  qu'un  intent  secondaire,  il  faut  bien  le  dire,  aux  yeux  de  Henri 
Poincare.  —  Avez-vous  1'idee,  demandait-il?  Si  vous  ne  Favez  pas,  je  ne  puis 
vous  £lre  d'aucun  secours  pour  la  decouvrir.  En  revanche,  je  suis  pr£t  a  vous 
faire  credit,  Quoi  qu'il  me  semble  de  la  voie  ou  vous  vous  engages,  je  ne  vous 
adresse  aucune  critique,  aucune  objection  de  principe.  Je  sais  trop  bien  que  la 
verite  surgit  souvent  aux  carrefours  ou  Ton  s'attendait  le  moins  a  la  rencontrer. 

Je  m'explique  ainsi  que  mon  oncle  ait  ete,  a  1'egard  des  debutants,  Tun  des 
juges  les  plus  bienveillants,  les  plus  larges  d'esprit,  que  j'aie  rencontres,  et,  en 
m6me  temps,  1'un  des  plus  s6v6res.  Loin  de  pretendre  entrainer  ses  el6ves  a  sa 
suite  et  de  leur  dieter  leur  tache,  il  voulait  laisser  a  chacun  une  initiative 
complete;  il  etait  toujours  dispose  a  s'interesser  aux  recherches  les  plus 
inusitees,  les  plus  paradoxales  m6mes;  aucune  nouveaute  ne  lui  faisait  peur. 
Mais,  quand  venait  le  moment  d'apprecier  les  resultats,  il  se  montrait  extr^me- 
ment  exigeant.  Si  vous  ne  lui  apportiez  que  des  propositions  qu'il  consid^rait 
comme  acquises  —  et,  dans  sa  tendance  a  aller  de  1'avant,  il  regardait  comme 
virtuellement  acquis  tout  ce  dont  nous  nations  plus  s^par^s  par  des  difficult<3s 
de  principe  —  si  vous  ne  lui  ouvriez  pas  des  apergus  nouveaux  pour  lui,  on 
devinait  qu'il  avait  aux  l&vres  Internal  et  d^courageant  «  a  quoi  bon?  » ;  non 
que  vous  eussiez,  selon  lui,  perdu  votre  temps;  mais  vous  lui  aviez  appris 
que  votre  m^thode  —  sur  laquelle  il  avait  jusque-l&  r6serv6  son  jugement  — 
n'ofirait,  en  r^alit^,  aucun  avantage. 

Ceux  qui  approch^rent  mon  oncle  de  pr&s  ont  6t£  surpris  de  le  voir 
rarement  se  servir  de  livres.  II  lisait  peu,  en  effet  —  je  ne  parle  ici,  bien 
entendu,  que  de  ses  lectures  scientifiques  — ,  et  il  lisait  d'une  fagon  tr^s 
particuli&re.  Henri  Poincar^  ne  pouvait  s'astreindre  &  suivre  la  longue  chaine 
de  deductions,  la  trame  serr^e  de  definitions  et  de  theor&mes,  que  Ton  trouve 
gen6ralement  dans  les  M^moires  de  math^matiques.  Mais,  allant  tout  droit 
au  r^sultat  qui  lui  paraissait  le  centre  du  Memoire,  il  I'iiiterpr4tait  et  le  repen- 


LETTRE  DE  P.   BOUTROUX. 


salt  a  sa  maniere;  il  le  controlait  par  ses  propres  moyens;  apr&s  quoi,  seule- 
ment.  reprenant  le  livre  en  mains,  il  jetait  un  rapide  regard  circulaire  sur  les 
lemmes  propositions,  et  corollaires,  qui  constituaient  la  garniture  du  Me'moire. 

II  faut  insister  sur  ces  details,  car  nous  touchons  ici  peut-6tre  a  Fun  des 
caracteres  distinctifs  de  la  pens^e  de  mon  oncle.  Au  lieu  de  suivre  une  marche 
lin^aire,  son  esprit  rayonnait  du  centre  de  la  question  qu'il  e'tudiait  vers  la 
p£riph6rie.  De  la  vient  que  dans  Fenseignement  et  m6me  dans  la  conversation 
ordinaire,  il  6tait  souvent  difficile  a  suivre  et  parfois  semblait  obscur.  Qu'il 
exposat  une  th^orie  scientifique,  ou  qu'il  contat  une  anecdote,  il  ne  commen- 
gait  presque  jamais  par  le  commencement.  Mais,  ex  abrupto,  il  langait  en 
avant  le  fait  saillant,  l'(5v^nement  caract^ristique,  ou  le  personnage  central, 
personnage  qu'il  n'avait  point  m6me  pris  le  temps  d'introduire  et  dont  parfois 
son  interlocuteur  ignorait  jusqu'au  nom. 

Cette  tournure  d'esprit  explique  comment  la  pens^e  de  Henri  Poincar6  a  pu 
&tre  si  agile  et  s'appliquer  a  tant  d'objets  diflferents,  comment,  par  suite,  il  lui 
a  6t6  possible  de  satisfaire  une  curiosit6  presque  universelle. 

Habitu6  a  n^gliger  les  details  et  a  ne  regarder  que  les  cimes,  il  passait  de 
Tune  a  1'autre  avec  une  promptitude  surprenante;  et  les  faits  qu'il  d^couvrait, 
se  groupant  d'eux-m6mes  autour  de  leurs  centres,  6taient  instanlan^ment  et 
automatiquement  classes  dans  sa  me'moire.  D'ailleurs  mon  oncle  n'^tait  pas 
de  ceux  qui  vivent  sur  les  tresors  acquis  et  qui  se  complaisent  a  faire  chez  eux 
le  tour  du  propri^taire.  II  se  contentait  de  savoir  qu'il  possddait  et,  sans 
regarder  en  arriSre,  il  travaillait  sans  relache  a  remplir  de  nouvelles  cases  de 
son  cerveau. 

Henri  Poincar^  avait  un  gout  marqu6  pour  la  geographic  et  pour  les 
voyages.  Conform^ment  a  ses  tendances  ordinaires,  il  voulait  voir  dans 
chaque  pays  les  sites  et  les  monuments  les  plus  caract^ristiques,  et  il 
n'6prouvait  point  le  d&sir  de  s'^carter  des  routes  traditionnelles.  II  3tait 
Foppos6  de,  ces  romantiques  qui  voyagent  pour  donner  un  cadre  a  leurs 
reveries  et  qui,  souhaitant  ce  cadre  in£dit,  s'efForcent  de  s'isoler  du  flot  des 
touristes.  Ses  jouissances  a  lui  6taient  d'un  ordre  tout  intellectuel.  Extrayant 
d'ailleurs  du  premier  coup,  et  traduisant  imm6diatement  en  concepts,  les 
traits  essentiels  des  impressions  qu'il  recueillait,  il  n'avait  que  rarement 
besoin  de  voir  deux  fois  les  monies  contr^es.  Sans  doute,  il  est  possible  qu'a 
la  fin  de  sa  vie,  mon  oncle  ait  6t(§  sensible,  lui  aussi,  a  Fattrait  qu'exercent  sur 
presque  tous  les  bommes  Invocation  de  leurs  souvenirs  et  les  lieux  qui  leur 


l5o  LETTRE   DE   P.    BOUTROUX. 

sont  de"ja  familiers.  Cependant  le  besoin  incessant  de  voir  du  nouveau,  a  bien 
e"t6,  si  je  ne  me  trompe,  un  trait  dominant  de  son  caractere. 

Des  sa  jeunesse  Henri  Pomcare"  lisait  avec  un  intent  passionne"  les  remits 
de  voyage  du  Tour  du  Monde  et  suivait  au  jour  le  jour  les  progres  de  1'explo- 
ralion  du  continent  africain.  C'est,  je  crois,  un  sentiment  du  m6mc  genre 
qui,  en  toutos  circonstances  et  dans  tons  les  domaines,  le  lancait  vers  la 
poursuite  de  I'inconnu,  et  lui  faisait  assignor  a  sa  vie  et  a  la  science  un  but 
simple  et  precis  :  comme  les  grands  voyageurs  de  1'Afrique,  remplir  les  espaces 
blancs  de  la  carte  du  mondc. 

Je  me  rappelle  qu'un  jour,  parlant  devant  Henri  Poincar<$  d'un  mathe'ma- 
ticien  qui  quittait  ses  Etudes  pour  d'autres  occupations,  quelqu'un  laissa 
e"chapper  cette  remarque  :  «  Tout  se  vaut,  apres  tout;  il  sera  sans  doute  aussi 
heureux  que  s'il  avait  continue'  a  faire  des  mathe'matiques  ».  Mon  oncle  eut  un 
mouvement  de  protestation  qui  arr&ta  la  conversation.  Venant  d'un  specialists 
enferme'  dans  des  Etudes  6troites,  pareille  intransigeance  n?eut  point  titonn6, 
et  on  Petit  mise  sur  le  compte  d'une  foi  un  peu  naive.  Mais  Henri  Poincare' 
n'avait  point  les  d^fauts  des  sp^cialistes;  il  avait  des  gouts  tres  varies  et  ne 
pre"tendait  millement  placer  ses  propres  occupations  au-dessus  de  toutes  les 
autres.  Que  signifiait  done  sa  protestation?  Tres  cat^goriquement,  je  crois, 
mon  oncle  estimait  que  si  Ton  s'est  une  fois  mis  au  service  de  la  science,  on 
n'a  plus  le  droit  de  deserter  son  poste.  Tanl  qu'il  reste  des  blancs  sur  la  carte 
du  monde,  il  ne  nous  est  pas  permis  de  nous  reposer. 

En  efiet,  bien  qu'il  ait  6t6  sensible  autant  qu'aucun  autre  a  la  grandeur  et 
la  beaute'  de  la  science,  mon  oncle  n'appartenait  pas  a  cette  e'cole  de  dilettantes 
qui  se  livrent  aux  math^matiques  parce  qu'elles  leur  procurent  des  jouissances 
esth6tiques.  La  recherche  e"tait  pour  lui  un  devoir,  d'autant  plus  attachant 
qu'il  lui  coutait  plus  de  peine.  Je  n'ai  jamais  entendu  mon  oncle  parler  du 
travail  scientifique  — -  du  sien  ou  de  celui  d'autrui  —  qu'avec  le  plus  grand 
s^rieux  et  le  plus  grand  respect  :  lui,  si  gai  &  ses  heures  de  delassernent,  lui 
qui  aimait  et  pratiquait  Tironie,  il  n'en  avait  point  lorsque  la  science  e"tait 
en  cause. 

Voila,  cher  Monsieur,  quelques-unes  des  reflexions  qui  me  venaient  a 
1'esprit,  voila  ce  que  je  sentais  ou  croyais  deviner  quand  j'avais  le  bonheur  de 
converser  avec  mon  oncle.  Henri  Poincare',  je  vous  Tai  dit,  ne  parlait  gu£re  de 
ses  travaux;  encore  moms  se  fut-il  complu  &.  de'crire  ses  sentiments  intimes 
et  les  ressorts  de  son  intelligence;  mais  il  aimait  faire  causer  les  autres,  et, 


LETTRE  DE  P.   BOUTROUX.  1 5 1 

lorsqu'on  se  trouvait  exprimer  une  id6e  qui  lui  6tait  ch&re,  lorsqu'on  d£cou- 
vrait  une  pens^e  conforme  a  la  sienne,  son  sourire  et  son  regard  r£v6laient  le 
plaisir  qu'il  £prouvait.  C'est  par  de  tels  signes  a  peine  perceptibles  qu'Henri 
Poincar6  manifestait  sa  sympathie  et  sa  bienveillance.  Lui  qui,  par  discretion, 
n'a  pas  voulu  se  faire  des  disciples,  lui  que  sa  reserve  naturelle  faisait  passer 
pour  froid,  il  avait  un  coeur  chaud,  un  grand  d^sir  de  se  sentir  entour£,  un 
profond  besoin  d'affection. 

Paris,  le  18  juin  1918. 


L'ffiUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE 


PAR  JACQUES  HADAMARD 


Acta  Mathematica^  t.  38,  p.  208-287  (1921). 


Poincar^  lui-m&me  a  fourni  aux  lecteurs  des  Acta  une  analyse  d^taill^e  de 
son  ceuvre  (d). 

On  comprendra  que,  sur  tous  les  points  qui  ont  6t£  port^s  a  leur  connais- 
sance  dans  un  des  styles  les  plus  lumineux,  les  plus  d^finilifs  que  la  langue 
scientifique  —  et  la  langue  frangaise  —  aient  connus,  nous  nous  croyons 
dispenses  d'insister.  II  nous  arrivera  done  tr6s  souvent  de  renvoyer  a  V Analyse 
dont  il  s'agit. 

Nous  n'essaierons  pas,  d'autre  part,  de  chercher  dans  tout  1'ensemble  de 
cette  ceuvre  une  unit6,  d'en  d<§gager  une  personnalit6  intellectuelle.  Cette 
tentative,  qui  s'imposerait  pour  tout  autre,  serait,  a  notre  sens,  chim&rique 
en  ce  qui  concerne  Poincar6,  et  nous  croirions  diminuer  en  m&me  temps  que 
d^naturer  son  oeuvre  en  nous  y  essayant.  Ce  serait  m^connaitre  cette  pens£e 
«  capable  de  faire  tenir  en  elle  toutes  les  autres  pens^es,  de  comprendre 
jusqu'au  fond,  et  par  une  sorte  de  d^couverte  renouvel^e,  tout  ce  que  la  science 
humaine  peut  aujourd'hui  comprendre  »  (2). 

Assur^ment,  tout  penseur  tend  a  marquer  de  son  sceau  personnel  ce  que 
son  cerveau  fagonne.  Mais  si  cette  tendance  est  une  des  forces  de  Fartiste,  le 
savant,  lui,  bien  loin  de  chercher  a  Pentretenir,  la  subirait  plutdt.  Elle  est, 

(*)  Analyse  de  ses  travaux  scientifiques  (Acta  Math.,  t.  38). 
(2)  PAINLEV^,  Temps  du  18  juillet  1912. 


L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE.  i53 

chez  lui,  combattue  par  une  ntScessite'  toule  contraire,  celle  de  1' objectivity. 
«  Nous  sommes  serviteurs  plutot  que  maitres  en  mathematiques  »,  aimait  a 
dire  Hermite,  et  1'adage  tout  analogue  de  Bacon  est  aussi  vrai  des  inath^ma- 
tiques  elles-m£mes  que  des  sciences  exp^rimentales.  Le  savant  —  surtout 
le  mathematicien  —  ne  dispose  gu&re,  au  fond,  des  moyens  d'attaque.  Tout 
au  plus  suit-il  en  g^n^ral  son  temperament  dans  le  choix  du  terrain. 

Poincar^  ne  fit  m&me  point  ainsi.  II  emprunta  ses  sujets  delude  noil  aux 
ressources  de  son  esprit,  mais  aux  besoins  de  la  science.  II  a  £16  present 
partout  ou  il  y  avait  une  lacune  grave  a  combler,  un  grand  obstacle  a 
surmonter.  Lorsque  nous  aurons  essay£  d'6numerer  —  m6me  aussi  rapide- 
ment  qu'il  nous  faudra  le  faire  —  les  questions  auxquelles  il  s'est  atlaque", 
il  nous  semblera  avoir  touche  a  toutes  celles  auxquelles  peuvent  s'int^resser 
les  mathe'maticiens  et  qui  n^cessitent  encore  leurs  efforts.  Son  oauvre  est 
devenue,  des  lors ,  le  patrimoine  commun  de  tous.  Si  Poincar6  a  une 
cc  maniere  »,  si  m6me  on  pcut  employer  a  son  £gard  ce  mot  qui  ressemble 
a  «  maiiie  »,  nous  en  avons  tous  he'rite',  et  elle  esl  en  chacun  de  nous. 

De  ses  r£sultats  se  d^gage  souvent  une  unite",  mais  celle-ci  n'est  pas 
inh£rente  a  1'auteur.  Elle  est  elle  aussi,  objective  el  reside  dans  les  faits  eux- 
m£mes.  Nul  mieux  que  Poincar^  ne  sut,  en  efFet,  decouvrir,  entre  les  diverses 
parties  de  la  science,  des  relations  impr6vues,  parce  que  personne  ne  sut  mieux 
dominer  cette  science  de  tous  les  cote's  a  la  fois. 

Cette  souplesse  et  cette  universality,  cette  adaptation  rapide  et  parfaite  a 
tous  les  probl&mes  pos^s  paries  math6matiques  et  leurs  applications,  se  sont 
manifestoes  de  mani&re  d'aulant  plus  £clalante  qu'a  notre  6poque,  Tune  des 
sciences  qui  diclent  surtout  ces  probl^mes,  la  Physique,  £volue  avec  une  plus 
d£concertante  rapidit6.  On  sait,  —  et  d'autres  le  diront  ici  mieux  que  moi  — 
a  qael  degr^  Poincar^,  d^s  qu'il  s'est  m6l^  a  cette  Evolution,  a  su  toujours  la 
suivre  et  souvent  la  guider. 

L'histoire  de  Toauvre  de  Poincar6  ne  sera  done,  au  fond,  autre  chose  que 
1'histoire  m^me  de  la  science  math^matique  et  des  probl^mes  qu'elle  s'est 
pos^s  a  notre  ^poque. 

Le  plus  important  d'entre  eux  est  encore  aujourd'hui  le  m6me  qui  est 
apparu  a  la  suite  de  Pinvention  du  Calcul  infinitesimal. 

Nous  sommes  loin  d'avoir  r^solu  les  difficult6s  qu'il  pr(5sente.  Mais  la 
m^me  ou  nous  y  sommes  arrives,  ce  n'a  ete",  le  plus  souvent,  qu'en  modifiant 
profond^ment  nos  id^es  sur  ce  qu'il  faut  entendre  par  «  solution  »,  Celles  que 
H.  P.  -  XI.  20 


j54  L'OEUVRE  MATHEMATIQUE   DE   POINCARE. 

nous  avons  acquises  aujourd'liui  se  r^sument  toutes  dans  la  forte  parole  que 
Poincar£  prononcait  en  1908  (*)  : 

«  II  n'y  a  plus  des  probl&mes  r^solus  et  d'autres  qui  ne  le  sont  pas,  il  y  a 
seulement  des  probl&mes  plies  ou  moins  r^solus  »  —  c'est-a-dire  qu'il  y  a  des 
solutions  donnant  lieu  a  des  calculs  plus  ou  moins  simples,  nous  renseignant 
plus  ou  moins  directement  et  aussi  plus  ou  moins  compl&tement  sur  1'objet 
de  notre  6tade. 

On  peut  dire,  a  ce  point  de  vue,  qu'une  premiere  solution  est  acquise  dans 
la  plupart  des  cas,  —  et  cette  conqu6te,  <3bauch3e  d&s  Newton,  est  surtout 
1'ceuvre  de  Caucliy  et  de  Weierstrass  :  —  des  relations  entre  (Mats  infaiiment 
voisins,  on  sait  d^duire,  ce  qui  est  fort  different,  la  connaissaiice  de  tous  les 
6tats  suffisamment  voisins  d'un  6tat  donn6.  Si,  par  exemple,  le  ph^nom&ne 
a  ^tudier  depend  de  la  position  d'un  point  dans  un  plan,  on  sait  l'6tudier  dans 
toute  une  petite  region  entourant  un  point  quelconque  donn£. 

En  un  certain  sens,  il  peut  6tre.  ainsi  consid^r^  comme  connu,  puisque,  avcc 
de  petites  regions  de  cette  esp&ce  accol^es  les  unes  aux  autres,  on  peut  consti- 
tuer  des  regions  plus  e'tendues  et  m6me  aussi  6tendues  qu'on  le  voudra. 

Mais  cette  connaissance  est  souvent  tr6s  insuffisante,  beaucoup  plus  encore 
que  ne  le  serait,  pour  un  voyage  d'un  bout  a  1'autre  d'un  pays,  la  possession 
des  feuilles  partielles  de  la  carte  a  quelqu'un  qui  ne  disposerait  d'aucune 
autre  donn^e  g^ographique.  Elle  1'est  a  des  degr^s  divers  suivant  la  nature  du 
probl&me  postS;  mais  dans  la  plupart  des  cas,  le  r^sultat  est  connu,  dans 
chaque  domaine  partiel,  par  des  operations  d'une  convergence  mediocre, 
c'est-a-dire  assez  mal  et  assez  p6niblement;  d'autant  plus  mal  et  d'autant  plus 
p^niblement  m6me  que  le  domaine  en  question  est  plus  petit. 

Quoi  qu'il  en  soit,  ces  premiers  r^sultats,  m6me  si  1'on  n'est  pas  r^duit  4 
s'en  contenter,  servent  tout  au  moins  d'interm^diaires  obliges  pour  en  obtenir 
de  meilleurs,  de  sorte  que,  presque  partout,  la  marche  de  la  science  mathg- 
matique  actuelle  comporte  deux  Stapes  : 

La  solution  locale  des  probl6m.es ; 

Le  passage  de  celle-ci  a  une  solution  d'ensemble,  si  cette  sorte  de  synth&se 
est  possible. 

Le  premier  probl&me  qui  avait  arr^t^  le  Calcul  infinitesimal,  celui  des 

C1)  Conference  prononcee  au  Congres  international  des  Mathematicians,  Rome;  t.  1,  p.  17$ 
des  Actes  du  Congres. 


L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE.  i55 

quadratures,  est,  en  somme,  re'solu,  au  sens  pre'ce'dent,  d'une  maniere  assez 
satisfaisante.  Cette  solution  differe  assure'ment  beaucoup  de  celle  que  cher- 
chaient,  —  sans  aucune  chance  de  succes,  nous  le  savons  maintenant  — 
les  contemporains  de  Leibnitz.  Elle  contient  cependant  1'essentiel  de  ce  qu'on 
pent  savoir  dans  le  cas  ge'ne'ral  et  des  renseignements  beaucoup  plus  impor- 
tants  dans  tous  les  cas  particuliers  les  plus  usuels. 

Mais  le  probleme  ge'ne'ral  des  Equations  diffe'rentielles  est  autrement  difficile. 
Les  petites  regions  dont  nous  parlions  ne  peuvent  m£me  plus  &tre  conside're'es 
inde'pendamment  les  unes  des  autres.  On  doit  les  ranger  dans  un  ordre 
determine',  et  les  calculs  relatifs  a  Pune  d'elles  ne  peuvent  £tre  commences 
sans  qu'on  ait  exe"cut£  jusqu'au  bout  ceux  qui  concernent  les  pr6ce'dentes. 
En  ge'ne'ral,  il  arrive  qu'on  ignore  a  priori  jusqu'a  Famplitude  des  pas  succes- 
sifs  qu'on  peut  ainsi  effectucr,  c'est-a-dire  jusqu'aux  dimensions  des  regions 
partielles  successives  :  c'est  ce  qu'on  ne  connait  qu'au  moment  m&me  ou  Ton 
atteint  chacune  d'elles. 

Les  difficulte's  dont  nous  venons  de  parler  s'aggravent  encore  —  et  m£me 
d'autres  toutes  diffe'rentes  apparaissent  —  si,  au  lieu  d'e"quations  differ entielles 
ordinaires,  on  a  a  traiter  des  Equations  aus  d^rive'es  partielles. 

L'inte"gration  des  Equations  difF^rentielles  et  aux  de"rive"es  partielles  est 
reste^e  jnsqu'ici  le  probleme  central  de  la  math.e'matique  moderne.  Elle  en 
restera  vraisemblablement  encore  1'un  des  problemes  capitaux,  m6me  si  la 
Physique  poursuit  vers  le  discontinu  Involution  qui  se  dessine  a  1'heure 
actuelle. 

La  th6orie  des  Equations  diff^rentielles  fut  aussi  la  premiere  a  attirer 
1'attention  de  Poincare".  Elle  fait  Tobjet  de  sa  These  (1879). 

Notons  cependant  que,  sous  Fmfluence  du  maitre  qui  gouverna  la  ge'ne'ra- 
tion  pre'ce'dente,  j'ai  nomm^  Hermite,  le  debutant  ne  craignait  pas  de  suivre 
presque  au  m^me  moment  une  voie  pour  ainsi  dire  oppose'e  a  la  premiere, 
celle  de  l'Arithm<3tique. 

La  These  de  Poincar£  contient  d^ja  sur  les  Equations  difF^rentielles  un 
r^sultat  d'une  forme  remarquable,  destin6  a  ^tre  plus  tard  pour  lui  un  puissant 
levier  dans  ses  recherches  de  Me"canique  celeste.  Des  ce  premier  travail, 
il  6tait,  d'autre  part,  conduit  a  perfectionner  le  principal  outil  dont  se  fut 
servi  jusque  la,  la  the'orie  des  Equations  difF^rentielles,  outil  qu'il  allait  utiliser 
mieux  que  qui  que  ce  soil,  en  me"me  temps  que,  le  premier,  il  allait  enseigner 
&  s'en  passer  :  la  the'orie  des  fonctions  analytiques. 


156  L'CEUVRE   MATH^MATIQUE   DE   POINCARE. 

Celle-ci  allait,  presque  imm^diatement  apr&s,  lui  devoir  une  de  ses  plus 
belles  conqu£tes  :  c'est  en  iSSoque  les  fonctions  fuchsiennes  vinrent  designer 
Poincar^  a  Fattention  et  a  Padmiration  de  tous  les  g6om&tres. 


I.  —  La  theorie  des  fonctions. 

1.     LES  FONCTIONS  FUCHSIENNES. 

Auxiliaire  puissant  pour  tout  le  Calcul  infinitesimal,  la  Th6orie  des 
fonctions  analytiques  a  fait  ses  preuves  de  fa^on  particuli&rement  <§clatante 
dans  la  resolution  du  probl&me  des  quadratures,  mais  surtout  lorsqu'il  s'est 
agi  de  celles  qui  portent  sur  des  fonctions  alg^briques,  c'est-a-dire  des 
integrates  elliptiques  et  ab^liennes  (1). 

On  sait  —  et,  avant  de  parler  des  fonctions  fuchsiennes,  nous  rappellerons 
—  les  circonstances  grace  auxquelles  ce  degr6  de  perfection  a  pu  <Hre  atteint. 

La  premiere  d'entre  elles  n'est  autre  que  la  polydromie  de  Tintegrale  cher- 
ch^e,  c'est-a-dire,  par  un  ph6nom£ne  qui  n'est  pas  isol6  en  Mathtknatiques  — 
n'a-t-on  pas  dit  de  Cauchy  que  ses  deux  grandes  forces  furent  ce  qui  avait  6t£ 
Peffroi  de  ses  pr(Jd(5cesseurs,  Tinfini  et  Fimaginaire !  —  le  fait  m6me  qui 
paraissait  devoir  constituer  la  principale  difficult**  de  son  £tude.  C'est  a  cette 
polydromie  que  la  fonction  inverse,  obtenue  en  prenant  Pint<Sgrale  considdrtSo  u 
comme  variable  ind^pendante ,  doit  sa  double  p^riodicite. 

Cette  fontion  inverse  doit,  par  contre,  <Hre  uniforme  et,  pour  qu'il  en  soit 
ainsi,  on  doit  choisir  de  mani6re  convenable  Tintegrale  elliptique  qui  sert 
de  point  de  depart.  Ici,  ce  choix  —  celui  de  1'integrale  de  premiere  esp^ce  — 
est  ais£  a  faire. 

La  double  p&riodicite,  a  son  tour,  donne  la  clef  de  toutes  les  autres 
propri^tes.  II  y  a  plus.  L'analyse  moderne  laisse  compl^tement  de  cdte,  au 
premier  abord,  le  probl&me  d'integration  pos^  et  prend  pour  premier  objet 
I'^tude  g£n6rale  des  fonctions  doublement  p^riodiques  d'une  variable.  Parmi 
celles-la,  on  d^couvre  ensuite  les  solutions  du  probl^me  en  question. 

On  obtient  ainsi  tout  Tensenible  de  r^sultats  qui  font  de  Integration  des 

( ! )  Poincar^  a  eu  ici  meme  ^  retracer  1'histoire  de  ces  theories  :  voir  sa  Notice  sur  Weier- 
strass,  t.  22  des  Acta  Mathematica,  p,  1-18, 


L'CEUVRE  MATHEMATIQUE   DE  POINCARE.  i5? 

differentielles  elliptiques  Fun  des  problemes  les  mieux  r^solus  de  1'Analjse  : 
celui  m£me  que  Poincare,  dans  la  conference  a  laquelle  nous  faisions  allusion 
plus  haul,  prenait  comme  exemple  typique  a  cet  egard. 

Les  proprietes  des  fonctions  abeliennes  sont  assur^ment  moins  simples  et 
surtout  moins  commodes  pour  le  calcul  nume'rique  que  celles  des  fonctions 
elliptiques  :  elles  sont  toules  paralleles,  neanmoins,  et  ne  contentent  pas  moins 
completement  ce  sens  de  la  beaute  dans  lequel  Poincare  nous  a  appris  a 
discerner  le  veritable  mobile  du  savant. 

La  notion  de  periodicity  suffit  a  elle  seule  pour  constiluer  ces  deux  theories, 
modeles  d'harmonie  et  d'elegance. 

Mais  par  cela  m6me,  on  peut  dire  qu'elle  avait  rendu  tous  les  services  qu'on 
en  pouvait  attendre,  et  nulle  autre  notion  fonctionnelle  analogue  ne  paraissait 
offrir  la  m£me  fecondite. 

Les  deux  exemples  qui  ont  inspire  Poincare  etaient  cependant  deja  connus  : 
je  veux  parler  de  la  fonction  modulaire  eL  de  1'inversion  de  la  serie  hyper- 
geometrique,  objets  1'une  des  admirables  travaux  d'Hermite,  1'autre  du 
Memoire  fondamental  qu'on  doit  a  M.  Schwarz.  Us  n'avaient  pas  fait  apercevoir 
aux  geometres  la  generalisation  bardie  qui  devait  conduire  aux  fonctions 
fuchsiennes* 

Cette  generalisation  etait  si  audacieuse  que  le  premier  mouvement  de 
Poincare  fut  de  la  regarder  comme  impossible.  II  nous  apprend  lui-me'me  (1) 
qu'il  s'efforga  tout  d'abord  de  montrer  Vmexistence  des  fonctions  dontils'agit. 
C'est  par  une  de  ces  intuitions  d'apparence  spontanee  dont  on  verra  1'histoire 
dans  Sciences  et  Methode,  qu'il  s'engagea  dans  la  voie  opposee. 

Poincare  va  se  placer  dans  des  conditions  incomparablement  plus  generates 
et  plus  variees  que  les  fondateurs  de  la  theorie  des  fonctions  elliptiques;  mais 
la  marche  suivie  sera  cependant  toute  semblable  de  part  et  d'autre. 

A  la  place  du  probleme  de  quadrature,  il  considere  une  equation  diffe- 
rentielle  lineaire  ^  coefficients  algebriques.  Ce  probleme  depasse  le  premier 
de  toute  la  distance  qui  separe  1'integration  des  equations  differ enti elles  de  la 

(x)  L'exemple  des  fonctions  fuchsiennes  est  precis£ment,  on  le  salt,  celui  que  Pomcar£  a  choisi 
pour  de'crire  au  point  de  vue  psychologique,  1'invention  naath^matique  et  montrer  le  role 
essentiel  qu'y  joue  1'inconscient. 

Ajoutons  que,  chez  Poincar^,  I'ide'e  premiere  d'une  recherche  est  toujours  mise  en  6vidence 
avec  une  merveilleuse  nettet6  qu'on  est  loin  de  trouver  toujours  au  meme  degre"  chez  les  plus 
grands  maitres.  G'est  dire  que  Paccusation  d'obscurit£  lancde  parfois  contre  lui  nous  parait,  du 
moins  au  point  de  vue  du  lecteur  qui  va  au  fond  des  choses,  exprimer  le  contraire  de  la  ve"rite\ 


1 58  L'ffiUVRE  MATHEMATIQUE   DE   POINCARE. 

simple  recherche  des  primitives;  parmi  les  Equations  differ entielles,  toutefois, 
les  Equations  lin^aires  se  pr^sentaient  a  lui  comme  les  plus  simples  de  toules. 

La  polydromie  des  fonctions  obtenues  par  quadratures  se  retrouve  chez 
celles  qui  sont  dgfinies  par  des  Equations  lin^aires;  quoique  plus  complete 
que  le  premier,  ce  nouveau  mode  de  polydromie  6tait  bien  connu  par  les 
recherches  de  Fuchs,  auquel  Poincar£  sera  ainsi  conduit  a  dtfdier  la  nouvelle 
conception. 

On  apergoit  d6s  lors  imm^diatement  ce  qui  devra  corresponds  a  la  notion 
de  p£riodicit6  :  ce  role  appartient  a  un  certain  groupe  de  substitutions 
lindaires. 

Tout  ceci  apparaissait  sur  les  deux  exemples  que  nous  citions  tout  a  1'heure, 
de  la  fonction  modulaire  et  de  la  s(3rie  liyperg£om£trique.  Dans  ces  deux  cas, 
c'est  bien  un  groupe  de  substitutions  lin^aires  qui  intervient,  et  ce  groupe 
satisfait  a  la  condition  indispensable  —  nous  renvoyons  sur  ce  point  a  I'cxposti 
de  Poincar^  (4)  —  d'etre  discontmu,  c'est-a-dire  tel  que  les  transform^  d'un 
m£me  point  n'aillent  pas  en  s'accumulant  en  nombre  iniini  dans  le  voisinage 
imm^diat  de  1'un  quelconque  d'entre  eux  (sauf  dans  certaines  regions 
particuli&res  ou,  plus  exactement,  le  long  de  certaines  lignes  du  plan). 

II  poss^de  m6me  la  seconde  propri<5t6  par  laquelle,  entre  les  groupes  lin&nres 
discontinus,  Poincar<§  distingue  les  groupes  fuchsiens,  a  savoir  celle  de  laisser 
invariant  un  certain  cercle  (dit  CQYclefondamental). 

Mais  il  restait  a  s'inspirer  plus  6troitement  encore  de  1'excmple  des  fonctions 
elliptiques  :  je  veux  dire,  conform^ment  a  ce  qui  pr^c&de,  u  partir  a  priori 
du  groupe  en  question,  en  laissant  de  cot£  d'abord  liquation  diflferentielle. 

II  fallait  m^me  faire  un  pas  de  plus,  et  cette  premiere  transformation  de  la 
question,  suffisante  dans  les  cas  trails  ant^rieurement,  ne  I7(5tait  plus  cette 
fois;  c'est  sans  doute  pour  cette  raison  que  les  d(5couvertes  mentionn6es  plus 
haut  d'Hermite  et  de  Schwarz  ^taient  jusque  l£  resides  isol^es  et  nyavaient  pas 
mis  sur  la  voie  de  1'infinie  multiplicity  d'autres  groupes  analogues  qui  allait 
s'offrir  a  Poincar^.  Dans  le  probl^me  actuel,  on  ne  remonte  pas  assez  loin  en 
s'adressant  a  la  notion  du  groupe,  trop  complexe  elle-m&me  pour  jious  servir 
de  fondement  premier.  II  faut,  si  nous  osons  nous  exprimer  ainsi,  placer  plus 
bas  encore  les  fondations  et  appuyer  a  son  tour  la  notion  du  groupe  sur  un 
autre  substratum. 


(!)  Voir  son  Analyse,  p.  43,  OEuVres,  t.  I,  p. 


VIII. 


L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE.  169 

Ce  substratum  est  essentiellement  g6om£trique  :  Poincar£  le  trouve  dans 
le  polynome  generatem^  c'est-a-dire  (*)  dans  la  figure  qui  est  au  groupe 
ce  que  le  parall^logramme  des  p&iodes  est  a  la  double  periodicity.  " 

Cette  notion  intervenait  forc6ment  dans  les  examples  d'Hermite  et  de 
Schwarz.  Mais  Poincar£  montre  qu'elle  caract^rise  tout  groupe  discontinu. 
Pure  intuition  dans  le  premier  M^moire  sur  les  groupes  fuchsiens,  ce  fait  est 
(5tabli  en  toute  rigueur  dans  un  des  M^moires  suivants  (2),  et  une  r&gle 
g^n^rale  est  £nonc£e  d'apr&s  laquelle,  a  chaque  point,  on  pent  faire  corres- 
pondre  un  de  ses  transform^  et  un  seul  (a  des  cas  limites  pr£s)  de  mani&re 
que,  le  premier  prenant  toutes  les  positions  possibles,  le  second  d^crive  le 
polynome  g£n£rateur  demand^. 

Mais,  nous  1'avons  dit,  loin  de  chercher  sjst^matiquement  ce  dernier  en 
partant  du  groupe,  Poincar^  suit  bien  plutot  la  marche  inverse  et  part  de  la 
notion  du  polygone,  aussi  intuitive  pour  nous  que  celle  du  groupe  nous  est, 
au  fond,  peu  familiSre  encore.  L' expression  de  «  polygone  g£n6rateur  » 
exprime  d'une  mani&re  parfaite  comment  les  choses  se  passent  dans  1' Analyse 
de  Poincar^  :  c'est  lui  qui  engendre  v6ritablement  le  groupe.  Non  seulement 
il  suffit  enti&rement  a  le  d^finir,  mais  on  lit  imm<3diatement  et  sans  la 
moindre  difficult^,  sur  cette  figure,  toutes  les  propri£t£s  essentielles  que  Ton 
veut  en  connaitre  :  substitutions  fondamentales,  relations  entre  ces  substi- 
tutions, etc. 

En  particulier,  il  convient  de  noter,  au  point  de  vue  des  applications  des 
fonctions  fuchsiennes,  la  simplicity  avec  laquelle  s'exprime  ainsi  la  relation 
entre  un  groupe  et  ses  sous-groupes  :  le  polygone  g£n£rateur  P7  du  sous- 
groupe  est  form£  par  la  juxtaposition  du  polygone  g£n6rateur  P  (corres- 
pondant  au  groupe  contenant)  et  de  quelques-uns  des  transform6s  de  P. 

On  voit  combien  serait  chim^rique,  ici,  la  distinction,  dont  on  a  tant  abus6, 
entre  la  tendance  g£om6tiique  et  la  tendance  analytique.  Tout  n'est  que 
formes  et  que  vue  g6om6trique  a  la  base  de  cette  s£rie  de  M^moires  auxquels 
la  haute  Analyse  allait  devoir  un  de  ses  progr&s  les  plus  importants ;  et  toute 
1'oeuvre  de  Poincar^  offre  des  exemples  analogues. 

La  th^orie  est  ainsi  fondle  moyennant  une  hypoth^se  essentielle,  ci  laquelle 
doit  satisfaire  un  polygone  g6n6rateur  pour  donner  naissance  a  un  groupe 


(!)  Voir  Analyse,  p.  44,  OEuvres,  t.  I,  p.  ix. 

(2)  Acta  Mathematics  t.  4  (i884),  p.  201-812,  OEuvres,  t.  II,  p.  3oo. 


160  L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

discontinu  :  il  faut  que  ce  polygone  et  ses  homologues  successifs  puissent 
paver,  sans  chevauchement  ni  lacune,  le  plan,  ou  plutot  une  portion  deter- 
minee  du  plan  (dans  le  cas  des  groupes  fuchsiens,  Pinterieur  de  ce  cercle 
fondamental  qui  est  suppose  invariant  par  toutes  les  substitutions  du  groupe). 
Nous  ne  redirons  pas  en  detail,  apr£s  Poincare  (*)  comment  la  condition 
qu'il  indiqua  a  cet  effet,  si  simple  que  fut  son  enonce  geometrique,  etait  d'une 
demonstration  particuli&rement  difficile,  ni  comment,  pour  triompher  de 
cette  difficult^,  il  fut  conduit  a  faire  intervenir  un  auxiliaire  inattendu,  la 
geometrie  non  euclidienne.  La  forme  sous  laquelle  il  Pemploya,  —  voisine, 
au  surplus,  de  celles  de  Cayley  et  de  M.  Darboux  (-)  —  diff&re  a  peine, 
au  fond,  de  1'image  bien  connue  par  laquelle,  plusieurs  annees  plus  lard  (:{), 
il  mettait  en  Evidence,  d'une  maniere  frappante,  Pimpossibilite  de  trouver 
une  contradiction  dans  cette  geometrie. 

La  ru£me  methode  est  employee  pour  fonder  la  theorie  des  groupes 
kleineens  (groupes  lineaires  discontinus  autres  que  les  groupes  fuchsiens, 
c'est-a-dire  sans  cercle  fondamental  invariant),  ma  is  avec  un  caract&re 
nouveau  sur  lequel  il  y  a  peut-£tre  lieu  de  dire  un  mot.  Poincare  est  conduit 
a  une  introduction  de  Pespace  a  trois  dimensions  tout  analogue  a  la  tli^orie 
des  imaginaires  qui  est,  g6om6triquement  parlant,  la  gt^om^trie  du  plan 
employee  a  e"clairer  celle  de  la  droite.  On  sait  qu'une  telle  generalisation 
de  la  th^orie  des  imaginaires  a  1'espace  n'est  pas  viable  en  general.  Elle  e.st 
possible,  cependant,  quand  les  raisonnements  ne  font  intervenir  que  certaines 
operations  particuli£res,  les  transformations  conformed  de  1'espace  (c'est- 
a-dire  les  inversions  et  leurs  combinaisons);  et  c'est  precisement  ce  qui  a 
lieu  pour  Tetude  des  groupes  kleineens. 

Mais  nous  n'en  avons  pas  encore  ilni  avec  1'aspect  geometrique  de  la 
question.  Non  seulement  nous  venons  de  voir  qu'il  fournit  a  la  theorie  sa 
meilleure  base,  celle  qui  lui  assure  la  marche  la  plus  claire  et  la  plus  intuitive, 
mais,  en  lui  m&me,  il  reservait  a  Poincare  de  surprenantes  decouvertes. 

Le  groupe  admet  en  effet  toujours  des  points  singuliers^  en  lesquels  son 
caract^re  discontinu  disparait,  c'est-£-dire  que,  au  voisinage  de  Pun  d'entre 
eux,  les  homologues  du  polygone  g^nerateur  se  font  de  plus  en  plus  petits  et 


C1)  Analyse,  p.  45,  OEuvres,  t.  I.  p.  x. 

(2)  Poincar^  se  rapprocha  plus  £troitement  encore  de   ces  dernieres  dans  les  applications 
qu'il  fit  des  fonctions  fuchsiennes  et  de  la  ge'ome'trie  non  euclidienne  4  TArithm^tique. 

(3)  Revue  generate  des  Sciences,  t.  3,  1892,  p.  75. 


L'CEUVRE   MATH^MATIQUE   DE  POINCARE.  l6l 

de  plus  en  plus  series,  de  sorte  que  les  homologues  d'un  m£me  point 
quelconque  vont  en  s'y  condensant  a  1'infmi  :  points  qui  sont  forc6menl 
singuliers  pour  la  fonction  correspondante. 

Dans  les  groupes  fuchsiens,  ces  points  sont  forc^ment  tous  situ^s  sur  le 
cercle  fondamental.  Us  peuvent  constituer  par  leur  ensemble  ce  cercle  tout 
entier,  lequel  sera  alors,  pour  la  fonction,  une  ligne  singuliere  ou  coupure 
essentielle. 

La  connaissance  de  ce  genre  de  singularity  des  fonctions  analjtiques  £tait 
alors  relativement  r^cente.  Toutefois,  la  fonction  modulaire  (qui,  nous  1'avons 
dit,  est  une  fonction  fuchsienne  particuli^re)  en  avait  d^ja  offert  un  exemple 
int&ressant.  A  cot£  de  ce  premier  exemple,  les  fonctions  fuchsiennes  viennent 
en  offrir  toute  une  cat^gorie  d'aulres  analogues. 

Le  cas  oppos6,  ou  les  points  singuliers,  tout  en  £tant  encore  en  nomhre  infini 
sur  la  circonference  du  cercle  fondamental,  ne  1'occupent  pas  tout  enti&re, 
de  sorte  que  la  fonction  fuchsienne  consid^ree  esl  prolongeable  au-dela  de  ce 
cercle,  semblait  au  premier  abord  plus  simple  et  plus  conforme  a  la  norme 
ordinaire  que  celui  ou  ce  cercle  est  une  coupure.  II  est,  en  r<5alit6,  beaucoup 
plus  remarquable  encore.  La  figure  form^e  par  ces  points  singuliers  n'estautre, 
en  effet,  que  1'ensemble  par  fait  non  continu,  Fune  des  conqu^tes  les  plus 
importantes  de  la  th^orie  des  ensembles. 

Or,  a  cette  £poque,  celle-ci  n't^tait  pas  encore  constitute. 

G'est  seulement  apr^s  1'apparition  de  la  th^orie  des  groupes  fuchsiens  que 
M.  Bendixson  et  Cantor  Iui-m6me  retrouverent  ces  ensembles  si  paradoxaux. 
C'est  avec  elle?  par  consequent,  qu'ils  firent  leur  premiere  apparition  dans  la 
Science. 

Ce  n'est  pas  tout.  Les  groupes  klein6ens  peuvent,  eux  aussi,  admettre  des 
lignes  singuli^res.  Mais  celles-ci  ne  sont  plus  des  cercles.  Elles  ne  cessent 
d'affecter  cette  forme  simple  que  pour  prendre  une  de  celles  que  1'ancienne 
Math^matique  ignorait,  que,  sans  le  secours  de  PAnalyse,  notre  esprit  est 
impuissant  a  concevoir,  et  auxquelles  est  attach^  le  nom  de  M.  Jordan. 

C'est  une  courbe  jordanienne  qui,  cotnme  le  montre  Poincar6,  tient  la  place 
du  cercle  lorsqu'on  passe  de  F<Stude  des  groupes  fuchsiens  a  celle  des  groupes 
klein^ens,  et  une  courbe  jordanienne  dgpourvue  soit  de  tangente,  soit  de 
courbure  en  tous  ses  points. 

Certes,  les  examples  de  courbes  sans  tangentes,  sont  classiques  depuis 
H.  P.  —  XI  21 


1 62  L'CEUVRE  MATHEMATIQUE   DE  POINCARE. 

Riemann  et  Wcierstrass;  mais  toutle  monde  comprendra  la  difference  profonde 
qui  existe  enlre  un  fait  obtenu  dans  des  circonstances  rassemblees  a  plaisir, 
sans  autre  but  el  sans  autre  inttfret  que  d'en  montrer  la  possibility  sorle  de 
piece  de  musee  teralologique,  et  le  meme  fait  rencontre  an  cours  d'unc 
theorie  qui  a  toutes  ses  racines  dans  les  probl^mes  les  plus  usuels  ct  les  plus 
essentiels  de  F  Analyse  generale. 

La  theorie  des  groupes  kleineens  offre  le  premier  exemple  de  cello  cspfcce, 
—  le  seul  m£me  que  Ton  connaisse,  si  nous  ne  nous  trompons  —  en  ce  qui 
concerne  la  notion  de  courbe  jordanienne.  Le  fait  qu'on  conduise  ainsi 
necessairement  a  cette  notion  nous  fait  sentir,  d£s  cet  exemple,  combien  les 
resullals  de  Poincare  pen&trenl  profondemenl  dans  la  nature  int.ime  des  choses. 


La  notion  des  groupes  fuclisiens  et  kleineens  etant  ainsi  fondle,  unv  function 
fuchsienne  (ou  kleineenne)  est  celle  qui  reste  invarianle  par  toutes  les 
substitutions  d'un  de  ces  groupes,  Pour  trouver  un  tel  invariant,  Poincare 
[brine  d'abord  un  invariant  relalij\  c'est-a-dire  une  ibnction  qui,  an  lieu  de 
tester  inalt6ree  par  une  quelconque  des  substitutions  en  question,  est 
nultipli^e  par  un  facteur  de  forme  connue  et  simple.  C'est  un  inleriiiddiairc 
^lassique  dans  beaucoup  de  recherches  dc  cette  nature  non  seulement  dans  la 
,h(5orie  des  fonctions  elliptiques  (lesquelles  se  pr^sentent  comme  quotients  de 
biictions  0)  mais  dans  celle  des  invariants  de  Falg&bre,  ou  niOme  de  certains 
nvariants  diff&rentiels  (1).  Pour  les  fonctions  th<Hafuchsiennes,  comme  pour 
es  invariants  alg^briques,  le  facteur  dont  il  s'agit  est  uno  puissance  du  d^ter- 
ninant  de  la  substitution.  Par  la,  et  par  lour  mode  m£me  de  formation,  l<*s 
bnctions  th^tafuchsiennes  different  des  fonctions  0  ordinaires  ct  lendonl  bien 
>lutot  &  se  rapprocher  de  la  fonction  elliptique  pu  elle-m6me,  telle  que  la 
brme  Weierstrass.  Mais  celle-ci  poss^de  la  propiut3t6  d'invariance  absolue  et 
jvite,  par  consequent,  le  detour  employe  dans  la  theorie  actuelle,  detour  dont 
a  necessite,  comme  un  peu  de  reflexion  suffit  a  le  faire  upercevoir,  est 
ndissolublement  liee  &  la  presence  des  points  singuliers  du  groupe. 

Par  contre,  Poincare  a  montre  que  la  methode  ainsi  modifier  s'applique 
L  un. groupe  discontinu  quelconque. 

Une   fois  obtenues  les   fonctions  ihetafuchsiennes,  le   quotient   de  deux 

(*)  Voir,  par  exemple,  plusieurs  travaux  de  M.  Tresse, 


L'CEUVREVMATHEMATIQUE  DE  POINCARE.  i63 

d'entre  ellcs,  c'est-a-dire  de  deux  invariants  relalifs,  doniie,  comme  dans  la 
theorie  classique  des  formes  algebriques,  une  des  fonctioiis  invariantes 
cherchees. 

Les  fonctions  fuchsiennes  son!  formees. 

La  nouvelle  notion  ainsi  creee,  si  superieure  en  generallte,  en  extension,  a 
celles  sur  le  modele  desquelles  elle  avait  ete  edifiee,  ne  leur  cede  en  rien  sous 
le  rapport  de  la  comprehension.  Si  Pon  ne  dispose  pas,  celle  fois,  de  series 
rapidement  convergentes  a  la  facon  des  series  G),  on  pent  dire  que  loutes  les 
autres  proprietes  dont  1'imposant  ensemble  forme  la  theorie  des  fonctions 
elliptiques  trouvent  encore  leurs  analogues.  Une  seule,  le  theoreme  d'addi- 
tion,  n/a  ete  etendue  par  Poincare  qu'a  certaines  categories  de  fonctions 
fuchsiennes,  en  relation,  comme  nous  le  dirons  plus  loin,  avec  les  applications 
arithmetiques. 

Mais  1'une  d'elles  domine  toutes  les  autres  :  les  fonctions  fuchsiennes 
presentent,  comme  les  fonctions  elliptiques,  ce  caractere  que  deux  quel- 
c.onques  d'entre  elles  appartenant  au  meme  groupe,  sont  liees  par  une  relation 
algebrique. 

Dans  le  cas  des  fonctions  elliptiques,  cette  relation  est  force'meiit  tres  parti- 
culiere  :  elle  est  de  genre  o  ou  i.  Au  contraire,  ce  qui  fait  1'importance  des 
fonctions  fuchsiennes,  c'est  que  toule  Equation  algebrique  a  deux  variables 
donne"e  peut  6tre  obtenue  par  leur  moyen. 

Dans  la  demonstration  de  cette  proposition  residail  une  autre,  la  plus 
profonde  peut-^tre  des  grandes  difficult*^  du  probl^jme. 

L'ope"ration  qu'il  s'agit  d'effecluer  est  deja  de  celles  auxquelles  s'appliquent 
les  reflexions  emises  par  Poincare  dans  son  Analyse  (A),  c'est-a-dire  qu'elle 
correspond,  dans  la  nouvelle  theorie,  a  ce  qu'est  le  choix  de  Pintegrale  de 
premiere  espece  dans  celle  des  fonctions  elliptiques  (-).  Mais  autant  sont 
simples  les  regies  qui  president  a  ce  dernier  choix,  autant  celui  de  la  variable 
a  1'aide  de  laquelle  les  coordonnees  d'une  courbe  algebrique  s^expriment  par 
des  fonctions  fuchsiennes  est  un  resultat  cache. 

Poincare  y  parvint  par  une  audacieuse  methode  de  continuite.  M.  Klein, 
qui  avait  ete  immediatement  frappe  par  la  puissance  de  la  nouvelle  conception 


(')  Page  48,  GEuvres,  t.  I,  p.  xm. 

(2)  G'est  ainsi   que   la  representation   d'une  cubique  par  les  functions  elliptiques  repose  sur 
['introduction  de  I'int^grale  de  premiere  espece  attache1  e  a  cette  courbe. 


164  L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

et  avail  attire  sur  elle  1'attention  g^n^rale,  obtenait  a  pen  pres  en  m£me  temps, 
par  line  voie  analogue,  le  m6me  re^suTlat,  a  une  objection  pres  que  Poincare 
fuL  seul  a  apercevoir  et  dont  la  refutaiion  n'est  pas  une  des  parties  les  moins 
delicates  de  cette  delicate  mtithode  (*). 

Gelle-ci  repose,  en  effet,  sur  la  comparaison  de  deux  multiplicites,  1'une 
dont  un  point  quelconque  correspond  a  un  groupe  fuchsien  et  a  pour 
coordonn^es  certains  param^tres  dont  depend  ce  groupe,  1'autre  dont  chaque 
point  correspond  de  m£me  a  une  equation  lineaire  du  second  orclre  salisfaisant 
a  certaines  conditions  donn^es.  Or  ces  multiplicity,  on!  re  lesquelles  il  s'agit 
d'elablir  une  correspondance  univoque,  sont  limitees,  et  la  demonstration 
ii'est  complete  que  moyennant  une  6tude  appro  fondie  de  Icurs  fronti&res. 

Ainsi  tut  etablie  cette  grandiose  proposition  qui,  suivant  P  expression  de 
M.  Humbert,  apporlait  «  los  clefs  du  monde  alg^brique  »  en  versant  sur  les 
propriety  les  plus  cacliees  des  courbes  algtibriques  quelconques  la  imnne 
lumi^re  dont  les  fonctions  elliptiqucs  avaient  eclaire  celles  des  courbes  du 
troisi^me  degre. 

D'autre  part,  la  methode  employee  exprimait  deja,  par  les  fonctions  fuoh- 
siennes,  les  int^grales  de  certaines  Equations  diff6rentielles  linoaires  du  second 
ordre  ajant  pour  coefficients  des  fonctions  alggbrJques  attachees  a  la  courbt* 


Ces  equations  etaient  parliculi^rcs,  et  devaient  forceSmenl  1'tHre  pour  les 
raisons  m^mes  dont  nous  avons  parle  tout  a  1'hcure. 

Mais  une  ibis  trouv6es  ces  equations  lineaires  particulieres  qui  s'inl6#rent 
par  des  fonctions  fuchsiennes  et  dont  la  recherche  est  Pobjcl  de  la  methods 
de  continuite,  celles-ci  a  leur  tour,  mojennant  une  nouvelle  extension  de  lu 
methode,  conduisent  a  1'  integration  •  de  toutes  les  Equations  difl^rentielles 
lin^aires  a  coefficients  alg^briques.  II  suffit,  pour  cela,  d'introduire  un  nouvel 
algorithme,  generalisation  du  premier  :  les  fonctions  zetafuchsiennes. 

Ainsi,  ce  que  les  fonctions  elliptiques  et  abeliennes  avaient  donn<§  pour  le 
probl^me  des  quadratures,  la  th^orie  nouvelle  le  fournit  pour  le  probl&rne 
beaucoup  plus  g<*n6ral  et  beaucoup  plus  difficile,  de  rintegration  des  Equa- 
tions diflferentielles  lin^aires. 


(l]  Plus  lard,  une  remarque  de  M.  Schwarz  devait  fournir  ^  Poincar^  1'occasion  de  revenir 
apres  M.  Picard  sur  celte  question  et  de  donner  du  m£me  the"oreme  une  seconde  demonstration 
se  rattachant  a  ses  recherches  de  Physique  maihtoatique. 


I/CEUVRE   MATHEMATIQUE   DE   POINCARE.  1 65 

Ce  grand  re'sultat  aurait,  a  lui  seul,  attire"  sur  cette  the'orie  et  sur  son  auteur 
Fattention  universelle  des  ge'ometres,  si  1'ampleur  des  generalisations,  la 
hardiesse  des  me'thodes,  1'imporlance  des  obstacles  surmonte's  n'y  avaient  pas 
suffi. 

Gomme  dans  toute  la  suite  de  ses  travaux,  Poincare"  n'avait  pas  seulement 
enrichi  la  science  de  faits,  mais  de  toute  une  cate'gorie  nouvelle  de  me'thodes, 
Combien  celle-ci  6taient  f(3condes  en  progres  ulte'rieurs,  c'esl  ce  que  montrait, 
imme'diatement  apres ,  la  belle  the'orie  des  groupes  hyperfuchsiens  due  a 
M.  Picard  et  que,  d'ailleurs,  Poincare'  lui-m£me  devait,  a  son  tour,  perfec- 
tionner  (*),  en  me"  me  temps  qu'il  allait  de'fmir  une  autre  cate'gorie  de  trans- 
cendantes  remarquables ,  celles  qui  admettent  un  the"oreme  de  multipli- 
cation (-). 

Mais  surLout  les  fonctions  fuchsiennes  donnent  nn  nouvel  instrument,  leplus 
puissant  que  Ton  possede,  pour  l'e"tude  des  fonctions  algebriques  et  de  leurs 
integrates  :  instrument  qui  a  fait  ses  preuves  entre  les  mains  de  plusieurs 
auteurs  —  citons,  entre  autres,  les  resultats  obtenus  par  M.  Humbert  relati- 
vement  aux  sommes  qui  font  1'objet  du  the'oreme  d'Abel.  C'est,  d'autre  part, 
grace  a  lui,  nous  allons  le  voir,  que  Poincare"  a  re'alis^  une  partie  des  progres 
qu'il  a  fait  faire  c\  cette  e'tude. 


La  the'orie  des  fonctions  elliptiques  est  aujourd'liui,  sinon  achevee  —  mot 
qui  n'est  guere  do  mise  a  propos  de  science  —  du  moins  suffisamment 
e'claircie,  ct  Poincare"  n'a  pas  eu  a  s'y  attaquer  directement,  bien  que, 
a  1'occasion  de  ses  recherches  arithm^tiques,  dont  nous  parlerons  plus  loin,  il 
ait  forme'*plusieurs  de"veloppements  nouveaux  de  ces  fonctions. 

Mais  les  fonctions  abeliennes  posent  encore,  et  ont  post}  a  Pomcar6,  toute 
une  se"rie  de  problemes. 

Pour  une  partie,  ces  recherches  se  rattachent  eHroitement  a  celles  qui 
precedent,  en  vertu  des  relations  qui  existent  entre  les  fonctions  fuchsiennes 
et  la  the'orie  des  fonctions  algebriques,  avec  laquelle  cclle  des  fonctions 
abeliennes  ne  fait  qu'un. 


(*)  Voir  Analyse  p.  85.  GEuvres,  t.  IV,  p.  296. 

(2)  On  sait  les  r^sulluls  cbsenliols  que  M.  Pieard  a  egalemenl  obtenus  dans  cello  derniere  voic 
en  formant  les  fonctions  qui  subisscnt  des  tvansformallons  birationnellcs  lovsqu'an  augment e  la 
variable  de  certaines  periodes. 


l66  L/GEUVRE   MATHEMATIQUE   DE   POINCARE. 

C'est  ainsi  que  Poincare  put  decouvrir  les  relations  particuliSres  tres 
cachees  qui  prennent  naissance  entre  les  periodes  des  integrales  abeliennes 
lorsque  la  courbe  algebrique  dont  elles  derivent  verifie  une  Equation  diiferen- 
tielle  lineaire,  grace  a  Pisomorphisme  qui  a  lieu  entre  le  groupe  de  cette 
Equation  lineaire  et  celui  que  la  the'orie  des  fonctions  fuchsiennes  conduit 
a  introduire  pour  representer  la  courbe .  Par  1'interme'diaire  des  belles 
recberches  de  MM.  Frobenius  et  Cartan,  celte  analyse,  dont  il  faudrait  aussi 
dire  les  relations  avec  PAlgebre  proprement  dite  et  la  theorie  de  Galois,  se 
rattache  a  une  autre  de"couverte  de  Poincure,  la  liaison  entre  les  quantities 
complexes  les  plus  generales  et  la  throne  des  groupes. 

Ce  sont  egalement,  pour  une  grande  parlic,  les  fonctions  fuchsiennes  qui  lui 
permircnt  de  trailer  les  cas  singuliers  des  fonctions  abeliennes;  ils'agitdes  cas 
de  reduction,  dans  lesquels,  parmi  les  int6grales  abeliennes  attachees  a  une 
courbe  algebrique,  en  figurent  une  ou  plusicurs  susceptibles  dc  deriver  d'une 
courbe  plus  simple,  c'est-a-dire  de  genre  inf(5riour. 

On  verra  par  son  Analyse  (*)  comment,  conduit  une  premiere  fois  a  cettti 
question  par  la  pr6c6dente,  il  y  fut  ranienc§  un  peu  plus  tare!  par  deux  tb<k>~ 
remes  de  Weierstrass.  Lorsqu'il  eut  fourni  et  generalise  la  demonstration  <h» 
ces  theoremes  (que  Weierstrass  n'avail  pas  publiee),  d'autres  consequences 
lui  apparurent. 

Ici  encore,  ce  fut  la  theorie  des  fonctions  fuchsiennes  qui  lui  fit  apercevoir 
quelques-unes  des  plus  lointaines,  et  cola  non  seulement  parce  qu'elle  clominc 
la  question  au  point  de  vue  analytique,  mais  aussi  parce  qu'elle  apporta  Taide 
efficace  de  sa  figuration  geometrique,  si  lumineuse,  nous  1'avons  tlit,  en  co  qui 
regarde  les  relations  d'un  groupe  fuchsien  avec  ses  sous-grouptfs. 

Poincare  considere  en  particulier  les  cas  ou  la  reduction  entrahie,  enlre 
deux  courbes  algebriques,  une  correspondance  simplernent  ratiormelle.  D<» 
cette  propriete  ressortent,  lorsqu'on  lui  applique  les  principes  cle  la  lluSorio  des 
fonctions  fuchsiennes,  une  serie  de  consequences  aussi  simples  et  aussi  ele- 
gantes qu'elles  sont  cachees  au  premier  abord. 

Les  cas  de  degenerescence  dont  nous  venons  de  parler  ne  furcnt  pas  sim- 
plement  pour  Poincare  des  difficultes  a  resoudre.  Ce  furent,  au  contraire,  les 
proprietes  de  ces  fonctions  degenerees  qui  Faidfcrenl  par  la  suite  a 
celles  des  aulres  fonctions  abeliennes. 

(!)  Deuxi^me  partie,  X.  OEuvres,  t.  IV,  p.  20o-2gS. 


L'CEUVRE  MATHEMATIQUE   DE   POINCARE.  167 

Mais  cette  deuxi&me  categorie  de  recherches  decoule  d'une  tout  autre  source, 
et,  avant  de  les  aborder,  il  nous  faut  avoir  laisse  de  cote  les  transcendantes  par- 
ticuli&res  pour  nous  occupcr  de  la  theorie  gen^rale  des  fonctions  analytiques. 

2.  RELATIONS  AVEC  L'ARITHMBTIQUE.  ENSEMBLES.   GHOUPES  CONTINUS. 

Toutefois,  avant  d'abandonner  les  groupes  et  les  fonctions  fuchsiennes,  nous 
parlerons  de  travaux  qui,  dans  1'ceuvre  de  Poincare,  s'y  rattachent  plus  ou 
moins  etroitement. 

Tel  est  d'abord  le  cas  pour  la  partie  de  cette  oeuvre  qui  Louche  a  1'Arithme- 
tique. 

A  c6te  des  perspectives  largement  ouverles  dc  1'Analyse  pure  et  de  ses  appli- 
cations geometriques  et  physiques,  la  theorie  des  nombres,  isolee,  au  moins  en 
apparence,  du  reste  de  la  Science,  n'a  pas  cesse  cependant  d'etre  cultivee  par 
les  mathematiciens  de  race.  Avec  MM.  Jordan  et  Picard,  c'est  surtout  Poincare 
qui  contribua  a  perpetuer  a  cet  egard,  dans  notre  pays,  la  tradition  d'Hermite. 
Nous  avons  dit  que  de  cette  tradition  proc&dent  des  notes  presque  contempo- 
raines  de  la  Th£se  dont  nous  avons  parle  en  commengant.  Poincare,  transporte 
d&s  cette  ^poque  les  m6thodes  d'Hermite  au  cas  le  plus  g6n6ral  des  formes  de 
degr£  quelconque  a  un  nombre  quelconque  de  variables. 

Nul  domaine  ou  ces  generalisations  soient  plus  cach^es  que  celui  de  I'Arith- 
m£lique  qui  nous  occupe  en  ce  moment.  La  discontinuity  qui  en  fait  le  carac- 
toe  essentiel  s'y  r6v^le  en  quelque  sorte,  au  point  de  vue  logique,  par  celle  qui 
s6pare  souvent  les  notions  destinies  a  se  montrer  analogues  entre  elles,  en  ne 
les  laissant  se  rattacher  les  unes  aux  autres  que  par  un  fil  t^nu.  En  lisant  les 
Notes  dans  lesquelles  Poincar6  traite  ainsi  les  notions  de  genre  et  d'ordre  d'une 
forme,  on  se  convaincra  a  quel  point  de  telles  analogies  sont  difficiles  a  saisir. 
Poincar6  sut  les  rendre  claires  et  evidentes  et  par  consequent,  1&  comme 
ailleurs,  introduire  la  simplicity  et  la  cohesion  la  ou  semblait  devoir  regner 
1'artifice.  G'est  ce  qui  apparait  encore  a  un  haut  degr6  dans  ses  recherches  sur 
la  reduction  des  formes, 

M.  Jordan  venait  de  montrer  que  la  methode  m&me  d'Hermite  permet 
d'etablir  pour  les  formes  quelconques,  le  th6or£me  d'aprSs  lequel  le  nombre 
des  classes  algebriquement  equivalentes  estfini.  Poincare,  poursuivant  lam£me 
voie,  put  ainsi  g6neraliser  la  notion  de  reduction,  generalisation  que  (comme 


i68  L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

la  precedente,  d'ailleurs)  Hermite  n'avail  donnee,  du.  moins  pour  des  variables 
en  nombrc  superieur  a  2,  quo  rclalivemenl  aux  formes  decomposables  en 
facteurs  lineaires, 

Avec  Poincare'j  on  pent  dire  que  toute  question  disparait,  en  ce  sens  qu'une 
ide"e  d'une  rare  simplicity  fournit  d'un  seul  coup  la  regie  applicable  a  tous  les 
problemes  de  cette  cate'gorie.  La  reduction  demande'e  est  de'compose'e  en  deux 
operations  dont  Tune  ne  depend  que  de  1'Algebre  :  c'est  la  reduction  de  la  forme 
donne'e,  au  senspurement  alg^brique  du  mot.  L'autre  operation  est  entierement 
mde"pendante  de  la  forme  considered  etnede'pend  que  des  proprie'tes  du  groupe 
arithme'tique  :  c'est  une  sortc  de  reduction  par  rapport  a  ce  groupe,  des  substi- 
tutions du  groupe  line'aire  de  1'Algebre,  reduction  qu'on  sail  efiectuer  par  cola 
inline  qu'on  salt  reduire  les  formes  quadra Liques  definies. 

La  solution  de  cette  seconde  partie  du  probleme  elimine,  en  somme,  toules 
les  difficultes  de  nature  aritbmelique. 

La  reduction  des  formes  cubiques  lernaires  se  prusente  comme  application 
imme'diate  de  ce  principe. 

Ces  recherches,  ainsi  que  celles  que  Poincaru  consacra  a  l'(Uude  des  points 
de  coordonn^es  rationnelles  surune  courbe  du  troisiemedegr6,  sont  foncla men- 
tales  dans  la  tbe'orie,  si  peu  exploree  encore,  des  formes  de  degr6  siipcrieur. 

La  the'orie  des  formes  quadratiques  dut,  elle  aussi,  a  Poincare  des  progrks 
essentiels;  et  ceci  nous  ramene  aux  fonctions  fuchsiennes. 

C'est,  on  le  sait,  un  titre  de  gloire  de  quelques-uns  des  plus  grands  matbe- 
maticiens  du  xix°siecle  —  de  Dirichlet,  de  Riomann,  d'Hermite  enlre  uutros  — 
que  d'avoir  su  e'clairer  1'Arithme'tique  a  1'aide  do  1'analyse  du  continu  qui  sem- 
blait,  au  premier  abord,  ne  devoir  jamais  y  penetrer. 

Ce  re'sultat  rcmarquablc  a  mOme  <Hc  obtenu  de  deux,  mnnieres  enli^rcment 
diffe'rentes.  Le  point  de  depart  de  Riemann  est  le  meme  que  celui  do  Dirichlet 
(et  aussi,  au  fond,  que  celui  qui  a  servi  a  Jacobi  dans  les  Fundamenta).  Mais 
celui  d'Hermite  est  sans  rapport  avec  le  premier. 

Gr&ce  aux  fonctions  fuchsiennes,  Poincare'  rcussit  a  son  tour  a  dtablir  uue 
alliance  analogue,  et  cela  sous  deux  formes,  elles-memcs  profondement  dis- 
tinctes,  respectivement  en  relation  avec  les  deux  grands  priiicipes  qui  viennent 
d'etre  mentionne's.  Aux  iddes  d'Hermite  se  rattachent  les  recherches  que 
Poincare'  entreprend  sur  les  formes  quadratiques,  dans  le  cas  qui  appellele  plus 
de  recherches,  celui  des  formes  ind6finies.  La  particularity  qui  fait  la  difficult^ 
et  1'int^r^t  de  cette  cat^gorie  de  formes  est,  on  le  sait,  que  chacune  d'elles  se 


L'OEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE.  169 

reproduil  sans  alteration  par  une  infinite  de  substitutions  lineaires  formant  un 
groupe  disconlinu.  Or  on  est  ainsi  rainenc  aux  groupos  fuchsions. 

Non  seulement  ccux-ci  se  trouvcnt  ainsi  —  et  cela,  comrae  le  montre 
Poincare  (* ),  par  1'intermediaire  de  la  Geometric  non  euclidieune  —  eclairer  la 
theorie  des  nombres,  mais  il  est  remarquable  qu'en  I'esp&ce  1'inverse  a  ega- 
lement  lieu  :  c'est  par  cette  voie  qu'on  etend  a  certaines  fonctions  fuchsiennes 
la  seule  propriety  remarquable  des  fonctions  elliptiques  dont  1'extension,  dans 
ce  domaine,  ne  parait  pas-pouvoir  se  faire  d'une  mani&re  enticement  generale, 
le  theor&me  d'addition.  Poincare  montre,  en  invoquant  une  fois  de  plus  les 
propriety  geometriques  des  polygones  generateurs,  que  cette  extension  depend 
d'une  sorte  de  commensurabilite  entre  le  groupe  de  la  fonction  fuchsienne  et 
une  substitution  determinee,  non  comprise  dans  ce  groupe;  et  cette  commen- 
surabilite,  qui  n'existe  pas  dans  le  cas  general,  se  pr6sente  au  contraire  lorsque 
le  groupe  fuchsien  consider^  a  une  origine  arithmetique. 

Mais  ce  rapprochement  n'est  pas,  nous  Pavons  dit,  le  seul  que  Poincare  ait 
eiabli  entre  les  fonctions  fuchsiennes  ct  1'Arithmetique.  Des  le  debut  de  ses 
recherches,  en  effet,  il  a  donne  du  probleme  de  1'equivalence  une  solution  g6ne- 
rale  toute  nouvelle,  fondle  sur  1'extension  au  domaine  arithmetique  de  la  notion 
d'invariants.  Gjiaco  a  la  discontinuite  des  groupes  auxquels  conduit  la  th6orie 
des  nombres,  les  invariants  arithmtHiques  existent  la  m^me  ou  il  n'y  a  point 
d'invariants  alg6briques  et,  independamment  d'expressions  par  int^grales 
definies,  ils  en  possOdent  d'autres  sous  forme  de  series  sur  lesquelles  leur  pro- 
priet(§  d'invariance  est  mise  imm6diatcment  en  evidence.  Les  series  auxquelles 
on  aboutit  ainsi  sont  tr^s  voisines  des  series  connues  de  Dirichlet,  mais  leur 
formation,  qui  par  consequent  se  rattache  aux  recherches  de  ce  ggom&tre, 
s'inspire  cependant,  commc  on  le  voit,  d'un  principe  d'une  bien  plus  grande 
gen6ralite  et  dont  la  relation  avec  les  mulhodes  suivies  en  Alg&bre  apparait 
immediatemeiit. 

Elles  sont,  d'autre  part,  etroitement  liees  aux  series  0  d'une  part,  aux  fonc- 
tions fuchsiennes  dc  1'autre  et  montrent  la  relation  qui  existe  entre  ces  deux 
sortes  de  fonctions  par  1'intermediaire  de  la  fonction  modulaire.  C'est  ce  point 
de  vue  qui  a  donne  a  Poiacare  de  nouveaux  developpements  des  fonctions 
elliptiques. 

L'etudc  de  la  categorie  de  fonctions  fuchsiennes  a  laquelle  appartient  ainsi 

(l)  Analyse,  p.  97.  OKtivres,  t.  V,  p.  8. 

H.   P,  —   XI.  22 


I70  L'OEUVRE   MATHEMATIQUE   DE   POINCARE. 

la  fonction  modulaire  devait  attirer  a  nouveau  son  attention;  elle  fait  1'objet  du 
dernier  travail  qu'il  nous  ait  laisse  ([). 

Outre  la  theorie  des  formes,  Ics  deux  principaux  chapitres  de  1'Arithmetique 
moderne  sont  la  theorie  des  nombres  premiers  el  cello  des  ideaux.  PoincanS 
les  a  abordes  tous  deux  ensemble  dans  le  Memoire  intitule  Extension  aux 
nombres  premiers  complexes  des  llieoremes  de  HI.  Teliebiclieff.  La  m<Hhode  du 
geom&tre  russe,  conservee  dans  son  principe  general,  a  du  subir  d'importantes 
modifications  pour  s'adapler  a  ces  nouvelles  circonstances.  II  est  remarquable 
que  le  resultat  obtenu  soit  independent  de  deux  Clements  qui  s'introduisent 
d'une  manure  n6cessaire  dans  les  calculs,  le  nombre  des  unites  independantes 
du  corps  consider^  et  celui  des  classes  d'ideaux  qu'il  renferme,  et  que  d'autre 
part,  cc  resultat  relatif  aux  nombres  imaginaires  puisse  servir  a  etudier  la  distri- 
bution des  nombres  premiers  reels  entre  les  formes  f^n  -f-  i ,  l\n  -f-  H. 

Enfin,  rappelons  qu'une  des  premieres  publications  de  Poincare  avail  cnrichi, 
en  m6me  temps  que  rassembl(5  dans  une  sjiilhtise  particulierement  lumiiieuse, 
les  proprieties  des  corps  quadratiques  et  des  ideaux  correspondants,  en  les 
rattachant  a  une  nouvelle  theorie  g^ometrique  des  r^seaux  (au  sens  cle  Bravais). 
On  sait  avec  quel  succes  unc  synth^se  analogue  fut  reprise  plus  tarcl  par"M.  Klein, 


D'aulre  part,  vers  le  m^mc  temps  ou  PoincanS  se  rev^lail,  deux  tlieoriiss 
g6n^rales  nouvelles  sont  venues  modifier  la  marche  ch1  la  science  :  la  theorio 
des  groupes  continus  de  S.  Lie  et  celle  des  ensembles  de  Cantor. 

L'une  et  1'autre  ne  pouvaientmanquer  de  recevoir  de  Poincart1  d'imporlantes 
contributions. 

La  premiere  lui  doit  une  etude  nouvelle  de  ses  notions  gdnerules,  qu'ii 
eclaire  (-)  grace  a  un  remarquable  emploi  de  FinlcSgrale  de  Cauchy,  en  mon- 
trant,  en  particulier,  que  les  probl&mes  que  Lie  avait  r^ussi  a  ramener  ?\  des 
equations  differentielles  peuvent  se  resoudre  par  quadratures,  sinon  par  des 
operations  enti&rement  algebriques. 

Mais  la  theorie  des  groupes  continus  vaut  surtout  par  ses  applications.  On 


(*)  Ce  Memoire  (Ann.  Fac.  Sc.  Toulouse,  191,3.  OEuvres,  t.  2,  p.  592-618),  n'a  paru  qu'upres  la 
mort  de  Poincar£  cL  ne  figure  pas  dans  la  liste  qui  pr6cede  son  Analyse. 
(-)  Voir  p.  98  de  son  Analyse,  OEuvres^  t.  V,  p.  4. 


L/CEUVRE   MATHEMATIQUE   DE   POINCARE.  171 

doit  a  Poincare  1'une  des  plus  remarquables  et  des  plus  inattendues,  celle  qui 
est  relative  aux  quantites  complexes  en  general,  c'est-a-dire  aux  diverses  gene- 
ralisations que,  apr&s  Hamilton,  Grassmann  et  d'autres,  on  peut  essayer  de 
donner  a  la  theorie  des  imaginaires.  Poincare  montre  que  ce  probl^me  se 
ram&ne  enticement  a  1'etude  et  a  la  discussion  de  certains  groupes  continus 
lineaires. 

La  theorie  de  Lie  intervient  d'ailleurs  dans  plusieurs  autres  travaux  de 
Poincare.  Elle  joue  par  exemple,  un  r6le  essentiel  dans  les  recherches  dont 
nous  parlerons  plus  loinsurla  representation  conforme  et  les  foiictions  de  deux 
variables  et  c'est  par  elle,  ne  1'oublions  pas,  qu'il  guida  la  theorie  naissante  de 
la  relativity. 

Ailleurs,  il  m  on  Ire  que  son  emploi  s'impose  dans  un  sujet  qui  semblait 
epuise,  la  mise  en  Equations  des  problfcmes  de  Mecanique  rationnelle.  Dans  la 
methode  classique  suivie  <\  cet  egard,  les  deplacements  virtuels  sur  lesquels  on 
op6re  sontobtenus  en  faisant  varier  isolemeiit  chaque  pararnelre ;  si  au  contraire, 
comme  Poiiicare  est  oblige  de  le  faire  en  vue  de  certaines  applications  a  la 
Mecanique  celeste,  ccs  deplacemenls  virtuels  sont  choisis  d'une  mani&re  quel- 
conque,  il  montre  qu'on  doil  les  trailer  comme  des  transformations  infmit6- 
simales  et  introduire  la  structure  du  groupe  ainsi  d^iini, 

L'hisloire  des  relations  de  Poincar^  avec  la  th^orie  des  ensembles  est  plus 
curieuse.  Nous  avons  dit,  en  effet,  qu'il  la  devanca  (voir  plus  Iiaul,  p.  161)  en. 
Pappliquant  avant  m6mo  qu'ellc  ful  nde,  et  cela  dans  un  deses  re^sultals  les  plus 
saillants  el  l(»s  plus  justement  ct^bres. 

Cette  th^orie  s'est  depuis  constammenl  remontr^e  vers  la  plume.  Qu'il 
s'agisse  dethrone  des  fonctions,  d'^quaiions  diff^rentielles,  on  la  verra  toujours 
se  pr^senler  a  lui,  comme  elle  s'imposera  d(5sormais  a  tout  g^om&tre  qui,  dans 
un  domaine  quelconque,  tentera  d'aller  vtSritablement  au  fond  des  choses. 

l^es  hauls  probl&mes  qu'elle  soul^ve  en  elle-m£me  ne  pouvaient,  eux  non 
plus,  laisser.Poincar6  indifferent.  II  les  a  trailes  ici-m6me  (A)  et  repris  souvenl 
dans  ses  livres.  Le  terme  de  «  definition  non  predicative  »  qu'il  a  inlroduil, 
suffit  a  refuter  plusieurs  des  sophismes  dont  les  notions  fondamentales  relatives 
aux  ensembles  etaient  1'objet  (2). 


(!)  Acta,  t.  32,  1909,  p.  igS-aoo.  CRtwres  :  (Ho  Volume  p.  II/J-TIQ. 

(2)  Lc  scul  raisonnemcuL  que  nous  defcudrions  conlro  les  criLiques  dc  Poiacarc  a  ce  point  de 
vue  est  celui  de  M.  Zerrnelo  sur  Ui  possibilite  d'ordonner  tin  ensemble  quelconque. 


172  L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE   POINCARE. 

3.    LA  TllfiOlUti  G  fiN  fl  HAWS. 

Avec  Gauss,  Cauchy,  Riemann,  Weierstrass,  la  notion  precise  de  ce  qu'on 
doit  entendre  par  fonction  analytique  etait  acquise,  La  theorie  en  etait  faite, 
au  fond,  sur  le  module  qu'offrait  naturellement  FAlg&bre.  Toule  fonclion 
analytique  peut  £tre  representee,  dans  tout  domaine  suffisamment  restreint,  sauf 
au  voisinage  de  certains  points  particuliers,  par  un  developpement  en  serie 
enti&re. 

Certaines  d'entre  elles  peuvent  £tre  ainsi  representees,  par  un  developpement 
unique,  pour  toutes  les  valeurs  de  la  ou  les  variables  :  ce  sont  les  fonctions 
entieres.  Dans  le  cas  d'uue  seule  variable  independante,  Weierstrass  avait 
reussi  a  etendre  a  ces  fonctions  le  theor£me  de  la  decomposition  en  facteurs, 
sous  une  forme  identique  a  celle  des  polynomes,  a  ceci  pres  qu'aux  facteurs 
binomes  classiques  de  i'Alg&bre  venaient  s'adjoiiidre,  et  cela  a  deux  titres 
differents,  des  facteurs  exponentiels. 

Apr6s  ces  fonctions  endures  viennent  les  fonctions  meromorphes ,  analogues 
aux  fonctions  rationnelles  et  qui  se  comportent  comme  elles  au  voisinage  d'un 
point  quelconque  (a  distance  finie).  Grace  au  theortiine  qui  lui  a  donne  la 
decomposition  en  facteurs,  Weierstrass  montre  qu'une  fonction  meromorphe 
d'une  seule  variable  esl  le  quotient  de  deux  fonctions  entires,  pendant  que  le 
th^ortjme  de  M.  Mittag-Leffler  t^lend  a  cc  domaine  la  decomposition  en  elements 
simples. 

Ces  deux  cas  sont  les  plus  elementaires.  D'autres  beaucoup  plus  compliqu6s 
peuvent  se  pi6senter,  m^me  si  Ton  se  borne  aux  fonctions  uniformes.  Mais 
celles-ci  sont  loin  d'etre  la  rejgle.  La  grande  difficult^  de  la  th^orie  est  pr^ci- 
s^ment  1'existence  des  fonctions  non  uniformes,  qui,  en  un  certain  sens, 
mettent  en  d6faut  la  definition  m6me  de  la  notion  de  fonction. 

De  ces  fonctions  non  uniformes,  on  n'avait  qu'une  notion  purement  nega- 
tive, du  moins  dans  le  cas  general.  Quelques  categories  particuli&res  avaient 
seules  ete  etudiees.  A  la  plus  classique  d'entre  elles,  celle  des  fonctions  alge- 
briques,  Poincare  avait,  des  la  Th&se  dont  nous  avons  parle  plus  haut,  adjoint 
sa  generalisation  la  plus  naturelle  et  la  plus  importante,  celle  des  fonctions 
algebroides,  que  ses  recherches  de  Mecanique  analytique  devaient  ramener 
souvcnt  sous  sa  plume. 

D6s  que  le  nombre  des  variables  devenait  superieur  a  i,  il  ne  restait  de  tout 


L'OEUVRE   MATHEMATIQUE   DE   POINCARE".  178 

cela  que  le  point  dc  depart  :  le  dereloppement  en  serie  emigre,  applicable  a 
une  fonclion  analylique  quelconque  dans  le  voisinage  d'un  point  non  singulier, 
et  a  une  fonction  entiere  dans  tout  1'espace.  En  parliculier,  la  decomposition 
en  facteurs  de  ces  fonctiqns  entieres  n'ayant  plus  lieu,  la  demonstration  donnee 
par  Weierslrass  de  1'expression  d'une  fonclion  meromorphe  par  le  quotient  de 
deux  fonctions  entieres  disparaissait  du  m6me  coup. 

De  1'outil  qui  permet  de  manier  si  surement  les  fonctions  d'une  variable,  la 
the'orie  des  fonctions  de  deux  variables  ne  posse'dait  que  le  manche. 

Tel  etait  1'^tat  de  cette  branche  de  la  science  a  la  venue  de  Poincare.  Voyons 
comment,  grace  a  lui,  1'evolution  ulterieure  Cut  possible. 

Tout  paraissait  dit,  en  un  sens,  en  ce  qui  regarde  les  fonciions  entieres 
d^ane  variable*  Cependant,  Laguerre  avait  montre,  a  1'aide  de  la  formule  de 
decomposition  en  facteurs,  que,  comme  les  polynomes,  les  fonctions  entieres 
ne  devaient  pas  6 tre  placees  toutes  sur  le  m6me  plan  et  presentaienl  des  degres 
de  complication  in^gaux  tout  an  moins  sous  ce  point  de  vuc.  Avec  une  pene- 
tration  qui  a  e'te'  justement  admir^e,  il  avait  appris  a  mesurer  cette  complication 
par  un  nombre,  le  genre,  qui  fait  intervcnir  a  la  fois  les  deux  especes  de  fac- 
teurs exponentiels  menlionne'es  plus  haul, 

Le  probleme  se  posa  alors,  pour  Poincare,  de  savoir  si  cette  complication 
plus  ou  moins  grande  de  la  decomposition  en  facteurs  de  Weiers trass  avait  ou 
non  son  retentissement  sur  les  autres  propriety  de  la  fonction,  II  put  moiitrer 
qu'en  effet  toute  limitation  supposed  connue  pour  le  genre  en  'entrainait  une 
correspondante  pour  1'ordre  de  grandeur  du  module  de  la  fonction  elle-m6me 
et  aussi  pour  celui  des  coefficients  de  son  developpement,  c'est-a-dire  pour  ses 
propriet^s  les  plus  simples  et,  en  g<5n<5ral,  les  plus  ais6ment  consta tables. 

Ainsi  fut  fondle  la  nouvelle  th^orie  des  fonctions  entieres.  C'est,  en  effet,  do 
cc  re"sultat  et  aussi,  ajoutons-le,  d'un  celebre  th^oreme  diVa  M.  Picard,  qu'est 
sortie  toute  cette  the'orie,  telle  qu'elle  s'est  de'veloppe'e  dans  le  cours  de  ces 
dernieres  ann6es. 

C'est  d'ailleurs  de  la  m6me  source  que  de"coulent  encore  les  progres  apport6s, 
principalement  par  MM.  Borel  et  Boutroux,  a  1'etude  des  fonctions  me"ro- 
morphes  :  car  la  m^thode  employee  en  cette  circonstance  derive  manifestement 
de  celle  qui  est  appliqu^e  aux  fonctions  entieres. 

On  peut  m6me  en  dire  autant  pour  le  point  essentiel  :  c'est  en  effet  dans  le 
m^me  ordre  d'idees  que  les  fonciions  pr^sentant  cette  singularity,  et  elle  seule, 
aulrement  dit  les  fonctions  quasi  entieres,  ont  6te  trailers  par  M.  Maillet. 


174  l/OSUVRE   MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

Les  singularites  fion  isolees  des  functions  imiformes  sont  un  des  sujels  qui 
out  le  plus  particuli&rement  preoccupe"  Weierstrass  cL  les  ggom&ires  qui,  avec 
lui,  out  exploit  la  iheorie  des  (bnclions,  el  la  realisation  des  diverses  possibi- 
lites  qui  peuvenl  sc  presenter  a  eel  6gard  a  ete  Tun  des  buls  principaux  do 
leurs  efforts.  Or,  parmi  les  dispositions  les  plus  etranges  qui  peuvenl  se  ren- 
contror,  il  u'eii  est  pas  une  dont  Poincare"  n'ait  forme,  comme  eux,  des 
oxemples,  mais  avec  unc  signification  nouvelle. 

L'existeiice  de  coupures  essentielles  pour  les  functions  dont  il  s'agdt  etait 
connue  depuis  Weierstrass.  Mais  ce  sont  les  fonctions  fucbsiennes,  —  apres  la 
fonclion  modulaire,  il  est  vrai  —  qui  sont  venues  nous  montrer  combien  il 
s'en  fallail  qu'on  dul  voir  la  un  simple  objet  de  curiosite. 

En  m£me  temps,  nous  avons  vu  ces  monies  fonctions  fuchsiennes  impose r 
a  Poincare  une  nouvelle  categorie  de  singularit^s  que  1'imagination  de  ses  pr£- 
ddcesseurs  n'avait  pu  concevoir  :  les  points  singuliers  formant  un  ensemble 
parfait  non  coiitinu. 

Rcste  cnfin,  a  cote  de  la  notion  de  ligne  singuliere,  la  notion  toute  voisine 
d " espace  lacunaire.  C'est  aPoincare  que  1'on  doit,  a  cet  egard,  Pexemple  pout 
6tre  le  plus  general  et  en  toutcas,  le  plus  fecond,  car  la  mtjthode  qui  y  conduit, 
fonde"e  sur  Fintroduction  d'une  serie  de  fractions  rationnelles,  est  celle  qui, 
ulterieurement,  a  permis  a  M.  Borel  d'etendre  nos  connaissances  sur  ce  sujet. 

Mais  ici  encore,  ce  n'est  pas  uniquement  pour  elle-m6me  et  pour  mo  tiro  en 
evidence  ses  singularity  que  Poincar£  forme  la  s^rie  dont  il  s'agit.  II  y  est 
amene"  n^cessairement  par  les  reclierches  sur  les  Equations  differentielles  qui 
font  Pobjet  de  sa  ib^se.  Les  integrales  qu'il  forme  n'existent,  comme  nous  le 
rappellerons  plus  loin,  que  moyennant  des  conditions  d'inegalite  convenables 
entre  certains  coefficients  qui  figurent  dans  1'equation  et:  des  lors,  consider^es 
comme  fonctions  d'un  de  ces  coefficients,  elles  pr^sentent  precis^ment  la  sin- 
gularite  qui  nous  occupe. 

Le  rdle  de  Poincar6,  a  propos  des  fonctions  a  espaces  lacunaires,  a  done 
6le  le  m&me  que  nous  lui  avions  vu  jouer  vis-a-vis  des  lignes  singulieres,  des 
ensembles  parfaits  discontinus,  des  courbes  sans  courbure. 

Certes,  m^me  si  Tune  ou  1'autre  de  ces  circonstances  avait  et6  destinee  a  ne 
jamais  se  rencontrer  dans  les  applications,  leur  decouverte  n'en  aurait  pas 
moins  ete  importante  pour  nous.  Poincare  nous  a  montre,  dans  un  de  ses  dis- 
cours  (*),  combien  il  faut  rendre  graces  a  FAstronomie  d'avoir  elargi  notre 

I1)  Voir  La  valeur  de  la  Science,  Chap.  VI. 


L'QEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE.  175 

esprit  par  la  seule  notion  de  ses  distances  enormes  el  d'avoir  permis  ainsi  que 
«  notrc  imagination,  comme  1'cBil  de  Paigle  que  le  Soleil  n'eblouit  pas,  puisse 
regarder  la  verite  face  a  face  ».  Les  singularite's  clont  nous  venous  de  parler 
tiennenl  unc  place  analogue,  a  ceci  pres  qu'elles  ont  soumis  uotre  imagination 
a  des  epreuves  autremenL  rudes  encore,  et  jete"  un  desarroi  passager,  non  seu- 
lemcnt  dans  les  habitudes  que  nous  tenons  de  nos  sens,  mais  dans  celles  que 
nous  pouvions  croire  issues  de  notre  logique  elle-m6me. 

Poineare  n?a  pas  laisse  a  1'avenir  le  soin  d'utiliserla  lecon  qui  s'en  degageait. 
Au  lieu  de  signaler  de  loin  d'etranges  regions  que  la  science  pouvait  &trc 
exposee  a  rencontrer  sur  sa  route,  il  les  a  travers6es  pour  trouver,  au-dcla,  le 
but  qu'elle  avait  a  poursuivre.  Ses  decouvertes  semblent  ainsi  aller  d'un  coup 
aux  limites,  non  seulement  de  ce  que  I'humanite  d'aujourd'hui  peut  decouvrir, 
mais  de  ce  qu'elle  peut  comprendre. 

C'est  ce  que  la  theorie  des  fonctions  vient  a  nouveau  de  nous  montrer.  La 
inline  impression  s'imposera  a  nous,  et  plus  fortemenl  m£me,  lorsqu'il  s'agira 
des  Equations  differentielles.  Plus  complexe  encore  qu'en  Theorie  des  fonc- 
tions, la  verite  que  nous  verrons  alors  se  degager  des  travaux  de  Poiiicare 
depasse  probablement  la  capacite  actuelle  de  nos  cervcaux. 

La  th^orie  des  fonctions  non  uniformes  fut  tir^e  du  n6ant  grace  a  un  th^o- 
reme  d'une  demonstration  des  plus  d6licates. 

Une  fonction  analytique   quelconque   (par  consequent,  non  uniforme  en 


donn6e,  on  peut  exprimer  x  en  fonction  uniforme  d'une  variable  auxi- 
liaire  £,  de  mani^re  que  z  soit  aussi  une  fonction  uniforme  de  t.  La  conclusion 
s'etend  m&me  ci  un  nombre'quelconque  de  fonctions  d'une  m^me  variable. 

La  the'orie  des  fonctions  non  uniformes  est  ainsi  ramen^e  a  celle  des  fonc- 
tions uniformes. 

Un  tel  fait  ne  pouvait  manquer  de  s'imposer  a  un  Poincar^  apres  la  d^cou- 
vcrte  des  fonctions  fuchsiennes.  Celles-ci,  nous  1'avons  vu,  le  mettaient  en 
Evidence,  et  fournissaient  la  variable  auxiliaire  cherchee,  en  ce  qui  regarde  les 
fonctions  alge"briques.  II  j  a  plus,  elles  permettent  de  le  de"  montrer,  sinon  dans 
le  cas  ggngral,  du  moins  dans  un  cas  tr^s  6teiidu,  a  savoir,  toutes  les  fois  que 
les  points  singuliers  sont  en  nombre  fini  et  tous  reels. 

Mais  si  Ton  veut  ne  faire  aucune  restriction  relativement  aux  points  singu- 
liers, d'autres  mojens  d'action  sont  necessaires. 


176  L'CEUVRE   MATHEMATIQUE   DE   POINCARE. 

Ici  (comme  deja  d'ailleurs  pour  les  fonctions  fuchsiennes)  ce  sont  les  prin- 
cipes  me"mes  sur  lesquels  Riemann  avait  fonde"  la  theorie  des  fonctions  ab6- 
liennes  qui  s'elargissent  entre  les  mains  de  Poincare,  et  acquierent  1'ampleur 
nouvelle  que  la  question  comporte.  D'une  part,  tout  le  calcul  va  reposer  sur  la 
formation  d'un  domaine  geome"trique,  la  surface  de  Riemann,  par  lequel  on  peuL 
se  representer  la  variation  simultane'e  de  z  et  de  x.  En  second  lieu,  un  element 
physico-mathematique,  la  theorie  du  potentiel,  joue  dans  ce  calcul  le  role  prin- 
cipal. Mais  son  maniement  exige  une  puissance  d'analyse  nouvelle,  en  raison 
de  la  complication  de  la  surface  de  Riemann  qui  est  ici  a  une  infinite"  de  feuil- 
lets.  La  notion  d'une  telle  surface  de  Riemann,  et  surtout  dcs  fonctions  harmo- 
niques  correspondantes  est  tr&s  delicate  et  ne  peut  6tre  atteinte  que  par  des 
passages  a  la  limite  appropries. 

On  aboutit  ainsi  a  la  formation  d'une  certaine  fonction  analytique  t.  La 
propriety  essentielle  de  cette  quantite  consiste  en  ce  qu'elle  ne  prend  jamais 
deuxfois  la  m6me  valeur  sur  la  surface.  C'est  ce  que  1'onetablit  ais6mental'aidc 
de  Fintegrale  classique  de  Gauchy,  6tant  donne*  que  t  est  la  limite  de  fonctions  ttl 
qui  possedent  la  propriety  en  question. 

Cette  grandiose  decouverte  de  V  uniformisation  des  fonctions  analytiques 
ne  pouvait  manquer  de  provoquer  les  recherches  des  geometres,  du  moins  de 
ceux  qui,  capables  de  ressentir  son  importance,  avaieni  aussi  les  forces  n<§ces- 
saires  pour  aborder  ce  sujet  (1).  A  la  suite  de  ces  travaux,  Poincare'  revint  lui- 
m^me  sur  sa  de'couverte  pour  la  comple'ter. 

Dans  1'intervalle,  il  avait  donn^,  pour  la  resolution  des  problemes  fonda- 
mentaux  de  la  th^oiue  du  potentiel,  une  m6thode  nouvelle,  celle  du  balayage. 
Cr^(5e,  semble-t-il,  en  dehors  de  la  preoccupation  du  probleme  qui  nous  occupe, 
cette  me'tbode  se  trouvait  cependant  s'y  adapter  d'une  maniere  remarquablernent 
parfaite.  L'une  des  difficult6s  de  la  question  est,  nous  Favons  dit,  la  presence 
d'une  infinite  de  feuillets  de  la  surface  de  Riemann,  dont,  par  suite  de  cette 
circonstance,  la  forme  totale  et  en  particulier  la  frontiere  ne  peuvent,  au  moins 
an  premier  abord,  £tre  de"finies  sans  de  s^rieuses  difficult^s.  Orilse  trouve  que 
celles-ci  ne  gtoent  en  aucune  fagon  Tapplication  de  la  m6thode  du  balayage, 
pour  laquelle  il  suffit  de  suivre  la  marche  m^me,  classique  depuis  Weierstrass, 
de  la  definition  d'une  fonction  analytique  parune  suite  indefinie  d'  «  elements  ». 


(J)  Outre  les  auteurs  dont  nous  parlerons  dans  un  instant,  nous  nous  contenterons  de  citer  ici 
JML  Kcebe. 


L'CEUVRE   MATHEMATIQUE   DE   POINCARE.  177 

Poincare  avail,  d'autre  part,  a  1'occasion  de  son  enseignement  a  la  Faculty 
des  Sciences  de  Paris,  perfectionne"  toute  la  technique  de  la  theorie  des  fonc- 
tions  harmoiiiques  :  il  avait,  par  example,  reconnu  tout  le  parti  qu'elle  peul 
tirer  d'un  remarquable  theoreme  de  Harnack. 

ForL  de  ces  nouvcaux  moyens  d'action,  il  put,  re'pondant  a  un  desideratum 
de  M.  Hilbert,  ecarter  en  toute  certitude  pour  les  fonctions  cherche'es,  les  trois 
points  singuliers  dont  le  raisonnenicnt  primitif  n'excluait  pas  la  possibility. 

D'autre  part,  les  fonctions  obtcnues  ont,  en  general,  un  domaine  d'existence 
Ilniit6  par  une  ligne  singuliere  essentielle  (un  theoreme  de  M.  Picard  est  venu 
monlrcr  que  la  solution  n'est  pas  possible  sans  1'introduction  de  fonctions  pre- 
sentant  ce  caractere).  MM.  Osgood  et  Broclen  s'etaient  pr6occup6s  de  deter- 
miner la  forme  exacte  du  domaine  qui,  dans  le  plan  de  la  variable  £,  correspond 
ainsi  a  la  surface  de  Riemann  donn6o.  La  nouvelle  methode  de  demonstration 
permet  de  preciser  davantage  les  resultats  de  ces  deux  auteurs. 

Enfin,  chose  plus  prcicieusc  encore,  elle  fournit  la  solution  la  plus  simple,  — 
et  non  plus  une  solution,  quelconque  — ,  du  probleme  pose".  Des  lors,  celte 
solution  est  parfaitement  determine,  du  moins  a  une  substitution  line"aire  pres. 
De  la  rcssort  encore,  cornme  consequence,  une  propriety  fonctioiinelle  qui 
place  les  fonctions  obtenuos  a  cot,6  des  fonctions  fuchsiennes. 

Ce  n'est  pas  la  scale  contribution  que  Poincare'  ait  apport^e  a  la  theorie  des 
fonctions  non  tmiformes.  Tout  d'abord,  c'est  a  lui  qu'on  doit  la  limitation, 
—  au  sens  de  la  th<3oric  des  ensembles  —  de  la  multiplicity  des  valeurs  que 
pout  prendre  une  telle  fonction  pour  une  valcur  unique  de  la  variable  et  aussi 
cles  «  elements  »  (au  sens  de  Weiers trass)  qui  suffisent  a  la  representer  :  limi- 
tation essentielle  d'ailleurs  au  second  raisonnement  par  lequel  il  a  etabli  le 
theoreme  d'uniformisation. 

DC  plus,  il  a  indique  une  methode  permettant  d'6tablir  que  toute  fonction 
analytique  z  —  en  general,  non  uniforme,  —  de  la  variable  x  peut  6tre  definie 
par  une  equation  de  la  forme  G(^,  cc)  —  o,  ou  G  est  une  fonction  entiere  :  pro- 
gres  moins  essentiel  peut-6tre  que  le  theoreme  d'uniformisation,  mais,  nean- 
moins,  extension  irnportante  aux  fonctions  transcendantes  de  la  propriete 
fondamentalc  des  fonctions  alg6briques. 

Mais  cette  methode  est  en  relation  avec  les  travaux  dont  nous  avons  a  parler 
en  second  lieu,  et  qui  concernent  1'otude  des  fonctions  de  plusieurs  variables. 

¥    * 

H.  P.  —  XL  23 


jr$  L1OEUVRE  MATHEIMATIQUE   DE  POINCARE. 

Pour  celle-ci  plus  encore  quo  pour  la  pr^c^dente,  on  peut  dire  quo  les 
impulsions  dt5cisives  viennent  de  Poincare. 

Dans  cet  ordre  d'id«5es,  un  seul  tli(k>reme,  le  Vorbereitungssatz  avail  $te 
anterieurementobtenu.  Mais,  par  deux  fois,  il  (Stall  rest<5  ignorg  du  public  scien- 
tifique.  Weiers  trass  Pa  reserve,  comme  il  le  faisait  souvenl,  au  cercle  resireint 
dc  ses  auditeurs,  jusqu'en  1886,  et  M.  Lindelof  a  616  le  premier  a  d^couvrir  (*) 
que  le  veritable  auieur  en  cst  Gauchy. 

II  pent  n'£tre  pas  inutile,  dans  ces  conditions,  dc  noter  que  les  r<3sultats 
relatifs  aux  fonctions  algdbroi'des,  obtenus  par  Poincart*  dans  sa  Th&se,  Equi- 
valent au  th£or&me  en  question  (2). 

Gelui-ci  d'ailleurs,  pour  Poiacartf  comme  pour  Weierstrass,  n'eHait  que  pr<5- 
paratoire.  L'^tude  des  fonctions  de  plusieurs  variables  ne  fut  v^ritablement 
inauguree  que  lorsquc,  peu  d'ann£es  aprfcs,  Poincar6  r^ussit  a  leur  etendre  le 
th^orfeme  de  Weierstrass  sur  les  fonciions  m&romorphes. 

Quel  que  soit  le  nombre  des  variables,  une  telle  fonction  est  caractt5rist5e  par 
la  propri^te  de  se  comporter  au  voisinage  d'un  point  quelconque  —  autrement 
dil,  localernent  —  comme  une  fonction  rationnello.  Localement  done,  elle 
s'exprime  par  le  quotient  de  deiix  series  entires  convergenles  dans  un  rayon 
suffisammenl  petit.  G'est  ce  r<5sultat  qu'il  s'agit  d'6tendre  a  tout  1'espace  en 
exprimantla  fonction  consid^r^e  par  le  quotient  de  deux  series  entires  ton- 
jours  convergentes. 

IMous  avons  dit  qu'on  ne  pouvaii  songer  a  employer,  a  cet  effet,  la  method  e 
qui  r(5ussit  clans  le  cas  d'une  variable.  Poincar^  recourl  encore  une  fois  a  la 
th^orie  du  potentiel  ou  plutot  a  la  thdorie  analogue  dans  1'espace  a  quatre 
dimensions,  celle  des  fonctions  V  qui  satisfont  a  liquation 

( 


Cette  m6thode  semblo  cependant,  au  premier  abord,  inapplicable  au  probldtne 
actuel.  Liquation  aux  d^riv^es  partielles  pr^c(5dente  ne  suffit  plus,  en  effet,  a 
caract^riser  la  partie  r6elle  d'une  fonction  analytique  :  cette  partie  r^elle  doit 
satisfaire  a  quatre  Equations  aux  d£riv6es  partielles  et  non  a  une  seule.  Tl 


(1)  Voir  ses  Legons  sur  la  theorie  des  residus  (Paris,   Gauthier-Yillars,   igo5,   note  de  la 
page  2.7). 

(2)  Us  en  fournissent  meme  une  extension,  dans  laquelle,  au  lieu  de  liquation  obtenue  en 
6galant  une  fonction  unique  a  z6ro,  on  considere  un  systeme  d'^quations  a  plusieurs  inconnues. 


l/CEUVRE   MATHEMATIQUE  DE  POINCARE.  179 

semble  done  que  la  formation  d'un  potentiel  verifiant  Funique  equation  ci- 
dessus  ecrite  soil  sans  valeur  au  point  de  vue  du  r^sultat  final. 

II  n'en  est  rien  :  si  Ton  a  obtenu  ce  potentiel,  Poincare  montre  qu'il  suffit 
d'y  ajouter  une  fonction  r^guli&re  convenable  pour  int^grer  Fensemble  des 
qua  Ire  Equations  mentionn6es  tout  a  Fheure  eten  deduire  la  fonction  qu'il  a  en 
vue,  a  savoir  le  logarithme  du  denominateur  cherche. 

Quant  a  la  formation  du  potentiel  en  question,  elle  consiste  en  une  sorte  de 
raccordement  analytique  entre  plusieurs  fonclions  (les  logarithmes  des  denomi- 
nateurs  des  diverses  fonctions  qui  repr^senlent  localemenl  la  fonction  donnee) 
definies  chacune  dans  une  portion  seulement  de  1'espace,  mais  dont  les  diffe- 
rences  mutuelles  dans  les  regions  ou  deux  d'entre  elles  existent  a  la  fois,  sont 
reguliSres.  Ce  raccordement,  1'ernploi  de  potentiels,  tous  analogues  aux  poten- 
tiels  de  simples  et  de  doubles  couches,  permetdel'operer.  Lorsqu'ils'agitenfin 
de  passer  a  la  limite  pour  le  cas  de  1'espacc  indefini  en  tous  sens,  la  m^thode  a 
appliquer  est  connue  :  c'est  celle  par  laquelle  on  demontre  le  theor&me  de 
M.  Mittag-Leffler  sur  le  developpement  des  fonctions  meromorphes  d'une 
variable  en  serie  d'elements  simples. 

Poincare  a  eu  a  revenir  sur  la  demonstration  de  ce  theor&me,  pour  1'adapter 
a  la  th.6orie  des  fonctions  ab^Kennes.  Dans  ce  cas,  en  effet,  la  fonction  donn^e 
^tant  p6riodique,  il  importe  de  diriger  le  calcul  de  mani&re  que  le  num£- 
rateur  et  le  d&nominateur  obtenus  poss^dent  eux-ra&mes,  non  la  periodicity 
proprement  dite,  mais,  a  la  fagon  des  fonctions  6  (auxquelles,  d^s  lors,  ils  se 
ram^nent)  —  la  p6riodicit6  de  troisi^me  esp^ce  au  sens  d'Hermite,  qui  est  a  la 
periodicity  ordinaire  ce  que  Finvariance  relative  est  a  Tinvariance  absolue. 
Poincare'  reprend,  a  cet  effet,  la  demonstration  de  son  th6or^me  general,  tant 
celle  qu'il  avait  donmte  que  celle  qui  avait  £t£  fournie  depuis  par  M.  Cousin. 
II  en  indique  m6me,  dans  le  m6me  but,  une  autre,  toute  diflferente  de  celles 
dont  il  vient  d'etre  question  par  la  nature  des  potentiels  employes.  Au  lieu 
d'etre,  dans  1'hyperespace,  les  analogues  d'un  potentiel  newtonien  de  surface, 
—  comme  dans  la  demonstration  primitive  —  ceux~ci  peuvent,  en  effet,  6tre 
analogues  a  des  potentiels  (newtoniens)  de  lignes  attirantes,  de  sorte  que  nous 
devons  a  cette  circonstance  la  connaissance  des  singularites  (en  general  loga- 
rithmiques)  des  potentiels  de  cette  esp&ce.  ' 

Un  autre  point  important  de  la  theorie  des  fonctions  d'une  variable  attirait 
Fatteation  au  point  de  vue  de  son  extension  au  cas  actuel :  la  notion  de  r&sidu, 


i#o  I/GEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

base  des  plus  belles  d<5couvertes  de  Caucliy.  En  general,  c'est-a-dire  dans  toute 
region  ne  comprenant  pas  de  points  singuliers,  1'intggrale  d'une  fonction  ana- 
lytique  le  long  d'un  contour  fermg  est  nulle.  Au  contraire  si  ce  contour  contient 
a  son  int^rieur  un  point  singulier,  I'int^grale  esL  proportionnelle  a  un  certain 
nombre  determine^,  caracteristique  et  en  quelque  sorte,  mesure  de  la  singularity, 
qui  cst  le  residu. 

Gotte  pierre  angulaire  de  la  theorie  de  Cauchy  devait  cHre  transport^  a  la 
the^orie  desfonctions  de  deux  variables,  si  Ton  voulait  fonder  utilemeiil  celle-ci. 
II  fallait,  a  cet  efifet,  considerer  les  integrates  doubles  prises  le  longde  multipli- 
cittis  f  cringes  de  1'espace  a  quatre  dimensions,  et  montrer  tout  d'abord  que  ces 
integrates  etaicnt  independantes  de  la  forme  de  la  surface  d'integration  (tant 
que  cclle-ci  varie  continument  sans  rencontrer  de  singularity ),  une  condition 
cl'integrabilite  analogue  a  celle  qui  intervicnt  pour  les  differentielles  totales 
ordinaires  etant  verifie'e. 

Mais  ceci  fait,  le  calcul  de  la  valeur  de  cette  integrate  autour  d'une  singu- 
larit^  donnee,  pr^sentait  des  difficult(5s  inattendues.  Stieltjes  qui  1'avait  effectue 
clans  un  cas  particulier,  n'avait  pu  le  publier,  le  r(5sultat  donnant  lieu  a  une 
objection  qui  scmblait  sans  r<5plique.  Dans  I'int6grale  qu'il  avait  traitt^e,  la 

quantity  sous  le  signe  //  e^tait  de  la  forme  -^j  P,  Q,  R  (^tant  trois  polynomes 

entiers  dont  les  deux  derniers  s'annulent  ensemble  sur  la  singularity  consider(5e. 
Or  Stieltjes  trouvail,  pour  le  residu,  une  valeur  qui  change  de  signe  quand  on 
permute  entre  eux  les  deux  facteurs  du  dt^nominateur. 

Pour  faire  cesser  cette  contradiction  apparente,  il  fallait  arriver  a  une  vue 
exacte  et  pen6trante  des  propriety  g^om^triqnes  d'une  figure  Irac^e  dans 
1'hyperespace.  Poincar(5  montra  ainsi  comment  1'ordre  des  deux  facteurs  en 
question  influe,  dans  cet  exemple,  sur  le  sens  de  I'inleSgration. 

Ces  deux  series  de  recherches  de  Poiiicar^  rcst^rent  longtemps  la  seule  base 
des  travaux  entrepris  sur  les  fonctions  de  deux  variables  (*).  Les  plus  impor- 
tants,  tels  que  celui  de  M.  Cousin,  derivcnt  du  the^orSme  sur  les  fonctions 
m^romorphes  et  fournissent  une  seconde  demonstration  de  ce  th<5or£me. 

Ce  vaste  domaine  des  fonctions  de  plusieurs  variables  devait,  plus  tard,  offrir 
encore  a  Poincar^  un  autre  objet  de  meditations.  La  representation  conforme 


(l)  C'est  seulement  dans  ces  toutes  dernieres  annees  que  d'autres  voies  se  sont  ouvertes  avec 
des  travaux  parmi  lesquels  nous  nous  contenterons  de  citer  ceux  de  MM.  Faber,  Hahn,  Hartogs, 
E.  E,  Levi,  etc. 


L'CEUVRE   MATHEMATIQUE   DE   POINCARE".  l8l 

ofFre,  d6s  le  cas  d'une  variable,  un  remarquable  exemple  de  la  difference  pro- 
fonde  qui  existe  entre  les  proprietes  locales  des  fonctions  et  celles  qui  inter- 
viennent  lorsqu'on  les  consid^re  non  plus  au  voisinage  imrmSdiat  d'un  point, 
mais  dans  tout  leur  domaine  d'existence. 

Le  probl&me  (probl&me  local)  qui  consisle  a  representer,  par  rmtermediitire 
d'une  fonction  analytique,  un  arc  (sufflsamment  petil)  d'une  courbe  donn^e  c 
sur  un  arc  d'une  aulre  courbe  donnde  G  a,  en  efTet,  une  infinite  de  solutions 
dependant  d'une  infinite  d'arbitraires,  Landis  que  le  probl^me  etendu  qui 
consisLe  a  representer,  dans  les  m6mes  conditions,  la  courbe  fermde  c  tout 
entiere,  sur  la  courbe  fermee  C  (et  1'airc  s  limitee  par  c  sur  1'aire  S  limitee 
par  G)  est,  au  contraire,  determine  a  une  substitution  homographique  pr£s. 

A  cetLe  difference,  on  apercoit  immedialement  deux  raisons  :  la  premiere 
residant  dans  ce  fait  que  les  courbes  c  et  G  sont  ferm^es  et  que  d£s  lors  le  pro- 
longement  de  la  fonction  cherch^e  tout  le  long  de  ces  courbes  doit  presenter 
par  rapport  a  Fare  de  Tune  d'elles,  par  cxcmple,  une  periodicity  qui  n'appa- 
raissait  point  lorsqu'on  se  bornait  a  consid^rer  des  parties  tr&s  petites  des 
courbes  en  question ;  la  seconde,  dans  celui  que  la  fonction  cherch^e  ne  doit 
pas  seulement  6tre  definie  au  voisinage  de  c,  mais  dans  tout  I'inlgrieur  de  s. 

C'est  cette  6tude  que  Poincare  transporte  au  cas  de  deux  variables,  en  s6pa- 
rant  m£me,  par  1'introduction  d'un  probl^me  intermediaire  (1)  (danslequel  on 
demande  que  les  fonctions  cherch<3es  soient  reguli^res  sur  toute  la  fronti<^re, 
mais  non  dans  tout  le  domaine  qu'elle  limite)  ces  deux  caracteres  qui  diffe- 
rencient  1'un  de  1'autre  le  probl&me  local  et  le  probl^me  6tendu.  Les  r^sultats 
cbangent  d'ailleurs  notablement  de  forme  dans  cette  extension.  Le  probl^me 
local  cesse  lui-m^me  d'etre  possible  en  general.  Une  infinite  de  conditions  de 
possibilite  apparaissent  et  ces  conditions  de  possibilite  introduisent  une  s^rie 
d'invariants  differ  en  dels,  obtenus  en  ecrivant  que  la  transformation  de  1'une 
des  fronti£res  donnees  en  1'autre  est  possible,  dans  la  region  infiniment  voisine 
d'un  point  donne,  aux  infiniment  petits  du  n^'™G  ordre  pr^s. 

Ge  Memoire  de  Poincare  ouvre  d'ailleurs  la  voie  a  touLe  une  serie  de 
recherches  ou,  commeill'a  montre,  intervienl  d'une  manure  necessaire  Fetude 
approfondie  de  certains  groupes  continus. 


(l)  En  vertu  d'un  th^oreme  de  M.  Hartogs,  il  se  trouve  que  la  solution  de  ce  probleme  inter- 
tn^diaire  peut  6tre  utilisee  pou-r  celle  du  probleme,  Etendu, 


182  L'GEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

G'est  a  ces  propositions  fondamentales  sur  les  fonctions  de  plusieurs  variables 
qu'il  faut  rattacher  les  resultats  obtenus  par  Poincare  sur  les  fonctions  ab<?- 
liennes,  ceux  qui  derivent  de  1'application  des  fonctions  fuchsiennes  exceptes. 
Leur  point  de  depart  est  la  distinction  qu'il  etablit  entre  la  theorie  des  fonc- 
tions abeliennes  et  celle  des  integrates  abeliennes,  theories  que,  depuis 
Riemann,  on  etait  habitue  a  confondre  1'une  avec  Fautre. 

Si,  comme  on  le  sail  depuis  Riemann,  les  integrales  des  fonctions  algebriques 
s'expriment  par  le  mojen  des  series  0,  la  solution  ainsi  obtenue  depasse  en 
quelque  sorte  le  but.  Certaines  fonctions  0  correspondent  a  des  probl^mes  de 
quadrature  de  1'espSce  indiquee,  mais  elles  sont  speciales;  il  enexiste  une  foule 
d'autres  qui  n'ont  point  une  origine  de  cette  esp&ce. 

Quelles  sonL  les  relations  qui  caracterisent  ainsi  les  fonctions  0  speciales  ? 
—  et,  d'autre  part,  que  peut-on  dire  des  autres  fonctions  0  ? 

Mais  auparavant,  une  autre  question  analogue  se  presentait,  qui  s'etait  deja 
pos6e  a  Riemann  m6me  (lequel  1'avait  signalee  a  Hermite,  puis  a  Weierstrass 
et  qui,  en  m6me  temps  quePoincare  preoccupa  MM.  Picard  et  Appell  (*),  celle 
de  savoir  si  les  fonctions  p^riodiques  obtenues  comme  quotients  de  fonctions  0 
sont  les  plus  g6nerales  parmi  celles  qui  pr^sentent  le  m^me  nombre  de 
p^riodes. 

Cela  est  d'autant  moins  Evident  que  les  fonctions  0  ne  peuvent  pas  <Hre 
form^es  avec  des  p^riodes  enti&rement  arbitraires.  Au  contraire  il  ne  semble 
nullement  a  priori,  que  la  definition  des  fonctions  p^riodiqucs  doive  impliquer, 
entre  ces  p^riodes,  une  condition  quelconque.  G'est  cependant  ce  qui  a  lieu  et 
toute  fonction  m^romorphe  zp  fois  p&riodique  de  p  variables  complexes  peut 
^tre  repr^sent^e  par  un  quotient  de  series  0.  Poincar6  publia  sur  ce  point,  en 
collaboration  avec  M.  Picard,  une  demonstration  qui,  un  peu  plus  tard  fut 
reconnue  identique  a  celle  qu'avait  obtenue  Weierstrass.  Nous  avons  ditquele 
m&me  fait  se  pr^senta  plus  tard  a.  lui  comme  une  simple  consequence  du  th6o- 
r&me  fondamental  sur  les  fonctions  meromorphes,  moyeixnant  une  etude  plus 
approfondie  des  operations  par  lesquelles  on  etablit  ce  theor^me. 

Geci  elucide,  il  fallait  entreprendre  1'examen  des  fonctions  0  indepen- 
damment-  de  toute  origine  algebrique,  pour  apprendre  a,  distinguer  entre  les 
fonctions  0  appelees  plus  haut  speciales  (c'est-^.-dire  celles  qui  ont  une  telle 
origine)  et  les  autres. 

(l)  Yoir  Analyse,  p.  82;  Cftuvres,  t.  IV,  p.  293, 


L'OEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE.  i83 

Dans  eel  ordrc  d'idees,  Poincare,  des  i883,  considere  un  systeme  de  p  fonc- 
tions  0  a/?  variables,  toutes  aux  m6mes  mnltiplicateurs,  et  determine  le  nombre 
des  solutions  (essentiellement  dislinctes,  c'est-a-dire  telles  que  la  difference  de 
deux  quelconques  d'entre  elles  ne  soil  pas  une  periode)  communes  aux  Equa- 
tions obtenues  en  egalant  ces  fonctions  simullane'ment  a  zero. 

C'esl  a  cette  occasion  que  Poincare  utilise,  pour  la  premiere  fois,  le  the'oreme 
par  lequel  Kronecker  venait  d'exprimer  le  nombre  des  solutions  d'un  sysleme 
donne,  admirable  instrument  qui  semblait  avoir  ete  cree  en  vue  d'un  tel  ouvrier, 
et  que  nous  retrouverons  a  lant  de  reprises  dans  1'etude  de  son  oeuvre.  Grace  a 
lui,  il  put  montrer  que  le  nombre  en  question  ne  depend  que  du  nombre  p  des 
variables  et  du  degre  des  fonclions  0. 

La  difference  entre  le  point  de  vue  de  Poincare'  et  celui  de  ses  predecesseurs 
apparait  par  la  comparaison  entre  cette  question  et  celle  que  s''etail  posee 
Riemann  relativeraent  au  nombre  des zeros  d'une  fonction  0  du  premier  degre. 
Si,  dans  une  telle  fonction,  on  substitue  aux/>  variables  les  valeurs  des/?  inte- 
grales  abeliennes  de  premiere  espoceallackees  aun  nie~me  point  M  de  la  courbe, 
on  a  une  Equation  (a  une  inconnue,  cette  fois)  qui  admet/?  solutions. 

Get  eiionce  differe,  on  le  voit,  du  precedent,  non  pas  seulement  en  ce  que  la 
fonction  0  conside're'e  doit  6tre  sp^ciale,  mais  en  ce  que  les  variables  ne 
peuvent  prendre  que  des  valeurs  ires  particulieres,  ne  dependant  que  d'un  seul 
parametre  et  non  de  p.  Poincare  6tend  d'ailleurs  le  re'sultat  de  Riemann  aux 
fonctions  0  de  degre'  quelconque  (le  nombre  des  solutions  devenant  alors  e'gal 
a  np]  et  a  une  se>ie  de  questions  qu'on  peut  coiiside'rer  comme  intermddiaires 
entre  les  deux  pre'ce'dentes. 

La  relation  entre  ces  diffe'rents  points  de  vue  est  e'galement  mise  en  lumiere 
dans  la  representation  ge"om6trique  qu'il  emploie. 

II  y  a  nP  fonctions  0  de  degr^  n  ayant  des  rnultiplicateurs  donnas.  Si  1'on 
considere  les  valeurs  de  ces  np  fonctions  0  comme  des  coordonn^es  homogenes 
dans  1'espace  a  n13 — r  dimensions,  le  point  qui  a  ces  coordonne"es  —  point  qui 
reste  inaltere  par  Taddition  aux  variables  d'une  p^riode  quelconque,  puisque 
toutes  ses  coordonn^es  sont  multipli6es  par  la  m6me  quantity,  —  de"crit,  dans 
cet  espace,  une  vari6t6/>  fois  etendue  V.  Lorsque  les  fonctions  0sont  sp^ciales 
et  de"rivent  d'une  courbe  alg^brique  C,  si  1'on  remplace  les  variables  par  les 
int^grales  abeliennes  attach6es  a  cette  courbe,  on  a  une  courbe  B  situ6e  sur  V. 
Le  th6or^me  de  Riemann  etendu  par  Poincard  montre  que  cette  courbe  est 
alg^bricjue  et  fait  connaitre  §pn  degre.  Poincare  constate  d'ailleurs  qu'elle  est 


1 84  L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

plane,  ou,  plus  exactcment,  qu'elle  est  situ6e  sur  une  vari<5l<3  plane  a  (n  — 1)/> 
dimensions.  Quant  au  the'oreme  mentionne'  plus  haul  sur  les  ze'ros  communs 
a  p  fonctions  0,  il  fait  connaitre  le  degr<5  de  la  variete  V,  laquelle  esL  alggbrique, 
et  cela,  cette  fois,  m6me  si  les  fonctions  0  conside'rees  ne  sont  pas  spe'ciales. 

Unseul  resultatappartenanta  cette  categoric  porte,  comme  celui  de  Riemann, 
sur  une  seule  equation  a  une  seule  inconnue,  Lout  en  n'cxigcant  pas  que  la 
fonction  0  qui  y  intervient  soit  sp^ciale.  11  ge'ne'ralise  la  relation  de  Lcgendre 
entre  les  p6riodes  des  inte'grales  elliptiques  de  premiere  et  de  deuxieme  espece, 
relation  quc  la  thdorie  des  fonctions  nous  a  montre'e  dependant  du  nombre  des 
ze'ros  de  la  fonction  0  dans  un  parallelogramme  des  periodes.  Pour  arrivcr  a  im 
r^sultat  pre'sentant  ces  caracteres,  il  fallait  vaincre  une  difficult^  de  nature 
ge'ome'trique  par  laquelle  cette  recherche  se  rapproche  de  celles  que  Poincare 
avait  dtjveloppees  sur  la  th^orie  ge'ne'rale  des  fonctions  de  plusieurs  variables. 

Apres  avoir,  par  son  the'oreme  de  i883,  6tendu  une  proposition  classique  sur 
le  nombre  des  z6ros  d'une  fonction  elliptique,  Poincare  va  plus  loin  ct  donne 
une  extension  analogue  a  celle  qui  fait  connaitre  la  somme  de  ces  ze'ros. 

Des  le  premier  de  ces  deux  the"oremes,  on  voit  intervenir  occasionnellement 
comme  auxiliaires  les  cas  de  reduction  dont  nous  avons  parl(5  pr6c6demment. 
Cette  premiere  intervention  n'est  toutefois  qu'accessoire,  pour  ainsi  dire  : 
1'emploi  du  the^oreme  de  Kronecker  ayant  montre',  comme  nous  1'avons  dil,  que 
le  nombre  des  zeros  communs  est  constant,  1'examen  d'un  cas  de  reduction  ou 
tout  se  ramene  aux  fonctions  elliptiques  fournit  simplement  la  valeur  de  celte 
conslante. 

M*is  c'est  seulement  avec  le  the'oreme  sur  la  somme  des  ze'ros  que  ces  fonc- 
tions abeliennes  re'ductibles  jouentun  role  essentiel  et,  ainsi  que  les  irajoctoires 
pe'riodiques  de  la  M^canique  celeste  auxquelles  on  pourrait  a  la  rigueur  les 
comparer,  sont  pour  nous,  toutes  particulieres  qu'elles  soient,  le  moyen 
d'atteindre  toutes  les  autres  fonctions  abeliennes. 

Poincar6  remarque,  en  effet,  qu'on  peut  trouvcr,  d'une  infinite  de  manieres, 
des  fonctions  abeliennes  re'ductibles  aussi  pen  diflf^rentes  qu'on  le  veut  d'une 
fonction  abelienne  quelconque  donn^e,  de  m^me  qu'au  voisinage  d'une  incom- 
mensurable donn^e,  on  peut  trouver  une  infinite  de  nombres  commensurables. 
II  suffit  des  lors  de  resoudre  le  probleme  pour  les  fonctions  r^ductibles,  la 
solution  s'e'tendant  imme'diatement,  par  voie  de  continuite  aux  fonctions  abe"- 
liennes  quelconqu^s. 


'    L'QEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE".  i85 

Un  nouvel  emploi  des  cas  de  reduction  va  e'galement  permellre  d'aborder  le 
probleme  principal  dont  nous  avons  donne'  tout  a  1'lieure  Ft$nonc6  :  la  recherche 
des  conditions  moyennant  lesquelles  les  fonctions  0  sont  spe'ciales. 

Ainsi  est  exploit  tout  d'abord  Faspect  ge'ome'lrique  du  probleme.  Comme  on 
pouvait  au  fond,  1'inf^rer  des  rccherches  de  Lie,  et  comme  Poincar<j  le  de'montre 
d'une  facon  nouvello  et  particulierement  intuitive,  la  condition  n^cessaire  et 
suffisante  pour  qu'un  systeme  de  fonctions  0  soit  special  esL  que  la  variety  S 
dont  Fequation  s'obtient  en  e"galant  1'une  d'entre  elles  a  z6ro  soit  de  translation 
et  cela  de  deux  manieres  diff6rentes.  L'tHude  de  la  courbo  dont  la  translation 
produit  ainsi  la  varie'te'  S  n'est  autre  que  celle  de  la  courbe  spe'ciale  B  dont  il  a 
e"te"  question  plus  liaut  (voir  p.  i83).  On  est  ainsi  conduit  a  de'finir  cette  courbe 
en  adjoignant  a  Fequation  de  S  un  sjsteme  d'autres  Equations  analogues.  Mais, 
quoique  les  variety's  repre'sente'es  par  ces  Equations  soient  en  nombre  suffisaiiL 
pour  de"fmir  par  leur  intersection  une  courbe,  elles  ne  fournissont  pas  uiii- 
quement  celle  que  1'on  cherclie  :  Fintersection  se  decompose,  et  la  courbe  clicr- 
ch6e  n'est  qu'une  des  composantes. 

Pour  rendre  possible  1'intelligence  complete  du  me'canisme  de  ceLie  de*com- 
position,  Poincare  est  oblig6  de  faire  intervenir  a  nouveau  les  cas  de  reduction. 
La  marchc  suivie  en  cette  circonstance  est  celle  me1  me  qui  est  class ique  en 
Calcul  infinitesimal  :  F6tude  (au  moins  1'^tude  approcliee)  des  cas  infiniment 
voisins  d'uii  premier  cas  donn6  dans  lequel  la  solution  est  connue  ou  peut  6tre 
oblenue.  Ce  cas  initial  est  ici  un  cas  de  reduction.  Toutefois  Femploi  de  la 
me'tliode  est  ici  particulierement  difficile.  Si,  en  efFet,  la  discussion  d'uii  cas 
singulier  tel  que  le  cas  d<i  reduction  est  ici  la  seule  prise  que  nous  ayoiis  sur  1<J 
cas  ge'ne'ral,  les  m6mes  raisons  qui  nous  la  rendcnt  accessible  font  —  et  nous 
retrouverons  ce  fait  a  propos  des  Equations  diff6rentielles  —  qu'elle  nous  oiFre 
de  ce  cas  general  une  image  plus  ou  moins  fortement  dt5form6e,  ou  toutes  les 
proprie't^s  ont  en  quelque  sorte  d^gt^ne"r^.  Aussi  nefaut  il  point  s'etonner  de  ne 
la  voir  e'lucide'e  que  par  une  dissection  d'une  finesse  extreme  et  d'y  irouver  les 
interpretations  aussi  delicates  que  Fcst  pour  le  naturaliste  celle  d'organes 
dont  les  formes  atropbiees  ou  regressives  sont  seules  accessibles  a  Fobser- 
vation. 

Mais   la   condition   qui    caracte'rise   une   fonction  abelienne   spe'ciale   doit 

s'exprimer,  en  derniere  analyse,  par  une  relation  entre  les  p^riodes.  C'cst  la 

partie  la  plus  difficile  du  problenie,  celle  pour  laquelle  Poincar6  ne  pout  fournir 

qu'un  commencement  de  solution.  La  me'thode  pre"ce"dente  donne  cependant, 

H.  P.  —  XI.  24 


i Nf»  L'QEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

sinon  la  forme  complete  des  premiers  membres  des  relations  cherche'es  enlre 
les  periodes,  du  moins  les  premiers  termes  de  leurs  developpements. 


Peut-£lre  convienL-il  des'arreHer  un  instant  pour  jclcr  sur  ce  qui  precede  un 
coup  d'ceil  chronologique.  La  llieorie  des  fonctions  fuclisienncs  an  rait  a  elle 
seule  suffi  pour  fonder  la  gloire  de  Poincare.  Mais  si  elle  fat  d'abord  la  plus 
remarquee,  d'aulres,  parmi  les  decouvertes  qui  remonient  a  la  inline  e"poque, 
ne  lui  cedent  nullement  en  importance  et  Ton  ne  pent  enregislrer  sans  stupe- 
faction la  rapidite  avec  laquelle  elles  se  succederent  a  partir  de  1879,  date  de  la 
These  de  doctorat  de  Poincarti.  Parmi  celles  qui  apparurent  depuis  cette  date 
jusqu'en  iS83,  nous  avons  deja  signale  : 

les  fonctions  fuclisiennes ; 

le  th<§oreme  fondaniental  sur  le  genre,  duquel  decoulo  toute  la  theorie  des 
fonctions  entieres ; 

Puniformisation  des  fonctions  analytiques; 

la  representation  des  fonctions  mtSromorphes  de  deux  variables  par  quotients 
de  fonctions  entieres ; 

le  the'oreme  sur  les  zeros  des  fonctions  G)  qui  devail  donner  naissance  a  la 
nouvelle  theorie  des  fonctions  abe'liennes ; 

1'extension  des  notions  de  genre  et  d'ordre  aux  formes  de  degre"  superieur, 
et  la  notion  d'invariants  arithme'tiques. 

Nous  avons  essaye'  de  donner  une  ide'e  de  Fimportance  fondamentale  de  ces 
diffe'rentes  decouvertes.  Mais  la  plus  essentielle  peut-6tre  nous  reste  a  men- 
tionner.  Nous  savons,  en  effet,  que  la  th^orie  des  fonctions,  si  grande  quo  soit 
la  place  prise  par  elle  dans  les  mathe'matiques  contemporaines,  n'est  en  somme 
qu'un  moyen.  On  trouvera  naturel,  des  lors,  que  la  theorie  des  courbes  deft- 
nies  par  les  Equations  differentielles,  dont  nous  aurons  a  parler  tout  a  1'heure 
ait  eu  sur  toute  Toeuvre  de  Poincar6  et  sur  toute  la  marche  de  la  science  une 
influence  plus  decisive  encore  que  les  recherches  meme  dont  il  a  <H6  question 
jusqu'ici.  Or,  dans  ses  deux  premieres  parties,  elle  remonte  a  la  zn^me  ^poque, 
et  de  cette  pe~riode  encore  date  une  courte  Note,  grosse  de  toute  une  revolution 
dans  nos  conceptions  astronomiques. 

En  quatre  ann^es,  dans  les  domaines  les  plus  divers,  dans  les  directions  les 


L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE".  187 

plus  oppose"es,  quelle  arme"e  de  de"couvertes  primordiales  dont  chacune  aurait 
suffi  a  consacrer  une  reputation.  Encore  n'avons-nous  cil&  que  celles  —  et  non 
peut-6tre  toutes  —  qui  marquent  comme  un  lournant  pour  une  branclie  de  la 
science. 

II  n'est  pas  vrai  que  le  temps  ne  fasse  rien  a  FafTaire,  dans  la  vie  d'un  grand 
savant.  N'oublions  pas  que  celle  de  Poincare",  sans  avoir  la  tragique  brievet6  de 
la  carriere  d'un  Galois  ou  d'un  Abel  devait  6lre  arret^e  en  pleinc  fe"condite. 

L'accumulation  de  ces  oeuvres  me"morables  —  un  seul  tome  du  bulletin  de 
la  Societe  mathematique  de  France  renferme  trois  de  celles  que  nous  venous 
de  citer  —  n'en  est  d'ailleurs  pas  la  seule  caracte"ristique.  Le  dieuqui  les  iiispi- 
rait  manifeste  son  impatience  dans  leur  style  me"  me.  Dans  nombre  d'entre  elles, 
—  particulierement  dans  ces  trois  articles  du  Bulletin  de  la  Societe  mathe- 
jnatique  de  France  —  deux  ou  trois  pages  lumineuses  autant  que  concises, 
suffisent  au  veni,  vidi,  vici  d'un  triomphe  de  1'esprit  humain. 


II.  —  Les  equations  diffe"rentielles . 

{.    LES  VOIES  CLASSIQUES. 

Le  centre  de  la  math^matique  moderne  est,  nous  1'avons  dit,  dans  la  the'orie 
des  Equations  difF^reiitielles  et  aux  d6riv<5es  partielles. 

II  nous  faut  maintenant  montrer  Poincare'  aux  prises  avec  ce  double  pro- 
bleme  et  tout  d'abord,  avec  les  Equations  difTe'rentielles. 

La  place  n'est  point  de  celles  que  Ton  puisse  emporter  de  liaute  lutte;  il  faut 
Fatlaquer  successivement  sur  toute  sorle  de  points  et  se  contenter  d'avantages 
partiels.  Essayons  d'e"nume"rer  les  directions  a  suivre. 

I.  On  peut  se  pre~occuper  de  perfectionner  (sp6cialement  autour  des  points 
singuliers)  l'6tude  que  nous  avons  appel^e  locale  des  solutions. 

II.  II  faut,  d'autre  part,  savoir  d^couvrir  les  cas  ou  celles-ci  s'expriment  a 
1'aide  de  fonctions  connues.  C'eHait  a  eux  que  Ton  r6duisait  le  probleme  aux 
debuts  du  calcul  infinitesimal.   Tout  d^chus  qu'ils  soient  de  cette  ancienne 
importance,  il  importe  de  ne  pas  les  laisser  e"chapper  lorsque,  exceptionnel- 
lement,  ils  existent. 


1  88  L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

III.  A  defaul  des  fonctions  deja  existantes,  il  peul  arriver  que  certaines 
transcendantes  nouvelles,  douses  de  propriety  qui  en  permettent  1'eiude  et  le 
calcul,  gouvernentj  d'autre  part,  une  categoric  etendue  d'equations  differen- 
tielles  dont  elles  permettent  d'exprimer  les  integrates. 

TV.  On  pent  etudier  les  solutions,  supposees  analytiques,  an  point  de  vue 
de  la  Theorie  des  fonclions  el  chercherles  cas  cm  elles  se  comporLenta  ce  point 
de  vue  d'une  maniere  remarquable. 

V.  On  peat  essayer  de  substituer,  dans  le  cas  general,  aux  developpemeiils 
en  series  qui  conviennent  localement,  des  developpements  de  forme  diffe'rente 
valables  pour  loules  les  valours  de  la  variable,  etc. 

Poincare  suivit  avec  succes  toutes  ces  voies,  en  me"  me  temps  que  nous  le 
verrons  en  frajcr  d'autres  sinon  entierement  nouvelles,  du  moins  presque 
inexplorees  avant  lui,  et  plus  fecondes  que  les  premieres. 

Sa  These  marque  suriout  un  progres  essentiel  au  premier  point  de  vue  qui, 
nous  1'avons  dit,  dominait  depuis  Cauclij,  celui  de  1'etude  locale  des  solutions. 
Elle  n'est,  en  un  sens,  qu'une  generalisation  des  recherches  de  Briot  et 

BoLiquel  sur  les  points  singuliers  en  lesquels  la  valeur  de  ~-  se  pr^sente  sous  la 
forme  -  :  generalisation  a  un  systemc  d'equations  du  premier  ordre  (*),  au  lieu 

que  Briot  et  Bouquet  n'avaient  traite  qu'une  equation  unique.  Mais  ici  cette 
generalisation  fait  apparaitre  des  resullats  de  forme  toute  nouvelle.  Dans 
1'exemple  de  Briot  el  Bouquet,  un  seul  coefficient  influait  sur  la  forme  des 
resultats,  et  la  discussion  ne  reposait  que  sur  le  signe  de  ce  coefficient.  Cclle  de 
Poincare  inlroduit  au  conlraire  plusieurs  nombres  (dependant,  comme  le  coef- 
ficient unique  de  Briot  el  Bouquet,  des  termes  du  premier  degre  de  liquation) 
el  les  conditions  d'inegalite  que  Ton  doit  former  ne  s'exprimenl  aisernent  quo 
sous  forme  geometrique,  en  circonscrivant  un  polygone  convexe  au  systeme  des 
poinls  qui  ont  pour  affixes  les  nombres  en  question.  Le  resultat  obtenu  entrainc 
des  lors  que,  considers  comme  fonctions  de  Fun  d'eux,  les  solutions  pre- 
sentent  un  espace  lacunaire  (en  Tespece,  un  poljgone  reciiligno);  c'est 
Pexemple  dont  il  a  cjeja  ete  parle  plus  haul  et  qui,  comme  on  le  voit,  ne  pouvait 
etre  soupgonne  tant  qu'on  s'en  tenait  au  cas  de  Briot  et  Bouquet. 


considere  plus  specialement,  dans  ce  travail,"  liquation  aux  ddrivees  partielles  du 
premier  ordre  equivalente  au  systeme. 


L'CEUVRE   MATHEMATIQUE   DE   POINCARE.  189 

Une  autre  question  qui,  bien  qu'appartenant  a  cette  premiere  categoric  des 
Etudes  locales,  soul&ve  de  serieuses  difficult^,  non  encore  compl&lement  sur- 
montdes,  est  le  calcul  des  inl^grales  irrgguliSres  des  Equations  lin&iires,  les 
seules  que  la  m^thode  de  Fuchs  ne  permette  pas  d'obtenir.  Deux  sortes  de 
de"veloppemenls,  tr£s  semblables  au  premier  abord,  compl&lemeni  diflferents  en 
r^alite,  peuvenl  6  ire  proposes  pour  represenler  les  solutions  :  les  uns  sont 
convergent,  mais  on  ne  sait  pas  en  irouver  les  lermes  (!),  les  aulres  peuvent 
cHre  formes  effectivemenl  a  1'aide  des  donates  de  la  question,  mais  ils  soul 
divergents  en  general. 

PoincartJ,  utilisant  une  transformation  classique  due  a  Laplace,  inonLre, 
comme  il  le  fera  bieniol  en  M^canique  celeste,  que  ces  developpements  diver- 
gents  out  une  signification  :  ils  font  connaitre,  jusqu'a  lei  ordre  de  pelilesse 
qu'on  le  veuL,  1'allure  de  la  fonction.  De  plus,  il  obtient  par  la  mgme  voie  uiiu 
condition  n^cessaire  eL  suffisante  pour  qu'il  y  ait  convergence. 

Sur  un  point,  —  la  recherche  de  la  limite  vers  laquelle  tend  la  d^rivee  loga- 
rithmique  de  la  solution  —  la  meHhode  employee  se  rapproche  bcaucoup  de 
celles  que  nous  retrouverons  plus  loin  a  propos  del'£lude,  nonplus  locale,  mais 
g£n6ralc  du  probl&me  des  6quations  diff&renlielles ;  et  dans  le  fail  que  la  ques- 
lion  donl  nous  parlons  en  ce  moment  n'est  «  locale  »  qu'en  apparence  reside 
sans  doute  la  veritable  raison  des  grandes  difficult^s  de  cette  question  qui  m£ri- 
lerait  encore  tant  de  nouvelles  recherches. 

La  connaissance  des  cas  ou  ^integration  se  fail  par  les  fonclions  classiques 
a  ^galement  (5L(5*notablement  <5tendue  par  Poincar^.  II  en  a  (5L<5  ainsi  en  parti- 
culier  en  ce  qui  concerne  Fint^gralion  des  Equations  Iin6aires  par  les  fonclions 
ab^liennes.  Mais  surtout,  il  s'est  atlaqu6  a  la  question  si  simple  d'^nonce,  si 
difficile  en  r6alit<3,  qui  se  posait  apr&s  les  recherches  de  M.  Darboux  et  qui 
consiste  a  reconnaitre  si  Fint^grale  g6n6rale  est  alg^brique.  II  a  pu,  dans  plu- 
sieurs  categories  de  cas  nouveaux,  oblenir  le  r^sultat  essenliel,  la  limitalion  du 
degr^.  Ici  encore,  une  partie  de  ses  r<5suliats  esl  due  a  1'inlervenlion  des  fonc- 
tions  fuchsiennes. 

Si  grandes  que  soient  les  difficult  de  cette  question,  on  ne  doil  aujourd'hui, 
nous  1'avons  dit,  voir  la  que  le  petit  c6t6  du  calcul  integral.  Au  lieu  de  recher- 

( l )  On  connait  aujourd'hui,  thdoriquement  parlaat,  grace  aux  Memoires  de  M.  Helge  von  Koch, 
un  moyen  de  combler  cette  lacune  en  calculant  les  termes  dont  il  s'agit  :  nous  dirons  plus  loin 
comment  ce  re"sultat  derive  des  travaux  de  Poincar6  lui-meme. 


HJO  L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

cher  —  non  Sans  peine,  nous  venons  de  le  dire,  —  si  un  extraordinaire  hasard 
iie  nous  a  pas  mis  en  face  d'une  Equation  integrable  elementairement,  il  est  autre- 
ment  important  de  disposer  des  transcendantes  necessaires  pour  integrer  les 
equations  diffe'rentielles  telles  qu'elles  se  presentent  en  fait. 

A  ce  point  de  vue,  nul  geometre  n'a  remporte  de  victoire  plus  glorieuse  que 
1'inventeur  des  fonctions  fuchsiennes,  qui  permettent  d'atteindre  toutes  les 
Equations  diffe'rentielles  line'aires  a  coefficients  algebriques. 

L'etude  des  solutions  analytiques  au  point  de  vue  de  la  the'orie  generale  des 
fonctions  doit  a  Poincare  un  travail  qui  a  joue  dans  les  recherches  contempo- 
raines  un  role  primordial,  quoique  la  conclusion  en  ait  ete  essentiellement 
negative.  L'lijpothese  la  plus  simple  que  1'on  puisse  imaginer  en  ce  qui  regarde 
la  disposition,  inconnue  en  general,  des  points  singuliers  des  integrates  d'une 
Equation  differentielle,  celle  des  equations  a  points  critiques  fixes,  avail  616  pour 
la  premiere  fois  conside're'e  par  Fuchs.  Ge  savant  etait  parvenu  a  ecrire  un 
systeme  de  conditions  mojennant  lesquelles  les  points  critiques  sont  les  monies 
pour  toutes  les  solutions  d'une  m£me  Equation  du  premier  ordre.  Mais  il  n'y 
avait  la  que  1'amorce  d'une  response  a  la  question  ainsi  pos6e;  il  restait  a  savoir 
quelles  etaient  les  Equations  diffe'rentielles  remplissant  ces  conditions  et  si,  par 
leurs  integrates,  on  pouvait  £tre  conduit  a  des  transcendantes  nouvelles. 
Poincar<5,  pour  qui  les  Equations  de  cette  nature  se  pre'sentaientne'cessairemeiit 
comme  generalisation  naturelle  des  equations  lineaires  qu'il  venait  d'iiitegrer, 
montra  que  toutes  se  ramenent  a  des  cas  deja  etudies. 

Geci  semblait  uniquement  terminer,  sans  laisser  apercevoir  d'issue  nouvelle, 
les  recherches  de  Fuchs. 

II  n'en  etait  rien  :  ce  Memoire,  et  particulierement  la  methode  employee  par 
Poincare"  —  methode  sur  laquelle  nous  reviendrons  un  instant  plus  loin  — 
devaient  servir  de  base  a  toute  la  theorie  analytique  des  equations  differentielles 
qu'on  doit  a  M.  Painleve. 

Enfin,  dans  le  cas  general,  il  importe  tout  d'abord,  nous  1'avons  dit,  de 
former  des  developpements  valables  pour  toutes  les  valeurs  (au  moins  reelles) 
de  la  variable.  Aucun  resultat  de  cet  ordre  n'avait  pu  £tre  atteint,  et  Ton  voit 
quelle  transformation  essentielle  un  tel  resultat  devait  operer  dans  la  question, 
puisque,  jusque-la,  c'etait  uniquement  a  propos  d?6quations  tres  particulieres 
qu'on  avait  pu  aboutir  &  autre  chose  qu'a  une  etude  locale. 


L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE.  191 

11  s'agissait  done  de"ja  de  fairc  faire  un  pas  a  la  the'orie  dans  une  voie  loule 
nouvelle. 

Poincare'  lui  fit  franchir  ce  pas  important;  il  monlra  qu'il  suffit  a  cet  effet 
d'ope'rer  sur  la  variable  inde'pendante  un  changement  convenable,  apres  quoi 
le  de>eloppement  de  Taylor  Iui-m6me  re"pond  a  la  question. 

Applique'e  au  probleme  des  trois  corps,  cette  me'thode  permet  d'obtenir  des 
de>eloppements  valables  pour  loutes  les  valeurs  du  temps,  sauf  dans  un  seul 
cas  d'exception,  celui  ou,  au  cours  du  mouvement,  deux  corps  viennenl  a  se 
choquer. 

C'est  cette  derniere  lacune,  —  laquelle  restait  assez  importante,  car  on  nc 
sait  pas,  a  priori,  avec  des  circonstancos  initiales  donne'es,  si  le  choc  en  ques- 
tion pent  se  produire,  et  encore  ruoins  quand  il  se  produira  —  que  les  recents 
travaux  de  M.  Sundman  sont  yenus  combler.  L'ide"e  premiere  de  sa  belle  ana- 
lyse —  a  savoir,  un  prolongement  analytique  de  la  solution  au-dela  de  1'instant 
du  choc,  —  a  elle-me'me,  ajoutons-le,  ses  racines  dans  les  Methodes  nouvelles 
de  la  Mecanique  celeste. 

Mais  Poincare"  n'a  entendu  donner  cette  application  au  probleme  des  trois 
corps  qu'a  titre  d'exemple.  Si  utiles  que  puissent  6tre  les  de'veloppements  dont 
nous  venons  de  parler,  il  ne  les  considere  nullement  comme  r6solvant  le  pro- 
bleme g6ne>al.  Tout  en  ducidant  celui-ci  sous  les  diffe'rents  aspects  qui  pre- 
cedent, il  va  montrer,  en  effet,  qu'on  en  avait  oublid  d'autres  plus  difficiles 
encore,  mais  assure'ment  non  moins  importants. 

2.    LA    THfiORIE    QUALITATIVE. 

Le  point  de  vue  nouvean  que  nous  allons  voir  apparaitre  est,  en  r^alit^, 
commun  a  toutes  sortes  de  questions  math^matiques. 

Dans  les  cas  el6mentaires ,  1'expression  des  inconnues  par  les  symboles  usuels 
fournit,  en  ge'ne'ral,  aise'ment  a  leur  e'gard  tous  les  renseignements  qu'on  se 
propose  d'obtenir. 

C'est  ce  qui  a  lieu  pour  tous  les  problemes  mathe'matiques  suffisamment 
simples.  Pour  peu  que  la  question  se  complique,  il  en  est  autrement.  Dans  la 
lecture,  si  j'ose  m'exprimer  ainsi,  faite  par  le  mathe'maticien  des  documents 
qu'il  possede,  Poincar^  met  en  Evidence  deux  grandes  e"tapes,  1'une  qu'on  peut 
appeler  qualitative,  1'autre  quantitative. 

Ici  nous  citerons  les  reflexions  m^me  qu'il  de"veloppe  a  cet  e'gard  :  «...  Pour 


1 92  L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

etudier  une  equation  alge"brique,  on  commence  par  rechercher,  a  1'aide  du 
thejoreme  de  Sturm,  quel  est  le  nombre  des  racines  re'elles  :  c'est  la  partie  qua- 
litative; puis  on  calcule  la  valeur  nume'riquc  de  ces  racines,  ce  qui  constitue 
1'etude  quantitative  de  1'^quation.  De  m6me  pour  e'tudier  une  courbe  alge"brique. 
on  commence  par  construire  cetle  courbe,  comme  on  dil  dans  les  cours  de 
Mathomatiqucs  speciales,  c'est-a-dire  qu'on  cherche  qu'elles  sont  les  branches 
de  courbes  fermees,  les  branches  infinies,  etc.  Apres  celte  (5ludc  qualitalivc  de 
la  courbe,  on  pent  en  determiner  exaclement  un  certain  nombre  de  points. 

«  C'est  naturellemenl  par  la  partie  qualitative  qu'on  doit  aborder  la  tliuorie 
de  toute  fonction  et  c'est  pourquoi  le  probleme  qui  se  prusente  en  premier  lieu 
est  le  suivant :  Construire  les  courbes  definiespar  des  equations  differentielles. 

«  Gette  (jtude  qualitative,  quand  elle  sera  faite  completement,  sera  de  la  plus 
grande  utilite'  pour  le  calcul  numerique  dc  la  fonction. 

«  ...  D'ailleurs  cette  e'tude  qualitative  aura  par  elle-m6me  un  inte"ret  de  pre- 
mier ordre.  Diverses  questions  fort  importantes  d'Analyse  et  de  Mecanique 
peuvent  en  effet  s'j  ramener.  » 

La  plus  importante  d'entre  elles  est  bien  connue,  et  son  exemple  se  pre'sente 
de  Iui-m6me  a  tout  esprit  quo.  pr6occupent  les  progres  de  PAstronomie  :  c'csl 
la  stabilite  du  systeme  solaire.  Le  fait  seuLque  cette  question  soit  essciitiollo- 
ment  qualitative  suffil  a  montrer  la  ne'cessite"  du  point  de  vue  dont  il  s'agit. 

Ainsi  I'^tude  qualitative  de  la  variation  d'une  grandeur  on  du  doplaccinont 
d'un  point  est  indispensable  a  la  fois  en  ollc-m^me  et  comme  pr^cedant  prtisquo 
ndcessairement  Tetude  quantitative. 

Cependant  ce  point  de  vue  avait  e'te'  presque  completement  de"laiss6  et 
comme  ignor6  par  les  pre'de'cesseurs  de  Poincar6.  Quelques  remarquables 
exceptions  sont  a  citer  :  la  demonstration  du  the"oreme  de  Lngrange  sur  la  sla- 
l)ilittS  de  l^quilibre  par  Dirichlet;  les  travaux  de  Sturm;  ccux  dc  Liotiville. 
Mais  meme  ceux  d'entre  cux  qui  avaient  frapp6  les  g6ometres,  —  ce  n'est  pas 
le  cas  pour  tous,  nous  le  verrons  plus  loin  —  e"taient  rested  isol(5s;  Fexemplc 
significatif  qu'ils  donnaient  n' avait  pas  e'te'  suivi. 

La  faute  en  est,  pour  une  part,  au  grand  d6veloppement  de  la  th^orie  des 
fonctions  analjtiques,  aux  services  m6mes  qu'elle  avait  rendus,  et  qui  de"tour- 
naient  completement  les  esprits  du  domaine  r6el. 

En  abandonnant  cet  atixiliaire,  Poincar^  cut  a  rompre  avec  une  tradition 


L'OEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE.  198 

vieillc  d'un  quart  dc  si&cle  et  a  laquelle  1J Analyse  devail  lous  ses  progres  durant 
celle  p^riode. 

D'auLre  part,  la  Science  se  trouvait  du  coup  complement  d^sarm^e  en  face 
des  hautes  difficult^  des  questions  ainsi  pos6es,  les  premieres  pour  lesquelles 
cctte  th<3orie  des  fonctions  analytiques  n'apportait  aucune  solution. 

Comment  ces  difficultes  —  ou  plulol  certaines  d'entre  elles,  car  il  reste 
beaucoup  a  explorer  dans  cet  immense  domaine  qui  n'6lait  hier  encore  que 
tnystfcre  pour  nous  —  furenL-elles  surmonle"es  par  Poincar^  ? 

Ici  se  retrouvc  une  circonstance  qui  (Hail  deja  apparue  dans  d'autres  cha- 
pitres  de  1'hisloire  des  rnathemaliques. 

C'est  ainsi  que,  dans  la  resolution  algebrique  des  Equations,  il  y  eut  une 
premiere  p6riode  ou  1'on  porla  son  attention  sur  la  recherche  d'une  racine 
clelermin6e  de  1'equation  propose^.  Mais  cclte  lh6orie  ne  passa  d'un  elal  quel- 
quc  sorte  empirique  a  F^tal  de  perfection  logique  ou  I'amen&rent  Lagrange, 
Rufini,  Abel,  Cauchy,  Galois  que  lorsque  Ton  sc  d^cida,  au  contraire,  a  envi- 
sager  simultanement  toules  les  racines  cherch^es.  C'est  en  examinant  les 
relations  qui  existent  enlre  elles  que  furent  conquis  les  principes  modernes  par 
lesquels,  dans  cetle  question,  tout  s'^claire,  s'expliquc  et  se  pr^voit. 

Dans  les  premieres  recherches  sur  les  equations  diff(§rentielles  et  exception 
taite  pr<§cis6menl  pour  certains  des  travaux  que  nous  citions  il  y  a  un  instant, 
on  avail  g&n&ralemenl  6ludiu  une  a  une  les  int<5grales  d'une  Equation  diff^ren- 
tielle  donn^e  quelconque  :  en  examinant  chacune  d'elles,  on  avait  fait  abstrac- 
tion de  toutes  les  autres. 

Les  M(5moires,  Sui'  les  courbcs  defmies  par  les  equations  differ entielles, 
vinrent  montrcr  que  ce  point  de  vue  (Hail  insuffisant  et  que  les  solutions  d'un 
sysl&me  d'equations  diffdrentielles,  coinme  les  racines  d'une  Equation  alg^- 
brique,  devaient,  m6me  en  vuc  do  {'intelligence  de  chacune  d'elles,  Otre  envi- 
sag6es  dans  leurs  rapports  mutuels. 

Ceci  fail  comprendre  lout  d'abord  1'imporlance  que  prend,  dans  Fccuvre  de 
Poincare,  le  thgor&me  d(5montr6  dans  le  MLemoire  de  1889,  Sur  le  probleme 
des  trois  corps  et  dans  les  Methodes  nouvelles  de  la  Mecanique  celeste,  rela- 
liveiuenL  a  la  possibility  de  d^velopper  les  solutions  d'un  syst&me  diff^rentiel v 
suivant  les  puissances  des  para  metres  qu'il  renfcrme  ou  qui  interviennent  dans 
les  donn^es  initiales. 

L'un  des  M^moires  mentionn^s  pr6c6demment  relive  d^ja  du  principe  dont 
il.  P.  -  xi.  2^ 


I94.  L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE". 

nous  parlous,  de  la  consideration  simultanee  de  loutes  les  integrals  d'une 
meme  Equation  diflferentielle  :  c'est  celui  qui  iraite  des  Equations  du  premier 
ordre  a  points  critiques  fixes.  Si,  dans  cette  question,  Poincare  put  degager  le 
resultat  decisif  qui  vidait  le  debat  et  qui  avail  echappe  a  Fuchs,  c'est  en  consi- 
derant  les  valeurs  de  1'inconnue  y  comme  fonctions,  non  plus  de  la  variable 
independante  x  qui  figure  avec  elle  dans  liquation  differentiellc,  mais  bien  de 
leurs  determinations  initiales  J0  pour  une  valeur  fixe  #0  donnee  a  cetle  variable. 
La  solution  du  probleme  est  pr6cis6nienl  due  a  ce  que,  entre  y  et  ro,  existe 
une  correspondance  birationnelle. 

Nous  verrons  plus  loin  line  autre  serie  de  deScouvertes  de  Poincare  partir  du 
m&me  principe,  je  veux  parler  des  recherches  relatives  a  la  figure  d'equilibre 
du  fluide  en  rotation.  Tous  les  progres  qu'il  realise  sur  cette  question  sont  dus 
a  ce  qu'il  n'en visage  pas  une  des  figures  d'equilibre  cherchees  en  clie-m£rne, 
mais  bien  dans  ses  relations  avec  les  figures  d'equilibre  voisines. 

Poincare  procede  dans  le  m£me  esprit,  pour  1'etude  des  equations  diflferen- 
tielles  reelles,  des  le  premier  cas  auquel  il  s'attaque.  Ce  cas  est  le  plus  simple 
de  tous,  celui  d'une  equation  unique  du  premier  ordre  et  du  premier  degre, 

donnant  —;  en  fonction  rationnelle  de  x  et  y. 

Quelles  donnees  possede-t-on  sur  les  relations  qui  existent  enlre  les  elide- 
rentes  courbes  int^grales  de  la  m£me  Equation?  Une  seule  apparait  au  premier 
abord  :  le  fait  que  deux  quelconques  de  ces  courbes,  si  ellesne  coincident  pas, 
ne  peuvent  se  couper,  sauf  en  certains  points  singuliers. 

Geci  a  defaut  de  toute  aulre  consideration,  montrait  la  necessite  de  discuter 
a  part  les  points  dont  il  s'agit.  C'est  encore  une  question  locale,  qui,  en  1111 
sens,  n'est  pas  nouvelle  (c'est  elle  que  Briot  et  Bouquet  avait  traitee  dans  le 
cas  des  equations  differentielles  a  coefficients  analytiques)  mais  qu'il  fallait 
reprendre,  avec  quelques  difficultes  nouvelles,  du  moment  que  la  distinction 
entre  le  reel  et  1'imaginaire  s'imposait. 

Des  cette  premiere  etude,  on'apergoit  combien  le  nouveau  point  de  vue  est 
necessaire  et  combien  vaines  etaient  les  anciennes  recherches,  celles  qui  avaient 
en  vue  Tintegration  formelle. 

Les  ppints  singuliers  qu'elle  fait  apparaitre  sont,  en  effet,  de  quatre  especes  : 

i°  les  noeuds,  ou  viennent  se  croiser  une  infinite  de  courbes  defmies  par 
1'equation  differentielle ; 


L'OEUVRE  MATHEMATIQUE  DE   POINCARE.  lt)5 

2°  les  cols,  autour  desquels  les  courbes  cherch^es  ont  une  disposition  ana- 
logue a  celle  des  hyperboles  xy  =  const.; 

3°  les  foyers,  autour  desquels  ces  courbes  tournenl  en  s'en  rapprochant 
sans  cesse  a  la  facon  d'une  spirale  logarithmique ; 

4°  les  centres,  autour  desquels  ces  courbes  sont  ferm^es  et  s'enveloppent 
mutuellement  en  enveloppant  le  centre  a  la  fac,on  d' ellipses  homotli^tiques  et 
concentriques. 

Parmi  toutes  ces  dispositions,  quelles  sont  celles  que  1'on  peut  rencontrer 
lorsqu'on  peut  £crire  Pinte'grale  g&itSrale  de  liquation? 

II  stiffit,  pour  s'en  rendre  compte,  de  consid^rer  1'exemple  le  plus  familier 
que  Ton  puisse  prendre  a  cet  egard,  celui  des  ligiies  de  niveau  sur  une  surface 
topographique  quelconque.  II  est  clair  que  de  telles  lignes  peuvent  £tre  consi- 
dere^es  comme  deTmies  par  une  Equation  diffe"rentielle  du  premier  ordre,  dont 
rint^grale  gen6rale  est  connue  et  s'obtienl  en^galant  Paltitude  a  une  constante 
arbitraire. 

Quant  aux  points  singuliers  de  cette  Equation,  ils  ne  peuvent  <}tre  ici  que 
de  deux  esp^ces  : 

des  cols,  a  savoir  les  points  m£mes  que  la  topographic  d6signe  sous  ce  nom  ; 
des  centres,  a  savoir  les  fonds  et  les  sommets  du  terrain. 

Non  seulement  ces  deux  sortes  de  points  singuliers  sont  les  seules  qui  se 
pr6sentent  dans  le  problfcme  des  lignes  de  niveau ,  mais  il  en  est  de  m£me  toutes 
les  fois  que  liquation  a  une  integrate  g^n^rale  telle  que 


F  etant  une  fond  ion  holomorphe,  ou  plus  g6n6ralement  une  fonction  bien 
d6termin£e  et  partout  finie  (1).  Les  points  singuliers  sont  ceux  ou  les  deux 
d^rive^es  partielles  de  F  s'annulent  a  la  fois  ;  on  a  ainsi  un  centre  lorsque  F  est 
maximum  ou  minimum,  un  col  dans  le  cas  conlraire. 

Or  si  maintenant  nous  revenons  a  Pgtude  directe  d'une  Equation  diff6ren- 
tielle  quelconque,  nous  constatons  que,  des  quatre  esp&ces  de  points  singuliers 

/  y  \ 

(l)  Un  nceud  peut  existcr  rneme  si  Pintegrale  generaie  esl  univoque  (  exemple;  —  =  coast.;  i; 

\  &  / 

mais  alors  cette  integrale  F  s'y  presente  sous  la  forme  -  et  peul  j  prendre  des  valeurs  aussi 
grand es  qu'on  le  veut. 


IgG  L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

e'nume'res  plus  ha  at,  trois  se  rencontrent  dans  le  cas  general  (elles  sont  caracle"- 
rise"es  par  certaines  conditions  d'ine'galile'  entre  les  termes  de  plus  bas  degre 
de  liquation  au  voisinage  du  point  singulier)  :  ce  sont  les  noeuds,  les  cols,  et 
les  foyers. 

Mais  il  en  est  tout  aulremenl  des  centres,  c'est-a-dire  des  seuls  points  sin- 
guliers qui,  avec  les  cols,  puissent  se  rencontrer,  comme  nous  1'avons  vu,  dans 
le  cas  d'une  inte'grale  ge'ne'rale  uniforme  et  finie.  Ces  centres  sont  des  points 
singuliers  tout  exceptionnels.  Pour  que  Fun  d'eux  se  pr6sente,  il  faut  qu'une 
infinite"  flcgalites  (auxquelles  conduit  le  calcul  du  de"veloppemcnt  en  serie  de 
la  fonction  F)  soient  ve'rifie'es. 

C'est  ce  qui  ne  saurait  avoir  lieu  pour  une  Equation  <2crile  au  basard,  et 
m&me  si  cela  etait,  il  serait  impossible  dc  s'en  assurer  par  un  nombre  fini 
d'ope"rations  (du  moins  en  1'absence  de  donn^es  particulieres  sur  les  proprietos 
de  liquation). 

En  deliors  des  points  singuliers,  on  peut  utiliser  sans  restriction  la  proprie'te 
fondamentale  rappele"e  tout  d'abord  et  d'apr&s  laquelle  deux  courbes  integrates 
distinctes  ne  se  croisent  pas. 

Ce  point  de  depart,  si  le"nu  qu'il  soit,  donne  a  lui  tout  seul  la  solution  du 
probleme  difficile  qui  nous  occupe.  II  suffit,  a  cet  efFet,  de  1'appliquer,  non 
seulement  a  des  courbes,  completement  difte"renles,  mais  a  des  arcs  convenn- 
blement  clioisis  d'une  m6me  courbe  inte'grale. 

Mais  si  la  me'lhode  employee  est,  au  fond,  ires  simple,  les  resultals  sont 
tout  a  fait  impre'vus  et  montrent  encore  que  la  solution  n'^tait  aucunement 
pre'pare'e  par  toutes  nos  connaissances  ante'rieures  sur  ce  sujet. 

Dans  le  cas  des  lignes  de  niveau,  tontes  les  courbes  cherchees  sont  ferme"e$. 

C'est  ainsi  que  1'on  serait  presque  fatalemenl  amen6  a  se  figurer  les  choses 
si  1'on  voulait  s'en  faire  une  ide"e  d'apres  les  cas  ou  1'on  sait  e"crire  1'int^grale 
g^ne'rale.  C'est  ainsi,  en  efiet,  qu'elles  se  passent  toutes  les  fois  que  cettc  inte'- 
grale  F  est  uniforme  (ou  me'me  uniforme  au  point  de  vue  re'el,  c'est-a-dire  bien 
d^termine'e  en  tout  point  re'el)  et  partout  finie.  Tout  au  plus,  en  conside"ranl 
des  formes  fractionnaires  de  F,  peut-on,  comme  nous  1'avons  vu,  obtenir  des 
courbes  inte'grales  aboutissant  a  des  noeuds. 

Que  cette  vue  elle-m^me  soit  trop  simpliste,  a  moins  de  compliquer  encore 
notablement  1'expression  de  F7  c'est  ce  que  Ton  reconnait  des  Fexemple  des 
lignes  de  pente.  Ici  on  ne  peul  dejci  plus,  en  ge^ne'ral,  obtenir  I'inte'grale 


L'(EUVRE   MATHEMATIQUE   DE   POINCARE.  197 

tairenient,  mais  il  est  Evident  quo  les  lignes  en  question  parlent  des  sommets 
et  aboutissent  aux  fonds  ( exception  6tantfaite,  toutefois,  pour  cerlaines  d'entre 
elles,  les  lignes  de  faite,  qui  aboutissent  a  un  col). 

Seulement,  il  y -a,  en  g6n6ral,  plusieurs  fonds  et  plusieurs  sommets,  et  c'est 
Tun  ou  1'autre  des  fonds  qui  sert  de  point  d'arriv^e,  suivant  cclle  des  courbes 
int6grales  que  Ton  envisage  :  le  passage  des  courbes  qui  aboutissent  a  un  fond 
determine  a  celles  qui  aboutissent  a  un  fond  voisin  se  fait  par  rintermediaire 
d'une  ligne  de  faiie. 

Des  dispositions  de  cette  esp&ce  sont  deja  peu  usuelles  pour  les  Equations 
differentielles  dont  I'iniegrale  gen6rale  a  pu  £lre  ecrite  elementairement. 

Mais  les  resultats  obtenus  par  Poincare  dans  le  cas  general  presentent  un 
degre  de  complication  de  plus.  II  existe  alors  un  certain  nombre  de  courbes 
integrales  qui  sont  des  courbes  ferriages  (des  cycles,  suivant  la  terminologie 
qu'il  emploie).  Toutes  les  autres,  sauf  celles  qui  aboutissent  a  des  points  sin- 
guliers  (*)  s'enroulent  asymptotiquement  autour  de  certains  de  ces  cycles,  dits 
cycles  limites.  L'enroulement  a  d'ailleurs  lieu  autour  de  Fun  ou  de  1'autre  des 
cycles  limites,  suivant  que  la  courbe  integrate  consideree  est  situee  dans  Tune 
ou  1'autre  de  certaines  regions  determines. 

Rien  de  tout  cela  ne  pouvait  6tre  prevu  a  1'aide  des  exemples  trails  anie- 
rieurement.  Non  seulement  ceux-ci  donnaient  une  idee  fausse  des  choses ; 
mais,  on  le  voit,  il  etait  inevitable  qu'il  en  fut  ainsi. 

Nos  r^sultats  sont,  en  effet,  plus  encore  que  Lout  a  1'heure,  contradictoires 
avec  1'existence  d'une  int^grale  g^n(5rale  queTonpuisse^crireaveclesproc^d^s 
6l6mentaires.  Us  ne  pouvaient,  par  consequent,  se  rencontrer  dans  les  pro- 
bl^mes  que  Ton  avait  r^solus  avant  Poincar^.  L'opinion  s'(5tait  faite,  jusque-la 
sur  des  figures  exceptionnelles,  d6g£n£r6es  en  quelque  sorte,  parce  que  c'^taient 
les  seules  que  1'on  avait  su  tracer. 

Ces  r^sultats  si  extraordinaires  demandaienta  6tre  compl^t^s  par  la  recherche 
effective  des  cycles  limites  lorsque  liquation  est  donn^e.  C'est  une  question 
d'une  extreme  difficult^,  m^me  si  Ton  entend  se  borner  a  une  determination 
approximative. 

triomphe  plus  ou  moins  compl^tement  de  cette  difficult^,  suivant 


(:)  Dans  le  cas  des  lignes  de  pente,  ces  clernieres  existaient  seules.  Get  exemple  eL  autres 
analogues  (tels  que,  les  lignes  de  force  du  spectre  magne"tique)  e"taient  done,  eux  aussi,  incapables 
de  faire  prevoir  la  solution  ge"ne>alcT 


ic)8  L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

les  cas.  Pour  des  equations  de  forme  convenable  (LJ,  il  determine  exaclemenl  U» 
nombre  des  cycles  limiles  et  obtient  cerlaines  regions  dans  lesquelles  chacun 
d'eux  doit  ne'cessairement  se  Lrouver. 

II  emploie,  a  cet  efiet,  un  second  principe  qui  dtail  de'ja  inlervenu  dans  son 
etude  des  points  singuliers  et  qui  sert  de  fondcment  a  toutes  les  autres  recher- 
ches  entreprises  sur  ce  genre  de  questions. 

Analytiquement,  il  consiste  a  chercher  le  sens  dans  lequel  varie  une  fonction 
convenablement  choisie  des  coordonne"es,  lorsqu'on  se  de'place  le  long  d'uno 
courbe  inte'grale.  On  salt  avec  quel  succes  un  principe  de  cetle  nature  fut 
applique',  peu  d'anne'es  apres,  par  M.  Liapounoff,  dans  son  celebre  Me'moire 
sur  la  stability  du  mouvement. 

Poincare"  1'applique,  non  seulement  a  une  irajectoire  de'termine'e,  mais  a 
toutes  celles  qui  traversent  une  courbe  donne'e.  Ge'ome'triqueinent  parlant,  cela 
revient  a  conside'rer  en  chaque  point  d'une  courbe  arbitrairement  donne'e,  le 
sens  dans  lequel  elle  est  traversed  par  la  courbe  inte'grale  qui  passe  en  ce  point. 
Ce  sens,  qui  peut  £tre  determine  par  des  ope'rations  e'le'mentaircs  du  moment 
que  liquation  difle"rentielle  est  donne'e,  ne  change  qu'en  un  point  ou  les  deux 
courbes  sont  tangentes.  On  comprend  d&s  lors  Timportance  que  prennent, 
dans  la  discussion,  les  courbes  fermcSes  ou  cycles  «  sans  contact  »  c'est-a-dire 
qui  ne  sont  tangents  en  aucun  de  leurs  points  a  une  courbe  inte'grale  et  le  long 
desquels,  par  consequent,  ce  sens  ne  peut  changer. 

La  maniere  dont  varie,  lelong  d'une  courbe  ferme'e  quelconque,  le  sens  dont 
il  s'agit,  est  d'ailleurs  Ii6e  a  la  disposition  et  a  la  nature  des  points  singuliers 
de  liquation  par  une  relation  simple  qui  est  d'un  grand  secours  dans  les  dis- 
cussions dont  nous  venons  de  parler,  et  que  Poincare"  retrouvera  lorsqu'il 
passera  aux  equations  d'ordre  sup^rieur.  Les  considerations  qui  la  fournissent 
Equivalent,  au  fond,  au  the"oreme  de  Kronecker  mentionn6  plus  haul,  et  que 
plus  tard  Poincare'  traduira  explicitement. 

Les  r(5sultats  pr^ce^dents  ne  snbsistent  pas  pour  toutes  les  Equations  du  pre- 
mier ordre  et  de  degr6  supe"rieur  an  premier  en  ^;  mais  ils  splendent  cepen- 
dam  d'eux-m^mes  a  un  grand  nombre  d'entre  elles. 

Ce  n'est  pas,  en  effel,  le  degre"  qui  joue  ici  un  role  essentiel  :  Poincar^  ren- 
contre une  notion  qui  Sum  apparue  une  premiere  fois  dans  la  science  avec 
Riemann,  mais  dont  les  recherches  que  nous  reunions  en  ce  moment  devaient 

(l)  Voir  Analyse,  p.  5g;  QKuvres,  t.  I,  p.  xxv. 


L'GEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE.  199 

montrer  la  veritable  signification.  C'est  la  geometric  de  situation,  la  science 
des  propriety  g<5om<5triques  qui  ne  changent  pas  quelles  que  soient  les  defor- 
mations subies  par  une  figure,  pourvu  qu'il  n'y  intervienne  ni  d<5chirure,  ni 
soudure. 

Tant  que  Ton  se  borne  au  point  de  vue  local,  rien  ne  fait  pnSvoir  la  n6cessit£ 
d'une  pareille  etude.  Sinon  toutes  les  figures  que  les  geom&tres  out  pu  imaginer, 
du  moins  toutes  celles  dontils  se  sont  servis  effectivement,  soit  pour  les  etudier 
en  elles-m£mes,  soit  pour  representer  des  relations  analytiques,  sontidentiques 
entre  elles  au  point  de  vue  de  la  geometrie  de  situation  lorsqu'on  se  borne  a  les 
considerer  dans  leurs  portions  suffisamment  petites,  pourvu  qu'elles  aient  sim- 
plement  le  m£me  noinbre  de  dimensions  :  par  exemple,  toute  portion  suffisam- 
ment restreinte  de  surface  quelconque  peut  £tre  remplacee  a  ce  point  de  vue 
par  un  petit  disque  circulaire. 

Aussi  cette  decouverte  est-elle  de  cellos  qui  se  firent  le  plus  attendre.  La 
theorie  des  fonctions  algebriques,  a  laquelle  elle  est  indispensable,  avait  ete 
inlassablement  etudiee  et  perfectionnee  avant  que  la  necessite  en  fut  apercue  : 
cette  necessite  avait  echappe  a  Cauchy  lui-m£me. 

Puis,  lorsqu'a  cette  occasion,  Riemann  1'eut  mise  en  Evidence  d'une  mani^re 
^clatante,  ses  successeurs  ne  virent  point  que  la  port^e  de  ce  principe  n'^tait 
pas  limitde  a  la  circonstance  particuli&re  qui  1'avait  fait  apparaitre. 

Mais,  apr&s  le  second  exemple  fourni  par  PoincanS,  cette  port^e  est  claire- 
ment  ^tablie.  Elle  est  indissolublement  li^e  a  ce  passage  du  local  au  g6n£ral 
qui  est  la  plus  grande  preoccupation  du  Galcul  infinitesimal.  Dans  tout  passage 
de  cette  nature,  on  peut  s'attendre  a  voir  la  geometrie  de  situation  jouer  son 
role. 

Pour  1'appliquer  au  probleme  qui  nous  occupe,  on  doit  regardci  x,  y  et  -£- 

comme  trois  coordonn^es  cart^siennes  et  considerer  la  surface  definie,  dans  ces 
conditions,  par  liquation  difFerentielle.  Quel  que  soit  le  degre  de  celle~ci,  si 
cette  surface  est  de  genre  z6ro,  c'est-a-dire  a  une  forme  analogue  a  celle  d'une 
sphere,  on  aura,  pour  les  courbes  integrales,  la  m6me  disposition  g^n^rale  que 
dans  1'equation  du  premier  degre. 

Pour  d'autres  formes  de  surfaces  les  conclusions  peuvent  &tre  totalernent 
differentes.  Lorsque,  apr&s  1'etude  de  la  sph&re,  Poincare  entreprend,  au  m6me 
point  de  vue,  celle  du  tore,  il  constate  que  ce  second  cas  peut  offrir  uno  foule 
de  circonstances  nouvelles  que  le  premier  ne  permettait  nullement  de  prevoir. 


o.oo  L'CEUVRE   MATHEMATIQUE   DE   POINCARE. 

Encore  s'en  faut-il  qu'il  arrive  toujours  a  determiner  exactement  ce  qui  se  passe. 
Les  difficulle's,  olles  aussi,  sont  nouvelles,  el  telles  qu'il  esl  oblige"  de  se  poser 
un  certain  nombre  de  questions  sans  les  r^soudre. 

Ces  questions,  qui  soulevent  des  problemes  ardus  d'aritliinelique,  soul, 
depuis,  resides  sans  reponse, 

Avec  le  cas  du  second  ordre,  qui  fail  1'objct  du  qualriemeet  dernier  Memoire 
de  celte  se'rie,  ce  sont  de'ja  les  difficultes  du  cas  ge'ne'ral  qui  sonl  aborde'es,  I-.es 
remarques  faites  dans  le  cas  pre'ce'dent  subsistent,  mais  ne  suffisenl  plus,  a  elles 
seules,  a  re"soudre  le  probleme. 

Celui-ci  6tant  mis  sous  la  forme  de  la  recherche  de  courbes  tracees  dans 
1'espace  ordinaire  et  verifiant  un  systeme  de  deux  Equations  du  premier  ordre, 
Poincare'  ge'ne'ralise  sans  difficult^  la  classification  des  points  singuliers  oblouur 
pour  une  Equation  du  premier  ordrc  unique. 

II  existe  encore  une  relation  cntre  leur  distribution  ct  les  surfaces  fermees 
sans  contact,  qui  sont  ici  les  analogues  des  cycles  sans  contact,  c'est-a-dire  les 
surfaces  qui  ne  sont  tangentes,  en  aucun  de  leurs  points,  a  une  courbe  inte- 
grale.  Seulenient,  cette  fois,  la  relation  en  question  ne  pourrait  &tre  dt5montree 
si  Poincare'  ne  partait  de  la  formule  de  Krone cker. 

C'est  surtout  dans  la  theorie  actuelle,  en  efl'et,  que  cette  formule  se  pr^sente 
comrne  Fauxiliaire  indiqu^  et  m£nie  indispensable  dont  1'apparition,  a  I'lieure 
m^nie  ou  Toeuvre  de  Poincar^  allait  naitre,  semble  respond  re  a  une  sorte  d'harmo- 
nie  pre'e'tablie.  Deux  caracteres  :  la  maniere  dont  il  d(5passe  d'enible'e  le  domaino 
local  et,  d'autre  part,  le  peu  d'hypotheses  qu'il  implique,  font  que  nul  autro 
n'a  pu,  jusqu'icl,  lui  6tre  substitute  a  ce  point  de  vue, 

Poincar^  en  a  notablement  augments  la  puissance  par  une  remarquable 
proposition  qui,  dans  beaucoup  de  cas,  dispense  m6me  du  calcul  de  la  formule 
en  question.  Gelle-ci,  —  si,  pour  fixer  les  ide'es,  nous  la  consid6rons  dans 
Tespace  ordinaire  —  fait,  comme  on  le  sait,  intervenir  un  systeme  de  trois 
fonctions  F,  G,  H  et  exprime  le  nombre  des  ze"ros  communs  a  ces  trois  fonc- 
tions  dans  un  volume  de'termin^  V  (ces  z6ros  e"tant  compt6s  avec  des  signes 
convenables)  4  Taide  des  valeurs  que  les  fonctions  en  question  prennent  sur  la 
frontiere  S  de  ce  volume. 

Or,  Poincare'  trouve  une  condition  tres  simple  et  tres  g^ne'rale  moyennant 
laquelle  on  est  certain  que  le  nombre  ainsi  obtenu  ne  change  pas  lorsqu'on  rem- 
place  le  systeme  des  fonctions  F,  G,  H  par  un  autre  analogue  quelconque/,  gr  h. 
Ou  bien,  en  effet,  on  peut  affirmer  que  le  nombre  en  question  restera  i 


l/CEUVRE   MATHEMATIQUE   DE   POINCARE.  oj(>J 

dans  cette  substitution,  ou  bien  il  exislera  sur  S,  au  moins  un  point  ou  F,  G,  II 
seront  proportionnels  a  /,  g,  li  ct  cela  m6me  avec  un  facteur  de  proportionna- 
lite  de  signe  connu  a  1'avance.  Cette  proposition  a  ete  obtenue  a  nouveau,  un 
pen  plus  lard,  sous  une  autre  forme  et  avec  une  autre  demonstration,  par 
M.  Bohr,  a  qui  elle  a  fourni  toule  une  nouveJle  s^rie  de  r^sultats  dynamiques. 

Elle  s'applique  imm6diatementaux  surfaces  ferm<5es  sans  contact,  en  prenant 
/,  g,  h  proportionnels  aux  cosinus  directeursde  la  normale  a  une  telle  surface  S. 
Le  nombre  trouve  par  la  formule  de  Kronecker  depend  alors  de  la  courbure 
totals  de§  + 

Mais  cette  premiere  conclusion  se  simplifie  encore,  et  tout  se  ram&ne  a  une 
question  de  geometric  de  situation,  la  courbure  totale  ainsi  inlroduite  depend 
uniquernent  du  genre  de  S.  Les  r^sultats  de  ce  type  devaient  donner  lieu,  on  le 
sait,  a  d'importantes  reclierches  de  M.  W.  Dyck. 

Avec  le  cas  du  second  ordre  apparaissent  egalement  los  deux  notions  qui  out 
eu  sur  Pceuvre  de  Poincart;,  dans  le  domaine  de  la  M^canique  et,  particuli&re- 
incnL,  de  la  M^canique  celeste,  la  plus  grande  influence. 

L'hoiineur  d'avoir  recherche  sp<5cialement,  entre  toutes  les  solutions  des 
Equations  diff(5rentielles  du  mouvement  des  plan^tes,  UJIG  solution  per io clique, 
telle,  autrement  dit,  que  les  diflferents  coi^ps  mobiles  d<§crivenl  des  courbes  fer- 
m6es  (lout  au  moins  par  rapport  a  un  syst^rne  d'axes  convenablement  choisi) 
—  revient  a  1'astronome  Hill,  qui  a  donne  un  premier  example  remarquable  a 
cet  £gard,  en  ce  qui  concerne  le  probl6me  des  trois  corps. 

Mais  c'est  a  Poincar6  qu'il  appartient  d'avoir  montr6  dans  les  solutions 
p^riodiques  un  instrument,  1'un  des  plus  puissants  dont  on  dispose,  pour  la 
recherche  et  P^tude  des  autres  solutions. 

Que  les  solutions  p^riodiques  soient  capables  de  jouer  ce  role  capital,  c'est 
ce  que,  apr&s  les  reflexions  qui  precedent,  nous  pouvons  faire  comprendre  d'un 
mot.  Une  courbe  int(5grale  ferm^e  d6termin(5e  etant  suppos^e  connue,  Poincar^ 
consid^re  toutes  les  courbes  int<5grales  voisines  de  celle~la. 

On  voit  imm^diatement  qu'une  telle  question  est  a  cheval  sur  les  deux  points 
de  vue  entre  lesquels  pivote  toute  la  th^orie  des  Equations  differ entielles  ;  et 
cela,  en  combinant  les  avantages  de  tous  deux.  Accessible  aux  monies  proc£d6s 
qni  s'appliquent  au  domaine  local,  elle  est  d'embl6e  cependant  en  dehors  de  ce 
dornaine,  puisque  les  nouvelles  trajectoires  obtenues  n'<5voluent  nulleme.nt  au 
voisinage  d'un  point  unique  et  sont  £tudi6es  sur  des  parcours  aussi  ^tendus  que 
la  solution  p^riodique  primitive  elle-m6me. 

W     P     YT  ofi 


SOT,  L'CEUVRE  MATHE"MATIQUE  DE  POINCARE. 

Ainsi  s'explique  commenl,  les  solutions  periodiques  «  se  sont  montrcSes  la 
seule  breche  par  ou  nous  puissions  essayer  do  pene'trer  dans  une  place  jusqu'ici 
reputee  inabordable  »  (1). 

En  faisant  pour  le  voisiiiage  d'une  solution  pe"riodique  ce  que  nous  avons  fait 
pour  le  voisinage  d'un  point  unique,  c'est  la  m6me  marche  ascensioimelle  que 
nous  entreprendrons,  niais  avec  un  point  de  depart  plus  eleve. 

Gette  identite  de  methode  se  vtfrifie  bien  lorsqu'on  examine  le  detail  des 
operations.  De  m6me  que  tout  le  calcul  infinitesimal  repose  sur  la  comparaison 
approchee  des  valeurs  d'une  fonction  en  un  point  et  aux  points  infinimenl  voi- 
siiis,  on  commencera  par  etudier,  en  vue  du  nouveau  probleme,  les  solutions 
infmiment  voisines  d'une  solution  donnee. 

En  prenant  T(3cart  entre  les  deux  solutions  comme  un  infmiment  petit 
principal  et  en  en  negligeant  les  puissances  superieures  a  la  premiere,  on.  est 
conduit  ainsi,  avec  Poincare,  a  introduire  systematiquement  les  Equations 
lineaires  qu'il  a  appelees  equations  aux  valuations  pendant  que,  de  son  cote". 
M.  Darboux  qui  en  a,  lui  aussi,  d6couvert  1'importance,  leur  donnait  le  nom 
(liquations  auxiliaires. 

Si  la  solution  prise  comme  point  de  depart  est  periodique,  il  en  est  de  me* me 
des  coefficients  des  Equations  aux  variations.  Poincar6  se  trouvera  ainsi  raiment 
quel  que  soit  1'ordre,  a  des  sjstemes  dont  les  propri(5t£s  soiit  connues  et  de"pen- 
dent  essentiellement  de  certaines  constantes  qui  vont  jouer  un  role  essential 
dans  ses  recherches  djnamiques,  les  exposants  caracteristiques.  A  cliacun 
de  ceux-ci  correspond,  pour  le  systeme,  une  solution  poss^dant,  non  pas  la 
pe"riodicit6  proprement  dite,  mais  une  pe"riodicit6  relative  (pe'riodicile'  de 
seconde  espece,  au  sens  d'Hermite)  caract6ris6e  par  le  fait  que  toutes  les  valeurs 
des  inconnues  sont  multipliers  par  un  merne  facteur  constant  lorsque  la  variable 
augmente  d'une  quantity  ^gale  a  la  p^riode  des  coefficients. 

Par  ces  exposants  caracteristiques  se  trouveront  ainsi  definies  les  principales 
relation's  entre  une  solution  pe"riodique  et  les  solutions  infiniment  voisines.  En 
particulier,  toutes  les  propriety's  analytiques  de  liquation  auront  lear  r^per- 
cussion  sur  celles  de  ces  exposants. 

Cette  etude  prepare  celle  des  courbes  integrates  suffisamment  (et  non  plus 
infmiment)  voisines  de  la'courbe  fermee  donhee.  Poincare  entreprend  cette 

C1)  POINGAR^:,  Les  Methodes  nouvelles  de  la  M&canique  Meste. 


L/CEUVRE   MATHEMATIQUE   DE   POINCARE.  P,o3 

derniere,  en  ce  qui  regard e  le  second  ordre,  d6s  le  Memoire  donl  nous  parlons. 
L'analogie  que  nous  avons  essaye  de  fa  ire  ressortir  tout  a  1'heure  so  manifeste 
d'une  mani&re  tout  a  faitimprevue  dans  les  resultats.  La  disposition  des  courbes 
nouvelles  L'  an  tour  de  la  courbe  primitive  L  rappelle  d'uno  maniere  frappante 
les  formes  rencontrees  pr6c6demmenl  dans  l'<Hude  des  equations  du  premier 
ordre  au  voisinage  inline"  dial  d'un  point  singulier. 

Imaginons,  en  effet,  en  un  point  quelconque  P  de  L  mi  petit  ^leaiient  de 
surface  normal  a  L.  Toute  courbe  integrate  L'  suffisamment  voisine  de  L  per- 
cera  cet  element  de  surface  en  un  nombre  infini  ou,  en  lout  cas,  tres  grand  de 
points  successifs  P'. 

La  figure  formee  par  ces  points  suffit  a  nous  faire  connailre  la  disposition 
des  arcs  successifs  de  la  seconde  courbe  integrate  L'.  Chacun  d'eux  nous  ren- 
seigne  en  effet,  sur  1'arc  qui  le  contient,  puisqne  tons  ces  arcs,  de  part  et 
d'autre  de  notre  surface,  cbeminent  plus  ou  moiiis  parallelement  les  uns  aux 
autres  et  a  la  courbe  primitive. 

Si  maintenant  on  joint  chacun  des  points  P'  au  suivant,  on  aura  une  ligne, 
variable  d'ailleurs  avec  celle  des  courbes  L'  que  1'on  considere  :  c'est  la  dispo- 
sition de  ces  lignes  qui  est  tout  analogue  a  celle  des  courbes  inlegrales  d'une 
equation  du  premier  ordre  autonr  d'un  point  singulier. 

Poincar^  met  d'ailleurs  en  Evidence  la  raison  de  ce  parallelisme.  Elle  doit 
<Hre  cherchee  dans  1'etroite  parent^  qui  existe  entre  I'e'tude  des  Equations  diflfe- 
rentielles  et  celles,  beaucoup  moins  avanc6e,  des  Equations  aux  differences 
finies.  Ce  n'est  pas  la  premiere  fois  que  Poincar^  6clairait,  par  le  m£me  rappro- 
chement, cette.  derni&re  question.  Les  int6grales  irr^guli^res  des  Equations 
diff^rentielles  lin^aires  (voir  p.  189)  lui  avaient  fourni  une  illustration  du 
m^me  principe,  dont  les  travaux  ult^rieurs  devaient  montrer  la  f£condit£. 

Conform6ment  a  1'analogie  dont  il  vient  d'etre  parl£,  il  y  a  quatre  disposi- 
tions principales  possibles,  correspondant  aux  quatre  esp^ces  de  points  singn- 
liers  de  Fe'quation  du  premier  ordre.  Les  exposants  caract^ristiques  permettent 
(ainsi  que  le  faisaient  pr6c6demment  les  coefficients  des  termes  de  plus  bas 
degr6  autour  du  point  singulier)  de  reconnaitre  trois  d'entre  elles,  celles  qui 
correspondent  aux  nceuds,  aux  foyer  et  aux  cols. 

Dans  chacune  de  celles-ci,  la  m6me  analogic  nous  montre  que  les  points  P; 
peuvent  aller  en  se  rapprochant  ind^finiment  de  P  (puisque,  dans  chacune  des 
trois  hypotheses  correspondantes  relatives  a  liquation  du  premier  ordre,  tout 
ou  partie  des  courbes  integrates  aboutissent  au  point  singulier).  On  voit  alors 


9.0/j  L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

que  Loate  la  nouvelle  courbe  L'  va  en  se  rapprochant  indeimimenl  do  L,  du 
moins  si  on  la  suit  dans  un  sens  convenable,  ainsi  que  le  faisaient  Lout  a  1'heure 
les  courbes  integrates  de  liquation  du  premier  ordre  vis-a-vis  des  cycles 
limiles  :  c'est  une  solution  asymptotique.  II  peul  en  6lre  ainsi  quel  que  soit  le 
choix  de  la  courbe  L/  dans  le  voisinage  de  L  (ou,  ce  qui  revieni  au  meme,  celui 
du  point  P'  initial  dans  le  voisinage  de  P)  :  c'est  le  cas  correspondant  a  celui 
d'un  HOB ud  ou  a  celui  d'un  foyer. 

Dans  le  cas  correspondant  a  celui  des  cols,  au  conlraire,  le  point  P'  doit  e~tre 
clioisi  d'une  fac.on  convenable,  a  savoir  sur  1'une  ou  1'autre  de  deux  courbes 
qui  se  croisent  en  P  de  sorte  que  les  courbes  integrates  asymptotiques  a  L  se 
distribuent  sur  1'une  ou  Fautre  de  deux  surfaces  passant  par  L).  Une  page  du 
quatrieme  Memoire,  Sur  les  courbes  de  finies  par  les  equations  differentielles, 
resout,  par  une  remarquable  application  du  Galcul  des  limiles  de  Cauchy,  la 
question,  en  realite  difficile,  du  calcul  de  ces  courbes  et  transforme  ainsi  la 
theorie  des  Equations  aux  differences  finies  en  integrant  une  des  categories  les 
plus  etendues  d'equations  de  cette  espece  qu'il  ait  ete  possible  de  trailer 
jusqu'icL 

Plus  lard,  lorsqu'il  eut  a  passer  au  probleme  des  trois  corps,  cette  m&me 
recherche  se  presenta  a  lui  pour  des  systemes  d'ordre  superieur-au  second.  La 
generalisation,  x^emarquons-le,  n'etait  pas  ^vidente  ou,  plus  exactemenl,  ne 
1'auraitpas  &l£  sans  le  complement  que  la  These  dePoincard  avail  prealablemcnt 
apporte  a  Tetude  des  systemes  difierentiels  au  voisinage  des  points  singuliers. 
Nous  savons,  en  eflet,  que,  dans  ce  cas,  Pintroduction  de  plusieurs  inconnues 
cr6e  une  difficulte  d'un  genre  nouveau  dont  on  ne  savait  pas  triompher  avant 
le  travail  en  question.  C'est  done  grace  a  lui  qu'il  pent  de"montrer  1'existence  de 
ces  solutions  asymptotiques  qui  sont  une  importante  conquete  de  la  Mecanique 
analytique. 

Jusqu'au  moment  dont  nous  parlons,  d'ailleurs,  celle-ci  n'a  pas  616  envisagee 
d'une  maniere  speciale.  Les  r^sultats  precedents  concernent  un  systeme  quel- 
conque  d'equations  difFerentielles. 

3.    LES  CAS  DES  AQUATIONS  DE  LA  DyNAMlQUE. 

Les  proprietes  particulieres  des  equations  de  la  Dynamique  apparaissent  une 
premiere  fois  des  le  quatrieme  Memoire,  Sur  les  courbes  de finies  par  une 
equation  differentielle,  et  cela,,  a  propos  de  la  derniere  hypothese  qui  reste  & 


L'OEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE.  2o5r 

examiner  relativement  aux  courbes  L/,  d'apr^s  1'analogie  m£me  qui  nous  a 
guides  jusqu'ici  :  c'est  celle  qui  correspondrait,  pour  1'gquation  du  premier 
ordre,  au  cas  d'un  centre. 

La  disposition  correspondantc,  pour  le  problem e  actuel,  est  celle  ou  les 
points  P'  sont  disposes,  autour  de  P,  le  long  d'une  ligne  ferm^e,  la  m&me  pour 
chaque  courbe  L/,  les  diverses  lignes  ferm6es  ainsi  oblenues  s'emboitant  les 
unes  les  autres  autour  de  P. 

Notre  courbe  primitive  L  sera  alors  enlouree  d'une  famille  de  surfaces  fer- 
mees  tubulaires  (analogues  aux  tores  contenant  a  leur  inl^rieur  une  circonference 
de  1'espace)  telles  que  chacune  d'elles  soit  un  lieu  de  courbes  integrates. 

Absolument  comme  lorsqu'il  s'agissait  d'un  centre,  nne  telle  disposition 
implique,  comme  condition  necessaire,  I'tivanouissemenl  d'une  infinite 
d'expressions  constantes  G. 

C'est  seulement  si  toutes  ces  constantes  G  sont  iiulles  que  les  developpemenls 
trigonome'triqiies  figurant  dans  liquation  polaire  des  courbes  lieux  de  point  P' 
—  et,  par  consequent,  dans  celle  des  surfaces  tubulaires  —  pourront  6tre  Merits. 

Or  c'est  ce  que,  en  Fabsence  d'autres  renseignements,  les  calculs  ne  permel- 
tent  jamais  d'affirrner,  si  loin  qu'on  les  pousse. 

Pour  les  Equations  de  la  Dynamique  il  en  est  aulrement,  et  1'on  sait  a  priori 
que  toutes  les  constantes  C  sont  nulles. 

Pour  le  d&nontrer,  un  nouveau  principe  iiilervicnt,  la  notion  N  invariant 
integral,  Cette  fois  encore  il  s'agit,  mais  sous  une  nouvello  forme,  de  la  consi- 
d^ration  sirnultanee  des  difl«3rentes  courbes  inltSgrales  et  des  relations  qu'elles 
ont  entre  elles. 

Repr6sentons-nous  notre  syst^me  d'6qua lions  differentielles  comme  definis- 
sant  le  mouvement  d'une  molecule  tluide.  Au  lieu  dc  consid(5rer  une  seule  ira- 
jectoire,  c'est-a-dire  le  mouvement  d'une  molecule  unique  et  d6lermin6e,  on 
considerera  toutes  les  molecules  qui,  a  un  instant  d6termiii6  £,  remplissent  un 
volume  determine  V  de  1'espace  (plus  cxactemeiit  de  1'espace  a  zn dimensions, 
s'il  s'agit  d'un  problkme  de  dynamiquc  dans  lequel  1'ctat  du  systeme  a  6tudier 
d(5pende  de  n  param^tres). 

Si  maintenant  on  consid^re  les  nouvelles  positions  de  ces  m£mes  molecules 
a  un  instant  ulterieur  T,  celles-ci  rernpliront  un  nouveau  volume  V7. 

Or,  dans  le  cas  des  Equations  de  la  Dynamique,  quel  que  soit  T,  ce  nouveau 
volume  est  Equivalent  a  1'ancien.  Autremcnt  dit  V  reste  constant  lorsque  le 
temps  varie  :  c'est,  dans  la  termihologie  de  Poincar6  un  invariant  integral. 


2o6  L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

Ainsi  qu'il  a  ett;  reconnu  ensuite,  cette  belle  d^couverte,  qui  est,  au  fond, 
une  propriete  de  la  notion  de  multiplicateur,  est  deja  ancienne  :  on  doit  la 
faire  remonter  a  Liouville  (1). 

Mais,  lors  de  sa  premiere  apparition,  elle  £tait  passe'e  inapergue.  Un  autre 
inventeur  genial  1'avait  m£me  —  lant  clle  joue  un  role  essentiel  dans  toute 
recherche  profonde  de  Dynamique  —  renconlre'e  a  son  tour  sur  son  chemin  : 
Boltzmann  1'avail  e'nonce'e  (1871),  ignorant  le  rtSsullat  de  Liouville  comine 
Poincarg  a  ignore"  Tun  et  Fautre;  elle  est,  depuis  cette  date,  a  la  base  de  toutes 
les  theories  cine'tiques  (2). 

Mais  a  ce  premier  invariant  integral,  Poincare'  en  joindra  touie  une  se"rie 
d'autres  dont  il  indiquera  les  relations  avec  le  premier.  Lc  «  volume  »,  consi- 
d^r6  tout  a  1'heure,  s'exprime  par  une  integrate  d'ordre  in  e"tendue  a  une  portion 
de  1'espace.  Poincare  constate  que  teutc  nnc  serie  d'inte'grales  de  tons  les 
ordres,  c'est-a-dire  simples,  doubles,  etc.,  le  volume  n' (Slant  que  la  derniere 
d'cntre  elles,  possedent  la  proprie'le'  d'invariance. 

Quoiqu'il  se  soit  jusqu'ici  montre"  le  plus  f^cond,  les  autres  invariants  que 
Poincare"  a  forme's  et  dont  il  etablit  qu'ils  se  de'duisent  lous  les  tins  des  autres 
(en  particulier  de  1'invariant  integral  simple)  constituent  autant  de  proprie'te's 
importantes  des  Equations  de  la  Dynamique. 

Dans  le  Memoire  qui  nous  occupe  actuellemenl,  le  volume  suffit  a  trancher 
la  question  relative  aux  constantes  C  ci-dessus  mentionne'es,  c'est-a-dire  a  mon- 
trer  que  toutes  ces  expressions  sont  nulles.  La  liaison  entre  ces  deux  faits  est 
encore  due  a  la  notion  de  surface  sans  contact  :  elle  re'sulte  de  ce  que,  en  pr£- 
sence  d'un  invariant  integral,  une  surface  ferme"e  sans  contact  ne  peut  exister. 
Or,  comme  le  prouve  Poincare',  on  en  pourrait  tracer  autour  de  la  courbc  don- 
nee  si  Fune  quelconque  des  constanles  C  e^aii  diff^rente  de  ze'ro. 

Avec  1'analyse  pre'c^dente,  Poincar^  entre  de  plain-pied  dans  le  domaine  de 
la  M^caniquc  celeste. 

Les  d6veloppements  en  se'ries  qui  peuvent  6trc  Merits  grace  aux  conditions 
G  =  o  sont,  pour  ce  probleme  particulier,  ceux  par  lesquels  Lindstedt  s'est 
proposd  de  representer  les  Ol^ments  des  orbites  plane"taires  et  les  conditions 


(!)  /.  Math,  pares  et  appL,  L.  3,  ib>38,  p.  348. 

(3)  Le  theoreme  de  la  stabilite  a  la  Poisson,  1'une  des  applications  les  plus  importantes  des 
invariants  integraux,  a  ete"  ^galement  enonce  et  derrioiitre'  par  Gibbs,  mais  en  1898  settlement. 
II  ne  se  trouve  pas,  a  notre  connaissance,  dans  les  travaux  de  Boltzmann. 


L'OEUVRE  MATHEMATIQUE   DE   POINCARE*.  207 

dont  il  s'agit  ne  sont  autres  que  celles  qui,  dans  cette  m^thode,  permettent  de 
faire  disparaitre  les  lermes  s^culaires. 

C'est,  au  fond,  dans  1'existence  des  invariants  int6graux  que  reside,  par 
consequent,  la  veritable  raison  de  la  validity  (au  point  de  vue  formel)  de  la 
m^thode  de  Lindstedt,  validity  qui  est  d'ailleurs  Stabile  sans  les  hypotheses 
restrictives  que  Linstedt  lui-m£me  etait  obligg  de  faire. 

Les  questions  qualitatives  li^es  aux  calculs  pr£c6dents  sont  des  questions  de 
stability  tout  analogues  a  celles  qui  pr^occupent  les  astronomes. 

Poincar£  nous  a  appris  a  distinguer  plusieurs  sens  du  mot  «  stability  »  et 
nous  a  montr£  la  fecondit£  de  celui  que  Poisson  avail  substitu^  a  1'acception 
primitive  de  Lagrange.  Toutes  les  fois  qu'il  existe,  dans  le  voisinage  de  L,  un 
syst&me  de  surfaces  ferm^es  sans  contact,  les  courbes  U  ne  pourront  jouir  de 
la  stability  a  la  Poisson,  c'est-a-dire  qu'elles  ne  repasseronl  pas  dans  le  voisi- 
nage imm6diat  de  leur  point  de  depart.  G'est,  nous  1'avons  vu,  ce  qui  arriverait 
si  1'une  des  constantes  C  <5tait  diflferente  de  z&ro. 

L'instabilit^  (toujours  au  sens  de  Poisson)  est  ggalemenl  la  rtigle  pour  les 
courbes  L'  asymptotiques  a  L,  telles  qu'elles  se  pr^sentent  dans  les  premieres 
hypotheses  examinees  prtSc^demment. 

Au  contraire,  dans  Fhypoth&se  actuelle  —  eL  du  moment  que  toutes  les  con- 
stantes  C  sont  nulles  —  la  stability  devient  possible. 

Des  conclusions  analogues  s'appliquent  a  la  stability  de  la  trajecloire  primi- 
tive L  elle-m^me.  Mais  le  sens  que  Ton  doit  adopter  alors  (et  que  Poincar<5 
adoptera  6galement  en  M^canique  celeste,  lorsqu'il  (Hudiera,  au  point  de  vue  de 
la  stabilit6,  les  solutions  p^riodiques)  est  encore  different  des  deux  premiers  (1). 
G'est  celui  qui  avait  d£ja  6t6  consid6r6  dans  plusieurs  cas  importants  par  les 
auteurs  anglais,  mais  qui  n'a  6t6  pr^cis6  d'une  manure  complete  et  g^n^rale 
que  quelques  anuses  apr^s,  par  M.  Liapounof,  dans  le  MtSmoire  dt^ja  cit^,  Sur 
la  stabilite  du  mouvement,  ou  le  g^om^tre  russe  a  repris,  pour  les  syst&mes 
dependant  d'un  nombre  quelcoftque  de  variables,  les  questions  m6mes  dont 
nous  parlons  en  ce  moment.  Au  lieu  que  la  stability  a  la  Lagrange  ou  a  la 
Poisson  est  une  propriety  inlrins&que  d'une  solution  d^termin^e,  la  stability  de 
Liapounof,  seule  analogue  d'ailleurs  a  la  notion  d'^quilibre  stable,  concerne 
1'^cart  entre  cette  solution  et  les  solutions  voisines. 

(*)  Toutc  solution  periodiquc  csl,  pur  definition,  stable  au  sens  de  Lagrauge  ou  de  Poisson. 


208  I/CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE   POINCARE. 

Mais,  en  ruison  inline  de  la  signification  aslronomiquc  de  scs  rEsullals, 
Poincare  se  Irouve  du  m£me  coup  aux  prises  avec  les  difficultes  IbndamcnLales 
dc  la  Mtecanique  celeste,  elparliculi&rement  avec  la  plus  classique  d'entre  elles, 
celle  des  «  petits  diviseurs  ».  Dans  le  cas  du  premier  ordre,  le  fait,  suppose 
Etabli,  de  I'dvanouissement  des  consumes  G  aurait  suffi  pour  mellre  en  Evi- 
dence d'une  manifcre  certaine  1'existence  d'un  centre  :  car  Poincare  demon  Ur 
la  convergence  da  diiveloppement  en  s^rie  que  Pon  peut  ecrire  dans  ces  condi- 
tions. II  n'en  est  plus  de  mfime  cetle  fois.  Nos  calculs  nous  permettent  d'ocrire 
le  d^veloppement;  mais  les  pelits  diviseurs  inlerviennent  :  ce  d^veloppement 
peut  n'etre  et  n'est  en  general,  que  form  el,  de  sortc  que  Insistence  des  surfaces 
tubulaires  n'est  nullement  d£montr6e. 

Par  I'examen  de  ces  difficultes,  les  M6moires,  Sur  les  courbcs  defmies  par 
les  equations  differentielles,  inaugurenl  Pimnuensc  ceuvre  dynamique  ct  aslro- 
nomique  de  Poincare. 


Cetle  ceuvrc  se  poursail  dans  1'ouvragG  qui  devail  elre  pour  la  jeune  gloin* 
de  son  auteur  une  consecration  niondiale.  C'est  avec  le  Memoire,  Sur  le  pro- 
blems des  trois  corps  et  les  equations  de  la  Dynamique  que  Poincaru  remporla 
le  prix  dans  le  grand  concours  inlcmational  ouverl  a  Stockliohn  en  1889,  eiiln* 
les  Math^maticiens  du  monde  entier. 

Le  grand  traite  intituled  :  Les  Methodes  nouvelles  de  la  Meca/iique  celeste 
prolonge  a  son  tour  les  deuxM6moires  precedents  :  c'cstdans  ces  irois  Ouvra^xis, 
et  aussi  dans  une  s^rie  d'articles  insures  an  Bulletin  Astronomiqiia,  (jtie  st; 
d^veloppent  les  id^es  de  Poincare  sur  le  probl^rne  des  n  corps. 

11  sera  parle  ici  ni6me  de  ces  problemes  au  point  de  vue  aslruuoiuiquo  avec 
plus  de  competence  que  nous  ne  pourrions  le  fairc.  Au  point  de  vuo  analyli(juo, 
—  que  nous  ne  saurions  m£mc  cSpuiser  lent  il  of  Ire  djaspects  divers  dans  Les 
Methodes  nouvelles  de  la  Mecanique  celeste,  —  I'ceuvre  dont"  il  s'agit  osl, 
double  :  elle  prtSscnte  un  ccH6  positif  et  un  cot6  negutif.  Ge  dernier,  comme  il 
rEsulte  de  ce  qui  vient  d'etre  dit  en  dernier  lieu,  se  dessina,  lui  aussi,  d^s  les 
M^moires,  Sur  Les  courbes  dejinies par  les  equations  differenlielles.  0  Etait 
m&me  apparu  auparavant,  car  les  requitals  dont  nous  allons  avoir  &  parler  sur 
ce  point  nc  sont  que  1'application  de  la  note  &  laquelle  nous  avons  fait  allusion 
plus  haut  (p.  1 86). 


L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE.  209 

Exarninons  done  comment,  tant  dans  ces  deux  travaux  que  dans  ceux  qui 
les  suivirent,  Poincare  limile  la  portee  des  meiliodes  qui  avaient  ete  appliquees 
avant  lui. 

L'integration,  au  sens  elementaire  du  mot,  avait,  depufs  longtemps,  ete 
abandonnee.  Pourrait-on  songer  a  faire  des  progres  dans  ce  sens,  c'est-a-dire  a 
chercher  de  nouvelles  integrates?  Pour  les  Equations  de  la  Mecanique  celeste, 
le  nombre  des  inte'grales  connues  est  de  dix.  En  peut-il,  en  general,  exister 
d'autres  exprimables  par  les  mojens  classiques  de  P  Analyse?  II  e"tait  vraisem- 
blable  que  non. 

La  preuve  rigoureuse  d'impossibilite's  de  cette  nature  est  une  categorie  de 
questions  dont  la  difficulte  a,  de  tout  temps,  eveille  I'inte'r&t  des  ge'ometres 
vraiment  supe'rieurs.  La  demonstration  de  Tincommensurabilite'  entre  le  cote' 
d'un  carre  et  sa  diagonale,  dans  1'antiquite,  celles  de  1'impossibilite  de  la  qua- 
drature du  cercle  et  de  la  non-resolubilite  des  Equations  alge'briques  au-dela  du 
quatrieme  degrd,  dans  les  temps  modernes,  comptent  a  juste  titre,  parmi  les 
plus  belles  conqu&tes  des  mathe'matiques. 

En  ce  qui  concerne  les  inte'grales  des  Equations  de  laMe'canique  ce'leste,  une 
demonstration  de  1'espece  en  question  avait  e'te'  partiellement  fournie  par 
Bruns  ;  mais  c'est  a  Poincare*  qu'il  fut  donne"  de  la  completer  et  d'^tablir  en 
toute  rigueur  1'inexistence  non  seulement  d'integrales  alge'briques,  mais  plus 
g^ne'ralement,  d'int^grales  uniformes  autres  que  les  inte'grales  classiques. 

Le  re"sultat  ainsi  obtenu  n'inte"resse  pas  moins  1'analyste  pur  quel'astronome. 
Sa  port^e  n'est  pas  limite'e  au  sjsteme  diff&rentiel  particulier  qui  fait  1'objet  de 
la  M^canique  ce'leste.  La  m£me  m^thode  qui  Fa  fourni,  permet  de  discuter  le 
nombre  des  inte'grales  uniforrnes  des  problemes  de  la  M^canique  classique,  et, 
lorsque  ce  nombre  est  insuffisanl  pour  Fint^gration,  de  trouver  les  seuls  cas  ou 
il  puisse  s'accroitre.  Gette  m^thode  est  done  n^cessairement  a  la  base  de  toutes 
les  recherches  ult^rieures  sur  ces  sujets. 

Elle  ne  doit  pas  moins  attirer  1'attention  par  les  principes  qu'elle  fait  inter- 
venir.  Elle  a  conduit  Poincar£  a  etudier  le  de"veloppement  de  la  fonction  per- 
turbatrice  sous  un  jour  nouveau,  en  en  conside'rant,  non  plus  seulement  les 
premiers  termes  qu'ils  ont  pu  former  explicitement,  mais  au  contraire  les 
termes  d'ordres  tres  Sieve's.  Dans  cette  6tude,  Poincare  utilise  non  seulement 
les  r^sultats  de  la  th^orie  des  fonctions  dus  a  ses  pr^decesseurs  et  particuliere- 
ment  a  M.  Darboux,  mais  leur  generalisation  aux  fonctions  de  plusieurs 
variables,  telle  que  la  lui  ont  fournie  ses  recherches  sur  les  residus  et  les  periodes 
H.  P.  —  XI.  27 


210  L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

des  integrates  doubles.  La  Theorie  des  fonctions  est  ainsi  appliqutfe  d'une 
fagon  toute'nouvelle  a  celle  des  Aquations  differentielles. 

Ces  recherches  fournissent,  entre  les  coefficients  successifs  du  developpe- 
ment,  une  infinite  de  relations  qui  montrent  que,  considers  comme  fonctions 
des  elements  des  orbites,  ils  se  reduisent  a  un  nombre  fini  de  iranscendanies. 

Un  nouveau  chapitre  de  la  Mecanique  celeste  a  ete  ainsi  ouvcrt  et  a  donne 
lieu,  depuis,  aux  travaux  de  plusieurs  de  nos  jeunes  geom&tres  et  astronomes. 

Mais  1'impossibilite  d'integrer  sous  forme  elementaire  se  degage  egalement, 
a  un  autre  point  de  vue,  des  resultats  qualitatifs. 

D&s  liquation  du  premier  ordre,  et  a  propos  du  cas  le  plus  simple,  celui  de 
la  sphere,  nous  avons  vu  que,  par  leur  aspect  mtoe,  les  formes  des  courbes 
integrales  ne  sont  pas  de  celles  qu'on  aurait  pu  obtenir  a  1'aide  des  moyens 
classiques. 

Des  faits  du  m&ne  ordre  se  passent  dans  le  cas  general  de  la  Mecanique 
celeste,  d&s  que  le  nombre  des  corps  en  presence  est  superieur  a  2.  L' existence 
m&me  des  solutions  asymptotiques  est  deja  du  nombre.  Mais  plus  topique 
encore  est  1'exemple  des  solutions  doublement  asymptotiques ^  dont  la  mise  en 
evidence  a  ete  1'une  des  grandes  difficultes  qu'ait  surmontees  Poincare  sur  ce 
sujet. 

Soit  une  solution  pckiodique  L  instablo  :  elle  admettra  des  solutions  L' 
asymptotiques  pour  £  =  co,  et  aussi  des  solutions  I/  asymptotiques  pour 
t  =  —  co.  Les  premieres  engendreront  une  surface  S'  passant  par  L,  les 
secondes,  une  surface  analogue  S". 

Peut-il  exister  des  solutions  qui  soienl  a  la  fois  des  courbes  L'  et  ties 
courbes  L",  c'est-a-dire  qui  apr&s  avoir  ete,  pour  t,^=  —  oo,  iafiniment  voisinos 
de  L,  s'en  ecartent  d'une  quantite  quclconque  pour  s'en  rapprocber  ensuite 
indefiniment  pour  t  =  +  oo  ? 

Cela  revient  a  se  demander  si  les  surfaces  §>f  ct  S"  se  coupent  ailleurs  que 
suivant  L.  Cette  question  est  une  des  plus  difficiles  que  Poincare  ait  abordees. 
Ce  sont  les  invariants  integraux  qui,  dans  une  hypoth&se  particuli^re  (telle  que 
les  surfaces  en  question  passent  tr£s  pr^s  1'une  de  Fautre)  lui  ont  permis  d'y 
repondre.  Eux  seuls  pouvaient  evidemment  remplir  ce  rdle,  puisquc  (en 
Fabsence  d'integrales  connues)  eux  seuls  renseignent  sur  ce  que  deviennentles 
trajectoires  au  bout  de  tr&s  longs  intervalles  de  temps.  Non  seulement  leur 
consideration  montre  qne  les  surfaces  S'  et  S*  se  coupent,  de  sortc  qu'il  existe 


L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE*.  211 

des  solutions  doublement  asjmptotiques,  mais  ces  surfaces  se  coupent  une  infi- 
nite de  fois,  et  la  disposition  des  courbes  d'intersection  est  extr^mement  com- 
pliqu^e.  En  efFet,  sur  une  surface  asymptotique  quelconque,  entre  deux  solu- 
tions doublement  asjmptotiques  quelconques,  il  y  en  a  une  infinite  d'autres. 

On  comprendra  mieux  encore  ce  que  ce  r^sultat  a  de  singulier  si  Ton  r6fl£- 
chit  que,  au  contraire,  une  surface  S;  ou  une  surface  S"  ne  peut  jamais  se  couper 
elle-m£me. 

Avec  Poincar6,  substituons  aux  deux  surfaces  en  question  les  courbes  obtenues 
en  coupant  par  un  plan.  «  Que  1'on  cherche  a  se  representer  la  figure  form^e 
par  ces  deux  courbes  et  leurs  intersections  en  nombre  infini  dont  chacuno  cor- 
respond a  une  solution  doublement  asymptotique,  ces  intersections  formenl 
une  sorte  de  treillis,  de  tissu,  de  rtiseau  a  mailles  infiniment  senses  ;  chacune 
de  ces  courbes  ne  doit  jamais  se  recouper  elle-m6me,  mais  elle  doit  se  replier 
sur  elle-m&me  d'une  mani&re  tr&s  complexe  pour  venir  recouper  une  infinite  de 
fois  toutes  les  mailles  du  r6seau  ». 

«  On  sera  frapp6  do  la  complexity  de  cette  figure,  quo  je  ne  cherche  m6mc 
pas  a  tracer.  Rien  n'est  plus  propre  a  nous  donner  une  idt^e  de  la  complexity 
du  probl&me  des  trois  corps  et  en  gt^ndral  de  tous  les  probl&mes  de  Dynamique 
ou  il  n'y  a  pas  d'inttSgrale  uniforme  (*). . . .  » 

D'autres  consequences  du  m6mc  ordre  d<koulent  des  ni^mes  premisses. 

Au  lieu  d'une  seulc  solution  doublement  asymptotique  &  L,  considerons  en 
plusieurs,  LI,  L2,  . . .  :  toutes  ces  courbes  seront,  pour  t=  —  oo  situ6es  sur  S;/ 
et,  pour  t  =  4-  oo ,  sur  S;. 

Mais  il  r^sulte  des  fails  etablis  par  Poincar6  que  1'ordre  dans  lequel  ellos  se 
succ&dent  sur  S'  est  sans  rapport  avec  celtii  dans  lequel  elles  se  succedaient 
sur  S';.  Si  de  deux  solutions  la  premiere  est  plus  voisine  que  la  seconde  de  la 
solution  pcSriodique  pour  t  —  —  GO,  il  pourra  arriver  que  pour  t  =  +  oo,  la 
premiere  soit  plus  eloignt^e  que  la  seconde  de  la  solution  p^riodique,  mais  il 
pourra  arriver  que  ce  soit  le  contraire. 

«  Cette  remarque  est  encore  de  nature  a  nous  faire  comprendre  toute  la 
complication  du  problkme  des  trois  corps  et  combien  les  transcendantes  qu'il 
faudrait  imaginer  pour  le  r^soudre  dijBT^rent  de  toutes  celles  que  nous  connais- 
sons  »  2. 


(l)  Les  m&thode$  nouvelles  de  la  M$canique  cdleste,  t.  Ill,  p.  38g. 
(*)  Loc.  cit.,  p.  3gi. 


2i2  L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

La  voie  de  Pinte'gration  proprement  dite  e"tant  ainsi  ferm^e,  la  Me"canique 
celeste  precede  par  approximations  successives.  La  tache  qui  s'offre  a  Poincare" 
est  de  disculer  la  valeur  des  me'thodes  imagines  dans  ce  but  (l). 

On  savait  que,  grace  surtout  aux  petits  diviseurs,  la  convergence  de  toutes 
ces  intHhodes  est  tr£s  douteuse.  II  se  trouve  cependant,  —  Poincar^  niontrera 
par  quel  m^canisme  —  qu'elles  suffisenl,  en  general,  aux  calculs  nume'riques 
usuels. 

Mais  ceux-ci  ne  sont  pas  seuls  en  jeu.  «  II  ne  s'agit  pas  seulemenl  de  calculer 
les  e"p lie" m brides  des  astres,  quelques  anne"es  d'avance,  pour  les  besoins  de  la 
navigation  on  pour  que  les  astronomes  puissent  retrouver  les  petites  planeies 
de"ja  connues.  Le  but  final  de  la  Me'canique  celeste  est  plus  eleve"  :  il  s'agil  do 
re'soudre  cette  importante  question  :  la  loi  de  Newton  peut-elle  expliquer  &  elle 
toute  seule  tous  les  phe'nomenes  astronomiques?  Le  seul  mojen  d'y  parvenu* 
est  de  faire  des  observations,  aussi  precises  qus  possible,  de  les  prolonger  pen- 
dant de  longues  annttes  on  m6me  de  longs  siecles  et  de  les  comparer  ensuite 
aux  re"sultats  du  calcul.  II  est  done  inutile  de  demander  au  calcul  plus  de  prtS- 
cision  qu'aux  observations,  mais  on  ne  doit  point  non  plus  lui  en  demander 
moins,  Aussi  Fapproximation  dont  nous  pouvons  nous  contenter  anjourd'hui 
deviendra-t-elle  un  jour  insuffisante  »  (u). 

Or,  non  seulement  les  series  classiques  ne  pouvaient  nous  assurer  cette 
exactitude  de  plus  en  plus  grande  ;  mais,  en  raison  de  leur  forme  m£me,  on  ne 
pouvait  leur  demander  de  conduire  a  coup  siir  ii  de  bons  resultats  pour  imo 
p^riode  par  trop  longue. 

A  plus  forte  raison  ne  pouvaient-elles  nous  renseigner  sur  la  question  de  la 
stability,  laquelle  fait  intervenir  I'ind^finie  dur^e  des  siecles. 

Aussi,  au  xixe  siecle,  des  d^veloppements  en  series  de  forme  nouvelle  ont-ils 
(ite'  proposes  pour  exprimer  les  6l^ments  des  orbites  plane*taires* 

Us  ont  pour  but  de  diriger  le  calcul  de  maniere  £  ne  jarnais  introduire  que 
des  termes  pe>iodiques. 

Une  premiere  difficult^  de  la  question  (celle  qui  provient  des  termes  «  s<5cu- 


(J)  Leur  nombre  et  la  vari^t6  (au  moins  apparente)  de  leurs  prmcipes  vient  en  quelque  sorte, 
dans  I'e'tat  actuel  de  la  Science,  ajouter  un  obstacle  nouveau  a  toutes  les  difficult^s  qui  entourenl 
1'^tude  de  la  M^canique  celeste. 

On  doit  \  Poincar^  d'avoir  montr^  (voir  en  particulier  t.  14,  15  du  Bulletin  Astronomique\ 
GEuvres,  t.  VIII,  p.  3i-32  et  33-4?)  comment  on  peut  passer  des  uties  aux  autres  en  changeant 
le  groupement  des  termes. 

(2)  POHOAR^,  Revue  Generate  des  Sciences^  t.  2,  1891,  p.  1-2;  OBuvres,  t,  YIH,  p.  529-37. 


L'CEUVRE  MATHEMATIQUE   DE   POINCARE.  21  3 

laires  »),  est  ainsi  evitee.  Mais  celle  des  pelits  diviseurs  suhsiste;  et,  par  conse- 
quent  une  question  prejudicielle  se  pose  :  les  series  ainsi  obtenues  —  celles  de 
Lindstedt,  par  example,  —  convergent-elles  ? 

Jusqu'a  Poincare,  il  paraissait  de  toute  Evidence  qu'une  reponse  a  cette 
question,  dans  le  sens  de  1'  affirmative,  demontrait  la  stabilite.  On  etait  m£me 
tente  de  presumer  eelle-ci  par  1'  existence  seule  de  series  telles  que  celles  de 
Lindstedt. 

En  d'autres  termes,  si,  grace  aux  «  petits  diviseurs  »,  les  developpements  en 
series  formes  pour  rendre  compte  des  mouvements  des  corps  celestes  sont  diver- 
gents,  on  etait  porte  a  admettre  qu'ils  peuvent  cependant  fournir  sur  certaines 
proprietes  des  solutions  —  particulidrement  sur  les  proprieties  qualita  lives  — 
les  indications  qu'on  se  serait  cru  autorise  a  en  deduire  en  toute  rigueur  en  cas 
de  convergence. 

Poincare  va  decider  ces  questions  en  sens  tout  conlraire.  Non  seulemenl  les 
series  de  Lindstedt  sont,  en  general,  divergentes;  mais  il  y  a  plus  —  et  cette 
paradoxaledecouverte,  qui  a  boulevcrseles  conceptions  des  asLroiiomes,  remonte 
aux  premieres  annees  de  son  labour  —  ,  la  convergence  m^mede  series  de  cette 
nature  ne  permettrail  pas,  a  elle  seule,  d'affirmer  la  conclusion  demandee,  celle 
a  laquelle  on  serait  conduit  en  se  fiant  au  calcul  formel. 

Poincare  montrera  par  des  exemples  que  cette  conclusion  pent  <Hre  fausse. 
Cette  demonstration  est  donnee  sur  le  cas  du  second  ordre,  ou  les  repr^senta- 
tions  g£om6triques  sont  plus  simples.  Ici,  toutefois,  ce  ne  sont  pas  elles  qui 
jouent  le  r6le  important,  et  le  point  de  vue  purement  analytique  reprend  ses 
droits. 

Une  Note,  contemporaine,  nous  1'avons  dit,  des  premiers  travaux  de 
Poincart5,  contiont  les  principes  essentiels  de  la  solution.  Les  dtfveloppements 
habituellemeni  considers  en  M^canique  celeste  sont,  on  le  sail,  des  series 
trigonometriques 


mais  bien  differentes  des  series  de  Fourier  en  ce  que  les  arguments  des  sinus 
et  cosinus  s'obtiennent  en  multipliant  la  variable  ind^pendante  (autrement  dit, 
le  ternps)  par  des  coefficients  an  qui  ne  croissent  pas  n6cessairement  &  Tinfini 
et  qui  peuvent  m6me  tendre  vers  z^ro. 

G'est  la  th^orie  math^matique  de  ces  series  qui  a  616  fondee  par  Poincare  en 
quelques  pages  des  Comptes  rendus  de  tAcad&mie  des  Sciences,  puis  du 


214  L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

Bulletin  Astrojiomique.  Les  resultats  en  offrenl,  pour  le  moins,  autant  de 
singularity  que  ceux  qui  sont  relatifs  aux  series  de  Fourier  ;  mais  certaines 
proprietes  essentielles  de  ces  dernieres  trouvent,  moyennant  modification 
convenable,  leur  generalisation.  La  plus  importante  est  1'expression  des  coeffi- 
cients An,  A'^  par  des  integrates  definies  :  settlement  celles-ci,  etant  donne  que 
les  series  dont  il  s'agit  ne  sont  pas  periodiques,  doivent  £tre  etendues,  non  plus 
a  un  intervalle  fixe,  mais  a  un  inlervalle  indefiniment  croissant. 

C'est  cette  expression  qui  permel  a  Poincare  de  mettre  en  Evidence  d'une 
maniere  irrefutable  1'erreur  que  Ton  commet  en  voyant  dans  la  convergence 
d'une  serie  trigonometrique  de  cette  esp&ce  pour  toutes  les  valeurs  de  la  variable 
une  preuve  du  fait  que  la  somme  de  cette  serie  resie  finie  m6me  lorsque  cette 
variable  augmente  indefiniment.  L'expression  en  question  montre  en  efiet  que 
la  somme  de  la  serie  ne  pent  rester  fmie  si  les  coefficients  A,  A'  eux-m£mes  ne 
sont  pas  tous  inferieurs  en  valeur  absolue  a  une  m6me  limite  fixe. 

Or  I'hypothese  que  les  coefficients  A,  ou  certains  d'entre  eux,  aillent  en 
augmentant  indefiniment  n'est  nullement  incompatible  avec  la  convergence  de 
la  serie,  du  moment  que  les  coefficients  a  correspondants  peuvent  tendre  vers 
zero.  II  en  est  ainsi  me"  me  dans  le  cas  de  la  convergence  absolue,  celui  ou 
surtout  on  pouvait  6tre  porte  a  croire  le  coiitraire,  par  analogic  avec  les  autrcs 
types  de  series  connus. 

A  cet  egard,  les  deux  series  particlles  formees,  1'une  par  les  termes  cosinus, 
Fautre  par  les  termes  sinus,  se  comportent  tres  difTercmment.  La  premiere 


ne  saurait  evidemment  converger    absolument   pour    t  =  o   sans   converger 
uniform£ment  pour  toutes  les  valeurs  reelles  de  t  (la  serie  des  coefficients  A 
etant  absolument  convergente)  et  representer  une  fonclion  bornee. 
II  en  est  autrement  pour  la  serie  partielle  des  sinus 

i  sin  («„*). 

Tout  ce  qu'on  peut  dire,  c'est  que,  si  elle  converge  absolument  dans  un 
intervalle,  si  petit  qu'il  soit?  autour  de  Torigine  elle  est  absolument  convergente 
pour  toute  valeur  reelle  de  t  :  —  th^oreme  qui  s'^tend  des  lors  aisement  &  la 
serie  totale  et  au  cas  oh  Pintervalle  ou  la  convergence  est  donn^e  ne  comprend 
pas  Forigine  —  ;  mais  cette  convergence,  si  elle  est  absolue,  n'est  pas 


L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE.  216 

sairement'uniforme  et  des  exemples  tels  que  celui  de  la  s^rie  \,2wsin  (  ^~ 

montrent  qu'elle  peut  avoir  lieu  avec  des  coefficients  ind^finiments  croissants. 

Les  principes  ainsi  6tablis  ne  servent  pas  seulement  a  discuter  les  questions 
de  stability  dont  nous  parlons  en  ce  moment.  Combines  avec  ceux  que  Poincar6 
indique  d'un  mot  a  une  autre  occasion  (*),  ils  ont  donn<5  naissance  a  toute  la 
th^orie  des  fonctions  quasi  p<5riodiques  que  Ton  doit  a  MM.  Bohr  et  Esclangon 
ot  qui  est  destinde  a  prendre  une  place  importante  en  M^canique  celeste. 

Si  maintenant  on  applique  ces  principes  aux  trajectoires  L,  L/  consid£r6es 
plus  haut,  et  aux  series  correspondantes  qui,  nous  1'avoiis  dit,  ne  sont  autre 
chose  que  des  series  de  Lindstedt,  on  voit  que  non  seulement  ces  d^veloppe- 
ments  en  series  ne  suffisent  pas  &  d^montrerl'existence  des  sur  faces  ^tubulaires, 
mais  qu'en  fait  ces  surfaces  en  question  n'exislent  pas  toujours  etque  plusieurs 
dispositions  tr&s  differentes,  tant  stables  qu'instables,  sont  possibles. 

On  voit  alors  «  a  quel  point  les  difficult^  que  Pon  rencontre  en  M(3canique 
celeste,  par  suite  des  petits  diviseurs  et  de  la  quasi-commensurabilit6  des 
moyens  mouvements,  tiennent  a  la  nature  in6me  des  choses  et  ne  peuvent  &tre 
tourn6es.  II  est  extr^mement  probable  qu'on  les  retrouvera,  quelle  que  soit  la 
m^thode  que  Ton  emploie  ». 

Ajoutons  que  si  Ton  passe  au  probl£me  des  n  corps  Iui-rn6me,  la  divergence 
des  series  de  Lindstedt,  du  moins  en  general,  —  car  la  convergence  reste 
encore,  &  la  rigueur,  possible  quoique  tr&s  improbable,  pour  des  valeurs  parti- 
culi^res  des  constantes  d'int(3gration  —  ressortira,  elleaussi,  des  propri£t£s  des 
solutions  et,  en  particulier,  de  celles  des  exposants  caract6ristiques. 

Sur  cette  question,  d'ailleurs,  les  conclusions  de  Poincarcl  ne  furent  pas 
purement  negatives.  S'il  constate  la  divergence  des  series  en  question,  c'esfc  lui 
qui  a  montr^  —  a  1'aide  des  principes  d6ja  acquis  par  ses  recherches  sur  les 
int^grales  irr6guli&res  des  Equations  lin^aires  et  qui  ont  regu  une  port^e 
nouvelle  par  les  travaux  ult^rieurs  de  M.  Borel  —  pourquoi  elles  peuvent  6tre 
n&xnmoins  utiles  et  dans  quelles  conditions  on  pouvait  en  faire  un  usage 
l^gitime  :  pourquoi,  autrement  dit,  tout  en  6tant  incapables  de  fournir  une 
approximation  ind^finie,  m6me  si  on  les  poursuivait  indcSfiniment,  elles 
permettent  n^anmoins,  les  masses  perturbatrices  £tantpetites,  de  pousser  cette 
approximation  jusqu'£  un  certain  point,  heureusement  sufjflsaiit  en  pratique. 

(l)  Bull.  Astr^  t.  14;  GEuvres,  t.  VIII,  p.  10-26. 


2I6  L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

En  m£me  temps  que  Poincar6  est  among  a  faire  les  reserves  que  nous  vcnons 
d'indiquer  sur  la  puissance  des  principaux  moyens  d'action  employes  avantlui, 
nous  avons  d£ja  vu  qu'il  en  apporte,  a  son  tour,  de  nouveaux. 

Les  invariants  int^graux  viennent  rendre  des  services  sinon  <§gaux,  du  moins 
analogues  a  ceux  qu'auraient  pu  fournir  ces  integrates  uniformes  a  la  poursuite 
desquelles  la  M^canique  celeste  doit  rcnoncer.  Comme  elles,  ils  represented 
des  quantites  qui  restent  constantes  pendant  tout  le  cours  du  mouvemenl,  seule 
propriete  qui  permette  d'tSlablir  des  relations  directes  entre  des  phases  tfloigndes 
de  celle-ci. 

Quant  aux  solutions  periodiques  et  aux  solutions  asymptoliques  qui  en 
derivent,  nous  avons  dit  qu'elles  servant,  non  seulement  en  olles-m6mes,  mais 
comme  intermediates  permettant  d'arriver  aux  autres  solutions. 

C'est  sous  ce  jour  que  les  solutions  periodiques  apparaissent  deja  dans  les 
recherches  dont  nous  avons  precedemment  parle.  Mais  leur  puissance,  a  cet 
egard,  va  surtout  se  manifester  avecles  methodes  monies  par  lesquelles  Poincar6 
d^montre  leur  existence. 

Nul  sujet  n'a  retenu  davanLage  son  attention.  On  peut  dire  qu'il  s'en  est 
pr^occup6  toute  sa  vie.  Le  premier  travail  qu'il  y  consacra  date,  en  effot,  de 
1 883;  et  Pombre  de  la  mort  planait  dt^ja  sur  lui  lorsqu'il  t5crivit  le  dernier  (*), 
en  Pouvrant  par  les  nobles  et  m^lancoliques  paroles,  veritable  testament  scienti- 
fique,  que  nul  d'entre  nous  n'a  oubli^es. 

Pour  la  formation  des  solutions  periodiques,  le  M^moire  de  i883  emploie  le 
th^or^me  de  Kroneckcr.  Celui-ci  se  presente,  en  Pesp^ce,  comme  la  gt 
sation  naturelle  au  cas  des  syst&mes  d'dquations  a  plusicurs  inconnues 
auquel  peut  se  ramener  en  derni^re  analyse  la  cltStcrmination  des  solutions 
p^riodiques  dont  il  s'agit)  de  la  m^thode  la  plus  <Sl6mentairc  qui  existe  pour 
d^celer  les  racines  d'imc  Equation  unique,  celle  qui  est  fondle  sur  les  change- 
ments  de  signe  du  premier  membre. 

Une  autre  m^thode  classique  qui  permet  ^videmment,  elle  aussi,  dc  montrer 
Pexistence  des  solutions  des  syst&mes  d'^quations  peut  ^tre  consid^rde  comme 
une  generalisation  du  theor^me  de  Rolle  :  elle  consiste  a  utiliser  Pexistence  du 
maximum  ou  du  minimum  d'une  fonction  convenablement  choisie  des  inconnues. 
On  aura  ainsi  assur^ment  une  solution  des  Equations  obtenues  en 


(l)  Rendic.  del.  Circ.  Mat.  di  Palermo ^  t.  33,  i*r  semestre  1912,  p.  376-407;  C&uvres,  t.  VI, 
p.  499-538. 


L'CEUVRE   MATHEMATIQUE   DE   POINCARE.  217 

les  d£riv6es  partielles  de  cette  fonction.  Poincar6  ne  Femploie  pas  seule- 
ment  sous  cette  forme,  inais  sous  celle,  sur  laquelle  nous  reviendrons  plus  loin 
du  Calcul  des  variations. 

Ces  diflferents  proc^d^s  sont  combines  entre  eux,  et  surtout,  comme  nous 
allons  le  voir,  avec  les  r^sultats  que  donne  la  thtSorie  des  fonctions  implicites, 
en  vue  de  l'6tude  plus  particuli&re  du  probl&me  des  trois  corps  etdes  Equations 
de  la  M^canique  celeste. 

Au  point  de  vue  analytique,  le  systkme  plan^taire  se  pr^sente  comme  un 
syst&me  dynamique  dependant  d'un  param&tre  ^  (masse  perturbatrice  ou  facteur 
proportionnel  aux  masses  perturbatrices)  auquel  on  ne  donne  que  de  tr&s 
petites  valeurs.  Pour  JUL  =  o,  Fint^grale  g6n6rale  est  connue  :  tous  les  points 
materiels  qui  composent  le  syst&me  d<3crivent  des  ellipses  suivant  la  loi  de 
Kepler. 

Lorsqu'un  systtmie  d'6quations  (en  termes  finis)  a  un  nombre  6gal  d'incon- 
nues  depend  d'un  param&tre  et  que  son  jacobien  n'est  pas  nul,  le  th(5or6me 
classique  relatif  aux  fonctions  implicites  montre  1' existence  d'une  solution  pour 
les  petites  valeurs  de  ce  param^tre  d6s  que  la  solution  existe  pour  la  valeur 
z^ro. 

PoincartS  a  parfois  1'occasion  d'appliquer  cc  principe  sous  la  forme  que  nous 
venons  de  rappeler;  —  et  le  thtSor&me  prc$cddemment  cit6  (p.  198)  sur  la 
d^pendance  des  int6grales  des  equations  difftSrentielles  par  rapport  aux  donn6es 
initiales  et  aux  param&tres  lui  permet  m<hne  d'affirmer  1'analyticit^  des  solutions. 
Mais,  en  g^n(5ral,  dans  le  type  de  probl&mes  qu'il  traite,  les  choses  se  passent 
de  manure  un  peu  plus  compliqu6e.  Les  Equations  relatives  a  /^  =  o,  c'est- 
a-dire  celles  qu'on  obtient  quand  on  ne  tient  pas  compte  des  perturbations, 
admettent  une  infinite  de  solutions  p^riodiques,  a  savoir  toutes  celles  dans 
lesquelles  les  moyens  mouvements  sont  tous  commensurables  entre  eux.  Mais 
c'est  prdciscment  cette  infinite  —  d'une  manidre  plus  precise,  l'infinil(5  continue 
de  solutions  qui  correspondent  a  un  seul  et  m6me  syst^me  de  valeurs  des 
moyens  mouvements  —  qui  fait  ici  la  difficult^  :  car  elle  entraine  cette  cons£- 
quence  que  le  jacobien  est  nul. 

Le  th^or^me  classique  ne  suffit  done  plus,  et  une  ^tudeplus  approfondie  des 
fonctions  implicites  dont  il  s'agit  doit  6tre  entreprise.  G^om6triquement 
parlant,  si,  aux  coordonn^es  initiales  qui  dtfinissent  la  solution  cherch^e,  on 
joint  la  valeur  de  fx  pour  d^finir  ainsi  un  point  de  I'hyperespace,  les  Equations 
qui  exprimeat  que  la  solution  est  p^riodique  d&finissent,  dans  cethyperespace, 
H.  P.  —  XI.  28 


2i 8  L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

une  vari6t6  dont  certaines  parties  continues  sont  situdes  sur  le  domaine  /-t  —  o. 
On  ne  pourra  avoir  une  s6rie  continue  de  solutions  de  ces  Equations  corres- 
pondant  a  p  variable  et  dependant  analytiquement  de  [j.  quo  lorsque  Ton  aura 
une  courbe  de  1'hyperespace  appartenant  a  la  varit^t^  en  question  et  coupant  le 
domaine  /*  =  o,  d'ou  rtssultera  un  point  multiple  de  celte  variety. 

Poincar6,  en  usant  des  deux  mojens  d'actions  indiques  plus  haul  et  en 
reliant  entre  eux  par  des  lemmes  remarquables  qui  permettent  d'etablir  1'exis- 
tence  de  fonctions  implicites  dans  des  cas  6tendus  ou  le  jacobien  est  mil,  etablit 
1'existence  de  tels  points  multiples  :  a  partir  de  Fun  d'entre  eux,  la  mtfthode 
classique  •  devient  applicable  moyennant  des  modifications  convenables  et 
fournit  une  serie  de  mouvements  p£riodiqucs  dont  les  6l6menis  repr<3senlatifs 
sont  d^veloppables  suivant  les  puissances  entires  on  fractionnaires  de  /JL. 

Mais  la  mtHhode  devait  devenir  plus  souple  et  plus  g^ntole,  grace  aux 
recherches  que  Poincar^  developpait  vers  le  m6me  temps  (1889)  sur  la  figure 
des  planktes  et  dont  il  sera  question  plus  loin.  La,  on  a  a  rtSsoudre,  et  dans  des 
conditions  beaucoup  plus  difficiles  encore,  puisqu'il  s'agit  d'une  infinite  de 
variables,  des  questions  de  m&me  nature.  Les  principals  notions  qu'il  va 
introduire  a  cette  occasion,  cellos  de  forme  de  bifurcation  vide  coefficients  de 
stability  trouvent  ici  leurs  analogues.  Les  formes  de  bifurcation  correspondent 
aux  points  doubles  de  notre  vari6t<3  et,  constituent  par  consequent  les  <$l<5ments 
essentiels  qui  permettent  de  la  construire;  les  coefficients  de  stability  ne  sont 
ici  autres  que  les  carr^s  des  exposants  caract<5ristiques,  eftectivement  litSs  a  la 
stability  (a.  la  Liapounof)  d'une  solution  pdriodique  quelconque. 

Comme  dans  la  th^orie  de  la  figure  des  plan&tes,  il  y  a  une  sorte  d't^chan^e 
des  stabilit^s  chaque  fois  qu'on  passe  par  une  forme  de  bifurcation.  Un  fait  du 
m6me  ordre  se  produit  d'ailleurs  dans  le  cas  qui  s'oppose  a  un  certain  point  de 
vue  a  celui  de  la  bifurcation,  celui  ou,  au  cours  de  la  variation  de  ft,  il  y  a 
disparition  de  solutions  p^riodiques.  Cette  disparition  se  fait  par  couples 
comme  celle  des  racines  r^elles  des  Equations  alggbriques  et  les  solutions  qui 
disparaissent  ensemble  sont  de  stabilil6s  diflferentes. 

Mais,  sur  un  arc  de  courbe  tracd  dans  notre  hyperespace  et  le  long  duquel  ju 
varie  constamment  dans  le  m£me  sens,"le  th^or^me  de  l^change  des  stability 
admet  au  contraire  une  r£ciproque  :  il  ne  peut  y  avoir  changement  dans  les 
stability  autrement  qu'en  passant  par  les  bifurcations.  On  ainsi  un  nouveau 
moyen  efficace  de  mettre  en  Evidence  celles-ci  et  tin  nouvel  example  des  services 
que  peut  rendre  Fintroduction  des  exposants  caract^ristiques. 


L'OEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE.  219 

Ainsi  elargie,  la  methode  se  generalise  d'elle-m6me  et  suffit  a  faire  appa- 
raitre  des  resultats"  d'une  complication  inattendue,  lorsqu'ou  passe  a  ce  que 
Poincare  appelle  les  solutions  periodiques  du  second  genre. 

II  donne  ce  nom  a  celles  qui  sont  voisines  d'une  solution  periodique  deter- 
minee  de  periode  T  et  qui  sont  egalement  periodiques,  mais  dont  la  periodicity 
ne  se  retro uve  qu'apr^s  A*  revolutions,  de  sorte  que  leur  periode  est  voisine 
non  de  T,  mais  de  A'T.  Leurs  points  representatifs,  dans  notre  hyperespace, 
engendreront  une  variete  analogue  a  la  precedente,  laquelle  en  fera  d'ailleurs 
evidemment  partie.  Mais  il  y  aura  en  outre,  des  branches  nouvelles  et,  par 
consequent,  des  points  multiples  nouveaux,  intersections  de  ces  branches 
nouvelles  avec  les  anciennes;  et  nous  trouverons  ainsi  de  nouvelles  series  de 
solutions  periodiques,  greffees,  en  quelque  sorte,  sur  les  premieres. 

L'emploi  des  exposants  caracteristiques  montre  bien,  en  effet,  la  condition 
qui  caracterise  les  nouveaux  points  doubles  comme  plus  large  que  celle  qui 
caracterisait  les  anciens. 

Reste,  il  est  vrai,  a  s'assurer,  m6me  lorsque  cetle  condition  est  remplie,  si 
les  nouvelles  branches  de  courbes  dont  elle  fail  prdvoirl'existence  sont  reelles. 
Ce  sont  les  invariants  integraux  qui  permettent  de  triompher  de  cetle  difficult^ 
en  la  ramenant  a  1'etude  des  maxima  et  minima  d'une  certaine  fonction,  etroite- 
ment  lieSe  d'ailleurs  au  principe  de  la  moindre  action.  Un  lemme  (analogue  a 
ceux  dont  nous  avons  parle  page  218  ainsi  qu'a  ceux  dont  il  sera  question 
a  propos  de  la  figure  des  plan^ies),  qui  constitue  en  lui~m£me  un  progr&s 
essentiel  pour  l'6tude  des  fonctions  implicites,  fournit  le  rnoyen  de  constater 
que  la  condition  precedemment  ecritc  est  bien  suffisante. 

Or,   cette  condition  est  que   Fun  des  exposants   caract^ristiques   soit   un 

T     .       i  l         2t^ 

multiple  de  -prr  • 

Comme  A-  est  un  entier  quelconque,  on  peut  le  prendre  assez  grand  pour 
que  les  multiples  de  -77=r  soient  aussi  rapproch^s  les  uns  des  autres  qu'on  veut. 

Comme  ces  exposants  caracteristiques  varient  continument  avec  JJL,  les  bifurca- 
tions dont  il  s'agit  se  produiront  d6s  lors  ^  intervalles  aussi  petits  qu'on  le 
voudra,  au  cours  de  la  variation  de  ce  param&tre.  Ce  ne  sont  done  plus  un 
certain  nombre  de  families  de  solutions  p6riodiques  qui  sont  ainsi  mises  en 
Evidence,  mais  un  reseau  extrtoement  complique  de  families  de  cet  esp&ce, 
distribuees  comme  le  sont  les  nombres  commensurables  dans  la  suite  totale  des 
nombres.  Les  periodes  correspondantes  seront,  par  contre,  indefiniment  crois- 


220  L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

sanies,  puisque  ce  seront  des  multiples  plus  ou  moins  6loign£s  de  la  pt^riode 
primitive  T. 

II  est  ais6  de  comprendre  qu'un  tel  r<5sultat  eclaire  d'un  jour  nouveau  les 
precedents  et  ouvre  de  nonvelles  perspectives. 

Nous  avons  vu  Poincar^  rattacher  aux  solutions  p^riodiques  toutes  celles  qui 
en  sont  suffisamment  voisines.  Etant  donntte  la  manure  dont  les  solutions 
p^riodiques  dependent  des  nombres  commensurables,  ne  peut-on  aueindre, 
par  cette  voie,  toutes  les  solutions  possibles  (du  moins  toutes  les  solutions 
stables),  de  m£me  que,  a.  1'aide  des  nombres  commensurables,  on  peut  repre- 
senter  par  approximation  tous  les  nombres  r^els? 

On  aurait  ainsi  une  voie  conduisant  en  un  sens  a  I'inUSgration  complete  du 
probl&me.  Les  clioses  se  passent  d'ailleurs  effectivement  de  cette  fac,on  pour 
certains  probl&mes  de  Dynamique  (*). 

Un  recent  travail,  auquel  la  question  ainsi  soulev^e  a  conduit  M.  Birkhoff, 
est  venu  modifier  nos  id^es  sur  ce  point.  Mais,  en  nous  amenant  &  ^largir  le 
principe  prt§c6dent,  il  ne  tend  pas,  loin  de  la,  a  en  affaiblir  la  portt^e. 
M.  Birkhoff,  en  effet,  arrive  a  <5tablir  la  possibility  d'une  approximation  ind£- 
finie,  analogue  <L  celle  qu'avait  en  vue  Poincar6,  en  remplagant,  toutefois,  les 
solutions  p^riodiques  par  une  autre  cat^gorie  de  solutions  un  pen  plus 


II  semblerait,  a  un  examen  superficial,  que  nous  ayons  ainsi  (5puis6  toutes 
les  solutions  p^riodiques  du  problteme  de  la  M^caniquo  celeste  corrcspondant 
aux  valeurs  suffisamment  pelites  de  fx,  ou  du  moins  toutes  celles  qui  formcnt 
des  sdries  continues.  Nous  savons,  en  effet,  que  toute  sdrie  de  cette  esp&ce  doit, 
a  la  limite,  pour  p.=  o,  donner  une  solution  p^riodique  du  probl^me  primitif, 
qui  est  celui  ou  1'on  ne  tient  pas  compte  des  perturbations.  Or  il  semble  que 
nous  ayons  pass^  en  revue  toutes  les  solutions  ptSriodiques  de  ce  probl(!ime 
primitif,  et  qu'il  suffise,  par  consequent,  de  chercher  celles  qui  sont  voisines 
de  celles-la  pour  p  voisin  de  z6ro. 

Mais  nous  avons  d6j£  vu,  avec  Poincar(5j  les  difficult^  d'un  genre  tout  parti-* 
culier  que  Ton  rencontre  lorsque,  dans  les  questions  vraiment  arducs  et  vrai- 
ment  myst^rieuses  comme  celles  auxquelles  il  s'attaque,  on  chercne  ^t  pr^juger 
de  la  solution  par  T^tude  des  cas  particuliers  que  Ton  sait  traiter.  La  simplifi- 

(x)  Par  exemple  pour  les  g6od^siques  des  surfaces  &  cowrbure  negative* 


L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE.  221 


cation  s'ach£te  par  une  deformation  ou  il  peut  arriver  que  tous  les 
deviennent  meconnaissables.  Nous  sommes  bien  obliges  d'accepter  le  marche 
(le  cas  des  courbes  definies  par  une  equation  differentielle  du  premier  ordre  est 
le  seul  ou  Poincare  ait  pu  operer  autrement)  du  moment  que,  en  dehors  de  lui, 
nous  serions  condamnes  a  1'impuissance  absolue;  mais  nous  devons  compter 
avec  les  pi6ges  auxquels  il  nous  expose.  Nulle  lecture  n'est  plus  instructive  a 
cet  egard  que  celle  des  derniers  paragraphes  du  Memoir  e  sur  le  probleme  des 
trois  corps,  ou  du  chapitre  correspondant  des  Methodes  nouvelles  de  la  Meca- 
nique  celeste  (j  ). 

Une  chose  rend  suspecte,  ici,  la  conclusion  provisoire  a  laquelle  nous 
songions  tout  a  1'heure.  Parmi  les  param&tres  dont  depend  Petat  du  syst&me, 
un  certain  nombre  (les  anomalies  des  plan&tes  sur  leurs  orbites  osculalrices, 
ou  les  longitudes  des  perihelies  ou  des  nceuds  de  ces  orbites)  sont  angulaires  : 
il  ne  serait  d&s  lors  pas  necessaire,  pour  la  p^riodicite,  que  ces  param&tres 
reviennent  a  leurs  valeurs  primitives  au  bout  de  la  periode  T  ;  il  suffit  que 
chacun  d'eux  (ou  plutot  chacune  de  leurs  differences  mutuclles)  ait  alors 
augment^  de  2  JPTC,  p  etant  un  entier  quelconque.  Or,  en  ce  qui  concerne 
certains  d'entre  eux  (les  longitudes  mentionn^es  en  dernier  lieu),  cet  entier  p 
a  toujours  la  valour  z6ro  lorsqu'il  s'agit  du  mouvement  k<5pl^rien  sans  perturba- 
tion. II  en  est  forc<5rnent  de  m6rne  sur  toutes  les  solutions  p^riodiques  dont 
1'existence  a  &t&  jusque-la  (5tablie  pour  p.  voisindez<5ro,  puisque/?  ne  pent,  sans 
discontinuity,  passer  de  z<5ro  a  une  valeur  entire  non  nulle. 

Cependant,  1'absence,  pour  fxdiflfcrentdez<3ro,  de  solutions  p<5riodiques  dans 
lesquelles  les  entiers  p  soient  quelconques,  nous  apparait,  non  seulement 
comme  tr^js  peu  probable,  mais  m6me  comme  lout  a  fait  absurde  lorsqu'on 
tient  compte  de  ce  que  Tannulation  des  entiers  p  est  une  consequence  des 
propri6tes  toutes  particuli^res  du  probl&me  envisage  et  n'aurait  plus  lieu  si  on 
le  rempla^ait  par  un  autre  probleme  de  Djnamique  infiniment  voisin. 

II  faut  done  qu'il  existe  d'autres  syst^mes  de  solutions  periodiques  deg6ne- 
rant,  pour  jjt.=:o,  en  courbes  limites  autres  que  celles  dont  nous  avons  parle 
jusqu'ici.  G'est  en  effet  ce  qui  a  lieu.  Poincar£  en  indique  la  raison,  pour  la 
premiere  fois,  dans  la  conclusion  du  Memoire  sur  le  probleme  des  trois  corps. 

«  Si  p.  =  o7  c'est  que  les  masses  des  deux  plan^tes  sont  infiniment  petites  et 

(*)  T.  HI,  chap.  XXXH. 


222  L'CEUVRE  MATH^MATIQUE  DE  POINCAR£. 

qu'elles  ne  peuventagirl'une  surl'autred'une  mani&re  sensible,  a  jnoins  d'etre 
a  une  distance  in  finiment  petite  Vune  de  Fautre.  Mais  si  ces  plan^tes  passcnt 
infiniment  pr&s  Tune  de  Tautre,  leurs  orbites  vont  6tre  brusquement  modifies 
comme  si  elles  s'etaient  choqu^es.  On  peut  disposer  des  conditions  initiales  de 
telle  fagon  que  ces  chocs  se  produisent  periodiquement  et  on  obtient  ainsi  des 
solutions  discontinues  qui  sont  de  v&ritables  solutions  periodiques  du  probl&me 
du  mouvement  keplerien  et  que  nous  n'avons  pas  le  droit  de  laisser  dc  cot6.  » 

Autour  de  ces  courbes,  compos^es  chacune  de  plusieurs  ellipses  kepleriennes 
et  presentant  des  points  anguleux,  se  groupent  les  nouvelles  solutions 
periodiques,  dites  de  deuxieme  espece,  que  Poincare  examine  d'ailleurs  sommai- 
rement,  dans  les  Methodes  nouvelles,  en  raison  de  leur  peu  d'analogie  avec  les 
orbites  observes,  mais  qui,  comme  on  le  voit,  n'en  sont  pas  moms  d'un  haul 
analjtique. 


Poincar6  reprend  la  recherche  des  solutions  p^riodiques  sous  une  autre 
forme,  dix  ans  plus  tard,  dans  un  M^moire  des  Travis  actions  de  la  Soci£t<£ 
math^matique  am<5ricaine.  Nous  dirons  plus  loin  comment  il  lui  applique  les 
donn6es  du  Calcul  des  variations. 

C'est  £  ce  m6me  probl^me  enfin,  et  sous  sa  forme  la  plus  difficile,  qu'est 
all£e  Tune  des  derni&res  meditations  de  sa  vie,  ce  M^moire  des  Rendiconti  del 
Circolo  Mat.  di  Palermo  qui  a  douloureusement  dmu  tous  ses  admirateurs  par 
le  triste  pressentiment  qui  s'y  trouve  exprimd. 

Poincar(5  y  cherche  a  ne  plus  se  borner,  comme  il  Tavait  fait  dans  les 
Methodes  nouvelles,  aux  petites  valeurs  de  p.,  c'est-a~dire  a  obtenir  des  solu- 
tions p^riodiques  m^me  si  1'on  n'est  pas  au  voisinage  d'un  cas  d'inl(5gration 
connu. 

Par  une  m^thode  de  forme  toute  nouvelle,  il  montre  que  tout  se  ram&ne  ^ 
un  th£or&me  de  g<5om^trie  relatif  aux  transformations  des  figures  planes 
(existence  d'un  point  invariant  sous  des  conditions  tr&s  g£n6rales  impos^e  a  la 
transformation)  et  que,  par  consequent,  la  demonstration  de  ce  th<5ordme  6qui- 
vaudrait  ^  la  resolution  de  la  question,  pos^e,  au  moms  dans  le  premier  cas 
qu'on  soit  conduit  £  aborder. 

Cette  demonstration,  que  Poincar£  s'excusait  de  ne  pouvoir  fournir,  fut 
donn£e,  peu  de  mois  aprds  sa  rnort,  par  M.  BirkhojBP,  de  sorte  que  les  r^saltats 
qu'il  enongait  a  titre  hypothetique  sont  definitivement  acquis  aujourd'hui* 

Invariants  integraux,  solutions  periodiques,  solutions  asymptotiques,  sont 


L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE*.  228 

les  mattSriaux  dont  sont  tissues  les  Methodes  nouvelles  de  la  Mecanique  celeste. 
C'est  par  leur  reaction  mutuelle  que  sont  obtenues  les  conqu^tes  qui  ont  fait 
Fadmiration  des  g£om6tres  et  des  astronomes. 

Non  seulement  les  notions  ainsi  crd^es  sont  grosses  pour  la  Mecanique  celeste 
de  r^sultats  nouveaux,  mais  elles  constituent,  pour  les  r^sultats  obtenus  par 
ailleurs,  un  important  moyen  de  controle.  Les  invariants  int^graux,  par 
exemple,  donnent  une  s6rie  de  v6rifications  pour  tous  les  calculs  entrepris  par 
les  m^thodes  connues  (1). 

Les  propri£t£s  des  solutions  p^riodiques  ont,  a  cet  6gard,  fait  leurs  preuves 
d'une  mani&re  remarquable  a  1'occasion  des  m^morables  travaux  de  G.  Darwin  (2). 
Les  calculs  du  grand  astronome  anglais  ont,  on  le  sail,  dans  un  exemple  num6- 
rique  d6termin£,  abouli  a  la  formation  d'une  s6rie  d'orbites  p^riodiques  de 
formes  enti&rement  nouvelles  et  sou  vent  inattendues.  Ces  orbites  sont  de 
plusieurs  categories  differ  en  Les ;  elles  sont  tantot  stables  et  tantot  insLables. 
Certaines  des  transformations  qu'elles  subissent,  lorsque  la  constante  de  Jacobi 
varie  continument,  ob^issaient  bien  aux  lois  6tablies  par  Poincar<5.  En  parti- 
culier,  on  voyait  a  un  certain  moment  apparaitre  simullan(5ment  deux  d'entre 
elles,  1'une  stable  et  1'autre  instable,  et  cependant  tr£s  peu  difl^rentes  Tune  de 
1'autre  lors  de  leur  apparition. 

Au  contraire,  une  des  families  d'orbites  p(5riodiques  trouv^es  passait  de  la 
stability  a  I'instabilittS  dans  des  conditions  ou  ce  passage  n'aurait  pu  se  faire  que 
moyennant  ^change  de  stability  et,  par  consequent,  bifurcation.  Celle-ci 
n'apparaissant  pas  en  1'esp^ce,  PoincanS  fut  conduit  a  pr6sumer  que  les  orbites 
instables  n'etaient  pas  la  continuation  des  orbites  stables. 

C'est  ce  qu'a  confirm^  ulterieurement,  dans  ce  journal  m6me  (:)),  M.  Hough, 
en  reprenant  1'tHude  des  transformations  mutuelles  des  orbites  pr6c6dentes.  On 
retrouve,  dans  cet  exemple,  les  ph(§nom&ncs  g6n6raux  d^crits  dans  les  Methodes 
nouvelles  de  la  Mecanique  celeste. 

En  particulier,  serrant  les  calculs  de  plus  pr6s  au  voisinage  du  passage  mis 
en  doute  par  PoincanS,  M.  Hough  constate  que,  effectivement,  les  apparences 
constat^es  par  Darwin  sont  dues  &  ce  que,  en  vertu  des  donates  num^riques 


( ' )  Les  invariants  int^graux  possedent  d'ailleurs  d'importantes  propri^t^s  formelles ;  S.  Lie  et 
depuis,  MM.  Kceaigs  et  Goursat  leur  ont  consacre"  leurs  efforts.  On  sait  qu'on  doit  \  M.  de  Bonder 
plusieurs  exposes  de  leurs  propri6te~s. 

(»)  Acta  Math.,  t.  21. 

{>)  Acta  Math.,  t.  24,  p.  257-288. 


224  L'CEUVRE  MATH^MATIQUE   DE   POINCARE. 

adoptees,  I'apparition  d'une  famille  do  satellites  coincide  approximativemenl 
avec  la  disparition  de  1'autre. 

Ce  sont  les  invariants  int6graux  qui  ont  permis  a  Poincarg  de  s'attaquer  an 
probleme  de  la  slabilite  des  trajectoires,  qui  correspond,  pour  un  sysleme 
djnamique  quelconque,  a  celui  de  la  stability  du  systeme  solaire  (1). 

Laplace  a,  on  le  sait,  d6montr6  cettc  derniere  stability  en  premiere  approxi- 
mation et  Poisson  a  passti  a  I'approximation  du  second  ordre.  Mais  nous  savons 
mainlenant  que  les  methodes  d'approximation  ne  peuvent  donner  ici  de  reponse 
valable  :  on  peut  aeulement  en  infe'rer  une  certaine  stability  temporaire,  nous 
renseignant  pour  une  tres  longue  pe>iode. 

C'est  la  stability  au  sens  de  Poisson  (moins  precis  que  celui  de  Laplace)  quo 
dans  une  categoric  e'tendue  de  rnouvements  (laquelle  toutefois  n'embrasse  pas 
notre  sjst^me  solaire)  Poincare"  a  pu  d^montrer  d'unc  maniere  rigou reuse  et 
non  plus  approximative. 

Par  contre,  son  rgsullat  a  une  signification  toule  cliiferenle  de  ceux  qui 
avaient  £16  obtenus  ante"rieuremenu  II  ne  gouverne  pas  toutes  les  trajecloires 
sans  exception,  rn'ais  seulement  a  des  trajectoires  exceptionnelles  pres. 

Les  mols  «  ti^ajectoires  exceplionnelles  »  doivcnt  s'interprcSler,  icit  a  Taide 
du  Calcul  des  probabilites  :  ils  veulent  dire  que,  une  irajecloire  dtant  prise  au 
hasard,  la  probability  pour  qu'elle  soit  une  de  celles  qui  mettent  en  dei'aut  l<k 
th<2oreme  est  in fmiment  petite  (et  non  pas  seulement  tres  polite). 

Autrement  dit,  il  n'est  pas  absolumenl  certain  qu'une  trajecloin*  arbilraire 
posstide  la  stability  a  la  P'oisson,  mais  il  y  a  iniiniment  pen  de  chances  qu'il  ea 
soit  autrernent. 


Le  Calcul  des  probabilites,  auquei  Pomcare*  <Hait  une  premiere  fois  amene 
par  la  Djnamique,  devait,  par  la  suite,  tenir  une  place  importante  dans  son 
ceuvre. 

En  m^me  temps  qujil  s'occupait  d'en  e"lucider  les  principes,  il  est  un  de  ceux 


(*)  Encore  ne  s7agit-il  ici  que  de  la  question  prise  au  poiat  de  yue  th^oriqae.  Poincare*  a  soin 
de  rappeler  (Annuaire  du  Bureau  des  Longitudes,  18^8;  CEuvres,  t,  VIII,  p.  538-547)  que  le 
probl&me  analytique  ainsi  pose"  est  tout  diffe*rent  du  probl&me  physique,  Fiafluenee  des  elements 
ne"glig6s  (les  mare"es,  entre  autres,  et  le  frottement  qu'elles  prodaisent)  ne  pouvant  manquer  de 
devenir,  en  fin  de  compte,  pre"ponde>ante. 


L'CEUVRE   MATHE"MATIQUE  DE   POINCARE*.  220 

qui  en  ont  pousse  le  plus  loin  Papplication.  Nous  aurions  a  insister  sur  ces  deux 
aspects  de  son  oeuvre  si,  a  quelques  exceptions  pres,  le  premier  d'entre  eux  ne 
concernait  le  philosophe  et  le  second  le  physicien. 

C'est  le  developpement  des  theories  moleculaires  qui  a  imprime  au  genie  de 
Poincare  celte  derni&re  orientation.  Au  point  de  vue  du  mathematicien,  les 
theories  en  question  ont  eu  pour  effet  :  i°  de  faire  passer  au  second  plan  les 
Equations  aux  derivees  partielles,  au  profit  des  equations  differentielles  ordi- 
iiaires ;  2°  de  faire  reposer  toutes  les  deductions  sur  le  Galcul  des  probability . 

De  la,  et  du  role  directeur  que  Poincare  sut  prendre  dans  ce  grand  mouve- 
ment,  decoulent,  par  une  consequence  necessaire,  les  recherches  qu'il  eut  a 
entreprendre  dans  cetle  derni&re  direction,  recherches  qu'il  ne  nous  appartieiit 
pas  de  retracer  dans  leur  ensemble. 

Contentons  nous  d'en  rappeler  1'aspect  proprement  mathematique,  tel  qu'il 
est  traite  dans  la  deuxi^me  edition  des  Lvcotis  sur  le  Calcul  des  probabilites 
profess  ees  a  la  Faculte  des  Sciences  de  Paris. 

Tout  cet  Ouvrage  renferme  des  apergus  qu'il  conviendrait  de  signaler  :  — 
telle  est,  par  exemple,  1'application  nouvelle  de  la  methode  des  moindres 
carres  a  Interpolation,  si  adequate,  comme  1'a  montre  M.  Quiquet  (*),  aux 
besoins  de  la  pratique  par  la  manitsre  dont  les  calculs  faits  en  vue  de  1'approxi- 
mation  par  un  polynome  de  degre  determine  peuvent  £tre  utilises  pour  former 
le  polynome  d'approximation  de  degre  superieur.  Mais  la  question  fondamen- 
tale  au  point  de  vue  de  1'appli cation  du  Galcul  des  probabilites  aux  phenom&nes 
moleculaires  fait  1'objet  du  dernier  chapitre.  C'est  deja  elle  qui  est  abordee 
lorsque  Poincare  etudie  le  battage  des  cartes. 

Pourquoi,  lorsque  le  jeu  a  ete  battu  assez  longtemps,  admettons-nous  que 
toutes  les  permutations  des  cartes,  c'est-a-dire  tous  les  ordres  dans  lesquels  ces 
cartes  peuvent  &tre  rangees,  doivent  <^tre  egalement  probables?  Le  joueur  qui 
bat  les  cartes  a  cependant  des  habitudes  instinctives  et,  grace  $.  elles,  si  Pordre 
primitif  des  cartes  est  donne,  on  doit  supposer  que,  pour  1'ordre  obtenu  apr^s 
un  seul  battage,  certaines  permutations  sont  plus  probables  que  d'autres. 
Poincare  va  montrer  en  toute  rigueur  que,  si  le  nombre  des  battages  est  grand, 
le  resultat  obtenu  sera  totalement  independant  de  ces  habitudes  inconnues  du 
joueur,  toutes  les  permutations  ayant  finalement  la  m£me  probabilite. 

La  question  qui  se  pose  &  la  base  des  theories  cinetiques  est  tout  analogue, 

(*)  Congr&s  de  Cambridge,  t.  II,  1912,  p.  385. 

H.  P.  —  XL  29 


226  L'OEUVRE  MATHEMATIQUE   DE   POINCARE. 

mais  avec  des  difficulty's  nouvelles;  car  l'6nonc£  comporte,  cette  fois,  des  cas 
d'exceplion.  II  doit,  tout  d'abord,  subir  une  modificalion  chaque  fois  que  les 
Equations  difftirentielles  du  probleme  admettent  des  integrates .  Mais  cette 
reserve  u'esl  pas  la  seule  a  laquelle  soil  conduit  Poincare,  au  moins  theorique- 
ment;  et  quoique,  physiquement  parlant,  la  conclusion  visee  (a  savoir  que,  une 
fois  connues  toules  les  integrates  univoqucs,  la  probability  de  chaque  elat  final 
du  systeme  peat  etre  connue  a  priori,  independamment  du  meeanisme  do 
melange)  reste  vraisemblable,  on  voitque  les  conditions  de  sa  validite  mathe- 
matique  sont  a  pr^ciser. 

Les  nouveaux  aspects  que  prenail  ainsi  la  theorie  physique  out  mis  une  iois 
de  plus  en  Evidence,  en  en  faisant  sentir  tout  le  prix,  celte  universalite,  cellc 
maitrise  simultane"e  des  domaines  les  plus  divers,  qui  ost  une  des  caracleris- 
liques  du  £e"nie  de  Poincare. 

La  substitution  des  equations  dillerentielles  ordinaires  aux  equations  aux 
d^rive'es  partielles  lendait  <$videniincnl  a  rapprocher  les  methodes  de  la  Physique 
math^matique  des  pr^c^dentes,  de  celles  de  la  M<3canique  celeste.  Mais,  grace 
aux  rccherches  ci-dessus  mentionuees  de  Poincare,  on  voil  que  1'inlroductinn 
du  Calcul  des  probability  se  trouvait  agir  dans  le  m6me  sens.  G'est,  notons-le, 
sous  la  m6me  forme  que  le  Calcul  des  probabililes  intervenait  de  part  et  d'autre  : 
nous  avons  vu  precedemment  que  le  principe  fundamental,  a  savoir  I'exisUuic** 
de  1'invariant  integral  le  plus  usuel,  esi  cornmuii  aux  theories  moteculaires  et  a 
la  Dynamique  de  PoincanS. 

Ge  rapprochement  entre  les  methodes  se  retrouve  d'une  maniere  remarquahle 
dans  les  r^sultats.  Un  astrologue  aurait  sans  doutc  trouve  une  prtMive  de  ridcu- 
Iil6  du  microcosme  et  du  me^acosme  dans  eette  simililu(l<,'  constattie  eatre 
I'^tude  de  molecules  dont  il  entre  des  millions  de  millions  duns  i  nun:i  el  c«Hc 
d'astres  separ^s  par  des  distances  que  la  lumiere  met  des  milliers  d'ann^cs  a 
franchir,  celles-la  £tant  consid^rees  pendant  quelqucs  milliardiemes  dosecondc 
el  ceux-ci  pendant  des  millions  de  siecles. 

Ce  sont,  tout  d7abord,  nos  connaissances  sur  le  mouvemont  des  plan^tcs  qui 
nous  ont  aid^s  a  comprendre  la  vie  des  molecules, 

Mais  Finverse  s'est  produit  lorsque,  djun  unique  syst&me  planetaire  lei  que 
le  notre,  on  a  voulu  passer  a  la  foule  de  ceux  qui  composent  le  monde  stellaire, 
m£me  limits  k  notre  voie  lactde.  C'est  Lord  Kelvin  qui  e"mil  pour  la  premiere 
fois  une  ide'e  de  ce  genre;  mais  c'est  Poincar6  qui  montra  tout  ce  qu'eUe  est 


L'CEUVRE   MATHEMATIQUE   DE   POINCARE.  227 

capable  de  donner.  II  suffit  de  parcourir  son  livre  sur  les  Hypotheses  cosrno- 
goniques  pour  voir  combien  de  relations  nous  commeiiyons  a  p&ntHrer,  qui 
nous  resteraient  encore  incompr6hensibles  si  nous  n'avions  a  noire  disposition 
les  cHudes  statistiques  entreprises  par  les  physiciens  sur  le  perpeluel  el  inextri- 
cable grouillemenl  des  molecules. 

Ge  livre  fut  un  des  derniors  de  sou  existence.  11  etait  digne  d'en  marquer  le 
couronnemenl. 

JNnl  Ouvrage  pour  lequel  il  fut  plus  uecessaire.  Pour  6clairer  les  propritHes 
des  molecules  par  celles  des  n^buleuses  et  inversement,  il  fallail  dominer  a  la 
Ibis  les  uncs  et  les  autres.  11  fallail  un  successeur  de  Laplace  qui  iul  en  inline 
temps  un  successeur  des  Clausius  etdes  Boltzmanu,  pour  (Scrire  les  Lecons  sur 
les  hypotheses  cosniogofiiques. 

4.  ANALYSIS  SITUS.  CALCUL  DKS  VARIATIONS.  DfiTKHMiNANTS  INFIMS. 

JVaulres  parties  de  1'oeuvre  de  Poincare  se  ratta client  encore  a  ses  iravaux 
sur  les  equations  difl'tfrentielles 

Geux-ci  devaienl,  tout  d'abord,  Taaiener  logiquement  a  perlectionner  la 
Gvometrie  de  situation.  Nous  1'avozis  vu  niontrer  qu'on  ne  saurail  faire  des 
progr^s  imporiants  dans  la  th^orie  qualitative  des  Equations  differenlielles  sans 
rencontrer  sur  son  chemin  celte  doctrine. 

Pour  les  lignes  et  les  surfaces  de  Fespnco  ordinaire,  V Analysis  sitfis.  du 
rnoins  dans  les  conditions  oii  les  applications  1'introduisent,  tient  tout  enliere 
dans  les  donn^es  utilis6es  par  Riemann.  Mais  dejs  que  Ton  augraente  le  iiombre 
des  dimensions,  les  r^sullats  se  compliquent(Snormement,  pendant  qu'il  devient 
impossible  de  los  atloindre  par  1'intuition  directe. 

Poin.care  se  trouvail  done  amen6  a  trailer  la^  g<5om^lrie  de  situation  dans  les 
espaces  a  plusieurs  dimensions. 

il  en  est,  en  un  sens,  le  premier  (budatcur,  uon  (ju'il  ait  el6  le  premier  a 
1'avoir  abordee;  mais  seul,  il  a  indiqu<5  exaclement  les  ^l^naents  qu'on  doit  se 
donner  pourddfinir,  acetegard,  une  figure  :  ces  6l£ments  avaient  616  dnum^re's 
incompl^jtement  avant  lui. 

Une  premiere  solution  avail  6t6  fournic  que  1'on  pouvait  croire,  au  premier 
abord  suffisante. 

Betti  avait  g£n6ralist2  a  un  nombre  quelconque  Ji  de  dimensions  la  notion 
d'ordre  de  coaaerion  ;  il  avait  d^fini  n —  i  nombres  jouant  visiblement  un  rdle 


228  I/CEUVRE  MATHEMATIQUE   DE  POINCARE. 

tout  analogue  a  celui  de  1'ordre  en  question.  De  m^me  qu'une  surface  esl 
complement  d&finie,  au  point  de  vue  de  V Analysis  situs,  par  son  ordre  do 
connexion  (lorsqu'on  donne,  en  outre,  le  noinbre  de  ses  fronti&res),  on  admet- 
tait  implicitement  qu'une  multiplicity  quelconque  etait  suffisamment  caractc- 
risee,  an  m£me  point  de  vue,  par  ses  nombres  de  Betti. 

Pour  fonder  vuritablement  V Analysis  situs  a  plusieurs  dimensions,  Poiucare 
eut  a  corriger  cette  erreur.  11  montra  que,  an  point  de  VUG  dont  il  s'agit,  la  defi- 
nition precise  et  complete  d'une  multiplicity  u  un  nombre  quelconque  do 
dimensions  exige  la  connaissance  d'un  certain  groupe  de  substitutions  que Ton 
peut  en  deduirc.  Ce  groupe,  —  et,  par  consequent,  les  propriety  lopologiques 
de  la  multiplicity  —  peuvcnt  6tre  alleges  dans  certains  cas  ou,  cependanl,  les 
nombres  de  Betti  conservenl  tous  leurs  valeurs. 

Une  loi  remarquable  fut  enoncee  par  PoincanS  sur  ces  nombres  de  Belli.  A 
la  suite  d'une  pentHrante  critique  de  M.  Ileegaard,  elle  Tamena  a  constaU'r  quo 
la  definition  de  ces  nombres  peut  6tre  pnjcisee  de  plusieurs  iacons  differonles 
et  que  1'une  de  ces  modifications  s'impose,  an  point  de  vue  de  Pexaeliludo  do 
la  loi  en  question. 

D'autres  nombres  que  ceux  de  Betti  furent  decouverts  dans  la  suite  de  <;<*s 
recherches  et  jouerit  6galemcnt  un  role  important  en  Pespfecft  :  ce  sont  les 
coefficients  de  torsion,  lies  aux  varietes  a  un  seul  cot6  que  Ton  pen  I  tracer  sur 
la  variete  donn^e.  Mais  un  exernple  monlre  que,  pour  caracteriser  celle-ci,  la 
connaissance  simultan6e  des  nombres  de  Betti  et  des  coefficients  de  torsion  esl 
encore  insuffisante. 

La  nouvelle  Analysis  situs  ainsi  fonciee  devait  e^alenn»nt,  conimc  ct'llt*  dt» 
Riemann,  conduire  a  des  applications  algebriques. 

La  theorie  des  fonctions  algebriques  de  deux  variables  veuail,  en  rilVil,  d'etre 
fondee  par  les  travaux  de  M.  Picard.  L'analogue  de  la  surface  de  Riemann  csf, 
dans  cette  theorie,  un  domaine  a  quatre  dimensions  donl  il  est  mkessaire 
d'etudier  la  connexion.  C'est  une  etude  que  M,  Picard  avait  dej&  commenc^o. 
Poincare  y  appliqua  les  donnees  nouvelles  dont  il  disposait. 

II  faut  d&s  lors  definir  et  etudier,  sur  les  surfaces  algebriques,  des  pvriodes 
cEint&grales  doubles^  notion  qui  n'est  pas  sans  relation  avec  celle  des  residus 
des  integrates  doubles  considers  plus  Iiaut,  mais  qui  est  a  celle-cx  ce  que  les 
periodes  cycliques  des  integrates  abelienrxes  classiques  sont  aux  ptSriodes 
polairesy  et  qui  devaient  jouer  un  r61e  important  dans  les  r^sultats  qu'il  obtint 
eixsuite  sur  le  developpement  de  la  fonction  perturbatrice  en  Mecanique  celeste. 


I/OEUVRE   MATHEMATIQUE   DE   POINCARE.  229 

Nous  nous  bornerons  a  ces  indications  en  ce  qui  concerne  les  fonctions  alg<5- 
briques  de  deux  variables.  II  landrail,  si  nous  voulions  insister  el  montrer 
quelle  aide  Poincar<3  a  pu  apporter  a  1'eflbrl  des  Picard,  des  Castelnuovo,  des 
Enriques,  des  Severi,  retracer,  plus  longuement  que  nous  ne  saurions  le  faire 
ici,  les  principes  de  cetle  th^orie  et  Fimportant  d^veloppement  qu'elle  a  pris 
dans  ces  demises  ann^es. 

Nous  avons  aussi  constate  les  relations  de  1'oeuvre  dynamique  el  astrono- 
mique  de  Poincar<3  avec  le  Calcul  des  variations. 

Tous  les  travaux  de  Poincar^  sur  les  Equations  different!  ell  es,  toutes  les 
Methodes  nouvelles  de  la  Mecanique  celeste  —  et  aussi  toutes  les  recherches  de 
Poincar6  sur  la  figure  des  plan^tes  —  sont  comme  le  remarque  M.  Hilbert  (*), 
du  Calcul  des  variations,  si  Ton  prend  ce  mot  au  sens  le  plus  large  :  1'^tude  des 
relations  d'une  fonclion  avec  les  fonctions  voisines. 

Quant  au  Calcul  des  variations  propremenl  dit,  il  a  el6  6galement,  nous 
1'avons  dit,  essentiel  a  la  recherche  des  solutions  p^riodiques.  Poincar6  a  m&me 
indiqu£  bri&vement  a  cet  £gard  des  voies  qu'il  importerait  de  poursuivre  (-)  eL 
par  losquelles  on  pourra  demonlrer  imtnediatement  1'existence  de  solutions 
p^riodiques  toutes  les  fois  que,  par  des  conventions  convenables,  on  pourra 
consid^rer  les  lignes  cherchties  comme  trac^es  sur  des  vari6t6s  a  connexion 
(Iin6aire)  multiple,  en  parliculier  chaque  fois  que  certains  des  cniiers  d^signt^s 
plus  liaut  (p.  221)  par  p  (nombre  total  de  circonferences  dont  a  augment^ 
pendant  une  p(5riode  un  param^tre  angulaire)  seront  diflferents  de  z6ro. 

La  question  est  beaucoup  plus  difficile  lorsqu'on  ne  peut  introduire  de 
connexion  multiple,  ainsi  qu'il  arrive  pour  les  geod(Ssiques  des  surfaces 
cori  vexes,  auxquelles  est  consacre  le  M<2moire  des  Transactions  of  the  American 
Mathematical  Society  menlionne  plus  liaut.  La  proprit5td  de  minimum  habi- 
luollement  employee  pour  caracUSriser  les  g^odtisiques  suffit  encore  ^.  6tablir 
1 'existence  de  g^odesiques  fermees  si  la  surface  est  tr6s  pen  difierente  d'une 
sphere,  —  c'est-^L-dire,  une  fois  de  plus,  dans  une  hypoth&se  mfmiment  voisine 
<l'un  cas  d'intugration  classique.  Mais  c'est  en  posant  le  problfeme  d'une 
manidre  toute  nouvelle,  en  en  faisant  un  probl&me  d'extremum  116,  que 
Pomeare  arrive  au  m^me  r^sultat  sur  une  surface  ferm<3e  convexe  quelconque. 


(l)  Congr&s  international  ties  Matfiematiciens^  Paris,  1900,  p,  107. 
{*}  Voir  Analyse,  p.  u>0;  QKuvres,  t,  VII,  p,  !\. 


23o  L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

Dans  le  M^mofre  dont  nous  venons  de  parler,  il  utilise  le  Calcul  des  varia- 
tions sans  se  pr£occuper  de  le  computer.  Au  contraire,  dans  les  Methodes 
nouvelles  de  la  Mecanique  celeste,  il  avail  examine  la  question  de  savoir  si  une 
courbe  solution  des  Equations  diflferentielles  fournit  ou  non  un  extremum  de 
Faction. 

On  sait  que  la  mgthode  obtenue  par  Weierstrass  pour  decider  de  1'exiremum 
entre  deux  extremities  donnees,  com  me  plusieurs  des  d^couverles  dunt  nous 
avons  eu  Poccasion  de  parler  pr^cddemnienl,  avail  ete  une  do  cellos  tjue  le 
g^omfctre  allemand  s'elail  contents  dVnseigner  oralement  (les  premiers  Ouvrages 
portanl  (race  de  eel  enseignemcnl,  la  these  de  M.  Zermelo  et,  —  pour  les  iutt1- 
grales  doubles,  le  M  6  mo  ire  de  M.  Kohl),  —  paraissaient  vors  le  inline  moment 
que  POuvrage  de  PoincanS  el  PexpostS  complet  de  M.  Kneser,  quelques  anneos 
plus  lard).  Par  conlre,  M.  Darboux  avail,  fait  eonnailiv,  sur  Pexemple  parli- 
culier  des  lignes  geodesiques,  une  autre  melhode  conduisant  a  la  .solution  : 
M.  Kneser  devait  (dans  POuvrage  auquel  nous  venons  de  fa  ire  allusion)  Petemlre 
an  cas  g^n^ral. 

Poincar6  a-t-il  reirouve,  de  son  cote,  les  resultats  de  Weierstrass?  Dans  la 
notice  qu'il  lui  a  consacre  (*),  le  Calcul  des  variations  n'est  pas  montioniu't. 
D'autre  part,  dans  les  Mvthodes  jivuvelles  (-),  la  condition  de  Weierstrass  est 
(hionc^e,  mais  non  sous  sa  forme  connue,  quoique  celle-ci  el  celle  de  Poincarr 
soient  Equivalent es. 

Quoi  qu'il  en  suit  ft  cot  tSgard,  le  r<5sultat  cjue  Poincare  a  en  vue,  en  Pesji^MU', 
est  nouveau  et  lui  apparlienl  en  propre  :  c^ost  Pobtention  des  conditions  mV<is- 
saJres  et  suffisanles  pour  lY\lremum  lorsque  la  ligne  arbitraire  csf  a.ssujiMtic 
lion  plus,  comme  dans  le  problems  olassiquequi  esi  celui  auquel  s^elait  alla<{u«' 
Weierstrass,  a,  joindre  <leux  points  donntfs,  mais  a  ^tre  lenn(;e. 

A  cet  effet,  Poincare  emploie  d'avance,  mais  sans  (?n  fairo  la  t!»<Sorio  gem1- 
rale,  quelques-uns  des  moyens  dont  s'esl  servi  M.  Kneser  pour  generalise*'  la 
m<5thode  de  M,  Darboux.  En  particular,  si  la  notion  d'orthogonalitt*  suflit  a 
P^tude  de  Pactlon  correspondant  au  mouvement  absolu,  PoincartS  est  ament;  i\ 
consiruire  des  «  transversales  »,  lorsqu'Jl  passe  au  mouvement  relaiif,  f,(^ 
«  champ  )>  qu'il  fait  intervenir  est  d'ailleurs  remarquable  :  il  n'a  pas,  i  notrc» 
connaissance,  eu  d'autres  applications  ot  n7a  sans  doute  pas  rondu  tons  !t*s 


(')  Acta  Matk,,  t.  22,  p. 
(2)  Tome  III,  p.  261. 


L'CEUVRE   MATHE'MATIQUE   DE   POINCARE.  23 1 

services  qu'on  es.t  en  droit  d'en  attendre  :  il  est  form<5  par  une  des  families  de 
solutions  asjmptotiques  a  la  courbe  ferm^e  envisage. 

Le  probl&me  d'extremum  tel  qu'il  se  pose  sous  la  forme  classique,  c'est-a- 
dire  enLre  deux  poinls  donnas,  figure  d'ailleurs  £galement  dans  les  recherches 
de  Poincar^  sur  les  solutions  p^riodiques,  etla  manure  dont  la  solution  depend 
de  la  nature  des  foyers  (suivanl  que  ceux-ci  sont  des  points  ordinaires  ou  des 
points  de  rebroussement  de  Tenveloppe  de  la  famille  d'extrt^inales  correspon- 
dantes),  y  est  indiqu6e.  Poincarg  applique  surtoul  sa  discussion  au  cas  ou  les 
deux  extr^mitos  donnees  coincident  en  un  m£me  point  A.  Avec  une  autre 
remarque  g^ometrique  egalement  imporlantc,  I'mfluence  du  sens  de  1'angle 
ainsi  forme  au  point  anguleux  A,  celte  eHude  esl,  pour  lui,  le  moyen  d'arriver 
a  une  conception  simple  des  solutions  pdriodiques  du  deuxi&me  genre  et  de 
pcriode  A'uplc  qui  naissent,  comme  nous  1'avons  dit,  au  voisinage  de  certaines 
solutions  du  premier  genre  convenablement  choisies.  Un  exposant  caractu- 

rislique  6tant,  sur  celles-ci,  com  mensurable  avec  ^-^~  il  en  r^sulte  que  chaque 

point  sera  a  lui-m^me  son  2/>I6m''  foyer,  p  6tant  un  entier  convenable;  lous  ces 
foyers  seront  d'ailleurs  points  de  rebroussement,  et  de  m6me  sorte  (c'est~a-dirc 
que  le  rebroussement  y  aura  lion  dans  le  m6me  sens). 

Pour  arriver  a  une  solution  p<5riodique  du  deuxieme  genre,  Poincar<5  fait 
varier  d^une  petite  quantity,  dans  un  sens  convenable,  le  param^tre  p.  et  constate 
que  chaqtie  point  M  de  la  courbe  ferm^e  primitive  C  peut6tre  joint  a  Iui-m6me 
par  une  ligne  satisfaisant  aux  Equations  diiKrentielles  avec  la  n  on  veil  o  valeur 
du  param^tre. 

Si  enfin  on  choisit  M  de  mani&re  que  Faction  le  long  de  cette  ligne  soit 
la  plus  grande  ou  la  plus  petite  possible,  le  point  anguleux  en  M  dis- 
parait,  et  on  a  une  solution  period ique  du  deuxidme  genre,  coupant  C 
en  zp  points. 

G'est  (Sgalement,  du  moins  pour  une  partie,  a  propos  des  trajectoires  de  la 
Dynamique,  —  en  s'occupant  de  ItSgitimer  la  m6thode  qui  avait  donn6  a  Hill 
ses  solutions  pt^riodiques  du  probl(;me  des  trois  corps  et,  en  m£me  temps,  celle 
que  M.  Appell  avait  appliqutSeaunnouveau  d^veloppement  des  fonctions  ellip- 
liques  —  que  Poincan5  a  &1&  amen^  &  doter  FAnalyse  d'un  nouveau  mode  de 
passage  a  la  limite,  voisin  de  celui  qu'elle  allait  devoir  a  M.  Fredholm,  les 
determinants  injinis  et  la  resolution  des  Equations  lin^aires  a  une  infinite 
d'inconnues. 


23'2  L'CEUVRE   MATHEMATIQUE   DE  POINCARE. 

Nous  ne  redirons  pas  apres  lui  (1)  les  circonslances  remarquables  qu'il  a 
renconlre'es  dans  cetle  recherche.  On  sail,  quo  le  nouvel  algorithme  ainsi  fondt1 
a  du  d'importanles  applications  a  M.  Ilelge  von  Koch.  Nous  avons  ddja  rappele 
que  ce  savant  a  pu  ainsi  calc tiler  (sous  leur  forme  convergenle)  les  inte*grales 
irre'gulieres  des  Equations  line'aires,  question  lie"e  d'ailleurs  directomenta  rinle- 
gration  des  Equations  a  coefficients  period iques. 


TIL  —  Les  equations  aux  derivees  partielles  et  les  problemes 
de  la  Physiqiie  mathematique. 

M<^me  apres  revolution  qui  a  augment^  i'imporlance  des  Equations  dille'ren- 
tielles  ordinaires  pour  la  Physique  mathemalique,  celle-ci  continue  —  et  conli- 
nuera  —  a  s'appujer  stir  les  Equations  aux  derivees  par tiel fas. 

Pour  ces  derni&res  tSgalement,  et  plus  nettement  m^me  que  pour  les  prt;ce- 
dentes,  la  solution  telle  qu'on  la  concevait  prJmilivcment,  —  ce  qu'on  a  appele 
1'int^gration  formelle  —  est  hors  de  cause.  Non  seulement  Vinlegrale  gene- 
rale:  —  par  le  moyen  des  symboles  eklmentaires  connus,  est  le  plus  souvent 
introuvable;  mais  m^me  une  fois  obtenue,  elle  no  rend  pas  les  inOmos  st'rvices 
que  dans  le  cas  des  Equations  differentielles  et  ne  dispense  pas  de  recherches 
aussi  difficiles  ou  plus  difficiles  que  cellos  qui  out  conduit  a  1'ecrire,  lorsqu'ou 
vent  1'appliquer  aux  v(5ritables  problemes  qui  so  posent  le  plus  gonoralonitjal. 

Les  difficult<5s  que  ccux-ci  prcsonionl  peuvent  i;tre,  suivant  h^scas,  dti  ualuro 
ires  diflerente. 

11  peut  arriver  qu'elles  resseinblent,  avec  des  <liilV?nince.s  do  degre,  a  r<»  ([H1eilos 
sont  pour  les  Equations  difftSronlielles,  do  sorie  quo  la  solution  puisso  fitn*  cousi- 
dor6e,  au  point  de  vue  th(5orique,  commo  fournio  localemont  par  los  luelhodcs 
de  Cauchy,  quitte,  dans  unc  secondo  partio  du  travail,  i  fa  ire  la  syntheses  des 
diff(5rents  <5l(5menls  de  solution  ainsi  obtenus. 

C7est  ce  qui  se  passe  —  liquation  (Slant  supposed  introduite  par  FtHudo  iTim 
ph^nomene  physique  —  lorsquo  celui-ci  se  d^roule  librement  dans  Tospaco 
illimit^,  et  ou,  par  cons6quent?  pour  dofinir  son  Evolution,  il  suffit  de  se  dormer 
les  conditions  initiales,  e'est~&-dire  son,  otat  h.  im  instant  de'termino', 

Mais  si  le  ph^nomene  a  pour  th^tUre  une  enceinte  Hmite"e  par  des  parois,  — 

(l)  Analyse,  p.!9a-94;  OEuvres,  t.  V,  p.  3-5, 


l/CEUVRE   MATHEMATIQUE   DE   POINCARE.  233 

de  sorte  quo  pour  achever  de  le  definir,  il  faut  ecrire  un  systeme  de  conditions 
aux  limites,  exprimant  lej'ole  joue  par  les  parois  en  question,  —  uno  difficult^ 
d'un  lout  autrc  ordre  apparait. 

II  est  encore  vrai  que,  an  voisinago  d'uii  point  quelconque,  la  solution  est  le 
plus  souvent  represcntable  par  des  developpements  en  series  du  m6me  type  que 
dans  les  problemes  precedents.  Mais,  celle  fois,  aucun  de  ces  elements  de  solu- 
tion, —  non  pas  m6me  le  premier  (*),  comme  il  arrivait  pour  les  equations 
differentieiles  ordinaires  —  ne  peut  6  ire  de'terrnine'  isolement  :  la  connaissance 
de  chacuii  d'eux  est  inseparable  de  celle  de  tons  les  autres. 

C'est  le  renversemenl  du  principe  m6me  qui,  en  Unites  les  autres  circons- 
tances,  guide  la  ma  re  he-  du  calcul  integral  :  la  division  de  la  difficult^  en  une 
difficulte  locale  et  une  difficulie  de  syntlnYse.  Une  telle  division  eslici radicale- 
ment  impossible. 

Aussi  1'apparition  de  ces  series  de  problemes  —  et  surtout  du  premier  dc  tons, 
celui  qui  lour  a  servi  de  type,  le  probleme  do  Dirichlet  —  o-t-elle  change" 
profondemenl  touie  Failure  de  la  malhe'matique  moderne. 

Get  exemple  est  pre'cise'ment  celui  que  Poincare  a  choisi  pour  montrer 
comment  la  Physique  impose  aux  maihematiques  des  problemes  auxquels  elle 
n'aurail  pas  songtf  a  elie  sculp.  On  voit  qu'il  n'en  pouvait  exister  de  plus  typique. 

Un  tel  probleme  ne  pouvait  rnanquer  d'attirer  Faiiontion  de  Poincare  commo 
il  avail,  altire  celle  de  plusieurs  de  ses  predecesseurs.  La  nouvelle  solution  qu'il 
y  apporla,  la  metbode  du  balaycige*  s'inspiro  tres  direclcment  de  la  nature 
m6me  de  la  question,  de  cette  interdependance  mutuelle  de  ton  les  les  parties 
do  la  solution  telle  que  nous  venous  de  la  signaler. 

Mais  alors  que  la  met  bode  du  balayage  elle-mfime  se  railachc  aux  autres 
travaux  anterieurenicnl  consacres  a  la  iheorio  du  probleme  de  Dirichlet  (-), 
ctitte  theoriti  devait  peu  apres  entrer  dans  une  phase  toute  nouvelle  etsubir  une 
revolution  proionde  dont  Futility  ressort,  ellcaussi,  des  remarques  prec^dentes. 

Son  principe  consistc  a  remplacer  Pequalion  aux  dvriv&es  partiMes,  ainsi 
que  les  autres  condilions  aux<juelles  doit  satisfaire  la  fonction  inconnue,  par  une 


(J)  Hit'n  nr  conduit,  d'ailkuirs  \\  tUahlir  entre  los  elements  en  question  un  ordrc  determine  :  ?t 
considerrr  spi'cialenicut  I'un  d'onlrc  eux  plutot  qu'uu  autrc  conune  le  premier, 

(2)  Kile  se  distingue  des  me'Uiodes  d'approximations  successives  proposes  jusqu'^,  lui  surtout 
en  ce  que  cetles-ci,  dans  le  choix  des  expressions  destinies  &  servir  de  points  de  depart,  se 
pr^occupaient  tout  d'ubord  de  satisfaire  d^s  I'abord  &  liquation  aux  de"riv6es  partieltes,  les  autres 
conditions  du  probleme  devant  ^tre  ve'rifie'es  par  le  jeu  des  retouches  successives,  Poincare*,  le 
premier,  guide"  par  rinterpre"tation  physique  de  ses  calculs,  songea  ^  faire  1'inverse. 

H.  P.  —  XL  3o 


234  L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

Equation  integrate.  Au  lieu  de  fa  ire  figurer  1'inconnue  sous  des  signes  do 
derivation,  on  la  fait  apparailre  sous  un  signe  d'inle'gration. 

Les  premiers  sonl  (5videmment  une  sorte  de  microscope  par  laquelle  on 
repre"sente  des  relations  dans  1'iiifinimenL  petit.  Le  second,  an  contraire,  est 
essentiellemeni  syathese  et  non  analyse.  Point  n'ost  besoin  des  lors  de  longues 
explications  pour  comprendre  comment  son  emploi  est  autremenl  l>ien  adapte 
aux  circonstances  dont  nous  avons  parle"  quo  celui  de  la  differentiation. 

Ge  cbangement  complet  d'orienlation  dans  Fe'tude  du  probleme  de  Dirichlol 
ot  de  tons  les  proble-mes  analogues  de  la  Physique  malhe'matique  e\oque.  tout 
d'abord,  le  nom  de  M.  Fredholm. 

On  se  tromperait  cepomhmt  du  lout  an  lout  en  n'y  rntlachant  pas  tSga  lemon  t, 
et  d'une  maniere  tres  <5lroiio7  colui  de  Poincare.  Co  so  rail  uio*connailro  eeUe 
virile  aujourd'hui  banale  que  les  manifestations  les  plus  imporlantes,  les  plus 
inattendues  de  1'espril  humain  sont  le  produil  non  seulemenl  <lu  cerveau  do 
lour  an  tour  j  ma  is  de  toute  1'opoque  qui  les  a  vu  naitre. 

Or  notro  o[>oque,  <iu  point  do  vue  malh6xnali({uo,  c'est  avanf  lout,  Poincaro. 

Voyons  comment  son  omvre  a  oto  une  condition  indispensable,  la  iiiiissanro 
de  la  nouvelle  me'thode. 

La  premiere  etape  qui  devuil  coiiduiro  a  celle-ci  peul^lro  cliorcboo  daiif>  lo 
celebre  travail  dc  M.  Schwarz  insere,  a  1'occusion  du  jubilo  do  V\  tiiorstntss, 
clans  les  Ada  Socielatis  Fennlcae  (i88:5). 

Le  point  de  depart  de  M.  Schwarz  est  une  question  de  pure  analyse  ornprunloo 
ixu  Caicul  des  Variations,  Mais  le  re'sultat  obtcnu  admot  uno  iutorpre- 
tation  physique  immediate.  L'equatiou  aux  dorivoos  partiollos  conyid^ri'fo  par 
M.  Schwarz  est  immodiateiuont  Ii6o  a  celle  qui  gouverno  los  vibrations  tl'une 
membrane  teixdue  ct  co  qu'il  obtieat,  c'ost  lo  son  fondarnental  loquel  st* 
[yre'sente  comme  correspondsmt  a  la  valour  qu'il  fatil  doimer  <\  un  corlain 
param^tre  1  qui  figure  dans  liquation  aux  d6rivoes  partiellos. 

Dans  Fetude  de  tout  phe'nonieiie  vibratoire  dans  tin  milieu  limite*  I'iixpori- 
mentateur  constate,  on  le  sait,  Texistencc  d'un  tol  son  fondamental,  ou,  s\\  s^i^ii 
d'autre  chose  que  d'acoustique,  d'une  tollo  frequence  fondarmntal? .  Mais! 
de  plus,  cetto  frequence  fondamontale  n'ost  pas  la  soulo  frequence  propre  : 
(Ui  acoustiquo,  par  exemple,  le  son  ibndamontal  s'accornpagne  d'une  sciric 
inde'iimo  d'harruoruquGS  dont  les  propriele's,  sous  les  rapports  les  phis 
essentiels,  sont  analogues  a  celles  du  premier. 

Experimentalemerit,  Poxistenco  de  toutos  cos  frequences  propres  esl 


L'GEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE.  235 

feste.  Mathematiquemenl,  M.  Schwarz  etait  le  'premier  a  demontrer  par  sa 
savante  mtHhode  celle  de  la  plus  simple  d'entre  elles,  la  frequence  fondamentale. 
II  est  clair  qu'un  tel  r^sultat  demandait  a  &tre  complete  par  son  extension  aux 
sons  harmoniques.  Dix  ans  apr^s,  en  effet,  M.  Picard  parvenait  a  etablir 
P  existence  du  premier  d'entre  eux,  c'est-a-dire  du  second  son  propre. 

C'esL  a  Poincare  qu'est  due  la  solution  generale,  c'est-a-dire  la  demonstration 
de  Fexistence  de  Urns  les  harmoniques  suceessifs. 

Par  Femploi  de  profonds  lemmes  geometriques,  il  demontre  que,  multipliaiil 
In  solution  par  un  polynome  en  X  a  coefficients  indeterniines?  on  pent  toujours 
ehoisir  ces  coefficients  de  maniere  a  ce  quo  le  developpement  du  produil 
suivant  les  puissances  de  A  converge  dans  un  rayon  plus  grand  qu'avant  la 
multiplication,  et  m6me  aussi  grand  qu'on  le  veut  si  le  degre  du  polynome  a  ete 
pris  suffisamment  elevu.  Geci  equivaut  a  dire  que  celLe  solution  est  une  ionction 
meromorplie  de  A.  Son  numeruteur  seul  est  (bnclion  de  la  position  iFim  point 
dans  le  domaine  que  remplit  le  milieu  considere  :  son  d(5nomiuateur  et?  par 
consequent,  ses  poles  en  sont  Ind6pendants. 

Clc  sont  eux  qui  iburinssent  les  frequences  propres  cherck^es.  Les  r^sidus 
correspondants  ou  fonctions  fondctmentales  c[ui  donnent  la  forme  des  vibra- 
tions propres j  rep nSsen tent  une  second(»,  partie  importnule  d<^  la  dticouverte 
aiusi  rdalis^e. 

Ce  resultat  capital,  veritable  fondement  de  loute  celte  partie  de  la  Physique 
math^matique,  ne  suffisait  cependant  pas  a  prOparer  revolution  dont  nous  avons 
parle  tout  ik  i'heure.  En  particulier,  il  n'auruit  pas  a  lui  seul  rendu  possifjlt1 
1'application.  de  la  mtHhode  des  equations  inlegrales  au  probleme  de  Dirichlet, 
11  a  fallu  d'abord  que  Poincare  reprit  au  rn^me  point  de  vue  In  plus  connue  el 
la  plus  importante  des  methodes  indiquees  (indepentlanirnent  de  celle  du 
balayage)  pour  la  resolution  de  ce  probitiine,  la  m<Hhode  de  Neumann. 

Ce  qui  fait  peut-^tre  du  Memolre  sur  la  Mctliode  tie  N<*unia?in  et  leprincipe 
de  Dirichlet  tin  des  plus  beaux  triomphes  du  g6uie  do  l>oiiicare,  c'est  que  rum 
ne  faisait  prevoir  1'analogie  qu'il  allait  etablir  entre  ce  probl&me  et  le  [>recedeut. 

Nous  avons  rappele  que  les  constatHtions  experimentales  indiquaienta^/'/or/ 
1'existence,  dans  le  problCune  consider^  par  Schwarz  d'une  serie  d'hanno- 
ut(jueSj  ainsi  que  de  fonctions  fondnmentales  correspondanies. 

Rien  de  pareil  ne  se  pr^sentait  ^.  propos  de  la  m^thode  de  Neumann;  01 
e,  rien  ne  conduisait^  introduire  dans  cette  nouvelle  question  leparam^frc 
!  ^  qui  s'introduit  de  Iui~m6me  dans  celle  des  harmoniques. 


a36  L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

[Yanalogie  analylique  eiai!  a  peine  plus  utilisable  quo  Fanalogie  physique. 
Jl  est  vrai  que  la  solution  fournie  par  Poincare  fait  apparaitre  dans  les  deux  cas 
les  monies  r6sultats  essentiels,  mais  noii  pour  les  monies  raisons. 

En  un  mot,  les  functions  fondamentales,  au  lieu  d'etre  sugg&rttes  par  une 
interpretation  physique  simple,  devaient  ici  sortir  tout  armies  du  cerveau  de 
1'analyste. 

Poincare  montra  cependant,  ici  encore,  que  la  vraie  signification  de  la 
methode  de  Neumann  n'etait  autre  que  le  developpement  de  la  solution  par 
rapports  aux  puissances  d'un  certain  parametre  qu'il  introduit  dans  les  donnees 
du  probleme,  et  que  toutes  les  autres  circonstances  principales  rencontrees 
a  propos  de  Tetude  des  sons  harmoniques  se  retrouvent  ici, 

Ces  requitals  etaient  d'ailleurs  essentiels  pour  la  methode  de  Neumann  elle- 
m£me  :  car  ils  permettaient  d'en  etablir  la  legitimhe  sans  les  restrictions  qu'avait 
apportees  son  auteur. 

Avec  eux,  —  et  aussi,  ajoutons-le,  apres  la  m^thode  de  Robin,  d'tme  part, 
a  c6t6  de  laquelle  ilfaut  citer,  del'autre,  les  travauxbien  connus  de  M.  Volterra, 
—  tout  e'tait  pr^t  pour  I'entr6e  en  scene  de  la  me'thode  de  M.  Fredholm. 

Celle-ci,  en  effel,  suit  pas  a  pas  la  marche  que  nous  venons  de  retracer.  Elle 
repose  essentiellement  sur  1'introduction  du  parametre  A  de  Poincare  et  sur  la 
maniere  dont  il  figure  dans  1'expression  de  1'inconnue.  Seulement,  grace  a  sa 
belle  melhode  de  resolution  des  equations  integrates,  M.  Fredholm  peuL  ecrire, 
sous  forme  de  developpements  en  series  immediatemenL  connus,  le  numerate ur 
et  le  denominateur  que  Poincare  n'obtenail  que  par  de  delicates  approximatitjus 
successives. 

Ainsi  les  solutions  de  tons  ces  problemes  fondamenlaux  de  la  Physique 
malhematique,  —  et  en  particulier,  la  determination  des  sons  propres,  ou  la 
forme  des  domaines  intervient  d'une  maniere  si  mysierieuse  —  sont  acquises 
des  Poincare. 

Seulement,  pour  reprendre  la  parole  m^me  que  nous  citions  en  commen- 
cant,  ces  monies  problemes  sont  «  plus  »  resolus  par  la  methode  de 
Fredholm. 

Les  recherches  precedentes  ne  s'appliquent  pas  uniquement  a  la  Physique 
mathematique ;  elles  interessent  egalement  la  Mecanique  celeste  par  le  probleme 
des  marees.  Poincare  montrait  effectivement,  dans  deux  Memoires  SurVequi- 
libre  et  le  mouvement  desmers,  comment  1'emploi  des  fonctions  fondamentales 


L'CEUVRE  MATHEMATIQUE  DE  POINCARE.  237 

qu'il  venait  de  de"couvrir  permet,  quoique  avec  des  difficult^  nouvelles  (*)  de 
tenir  compte  de  Foment  le  plus  complique'  du  probleme,  1'influence  des 
continents.  Nous  nous  avancerions  encore  ici  sur  un  domaine  qui  n'est  pas  le 
noire  en  analjsant  les  consequences  auxquelles  il  esl  ici  parvenu;  et  nous  ne 
saurions,  pour  la  m6me  raison,  insisler  sur  celles  qu'il  a  oblenues  lorsquc,  npres 
1'apparition  de  la  me'lhode  de  Fredholm,  il  est  revenu  sur  ce  sujet  dans  sa 
Theorie  des  Marees,  une  des  premieres  et  des  plus  importanles  applications 
qui  (apres  celles  en  vue  desquelles  elle  avait  e'le  imaginee)  aient  ete  donne'es 
de  la  me'thode  en  question. 

Mais  nous  avons  a  rappeler,  quoique  sommairement  et  au  strict  point  de  vue 
des  principes  analytiques,  les  recherches  qui  ont  eu  pour  objel  la  figure  des 
corps  celestes,  c'est-a-dire  la  figure  d'e'quilibre  d'une  masse  fluide  en  rotation. 
Ce  probleme  occupe  une  place  a  part,  la  plus  haute  en  un  sens,  dans  la  Philo- 
sophie  naturelle.  Si  difficiles  que  soient  les  problemes  de  Physique  mathe- 
matique  etudie"s  lout  a  1'heure,  un  caractere  leur  est  commum,  qui  est  une 
notable  simplification  :  ils  sont  tous  line'aires.  Si  Ton  a  obtenu  la  solution  du 
probleme  de  Dirichlel,  pour  une  surface  donne'e,  avec  les  donne'es  a  la 
fronliere  V*  d'une  part,  et  avec  les  donne'es  V2  de  1'autre,  cette  solulion  sera 
connue  par  cela  m6me,  si  les  donne'es  ont  les  valeurs  V4  •+-  V2.  II  est  aisc  de 
se  convaincre  que  toules  les  theories  imagine'es  pour  la  resolution  de  ce  probleme 
et  de  tous  ceux  qui  s'y  rattachent  reposent  essentiellement  sur  ce  fait. 

Le  probleme  de  Fe'quilibre  d'une  masse  fluide  en  rotation  est,  parmi  toules 
les  applications  physiques  ou  me'caniques  des  Equations  aux  de'rive'es  parlielles, 
la  seule  pour  lequel  la  simplificalion  pr6c6denle  ne  se  produise  pas;  et,  par 
cela  me'me,  il  se  montre  d'un  ordre  de  difficulie'  supe'rieur  a  lous  les  aulres. 
C'esl  aussi  le  seul  (3)  pour  lequel,  en  me'me  temps  que  la  fonction  qui  doil 
verifier  une  Equation  aux  de'rive'es  partielles,  le  domaine  m&me  dans  lequel 
cette  fonction  est  d6finie  soil  inconnu. 

Aussi  les  the'oremes  d'existence  les  plus  simples  manquaienl-ils  eux-m6mes 
dans  cette  th^orie. 

Ces  hautes  difficult6s  ne  pouvaient  larder  a  tenter  Poincar^.  Voyons  par 
quelles  me'thodes,  des  i885,  il  travailla,  ici  m^me  (3),  a  les  re'soudre, 

(l]  Voir  Analyse,  p.  119;  OEuvres,  t.  IX,  p.  l\. 

(2)  II  faudrait  toutefois,  aux  deux  points  de  vue  mentiounes  dans  le  texte,  faire  exception 
pour  le  mouvement  des  liquides  daris  le  cas  le  plus  ge"ne"ral,  c'est-a-dire  avec  une  surface  libre 
notablement  diff6rente  du  plan  horizontal. 

<3)  Acta  Math.,  t.  7,  p.  25g-38o  (r885);  QEuvres,  t.  VII,  p.  fc-ifo  • 


238  L/CEUVRE   MATHEMATIQUE   DE   POINCARE. 

Nous  avons  dit  que  ces  methodes  reinvent  toutes  du  Calcul  des  variations  si 
Ton  prend  ce  mot  dans  son  acceptation  la  plus  large.  Les  considerations  qui 
font  1'objet  propre  du  Calcul  des  variations  classique,  celles  de  maximum  et  de 
minimum,  y  interviennent  egalement  el,  outre  1'usage  qui  en  est  fait  pour  la 
demonstration  des  theor&mes  d'existence,  Poincare  a  rcpris  et  complete  les 
resultats  de  M.  Liapounof  sur  la  sphere  consideree  comme  donnanl  le  potential 
d'attraction  maximum. 

Mais  1'essence  do  son  analyse  est  dans  1'extension  aux  probl&rnes  a  une 
infinite  d'inconnues,  des  methodes  de  discussion  que  fournissent,  pour  le  cas 
d'une  inconnue  unique,  le  Calcul  difFerentiel  et  la  Geometric  analytique. 

Gonsiderons  une  equation  a  une  seule  inconnue  x^  inais  contenant  un 
param&tre  p.,  soit 


Si  Ton  tienl  compte  des  deux  variables  qui  y  entrent,  on  sera  conduit  a  la 
representer  par  une  courbe  plane  ou  f/.  sera  1'abscisse  et  x  Pordonn<5e. 

Si  en  un  point  (#o,  /J-o)  de  cette  courbe,  la  derivee  —  •  s'annule,  on  aura, 

en  general,  une  tangente  parall&le  a  1'axe  des  x  et,  lorsque  p.  passera  par  la 
valeur  /JLO,  liquation  precedente,  consideree  comme  1'equation  en  x,  perdra  deux 
racines  (celles-ci  venant  se  confondre  entre  elles  en  x§  pour  devenir  ensuite 
imaginaires)  ou,  au  contraire,  en  acquerra  de  nouvelles  :  ^o  est  ce  que  Ton 
peut  appeler  une  valeur  limite  pour  JUL.  Mais  si  JUL  traverse  la  valeur  p.o  sans  que 
1'equation  en  x  cesse  d'avoir,  tant  avant  qu'apr6s  cette  valeur,  des  racines 
voisines  de  #0j  le  point  (#05  p-o)  est,  en  general,  point  multiple.  Les  discussions 
qui  apprennent  a  decider  s'il  en  est  bien  ainsi  sont  elementaires,  mais  Poincare 
leur  emprunte  un  enonce  d'une  forme  nouvelle.  Pour  qu'il  y  ait  bifurcation, 
autrement  dit  point  multiple,  il  suffit  (sur  un  arc  de  courbe  reel  ou  JJL  est 
suppose  pouvoir  prendre  des  valeurs  tant  immediatement  superieures 

qu'immediatement  inferieures  a  /JLO)  que  ~-i  en  s'annulant?  change  de  signe. 

uSC 

Si  maintenant  on  remplace  1'equation  unique  qui  precede  par*  un  syst&me 
d'equations  a  un  nombre  egal  d'incounues,  dependant  egalement  du  para- 
m^tre  /JL,  on  sait  que  le  role  de  la  derivee  consideree  tout  a  1'heure  est  rempli 
par  un  determinant  fonctionnel.  Grace  au  theor^me  de  Kronecker,  Poincare 
etend  ^i  ces  nouvelles  conditions  la  conclusion,  precedents  :  en  d'autres  termes, 
si,  au  cours  d'une  variation  continue  dans  laquelle  ^  est  cons  tarn  ment  croissant 


L'CEUVRE   MATHEMATIQUE   DE   POINCARE.  23y 

ou  constamment  decroissanl,  le  determinant  fonctionnol  en  question  change 
de  signe,  il  j  a  bifurcation. 

Ceci  suffirait  theoriquement,  dans  un  grand  noinbre  de  cas,  en  ce  qui 
concerne  les  Equations  ordinaires.  Mais  Poincare  se  propose  d'inlroduire  ces 
notions  dans  un  domaine  nouveau.  Un  probleme  Lei  que  celui  de  1'equilibre 
de  la  masse  fluide  en  rotation  peul  <Hre  consider  com  me  conduisant  a  un 
systeme  d'equations,  mais  en  nombre  inOni  et  a.  ime  infinite  d'inconnues. 

Rien  ne  semblail  alors  devoir  subsister  de  toute  la  discussion  prect'denle, 
car  la  notion  qui  en  form  ail  le  pivot,  celle  du  jacobien,  faisait  defaut.  Du  moins 
il  en  etait  ainsi  au  moment  ou  Poincare  poursuivait  les  recherches  dont  nous 
parlons.  La  methode  de  Fredholm  seule  devait,  quelques  annees  plus  tard, 
fournir  le  moyen  de  combler  directement  cette  lacune;  et  c'est  d'elle  en  effet 
que  s'est  servi  M.  Liapounof  lorsqu'il  a  continue  les  recherches  de  Poincare  et, 
la  ou  celles-ci  avaient  simplement  abouti  a  la  demonstration  de  theor&mes 
<T existence,  forme,  pour  repr6senter  les  solutions,  des  series  convergentes. 

En  1889,  Poincare  n'avait  pas  le  determinant  de  Fredholm  a  sa  disposition. 
Mais  il  y  a  plus  :  les  quanlites  qu'il  va  introduire  pour  parer  a  cet  inconvenient 
seront,  par  le  fait  m6me  de  leur  nombre,  appelees  a  rendre  des  services  qu'on 
ne  pourrait  obtenir  de  la  consideration  du  seul  jacobien.  C'est  ce  que  nous 
a  deja  montre  1'exemple  analogue  des  solutions  p^riodiques  ou,  cependant, 
la  definition  du  jacobien  ne  soufirait  aucune  difficult. 

Les  quantites  en  question  ne  sont  autres,  dans  les  questions  d'equilibre 
ainsi  abordees  par  Poincare,  que  les  coefficients  de  stabilite  c'est-a-dire  ceux 
par  1'examen  desquels  on  reconnait  [conformement  au  theor&me  de  Lagrange- 
Dirichlet  (4)],  le  minimum  du  potentiel.  Ce  calcul  consiste,  comme  on  sait, 
dans  la  decomposition  en  carres  d'une  certaine  forme  quadratique  :  les  coeffi- 
cients de  stabilite  seronl  les  coefficients  des  carres  ainsi  obtenus. 

Pour  un  syst&me  dont  la  position  depend  d'un  nombre  fini  de  param&tres, 
ces  coefficients  de  stabilite  ont  un  produit  precisement  egal  au  jacobien  :  par 
consequent,  leur  liaison  avec  les  considerations  qui  precedent  est  evidente  et 
entraine  les  consequences  suivantes  : 

Une  solution  des  equations  d'equilibre  etant  supposee  connue  pour  une 
certaine  valeur  ^  de  JJL,  si  tous  les  coefficients  de  stabilite  correspondants  sont 

(x)  Ge  thSoreme,  d'aiileurs,  n'est  plus  seal  ea  jeu  dans  la  discussion  proprement  dite  de  la 
stability  et,  ici  encore,  Poincar^  est  conduit,  avec  Lord  Kelvin  et  Tait  a  une  nouvelle  distinction 
entre  plusieurs  especes  de  stability  possibles. 


240  L'CEUVRE   MATHEMATIQUE  DE  POINCARE. 

differents  de  zdro,  les  Equations  admettront  encore  une  solution  pour  p.  voisin 
de  fx0  (puisque  alors  le  jacobien  sera  aussi  different  de  z£ro).  En  second  lieu, 
dans  une  s^rie  continue  de  figures  d'^quilibre  telles  que  p  varie  constamment 
dans  le  m£me  sens,  tout  changement  de  signe  de  1'un  des  coefficients  de 
stability  correspond  a  une  figure  de  bifurcation. 

Toutefois,  si  Ton  ne  se  servait  que  du  jacobien,  il  faudrait,  si  plusieurs 
coefficients  changent  de  signe  a  la  fois,  supposer  que  leur  nombre  total  est 
impair.  En  r^alite,  cette  restriction  est  inutile,  et  Ton  voit  dtfja  ici  un  cas  ou 
il  y  a  avantage  a  employer  les  coefficients  de  stability. 

Par  leur  moyen  d'autre  part,  on  va  triompher  de  la  difficult^  capitale  du 
probl&me.  Une  fois  mis  sous  la  forme  prec^dente,  les  enonc^s  conserveront  un 
sens,  m&me  pour  un  syst&me  dependant  d'une  infinite  de  param&tres,  d&s  que 
les  coefficients  de  stability  auront  pu  6tre  definis.  Mojennant  une  hypoth&se 
toujours  v^rifi^e  dans  les  applications  qui  se  sont  presences,  Poincar6  6tablit 
(par  des  considerations  d'extremum)  qu'ils  restent  exacts. 

Ainsi  les  quantit^s  qui,  d'apr&s  leur  definition,  n'int&ressaient  que  la  stability 
de  P^quilibre,  se  trouvent  gouverner  P existence  m£me  de  cet  «5quilibre. 

En  m6me  temps,  dans  ces  m£mes  formes  d'^quilibre  de  bifurcation  que 
Poincar^  enseignait  a  reconnaitre,  les  coefficients  dont  nous  venons  de  parler 
ob6issent  a  une  loi  remarquable,  non  moins  importante  au  point  de  vue  de 
P  application  concrete  qu'au  point  de  vue  purement  analytique,  celle  de 
Vechange  des  stabilites,  d'apr^s  laquelle  le  nombre  des  coefficients  positifs 
s'6change  entre  deux  series  de  formes  d'^quilibre  qui  se  rencontrent  suivant 
une  forme  de  bifurcation.  Si  done  une  des  series  etait  stable  jusqu'a  la 
valeur  JULO  du  paramtoe  qui  correspond  a  la  bifurcation,  c'est  Pautre  s<5rie  qui 
poss^de  cette  propriety  lorsque  /JL  varie  au-dela  de  JLJLO. 

A  Paide  du  premier  des  principes  ciltfs  tout  a  Pheure,  Poincar6  dt§monlre 
ais^ment  Pexistence  des  figures  annulaires  d'^quilibre,  simplement  affirm^e 
par  Lord  Kelvin  et  Tait  dans  leur  trait6  de  Philosophic  naturelle,  II  lui  suffit, 
a  cet  effet,  de  partir  d'un  premier  ^quilibre  (obtenu,  il  est  vrai,  en  assujettissant 
d'abord  le  syst&me  a  une  liaison  suppl^mentaire)  et  de  constater  que,  dans  ce 
premier  £tat,  aucun  coefficient  de  stability  n'est  nul. 

C'est  le  second  principe  qui  a  permis  la  d^couverte  des  nouvelles  figures 
d'^quilibre  d^riv^es  des  ellipso'ides  de  Jacabi.  Le  lecteur  verra  dans  V Analyse 
de  Poincare  (4)  comment,  en  effet,  la  s^rie  des  ellipso'ides  de  Jacobi  (comme 

(x)  Page  n3;  CEuvres,  t.  VII,  p.  10. 


L'CEUVRE   MATHEMATIQUE   DE   POINCARE.  24 1 

celle  des  ellipsoi'des  de  Maclaurin,  du  reste)  comprend  une  infinite  de  formes 
de  bifurcation,  servant  de  point  de  depart  aux  nouvelles  formes  dont  il  s'agit. 
On  verra  e'galement,  an  m6me  endroit,  comment  tin  the'oreme  sur  1'impossi- 
bilite'  d'un  equilibre  stable  au-dela  d'une  certaine  valeur  de  la  vitesse  de 
rotation  a  fourni  a  Poincare'  la  reponse  a  la  question  que  pose  i'explication  des 
anneaux  de  Saturne. 


Nous  arrdterons  ici  cette  revue  de"ja  trop  longue  et  cependant  si 
incomplete. 

Sans  mGmo  parler  des  applications  aux  sciences  de  la  Nature  qui  seront 
e'tudie'es  ici  m6me,  il  resterait  tout  au  moins  a  traiter  le  cote1  philosophique  de 
1'oeuvre  de  Poincare',  qui  tient  une  si  grande  place  daas  sa  pensee  et  dans  toute 
la  pensee  conlemporaine.  Nous  n'avons  pas  qualitcS  pour  le  faire,  et  cependant, 
sur  combien  de  points  cette  ceuvre  philosophique  n'est  elle  pas  indissolublement 
li^e  aux  decouvertes  scientifiques  elles-m^mes.  Qu'il  s'agisse  de  ge'ome'trie  non 
euclidienne,  de  the'orie  des  ensembles,  de  relativity,  de  calcul  des  probabilite's 
surtout,  —  la  seule  science  math6matique  qui,  des  trois  etats  d'Auguste  Gomte, 
n'ait  pas  entierement  de'passe'  le  second  —  une  meme  impulsion  est  commune 
aux  deux  domaincs  j  ctl'on  s'explique  deja,  dans  une  certaine  mesure  la  puissante 
contribution  apporte"e  par  Poiricare',  a  la  Me'canique  statistique,  lorsqu'on  lit 
les  reflexions  sur  le  liasard  qui  figurcnt  dans  la  Science  et  VHypothese,  ou 
dans  Science  et  Methode. 

D'autre  part,  les  oeuvres  aussi  grandes  et  aussi  g6niales  que  celles  de 
Poincare',  doiit  I'e'tendue  se  refuse  a  une  analyse  d^taille'e  et  ne  pent  6t,re 
parcourue  qu'a  grands  traits,  sont  cependant  celles  qu'on  peutle  moins  abre"ger 
sans  les  trahir.  Chez  lui  comme  chez  tous  les  cr^ateurs  vraiment  grands,  il 
serait  essentiel,  au  contraire,  de  faire  sentir,  ainsi  que  nous  1'avons  tent6  a  uno 
ou  deux  reprises,  comment  chaque  detail  est  souvent  f^cond  en  conse'- 
quences,  chaque  ligne,  en  quelque  sorte  suggestive  et  grosse  de  travaux 
ult(5rieurs. 

Ceux  que  Finspiration  Poincare'enne  a  deja  engendre's,  et  dont  nous  avons 
pu  a  peine  signaler,  chemin  faisant,  quelques-uns,  remplissent,  a  eux  seul, 
plusieurs  des  chapitres  les  plus  importants  des  mathe'matiques  contemporaines. 
H.  P.  —  XL  3i 


2  {2  L'CEUVRE   MATHEMATIQUE   DE   POlNCARE. 

Cependant,  nul  ge'ometre  n'en  doute,  1'Analyse  de  Poincar^  n'esl  pas  pres,  tant 
s'en  faut,  d'avoir  donn6  la  mesure.  Me'me,  dans  un  grand  nombre  des  voies 
qu'il  a  ouvertes,  sa  marche  audacieuse  nous  a  emport^s  sans  que  nous  puissions 
encore  songer  a  la  poursuivre.  Si  gTande  qu'elle  nous  apparaisse,  la  pens^e  de 
Poincar6,  comme  celle  d'un  Gauss  ou  d'un  Cauchy,  ne  laissera  d^couvrir  toute 
sa  puissance  qu'a  nos  successeurs,  a  la  lumiere  des  decouvertes  futures. 


DIE  BEDEUTUNG  HENRI  POINCARE'S  FUR  DIE  PHYSIK 

VON  W.  WIEN 


Ada  Mathematica^  t.  38,  p.  ^89-291  (1921). 


Der  Tod  Henri  Poincare's  hat  nichl  nur  fur  die  Mathematik  sondern  auch 
fur  die  Pbysik  einen  schweren  Verlust  bedeutel.  Gehorte  er  doch  zu  den 
wenigen  Mathematikern,  die  an  der  alten  Tradition  festhielten,  dass  die  beiden 
Wissenschaften  enge  zusammengehoren  nnd  ilire  Anregungen  von  einander 
empfangen  mussen.  So  hatte  er  nicht  nur  grosses  Interesse  und  tiefes  Ver- 
standnis  fur  die  Physik,  sondern  hat  sich  auch  in  sehr  ausgedehntem  Masse 
selbst  an  der  Weiterbildung  der  physikalischen  Theorien  beteiligt.  Die 
folgenden  Zeilen  sollen  einer  Wiirdigung  dieser  Leistungen  gewidmet  sein. 

Zum  ersten  Male  hat  Poincar6  in  die  Physik  eingegriffen,  als  er  nachwies, 
dass  H.  Hertz  in  der  grundlegenden  Arbeit  fiber  elektrische  Schwingungen 
einen  Rechenfehler  begangen  hatte,  durch  den  die  Schwingungsdauer  infolge 

1/2 

eines  unrichtigen  Faktors  2  im  Werte  der  Kapacitat  im  Verhaltnis  —  zu  gross 

berechnet  -war.  Die  Geschwindigkeit  der  Wellen  war  hienach  zu  klein 
gefunden,  was  auf  den  Gang  der  Hertz'schen  Versuche  von  entscheidendem 
Einflusse  gewesen  ist.  Seine  weiteren  Untersuchungen  tiber  Hertz'sche 
Wellen  betrafen  die  Methoden,  um  die  Frequenz  des  elektrischen  Oscillators 
zu  berechnen  und  die  Einflusse  zu  bestimmen,  durch  die  Schwingungsperiode 
geandert  wird. 

Dann  hat  er  sich  weiter  an  der  Theorie  der  Hertz'schen  Wellen  beteiligt, 
indem  er  zuerst  die  Dampfung  der  Primarschwingungen  in  richtiger  Weise 
aufFasste.  Er  widerlegte  damit  die  Theorie  von  Sarasin  und  de  la  Rive  von 


2jj  f  HENRI   POINCARE   ET   LA   PHYSIQUE. 

der  mulliplen  Resonanz.  Seine  Theorie  1st  dann  spater  von  Bjerknes  bestatigt 
vvorden.  Auch  die  Ausbreitung  der  clcktrischen  Wellen  langs  geraden 
Draliten  hat  Poincan*  behandelt  und  die  dabei  auflretende  raumliche  Dampfung 
ffeschatzt  und  im  Anschluss  hieran  die  Reflexion  an  dem  Ende  eines  Drahtes 

o 

behandelt.  Fur  die  statistische  Mechanik  ist  ein  Salz  Poincare's  bedeutung- 
svoll  geworden,  der  ursprunglich  fur  die  Frage  nach  der  Stabilitat  des  Planc- 
tensjstems  aufgestelll  war,  dass  niimlich  cine  bcstimmle  Configuration  von 
matericllcn  Punktcn  nach  endlichcr  Zeit  wieder  erreichl  werden  muss,  wcnn 
nur  conservative  Krafte  wirken.  Durch  diesen  Satz  ist  nachgewiesen,  dass 
die  Irreversibililat,  die  wir  in  der  Nalur  beobachten,  nicht  durch  rein  mecha- 
nische  Vorgange  erUiirt  werden  kann. 

Eine  wichtige  Anregung  ist  von  Poincare*  ausgegangen,  indem  er  nach  der 
Entdeckung  der  Rontgen-Strahlen  auf  die  Moglichkcit  hinwies,  dass  dieses 
Phanomen  mit  der  Fluorescenz  in  Zusammenhang  stehen  konnte.  Wenn 
diese  Auffassung  aucli  nicht  richtig  war,  so  hat  sie  doch  die  erste  Veranlassung 
zu  den  Versuchen  von  Becquerel  gegeben,  die  dann  spater  zur  Entdeckung 
des  Radiums  geftihrt  haben. 

Von  sehr  grosser  Bedeutung  fur  die  theoretische  Physik  ist  eine  Arbeit, 
die  er  im  Jahre  1900  in  dem  Jubilaumsbande  fur  Lorentz  vcroflentlicht  hat. 
Er  hat  dort  die  elcktromagnetische  Bewegungsgrosse  eingefiihrt,  clurch  welchc 
der  Widerspruch  gegen  das  Prinzip  von  Aktion  und  Reaktion  aufgchoben 
wird,  eine  Theorie,  die  fur  die  wcitere  Entwickelung  der  Elektrodynamik  sehr 
wichtig  geworden  ist. 

Ganz  besonders  bedeu lungs voll  sind  auch  die  Untersuchungen  Poincare's 
ilber  die  innere  Kraft  eines  Eleklrons  geworden,  wo  er  zum  ersten  Male  den 
Ausdruck  ableitete  filr  eine  auf  das  Elektron  wirksame  Druckkraft,  vvelche  das 
Gleichgewicht  der  Krafte  aufrecht  erhalt. 

Sein  grosses  mathematisches  Talent  ermoglichte  es  ihm  dann,  die  Schwio 
rigkeiten  zu  iiberwinden,  vvelche  der  theoretischen  Behandlung  der  drahtlosen 
Telegraphic  entgegenstehen.  Er  hat  die  Ausdriicke  abgeleitet,  durch  welche 
die  Ausbreitung  der  elektrischen  Wellen  auf  der  Erde  dargestellt  wird.  Er 
hat  diese  Ausdrucke  zuniichst  noch  etwas  korrigiert,  aber  das  Resultat  ist  im 
wesentlichen  schliesslich  ein  richtigcs  gewesen  und  fuhrte  zu  Folgerungen, 
die  in  ihrem  Verhaltnis  zu  den  tatsachlichen  Beobachtungen  noch  nicht 
aufgeklart  sind. 

Auch  seine   Untersuchungen   uber  die   Beugung  enthalten  sehr  wichtige 


HENRI   POINCARE   ET   LA   PHYSIQUE.  2  f> 

Entwickelungen  der  mathematischen  Physik  im  Anschluss  an  die  grundlegende 
Theorie  von  Sommerfeld. 

Fur  die  moderne  Relativitatstheorie  hat  er  wichtige  Ergebnisse  beigelragen, 
indem  er  schon  die  in  dieser  Theorie  anftrelenden  allgemeinen  mathematischen 
Beziehungen  vorausgesehen  hat,  so  die  Einfiihrung  der  Lorentztransformation 
und  des  Vierervektors.  Ferner  hat  er  der  modernen  Theorie  der  Strahlung 
grosses  Interesse  entgegengebrachi  und  eine  tiefgehende  Untersuchung  ver- 
offentlicht,  in  welcher  er  den  Nachweis  fiihrt,  dass  die  von  der  Erfahrung 
verlangte  Strahlungsformel  notwendigerweise  durch  unstelige  Vorgange  veran- 
lasst  sein  muss,  wie  es  von  Planck  in  der  Quantenhypothese  angenommen  ist. 

Auch  auf  kritischem  Gebiete.hat  Poincare  der  Physik  sehr  nillzliche  Dienste 
geleistet.  So  hat  er  nachgewiesen,  dass  die  Jaumann'sche  Theorie  der  Katho- 
denstrahlen  riicht  richtig  sein  kann,  die  auf  einer  Differentialgleichung  erster 
Ordnung  beruht.  Eingehend  hat  Poincare"  sich  mit  den  Grundlagen  der 
Wiirmetheorie  und  dem  Problem  der  Irreversibilitat  beschiiftigt  und  nach- 
gewiesen,  dass  die  Theorie  der  monocyklischen  Systeme  den  Tatsachen  nicht 
ganz  gerecht  Vverden  kann  ebensowenig  wie  die  gewohnliche  Begriindung  der 
Gastheorie. 

Audi  eine  Kritik  der  Theorie  des  Zeemanphanomens  hat  Poincar6  gegeben 
und  eine  Theorie  aufgestellt,  die  von  der  Lorentz'schen  abweicht. 

Ueberblickt  man  diese  Leistungen  allein  auf  dem  physikalischen  Gebiet,  so 
muss  man  ebenso  erstaunt  sein  tiber  die  Fiille  der  Probleme,  die  er  bearbeitet, 
v\ie  Tiber  die  Tiefe  seines  Verstandnisses  fiirphysikalische  Theorien.  Erzeigt 
dabei  einen  besonders  scharfen  Blick  fur  die  Berechtigung  der  Fragestellung, 
wie  er  sich  z.  B.  klar  dariiber  ist,  dass  die  Kontroversen  iiber  unipolare 
Induktion  oder  uber  die  Entscheidung  fiber  die  Schwingungsrichtung  des 
polarisirten  Lichts  aus  den  Beobachtungen  an  stehenden  Lichtwellen  der 
physikalischen  Bedeutung  entbehren.  Allerdings  hat  er  selten  den  Versuch 
gemacht,  eigene  Hypothesen  aufzustellen  und  hat  im  ganzcn  mehr  zu  einer 
phanomenologischen  Darstellung  der  physikalischen  Erscheinungen  geneigt, 
wie  er  ja  die  Meinung  ausgesprochen  hat,  dass,  sobald  eine  mechanische 
Theorie  einer  Erscheinung  vorliege,  auch  unendlich  viele  andere  moglich 
sein  mtissten.  Andererseits  hat  er  auch  viele  Anregungen  auf  experimentellem 
Gebiet  gegeben.  Ausser  der  bereits  erwahnten,  die  schliesslich  zur  Ent- 
deckung  des  Radiums  fiihrte,  hat  er  auch  die  Versuche  von  Cr^mieu  veranlasst, 
bei  denen  untersucht  wurde,  ob  stark  convergente  Kraftlinien  des  Gravita- 


246  HENRI  POINCARE"  ET  LA  PHYSIQUE. 

tionsfeldes     eine     andere    Wirkung    hervorrufen,     als    ein    Feld    paralleler 
Kraftlinien. 

So  haben  wir  Physiker  besondere  Veranlassung,  das  friihe  Hinscneiden 
des  grossen  Mathematikers  sclimer2licli  zu  empfinden.  Moge  sein  Beispiel 
seine  Fachgenossen  veranlassen,  den  Problemen  der  Physik  erhohtes  Interesse 
zuzuwenden  zum  Nutzen  beidei^  Wissenschaften,  da  die  Physik  die  mathe- 
matischen  Hilfsmittel,  die  Mathematik  die  aus  den  physikalischen  Problemen 
geschopflen  Anregungen  nicht  entbehren  kann. 


DEUX  MEMOIRES  DE  HENRI  POINCARE 
SUR  ]A  PHYSIQUE  MATHfiMATIQUE 


PAR  H.  A.  LORENTZ 


Acta  Mathematica^  t.  38,  p.  agS-SoS  (1921). 


Les  pages  suivantes  ne  peuvent  aucunement  donner  une  idee  lant  soil  pen 
complete  de  ce  que  la  Physique  th6orique  doit  a  Poincar^.  J'aurais  el£  heureux 
de  rendre  hommage  a  sa  mtSmoire  en  pr^sentant  au  lecteur  un  tel  tableau 
d'ensemble,  mais  j'ai  recule  devant  cellc  tache  qu'on  ne  pourrail  dignemenl 
remplir  sans  de  longues  et  s^rieuses  Etudes  pour  lesquelles  le  temps  m'a  manqu6. 
Je  me  suis  done  borne  a  deux  Mdmoires,  celui  sur  la  Dynamique  de  Felectron, 
ecrit  en  1906  et  public  Fannie  suivante  dans  les  Rendiconti  del  Circolo 
Matematico  di  Palermo,  et  Fetude  sur  la  Th6orie  des  quanta  qui  parut  dans 
le  Journal  de  Physique  au  commencement  de  1912. 

Pour  bien  faire  apprecier  le  premier  de  ces  travaux  je  devrai  entrer  en 
quelques  details  sur  les  idees  dont  le  developpement  a  abouti  au  Principe  de 
relativit6.  Ament3  ainsi  a  parler  un  peu  de  la  part  que  j'ai  pu  prendre  moi-m&me 
a  ce  developpement,  je  doit  dire  avant  tout  que  j'ai  trouv6  un  encouragement 
pr^cieux  dans  I'int(^r6t  bienveillant  que  Poincar^  a  constamment  pris  a  mes 
Etudes.  Du  reste,  on  verra  bientot  a  quel  degr6  il  m'a  depass<5. 

On  sait  que  Fresnel  avait  fond6  une  explication  de  1'aberrationastronomique 
sur  I'hypoth^se  d'un  6ther  immobile  que  les  corps  celestes  traverseraient  sans 
Fentrainer.  On  connait  aussi  son  c£l6bre  th^or^me,  complement  n^cessaire  de 
cette  hypoth^se  fondamentale,  sur  Fentrainement  partiel  des  ondes  lumineuses 
par  de  la  mature  en  mouvement.  Un  corps  transparent  anim<§  d'une  translation 
ne  communiquera  aux  rayons  qu'une  fraction  de  sa  propre  vitesse,  fraction  qui 


?48  DEUX   MEMOIRES   SUR   LA   PHYSIQUE. 

est  determine  par  le  «  coefficient  de  Fresnel  »  i ?  ?  dans  lequel  TZ  est  1'indice 

de  refraction  du  milieu. 

Lorsque,  grace  aux  travaux  de  Clerk  Maxwell,  nos  vues  sur  la  nature  de  la 
lumi&re  avaient  ete  profondement  changes  il  etait  nalurel  d'essayerune  deduc- 
tion de  ce  coefficient  basee  sur  les  principes  de  la  theorie  electromagnetique. 
Voila  le  but  que  je  me  suis  propose  et  qui  a  pu  6tre  attcint  sans  irop  de  diffi- 
cuhe  dans  la  theorie  des  electrons. 

La  plupart  des  phenom^nes  qui  se  rattachent  a  Faberration,  et  no  lam  men  L 
1'absence  d'une  influence  du  mouvement  de  la  Terre  dans  Louies  les  experiences 
ou  le  syslcme  entier  d'appareils  est  en  repos  par  rapport  a  noire  plan£te,  purent 
maintenant  6tre  expliques  d'une  manitjre  satisfaisante.  Seulemenl,  il  fallait 
faire  la  restriction  que  les  effets  considers  devaient  £tre  du  premier  ordre  de 
grandeur  par  rapport  a  la  vitesse  de  la  Terre  divisee  par  celle  de  la  lumiSre, 
les  termes  du  second  ordre  ayant  ete  negliges  dans  les  calculs. 

Or,  en  iSSi  M.  Michelson  reussit  a  faire  interferer  deux  rayons  lumineux 
parlis  d'un  m£me  point  et  y  revenant  apr&s  avoir  suivi  des  chemins  rectilignes 
de  longueur  egale  et  perpendiculaires  entre  eux.  II  trouva  que  les  phenom6nes 
observes  sont  de  nouveau  insensibles  au  mouvement  de  la  Tex  re;  les  franges 
d'interference  conservaient  les  monies  positions  quelles  que  fussent  les 
directions  des  bras  de  1'appareil. 

Gelte  fois-ci  il  s'agissait  bien  d'un  efFet  du  second  ordre  et  il  etait  facile  de 
voir  que  I'hypolh&se  de  1'ether  immobile  a  elle  seule  ne  suffitpas  a  rexplication 
du  resultat  negatif.  J'ai  ete  oblige  a  faire  une  nouvelle  supposition  qui  revienl 
a  admeltre  que  la  translation  d'un  corps  a  travers  1'etber  produit  une  legere 
contraction  du  corps  dans  le  sens  du  mouvement.  Cette  hypoih^se  eiait  bien 
la  seule  possible;  elle  avait  aussi  ete  imaginee  par  Fitzgerald  et  elle  trouva 
Fapprobation  de  Poincare,  qui  ccpendant  ne  dissimula  pas  le  peu  de  satisfaction 
que  lui  donn&rent  les  theories  dans  lesquelles  on  multiplie  les  hypotheses 
speciales  inventees  pour  des  phenom^nes  particuliers.  Cette  critique  a  ete  pour 
moi  une  raison  de  plus  pour  chercher  une  theorie  generale,  dans  laquelle  les 
principes  m6mes  conduiraient  a  1'explication  de  1'experience  de  M.  Michelson 
et  de  toutes  celles  qu'on  avait  tentees  apr^s  lui  pour  decouvrir  des  effets  du 
second  ordre.  Dans  la  theorie  que  je  me  proposais,  1'absence  de  phenom^nes 
dus  au  mouvement  d'ensemble  d'un  syst&me  devrait  6tre  demontree  pour  une 
valeur  quelconque  de  la  vitesse,  inferieure  a  celle  v  de  la  lumi&re. 

La  methode  a  suivre  etait  touie  indiquee.  II  fallait  evidemment  montrer  que 


DEUX   MEMOIRES  SUR   LA  PHYSIQUE.  2/i9 

les  ph6nom6nes  qui  ont  lieu  dans  un  systSme  materiel  peuventetre  repre'sente's 
par  des  Equations  de  la  m6me  forme,  que  le  sjsteme  soit  en.repos  ou  qu'il  soil 
anime  d'un  mouvement  de  translation  uniforme,  cette  ^galite'  de  forme  e'tant 
obtenue  a  1'aide  d'une  substitution  convenable  de  nouvelles  variables.  II 
s'agissait  de  trouver  des  formules  de  transformation  appropriates  tant  pour  les 
variables  ind^pendantes,  les  coordonne'es  x,  y,  z  et  le  temps  t,  que  pour  les 
diiKrentes  grandeurs  physiques,  vitesses,  forces,  etc.,  etde  montrer  1'invariance 
des  Equations  pour  ces  transformations. 

Les  formules  que  j'ai  e'tablies  alors  pour  les  coordonne'es  et  le  temps  peuvenl 
etre  mises  sous  la  forme  (*) 

(i)  3?'=£J(a?-i-eO,         y'=ly,         x'=ls,         tf=fd(t-h£z), 

ou  s,  A',  I  sont  des  constantes  qui  cependant  se  re'duisent  a  une  seule.  On  volt 
imme'diatement  que  pour  1'origine  des  nouvelles  coordonnees  (&'=.  o)  on  a 


ce  point  se  de'place  done  dans  le  systeme  x,  y,  z,  t  avec  la  vitesso  —  e  dans  la 
direction  de  1'axe  des  x.  Le  coefficient  k  est  ddflni  par 


et  /  est  une  fonction  de  £  qui  a  la  valeur  i  pour  £  —  o.  Je  Pai  d'abord  laisse'e 
inde'termin^ej  mais  j'ai  trouv6  dans  le  cours  de  mcs  calculs  que  pour  obtenir 
1'invariance  que  j'avais  en  vue,  on  doit  poser  I  =.  i  . 

Ce  furent  ces  considerations  publiees  par  moi  en  1904  q^i  donnerent  lieu 
a  Poincar^  dJ6crire  son.  M^moire  sur  la  Dynamique  de  1'e'lectroa,  dans  lequel  il 
a  attach^  mon  nom  a  la  transformation  dont  je  viens  de  parler.  Je  dois  remarquer 
a  ce  propos  que  la  meme  transformation  se  trouve  de"ja  dans  un  article  de 
M.  Voigt  public  en  1887  etque  je  n'ai  pas  tir6  de  cet  artifice  tout  le  parti  possible. 
En  effet,  pour  certaines  des  grandeurs  physiques  qui  entrent  dans  les  formules, 
je  n'ai  pas  indique  la  transformation  qui  convient  le  mieux.  Gela  a  616  fait  par 
Poincare  et  ensuite  par  M.  Einstein  et  Minkowski. 

Pour  trouver  les  a  transformations  de  relativity  »,  comme  je  les  appellerai 
maintenant,  il  suffit  dans  quelques  cas  de  de'crire  les  ph(inomenes  dans-  le 
systeme  #',  y,  ^,  tl  exactement  de  la  m^me  maniere  qu'on  le  fait  dans  le 


f1)  Je  me  conforme  ici  aux  notations  de  Poincar£  et  je  choisis  les  unites  de  longueur  et  de 
temps  cle  lelle  fa^on  que  la  vitesse  de  la  lumiere  soit  ^gale  ^  i. 

H.  P.  —  XL  3a 


25o  DEUX  ME"MOIRES   SUR   LA   PHYSIQUE. 

systeme  x,  j,  z,  t,  Considgrons,  par  exemple,  le  mouvement  d'un  point.  Si, 
dans  le  temps  dt  les  coordonnees  x,  y,  z  subissentles  cliangements  dx,  dy,  dz, 
on  a  pour  les  coniposantes  de  la  vitesse 


fix  dy  Y  _  dz 

;  =  Tl  =        J          ^" 


Or,  en  vertu  des  relations  (i)  los  variations  dx,  dy,  dz,  dt  entrapment  les 


cliangements 


(2)        dxf  =  kl(dx  -+-  t  dt\        dy'=l<(y,        dz'=ldz,        dt1  =  kl(dt  H-  i  dx) 

des  nouvelles  variables.  II  est  naturel  de  dgfinir  les  composanles  de  la  vitesse 
dans  le  nouvean  systeme  par  les  formulas 


_. 

""  dt1' 


ce  qui  nous  donne 


Pour  avoir  un  autre  exemple,  on  peut  imaginer  un  grand  nonibre  de  points 
mobiles  dont  les  vitesses  sont  des  fonctions  continues  des  coordonne'es  et  du 
ternps.  Soit  d?  un  Element  de  volume  situ6  au  point  #,  y,  z  etfixonsl'attention 
sur  les  points  du  syst^me  qui  se  trouvent  dans  cet  ^le'ment  a  un  instant  de'ter- 
min^  t.  Soit  t'Q  la  valeur  sp^ciale  de  t1  qui  correspond  a  x,  y,  r,  t  en  vertu  des 
equations  (i),  et  envisageons  pour  les  diffe'rents  points  les  valours  de  a?',  y1  ', 
z1  correspondant  a  cette  valeur  d^termint^e  t'~  t'Q]  en  d'autres  termes,  consi- 
derons  les  positions  des  points  dans  le  nouveau  systeme,  prises  toutes 
pour  une  m£me  valeur  du  «  temps  »  t]  .  On  peut  se  demander  quelle  est 
1'^tendue  de  relement  dr'  de  1'espace  #',  y!,  ^;,  dans  lequel  se  trouvent  a  cet 
instant  t\  les  points  choisis  qui  se  trouvent  en  dr  au  moment  t.  Un  simple 
calcul,  que  je  puis  omettre  ici,  conduit  a  la  relation 


(5) 


Supposons  enfin  que  les  points  dont  il  s'agit  portent  des  charges  electriques 
^gales  et  admettons  que  dans  les  deux  systemes  x,  y,  z,  t  et  #/,  y1  ,  zr,  t1  on 
attribue  les  me~m.es  valeurs  nume'riques  a  ces  charges.  Si  les  points*  sont 
suffisamment  rapproch^s  les  uns  des  autres,  on  obtient  une  distribution 
continue  d'electricite'  et  il  est  clair  que  la  charge  contenue  dans  1'ele'ment  dr 


DEUX  MEMOIRES  SUR  LA  PHYSIQUE.  25 1 

a  1'instant  t  est  £gale  a  celle  qui  se  trouve  en  dd  a  1'instant  tr.  Par  consequent, 
si  p  et  p'  sont  les  densit^s  de  ces  charges, 

et,  en  vertu  de  (5) 

(7)  P'  =  T>  (I- 


De  cette  formule,  combin^e  avec  (4),  on  d^duit  encore 

'  >•'  _  ^  '  -  '  _  1  '  r  —  z    ?• 

Ce  sont  les  formules  de  transformation  pour  le  courant  de  convection. 

Pour  d'autres  grandeurs  physiques  telles  que  les  forces  electrique  et  magne- 
tique,  il  faut  suivre  une  methode  moins  directe;  on  cherchera,  peut-6tre  un 
peu  par  tatonnement,  les  formules  de  transformation  propres  a  assurer 
1'invariance  des  Equations  ^lectromagn(5tiques. 

Les  formules  (4)  et  (7)  ne  se  trouvent  pas  dans  mon  M^moire  de  1904.  C'est 
que  je  n'avais  pas  song6  a  la  voie  directe  qui  y  conduit,  et  cela  tient  &  ce  que 
j'avais  Fid6e  qu'il  y  a  une  difference  essentielle  entre  les  systSmes  x,  y,  z: 
t  et  #',  yr,  zr,  t1 '.  Dans  Fun  on  se  sert  —  telle  6tait  ma  pens6e  —  d'axes  des 
coordonn^es  qui  ont  une  position  fixe  dans  Father  et  de  ce  qu'on  peut  appeler 
le  «  vrai  »  temps;  dans  Fautre  syst^me,  au  contraire,  on  aurait  affaire  a  de 
simples  grandeurs  auxiliaires  dont  Fintroduction  n'est  qu'un  artifice  math£- 
matique.  En  particulier,  la  variable  tf  ne  pourrait  pas  £tre  appel^e  le  «.  temps  » 
dans  le  m^me  sens  que  la  variable  t. 

Dans  cet  ordre  d'id^es  je  n'ai  pas  pens6  a  d^crire  les  ph^nom&nes  dans 
le  syst^me  xl ,  y1,  zl ',  t',  ezactement  de  la  m&me  maniere  que  dans  le 
syst&me  x,  y,  z,  t  et  je  n'ai  pas  d£fmi  par  les  Equations  (3)  et  (7)  les  gran- 
deurs £',  YJ',  C'j  ?'  qui  correspondront  a  g,  YJ,  ?,  p.  G'est  plutot  par  tatonnement 
que  je  suis  arriv6  a  mes  formules  de  transformation  qui,  avec  notre  notation 
actuelle,  prennent  la  forme 


et  que  j'ai  voulu  choisir  de  maniere  a  obtenir  dans  le  nouveau  syst&me  les 
Equations  le^  plus  simples.  J'ai  pu  voir  plus  tard  dans  le  M6moire  de  Poincar<§ 
qu'en  proc^dant  plus  syst^matiquement  j'aurais  pu  atteindre  une  plus  grande 


2~>2  DEUX  MEMOIRES   SUR   LA   PHYSIQUE. 

simplification  encore.  Ne  1'ayant  pas  rernarque",  je  n'ai  pas  reussi  a  obtenir 
1'invariance  exacle  des  Equations;  mes  formules  restaient  encombre'es  de 
certains  lermes  qui  auraient  du  disparailre.  Ges  termes  6taient  trop  petils 
pour  avoir  une  influence  sensible  sur  les  phenomenes  et  je  pouvais  done 
expliquer  Finde'pendance  du  mouvement  de  la  Terre  que  les  observations 
avaient  r£v£l<5e,  ma  is  je  n'ai  pas  etabli  le  principe  de  relativity  comme 
rigoureusement  et  universellement  vrai. 

Poincare,  au  conlraire,  a  obtenu  une  invariance  parfaite  des  Equations  de 
1'^leclrodynamique,  et  il  a  formule  le  «  postulat  de  relativit6  »,  termes  qa'il 
a  616  le  premier  a  employer.  En  effet,  se  placant  au  point  de  vue  que  j'avais 
manque",  il  a  trouve  les  formules  (4)  et  (7).  Ajoutons  qu'en  corrigeantainsi  les 
imperfections  de  moii  travail  il  ne  me  les  a  jamais  reprochges. 

Jc  ne  puis  m'^tendre  ici  sur  tous  les  beaux  r6sultats  obtenus  par  Poincare. 
Insistons  cependant  sur  quelques  points. -D'abord,  il  ne  s'est  pas  content^  de 
faire  voir  qiie  les  transformations  de  relativite'  laissent  intacte  la  forme  des 
Equations  electromagne'tiques.  II  explique  le  succes  des  substitutions  en 
remarquant  que  ces  Equations  peuvent  6tre  mises  sous  la  forme  du  principe  de 
moindre  action  et  que  liquation  fondamentale  qui  exprime  ce  principe,  ainsi 
que  les  operations  par  lesquelles  on  en  d^duit  les  Equations  du  champ,  sontles 
monies  dans  les  systemes  x,  y:  z,  t  et  #',  y1 ',  z1 ,  tf. 

En  second  lieu,  conforme'ment  au  litre  de  son  Me"moire,  Poincar^  considere 
parliculierement  la  maniere  dont  se  produit  la  d^formalion  d'un  Electron  mobile, 
comparable  a  celle  des  bras  de  Pappareil  de  M.  Miclielson,  qui  est  exige'e  par 
le  postulat  de  relativity.  On  avail  propose  a  ce  sujet  deux  hypotheses  difl^rentes. 
D'apres  toutes  les  deux  un  electron,  suppose  sphe'rique  a  l'6tat  de  repos,  se 
changerait  par  une  translation  en  un  ellipso'ide  de  revolution  aplati,  1'axe  de 
symetrie  comcidant  avec  la  direction  du  mouvement  et  le  rapport  de  cet  axe  au 
diametre  de  I'^quateur  e"tant  donn6  par  \J i  —  P-,  si  p  est  la  vilesse.  Mais  les 
hypotheses  diff6raient  entre  elles  en  ce  qui  concerne  la  longueur  des  axes  etpar 
consequent  le  volume  de  1'^lectron.  Tandis  que  j'avais  e'te'  conduit  a\  admettre 
que  le  rayon  de  l^quaieur  reste  t^gal  a  celui  de  la  sphere  primitive, 
M.  Bucherer  et  M.  Langevin  voulaient  plutot  assigner  une  grandeur  constante 
au  volume.  La  premiere  hypothese  correspond  a  1=  i,  la  deuxi&me  a  kl*=.  i, 
Ajoutons  imm^diatement  que  la  premiere  valour  est  la  seule  qui  soit  compa- 
tible avec  le  postulat  de  relativity. 


DEUX   MEMOIRES  SUR   LA  PHYSIQUE.  '253 

Si  Ton  vent  se  rendre  comptc  de  la  persistance  et  de  Fequilibre  d'un  Electron 
en  se  servant  des  notions  ordinaires  de  la  Mecanique,  il  ne  suffit  Evidemmenl 
pas  de  considErer  les  actions  Electrodynamiques.  La  particule  —  que  nous 
considErons  ici  comme  une  sphere  porlant  une  charge  superficielle  —  explo- 
serait  immEdiatement  a  cause  des  repulsions  rauLuelles  ou,  ce  qui  revient  au 
ineme,  des  tensions  de  Maxwell  exercEes  a  sa  surface.  II  faut  done  introduire 
aulre  chose  encore,  et  PoincarE  distingue  ici  des  «  liaisons  »  et  des  «  forces 
supplEmentaires  »  .  11  suppose  d'abord  qu'il  y  ait  seulement  la  liaison  reprEsentEe 
par  liquation 


r  Etant  le  demi-axe  de  1'Electron,  rO  son  rayon  Equatorial,  b  et  in  des  grandeurs 
qui  restent  constantes  quand  r  et  0  (ou  1'une  de  ces  grandeurs)  variant  avec  la 
vitesse  de  translation  r.  Cela  posE,  on  connaitra  pour  une  valeur  quelconque 

_.! 

de  9  les  dimensions  de  1'  Electron  —  parce  qu'on  sait  que  0  =  (i  —  r-)  ~  —  el 
on  peut  calculer  par  les  formules  ordinaires  du  champ  electromagnEtique 
1'Energie,  la  quantilE  de  mouvement  et  la  fonction  de  Lagrange.  Entre  ces 
grandeurs,  considErEes  comme  des  fonctions  de  p,  il  doit  y  avoir  les  relations 

bien  connues.  PoincarE  demontre  qu'elles  ne  se  vErifient  que  pour  rn=  —  ~, 

ce  qui  nous  ramEne  a  la  Constance  du  volume,  c'est-a-dire  a  Fhypoth&se  de 
M.  Buclierer  et  de  M.  Langevin.  Mais  nous  savons  deja  que  ce  n'est  pas  cette 
hypothec,  mais  seulement  celle  d'un  rayon  equatorial  constant,  qui  est  en 
accord  avec  le  postulat  de  relativitE.  II  faut  done  necessairement  avoir  recours 
a  des  forces  supplEmentaires. 

En  supposant  qu'elles  dEpendent  d'un  potentiel  de  la  forme  A7>aOP,  ou  A, 
y.  et  (3  sont  des  constantes,  PoincarE  trouve  que  la  Constance  du  rayon  Equa- 
torial exige  a  =  3,  (3  —  2,  c'est-a-dire  que  le  potentiel  en  question  doit  Etre 
proportionnel  au  volume.  II  en  resulte  que  les  forces  supplEmentaires  cherchEes 
sont  Equivalentes  a  une  pression  ou  une  tension  normale  exercEe  sur  la  surface 
et  dont  la  grandeur  par  unite  de  surface  reste  constante  quelle  que  soitla  vitesse 
de  translation.  On  voit  immEdiatement  qu'une  tension  dirigEe  vers  FintErieur 
convient  seule;  on  en  determinera  la  grandeur  par  la  condition  que  pour  un 
Electron  qui  se  trouve  en  repos  et  qui  a  par  consEquent  la  forme  d'une  sphere, 
elle  doit  faire  Equilibre  aux  rEpuIsions  electrostatiques.  Si  ensuite  la  particule 
est  raise  en  mouvement,  la  tension  de  PoincarE,  jointe  aux  actions  Electro- 


234  DEUX   MEMOIRES   SUR    LA   PHYSIQUE. 

dynamiques,  produira  inevitablement  Faplatissement  qui  esl  exigt^  par  le 
principe  de  relativity. 

Apres  avoir  trouve  sa  force  supple"mentaire?  Poincare'  fait  voir  que  les  trans- 
formations de  relativity  ne  changentpas  la  forme  des  termes  qui  la  repre"sentent; 
il  de'montre  ainsi  que  des  mouvements  quelconques  d'un  systeme  d'electrons 
peuvent  avoir  lieu  lout  a  fait  de  la  me"me  maniere  dans  le  systeme  #,  y,  z,  t  et 
dans  le  systeme  x"  r,  y\  zl  ',  tl  . 

J'ai  d6ja  parle'  de  la  ne'cessite'  de  poser  1=  i  (  Constance  du  rayon  equatorial 
de  1'  electron),  Je  ne  re"ptHerai  pas  ici  la  demonstration  donne"e  par  Poincar6  et 
je  dirai  seulement  qu'il  a  signals  1'origine  math6matique  de  cette  condition. 
On  peut  envisager  toutes  les  transformations  qui  sont  represented  par  les 
formules  (i),  avec  des  valeurs  diff6rentes  de  la  vitesse  —  e,  et  les  valeurs 
correspondantes  de  k  et  de  £,  ce  dernier  coefficient  devant  £tre  conside're' 
comme  une  fonction  de  e;  on  peuty  ajouter  d'autres  transformations  semblables 
qu'on  d^duit  de  (  i  )  en  changeant  les  directions  des  axes,  et  enfin  des  rotations 
quelconques.  Le  postulat  de  relativite'  exige  que  toutes  ces  transformations 
forment  un  groupe  et  cela  n'est  possible  que  si  /  a  la  valeur  constante  i  . 

Le  «  groupe  de  relativity  »  qu'on  obtient  ainsi  se  compose  des  substitutions 
line'aires  qui  n'alterent  pas  la  forme  quadratique 


Le  Me'moire  se  termine  par  1'application  du  postulat  de  relativite'  aux  ph6no- 
menes  de  la  gravitation.  II  s'agit  ici  de  trouver  la  regie  qui  en  determine  la 
propagation  et  les  formules  qui  expriment  les  composantes  de  la  force  en 
fonction  des  coordonne'es  et  de  la  vitesse  tant  du  corps  attir£  que  du  corps 
attirant.  En  consid<3rant  ces  questions,  Poincare'  commence  par  chercher 
les  invariants  du  groupe  de  relativite';  en  effet,  il  est  clair  qu'il  doit  $tre 
possible  de  representer  les  ph^nomenes  par  des  Equations  qui  ne  contiennent 
que  ces  invariants.  Cependant,  le  probleme  est  ind^termine".  II  est  naturel 
d'admettre  que  la  vitesse  de  propagation  est  e*gale  a  celle  de  la  lumiere  et  que 
les  hearts  de  la  loi  de  Newton  doivent  £tre  du  deuxieme  ordre  de  grandeur  par 
rapport  aux  vitesses.  Mais,  m£me  avec  ces  restrictions,  on  a  le  choix  entre 
plusieurs  hypotheses  parmi  lesquelles  il  y  en  a  deux  que  Poincare'  indique 
sp^cialement. 

Dans  cette  derniere  partie  de  1'article  on  trouve  quelques  notions  nouvelles 
que  je  dois  surtout  signaler.  Poincar6  remarque,  par  exemple,  que  si  Ton 


DEUX   MEMOIRES   SUR   LA   PHYSIQUE. 


considere  x,  y,  z  et  t\j  —  i  comme  les  coordonnees  d'uii  point  dans  un  espace 
a  quatre  dimensions,  les  transformations  de  relativity  se  r^duisent  a  des 
rotations  dans  cet  espace.  II  a  aussi  eii  I'ide'e  d'ajouter  aux  trois  compo- 
santes  X,  Y,  Z  (Tune  force  la  grandeur 


qui  n'est  autre  chose  que  le  travail  de  la  force  par  unite  de  temps  et  qu'on 
peut  considerer  en  quelque  sorlc  comme  une  quatrieme  composanle.  Quand  il 
est  queslion  de  la  force  qu'un  corps  eprouve  par  unite  de  volume,  les 
grandeurs  X,  Y,  Z,  T  y'  —  i  sont  affecte'es  par  une  transformation  de  relativity 
de  la  me"  me  maniere  que  les  grandeurs  x,  /,  z,  t  \  —  i  . 

Je  rappelle  ces  idees  de  Poincare  parce  qu'elles  se  rapprochent  des  melhodes 
dont  Minkowski  et  d'auLres  savants  se  sont  servis  plus  tard  pour  faciliter  les 
operations  mathematiques  qui  se  pre'sentent  dans  la  theorie  de  relativite. 


Passons  maintenant  au  Me'moire  sur  la  Theorie  des  quanta.  Vers  la  fin 
de  1911  Poincare  avait  assiste  a  la  reunion  du  Gonseil  de  Physique  convoque 
a  Bruxelles  par  M.  Solvay,  dans  laquelle  on  s'e"lait  surtout  occup^  des  ph£no- 
menes  du  rayonnement  calorifique  et  de  1'hypothese  des  6l6ments  ou  quanta 
d'&aergie  imagine'e  par  M.  Planck  pour  les  expliquer.  Dans  les  discussions 
Poincar^  avait  montre"  toute  la  vivacity  et  la  penetration  de  son  esprit  et  on 
avait  admire"  la  facility  avec  laquelle  il  sut  enlrer  dans  les  questions  de  Physique 
les  plus  ardues,  mfime  dans  celles  qui  devaient  6tre  nouvelles  pour  lui.  De 
retour  a  Paris,  il  ne  cessa  de  s'occuper  du  probleme  dont  il  sentait  vivement 
Fimportance.  Si  Thypothese  de  M.  Planck  e~lait  vraie,  «  les  phe'nomenes 
physiques  cesseraient  d'ob^ir  a  des  lois  exprimables  par  des  equations  diffe'- 
rentielles,  et  ce  serait  la,  sans  doute,  la  plus  grande  revolution  et  la  plus 
profonde  que  la  pbilosophie  naturelle  ait  subie  depuis  Newton  ». 

Mais  ces  conceptions  nouvelles  sont-elles  vi^aiment  inevitables  et  n'y  a-t-il 
pas  moyen  d'arriver  a  la  loi  du  rayonnement  sans  introduire  ces  discontinuity 
qui  sont  en  opposition  directe  avec  les  notions  de  la  Mecanique  classique? 
Voila  la  question  que  Poincare'  se  pose  dans  son  Me"moire  et  a  laquelle  il 
donne  une  r^ponse  que  je  me  permettrai  de  r^sumer  brievement. 


256  DEUX   MEMOIRES  SUR  LA  PHYSIQUE. 

Considerons  un  systems  compost  de  n  r^sonateurs  de  Planck  et  de  p  mole- 
cules, n  et/?  etant  de  Ires  grands  nombres;  supposons  que  tous  les  r^sonateurs 
suient  (jgaux  entre  eux  et  qu'il  en  soil  de  m£me  des  molecules.  Designons 
par  Ei,  .  .  .  ,  lp  les  Energies  des  molecules  et  par  ru,  .  .  .  ,  -r\n  celles  des  r<5sona- 
teurs;  chacune  de  ces  variables  pourra  prendre  toutes  les  valeurs  positives. 

Poincare  demontre  d'abord  que  la  probability  pour  que  les  quantit^s 
d'encrgie  soienl  comprises  entre  les  limites  £t  et  £1  -+-  J£i,  .  .  .  ,  £/>  et  £/j  +  rf^, 
rn  et  YU  H-  6/7h,  .  .  .  ,  */3/i  et  73,14-  d'nn  pent  &tre  repre"sent6e  par 


oil  (r  est  une  fonction  sur  laquelle  on  peut  faire  differentes  hypotheses. 

D^s  qu'on  connait  cette  fonction  on  pourra  dire  de  quelle  manure  une  quan- 
tit6  d't^nergie  h  se  r^partlra  sur  les  molecules  et  les  r^sonateurs.  A  cet  efiet, 
on  peut  se  representer  dans  Fespace  a/>  +  n  dimensions  £1?  .  .  .  ,  ?/;,  yji,  .  .  .  ,  73  n, 
la  couche  infiniment  mince  S,  dans  laquelle  l'6nergie  to  tale 


trois  integrates 


est  comprise  entre  A  et  une  valeur  infiniment  voisine  h  +  ^A.  On  calculera  les 

\i)  ,  .  .  w(rllt)  d-r\i  .  .  .  d-f\IL  d%i...  d\Jn 


I  =  /     w(t\i)  ,  .  .  w(rllt 

r=  /  zw('t]i)  ..  .  w('i}n)d-t]]  .. 

l"=j  (A  —  ar)w(7il)...  ^(Tirt 


r 

^tendues  a  la  couche  S,  et  on  aura  j  pour  1'^nergie  que  preiinent  les  rt^sona- 

I" 
teurs  et  j  pour  celle  dc  rensemblc  des  molecules.  Par  consequent,  si  Y  est 

1'energie  moyenne  d'un  r^sonateur,  et  X  celle  d'une  molecule, 


Pour  calculer  I'int6grale  I,  on  peut  d'abord  donner  des  valeurs  fixes  aux 
variables  YU,  .  .  .,  73  n  et,  par  consequent,  aleur  somme^r,  et  etendre  1'int^gration 
par  rapport  aux  £  a  toutes  les  valeurs  positives  de  ces  variables,  pour  lesquelles 
la  somme^i  4-.  «.  +  $/>  est  comprise  entre  A  —  x  et  h  —  x-i-dh.  Cela  nous  donne 


DEUX  MEMOIRES   SUR   LA   PHYSIQUE. 

2D7 


Ensuite  on  peut,  calculer  Pintggrale 

/  cv(-n4)  .. 


tStendue  aux  valeurs  positives  des  v\  telles  que  YH  -f-  .  .  .  -+-  f\n  se  trouve  entre  x 
et  x  -f-  dx.  Posons 

(  8)  /   tp(r,,  )  .  .  .  w('f[n')clf\[  .  .  .  drin=  9(^7)  ^; 

cp  sera  une  fonction  qui  depend  de  la  fonclion  w  et  nous  aurons 


[f  et  I"  se  calculent  de  la  m6me  maniSre;  on  n'a  qu'a  introduire  sous  le  signe 
d'int^gration  le  facteur  x  ou  le  facteur  h — x.  En  fin  de  compte,  on  peut  £crire 

rh 

(  9 )  n  \  =  G   /     x(  h.  —  ,K)/J~I  cp 

do;  y>X  =  C^  (h  —  jc)i>y(x 


ou  le  facteur  C  est  le  m£me  dans  les  deux  cas.  Nous  n'avons  pas  a  nous  en 
occuper  parce  qu'il  suffit  de  determiner  le  rapport  de  X  a  Y. 

On  obtienl  maintenant  la  formule  de  M.  Planck  —  qui  peut  6tre  regard^e 
comme  1'expression  de  la  r£alit£  —  si  on  fait  sur  la  fonction  w  rhypoth&se 
suivante,  qui  est  conforme  a  la  th^orie  des  quanta. 

Soit  E  la  grandeur  du  quantum  d'^nergie  qui  est  propre  aux  r^sonateurs 
consid^r^s  et  d<3sigiions  par  d  une  grandeur  infiniment  petite  (1).  La  fonction  w 
sera  nulle,  except^  dans  les  intervalles 

o        (k  =  o,  i?  2,  3,  . . . ) 


^A-S-HO 

et  pour  chacun  de  ces  iiilervalles  Fiiilegrale  /          w  d~n  aura  la  valeur  i. 

Y 

Ges  donn^es  suffisent  pour  la  determination  de  la  foncUon  cp  et  du  rapport  ^ 

pour  lequel  on  trouve,  comme  je  1'ai  d£ja  dit,  la  valeur  donn^e  par  la  th^orie 


(*)  U  s'agitici  de  la  premier^  tk^orie  de  M.  Planck,  dans  laquelie  on  admet  que  1'energie  d'un 
r(§sonatetir  ne  p,eut  avoir  qu'une  des  valeurs  e>>  s,  2s,  3e,  etc. 

H.  P.  —  XI.  33 


258  DEUX  MEMOIRES   SUR   LA   PHYSIQUE. 

de  M.  Planck.  Je  ne  m'arreterai  pas  a  ces  calculs  et  je  passe  imm^diatement 
a  la  question  principale,  celle  de  savoir  si  les  discontinues  que  je  viens 
d'indiquer  doivent  nScessairement  6tre  admises. 

Je  vais  reproduire  le  raisonnement  de  Poincare",  mais  je  dirai  d'abord  que 
dans  les  formules  que  nous  rencontrerons,  a  d<5signe  une  variable  complexe  dont 
la  partie  rSelle  «,.  est  toujours  positive.  Dans  la  representation  graphique  on  se 
bornera  a  la  moitie  du  plan  a  caract^risee  par  a,>  o  et  dans  les  integrations 
par  rapport  a  a  on  suivra  une  ligne  droite  Lperpendiculaire  a  1'axe  des  a  r«5els, 
et  prolonged  indetfmiment  des  deux  c6t^s.  Les  valeurs  des  integrates  seronl 
independantes  de  la  longueur  de  la  distance  ar  de  cette  ligne  a  1'origine  des  a. 

Poincare"  introduit  une  fonction  auxiliaire  qu'il  deTmit  par  liquation 

/*- 

u 

et  il  de"montre  que  la  fonction  w>  et  la  fonction  cp  qui  en  derive  peuvent  6tre 
exprime~es  a  Faide  de  ^. 

On  a  d'abord,  par  1'inversion  de  ( 1 1 ) 


Pour  obtenir  une  formule  analogue  pour  o(a?)  nous  remarquerons  que  dans 
liquation  (  1  1)  on  peut  remplacer  yj  par  une  quelconque  des  variables  7^4,  ..  .  ,  rin. 
En  multipliant  les  n  Equations  qu'on  obtient  ainsi  on  trouve 

,1  y:  /-»  -s. 

[*(a)]''=:    /       -••    /       W('fu)  •"  W^n^e-**'^  •'•  dr\n> 

'    0  •'  0 

on  bien,  en  vertu  de  la  formule  (8) 


el  par  inversion 

3<»=—  .   f  [$(a;J«e*- 

ajce^(l.) 

Les  formules  (9)  et  (  10)  deviennent  maintenant 


DEUX   MEMOIRESJSUR   LA   PHYSIQUE.  269 

et  Poincare  les  iransforme  encore  par  les  substitutions 

,/;  =  /ito,  //  =  /i'j,  /;  =  Jlk: 

co  qui  Ini  domic 


ou  il  a  pos6 

(-)  =  4>(a)eaw(fi  —  co)* 

Notons  que  co  n'est  auLre  chose  que  l'6nergie  moyenne  d'un  seul  r^sonateur 
pour  le  cas  ou  Ton  aurait 

ru-H.  .  .-+-Tlre=  .r, 

que  (3  esl  la  valeur  que  prendrail  co  si  toute  l'6nergie  disponible  //  se  trouvait 
dans  les  r^sonateurs  et  que  k  est  le  rapport  entre  le  nombre  des  molecules  et 
celui  des  rt5sonateurs. 

Lorsque,  dans  les  applications  du  Calcul  des  probability  aux  theories  mole- 
culaires,  on  cherche  1'eHat  d'un  syst^me,  qui  pr^sente  le  maximum  de  probability, 
on  trouve  toujours  que,  grace  au  nombre  immense  des  molecules,  ce  maximum 
est  tellement  prononc^  qu?on  peut  n^gliger  la  probability  de  tous  les  (itals  qui 
s'(5cartent  sensiblement  de  Fgtat  le  plus  probable.  Dans  le  cas  qui  nous  occupe, 
il  y  a  quelque  chose  d'analogue. 

Ad  meltons  avec  Poincar6  que,  pour  des  valeurs  donn^es  de  h  et  de  (3,  la 
tbnction  0  a  un  maximum  pour  a  =  a0?  w  =  co0  et  faisons  passer  par  le  point  a0, 
le  lieu  du  maximum,  la  ligne  L  dont  la  distance  a0  a  1'origine  pouvait  ^tre 
choisie  a  volont^.  Comme  1'exposant  n  est  un  nombre  tr£s  6lev^,  le  maximum 
de  0/l  est  extr£mement  prononc6  et  les  seuls  dUments  des  int^grales  que  nous 
ayons  a  prendre  en  consideration,  sont  ceux  qui  se  trouvent  dans  le  voisinage 
imm^diat  de  a0  et  de  o)0.  Gela  nous  donne  imm^diatement  pour  le  rapport 
cherchd 


et,  en  vertu  de  liquation 


3  — 
L 


26o  DEQX   MEMOIRES  SUR   LA  PHYSIQUE. 

Pour  determiner  les  valeurs  de  j£0  el  de  Wo,  on  pent  se  servir  des  Equations 


d'ou  Ton  lire 

(10) 
et 


On  voil  par  ces  formules  que  #0  et  o)0  dependent  de  la  grandeur  (3,  c'est-a-dire 
de  la  quantity  lotale  d'energie  A  qui  a  ete  communiquee  au  systeme;  c'est  un 
resultat  auquel  on  devait  s'attendre.  Liquation  (16)  nous  apprend  en  outre 
que  a0  sera  loujours  reel.  Gette  grandeur  determine  imme'diatemenl  Fe'nergie 
mojenne  d?une  molecule,  car  il  r^sulte  de  ( i4)  et  de  ( 16)  que 


X=  -• 


Or,  nous  savons  que  Fe'nergie  moyenne  d'une  molecule  est  proportionnelle  a  In 
temperature  absolue  T.  On  peul  done  e"crire 


ou  c  est  une  constanle  connue,  el  1'equatioii 

<b'(a.n*\ 

(17)  Y=- 


qu'on  tire  de  (i3)  et  de  (i5),  nous  donne  l^nergie  moyenne  d'un  r^sonaleur 
•en  fonction  de  la  temperature.  On  voit  que  ce  re'sultat  est  independant  du 
rapport  entre  les  nombres  n  et  p. 

Supposons  maintenant  que  nous  connaissions  pour  toules  les  temperatures 
1'energie  moyenne  d'un  r^sonateur.  Par  (17)  nous   connaitrons   alors   pour 

toutes  les  valeurs  positives  de  a  la  derivee *    ^     ;  nous  en  deduirons  <^(a)  a 

un  facteur  constant  pres.  Bien  entendu,  ces  conclusions  serontd'abord  limitees 
a  des  valeurs  reelles  de  a,  mais  la  fonction  <&(«)  est  supposee  6tre  lelle  qu'elle 
est  determinee  dans  toute  1'etendue  du  demi-plan  a  dont  nous  avons  parle, 
quand  elle  est  donnee  en  tous  les  points  du  demi-axe  reel  et  positif. 


DEUX   MEMOIRES   SUR   LA   PHYSIQUE.  261 

Enfin,  la  formule  (12)  nous  fournira  la  fonction  de  probability  w  pour  une 
valeur  positive  quelconque  de  '/i.  II  est  vrai  que  le  facteur  indelermine'  de  la 
fonction  <D(a)  se  retrouvera  en  w,  mais  un  tel  facteur  n'a  aucune  importance. 

On  peut  done  dire  que  la  probability  w  est  entierement  de'termine'e  des  qu'on 
connait  la  distribution  de  I'e'nergie  pour  toutes  les  temperatures.  II  n'y  a  qu'  une 
fonction  w  pour  une  distribution  qui  est  donn^e  en  fonction  de  la  temperature. 
Par  consequent,  les  hypotheses  que  nous  avons  faites  sur  w  et  qui  conduisent 
a  la  loi  de  Planck  sont  les  seules  qu'on  puisse  admettre. 

Voila  le  raisonnement  par  lequel  Poincar6  a  e"tabli  la  necessite  de  Phypothese 
des  quanta. 

On  voit  que  la  conclusion  depend  de  Fhypothese  que  la  formule  de  Planck 
est  une  image  exacte  de  la  re"alit6.  Cela  pourrait  £tre  tire  en  doute,  la  formule 
ne  pourrait  6tre  qu'approche'e.  C'est  pour  cette  raison  que  Poincar6  reprend  le 
probleme  en  abandonnant  la  loi  de  Planck  et  en  se  servant  seulement  de  la 
relation  que  ce  physicien  a  trouve"e  entre  l'e*nergie  d'un  r^sonateur  et  celle  du 
rayonnement  noir.  Ce  nouvel  examen  conduit  a  la  conclusion  que  I'^nergie 

/"Ho 
wdf\  ne  tende 
„ 

pas  vers  z^ro  avec  Y50-  La  fonction  w  doit  done  presenter  au-  moins  une  disconti- 
(pour  n  =  o),  analogue  &  celles  que  donne  la  th^orie  des  quanta  (1). 


(!)  Ge  r^sultat  avail  6t6  trouv6  par  M.  P.  Ehrenfest;  voir  Ann.  Pfiysik,  t.  36,  1911,  p.  9r- 


L'fflUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  HENRI  POINCARE 


PAR  H.  \ON  ZKfPEL 


Acta  Mathematica^  t.  38,  p.  3og-3y3  (1921). 


Dans  1'histoire  de  1'Astronomie,  Poincare  restera  toujours  au  premier  rang 
des  explorateurs  les  plus  eminents  qui  par  la  force  irresistible  de  leur  g£nie  ont 
reussi  a  etendre  les  limites  de  la  science  de  1'Univers,  Au  premier  coup  d'ceil, 
cette  opinion  peut  paraitre  Strange,  puisque  Poincare  n'etait  ni  observateur  ni 
calculateur.  Mais  pour  justifier  notre  sentiment,  il  suffit  de  rappeler  que 
1'Astronomie  —  dans  ses  efforts  pour  connaitre  les  lois  du  mouvement  et  1'etat 
physique  des  corps  celestes  et  de  1'Univers  —  doit  necessairement  rester  en 
cooperation  intime  avec  1' Analyse  mathematique,  la  Mecanique  et  la  Physique. 
C'est  1'honneur  imperissable  de  Poincare  d'avoir  renforce  les  liens  qui  doivent 
rattacher  1'Astronomie  a  ces  autres  branches  de  la  Science.  Ainsi,  1'Astronomie 
a  pu  profiler  de  la  rigueur  et  de  1'elegance  des  methodes  de  1' Analyse  moderne 
et  des  progr&s  recents  de  la  Physique  mathematique. 

La  plupart  des  travaux  astronomiques  de  Poincare  se  rapporlent  au  probl^me 
des  n  corps  et  particuli^rement  au  mouvement  des  plan&tes  et  des  satellites 
dans  notre  systkme  solaire.  Pour  bien  faire  comprendre  1'importance  de  ces 
travaux,  il  convient  de  rappeler  en  peu  de  mots  1'histoire  de  ce  probl&me  cdl&bre, 

II  est  bien  connu  que  la  decouverte  de  Tattraction  universelle  avait  ete  bien 
facility  par  ce  fait  que  les  masses  des  plan&tes  sont  petites  par  rapport  a  celle 
du  Soleil.  De  m^me,  la  plupart  des  m^thodes  qui  ont  pour  but  le  calcul  du 
mouvement  des  corps  celestes  doivent  leur  succ&s  &  la  petitesse  des  masses. 
Ainsi  les  fondateurs  de  la  Mecanique  celeste  ont  developpe  les  coordonnees  ou 
les  elements  des  plan&tes  suivant  les  puissances  d'un  petit  param&tre  p.  de  Fordre 
des  masses.  Ges  developpements  perfectionnes  plus  tard  par  Hansen,  Leverrier 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE   DE   H.    POINCARE.  a63 

Nevvcomb,  Hill  et  Gaillot  ont  permis  de  determiner  quantilativement  pour 
plusieurs  si£cles  le  mouvement  des  planetes  avec  une  exactitude  comparable 
avec  celles  des  observations. 

Toutefois,  titant  donnas  les  termes  se'culaires  ou  le  temps  sort  des  signes 
trigonometriques,  ces  theories  classiques  ne  peu  vent  pas  suffire  pour  des  espaces 
de  temps  tres  longs.  D'ailleurs,  et  pour  la  m6me  raison,  ces  series  ne  nous 
apprennent  pas  grand' chose  au  point  de  vue  de  la  stability  du  systeme. 

Pour  demontrer  la  stability  et  afm  d'etudier  en  general  les  orbites  au  point 
dc  vue  qualitatif,  Lagrange  developpa  les  perturbations  se'culaires  les  plus 
importantes  en  se'ries  trigonometriques.  Ensuite,  Delaunaj  dans  sa  theorie  dela 
Lune,  demontra  qu'il  est  possible  d'eviter  complement  les  termes  seculaires. 
Mais  c'est  Newcomb  qui  enonc.a  le  premier  en  loute  generalite  que  les  coor- 
donnees  des  planetes  peuvent  se  de'velopper  en  series  purement  trigonometriques . 
Toutefois  Newcomb  n'est  pas  entre  dans  tous  les  details  de  la  demonstration. 
Gylde"n  s'occupa  de  la  m^me  question  dans  sa  throne  des  orbites  absolues,  mais  sa 
ihe'orie  ne  semble  jamais  avoir  obtenu  sa  forme  definitive.  Ensuite,  MM.  Lindstedt 
et  Bohlin  ont  trait6  certaines  Equations  diffe"rentielles  de  types  sp6ciaux  qui  se 
rencontrent  dans  la  th6orie  de  Gylde"n,  et  ont  montr6  que  ces  Equations  peuvent 
6lre  inte'gre'es  au  moyen  de  series  purement  trigonom6triques. 

Mais  la  resolution  complete  du  probleme  formel  dont  il  s'agit  fut  r^serv^e 
t\  Poincare.  II  y  est  arrive  en  generalisant  la  mediode  de  M.  Lindstedt.  En 
somme,  Poincare  demontre  que  les  elements  canoniques  des  planetes  peuvent 
se  developper  formellement  en  series  trigonometriques  suivant  les-  multiples 
d'un  certain  nombre  d'arguments  lineairesparrapportau  temps.  Les  series  sont 
ordonn^es  aussi  suivant  les  puissances  des  masses  et  de  certaines  quantites  de 
Fordre  des  excentricites  et  des  inclinaisons.  Mais  Poincare  va  beaucoup  plus 
loin.  II  montre,  d'une  part,  que  les  series  en  question  ne  sont  pas  convergentes, 
et  que,  par  suite,  elles  ne  donnentpas  la  solution  complete  du  probleme  celebre, 
la  determination  du  mouvement  des  corps  celestes  pour  tous  les  temps.  Mais  il 
demontre,  d'autre  part,  que  les  series  trigonometriques  dont  il  s'agit  sont  semi- 
convergentes  et  qu'elles  suffiront  aux  besoins  de  PAstronomie  pendant  des 
espaces  de  temps  extr6mement  longs. 

Dans  ces  derniers  temps,  M.  K.  Sundman  est  arrive  a  une  solution  du 
probleme  des  trois  corps  par  une  voie  tout  £  fait  differente.  Ce  savant  a  applique 
une  methode  gen^rale  due  a  Poincare,  laquelle  donne  la  solution  complete 
drnn  syst&me  d'equations  difFerentielles  tout  le  long  de  1'axe  reel,  si  la  solution 


26 \  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

reste  holomorphe  dans  une  bande  quelconque  autour  de  cet  axe.  M.  Sundman 
a  tourniS  la  difficult^  cause'e  par  la  possibility  des  chocs  et  a  montre  que  les 
coordonne'es  des  trois  corps  et  le  temps  peuvent  se  d6velopper  suivant  les 
puissances  d'une  variable  auxiliaire.  Ces  series  sont  valables  pour  toutes  les 
valeurs  du  temps.  Mais  il  reste  a  voir  si  les  series  de  M.  Sundman  convergent 
assez  rapidement  pour  satisfaire  aux  besoins  pratiques  de  1' Astronomic.  En 
tout  cas,  les  series  en  question  ne  resolvent  pas  le  probleme  de  la  stabilite. 
D'ailleurs  la  m6me  m^thode  n'est  peul-6tre  pas  applicable  au  probleme  ge'ne'ral 
des  n  corps  (ou  n  >>  3),  puisque  la  nature  des  singularites  des  solutions  de  ce 
probleme  ge'n&ral  reste  encore  inconnue. 

Pour  6tudier  au  point  de  vue  qualitatif  les  solutions  du  probleme  des  n  corps 
et  d'autres  problemes  de  Dynamique  beaucoup  plus  ge'ndraux,  Poincare'  s'est 
engage'  dans  une  autre  voie.  Ilcherche  avanttoutles  solutions  spe'ciales  les  plus 
simples.  II  trouve  ainsi  les  solutions  p^riodiques  dans  lesquelles  le  systeme 
reprend  apres  un  certain  temps  sa  configuration  et  ses  vitesses  relatives  initiales. 
II  d^couvre  aussi  une  classe  de  solutions  plus  ge'ne'rales  :  les  solutions  asympto- 
tlques  qui  se  rapprochent  asymptotiquement  d'une  solution  pe'riodique  pour 
t  = —  oo  ou  pour  t  =  +  oo .  Parmi  ces  solutions,  il  y  en  a  d'ailleurs  une  infinite' 
qui  se  rapprochent  de  la  solution  pe'riodique  non  seulement  pour  t  =  — oo  mais 
aussi  pour  t  =  -\-vo.  Ce  sont  les  solutions  doublement  asymptotiques.  Pour 
de'montrer  leur  existence,  Poincare"  a  du  inventer  une  notion  nouvelle  et 
extrSmement  fe'conde  :  celle  des  invariants  inte'graux.  Tous  ces  r^sultats  sont 
^tablis  avec  la  rigueur  absolue  qu'exigent  les  Math6matiques.  La  the'orie  des 
invariants  inte'graux  lui  permet  aussi  de  trailer  la  question  de  la  stability.  II 
trouve  ainsi  que  dans  un  certain  cas  special  du  probleme  des  trois  corps,  le 
systeme  revient  en  ge'ne'ral  infmiment  souvent  aussi  pres  que  Ton  veut  dc  sa 
situation  relative  initiale.  Les  solutions  qui  ne  jouissent  pas  de  cette  proprie'te' 
sont  infmiment  peu  probables. 

En.  poursuivant  les  recherches  dont  nous  venons  de  parler,  Poincar6  n'a  pas 
r^ussi  &  pe"n6trer  jusqu'au  fond  du  probl&me  propose',  qui  est  d'une  complication 
extreme.  Toutefois  les  r^sultats  auxquels  il  est  arrive'  forment  dans  leur  ensemble 
un  terrain  solide  sur  lequel  les  chercheurs  de  Favenir  pourront  s'appuyer  avec 
confiance. 

Les  solutions  p&riodiques  sont  surtout  utiles  quand  il  s'agit  de  calculer  le 
mouvement  d'un  systeme  dont  les  conditions  initiales  sont  voisines  de  celles  qui 
correspondent  exactement  a  la  solution  p^riodique.  On  peut  alors  prendre  cette 


L'CEUVRE   ASTRONOMIQUE   DE   H.    POINCARE.  26r> 

solution  cornme  point  de  depart  etdevelopper  ainsila  solution  cherchee  suivant 
les  puissances  d'un  certain  nombre  de  quantite's  petites.  Ainsi  on  r^ussira 
parfois  a  resoudre  certains  problemes  ou  les  methodes  anciennes  ne  sont  pas 
applicables. 

Pour  le  calcul  des  perturbations,  le  developpernent  del'inverse  de  la  distance 
de  deux  planetes  en  serie  trigonome'trique,  suivant  les  multiples  des  anomalies 
moyennes,  est  d'une  importance  capitale.  Pour  etudier  les  coefficients  de  ce 
developpement,  qui  sont  certaines  fonctions  des  elements,  Poincare  applique  les 
theories  generales  des  singularites  et  des  periodes  des  integrates  doubles.  Enfin, 
pour  calculer  certains  termes  eloignes  et  de  periodes  tres  longues  dans  le  deve- 
loppement considere  —  termes  qui  donnent  parfois  naissance  a  des  perturbations 
assez  importantes  —  Poincare  fait  usage  de  la  methode  ingenieuse  de  M.  Darboux 
qui  donne  1'expression  asymptotique  d'une  fonction  dependant  d'un  grand 
nombre. 

La  plupart  do  ces  travaux  importants,  concernant  le  mouvement  des  corps 
celestes  etles  proprietes  generates  des  equations  de  la  Dynamique,  ontete  publics 
par  Poincare  dans  un  grand  Memoire  couronne  (Actamathematica,  t.  13)  (A), 
dans  les  trois  volumes  de  son  admirable  OuvrageLes  methodes  nouvelles  de  la 
Mecanique  celeste  et  dans  les  deux  premiers  volumes  de  ses  Lecons  de  Meca- 
nique celeste. 

Les  chefs-d'oeuvre  deja  mentionnes  auraient  suffi  a  creer  la  gloire  imperissable 
d'un  savant.  Mais  Poincare  a  traite  encore  avec  le  m6me  succes  toute  une  foule 
de  problemes  astronomiques  des  plus  importants. 

Rappelons  des  maintenant  qu'il  a  perfectionne  la  methode  de  Laplace  pour 
la  determination  des  orbites,  de  sorte  que  cette  me'thode  elegante  est  devenue 
aussi  la  plus  efficace  au  point  de  vue  pratique. 

Dans  la  Geodesie,  Poincare  a  attire  F  attention  sur  les  mesures  de  lapesanteur 
en  montrant  que  ces  mesures  suffisent  pour  determiner  les  irregularites  du 
geoide.  II  a  signale  aussi  1'importance  des  mesures  des  azimuts  dans  les  trian- 
gulations  geodesiques. 

La  th^orie  des  marees  est  certainement  1'une  des  plus  difficiles  de  la  Mecanique 
celeste.  Avant  Poincare,  on  ne  savait  trailer  que  des  cas  particuliers  en 
admettant  par  exemple  que  la  mer  recouvre  toute  la  Terre  et  que  la  profondeur 
de  cette  mer  ne  depend  que  de  la  latitude.  Deja  dans  ses  premiers  travaux  sur 

{')  CBuvres,  t.  VII,  f.  262-479. 

H.     P.     -r-     XI.  34 


•266  L'CEUVRE   ASTRONOMIQUE    DE   H.    POINCARE". 

ce  sujel,  dans  le  Journal  de  Mathematiques  de  1896,  Poincare  a  recherche  la 
solution  generale  du  probleme.  Les  methodes  proposers  etles  resultats  auxquels 
il  est  arrive  onL  eu  la  plus  grande  influence  sur  le  developpement  recent  de  la 
Physique  mathematique  en  general.  Maintenant,  il  est  vrai,  ces  resultats 
s'obtiennent  plus  facilement  par  la  methode  de  M.  Fredholm,  laquelle  constitue 
pour  ainsi  dire  le  point  culminant  de  ce  developpemenl.  C'est  d'ailleurs  Poincare 
qui  a  applique  le  premier  cette  methode  ingenieuse  a  la  resolution  theorique  du 
probleme  general  des  marges.  La  plupart  des  recherches  de  Poincare  sur  la 
theorie  en  question  se  trouvent  reunies  dans  le  troisieme  volume  de  ses  Lecons 
de  Mecanique  celeste.  C'est  un  travail  d'une  elegance  et  d'une  clarte  tout  a  fail 
remarquables. 

La  theorie  des  figures  d'e*quilibre  relatif  des  masses  fluides  est  d'une  impor- 
tance capitale  pour  FAstrophjsique  et  pour  la  Gosmogonie.  Une  telle  theorie 
nous  permeltrait  de  suivre  le  developpement  des  n6buleuses  et  des  astres  et  nous 
renseignerait  probablement  sur  les  causes  de  la  variability  des  6toiles.  Malheu- 
reusement  les  problemes  dont  il  s'agit  ne  semblent  pas  encore  ^tre  abordables 
dans  toutes  leurs  g&ie'ralite's.  D'une  part,  nos  connaissances  sur  la  constitution 
de  la  inatiere  au  sein  des  6toiles,  sous  les  pressions  et  les  temperatures  ^normes 
qui  y  regnent,  sont  encore  tout  a  fait  insuffisantes  meme  pour  la  mise  en 
Equations  des  problemes;  d'autre  part,  m^me  dans  le  cas  ideal  ou  les  problemes 
peuvent  £tre  analytiquement  poses,  les  difficultes  analytiques  paraissent  encore 
insurmontables,  a  moins  qu'on  ne  se  trouve  dans  le  voisinage  d'une  solution 
particuliere  et  simple. 

Et  neanmoins  Poincare  est  arrive  a  plusieurs  resultats  d'une  grande  gene- 
ralite".  II  a  montre  que  la  rotation  doit  £tre  uniforme  autour  de  1'un  des  axes 
principaux  d'inertie  de  la  masse;  il  a  trouve  une  limite  superieure  de  la  vitesse 
de  rotation ;  il  a  deduit  la  condition  necessaire  et  suffisante  pour  la  stabilite  de 
l'e"quilibre  en  tenant  compte  de  la  viscosite"  du  fluide. 

Meme  si  le  fluide  est  suppose  homogene,  les  difficultes  analytiques  a 
survaincre  sont  considerables.  L'une  des  plus  belles  decouvertes  de  Poincare  se 
rapporte  a  ce  cas  ideal.  Par  une  methode  extr^mement  feconde,  il  demon tre 
1' existence  d'une  infinite  de  nouvelles  figures  d'equilibre  qui  se  rattachent,  pour 
certaines  valeurs  du  moment  de  rotation,  aux  ellipsoides  deja  connus  de  Mac 
Laurin  et  de  JacobL  On  rencontre  dans  cette  theorie  la  notion,  nouvelle  des 
coefficients  de  stabilite,  lesquels  presenteat  des  analogies  interessantes  avec  les 
exposants  caracteristiques  des  solutions  periodiques  dans  les  problemes  de  la 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE.  ^67 

Dynamique.  Poincare  demontre  que  les  ellipsoldeb  de  Mac  Laurin  pea  aplatis 
el  les  ellipsoides  de  Jacob!  les  moins  allonges  forment  une  suite  continue  de 
formes  d'equilibre  stables.  Cette  suite  se  prolonge  apres  par  des  figures  piri- 
formes  auparavant  inconnues,  dont  la  matiere  semble  enfin  vonloir  se  partager 
en  deux  parties. 

Quoique  les  corps  celestes  lie  soient  pas  homogenes,  ces  decouvertes  de 
Poincare  jettent  une  hmiiere  assez  claire  sur  la  "genese  des  etoiles  doubles  et  sur 
1'origine  de  la  Lune.  A  ce  point  de  vue,  ces  recherches  forment  pour  ainsi  dire 
le  complement  de  celles  de  G.  H.  Darwin  sur  Involution  des  systemes  doubles 
par  1'influence  des  marges  internes. 

Poincare  a  public  aussi  des  Lemons  sur  les  hypotheses  cosmogoniques. 
[1  y  a  expose  les  hypotheses  qui  ont  une  base  scientifique  solide,  en  a  fait  une 
analyse  appro fondie  et  a  signale  les  objections  que  soulevent  les  idees  emises. 
Personne  n'etait  plus  competent  que  Poincare  pour  se  faire  juge  de  toutes  ces 
hypotheses  parfois  aussi  incertaines  qu'ingenieuses. 

Essayons  enfin  —  ce  qui  est  impossible  —  de  caracteriser  en  peu  de  mots 
1'esprit  des  travaux  de  Poincare'.  Toujours  ce  sont  les  problemes  fondamentaux 
qui  attirent  son  attention.  Toujours  ilfaitpreuve  d'une  faculty  de  generalisation 
eminente.  Son  imagination  parait  presque  sans  limites.  Ses  exposes  se  distin- 
guent  par  une  elegance  et  une  limpidite  extraordinaires.  Les  cas  particuliers 
etles  details  1'interessent  moins,  ou  peut-6tre  le  temps  ne  lui  a  pas  perrnis  de 
les  approfondir. 

II  est  evident  que,  justement  a  cause  de  cette  grande  g6neralite,  1'ceuvre 
astronomique  de  Poincare  restera  pour  longtemps  comme  une  veritable  mine 
d'or  pour  les  chercheurs  qui  veulent  y  penetrer. 

Dans  ce  qui  suit,  nous  allons  essayer  de  donner  une  exposition  rapide  de 
cette  oeuvre  gigantesque.  Nous  mettrons  en  lumiere  surtout  les  resultats,  raais  • 
parfois  aussi  1'essentiel  des  methodes. 


j .  Forme  des  equations  du  mouvement. 

Dans  1'etude  si  compliquee  du  mouvement  des  corps  celestes,  il  importe  de 
donner  aux  equations  differentielles  une  forme  aussi  simple  que  possible. 

On  choisit  d'ordinaire  comme  variables  les  coordonnees,  X4,  X2,  ...,  X3N  des 
N  plan&tes  rapportees  au  centre  du  Soleil.  Comme  variables  conjugu^es  Y4, 


268  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE   DE   H.   POINCARE. 

Yo,  .  .  .,  Y;;N,  on  prend  les  cumposanLes  des  quantites  de  mouvement  dans  ce 
mouvement  relatif.  La  forme  des  equations  devient  alors  semi-canonique,  et  la 
fonction  caracteristique  change  d'une  planete  al'autre.  Ilyalaun  inconvenient 
considerable,  surtout  quand  il  s'agit  du  calcul  des  perturbations  d'ordre 
superieur. 

Pour  obtenir  la  forme  canonique,  il  faut  choisir  les  variables  d'une  autre 
maniere.  C'est  ainsi  que  Radaua  faille  choix  suivant.  II  designe  parXt,  X2,  X3 
les  coordonnees  de  la  planete  PI  par  rapport  au  Soleil  S,  par  X4,  X5,  X6  les 
coordonnees  de  P2  par  rapport  au  centre  de  gravite  de  S  et  PI,  par  X7,  X8,  X0 
les  coordonnees  de  P;}  par  rapport  au  centre  de  gravity  de  S,  PI  et  P2  et  ainsi 

de  suite.  Comme  variables  conjugue'es,  il  prend  Yz=:  m[  — r-S  in[  etant  certaines 

masses  fictives  qui  ne  different  que  peu  des  masses  replies .  Avec  ces  variables, 
les  equations  du  mouvement  prennent  la  forme  canonique,  la  fonction  caracte- 
ristique  F  etant  Fenergie  totale  du  systeme  en  supposant  le  centre  de  gravite 
comme  fixe. 

Les  equations  de  Radau  n'ont  pas  ete"  employees  dans  la  pratique,  puisque 
F  expression  de  F  est  trop  compliquee  quand  il  s'agit  de  calculer  les  perturbations 
d'ordre  superieur.  Pour  remedier  a  cet  inconvenient,  Poincare  [164;  187;  464, 
n°  26]  (*),  (2)  choisit  les  variables  X/  comme  dans  les  theories  anciennes.  Mais 
comme  variables  conjuguees  Y,-,  il  prend  les  composantes  des  quantites  de 
mouvement  dans  le  mouvement  absolu  en  supposant  fixe  le  centre  de  gravite  du 
systeme.  Les  equations  ont  encore  la  forme  canonique,  mais  Fexpression  de 
Fenergie  totale  F  en  fonction  des  variables  X/,  Y/  est  beaucoup  plus  simple 
qu'avec  les  variables  de  Radau. 

Les  masses  des  plane tes  etant  petites,  ilconvientd'employer  comme  variables 
les  elements  du  mouvement  keplerien.  Poincare  regarde  les  coordonnees 
relatives  X  et  les  composantes  de  la  quantite  du  mouvement  absolue  Y  qui 
correspondent  a  la  planete  P/{  comrne  les  coordonnees  et  les  composantes  de  la 
quantite  de  mouvement  d'un  point  mobile  attire  suivant  la  loi  de  Newton  par 
un  centre  fixe.  La  masse  du  centre  fixe  et  celle  du  point  mobile  sont  convena- 
blemenl  choisies.  Soit  dans  Forbite  de  ce  point  mobile  a*,  ek,  ik,  //.,  gk,  O/.  le 

(1)  Les  nombres  entre  crochets  se  rapportent  &  la  bibliographic  qui  se  trouve  dans  V Analyse 
des  Travaux  Scientifiques  de  Henri  Poincare  faite  par  lui-meme  dans  les  Acta  mathematica 
t.  38. 

(2)  [164],  QEuvres,  t.  VII,  p.  49^-499;  [187],  OEuvres,  t.  VII,  p,  5oo-5ir;  [464,  n°  26],  Leqons 
de  Mecanique  celeste  prof essees  &  la  Sorbanne^  i.  1,  p.  33, 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE.  269 

demi-grand  axe,  rexcentricite",  1'inclinaison,  1'anomalie  moyenne,  la  distance 
du  pe"rihe"lie  au  noeud  et  la  longitude  du  noeud.  Les  X,  Y  qui  correspondent  a  la 
planete  P^  seront  ainsi  donn6s  comme  certaines  fonctions  des  elements  «/,  ,  .  .  .  ,  O/,  . 
Cela  e"tant,  Poincar£  introduit  au  lieu  des  variables  X7  Y  les  variables  [278; 
11°  11;  464,  n°56]  (*) 


LA  =  ?k  \fal,         Gr/L  =  L/u  \/l  —  e'-V,  ,         e/  =  GX-  cub  /A  , 
lh  §'h  °/o 

les  p/-  dependant  de  la  masse  du  Soleil  el  de  celle  de  la  planele  P/,.  Apres  ce 
changement  de  variables,  les  Equations  reslent  canoniques.  La  fonction  caracte'- 
ristique  F  peut  se  mettre  sous  la  forme 

F  =  FO+JJ.FJ, 

/JL  (^lanl  de  1'ordre  des  masses  es  planetes.  F0  ne  depend  que  des  L/,.  Enfin^F^ 
qui  s'appelle  la  fonction  perturbatrice,  est  de"veloppable  en  s^rie  trigonom6- 
trique  suivant  les  multiples  des  variables  angulaires  /,  ^,  6,  les  coefficients 
dependant  des  variables  conjugu^es  L,  G,  0.  Avec  les  variables  de  Poincar^,  la 
fonction  perturbatrice  est  aussi  simple  que  dans  les  theories  anciennes.  Mais  le 
grand  avantage,  c'est  qu'on  aura  une  seule  fonction  perturbalrice  pour  toutes 
les  planetes. 

Les  Equations  dont  nous  avons  parle  rentrent  dans  le  type  ge"ne"ral  [278, 


ou 


ost  de'veloppe  suivant  les  puissances  d'un  petit  parametre  p.;  F0  estindependant 
des  yt]  FI,  F2?  .  .  .  sont  p^riodiques  par  rapport  auxy/  avec  la  pe"riode  27r. 

L'^tude  du  probleme  des  N  +  r  corps  est  beaucoup  compliqut^e  par  le  fait 
que  les  pe'rihe'lies  et  les  noeuds  sont  fixes  dans  le  mouvement  non  trouble. 
II  en  re"sulte  que  F0  ne  depend  que  des  grands  axes,  c'est-a-dire  seulement  de 
quelques-unes  des  variables  #,-.  Seulement  dans  le  cas  special  le  plus  simple  du 

(l)  [278,  n°  11],  Les  metliodes  nouvelles  de  la  mecanique  celeste^  t.  1,  p.  26;  [464,  n°  56], 
Legpns  de  m&canique  celeste^  t.  1,  p.  7/j. 
(a)  Les  methodes  nouvelles  de  la  mecanique  celesle,  U  1,  p.  32. 


270  L'<£UVRE  ASTRONOMIQUE   DE   H.    POINCARE. 

problenie  des  trois  corps,  appel6  le  probleme  restreint,  et  qui  comporte  deux 
degrees  de  liberty  F0  depend  de  tous  les  #/. 

Si  -les  excentricite's  et  les  inclinaisons  sont  petites,  il  est  avantageux 
d'employer  d'autres  variables  canoniques.  Poincar6  fait  alors  souvent  1'usage 
des  variables  [278,  n°  12;  464,  n°  57]  (:) 


0/j, 


r,i=  —  V/2(GA  —  6/,)  sin  0A, 


ou  X/t=  //,-}-  gk-{-  OA  est  la  longitude  moyenne  de  P/t.  Les  Equations  rentrent 
alors  dans  le  type 

dxj  __  dV  dvt  _  dV 

dt        dyi  dt  dxi 

dck        dv  dt\i-  dc 

dt        d'(\k  dt  d^k 

ou 

•  ;JL  F  i  -h  ,'J.2  Fa  H-  •  •  . . 


Ici  F0  ne  depend  que  des  x\  Fl5  F2,  * .  .  sont  p^riodiques  par  rapport  aux  y 
avec  la  pe>iode  STT  et  d6veloppables  suivant  les  puissances  des  £  et  des  y;. 


2.  Solutions  periodiques. 

C'est  Lagrunge  qui  le  premier  a  demontre  1'exisleiice  des  solutionb  periodiques 
dans  le  probleme  des  trois  corps.  Dans  ces  solutions  de  Lagrange,  les  rapports 
des  distances  mutuelles  restent  invariables  et  les  trois  corps  forment  ou  bien 
un  triangle  Equilateral  ou  bien  ils  se  trouvent  en  ligne  droite.  Ces  derniers 
temps,  ces  solutions  de  Lagrange  ont  acquis  un  intent  particulier  par  la 
de"couverte  des  aste"roi*des  du  type  Hector  ayant  le  m£me  moyen  mouvement  que 
Jupiter.  C'est  a  M.  G.  W,  Hill  que  la  science  doit  la  de"couverte  d'une  classe 
nouvelle  de  solutions  periodiques.  En  ne"gligeant  dans  la  the'orie  de  la  Lune 
1'excentricite'  de  Torbite  terrestre  et  la  parallaxe  du  Soleil,  M.  Hill  parvient  a 
d^montrer  Texistence  d'orbites  periodiques  renfermant  comme  parametre  le 
rapport  des  duties  du  mois  et  de  1'ann^e.  Elles  pre"sentent  des  conjonctions 
sym6triques  au  commencement  et  au  milieu  de  la  p^riode.  Parmi  les  solutions 

(*)  [278,  n°  12],  Les  methodes  nouvelles  de  la  mecanique  celeste,  t.  1,  p.  29;  [464,  n°  57 J. 
Legons  de  mecanique  celeste,  t.  1,  p.  76. 


L:CEUVRE   ASTRONOMIQUE   DE    H.    POINCARE.  27! 

periodiques  de  M.  Hill,  celle  qui  correspond  au  temps  de  revolution  actuel  de  la 
Lime  a  servi,  dans  ces  dernitires  ann^es,  comme  point  de  depart  pour  lath^orie 
de  la  Lune  de  M.  E.  W.  Brown. 

D^ja  dans  ses  premiers  travaux  sur  les  courbes  definies  par  des  Equations 
difjferentielles,  Poincar6  fut  conduit  a  l'6tude  des  solutions  periodiques.  Dans 
ses  recherches  sur  les  solutions  periodiques  du  problSmes  des  trois  corps  [38; 
92;  183;  278]  (*•)  il  se  place  dans  les  conditions  actuelles  de  notre  syst&me 
solaire  en  admettant  que  les  masses  de  deux  corps  sont  petiles  par  rapporl 
a  celle  du  troisi&me. 

II  est  ainsi  conduit  a  etudier  le  syst&me  [183;  278,  n°  37]  (-) 

(3)  -—-  =  Xz(#i,  .  ..,  3cn\  1-0         («'  =  i,  2?  .  ..,  n) 

les  X,  etant  d£velopp6s  suivant  les  puissances  d'un  petit  param&tre^.  En  suppo- 
sant  que  pour  /JL  =  o  ces  Equations  admettent  une  solution  p^riodique  connue 

(4)  *t=<?t(t)        U  =  i,  2,  . ..,  n\ 

de  p^riode  T,  il  se  propose  de  trouver  la  solution  periodique  du  syst&me  (3) 
qui  pour  p.  =  o  se  r6duit  a  la  solution  p6riodique  (4)- 

Soit  cp,-(o)  +  |3<  la  valeur  de  xt  pour  t  =  o  et  cpi(o)  4-  (3/+  fyi  la  valeur  de  xi 
pour  t  =  T  +r.  En  generalisant  [183;  278,  n°  27]  (3)  la  m^thode  de  Cauchy 
appel^e  Calcul  des  limites,  Poincar^  d^montre  que  les  tyi  sont  d^veloppables 
suivant  les  puissances  des  (3/,  de  T  et  de  JJL,  pourvu  que  les  fonctions  X,  soient 
holomorphes  et  uniformes  au  voisinage  de  la  solution  p6riodique  (4)  -  fividemment 
les  tyt  s'annulent  avec  les  ^-,  r  et  f/..  C'est  la  condition  de  la  solution  p^riodique 
et  cela  s'6crit 

(5)  ^(pi,  ...,£71,  t,  H-)  =  o         (*=  *>  2,  ...,  n). 

Puisque  les  Equations  (3)  ne  contiennent  pas  le  temps  explicitement,  il  est 
permis  de  mettre  par  exemple  (34=  o.  On  peut  en  general  r^soudre  les  Equa- 
tions (5)  en  mettant  pour  (32,  .  .  . ,  (3n,  rcertaines  series  convergentes  ordonnt§es 
suivant  les  puissances  de  p  et  divisibles  par  p.. 

(i)  [38],  OEuvres,  t.  VII,  p.  253-a6i ;  [92],  QEuvres,  1.  VII,  p.  a53-a6i ;  [183],  QEuvres,  t.  VII, 
p.  262-479;  [278],  £es  mtthodes  nouvelles  de  la  mecanique  celeste. 

(J)  [183],  OEuvres,  t.  VII,  262-479;  [278,  n°  37],  Les  methodes  nouvelles  de  la  mecanique 
celeste,  t,  1,  p.  82,. 

(3),  [J83],  CEuvres,  t,  7,  p.  262-479;  [278,  u"  27],  Les  metfiodes  nouvelles  de  la  mecanique 
celeste,  t.  1,  p.  58. 


2;?,  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

Ayant  ainsi  demontre  ^existence  de  la  solution  periodiquc  chcrchee,  Poincare 
montre  [278,  n°42]  (*)  comment  on  peut  d^velopper  lessen  series  de  Fourier 

de  Pargument  ^T*  ^  Les  coefficients  de  ces  series  sont  developpes  suivant  les 

puissances  de  /j.. 

II  arrive  souvent  quo  les  X/  sonL  periodiques  de  periode  2.7:  par  rapport  a 
certaines  des  variables  xi  par  exemple  par  rapport  a  x±,  ...,#/,.  On  peut  alors 
regarder  comme  periodique  une  solution  dans  laquelle  #4,  .  .  . ,  Xk  augmentent 
de  certains  multiples  de  271,  tandis  que  les  autres  x\  reprennent  leurs  valeurs. 
Alors  dans  1'expose  precedent,  r|<,  ...,  d;A.  signifient  les  increments  des  #1,  ...,  #/t 
diminues  par  les  multiples  mentionnes  de  271.  Les  conditions  (5)  expriment 
encore  la  periodicite  de  la  solution. 

Si  les  Equations  (3)  admettenl  s  integrates  uniformes  au  voisinage  de  la 
solution  (4),  les  conditions  (5)  ne  sont  pas  independantes.  Si  n  —  s  des  fonclions 
fyi  s'annulent,  les  autres  s'annulent  alors  en  m&me  temps.  A  ces  n  —  s  conditions 
on  peut  alors  adjoindre  les  s  conditions  qui  expriment  que  les  integrates  ont 
certaines  valeurs  constantes  arbitraires .  La  solution  p^riodique  consid6r6c 
contient  alors  ces  s  constantes  comme  param^tres. 

II  peut  arriver  que  certaines  des  fonctions  ^a  sont  divisibles  par  p.  et  que  la 
solution  p^riodique  (4)  contient  autant  de  param^tres  arbitraires.  II  faut  alors 

determiner  ces  param&tres  de  sorte  que  les  Equations  —  —  o  soient  satisfaites 

pour  (3/==  T  =  /a  =  o.  A  chaque  solution  (4)  ainsi  d6termin6e  correspond  alors 
pour  de  petites  valeurs  de  ^  une  solution  p^riodique  qui  coincide  avec  elle 
pour  p.—  o. 

Poincar6  applique  les  principes  precedents  a  1'etude  des  solutions  periodiques 
du  probteme  des  trois  corps  [92;  183;  278,  nos  39,  40,  47,  48]  (2)  en  supposant, 
nous  Favons  deja  dit,  que  les  masses  des  plan&tes  sont  petites.  En  6galanta  z6ro 
le  param^tre  p,  qui  est  de  1'ordre  des  masses,  le  probl&me  admet  des  solutions 
p^riodiques  tr&s  simples.  On  obtient  une  telle  solution  en  supposant  que  les 
deux  masses  infiniment  petites  d^crivent  des  cercles  quelconques  concentriques 
autour  du  Soleil  et  situ£s  dans  le  m&me  plan.  On  en  obtient  d'autres  en  supposant 
que  pour  p.  ==  o  les  orbites  se  reduisent  a  des  ellipses  et  que  les  dur£es  de  revo- 
lution sont  commensurables  entreelles.  Puisque,pour^r^:  o,  les  perihelies  etles 

(r)  [278,  n°  42]  Les  methodes  nouvelles  de  la  mecanique  celeste,  t.  1,  p.  109. 
(2)  [92],  CEuvres,  t.  VII,  p.  a53-26i;  [183],  CEuvres,  t.  VII,  p.  262-479;  [278,  n»*  39,40,47,  48J, 
Les  methodes  nouvelles  de  la  mecanique  celeste,  I.  1,  p.  96,  97,  i3g  et  144. 


L'OEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE.  278 

noeuds  sont  fixes,  certaines  des  fonclions  4*a  sont  divisibles  par  p..  Pour  que  les 
coefficients  de  /JL  dans  les  d^veloppements  de  ces  fonclions  ^pa  disparaissent,  il 
faut  choisir  les  £l6ments  (les  grands  axes  except^s)  de  sorte  que  les  d6riv£es 
premieres  de  la  parlie  s^culaire  de  la  fonction  perturbatrice  (partie  qui  devient 
constante  en  vertu  de  la  commensurabilit^)  s'annulent.  Poincar^  d^montre 
ainsi  1'existence  de  trois  sortes  de  solutions  p^riodiques  dans  le  problems  des 
trois  corps.  Au  bout  de  la  periode,  le  syst&me  reprend  la  configuration  qu'il 
avait  au  commencement,  tout  le  syst&me  ayant  seulement  tourn<3  d'un  certain 
angle  <p.  Au  commencement  et  au  milieu  de  la  periode,  les  deux  plan&tes  se 
trouvent  en  conjonction  sym^trique,  les  vitesses  6tantperpendiculaires  a  la  ligne 
ou  au  plan  de  conjonction.  Les  coordonn^es  relatives  des  deux  plan£tes  peuvent 
6tre  d^veloppte  en  series  de  Fourier  d'un  seul  argument,  les  coefficients  6tant 
des  series  ordonn6es  suivant  les  puissances  du  petit  param&tre  /*.  —  Pour  les 
solution  de  la  premiere  sorte,  les  inclinaisons  sont  nulles,  les  excentricit(§s 
sont  de  Fordre  de  /JL  et  Tangle  9  est  fini.  En  y  mettant  f*  =  o,  ces  orbites  se 
r^duisent  a  des  cercles  concentriques  autour  du  Soleil  et  situt5s  dans  le  m£me 
plan.  En  ne  consid6rant  pas  comme  distinctes  deux  solutions  qui  different 
seulement  par  la  position  des  axes,  par  Porigine  du  temps  ou  par  le  choix  des 
unites  de  longueur  et  de  temps,  les  solutions  p6riodiques  de  la  premiere  sorte 

ne  renferment  qu'un  seul  param&tre,  qui  est  le  rapport  —,  entre  les  moyens 

mouvements  dans  les  deux  orbites  circulaires  limites  (pour  jx  =  o).  —  Pour  les 
solutions  p^riodiques  de  la  seconde  sorte,  les  inclinaisons  sont  nulles,  les 
excentricit^s  finies  et  Tangle  cp  de  Tordre  de  p.  Eny  mettant  p.  —  o.  ces  orbites 
se  r^duisent  a  deux  ellipses  a  foyer  commun  situ^es  dans  un  m£me  plan  et  ayant 
leurs  lignes  d'apsides  cozncidantes.  Le  rapport  ~  des  moyens  mouvements  dans 
ces  ellipses  est  un  nombre  rationnel.  Ces  solutions  sont  caract<kis($es  par  le 
nombre  rationnel  ~  et  par  Texcentricit^  de  Tune  des  ellipses  limites  qui  y  rentre 
comme  param^tre  arbitraire.  —  Pour  les  solutions  p6riodiques  de  la  troisieme 
sorte,  Tinclinaison  n'est  pas  nulle,  les  excentricit^s  sont  petites  et  Tangle  9  de 
Tordre  des  masses.  Pour^=o  les  orbites  se  r^duisent  a  des  ellipses  peu 
excentriques  ou  circulaires  ayant  le  Soleil  au  foyer  e  t  non  pas  situ^es  dans  le  m6me 
plan.  Les  lignes  d'apsides  coincident  avec  la  ligne  des  nceuds  ouy  sont  perpen- 
diculaires.  Le  rapport  —,  des  moyens  mouvements  dans  les  deux  ellipses  limites 
est  un  nombre  rationnel.  Ce  qui  caract^rise  ces  solutions  p^riodiques  de  la 
HP.-  XI.  35 


2~4  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

troisieme  sorte,  c'est  d'une  part  Ic  nombre  rationnel  ^  et  d'autre  part  1'incli- 

naison  des  orbites  limites,  qui  y  rentre  comme  parametre  arbitraire. 

Supposons  donn^e  la  valeur  du  petit  parametre  p..  Si  le  rapport  des  mojens 
mouvements  dans  les  orbites  limites  se  rapproche  d'un  nombre  rationnel  de  la 
forme  p  "*"  l  >  p  6 taut  un  entier,  les  orbites  pe'riodiques  de  la  premiere  sorte 
deviennent  assez  excentriques.  Dans  le  voisinage  imme"diat  de  ces  commensu- 
rabilite"s,  il  arrive  meme  que  les  series  ordonntSes  suivant  les  puissances  de  p.  qui 
donneat  les  solutions  pe'riodiques  de  la  premiere  sorte  ne  convergent  plus  pour 
la  valeur  conside're'e  de  /ju  Pour  examiner  ce  qui  se  passe  alors,  Poincare'  se 
limite  au  probleme  restraint  [367]  (*)  en  supposant  que  Tune  des  masses  est 
nulle  et  que  1'autre  planete  se  meut  dans  un  cercle.  Si  les  series  mentionne'es 
ordonne"es  suivant  les  puissances  de  fjt,  qui  donnent  les  solutions  pe'riodiques 
de  la  premiere  sorte,  cessent  d'exister,  Poincar6  montre  qu'on  peut  les  remplacer 
par  des  series  proce"dant  suivant  les  puissances  de  yp.  L'excentricite"  e  est  alors 

de  1'ordre  de  i/u,  et  c'est  le  rapport  (3  =  lim  -^=  qui  rentre  comme  parametre 

li. =o  V/JJL 

arbitraire.  Pour  |m  — o  1'orbite  se  re"duit  a  un  cercle,  et  le  rapport  entre  les 
moyens  mouvements  devient  — Si  (3  croit,  il  arrive  enfin  que  ces  nouvelles 

series  ordonn(5es  suivant  les  puissances  de  \//j.  ne  convergent  plus.  Poincar6 
montre  qu'on  peut  les  remplacer  alors  par  les  series  ordonne'es  suivant  les 
puissances  de  p.,  les  monies  qui  donnent  les  solutions  pe'riodiques  dela  secondc 
sorte.  Ainsi  au  voisinage  des  commensurabilite's  riientionne"es ,  les  solutions 
p6riodiques  de  la  premiere  et  de  la  seconde  sorte  ne  sont  pas  analytiquement 
distinctes.  En  variant  le  parametre,  on  passe  des  unes  aux  autres. 

fividemment,  il  est  infiniment  peu  probable  que  les  conditions  initiates  qui 
correspondent  a  une  solution  pe"riodique  se  trouvent  re'alise'es  dans  la  nature. 
Mais  il  peut  bien  arriver  et  il  arrive  aussi  souvent  que  le  mouvement  est  a  peu 
pres  p^riodique.  Alors  il  convient  de  prendre  la  solution  p6riodique  comme 
point  de  depart  et  de  de"velopper  les  coordonn£es  ou  les  ^l^ments  suivant  de 
petits  parametres,  ainsi  que  Ton  fait  de"ja  Delaunay,  Hill  et  Brown  dans  le  cas 
de  la  Lune.  II  semble  que  ce  soit  surtout  les  solutions  pe'riodiques  de,la 
premiere  sorte  qui  auront  ainsi  une  valeur  pratique  considerable  et  cela  dans 
la  th^orie  du  mouvement  des  aste"ro'ides  et  des  satellites. 

(l)  [367],  OEuvres,  t.  VIII,  p.  4i7~436. 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE   DE  H.   POINCARE.  276 

3.  Exposants  caracteristiques. 


Soit 

(6) 


— 


un  systeme  d'^quations  difFe'rentielles  admettant  une  solution  pe'riodique  #/=rp/(£) 
de  pe"riode  T.  Pour  etudier  les  solutions  voisines  de  cette  solution,  Poincare' 
introduit  #/=  cpz-  (£)  +  £/  et  de"veloppe  suivant  les  puissances  des  £.  En  ne 
conservant  que  les  termes  du  premier  degr6,  il  arrive  WXL  equations  aux  varia- 


tions 


Dans  les  coefficients  des  £  au  second  membre,  il  faut  introduire  pour  a?/  ses 
d6veloppements  en  series  de  Fourier.  Les  Equations  aux  variations  qui  corres- 
pondent a  une  solution  pe'riodique  sont  done  des  Equations  homogenes  et 
lin^aires  a  coefficients  peViodiques. 

On  sait  quelle  est  en  ge"ne"ral  la  forme  des  solutions  de  ces  equations;  on 
obtient  n  solutions  particulieres  de  la  forme  suivante  ; 

(8)  ^rrreVS,,,,  ...,  fn^fiVS,,^  (jD  =   1  ,    2,    .  .  .  ,   fl  ), 


les  <y.p  etant  des  constantes  etles  S/i/?des  fonctions  pt^riodiques  de  m^me  p^riode 
que  les  cp/(^). 

Si  deux  exposants  a  ont  la  m£me  valeur,  on  aura  une  solution  particuli&re 

de  la  forme 

(9)  ?/=  e^^+tS'i}        («  =  r,  2,  ...,  /i), 


les  fonctions  S/  et  S/  <^tant  p^riodiques. 

Les  constantes  a^  s'appellent  les  exposants  caracteristiques  de  la  solution 
pe'riodique  conside're'e. 

La  nature  des  solutions  voisines  depend  en  premier  lieu  des  valeurs  des 
exposants  caracteristiques.  Si  tous  ces  exposants  qui  ne  sont  pas  nuls  sont 
purement  imaginaires,  Poincare"  dit  que  la  solution  pe'riodique  est  stable]  si  au 
contraire,  pour  quelques-uns  des  exposants,  les  parties  replies  ne  sont  pas  nulles, 

(i)  [183],  GEwre$,  t.  VII,  p.  262-479;  [278,  n°  53],  Les  methodes  nouvelles  de  la  mecanique 
celeste,  t.  1,  p.  162. 


276 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE   H.    POINCARE. 


la  solution  periodique  est  appelee  instable.  Si  les  valeurs  initiates  sont  voisines 
de  celles  qui  correspondent  a  une  solution  periodique  stable,  le  mouvement 
restera  pour  longtemps  semblablc  au  mouvement  periodique;  au  contraire,  les 
solutions  qui  avoisinent  a  un  instant  donne  une  solution  periodique  instable, 
s'en  eloignent  en  general  beaucoup  plus  tot. 

Rappelons  bri^vemenl  comment  les  exposants  caracieristiques  peuvent  se 
calculer[183;  278,  n°60]  (*).  SoitT  la  periodede  la  solution  periodique 
trice  a?|3=  yi(t}\  soit^-(o)  4-  P/  la  valeur  de  a?/ pour  t=  o  et#/==<p,-(T) 
la  valeur  de  #/  pour  t  =  T.  Alors  Poincare  montre  que  les  exposants  caracte- 
ristiques  a  satisfont  a  liquation 


-HI  —  < 


ou  dans  les  elements  du  determinant  il  faut  mettre  (34  =  (32=r.  .  ,  =  (3Al=  o 
apr£s  les  differentiations. 

Dans  le  cas  des  equations  de  la  Dynamique,  certaines  symetries  apparaissent, 
de  sorte  que  les  exposants  caracteristiques  sont  toujours  egaux  deux  a  deux, 
mais  avec  des  signes  contraires.  D'ailleurs,  si  la  solution  periodique  ne  corres- 
pond pas  a  une  position  d'equilibre  relative  deux  exposants  caracteristiques 
sont  toujours  nuls. 

Rappelons,  que  toutes  reductions  faites,  les  equations  du  probl^me  general 
des  trois  corps  peuvent  se  mettre  sous  la  forme  canonique  avec  quatre  degres 
de  liberte;  dans  le  cas  du  mouvement  plan,  le  degre  de  liberte  s'abaisse  a  3; 
enfin  dans  le  cas  restreint,  on  n'aura  que  deux  degres  de  liberte.  Si  les  masses 
des  plan&tes  sont  petites,  les  seconds  membres  des  equations  differentielles 
sont  developpes  suivant  des  puissances  d'un  petit  param&tre  pu  II  en  est  de 
mteie  des  fonctions  cp/(j)  et^((3l3  ...,  (3n)  mentionnees  touta  Pheure.  Cela  etant, 
Poincare  demontre  [183;  278,  nos  74-78]  (4)  que  dans  le  probl&me  des  trois 
corps  les  exposants  caracteristiques  des  solutions  periodiques  de  la  deuxi&me 

A  A  \  1  1  J. 

et  de  la  troisi&me  sorte  disparaissent  pour  p.  =  o  et  sont  developpables  suivant 


(*)  [183],  QEuvres,  t.  VII,  p.  262-479;  [278],  Les  m&thodes  nouvelles  de  la  mecanique  celeste; 
[n°  60],  t.  1,  p.  178;  [nos  74-78],  t.  1,  p.  201-218. 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE.  277 

les  puissances  de  y//ju  Enfin  en  formant  les  premiers  coefficients  de  ces  deve- 
loppements,  il  d6montre  que,  dans  le  probl&me  r^duit  des  trois  corps,  on  n'aura 
que  deux  exposants  caract^ristiques  qui  sont  identiquement  mils. 

D'ailleurs,  Poincar6  r^sout  [183;  278,  n°  79]  (*)  complement  les  Equations 
aux  variations  du  probl&me  des  trois  corps  et  montre  comment  on  peut  d£ve- 
lopper  en  series  trigonomtHriques  convergentes  les  fonctions  S  des  formules  (8) 
et  (9).  Les  coefficients  de  ces  series  sont  d£velopp6s  suivant  les  puissances 
de  yfj.  et  convergent  pour  des  valeurs  assez  petites  de  ce  paramktre. 

II  va  sans  dire  que,  dans  toutes  ces  discussions,  Poincar6  ne  regarde  point 
seulement  les  Equations  sp^ciales  du  probl^me  des  trois  corps,  mais  les  Equa- 
tions canoniques  g£n£rales  du  type  (i). 

Les  solutions  p^riodiques  6tudi6es  dependent  d'un  petit  param&tre  fju  Les 
solutions  p^riodiques  du  probl^me  des  trois  corps  renferment  encore  une 
constante  arbitraire  essentielle  C.  Les  exposants  caract^ristiques  qui  ne  sont 
pas  identiquement  nuls  dependent  de  p.  et  de  C.  En  faisant  varier  par  exemple  C, 
les  solutions  p£riodiques  et  leurs  exposants  caract^ristiques  varient  aussi. 

Supposons  done  qu'un  syst&me  quelconque  d'^quations  dififerentielles  pos- 
s&de  des  solutions  p^riodiques  qui  dependent  d'un  param&tre  C.  II  peut  alors 
arriver  que  pour  C  =  C0  une  solution  periodique  cesse  d'exister.  Poincar6 
d^montre  que  cela  ne  peut  se  faire  que  si  la  solution  se  confond  pour  G  =  C0 
avec  une  autre  solution  periodique.  Ainsi  les  solutions  p6riodiques  disparaissent 
(ou  apparaissent)  par  couples  a  la  facon  des  racines  r^elles  des  Equations 
alg^briques  [183;  278,  n°  37]  (4). 

Admettons  qu'il  s'agisse  des  Equations  de  la  Dynamique,  etque  pour  C=  C0 
plusieurs  solutions  p&riodiques  se  confondent.  Poincar6  d^montre  que  cela 
arrive  et  rie  peut  arriver  que  si  pour  l'un  des  couples  d'exposants  caract^- 
ristiques  on  aura  aT  =  -h  ikTt\j  —  i,  k  6tantun  entier.  Soit  pour  C  >  C0  p'  le 
nombre  des  solutions  p^riodiques  consid6r6es,  pour  lesquelles  aTn=2/:7r\/  —  i 
soit  purement  imaginaire,  et  p1'  le  nombre  des  solutions  pour  lesquelles  cette 
quantity  soit  r^elle.  Soit  q1  et  q'f  les  nombres  correspond  ants  pour  C  <  Co-  II 
n'y  a  alors  que  trois  hypotheses  possibles  : 


(l)  [183],  QEwres,  t.  VII,  p,  262-479;  [278],  Les  m&thodes  nouvelles  de  la  mecanique  celeste; 
[n»79],  t.  1,  p.  82  ;  [>•  37],  t.  1,  p.  82. 


278  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

Dans  tous  les  cas,  on  a 


Dans  le  cas  simple  ou  il  n'y  a  que  deux  degr£s  de  liberty,  comme  dans  le  cas 
restreint  du  probl£me  des  trois  corps,  il  n'y  a  qu'un  seul  couple  d'exposants 
caract&ristiques  qui  n'est  pas  identiquement  mil.  Poincart§  trouve  alors  le 
theor&me  [280,  n°  378]  (4)  :  Si,  en  variant  les  parametres,  plusieurs  solutions 
periodiques  se  confondent,  alors  il  disparait  (ou  apparail)  tou  jours  autant 
de  solutions  stables  que  de  solutions  ins  tables. 

Voici  encore  un  autre  th£or&me  dans  ce  cas  de  deux  degr£s  de  Iiberl6  :  Si, 
pour  certaines  valeurs  des  parametres,  une  solution  periodique  perd  la 
stabilite  ou  Vacquiert  (et  cela  de  telle  facon  que  Vexposant  caracteristique 
a  soit  UTI  multiple  de  2K\/  —  i),  tfest  qu'elle  se  sera  confondue  avec  une 
autre  solution  per  iodic/ue,  avec  laquelle  elle  aura  echange  sa  stabilite. 


4.  Solutions  asymptotiques. 

En  6tudiant  les  solutions  voisines  d'une  solution  periodique  instable, 
Poincar^  a  d6couvert  une  nouvelle  classe  de  solutions  auparavant  tout  a  fait 
inconnue  [183;  278,  chap.  VIIJ  (2).  II  les  a  appel^es  solutions  asymptotiques.  • 
II  y  en  a  deux  families  :  pour  la  premiere,  la  solution  se  rapproche  asymptoti- 
quement  pour  t=  —  oo  de  la  solution  periodique  consider^e,  pour  la  seconde 
famille,  ce  rapprochement  asymptotique  aura  lieu  pour  £  —  4-00. 

En  partant  des  Equations  (6)  etd'une  solution  p6riodique  #,—  cp/(^)Poincar6 
y  pose  #,-=  <ft(t)  -f-  g/.  II  vient  alors 


les  S  6tant  d6velopp6s  suivant  les  puissances   des  £<•,   les  coefficients  de  ces 
d^veloppements  6tant  p^riodiques  de  pdriode  T  =  271. 

Au  lieu  des  variables  £f,  Poincar6  introduit  des  variables  nouvelles  yjr-  par 
une  transformation  lin^aire  dont  les  coefficients  sont  les  fonctions  p^riodiques 
S/,p  qui  entrent  dans  les  solutions  (8)  des  Equations  aux  variations.  Les  6qua- 

(:)  [280,  n°  378],  Les  m&hodes  nouvelles  de  la  mecanique  celeste,  t.  3,  p.  344. 
(2)  [183],  OEuvres,  t.  VII,  p.  262-479;  [278,  chap.  VII],  Les  methodes  nouvelles  de  la  meca- 
nique celeste,  t.  1,  p.  335. 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE.  279 

tions  difFe>entielles  des  YJ/  ont  alors  la  forme 

(10)  .  ^=H^ar^+H^H-H^  +  ...; 

H|/J)  elant  un  poljnome  homogene  de  degrg /?  en  r)i:  ...,  tin  avecdes  coefficients 
pe'riodiques  en  t  de  pe"riode  271.  Les  c/n  sont  les  exposants  caracte"ristiques. 

Poincare'  monlre  qu'on  peut  satisfaire  formellement  a  ces  equations  en  d£ve- 
loppant  les  m  suivant  les  puissances  de  quantile's  A/e7-1'  (i  —  i ,  2,  . . . ,  /i),  les 
A,  e"tant  des  constantes  arbitraires.  Les  coefficients  de  ces  d6veloppemeiits  sont 
pe'riodiques  en  t  de  peYiode  271.  II  n'y  aurait  exception  que  dans  le  cas  ou  il  y 
aurait  entre  les  oc/  une  relation  de  la  forme 

(ii) 

pour  des  valeurs  entires  non  negatives  des  (3/£  et  entieres  (positives,  negatives 
ou  z£ro)  de  y. 

En  appliquant  la  rne'thode  de  Cauchy  appele'e  Calcul  des  limites,  Poincar^ 
d^montre  que  les  series  en  question  convergent,  si  F expression  (u)  ne  peut 
devenir  plus  petite  que  toute  quantity  donn^e  s;  c'est-a-dire  si  aucun  des  deux 
polygones  convenes  qui  enveloppent,  le  premier  les  points  dont  les  affixes  sont 
les  a  et  -+-  \l —  i ,  le  second  les  points  ayant  les  affixes  a  et  —  y —  i ,  si  aucun 
de  ces  polygones  ne  contient  Forigine;  c'est-a-dire  si  les  parties  replies  de  toutes 
les  quantity  a  sont  diff(5rentes  de  ze"ro  et  du  m^me  signe. 

II  peut  arriver  que  ces  conditions  suffisantes  pour  la  convergence  ne  soient 
remplies  que  pour  un  certain  nombre  des  coefficients  a,  par  exemple  pour 
al5  .  ,  . ,  am.  Si  par  exemple  al7  . .  . ,  am  ont  leurs  parties  re'elles  >  o,  on  peut 
mettre  Am+1  =  Am4.a  =  . .  .  =  A7l=  o  et  de'velopper  les  ^  en  series  convergentes 
suivant  les  puissances  des  quantite's  Ad  eai£,  .  ..,  Am6a»l/.  On  aura  ainsi  des 
solutions  asymptotiques  de  la  premiere  famille.  De  m6me,  auxexposants  carac- 
t^ristiques  dont  les  parties  re'elles  sont  <o,  correspondent  des  solutions 
asymptotiques  de  la  deuxieme  famille. 

Les  principes  pre'ce'dents  s'appliquent  aussi  aux .  Equations  canoniques  avec 
n  degre's  de  liber t6.  Toutefois  deux  exposants  caracte'ristiques  6tant  identique- 
ment  nuls  et  ainsi  dgaux  enlre  eux,  la  derniere  des  Equations  qui  correspondent 
aux  Equations  ( 10)  aura  la  forme 


2g0  L'CEUVPE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

c  aant  une  constante.  Neanmoins  le  nouveau  syst&me  se  Lraite  comme  les  Equa- 
tions (10)  et  tous  les  r&mltats  pr6ct5dents  sur  1'existence  des  solutions  asymp- 
totiques  subsistent. 

Si  les  Equations  canoniques  sont  du  type  (i),  comme  dans  le  problkme  des 
trois  corps,  les  exposants  caracUSristiques  se  dgveloppentsuivanlles  puissances 
de  v/fl  et  contiennent  cette  quantity  comme  facteur.  Certains  diviseurs  (i  i)  sont 
done  de  1'ordre  de  \/p..  Mais,  en  revanche,  les  quantit&i  a  int<5grer  sont  toujours 
aussi  au  moins  du  m£me  ordre.  Poincar^  demontre  qu'il  existe  aussi  pour  ces 
Aquations  des  solutions  asymptotiques  au  voisinage  de  chaque  solution  p6rio- 
dique  instable.  Soil  al7  ...,  a/,  les  exposants  caract^ristiques  qui  ont  leur 
partie  r^elle  positive  quand  \/fI>o.  Pour  les  solutions  asymptotiques  de  la 
premiere  famille,  les  xf  et  les//  sont  d6veloppables  suivant  les  puissances  de 
Wi  =  Aieaif,  . . .,  O>A.  =  A/t0a",  les  Al5  . .  .,  A*  giant  des  constantes  arbitrages. 
Les  coefficients  de  tous  ces  d6veloppements  sont  pdriodiques  en  t  de  m6me 
ptoode  que  la  solution  p<3riodique.  Enfin  les  coefficients  constants  sont  des 
fractions  dont  le  num^rateur  et  le  d^nominateur  sont  d<3velopp<3s  suivant  les 
puissances  positives  de  v/p-  Ces  d^veloppements  des  xi  et//  convergent  uni- 
formgment  tant  que  t  est  assez  voisin  de  — oo  et  vV^°  etassez  voisin  de  z6ro. 
On  aura  aussi  des  solutions  asymptotiques  analogues  qui  se  rapprochent 
asymptotiquement  de  la  solution  p^riodique  pour  t  =  +  co  . 

PoincanS  demontre  qu'en  d^veloppant  les  coefficients  fractionnaires  suivant 
les  puissances  de  \/f/,  on  n'aura  que  des  puissances  positives.  Ainsi,  pour  les 
solutions  asymptotiques  des  Aquations  (i),  les  #/  et  les //  sont  d^veloppables 
suivant  les  puissances  de  V/V-,  wl7  ...,  &)/f,  les  coefficients  £tant  p6riodiques 
en  t,  On  peut  ordonner  ces  series  suivant  les  puissances  de  y//m  et  determiner 
les  coefficients  directement  en  partant  des  Equations  differ entielles.  Malheu- 
reusement  ces  series  ordonn6es  suivant  les  puissances  de  yp.  ne  sont  pas 
convergentes.  Mais  Poincar6  demontre  qu'elles  sont  semi-convergentes. 

5.  Non-existence  des  int^gr^les  uniformes. 

On  sait  que  le  probl&me  des  trois  corps  admet  plusieurs  int6grales  trfes 
simples  :  celles  du  mouvement  du  centre  de  gravity,  celles  des  aires  et  celle  des 
forces  vives.  M.  Bruns  a  ddmontr^  qu'il  n'existe  pas  de  nouvelle  integrate  alg^- 
brique  en  dehors  de  ces  integrates  d^ja  connnes. 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE.  281 

Poincar^  a  compl£t£  la  demonstration  de  M.  Bruns  sur  un  point  d61icat  et  a 
confirm^  les  r^sultats  auxquels  ce  savant  6tait  arriv6  [166]  (1). 

Mais  Poincar£  a  examine  la  question  aussi  d'un  autre  point  de  vue  [278, 
chap.  V)  (2).  II  admet  toujours  que  deux  des  masses  sont  petites  (de  Tordre  de  p.) 
par  rapport  a  la  troisi&me.  En  traitant,  selon  son  habitude,  la  question  d'une 
manifere  aussi  g6nt^rale  que  possible,  Poincar<3  ne  regarde  pas  seulement  les 
Equations  sp^ciales  du  probleme  des  trois  corps,  mais  les  Equations  g6n6rales 
du  type  (i).  II  d^montre  que,  sauf  certains  cas  exceptionnels,  les  Equations  (i) 
n'admettent  pas  d'autre  integrate  analjtique  et  uniforme  que  Pint6grale 
F  =  const.  Voici  ce  qu'il  entend  par  la. 

Soit  $  une  fonction  analytique  et  uniforme  pour  toutes  les  valeurs  r^elles 
des  y,  pour  les  valeurs  suffisamment  petites  de  JUL  et  pour  les  valeurs  des  x 
appartenant  a  un  certain  domaine  D;  le  domaine  D  peut  d'ailleurs  6tre  quel- 
conque  et  6tre  aussi  petit  qu'on  veut.  Enfin  <3>  doit  £tre  p6riodique  par  rapport 
aux  y  de  p6riode  271.  Dans  ces  conditions  <£  est  d^veloppable  sous  la  forme 

(12)  $  =  $o  -H  H$i  -+-  ^2  $2  -1-  •  •  •  5 

<I>o,  <^i,  ^>2,  -  •  •  6tant  uniformes  par  rapport  aux  x  et  auxy  et  p^riodiques  par 
rapport  aux  y. 

Poincar^  d^montre  que  en  general  une  fonction  €>  de  cette  'forme  ne  peut 
pas  etre  une  integrate  des  equations  (i). 

En  supposant  qu'il  existe  une  "telle  inl^grale  <&  distincte  de  F,  il  est  permis 
de  supposer  que  <&o  n'est  pas  une  fonction  de  F0.  En  effet,  si  <&0  ^tait  une  fonc- 
tion de  F0,  Poincar^  montre  qu'il  serait  possible  de  d6duirede<I>  et  F  une  nou- 
velle  integrate  ®  de  la  nature  consid^e  et  pour  laquelle  $0  n'est  pas  une 
fonction  de  F0. 

La  condition  n6cessaire  et  suffisante  pour  qu'une  fonction  &  soit  une  int<5- 
grale  s'6crit 

(13)  [F,*]=o, 

la  quantity  au  premier  membre  ^tant  la  parenth^se  de  Poisson.  En  <3galant  a 
z£ro  les  termes  de  diverses  puissances  en  p.  dans  le  premier  membre,  onobtient 
une  infinite  drt§quations  que  nous  nommerons  (i3°),  (iS1),  (i32),  .... 

En  partant  de  liquation  (i3°),  Poincar^  fait  voir  d'une  mani^re  tr^s  simple 

(»)  [166],  OEuvres,  t.  VII,  p.  5ia-5i6. 

(**)  [2*78,  cHap,  V]»  Les  mMhod&s  rwuvelles  de  la  micaniquG  celeste^  t.  1T  p.  233. 

H.  P.  —  XI.  36 


282  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

que  <I>o  ne  peut  pas  de"pendre  de  celles  des  variables  yit  y2,  •  •  • ,  J«  qu 
conjugates  aux  variables  dont  depend  FQ. 

En  mettant  ensuite  dans  liquation  (i  31)  les  de'veloppements  trigonome'triques 
de  FI  et  de  $!,  il  montre  que  les  coefficients  du  de'veloppement  de  FI  doivent 
satisfaire  a  certaines  conditions  sp^ciales  pour  qu'il  existe  un  certain  nombre 
d'iiite'grales  de  la  forme  (12).  Cela  conduirait  trop  loin  d'e'nume'rer  ici  ces 
conditions  dont  I'e'nonc^  est  assez  complique'.  PoincarS  de'montre  que  ces 
conditions  ne  sont  pas  satisfaites  dans  le  probleme  des  trois  corps.  Pour 
de'montrer  rigoureusement  le  the"oreme:  quelque  petit  que  soit  le  domaine  D,  il 
faut  conside'rer  des  lermes  infiniment  £loign6s  dans  le  de'veloppement  de  FI. 
Poincare'  fut  ainsi  conduit  a  former  certaines  expressions  asjmptotiques  pour 
les  coefficients  de  tres  haut  degr6  dans  le  de'veloppement  trigonome'trique  de  la 
fonction  perturbatrice  suivant  les  multiples  des  anomalies  moyennes.  Le 
r6sultat  auquel  arrive  Poincar6  s'e'nonce  ainsi  :  Quand  deux  des  masses  sont 
petites  de  Vordre  de  p,  le  probleme  des  trois  corps  n'admet  pas  d'autres 
integrales  de  la  forme  (12)  que  celles  qui,  sont  deja  co?inues. 


6.  Series  de  M.  Lindstedt. 

Pour  determiner  le  mouvement  desplanetes,  les  fondateurs  de  la  Me'canique 
celeste  ont  cherche'  a  int^grer  les  Equations  diffe'rentielles  en  d^veloppant  les 
inconnues  suivant  les  puissances  des  masses.  Les  termes  d'ordre  n  de  ces  de've- 
loppements sont  des  polynomes  en  t  d'ordre  n  au  plus,  dont  les  coefficients 
sont  des  de'veloppements  trigonome'triques  d'un  certain  nombre  d'arguments. 
Depuis,  ces  m6thodes  classiques  ont  ^  perfectionne'es  et  employees  surtout 
par  Hansen,  Leverrier,  Newcomb,  Hill  et  Gaillot.  II  a  e'te'  ainsi  possible  de  cal- 
culer  le  mouvement  des  planetes  pour  plusieurs  siecles  avec  une  exactitude 
comparable  avec  celle  des  observations  modernes. 

Toutefois,  6tant  donn6  que  ces  d^veloppements  renferment  le  temps  en 
dehors  des  signes  sinus  et  cosinus,  il  est  6vident  qu'ils  ne  peuvent  pas  suffire 
quand  il  s'agit  de  trouver  les  changements  se'culaires  des  orbites.  Pour  e"tudier 
ces  changements,  Lagrange  de"veloppa  sous  forme  trigonome'trique  les  in6galite's 
s^culaires  les  plus  importantes,  pour  lesquelles  Fexposant  du  temps  est  e'gal  a 
1'ordre  par  rapport  aux  masses.  D'ailleurs  Lagrange  ne  conserva  que  les  termes 
du  premier  degre"  par  rapport  aux  excentricit6s  et  aux  inclinaisons.  II  lui  fallut 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE.  a83 

pour  cela  r^soudre  un  systfcme  d'£quations  different!  elles  lineaires  a  coefficients 
constants.  La  theorie  de  Lagrange  fut  perfectionnee  par  Leverrier  et  Cell&ier 
qui  ont  conserve  aussi  les  Lermes  du  troisifcme  et  du  cinqui&me  degre  par  rap- 
port aux  excentricites  et  aux  inclinaisons. 

Toutefois,  il  restait  a  demontrer  la  possibility  d'eviter  complement  les 
developpements  suivant  les  puissances  du  temps.  C'est  a  Delaunay  que  revient 
Thonneur  d'avoir  forme  le  premier  des  series  g£n£rales  purement  trigonomg- 
triques  satisfaisant  formellement  aux  Equations  du  mouvement.  Mais  Delaunay 
s'est  occup^  seulement  de  la  theorie  de  la  Lune. 

C'est  Newcomb  (*)  qui  demontrale  premier  que  les  coordonn6es  des  huitpla- 
n^tes  peuvent  £lre  developpees  en  series  purement  trigonometriques  renfermant 
3x8  —  i  =  23  arguments  variant  lineairement  avec  le  temps.  La  demonstration 
de  Newcomb  repose  sur  la  methode  de  la  variation  des  constantes  un  peu  g6n£- 
ralisee.  II  avancepar  approximations  successives,  en  partant  des  expressions  de 
Lagrange  ou  les  terrnes  s^culaires  les  plus  importants  ont  dtSja  la  forme  trigo- 
nom6trique.  Toutefois  Newcomb  avoue  lui-m£me  dans  la  preface  de  son  M^moire 
que  sa  demonstration  ne  peut  ^tre  consid^r^'e  comme  definitive.  D'ailleurs,  la 
methode  de  Newcomb,  comme  celle  de  Delaunay,  demande  un  grand  nombre 
de  changements  de  variables  assez  compliques. 

Le  probl^me  dont  il  s  \agit  fut  r^solu  aussi  par  Gylden  dans  sa  th^orie  des 
orbites  absolues.  Mais  le  mode  d'exposition  de  Gylden  est  malheureusement 
tr&s  compliqu6,  et  il  n'est  pas  facile  de  degager  dans  sa  th^orie  Fid6e  fonda-* 
mentale. 

G'est  pour  simplifier  les  methodes  de  Gylden  que  M.  Lindstedtcommenga  a 
s'occuper  de  la  question.  M.  Lindstedt  (a)  a  traitg  les  Equations  diflferentielles 
de  la  forme 
(14)  ^H-7i*j?  =  ^0  +  iFia.  +  ^a?i  +  ...J( 

ou  les  fonctions  W;,  qui  sont  du  premier  ordre,  ne  renferment  que  des  termes 
p^riodiques  de  la  forme  (3  cos().£  +  6),  les  A  (Slant  incommensurables  avec  n.  En 
supposant  que  liquation  ci-dessus  pr^sente  certaines  sym^tries,  lesquelles 
d'ailleurs  se  trouvent  r£alis<§es  dans  la  plupart  des  applications,  M.  Lindstedt 
demontre  que  x  peut  se  d^velopper  en  s^rie  trigonometrique,  ou  un  nouvel 


(!)  Smithsonian  Contr.  to  Knowledge,  vol.  21,  1874. 

(2)  Mem.  de  VAcad,  Imp.  d.  Sciences  de  Saint-  Petersbourg,  t.  31,  n°  4,  i883. 


284  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

argument  s'est  introduitparrinte'gration.  M-  Lindstedt(4)  appliqua  sa  me'thode 
au  problfcme  des  trois  corps  en  admettant  que  les  excentricite's,  les  inclinaisons 
et  le  rapport  des  rayons  vecteurs  des  deux  planetes  sont  des  quantity's  petites. 
II  montre  que  les  distances  des  trois  corps  peuvent  alors  e"tre  de'veloppe'es  en 
se'ries  trigonome'triques  avec  quatre  arguments. 

Voila  a  quel  point  se  trouvait  la  ihe'orie  en  question  quand  Poincare'  com- 
menca  a  s'y  inte'resser.  Poincare'  se  propose  d'abord  de  perfectionner  la  me'thode 
de  M.  Lindstedt.  II  d^montre  [97]  (-)  qu'on  peut  satisfaire  formellement  aux 
Equations  (i4)  par  une  se'rie  trigonome'trique  m6me  dans  le  cas  ge'ne'ral  ou  les 
fonctions  ^F/  ne  pr^sentent  plus  les  syme'tries  dont  nous  avons  parle\  La 
demonstration  tres  int6ressante  repose  sur  un  the'oreme  de  Green  d'apres 
lequel  une  certaine  int6grale,  e'tendue  sur  une  surface  ferme'e  quelconque,  est 
nulle.  Poincare'  fait  preuve  ici,  comme  souvent,  d'une  p^ne'tralion  ge'niale  qui 
lui  permet  de  de'couvrir  les  liens  internes  qui  raccordent  parfois  entre  elles  des 
questions  en  apparence  tout  a  fait  ind^pendantes. 

Plus  tard,  Poincare'  trouve  [115;  279,  n°  127]  (:})  que  liquation  (14)  peut  se 
r^duire  a  un  systeme  canoniqae  avec  deuxdegre's  de  liberte',  de  la  forme  (i),  F0 
dependant  de  tous  les  #/.  II  se  pose  alors  le  probleme  d'int<^grer  formellement 
les  Equations  ge'ne'rales  de  ce  type  sans  introduire  de  de'veloppements  suivant 
les  puissances  de  t.  II  suppose  d'abord  que  F0  depend  de  toutes  les  variables 
#1,  .  .  .  ,  xn*  II  de'montre  qu'on  peut  satisfaire  alors  aux  Equations  (i)  en  mettant 


}>.y 
OU 


Les  constantes  d'inte'gration  sont  &"  et  S/.  Les  constantes  nt  dependent  des  x\  et 
sont  de'veloppe'es  suivant  les  puissances  de  p..  Les  x*  et  y*  sont  des  fonctions 
p^riodiques  de  p6riode  2?r  par  rapport  aux  Wi  et  dependent  d'une  maniere 
quelconque  des  x\  mais  sont  ind^pendants  des  S/.  II  est  facile  de  former  direc- 
tement  les  coefficients  des  de'veloppements,  si  la  fonction  caracte'ristique  F, 
de'veloppe'e  suivant  les  multiples  des  y^  ne  renferme  que  des  cosinus.  Mais  en 


(x)  Ann.  EC.  Norm.  Sup.,  Se  s6rie,  t.  1,  1881. 

(2)  [97],  CEuvres,  t.  VII,  p.  546-55o. 

(3)  [115],  OBuvres,  t.  VII,  p.  55i-554;  [27&,  n°  127],  Les  methodes  nouvelles  de  la  mecanique 
celeste,  t.  2,  p.  28. 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.   POINCARE.  285 

ne  faisant  pas  cette  hypoth&se,  on  rencontre  les  m6mes  difficult^  que  dans  le 
cas  ggngral  de  liquation  (  i4)«  Par  ['application  de  la  m^lhode  d'int^gration  de 
JacoLi7  Poincare'  £vite  ces  difficult^  [279,  n°  125]  (4). 

Pour  appliquer  la  m^thode  de  M.  Lindstedl  au  probl£me  g^n^ral  des  trois 
corps,  il  6tait  nticessaire  de  trailer  le  cas  important  d'exception  oil  la  fonction  Fo 
ne  depend  pas  de  toutes  les  variables  #4,  .  .  .,  xn-  L'cmploi  de  la  me'thode 
d'int£gration  de  Jacobi  conduit  alors  a  certaines  difficulte's,  puisque  cerlaines 
quantit(Ss  de  1'ordre  des  excentricite's  apparaissent  e'leve'es  a  des  puissances 
negatives  [279,  chap.  XI,  XII].  Poincare'  <5vile  la  difficult^  en  faisant  un  chan- 
gement  de  variables  dans  lequel  il  fait  usage  des  solutions  p6riodlques  de 
la  premiere  sorte.  Toutefois,  il  semble  que  1'emploi  de  liquation  aux 
d^rive'es  partielles  de  Jacobi  ne  soit  pas  bien  convenable  dans  le  cas  dont  il 
s'agit. 

Poincare"  revient  apres  quelquos  ann^es  a  la  m^me  question  [208],  (2)  mais 
alors  il  part  des  Equations  (2).  II  suppose  d'abord  que  les  ^  et  v\  n'entrent  pas, 
de  sorte  que  F0  d^pende  de  toutes  les  variables  de  la  premiere  cate"gorie.  Pour 
effectuer  1'int^gration,  il  determine  les  fonclions  a?f  et/f  (A'>  o)  des  dtSvelop- 
pements  (i5)  de  sorte  que  la  fonction  F  apr&s  la  substitution  ne  d^pende  que 
des  x\  et  non  pas  des  w/,  et  de  sorte  que  Fexpression 


soit  une  diffe'rentielle  exacte.  En  prenant  alors  pour  variables  nouvelles  les  w, 
et  les  #",  la  forme  canonique  ne  change  pas,  et  comme  F  ne  depend  que  des 
x\  ces  quanttos  seront  constantes,  tandis  que  les  wi  seront  des  fonctions 
line'aires  du  temps.  —Poincare'  d^niontre  que  les  a?f  et  jf  se  d6terminent  tres 
facilement  d'apres  ces  principes. 

D'une  manure  tout  a  fait  analogue,  Poincare"  effectue  I'int^gration  des  Equa- 
tions g£n<5rales  (2).  En  ne  supposant,  pour  simplifier,  que  deux  plan&tes,  il 
cherche  a  exprimer  les  variables  en  fonction  de  sk  constantes  a?J,  a?J,  pi,  p2, 
p:),  p4  et  de  six  arguments  fonctions  lin^aires  du  temps  w»i,  Wa,  w4,  a>a, 

w3,  w/.» 

Les  w  varient  rapidement  et  les  co  tr^s  lentement.  II  d^veloppe  suivant  les 

(!)  [279,  n°  125],  Les  methodes  nouvelles  de  la  mecanique  ctleste^  t.  2,  p.  17. 
(2)  [208],  CEuvrto,  t.  VII,  p.  517-642. 


I  p  p 


280  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

puissances  de  p.  : 


(16) 


Les  fonctions  #f,  yf  ,  ££,  ^(P^0)  seront  des  fonctions   p^riodiques  des 
d^velopp6es  d'autre  part  suivant  les  puissances  des  quantit^s 


Elles  dependent  en  outre  des  #°  d'une  mani&re  quelconque.  Enfin  les  yf  —  cvv, 
les  £|  et  les  yj°.  seront  ind^pendants  des  w.  Quand  on  annulera  les  p/c,  les  fonc- 
tions yf  —  wi,  £1  et  Y}£  se  rt5duiront  a  z&ro. 

Cela  6tant,  le  probl^me  dont  il  s'agit  peut  ^tre  remplac^  par  le  suivant  : 
determiner  les  series  (  16)  de  telle  fagon  que  d'une  part  la  fonction  F,  quand  on 
y  a  substitu^  les  series  (16),  se  r^duise  a  une  fonction  <p  ne  dependant  que  des 
xl  et  p/t  et  de  sorte  que  d'autre  part  la  quantity 


soit  une  diff^rentielle  exacte.  Au  lieu  des  variables  #/,  //,  ^/r,  Y3/c,  on  peut  intro- 
duire  alors  les  #",  p/t,  tp/,  &>/,-.  La  forme  canonique  subsiste.  Puisque  F  ne 
depend  que  des  #°  et  des  p/f,  ces  quantit^s  seront  constantes,  tandis  que  les  w/ 
et  les  w/£  seront  des  fonctions  lin^aires  du  temps,  dans  lesquelles  les  coefficients 
de  t  sont  d^veloppables  suivant  les  puissances  de  p.  et  des  p|.  —  Poincar6 
d^montre  que  les  series  (16)  peuvent  &tre  d6termin6es  d'apr^s  ces  prin- 
cipes. 

Une  derni&re  fois,  Poincar^  est  revenu  sur  le  probl&me  fondamental 
d'int^grer  sous  forme  trigonom6trique  les  Equations  du  mouvement  des  pla- 
n^tes  [464,  chap.  X]  (4).  Gette  fois,  il  part  des  series  mixtes  que  donne  1'appli- 
cation  de  la  m(5thode  classique  de  Lagrange.  II  en  derive  une  transformation 
canonique,  laquelle  conduit  aux  Equations  completes  des  in£galit£s  s^culaires, 
jamais  d^duites  auparavant. 

PoincarS  part  des  Equations  (2).  II  y  satisfait  &  Paide  de  d^veloppements  de 

(*)  [464,  chap.  X],  Legons  de  mtcanique  c&leste,  t.  1,  p.  267. 


L'CEUVRE   ASTRONOMIQUE   DE  H.   POINCARE.  287 

la  forme 

Les  3#/,  oy/,  <3^}  $n/f  sont  de>eloppables  suivant  les  puissances  de  ,u,  de  £:  des 
££,  des  73 £  et  suivant  les  cosinus  et  les  sinus  de  multiples  des  arguments  ^=71°*, 
c'est-a-dire  que  ces  quantity's  peuvent  etre  mises  sous  la  forme 

(17)  ^  jj.a  A  Mo  £m  cos 

Les  pi  sont  des  entiers;  A  et  nl  ne  dependent  que  des  constantes  #° ;  les  /* 
dependent  seulement  des  y° ;  M0  est  un  monome  enlier  par  rapport  aux  £°  et 
aux  73 JL 

Les  3#/,  ctyv,  3^,  373 /,-  s'annulent  pour  j^  — o  ;  elles  s'annulentegalement  pour 
£  =  o,  de  sorte  que  les  constantes  x* ,  j!\  £/c,  73^.  sont  les  valeurs  initiales  des 
inconnus  #/,  ^/,  ^,  73 /c  pour  t  =  o. 

Dans  les  de'veloppements  (17),  Poincar6  regarde  les  w-t  comme  des  variables 
ind6pendantes.  II  y  pose  aussi  t  =  o,  de  sorte  que  les  termes  pe"riodiques  sont 
seuls  conserve's  dans  les  perturbations  3a?/,  dyi,  3^/f,  8737-.  En  appelant  A#/,  Aj/, 
A^/0  ATJ/C  ce  que  deviennent  alors  ces  perturbations  p^riodiques.  Poincar^  forme 
les  Equations 

( 1 8 )  Xi  =  x®  -+-  A.'r/,        yi  =  wt  -h  y\  ~h  A^/, 


dans  lesquelles  les  xf ,  w/,  ^.,  73^.  sont  des  variables  nouvelles,  tandis  que  les 
yl  sont  encore  regard^s  cornme  des  paramtoes  constants. 

fividemment,  en  introduisant  dans  F  les  fonctions  (18)  F  ne  d^pendra  pas 
des  wi  en  vertu  de  Tint6grale  des  forces  vives. 

Toutefois,  Poincar<5  ne  conserve  pas  les  x\  comme  variables.  En  partant  des 
ddveloppements  (17),  il  forme  cerlaines  fonctions  W,  ind^pendantes  des  PP/, 
d^veloppables  suivant  les  puissances  de  p,  des  ^  et  des  r\\,  dependant  d'une 
maniere  quelconque  des  x\  et  se  r^duisant  a  x\  pour  /JL  =  o.  II  determine  ces 
fonctions  de  sorte  que,  apres  avoir  introduit  dans  (18)  les  x\  exprim^s  comme 
fonctions  des  W*,  des  ^  et  des  73^,  1'expression 


devienne  une  diff^rentielle   exacte.  La    transformation  est  alors    canonique. 
Comme  F  ne  depend  pas  des  wt,  les  W/  sont  des  constantes,  et  les  Equations 


288  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

difTerentielles  deviennent 

Wf  =  const., 


(19) 


dt          clr",1  dt  d*l 


Les  Equations  de  la  seconde  ligne  sonL  les  Equations  completes  des  m^galit^s 
se"culaires.  Poincar6  montre  qu'on  peut  j  satisfaire  en  developpant  les  ££  et  rj£ 
suivant  les  puissances  des  quantite's 

(20)  p/t  <rHffiM-5*>  v^, 

les  p/f  et  s/c  e"tant  des  constanles  d'int^gration.  Les  cr/.  sont  d^veloppables  saivant 
les  puissance  de  /u,  et  des  p|  et  sont  divisibles  par  p.  D'ailleurs  Fun  des  ak  est 
identiquement  nul  en  vertu  des  integrates  des  aires. 

Ayant  determine  ces  d^veloppements  pour  ^  et  YJ^,  on  obtient  les  wi  par  les 
Equations  de  la  troisieme  ligne  des  formules  (19).  En  d6signantpar  Hi  certaines 
quantite's  constantes,  de"velopp^es  suivant  les  puissances  de  p.  et  des  p|,  les 
Wi — nit  seront  d6velopp6s  suivant  les  puissances  des  quantite's  (20). 

Ainsi  se  trouvent  de'termine's  les  #°5  w/,  %°k  et  vj^.  qui  entrent  dans  les  formules 
definitives  (18). 

7.  Series  de  M.  Bohlin. 

Uapplicalion  de  la  me'thode  de  M.  Lindstedt  aux  Equations  (i),  ou  F0  depend 
de  tous  les  x±,  .  .  .,  xn,  suppose  qu'il  n'existe  pas  de  relation  a  coefficients 

entiers  entre  les  quantite's  nf  =  — ^~~o°'  En  effet,  dans  les  integrations  succes- 
sives  auxquelles  conduit  cette  methode,  on  voit  apparaitre  des  diviseurs  de  la 
forme  ^.min^  les  mi  e"tant  des  nombres  entiers.  M^me  dans  le  cas  ou  un  divi- 

seur  est  de  1'ordre  de  ^Jt,  les  series  de  M.  Lindstedt  deviennent  illusoires, 
puisque  pour  certaines  suites  de  termes  (termes  de  m6me  classe]  les  de*nomi- 
nateurs  sont  du  m^me  ordre  de  grandeur  que  les  nume'rateurs  correspondants. 

On  ne  diminue  pas  la  g6ne*ralite  en  supposant  que  ,le  petit  diviseur  soit  ;zj, 
de  sorte  que  mi=  i,  m^  ==  o,  .  . . ,  mn=  o. 

Pour  eviter  les  difficult6s  des  petits  diviseurs,  une  nouvelle  m^thode  d'inte"- 


I/CEUVRE  ASTRONOMIQUE   DE   H.    POINCARE.  289 

gration  fut  imaginee  par  M.  Bolilin  (l).  II  part  de  1' Equation  aux  de'rive'es  par- 
tielles  de  Jacobi, 


11  s'agit  d'inte'grer  cetLe  equation  en  developpant  la  fonction  inconnue  S  suivant 
les  puissances  de  \//j..  D'ailleurs  les  de'rive'es  de  S  doivent  e"tre  pe'riodiques  par 
rapport  aux  y.  M.  Bohlin  ne  Iraite  que  le  cas  ordinaire,  ou  le  de"veloppement 
de  ji  renferme  un  terme  proportionnel  aii  temps.  II  exclutle  cas  de  la  libration 
ou  la  fonction  y±  contient  seulement  des  termes  pe'riodiques. 

Imme'diatement  apres,  et  d'une  maniere  inde'pendante,  la  nouvelle  me'thode 
d'inte'gration  fut  dgcouverte  aussi  par  Poincare"  [183;  279;  chap.  XIX,  XX]  (2). 
Gelui-ci  a  trait6  aussi  le  cas  si  important  de  la  libration. 

Dans  le  cas  ordinaire,  les  fonctions  S/,-  qui  apparaissent  dans  le  de>eloppement 


sont  iSnies  pour  toutes  les  valeurs  r^elles  de  y±,  .  .  .  ,  yn.  L'application  de  la 
m6thode  d'  integration  de  Jacobi  est  alors  facile.  La  forme  de  la  solution 
devient 


Pour  k  >  o,  les  %f  et  les  y^  sont  des  fonclions  pe'riodiques  do  n  arguments 
Wi,  .  .  .,  Wn  Iin6aires  par  rapport  au  temps.  Les  xl  sont  des  constantes;  les 
y"  —  wi  sont  des  fonctions  p<5riodiques  de  1'argument  w\.  Le  coefficient  de  t 
dans  cet  argument  est  de  1'ordre  de  \,/^. 

Dans  le  cas  de  la  libration,  les  difficult^  sont  plus  graves.  Alors,  la  fonction 
Si  devient  imaginaire  a  moins  que  1'argument  y^  soit  compris  entre  certaines 
limites.  Quand  ces  limites  sont  atteintes,  les  fonctions  S3,  S4.  ...  peuvent 
devenir  infinies.  La  m^thode  d'int^gration  de  Jacobi  doit  done  6tre  aban- 
donn6e. 

Au  moyen  d'une  fonction  S  satisfaisant  a  liquation  de  Jacobi  a  des  termes 

de   Fordre  (\/V)3    pr^s,    Poincar6   forme   une   transformation   canonique  par 

(!)  Bihang  till  K.  Svenska  Vet.  Akad.  HandL  Bd  14,  Afd.  I,  n°  5,  1888. 

(2)  [183]  :  OEuvres  t.  VII,  p.  262-479;  [279,  chap.  XIX,  XX],  Les  methodes  nouvelles  de  la 
mecanique  c&leste,  t.  2,  p.  3i5  et  3gg. 

H.  P.  —  XI.  37 


2go  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

laquelle  les  Equations  differentielles  (r)  sont  ramenees  a  un  autre  syst^mo 
canonique  d'uiie  forme  analogue  mais  plus  specialc.  La  solution  cherchee  de 
ce  nouveau  sysl^me  peut  etre  obtenue  par  la  methode  de  M.  Lindstedt. 

Dans  ce  cas  de  la  libration,  la  forme  de  la  solution  des  Equations  (i)  reste 
a  peu  pr&s la m6me  que  dans  le  cas  ordinaire.  SeulementyJ,/!j — w>2,  •  •->/)! —  Wu 
seront  des  fonctions  periodiques  de  1'argument  wi,  dont  le  coefficient  de  t  est 

de  1'ordre  de  y  /JL. 

Poincare  apporte  aussi  la  plus  graude  attention  au  cas  limite  par  lequel  se 
fait  le  passage  du  cas  ordinaire  au  cas  de  la  libration.  Ce  cas  limite  correspond 
a  une  certaine  relation  entre  les  conslantes  d 'integration.  Les  divers  termes  du 
developpement  de  la  fonction  S,  qui  satisfait  a  liquation  auxderivees  parlielles 
de  Jacobi,  sont  alors  finis  pour  toutes  les  valeurs  des  yi,  .  . .  ,//i.  Us  sontperio- 
diques  de  periode  4^  par  rapport  a  y\_  et  de  periode  2?r  par  rapport  aux 

y*i  •  ••?/«• 

L'application  de  la  methode  d'integration  de  Jacobi  au  cas  limite 
montre  que  les  variables  x^  #/-,  y\-,  y/f — tv/;  sont  alors  developpables  en 
series  ordonn^es  suivant  les  puissances  de  \//JE.  et  des  cosinus  et  sinus  des  mul- 
tiples de  ppa,  ^:j?  .  -  - ,  wn  et  dont  les  coefficienls  sont  des  fonctions  uniformes 
de  Wi ;  ces  fonctions  uniformes  sont  developpables  suivant  les  puissances  de 
ea"'S  si  Wi  est  n(5gatif  et  suffisamment  grand,  et  suivant  celles  de  e~afri,  si  cri 
est  suffisamment  grand  (a  dtant  une  constante).  On  voit  ainsi  apparaitre  les 
puissances  d'une  exponentielle  comme  dans  les  solutions  asymptotiques.  Et  en 
effet,  pour  n  =  2,  les  series  dont  il  s'agit  coincident  avec  les  d^veloppements 

semi-convergents  des  solutions  asymptotiques  suivant  les  puissances  de  y/p..  En 
ordonnant  suivant  les  puissances  de  Pexponentielle  seule  (en  r^unissant  en  un 
seul  tous  les  termes  qui  contiennent  une  m6me  puissance  de  1'exponentielle 
mais  des  puissances  diflferentes  de  yfv?  eHes  deviennent  convergentes. 

Pour  n^>2j  les  solutions  formelles  dont  il  s'agit  doivent  &tre  consid6r^es 
comme  une  generalisation  des  solutions  asymptotiques.  Elles  se  rapprochent 
pour  t  =  +00  ou  pour  t  =  —  oo  de  certaines  solutions  renfermant  n  —  i  argu- 
ments qui  forment  une  generalisation  des  solutions  periodiques  ins  tables. 

Poincare  a  essaye  d'etendre  la  methode  de  M.  Bohlin  au  cas  d'exception  ou  F0 
ne  depend  pas  de  toutes  les  variables  #l7  . . . ,  xtl  [279,  chap.  XXI]  (1).  Le  pro- 

(J)  [279,  chap.  XXI],  Les  m&thodes  nouvelles  de  la  mecanique  celeste^  t.  2,  p.  422. 


L'OEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE.  291 

bleme  g&i&ral  dn  mouvoment  des  planetes  rentre  dans  ce  cas.  Poincar6  forme 
alors  aussi  la  fonction  S  de  Jacobi,  en  la  deVeloppant  suivant  les  puissances  de 
yp.  et  suivant  les  multiples  des  variables  y\.,  .  .  .,  yn.  Toutefois,  dans  ce  cas, 
les  Equations  auxquelles  conduit  la  me"thode  d  'integration  de  Jacobi  ne  peuvenl 
plus  se  re"soudre  par  le  proc(jde~  employe  auparavant,  c'est-a-dire  par  le  the'oreme 
de  Cauchj  sur  le  de"veloppement  des  fonctions  implicites.  Les  relations  entre 
les  variables  #,-,  yi  et  les  arguments  fp/  sont  beaucoup  plus  complique'es  que 
dans  le  cas  ou  F  depend  de  tous  les  x(.  Les  requitals  obtenus  par  Poincare"  dans 
le  cas  important  d'exception  dont  il  s'agit  sont  considers  par  lui-m^me  comme 
bien  incomplets,  de  sorte  que  de  nouvelles  Etudes  deviendront  ne"cessaires. 

Apres  quelques  anne~es,  Poincar6  est  revenu  sur  la  me"thode  de  M.  Bohlin  en 
supposant  encore  que  F0  depend  de  toutes  les  variables  x^  .  .  .  ,  xtl  [280, 
chap.  XXV]  (1). 

II  reprend  d'abord  le  cas  deja  trait£  ou  il  n'y  a  qu'une  sealc  relation  Iin6aire 

a  coefficients  entiers  entre  les  nl  —  —  ~j~$'  Rappelons  que  les  xi  et  lesy/  —  W{ 
sont  alors  de"veloppables  en  series  trigonom^triques  de  n  —  i  arguments 
(V2,  ...,(p/2.  Quant  aux  coefficients  de  ces  series,  Poincar^  les  avail  d6ve- 
lopp(5es  auparavant  en  series  trigonom^triques  d'un  argument  r^el  (P4.  Main- 
tenant,  il  montre  que,  pour  les  solutions  voisines  du  cas  limite,  ces  coefficients 
peuvent  se  de>elopper  suivant  les  puissances  de  deux  quantite"s  Key-L  et  A'e~~aS 
ou  a  est  reel  et  d(5veloppable  suivant  les  puissances  du  produit  (AA;).  De  cette 
maniere,  c'est  la  p^riode  imaginaire  des  coefficients  qui  vient  en  apparence  et 
non  plus  la  p6riode  r^elle  comme  auparavant. 

Ensuite,  Poincar6  g6n<5ralise  la  m^thode  de  M.  Bohlin  en  supposant  qu'il  y  a 
A'  relations  a  coefficients  entiers  entre  les  /i4°.  II  monlre  que  les  xi  et  y-L  sont 
alors    d^veloppables   suivant  les   multiples   de  n  —  k  arguments  rapidement 
variables  WK+I,  .  .  .  ,  tpn  et  suivant  les  puissances  de  yp.  et  de  zk  quantity's 
Atea»'s     k\er"^     ...,     A/,  e*t', 


conjugu^es  deux  a  deux.  Les  A  et  A'  sont  des  constantes  arbitraires  d'inte~gra- 
tion;  les  exposants  a  qui  sont  de  1'ordre  de  y^,  peuvent  se  de~velopper  suivant 
les  puissances  de  yfc  et  des  (AiA'J,  .  .  .,  (A/,A^).  Dans  le  cas  particulier  ou 
k  =  n  —  i,  onretrouve  les  solutions  asymptotiques  en  annulant  tous  les  A  ou 
tous  les  A'. 

(J)  [280,  chap.  XXV],  Les  methodes  nowelles  de  la  mecanique  celeste,  t.  3,  p.  88. 


2(yj  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE   DE   H.   POINCARl 

On  voit  ainsi  que  les  solutions  g6n6rales  qui  existent  an  voisinage  d'une 
solution  p<3riodique  (veritable  ou  ge'ne'ralise'e  avec  plusieurs  arguments)  ne  sont 
autre  chose  que  des  series  de  M.  Bohlin. 


8.  Divergence  des  series  de  MM.  Lindstedt  et 

On  pourrait  6tre  tente"  de  croire  que  les  d^veloppements  trigonomcHriques 
g6n£raux  dont  nous  avons  parle  donnent  la  solution  rigoureuse  et  complete  des 
Equations  de  la  Dynamique  qui  peuveut  se  mettre  sous  la  forme  (i).  Poincare'  a 
brise*  ces  esp($rances  et  montre"  que  les  series  en  question  ne  peuvent  pas  6tre 
uniform^ment  convergenles  par  rapport  aux  quantite's  arbitraires  qu'elles  ren- 
ferment  [183;  279,  chap.  XIII,  XIX]  (*). 

L'^tude  de  la  convergence  des  series  (i5)  se  subdivise.  II  faut  d'abord  exa- 
miner la  convergence  des  d^veloppements  pour  x\  et  yf  et  ensuite  la  conver- 
gence des  se'ries  totales  pour  xi  ety^. 

Les  quantit6s  #*  et  jf  ont  la  forme  de  se'ries  trigonometriques  des  arguments 
Wi,  ...,<:vAl.  Certains  coefficients  de  ces  series  sont  agrandis  en  vertu  des 

diviseurs  ^  rtijiil  . 

Dans  1'^tude  de  la  convergence  de  ces  series,  Poincar6  s'appuie  sur  un  the'o- 
r^ine  d^montre'  auparavant  par  lui  et  d'apres  lequel  la  somme  d'une  s^rietrigo- 
nome'trique  ne  peut  constamment  rester  iiife'rieure  a  la  moiti^  d'un  quelconque 
de  ses  coefficients  [31;  93]  (-). 

Ensuile,  ^tant  donn^es  certaines  valeurs  de  n\,  .  .  .  ,  TZ°,  il  montre  d'une  part 
qu'on  peut  toujours  trouver,  dans  tout  voisinage  de  ces  valeurs,  d'autres  valeurs 
n\,  .  .  .  ,  TI°  telles  que  les  valeurs  absolues  des  coefficients  dans  les  ddveloppe- 
ments  de  xkL  etjxf  ne  soient  pas  limit^es.  Alors,  ces  d^veloppements  ne  sont  pas 
uniform^ment  convergents  pour  toutes  les  valeurs  r^elles  du  temps.  Mais 
Poincare'  d^montre  aussi  d'autre  part  que,  dans  tout  voisinage  de  ces  monies 
valeurs  n\,  .  .  .,  T^,  il  existe  d'autres  valeurs  n\,  .  .  .,  T&°  pour  lesquelles  les 
se'ries  convergent  uniform^ment  par  rapport  au  temp's. 

Gela  6tant,  les  series  donnant  x\  et  y\  ne  peuvent  pas  converger  uniforme'~ 


(J)  [183]  QEwreS)  t.  VII,  p.  262-479;  [279,  chap,  XIII],  Les  methodes  nouvelles  de  la  meca- 
nique  celeste,  t.  2,  p.  96;  chap.  XIX,  t.  2,  p.  3i5. 
(2)  [31]  :  OEuvres,  t,  IV,  p.  585-587;  [93]  :  QEuvre*,  t.  IV,  p.  591-698, 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE.  298 

ment  pour  toutes  les  valeurs  du  temps  et  pour  toutes  les  valeurs  des  x?  dans 
un  domaine  aussi  petit  que  Ton  veut. 

Pour  e>iter  cette  difficult^,  Poincar£  fait  la  remarque  qu'on  peut  grouper  les 
terines  du  deVeloppement  de  la  fonction  caracte>istique  F  des  Equations  (i) 
suivant  les  puissances  de  p,  de  sorte  que  les  de'veloppements  pour  #f  et  yf  ne 
renferment  qu'un  nombre  limite  de  termes.  II  suffitalors  d'examiner  la  conver- 
gence des  de'veloppements  totaux  ( 1 5 )  pour  x-L  et  jy. 

Pomcare"  de"montre  d'abord  que  ces  se'ries  ne  peuvent  pas  converger  unifor- 
me'ment  pour  toutes  les  valeurs  re'elles  des  w;.  pour  les  valeurs  suffisamment 
petites  de  p.  et  pour  les  valeurs  des  #°  comprises  dans  certains  intervalles  aussi 
petits  que  Ton  veut.  En  effet,  s'il  y  avait  convergence,  on  pourrait  re'soudre  les 
Equations  (i5)  par  rapport  aux  x\  et  WL.  On  trouverait  ainsi  n  inte'grales  uni- 
formes,  pe'riodiques  par  rapport  auxy/.  Mais  il  y  a  plus.  On  pourrait  choisir  p. 
et  les  x\  de  sorte  que  la  condition  ( i5)  soit  pe"riodique.  Enderivantpar  rapport 
aux  x\  et  par  rapport  aux  parametres  additifs  qui  se  trouvent  dans  les  wn  on 
obtiendrait  un  systeme  cornplet  de  solutions  des  Equations  aux  variations.  Ces 
solutions  seraient  ou  bien  pe'riodiques  ou  bien  line'aires  par  rapport  a  t  avec 
des  coefficients  pe'riodiques.  Ainsi  tons  les  exposants  caracte'ristiques  de  la 
solution  p^riodique  (i5)  seraient  nuls.  Enge'ne'ral,  il  n'en  est  pas  ainsi.  Done 
les  se'ries  (i5)  ne  convergent  pas  uniforme'ment  par  rapport  aux  quantite"s  p, 
wt  et  x*t. 

Enfin,  Poincar^  se  demande  si  les  series  (i5)  peuvent  converger  uniforme'- 
ment pour  toutes  les  valeurs  re'elles  des  wi  et  pour  les  valeurs  suffisamment 
petites  de  ^,  les  x\  6tant  cnoisis  convenablement.  Les  raisonnements  qu'il  fait 
ne  lui  permettent  pas  d'affirmer  que  ce  fait  ne  se  pre'sentera  pas.  Toutefois, 
pour  certaines  raisons,  Poincare'  regarde  cette  convergence  comme  fort  invrai- 
semblable. 

D'une  mani^re  analogue,  Poincare'  de'montre  que  les  series  de  M.  Bohlin 
sont  divergentes  au  m£me  titre  que  celles  de  M.  Lindstedt.  En  efiet,  si  les 
se'ries  e"taient  convergentes,  on  obtiendrait,  en  re"solvant  les  formules  de  Jacobi, 
n  inte'grales  uniformes  par  rapport  aux  x  et  y  et  p6riodiques  par  rapport  auxy, 
ce  qui  est  impossible. 

II  n'est  pas  difficile  de  comprendre  pourquoi  les  se'ries  dont  il  s'agit  sont 
divergentes.  Pour  les  se'ries  de  M.  Lindstedt,  la  divergence  depend  des  petits 
diviseurs  s'introduisant  par  les  integrations ;  hpour  les  se'ries  de  M.  Bohlin  au 


2g4  L/CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.   POINCARE. 

contraire,  elle  r&ulte  des  grands  muliiplicateurs  qui  apparaissent  en  vertu  des 
differentiations  successives. 

Toutefois,  la  divergence  n'emp6che  pas  que  ces  series  nepuissentrendre  des 
services  considerables  d'une  part  dans  1'etude  qualitative  des  orbites  et  d'autro 
part  quand  il  s'agit  du  calcul  pratique  des  perturbations.  En  general,  les  astro- 
nomes  ne  se  sont  pas  occupes  de  la  question  de  la  convergence;  ils  ont  forme 
des  series  satisfaisant  formellement  aux  Equations  du  mouvemeni;  ils  ont 
constate  que  les  premiers  termes  de  ces  series  diminuent  plus  an  mo  ins  rapi- 
dement  et  que  la  theorie  est  en  general  d'accord  avec  les  observations. 

C'est  Poincare  qui  le  premier  a  explique  d'une  manifcre  satisfaisante  cet 
accord.  II  a  montre  [279,  chap.  VIII]  (L)  que  les  series  qui  satisfont  formelle- 
ment a  un  syst^me  d'equations  differendelles  sont  semi-convergentes  etqu'elles 
representent  asjmptotiquement  la  solution  cherchee  pour  un  certain  temps 
limite.  Pendant  ce  temps,  les  series  de  la  Mecanique  celeste  jouissent  done  des 
in£mes  proprietes  que  la  serie  de  Stirling.  Appelons  par  example  Xf  et  Yf  les 
sommes  qu'on  obtient  en  negligeant  dans  les  developpements  ( 1 5 )  et  dans  leurs 
arguments  wt  tous  les  termes  en  i*P+i,  i*f}+z,  . .  • .  On  aura 


lim 

u—.o 


•J.P 


=  o?          lim 


Puisque  p  est  donne,  Tapproximation  est  limitee.  D'ailleurs,  1'approximation 
diminue  quand  Pintervalle  du  temps  augmente.  Toutefois,  etant  donnees  les 
petites  valeurs  des  masses  des  plan&tes,  les  developpements  nouveaux  de  la 
Mecanique  celeste  representeront  probablement  le  mouvement  des  corps  celestes 
avec  une  tr£s  grande  approximation  pendant  des  iiitervalles  de  temps  extr£- 
mement  longs. 

9.  Invariants  integraux, 

Pour  arriver  k  certains  resultats  delicats,  dans  ses  recherches  sur  les  equa- 
tions de  la  Djnamique.  Poincare  s'est  appuye  souvent  sur  une  notion  nouvelle 
creee  par  lui,  celle  des  invariants  integraux  [183;  280,  chap.  XXII,  XXIII]  (2). 


C1)  [279,  chap.  VIII],  Les  m&thodes  nouvelles  de  la  mecanique  celeste,  t.  2,  p.  i. 
(2)  [183],  CEuvres,  t.  VII,  p.  262-479;  [280,  chap.  XXII,  XXIII],  Les  mtthodes  nouvelles  de  la 
mecanique  celeste,  t.  3,  p.  i  et  t.  3,  p.  40. 


L'GEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 
Rappeloiis  par  quelques  mots  leur  definition.  Soit 

dxx  —  c^l  _      —  clx>i  _    // 

*'  v      —  '  *  *  —    v      —       ? 


*' 

A 


un  syst&me  d'equations  diflferentlelles.  Soit  #J,  .  .  . ,  x*n  un  point  quelconque 
d'un  domaine  D(o)  a  Jc  dimensions.  Les  valeurs  initiales  x\,  ...,  x*n  pour 
t  —  o  defmissent  une  certaine  solution  des  equations  (21).  Soit  dans  cette 
solution  x\,  .  .  .,  xn  les  valeurs  des  variables  pour  la  valeur  t  de  la  variable 
independante.  Quand  le  point  #',',  .  .  . ,  x*n  parcourt  le  domaine  D(o),  le  point 
a?i,  .  .  . ,  xn  parcourt  un  domaine  D(t)  appele  le  consequent  de  D(o).  Conside- 

rons  une  integrate 

r 

J  lj     •  •  •;   •  !?•••>  ll)-> 

F  etant  une  fonction  homog&ne  de  degre  A*  par  rapport  aux  differentielles.  Si 
la  valeur  de  I  etendue  sur  le  domaine  D(£)  est  independante  de  t,  Poincare  dit 
que  I  est  un  invariant  integral  d'ordre  A*  du  system e  (21). 

Comme  exemple,  citons  le  volume  constant  d'une  partie  determinee  d'un 
fluide  incompressible  dont  le  mouvement  est  permanent. 

Soit  d'une  manure  plus  generale  M  le  dernier  multiplicateur  du  systSme 
(21).  Poincare  demontre  que 

I  =  /  M  dx\ . .  .djs,n 

est  un  invariant  integral. 

Dans  le  cas  des  equations  de  la  Dynamique,  on  peut  former  un  certain 
nombre  d'invariants  integraux  tr6s  importants.  Soit  #/,  yi  (i~  i ,  2,  .  .  . ,  n)  les 
variables  conjuguees.  En  partant  des  proprietes  des  equations  aux  variations, 
Poincare  demontre  que 

/^K^ 

Il=J  i^'^" 

i 
h  —J   ^  dxt  dyt  dxk  dyk, 


(22) 


ln  =  / 


n  dyn 


sont  des  invariants  integraux,  Le  dernier  peut  &tre  obtenu  aussi  par  le  dernier 
multiplicateur  qui  est  ici  3gal  a  I'unit6.  Dans  ses  recherches  sur  les  solutions 
periodiques  du  deuxi^me  genre,  sur  les  solutions  doublement  asymptotiques  et 


296  I/GEUVRE  ASTRONOMIQUE   DE   H.    POINCARE, 

sur  la  stability  du  mouvernent,  Poincare  a  tire'  un  grand  parti  des  invariants 

Ii  etl*. 

Soit  X[  et  y\  les  projections  des  rayons  vecteurs  et  des  quantites  de  mouve- 
ment  d'un  syst^me  de  points  mat6riels.  En  supposant  que  la  fonctioii  des  forces 
est  homogene  de  degre  p  par  rapport  aux#,  Poincare'  de'montre  que  1'exprcssion 

1=1  ^  (2  xl  dyL  —  pyi  dxi ) 

i 

est  une  fonction  line'aire  du  temps. 

En  partant  de  ce  th^or^me,  Poincare'  de"duitcertaines  formules  de  verification 
[149;  280,  chap.  XXIV]  (*)  auxquelles  doivent  salisfaire  les  series  ge'ne'rales 
qui  satisfont  formellement  anx  Equations  diff6rentielles  de  la  Me'canique  celeste, 
series  dont  nous  avons  parl£  dans  les  trois  nume'ros  pre'ce'dents.  Ces  proce'de's 
de  controle  ont  une  grande  importance  pratique,  vules  calculs  longs  et  difficiles 
qui  sont  n^cessaires  pour  de'duire  les  series  en  question. 


10.  Solutions  periodiques  du  deuxieme  genre. 

Les  solutions  pe'riodiques  dependent  en  ge'ne'ral  d'un  certain  nombre  de 
parametres.  Dans  plusieurs  probl^mes  de  la  Me'canique  ce'leste,  la  quantit6  JJL, 
qui  estde  1'ordre  des  forces  perturbantes,  est  un  de  ccs  parametres.  Rappelons 
que  dans  le  probleme  des  trois  corps  les  solutions  pe'riodiques  de  la  premiere, 
de  la  seconde  et  de  la  troisieme  sorte  renferment  encore  un  parametre  essentiel. 

Cela  e'tant,  Poincare'  considere  un  systeme  d?6quations  diffe'rentielles  ayant 
une  solution  pe'riodique  P  qui  de'pend  d'un  parametre  A  et  dont  la  pe'riode 
est  T.  De'signons  par  P0  et  T0  la  solution  pe'riodique  et  sa  pe'riode  pour  A  =  o. 
Poincar6  se  demande  si  les  Equations  admettent  d'autres  solutions  pe'riodiques 
dont  la  pe'riode,  pour  de  petites  valeurs  de  X,  est  a  peu  pres  un  multiple /?T0 
de  To,  et  lesquelles  se  confondent  avec  la  solution  pe'riodique  P0  pour  i  =  o. 
Ces  solutions,  si  elles  existent,  s'appelleront  solutions  periodiques  du  deuxieme 
genre  [183;  280,  chap.  XXVIII]  (2). 

C1)  [149],  OEuvres,  t.  VII,  p.  555-557;  [280,  chap.  XXIV],  Les  mtthodes  nouvelles  de  la 
mecanique  celeste,  t.  3,  p.  4°- 

(2)  [183],  CEwres,  t.  VII,  p.  262-479;  [280,  chap.  XXVIII],  Les  methodes  nouvelles  de  la 
mecanique  celeste,  t.  3,  p.  aor. 


L'OEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE.  297 

Pour  qu'une  solution  au  voisinage  de  P0  ait  la  p^riode  />(ToH-?),  il  faut  et 
il  suffit  que  r  et  les  valeurs  initiales  des  variables  satisfassent  a  certaines  Equa- 
tions de  condition.  En  forrnant  ces  equations  et  en  partant  aussi  de  liquation 
qui  donne  les  exposants  caracte"ristiques  de  P0  conside're'e  cornme  une  solution 
p6riodique  avec  la  pdriode  />T0,  Poincare*  arrive  au  r^sultat  suivant  :  pour  qu'il 
existe  des  solutions  pe'riodiques  da  deuxierne  genre,  il  faut  que  pour  A  =  o  1'un 
des  exposants  caracteristiques  de  P0,  qui  n'est  pas  identiquement  nul,  soil  un 

multiple  de  2  n  v  ~~  l  (  soil  <*i  =  9'  i;")r~'1  ,  k  et  p  e"tant  des  entiers  )  - 

P  *~u        \  p  LO  *  / 

CetLe  condition  n'est  pas  suffisante  en  ge'ne'ral,  puisque  les  nouvelles  solutions* 
peuvent  ne  pas  &tre  reelles.  Mais  Poincare  d<3montre  que  la  condition  e'nonce'e 
est  aussi  suffisante  pour  1'existence  de  solutions  p^riodiques  du  deuxi£me 
genre,  quand  il  s'agit  des  Equations  de  la  Dynamique. 

Pour  la  demonstration,  Poincare  part  de  1'invariant  integral  Ii  des  formules 
(22).  En  designant  par  £/  et  m  les  valeurs  de  xt  et  y-t  pour  t  —  o  et  par  X,-  et  Yj 
les  valeurs  de  x-L  et  yi  pour  t  —pT  on  aura 


Fint^grale  double  6tant  (5tendue  a  une  aire  quelconque  A.  En  remplagant  Finte'- 
grale  double  par  une  int^grale  simple  ^tendue  au  contour  de  1'aire  A,  Poincare' 
trouve  que  1'expression 


est  une  difFe'rentielle  exacte. 

Sp  est  une  fonction  holomorphe  des  £/,  des  73  /  et  de  T  au  vcisinage  des  valeurs 
£°,  73°,  To,  en  designant  par^,  rjz°,  les  valeurs  initiales  qui  correspondent  a  la 
solution  p6riodique  Po-  Poincare"  de'montre  que  S^  est  aussi  holomorphe  par 
rapport  aux  variables  X/  +  ^,  YZ-J-  73;  et  T. 

On  peut  regarder  T  comme  le  param&tre  qui  caract^rise  la  solution  p6rio- 
dique.  Les  conditions  de  pe'riodicite'  qui  s'^crivent 

(23)  X/-?/=o, 

prennent  la  forme 

dS 


H.  P.  —  XI.  38 


2gS  L'QEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE 

ou  bien 


Ces  Equations  sont  salisfailes  par  les  valeurs  $1=  £/,  Y)/=  vi/  (fonctions  de  T) 
qui  correspondent  a  la  solution  pe"riodique  P  de  pgriode  T.  Poincare  pose 
£,-  =  H,--f-  £-  ,  YI/  =  yj/-f-  '/))  .  S,,  devient  une  fonction  des  tt  et  des  rjj  qui  est  station- 
naire  quand  les  £|  et  les  ^  s'annulent,  T  6tanl  quelconque.  Les  lermes  da 
second  ordre  par  rapport  aux  E-  et  -fy  peuvent  se  mettre  sous  la  forme  d'une 
somme  de  Carre's  de  fonctions  line'aires  et  homogenes  par  rapport  aux  %  et  r\i  . 
En  d6veloppant  les  formules,  Poincare'  de'montre  que  les  coefficients  de  deux  de 

ces  Carre's,  ajant  le  m£me  signe,  renferment  le  facteur  sin~~F=?  lequel 
s'annule  en  changeant  son  signe  quand  T  passe  par  T0.  Les  coefficients  des 
autres  Carre's  ne  s'annulent  pas  alors. 

En  partant  de  cette  proprie'te'  de  la  fonction  Sp,  Poincare'  de'montre  que  les 
equations  (a4)resP*  (23)  possedent  encore  des  solutions  reelles  difFe'rentes  de 
£/  =  £,-,  vjf=  Tji  et  qui  coincident  avec  cette  solution  pour  T  —  T0.  Ces  nouvelles 
solutions  donnent  les  valeurs  initiates  des  solutions  pe'riodiques  du  deuxieme 
genre. 

Les  re"sultats  subsistent  aussi  dans  le  cas  ou  la  fonction  caracte'ristique  F  des 
Equations  diffe'rentielles  est  p(5riodique  par  rapport  aux  j^  de  p^riode  27:  et  si, 
dans  la  solution  pe'riodique,  les  y°i  augmentent  de  2  W/TT  au  bout  de  lape"riode  T 
(mi  6tant  entier).  On  n'aura  qu'a  remplacer  Y/  par  Y,  —  zmipn  dans  les 
raisonnements. 

Poincar6  a  fait  une  6  tude  plus  de'taille'e  des  solutions  pe'riodiques  du  deuxieme 
genre  dans  le  cas  relativement  simple  ou  il  n'y  a  que  deux  degr^s  de  liberty 
(renfermant  comme  cas  special  le  probleme  restraint  des  trois  corps).  II  montre 
alors  comment  on  peut  former  effectivement  ces  solutions  [280,  chap.  XXX]  (1). 
Les  de'veloppements,  auxquels  il  arrive,  precedent  suivant  les  puissances  de  y/X. 
Quand  p  >  45  on  aura  deux  solutions  pe'riodiques  du  deuxieme  genre  essentielle- 
ment  diffe'rentes,  qui  se  confondent  pour  A  =  o  avec  la  solution  p^riodique  du 
premier  genre,  et  qui  sont  replies  toutes  les  deux  ou  bien  pour  X>  o  ou  bien 
pour  A  <  o.  L'une  de  ces  solutions  pe'riodiques  du  deuxieme  genre  est  stable, 
Fautre  instable.  Quand  p  =  2,  3  ou  4,  les  choses  se  compliquent  et  plusieurs 
hypotheses  sont  possibles. 

t1)  [280,  chap.  XXX],  Les  methodes  nouvelles  de  la  mecanique  celeste,  t.  3,  p.  294. 


L'CEUVRE   ASTRONOMIQUE   DE   H.    POINCARE.  299 

Dans  le  cas  des  Equations  (i),  on  aura  des  solutions  pe'riodiques  du  premier 
genre  dans  lesquelles  les  variables  j/augmentent  de  multiples  de  arrau  bout  de 
la  pe'riode.  Les  exposants  caracte"ristiques  sont  de'veloppables  suivant  les  puis- 
sances de  y/fj.  et  sont  divisibles  par  y/p..  Pour  les  solutions  pe'riodiques  du 
deuxieme  genre  qui  j  correspondent,  le  nombre  p  est  done  ne'cessairement 
considerable  et  la  pe'riode  tres  longue. 

Supposons  deux  degre's  de  liberte'.  Admettons  que  pour  ^  =  p.Q  Tun  des 
exposants  caracteristiques  de  la  solution  pe'riodique  du  premier  genre  soit  un 

multiple  de  —4p En  admettant  que  p.0  ne  soit  pas  trop  grand,  Poincare' 

de'montre  que  c'est  pour  u  >  p.0  qu'exislentalors  les  deux  solutions  pe'riodiques 
du  deuxieme  genre . 

Le  probleme  restreint  des  trois  corps  rentre  dans  ce  cas,  et  alors  ce  sont  les 
solutions  pe'riodiques    de   la  deuxieme   sorte   qu'il   faut  regard er  comme  du  • 
premier  genre. 

Mais  le  probleme  restreint  possede  aussi  des  solutions  periodiques  de  la  pre- 
miere sorte.  Si  la  masse  ^  est  petite,  les  deux  exposants  caract^ristiques  qui  ne 

sont  pas  identiquement  nuls  sont  voisins  de  ±  *  *~    ?  T  6tant  la  pe'riode.  On 

peut  regarder  /JL  comme  conslante,  tandis  que  la  constante  G  de  Finte'grale  de 
Jacobi  joue  le  role  du  parametre  A.  En  admettant  que  la  masse  de  la  planete 

perturbante  (Jupiter)  soit—  3  la  masse  du  Soleil  e'tant  choisie  comme  unite, 
G.  H.  Darwin  (4)  a  calcule'  par  quadratures  m6caniques  les  solutions  pe'riodiques 
de  la  premiere  sorte  pour  diverses  valeurs  de  G.  Pour  une  certaine  valeur  Co 
(correspondant  a  un  moyen  mouvement  de  Faste'roide  un  peu  plus  grand  que 
trois  fois  celui  de  Jupiter),  Darwin  trouve  que  Fexposant  caracte"ristique  passe 

par  la  valeur      ^~    (T0  e'tant  la  pe'riode  qui  correspond  a  Go).  Pour  les  valeurs 

de  C  un  peu  plus  grandes  que  C0  (T  <  T0),  Fexposant  caracte'ristique  est  pure- 
ment  imaginaire,  et  Forbite  p^riodique  stable;  au  contraire,  quand  C  est  un 
peu  plus  petit  que  Co,  1'exposant  caract6ristique  est  complexe,  etl'orbite  pe'rio- 
dique est  instable, 

Poincare"  a  repris  la  question  [280,  nos  381-384]  (3)  par  la  voie  analytique  en 
ne"gligeant,  pour  abre'ger,  tous  les  termes  de  courte  pe'riode  dans  le  de'veloppe- 

(1)  Ada  Math.,  t.  21,  1897. 

(2)  [280,  nos  381-384],  Les  mithodes  de  la  m6canique  celeste,  t.  3,  p.  352-36i. 


3oO  I/CEUVRE  ASTRONOMIQUE   DE   H.    POINCARE. 

ment  de  la  fonclion  perturbatrice.  Les  Equations  du  mouvemcnt  peuvent  alors 
£tre  complement  integr^es.  Poincar<5  arrive  aux  conclusions  suivantes  :  pour 
deux  valeurs  Co  et  Ci(G0>  Ci),  correspondant  a  des  moyens  mouvements  un 
peu  plus  grands  et  un  pen  plus  petits  que  le  triple  du  moyen  mouvement  de 
Jupiter,  la  solution  p^riodique  de  la  premiere  sorte  change  sa  stability.  Si  G 
est  un  peu  plus  grand  que  C0,  la  solution  p6riodique  de  la  premiere  sorte 
(consid£r6e  comme  du  premier  genre)  est  stable.  Quand  G  passe  par  C0,  cette 
solution  devient  instable.  En  m£me  temps,  deux  solutions  p^riodiques  stables 
et  du  deuxi&me  genre  apparaissent  qui  n'existaient  pas  pour  C  >>  Co.  Elles 
coincident  pour  C  —  C0  avec  la  solution  p^riodique  de  la  premi&re  sorte.  La 
periode  de  ces  deux  solutions  (qui  ne  sont  pas  essentiellement  difF^rentes  1'une 
de  1'autre)  est  d'abord  deux  fois  celle  de  la  solution  p^riodique  du  premier 
genre.  Entre  Co  et  Ci,  la  solution  p^riodique  de  la  premiere  sorte  reste  instable. 
Quand  C  passe  par  Cu  cette  solution  redevient  stable.  En  m&me  temps  appa- 
raissent deux  solutions  p^riodiques  (pas  essentiellement  distinctes)  instables 
et  du  deuxikme  genre,  coi'ncidant  pour  C  =  Ci  avec  la  solution  p^riodique  dela 
premiere  sorte  et  n'existant  que  pour  G  <  Gt-  Leur  p^riode  est  d'abord  deux 
fois  celle  de  la  solution  p6riodique  de  la  premiere  sorte.  Poincar6  fait  la 
remarque  que  les  solutions  p^riodiques  du  deuxi&me  genre  qui  apparaissent 
ainsi  quand  C  passe  par  C0  et  d  ne  sont  autre  chose  que  les  solutions  appel^es 
auparavant  solutions  p^riodiques  de  la  seconde  sorte. 

Poincar6  n'a  pas  ^tudi6  d'une  rnaniere  g^n^rale  la  stabilit6  des  solutions 
p&riodiques  de  la  premiere  sorte  dans  le  probl^me  des  trois  corps.  II  me  semble 
qu'une  telle  6tude  pourrait  nous  donner  des  renseignements  importants  sur  les 
limites  entre  lesquelles  peuvent  exister  des  orbites  g^n^rales  a  peu  pr^s  circu- 
laires.  Peut-6tre  serait-il  possible  d'expliquer  ainsi  les  lacunes  fameuses  dans 
Fanneau  des  ast6roides. 


11.  Nouvelles  generalites  sur  les  solutions  periodiques. 

Quand  il  s'agit  de  d^montrer  1' existence  de  certaines  solutions  dans  un  pro- 
bl&me  dynamique,  il  est  souvent  utile  d'appliquer  les  principes  du  calcul  des 
variations.  En  effet,  a  cheque  s.jsl6me  dynamique  correspond  une  int^grale, 
nomm^e  V action  maupertuisienne,  dont  la  variation  est  nulle  quand  1'int^- 
gration  s'efFectue  le  long  d'une  orbite  du  systSme,  Pour  que  Faction  soit  effec- 


L'CEUVRE   ASTRONOMIQUE   DE   H.    POINCARE.  3oi 

tivement  minima  en  suivant  une  orbite  S  entre  deux  points  M0  et  M4,  il  faut 
et  il  suffit  qu'il  n'y  ait  aucun  foyer  de  M0  entre  M0  et  M4.  Rappelons  que  le 
foyer  de  M0  est  un  point  M'0  sur  1'orbite  S  tel  qu'il  y  ait  des  orbites  qui  se 
rapprochent  de  M0  et  de  M'0  a  des  distances  infiniment  petites  du  second  ordre. 

Poincar6  applique  la  the'orie  des  foyers  aux  solutions  pe'riodiques  des  Equa- 
tions de  la  Dynamique  ayant  deux  degres  de  liberty  [280,  chap.  XXIX]  (*).  II 
montre  que  cbaque  point  d'une  orbite  pe'riodique  stable  possede  un  foyer.  Au 
contraire,  les  orbites  pe'riodiques  instables  peuvent  se  re"partir  en  deux  cate- 
gories. Sur  une  orbite  pe'riodique  de  la  premiere  cate'gorie  aucun  point  n'a  de 
foyer.  Une  orbite  pe'riodique  de  la  seconde  cate'gorie  se  partage  en  un  nombre 
pair  d'arcs.  Chacun  des  points  de  1'un  des  arcs  aura  son  premier  foyer  sur  Fare 
suivant. 

Cela  e"tant,  Poincare"  de'montre  la  proposition  :  Pour  qu'une  courbe  fermee 
corresponde  a  une  action  rnoindre  que  toutes  les  courbes  fermees  infiniment 
voisines,  il  faut  et  il  suffit  que  cette  courbe  fennee  corresponde  a  une  solu- 
tion periodique  instable  de  la  premiere  categorie. 

En  partant  du  principe  de  moindre  action,  Poincar£  de'montre  encore  une 
fois  1'existence  des  solutions  pe'riodiques  du  deuxieme  genre,  en  supposant 
qu'il  y  a  deux  degre's  de  Iibert6  et  qu'il  s'agit  du  mouvement  absolu  [280, 
nos  371-376]  (1).  Soit  P  une  orbite  pe'riodique  stable  renfermant  un  parametre  ).. 
Soit  T  la  pe'riode  et  admettons  que  pour  A  =  o  1'exposant  caracte"rislique  a  ait 


la  valeur  a  r^:  ?  *"'"  ^~~l  ,  k  et  p  6tant  des  entiers  (p  >  4).  Poincare' 

d'abord  que,  sur  1'orbite  pe'riodique  qui  correspond  a  Az^ro,  chaque  point 
coincide  avec  son  2A>-i6me  foyer  et  qu'on  arrive  a  ce  foyer  apres  avoir  fait/?  fois 
le  tour  de  Forbite  P.  Puis  il  de'montre  que,  X  extant  a  peu  pros  ze'ro  et  situ6  d'un 
certain  cote'  de  z^ro,  il  est  possible  de  dresser  par  chaque  point  M  de  Forbite 
pe'riodique  deux  autres  orbites  qui  se  recoupent  en  ce  m&rne  point  apres  avoir 
fait/>  fois  le  tour  de  Forbite  P  et  en  la  coupant  2/c  fois.  A  chaque  point  de  P 
correspondent  ainsi  deux  boucles.  En  faisant  la  m6me  construction  pour  tous 
les  points  M  de  P,  on  obtiendra  deux  series  de  boucles.  L'action  calcule'e  le 
long  d'une  de  ces  boucles  variera  avec  la  position  du  point  Mj  pour  chaque 
se"rie  elle  aura  au  moms  un  maximum  et  un  minimum.  Poincare'  de'montre  que, 
si  Faction  est  ainsi  maxima  ou  minima,  les  deux  tangentes  de  la  boucle  au 

(*)  [280],  Les  met/lodes  nouvelles  de  la  mccanique  celeste,  chap.  XXIX,  t.  3,  p.  2^9;  nos  371-376, 
t.  3,  p.  33i-343. 


3 02  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

point  M  coincident  de  sorte  que  la  boucle  est  une  solution  p&riodique.  On 
obtiendra  ainsi  ^k  solutions  pgriodiques  mais  dont  seulement  deux  sont 
essentiellement  diff^rentes.  L'une  correspond  au  maximum,  1'autreau  minimum 
de  Faction.  Les  solutions  ainsi  troupes  sont  gvidemment  les  solutions  p6rio- 
diques  du  deuxi£me  genre. 

La  demonstration  ne  s'etend  au  cas  du  mouvement  relatif  que  si  1'action 
reste  positive  tout  le  long  de  P,  ce  qui  n'arrive  pas  toujours. 

Poincar6  a  consacre  [361]  (x)  ses  derniers  efforts  a  la  demonstration  d'un 
theor&me  de  Geometric  qui  lui  permettrait  d'etendre  considerablement  nos 
connaissances  sur  les  solutions  p^riodiques  des  probl&mes  de  la  Dynamique 
ajant  deux  degnSs  de  liberUS.  Le  th^orSme  dont  il  s'agit  fut  demontr^  quelques 
mois  aprtjs  la  mort  de  Poincare  par  M.  G.  D.  Birkhoff  (2).  En  voici  I'6nonc6  : 

Regardons  une  couronne  Iimit6e  par  deux  circonferences  concentriques. 
Supposons  qu'une  transformation  ponctuelle  biunivoque  transforme  la  cou- 
ronne en  elle-m&me,  de  sorte  que  les  deux  circonferences  tournent  en  sens 
contraires.  Admettons  de  plus  que  la  transformation  conserve  les  aires  ou,  plus 
g6neraiement,  qu'elle  admet  un  invariant  integral  positif,  c'est-a-dire  qu'il 
existe  une  fonction  positive  /(#,  y)  telle  qu'on  ait 


les  deux  integrates  etant  etendues  a  une  aire  quelconque  et  a  sa  transform^e. 
Alors,  il  existera  toujours  a  1'interieur  de  la  couronne  deux  points  qui  ne  seront 
pas  alters  par  la  transformation. 

Poincare  applique  [361]  (£)  ce  theor£me,  de  1'exactitude  duquel  il  6lait 
convaincu,  aux  probl^mes  de  Dynamique  ayant  deux  degr6s  de  liber te  et  en 
particulier  au  probl&me  restreint  des  trois  corps.  Rappelons  bri^vement  en 
quoi  consiste  ce  probl&me  :  Un  corps  A,  dont  la  masse  est  infiniment  petite, 
est  attir^e  par  deux  corps  S  (Soleil)  et  J  (Jupiter),  qui  se  meuvent  en  cercles 
concentriques.  Le  mouvement  de  A  a  lieu  dans  le  plan  de  ces  cercles.  Le  pro- 
bl&me  restreint  admet  une  integrate  premiere,  appelee  1'integrale  de  Jacobi.  II 
est  bien  connu  par  les  travaux  de  MM.  Hill  et  Bohlin  que,  pour  des  valeurs 
grandes  de  la  constante  de  Tint^grale  de  Jacobi,  le  mouvement  de  A  est  limits 
par  une  certaine  courbe  ferm^e,  sur  laquelle  la  vitesse  relative  de  A  est  nulle. 

(0  [361],  CEuvres,  t.  VI,  p.  499-538. 

(2)  Trans.  Amer.  Math.  Soc.,  vol.  14,  n°  1,  1912. 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.   POINCARE.  3o3 

Si  la  constante  de  Jacobi  est  assez  grande,  11  y  a  trois  courbes  limiles  fermees, 
la  premiere  entourant  le  corps  S,  la  seconde  le  corps  J  et  la  troisiSme  Finfini. 

Poincare  admet  que  la  force  vive  dans  le  mouvement  relatif  ait  une  valeur 
determine  et  si  grande  que  la  courbe  limile  entourant  S  existe;  il  admet  aussi 
que  le  corps  A  se  trouve  a  Forigine  du  temps  a  Finterieur  de  cette  courbe.  Cela 
etant,  en  admettant  qu'il  existe  une  solution  periodique  stable,  Poincare 
montre  qu:il  y  a  necessairement  une  infinite  de  solutioiis  periodiques  (ce 
qui  n'etait  demontre  auparavant  que  pour  de  petites  valeurs  du  rapport  des 
masses  de  J  et  de  S).  Rappelons  en  peu  de  mots  les  principes  de  la  demons- 
tration. 

Etant  donn£  Fintegrale  de  Jacobi,  qui  donne  en  chaque  point  la  grandeur  de 
la  vitesse  relative,  le  mouvement  depend  seulement  de  trois  elements  :  les 
deux  coordonnees  relatives  du  point  mobile  A  et  la  direction  de  sa  vitesse 
relative.  Poincare  montre  qu'on  peut  faire  correspondre  d'une  mani&re  univoque 
a  chaque  element  un  point  de  Fespace.  A  chaque  solution  correspond  ainsi  une 
courbe  dans  cet  espace;  et  par  chacun  des  points  de  cet  espace  passe  toujours 
une  courbe  et  une  seule.  A  chaque  solution  periodique  correspond  une  courbe 
fermee  et  inversement.  Soit  C0  la  courbe  fermee  qui  correspond  a  la  solution 
periodique  stable  donnee.  Imaginons  maintenant  une  aire  D  limitee  par  cette 
courbe.  Poincare  suppose  que  cette  aire  D  est  simplement  connexe  et  ne  se 
recoupe  pas  elle-meane,  et  de  plus  qu'elle  est  sans  contact^  c'est-a-dire  qu'en 
aucun  point  de  cette  aire  line  courbe  C  (correspondant  a  une  solution  gene- 
rale)  ne  vient  toucher  la  surface  courbe  dont  cette  aire  fait  partie. 

Soit  alors  P  un  point  quelconque  de  D,  et  P'  le  consequent  de  P  c'est-a-dire 
le  point  ou  la  courbe  C,  qui  passe  par  P,  recoupe  la  procbaine  fois  Faire  D. 
Poincare  demontre  que  la  transformation  T  qui  fait  passer  d'un  point  a  son 
consequent  est  une  transformation  ponctuelle  continue  de  Faire  D  en  elle- 
m6me.  D'ailleurs,  il  r^sulte  de  la  th^orie  des  invariants  int^graux  [280, 
chap.  XXVII]  (A)  que  la  transformation  T  admet  un  invariant  integral  positif. 

Soit  maintenant  ±  a  \J —  i  les  exposants  caracteristiques  de  la  solution 
periodique  stable  consider6e.  Poincar6  demontre  qu'on  peut  assimiler  Faire  D 
a  Faire  d'un  cercle,  an  point  de  vue  de  V Analysis  Situs,  de  cette  maniere  que 
par  la  transformation  T  ce  cercle  se  transforms  en  Iui-rn6me,  la  p6ripherie 

ayant  tourne  de  Fannie >  m  etant  un  certain  entier. 

J  ,  °      a  -h  m 

C1)  [280,  chap.  XXVII],  Les  methodes  nouvelles  de  la  mec&nique  celeste,  t.  3,  p.  176. 


304  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

Un  theor^me  de  Kronecker  «cnseigne  alors  qu'il  y  a,  a  rinterieur  de  D,  un 
nombre  impair  de  points  inalle're's  par  la  transformation;  a  cliacun  de  ces 
points  correspond  une  solution  pe'riodique;  une  au  moins  de  ces  solutions  est 
stable.  Soit  Po  le  point  correspondant;  nous  pouvons  choisir  nos  coordonne~es 
de  sorte  que  ce  point  corresponde  au  centre  du  cercle. 

Soit  ±  (3  Y/ — i  les  exposants  caracteristiques  de  la  solution  pe'riodique  stable 
qui  correspond  a  la  courbe  ferme'e  G'0  qui  passe  par  P0.  Poincare  de"montre 
que,  par  la  transformation  T,  la  region  pres  du  centre  du  cercle  tourne  de 
Tangle  27r(|3  -+-  n)  autour  da  centre,  n  etant  un  certain  entier. 

L'aire  du  cercle  peut  £tre  ccmside're'e  comme  une  couronne  dont  le  rayon 
inte'rieur  est  nul.  Cela  pos6,  ftffectuons  d'abord  la  transformation  T^3,  puis- 
sance jpifeme  de  T,  et  ensuite  une  seconde  transformation  qui  tourne  tout  le  plan 
du  cercle  de  Tangle  2^71,  q  6Lant  un  entier  quelconque.  En  combinant  ces 
transformations,  les  deux  circonfe'rences  de  la  couronne  tourneront  des  angles 


(25.) 


A  moins  que  ((3  -f-  n)  (a  -+  rn)  =  i  ,  on  pourra  trouver  une  infinite  de  couples 
de  nombres  entiers  p  et  q  tels  que  les  deux  angles  (a5)  soient  de  signes 
contraires.  Le  th^or^me  ge'omtoique  de  Poincar^-Birkhoff  est  done  applicable. 

Comme  p  et  q  peuvent  prendre  une  infinite  de  valeurs,  cela  nous  fait  une 
infinite  de  solutions  pe"riodique  s. 

En  variant  les  donates  du.  problome,  les  solutions  periodiques  et  les 
exposants  caracteristiques  clia.ngent.  Les  solutions  p6riodiques  qui  corres- 
pondent au  couple  jt?,  q  ne  peuArent  disparaitre  qu'en  se  confondant  avec  Tune 
ou  1'autre  des  deux  solutions  periodiques  qui  correspondent  aux  courbes 
ferm^es  C0  et  C'  c'est-a-diro  si 


On  retro uve  ainsi  les  solutions  pe"riodiques  du  deuxieme  genre. 

II  reste  a  dire  que,  pour  depetites  valeurs  de  la  masse  JJL  du  corps  J,  on  pent 
s'arranger  de  sorte  que  Co  et  C;0  correspondent  aux  deux  solutions  periodiques 
de  la  premiere  sorte. 

fividemment,  ces  derni&res;  recherches  de  Fillustre  savant  ouvrent  des 
perspectives  tres  6tendues  sur  la  the"orie  g6nerale  des  solutions  periodiques. 
Poincare  dit  lui-meme  qu'il  entrevoit,  mais  d'une  mani^re  beaucoup  plus 


L'OEUVRE  ASTRONOMIQUE   DE   H.    POINCARE.  3o5 

vague,  qa'on  pourrait  se  servir  de  cette  me"thode  pour  montrer  que  les  solutions 
p<5riodiques  sont  uberalldicht. 


12.  Solutions  doublement  asymptotiques . 

Les  solutions  asymptoliques  qui  existent  au  voisinage  d'une  solution  perio- 
dique  instable  se  partagent  en  deux  families.  La  premiere  famiDe  renferine  les 
solutions  qui  pour  t= — oo  se  rapprochent  asymptotiquement  de  la  solution 
pe'riodique;  dans  la  seconde  famille  au  contraire,  ce  rapprochement  asympto- 
tique  a  lieu  pour  £  —  4-00.  II  est  facile  d'e~tudier  les  solutions  asymptotiques  de 
la  premiere  famille  pour  des  valeurs  tres  grandes  et  negatives  de  t;  mais  il  est 
encore  impossible  de  poursuivre  cette  etude  pour  des  valeurs  tres  grandes  et 
positives  de  t.  Inversement,  l'6tude  des  solutions  asymptotiques  de  la  seconde 
famille  doit  6tre  tres  complique'e  pour  des  valeurs  tres  grandes  et  negatives 
de  t. 

L'une  des  plus  belles  d^couvertes  de  Poincare  se  rattache  a  la  the'orie  des 
solutions  asymptotiques.  La  the'orie  des  invariants  inte'graux,  cre'ee  dans  ce 
but,  lui  permet  en  eflet  de  de'montrer  1'existence  de  solutions  doublement 
asymptotiques  qui  se  rapprochent  asymptotiquement  d'une  solution  pe'riodique 
d'une  part,  pour  t  = — oo  et,  d'autre  part,  pour  £  =  -|-oo  [183;  280, 
chap.  XXVII,  XXVIII]  (<). 

Dans  1'^tude  de  ces  solutions,  Poincare  se  borne  a  un  cas  tres  particulier, 
celui  du  probleme  restreint  des  trois  corps.  II  admet  que  le  rapport  p.  des 
deux  masses  attirantes  est  tres  petit.  II  admet  aussi  que  la  constante  de  Jacobi 
a  une  valeur  si  grande  que  la  courbe  limite  entourant  S  existe,  et  que  le 
corps  A  se  trouve  a  1'origine  du  temps  a  1'inte'rieur  de  cette  courbe.  Alors  le 
corps  A  n'en  sortira  jamais  (cf.  p.  3o2-3o3). 

Les  Equations  du  mouvement  peuvent  se  mettre  sous  la  forme  (i)  avec  deux 
degre's  de  liberty.  Poincare'  d^montre  d'abord  que  1'on  pent  d^finir  les  variables 
canoniques  x±,  #2,  ^i,  J"a  de  sorte  que  la  variable  angulaire  y%  soit  toujours 
croissante.  II  y  parvient  en  choisissant  les  variables  de  maniere  que  les  solu- 
tions pe"riodiques  de  la  premiere  sorte  et  a  mouvement  retrograde  prennent  une 
forme  particulierement  simple. 

(x)  [183],  QEuvres,  t.  VII,  p.  262-479;  [280],  Les  methodes  nouvelles  de  la  mecanique  celeste^ 
chap.  XXVII,  t.  3,  p,  176;  chap.  XXVIII,  t.  3,  p.  201. 

H.  P.  —  XL  39 


3o6  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE   DE  H.   POINCARE. 

Enfin,  pour  faciliter  1'exposition,  Poincar6  fait  usage  d'un  mode  de  repre"- 
sentation  ge'ome'trique.  Par  les  conditions 

o^ri<2~,        o^j>-2<2^,        F(>15  J?2,  yi,  rs;  =  G 

se  definit  une  multiplicity  a  trois  dimensions.  Entre  cette  multiplicity  et  les 
points  X,  Y,  Z  de  1'espace  tout  entier,  Poincare'  <5tablit  une  correspondance 
ponctuelle  biunivoque  au  moyen  des  relations 


*•* 


ou  v  =  —  •  A  la  surface  z  =  const,  correspond  ainsi  un  tore  autour  de  1'axe 

des  Z.  Ce  tore  se  re"duit  a  1'axe  des  Z  pour  z  =  o  et  au  cercle  Z  —  o,  X2  -+-  Y-  =  i 
pour  z  =  co  . 

Pour  une  orbite  quelconque,  le  point  repre~sentatif  X,  Y,  Z  tourne  toujours 
autour  de  1'axe  des  Z  dans  le  sens  direct.  A  chaque  solution  p6riodique  corres- 
pond une  courbe  ferme'e  faisant  un  certain  nombre  de  tours  autour  de  1'axe 
des  Z. 

MQ 


Regardons  une  solution  pe"riodique  instable  de  la  deuxieme  sorte  et  1'en- 
semble  des  solutions  asymptotiques  qui  y  correspondent.  Ces  solutions 
engendrent  dans  Tespace  X,  Y,  Z  deux  surfaces  asymptotiques  se  coupant 
suivant  la  courbe  ferme'e  qui  correspond  &  la  solution  peYiodique.  Pour  JUL  =  o 
les  solutions  asymptotiques  deviennent  toutes  pe"riodiques,  les  deux  surfaces 
asymptotiques  coincident  et  se  re"duisent  a  1'un  des  tores  mentionne"s,  qui 
coupe  le  demi-plan  XZ  (ou  X>o,Y  =  o)  suivant  un  certain  cercle  C. 
Supposons  maintenant  fx>-  o  et  tres  petit.  Admettons,  pour  fixer  les  id6es,  que 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE.  307 

Porbite  periodique  rencontre  le  demi-plan  XZ  en  deux  points  M0  et  Mj.  Ces 
points  se  trouvent  a  peu  prfcs  aux  deux  bouts  d'un  diam&lre  du  cercle  C. 
SoitPoMoAo  etPiM4Ai  deux  parties  de  1'mtersection  de  la  premiere  surface 
asymptotique  avec  le  demi-plan  XZ  et  QoMoB^  Q^Eo  deux  parties  de 
Fintersection  de  la  seconde  surface  asymptotique  avec  ce  m£me  demi-plan. 
Si  p  est  assez  petit,  les  deux  courbes  M0A0  et  MiBo  suivent  etroitement  le 
cercle  C  aussi  loin  que  Ton  peut  admettre  que  A0  et  B0  se  trouvent  surle  mtoe 
rayon  du  cercle  C.  Poincare  montre  sur  un  exemple  particulier  que  les  deux 
branches  M0A0  et  M^Bo  ne  coincident  pas  en  general.  Gela  etant,  soit  A£  et  B4 
les  premiers  consequents  de  A0  et  B0,  A2  et  B3  les  premiers  consequents  de  A! 
et  Bi.  Poincare  montre  que  les  distances  A0A2  et  B0B2  sont  de  1'ordre  de  ^/jl, 
tandis  que  les  distances  A0B0  et  A2B2  sont  de  1'ordre  infini  par  rapport  a  p. 

Poincare  demontre  que  les  deux  arcs  A0A2  et  B0B2  se  coupent  ngcessai- 
rement.  S'il  en  est  ainsi,  1'existence  d'une  solution  doublement  asymptotique 
est  evidentc. 

C'est  dans  cette  demonstration  qu'intervient  la  thuorie  des  invariants  inle- 
graux.  En  partant  de  Pinvarianl  integral 

/  dtti  dj-}  do:*  dy* 

et  en  introduisant  comme  variables  d'integratioii  C,  y*>,  ^X2  +  Y2  et  Z, 
Poincare  arrive  a  un  invariant  integral  positif,  ou  la  fonction  a  integrer  est 
periodique  par  rapport  a  j2.  En  y  mettant  successivementy2  =  o,  271,  471,  .  .  . 
et  en  laissant  de  cote  dC  et  dy%,  il  trouve  enfin  une  integrate 

1= 

jouissant  de  la  propriete  suivante.  Soit  a  une  courbe  fermee  quelconque  dans 
le  demi-plan  XZ.  Les  orbites  qui  passent  par  a-  forment  une  surface  tubulaire 
dont  les  intersections  successives  avec  le  demi-plan  XZ  sont  0-4 ,  a2,  ...  (appelees 
les  consequents  de  <r).  Alors,  1'integrale  I,  etendue  successivement  sur  les  aires 
limitees  par  <r,  <71?  o-2,  . . . ,  aura  toujours  la  m^me  valeur.  Enfin,  en  vertu  des 
suppositions  faites,  la  fonction  O  est  fmie  et  positive  dans  tout  le  demi-plan. 

Gomme  courbe  o-,  Poincare  choisit  la  courbe  fermee  MoAoBoMj.  AtBtMo.  Sa 
consequente  o-4  sera  M1AiBiM0A2B2M1.  Puisque  Fintegrale  I  aura  la  m6me 
valeur  pour  1'aire  limitee  par  a-  que  pour  Paire  limitee  par  Gr4,  les  arcs  A0A2 
et  BoB2  ne  peuvent  pas  £tre  situes  comme  le  montre  la  figure.  Car  alors  Pinte- 


3o8  L'GEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

grale  I  elendue  sur  1'aire  A0A2B2Bo  serait  nulle,  ce  qui  n'a  pas  lieu.  Ainsi  les 
arcs  A0A2  et  B0B2  se  coupent  ne'cessairement.  Par  leur  point  de  rencontre 
passe  ^videmment  une  solution  doublement  asymptotique. 

Poincare'  va  beaucoup  plus  loin  en  de"montrant  qu'il  existe  une  infinite  de 
solutions  doublement  asymptotiques.  Pour  le  faire  voir,  il  choisit  A0  sur  la 
solution  doublement  asymptotique  deja  trouve"e.  Alors  A0  et  B0  coincident 
d'une  part  et  A2  et  B2  d'autre  part.  Cela  etant,  de  1'existence  de  FinttSgrale  I  il 
n'est  pas  difficile  de  tirer  la  consequence  qu'il  passe  en  eilel  une  infinite  de 
solutions  doublement  asymptotiques  entre  A0  et  A2. 

Citons  enfin  quelques  mots  dc  Poincar^  en  ce  qui  concerne  ces  solutions  : 

«  Que  1'on  cherche  a  se  repr^senter  la  figure  f ornate  par  ces  deux  courbes 
et  leurs  intersections  en  nombre  infini  dont  chacune  correspond  a  une  solution 
doublement  asymptotique,  ces  intersections  torment  une  sorte  de  treillis,  de 
tissu,  de  r6seau  a  mailles  infiniment  serrees;  chacune  des  deux  courbes  ne  doit 
jamais  se  recouper  elle-m6me,  mais  elle  doit  se  replier  sur  clle-m6me  d'une 
maniere  tres  complexe  pour  venir  recouper  une  infinite"  de  fois  toutes  les 
mailles  du  re"seau. 

«  On  sera  frappe  de  la  complexity  de  cette  figure,  que  je  ne  cherche  me"me 
pas  a  tracer.  Rien  n'est  plus  propre  a  nous  donner  une  ide"e  de  la  complication 
du  probleme  des  trois  corps  et  en  ge'ne'ral  de  tous  les  problemes  de  Dynamique 
ou  il  n'y  a  pas  d'inte"  grale  uniforme  et  ou  les  series  de  Bohlin  sont  divergentes.  )> 

fividemment,  en  vertu  de  leur  caractere  tout  a  fait  special,  il  est  infiniment 
peu  probable  qu'une  solution  asymptotique  ou  doublement  asymptotique  se 
trouve  jamais  re'alise'e  dans  la  nature.  Ne'anmoins  1'importance  de  ces  solutions 
au  point  de  vue  des  recherches  qualitatives  ne  peut  6tre  estimee  trop  haut. 
Prises  ensemble  avec  les  solutions  pe>iodiques,  ces  nouvelles  solutions  de"cou- 
vertes  par  Poincare"  forment  pour  ainsi  dire  le  canevas  du  tissu  si  encheve'tre' 
forme'  par  la  totality  des  orbites  ge'ne'rales. 

13.   Stabilite  du  mouvement. 

La  question  sur  la  stability  du  systeme  solaire  n'a  pas  cess£  d'int^resser  les 
astronomes  et  les  g^ometres.  Rappelons  &  cet  e"gard  les  th^oremes  c^lebres  de 
Lagrange  et  de  Poisson  sur  Tinvariabilit^  des  grands  axes  et  aussi  les  travaux 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE,  3ot> 

classiques  de  Lag-range,  de  Leverrier  et  de  Cell6rier  sur  le  de'veloppement 
trigonome'trique  des  perturbations  se"culaires  des  autres  6le"ments.  fitant  donn£ 
Pe*tat  plutot  formel  de  la  science  en  ce  temps-la  il  n'cst  pas  6tonnant  que  les 
ge'ometres  fussent  alors  convaincus  de  la  stability  du  mouvemenl. 

Aujourd'hui  nous  sommes  plus  sceptiques.  II  arrive  souvent  avec  le  d^velop- 
pement  de  la  science  que  les  difficulte's  paraissent  s'augmenter  a  la  lumiere  des 
decou^ertes  nouvelles.  Par  ses  travaux  admirables  sur  la  convergence  des 
series  trigonome'triques  [93]  (/),  sur  les  solutions  periodiques,  asymptotiques  et 
doublement  asymptotiques,  Poincare  a  dirige  ainsi  1'attention  sur  de  nouvelles 
difficulte's  qui  embrouillent  la  question  de  la  stability  du  mouvement.  Voila 
deja  qui  est  important,  car  avanl  de  pouvoir  vaincre  les  difficulte's  il  faut  les 
connaitre. 

Mais  Poincare"  a  e'tudie  aussi  directement  le  probleme  de  la  stability  du 
mouvement  et  est  arrive  a  des  d6couvertes  tres  importantes.  C'est  encore  la 
the'orie  des  invariants  inte'graux  qui  lui  a  servi  comme  point  de  depart  dans  ces 
recherches  [183;  280,  chap.  XXVI]  (*). 

Rappelons  d'abord  la  definition  precise  de  la  stabilile'  donne'e  par  Poincar^. 
Pour  qu'il  y  ait  stability  complete  dans  le  probleme  des  trois  corps,  il  faut  trois 
conditions  : 

i°  Qu'aucun  des  trois  corps  ne  puisse  s'eloigner  indeTmiment; 

2°  Que  deux  des  corps  ne  puissent  se  choquer  et  que  la  distance  de  ces  deux 
corps  ne  puisse  descendre  au-dessous  d'une  certaine  limite ; 

3°  Que  le  systeme  vienne  repasser  une  infinite'  de  fois  aussi  pres  que  Pon 
veut  de  sa  situation  initiale. 

Si  la  troisieme  condition  est  seule  remplie,  sans  qu'on  sache  si  les  deux 
premieres  le  sont,  Poincare"  dil  qu'il  y  a  seulement  stabilite  a  la  Poisson. 

Cela  6lant,  Poincar^  d6monlre  qu'il  y  a  stabilit6  a  la  Poisson,  si  le  mouve- 
ment est  limite'  a  un  certain  domaine  et  si,  de  plus,  il  existe  un  invariant 
integral  positif  et  fini  dans  ce  domaine. 

Pour  de'monlrer  ce  tb6oreme,  il  suffit  de  consid6rer  le  mouvement  permanent 
d'un  fluide  incompressible  enferm^  dans  un  vase.  Dans  ce  cas,  le  volume  d'une 


H  [93],  CEuvres,  t.  IV,  p.  591-98- 

(-}  [183],  OEuvres,  i.  VII,  p.  262-479;  |  W280,  cliap.  XXVI],  Les  m&thodes  7iouvelle$  de  la  meca- 
nique  c&leste,  t*  3,  p.  i4^» 


3lO  L'OEUVRE   ASTRONOMIQUE   DE   H.    POINCARE. 

partie  quelconque  du  fluide  est  invariable  pendant  le  mouvement,  c'est-a-dire 
Fintggrale  triple  qui  mesure  ce  volume  est  un  invariant  integral. 

Soit  U0  un  volume  quelconque  int^rieur  du  vase,  les  molecules  liquides  qui 
remplissenL  ce  volume  a  1'inslant  z6ro  rempliront  a  1'instant  r  un  certain 
volume  Ui,  a  Finstant  27  un  certain  volume  U2,  ...,  et  a  1'instant  /zr  un  certain 
volume  \Jn> 

Le  volume  V  du  vase  etant  fini,  les  volumes  U0,  Ul5  .  .  . ,  (Jn  ne  peuvent  pas 
lous  6tre  ext^rieurs  les  uns  aux  autres,  si  n  est  assez  grand.  Si  U/  et  UA  ont 
une  partie  commune,  il  en  sera  de  mteie  de  U0  eL  U/(_/,  puisque  le  mouvement 
est  permanent.  On  peul  done  clioisir  le  nombre  a  de  telle  sorle  que  U0  et  Ua 
aient  une  pa'rtie  commune.  Apr&s  dcs  considerations  de  cette  nature,  Poincar^ 
arrive  a  la -conclusion,  qu'il  y  a  des  molecules  qui  traversent  le  volume  U0  une 
infinite  de  fois  tant  avant  qu'apr&s  F^poque  z£ro,  et  cela  quelque  petit  que  soit 
ce  volume. 

D'autre  part,  en  gtin^ral,  il  y  a  d'autres  molecules  qui  ne  traversent  Uo  qu'un 
nombre  fini  de  fois.  Poincar<5  monlre  que  ces  dernikres  doivent  &tre  regarddes 
comme  exceptionnelles  ou,  pour  pr^ciser  davanlage,  que  la  probability  qu'une 
molecule  ne  traversera  Uo  qu'un  nombre  fini  de  fois  est  infiniment  petite, 
si  Von  admet  que  celte  molecule  est  a  Fint6rieur  de  U0  a  1'origine  du 
temps. 

Enfin,  ces  rgsultals  sont  ind^pendants  de  la  definition  du  mot  proba- 
bilittS. 

Les  principes  mentionnes  s'appliquent  presque  sans  modification  an 
probl&me  restreint  des  trois  corps.  Soit  S  et  J  les  deux  masses  attirantes  so 
mouvanl  en  cercles  concentriques.  Soient  A  la  masse  infiniment  petite  se 
mouvant  dans  le  plan  de  ces  cercles  sous  1'attraction  de  S  et  J.  Pour  des  valeurs 
assez  grandes  de  la  constante  de  Pint6grale  de  Jacobi,  le  mouvement  relatif 
de  A  par  rapport  a  la  ligne  tournante  SJ  est  limits  par  1'une  ou  par  1'autre  de 
trois  courbes  ferm^es  d,  C2  et  C;J  entourant  respectivement  les  points  S,  J 
et  oo.  Poincar^  admet  que  la  valeur  de  la  constante  de  Jacobi  est  si  grande  que 
les  deux  courbes  Ci  et  C2  existent  et  que  le  corps  A  se  trouve,  a  1'origine  du 
temps,  a  I'int^rieur  de  G*  (ou  de  C2).  Alors,  le  corps  A  n'en  sortira  jamais,  et 
la  premiere  condition  de  stability  est  remplie. 

Les  Equations  pouvant  se  mettre  sous  la  forme  canonique,  il  existe  certai- 
nement  un  invariant  integral  positif.  En  d^signant  par  ^,  r\  les  coordonn(5es 
relatives  de  A  et  par  £',  r/  les  composantes  de  la  vitesse  relative,  Finvariant 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE.  3ii 

integral  devient 

I  =  f d*  dt\  d%  ctf\' . 

Poincare  montre  que  cette  integrale  est  finie  si  Fint£gration  est  effectuee  sur  le 
domaine  limits  par  la  courbe  C4  (ou  C2)  et  par  deux  valeurs  de  la  constante  de 
Jacobi  voisines  1'une  de  1'autre.  Dans  1'dtude  du  mouvement  dont  il  s'agit, 
Fint^grale  I  peut  done  jouer  le  me"  me  role  que  le  volume  invariable  d'une 
partie  du  liquide  dans  le  cas  du  mouvement  permanent  d'un  fluide  incom- 
pressible. II  en  re'sulte  que  la  troisieme  condition  de  stabilite  est  aussi  remplie. 
La  masse  A  repassera  une  infinite'  de  fois  aussi  pres  que  1'on  voudra  de  sa 
position  initiale,  si  Ton  n'est  pas  place  dans  certaines  conditions  initiales 
exceptionnelles  dont  la  probability  est  infiniment  petite.  La  the'orie  des  solu- 
tions asymptotiques  montre  que  de  telles  orbites  exceptionnelles  existent 
vraiment. 

En  voulant  nppliquer  ces  considerations  au  probleme  g6n6ral  des  trois  corps 
on  rencontre  certaines  difficulty's .  Les  limites  que  I'inte'grale  des  forces  vives 
impose  au  mouvement  ne  suffisent  pas  pour  rendre  Pinvariant  integral  fini. 
Mais  par  Fintroduction  d'une  nouvelle  variable  inde'pendante  t!  au  lieu  du 
temps  £,  Poincare  de'duit  ne'anmoins  un  invariant  integral  positif  qui  est  fini. 
Toutefois  il  peut  arriver  que  t  devient  infini  pour  des  valeurs  finies  de  t'.  En 
prolongeant  la  solution  au-dela  d'une  telle  valeur  de  t\  on  rencontrera  une 
autre  trajectoire  qui  doit  ^tre  conside're'e  comme  un  prolongement  analjtique 
de  Pautre.  Ainsi,  on  arrive  a  la  conclusion  que  Forbite  consid6re'e  et  ses 
prolongements  analvtiques  mentionne's  repasseront  en  g^ndral  une  infinite  de 
fois  aussi  pres  que  1'on  veut  de  la  situation  initiale. 

«  II  semble  d'abord  que  cette  consequence  lie  puisse  int^resser  que  Fana- 
lyste  et  n'ait  aucune  signification  physique.  Mais  cette  maniere  de  voir  ne 
serait  pas  tout  a  fait  justifie'e.  On  peut  conclure  en  effet  que  si  le  syst&me  ne 
repasse  pas  une  infinite  de  fois  aussi  pres  que  Fon  veut  de  sa  position  primi- 
tive, le  temps  pendant  lequel  le  p6rim£tre  du  triangle  des  trois  corps  reste 
inferieur  a  une  quantite"  donn£e  est  toujours  fini.  » 

14.   Theorie  de  la  Lune. 

Dans  la  th6orie  de  la  Lune  de  'Delaunay,  les  elements  elliptiques  sont 
d^velopp^s  en  series  trigonom^triques  suivant  les  multiples  de  quatre 


3i2  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

arguments  fr/  —  nit  4-  «/(*  =  i ,  2,  3,  4),  fonctions  lintfaircs  dni  temps;  n±  et  /i2 
sont  les  mojTiis  mouvcmcnls  de  la  Luno  ot  du  Solei),  n-j  el  n%  sonl  ccux  du 

p6rig(5e  el  du  nccud.  Delaunny  pose  —  =  in.  Les  coefficienLs  des  series  trigono- 

m^lriques  ainsi  que  les  quanliltis  72 ;!  el  n\  sonl  d^velopp^s  suivanlles  puissances 
de  m  el  de  cerlaines  petites  quantit<3s  a,  e',  e,  y  qui  signifient  respeclivement 
le  rapport  entre  les  distances  mojennes  de  la  Lune  el  du  Soleil,  i'excenlricil<3 
de  1'orbite  terrestre,  les  modules  de  I'excentricittS  et  le  module  de  1'inclinaison 
de  1'orbile  de  la  Lune.  Les  formules  de  Delaunaj  ne  conliennent  que  des  puis- 
sances positives  de  w,  a,  e',  e  el  y. 

PoincanS  d6montre  [372]  (l )  que,  si  Ton  poussait  assez  loin  les  d^veloppements 
de  Delaunaj,  on  arriverait  a  des  termes  ou  m  figurerait  a  une  puissance  nega- 
tive. Dans  1'expression  de  la  longitude,  les  termes  correspondants  renferment 
au  moins  en  factenr  e'^ev-  et  dans  1'expression  de  la  latitude  au  inoins  ef/le*j. 

La  demonstration  de  Poincare  est  int^ressante  aussi  au  point  de  vue  de  la 
m&Jiode.  II  part  d'<5quations  differentielles  de  la  forme  (2).  Au  mojen  de 
transformations  canoniqucs  successives,  il  arrive  a  d'autres  Equations  de  la 
m£me  forme  mais  ou  le  d<5veloppement  de  F,  jusqu'a  un  degr^  quelconque, 
est  ind(5pendant  des  variables  y  et  ne  depend  des  £  et  73  que  dans  la  combi- 
naison  ?-  -+-  '<1~.  En  ncSgligcanl  les  autres  termes  de  F,  Fint^graUon  des  Equations 
est  immediate.  C'est  peui-6tre  la  manure  la  plus  rapide  de  demontrer  les 
thgor&mes  fondamentaux  relatifs  a  la  forme  des  d6veloppements  qui  salisfont 
aux  Equations  (2),  bien  que  cetle  methode  ne  puissc  ^tre  recommandcSe  pour  le 
calcul  direct  de  ces  d^veloppements. 

En  somme,  1'apparition  des  puissances  negatives  de  m  est  due  a  1'intro- 
duction  de  pctits  diviscurs  d'integration  de  1'ordre  de  m3.  D'ailleurs,  1' existence 
de  ces  pelits  diviseurs  de  1'ordre  de  in*  depend  de  ce  fait  que,  dans  les  expres- 
sions des  mojens  mouvements  du  nocud  et  du  ptSrig^e,  les  lermcs  en  m-  sont 
£gaux  et  de  signes  contraires,  c'est-a-dire  en  rapport  ralionnel. 

En  mettant  £'=e=:y  =  o,  les  d(5veloppements  de  Delaunay  ne  renferment 
qu'un  seul  argument  T  =  K\  —  (V2.  La  solution  est  alors  p(5riodique. 

En  n^giigeant  les  param^tres  a  et  <?',  les  Aquations  du  mouvement  de  la  Lune 
deviennent  particuli&rement  simples.  Ces  Equations  simplifies  ont  616  1'objcl 
de  recherches  magistrales  de  M.  Hill  (2). 

0)  [372],  OEuvres,  t.  VIII,  p.  332-366. 

(2)  Amer.  J.  Math.,  voj,  1,  1^78;  Coll.  Works,  vol.  1,  p,  284. 


I/CEUVRE    ASTRONOMIQUE   DE   H.    POINCARE.  3l3 

Ce  savant  a  calculi  directement  la  solution  pe"riodique  mentionnee  tout  a 
I'lieure  (pour  a  —  o).  11  a  d6velopp6  los  coordonn^es  relatives  de  la  Lune  en 
series  de  Fourier  de  Fargument  T.  Lcs  coefficients  qui  dependent  de  m  appa- 
raissent  sous  la  forme  de  series  a  termes  rationnels  qui  convergent  tres  rapi- 
dement. 

M.  Hill  ne  s'est  pas  occup6  de  la  question  de  convergence.  Les  travaux 
g^neraux  de  Poincare  sur  les  solutions  p^riodiques  montrent  que  la  conver- 
gence a  certainement  lieu. 

Pour  etudier  les  solutions  voisines  dc  la  solution  p^riodique,  M.  Hill  (*)  a 
forme  les  Equations  aux  variations.  Elles  peuvent  se  mettre  sous  la  forme  parti- 
culierement  simple 

d-  z 

(?,6  )  —j-^-   -f-   J  0Q-4-  20i  COS2T  -4-  202  COS  \  T  -+-  .  .  .    j  5  ==  0. 

Le  coefficient  0/.  contient  en  facteur  m2li  de  sorte  que  les  coefficients  0 
d^croissent  tr&s  rapidement.  On  aura  deux  Equations  de  la  forme  (26).  L'une 
donne  les  in(5galit^s  du  premier  degr6  par  rapport  au  module  y;  1'autre  les 
inegalit^s  du  premier  degr6  par  rapport  au  module  e.  Les  parties  principales 
des  moyens  mouvements  du  noeud  et  du  p(3rig^e  (  parties  ind^pendantes 
de  a,  e1  ',  e,  y)  sont  d<5termin^es  par  les  exposants  caract^ristiques  des  Equa- 
tions (26). 

Uno  (5qualion  de  celte  forme  admet  deux  solutions 


II  s'agit  de  determiner  1'exposant  caracte'ristique  g  et  les  rapports  des  coeffi- 
cients b/{.  M.  Hill  a  ramen£  le  problem  e  a  la  resolution  d'une  infinite  d'^quations 
du  premier  degr^  a  une  infinity  d'inconnues.  M.  Hill  admet  sans  demonstration 
que  les  determinants  d'ordre  iniini  qu'on  rencontre  ainsi  sont  convergents. 

Poincare'  d^montre  la  convergence  et  en  me*  me  temps  la  l6gitimit(5  de  la 
m<$thode  de  M.  Hill  [91  ;  279,  nos  185-189;  215]  (2).  Par  ces  travaux  de  Hill  et 
Poincare',  les  determinants  d'ordre  infini  ont  <5t<5  introduits  dans  Fanalyse.  II 
est  inutile  de  rappeler  ici  Fimportance  capitale  de  cette  notion  nouvelle. 


(!)  Acta  Math.,  t.  8T  1886  [1877], 

(2)  [91],  OEuvres,  t.  V,  p.  95-107;  [270,  nos  185-189],  Les  mfthodes  nouvelles  de  la  mdcanique 
celeste,  t.  2,  p.  260-280;  [215],  QEuvres,  t.  V,  p.  108-116. 

H.  P.  —  XI.  4o 


3i4  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

Poincar6  donne  aussi  une  autre  methode  pour  calculer  Fexposant  caract^ris- 
tique  g  et  les  coefficients  bk  [214;  464,  nos  332-335]  (L).  II  developpe  en  effet  les 

inconnues  COS^TT  et  -^  suivant  les  puissances  des  quantitt§s  ©i,  02,  ©a,  ....  En 

vertu  d'un  th^or&me  g6n£ral  d6montr<§  par  Poincare  [69]  (2),  les  series  en  ques- 
tion repr^sentent  des  fonclions  enti&res  et  sont  ainsi  toujours  convergentes. 
II  est  bien  connu  que  M.  E.  W.  Brown  (:})  a  6labor<3  dans  ces  derniers 
temps  une  th^orie  complete  pour  la  Lune  en  partant  des  travaux  mentionne's 
de  M.  Hill.  Pour  determiner  les  in6galit<§s  d'un  degr«5  quelconque  par  rapport 
aux  quantites  a,  er,  <?,  y  M.  Brown  est  conduit  chaque  fois  a  un  syst&me  d'equa- 
tions  lin^aires  a  seconds  membres.  Le  sysl&me  se  partage  en  deux,  Tun  du 
quatri&me  et  Fautre  du  second  ordre.  L'essentiel  de  la  m^thode  de  M.  Brown, 
c'est  que  la  valeur  numerique  de  m  est  introduite  d^s  le  commencement,  de 

sorte  que  les  d^veloppements  suivant  les  puissances  de  m  ou  de    __  ^  sont 

e'vit^s. 

Poincar^  propose  une  aulre  m^thode  pour  le  calcul  des  lermes  de  degre 
supt^rieur  [216;  464,  chap.  XXIX]  (;').  Cette  mglhode  tout  a  fail  analjtique  esl 
tr^s  originale  mais  moins  directe  que  celle  de  M.  Brown.  Les  d^veloppements 

proc^dent  suivanl  les  puissances  de  -— — ?  a,  e',  e,  y.  Dans  la  miHhode  de 

Poincart^,  les  systtjmes   d'e'quations   lineaires  a  seconds   membres    qu'il    faul 
resoudre  sont  seulement  du  deuxi^me  ordrc. 


15.   Tlxeorie  des  petites  planetes. 

A  cot6  de  la  th^orie  de  la  Lune,  la  thdorie  du  mouvement  d'une  petite 
plan^te  trouble  par  Jupiler  doit  6lre  considered  comme  un  cas  particulier 
nssez  simple  du  probl^me  des  trois  corps. 

En  n^gligeant  I'excentricit6  de  1'orbite  de  Jupiter,  les  Equations  se  mettent 
sous  la  forme  (2)  avec  trois  degre"s  de  liberty.  On  aura  un  couple  #,  y  et  deux 

(')  [214],  CEuvres,  1.  VIII,  p.  867-382;  [464,  n«  33k2-335],  Legons  de  mecaniqae  celeste,  t.  2, 
2e  panic,  p.  4/i-4g. 

(2)  [69],  CEuvres,  1.  II,  p.  3oo-/,oi. 

(3)  Mem.  Roy.  Astron.  Soc.,  I.  53,  51  et  57. 

(4)  [216],  CEttvres,  l.  VIII,  p.  297-381;  [464,  chap.  XXIX],  Leqons  de  mecanique  celeste,  t.  U2, 
3e  partie,  p.  90. 


I/GEUVRE  ASTRONOMIQUE   DE   H.   POINCARE.  3l5 

couples  £,  YJ;  y  sera  la  difference  des  deux  longitudes  moyennes,  les  autres 
variables  x,  £',  Y/,  £",  V  seront  denies  comme  a  la  page  270. 

Si  1'excentricite  de  1'orbite  de  Jupiter  n'est  pas  negligee,  la  fonction  F 
depend  aussi  de  1'anomalie  moyenne  de  Jupiter,  c'est-a-dire  du  temps.  Pour 
eliminer  le  temps,  on  petit  introduire  un  couple  xl  y]  (y!  etant  cette  anomalie 
moyenne  et  x]  une  variable  auxiliaire).  Le  probl&me  est  alors  ramene  a  la  forme 
canonique  (2)  avec  qualre  degres  de  liberty  (deux  couples  x,  y  et  deux 
couples  £,  79). 

En  voulanl  inUSgrer  ces  Equations  par  des  series,  il  fauL  distinguer  les 
plan&tes  ordinaires  et  les  plan&tes  caracteristiques.  La  periode  de  revolution  de 
ces  derni&res  est  a  peu  pres  commensurable  avec  celle  de  Jupiter. 

En  voulant  appliquer  les  series  de  M.  Lindstedl  aux  plan&tes  ordinaires  et 
les  series  de  M.  Bohlin  (generalisces)  aux  planetes  caracteristiques,  on 
rencontre  cette  difficulte  que  les  termes  en  /JL  dans  les  expressions  des  moyens 
mouvements  du  noeud  et  du  perihelie  sont  egaux  et  de  signes  contraires.  Pour 
eviter  la  difficult^  en  question,  on  pourrait  appliquer  un  procede  analogue  a 
celui  employe  par  Poincare  dans  la  ih^orie  de  la  Lime  (p.  3ia).  On  d^mon- 
trerait  ainsi  que  les  series  de  M.  Lindstedl  (pour  les  ast^roides  ordinaires)  ne 
renferment  que  des  puissances  positives  de  la  masse  perlurbanle  ^.  Au  conlraire, 
pour  les  plan^tes  caracteristiques,  en  adrnetlanl  que  le  petit  diviseur  /^,  dii  a 
la  commensurabilite  approch6e,  est  de  1'ordre  de  y/fx,  on  rencontrerait  (comme 
dans  la  theorie  de  la  Lune)  dans  les  series  de  M.  Bohlin  §6n6ralis6es  des  termes 
d'ordre  n^gatif,  /\  et  y/jui  etant  du  premier  ordre.  Toutefois  dans  les  develop- 
pements  des  coordonn6es  de  1'asteroi'de,  les  termes  correspondants  sont  au 
moins  du  septi^me  degre  par  rapport  aux  excentricites  et  a  1'inclinaison. 
lividemment,  1'introduction  des  termes  d'ordre  n^gatif  par  rapport  &  A  et  V/f* 
n'emp^che  pas  que  les  series  de  M.  Bohlin  ainsi  g^n6ralis(5es  nc  renferment 
que  des  termes  d'ordre  positif,  en  admettant  que  chacune  des  quantit6s  <?',  e 
et  Y  est  aussi  de  1'ordre  de  y/fz.  On  pourrait  ainsi  pousser  1'approximation 
jusqu'a  un  ordre  quelconque. 

En  mettant  dans  tous  ces  d^veloppements  e'—e^y  — o,  on  rencontrerait 
la  solution  p^riodique  de  la  premiere  sorte  qui  correspond  au  rapport  admis 
entre  les  moyens  mouvements.  Evidemment,  on  pourrait  aussi  faire  la  theorie 
de  Pasteroide  en  partant  de  cette  solution  p^riodique  (analogue  a  celle  de 
M.  Hill  dans  le  cas  de  la  Lune)  et  en  appliquant  ensuite  la  mtHhode  de  M.  Brown 
ou  de  Poincare  pour  le  calcul  des  termes  renfermant  Jes  puissances  de  e',  e  et  y. 


3j6  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

Quand  il  s'agit  d'une  the"orie  approchee  pormellanl  de  relrouvcr  PasteWide 
pendanl  quelques  ccntaines  d'anne'es,  on  pourrait  se  contenler  des  premiers 
termes  des  series  mentionnees.  Plusicurs  aslronomes  se  sonl  occupe"s  en  derail 
de  cette  question  de  donner  des  expressions  ge'ne'rales  permettant  de  calculer 
rapidement  les  perturbations  les  plus  importantes. 

Poincar6  a  e"baucbe"  une  meHliode  de  ce  genre  applicable  aux  planetes  carac- 
Igrisliques  [368;  464,  nos  206-2JO]  (*).  Les  Equations  sont  de  la  forme  (2)  avec 
trois  degnjs  de  liberte  (un  couple  #,  y  et  deux  couples  E,  *)).  Les  E  et  r\  sont  de 
1'ordre  de  Pexcenlricitg  et  cle  1'inclinaison.  En  premiere  approximation,  Poin- 
car<^  neglige  dans  F  tons  les  termes  qni  dependent  de  la  variable  angulairey, 
qui  signifie  la  difference  des  deux  longitudes  moyennes.  Les  variables  sont 
clioisies  de  sorte  que  I'int^gration  des  equations  ainsi  abre'ge'es  nous  donne  les 
perturbations  qui  varient  lentement  a  cause  de  la  petitesse  de  p.  ou  en  vertu  de 
la  commensurabilite"  approcb^e  enlre  les  moyens  mouvements.  Les  in^galites 
obtenues  ainsi  en  premiere  approximation  sont  les  plus  importantes,  puisqu'elles 
out  e"t£  agrandies  par  les  petits  diviseurs.  Enfin,  dans  une  seconde  approxi- 
mation, Poincarc  lient  compte  aussi  des  termes  de  F  qui  dependent  de  la 
variable  y.  Les  perturbations  qui  en  resultent  sont  moins  considerables. 


16.  Developpement  de  la  fonction  perturbatrice. 

Dans  notre  systeme  solaire,  les  masses  des  huit  planetes  principales  sont  tres 
petites  par  rapport  a  celle  du  Solcil.  Les  masses  des  ast^roi'des  et  des  comet es 
sont  m£me  tout  a  fait  insensibles.  Le  mouvement  de  Pun  qnelconque  de  tous 
ces  corps,  qui  ne  se  rapproche  pas  trop  d'une  planete  principale,  aura  done 
lieu  A.  peu  pres  suivant  les  lois  de  Kepler  au  moins  pendant  un  certain  temps 
limits.  Les  forces  qui  emp6cbent  le  mouvement  de  rester  ke'ple'rien  d^rivent 
d'une  fonction  de  force  qui  s'appelle  la  fonclion  perturbatrice. 

En  choisissant  dans  la  the"orie  des  planetes  les  variables  proposers  par  Poin- 
care"  (voir  p.  269),  la  fonction  perturbatrice  ne  sera  autre  chose  que  la  fonc- 
tion fiFi  de  la  page  269.  Elle  sera  la  m£me  pour  toutes  les  planetes  et  aura  la 


C1)  [3G8],  OBuvreSi  t.  Mil,  p.  487-456;  [464,  n°  200-210],  Lemons  de  mtcanique  celeste,  t.  1, 
p.  357-365. 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE.  817 

forme  [164;  87;  464,  n°  43]  (A) 


mt  et  my  e"tant  les  masses  des  planetes  P/  el  P/,  A^y  leur  distance  muLuelle,  V, 
el  Vy  les  vitesses  absolues  des  planetes  P/  eL  P/  (le  centre  de  gravity  de  tout  le 
systeme  e"tant  suppose'  fixe)  et  enfin  W/j  Tangle  compris  enlre  les  directions 
de  ces  vitesses. 

En  introduisant  pour  les  coordonnees  relatives  et  les  vitesses  absolues  les 
expressions  des  coordonnees  et  des  vitesses  dans  le  mouvement  ke"pl6rien 
autour  d'tin  centre  fixe  d'attraction,  la  fonction  perturbatrice  et  ses  d6rive"es 
par  rapports  aux  variables  employees  deviennent  des  fonctions  pe"riodiques  de 
toutes  les  anomalies  mojennes,  de'veloppables  en  series  trigonome'triques 
suivant  les  multiples  de  ces  anomalies,  les  coefficients  des  de'veloppements 
£tant  des  fonctions  des  autres  elements  elliptiques  ou  canoniques.  Avant  de 
pouvoir  calculer  les  perturbations,  il  faut  savoir  calculer  les  coefficients  de  ces 
de'veloppements. 

Le  d6veloppement  de  la  seconde  partie  de  la  fonction  perturbatrice,  ceile  qui 
depend  des  vitesses,  n'offre  pas  de  difficultes  se'rieuses  [187;  464,  n°  239]  (-). 
II  s'agit  done  avant  tout  de  de"velopper  Tinverse  de  la  distance  A  de  deux 
planetes  en  se"rie  trigonom6trique  suivant  les  multiples  des  deux  anomalies 
mojennes. 

Le  de"veloppement  analytique  de  la  fonction  perturbatrice  a  fait  1'objet  de 
travaux  d'un  grand  nombre  d'astronomes  et  de  g^ometres.  Le  de"veloppement 
analytique  le  plus  simple  est  celui  de  Newcomb. 

En  supposant  nulles  les  excentricit6s,  le  de'veloppement  de  la  fonction  A"1 
suivant  les  multiples  des  deux  longitudes,  compte'es  a  partir  du  nceud,  est  assez 
simple.  Les  coefficients  de  ce  developpement  dependent  des  grands  axes  et  de 
1'inclinaison  mutuelle  des  orbites  et  sont  connus  sous  le  nom  des  coefficients 
de  Jacobi. 

Newcomb  a  de"duit  les  coefficients  du  de'veloppement  ge"ne"ral  de  la  fonc- 
tion A"1  suivant  les  multiples  des  deux  longitudes  moyennes  et  des  deux 
anomalies  moyennes  et  suivant  les  puissances  des  excentricit6s,  en  effectuant 

(l)  [164],  OEuvres,  t.  VII,  p.  406-499;  [87],  CBuvres,  t.  IV,  p.  17-24;  [464,  n«  43],  Lemons  de 
mecanique  celeste,  t.  1,  p.  58. 

(-}  [187],  QEuvres,  t,  VII,  p.  5oo-5ir;  [4(54.,  11°  239],  Lemons  de  mecanique  celeste,  t.  2, 
ira  partie,  p.  36. 


3i8  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

sur  les  coefficients  de  Jacob!  ccrlaines  operations  dilferentielles.  Les  operateurs 
de  New  comb  sont  certains  polynomcs  a  coefficients  rationnels  du  sjmbole 

differential  D  ==«  —  ?  a  (Slant  le  rapport  des  deux  grands  axes.  Pour  calculer 
successivcmcnt  les  coefficients  de  ces  operateurs,  Newcomb  a  donne  des 
formulcs  de  recurrence  assez  complique'es. 

Poincare  a  simplifi<§  bcaucoup  [46i,  chap.  XIX]  (*)  la  theorie  des  operateurs 
de  Newcomb,  en  montrantquc  ces  ope"ratcurs  rentrent  coininc  coefficients  dans 
le  developpemeiit  de  la  fonction 


a  I 

suivant  les  multiples  de  Panomalie  mojonnc  et  suivant  les  puissances  de 
1'excentricite  (r,  a,  9  designent  le  rayon  vecteur,  le  demi-grand  axe  et  Fano- 
malie  vraie,  tandis  que  5  est  un  nombre  entier).  Le  developpement  trigonome- 
trique  de  la  fonction  considered  avail  ete"  etudie  deja  par  Hansen. 

Etant  donn^e  cette  decouverle  dc  Poincar^,  il  etait  facile  de  deduire  pour  les 
operateurs  de  Newcomb  certaines  formulcs  de  recurrence  beaucoup  plus 
simples  que  celles  qu'avait  employees  Newcomb  Iui-m6me.  Ainsi,  le  calcul  des 
termes  de  degre  tres  eleve  dans  le  d^veloppement  de  la  fonction  perturbatrice 
a  ete  considerablement  simplifie. 

Soit  maintenanl  /  et  V  les  anomalies  moyennes,  u  et  u'  les  anomalies  excen- 
triques  des  deux  planetes.  On  aura  les  developpemeiits 


(E  etant  la  base  des  logarithmes  naturels). 

Pour  etudier  les  coefficients  Am,7n^  et  Bw,m/  de  ces  developpements,  Poincare 
les  exprime  au  moyen  d'integrales  doubles.  En  mettant 


il  obtient  la  formule  [209;  464,  n°  242]  (^) 

A         _        i      (T   VEQ  dx  dy 

A«MM'«-^ajf/    A^m-fir^-i-l' 


(*)  [464,  chap.  XIX  |,  Lecons  de  mecaniqtie  celeste^  I.  2,  ire  partie,  p.  b'G. 
(2)  [209],  QEuvres,  t.  VIII,  p.  3i-3a  et  33-47;  [464,  n°  242],  Legons  de  mecanique  celeste,  t.  2, 
ire  partie,  p.  4i- 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE.  3rg 

V,  £2  ct  A2  (le  carre  de  la  distance)  etant  certains  polynomes  en  x,  -5  r  et  -• 

Pour  obtenir  F  expression  de  Bmj7?i/,  il  faut  mettre  V  ==  Q  ~  i  dans  1'expression 
de  Am>m/.  Les  integrations  doivent  s'effectuer  suivant  les  cercles  [  &\  —  i ,  |  y  \  =  i 
dans  les  plans  des  variables  complexes  x  et  y.  La  fonction  #2j>'2A2  est  un  poly- 
nome  du  sixiSme  degre  en  x  et  y  dont  les  coefficients  dependent  des  elements 
des  orbites. 

Les  coefficients  Am>m^  el  Bmj/n/  peuvent  se  developper  suivanL  les  puissances 
des  excentricites  et  de  Pinclinaison.  Par  les  travaux  de  Leverrier,  de  Newcomb 
et  de  Boquet,  on  connait  les  premiers  termes  de  ces  developpements  (jusqu'au 
huiti&me  degre  inclus).  Poincartf  montre  comment  il  est  possible  de  trouver  les 
rayons  de  convergence  de  ces  developpements  [209,  464,  chap.  XX]  (1).  II 
s'agit  d'indiquer  les  singularites  qui  determinent  les  domaines  de  convergence. 

Pour  cela,  Poincar6  se  pose  le  probl£me  general  de  trouver  les  singularity 
d'une  fonction  definie  par  une  integrate  complete  prise  suivant  une  courbe  ou 
une  surface  ferm^e.  En  connaissant  les  relations  qui  donnent  les  singularity 
de  la  fonclion  sous  le  signe  d'int6gration,  consid6r^e  comme  fonction  des 
variables  d'int^gration,  il  est  possible  d'6crire  les  relations  qui  donnent  les 
singularity  de  I'inUSgrale,  consid^r^e  comme  fonction  des  param^jtres.  II  faut 
exprimer  que  deux  singularity  de  la  fonction  sous  le  signe  d'int^gration  coin- 
cident, et  que  ces  deux  singularity  se  sont  irouvtSes  auparavant  sur  des  cot^s 
opposes  du  chemin  d'int^gration,  de  sorte  qu'il  n'est  pas  possible  de  les  <3viter 
en  d(§formant  ce  chemin.  II  n'est  pas  difficile  d'tScrire  les  conditions  pour  que 
deux  singularity  coincident.  La  difficult^  est  de  trouver  parmi  toutes  les  singu- 
larit^s  possibles  celles  qui  appartiennent  a  la  branche  consider^e  de  la  fonction 
multiforme  qui  est  d<5finie  par  I'int6grale  donnt§e. 

Poincare  r^sout  la  question  cornpl&tement  quand  les  excentricit^s  sont  nulles 
ou  quand  1'inclinaison  est  nulle.  Pour  le  cas  g^n^ral,  la  discussion  devient  trop 
compliqu6e.  Mais  Poincar£  arrive  presque  imm^diatement  a  la  conclusion  : 
Pour  tous  les  coefficients  Am,m/et  Bm,m',  les  developpements  poss^dent  le  m^me 
domaine  de  convergence. 

Ensuile  Poincar^  poursuit  P^tude  des  coefficients  Amjm/  et  B/^/n'  dans  une 
autre  direction,  fividemment,  le  calcul  de  ces  coefficients  serait  facility  par 
1'emploi  de  formules  de  recurrence.  Poincar<§  a  ebauche  la  question  en  d£mon- 

C1)  [209],  CEuvres,  t.  VIII,  p.  3i-3a  et  33-47;  [404,  chap.  XX],  Lecons  de  mecaniqite  ctleste, 
t.  2,  ire  partie,  p.  100. 


320  L'GEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.   POINCARE. 

trant  1'existence  de  relations  lindaires  entre  les  coefficients  A  et  B  et  leurs 
derivees  par  rapport  aux  Elements  qu'ils  renferment  [168;  196;  206;  207; 
351;  464,  chap.  XXI]  (A). 

Dans  ces  recherches,  Poincare  consid&re  les  integrales 


iT 
11  =J 


etendues  suivanl  une  surface  fermtie  dans  le  domaine  des  variables  complexes  x 
et  y.  Q  et  F  sont  des  poljnomes  donnas  en  #,  a?"1,  y  et  y~S  H  un  poljnome 
arbitraire;  zs  est  un  nombre  entier  et  impair.  Poincare  demontre  que  les  inte- 
grales II,  considers  comme  fonctions  des  param£tres  qui  entrent  dans  &  et  F, 
peuvent  se  reduire  a  un  certain  nombre  d'entre  elles  qui  sont  lineairement 
independantes.  Si/et  o>  sont  les  degres  des  polynomes  F  et  &,  le  nombre  des 
integrates  II  qui  sont  lineairement  independantes  est  ^8(/+o))2.  Si  les 
polynomes  F,  Q  et  H  sont  symetriques,  de  sorte  que  leurs  signes  ne  changent 
pas  si  x  et  y  changent  leurs  signes  simultanement,  alors  le  nombre  des  inte- 
grales  lineairement  independantes  est^4(/H~  w)2-  Ces  nombres  ne  dependent 
pas  de  s. 

Les  coefficients  Am>m>  et  Bm>m/  ainsi  que  leurs  d6riv6es  partielles  d'ordre 
quelconque  par  rapport  aux  ^l^ments  sont  des  expressions  de  la  forme  II. 

Pour  les  coefficients  Bm>m/,  on  a/=  2,  w  —  o,  4(/+  w)2—  I6.  Si  Ton  envi- 
sage le  d6veloppement  de  la  fonction  A"1  suivant  les  anomalies  excentriques, 
il  y  aura  ainsi,  entre  les  coefficients,  des  relations  lin^aires  de  recurrence  dont 
les  coefficients  seront  des  fonctions  rationnelles  des  elements.  Ces  relations 
permettent  d'exprimer  tous  ces  coefficients  en  fonction  de  seize  entre  eux.  De 
plus,  chacun  des  coefficients  Bmj7n/,  consider^  comme  fonction  de  Fun  quel- 
conque des  elements,  satis  fait  a  une  equation  differentielle  lineaire  du  seizi^me 
ordre  au  plus,  dont  les  coefficients  sont  des  fonctions  rationnelles  des  elements. 

Pour  les  coefficients  Am>m/,  on  a/=2,  w  =  i,  4(/+o))2—  36.  Le  poly- 
nome  ^,  qui  depend  de  m  et  m',  n'est  pas  le  m6me  pour  deux  coefficients  A  w?m/ 
differents.  Par  suite,  on  ne  pent  trouver  ainsi  des  formules  de  recurrence  a 
coefficients  rationnels  entre  les  Am,m/.  Mais  chacun  de  ces  coefficients-,  consi- 
dere  comme  fonction  de  Fun  quelconque  des  elements,  satisfait  a  une  equation 
drfferentielle  lineaire  du  trente-sixi&me  ordre  au  plus. 

C1)  [168],  OSuvres,  t.  VIII,  p.  48-49;  [196],  OEuvres,  t.  VIII,  p.  60-109;  [206],  CEwres,  t.  VIII, 
p.  no-iii,  [207],  CEuvresi  t.  VIII,  p.  10-26;  [351],  CEwres,  t.  Ill,  p.  493-539;  [464,  chap.  XXI], 
Legons  de  m&canique  Meste,  t.  2,  i™  partie,  p.  119. 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE.  821 

L'int6grale  II  est  une  p6riode  de  I'mtdgrale  double  inde'finie. 

I  = 


Soil  A"  le  nombre  des  pe'riodes  fondamentales.  Ce  nombre  A"  ne  depend  pas  des 
polynomes  H  el  £2  mais  seulement  du  poljnome  F.  Conside'rons  A-  -f- 1  inte'- 
grales  II  qui  peuvent  differer  par  rapport  a  H  et  £2,  le  domaine  d'int6gration  el 
le  polynome  F  6tant  le  m£me  dans  loutes.  Cliacune  de  ces  A'  -f- 1  integrales  II 
s'exprime  au  moyen  des  pe'riodes  fondamentales  correspondanles  par  la  m6me 
fonction  line'aire  a  coefficients  enliers.  Si  Ics  parametres  qui  entrant  dans  II 
decrive.nl  dans  leurs  plans  des  contours  forme's,  les  pe'riodes  subiront  une 
transformation  line'airc  qui  sera  la  m6me  pour  tous  les  IT.  II  en  r6sultc  qu'il 
cxiste  entre  k  4-  i  quelconques  des  integrates  II  une  relation  line'aire  a  coeffi- 
cients uniformes  par  rapport  aux  parametres  qui  entrent  dans  F. 

Pour  les  coefficients  Bm>m^  on  a  k  ^- 16.  Alors,  il  en  est  ainsi  de  m&me  pour 
1'ensemble  des  coefficients  A  et  B  et  de  toutes  leurs  de'rive'es. 

Ainsi,  entre  tous  les  coefficients  A,,,)m/et  leurs  de'rive'es,  il  existe  des  relations 
lineaires  a  coefficients  uniformes  par  rapport  aux  elements,  de  sorte  que  toutes 
ces  quantite's  peuvent  s'exprimer  par  seize  d'entre  elles. 

Poincart!  senible  esp6rer  qu'une  etude  plus  de'taille'e  des  pe'riodes  de  1'inle- 
grale  double  qui  correspond  a  B,,V;I>  rnontrera  que  le  nombre  k  est  <<  16,  quand 
il  s'agit  du  d6veloppement  de  la  fonciion  perturba trice. 

Si  les  exceiitricite's  sont  nulles,  la  fonction  F  se  simplifie  de  sorte  que  k  =  4- 
Les  relations  line'aires  correspondantes  ^taient  connues  ddja  par  Jacobi. 

Jacobi  a  d^montre  aussi,  par  des  considerations  tout  a  fait  6l(^mentaires,  que 
les  B  peuvent  s'exprimer  line'airement  par  quinze  d'entre  eux.  On  aurait 
done  k  ^- 1 5  dans  le  cas  ge'ne'ral. 

Arrivons  maintenant  aux  recherches  de  Poincar^  sur  les  expressions  asyinp- 
totiques  des  termes  de  degr<5  tres  6lev6  dans  le  d^veloppement  de  la  fonc- 
tion A-*  [120;  173;  278,  chap.  VI;  464,  chap.  XXIII]. 

Supposons  que  les  moyens  mouvements  n  et  nf  de  deux  planetes  soient  a  peu 
pres  commensurables  de  sorte  que  mn-^mJn1  soit  une  quantity  tr&s  petite. 
Alors  les  perturbations  des  longitudes  qui  apr&s  deux  integrations  proviennent 


(M  [120],  OEuvres,  t.  VIII,  p.  5-g;  [173],  OEuvres,  t.  VIII,  p.  27-80;  [278,  chap.  VI],  Les 
methodes  nouvelles  de  la  mecanique  celeste,  t.  1,  p.  269;  [464,  chap.  XXIII];  Legons  de  meca- 
nique  celeste^  t.  2,  ire  partie,  p.  157. 

H.  P.  —  XI.  4< 


322  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE.  - 

du  terme  dont  ['argument  est  ml  -\-m!l]  peuvent  devenir  sensibles  quoique  le 
coefficient  Am,m/  soil  lui-mSme  tr&s  petit.  II  serait  alors  important  d'avoir  une 
expression  analytiquo  qui  se  rapproche  de  Am,m'  quand  m  et  m'  sont  tr6s 
grands.  Pour  trouver  une  telle  expression,  Poincare  pose 


<!*(-)= 


a,  b)  c,  rf  etant  de  petits  entiers  donnes.  Cette  fonction  pent  se  mettre  sous  la 
forme  d'une  integrate  simple 


(-,)=  _  *-  .-..-   C  \-is-(*b+*(tl]tfo-atl-i 

2  JT  </  —  I  J 


</ 

prise  le  long  de  la  oil-conference  1  1  =  i.  Dans  A  (la  distance  des  deux  plan£tes) 
il  faut  inlroduire 


a  et  y  <^tant  deux  entiers  tels  que  a  a  +  cy  =  i  . 

Pour  trouver  1'expression  asymptotique  des  coefficients  A.nv+b,Cv+d  pour  v 
grand,  Poincar^  applique  la  m<3thode  importante  de  M.  Darboux,  qui  donne 
pr^cis<5ment  1'expression  asymptotique  des  coefficients  e^loign^s  d'une  s£rie  de 
puissance,  quand  on  connait  la  nature  des  singularity  de  la  fonction  sur  le 
cercle  de  convergence. 

La  determination  des  points  singuliers  de  la  fonction  $(z)  ne  pr(5sente  pas 
de  difficultes,  puisque  c'est  une  fonction  donn6e  par  une  integrals  simple  prise 
le  long  d'un  contour  ferm£.  Pas  de  difficultes  non  plus  en  ce  qui  concerne  la 
nature  de  ces  points  singuliers,  qui  sont  bien  tels  que  suppose  la  m^thode  de 
M.  Darboux.  La  difficult^  provient  de  ce  fait  que  tous  les  points  singuliers 
qu'on  trouve  n'appartiennent  pas  a.  la  branche  consid^r^e  de  la  fonction  <£(-£)• 
La  discussion  pour  reconnaitre  I'admissibilitg  des  points  singuliers  est  assez 
delicate  et  a  6te  jusqu'ici  le  principal  obstacle  a  1'emploi  general  de  cette 
m^thode. 

Poincar6  n'en  a  fait  Fapplication  que  dans  le  cas  special  ou  Pinclinaison  est 
nulle,  1'une  des  excentricites  nulle  et  1'autre  tr£s  petite. 

Ce  serait  certainement  un  travail  utile  de  poursuivre  ces  recherch.es,  au 
moins  dans  le  cas  ou  les  excentricites  et  Finclinaison  sont  petites. 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE   DE   H.    POINCARE.  3a3 

17.  Determination  desorbites. 

Le  mouvement  d'une  planete  ou  comete  qui  ne  se  rapproche  pas  trop  d'une 
planete  principale  reste  sensiblement  keplerien  pendant  un  certain  temps. 
Pendant  ce  temps,  les  elements  osculateurs  de  Porbite  ne  varient  que  tr&s 
peu  et  peuvent  £tre  regardes  comme  invariables  au  moins  dans  une  premiere 
approximation.  Apres  la  decouverte  d'un  tel  astre,  il  importe  de  determiner  les 
elements  de  son  orbite  en  partant  d'observations  separ6es  Tune  de  Pautrc 
par  quelques  semaines.  Pour  le  calcul  des  six  elements,  trois  observations 
completes,  donnant  la  longitude  et  la  latitude  geocenlrique  (X  et  (3),  sont  en 
general  necessaires. 

Le  probleme  de  la  determination  des  orbites  au  mojen  d'observations 
voisines  fut  resolu  par  Laplace  en  1870.  Rappelons  bri£vement  les  principes 
de  sa  solution.  En  partanl  des  observations,  au  moins  trois  en  nombre,  et  en 
employ  ant  la  methode  d'interpolajion,  Laplace  calcule  pour  une  certaine 
epoque  £0  la  longitude  X  et  la  latitude  (3  de  Pastre  ainsi  que  les  deux  premieres 
derivees  de  ces  angles.  Les  coordonnees  rectangulaires  heliocentriques  de 
1'astre  a  1'epoque  to  sont  alors  des  fonctions  lineaires,  a  coefficients  connus,  de 
la  distance  geocentrique  inconnue  p.  En  introduisant  ces  coordonnees  et  leurs 
derivees  secondes  dans  les  equations  du  mouvement  keplerien,  Laplace  obtient 
trois  equations  lineaires  par  rapport  a  p  et  ses  derivees  p'  et  p",  equations  dont 
les  coefficients  dependent  de  la  distance  heliocentrique  r  de  1'astre  a  1'epoque  t0. 
En  eliminant  p'  et  p",  il  trouve  une  relation  eiitre  p  et  r.  La  resolution  du 
triangle  forme  par  le  Soleil,  la  Terre  et  1'astre  donne  encore  une  relation  entre 
ces  memes  quantites.  En  eliminant  r  entre  ces  deux  relations,  il  obtient  une 
equation  du  septi&me  degre  qui  determine  p.  Cette  quantite  connue,  les  equa- 
tions du  mouvement  donnent  Pinconnue  p'  comme  fonction  lineaire  de  p.  En 
connaissant  ainsi  p  et  p',  il  est  possible  de  calculer  pour  t  =  to  les  valeurs 
initiales  des  coordonnees  heliocentriques  et  de  leurs  derivees  du  premier  ordre. 
Enfin,  en  partant  de  ces  valeurs  initiates,  Laplace  arrive  facilement  aux  valeurs 
cherchees  des  elements. 

Laplace  n'avait  pas  elabore  son  procede  dans  tous  ses  details.  Les  methodes 
les  plus  usitees  dans  la  pratique  ont  ete  celle  de  Gauss  et  celles  qui  en  sont 
derivees.  Gauss  part  de  trois  equations  lineaires  entre  les  trois  distances 
geocentriques  inconnues  pi,  p2  et  p3,  equations  qui  expriment  que  le  mouve- 


32 {  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

menl  est  plan.  Les  coefficients  de  ces  Equations  dependent  des  deux  rapports 
cnlre  les  surfaces  des  trois  triangles  plans  formes  par  le  Soleil  et  par  deux 
.  quelconques  des  trois  positions  de  Tastre.  Ces  rapports  soul  developpables 
suivant  les  puissances  des  intervalles  de  temps  t<2 —  ^  et  t%  —  *a.  Dans  les  dgve- 
loppcments  de  Gauss  et  d'Encke,  les  coefficients  ne  dependent  que  de  la 
distance  Miocentrique  r* ;  les  dgveloppements  plus  approch<3s  d'Oppolzer 
renferment  r±  el  /'3,  landis  que  dans  les  d^veloppements  encore  plus  exacts  de 
Gibbs  les  coefficients  renferment  toutes  les  distances  n,  ra  et  ra.  En  <5lirm- 
nanl  pi  et  p;i?  Gauss  et  Encke  obtiennent  une  Equation  pour  p2,  donnant  p2  avec 
tine  erreur  du  premier  ordre  par  rapport  aux  intervalles  £2 — £i  et  £3  —  t*. 
L'equation  de  Gauss  pour  p2  est  analogue  a  liquation  pour  p  de  Laplace.  Dans 
la  m^thode  d'Oppolzer,  on  aura  a  re"soudre  deux  Equations  alg^briques  entre  pi 
et  p3.  L'erreur  des  inconnues  qui  s'obtiennent  par  des  approximations  succes- 
sives  est  du  second  ordre.  Enfm  dans  la  mgthode  de  Gibbs  on  aura  trois 
Equations  entre  pi,  p2  etps,  et  Perreur  des  inconnues  est  du  troisi^me  ordre. 
En  connaissant  les  coordonnges  hdioceniriques  qui  correspondent  aux  obser- 
vations extremes  ainsi  que  1'intervalle  de  temps  £3 —  d,  il  est  facile  de  calculer 
les  (5l^ments.  Dans  les  mgthodes  de  Gauss,  d'Encke,  d'Oppolzer  et  de  Gibbs, 
le  degr6  de  1'exactitude  augmente  d'une  unit6  si  les  observations  sont  6qui- 
distantes  de  sorte  que  t-A — ^2—  t% — t\.. 

Poincar6  a  perfectionn6  considerablement  [371]  (x)  la  m^thode  de  Laplace 
en  choisissant  pour  1'^poque  ^0  la  valeur  moyenne  des  trois  6poques  d'obser- 
vation  ti:  t$  et  £3.  Alors,  les  erreurs  des  valeurs  interposes  de  la  longitude  et 
de  la  latitude  g^ocentrique  sont  du  troisi&me  ordre,  tandis  que  les  valeurs  des 
deux  premieres  d^riv^es  de  ces  angles  sont  en  erreur  da  second  ordre  par 
rapport  aux  intervalles  de  temps.  II  en  r^sulte  que  les  valeurs  calculus  de  p, 
p;,  etc.  et  de  tous  les  £l£ments  sont  en  erreur  du  second  ordre.  Ainsi,  la 
me^thode  de  Laplace  donne  en  g^in<5ral  une  plus  grande  approximation  que  celle 
de  Gauss,  quoique  la  rapidit6  des  calculs  soit  la  m£me  dans  les  deux  mtHbodes. 
Si  les  observations  sont  cSquidistantes,  ces  deux  m6thodes  sont  6quivalentes.  La 
m^thode  d'Oppolzer  Pemporte  sur  celle  de  Laplace  seulement  si  les  observa- 
tions sont  e"quidistantes,  mais  les  calculs  qu'elle  exige  sont  plus  complique's. 
Enfin  la  m^thode  de  Gibbs  donne  toujours  la  plus  grande  exactitude  mais 
seulement  au  prix  d'ua  travail  considerable  de  calcul.  D'ailleurs,  il  ne  faut  pas 

(M  [371],  OEwres,  t.  VIII,  p.  893-416.  ' 


L'CEUVRE   ASTRONOMIQUE  DE   H.   POINCARE.  3S'3 

pousser  ^approximation  des  calculs  trop  loin,  puisquo  les  observations  sont 
elles-m6mes  erronees. 

Les  erreurs  du  second  ordre  dans  la  methode  de  Laplace  dependent  des 
derivees  du  troisifcme  et  du  quatri&me  ordre  de  la  longitude  A  et  de  la  latitude  (3 
pour  t  =  £0.  Poincare  montre  comment  ces  derivees  >.m,  A1Y,  (3in,  (31V  et  enfin  les 
corrections  du  second  ordre  des  elements  peuvent  s'exprimer  par  des  fonctions 
rationnelles  par  rapport  aux  p,  cosX,  sinTi,  A',  A",  cosp,  sin (3,  (3r,  (3"  (p  etant  lui- 
m6me  racine  de  liquation  deja  mentionnee  du  septi&me  degre). 

Poincare  demontre  aussi  qu'il  est  possible  d'exprimer  de  la  ni6me  mani&re 
les  corrections  dues  a  1'aberration. 

Poincare  indique  enfin  comment  on  peut  appliquer,  par  la  methode  d'inter- 
polation  eL  au  debut  du  calcul,  la  correction  de  la  parallaxe  aux  coordonn^es 
de  la  Terre  et  oviter  ainsi  toute  esp&co  de  tatonnement. 

La  m^lhode  de  Laplace,  bien  que  presentant  certains  avantages  dont  le 
principal  est  la  facility  de  se  servir  de  plus  de  trois  observations,  (3tait  tombee 
dans  un  injuste  discredit.  Grace  a  Poincar^,  cette  m^thode  Elegante  et  pratique 
a  £t6  enfm  rehabilitee. 

Les  me"thodes  dej^  mentionn^es  et  ayant  pour  but  la  determination  des 
elements  elliptiques  supposent  que  les  intervalles  entre  les  epoques  des  trois 
observations  sont  petils,  sans  toutefois  <3tre  trop  petits.  La  resolution  du  pro- 
bl^me  plus  general  de  calculer  les  elements  moyennant  trois  observations 
quelconques  est  beaucoup  plus  difficile.  On  aura  evidemment  six  equations 
pour  determiner  les  six  elements  inconnus,  mais  ces  equations  sont  transcen- 
dantes  comrne  1'equation  de  Kepler.  Le  probl&mc  est  done  theoriquement 
possible,  mais  les  ressources  actuelles  de  1' Analyse  ne  permeitenl  pas  de  le 
resoudre  en  toute  rigueur  et  dans  toute  sa  generalite. 

Toutefois  Poincare  fait  la  remarque  que,  si  1'orbite  est  parabolique,  il  est 
possible  de  determiner  les  elements  moyennant  trois  observations  completes  et 
quelconques  [281]  (*).  En  eflel,  dans  ce  cas,  les  equations  de  condition  devien- 
nent  algebriques  et  le  nombre  des  equations  depasse  par  1'unite  le  nombre 
des  inconnues.  Les  equations  devant  £lre  compatibles,  on  aura  une  certaine  rela- 
tion entre  les  donnees  d'observation  et  exprimant  que  le  mouvement  est 
parabolique.  Toutes  reductions  faites,  on  aura  enfm  les  elements  de  1'orbite 


t1)  Lemons  de  M.  Tisserand  $ur  la  determination  des  orbites,  preface  de  M.  POINTOARE,  Paris, 
Gauthier-Vi  liars,  1899. 


326  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

parabolique  sous  la  forme  de  fonctions  ralionnelles  des  6poques  des  trois 
observations  ainsi  que  des  cosinus  et  sinus  des  trois  longitudes  et  latitudes 
observes,  fividemment,  il  serait  int^ressant  de  former  ces  expressions  ration- 
nelles.  11  pourrait  arriver  que  1'application  de  cette  m^thode  directe  soil,  plus 
simple  que  Pemploi  des  mtHhodes  actuellement  en  usage. 


18.  Figure  de  la  Terre. 

Dans  son  travail  c^lebre  Figure  de  la  Terre  tiree  des  lois  de  V  Hydro- 
statique  (1740),  Clairaut  a  6tudit5  1'^tat  d'^quilibre  d'une  masse  fluide  h<He*ro- 
g£ne  qui  se  trouve  en  rotation  lente  autour  d'un  axe  et  dont  les  particules  sont 
soumises  a  la  loi  de  1'attraction  universelle.  Si  la  rotation  est  nulle,  on  suppose 
que  les  surfaces  d'tSgale  density  sont  sph&riques  et  concentriques  et  que  la 
density  diminue  constamment  quand  on  s'^loigne  du  centre.  Soit  D(/')  la 
density  mojenne  a  1'int^rieur  de  la  sphere  de  rayon  r.  En  vertu  de  la  rotation 
lenle,  les  surfaces  de  niveau  primitivement  sph(5riques  deviennent  sensiblement 
des  ellipsoi'des  de  revolution  autour  de  1'axe  de  rotation.  L'aplatissement  e  de 
In  surface  de  niveau  de  rayon  moyen  r  satisfait  a  liquation  de  Clairaut  : 


ou  n  =  —  (r/,  D',  e'  signifient  les  d(^riv<5es  de  rj,  D  et  e  par  rapport  a  /•). 

Pour  TO  il  faut  prendre  la  solution  particuli&re  qui  satisfait  a  la  condition  YJ  =  o 
pour  r  =  o. 

Rappelons  aussi  que  si  YH  est  la  valeur  de  n  a  la  surface  Faplatissement  e*.  de 
la  surface  libre  est  donn£  dans  la  th^orie  de  Clairaut  par  la  formule 

5 

2     ' 

9  6tant  le  rapport  entre  la  force  centrifuge  a  I'tSquateur  et  la  pesanteur  a  la 
surface  libre.  Cela  6tant,  la  fonction  e  est  compl^tement  d<5termin£e  ^.  Tint^rieur 
du  corps. 

Ajoutons  enfin  que  Clairaut  avait  d£ja  d^montr^  que  o  <  YJ±  <  3  de  sorte  que 

-<ei<-y. 
Poincar^  en  traitant  le  problfeme  de  Clairaut,  montre  que  la  solution  parti- 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE   DE   H.   POINCARE.  827 

culiere  deTmie  par  la  condition  r\  =  o  pour  /*  =  o  exisle  loujours  el  qu'elle  est 
unique  [112;  203;  462,  chap.  IV]  (*).  PoincanS  montre  de  plus  qu'on  a  loujours 

(27)  O^TJ^S. 

Ces  megaliths  lui  permettent  de  computer  un  r6sullal  obtenu  par  Radau. 
En  parlant  de  la  the'orie  de  Clairaut,  ce  savant  avail  de'duit  la  formule  curieuse 


ou  I  de-signe  le  rapport  5_A,  (A  et  C  (Slant  les  deux  moments  d'inertie  prin- 
cipaux  de  la  Terre),  landis  que  £  eslune  certaine  valeur  inconnue  de  •/}  a  Pmte'- 
rieur  du  corps. 

Les  valeurs  de  I  el  9  sonl  connues  :  la  premiere  esL  mcsurSe  par  la  pr^ces- 

sioii   des   Equinoxes,    la   seconde   par  la  physique.    On  a   irouve'   I  —  ^— ^ 


T  288,:,8 

Radau  avail  admis  que  YJ'>O,  de  sorte  que  o  <  £<  m=  Q,z*i-  On  a  alors 

K<  i, 00075.  Cela  aant,  la  valeur  e4= -^- (Clarke,  1880)  ne  peul  pas  salis- 

sy^jS 

faire  a  la  formule  de  Radau.  Ainsi,  les  valeurs  admises  de  I  et  de  d  nesont  pas 
d'accord  avec  la  the'orie  de  Glairaut. 

filant  donn^e  Tin^galil^  (27)  de  Poincare',  il  arrive  qu'on  a  loujours 
K<  i  ,00073,  puisque  o  <  £  <  3.  Le  re'sultat  de  Radau  subsisle  done  aussi  dans 
les  cas  ou  */)'  peul  devenir  n£gatif  a  I'int^rieur  du  corps. 

Ajoulons  que  les  valeurs  suivanies  de  Taplalissemenl  :  d  =  ^^  (Bessel, 

I84i);  ei=  ~  (Helmert,  1907);  e,  =  ^  (Hayford,  1909)  ne  sonl  pas  en 

contradiclion  avec  la  the'orie  de  Clairaul. 

Poincare'  a  aussi  e'crit  deux  M^moires  qui  se  rapportent  (5troitement  aux 
mdlhodes  actuellement  en  usage  dans  la  Ge'ode'sie.  II  esl  bien  connu  que  les 
surfaces  de  niveau  de  la  Terre,  qui  sonl  orlhogonales  aux  directions  de  la 
pesanleur,  ne  sonl  pas  toul  a  fail  des  ellipsoides  de  revolution,  Le  ge'oide 

(l)  1 112  |,  CEwres,  t.  VIII,  p.  120-124;  [203],  OSwres,  t.  VIII,  p.  i25-i3i  et  182-142;  [462, 
chap.  IV].  Figures  d^quilibres  d'une  masse  fluide,  lecons  profei5s6es  i  la  Sorbonne  en  1900, 
Paris,  1902,  21 1  p.  (Gauthier-VUlars,  6diU)« 


328  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

(consliluant  la  surface  libre  moyenne  de  la  mer  prolongee  analytiquement,  on 
par  des  nivellements  penses  au-dessous  des  continents)  presente  en  ve'rite'  des 
soulevements  et  des  abaissements  de  quelques  centaines  de  metres  par  rapport 
au  spheroide  de  reference.  Rappelons  aussi  que  les  operations  geodesiques 
ordinaires,  qui  embrassent  des  mesures  de  distances,  d'angles  liorizontaux  et 
verticaux  ainsi  que  des  determinations  d'azimuls  et  de  latitudes  —  que  toutes 
ces  operations  ont  pour  but  d'etudier  en  detail  les  irregularites  du  gooide. 

Les  mesures  de  1'inlensite  de  la  pcsanleur  sont  aussi  d'une  importance  capi- 
tale  dans  les  recherches  geodesiques.  Au  rnoyen  de  ces  mesures  M.  Helmert  a 
determine  1'aplatissement  de  la  Terre.  II  semble  toutefois  qu'on  n'ait  pas 
encore  tire  tout  le  parti  possible  de  cette  espece  d'observations. 

Dans  le  premier  des  deux  Memoires  mentionnes  [217]  (L)  Poincare  montre 
que  les  mesures  de  Pintensite  de  la  pesanteur,  si  elles  sont,  assez  multipliees  et 
suffisamment  exactes,  peuvent  remplacer  les  operations  geodesiques  ordinaires 
et  qu'clles  suffisent  pour  determiner  completement  la  forme  du  geoi'de. 

Mais  avant  de  pouvoir  utiliser  ainsi  les  valeurs  mesurees  de  la  gravite,  il 
faut  y  appliquer  deux  corrections  :  d'abord  la  correction  deFaye  dependant  de 
Paltitude  et  donnant  la  reduction  au  niveau  de  la  mer  et  ensuite  une  seconde 
correction  qui  s'obtient  par  le  precede  de  condensation  de  M.  Helmert.  Apres 
1'application  de  ces  deux  corrections,  on  trouve,  a  des  quantites  pres  du 
second  orclre  par  rapport  a  1'aplatissement,  la  valeur  gl  de  la  gravite  qu'on 
aurait  observee  sur  le  geo'ide,  si  toutes  les  masses  situees  a  Fexterieur*  d'une 
sphere  S  tangente  interieure  au  geoi'de  avaient  ete  condensees  sur  cette  sphere. 
Les  changements  du  geoi'de  en  vertu  de  la  condensation  sont  du  second  ordre 
et  peuvent  6tre  negliges.  Apres  la  condensation,  on  peut  developper  lepotentiel 
V  du  ^  1'attraction  suivant  les  puissances  negatives  de  r,  les  coefficients  du 
developpement  etant  des  fonctions  spheriques,  et  ce  developpemcnt  sera  con- 
vergent sur  toute  la  surface  de  la  Terre. 

Soit  £  le  soulevement  du  geoi'de  au-dessus  de  la  sphere  S.  II  est  clair  qu'il  y 
aura  des  relations  simples  (en  negligeant  les  quantites  du  second  ordre  par 
rapport  a  Faplatissement)  entre  les  coefficients  correspondants  dans  les  deve- 
loppements  de  V,  de  g]  et  de  £  suivant  les  fonctions  spheriques. 

Soit  maintenant 


[217]  OEuvres,  t.  VIII,  p.  143-174. 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE.  829 

le  developpement  suivant  les  fonclions  spheriques  Xn  qui  donne  les  valeurs 
observees  et  corrigees  gj.  Poincare  demontre  que  le  soulevement  £  du  geoide 
au~dessus  de  la  sphere  S  est  donne,  aux  termes  da  second  ordre  pres,  par  le 
developpement 


<J>  etant  une  fonciion  lineaire  connue  du  carre  du  cosinus  de  la  latitude. 

II  n'est  pas  necessaire  de  calculer  les  coefficients  g-'lt1  qui  convergent  n6ccs- 
sairement  ires  lentement.  En  efiet  la  fonction  271  (^  £  —  <£)  aura  la  forme  d'une 
integrale,  qui  donne  le  potentiel  d'une  couche  spherique  attirante,  dont  la 
densite"  est  donne'e  par  la  fonction  connue  g1  —  g\^  la  loi  de  Pattraclion  etant" 
representee  par  une  certaine  fonction  de  la  distance,  et  coTncidant  a  peu  pres 
avec  la  loi  universelle. 

En  iritroduisanl  dans  cette  integrate,  au  lieu  de  g*  —  g\^  seulement  la  pertur- 
bation locale  pour  un  certain  lieu,  1'integrale  en  question  dorinera  le  souleve- 
ment  du  ge"o-i'de  qui  correspond  a  cette  perturbation. 

Poincare  a  ddvelopp^  cette  id6e  aussi  d'une  autre  maniere  en  ri(5gligeant, 
non  plus  le  carre"  de  1'aplatissement,  mais  le  carr6  du  relevement  du  g^oi'de 
au-dessus  de  Fellipsoi'de,  c'est-a-dire  une  quanlite'  beaucoup  plus  petite.  Alors, 
au  lieu  de  la  sphere  S,  on  aura  affaire  a  un  ellipsokle,  et  les  fonctions  de 
Lam6  s'introduiront  au  lieu  des  fonctions  sphe"riques. 

Dans  un  autre  Me'moire,  PoincartS  traite  la  question  des  deviations  de  la 
verticale  en  G6ode"sie  [3Go].  II  s'agit  d'un  gtSo'ide  tres  peu  different  d'un  ellip- 
soi'de  de  revolution.  Soit  M  un  point  quelconque  du  geoi'de,  N  sa  projection 
sur  1'ellipsoide  de  telle  facon  que  MN  soit  normale  a  1'ellipsoide.  On  definit  la 
position  de  M  en  donnant  la  longitude  /  et  la  latitude  X  de  N  ainsi  que  la 
longueur  £  de  la  ligne  MN.  Soit  MP  la  verticale  vraie  au  point  M.  On  definit  la 
deviation  de  cette  verticale  en  donnant  les  composantes  £  et  Y}  de  Tangle  tres 
petit  de  MN  avec  MP  vers  le  Nord  et  vers  1'Est. 

Le  long  d'une  courbe  quelconque  sur  le  geo'ide,  £,  £,  £,  TQ  ainsi  quel'azimutcp 
de  la  tangente  seront  certaines  fonctions  de  X.  Soit  I1  et  I"  les  deux  derivees 
premieres  de  I  par  rapport  a  X.  En  negligeant  toujours  les  termes  du  second 
ordre,  Poincare  demontre  que  sur  une  courbe  quelconque,  tgcp  est  une  fonc- 
tion lineaire  et  homogene  de  I1  et  Y?  dont  les  coefficients  dependent  de  ^.  II 

(l)  [365],  OEuvres,  t.  VIII,  p.  176-192. 

H.  P.  —  XI.  42 


33o  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

donne  ensuite  1'equation  d'une  ligne  geodesique  quelconque  sur  le  geo'ide.  Ge 
sera  une  relation  Iin6aire  et  homogene  entre  Z',  I",  %  et  73  dont  les  coefficients 
dependent  de  A  et  cp. 

Cela  etant,  Poincare  admet  qu'on  decrit  par  des  moyens  ggode'siques  une 
ligne  geodesique  sur  le  g<3oide  en  partant  d'un  point  A.  Admettons,  pour  sim- 
plifier  1' exposition,  que  1'azimut  cp  s'annule  en  A.  En  suivant  cette  ligne  geode"- 
sique,  la  longitude  ne  sera  pas  constante.  Liquation  de  la  ligne  g6odesiqiu> 

sera  en  efTet 

—  /"cos X  H-  2  /'  sin  X  —  T}  =  o. 

Ensuite  1'azimut  ne  restera  pas  constamment  mil.  On  aura 

9  =  £'cosX  -+-  T|tgX. 

II  s'agit  de  calculer  rj  en  connaissant  cp  par  observation.  En  differential 
Texpression  de  cp  par  rapport  a  A,  on  aura  trois  relations  lineaires  en  I1  et  I11 ' . 
Apr6s  avoir  elimine  I1  et  I" 7  on  obtient  pour  73  une  equation  differentielle  line- 
aire  et  du  premier  ordre.  L'integration  donne 

Tj  • —  Tjo  =  9  cot  X  -h  /     9  cotg2  X  <r/Xj 

AO  ' 

73 o  et  AO  etant  les  valeurs  de  YJ  et  X  au  point  A. 

En  general,  on  a  neglige  le  second  termc  dans  1'expression  de  73 — r/0. 
Poincare  veut  dire  que  cela  n'est  pas  permis  dans  les  regions  equatoriales  si 
X  —  A0  est  du  meme  ordre  que  la  latitude  X. 

Dans  le  cas  general  ou  1'azimut  en  A  n'est  pas  nul,  on  rencontre  une  correc- 
tion analogue  qu'il  ne  faut  pas  n6gliger  dans  le  voisinage  de  1'equateur. 

Ainsi,  si  Ton  veut  determiner  la  deviation  73  en  mesurant  des  azimuts,  il  ne 
suffit  pas  toujours  de  faire  ces  mesures  au  commencement  et  a  la  fin  de  Fare. 
Parfois,  il  est  necessaire  de  les  faire  aussi  en  des  stations  intermediaires. 

Poincare  est  d'avis  qu'on  peut  expliquer  ainsi  pourquoi  M.  Oudemans  dans 
sa  triangulation  de  Java  avait  trouve  que  les  deviations  de  la  verticale  deduites 
des  mesures  d'azimut  etaient  en  general  et  systematiquement  trois  fois  plus 
grandes  que  les  deviations  deduites  des  mesures  de  longitude. 

19.  Theorie  des  ma,rees. 

Dans  la  theorie  des  marees,  il  s'agit  d'etudier  les  oscillations  de  la  mer  sous 
Finfluence  de  1'attraction  de  la  Luno  et  du  SoleiL  Le  potentiel  de  cette  attrac- 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE.  33 1 

tion  se  compose  d'un  grand  nombre  de  termes  de  la  forme  Ge^1,  C  extant  une 
fonction  sph^rique  du  second  degr£  des  coordonn^es  du  lieu,  X  une  constante 
purement  imaginaire  et  t  le  temps. 

fitant  donn6e  la  petitesse  de  tous  ces  termes,  qui  sont  divis^s  par  la  troisieme 
puissance  de  la  distance  de  1'astre,  il  est  permis  d'cHudier  s^par^mentles  oscil- 
lations harmoniques  causees  par  chacun  d'eux  et  d'appliquer  ensuite  le  prin- 
cipe  de  la  superposition  des  petits  mouvements. 

D'apr^s  leurs  p6riodes,  les  oscillations  harmoniques  se  partagent  en  plu- 
sieurs  groupes.  On  aura  ainsi  un  groupe  de  marges  a  courtes  periodes  (semi- 
diurnes  et  diurnes),  qui  dependent  de  la  rotation  de  la  Terre.  On  aura 
aussi  des  marees  lunaires  a  longues  periodes  (semi-mensuelles  et  men- 
suelles)  ainsi  que  des  marges  solaires  a  longues  periodes  (semi-annuelles  et 
annuelles). 

Pour  determiner  les  rnar^es  a  longues  p6riodes,  Laplace  et  ses  successeurs 
avaient  n£glig6  I'acc6l<3ration  et  la  vitesse  du  liquide.  Le  probl&me  des  marges 
est  alors  relativement  simple  et  peut  se  re'soudre  par  les  m^thodes  de  la  Sta- 
tique.  II  suffit  d'exprimer  que  le  potentiel  des  forces  agissantes  est  constant  sur 
la  surface  de  la  mer.  Cette  condition  s'^crit 

(28)         '  .  £.£.4-nH-<2>  =  /r. 

Ici  £  d<3signe  le  d6placement  vertical  et  cherch<2  de  1'eau.  Le  premier  terme  g^ 
est  le  potentiel  de  la  gravity.  Le  second  terme  II  est  le  potentiel  du  bourrelel 
liquide  qui  se  trouve  entre  la  surface  soulev^e  ou  d<5prim6e  etla  surface  d'6qui- 
libre  de  la  mer,  c'est-a-dire  le  potentiel  au  point  consid6r£  d'une  couche  sph6- 
rique  dont  la  density  est  donn^e  par  la  fonction  inconnue  £.  Le  troisierne  terme 
$  repr^sente  la  partie  considered  du  potentiel  de  1'astre.  Enfin  la  constante  k 
du  second  membre  doit  6tre  choisie  de  sorte  que  la  masse  totale  du  bourrelet 
soit  nulle. 

Le  probl&me  en  question  fut  r^solu  ddja  par  Bernouilli  dans  le  cas  ou  il  n'y 
a  pas  de  continents,  et  par  Lord  Kelvin  en  supposant  que  IT  soit  nt^gligeable. 
£  est  alors  une  fonction  lin^aire  de  O,  et  la  mar£e  statique  aura  pour  effet  de 
modifier  p6riodiquement  Taplatissement  de  1'ellipsoide  de  revolution  form6  par 
la  surface  de  la  mer.  En  calculant  ainsi  des  marges  a  longues  periodes  et  en 
comparant  les  r(5sultats  des  calculs  avec  celui  des  observations,  Darwin  a  trouv^ 
des  Hearts  qui  ne  peuvent  s'expliquer  que  si  Ton  admet  que  la  Terre  n'est  pas 
tout  a  fait  rigide  mais  qu'elle  se  d^forme  en  m6me  temps  que  la  mer  sous 


332  I/CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

Pattraclion  des  astres.  D'apres  ce  savant,  la  Terre  serai t  a  pen  pr6s  aussi  rigide 
que  1'acier. 

Toutefois,  il  n'est  pas  certain  que   1'effet   du    bourrelet  soit   negligeable. 
Poincar6  a  done  resolu  le  probl&me  dans  toute  sa  g6n6ralit6  [t46,  49o]  (').  En 

introduisanl  pour  £  sa  valeur  exprim^e  on  II  et  en   -^  a  la  surface,  les  Equa- 
tions qui  definissent  le  potentiel  II  deviennent 

AIT  =  o 
a  Pinte'rieur  de  la  Terre  el, 


a  la  surface.  On  a  pose  £  =  ^-  D'ailleurs  e  est  =  o  sur  les  continents  et  —  i 

sur  la  mer. 

En  mettant  !;  —  o,  on  se  trouvc  dans  les  conditions  deLord  Kelvin.  Poincare' 
de'veloppe  II  suivant  les  puissances  de  £.  II  demonlre  d'une  mani&re  tr&s  ing6- 
nieuse  que  II  et  $  sont  des  fonctions  mtSromorphes  de  £  n'ayant  que  des  pdles 
simples,  re'cls  et  positifs. 

SoitH1;  £3,  ...  cesapoles.  Le  re'sidu  U/  de  II  par  rapport  au  pole  H;  satisfait 
aux  relations  homog^nes  qu'on  obtient  en  supprimant  $ — k  dans  la  seconde 
des  equations  ci-dessus  et  en  y  6crivant  U/  au  lieu  de  II,  £/  au  lieu  de  'i.  On 
aura  done,  en  supposant  le  developpement  convergent, 


Les  constantes  A/  dependent  de  la  fonction  <!>  et  les  u-L  sont  cerlaines  fonctions 
fondamentales  qui  dependent  seulemenl  de  la  forme  des  continents  et  qui  se 
r^duisent  aux  fonctions  sph^riques  ordinaires  quand  iln'ya  pas  de  continents. 
Ces  fonctions  satisfont  aux  relations 


si     i  ?£  k 
si     ;=*, 


dv  6tant  I'6l6ment  de  la  sphere.  II  est  done  facile  de  calculer  les  coefficients  du 
developpement  d'une  fonction  quelconque  en  s6rie  de  fonctions  fonda- 
mentales. fevidemment,  A/  sera  le  coefficient  de  ui  dans  le  developpement  de 


[146],  QEuvres,  t.  VIII,  p.  igS-aSG;  [195],  C&uvres,  t.  VIII,  p.  198-286  et  2^7-274. 


L/CEUVRE  ASTRONOMIQUE   DE   H.    POINCARE.  333 

la  fonction  —  ^  (<J>  —  A").  Les  A/  son!  lin^aires  en  k.  Enfm,  la  constante  k  se 

o 

determine  par  la  condition  que  la  masse  du  bourrelei  soil  nulle. 

Ainsi,  le  problSme  des  marges  statiques  se  ram&ne  a  la  formation  des  fono 
tions  fondamentales  m.  Le  calcul  de  ces  fonctions  dans  le  cas  de  la  nature 
serait  sans  doute  extrtoement  compliqu6  a  cause  de  la  forme  capricieuse  des 
continents.  Mais  il  serait  dvidemment  possible  d'appliquer  la  me"thode  en 
admettanl  que  les  cotes  sont  ddfinies  par  certaines  fonctions  simples  etde  com- 
parer ensuite  le  r^sultat  avec  celui  qu'on  obticnt  en  n<5gligeant  avec  Lord 
Kelvin  1'attraction  du  bourrelet. 

fividemment,  le  probl&me  pent  se  re'soudre  aussi  par  la  methode  de  M.  Fred- 
holm,  puisque  la  relation  (28)  est  une  Equation  integrate.  II  est  intt^ressant  de 
reconnaitre  que  Poincar6  avait  d6montr6  d&ja  en  1894  que  la  solution  du  pro- 
bl&me  special  dont  il  s'agit  esl  une  fonction  m6romorphe  de  £. 

Pour  <5tudier  les  marees  qui  correspondent  a  une  valeur  quelconque  de  \  il 
faut  avoir  recours  aux  m6tliodes  de  FHydrodynamique.  En  n6gligeant  les 
termes  du  second  ordre  par  rapport  aux  accelerations  et  aux  vitesses  du  liquide, 
les  Equations  du  mouvement  deviennent  lin^aires.  Enfin,  puisque  la  profon- 
deur  de  la  mer  est  relativement  petite,  on  n'aura  que  deux  variables  ind^pen- 
dantes  :  la  colatitude  0  et  la  longitude  ^.  Les  Equations  tde  la  the"orie  des 
mar6es,  d^duites  ddja  par  Laplace  deviennent  ainsi 

f    ,  d  /.     .    (,d^\         d 

(29)         ^smO^ 

C  est  l'£l£vation  inconnue  de  1'eau;  II  est  le  potentiel  du  bourrelet,  dontl'^pais- 
seur  est  £;  9  est  une  fonction  inconnue  auxiliaire;  on  a  de  plus 

.  X2A  2  co  cos  0  , 


h  <§tant  la  profondeur  de  la  mer;  ensuite  w  est  la  vitesse  de  rotation  de  la 
Torre;  enfin  le  coefficient  C  dans  le  termc  consid(5r6  du  potentiel  de  1'astre  est 
une  fonction  sph&rique  du  second  ordre  de  la  forme  /(8)  e^^  ($  =  o,±t 
ou  ±  2). 

Si  la  profondeur  h  s'annule  aux  cotes,  la  solution  du  probleme  sera  dgler- 
min^e  par  la  condition  que  9  reste  fini.  Au  contraire,  si  h  ne  s'annule  pas,  la 

condition  aux  limites  s'^crira 

do        2  co  cos  6  do 

*  ___  .         _  *_          -       Q 

dn  X         ds 

les  d^riv^es  £tant  prises  suivant  la  normale  et  la  tangente  de  la  c6te. 


334  L'GEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H. 

En  supprimanl  les  forces  exterieures  (C  — o),  il  est  possible  de  salisfafre 
aux  equations  (29)  en  choisissant  pour  ^  ccrtaines  valeurs  spgciales.  Les  solu- 
tions dont  il  s'agit  donnent  les  oscillations  propres  de  la  mer  avec  les  pgriodes 

^—^ •  Si,  au  contraire,  C  et  X  sont  donnas,  la  solution  des  Equations  (29) 

qui  s'annule  avec  C  dgfinira  une  oscillation  conlrainte  ajantla  pgriode    "  \~~    • 

Dans  le  cas  relativement  simple  ou  il  n'j  a  pas  de  continents  et  ou  la  profon- 
deur  h  ne  depend  quede  8,  la  fonctioncp  (etaussi  £)  aura  la  forme  es'V~-+'^F(0). 
On  n'aura  done  qu'une  seule  variable  indgpendanle  0.  II  esL  alors  possible 
d'inlggrcr  les  Equations  (29)  en  dgveloppant  les  fonctions  inconnues  cp  et  £  en 
series  suivant  les  fonctions  adjointes  de  rang  s,  lesquelles  enlrent  comme 
coefficients  de  e^~  dans  les  expressions  des  fonctions  sphgriques.  M.  Hough 
a  eflectug  les  calculs  ngcessaires  en  choisissant  pour  //  quatre  valeurs  cons- 
taates  (li  =  2,  4,  S,  17  km). 

M.  Hough  a  fait  ainsi  la  dgcouverte  intgressante  qu'en  faisanL  lendre  A  vers 
zgro,  ou  n'obtientpas  la  marge  statique  de  Laplace.  On  obtient  au  contraire 
un  dial  parliculier  d'gquilibre,  qui  cst  caractgrisg  par  I'existenco  de  couranls 
conlinus  regnant  sous  la  surface  libre  sans  en  altgrer  la  forme.  Ce  sont  les 
marees  statiques  de  la  seconde  sorte,  tandis  que  les  marges  calcul^es  par  la 
ihtSorie  de  l^quilibre  s'appellent  les  marees  statiques  de  la  premiere  sorte. 

S'il  n'j  avail  pas  de  frottement,  toutes  les  marges  a  longues  periodes  se 
rapprocheraient  des  marees  statiques  de  la  seconde  sorte.  Au  conlraire,  si  le 
frottement  glait  considerable,  les  marges  a  longues  pgriodes  seraientapeu  pros 
ggales  aux  marges  statiques  de  la  premiere  sorte.  M.  Hough  a  montre  qu'il 
fan l  une  dizaine  d'annges  pour  que  le  frottement  se  puisse  sentir.  Par  consg- 
quent  les  marees  annuelles  et  de  pgriodes  plus  courtes  seront  bien  de  la  deu~ 
xi^me  sorte;  au  contraire,  la  marge  ajant  pour  pgriode  18  ans  serait  une  marge 
de  premiere  sorte,  qu'on  devrait  calculer  par  la  theorie  de  rgquilibre. 

Vu  1'importance  des  marges  statiques  de  la  seconde  sorte,  Poincarg  en  a  " 
donng  la  thgorie  compete  [464,  l.  3,  chap.  8]  (l).  II  s'agit  de  calculer  le  terme 
principal  0  de  A2cp,  qui  resle  finie  pour  A  ~  o,  Ce  terme  <b  ne  dgpend  que  de 
la  variable  n  =  — -.  La  fonction  *(YJ)  satisfait  a  une  gquation  diffgrenlielle 
lingaire  du  second  ordre,  dont  le  second  membre  dgpend  aussi  du  bourreletfl. 
On  obtient  $  par  approximations  successives  en  nggligeant  d'abord  II. 

(')  [464,  t.  3,  chap.  8],  Legons  de  mecanique  celeste,  t.  3,  p,  182. 


g 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE.  335 

Malheureusement  Fapplication  de  ceLte  methode  au  calcul  des  marges  sta- 
tiques  de  la  seconde  sorle  se  heurte  a  des  difficulties  pratiques  insurmonlables, 
vu  la  complication  de  la  fonction  h  qui  definit  la  profondeur  de  la  mer.  N6an- 
moins  il  reste  un  r<3sultat  bien  simple  :  les  courants  internes  se  propagent  tou- 
jours  suivant  les  lignes  -n=  const.,  lignes  qu'on  peut  facilement  tracer  sur  la 
carte.  Toutefois  ces  courants  sont  bien  faibles  (leur  vitesse  est  de  quelques 
metres  par  heure  seulement)  de  sorte  qu'il  est  tr6s  difficile  de  les  d^celer  par 
1'observation. 

Avant  la  decouverte  de  la  mgthode  de  M.  Fredholm,  Poincar^  [195]  (4)  avait 
essay  (5  d'int6grer  d'une  maniSre  g6n£rale  les  Equations  de  la  th^orie  des  marees 
en  d^veloppant  les  fonctions  inconnues  suivant  les  puissance.s  de  X  et  en  negli- 
geant  1'influence  du  bourrelet.  Pour  determiner  les  coefficients  des  developpe- 
ments,  on  est  ramen£  a  des  Equations  diff^rentielles  lintiaires  du  second  ordre 
et  avec  une  seule  variable  ind^pendante.  Les  fonctions  cp  et  £  consider<5es 
comme  fonctions  de  A  n'auront  d'autres  singularity  queles  valeurs  particuli&res 
Aa(a  —  i,  2,  3,  .  .  .)  qui  correspondent  aux  diverses  oscillations  propres.  En 
connaissant  les  valeurs  Xa  les  plus  voisines  de  1'origine,  il  serait  possible 
d'augmenter  le  domaine  de  convergence  des  d(5veloppements. 

Pour  trouver  les  Aa,  Poincar6  6tudie  d'abord  les  oscillations  propres  d'nn 
sjsteme  m^canique  ajant  n  degr^s  de  liberte  autour  d'une  position  d'6quilibre 
stable.  Rappelons  que  les  Aa  satisfont  alors  a  une  Equation  alg^briqtie  de  degr(5 
2/i.  Poincar^  d^montre  [195,  464,  chap.  1]  (d)  (-)  que  la  quantity  — A^  est  le 
minimum  absolu  d'un  certain  rapport  Ra  entre  deux  formes  quadra  tiques  quise 
fonnent  facilement,  quand  on  connait  les  expressions  de  l'<£nergie  cin6tique  et  de 
F^nergie  potentielle  du  syst^me.  Cette  propri6t6  des  quantity  Aa  peut  se  g(3n6ru- 
lisera  un  syst^me  qui  depend  d'un  nombre  infini  de  param£lres.  II  arrive  alors 
que  la  quantity  — AJ  est  le  minimum  absolu  d'un  certain  rapport  Ra  entre  deux 
int^grales  qui  renferment  un  certain  nombre  de  fonctions  arbitraires.  Pour 
trouver  Aa,  il  s'agit  de  determiner  ces  fonctions  de  sorte  que  le  rapport  en 
question  soit  aussi  petit  que  possible.  Mais,  6videmment,  Poincar6  a  trouv6  ici 
plutot  une  propri6tt^  g6n(5rale  des  quantity  Aa  qu'une  m6thode  pratique  pour 
en  calculer  les  valeurs. 

II  est  bien  connu  que  la  th6orie  des  Equations  integrates  de  M.  Fredholm 


(M  [195],  OEuvres,  t.  VIII,  p.  198-2^6  et  p.  237-274. 

(2)  [464,  chap.  1],  Legons  de  mecanique  celeste,  t.  3,  p.  3. 


336  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

permet  de  r^soudre  un  grand  nombre  de  probl&mes  de  la  Physique  math^ma- 
tique  qui  ^talent  auparavant  inabordables.  Poincar6  a  appliqu<3  cette  m^thode 
[464,  chap.  10]  (*)  pour  inl6grer  complement  les  Equations  de  la  th^orie  des 
marges,  quellcs  que  soient  la  forme  des  continents  et  la  loi  des  profondeurs  de 
la  mer, 

En  faisant  de  la  surface  de  la  sphere  lerreslre  une  representation  conforme 
sur  une  carle  g(3ographique  et  en  d^signant  par  #,  y  les  coordonn<5es  rectan- 
gulaires  sur  celte  carte  du  point  0,  ^,  les  Equations  de  la  th^orie  des  marges 
prennent  la  forme 


i  (,2        u_Ce,/)=5 

fJx\      dxj       dy\      dy  /        <)(x,  r)        k-  S  '  ^ 

/i  etanl  le  rapport  de  similitude  (la  signification  des  autrcs  quantit^s  se  Irou- 
vant  a  la  page  333).  De  plus,  il  faut  tenir  compte  des  conditions  aux  limites 
d(5ja  mentionn6es  (p.  333). 

Poincare  fait  d'abord  abstraction  de  1'attraction  du  bourrelet  de  sortc  que 
II  =  o.  AlorSj  ii  s'agit  d'integrer  une  Equation  de  la  forme 

(3o)  Ao  =  a~-  •+-  b-^--t-  09  H-/=  F. 

J  dx          dy        '      J          ' 

a,  6,  c,/6tant  des  fonclions  donates  de  x  et  y.  Ces  fonctions  sont  finies  a 
moins  que 

h  =  o        on        X-  -H  f\  co-  cos2  6  =  0. 

Les  valeurs  de  0  qui  satisfont  a  la  demiere  condition  apparliennont  w*  paral- 
leles  critiques. 

Poincar6  admeL  d'abord  quo  la  mer  cst  limit^e  par  des  falaises  verticales  et 
qu'elle  n'est  pas  travers<5e  par  un  parall&le  critique.  Alors  les  coefficients  a,  b, 
c,  /son  I  finis. 

La  condition  sur  le  contour  sera 

d*    ,  r  d^  -  n 

—,  —  -f-  Vj  -7-    =  O. 

dn          ds         J 

G  (^tant  une  fonclion  donn6e  de  s  (  G  =  —  3  0)  !^QS    )  • 

V  ^      / 

En  d^signant  par  G(a?,  y;  £,  YJ)  la  fonclion  de  Green  g(5n^ralis^e  relative  k 
(*)  [464,  chap.  10],  Legons  de  mecanique  celeste,  t.  3,  p.  235. 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE.  337 

Paire  conside're'e  qui  est  deTinie  par  la  condition  aux  limites 


-j  --  h-r-   =  0, 

an  as 


lafonction  q>  satisfaisant  a  liquation  (3o)  sera  encore  deTmie  par  I'e'qualion 

—  2*9=  fF'Gd<r', 

Ff  6tant  cc  que  devient  F  en  j  substituant  pour  #,  y  les  coordonn6es  H,,  r?  de 
F  element  dv'.  En  integrant  par  parties,  pour  faire  disparaitre  les  de'rive'es  de  cp 
qui  se  trouvent  dans  1'expression  de  F,  Poincar£  arrive  a  une  Equation  inte'- 
grale  renfermant  une  inte'grale  simple  et  une  inte'grale  double.  Le  nojaii  de 
Fint6graie  simple  devient  infini  comme  un  logarithms,  celui  de  Pinte'grale 
double  est  infini  du  premier  ordre  quand  la  distance  des  points  x,  y  et  £,  Y] 
s'annule.  Ainsi,  la  me"tliode  des  nojaux  re'ite'r^s  est  applicable,  et  la  melhode 
de  M.  Fredholm  peut  donner  1'expression  de  la  fonction  inconnue  9. 

Ensuite,  Poincare'  passe  au  cas  plus  ge'ne'ral,  en  admettantque  la  profondeur 
h  s'annule  aux  cotes  et  que  la  mer  est  traverse'e  par  des  paralleles  critiques.  II 
considere  d'abord  Fe'quation 

Aw  —  cu=f, 

laquelle  peut  se  r^soudre  par  la  m6thode  pr6c^dente.  La  solution  aura  la  forme 


G  e*tant  une  fonction  de  Green  ge'ne'ralise'e  et/'  ce  que  devient/  en  y  mettant 
£,  Y]  au  lieu  de  #,  y. 

Cela  e'tant,  la  fonction  cherche'e  cp  satisfait  a  la  relation 


Apr^s  Pinte'gration  par  parties,  on  sera  conduit  a  une  Equation  int^grale. 
Poincare'  de'montre  qu'on  peut  d6former  1'aire  d'int6gration  afin  d'e'viter  la 
frontiere  et  les  paralleles  critiques  ou  les  coefficients  s,ont  infinis.  La  me'thode 
de  M.  Fredholm  reste  ainsi  applicable. 

Poincar^  d^montre  enfin  que,  en  voulant  tenir  compte  du  bourrelet,  on  aura 
a  r^soudre  deux  Equations  inte'grales  a  deux  fonctions  inconnues  9  et  £;  la 
me'thode  de  M.  Fredholm  conduit  encore  au  but. 

H.  P.  —  XI.      .  43 


338  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

jSvidemment,  FapplicaUott/?7Yifc'gw<?  de  la  m<§thode  de  M.  Fredholm  au  pro- 
bleme general  des  mantes  conduirait  a  des  calculs  trop  compliqu6s.  Toute- 
fois,  il  esl  probable  que  la  m^thode  se  monlrera  utile  quand  il  s'agira  de 
certains  cas  parliculiers  plus  simples. 

Poincar^  se  demande  aussi  [464,  chap.  10]  (*)  s'il  ne  serait  pas  possible  de  se 
servir,  dans  la  the'orie  des  marges,  d'une  me'thode  toute  nouvelle  de  M.  Ritz. 
Celte  me'lhode  s'applique  au  cas  ou  Ton  a  a  determiner  une  fonction  par  le 
Calcul  des  variations.  L'expression  dans  Finte'grale  dont  il  taut  chercher  le 
minimum  est  un  polynome  du  second  degre,  non  homogene,  par  rapport  a  la 
fonction  inconnue  eL  a  ses  de'rive'es  premieres.  M.  Rilz  de>eloppe  la  fonction 
inconnue  en  &6rieJ?.<Znfyn  suivant  certaines  fonctions  ^4,  i|;a,  -  •  •  dont  le  choix 
depend  des  conditions  aux  limites.  Les  inconnues  du  probleme  sont  alors  les 

coefficients  a1:  aa,  Elles  se  de"terminent  par  une  infinite  d'e~quations 

lin^aires. 

PoincartS  d&nontre  que  le  probleme  des  mare'es  peut  en  effet  se  require  a  la 
recherche  du  minimum  d'une  certaine  int6grale.  Mais  il  n'entre  pas  dans  tous 
les  details  necessaires,  do  sorte  que  1'application  de  la  me'lhode  de  M.  Ritz  a  la 
thgorie  des  marges  reste  encore  une  question  ouverte. 

Poincar^  a  trait^  aussi  [464,  chap.  19]  (^  la  question  de  savoir  si  Failraction 
dela  Luneet  du  Soleil  surle  bourrelet  de  1'eau  soulev^e  ne  pourrait  augmenter 
s^culairement  la  dui^e  de  k  rotation  terrestre.  L'importance  du  probleme  est 
dvidente,  puisqu'il  s'agit  de  l'in variability  de  I'unit6  de  temps  qui  nous  sert  a 
^valuer  la  dur6e  des  mouvements  des  corps  celestes. 

Poincar^  dt5montre  que  le  moment  de  la  r^sultante  de  1'aclion  de  la  Lune  et 
du  Soleil  sur  le  bourrelel  des  eaux  souleve"es  a  toujours  sa  valeur  moyenne 
nulle,  de  sorte  que,  s'il  n'y  avail  pus  de  frottement,  il  ne  pourrait  y  avoir 
aucun  changement  s^culaire  dans  la  dur(5e  de  la  rotation  de  la  Terre. 

En  partant  des  recherches  de  M.  Hough  sur  1'effet  du  frottement  des  marges, 
Poincare'  montre  que  Faction  de  la  Lune  par  Finterm6diaire  des  mare'es  est 
plus  de  100000  fois  trop  faible  pour  expliquer  Favance  se'culaire  re'siduelle  de 
4"  que  pre"sente  la  longitude  moyenne  de  la  Lune. 

Ajoutons  enfin  que  Darwin,  en  faisant  intervenir  les  mar6es  du  noyau  ter- 
restre, a  pu  attribuer  £  celui-ci  la  viscosite'  ne'cessaire  pour  obtenir  Faugmen- 
tation  voulue  de  la  dur^e  du  jour  side'ral. 

C1)  [^64 ],  Legons  de  m&canique  celeste,  chap.  10,  t.  3t  p.  2^3;  chap.  19,  t.  3,  p.  54o. 


L'GEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE.  33g 

20.  Figures  d'equilibre  de  masses  fluides. 

Une  th^orie  g6n6rale  de  1'^quilibre  relatif  d'ane  masse  lluide  h6t6rog&ne, 
soumise  seulement  aux  forces  interieures  dues  a  1'attraction  newtonienne, 
serait  c^videmment  de  la  plus  haute  importance  pour  1' As trophysique.  Elle  nous 
permettrait  de  suivre  le  developpement  des  n^buleuses  et  des  ^toiles.  Elle  nous 
doimerait  peutnHre  aussi  la  solution  de  l'£nigme  des  6loiles  variables  et  des 
^toiles  <(  nouvelles  ».  Poincar6  a  fait  fa  ire  a  celte  th^orie  les  plus  imporlants 
progres. 

Ainsi  il  a  d^montr^  d'abord  [  462,  chap.  2]  (L)  qu'une  masse  lluide  quelconque 
en  6quilibre  relatif  se  trouve  ntjcessairement  en  rotation  unitorme  autour  d'un 
axe  fixe,  qui  coincide  avec  1'un  des  axes  principaux  d'inertie  de  la  masse. 

Cela  6tant,  considerons  une  masse  fluide,  anim<3e  d'un  mouvement  de  rota- 
tion uiiiforme  autour  d'un  axe  fixe.  L'Hydrostatique  montre  que,  dans  le  cas 
de  l'6quilibre  relatif,  les  surfaces  de  niveau  sont  les  surfaces  d'6gale  pression 
et  aussi  d'(5gale  densite.  A  la  surface  libre,  la  pression  est  nulle.  La  surface 
lib  re  esL  done  une  surface  de  niveau,  ct  la  r<5sultante  de  1'attraction  et  de  la 
force  centrifuge  est  perpendiculaire  a  la  surface  libre.  Voila  des  conditions 
necessaires  pour  l'6quilibre  relatif. 

Poincar6  fait  la  remarque  qu'il  faut  aussi  que  ceLte  r^sultanle  soit  dirig^e 
vers  1'int^rieur  de  la  masse,  autrement  une  partie  se  d^tacherait.  Pour  qu'il  en 
soit  ainsi,  Poincar6  d^montre  [94;  462,  chap.  1]  (4),  (2)  qu'il  faut  que 

C02<2npw, 

co  6Lant  la  vitesse  de  rotation  et  pm  la  density  moyenne  de  la  masse  fluide. 

Rappelons  maintenant  la  condition  n^cessaire  et  suffisante  de  l'6quilibre. 
D'apr^s  le  principe  des  vitesses  virtuelles,  il  faut  etil  suffit  quele  travail  r£sul- 
tant  d'un  d6placement  virtuel  soit  nul.  Ce  travail  comprend  le  travail  de 
1'attraction,  plus  le  travail  du  &  la  force  centrifuge.  Soit  —  W  l'6nergie  poten- 
tielle,  I  le  moment  d'inertie  par  rapport  a  1'axe.  La  condition  d'6quilibre  est 
done  que 
(3i)  8W+^6I  =  o 

pour  tout  d^placement  compatible  avec  les  liaisons. 

(r)  [462],  Figures  d'equilibre  d'une  masse  fluide. 
(2)  [94J,  OEuvres,  t.  VII,  p.  17-25. 


0  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

Soil  p  la  density  V  le  potentiel  et  U  la  fonction  de  force  totale  de  sorte  quo 


— 


En  d^signant  par  di  Mement  de  volume  on  aura 


les  integrates  etanl  <5tendues  a  tout  1'espace.  La  condition  (3i)   peul  done 

s:6crire 

(  30)  /  USpcfo  =  o 

i 

pour  toutes  les  variations  dp  qui  sont  compatibles  avec  les  liaisons. 

Jusqu'ici  nous  n'avons  pas  parte  de  la  sLabilite  de  1'gquilibre. 

Quaud  il  s'agit  de  l^quilibre  absolu,  la  question  est  facile.  La  condition 
n^cessaire  et  suffisante  de  la  stability  est  alors  que  I'gnergie  potentielle  —  W 
soit  minima. 

Au  contraire,  dans  le  cas  de  l^quilibre  relatif,  le  probl^me  est  beaucoup  plus 
difficile.  Lord  Kelvin  a  dislmgu6  alors  entre  deux  sortes  de  stabilites  :  la  sta- 
bilit^  ordinaire  ay  ant  lieu  quand  il  n'y  a  pas  de  frottement,  et  la  stabilitc 
s^culaire  qui  se  trouve  r^alis^e  m<3me  avec  frottcmenl.  L'^tude  de  la  stability 
seSculaire  est  beaucoup  plus  simple  que  cclle  de  la  stability  ordinaire. 
Lord  Kelvin  a  enonce  que  la  condition  necessaire  et  suffisante  de  la  stability 

s^culaire,  c'est  que  W  +  ~  I  soit  maximum. 

Poincar£  fait  remarquer  [72]  (l)  que  ce  r^suliat  n'est  pas  applicable  quand  il 
s'agit  de  l'6<juilibre  d'un  fluide.  En  efifet,  la  demonstration  de  Lord  Kelvin 
suppose  que  tout  mouvement  determine  un  frottement,  mais  cela  n'a  pas  lou- 
jours  lieu  pour  la  masse  fluide,  qui  peut  se  d6placer  d'un  bloc  comme  un  corps 

solide. 

Pour  traiter  la  question  rigoureusement,  Poincar^  introdutt  une  nouvelle 
notion  :  celle  du  solide  equivalent  b  la  masse  fluide  [462,  chap.  2]'(a).  C'est  un 
solide  ou,  b  1'instant  consid^r^,  les  molecules  ont  la  m&me  position  que  dans  le 

(»)  [72],  OEuvres,  t,  VII,  p.  4o-i/io. 

(a)  [462]T  Figures  d'&quilibre  d'une  masse  fluide. 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE  34 1 

syst&me  fluide.  La  vitesse  cle  son  centre  de  gravity  est  la  m£me  que  pour  le 
fluide.  Les  trois  moments  de  rotation  autour  des  axes  principaux  d'inertie  sont 
les  monies  que  pour  la  masse  fluide.  Son  mouvement  est  done  bien  dEfini  a 
1'inslant  considErE,  mais  le  solid e  Equivalent  a  1'instant  t  n'est  pas  le  solide 
Equivalent  a  1'instant  t'. 

PoincarE  dEmontre  que  la  force  vive  du  fluide  est  Egale  a  la  force  vive  T;  du 
solide  Equivalent,  augmentEe  de  la  force  vive  T;/  du  fluide  dans  le  mouvement 
relatif  par  rapport  a  des  axes  invariablement  liEs  au  solide  Equivalent. 

Cela  Etant,  la  condition  nEcessaire  et  suffisante  de  la  stabilitE  sEculaire  de 
1'Equilibre  relatif  d'un  fluide,  c'est  que  1'Energie  totale 

(33)  ^T~W 

du  solide  Equivalent  soit  minima,  en  considErant  le  moment  de  rotation  [j. 
comme  donnE. 

Grace  a  la  notion  nouvclle  du  solide  Equivalent,  la  dEmonstration  de  ce 
thEor£me  important  el  presque  immEdiate  [462,  chap.  2]  (i).  Elle  repose  sur  le 
principe  que  1'Energie  totale  T'-\-T'f — W  ne  peut  jamais  croitre  (principe  de 
dEgradation  de  TEnergie). 

PoincarE  dEmontre  aussi  [462,  chap.  2]  (*)  que,  pour  la  stabilitE  sEculaire,  il 
est  nEcessaire  que  Paxe  de  rotation  soit  le  plus  petit  axe  de  1'ellipso'ide  d'inertie 
relatif  a  la  masse  fluide, 

Retournons  maintenant  a  la  condition  (3i)  ou  (02). 

Admettons  d&s  maintenant  que  le  fluide  est  homog&ne  et  que  p  =  i .  On 
aura  alors  dp  =  o,  sauf  dans  le  voisinage  de  la  surface  libre,  ou  op  —  ±  i .  Alors, 
la  condition  nEcessaire  et  suffisante  de  1'Equilibre,  c'est  que  la  surface  libre 
soit  une  surface  de  niveau. 

Etant  donnE  ce  principe,  on  a  trouvE,  il  y  a  longtemps,  que  chaque 
ellipsolde  cle  rEvolution  aplati  qul  est  animE  d'un  mouvement  de  rotation 
autour  de  son  axe  peut  se  trouver  en  Equilibre  relatif,  si  seulement  la  vitesse 
de  rotation  est  convenablement  choisie.  Soit  s  le  rapport  des  axes.  Le  moment 
de  rotation  /JL  croit  constamment  de  zEro  vers  Pinfini,  quand  s  augmente  de 
PunitE  vers  1'infini.  Ce  sont  les  ellipsoi'des  de  Mac  Laurin. 

Rappelons  aussi  qu'il  j  a  une  suite  d'ellipso'ides  a  trois  axes  (ellipsoi'des  de 

(*)  [462],  Figures  d'cqaiiibres  d'une  masse  flu  Ule. 


342  L'OEUVRE   ASTRONOMIQUE   DE   H.   POINCARE. 

Jacob!)  qui  sont  des  figures  d'^quilibre,  si  seulement  la  rotation  a  lieu  autour 
de  Faxe  le  plus  petit  et  avec  une  vitesse  convenable.  Soient  s  et  t  les  longueurs 
des  autres  axes  par  rapport  au  plus  petit  axe.  t  sera  une  certaine  fonction  de  s. 

On  a  toujours  i  <  s  <  oo  ,  oo  >  £  >  i  et  -T-  <  o.  Le  moment  de  rotation  p  est 

minimum  (=  p.0)  quand  s  —  t  =  SQ  el  croit  sans  cesse  vers  1'infini  quand  s  ou  t 
augmente  de  SQ  vers  1'infini. 

Une  solution  d'un  probl£me  d'^quilibre  quelconque  qui  depend  d'un  pa^- 
m6tre  arbitraire  /JL  est  appel^e  par  Poincar^  une  serie  lineaire  de  formes 


II  peut  arriver  qu'une  m£me  forme  d'^quilibro  appartienne  a  la  fois  a  deux 
ou  plusieurs  series  lin^aires.  Poincar<3  dit  alors  que  c'est  une  forme  de  bifur- 
cation. 

II  peut  arriver  6galement  que  deux  series  lin^aires  de  formes  d'^quilibre 
r^elles,  viennent,  quand  on  fait  varier  le  param&tre  p.,  &  se  confondre,  puis  a 
disparaitre,  parce  que  les  racines  des  Equations  d'^quilibre  deviennent  imagi- 
naires.  La  forme  d'^quilibre  correspondante  s'appellera  alors  forme  limife. 

D'aprds  cette  terminologie,  les  ellipsoides  de  Mac  Laurin  et  de  Jacobi  sont 
deux  series  lint^aires  de  formes  d'^quilibre.  Pour  p.  =  |ji0($=  ^  =  ^0),  les  deux 
series  se  coupent  dans  une  forme  de  bifurcation.  Cette  forme  est  en  m£me 
temps  une  forme  limite  pour  la  s<5rie  de  Jacobi,  qui  n'existe  que  pour  p.  >  p0. 

Poincar«5  a  fait  Tune  de  ses  plus  belles  decouvertes  en  d^montrant  [72;  402 
chap.  7]  (j),  (2)  que  cbacune  des  deux  series  lineaires  considf$r6es  de  formes 
d'6quilibre  (celle  de  Mac  Laurin  et  cello  de  Jacobi)  renferme  une  infinite  de 
formes  de  bifurcation,  ofi  apparaissent  de  nouvelles  series  lineaires  de  formes 
d'gquilibre. 

L'(5tude  des  formes  limites  et  des  formes  de  bifurcation  est  intimement  li£e 
a  l^tude  de  la  stability  de  1'gquilibre. 

Pour  trouver  ces  formes  particuli^res,  Poincare  admet  d'abord  que  le  sys- 
t^me  depend  d'un  nombre  fini  de  variables  a?i,  ...,  xtl.  11  s'agit  alors  do 
r6soudre  des  Equations  de  la  forme 


-7  —  =   -7  —  =  •  •  •  =   -^  -   ==   0, 

ax  i       dec*.  dxn         ' 


(l)  [72],  QEuvres,  t.  VII,  p.  /jo-^o. 

(-)  [462],  Figures  d'eqiulibre  d'une  masse  fluide, 


L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE   H,   POINCARE.  343 

F  £tant  une  fonction  des   variables  xi:   ...,  xn  et  d'un  param&tre  /JL.  Soit 
%v=  <pv(f*)  (v  =  i,  a,  .  .  . ,  /i)  une  sgrie  lin^aire  de  formes  d'6quilibre. 

Pour  que  la  forme  qui  correspond  a^^^o  soit  une  forme  limite  ou  une 
forme  de  bifurcation,  il  faut  6videmment  que  /m  =  JJLO  soit  une  racine  du  Hessien 
de  F  par  rapport  aux  #1,  .  .  . ,  xn,  ou  Ton  a  pos£  #v  =  9v(p-)- 

Poincar6  dgmontre  [72]  (*)  qu'on  aura  certainement  une  forme  de  bifurca- 
tion si  le  Hessien  change  son  signe  quand  on  traverse  ^0- 

Supposons  que les  Equations  (34)  soient  satisfaites  pour  Xi=  x^  =:...  =  xn=o. 
En  d^veloppant  F  suivant  les  puissances  des  #v,  on  pent  toujours  ^crire  les 

n 

termes  du  second  degr£  sous  la  forme  d'une  somme  de  carr^sV  a,-Yf ,  les  Y, 

*=i 

6tant  homog^nes  et  lin^aires  par  rapport  aux  a?v.  D'apr^s  Poincar^,  les  av  s'ap- 
pellent  coefficients  de  stabilize  [72]  (1). 

Admetlons  que  F  soit  I'gnergie  du  syst^me.  Pour  qu'ily  ait  6quilibre  stable, 
il  faut  et  il  .suffit  que  tous  les  coefficients  de  stability  soient  positifs. 

Supposons  maintenant  que  at  change  son  signe,  tandis  que  les  autres  an  ne 
s'annulent  pas  quand  on  traverse  JJLO.  Apr^s  avoir  ^Iimin6  ar3,  .  .  . ,  xtl  des  Equa- 
tions (34),  on  obtient  une  relation 

(35)  <Z>O,,  fx)  =  o 

a  laquelle  correspond  un  certain  nombre  de  courbes  (au  moins  deux)  passant 
par  le  point  #4=0,  f^  =  ^o  du  plan  des  #1,  p..  A  chacune  de  ces  courbes 
correspond  une  s^rie  lin^aire  de  formes  d'^quilibre. 

En  admetlant  que  les  aa,  -..,«»  sont  >  o  pour  p.—  /jt.0j  Poincar^  d^montre 
qu'il  yzechange  destabilize  pourfjL  =  ^0  [72]  (-1).  Voici  ce  qu'il  entend  par  la; 
les  formes  qui  se  prolongenl  de  part  et  d'autre  de  p-o  deviennent  instables  pour 
F  >  H-o  gi  e^es  ^taient  stables  pour  p.  <  /^0  et  ?j/ce  versa;  enfin  les  branches  de 
la  courbe  (35)  qui  partent  vers  le  m£me  cot<5  de  la  ligne  p.  =  ^0  correspondent 
alternativement  a  des  formes  stables  et  a  des  formes  instables. 

Tous  ccs  r^sultats  subsistent  si  la  fonction  F  depend  d'un  param^tre  /JL  et 
d'une  infinite  de  variables  #l?  a?2,  .  .  . ,  x(). .  . ,  en  supposanttoutefois  que,  dans 
le  d^veloppement  de  F  suivant  les  puissances  des  #,  les  tei^mes  du  second 
degr^ 
(36)  at#f  H-a2^|  +  ...-Ha/?^_h>_ 

(x)  [72],  CEuvres,  t.  VII,  p.  4o-i4o. 


344  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

soient  tous  quadratiques  et  que  les  coefficients  de  stability  a/  soient  positifs  a 
Pexception  d'un  nombre  fini  d'enlre  eux. 

Poincare'  dtSmontre  [72]  (*)  ainsi  le  thtforeme  suivanl  :  Si,  en  tr  avers  ant  JJLO, 
Vun  des  coefficients  a/  change  son  signe  tandis  que  tous  les  autres  ne  s  }aji- 
nulent  pas,  la  forme  cCequilibre  #/  =  o  sera  une  forme  de  bifurcation  pour 
p  =  pQ;  si,  de  plus,  tous  les  autres  a/  sont  positifs  pour  //.==  ^0,  il  y  aura 
echange  de  stabilite  pour  /JL  —  p.0. 

Poincare'  a  applique"  ces  principes  a  I'e'tude  des  figures  d'e"quilibre  qui  diffe- 
rent peu  des  ellipso'ides  de  Mac  Laurin  et  de  Jacobi.  Soit  E  un  quelconque  de 
ces  ellipsoi'des.  La  fonction  (33)  jouera  le  role  de  F.  Une  figure  quelconque 
voisine  de  E  est  d(3finie  par  I'elevation  C  de  sa  surface  au-dessus  de  la  surface 
deE. 

La  the'orie  des  fonctions  de  Lame"  fournit  [72;  462,  chap.  6]  (*)  (a)  une  suite 
de  fonctions  orthogonales  y^  jouant  par  rapport  a  la  surface  E  le  m£me  role 
que  les  fonctions  sphe'riques  par  rapport  a  la  sphere.  LJel(5vation  ^  peut  se 
de'velopper  en  s6rie  suivant  les  fonctions  y/,  de  sorte  que 


les  xi  etant  des  constantes  arbilraires.  Ainsi  la  fonction  (33)  se  trouve  deve- 
loppe'e  suivant  les  puissances  des  xi.  Les  termes  du  premier  degre"  dispa- 
raissent,  puisque  E  est  une  figure  d'^quilibre.  Les  termes  du  second  degre  sont 
de  la  forme  (36),  puisque  les  fonclions  yi  sont  des  fonctions  orthogonales. 

Les  coefficients  de  stability  a,-  dependent  seulement  du  parametre  s  (ou  du 
moment  de  rotation  p.)  qui  defmit  completement  la  forme  de  E.  En  variant  s 
(ou  /*),  certains  de  ces  coefficients  ne  s'annulent  jamais,  les  autres  s'annulent 
une  seule  fois  et  en  changeant  le  signe. 

Pour  les  ellipso'ides  de  Mac  Laurin,  tous  les  a/  sont  >  o,  tant  que  [*  <  /JLO. 
L'e'quilibre  est  alors  stable.  Pour  |m  —  |JLO,  un  premier  coefficient  a  change  son 
signe.  On  retrouve  ainsi  la  forme  de  bifurcation  ou  apparaissent  les  ellipso'ides 
de  Jacobi.  Pour  /JL  >  /JLO,  les  ellipso'ides  de  Mac  Laurin  sont  instables.  En  fai- 
sant  croitre  /*  a  partir  de  /JLOJ  on  rencontre,  parmi  les  ellipsoi'des  de  Mac  Laurin, 
une  infinite*  de  formes  de  bifurcation,  ou  apparaissent  de  nouvelles  series  line- 
aires  de  formes  d'e'quilibre.  Elles  sont  toutes  instables. 

C1)  [;72],  OEwres,  t.  VII,  p.  4o-i4o. 

(a)  [462],  Figures  d'equilibre  d'ttne  masse  fl  aide. 


L/CEUVRE   ASTRONOMIQUE   DE    H.    POINCARE.  345 

Pour  les  ellipse  ides  dc  Jacobi,  on  aura  une  nouvelle  suite  de  coefficients  de 
stability  a/.  En  verlu  du  principe  de  1'ediange  des  stabilites,  iis  sont  tous  posi- 
tifs,  quand  /JL  est  un  peu  plus  grand  que  /JLO<  Soil  /jL4  la  premiere  valeur  de  /JL 
pour  laquelle  un  coefficient  a  disparait.  Tant  que  /ULO  <!  p-  <  p-i ,  les  ellipsoi'des 
de  Jacobi  sont  stables.  Pour  JJL^/JL^  ces  ellipsoi'des  sont  instables.  En  faisant 
croitre  /JL  a  partir  de  /uq,  on  rencontre  une  infinite  de  formes  de  bifurcation  ou 
de  nouvelles  series  lin^aires  de  formes  d'equilibre  rencontrent  la  serie  de 
Jacobi.  Ges  nouvelles  figures  d'equilibres  sont  toutes  instables. 

Retournons  a  la  forme  de  bifurcation  pour  ^j.  =  ^.if  C'est  une  forme  limite 
pour  la  nouvelle  serie  lineaire  de  formes  d'equilibre  qui  y  apparaissent.  D'apr&s 
les  calculs  de  Darwin,  cette  nouvelle  serie  est  reelle  quand  /JL  est  un  peu  plus 
grand  que  JJLJ.  fitant  donne  le  principe  de  1'echange  des  stabilites,  les  nouvelles 
figures  d'equilibre  «  les  apioides  de  Poincare  »  sont  done  stables.  (D'apr&s 
M.  Liapounoff,  c'est  le  contraire  qui  aurait  lieu.) 

Dans  ce  qui  pr6c£de,  nous  avons  regard^  le  moment  de  rotation  commepara- 
m&tre  variable  et  la  densite  du  fluide  comme  invariable.  Imaginons  mainte- 
nant  que  la  masse  fluide  homog^ne  se  contracte  lentement  en  se  refroidissant. 
En  vertu  de  la  viscosit6,  le  fluide  tendra  toujours  a  prendrc  une  forme  d'equi- 
libre relatif  stable.  S'il  n'j  a  pas  de  forces  ext^rieures,  le  moment  de  rotation 
restera  constant.  Si  la  masse  est  d'abord  a  peu  pr&s  sph6rique,  elle  parcourra 
dans  son  d^veloppement  les  formes  d'equilibre  stables  dt5ja  mentionn^es.  Elle 
aura  d'abord  la  forme  d'un  ellipsoi'de  de  Mac  Laurin  dont  1'aplatissement  aug- 
mente  constamment.  D6s  que  la  premiere  forme  de  bifurcation  sera  atteinte, 
la  masse  prcndra  la  forme  d'un  ellipsoi'de  de  Jacobi.  Le  rapport  du  grand  axe 
au  petit  axe  croitra  constamment;  celui  du  mojen  axe  au  petit  axe  dimi- 
nuera. 

On  arrivera  ensuite  a  la  seconde  forme  de  bifurcation.  D^sormais,  la  masse 
aura  la  forme  d'un  apioi'de  de  Poincare.  La  plus  grande  partic  du  corps  tendra 
a  se  rapprocher  de  la  forme  sph^rique,  tandis  que  la  plus  petite  partie  semblera 
vouloir  se  detacher  de  la  masse  principale.  II  parait  difficile  de  suivre  plus 
loin  le  developpement.  Peut-6tre  le  corps  finira-t-il  par  se  partager  en  deux 
corps  isoles.  Peut-6tre  aussi  le  developpement  sera-t-il  soudainement  inter- 
rompu  par  une  forme  limite. 

Alors,  Pequilibre  finira  par  6tre  bouleverse,  et  la  masse  prendra  apre^s 
une  periode  d'oscillations  considerables  une  forme  d'equilibre  tout  a  fait 
differente. 

H.  P.  —  XL  44 


346  L'CEUVRE  ASTRONOMIQUE  DE  H.  POINCARE. 

Ajoutons  que  Poincar^  [94;  95;  72;  462,  chap.  8]  (1),  enpariant  de  la  condi- 
tion (01),  a  d6montr£  aussi  1'  existence  d'une  s<3rie  lin^aire  de  formes  d'£qui- 
libre  ou  la  masse  fluide  homog&ne  prend  la  forme  d'un  anneau  tr&s  mince  et 
peu  different  d'un  tore.  La  vitesse  de  rotation  GJ  est  tr&s  petite,  En  faisant  co 
infiniment  petite,  1'anneau  prend  la  forme  d'un  cercle  de  rajon  infiniment 
grand.  Ges  figures  annulaires  sont  probablement  instables. 

Rappelons  eniin  quelques  r^sultats  g^ntiraux  sur  les  formes  d'6quilibre  de 
masses  fluides  homog&nes  obtenus  par  Poincar^. 

Si  la  rotation  est  nulle,  la  sphere  est  6videmment  une  figure  d'^quilibre. 
M.  Liapounoffa  d^montr^  que  la  valeur  absolue  W  de  P^nergie  potentielle 
atteint  son  maximum  absolu,  si  la  masse  a  la  forme  d'une  sphere.  Poincart5 
donne  une  nouvelle  demonstration  de  ce  th6or6me  [108;  212;  462,  chap.  2](-). 
II  d^montre  d'abord  que,  pour  chaque  figure  d'^quilibre  sans  rotation,  on  a 


T  6tantle  volume  et  C  la  capacity  glectrostalique  du  corps.  II  montre  cnsuito 
que  la  capacity  6lectrostatique,  qui  depend  de  la  forme.  du  conducteur,  a  un 
minimum  absolu  et  que  ce  minimum  est  atteint  seulement  pour  la  sphere.  II 
en  r^sulte  le  th^or^me  de  M.  Liapounofi". 

Poincar^  est  arrivd  aussi  [462,  chap.  2]  (2)  au  r^sultat  que  voici  :  Pour  un 
lluide  homog£ne  en  6quilibre  relatif,  la  quantity  W  —  w-[  a  loujours  Ic  m6me 
signe  que  27:  —  o)'J, 

11  prouve,  d'autre  part  [462,  chap.  2]  (-),  qu'on  aura  pour  toutes  les  figures 
d'&juilibre  la  relation 

vr+2i  =  lw, 

U0  6lant  la  valeur  constante  de  la  fonction  de  force  U  a  la  surface  libre.  En 
regardant  co  comme  paramtoe  variable  et  le  volume  T  comme  constant,  les 
quantity  W,  I  et  U0  varient  avec  o>.  En  partant  de  la  relation  indiqu^e  tout  a 
Fheure,  Poincar^  d£montre  que  U0  croit  toujours  avec  co.  Si  alors  co  peut 
croitre  ind^fmiment  sans  que  la  figure  d'^quilibre  cesse  d'exister,  il  en  sera  de 
m6me  avec  U0.  Quand  U0  sera  trop  grand,  la  surface  du  corps  ne  pourra  plus 
rencontrer  1'axe,  et  la  masse  prendra  enfin  la  forme  annulaire. 

(>)  [94],'OE'apre*,  t.  VII,  p.  17-26;  [95],  OBuvres,  t.  VII,  p.  26-35;  [72],  OEuvres,  LVII," 
p.  4o-i4o;  [462],  Figures  d'tquilibre  d'une  masse  fluide. 

(2)  [108],  OBuvres,  t.  VII,  p.  143-146;  [212],  OEuvres,  t.  VII.  p.  i5i-i56;  [462],  Figures 
d'equilibre  d^une  masse  fll  aide. 


HENRI  POINCARE  UND  DIE  QUANTENTHEORIE 


VON  MAX  PLANCK 


Ada  Mathematica^  1.  38,  p.  387-397  drpr). 


1.  Nur  in  seinem  letzten  Lebensjahre  hat  sich  H.  Poincaremit  der  Quanten- 
theorie  beschaftigt,  aber  dies  in  einer  Weise,  die  auf  die  Denk-und  Arbeits- 
richtung  dieses  Meisters  seiner  Wissenschaft  ein  ungemein  bezeichnendes  Licht 
wirft.  Denii  wie  das  whare  Temperament  eines  Menschen  sich.  dann  am  deut- 
lichsten  offenbart,  wenn  er  sich  einmal  unversehens  einem  seltsamen  Ereignis 
gegeniibersieht,  so  verrat  sich  auch  die  Eigenart  eines  Forschers  am  unlriiglicli- 
sten  in  seiner  Stellungnahme  gegeniiber  einer  in  seiner  Wissenschaft  plotzlich 
neu  auftauchenden  Hypothese,  welche  zu  gewissen  im  Laufe  der  Zeit  feslgewur- 
zelten  Anschauungen  in  mehr  oder  minder  ausgesprochenen  Gegensatz  tritt. 
Der  Gealterte  wird  geneigt  sein,  die  Hypothese  zu  ignorieren,  der  Enthusias- 
tische  wird  sie  unbesehenwillkommenheissen,  der  Skeptikerwird  nach  Grtinden 
suchen  sie  abzulehnen,  der  Produktive  wird  sie  prufen  und  gegebenenfalls 
befruchten.  H.  Poincar6  hat  sich  in  dem  tiefgriindigen  Aufsatz  (*),  den  er  der 
Quantentheorie  widmete,  als  jugendlich,  krilisch  und  produktiv  erwiesen. 
Die  Anregung  zu  dieser  Untersuchung  empiing  er  olme  Zweifel  in  den 
Verhandlungen  des  denkwiirdigen  5'o/raj-Kongresses  vom  Jahre  1911  (2),  und 
der  Gedanke,  mit  dem  er  an  sie  herantrat,  wird  am  besten  durch  seine  am 
Schluss  jener  Versammlung  gesprochenen  Worte  (:t)  bezeichnet.  Er  wirft 


(!)  Sur  la  TMorie  des  Quajita  (J.  Phys.,  t.  2,  1912,  p.  5);  OEuvres,  t.  IX,  p.  626-653. 

(2)  La    Theorie    du   Rayonnement    et  les    Quanta,   Rapports   et  Discussions,  publics   par 
MM,  P.  LANOEVIN  et  M.  T>E  BROGLIE,  Paris,  1912. 

(3)  Loc.  cit.,  p.  45i. 


3>j8  HENRI    POINCARE    ET   LA   THEORIE   DES    QUANTA. 

darin  die  grundsalzliche  Frage  auf,  ob  denn  das  Wesen  der  Qimnlcnlheorie  es 
iiberhaupt  geslallel,  die  Nalurgeselze  durch  irgcndwelche  Differenlialglei- 
chungen  auszudrucken  —  ganz  abgesehen  von  der  speziellen  Form  der  Glei- 
chungen  der  klassischen  Meclianik—  und  diese  Frage  eben  isl  es,  deren  Priifung 
und  Beanlworlung  den  Inhalt  seines  oben  erwahnten  Aufsatzes  bildet. 

Als  Ausgangspunkt  dient  ihm  darin  die  physikalische  Tatsache,  dass  in  einem 
abgeschlossenen  System  von  zahlreichen,  mit  bestimmten  Eigenperioden 
schwingenden  geradlinigen  ResonaLoren  sich  im  Laufe  der  Zeit  vermoge  ihrer 
wechselseitigen  Stosse  ein  durch  die  gesamie  Energie  des  Systems  vollkommen 
bestinimter  Zustand  statistischen  Gleichgewichts  herstellt.  Gefragt  wird  nach 
dem  stationaren  Mittelwert  der  Energie  eines  Resonators  von  bestinimter 
Periode,  unter  der  alleinigen  Voraussetzung,  dass  die  Slossgeselzfe  durch 
Difierentialgleichungen  von  der  Art  der  Hamilton'schen,  abcr  noch  viel  allge- 
ineiner  als  diese,  geregelt  sind.  Urn  die  Betrachlung  moglichst  zu  vcreinfa- 
chen,  ohne  ihre  allgemeine  Bedeutung  zu  beeintnichligen,  wcrden  nur  zwei 
Arten  von  Resonatoren  angenommen,  namlich  P  Resonatoren  von  ,,  langer  u 
Periode,  und  N  Resonatoren  von  ,,  kurzer  "  Periode,  die  ihre  Energien  gegen- 
seitig  durch  Stosse  austauschen.  Diese  Auswahl  bringt  zugleicli  den  Vorteil 
mit  sich,  dass  dadurch  die  Einfuhrung  des  Begrifls  der  Temperatur  ganz 
entbehrlich  wird.  Denn  die  mitilere  Energie  der  Resonatoren  von  langer 
Periode  ist  tatsachlich  nichts  anderes  als  dass  Mass  far  die  Temperatur,  weil 
fur  diese  Resonatoren,  auch  vom  Standpunkt  der  Quantentheorie  aus,  die 
Gesetze  der  klassischen  Mechanik  gelten,  und  weil  nach  der  klassischen 
Mechanikdie  mittlere  Energie  ganz  allgemein  der  Temperatur  proportional  ist. 

Das  Resultat,  zu  welchem  Poi'ncar£  nach  einer  ausfuhrlichen,  weitansgrei- 
fenden  Untersuchung  schliesslich  gelangt,  lasst  sich  inder  folgenden  einfachen 
Form  aussprechen,  in  welcher  auch  die  Bezeichnungen  seines  Aufsatzes 
moglichst  beibehalten  sind.  Wird  die  mittlere  Energie  der  langperiodischen 

Resonatoren  mil  -  bczeichnet,  so  ist  die  mittlere  Energie  derNkurzperiodisclmn 
Resonatoren  : 

(0  ^=-1 

wobei  gcsetzt  ist  : 


Unbestimmt  und  willktirlich  wahlbar  bleibt  hierin   noch  die   Grosse 


HENRI  POINCARE  ET  LA  THEORIE  DES  QUANTA.  34y 

welchc  dadurch  definicrt  1st,  dass  w(r\)dri  die  ,  ,  AVahrscheinlichkeit  'c  dafiir 
bedeulet,  dass  die  Energie  eines  kurzperiodischen  Resonators  zvvischen  Y)  und 
Y)  4-  dri  liegt. 

Der  Thermodynamiker  erkennt  in  diesen  Gleichungen  die  Formeln  wieder, 
welche  die  mittlere  Energie  einer  grossen  Anzahl  gieicliarliger  SysLcme  von 
einem  einzigen  Freiheitsgrad  mil  dcm  sogenannlen  ,,  Zaistandsinlegral  il 
4>  verkniipft.  Die  Rohstante  a  isL  der  reziproke  Wert  von  kT  (T  absolute 
Tempera  tur)  und  das  Produkt  w(ri)  dv\  ist  die  ,  ,  Wahrscheinlichkeit  a  priori" 
oder  die  Grosse  des  durch  (YJ,  dri)  charakterisierten  Elementargebiets  im 
Gibbs:schen  Phasenraum  eines  kurzperiodischen  Resonators. 

Nach  der  klassischen  Theorie  ist  W(YJ)  konstant,  und  daher  nach  (2)  : 


woraus  nacli  (  i  )  der  Aquipartilionssatz  der  Energie 


folgt,  vvelcher  bekaniitlick  den  Erfahrun^en  widerspricht. 

Fragt  man  aber  nach  demjenigen  Ausdruck,  den  man  fur  fv(y])  annehmen 
muss,  um  zur  Quantentheorie  zu  gelangen,  so  brauchtman  nur  den  umgekehrten 
Wegzu  gehen,  und  zu  dem  von  der  Quantentheorie  geforderten  Wert  von  73  den 
passenden  Wert  von  W>(YJ)  zu  suclien.  Nun  ist,  in  der  urspriingliclien  Form 
dieser  Theorie,  die  mittlere  Energie  eines  kurzperiodischen  Resonators  : 


wo  £  die  Grosse  des  Energiequantums  bedeutet.     Fur  unendlich  kleine  £  gehl 
daraus  wieder  der  Aquipartitionswert  (4)  hervor. 
Im  allgemeinen  folgt  aber  aus  (5)  und  ( i)  : 

n=.  » 
(6)  <£(a)=     ^    _^c  =  const. 

und  ein  Vergleich  mit  (2)  zeigt,  dass  nur  dann  Uebereinstimmung  zu  erzielen 
ist,  wenn  fur  alle  Werte  von  YJ,  die  kein  ganzzahliges  Vielfaches  von  £  sind, 
i  =  o,  w&hrend  fur  yj=  TZE,  w(ri)  =  oo  ,  in  der  Art,  dass  fur  lim£  =  o  : 


~m  +  \ 
(7)  /  w(*n)  dt\  =  const. 

Jni  —  % 


350  HENRI  POINCARE  ET  LA  THEORIE  DES  QUANTA. 

Dieses  Resultat  ist  natiirlicli  gleichbedeatend  mil  einer  Verneinung  dor  zu 
AnfangaufgeworfenenFrage,  ob  die  Slossgesetze  durch  Differeatialgleichungen 
darstellbar  sind;  denn  derartige  Gloichungen  warden  doch  jedenfalls  einen  steti- 
gen  Charakter  der  Funktion  w(v\)  erfordern.  Insofern  darf  man  also  das  ganzc 
Problem  als  eiiedigt  betrachten. 

2.  Indessen  bat  die  Meihodc  Poincare"'s  doch  cine  mehr  als  bios  negative 
Bedeutung.  Denn  dadurch,  dass  sie  ein  Liinesveri'abren  kernien  lehrt,  durch 
welches  man,  mittelst  einer  nachtriiglichen  Ivorrektur  der  ursprunglichen  unzu- 
liinglichen  Voraussetzungen,  schliosslicli  doch  zum  gewttnschten  Ziele  gelangen 
kann,  weist  sie  sozusagen  Qber  sich  selber  hinaus,  und  zeigl  die  Richtung,  die 
man  einschlagen  muss,  um  der  drohenden  Unslimmigkcit  von  vornherein  zu 
enlgehen.  Wenn  ein  Resonator  kurzer  Periode  wirklich  nur  solche  Werte 
der  Energie  besitzen  kann,  welche  ein  ganzes  Vielfaches  von  £  darstellen,  so 
heissL  dies,  dass  er  seine  Energie  nnr  ploizlich,  sprungweise,  iindern  kann, 
oder  mit  anderen  Worten  :  dass  die  Stossgesetze  nichl  durch  Differential  giei- 
chungen,  sondern  durch  Dilferenzengloichungen  dargestellt  werden.  Und  es 
liegt  die  weilere  Frage  nahe,  ob  es  n\chl  moglich  ist,  cine  Form  des  Stossge- 
setzes  anzugeben,  welche  auf  direktem  Wege  zu  dem  von  der  Quantentheorie 
geforderten  Resultat  fiihrt.  Diese  Frage  mochte  ich  hier  ein  kleines  Sliick 
wciter  verfolgen. 

Wir  wend  en  uns  zu  diesem  Zwecke  v\rieder  zur  Betrachtung  der  Stossvvir- 
kungen  zwischen  den  P  Resonatorcn  von  langer  Periode  und  den  N  Resona- 
toren  von  kurzer  Periode,  und  nehmen  an,  dass  das  Energiequantum  der 
letzteren  ein  ganzes  Vielfaches  des  Energiequantums  der  ersiereh  ist;  denn  sonst 
ware  ein  unmittelbarer  Energieauslausch  zwischen  ihuen  garnicht  moglich. 
Bezeichnen  wir  die  Zahl  derjenigen  langperiodischen  Resonatoren,  deren 
Energie  zwischen  u  und  u  -\-  du  liegt,  mit  Pudu,  und  die  Zahl  derjenigen 
kurzperiodischen  Resonatoren,  deren  Energie  nt  betragt,  mit  N;i,  wobei  : 

(8)  ^Pudu^P,        und 


und  betrachten  wir  die  wechselseitigen  Zusammenstosse  dieser  beiden  Arten 
von  Resonatoren  wahrend  eines  Zeitintervalls  t.  Ihre  Anzahl  wird  ausser  der 
Lunge  des  Zeitraums  t  den  Grossen  Pu  die  und  Nn  proportional  sein.  Daher 
wird  die  Anzahl  derjenigen  unter  diesen  ZusamrnenstSssen,  bei  denen  i  Ener- 


HENRI   POINCARE   ET   LA   THEORIE   DES   QUANTA.  35 1 

giequanten  von  einem  Resonator  der  ersten  Art  auf  einen  Resonator  der 
zweiten  Art  tibertragen  werden,  dargestellt  werden  durcti  eiiien  Ausdruck  von 
der  Form  : 

(9)  tPuduNn-W(u,  n,  i), 

vvobei  die  von  u}  n  and  i  abhangige  Funklion  W  auch  als  die  Wahrscheinlichkeit 
dafiir  bezeiclmel  werden  kann,  dass  zwei  Resonaloren  von  den  Energien  u  und 
fie  so  miteinander  zusammenstossen,  dass  die  Energiu  /£  von  dem  erslen  auf 
den  zweiten  Resonator  iibergehi.  Die  ganze  Zahl  z,  die  aucli  Null  oder  negaliv 
sein  kann,  is  I  durch  die  Bedingung  eingescbrunkl  : 

do  )  -  \>  /^.— -  n. 

£    ' 

vvelcbe  ausspricht,  dass  koinor  der  beiden  cinancler  stossencleii  Resonaloren 
melir  als  seine  ganze  Energie  abgeben  kann.  Nacli  Becndigung  des  Stosses 
besitzen  die  beiden  Resonatoren  bezw  die  Energien  : 

(n)  u' =  u  —  t's.  ^  o         und         n' i  =  (n  H-  I)  £  ^,  o. 

Die  Bedingung  des  statistischen  Gleichgewicbls  erforderi  clann,  das  der  Anzahl 
der  betrachteten  Artvon  Slossen  eine  gleicli  grosse  Anzahl  in  enlgegengesetzler 
Richtung  erfolgender  Slosse  gegeniiberstelit,  d.  h.  dass,  wenn  i'  =  —  i  gesetzt 
wird, 

(12)  tPuduNnW(u,  n,  z)  =  ^Pn'^/N«'W(tt',  n',  i'), 

uncl  aus  dieser  Gleicbung  gehen,  wenn  W  als  Funklion  von  u,  /*,  i  bekanuL  ist, 
die  slatistischen  MittelwerLe  der  Energien  beider  Arten  von  Resonaloren  hervor. 
Dieselben  hangen  naturlich  in  bohem  Masse  von  der  Form  des  Ausdrucks  fur 
Wab. 

Wir  wrollen  nun  die  eint'acbe  Hypothese  einfuhren  : 

(13)  W(MJ  /i?  i)du='W(u'y  nf,  ir)du', 

und  nacb  der  Art  der  ihr  entsprechenden  slalionarenEnergieverleilung  fragen. 
Es  folgt  dann  aus  (12)  und  (i  i)  : 

(14)  PMN«  =  P«-teN«+/, 
und,  fiir  i  =  i  und  u  =  £  : 

(16)  Nw+i  =  Nw^  =N71jp, 

*  0 

andererseits,  fur  /  =  —  i  und  n  =  i  : 

(16)  PU4.£=PW^=P^. 


352  HENRI  POINCARE  ET   LA   THEORIE   DES   QUANTA. 

Aus  (i5)  ergibt  sich,  wenn  man  darin  flir  n  nach  der  Reihe  die  Werte  o,  1,2,  ... 
(n  —  i)  setzt  und  die  daraus  entstehenden  Gleichungen  miteinander  multipli- 
ziert  : 

(17)  N^No/?", 

und  aus  (16),  wenn  man  darin  fur  u  die  Werte  p,  p  -\-  s,  p-f-  2s,  ...,  p  +  (/£  —  i)e 
(p  <  s)  setzt,  auf  demselben  Wege  : 

(18)  ^  PP-Hi==Pp/>", 

Die  Ausdriicke  (17)  und  (18)  befriedigen  die  Funktionalgleiclumg  (i4)  iden- 
tisch,  sie  stellen  also  die  allgemeine  Losung  derselben  dar.  Aus  ihnen  ergeben 
sich  nun  auch  die  stationaren  Mittelwerte  fiir  die  Energien  der  beiden  Arten 

von  Resonatoren,  die  wir,  wie  oben,  mit  -  und  r\  bezeichnen  wollen  : 


(19)  1  =  1   |      uPudu 

a          J* 


und 


wo  die  Werte  von  P  und  N  den  Gleichungen  (8)  zu  entnehmen  sind.  Bei  der 
Integration  von  PM  ist  zu  beachten,  dass  das  Integral,  bei  Benutzung  von  (18), 
in  eine  Summe  von  Einzelintegralen  zerfallt,  deren  jedes  von  p  =  o  bis  p  =  e  zu 
erstrecken  ist;  also 

n=X          £  £  £ 

f°°uPudu=y^   f  (P  +  »e)Pp^«dp=-l-  f  PPpd?+      tp      f  Ppdo. 

JQ  ~*    */0  "  ^0  ^  Pi'  JQ 

7Z  =  0 

Auf  diesem  Wege  ergibt  sich  : 

(20)  a  =  pH  --  ^-—        und  —  —< 

^     }  r         — 


I—  p  I—p 

wenn  p  die  mittlere  Energie  derjenigenlangperiodischen  Resonatoren  bedeutetj 
deren  Energie  zwischen  o  und  e  liegt  : 

(21)  p/       Pp«S?p=    /      pPp£?p. 

*/Q  1SQ 

Man  sieht,  dass  nach  unserer  Hypothese  YJ  durch  a  noch  nicht  vollkommen 
bestimmt  ist.     Vielmehr  hat  man  aus  (20)  . 

(22)  71  =  1  -p., 


Hiernach  erscheint  die  mittlere  Energie  y?  der  kurzperiodischen  Resonatoren 
zuruckgefuhrt  auf  das  Gesetz,  nach  welchem  die  Energie  unter  den  langperio- 


HENRI   POINCARE   ET   LA   THE*ORIE   DES   QUANTA.  353 

dischen  Resonatoren  verteilt  ist.     Nimmt  man  fur  diese  die  klassische  Theorie 
als  zutreffend  an,  setzt  also  in  Uebereinstimmung  mit  (8)  : 

(23)  Pp=aPe-ap, 

so  folgt  aus  (21 ) 


und  damit  nacli  (22)  der  quanlentheoretische  Wert  (5)  von  YJ. 

Die  Quantenbeziehung  (5)  ergibt  sich  also  nach  dern  von  uns  angeftihrten 
Stossgesetz  mit  Notwendigkeit  aus  der  klassischen  Energieverteilung  ftir  lang- 
periodiscbe  Resonatoren,  und  darin  Kegt  die  Bedeutung  dieses  Gesetzes. 

3.  Die  hier  angestellte  Betrachtung  kann  uns  aber  noch  einen  Schritt  weiter 
fiihren,  und  eben  dieser  Punkt  ist  es  gerade,  der  mir  die  vorliegende  Unter- 
suchung  nahegelegt  hat.  H.  PoincartS  hat  namlich  seine  Analyse  ausser  auf 
die  ursprtingliche  Formulierung  der  Quantentheorie  auch  auf  die  spatere 
Formulierung  erstreckt,  welche  er  die  ,,zweite"  Quantentheorie  nennt  (1). 
Diese  Theorie  scheint  mir  deshalb  einstweilen  den  Vorzug  zu  verdienen,  weil 
die  Grundvorausselzung  der  ersten  Theorie  :  die  quantenhafte  Absorption 
strahlender  Energie  seitens  eines  Resonators,  ihrern  Wesen  nach  unvertraglich 
ist  mit  der  sonst  uberall  vorzuglich  bewahrten  elektromagnetischen  Wellen- 
theorie  der  Lichtfortpflanzung  im  leeren  Raum,  und  weil  beim  Aufbau  der 
Quantentheorie  doch  jedenfalls  dafiir  Sorge  getragen  werden  muss,  dass  die 
Abweichungen  von  der  klassischen  Theorie  nicht  schroffer  ausfallen  als  unum- 
ganglich  notwendig  erscheint.  Nach  der  zweiten  Quantentheorie  konnen  auch 
die  kurzperiodischen  Resonatoren  von  vornherein  jeden  beliebigen  Wert  der 
Energie  besitzen,  und  zwar  ist  im  Zustand  des  statistischen  Gleichgewichts  die 
mittlere  Energie  aller  derjenigen  Resonatoren,  deren  Energie  im  Elementar- 

gebiet  /i,  d.  h.  zwischen  ne  und  (n  -f- 1  )e  liegt,  gleich  (  n  -+-  - \  s. 

Dementsprechend  tritt  fiir  die  mittlere  Energie  samtlicher  kurzperiodischer 
Resonatoren  anstelle  von  (5)  der  Wert  . 

-—  £        _.-£       —  £  <ga£~hr 
^  TI~  2  ~*~  e"t-i   ~z  c«— T 

Es  fragt  sich  nun,  welcher  Ausdruck  fiir  die  Wahrscheinlichkeitsfunktion  w(r\) 


Loc.  cit.,  p.  3o. 

H.  P.  —  XI.  45 


354  HENRI  POINCARE   ET   LA   THEORIE  DES   QUANTA. 

in  die  Gleichung  (2)  einzusetzen  ist,  damit  aus  (i)  der  letztgenannte  Wert  fur 
ri  hervorgeht.     Urn  dies  zu  entscheiden,  berechnet  Poincar6  aus  (25)  und  (i)  : 


(26) 

und  findet,  dass  diese  Funktion  nur  dann  mit  (2)  ubereinstimmt  wenn  (V(YJ)  fiir 
alle  Werte  von  r\  verschwindet,  ausser  fur  die  ungeraden  Vielfachen  von  -?  fiir 

die  w(fi)  unendlich  wird.  Das  steht  aber  ofFenbar  im  Widerspruch  mit  dem 
Grundsatz  der  zweiten  Theorie,  dass  ein  Resonator  jeden  beliebigen  Wert  der 
Energie  besitzen  kann. 

Dieser  Befund  scheint,  wenn  man  ihn  mit  dem  in  paragraph  i  festgestellten 
zusammenhalt,  ein  Argument  von  schwerwiegender  Bedeutung  zu  Ungunsten 
der  zweiten  Theorie  und  zu  Gunsten  der  ersten  Theorie  zu  liefern.  Indessen 
muss  zunachst  daran  festgehalten  werden,  dass  ja,  wie  bereits  oben  hervorge- 
hoben  ist,  auch  schon  die  erste  Theorie  sich  als  unvertraglich  mit  der  Voraus- 
setzung  einer  endlichen  und  stetigen  Funktion  w(ri)  erwiesen  hat,  dass  also 
tatsachlich  keine  der  beiden  Theorien  in  den  durch  die  Gleichung  (i)  und  (2) 
festgelegten  Rahmen  hineinpasst.  Wie  steht  es  nun  aber  mit  der  oben  fiir  den 
Zusammenstoss  zvveier  Resonatoren  eingefiihrten  Hypothese,  die  sich  bei  der 
ersten  Theorie  gut  bewahrt  hat,  gegenuber  der  zweiten  Theorie  ? 

Um  diese  Frage  zu  beantworten,  nehmen  wir  also  jetzt  an,  die  Energie  eines 
der  N  kurzperiodischen  Resonatoren  konne  jeden  beliebigen  Wert  v?  besitzen, 
und  zwar  sei  die  Zahl  derjenigen  dieser  Resonatoren,  deren  Energie  zwischen 
r\  und  r\  -j-  drj  liegt,  gleich  N^  dr\,  sodass  : 

(27) 

Ferner  finde  der  Energieaustausch  beim  Zusammenstoss  wiederam  nur  nach 
ganzen  Vielfachen  i  des  Elementarquantums  s  statt,  so  dass  anstatt  ( 10)  : 

(28)  -^i^—2. 

Dann  lassen  sich  genau  die  namlichen  Betrachtungen  anstellen,  wie  im  vorigen 
Paragraphen,  und  man  erhalt  fiir  den  Zustand  des  statistischen  Gleichgewichts 
anstelle  von  (i4)  die  Funktionalgleichung  : 

(29) 


HENRI   POINCARE   ET   LA  TH^ORIE   DES   QUANTA.  355 

deren  allgemeine  Losung  durch  (18)  und  durch 

(3o)  Np+wg  =  Npjp« 

gegeben  wird,  wo 

(30  *  =  £  =  £-'• 

"o         JMo 

Daraus  ergeben  sich  dann  wieder  die  Mitielwerte  fiir  die  Energie  der  beiden 
Arten  von  Resonatoren  : 


(32) 


wenn  wir  mil  p'  die  mittlere  Energie  derjenigen  kurzperiodischen  Resonatoren 
bezeichnen,  deren  Energie  zwischen  o  and  e  liegt  : 

(33)  •  P'  f  Np4>  =  f  pNpdp. 

JQ  JQ 

Fiir  den  Zusammenhang  zwischen  75  und  a  erhalten  wir  also  : 

(34)  ^p'-jjH-I, 

und  hieraus,  wenn  wir  fur  p  wieder  den  Ausdruck  (24),  fur  r\  aber  den  Ausdruck 
(26)  einsetzen  : 

(35)  p'  =  J> 

und  dieser  Wert  stimmt  in  der  Tat  vollkommen  iiberein  mit  der  oben  einge- 
fuhrten  Grundannabme  der  zweiten  Theorie,  dass  die  mittlere  Energie  der  im 

Elementargebiet  n  befindlichen  Resonatoren  gleich  ist  f  n-+-  -Je. 

Somit  konneA  wir  als  Resultat  dieser  ganzen  Untersuchung  den  folgenden 
Satz  aussprechen  :  Wenn  fur  die  stationare  Energieverteilung  der  langperio- 
dischen  Resonatoren  das  Gesetz  der  klassischen  Theorie  als  gultig  angenommen 
wird,  so  fiihrt  die  Hypothese,  dass  beim  Zusammenstoss  zweier  Resonatoren 
der  Energieaustausch  nur  nach  ganzen  Vielfachen  eines  Energiequantums  e 
stattfindet,  und  dass  zwei  Zusammenstosse  mit  entgegengesetztem  Resultat 
gleich  wahrscheinlich  sind,  fiir  die  mittlere  Energie  eines  kurzperiodischen 
Resonators  mit  Notwendigkeit  zur  Formel  der  Quantentheorie,  und  zwar  zur 
,,  ersten  "  Quantentheorie,  wenn  ein  solcher  Resonator  keine  zwischen  o  unds 
liegende  Energie  besitzen  kann,  zur  ,,  zweiten  u  Quantentheorie  aber,  wenn  die 


356  HENRI  POINCARE"  ET  LA  THE"ORIE  DES  QUANTA. 

mittlere  Energie  derjenigen  Resonatoren,  derenEnergie  zwischen  o  und.e  liegt, 
gleich  -  ist. 

4.  Schliesslich  liegt  noch  die  Frage  nahe,  ob  und  in  welcher  Weise  sich  die 
Poincar^'schen  Ansatze  (i)  und  (2)  so  verallgemeinern  lassen,  dass  man  zu  den 
Formeln  der  Leiden  Quantentheorien  gelangt,  ohne  auf  die  Schwierigkeiten  zu 
stossen,  die  auf  jeden  Fall  mit  der  Einfuhrung  einer  nicht  stetigen  und  nicht 
endlichen  Funktion  W(YI)  verbunden  sind. 

In  formaler  Beziehung  erledigt  sich  diese  Frage  einfach  und  in  positivem 
Shine,  und  zwar  durch  die  Einfuhrung  einer  passenden  Modification  des 
Ausdrucks  fur  das  Zustandsintegral  (2).  In  der  Quantentheorie  bleibt  die 
Gleichung  (i)  bestehen,  dagegen  tritt  an  die  Stelle  des  Zustandsintegrals  (2) 
die  Zustandssumme  : 

(36)  $ 

wo  rin  die  mittlere  Energie  der  im  Elementargebiet  n  befindlichen  Resonatoren 
bezeiehnet.  Je  nachdem  fur  ~r\n  der  Wert  ne  oder  der  Wert  (  n  -+-  ~  J  B  angenom- 
men  wird,  erhalt  man  aus  ( i)  und  (36)  fur  die  mittlere  Energie  vj  eines  kurz- 
periodischen  Resonators  den  Ausdruck  (5)  des  ersten  Quantentheorie  oder  den 
Ausdruck  (zS)  der  zweiten  Quantentheorie. 

Ein  anderes,  weit  schwierigeres  Problem  aber  ist  es,  diejenigen  physika- 
lischen  Hypothesen  zu  ersinnen  und  mathematisch  zu  formulieren,  welche  mit 
Notwendigkeit  zu  dem  Ausdruck  (36)  des  Zustandsintegrals  ftihren.  Denn 
mit  seiner  Losung  ware  auch  der  geheimnisvolle  Schleier  geliiftet,  welcher 
noch  bis  zum  heutigen  Tage  die  Quantentheorie  von  alien  Seiten  umgibt.  Es 

liegt  eine  eigenartige  Schicksalstragik  darin,  dass  der  geniale  Mathematiker 

•* 

und  theoretische  Physiker,  dessen  Andenken  dieser  Aufsatz  gewidmet  ist, 
gerade  im  Verlauf  desjenigen  Jahres,  in  welchem  er  sich  fur  die  Quantentheorie 
zu  interessieren  begann,  von  seiner  Arbeit  abberufen  wurde.  Niemand  kann 
ermessen,  welch unersetzliche  Werte  dadurch  derwissenschaftlichenForschung 
verloren  gegangen  sind.  Indessen  wir  miissen  uns  zufrieden  geben  und 
dankbar  sein  dafiir,  dass  es  ihm  iiberhaupt  noch  vergonnt  war,  einmal  selber 
Hand  ans  Werk  zu  legen  und  seiner  Mitwelt  damit  die  Schwierigkeit,  aber 
auch  die  fundamentale  Wichtigkeit  der  hier  noch  zu  bewaltigenden  Aufgabe 
deutlich  zu  machen. 


TABLE  DES  MATIERES 

DU  TOME  XI. 


Pages 

DIVERS I 

Sur  les  points  singuliers  des  equations  differentielles 3 

Sur  la  generalisation  d'un  theoreme  d'Euler  relatif  aux  polyedres 6 

Sur  la  generalisation  d'un  theoreme  e'lementaire  de  Ge'ometrie 8 

Lettres  de  Henri  Poincare  a  L.  Fuchs i3 

Gorrespondance  de  Henri  Poincare  et  de  Fe'lix  Klein 26 

Lettres  de  Henri  Poincare  a  M.  Mittag-Leffler  concernant  le  Me'moire  couronne  du 

prix  de  S.  M.  Le  Roi  Oscar  II 66 

Sur  les  hypotheses  fondamentales  de  la  Ge'ometrie • 79 

Les  fondements  de  la  Geometric 92 

Reflexions  sur  deux  Notes  de  M.  A.  S.  Schonflies  et  de  M.  E.  Zermelo 1 14 

Ueber  Transfinite  Zahlen 120 

La  notation  differentielle  et  PEnseignement 126 

La  logique  et  1'intuition  dans  la  Science  mathe'matique  et  dans  1'Enseignement 129 

NOTES 1 34 

HOMMAGES   A    HENRI    PoiNCARfi l3j 

Henri  Poincare,  en  Mathe'matiques  speciales  a  Nancy,  par  P.  APPELL 189 

Lettre  de  M.  Pierre  Boutroux  a  M.  Mittag-Leffler i46 

L'OEuvre  mathematique  de  Poincare,  par  J.  HADAMARD 1^2 

Die  Bedeutung  Henri  Poincare's  fur  die  Physik,  von  W.  WIEN 243 

Deux  Memoires  de  Henri  Poincare  sur  la  Physique  mathematique,  par  H.  A.  LORENTZ.  247 

L'OEuvre  astronomique  de  Henri  Poincare,  par  H.  VON  ZEIPEL 262 

Henri  Poincare  und  die  Quantentheorie,  von  Max  PLANCK 347 


PARIS.  -  IMPRIMERIE  GAUTHIER-VILLARS 

Quai  des  Grands-Augustins,  55. 

149625-56 


Dep6t  16gal  Imprimeur,  1966,  n°  1451 
D6p6t  16gal  Editeur,  ig56,  n°  695 

ACHEV&  D'IMPRIMER,  LE  20  OGTOBRE  1966. 


LE  LIVRE 

DU   CENTENAIRE 

DE  LA  NAISSANCE   DE 

HENRI    POINCARE 

1854-1954 


PARIS.     —    IMPRIMERIE     G  AUTHIER-VFLL  ARS 
147833  Quai  des  Grands-Augustins,  55 


LA   MEDAILLE   DU  CKNTJ3NAIRE 
(due   a  Madame  GUZMAN -NAGEOTTE). 

(Au  revers  :  Figure  geometrique  inspiree  de  la  theorie  des  groupes  fuchsiens). 


LE  LIVRE 

DU  CENTENAIRE 


DE    LA   NAISSANGE    DE 


HENRI    POINCARE 


18S4-1954 


PAiKIS 

GAUTHIERrVILLARS,  EDITEUR-IMPRIMEUR-LIBRAIRE 

5o,  quai  des  Grands  Augustins,  55 

1955 


Copyright  by  Gauthier-Villars,  ig55. 
Tous  droits  de  traduction,  de  reproduction  et  d'adaptation  reserves  pour  tous  pays. 


TABLE  DES  MATIERElS 


Pages. 

Composition  du  Comite  de  Patronage 5 

Composition  du  Comite  d'Honneur 6 

Composition  du  Comite  d'Organisation 9 

Grades,  fonctions,  titres  honorifiques,  prix,  decorations  de  Henri  POINCAR£ n 


PREMIERE  PARTIE. 

P^RIODE   PR&LIMINAIRE  ET  PREMIERES   MANIFESTATIONS. 

A.  La  preparation  du  Centenaire  et  V edition  des  OEuvres  de  Henri  Poincare.  19 

Allocution  de  M.  G.  JULIA  a  TEcole  Polytechnique  le  16  novembre  1948 20 

Extrail  de  la  circulaire  du  Conseil  National  du  Patronat  Francais 28 

B.  Hommage  de  la  Marine  Marchande  et  de  V Administration  des  Pastes 26 

Notice  des  Chargeurs  Reunis  sur  Henri  POINCARE" 26 

G.  La  journee  du  jeudi  i3  mai  1964  au  Musee  Pedagogique 28 

Conference,  de  M.  R,  GARNIER 29 


DEUXI&ME  PARTIE. 

CALIBRATION  DU   CENTENAIRE  A  LA   SORBONNE. 

A.  La  journee  du  samedi  i5  mai  1964  &  la  Sorbonne 49 

Discours  de  M.  J.  HADAMARD 5o 

Discours  de  M.  H.  VILLAT 67 

Discours  du  Prince  L.  DE  BROGLIE 62 

Discours  du  Due  M.  DE  BROGUE • 71 

Allocution  de  M.  G.  JULIA 78 

Allocution  de  M.  E.  BOREL 81 

Discours  du  President  Andre*  MARIE  . . ; 84 


'2  TABLE   DES  MATIERES. 

TROISniME  PARTIE. 

MANIFESTATIONS  PARISIENNES  EN  MAI  1964. 

Pages. 

A.  La  matinee  du  dimanche  16  mai  1964  a  VEcole  Polytechnique 91 

Allocution  de  M.  G.  JULIA 93 

Allocution  de  M.  L.  POINCAR& 94 

Allocution  du  General  LEROY 93 

Discours  du  General  DASSAULT 97 

B.  Lapres-midi  du  dimanche  16  mai  1954  a  Versailles 107 

C.  La  matinee  da  lundi  17  mai  1954  a  VInstitut  Henri  Poincare  et  a  la  rue 

Claude-Bernard 1 08 

Allocution  de  M.  G.  JULIA  £  PInstitut  Henri  Poincare 108 

Allocution  de  M.  J.  PERES 109 

Allocution  de  M.  G.  DUPOUY 112 

Allocution  de  M.  J.  PERES  a  la  rue  Claude-Bernard 1 14 

D.  Lapres-midi  du  lundi  17  mai  1964  a  VInstitut  de  France 1 15 

Allocution  de  M.  G.  JULIA 116 

Presentation  des  Savants  etrangers  et  remises  des  adresses 117 

Allocution  du  Due  M.  DE  BROGLIE 119 

E.  La  journee  du  mardi  18  mai  1954  a  la  Societe  des  Ingenieurs  Civils 120 

Conference  de  M.  N.  MINORSKY 120 

Conference  de  M.  G.  DARMOIS 127 

Conference  de  M.  G.  DARRIEUS 1 32 

F.  La  journee  du  mercredi  19  mai  1964  a  la  Societe  Astronomique  de  France.  i4o 
Extraits  de  la  conference  du  Prince  L.  DE  BROGUE i,-(o 


QUATRIEME  PARTIE. 

MANIFESTATIONS  EN  PROVINCE  EN  MAI  1964. 

A.  La  journee  du  feudi  20  mai  1904  a  Caen 147 

Conference  de  M.  R.  APERY 148 

B.  La  matinee  du  samedi  22  mai  1964  au  Lycee  de  Nancy i53 

Allocution  de  M.  le  Senateur-Maire  R.  PINCHARD i55 

Allocution  de  M.  L.  POINCAR£ 167 

Discours  de  M.  le  Ministre  M.  LEMAIRE 160 

Etude  de  M.  G.  JULIA  sur  Henri  Poincare^  sa  vie  et  son  oeuvre 166 

G.  Dapres-midi  du  samedi  22  mai  1954  a  VUniversite  de  Nancy 178 

Allocution  de  M.  G.  JULIA 174 

Conference  de  M.  R.  POIRIER , . . , , 176 


TABLE   DES  MATIERES.  3 

CINQUIEME  PARTIE. 

HOMMAGE  BE  L'ETRANGER  ET  AUTRES  MANIFESTATIONS  EN  FRANCE. 

Pages. 

A.  Cloture  de  la  premiere  etape  des  ceremonies  du  Centenaire 2o3 

B.  La    journee    Internationale     Henri    Poincare    a     la    Haye     le    samedi 

ii  septembre  1954 204 

Allocution  de  M.  G.  JULIA 206 

Conference  de  M.  A.  WEIL 206 

Conference  de  M.  H.  FREUDENTHAL 212 

Conference  de  M.  L.  SCHWARTZ 219 

Conference  de  M.  J.  LEVY 226 

Conference  de  M.  E.  W.  BETH 282 

Allocution  de  S.  E.  M.  P.  J.  GARNIER 288 

C.  Antres  manifestations  a  VEtranger 240 

Au  Venezuela 240 

A  Tile  Maurice 240 

En  U.  R.  S.  S 240 

En  Yougoslavie 240 

En  Equateur 240 

D.  Autres  manifestations  en  France 241 

Colloque  Henri  Poincare  £  Plnstitut  Henri  Poincare 241 

Hommage  dela  Compagnie  Nationale  du  Rhone  et  de  1'Association  des  Ingenieurs 

des  Ponts  et  Ghaussees  et  des  Mines 243 

SIXIEME  PARTIE. 

DOCUMENTS  ET  PHOTOGRAPHIES. 

Premiere  enfance  (i854-i865) 247 

Concours  des  Grandes  JEcoles  (1878) a5a 

Eleve  a  1'Ecole  Polytechnique  (1878-1875) 255 

Ecole  des  Mines  et  debut  de  carriere  (1876-1879) 268 

Fonctions  fuchsiennes  (1880-1882) 271 

Memoires  scientifiques  de  1888  et  1886 280 

Acad^mie  des  sciences  et  Prix  du  Roi  OSCAR  ( 1886-1889)' 284 

Conferences  et  discours,  Academic  francaise  ( 1900-1909) 290 

Souvenirs  de  1910  et  191 1 294 

Souvenirs  de  1912 298 

Epilogue 3o3 


CENTENAIRE  DE  LA.  NAISSANCE 


DE 


HENRI    POINCARE 


COMITE  DE  PATRONAGE. 


M.  LE  PRESIDENT  DE  LA  REPUBLIQUE. 

M.  LE  MlNISTRE  DBS  AFFAIRES  ElRANGERES. 

M.  LE  MlNISTRE  DE  LA  DfiFENSE  NATIONALE. 

M.  LE  MlNISTRE  DE  L'fioUCATION  NATIONALE. 

M.  LE  MlNISTRE  DE  L'lNDUSTRIE  ET  I)U  COMMERCE. 

1VI.  LE  PR&FET  DE  LA  SEINE. 

M.  LE  PRESIDENT  ou  CONSEIL  MUNICIPAL  DK  PARIS. 

M.  LE  RECTEUR  DE  L'UNIVERSITE  DE  PARIS. 

M.   LE  DlRECTEUR  DE  L^ENSEIGNEMENT  SlJPJ&RIEUR. 

M.  Albert  BUISSON,  Chancelier  de  1'Institul. 

M.  Georges  LECOMTE,  Secretaire  perp6tuel  de  l'Acad6mie  Francaise. 

M.  Louis  DE  BROGLIE,  de  I'Acad^mie  Frangaise,  Secretaire  perp^tuel  de  1'Aca- 

demie  des  Sciences. 
M.  Gaston  DUPOUY,  de  l'Acad6mie  des  Sciences,  Directeur  du  Centre  National 

de  la  Recherche  Scientifique. 

L'Association  des  anciens  fil&ves  de  I'Jficole  Poly  technique. 
L' Association  des  anciens  fil^ves  de  Pficole  des(  Mines. 
L'Association  des  anciens  fil&ves  du  Lyc^e  de  Nancy. 


CENTENAIRE    DE    LA    NAISSANCE    DE    HENRI    POINCARE. 

COMITE  D'HONNEUR. 


L'Acad^mie  Francaise. 

L'Acad^mie  des  Sciences. 

Le  Bureau  des  Longitudes. 

Le  Gomit(5  national  de  Mathematiques. 

Le  Gomit^  national  de  M^canique. 

Le  Comit^  national  d 'Astronomic. 

Le  Gomit^  national  de  Physique. 

Le  Comit^  national  de  G6ophysique. 

Le  Comit^  national  de  RadiodLectricite. 

La  Faculty  des  Sciences  de  Paris. 

L'Institut  Henri  Poincar6. 

L'Observatoire  de  Paris. 

L'ficole  Polytechnique. 

L'ficole  Nationale  sup^rieure  des  Mines  de  Paris. 

L'ficole  Nationale  sup^rieure  des  Telecommunications. 

L'Universit^  de  Nancy. 

L' Academic  Stanislas  de  Nancy. 

L7Uiiiversit6  de  Caen. 

L7 Academic  des  Belles-Lettres,  Arts  et  Sciences  de  Caen. 

L'Union  Internationale  de  Math^matiques. 

L'Union  internatioriale  de  M^canique. 

L'Union  internationale  d'Astronomie. 

L'Union  internationale  de  G6od£sie  et  G^ophysique. 

L^Union  internationale  de  Radio^lectricit^. 

L'Union  internationale  de  Physique. 

A.  llemagne . 

University  de  Berlin. 
Soci£t£  Physico-M^dicale  d'Erlangen. 
Acad^mie  des  Sciences  de  Gottingen. 
des  Sciences  de  Munich. 


CENTENAIRE    DE    LA    NAISSANCE    DE    HENRI    PO1NCARE. 


Academic  des  Sciences  de  Vienne. 

JBelgique. 

Acad^mie  Royale  des  Sciences  de  Belgiquc. 
University  libre  de  Bruxelles. 
Institnt  Solvay. 

DcinemcLrk. 
Soci^te"  Royale  des  Sciences  de  Gopenhague. 

Etats-Unis. 

Acad^mie  nationale  des  Sciences  de  \Vashington. 
American  Philosophical  Society, 


Acad^mie  finnoise  des  Sciences  et  des  Lettres. 

Grande-Bretagne  . 

The  Royal  Society. 

The  Royal  Astronomical  Society. 

The  Royal  Society  of  Edinburgh. 

University  d'Oxford. 

University  de  Cambridge. 

Cambridge  philosophical  Society. 

The  London  mathematical  Society. 

The  Manchester  literary  and  philosophical  Society. 

Hongrie. 
Acad^mie  des  Sciences  de  Hongrie. 


CENTENAIRE   DE    LA    NAISSANCE    DE    HENRI    PO1NCARE; 

Irlande. 


Royal  Irish  Academy  (Dublin). 

Italic, 

Academie  nationale  des  Lincei. 

Academic  nationale  des  Quarante. 

Acad6mie  des  Sciences  de  Bologne. 

Academie  des  Sciences  de  Naples. 

Academie  des  Sciences  de  Turin. 

Institut  v^nitien  des  Sciences,  Lettres  eL  Arts. 

Gircolo  matematico  di  Palermo. 

Norvege. 
University  d'Oslo. 

Pays-Bas* 

Soci£t6  des  Sciences  de  Haarlem. 
Academie  royale  des  Sciences. 

Suede. 

Academie  royale  des  Sciences  de  Stockholm. 
Soci6l£  royale  des  Sciences  d'Uppsala. 
University  de  Stockholm. 

U.  It.  S.  S. 

Academie  des  Sciences  de'l'U.  R.  S.  S. 
Soci6t£  Math^matique  de  Kharkov. 

Physico-Math^matique  de  Kasan. 


CENTENAIRE  DE   LA   NAISSANCE   DE   HENRI   POINCARE. 


COMITE  D'ORGANISATION. 


President  : 

Gaston  JULIA,  Membre  de  1'Institut. 

Vice-Presidents  : 

Joseph  PERES,  Membre  de  1'Institut. 

Pierre  RICARD,  President  de  la  Chambre  syndicale  de  la  Sid^rurgie. 

Membres  : 

Albert  CHATELET,  Doyen  honoraire  de  la  Faculte'  des  Sciences. 
Daniel  DUGUE,  Maitre  de  Conference  a  la  Sorbonne. 
Andre*  GRANDPIERRE,  President  de  la  Compagnie  de  Pont-a-Mousson. 
Robert  RECHNIEWSKI,  President  des  fitablissements  Bamarec. 

Secretaires  : 

Paul  DUBREIL,  Professeur  a  la  Sorbonne. 

G^n^ral  GOETSCHY,  Secretaire  du  Gomite  Poincar6  des  Amis  de  1'ficole 
Polytechnique. 


H.  P. 


JULES-HENRI  POINCARE 

NE  A  NANCY  LE  29  AVRIL  i854 


GRADES,  FONCTIONS,  TITRES  HONORIFIQUES, 
PRIX,  DECORATIONS. 


lil&ve  au  Lyc^e  de  Nancy,  octobre  iS62-aout  1873. 
Kl&ve  a  PEcole  Polytechnique,  admis  le  premier  le  14  octobre  1878. 
fil&ve    Ingenieur    a    Pficole    nalionale    superieure    des    Mines,    nomme    le 
19  octobre  1876. 

Bachelier  &s  Lettres,  repu  le  5  aout  1871 . 
Bachelier  £s  Sciences,  recu  le  7  novembre  1871. 
Licenci6  ^s  Sciences,  recu  le  2  aout  1876. 

Docteur  &s  Sciences  math^matiques  de  FUniversitg  de  Paris,  reculc  icraout 
1879. 

Ing6nieur  ordinaire  des  Mines,  nojnme  le  26  mars  1879,  Pour  pi%endre  rang  a 

dater  du  ier  avril  1879. 
Charg6  du  Service  du    sous-arrondissement  min^ralogique   de  Vesoul,    et 

attache  en  outre,  au  Service  du  Controle  de  1'exploitation  des  chemins  de 

fer  de  1'Est,  du  3  avril  1879  au  icl>  d6cembre  1879. 
Attache  au  Service  du  contrdle  de  Pexploitation  des  chemins  de  fer  du  Nord, 

du  24  mars  1882  au  17  novembre  1884. 
Ingenieur  en  chef  des  Mines,  nomm&  le  22  juillet  1898,  pour  prendre  rang  a 

dater  du  icr  juillet  1898. 
Inspecteur  g£n£ral  des  Mines,  nomm&  le  16  juin  1910. 

Mis  par  le  Minis  ire  des  Travaux  publics  a  la  disposition  du  Minis  ire  de 
Plnstructiou  publique  pour  toe  Charge  de  Cours  a  la  Faculty  des  Sciences 
dc  Caen,  le  i01'  d^cembre  1879. 


12  JULES-HENRI   POINCARE. 

Charg^  du  Cours  d' Analyse  a  la  Facultd  des  Sciences  de  Caen,  nomme  le 

icr  dt^cembre  1879. 
Autorise  par  le  Ministre  des  Travaux  publics  a  accepter  une  chairc  de  Maitre 

de   Conferences   a   la   Faculty   des   Sciences   de   FUniversit6   de   Paris,   le 

2 1  octobre  1 88 1 . 
Mailre  de  Conferences  d'Analysc  a  la  faculty  des  Sciences  de  PUniversild  de 

Paris,  nomme  le  29  oclobre  1881 . 
Charge  du  Cours  de  M^canique  physique  et  experimental  a  la  Faculle  des 

Sciences  de  1'Universite  de  Paris,  nomme  le  16  mars  i885. 

Professeur  de  Physique  math^malique  et  de  Calcul  des  Probabilites  a  la 
Faculty  des  Sciences  de  l'Universit6  de  Paris,  nomme  le  22  aout  1886. 

Professeur  d'Astronomie  math^matique  el  de  M6canique  celeste  a  la  Faculte 
des  Sciences  de  PUniversite  de  Paris,  nomme  le  5  novembre  1896. 

R6p6titeur  d' Analyse  a  1'ficole  Poly  technique,  nomme  le  6  novembre   i883. 

Demissionnaire  le  ier  mars  1897. 
Professeur    d'Astronomie    g<^n<5rale    a     1'ficole    Polytechnique,     nomme    le 

icr  octobre  1904. 

Professeur  honoraire  a  1'Ecole  PolyLechiiique,  nomme  le  3  avril  1908. 
Professeur  d'£lectricil6  th6orique  a   1'Ecole   professtonnelle   superieure   des 

Postes  et  des  T6l6graphes,  a  Paris,  nomme  le  4  juillet  1902. 

Surla  demande  des  Curateurs  de  la  Fondalion  Wolfskehl,  a  consented  faire 
six  Conferences  sur  diverses  questions  de  MathtSmatiques ,  du  22  au 
28  avril  1909. 

Membre  du  Comil<5  d'admission  a  rExposilioii  universelle  Internationale  dc 
1900,  a  Paris,  pour  la  classe  3  (Enseignement  sup^rieur),  nomme  par  le 
Ministre  du  Commerce  et  de  1'Industrie  le  7  oclobre  1897, 

Membre  de  la  Commission  de  patronage  del'ficole  pratique  des  Hautes-fitudes, 
a  Paris,  nomme  le  9  d^cembre  1897, 

Membre  du  Conseil  de  1'Observatoire  national  de  Paris,  depuis  le  8  novembre 
1900;  Vice-Pr6sident  de  ce  Conseil,  depuis  le  27  mars  1908. 

Membre  du  Conseil  de  perfectionnement  de  1'ficole  Polytechnique,  depuis  le 
1 4  octobre  1901 . 

Membre  du  Conseil  de  1'Observatoire  national  d'Astronomie  physique  de 
Meudon,  nomme  le  2  mars  1907. 

Membre  du  Conseil  de  perfectionnement  de  Pficole  professionnelle  superieure 
des  Postes  et  des  T£l6graphes,  a  Paris,  nomme  le  5  mai  1902. 


JULES-HENRI    POINCARE.  1 3 

Membre  du  Comite  de  TExploitation  technique  des  Chemins  de  fer,  nomme  le 
27  mai  1911. 

Membre  de  la  Commission  superieure  d'Enseignement  technique  et  profes- 
sionnel  des  Postes  et  T£l£graphes,  nomme  le  1 1  juillet  191 1. 

Membre  de  I'Acadgmie  des  Sciences  (Institut  National  de  France),  a  Paris, 
elu,  dans  la  Section  de  G^om^trie,  le  3i  juillet  1887. 

President  de  I'Acad^mie  des  Sciences  en  1906;  Vice-President  en  1906. 

Membre  de  1'Academie  Francaise  (Institut  National  de  France),  a  Paris,  elu  le 
5  mars  1908,  recu  le  28  Janvier  1909. 

Directeur  de  1'Acad^mie  Frangaise,  du  icr  Janvier  au  icr  avril  1912. 

Membre  du  Bureau  des  Longitudes,  a  Paris,  nomme  le  4  Janvier  1890. 

President  du  Bureau  des  Longitudes  en  1899,  1909  et  1910. 

Membre   Stranger  de   la   Soci<3te  Rojale  des  Sciences   de  Gottingue,  elu  le 

26  novembre  1892;  elu  Membre  correspondant  le  3  mai  1884. 

Membre  Stranger  ordinaire  de  la  Sociel6  Rojale  des  Sciences  d'Upsal,  elu  le 

27  mai  i885. 

Membre  Stranger  de  I'Acad^mic  Rojale  des  Lincei,  a  Rome,  elule  7  septembre 


Membre  correspondant  de  1'Acad^mie  Rojale  des  Sciences  dc  PInstitut  de 
Bologne,  elu  le  21  d^cembre  1890. 

Membre  Stranger  de  la  So'ci(3t(5  Rojale  de  Londres,  elu  le  26  avril  i8g4- 

Membre  honoraire  (Stranger  de  la  Soci6t<3  Rojale  d'Edimbourg,  elu  le  6  mai 

i895. 

Membre    correspondant    de    1'Academie    imp^riale    des    Sciences   de   Saint- 
PtHersbourg,  elu  le  29  d^cembre  i8g5  (v.  s.). 

Membre  correspondant  de  1'Acad^mie  Rojale  des  Sciences  de  Prusse,  a  Berlin, 

elu  le  3o  Janvier  1896. 
Membre  correspondant  de  l'Acad£mie  Rojale  des  Sciences  d'Amsterdam,  elu 

le  1 1  mai  1897. 
Membre  Stranger  de  1'Acade'ime  Rojale   des   Sciences   phjsiques  et  math£- 

matiques  de  Naples,  elu  le  20  novembre  1897. 
Membre  correspondant  de  TInstitut  Rojal  V^nitien  des  Sciences,  Lettres  et 

Arts,  &  Venise,  elu  le  27  fevrier  1898. 
Membre  associ£  Stranger  de  FAcad^mie  Nationale  des  Sciences  de  Washington, 

elu  le  22  avril  1898. 
Membre  Stranger  de  la  Soci£t6  Rojale  des  Sciences  deDanemark,  ^Copenhague, 

elurlz  21  avril  1899. 


1  4  JULES-HENRI   POINCARE. 

Membre  Stranger  de  PAcadernie  Royale  des  Sciences  de  Su&de,  a  Stockholm, 

elu  le  6  juin  1900. 
Membre   correspondant  de  PAcademie  Royale   des   Sciences   de  Bavi&re,   a 

Munich,  elu  le  iSjuillet  1900. 
Membre  associe  de  PAcademie  Royale  des  Sciences,  des  Letires  et  des  Beaux- 

Arts  de  Belgique,  a  Bruxelles,  elu  le  i5  decembre  1902. 
Membre  Stranger  de  1'Academie  Royale  des  Sciences  de  Turin,  elu  le  il\  juin 


Membre  honoraire   de  P  Academic   Royale   des   Sciences   de  Vienne,  elu  le 

7  aout  1908,  elu  Membre  correspondant  le  3  aout  1908. 
Membre  Stranger  de  PAcademie  Royale  des  Sciences  de  Hongrie,  a  Budapest, 

elu  le  23  mars  1906. 
Membre  honoraire  de  PAcademie  Royale  d'Irlande,  a  Dublin,  elu  le  16  mars 

1907. 
Membre  d'honneur  Stranger  de  P  Academic  Nationale  de  Rounoanie,  a  Bucarest, 

elu  le  1  1  juin  1909. 

Membre  correspondant  de  PAcademie  des  Sciences,  des  Arts  et  des  Belles- 

Lettres  de  Caen,  elu  le  24  juin  1881. 
Membre  associe  lorrain  de  PAcademie  dc  Stanislas,  a  Nancy,  elu  le  17  fevrier 


nt  du  Congr^s  des  Math^niaticiens  tenu  a  Paris  du  6  au  12  aout  1900. 
Vice-President  du  Bureau  et  Secretaire  general  du  Congr^s  de  Physique  tenu 

a  Paris  du  6  au  12  aout  1900. 
President  de  la  36°  Assemble  g(5n<5rale  de  la  Societe  amicale  de  secours  des 

anciens  fil&ves  de  1'ficole  Poly  technique,  le  25  Janvier  1903. 
President  de  la  Commission  des  finances  de  PAssociation  Geod^sique  inter- 

nationale,    elu   a   la    Conference    g^n^rale    tenue    a  Budapest  du   26  au 

28   septembre    1906;^  elu  Membre  de  cette  Commission  a  la  Conference 

g^n^rale  tenue  a  Copenhague  du  4  au  i3  aout  1908. 
President  de  la  Societe  mathematique  de  France,  en  1886  et  en  1900. 
President  de  la  Soci6t6  astronomique  de  France,  en  1901-1902  et  en  1902-1903. 
President  de  la  Spciete  Francaise  de  Physique,  en  1902. 

Docteur  honoraire  de  PUniversite  de  Cambridge,  elu  le  12  juin  1900. 
Docteur  honoris  causa  en  Mathematiques  de  PUniversite  Royale  Fredericienne 
de  Christiania,  elu  le  6  septembre  1902.  - 

Doeteur  honoraire  en  Philosophic  de  PUniversit6  de  Kolozsvar  (Hongrie),  elu 
le  8  Janvier  1903. 


JULES-HENRI   POINCARE._  1  5 

Docteur  honoraire  en  Sciences  de  FUniversit6  d'Chford,  elu  le  24  juin  1908. 
Docteur  honoraire  en  Lai  de  PUniversit6  de  Glascow,  elu  le  28  avril  1907. 
Docteur  honoris  causa  de  l'Universit£  libre  de  Bruxelles,  nomme  le  19  novembre 


Docteur  honoris  causa  en  Philosophic  de  l'Universit6  de  Stockholm,  nomme 

le  7  d^cembre  1909. 
Docteur  honoris  causa  en  M^decine  et  en  Chirurgie  de  l'Universit£  de  Berlin, 

nomme  le  12  octobre  1910. 

Membre    honoraire    de    la    Soci6t6    philosophique    de    Cambridge,    elu    le 

24  novembre  1890. 
Membre  du  Conseil  directeur  du  Cercle  math^matique  de  Palerme,  elu  le 

1  8  Janvier  1891  . 

Membre  honoraire  de  la  Soci6t6  math^matique  de  Londres,  elu  le  \l\  avril  1892. 
Membre  honoraire  de  la  Soci6t6  de  Literature  et  de  Philosophie  de  Manchester, 

elu  le  26  avril  1892. 
Membre  Stranger  de  la  Soci6t£  Hollandaise  des  Sciences  de  Harlem,  elu  le 

21  mai  1892. 
Membre    associ^    de   la    Soci£t6    Royale    astronomique   de  Londres,   elu  le 

9  novembre  i8g4- 
Membre   de   la   Soci6t6  philosophique  Am^ricaine,   a    Philadelphie,    elu  le 

19  mai  1899. 
Membre  Stranger  de  la  Soci£t£  Italienne  des  Sciences  (dite  des  Quarante),  a 

Rome,  elu  le  2  Janvier  1900. 
Membre  honoraire  de  la  Soci£t£  des  Sciences  de  Finlande  (SocietaUs  Scien- 

tiarum  Fennicce),  a  Helsingfors,  elu  le  i5  avril  1908. 
Membre  honoraire  de  la  Soci6t£  math^rnatique  de  Kharkow,  elu  le  12  octobre 

1908  (v.  s.). 
Membre    honoraire    de  la   Soci£t6  phjsicomath^matique   de   Kasan,    elu  le 

1  4  f6vrier  1904  (v.  s.). 
Membre  honoraire  de  la  Soci£t6  des  Sciences  physiques  et  m^dicales  d'Erlangen, 

elu  le  27  juin  1908. 

Membre  du  Comit6  d'organisation  du  Congr&s  international  de  Bibliographic 
des  Sciences  math^matiques  (Exposition  universelle  Internationale  de  1889), 
nomme  par  le  Ministre  du  Commerce  et  de  1'Industrie  le  9  novembre  1888. 

President  du  Bureau  du  Comit6  d'organisation  du  Congr&s  international  de 
Bibliographie,  elu  le  16  novembre  1888. 

President  du  Congr&s  international  de  Bibliographie,  elu  le  16  juillet  1889. 


1 6  JULES-HENRI   POINCARli. 

President  du  Bureau  de  la  Commission  permanente  Internationale  du  Reper- 
toire bibliographique  des  Sciences  mathematiques ,  clu  le  19  juillet 
1889. 

President  du  Comite  de  redaction  du  Bulletin  Astronomique  public  par 
TObservatoire  de  Paris,  nomine  le  4  Janvier  1897. 

Pour  la  publication  de  V  Inter  national  Catalogue  of  Scientific  Literature  : 
Membre  du  Conseil  international,  elu  le  12  juin  1900;  Membre  du  Comite 
ex£cutif,  elu  le  12  decembre  1900. 

Rapporteur  de  la  Commission  du  IIP  Concours  du  Prix  Lobatschewsky  decerne 
le  1 4  fevrier  1904  (v.  s.). 

Membre  de  la  Commission  de  la  Medaille  Guccia,  d&cernee  en  1908. 

Membre  du  Comite  d'honneur  de  la  Ligue  pour  la  Culture  francaise,  fondle  par 
M.  Jean  Richepin  le  3  juin  1911. 

Prix  d'honneur  au  Concours  g£n6ral  en  Mathematiques  elementaires  (Lyc^e  de 

Nancy),  le  12  aout  1872. 
Prix  d'honneur  au  Concours  g£n£ral  en  Mathe"matiques  sp^ciales  (Lyc6e  de 

Nancy),  le  4  aout  1873. 
Mention  tr&s  honorable  de  1'Acadgmie  des  Sciences,  dans  le  Concours  pour  le 

Grand  Prix  des  Sciences  mathematiques,  le  il\  mars  1881. 
Prix  Poncelet  de  1'Academie  des  Sciences  de  Paris,  pour  1'ensemble  de  ses 

Travaux  mathematiques,  decerne  le  21  decembre  i885. 
Prix   Jean   Reynaud    de    1'Academie    des    Sciences    de    Paris ,    decerne    le 

21  decembre  1896. 

Medaille  d'Or  de  1' Association  Franc, aise  pour  1'Avancement  des  Sciences,  voice 

le  iei'avril  1909,  decerneele,  2  aout  1909. 
Prix  fonde  par  S.  M.  le  Roi  de  Su£de  et  de  Norv&ge  OSCAR  II,  a  1'occasion  de 

son  6oe  anniversaire,  decerne  le  21  Janvier  1889. 

Medaille  d'Or  de  la  Societe  Royale  astronomique  de  Londres,  d£cernee  le 
9  ferrier  1900. 

Medaille  Sylvester  de  la  Societe  Royale  de  Londres,  d&cernee  le  3o  novembre 
1901. 

Prix  Bolyai  de  1'Academie  Hongroise  des  Sciences,  a  Budapest,  vote  le 
1 3  octobre  1901,  d6cern&\§  18.  avril  igoS. 

Medaille  d'Or  Lobatschewsky  de  la  Societe  physicomathematique  de  Kasan, 
d&cernee  le  i4  fevrier  1904  (v.  s.). 

Officier  d'Academie,  nomme  le  23  avril  1881 . 

Officier  de  1'Instruction  publique,  nommgle  1 3  juillet  1889. 


JULES-HENRI  POINCARE.  17 

Chevalier  de  la  Legion  d'honneur,  nomine  le  4  mars  1889. 
Ofiicier  de  la  L6gion  d'honneur,  proinu  le  16  mai  1894. 
Commandeur  de  la  Legion  d'honneur,  prornu  le  i4  Janvier  1908. 

Chevalier  de  1'Etoile  Polaire  de  Su£de,  nomme  le  i4  novembre  i883. 
Commandeur  de  premiere  classe   de  Pfitoile  Polaire   de   Su&de,  promu  le 
1 5  juin  1905. 


H.  P. 


PREMIERE  P ARTIE 

PERIODE  PRELIMINAIRE  ET  PREMIERES  MANIFESTATIONS. 


A.  -  LA  PREPARATION  DU  CENTENAIRE 
ET  L'EDITION  DES  (EUVRES  DE  HENRI  POINCARfi. 


La  commemoration  du  centenaire  de  la  naissance  de  Henri  PoiNCAufi  a  donn6 
lieu,  au  cours  de  1'ann^e  1904,  a  un  certain  nombre  de  manifestations,  en 
particulier  pendant  la  decade  du  i3  au  22  rnai,  et  ce  Livre  du  centenaire  vise 
a  en  conserver  le  souvenir. 

Ce  n'est  pas  en  quelques  jours  que  des  manifestations  de  cette  importance 
peuvent  s'organiser,  et  la  plupart  de  celles-ci  ont  gtt§  pr^par^es  par  un  Comite 
National  preside  et  anim£  par  le  Professeur  Gaston  JULIA,  qui  en  1948  avait 
ddj£  6t6  charg^,  par  ses  collogues  de  FAcad&nie  des  Sciences,  de  reprendre  et 
d'achever  l'6dition  des  QEuvres  de  Henri  Poincare,  dont  le  principe  avait  £16 
reten.ii  par  1'Acad^mie  d&s  1918.  En  raison  des  difficult^  cr^es  par  deux 
guerres  et  des  devaluations  successives,  trois  volumes  seulement  6taient  sortis 
en  1948?  il  en  restait  sept  a  publier,  avec  tout  le  travail  scientifique  de  v^ri- 
fication,  d'annotation,  et  de  correction  correspondant. 

En  acceptant  cette  charge  le  Professeur  Gaston  JULIA  s'est  donn6  comme 
terme  d'aboutissement  de  sa  mission  le  29  avril  1964,  100°  anniversaire  de  la 
naissance  de  Henri  POINGARJS,  et  d^s  ce  moment  il  a  voulu  que  ce  centenaire 
soit  ftH6  avec  eclat.  Pour  aboutir  il  lui  a  fallu  susciter  de  g6n6reux  concours, 
et  il  a  pens6  que  c'etait  parmi  les  anciens  polytechniciens  qu'il  pourrait 
surtout  les  trouver.  Aussi  est-ce  &  1'ficole  Polytechnique  que,  le  16  novembre 
1948,  il  a  inaugur^  sa  croisade  en  pronon^ant  a  Fainphitheatre  Gav-Lussac, 


20  PREMIERE   PARTIE. 

devant  un  grand  nombre  d'anciens  eleves  cL  dc  personnalites  du  monde 
scientifique  et  industrial,  Fallocution  suivante  qui  est  un  veritable  programme 
diction. 


ALLOCUTION  DE  M.  GASTON  JULIA. 

A  L'ECOLE  POLYTECHNIQUE  LE  iG  NOVEMBRE  i9/|8. 

MONSIEUR  LE  GRAND  GHANCELIER, 

MONSIEUR  LE  SECRETAIRE  PERPETUEL, 

MONSIEUR  LE  RECTEUR, 

MON  GENERAL, 

MESDAMES,  MESSIEURS,  MES  CHERS  CA.MARADES, 

La  reunion  d'aujourd'hui  est  destinee  a  vous  presenter  un  projet,  auquel 
nous  souhaitons  que  vous  vous  interessiez,  afin  que  nous  puissions  le  realiser 
rapidement.  Disons  tout  de  suite  qu'il  s'agit  de  poursuivre  1'edition  dcs 
oeuvres  (*)  d'Henri  POINCARE,  1'illustre  savant  qui,  avec  LAGRANGE  et  CAUCHY, 
partage  la  gloire  du  premier  rang  dans  les  mathe*matiques  franchises. 

Un  Comit^  vient  d'etre  constitue,  au  seiii  de  la  Societc  des  Amis  de  VEcole 
Poly  technique,  afin  de  re"unir  les  moyens  ndcessaires  a  la  realisation  de  ce 
projet.  Nous  pensons  que  cette  realisation  est  une  oeuvre  <T inter &t  national, 
mais  dont  la  ported  depasse  nos  frontieres;  elle  interesse  non  seulement  tout  le 
monde  savant,  mais  encore  tous  ceux  auxquels  les  Mathematiques  apportent  un 
instrument  de  travail  essentiel,  c'est-a-dire  tous  les  techniciens.  C'est  a  ce  titre 
que  nous  nous  adressons  a  vous  et  que  nous  voyons  en  vous  les  agents  actifs  de 
cette  realisation. 

Ne  nous  dites  pas  que  1'heure  est  bien  mal  choisie  pour  une  telle  entreprise 

et  que  nous  ne  reussirons  pas.  On  nous  Fa  dej'a  dit.  Nous  pourrions  repondre 

,  par  la  devise  du  Taciturne  —  mais  ce  n'est  pas  la  notre  —  Nous  entreprenons, 

nous,  parce  que  nous  esp6rons;  nous  croyons  que  nous  r6ussirons;  et  nous  le 

croyons  parce  que  nous  sommes  persuades  que  vous  nous  aiderez  tous.  Notre 

(x)  II  s'<^it,  bien  entendu,  de  rassembler  (en  10  volumes)  les  Memoires  ou  Notes  publiees  par 
Henri  POINCAR&  dans  un  grand  nombre  de  revues  frangaises  ou  6trangeres.  Certaines  de  ces 
revues  sont  difficilement  accessibles,  et  certains  numeros  introuvables.  Elles  sont  dispersees  dans 
les  bibliotheques.  Le  rassemblement  projet6  mettra,  sous  une  forme  commode,  1'ensemble  de  ces 
Memoires  a  la  disposition  de  tous  les  chercheurs. 


PERIODE   PRELIMINAIRE   ET  PREMIERES  MANIFESTATIONS.  21 

entreprise  est  une  oeuvre  de  foi,  que  sentient  notre  confiance  profonde  dans  le 
g^nie  frangais. 

A  Pheure  ou,  press^  de  toutes  parts,  FOCH  doit  c6der  quelque  terrain  d'un 
cot6  et  do  1'autre,  il  attaque  encore  el  son  offensive  r^ussit.  Fllustre  exemple  de 
foi  et  de  confiance,  sur  un  plan  autrement  6leve  que  le  notre,  exemple  qui  doit 
nourrir  notre  espoir. 

A  1'heure  ou  notre  pays  souffrant  doit  accepter  1'aide  maUSrielle  de  ses 
amis,  il  est  juste,  il  est  beau  qu'il  offre  au  monde  savant  une  contrepartie 
spirituelle  que  ce  monde  attend,  puisque  aussi  bien  c'cst  rinsistan.ee  de 
nombreux  savants  francais  et  Strangers  qui  conduisit  votre  serviteur  a  presenter 
a  l'Acad(5mie  des  Sciences  un  voau  de  ces  savants  tendant  a  la  reprise  rapide  de 
1'edition  des  oeuvres  de  Poincar^. 

L'Acad^mie  des  Sciences  a  public  depuis  1916,  trois  volumes  de  ces  ccuvres, 
en  avan^ant  les  fonds  n<5cessaires  a  1'impression.  II  reste  a  publier  sept 
volumes,  et,  en  valeur  actuelle,  la  somme  n£cessaire  a  1'impression  est  de 
1'ordre  de  20  millions.  L'Acad^mie  n'a  plus  les  moyens  de  le  faire  :  il  faut  que 
nous  les  lui  fournissions,  aiin  qu'elle  ne  soil  pas  g'6n£e  dans  son  travail  et  ses 
responsabilit^s  scientifiques  par  des  soucis  cl'ordre  materiel,  afin  que  ne  soit 
pas  ind^finiment  retard^e  cette  publication  indispensable  qui  n'a  d£ja  6t&  que 
trop  retard(5e  par  deux  longues  guerres  et  tousles  troubles  <iconomiques  qu'elles 
entrainent. 

II  faut  aussi  que  nous  trouvions  1'argeiit  necessaire  pour  aboutir  dans  un 
d^lai  raisonnable,  qui  ne  devrait  pas  d^passer  cinq  ans.  Pourquoi  cinq  ans  ? 
Tout  simplement  parce  que,  le  29  avril  i854,  naissait  a  Nancy  Henri  PoiNCARfi 
et  parce  que  nous  crojons  qu'il  serait  6l6gant,  au  29  avril  ig54,  lorsque  nous 
feterons  le  premier  centenaire  de  cette  naissance,  d'apporter  au  public  scienti- 
fique,  qui  1'attend,  la  conclusion  de  1'^dition  des  oeuvres  completes.  Nous 
voudrions  aussi  £diter  deux  volumes  avant  le  printemps  ig5o  (etil  nous  faudra 
pour  cela,  r^unir  environ  5  millions  dans  le  courant  de  1949)?  afin  de  presenter 
ces  deux  volumes  au  Congr&s  international  de  Math^matiques  de  ig5o;  nous 
ferions  ensuite  un  appel  6tendu  a  des  souscriptions  internationales,  ce  que 
nous  ne  voudrions  pas  faire  avant  d'avoir  largement  remis  en  train  1'oeuvre 
enti&re. 

Voila,  en  quelques  lignes,  expos6  le  projet  que  nous  formons,  ct  pour 
lequel  nous  demandons  votre  actif  concours.  Que  chacun,  dans  le  service  ou  il 
travaille,  dans  le  service  ou  la  soci6t6  qu'il  dirige,  ou  parmi  ses  relations. 


24  PREMIERE  PARTIE. 

s?ing£nie  a  nous  trouver  le  plus  grand  nombre  de  souscrip lions.  Qu'il  songe 
quo  les  frais  d^dition  d'ime  telle  ceuvre  sont  materiellement  peu  de  chose 
aupr&s  de  cd  que  content  les  laboratoires,  les  services  deludes  .ou  les  essais,  et 
que  cette  oeuvre  est  pourtant  une  pi6ce  indispensable  de  tous  les  services  de 
recherches  qui  uiilisent  des  math&matiques  quelque  peu  savantes.  Nous 
aimcrions  aussi  que  vous  puissiez  inturesser  a  notre  enlreprise  tous  ceux,  m6me 
non  scientifiques,  a  qui  imporle  le  rayonnement  de  la  pens^e  frangaise.  Sojez 
persuasifs,  et  vous  le  serez  d'aulant  plus  que  vous  savez  bien,  tous,  que  notre 
entreprise  est  belle  et  qu'elle  m£rite  quelques  efforts.  Songez  enfin  que  nos 
voisins  Suisses  ont  r6uni  par  souscriptions  deux  millions  de  leurs  francs  ^Q\IT 
^diter  les  ceuvres  d'EuLER. 

Les  so  ascriptions  que  nous  demandons  sont  a  fojids  perdus;  car  nous 
comptons  utiliser  le  produit  de  la  vente  des  ceuvres  ainsi  £dit£es  en  6ditant 
d'autres  oeuvres  de  nos  grands  mathematiciens  (Gamille  JORDAN,  etc.).  II  est, 
en  effet,  incontestable  que  nous  avons  (5te  jusqu'ici  assez  lents  a  publier  les 
oeuvres  completes  de  nos  grands  math.6maticiens.  L'^dition  de  CAUCHY  (mort 
en  1 858)  n'est  elle-m^me  pas  terming.  Dans  d'autres  pays,  au  conlraire,  il 
n'est  pas  rare  que  les  oeuvres  completes  de  leurs  grands  mathematiciens  soient 
publics  de  leur  vivant.  Nous  pensons,  et  vous  penserez,  j'en  suis  siir,  avec 
nous,  qu'il  faudrait  rendre  plus  fncilement  accessible  notre  patrimoine  scienti- 
fique,  et  c'est  la  forme  la  plus  g&n£rale  de  notre  ambition. 


Le  professeur  Gaston  JULIA  a  tenu  a  ce  que',  non  seulementles  anciens 
de  1'ficole  Poly  technique,  mais  aussi  les  nouvelles  promotions  participent  a 
cette  ceuvre,  et  il  a  fait  appel  <5galement  aux  d6ves  presents  a  1'ficole  a 
cette  6poque. 

B.6pondant  au  vceu  de  M.  Gaston  JULIA,  le  Patronat  fran^ais,  dans  son 
Assemble  g^n^rale  du  ier  juillet  1949?  accueillait  avec  chaleur  la  suggestion 
qui  lui  6tait  faite  par  M.  Pierre  RICARD,  Vice-Pr6sident  de  son  Conseil 
National,  et  autorisait  ce  dernier  a  associer  le  Patronat  franc,ais  a  la  sous- 
cription  nationale  ouverte  sous  les  auspices  de  1'Acad^mie  des  Sciences,  pour 
permettre  d'achever  la  publication  des  ceuvres  de  Henri  POINCAR&.  Aussi,  en 
mars  1950,  M.  Pierre  RICARD  lanc.ait-il  un  appel  a  ses  adherents  pour  pr^ciser 
les  raisons  et  les  modalit^s  de  cette  souscription,  dont  nous  reproduisons  ici 
l§s  principaux  passages.  : 


PERIODE   PRELIMINAIRE   ET   PREMIERES   MANIFESTATIONS.  2o 


CIRCULAIRE  DU  PATRONAT  FRANQAIS 

A  PROPOS  DE  LA  SOUSCRIPTION  NATIONALS 

POUR  LA  PUBLICATION  DES  OEUVRES  D'HENRI  POINCARE. 

11  ne  m'appartient  cerles  pas  do  rappeler  tout  an  long  les  titres 
d'Henri  POINCAR&  a  figurer  parmi  les  plus  illustres  savants  de  tous  les  temps;  en 

bref  on  peut  dire  que  son  nom  porte  te"moignage,  avec  une  douzaine  d'autres, 

i 

quo  dans  1'histoire  do  la  pense"e  humaine,  la  France  aura  brille"  au  premier 
rang  :  les  temps  que  nous  vivons  et  qui  sont  durs  pour  notre  amour-propre 
national,  donnent  toute  sa  valeur  de  re"confort  a  une  reflexion  de  ce  genre. 

Henri  PoiixcAuti  a  e'te'  un  ge"nie  encyclope'dique,  et  probablement,  a  une  ere 
ou  la  specialisation  devait  finir  par  tout  envahir,  le  dernier  ge'nie  encyclope'dique. 

«  Henri  PoiNCAiifi,  e"crivait  Paul  PAINLEVE  en  19 13,  e"tait  vraiment  le  cerveaus 
vivant  des  Sciences  rationnelles.  Mathe"mathiques,  Astronomie,  Physique, 
Cosmogonie,  Ge'ode'sie,  il  a  tout  embrasse",  tout  pe'ne'tre',  tout  approfondi. 
Inventeur  incomparable,  il  ne  s'est  pas  borne*  a  suivre  ses  inspirations,  a 
ouvrir  des  voies  inattenducs,  a  de"couvrir  dans  1'univers  abstrait  des  mathe'ma- 
tiques  mainte  terre  inconnue.  Par  tout  ou  la  raison  d'un  homme  a  su  se  glisser, 
si  subtils,  si  he'risse's  qu'aient  6te  ses  cliemins,  qu'il  s'agit  de  te"le*graphie  sans 
fil,  de  phe"nomenes  radiologiques  ou  de  la  naissance  de  la  Terre, 
Henri  POINCAR£  s'est  gliss^  pres  de  lui  pour  aider  et  prolonger  ses  recherches, 
pour  suivre  le  pre'cieux  filon. 

«  Avec  le  grand  math^maticien  frangais  disparait  done  le  seul  homme  dont 
la  pens6e  fut  capable  de  faire  tenir  en  elle  toutes  les  autres  pens^es,  de 
comprendre  jusqu'au  fond,  et  par  une  sorte  de  de'couverte  renouvel^e,  tput  ce 
que  la  pense'e  humaine  peut  aujourd'hui.  comprendre.  Et  c'est  pourquoi  cette 
disparition  pre'mature'e  7  en  pleine  force  intellectuelle,  est  un  de"sastre.  Des 
d^couvertes  seront  retarde"es,  des  tatonnements  se  prolongeront  parce  que  le 
cerveau  puissant  et  lumineux  ne  sera  plus  la  pour  rapprocher  des  recherches 
qui  s'ignorent,  ou  pour  jeter,  dans  un  monde  de  faits  obscurs  brusquement 
regie's  par  1'exp^rience,  le  coup  de  sonde  hardi  d'une  th^orie  nouvelle. 

A  cet,e"loge  d6ja  ancien.  on  peut  aj outer  aujourd'hui  que  dans  inaint  dom^ine 
de  la  th6orie  physique,  POINCAK&  aura  e'te'  un  ^tonnant  pre'curseur  :.  .qu'il 


24  PREMIERE  PARTIE. 

s'agisse  de  la  mecanique  de  la  Relativite,  ou  de  la  theorie  des  Quanta,  il  avail 
pressenti  et  annonce  le  caract&re  ndcessaire  de  la  revolution  profonde  que  les 
theories  modernes  devaient  apporter  apr£s  sa  mort  dans  le  majestueux  Edifice 
de  la  Physique  mathematique  classique. 

Enfin  si  nous  devons  nous  en  rapporter  aux  seuls  inities  pour  admirer  sur 
parole  les  Methodes  nouvelles  de  la  Mecanique  celeste  ou  les  inoubliables 
Memoires  Sur  les  fonctions  fuchsiennes,  tout  esprit  cultive  trouve  dans  ces 
Ouvrages  de  Philosophic  scientifique  dont  La  Science  et  VHypothese  est  la 
plus  parfaite  reussite,  une  vigueur  de  pensee  et  une  maitrise  du  style  qui  font 
songer  a  PASCAL. 

Cette  oeuvre  considerable  et  d'une  richessse  deconcertante  est  appelee,  pour 
peu  qu'elle  soitjudicieusementdiffusee,  a  jouerlonglemps  encore,  nousdisentles 
voix  les  plus  autorisees  de  PAcademie  des  Sciences,  un  role  fecond  dans  les 
recherches  les  plus  diverses,  non  seulement  de  Mathematiques  pures,  mais 
de  Mathematiques  appliqu^es  a  la  Physique  et  a  1'art  de  PIngenieur. 

Le  monument  que  la  gratitude  nationale  se  doit  d'elever  a  cet  illustre 
Francais  consiste  a  rassembler  les  quelque  5oo  Memoires  ou  Notes  qu'il  a 
publics  dans  un  grand  nombre  de  revues  franchises  ou  eirang&res  dont 
beaucoup  ont  aujourd'hui  cesse  d'exister  et  dont  les  collections  disperses  dans 
les  biblioth&ques  scientifiques  sont  difficilement  accessibles  :  il  convient  de  les 
r^unir,  les  ordonner,  les  annoter,  pour  mettre  Fensemble  de  Fceuvre  a  la 
disposition  de  tous  les  chercheurs.  Le  tout  doit  faire  dix  gros  volumes  in- 
quarto,  chacun  d'environ  600  pages. 

Leprojetn'estpas  nouveau,  ...  la  publication  a  6te  d^cid^e  par  le  Minist^re 
de  PInstruction  Publique  d^s  1918,  au  lendemain  m^me  de  la  mort  de 
Henri  POINCARJ,  et  le  soin  de  la  surveiller  et  diriger  confi<§  au  Secretaire 
perp^tuel  de  PAcademie  des  Sciences,  Pillustre  geomtoe  Gaston  DARBOUX;  il' 
prefagait  ainsi,  en  1916,  le  premier  volume  : 

«  Je  ne  verrai  pas  Pach^vement  de  la  publication;  mais  ce  sera  Phonneur  de 
ma  carriere  d'en  avoir  provoqu6  et  commence  Pexecution.  » 

Jamais  sans  doute,  DARBOUX  n'aurait  imagine,  en  cette  annee  1916  ou 
malgre  les  angoisses  de  la  guerre,  la  France  se  sentait  une  grande  nation, 
que  33  ans  plus  tard  Poeuvre  resterait  encore  aux  deux  tiers  inachev^e;  deux 
volumes  seulement  se  sont  ajoutes  au  premier,  Pun  en  1928,  Pautre  en  1934  et 


PERIODE   PRELIMINAIRE   ET   PREMIERES  MANIFESTATIONS.  25 

il  en  reste  sept  a  parailre  ....  Ruintje  entre  temps  par  les  devaluations  succes- 
sives,  l'Acad6mie  des  Sciences  n7a  plus  les  mojens  materials  d'achever  la 
publication  .... 

L'Acad6mie  des  Sciences  a  besom  de  pr6s  de  i5  millions  de  francs  en 
quatre  ans,  dont  environ  5  millions  tout  de  suite  et  le  solde  6tal6  par  tranches 
<3gales  sur  les  ann^es  igSi,  igSs,  ig53. 

M.  Robert  LACOSTE,  quand  il  6tait  encore  Ministre  de  1'Industrie  et  du 
Commerce,  avait  bieii  voulu,  a  ma  demande,  d'une  part  promettre  la  partici- 
pation active  des  grandes  Soci6t£s  nationalises  (contacl^es  directement  par 
M.  BOUTTEVILLE),  d'autre  part  autoriser  les  Centres  techniques  industriels  a 
souscrire.  (M.  LE  THOMAS,  Directeur  du  Centre  technique  de  la  Fonderie  s'est 
charge  de  les  sollicker. ) 

II  reste  alors  a  trouver  10  millions  r<3partis  en  quatre  annuit^s.  J'ai  pens6 
que,  devant  ce  devoir  a  assumer  et  cet  exemple  a  donner,  le  Patronat  francais 
ne  se  d^roberait  pas  a  1'appel  de  FAcad^mie  des  Sciences.  Le  President 
Georges  VILLIERS  m'a  confirm^  dans  cet  espoir.  Apr&s  Paccueil  fait  en  juillet 
dernier  par  noire  Assemble  g£n6rale  a  ma  proposition  de  principe,  je  ne 
doute  plus  de  la  re^ussite. 


Grace  a  Faction  personnelle  de  M.  Gaston  JULIA,  grace  au  d^vouement  des 
collaboraleurs  dont  il  a  su  s'entourer,  grace  a  la  facon  dont  tout  le  monde  a 
repondu  a  son  appel,  le  dixi&me  et  dernier  volume  des  ceuvres  de  Henri 
PomcARfs  6lait  pr£t  pour  la  date  fix<5e,  et  c'est  uniquement  pour  des  raisons 
mat^rielles  d'organisation  que  les  grandes  C(5r6monies  comm^moratives  ont  616 
reporters  du  29  avril  au  milieu  de  mai  1954. 

On  trouvera  ci-apr^js,  journe'e  par  journ<5e,  le  texte  des  discours  on  confe- 
rences qui  ont  marqu'6  les  c£r6monies  du  mois  de  mai.  Aiin  de  les  replacer 
dans  leur  cadre,  il  a  paru  ntScessaire  de  les  accompagner  d'un  r6cit  des 
manifestations  au  cours  desquelles  ces  discours  ou  conferences  ont  6i6 
prononc^s.  L'ensemble  de  ces  r^cits  donnera  un  apergu  de  la  fagon  dont  a  6t6 
ctil^bre  le  centenaire  de  la  naissance  de  Henri  POINCARE. 

La  Composition  du  Comit^  de  Patronage,  qui  est  reproduite  en  t&te  de  ce 

livre  du  Centenaire,  montre  le  prix  que  les  plus  hautes  aulorit^s  de  1'fitat  ont 

bien   voulu   attacher  a  la   calibration   de  ce   Centenaire;    celle    du    Comit^ 

d'Honneur  Pint6r<H  que  le  monde  scientifique  lui  a  accord^,  presque  toutes 

H.  P.  4 


26  PREMIERE  PARTIE. 

les  institutions  glrangfcres  auxquelles  Henri  POINCARE  avail  appartenu  a  un 
litre  quelconque  ont  tenu  a  y  figurer;  enfm  la  lisle  des  Membres  du  Comit<§ 
d'Organisalion  donne  les  noms  de  ceux  auxquels  doil  aller  une  parliculi&re 
reconnaissance. 


B.  -  HOMMAGE  DE  LA  MARINE  IARCHANDE 
ET  DE  L' ADMINISTRATION  DES  POSTES. 


Mais  avant  de  passer  a  mai  1984,  il  faut  remonter  un  peu  en  arri&rc  et 
rappeler  que,  a  1'inilialive  du  Professeur  Gaston  JULIA,  Tarmement  francais 
a  tenu  a  rend  re  hommage  a  la  m^moire  de  celui  dont  on  allait  bienlot  feier  le 
centenaire.  La  Compagnie  Maritime  des  Chargeurs  R6unis  a  en  effet  donn6  le 
nom  de  Henri  Poincare  a  un  de  ses  paquebols  mixtes  les  plus  r^cents. 
Construit  par  les  Ateliers  et  Cliantiers  de  Penhoel,  celui-ci  a  6t6  Ianc6  a 
Saint-Nazaire  le  3i  octobre  igSs,  et  inaugur<§  a  Marseille  le  8  d(5cembre  ip53. 
Grace  a  cette  nouvelle  unit6  de  notre  Marine  Marchande,  qui  assure  depuis 
le  1 6  d^cembre  1968  le  service  de  la  ligne  d'lndochine,  le  nom  de  Henri 
PoiNCAitfi  continue  a  servir,  outre-mer3  le  preslige  de  la  France. 

Une  courte  notice  sur  Henri  PoiNCARfi,  que  nous  reproduisons  ici,  avail  &t6 
ins6r6e  dans  la  plaqueite  6dit(5e  par  les  Chargeurs  R6unis  pour  Finauguration 
du  paquebot;  une  m^daille  a  1'effigic  de  Henri  PoiNCARfi  a  6t6  frapp^e  d'autre 
part  pour  rappeler  cette  inauguration. 

NOTICE  DES  CHARGEURS  RfiUNIS  SUR  HENRI  POINCARE. 

Lorrain  par  son  p&re  et  par  sa  m&re,  Henri  POINCAR$  est  n6  a  Nancy 
le  29  avril  1864,  et  c'esl  la  qu'il  connut  1'invasion  en  1870  et  Foccupation 
en  1878.  Son  ame  avail  <5t6  forlement  marquee  par  ses  ann^es  de  jeunesse,  et 
il  n'est  pour  s'en  convaincre  que  de  lire  les  pages  si  vibranles  dans  lesquelles 
il  parle  des  souffrances  ou  de  la  mission  de  la  France  et  de  1'amour  pour  la 
Patrie.  Tcwile  sa  vie  il  a  eu  en  vue  la  grandeur  et  le  service  du  Pays. 


PERIODE  PRELIMINAIRE   ET   PREMIERES  MANIFESTATIONS.  27 

Entre  premier  a.  1'Ecole  Polytechnique,  il  en  est  sorti  dans  le  Corps  des 
Mines.  Devenu  docteur  &s  sciences  en  1879,  il  a  ete  detache  a  la  Faculty  des 
Sciences  de  Caen,  puis  a  la  Sorbonne  a  Paris,  et  il  a  pu  se  consacrer  tout  entier 
a  la  Science  et  a  Penseignement  superieur.  II  j  a  donne  immediatement  toute 
sa  raesure,  et  c'est  par  un  veritable  feu  d'artifice  de  Notes  a  PAcade'mie  des 
Sciences  —  on  n'en  compte  pas  moins  de  dix-huit  dans  la  seule  anne'e  1881  — 
et  par  sa  decouverte  des  fonctions  fuchsiennes  qu'il  s'est  fait  conuaitre  dans  le 
monde  savant.  Aussi  d&s  le  debut  de^iSS?,  alors  qu'il  n'avait  pas  encore 
33  ans,  Henri  POINCAR&  etait  elu  a  PAcademie  des  Sciences. 

Au  debut  de  1889,  son  nom  atteint  le  grand  public,  quand,  1'emportant  sur 
des  savants  Strangers  chevronnes,  Henri  POINCARE  recoit  le  prix  fonde  par 
le  Roi  OSCAR  II  de  Su&de.  II  n'est  pas  possible  d'enumerer  son  ceuvre  scien- 
tifique  qui  est  considerable ;  en  dehors  des  Ouvrages  ou  des  cours  publics  en 
volumes,  Pedition  complete  des  Notes,  Memoires  ou  Articles  originaux  qu'il  a 
donnas  a  diverses  occasions  comportera  dix  tomes. 

Mais  Henri  POINCAR&  n'etait  pas  seulement  un  savant,  c'etait  aussi  un  philo- 
sophe,  et  les  quatre  livres  de  la  biblioth&que  de  Philosophie  scientifique  qu'il 
a  laisses,  La  Science  et  VHypothese,  La  Valeur  de  la  Science,  Science  et 
Methode,  Dernieres  pensees  ont  fait  participer  un  public  d'intellectuels  a  ses 
reflexions  sur  les  fondements  de  la  Science  ou  Porigine  des  connaissances 
humaines.  On  y  trouve  «  la  profession  de  foi  d'un  esprit  passionn^  de  v^rite, 
et  qui  sait  que  la  recherche  de  celle-ci  n'est  possible  qu'avec  le  scalpel  du 
doute.  C'est,  si  Pon  peut  dire,  le  principe  de  la  relativity  de  la  v£rit6  scien- 
tifique »,  mais  on  y  trouve  aussi  des  enseignements  d'une  haute  valeur  morale. 

Henri  POINCARJ&  n'a  pas  cherche  les  honneurs,  et  sa  gloire  n'a  rien  change  a 
sa  vie  tranquille  et  reguli&re  ni  a  sa  simplicity.  Mais  apr^s  PAcad^mie  des 
Sciences,  PAcademie  Francaise,  et  toutes  les  Academies  scientifiques  du 
monde  ont  voulu  le  compter  dans  leurs  rangs.  Apr&s  la  medaille  d'or  du 
Roi  OSCAR,  pour  ne  parler  que  des  etrangers,  la  medaille  d'or  de  la  Societe 
Astronomique  de  Londres,  la  medaille  Sylvester  de  la  Societe  Royale  de 
Londres,  la  medaille  d'or  Lobatschewsky  dc  la  Societe  physicomathdmatique 
de  Kasan,  le  prix  Bolyai  de  PAcademie  hongroise  des  Sciences  de  Budapest 
lui  ont  ete  decernes.  S'il  en  a  ressenti  quelque  fierte,  ce  n'est  pas  pour  en 
tirer  vanite  pour  lui-m£me,  mais  parce  qu'il  etait  heureux  d'etre  Partisan  d'un 
plus  grand  rayonnement  de  la  France  dans  le  monde. 

Ceux  des  savants  frangais  ou  etrangers  qui  ont  cu  a  apprecier  son  oeuvre, 


28  PREMIERE  PART1E. 

soil  de  son  vivant  soil  apr£s  sa  mort  survenue  le  17  juillet  1912  alors  qu'il 
n'avait  encore  que  58  ans,  se  sont  plu  a  reconnaitre  en  lui  une  puissance 
d'analyse  prodigieuse,  et  ime  intuition  remarquable  qui  le  faisait  entrer  de 
plain-pied  dans  toute  recherche  scientifique  si  sp^ciale  et  ^loign^e  de  ses 
trayaux  personnels  qu'elle  fut. 


De  son  cot6,  rAdministration  des  Postes  a  £dit6,  quelques  mois  avant  le 
Centenaire,  un  timbre  Henri  POINCAR^  du  au  graveur  J.  PHEULPIN  qui  a  donn£ 
lieu  a  un  tirage  limits. 


C.  -  LE  JEUDI  13  MAI  1954  AU  MUSEE  P^DAGOGIQUE. 


La  premiere  en  date  des  c£r£monies  du  Centenaire  a  £t6  organis^e  le  jeudi 
1 3  mai  1954  au  Mus6e  P<3dagogique  par  1'Association  des  Professeurs  de 
Math6matiques  de  1'Enseignement  Public,  et  par  le  Centre  de  Documentation 
P^dagogique.  Plac6e  sous  la  pr^sidence  de  M.  Albert  CHATELET,  Doyen 
honoraire  de  la  Faculty  des  Sciences  de  Paris,  cette  cer^monie  comportait 
1'inauguration  d'une  exposition  de  souvenirs  et  de  documents  d'archives  de, 
et  sur  Henri  POINCARE,  et  une  conference  de  M.  Ren£  GARNIER,  Membre  de 
1'Acad^mie  des  Sciences  et  professeur  a  la  Sorbonne,  sur  la  g^om^trie  de 
Henri  POINCARE. 

L'exposition,  que  M.  MONJALLON,  President  de  1'Association,  a  pr£sent£e  en 
quelques  mots,  ^voquait  successivement  la  vie  de  Henri  POINCARE,  vie 
d'^tudiant,  vie  de  professeur  ou  vie  priv^e  (sous  la  forme  de  devoirs  d'^coliers, 
de  cahiers  de  notes  prises  a  1'ficole  des  Mines,  de  lettres  et  de  souvenirs  ou 
photographies);  son  ceuvre,  math^matique  et  philosophique  (sous  la  forme  de 
lettres,  de  manuscrits  ou  d'Ouvrages  imprimis)  et  le  rayonnement  de  son 
oeuvre  en  France  ou  a  l^tranger  (sous  la  forme  d'articles  de  presse  r^cents  ou 
anciens  et  de  traductions  en  diverses  langues  de  certains  de  ses  Ouvrages). 
Cette  exposition  ne  faisait  pas  double  emploi  avec  celle  que  le  Comit£ 


PERIODS  PR£LIMINAIRE  ET  PREMIERES  MANIFESTATIONS.  29 

National  avail  organised  a  PEcole  Polylechnique,  qui  ne  devait  s'ouvrir  que 
le  1 6  mai,  dont  il  sera  parl<5  par  suite  a  cette  date. 

On  trouvera  ci-apr£s  le  texte  de  la  conference  de  M.  GARNIER,  qui  a  6t£ 
suivie  d'une  allocution  improvis^e  de  M.  le  Doyen  CHATELET.  Gelui-ci  apr&s 
avoir  remerci6  M.  GARNIER  de  son  expos6  magistral  a  <5voqu6  le  d£sint£res- 
sement  de  H.  POINCARE  qui  a  donn6  le  nom  de  Fucus  aux  fonctions  qu'il  a 
d^couvertes,  alors  que  les  travaux  de  FUCHS  n'avaient  fait  que  le  mettre  sur  la 
voie  et  qu'il  avait  tous  les  droits  de  r£clamer  la  paternity  complete  de  ces 
fonctions.  M.  le  Doyen  CHATELET  a  rappel£  cette  phrase  de  Henri  POINCARE 
Iui-m6me,  qui  montre  1'idde  qu'il  se  faisait  des  savants.  Ceux-ci,  dit-il, 
«  devraient  6tre  indiflferents  a  la  gloire;  quand  on  a  le  bonheur  de  faire  une 
d^couverte,  que  peut  6tre  la  satisfaction  de  lui  donner  son  nom,  aupr&s  de  la 
joie  d'avoir  contempt,  un  instant,  la  v6rit£  face  a  face  ». 


CONFERENCE  DE  M.  RENfi  GARNIER 

AU  MUSEE  PEDAGOGIQUE,  LE  i3  MAI  1964. 

Les  fonctions  a,utomorph.es  de  Poincare  et  la  Geom£trie. 

MON  CHEII  DOYEN, 
MESBAMES,  MESSIEURS, 

C'est  avec  Emotion  que  j'apercois  au  premier  rang  de  cette  assistance,  des 
repr^sentants  de  la  famille  du  grand  g^om^tre  dont  nous  ct5l6brons  aujourd'hui 
la  m&noire;  je  voudrais  leur  exprimer  mes  sentiments  de  profonde  deference. 

Laissez-moi  aussi  remercier  M.  MONJALLON  et  1'Association  des  Professeurs 
de  Math^matiques  pour  m'avoir  demande'  cet  expose'.  Je  n'oublie  pas  que  la 
preparation  a  Fagr^gation  a  6t6  Tune  de  mes  fonctions  pendant  de  nombreuses 
ann^es  de  ma  carri&re;  j'ai  particip<§  aussi,  pendant  longtemps,  aux  jurys  de  ce 
concours.  Et  aujourd'hui,  je  suis  heureux  de  renouveler  le  contact,  une  fois  de 
plus,  entre  nos  ordres  d'enseignement.  Mais,  surtout,  je  voudrais  dire  a  1'asso- 
ciation  toute  ma  gratitude  pour  m'avoir  invit£  a  parler  de  H.  POINCARE. 

L'ceuvre  de  POINCARE  est  immense,  en  profondeur  comme  en  6tendue;  et 
chaque  fois  qu'il  a  abord6  un  probl&me,  il  y  a  laissg,  suivant  1'expression  de 


3o  PREMIERE   PARTIE. 

CASTELNUOVO:  «  la  marque  inddUbile  de  son  grille  univcrsel  »  (4).  L'examen 
d'un  seul  de  ses  Mtemoires  suffirait  a  remplir  de  nombreux  exposes.  Aujourd'hui, 
je  ne  pourrai  done  vous  donner  qu'un  apercu  bicn  sommaire  des  d^couvertes 
de  POINCARE  dans  un  domaine,  ou,  d&s  Fage  de  26  ans,  il  a  affirms  sa  maitrise; 
il  s'agit  de  ses  recherches  sur  ce  que  Ton  a  appel£,  depuis,  la  th^orie  des  fonc- 
tions  automorphes.  Ces  travaux  ont  eu  les  plus  profondes  repercussions  sur  les 
domaines  les  plus  divers  des  Math^matiques  :  TArithm^tique,  FAlg&bre,  la 
ThSorie  des  groupes,  P  Analyse,  la  Th^orie  des  Equations  differentielles.  Dans 
eel  expos£,  nous  nous  limiterons  en  princtpe  a  certains  aspects  g6om6triqucs 
de  la  question. 

Presentons  d'abord  quelques  considerations  prdliminaires  sur  la  GtSomtJtric 
dite  cayleyenne.  Vous  connaissez  tons  la  d^couverte  de  LAGUERRE  :  en  i853, 
—  a  Tage  de  19  ans  —  il  rattachait  la  notion  d'angle  a  celle  de  birapport.  Six 
ans  plus  tard,  GAYLEY  reprend  1'id^e  de  LAGUERRE  en  remplacant  1'ombilicale  par 
une  quadrique.  Placons-nous  dans  un  espace  projectif  rdel  S3  (que  Ton  pourra 
d'ailleurs  prolonger  par  un  espace  complexe),  et  supposons  acquises  les  notions 
de  point,  de  droite,  de  plan,  de  quadrique.  Dans  S3  consid6rons  une  qua- 
drique &,  sans  point  double,  d6finie  par  une  Equation  r6elle.  Elle  peut  6tre 
imaginaire,  ou  convexe,  ou  a  generatrices  r^elles.  La  premiere  hypoth^se  est 
celle  de  la  GeomStrie  elliptique,  la  derni&re  ne  conduit  a  aucun  r^sultat  utili- 
sable;  limitons-nous  a  la  seconde;  elle  nous  donnera  une  Geometrie  identique 
a  celle  de  LOBATCHEWSKY  :  la  G6om6trie  liyperbolique. 

Les  points  situ^s  a  I'int&rieur  de  la  quadrique  convexe,  ou  «  absolu  »,  Q  sonl 
dits  accessible*  ;  les  droites  et  les  plans  qui  contiennent  des  points  accessibles 
sont  dits  accessibles.  L'angle  V  de  deux  plans  accessibles  H*,  n2  sera  d^fini  par 
la  formule  du  type  de  LAGUERRE, 

v=  ^iog(Hi,  n2,n',nr), 


2.  If 


n;,  11^  etant  les  deux  plans  tangents  a  Q  qui  appartiennentaufaisceau  (nl5  n2)  : 
cette  expression  satisfait  a  la  loi  de  CHASLES.  II  en  est  de  m6me  de  Texpression 

Ma,  M',  M'), 


C1)  Ces  paroles  ont  etc  prononcees  en  1928  au  Congres  international  de  Bologne  a  propos  d'un 
travail  de  POINOAR^  qui  reste  encore,  £  Thetire  actuelle,  la  seule  voie  d'acces  a  un  theoreme  fonda- 
mental  de  G6om6trie  alg6brique  (voir  OEuvres  de  Henri  Poincare,  U  YI,  Paris,  Gauthier- 
Villars,  1963,  p.  178). 


PERIODE   PRELIMINAIRE  ET   PREMIERES  MANIFESTATIONS.  3  1 

ou  MI,  M2  sont  deux  points  accessibles,  cl  M;,  M"  les  intersections  de  la 
droite  MiM2  avec  Q.  On  peut  done  definir  d  comme  Yabscisse  de  M2  sur  une 
certaine  demi-droite  issue  de  Mj  ;  M!  et  M"  sont  les  points  a  Vinfini  de  la 
droile. 

On  appellera  deplacernents  les  homographies  H  de  1'espace  qui  conservent  &, 
ou,  plutot,  qui  conservent  chaque  systeme  de  generatrices  de  Q  :  les  deplace- 
ments  conserveront  done  les  angles  et  les  distances.  Une  syinetrie  plane  S  , 
c'est-a-dire  une  homologie  harmonique  conservant  un  plan,  edhangera  les 
deux  systemes  de  generatrices  de  £2,  et  il  en  sera  de  me"  me  des  produits  HS  ou 
antideplacements  .  On  montre  que  le  deplacement  reel  (D  le  plus  general 
resulte  de  la  composition  de  deux  deplacements  (ou  rotations)  qui  conservenl 
respectivement  et  point  par  point  deux  droites  DI  et  D2,  conjuguees  Tune  de 
1'autre  par  rapport  a  £2.  En  general  DA  et  D2  ne  sont  pas  tangentes  a  £2  :  Tune, 
soit  DI,  est  accessible,  et  le  deplacement  qui  conserve  chaque  point  de  D4  est 
une  rotation  elliptique  Re  (autour  de  DI).  Le  de"placement  qui  conserve  les 
points  (inaccessibles}  de  D2  est  une  rotation  hyperbolique  IU  autour  de  D2. 

Soit  x-  -{-  j'2  -j-  z^  —  ^2=o  liquation  de  £2;  les  generatrices  des  deux  sjs- 
temes ont  des  Equations  de  la  forme 

x  -h  i  y       ,          t  —  z  x  —  iy  t  —  z 

-  iL  =  X  —  -  —.          et         -  —  =  IJL  =  -  r-  - 
x  —  iy  t  H-  z  x  —  iy 


le  deplacement  (ft  induit  sur  les  generatrices  du  premier  systeme  (par  exemple) 
des  substitutions  de  la  forme 

,  .      #  X  H-  6 


ou,  sous  forme  canonique 


On  montre  que  Tangle  forme  par  un  plan  issu  de  DA  et  par  son  transform^ 
par  R<>  est  egal  a  9  ;  et  la  distance  d'un  point  de  DA  a  son  transforme  par  RA  est 
egale  a  ty.  Enfin,  &  cote  des  rotations  precedentes  on  doit  signaler  les  rotations 
paraboliques  R.p;  une  telle  rotation  conserve  point  par  point  une  certaine  tan- 
gente  a  ^2;  elle  se  traduit  par  une  substitution  telle  que 


(2) 


On   dit  encore   que   pour  ^~o  la  substitution   (i)   est  elliptique;  pour 


32  PREMIERE   PARTIE. 

sin^  — o,  cllc  eslhyperboliyue;  dans  le  cas  general  ellc  eslloxodromique.  La 
substitution  (2)  estparaboligue. 

Nous  avons  ainsi  r£alis<5,  sulvant  CAYLEY,  un  module  de  G<5om6trie  lobat- 
chewskyenne.  Mais  ce  n'est  pas  celui  qu'utiliseraPoiNCARfi.  Pour  oblenir  1'outil 
de  POINCARE,  le  plus  simple  sera  d'employer  la  transformation  de  DARBOUX  sous 
la  forme  analytique. 


y 


2X  ~  2Y  ~"  i  —  Xs—  YS—  Za        n-X2-i-Y2H-Z*  2Z 

OU 

X_Y_ z =     i    =  x2-t-Y°-4-zs 

(      ^  ~&    "  y    ~"    \/t*—a;* ->?*—**    "    £  -4-  *    ~~  £  —  * 

Les  points  accessibles  (#,/,£,  ^)deS3  rendent  £2 —  #2 — j2  —  £2  positif  et  Ton 
prend  g^n^ralement  £2  —  x1 — y~  —  z*  =  i  et  ?;>o.  Aux  points  accessibles 
de  S3  correspondent  les  points  (X,  Y,  Z)  du  demi-espace  Z  >  o  de  POINCARE; 
aux  plans  et  aux  droites  de  S^  correspondent  des  demi-sph6res  2  ou  des  demi- 
circonferences  I  orthogonales  au  plan  n,  ou  Z^=  o.  L'angle  cayleyen  de  deux 
droites  ou  de  deux  plans  de  S  3  est  6gal  a  Fangle  euclidien  des  deux  F  ou  des  deux  2 
correspondantes ;  la  distance  cayleyenne  m.L  m%  est  £gale  a  log  (Mi  M2  M'  M"), 
ou  MI  etM2  sont  les  images  de  m±  et  m2  et  ou  MA,  M;/  sont  les  intersections  de  II 
avec  la  demi-circonference  F  passant  par  MA  et  M2.  La  longueur  cayleyenne 
d'un  arc  de  courbe  ab,  soit 


/     \jdtf  -+-  dy*  -i-  dz*  —  dr-         (P  —  x*-—  j2  —  z*  =  i)  , 

Jal 

est  £gale  a  I'int^grale   /    —  —  ^—^  —  +  c      ^tendue  a  Fare-image.  (C'est  la  «  L  » 
•^B  L 


Les  points  de  Q  ont  pour  images  les  points  de  II;  chaque  g6n£ratrice  de  ^ 
contient  un  point  r£el  m  et  un  seul;  Fimage  M  de  m  a  pr6cis£ment  pour  affixe 
X  +  ^Y  =  X.  Tout  d6placement  cayleyen  se  traduit  ainsi  par  une  substitution 
homographique  sur  >t,  de  Fun  des  types  ddja  mentionn^s.  Et  de  m£me  qu'une 
rotation  cayleyenne  est  le  produit  de  deux  sym^tries  par  rapport  a  deux  plans, 
de  m&me  une  substitution  sur  X  est  le  produit  de  deux  sym^tries  par  rapport  a 
deux  droites  ou  de  deux  inversions  par  rapport  a  deux  circonferences  ;  et,  selon 
que  ces  circonferences  (par  exemple)  seront  s^cantes,  tangentes  on  sans  point 
commun,  la  rotation  cayleyenne  sera  elliptique,  parabolique  ou  hyperbolique. 

Ces  propri^t^s  si  simples  jouent  un  rdlc  cssentiel  dans  les  recherches  de 


P^RIODE  FR£LIMINAIRE  ET  PREMIERES  MANIFESTATIONS.  33 

PoiNCARfi.  Les  r^sultats  suivants  ne  sont  pas  moins  imporlants.  Supposons 
qu'un  groupe  de  d<£placements  cayleyens  conserve  un  plan  accessible  P,  et 
choisissons  le  Le'lraedre  de  reference  de  facon  que  P  ait  pour  Equation  y  =  o. 
Soil  A  1(3*  pole  de  P  par  rapport  a  £2;  soienl  encore  in^x^zt]  un  point  de  P 
(n'appartenant  pas  a  &),  rn'  un  point  de  Q  situe'  sur  mh.]  on  a  (avec 
£2  —  Xs*  —  z-~\) 

yV2 — $'- — z'"1       y' 


X 

X 


z 

z 


SI 


Fig.  i. 


X  H-  «Z  = 


•)    Y'I     »Y' 

=  A  =  A.  -h  2  I  . 


Quand  m  tend  vers  C,  intersection  de  Q  par  P,  m;  tend  vers  6,  et  A  (qu'on 
d£finira  au  moyen  de  #',  j;,  ^A,  ^)  tend  vers  une  valeur  r6elie.  Tout  d^place- 
ment  qui  conserve  P  se  traduit  done  par  une  substitution  (i)  qui  change  A 
r^el  en  lf  r^el;  les  rapports  mutuels  de  a,  b,  c,  d,  sont  doncr^els  et  a,  b,  c,  d, 
peuvent  £tre  supposes  r^els.  Les  d(5placements  des  points  de  P  pourront  6tre 
interpr6te's  a  volonte'  d'une  maniere  identique,  soit  dans  le  demi-plan 
n(Z  =  b,Y^o)  soit  dans  le  demi-plan  H^Y—OjZ^o),  orthogonal  a  H  le 
long  de  F axe  OX)  (i). 


(»)  Sur  la  figure  i,  le  point  M,  de  II,  est  I'image  de  m';  le  point  M',  de  IIf,  est  Timage  de  m. 
«       H.  P.  5 


34  PREMIERE  PARTIE. 

Si  le  plan  P  avait  une  Equation  de  forme  ggnSrale,  1'axe  re"el  serait  remplac6 
par  une  circonference  du  plan  II  et  le  demi-plan  II'  par  une  clemi-sphere  issue 
de  la  circonference  pr6ce"dente. 

Tel  est  1'outil  ge'ome'trique  qui  scrvira  a  PoiNCARti  des  ses  premieres 
recherches.  II  nous  faut  parler  rnaintenant  de  1'origine  de  ces  recherches. 

D'une  maniere  un  peu  simpliste,  on  pourrait  la  situer  dans  un  probleme  de 
pavage  introduit  par  la  the'orie  des  fonctions  analjtiques.  Les  e'coliers 
apprennent  que  Ton  pent  r^aliser  un  pavage  plan  par  des  poljgones  e*gaux; 
triangles  e'quilate'raux  ou  rectangles,  Carre's,  rectangles,  hexagones  rSguliers,  etc. 
Vous  sayez  que  la  the'orie  des  fonctions  elliptiques  conduit  a  paver  le  plan 
euclidien  par  un  re'seau  de  parallelogrammes.  -Or,  depuis  les  travaux  C!'HERMITE 
on  pouvait  r&iliser  un  pavage  du  plan  hyperbolique.  Gonside'rons  les  pe'riodes 
de  I'inte'grale  elliptique  de  premiere  espece 


envisages  comme  fonctions  de  #,   ces  pe'riodes  satisfont  a  liquation  diffe^ 
rentielle 

i 

(4)  •  x(i    x)y     (i       jy     4-       j 

or  on  peut  de'fmir  deux  pe'riodes  20),  2co;,  Aites  primitives,  Lelles  que  1'expres- 

sion  —  y-~~x — ~~^  fonction  dn  rapport  r  =  ~  reste  invariante  si  1'on  effeclue 
27      x^(l  —  #)2  L  L  co 

sur  T  une  substitution 

(5)  T'=  a~^b 

^    }  c-z  H-  d 

&.  coefficients  entiers  et  de  de'terminant  6gal  a   i .  Si  1'on  pose  r  —  TI  H-  /r2 
(TI  et  T2  re'els)  et  que  1'on  trace  la  demi-circonfe'rence  r(rj  +  T^  =  i ,  t2^>  o)  el 

les  demi-droites  TA  =  ±  -?  (^2!>  y3);  on  aura  de"fini  dans  le  demi-plan  analy- 

tique  supe'rieur  r2>o  un  triangle  T,  ou:  plus  exactement,  un  quadrilatere, 
poss^dant  en  T=?  un  angle  plat,  et  que  Ton  peut  engendrer  a  partir  de  la 
moiti6  de  gauche  T^(T  <  o)  en  la  compliant  par  une  syme'trie  illative  a,  TI  =  o. 
Si  1'on  continue  a  prendre  les  syme'triques  de  Tf  par  rapport  a  ses  cote's  rec- 
tilignes,  son  inverse  relativement  au  cot6  curviligne,  et  ainsi  de  suite,  ind^fi- 
niment  pour  chacun  des  nouveaux  domaines  ainsi  obtenus,  on  aura  constitue'  un 
re'seau  de  triangles  qui,  apres  un  nombre  suffisant  d'ope"rations  finit  par 


PERIODE    PRELIMINAIRE    ET    PREMIERES   MANIFESTATIONS. 


35 


Fig.  a. 


Fig.  3. 


30  PREMIERE  PARTIE. 

recouvrir  toute  region  bornEe  situEe  au-dessus  de  la  droite  r2  =  s  (ou  e  esl 
arbitrairement  petit);  on  a  rEalisE  ainsi  la  division  modulaire  du  demi-plan 
supErieur  (fig'.  2)  (*);  la  figure  3  se  dEduit  par  inversion  de  la  figure 
prEcEdente;  la  figure  4  les  traduit  toutes  deux  dans  Pespace  cayleyen 
(xyzt).  Tout  point  r'  du  demi-plan  supErieur  se  dEduit  d'un  point  r  convena- 
bleraont  choisi  dans  T  mojennant  une  substitution  (5);  on  dit  que  T'  est  equi- 
valent a  T;  par  contre,  deux  points  quelconques  intErieurs  a  T  ne  sont  Equiva- 
lents par  aucune  substitution  (5).  En  tous  les  points  Equivalents  a  T,  #(T) 
reprend  la  m£mc  valeur.  Par  definition,  T  est  un  domaine  fondamental  du 


Fig,  4. 


groupe  modulaire  (5).  Or,  les  substitutions  (5)  peuvent  Eire  conside're'es 
comme  d^finissant  des  dEplacements  du  plan  hyberbolique;  tous  les  domaines 
Equivalents  a  T  sont  des  images  dans  II  de  domaines  Egaux  ou  cojigrueiits  entre 
eux,  au  sens  de  la  GEomEtrie  hjperbolique.  On  a  ainsi  rEalisE  un  pavage 
rEgulier  du  plan  hyperbolique. 

Signalons  enfin  1'existence  d'un  sous-groupe  du  groupe  modulaire 

a~i==d,        &==o==c        (mod  2) 

possEdant  pour  domaine  fondamental  un  quadrilatere  symEtrique  d'angles 
nuls  (fig.  5  et  6).  Ce  quadrilatere  est  aussi  un  domaine  fondamental  pour  la 
fonction  #(T),  ou  x  a  la  mtoe  signification  que  dans  1'intEgrale  I. 

SCHWARZ  avait  cherchE  a  genEraliser  les  rEsultats  prEcEdents  en  effectuant  des 
pavages  a  Taide  de  triangles  dont  les  angles  sont  des  sous-multiples  de  TT  (2); 

(J)  La  figure  2  et  les  suivantes  sont  extraites  des  Ouvrages  de  KLEIN  et  FRICKE  cit6s  a  la 
bibliographic.  Sur  la  figure  2,  w  a  la  signification  de  la  variable  T  du  texte.  • 

(2)  La  figure  7  se  rapporte  au  cas  ou  les  angles  du  triangle  sont  e~gaux  &£,£,-. 

6    4    7 


PERIODE   PRELIMINAIRE   ET  PREMIERES   MANIFESTATIONS.  87 

les  fonctions  invariantes  correspondant  a  ces  pavages  se  rattachaient  encore  a 
des  Equations  (4)  du  type  hyperge'ome'trique.  Mais  le  probleme  ge'ne'ral  restait 
intact :  comment  determiner  tous  les  pavages  du  demi-plan  analytique  ou  merne 


or* -2. 


Fig.  5. 


Fig.  6. 


du  plan  tout  entier  a  partir  d'un  polygone  (coiivenablement  choisi);  et  un  tel 
pavage  ayant  6te"  r^alis6,  comment  construire  toutes  les  fonctions  analytiques 
me'romorphes  qui  reprennent  la  m£me  valcur  en  des  points  Equivalents  du 
pavage?  Ces  problemes,  qui  se  posaient  si  naturellementj  avaient  r6siste'  a  tous 


38 


PREMIERE   PARTIE. 


les  efforts,  lorsque  POINCARE,  a  1'aube  m&me  de  sa  carriere  scientilique,  s'y 
attaqua,  pour  les  r<3soudre,  suivant  le  mot  de  DARBOUX,  avec  une  simplicity 
inesp<3r<3e.  II  ne  saurait  6tre  question  ici  de  retracer,  m£me  en  ses  grandes 


Fig.   7. 


lignes,  la  m^tliode  de  POINCAH£;  pourLaut,  je  voudrais  meltre  en  relief  quelques 
faits  essentiels. 


Considerons  uu  groupo  G  de  substitutions  de  la  forme  (5),  mais  a  coeffi- 
cients a,  (3,  y?  $  quelconques.  Nous  dirons  que  G  est  proprement  discontinu 
dans  une  region  ferm^e,  R,  de  11,  s'il  existe  un  entierN  tel  que  R  ne  contienne 
jamais  plus  de  N  points  Equivalents  entre  eux  par  G;  par  exemple,  le  groupe 
inodulaire  est  proprement  discontinu  au-dessus  de  1'axe  r^el;  il  ne  Test  plus 


PERIODS   PRELIMINAIRE  ET   PREMIERES  MANIFESTATIONS.  89 

dans  unc  region  qui  conlient  cet  axe.  Dans  les  applications  a  F  Analyse,  la  pro- 
prie'te'  pr<5ce"dente  rev£t  une  importance  essentielle  :  si  /'(r)  est  une  fonction 
analjtique  uniforme  dans  R  et  invariable  par  les  substitutions  de  G,  le 
groupe  G  doit  £tre  proprement  discontinu  dans  R. 

PoiNCARfi  cherche  d'abord  a  determiner  tous  les  groupcs  conservant  1'axe  re"el 
et  proprement  discontinus,  comme  le  groupe  modulaire,  au~dessus  de  Faxe 
re"el;  interprets  dans  1'espace  cayleyen,  ce  sont  les  groupes  qui  conservent  un 
plan  hyperbolique  P  (et  que  1'on  appelle  aussi  groupes  de  rotation,  ou  groupes 
a  cercle  fondamental).  II  montre  comment  on  peut  construire  un  polygone  Q 
(a  cote's  rectilignes  dans  P,  done  circulates  ou  reetilignes  dans  fletlf)  tclque 
les  transformed  de  Q  par  les  substitutions  de  G  remplissent  P  sans  trous,  ni 
duplicature,  ce  qui  entraine  la  discontinuity  propre.  Par  exemple,  si  Q  n'a  pas 
de  cote's  sur  1'axe  re"el,  ses  cote's  devront  se  grouper  par  couples  de  m&me  lon- 
gueur respective ;  ses  sommets  devront  se  grouper  en  cycles  tcls  que  la  somme 
des  angles  d'un  meme  cycle  soit  un  diviseur  de  arc.  POINCARS  montre  que  ces 
conditions  sont  suffisantes;  a  cet  effet,  il  observe  que  deux  points  de  II  non 
silue's  sur  1'axe  r<5el  peuvent  elre  relics  par  une  courbe  G  de  longueur  cayleyenne 
finie,  et  il  en  d^duit  que  C  ne  peut  traverser  qu'un  nombre  fini  de  poly- 
gones  Equivalents  a  Q.  Gette  demonstration  tres  simple  comblait  une 
lacune  importance  d'un  M^moire  de  SCHWARZ,  et  elle  donnait  le  droit  de 
cite"  a  une  famille  de  groupes  infiniment  plus  elendue  que  celle  des  groupes  de 
SCHWARZ  :  ce  sont  les  groupes  que  PoiNCAHfi  a  de"signe"s  sous  le  nom  de  groupes 
fuchsiens  (l). 


En  principe,  cet  expos6  se  limite  aux  aspects  g^om^lriques  des  premiers 
travaux  de  PoiNCAiifi;  pourtant,  il  m'est  impossible  en  ce  moment  de  ne  pas 
dire  un  mot  de  $&$  functions  fuchsiennes  que  Pome ARfi  aassoci^es  aux  groupes 
qu'il  venait  de  de"couvrir;  suivant  le  mot  de  Guido  FUBINI,  c'est  la  une  des 
conceptions  les  plus  geniales  du  grand  mathe"maticien.  Soient  done 


(l)  PoiNCAR^  a  donne  lui-m^mej  clans  Science  et  Methode  (p.  5o),  des  indications  sur  la  genfese 
de  sa  decouverte. 


4o  PREMIERE  PARTIE. 

les  substitutions  du  groupe  fuchsien  G,  et  H(T)  une  fonction  rationnelle  quel- 
conque;  POINCAR&  forme  la  seric 

(6)  e(T) 

etendue  a  toutes  les  substitutions  du  groupe;  apr&s  avoir  etabli,  grace  a  la  Geo- 
metrie  cayleyenne,  la  convergence  uniforme  de 


dans  tout  domaine  interieur  a  II,  il  montre  que  (6)  est  absolument  ct  unifor- 
mement  convergente  dans  le  m6me  domaine  et  que  Ton  a 


D&s  lors,  le  quotient  de  deux  de  ces  series  thetafuchsiennes  sera  invariant  par 
toute  substitution  de  G  :  ce  sera  une  fonction  fuchsienne. 

montre  encore  qu'on  peut  former  une  Equation  different!  ell  e 


ou  R(^)  est  rationnelle  ou  alg^brique,  suivantla  definition  de  Q,  et  qui  est 
telle  que  x  soit  une  fonction  fuchsienne  du  rapport  des  integrates  de  liquation  : 
c'est  la  generalisation  la  plus  complete  de  la  propriete  signalee  anterieurement 
pour  liquation,  hypergeometrique  (4). 


Revenons  a  la  theorie  des  groupes.  Les  premiers  Memoires  de  POLNCARE  so 
rapportaient  aux  groupes  de  rotations  et  non  aux  groupes  de  deplacements 
les  plus  genera ux;  or,  des  exemples  tres  simples,  dus  a  SCHOTTKY  et  a  KLEIN, 
montraient  que  la  subdivision  du  plan  analytique  tout  entier  en  polygones 
equivalents  pose  des  problkmes  encore  plus  ardus  que  les  premiers  cas  elu- 
cides;  une  etude  directe  du  probl&me  general  par  les  precedes  precedemment 
employes  semblait  impraticable.  G'est  alors  que  POINCARE  songea  a  transporter 
dans  Fespace  a  trois  dimensions  les  methodes  qu'il  avait  introduces  dans  le 
demi-plan  11^.  A  ses  yeux  ce  serait  la  un  simple  artifice ;  mais  les  mathematiciens 


PERIODE  PRELIMINAIRE  ET  PREMIERES  MANIFESTATIONS.  4l 

en  ont  toujours  jug£  autrement;  en  introduisant  1'espace  a  trois  dimensions  a 
propos  d'un  probl£me  du  plan,  POINCAR^  a  d6cel6  les  raisons  profondes  des 
propri6U$s  de  la  solution,  et,  suivantle  mot  de  FATOU,  il  s'agit  vraimentla  d'une 
de'couverte  capitale.  Ainsi  done,  PomcARfi  d^finit  un  poly&dre  g£n£rateur  &  et 
lui  impose  des  conditions  n^cessaires  C  pour  que  *£-  introduise  un  groupe  pro- 
prement  discontinu.  On  peut  faire  a  ce  sujet  deux  hypotheses  :  ou  bien  la  subdi- 
vision de  1'espace  cayleyen  en  poly&dres  congruents,  a  partir  de  Q  admet  £2 
pour  fronliere;  on  a  alors  un  groupe  polyedrique,  int^ressant  au  point  de  vue 
g6om£trique,  mais  sans  application  en  th^orie  des  fonctions ;  ou  bien  la  subdi- 
vision de  1'espace  d6borde  au-dela  de  £2,  et  son  empreinte  sur  &  (ou  1'image  de 
cette  empreinte  dans  II)  d^finira  des  regions  de  discontinuity  propre  d'un 
groupe  kleineen.  POINCA.RE  associe  a  ces  groupes  «des  fonctions  invariantes ; 
ce  sont  les  fonctions  kleineennes;  toutefois,  les  demonstrations  d'existence  ou  de 
convergence  ne  peuvent  proc^der  comme  pour  les  fonctions  fuchsiennes,  car, 
par  exemple,  les  notions  de  longueur  ou  d'aire  ne  sont  plus  d^finies  sur  £2. 


Donnons  quelques  exemples.  Consid^rons  un  t6tra6dre  6,  dont  quatre  aretes, 
formant  quadrilat&re  gauche,  sont  circonscrites  a  Q  et  adjoignons-luison  sym6- 
trique  cayleyen  par  rapport  a  une  face.  On  constitue  ainsi  un  hexa&dre  et  Ton 
montre  qu'il  v&rifie  les  conditions  C.  Or,  les  traces  des  faces  de  <&  sur  i2  ont 
pour  images  quatre  circonf6rences  ou  droites  KI,  Ka,  K3,  K4  auxquelles  des 
inversions  appropri^es  peuvent  donner  1'une  ou  1'autre  des  dispositions 
ci-contre  (fig-  8  et  9);  les  substitutions  de  G  seront  des  produits  d'un  nombre 
pair  d'inversions  ou  sym^tries  par  rapport  aux  cot^s.  Si  Ton  n'envisage  que  les 
produits  d'un  nombre  pair  d'inversions  par  rapport  a  trois  cercles  choisis  une 
fois  pour  toutes,  on  obtient  un  sous-groupe  de  G  qui  admet  un  cercle  fonda- 
mental,  le  cercle  orthogonal  aux  trois  cercles  choisis;  il  existe  quatre  sous- 
groupes  G/  et  quatre  cercles  orthogonaux  H<  du  type  pr6c6dent.  Les  cercles  K; 
limitent  deux  quadrilat^res  P  et  Q. 

La  partie  de  P  situ6e  au-dessus  de  Ha  et  ses  homologues  par  les  transforma- 
tions de  G2  recouvriront  la  region  situ^e  au-dessus  de  H2  (jig-  8).  G  sera  pro- 
prement  discontinu  sur  le  segment  ouvert  fq  de  H2;  il  cesse  de  l'£tre  en  c, 
point  parabolique,  en  y,  point  de  PONCELET  du  faisceau  (K1?  K3)  done  point 
hyperbolique,  et  en  un  ensemble  infini  E  de  points  doubles  Equivalents  aux 
H.  P.  6 


42  PREMIERE  PARTIE. 

pr6c6dents,  ainsi  qu'en  Pensemble  E;  d^riv&de  E.  En  faisant  appel  aux  substi- 
tutions de  G3,  GI,  G,,  on  recouvrira  la  region  situ^e  au-dessous  de  H3,  ainsi  que 


Fig.  8. 


Fig.  9. 


rint&rieur  de  Ei  et  H4.  Dans  la  bande  (Hi?  H*)  les  points  ou  G  cesse  d^tre 
proprement  discontinu  sont  situ^s  en  premiere  approximation  a  1'int^rieur  des 


PERIODE   PRELIMINAIRE   ET   PREMIERES  MANIFESTATIONS.  43 

triangles  apb,  bqc.  La  combinaison  des  substitutions  de  G4,  G2,  G3,  G4, 
permet  de  recouvrir  d'autres  regions  sans  cesse  plus  6tendues  appartenant  aux 
deux  triangles  pr6c6dents,  de  sorte  que  les  points  ou  G  n'est  pas  proprement 
discontinu  ferment  un  ensemble  situ£  a  Fint^rieur  d'une  chaine  de  triangles 
arbitrairement  petits.  On  congoit  ainsi  que  G  cst  proprement  discontinu  en 


Fig.  10. 

deux  regions  s^par^es  1'une  de  Pautre  par  une  courbe  de  Jordan  C-  Gette 
courbe  n'est  pas  analjtique  :  aux  points  paraboliques  tels  que  b  elle  a  manifes- 
tement  une  tangente,  mais  son  paratingent  n'y  est  pas  lin^aire  et  elle  n'j 
poss^de  pas  un  cercle  de  courbure,  car  il  y  a  des  points  de  C  arbitrairement 
voisins  de  b  sur  H4,  comme  sur  HI-  Des  considerations  analogues  montrent 


44 


PREMIERE 'PARTIE, 


qu'elle  n'a  pas  de  tangente  en  un  point  hyperbolique,  tel  quo  q]  et  aux 
points  loxodromiques  deux  arcs  de  la  courbe  s'enroulent  en  spirale  sans  se 
rencontrer  (fig-  10). 

Examinons  rapidement  d'autres  exemples.  Faisons  varier  par  continuity  la 
figure  formee  par  K1?  K2,  Kn,  EU  de  manure  que  K:,  devienne  tangent  a  Kj. 
Le  quadrilat&re  P  se  subdivise  en  deux  triangles!3',  P";  les  symelriques  ou 
inverses  de  P  vont  engendrer  un  r^seau  de  triangles  remplissant  I'mterieur 


Fig.  ii. 

d'un  cercle  comme  la  division  modulaire;  et  il  j  aura  une  infinite  de  reseaux 
analogues  (fig*  11).  La  courbe  C  se  transforme  a  la  limite  en  un  ensemble 
infini  de  cercles  tangents  et  en  sa  fermeture. 

Si  maintenant  les  cercles  K1;  K2?  R;$J  K,  sont  tangents  deux  a  deux, 
chacun  des  quadrilat£res  P  et  Q  est  subdivis^  en  deux  triangles.  La  subdivision 
de  1'espace  hyperbolique  se  rattache  a  la  construction  d'un  t6tra6dre  dont  les 
six  ar&tes  sont  tangentes  a  fl  (et  dont  les  faces  coupent  Q  suivant  les  quatre 
cercles  pr6c^dents).  Supposons  le  t£tra£dre  r^gulier  et  introduisons  les  sym£- 


PERIODE  PRELIMINAJRE   ET  PREMIERES  MANIFESTATIONS,  45 


Fig.    12. 


46  PREMIERE   PART1E. 

tries  par  rapport  aux   plans  bissecteurs ;  on  retrouve  une  infinite^  de  fois  le 
r6seau  modulaire  (fig*   12). 

Citons  encore  le  cas  d'un  domaine  fondamental  construit  a  partir  de  quatre 
circonferences  sans  points  communs;  Pensemble  des  points  ou  G  cesse  d'etre 
proprement  discontinu  ne  pent  plus  6tre  enchain^  il  ne  forme  plus  de 
continu  (fig*  i3).  Nous  mentionnerons  un  reseau  construit  a  partir  de  cinq 


Fig.   1 3. 

circo&f^rences  tangentes  limitant  un  pentagone,  un  quadrilat&re  et  un  triangle. 
La  courbe  fronti£re  des  regions  de  discontinuity  propre  comprend  une  courbe 
non  $nalytique  et  des  cercles  orthogonaux  aux  triangles  d'une  infinite  de 
r^seaux  (fig*  i4)- 

L'examen  que  nous  venons'de  faire  a  6t6  n(5cessairement  tr^s  rapide.  Peut- 
^tre  vous  aura-t-il  fait  pressentir  la  richesse  des  perspectives  et  des  voies 
nouvelles  ouvertes  par  PowcARfi,  et  qui,  actuellement  encore,  sont  loin  d'etre 
conipl^tement  explordes.  La  notion  de  pavage  du  plan  euclidien  conduisait  a 
des  figures  tr&s  simples,  connues  depuis  longtemps.  La  m^me  notion  introduite 


P^RIODE  PRELIMINAIRE  ET  PREMIERES  MANIFESTATIONS.  4? 

dans  le  plan  hyperbolique  donne  naissance  aux  configurations  les  plus 
complexes  et  fait  appel  aux  concepts  de  la  G£om6trie  directe  et  de  la  theorie 
des  ensembles.  POINCAR£  nous  aura  montre,  ainsi,  entre  beaucoup  d'autres 
r^sultats,  une  difference  aussi  essentielle  qu'inattendue  entre  les  deux 
Geometries, 


Fig.  14. 


BIBLIOGRAPHIE. 

Geom&trie  cayleyenne  hyperbolique. 

R.  GARNIER,  Cours  de  Cin&matique,  t.  Ill,  Gauthier-Villars,  1961,  p.  100-14*- 

Groupes  et  fonctions  modulaires. 

P.  APPELL  et  E.  LACOUR,  Principes  de  la  theorie  des  fonctions  elliptiques  et  applications,  2° 
Paris,  Gauthier-Villars,  1922,  chap.  XIII. 


48  PREMIERE  PARTIE. 

L.   BIANCHI,   Lezioni  sulla    teoria   delle  funzioni   di  vaHabile   complessa   c   delle  funzioni 

ellitiche,  Pisa,  Spoerri,  1901,  chap.  XI  et  XVI. 
A.  HURWITZ,  Ueber  die   Theorie   der  elliptischen  Modal funktiojien  (Math,  Ann.,  t.  58,  1904, 

p.  343-360). 
A.  HURWITZ  et  R.  COURANT,  Allgerneine  Funktionentheorie  und  elliptische  Funktionen,  3e  ed., 

Berlin,  Springer,  1929,  p.  219-228. 

F,  KLEIN,   (et   R,  FRICKE),  Vorlesungen  fiber  die   Theorie  der  elliptische  Modulfunktionen, 
t.  I  et  II,  Leipzig,  Teubner,  1890  et  1892. 

E.  PICARD,  Traite  d*  Analyse,  t.  Til,  ed.  Paris,  Gauthier-Vi liars,   1928,  chap.  XIII  (se  rapporte 
aussi  aux  fonctions  de  SCHWARZ). 

Groupes  et  fonctions  automoj*phes. 

P.  APPELL  et  E.  GOURSAT,   Theorie  des  fonctions  algebriques  d'une  variable  et  des  transaji- 

dantes  qui  s'y  rattachent,  aa  ed.,  t.  II  (Fonctions  automorphes),  Paris,  Gauthier-Villars,  1980. 

Ce  tome  a  ete  redig^  par  P.  FATOU  (mort  avant  d'avoir  pu  en  corriger  les  £preuves);  sa 

lecture  s'impose  k  to  us  ceux  qui  veulent  s'initier  k  la  theorie. 
R.  FRICKE  et  F.  KLEIN,  Vorlesungen  aber  die  Theorie  der  automorphen  Funktionen,  t.  I  et  II, 

Leipzig,  Teubner,  1897  et  I9IX* 

G.  FusiNi7  Introduzione  alia  teoria  dei  gruppi  discontinui  e    delle  funzioni    automorfe, 
Pisa,  Spoerri,  1908. 

G.  GIRAUD,  Lecons  sur  les  fonctions  automorphes,  Paris,  Gauthier-Villars,  1920. 
TH.  GOT,  Memorial  des  sciences  mathematiques,  fasc.  60  et  68,  Paris,  Gauthier-Villars,   igSS 
et  1934. 

H.  POINCAR£,  GEuvres,  t.  II,  Paris,  Gauthier-Villars,  1916. 


DEUXlfiME  PART1E 


CALIBRATION  SOLENNELLE  DU  CENTENAIRE  A  LA  SORBONNE 

LE  15  MAI  1954. 


A.-  LE  SAMEDI  15  MAI  1954  A  LA  SORBONNE. 


Le  samedi  i5  mai,  dans  le  grand  amphitheatre  de  la  Sorbonne  s'eslderoulee 
la  stance  solennelle  de  commemoration  du  Gentenaire  en  presence  de 
M.  Rene  COTY  ,  President  de  la  Republique.  A  la  table  d'honneur,  avaientpris 
place,  a  cote  du  President  Andre  MARIE,  Ministre  de  Pfiducation  Nationale, 
M.  Georges  LECOMTE,  Secretaire  perpetuel  de  1'Academic  Franchise,  le 
Due  Maurice  DE  BROGUE,  President  de  PAcademie  des  Sciences  ct  Membre  de 
PAcademie  franchise,  M.  Franc,  ois-Alberl  BUISSON,  Secretaire  perpetuel  de 
PAcademie  des  Sciences  morales  et  politiques,  Chancelier  de  PInstitut,  le 
Prince  Louis  DE  BROGLIE,  Secretaire  perpetuel  dc  1'Academie  des  Sciences, 
Membre  de  1'Academie  Francaise,  M.  Georges  DAVY,  Membre  dc  PAcademie  des 
Sciences  morales  et  politiques,  Doyen  de  la  Faculte  des  Leiires,  represcntani 
le  Recteur  de  PAcademie  de  Paris  qu'un  voyage  en  Hongrie  retenait  eloigne  de  la 
capitale,  M.  Jacques  HADAMARD,  Membre  de  PAcademie  des  Sciences,  M.  fimile 
BOREL,  Membre  de  PAcademie  des  Sciences,  Directeur  de  PInstitut  Henri 
POINCAR&,  M.  Henri  VILLAT,  Membre  de  PAcademie  des  Sciences,  M.  Gaston 
JULIA,  Membre  de  PAcademie  des  Sciences,  President  du  Comite  d'Organi- 
sation  des  fetes  du  Cenlenaire,  M.  Joseph  PJ&R&S,  Membre  de  PAcademie  des 
Sciences,  Doyen  de  la  Faculte  des  Sciences  de  Paris  et  M.  Paul  DUBREIL, 
Professeur  a  la  Sorbonne  qui  assistait  M.  Gaston  JULIA. 

De  nombreux  savants  etrangers  sont  venus   d'Allemagne,    d'Autriche,  de 

Belgique,  du  Danemark,  des  fitats-Unis,  de  Finlande,  d'ltalie,  deNorvkge,  des 

Pays-Bas,  d'U.R.S.S.  ou  de  Yougoslavie,  pour  participer  aux  ceremonies  du 

Centenaire.  Parmi  ceux-ci,  les  delegues  officiels  des  Academies,  Universit^s 

H.  P.  7 


5o  DEUXIEME   PARTIE. 

ou  Soci6te"s  savantes  auxquelles  Henri  POINCARE  a  appartenu,  avaient  leur  place 
sur  1'estrade,  avec  les  Acad^miciens  dont  beaucoup,  pour  la  circonstance, 
avaient  rev&tu  Phabit  vert. 

Au  cours  de  celte  stance  qualre  cliscours  out  retrace"  Fceuvre  de  Henri 
PoiNCARfi  dans  les  diverses  branches  de  son  activite'.  M.  HADAMARD  a  rappele'  ce 
que  fut  le  mathe"maticien,  M.  VILLAT ^a  parl6  du  me'canicien,  le  Prince  Louis 
DE  BROGUE  et  le  Due  Maurice  OE  BROGUE  ont  pr^sente"  rcspectivement  le 
phjsicien  et  le  philosophe. 

Puis  M.  Gaston  JULIA,  dans  une  allocution,  a  rendu  compte  de  Fachevemenl 
de  la  mission  que  1'Academie  lui  avait  confie'e,  et  il  a  rernis  solennellement  au 
Secretaire  perptHuel  de  1'Acade'rme  des  Sciences  le  dixieme  et  dernier  volume 
de  l'6dition  des  oeuvres  de  Henri  POINCAR&,  qui  comme  il  s'y  etait  engage, 
etait  sorti  des  presses  de  la  maison  Gauthier-Villars,  quelques  jours  avant  la 
calibration  du  centenaire. 

Apres  que  M.  Emile  BOREL  eut  rappel^  en  quelques  mots,  la  fondalioii  de 
Tlnstitut  Henri  Poincare",  le  President  Andr6  MARIE  a  cloture'  cette  grande 
stance  par  un  discours  tres  remarque"  ou  il  a  bross6  un  tableau  de  1'homme,  da 
savant  et  du  philosophe. 

Entre  les  discours,  afin  de  reposer  un  peu  Tattention  des  auditeurs, 
1'orchestre  a  vent  de  la  Garde  r<5publicaine,  sous  la  direction,  du  Commandant 
Frangois-Julien  BRUN,  Chef  de  la  musique  de  la  Garde,  a  fait  entendre  succes- 
sivement  1'ouverture  de  Guillctume  Tell  de  ROSSINI,  la  Rapsodie  norvegienne 
d'fidouard  LALO,  1'ouverture  du  Carnaval  romain  d'Hector  BERLIOZ,  un 
Lar  ghetto  pour  clarinette  de  MOZART,  et  la  Marc  fie  lorraine  de  Louis  GANNE, 
sans  oublier  la  Marseillaise  joue'e  pour  accueillir  le  President  de  la  Republique. 

Une  reception  dans  les  salons  de  la  Sorbonne  a  suivi  la  ce"r^monie  officielle 
qui  constituait  1'hommage  du  pays  el  de  PUniversite"  a  la  me'moire  de  Henri 
Poincare'. 

DISCOURS  DE  M.  JACQUES  HADAMARD 

DE  L'ACADfeMIE  DES  SCIENCES 

Henri  Poincare  et  les  mathematiq;ueb . 

La  France  celebre  aujourd'hui  une  de  ses  gloires  nationales.  Le  nom  de 
Henri  PomcARfe  doit  toe  connu  de  tous,  et  6veiller  un  juste  orgueil  dans  Pame 
de  tout  frangais,  comme  il  Paurait  fait  de  son  vivant  m£me,  s'il  s^tait  agi  d'un 


CELEBRATION   SOLENNELLE   DU  CENTENAJRE  A    LA   SORBONNE    LE    l5    MAI    1964.  5 1 

autrc  champ  d'activit6  de  1'esprit  liumain.  L'oeuvre  du  math^maticien  n'est  pas 
apparente,  elle  est  la  base,  la  base  cach^e,  d'<3difices  que  chacun  pent  admirer 
mais  qui  n'ont  pu  s'6lever  que  grace  a  la  solidit6  dcs  fondations. 

Quand  on  entrcprend,  comme  1'honneur  m'en  6choit  aujourd'hui,  la  tache 
pen  ais£e  de  caract^riser  en  quelques  instants  une  grande  oeuvre,  une  de  celles 
qui  marquent  une  <3poque  de  1'csprit  humain,  on  veut  a  juste  titre  j  trouver 
une  unit6,  en  d^gager  une  personnalite  individuelle  d'autant  plus  marquee  qu'il 
s'agit  d'un  g6nie  lui-m$me  plus  original  et  plus  puissant. 

II  ne  faut  pas,  cependant,  nous  placer  aujourd'hui  a  ce  point  de  vue  :  je 
croirais,  en  1'adoptant,  diminuer  en  m<5me  temps  que  dthiattirer  1'oeuvrc  de 
Henri  POINCARK. 

a  Nous  sommes  plutot  serviieurs  que  maitres  en  Math^maliques  »  m'a  ditun 
jour  HERMITE.  Tout  an  plus,  le  savant  suit-iJ  en  ggntSral  son  temperament  dans 
le  choix  des  probl^mes  qu'il  so  pose.  Ainsi  pent  proc^dcr  la  mojenne  des 
chcrcheurs. 

La  moyenne  dcs  cherchours,  mais  non  pas  PoiiscAufi.  II  emprunta  ses  sujets 
non  aux  ressources  de  son  esprit,  mais  aux  besoins  de  la  Science.  C'est  d'eux 
que  partait  sa  pens£e.  Elle  naissait  en  quelque  sorte  en  dehors  de  lui  et  une 
«  force  sup^rieure  »  autre  parole  chftre  a  HERMITE,  faisait  apparaitre  en  lui  une 
lumi&re  visible  pour  lui  seul  eL  qu'il  faisait  briller  pour  tous. 

Qu'il  me  soit  permis  de  rappeler  sommairement  quel  <Hait  au  moment  de  sa 
venue  1'etat  de  la  Science  math^matique. 

Le  xviii0  si^cle  avait  I<5gu6  au  xix°  deux  grands  problSmes  :  Fint^gration  des 
Equations  diff^rentielles  et  celle  des  Equations  aux  d£riv6es  partielles.  La 
Science  du  xix°  si^cle  ouvrit  a  cet  6gard  une  voie  nouvelle.  Elle  apprit  a  6clai- 
rer  d'une  lumi&re  inattendue  les  propri^t^s  qui  s'offraient  a  son  ^tude  en 
donnant  sjst^matiquement  aux  variables  qu'elles  introduisaient  non  plus  seule- 
ment  des  valeurs  rdelles,  mais  aussi  des  valeurs  imaginaires. 

Cette  «  th^orie  des  fonctions  »  ou  plutot  «  des  fonctions  analytiques  »  fut 
surtout  en  France  Fceuvre  de  CAUCHT,  en  Allemagne  celle  de  WEIERSTRASS.  Us 
fond6rent  chacun  de  son  cott5  la  thdorie  des  fonctions  analytiques  el  pos^rent 
un  premier  fondement  de  la  th^orie  des  Equations  diffiSrentielles. 

CAUCHY  mourut  en  18.07;  WEIERSTRASS  lui  surv^cut  4°  ansj  et  fut  dans  la 
Science  allemande  Pobjet  d'un  enthousiasme  sans  bornes.  Mais  un  de  ses  plus 
illustres  disciples,  MITTAG-LEFFLER,  nous  a  rapports  qu'a  la  fin  de  sa  carri&re 
il  voy^it,  non  sans  quelque  m^lancolie,  la  primaut<5  qu'il  avait  assur^e  &  1ft 
Science  allemande  passer  a  noire  pays, 


52  DEUXIEME   PARTIE. 

C'csL  qu'en  ode  I  un  grand  uv6ncment  scientifique  venal  t  do  sc  produire.  Les 
fonctions  fuchsicnnes  venaient  <c  d'^clalcr  »,  suivanL  un  mot  prononc^  a 
PcSpoque,  dans  ime  serie  de  Memoires  de  Henri  POIMCARE. 

L'un  des  plus  beaux  iriomphes  de  la  thgorie  des  fonctions  analytiques  avail 
616  la  theorie  des  fonctions  ellipliques.  Or  avec  la  grandiose  generalisation 
apportee  par  Henri  POINCAR£,  un  ensemble  de  proprietes  aussi  belles  que  celles 
qui  appartenaient  aux  fonctions  elliptiques  6tait  etendu  a  une  infinite  d'&tres 
relevant  d'uue  m£me  theorie  gtfn^rale,  si  profondement  differents  qu'ils  fussent 
les  uns  des  autres. 

Les  fonctions  fuchsiennes  appor talent,  a-t-on  pu  dire,  «  les  clefs  du  monde 
alg6brique  »  et  resolvaienl  dans  un  cas  important,  celui  des  Equations  Iin6aires 
a  coefficients  alg6briques,  1'autre  grand  probl&me  dont  nous  avons  parle  en 
commengant,  1'integration  des  Equations  differentielles. 


Avant  m£me  le  M6moire  sur  les  fonctions  fuchsiennes,  POINCAR£  avait  public 
quelques  courtes  Notes  sur  des  questions  d'Arithm^tique.  Je  dirai  un  mot  de 
Tune  d'elles  qui  me  paralt  ^clairer  un  aspect  de  sa  personnalite.  Elle  est  con- 
sacr6e  a  la  mtHhode  de  la  reduction  continuelle,  c6l£bre  invention  d'HERMiTE 
qui  excite  notre  admiration,  mais  sans  que  nous  puissions  comprendre  com- 
ment son  auteur  a  616  conduit  a  1'imaginer. 

Or  ce  que  nous  ne  devinons  pas  chez  HERMITE  apparait  en  pleine  lumitire 
avec  POI^CAR^  ;  et  cc  caract^re  non  seulement  lumineux,  mais  parfaitement 
direct  de  POINCAR£  ne  se  dementira  pas  a  travers  toute  son  ceuvre. 

Serait-ce  done  que,  contrairenient  au  grand  pr^dt^cesseur  qu'il  explique  en 
cette  occasion,  POINCARE  n'6tait  pas  guides  par  une  secr&le  intuition  ?  II  est 
impossible  de  1'admettre,  ne  serait-ce  qu'en  presence  du  r^cit  bien  conmi  de 
ces  illuminations  soudaines  qui  ont  marqud  le  d^but  de  sa  carri^re  et  ont 
abouti  a  la  fondation  de  la  th^orie  des  fonctions  fuchsiennes.  En  outre  un 
exemple  bien  typique  de  1'intervention  de  Finconscient  se  trouve  dans  le 
tome  III  des  Methodes  nouvelles  de  la  Mecanique  celeste,  ou  POINCA.R&  est 
conduit  a  parler  du  Calcul  des  variations.  A  ce  moment,  le  Calcul  des  varia- 
tions venait  d'etre  dol6  par  WEIERSTRASS  d'une  m^thode  rigoureuse  qui  donnait 
£  la  question  une  response  parfaite  et  definitive.  Seulement  WEIERSTRASS,  vers 
U  fin  dc  sa  carri&re  d^daignait  de  publier  ses  r^sultats  lesquels,  en  consequence, 
sont  pendant  longtemps  restes  exclusivement  connus  de  ses  auditeurs. 


CELEBRATION   SOLENNELLE   DU   CENTENAIRE   A   LA   SORBONNE   LE    l5   MAI    ig54.  53 

avait-il  soit  connu,  soit  retrouv^  cette  me*thode  de  WEIKRSTJIASS?  La 
lecture  de  son  celebre  Ouvrage  est  troublante  :  dans  une  m£me  page  figurent 
une  phrase  qui  ne  peut  avoir  £16  e'crite  que  par'quelqu'un  qui  ignorait  la 
m^thode  de  WEIERSTRASS  eL  une  autre  laquelle  lie  peut  avoir  e'te'  e'crite  que  par 
quelqu'un  qui  la  connaissait.  Ce  veritable  dedoublement  de  la  personnalite  — 
car  e'en  esl  un  —  manifcsle  Pinter vention  d'un  el  m£mc  de  deux  inconscients 
doiit  chacun  suit  sa  propre  voie  sans  que  nous  sojons  renseigne's  sur  les  e  tapes 
de  son  clieminement. 

Mais  ce  cas  est  tout  exceptionnel.  Si  profondtjment  puisees  a  Pinconscient 
quo  puissent  6  Ire  les  id£es  de  PoiNCARft,  leur  marche  est  parfaitement  explicite'e 
ct  donne  a  cliacun  Pillusion  qu'il  aurait  sans  doulc  pu  en  irouver  autant. 


Apres  la  th6orie  des  1'onctions  fuchsiennes,  Padmiration  des  mathematiciens 
ne  devait  pas  s'iiiterromprc.  Ellc  nc  cessa  d'etre  entretenuc  par  la  rapidit6 
incroyable  avec  laquelle  se  succederent  les  decouvertes  dont  un  seul  volume, 
le  tome  XT  du  Bulletin  de  la  Societe  Mathematique  de  France  contient 
trois  Me'moires  apportant  tons  de  profondes  renovations  aux  theories  qui  en 
etaient  Pobjet. 

Dans  les  annees  qui  suivirent,  les  Me'moires  decisifs  se  succe'dcrent  encore 
avcc  une  merveilleuse  rapidite. 

Dans  quelles  directions  se  sont  eflectuees  ces  recherclies  si  fecondcs? 

Dans  toutes.  II  n'est  peut-^tre  pas  une  grande  question  qui  ait  arr£te  les 
ge'ometres  et  ou  le  g^nie  du  jeune  savant  ne  nous  ait  montro  la  voie  a  suivre. 

La  the'orie  des  fonctions  analytiques  d'abord,  dont  deux  grands  chapitres 
j usque-la  inexplore"s  et  qui  se  sont  regie's  particulierement  difficiles  furent 
ainsi  tir^s  du  n^ant.  Decouvertes  de  premier  ordre  qui,  venant  de  tout  autre 
auteur,  attireraient  toute  notre  attention,  mais  dont  il  nous  est  impossible  de 
parler,  obliges  que  nous  sommes  d'en  venir  au  grand  sujet  des  Equations 
diffe'rentielles. 

Nous  ne  pouvons  me1  me  pas  parler  des  progres  que  PoiNCARfi  a  fait  faire  a 
cette  derniere  etude  sous  les  points  de  vue  ou  Pon  s'6tait  plac6  jusqu'a  lux. 
Mais  en  m^me  temps  qu'il  poursuivait  ces  voies,  il  en  ouvrait  une  profonde'- 
ment  nouvelle  dont  il  montra  la  fe"condite"  et  qui,  d^laissant  le  domaine  com- 
plexe,  s'attachait  aux  formes  possibles  des  courbes  replies  satisfaisant  a 
Pe'quation. 


54  PEUXIEME   PARTIE. 

lei  se  rotrouvc  une  circonstance  deja  apparue  dans  d'autres  chapitres  de 
1'histoire  des  Mathematiques.  Lorsqu'il  s'est  agi  de  la  resolution  d'unc 
equation  alggbrique,  les  premiers  algebristes,  et  cola  jusqu'au  dernier  quart  du 
xvnic si£cle,  parent  raisonner  isolement  sur  une  racine  de  I9 equation,  mais  ils 
i'urent  d(5finitivement  arrelgs  dans  cette  voie.  Les  recherches  v^ritablement 
lecondes  entreprises  sur  ce  problem e  ont  procedtS  tout  autrenient  en  raisonnant 
sur  Tensemble  des  racines  el  sur  les  relations  quc  1'on  peut  tHablir  entie  elles. 
POINCAR&  nous  apprend  a  nous  conformer  a  ce  m6me  principe  dans  I'gtude  des 
equations  diff<Srentielles. 

Que  peut-on  dire  des  diverses  conrbes  qui  satisfoni  a  une  m£me  equation 
diflferentielle,  supposed  du  premier  ordre  pour  commencer  ?  S implement  ceci, 
que  deux  d'entre  elles  ne  peuvent  jarnais  se  couper,  sauf  aux  points  singuliers. 
Cette  base  fragile  au  premier  abord  a  suffi  comme  point  de  depart  a  Poincar6. 

II  j  a  cependant  ajout£  une  consideration  essentielle  et  qui  avait  echapp^  a 
tous  ses  pr^decesseurs.  C'est  a  RIEMANN  que  se  rattache  une  remarque  enfantine 
au  premier  abord  dont  la  pu£rilit6  apparente  rend  plus  remarquable  encore  le 
role  essentiel  qu'elle  a  jouts  dans  la  Science.  Si  CAUGHT,  dans  le  premier 
M^moire  qu'il  ait  public  (i8i3),  ne  1'avait  par  m^connue,  il  n'aurait  pas, 
4o  ans  plus  tard,  laisse  a  RIEMANN  la  gloire  de  computer  la  th^orie  des  fonctions 
alg^briques.  Lorsque  a  son  lour  RIEXMANN  reconnut  ce  principe  et  s'en  servit 
pour  computer  cette  th^orie,  il  ne  comprit  pas  que  son  application  n'<5tait  pas 
Iimit6e  au  probl£me  dont  il  venait  de  s'occuper.  II  ^tait  donn6  a  PoiNCARfi  de  le 
montrer  indispensable  dans  l'<Hude  des  Equations  diff'^rentielles  et  de  discuter, 
grace  a  lui,  les  formes  possibles  des  courbes  que  ces  Equations  d(^finissen.t. 

Ce  que  pouvaient  toe  ces  formes,  on  pouvait  6tre  tente  de  se  1'imaginer 
d'apr^s  les  exemples  que  fournissent  les  cas  simples  des  Aquations  6l^mentai- 
rement  intt^grables.  II  j  avait  la  une  erreur  a  laquelle  doit  r£fl£chir  quiconque 
s'iixt^resse  &  la  m^thode  scientifique.  Voici  un  probl^me  que  nous  savons 
trailer  dans  certains  cas  particuliers.  D'apr^s  les  caract&res  que  pr^sentent  les 
solutions  connues  dans  ces  cas-la,  nous  pr6jugeons  de  ce  qui  doit  se  passer 
dans  d'autres  probl^mes  qui  nous  semblent  analogues.  Nous  ne  pouvons  gu6re 
faire  autrement,  mais  il  ne  faut  pas  oublier  qu'entre  les  uns  et  les  autres 
doivent  n6cessairement  exister  des  differences  profondes  quoique  cach^es  ^  nos 
yeux  et  dont  doit  nous  avertir  le  fait  m&joae  que  nous  sommes  capables  de 
traiter  les  uns  et  non  de  trailer  les  autres . 

C'est  ce  qui  se  produit  effectivement  pour  liquation  diflferentielle  du  pre- 


CELEBRATION   SOLENNELLE   DU  CENTENAIRE  A   LA  SORBONNE   LE    l5   MAI    Uj54.  55 

mier  ordre.  Si  celle-ci  pouvait,  comme  dans  les  cas  t^mentaires,  se  trailer 
a  1'aide  d'une  integrate,  c'est-a-dire  en  6galant  a  une  constante  une  certaine 
fonction  des  coordonn^es,  elle  ne  pourrait  pas  donner  lieu  a  des  figures  telles 
que  celles  que  POINCARU  mei  en  Evidence. 


Mais  F6tudu  de  Fequation  different! elle  du  premier  ordre  ne  represente 
qu'une  premiere  etape.  L'<5tude  des  Equations  du  second  ordre  rapproche 
POINCAR£  de  Fobjet  principal  sur  lequel,  avec  toute  F  Analyse  moderne,  il  ne 
cesse  d'avoir  les  yeux  fix£s  :  a  savoir  les  Equations  diff^renlielles  de  la  M6ca- 
nique  celeste,  celles  qui  r^gissent  les  mouvemenls  des  plan^tes  sous  Faction 
non  seulement  de  Fattraction  du  Soleil  mais  aussi  de  leurs  attractions  mutuelles. 

II  ne  peul  pas  £tre  question  d'int^grer  un  pareil  sysl&me  d'dquations  au  sens 
6l£mentaire  du  mot.  II  faudrait  pour  cela  disposer  d'int<5grales  en  nombrc 
suffisant.  On  est  loin  de  compte  et  PomcARfi  raontre  qu'il  faut  renoncer  a  en 
a j outer  aucune  aux  dix  integrates  classiques. 

Par  contrc,  un  premier  fait  a  d'autre  part  gouvernti  ses  recherches  :  Fexis- 
tence  de  solutions  p&riodiques.  Si  une  plan&te  (par  exemple  la  Terre)  £tait 
seule  en  presence  du  Soleil  et  soumisc  a  sa  seule  attraction,  elle  se  comporterait 
comme  Fimaginait  PTOLfiMfiE  et  m^me  KJ&PLER,  c'est-a-dire  qu'au  bout  d'un  an 
elle  se  retrouverait  exactement  dans  la  m6me  position  qu'au  depart  et  anim^e 
du  m^me  mouvement,  pr^te  <a  une  seconde  revolution  exactement  identique  a 
la  premiere.  Le  mouvement  serait  p^riodique.  II  n'en  est  pas  ainsi  en  r6alit<§, 
parce  que  la  Terre  est  6galement  soumise  ^  Fattraction  des  autres  plan^tes 
lesquelles  d'ailleurs  r^agissent  aussi  les  unes  sur  les  autres  et  troublent  leurs 
mouvements.  Peut-il,  mtee  dans  ces  nouvelles  conditions,  exister  pour  le 
systkme  —  r^duit  a  trois  corps  pour  commencer  par  le  cas  le  plus  simple  — 
des  mouvements  p^riodiques?  C'est  la  question  que  n'a  cess6  de  se  poser  PoiNCARfi, 
et  cela  d&s  ses  premieres  ann^es  de  travail  dont  nous  avons  dit  F extraordinaire 
f£condit6,  et  aussi  jusqu'au  moment  ou  la  mort  le  guettait,  jusqu'&  ce  dernier 
M^moire  dont  la  tragique  introduction  ^voque  les  craintes  malheureusement 
trop  fondles  que  lui  inspirait  sa  sant6. 

Ges  solutions  p^riodiques  qu'il  apprit  ainsi  a  dc5celer  se  sont  montr^es  entre 
ses  mains  la  seule  voie  par  laquelle  on  a  pu  p£n6trer  dans  une  place  jug6e 
jusque-k  inabordable. 

A  ce  point  de  vue,  le  cas  relativement  simple  de  liquation  difi^rentielle  du 


56  DEUXIEME  PARTIE. 

second  ordre,  d^finissant  une  courbc  dans  1'espace  ordinaire,  est  deja  typique. 
Si  une  pareille  courbc  est  fermee,  les  courbes-solutions  voisines  le  seront 
approximativement  et  1'une  quelconque  d'entre  elles  issue  d'un  point  de  depart 
d<Hermin6  reviendra  p&riodiquement  passer  au  voisinage  du  m£me  point.  Mais 
les  dispositions  qu'affectent  ces  arcs  successifs  —  dispositions  que  dans  certains 
cas  les  m^thodes  institutes  par  POINCARE  permettent  de  discuter  d?une  manure 
entitlement  rigoureuse  —  monlrent  d'une  part  quelles  dispositions  Granges  et 
a  peine  intelligibles  peuvent  affecter  ces  mouvements  lorsqu'on  les  suit  a  la  fois 
dans  Pavenir  et  dans  le  pass^;  de  1'autre,  combien  les  difficult^  rencontrees 
dans  les  mtHhodes  classiques  de  la  Mdcanique  celeste  tiennent  a  la  nature  des 
choscs. 

Pendant  qu'il  arrivait  a  ces  conclusions  de  caractere  en  un  sens  n<3gatif  et 
qui  montraient  comme  relativement  pr^caires  les  progrtjs  stir  lesquels  on 
comptait,  POINCARJ^  ouvrait  d'autre  part  une  voie  permettant  d'avancer  sur  un 
terrain  solide.  La  notion  dont  il  montrait  la  puissance  s'apparente  a  ces  m6mes 
int^grales  qu'il  est,  nous  le  savons,  vain  de  recliercker  dayantage.  La  notion 
d'invariant  integral  montre  a  nouveau  combien  il  est  utile  de  consid^rer  non 
,  pas  une  solution  isol^meiit,  mais  les,  ou  au  moins  des  solutions.  C'est  une 
integrate,  c'esl-a-dire  une  quantite  qui  reste  constante  en  vertu  des  Equations 
diff^rentielles,  mais  c'est  une  int^grale  collective  portant  sur  un  ensemble  de 
solutions.  C'est  cctte  notion  qui,  entre  les  mains  de  POINCAR£,  donna  en  parti- 
culier  les  r^sultals  les  plus  essentiels  que  nous  poss<5dions  sur  la  question  si 
fondamentale  de  la  stabilite  du  sjst^me  solaire. 

C'est  a  ces  nouvelles  et  puissantes  m^thodes  qu'est  consacr<5  le  c^l^bre 
Ouvrage  qui  s'appelle  Les  Methodes  nouvelles  de  la  Mecanique  celeste.  Chaque 
jour  met  davantage  en  Evidence  le  role  qu'elles  sont  appel^es  a  jouer  non  seu- 
lement  dans  toute  la  science  astronomique,  mais  dans  bien  d'autres  probl^mes 
de  Mecanique. 

Nous  n'avons  parl6  que  bien  incompletement  des  grandes  conqu^tes  que 
nous  devons  a  PoiNCARfi  dans  le  vaste  domaine  des  Equations  diff^rentielles. 
Mais  d'autres  probl^mes  pos^s  par  les  applications  physiques  avaient  tent6  la 
science  a  partir  du  moment  ou  elle  s'6tait  occup^e  des  Equations  aux  d£riv6es 
partielles.  Probl^mes  que  1'on  a  pu  croire  un  instant  analogues,  avec  quelques 
complications  nouvelles,  aux  premiers,  qui  en  6taient  en  r6alit6  profond^ment 
diflferents,  et  dont  le  type  est  ofFert  par  le  c£l&bre  probl^me  de  DIRICHLET. 

Que  d'efforts  consacr^s  a  cet  attachant  probl^me  !  Aux  nombreuses  m^thodes 


CELEBRATION  SOLENNELLE  DU  CENTENAIRE  A  LA  SORBONNE  LE  l5  MAI  1964.      67 

propose'es  pour  le  trailer,  POINCARE  en  ajoute  une  nouvelle,  la  me'thode  du 
balayage.  Une  telle  addition  e"tait-elle  importante  ?  La  re'ponse,  une  re'ponse 
eclatante  a  tite"  fournie  par  la  marche  ult^rieure  de  la  the'orie.  A  partir  de  Pappa- 
rition  de  la  me'thode  du  balayage,  tous  les  travaux  sur  ce  sujet  ont  d£pendu 
d'elle  ;  elle  gouverne  depuis  ce  temps  toutes  nos  id^es  sur  ce  chapitre. 

Que  de  grandes  d^couvertes  il  me  faudrait  rappeler  dont  il  m'a  ^te'  impos- 
sible de  parler,  quoiqu'elles  constituent,  elles  aussi,  les  foiidements  ne'cessaires 
de  progres  futurs.  Et  que  d'autres  conquStes,  que  de  points  de  vue  fondamen- 
taux  la  Science  n'e"tait-elle  pas  encore  en  droit  d'attendre  de  POINCAR&  lorsque 
la  mort  est  venue  nous  Penlever. 

Ceux  qu'il  nous  a  laisse's  et  dont  je  n'ai  donne'  que  de  brefs  et  insuffisants 
apereus,  ce  sont  ceux  qui,  depuis  plus  d'un  demi-siecle,  sonl  a  la  base  des  pro-, 
gres  de  notre  Science  ct,  sur  beaucoup  de  points,  des  progres  essentiels  de 
P esprit  humain. 

DISCOURS  DE  M.  HENRI  VILLAT 

DE  L'AGADtiMIE  DES  SCIENCES. 

Henri  Poincare  et  la  Mecanique. 

Gc  n7est  pas  une  laclie  facile  que  dc  tenter  de  re"sumcr  Pccuvre  colossalc 
d'Henri  PoiNCARfi.  Si  la  grandeur  d'mn  poeme  est  dans  ses  resonances ,  que  dira- 
t-on  de  Peffarante  grandeur  de  la  pense'e  de  PoiNCAHfi,  alors  que  les  prolongements 
de  cette  pens6e  s'6tendent  inde'finiment  sur  tout  Pavenir  de  la  Science. 

Les  savants  d^veloppements  qui  viennent  d'etre  exposes,  par  une  voix  plus 
autoristJc  que  la  mienne,  ont  d(5ja  mis  Paccent  sur  Pimportance  et  la  profon- 
deur  dc  Poeuvre  de  PoiNCAiifi  dans  Pordre  des  Math^matiques  pures  ct  de  la 
Ge'ome'trie.  Je  dois  maintenant^dire  en  quelques  mots  ce  que  la  Me'caniquc  et 
P  Astronomic  doivent  a  son  merveilleux  g^nie. 

Les  disciplines  que  je  viens  de  citer  firent  ne"cessairement  Pobjet  des  pr6- 
occupations  de  PoiNCAiifi,  pour  des  raisons  tres  pre'cises  :  en  i885,  il  fut  charg6, 
a  la  Sorbonne,  d'assurcr  Penseignement  de  la  Me'canique  physique  et  exp^ri- 
mentale;  puis,  en  1886,  il  devint  titulaire  de  la  chaire  de  Physique  mathe'ma- 
tique  ct  de  Calcul  des  probabilit6s.  Ces  circonstances  contribuerent  e"videmment 
a  orienter  les  ide'es  de  POINCAR^  vers  les  sujets  dont  nous  allons  parler. 

Nous  savons  cependant  que,  quelle  qu'eut  pu  etre  Pimpulsioii  initiale, 
H.  P.  8 


58  DEUXIEME   PARTIE. 

I'amenant  a  examiner  tel  cm  Lei  doinaine  de  nos  connaissances,  il  aurait  avec  la 
m&me  maitrise  realise  d'aussi  prodigieux  progr&s. 

En  ce  qui  concerne  1'Astronomie,  la  force  irresistible  de  son  genie  1'a  amene 
a  etendre  d'une  facon  surprenante  les  limites  de  la  Science. 

Laplupart  des  travaux  astronomiques  de  POINCARJ&  se  raltachent  au  probl&me 
des  7^  corps,  et  particulierement  au  mouvemeni  des  plancHes  et  des  satellites  de 
notre  syst^me  solaire.  Pour  bien  faire  comprendre  1'importance  de  ces  travaux, 
il  convient  de  rappeler  bri^vement  1'histoire  de  ce  probl&me  cel^bre. 

II  est  bien  connu  que  la  decouverte  de  1'attraction  universelle  avait  616  gran- 
demenL  facilitee  par  ce  fait,  que  les  masses  des  plan&tes  sont  petites  par  rapport 
a  celle  du  Soleil.  De  m6me7  la  plupart  des  methodes  qui  ont  pour  but  le  calcul 
du  mouvement  des  corps  celestes,  doivent  leur  succes  a  cette  petitesse  des 
masses.  Ainsi  les  fondateurs  de  la  Mecanique  celeste  ont  developpe  les  coor- 
donnees  ou  les  elements  des  planetes,  suivant  les  puissances  d'un  petit  para- 
metre,  de  Pordre  des  masses.  Ces  developpements  ont  permis  de  determiner 
quantitativement,  pour  quelque  temps,  les  mouvements  des  plan&tes,  avec 
une  exactitude  comparable  avec  celle  des  observations. 

Toutefois,  ces  theories  classiques  no  peuvent  pas  suffire  pour  des  intervalles 
de  temps  extr&mement  longs.  Cela  a  cause  de  ce  qu'on  appelle  les  termes  s6cu- 
laires,  qui  font  intervenir  le  temps  en  dehors  des  signes  trigonometriques.  El 
d'ailleurs,  pour  cette  m£me  raison,  les  series  classiques  ne  nous  apprennent 
rien  sur  la  stabilite  du  syst^me  solaire. 

Pour  d<3montrer  cette  stability,  et  afin  d'(5tudier  en  general  les  orbites  du 
point  de  vue  qualitatif,  LAGRANGK  avait  d^velopp^  les  perturbations  s^culaires 
les  plus  importantes  en  series  trigonometriques,  apr^s  lui  DELAUNAY,  GYLDEN 
et  bien  d'autres  ont  creus£  plus  avant  ce  sujet  ardu. 

Mais  la  resolution  complete  du  probl^me  dont  il  s'agit  6tait  r<5servee  a 
PoiNCARfi.  En  bref,  POINGAR^  ddmontrc  que  les  elements  canoniques  des  plan&tes 
peuvent  se  developper  formellement  en  series  de  FOURIER,  suivant  les  multiples 
d'un  certain  nombre  d'arguments  lineaires  par  rapport  au  temps.  Ges  series 
sont  ordonnees  aussi  suivant  les  puissances  des  masses,  et  de  certaines  quanti- 
tes,  de  Tordre  des  excentricites  et  des  inclinaisons.  Mais  PoiNCARfi  va  beaucoup 
plus  loin  :  il  montre,  d'unu  part,  que  les  series  en  question  ne  sont  pas  conver- 
gences, mais  cependant  il  prouve  qu'elles  sont  semi-convergentes,  et  qu'elles 
suffiront  aux  besoins  des  astronomes  pendant  des  temps  extr6mement  longs. 

Pour  etudier  les  solutions  du  probldme  des  n  corps,  et  d'autres  probl&mes 


CELEBRATION  SOLENNELLE  DU  CENTENAIRE  A  LA  SORBONNE  LE  l5  MAI  ig54-      69 

de  Dynamique  beaucoup  plus  generaux,  POINCAR&  s'est  engage  dans  une  autre 
voie  :  il  commence  par  cliercher  les  solutions  sp6ciales  les  plus  simples  :  il  est 
ainsi  amene  aux  solutions  periodiques,  dans  lesquelles  le  syst&me  reprend, 
apr£s  un  temps  fini,  sa  configuration  et  ses  vitesses  relatives  initiales.  II 
decouvre  aussi  une  classe  de  solutions  plus  generates  :  celle  des  solutions 
asymptoliqucs,  qui  se  rapprochent  indefmiment  d'une  solution  periodique  au 
bout  d'un  temps  tr&s  long.  Pour  demontrer  leur  existence,  POINCAR&  invente  une 
notion  nouvelle  etextr6mement  feconde,  celle  des  invariants  integraux.  La  theorie 
de  ces  invariants  integraux  lui  permet  aussi  de  traiter  la  question  de  la  stability. 

Dans  cette  recherche,  d'une  complexity  extreme,  POINCAR&  fait  progresser  la 
question  a  pas  de  geant ;  les  resultats  qu'il  obtient  ferment  le  terrain  solide  sur 
lequel  les  chercheurs  de  Favenir  pourront  s'appuyer  avec  confiancc. 

Les  solutions  periodiques  sont  surtout  utiles  quand  il  s'agit  de  calculer  le 
mouvement  d'un  syst&me  dont  les  conditions  initiales  sont  voisines  de  celles 
qui  correspondent  exactement  a  une  solution  periodique.  On  prend  alors  cette 
solution  periodique  comme  point  de  depart,  et  1'on  developpe  la  solution  cher- 
chec  suivant  les  puissances  d'un  certain  nombre  de  quantites  petites.  On 
reussit  ainsi  a  resoudre  des  probl^mes  auxquels  les  m^thodes  anciennes  ne 
sont  pas  applicables. 

Dans  le  Calcul  des  probability,  le  d<5veloppement  de  1'inverse  de  la  distance 
de  deux  plan&tes  suivant  les  multiples  des  anomalies  moyennes,  est  d'une 
importance  capitale.  En  vue  d'^tudier  les  coefficients  de  ce  d^veloppement, 
PoiNCARfi  applique  ses  m6thodes  sur  les  singularites,  ct  sur  les  p&riodes  des 
integrates  doubles,  il  fait  egalement  un  usage  opportun  des  m^thodes  ing<5- 
nieuses  de  DARBOUX  quant  a  1'expression  asymptotique  des  fonctions  de  tr£s 
grands  nombrcs. 

Tous  les  r&mltats  dont  aous  venons  de  parler  auraient  suffi  a  assurer  la 
gloire  imp^rissable  d'un  savant.  Mais  POINCAR&  a  traite  encore  avec  le  m&ine 
succ^s  une  foule  de  questions  non  moins  importantes. 

En  Astronomic,  il  a  perfection^  la  m^thode  de  LAPLACE  pour  la  determina- 
tion des  orbites,  et  son  elegante  methode  est  devenue  la  plus  efficace  dans  la 
pratique  actuelle  des  Observatoires. 

En  Geod6sie7  POINCAR£  a  attire  1'attention  sur  les  mesures  de  lapesanteur,  en 
montrant  que  ces  mesures  suffisent  pour  determiner,  les  irregularity  dugeoide. 
Tl  a  signale  aussi  Fimportance  des  inesures  des  azimuts  dans  les  triangulations 
geodesiques. 


Go  DEUXIEME  PARTIE. 

La  theorie  des  Mar6es  est  certainement  Fune  des  plus  difficiles  de  la  Meca- 
nique.  Avant  Poincare,  on  ne  savait  trailer  que  des  cas  tr&s  particuliers,  sous 
des  hypotheses  denuees  de  sens  pratique.  D&s  1896,  POINCAR&  a  recherche  la 
solution  gen£rale  du  probl&me.  Les  m()thodes  qu'il  a  proposees  et  les  resultats 
obtenus  d&s  cette  epoque,  ont  eula  plus  grande  influence  sur  le  developpement 
recent  de  la  Physique  mathematique.  En  1902,  lorsque  FREDHOLM  eut  fait  con- 
naitre  sa  belle  theorie  des  Equations  integrates  (qui  prolongeait  d'ailleurs  les 
idees  de  POINCARJJ  lui-m^me),  POINCARE  a  son  tour  appliqua  ce  nouveau  concept 
a  la  theorie  des  Marges.  Ce  travail,  qui  illustre  le  troisi&me  volume  des  Lecons 
de  Mecanique  de  notre  auteur,  est  d'une  elegance  et  d'une  clarte  saisissantes. 

La  theorie  des  figures  d'equilibre  relatif  des  masses  fluides  est  d'une  impor- 
tance capitale  pour  FAstrophysique  et  la  Cosmogonie.  Une  telle  theorie  nous 
permettrait  de  suivre  le  developpement  des  nebuleuses  et  des  astres,  et  nous 
renseignerait  probablement  sur  les  causes  de  la  variability  des  etoiles.  Malheu- 
reusement  ces  probl&mes  ne  sont  pas  encore  abordables  dans  toute  leur  gene- 
ralit6  :  d'une  part  nos  connaissances  sur  la  constitution  de  la  mati&re  au  sein 
des  6toiles,  sous  les  pressions  et  les  temperatures  6normes  qui  y  r^gnent,  sont 
encore  insuffisantes  pour  une  mise  en  Equations  correcte  des  probl&mes; 
d'autre  part,  m^me  dans  le  cas  id&d  ou  les  probl&mes  pourraient  ^tre  analyti- 
quement  bien  pos6s7  les  difficult^s  d'int^gration  paraissent  encore  insurmon- 
tables  dans  leur  ensemble,  a  moins  que  Fon  ne  se  trouve  dans  le  voisinage 
d'une  solution  particuli£re  simple. 

Malgr6  ces  circonstances,  PoiNCARfi  est  parvenu  a  des  r^sultats  d'une  grande 
g&n£ralit6.  II  a  montr£  que  la  rotation  d'une  masse  fluide  doit  ^tre  uniforme 
autour  d'un  des  axes  principaux  d'inertie ;  il  a  trouv6  une  limite  sup6rieure  de 
la  vitesse  de  rotation,  et  il  a  6tabli  la  condition  n^cessaire  et  suffisante  pour  la 
stability  de  F^quilibre  relatif,  en  tenant  compte  de  la  viscosit6  du  fluide. 

M£me  si  le  fluide  est  suppos^  homogenc,  les  difiicult^s  analytiques  a  vaincre 
sont  considerables.  L'une  des  plus  belles  d^couvertes  de  POINCAR&  se  rapporte 
a  ce  cas  ideal.  Par  une  m^thode  extr£mement  feconde,  il  demontre  Texistence 
d'une  infinite  de  nouvelles  figures  d'equilibre,  se  rattachant,  pour  certaines 
valeurs  des  donn6es  initiales,  aux  ellipso'ides,  deja  connus,  de  MAC  LAURIN  et  de 
JACOBI.  II  introduit  dans  cette  theorie  la  notion  nouvelle  des  coefficients  de  sta- 
bility lesquels  presentent  d'interessantes  analogies  avec  les  exposants  caracte- 
ristiques  des  solutions  periodiques  dans  les  probl&mes  de  Dynamique.  PomcARfi 
demontre  que  les  ellipsoi'des  de  MAC  LAURIN  peu  aplatis,  et  les  ellipso'ides  de 


CELEBRATION   SOLENNELLE   D17  CENTENAIRE   A   LA  SORBONNE   LE    l5    MAI    igS/f.  6l 

JACOBI  les  moins  allonges  forment  une  suite  continue  de  figures  d'e'quilibres 
stables.  Cette  suite  se  prolonge  par  des  figures  piriformes  auparavant  inconnues, 
dont  la  matiere  semble  vouloir  se  partager  en  deux  parties. 

Quoique  les  corps  celestes  ne  soient  sans  doute  pas  homogenes ,  ces  de'couvertes 
de  PoiNCARfi  jettent  un  jour  singulier  sur  la  genese  des  etoiles  doubles,  et  sur 
1'origine  de  la  Lune.  Ces  considerations  ont  servi  de  base  aux  beaux  Ouvrages  de 
JEANS  sur  la  Cosmogonie,  parus  en  1919  eteni929.Desrecliercliestoutes  recentes 
de  LYTTLETON,  en  Angleterre,  nous  apprendront  sans  doute  prochainement  des 
consequences  essentielles  de  ces  theories  quant  a  Texplication  du  monde. 

PoiNCARfi  lui-meTne,  dans  son  grand  Ouvrage  sur  les  hypotheses  cosrnogoni- 
ques,  a  expose"  toutes  les  idees  e'mises  sur  cette  matiere,  et  en  a  fait  une  critique 
approfondie .  Avec  ses  formules  rigides ,  son  texte  precis ,  avec  la  loyale  incertitude 
quiluisert  de  conclusion,  ce  livre  estl'un  des  plus  e'mouvants  qu'on  puisselire. 

II  est  certainement  impossible  de  caracteriser  en  peu  de  mots  1'esprit  des 
travaux  de  POINCARJ&.  Toujours,  ce  sont  les  problemes  fondamentaux  qui  attirent 
son  attention ;  il  fait  preuve  d'une  faculte  de  generalisation  saisissante,  et  son 
imagination  est  sans  limites.  Ses  exposes  se  distinguent  par  une  elegance  etune 
limpidite  extraordinaires. 

II  est  evident  que,  justement  a  cause  de  sa  grande  generalite,  Toeuvre  de 
PoiNCARfi  restera  longtemps  une  mine  inepuisable  pour  les  chercheurs  qui  vou- 
dront  y  penetrer.  Ces  chercheurs  y  trouveront  d'ailleurs  autre  chose  encore, 
dans  1'exemple  du  savant  qui  sut  allier  au  genie  le  plus  eblouissant  les  plus 
hautes  qualites  humaines.  Comment  oublierions-nous  ce  qu'il  a  ecrit  un  jour: 
«  la  pensee  est  un  eclair  entre  deux  longues  nuits,  mais  c'est  cet  eclair  qui  est 
tout  ».  L'amour  infini  que  lui  inspirait  la  Science  lui  a  fourni 

«  la  clef  de  diamant  qui  ferme  TUnivers  ». 

C'est  pourquoi  je  crois,  et  j'espere  qu'il  aurait  approuve  les  lign.es  suivantes, 
par  lesquelles  je  veux  terminer,  et  qui  traduisent  peut-e*tre  une  part  de  son 
message  : 

Homme,  entends  battre  au  fond  de  toi  le  cceur  du  monde ! 
Ce  n'est  qu'en  exercant  ton  sens  de  Feternel, 
Que  tu  sauras  survivre  a  1'ultime  seconde, 
En  transposant  ta  vie  a  Pordre  universel. 

Donne-toi  sans  repit,  donne-toi  sans  reserve  : 
Seul  qui  se  donne  sent  1'allegresse  du  jour. 
Tout  geste  de  repli  rend  Fame  triste  et  serve  : 
Vis  et  meurs  dans  le  rythme  unique  de  1'amour  ! 


62  DEUXIEME  PARTIE. 


DISCOURS  DU  PRINCE  LOUIS  DE  BROGLIE 

DE  L'AGAD^MIE  FRAN£AISE, 
SECRETAIRE  PERPfiTUEL  DE  L'ACADlilMIE  DES  SCIENCES. 

Henri  Poincare  et  les  theories  de  la  Physique. 

L'ceuvre  de  Henri  POINCAR&  est  immense  :  elle  int<5resse  toutes  les  branches 
des  sciences  physicomathematiques.  Analyse  sup^rieure,  Geometries  non  eucli- 
diennes,  Arithmetique,  Analysis  situs  (ou  Topologie),  M^canique,  Astronomie, 
Physique  mathematique,  i!  n'est  pas  une  seule  de  ces  sciences  diverses  a 
laquelle  il  n'ait  apport6  des  contributions  essentielles  et  imprime  la  marque  de 
son  genie.  Mort  a  58  ans,  il  a  laisse  une  ceuvre  qui  etonne  par  son  ampleur  : 
il  parait  presque  impossible  d'avoir  accompli  dans  une  vie  relativement  courte 
tant  de  travaux  divers  et  d'une  telle  valeur. 

Je  parlerai  ici  seulement  de  Toauvre  de  POINCARE  en  Physique  mathematique, 
car  je  1'ai  beaucoup  etudiee  dans  ma  jeunesse.  Tous  les  jeunes  gens  de  ma 
generation  qui  s'interessaient  a  la  Physique  mathematique  se  sont  nourris  des 
livres  de  Henri  POINCAR^.  L'enseignement  de  la  Physique  math^matique  a  la 
Sorbonne  6tant  alors  un  peu  vieilli,  Paul  LANGEVIN  n'ayant  jamais  publi6  ses 
beaux  cours  du  College  de  France,  c'est  dans  les  livres  de  POINCAR£  que  nous 
pouvions  trouver,  exposes  sous  une  forme  parfaite,  les  rgcentes  theories  de  la 
Physique  et  cette  lecture  <5tait  de  celles  dont,  bien  des  ann^es  plus  tard,  on 
ressent  encore  les  bienfaits. 

.  Certains  auteurs  ont  distingu^  la  Physique  th6orique  de  la  Physique  math<3- 
matique  :  c'est  la  une  distinction  que  Henri  PoiNCARfi  lui-m^me  dans  ses 
c^l^bres  livres  de  Philosophic  scientifique  (La  Science  et  VHypothese,  La 
Valeur  de  la  Science,  Science  et  M6thode,  Dernieres  pensees)  n'a  jamais 
faite.  Je  crois  cependant  qu'elle  correspond  a  quelque  chose  d'important.  La 
Physique  math^malique,  c'est  Fexamen  approfondi  et  critique  des  theories  de 
la  Physique  par  un  esprit  entrain^  aux  speculations  math^matiques  ajGn  d'en 
am^liorer,  d'en  rendre  plus  rigoureuses  les  demonstrations,  afin  aussi  d'y 
trouver  des  themes  pour  ses  propres  recherches  math^matiques,  la  Physique 
ayant  souvent,  on  le  sait,  guide  les  geqm&tres  dans  leurs  d<3couvertes.  La 
Physique  th6orique  au  contraire,  c'est  la  construction  de  theories  aptes  a 
rendre  compte  des  faits  experimentaux  et  a  guider  le  travail  des  homines  de 


CELEBRATION  SOLENNELLE  DU  CENTENAIRE  A  LA  SORBONNE  LE  l5  MAI  IQ54.      63 

laboratoire  :  elle  n^cessite,  surtout  a  1'heure  actuelle,  des  connaissances 
mathematiques  etendues,  mais  n'est  pas  ordinairement  1'oeuvre  de  veritable* 
mathematiciens  :  ello  exige  une  grande  connaissance  des  fails  experimentaux 
et  surtout  une  sorte  d'intuition  physique  que  tous  les  mathematiciens  ne 
poss£dent  pas. 

POINCARE,  mathematicien  de  haute  classe,  esprit  penetrant  et  critique,  etail 
particuli^rement  design^  pour  s'occuper  avec  fruit  de  Physique  mathematique 
au  sens  que  nous  venons  de  definir.  II  n'y  manqua  pas  et  son  ceuvre  dans  ce 
domaine  est  considerable.  Quelques-uns  de  ses  remarquables  M^moires, 
plusieurs  de  ses  admirables  livres  sont,  aumoins  enpartie,  consacrds  a  preciser 
les  demonstrations  des  theories  classiques  de  la  Physique  et  a  en  affermir  les 
bases  par  de  nouveaux  modes  de  raisonnements.  Qu'on  se  rappelle  certaines 
methodes  nouvelles,  nolammentla  cel&bre  methode  dubalayage  qu'il  a  inventee 
pour  demontrer  dans  des  cas  de  plus  en  plus  etendus  le  principe  de  DIRICHLET 
dans  la  theorie  du  potentiel  newtonien,  ainsi  que  les  belles  analyses  qu'il  a 
consacrees  a  la  theorie  de  la  propagation  de  la  chaleur  de  FOURIER.  C'est 
uniquement  dans  son  livre  sur  la  theorie  de  FOURIER  que  les  etudiants  du  temps 
de  mon  adolescence  pouvaient  trouver  un  expose  complet  de  la  theorie  des 
int6grales  de  FOURIER  qui  est,  et  de  jour  en  jour  davantage,  necessaire  aux 
physiciens  :  les  integrales  de  FOURIER,  bagage  indispensable  pour  le  futur 
theoricien,  etaient  alors,  comme  les  fonctions  de  BESSEL  et  beaucoup  d'autres 
connaissances  capitales  pour  les  applications,  a  peu  pres  compl&tement  ignorees 
de  1'enseignement  general  dss  Mathematiques  a  la  Sorbonne.  C'est  egalement 
en  etudiant  la  propagation  de  la  chaleur  que  Henri  POINCAR^  a  reussi  par  de 
belles  et  mgenieuses  methodes  a  justifier  Fexistence  de  ce  que  nous  nommons 
aujourd'hui  les  <c  valeurs  propres  »  d'une  equation  differentielle  pour  des  condi- 
tions aux  limites  donnees,  ainsi  que  la  validite  des  developpements  en  serie  de 
fonctions  propres.  Toutes  ces  questions,  apparentees,  comme  POINCAR£  a  su 
le  montrer  par  de  profondes  analyses,  &  celles  relatives  au  principe  de 
DIRICHLET,  ont  considerablement  progresse,  peu  apr&s  les  travaux  de  POINCARE, 
par  la  decouverte  et  1'etude  des  equations  integrales,  puis  par  Tintroduction 
due  a,  HILBERT  de  1'espace  abstrait  qui  porte  son  nom.  II  est  inutile  de  rappeler 
le  r6le  capital  que  toutes  ces  questions  jouent  aujourd'hui  en  Physique  quan- 
tique  et  ceci  suffirait  a  montrer  la  portee  des  recherches  de  POINCARE  dans  ce 
domaine. 

A  la  Physique  mathematique,  se  rattache  aussilebel  expose,  reste  classique, 


64  DEUXIEME  PARTIE. 

que  PoiNCARfi  a  fait  de  la  Thermodynamique.  On  sail  que  cette  science  austere, 
surtout  quand  on  se  prive  volontairement  des  ressources  de  Pinterpreiation 
statistique  et  mole'culaire  de  BOLTZMANN  et  de  GIBBS,  est  difficile  a  presenter 
correctement  et  que  son  enseignement  est  plein  d'embuches.  L'expose  de 
Henri  POINCARE  est  reste  un  des  modeles  du  genre  et  aujourd'hui  encore  ceux 
qui  enseignent  la  Thermodynamique  onl  inte'ret  a  s'y  reporter.  D'ailleurs,  si 
PoiNCARfi  savait  a  1'occasion  s'en  tenir  au  point  de  vue  rigoureux  de  In  Physique 
des  principes,  il  n'ignorait  pas  la  valeur  des  theories  mole'culaires  et  statis- 
tiques  dont  il  a  dans  plusieurs  Memoires  etudie  les  divers  aspects  :  c'est  ainsi 
qu'on  trouve,  avec  un  peu  de  surprise  mais  beaucoup  de  profit,  un  expose'  de 
la  theorie  cinetique  des  gaz  dans  son  beau  livre  sur  Les  Hypotheses  cosmo- 
goniques. 

Mais,  si  POINCARE  a  apporte  comme  il  etait  naturel,  etant  donne'e  la  forme  de 
son  esprit,  d'edatantes  contributions  a  la  Physique  mathematique  entendue 
comme  nous  1'avons  definie  plus  haut,  il  a  aussi  su  faire  ceuvre  utile  et  origi- 
nate en  Physique  the'orique.  G'est  surtout  dans  le  vaste  domaine  de  1'Optique 
et  de  1'filectromagnetisme,  alors  en  pleine  p6riode  de  renouvellement,  qu'il  a 
su  lui-me'me  accomplir  une  oeuvre  de  theoricien  en  allant  de  1'avant  et  en 
decouvrant  des  id6es  et  des  interpretations  nouvelles.  II  connaissait  admira- 
blement  toutes  les  anciennes  theories  me'caniques  de  la  lumiere  qui  s'^taient 
succe'de'  depuis  FRESNEL  et  il  les  avaient  onalyse'es  dans  de  beaux  Ouvrages. 
II  avait  approfondi  la  the'orie  de  MAXWELL,  alors  peu  e'tudie'e  en  France,  et  il 
savait  comment  elle  englobe  et  generalise  toutes  les  tentatives  pr^cedentes  en 
r^alisant  une  admirable  fusion  de  1'Optique  et  de  Pfilectricite.  II  avait  suivi 
pas  &  pas  la  ddcouverte  des  ondes  hertziennes  et  de  leurs  propriet6s,  remar- 
quables  verifications  des  conceptions  de  MAXWELL  :  il  avait,  dans  les  debuts  de 
la  Radioelectricite,  critique  de  pres  les  resultats  experimentaux,  developpe 
les  interpretations  theoriques,  tenu  les  ingenieurs  au  courant  des  derniers 
progres  en  la  matiere  dans  de  savants  cours  faits  a  Fficole  superieure  des 
Telegraphes ;  il  avait  m6me  fait  des  exposes  plus  simples  pour  le  grand  public 
tels  que  le  resume  des  premiers  principes  de  la  T.  S.F.  contenu  dans  un 
fascicule  de  la  collection  Scientia.  Partout  il  avait  £te  sur  la  breche,  sachant 
evidemment  critiquer  et  preciser,  mais  sachant  aussi,  suivant  Tesprit  de  la 
Physique  theorique,  s'elancer  en  avant  pour  conquerir  un  terrain  nouveau 
sans  trop  se  preoccuper  de  rigueur  ou  de  perfection. 

Dans  de  beaux  Memoires  et  aussi  dans  son  grand  Ouvrage  Electricite  et 


CELEBRATION  SOLENNELLE  DU  CENTENAIRE  A  LA  SORBONNE  LE  l5  MAI  IQ54.      65 

Optique,  il  avail  discuie  les  df verses  formes  re'centes  de  la  lli^orie  eleclro- 
magnetique,  et  en  particulier  la  the'orie  des  Electrons  de  LORENTZ  dont  il 
appre'ciait  loule  la  porle'e.  Q  avail  beaucoup  r6fl6clii  a  la  question  du  naouve- 
menl  absolu  el  du  mouvemenl  relalif  donl  il  a  souvenl  parle"  dans  ses  6crils 
philosophiques  :  il  e'tail  convaincu  que  le  mouvemenl  absolu  n'avail  aucun 
sens  el  qu'on  ne  saurail  le  meltre  en  Evidence  el  il  ne  prenaii  pas  assez  au 
se'rieux  1'exislence  de  l'6lher  pour  croire  qu'on  parviendrail  a  d^celer  le  mou- 
vemenl relalif  d'un  observaleur  par  rapporl  a  ce  milieu  ficlif.  Aussi  n'£lail-il 
nullemenl  surpris  par  le  r6sullal  ne'galif  des  experiences  du  genre  de  celle 
de  MICHELSON  el  suivail-il  avec  inie'r^l,  el  sans  doule  un  peu  d'ironie  secrele, 
les  efforls  fails  par  LORENTZ  el  d'aulres  ihe'oriciens  pour  concilier  ce  r£sullal 
ne'galif  avec  1'exislence  de  I'e'lher. 

En  1904,  &  la  veille  des  iravaux  de'cisifs  d'Alberl  EINSTEIN  sur  ce  sujet, 
Henri  POINCARE  posse'dail  lous  les  e'le'menls  de  la  ihe'orie  de  la  Relalivile' .  II 
avail  approfondi  loules  les  difficulie's  de  1'fileclrodynamique  des  corps  en 
mouvemenl  el  il  connaissait  les  arlifices  inlroduils  successivernenl  sous  le 
nom  de  temps  local  de  LORENTZ  el  de  conlraclion  de  FITZGERALD  pour  lenir 
comple  de  1'invariance  des  equations  de  I'fileclromagne'lisine  el  des  r^sullals 
de  Fexp6rience  de  MICHELSON.  II  voyail  clairemenl  que  ccs  hypolhkses  fragmen- 
laires  inlroduiles  arbilrairemenl  Tune  apres  1'aulre  devaienl  faire  place  a  une 
ih^orie  g6n6rale  donl  elles  ne  seraient  que  des  cons6quences  parliculi^res. 
La  dynamique  de  l'6leclron  a  masse  variable  avec  la  vilesse,  d^ja  6ludi6e  par 
LORENTZ,  lui  e'tail  bien  connue  :  sachanl  qu'elle  enlraine  pour  les  corps  male'riels 
1'exislence  d'une  limile  supe'rieure  de  la  vilesse  ^gale  a  la  viiesse  de  la  lumiere 
dans  le  vide,  il  en  apercevail  loul  de  suile  les  consequences  quand  il  £crivail 
(Science  et  Methode,  p.  252)  :  «  On  pourrail  6Lre  lenie  de  raisonner  comme  il 
suil  :  un  observaleur  peul  alleindre  une  vilesse  de  200000,  km/s;  un  corps 
dans  son  mouvement  relalif  par  rapporl  a  1'observaleur  peut  atleindre  la  m^me 
vilesse  :  sa  vilesse  serail  alors  de  400000^mJ  ce  qu^  serail  impossible 
puisque  c'est  un  chiffre  sup^rieur  a  la  vitesse  de  la  lumi^re.  Ce  n'esl  la  qu'une 
apparence  qui  s'6vanouil  quand  on  lienl  compte  de  la  fagon  donl  LORENTZ 
lvalue  les  lemps  locaux  ».  Ce  lexie  monire  que  POINCARE  connaissail,  avani 
EINSTEIN,  les  formules  de  composilion  relalivisle  des  vilesses  el  d'ailleurs,  dans 
un  remarquable  Memoire  £cril  avanl  les  iravaux  d'EiNSTEiN  el  paru  dans  les 
Rendiconti  del  Circolo  matematico  di  Palermo,  ou  il  a  6tudi6  la  dynamique 
de  1'electron  d'une  fagon  approfondie,  il  a  donn^  les  formules  de  la  Gin£ma- 
lique  relalivisle. 

H.  P.  9 


66  DEUXIEME  PARTIE. 

II  s'en  est  done  fallu  de  pen  que  ce  soil  Henri  POINCARS  et  non  EINSTEIN,  qui, 
le  premier,  developpe  la  theorie  'de  la  Relativity  dans  toute  sa  g6neralite, 
procurant  ainsi  a  la  Science  francaise  la  gloire  de  cette  decouverte.  N'ecrivait-il 
pas,  en  effet,  dans  Science  et  Methode  (p.  240),  resumant  toute  son  expe- 
rience  de  la  question  :  «  Quoi  qu'il  en  soil,  il  est  impossible  d'echapper  a 
cette  impression  que  le  principe  de  relativity  est  une  loi  generale  de  la  Nature, 
qu'on  ne  pourra  jamais,  par  aucun  moyen  imaginable,  mettre  en  Evidence  que 
des  vitesses  relatives,  et  j'entends  par  la  non  seulement  les  vitesses  des  corps 
par  rapport  a  1'ether,  mais  les  vitesses  des  corps  les  uns  par  rapport  aux 
autres.  Trop  d'experiences  diverses  ont  donne  des  r£sultats  concordants  pour 
qu'on  ne  se  sente  pas  tente  d'attribuer  a  ce  principe  de  relativity  une  valeur 
comparable  a  celle  du  principe  d'equivalence  par  exemple.  II  convient  en  tout 
cas  de  voir  a  quelles  consequences  nous  conduirait  cette  facon  de  voir  et  de 
soumettre  ensuite  ces  consequences  au  controle  de  1'experience  ».  II  est 
impossible  d'etre  plus  pr&s  de  la  pensee  d'EmsTEiN. 

Et  cependant  POINCA.R&  n'a  pas  franchi  le  pas  decisif ;  il  a  laisse  a  EINSTEIN  la 
gloire  d'apercevoir  toutes  les  consequences  du  principe  de  relativite  et;  en 
particulier,  d'etablir,  par  une  profonde  critique  des  mesures  de  longueurs  et  de 
durees,  le  veritable  caract&re  physique  de  la  liaison  que  le  principe  de  la  rela- 
tivit6  6tablit  entre  Pespace  et  le  temps.  Pourquoi  POINCAR^  n'a-t-il  pas  6t6 
jusqu'au  bout  de  sa  pens^e?  C'est  sans  doute  la  tournure  iin  peu  trop  hyper- 
critique  de  son  esprit,  due  peut-6tre  a  sa  formation  de  mathematicien  pur,  qui 
en  est  la  cause.  Comme  on  le  rappellera  tout  a  Theure,  il  avait  une  attitude  un 
peu  sceptique  vis-a-vis  des  theories  physiques,  considerant  qu'il  existe  en 
general  une  infinite  de  points  de  vue  differents,  d'images  variees,  qui  sont 
logiquement  equivalents  et  entre  lesquels  le  savant  ne  choisit  que  pour  des 
raisons  de  commodite.  Ce  nominalisme  semble  lui  avoir  parfois  fait  meconnaitre 
le  fait  que,  parmi  les  theories  logiquement  possibles,  il  en  est  cependant  qui 
sont  plus  pr&s  de  la  realite  physique,  mieux  adaptees  en  tout  cas  a  Tintuition 
du  physicien  et  par  la  plus  aptes  a  seconder  ses  efforts.  C'est  pourquoi  le  jeune 
Albert  EINSTEIN  age  alors  seulement  de  25  ans  et  dont  Tinstruction  mathema- 
tique  etait  rudimentaire  en  comparaison  de  celle  du  profond  et  genial  savant 
frangais  est  cependant  arrive  avant  lui  a  la  vue  synthetique  qui,  utilisaut  et 
justifiant  toutes  les  tentatives  partielles  de  ses  devanciers,  a  balaye  d'un  seul 
coup  toutes  les  difficultes.  Coup  de  maitre  d'un  esprit  vigoureux  guide  par  une 
intuition  profonde  des  realites  physiques ! 


CELEBRATION   SOLENNELLE   DU   CENTENAIRE  A   LA  SORBONNE   LE    1 5   MAI    1964.  Q_ 

Cependant  I'e'blouissant  success  d'EwsTEiN  ne  doit  pas  nous  faire  oublier 
combien  le  probleme  avait  6t6  profond^ment  analyst  avant  lui  par  1'esprii 
lumineux  de  POINCAJUB  et  combien  celui-ci  avait  apporie'  de  contributions 
cssentielles  a  sa  future  solution.  Sans  LORENTZ  et  sans  PoiNCARfi,  EINSTEIN  n'eut 
pu  aboutir. 

Et  puisque  nous  avons  6t6  amenti  a  citer  le  beau  Me'moire  de  POINCAII&  dans 
les  Comptes  rendus  du  Cercle  mathernatique  de  Palenne,  n'oublions  pas 
de  rappeler  que,  6tudiant  la  stability  de  1' electron,  Imminent  ge'ometre  montrait 
qu'elle  ne  peut  6tre  assure'e  que  si,  aux  forces  electromagne'tiques  connues, 
s'ajoutait  une  force  de  nature  inconnue  «  la  pression  de  PoiNCARti  »  :  cette 
force  contrebalancant  1'effet  de  la  repulsion  mutuelle  des  diverses  parties  de 
1' electron  lui  permet  de  subsister  malgre'  cette  repulsion.  Ce  fut  la  une  de"cou- 
verte  'essentielle  et  aujourd'hui  encore,  bien  que  la  the'orie  de  1'existence  et  de 
la  structure  des  particules  ele'mentaires  ait  beaucoup  e'volue',  sans  parvenir 
d'ailleurs  a  un  stade  vraiment  satisfaisant,  on  entend  de  nouveau  souvent 
parler  de  la  pression  de  POINCAR&. 

Si  Ton  ajoute  a  tons  ces  travaux  sur  PElectromagne'tisme  et  les  electrons 
ceux  ou  POINCARB  a  6tudi^  les  ondes  hertziennes,  leur  production,  leur  propa- 
gation et  leurs  proprie'te's ,  on  voit  a  quel  point  il  fut  a  un  moment  donne'  a 
Fextr^me  pointe  de  1'avant-garde  des  the"oriciens  de  la  Physique  dans  leur 
marche  conque'rante. 

*  * 

Une  question  qui  pre'sente  une  grande  importance  a  la  fois  pour  la  Physique 
the'orique  et  pour  la  Philosophic  naturelle  tout  entiere  et  sur  laquelle 
Henri  POINCARIS  est  bien  des  fois  revenu  est  celle  du  de'terminisme  et  corr6la- 
tivement  celle  de  la  conception  du  hasard  que  la  croyance  au  de'terminisme 
entraine.  Aujourd'hui  ou  ces  questions  ont  e'te'  consid^r^es  sous  des  jours 
nouveaux,  il  est  tres  int^ressant  de  relire  les  textes  de  POINCARE.  Comme  tous 
les  savants  ses  contemporains,  POINCAR^  ne  parait  jamais  avoir  mis  en  doute 
que  tous  les  phe'nom&nes  physiques  jusqu'aux  plus  e'le'mentaires  sont  r6gis  par 
des  lois  rigoureuses,  par  un  de'terminisme  inflexible  qu'expriment  des  Equations 
diffe'renlielles  dont  les  solutions  sont  entierement  de'termine'es  quand  on 
connait  un  nombre  suffisant  de  donne'es  initiales.  Gette  foi  dans  le  de'termi- 
nisme Famenait  ne'cessairement  a  prendre  en  face  du  probleme  du  hasard 
Tattitude  qui  avait  e'te'  celle  du  grand  LAPLACE  dans  ses  Ouvrages  fondamentaux 
sur  le  Calcul  des  probabilite's.  Pour  POINCAR&  comme  pour  LAPLACE,  le  hasard 


68  DEUXIEME  PARTIE. 

veritable  n'existe  pas  :  s'il  j  a  un  liasard  apparent  dans  certains  ph&iom&nes 
de  la  Nature,  cetle  apparence  est  due  soil  a  notre  impuissance  de  r^soudre  un 
probltjme  trop  ardn  pour  les  forces  de  noire  esprit,  soit  a  notre  ignorance  des 
donnees  n^cessaires  a  sa  solution. 

Or,  Ton  sait  qu'a  la  suite  du  d^veloppement  de  nos  connaissances  sur  les 
ph£nom6nes  de  l^chelle  atomique  ou  les  quanta  inter  vienneiil  d'une  manure 
essentielle,  Popinion  de  la  plupart  des  physiciens  sur  cette  question  est 
devenue  tout  a  fait  diflferente.  Pour  eux,  a  1'echelle  atomique,  les  ph6nom£nes 
sont  purement  al^atoires  et  si,  a  l^chelle  microscopique,  il  nous  sembley  avoir 
des  lois  rigoureuses,  c'est  parce  que  les  ph^nomenes  macroscopiques  sont  le 
r^sultat  statistique  d'un  nombre  immense  de  ph£nom£nes  6l£mentaires.  Ce 
point  de  vue  est  exactement  Finverse  du  point  de  vue  classique  encore  soutenu 
par  PoiNCARfi  :  ce  ne  serait  pas  la  loi  rigoureuse  qui  serait  la  r6alit6  profoiide, 
la  loi  statistique  n'^tant  qu'une  apparence  macroscopique;  ce  serait  au 
contraire  la  loi  statistique  qui  serait  a  la  base,  la  loi  rigoureuse  n'^tant  qu'nne 
apparence  macroscopique.  Avec  cette  conception  et,  bien  que  la  loi  rigoureuse 
perde  sa  place  priviligi^e,  on  ne  peut  cependant  pas  dire  que  la  Nature  n'ob6it 
qu'au  caprice  puisqu'il  y  a  encore  des  lois  statistiques. 

Ces  id^es  nouvelles  et  sub  tiles,  g6n£ralement  admises  par  les  physiciens 
quantistes  d'aujourd'hui,  ont  6t6  sugg^r^es  par  des  d6veloppements  th^oriques 
que  PoiNCARfi  n'a  pas  connus.  Elles  ne  pouvaient  done  lui  6tre  accessibles. 
Aussi  parait-il  £tre  rest^  toute  sa  vie  partisan  intransigeant  du  d^terminisme 
congu  a  la  fagon  classique  et  de  la  conception  du  hasard  qu'ilentraine.  Adeptes 
convaincus  de  I'interpr^tation  purement  probabiliste  de  la  M£6anique  ondu- 
latoire,  la  plupart  des  physiciens  th(5oriciens  affirmeraient  done  a  Theure 
actuelle  que  PoiNCARfi  s'^tait  tromp^. 

Mais  s'est-il  r^ellement  tromp^  sur  ce  point? 

Sans  vouloir  entrer  ici  dans  des  explications  qui  m'entraineraient  trop  loin, 
je  rappellerai  cependant  que  des  savants  aussi  6minents  que  MM.  PLANCK, 
EINSTEIN  et  SCHRODINGER,  qui  furent  parmi  les  fondateurs  et  les  pionniers  de  la 
th^orie  des  quanta  lors  de  son  6closion,  n'ont  jamais  admis  I'lnterpr^tation 
purement  probabiliste  qu'on  a  ensuite  donn^e  de  la  Physique  quantique.  Je 
rappellerai  aussi  qu'une  tentative  fut  faite  en  1927  pour  donner  de  la  M6ca- 
nique  ondulatoire,  encore  toute  jeune,  une  interpretation  causale  et  d^termi- 
niste  conforms  aux  conceptions  classiques  :  cette  tentative,  la  th6orie  de  la 
double  solution,  j'en  fus  moi-m£me  Tauteur,  trois  ans  apr&s  avoir  6nonc^  les 


CELEBRATION  SOLENNELLE   DU  CENTENAIRE  A   LA  SORBONNE  LE    1 5   MAI    1964. 

69 

premieres  id^es  de  la  M^canique  ondulatoire.  Mais,  d^couragtS  par  le  peu 
d'attention  qu'avaient  accord^e  a  ma  conception  la  plupart  des  autres  physi- 
ciens  th^oriciens  d&s  lors  s^duits  par  Interpretation  purement  probabiliste 
de  MM.  BORN,  BOHR  et  HEISENBERG,  effrayg  aussi  des  difficult^  math6matiques 
considerables  que  soulevait  le  ddveloppement  de  la  th^orie  de  la  double  solu- 
tion, je  renongai  a  ma  tentative  et  pendant  des  ann6es  je  me  suis  ralli6  a 
Interpretation  couramment  admise.  A  ce  moment  je  pensais  done  et  j'ai  ecrit 
que  Henri  POINCARE  avait  fait  fausse  route  en  s'obstinant  dans  1'opinion  tradi- 
tionnelle  que  la  probability,  quand  elle  s'introduit  a  la  place  du  determinisme 
dans  les  theories  de  la  Physique,  provient  toujours  de  1'ignorance  ou  de  la 
reconnaissance  d'un  determinisme  cache.  A  1'heure  actuelle,  je  suis  sur  ce 
point  moins  affirmatif  qu'il  y  a  quelques  annees.  Depuis  environ  deux  ans,  en 
effet,  a  la  suite  des  travaux  de  jeunes  physiciens,  je  suis  revenu  a  une  etude 
plus  approfondie  de  mes  idees  d'il  y  a  20  ans  sur  la  double  solution.  Je  n'ose- 
rais  certes  pas  affirmer  que  Ton  puisse  parvenir  a  justifier  enticement  1'inter- 
pretation  deterministe  de  la  Mecanique  ondulatoire  propos6e  par  la  theorie 
de  la  double  solution,  mais  je  crois  Dependant  pouvoir  dire  que  quelques  pas 
onl  £t£  faits  dans  cette  direction.  Si  1'on  parvenait  a  aboutir  dans  cette  voie, 
alors  on  aurait  obtenu  une  image  causale  des  ph6nom&nes  d6crits  par  la 
M^canique  ondulatoire,  et  les  lois  de  probability,  qui  sontaujourd'hui  classiques 
en  Physique  quantique  et  qui  sont  certainement  exactes,  apparaitraient,  an 
m$rne  titre  que  dans  la  th^orie  cin6tique  des  gaz  ancienne,  comme  resultant 
de  notre  incapacity  a  suivre  dans  son  detail  un  d6terminisme  cach6.  Nous 
obtiendrions  ainsi  une  image  assur^mentbeaucoup  plus  claire  des  ph£nom£nes 
de  l'6chelle  corpusculaire  que  celle  qui  est  aujourd'hui  consid6r^e  comme 
orthodoxe  par  la  presque  unanimity  des  physiciens  quantistes.  Sans  retrouver 
int^gralement  toutes  les  conceptions  de  la  Physique  classique  (car  une  r6vo- 
lution  aussi  considerable  que  celle  de  1'apparition  des  quanta  en  Physique 
laisse  toujours  des  traces  profondes),  nous  nous  serions  cependant  beaucoup 
rapproch^s  d'elle  et  1'ardeur  de  POINCAR^  a  maintenir  intangibles  les  conceptions 
traditionnelles  dans  la  Science  sur  le  d6terminisme  et  le  sens  de  Fintervention 
des  probabilites  en  Physique  nous  apparaitrait  a  nouveau  comme  entikrement 
justifi^e. 

-¥•    ¥• 

Terminons  par  quelques  mots  sur  les  derniers  travaux  de  POINCAR£  relatifs  a 
la  th^orie  des  quanta.  II  ne  semble  pas  que  1'illustre  savant,  absorbs  par  tanl 


70  DEUXIEME   PARTIE. 

de  travaux  et  soumis  aux  nombreuses  obligations  quc  sa  cel^brit^  lui  imposait, 
ait  suivi  avec  attention  les  premiers  debuts  de  la  theorie  des  quanta.  Les  textes 
qu'il  a  ecrits  avant  1910  n'en  font  jamais  explicitement  mention  bien  qu'alors 
les  premiers  travaux  de  PLANCK  fussent  d^ja  vieux  de  plusieurs  ann6es.  Sa 
participation  au  Conseil  de  Physique  Solvay  en  octobre  1911,  reunion  ou 
furent  discut^s  tous  les  aspects  encore  fragmentaires  de  la  nouvelle  theorie, 
attira  vivement  son  attention  sur  1'importance  des  id£es  de  PLANCK.  II  £crivit 
un  beau  M^moire  pour  montrer  que,  si  Ton  voulait  rendre  compte  des  r^sultats 
exp^rimentaux,  il  <3tait  impossible  d'^viter  d'adopter  avec  PLANCK  I'hypothtjse 
des  quanta.  Dans  le  volume  posthume  Dernier es  pensees,  on  trouve  resumes 
en  langage  ordinaire  quelques-unes  des  remarques  et  des  conclusions  auxquelles 
1'avait  amen6  l'6tude  de  la  theorie  des  quanta.  II  avait  du  d'ailleurs  laisser 
la  plupart  des  questions  sans  r6ponse  bien  nette  et  les  progr^s  de  la  Science 
dans  ce  domaine  ont  depuis  lors  6t^  tels  que  les  considerations  d^velopp^es  a 
cette  6poque  n'ont  plus  aujourd'hui  un  grand  int£r£t.  Gependant  on  peut  noter 
que  Henri  POINCAR£  avait  tr6s  bien  vu  qu'un  quantum  de  lumi&re  ne  peut 
interf^rer  qu'avec  lui-m£me,  fait  essentiel  qui  aujourd'hui  sert  de  base  a 
Interpretation  statistique  de  la  theorie  quantique  de  la  lumi&re  et  plus  g6n£- 
ralement  de  la  M^canique  ondulatoire. 

Peu  de  temps  apr£s  avoir  efFectu^  ces  recherclies  sur  la  theorie  des  quanta, 
Henri  POINCARE  mourait  stibitement  au  d^but  de  juillet  1912,  a  la  suite  d'une 
operation,  a  Fage  de  58  ans.  II  est  infiniment  regrettable  que  ce  puissant 
cerveau  n'ait  pas  pu  suivre  le  d6veloppement  rapide  des  nouvelles  theories 
relativistes  et  quantiques  et  appliquer  a  leur  6tude  les  ressources  de  son  g6nie 
math^matique,  de  ses  immenses  connaissances  et  de  son  esprit  si  finement 
critique.  Sans  doute,  il  n'aurait  pas  vu  sans  6tonnement  la  Physique  renoncer 
a  quelques-unes  des  id6es  qui  lui  <$taicnt  les  plus  chores,  comme  celle  du 
d^terminisme  des  ph^nom&nes.  Mais  il  ^tait  trop  perspicace  pour  nc  pas 
s'adapter  rapidement  a  des  id^es  nouvelles,  en  comprendre  Tint^r^t  ou  en 
discuter  Pexactitude.  Quels  services  il  eut  pu  rendre  a  la  jeune  theorie  des 
quanta  encore  si  incertaine  dans  ses  demarches,  a  la  future  M^canique  ondu- 
latoire aux  debuts  si  difficiles  ! 

Qu'on  me  permette  de  terminer  par  un  souvenir  personnel.  Ag6  en  1912 
de  19  anSj  je  suivais  avec  passion  le  d6veloppement  de  la  Physique  nouvelle  et 
je  relisais,  sans  me  lasser,  les  cours  de  Physique  math&natique  et  les  Ouvrages 
de  Philosophie  des  Sciences  de  Henri  POINCARE.  Partant  pour  la  campagne  au 


CELEBRATION  SOLENNELLE  DU  CENTENAIRE  A  LA  SORBONNE  LE  id  MAI  1964.      71 

debut  des  grandes  vacances,  j'appris  dans  le  train  en  lisant  le  journal  la  mort 
subite  de  ce  grand  penseur :  j'eusl'impression  d'une  catastrophe  qui  decapitait 
brutalement  la  Science  francaise  au  moment  ou  la  grande  revolution  que  je 
sentais  se  preparer  en  Physique  rendait  sa  presence  si  ne'cessaire.  J'ai  souvent 
pense  depuis  que  je  ne  m'etais  pas  trompe  en  ressentant  si  vivement  la  perte 
irreparable  que  la  Science  venait  de  subir. 

DISCOURS  DU  DUG  MAURICE  DE  BROGLIE 

DE  L'ACADEMIE  FRANCAISE, 
PRESIDENT  DE  L'ACADEMIE  DES  SCIENCES. 

Henri  Poincare  et  la  Philosophic. 

Henri  POINCAIIJS  a  ete  un  mathematician,  de  genie,  mais  ce  ires  grand  savant 
fut  aussi  un  pbilosophe  qui  s'est  penche  sur  le  sens  qu'il  convenait  d'attribuer 
a  nos  conceptions  et  a  nos  theories. 

En  acceptant  de  me  risquer  a  dire  quelques  mots  sur  la  philosophic  de  ce 
maitre  Eminent,  j'avoue  que  j'ai  quelque  inquietude. 

D'abord,  je  ne  suis  pas  un  philosophe  et  ensuite  je  sens  bien  que  ce  n'est 
pas  en  consacrant  un  court  espace  de  temps  a  lire  les  Ouvrages  de  Philosophic 
d'Henri  POINCAR^  qu'il  est  legitime  de  porter  sur  eux  un  jugement  serieux. 
Une  seule  chose  me  rassure  un  pen  :  ces  Ouvrages  datent  deja  d'une  cinquan- 
taine  d'annees ;  la  Science  a  fait  depuis  de  grands  progres  auxquels  ma  gene- 
ration a  assiste,  on  peut  done  se  rendre  compte  de  la  facon  dont  PoiNCARti 
considerait  1'avenir  de  cette  Science  et  apprecier  dans  quelle  mesurej  ce  qui 
etait  le  fulur  pour  lui,  devenu  le  present  pour  nous,  a  justifie  ou  infirm e 
quelques-uns  de  ses  points  de  vue  :  c'est  cela  seulement  que  je  vaisrelracerici. 

On  peut  imaginer  un  jeune  homme  d'aujourd'hui  trouvant  dans  la  biblio- 
theque  de  ses  parents,  La  Valeur  de  la  Science,  La  Science  et  VHypothese, 
,  Science  et  Methode^  volumes  probablement  bien  relies  comme  on  le  faisait 
alors  pour  dcs  Ouvrages  dont  le  contenu  paraissait  precieux;  ce  jeune 
homme  est  attire  par  leur  lecture  en  esperanty  trouver  des  lueurs  prophetiques 
sur  1'avenir  que  cette  fin  du  xix°  siecle  portait  en  gestation  et  qui  s'est  revele  si 
charge  de  decouvertes  et  de  conceptions  nouvelles ;  faut-il  dire  qu'en  refermant 
le  volume  on  pourra  lire  quelque  deception  dans  sa  curiosite  et  quelque 
embarras  dans  son  jugement;  c'est  cependant  cc  qui  aura  eu  chance  de  se 


72  DEUXIEME  PARTIE. 

produire,  cc  qu'il  faut  bien  constater  et  chercher  a  expliquer  dans  1'ceuvre 
d'un  homme  dont  le  genie  math^matique  comme  la  profondeur  de  pens^e  sont 
egalement  incontestables. 

II  ne  faut  pas  oublier  la  date  a  laquelle  ces  Ouvrages  furent  Merits;  on  ne 
pcut  pas  s^parer  un  homme  de  son  ^poque,  si  grand  que  puisse  £tre  son  g^nie, 
surtout  si  c'est  un  £crivain  scrupuleux  et  defiant  vis-a-vis  des  £lans  proph£~ 
tiques  vers  le  futur. 

La  Valeur  de  la  Science  est  de  1900,  La  Science  et  VHypothese  de  1906, 
Science  et  methods  de  1908  et  le  livre  posthume  intituled  Dernier es  pensees  a 
paru  en  igi3. 

Pendant  le  dernier  quart  du  siecle  dernier,  les  tr&s  grands  d^veloppements 
de  la  Science  avaienl  donn6  a  toutc  une  g£n6ration  Fimpression  que  celle-ci 
£tait  en  train  de  se  cristalliser,  que  toutes  ses  grandes  avenues  avaient  pris 
leur  direction  definitive  et  que  les  perfectionnements  futurs  ne  porteraient 
plus  que  sur  des  details  destines  a  mieux  ordonnancer  la  majestueuse  structure 
des  fails  et  des  theories.  Cepcndant  dans  les  toutes  derni&res  ann^es  du 
xixc  si&cle,  de  grandes  d^couvertes  s'^taient  r£v(U<3es,  les  quanta  de  PLANCK,  la 
relativity  d'EiNSTEiN,  la  radioactivite  de  BECQUEREL  et  des  CURIE;  mais  leurs 
developpements,  bien  que  rapides,  n'en  avaient  pas  encore  degag6  la  pleine 
signification.  Ce  nouval  essor  n'avait  certes  pas  (5chapp6  a  Henri  POINCARE;  il 
le  suivait  avec  grand  int£r6t. 

En  1911,  d^ja  gravement  atteint  par  la  maladie  qui  devait  1'emporter  ljann<5e 
suivante,  il  s'dtait  rendu  a  Bruxelles  pour  suivre  les  travaux  du  premier 
Congrtis  Solvay;  le  temps,  Mas,  devait  lui  manquer  pour  en  tirer  toutes  les 
consequences. 

Louis  DE  BROGLIE  parle  aujourd'hui  des  theories  do  Physique  math&nalique 
que  POINCARE  a  etudi(5es;  il  rend  hommage  aux  contributions  pleines  de  valeur 
qu'il  a  apport(5es  dans  la  presentation  et  la  perfection  math&natique  de  cette 
partie  de  son  ceuvre,  je  n'insisterai  done  pas  sur  ce  point,  mais  je  ferai  seule- 
ment  allusion  a  la  diflf<5rence  profonde  qui  s<3pare  ce  que  Ton  appelle  souvent 
la  Physique  th^orique  et  la  Physique  mathtoatique.  La  premiere  de  ces 
disciplines  concerne  les  theories  que  les  physicians  ^laborcnt  pour  guider  les 
recherches  et  presenter  des  points  de  vue  nouveaux  deslin^s  a  ouvrir  des 
voies  neuves  a  rexp6rimentation;  la  seconde  comprend  1'examen  math&matique 
et  critique  des  ih^ories  d^ja  assises  pour  leur  apporter  la  rigueur  qui  doit  en 


CELEBRATION  SOLENNELLE  DU  CENTENAIRE  A  LA  SORBONNE  LE  1 5  MAI  1964.      78 

faire  une  branche  satisfaisante  des  sciences  math^matiques.  Dans  sa  lee.  on 
inaugurate  du  College  de  France  en  1962  M.  Andr£  LICHNEROWICZ  a  magistrale- 
ment  analyst  les  divergences  de  ces  deux  attitudes  et  soulign6  les  imperfections 
que  pre*sentent  souvent  les  id^es  6mises  par  les  physiciens  th£oriques,  imper- 
fections qui  ne  les  emp£chent  aucunement  de  rendre  les  plus  ^minents  services. 

Ce  sont  le  plus  souvent  ces  embryons  hatifs  et  quelque  peu  £chevel6s  de 
th^orie  qui  ont  jou6  le  role  fondamental  dans  les  progr&s  de  la  Physique  a 
Fdpoque  contemporaine  et  donn<5,  sous  ce  rapport,  une  grande  c£l^brit6  a  leurs 
auteurs;  le  travail  des  math£maticiens  est  moins  spectaculaire  etl'on  s'explique 
ainsi  comment  il  se  fait  qu'Henri  POINCAR&  n'ait  pas  attach^  sonnom  aux  mani- 
festations les  plus  connues  de  ces  guides  et  de  ces  promoteurs  de  la  Recherche, 
parce  qu'il  s'agit  en  r£alit6,  la,  de  deux  orientations  bien  diflferentes  del'esprit. 

Les  grands  novateurs  ne  s'embarrassent  pas  des  difficult^  que  pr^sente  ce 
qu'il  y  a  parfois  de  contradictoire  et  d'inachev^  dans  leurs  conceptions;  pour 
n'en  citer  qu'un  exemple  la  th^orie  de  BOHR  sur  les  orbites  6lectroniques  de 
Fatome,  pr6sent6e  sous  sa  forme  initiale  £tait  une  sorte  de  monstre,  s'appuyant 
d'une  part  sur  les  theories  classiques  et  d'autre  part  sur  des  id£es  nouvelles 
incompatibles  avec  la  continuity  qui  est  a  la  base  des  premieres.  Cela  ne  1'a 
pas  emp£ch6  d'avoir  rencontr6  tout  de  suite  un  succ&s  <5clatant  et  d'avoir  jet6 
la  lueur  la  plus  vive  sur  la  constitution  des  atonies  et  remission  de  leurs  spectres 
demission  et  d'absorption,  tout  a  fait  inintelligibles  auparavant.  Les  raffine- 
ments  viennent  ensuite,  mais  souvent  alors  aussik  th^orie  primitive  a  tellement 
£volu£  qu'elle  se  pr^sente  sous  un  jour  tout  nouveau.  Lahardiesse  et  1'intuition 
d'un  c6t^,  la  rigueur  et  1'esprit  critique  de  1'autre,  voila  les  caract^ristiques  de 
chacun  de  ces  points  de  vue. 

On  a  toujours  une  certaine  repugnance  a  abandonner  la  logique  bien  qu'on 
soit  souvent  un  peu  trop  port£  a  le  faire  aujourd'hui,  cependant  la  rigueur 
absolue  est  une  chim&re  dans  cet  ordre  d'id^es. 

On  peut  faire  une  carte  exacte  des  fitats-Unis  d'Am^rique,  quoiqu'il  y  ait 
des  regions  inexplor<5es  dans  FAfrique  centrale  ou  le  bassin  de  FAmazone, 
mais  la  nature  est  une,  et  dans  tous  les  cantons  de  la  Physique,  on  ne  peut 
esp^rer  raisonner  correctement,  alors  qu'il  y  a  tant  de  choses  inconnues  dans 
les  myst&res  de  la  Mati&re. 

PoiNCARfi,  Iui-m6me,  reconnait  nettement  les  diflferentes  tendances  des 
mathgmaticiens  quand  il  6crit  : 

«  Que  Fesprit  du  math6maticien  ressemble  peu  a  celui  du  physicien  ou  & 
H.  P.  10 


74  DEUXIEME  PARTIE- 

celui  du  naturaliste,  tout  le  monde  en  conviendra,  mais  les  mathe'maticiens 
eux-me'mes  ne  se  ressemblent  pas,  les  uns  ne  connaissent  que  Pimplacable 
logique,  les  autres  font  appel  £  1'inluition  et  voient  en  elle  la  source  unique  de 
la  de"couverte  » ;  il  dira  plus  loin  :  «  La  logique  qui  peut  seule  donner  la  certi- 
tude est  Pinstrument  de  la  demonstration,  Pintuition  est  1'instrument  de 
Pinvention  ». 

La  notion  du  temps,  commc  celle  de  Fespace,  et  de  ses  dimensions  est  une 
de  ses  preoccupations  favorites,  il  1'examine  avec  une  profondeur  qui  n'a 
guere  et£  de'passee;  on  sent  chez  lui,  Pinfluence  des  idees  premieres  de  la 
Relativit6  et  de  ses  convictions  dtHerministes  ausquelles  il  aurait  beaucoup  de 
repugnance  a  renoncer. 

Dans  le  chapitre  intitule'  «  1' Analyse  et  la  Physique  »,  rinfluence  du  langage 
employe"  retient  son  attention.  A  propos  de  la  chaleur  et  de  Pelectricite",  il 
montre  combien  d'erreurs  sont  re"sulte"es  de  ce  que  la  chaleur  n'est  pas  une 
chose  qui  se  conserve,  tandis  que,  plus  heureuse,  I'appelhtion  d'e'lectricite' 
contenait  implicitement  un  principe  de  conservation  qui  n'a  pas.  e"te"  dementi 
par  la  Physique  la  plus  re'cente. 

Tout  le  chapitre  destin^  a  montrer  les  services  mutuels  que  se  sont  rendus 
1' Analyse  et  la  Physique  n'a  pas  vieilli  et  reste  plein  d'enseignements.  POINCAR£ 
insiste  sur  PAstronomie  qu'il  avait  tant  approfondie  et  qu'il  considere  comme 
la  mere  des  theories  de  la  Physique.  Sa  grandeur  et  sa  simplicity,  sa  conception 
de  forces  centrales  e'manant  en  premiere  approximation  de  points  mathe'ma- 
tiques,  le  triomphe  qu'elle  assui'a  a  la  me'canique  en  font  un  modele  que 
s'efforcent  de  suivre  les  physiciens  du  xx°  siecle.  C'est  un  beau  sujet  de  mgdi- 
tations  qu'il  ne  manque  pas  de  de"velopper  avec  puissance  et  darte*. 

Parlant  ensuite  de  Phistoire  de  la  Physique  mathe"matique,  il  y  trouve 
d'abord  la  Physique  des  forces  centrales,  inspire'e  par  PAstronomie  et  ou  la 
notion  de  centres  de  forces  introduit  force'ment  Pid£e  d'atomes  ou  de  molecules, 
et  la  Physique  des  principes  qui  permet,  dans  des  raisonnements  du  type 
thermodynamique,  de  ne'gliger  le  de'tail  des  me'canismes. 

Mais  ces  principes,  que  sont-ils?  C'est  la  peut-^tre,  que  notre  grand  savant 
subit  Pinfluence  de  son  £poque,  mais  il  voit  les  perils  qui  menacent  la  certi- 
tude affirme'e  de  ces  principes.  Les  experiences  de  GOUY  sur  le  mouvement 
brownien  ne  vont-elles  pas  mettre  en  p6rille  principe  de  GARNOT,  la  d^couverte 
du  radium  ne  risque-t-elle  pas  d'^branler  notre  confiance  dans  le  principe  de 
la  conservation  de  IMnergie?  PorN<HR£,  un  peu  inquiet,  cherche  a  se  rassurer 


CELEBRATION  SOLENNELLE   DU  CENTENAIRE   A  LA  SORBONNE   LE    l5   MAI    1964.  ?5 

en  songeant  que  toutes  les  derogations  observees  ne  concernent  que  des  infi- 
ment  petits,  nous  verrons  plus  tard  que  la  chose  est  plus  grave  et  nous  aurons 
Foccasion  d'y  revenir. 

Quand  1'auteur  s'occupe  de  la  notion  du  raisonnement  mathematique,  de  la 
definition  des  operations  sur  les  nombres,  ilmontre  1'importance  fondamentale 
du  raisonnement  par  recurrence  pour  creer  une  science,  puis  il  passe  aux 
incommensurables,  au  continu  mathematique  a  une  ou  plusieurs  dimensions  et 
en  arrive  a  son  sujet  de  predilection,  les  considerations  sur  Fespace,  espace 
tactile,  espace  visuel,  espace  abstrait,  diverses  geometries  possibles  et  il  conclut 
sur  une  proposition  qu'il  reproduira  souvent  ailleurs.  La  G^ometrie,  dit-il,  la 
Geometrie  fondee  sur  1'experience  ancestrale  de  1'humanite  n'est,  en  realitu, 
que  la  plus  commode  :  la  Geometrie  n'est  pas  vraie,  elle  est  avantageuse. 

Science  et  Methods  est  un  Ouvrage  d'un  genre  un  peu  different  et  qui  ne 
semble  pas  s'adresser  tout  &  fait  a  la  m&me  categorie  de  lecteurs  qiie  les 
precedents;  on  peut  y  noter  que  1'auteur,  en  constatant,  helas!  il  y  a  4o  ans, 
que  1'Europe  domine  actuellement  le  monde,  attribue  cette  superiorite  a  1'heri- 
tage  des  Grecs  dont  1'elegance  et  la  beaute  ont  prepare  la  suprematie  intellec- 
tuelle  des  Europeens  sur  les  Barbaras. 

PoiNCARfi  revient  souvent  a  propos  de  1'avenir  des  matliematiques  sur  la 
notion  d'harmonie  et  d'elegance,  qui  pennet  aux  solutions  qu'elle  inspire 
d'atteindre  au  grand  rendement  et  de  mesurer  ainsi  la  valeur  des  conceptions 
nouvelles. 

Passant  alors  a  la  Mecanique,  POINCAR&  commence  par  insister  sur  le  fait 
que  cette  science,  contrairement  a  certaines  tendances  qui  la  presentaient 
comme  une  connaissance  deductive  et  a  priori,  est  au  fond  une  science 
purement  experimentale;  c'est  un  point,  de  vue  exact,  mais  qu'il  a  beaucoup 
contribue  a  faire  triompher.  Malgre  son  appareil  mathematique  souvent 
imposant,  la  Mecanique  est  aussi  experimentale  que  la  Physique. 

II  y  avait  la,  quand  m6me  quelque  chose  d'un  peu  inquietant.  Bien  que 
POINCAR&  trouve  superflues  les  craintes  exprimees  par  HERTZ  quand  il  disait  : 
«  Dans  1'opinion  de  beaucoup  de  physiciens,  il  apparaitra  comme  inconcevable 
que  1'experience  la  plus  eloignee  puisse  jamais  changer  quelque  chose  aux 
inebranlables  principes  de  la  Mecanique  et  cependant,  ce  qui  sort  de  1'expe- 
rience  peut  toujours  £tre  modifie  par  Pexp6rience  »,  on  sent  qu'il  n'est  plus 
tout  §.  fait  &  1'aise  quant  ^t  la  perennite  de  ses  principes. 

L' Ouvrage  posthume  Dernier es  pensees  debute  par  des  considerations  sur 


76  DEUXIEME  PARTIE. 

Involution  des  lois  de  la  Nature  :  question  alors  pose"e  par  BOUTROUX.  L'auteur 
essaye  d'^valuer  par  les  lois  de  la  Thermodynamique  le  temps  qui  s'est  e'coule' 
depuis  que  le  Soleil  a  pu  verser  sa  chaleur  et  trouve  5o  millions  d'anne'es, 
cliifFre  e"videmment  peu  compatible  avec  les  estimations  de  la  Geologic.  Nous 
posse'dons  aujourd'hui  des  donn^es  bien  diff^rentes  sur  1'origine  et  le  maintien 
de  la  chaleur  des  etoiles;  mais  POINCARJ&  avait  bien  vu  qu'une  confrontation 
entre  les  diverses  sciences  posait  des  problemes  qui  paraissaient  alors 
insolubles. 

Uii  peu  plus  loin  se  trouve  cette  profonde  remarque  : 

<c  A  quoi  bon  se  demander  si  dans  le  monde  des  cltoses  en  soi,  les  lois 
peuvcnt  varier  avec  le  temps,  alors  que  dans  un  pareil  monde  le  mot  de  temps 
est  peut-£tre  vide  de  sens.  De  ce  que  le  monde  esL,  nous  ne  pouvons  rien  dire, 
ni  rien  penser,  mais  seulement  de  ce  qu'il  parait,  ou  pourrait  paraitre  a  des 
intelligences  qui  ne  difFereraient  pas  trop  de  la  noire  ». 

Laissons  de  cote"  les  reflexions  math6maliques  sur  1'espace,  la  logique  do 
I'infhri,  et  venons-en  aux  derniers  chapitres,  inspires  par  le  voyage  de  I'auleur 
a  Bruxelles  pour  le  Congres  Solvay  de  1911.  «  On  peut  se  demander  »,  ecrit-il, 
«  si  la  Me'canique  n'est  pas  a  la  veille  d'un  nouveau  bouleversement,  les  physi- 
ciens  de  Bruxelles  parlaient  d'une  me'canique  nouvelle  qu'ils  opposaient  a  la 
mecanique  ancienne,  or,  qu'e'tait-ce  que  cette  me'canique  ancienne,  6tait-cc 
celle  de  NEWTON?  non,  c'e"tait  celle  de  LORENTZ  avec  le  principe  de  relativito, 
qui,  il  y  a  cinq  ans  a  peine,  paraissait  le  comble  de  la  hardiesse  ».  Je  me  rappelle 
qu'un  jour  a  Bruxelles,  comme  EINSTEIN  exposait  ses  idees,  POINCARS  lui 
demanda  :  «  Quelle  mecanique  adoptez-vous  dans  vos  raisonnemcnts  ?  » 
EINSTEIN  lui  r6pondit  :  «  Aucune  me'canique  »  ce  qui  parut  surprendre  son 
interlocuteur. 

POINCAR^,  continuant  le  d^roulement  de  ses  reflexions  e'crit  :  «  Une  hypo- 
these  s'est  d'abord  presentee  a  Fesprit  de  M.  PLANCK,  mais  tellement  Strange 
qu'on  etait  tente  de  chercher  tous  les  moyens  de  s'en  afFranchir;  ces  moyens, 
on  les  a  vainement  cliercli6s  jusqu'ici.  Et  cela  n'emp^clie  pas  que  la  nouvelle 
the'orie  souleve  une  foule  de  difficulte's,  dont  beaucoup  sont  r^elles  et  ne  sont 
pas  de  simples  illusions  dues  a  la  paresse  de  notre  esprit,  qui  r6pugne  a 
changer  ses  habitudes. 

«  II  est  impossible,  pour  le  moment  »,  poursuit-il,  «  de  pr^voir  quelle  sera 
Tissue  finale;  trouvera-t-on  une  autre  explication  entierement  diff^rente?  ou 
bien,  aucontraire,  les  partisans  de  la  nouvelle  the'orie  parviendront-ils  a  ^carter 


CELEBRATION  SOLENNELLE  DU  CENTENAIRE  A  LA  SORBONNE  LE  l5  MAI  1964.      77 

les  obstacles  qui  nous  emp&chent  de  1'adopter  sans  reserve?  La  discontinuity 
va-t-elle  regner  sur  1'univers  physique  et  son  triomphe  est-il  d6finitif  ?  ou  bien 
reconnaitra-t-on  que  cette  discontinuity  n'est  qu'apparente  et  dissimule  une 
s^rie  de  processus  continus.  Le  premier  qui  a  vu  un  choc  a  cru  observer  un 
ph6nomene  discontinu,  et  nous  savons  aujourd'hui,  qu'il  n'a  vu  que  1'effet  de 
changements  de  vitesse  tres  rapides,  ma  is  continus.  Chercher  des  aujourd'hui, 
a  donner  un  avis  sur  ces  questions,  ce  serail  perdre  son  encre  ». 

Telles  furent  les  dernieres  pense"es  d 'Henri  PoiNCARfi.  De  son  temps  on 
tendait  a  envisager  le  noyau  de  1'atome  comme  un  monde  ferm^,  complement 
ind^pendant  du  monde  ext^rieur,  toute  la  Physique  nucl&ure  est  pr^cise'ment 
base'e  sur  le  contraire. 

Cela  s'explique  par  Te'tal  de  la  Science  qui,  m6me  dans  les  dernieres  ann6es 
du  XXe  siecle  n'6tait  pas  parvenue  a  mettre  en  ceuvre  les  moyens  nouveaux.  qui 
permettent  de  franchir  cette  barriere  qui  entoure  le  noyau;  le  plus  efficace 
d'entre  eux,  le  neutron,  ne  devait  £tre  d(§couvert  que  bien  longtemps  apr£s. 

Qu'un  esprit  exceptionnel,  comme  celui  de  POINCAR£,  n'ait  pu  soupconner 
tout  cela,  c'est  la  preuve  de  1'immense  bond  en  avant  qu'il  6tait  reserve"  a  la 
Physique  d'accomplir  dans  la  p^riode  qui  commencait  a  s'ouvrir. 

Ces  quelques  citations  permettent  de  dire  qu'Henri  POINCAR^,  malgr^  la 
tournure  parfois  un  peu  sceptique  de  son  esprit,  avait  bien  entrevu  la  r£ vo- 
lution qui  se  pr^parait,  et  font  regretler  encore  davantage  sa  disparition 
pre"maturee.  Sans  doute,  au  contraire,  si  le  flambeau  de  sa  merveilleuse 
intelligence  avait  pu  nous  e*clairer  un  peu  plus  longtemps  aurait-il  illuming  les 
nouvelles  routes  que  les  sciences  physique  s'appr6taient  a  suivre, 

Que  dire  du  dernier  chapitre,  La  Morale  et  la  Science  qui  termine  cet 
Ouvrage?  L'auteur  voit  bien  les  exces  des  deux  tendances  qui,  Tune,  estime 
que  demain  la  Science  batira  la  Morale  comme  elle  a  bati  1'Astronomie  et  la 
Physique  et  par  les  m£mes  proce'de's,  et  1'autre,  au  contraire,  craint  qu'en 
laissant  agir  les  savants,  il  n'y  ait  bientot  plus  de  Morale  du  tout;  il  croit 
g£n£reusement  que  sans  pouvoir,  a  'elle  seule,  cre'er  une  Morale,  la  Science 
peut  contribuer  par  son  influence,  a  1'aflermir.  La  question  est  toujours 
ouverte;  maintenant  que  Fhomme  a  sur  la  Nature,  une  puissance  qu'il  n'a 
jamais  posse'de'e  auparavant,  peut-on  dire  que  la  Morale  a  progress^,  ou  m&me 
qu'elle  n'a  pas  recule",  le  fanatisme  a-t-il  diminu^  sur  la  Terre?  Le  respect  dela 
personnalit^  humaine  et  I'ide'al  de  la  liberty  ne  sont-ils  pas  plus  gravement  menaces 
que  jamais?  Nous  sommes  loin  de  la  s^r6nit6  de  la  Philosophic  des  sciences. 


78  DEUXIEME  PARTIE. 


ALLOCUTION  DE  M.  GASTON  JULIA 

DE  L'ACADEMIE  DES  SCIENCES 
PRESIDENT  DU  COMITE  D'ORGANISATION. 


L 'Edition  des  CEuvres   d 'Henri  Poincare. 

MONSIEUR  LE  PRESIDENT  DE  LA  REPUBLIQUE, 

MESSIEURS  LES  MINISTRES, 

MON  CHER  SECRETAIRE  PERPETUEL, 

J'ai  1'honneur  de  vous  remetlre  le  dixieme  volume  des  oeuvres  d'Henri 
POINCARE. 

Avec  ce  dixieme  volume  s'acheve  Petition  entreprise  des  la  mort  d'Henri 
PoiNCARfi  par  Gaston  DARBOUX,  Secretaire  perpe"tuel  de  notre  Acade'mie. 

MESDAMES,  MESSIEURS, 

Dans  Fe'loge  historique  du  disparu,  qu'il  prononga  au  cours  de  la  stance  du 
1 5  d6cembre  1918,  Gaston  DARBOUX  s'exprimait  ainsi  : 

«  Pour  nous,  qui  le  regretterons  toujours,  nous  lui  rendrons  1'hommage 
auquel  il  aurait  e'te'  le  plus  sensible,  en  veillant,  avec  le  concours  et  1'assen- 
timent  de  ses  proches,  a  la  publication  de  ses  ceuvres  mathe'matiques.  Le 
monument  que  nous  lui  eleverons  ainsi ,  sera  celui  qu'il  aurait  le  plus 
volontiers  agre'e';  il  prolongera  son  action  et  lui  suscitera  des  eleves  qu'il 
n'aura  pas  connus.  » 

EjDfectiveinent,  dans  le  courant  de  1916,  paraissait  d'abord  le  tome  II,  dont 
notre  Eminent  ami  le  Professeur  N.  E.  NORLUND,  ancien  eleve  d'Henri  POINCAR^ 
et  d'fimile  PICARD  a  la  Sorbonne,  venait  d'e"tablir  le  manuscrit.  Ce  tome  II 
rendait  accessible  aux  mathe'maUciens  tout  Fensemble  des  travaux  sur  les 
fpnctions  fuchsiennes,  qui  e"tait  devenu  introuvable  dans  les  bibliotheques,  les 
tomes  des  Aota  mathematica  qui  les  contenaient  ayant  le  plus  souveht  6migr6 
^  d$s  collections  prive'es.  Je  me  souviens,  aujourd'hui  encore,  de  1'extra- 
iiiipres,si0n  de  grandeur  quc  je  ressehtis,  lorsqu'au  d^but  de  19*7, 
p©Ur  uJa  mois  dans  une  cellule  du  Val  de  Gr&ce  sous  Finculpation  de 


CELEBRATION  SOLENNELLE  DU  CENTENAIRE  A  LA  SORBONNE  LE  l5  MAI  1054,      79 

diphterie,  je  devorai  litteralement  ce  tome  II  que  j'avais  reclame  pour  me 
distraire. 

La  guerre  ayant,  par  ses  suites  financiSres,  rendu  tr&s  difficile  la  poursuite 
de  1'edition,  il  fallut  attendre  que  la  journee  Pasteur  fournit  a  1'Academie  les 
moyens  de  continuer;  c'est  ainsi  que  Paul  APPELL,  assiste  de  Jules  DRACH, 
publia  le  tome  I  en  1928,  et  que  Jules  DRACH  publia  le  tome  III  en  1984. 

Les  vicissitudes  que  vous  connaissez  interrompirent  encore  une  fois  1'edition. 

En  juillet  1948,  un  congr&s  de  mathematiciens  a  Geneve  manifesta  par  un 
vo3u  son  desir  de  voir  reprendre  au  plus  tot  1'edition  interrompue  et  il  me 
chargea  de  le  communique  a  1'Academie.  Mais  les  conseilleurs  ne  sont  pas 
souvent  les  payeurs,  et  1'Academie,  appauvrie  par  les  devaluations  successives, 
ne  pouvait  que  manifester  le  m6me  desir  et  constater  son  impuissance.  Songez 
aux  ruines  qui  couvraient  encore  a  cette  epoque  notre  pauvre  pays. 

C'est  alors  que  nos  secretaires  perpetuels  voulurent  bien  m'encourager  a 
presenter  a  1'Academie  un  plan,  que  je  leur  avais  soumis  d'abord,  pour 
poursuivre  1'edition  en  associant  les  «  Amis  de  1'ficole  Polytechnique  »  a 
sa  realisation.  Bien  entendu,  nous  voulions,  pour  le  Centenaire,  avoir  public 
les  sept  volumes  restants,  afin  de  rattraper  le  retard  anterieur.  II  etait  done 
urgent  de  ne  plus  attendre. 

On  sait  ce  qu'en  d'autres  circonstances  aurait  dit  LYAUTEY.  Comme  il  fallait 
reboiser  toute  une  region  devastee  de  1'Atlas,  les  forestiers  debordes  faisaient 
observer  qu'il  n'y  avait  pas  urgence,  car  il  faut  plus  de  5o  ans  pour  que  les 
cadres  atteignent  une  taille  raisonnable.  c<  Vraiment,  r^pondit  LYAUTEY,  raison 
de  plus  pour  commencer  tout  de  suite  ».  C'est  ce  que  nous  fimes. 

Le  plan  propose  fut  adopte  et  la  Commission  academique  correspondante 
nomm^e  dans  la  m6me  stance;  nos  secretaires  perpetuels  me  charg^rent 
d'etudier  sa  realisation  pendant  les  vacances.  A  la  rentree,  la  Commission  dut 
examiner  un  projet  de  demarrage  immediat  et  un  plan  de  realisation  de 
Tensemble  des  sept  volumes,  grace  au  concours  d'un  Comite  Poincare,  en 
formation  a  1'ficole  Polytecbnique,  qui  assumerait  les  charges  financi&res. 

Les  premiers  fonds  nous  furent  donnes  par  le  C.  N.  R.  S.,  FUnion  astro- 
nomique  internationale,  et  par  nos  el&ves  de  1'ficole  Polytechnique  des 
promotions  46  et  47  >  a  qui  il  me  suffit  d'expliquer  1'utilite  et  1' urgence  de  cette 
reprise,  pour  qu'ils  s'inscrivent  immediatement  comme  bienfaiteurs .  Nous 
pftmes  ainsi  publier  un  volume, 

Le  Comite  Poincare  s'etant  mis  d'accord  avec  nos  secretaires  perpetuels > 


80  DEUXIEME  PARTIE. 

restait  la  difficile  recherche  de  moyens  mal6riels  representanl  im  nombre 
respectable  de  millions.  Dans  celtc  recherche,  landis  que  le  C.  N.  R.  S.  avec 
Joseph  PERES  et  Gaston  DUPOTIY  nous  continuait  son  genereux  appui,  nos  amis 
Roger  BOUTTEVILLE  et  Pierre  RICARD  intervinrent  avec  la  plus  grande  efficacite  : 
le  premier  aupr&s  des  Societes  industrielles  nationalisees,  le  second  aupr&s  des 
Societes  industrielles  privies  et  des  Chambres  de  commerce,  en  mettant  a 
notre  disposition  et  son  indiscutable  autorite  au  sein  du  Conseil  national  du 
Patronat  frangais  et  toute  1'organisation  de  ce  Conseil  pour  la  collecte  des 
fonds  necessaires.  D£s  la  fin  de  19^0  nous  etions  rassures,  autant  qu'on 
pouvait  I'&tre  a  cette  epoque,  sur  Tissue  favorable  de  notre  entreprise. 

D'un  autre  cote,  un  re'confort  nous  vint,  car  la  Compagnie  des  Chargeurs 
Reunis  decida  de  donner  le  nom  d'Henri  POINCAR£  a  Tim  de  ses  beaux 
paquebots  mixtes  alors  en  construction. 

On  comprend,  dans  ces  conditions,  que  nous  tenions  a  adresser  nos  remer- 
ciements  les  plus  vifs  a  tous  nos  souscripteurs,  en  particulier  aux  biejifaiteurs, 
au  nombre  de  485  dont  nous  donnons  la  liste  dans  la  preface  du  tome  X,  qui 
nous  ont  fourni,  a  e-ux  seuls,  pr&s  des  deux  tiers  de  la  somme  totale;  a  nos 
amis  du  Comity  Poincare,  a  ses  presidents  successifs  les  generaux  BLANCHARD 
et  HARTUNG,  a  son  devoue  secretaire-tresorier  le  General  GOETSCHY,  et  tout 
particuli&rement  a  Roger  BOUTTEVILLE  et  a  Pierre  RICARD. 

La  recherche  des  collaborateurs  comp^tents,  charges  d'^tablir  les  manuscrits 
nous  fut  beaucoup  plus  ais^e,  grace  a  1'aide  de  la  Commission  acad^mique,  et 
plus  particul^rement  d'Andr^  DANJON  et  de  Louis  DE  BROGLIE.  La  encore,  la 
decision  prise  de  mettre  en  train  simullan^ment  la  preparation  des  diff^rents 
volumes  nous  permit  de  fournir,  sans  arr&t  et  sans  perte  de  temps,  les 
manuscrits  successifs  a  1'Imprimerie  Gauthier-Villars,  qui,  de  son  cote,  fit  un 
effort  exceptionnel.  Que  tous  les  collaborateurs  de  Pceuvre,  nos  collogues 
Georges  VALIRON,  Albert  CHATELET,  Rene  GARNIER,  Jean  LERAY,  Jacques  LEVY, 
Pierre  SEMIROT,  Gerard  PETIAU,  sans  oublier  la  propre  famille  d'Henri  POINCAR^ 
pour  1'aide  et  les  facilites  de  toute  sorte  qu'elle  nous  a  accordees,  trouvent  ici 
1'expression  de  notre  plus  sincere  reconnaissance. 

Aujourd'hui  la  grande  entreprise  est  achevee.  Nos  jeunes  geom^tres  pourront 
commodement  etudier  ces  travaux  illustres,  et  pour  conclure  avec  DARBOUX  : 
«  ils  y  recueillent  une  foule  de  suggestions  fecondes;  puissent-ils  en  m&me 
temps,  s'inspirer  des  vertus  de  leur  auteur,  et,  comme  lui,  concilier  le  culte 
de  la  Science  avec  celui  de  la  famille  et  de  la  Patrie.  » 


CELEBRATION  SOLENNELLE  DU  CENTENAIRE  A  LA  SORBONNE  LE  l5  MAI  1964.      Si 


ALLOCUTION  DE  M.  fiMILE  BOREL. 

MONSIEUR  LE  PRESIDENT  DE  LA  REPUBLIQUE, 
MESSIEURS  LES  MINISTRES, 
MESDAMES,  MESSIEURS, 

Apres  les  quatre  beaux  discours  que  vous  venez  d'entendre  je  suis  confus 
de  prendre  la  parole,  car  tout  a  6t6  dil,  qui  pouvait  6tre  dit  en  un  court  laps  de 
temps,  sur  Fceuvre  du  grand  Francais  que  nous  cele"brons  aujourd'hui.  On  a 
juge",  avec  juste  raison,  que  pour  1'honorer  dignement,  il  6tait  desirable  que 
quatre  savants  e*minents  prennent  la  parole.  Sans  doute,  chacun  d'eux  aurait 
pu,  si  on  le  lui  avait  demands,  trailer  de  tous  les  aspects  de  son  oeuvre ;  mais 
il  a  paru  preferable  que  chacun  de  ces  aspects  fut  e'voque'  par  le  savant  le  plus 
d^signe*  par  ses  propres  travaux. 

Si  nous  imaginons  que  Henri  POINCARE  ait  vecu  assez  longtemps  pour  parti- 
ciper,  en  1'honneur  de  ces  quatre  savants,  a  une  de  ces  ceremonies  jubilaires 
dont  1'usage  se  r^pand  de  plus  en  plus,  il  aurait  et£  le  plus  qualifie  pour  parler 
de  chacun  d'eux.  Cette  simple  remarque  est  un  te"moignage  eclatant  de  Tuni- 
versalite'  de  son  g^nie,  universality  que  1'on  rencontre  a  peine  une  ou  deux  fois 
par  siecle  dans  les  p^riodes  les  plus  f^condes  de  l'humanit.6. 

Ne  pouvant  redire  ce  qui  a  6t6  si  bien  dit  sur  son  a^uvre,  je  me  bornerai  a 
e"voquer  quelques  souvenirs. 

POINCARE  6tait  atteint  d'une  maladie  qui  n6cessitait  une  intervention,  fort 
dangereuse  a  cette  epoque.  N'ignorant  pas  le  risque  grave  qu'il  courait,  il 
tint  a  remplir  son  devoir  jusqu'au  bout.  Quelques  jours  avant  l'ope"ration  il 
assista  a  une  stance  du  Conseil  de  la  Faculty  des  Sciences  ou  il  devait  exposer 
les  titres  d'un  math^maticien  de  grande  valeur  qu'il  souhaitait  voir  venir  de 
Province  a  Paris. 

En  m6me  temps  il  avait  r6dig£  son  dernier  M^moire,  dans  lequel  il  laissait 
en  suspens  une  difficult^  qu'il  n'avait  pas  eu  le  temps  d'elucider  completement. 
C'est  le  mathematicien^americain  Georges  BIRKHOFF  qui  d6montra  rigoureu- 
sement  ce  que  1'on  a  appel6  «  le  dernier  the"or&me  de  POINCARE  ». 

H.  P.  ii 


82  DEUXIEME   PARTIE. 

C'est  pr£cis<5ment  un  voyage  de  Georges  BIRKHOFF  a  Paris  qui  dtjcida  de  la 
creation  de  1'Institut  Henri  Poincar<§.  II  6tait  venu,  mandate  par  une  des  plus 
importances  fondations  dues  a  ROCKFELLER,  F International  Education  Board, 
en  vue  de  doter  la  France  d'une  institution  propre  a  promouvoir  les  progr£s 
de  la  Science.  BIRKHOFF  consulta  diverses  personnes  a  ce  sujet  el  voulut  bien 
retenir  la  suggestion  que  je  lui  fis.  Nous  £tions  tomb^s  d'accord  sur  le  fait  que 
la  Science  math^matique  francaise  occupait  le  premier  rang  dans  le  domaine 
international,  mais  qu'il  n'en  6tait  pas  de  m£me  pour  la  Physique,  malgr£ 
1'enseignement  de  professeurs  tSminents  tels  que  Paul  LANGEVIN,  Jean  PERRIN 
et  Mmc  CURIE.  II  apparaissait  done  desirable,  par  la  creation  de  chaires,  par 
des  conferences  demand^es  a  des  savants  Strangers,  d'int<3resser  a  la  Physique 
th^orique  des  jeunes  gens  trop  exclusivement  attir6s  par  les  Math^matiques. 

Une  telle  fondation  ne  pouvait  6tre  mieux  plac^e  qae  sous  1'^gide  d'Henri 
PoiNCARfi.  Ce  nom  6tait  a  la  fois  un  rappel  du  pass£  et  une  promesse  d'avenir. 
II  a  certainement  contribu^  a  attirer  des  6l£ves  et  des  conferenciers,  a  susciter 
des  vocations,  de  sorte  que,  apr&s  sa  mort,  Henri  POINCARE  a  continue  a  servir 
la  v£rit£  comme  il  1'avait  fait  toute  sa  vie. 

II  n'est  pas  possible  de  proposer  aux  jeunes  chercheurs  1'exemple  d'Henri 
PoiNCARfi,  car  on  ne  peut  demander  a  chacun  d'avoir  du  g£nie;  il  est  cependant 
permis  de  se  mettre  a  son  £cole  et  de  chercher  modestement  a  profiler  de  ses 
lemons. 

,  Le  trait  le  plus  frappant  de  son  caract&re,  pour  ceux  qui  1'ont  approch<§, 
c'est  sa  passion  pour  la  recherche  scientifique  et  son  d^sir  d'y  consacrer  tout 
son  temps,  sans  en  d^tourner  une  parcelle  dans  des  travaux  qu'il  regarde 
comme  accessoires.  II  n'accepta  jamais  des  fonctions  ad  minis  tratives,  comme 
celles  de  doyen  ou  de  secretaire  perp^tuel,  non  qu'il  en  m^connut  1'utilit^, 
mais  il  pensait  qae  d'autres  pouvaient  1'y  remplacer,  tandis  que  lui  seul  pour- 
rait  r^soudre  certains  probl6m.es . 

Le  souci  d't5conomiser  son  temps  se  manifesiait  dans  les  plus  petits  details. 
G'estainsi  qu'un  jour  ouje  lui  demandais  un  tirageapart  d'un  de  ses  M&noires, 
il  me  dit  :  «  Je  ne  fais  plus  faire  de  tirages  a  part,  car  c'^tait  ma  femme  qui 
les  envoyait  et,  depuis  que  nous  avons  des  enfants,  elle  n'en  a  plus  le 
loisir  ». 

En  me  remettant  les  (Spreuves  d'un  article,  qu'il  avait  bien  voulu  ecrire  pour 
La  Revue  du  mois,  il  me  dit  :  «  Bien  enteixdu,  je  n'ai  corrig£  que  les  fautes 
qui  trahissaient  ma  pens6e ;  c'est  1'affaire  des  ixnprimeurs  et  des  secretaires  de 


CELEBRATION  SOLENNELLE   DU  CENTENAIRE  A   LA  SORBONNE  LE   10   MAI    1964.  83 

redaction  de  d^couvrir  les  fautes  typographiques  ;  je  ne  perds  jamais  mon 
temps  a  les  corriger,  m6me  si  je  les  apercois  !  » 

Quand  il  inventa  les  fonctions  fuchsiennes,  il  constata  qu'il  y  a  6conomie  de 
temps  a  appeler  droites  les  cercles  qui  ont  leur  centre  sur  Faxe  des  X  et  de 
definir  ^galement  les  angles  et  les  distances  d'une  manure  qui  correspond  a 
une  certaine  g^om^trie  non  euclidienne.  Ces  manures  de  parler  abr£g£es  sont 
commodes,  done  tout  se  passe  comme  si  elles  etaient  vraies ;  de  la  a  dire  que 
les  diverses  geometries  non  euclidiennes  sont  6galement  vraies,  il  n'y  a  qu'un 
pas  qu'il  franchit  aisement, 

De  rn£me,  lorsqu'il  decouvre  la  divergence  des  series  de  la  Mecanique 
celeste,  il  ne  perd  pas  son  temps  a  rechercher  des  series  convergentes ;  il  pr<3- 
fere  montrer  que  les  series  divergentes  peuvent  £tre  aussi  utiles  et  efficaces  que 
des  series  convergentes. 

En  Calcul  des  probability,  il  montre  que  la  definition  de  la  probability  6l6- 
mentaire  peut  comporter  unc  fonction  arbitraire  assujettie  seulement  &  des 
conditions  tr&s  larges  de  continuity,  sans  modifier  les  consequences  les  plus 
importantes. 

II  en  est  de  m&me  dans  la  th^orie  de  la  Relativity.  L'espace-temps  de  NEWTON 
est  parfois  le  plus  commode,  tandis  que  pour  d'autres  probl^mes,  ce  sont  les 
formules  de  la  Relativity  generale  qui  doivent  6tre  employees. 

G'est  dans  le  m&me  esprit  qu'il  a  traite  les  questions  poshes  par  la  Physique 
nouvelle,  notamment  pour  les  quanta,  mais  je  n'ai  pas  a  revenir  sur  ces  ques- 
tions dont  on  vient  de  parler  mieux  que  je  ne  saurais  le  faire. 

Certains  ont  regard^  POINCAR^  comme  un  sceptique,  d'autres  comme  le  pr<3- 
curseur  des  theories  axiomatiques ;  mais  il  aurait  refuse  de  se  laisser  embri- 
gader  dans  une  secte  quelconque,  m6me  si  cette  secte  pouvait  se  r^clamer  de 
sa  pens^e. 

Pour  lui,  la  morale  du  savant  se  resume  en  une  r^gle  que  r^prouve  la  simple 
morale  :  la  fin  justifie  les  moyens. 

La  fin,  c'est  la  connaissance  de  FUnivers,  c'est  1'accord  entre  les  r^sultats 
numeriques  deduits  des  formules  et  les  nombres  inscrits  par  les  physiciens  et 
les  astronomes  sur  leurs  cahiers  d'observations.  Les  moyens,  pour  le  mathe- 
maticien,  ce  sont  des  formules  et  un  langage  qu'il  a  le  droit  de  cr6er  a  sa 
convenanc^  du  moment  qu'ils  lui  sont  commodes  ;  cos  moyens  ne  sont  jamais 
immoraux,  ils  ne  sont  ni  vrais  ni  faux  et  le  savant  doit  Stre  laiss^  libre  de  les 
chpisir  ^L  son  gre. 


84  DEUXIEME  PARTIE. 

DISCOURS  DE  M.  LE  PRESIDENT  ANDRfi  MARIE, 

MINISTRE  DE  L'EDUCATION  NATION  ALE, 


A  n'en  pas  douter,  le  premier  devoir  etait  do  rassembler  dans  une  Edition 
definitive  les  ceuvres  de  Henri  POINCAR^. 

M.  Gaston  JULIA  a  retract  la  longue  ct  difficile  histoire  de  cette  Edition.  Je 
voudrais  lui  exp  rimer  pour  ses  pred^cesseurs,  pour  ses  collaborateurs  et  pour 
lui,  les  felicitations  du  Ministre  de  1'fiducation  Nationale  et  la  gratitude  de  la 
Pens6e  francaise. 

Mais  c'est  a  vrai  dire  la  Pens£e  universelle  qui  incline  aujourd'hui  son 
hommage  devant  ce  genial  savant  dont  le  centenaire  rassemble  toutes  les 
nations,  que  d'eminents  digue's  repr^sentent  aupr&s  de  nous.  Je  leur  apporte 
les  remerciements  chaleureux  de  l'Universit£  et  de  la  Science  franchise  :  leur 
presence  parmi  nous  atteste  que  POINCAR&  a  parle  assez  haut  pour  que  sa  voix 
parvienne  encore  au-dela  de  toutes  les  fronti&res.  Nous  lui  en  faisons  nous- 
m£mes  homieur,  mais  nos  h6tes  ^minents  ajoutent  a  sa  gloire  le  credit  de  leur 
propre  renomm^e,  Qu'ils  sachem,  bien  notre  tres  vive  gratitude. 


La  Science  vient  de  rendre  a  la  m^moire  d'Henri  POINCAK^  1'hommage  auquel 
il  eut  6t6  le  plus  sensible.  Ma  lire  toujours  admir^  des  Matli^matiques  et  de  la 
Physique  math&natique,  c'est  a  cette  reunion  de  ses  pairs  qu'il  eut  £t£  d'abord 
attentif.  Mais  c'est  le  destin  des  grands  hommes  de  n'Stre  pas  les  maitres  de 
leur  souvenir.  Leurs  survivants  les  font  revivre  a  leur  mode.  Pench^s  sur 
Poeuvre  des  disparus,  ils  y  d^couvrent  des  aspects  choisis  et  parfois  des  signi- 
fications nouvelles.  Ils  lui  conftrent  une  port6e  authentique,  mais  impr^vue. 
Ainsi  plusieurs  gloires  se  r6unissent  aujourd'hui  autour  d'Henri  POINCAR£;  la 
gloire  du  matn£maticien,  celle  du  physicien  math^maticien,  celle  du  philo- 
sophe  de  la  science,  et  enlin,  cet  obscur  et  juste  prestige  qui  entoure  toujours 
ce  savant  dans  la  grande  admiration  commune. 

Ges  gloires  multiples,  la  pi<H6  de  ses  continuateurs  vient  de  les  c^ldbrer  en 
des  termes  d'une  simplicity  si  definitive  que  jene  serais  a  aucun  3gard  pardon- 
nable  de  tenter  de  r<*paer  le  fondement  d'une  telle  c^l^brit^.  Peut-6tre  pourtant 


CELEBRATION  SOLENNELLE  DU  CENTENAIRE  A  LA  SORBONNE  LE  l5  MAI  ig54,      85 

attend-on  de  celui  que  le  protocole  d^signe  pour  £tre  le  dernier  orateur  qu'il 
tente  de  rassembler  les  traits  intellectuels  du  savant.  Cette  synthSse,  aussi 
imparfaite  qu'elle  soit,  sera  du  moms  un  aulre  hommage  a  cet  esprit  qui  ne  se 
satisfaisait  jamais  de  vues  sur  elles-m£mes  ferm^es. 

Je  ne  pense  pas  qu'il  soit  n^cessaire  de  vous  proposer  de  parcourir  avec  moi 
la  vie  et  le  cursus  honorum  de  Henri  POINCAR£.  Sa  prdcocit^  presque  prodi- 
gieuse,  son  entree  au  premier  rang  a  PEcole  Poly  technique,  puis  a  1'ficole  dcs 
Mines,  ce  c6l6bre  M6moire  qu'il  publie  a  24  ans  au  Journal  de  VEcole 
Poly  technique,  sa  th&se  rapidement  et  brillament  soutenue,  et  puis,  tot  aprks 
le  succ£s,  la  renomm^e,  la  gloire;  son  Election  a  33  ans  a  1'Academie  des 
Sciences  et  bientot  aux  grandes  Compagnies  scientifiques  du  monde  entier,  les 
prix  et  les  m^dailles  d'or,  ce  sont  la  les  triomphes  discrets  que  le  savant  trouva 
sur  sa  route  pour  recompense  d'une  ocuvre  immense. 

Les  existences  des  grands  hommes  se  cleveloppent  parfois  dans  un  mouve- 
ment  continu  el  r^gulier  :  chaque  progr&s  appelle  un  progres  voisin;  leur 
science  et  leur  renommee  suivenL  un  sillon  d6s  longtemps  trac£.  Chez  d'autrcs, 
1'avancement  se  fait  selonune  ordonnance  moins  exigeante.  Tel  etait  POINCARE. 
Dega  tout  jeune  el&ve,  ses  camarades,  qui  le  croyaient  au  travail,  le  irouvaient 
«  allant,  venant,  sautillant  dans  1'apparLement  familial  ».  Et  puis,  tout  a  coup, 
«  il  s'approchait  dc  la  table  et  posant  un  genou  sur  la  chaise,  il  preiiait  sa 
plume  —  de  la  main  gauche  ou  de  la  main  droile,  an  hasard  — ,  ecrivait 
quelques  mots  ou  quelques  lignes  :  le  devoir  <Hait  fait  ».  Plus  tard,  il  devait 
inqui<3ter  beaucoup  son  professeur  de  Math6matiques  sp^ciales  en  s'obstinanl 
a  ne  prendre  pour  tout  cahier  qu'un  faire-part  de  d^Jc&s. 

A  1'ficole  Poljtechnique,  il  <3coute,  neglige  m^meles  cours  polycopi^s  el  s'en 
va  r6fl(5chir  en  se  promenant  dans  les  couloirs.  Et  Ton  verra  son  jeune  g£nie 
composer  un  roman,  un  plaidoyer  pour  le  grec  et  le  latin,  et  m£me  un  petit 
Ouvrage  a  1'usage  des  enfants. 

Maitre  de  son  savoir,  il  dira  qu'il  n'ach£ve  jamais  un  M^moire  tant  il  a  hate 
d'en  6crire  un  nouveau.  Cette  apparente  fantaisie  <3tait  a  vrai  dire  le  reflet 
d'un  mouvement  d'esprit  dont  la  richesse  s'accommodait  mal  dc  la  continuity 
et  de  la  r£gle. 

La  production  scientifique  d'Henri  POINCAR^  le  fait  bien  voir.  Ce  n'est  pas 
qu'il  1'ait  conduitc  au  hasard.  A  vrai  dire,  et  M.  HADARURD  1'a  vivement 
soulign^,  ses  guides  ce  sont  les  besoins  de  la  science,  ou  qu'il  les  constate,  ses 
6nigmes  ou  ses  lacunes,  en  quelque  endroit  qu'elle  les  ait  consenties.  D£S  qu'il 


86  DEUXIEME   PARTIE. 

remarque  que  la  theorie  dcs  fonctions  analytiques  de  CAUGHT  a  conduit  a  la 
theorie  des  fonctions  elliptiques,  il  y  porte  son  effort,  comme  s'il  pressentait  la 
une  grande  voie  inconnue,  qu'il  faut  decouvrir  ou  forcer.  Et  c'est,  par  une 
generalisation  ou  apparait  bien  Forientation  de  son  genie,  la  theorie  des 
fonctions  fuchsiennes,  ces  «  clefs  du  monde  algebrique  ».  Les  questions  qui 
passionnent  POINCAR&,  ce  sont  colles  qui  a vaient  j usque-la  arr£te  les  g6om<Hres. 
Parce  qu'il  a  voulu  ici,  et  la,  et  plus  loin,  sans  ordre  apparent,  s'attaquer  a 
toutes  les  difficultes,  parce  qu'il  a  ete  en  m&me  temps,  et  presque  avec  un  egal 
genie,  mathematician,  physicien  et  philosophe,  sonceuvre  risque  parfois  de  ne 
pas  montrer  au  premier  regard  Funite  de  son  inspiration  et  la  fermete  de  sa 
pensee.  II  arrive  qu'un  mathematician  soit  seulement  mathematicien,  POINCAR*; 
ne  le  pouvait  pas.  Son  g6nie  1'appelle  a  tous  les  probl^mes,  a  ceux  de  la 
Mathemafique  pure,  a  ceux  de  la  Physique  mathematique,  a  ceux  de  la  Philo- 
sophic des  sciences,  jusqu'a  cotoyer  quelquefois  la  Metaphysique  elle-m&me. 
Onpeutdire  de  lui,  et  pour  sa  gloire,  que  dans  Fordre  de  la  pensee  aucune 
question  ne  lui  fut  etrang&re  pourvu  qu'elle  fut  difficile. 

Pourtant  il  n'entendait  pas  se  borner  a  juxtaposer  les  solutions.  Deja 
Fexemple  des  fonctions  fuchsiennes  avait  souligne  son  gout  profond  de  la 
synth&se.  G'est  a  cette  rare  vertu  de  Fesprit  et  au  tr&s  haut  point  ou  son  g^nie 
la  porta,  qu'il  dut  pour  la  plus  large  part  ses  ^clatants  succ^s. 

Mais  je  crois  que  ses  triomphes  precedent  aussi  d'une  autre  source.  On  est 
frappe  de  la  place  importante  que  POINCAIUS  a  conferee  dans  ses  recherches^ 
aux  probl^mes  du  r£el.  La  marque  de  son  g^nie,  autant  que  nous  puissions  la 
saisir,   c'etait  son   universalite.   Tous   les  probl^mes  et  tous  les  aspects  du 
monde  venaient  se  rejoindre  en  lui. 

Aussi  ne  pouvait-il  s'abstraire  d'une  constante  reference  aux  donn<5es. 
M^me  en  Math^matiques,  il  parait  porter  une  secrete  preference  par  exemple  a 
ces  equations  difTerentielles  de  la  Mecanique  celeste,  qui  —  M.  HABAMARD  nous 
1'a  magistralement  montre  —  semblaient  constituer  un  probl&me  inabordable, 
en  raison  de  1'insondable  imbrication  des  attractions  reciproques.  En  Physique 
mathematique  —  et  c'est  cette  fois  M.  Louis  DE  BROGUE  qui  en  a  apporte 
^illustration.  —  ce  sont  aussi  des  probl&mes  presque  concrets  qui  retiennent 
1'attention  du  mathematicien  :  sa  theorie  de  la  propagation  de  la  clialeur,  sa 
mise  en  forme  de  la  thermodynamique,  sont  encore  des  reprises,  des 
complements  sur  des  points  essentiels  et  difficiles,  ou  la  science  avait  jusque- 
la  trebuche  et  hesite. 


CELEBRATION   SOLENNELLE   DU  CENTENAIRE  A   LA  SORBONNE   LE    l5   MAI    1954.  87 

Et  si  1'on  en  vient  a  recherclier  pourquoi  ce  math^maticien  s'est  adonn£  a  la 
'Physique  th^orique  avec  lant  d'entrain,  c'est  encore  en  invoquant  sa  passion 
de  la  synth&se  qu'il  faudra  r^pondre.  L'entliousiasme  dans  lequel  il  appro- 
fondit  1'histoire  des  theories  de  la  lumiere  depuis  FRESNEL,  Padmirable  amour 
qu'il  met  dans  son  etude,  cette  passion  contenue  avec  laquelle  il  salue 
1'extraordinaire  synthese  que  propose  la  tlieorie  de  MAXWELL  entre  les  ph^no- 
m&nes  optiques  et  les  phenom&nes  electriques,  autant  de  signes  decisifs  de  son 
desir  de  regrouper  la  science,  de  sa  volonte  de  constituer  le  savoir  dans  des 
ensembles  consents  et  ordonnes. 

On  serait  sacrilege  si  1'on  laissait  entendre  que  le  g6nie  de  PoiNCARfi 
comportait  une  lacunc.  II  n'avait  point  de  lacune;  il  suivait  une  orientation. 
Le  reel  lui  proposait  les  objets  de  sa  recherche  ;  mais  lorsqu'il  s'en  etait  empare, 
c'etait  pour  les  absorber  dans  son  g6nie  mathematique.  II  songeait  rarement  a 
y  revenir  pour  rapportcr  la  theorie  aux  exigences  experimental.  II  etait 
mathematicien,  et  le  souci  de  1'experience  ne  1'obsedait  pas.  II  professait  assez 
volontiers  que  les  theories  ne  sont  que  des  figurations  equivalentes  de  la  r^alite. 
Aussi  n'apercevait-il  pas  aussi  compl&tement  que  les  physiciens  de  notre  temps 
1'exigence  pleni^re  de  la  confrontation  physique,  1'importancc  de  1'intuition 
exp^rimentale.  Peut-^tre  son  nominalisme  n'eut-il  pas  6t6  6loign6  d'approuver 
ces  interpretations  trop  idt^alistcs  de  la  science,  selon  lesquelles  le  savoir 
physique  serait,  dans  ses  plus  hauts  degr^s,  une  rationalisation  si  pouss<5e  du 
r£el  qu'il  deviendrait  comme  une  collection  ordonn^e  de  purs  6tres  math^ma- 
tiques.  Si  Albert  EINSTEIN  devait,  au  m^me  moment  ou  PoiNCARfi  frolait  la 
d^couverte  de  la  Relativity,  en  construire  la  doctrine,  c'est  sans  doute  parce 
que  le  physicien  Pemportait  chez  lui  sur  le  math^maticien,  tandis  que 
PoiNGARfi  —  chacun  son  g<5nie  !  —  accomplissait  1'inverse. 

Les  m£mes  inclinations  de  la  pensge  inspirent  I'ceuvre  philosophique  de 
POINCAR^.  Le  probl^me  du  d6terminisme  6tait  au  centre  de  sa  reflexion.  Sa 
volont6  imp^rieuse  de  synth&se  et  d'ordre  math^matique  acccptait  mal  les 
premieres  menaces  que  le  mouvement  brownien  et  la  d^couverte  de  la  radio- 
activit^  faisaient  d^ja  peser  sur  les  principes  consacr^s.  Comment  eiit-il  r^agi 
devant  cet  ind6terminisme  fondamental  que,  pendant  un  temps,  les  prodiges 
de  la  Physique  atomique  et  nucl^aire  ont  inspire  §.  certains  des  plus  illustres 
physiciens  ?  POINCA.R&  vous  eut-il  suivi,  cher  Monsieur  le  Secretaire  perp^tuel 
Louis  DE  BROGLIE,  dans  ces  hesitations  qui  font  le  plus  grand  honneur  £  votre 
soumission  de  grand  physicien  aux  exigences  du  r6el?  Je  ne  le  crois  pas.  Nous 


88  DEUXIEME  PARTIE. 

pouvons  &tre  a  peu  pr&s  surs  qu'il  cut  applaud!  a  votre  reconversion  recente 
aux  principes  de  determinisme.  Son  sens  profond  de  1'ordre  et  de  1'unite  du 
reel  1'eut  sans  doute  conduit  a  penser  qu'il  etait  sage  de  ne  point  transposer  en 
une  loi  de  la  Nature  les  infortunes  provisoires  de  son  esprit.  Sans  doute  eiit-il 
pense,  un  peu  comme  le  profane,  que  le  determinisme  molaire  ou  statistique 
s'accorde  mieux  avec  raffirmation  d'un  determinisme  elemenlaire  qu'avec 
racceptation  de  la  fantaisie  nucleaire.  Tant  il  est  vrai  que,  si  le  determinisme 
est  la  charte  de  notre  pensee,  ce  n'est  point  tant  une  convenance  de  notre 
esprit  qui  nous  1'impose  mais  plutot  la  constante  lecon  de  F  experience.  Tant  il 
est  vrai  que  notre  esprit  n'est  ni  le  serf  du  reel,  ni  son  inventeur.  Tant  il  est 
vrai  que  notre  savoir  doit  sa  vertu  a  I'indissociable  et  feconde  conjugaison  de 
ses  normes  et  des  imperatifs  de  1'experience. 


Seduit  par  les  difficultes,  desireux  de  se  mesurer  avec  elles  et  de  leur  imposer 
la  clarte  de  son  intelligence,  POINCAR&  ne  s'enfermait  nullement  dans  la  science. 
Nul  n'a  eu3  comme  le  dit  DARBOUX,  plus  d'ouverture  d'esprit,  plus  de  propensioii 
a  accueillir  et  a  discuter  les  idees  nouvelles,  plus  de  desir  de  mettre  en  Evidence 
la  part  de  verite  qu'elles  conticnnent,  le  role  utile  qu'elles  peuvent  jouer  dans 
le  developpement  de  nos  connaissances. 

L'indifference  a  la  gloire  lui  semblait  devoir  £tre  une  des  vertus  du  savant, 
et  une  vertu  en  quelque  sorte  naturelle  :  «  Quand  on  a  eu  le  bonheur  de  faire 
une  decouverte  »  ecrit-il,  «  que  peut  6tre  la  satisfaction  de  lui  donner  son  nom, 
aupr^s  de  la  joie  d'avoir  contempt  un  instant  la  v6rit6  face  a  face  ?  ». 

En  1870,  il  avait  ressenti  profond^ment  les  malheurs  du  Pays.  Dans  son 
discours  de  reception  a  FAcadeSmie  Frangaise,  en  1908,  il  s'exprime  ainsi  : 
«  Apr^s  les  heures  sombres  de  la  guerre,  vint  1'heure  encore  plus  sombre  de  la 
paix,  celle  ou  la  France  dut  se  r^signer  a  cette  grande  douleur,  qui  nous 
laisserait  deux  fois  inconsolables  si  jamais  nos  fils  semblaient  s'en  consoler. 
Quand  on  nous  demande  de  justifier  par  des  raisonnements  notre  amour  pour 
la  Patrie,  nous  pouvons  6tre  tr&s  embarrasses;  mais  que  nous  nous  repr^sentions 
par  la  pensee  nos  arrnees  vaincues,  la  France  envahie,  tout  notre  cceur  se 
soul&vera,  les  larmes  nous  monteront  aux  y eux  et  nous  n'ecouterons  plus  rien  ». 

Mais  ce  patriotisme  ardent  est  un  patriotisme  sans  haine,  car 
ajoute  :  «  La  haine  est  nefaste,  et  ce  n'est  pas  elle  qui  fait  les  vrais  heros  ». 


CELEBRATION  SOLENNELLE  DU  CENTENAIRE  A  LA  SORBONNE  LE  ID  MAI  1904.      89 

Si  la  hauteur  do  vuos  n'excluait  chez  lui  ni  la  diversile  ni  la  fantaisie,  elle 
n'interdisait  pas  11011  plus  cet  humour  sans  mechancete  qui  est  souvent  F apanage 
du  savant.  A  la  Revue  bleue,  qui  faisait  une  enqueue  sur  la  participation  des 
savants  a  la  polilique,  POINCARE  repondait  :  «  Vous  me  demandez  si  les  savants 
politiques  doivent  combattre  ou  appujer  le  bloc  ministeriel  ?  Ah  !  s'il  y  a  des 
savants  dans  la  polilique,  il  faut  qu'il  y  en  ait  dans  tous  les  partis;  et,  en  effet, 
il  esl  indispensable  qu'il  y  en.  ait  du  «  cote  du  manche  ».  La  Science  a  besoiii 
d'argent,  et  il  ne  faut  pas  que  les  gens  au  pouvoir  puissent  se  dire  :  la  Science, 
c'est  Fennemi !  ». 

Les  «  gens  au  pouvoir  »  ne  profereront,  ne  peiiseronl  janiais  semblable 
heresie.  Les  exigences  materielles  de  la  Science  ne  leur  e'chappent  pas.  Et  si  ce 
ii'est  pas  le  lieu  d'indiquer  ici  F  effort  que  la  Re'publique  accomplit  pour  la 
Science,  du  moins,  permettra-l-on  peut-6tre  au  Minis  Ire  de  l'j£ducation 
Nationale  de  dire  la  satisfaction  intime  qu'il  a  6prouvee  a  voir  dote  cette  ann<5e 
de  moyens  financiers  imporlants  —  ne  depassent-ils  pas  un  milliard  etdemi,  — 
ce  Centre  national  de  la  Recherche  scientifique  dont  Henri  POINCAR&  n'eut  pas 
manque  d'applaudir  le  developpement  et  les  prestigieux  travaux. 

Mesdames,  Messieurs,  celte  grande  commemoration  d'Henri  PoiNCARfi,  de 
1'uii  des  plus  grands  savants  du  monde  et  de  Thistoire,  apporte  a  FUniversito 
de  France  la  fierte  d'avoir  contribue'  a  sa  formation,  et  de  1'avoir  compte'parmi 
ses  maitres.  Sa  pense'e  est  to uj ours  vivanle,  de  iiombreux  disciples  lapr^cisent 
et  la  prolongent.  Les  grands  noms  qui  se  rassemblenl  aujourd'hui  pour  ce'le'brer 
sa  m^moire  attestenL  la  perennite'  de  sa  gloire. 

T6moin  d'une  illuslre  famille,  Henri  PoiNCARfe  est  aussi  Fun  des  grands 
te"moins  de  la  permanence  de  Fesprit  franc, ais.  En  lui  rendant  hommage,  nous 
nous  donnons  a  nous  monies  nos  meilleures  raisons  de  croire  en  notre  Pa  trie, 
de  nous  ddvouer  a  la  Science,  et  de  les  rassembler  Fune  et  Fautre  dans  notre 
orgueil  et  notre  foi. 


H.  P. 


TROISIEME  P ARTIE. 

MANIFESTATIONS  PARISIENNES  EN  MAI  1954. 


A.-  LA  MATINEE  DU  DIMANCHE  16  MAI  1954 
A  L'ECOLE  POLYTECHNIQUE. 


Le  dimanche  16  mai,  1'Ecole  Polytechnique  fttait  a.  son  tour  le  iooe  anni- 
versaire  de  la  naissance  da  major  de  la  promotion  1878,  ou  pour  £tre  plus 
precis  du  major  d'entr6e,  car  on  sait  que  Henri  POINCARE,  par  suite  d'un 
10  malheureux  en  st6rdotomie  n'a  6t&  classe  que  second  a.  Fexamen  de 
sortie. 

La  cer&nonie,  plac^e  sous  la  presidence  de  M.  le  President  Ren6  PLEYEN-, 
Ministre  de  la  Defense  Nationale,  comprenait  deux  parties  :  inauguration  d'un 
m(5daillon  a  1'effigie  de  Henri  POINCAR^  dans  le  hall  du  pavilion  des  £l&ves,  dit 
pavilion  JofFre ;  discours  du  g£n£ral  DASSAULT,  Grand  Ghancelier  de  la  Legion 
d'honneur,  lui-m^me  ancien  <§l£ve  de  1'ficole  Polytechnique  et  Membre  de 
PAcad^mie  des  Sciences. 

An  cours  de  la  premiere  partie,  M.  GastoiV  JULIA,  qui  est  aussi  professeur 
a  Fficole  Polytechnique,  a  remis  a  Pficole,  a  titre  de  President  du  Comit£ 
d'Organisation,  le  m^daillon  ceuvre  de  Mme  GUZMAN-NAGEOTTE  qui  dans  le  hall 
du  pavilion  Joffre  fait  maintenant  face  a  celui  qui  represented  Marshal.  Puis, 
au  norn  de  la  famille  de  Henri  POINCARE,  le  fils  du  grand  savant  a  fait  don  au 


g2  TROISIEME  PARTIE. 

mus<5e  de  FEcole  Polylechnique  de  Pgp6e  de  polylechnicien  el  de  1'habil  vert 
de  son  p£re.  Le  g£n6ral  LEROY,  Commandant  1'Ecole,  a  remerci£  le  Comit£ 
d'Organisation  et  la  familio  de  Henri  PoiNCARfi  et  il  a  rappele"  la  fid£lit<§  de 
celui-ci  envers  Fficole  Polytechnique  qui  1'avait  forme. 

La  seconde  partie  s'est  dt^roul^e  dans  la  cour  des  6l£ves,  ou  une  estrade  avail 
et£  dress^e.  En  presence  du  bataillon  des  el&ves,  sous  les  armes,  le  g£n6ral 
DASSAULT  dans  un  magistral  discours  a  dress6  un  tableau  complet  de  Henri 
Poi.NGA.nfi  el  de  son  oeuvre  scientifique  et  pliilosophique  sous  ses  divers 
aspecls. 

Le  general  LEROY  qui,  apr&s  la  c6r6monie,  offrail  dans  ses  salons  du  pavilion 
Boncourl,  une  reception  aux  invil^s  de  marque  el  aux  d6l£gu£s  Grangers  les  a 
conduits  d'abord  devant  les  vilrines  d'une  exposition  de  souvenirs  de  Henri 
PoiNCARfi,  obligeammenl  pr^l^s  par  la  famille.  Celle  exposilion  devait  resler 
ouverte  an  public,  dans  la  salle  du  Conseil  de  1'Ecole,  jusqu'a  la  jSn  du  mois 
de  mai. 

Sur  la  chemin^e  irois  busies  celui  de  JOFFRE,  celui  de  FOCH  el  celui  d'Henri 
PoiNCARfi  paraissaient  pr^sider  1'exposilion.  Us  rappelaient  Irois  promolions 
voisines  1869-1871-1873,  celle  derni^re  promolion  comporlanl  d'ailleurs  aussi 
un  Mar^chal  de  France,  le  Marshal  FAYOLLE  qui  en  esl  sorli  avec  le  n°  116. 
Cette  exposilion  rassemblail  des  pholographies,  des  lellres,  des  manuscrils  ou 
des  pieces  officielles  se  rapporlant  a  1'enfance  de  Henri  POINCAR£,  a  son  passage 
a  l'£cole  Poljlechnique  et  a  1'ficole  des  Mines,  aux  debuts  de  sa  carri&re,  ou 
aux  principaux  6vdnemenls  de  celle-ci  :  d^couverie  des  fonclions  fuchsiennes, 
grand  prix  du  Roi  OSCAR  II  de  Su&de  et  de  Norv&ge,  entree  a  1'Acad^mie  des 
Sciences  a  33  ans,  el  plus  lard  a  1'Acad^mie  Frangaise.  De  nombreux  diplomes 
d'Acad^mies  ou  Universil^s  ^Irang^res,  el  surloul  une  grande  carle,  sur  laquelle 
t^laienl  soulign^s  les  noms  des  villes  qui  abrilenl  une  Acad^mie,  une  Univer- 
sil6,  ou  une  Soci&t^  savanle  donl  Henri  POINCAR^  6 tail  Membre,  Iraduisaienl 
d'une  manure  frappanle  1'imporlance  de  son  rayonnemenl  a  1'^lranger.  Plus 
inlimes  el  plus  6mouvanles,  Irois  vilrines  nous  monlraienl  enfin  Henri  POINCAR£ 
en  famille,  les  derniers  manuscrils  ou  les  derni&res  lellres  qu'il  a  £criles,  et  la 
pholographie  de  la  picrre  lombale  sous  laquelle  il  repose  au  cimeli^re 
Monlparnasse  au  milieu  des  siens. 

On  Irouvera  dans  la  sixi^me  partie  la  reproduction  en  fac-simil£  d'un  cerlain 
nombre  des  documenls  pr6senl6s  a  celle  exposilion. 


MANIFESTATIONS   PARISIENNES  EN   MAI    1954.  98 

ALLOCUTION  DE  M.  LE  PROFESSEUR  GASTON  JULIA 

A   L'ECOLE   POLYTECHNIQUE. 
MON    GfiNtiRAL, 

Au  nom  du  Comit^  d'Organisation  du  Cenlcnaire  que  nous  c£l6brons 
aujourd'hui,  j'ai  1'honneur  de  vous  remettre  le  m^daillon,  qui  rappellera  a  nos 
6l£ves  les  traits  et  conservera  la  m£moire  d'un  des  plus  grands  savants  que 
1'ficole  ait  form6s. 

Ce  n'est  pas  par  hasard  que  ce  medallion  fait  face  a  celui  qui  perp^tue  dans  notre 
Ecole  le  souvenir  d'un  des  plus  grands  homines  de  guerre  qu'elle  ait  aussi  formes. 

Nous  avons  pens6,  en  effet,  que,  dans  ce  hall  du  Joffre,  face  a  1'effigie  du 
vieux  Marshal,  calme  comme  un  roc  a  1'heure  du  plus  pressant  danger,  si 
intr^pide  qu'il  put  demander  a  des  troupes  £cras6es  de  fatigue  cet  immortel 
demi-tour  qui  sauva  notre  Pays,  il  convenait  de  dresser  1'effigie  du  savant 
illustre  dont  la  pens^e  lucide,  «  comme  un  Eclair  dans  une  longue  nuit  »,  fait 
reculer  la  limite  de  1'inconnu,  afin  qu'en  un  saisissant  raccourci,  ces  deux 
effigies  pr6sentent  a  nos  6l6ves  une  illustration  complete  de  la  devise  de 
1'ficole  :  «  pour  la  Patrie,  les  Sciences  et  la  Gloire  ». 

Rappelons-nous  ce  temps  qui  vit  entrer  a  1'ficole  Henri  PoiNCARfi.  G'est 
Fannie  1878.  POINCARS  est  Lorrain.  II  a  v<3cu  a  Nancy  pendant  Poccupation. 
II  y  a  deux  ans  que  FOCIT  a  quittg  Saint-Cl6ment  de  Metz  pour  entrer  a  1'ficole ; 
puis  il  a  quitt6  1'ficole  apr^s  un  an  seulement,  pour  embrasser  cette  carri^re 
des  armes  qu'il  va  illustrer  de  sa  fougue  ggniale,  comme  JOFFRE,  qui  1'a  pr6c^d6 
ici  de  deux  ans,  1'illustrera  de  son  calme  in^branlable,  et  tons  deux  de  leurs 
males  vertus. 

Pour  PoiNCARfi,  c'est  la  carri&re  scientifique  qu'il  va  embrasser,  et  il  1'illus- 
trera  comme  ses  anciens  ont  illustr6  la  carri^re  des  armes,  et  ses  immortelles 
d^couvertes  ajouteront  a  la  gloire  de  1'ficole  un  pacifique  et  imp6rissable  laurier* 

Cette  providentielle  conjonction  dans  le  temps  de  nos  plus  pures  gloires 
polytechniciennes,  nous  avons  voulu,  mon  G6n6ral,  la  rappeler  dans  ce  hall, 
ou  nos  6l&ves  circulent  tous  les  jours,  afin  qu'elle  soit  pour  cux  g6n6ratrice  de 
nobles  ambitions  et  excita trice  d'efforts. 

Veuillez,  mon  G6n6ral?  accueillir  dans  vos  murs  Fimage  de  ce  grand  math6- 
maticien,  qui  fut  aussi  un  grand  astronome,  un  grand  physicien  et  un  grand 
philosophe,  et  qui,  plaisons-nous  a  le  souligner  ici,  fut,  en  tout,  un  grand,  un 
Eminent  Frangais. 


i)/i  TROISIEME  PARTIE. 

ALLOCUTION  DE  M,  LEON  POINCARE 

V  L'ECOLK  POLYTECHNIQUK 

MONSIEUR  LE  PRESIDENT, 
MONSIKVR  LK  GR\>D  CHANCKLIKR, 
MESSIEURS  LKS  GfiisjfeRAux, 
MESDAMKS,  MESSIEURS, 

J'aurais  voulu  d'abord  vous  donner  connaissance  du  message  du  Doyen 
d'age  des  polytechniciens  que  j'ai  reou  hier.  Le  colonel  CROS  de  la  promo- 
tion 1874?  qui  esl  done  un  conscril  do  mon  pere  el,  qui  est  anssi  centenaire 
inherit  de  sa  main,  en  re"ponse  a  un  aiot  que  je  lui  avais  adress6  ; 

«  Mon  ge"ne"ral, 

«  Je  vous  remercie  d'avoir  pens6  aux  anciens  pour  la  celebration  du  cente- 
naire de  votre  illustre  pere  »  ....  Plus  loin  il  parle  «  des  sentiments  de 
ses  20  ans  »  ....  Mais  malheureusement  mes  officiers  du  chiffre  sont  rest^s 
deTaillants,  et  force  m'est  de  me  contenter  de  vous  lire  la  note  explicative  qui 
£tait  jointe  a  cet  envoi. 

La  voici  : 

«  Je  crains  qu'il  vous  soit  difficile  de  de"chiffrer  les  quelqnes  mots  que  vous 
adresse  le  colonel  CROS,  et,  cependant  il  a  et6  tres  sensible  a  votre  communi- 
cation et  a  plaisir  de  vous  dire  combien  il  a  gard6  intacts  le  souvenir  et  Fadmi- 
ration  qu?ils  avaient  tous  pour  le  grand  savant  qu'elait  Henri  POINCAR£.  Certains 
details  m^me  sont  rested  vivants  dans  sa  me"moire.  (Exemple).  La  pr6sidence 
du  jury  qu'avait  votre  pere  d'un  tribunal  qui  avait  attribu^  la  cote  «  rogne  )> 
a  1'eleve  CROS.  » 

MOK  GfiNfiRAL, 

Apres  le  souvenir  de  cet  authentique  t^moin,  qui  est  le  seul  a  avoir  ^t^  6l^ve 
de  1'ficole  en  meme  temps  que  Henri  PoiNCARfi,  je  voudrais  vous  remettre,  pour 
le  mus^e  de  Fficole  un  autre  t^moin  des  anuses  1878-1875,  authentique 
lui  aussi.  C'est  l^p^e  de  polytechnicien  de  mon  pere,  la  tangente  qu'il  portait 
il  y  a  80  ans;  connaissant  1'attachement  qu'il  avait  pour  Pficole  Polytechnique, 


MANIFESTATIONS  PARISIENNES  EN  MAI    1964.  95 

je  suis  sur  d'etre  dans  la  ligne  qu'il  aurait  aim(3e,  comme  je  suis  sur  quo  dans 
voire  mus^e  du  souvenir  cette  £p£e  sera  pieusement  conserved. 

Le  culte  des  glorieux  antiques  est  une  tradition  de  1'Jilcole,  nous  savons  que 
les  promotions  a  veiiir  n'y  failliront  pas.  Mais  il  n'est  peut  6tre  pas  inutile  de 
souligner  le  geste  qu'ont  fait  les  promotions  prdsentes  a  1'Ecole  au  moment  ou 
tut  ouverte  la  souscription  qui  devait  permettre  au  Professeur  Gaston  JULIA  de 
remettre  hier  a  M.  le  Secretaire  perp<5tuel  de  1' Academic  des  Sciences  le 
dixi&me  et  dernier  volume  des  ceuvres  de  mon  p&re. 

Marquant  la  voie  a  leurs  antiques  et  a  1'industrie,  qui  les  ont  tr&s  g6n£reu- 
semenl  suivis,  ils  ont  tenu  a  ce  que  les  6l£ves  de  1'Ecole  Polyteclinique  soient 
inscrits  parmi  les  premiers  bienfaiteurs.  Au  premier  appel  ils  ont  verse  les 
200  ooo  francs  qui  donnaient  droit  a  ce  titre.  Je  suis  heureux  de  saisir 
1'occasion  qui  m'est  offer te  aujourd'liui  de  les  en  remercier  publiqueraent,  et 
bien  qu'ils  aient  agi  au  nom  des  promotions  pass^es,  pr6sentes  et  a  venir,  de 
donner  la  reference  de  leurs  promotions  1946-1947,  194-7  SP  el  *948  sp. 

Avec  l'6p^e  de  polytechnicien  de  Henri  POINCARI^,  je  vous  remets  aussi, 
mon  GtSneral,  son  habit  d'acad^micien  qui,  pr£sent£  dans  les  collections  de 
1'ficole,  incitera,  je  1'esp^re,  quelques-uns  des  jeunes  conscrits  des  promotions 
futures,  a  s'adonner  a  la  science  d£sint£ress6e,  et  a  montrer  que  la  formule  de 
notre  vieille  ficole  qui  unit  la  discipline  scientifique  a  la  discipline  tout  court, 
reste  valable  aussi  bien  pour  la  formation  des  homines  de  science  que  pour 
celle  des  hommes  d'action. 


ALLOCUTION    DU    GENERAL    LEROY, 

COMMANDANT  DE  L'ECOLE  POLYTECHNIQUE. 

MONSIEUR  LE  PRESIDENT, 

MONSIEUR  LE  GRAND  CHANCELIER  DE  LA  LEGION  D'HONNEUR, 

MESDAMES,  MESSIEURS, 

Hier  la  Science  rendait  hommage  au  grand  savant  Henri  POINCARE. 

Aujourd'hui,  la  c6r6monie  est  plus  intime;  elle  est  familiale,  car  Tillustre 
mathematician  ^tait  des  ndtres. 

Je  vous  remercie,  Messieurs,  vous  tous  qui  6tes  venus  ici  partager  notre 
joie  de  cette  gloire. 


96  TROISIEME   PARTIE. 

A  vous  Madame,  a  vous  Messieurs  les  e"minents  repre'senlnnts  de  la  Science 
raondiale,  je  tiens,  comme  Commandant  de  cette  Ecole,  a  vous  dire  combien 
votre  presence  nous  est  pr6cieuse  en  ce  jour. 

MONSIEUR  LE  PRESIDENT  DU  COMITJ&, 

C'est  pour  1' Ecole  Poljtechnique  une  grande  satisfaction  ct  un  honiieur 
insigne  de  recevoir  aujourd'hui  ce  me'daillon  a  la  me'moire  d'Henri  PoirscAHfi, 
Tun  des  plus  grands  X  de  ces  cent  dernieres  anne"es. 

J'en  remcrcio  le  Comit6  que  vous  pre'sidez. 

Je  vous  sais  gr6,  Monsieur  le  President,  d'avoir  rapproche'  tout  a  1'lieure  ces 
deux  figures  si  dissemblables  par  leurs  caracteres,  si  semblables  par  leur  gloire  : 
Henri  POINCAR£  et  JOFFRE. 

Gar  leurs  effigies,  place'es  face  a  face,  dans  ce  meine  hall,  constitueronL  pour 
les  generations  polyteclmiciennes  a  venir,  une  illustration  6clatante  de  la 
vocation  universelle  de  cette  Ecole  capable  de  donner  a  la  civilisation  aussi 
bien  les  hommes  qui  la  batissent  que  ceux  qui  en  assurent  la  garde. 

MONSIEUR  L'ING£NIEUR  GfiNfiRAL, 

Recu,  en  m^me  temps  qu'a  1'Ecole  Poljtechnique,  a  1'ficole  Normale  Sup6~ 
rieure,  Henri  POINCAR^:,  votre  pere,  a  choisi  d'etre  instruit  ici  m£me. 

Tous  les  Polytechniciens  sont  tres  fiers  de  ce  choix. 

II  est  e"videmment  vraisemblable,  il  est  probable  m£me,  qu'un  tel  ge'nie, 
form^  ou  que  cela  soit,  se  fut  d^velopp^.  Mais  a  quoi  bon  supposer  :  La  re"alite", 
c'est  que  notre  ficole,  et  elle  seule,  a  6tabli  la  solide  charpente  de  sa  pens^e 
scientifique  et  aussi  PunivorsaliuS  de  son  esprit. 

Son  attachement  a  TX  se  retrouve  d'ailleurs  autant  dans  le  cours  qu'il  j 
professa  que  dans  le  simple  fait  que  vous-m£me,  son  fils,  6tes  aussi 
Poljtecknicien. 

L'X  pretend  done  a  Torgueil  tegitime  et  exclusif  d'avoir  initie,  pour  la 
France  un  savant  Eminent,  et  pour  FUniversit^  le  maitre  incontest6  qu'elle 
c^brait  hier. 

Aussi  Pficole,  qui  n'oublie  pas,  a-t-eUe  encourage',  tout  naturellement  et 
sans  attendre  le  succes,  les  beaux  efforts  de  M.  JULIA  pour  faire  ^diter  les 
ceuvres  d'Henri  PoiNCARfi. 

Tous  ces  liens  avec  Tun  des  nOtres,  parmi  les  plus  grands,  vous  disent  bien, 


MANIFESTATIONS   PARISIENNES   EN   MAI    1964.  97 

Monsieur  FInge'nieur  General,   coml)ieii  FEcole  esL   honoree   quo   vous   ayez 
songe*  a  lui  confier  la  garde  de  reliques  familiales. 

Soyez  assure  que  cetle  e'pe'e,  quo  eel  habit  d'acad6micien,  que  vous  me 
remettez  aujourd'hui,  recevront  ici  une  place  d'honneur  aupres  des  souvenirs 
des  antiques  les  plus  celebres,  et  rendront  plus  vivace  encore  le  cuke  des 
polyleclmiciens  pour  Fun.  des  ge'nies  mathe'matiques  les  plus  complets 
de  Fhisloire  du  monde. 


DISGOURS  DU  GENERAL  DASSAULT, 

GRAND   CHANCELIER   DE   LA   LEGION   D'HONNEUR 
A  L'KCOLE  POLYTECHNIQUE. 

L'Ecole  Poly  technique,  a  Foccasion  du  centenaire  de  la  naissance  d'Henri 
PoiNCAiiti,  se  devnit  de  manifester  solennellement  sa  fidelite'  au  souvenir  dn 
plus  illustre  savant  qu'elle  ait  jamais  forme".  Cerles  une  telle  gloire  d^borde 
largement  le  cadre  d'une  e'cole  et  m6me  d'un  pays;  c'est  ce  qu'a  si  justement 
exprim6  M.  Emile  BOREL  ,  lors  de  la  disparition  du  celebre  ge'ometre,  en 
declarant  :  «  L'intelligence  humaine  est  en  deuil  :  Henri  PowcARfi  n'est  plus.  » 
Cependant,  FEcole  Polytechnique  a  tenu  une  place  privile'gie'e  dans  la  carriere 
et  dans  le  cceur  de  POINCARE  :  elle  Fa  connu  comme  6leve,  comme  r6p^titeur 
d'Analyse,  comme  professeur  d'Astronomie  g^n^rale  et  comme  Membre  de  son 
Gonseil  de  perfectionnement;  elle  lui  conserve  une  particuliere  reconnaissance 
pour  tout  le  lustre  dont  elle  lui  est  redevable  :  c'est  ainsi  que,  lors  d'une  ce're'- 
monie  memorable,  le  President  du  Conseil  de  F6poque,  parlant  ici-m6me,  apu 
dire  :  «  II  me  suffit,  pour  attester  le  role  de  Fficole  Polytechnique,  d'invoquer 
ces  deux  grands  noms  :  Henri  PoiNCARfi,  le  plus  grand  des  penseurs  de  ce 
dernier  siecle,  et  le  vainqueur  dela  plus  grande  des  guerres  :  leMare'chalFocn.)) 


Pour  donner  une  image  aussi  fidele  que  possible  d'Henri  POINCAR£,  il  a 
semble'  qu'un  expose',  m^me  essentiellement  destine'  £  comme'morer  son  ceuvre 
scientifique,  devait  tout  d'abord  mettre  en  lumiereles  traits  caract^ristiques  de 
Fhomme. 

Du  point  de  vue  moral,  Henri  POINCARE  n'a  cess^  de  montrer  un  sentiment 
du  devoir,  une  ge'ne'rosite'  et  un  de'sinte'ressement  admirables.  Pour  illustrer 
cette  assertion,  trois  exemples  seulement  vont  6tre  cit^s. 

H.  p.  i3 


9*  TROISIEME  PARTIE. 

Son  sentiment  du  devoir,  il  le  manifesta  en  particulier,  comme  tout  jeune 
ing^nieur  des  mines,  en  n'hgsitant  pas  a  descendre,  au  m^pris  d'un  p^ril 
mortel,  dans  une  mine  ou  couvait  1'incendie  a  la  suite  d'un  coup  de  grisou 
terriblement  meur trier. 

Sa  generosity,  il  en  fit  la  preuve  en  dormant  auxcel&bres  fonctions  fuchsiennes, 
dont  il  est  le  pere  incontest^  et  dont  Pinvention  reste  un  des  plus  beaux 
ileurons  de  sa  couronne,  lenom  du  professeur  allemand  FUCHS  pour  reconnattre 
les  efforts  tenths  par  celui-ci  dans  la  m6me  direction  :  c'etait  une  preuve  bien 
remarquable  d'altruisme  que  dc  se  dgpouiller  ainsi  d'une  partie  de  sa  gloire 
scientifique,  le  plus  precieux  des  biens  au  coeur  d'un  savant. 

Quant  a  so*n  d^sint^ressement,  1'exemple  qui  va  etre  domig  est  rapporte 
d'apr&s  Maurice  d'OcAGNE,  personnalit<5  scientifique  bien  connue  a  1'Ecole 
Poly  technique.  A  la  mort  de  CVLLANDREAU,  Professeur  d'Astronomie  et  de 
G<£odt!sie,  le  Ministre  de  la  Guerre  de  l'6poque  d^cida  de  supprimer  ce  cours 
pour  raison  budgtStaire.  Atterr6  par  la  disparition  d'un  enseignement  aussi 
important,  POINCARE,  bien  que  d^ja  surcharg'6  de  besogne,  se  proposa  pour  le 
professer  sans  aucune  remuneration.  Le  Ministre  accepta,  et  c'est  dans  ces 
conditions  que  POINCAR£  fut  charge  a  Pficole  du  cours  d'Astronomie  g^nt^rale. 

Toutes  ces  vertus,  Henri  PoiNCARti,  n6  et  6lev<3  a  Nancy,  les  devait  pour  une 
partason  terroir  lorrain  qui  le  dota  en  outre  d'un  ardent patriotisme,  etsurtout 
a  son  milieu  familial  dont  tant  de  membres  firent  preuve  d'une  e^minente 
distinction  :  son  p6re,  L(5on  POINCAR^,  fut  professeur  a  la  Facult6  de  M^decine 
de  Nancy ;  son  oncle,  Antoni,  polytechnicien,  fut  inspecteur  g6n&ral  des  Ponts 
et  Ghauss^es;  ses  cousins  germains  (Haient  Raymond  POINCARE,  futur  President 
de  la  R^publique,  et  Lucien  POINCAR^,  futur  Recteur  de  FAcadgmie  de  Paris; 
sa  jeune  soeur,  qu'il  ch^rissait,  devint  la  femme  et  la  collaboratrice  de  Fillustre 
philosophe  fimile  BOUTROUX.  Henri  POINCAR£  fit  ses  Etudes  au  Lyc6e  de  Nancy 
ou  il  se  r6v6la  aussitot  comme  un  6l6ve  extraordinairement  dou6  aussi  bien 
d'ailleurs  pour  les  lettres  que  pour  les  sciences.  Son  seul  point  faible  3tait  le 
dessin  et,  par  la  suite,  il  eut  quelque  peu  a  en  souffrir.  II  ne  quitta  sa  ville  natale 
et  safamille  que  pour  entrer  a  1'ficole  Polyteclmique,  premier  de  sa  promotion. 


En  ce  qui  concerne  la  «  vie  intellectuelle  »,  pour  parler  le  langage  des 
psychologues,  celle  d'Henri  PoiNCARfi  6tait  essentiellement  marquee,  d'une  part, 
par  un  pouvoir  exceptionnel  de  concentration  de  1'esprit  et,  d'autre  part,  par 


MANIFESTATIONS  PARISIENNES   EN   MAI    igo/j.  ,  99 

une  extraordinaire  memoire.  Cerles,  on  ne  peut  songer  a  analyser  le  don 
transcendantal  qu'est  le  genie,  mais  on  est  en  droit  de  penser  que  la  reunion  de 
ces  deux  facultes,  surtout  elevees  a  un  si  haul  degrg,  doit  en  augmenter  singu- 
lierement  le  rendemeni. 

La  puissance  de  concentration  de  1'esprit  de  1'illustre  savant  etail  evidente 
pour  tous  ceux  qui  Ton  bien  connu.  Maurice  d'OcAGNE,  en  particulier,  a  park 
de  ces  periodes  ou  POINCARE,  poursuivant  sa  meditation,  perdait  la  notion  de 
1'ambiance  ou  il  so  trouvait.  «  Cette  absence,  dit  d'OcAGNE,  se  lisait  sans 
hesitation  sur  ses  traits;  il  n'avait  alors  aucune  conscience  de  ce  qui  se  passait 
autour  de  lui.  »  D'liabitude  il  semble  que  la  faculty  d'abstraction  et  la  puissance 
de  concentration  de  la  pensee  soient  Fapanage  des  jeunes  geom&tres  et  qu'ellcs 
diminueraient  plulot  avec  1'age.  Tous  les  grands  geom&tres  d'ailleurs,  comme 
PoiNGARfi  Iui-m6me,  ont  ete  pr£coces,  et  certains,  bien  que  tr£s  tot  disparus, 
ont  pu  laisser  une  ceuvre  originale  et  feconde,  par  exemple,  ABEL  ou  GALOIS,  ce 
dernier  tug  en  duel  a  21  ans. 

Quarit  a  la  memoire  dont  etait  dote  POINCARE,  tous*-ceux  qui  Font  approche, 
tels  APPELL,  DARBOUX,  d'OcAGNE  et  LECORNU  en  sont  restes  emerveilles.  APPELL 
declare  que  POINCARE  enfant  pouvait  toujours  dire  a  quelle  page,  a  quelle  ligne 
d'un  livre  il  avait  vu  telle  ou  telle  chose ,  et  ajoute  qu'il  a  conserve  une  memoire 
aussi  remarquable  pendant  toute  sa  vie,  ce  que  confirme  LECORNU  qui  a  ete 
el6ve  a  I'ficole  en  m£me  temps  que  POINCARE,  puis  son  collogue  comme  professeur 
et  son  confrere  k  1'Academie  des  Sciences.  II  est  hors  de  doute  que  la  fecondite 
de  POINCARE  qui,  mort  a  58  ans,  alaisse  a  la  posterite  une  ceuvre  non  seulement 
d'une  incomparable  valeur,  mais  comprenant  une  veritable  multitude  de 
travaux,  de  cours,  de  memoires  et  de  notes  interessant  les  branches  les  plus 
variees  de  la  Science ,  n'aurait  pu  se  manifester  a  ce  degre  sans  la  memoire 
extraordinaire  dont  il  etait  doue.  Un  autre  que  lui,  oblige  de  se  reporter  a  des 
references,  de  proceder  a  des  verifications  —  toutes  operations  que  lui  evitaient 
Tetendue  et  la  fidelite  de  sa  memoire  —  n'aurait  pu,  a  genie  egal,  trouver 
en  aussi  peu  d'annees  le  temps  de  realiser  une  production  si  etonnamment 

abondante. 

* 

, 

Les  grandes  inventions,  chez  POINCARE  plus  que  chez  tout  autre,  ont  poiu> 
bases  des  rapprochements.  Ce  fait  avait  frappe  Jacques  HADAMARD  :  «  Nulmieux 
que  POINCARE,  a-t-il  ecrit,  ne  sut  decouvrir  ces  relations  imprevues,  sans  doute 
parce  que  personne  ne  sut  mieux  dominer  la  Science  de  tous  les  cdtes  &.  la 


K/0  TROISIEME   PARTIE. 

fois.  x>  Et  PoiNCARfi  Iui-m6me  a  declare  :  «  Parmi  les  combinaisons  que  1'on 
choisira,  les  plus  fecondes  seront  souvent  celles  qui  sont  form^es  d'6l6ments 
emprunt^s  a  des  domaines  tr£s  £loign6s.  » 

La  question  s'eclaire  en  se  reportant  an  texte  classique  ou  PoiNCARfi  nous 
conte  la  gen6se  des  fonctions  fuchsiennes.  Successivement  il  est  conduit  a  des 
rapprochements  avec  la  serie  hypergeom^trique,  avec  les  fonclions  elliptiques, 
avec  les  transformations  de  la  Gtioin^trie  non  euclidienne,  avec  les  transfor- 
mations arithmeiiques  des  formes  quadra tiques  ternaires  ind^finies.  Certains 
de  ces  rapprochements  etonnenl  d'ailleurs  POINCAR^  lui-m£me.  II  prononce  le 
mot  d7  « illumination  »;  dans  d'autres  textes  il  parlera  d'intuition,  d'inspiration, 
d'^tincelle  sacr^e  ou  d'titincelle  divine.  En  r6alitt5,  ce  qui  est  en  cause  n'est 
autre  que  le  g<5iiie  math^matique.  Mais  POINCARE  nous  precise  qu'avant  que 
surviennent  ces  illuminations,  un  long  travail  de  concentration  de  Pesprit, 
conscient  et  peut-6tre  surtout  inconscient,  est  indispensable.  II  convient  aussi 
d'ajouter  que  Fgtincelle  sacr6e  ne  peut  intervenir  que  si  une  m^moire  active  et 
cxtr6mement  ^tendue  —  telle  celle  de  PoiNCARfi  —  lui  pr^sente  les  mat^riaux 

permettant  a  la  flamme  de  jaillir. 

* 

^    « 

II  ne  saurait  &tre  question  d'^tudier  ni  m^me  seulement  d'^num^rer  ici  les 
travaux  de  POINCAR&;  ils  int(5ressent  en  effet  toutes  les  sciences  rationnelles  : 
Matn6matiques ,  Physique,  Astronomic,  M^canique,  G^od^sie  et  aussi  la 
Philosophic  scientifique.  Dans  cet  expos^  on  se  bornera  done  essentiellement 
a  indiquer  les  voies  principals  qu'a  ouvertes  POINCAR^  et  a  tenter  de  dggager 
un  apercu  d'ensemble  de  Foeuvre  gigantesque  qu'il  a  accomplie. 

G'est  dans  le  domaine  de  la  Mathematique pure,  aristocratie  de  la  Science, 
que  PoiNCARfi  porta  son  effort  principal.  II  s'est,  en  particulier,  propose 
d'int(5grer  toutes  les  Equations  diff^rentielles  lin^aires  a  coefficients  alggbriques. 
C'est  poury  parvenir  qu'il  a  imaging  ces  nouvelles  transcendantes,  les  fameuses 
fonctions  automorphes  dont  il  vient  d'etre  parl6.  II  en  a  d6velopp6  la  thSorie, 
donn^  la  representation  par  des  series  et  a  finalement  abouti,  non  seulement  a 
Fint^gration  recherch^e,  mais  aussi  a  montrer  que  les  coordonn^es  d'un  point 
d'une  courbe  alg^brique  quelconque  peuvent  s'exprimer  par  des  fonctions 
fuchsiennes. 

Ge  sont  ces  magnifiques  r6sultats  que  visait  Gamille  JORDAN,  que  j'ai  eu 
Fhonneur  d'avoir  ici-m6me  comme  professeur,  lorsqu'il  disait .:  «  II  faut  le 
reconnaitre  :  nous  assistons  en  ce  moment  a  une  revolution  de  tous  points 


MANIFESTATIONS   PARISIENNES   EN   MAI   IQS/f.  101 


comparable  a  celle  qui  s'est  manifestee  il  y  a  un  demi-sieicle  par  1'avenement 
des  fonctions  elliptiques,  » 

Les  travaux  de  POINCARE  en  Mathemaliques  pures  sont  si  nombreux  el  si 
importants  qu'il  est  difficile  d'op^rer  un  choix  parmi  eux.  On  menlionnera 
encore  pourtant  ceux  consacr^s  a  la  th^orie  des  nombres  et  le  Mt5moire  c6l£bre 
ou  il  etend  aux  integrates  doubles  la  theorie  de  CAUCHY  relative  aux  integrates 
prises  le  long  d'un  contour  ferme. 

Mais  il  faut  aussi  signaler  spe'cialement  d'autres  M^moires,  relatifs  ceux-la  a 
la  theorie  des  courbes  d^fiiiies  par  les  Equations  diflferenlielles.  Le  butpoursuivi 
est  de  se  rendre  compte,  dans  le  champ  r£el,  de  1'allure  gen^rale  des  courbes 
int^grales  ;  l'6tude  en  cause  est  done  puremenl  qualitative  et  rejoint  ainsi  le 
domaine  de  V  Analysis  situs  (aujourd'hui  nomme'e  Topologie)  que  POINCAR*: 
avait  en  particuli^re  affection  et  a  laquelle  il  a  consacr6  plusieurs  Mgmoires. 

U  Analysis  situs  est  une  des  disciplines  les  plus  profondes  de  la  science 
math^matique.  On  sait  que  cette  discipline,  d'un  caract&re  essentiellement 
qualitatif,  etudie  les  relations  qui  subsistent  dans  une  figure  lorsqu'on  la 
d^forme  d'une  mani^rc  quelconque,  mais  sans  d^chirure  ni  soudure.  Du  point 
de  vuo  de  V  Analysis  situs  un  cercle,  par  exemple,  est  Equivalent  a  une  ellipse 
ou  m6me  a  toute  courbe  ferm^e  sans  point  double,  mais  ne  1'est  pas  a  un 
segment  de  droite  parce  que  celui-ci  n'est  pas  ferm^. 

UAnalys  situs  donne  lieu  a  une  s^rie  de  propositions  parfaitement  enchain6es 
et,  en  les  prenant  pour  base,  RIEMANN  avait  etabli  une  des  theories  les  plus 
int^ressantes  et  les  plus  f^condes  de  1'Analyse  pure.  POINCAR^,  qui  lui  a  donne 
un  remarquable  essor,  a  fait  appel  a  elle  dans  nombre  de  ses  travaux  mathe- 
matiques  et  en  particulier  dans  ses  Etudes  sur  1'int^gration  qualitative  des 
Equations  difF^rentielles. 

*   * 

Dans  le  domaine  de  la  Physique  le  genie  de  PotNCAiifi  s'est  manifest^  avec  le 
m6me  6clat  et  il  n'existe  d'ailleurs  gu^re  de  fronti^re  entre  la  Maththnatique 
pure  et  la  Physique  math6matique.  Mais,  tandis  que  1'ceuvre  math^matique  de 
PoiNCARfi  s'est  d6velopp6e  tout  enti^re  avec  une  majestueusc  continuity,  ses 
conceptions  en  Physique,  soumises  pendant  longtemps  aux  seulcs  lois  de  la 
M^canique  classique,  se  sont  trouv^es  ensuite  affect(5es  par  Tav^nenient  de  la 
Physique  relativists,  a  la  naissance  de  laquelle  il  a  d'ailleurs  puissamment 
contribute,  puis  de  la  Physique  quantique. 

C'est  principalement  pendant  les  dix  ann^es  ou  POINCAR£;  occupa  a  la  Faculld 


102  TROISIEME  PARTIE. 

ties  Sciences  la  cliaire  de  prolcsseur  de  Physique  mathe'inatiquc  qu'il  r^alisa  la 
premiere  parlie  de  son  oeuvre.  Ses  cours,  d'une  incomparable  quality,  ne  se 
bornaient  pas  a  mettre  les  auditeurs  au  couraiit  des  Iravaux  deja  fails  stir  les 
questions  trailers;  ils  pre"cisaient  en  outre  bien  des  points  jusque-la  laisse's 
dans  Pombre  et  comportaient  des  de'veloppements  importants  entitlement 
originaux.  Parmi  ces  cours  on  peut  citer  et  admirer  :  Thermodynamique; 
Capillarite";  Propagation  de  la  chaleur;  Oscillations  electriques;  Electricity  et 
Optique.  Dans  ces  derniers  il  faut  mentionner  particulierement  la  partie  relative 
aux  theories  de  MAXWELL  et  a  la  theorie  electromagnetique  de  la  lumiere,  alors 
presque  inconnues  en  France;  et  egalement  celle  relative  aux  travaux  de  HERTZ 
que  PoiNCARft  ne  se  borna  pas  a  cxposer,  mais  auxquels  il  ajouta  des  precisions 
toutes  nouvelles  et  apporta  m&me  des  rectifications  necessaires. 

C'est  dans  cette  mfime  periode  que  POINCARE  etablit  ses  celebres  Memoires 
sur  les  Equations  aux  de'rive'es  partielles  de  la  Physique  roathe'matique. 

En  ce  qui  concerne  Favenement  de  la  Physique  relativiste,  le  role  de 
Poincare'  a  ete"  d'une  importance  capitale  et  peut-e"tre  non  apprecie  a  sa  valeur 
veritable.  Les  travaux  de  LORENTZ  Favaient  vivement  inte'resse'  et  il  y  avait 
apport6  une  contribution  personnelle  de  premier  plan.  En  particulier  dans  un 
remarquable  M^moire,  (5crit  avant  la  publication  des  travaux  d'EiNSTEiN  etparu 
dans  les  Comptes  rendus  du  Cercle  matliemalique  de  Palerme,  l'6tude 
pe'ne'trante  qu'il  fit  de  la  dynamique  de  l'6lectron  assura  a  la  the'orie  de  LORENTZ 
une  parfaite  coherence,  et  il  est  certain  que  ce  Me'moire  restera  classique  dans 
1'histoirc  du  principe  de  la  relativite'.  Rendant  a  POINCAR£  un  juste  hommage, 
M,  Louis  DE  BROGUE  a  pu  6crire  :  «  Sans  LORENTZ  et  sans  POINCARE,  EINSTEIN 
n'eut  pu  aboutir.  » 

De  ce  qui  precede,  il  reunite  qu'Henri  POINCARE  a  fait  largement  b6n6ficier 
de  son  ge'nie  la  Physique  math^matique  et  la  Physique  the'orique.  S'il  n'a  pas 
e'te'  personnellement  un  expe'rimentateur,  il  s'est  tenu  au  courant  de  toutes  les 
experiences  et  en  a  m6me  provoqu6.  II  a  d'ailleurs  proclam^  bien  haut  : 
«  L'expe'rience  est  la  source  unique  de  la  ve'rite' :  elle  seule  peut  nous  apprendre 
quelque  chose,  elle  seule  peut  nous  donner  la  certitude*  » 


Dans  le  domaine  de  MAstronomie  et  de  la  M&canique  celeste,  Henri 
s'est  ^galement  acquis  une  renomm^e  universelle. 

On  mentionnera  toul  d'abord  son  magnifique  succes  a  un  concours  ouverl 


MANIFESTATIONS   PARISIENNES  EN   MAI    1964.  Io3 

aux  mathematicians  du  monde  entier  pour  1'obtention  d'un  prix  fonde  en  1889 
par  Ic  roi  de  Su&de  eL  Norv&ge  a.  1'occasion  de  son  6oc  anniversairc.  Parmi  les 
membrcs  du  jury  figuraient  HERMITE  et  WEIERTRASS;  parmi  les  concurrents 
Henri  POINCAR£  et  Paul  APPELL;  c'est  assez  dire  qu'il  s'agissait  d'une  epreuve 
de  tout  a  fait  exceptionnelle  quality.  Le  prix  revint  a  POINCAR^  pour  son 
Memoire  Sur  le  probleme  des  trois  corps  et  les  equations  de  la  Dynamique. 
Les  principaux  r^sultats  £nonc6s  dans  ce  M6moire  furent  ensuite  repris  et 
developp^s  par  POINCARE  dans  son  Ouvrage  Les  Methodes  nouvelles  de  la 
Mecanique  celeste  et  dans  les  lecons  dc  Mecanique  celeste  qu'il  professa  a  la 
Sorbonne  a  partir  de  1896.  Dans  ces  travaux,  aprtjs  avoir  mis  en  Evidence  les 
defectuosit^s  des  meHhodes  anterieurement  suivies,  POINCARE  fait  appel  a  des 
instruments  nouveaux,  les  «  invariants  int6graux  »,  les  «  solutions  p^riodiques  » 
ou  les  trois  corps  reviennent  periodiquement  dans  les  m£mes  positions  relatives 
et  les  «  solutions  asymptotiques  »  qui,  sans  &tre  p^riodiques,  tendent  a  le 
devenir  au  bout  d'un  temps  infini. 

On  citera  encore,  puisque  la  aussi  il  taut  cboisir,  la  th^orie  des  marges  et 
surtout  le  c6l^bre  M^moire  sur  les  figures  d'^quilibre  d'une  masse  Iluide  en 
rotation,  ou  POINCARE  montre  qu'il  peut  exister  d'autres  figures  d'^quilibre  que 
1'ellipsoi'de  de  revolution  de  MAC  LAURIN  et  que  1'ellipsoide  a  trois  axes  inegaux 
de  JACOBI. 

PoiNCARfi  a  (Sgalement  ^tudi^  la  Cosmo gonie  dans  ses  Lecons  sur  les  hypotheses 
cosmogoniques.  II  y  fait  un  examen  critique  magistral  de  toutesles  hypotheses 
(5mises  par  des  savanls  aussi  <3minents  que  LAPLACE,  ARRIIENIUS,  HELMHOLTZ  et 
Lord  KELVIN  au  sujet  du  plus  ardu  et  du  plus  d^licat  des  problSmes  :  celui  de 
1'origine  du  monde,  et,  avcc  sa  haute  probit6  scientifique,  il  n'h^site  pas  a 
declarer  :  «  Apr^s  ceL  expose  on  attend  sans  doute  de  moi  une  conclusion  et 
c'est  cela  qui  m'embarrasse.  Plus  on  6tudie  cette  question  de  1'origine  des  astres, 
moins  on  est  press^  de  conclure...»  II  fallait  cependant,  ditDARBOUx,  un  savant 
tel  que  POINCARE  pour  suivre,  avec  autant  de  penetration,  ces  discussions  qui 
exigent  la  reunion  des  connaissances  du  geom&tre,  du  physicien  et  m^me  du 
ggologue. 

La  Geodesie,  enfin,  a  toujours  vivement  retenu  1'attenlion  de  POINCARE  qui  a 
consacr^  un  chapitre  de  Science  et  Methods  a,  la  gloire  de  la  g£odesie  frangaise, 
Lorsque  l'Acad6mie  des  Sciences  obtint  du  Gouvernement  1'envoi  a  Ffiquateur 
d'une  mission  charged  de  repi^cndre  1'ceuvre  g6od6sique  qui  avait  honore  notre 


104  TROISIEME   PARTIE. 

Pays  an  xvin1'  siecle,  c'est  POLNCUIE  qui  presida  el  anima  la  Commission  de 
conlrole  des  operations.  On  doit  encore  spe'cialement  mentionner  son.  important 
Me'moire  sur  les  mesures  de  gravitu  et  la  geodesic. 


Reprenant  la  tradition  des  PASCAL,  des  DESCARTES  el  des  LEIBNITZ,  Henri 
POLNCARE  ne  s'est  pas  contente  d'etre  un  homme  de  Science  eminent  :  il  a 
egalement  accompli,  dans  le  domaine  de  la  Philosophic,  une  ceuvre  remarquable 
et  qui,  d'ailleurs,  a  fait  sensation  des  sa  publication.  POINCARE  proc6dait, 
principalement  dans  son  premier  Ouvrage  La  Science  el  V  Hypo  these  ^  a  la 
critique  des  fondements  de  nos  connaissances  scientifiques.  Cette  attitude  d'un 
aussi  illustrc  savant  provoqua  dc  profonds  remous  dans  1'opinion  et  beaucoup 
allerent  jusqu'a  taxer  POINCARE  de  scepticisme. 

Cortes  PoiNCAttfi  a  pousse  tres  avant  la  liberty  d'oxamen  vis-a-vis  de  notions 
essentielles  qui  beneficaient  d'un  prestige  paraissant  hors  de  toute  atteinte. 
Mais  rechercher  la  verite',  sans  Lenir  compte  de  la  tradition  ou  de  Fautorite', 
c'est  en  re'alite'  6tre  proprement  carte'sien,  et  non  pas  sceptique.  Un  sceptique 
s'exprimerait-il  comme  le  fait  POINCARE  dans  un  autre  de  ses  Ouvrages  La 
Valeur  de  la  Science  ou  Ton  pent  lire  des  passages  tels  que  ceux-ci  : 

«  Si  j'ajoute  que  Pharmonie  universellc  du  inonde  est  la  source  de  toutc 
beaute',  on  comprendra  quel  prix  nous  devons  attachcr  aux  lents  et  penibles 
progres  qui  nous  la  font  pen  a  pen  mieux  connaitrc.  » 

Et  ailleurs  :  «  La  meilleure  expression  de  cette  harmonie,  c'est  la  loi  ». 

Ou  encore  :  «  Non,  les  lois  scientifiques  ne  sontpas  des  creations  artificielles  ». 

Quelles  sont  les  causes  de  ce  malentendu  sur  la  position  philosopliique  r^elle 
de  POINCARE  ?  Elles  sont  de  deux  sortes  : 

Entrain^  par  1' extraordinaire  engouement  qu'avait  provoquti  La  Science  et 
VHypothese,  un  vaste  public,  dont  la  plus  grande  partie  n'6tait  nullement 
pr^par^e  a  rexamen  de  semblables  problemes,  avait  pris  partaleur  discussion. 
G'est  ce  qu'a  not6  Fillustre  phjsicien  LIPPMANN  en  ces  termcs  pleins  de  sens  et 
aussi  dj humour  : 

<c  La  philosophie  de  VoiNCAiifi  qui  implique  une  profonde  connaissance  de  la 
M^canique  et  de  la  Physique  mathe'matique,  qui  est  une  des  plus  abstruses  et 
des  plus  inaccessibles  qu'on  puisse  trouver  est,  par  surcroit,  devenue  populaire  : 
co  qui  montre  combien  elle  est  difficile  a  comprendre  ». 


MANIFESTATIONS   PARISIENNES   EN   MAI    1954,  105 

A  celle  premiere  cause  de  malenlendu  il  fauL  encore  ajouter  que  certains 
ecrivains,  bien  que  de  tendances  tres  differentes  de  celles  de  POINCARE,  etaient 
fort  de"sireux  de  s'annexer,  inline  au  prix  d'une  interpretation  assez  abusive, 
une  recrue  aussi  thninente. 

En  fait,  Henri  POINCAR^  se  refusait  a  admettre  aveugl^ment  les  axiomes  et 
les  propositions  premieres  et  avait  re'solu  d'en  rechercher  la  valeur  fondamen- 
tale  re'elle  :  il  est  d'ailleurs  a  noter  que  si  son  libre  examen  a  abouti  a  (Sbranler 
nombre  de  ces  notions  essentielles,  les  prog-res  si  rapides  de  la  Physique  et  de 
la  M^canique  relativistes  et  quantiques  les  ont  ensuite  perturbe'es  beaucoup 
plus  profonde'ment  encore. 

Mais,  pour  suivre  Pordre  chronologique,  c'est  d'abord  dans  le  domainede  la 
Ge'ome'lrie  que  s'exerca  la  critique  de  POINCARE.  Vivement  inte'ress6  par  la 
Ge'ome'trie  non  euclidienne,  a  laquelle  il  eut  recours  pour  le  d6veloppement  de 
sa  magistrate  the'orie  des  fonctions  fuchsiennes,  il  rappelle  Fimpossihilite'  de 
d6duire  le  celebre  Postulatum  d'EucLiDE  des  autres  axiomes  qui  sont  a  la  base 
de  la  Ge'ome'trie,  ce  qu'avaient  vainement  tente"  de  faire  des  savants  aussi 
illustres  que  LEGENDRE  et  LAGRANGE.  II  montre  que  la  ge'ome'trie  de  LOBATSCIIEWSKY 
par  exemple,  ou  1'on  admet  la  possibility  de  faire  passer  par  un  point  plusieurs 
paralleles  a  une  droite  donn^e,  comporte  une  suite  de  the'oremes  d'une  logique 
aussi  impeccable  que  la  Ge'ome'trie  euclidienne;  il  montre  aussi  que  1'on  pent 
passer  d'une  ge'ome'trie  a  1'autre  de  telle  sorte  qu'il  ne  pourrait  y  avoir  de 
contradiction  dans  1'une  qui  ne  fut  aussi  dans  1'autre.  Du  point  de  vue  de  la 
logique  pure  les  deux  ge'ome'tries  sont  done  e'galement  valables.  Ainsi  le  Postu- 
latum d'EucuDE  n'est  qu'une  convention.  Mais  le  choix  de  cette  convention 
n'est  pas  arbitraire  :  la  Ge'onKHrie  euclidienne  est  en  effet,  dit  POINCARE,  la 
plus  «  commode  ».  II  faut  noter  au  passage  que  ce  terme  de  «  commode  » 
revient  a  de  multiples  reprises  dans  son  ceuvre,  et  cette  expression  familiere  et 
quelque  peu  vague  a  certainement  contribue  a  accr6diter  la  l^gende  du  scepti- 
cisme  de  PoiNCARfi  a  I'e'gard  de  la  Science.  En  re'alite'  POINCARE  explique  que  par 
«  commode  »  il  faut  entendre  :  simple  etpropre  a  la  satisfaction  de  nos  besoins. 

Dans  le  domaine  de  la  Me"caniquc  et  de  la  Physique  classiques,  POINCARE 
aboutit  a  des  re'sultats  du  m6me  ordre  :  «  La  loi  de  I'acc^le'ration,  la  regie  de  la 
'composition  des  forces  ne  sont-elles  que  des  conventions  arbitraires  ? 
Conventions  ?  oui;  arbitraires  ?  non;  elles  le  seraieiit  si  1'on  perdait  de  vue  les 
experiences  qui,  si  imparfaites  qu'elles  soient,  suffiscnt  a  les  justifier.  »  Quant 


I06  TROISIEME  PARTIE. 

aux  masses,  ce  sont  seulemenl  des  «  coefficients  qu' il  est  commode  d'introduire 
dans  les  calculs  ».  En  ce  qui  concerne  les  theories  physiques,  Fhypoth^se  y 
joue  un  role  capital,  a  Or  ces  hypotheses  ne  peuvent  pas  6tre  vraies  ou  fausses, 
dies  ne  peuvent  tHre  que  commodes  ou  incommodes.  » 

Mais,  malgr6  le  haul  inter£t  dc  tes  discussions  relatives  a  la  M^canique  et  a 
la  Physique  classiques,  il  est  d'un  interet  encore  plus  grand  et  plus  actuel 
d'examiner  comment  POINGAUJ&  a  r^agi  en  presence  des  theses  relativites  et 
quantiques  qui,  comme  il  a  ett;  dit,  atteignent  encore  beaucoup  plus  profon- 
dtSment  les  theories  classiques  que  les  reserves  qu'il  avait  formulas.  C'est 
surtout  a  partir  de  1904  et  apres  le  Congr^s  de  Saint-Louis,  ou  il  se  rendit  avec 
Paul  LANGEVIN,  qu'il  apporta  le  concours  de  son  puissant  g£nie  aux  theories  de 
la  relativity,  «  II  voyait  avec  un  peu  d'inqui^tucle,  nous  dit  LANGEVIN,  ebranler 
le  vieil  edifice  de  la  Dynamique  newtonienne.  »  Mais  bientot  POINCAR&  allait 
lui-m£me  apporter  une  contribution  capitale  a  la  construction  de  Fedifice 
nouveau . 

Quant  aux  theories  quantiques,  la  mort  survenue  brusquementFemp£cha  de 
prendre  une  position  definitive  a  leur  <§gard.  Dans  ses  Dernier es  pensees  il 
fait  loutefois  ressortir  leurs  graves  consequences  :  av^nement  de  la  disconti- 
nuit6  dans  les  lois  naturelles  et  atteinte  a  la  tradition  classique  de  la  repr<3sen- 
tation  des  phtoom^nes  par  des  Equations  differentielles . 

De  tout  ce  qui  pr6c£de  il  r^sulte  que  la  philosophic  de  PoiNCAnfi  est 
caract«5ris6e  par  la  profondeur,  Foriginalit6  et  Find^pendance  qui  <3taient  les 

attributs  de  son  genie. 

* 
+    * 

Telle  est  1'ceuvrc  dc  g6ant  qu'a  accomplie  Henri  PoiNCARfi  et  donfle  present 
expose?  ne  pent  donner  qu'un  faible  apergu.  Elle  suffirait  a  assurer  la  renomm(5e 
de  plusieurs  savants  de  tr&s  haute  distinction.  Le  plus  beau  monument  qu'on 
ponvait  songer  a  Clever  a  la  m^moire  d'Henri  PoiNCARfi,  «  celui  qu'il  aurait  le 
plus  volontiers  agr<§g  »,  a  dit  en  1918  DARBOUX,  alors  Secretaire  perp^tuel  de 
1'Acad^mie  des  Sciences,  6tait  la  publication  de  ses  oo'uvres  scientifiques. 

Grace  a  FAcad6mie  des  Sciences  el  en  particulier  a  M.  le  Professeur  Gaston 
JULIA  qui  fat  Fame  dc  Fentreprise,  grace  a  la  Society  des  Amis  de  Fficole 
Polytechnique  et  a  1'ficole  Polytoclmique  elle-m6me?  grace  au  Centre  National 
de  la  Recherche  scientifique ,  grdce  au  g^nereux  concours  de  FIndustrie 
francaise,  ce  monument  a  la  m6moire  d'Henri  POINCAR£  est  aujourd' 
il  cojistitue  le  reliquaire  de  son  incomparable  g6nie. 


MANIFESTATIONS   PARISIENNES   EN   MAI    1964.  107 

B.-  L'APRES-MIDI  DU  DIMANCHE  16  MAI  1954 
A  VERSAILLES. 


Apres  un  dejeuner  intime  a  la  maison  des  X  ofiert  par  le  Comite"  d'Organi- 
sation,  ies  delegue's  Strangers  ont  6t6  conduits  a  Versailles  ou  une  visile  du 
chateau  avail  6l&  pre"vue  spe'cialement  a  leur  inlenlion.  Sous  la  conduite  de 
Mll°  ERLICH,  qui  a  fail  profiler  son  audiloire  de  sa  connaissance  de'laille'e  des 
lieux  el  de  sa  grande  e"rudilion,  ils  ont  pu  admirer  non  seulemenl  la  chapelle, 
Ies  grands  apparlements,  la  galerie  des  glaces,  la  chambre  de  Louis  XIV  ou  la 
salle  de  1'ceil  de  boeuf,  mais  aussi  Ies  pelils  apparlemenls  de  la  reine  qui  ne 
sonl  pas  normalemenl  ouverls  au  public.  Ils  onl  pu  enfin  jeler  un  Irop  rapide 
coup  d'oeil  sur  Ies  grandes  eaux  el  le  bassin  de  Neptune. 

Pour  permellre  aux  dele'gue's  Strangers  de  prendre  quelque  repos  avant  de 
regagner  Paris,  le  President  de  la  Chambre  de  Commerce  de  Versailles, 
M.  BAMBERGER,  avail  bien  voulu  organiser  pour  eux  une  reception  dans  Ies 
salons  de  la  Ghambre  de  Commerce,  situs's  dans  1'ancien  holel  de  Mme  DU  BARRY, 
el  qui  onl  conserve"  loul  leur  cachel  du  xvni°  siecle.  En  quelques  mols 
M.  BAMBERGER  a  souhail^  la  bienvenue  a  ses  holes,  pre"cisant  que,  en  dehors  du 
chateau,  Versailles  poss&de  de  nombreuses  demeures  plus  modesles  mais  donl 
le  charme  el  l'int($r&t  hislorique  ou  archilectural  fonl  le  prix.  M.  le  Professeur 
SEVERI,  repr^senlanl  1'Acad^mie  Nalionale  de  Lince'i  et  l'Acad6mie  Nalionale 
des  Quarante  a  re"pondu  au  nom  des  de'le'gue's  Strangers.  II  a  remerci<5  la 
Chambre  de  Commerce  de  son  accueil,  dil  le  plaisir,  apres  la  visile  du  chateau, 
d'avoir  pu  connailre  aussi  le  cadre  plus  inlime  d'un  viel  hotel  d'^poque.  II  a 
rappel6  enfin  qu'il  avail  connu  Henri  POINCARE,  lorsque  celui-ci  est  venu  a 
Rome  en  1908,  et  que  c'esl  au  cours  de  son  sejour  dans  la  capilale  ilaliennc 
que  Henri  POINCAR^  a  subi  Ies  premieres  atteintes  du  mal  qui  devail  provoquer 
qualre  ans  plus  lard  1'inlervenlion  chirurgicale  dont  il  semblait  se  rcmellre, 
lorsqn'Une  embolie  1'a  lerrass^. 


10g  TROISIEME   PARTIE. 


0.-  LA  MATINEE  DU  LUNDI  17  MAI  1954 

A  L'INSTITUT  HENRI  POINCARE 
ET  A  LA  RUE  CLAUDE-BERNARD. 


L'Instilut  Henri  PoincanS,  1 1,  rue  Pierre-Curie,  qui  est  I'lnstittit  de  Math6- 
matiques  de  la  Faculte  des  Sciences  de  Paris  se  devail  de  feHer  aussi  le 
centenaire  de  celui  dont  il  porte  le  nom.  C'est  par  la  pose  d'un  m^daillon  que 
1'Institut  Henri  Poincar6  a  voulu  comm6morer  ce  centcnaire,  en  m£me  temps 
que  Tinauguration  de  la  surel^valion  des  biitiments  de  Flnstitut.  M.  Gaston 
JULU  a  done  fait  remise  au  Doyen  de  la  Facultd  des  Sciences,  et  an  Directeur 
de  rinstitut  d'une  rgplique  du  medallion  de  FEcole  Polytechnique,  et  il  a 
prononct;  a  cette  occasion  une  courte  allocution  a  laquelle  ont  r6pondu 
M.  Joseph  PERES,  Membre  dc  FAcadSmie  des  Sciences  ct  Doyen  de  la  Facult6 
des  Sciences,  et  M.  Gaston  DUPOUY,  Membre  dc  I'Acad^mie  des  Sciences, 
Directeur  du  Centre  national  de  la  Recherche  scientifique,  tandis  que 
M.  Emile  BOREL  (5voquait  lui  aussi,  en  quelques  mots  improvises,  les  origines 
de  FInstitut  Henri  Poincar6,  et  son  d^veloppement,  attest^  par  les  agrandis- 
sements  actuels. 

ALLOCUTION  DE  M.  GASTON  JULIA 

A  L'INSTITUT  HENRI  POINCARE. 
MON  CHER  DlRKCTEUR, 

MON  CHER  DOYEN, 

En  un  temps  ou,  dans  les  sciences  exactes,  Fabstrait  aurait  plutot  tendance 
a  tout  envahir,  et  ou  la  connaissance  des  relations  entre  individus  y  importe 
souvent  plus  que  la  connaissance  de  ces  individus  eux-m6mes;  ou  cependant 
les  relations  sociales  r6clament  plus  dc  chaleur  humaine,  d'(5changes  directs, 
en  un  mot  de  charity,  nous  avons  pense^  qu'il  serait  bon,  pour  nos  (^tudianls  de 
Math&natiques,  d'apercevoir  en  passant,  pour  entrer  dans  eel  Institut  Henri 


MANIFESTATIONS   PARISIENNES   EN   MAI    1964.  109 

Poincare,  Peffigie  de  Pilluslre  savant  qui  lui  a  donng  son  nom,  et  avec  qui 
nous  voudrions  qu'ils  fisscnt  amide". 

La  vcrlu  d'une  telle  amitig,  MONTAIGNE  1'a  exprime'e  en  termes  gmouvanis;  il 
csL  plus  difficile  do  Pexpliciter  que  d'gnoncer  maint  thgorfcme  eL  corollaire. 
Beaucoup  cependanL  comprendront,  pour  qui  la  Science  n'est  pas  exclusive  de 
ccllc  amiti<5,  dans  laquelle  s'accordent  etsc  dgveloppenlles  temperaments  divers. 

L'Institut  Henri  Poincarg  a  maintenant  26  ann^es.  Les  concours  bienfaisanls 
grace  auxquels  il  a  pu  naitre  et  grandir  sonl  inscrits  sur  ces  plaques  quo  nous 
avons  devant  nous.  Nous  avons  pensg  que  les  traits  dc  son  parrain,  Tun  des 
plus  t^minents  matht^maticiens  que  la  France  et  le  monde  aient  produit, 
devaient  re'chauffer  ce  marbre  un  peu  froid,  pour  gvoquer  familierement  ct 
fortement  une  presence,  une  puissance  dont  nous  pouvons  £tre  fiers,  et  nous 
avons  demand^  a  Mmc  GUZMAX-NAGBOTTE,  dont  les  r&issites  sont  nombreuses, 
de  les  graver  pour  nous  dans  le  bronze. 

On  juge  souvent  des  autres  d'apres  soi-mSme.  Je  ne  puis  pas  oublier  en  ce 
moment,  Pe'motion  que  j'^prouvai  il  y  a  pres  de  23  ans,  lorsque,  dans  le  petit 
cimetiere  de  Gottingen,  je  rencontrai  la  tombe  de  GAUSS,  que  je  cherchais. 
Auparavant,  GAUSS  c'e'tait,  pour  moi,  un  grand  nom?  une  belle  ceuvre;  ce 
jour-la  ce  fut  comme  une  presence. 

Eli  !  bien,  notre  ambition,  que  certains  trouveront  peut-etre  un  peu  naive, 
c'est  que  ce  m^daillon  nous  soit  ici  comme  une  presence;  nous  croyons 
fermement,  inon  cher  Directeur,  mon  cher  Doyen,  que  nos  e'tudiants  s'en 
trouveront  bien. 

C'est  dans  cet  esprit,  qu'au  nom  du  Comit<5  d'Organisation  je  vous  remets 
ce  beau  me'daillon  en  vous  remerciant  d'avoir  bien  voulu  le  placer  la  ou  nos 
^tudiants  pourront  chaque  jour  Papercevoir,  afin  qu'Henri  POHSCAR£  soit  pour 
eux  un  ami,  un  conseiller,  et  le  meilleur  des  guides. 

ALLOCUTION  DE  M.  JOSEPH  PfiUfiS 

A  L'INSTITUT  HENRI  POINCARE, 
MON  CHER  JULIA, 

Le  Comit^  que  tu  presides  avec  tant  de  dynamisme  a  eu  la  pens^e  tres  deli- 
cate de  pr^voir,  a  Pentr^e  de  ces  batiments  d^di^s  a  Henri  PoiNCARfi,  Padmirable 
m^daillon  qu'a  grave"  Mme  GUZMAN-NAGEOTTE.  Au  norn  du  Conseil  de  Direction 
de  PInstitut  Henri  Poincar6  et  mandate  par  son  Directeur,  notre  maitre  fimile 


110  TROISIEME   PARTIE. 


BoRfiL,  an  noni  de  toute  la  Faculle  dos  Sciences,  j'ai  Fagreable  devoir  do 
lemoigner  ici  de  notre  vivo  gratitude.  El  j'ai  aussi  le  plaisir  de  remercier 
Mrac  GUZMAN-NAGKOTTK  d'avoir  si  bicn  su  fa  ire  revivre,  apres  plus  de  4°  ans, 
celui  quo  nous  ne  pouvuns  oublier. 

MKSIHMES,  MESSIEURS, 

KS  CIIERS  COLLEGUES  ET  AM  IS, 


Je  n'am^ai  pas  routrecuidance  dc  revenir,  apres  les  beaux  exposes  que 
nous  avons  entendus,  hier  et  avant-hicr,  sur  les  caracleres  de  1'oeuvre  d'Henri 
POINCARE.  Permettez-moi  cependant,  mon  cher  Maitre,  quelques  mots  a  propos 
du  principe  que  vous  avcz  de'gage'  samedi  dernier,  en  nous  rassurant  d'ailleurs 
sur  saparfaite  inde'pendance  des  lois  morales,  lorsqu'on  Fulilise  en  Mathe"ma- 
tiques.  Le  principe  est  d'une  application  tres  large  en  Mathe'maliques  appli- 
qutses,  on  en  abuse  peut-6tre  parfois,  on  1'utilisc  inconsciemment  comme 
M.  Jour  dain  faisait  de  la  prose.  En  lYsvoquanl  vous  vouliez  sans  doute  nous 
faire  sentir,  par  un  exemple  que  son  apparencc  de  paradoxe  rendait  plus 
frappanl,  combien  la  puissante  intuition  de  POINCARE  dominait  problemes  et 
me'thodes,  combien  elle  e"tait  ouverte  a  toute  forme  de  demarche  vers  la  ve'rite', 
Cela  peut  etre  me'dit^  ici-m^me. 

Ceux  d'entre  nous  qui  ont  suivi  les  cours  d'Henri  POINC^RE  le  revoient  dans 
les  locaux  qui  furent  le  domaine  des  mathe'maticiens,  presque  sous  les  toils  do 
la  Sorbonne,  au-dessous  de  la  tour  qui  domine  la  rue  Saint-Jacques  et  que 
couronne  une  demi-sphere,  assez  agrdablement  patine'e  et  qui  abrita  peut-toc, 
mais  la  tradition  s'en  est  perdue,  un  instrument  astronomique  d'observalion. 
PoiNCARfi  enseignait  dans  Pamphithe'alre  Le  Verrier,  ou  ceux  de  ma  ggndralion 
ont  pu  entendre  aussi  les  lemons  de  MM.  HADAMARD  et.fimile  BOREL,  deDARBOux 
et  de  PICARD.  Get  amphitheatre  a  un  tableau  tr^jslong  devant  lequel  se  trouve 
done  une  piste  de  marche  a  pied  fort  plaisante  (je  1'ai  e'prouve'  beaucoup  plus 
tard)  pour  ceux  qui  aiment  agr^menter  le  travail  de  reflexion  par  un  peu 
d'exercice.  S'il  m'en  souvient  bien,  POINCARE  ^tait  de  ceux-la  et  j'ai  eu,  hier 
matin,  confirmation  de  ce  souvenir  en  visitant  Texposition  organised  a  Fficole 
Polytechnique  :  dans  une  Revue  des  Ombres,  il  est  question  de  raisonnements 
subtils  qui  s'achevent  en  un  demi-tour,  e'videmment  a  une  des  limites  d'oscil- 
lation. 

L'amphithe'atre  Le  Verrier  est  actuellement  presque  entierement  abandon^ 
par  les  mathe'maticiens  et  vous  comprenez  ainsi  combien  6tait  opportun  le 


MANIFESTATIONS  PARISIENNES  EN   MAI    1964.  Ill 

transfert  en  ces  lieux,  que  nous  devons  an  Comite"  du  Centenaire,  de  la  presence 
figure'e'  cl'Henri  POINCARE. 

M.  fimile  BOREL  vous  a  rappel<3  avant-hier  par  quels  concours  avail  (He"  rendue 
possible,  au  cours  de  la  socondo  decade  de  noire  siecle,  la  construction  de 
Flnstitut  Henri  Poincare".  SI  j'y  reviens  ici,  c'esl  pour  souligner  que  c'esl  par 
son  initiative  et  grace  a  son  autorite'  qu'ont  e'te'  reunis  les  concours  et  qu'il  a 
e'te'  ve'ritablement  le  maitre  de  1'ceuvre.  Nous  ne  saurions  1'oublier. 

L'Inslitut  Henri  Poincare,  destin6  en  principe  aux  Services  de  Physique 
mathe'matique  et  de  theories  physiques,  a  accueilli  ulte"rieurement  1'ensernble 
des  Services  de  Mathe'matiques.  Par  suite  du  d6veloppemenl  normal  des  ensei- 
gnements,  de  1'accroissement  du  iiombre  des  (Hudianls  et  du  nombre  des 
chercheurs  du  Centre  national  de  la  Recherche  scientifique,  il  (Stait  devenu 
beaucoup  trop  petit.  Son  agrandissement  posait  des  problemes  difficiles,  mais 
la  Faculty  des  Sciences  avait  alors  heureusement  a  sa  t6te  le  Doyen  CHATELET 
que  les  difficulties  ne  faisaient  pas  reculer,  qui  s'attachait  a  les  vaincre  et  qui 
les  a  surmonte'es.  La  largeur  de  vue  de  M.  DUPOUY,  Directeur  du  C.  N.  R.  S.  et 
de  M.  DONZELOT,  Directeur  de  1'Enseignement  supe'rieur,  a  permis,  par  une 
heureuse  association,  de  financer  les  travaux.  Nos  profonds  remerciements 
vont  au  Doyen  CHATELET,  aux  Directeurs  DONZELOT  et  DUPOUY.  Je  suis  particu- 
lierement  heureux  de  saluer  ici  M.  le  Directeur  DUPOUY  et  de  lui  dire  combien 
sont  pre'eieux  les  liens  qui  sont  e"tablis  entre  la  Facult6  des  Sciences  et  1'orga- 
nisme  qu'il  dirige,  liens  qui  se  sont  resserre's  encore  re'cemment  pour  le  bon 
fonctionnement,  en  ces  lieux,  des  Services  de  recherches  de  Mathe'matiques. 

Par  une  heureuse  coincidence,  les  agrandissements  projete's,  qui  doublent 
et  au-dela  la  surface  utile  de  Flnstitut  Henri  Poincare',  sont  terminus  aujourd'hui. 
Ce  n'est  pas  un  simple  hasard,  mais  c'est  bien  grace  a  la  competence  et  a  la 
diligence  des  architectes  et  des  entrepreneurs  charges  de  1'oeuvre,  que  j'ai 
plaisir  a  f^liciter  aujourd'hui. 

MESSIEURS  LFS  DELEGUES  ETRANGERS, 

Je  suis  heureux  de  vous  souhaiter  aujourd'hui  la  bien  venue  dans  cette 
maison  des  Mathe'matiques  et  de  vous  remercier  de  1'honneur  que  nous  fait 
votre  presence.  Beaucoup  d'entre  vous  connaissaient  sans  doute  1'Institut 
Henri  Poincar6  d'hier.  Avant  de  faire  un  tour  rapide  dans  les  installations 
actuelles,  je  veux  exprimer  le  souhait  sincere  de  vous  revoir  souvent  dans 
ces  murs. 


II2  '      TROISIEME   PARTIE. 

ALLOCUTION  DE  M.  GASTON  DUPOUY 

A  UINTITUT  HENRI  POINCARK. 


Le  C.  N.  R.  S.  a  lenu  a  s'associer  a  I'liommage  rendu  an  celebre  mathSma- 
ticien  Henri  PoixcARfi  en  donnant  aux.  mathe'maticiens  francais  de  nouveaux 
moyens  de  travail,  groupes  a  I'lnstitut  Henri  Poincare'. 

Ceci  s'est  r^alis^  dans  des  conditions  que  je  vais  rappeler  brievement. 

Les  sciences  expgrimentales  ne  sont  pas  les  seules  a  avoir  des  besoins 
mate"riels.  Les  recherches  de  Malh^matiques  et  de  Physique  rnathe'matiquc 
s'effectuent  aujourd'hui  —  dans  divers  pays  —  dans  des  centres  remarquable- 
ment  installe's  et  e'quipe's. 

En  France  nous  disposons,  a  Paris,  de  Flnstitut  Henri  Poincar<3  construit 
avec  des  credits  provenant  en  partie  de  la  fondation  Rockefeller. 

Mais  cet  Institut  construit  en  1928,  ne  pouvait  plus  suffire  aux  besoms 
actuels;  d'une  part  les  locaux  n'e"taient  plus  assez  vastes,  ensuite  1'organisation 
et  I'e'quipement  devaient  e"tre  adapt^s  aux  n^cessit^s  pr^sentes  de  la  Recherche. 

Tenant  compte  de  ces  faits  et  du  devoir  de  require  au  minimum  les 
de'penses,  le  Groupe  de  Math6matiques  du  Comit^  national  de  la  Rceherche 
scientifique  a  propos6  la  creation  d'un  Centre  de  recherches  de  Math6matiques 
et  de  Physique  math^matique  dans  les  conditions  suivantes. 

i°  Le  Centre  se  d^velopperait  autour  de  ce  qui  existe  de"ja  a  I'lnstitut  Henri 
Poincar6. 

2°  La  question  des  locaux  pourrait  6tre  r£solue  en  sur^levanL  de  deux  Stages 
I'lnstitut  Henri  Poincar6. 

3"  Ilserait  proc^d^  a  une  reorganisation  de  1'ensemble  des  services. 

Des  que  ce  projet  lui  fut  soumis,  la  Direction  du  C.  N.  R.  S.  s'y  inte"ressa 
tres  vivement  et  s'engagea  imme"diatement  a  fournir  la  moiti^  des  credits  n^ces- 
saires  pour  les  constructions  pr^vues. 

Pour  aboutir,  de  nombreuses  reunions  se  sont  tenues  au  C.  N.  R.  S.  et  & 
Tlnstitut  Henri  Poincar6  sous  la  pr&sidence  de  notre  tres  distingu6  confrere 
M.  E.  BoRELj  President  du  Conseil  d' Administration  de  I'lnstitut  Henri 


MANIFESTATIONS   PARISIENNES  EN   MAI    1964.  Il3 

Poincare'.  Qu'il  nous  soil  permis  de  lui  rendre  un  chaleureux  hommage  pour 
sou  inlassable  activity  en  faveur  de  la  Ptecherche  scientifique  francaise. 

M.  Louis  DE  BROUMK,  nous  a,  bien  des  fois,  aide  de  ses  avis  et  de  ses  conseils 
pour  la  mise  an  point  du  projel  en  question.  Nous  le  prions  de  bien  vouloir 
Irouver  ici  1'expression  de  notre  reconnaissance. 

M.  le  Doyen  CIIATELET  a  eu  la  lourdc  tache  cle  rcSaliser  les  vceux  de  nos  col- 
legues mathe'maticiens.  C'est  grace  a  son  activity  et  a  son  denouement  quo  les 
Iravaux  ont  pu  <Hre  men^s  a  bonne  fin.  Et  cela  lui  vaul  de  nouveaux  litres  a  la 
reconnaissance  des  mathe'maticiens  et  des  cherclieurs  francais. 

Aujourd'hui  les  Lravaux  sont  acheve"s,  les  math6maliciens  frangais  disposent 
maintenant  de  nombreuses  salles  de  reunion  et  de  travail  pour  nos  cherclieurs. 
Nos  collegues  de  Province,  de  passage  a  Paris,  y  trouveront  des  locaux  pour 
les  accuetllir;  ce  sera  aussi  le  cas  pour  les  mathe'maticiens  venus  de  1' (Stranger 
prendre  contact  avec  leurs  collegues  francais. 

Dans  les  nouveaux  locaux  les  chercheurs  en  Physique  mathe'matique,  les 
physiciens  theoriciens,  les  e'conometres  pourront  6tre  heberges ;  ils  y  connai- 
tront  des  conditions  confortables  de  travail. 

La  bibliotheque  de  Flnstitut  s'est  agrandie;  elle  sera  organised  de  facon 
moderne.  Nous  en  profiterons  pour  regrouper  les  biblioth6ques  de  mathe'ma- 
tiques,  pour  proce"der  au  renouvellement  et  a  1'harmonisation  des  collections 
existantes. 

Un  secretariat  technique  sera  rnis  a  la  disposition  des  mathe'maticiens  pour 
1'ensemble  de  leurs  travaux  et  de  leurs  besoms. 

Le  Centre  national  de  la  Recherche  scientifique  fournira  le  personnel 
technique  ne'cessaire  pour  mener  a  bien  ce  programme. 

Le  C.  N.  R.  S.  est  de'sormais  repre'sente'  au  Conseil  d'Administration  de 
I'lnstitiit  Henri  Poincare'.  Airisi,  6troitement  associ6  a  sa  vie  et  a  son  de'velop- 
pement,  il  aura  a  coeur  de  favoriser  le  travail  des  jeunes  chercheurs  frangais 
afinque  ceux-ci,  s'engageant  sur  les  traces  de  leur  illustre  ain6,  puissent  faire 
briller  d'un  nouvel  e"clat  le  renom  de  1'ficole  franchise  de  Mathe'matiques, 


Le  Comit^  d'Organisation,  ayant  pens^  qu'il  6tait  convenable  de  rappeler 
aux  passants  que  Henri  POINCARE  avait  ve'cu  au  63  de  la  rue  Claude-Bernard 
les  a5  dernieres  ann^es  de  sa  vie,  a  voulu  qu'une  plaque  commemorative  soit 
H.  P.  i5 


Il4  TROISIEME   PARTIE. 

appos6e  sur  eel  immouhle.  L'inauguralion  de  celte  plaque,  qui  porte 
1'inscription  : 

HENRI   POINCARti 

MATHEMATICS 
PIIYSICIEN-PIULOSOPIIE 

(1834-1912) 

a  v^cu  dans  cette  maison 
de  1887  jusqu'a  sa  mort 

a  eu  lieu  a  la  fin  de  ccLle  m&me  matinee  du  lundi  17  mai.  De  la  rue  Pierre- 
Curie,  les  personnes  presentes  se  sont  done  rendues  devant  la  maison  de  la  rue 
Claude-Bernard,  et  M.  le  Doyen  PORES'  a  6voqu6  quelques  souvenirs  d'avant 
la  guerre  de  1914?  et  de  ce  coin  de  quartier  ou  liabitaient  tant  de  savants  el  de 
penseurs,  dans  les  termes  suivants  : 

ALLOCUTION  DE  M.  JOSEPH  PfiRES. 

HUE  CLAUDE-BERNARD. 

MESDAMES,  MESSIEURS, 
MES  CHERS  COLLEGUES, 

G'est  une  tres  heureuse  initiative  que  celle  a  laquelle  nous  nous  associons 
aujourd'hui,  en  nous  reunissant  devant  la  plaque  conm6rnorative  que  le  Comit6 
du  Centenaire  a  fait  poser  sur  la  maison  qu'habita  Henri  POINCARE.  JULIA  nous 
disait  tout  a  1'heure  P^motion  qu'il  avait  ressentie  en  trouvant,  au  cimeti&re  de 
Gottingen,  la  tombe  de  GAUSS.  J'ai  £prouv£  des  sentiments  du  m6me  ordre  en 
d6couvrant  fortuitement,  a  Strasbourg,  la  plaque  qui  marque  la  maison  natale 
de  Paul  APPELL  et  aussi,  dans  le  petit  cimeti&re  d'Ariccia,  devant  la  tombe  de 
Vito  VOLTERRA,  portant  encore  des  traces  des  combats  de  liberation  des  Castelli 
Romani.  Nous  retrouvons  aujourd'hui,  en  commun,  une  Emotion  de  m^me 
quality. 

Les  pierres  de  ce  quartier  peuvent  6voquer  le  souvenir  de  nombreux  maitres 
disparus.  De  ce  cot6  de  la  rue  Claude-Bernard  il  convient  d'en  rappeler  au 
moins  un,  qui,  je  crois,  succ^da  a  Henri  PoiNCARfi  dans  la  chaire  de  Pbysique 
math^matique  de  la  Faculty  des  Sciences  lorsquece  dernier  pritl'enseignement 
de-M^canique  celeste.  Joseph  BOUSSINESQ  demeurait  tout  pr&s  d'ici,  rue 


MANIFESTATIONS   PARISIENNES   EN   MAI    1954.  Il5 

Berthollet,  et  on  Ic  rencontrail  journcllemenl,  dans  les  anuses  d'apres-guerre, 
faisant,  avec  Mmc  BOUSSIXKSQ,  a  heures  tr6s  r£guli£res,  une  petite  promenade 
sur  ce  trottoir  ensoleill^. 

Henri  POINCAR*;,  nomm6  Charge  de  Cours  a  Paris  en  octobre  1881,  habila 
d'abord  rue  Gaj-Lussac.  II  s'est  install^  au  63  de  la  rue  Claude-Bernard  en 
1887  et/  Mmc  Henri  PojNCARfi  est  rest^e  dans  le  m6me  appartement  jusqu'a  sa 
mort  en  d6cembre  1934.  La  fen&tre  au-dessus  du  porche,  au  troisi&rne  <3tage, 
fut  celle  du  bureau  d'Henri  POINCARE,  les  deuxfen£tres  voisines  cellcs  du  salon, 
les  deux  suivantes  celles  de  la  salle  a  manger.  Dans  un  p£rim6tre  restreint  se 
groupaient  d'ailleurs  les  habitations  de  parents  tr6s  proches  :  Mme  L6on 
PoiNCARfc,  m6re  de  Henri  et  de  Mme  BOUTROUX,  rue  des  Ursulines,  le  manage 
BOUTROUX,  220,  rue  Saint-Jacques,  jusqu'au  moment  ou  le  philosophe  fimile 
BOUTROUX  devint  Administrateur  de  la  Fondation  Thiers;  enfin  le  grand 
chimiste  Albin  HALLER,  mari6  avec  une  cousine  germaine  de  Henri  POINCAR*;, 
demeurait  au  n°  86  de  la  rue  Claude-Bernard. 

La  plaque  qui  vient  d'etre  pos^e  sera  certainement  Fobjet  de  pieux  p^lcri- 
nages  et,  pour  celui  qui,  vivant  dans  ce  quartier,  la  verra  journellement  et 
connaitra,  de  fagon  plus  ou  moins  precise,  1'ceuvre  du  savant  et  du  philosophe, 
elle  sera  toujours  1'occasion  d'une  pens6e,  peut-^tre  rapide,  mais  la  somme  de 
ces  pens^es  est  un  hommage  non  n^gligeable  a  la  m^moire  de  I'liomme  admi- 
rable dont  nous  c6l£brons  le  centenaire. 


D.-  L'APRfiS-MIDI  DU  LUNDI  17  MAI  1954 
A  L'INSTITUT  DE  FRANCE. 


L'apr^s-midi  du  17  mai,  I'Acadthnie  des  Sciences  a  recu,  au  cours  de  sa 
stance  ordinaire  de  travail,  les  d6l£guds  6trangers  venus  a  Paris  pour  ftter  le 
centenaire  de  la  naissance  de  Henri  POINCAR£.  En  presence  de  ceux-ci,  le 
Professeur  Gaston  JULIA  a  d£pos£  sur  le  Bureau  de  TAcadthnie  le  tome  X  des 
OEuvres  de  Henri  Poincarl,  consacrd  a  la  Physique  math^matique  et  public 
sous  sa  direction  avec  la  collaboration  de  M.  Gerard  PETIAU. 


IlG  TROISIEME   PARTIE. 

L'edition  cles  QEuvres  de  Henri  Poincare,  faitc  sous  les  auspices  do  P  Aca- 
demic, grace  an  concours  du  Centre  national  de  la  Recherche  scientifique  et 
de  nombreux  bienfaiteurs,  dont  les  souscriptions  ont  ete  suscitees  par 
M.  Pierre  RICVRD,  Vice-President  du  Conseil  national  dn  Patronat  francais,  ou 
par  M.  BOUTTKVILLE,  se  trouve  ainsi  termin^e  1'annee  meme  ou  est  celebre  le 
centenaire  de  la  naissance  de  I'eminent  mathe'maticien. 

En  quality  de  President  da  Comit6  dc  ce  Centenaire,  M.  Gaston  JULIA  a  remis 
a  T  Academic,  pour  son  medaillier,  un  exemplaire  de  la  me'daillc  commemorative 
qui  a  e'te'  frappee  a  cette  occasion,  et  qui  est  due  a  Mmc  GUZMAX-NAGEOTTE. 

M.  Gaston  JULIA  a  pris  ensuite  la  parole  pour  presenter  a  PAcademie  les 
savants  (Strangers  de'le'gue's  par  leurs  Academies  ou  Universite's  pour  les  repre*- 
senter  aux  ceremonies  du  Gentenaire. 


ON  CHER 

MES  CHERS  CONFRERES, 

Je  vais  avoir  Phonneur  de  vous  presenter  les  savants  Strangers  d^l^gu^s  a  la 
calibration  du  centenaire  de  notre  illustre  confrere,  Henri  POINCARE,  par  les 
Academies  et  Universitt5s  qui  avaient  voulu  se  Fattacher  comme  Membre 
correspondant,  associe'  Stranger,  ou  docteur  honoris  causa. 

Notre  Comite'  d'Organisation  a  estim6  en  effet,  que  ces  Academies  et  Univer- 
site's,  par  la  distinction  qu'elles  avaient  marque'e  a  notre  confrere,  devaient  ^tre 
associe'es  a  la  famille  spirituelle  des  Academies,  Universites,  Ecoles  fraiicaises, 
qui  c^lebre  aujouz^d'hui  le  centenaire  de  sa  naissance. 

Nous  avons,  par  consequent,  invite  toutes  ces  Academies  ou  Universites  a 
figurer  dans  notre  Comite  d'Honneur  et  a  nous  envojer  un  de'le'gue'.  Presque 
toutes  ont  repondu  a  notre  appel,  et  nous  leur  en  sommes  tres  reconnaissants  ; 
si  le  nombre  des  dengue's  n'est  pas  le  double  de  celui  que  vous  voyez,  c'est 
que,  la  p^riode  des  examens  retenant  en  ce  moment  dans  leurs  pays  respectifs 
un  grand  nombre  de  nos  collegues  Strangers,  d'une  part  quelques-uns  des 
dengue's  qui  vont  vous  6tre  pre"sente"s  ont  bien  voulu  accepter  de  repr^senter 
ici  plusieurs  institutions,  d'autre  part  quelques  institutions  ont  choisi  de  se 
faire  repr£senter  par  certains  de  nos  confreres  ou  correspondants  frangais  : 

L'Union  Internationale  de  Math6matiques,  par  !VL  Jfirnile  BOREL;  1'Academie 
des  Sciences  de  Turin,  par  M.  Joseph  P^RES;  1'Union  internationale  de  Radio- 
electricity,  par  M.  Pierre  LEJAY;  PUnion  internationale  d'Astronornie,  par 


MANIFESTATIONS  PARISIENNES  EN   MAI    1964.  117 

M.  Andr6  DANJON;  la  «  R.oyal  Society  of  Edinburgh  »,  par  M.  Maurice  FRECHET. 
Enfin  1'Union  Geod^sique  et  Gttophysique  internationale  est  repr^sent^e  par 
son  Secretaire  g6n6ral,  M.  Georges  LACLAVERE. 

Le  Comit6  d'Orgaiiisalion  se  rejouit  de  la  presence  de  ses  invites.  S'il  les 
pric  d'excuser  la  simplicity  d'un  d^cor  qu'cnnoblit  le  souvenir  d'illustres 
sa\rants  qui  s'y  sont  succede,  il  les  remercie  tr&s  sincerement  et  tres  cordiale- 
ment  d'avoir  bien  voulu  prendre  part  a  la  calibration  d'une  des  gloires  les  plus 
authentiques  et  les  plus  chores  a  notre  cocur  frangais. 


M.  GasLon  JULIA  a  pn$senl6  ensuile  a  1'Academie  chacuii  des  digue's  dans 
1'ordre  alphabetique  des  pays  represents,  en  indiquant  1'organisme  qui  Fa. 
d(5sign6. 

AlleinagJie.  —  MM.  Alexander  DINGIIAS,  dc  1'Univcrsite  de  Berliii-OuesL, 
Max  DEURING,  de  TAcad^mie  des  Sciences  de  Gottingen,  GeorgFABEii,  dc  1'Aca- 
d^mie  des  Sciences  de  Munich,  O.  BERNINGER,  de  la  Soci^te  Physicom^dicale 
d'Erlangen. 

Autriche.  —  M.  Joliann  RADONT,  de  l'Acad(5mie  des  Sciences  de  Vienne. 

Belgique.  — MM.  Lucien  GODBAUX,  de  l'Acad6mie  des  Sciences  de  Belgique, 
Franz  VAN  DEN  DUNGBN,  de  FUnion  inlernationale  de  M6canique,  Pierre  BAUDOUX, 
de  FUniversite"  libre  dc  Bruxelles,  Paul  GILUS,  de  1'Institut  Solvay. 

Danemark.  —  M.  Niels  Erik  NORLUND,  Correspondant  de  I'Acad^mie,  de 
I'Acad^mie  des  Sciences  de  Copenhague. 

EtaLs-Unis  cPAmerique.  —  M.  John  Gamble  KIRKWOOD,  de  FAcad^mie  des 
Sciences  de  Washington  et  dc  1'  «  American  Philosophical  Society  ». 

Finlande.  —  M.  Pekka  Juhana  MYRBERG,  de  l'Acad(3mie  des  Sciences  dc 
Finlande. 

Grande- Bret  ague.  —  MM.  John  Henry  Constantino  WHITEIIEAD,  dc  la 
<c  Royal  Society  of  London  »  ct  de  FUniversit<3  d'Oxford,  Louis  Melville  MILNE- 
THOMSON,  dc  la  «  Royal  Astronomical  Society  »7  Miss  Mary  Lucy  CARTWRIGHT, 
de  l'Uiiivci>sit<5  de  Cambridge,  de  la  Socidt6  Math6matique  de  Londres  et  de  la 
«  Cambridge  Philosophical  Society  »,  M.  Lt^on  ROSENFELD,  de  la  «  Manchester 
Literary  and  Philosophical  Society  ». 


H8  TROIS1EME  PARTIE. 

Hongrie.  —  MM.  Frederic  RIESZ,  Corrcspondant  de  FAcad^mie  et  Georges 
ALEXITS,  tous  deux  dc  1'Academie  des  Sciences  de  Hongrie. 

Irlande.  —  M.  John  Lighten  SYNGE,  de  la  «  Royal  Irish  Academy  ». 

Italic.  —  MM.  Francesco  SEVERT,  des  Academies  Nationales  des  «  Lincei  » 
et  des  XL,  Nicolas  MINORSKI,  de  F  Academic  des  Sciences  de  Bologne. 

Norvege.  —  M.  Ralph  Tambs  LYCHE,  de  FUniversite  d'Oslo. 

Pays-Bas.  —  M.  Luitzen  Egbertus  Jan  BROUWER,  dcFAcad^mie  des  Sciences 
de  Holiande. 


des  Republiques  Socialities  Sovietitjucs.  —  MM.  Paul  ALEXANUROFF 
et  Andrei  MARKHOV,  tons  deux  dc  FAcad^mie  des  Sciences  de  1'U.  R.  S.  S.,  de 
la  Societe  Math&natique  de  Kharkov  el  de  la  Societe"  Physicomath&natiquc  de 
Kasan. 


M.  le  Due  DE  BROGUE,  President  de  F  Academic  des  Sciences,  a  remis  alors  a 
chaque  d£legu6  la  m^daille  du  Centenaire,  et  il  a  recu  dc  ceux-ci  les  adresses 
qu'ils  avaient  apport^es  au  nom  de  FUniversitd  libre  et  de  la  Societe  Mathe- 
matique  de  Berlin,  de  la  «  Bayerische  Akademie  der  Wissenschaften  »,  de  la 
«  Physikalisch-Medizinische  Sozietat  zu  Erlangen  »,  de  1'Acad^mie  Autri- 
chienne  des  Sciences,  de  1'Acadtfmie  Royale  de  Belgique,  de  1'Union  interna- 
tionale  de  Mt5canique  theV>rique  et  appliquf5e,  de  1'Universit^  libre  deBruxelles, 
de  1'Acad^mie  Royale  des  Sciences  et  des  Lettres  de  Danemark,  de  la  «  National 
Academy  of  Sciences  »  de  Washington,  de  «  1' American  Philosophical 
Society  »,  de  TAcad^mie  Finnoise  des  Sciences  et  des  Lettres,  de  la  «  Royal 
Society  »,  de  la  «  Royal  Astronomical  Society  »,  du  cc  Royal  Naval  College  » 
de  Greenwich,  de  la  «  London  Mathematical  Society  »,  de  la  «  Cambridge 
Philosophical  Society  »?  de  la  «  Literary  and  Philosophical  Society  »  de 
Manchester,  de  la  «  Royal  Society  of  Edinburgh  »,  de  I'Acaddmic  des  Sciences 
de  Hongrie,  de  la  «  Royal  Irish  Academy  »,  des  «  Accademia  Nazionale  dei 
Lincei»  et«  deiLX  »,  deFUniversit^  d'Oslo,  dcFAcad^mie Royale  N^erlandaise 
des  Sciences*" d7 Amsterdam,  de  FAcad<3inie  des  Sciences  de  I'LL  R.  S.  S.,  de 
FUniversit6  de  Bordeaux. 


MANIFESTATIONS  PARISIENNES  EN  MAI   IQ54.  119 

M.  le  Due  DB  BROGUE  a  prononc6  ensuite  les  quelques  mots  suivants  : 

L'Acad^mie  des  Sciences,  lifts  fiftre  d'avoir  compt6  Henri  POINCAR£  parmt 
ses  Membres,  s'honore  grandement  de  voir  ici  reunis  les  repr^sentants  des 
Academies  et  Universit6s  £trang6res  quipartagent  avec  nous  la  gloire  del'avoir 
6lu  parmi  leurs  associ^s.  Us  ont  bien  voulu  se  joindre  aux  calibrations  du 
centcnaire  d'un  grand  savant  dont  la  memoire  appcnrtient  au  monde  enticr. 
L' Academic  les  accueille  avec  reconnaissance  eL  leur  tt5moigne  toute  sa  grali- 
tude;  les  continuateurs  de  1'oeuvre  de  Henri  POINCARJ  que  nous  saluons  ici 
comptent  parmi  les  illustrations  scientifiques  actuelles  des  diverses  branches 
des  Matht5matiques,  c'est  a  eux-m£mes  el  ta  leurs  oeuvres  que  rious  tenons  a 
apporter  notre  liommage.  Us  repr6scntent  au-clessus  des  vicissitudes  des  temps 
actuels,  le  pur  rayonnement  de  la  Pens^e  scientifique  internationale  et,  par  ce 
fait,  donnent  a  leur  presence  une  port6e  profonde  que  nous  accueillons  avec 
Emotion. 

L'Acad6mie  des  Sciences  veut  aussi  exprimer  aux  membres  du  Comit^ 
d'Organisation  du  centenaire  de  Henri  POINCAR£  ses  remerciments  pour  cette 
calibration  a  laquelle  ils  ont  su  clonner  toulc  1'ampleur  qu'elle  m^ritait. 


Pendant  que  I'Acad^mie  achevait  sa  seance  en  Gomit6  secret,  les 
Strangers  ont  6 16  invites  a  visiter  la  bibliothftque  de  PInstitut  r<3serv6e  norma- 
lement  aux  Acad^miciens,  et  la  biblioth^que  Mazarine  qui  est  au  contraire 
ouverte  au  public.  Ils  ont  pu  admirer  la  richesse  de  ces  deux  biblioth&ques  qui 
est  faite  du  nombre  des  volumes  qui  s'accroil  chaque  jour,  et  des  collections 
de  livres  anciens  qu'elles  contiennenl. 

Une  reception  oflerte  par  PInstitut  a-r<5uni  ensuite  au  mus6e  de  Caen,  les 
Membres  des  cinq  Academies  et  les  d6l6gu6s  (Strangers  ainsi  que  ceilaines 
personnalit^s  du  monde  savant. 


120  TROISIEME  PARTIE. 

E.-  LE  MARDI  18  MAI  1954 
A  LA  SOC1ETE  DBS  INGEN1EURS  CIVILS. 


La  Sociele  des  Ingenieurs  Civils  de  France  et  FUnion  des  Associations 
scientifiques  eL  industrielles  franchises,  ont  tenu  a  organiser  aussi  une  stance 
commemorative  du  centenaire  de  la  naissance  de  Henri  POIXCARE,  et  a  rappeler 
1'influence  quo  Henri  POINCARC  avail  eue  sur  les  sciences  de  Ping<5nieur. 

Sous  la  presidence  de  M.  Albert  CAQUOT,  Membre  de  1' Academic  des 
Sciences,  suppleant  M.  Gaslon  JULIA  souffrant,  le  professeur  Nicolas  MINORSKI, 
M.  Georges  DARMOIS  et  M.  Georges  DARRIEUS,  Membre  de  I'Acaclemie  des 
Sciences,  et  ancien  President  de  la  Socie"t6  des  Inge'nieurs  Civils  de  France, 
out  parle  successivemenL  :  de  V Influence  de  Henri  Poincare  sur  Involution 
moderne  de  la  theorie  des  oscillations  non"  line  air  es^  de  la  Repercussion 
des  travaux  de  Henri  Poincare  dans  le  domaine  du  Calcul  des  proba- 
bilites  et  de  ses  applications  et  -  des  Contributions  diverses  de  Henri 
Poincare  a  V  electro  technique. 


CONFERENCE  DE  M.  N.  MINORSKI 

AUX  INGENIEURS  CIVILS. 

Influence  d'Henri  Poincare  sur  revolution  moderne 
de  la  theorie  des  oscillations  non  lineaires. 

La  repercussion  des  travaux  d'Henri  POINGAUJ&  s'est  fait  sentir  dans  presque 
tous  les  domaines  des  sciences  appliqu^es,  mais  c'est  surtout  dans  la  theorie 
des  oscillations  qu'elle  a  provoqu(5  de  tels  changements  que  cette  theorie  est 
aujourd'hui  passablement  diff^rente  de  ce  qu'elle  (Hail. 

Pour  pouvoir  aborder  ce  sujet,  il  est  utile  de  rtfsumer,  en  quelques  mots,  ce 
qu'^tait  Fancierxne  theorie  au  commencement  de  ce  si&cle.  Le  mouvement  har- 
monique  simple  jounit  un  role  important  dans  cetle  theorie  ct  le  principe  de  la 
superposition  simplifiait  pas  mal  de  choses.  La  presence  simullange  de  plusieurs 


MANIFESTATIONS   PARISIENNES   EN   MAI    1964.  121 

oscillations  dans  uii  syst&me  physique  quelcorique  se  ramenail  a  1'etude  de 
series  trigonometriques,  le  plus  souvent  celles  de  FOURIER.  Uanalyse  harrrio- 
nique,  comme  on  appelle  quelquefois  1'ensemble  de  ces  probl&mes,  est  trop 
bien  connue  dans  les  applications  pour  y  insister  da  vantage.  De  m&ine,  1'etude 
des  oscillations  regies  par  des  equations  differentielles  parfois  assez  compliquees 
pouvait  se  faire  assez  aisement  grace  a  la  methode  des  petites  oscillations  qui 
simplifiait  de  pareils  probl^mes  d&s  le  debut,  en  sorte  qu'il  n'y  avait  aucune 
difficult^  ni  dans  la  determination  des  frequences  des  oscillations,  ni  dans  celle 
des  rapports  de  leurs  amplitudes.  Quant  aux  amplitudes  elles-m6mes,  elles 
s'obtenaient  ais^ment  en  imposant  les  conditions  initiales  voulues. 

Toutefois,  on  rencontrait,  de  temps  en  temps,  des  probl^mes  non  lineaires 
proprement  dits,  ce  qui  exigeait  Papplication  de  methodes  appropriees  a  chaque 
probl&me  particulier,  car  il  n'existait  aucune  methode  generale  susceptible  de 
traiter  ces  probl&mes  uniformement,  comme  dans  le  cas  des  probl£mes  lin^aires. 
Les  travaux  importants  de  Lord  RAYLEIGH,  HELMHOLTZ  et  d'autres  physiciens  de 
cette  epoque  donnent  des  exemples  des  tentatives  diverses  faites  pour  s'afFran- 
chir  du  long  r&gne  de  la  theorie  lineaire  dans  ce  domaine.  Toutefois,  au  fur  eta 
mesure  que  la  Physique  experimental  apportait  des  faits  nouveaux,  la  situa- 
tion devenait  de  plus  en  plus  compliqu^e  et  il  fallait  souvent  remplacer  les 
precedes  analytiques  par  toutes  sortes  de  constructions  graphiques  pour  pou- 
voir  aboutir  a  des  conclusions  m^me  purement  qualificatives.  C'est  surtout 
dans  le  cas  des  oscillations  entretenues  par  des  arcs  electriques,  des  decharges 
dans  les  gaz  et  phenom^nes  analogues,  que  les  constructions  graphiques  ont 
commence  a  remplacer,  peu  a  pen,  1'etude  analytique  de  ces  phenomenes  qui 
echappaient  a  la  theorie  lineaire. 

En  plus  de  ceux  qui  pouvaient  ^tre  encore  analyses  partiellement  par  des 
methodes  mixtes  de  ce  genre,  on  rencontrait,  de  temps  en  temps,  des  pheno- 
m&nes  qui  ne  pouvaient  pas  &tre  expliques  du  tout  et  qu'on  devait  «laisser  de 
cote  »  pour  ainsi  dire,  pendant  de  longues  annees,  parfois  m&me  des  si^cles. 

Par  exemple,  si  1'on  considere  comme  le  commencement  de  la  theorie 
lineaire  1'epoque  ou  GALILEE  (1569-1647)  a  decouvert  la  loi  de  1'isochronisme, 
il  est  interessant  de  mentionner  un  phenom^ne  curieux  observe  par  HUYGENS 
( 1629-1659).  Ce  savant,  en  plus  de  ses  autres  travaux,  s'interessait  beaucoup  a 
Fhorlogerie.  II  est,  en  effet,  1'inventeur  du  mecanisme  de  1'echappement.  Dans 
un  de  ses  Memoires,  il  mentionne  1'observation  suivante  : 

Deux  pendules  leg&rement  dereglees  quand  elles  etaient  fixees  sur  un  mur, 
H.  p.  16 


122  TROISIEME  PARTIE. 

se  synchronisaient  automatiquement  quand  on  les  fixait  sur  une  paroi  mince. 
Ce  fait  curieux  avail  61^  compl&tement  cubing  mais  un  jour,  plus  de  deux 
si£cles  plus  tard,  on  1'a  retrouv^  dans  les  circuits  6lectriques  et  c'6tait  un  autre 
Hollandais,  M.  Balth.  VAN  OER  POL,  qui  a  donne  la  th^orie  moderne  de  ce  ph6- 
nom^ne  connu  aujourd'hui  sous  le  nom  de  «  synchronisation  ». 

Toutefois,  le  «  coup  de  grace  »  a  la  the"orie  line'aire  a  et£  porte  par  la  d^cou- 
verte  des  oscillateurs  a  lampes  iriodes  et  c'est  le  grand  mdrite  de  M.  VAN  DER 
POL  d'avoir  attircS  1'attention  sur  1'impossibilite  de  formuler  le  fonctionnement 
de  ces  oscillateurs  dans  le  cadre  de  la  th(5orie  Iin6aire.  Guid6  par  une  intuition 
physique  remarquable,  VAN  DEH  POL  a  reussi  a  former  une  Equation  difF6- 
rentielle  non  Iin6aire  qui  porte  aujourd'hui  son  nom  et  a  constater  (1920),  par 
le  proc6d(5  grapliique  des  isoclines,  qu'elle  poss^de  une  solution  p&riodique 
repre^sent^e  dansle  plan  de  phase  par  une  courbe  ferm6e. 

Ce  n'est,  cependant,  que  neuf  ans  plus  tard,  par  une  Note  ins£r£e  dans  les 
Comptes  rendus  (1929),  que  le  physicien  russe  ANDRONOV  attirait  1'attention 
sur  ce  que  la  courbe  fermge  de  VAN  DER  POL  n'est  autre  que  le  cycle  limite  de  la 
throne  de  PoiNCARfi. 

Une  fois  cette  constatation  faite,  le  d^veloppement  de  la  th^orie  nouvelle  a 
progress<3  de  fagon  rapide  et  les  premieres  Stapes  de  ces  Etudes  ont  dt(^  faites 
presque  exclusivement  en  U.  R.  S.  S.  sous  la  direction  de  deux  physiciens 
£minents,  MM.  MANDELSTAAI  et  PAPALEXI,  entre  1980  et  1940,  avec  la  collabo- 
ration de  nombreux  savants. 

Le  d^veloppement  de  la  nouvelle  th6orie  fut  guid6  principalement  pendant 
cette  p^riode  initiale,  par  les  trois  ceuvres  suivantes  de  POINCARE  : 

1.  Sur  les  courbes  definies  par  une  equation  differentielle ; 

2.  Tome  premier   du  Trait6  :  Les  methodes  nouvelles  de  la  Mecanique 
celeste; 

3.  Les  figures  d'equilibre  dune  masse  fluide  animees  dun  movement 
de  rotation. 

C'est  par  la  premiere  oeuvre  que  ces   Etudes   ont  commence.   Dans  son 
M^moire,  POINCAR^  (^tudie  la  structure  topologique  de  courbes  int6grales 
nies  par  les  Equations  difFt^rentielles  de  la  forme 

-CO  =x(,)  =  Y, 


MANIFESTATIONS   PARISIENNES   EN   MAI 


Or,  c'est  precisement  aux  Equations  de  cette  forme  que  se  ramene  liquation 
de  VAN  DER  POL  avec  ses  generalisations  ulterieures  par  MM.  E.  et  H.  CARTAN, 
A.  LIZARD  el  autres.  De  cette  facon,  la  theorie  mathematiquc  exposee  dans  ce 
Memoire  a  acquis  rapidement  une  signification  physique  grace  a  une  serie 
d'identifications  presque  evidentes.  Ainsi,  les  points  singuliers  ont  regu 
une  interpretation  physique  de  positions  d'equilibre;  les  cycles  limites,  celle 
de  mouvements  stationnaires  et  ainsi  de  suite.  La  question  de  la  stabilite"  a 
trouve  une  formulation  malhematique  commode  dans  les  equations  aux  varia- 
tions (deuxieme  ceuvre)  et,  de  cette  facon,  on  a  idenlifie  la  stabibilite  d'equi- 
libre  avec  la  stabilite  de  points  singuliers;  les  structures  topologiques  simples 
envisagees  par  POINCARE  ont  ete  facilement  generalisees  a  la  lumiere  de  doanees 
experimentales  pour  des  systemes  oscillatoires  ayant  plus  d'un  seul  cycle 
limite,  etc. 

Tout  s'est  passe,  pendant  cette  premiere  periode  d'etudes,  comme  si  les 
idees  mathematiques  du  grand  geometre  n'altendaient  que  des  donnees  expe- 
rimentales pour  donner  naissance  a  une  theorie  physique. 

Cette  premiere  etape  franchie,  on  est  passe  au  developpement  du  cote  quan- 
titatif  de  la  theorie.  C'est  ici  la  deuxieme  ceuvre  de  POINCAR£  qui  a  servi  de  base 
pour  ces  etudes.  En  particulier,  les  developpements  de  la  theorie  des  approxi- 
mations ont  suivi  de  pres  sa  methode  d'integration  par  des  series  ordonnees 
selon  les  puissances  ascendantes  d'un  parametre.  Or,  ce  parametre  figure  deja 
dans  Pequation  de  VAN  DER  POL,  en  sorte  que,  par  ce  moyen,  toute  la  theorie 
des  oscillations  autoentretenues  s'est  rangee  sans  difficulte  dans  le  cadre  de  la 
theorie  de  POINCAR&  sans  qn'on  soit  oblige  d'ajouter  quelque  chose  de  plus. 

L'importance  du  troisieme  Memoire  est  apparue  un  peu  plus  tard  lorsqu'on 
a  aborde  1'etude  de  problemes  plus  compliques  dans  lesquels  figurent  plusieurs 
cycles  limites  et  il  est  utile  d'insister  un  peu  plus  sur  ce  point.  Dans  ce  Memoire, 
PoiNCARti  introduit  un  parametre  auxiliaire  (a  ne  pas  confondre  avec  le  para- 
metre  qui  vient  d'etre  mentionne  au  paragraphe  precedent)  et  etudie  comment 
les  solutions  de  1'equation  difFerentielle  varient  en  fonction  de  ce  parametre. 
Si,  pour  une  petite  variation  du  paramelre  autour  d'une  valeur  quelconquc,  la 
solution  de  1'equation  difFerentielle  varie  aussi  peu  sans  aucun  changement 
dans  sa  structure  topologiqae,  une  parcille  valour  du  paramelre  est  appelee 
ordinaire.  II  existe,  toutefois,  certaines  valeurs  critiques  ou  de  bifurcation  du 
parametre  pour  lesquelles  a  une  petite  variation  de  ce  dernier  correspond  un 
changement  qualitatif  de  cette  structure  et  c'est  dans  ce  cas  qu'on  aboutit  a  des 


!«24  TROISIEME  PARTIE. 

conclusions  nouvelles.  Cette  theorie  de  bifurcation  a  trouve  une  application 
extr^mement  int^ressante  dans  la  nouvello  the'orie  des  oscillations  et  a  permis 
d'un  seul  coup  d'expliquer  un  grand  nombre  de  phe'nome-nes  qui  restaient 
jusqu'ici  sans  aucune  explication. 

Gomme  il  vient  d'etre  mentionne,  les  conclusions  de  la  theorie  de  POINCARJ& 
out  pu  elrc  generalises  grace  mix  donnces  exp6rimentales  qui  ont  rev£l6 
F  existence  de  problfcmes  dans  lesquels  figurcnt  plusieurs  cycles  llmilcs.  Cela 
arrive  generalement  dans  les  cas  ou  la  fonction  non  lineaire  entrant  dans 
Tequation  de  VAN  DEU  POL  est  represent^  par  un  polynome  d'un  degr£  suffi- 
samment  elev^.  Or,  etant  donne  une  structure  topologique  de  ce  genre,  les 
cycles  limites  successifs  sont  generalement  contenus  les  uns  dans  les  autres  a 
la  facon  de  cercles  concentriques.  Dans  une  pareille  configuration,  les  cycles 
stables  alternent  toujours  avec  des  cycles  instables,  le  point  singulier  au  centre 
de  la  configuration  etant  considere  conime  un  cycle  rc^duit  a  un  seul  point.  II 
est  clair  que,  si  Ton  fait  varier  le  param&tre,  ,une  pareille  structure  subit  des 
variations  aussi  et  il  arrive  souvent  que,  pour  une  valeur  de  bifurcation  du 
parametre,  un  cycle  stable  s'approche  indtfiniment  d'un  cycle  instable  voisin 
et  les  deux  se  d<Hruisent  mutuellement  en  disparaissant  aiiisi  a  la  limiic. 
PoiNCARfi  a  dit  a  ce  sujet :  «  Les  solutions  p^riodiques  disparaissent  par  couples 
a  la  facon  des  racines  r<5elles  des  Equations  alg^briques.  » 

II  est  clair  que,  si  le  ph&iom&ne  oscillatoire  6tait  localise  sur  le  cycle  stable 
qui  disparait  de  cette  facon,  1'affixe  qui  suivait  ce  cycle  se  trouve  brusquement 
dans  la  zone  d'attraction  d'un  autre  cycle  —  celui  qui  reste  encore  —  et  il  en 
resulte  ainsi  un  saut  quasi  discontinu  du  regime  oscillatoire  d'un  cycle  a  1'autre. 
Ces  phe'nome-nes  sont  connus  depuis  assez  longtenips,  mais  c'est  grace  a  la 
tht§orie  de  bifurcation  de  PoiNCARfi  que  leur  nature  a  pu  £tre  expliqu^e  d'une 
fagon  precise.  Un  autre  ph^none-me  du  m^me  genre  se  manifeste  par  le  fait  que 
1'evolution  du  ph£nom£ne  oscillatoire  en  fonction  du  parametre  n'est  pas  la 
m£me  quand  ce  dernier  croit  que  lorsqu'il  d^croit.  MM.  APPLETON  et  VAN  DER 
POL,  qui  ont  decouvert  ce  ph6nomcine,  1'appellent  «  I'hyst6resis  oscillatoire  » 
et,  de  nouveau,  sa  formulation  se  fait  facilement  dans  le  cadre  de  la  m&me 
throne  de  POINCAR£. 

Le  progr^s  rapide  de  ces  Etudes  s'est  ralenti,  toutefois,  quand  on  a  abord6 
1'^tude  de  ph^nom^nes  r6gis  par  des  equations  diff&rentielles  de  la  forme 


MANIFESTATIONS  PARISIENNES   EN   MAI    ig54.  T25 


dans  lesquelles  la  variable  ind^pendante  t  (le  temps)  entre  explicitement.  A  celte 
classe  de  ph£nom&nes  appartiennent  la  resonance  sous-harmonique,  1'excitation 
param^trique,  les  phe"nom£nes  de  Faction  asynchrone  et  quelques  autres. 

II  est  impossible  de  ne  pas  apercevoir  la  difficult^  qui  se  presente  ici.  En 
effet,  dans  le  cas  d'^qualions  diflferentielles  du  type  (r),  la  variable  t  s'6li- 

mine  aist^ment.  II  en  r^sulte  une  Equation  difftSrentielle  ~-  =  ^  qui  m6ne  a:  une 

£tudepurementg<5omt5trique  des  courbes  integrates  (M^moire  1).  Or,  dans  le  cas 
des  Equations  (2),  il  est  impossible  de  se  servir  dela  notion  des  points  singuliers, 
cycles  limiles,  etc.,  qui  £tait  si  commode  dans  le  premier  stade  de  ces  Eludes. 

II  est  a  remarquer  qu'aucune  difficult^  de  ce  genre  ne  se  presente  dans 
l'expos£  de  POJNCAR£  (M^moire  2)  qui  commence  l'6tude  par  des  Equations 
diff^rentielles  du  type  (2)  et  passe  ensuite  a  celles  du  type  (j)  comme  cas  par- 
ticulier.  Cela  est  du  uniquement  a  ce  que  les  M^moires  1  et  2  ne  sont  nulle- 
ment  lit;s  dans  l'expos£  de  POINCARE,  tanclis  que,  pour  former  la  th^orie  des 
oscillations  sur  cette  base,  il  a  fallu  tenter  de  lier  ensemble  ces  deux  theories 
pour  obtenir  une  th^orie  unique.  Tant  qu?il  s'agissait  des  Equations  diff6ren- 
tielles  du  type  (i),  il  n'y  avail  aucune  difficult^  a  le  faire,  la  difficult^  est 
apparue  dans  les  probl&mes  r^gis  par  des  Equations  difF^rentielles  (2),  comme 
il  vient  d'etre  mentionnt5. 

II  y  avait  un  proc£d6  normal  pour  r^soudre  ces  problemes,  savoir  :  suivre  les 
m^thodes  g^n^rales  de  la  Mt§canique  celeste  (M<5moire  2)  en  renongant  a  la 
representation  topologiqiie  commode  a  laquelle  on  s'est  habitu6  d^ja  dans  la 
premiere  ^tape  de  ces  Etudes.  C'^tait  la  marche  qu'ont  suivie  MM.  MANDELSTAM 
et  PAPALEXI  dans  leur  M^moire  classique  sur  la  resonance  non  lin^aire.  Cepen- 
dant,  cette  £tude  conduit  a  des  Equations  aux  variations  ayanL  des  coefficients 
p6riodiques,  ce  qui  m6ne  a  un  calcul  assez  p^nible  des  exposants  caracteris- 
tiques.  Le  problem  e  fut  r^solu,  mais  au  prix  de  complications  plus  grandes 
que  celles  rencontr^es  dans  la  premiere  6tape  de  ces  travaux. 

Pour  cette  raison,  une  autre  tendance  est  apparue  ensuite,  en  essayant  de 
transformer,  par  un  artifice  de  calcul  quelconque,  les  Equations  differ  entielles 
du  type  (2)  en  Equations  du  type  (i).  Effectivement,  en  se  basant  sur  la  th^orie 
g^n^rale  des  transformations  d'^quations  diff^rentielles,  on  peut  montrer  que 
cela  est  toujours  possible,  mais  en  tenant  compte  de  quelques  conditions  sup- 
pl^mentaires  qui  re"sultent  de  cette  transformation.  Une  fois  que  cette  trans  for- 
mation est  effectutte  et  le  probldme  £tant  ramen6  dans  le  cadre  du  M6moire  I 
de  PoiNCARfi,  le  reste  ne  presente  plus  de  difficult^, 


I2(>  TROISIEME   PARTIE. 

J'ai  essayd  cTesquisser,  a  grands  traits,  les  contacts  principaux  entre  les 
travaux  de  PoiNCARfi  et  la  tbeorie  dos  oscillations  dont  revolution  a  <H6  guide'e 
par  ces  travaux.  Si  Ton  considere  le  changement  de  la  th^orie  dans  son 
ensemble  en  laissant  de  cote"  ces  questions  de  detail,  on  pent  returner,  en 
quelques  mots,  la  situation  de  la  facon  suivante  : 

Le  role  privil6gi6  et,  en  quelque  sorte,  artificiel,  jou6  par  1'oscillateur 
harmonique  dans  1'ancienne  theorie,  est  remplace'  maintenant  par  celui  de 
1'oscillateur  a  cycle  limite  qui  semble  6lre  beaucoup  plus  approprie"  a  I'^tude 
de  phe'nomenes  oscillatoires  naturels  a  Te'tat  stationnaire,  En  efFet,  dans  tons 
ces  phe'nomenes,  1'tHat  stationnaire  ii'est  nullement  defini  par  les  conditions 
initiales  comme  dans  les  problemes  lineaires,  mais  se  determine  uniquemenl 
en  fonction  de  parametres  de  liquation  diffe'rentielle  elle-m6me.  Ainsi,  par 
exemple,  le  fonctionnement  d'une  pendule  ou  d'un  oscillateur  a  lampes  triodes 
n'a  rien  a  faire  avec  los  conditions  initiales  avec  lesquelles  ces  systemes  ont 
e'te  lance's  an  dAut,  mais  depend  seulement  de  parametres  qui  apparaissent 
dans  leurs  Equations  differentielles.  II  est  bien  cntendu  que  ce  qui  vient  d'etre 
dit  s'applique  seulement  aux  systemes  non  conservatifs  avec  lesquels  on  a 
affaire  dans  nos  experiences  terrestres.  II  est  visible  que  ces  changements  ne 
concernent  pas  les  systemes  conservatifs. 

La  nouvelle  tb^orie  oflre  un  cadre  commode  pour  1'etude  d'un  grand 
nombre  de  phe'nomenes  qui  <5cbappaient  a  1'ancienne  tbe'orie  lin^aire.  Ainsi,  le 
fonctionnement  de  divers  oscillateurs  susceptibles  d'osciller  en  regime  pei^- 
manent,  celui  des  me'canismes  a  ^chappement,  les  fluctuations  biologiques  et 
^conom6triques7  etc.,  tout  cela  commence  a  6tre  traite"  pen  a  peu  d'une  facon 
uniforme  par  la  nouvelle  the'orie. 

II  est  difficile  de  trouver  dans  Fhistoire  de  la  Science  un  autre  exemple  cle 
th^orie  math^matique  de'veloppe'e  saus  aucune  relation  aux  applications  (dont 
la  plupart  n'e"taient  m6me  pas  connues,  du  reste,  a  cette  (?,poque)  qui  ait 
pre'sente'  une  base  aussi  parfaite  pour  I'e'tude  de  phe'nomenes  iunombrables  qui 
se  sent  re've'le'es  depuis  lors,  sans  qu'il  y  ait  presque  rien  a  changer  a  cette 
th^orie  un  demi-siecle  plus  tard. 

C'est  aujourd'hui  seulement  que  Ton  commence  a  se  rendre  compte  de  la 
porte'e  des  paroles  du  grand  ge'omelre,  quand  il  dit  : 

«  CB  qui  wous  rend  ces  solutions  pe'riodiques  si  pr6cieuses,  c'est  qu'elles 
§ojtt7  pour  amsi  dire,  la  seule  br^che  par  ou  nous  puissions  essayer  dep^n^trer 
dans  une  place  jusqu'ici  r^put^e  inabordable  », 


MANIFESTATIONS  PARISIENNES   EN   MAI    1964.  127 

CONFERENCE  DE  M,  G.  DARMOIS 

AUX  INGENIEURS  CIVILS. 

Repercussion  des  travaux  d 'Henri  Poincare 
dans  le  domaine   du   calcul   des   probabilites  et  de  ses  applications. 

Henri  PoiNCARfi  a  &t&  nomrn£  le  22  aout  1886,  a  la  chaire  de  Physique  math<3- 
matique  et  Galcul  des  probabilites.  II  avait  alors  82  ans,  et  enseignait  d6je\ 
depuis  cinq  ans  a  la  Sorbonne.  II  avait  (H£  successivement  Maitre  de  Confe- 
rences d'Analyse  en  1881,  puis  charg6,  en  mars  i885,  du  cours  de  Me^canique 
physique.  En  aout  1886,  il  devint  titulaire  de  la  chaire  de  Physique  math^ma- 
tique  et  de  Calcul  des  probability.  Fondle  en  septembre  1884,  elle  n'6tait 
occup^e  que  depuis  1840.  Le  premier  titulaire  avait  6t<5  le  fameux  ComteLrBRi, 
c£l6bre  ad'autres  litres,  et  qui  mourut  a  Londres,  ou  il  s'6tait  enfui  en  1848. 
La  chaire  demeura  vacante  jusqu'en  1801,  ou  elle  fut  occup6e  peu  de  temps 
par  L.iMfi, 

Les  pr£d£cesseurs  imm^diats  dePoiNCARfi  £taient  BuiOTetLippMANN.  POIXCARE 
restitua  pleinement  a  cette  chaire  son  caract^re,  car  il  y  enseigna  pendant  dix 
ans  la  Physique  math6matique  et  le  Calcul  des  probability,  comme  1'attestent, 
dans  une  collection  d'une  douzaine  de  volumes,  des  cours  sur  la  Thermodyna- 
mique,  1'filasticit^,  la  Th^orie  de  la  lumi^re,  la  Capillarity  les  Tourbillons,  la 
ThtSorie  de  la  chaleur,  le  Calcul  des  probabilites.  Tous  ces  cours,  d'une  admi- 
rable clart<5,  t^moignent  de  la  rapidit^  foudroyante  avec  laquelle  POINCAR^ 
mattrisait  des  questions  si  diverses.  Je  me  suis  souvent  demand^  pourquoi, 
dans  le  groupe  6tendu  de  jeunes  math^maticiens  et  physiciens  qui  r^dig^rent 
ces  cours,  et  parmi  les  autres  auditeurs,  si  peu  s'^taient  dirig^s  vers  la  Physique 
math^matique.  POINCAR^,  sans  doute,  on  Pa  dit  souvent,  d6testait  perdre  son 
temps,  mais  il  6tait  bienveillant,  et,  a-t-on  dit  ^galement,  d'une  am6nit£  par- 
faite,  m^me  avec  les  irnportuns  qui  deniandaient  un  consoiL 

Parmi  ces  auditeurs  et  r^dacteurs  figarent  fimile  BOREL,  Ren^BAiRE,  LeRoY. 
Sans  donte,  Finfluence  de  Jules  TANNERY  a  Fficole  Normale,  les  grands  suce&s 
de  la  th^orie  des  fonctions,  qui  frapp^rent  les  jeunes  mathematicians,  sont  une 
r^ponse  tr^s  forte  a  ma  question.  D'autre  part,  POINCAR^  lui-m^me,  dans  son 
ceuvre  prodigieuse  d'ampleur,  a  peut-^tre  mieux  employ^  son  temps  a  r^soudre 


I28  TROISIEME   PARTIE. 

lui-mCme  les  questions  dont  il  aurait  pu  conseilier  l^tude.  II  faut  d'ailleurs 
reconnaitre  qu'en  ces  temps,  que  j'ai  connus,  aborder  an  professeur  nous 
faisait  h^siter  bien  longtetnps,  sauf  quand  nous  avions  un  rdsultat  a  lui  pr6- 
senter.  Je  pense  que  c'cst  mieux  maintenant,  a  condition,  bien  entendu,  que  le 
professeur  dttfende  un  peu  son  temps. 

Mais  la  disparities,  en  1912,  de  Henri  POINCAR^  fut  comme  si  une  grande 
lumiere  eteinie,  Fe'difice  de  la  Physique  mathe'matique  se  trouvait  dans  une 
quasi-obscurit^.  Le  caractere  vraiment  irreparable  de  sa  disparition,  ressenti 
sans  doute  imme'diatement,  se  manifesta  surtout  a  la  naissance  de  la  Relativite' 
g^n^rale;  les  tres  difficiles  problemes  qu'elle  posait  n'auraient  pu  trouver 
d'intelligence  mieux  adapted  que  celle  de  Henri  PoiNC^Rti,  qui  unissait  les 
Mathe'inatiques  pures  a  la  Physique  mathe'matique  et  la  Mc'canique.  II  aurait, 
d'un  coup  d'ceil,  vu  le  champ  tout  entier  de  la  th^orie  nouvelle. 

Si  j'insiste  sur  ces  points,  c'est  pour  faire  sentir  le  danger  que  ce  fut  pour  la 
France  de  manquer  d'une  6quipe  de  Physique  math^matique  et  a  quel  point 
nous  devons  porter  notre  attention  sur  le  rnaintien  d'un  e'quilibre  entre  les 
diverses  formations  mathematiques. 

Mais  revenons  a  PoiNCAufi  Iui-m6nie;  j'ai  d(^ja  dit  le  caractere  foudroyant  de 
ses  progres  dans  les  problemes  que  lui  posaient  a  la  fois  le  monde  du  concret 
et  sonenseignament.  On  a  dit  qu'il  n'6tait  pas  de  voie  royale  en  Mathematiques, 
entendant  par  1^  qu'il  n'y  a  pas  de  raccourci  facile  pour  les  rois  de  ce  monde, 
mais  il  existait  une  voie  royale  pour  POINCAR£  lui-m^sme. 

Et,  venant  eniin  aux  probabilit6s,  qui  sont  Tobjet  de  cette  conference,  nous 
verrons  comment,  en  m£me  temps  que  la  forme  concrete  des  problemes,  lui 
apparaissent  imme'diatement  les  correspondents  abstraits,  la  construction 
mathe'matique,  1'outil  efficace  qu'il  utilise  ou  qu'il  fabrique.  Que  le  probleme 
soil  concret  assure  en  general,  comme  dit  Jacques  HADAMARD,  qu^il  est  bien 
pos^,  c'est-a-dire  qu'il  a  une  solution.  Les  problemes  qui  se  pr^sentaient  les 
premiers  a  1'esprit  de  POICAR&  6taient  ceux  qui  etaient  siu  cceur  d'une  question 


Prenons,  par  exemple,  le  probleme,  pose'  et  rdsolu  par  lui,  du  battage  des 
cartes.  Pour  appliquer  le  Calcul  des  probabilit^s  aux  jeux  de  cartes,  on  admet 
g^n^ralement  qu'il  y  a  e*gale  probabilite'  pour  toutes  les  permutations,  pour 
tirer  une  carte  ou  une  autre,  et  Ton  peut  calculer  sur  cette  base  d'uniformite' 
toutes  sortes  de  probability  pour  des  structures  de  jeux.  En  ve'rile',  tout  le 
monde  sait  que,  pour  des  observateurs  attentifs,  la  structure  du  jeu  de  cartes 


MANIFESTATIONS  PARISIENNES   EN  MAI    1964.  129 

faiblement  battu  est  influence  par  la  structure  initiale.  POINCAR£  s'est  demand^ 
pourquoi,  si  le  jeu  a  £t£  battu  longtemps,  nous  admettons  que  tous  les  ordres, 
toutes  les  permutations  possibles,  doivent  &tre  consid£r£es  comme  £galement 
probables. 

II  s'agit  done  de  1'influence  du  nombre  de  battages,  et  le  probl&me  est  de 
d^montrer  que,  si  ce  nombre  augmente  ind^finiment,  il  y  a  une  limite  commune 
pour  les  probability  de  toutes  les  permutations. 

lmm£diatement,  dans  son  esprit,  apparait  le  groupe  des  baltages,  au  sens  de 
la  th^orie  des  groupes.  Comment,  d'ailleurs,  intervient  le  joueur  ?  Ses  habi- 
tudes de  battage  attribuent,  dit  POINCAR£,  une  probability  determinate  a  une 
certaine  permutation.  Voici  le  joueur,  on  le  batteur,  remplac^  par  une  suite  de 
probability,  de  somme  £gale  a  i,  de  remplacer  un  ordre  initial  So  par  un 
ordre  S4. 

POINCARE  introduit  alors  un  nombre  hypercomplexe  P  —  'Zpili,  les  ei  6tant 
des  unites  complexes,  auxquelles  il  impose  une  r&gle  ^vidente  (pour  lui)  de 
multiplication.  Alors,  la  loi,  au  bout  de  n  coups,  c'est  Pn  et  il  faut  montrer 
que,  si  n  augmente  ind^finiment,  P"  a  pour  limite 


G'est  ce  probl&me  qu'il  r^sout  compl&tement  par  utilisation  des  valeurs 
propres,  donndes  par  liquation  caract6ristique  introduite  par  filie  CARTAN, 

Ges  questions  ont  6t6  reprises,  on  pent  dire  amplifi^es,  certaines  solutions 
gtant  plus  6l6mentaires,  mais  la  m6thode  de  POINCAR&  s'applique  aussi  aux  cas 
singuliers  ou,  certaines  permutations  6tant  exclues  par  le  joueur,  le  r^sultat 
g6n6ral  ne  s'applique  pas.  Sa  m^thode  ^tait  la  plus  puissaiite. 

Idee  generate.  —  POINCAR^  s'est  pos6  le  probl^me  general  de  nivellement 
des  probabilit($s  par  passage  a  la  limite,  soit  qu'il  s'agisse  d'un  morcellement 
de  1'espace,  le  nombre  des  cellules  augmentant  ind6finiment,  soit  qu'il  s'agisse 
d'une  sorte  d'infinit6  de  tirages  au  sort,  d'actes  al^atoires  comme  dans  le 
probl^me  pr^c^dent. 

La  roulette.  —  Le  premier  probl&me  est  celui  de  la  roulette,  gto&ralisd  par 
la  me^thode  des  fonctions  arbitraires.  Pourquoi  est-il  raisonnable  de  supposer 
qu'a  la  roulette,  si  1'on  imprime  une  rotation  qui  fait  parcourir  un  grand 
nombre  de  secteurs  rouges  et  noirs,  la  probability  est  la  mtoie  pour  un  rouge 
et  un  noir. 


l3o  TROISIEME   PARTIE. 

II  esL  clair  que  ce  no  serait  pas  vrai  avec  ane  impulsion  faible ;  Puniformisa- 
tion  tient  au  grand 'nombre  de  secteurs  parcourus.  POINCARE  a  montre  qu'en 
prenant  arbitrairement  la  loi  des  probability's  elementaires  de  Tangle  total  de 
rotation,  la  difference  des  probabilites  totales  pour  les  deux  couleurs  lend  vers 
zero  quand  leliombre  de  sectcurs  parcourus  augmente  indefiniment.  Fonction 
arbitraire  qui  n'est  pas  tr£s  precise.  La  demonstration  de  PoiNCiufi  a  ete  ge 
ralisee  dans  cette  direction  par  BOREL,  puis  FR&CHET.  On  voit  1'idee 
Ces  notions  de  probabilites  simples,  acceptees  dt?s  le  debut,  ne  sont  iiullement 
necessaires,  et  Puniformisation  se  fait  par  les  grands  nombres. 

HOSTIXSK.Y  a  beaucoup  developpe  ce  point  de  vue  en  decoupant  en  cellules 
Pespace  des  realisations,  une  cellule  correspond  au  succes,  la  voisine  al'echec. 
L'uniformisation  se  fait  quand  le  nombre  des  cellules  augmente  indefiniment. 
En  particulier,  il  a  traite  le  cel^bre  probl&me  de  1'aiguille  de  Buffo  n  et  montr^ 
que,  si  le  nombre  n  des  parall^les  aagmente  indt^finiraent,  la  probability  de 

rencontre  tend  vers  la  valeur  classique  -  • 

Principe  ergodique.  —  C'est  ici  le  deuxi&me  point  de  vue,  I'mfinit^  des 
operations  successives. 

Alafmdela  deuxi^me  edition  (revue  et  augmentee,  1912)  du  Calcul  des 
probabilites,  POI^CAR£  developpe  largement  ses  idees  et  les  probl^mes  qu'elles 
posent  sur  le  melange  des  liquides;  il  s'agit  de  molecules  roses  disposecs  arbi- 
trairement au  temps  t^a,  et  dont  Texperience  nous  apprend  qu'elles  sont 
uniformement  reparties  au  bout  de  quelque  temps, 

II  s'agit,  on  le  voit,  et  POINCARE  le  dit,  du  fameux  postulat  ou  principe  ergo- 
dique. MAXWELL,  en  i85o,  avail,  IP  premier  euonce  cette  hypoth^se  que  les 
moyennes  temporelles  prises  sur  une  trajectoire  avaient  la  m^me  valeur  que  les 
moyennes  statistiques  ou  moyennes  d'ensemble  prises  sur  tous  les  Slats  pos- 
sibles du  syst&me  etudie.  POINCAR£  parle  du  problfeme  de  MAXWBLL-BOLTZMANN. 

On  ne  peut  se  defendre  de  penser  que  PoiNCARfi  craignait  de  n'avoir  plus  le 
temps  de  trailer  Iui-m6me  cette  question.  La  phrase  du  debut  est  la  suivante  : 
«  Je  ne  dirai  que  quelques  mots  d'une  autre  question  dont  Pimporlance  est  tres 
grande,  mais  que  je  ne  suis  pas  en  rnesure  do  r<§soudre.  » 

II  est  d'ailleurs  remarquable  que  POINCAR*,  ^  la  fin  des  12  pages  qu'il  a 
consacr^es  a  cette  question,  fait  une  allusion  precise  au  processus  stochastique 
de  Involution  des  molecules  qu'il  est  Svidemment  plus  facile  d'etudier  quand 
on  peut  ne  pas  tenir  compte  de  Fhistoire  anterieure. 


MANIFESTATIONS   PARISIENNES   EN    MAI    IQ54.  j3l 

ti  signale  dans  le  detail  1'importance  de  la  difficult^,  les  cas  d'excep- 
tion  du  principe  ergodique.  II  y  a  un  pea  plus  de  20  ans  que  G.  D.  BIRKHOFF  a 
donn6  la  premiere  solution  rigoureuse,  la  premiere  demonstration  du  th6or5me 
ergodique  :  les  r&mltals  ont  6tti  otablis  depuis  avec  des  hypotheses  moins 
strides.  La  theorie  a  sa  forme  la  plus  parlante  dans  le  langage  de  la  th^orie  des 
fonctions  al^atoires  ou  processus  stochastiques. 

On  voit  qu'il  a  fallu  20  ans  apres  la  mort  de  POINCAR&  pour  me  tire  au  point, 
et  20  autres  annees  pour  parfaire,  la  solution  de  ce  probl^me  qu'il  jugeait,  avec 
raison,  difficile. 

On  peut,  dans  un  doniaine  plus  modeste,  signaler  un  probl&me  d'ajustement 
traits  au  passage  par  POINCARE,  et  qui,  par  son  importance  pratique,  o,ccupe 
encore  les  biologistes,  economistes,  statisticiens.  ... 

PoiNCARfi  dit  :  «  On  vise  une  trajectoire  rectiligne.  Les  points  ne  sont  pas  en 
ligne  droite.  Comment  ajuster  ?  » 

II  propose,  dans  le  cas  le  plus  simple,  une  droite  des  moindres  carr^s,  mais 
des  carr^s  des  distances  des  points  observes  a  la  droite  cherchtfe. 

En  v£rite,  cela  suppose  une  loi  d'erreur  de  LAPLACE-GAUSS,  et  qu'elle  soit 
connue.  De  tr&s  nombreux  travaux,  soit  th^oriques,  soit  de  calculs  et  d'essais 
numeriques,  ont  6t6  faits,  et  sont  encore  en  cours,  pour  1'application  de  cette 
m^thode  d'ajustement,  qui  met  evidernment  en  jeu,  dans  le  cas  g^n^ral,  les 
valeurs  propres  relativement  a  une  forme  quadratique  a  n  dimensions,  g£n6ra- 
lisant  le  grand  axe  de  1'ellipse  considt5rt5e  par  POINCAR&  dans  les  quelques  lignes 
qu'il  y  a  consacr^es. 

Repercussion.  VInstitut  Henri  Poincare.  —  La  plus  grande  repercussion 
des  travaux  d'HenriPoiNCARfiest  clans  les  m^moires  des  chercheurs  qui,  dans  le 
monde  entier,  ont  poursuivi  et  ne  cessent  de  poursuivre  les  travaux  qu'il  a 
commences  ou  indiqu^s. 

Mais  il  existe  une  repercussion  vivante.  G'est  Flnstitut  Henri-Poincar6. 
Comme  1'a  dit,  le  samedi  i5  mai  ^  la  Sorbonne,  Emile  BOREL  qui  Pa  fonde  et 
fait  vivre  avec  des  dons  g£n6reux  (de  Rockefeller  en  particulier),  il  fallail 
d^velopper  en  France  et  dans  le  monde  le  Calculdes  Probability  et  la  Physique 
mathematique.  Ge  Cut  le  premier  but.  Le  nom  prestigieux  d'Heuri  POIISTCAR£  a 
permis  de  faire  venir  a  Paris,  pour  des  cours  et  des  conferences,  les  savants  du 
monde  entier  (France  comprise)  qui  travaillaient  a  la  Physique  mathematijque, 
Physique  theorique,  Th^orie  des  probabilit^s. 


132  TROISIEME   PARTIE. 

Pour  le  centenaire,  une  grande  oeuvre  a  £t6  terming  :  1'agrandissement  de 
Flnstitut  Henri  Poincare,  par  les  efforts  unis  du  C.  N.  R.  S  el  de  la  Faculte 
des  Sciences  de  Paris.  Les  Math&natiques  pures  y  out  maintenantleur  maison, 
avec  tout  ce  qui  s'y  trouvait  d6ja,  et  qui  s'agrandit  aussi  des  applications  du 
Calcul  des  probability,  de  la  Statistique,  et  de  Pficonomgtrie.  Sur  cet  ensemble 
rayonne  1'esprit  de  POINCARE,  qui  garantil  1'avenir. 

L'ann6e  ou  nous  c^lebrons  le  centenaire  de  la  naissance  de  POINCARE  cst, 
pour  le  Calcul  des  probability,  et  de  deux  facons  diflferentes,  un  tricentenaire. 

En  effet,  c'est  dans  la  deuxi&rne  moili^  de  1'ann^e  i654  que  PASCAL  et  FERMAT 
£changeaient  leur  ctSl&bre  correspondance,  qui  pent  6tre  consid£r£e  comme 
posant  les  fondations  du  Calcul  des  probability.  A  la  fin  de  Fannie  i654, 
naissait  a  Bale  Jacques  BERNOULLI,  auteur  du  premier  Trait^  (Ars  Conjectandi) 
de  Calcul  des  probabilities  . 

Dans  cette  lign^e  de  princes  de  1'esprit,  POINCARE  a  une  place  que  le  destin 
semble  avoir  choisie  ;  il  a  lui  aussi  sem6  les  id6es  les  plus  profondes,  et  son 
souvenir  reste  attach^  a  quelques-uns  des  plus  beaux,  des  plus  profoiids  et  des 
plus  f^conds  d6veloppements  du  Calcul  des  probability. 

CONFERENCE  DE  M.  G.  DARRIEUS 

AUX  INGKNIEURS  CIVILS. 
Contributions   diverses   d'Kenri  Poincare  a  1'filectrotechnique. 


En  dehors  des  d(3couvertes  capitales  qui  font  apparaitre  Henri 
comme  Fun  des  plus  grands  mathdmaticiens  de  tous  les  temps,  et  en  marge  des 
contributions  si  imporlantes  du  grand  savant  a  la  Physique  mathe^matique,  se 
placent  au  d£but  de  ce  si&cle  un  certain  nombre  de  travaux,  relativement  peu 
connus,  qui  m^ritent  la  reconnaissance  particuli^re  des  (Slectriciens. 

Henri  POINCARE,  ing6nieur  des  Mines,  bieri  que  ses  dons  exceptionnels  et 
une  vocation  imp6rieuse  1'aient  dirig^  presqueimm^diatementvers  la  recherche 
et  1'enseignement,  parait  n^anmoins  avoir  gard6  sans  cesse  le  souci  de  servir 
son  corps  d'origine,  ainsi  que  1'artde  Ping^nieur  dans  lequel  il  avait  (H6  forni(5, 

Que  cette  attitude,  delib£r£e,  ait  6t6  inspire  par  un  sentiment  6lev6  de  son 
devoir  et  par  le  souci  du  patriote  lorrain  de  servir  son  Pays,  ou  qu'elle  proc^dat 
d'une  juste  preoccupation  du  th^oricien  de  ne  pas  perdre  le  contact  avec  les 
r6alit£s  exp^rimenlales  et  les  applications  de  la  Science,  il  demeure  qu'Henri 


MANIFESTATIONS   PARISIENNES   EN   MAI    IQ54-  1 33 

a  su,  toute  sa  vie,  accorder  aux  travauxdes  ing^nieurs  etaux questions 
industrielles  une  attention  syrnpathique  et  efficace. 

Nous  bornanL  ici  a  ce  qui  concorne  plus  particulierenientl'Electrotechnique, 
rappelons  que,  parmi  les  electriciens  illustres  de  la  grande  epoque  1890-1910, 
contemporains  de  PoiNCARft,  se  trouvaient  plusieurs  polytechniciens  :  POTIER, 
BLONDEL,  Maurice  LEBLANC,  qui  avaient  notamment  la  charge  d'enseigner  la 
technique  naissante,  aux  tCcoles  des  Mines  et  des  Ponts  et  Chaussees. 

POINCARK  fit  Iui-m6me  un  cours  a  1'Ecole  Suptkieure  des  Postes  et  Tel<§graphes 
en  1900  et  1904.  Enfin,  Joseph  BLONDIN,  a  la  redaction  attentive  et  d6vou6e 
duquel  nous  devons  la  publication  d'un  grand  nombre  des  volumes  ou  se 
trouvent  reproduces  les  c6lebres  legons  de  Physique  math^matique  que 
POINCARE  a  profess^es  en  Sorbonne,  tHait  alors  directeur  de  ¥  Eclair  age  Elec- 
trique,  la  principale  revue  d'Electricite"  de  cette  e"poque.  C'est  sans  doute  a 
cette  circonstance  que  nous  devons  la  contribution  assezr£guli6re  que  POINCARE 
a-  donne'e  a  cette  publication,  sous  forme  d'une  trentaine  d'articles,  depuis 
1 8g4  jusqu'a  sa  mort  en  191?,. 

Les  premieres  de  ces  Etudes  portent  en  ge"ne"ral  sur  des  problemes  de  Phy- 
syque  th6orique  ou  exp^rimentale  li(^s  a  la  question,  alors  a  1'ordre  du  jour, 
des  oscillations  electriques,  et  sur  1'examen  critique  approfondi  des  grandes 
theories  en  voie  d'elaboration,  telles  que  celles  de  LORENTZ  et  de  LARMOR. 

C'est  sans  doute  en  tres  grande  partie  a  Finfluence  et  a  I'autorite'  de 
PoiNCARfi  que  nous  devons  Facclimalation  en  France  de  la  th^orie  de  MAXWELL. 
Bien  que  le  grand  traite'  d'j£lectricit6  et  de  Magne'tisme  eut6t6  traduit  quelques 
anne'es  plus  tot,  les  conceptions,  a  beaucoup  d'^gards  r^volutionnaires,  du 
g6nial  savant  anglais,  heurtaient  le  plus  souvent  les  physieiens  frangais,  qui, 
en  d^pit  de  I'e'tude  attentive  que  leur  avaient  prele'e  des  initiateurs  ^minents 
comme  POTIER  ou  MASCART,  6prouvaient  quelque  peine  a  se  d^prendre  de  la 
beaute"  classique  du  magnifique  Edifice  construit  par  P^cole  des  NEWTON, 
LAPLACE,  POISSON,  AMPERE,  GAUSS,  WEBER,  alors  oi6me  que  les  progres  de  la 
Science  en  appelaient  imp^rieusement  l'6largissement. 

Si,  dans  les  exposes  qu'il  a  consacre's  ^t  cette  th<5orie,  POINCARE  parait  par 
endroits,  notamment  a  l'6gard  de  la  notion  du  courant  de  d^placement,  c^der 
aux  reticences  ou  aux  objections  de  son  entourage,  c'est  dans  la  mesure  ou  il 
partage  avec  lui  le  gout  traditionnel  des  Latins  pour  les  constructions  ration- 
nelles  que  leur  apparente  perfection  peut  faire  passer  quelque  temps  pour  defi- 
nitives; mais,  dans  1'ceuvre  g^niale  que  la  fin  prematur^e  de  MAXWELL  ne  lui  a 


134  TROISIEME   PARTIE. 

pas  laisse  le  loisir  de  refondre  harmonieusement,  ni  de  parachever,  la  surety  et 
la  profondeur  de  I'inluition  de  POINCAR£  ont  tut  fait  de  lui  faire  reconnaitre  les 
traits  indeniables  de  la  Verite. 

Outre  divers  chapitres  de  ses  Ouvrages  bien  connus  de  Philosophie  scienti- 
lique,  POINCARE  a  consacre  a  cette  theorie  1'un  de  ses  petits  chefs-d'oeuvre  d'ini- 
tiation,  la  Theorie  de  Maxwell  et  les  oscillations  hertziennes,  ou  il  excelle  a 
donner,  sous  une  forme  elementaire,  el  sans  calculs,  en  degageant  claireraent 
les  principes  et  proce'dant  par  analogies,  I'expose  des  questions  les  plus  difficiles. 
C'est  ainsi  que,  traitant  de  1'emploi,  farmlier  aux  physiciens  anglo-saxons  de 
1'epoque  victorienne,  des  modeles  me'caniques,  il  en  precise  la  signification, 
circonscrit  la  portee  et  souligne  1'indeterrnination,  en  montrant  que  leur 
principal  inte're't,  outre  celui,  parfois  temporaire  ou  changeant,  de  servir 
1'intuition  sensible,  consiste  dans  1'illustration  qu'ils  fournissent  des  principes 
fondamentaux  que  la  Physique  the'orique,  m^me  celle  moderne,  semble  devoir 
toujours  emprunter  a  la  Dynamique  classique. 

Le  m£me  petit  Ouvrage,  apres  lui  avoir  permis  de  montrer,  sur  desexemples 
simples,  1'application  de  ces  principes,  lui  fournit  1'occasion  de  de'crire  et 
d'interpre'ter,  en  manifestant  de"ja  une  intelligence  remarquable  des  details 
exp6rimentaux,  les  travaux  contemporains  les  plus  marquants  sur  les  oscilla- 
tions electriques  a  haute  frequence  et  les  debuts  dela  telegraphic  sans  fil. 

Une  controverse  sur  1'induction  unipolaire,  amorc^e  par  une  etude  d'ailleurs 
interessante  et  orthodoxe  de  C.  RAVEAU,  donne  a  POINCAR&  1'occasion  d'^carter 
des  paradoxes  et  de  montrer  comment  des  conclusions  errone'espeuventre'sulter 
d'une  application  defaillante  ou  incomplete  de  la  notion  intuitive  du  mouve- 
ment  des  lignes  d'induction  de  "FARADAY,  qui  conduit  cependant  a  un  r^sultat 
exact  a  condition  d'etre  correctement  appliqu^e. 

A  l:6gard  du  principe  me"me  de  cette  representation,  dont  les  travaux  ulte- 
rieurs,  notamment  ceux  de  MM.  HADAMARD  et  LI^NARD,  devaient  montrer  qu'elle 
souleve  en  certains  cas  de  serieuses  difficultes,  POINCAR^  ne  se  prononce  pas, 
mais,  ouvert  comme  d'ordinaire  a  toutes  les  possibilites  et  ne  repoussant 
a  priori  aucune  solution,  il  se  contente  de  souligner  son  caractere  indetermine 
ou  hypothetique  et  1'impossibilite  de  trouver  dans  les  experiences  de  cette. 
nature  aucun  experirnentum  crucis  en  faveur  de  Tune  ou  Fautre  des  concep- 
tions opposees  (lignes  d'induction  immobiles  dans  1'espace  ou  tournant  avec 
Faimant),  pourvu  que  soit  respecte  a  chaque  instant  le  caractere  conservatif  du 
flux  d'induction. 


MANIFESTATIONS  PARISIENNES   EN   MAI    ig54-  l35 

La  question  se  trouve  de  nouveau  pos6e  quelques  annexes  plus  tard  dans  une 
correspondance  entre  POTIER  et  POINCARE  au  sujet  desrecherchesde  V.  GREMIEU, 
el  par  la  suite  S.  R.  MILNER  a  rt^ussi  a  d6finir  les  conditions  auxquelles  la 
representation  si  suggestive  et  si  f^conde  de  FARADAY  peut  <Hre  pr£cis6e  el 
concili^e  avec  les  exigences  du  principe  de  relativity. 

II  parait  d'ailleurs  permis  de  pcnser  que  le  sujet  n'est  pas  6puis<5  et  qu'une 
intelligence  plus  profonde  de  la  structure  g£om6trique  et  de  la  quantification 
du  champ  6lectromagn<Hique  r6introduira  quelque  jour  sous  une  forme  conve- 
nablement  6pur6e,  dans  le  cadre  de  la  Physique  moderne,  1'essentiel  tout  au 
moins  de  certaines  des  conceptions  a  premiere  \ue  les  plus  na'ives  ou  les  plus 
grossieres  de  FARADAY  et  de  MAXWELL. 

L'6valuation  precise  que  donne  POINCAR^  a  cette  occasion  de  la  force  £lec- 
tromotrice  d'induction  le  long  d'un  circuit  materiel  d^formable  ou  en  mou- 
vement,  trouve  aujourd'hui  son  application,  non  seulement  dans  les  grandes 
machines  a  induction  unipolaire  que  le  d6veloppement  moderne  des  pompes 
6lectromagii£tiques  pour  liquides  conducteurs  (m^taux  fondus  pour  piles  ato- 
miques)  parait  devoir  remettre  a  1'ordre  du  jour,  mais  aussi  dans  1'^tude  des 
courants  de  convection  que  d^terminent  les  forces  6lectrodynamiques  dans  le 
bain  des  fours  m^tallurgiques  a  induction,  ou  dans  les  theories  modernes  que 
suscite  Interpretation  de  maints  ph6nom£nes  de  G^ophysique  et  d'Astronomie 
solaire  ou  stellaire  sous  le  nom  d'effet  «  dynamo  ». 

Le  m&me  mode  de  raisonnement  devait  trouver  quelques  ann£es  plus  tard 
une  nouvelle  application  lorsque  POINCARE  fut  en  1902  sollicit^  d'intervenir 
dans  la  coiitroverse  c^l^bre  qui  divisait  les  sommit^s  Electro  techniques  de 
1'^poque. 

Le  dereloppement  rapide,  r(5alis^  ou  entrevu,  des  applications  des  machines 
a  collecteur  a  courant  alternatif,  notamment  de  celles  a  courant  polyphas^, 
posait  alors  le  probl^me  du  comportement  de  leur  induit  tournant  dans  un 
champ  variable,  a  1'^gard  de  la  frequence.  Alors  que  ce  problSme,  maintenant 
r^solu  par  la  separation  devenue  famili^re  des  forces  6lectromotrices  dites  de 
rotation  et  de  transformation,  nous  parait  aujourd'hui  bien  simple,  nous  avons 
peine  a  imaginer  qu'il  put,  il  y  a  5o  ans,  faire  broncher  ou  douter  des  6lectri- 
ciens  aussi  (5minents  que  BLONDEL  et  Maurice  LEBLANC.  Ge  dernier,  notamment, 
pensait  pouvoir  d^duire  d'un  raisonnement,  a  premiere  vue  correct,  que 
1'inductance  de  1'armature  entre  balais  devait  se  montrer  ind^pendante  de  la 
vitesse  de  rotation,  tandis  qu'un  jeune  6lectricien,  Marius  LATOUR,  la  veille 


l36  TROISIEME   PARTIE. 

encore  inconnu,  mais  puur  lequel  cotle  circons lance  devait  marquer  le  debut 
d'une  brillante  carriere  d'invenleur,  reconnaissait  d'emblee,  comme  facleur 
de  la  reactance  effective,  la  vitesse  relative  entre  Parmature  et  le  champ 
tournant. 

En  vue  de  departag-er  les  opinions  qui  s'aflrontaient  ainsi,  et  sans  se  prononcer 
lui-meme,  BOUCIIEROT  fit  realiser  aux  Etablissement  Postel-Vinaj  1'experience 
qui  donna  raison  a  Marius  LATOUR,  en  mettant  en  Evidence  pour  1'inductance 
apparente  enlre  balais  d'un  induit  a  collecteur  polyphase,  une  valeur  qui,  de 
positive  qu'elle  etait  an  repos,  diminuait  lorsque  1'armature  etait  mise  en  mou- 
vement  dans  le  sens  du  charnp  tournant,,  pour  s'annuler,  puis  changer  de  signe 
au-dela  du  synchronisme. 

C'etait  la  fameuse  realisation,  par  1'emploi  d'organes  essentiellement  induc- 
tifs,  mais  avec  adjonction  de  contacts  glissants,  d'une  inductance  negative 
dquivalenie  a  celle  de  condensateurs  slatiques  et  que  Maurice  LEBLANC,  recon- 
naissant  son  erreur,  mitd'ailleurs  aussilot  a  profit  en  inventantle  compensateur 
de  phase,  lequel,  monte  en  cascade  dans  le  circuit  rotorique  a  basse  frequence 
des  moteurs  asynchrones,  assure  la  compensation  de  leur  puissance  reactive. 

A  cette  occasion,  POINCAR£  montra,  en  deux  articles  sur  les  proprie"t£s  des 
anneaux  a  collecteur,  comment  ce  r^sultat  aurait  du  6lrepr6vu,  par  une  Evalua- 
tion correcte  de  la  force  electromotrice  ou  de  la  variation  du  flux  magne'tique 
qu'embrasse  la  se>ie  d^finie  des  conducteurs  qui  constituent  a  un  moment 
donn6  une  voie  d'enroulement,  compte  tenu  de  1'apport  ou  du  pr^levement  des 
spires  en  commutation. 

Quelques  ann^es  plus  tard,  au  terme  d'une  pe'riode  qui  comporte,  outre  la 
publication  de  diverses  Etudes  sur  les  rayons  cathodiques,  celle  du  cours  sur 
la  propagation  du  courant  le  long  d'une  ligne  inunie  d'un  rtScepteur,  ainsi 
qu'une  assez  longue  ^tude  sur  le  r^cepteur  t6l6phonique,  alors  qu'il  venait  de 
donner  au  Gercle  mathe'matique  de  Palerme  le  c6lebre  Me"moire  sur  la  Dyna- 
mique  de  Te~Iectron  qui  devance  I'6nonc6  par  EINSTEIN  du  principede  relativity 
POINCARE  revient,  dans  LEclairage  Electrique,  sur  Quelques  theoremes 
relatifs  a  I' Electro  technique,  qui  retiendront  plus  particulierement  notre 
attention. 

Ce  M<5moire  assez  important  comporte  la  demonstration  de  rimpossibilite  de 
1'autoexcitation  de  courants  da'ns  un  r6seau  ou  systeme  de  conducteurs  quel- 
conque,  sans  collecteur,  ni  contacts  glissants,  ni  resistances  variables,  enfm 
sans  la  presence  concomitante  de  capacit^s  et  d'inductances. 


MANIFESTATIONS  PARISIENNES  EN   MAI    1964.  187 

Cos  propositions  sonl  elablies  a  partir  des  equations  g6nerales  (LAGRANGE  el 
HAMILTON)  do  la  Me"canique  analytique,  que  MAXWELL,  en  les  appliquant  aux 
circuits  electriques,  d6montre,  pour  un  sysleme  dynamique  quelconque  a 
liaisons,  presque  sans  calculs,  par  des  considerations  ires  elemenlaires,  mal- 
heureusement  incompletes,  mais  qu'il  serait  inte'ressant  de  reprendre  pour 
leur  conferer  plus  de  rigueur,  en  raison  de  leur  caractere  e"minemment  simple 
et  suggeslif. 

POINCAR&  a  ainsi  beaucoup  contrihue  a  implantcr  parmi  les  e"lectriciens, 
outre  Femploi  des  puissantes  meHhodes  de  la  Physique  mathe'malique,  1'usage 
si  fecond  des  principes  g^neraux  el  des  concepts  de  la  Mecanique  analylique, 
dont  il  savait  d'ailleurs  metlre  en  Evidence  Faspect  physique  et  intuitif,  en  se 
mettant  a  la  ported  d'un  auditoire  que  sa  formation  ordinaire  avait  mal  pr<5parcj 
a  reconnaitre  1'imporlance  du  nouvcau  point  de  vue. 

II  est  me" me  permis  de  penser  qu'aujourd'hui  encore,  renseignemenlele'men- 
taire  de  la  Physique  et  nolamment  de  1'filectricit^  dans  notre  pays  demeure, 
par  ses  programmes,  et  par  les  habitudes  tradilionnelles  de  ses  maitres,  trop 
impre'gne  d'une  forme  classique  qui  a  connu  son.apog^e  dans  1'ceuvre  admirable 
des  grands  physiciens  du  debut  du  siecle  dernier,  mais  qui,  aujourd'hui 
de'passe'e,  et  couple,  dans  une  large  mesure,  du  couranl  des  recherches  expe"ri- 
mentales  et  des  problemes  pratiques  moderates,  ne  manifeste  plus  a  present  la 
me'me  fe'condite';  et,  si  les  ide'es  de  MAXWELL,  qui  n'ont  plus  a  faire  leurs 
preuves  dans  les  domaines  plus  jeunes  de  1'Electricite',  comme  la  Radiolech- 
nique  et,  d'une  maniere  plus  ge'ne'rale,  les  concepts  emprunt^s  a  la  the'orie  des 
champs,  ne  sont  pas,  aujourd'hui  encore,  aussi  farniliers  qu'il  serait  desirable 
aux  techniciens  du  courant  fort,  le  guide  et  1'exemple  de  POINCARII:  pourront 
longtemps  encore  exercer  leur  salutaire  influence. 

A  ces  considerations,  d'une  port^e  tres  ge'ne'rale,  se  rattache  un  th^oreme 
enonce"  vers  la  m^me  epoque  (1908)  par  SCHWARZSCHILD,  et  qui  est  d'autant  plus 
remarquable  que  son  expression,  des  1'origine  conforme  aux  exigences  du 
principe  de  relativite",  quoique  ant^rieure  de  deuxans  a.  la  de'couverle  d'EiNSTEiN 
( ipo5),  n'a  trouv6  1'explication  de  son  invariance  naturelle  a  1'^gard  des  trans- 
formations de  LORENTZ  ou  des  changemenls  du  systeme  de  reference,  que  dans 
1'interpre'tation  g^niale  de  MINKOWSKI  en  1908. 

Or,  le  concept,  si  important  en  Physique  th^orique,  d'action  stationnaire, 
(Jclaire  de  maniere  inattendue  une  question  pratique  d'filectro technique  qui 
s'est  trouv6e  fort  debattue  il  y  a  une  trentaine  d'anne"es. 

H.  P.  18 


l38  TROISIEME   PARTIE. 

II  s'agit  de  la  notion,  introduilo  principalement  par  BOUCHEROT,  de  puissance 
reactive,  et  de  sa  generalisation  en  courants  quelconques  non  sinusoidaux. 
Tandis  qu'une  premiere  tentative,  conduisant  a  une  representation  complexe 
en  composantes,  dites  deformantes,  dans  une  sorte  d'espace  d'HiLBERT,  parais- 
sait  ne  presenter  qu'un  caract&re  trop  purement  formel,  sans  interpretation 
physique,  nous  avons  montre  en  1981,  encourage  par  LANGEVIN  qui  avait  pres- 
senti  d'emblee  l'inter£t  de  cette  remarque,  que  la  grandeur  physique  a  consi- 
derer,  dont  la  generalisation  s'introduit  naturellement  et  dont  la  mesure 
s'efTectue  en  consequence  sans  artifice  par  une  adaptation  simple  des  compteurs 
existants,  est  non  pas  une  energie,  mais  une  «  action  ». 

Cette  proposition  aboutit  a  un  theor&me  de  conservation  qui  rattache  a 
1'expression  d'une  densite  de  potentiel  cinetique  (fonction  de  LAGRANGE),  diffe- 
rence entre  1'energie  electrocinetique  (ou  magnetique)  et  1'energie  electrique 
distribuees  dans  le  champ,  la  balance  entre,  d'une  part,  la  variation,  de  1'etat 
initial  a  1'etat  final,  d'un  certain  contenu  d'  «  action  »  et,  d'autre  part,  1'inte- 
grale  de  surface  ou  le  flux,  aux  limites  du  syst&me,  d'un  certain  courant 
d'action. 

Tandis  que,  notamment  dans  1'expression  applicable  aux  milieux  continus, 
la  densite  de  potentiel  cinetique  est  une  fonction  d'etat  determinee  par 
les  seules  composantes  du  champ  electrornagnetique,  les  autres  termes 
dependent,  au  moins  en  apparence,  directement  du  potentiel  vecteur,  dont  la 
signification  physique,  niee  dans  la  thdorie  classique  (invariance  de  jauge),  est 
supposee  parfois,  notamment  dans  quelques  travaux  modernes,  devoir  inter- 
venir  directement  et  non  plus  seulement  par  le  champ  electromagnetique  que 
determine  ce  potentiel. 

De  ce  theor^me  decoule  immediatement  une  proposition  curieuse,  enoncee 
par  HEAVISJBE  et  demontree  par  LORENTZ,  suivant  laquelle  la  demi-difference 
entre  1'energie  fournie  a  un  syst&me  electromagnetique  au  cours  de  la  periode 
variable  qui  suit  1'application  brusque  de  forces  constantes,  et  celle  depensee 
dans  le  m^me  intervalle  de  temps  en  periode  stationnaire,  est  egale,  au  signe 
pr&s,  au  potentiel  cinetique. 

Gitons  enfin,  parmi  les  prolongements  modernes  de  ces  recherches,  que 
PoiNCARfi,  avec  sa  maitrise  de  la  Mecanique  analytique,  aurait  sans  doute  illu- 
minees  de  la  clarte  de  son  genie,  jeelles  qui  soulignent  sans  cesse  de  nouveaux 
aspects,  des  plus  profonds  en  Physique  theorique  aux  plus  elementaires  en 
Ijfectrotechnique,  de  la  dualite  evidemment  fondamentale  entre  les  facteurs 


MANIFESTATIONS   PARISIENNES   EN   MAI    1 054.  l3g 

emplacement  q  et  moment  conjugue  /?,  de  F  «  action  »  sous  ses  diverses 
formes. 

A  l'6gard  de  la  recherche  experimental,  alors  que  le  developpement  si 
rapide  des  Mathematiques  et  le  caractere  de  plus  en  plus  abstrait  et  difficile- 
ment  accessible  de  la  Physique  thdorique  tendent  a  elargir  le  fosscS  qui  sdpare 
les  differentes  categories  de  chercheurs,  1'attitude  et  le  comportement  de 
POINCARE  constituent  une  edifiante  legon.  Bien  que  ses  biographes  le  montrent 
handicape"  par  sa  myopie,  maladroit  en  dessin,  et  gauche  dans  la  manoeuvre 
des  instruments,  il  ne  cesse  de  manifester  son  souci  de  garder  le  contact  avec 
les  experimentateurs,  et  de  se  tenir  au  courant,  de  maniere  attentive  et  avise"e, 
du  detail  de  leurs  travaux.  C'est  ainsi  qu'il  a  suivi,  avec  une  sympathie  qui 
peut  surprendre  a  premiere  vue,  surtout  aujourd'hui,  les  recherches  d'un 
jeune  physicien,  V.  CREMIECJ,  qui  avail  cru  pouvoir  mettre  en  defaut  I'e'quiva- 
lence,  postulee  par  MAXWELL  et  LORENTZ  et  confirmee  par  ROWLAND,  des  efFets 
electrodynamiques  du  courant  de  convection  et  des  courants  de  conduction. 

Le  re'sultat  negalif  annonc^  par  GREMIEU  6tait,  en  r^alit^,  dii  a  une  interpr^- 
tation  erron^e  des  conditions  de  1'essai,  mais,  1'attitude  de  POINCARE  en  cette 
affaire  montre  bien  sa  determination  constante  de  ne  rien  rejeter  a  priori,  et 
sa  disposition  a  accueillir,  quel  qu'il  pnisse  ^tre,  le  verdict  de  Texp^rience, 
dont  il  suppute  et  entreprend  de"ja  de  d^velopper  les  consequences,  avec  une 
remarquable  absence  de  parti-^pris  ou  d'idee  pr^concue. 

En  un  temps  ou  la  Physique  theorique  peut  6tre  particulierement  tent<5e  de 
poursuivre,  dans  un  d^veloppement  trop  formel,  I'id6al  d'une  construction 
logique  peut-6tre  satisfaisante  pour  Tesprit,  mais  relativement  vaine  et  parfois 
sterile,  il  est  bon  que  POINCARE  nous  rappelle  avec  son  irrecusable  autorite  que  : 
«  1'experience  est  la  source  unique  de  toute  ve"rite  ». 


l4o  TROISIEME  PARTIE. 


F.  -  LE  MERCREDI  19  MAI  1954 
A  LA  SOClfiTE  ASTRONOMIQUE  DE  FRANCE. 


De  son  cote  la  Societc  Astronomique  cle  France  s'est  re'unie  le  19  mai  pour 
feter  le  centenaire  de  celui  qui  fut  son  President  de  1901  a  1908,  et  qui  fut 
nomm6  President  d'honneur  en  1912.  Devanl  une  nombreuse  assistance  le 
Prince  Louis  DE  BROGUE,  reprenant  et  compliant  son  discours  de  la  Sorbonne, 
a  parl6  sur  Henri  Poincare  et  les  theories  de  la  Physique.  En  particulier  il  a 
ajout6  cinq  pages  sur  les  conceptions  philosophiques  de  Henri  POINCAR&,  qui 
forment  un  tout  et  que  nous  reproduisons  ci-apres,  en  nous  excusant  d'y  faire 
figurer  a  nouveau  une  vingtaine,  puis  une  quinzaine  de  lignes  qu'on  aura  de"ja 
lues  dans  la  reproduction  du  discours  de  la  Sorbonne.  Nous  reproduisons  aussi 
trois  aline*as  qui  completent  la  derniere  partie  de  ce  discours  du  Prince  Louis 
DE  BROGLIE. 


EXTRAITS  DE  LA  CONFERENCE  DU  PRINCE  L.  DE  BROGLIE 

A  LA  SOCIETE  ASTRONOMIQUE  DE  FRANCE. 


Les  savants  n'ont  pas  en  g6ne"ral  de  c<  philosophic  »  qui  leur  soit  propre.  Us 
se  mgfient  des  systemes  philosophiques  trop  vagues  et  trop  ambitieux,  ils 
^prouvent  une  certaine  repulsion  en  face  des  raisonnements  a  leurs  yeux  peu 
convaincants  et  du  langage  souvent  alambique'  des  philosophes  de  profession. 
Certains  savants  cependant  aiment  a  de'velopper  des  ide"es  g^ne'rales  sur  les 
sciences  qu'ils  cultivent,  sur  leurs  progres  et  leurs  perspectives  d'avenir  :  par- 
fois  m&me,  ils  s'inte'ressenl  au  fonctionnement  de  ixotre  esprit  dans  la 
recherche  scientifique  et  se  livrent  a  une  critique  de  la  connaissance,  Henri 

POINCARE  fut  de   ceux-la  et,  dans  de  beaux  articles  Merits  dans  une  lan^ue 

o 

e'le'gante,  il  a  pass6  au  crible  d'un  esprit  critique  fin  et  profond  les  id6es  essen- 
tielles  des  sciences  math^rnatiques  et  physiques  de  son  temps.  Ces  Etudes  sont 


MANIFESTATIONS   PAR1SIENNES   EN   MAI    1964.  l4l 

pour  la  plupart  r^unies  dans  les  qualre  volumes  c6l£bres  dont  j'ai  d6ja  eu 
Foccasion  de  citer  le  litre.  Je  n'entreprendrai  point  d'analyser  celte  partie 
importante  de  1'oeuvre  de  POINCAR£  et  je  me  contenterai  de  rappeler  1'altitude 
assez  sceptique  qu'il  a  adoptee  vis-a-vis  des  theories  physiques. 

PoiNCARfi  a  plus  d'une  fois  insist^  sur  le  caracLere,  dans  une  large  niesure 
arbitraire,  des  theories  physiques.  Pour  lui,  il  existe  toujours  un  grand 
nombre  de  theories  qui  sont  logiquement  e'quivalentes,  et  qui  rendent  compte 
avec  le  m£me  degre'  d'exactilude  des  faits  observes.  G'est  uniquement, 
pense-t-il,  pour  des  raisons  de  «  commodity  »  que  les  savants  adoptent  1'une 
ou  1'autre  de  ces  explications  possibles.  II  va  me"me  jusqu'a  penser  que  les 
principes  des  sciences  physiques  sont  des  sortes  de  conventions  que  1'on  poui- 
rait  toujours,  quels  que  soient  les  fails  expe'rimentaux,  justifier  au  prix 
d'hypotheses  plus  complique'es  si  on  le  trouvail  utile.  Pour  Stayer  cetle 
attitude  nominaliste,  ce  «  commodisme  »  comme  on  1'a  appele^  il  a  donne", 
a  Fappui,  de  nombreux  exemples.  C'est  ainsi  que  dansZa  Science  et  L'Hypo- 
these  (p.  119),  apres  avoir  monlr£  que  le  principe  de  1'inertie  en  Me'canique 
classique  se  ramene  essentiellement  au  fait  que,  dans  cette  Me'canique,  les 
Equations  de  base  sont  des  Equations  diflferentielles  du  second  ordre,  il 
ajoute  :  «  Je  suppose  maintenant  que  nous  observions  n  molecules  et  que  nous 
constations  que  leurs  coordonn^es  satisfont  a  un  systeme  de  3n  Equations  diffe'- 
rentielles  du  quatrieme  ordre  (et  non  du  second  ordre  comme  1'exigerait  le 
principe  de  1'inertie).  Nous  savons  qu'en  introduisant  37^  variables  auxiliaires, 
un  systeme  de  3  n  Equations  difFe'rentielles  du  quatrieme  ordre  peut  6tre 
ramen^  a  un  systeme  de  6  n  Equations  difFe'rentielles  du  second  ordre.  Si  alors 
on  suppose  que  ces  3/i  variables  auxiliaires  repr^sentent  les  coordonn^es  de 
n  molecules  invisibles,  le  r^sultatest  de  nouveau  conforme  a  la  loi  de  1'inertie  ». 
Ainsi  le  principe  de  1'inerlie  serait  unc  sorte  de  convention  dont  on  pourrail 
toujours  re'tablir  la  validite'  a  1'aide  d'hypotheses  appropri^es  si  les  faits  expe'- 
rimentaux paraissaient  le  contredire.  De  me"me,  et  cette  affirmation  de 
PoiNCARfi  a  fait  sensation  a  l'e"poque  ou  elle  fut  ^nonc^e,  1'hypothese  de  la 
rotation  de  la  Terre  n'est  qu'une  hypolhese  cornmode  :  on  pourrail  tout  aussi 
bien  la  supposer  immobile,  on  obtiendrait  simplement  une  the"orie  du  mouve- 
menl  des  astres  beaucoup  plus  compliqu^e  et  par  suite  beaucoup  moins  com- 
mode que  celle  qui  a  pris  naissance  a  la  suite  des  travaux  des  COPERNIC,  des 
GALILEE  et  des  NEWTON.  Dans  un  autre  ordre  d'id^es,  POINCARE,  parlant  dans  la 
preface  d? Electricite  et  Optique  de  Interpretation  m^canique  des  lois  de 


r42  TROISIEME  PARTIE. 

I'£lectromagn6tisme,  d6montre  que  «  si  un  phenomena  comporte  une  explica- 
tion m^canique,  il  en  comporlera  une  infinite  d'autres  qui  rendent  ggalemenl 
bien  compte  de  toules  les  particularity  re've'le'es  par  Fexp^rience  »  et  il  semble 
se  complaire  dans  cette  ide"ede  la  multiplicity  des  explications  possibles. 

Que  les  fines  analyses  de  POINCARE  sur  toutes  ces  questions  de  critique  de 
la  connaissance  scientifique  soient  remarquables,  qu'elles  aient  contribu6 
a  faire  mieux  juger  ce  qu'il  y  a  d'arlificiel  et  de  provisoire  dans  les  images 
the'oriques  que  nous  construisons,  cela  ne  fait  pas  de  doute  et  justifie  pleine- 
menL  la  grande  renommge  de  POINCAR£  comme  philosophe  scientifique. 
Cependant  il  nous  semble  que  le  <c  nominalisme  »  de  POINCAR£S  congu  par  un 
esprit  abstrait  et  puissamment  critique,  appelle  quelques  reserves.  Son 
aboutissement  naturel  serait  de  conside'rer  la  Science  comme  une  oeuvre 
artificielle,  creation  en  grande  partie  de  1'esprit  humain.  POINCARE  (Ha  it  trop 
fin  pour  tomber  dans  un  tel  exces  et  il  a,  dans  La  Valeur  de  la  Science, 
consacre'  d'int^ressantes  pages  a  re"futer  les  opinions,  a  son  avis  exage^es,  de 
M.  fidotiard  LE  ROY  sur  le  caractere  purement  conventional  des  v6rit(5s 
scientifiques.  II  s'est  me"me  indigne'  qu'on  ait  pu  conside'rer  ses  remarques 
sur  le  mouvement  de  la  Terre  comme  pouvant  justifier  la  condamnation  de 
GALILEE.  II  n'en  est  pas  moins  vrai  que  le  point  de  vue  ultracritique  de 
HENRI  PoiNCARfi  peut  e"tre  un  peu  dangereux  en  inspirant  un-  scepticisme  non 
justifie'  a  1'^gard  des  theories  scientifiques.  Quelques  examples  ne  suffisent 
pas  a  prouver  qu?il  y  a  toujours  une  infinite  de  theories  possibles  pour  rendre 
compte  des  m6mes  fails  exp6rimentaux  et  il  nous  semble  certain  que  m£me, 
quand  il  y  a  un  grand  nombre  de  theories  logiquement  ^quivalentes,  le  phy- 
sicien  peut  a  bon  droit  penser  que  Tune  d'entre  elles  est  plus  conforme  a  la 
r^alit6  physique  profonde,  plus  susceptible  de  generalisations,  plus  apte  a 
nous  r^v^ler  des  harmonies  cache'es.  Le  scepticisme  de  POINCAR£  pourrait 
£tre  d(5courageant  et  ste'rilisant.  Peut-£tre,  je  Fai  dit  plus  haut,  l'avait-il 
lui-m^me  un  peu  sterilise"  dans  ses  recherches  de  Physique  th6orique  puisque, 
ayant  une  connaissance  approfondie  des  difficultes  de  1'filectrodynamique 
des  corps  en  mouvement  et  pressentant  le  caractere  general  du  Principe 
de  Relativite,  il  n'a  pas  su  apercevoir  cette  magnifique  doctrine  de  la  Rela- 
tivite'  qui  s'est  impos6e  brusquement  a  1'esprit  plus  jeune  et  moins  sceptique 
d' Albert  EINSTEIN.  Convaincu  qu'on  peut  toujours,  a  1'aide  d'hypotheses 
approprie'es,  conside'rer  1'espace  physique  comme  euclidien,  PomcARfi  aurait-il 
pu,  comme  EINSTEIN  le  fit  quelques  ann^es  apr&s  sa  mort  en  1916,  passer  de 


MANIFESTATIONS   PARISIENNES   EN   MAI    1964.  l43 

la  Relativity  restreinte  a  la  Relativite  generalisee  en  consid^rant  la  metrique 
de  1'espace-temps  comme  non  euclidienne,  et  tirer  de  cette  intuition.  geome- 
trique  sur  la  nature  de  Pespace-lemps  la  magnifique  interpretation  des  lois 
de  la  Gravitation  qui  est  aujourd'hui  classique  ? 

Je  dois  a  Fobligeance  d 'Albert  RANG  de  m 'avoir  signal^  un  texte  de  POINCARIS 
qui  montre  clairemeiit  a  quel  point  son  attitude  hypercritique  a  pu  parfois 
1'egarer.  Pronongant  a  1'Academie  des  Sciences,  en  1906,  Peloge  fun&bre  de 
Pierre  CURIE  qui  venait  de  succomber  dans  un  deplorable  accident,  il  disait, 
parlant  de  I'hypoth&se  suivant  laquelle  les  phenom&nes  radioactifs  s'accom- 
pagnent  de  transmutations  des  elements  :  «  II  est  probable  que  les  chimistes 
reussiront  finalement  a  faire  rentrer  ces  phenom^nes  etranges  dans  les  cadres 
qui  leur  sont  familiers  :  on  s'arrange  to uj ours  en  effet  et,  si  les  elements  sont 
par  definition  ce  qui  demeure  constant  dans  toutes  les  transformations,  il 
faudra  bien  qu'ils  soient  immuablos.  »  On  est  fort  surpris,  enlisant  aajourd'hui 
ces  lignes  de  voir  un  savant  aussi  clairvoyant  se  laisser  emporter  par  un  exc^s 
d'esprit  critique  et  meconnaitre  complement  la  portee  de  cette  decouverte  si 
capitale  et  si  grosse  de  consequences  qu'a  ete  celle  de  la  transmutation  des 
elements  par  radioactivite  ! 

Mais,  si  Ton  peut  faire  des  reserves  sur  le  commodisme  et  1'attitude  hyper- 
critique  de  Henri  PoiNCARfi,  on  ne  saurait  oublier  les  profondes  reflexions  et  les 
remarquables  analyses  qu'il  a  consacrees  a  la  methode  et  au  developpemeat  de 
la  Physique  theorique.  Tout  en  mettant  nettement  en  evidence  la  valeur 
intellectuelle  et  1'unite  de  la  theorie,  il  n'en  proclamait  pas  moins  cette  verite 
qu'aucun  theoricien  ne  doit  jamais  oublier  :  «  L'experience  est  la  source 
unique  de  la  verite  :  elle  seule  peut  nous  apprendre  quelque  chose,  elle  seule 
peut  nous  donner  la  certitude  ».  II  discernait  admirablement  le  caract^re 
ondulant  des  progr6s  de  la  Science  lorsqu'il  ecrivait  dans  La  Science  et 
VHypothese  (p.  176)  :  «  Sans  doute,  si  nos  moyens  d'investigation  devenaient 
de  plus  en  plus  penetrants,  nous  decouvririons  le  simple  sous  le  complexe, 
puis  le  complexe  sous  le  simple,  puis  de  nouveau  le  simple  sous  le  complexe, 
et  ainsi  de  suite  sans  que  nous  puissions  prevoir  quel  sera  le  dernier  terme  ». 
Nul  doute  que  ce  ne  soit  la,  en  effet,  le  rylhme  veritable  du  progr&s  de  nos 
connaissances.  Deux  pages  plus  loin  (p.  178),  il  ajoutait  cette  profonde 
remarque  :  «  Le  physicien  qui  vient  de  renoncer  a  1'une  de  ses  hypotheses 
devrait  &tre  plein  de  joie,  car  il  vient  de  trouver  une  occasion  inesperee  de 
decouverte.  Son  hypoth&se,  j 'imagine,  n'avait  pas  6t6  adoptee  a  la 


I  44  TROIS1EME  PARTIE. 

elle  tenait  complc  do  lous  les  facleurs  connus  qui  semblaienl  poavofr  inter- 
venir  dans  le  phe"nomene.  Si  la  verification  ne  se  fait  pas,  c'est  qu'il  y  a 
quelque  chose  d'inattendu,  d'extraordinaire  :  c'est  qu'on  va  irouver  de 
Finconnu  et  du  nouveau  ».  On  le  sent  dans  cette  fin  de  phrase,  le  mathe'ma- 
ticien  oubliait  son  scepticisme  pour  fre^mir  d'enthousiasme  devant  1'inconnu 
qui  va  se  re've'ler.  Comme  aimait  a  le  faire  Mme  DE  NOAILLES,  il  se  fut  volontiers 
e"crie"  :  «  La  Science,  ce  sont  des  voiles  qui  se  de'chirent  ». 

Les  citations  que  nous  venons  de  faire,  et  bien  d'autres  que  Ton  pourrait 
ajouter,  suffisent  a  mettre  en  lumiere  la  place  de  premier  plan  que  POINCAR&  a 
tenue  dans  la  Philosophic  scientifiqae  de  son  temps. 

Une  question  sur  laquelle  Henri  POIKCARE  est  bien  des  fois  revenu  est  celle 

du  de"lerminisme  et  corre'lativement  celle  de  la  conception  du  hasard  que  la 

crojance  au  de"terminisme  entraine.  Aujourd'hui  ou  ces  questions  ont  conside"- 

rablement  e'volue',    il   est  tres   inte'ressant  de  relire  les  textes  de    POINCARE. 

Comme  tous  les  savants  ses  contemporains,  POINCARE  ne  parait  jamais  avoir  mis 

en  doute  que  les  phe'nomenes  physiques  jusqu'aux  plus  e"le"mentaires  sont  re"gis 

par  des  lois   rigoureuses,  par  un  de"terminisme  inflexible   qu'expriment  des 

Equations  diffe'rentielles  dont  les  solutions  sont  enticement  de'termine'es  quand 

on  connait  un  nombre  suffisant  de  donne"es  initiales.  Cette  foi  dans  le  de"ter- 

minisme,  qui  lui  £tait  commune  avec  tons  les  savants  de  son  £poque,  1'amenait 

necessairement  a  prendre  en  face  du  probl&me  du  hasard  1'attitude  qui  avait  ^t^ 

celle  du  grand  LAPLACE  dans  ses  Ouvrages  fondamentaux   sur  le  Calcul  des 

probabilitt^s.  Pour  POINCAR&  comme  pour  LAPLACE,  le  hasard  veritable  n'exisLe 

pas  :  s'il  y  a  un  hasard  apparent  dans  certains  phe:nom£nes,  cette  apparence 

est  due  soit  a  notre  impuissance  de  r6soudre  un  probleme  trop  ardu  pour  les 

forces  de  notre  esprit,  soit  a  notre  ignorance   des  donne"es   n^cessaires  a  sa 

solution.  Parfois  nous  connaissons  les  lois  des  phe"nomenes  et  les  Equations 

difF^rentielles  qu'il  faut  e'crire   pour  les   exprimer,  mais  la  complication   du 

probleme  est  telle  que  nous  ne  savons  pas  trouver  les  solutions;  parfois  aussi 

ce  qui  nous  manque,  c'est  une  connaissance  exacte  des  donn6es  initiales  qui 

nous  permettraient  de  choisir,  parmi  les  inte'grales  des  Equations  differentielles, 

celle  qui  doit  repre"senter  le  cours  exact  des  tenements,  et  cette  incertitude 

sur  les  donne"es  entraine  1'incertitude  de  nos  provisions ;  parfois  meTne,  notre 

ignorance  peut  6tre  plus  grave  car  nous  pouvons  ignorer  la  forme  meme  des 

lois  qui  s'appliquent  aux  phe"nornenes  e'tudie's,  mais,  suivant  le  point  de  vue  de 

LAPLACE  et  de  POINCARB,  nous  devons  toujours  supposer  que  ces  lois  existent, 


MANIFESTATIONS   PARISIENNES   EN   MAI    1964.  1 45 

qu'elles  sont  rigoureuses  et  qu'elles  nous  permettraient,  si  notre  esprit  etait 
assez  puissant  pour  pouvolr  toujours  r^soudre  les  problemes  math^matiques 
que  leur  application  pose  et  si  nous  connaissions  avec  une  parfaite  precision 
les  donn^es  initiales  ne'cessaires,  de  parvenir  a  une  provision  non  moins  rigou- 
reuse  du  cours  inexorable  de  ces  phenomenes.  Dans  presque  tous  ses  Ouvrages 
de  Philosophic  scientifique,  POINCAR£  est  revenu  sur  cette  question  du  hasard 
et  il  a  illustre  son  point  de  vue  par  de  pe'ne'trantes  discussions  et  de  nombreux 
exemples  qu'il  est  toujours  tres  inte'ressant  d'eiudier  en  relisant  ses  livres. 
Mais  a  aucun  moment,  POINCARE  ne  parait  avoir  eu  1'idee  que  les  lois  ultimes 
de  la  Physique  pourraient  avoir  le  caractere  de  simples  lois  de  Probability 
ne  comportant  pas  1'existence  de  lois  rigoureuses  sous-jacentes  et  d'un  deter- 
minisme  cache.  Souvent  POINCAR&  parait  affirmer  que,  si  la  Nature  n'obeissait 
pas  a  des  lois  rigoureuses,  elle  serait  regie  par  le  «  caprice  ».  II  nc  lui  apparait 
pas  qu'entre  la  loi  rigoureuse  et  le  caprice,  il  y  ait  un  intermediate  qui  serait 
precisement  la  loi  de  probability  la  loi  purement  statistique.  Sans  doute 
1'illustre  ge'ometre  connaissait  bien  les  lois  de  probability,  mais  pour  lui  elles 
n'avaient  qu'un  caractere  en  quelque  sorte  secondaire  et  ne  faisaient  que  traduire 
notre  incapacity  de  trouver  la  solution  rigoureuse  du  probleme  ou  notre  igno- 
rance des  donnees  ne'cessaires.  Pour  lui  comme  pour  les  fondateurs  de  la 
theorie  cine'tique  de  la  matiere,  les  mole'cules  d'un  gaz  obeissent  aux  lois 
rigoureuses  de  la  Me'camque  de  sorte  que,  si  nous  connaissions  les  positions  et 
les  vitesses  initiales  de  toutes  ces  mole'cules,  nous  pourrions  suivre  en  detail 
Involution  ulte'rieiire  du  gaz  et  calculer  exactementtous  les  chocs  des  mole'cules 
entre  elles  et  contre  la  paroi.  Si  nous  ne  parvenons  a  trouver  pour  les  gaz  que 
des  lois  statistiques  telles  que  la  loi  de  MARIOTTE  ou  la  loi  de  repartition  des 
vitesses  de  MAXWELL,  c'est  que  le  probleme  rigoureux  est  impossible  a  resoudre 
tant  a  cause  de  la  complexity  des  equations  qu'en  raison  de  notre  incapacity 
d'observer  les  conditions  initiales  de  position  et  de  vitesse  a  I'e'chelle  mole- 
culaire. 

Dans  La  Valeur  de  la  Science  POINCARE  avait  ecrit  apres  avoir  constate 
1'impossibilite  d'interpreter  les  lois  spectrales  avec  les  anciennes  theories  : 
«  De  cela,  on  n'a  pu  encore  rendre  compte  et  je  crois  que  c'est  la  un  des  plus 
importants  secrets  de  la  Nature  ».  II  ne  se  trompait  pas.  Get  important  secret 
que  Niels  BOHR  devait  arracher  a  la  nature  un  an  apres  la  mort  de  POINCARE, 
c'est  que  la  stability  de  la  Matiere  repose  sur  1'existence  des  quanta  :  c'est 

IL  P.  J  19 


1 46  TROISlfcME  PARTIE. 

parce  que  les  &als  des  atomes  sonl  quantifies  que  les  lois  spectrales  ont  la 
forme  simple  dont  les  anciennes  theories  de  la  Physique  ne  parvenaient  pas  a 
rendre  compte.  Ici  encore  PoiNCARfi  a  vu  juste. 

Aprts  la  mort  de  Henri  POINCAR&,  la  Physique  math&natique  et  th^orique  a 
et<5  quelque  peu  d6laiss6e  en  France  et  ce  pays  qui  avait  au  si^cle  dernier  tenu 
dans  ce  domaine,  a  Fgpoque  des  FRESNEL,  des  FOURIER,  des  AMP£RE,  des 
POISSON,  des  LAMS,  une  place  si  6clatanle  a  dans  Pensemble  assez  peu  parti- 
cip6  au  grand  mouvement  qui  a  change  depuis  4°  ans  la  face  des  theories 
physiques.  La  situation  a  ce  point  de  vue  commence  a  se  redresser, 
notamment  grace  a  1'Institut  de  la  Faculty  des  Sciences  qui  est  plac<5  sous  le 
patronage  de  1'illustre  savant. 

A  1'heure  ou  est  c6l6br£  le  centenaire  de  la  naissance  de  Henri  PoiNCARfi,  il 
est  juste  de  marquer  fortement  la  place  qu'il  a  tenue  dans  le  dgveloppement 
des  theories  de  la  Physique  contemporaine.  Ainsi  apparait  dans  toute  son 
i^tendue,  I'immensit^  d'une  ceuvre  qui  a  apport6  de  gfoiales  contributions  a 
tant  de  branches  de  la  Science,  ainsi  se  d6gage  dans  toute  sa  gloire  Intel- 
lectuelle  la  noble  figure  d'un  des  plus  puissants  penseurs  que  la  race  humaine 
ait  produitj  d'un  des  plus  grands  savants  dont  la  France  ait  le  droit  d'etre 
justement  fifere. 


QUATRIEME  PARTIE 

MANIFESTATIONS  EN  PROVINCE  EN  MAI  1954. 


A.-  LE  JEUDI  20  MAI  1954  A  CAEN. 


La  Faculty  des  Sciences  de  Caen  ou  Henri  POINCARE  a  fait  ses  debuts  dans 
l'Universit<§,  a  voulu  honorer  la  m^moire  de  celui  qui  y  a  enseign£  pendant 
deux  ans.  Aussi,  le  jeudi  20  mai  avait-elle  organist  une  stance  dans  un  des 
amphitheatres  de  la  nouvelle  University  pour  1'inauguration  d'une  plaque 
rappelant  que  c'est  a  Caen  que  Henri  POINCARE  a  fait  la  d^couverte  des 
fonctions  fuchsiennes,  et  pour  entendre  une  conference  de  M.  Roger  APERY, 
Professeur  a  la  Faculty  des  Sciences  de  Caen  sur  1'oeuvre  de  Henri  POINCARE. 
On  trouvera  le  texte  de  cette  conference  plus  loin. 

En  presence  de  M.  DAURE,  Recteur  de  l'Umversit6  de  Caen  qui  faisait  les 
honneurs  des  nouveaux  batiments  de  l'Universit6  de  Caen,  et  de  M.  Albert 
CHATELET,  venu  tout  expr^s  de  Paris  pour  pr^sider  la  stance,  M.  MOREAU, 
Doyen  de  la  Facult6  des  Sciences  de  Caen  a  d'abord  d6voil6  la  plaque  et  dit 
quelques  mots  sur  le  passage  de  Henri  POINCARE  en  Normandie. 

M.  Roger  APERY  a  fait  ensuite  sa  conference  avec  beaucoup  de  chaleur,  et 
M.  CHATELET,  apr&s  Tavoir  felicity  de  son  brillant  expos£,  a  rappefe  que  la  ville 
de  Caen  avait  encore  des  attaches  avec  Henri  POINCARE  en  la  personne  de  sa 
ni^ce  Mme  Pierre  VILLEY,  fille  de  fimile  BOUTROUX.  II  a  £voqu6  §.  son  tour  le 
passage  de  Henri  POINCARE  a  Caen  et  la  d^couverte  des  fonctions  fuchsiennes. 
Puis  derri^re  le  savant  il  a  montr6  1'homme  qui  savait  se  mettre  a  la  port^e  de 
tous,  de  ses  collogues,  de  ses  ^l^ves,  de  ses  enfants,  et,  en  terminant  il  a  cit£ 
cette  phrase  de  Guillaume  BIGOURDAN  aux  obs^ques  de  Henri  POINCARE  : 

«   Ce  prodigieux   ^rudit,    cet  analyste  impeccable   savait  sourire;   il  savait 
ignorer,  iFsavait  douter  ». 


1 48  QUATRIEME   PARTIE. 

CONFERENCE  DE  M.  ROGER  APERY 

A  CAEN. 

En  1 855,  un  grand  deuil  frappaitle  monde  matht5matique ;  la  mort  du  prince 
des  mathematicians  Karl-Fried  rich  GAUSS  :  1'ampleur  du  d<3veloppement  dcs 
Math^matiques  otait  tout  espoir  de  revoir  un  savant  competent  simultan^ment 
dans  toutes  les  branches  des  Mathtjmatiques.  Un  tel  savant  £tait  n£  a  Nancy 
1'ann^e  d'avant  et  se  nommait  Henri  POINCARE,  mais  le  monde  1'ignorait  encore. 

En  1878,  le  jury  d'entrt^e  de  1'ficole  Poly  technique  se  trouva  plac<3  devantun 
cas  de  conscience  delicat  :  un  candidat  de  19  ans,  qui  devait  6tre  refus^  a  cause 
de  ses  notes  6liminatoires  en  dessin  et  en  gymnastique,  avail  un  total  de  points 
tr£s  sup^rieur  a  tous  les  autres  candidats.  Soucieux  de  ne  pas  renouveler 
1'erreur  qui,  une  cinquantaine  d'anne'es  auparavant,  avail  bris£  la  carri&re 
d'fivarisle  GALOIS,  les  examinateurs  deciderent  de  laisser  entrer  avec  le  n°  1  le 
jeune  Henri  POINCARE. 

Docteur  &s  sciences  a  26  ans,  il  est  nomm6  Mailre  de  Conferences  a  la  Faculty 
des  sciences  de  Caen  pendant  deux  ans. 

Cettc  courte  p^riode  de  sa  vie  fut  la  plus  imporiante.  Dans  un  M^moire 
public  a  1'Acad^mie  Nalionale  des  Sciences,  Arts  et  Belles-Lettres  de  Caen,  il 
cr£e  les  fonctions  fuchsiennes.  Je  m'excuse  de  ne  pas  expliquer  ici  ce  que  sont 
les  fonctions  fuchsiennes,  les  connaissances  de  la  licence  en  Math^maiiques 
sont  indispensables  pour  comprendre,  m£me  sommairement,  les  questions  aux- 
quelles  a  rt§pondu  POINCAR*I.  Signalons  settlement  que  Pilluslre  WEIERSTRASS, 
Professeur  a  TUniversit^  de  Berlin  el  maitre  inconlest^  de  1' Analyse  math^ma- 
lique  a  cette  6poque,  dul  reconnaiire  que  le  flambeau  des  Math^maliques,  si 
longtemps  lenu  par  1'Allemagne,  passail  a  la  France.  POINCARE  a  Iui~m6me 
expliqu6  plus  tard  les  circonslances  de  sa  d^couverle  : 

<c  Depuis  quinze  jours,  je  m'efforQais  de  d^montrer  qu'il  ne  pouvaii  exister 
aucune  fonclion  analogue  a  ce  que  j'ai  appete,  depuis,  les  fonclions  fuchsiennes , 
j'^tais  alors  forl  ignorant;  tous  les  jours,  je  m'asseyais  a  ma  table  de  travail,  j'y 
passais  une  heure  ou  deux,  j'essayais  un  grand  nombre  de  combinaisons  et  je 
n'arrivais  a  aucun  r^sultat.  Un  soir,  je  pris  du  caf6  noir,  contrairement  a  mon 
habitude;  je  ne  pus  m'endormir  :  les  id6es  fourmillaient  dans  ma  t^te,  je  les 
sentais  comme  se  heurter,  jusqu^  ce  que  deux  d'entre  elles  s'accroch^rent, 


MANIFESTATIONS   EN   PROVINCE   EN   MAI    ig54.  l49 

pour  ainsi  dire,  pour  former  uiie  combinaison  stable.  Le  matin,  j'avais  £tabli 
1' existence  d'une  classe  de  fonctions  fuchsiennes,  celles  qui  de'rivent  de  la  s6rie 
hyperge'ome'trique;  je  n'eus  plus  qu'a  re'diger  les  r^sultats,  ce  qui  ne  me  prit 
qtie  quelques  heures. 

«  Je  voulus  eiisuite  repr^senter  ces  fonctions  par  le  quotient  de  deux  series; 
celte  id6e  fut  parfaitement  consclente  et  re'fle'chie,  1'analogie  avec  les  fonctions 
elliptiques  me  guidait.  Je  me  demandai  quelles  devaient  £tre  les  proprie'te's  de 
ces  se'ries,  si  elles  existaient,  et  j'arrivai  sans  difficult^  a  former  les  series  que 
j'ai  appele'es  the'tafuchsiennes. 

«  A  ce  moment,  je  quittai  Caen  ou  j'habitais  alors,  pour  prendre^part  a  une 
course  ge"ologique  entreprise  par  1'Ecole  des  Mines.  Les  pe'rip6ties  du  voyage 
me  firent  oublier  mes  travaux  mathe'matiques;  arrives  a  Coutances,  nous  mon- 
tames  dans  un  omnibus  pour  je  ne  sais  quelle  promenade  ;  au  moment  ou  je 
mettais  le  pied  sur  le  marchepied,  I'ide'e  me  vint,  sans  que  rien  dans  mes  pen- 
se"es  ante'rieures  parut  m'y  avoir  prepare',  que  les  transformations  que  j'avais 
utilise'es  pour  de'finir  les  foiiclions  fuchsiennes  e"taient  identiques  a  celles  de  la 
Ge'ome'trie  non  euclidienne.  Je  ne  fis  pas  la  verification;  je  n'en  aurais  pas  en 
le  temps,  puisque,  a  peine  assis  dans  1'omnibus,  je  repris  la  conversation  com- 
menc(5e,  mais  j'eus  tout  de  suite  une  entiere  certitude.  De  retour  a  Caen,  je 
ve'rifiai  le  re'sultat  a  t^te  repose'e  pour  1'acquit  de  ma  conscience. 

«  Je  me  mis  alors  a  6tudier  des  questions  d'arithme'tique  sans  grand  re'sultat 
apparent  et  sans  soupgonner  que  cela  put  avoir  le  moindre  rapport  avec  mes 
recherches  ante'rieures.  De'gouLe'  de  mon  insucces,  j'allai  passer  quelques  jours 
au  bord  de  la  mer,  et  je  pensai  a  tout  autre  chose.  Un  jour,  en  me  promenant 
sur  la  falaise  I'ide'e  me  vint,  toujours  avec  les  me'm.es  caracteres  de  brievete',  de 
soudainete'  et  de  certitude  immediate,  que  les  transformations  arithme'tiques 
des  formes  quadratiques  ternaires  inde'finies  e'taient  identiques  a  celles  de  la 
Ge'ome'trie  non  euclidienne. 

<c  Ktant  revenu  a  Caen,  je  r^fl^chis  sur  ce  re'sultat,  et  j'en  tirai  les  conse"- 
quences  ;  Fexemple  des  formes  quadratiques  me  montrait  qu'il  j  avait  des 
groupes  fuchsiens  autres  que  ceux  qui  correspondent  a  la  s6rie  hyperge'ome*- 
trique;  je  vis  que  je  pouvais  leur  appliquer  la  the'orie  des  se'ries  the'tafuchsiennes 
et  que,  par  consequent,  il  existait  des  fonctions  fuchsiennes  autres  que  celles 
qui  de'rivent  de  la  s6rie  hyperge'ome'trique,  les  seules  que  je  connusse  jusqu'alors. 
Je  me  proposal  naturellement  de  former  toutes  ces  fonctions;  j'en  fis  le  siege 
syste'matique  et  j'enlevai  Fun  apres  1'autre  tous  les  ouvrages  avanc^s;  il  y  en 


l5o  QUATRIEME   PARTIE. 

avail  un  cependant  qui  tenait  encoie  et  dont  la  chute  devait  entrainer  celle  du 
corps  de  la  place.  Mais  tous  mes  efforts  ne  servirent  d'abord  qu'a  me  faire 
mieux  connaitre  la  difficult^,  ce  qui  £lait  d6ja  quelque  chose.  Tout  ce  travail 
ftit  parfaitement  conscient. 

«  La-dessus,  je  partis  pour  le  Mont-Val&rien,  ou  je  devais  faire  mon  service 
militaire;  j'eus  done  des  preoccupations  tr6s  diff^rentes.  Un  jour,  en  traver- 
sant  le  boulevard,  la  solution  de  la  difficult^  qui  m'avait  arr<H6  m'apparut  tout 
a  coup.  Je  ne  cherchai  pas  a  1'approfondir  imm^diatement,  et  ce  fut  seulement 
apr6s  mon  service  que  je  repris  la  question.  J'avais  tous  les  elements,  jen'avais 
qu'a  les  rassembler  et  les  ordonner.  Je  r^digeai  done  mon  M&moire  definitif  et 
sans  aucune  peine  ». 

Maitre  de  Conferences  a  Paris  en  1881,  Membre  de  I'Acad^mie  des  Sciences 
en  1887,  a  33  ans,  Membre  de  l'Acad6mie  Franchise  en  1909,  Membre  de 
34  autres  Societ^s  savantes,  titulaire  de  nombreux  prix  internationaux,  il 
imprime  la  marque  de  son  g6nie  dans  tous  les  domaines  :  Fonctions  analy tiques 
d'une  et  de  deux  variables,  Equations  diff^rentielles,  Arithm^tique,  Astrono- 
mic, Topologie,  Probl6me  des  Marges,  Propagation  de  la  chaleur,  Th^orie 
electronique,  Potentiel,  Cosmogonie,  filasticit6,  Calcul  des  probability, 
Th^orie  des  quanta,  etc. 

Le  savant,  £conome  de  son  temps  au  point  de  refuser  toutes  les  fonctions 
administratives,  de  refuser  de  corriger  les  £preuves  de  ses  M^moires  on  d'en 
envoyer  des  tirages  a  part,  ne  manage  pas  son  6nergie  quand  de  grandes  causes 
sont  en  jeu  ou  quand  il  peut  rendre  service.  En  1879,  quand  il  est  encore  ing6- 
nieur  des  Mines,  il  n'h^site  pas  £  descendre  dans  un  puits  ou  une  explosion  de 
grisou  avait  allum£  Tincendie.  P^re  de  quatre  enfants,  il  suivit  de  pr&s  leur 
Education  et  cinq  articles  intitules  Ce  que  disent  les  choses  montrent  qu'il  savait 
oublier  ses  propres  connaissances  pour  se  mettre  au  service  des  jeunes  cerveaux. 

Ses  travaux  de  Philosophic  scientifique  sont  group^s  dans  quatre  Ouvrages  : 
la  Science  et  VHypothese,  la  Valeur  de  la  Science,  Science  et  Methode, 
Dernier es  Pensees. 

Contrairement  au  grand  public  qui  imagine  souvent  la  Science  comme  un 
instrument  au  service  dela  technique  etdu  confort,  il  voit  la  technique  comme 
instrument  de  la  liberation  de  Fhomme  qui  lui  permettra  de  consacrer  son 
temps  a  la  Science  pure.  Repondant  a  ceux  qui  opposent  science  et  morale,  il 
6crit :  «  La  Science  est  grande,  elle  est  belle,  elle  est  bonne.  Ceux  qui  la  cul- 
tivent  pour  elle-m£me  se  sentiront  purifie's  par  ce  culte  d£sinteress£  »'. 


MANIFESTATIONS   EN   PROVINCE  EN   MAI    ig54.  l5l 

II  est  passionne  de  musique  et  fiddle  a  la  tradition  hellenique  qu'il  defend 
dans  un  petit  Ouvrage  sur  la  Science  et  les  Humanites.  Fiddle  a  la  tradition  de 
PYTHA.GORE  et  de  PLATON,  il  n'hesite  pas  a  recourir  au  my  the  pour  faire  com- 
prendre  la  Geometric  non  euclidienne,  qui,  de  son  temps,  n'est  acceptee  que 
d'un  petit  nombre  de  mathematiciens .... 

<(  Supposons,  dit-il,  un  monde  renferme  dans  une  grande  sphere  el  soumis 
aux  lois  suivanles  : 

«  La  temperature  n'y  est  pas  uniforme,  elle  est  maxima  au  centre  et  elle 
diminue  a  mesure  qu'on  s'en  eloigne,  pour  se  reduire  an  zero  absolu  quand  on 
atteint  la  sphere  ou  ce  monde  est  renferme. 

<c  Je  precise  davantage  la  loi  suivant  laquelle  varie  cette  temperature.  Soit  R 
le  rayon  de  la  sphere  limile,  soit  r  la  distance  du  point  considere  au  centre  de 
cette  sphere.  La  temperature  absolue  sera  proportionnelle  a  R2 — r2. 

«  Je  supposerai  de  plus  que,  dans  ce  monde,  tous  les  corps  aient  le  marine 
coefficient  de  dilatation,  de  telle  fagoii  que  la  longueur  d'une  regie  quelconque 
soit  proportionnelle  a  sa  temperaiure  absolue. 

«  Je  supposerai  enfin  qu'un  objet  transports  d'un  point  a  un  autre  dont  la 
temperature  est  differente  se  met  immediatement  en  equilibre  calorifique  avec 
son  nouveau  milieu. 

<(  Rien,  dans  ces  hypotheses,  n'est  contradicloire  ou  inimaginable.  Un  objet 
mobile  deviendra  de  plus  en  plus  petit  a  mesure  qu'on  se  rapprochera  dc  la 
sphere  limitc. 

<(  Observons  d'abord  que,  si  ce  monde  est  limite  au  point  de  vue  de  notre 
geometric  habituelle,  il  paraitra  infini  a  ses  habitants. 

<c  Quand  ceux-ci,  en  effet,  veulent  se  rapprocher  de  la  sphere  limite,  ils  se 
refroidissent  et  deviennent  de  plus  en  plus  petits.  Les  pas  qu'ils  font  sont  done 
aussi  de  plus  en  plus  petits  ;  de  sorte  qu'ils  ne  peuvent  jamais  atteindre  la 
sphere  limite. 

«  Je  ferai  encore  une  autre  hypoth&se,  je  suppose  que  la  lumiere  traverse  des 
milieux  diversement  refringents,  et  de  telle  sorte  que  1'indice  de  refraction  soit 
inversement  proportionnel  a  R2 — r2.  II  est  aise  de  voir  que,  dans  ces  condi- 
tions, les  rayons  lumineux  ne  seraient  pas  rectilignes,  mais  circulaires  », 

II  fut  le  precurseur  des  travaux  d'EiNSTEiN  et  toules  les  considerations  sur  la 
relativite  de  1'espace  et  du  temps  qui  constituent,  pour  le  grand  public,  la 
theorie  d'EiNSTEiN,  sont  en  r^alite  de  POINCAR£. 


!52  QUATRIEME   PARtlE. 

Les  considerations  d'Henri  POINCAR&  sur  la  relativity  du  mouvement  furent 
mal  comprises.  Certains  milieux  cri&rent  victoire  et  Mgr  BOLO  (Scrivit  dans  le 
Matin  du  20  fgvrier  1908  :  «  POINCARE,  qui  est  le  plus  grand  math^maticien  du 
siecle,  donne  tort  a  Fobstination  de  GALILEE  ».  L'emprisonnement  a  vie  de 
GALILEE  et  le  bucher  de  GIORDANO  BRUNO  se  trouvaient  justifies. 

PoiNCARfi  ne  tarda  pas  a  rgpondre  :  «  E  pur  si  muove,  Monseigneur  »  et 
resurna  brillamment  toutes  les  raisons  modernes  de  justifier  1'obstination  de 
GALILEE  »  :  vents  aliz^s,  sens  de  rotation  des  cyclones,  pendule  de  FOUCAULT, 
renflement  de  la  Terre  a  1'equateur,  sans  parler  des  ph<5nom&nes  astronomiques. 

II  preVisa  sa  pensee  sur  le  caractere  ni  vrai,  ni  faux,  mais  commode,  des 
6nonc6s  scicntifiques.  Cette  commodity  .porte  sur  1'expression  et  non  sur  les 
fails  que  nous  ne  sommes  pas  libres  de  modifier.  Pour  prendre  un  exemple 
banal,  si  Ton  decide  d'appeler  4  ce  que  tout  le  monde  appelle  2  et  2  ce  que 
tout  le  monde  appelle  4>  il  faudra  dire  que  4  et  4  font  2  ;  il  est  done  conven- 
tionnel  que  2  et  2  fassent  4,  mais  cette  formule  exprime  une  v&rittS  qui,  elle, 
n'est  pas  conventionnelle.  De  m6me,  il  est  conventionnel  de  dire  que  les 
droites  r^elles  sont  euclidiennes  ou  non  euclidiennes,  mais  a  partir  du  moment 
ou  on  definit  la  droite  par  le  rayon  lumineux,  c'est  un  fait  physique  de  savoir 
si  ces  rayons  sont  ou  non  des  droites  euclidiennes.  La  convention  ne  joue  que 
sur  le  fait  de  savoir  ce  qu'on  appellera  droites  d'ou  la  fameuse  formule  de 
PoiNCARfi  :  «  Les  postulats  sont  des  definitions  d^guis^es  ». 

En  10,09,  1' University  de  Bruxelles,  1' unique  University  au  monde  doiit  les 
professeurs  et  les  etudiants  sont  group6s  autour  d'un  principe  commun  :  le 
libre  examen,  invite  H.  POINCAR&.  Ce  dernier,  dans  un  expose  magistral,  pro- 
nonce  entre  autres  les  paroles  suivantes  qui  devaient  d^sormais  figurer  sur  les 
murs  de  l'Universit6  de  Bruxelles  : 

«  La  pensee  ne  doit  jamais  se  soumettre,  ni  a  un  dogme,  ni  a  un  parti,  ni  a 
une  passion,  ni  a  un  inte"r6t,  ni  a  une  id6e  pr^congue,  ni  a  quoi  que  ce  soit,  si 
ce  n'est  aux  faits  eux-m6mes,  parce  que,  pour  elle,  se  soumettre,  ce  serait 
cesser  d'etre  ». 

II  proteste  contre  les  logisticiens  qui  veulent  rgduire  les  Math6matiques  a 
un  simple  jeu  de  symboles  et  defend  la  valeur  de  Fintuition  contre  le  forma- 
lisme.  Tout  en  declarant  modestement  qu'il  n'entend  pas  le  p^amin,  il  montre 
la  faiblesse  (BuRALi-FoRTi)  de  la  definition  du  nombre  1  par  liquation 


MANIFESTATIONS   EN   PROVINCE   EN   MAI    ig54-  1 53 

qui,  au  bout  de  27  Equations  permet  de  montrer  quo  1  est  un  nombre  ou  de  la 
definition  du  m£me  nombre  1  (GOUTURAT)  comme  le  nombre  des  elements 
d'une  classe  dont  deux  elements  quelconques  sont  identiques. 

H.  PoiNCARfi  fit  une  etude  approfondie  des  lois  du  hasard.  Pour  lui,  le  hasard 
n'est  que  la  mesure  de  notre  ignorance,  il  montra  par  un  calcul  rigoureux  que 
I'hypothese  d'une  loi  elementaire  inconnue  et  soumise  seulement  a  des  condi- 
tions de  re"gularit£  mathe'matique  suffit  a  expliquer  les  «  lois  du  hasard  ». 

Les  idees  dominantes  dans  le  monde  savant,  apres  la  mort  de  POINCARE, 
parurent  lui  apporter  un  dementi :  les  developpements  de  la  theorie  des  quanta 
et  la  decouverte  des  celebres  relations  d'incertitude  d'HEYSENBERGinclinerentles 
savants  a  penser  que  contrairement  aux  vues  de  POINCAR^,  Pindeterminisme  etait 
la  loi  profonde,  le  determinisme  Fapparence.  POINCARE  s'etait-il  tromp6  sur  un 
sujet  aussi  grave  ?  J'ai  entendu  la  r^ponse  a  la  r^cente  manifestation  de  Paris 
en  1'honneur  d'Henri  POINCAR^  ou  le  grand  savant  Louis  DE  BROGUE,  charge 
d'ans  et  de  gloire,  Secretaire  perpetuel  de  1'Institut,  n'hesita  pas  a  declarer  : 
«  J'ai  adopte,  pendant  longtemps  le  point  de  vue  indetermmiste  de  BOHR  et 
HEYSENBERG,  je  ne  serais  plus  aussi  affirmatif  et  les  derniers  resultats  de  la  phy- 
sique semblent  prouver  que  c'est  POINCAR£  qui  avait  raison  ». 

Le  17  juillet  1912,  un  grand  deuil  frappait  le  monde  mathematique,  une 
embolie  avait  terrasse  Henri  POINCAR£,  et  cette  fois,  on  ne  revit  plus  de  mathe- 
maticien  universel. 


B.  -  LA  MATIME  DU  SAMEDI  22  MAI  1954 
AU  LYCEE  DE  NANCY. 


La  journee  du  samedi  22  mai  etait  celle  des  manifestations  de  la  Ville,  du 
Lycee,  et  de  rUniversite  de  Nancy.  Ces  manifestations  devaient  commemorer 
a  la  fois  le  i5o°  anniversaire  de  la  fondation  du  lycee  et  le  iooe  anniversaire  de 
la  naissance  de  Henri  POINCARE,  dont  le  lycee  porte  le  nom  depuis  1918.  Elles 
etaient  toutes  placees  sous  la  presidence  de  M.  Maurice  LEMAIRE,  Ministrc  de 
la  Reconstruction  et  du  Logement7  ancien  eleve  du  lycee  de  Nancy  et  de 
I'ficole  Polytechnique. 

H,  P.  20 


154  QUATRIEME   PARTIE. 

La  Ville  de  Nancy  ayant  d6cid6  de  donner  le  nom  de  Henri  POINCARE  a  la 
partie  de  la  rue  Gambetia  qui  passe  devant  le  lyc£e,  M.  LEMAIRE,  avant  de 
p6n<Hrer  dans  celui-ci,  a  coupe  le  ruban  symbolique  qui  barrait  la  nouvelle 
rue  Henri-Poincare,  tandis  que  les  plaques  indicatrices  6taient  d^voil^es. 
Aussitot  apr&s  a  eu  lieu  Inauguration  d'un  m^daillon,  du  comme  les 
precedents  a  Mme  GUZMAN-NAGEOTTE.  Dominant  la  porte  d'lionneur  du  lyc£e, 
1'image  de  Henri  POINCARE  parait  placee  la  pour  accueillir  les  nouvelles  g£n6- 
rations  d' Sieves. 

C'est  le  Senaleur  Raymond  PINCHARD,  Maire  de  la  ville  et  President  du 
Comit^  local  d'organisation,  qui  a  d£voil£  le  medaillon  et  qui  en  a  fait  remise 
au  Iyc6e  de  Nancy,  ou  Henri  POINCARE  a  fait  toutes  ses  6tudes  depuis  la 
neuvi^me.  M.  Lt^on  POINCARE,  au  nom  de  la  famille,  dit  ensuite  toute  la 
gratitude  de  celle-ci  pour  rhommage  rendu  a  la  m^moire  de  son  p&re,  dont  il 
a  soulign^  la  fid6lit6  a  sa  ville  natale  et  a  la  terre  lorraine.  Un  discours 
de  M.  Maurice  LEMAIRE  a  clotur6  cette  premiere  partie  des  c£r6monies  de 
Nancy,  plus  sp6cialement  consacr6e  a  comm6morer  le  centenaire  de 
Henri  POINCARE. 

L'accueil  des  6l&ves  pour  leur  ancien,  le  Ministre  Maurice  LEMAIRE,  le  d^p6t 
d'une  gerbe  devant  les  monuments  aux  £l6ves  du  lyc£e  morts  pour  la  France, 
la  visite  d'une  exposition  de  souvenirs  des  anciens  6l&ves,  et  de  travaux  faits 
par  ceux  qui  sont  actuellement  sur  les  banes  du  lyc^e,  le  banquet  de  FAsso- 
ciation  des  anciens  £l£ves  a  FHotel  de  Ville  de  Nancy,  se  rattachent  plutot  au 
i5oe  anniversaire  de  la  fondation  du  lyc<§e. 

Pour  cet  anniversaire,  sous  le  litre  : 

Le  Livre  des  Centenaires. 

IDOC  anniversaire  de  la  fondation  du  lyc^e. 

Centenaire  de  Henri  POINCARE 

1'Association  des  anciens  d&ves  du  lyc^e  de  Nancy  a  public  un  Ouvrage  qui 
6voque  la  vie  du  Iyc6e  depuis  sa  fondation  et  toutes  les  Stapes  c<  dans  F£VO- 
lution  des  esprits  et  des  mceurs  »,  «  des  missions,  des  fagons  de  penser  »,  qui 
ont  marqu6  ces  i5o  derni^res  ann6es.  La  seconde  partie  de  cet  Ouvrage, 
consacr^e  tout  enti&re  a  Henri  PoiNCARfi,  contient  une  £tude  du  Professeur 
Gaston  JULIA  que  nous  reproduisons  en  entier,  apr&s  avoir  donn£  les  "allo- 
cutions et  le  discours  prononc6s  devant  le  medaillon. 


MANIFESTATIONS   EN  PROVINCE  EN   MAI    IQ54- 


ALLOCUTION  DE  M.  RAYMOND  PINCHARD, 

SENATEUR,  MATRE  DE  NANCY, 
AU  LYCEE  DE  NANCY. 


MONSIEUR  LE  MINISTRE, 

MONSIEUR  LE  PREFET, 

MONSIEUR  LE  RECTEUR, 

MONSIEUR  LE  PROVISEUR, 

MONSIEUR  LE  PRESIDENT  r>E  L'ASSOCUTION  DBS  ANGIENS  ELEVES, 

MESDAMES,  MESSIEURS, 

En  proc^dant  &  1'inauguration  du  m6daillon  qui  orne  d^sormais  le  seuil  du 
Lyc^e  Henri  POINCAR&,  il  me  semble  qu'un  hommagc  plus  digne  et  plus  com- 
plet  est  enfin  rendu  a  1'homme  illustre  dont  on  a  pu  dire  :  «  qu'il  n'est,  sur  le 
globe,  aucun  savant  digne  de  ce  nom,  qui  ne  se  consid£re  a  quelque  degr£ 
comme  un  de  ses  £l£ves  ». 

Je  tiens  a  remercier  publiquement  le  Comite  National  du  Gentenaire  qui  a 
offert  ce  bronze  :  Que  M.  Gaston  JULIA,  President  de  ce  Comit£  trouve  ici 
P  expression  de  notre  reconnaissance  pour  son  acte  g£n£reux. 

Ge  devoir  de  gratitude  rempli,  je  voudrais  me  faire  Pinterpr&te  de  la  volont£ 
commune  du  Gonseil  Municipal  et  de  la  Ville  de  Nancy  de  s'associer  pleine- 
ment  a  la  solennelle  manifestation  de  ce  jour.  En  donnant  a  la  rue  que  nous 
venons  de  parcourir  le  nom  d'Henri  POINCARE,  nous  avons  cru  r£pondre  au  sen- 
timent public  de  notre  Cit£,  justement  fi^re  de  la  c6l6biit£  de  ses  fils  et  tout 
particuli&rement  du  savant  qui  a  enrichi,  plus  qu'aucun  autre  peut-6tre,  le 
patrimoine  de  ses  gloires. 

Par  le  bronze,  le  statuaire  a  immortalis^  sa  m^moire,  mais  c'est  bien  davan- 
tage  encore  dans  les  cceurs  que  vit  le  souvenir  de  cet  enfant  de  Nancy,  qui 
voici  roo  ans,  naissait  dans  une  maison  de  la  Ville- Vieille. 

Noble  descendant  d'un  bourgeois  lorrain  «  d'enti&re  reputation  et  de  bonne 
experience  »  suivant  le  mot  de  nos  antiques  ckartes,  Henri  POINCAR&  a  grandi 
dans  une  ambiance  familiale  ou  se  transmettaient  des  traditions  de  labeur,  dc 
d^sinteressement,  de  simplicity  et  de  droiture,  bien  propres  a  l'6panouissement 
d'une  intelligence  sup6rieure,  aux  dons  exceptionnels. 

Entr6  au  lyc^e  en  neuvi^me,  il  devait  y  poursuivre  toutes  ses  etudes  jusqu'en 


1 56  QUATRIEME   PARTIE. 

Math^matiques  sp<3ciales.  Partoul  il  prend  la  premiere  place  et  se  fait  remar- 
quer  par  son  esprit  personnel,  vif,  facile,  que  ne  rebutaient  les  6l£ments 
d'aucune  connaissance.  Deja  s'affirmail  cette  vaste  intelligence  qui,  plus  tard, 
devait  les  embrasser  toutes.  A  sa  vocation  pour  les  Math^matiques  r6pondait 
un  e"gal  amour  des  Lettres.  Alliant  une  intuition  remarquable  a  la  force  du  rai- 
sonnement,  il  n'en  t^moignait  pas  moins  une  6gale  maitrise  dans  Tart  de  la 
composition,  un  art  qui,  plus  tard,  devait  se  manifester  avec  un  particulier 
bonheur  dans  1'oeuvre  du  philosophe. 

Esquisser  a  grands  traits  ce  que  ful  sa  jeunesse  studieuse,  c'est  egalement 
dt^peindre  cette  delicate  sensibility,  cette  simplicity  et  cette  bontg  qui  firent 
d'Henri  POINCARE  un  homme  aimable  et  affectueux,  souvent  timide,  toujours 
modeste,  mais  dont  la  ggngrositg  du  caracltsre  <3tait  sans  6gale. 

Parmi  toutes  ces  noblesses,  il  entretenait  au  fond  de  1'ame,  contenue  mais 
ardente,  la  flamme  d'un  patriotisme  r^solu.  Jeune  homme,  il  avait  connu  les 
horreurs  de  la  d6faite  et  les  servitudes  de  1'occupation  £trang£re.  Ne  disait-il 
pas  lors  de  son  discours  de  reception  a  I'Acad^mie  Francaise  :  «  qu'apr£s  les 
Iieures  sombres  de  la  guerre,  vint  Fheure  encore  plus  sombre  de  la  paix,  celle 
ou  la  France  dut  se  r6signer  a  cette  grande  douleur,  qui  nous  laisserait  deux 
fois  inconsolables,  si  jamais  nos  Ills  semblaient  s'en  consoler  ».  Magniflque 
pens^e  d'un  Frangais  que  bientot  le  monde  devait  reconnaitre  comme  le  plus 
grand  savant  du  si£cle  et  Tun  des  maitres  de  la  Pliilosophie  moderne. 

Sa  vie  tout  entire  ne  fat  que  la  floraison,  comme  spontande,  d'un  g&nie 
dont  la  puissance  6clata  d&s  F^veil  de  la  vie  consciente. 

II  lut,  travailla,  apprit,  chercha,  discuta,  composa,  professa,  ecrivit,  en 
apportant  &  cette  intense  activity  ses  dons  in^galables  qui  1'amenaient  a  tout 
comprendre,  mais  aussi  a  tout  repenser  en  des  traits  fulgurants,  a  la  Pascal.  Et 
cependant,  apportant  des  id^es  nouvelles  dans  tous  les  ordres  du  savoir,  il 
avait  Tart,  par  des  comparaisons  prises  aux  choses  de  la  vie  quotidienne,  de 
faire  toucher  du  doigt  en  quelque  sorte,  de  faire  voir  «  avec  les  yeux  »  les 
plus  abstruses  v£rit£s  :  ainsi  faisait  d£ja  DESCARTES. 

Tenter  d'exposer  1'ceuvre  d'Henri  POINCAR£  est  une  entreprise  impossible  tant 
il  nous  apparait  comme  Fincarnation  m&me  de  la  Science.  Avec  lui  s'est  ^teint 
un  homme  dont  les  facult6s  d'entendement  furent  telles  que  la  Nature,  dans 
le  cours  des  si&cles,  n'en  a  produit  qu'un  tout  petit  nombre.  Son  esprit  ^tait  un 
foyer  ou  se  donnaient  rendez-vous  et  se  confrontaient  toutes  les  connaissances, 
si  diverses  soient-elles,  qu'a  pu  acqugrir  FHumanit^. 


MANIFESTATIONS   EN  PROVINCE  EN   MAI    ig54.  167 

Un  esprit  sup6rieur  comme  le  sien,  dont  1'ceuvre  a  ete  profonde  et  originale, 
devait  tot  ou  tard  penetrer  dans  le  champ  de  la  Philosophic,  et  dans  ce  domaine 
il  devait  encore  apporter  une  force  et  une  penetration  de  pensee  admirahle. 
Prenant  la  defense  des  humanites,  il  donnait  le  spectacle  d'un  scientifique 
n'hesitant  pas  a  declarer  qu'il  etait  redevable  aux  Lettres  de  sa  maitrise,  m£me 
dans  les  sciences,  elpar  lailproclamaitl'excellence  d'une  formation  qui  eduque 
le  cceur  de  la  jeunesse  aussi  bien  que  son  esprit. 

Pour  la  gloire'de  son  Pays,  il  a  conquis  Fadmiration  des  savants  et  des  pen- 
„  seurs  de  tous  les  peuples ;  il  a  etabli  chez  eux  la  domination  du  genie  frangais. 

Henri  POINCAR£  nous  a  legue  une  oeuvre  scientifique  qui  se  rev&le  comme 
1'une  des  plus  vastes,  1'une  des  plus  originales  qu'un  homme  ait  jamais  produite. 

Lui  qui  s'etonnaifet  s'attristait,  en  son  ame  aimante  et  sincere,  qu'il  y  eut 
au  monde  des  gens,  disait-il,  «  qui  semblent  n'avoir  d'intelligence  que  pour 
mentir  et  de  cceur  que  pour  hair  »,  il  nous  a  laisse  comme  philosophe  un  ensei- 
gnement  essentiellement  humain,  nous  apprenant  que  1'esprit,  sans  lequel  le 
Vrai  et  le  Beau  ne  se  congoivent  pas,  est  une  realite  vivante  et  efficace,  tandis 
que  les  principes  de  justice  et  de  bonte  sont,  au  m6me  titre  que  la  Science  et 
en  connexion  avec  elle,  les  fins  qui  s'imposent  a  notre  activity. 

Sa  pensee  et  sa  vie  sont  pour  nous  un  module  inimitable;  il  demeure  un 
exemple  a  suivre,  ne  fut-ce  que  de  loin.  Puisse-t-il  rappeler  aux  generations 
nouvelles  de  ce  lycee  —  pepini&re  de  nos  grandes  ficoles  scientifiques,  creusetou 
se  forge  Felite  de  la  jeunesse  lorraine  —  que  dans  un  monde  parfois  hostile  et 
malveillant  la  priinauie  intellectuelle  de  la  France  demeure  intacte,  et  que  c'est 
a  elles  qu'il  appartient  de  se  montrer  dignes  d'un  de  leurs  plus  illustres  aines. 

ALLOCUTION  DE  M.  LfiON  POINGAIUfi 

AU  LYC&E  DE  NANCY. 

MONSIEUR  LE  MINISTRE, 
MESDAMES,  MESSIEURS, 

Si'je  prends  la  parole  aujourd'hui,  c'est  pour  exprimer,  au  nom  de  lafamille 
de  Henri  POINCARE,  les  sentiments  de  gratitude  qu'elle  6prouve  devant 
rhommage  solennel  et  emouvant  qui  est  rendu  a  mon  p^re  ;  c'est  pour  remer- 
cier  les  organisateurs  des  ceremonies  du  Centenaire,  au  premier  rang  desquels 
se  place  mon  ami  le  professeur  Gaston  JULIA  dont  il  est  superflu  de  vanter  le 


!58  QUATRIEME   PARTIE. 

dynamisme  et  la  volonte",  mais  dont  il  faut  loner  aussi  le  courage,  le  mot  n'est 
pas  trop  fort  pour  celui  qui,  malgrS  le  handicap  de  sa  gorge  de"faillante,  a  voulu 
jouer  son  role  completement,  en  d6pit  des  avis  de  la  Faculle". 

Mes  remerciements  aujourd'hui,  vonL  au  President  du  Comit^  d'Organisa- 
tion  de  Nancy,  M.  le  Recteur  CAPELLE,  et  a  rUniversite"  dont  il  est  le  Maitre  et 
qui  veut  bien  nous  accueillir  tout  a  Fheure. 

Us  vont  a  la  ville  de  Nancy,  et  a  son  Maire,  M.  le  Se"nateur  PINCHARD  qui  ont 
donn6  le  nom  de  Henri  POINCARE  a  cette  grande  artere  qui  passe  devant  le  lyce'e. 

11s  vont  au  lycee  de  Nancy,  et  a  son  Proviseur  M.DEPAIN  qui  ont  tenu  a  ce 
que  1'effigie  de  celui  dont  le  lycee  porte  le  nom  depuis  1918  domine  la  porte 
d'entre"e,  comme  s'il  e"tait  la  pour  accueillir  ses  jeunes  camarades. 

Us  vont  aussi  a  1'Association  des  anciens  Sieves  et  a  son  actif  President  le 
Ge'ne'ral  BRAUN,  qui  tiennent  le  flambeau  des  traditions. 

II  me  semble  que  je  faillirais  &  mon  devoir  si  j'oubliais  d'envoyer  aussi  un 
message  de  gratitude  aux  organisateurs  et  aux  orateurs  des  autres  manifesta- 
tions, la  grande  stance  de  la  Sorbonne  samedi  dernier,  celle  de  Pficole  Poly- 
technique  le  lendemain,  celle  de  Flnstitut  Henri  POINCARE,  et  de  1'Institut  de 
France  le  17  mai.  L'Union  des  Professeurs  de  Mathe'matiques,  d'une  part,  la 
Socie"t£  des  Inge"nieurs  Civils  de  1'autre  ont  consacre'  une  stance  a  Henri 
POINCARE.  L'Universit£  de  Caen  enfin,  ou  mon  pere  a  fait  ses  debuts  d'universi- 
taire  et  ou  il  a  invent^  les  fonctions  fuchsiennes,  a  voulu,  elle  aussi,  rappeler  le 
passage  de  Henri  POINCARE  en  Normandie. 

Si  je  sais  ainsi  tr&s  bien  a  qui  adresser  mes  remerciements  je  sais  moins  bien 
quelle  forme  leur  donner.  Les  mots  ordinaires  ont  616  trop  souvent  re'pe'te's 
pour  pouvoir  servir  a  autre  chose  qu'a  construire  des  formules  polies  mais 
fades  et  ici,  a  Nancy,  il  me  semble  que  j'ai  mieux  a  faire  que  d'essayer  une  nou- 
velle  maniere  de  les  assembler. 

Lorsqu'une  mere  glorifie  son  fils,  quelle  plus  belle  recompense  peut-elle 
esp^rer  que  d'entendre  celui-ci,  en  retour,  lui  crier  son  affection  filiale.  G'est 
done  le  te"moignage  de  la  Tidelite"  de  Henri  POINCARE  a  la  Lorraine  et  k  sa  ville 
iiatale  que  je  voudrais  vous  apporter,  et  aussi  celui  de  son  amour  de  la 
France,  et  de  la  ve'rite'. 

Car  je  voudrais  que  passant  les  portes  de  votre  ville,  mes  remerciements 
aillent  a  tous  ceux  qui  en  France  se  sont  de'pense's  pour  le  succ&s  des  manifes- 
tations du  Centenaire  et  aussi  aux  savants  Strangers  qui  en  ont  rehausse"  Te"clat 
par  leur  presence, 


MANIFESTATIONS   EN   PROVINCE  EN  MAI    IQ54.  1^9 

Homme  et  savant,  Henri  PoiNCAHfi  a  aime  la  verite  universelle  et  son  instru- 
ment, la  Science,  qui  ne  connait  pas  de  frontikres.  II  a  trouve  maintes  occasions 
de  le  dire,  et  il  a  proclame  que  la  Science  creait  un  lien  entre  les  hommes  : 
«  Elle  nous  donne  le  sentiment  »,  a-t-il  ecrit,  «  de  la  cooperation  necessaire, 
de  la  solidarity  de  nos  efforts  et  de  ceux  de  nos  contemporains,  et  m&me  de  ceux 
de  nos  devanciers  et  de  nos  successeurs.  .  . .  Nous  sentons  que  nous  travaillons 
pour  1'humanite,  et  1'humanite  nous  devient  plus  ch&re  ». 

Francais,  il  a  trouve  pour  parler  de  la  Patrie  des  accents  qui  par  tent  du 
cceur,  et  dont  certains  prennent  a  posteriori  un  aspect  prophetique.  «  Quand 
on  nous  demande  de  justifier  par  des  raisonnements  iiotre  amour  de  la  Patrie  », 
dit-il,  cc  nous  pouvons  £tre  trcis  embarrasses;  mais  que  nous  nous  repr6sentions 
par  la  pensee,  nos  armies  vaincues,  la  France  envaliie,  tout  notre  cceur  se  soul&- 
vera,  les  larmes  nous  monteront  aux  yeux,  ct  nous  n'ecouterons  plus  rien.  Et 
si  certaines  gens  accumulent  aujourd'hui  tant  de  sophism es,  c'est  sans  doute 
qu'ils  n'ont  pas  assez  d'imagination,  ils  ne  peuvent  se  representer  tous  ces 
maux,  et  si  le  malheur  ou  quelque  punition  du  ciel  voulaient  qu'ils  les  vissent 
de  leurs  yeux,  leur  ame  se  revolterait  cornme  la  notre  ». 

Depuis  1910,  date  a  laquelle  ces  lignes  ont  ete  ecrites,  le  malheur  est  venu 
deux  fois.  Et  si  en  1940?  par  son  ampleur,  il  a  pris  figure  de  punition  du  ciel 
c'est  peut-6tre  parce  que  notre  imagination  s'etait  assoupie,  et  que  nous  n'avions 
plus,  comme  en  1914?  1&  blessure  de  FAlsace-Lorraine  pour  la  maintenir  en 
haleine.  Mais,  dans  le  grand  sursaut  de  le  Resistance,  les  ames  de  ceux  qui 
paraissaient,  jusque-la,  considerer  la  Patrie  comme  un  concept  p^rime,  sesont 
revoltees  a  l?6gal  de  celles  des  autres. 

Je  demande  qu'on  ne  voie  dans  cette  simple  cons tata lion  d'un  fait  aucun 
caract&re  provocant.  Le  patriotisme  de  Henri  POINCARIJ:  n'avait  rien  d'exclusif, 
au  contraire,  pour  lui,  la  mission  de  la  France  est  essentiellement  humaine. 
Apr6s  avoir  cite  ce  vers  de  SULLY~PRUDHOMME  : 

cc  Et  plus  je  suis  francais,  plus  je  me  sens  humain  » 

il  dit  c<  peut-^tre  aujourd'hui  croirait-il  necssaire  d'ajouter  que  trahir  la  France, 
ce  serait  trahir  1'humanite  ».  Et  quelques  lignes  plus  haut  il  a  cette  formule 
cc  G'est  que  la  Patrie  n'est  pas  un  simple  syndicat  d'imer£ts,  c'est  le  faisceau 
des  idees  genereuses,  et  m^me  des  genereuses  folies  pour  lesquelles  nos  p&res 
ont  combattu  et  souffert,  et  alors  une  France  haineuse  ne  serait  plus  la  France  ». 
Lorrain  et  nanceen,  s'il  a  moins  parle  de  1'amour  pour  la  terre  natale,  c'est 


l6o  QUATRIEME   PARTIE. 

qu'il  s'agit  J'un  sentiment  encore  plus  subtil,  qui  ne  peut,  comme  1'amour  de 
la  Patrie,  s'e'riger  en  regie  de  morale,  puisqu'il  doit  ce'der  le  pas  a  celui-ci; 
c'est  qu'il  s'agit  d'un  sentiment  qui  est  fait  pre'cise'ment,  pour  partie,  de  toutes 
les  souffrances  que  la  petite  Patrie  a  du  endurer  pour  servir  la  grande,  de  tous 
les  sacrifices  qu'elle  a  du  lui  consentir;  et  ces  choses-la  une  certaine  pudeur 
re'pugne  a  les  Staler. 

Bien  qu'on  puisse  en  trouver  la  trace  dans  ses  livres,  au  besoin  en  lisant 
entre  les  lignes,  ce  n'est  done  pas  dans  son  ceuvre  que  nous  chercherons  le 
te'moignage  de  la  fide'lite'  de  Henri  POJNCAR£  a  la  Lorraine  et  a  Nancy.  Mais,  si 
ee  n'est  pas  £tre  trop  pre'somptueux,  c'est  en  moi  que  nous  le  trouverons,  c'est 
dans  les  sentiments  que  j'e'prouve  et  qui  ne  peuvent  me  venir  que  de  1'he're'dite' 
paternelle,  ou  de  ce  que  mon  pere  m'a  le'gue',  par  sa  maniere  de  nous  parler  de 
Nancy,  par  ses  r6cits,  par  son  attitude,  a  moins  que  ce  ne  soit  par  je  ne  sais 
quel  fluide  que  nous  respirions  aupres  de  lui. 

Je  suis  n£  a  Paris,  et  Nancy  ne  repre"sente  pas  pour  moi  une  vieille  maison 
familiale  ou  vous  attendent  un  grand-pere  ou  une  grand'mere.  Le  premier  £tait 
mort  un  an  avant  ma  naissance,  ma  grand-mere  6tait  venue  s'installer  a  Paris  a 
cdte"  de  ses  enfants.  Je  crois  bien  n'avoir  pas  passe"  une  seule  nuit  a  Nancy 
avant  1918,  j'avais  20  ans;  certes  depuis  Tage  de  1 1  ans  j'avais  plusieurs  fois 
traverse"  votre  ville,  mais  toujours  en  courant,  entre  deux  trains;  j'avais  vu  la 
place  Stanislas  et  la  place  Carriere,  je  connaissais  la  rue  des  Dominicains  et  le 
Point  central. 

Mais  cela  ne  suffit  pas  a  expliquer  cette  sorte  d'exaltation  que  je  ressens  en 
abordant  vos  valle'es  et  vos  coteaux,  en  respirant  votre  atmosphere,  cela  ne  suf- 
iit  pas  a  expliquer  pourquoi  c'est  cliez  vous  que  je  me  sens  chez  moi.  Non  ce 
ne  peut  6tre  que  le  reflet  des  sentiments  encore  plus  vifs  que  Henri  POINCAR£ 
e"prouvait  Iui-m6me,  et  c'est  pourquoi  je  suis  sur  de  pouvoir  vous  apporter  le 
te'moignage  que  je  vous  avais  promis. 

DISCOURS  DE  M.  MAURICE  LEMAIRE 

MINISTRE  DE  LA  RECONSTRUCTION  ET  DU  LOGEMENT 

POUR  I/INAUGURATION  DU  MfeDAILLON  DE  HENRI  POINCARE 

AU  LYC&E  DE  NANCY, 

C'est  un  grand  honneur  qui  m'^choitaujourd'hui  que  d'inaugurer  au  nom  du 
Gouvernem,ent  4e  la  Re'publique,  en  cette  ville  de  Nancy,  ce  m^daillon  a  la 


MANIFESTATIONS   EN   PROVINCE   EN   MAI    1964.  l6l 

me'moire  de  1'illustre  Lorrain,  Henri  PoiNCARfi,  Pun  des  plus  parfaits  cerveaux 
de  I'humanite',  Fun  des  plus  grands  serviteurs  de  la  Civilisation. 

Ce  grand  savant  nous  de'passe  de  si  haut  qu'il  eut  e'te'  pre'fe'rable  sans  doute 
de  nous  incliner  en  silence  devant  son  souvenir  pour  mieux  songer  a  la  somme 
de  ses  travaux  et  des  apports  a  la  Creation  dans  les  temps  modernes. 

Aussi  pe'ne'tre's  que  nous  le  sojons  de  1'ampleur  de  son  oeuvre  qui  a  marque' 
le  monde  dans  tout  le  domaine  de  la  Pense'e  et  dans  toutes  les  Disciplines 
id^ales  du  Ge"nie  qu'il  s'agisse  de  la  Mathe"matique,  de  la  Philosophic  ou  de  la 
Litte'rature,  nous  voulons  tout  d'abord  retrouver  la  personnalite'  infiniment 
humaine  qui  1'incarne  avant  de  rappeler  a  grands  traits  son  ceuvre  gigantesque, 
dont  nous  ne  saurions  pr^voir  les  consequences  qui  surviendront  encore  a  coup 
sur  jusque  dans  la  vie  de  nos  petits  enfants. 

Quand  je  dis  qu'en  tant  qu'homme  Henri  POINCAR£  6tait  infiniment  humain, 
ce  n'est  pas  vous,  mes  chers  compatriotes,  qui  me  de"mentirez.  Vous  connaissez 
tous,  1'exemple  familial  de  tendresse  et  de  bonte'  que  fut  sa  vie  prive'e,  parall&- 
lement  asa  vie  sociale  qui  elle,  fut  un  exemple  de  de'vouement  a  la  Science,  a 
la  Nation  et  a  la  cause  incertaine  de  tous  les  peuples  de  la  terre  dont  les  guides 
attendaient  les  Oracles. 

Je  ne  reprendrai  pas  sa  biographic  dans  le  detail.  D'autres,  naguere,  ont  fait 
mieux  que  je  ne  saurais  pour  vous  en  instruire.  Certains  de  ses  anciens  condis- 
ciples  du  lyce"e  de  Nancy,  certains  de  ses  anciens  camarades  des  Grandes 
lilcoles  ou  de  ses  anciens  collegues  de  1'Enseignement  Supe'rieur,  et  surtout  sa 
soeur,  Mrae  £mile  BOUTROUX,  qui  nous  fit  present  de  M^moires  fideles,  vous  ont 
cont£  de  fagon  precise  et  touchante  cette  existence  d'une  personnalite'  hors  de 
pair  comme  PHistoire  en  a  peu  a  nous  proposer. 

Mais  je  ne  re'sisterai  pas  au  besoin  d'e"voquer  rapidement  les  grandes  e'tapes 
de  sa  carriere  prodigieuse  avec  la  fierte'  le"gitime  d'exalter  une  pure  gloire  de 
chez  nous. 

II  fut,  vous  a-t-on  dit,  <c  uri  enfant  pre"coce  et  docile  »,  un  peu  efface",  r6fl6chi 
et  parfois  assez  austere.  Entr^'au  Ijc6e  de  Nancy  en  neuvieme,  au  mois  d'Octo- 
bre  1862,  il  y  poursuivit  ses  eludes  completes,  jusqu'aux  Mathematiques  spe'- 
ciales,  avant  d'etre  regu  a  la  fois,  la  m^me  anne'e,  en  1878,  a  1'ficole  Normale 
Sup^rieure  et  a  1'ficole  Polytechnique  pour  laquelle  il  opta.  Son  envoi  vers  les 
cimes  de  rintelligence,  de  la  connaissance  et  de  la  d6couverte  6tait  pris.  Mais 
si  haut  qu'il  dut  s'elever  par  la  suite,  il  revenait  passer  r^gulierement  et 
modestement  ses  vacances  ^  Arrancy,  chez  ses  grands-parents  maternels,  ce 
H.  P.  '  21 


162  QUATRIEME   PARTIE. 

qui  montre  la  suret6  de  ses  affectueuses  attaches  a  sa  famille  et  a  sa  Lorraine 
natale  dont  il  ne  perdit  jamais  jusqu'a  son  dernier  jour  le  sentiment  ni  le  souci. 
II  avait  v£cu  les  affres  de  Poccupalion  de  1870-1871  et  partag^  les  mis&res  qui 
s'&aient  ensuivi;  il  avail  assist^  a  Pexode  d6scsp£r£  des  Alsaciens  refusant 
la  condition  que  leur  apportait  la  d^faite  :  autant  de  chocs,  autant  de  sources 
de  trouble  et  de  douleur  sur  quoi  s'enracina  solidement  son  patriotisme  fervent. 

D'ailleurs,  ce  patriotisme  qui  Panimait  du  plus  profond  de  Iui-m6me,  il 
Phabitait  du  plus  lointain  des  ages,  Henri  PoiNCARfi  le  tenait  en  effet,  d'une 
lign£e  magnifique  de  notables,  cultiv^s  et  laborieux,  ggalement  distingues  a 
titres  divers  et  qui,  depais  le  xvin6  siticle  £tablis  dans  notre  Pays,  incarnaient 
les  vertus  de  notre  race.  Ges  verlus,  quant  a  lui,  il  les  poss^dait  toutes;  et  la 
rigueur  de  son  raisonnement,  Pextraordinaire  puissance  de  son  estimation  des 
valeurs,  n'^taient  peut~6tre  que  Pexpression  g^niale  du  robuste  bon  sens  des 
gens  d'ici. 

L'fecole  Polytechnique  Pamena  a  celle  des  Mines  ou  s'6panouirent  encore,  a 
Padmiration  de  ses  maitres,  les  dons  d'intuition  et  d'imperturbable  m^moire 
qui  Pavaient  fait  remarquer  au  cours  de  ses  Etudes  ant^rieures.  Mais  il  commen- 
cait  seulement  a  £tonner  son  entourage.  Apr&s  une  br&ve  activity  administra- 
tive a  Vesoul  comme  ing*6nieur  ordinaire  charg^  de  Parrondissement  min6ralo- 
gique,  puis  comme  attach^  au  contr6le  de  Pexploitation  des  Chemins  de  fer  de 
PEst  ou  ses  chefs  constatent  «  son  sang-froid  exemplaire  et  son  amour  du 
devoir  »,  il  devient  docteur  6s  sciences  mathtSmatiques  apr^s  avoir  brillamment 
soutenu,  a  Paris,  en  1879,  une  th&se  :  Sur  V integration  des  equations  au$ 
d£rivees partielles  a  un  nombre  quelconque  tfinconnues]  et  c'est  ainsi  que  le 
ier  d^cembre  de  la  m6me  ann^e  il  est  mis  a  la  disposition  du  Minislre  de  Plns- 
truction  Publique,  pour  6tre  charg^  du  cours  d'Analyse  a  la  Facult6  de  Caen. 
Puis,  successivement  nomm6  en  1881  Maitre  de  Conference  a  la  Faculty  des 
Sciences  de  Paris  et  en  i885  charg^  du  cours  de  M^canique  physique,  il  sue- 
c^dait  en  1886  a  Pillustre  Professeur  LIPPMANN  dans  la  Chaire  de  Physique 
math'dmatique  et  Calcul  des  probabilit^s.  Alors,  parall^lement  aux  lecons  qu'il 
dispense  avec  la  g6n6rosit6  qui  le  caract6rise,  ilentreprend  son  ceuvre  de  savant 
qui  embrassera  les  Math6matiques  pures,  la  M^canique  et  PAstronomie,  la 
Physique,  la  G^od^sie,  la  Philosophic  et  la  Literature  sous  la  forme  la  plus 
s&rieuse  qui  fut  celle  de  PASCAL;  et  je  ne  citerai  a  ce  propos  qu'une  pens^e  de 
Henri  PoiNCARfi  qui,  dans  sa  simplicity  vaut  et  rejoint  cellos  de  son  prestigieux 
devancier  :  «  Dans  la  lutte  de  la  vie  il  fattt  deux  choses  »,  a~t-il  ^crit  au  sujet 


MANIFESTATIONS  EN   PROVINCE   EN  MAI    1964.  1 63 

de  la  pr^tendue  faillite  de  la  Science  :  «  des  armes  et  du  courage;  la  Science 
nous  apromis  des  armes  et  elle  nous  les  a  donn^es;  si  nous  n'avons  pas  le  cou- 
rage de  nous  en  servir,  ce  n'est  pas  elle  qui  fait  faillite,  c'est  nous.  .  .  ». 

Ainsi  1'ceuvre  dclatante  d'Henri  POINCAR&  qui  semble  s'ordonner  autour  de  la 
th^orie  des  Equations  diflferentielles  et  des  Equations  aux  d^rive'es  partielles, 
recouvre  en  r£alit6  1'ensernble  du  domaine  de  la  pens£e,  en  allant  de  la  specu- 
lation th6orique  aux  applications  les  plus  audacieuses  du  Calcul.  En  cela,  seule 
«  la  recherche  de  la  verity  »  Fa  guid6  sans  cesse;  la  recherche  do  la  verity  dont 
il  a  dit  au  d<3but  de  1'introduction  de  son  Ouvrage  intitule  :  La  Valeur  de  la 
Science,  qu'elle  «  doit  <Hre  le  but  de  notre  activity  eL  1'unique  fin  qui  soit  digne 
d'elle  ».  Car  il  est  indispensable  en  eiFet,  qu'en  dehors  de  la  foule  qui  ne  con- 
coit  que  1'utile,  et  m6me  pour  quo  le  salutde  cette  foule  soit  assur6,  il  y  ait  des 
hommes  d'^lite  qui  conservent  la  tradition  de  la  culture  d(3sinl^ress6e.  «  Us  y 
trouvent  »,  formule  encore  POINCAR£,  «  des  jouissances  analogues  a  celles  que 
donnent  la  peinture  et  la  musique.  Us  adinirent  la  delicate  harmonie  du  nom- 
bre  et  des  formes,  ils  s'emerveillent  quand  une  d^couverle  Icnr  ouvre  des  pers- 
pectives inattendues,  et  la  joie  qu'ils  6prouvent  'n'a-t-elle  pas  le  caract^re 
esth^tique,  bien  que  les  sens  n'y  aient  aucune  part?  »  Mais  si  la  Science  n'a  pas 
£t£  cr6ee  uniquement  en  vue  de  1'aclion,  si  la  v6rit6  doit  pr^c^der  1'utilit^, 
comme  le  pensait  Henri  PomcARfi,  bien  des  entrep rises  qui  ne  semblaient 
d'abord  que  des  jeux  abstraits  de  Fesprit  n'en  sont  pas  moins  a  Forigine  des 
inventions  qui  ont  boulevers<3  le  monde. 

Dans  le  temps  que  s'^difiait  ce  monument  scientifique  magistral,  qui  ouvrait 
a  son  auteur  la  porte  du  Bureau  des  Longitudes  en  1898  apr&s  son  Election  a 
FAcadfJmie  des  Sciences  en  1887,  il  renouvelait  la  Philosophic  par  une  s^rie  de 
travaux  justement  c6l6bres  r6unis  aujourd'hui  en  quatre  volumes  :  La  Science 
et  rHypothese ;  La  Valeur  de  la  Science  ;  Science  et  M6thode;  Derni&res 
pens£es  qui  le  conduisirent  tr^s  naturellement  ^  FAcad^mie  Frangaise  od  il 
fut  regu  le  5  mars  1908  par  Fr£d6ric  MASSON. 

Quiconque  poss&de  une  bonne  culture  connait  maintenant  ces  Ouvrages.  A 
leur  lecture  on  voit  que  le  litt^raire,  FeScrivain,  n'ont  rien  a  envier  par  la  hau- 
teur des  iddes  et  par  la  tenue  du  style,  au  mathe^maticien.  De  toute  Evidence 
Henri  POINCARB  n'a  point  6prouv£  la  moindre  difficult^  a  ^crire.  On  sent 
qu'avant  de  naitre  la  phrase  £tait  en  place  dans  sa  pens^e  qui  n'6tait  que  clart6, 
et  que  la  phrase  £tait  d6finiiiee. 

Le  style  chez  Henri  POINGAR^  est  simplement  Fexpression  raisonnable  d'une 


l64  QUATRIEME   PARTIE. 

connaissance ;  si  bien  que  le  lecteur,  m&me  non  competent,  s'il  ne  le  comprend 
pas  c'est  qu'il  ne  fait  pas  1'effort  elementaire  que  requiert  tin  minimum  d'atten- 
tion  en  vue  de  comprendre  n'importe  qui.  RENAN  affirmait  que  les  «  vrais 
savants  ecrivaient  d'instinct  un  langage  cliatie  ».  Combien  les  textes  de  Henri 
PoiNCARfi  lui  donnentraison !  Ges  textes  ou  les  mots  sont  autant  de  traits  delies, 
autant  d'evocations  precises  dont  Pensemble  constitue,  en  definitive,  un  chef- 
d'oeuvre  d'harmonie.  Et  comme  on  comprend,  en  lisant  POINCAR£,  cette  saillie 
de  CCVIER  qui  disait  :  «  Le  savant  n'est  qu'un  artiste  qui  s'ignore,  mais  un 
artiste  qui,  en  plus,  sait  des  choses  » . .  . . 

Cependant,  il  ne  faudrait  pas  que  1'ampleur  de  sa  production  scientifique, 
philosophique  et  litteraire  fit  oublier  1'ceuvre  morale  et  sociale  de  Henri  POIN- 
CAR£.  Si  a  aucun  moment  il  n'appartint  a  un  parti  politique,  il  avait  ses  idees 
arr£tees  sur  toutes  les  questions  qui  pouvaient  se  poser  an  Parlement  ou  au  Gou- 
vernement. 

Comme  il  n'avait  pas  de  doctrine,  precongue,  non  plus  que  de  ligne  d'inter- 
pretation  etablie  par  une  politique  determinee,  il  arrivait  que  ses  idees  fussent 
d'accord  tantdt  avec  les  opinions  d'un  parti,  tantot  avec  celles  d'un  autre.  Les 
preoccupations  p6dagogiques  d'une  importance  capitale  dans  une  democratic 
tiennent  chez  lui  une  place  privilegiee,  et  les  avis  qu'il  nous  a  kisses  sur  ce 
plan  attestent  les  roles  moral  et  social  considerables  qu'il  a  joues.  Ainsi,  au 
Musee  Pedagogique,  en  1904,  il  fit  une  conference  sur  Les  definitions  gene- 
rales  en  Mathematiques.  Dans  la  Revue  de  FEnseignement  il  publia  des 
quantites  d'articles,  dont  un  sur  La  Logique  et  un  sur  L1  Intuit  ion  dans  FEn- 
seignement qui  eurent  des  echos  retentissants.  Ce  grand  homme,  cet  bomme 
dont  on  dit  peu  en  le  qualifiant  de  superieur,  ne  manqnait  jamais  une  occasion 
de  donner  un  conseil,  de  developper  une  remarque  par  la  parole  ou  par  la 
plume  au  profit  des  Maitres  de  tous  rangs,  s'adressant  s'il  le  jugeait  utile  aux 
instituteurs  comme  aux  agreges  ou  professeurs  de  Facultes  qu'il  traitait  vrai- 
ment  en  «  collogues  »,  sans  distinction.  En  cela  encore  son  obligeance  et  sa 
modestie  triompbaient. 

Tel  fut  ce  penseur,  ce  savant,  ce  citoyen.  Une  vie  exemplaire,-regulierement 
appliquee  a  la  meditation,  detendue  par  les  joies  de  FArt,  au  sein  d'une  famille 
parfaitement  unie  qui  s'appliquait  a  faciliter  le  travail  barassant  de  son  chef 
aime  et  respecte,  etparmi  des  confreres,  des  collogues,  des  el&ves,  des  disciples 
tous  fervents  admirateurs  d'une  oeuvre  impressionnante,  d'un  homme  simple  et 
bonr  tout  promettait  a  Henri  PoiNCARfi  une  vieillesse  longue  et  heureuse.  Helas  1 


MANIFESTATIONS   EN  PROVINCE   EN  MAI   1964.  l65 

A  la  suite  d'une  intervention  s^rieuse  mais  sans  gravity  une  embolie  terrassa 
le  malade  en  pleine  convalescence,  le  17  juillet  1912.  A  la  stupeur  d6sesp£r£e 
du  monde  entier  «  le  cerveau  vivant  des  sciences  rationnelles  »,  g^mit  alors 
PAINLEV£,  «  avail  cess6  de  vivre  ». 

Mesdames,  Messieurs,  que  ce  simple  m^daillon  tel  qu'il  Taurait  aim£  et  que 
nous  devons  au  remarquable  talent  deMmoNAGEOTTE,  perp^tuel'illustre  m^moire 
de  Henri  PoiNCARfi  dans  les  generations  futures,  tel  est  le  vosu  le  plus  clier  que 
je forme  aujourd'hui,  de  coeur  avec  vous,  en  un  6lan  unanime  de  reconnaissance 
et  d'admiration. 

fiTUDE  DE  M.  GASTON  JULIA. 

POUR  I/ASSOCIATION  DES  ANCIENS  EL&VES  DU  LYCEK  DE  NANCY. 

Henri  Poincare,  sa  vie  et  son  ceuvre. 

La  Lorraine  c6l&bre  aujourd'hui  la  naissance  d'un  de  ses  plus  illustres  fils. 

Henri  POINCAR^  nait  a  Nancy  le  29  avril  i854,  d'une  famille  qui  a  donn6  a  la 
France  plusieurs  hommes  ^minents.  Son  pere,  neurologue  et  professeur  a  la 
Facult6  de  M6decine,  et  son  grand-p&re,  pharmacien,  ont  Iaiss6  tous  deux  te 
souvenir  d'esprits  tr^js  distingu6s.  La  souche  maternelle  est,  elle  aussi,  pure- 
ment  lorraine  et  Henri  POINCARJ&  reconnaissait  en  sa  grand-m^re  maternelle  un 
don  r£el  pour  les  Math6matiques.  Et  Ton  saitque  1'oncle  Antoni  POINCAR£,  Ins- 
pecteur  g6n6ral  des  Fonts  et  Chauss^es,  eut  deux  fils  :  Raymond,  Pr6sident  de 
la  R^publique  et  President  du  Conseil ;  Lucien,  physicien  tr&s  connu  qui  fut 
Recteur  de  l'Universit6  de  Paris. 

Henri  PomcABjfc  fut  un  enfant  pr^coce  et  docile,  Dou£  d'une  vive  intelligence, 
et  devenu  grand  liseur  apr&s  une  dipht^rie  grave  qui  1'immobilisa  longtemps, 
il  n'oubliait  rien  de  ce  qu'il  lisait  ou  entendait,  dans  le  cercle  de  savants, 
d'universitaires,  de  poly technfci ens  qui  entourait  sa  famille. 

11  entre  en  neuvi&me  au  Iyc6e  de  Nancy  au  mois  d'octobre  1862,  apr£s  avoir 
appris  le  rudiment  de  1'Inspecteur  primaireHiNZEUN.  Ilyresterajusqu'en  1878, 
Fannie  de  son  admission  a  1'ficole  Polytechnique,  et  il  passera  r^guli&rement 
ses  vacances  a  Arrancy  chez  ses  grands-parents  maternels.  II  sera  constamment 
un.  ^l^ve  exceptionnel  et  dominant  son  travail.  Enfant,  il  fait  ses  devoirs  dans 
le  salon  ou  sa  m&re  regoit,  et  tantdt  participe  a  la  conversation,  tantdt  s'isole 
pour  r^diger  ses  reflexions.  D'un  caract&re  tr^s  doux,  il  partage  volontiers  les 


1 66  QUATRIEME   PARTIE. 

jeux  de  ses  camarades,  mais  ne  re"ussit  brillamment  que  dans  ceux  ou  prime 
Intelligence.  A  1 1  ans,  au  cours  d'une  excursion,  il  explique  a  ses  camarades 
redho  de  Ramberchamps.  II  aime  les  charades,  les  petites  saynetes,  la  danse. 

Sa  vocation  mathematique  se  dessine  en  quatrieme  et  devient  bientot  impe'- 
rieusc,  sans  nuire  a  ses  Etudes  classiques  au  dire  de  son  professeur  de  Rheto- 
rique.  Le  5  aout  1871 ,  il  est  bachelier  es  lettres  avec  mention  bien  ;  en  novem- 
bre  1871,  il  est  bachelier  es  sciences  avec  mention  assez  bien,  apres  avoir  failli 
echouer  a  Pecrit  pour  sa  composition  de  Mathe'matiques. 

En  Mathematiques  elementaires,  il  montre  ses  exceptionnelles  qualite's  en 
enlevant  le  premier  prix  du  concours  general,  et  il  est  regu  le  2°  a  1'Ecole 
forestiere  en  juillet  1872. 

Octobre  1872,  il  entre  en  Spe'ciales,  chez  ELLIOT,  avec  Paul  APPELL  et  GOLSON  : 
ficoutons  COLSON  :  «  Des  la  premiere  lecon,  le  nouvel  eleve  sortit  de  sa 
poche  un  fa  ire-part  d'enterrement  en  guise  de  cahier  de  notes.  Nous  crumes  a 
un  oubli ;  mais  les  jours  suivants  nous  le  vimes  avec  stupefaction  griffonner 

quelques  lignes  sur  la  m&me  feuille fividemment  le  nouvel  e'leve  n'etait 

pas  se'rieux.  II  fallait  s'en  assurer.  Gar,  enfin,  il  avait  eu  le  premier  prix  au 
Concours  ge'ne'raL  On  lui  de'le'gua  un  vieil  e'leve  de  quatrieme  anne"e  pour  lui 
demander  une  explication  sur  un  point  qui  avail  paru  particulierement  obscur. 
PoiNCARfi  la  donna  imme'diatement,  sans  r^flt5chir  une  minute,  et  partit  en 
laissant  son  interlocuteur*  et  les  te'moins  dans  un  tel  e"bahissement  que  Fun 
d'eux  se  demanda  :  comment  fait-il  ?  ». 

Et  APPELL  :  «  Des  les  premieres  interrogations  en  classe,  sa  superiority 
apparut  £clatante  :  il  r^pondait  aux  questions  en  supprimant  les  raisonnements 
interm^diaires,  avec  une  brievete"  et  une  concision  telles,  que  le  professeur  lui 
demandait  toujours  de  d^velopper  ses  r^ponses  ».  Et  ELLIOT  dit  a  son  ami 
LIARD  :  «  J'ai  dans  ma  classe,  a  Nancy,  un  monstre  de  Math6matiques,  c'est 
Henri  POINCAR£  ». 

Apres  la  classe,  longues  de"ambulations  pour*  accompagner  a  Malz^ville  ses 
amis,  HENRY,  HARTMANN,  en  passant  par  les  portes  de  la  Craffe  et  de  la  Citadelle, 
puis  revenir  chez  lui,  6,  rue  Lafayette  toujours  accompagne'  d'AppELL.  Nancy 
etait  occupee ;  on  vivait  dans  le  souvenir  de  1'Alsace-Lorraine  perdue.  Au  debut 
de  la  guerre,  Henri  POINCARE,  age  de  16  ans,  avait  vecu  Finvasion  et  ses  hor- 
reurs,  dans  les  ambulances  d'abord,  ou  il  accompagnait  son  pere ;  plus  tard  au 
cours  d'un  voyage  avec  sa  mere  et  sa  sceur,  il  atteignit  Arrancy,  ptes  de  Saint- 
Privat,  apres  avoir  traverse  plusieurs  villages  incendies ;  il  y  trouva  les  grands- 


MANIFESTATIONS^EN   PROVINCE   EN   MAI    ig54.  167 

parents  souffrants  dans  la  maison  familiale  devastee. .  . .  Jamais  Henri  POINCAR£ 
ne  devait  oublier  ce  voyage  et  1'on  comprend  qu'il  soil  devenu  le  patriote 
conscient  et  ardent,  1'acharne  travailleur  qu'il  fut  toute  sa  vie.  Mais,  comme  il 
fallait  s'instruire  et  ne  pas  oublier,  il  apprit  d'abord  tout  seul  1'allemand,  pour 
pouvoir  lire  les  nouvclles  dans  les  seuls  journaux  qu'il  eut  a\  sa  disposition. 

II  travailla  enormement  pendant  son  anne'e  de  Speciales,  lisant  et  meditant 
Joseph  BERTRAND,  DUHAMEL,  CHASLES,  ROUCHK.  Ses  apercus  synthetiques  et  ses 
solutions  geornetriques  etaient  c6l£bres.  Sa  maladresse  au  dessin  ne  1'etait  pas 
moins,  et  1'on  connait  les  anecdotes  plaisantes  qu'AppELL  nous  a  transmises  a 
ce  sujet. 

En  juillet  1878,  il  enleve  le  premier  prix  de  matlie'matiques  au  Concours 
general,  et  voici  ce  que  le  correcteur,  ROLLIER,  declare  a.  son  ancien  professeur  : 
«  Vous  avez  a  Nancy  un  thieve  de  Mathernaliques  speciales  extraordinaire;  c'est 
moi  qui  ai  corrige  les  compositions  du  Concours  general  de  Mathematiques ; 
eh  bien  !  lors  m6me  que  POINCARE  cut  fait  des  fautes  de  calcul,  qu'il  n'eut  point 
acheve  sa  copie,  je  1'aurais  encore  place"  premier  hors  ligne.  .  .  rien  que  pour 
la  facon  dont  il  avait  pose'  la  question  ». 

Au  concours  de  1'ficole  Polytechnique,  il  se  classe  icr  sans  difficulte,  malgr6 
des  notes  lamentables  en  dessin  et  en  lavis,  qu'expliquent  en  partie  sa  hate  de 
quitter  la  salle  pour  assister  a  Fentree  des  troupes  frangaises  a  Nancy  le  jour 
de  la  liberation. 

Ses  examens  oraux  sont  rest^s  c^bres  :  La  salle  3tait  comble  ....  II 
parlait  lentement,  s'arr^tant,  fermant  parfois  les  yeux,  demandant  la  permis- 
sion d'interrompre  sa  demonstration  pour  en  essayer  une  autre  . .  . ,  puis 
s'6criant  :  «  non,  decid^ment,  j'en  reviens  a  ma  premiere  demonstration, 
plus  courte  et^plus  elegante  ...  ».  L'examinateur  etait  emerveille.  Chez 
TISSOT,  sur  une  question  de  Geometric  elementaire,  il  fournit  coup  sur  coup 
trois  solutions  du  probl^me  et  obtient  le  maximum. 

A  1'ficole  Normale  Superieure,  moins  heureux,  il  ne  fut  classe  que  5e, 
et  nous  le  retrouvons  a  1'ficole  Polytechnique  en  octobre  1878. 

II  ne  prend  aucune  note  aux  cours.  Mais  il  ecoute;  il  reflechit,  et  il  travaille 
en  se  promenant  dans  les  couloirs.  M^me  aux  recreations  il  peut  s'isoler  en 
pensee  tout  en  deambulant  bras  dessus,  bras  dessous,  avec  ses  camarades  de 
Nancy.  Des  sa  premiere  annee,  il  publie  dans  les  Nouvelles  Annales  de 
Math&matiques  une  elegante  methode  geometrique  d'etude  de  la  courbure 
des  surfaces.  II  reste  encore  tr&s  faible  au  dessin  et  aux  exercices  physiques* 


!68  QUATRIEME   PARTIE. 

Et  son  habitude  de  n^gliger  les  interme'diaires  lui  vaut  une  note  mediocre 
a  1'examen  de  sortie  de  Ge'ome'trie  et  Ste>6otomie,  chez  un  examinateur  moms 
perspicace  que  TISSOT. 

Sorti  2e  de  1'Ecole  Poly  technique,  il  enlrc  a  1'ficole  des  Mines  en 
octobre  1870;  il  s'y  prepare  consciencieusement  au  melier  d'ingtoieur  et 
il  so  classe  3°  a  la  sortie  de  1'ficole  en  mars  1879.  ^n  1'envoie  a  Vesoul  du 
icr  avril  au  ier  de"cembre  1879.  A  cette  date,  il  est  de'tache  comme  charge 
de  cours  a  la  Faculte  des  Sciences  de  Caen,  et,  s'il  continue  de  figurer  sur  les 
controles  du  Ministere  des  Travaux  Publies,  comme  inge"nieur  ordinaire,  puis 
inge"nieur  en  chef  (i8g3),  puis  inspecteur  ge"ne"ral  des  Mines  (1910),  il 
deviendra  en  fait  1'universitaire  ct  le  savant  le"gendaires  dont  nous  allons 
maintenant  parler. 


C'est  que,  durant  sa  scolarit6  a  l'e"cole  des  Mines  il  a  repris  ses  e"tudes  et  ses 
reflexions  sur  un  plan  plus  eleve",  il  a  pris  conscience  de  sa  vocation 
de  savant. 

Le  re'sultat  de  ce  travail,  c'est  sa  these  de  doctorat  Sur  les  proprietes  des 
fonctioTis  definies  par  les  equations  aux  differences  par tielles,  qu'il  soutient 
le  ier  aout  1879.  «  Ce  qu'il  faut  admirer  surtout  dans  ses  debuts,  dit  DARBOUX, 
c'est  la  decision. ,  .  1'audace  avec  laquelle  il  s'adresse  aux  questions  les  plus 
e'leve'es,  les  plus  difficiles  et  les  plus  ge'ne'rales.  II  va  droit  aux  problemes  les 
plus  importanjts,  les  plus  essentiels  ». 

11  revient  a  Paris  comme  Maitre  de  Conferences  d'Analyse  en  octobre  1881. 
II  est  charg<5  du  cours  de  Me"canique  physique  en  mars  i885  puis  titiilaris6 
dans  la  chaire  de  Physique  mathe'matique  et  Calcul  des  probabilit^s  en 
aout  1886.  Apres  la  mort  de  TISSERAND  en  novembre  1896,  il  prend  la  chaire 
d'Astronomie  math6matique  et  de  M^canique  celeste,  qu'il  occupera  jusqu'a 
sa  mort.  II  devient  Membre  du  Bureau  des  Longitudes  le  4  Janvier  1898.  Re'pe'- 
titeur  d'Analyse  a  1'ficole  Polytechnique  de  i883  ^  I897,  puis  Professeur 
d'Astronomie  g6n^rale  de  1904  a  1908,  il  assure  b^n6volemeat  le  service  de 
cette  chaire  pour  qu'elle  ne  soit  pas  supprime'e.  Depuis  1902  il  occupe  la 
chaire  d'£lectricit6  th^orique  de  1'ficole  Sup6rieure  des  P.  T.  T. 

Le  3 1  Janvier  1887,  il  est  e"lu  Membre  de  la  Section  de  Ge'ome'trie  de 
rAcade"mie  des  Sciences,  qu'il  pr£sidera  en  1906.  Le  5  mars  1908,  il  entre 
a  rAcade"mie  Frangaise. 


MANIFESTATIONS   EN  PROVINCE   EN  MAI    1964.  169 

Une  carriere  aussi  exceptionnellement  brillante  se  jastifiait  par  une  oeuvre 
eclalante,  qui  recouvre  a  peu  pres  tous  les  domaines  des  Mathematiques  et  de 
leurs  applications  et  qui  semble-t-il,  s'ordonne  autour  de  la  theorie  des 
equations  differentielles,  et  des  Equations  aux  derivees  partielles. 

Aussitot  apres  sa  these,  aimantee  par  les  travaux  remarquables,  mais 
incomplets,  que  FUCHS  vient  de  publier  sur  les  Equations  differentielles 
lineaires  du  deuxieme  ordre,  POINCAR£  s'attaque  a  V integration  de  toutes  les 
equations  differentielles  lineaires  a  coefficients  algebriques;  et  ce  probleme, 
d'une  gene>alite  et  d'une  difficult^  encore  insoupconne'es,  il  va  le  r^soudre 
completement.  II  commence  par  une  generalisation  des  fonctions  periodiques 
(fonctions  circulaires  ou  elliptiques,  dont  SCHWARZ  avait  donne"  un  exemple 
particulier  qui,  probablement,  retarda  Felix  KLEIN  plus  qu'il  ne  le  servit 
dans  la  generalisation  qu'il  cherchait,  lui  aussi).  POINCA.R£  ignore  SCHWARZ, 
mais  ajant  compris  toute  la  puissance  de  Fidee  de  FUCHS,  elle-m&me  inspiree 
de  celle  d'ABEL,  il  aborde  la  question  par  la  voie  la  plus  generate  :  il  cons- 
truit  a  priori  les  groupes  discontinus  les  plus  generaux,  et  en  homnaage 
a  FUCHS,  il  les  appelle  groupes  fuchsiens]  il  construit  les  fonctions  me"ro- 
morphes  invar iantes  par  les  substitutions  d'un  tel  groupe,  les  fonctions 
fuchsiennes ,  et  il  obtient  (comme  dans  le  cas  particulier  des  fonctions 
elliptiques)  la  cle  du  monde  algebrique,  car  : 

i°  deux  fonctions  fuchsiennes  de  m^me  groupe  sont  lie"es  par  une  relation 
algebrique ; 

2°  re"ciproquement,  les  coordonnees  d'un  point  d'une  courbe  algebrique 
quelconque  s'expriment  par  des  fonctions  fuchsiennes  d'un  m&me  parametre; 

3°  1'integrale  generale  de  1'equation  difFerentielle  lineaire  a  coefficients 
algebriques  d'un  ordre  quelconque  s'obtient  par  les  fonctions  zetafuchsiennes. 

Simultanement,  il  approfondit  la  nature  et  la  forme  des  inte"grales  reelles 
d'une  equation  differentielle  a  coefficients  reels]  il  reconnait  1'importance 
fondamentale  des  points  singuliers,  qu'il  classe  en  cols,  nceuds,  foyers, 
eventuellement  en  centres',  il  met  en  valeur  le  role  primordial  des  cycles 
limites  et  des  integrates  fermees  ou  p&riodiques,  qui  reparaitront  dans  ses 
recherches  ulterieures  de  Mecanique  celeste  et  jusque  dans  la  technique 
moderne  des  oscillations  non  lineaires. 

Une  telle  osuvre  justifiait  d<5ja  Fappreciation  dc  Canaille  JORDAN  :  «  elle  est 
au-dessus  des  eloges  ordinaires  et  nous  rappelle  invinciblement  ce  que  JACOBI 
H.  p.  22 


170  QUATRIEME   PARTIE. 

ecrivait  d'AcEL,  qu'il  avail  resolu  des  questions  qu'avant  lui  personne  n'aurait 
ose  imaginer  ». 

C'est  alors  que  le  Roi  OSCAR  II  de  Suede,  ayant  mis  au  concours  pour  1889, 
une  etude  sur  le  probleme  des  trois  corps,  H.  POINCARE,  bien  prepare  par  ses 
propres  travaux  sur  les  Equations  differentielles,  attaque  le  probleme  par  des 
voies  nouvelles,  et  WEIERSTRA.SS,  couronnant  son  M&noire  conclut  :  «  ce 
Memoire.  . .  est  sans  contredit  un  travail  de  haute  porte'e.  .  . ;  il  est  d'une  telle 
importance  que  sa  publication  ouvrira  une  ere  nouvelle  dans  1'histoire  de  la 
Mecanique  celeste;  .  . .  il  comptera  parmi  les  plus  importantes  productions 
mathematiques  du  siecle.  .  .  ». 

A  partir  de  la,  POINCAR^,  dont  la  renomme'e  gagne  le  grand  public,  ne  cesse 
plus  de  s'interesser  a  la  Me'canique  celeste.  Les  nombreux  cours  qu'il  lui 
consacre  en  Sorbonne,  et  dans  lesquels  les  decouvertes  essentielles  ne  se 
comptentplus  (telles  les  equations  aux  variations^  les  invariants  integraux), 
aboutissent  a  ses  Methodes  nouvelles  de  la  Mecanique  celeste:  puis  a  ses 
Lecons  de  Mecanique  c&leste,  a  ses  Lecons  sur  les  figures  d:equilibre  d^une 
masse  fluide,  enfin  a  ses  Lecons  sur  les  hypotheses  cosmogoniques.  Dans  le 
m6me  temps,  il  n'est  guere  de  domaine  math^matique  ou  physique  que 
POINCARB  n'ait  abord6,  arme"  comme  il  Test  pour  tout  comprendre.  G'est,  par 
exemple,  toute  une  s^rie  de  livres  exposant  ses  cours  de  Physique  mathe'- 
matique  de  Sorbonne  :  Calcul  des  probability,  Thermodynamique,  Elec- 
tricity, Optique,  Elasticity,  Th^orie  de  la  lumi&re,  Oscillations  6lectriques, 
Propagtion  de  la  chaleur.  Sur  demande  de  1'ficole  Sup^rieure  des  P.  T.  T.,  il 
donne  aussi  plusieurs  series  de  cours  techniques  sur  liquation  des  L6l^gra- 
phistes,  le  r6cepteur  t6l6phonique,  la  telegraphic  sans  fil. 

C'est  qu'il  pense,  avec  Joseph  FOURIER,  que  «  1'^tude  appro fondie  de  la 
Nature  est  la  source  la  plus  feconde  des  d^couvertes  mathematiques  ».  Et  cette 
6tude  le  conduit  effectivement  a  la  belle  methode  dite  de  balayage,  pour  la  re- 
solution du  probleme  de  DIRICHLET,  puis  a  la  demonstration  de  1'existence  de  tous 
les  harmoniques  d'une  membrane  tendue,  par  une  methode  qui  precede  la  ce- 
l&bre  methode  deFREDHOLM  pour  la  resolution  des  equations  integrates  lineaires. 

C'est  aussi  par  ses  recherches  sur  les  equations  differentielles  et  sur  les 
solutions  periodiques,  et  par  ses  recherches  algebriques,  que  POINCAR^  est 
conduit  a  ses  recherches  fondamentales  de  Topologie,  condensees  en  six 
Memoires  sur  V Analysis  Situs  dans  lesquels  il  se  montre  un  des  pionniers 
les  plus  puissants  de  cette  science  nouvelle,  actuelleraent  en  plein  essor. 


MANIFESTATIONS  EN  PROVINCE  EN  MAI  1954.  171 

Dans  le  temps  que  se  construisait  cette  ceuvre  scientifique  si  vaste,  si  solide 
et  si  variee,  les  meditations  de  POINCARE  le  conduisaient  a  renouveler  la  philo- 
sophie  scientifique  par  une  serie  de  travaux  justement  celebres,  aujourd'hui 
reunis  dans  quatre  volumes  que  tout  le  monde  a  lus  :  La  Science  et  VHypo- 
these,  La  valeur  de  la  Science,  Science  et  Methode,  Dernieres  pensees. 

Ces  titres  indiquent  bien,  en  gros,  le  contenu  de  ces  Ouvrages,  ou  se  trouve 
en  quelque  sorte  degagee  et  fixee  la  methode  des  sciences  exactes,  en 
particulier  celle  des  Mathematiques,  le  sens  et  le  role  des  postulats  ou  des 
axiomes  de  la  Geometrie,  1'importance  du  raisonnement  par  recurrence, 
ou  de  1'induction,  la  valeur  et  le  role  des  hypotheses  et  des  postulats  en  Meca- 
nique,  en  Physique..  '. .  Le  quatri&me  volume,  posthume,  rev&le  aussi  les 
preoccupations  morales  qui  ne  furent  jamais  absentes  de  la  conscience  du 
grand  savant.  Ces  quatre  volumes,  plus  que  toute  son  ceuvre  scientifique  pro- 
bablement,  ont  rendu  familier  au  grand  public  le  nom  d'Henri  POINCAR£. 


Devant  Fampleur  d'une  telle  ceuvre  (plus  de  5oo  Memoires  ou  Volumes) 
on  peut  se  demander  par  quel  miracle  elle  put  £tre  realisee  en  si  peu  d'annees. 
En  realite,  elle  resulta  d'abord  de  1'active  veritablement  incessante  de  1'esprit 
d'Henri  POINCAR^,  de  son  intuition  prodigieuse,  de  la  rapidite  de  son  assimi- 
lation et  de  ses  conceptions,  mais  aussi  de  la  regularity  exceptionnelle  de  sa 
vie,  que  son  neveu  Pierre  BOUTROUX  nous  a  fait  connaitre  dans  une  lettre 
a  MITTAG-LEFFLER.  «  II  pensait  dans  la  rue  lorsqu'il  se  rendait  a  la  Sorbonne, 
lorsqu'il  allait  assister  a  quelque  reunion  scientifique,  ou  lorsqu'il  faisait  apr^s 
son  dejeuner  une  de  ces  grandes  marches  a  pied  dont  il  etait  coutumier. 
II  pensait  dans  son  antichambre,  ou  dans  la  salle  des  seances  de  1'Institut, 
lorsqu'il  deambulait  a  petits  pas,  la  physionomie  tendue,  en  agitant  son 
trousseau  de  clefs.  II  pensait  a  table,  dans  les  reunions  de  famille,  dans  les 
salons  m6me,  s'interrompant  souvent  brusquement  au  milieu  d'une  conver- 
sation, et  plantant  la  son  interlocuteur,  pour  suivre  au  passage  une  pensee  qui 
lui  traversait  1'esprit.  Tout  le  travail  de  decouverte  se  faisait  mentalement  chez 
mon  oncle,  sans  qu'il  eut  besoin,  le  plus  souvent,  de  controler  ses  calculs 
par  ecrit  ou  de  fixer  ses  demonstrations  sur  le  papier.  II  attendait  que  la  verite 
fondit  sur  lui  comme  le  tonnerre,  et  il  comptait  sur  son  exellente  memoire 
pour  la  conserver  ». 

D'autre  part  «  Au  lieu  de  suivre  une  marche  lineaire,  son  esprit  rayonnait 


I72  QUATRIEME   PARTIE. 

du  centre  de  la  question  qu'il  etudiait  vers  la  pe'riphe'rie.  De  la  vient  que  dans 
Fenseignement  et  m&me  dans  la  conversation  ordinaire,  il  etait  souvent 
difficile  a  suivre  ct  parfois  semblait  obscur.  Qu'il  exposat  une  the'orie 
scientifique,  ou  qu'il  contat  une  anecdote,  il  ne  commencait  presque  jamais 
par  le  commencement,  mais  ex  abrupto  il  langait  en  avant  le  fait  saillant, 
Fe've'nement  caract6ristique,  on  le  personnage  central,  personnage  qu'il 
ii'avait  point  me'me  pris  le  temps  d'introduire  et  dont  parfois  son  inlerlocuteur 
ignorait  jusqu'au  nom  )>. 

«  Cette  tournure  d'esprit  explique  comment  la  pense'e  d'Henri  PoiNCAiiti 
a  pti  £tre  si  agile  et  s'appliquer  a  tant  d'objets  diffe'rents,  comment,  par  suite, 
il  lui  a  et(3  possible  de  satisfaire  une  curiosite"  presque  universelle  ». 

«  Habitue"  a  ne~gliger  les  details  et  a  ne  regarder  que  les  cimes,  il  passait  de 
Tune  a  1'aulre  avec  une  promptitude  surprenante  et  les  faits  qu'il  de'couvrait, 
se  groupant  d'eux-m^mes  autour  de  leur  centre,  e"taient  instantane'ment  et 
automatiquement  classes  dans  sa  m£moire». 


Une  osuvre  aussi  puissante  valut  a  Henri  POWCAIU&,  de  son  vivanl,  les 
hommages  les  plus  flatteurs  du  mondc  scientifique  tout  entier.  Apres  1'election 
a  FAcade'mie  des  Sciences,  apr6s  le  prix  du  Roi  OSCAR  II,  c'est  la  me'daille  d'or 
de  la  Socie'te'  Royale  Astronomique  de  Londre,  la  me'daille  Sylvester  de  la 
Soci^te*  Royale  elle-merne,  la  me'daille  Lobatchewsky  de  la  Soci6t<5  Physico- 
mathe'matique  de  Kasan,  le  prix  Bolyai  de  I'Acade'mic  Hongroise  des 
.Sciences....  Une  longue  suite  d'Acade'mies  on  d'Universite"s  (5trangeres 
1'admettent  a  titre  de  membre  Stranger,  ou  de  correspondant,  ou  de  docteur 
Honor  is  causa.  C'est  aussi  toute  une  se'rie  d'invitations  de  l'6tranger  a  exposer 
ses  ide"es  et  ses  travaux,  dans  un  temps  ou  ces  invitations  e'taient  rarissimes. 
Henri  POINCAR^  les  acceptait  d'autant  mieux  qu'il  fut  un  voyageur  infatigable 
et  qu'il  savait  tirer  de  ses  voyages  le  plus  grand  profit 


Une  vie  exemplaire,  re"gulierement  applique'e  a  la  meditation,  d^tendue 
par  les  joies  de  Tart,  au  milieu  d'une  famille  parfaitement  unie,  s'appliquant 
a  faciliter  le  travail  de  son  chef;  des  confreres,  des  collegues,  des  eleves, 
fervents  admirateurs  d'une  ceuvre  magnifique  et  d'un  homme  simple  et  bon, 


MANIFESTATIONS  EN  PROVINCE   EN   MAI    ig5/{.  178 

tout  semblait  promettre  a  Henri  POINCAR£  une  longue  el  heureuse  vieillesse. 
H^las  ! 

Des  ennuis  de  sant6  r£p6t6s  ne  pouvant  £tre  £cart£s  qu'au  prix  d'une 
operation  chirurgicale  s6v£re,  mais  sans  gravity  sp6ciale,  on  la  pratique  avec 
succ£s  le  gjuillet,  et  le  malade  6tait  en  pleine  convalescence  lorsqu'une 
embolie  le  terrassa  le  i^juillet  1912. 

«  Le  cerveau  vivant  des  sciences  rationnelles  »  dit  alors  PAINLEVE,  avail 
cesse  de  vivre.  Et  il  ajoutait  :  «  ...  II  a  tout  p£n6tr^,  tout  approfondi. 
Inventeur  incomparable,  il  ne  s'est  pas  born£  a  suivre  ses  inspirations,  a 
ouvrir  des  voies  inattendues,  a  d^couvrir  dans  Funivers  abstrait  des  MathtS- 
matiques  mainte  terre  inconnue.  Partout  ou  la  raison  d'un  homme  a  su  se 
glisser,  si  subtils,  si  h<5riss£s  qu'aient  £t£  ses  chemins,  qu'il  s'agit  de  l£l&~ 
graphie  sans  fil,  de  ph^nom^nes  radiologiques  ou  de  la  naissance  de  la  Terre, 
Henri  PoiNCARfi  s'est  gliss£  pres  de  lui  pour  aider  eL  prolonger  ses  recherches, 
pour  suivre  le  pr^cieux  filon  ». 

.  «  Avec  le  grand  mathematicien  francais  disparait  done  le  seul  homme  dont 
la  penstie  fut  capable  de  faire  tenir  en  elle  toutes  les  autres  pens^es,  de 
comprendre  jusqu'au  fond,  et  par  une  sorte  de  d^couverte  renouvel^e,  tout 
ce  que  la  pens^e  humaine  peut  aujourd'hui  comprendre.  Et  c'est  pourquoi 
cette  disparition  pr6matur6e,  en  pleine  force  intellectuelle,  est  un  d^sastre  ». 

L'Acad^mie  des  Sciences,  en  e"ditant  ses  oeuvres  completes,  a  voulu  lui 
Clever  le  seul  monument  qui  fut  digne  de  lui.  Gette  Edition,  nous  Fesperons, 
sera  termin^e  pour  le  centenaire  de  la  naissance  de  1'illustre  savant.  Elle 
attestera  que  Nancy  et  la  Lorraine  peuvent  l^gitimemenl  s'enorgueillir  de 
le  compter  parmi  leurs  fils. 


C.-  L'APR£S-MIDI  DU  SAMEDI  22  MAI  1954 
A  L'UNIVERSITfi  DE  NANCY. 


A  la  fin  de  Fapr&s-midi  du  samedi  22  mai,  FUniversit^  de  Nancy  honorait 
la  m6moire  de  Henri  PoiNCARfi  au  cours  d'une  stance  solennelle  tenue  dans  la 
salle  d'honneur  de  FUniversit6.  Cette  stance  6tait  pr^sid^e,  elle  aussi  par 
M.  Maurice  LEMAIRE,  assist^  de  M.  le  Recteur  CAPELLE. 


174  QUATRIEME   PARTIE. 

Apr&s  quelques  mots  d'introduction  dits  par  M.  Gaston  JULIA,  qui  a  analyst 
les  raisons  qui  avaient  amen6  Henri  POINCARE  a  se  poser  la  question  des 
fondements  de  la  Science  et  de  la  valeur  que,  en  toute  rigueur,  il  fallait  leur 
attribuer,  M.  Rene  POIRIER,  Professeur  a  la  Sorbonne  a  fait  une  conference 
sur  Henri  Poincare  et  le  probleme  de  la  valeur  de  la  Science  qui  constitue 
une  etude  tr£s  poussee  et  tr&s  profonde  de  la  pensec  de  Henri  POINCARE  et  des 
developpements  qu'elle  a  suscites. 


ALLOCUTION  DE  M.  GASTON  JULIA 

A  L'UNIVERSITfi  DE  NANCY. 

MONSIEUR  LE  MINISTRE, 
MONSIEUR  LE  RECTEUR, 
MESDAMES,  MESSIEURS, 

Ce  quij  pour  les  scientifiques,  donne  du  prix  aux  Etudes  d'Henri  POINCARE 
sur  la  Philosophic  des  sciences,  c'est  qu'elles  sont  le  fait  de  quelqu'un  qui  a 
beaucoup  pratique,  et  avec  le  plus  grand  succ6s,  les  sciences  dites  exactes. 
G'est  pour  la  m6me  raison  que  ¥  Introduction  a  la  medecine  experirnentale 
de  Claude  BERNARD  est,  dans  un  autre  domaine,  un  document  d'une  inesti- 
mable valeur. 

Essajons  de  comprendre  pourquoi  Henri  POINCARE  devait  &tre  amen^  a  de 
telles  Etudes. 

II  commence  ses  immortels  travaux  mathb'inatiques  dans  une  p^riode  ou 
s'eclaircit  le  myst^re  de  la  Geometrie  noji  euclidlenne  qui  pr^occupe  depuis 
si  longtemps  les  ge'om&tres.  BOLYAI  et  LOBATCHEWSKY,  ignorant  d'ailleurs  les 
travaux  non  publics  de  GAUSS,  ont  donn6  des  constructions  logiques,  et  sans 
contradiction  apparente,  de  G^omeHrie  non  euclidienne  ou  le  postulatum 
d'EucLiDE  n'est  pas  vrai;  CAYLEY,  KLEIN  et  RIEMANN  en  donnent  des  images 
representatives  tr^s  simples. 

L'une  de  ces  representations,  qu'il  a  d'ailleurs  fortement  amelior^e,  lui  sert 
d'instrument  fondamental  pour  la  construction  de  ses  groupes  fuchsiens. 

C'est  aussi  le  temps  ou  Sophus  LIE  a  pos6  les  bases  de  sa  theorie  des 
groupes  continus  de  transformation,  et  ou  Felix  KLEIN  a  montr6  que  chaque 
type  de  Geometrie,  c'est-a-dire  d'etude  d'une  classe  de  proprietes  des  figures, 


MANIFESTATIONS   EN   PROVINCE   EN   MAI    1964.  I?5 

esll'&ude  des  proprieties  de  ces  figures  qui  reslent  invariantes  pour  les  transfor- 
mations d'un  certain  groupe  caracterisa?it  la  Geometric.  La  Geometrie 
projective,  traitee  par  PONCELET,  inde'pendamment  de  la  notion  de  groupe, 
avail  d'ailleurs  familiarise  les  esprits  avec  ces  ide'es  et  monlr6  le  role  fonda- 
mental  de  1'invariant  caracte'rislique  appelt5  rapport  anharmonique  de  quatre 
points  en  ligne  droite. 

D'autre  part,  la  reprise,  sur  des  bases  logiquement  plus  siires  et  plus 
ge'ne'rales,  de  la  construction  d'EucuDE  a  de'ja  provoqu^  de  nombreux  travaux, 
qui  aboutiront  \ers  1900  au  livre  fameux  d'HiLBEirr  sur  les  Fondements  de 
la  Geometrie. 

En  Analyse,  les  critiques,  par  WEIERSTJUSS  et  Du  BOISREYMOND,  des  notions 
anie'rieurement  admises  par  RIEMANN  et  d'autres,  sur  des  bases,  plus  ou  moins 
intuitiveSj  provoqucnt  une  floraison  de  recherches,  notammenlsurlej?ro&fc?7tt£ 
de  DIRICHLET  (ct  celles  d'Henrt  POINCARE  lui-me'me),  jointes  aux  recherches 
sur  la  theorie  des  ensembles  de  CANTOR,  de  Gamille  JORDAN,  de  leurs  disciples 
francais  BOREL,  BAIRE  et  LEBESGUE  ;  toutes  ces  recherches  ont  affirm  6  une  prise 
de  conscience  plus  precise  de  la  ne'cessit^  de  reconstruirc  les  Mathe'matiques 
sur  des  bases  logiques  sures,  a  partir  des  6l6ments  el  des  resultats  livrt^s  par 
1'exp^rience  et  1'inluition. 

En  Aslromomie,  POINCAR£  fait  la  critique  des  m^thodcs  anciennes,  jusqu7 
alors  pratiquement  suffisantes,  mais  doui  plus  d'une  est  maih^maliqucment 


Quant  a  la  Physique,  l'6poque  1870-1900  est,  comme  on  sait,  une 
de  bouversements  et  d'essor  constructif  extraordinaire,  ou  les  anciennes  et 
nouvelles  theories  sont  constamment  remises  en  question  et  de"roilent  pro- 
gressivement  leurs  points  faibles  a  la  lueur  de  fails  nouveaux. 

Get  apergu  a  grandes  lignes  du  climat  scientifique  dans  lequel  Henri 
PoiNCARfi  accumule  ses  immortelles  d6couvertes  explique  qu^il  ait  e'te'  force', 
a  chaque  instant,  de  s'interroger  sur  la  valeur  des  me'thodes  employees,  sur 
le  role  des  hypotheses  faites,  et  d'abord  sur  la  mise  sous  forme  explicite  de 
ces  hypotheses  elles-m£mes,  parfois  implicitement  ou  confuse'ment  admises, 
sur  le  role  des  postulats,  des  conventions,  de  la  «  commodity  ».  On 
s'explique  ainsi  qu'il  ait  ^t6  conduit  a  analyser  les  raisonnements  employe's 
eux-m£mes,  Tordonnance  et  le  role  des  chaines  de  syllogismes  dans  la 
conduite  d'une  demonstration. 

Les  ide"es  et  les  techniques  qu'il  a  ainsi  de'gage'es  d'une  pratique  personnelle 


176  QUATRIEME  PARTIE 

constante  et  infmiment  heureuse  de  la  recherche  math^matique  ou  physique, 
et  de  la  profonde  comprehension  qu'il  eut  des  recherches  des  autres,  sont 
celles  qu'il  a  exposes  dans  ses  livres  de  Philosophic  scientifique,  et  c'est 
pourquoi  nous  attachons  a  ces  livres  un  grand  prix. 

Sans  doute,  on  a  e"te",  depuis  5o  ans,  beaucoup  plus  loin  que  lui  dans  la 
finesse  des  analyses  et  dans  les  constructions  purement  logiques  de  la 
Ge'ome'trie,  de  PAnalyse,  et  de  FArithme*tique,  qui  d'ailleurs  Finte*ressaient 
moins  que  Fe"tude  des  ph^nomenes  de  la  Nature.  Mais,  d'une  part  c'est  la 
destin^e  des  chercheurs  d'etre  d^pass^s  par  leurs  disciples,  et  d'autre  part 
c'est  bien  souvent  en  s'appuyant  sur  lui  que  Fon  a  pu  le  contredire  ou  le 
critiquer. 

M.  le  Professeur  POIRIER  va  nous  dire  ce  qu'Henri  POINCARE  repr^sente, 
a  Fheure  actuelle,  pour  les  philosophes.  Pour  les  mathe'maticiens,  il  reste  un 
maitre  a  peiiser  que  nous  aimons  a  placer  a  cot6  de  DESCARTES  et  de  d' 
dans  le  Pantheon  de  ces  philosophes  qui  ont  rendu  clairs  a  tous,  les  £l 
de  pens^e  inclus  dans  les  me"thodes  que  nous  employons  tous  les  jours. 


CONFERENCE  DE  M.  R.  POIRIER 

A  L'UNIVERSITE  DE  NANCY. 

Henri  Poincare  'et  le  probleme  de  la  valeur  de   la  Science. 

II  est  a  la  fois  facile  et  difficile  de  parler  de  la  philosophic  de  Henri 
POINCARE.  Sa  pens^e  est  en  effet  si  precise  et  si  claire,  elle  s'appuie  sur  des 
exemples  si  lumineux  et  si  frappants,  dans  leur  simplicity,  qu'a  la  r^exposer, 
on  craint  de  Fabimer  et  qu'on  pr^fererait  souvent  citer.  Elle  est,  par  ailleurs, 
dans  F  ensemble,  demeur6e  fiddle  a  elle-m6me;  tout  au  plus  a-t-elle  £vit6  sur 
le  tard  certaines  formules  que  des  lecteurs  enthousiastes  avaient  mal  inter- 
pr^t^es.  Elle  est  bien  d6limit6e  :  Henri  POINCARE  a  voulu  s'en  tenir  a  quelques 
sujets  ou  son  autorit^  est  incomparable  :  le  raisonnement  math^matique, 
la  th^orie  de  Fespace,  la  valeur  de  la  th^orie  physique.  Et  il  est  malheureu- 
sement  mort  pr^matur^ment ,  alors  que  les  grands  crdateurs  comme  lui 
attendent  souvent  la  vieillesse  pour  philosopher,  au  sens  le  plus  large. 

Ses  theses  sont  avant  tout  critiques  et  mod£r6es,  et  Fon  oublie  parfois 
qu'elles  sont  de  lui,  tant  elles  semblent  exp rimer  la  raison  impersonnelle,  , 


MANIFESTATIONS   EN   PROVINCE  EN   MAI    IQ54-  177 

quJ  se  revile  par  la  Science.  Sur  ce  point,  il  fait  a  Henri  BERGSON  une 
rernarquable  antith&se  :  c'est  qu'il  y  a  en  Philosophic  deux  families  de  tr&s 
grands  esprits.  Les  uns  sont  grands  parce  qu'ils  representent  avec  une  force 
et  une  audace  extremes  des  problSmes,  des  methodes,  des  types  de  solutions, 
qui  nous  obsSdent,  une  aventure  intellectuelle  a  laquelle  nous  ne  pouvons 
renoncer,  en  depit  d'eternels  echecs,  une  sorte  d'essence  de  notre  inquietude 
et  de  notre  ideal  intellectuel.  Us  nous  ouvrent  la  route  vers  les  sources  et,  m£me 
si  cette  route  se  revile  impraticable  ou  nous  ram&ne  en  arri^re,  leur  explora- 
tion aura  etc  feconde,  ils  nous  auronL  ouvert  un  chemin  que  nous 
reprendrons  tot  ou  tard,  avertis  par  leur  exemple.  Nous  pouvons  rejeter  leurs 
solutions,  juger  leur  position  intenable,  leur  souffle  nous  inspire  et  nous 
pensons  par  eux,  alors  m£me  que  nous  croyons  penser  centre  eux.  On  pent 
rejeter  la  liberty  bergsonienne,  la  distinction  des  deux  memoires,  la  percep- 
tion sur  les  choses,  1'intuition  de  la  dur£e,  le  role  d'ecran  du  cerveau,  la 
gen&se  ideale  de  la  mali&re  a  partir  de  1'elan  vital,  BERGSON  reste  vivant  en 
nous,  comme  DESCARTES  dont  chaque  theorie  est  vulnerable  et  dont  1'oeuvre 
est  incomparable. 

D'autres,  au  contraire  sont  grands  parce  qu'ils  ont  raison  et  ils  constituent 
ces  places  fortes  ou  1'esprit  se  replie,  apr6s  une  aventure  intellectuelle,  et  d'ou 
il  pourra  repartir.  Ils  representent  en  general  un  rationalism e  critique  et  nous 
enseignent  une  verite  definie,  directe,  solide  a  laquelle  on  ne  peut  reprocher 
en  general  que  d'etre  partielle.  Tel  fut  Emmanuel  RANT  et,  tout  pr6s  de  nous, 
Henri  POINCAR&  lui-m&me.  Nous  voudrions  montrer  comment  la  doctrine 
de  celui-ci  reste  valable  pour  nous  et  comment  nous  revenons  toujours  a  elle. 
Nous  consid6rerons  ici  ses  id^es  sur  la  valeur  de  la  Science  et  principalement 
de  la  theorie  physique. 

Ces  id^es  se  sont  traduites,  dans  ses  premieres  etudes,  en  des  formules  bien 
connues  :  la  verite-commodite,  le  caractt^re  conventionnel  des  principes, 
les  lois  comme  definitions  deguis^es,  Inequivalence  des  hypotheses  et  des 
theories. 

Les  theories  physiques,  dit-il,  ne  pretendent  pas  toucher  la  texture  profonde 
de  la  realite,  pas  plus  que  nos  jugements  sur  la  couleur  ou  le  son  ne 
pretendent  exp rimer  la  nature  specifique  et  individuelle  de  nos  sensations,  et 
nous  ne  saurions  atteindre  la  substance  des  phenom&nes,  mais  seulement 
leurs  rapports  objectifs  et  communicables.  Elles  reposent  sur  un  ensemble 
d'hypoth&sesj  constituant  un  langage  dont  les  concepts  sont  le  vocabulaire 
H.  P.  23 


1 78  QUATRIEME   PARTIE. 

et  les  lois  de  la  syntaxe.  Prises  en  elles-m£mes,  ces  hypotheses  ne  sont  que  des 
conventions,  dont  les  plus  fondamentales  constituent,  plus  ou  moins  explici- 
tement,  la  definition  m6me  des  objets  theoriques  qu'elles  font  intervenir. 
Prises,  par  contre,  dans  leur  valeur  objective,  ellcs  ne  se  justifient  que  soli'dai- 
rement,  et  par  leur  valeur  experimental.  Si  Ton  modifie  1'uiie  d'elles,  il  faut 
correlativement  modifier  les  autres,  si  bien  qu'aucune  d'elles  n'est  separement 
verifiable,  ni  vraie,  mais  qu'elle  n'est  pas  non  plus  separement  refutable,  ni 
fausse. 

La  verification  d'une  theorie  dans  son  ensemble  est  d'ailleurs  loujours 
irnparfaite,  car  elle  fait  intervenir  des  hypotheses  adventices,  des  simplifi- 
cations, des  interpretations  implicites,  et,  coininc  savant,  PorNCARfi  s'est  plu  a 
montrer  souvent  que  les  raisonnements  com  me  celui  de  LAPLACE  sur  hi  vitesse 
de  la  gravitation,  des  interpretations  comme  celle  de  Fexperience  de  WIENER 
touchant  le  plan  de  vibration  d'une  lumiere  polarisee  ne  prouvaient  rien,  en 
raison  des  hypotheses  gratuites  que  Ton  utilisait. 

Nous  n'attcignons  done  jamais  que  des  probabilites  en  cette  mature,  mais 
cela  est  tout  naturel,  car  une  theorie  n'est  qu'un  moyen  d'ordonner  et  de  prevoir 
des  faits  experimentaux,  et  ne  se  justifie  qu'&  posteriori  par  sa  fecondite  et  sa 
valeur  d'anticipation.  Elle  n'est  done  pas  vraie  au  sens  accoutume  et  dogma- 
tique,  mais  suggestive,  utilc,  en  un  mot  commode. 

Ce  sont  la  des  notations  assez  analogues  a  celles  des  pragmallstes.  Mais, 
pour  PoiiNCARE,  la  commodite  n'est  pas  simplement  adaptation  aux  previsions 
empiriques,  elle  est  aussi  commodite  subjective,  mentale.  II  y  a  des  notions 
plus  naturelles,  plus  simples,  plus  satisfaisantes  pour  Pesprit,  et  nous 
retrouvons  ici  une  sorte  de  rationalite  plus  pragmatique  que  dogmatique, 
exprimant  les  desirs  d'un  esprit  plus  industrieux  que  legislateur. 

Plusieurs  theories  peuvent  exprimer  les  phenom&nes.  Parfois  elles  y 
reussissent  inegalement;  1'une  traduit  mieux  certaines  experiences,  1'autre 
certaines  autres;  elles  ont  alors  chacune  leur  valeur,  chacune  leur  verite. 
Parfois,  au  contraire,  elles  sont  sensiblement  equivalentes  et  nous  ne  pouvoiis 
choisir  entre  elles  que  pour  des  raisons  theoriques. 

Or,  certaines  hypotheses  sont  systematiquement  preferees  et  erigees,  par 
libre  decision,  en  verites  definitives  :  on  les  appelle  des  principes.  Elles 
caracterisent  des  schemas  theoriques  que  1'on  est  decide  a  sairver  au  prix 
d'artifices  convenables.  Ainsi,  la  conservation  de  1'energie  est  un.  principe, 
parce  que  nous  convenons  implicitement  d'introduire  autant  d'esp^ces  d'ener- 


MANIFESTATIONS  EN   PROVINCE  EN   MAI    1964.  179 

gies  noirvelles  qu'il  en  faudra  pour  qu'il  se  verifie  en  toule  circonslance;  le 
caraclSre  euclidien  de  1'espace  est  un  principe,  parce  que  nous  interpreterons 
de  parti  pris  les  mesures  donnant  des  resultats  non  euclidiens  comme  dues 
a  une  modification  des  corps  materiels,  au  sein  d'un  espace  immuable;  la 
Constance  m6me  des  lois  de  la  Nature  est  un  principe,  puisque,  d'une  part, 
en  ce  qui  touche  le  passe,  c'est  justement  en  la  supposant  que  nous  recons- 
truisons  ce  passe,  d'autrc  part,  en  ce  qui  louche  1'avenir,  nous  ferons  toujours 
appel,  au  cas  ou  elle  semblerait  dementie,  a  des  circonstances  nouvelles  et 
et  a  des  facteurs  caches  qui  la  retabliront.  C'est  ici  que  le  carael&re  conven- 
tionnel  de  la  Science  se  rev&le  le  plus  nettement,  etant  donne  qu'on  ne 
saurait  invoquer  ici  des  exigences  a  priori  de  1'esprit. 

De  telles  pensees  n'etaient  pas,  m^me  a  son  epoque,  entitlement  propres 
a  Henri  PoiNCiRfi;  elles  traduisaient  une  sorle  de  doctrine  commune,  suggeree 
par  le  progr&s  de  la  Physique  et  le  conflil  de  1'energetique  et  du  mecanisme. 
Elles  s'opposaient  aux  apriorismes  anciens  et  aussi  a  I'esp6rance  que  1'on 
peut  appeler  positivisie  de  remonter  surement  ct  methodiquement  des  faits 
aux  lois,  par  regression  r6guli£re.  Ce  que  Ton  peut  dire,  c'est  que  1'auteur 
de  Science  et  Methods  les  a  formulas  avec  une  fermete  et  une  profondeur  si 
remarquables,  les  a  illustrges  par  des  exemples  si  convaincanls,  que  1' expres- 
sion en  semble  definitive  et  porte  a  juste  titre  son  nom. 

Elles  suscit^renl  cependant  une  ex<5g6se  et  un  debat  dont  il  faut  ici  dire 
un  mot. 

Vers  la  fin  du  xixc  si£cle,  une  reaction  s'^lait  produite  contre  le  «  Scien- 
tisme  »,  suivant  lequel  la  Science  allait  incessamment  apporter  une  verite 
definitive  touchant  la  Nature,  fondle  sur  la  seule  experience,  et  resoudre, 
accessoirement,  tous  les  probl^mes  humains.  Le  mal&rialisme  dogmatiquo  de 
certains  biologistes,  les  theories  mecanistes  de  certains  physiciens  ofFraient 
deja  leur  fivangile.  Assurement,  ce  n'etaient  pas  en  general  les  tr&s  grands 
savants  qui  defendaient  ces  theses,  elles  n'en  avaient  pas  moins  obtenu  un 
grand  succ&s.  Inversement,  leurs  adversaires  (et  Ton  songe  a  Particle  de 
BRONETifiRE  sur  La  faillite  de  la  Science]  port&rent  la  guerre  sur  deux  terrains  : 
d'abord  sur  celui  des  prolongements  id^ologiques  :  Morale,  Metaphysique, 
Religion,  ou  ils  n'eurent  pas  grand'peine  a  montrer  que  les  extrapolations  de 
la  Science  positive  n'allaient  pas  tr6s  loin  et  n'etaient  pas  tr^s  solides,  ensuite 
sur  celui  de  la  Science  elle-m&me,  etilspretendirentprouver  qu'elle  n'obtenait 
pas  les  resultats  proclames,  qu'elle  n'atteignaitpas  cette  verite  dont  elle  se  faisait 


l8o  QUATRIEME   PARTIE. 

gloire;  et  ici  les  arguments  et  m&me  la  bonne  foi  furent  parfois  beaucoup 
plus  faibles.  Cependant  de  grands  esprits  prirent  parti  en  ce  sens  et  voulurent 
limiter  les  droits  et  la  valeur  de  la  Science  positive  afin  d'ouvrir,  ou  de  rouvrir, 
d'autres  chemins  vers  la  verite.  Qu'il  me  suffise  de  citer,  en  France,  Pierre 
DUHEM  et  folouard  LE  ROY. 

fidouard  LE  ROY,  dans  la  flamme  de  sa  jeunesse  et  de  sa  genereuse  intel- 
ligence, donna  aux  formules  de  POINCARE  une  interpretation  et  une  portee 
imprevues,  inspire  par  la  philosophic  pragma tiste  et  bergsonienne,  par  le 
renouveau  du  spiritualisme  chretien  et  par  sa  propre  originalite.  II  prit  au 
sens  fort  le  mot  de  convention  et,  pour  lui,  toutes  les  lois  physiques  devinrent 
des  definitions  deguisees,  si  bien  que,  devenant  irrefutables,  elles  cessaient 
ipso  facto  d'etre  vraies.  N'imporie  quelle  convention  peut  6tre  accordec  avec 
Fexperience,  puisqu'on  peut  toujours,  par  des  hypotheses  complementaires 
et  des  causes  cachees,  concilier  la  theorie  et  Fobservation.  Les  £tres  de  la 
Science  theorique  ne  sont  done  pas  imposes  par  les  fails,  ils  sont  librement 
choisis  par  1'esprit  et  ne  correspondent  a  aucune  realite  objectivement  deter- 
minee  :  la  Science,  et  surtout  la  Physique,  est  une  construction  artificielle, 
qui  ne  dit  rien  de  vrai  sur  la  Nature  des  choses.  Elle  est  un  discours  sur 
cette  Nature,  et  n'en  est  pas  1'image,  et  cela  n'est  pas  vrai  seulement  des 
grandes  theories  sur  la  mati&re  ou  FUnivers,  mais  des  faits  les  plus  simples, 
les  plus  elementaires,  qui  sont  petris  de  theorie,  d'iiiterprelation,  d'ontologie 
et  sont  par  la  fonci&rement  relatifs  a  nos  conventions  de  langage,  a  nos  libres 
precedes  de  description.  D'ou  Faffirmation  cel&bre  :  le  savant  cree  le  fait 
theorique  et,  comme  tous  les  faits  sont  fonci£rement  theoriques,  il  cree  le 
fait  scientifique. 

La  verite  de  la  Science  n'est  done  bien  que  commodite,  mais  le  mot  est  pris 
cette  fois  en  un  sens  etroit  et  pejoratif  :  la  Science  est  commode  pour  prevoir, 
c'est-a-dire  pour  agir.  Elle  est  un  discours  pratique,  un  formulaire  d'action, 
un  syst&me  de  recettes,  elle  n'a  qu'une  valeur  d'efficience,  elle  nous  permet 
de  parler  utilement  des  phenom&nes,  non  de  les  penser  ou  de  les  connaitre 
dans  leur  toe  reel  (d).  II  faut  noter,  d'ailleurs,  que  son  artifice  prolonge 
Fartifice  m^me  de  Fintelligence,  qui  morc^le  et  solidifie  le  reel  en  le  concep- 
tualisant  et  en  laisse  echapper  la  vie  et  la  signification  essentielle.  Mais 

(*)  Nous  retrouvons  dans  ces  expressions  sans  doute  excessives  certaines  formules  de  PIERCE 
et  de  ses  successeurs,  qu'il  ne  faut  d'ailleurs  pas  prendre  a  la  lettre  ni  confondre  avec  les  outrances 
absurd es  d'un  PREZZOLINI 


MANIFESTATIONS  EN   PROVINCE  EN  MAI    ig54.  l8l 

fi.  LE  ROY  n'entend  pas  s'en  tenir  a  une  critique  negative,  et  ce  de"blaiement 
un  pen  brutal  ouvre,  dans  son  esprit,  la  voie  a  une  nouvelle  spirituality  et  un 
nouvel  ordre  du  connaitre. 

Henri  PoiNCARfi  s'inquie'ta  cependant  et  exposa  avec  une  parfaite  clartE  les 
reserves  a  faire  touchant  ce  ne'o-nominalisme  en  m&me  temps  que  les  limites 
de  ses  propres  theses. 

Si  Faction  reussit,  fit-il  observer,  c'est  que  les  e'nonce's  de  la  Science 
refletent  une  certaine  structure  objective  des  phenomenes  et  qu'ils'  ont,  dans 
leur  ensemble,  une  espece  de  ve"rite.  Les  faits  ele'mentaires  proprement  dits, 
par  opposition  aux  theories  (ou  il  fait  entrer,  il  est  vrai,  la  structure  de 
1'espace,  1'existence  des  aloraes  et  me'me  la  rotation  de  la  Terre),  sont  effecti- 
vement  v^rifiables,  1'accord  est  unanime  a  leur  sujet,  ils  ne  sont  done  en  rien 
1'ceuvre  du  savant;  tout  ce  que  celui-ci  cre~e,  c'est  le  langage  dans  lequel  il  les 
Enonce  et  qui  ne  change  rien  de  plus  au  fond  des  choses  qu'une  traduction 
du  frangais  en  allemand  ne  change  au  fond  la  pense"e  de  Fauteur.  Les  faits 
th6oriques  eux-m6mes  sont  bien  des  constructions  conventionnelles,  mais 
ils  doivent  <Hre  adapted  aux  faits  expErimentaux  et  s'il  y  a  quelque  latitude  dans 
1'ajustement  elle  est  fort  redutte;  en  effet,  il  serait  absurde  pour  sauver  une 
convention  d'introduire  des  hypotheses  inutilement  complique'es  ou  des  causes 
dont  1'expe'rience  nous  montrerait  1'absence,  ou  si  1'on  pre~fere,  dont  elle  se 
refuserait  a  nous  montrer  la  presence.  Quant  aux  principes  mis,  par  conven- 
tion, au-dessus  du  controle  des  faits,  ils  doivent  e"tre  accorded  a  ceux-ci  par 
un  rEseau  de  lois  secondaires  qui  sont,  clles,  parfaitement  de"termine"es,  et 
ces  principes,  d'ailleurs  rares  en  Physique,  par  cela  m&me  qu'ils  sont  irr£fu- 
tables,  sont,  pris  isole"ment,  tout  a  fait  vains.  II  y  a  m6me  une  sorte 
d'antipathie  de  POINCAR^  a  l'6gard  des  principes,  que  1'on  sauve  trop  ais^ment 
a  coup  d'hypotheses  et  d'un  rafistolage  des  theories  qui  dispenserait  d'une 
refonte  to  tale,  ce  qui  n'est  pas  sans  embarrasser  parfois  le  lecteur.  —  En  fait, 
ajoute-t-il,  s'il  y  a  par  ailleurs  des  hypotheses,  des  theories  6quivalentes  au 
point  de  vue  strictement  logique  et  experimental,  nous  arriverons  t6t  ou  tard 
a  choisir  entre  elles  pour  des  raisons  de  simplicity,  d'unit^,  de  relativity,  de 
f^condit^,  de  rationality  diffuse  :  ainsi  1'espace  euclidien,  e"tant  le  plus  simple, 
sera  toujours  pr^f^r^.  —  Enfin,  m6me  dans  le  cas  d'une  Equivalence  complete, 
les  theories  en  apparence  oppose*es  diflferent  par  les  mots  qu'elles  emploient  et 
les  images  qu'elles  eloquent,  mais  elles  ont  un  element  commun,  infiniment 
plus  important  que  le  reste  :  les  Equations  mathe'matiques  qui  fondent  nos 


1 82  QUATRIEME  PARTIE. 

provisions  et  expriment  les  rapports  essentiels  qui  sont,  aufond,  toute  la  verite 
connaissable  du  monde  physique,  si  bien  que,  sous  des  apparences  diverses, 
nous  n'avons  r6ellement  affaire  qu'a  une  seule  theorie. 

Y  a-t-il  eu  Evolution  a  ce  sujet  dans  la  pensee  de  POINCAR&?  Dans  les 
expressions  peut-£tre,  mais  dans  la  pensee  non,  semble-t-il.  On  a  plutot 
le  sentiment  qu'il  y  a  toujours  eu  en  lui  deux  hommes  :  le  pliilosophe  qui 
formule  des  interpretations  logiquement  possibles,  le  savant  qui  juge  certaines 
d'entre  elles  pratiquement  infecondes  et  s'en  desinteresse.  Et,  sans  desavouer 
a  proprement  parler  le  philosophe,  il  redevient  tr£s  vite  le  savant.  En  tout  cas, 
par  ces  rectifications,  que  peut-£tre  je  formule  d'une  mani&re  un  peu  systema- 
tique,  il  s'etablissait  sur  une  position  extr£mement  forte,  mais  beaucoup  plus 
traditionnelle,  et  il  faut  avouer  que  s'il  eut  eie  d'emblee  mieux  compris  on 
Petit  beaucoup  moins  invoque.  Le  mot  convention,  depouille  de  son  apparence 
d'arbitraire  defmitif,  traduit  plutot  la  demarche  de  1'esprit  qui  invente  ses 
theories  et  les  propose  au  controle  de  1'experience,  au  lieu  de  les  extraire 
conlinument  des  faits.  L'ceuvre  du  savant  ressemble  infmiment  plus  a  celle 
d'un  artiste  qui  dessine  librement  sur  sa  feuille  et  ne  juge  qu'apr&s  coup  de  la 
ressemblance  avec  le  module  (qui  1'a  tout  de  m&me  inspire)  qu'a  celle  d'un 
photographe  ou  d'un  radiologiste  qui,  en  perfectionnant  leurs  appareils  et 
leurs  methodes,  obtiendraient  des  cliches  de  plus  en  plus  parfaits  et  detailles. 

Maintenant,  on  peut  se  demander  si,  dans  ces  conditions,  la  th6se  de 
PoiNCARfi  n'est  pas  a  son  tour  a  double  tranchant  ou,  si  Ton  prefere,  trop 
facilement  gagnante.  En  effet,  s'il  y  a  des  theories  equivalentes,  elle  est  confir- 
mee; mais  elle  ne  1'est  pas  moins  si,  au  bout  du  compte  il  y  a  toujours  une 
theorie  qui  1'emporte. 

11  faul  avouer  aussi  que  1'on  se  sent  un  peu.perplexe,  devant  ce  debat  : 
est-ce  que  vraiment  £.  LE  ROY  pouvait  contester  1'objectivite  de  la  Science, 
definie  en  des  termes  aussi  moderes?  Ne  s'agit-il  pas,  a  certains  egards,  d'un 
probl6me  de  notations  ou  d'un  debat  quasi  sentimental,  qui  ferait  un  peu 
songer,  si  1'on  osait  &tre  familier,  a  celui  de  1'Irlandais  et  de  1'ficossais  :  1'un 
se  rejouit  de  ce  que  la  bouteille  soit  encore  a  moitie  pleine,  1'autre  se  desole 
de  ce  qu'elle  soit  deja  a  moitie  vide,  mais  sur  le  fait  ils  sont  d'accord. 

II  s'agit  tout  de  m6rne  de  quelque  chose  de  tr&s  important. 

Si,  pour  £.  LE  ROY,  la  Science  reussit  comme  artifice,  echoue  comme  verite, 
c'est  qu'a  ses  yeux  elle  a  pour  fin  naturelle  une  verite  au  sens  fort  et,  chose 
curieuse,  MEYERSON,  si  different  de  lui  par  ailleurs,  lui  donnerait  sans  doute 


MANIFESTATIONS   EN  PROVINCE  EN  MAI    1964.  l83 

raison  sur  ce  point  :  un  enonc£  scientifique  fait  toujours  allusion  a  une 
structure  ontologique;  or,  s'il  en  est  ainsi,  deux  hypotheses  logiquement  et 
empiriquement  gquivalentes  peuvent  tout  de  me'me  signifier  quelque  chose 
de  tres  different,  et  ce  n'esl  pas  rien,  a  cet  e'gard,  qu'une  difference  de  langage. 
Nous  ne  savons  pas  ce  qu'est  une  onde  electromagn^tique  ni  d'ailleurs  ce  qu'est 
un  photon,  mais  nous  avons  le  sentiment  que  c'est  quelque  chose  de  distinct  et, 
m£me  si  une  idee  a  toujours  quelque  chose  qui  reste  a  elucider,  elle  n'en  a 
pas  moins  des  maintenant  certains  caracteres  originaux.  Un  petit  aimant  et  un 
petit  courant  circulaire  sont  Equivalents,  mais  n?y  a-t-il  aucun  sens  a  se 
demander  si  les  aimants  ne  sonl  pas  autre  chose  que  de  petits  courants.  Parler 
avec  un  homme,  ce  n'est  pas  lout  a  fait  la  me'me  chose  que  parler  avec  un 
corps  humain;  dire  que  Tame  ou  Dieu  existent,  ce  n'est  pas  tout  a  fait  la  m£me 
chose  que  de  reconnaitre  un  ordre  intelligent  dans  les  gestes  de  notre  corps  ou 
le  cours  de  1'Univers.  Autrement  dil,  les  mots  ont  un  sens  qui  de"passe  1'expe'- 
rience  positive  et  les  mesures  effectives,  ils  font  allusion  a  une  re'alite',  ils  sont 
des  prophetes  d'une  verity  qui  peut-6tre  se  preScisera.  S'il  en  est  ainsi,  choisir 
un  langage  avec  ses  implications  secretes,  c'est  bien  faire  une  convention  au 
sens  fort,  et,  si  diverses  conventions  restent  possibles,  c'est  que  la  Science 
est,  sinon  irre"elle,  au  moins  imparfaitemeni  re"elle;  ses  succes  sont  immenses, 
mais  a  la  surface  du  rnonde;  un  au-dela  demeure,  en  profondeur,  qui  est 
essentiel  et  auquel  nous  nous  rdferons  in^vitablement.  Or,  la  Science  n'y 
atteint  pas. 

A  ce  d^sir  de  transcendance,  Henri  POINCAR&  oppose  un  rationalisme  plus 
posttif,  plus  confiant,  plus  modesto  aussi;  moins  exigeant  quanta  I'ide'al  de  la 
Science,  il  est  plus  optimiste  quant  a  ses  resultats  et  1'ceuvre  humaine  de  la 
raison  lui  semble  une  destine"e  suffisanle  pour  1'espril;  ce  qui  est  e"chec  pour 
E.  LE  ROY  est  victoire  a.  ses  yeux,  car,  comme  disait  d<^ja  MONTAIGNE,  il  s'agit 
de  bien  faire  1'Homme 

Cette  attitude  non  plus  ne  lui  est  pas  personnelle.  Peut~6tre  la  maniere  dont 
il  a  servi  la  Science  et  la  Pense'e  humaine  a-l-elle  quelque  ressemblance  avec 
celle  dont  un  autre  homme  illustre,  qu'il  est  naturel  d'^voquer  aujourd'hui, 
en  cette  ville,  et  qui  £tait  son  propre  cousin,  a  servi  la  France  dans  1' ordre 
juridique  et  politique  :  raiionalisme  a  tendance  spiritualiste  plutot  que 
religieuse,  humanisme  et  philosophic  des  lumi^res  plutot  qu'^lan  m£ta- 
physique. 

Beaucoup,  en  tout  cas,  ^taient  de  cceur  avec  lui,  parmi  ceux,  savants  ou 


1 84  QUATRIEME  PARTIE. 

philosophes  qui  cr^erent  et  animerent,  a  la  fin  du  siecle  dernier,  la  Revue  de 
Metaphysique  et  de  Morale,  ou  parurent  ses  Etudes  les  plus  celebres.  Pour 
les  uns  entail  une  attitute  spontane'e,  qu'ils  n'e'rigeaient  pas  en  systeme;  tandis 
que  d'autres  tentaient  de  construire  un  idealisme  aux  formes  diverses  qui  put 
juslifier  en  lui  dormant  sa  charte  ceL  humanisme  de  la  Raison  inspire  et 
informe'e  par  la  Science.  Et  cette  ge'ne'ration,  celle  de  nos  maitres,  a  e'te' 
incomparable. 

Peut-elre  la  notre  est-elle,  dans  Pensemble,  me'taphysiquement  plus 
inquiete.  Elle  chercherait  volontiers  en  cette  merveilleuse  intelligence, 
curieuse  de  loutes  les  sciences,  parlant  tous  les  langages,  chez  cet  homme 
si  sensible,  bien  qu'il  fut  parfois  g$n£  de  le  montrer,  si  musicien  et  connais- 
sant  si  bien  PASCAL,  un  peu  de  nostalgic  de  I'&tre,  un  peu  de  soif  du  transcen- 
dant.  Pourtant  nulle  phrase  de  ses  oeuvres,  nul  trait  de  sa  vie  ne  permettent  de 
croire  qu'il  eut  plus  tard  incline'  a  de  tels  soucis,  a  de  telles  pens^es.  Dans  sa 
belle  conference  sur  la  Morale  et  la  Science,  il  montre  bien  comment  la 
Science,  par  la  pratique  de  certaines  vertus,  cre'e  un  climat  moral,  encore 
qu'elle  soil  aussi  incapable  de  fonder  une  fithique  que  de  s'opposer  a  elle;  mais 
il  semble  admettre  que  cette  morale  se  fonde  d'elle-me'me  et  nait  spontane'rnent 
de  notre  conscience.  Ici  encore,  c'est  a  la  Raison  qu'il  se  confie  et  il  ne  fait 
m6me  pas  allusion  a  des  sources  transcendantes  possibles  et  peut-6tre  ne"ces- 
saires  de  la  vie  morale. 

Qu'est-il  advenu  des  theses  de  POINCAR£  ?  Inspirent-elles  1'e'piste'mologie 
contemporaine,  sont-elle  confirme'es  par  elle,  ou  celle-ci  s'oriente-t-elle  vers 
d'autres  voies  ? 

II  est  bien  difficile,  assure'ment,  de  parler  de  l'e"pist£mologie  actuelle  comme 
d'une  doctrine  de'finie  et  coh^rente;  elle  pr^sente  cependant  quelques  traits 
g6n6raux  qui,  dans  une  cerlaine  mesure,  permettent  de  r6pondre  a  notre 
question. 

Tout  d'abord,  il  est  un  point  sur  lequel  1'accord  est  facile,  c'est  la  descrip- 
tion meme  du  proce^  de  pens^e,  ce  que  Ton  peut  nommer  le  bond  e'piste'molo- 
gique.  On  n'extrait  pas  de  Fexp^rience  les  concepts  et  les  lois  the"oriques  par 
une  sorte  de  distillation  intellectuelle,  il  faut  poser,  par  convention,  des 
hypotheses  de  moins  en  moins  intuitives,  de  plus  en  plus  formelles,  et  nos 
concepts  tombent  en  d£faut  quand  on  change  l'e"chelle  a  laquelle  ils  ont  e"t£ 
primitivement  d^fmis.  La  th6orie  physique  va  au-devant  de  Fexperience 


MANIFESTATIONS   EN   PROVINCE   EN   MAI    1964.  l85 

et  ne  se  justifie  que  par  son  accord  final  el  global  avec  pile.  Loin  de  recons- 
truire,  d'autre  part,  la  Nature  a  1'aide  d'idees  claires  el  distinctes,  le  savant 
multiplie  les  sch^mas  math6matiques  donl  il  identifie  apr£s  coup  les  variables 
a  des  grandeurs  physiques,  souvent  d'une  manure  indirecte.  Le  sens  el  la 
raison  de  ses  formules  n'apparaissenl  qu'apr&s  coup,  si  bien  qu'a  une  £pist£~ 
mologie  classique  du  d<5veloppement  progessif  des  notions  on  peut  opposer 
une  t5pist6mologie  de  1'identiiication  retrospective  des  jugements.  Or,  c'est 
la  une  chose  tr&s  importanle  pour  un  philosophe,  car  cela  correspond  a  une 
id<5e  assez  paradoxale,  mais  dont  il  est  difficile  de  se  passer  :  c'est  qu'un 
£nonc6  peut  etre  vrai  alors  que  le  sens  en  est  encore  imparfaitement  d^ter- 
min<3,  ou  que  sa  v£rit£  s'acLualisera  au  fur  et  a  mesure  que  sa  signification 
se  pr6cisera,  se  d^finira.  Ge  qu'un  auteur  anglo-saxon  ne  manquerait  pas  de 
traduire  en  disant  que  Ton  peut  £tre  dans  le  vrai  sans  savoir  de  quoi  on  parle. 
C'est  la  une  maniere  de  revenir,  contre  DESCARTKS,  a  une  certaine  primaul6  de 
1' existence  sur  1'essence,  dans  1'ordre  m6me  du  connaitre. 

Par  ailleurs,  la  theorie  physique  ne  se  justifie  que  par  des  criteres  impar- 
faits,  experimentaux  ou  rationnels,  nos  inductions  ne  sont  que  probables  et  la 
logique  de  1'induclion  est  une  logique  de  la  composition  des  arguments  et  des 
vraisemblables.  En  ce  sens,  toute  I'^pisteanologie  actuelle  est  bien  conforme  au 
pragmatisme  de  POINCAR£,  suivant  sa  double  norme  d'exactitude  empirique  et 
d'esth6tique  rationnelle. 

Mais  deux  points  m^ritent  un  examen  particulier  :  1'^quivalence  des  hypo- 
theses  et  la  possibility  des  explications  mtScaniques,  les  criteres  de  rationality  et 
1'ide'c  m6rne  de  la  raison  scientifique. 

Les  theories  nouvelles  ont  fourni  au  premier  theme  1'occasion  de  develop- 
pements  nouveaux.  En  particulier,  les  remarques  de  PoiNCinfi  sur  Find(§termi- 
nation  Physique-G^om^trie  s'appliqueiit  exactement  a  la  Relativiu§  g6n(5rale  : 
on  peut  dire  indiff^remment  que  1'espace-temps  se  d(5forme  et  cesse  d'etre 
euclidieii,  ou  que,  dans  un  espace-lcmps  euclidien  immuable,  les  metres  et  les 
horloges  sont  modifies,  ainsi  que,  les  ph6nom6nes  physiques  qui  sc  r&glent 
naturellement  sur  eux  :  il  n'y  a  la  qu'un  passage  de  langage  riemannien  au 
langage  cayleyen.  De  m£me,  en  Relativit6  restreinte,  il  rcvient  au  m6me 
d'admettre  un  espace-temps  absolu,  et  de  dire  que  les  espaces-temps  propres 
des  syst&mes  en  inertie  correspondent  a  des  mesures  de  lumiere,  sur  lesquelles 
se  rSglent  naturellement  les  ph^nom^nes  observables,  ou  de  dire  qu'il  n'y  a  pas 


1 86  QUATRIEME   PARTIE. 

d'espace-temps  fondamental,  et  que  tous  les  systemes  propres  sont  non  seu- 
lement  indiscernables  exp6rimenlalement,  mais  e"gaux,  si  j'ose  dire,  en  dignity 
ontologique.  Mathematiquement,  c'est  la  m6me  equivalence  que  celle  des 
excentriques  et  des  Epicycles,  si  connue  depuis  Fantiquite.  Si  1'on  pre"fere  une 
hypothese  a  Fautre,  c'est  uniquement  pour  des  raisons  epistemologiques  ou 
philosophiques,  les  m6mes  qui  ont  alimente",  an  temps  de  NEWTON,  les  debats 
de  LEIBNIZ  et  de  CLARKE  sur  Faction  a  distance  et  Fespace  absolu.  Et,  en  fait,  la 
Relativity  restreinte  ne  fait  qu:e"tendre  aux  phe'nomenes  electromagnetiques, 
plus  ge'ne'ralement  aux  phenomenes  se  propageant  a  vitesse  finie,  les  conditions 
de  Relativity  que  la  Physique  newtonienne  avait  e"tablies  pour  les  actions 
me"caniques  a  distance. 

De  m6me,  F  experience  nous  contraint  d'admettre  une  masse  variable,  si  Fon 
conserve  1' expression  traditionnelle  de  la  Dynamique  et  la  valeur  de  la  force 
d'attraction  electros tatique  ou  gravifique;  mais  la  masse  redevient  invariable  si 
Fon  prend  les  de'rive'es  par  rapport  a  Fintervalle  d'Univers,  comme  il  est  normal, 
ct  si  Fon  donne  aux  forces  Fexpression  convenable. 

On  peut  de  m&me  interpreter  Fexpansion  de  FUnivers,  suppos6e  reelle,  soit 
comme  une  expansion  de  Fespace  me"me  entrainant  les  nebuleuses  (dont  on  se 
demande  d'ailleurs  pourquoi  elles  ne  s'agrandissent  pas  en  m£me  temps  que 
Fespace),  soit  comme  une  dispersion  des  nebuleuses  a  partir  de  Fexplosion 
initiale  (les  vitesses  initiales  etant  alors  la  cause  des  distances).  Sans  parler  de 
Fhypothese  d'une  alteration  progressive  du  temps  en  general,  au  sens  de 
DE  SITTER,  ou  du  temps  propre  aux  atomes  rayonnants,  a  la  maniere  de  MILNE, 
et  m£me  des  explications  proprement  physiques  qui  gardent  malgre'  tout  des 
possibilites. 

On  a  m£me  pu  r^ver  de  ge"n6raliser  cette  doctrine  de  F^quivalence  et  de 
Fappliquer  syst<5matiquement  a  la  fameuse  duality  dulangage  ondulatoire  et  du 
langage  corpusculaire.  II  eut  <3t6  bien  satisfaisant  de  trouver  un  principe  de 
correspondance  g^ne'ralise',  un  dictionnaire  permettant  d'exprimer  toute  pro- 
pri6te  ondulatoire  sous  forme  corpusculaire  et  inversement,  si  bien  que  le 
choix  du  langage  exit  eie  une  simple  affaire  d'opportunite",  certaines  proprie'te's 
se  simplifiant,  certaines  demonstrations  s'abregeant,  les  unes  dans  le  langage 
des  ondes,  les  autres  dans  celui  des  corpuscules,  comme  certains  th6oremes 
g6om6triques  s'expriment  plus  ais6nient  en  coordonne"es  ponctuelles,  d'autres 
en  coordonn^es  tangentielles.  G'est  ainsi  que  Fanalogie  entre  le  defacement 
d'un  corps  et  celui  d'une  energie  de  champ  ou  autre  mene  naturellement  a 


MANIFESTATIONS  EN   PROVINCE   EN   MAI    ig54-  *%7 

envisagcr  dans  les  deux  cas  un  moment  cinetique  el,  indirectement,  a  iden- 
tifier la  masse  propre  du  corps  et  l'6nergie  au  repos.  Cependant,  la  Nature 
r&siste,  et  il  y  a  parfois  une  veritable  anlinomie  entre  les  ph^nom&nes  qui 
s'expriment  naturellement  dans  unlangage  etceux  qui  s'expriment  dans  1'autre, 
et  il  faut  alors  refondre  enti&rement  les  theories  et  trouver  un  autre  point  de 
vue.  C'est  ainsi  que  la  Relativity  restreinte  est  faite  pour  accorder  1'iirvariance 
de  la  vitesse  de  la  lumi&re  dans  les  systSmes  propres  Ites  a  diverses  sources  en 
mouvement  relatif  (loute  naturelle  dans  1'hypothfcse  de  remission)  avec  celle 
de  la  m£me  vitesse  dans  le  cas  d'un  systtjme  unique,  observant  la  lumikre  £mise 
par  diverses  sources  en  mouvement  relatif  (toute  naturelle  dans  Phypoth&se 
des  ondulations). 

La  M6canique  ondulatoire,  de  son  col£,  essaie  de  concilier  les  propri£t6s 
interferentieiles  avec  les  propri^t^s  quantiques  des  ph£nom6nes,  mais,  si,  en 
apparence,  elle  semble  donner  une  sorte  de  primaut6  aux  corpuscules,  dont  on 
ne  calcule  plus  que  la  probability  de  presence  dans  un  certain  domaine  on  un 
certain  (Hat,  cette  probability  elle-m6me  suit  une  loi  d'allure  ondulatoire,  dont 
on  voit  mal  actuellement  le  fondement  m(3canique  :  1'onde  de  probability 
impose  a  des  £l(5ments  de  type  m^canique  des  modes  de  devenir  provisoirement 
irr^ductibles. 

Sera-t-il  possible  d'unifier  ces  aspects  dans  le  cadre  d'une  thSorie  d^termi- 
niste  de  type  classique,  c'est,  on  le  sait,  un  probl&me  actuellement  fort  contro- 
vers£  et  fort  important,  car  la  solution  de  Tind^terminisme  radical,  dans  la 
mesure  ou  elle  est  pensable,  nous  ram^nerait  a  des  vues  aristotdiciennes, 
entit;rement  conlraircs  a  tout  ce  que  la  Science  consid6rait  jusqu^  ce  jour 
comme  acquis  en  mati^re  d'epistemologie. 

Et  c'est  ici  qu'on  voudrait  avoir  1'aide  de  H.  PoiNCARfi.  II  avail  montr6  a  plu- 
sieurs  reprises  que,  lorsqu'un  syst^mc  d'^quations  satisfait  a  certaines  condi- 
tions, il  est  toujours  possible  d'en  donner  un  module  m^canjque,  et  m£me  une 
infinite,  sans  entrainer  toutefois  la  conviction  de  LANGEVIN,  par  exemple  en  ce 
qui  concerne  les  lois  de  FElectromagmjtisme.  II  est  probable  qu'il  eut  admis  la 
possibility  de  trouver  un  fondement  m^canique,  par  introduction  d'un  infra- 
d^terminisme  et  de  param&tres  caches,  aux  lois  de  probability  de  la  M^canique 
ondulatoire  et  sans  doute  eut-il,  d^s  le  d£but,  d^limite  exactement  les  conditions 
et  la  port^e  de  la  demonstration  de  VON  NEUMANN,  comme  il  avait,  autrefois, 
montrd  les  hypotheses  implicites  qui  grevaient  celle  de  LAPLACE  sur  la  vitesse 
de  la  gravitation.  II  est  vraisemblable  que  les  vues  actuelles  de  M.  L.  DE  BROGUE, 


188  QUATRIEME   PARTIE. 

comme  celles  d'EiNSTEiN  ou  de  SCIIIKJDINGER  vonl  plus  que  les  autres  dans  le 
sens  de  POINCARE. 

D'ime  mani&re  g6ne"rale,  done,  si,  dans  le  premier  enthousiasme  d'une  iiou- 
velle  exeg&se,  certains  ont  pu  declarer  que  les  positions  de  La  Valeur  de  la 
Science  (HaienU  d<3pass£es,  que  la  Relativity  generate  condamnait  Fespace 
euclidien,  la  M^canique  ondulatoire,  le  dtHerminisme  ot  Fexplication  mecanique, 
une  critique  plus  reflechie  et  moins  enthousiaste  montrc  an  contraire  combien 
les  vues  de  PoiNC.uifi  ^taient  soiides. 

II  esl,  par  contre,  un  point  sur  lequd.  on  serait  tente,  an  premier  abord,  de 
fairo  quclques  objections  a  Henri  POINCARK;  c'estce  quej'ai  appelti  toutaFlieure 
son  optimisme  rationaliste. 

Arrivons-nous  a  donner  une  forme  precise  ct  definitive  a  ces  considerations 
d'invariance,  de  continuity,  de  simplicity,  de  relativity,  de  rationality  an  sens 
le  plus  large  et  le  plus  pragmatique,  a  ces  principes  g6n£raux  quiguident  notre 
choix  entre  les  theories  et  fondent  F&ventuelle  unit6  de  la  Science  ? 

Henri  POINCARB  lui-m£me  a  longuement  analyst  ce  qu'il  nommait  «  la  crise 
des  principes  »  et  en  a  montr6,  a  son  6poque,  la  gravitd,  mais  il  parait  avoir  eu 
toute  confiance  en  Favenir  pour  retablir  Fordre  et  Funit^  rationnelle  dans  la 
Science,  et  sans  doute  a-t-il  (He  confirm^  en  bien  des  points  par  cette  refonte 
totale  qu'il  appelait  et  pnSvoyait  :  la  thdorie  relativiste. 

Mais  bien  des  irrationnels  demeurent  et  se  sont  m6me  ajout6s.  Surlout, 
c'est  la  notion  m^me  de  rationality  qui  chancelle.  Le  grave,  ce  n'est  pas  le 
conilit  de  nos  d6sirs  et  de  Fexp^rience,  ou  MEYERSON  voyait  le  drame  (5pist6mo- 
logique,  c'est  que  nous  ne  savons  plus  bien  ce  que  nous  d^sirons  et  que  la 
raison,  a  force  d'etre  plastique,  devient  insaisissable. 

La  Science  a  pris  de  nos  jours  Faspect  d'un  immense  chantier  et,  sous  tant 
d'(5chafaudages  disperses,  comment  deviner  si  un  Edifice  unique  et  defmitif 
s'^tablira  bientot? 

Par  exemple,  nous  sommes  obliges  de  convenir  que,  si  Finterpr6lation 
ontologique  d'un  espace-temps  incurv6,  au  sens  riemannien,  ne  s'impose  pas 
logiquement,  on  ne  peut  dire  inversement  que  la  simplicity  de  Fhypoth&se 
euclidienne  rende  celle-ci  universellement  preferable  et  pratiquement  in6bran- 
lable,  et  sur  ce  point  H.  POINCARE  s'est  sans  doute  un  peu  avanc£.  L'enthousiasme 
m^me  avec  lequel  beaucoup  de  jeunes  physiciens  et  quelques  philosophes 
avertis  ont  cru  voir  dans  Femploi  d'un  ds*  non  euclidien  etdans  la  substitution 


MANIFESTATIONS  EN   PROVINCE   EN   MAI    ig54.  189 

d'une  application  g£om6trique,  par  inertie  g6ntiralis6e,  a  une  explication  phy- 
sique par  Faction  des  forces,  un  progr&s  extraordinaire  de  Fintelligence  et  un 
type  nouveau  et  d6finitif  de  rationality  montre  que  la  simplicity,  la  rationality 
d'une  hypoth&se  sont  des  notions  bien  fragiles  et  que  la  conscience  des  prin- 
cipes  intellectuels  est  aussi  incertaine  que  la  conscience  morale.  II  y  a  certai- 
nement  beaucoup  d'illusion  dans  cet  enthousiasme  et  1'on  s'etonnera  sans 
doute  un  jour  qu'un  philosophe  aussi  profond  qu'inform^  ait  vu  dans  la  Rela- 
tivite'  gt5n£rale  la  solution  definitive  du  probl&me  de  Faction  physique  et  du 
probl&me  cosmologique,  et  FEvangile  du  dernier  age  de  Fintelligence,  comme 
nous  nous  eHonnons  des  espoirs  de  REN  AN,  il  y  a  un  si&cle,  lorsqu'il  croyait 
atteindre  par  la  philologid  Forigine  des  croyances  humaines,  le  secret  de  Fesprii 
liumain  et  la  promesse  de  Fesprit  futur.  Mais  le  fait  n'en  est  pas  moins  instruc- 
tif,  car  il  nous  montre  la  relativity  de  nos  principes  rationnels  el  de  notre 
esth^tique  intellectuelle. 

INFELD  pretend  que  nul  math^maticien  n'hgsitera,  du  point  de  vue  rationnel, 
entre  un  Univers  sph^rique  etun  Univers  euclidien  et  qu'il  choisira  le  premier. 
Je  crains  bien  que  cettc  preference  toute  parm^nid^enne  ne  soit  un  peu  affaire 
de  mode,  et  qu'en  Lout  cas  elle  s'applique  mal  a  FUnivers  elliptique,  commu- 
n^ment  admis,  mais  il  est  clair  que  Faffirmation  inverse  de  PoiNCARfi  n'est  pas 
plus  decisive.  Est-il  un  exemple  plus  significatif  a  ce  sujet  que  celui  de  la 
constante  cosmologique  qu'EiNSTEiN  avait  d'abord  introduite  dans  sa  loi  de 
gravitation  el  qu'il  a  abandonee  comme  irrationnelle  d&s  que  les  travaux  de 
FRIEDMANN  et  de  LBMAITRK  lo  lui  ont  permis.  Pendant  ce  temps,  EDDINGTON  eL 
d'autres  grands  savants  se  refusaient  6nergiquement  a  un  Lei  abandon,  la 
Constance  cosmologique  correspondant  a  leurs  yeux  a  ce  qu'il  y  a  de  plus  pro- 
fond  et  de  plus  rationnel  dans  la  th^orie. 

Nous  vivons  a  une  6poque  singuli^re  ou  les  statues  les  plus  v6n6rables  sont 
abattues  ou  se  fendent  d'elles-m6mes,  dans  la  Science  comme  dans  les  arts. 

Le  principe  de  conservation  de  F&nergie,  en  absorbant  celui  de  conservation 
de  la  masse,  en  s'adjoignant  celui  de  conservation  du  moment  cin(itique,  sem- 
blait  avoir  conquis  la  place  supreme,  et  symbolisait  le  d^sir  d'invariance  qui 
caract(5rise  Fesprit;  des  hypotheses  comme  celle  de  BOHR,  KRAMERS  et  SLATERS, 
qui  le  meltaient  en  d^faut  dans  des  circonstances  tr&s  particuli&res  et  tr&s 
provisoires,  n'avaient  pas  £t6  retenues  par  leurs  auteurs;  et  voici  que  des 
cosmologistes  comme  HOYLE  et  d'autres  proposent  comme  une  chose  naturellc 
une  creation  continue  d'^nergie  et  de  mature,  sans  se  croire  obliges  d'en 


jgo  QUATRIEME   PARTIE. 

ciser  les  conditions  et  les  causes,  simplemenl  parce  qu'ils  ont  besoin  de  ce 
terme  pour  maintenir  une  uniformity  locale  au  cours  de  Fexpansion  de 
1'Univers. 

Ce  n'est  pas  le  seul  cas  ou,  apres  avoir  rdduit  un  principe  a  exprimer  une 
exigence  de  1'esprit,  un  parti  pris  d'interpretation  des  ph6nome-nes,  au  prix 
d'un  nombre  suffisant  d'hypoth&ses  accessoires,  nous  en  arrivons  a  nous 
demander  si  nous  y  tenons  tellement.  Pendant  longtemps  on  a  consider^  comme 
exprimant  une  exigence  fondanientale  de  la  raison  le  principe  de  NJRRNST, 
suivant  lequel  une  theorie  satisfaisante  de  1'Univers  doit  rendre  possible  et 
m6me  pr^visible  le  retour  eternel,  si  bien  qu'a  un  Univers  historique,  jouant 
sa  desiin^e  une  seule  fois  a  partir  d'une  seule  origine",  comme  celui  delapens6e 
chr^tienne,  s'opposerait  un  Univers  cyclique,  conforme  a  ce  genre  d'<Hernit6 
dans  le  renouvellementqui  etait  famili^re  aux  Grecs.  Etc'est  ce  dernier  Univers 
que  la  Science,  pr^tendait-on,  a  naturellement  pour  ideal,  la  raison  r^clamant 
la  reversibility,  comme  dit  MEYBRSON.  Les  cosmologies  traditionnelles  s'effor- 
gaient  done,  sans  grand  succ6s  d'ailleurs,  par  1'artifice  statistique  des  fluctua- 
tions ou  par  quelque  autre  comme  le  r&ve  d'un  temps  ferm£,  de  trouver  une 
gen&se  de  1'Univers,  a  partir  d'un  etat  indiff6renci(^,  destin6  a  se  r6g^n<5rer  lui- 
m6me.  Comment  tourner  le  principe  de  CARNOT,  tel  <^tait  leprobl^me,  Mais  que 
d£sirons-nous  au  juste  aujourd'hui  ?  En  fait,  cet  antihistorisme,  cet  anticr^a- 
tionnisme  s'appuyait  sur  une  image  du  temps  et  de  1'espace  homogtines,  ind6- 
finis,  illimit^s,  mais,  celle-ci  abolie  ou  pouvant  1'eHre,  nous  sommes  en  face 
d'un  conseil  sans  grand  fondement  theforique  et  qui,  chose  grave,  n'est  m6me 
plus  a  la  mode.  Aussi  voyons-nous  surgir  des  univers  non  statiques,  en  expan- 
sion, et  des  cosmologies  pseudo-cr^ationnistes, 

Le  principe  m6me  de  raison  suffisante  est  traits  avec  d^sinvolture,  sinon 
dans  son  6nonc6  gt§n£ral,  au  moiris  dans  les  formes  particuli&res  qui  seules  lui 
donnent  un  int^r<5t  pratique.  La  simple  position  temporelle  ne  pouvait  autrefois 
alt^rer  la  marche  d'une  horloge,  etnous  consid^rons  comme  possibles  des  effets 
de  vieillissement,  en  nous  contentant  d'une  Equivalence  des  moments  du  temps 
quant  aux  perspectives  temporelles,  et  encore  I  Nous  ne  jugeons  pas  absurde, 
a  priori,  que  deux  ph£nom&nes  isol^s,  de  nature  diflferente,  soient  synchron.es 
a  Torigine  et  cessent  ult^rieurement  de  1'dtre,  comme  il  se  passe  dans  la  theorie 
de  MILNEU 

Quant  au  principe  de  continuity,  il  subsiste  en  ce  sens  que  la  M^camque 
oudulatoire  est  un  artifice  pour  concilier  la  continuity  de  nos  m^thodes  math.3- 


MANIFESTATIONS   EN   PROVINCE   EN   MAI    igS/f.  19 1 

the'matiques  avec  la  discontinuity  des  faits  physiques  ele'mentaires,  mais  il 
ce'derait  aise'ment  si  nous  trouvions  un  langage  mathematique  simple  exprimanl 
commode'nient  une  discontinuity  de  1'espace  et  du  temps,  qui  determinerait 
toutes  les  discontinues  proprement  physiques. 

Le  principe  m6me  de  simplicite  est  a  bien  dcs  egards  une  exigence  nalurelle 
de  1'esprit,  soit  qu'on  1'interprete  a  la  maniere  de  MACII  comme  visant  a  une 
simple  e'conomie  de  pensee,  soit  qu'on  lui  donne  une  signification  esthetique 
ou  m&me  me'tapliysique,  qu'on  en  fasse  une  perfection  au  sens  leibnizien.  Mais 
cette  simplicity  est  une  notion  bien  fragile,  elle  depend  en  general  de  Tetat  de 
notre  langage  mathematique,  qui  se  modifie  perpetuellement,  parfois  de  simples 
conventions  d'e'criture  (les  conventions  d'emploi  des  indices,  notamment  les 
indices  muets,  pour  les  tenseurs  ont  e"te  de  nos  jours  aussi  fecondes  que  celles 
de  DESCARTES  pour  la  notation  des  variables)  et  aussi  de  certaines  exigences  de 
rigueur. 

Si  bien  qu'il  y  a  un  r6sullat  assez  paradoxal,  c'est  que  le  plus  solide  parmi 
les  principes  dont  le  contenu  est  assez  pre'cis  pour  6tre  efficace,  c'est  le  prin- 
cipe de  relativit6,  auquel  Henri  POINGARE  attachait  d'ailleurs  un  prix  tout 
particulier,  mais  qu'il  est  bien  difficile  de  conside'rer  comme  propremenl 
rationnel.  S'il  s'agit  de  la  relativity  de  la  position  spatiotemporelle,  nous 
sommes  en  face  d'un  principe  d'e'qui valence  des  origines  spatiotemporelles, 
d'une  homoge'ne'ite',  au  sens  r6duit,  de  1'espace  et  du  temps,  telle  que  nous  la 
trouvons,  par  exemple,  proclame"e  par  MILNE  sous  le  nom  de  principe  cosmo- 
logique,  et  admise  en  fait  a  peu  pres  universellemenL  S'il  s'agit  de  la  relativite 
de  la  grandeur,  la  solution  est  moms  e>idente,  puisque  ce  principe  qui  ne 
vaut  que  pour  les  proprie'te's  purement  ge'ome'triques,  dans  un  espace  admettant 
des  figures  semblables,  risque  fort  d'etre  mis  en  d(5faut  dans  un  Univers  a 
rayon  fini,  ou  s'introduit  une  unite'  absolue  de  longueur,  et  peut-e"tre  m6me 
e'ventuellement  une  p^riode  temporelle  finie.  Quant  a  la  relativity  du  mou- 
vement,  la  signification  n'en  est  plus  tres  claire.  Autrefois,  en  effet,  elle  c^tait 
li^e  a  un  proc^de'  g^nt^ral  de  description  du  monde  suivant  lequel  le  mouvement 
purement  ge'om6trique  ne  pouvait  alte'rer  aucune  grandeur  ni  aucune  force, 
toute  variation  apparente  exigeant  1'intervention  de  forces  et  de  causes  nou- 
velles  proprement  physiques,  a  substrat  et  a  nie'canisme  mate'riels,  susceptibles 
d'etre  mis  en  evidence  par  1'expe'rience.  Or,  sous  cette  forme,  le  principe  ne 
joue  plus  et  est  remplace'  par  un  principe  de  reciprocity  des  apparences  et 
d 'equivalence  des  systemes  de  r^fe'rence,  valable  seulement  pour  le  mouvement 


1 92  QUATR1EME   PARTIE. 

uniforme  relalif,  et  il  eslsolidaire  d'une  affirmation  proprement  experimental  : 
il  esl  impossible  de  mettre  en  Evidence  le  mouvement  absolu  uniforme.  Et  sans 
doute,  avant  me"me  les  experiences  de  MICIIELSON  ou  de  THOUTON  et  NOBLE,  on 
s'attendait  a  ce  qu'il  fut  verifie,  mais  sans  pouvoir  dire  exactement  pourquoi. 
Par  ailleurs,  il  ne  saurait  £tre  dementi,  puisque  tout  mouvement  mis  en  Evi- 
dence pourrait  &tre  consider^  comme  relatif  non  a  Fespace,  mais  a  Father 
(quelque  nom  qu'on  lui  donne),  ou  a  Fensemble  des  masses  materielles.  Enfin, 
si  Fon  accepte  des  accelerations  absolues  d'une  part,  des  grandeurs  absolues  de 
Pautre,  on  voit  mal  pourquoi  la  Raisonimposeraitla  relalivite  des  mouvements 
imiformes.  II  s'agit  done  la,  semble-L-il,  d'un  principe  empirique  de  meTne 
nature  que  Fegale  vitesse  de  la  lumiere  et  de  la  gravitation  ou  du  caractere  de 
limite  de  celte  vitesse.  Le  plus  curie  ux  est  qu'il  reussisse  ! 

On  comprend  done  comment  bcaucoup  de  savants  peuvent  aujourd'hui  se 
desinteresser  dans  une  certaine  mesure  et  sans  doute  provisoirement  de  Funite 
ralionnelle  de  la  Science  et  peuvent  completer,  retoucher,  transformer  leurs 
formules  sans  un  souci  excessif  des  exigences  theoriques  ou  m^me  d'une  cohe- 
rence logique  rigoureuse.  Us  remettent  a  plus  tard  les  syntheses  harmonieuses, 
sans  e"tre  tout  a  fait  surs  qu'elles  soient  possibles.  Ce  sonl  des  pragmatistes  et 
des  ingenieurs  en  theorie  physique. 

Nous  pouvons  done  conclure  sur  ce  point,  en  disant  que,  provisoirement,  la 
crise  des  principes  continue  et  que  dans  la  peiisee  quelque  pen  antithetique  de 
PoiNCARfi  le  theme  de  Inequivalence  des  theories  Femporte  son  vent  sur  celui  de 
la  raison  unificatrice. 

Si  maintenant,  cessant  de  nous  interroger  sur  la  raison  scientifique,  nous 
passons  au  theme  de  la  valeur  de  la  Science,  de  larealite  objective  de  la  thtforie 
physique,  nous  sommes  en  presence  d'une  sorte  de  paradoxe  lie  au  progres  de 
la  Science. 

D'une  part,  les  theories  physiques  sont  de  plus  en  plus  precises,  de  plus  en 
plus  profondes,  et  se  verifient  en  leurs  moindres  details,  au  moins  dans  les  cas 
favorables.  Ge  n'estpasseulement  Fexistence  des  atomes  ou  des  electrons,  rnais 
les  particularity  memes  des  structures  de  Fatome  ou  de  la  molecule,  que  les 
anciens  chimistes  jugeaient  souvent  purement  allegoriques,  qui  apparaissent 
comme  figurant  la  realite  r  non  seulement  Fatome  de  BOHR,  mais  le  carbone 
tetraedrique  avec  ses  angles  caracteristiques,  les  chaines  de  valences  de  la 
Chimie,  les  liaisons  moleculaires  avec  leur  etalement  plan,  correspondent,  au- 


MANIFESTATIONS   EN   PROVINCE   EN   MAI    1964.  rg3 

dela  de  toute  esperance,  a  une  rt5alit£  experimental .  Les  formes  de  nos 
sch^mas  traduisent  bien,  dans  certaines  conditions  d'observation,  les  formes 
m£mes  de  la  Nature. 

Mais,  d'autre  part,  jamais  nous  ne  nous  sommes  sends  aussi  loin  d'atteindre 
les  elements  des  choses  et  1'intelligence  profonde  de  la  Nature.  La  correspon- 
dance  entre  les  formes  est  certaine,  mais  ce  qui  se  dispose  suivant  ces  formes 
est  irrepr^sentable,  la  substance  du  rttelnous  echappe  et  1'on  se  demande  m6me 
si  ce  mot  a  un  sens  :  il  y  a  des  variables  dont  la  nature  physique  nous  est 
inconnue  et  dont  nous  ne  saisissons  que  les  distributions  spatiales  et  les  varia- 
tions de  grandeur;  et  c'est  en  ce  sens  que  1'on  a  puparler  d'unretourau  pytha- 
gorisme  par-del&  le  cart^sianisme;  la  substance  des  £tres  physiques  devient 
purement  mathe'matique,  c'est-a-dire  qu'elle  disparait.  Tout  element  simple 
requiert  une  structure  complexe  et  ainsi  a  1'infmi,  et  cliaque  d<Herminisme 
reclame  un  infrad6terminisme.  On  dirait  que  nous  transportons  avec  nous  une 
loi  d'intelligence  des  faits  qui  nous  oblige  a  refaire  Finconnu  avec  du  connu, 
qui,  a  son  tour,  devra  6tre  refait  avec  un  autre  inconnu,  imite  de  lui-m£me,  et 
nous  savons  bien  que  ce  ne  sont  la  que  des  images  virtuelles,  projet^es  dans 
une  suite  de  miroirs  et  que  ce  qui  est  au  fond  de  F  experience  ne  ressemble 
efFectivement  pas  a  celle-ci.  On  a  m£me  pu  nier  que  cette  re"alit6  fut  une  chose 
d(Hermin($e,  ce  qui  la  rend  presque  impensable  physiquemeiit. 

Rien  en  tout  cela  qui  puisse  surprendre  ou  e'mouvoir  Henri  POINCARE,  car  les 
explications  intuitives  ne  le  touchent  que  mddiocremcnt  et  il  parle  avec  quelque 
de"dain  de  ceux  qui  veulent  faire  ^prouver  a  Dieu  devant  les  atomes  les  senti- 
ments d7un  joueur  de  billard  devant  ses  boules.  Son  relativisme  se  satisfait 
d'une  connaissance  purement  formelle,  pourvu  que  cette  forme  s'exprime 
math^mathiquement,  car  elle  est  encore  foncitirement  rationnelle  et  resume 
inline  toute  la  rationality  possible  du  monde. 

II  nous  faut  done,  pour  finir,  consid^rer  ce  qu'on  peut  appelcr  le  matb^ma- 
tisme  de  POINCAR£  et  chercher  d?abord  si  les  proc6d£s  monies  de  la  construction 
math^matique  actaellement  utilis^e  par  les  sciences  physiques  nous  satisfont 
enticement;  en  second  lieu,  si  la  math6matique  a  gard6  ce  prestige  de  ratio- 
nality cette  signification  spirituello  que  lui  attribuaient  un  PLA.TON,  un 
DESCARTES  et  m^me  un  KANT. 

Le  math&matisme .  —  Le  premier  point  donne  beaucoup  £  r6fl£chir.  En 
effct,  si  1'efficience  de  nos  sch^mas  math^matiques  s'est  ^trangement  accrue,  si 
H,  P.  25 


ig/j  QUATRIEME   PARTIE. 

des  correspondances,  des  symetries  formelles  ueuves  el  profondes  donnent  a 
certaines  theories  une  beaule  extreme  et  sunt  line  juie  extraordinaire  pour 
1'esprit,  cette  joie  n'esl  cependant  pas  sans  melange.  D'abord  parce  que  les 
moindres  equations  sont  desormais  a  pen  pres  insolubles  autrement  que  par 
drs  methodes  d'approxiuiations  el  cle  perturbations;  mais  cela  ne  fait  a  vrai 
dire  que  generalise!*  une  diffimlle  classique  et  nous  est  une  occasion  d'admirer, 
une  fois  de  plus,  combien  la  Nature  se  soucie  pen  des  diffieultcs  analytiques 
[suivant  le  mot  qu'on  prete  tanlot  a  FHKSNKI,  et  lantot  a  FOUHIKR],  et  comme 
elle  resout  aisemenl  le  probleiue  des  //  corps  tit  les  equations  de  SCHRODLNGKK. 
Ge  qui  est  plus  grave,  c'est  que  nous  n'a\ons  plus  de  methodes  generates 
directes,  naturelles,  pour  ecrire  ces  equations,  et  c'est  en  ce  sens  que  le  reve 
de  DESCARTES,  si  profondement  qu'il  traduise  Tintention  de  1'esprit  humain, 
n'est  guere  en  voie  de  se  re^aliser,  et  Ton  a  pu  parler  avec  raison  d'une  episte'- 
mologie  non  cartesienne.  Loin  de  partir  de  quelques  idt5es  claires,  et  d'en 
determiner  directement  les  lois  exacles,  individualists,  nous  partons  de 
variables  a  sens  indetermine  etnous  les  enserrons  dans  des  r^seaux  de  formules 
elles-m^mes  partiellement  indeterm inches,  et  de  sens  indetermine'.  C'est  ainsi 
qu'en  Relativity  g(5nt5rale,  nous  cbercbons  par  tatonnements  un  ds-  qui  se  plie 
aux  Equations  d'EixsTEix,  et  qui  redonne,  en  premiere  approximation,  les  forces 
cle  NEWTOX.  Est-il  m6me  bien  satisfaisant  de  mettre  au  premier  plan  des  Equa- 
tions aux  dt^rivees  partielles,  complt^t^es  par  certaines  conditions  aux  limites, 
qui  ne  decrivent  pas  directement  les  phenom^nes,  mais  constituent  plutot  une 
forme  generate,  dont  le  sens  physique  est  sans  doute  moins  clair  intuili- 
vement  que  celui  de  la  loi  de  LAPLACE~POISSOX  ? 

De  m6me,  en  th^orie  quantique,  nous  avons  bien  une  m6thode  pour  trans- 
former c\  Paide  de  certains  operateurs  les  hamill^oniens  classiques  et  entirer  les 
equations  d'ondes.  Mais  njest~il  pas  singulier  qu7on  doive  partir  des  expressions 
d'une  Me"canique  et  d'une  Physique  traditionnelles,  dont  on  rejettera  ensuite 
les  concepts  les  plus  fondamentanx  :  on  aimerait  arriver  au  vrai  autrement  que 
par  le  faux.  Par  ailleurs,  ces  transformations  sont  difficiles  a  interpre'ler,  ne 
serait-ce  que  par  Pusage  qu'on  y  fait  des  operateurs  complexes.  Dans  le  choix 
des  solutions  e^fmentaires,  et  surtout  dans  celui  des  combinaisons  Iin6aires 
applicables  aux  ph6noni6nes,  il  y  a  bien  du  conventionnel ;  le  sens  physique 
m^me  des  fonctions  d^ondes,  et  surtout  de  l'6l£ment  proprement  sinusoidal, 
pose  bien  des  probl&mes.  Si  bien  que  la  MtScanique  ondulatoire  constitue  un 
pen  nn  miracle  ^pist^rnologique  perp^tuel,  qui  a  certainement  un  sens,  mais 


MANIFESTATIONS   EN   PROVINCE   EN  MAI    ig54.  19$ 

encore  obscur.  Les  efforts  monies  qui  sont  fails  incessamment  pour  substituer 
aux  equations  d'ondes  classiques  des  equations  d'ordre  suptSrieur,  toutes  les 
variantes  que  Ton  en  conslruit  par  tatonnements  et  complications  successives 
montrent  assez  que  1'edifice  actuel  n'est  pas  considere  comme  realisant,  m6me 
de  loin,  un  ideal  rationnel  definitif. 

Assurement,  il  ne  s'agit  ici  que  d'une  science  en  construction,  et  peut-6lre 
1'avenir  nous  el6vera-t-il  un  edifice  plus  conforme  a  notre  ideal  traditionnel  de 
la  raison  et  a  ses  vieilles  proportions,  et  je  le  croirais  volontiers. 

Assurement  aussi,  nous  pouvons  fairc  contre  mauvaise  fortune  bon  cceur,  et 
<Sriger  en  lois  de  la  .raison  nos  propres  deceptions.  Quelques  formulesy  suffisent 
parfois  :  pourquoi  n'opposerions-nous  pas,  par  exemple,  a  la  methode  cart<5- 
sienne,  ou  1'on  superpose  progressivement  des  id£es  simples  et  vraies,  comme 
ces  architectes  qui  construisent  des  Edifices  en  pierres  de  taille  en  hissant 
celles-ci,  1'une  apr£s  1'autre,  grace  a  un  elevateur  assis  sur  la  partie  deja 
construite,  une  methode  nouvelle,  qu'on  pourrait  appeler  celle  du  ciment  arme, 
celle  ou  1'on  uliliserait  les  theories  classiques  comme  un  coffrage  a  couler  le 
be  ton  ?  Apr&s  quoi  on  enl£ve  le  coffrage  et  1'architecture  definitive  apparait. 

De  m^me,  il  suffirait  de  proclamer  avec  energie  que  toute  force  doit,  a  partir 
d7une  certaine  distance,  se  transformer  en  une  force  de  sens  oppose,  avec  un 
etat  d'equilibre  median,  et  d'en  faire  un  principe  dialectique,  empliatiquement 
profere,  et  erige  en  dogme,  pour  que  ce  qui  semblait  paradoxal  devint  1'image 
m^me  de  la  raison  :  on  choisirait  sjstetnatiquement  des  lois  de  force  dualistes, 
ou  la  force  primitive  se  renverserait,  ce  qui  eviterait  des  forces  supplementaires. 
De  m^me  que  la  repulsion  cosmique,  avec  certains  ds^,  apparait  dans  le  prolon- 
gement  de  1'attraction  gravifique,  une  repulsion  an  contact  pourrait  egalement 
apparaitre,  et  1'impenetrabilite  ne  serait  plus,  a  son  tour,  que  1'envers  de  la 
gravitation,  et  la  valeur  de  tout  cela  dependrait  d'un  accident  du  langage 
mathematique,  d'une  heureuse  invention  (1).  Peut-^tre  arriverons-nous  ainsi  a 
rationaliser,  ou  si  1'on  veut  a  deguiser  sous  une  expression  rationnelle,  la  pre- 
vision la  plus  inaccep table  en  apparence  :  celle  d'un  arr6t  progressif  des 
phenom^nes  au  bout  d'un  temps  fini,  et  un  renversement  du  devenir,  par 
retournement  des  conditions  finales,  rien  n'etant  change  dans  les  lois  locales 


(x)  La  transformation  tensorielle  du  champ  61ectromagn6tique,  permetlant  de  g6om6triser 
F^lectrodynamique  des  corps  en  mouvement,  correspond  ^  un  precede"  quelque  peu  homologue, 
qui  introduit  par  ailleurs  des  difficulte's  epist6mologiques  du  m6me  ordre  que  la  th£orie 
newtonienne  des  actions  &  distance. 


196  QUATRIEME    PARTIE. 

apparentes.  Cela  supposerait  un  temps  forme  et  coining  circulaire,  donl  le 
lemps  experimental  no  serait  qu'une  projection  diametrale;  mais,  jusqu'ici, 
nous  n'arrivons  jjjuero  a  definir  le  sens  ellectif  d'une  hypothec  do  ce  genre,  ni 
la  nature  d'une  telle  projection. 

Tout  cela  est  ires  Lien,  mais  nous  aimeriuns  tout  de  me"  me  mieux  construire 
les  phe"nomenes  et  leurs  lois  directement,  intrinsequement,  de  proche  en 
proclie,  et,  si  une  theorie  nous  permeliait  cle  le  laire,  nous  nous  precipiterions 
sur  elle.  II  y  a  des  femmes  quo  Ton  n'aime  que  par  depit,  et  si  une  autre  revient, 
et  est  libre,  on  pent  parier  pour  un  divorce.  De  meme  si  1'interdiction  de  PAULI 
on  1'equalion  de  SCHRODINGER  pouvaient  elre  justifies  par  des  raisons  de  forme 
classique,  en  partant  d'hypoth&ses  sur  une  structure  infra e'le'mentaire,  qui  ne 
s?en  rejouirait,  et  qui  pre'fe'rerait  conserver  comnie  axiomes  ultimes  les  formes 
acluelles  ?  L'e'piste'mologiste  ne  doit  pas  s'inspirer  a  I'oxcfes  de  fables  trop 
conmies,  comme  celle  du  Renard  et  des  raisins,  ou  du  Renard  a  la  queue 
cou pee. 

Reste  le  second  probl&me  :  une  mathematisatioii  acheve'e  nous  permettrait- 
elle  de  «  penser  )>  TUnivers  d'une  mani(jre  totalement  rationnelle  et  nous  dis- 
penserait-elle  de  toute  autre  recherche.  ATous  devons  ici  prdciser  certains  aspects 
de  la  pens('4e  de  PorNCARfi  lui-mt'me. 

Quant  on  prononce  son  nom,  on  songe  aussilot  au  raisonnement  par  recur- 
rence, donl  trop  d^tudiants  lui  attribuent  1'invention,  ou  dont  ils  font  trop 
souvent  runique  raisonnement  des  mathe'matiques.  Ce  qui  est  certain,  c'est 
que  PoiNOARfi  a  mis  en  lumi^re  Paspect  essentiel,  irre'ductible,  par  lequell'infini 
s'introduit  en  Math(5matiques  et  par  ou  le  mot  tons,  naturellement  indefini, 
exprime  spe"cifiquement  1'infini  nurnerique.  II  le  cousiderait  comme  une  ve'rite' 
intuitive,  alors  que  les  axiomaticiens  en  font  un  postulat  formel,  en  apparence 
semblable  aux  autres ;  mais  ce  n'est  pas  un  hasard  si,  m^ine  de  ce  point  de  vue, 
c'est  sur  lui  qu'^chouent  les  demonstrations  de  non-contradiction,  si  c'est  lui 
qui  figure  Finfini  sous  sa  forme  exhaustive  et  si  1'on  ne  peut  le  justifier  qu'en 
se  donnant  une  intuition  mathe'malique  e'quivalonte  a  celle  de  la  suite  des 
iiombres  naturals. 

Mais  le  point  qui  nous  touche  est  de  savoir  si  la  logicisation  actuelle  des 
Math^matiques  leur  laisse  tout  leur  prestige  de  rationalite*. 

Henri  PoiNCARfe  s'est  occup6  a  diverses  reprises  de  cette  question,  sans  for- 
muler  &  ce  sujet  une  doctrine  syst^matique.  II  a  plutdt  caracte'rise'  des  attitudes 


MANIFESTATIONS  EN   PROVINCE   EN   MAI    ig54.  197 

et  indique  ses  preferences.  11  n'est  cerlainement  pas  tres  favorable  a  la 
reconstruction  purement  logique  dcs  Mathematiques,  y  compris  1'Arithmetique, 
telle  qu'elle  avail  £te  entreprise  a  son  epoque  par  FREGE,  SCHRODER,  PEANO, 
RUSSELL,  d'abord  parcc  qu'il  y  presscnt  des  appels  dissimules  a  Fmtuition, 
notammenl  dans  la  definition  du  norabre  naturel,  ensuite  parce  que  la  mise  en 
forme  puremenl  logique,  pour  convaincante  qu'elle  soil,  laissc  echapper 
quelque  chose  d'essenliel,  qu'exprime  par  example  1'opposition  entre  verifi- 
cation et  demonstration  proprement  dite  :  la  signification  rationnelle  des 
enonces,  la  realite  mathemalique  au  sens  fort. 

On  irail,  je  crois,  dans  le  sens  de  sa  pensee  en  disant  que  le  logicien  est 
com  me  1'ingenieur  qui  cxplique  par  quels  concours  de  forces  mecaniques  et 
suivant  quelles  lois  une  cathedrale  ticnt  debout,  mais  qui  neglige  Hdee  qu'elle 
represcntc,  sa  signification  religieuse  ou  esthetique.  De  meme  les  mathema- 
tiques  ne  sont  pas  un  simple  calcul  logique,  mais  un  edifice  rationnel,  corres- 
pondant  a  des  idees. 

Tel  est  bien,  semble-t-il,  1'arriere-pensee  de  beaucoup  de  grands  mathema- 
ticiens,  mais  il  n'est,  pas  facile  d'expliciter  cette  intention  idealiste,  de  dire  en 
quoi  consisle  cetle  realite  au-dela  du  logique  :  les  uns  se  referent  a  1'usage 
intuitif  et  physique  qu'on  pent  faire  des  notions  abstraites,  d'autres  a  la  per- 
fection formelle  de  cerlaines  notions,  a  la  «  fermelure  »  de  certains  systemes 
d'etres,  et  a  la  possibilite  d'une  classification  naturelle  des  objets  matbema- 
tiques,  d'autres  a  certaines  apparences  dialectiques,  a  un  certain  rythme 
methodologique,  a  des  antitheses  de  m6thodes  et  de  proprietes  qui  se  retrouvent 
dans  les  doniaines  les  plus  divers,  d'autres  enfin  a  1'existence  d:un  domaine 
privilegie,  celui  des  nombres  naturels  ou  celui  des  ensembles  intuitifs,  a  1'inte- 
rieur  duquel  on  tente  de  «  realiser  »  toutes  les  constructions  axiomatiques. 
Henri  PoiNCARfi  est  malheureusement  demeure  tres  discret  et  tres  prudent  sur 
ce  point,  m£me  dans  ses  expressions ;  il  semble  que  la  realite  a  laquelle  il  songe 
soit  d'ordre  arithmetique  d'une  part,  d'ordre  esthetique  plutot  que  metaphy- 
sique  de  1'autre.  II  n'a  pas  explique  en  quel  sens  les  ma  them  a  tiques,  parce 
qu'elles  exprirnent  une  certaine  realite,  peuvent  rendre  foncierement  intelli- 
gible une  Nature,  alors  m^me  qu'elles  n'en  figurent  rationnellement  que  les 
rapports 

Le  problemerestetoujours  vivant:  mais  il  semble  que,  depuis  un  demi-siecle, 
1'accent  ait  ete  mis  sur  le  formalisme,  surlapreuve  des  enonces,  par  verification 
purement  logique ,  et  que,  bon  gre  mal  gr6,  les  Mathematiques  se  presentent 


I  $8  QUATRIEME  PARTIE. 

comme  une  rombimitoire  puremeut  formelle,  un  calcul  ({'expressions  symbo- 
liques,  ayant  uniquemenl  pour  sens  les  rifles  op^ratoires  qui  en  permettent  les 
transformations.  Elles  sont  une  eybernelique  de  symboles,  ou  si  Ton  veut  un 
immense  jeu  d'echecs,  dont  Festhelique  ne  serait  pas  d'une  autre  nature  que 
celles  cle  cos  parties  dont  les  commentateurs  exaltent  lyriquement  la  beaute  et 
les  initiatives  gtiniales.  Au  fond  c'est  un  relour  a  la  conception  de  HOBBES. 

Dans  ces  conditions,  comment  s'appliquent-elles  an  inonde  ?  Elles  sont  une 
sorle  de  panlin  meeanique,  merveilleusement  articule  et  complique,  dont  les 
gosles  miinent  et  permettent  de  prevail*  ceux  des  (Hres  reels,  c'est  un  immense 
schema  imitafif,  que  Ton  pent  revelir  d'intuitions,  ce  qui  lui  donne  une  appa- 
rence  plus  vivante,  mais  qui  n'exprime  pas  une  emprise  originale  de  1'esprit 
sur  la  realite,  qui  ne  rationalise  pas  autremenl  la  Nature  que  les  sch^mas  du 
mecanisme  traditionnel.  On  fait  un  dessin,  un  module  des  ^v^nements  phy- 
siques avec  des  mots  ou  des  variables,  avec  des  phrases  et  des  Equations,  comme 
on  en  taistui  avec  des  liges  articulees  ou  des  fils  elastiques.  Logiciser  n'est  pas 
rationaliser  au  sens  fort  et  les  neonominalistes  contemporains  croiraient 
ais^ment  que  ce  dernier  niot  n'a  aucun  sens. 

Bien  entendu,  toutle  probleme  de  Pesprit  et  de  PaclivittS  crt^atrice  et  inter- 
pre^tatrice  des  MalhtSmatiques  demeure,  mais  il  est  au-dela  d?elles;  quant  a 
1'analogie  purement  formelle  des  symboles  et  du  monde  des  phenom^nes,  elle 
ne  repond  pas  tout  a  fait  a  I'id&d  primiiif  de  1'mtelligence  de  la  Nature  et  il  est 
difficile  de  la  presenter  comme  le  terme  unique  et  d^finitif  de  toute  recherche. 

S'il  en  est  ainsi,  deux  themes  intellectuels  ne  se  trouvent-ils  pas  rehabilitees 
Ol  remis  en  lumi^re  ? 

D'abord,  celui  des  figurations  intuitives  de  la  Nature,  concues  non  pas  seu- 
lement  comme  un  artifice  guidant  et  aidant  le  savant  dans  ses  dexouvertes 
(toute  la  Physique  se  construit  £  coup  d'images,  parfois  incoh6rentes  el  impar- 
faites),  mais  comme  un  instrument  d'intelligence.  Ce  que  la  Science  nous 
prouve,  c'est  qu'on  pent  parler  des  choses  sans  en  p6n<3trer  la  nature,  et  d'une 
manure  purement  formelle.  Notre  Physique  est  vraie,  notre  Math£matique  est 
vraie  alors  que  le  sens  de  leurs  objets  nous  £chappe.  Mais  cette  v^rit6  formelle 
recouvre  sans  doute  une  Y^rit6  mat^rielle,  il  ne  suffit  peut-£tre  pas  de  parler  du 
inonde,  il  faut  essayer  de  le  penser,  et  la  mani^re  la  plus  naturelle  de  le  penser 
n?est-elle  pas  dele  faire  par  des  allegories  sensibles,  de  reconstruire  intuiii- 
vemenl  le  r^el  inconnu  £  Pimage  du  connu,  suivant  une  loi  implicile  de  corres- 


MANIFESTATIONS   EN   PROVINCE   EN   MAI    1964.  199 

pondance  entre  les  niveaux  de  la  realil^.  N'cst-il  pas  naturel  que  les  lois  des  . 
£l<5ments  refltjtent  celles  de  notre  perception,  les  formes  d'appr^hensioii  du 
monde  sensible  r£g6n(5rant,  par  une  sorte  d'harmonie  pr^.tablie,  celles  de 
la  r6alh(3  ultime,  Fimagination  restiluant  la  r^alite.  Les  theories  intuitives  sont 
peut-elre  un  my  the,  mais  ce  mythe  n'est-il  pas  n(5cessaire,  en  Physique  commc 
en  MtHaphysique,  toute  ontologic  n'est-elle  pas  negative  ou  analogique,  pour 
parler  comme  les  th6ologiens  ? 

Ensuile  celui  de  la  recherche  d'un  au-dela.  Et  1'on  peul  dire  que  la  Science 
contemporaine  marque  moins  de  repugnance  que  celle  d'il  y  a  un  demi-si&cle 
a  certains  prolongements  cosmologiques  on  m£me  m^taphysiques  et  la  Philo- 
sophic des  sciences  est  moins  strictement  epist^mologique  et  critique. 

Parce  que  les  savants  actuels  sont  moins  sensibles  que  leurs  ain£s  a  la  per- 
fection rationnelle  ou  m6me  a  Funite'  logique  de  leurs  theories,  ils  sont  volon- 
tiers  plus  audacieux  dans  leurs  projets.  II  est  vrai  que  PoiNCARfi  a  consacre  aux 
hypo th e-ses  cosmogoniques  un  de  ses  derniers  Ouvrages,  mais  c'est  en  fait  une 
6tude  mathtSmatique  des  hypotheses  relatives  a  la  formation  du  syst^me  solaire. 
An  contraire  nous  passons  hardiment  de  1'evolution  des  6toiles  a  la  formalion 
des  n6buleuses,  a  la  forme  et  a  Pexpansion  de  1'espace  total,  a  Porigine  de 
1'Univers,  a  la  creation  continue  de  1'^nergie,  c'est  un  nouveau  Traite  du 
Monde,  dont  les  hypotheses  sont  sans  doute  v&tues  de  math^matiques  et 
tentent  de  se  raccorder  a  quelques  faits  exp6rimentaux,  mais  qui,  sous  ce 
v£tement,  sont  moins  des  corps  vivants  et  £quilibr6s  que  des  mannequins 
parfois  singuliers.  II  n'en  reste  pas  moins  que  ces  cosmologies,  si  a  la  mode, 
r^int^grent  dans  la  Science  des  regions  autrefois  dedaigneusement  laiss^es  aux 
philosophes. 

Dans  un  autre  ordre,  celui  de  la  profondeur  ontologique,  certains  doctri- 
naires parfois  illustres  de  I'indgterminisme  ont  reconnu  un  sens  au  probleme 
de  la  liberty,  a  partir  du  moment  ou  ils  ont  cru  pouvoir  le  r<3soudre  eux-m^mes ; 
ils  ont  renouvel6  celui  de  la  nature  du  monde  physique,  en  r6tablissant,  avec 
des  probability  pures  de  presence  comme  stade  ultime  de  la  connaissance, 
quelque  chose  qui,  rnalgr(5  qu?on  en  ait,  ressemble  fort  aux  puissances  aristot£- 
liciennes.  Ils  ont  m&me  cru  pouvoir  donner  aux  organismes  biologiques  le 
moyen  de  rompre  les  liens  de  Firr£versibilit6  et  du  deuxi£me  principe. 

De  telles  vues  sont  audacieuses  et  parfois,  sans  doute,  bien  fragmentaires  et 
fragiles.  II  est  douteux  en  effet  qu'on  puisse  poser  de  tels  problemes  hors  d'un 
contexte  m^taphysique  d'ensemble.  On  voit  malla  libert^  humaine  intervenant 


•200  QUATRIEME  PARTIE. 

a  Fechelle  infraatomique  comme  un  Itoinme  qui  pousseraitdu  doigt  les  aiguilles 
tl'ii no  horloge,  un  bien  jouanl  au  De?twn  de  MAXWELL.  Si  Ton  en  fait  un  petit 
gnome,  le  difficile  n'est  pas  de  savoir  comment,  sa  decision  prise,  il  pourrait 
agir  sur  la  maliere,  et  d'ailleurs  une  telle  action  irouverait  tout  aussi  bien  sa 
place  dans  la  Physique  classique;  mais  toutes  les  difficultes,  toutes  les  anti- 
nomies de  la  liberle  so  rassemblenl  aulour  de  1' existence  m6me  et  de  la  nature 
de  ce  petit  etre,  qui  n'est  que  Fimage  en  miniature  de  tout  Findividu  psycho- 
organique,  et  en  inclut  lous  les  ]>aradoxes.  Que  signifie  pour  lui  e"tre  libre,  par 
rapport  a  Fensemble  de  FKtre,  par  rapport  a  son  propre  passe,  et  comment 
peut-il  tMre  mtelligemment  sa  propre  origine,  son  propre  cre'ateur?  Dans  cette 
liberte  huinaine  cristallisent  les  obscurites  de  la  liberte  divine,  et  ce  n'est  pas 
une  formule  nouvellc  des  lois  physiques  qui  nous  en  affrancbira. 

De  meme  il  n'y  a,  semble-t-il,  pas  grand  sens  a  poser  le  probleme  de  la  re'alite 
pliysique,  detertninee  ou  non,  en  debors  decelui  de  la  representation  sensible, 
dans  son  individualite,  en  dehors  de  celui  de  Fame  et  du  corps,  de  celui  de 
Funite  des  esprits  et  de  leurs  experiences.  Le  probleme  cosmologique,  sous  sa 
forme  courante,  ost  sans  doute  un  pseudo-probl&me,  comme  en  serait  un  de  se 
demander  si  la  voute  du  ciel  est  effectivernent  spbe'rique  :  il  faudrait  d7abord 
preciser  quel  genre  de  realite  nous  pouvons  attribuer  a  FUnivers  physique 
commun  de  Faction,  des  experiences  et  des  niesurcs,  qui  n'est  ni  Fun  des 
Univers  sensibles  individuels  ni,  vraisemblablement,  FUnivers  re"el  qui  deter- 
mine ceux-ci  par  le  me'canisme  psychophysique  de  la  perception.  Onnesaurait 
coustruire  separ(5ment  une  ontologie  purement  physique. 

Et  pourtant,  nous  voyons  ainsi  renaitrc,  au  coeurm6me  de  la  Physique,  Fid^e 
qu'il  doit  y  avoir  une  autre  figure  d'intelligibilite'  de  FUnivers  et  que  nos  hypo- 
theses de  structure  ne  nous  donnent  qu'une  face  des  choses.  Par  la  nous  rejoi- 
gnons  un  theme  aussi  obscur  qu'il  est  ancien,  auquel  tant  de  biologistes 
reviennent  aujourd'hui,  souvent  malgre  eux,  au  terme  de  leurs  longues  enqu6tes  : 
c'est  qu'il  y  a  dans  la  Nature  organised  un  aspect  dont  le  simple  enchainement 
des  causes  physicochimiques  ne  rend  pas  raison,  un  element  de  finalite"  qu'on 
ne  peut  definir  par  aucun  caractere  proprement  objectif  d'adaptation,  de  per- 
fection, de  totality  dominante,  mais  seulement  par  la  similitude  de  notre  vie 
mentale,  avec  ses  routines  et  ses  clairvoyances  emme'le'es,  ses  automatismes  et 
ses  inventions  divinatrices,  ses  hasards  et  ses  intentions,  ses  tehees  et  ses 
succfes,  ses  absurdite"s  et  ses  merveilles,  ct  avec  les  m&mes  paradoxes  :  comment, 
Thypoth^se  presque  inevitable  du  parallelisme,  un  determinisme  psychique 


MANIFESTATIONS  EN  PROVINCE  EN  MAI  1964.  201 

se  superpose-t-il  a  un  d£  terminisme  materiel,  en  lui  conferant  une  signification  ? 
Comment  le  present  pcut-il  6trc  Pceuvre  de  Pavenir,  ce  qui  est  cle  ce  qui  n'est 
pas  ?  Comment  un  £tre  peut-il  se  chcrcher  avant  meme  d'exister,  et  aller  au- 
devanL  de  soi-rn6me  "? 

II  semble  qu'ici  encore  le  dtHerminisme  materiel  de  la  phylogenese  on  dc 
Pontoge"nese  joue  le  m£me  role  que  le  determinisme  cerebral  de  iiotre 
psychisme,  il  nous  doniie  I'enchaincment  ne'cessaire,  logique  des  e'venemeiits, 
non  leur  sens  rationnel,  leur  signification  profonde.  La  Science  nous  donne, 
par  ses  lois,  1'entrecroisement,  la  connexion  des  ills  a  1'envers  de  la  toile  el 
nous  explique  la  solidite  du  tissu.  Mais  Pendroit  signifie  bien  quelque  chose, 
et  Panalogie  de  Pesprit  humain,  si  obscure  qu'clle  soit,  est  encore  le  meilleur 
Element  d'un  my  the  de  la  finalile. 

Le  philosophe  doit-il  se  re'jouir  de  cette  situation  ?  Oui  el  non. 

Oui,  sans  doute,  parce  qu'on  se  satisfait  mal  d'une  science  qui  s'isolerait 
de'daigneusement  des  problemes  de  PUnivers  et  de  PHomme,  et  de  la  profon- 
deur  d'un  Re"el,  dont  elle  explore  merveilleusement  la  suri'ace.  Apres  la  phase 
mate'rialiste,  puis  la  phase  critique,  comment  voir  sans  plaisir  s'annoncer  une 
phase,  disons  ide"aliste  ou  spiritualiste. 

Non,  peut-6tre,  parce  que  certains  des  physiciens,  m£me  illustres,  qui 
consentent  ^  s'occuper  de  tels  problemes  les  re'  sol  vent  parfois  d'une  maniere  un 
pen  rapide  et  brusque,  par  des  extrapolations  un  peu  simples,  sans  se  soucier 
de  donne'es  gnose'ologiques  qu'un  philosophe  un  peu  averti  saiteHre  essentielles. 
Us  n'acceptent  de  philosophies  que  celles  qu'ils  construisenteux-m6mes,  comme 
des  allie's  qui  apportent  avec  eux,  dans  un  pays,  tons  leurs  moyens  de  subsis- 
tance.  Si  bien  que  les  contacts  avec  les  philosophes  sont  plutot  de  courtoise 
diplomatie.  Chose  curieuse,  la  Philosophic  des  sciences  passe  par  une  crise, 
alors  que  tout  le  monde  en  fait. 

Nous  sommes  en  tout  cas  bien  loin  de  Pe'piste'mologie  critique  de  H.  POINCAR£ 
et  de  sa  prudente  reserve. 

On  ne  voit  m6me  pas  bien  a  quelles  doctrines  sa  sympathie  serait  alle'e, 
parmi  celles  qui  n'acceptent  pas  d'ontologie  au-dela  de  la  Science.  Eut-il  e'te' 
satisfait  du  ne'opositivisme  de  Pficole  de  Vienne  ou  de  ses  e'mules  anglo-saxons, 
pour  qui  tout  probleme  ayant  un  sens  se  revere,  par  des  artifices  de  langages,  a. 
des  jugements  e'le'mentaires  d'expe'rience,  constituant  PUnivers  unique  et 
fondamental  de  ve'rite',  a  des  mesures  con5ide'r6es  comme  des  absolus  e'piste'- 
mologiques,  ne  supposant  aucune  re'alile'  qu'elles-m^mes,  si  bien  que  Pobjet 
H.  P.  26 


20U  QUATRIEME  PARTIE. 

n'est  rion  que  ce  qu'on  le  mesure.  [1  me  semble  qu'il  cut  senti  la  pauvrete  et 
1'arbitrairc  de  cetle  me'trohUrie  et  de  cet  atomisme  <5pistemologique,  aussi  vain 
saus  doute  que  Fatomisme  psychologique  du  siecle  dernier,  et  centre  lequel 
portent  si  fortement  les  critiques  de  DCHICM  on  de  LE  ROY. 

Eul-il  adhere  a  Fidealisme  brunschvJcgien,  qui,  en  affranchissant  les  rela- 
tions de  leurs  termes,  les  rapports  de  leurs  supports,  Fexpe'rience  de  toute 
substance  onlologique,  tente  de  remplacer  la  philosophic  de  Fe"lre  par  une 
philosophic  de  Fesprit  crcaleur  de  sa  propre  experience,  et  la  informant  lui- 
mGme,  averti  par  les  chocs,  les  dementis  qui  lui  sont  inflige's  par  quelque  chose 
qui  n'est  pas  un  etre.  II  s'en  fut  sans  doute  quelque  peu  defie',  bien  qu'il  fut 
souvent  invoque  comme  caution  par  Fauleur  de  la  Modalite  du  jugejnent. 

Au  fond,  il  semble  qu'il  ait  toujours  raisonne  dans  les  cadres  du  realisme  du 
sens  commun,  avec  le  sentiment  que  tout  eflbrt  pour  le  definir  etait  vou£  a  la 
sterilite,  comrne  Fetait  tout  effort  pour  resoudre  le  probl^me  du  fondement  de 
Tinduction. 

Sans  doute  la  sagesse  est  de  son  cote,  cette  sagesse  qui,  ce  sont  ses  propres 
paroles,  repose  sur  un  demi-scepticisme  et  se  detourne  du  souci  de  la  certi- 
tude et  de  la  realite"  absolues  parce  que  dans  notre  monde  relatif  toute  certitude 
est  mensongc  et  que  la  realite  est  fantome.  La  vie  liumaine  n'est-elle  pas 
remplie  paries  laches  fe"condes  du  savant  et  ne  suffit-il  pas  d'une  vue  d'ensemble 
de  Fharmonie  et  de  la  beaule  des  pensees  humaines  aulieu  des  luttes  contre  les 
moulins  a  vent  de  Fontologie,  et  n'est-il  pas,  a  cet  e'gard,  le  plus  sur  des 
maitres,  Fexemple  de  ce  qu'il  faut  chercher  et  de  ce  a  quoi  il  faut  renoncer  ? 
Le  salut  n'est-il  pas  d'etre  geometre  ?  Et  c'est  pour  cela  qu'il  ne  sc  croit  pas 
oblige  de  fonder  la  Science  et  de  justiiler  sa  confiance  en  la  raison,  qu'il  ne 
s'inlerroge  pas,  au  moms  publiquement,  sur  la  nature  des  choses,  la  liberte',  la 
signification  de  Fhomme,  de  son  origine  et  de  sa  mort. 

Pourquoi  faut-il,  pense-t-on  cependant,  qu'il  ait  disparu  pr&natur&nent?  En 
ces  vingt  ans  de  vie  auxquels  il  avait  encore  droit,  peut-6tre  eut-il  simplement 
enrichi  la  Science  d'autres  de'couvertes  physiques  ou  math^-matiques,  et  se 
serait-il  <5teint  en  toute  serejoite",  conscient  d'avoir  fait  son  devoir  d'homme. 
Mais  peut-^tre  aussi  se  fut-il  d^tourn^  du  monde  des  faits  et  des  raisons  logiques 
pour  se  pencher  sur  le  monde  inteTieur,  sur  les  problemes  de  Fesprit  et  tous 
les  au-dek  de  la  Science,  et  c'eut  e"t£  pour  nous  une  legon  incomparable. 


CINQUIEME  PARTIE 

HOMMAGE  DE  L'ETRANGER  ET  AUTRES  MANIFESTATIONS  EN  FRANCE. 


A.-  CL0TURE  DE  LA.  PREMIERE  ETAPE  DES  CMMONIES 

DU  CENTENAIRE. 


Avec  les  ceremonies  de  Nancy,  la  decade  des  grandes  manifestations 
destinies  a  cel^brer  le  centenaire  de  la  naissance  de  Henri  POINCAR£  a  pris  fin. 
Le  Comit^  d'Organisation  espere  avoir  donn<5,  dans  les  pages  qui  pr^c&dent, 
une  id£e  de  1'ampleur  de  ces  manifestations,  ampleur  qu'il  aurait  voulu  plus 
grand e  encore.  II  s'excuse  des  oublis  qui  auraient  pu  6tre  faits  dans  les  r^cits 
de  ces  journ^es,  et  il  remercie  tous  ceux  qui  ont  contribu^  a  leur  succ&s, 
a  quelque  titre  que  ce  soit,  qu'ils  aient  pris  une  part  active  a  leur  organisation, 
ou  que,  comme  les  digues  Strangers,  ils  en  aient  rehauss^  1'^clat  par 
leur  presence. 

Mais  la  date  du  22  mai  1964  n'a  pas,  pour  autant,  mis  un  point  final  aux 
manifestations  provoqu^es  par  le  iooe  anniversaire  de  la  naissance  de  Henri 
PoiNCARfi.  Le  monde  entier,  en  effet,  a  voulu  rendre  un  t6moignage  a  la 
memoire  de  Fillustre  savant,  et  en  France  £galement  d'autres  temoignages  se 
sont  produits  et  se  produiront  encore. 

C'est  ainsi  que  la  soci6t6  des  Radiodectriciens,  r^unie  le  19  juin  1964  a  la 
Sorbonne,  a  entendu  la  lecture  d'une  notice  de  M.  Edouard  PICAULT,  ancien 
president  de  la  soci6l6,  ing6nieur  g^n^ral  des  T^communications,  sur  «  la 
contribution  de  Henri  POINCAR&  a  la  radio^lectricit^  et  aux  t6l£communi- 
cations  ». 

Mais  le  Comit£  d'Organisation  devait  se  limiter  a  une  certaine  date,  faute 
de  ne  pouvoir  jamais  consid^rer  sa  tdche  comme  termin^e,  et  de  retarder 
inde'finiment  la  publication  de  ce  Livre  du  Centenaire.  Ou  plutot  il  devait 
conside>er  cette  date  comme  ^tant  la  fin  d'une  premiere  6tape,  car  il  n'entend 
pas  se  d^sinteresser  maintenant  de  ce  qui  louche  a  Henri 


CINQUIEME  PARTIE. 


B.  -  U  JOURNEK  INTERNATIONALE  HENRI  POINCARE 

A  LA  HAYE. 


A  Tissue  du  Congres  International  des  Math^maliques,  qui  s'est  tenu  a. 
Amsterdam  au  debut  de  septembre  icp4,  une  «  Journe'e  Internationale  Henri 
Poincare'  »  a  ete  organises  aux  Pays-Bas,  au  cours  de  laquelle  sixconferenciers, 
ont  cherche  a  «  mettre  en  lumiere  le  developpement  des  ide'es  de  Henri  POINCAR£, 
dans  le  domaine  special  )>,  qui  leur  titait  propre. 

C'esl  a  La  Haye,  a  la  «  Rolzaal  »  que  cette  manifestation  a  eu  lieu.  Deux 
seances,  une  le  matin,  une  Fapres-midi,  ont  t§t6  tenues  le  samedi  1 1  sep- 
tembre IQ54-  Le  Professeur  Gaston  JULIA,  President  du  Comite"  du  Cenlenaire, 
a  ouvert  cette  journee  par  une  allocution  dont  on  trouvera  le  texte  plus  loin, 
puis  les  six  confe"renciers  ont  pris  successivement  la  parole;  ils  se  sont  tons 
exprim^s  en  francais. 

M.  Andre  WEIL,  de  1' University  de  Chicago,  sur  Poincare  et  VArith- 
metique. 

M.  Hans  FREUDKNTHAL  de  I'Universit^  d'Utrecht  sur  Poincareet  les  f auctions 
«  automorphes  ». 

M.  Laurent  SCHWARTZ  de  la  Sorbonne  sur  Poincare  et  les  equations  diffe- 
rentielles  de  la  Physique. 

M.  Jacques  Lfivv,  Astronome  a  TOLservatoire  de  Paris  sur  Poincare  et  la 
Mecanique  celeste. 

M.  Paul  ALBXANDROY,  de  FUniversite'  deMoscou  sur  Poincare  et  la  Topologie. 

M.  Evert  W.  BETH,  de  FUniversite'  d'Amsterdam  sur  Poincare  et  la 
Philosophic. 

Tous  ces  textes  ne  nous  ^tant  pas  encore  parvenus,  nous  nous  excusons  de 
ne  pas  donner  ci-apres  la  totality  de  ces  conferences. 

Son  Excellence  M.  P.  J.  GARNIER,  Ambassadeur  de  France  a.  La  Haje,  a  bien 
voulu  assister  £la  stance  de  Fapr&s-midi,  et  c^est  lui  qui  a  cldture'  cette  journe'e 


HOMMAGE   DE   I^ETRANGER  ET  AUTRES  MANIFESTATIONS  EN  FRANCE.  2C>5 

Internationale  en  prononcant  les  quelques  mots  que  nous  reproduisons  ci-apres, 
pour  a f firmer  avec  Henri  PoiKGARfi  que,  si  les  theories  et  les  ide'es  qui  nous 
guident  passenl,  il  subsiste  toujours  quelque  chose  de  ce  qu'elles  ont  apporte', 
et  que  les  efforts  de  ceux  qui  les  ont  soutenues  n'ont  pas  e'te'  inutiles  au 
progres. 

Pour  terminer  cette  soire"e  du  samedi  n  septembre  1934?  1'Ambassadeur  de 
France  a  offert,  en  sa  residence  Princessegracht  28,  a  La  Haje,  une  brillante 
reception,  pour  remercier  les  Congressistes  d'avoir  bien  voulu  prolonger  leur 
se"jour  en  Hollande,  pour  marquer  en  commun  d'une  facon  particuliere  le 
centenaire  de  la  naissance  de  Henri  POINCAR£. 


ALLOCUTION  DE  M.  GASTON  JULIA, 

POUR  L'OUVERTURE  DE  LA  JOURNEE  INTERNATIONALE  HENRI  POINCAR& 
A  LA  HAYE  LE  11  SEPTEMBRE  1954. 

Le  Comite'  d'Organisation  du  Congres  des  Mathe'maticiens,  re'uni  a 
Amsterdam  en  1964,  a  voulu  comme'morer  par  une  reunion  spe'ciale  le  cente- 
naire de  la  naissance  d'un  des  savants  qui  ont  le  plus  illustre"  et  enrichi  la 
science  mathe'matique. 

Henri  POINGAR^  est  n6  a  Nancy  le  29  avril  i854-  Par  sa  naissance,  par  sa  vie 
et  par  sa  mort,  il  appartient  a  la  France,  et  dans  la  semaine  du  i5  au  22  mai 
derniers  nous  lui  avons  rendu,  a  Paris,  a  Caen,  a  Nancy,  Thommage  national 
qu'il  me'ritait.  Mais  par  son  ceuvre,  Henri  PoiNCARfi  appartient  aussi  a  1'huma- 
nite"  tout  entiere,  et  c'est  Phommage  de  tons  les  mathe'maticiens  que  nous  aliens 
lui  rendre  aujourd'hui. 

II  nous  a  sembl6  que  Fhommage  qui  convenait  le  mieux  a  un  ge'nie  de  cette 
envergure,  c'e'tait  encore  de  passer  en  revue  les  principaux  aspects  de  son 
ceuvre  et  les  principaux  progr&s  qu'elle  a  suscite's.  MM.  KOKSMA,  LOONSTRA, 
FREUDENTHAL  et  VISSER,  a  qui  j'^tais  joint  en  complete  union  de  pens^e,  ont> 
d'une  part,  prepare"  toute  la  partie  technique  de  la  pr6sente  reunion,  et,  d'autre 
part,  dress6  un  projet  de  six  courts  exposes  destines,  non  a  embrasser  1J en- 
semble de  l'ceuvr,e  de  POINCAR^  (c'e'tait  impossible!),  mais  a  en  esquisser  les 
traits  principaux. 

Six  confe'renciers,  choisis  parmi  les  plus  distmgue's  du  domaine  mathe'ma- 
tique ou  ils  travaillent,  out  bien  voulu  r6pondre  a  nos  vues  et  accepter  la  charge 


•>o6  CINQUIEME   PARTIE. 

d'un  travail  rendu  plus  difficile  par  la  concentration  el  la  concision  qu'il 
exigeait  des  exposes.  Que  nos  six  eonferenciers  rccoivent  des  maintenant 
Texpression  de  notre  gratitude. 

Je  veux  aussi  remercier  toutes  les,  personnes  qui  se  sont  jointes  a  nous  pour 
la  commemoration  d'aujourd'hui  :  toutes  les  personnalile's  nderlandaises  qui, 
par  leur  presence,  nous  inarquent  l'int6reH  bicnveillant  qu'elles  apportent  aux 
manifestations  de  la  pense"e;  tons  les  maihtfmaticiens  Strangers  enfin,  qui, 
malgre  des  difficult^  de  toute  sorte,  ont  bien  voulu  prolonger  leur  voyage  pour 
joindre  au  ndtre  leur  hommage. 

Permettez-moi  encore  quelques  mots  pour  r^sumer  a  grands  traits  la  vie 
d'Henri  PoiNCAitfi.  Apres  avoir  fail  ses  classes  an  lyctie  de  Nancj,  il  enlre  a 
TEcole  Polv technique  en  i8j3,  lo  premier  de  sa  promotion.  II  en  sort  le  second, 
en  1876,  a  cause  de  sa  faiblesse  en  dessin.  II  entre  alors  a  Pficole  des  Mines  et 
il  en  sortira  ingenieur  ordinaire  pour  aller,  a  ce  litre,  travailler  a  Vesoul. 
En  1879  commence  sa  carri&re  mathematique.  A  Caen,  puis  a  Paris,  il  est 
successivement  professeur  d'Analyso,  de  M^canique  celeste,  de  Physique 
mathematique.  Dans  une  activite  incessante  et  toujours  novatrice,  il  parcourt 
tous  les  domaines  math^matiques  et  physiques  connus  de  son  temps,  il  en 
de"gage  aussi  les  principes  philosophiques,  il  dtScoinre  enfin  bien  d'autres 
champs  de  recherches,  si  bien  qu'il  n'est  peut-etre  pas  un  des  domaines 
mathe'matiques  d'aujourd'hui  qu'il  n'ait  fecond6  et  ou  il  n'ait  Iaiss6  sa  marque. 
II  meurt  en  1912,  d'une  embolie  consecutive  a  une  operation  chirurgicale,  et 
ce  fut  une  grande  perte  pour  Thumanite. 

MM.  Andre  WEIL,  Hans  FRECDKNTHAL,  Laurent  SCHWARTZ,  Jacques  LEVY, 
Paul  ALEXANDROV,  Evert  BETH  vont  successivement  nous  presenter  leurs 
exposes.  Je  m'empresse  de  leur  ceder  la  parole. 

CONFERENCE  DE  M.  A.  WEIL 

A  LA  HATE. 

Poincar<§  et  rArithmStique. 

Qu'il  me  soit  permis  avant  tout  d'adresser  mes  remerciements  a  nos  collogues 
hollandais,  organisateurs  de  cette  journ^e  consacr^e  i  Henri  POINCARE,  pour 
leur  aimable  invitation.  J'ai  accueilli  celle-ci  avec  plaisir,  car  elle  va  me  donner 


HOMMAGE   DE   L'ETRANGER   ET   AUTRES  MANIFESTATIONS   EN   FRANCE.  207 

1'occasion  d'auirer  1'attention  sur  des  aspects  pen  connus  de  1'ceuvre  de 
PoiNCARfi,  dont  je  suis  persuade  qu'on  trouverait  profit  a  reprendre  Petude. 

Malheureusement  les  limitations  de  temps  qui  nous  sont  imposes  aujourd'hui 
n'ont  laisb^  aucune  place  pour  un  expose,  si  bref  ful-il,  des  Iravaux  de  POINCAR^ 
sur  la  geometric  algebrique  et  sur  les  fonctions  abeliennes;  je  ne  puis  nean- 
moins  me  dispenser  ici  d'en  signaler  1'irnportance  capitale  et  la  profonde 
influence  sur  le  ddveloppemont  que  ces  branches  des  Malh^matiques  onl  pris 
depuis  lors. 

Les  Perils  de  POINCARK  qui  louchent  a  PArithmetique  occupent  un  volume 
enlier  (tome  V  des  OEuvres}.  On  ne  saurait  nier  qu'ils  sont  de  valeur  inegale. 
Certains  n'ont  gutjre  d'aulrc  interet  que  de  nous  fa  ire  voir  combieii  attenti- 
vemeni  POINCAUE  a  ses  debuts  a  etudie  loute  1'ceuvre  d'HERMiTE  et  comme  il  s'en 
est  assimile  les  metbodes  et  les  r<3sultats.  On  a  dit  parfois  que  POINCARE  lisait 
peu;  ce  qui  frappe  dans  le  volume  de  ses  QEuvres  dont  il  s'agit,  c'est  surtout 
qu'il  s'y  montre  fort  peu  instruit  des  travaux  en  langue  allemande;  sans  doute 
ne  lisait-il  Pallemand  qu'avec  beaucoup  de  peine.  Mais  il  ne  donne  certes  pas 
1'impression  d'un  ignorant  ni  d'un  autodidacte. 

C'est  sous  P influence  d'HERMiTE,  bien  evidemment,  que  POLXCARK  a  consacr6 
plusieurs  de  ses  premiers  travaux  a  la  theorie  alg^brique  et  aritlim^tique  des 
formes,  et  particuli^remcnt  des  formes  cubiques  ternaires  et  quaternaires.  Ses 
reflexions  sur  ce  sujet  Pont  aments  en  particulier  a  une  demonstration  et  a  une 
extension  du  tbeor&me  de  JORDAN  d'aprtjs  lequel  il  n'y  a  qu'un  nombre  fiiii  de 
classes  de  formes  alg^briquement  (5quivalentes  a.  une  forme  donn^e  de  discri- 
minant non  nul  (OEuvres,  t.  V,  p.  2gg-3o5);  cette  question,  loiigtemps 
negligee,  m6riterait  certainement  d'etre  reprise,  par  example  aim  d'etendre  le 
tli£or&ine  de  JORDAN  aux  corps  de  nombres  alg^briques;  sans  doute  conviendra- 
t-il  pour  cela  d'avoir  recours  a  PoiNCARfi. 

Mais  laissons  la  parole  a  notre  auteur.  Voici  comme  il  parle  de  ses  premieres 
recherches,  dans  son  c6l6bre  r^cit  de  la  decouverte  des  fonctions  fuchsiennes 
(Science  et  Methode,  p.  5a)  : 

«  ...  Je  me  mis  alors  a  6tudier  des  questions  d'Arithm^tique  sans  grand 
r^sultat  apparent  "et  sans  soupgonner  que  cela  put  avoir  le  moindre  rapport 
avec  mes  recherches  ant6rieures  (sur  les  fonctions  fuchsiennes).  D^goute  de 
mon  insucc^s,  j'allai  passer  quelques  jours  au  bord  de  la  mer,  et  je  pensai  a 
tout  autre  chose.  Un  jour,  en  me  promenant  sur  la  falaise,  Pid6e  me  vint, 


yntS  CINQUIEME    PARTI  E. 

tun  jours  avee  ICN  intent's  caraeteres  de  brie\i'te.  de  soudainete  el  do  certitude 
immediate,  que  Irs  transformations  arilhmetiques  des  formes  quadratiques 
ternaires  indefmies  etaient  ideiitiques  a  celles  de  la  Geometric  non  euclidienne. 
a  Elant  revenu  a  Caen,  je  reflechib  sur  ce  resultat,  et  jVn  tirai  les  cons6- 
quences;  Fexemple  des  tonnes  quadratiques  me  montrait  qiTil  J  avail  des 
groupes  fuchsiens  autres  que  ceux  qui  correspondent  a  la  serie  hyperge'ome'- 
trique;  je  vis  que  je  pourrais  leur  appliquer  la  lh*5oric  des  series  thtSta- 
fuchsiennes  ....  w 

Ainsi  PoiNCARfi,  an  moment  dont  il  parle,  venait  de  decouvrir  le  premier 
example  de  groupe  discontinu  et  de  functions  aulomorphes  deTmis  par  des 
movens  arithmetiques.  On  connait  assez  la  tres  vastc  extension  de  ces  r^sultats 
a  la  theorie  des  fonctions  automorphes  de  plusieurs  variables,  extension  qui  est 
avant  tout  Feeuvre  de  SIEGEL.  S'appuyant  sur  cet  exemple  (ainsi  que  sur  celui 
qu'il  avail  tinS  de  Felude  de  la  s6rie  hypergeometrique)7  PoiNCARfi  ne  tarda  pas 
a  odifier  unc  theorie  gen^rale,  d'allure  surlout  gt5omt5trique,  de  tous  les  groupes 
fuchsiens  et  des  fonctions  automorphes  qui  leur  appartiennent;  notons  en 
passant  que  nous  n'avons  rien  d'analogue  jusqu'ici  en  ce  qui  concerne  les  fonc- 
tions de  plusieurs  variables;  nous  n'avons  m6me  aucun  proce'de'  g^n^ral  de 
construction  de  groupes  discontinus  donnant  naissance  a  de  telles  fonctions  en 
dehors  de  ccux  que  fournit  FArithmetique. 

Mais  Finter^t  des  fonctions  automorphes  litres  a  la  theorie  des  formes  quadra- 
tiques ternaires  indefmies  n'est  pas  seulement  historique  et  anecdotique.  Ces 
fonctions  ont  une  propritHS  qui,  d<5couvcrte  par  la  suite  par  POINCARJ&,  Fa 
vivement  frapp^  :  c'est  de  donner  lieu  a  unc  ge'ne'ralisation  de  la  the'orie  de  la 
transformation  des  fonctions  modulaires.  Ce  point  nitrite  un  expos^  plus 


Soit  F  une  forme  quadratique  indeTmie  a  coefficients  r^els  a  trois 
variables  X,  Y,  Z.  Dans  le  plan  projectif,  liquation  F  =  o  repr^sente  une 
conique  re'elle  C;  C  admet  une  representation  param(5trique  ou  X,  Y7  Z 
s'<5crivent  comme  polynomes  du  second  degr6  a  coefficients  rebels  en  un  para- 
mStre  r^cl  T.  Soit  T  le  sous-groupe  du  groupe  lin^aire  unimodulaire  r^el  ^  trois 
variables  X>  Y,  Z  qui  laissc  F  invariante.  Toute  substitution  S  de  F  trans- 
forme  C  en  elle-m6me  et  induit  sur  le  parametre  T  une  substitution  homogra- 
phique  rt^elle  S;  la  correspondance  entre  S  et  S  est  un  isomorphisme  entre  I 
et  1©  groupe  tomographique  r6el  F.  Soit  G  le  sous-groupe  de  T  d'indice  2  form£ 


HOMMAGE    DE    I/ETRANGER    ET    AUTRES   MANIFESTATIONS    EN    FRANCE.  2OQ 

des  substitutions  qui  laissent  invariant  le  sens  de  parcours  sur  C;  soit  G  le 
sous-groupe  correspondant  de  F;  G  est  Fensemble  des  substitutions  homogra- 
phiques  reelles  sur  T  qui  transforment  en  Iui-m6me  le  demi-plan  superieur  du 
plan  de  la  variable  complexe  T,  et  peut  6tre  considere  suivant  PoiisCARti  comme 
groupe  des  deplacements  non  euclidiens  dans  ce  demi-plan. 

Supposons  maintenant  que  F  soit  a  coefficients  entiers;  soient  G'  et  g  les 
sous-groupes  de  G  forme's  respectivement  des  substitutions  de  G  a  coefficients 
rationnels  et  a  coefficients  entiers;  soient  G'  et  g  les  sous-groupes  corres- 
pondants  de  G.  De  la  representation  parametrique,  en  general  biunivoque, 
de  G,  connue  sous  le  nom  de  «  transformation  de  CAY  LEY  »,  il  resulte  que  G' 
est  partout  dense  dans  G.  Distinguons  deux  cas,  (A)  et  (B),  suivant  que  G 
admet  ou  non  une  representation  parame'trique  a  coefficients  rationnels;  pour 
qu'on  soit  dans  le  cas  (A),  il  faut  et  il  suffit  que  C  ait  un  point  rationnel,  ou 
encore  que  la  forme  F  «  repre"sente  zero  »,  c'est-a-dire  que  F  =  o  ait  une 
solution  en  nombres  entiers;  alors,  pour  un  choix  convenable  du  parametre  T, 
les  substitutions  de  G'  seront  a  coefficients  rationnels. 

Comme  on  1'a  vu,  POINCARE  avait  clecouvcrt  tres  tot  que  g  est  un  «  groupe 
fuchsien  ».  Plus  pre"cise"ment  (cf.  OEuvres,  t.  V,  p.  267-274)?  dans  le  cas  (A)^p 
est  commensurable  au  groupe  modulaire  si  1'on  convieiit  avec  POINCARE  de  dire 
que  deux  groupes  sont  commensurables  lorsque  leur  intersection  est  d'indice 
fini  dans  chacun  d'eux.  On  se  trouve  alors  ramene'  en  principe  a  la  theorie  des 
fonctions  modulaires.  II  est  a  noter  qu'en  ce  cas  ^  contient  n<5cessairement  des 
substitutions  paraboliques,  done  que  pour  un  choix  convenable  de  T  les  fonc- 
tions invariantes  par  ce  groupe  sont  des  fonctions  pe'riodiques,  admettant  par 
consequent  des  developpements  en  s^riede  FOURIER.  On  sait  quelle  est  1'impor- 
tance  fondamentale  de  ces  developpements  dans  la  theorie  des  fonctions  modu- 
laires j usque  dans  ses  aspects  les  plus  arithme'tiques,  et  par  exemple  dans 
Fceuvre  de  HECKE. 

Dans  le  cas  (B),  au  contraire,  ~g  ne  peut  contenir  de  substitution  parabolique 
et  a  done  un  domaine*  fondamental  compact  (loc.  cit.,  p.  272).  Du  point  de 
vue  de  la  pure  theorie  des  fonctions,  cela  rend  en  principe  son  etude  plus 
simple.  En  revanche,  on  ne  peut  plus  developper  en  serie  de  FOURIER;  c'est 
peut-£tre  la  ce  qui  explique  Fignorance  profonde  ou  nous  sommes  encore  au 
sujet  des  fonctions  automorphes  appartenant  a  de  tels  groupes. 

Dans  un  cas  comme  dans  Fautre,  soit  S  une  substitution  appartenant  a  G'; 
on  peut  Fecrire  sous  la  forme  a-1T,  ou  a  est  un  entier  et  T  une  substitution 
H,  p.  .  27 


?IO  CINQUIEME   PARTIE. 

a  coefficients  eatiers.  Si  U  est  une  substitution  quelconque  a  coefficients 
entiers,  il  suffil,  pour  que  S"1  US  soit  aussi  a  coefficients  entiers,  que  Ton 
ait  U  ==  i  (modD),  i  designant  la  substitution  unite  et  D  le  determinant  de  T. 
Couime  1'observe  PoiscARfi,  il  resulte  aussitut  de  cette  remarque  que  les 
Croupes  g  et  S~Lg'$  sont  comrnensurables  pour  tout  S  dans  G'.  L'applieation 
des  principes  generaux  de  la  theorie  des  fonctions  uutomorphes  montre  alors 
hnmediatement  que,  si /est  une  fonclion  fuchsienne  de  groupe  g,  il  y  a  une 
relation  algvbrique  etitre  f  et  sa  t ransformee  par  toute  substitution  S  deG'. 
Le  groupe  "g  qui  laisse  /invariants  est  done  contenu  dans  un  groupe  G'  beau- 
coup  plus  vaste,  et  m£me  partout  dense  dans  G,  transformant/en  une  fonctioii 
liee  a  /par  une  relation  algebrique.  Dans  le  cas  (A),  ce  resultat  est  essentiel- 
lement  celui  qui  donne  naissance  a  la  theorie  de  la  transformation  des  fonc- 
lions  modulaires  et  des  «.  correspondances  modulaires  » ;  la-dessus  repose  par 
exemple  toute  la  theorie  de  HECKE,  avec  les  consequences  qu'on  n'a  pas  fini 
d'en  tirer.  Est-ce  faule  de  1'instrument  fourni  par  la  serie  de  FOURIER  que  les 
problt'ines  analogues  pour  le  cas  (B)  n'ont  m£me  pas  <5tt5  effleur^s  jusqu'ici,  en 
dt^pit  de  Pinsistance  apporttSe  par  PoiNCARfi  a  attirer  1'attention  sur  eux?  II  est 
certainement  a  souhaiter  qu'on  s'j  attaque  au  plus  tot,  peut-£tre  a  la  lumi^re 
des  connaissances  recemmeut  acquises  sur  les  correspondances  enlre  courbes 
algebriques. 

Le  deruier  travail  arithmetique  de  POINGAR£  (QEuvres^  t.  V,  p.  483-548)  a 
evidemment  aussi  son  origine  dans  les  premieres  reflexions  de  POINCAR£  sur  la 
theorie  des  formes.  Mais  a  ses  debuts  il  ne  s'etait  pas  ecarte  des  principes  de 
la  th^orie  traditionnelle,  dominec  par  le  groupe  lin^aire.  Par  la  suite,  ses 
travaux  sur  les  fonctions  fuchsiennes  et  Finfluence  de  KLEIN  l'amen£rent  a 
etudier  Fceuvre  de  RIEMANN,  ou  domine  la  notion  d'invariance  birationnelle. 
11  ne  pouvait  done  manquer  de  s'apercevoir  que  certaines  des  proprietes 
essentielles  d'ime  forme  ternaire  F(X,  Y,  Z),  par  exemple  celle  de 
pouvoir  repr^senter  zt5ro,  sont  en  r^alite  des  proprietes  intrins^ques  de  la 
courbe  F(X,  Y,  X)  =  o,  invariantes  non  settlement  par  rapport  aux  transfor- 
mations projectives  mais  par  rapport  aux  correspondances  birationnelles  a 
coefficients  rationnels.  C'est  sur  ce  sujet  qu'il  publie  en  1901  un  Memoire  qui 
est,  dit-il,  «  plutdt  un  programme  d'etude  qu'une  veritable  theorie  ». 

Passons  sur  ses  r^sultals  sur  les  courbes  de  genre  zero,  qui  en  realite  n'etaient 
pas  nouveaux  et  que  nous  savons  aujourd'hui  deduire  tr&>  facilement  de  la 
theorie  des  courbes  algebriques  a  corps  de  constantes  quelconque.  L'impor- 


HOMMAGE   DE   l/ETRANGER   ET   AUTRES  MANIFESTATIONS   EN   FRANCE.  211 

tance  et  Poriginalite  du  M^molre  tient  a  1'tkude  qui  y  est  faite  des  courbes  de 
genre  i,  et  particuli&rement  des  cubiques,  sur  le  corps  des  rationnels  C'est  ici 
que  PoiNCARfi  inlroduit  la  notion  de  rang  d'une  telle  courbe ;  ce  rang  est  a  peu 
pr&s  le  plus  petit  nombre  de  points  rationnels  sur  la  courbe  a  partir  desquels 
on  puisse  obtenir  tous  les  autres  par  addition  des  arguments  elliptiques  attaches 
a  ces  points  lorsqu'on  uniformise  la  coorbe  par  des  fonctions  elliptiques.  D'une 
manure  precise,  le  rang  se  definit  comme  rang  du  groupe  des  points  rationnels 
sur  la  jacobienne  de  la  courbe.  POINCAR£  a-t-il  conjecture  que  le  rang  est 
toujours  fini?  C'est  ce  que  son  texte  ne  permet  pas  de  decider  avec  certitude; 
en  tout  cas  un  theor^me  c£l6bre  de  MORDELL  nous  assure  qu'il  en  est  bien  ainsi. 
La  demons Iration  de  MORDELL  repose  sur  la  descente  infinie  au  moyen  de  la 
bisection  des  fonctions  elliptiques.  Une  partie  des  calculs  de  POINCAR£  equivaut 
a  une  6tude  de  la  trisection,  qui,  poussee  jusqu'au  bout,  aurait  en  principe  pu 
conduire  au  m&me  r^sultat,  au  prix  de  beaucoup  de  complications  supple'men- 
taires;  mais  POINCAR^  n'en  tire  rien  de  d^cisif,  et  ce  n'est  qu'a  la  lumi&re  du 
travail  de  MORDELL  et  des  recherches  ult^rieures  qu'on  apercoit  la  port^e  v£ri- 
table  de  ces  calculs.  La  notion  de  jacobienne  d'une  cubique  de  genre  i  sur  le 
corps  des  rationnels  se  trouve  aussi  implicitement  dans  le  travail  de  POINCAR£; 
mais  il  est  difficile  de  1'y  apercevoir  si  on  ne  la  poss&de  deja,  ejt  en  effet  il  n'y 
a  aucun  lien  entre  ce  travail  et  les  recherches  r^centes  qui  ont  dtifinitivement 
precise  cette  notion,  non  seulement  pour  les  courbes  de  genre  i  mais  pour  les 
courbes  de  genre  quelconque,  sur  un  corps  de  constantes  arbitraire. 

Sur  tous  ces  points,  I'inl6r6t  du  M^moire  de  POINCARE  est  d'ordre  historique; 
on  peut  en  dire  autant  de  ses  remarques  sur  les  courbes  de  genre  sup^rieur  a  i , 
ou  en  somme  il  6tend  a  ces  courbes  la  notion  de  rang  qu'il  a  introduite  aupa- 
ravant  pour  le  genre  i.  Que  ce  rang  soit  toujours  fini,  non  seulement  sur  le 
corps  des  rationnels  mais  sur  tout  corps  de  nombres  algt&riques  de  degr-6  fini, 
c'est  ce  que  j'ai  d£montr6  dans  ma  th&se  en  m'inspirant  de  la  demonstration 
de  MORDELL  pour  le  genre  i ;  ce  r^sultat  a  regu  r<5cemment  une  tr&s  vaste  et 
importante  extension  dans  la  th&se  de  N£RON.  Mais,  m6me  en  ce  qui  concerne 
les  courbes  de  genre  i,  nos  connaissances  demeurent  tr&s  incompl^tes  au  sujet 
de  celles  de  ces  courbes  qui  n'admettent  aucun  point  rationnel  et  ne  sont  done 
pas  birationnellement  6quivalentes  a  leur  jacobienne.  Sans  doute  y  a-t-il 
int£r6t  a  consid^rer,  pour  ces  courbes,  les  extensions  non  ramifi^es,  c'est- 
a-dire  en  langage  classique,  les  courbes  qui  se  deduisent  de  la  courbe  donm3e 
par  «  transformation  »  des  fonctions  elliptiques  correspondantes.  Or  PoiNCARfi 


212  CINQUIEME   PARTIE. 

considere  justemeiit  des  cubiques  d<5duilcs  d'unc  cubique  donnee  par  une 
transformation  du  troisi&mo  ordre.  II  se  pent  done  qu'une  <Hude  plus  attentive 
de  son  Mernoire  puisse  encore  conduire  a  de  nouveaux  resultats.  Sur  ce  point 
comme  sur  beaucoup  d'autres,  j'esp&re  vous  avoir  montre  que  1'oeuvre  de 
PoiNCARfi  n'appartient  pas  seulement  a  Thistoire  de  notre  science;  elle  appar- 
tient  aussi  a  la  plus  vivante  actual!  te. 


CONFERENCE  DE  M.  H.  FREUDENTHAL 

A  LA  H\YE. 

Poincare   et  les  fonctions   automorphes. 

Les  fonctions  «  fuchsiennes  »  que  nous  avons  Phabitude  cPappeler  «  auto- 
morphes  »,  sont  le  premier  chapitre  de  1'oeuvre  scientifique  de  POINCARE, 
precede  seulement  par  sa  these  et  un  petit  nombre  de  travaux  qu'on  pent 
n6gliger  dans  1'oeuvre  totale  sans  faire  tort  a  son  auteur.  C'est  le  premier 
chapitre  et  c'est  aussi  celui  qui,  apr£s  un  developpement  de  quelques  dizaines 
d'ann^es,  atteignit  le  premier  cet  6 tat  ou  Ton  dira  d'une  th<5orie  math^matique 
qu'elle  est  «  d^ja  classique  ». 

Puisse  cette  reflexion  vous  r^concilier  avec  le  choix  d'un  conferencier  qui^ 
sur  le  theatre  des  fonctions  automorphes,  s'est  loujours  content^  du  role  de 
spectateur  int^ress^,  choix  fort  contestable,  mais  qui  s'imposa  quand,  il  y 
a  1 5  jours ,  une  lacune  s<5rieuse  vint  menacer  1'harmonie  de  cette  comm^mo- 
ration  !  Permettez  done  que  je  traite  mon  sujet  en  historien,  qui  se  plonge  dans 
un  pass£  revolu,  pour  vous  peindre  1'image  d'une  6poque  qui  se  termine  au 
moment  ou  ce  chapitre  de  Fceuvre  de  PoiNCARft  est  devenu  classique. 

Vous  connaissez  bien  la  place  qu'occupent  les  fonctions  automorphes  cr6£es 
parPoiNCARfi  en  1881  dans  1'histoire  de  1'analjse  :  elles  6taient  pour  lui-m^me 
et  pour  Fdix  KLEIN  1'outil  puissant  pour  attaquer  le  probl&me  de  1'uniformi- 
sation  des  fonctions  alg^briques  ou  m^me  analytiques  et  des  surfaces  de 
RIEMANN.  On  sait  aussi  que  leurs  altaques  hardies  et  admirables,  mais  insuffi- 
samment  pr^par^es  n'ont  pas  r^ussi  a  vaincre  le  probl^me,  mais  qu'elles  ont 
pr^par^  la  resolution  definitive,  un  quart  de  si^cle  plus  tard. 

Voila  un  abr^g^  de  Phistoire  des  fonctions  automorphes  qui  est  formellement 


213 

correct,  mais  qui  pourtant  doii  creer  des  id^es  fausses  sur  tous  les  points 
essentiels.  L'hisloire  a  toujours  ete  plus  compliqu6e  que  la  post£rit6  ne  le 
pense. 

Preincrement,  quand  PO'LNCARE  faisail  ses  debuts  en  1880-1881 ,  il  n'y  avail 
pas  de  probl&me  d'uniformisalion,  ou  platot,  s'il  y  en  avail,  ii  6ta.il  r^solu 
depuis  longtemps.  Oui,  c'est  une  conslalation  paradoxale  qu'il  faut  juslifier. 

Le  premier  probl&me  non  trivial  d'lmiformisation  a  6\.6  r6solu  par  ABEL 
et  JACOBI.  G'titail  celui  de  la  fonction  alg^brique  d6finie  par 

(i)  w-=  R(^), 

ou  R  est  un  polynome  du  troisieme  ou  quatrieme  degre;  1'int^grale  elliplique 
de  premiere  espece 


(2) 


rds 

u  =  /    — 

J    w 


est  une  fonclion  multivalenle  qui  posscide  deux  p^riodes,  son  inverse  est  une 
fonclion  doublement  pdriodique,  qui  trans  forme  le  plan  u  univoquement  dans 
la  surface  de  RIEMANN  (5,  (v).  Par  cette  transformation  z  et  w  deviennent  des 
fonctions  uniformes  de  u  :  la  relation  (i)  parait  uniformis6e  par  I'introduction 
du  param^tre  u, 

Si  le  degr6  de  R(^)  est  plus  grand,  par  example  5,  tout  esl  moins  simple. 
L'int6grale  (2)  poss&de  alors  quatre  p^riodes,  son  inverse  serail  une  fonction 
quadruplement  pt^riodique,  dont  le  caracl^re  paradoxal  a  plong(§  JACOBI  dans  la 
perplexit^,  la  multivalence  de  cette  fonclion  n'a  ^t^  comprise  que  grace  aux 
notions  de  la  th^orie  riemannienne  des  fonctions  complexes.  Quoi  qu'il  en 
soit,  au  cas  hyperellipticjue,  1'int^grale  (2)  ne  pouvait  pas  effectuer  1'uniformi- 
sation  de  la  relation  (i). 

JACOBI  trouva  Tissue.  II  op(5ra  sur  la  puissance /?I6mc  topologique  de  la  surface 
de  RIEMANN  (de  genre/?)  et  en  fit  Funiformisation  par  p  integrates  de  premiere 
esp&ce  MI,  . . .  5  Up,  grace  au  th6orfeme  d'ABEL.  Si  xi:  . . . ,  xp  est  un  syst^me 
variable  de  p  points  de  la  surface,  les  congruences 

(3)  Ui(Xi)  H-.  ..-h  Ui(xp)  =  ci  mod.  per.          (i  =  i,  ...,/?) 

possSdent  une  solution  unique,  les  a  £tant  des  valeurs  donn^es  g6n£rales. 

JACOBI  n'avait  trait^  que  le  cas  hyperelliptique  de  genre  2  et  il  n'avait  pas 
encore  d£montr£  1' uniformity  de  la  solution,  mais  sa  m£thode  resta  definitive 


2i  {  CINQUIEME   PARTIE. 

pendant  un  demi-sieele.  RIEHANN  Fa  elendue  a  des  fonctions  algebriques  quel- 
conques  clans  ses  Iravaux  ibndameiUaux  sur  ies  fonctions  abeliennes. 

Telle  e~lail  la  situation  quand  PoiMuuf;  avail  27  ans  :  le  problfcme  de  1'unifor- 
misation  des  tbnclions  ulgebriques  etait  bien  resolu  et  personne  n'aurait  pu  y 
ajouter  une  idee  essentielle.  II  cst  vrai  quo  cello  uniforraisaiion  s'effecluait  au 
moyen  de  p  fonctions  de  p  variables  [cclles  qui  apparaissenl  dans  (3)],  mais 
a  cause  du  paradoxe  de  JACOBI  on  lie  pouvail  pas  s'atlendre  de  s'en  tirer  a 
nieilleur  eomple. 

Et  pourlanl  POINCAH£  reussit  a  t'aire  re  (our  de  force.  On  ne  pourrait  imagmcr 
une  illustration  plus  frappante  de  cc  que  Poixc.infi  affirmera  au  Congr&s  dc 
Home  (I,  1908,  p.  i;3;  :  «  II  n'y  a  plus  des  problemes  resolus  et  d'autres  qui 
ne  le  sonl  pas,  il  y  a  seulement  des  problemes  plus  ou  moms  resolus.  .  .  ».  Ce 
qu'on  a  cru  impossible  pendant  im  demi-si6cle,  runiformisation  des  relations 
algebriques  quelconques  par  des  tbnclions  (Tune  seule  variable  complexe,  est 
d'une  simplicite  enfantine,  en  tout  cas  beaucoup  plus  simple  que  toute  la 
tht»orie  d'inversion  a  laquelle  JACOBI  et  RIKMANN  avaient  donn^  tant  de  soin. 
Mais  pour  en  venir  a  bout,  on  ne  devail  pas  se  laisser  aveugler  par  des  int<5- 
grales  de  premiere  esp{ice;  on  devail  inventer  ces  nouvellcs  iranscendanies  que 
PoiNCARfi  appelail  tuclisiennes. 

Comment  expliquer  ce  gesto  auclacieux.  d'un  jeune  liomme  de  27  ans  qui 
rompt  brusquenient  avec  une  tradition  d'un  demi-si^cle?  Son  ggnie  dtait 
siirement  une  condition  necessaire,  mais  qui  ne  suffisait  pas.  II  y  avait  un 
secret,  un  secret  memorable  ei  etonnant :  quand  en  1881  PoiNCAiifi  attaqua  a  sa 
maniere  le  probleme  de  runiformisation,  il  nc  savail  pas  qu'il  etait  deja  resolu 
par  une  mdthode  canonist  clepuis  un  demi^siecle.  G'ost  a  son  insu  qu'il  brise 
celte  tradition  v<5n(?rable. 

Me  soupgonnex-vous  d'exageralion  et  de  vous  raconter  des  histoires  fantas- 
tiques?  Si  c^laient  vraiment  des  fantaisies,  elles  resteraient  toujours  consid6- 
rablement  au-dessous  de  la  reality.  La  r^alit6  est  que  PoiNCARfi  ignorait  non 
seulement  le  probl^me  d'inversion  de  JACOBI-RIEMANN,  mais  presque  tout  ce 
qu'il  y  avait  de  remarquable  a  cette  ^poque  dans  la  theorie  des  fonctions.  Son 
instruction  mathe^matique  elait  des  plus  pativres. 

On  en  trouve  Ies  preuves  dans  ses  premiers  travaux,  mais  il  en  a  t6moign6 
lui-m^me  dans  Fanalyse  de  son  ceuvre  r£dig6e  20  ans  plus  tard.  II  y  mentionne 
le  principe  de  DIRICHLBT  et  il  continue  :  «  Je  ne  connaissais  pas  ce  principe  a 
cette  $poque?  mais  l'euss^-je  connu,  que  je  ne  m'en  serais  pas  servi.  . . 


HOMMAGE   DE  L'ETRANGER  ET   AUTRES   MANIFESTATIONS  EN  FRANCE.  2l5 

(Acta  Math.,  t.  38,  1921,  p.  45)-  Si  POINCARE  n'a  pas  connu  le  principe  de 
DIRICHLET,  il  est  absolument  sur  qu'il  n'avait  jamais  lu  RIEMANN  el  les  auteurs 
qui  ont  continue  sa  the"orie.  M6me  la  notion  de  la  surface  de  RIEMANN  semble 
avoir  e"t6  inconnue  de  POINCAR&  et  en  lout  cas  la  definition  topologique  du 
genre  etait  nouvelle  pour  lui,  a  Fepoque  ou  il  echangeail  ses  premieres  leltres 
avec  KLEIN  (Acta  Math.,  t.  39,  1928,  p.  io5). 

Je  vous  avals  promis  de  iraiter  mon  sujel  en  historien,  mais  m6me  pour  un 
historien  il  doit  6lre  difficile  de  se  Iransporler  a  une  epoque  ou  un  jeune 
malhe"maticien  de  27  ans  qui  va  devenir  un  des  plus  grands  de  son  siecle,  ne 
connail  pas  les  travaux  fondamenlaux  de  ses  pre'de'cesseurs  de  20  ans  plus  tot. 
II  est  vrai  que  PomcAiifi  e"tait  Feleve  d'HERMiTE,  analyste  d'une  habilete  admi- 
rable et  ressemblant  aussi  peu  que  possible  a  RIEMANN  et  guere  plus  d'ailleurs 
a  POINCARE,  esprits  intuiiifs  et  ge"ometres.  Reconnaissons  qu'a  cette  epoque  les 
jeunes  savanls  n'avaienl  pas  encore  pris  1'habitude  de  parler  plusieurs  langages 
et  de  voyager  entre  les  centres  ou  les  sciences  florissaient  et  que  les  relations 
personnelles  se  bornaient  toujours  a  Fe"change  de  correspondance,  pourlant 
quelque  trait  dans  le  caractere  de  POINCAR^  doit  &tre  responsable  de  cette 
ignorance  merveilleuse.  On  y  reconnait  sans  peine  1'homme  tel  que  ses  amis 
Font  deem,  retir6  du  monde  extt^rieur,  introverli  et  en  general  ne  sachant  pas 
ce  qui  se  passe  autour  de  lui,  mais  qui,  des  qu'il  le  saisit,  r^agit  avec  une  inten- 
sity qui  rappelle  une  Eruption.  La  premiere  de  ces  Eruptions  scientifiques  a  eu 
lieu  dans  ces  annees  1881-1882,  ou  il  a  publi6  une  s(§rie  de  20  Notes  dans  les 
Comptes  rendus  et  quelques  Me"moires  Ires  6tendus. 

Le  point  de  depart  de  POINCAIIE  n'a  pas  ete  le  probleme  de  runiforinisation 
des  fonctions  algebriques.  Vous  savez  que  pendant  toute  sa  vie  ce  sont  presque 
toujours  les  applications  qui  Font  inspire".  Rien  n'e'lait  plus  Stranger  a  son 
esprit  que  d'uniformiser  une  fonction  alg6brique  au  moyen  de  fonctions  trans- 
cendantes,  petit  jeu  intellectuel  qui  r^duit  le  simple  an  complique".  Sur  la 
route  qu'il  pensait  prendre,  ce  n'e"tait  qu'une  traverse  moins  importaiite. 
Qu'elle  en  soil  devenue  le  but  principal,  c'est  une  vicissitude,  qui  n'est  plus 
caract^ristique  de  Freuvre  de  POINGAR^. 

PoiNCARfi  s'e'tait  pos6  un  probleme  tout  a  fait  pratique  :  Fint^gration  effective 
d'e'quations  diff^rentielles  ordinaires  lin^aires  a  coefficients  algebriques.  II 
cherche  des  possibilite"s  d'exprimer  leurs  solutions  au  moyen  de  transcen- 
dantes  bien  de*finies,  par  exemple  par  des  series  de  MAC  LAURIN  toujours  conver- 
gentes.  A  ce  moment  il  a  formula  a  son  insu  le  probleme  de  Funiformisation 


i'lfi  CINQUIEME  PARTIE. 

des  solutions  iTuquations  diHerentielles,  donl  celui  de  runilbrmisalion  des 
functions  algebriques  n'esl  qu'un  cas  special. 

Au  commencement  de  mai  1880,  PoixcARfi  lit  un  travail  de  FUCHS  qui  va 
uccuper  son  esprit.  Le  28  mai  il  presume  au  concours  d'un  prix  de  PAcademie 
u  n  Memoirc  ou  le  travail  de  FUCHS  est  analyst  et  continue  (Acta  Matli.,  t.  39, 
Hj2,:>,  p.  58  j.  Aux  mois  de  juin  et  de  juillet  il  y  a  eu  uchange  de  correspon- 
daiice  avec  FICHS  (Acta  Math.,  t.  38,  1921,  p.  183-187),  qui  refuse  de  recon- 
naitre  les  graves  erreurs  que  POIXCAR&  a  de'couvertes  dans  son  travail.  Dans  la 
Iroisieine  lettre  PoixcARfi  parle  de  la  fonction  fuchsienne,  dans  la  quatrieme  ce 
mot  figure  deja  au  pluriel.  En  fevrier  1881  la  premiere  Note  stir  les  fonctions 
fuchsiennes  dans  les  Comptes  rendus  fait  voir  que  le  plan  general  de  cette 
theorie  qui,  dans  les  OEuvres  de  POINCAKE,  remplira  presque  un  volume,  est 
deja  bien  trac^  dans  Tesprit  de  Tauteur. 

L'ide*e  est  assez  simple.  FUCHS  avait  cherche"  des  conditions,  pour  que  le 
quotient  de  deux  integrates  d'une  Equation  a  coefficients  rationnels 


soit  Finverse  d'une  fonction  meromorphe.  Un  sysl^me  fondamental  d'inte"- 
grales  subit  une  transformation  lineaire,  quand  on  tourne  autour  d'une  singu- 
larite  des  coefficients,  leur  quotient  se  transforme  de  maniere  projective  et  son 
inverse  se  reproduit,  si  Ton  applique  a  sa  variable  ind^pendante  cette  projec- 
livite.  Ainsi  PoixcARfi  est  conduit  a  chercher  des  fonctions  «  fuchsiennes  », 
qui  satJsfont  a  des  Equations  fonctionnelles 


ou  S  parcourt  les  substitutions  d'un  groupe  de  transformations 

az  •+-  b 


, 

z  = 


a  coefficients  i^els  (ou  conservant  le  cercle-unit^).  Ce  groupe  doit  £tre 
discontinu.  POIKCARS  en  construit  ce  qu'on  appelle  alors  le  domaine  fonda- 
mental. Inversement,  il  se  donne  un  polygone  fondamental  horde*  par  des 
cercles  orthogonaux  &  1'axe  r6el  et  par  des  morceaux  de  cet  axe  et  pourvu 
d'identifications  de  frontiere,  et  il  trouve  les  conditions  ne'cessaires  et  suffi- 
sautes  pour  que  ce  polygone  appartienne  a  un  groupe  discontinu.  Enfin  il 
parvieat  aux  fonction^  automorphes  par  le  proce'de'  le  plus  simple  du  monde. 


HOMMAGE   DE   LJETRANGER   ET   AUTRES   MANIFESTATIONS    EN   FRANCE.  217 

A  partir  d'une  fonction  rationnelle  H(^)    il  forme  la  «  s£rie  de 


qui  dans  la  substitution  z  ->  Sz  du  groupe  est  multiplied  par  (  ~r  )       ] 

le  quotient  de  deux  series  avec  le  merne  m  est  done  automorphe.  II  etudie 
spe"cialement  le  cas  ou  le  groupe  est  engendre  par  des  rotations  autour  d'un 

nombre  fini  de  points  a1?   .  .  .,  an+i]  si  les  angles  respectifs  sont  —-,  Fimage 

de'crite  par  la  fonction  automorphe  F  est  une  surface  de  RIEMANN  ramifi6e  aux 
points  F(a/)  de  degre's  respectifs  AV.  L'inverse  d'un  F  bien  clioisi  est  done  une 
uniformisante  de  cette  surface  de  RIEMANN.  Pour  uniformiser  une  surface  de 
RIEMANN  quelconque  a  un  nombre  fini  de  ramifications  (pre'alablement  re'elles), 
il  faut  varier  les  a/  de  telle  maniere  que  les  F(a±)j  .  .  .,  F(an+i)  parcourent 
tous  les  systemes  possibles  de  valeurs.  Ce  probleme  est  r^solu  par  le  principe 
fameux  dit  de  continuity  :  si  I'oii  transforme  biunivoquement  une  varie'te' 
compacte  M  (celle  des  systemes  ait  .  .  .  ,  a/l4.i  possibles)  dans  une  autre  M;  de 
la  meTne  dimension  (celle  des  surfaces  de  RIEMANN  d?un  type  de  ramifications 
donne"),  1'image  couvrira  tout  M'.  Ce  m^me  principe  est  applique",  pour 
effecLuer  une  autre  «  inversion  »  :  £tant  donn6  un  groupe,  trouver  I'e'quation 
de  FUCHS  qui  y  appartient.  Enfin  1'ensemble  des  groupes  admis  est  e'tendu;  aux 
groupes  kleine'ens,  c'est-a-dire  groupes  de  transformations  line'aires  ration- 
nelles  quelconques  (pas  seulement  re'elles),  POINCARE  applique  toutes  ces 
me'thodes,  dont  la  fe'condittj  avait  apparu  dans  le  cas  fuchsien.  II  n'oublie 
jamais  son  point  de  depart;  il  retourne  toujours  aux  Equations  diffe'reiitielles  , 
dont  la  solution  effective  reste  son  probleme  principal. 

Le  de'veloppement  que  je  viens  d'esquisser  se  d6roule  comme  un.  enchai- 
nement  logique  et  naturel  d'ide'es  simples  et  intuitives.  Mais  je  dois  avouer 
franchement  que  j'ai  trich^  un  peu.  J'y  ai  introduit  illicitement  une  id6e  qui 
provient  de  KLEIN.  POINCARE  n'a  jamais  lie'  1'uniformisation  des  fonctions  alg^- 
briques  a  ces  groupes  spe""ciaux  engendr6s  par  des  rotations,  qu'il  a  trait6s 
si  longuement.  Au  moment  ou  il  a  fini  toutes  les  preparations  n6cessaires 
et  ou  seul  le  re'sultat  devrait  6tre  formula,  il  change  de  route  et  par  une 
me"thode  diffe'rente  il  parvient  au  the'oreme  de  1'uniformisation.  II  admet  des 
valeurs  /r^^noo,  c'est-a-dire  qu'il  s'occupe  de  polygones  a  angles  ze"ro  et  des 
fonctions  automorphes  (gen^ralisant  les  fonctions  modulaires)  qui  Jrans- 
forment  le  demi-plan  dans  la  surface  de  RIEMANN  recouvrant  un  plan  dont  on  a 
H.  P.  28 


1U8  CINQUIEME   PARTIE. 

ott*  n  -f-  i  points.  Grace  an  priueipe  do  continuite  il  peut  localiser  ces  points 
justement  aux.  ramifications  de  la  ibnction  alg^brique  domiee,  qui  sera  unifor- 
misee  au  moyen  de  celte  function  automorphe. 

Pourquoi  ce  detour  mysterieux?  Avait-il  des  raisons  que  nous  ne  connaissons 
pas,  ou  est-ce  simplement  une  iaiblesse  d'un  auteur  qui  se  noie  dans  la  mer  dc 
ses  idees  e!  qui  avec  une  \Hesse  incroyable  produit  des  travaux,  clairs  dans 
tons  les  details,  mais  rhaotiques  dans  leur  composition?  En  tout  cas,  il  a  laisse 
a  KLEIN  riionneur  de  signaler  le  premier  la  voie  plus  clirecte,  et  si  je  ne  me 
trompe  pas,  c'est  le  seul  point  essentiel  ou  KLEIN,  dans  les  reclicrches  sur  les 
tbnctioiis  automorphes,  a  depasse  POINCUIK. 

Des  les  premieres  notes  que  POINCAUK  publiail,  KLEIN  avail  saisi  1'importance 
de  scs  idees.  Tout  le  monde  etait  stupefait,  mais  le  seul,  dont  1'admiration  e^tait 
fondle  sur  une  comprehension  plus  proibnde,  etait  KLEIN.  La  notion  de  la 
ibnction  automorphe  lui  etait  familiere,  quoiqu'il  ne  Peut  rencontre^e  que  dans 
des  cas  tres  spe'ciaux.  KLEIN  aimait  la  beaut6  idjllique  des  probltimes  sp^ciaux, 
la  «  nature  uiorte  »  telle  qu'il  la  peint  dans  ses  cours  sur  1'icosa^dre.  Si 
PoiNCARfe  n'etait  pas  intervenu,  KLEIN  aurait  developpe  les  fonctions  auto- 
morphes,  passant  d'une  generalisation  a  la  suivante  sans  manquer  aucun  degr^ 
de  1'echelle.  Embrasser  un  probleme  dans  toute  sa  generalite,  ce  ii'etait  pas  la 
maniere  de  KLEIN.  I/apparition  de  POINCARJ&  lui  imposa  des  methodes  qui 
n'etaienl  pas  les  siennes.  KLEIN  se  trompe,  quand  il  compare  cette  concurrence 
a  uue  course  ou  paribis  1'un,  parfois  Tautre  est  en  te"te.  Des  le  debut  POINCARE 
a  une  avance  que  KLEIN  no  peut  plus  rattrapper. 

Vingt-six  Ictlres  out  etc  (5changees  eiitre  KLELN  et  PoiNC.vRft  sur  les  fonctions 
automorphes.  KLEIN  en  a  (5crit  la  premiere,  apr^js  la  partition  de  la  troisi&me 
Note  de  POINCAR&.  Dans  cette  correspondance  POINCAR£  est  1'^vc,  qui  pose  des 
questions,  et  KLEIN  est  le  maitre,  qui  en  toute  since>it6  et  loyauttS  guide  son 
e"l£ve  et  lui  fait  combler  les  lacunes  t^normes  de  son  erudition  matht5matique. 
II  n?y  avait  qu'un  seul  diff^rend  :  KLEIN  d^sapprouvait  la  denomination  de 
fonctions  fuchsiennes  que  PoiNCARfi  avait  choisie,  ignorant  les  m6rites  des 
mathtaaticiens  de  Pe^cole  de  RIEMANN,  mais  POINCARE  y  tenait.  En  parlant  de 
fonctions  automorphes  on  a  accept^  le  point  de  vue  de  KLEIN. 

Qui  peut  mesurer  les  sentiments  provoqu6s  chez  KLEIN  par  les  progr&s 
^normes  et  instantantte  que  POINCAR^  fit  sur  une  route  ou  eux,  KLEIN  et  ses 
6l&Yes,  n'avaient  avanc6  que  pas  a  pas?  Plus  on  saisit  cette  situation,  plus  on 
doit  admirer  Tattitude  irr6prochable  de  KLEIN. 


HOMMAGE   DE   LJETRANGER   ET   AUTRES   MANIFESTATIONS   EN   FRANCE.  21  9 

Ni  KLEIN,  ni  POINCAR&  n'aboutirent  a  cette  6poque.  II  y  avail  des  lacunes 
serieuses  dans  leur  raisonnements,  beaucoup  plus  serieuses  chez  KLEIN  que 
chez  PoiNCARfi.  Entre  aulres  le  principc  de  continuity  donna  lieu  a  de  graves 
objections.  Ni  la  r6gularit6  topologique  des  varies  M  et  M7  ni  le  principe 
mtiine  n'etait  assur^.  Un  quart  de  siScle  doit  s'^couler  avant  que  les  connais- 
sances  acquises  ne  soient  consolid^es  et  que  les  fondements  ne  soient  soumis  a 
une  revision  critique.  HUBERT  cite  1'uniformisation  dans  sa  liste  fameuse  de 
probl&mes.  En  1907  KOEBE  rtisout  le  problSme,  suivi  par  PoiNCAufi  lui-m&me. 
La  surface  de  rev^tement,  dispositif  d6ja  propose  par  SCHWARZ  et  essay^  par 
POINCAR&  en  1  883,  parail  etre  Facets  veritable  ajla  th^orie. 

Je  ne  poursuivrai  pas  1'histoire  des  fonctions  automorphes.  En  revanche,  je 
vais  signaler  trois  consequences  de  ces  rechercbes,  qui  peuvent  6Lre  appr6ci6es 
par  tout  math^maticien,  m6me  par  ceux  qui  ne  s'int^resseraient  gu^re  aux 
fonctions  automorphes  : 

i°  La  construction  du  domaine  fundamental  d'un  groupe  discontinu,  qualifi^ 
de  hardie  par  KLEIN,  et  extraordinaire  a  une  6poque  ou  1'on  n'utait  pas  accou- 
tum6  a  des  m^lhodes  directes  et  non  analydques. 

2°  La  d(3couverte  de  la  connexion  qui  existe  entre  les  transformations  r^elles 
Iin6aires  et  rationnelles  d'une  variable  complexe  et  celles  de  la  G6om6trie  non 
euclidieniie,  c'est-a-dire  du  module  de  POINCAR£  de  la  G^om^trie  noneuclidienne. 

3°  Le  principe  de  continuity  et  la  notion  de  vari^te  topologique  ont  attir^ 
Pattention  de  BROUWER,  qui  a  su  alors  crt^er  par  sa  demonstration  de  Finva- 
riance  du  domaine  les  m^thodes  indispensables  et  fondarnentales  dont  la 
Topologie  s'est  servie  depuis  lors  jusqu'aujourd'hui. 

CONFERENCE  DE  M.  L.  SCHWARTZ 

A  LA  HATE. 

L'ceuvre  de  PoincarS  :  Equations  diff  6rentielle  s  de  la  Physique. 


a  fait  d'importants  travaux  en  Physique  proprement  dite  :  polari- 
sation de  la  lumi&re  par  diffraction,  th^orie  de  LORENTZ,  ondes  hertziennes,  etc. 
Nous  ne  parlerons  ici  que  de  ses  travaux  de  Math^matiques  appliqu^es  a  la 
Physique,  et  sp^cialement  de  trois  M6moires  tr^s  importants  : 

i°  Sur  les  Equations  aux  d&rivees  partielles  de  la  Physique  math&ma- 


•jt«>(>  CINQUIEME   PARTIE. 

tique  (American  Journal  of  Mathematics^  1890);  ce  Memoire  contienl  la 
intHhode  du  balayage  pour  la  solulion  du  probleme  de  DIRICHLET. 

2°  Sur  lex  equations  de  la  Physique  matliematique  (Rendiconti  del 
Circolo  Matematico  di  Palermo.  1^9/1);  ce  Memoire  etudie  1'equation  des 
membranes  vibrantes,  el  iruuve  loulos  les  valeurs  propres. 

,'»°  La  mclhnde  de  Neumann  et  le  probleme  de  Diriehlet  (Ada  MalJte- 


(.les  irois  Memoires  so  trouveiit  dans  le  tome  IX  des  OEuvres  de  POINCARH. 

Le  probleme  de  Diriehlet.  —  Ce  probleme  a  etc  uu  des  probl&mes  centra  ux 
de  la  Physique  mathematique,  et  dans  line  grande  inesure  il  le  reste  encore, 
mais  poar  des  cas  plus  g(5neraux  qu?inilialement. 

Prenons  le  cas  le  plus  simple,  ou  ce  probleme  consisle  a  trouver  une  fonc- 
lion  U  hannonique  dans  tin  domaine  ^  born6  de  Fespace  euclidien,  ayant  des 
valeurs  limites  continues  donnees  sur  le  contour  S  de  Q. 

La  premiere  solulion,  donnt^e  par  RIEMANN  (i85i),  e"tait  fausse.  Elle  consistait 

a  prendre  pour  U  la   Ibnction   mininiisant  1'integrale    //•••/    z  (~r~)    d%-> 

J.'          JQ  ~*  \  (**EI  / 

parmi  toutes  les  tbnclious  derivables  ayant  au  contour  S  les  valeurs  prescrites. 
Or  s'il  esl  vrai  quo  cette  integrate  a  bien  une  borne  inferieure  puisqu'elle 
est  >•  o,  rien  ne  dit  que  cette  borne  soit  realistic  pour  une  tbnction  U.  Quand 
en  1869  WEIKRSTHASS  eleva  cette  objection  a  la  demonstration  de  RIEMANN,  ce 
fut  un  veritable  choc  dans  le  monde  math^matique,  et  devant  1'impossi- 
bilite  ou  1'on  se  trouva  d5  «  arranger  »  cette  demonstration  de  facon  qu'elle 
devint  rigoureuse,  force  fut  bien  d'en  trouver  d'autres.  Les  premieres 
solutions  correctes  furent  celle  de  NEUMANN,  valable  seulement  pour  un  contour 
convene  (1877)  et  celle  de  SCHWARZ  (1869)  (m6thode  altern^e,  de"veloppee  dans 
le  cas  de  deux  dimensions,  valable  dans  une  dimension  quelconque  mais  avec 
de  difficiles  ajustements;  cette  methode  permet  de  re"soudre  le  probleme  pour 
un  domaiue  i2  reunion  de  deux  domaines  ou  la  solution  est  connue).  La  solu- 
tion de  POINCARE,  donn^e  dans  le  Memoire  not6  i°,  est  beaucoup  plus  g6n6rale 
que  les  pre"ce"dentes,  et  d'une  tr^s  grande  originality.  Exposons  le  principe  de 
cette  solution,  bas6e  sur  la  methode  dite  du  balayage.  Si  la  valeur  donn(5e  sur 
le  contour  S  est  assez  r6guli6re,  elle  peut  se  prolonger  en  une  fonction  deux 
fois  continument  differentiable  dans  tout  1'espace,  qu'on  pourra  toujours 
supposer  nulle  en  dehors  d'un  ensemble  compact;  ce  prolongement  est  alors 


HOMMAGE   DE   L'ETRANGER    ET   AUTRES   MANIFESTATIONS   EN   FRANCE.  221 

un  poteiitiel  UP  d'une  couche  de  density  continue  p,  qu'on  peut  toujours 
supposer  ^  o,'  en  la  decomposant  au  besoin  en  difference  de  deux  couches  ^  o ; 
dans  le  langage  moderne,  UP  est  surharmonique  (le  cas  ou  la  valeur  au 
contour  est  seulement  continue  se  ramene  au  cas  parliculier  traite  par  un 
passage  u  la  limite). 

En  quoi  consiste  le  balayage?  Soilf/.  une  distribution  de  masses  ^o  dans  mi 
domaine  co  borne  de  frontiere  reguliere  s.  Balayer  tu  sur  s  c'est  irouver  une 
nouvelle  distribution  v^o  ported  par  s  telle  que  le  potentiel  Uv  soit  e"gal  au 
potentiel  UP  dans  le  complementaire  de  co,  et  major£  par  U^  dans  co.  Ge  pro- 
bleme est  a  peu  pres  equivalent  au  probleme  de  DIRICHLBT.  Supposons  par 
exemple  qu'on  puisse  balayer  sur  la  frontiere  S  la  portion  JJLQ  de  la  masse  p.  de 
densiie  p  portee  par  £2,  sans  toucher  aux  masses  exte'rieures  a  £2;  la  nouvelle 

distribution  v,  portee  par  I  £2,  aura  un  potentiel  Uv  harmonique  dans  £2,  et 
e'gal  a  UP  dans  I  £2 ;  s'il  est  possible  de  montrer  que  U  est  une  fonction  continue, 

on  aura  U^—  Uv  sur  S,  et  Uv  resoudra  le  probleme  de  DIRICHLET  pour  &.  Mais 
e>idemment  on  ne  sait  pas  effectuer  un  tel  balayage  pour  Q  et  c'est  pre"cise"ment 
ce  qu'on  va  tacher  de  faire.  Si  co  est  une  boule  ayantpour  frontiere  une  spheres, 
on  sait  r^soudre  le  probleme  de  DIRICHLET  et  celui  du  balayage;  le  noyau  de 
POISSON  K(m,  /?),  m  €  w,  p  €<?,  donne  la  density  superficielle  de  la  distribution 
balay^e  sur  s  de  la  rnasse-unitg  au  point  m  de  w.  On  va  alors  recouvrir  Q,  par 
une  suite  de  boules  BI,  B^,  .  .  . ,  B/J3  .  .  . ,  et  appeler  co1?  co2,  .  . . ,  oaa,  .  .  . ,  cette 
suite  parcourue  de  telle  maniere  que  chaque  boule  B/t  soitnomm^e  une  infinite 
de  fois  :  BI,  B2,  B1?  B2,  B3,  B4,  B2;  Ba,  B4,  ....  On  ope"rera  alors  les  balayages 
suivants  :  p0  — p.  — p;  |JLA  s'obtient  en  balayant  sur  $i  la  portion  de  ^o  porte'e 
par  oo4  sans  toucher  a  la  portion  exte"rieure  a  Wi,  .  .  . ,  yLtt  s'obtient  en  balayant 
sur  sn  la  portion  de  p./i-i  port(5e  par  oo/0  sans  toucher  a  la  portion  ext<5rieure 
a  &);i.  II  est  bon  de  remarquer  que  chaque  operation  de"truit  partiellement  la 
pr^c^dente  :  si  par  exemple  cort_1  et  M}I  out  une  intersection  jiion  vide,  le  nibmQ 
balayage  envoie  toutes  les  masses  port^es  par  co^  sur  la  frontiere  sn,  et  aucune 
portion  de  $n  ne  s'en  trouvera  d^munie,  de  sorte  que  la  portion  de  sn  situe"e 
dans  co/z_1  contiendra  des  masses,  alors  que  la  (n  —  i)16me  operation  Ten  avait 
d<3barrasse"e.  Ainsi  chaque  fonction  U^n  est  surharmonique,  harmonique  dans 
une  region  qui  contient  wn,  mais  qui  ne  va  pas  en  grandissant.  Cependant  on 
voit  aise'ment  que  la  masse  situe"e  dans  une  partie  compacte  de  ^  va  en  de'crois- 
sant  et  tend  vers  z^ro,  et  c'est  la  Fessentiel;  la  limite  U  sera  harmonique  mais 


222  CINQUIEME   PARTIE. 

liiaite  de  functions  qui  mj  le  sonl  jainais  parloul.  Plus  preeisement  la  suite  U'J'" 
est  dticroissante,  <lonc  a  une  limite  L"  pour  n  ->  oo  ;  conime  dans  toute  bouJe  B/. 
il  y  a  une  infinite  de  foneliuns  LJ:J'"  qui  soul  Iiarmoniques,  L  est  harmoniquc 
dans  B/,,  done  dans  ft.  An  fond  la  inetliode  employee  ressemble  singulierement 
u  une  methode  altern<3e,  permetianl  de  parser  d'une  boule  a  un  domaine  quel- 
eonque  reunion  de  boules  ;  si  ft  esl  une  reunion  de  deux  Louies  B1?  B2,  la  suite 
des  fow  est  Bt,  B-j,  BI,  Bo,  .  .  .  ,  et  nous  retombons  sur  la  methode  de  SCIIWARZ. 
La  fonclion  U  resoudra  alors  le  probleme  de  DIIUCIILKT  pour  la  donnee  UP  au 
contour,  si  Ton  peut  dtfmontrer  qifelle  est  continue  au  contour,  puisqu'on 
a  U  =  LTP  en  dehors  de  ft.  Pour  verifier  celle  continuity  en  un  point  aeS, 
supposons  qu'il  existe  un  domaine  I2fDft,  de  frontiere  S'  contcnant  le  point  a 
de  S,  et  supposons  que  pour  ftf  le  probleme  de  DIRICHIKT,  resolu  par  exernple 
par  la  mdme  methode  du  balayage,  aboutisse  pour  la  dounee  initiale  UP  (qui, 
rappelons-le,  est  suppos^e  definie  dans  tout  1'espace),  a  une  solution  U', 
continue  en  //eS'.  On  a  les  iiu^alites  UP^U^^U'  d'ou 


lorsque  ^€ft  lend  \ers  a,  U?  et  l;  out  par  bypothese  la  m6me  limite,  clone 
aussi  U.  Or  le  domaine  complementaire  d'un  demi-cone  de  revolution  donne 
lieu  i\  une  discussion  possible  pour  la  continuity  de  U;,  d'ou  Ton  dt^duit  que  si, 
au  voisinage  de  aeS,  il  existe  un  demi-cone  de  revolution  enti^remeiit  ext6- 
rieur  a  ft,  la  fonction  U  est  bien  continue  en  a,  a  est  regulier  pour  le  probl&me 
de  DIRICIILKT  comme  on  dit  aujourd:hui.  On  voit  pour  la  premiere  fois  inter- 
venir  une  discussion  aussi  fine  sur  le  contour.  Neanmoins  ce  n'est  encore  la 
que  scrupulo  d'analyste;  quoique  le  cas  traits  ne  couvre  pas  le  cas  general, 
PoiNCARfe  ne  soup^onne  pas  qu'il  puisse  y  avoir  des  points  irr^guliers,  c'est 
LEBESGUE  qui  le  montrera,  et  saura  en  tirer  parti.  On  peut  quand  m6me  dire 
que  les  notions  modernes  de  points  reguliers  et  irr^guliers,  le  fait  que  a€$> 

est  irregulier  si  I   ft  est  «  effil<5  »  en  a,  tirent  leur  origine  de  la  discussion  de 

PoiNCARfi.  Naturellement  ces  m^thodes  modernes  permettent  de  poser  le 
probleme  de  DIRICHLET  en  des  termes  que  POINCARE  n?eut  pas  imagines, 
puisque  ft  est  un  ensemble  ouvert  arbitraire  de  1'espace  euclidien,  de  frontiere 
(ferm^e)  S  quelconque. 

Mais  revenons  sur  le  balayage  Iui-m6me.  Un  point  est  tout  a  fait  remarquable. 
PoiNCARfi  a  balay6,  par  un  precede  alterntS,  la  portion  p.&  de  /i  portcse  par  ft, 
sur  la  frontiere  S,  il  obtient  U,  mais  ne  s'occupe  pas  du  tout  de  la  masse  v 
limite  des  f%  et  dont  U  est  le  potentiel  Uv.  II  est  done  dans  une  certaine 


HOMMAGE   DE   L'ETRANGER    ET   AUTRES   MANIFESTATIONS    EN   FRANCE.  223 

mesLire  pass6  a  cote  du  balajage  proprement  dit  1  C'est  DE  LA  VALLEE-POUSSIN 
qui  le  premier  a  eu  Fidee  d'examiner  ce  que  devenaienl  les  masses  a  la  suite 
de  ces  balajages  successifs.  Voici  ce  qu'il  dit  dans  son  Mtjmoire  de  1981  sur 
1' extension  de  la  miHhode  du  balajage  de  POINCARE  et  le  probl&me  de  DIRICHJLET 
(An?iales  de  VInstitut  Henri  Poincare^  :  «  11  semble  bien  cependant  que 
Fillustre  mathematician  n'ait  pas  attache  a  sa  methode  1'importance  qu'elle 
meritait,  et  qu'il  n'en  ait  pas  reconnu  la  puissance.  II  ne  s'occupe  eu  effet  que 
des  polentiels  et  neglige  les  masses.  Ni  lui,  ni  ses  successeurs  ne  se  sont 
clemancl6s  ce  que  deviennent  les  masses  transposes  par  le  balajage.  x>  On  sail 
toot  le  parti  que  DE  LA  VALLfiE-PoussiN  et,  a  sa  suite,  les  theoriciens  modernes 
du  potentiel,  ont  tir6  de  cette  consideration  des  masses.  La  technique  de 
1'espace  de  HILBERT  et  le  theorem  e  de  projection  sont  venus  fournir  le  mojen 
d'avoir  le  balajage  d'un  seul  coup  pour  £2,  et  par  la  m£me  de  r^soudre  le 
probl^me  de  DIRICIILET,  sans  passer  par  1'intermediaire  des  spheres,  d'un 
proced^  alterne  et  d'un  passage  a  la  limite.  La  ruesure  v,  obtenue  en  balayant 
sur  S  la  portion  p.Q  de  JUL  portee  par  £2  sans  toucher  au  resle  des  masses,  est  la 
distribution  portee  par  |  Q  dont  la  distance  a  /j.  est  minima,  au  sens  de  la 
«  norme  ^nergie  ».  II  faut  cependant  reconnaitre  que  si  cette  m^thode  est 
absolument  directe,  elle  utilise  le  proc(5d6  transcendant  qu'est  le  th^orSme  de 
projection  dans  1'espace  de  HILBERT,  qui,  pour  Evident  qu'il  soit  devenu 
aujourd'hui,  n'utilise  pas  nioins  lui  aussi  une  suite  minimisante,  c'est-a-dire 
un  passage  a  la  limite.  Mais  les  m^thodes  de  1'espace  de  HILBERT  ne  servent  pas 
qu'au  balajagel  HILBERT  en  1900  a  montrg  qu'elles  permettaient  de  rendre 
rigoureuse  la  m^thode  initiale  de  RIEMAXN  condamn^e  par  WEIERSTRASS,  et 
actuellement,  dans  les  Equations  elliptiques  d'ordre  sup^rieur,  comme  dans  les 
probl&mes  aux  limites  les  plus  g^n^raux.  pour  les  Equations  hjperboliques, 
c'est  cette  m^thode  de  RIEMAJNN  qui  donne  les  meilleurs  r^sultats. 

II  ne  faudrait  pas  terminer  cette  analjse  de  la  m<3thode  du  balajage  sans  dire 
quelques  mots  du  M^moire  de  1896,  nott^  3°  au  dt^but.  POINCAR&  ne  donne  pas 
ici  une  nouvelle  m(5thode.  II  est  oblig£  de  supposer  ant^rieur-ement  d^montr6 
le  th6or£me  d'existence.  II  montre  alors  que  la  s^rie  de  NEUMANN,  qui  avait 
servi  a  ce  math^maticien  pour  d^montrer  le  principe  de  DIRICHLET  dans  le  cas 
d'un  contour  convexe,  converge  n^cessairement  et  r^sout  le  probl^me  pour 
un  contour  r^gulier  simplement  connexe  quelconque.  On  voit  l^i  que  POINCARE, 
matli^maticien  mais  aussi  phjsicien,  n'hesite  pas  a  consacrer  tout  un  M£moire 
a  indiquer  une  m^thode  de  calcul.  C'est  d'ailleurs  dans  ce  M^moire  qu'il 


•»>4  CINQUIEME   PARTIE. 

introduit  d'unr  fa  roa  syMemaliqiu*  la  notion  tic  valeurs  propres,  donl  nous 
allons  parlor  maintenant. 

Lex  ralears  propres  et  Inclination   f/es  membranes  vibrantes.    —   Nous 
examinerons  les  iravaux  tie  POLNC.UU:  sur  les  valeurs  propres  plus  rapidement. 

L'equalion  (let*  membranes  vibrantes  esl  ->  -7-7 — AM  =  o.   Si  Ton  recherche 
i  v-   (Jt- 

ponr  u  nne  solution  stationnaire,  tie  la  forme  //  =  U(#,  ;}')  cos  u£,  LI  doit 
salisfaire  a  Fequation  elliptique  AC  -{-).?/.=  o,  X  =  ~;  de  plus  on  impose  en 

general  a  w,  done  a  L,  certaines  conditions  aux  limites;  nous  prendrons  le  cas 
de  la  membrane  a  hord  fixe,  done  U  —  o  an  bord.  Les  valeurs  possibles  de  X 

sent  les  valeurs  propres  du  probieme;  les  frequences  correspondantes  N  =  — ~ 

srmt  les  frequences  propres  de  la  membrane,  frequences  diles  du  son  fonda- 
meutal  (pour  la  plus  petite)  et  de  ses  harmoniques.  La  nature  physique  du 
probieme  montre  a  priori  Fexistence  de  cette  suite  de  valeurs  propres.  D'autre 
part  le  parametre  A  a  lui  aussi  une  origine  physique.  La  recherche  de  ces 
valeurs  propres  a  suscite  de  nombreux  travaux.  C'est  SCHWA RZ  qui  a  trouv6  la 
premiere  (la  plus  petite)  en  1880 ;  PiciRDa  trouv6  la  seconde  en  1898  («  trouvti  » 
an  sens  mathematique  :  montre  Texistence).  PoiNCARfi,  dans  son  Me'moire 
not(i  2°  au  debut,  montre  Texistence  de  toute  la  suite  discrete  de  ces  valeurs 
propres.  II  cherche  pour  cela  a  r^soudre  Fequation  AU  +  XU +/=  o,  avec 
valeurs  de  U  nulles  au  contour.  On  cherche  a  de'velopper  LI  suivant  les  puis- 

X 

sances  de  A;  TJ=  N  A;/L'/Z,  et  pour  trouver  chaque  U,^  on  a  a  r£soudre  un 

;r— 0 

probieme  de  DIRICHLET.  Une  majoralion  simple  des  Un  montre  alors  que  cette 
se"rie  est  convergente,  et  r*5sout  le  probleine  qu'il  se  pose,  si  |  A  |  est  assez  petit. 
Mais  ensuite?  en  multipliant  la  solution  trouve'e  par  un  polynome  en  X  a 
coefficients  inde'termine's,  il  montre  qu'on  peut  choisir  le  degr6  et  les  coefficients 
de  ce  polynome  de  fagon  a  rendre  la  se'rie  convergente  pour  n'importe  quelle 
valeur  de  X  donne"e  a  Favance.  Ainsi  s'introduit  une  fonction  me'romorphe  de 
la  variable  complexe  X:  dont  les  poles  (avec  leurs  ordres  de  mulliplicite') 
donneront  les  valeurs  propres  cherchees.  Ceci  fait  en  toute  rigueur,  Tauteur 
donne  divers  de'veloppements  non  rigoureux  de  nature  heuristique  :  les  valeurs 
propres  pour  d'autres  conditions  au  contour  en  particulier.  D'autre  part  il  ne 
parvient  pas  a  rnontrer  que  les  fonctions  propres  forment  un  «  systeme 
complet  »  de  fonctions  orthogonales. 


HOMMAGE  DE   I/ETRANGER   ET   AUTRES   MANIFESTATIONS   EN   FRANCE.  225 

Dans  le  Memoire  des  Acta  (not£  3°),  la  question  des  valeurs  propres  se 
pr^sente  de  facon  entierement  diflferente.  II  n'y  a  aucune  raison  physique  de 
les  introduire.  Le  param&tre  A,  qui  plus  tard  fera  fortune,  est  ici  assez  artiiiciel. 
II  est  introduit  par  POINCARE  uniquement  pour  pouvoir  r£soudre  a  la  fois  les 
probl&mes  de  DIRICHLET  int^rieur  et  ext^rieur,  en  faisant  A  =  — i  dans  le 
premier  et  A  =  +  i  dans  le  deuxi&me.  D'ailleurs  POINCARE  ne  parvient  pas  a 
montrer  1'existence  de  ces  valeurs  propres  dans  le  probl&me  qu'il  s'est  pos£.  11 
se  contente  de  sugg^rer  leur  existence  et  le  moyen  de  les  obtenir.  11  monlre 
alors  comment  ce  r^sultat,  s'il  est  vrai,  permet  de  montrer  pourquoi  la  s^rie  de 
NEUMANN  est  convergente;  et  il  d^montre  de  fagon  entierement  rigoureuse  la 
convergence  de  cette  s£rie  de  NEUMANN  (en  supposant  d£montr6  par  ailleurs  le 
principe  de  DIRICHLET)  sans  se  servir  de  ses  conjectures  sur  les  valeurs  propres. 
II  a  manqu6  de  peu  les  d^couvertes  qui  seront  faites  quelques  ann^es  plus  tard 
par  un  autre,  FREDHOLM  (1908)  :  noyaux  it6r£s,  determinant  de  FREDHOLM, 
fonction  holomorphe  enti^re  de  A  dont  les  z6ros  donnent  les  valeurs  propres, 
dtSveloppements  en  series  de  fonctions  propres,  etc.  Du  moins  a-t-il  accueilli 
la  d^couverte  de  FREBHOLM  avec  Fenthousiasme  qu'elle  m^ritait,  et  a-t-il  public 
de  nombreux  articles  sur  les  Equations  de  FREDHOLM.  II  est  aussi  permis  de 
penser  que  les  recherches  qu'il  a  faites  sur  les  valeurs  propres  des  membranes 
vibrantes,  recherches  couronn^es  de  succ&s,  et  celles  moins  fructueuses  qu'il 
fit  ensuite  a  propos  de  la  s£rie  de  NEUMANN,  ont  6t£  pour  beaucoup  dans  la 
d^couverte  de  FREDHOLM  et  toute  la  th^orie  ult6rieure  des  spectres  des  op^ra- 
teurs  compl&tement  continus. 


CONFERENCE  DE  M.  J.  LfiVY 

A  LA  HAYE. 

PoincarS  et  la  Mecanique  celeste. 

Depuis  qu'en  1909,  G.  DARWIN,  remettant  a  Henri  POINCAR£  la  m^daille  d'or 
de  la  Soci£t£  Royale  Astronomique  de  Londres,  analysait  son  ceuvre  astrono- 
mique,  celle-ci  a  fait  Fobjet  de  plusieurs  exposes  d6taill6s,  notamment  celui  de 
VON  ZEIPEL,  qu'on  trouve  dans  les  Acta  mathematica  de  1921,  et  celui  de 
J.  CHAZY,  r^cemment  paru  dans  le  Bulletin  astronomique,  en  1961. 

Dans  un  autre  esprit  que  celui  de  ces  exposes,  je  vais  ici  consid^rer  moins 
H.  P.  29 


•»?<»  CINQUIEME   PARTIE. 

rasped  leeliriique  quo  1'aspect  historique  de  lYjeuvre,  tenlant  de  situer  les 
travaux  »lc  POLNCAUE,  d'examiner  l<js  conditions  dans  lesquelles  ils  onl  e'te' 
eilectues  el  les  consequences  qu'on  a  su  en  tirer. 

Ces  travaux  se  groupent  aulour  do  trois  questions  fondamenlales  :  figures 
d'equilibre  d'une  masse  iluide,  theorie  des  marees,  theorie  des  mouvements 
des  corps  celestes. 

En  1881,  PoiMuufc  est  charge1  du  cours  de  Me'canique  a  la  Sorbonne.  Ensei- 
guani  la  Mecanique  des  fluides,  il  constate  les  impre'cisions  et  les  imperfections 
de  la  theorie  des  masses  fluides  en  rotation.  En  i<385,  il  publie  le  re^sultat  de 
ses  recherches  dans  un  Me  moire  des  Acta  mathematica  devenu  ctfl&bre;  le 
problems  qu'il  pose  et  resout  est  le  suivant :  quelles  sont  les  figures  d'equilibre 
rclatif  que  peul  affeeter  ime  masse  fluide  homogtjne  dont  toutes  les  molecules 
s'altirent  conformement  a  la  loi  de  NEWTON  et  qui  est  anim<3e  autour  d'un 
certain  axe  d'un  mouvement  de  rotation  uniforme,  quelles  sont  les  conditions 
de  btabilit£  de  cet  equiiibre?  On  sait  la  facoii  magistrate  dont  il  conduit  son 
analyse  :  les  auteurs  precedents  avaient  recherche  des  solutions  isol^es  du 
probleme;  lui,  par  continuite,  parvient  jusqu'a  Fultime  figure  qui  soit  d'un 
seul  tenant,  celle  qu'il  a  appelee  piriforme.  Le  sujet  a  <H6  suffisamment 
vulgarise  pour  qu'il  soit  inutile  d'iiisister,  mais  il  convient  de  souligner  les 
difficull&s  auxquelles  s'est  heurt^e  la  recherehe  de  Involution  ult^rieure  du 
fluide,  au-dela  de  la  figure  piriforme.  POINCAR&  ci^ojait  primitivement  a  la 
stabilite  de  celle-ci;  mais  cette  figure  limite  ne  se  pr&te  pas  a  Tapplication  du 
principe  general  de  I'^change  des  stability,  ainsi  que  ScHWARzscniLDle  constate 
dix  ans  plus  tard.  POINCAR£  fait  alors  le  plan  des  calculs  d^taill^s  qu'il  y  aurait 
lieu  d'exe'cuter,  DARWIN  se  charge  de  ces  calculs  et  conclut  a  la  stability, 
en  1902.  Mais  en  1900,  LIAPOUNOFF,  par  une  voie  diff'erente,  obtient  un  r^sultat 
opposed  En  1910,  J.  JEANS  reprend  le  calcul  de  DARWIN,  prolonge  ses  d^veloppe- 
ments,  des  tormes  neglige's  sont  retrouve's.  le  rc5sultat  de  LIAPOUNOFF  est 
confirm^.  Done  la  figure  piriforme  est  instable;  elle  6volue  par  une  scission  en 
deux  masses  distinctes  au  moins?  dont  on  sait  que  1'orbite  relative  est  hyper- 
bolique  par  les  travaux  de  E.  CARTAN  (1924)  et  H.  JEFFREYS  (1947).  On  voit 
comme  il  peut  &tre  malais^  de  combler  une  br£che  lorsqu'il  en  existe  dans 
Tceuvre  de  POINCAR^. 

En  1892,  appel3  a  la  chaire  de  M^canique  celeste,  POINCAR^  est  amen6  a 
s'inte'resser  au  probleme  des  marges.  Le  traitement  maihe^matique  des  obser- 
vations par  Panalyse  harmonique,  introduit  par  Lord  KELVIN  et  mis  au  point 


HOMMAGE   DE   L'ETRANGER   ET   AUTRES   MANIFESTATIONS   EN   FRANCE.  227 

par,  DARWIN,  ne  laissait  guere  a  desirer.  Mais  pour  le  probleme  general  des 
marees,  c'est-a-dire  la  recherche  de  la  forme  de  1'onde-maree  sur  loute  la 
surface  d'un  ocean,  aucune  solution  n'etait  proposee.  LAPLACE  s'etait  place  dans 
des  conditions  elementaires  non  susceptibles  de  generalisation,  ses  successeurs 
egalement.  La  theorie  que  POINCAR&  a  etablie  permel  assez  simplement  de 
concevoir  la  solution  d'ensemble  du  probleme.  Mais  la  complication  de  la 
forme  des  continents  et  de  la  surface  interieure  des  bassins  oceaniques  est  dans 
la  nature  des  choses ;  la  construction  effective  de  la  solution  ge'ne'rale  etait 
inabordable  jusqu'a  present;  il  n'est  pas  certain  qu'il  en  soit  encore  ainsi, 
maintenant  que  Ton  dispose  du  secours  des  calculatrices  electroniques.  II  y  a 
lieu  de  noter  que  la  me'thode  de  POINCAR^,  qui  date  de  1896,  repose  sur  la  reso- 
lution d'une  Equation  qui  n'est  autre  que  liquation  de  FREDHOLM;  les  premieres 
recherches  de  celui-ci  ne  paraissent  que  quelques  annees  plus  tard. 

Les  travaux  que  je  viens  de  ciler,  sur  les  masses  fluides  en  rotation  etsur  les 
marges,  appellent  une  observation.  L'article  des  Acta  est  de  i885;  le  sujet  est 
traite  dans  Loute  son  etendue ;  les  me*  thodes  sont  expose'es  avant  d'etre  employees ; 
le  texte  est  d'une  lecture  ais6e.  Aussi  non  seulement  les  resultats  obtenus  sont 
exploites,  mais  en  outre  les  precedes  nouveaux,  que  POINCAR£  introduit  profu- 
senient  ici  comme  dans  tous  ses  Merits,  se  diffusent.  J'en  cite  un;  les  petits 
mouvements  des  figures  d'^quilibre  sont  £tudie"s  de  la  facon  suivante  :  le  fluide 
est  solidifie",  soumis  a  une  deformation  homogene,  et  le  probldme  est  ramene 
a  la  recherche  d'une  fonction  harmonique  satisfaisant  a  certaines  conditions 
aux  limites  dans  le  petit  volume  balayt;  au  cours  de  la  deformation.  On  sait  que 
les  probl&mes  pratiques  les  plus  divers  ont  depuis  e^e"  r^solus  par  cette 
methode. 

L'article  fondamental  sur  les  marges  parait  dix  anuses  plus  tard.  II  est  trop 
dense  pour  que  les  non-sp^cialistes  s'y  attardent;  aussi  la  theorie  des  equations 
integrales  qui  y  aurait  trouve  sa  source  naturelle  va  se  constituer  de  fagon 
independante.  D'autre  part  la  theorie  complete  des  marees  ne  sera  jamais  mise 
au  point  par  POJNCARE;  le  Tome  III  des  Lecons  de  Mecanique  celeste  est  en 
fait  constitue  par  des  notes  de  cours  mises  en  ordre.  II  ne  semble  pas  non  plus 
que  POINCAR&  ait  jamais  eu  le  loisir  de  traiter  1'ensemble  des  probl&mes  simples 
dout  la  reunion  aurait  permis  Fapplication,  sinon  au  probl&me  general,  du 
moins  a  des  cas  concrets.  II  est  vrai  que  differentes  contributions  ont  6te 
apportees  au  sujet,  notamment  par  1'Amiral  FICHOT  qui  Fa  par  ailleurs  expose 
de  fagon  tout  &  fait  remarquable  en  1988  dans  un  Memoire  ou  1'on  ira  desor- 


228  CINQUIEME   PARTIE. 

mais  plus  volontiers  puiser  que  dans  POiivrage  original.  Mais  c'est  P effort  de 
plusieurs  generations  cle  chercheurs  qui  esl  ntfcessaire  lorsque  POINCAR&  limite 
le  sien  a  PeHablissement  des  prineipes  d'une  theorie. 

Peut-etre  y  a-t-il  lieu  de  regretter  que  des  cetle  epoque  les  charges  de  plus 
en  plus  lourdes  qu'il  aecepte  avec  conscience  ne  lui  accordent  plus  le  temps  de 
parfaire  ses  riMivreb.  C?est  aux  innombrables  academies,  associations,  conseils 
et  comites  qui  ont  sollicite  la  favour  de  Paccueillir  qu'il  donne  une  part  du 
ineilleur  de  lui-me"me.  II  se  depense  a  des  laches  qui  ne  sonL  pas  a  sa  mesure. 
C'cst  ainsi  que,  president  de  la  Commission  charged  d'organiser  la  revision  de 
Tare  de  meridien  de  Quito,  il  (era  lui-rneme,  de  1900  a  1900,  tous  les  rapports 
sur  le  sujet.  En  1900,  il  discute  des  economies  pouvant  titre  realises  sur  Pachat 
des  mules  de  Poxpedition;  en  1902,  des  mesures  a  prendre  pour  rem^dier  a  la 
destruction  syste"matique  des  signaux  geodesiques  par  les  Indiens;  en  1900,  de 
la  reproduction  par  planches  colorizes  des  insectes  recueillis  par  P  expedition. 

Or  en  1905,  il  possexle  tous  les  elements  physiques  et  cinematiques  de  la 
theorie  de  la  relativite;  mieux,  il  prepare  alors  un  cours  sur  les  limites  de  la  loi  de 
NEWTON  (cours  inedit,  mais  donl  le  texte,  recuelli,  a  ^16  public  en  1968  dans  le 
Bulletin  astro nomique)\  dans  ce  cours  se  irouvent exposes  a  peu  cl'intervalle  : 
et  les  principales  divergences  entre  Pobservation  et  la  loi  de  NEWTON,  et  les 
formulas  de  LORENTZ,  et  ses  propres  travaux  sur  la  dynamiqtie  de  P^lectron. 
N?est-il  pas  permis  de  penser  que  si  la  synth^se  n'en  a  pas  ete  faite,  c'est  que  ce 
rapprochement  ne  s'est  jamais  materialise  sur  sa  table  de  travail,  encombre'e 
par  les  lourds  rapports  sur  les  -operations  geodesiques  de  PEquateur? 

Encore  s'agit-il  la  d'uneactivite  secondaire  pour  lui,  certes,  mais  scientifique. 
PoiNCARfi  en  avait  beaucoup  d'autres.  Sa  notorie"t6,  et  Pattrait  que  les  choses  du 
ciel  exercent  sur  les  foules,  lui  attirait  continuellement  les  journalistes  a  court  de 
copie.  G'est  ainsi  qu'en  1910  Pann6e  avait  t5t6  exceptionnellement  pluvieuse. 
On  ne  pouvait  pas  encore  incriminer  les  explosions  nucle'aires,  on  ne  pouvait 
plus,  comme  a  la  fin  du  xvm°  siecle,  .s'en  prendre  aux  d^boisements  intensifs, 
aussi  la  presse  invoqua  les  cometes  de  Panned.  Apr^s,  mais  apr^s  seulement, 
on  s'inquieta  aupr^s  de  lui  de  Pexactitude  de  cette  hypothese.  POINCAR&  dut  la 
combattre  &  diverses  reprises,  employant  des  arguments  a  la  porte^e  du  public, 
comme  celui  d'apr&s  lequel  la  tradition  rattache  a  Papparition  des  cometes 
Pabondance  du  bon  vin  plutdt  que  celle  de  Peau. 

En  cette  m£me  ann^e  1910,  il  professe  un  cours  sur  les  hypotheses  cosmo- 
goniques,  mine  de  tr^sors  a  peinc  prospect^e;  les  hypotheses  sont  p^rime^es, 


HOMMAGE   DE   L/ETRANGER    ET   AUTRES    MANIFESTATIONS   EN   FRANCE.  229 

ma  is  la  parure  que  POINCARE  leur  a  donnee  en  les  pr<5sentant  a  garde  tout  sou 
e"clat.  Le  theoreme  du  viriel,  que  JEANS  j  a  lrouv6,  est  un  des  fondements  de  la 
dynamique  stellairc.  Jc  rappelle  aussi  qu'on  j  rencontre  un  magistral  expose" 
de  la  theorie  cinetique  des  gaz. 

Dans  les  travaux  de  PoiiscARfi  sue  les  mouvcmenls  des  corps  celestes,  le  sujet 
qui  domino  esl  le  probleme  des  trois  corps,  probleme  demeurtS  au  premier 
plan  de  ses  preoccupations  duraiiL  toule  sa  carriere.  Le  premier  article  ou  il 
1'eludie  date  de  juillet  i883  et  coiicerne  les  orbites  periodiques.  A  la  veille  de 
sa  mort,  il  enonce  la  proposition  connue  sous  le  iiom  de  «  dernier  theoreme  de 
POINCARE  »  dont  1'objet  est  encore  d'elablir  1'existence  d'une  classe  de  solutions 
periodiques;  (la  justification  de  ce  theoreme,  que  POINCARE  pressentait  n'avoir 
plus  le  temps  d'efFectuer,  est  due  a  G.  BIRKHOFF). 

Lorsqu'en  i885  le  Roi  de  Suede  OSCAR  II  institue  un  concours  internaliona 
ou  le  probleme  des  n  corps  est  propose,  POINCARE  y  voit  Foccasion  de  preciser 
ses  recherches.  II  se  trouve  ainsi,  d'ailleurs  pour  la  seule  fois  de  son  existence, 
devant  la  ne'cessite'  de  presenter,  en  un  temps  limite,  un  travail  s'achevant  par 
cles  conclusions  definies.  Ces  circonstances  contribuent  a  la  perfection  du 
Memoire  elabore,  intitule  Sur  le  probleme  des  trois  corps  et  les  equations  de 
la  dynamique.  Ce  Me'moire,  qui  emporla  le  prix,  est  non  seulement  le  chef- 
d'oeuvre  de  POINCARE,  niais  un  des  sommets  de  la  pensee  mathematique  de  tons 
les  temps. 

Les  Equations  difFereiitielles  du  probleme  des  trois  corps,  inaccessibles  a  une 
resolution  formelle,  (Haient  aborde"es  depuis  LAGRANGK  au  moyen  de  developpe- 
ments  en  serie  de  natures  diverses ;  Pexperieiice  avait  conseill(5  la  recherche  de 
de'veloppements  purement  trigonometriques  par  rapport  au  temps,  ou  plutot 
des  premiers  termes  de  ces  de'veloppements.  D'autre  part  en  1878  HILL  avait 
obtenu  une  solution  pe"riodique  dans  un  cas  tres  particulier  du  probl&me  des 
trois  corps.  POINCAR£  comprit  que  c'est  par  1'intermediaire  des  solutions  p^rio- 
diques,  pour  lesquelles  le  probleme  de  la  convergence  ne  se  pose  pas,  que  la 
convergence  e'ventuclle  du  developpement  general  pouvait  6tre  e'tudie'e.  On 
sait  qu'il  y  parvint  et  conclut  a  la  divergence,  ou  plus  exactement  a  1'impos- 
sibilit6  de  la  convergence  uniforme  dans  un  domaine  si  petit  soit-il  de  1'espace 
des  conditions  initiales.  Mais  en  chemin,  il  avait  de"couvert  1'existence  de  trois 
classes  de  solutions  periodiques,  imaging  la  the'orie  des  exposants  cai'acte'ris- 
tiques,  introduit  pour  leur  recherche  la  notion  nouvelle  d'^quation  aux  varia- 
tions, decouvert  1'existence  des  solutions  asymptotiques,  cr^e  la  notion  et  la 


!>3o  CINQUIEME  PARTIE. 

theorie  des  invariants  integraux,  pose  la  premiere  pierre  de  la  th6orie  ergo- 
dique,  sans  compler  d'autres  requitals  essentials,-  comme  la  preuve  de  la  non- 
existence  d'integralc  analylique  uniforme  autre  que  les  integrates  connues,  ou 
encore  Fexlension  du  theoreme  de  CIUCIIY  relatif  aux  Equations  diffe"rentielles, 
extension  d'apres  laquelle  la  solution  est  fonction  holomorplie  non  seulement 
de  la  Narioble  independanle  mais  encore  des  parametres,  c'est-a-dire,  pour  les 
problemes  de  dynamique,  des  conditions  initiales. 

(En  ce  qui  eonceme  les  iuvarianls  integraux,  il  s'agit  bien  d'une  creation,  et 
non  d'une  extension  de  ^invariant  de  volume  de  LIOUVILLE-BOLTZMAXN,  ou  alors 
il  faul  considerer  dans  le  me"  me  esprit  que  la  theorie  des  determinants  est  une 
extension  des  iravaux  de  YIETK,  qui  savait  r6soudre  un  sysl&me  de  deux  Equa- 
tions lineaires  a  deux  inconnues  au  moyen  de  Palge-bre  symbolique.) 

Lorsque  POLNCAR&  enseignera  la  Mecanique  celeste,  il  intensifiera  ses 
recherches,  qui  n'avaient  pas  cesse.  Ses  r<5sultats  seront  d^sormais  group^s 
dans  les  trois  tomes  des  Mvthodes  nouvelles  de  la  Mecanique  celeste  (et 
accessoiremenl  dans  les  deux  premiers  de  ses  Leco7is  de  Mecanique  celeste). 
On  y  trouve  la  generalisation  de  certains  resultats  du  M^moire  couronn(5  qui 
ne  s'appliquaient  qu'au  probleme  restreint  des  trois  corps  (une  des  masses  est 
nulle,  le  mouvement  relatif  des  deux  autres  est  circulaire  et  uniforme),  I'^tablis- 
sement  de  Pexistence  de  solutions  doublement  asymptotiques.  On  y  trouve 
aussi  diffe" rentes  transformations  des  equations  du  proble-me  au  moyen  de 
variables  canoniques  nouvelles  et  une  discussion  critique  des  m^thodes  d'inte- 
gration  en  usage.  Les  Methodes  nouvelles  sont  d'une  exploration  difficile;  le 
texte  reste  clair,  mais  la  coherence  manque,  les  notations  changent  fr^quem- 
ment,  les  notions  sonL  disperses,  conditions  qui  ont  retard^  et  retardent 
encore  Fexploitation  des  richesses  que  FOuvrage  contient.  Mais  cette  exploi- 
tation est  en  cours;  par  les  resultats  deja  d<§gag^s  de  ces  recherches,  on  pourra 
appnkier  leur  ported . 

Le  probteme  des  trois  corps  a  deux  aspects :  Tun  est  relatif  £  la  possibility  de 
pr^voir  le  mouvement  des  planeies,  c'est~a,-dire  d'efTectuer  le  calcul  des  ephe- 
m^rides;  Pautre  est  thdorique,  il  concerns  la  stability  du  syst&me  solaire.  Les 
fondateurs  de  la  Mecanique  c6leste  s'inqui^taient  de  ces  deux  aspects;  le 
c6l&bre  th^or&me  sur  Pinvariabilit^  des  grands  axes  est  contemporain  de  la 
mise  en  Aquation  du  probleme  par  LAGRANGE,  et  n'a  pas  pen  contribu<5  a  la 
gloire  de  LAPLACE.  Bien  que  ce  th£or&me  ait  <*t<§  Pobjet  de  diverses  extensions, 
il  n'y  sjagissait  jamais  que  de  constater,  dans  les  premiers  termes  des  develop- 


HOMMAGE  DE   L/ETRANGER   ET   AUTRES   MANIFESTATIONS   EN    FRANCE.  f>3l 

pements  des  grands  axes  des  orbites,  1'absence  de  termes  seculaires.  Aucune 
conclusion  definitive  ne  pouvait  6tre  altendue  de  cette  methode,  la  seule  dont 
on  disposait.  A  la  fin  du  xixesiecle,  deux  evenements  remettaient  la  stability  du 
systeme  solaire  en  question.  Dans  uu  developpement  assez  pouss6,  un  terme 
seculaire  mixte  etait  decouvert  (par  un  calcul  qu'un  travail  tout  recent  a  fait 
reconnaitre  errone,  sans  d'ailleurs  que  la  conclusion  qualitative  soit  modifiee). 
On  pouvait  encore  esperer  que  c'etait  par  la  nature  du  precede  de  develop- 
pemeiH  choisi  qu'on  introduisait  ce  terme  seculaire,  et  que  de.s  calculs  conduits 
dans  un  autre  esprit  permettraient  de  1'eviter.  Feu  apr&s,  en  etablissant  la 
divergence  de.s  series  de  la  Mecanique  celeste  construites  avec  le  temps  com  me 
variable  independante,  POINCAR£  ruinait  cet  espoir.  L'allure  finale  du  mouve- 
ment  ne  pouvait  £tre  abordee  que  par  une  voie  toute  differente.  Les  decouvertes 
successives  de  nouvelles  multipliers  de  solutions  periodiques  etasymptotiques 
ont  jalonne  la  carri^re  de  POINCARE  ;  elles  lui  ont  permis  d'accumuler  un  materiel 
considerable  auquel  sont  dus  tous  les  progres  moclernes  realises  dans  1'etude 
du  probl^rne. 

D^JS  1912,  Karl  SUNDMAN  avait  trouve  la  variable  independante  qu'il  convient 
de  substituer  au  temps  pour  r^gulariser  le  syst&me,  c'est-a-dire  permeltre  le 
calcul  des  inconnues  et  du  temps  sous  la  forme  de  fonctions  holomorphes.  On 
a  pu  dire  que  le  probl^me  des  trois  corps  etait  r6solu;  en  fait?  la  convergence 
des  series,  par  ailleurs  de  construction  difficilement  concevable  pour  une 
application  pratique,  est  si  lente  qu'il  lie  saurait  6tre  question  de  les  uti- 
liser. 

A  1'aide  de  cette  variable  regularisante  et  de  la  theorie  des  invariants  inte- 
graux,  J.  GHAZY  a  demontre  que  Fensemble  des  trajectoires  issues  des  points 
d'un  certain  volume  de  1'espace  a  12  dimensions  des  coordonn^es  etdes  vitesses 
presente  la  stability  a  la  POISSON,  les  elements  redevenant  ainsi  une  infinite  de 
Ibis  tres  voisins  des  elements  initiaux;  toutes  les  autres  trajectoires  poss^dent 
la  propriete  de  reversibilite,  c'est-a-dire  que  le  mouvement  relatif  de  deux 
quelconques  des  corps  est  de  la  m&me  nature  pour  les  valeurs  du  temps  infi- 
niment  grandes  de  Fun  ou  1'autre  signe.  A  l.'aide  de  ces  proprietes  et  de  1'etude 
des  points  singuliers  du  systkme,  on  obtient  une  classification  et  une  localisa- 
tion relative  de  toutes  les  trajectoires  possibles  dans  le  probl£me  des  trois 
corps,  Cette  analyse,  outre  qu'elle  n'a  pas  d'equivalent  parmi  celles  qu'on  a 
pu  faire  au  sujet  d'autres  syst£mes  differentiels  d'ordre  eleve,  conduira  tr^s 
vraisemblablement  ^.  une  conclusion  precise  quant  £  la  stabilite  du  syst&me 


232  CINQUIEME   PARTIE. 

solaire.  La  prineipale  lacune  a  combler  est  peut-<Hredes  maintenant  a  la  ported 
des  speeialibtes  de  lu  theorie  ergodique. 

II  iiVst  pas  inutile  do  pre'ciser  que  le  probleme  enjeu  estpurementth^orique  : 
il  eoueerne  reventuelle  slabilite  des  solutions  du  probleme  des  irois  corps 
lursque  It's  masses  son!  poncluellos  et  oflrent  des  conditions  initiates  qu'on 
rcneonlre  die/;  les  corps  du  sysleme  solaire.  On  ne  peut  plus  penser  aujourd'hui 
que  les  problemcs  rosm<>»oiiiques  puissent  se  trailer  en  faisant  abstraction  de 
leurs  aspects  physiques,  lesquels  nous  sont  d'ailleurs  partiellement  inconnus. 
I/iuteivl  capital  attache  a  un  probleme  iheoriqae  qui  a  suscit6  des  efforts  aussi 
lirandioses  n'eu  est  pas  moms  thident. 

De  1 88^  a  sa  inert,  par  pres  de  100  Articles  etOuvrages  couvrant  5ooo  pages 
de  texte,  POI.NGAIIE  a  consacrt5  une  importante  fraction  de  son  activity  a  la 
Mecanique  celeste  et  a  TAstronomie.  C'est  par  cette  part  de  son  ceuvre  qu'il  a 
rec.ii  du  grand  public  ljhommage  d'une  popularity  universelle,  telle  qu'aucun 
savant  n'en  a  cunnue  depuis.  C'est  aussi  dans  ce  domaine  qu'il  a  fait  preuve  du 
plus  profond  de  son  genie.  Pourtant,  aujourd'hui,  il  est  possible  de  faire  un 
cours  d'Astronomie  on  d'ecrire  un  traile  sur  le  calcul  des  orbites  sans  in£me 
meiilionner  son  nom.  Ses  travaux  ne  sont  pas  incorpor(3S  aux  notions  classiques 
qui  ferment  le  bagage  du  praticien.  Us  le  seront  un  jour.  La  Mecanique  celeste 
est  demeuree  a  Tetat  empirique  de  ses  debuts.  En  traitant  les  probl&mes  dans 
toute  leur  generalite,  PoiNUARfi  a  ouvert  la  seule  voie  possible  au  progr&s. 


CONFERENCE  DE  M.  E.  W.  BETH 

A  LA  HAYE. 

Poincar6   et  la  PliilosopMe. 

Lorsque  Louis  COUTURAT  prononca,  en  1904,  son  verdict  sur  la  philosophic 
des  math&natiques  de  RANT,  ses  auditeurs  avaient  bien  des  raisons  de  se 
rappeler  que  ce  fut  le  centenaire  de  la  mart  de  KANT  qui  pr^senta  1'occasion  de 
son  discours.  Le  fait  que  nous  ce"l6brons  aujourd'hui  le  centenaire  de  la 
naismnce  de  Henri  POINCAR&  souligne  fort  heureusement  la  vitality  etl'actualite 
de  son  oauvre,  y  compris  sa  philosophic.  Ce  caractere  vivant  de  la  philosophic 
de  POINCARJ&,  d'autre  part,  nous  permet  et  nous  oblige  m6me  de  la  consid^rer 
de  fa^on  critique,  etnonpas  sous  un  angle  purement  historique  et  r^trospectif. 


HOMMAGE   DE  L^TRANGER   ET   AUTRES   MANIFESTATIONS   EN  FRANCE,  233 

II  est  utile  de  distinguer  dans  1'ceuvre  philosophique  de  POINCARE  trois  Clements, 
a  savoir  : 

i°  philosophic  gene'rale,  morale  et  sociale; 
2°  philosophic  des  sciences  de  la  nature; 
3°  philosophic  des  mathe'matiques. 

La  premiere  partie,  bien  que  caracte'ristique  du  penseur  et  irnportante  a  bien 
des  points  de  vue,  demanderait  cependant  pour  6tre  discute'e  que  nous  sortions 
du  cadre  impose*  a  cette  calibration.  Dans  la  deuxieme  partie,  la  pens£e  de 
POINCARE  se  rattache  a  celle  de  bon  nombre  de  ses  contemporains  —  DUHEM, 
MACH,  PEARSON  et  autres  —  en  sorte  qu'il  ne  serait  pas  juste  de  la  presenter 
se'pare'ment.  D'ailleurs,  les  vues  g6n6ralcs  de'fendues  par  ces  penseurs  ont 
fortement  influence'  le  de'veloppement  des  sciences  de  la  nature  —  on  sait 
que  POINCARE  partage  avec  EINSTEIN  Fhonneur  de  la  d6couverte  de  la  the'orie 
spe'ciale  de  la  relativite'  —  et  elles  ont  obtenu  aujourd'hui  une  acceptation 
quasi  universelle. 

II  ne  reste  done  que  la  philosophic  des  mathe'matiques  de  POINCARE  quo  je 
me  propose  de  discuter  un  peu  plus  a  fond  et  que  je  voudrais  confronter  a  la 
pense'e  mathe'matique  moderne  dans  son  ensemble  et  plus  particulierement 
aux  conceptions  actuelles  au  sujet  des  fondements  des  mathe'matiques.  Les 
grandes  tendances  dans  ce  dernier  domaine  peuvcnt  &tre  caracte'rise'es  par 
trois  termes  :  i°  abstraction;  2°  axiomatisation  et  3°  formalisation  (*).  Je  veux 
de'crire  ces  trois  tendances  et  discuter  1'attitude  de  POINCAR&  par  rapport  a 
chacune. 

i°  La  tendance  abstraite  consiste  a  ce  qu'on  fasse  abstraction  des  repre'sen- 
tations  intuitives  qui  se  rattachent  de  fagon  traditionnelle  a  des  concepts  tels 
que  nombre,  somme,  point,  droite,  etc.  Cette  tendance  se  manifeste  d6j£  dans 
la  creation  de  la  Ge'ome'trie  analytique  par  FERMAT  et  DESCARTES;  elle  s'impose, 
toutefois,  si  Ton  accepte  la  tendance  axiomatique  et  les  me'thodes  dont  1'intro- 


(J)  On  me  reprochera  peut-etre  de  ne  pas  mentionner,  dans  ce  contexte,  1'intuitionisme  de 
1'ecole  de  BROUWER.  Or,  il  ressort  de  la  these  de  BROUWER  (1907)  que  mon  celebre  compatriote 
fut  sans  doute  stimuli  par  les  id6es  de  POINCARE  mais  qu'il  ne  les  accepta  guere  sans  reserves; 
autant  que  je  sache,  POINCAR&  n*a  jamais  publi6  ses  opinions  concernant  les  vues  de  BROUWER. 
L'idee  d'une  revision  integrale  des  mathematiques  qui  amena  BROUWER,  en  1918,  a  construire  une 
mathematique  purement  intuitioniste  a  c6t^  des  mathematiques  classiques  ne  se  trouve  pas  chez 
POINCAR£  qui  se  limita  toujours  a  combattre  certaines  conceptions,  selon  lui  erronees,  concer- 
nant les  fondements  des  math6matiques  classiques. 

H.  P.  3o 


</J4  CINQU1EME   PARTI E. 

duet  ion  resulte  tie  son  acceplion.  Mcnlionnons  en  particuiior  la  methode  des 
modules  qui  fut  appliquee  par  PoiNCAUfi  des  1882  dans  nn  celtibro  Memoire  sur 
la  Thcorie  des  groupes  fuchsicns. 

2°  La  tendance  axiomatique  consists  a  ce  qu'on  tasse  un  effort  pour  effectuer 
UIIG  enumeration  complete  de  loute.s  les  presuppositions  qui  sont  a  la  base 
d'une  theorie  niathematique  donn^e  pour  etablir  leur  non-contradiction  et  leur 
independanee  niuUielle.  Celle  tendance  s'est  introduce  a  la  suite  des  recherches 
sur  les  geometries  euclidienne  et  non  euclidiennes  et  des  efforts  pour  fonder 
Tanaljse  infinilesimale  sur  une  base  solide.  Elle  s'est  accentuee  en  vertu  de 
1'ave-nemenl  de  la  tendance  abstraile. 

3°  La  tendance  formaliste  n'est,  en  somine,  qu'une  consequence  ineluctable 
des  tendances  abstraite  et  axiomatique.  Si,  dans  nos  deductions,  nous  ne 
devons  plus  nous  faire  guider  par  nos  intuitions,  il  faut  bien  que  nous  sachions 
exactement  quelles  deductions  seront  admises;  egalement,  une  enumeration 
complete  des  axiomes  ne  sert  a  rien  si  elle  n'est  pas  doublee  d'une  enumeration 
des  r&gles  de  deduction. 

En  effet,  imaginons  que  deux  mathematiciens  M  et  :N  soient  d'accord  sur  un 
*y steme  d'axioraes  A  pour  la  geometrie  absolue,  1'ensemble  des  theor&mes 
communs  aux  geometries  euclidienne  et  non  euclidiennes;  supposons  que  M 
n'admette  que  les  regies  de  deduction  conformes  a  Fusage  etabli,  tandis  que  N 
admet  une  regie  de  deduction  supplementaire  pennettant  de  deduire  de 
I'axiome  Ai  en  tant  que  premisse  le  postulat  des  parall^les  en  tant  que  conclu- 
sion. Alors,  N  pourra  deduire  en  partant  de  A  lous  les  theoremes  de  la  geometric 
euclidienne. 

Get  exemple  est,  peut-£tre,  assez  trivial;  mais  il  se  presente,  de  fait,  des 
cas  analogues  mais  plus  subtils.  En  effet,  soit  A  un  syste-ine  d'axiomes  pour 
TArithmetique.  Alors,  il  peut  arriver  que  N  admette  une  re-gle  de  deduction  qui 
corresponde  au  raisonncment  par  recurrence,  tandis  que  M  se  refuse  a  admettre 
ce  raisonnement  a  titre  do  methode  autonome.  II  se  demande  alors,  si  peut- 
^tre  ce  type  de  raisonnement  se  reduit  aux  axiomes  et  regies  de  deduction  qui 
sont  admis  par  M;  et  cette  question  ne  saurait  elre  entamee  tant  que  nous  ne 
disposons  pas  d'une  enumeration  complete  des  regies  de  deduction  qui  sont 
admises  par  M .  Mais  il  est  connu  qu'une  telle  enumeration  n'est  guere  possible 
tant  que  le  langage  de  la  theorie  en  question  n'est  pas  formalise. 

4°  Je  u'ai  pas  encore  mentionne  la  tendance  logiciste  qui  ne  se  rattache 


HOMMAGE   DE   L'ETRANGER   ET   AUTRES   MANIFESTATIONS   EN  FRANCE.  235 

point  aussi  6lroitement  au  developpement  autonome  des  mathematiques  mais 
qui  derive  en  partie  de  1'influence  de  certaines  conceptions  philosophiques. 
D'autre  part,  elle  est  en  pleine  harmonie  avec  les  tendances  abstraite  et  axioma- 
tique  et  elle  se  sert  volontiers  de  la  formalisation  comme  instrument  de  travail. 

II  s'agira  maintenant  de  caracteriser  Fattitude  de  POINCARE  par  rapport  aux 
tendances  que  je  viens  de  d^crire.  Or,  on  serait  tente  de  dire  simplement  que 
PoiNCARfi  s'est  oppose"  a  toutes  ces  tendances.  II  serait  sans  doute  facile  de 
trouver  dans  ses  ceuvres  des  textes  qui  paraissent  confirmer  une  telle  interpre- 
tation, et  il  est  patent  que,  en  France,  son  influence  s'est  surtout  manifested 
dans  ce  sens. 

Pourtant,  il  me  semble  que  cette  interpretation  ne  peut  pas  6tre  acceptee 
comme  definitive.  En  effet,  elle  est  injuste,  et  par  rapport  a  POINCAR&  lui-m£me, 
et  par  rapport  au  developpement  ulterieur  des  differentes  tendances.  11  sera 
utile  de  mentionner  les  travaux  relevant  de  POINCAR£  par  ordre  chronologique. 

1894  *  Sur  la  nature  du  raisonnement  mathernatique  (R.M.M.,  vol.  2; 
reproduit  dans  La  Science  et  VHypothese,  Paris,  1902). 

1905-1906    :  Les  mathematiques  et  la  logique   (R.M.M.,  vol.  13  et  14; 
reproduit,  avec  des  changements,  dans  Science  et  Methode,  Paris,   1908). 

1906  :  Apropos  de  la  logistique  (JR.  M.  YJ/.,  vol.  14). 

1908  :  Les  derniers  efforts  des  logisticiens  (dans  Science  et  Methode). 

1909  :  La  logique  de  Vinfini  (R.M.M.,  vol.  17,  reproduit  dans  Dernieres 
pensees,  Paris,  1913). 

1912  :  Les  mathematiques  et  la  logique  (dans  Dernieres pensees). 

De'ja  dans  son  article  de  1894?  POINCA.R&  defend  le  caractere  sjnthetique  du 
raisonnement  par  recurrence,  qui  implique  1'impossibilite'  de  se  passer,  en 
Mathematiques,  de  tout  appel  a  des  donnees  d'ordre  intuitif.  Dans  ses  pole- 
miques  ulterieures  avec  COUTURAT  et  RUSSEL,  qui  etaient  1'un  et  1'autre  des 
partisans  du  logicisme,  ce  point  est  toujours  appuj6  et  il  parait  que  nous 
trouvons  la,  en  effet,  le  point  faible  dans  tout  effort  pour  etablir  les  mathema- 
tiques d'une  fagon  purement  logique.  II  serait,  bien  entendu,  premature  de 
denier  pour  cette  raison  toute  valeur  aux  recherches  de  1'^cole  logiciste  et  je 
ne  crois  pas  que  POINCAR&  lui-m^me  ait  jamais  pense  qu'une  telle  conclusion 
serait  justifiee. 

H.  P  3o. 


Vjft  CINQUIEME   PART1E. 

Je  crois  que  la  situation  telle  qu'elle  se  presente  aujourd'hui  peut  £tre 
decrite  de  la  maniere  suivante.  On  peut  etablir  d'une  facon  purement  logique 
une  grande  partte  de  P  Analyse  elementaire,  y  compris  PArithmetique,  a 
condition  rTadmettre,  a  cote  de  certains  postulats  logiques,  un  certain  nombre 
de  postulats,  dont  le  earactere  logique  est  douteux,  a  savoir  :  (i)  un  axiome 
de  PinGiii,  qui  consists  a  admeltre  Insistence  d'un  nombre  infmi  d'elements 
individuels;  (2)  des  axiomes  concernant  Pexistcnce  de  certaines  classes,  qui 
ne  peuvent  etre  detinies  qu'au  moyen  de  defmititions  impre"dicatives;  les 
definitions  de  ce  genre  se  caraclerisenl  par  le  fait  qu'elles  font  intervenir  des 
operations  infinies  sur  un  doaiaine  de  variation  qui  contient  Pentite  dgfinie. 
Pour  de'montrer  certains  theoremes  de  Panalyse  supi^rieure,  il  faut  que  Pon 
ias^e  en  outre  uppel  a  (3)  Paxiome  du  choix. 

Si  Ton  accepte  les  axiumes  (i)  el  (2),  on  peut  justifier  Papplication  et  la 
<it''finitioii  par  recurrence. 

II  se  clemande  alors  si  Ton  pent  justifier  Pacceplation  Jes  axiomes  (i)  et  (2). 
Et  a  cette  question  on  ne  pent  re'pondre  qu'avcc  bien  des  reserves,  a  cause  de 
certaines  ditBcult^s  qui  en  partie  ont  dejaete  signaleespar  PoiNCARfi.  L'admission. 
des  definitions  impre"dicatives  pre'sente  un  certain  risque,  6tant  donn6  que  ce 
sent  des  definitions  de  ce  genre  qui  ont  donne  lieu  aux  fameux  paradoxes  de  la 
logique  et  de  la  theorie  des  ensembles.  II  est  vrai  que  RUSSEL  et  ZERMELO  et  les 
successeurs  de  ces  deux  savants  ont  trace'  certaines  zones  de  s^curite',  mais  le 
seul  fait  qu'on  sait  comment  e>iter  les  paradoxes  connus  ne  constitue  pas  une 
garantie  solide  contre  la  decouverte  de  paradoxes  nouveaux. 

Demandons-nous  comment  on  pourrait  trouver  une  telle  garantie.  A 
premitjre  vue,  se  pr^sentent  les  possibility's  suivantes  : 

i°  II  se  pourrait  que  Pexistence  des  classes  spe"ciales  dont  on  a  besom 
s'avere  ^vidente.  Cependant  si  Pexistence  de  ces  classes  gtait  ^vidente,  on 
n'aurait  pas  besoin  de  definitions  impr<5dicatives  pour  les  d^finir. 

2°  On  peut  essay er  de  d^montrer  la  non-contradiction  des  axiomes  (i)  et(2). 
PoimURfi  a  de"j£  remarqu^  qu'une  telle  demonstration  demanderait  probablement 
un  appel  k  la  m^thode  du  raisonnement  (et  de  la  definition)  par  recurrence,  et 
presenterait  done  un  cercle  vicieux.  En  outre,  GOIDEL  (ig3i)ademontre  qu'une 
telle  demonstration  demande  de  toute  fa^on  un  appel  §  des  presuppositions 
plus  fortes  m6me  que  celles  qui  sent  repr6sentees  paries  axiomes  (i)  et  (2). 
D'autre  part,  une  coixtradiction  dans  un  syst&me  formalise  presente  un  probl&me 


HOMMAGE   DE    L'ETRANGER   ET   AUTRES   MANIFESTATIONS   EN   FRANCE.  287 

beaucoup  plus  serieux  qu'un  paradoxe  dans  un  syst&me  non  formel,  puisqu'elle 
ne  pent  pas  £tre  supprimee  par  un  simple  appel  au  sens  commun  ou  a 
Fintuition. 

3°  On  peut  essayer  de  remplacer  les  definitions  impredicatives  pair  des 
definitions  predicatives.  Mais  d'apres  des  resultats  de  -recherches  recentes  de 
MOSTOWSKI  et  de  HAO  WANG,  qui  se  rattachent  au  theor&me  cite  de  GODEL,  il  y 
a  certaines  definitions  impredicatives  qui  ne  peuvent  pas  &tre  remplacees  par 
des  definitions  predicatives. 

II  parait  done  qu'aucune  des  possibilites  indiquees  n'ouvre  une  issue,  en 
sorte  que  Fedifice  des  Mathematiques  pures  construit  conformement  aux  idees 
de  1'ecole  logiciste  de  FREGE,  E.USSEL  et  COUTURAT  reste  depourvu  d'un  fonde- 
ment  solide  (la  m£me  conclusion  s'applique  a  une  construction  des  Mathema- 
tiques pures  partant  de  la  theorie  generate  des  ensembles  selon  CANTOR  et 
ZERMELO).  Cette  conclusion  n'offre-t-elle  pas  une  justification  complete  des 
idees  de  POINCARE,  interpr^tees  comme  un  rejet  des  tendances  abstraite,  axioma- 
tique  et  formelle  et  notamment  des  constructions  logicistes  et  ensemblistes  ? 

Je  crois  que  non.  En  effet,  la  construction  logiciste,  en  depit  de  Fabsence 
d'une  garantie  absolue  de  son  bien-fonde,  resle  debout  et  presente  une  unifica- 
tion fort  imposante  des  Mathematiques  pures  contemporaines  dans  leur 
ensemble;  cette  unification  presuppose  certaines  conceptions  fondamentales 
dont  la  valeur  ne  serait  pas  affectee  m&me  par  la  decouverte  de  nouveaux 
paradoxes. 

En  outre,  la  tendance  logiciste  ne  constitue,  comme  nous  Favons  montre, 
qu'une  version  radicale  d'une  certaine  fusion  des  tendances  abstraite,  axioma- 
tique  et  formaliste.  M^me  Feffondrement  total  du  logicisme  ne  constituerait 
done  pas  un  echec  de  ces  tendances,  qui  de  ce  fait  ne  resultent  que  de  certaines 
tendances  immanentes  au  developpement  moderne  des  mathematiques  pures. 

Des  resultats  comme  celui  de  GODEL  ne  seraient  pas  possibles  si  Fon  n'avait 
pas  effectue  une  formalisation  des  theories  deductives  auxquelles  ces  resultats 
se  rapportent.  II  serait  d'ailleurs  incorrect  de  n'attribuer  a  de  tels  resultats 
qu'une  portee  purement  negative  :  tout  au  contraire,  ces  resultats  rev&lent 
certaines  proprietes  profondes  des  structures  deductives  qu'on  n'aurait  guere 
decouvertes  par  une  voie  differente.  A  litre  d'exemple,  je  cite  les  recherches  de 
CHURCH,  ROSSER,  POST,  MARHOW  et  autres  sur  les  probl&mes  insolubles  et  les 
theories  non  decidables  et,  dans  une  direction  opposee,  les  resultats  positifs  de 


'/•S8  CINQUIEME   PARTIE. 

TiRSKi   eoneernant  le   pruhlrme  de  decision   pour    certaiues    theories   inathe- 
matiques. 

Aussi  il  me  parait  injuste  d'interpreler  les  id<*es  de  PoiNCAftfi  sur  les  fonde- 
ments  des  mathematiques  exclusivement,  comme  il  arrive  trop  souvent,  dans 
ii  n  sens  negatif,  comme  une  serie  de  tentatives  pour  re  filter  les  tendances 
aLstraite,  formaliste,  logiciste  et  ensembliste.  A  men  avis,  il  est  plutot  juste  de 
dire  quo  PoiMURfi  a  prevu  certaines  complications  auxquelles  le  dtiveloppement 
de  ces  tendances  devait  ulterieurement  donner  lieu;  ce  qu'ila  voulu  r^futer,  ce 
sont  certaines  conceptions  trop  simplistes  et  certaines  esp^rances  exag6r^es. 
Mais  il  ne  parait  pas  que  la  critique  cle  Poi>CARfi  ait  atteint  ce  qui  est  essentiel 
dans  la  logique  et  la  rectierche  des  fondements  contemporaines;  et  je  ne  crois 
pas  que  POI.NGAR£  ait  jamais  voulu  atteindre  cet  6lt5ment  essentiel  qui  n'est  au 
fond  que  l'id<§e  rn^me  d'une  science  malhematique  pure. 


ALLOCUTION  DE  M.  J.-M.  GARNIER, 

AMBASSADEUR  DE  FRANCE 

POUR  LA  CL&TURE  DE  LA  JOURNEE  INTERNATIONALE  HENRI  POINGARE 

A  LA  HAVE. 


MONSIEUR  LE  PRESIDENT, 
MESSIEURS, 

II  mTa  &t£  particulitirement  agr^able  de  me  trouver  associ6  a  1'hommage  que 
vous  venez  de  rendre  a  notre  illustre  compatriote  Henri  POINCARE  en  lui 
consacrant  cette  journ^e  commemorative, 

La  meilleure  tradition  des  Pays-Bas  apparait  dans  votre  geste  :  celle  de 
Puniversalit6  de  1'esprit  htimain  et  de  la  Science  qui  ne  connait  pas  de  fronti&res, 
celle  d'un  pays  libre  et  hospitalier  dont  le  climat  intellectual  a  permis  la 
maturation  des  g^nies  de  DESCARTES  et  de  SPINOZA. 

II  n'est  pas  de  langage  qui  plus  que  celui  des  math&matiques  permette  a 
Fglite  scientifique  du  moude  entier  de  se  mieux  comprendre,  afin  de  progresser 
djun  m^me  pas  dans  les  chemins  ardus  de  la  Science.  Aussi  bien  n'est-il  pas 
surprenant  qua  de  grands  math^maticiens  aient  ^t^  aussi  de  grands  penseurs, 

Henri  PomcARfi  a,  apr^s  beaucoup  d'autres,  enrichi  le  doniaine  qui  vous 
appartient.  Je  ne  me  risquerai  pasr  Messieurs,  a  la  moindre  incursion  dans  la 


HOMMAGE    DE    L'ETRANGER    ET    AUTRES    MANIFESTATIONS    EN    FRANCE.  289 

partie  purement  mathe'matique  de  son  oeuvre.  Sur  ce  terrain,  les  experts  que 
vous  £tes  possedent  assez  d'e'lements  d'appre'ciation,  sans  qu'il  soit  besoin  de 
m'j  aventurer. 

Mais  il  est  un  ouvrage  d'Henri  POINCAR&  qui  s'adresse  a  un  public  plus  large 
que  1' elite  des  mathe'maticiens  que  vous  represented ;  les  grandes  ide"es  qu'il 
contient  font  de  leur  auteur  un  des  maitres  de  la  pense'e  francaise  contempo- 
raine.  J'ai  trouv6  pour  ma  part  dans  La  Science  et  V  Hypo  these  de  grandes 
lecons  et  une  philosophic  optimiste  de  laquelle  notre  e'poque  peut  tirer  profit. 
De  m6me  que  les  theories  scientifiques  e'mises  depuis  des  siecles  pre'sentent, 
dans  le  cadre  de  1'histoire  de  la  pense'e  scientifique,  un  caractere  e'phe'mere  qui 
amenerait  un  observateur  superficiel  a  proclamer  une  fois  de  plus  la  faillite  de 
la  Science,  de  m£me  les  grandes  constructions  politiques  et  e"conomiques  de 
notre  e'poque  n'ont  pas  toujours  un  destin  positif.  Cette  constatation  pourrait 
nous  conduire  a  un  funeste  immobilisme  en  incitant  les  liommes  de  bonne 
volont6  a  «  demeurer  sous  la  tente  ».  Or  Henri  POINCARS  est  la  pour  nous 
donner  une  grande  lecon  de  courage  :  conservant  une  confiance  in6branlable 
dans  la  Science,  il  affirme  que,  de  chaque  the"orie  qui  passe,  quelque  chose 
subsiste,  qui  entre  dans  1'acquis  des  connaissances  humaines.  C'est  ce  message 
d'Henri  POINCAR£  qu'il  me  plait  de  rappeler  car  il  peut,  amon  avis,  valablement 
s'appliquer  a  la  vie  politique  contemporaine.  To  us  les  efforts  de  sjn these  ont 
leur  valeur  :  ils  ne  permettent  pas  seulement  de  mieux  mettre  en  lumiere  tel 
ou  tel  rapport  entre  les  fails,  mais  aussi  de  mieux  pe'ne'trer  la  r6alit£  des  choses. 
Et  les  gains  ainsi  obtenus  sont  un  acquis  permanent  pour  la  pense'e  humaine, 
done  pour  1'action  future. 

Je  vous  remercie,  Messieurs,  d'avoir  tenu  a  reconnaitre  la  grande  contribution 
d'Henri  POINCARE  au  patrimoine  commun  de  la  Science  en  comme'morant 
aujourd'hui  le  iooe  anniversaire  de  sa  naissance. 

Permettez-moi,  en  terminant,  de  vous  inviter  a  clore  cette  journ^e  dans  les 
salons  de  TAmbassade  de  France  ou  j'aurai  tout  a  Fheure  le  grand  plaisir  de 
vous  accueillir. 


CINQUIEME   PARTIE. 


C.  -  ALTRES  MANIFESTATIONS  A  L'ETRANGER. 


Le  Comite  a  tit£  heureux  d'apprendre  que,  en  dehors  des  articles  de  presse 
on  de  revues,  plusieurs  pays  eirangers  ont  marque  le  100°  anniversaire  de  la 
naissance  de  Henri  POL\CAR£  par  une  cere'monie  particuliere.  La  R.e'publique  de 
Pfiquateur,  File  Maurice,  PU.  R.  S.  S.,  le  Venezuela  el  la  Yougoslavie  sonl  du 
nombre. 

La  premiere  en  dale  de  ces  ceremonies  parait  avoir  e'te'  celle  de  Caracas  ou 
PAcademie  des  Sciences  physiques  mathematiques  et  naturelles  a  tenu  le 
29  nvril  1904,  le  jour  m£me  du  iooc  anniversaire  de  la  naissance  de  Henri 
PoiNCVRfij  une  stance  spe'ciale  au  cours  de  laquelle  ont  et6  pre'sente's  quelques 
volumes  de  Henri  POINCARE,  des  photographies,  la  me'daille  de  PRUDHOMME  et 
une  leltre  autographe  de  Henri  PoixcARfi. 

M.  F.  J.  DLARTE,  Membre  de  PAcadthnie  des  Sciences  a  fait  ensuite  une 
conference  sur  La  vie  et  Voeuvre  de  Henri  Poincare  a  laquelle  assistail 
son  Excellence  M.  Pierre  ARNAL,  Ambassadeur  de  France  au  Ve'n^zue'la. 

A  rile  Maurice,  M.  Pierre  SORNAY,  Ing^nieur  chimiste,  a  fait  a  la  radio  une 
causerie  d'une  vingtaine  de  minutes  sous  le  litre  Henri  Poincare  et  son  ceuvre. 

En  U.  R.  S.  S.,  c'est  PAcadeinie  de  Moscou  qui  a  f^te'  le  centenaire  de  la 
naissance  de  Henri  POINCARE. 

En  Yougoslavie  PInstitut  de  Math^matiques  pr^s  1'Acad^mie  des  Sciences 
de  Serbie  a  consacr^  sa  stance  ordinaire  du  22  juin  a  la  commemoration  du 
centenaire  de  la  naissance  de  Henri  POINCARS.  M.  K.ASANJN,  directeur  de  cet 
Institut,  et  le  Professeur  SALTYKOV,  de  PUniversit^  de  Belgrade  et  Membre  de 
PAcad^mie  ont  fait  Pun  et  Pautre  une  conference. 


La  Re-publique  de  Pfiquateur  n'a  pas  oubli6  que  le  nom  de  Henri 
est  attach^  dans  une  certaine  mesure  aux  travaur  de  la  Mission  ge'ode'sique 


HOMMAGE   DE  L'ETRANGER   ET   AUTRES   MANIFESTATIONS   EN   FRANCE.  Z^l 

frangaise  qui  a  eflectue,  de  1901  a  igo5,  une  nouvelle  mesure  de  Pare  de 
meridien  de  Quito.  De  la  part  de  M.  Pierre  RICARD,  Vice-President  du  Conseil 
National  du  Patronat  Francais,  son  Excellence  M.  Pierre  DENIS,  Ambassadeur 
de  France  en  fiquatetir,  a  remis  a  M.  J.  M.  VELASCO  IBARRA,  President  de  la 
Republique  Constitutionnelle  de  FJfiquateur,  quelques  souvenirs  de  Henri 
PoiNCARfi,  en  particulier  le  tome  VIII  des  OEuvres  qui  contient  quatre  rapports 
presents  par  Henri  POINCARE  a  1'Academie  des  Sciences  pour  montrer  d'abord 
I'inter£t  scientifique  et  politique  du  projet  de  revision  de  Tare  de  meridien  de 
Quito  en  1900,  et  pour  tenir  ensuite  1'Academie  au  courant  du  developpement 
des  operations.  Henri  POINCARE  avait  ete  nomme,  en  effet,  rapporteur  .de  la 
Commission  chargee  du  controle  scientifique  des  operations  g£odesiques  de 
1'fiquateur,  et  il  n'a  pas  cesse  d'j  porter  un  tr6s  vif  intent.  C'est  sans  doute 
pour  preparer  un  de  ces  rapports  qu'il  avait  note  de  sa  main  la  chronologic 
detaillee  des  travaux  effectues  et  des  difficultes  rencontrees  sur  une  feuille 
volante  qui  a  ete  retrouvee  dans  ses  papiers,  et  dont  une  copie  photographique 
a  pu  6tre  remise  aussi  a  M.  le  President  J.  M.  VELASCO  IBARRA. 


D.  -  AUTRES  MANIFESTATIONS  EN  FRANCE. 


A  1'Institut  Henri  Poincare  a  Paris,  s'est  tenu  du  18  au  27  octobre  1904,  un 
Colloque  Henri  Poincare,  organise  par  la  Faculte  des  Sciences  de  PCJniversite 
de  Paris,  avec  1'appui  de  la  Direction  Gen£rale  des  Relations  culturelles  et  du 
Centre  National  de  la  Rechercne  Scientifique.  De  nombreux  savants  etrangers 
etaient  venus  a  Paris  a  cette  occasion.  Nous  nous  bornerons  a  reproduire  ici 
par  ordre  alphabetique  la  liste  des  17  conferenciers  qui  ont  presque  tous 
donne  deux  conferences  : 

M.  Enrico  BOMPIANI,  Professeur  £  1'Instituto  matematico  Universita,  Rome  : 

—  Sur  les  theories  unitaires  de  la  Relativite. 

—  Sur  V instability  de  certaines  substitutions. 

M.  J.  L.  DOOB,  Professeur  a  1'Universite  de  Tlllinois  : 

—  Deux  conferences  sur  :  Approche  probabiliste  du  probleme  de  Dirichlet  pour 
les  equations  aux  derivees  partielles  paraboliques,   et  des  problemes    aux 
limites  qui  s'y  -r attachment . 


242  CINQUIEME   PARTIE. 

M,  Lars  GAUGING,  Professeur  a  rUniversile  de  Lund  : 

—  ,S'«r  lea  integrates  d'energie  pour  les  equations  hyperboliques. 

M.  Lucieu  GODEAUX,  Professeur  a  I'Universite'  de  Liege  : 

—  Theorie  des  involutions  ap par  tenant  a  line  surface  algvbrique  et  applications. 

M.  HARISII-CIUMUU.  Assistant- Professeur  a  Columbia  University,  New- York  : 

--   The  connection  between  the  Curtan  subgroups  of  a  nemisimple  Lie  group  and 
its  irreducible  unitary  representati  ns  (en  anglais). 
Sqtiare-integrahte  representations  of  sernisimple  Lie  groups  (en  anglais). 

M.  F.  E.  P.  HmzEiwuni,  Professeur  a  Plusthute  for  adv.  Study,  Princeton  : 

(hi   the   characteristic  cohomology  classes  of  differentiate    manifolds  (en 
anglais;. 

—  Thtf  Theorem  of  Riemann-Roch.  Applications  to  special  classes  of  algebraic 
manifolds  (en  anglais). 

M.  E.  R.  KOLCHIN,  Professeur  a  Columbia  University,  New-York: 

—  Deux  conferences  s>ur  :  Corps  dijferentiels  et  varietes  de  groupe. 

M.  George  W.  MACKEY,  Professeur  a  Harvard  University  : 

—  Deux  conferences  sur  :  Les  representations  de  dimension  infinie  des  extensions 
des  groupes. 

M.  Suuuders  MAC  LANE,  Professeur  a  I'Universite  de  Chicago  : 

—  Constructions  simpliciales  acy cliques. 

—  Comparaison  des  constructions  homotopiques. 

M.  Tadasi  NAILVYAMA,  Professeur  a  Nagoya  University  : 

—  Structure  of  Algebras  with  vanishing  n-Cohomology  Groups  (en  anglais). 

—  Cohomology  of  Frobenius  Algebras  (en  anglais). 

M.  Georges  DE  RHAM,  Professeur  a  I'Universite  de  Lausanne  : 

—  Solution  elementaire  relative  a  Voperateur  - — -  H-...H — • — ; ... ; — -• 

dx\  dx-p       Oxp+i  ()oc'n 

M.  Luis  A.  SANTALO,  Professeur  a  PUniversite  de  Buenos-Aires  : 

—  Sur  quelques  problenies  de  geometric  integrale. 

—  Geometric  differentielle  affine  et  corps  convenes. 

M.  Benjamino  SEGRE,  Professeur  &  Pfstituto  Alta  Matematica,  Rome  : 

—  Aspects  geometriques  et  arithmetiques  de  la  theorie  des  spineurs. 

—  Questions  de  realite  liees  &  la  theorie  des  algebres. 

M.  Francesco  SEVERI,  Professeur  a  PIstituto  Alta  Matematica  : 

—  Problemes  anciens  et  problemes  nouveaux  dans  la  geometrie  enumerative. 

—  La  theorie  generale  des  correspondances  entre  varietes  algebriques. 

M.  John  L.  SYNGEJ  Professeur  au  Dublin  Institute  for  advanced  Studies  : 

—  Deux  conferences  sur  :  La  Geometric  elementaire  de  Vespace  fonctionnel  avec 
des  applications  a  la  Physique  classique. 

M.  J.  H.  G.  WHITEHEAD,  Professeur  &  PUniversite  d'Oxford  : 

—  Deux  conferences  (en  anglais)  sur  :  S-Theory. 

M.  Kentaro  YANO,  Professeur  &  PUniversite  de  Tokyo  : 

—  Deux  conferences  sur  :  Les  groupes  de  transformations  dans  les  espaces  de 
Riemann  et  dans  les  espaces  a  connexion  affine* 


HOMMAGE   DE   I/ETRANGER   ET  AUTRES  MANIFESTATIONS   EN   FRANCE.  243 

\pres  Parmement  francais,  1'industrie  hydroelectrique  a  voulu  egalement 
honorcr  la  memoire  de  Henri  PoiNCARfi.  La  Cornpagnie  Nationale  clu  Rhone 
a  decide  en  effet  de  donner  le  nom  de  Henri  POLNCAR*;  a  la  Centrale  de 
Chateauneuf  du  Rhone  (ame'nagement  de  Montelimar). 

Aussi  en  liaison  avec  le  Comhe  du  Centenaire  etPAssociation  des  Ingenieurs 
des  Ponts  et  Chausse"es  et  des  Mines,  la  Compagnie  Nationale  du  Rhone  a-t-elle 
convie  un  grand  nombre  de  personnalites  de  la  Science  et  de  PIndustrie  a  une 
stance  qui  a  eu  lieu  le  vendredi  17  decembre  1904  a  la  Salle  d'lena.  An  cours 
de  cette  seance  Pinfluence  de  Henri  PoiNCARfi  sur  les  techniques  de  Pingenieur, 
particuli&rement  aux  points  de  vue  hydraulique  et  electrique,  a  ete  traitee  par 
trois  conferenciers, 

M.  Gaston  JULIA,  Membre  de  PInstitut,  President  du  Comite'  du  Centenaire, 
pr(5sidait  la  se'ance.  Apres  avoir  dit  quelques  mots  pour  se  feliciter  de  cette 
nouvelle  manifestation  destinee  a  honorer  Henri  PoiNC.iRfe  et  a  montrer  la 
port^e  pratique  de  certaines  parties  de  son  oeuvre,  il  a  donn6  successivement 
la  parole  aux  trois  conf6renciers. 

M.  PIng6nieur  ge"n^ral  du  G(§nie  Maritime  BARRILLON,  Membre  de  PInstitut, 
constatant  que  les  travaux  de  Henri  PoiNCARfi  6taient  insuffisamment  connus  et 
exploit^s  dans  le  monde  des  ing&iieurs,  a  cKerche'  a  en  dSgager  les  causes.  Une 
representation  graphique,  une  sorte  de  visualisation,  ainsi  que  des  tables  pour 
les  applications,  faciliteraient  grand ement  la  penetration  des  travaux  des 
mathematiciens,  et  leur  application  a  la  resolution  des  probl^mes  quiseposent 
aux  ingenieurs. 

M.  AILLERET,  Directeur  des  etudes  et  recherches  a  PElectricite  de  France  a 
constate  que  le  «  temps  de  reponse  »  des  electriciens,  en  ce  qui  concerne  les 
travaux  de  Henri  POINCAR£,  avait  ete  beaucoup  plus  court  que  chez  les  hydrau- 
liciens  ou  les  hydrodynamiciens.  La  formation  que  Henri  PoiNCARfi  a  regue  a 
Pficole  des  Mines,  les  relations  amicales  qu'il  a  continue  a  entretenir  avec  ceux 
de  ses  camarades  qui  avaient  embrasse  des  carri^res  d'ingenieurs  sont  proba- 
blement  cause  de  Porientation  de  certains  de  ses  travaux.  Pour  1'filectricite, 
Henri  POINCAR&  par  ses  Ouvrages  sur  la  theorie  de  MAXWELL  a  certainementfait 
beaucoup  pour  le  progres  et  le  developpement  de  Pfilectrotechnique. 

M.  PIngenieur  en  chef  des  Mines  GIBRAT,  Professeur  a  I'ficole  Nationale 


244  CINQUIEME  PARTIE, 

superieure  des  Mines,  parlant  de  Teludc  des  stations  maremotriccs,  a  trace  un 
hisloriquc  des  explications  successives  qui  out  (He  donnees  du  pli6nom6ne  des 
marges.  II  en  a  rappele  les  anomalies,  et  il  a  soulign6  la  complexity  du  probl£me 
que  Henri  PoixcARfc  est  arrive  a  rt^soudre  d'une  manure  complete.  Mais  a 
Tepoque  ou  Henri  PoixcARfi  commeneait,  et  poursuivait  son  £tude  des  marges, 
la  connaissance  que  i'on  avail  du  phtJnomene,  malgnS  son  cottf  un  peu  empirique, 
elait  suffisanle  pour  repondre  aux  n^cessites  des  navigateurs  ou  des  ports. 
C'est  done  par  pure  curiosite  de  Tesprit,  par  besoin  d'expliquer  par  une 
th^orie  rationnelle  ce  que  nous  apprend  1'exp^rience,  que  Henri  PoiNCARfi  a 
travaill^  pendant  plusieurs  annfSes.  II  ne  se  doutait  pas  alors  que  sa  th^oriedes 
marges  deviendrait  le  livre  de  chevet  des  ing^nieurs  charges  de  F^tude  des 
stations  maremolrices.  Geux-ci,  sans  elle?  ne  pourraient  mener  leur  tache  a  bien; 
les  perturbations  que  la  presence  m^me  de  ces  stations  introduiront  dans  le 
regime  des  marges,  ne  peuvent  6tre  pr^vues  que  par  Papplication  d'uneth^orie 
complete, 

Puis  Monsieur  BOLL  VERT,  President  de  la  Compagnie  Nationale  du  Rhone, 
annoncant  officiellement  la  decision  du  Gonseil  d'Administration  de  donner  le 
nom  de  Henri  POINCAR^  a  la  Centrale  de  Chateauneuf  du  Rhdne,  a  justifi^  cette 
designation  en  rappelant,  par  des  citations  prises  dans  les  ceuvres  de  Henri 
PoiNGARfc,  le  role  que  celui-ci  attribuait  a  Texp^rience  dans  le  d^veloppement 
de  nos  connaissances,  et  la  place  qu'il  reconnaissait  a  1'Industrie. 

A  Tissue  de  cette  stance,  la  Compagnie  Nationale  du  Rhone  a  fort 
aimablement  regu,  dans  les  salons  d'ltSna,  les  personnalit^s  pr(5sentes  et  celles 
qui,  retenues  par  leurs  occupations,  n'avaient  pu  assister  a  la  premiere  partie 
de  cette  manifestation. 


SIXIEME  PARTIE 

PHOTOGRAPHIES  ET  DOCUMENTS. 


On  irouvera  ci-apres  les  reproduclions  (Tun  certain  nombre  de  photographies 
et  de  documents,  qui  ont  ete"  classes,  aulanl  que  faire  se  pouvait,  par  ordre 
chronologique. 

Les  photographies  se  rapportenl  a  1'enfance  el  a  1'adolescence  de  Henri 
PoiiscARfi,  a  sa  vie  inlime,  et  comprennenl  aussi  les  derniers  instantanes  qui 
ont  pu  6lve  pris  de  lui. 

Les  documents  proviennent  des  papiers  de  famille,  sauf  quelqucs  pieces 
tirees  des  archives  de  1'Ecole  Poljtechnique.  Us  comprennenl  des  carnets  de 
notes,  des  cahiers  de  cours  cm  des  carnets  de  voyage,  des  lellres  de  nomination, 
des  manuscrits  de  m^moires,  articles,  discours,  des  lettres  aulographes  de  Henri 
PoiiNCARfi,  ainsi  que  deux  lettres  autographes  de  Fucns  relatives  aux  fonctions 
fuchsiennes.  On  y  trouvera  aussi  le  rapport  prt^senle  au  Roi  OSCAR  II  de  Suede 
et  de  Norvege  par  la  Commission  charge'e  d'attribuer  le  prix  que  celui-ci  avail 
fonde"  pour  son  6oc  anniversaire.  II  s'agit  de  la  traduclion  francaise,  calligraphi(5o 
par  u n  secretaire,  telle  qu'elle  a  (He"  envoyee  a  1'epoqne  a  Henri  POIKCARJ&  par  le 
Ministre  de  Suede  a  Paris. 


H.  P. 


PREMIERE    ENFANCE   (l854-l865). 


247 


LA.  MAISON  NATALE  DE  HENRI  POINCARE  (1854) 
[k  1'angle  de  la  rae  Ville-Vieille  ct  de  la  rue  de  Guise  (autrefois  rae  Saint-Pierre),  k  Naacy]. 


PREMIERE    ENFANCE    (  l85/i-l865.  ) 


LA  PORTE  D'ENTREE  BE  LA  MAISON  NATALE  (1854) 
[  Sur  la  rue  de  Guise  (autrefois  rue  Saint-Pierre)]. 


PREMIERE  ENFANCE  (  I  854-1 865.) 


249 


^^^^^^^^3 
Les  parents  de  Henri  Poincare. 


Henri  Poincare  ct  sa  sceur  Aline. 


Henri  Poincare  a  7  ans.  Henri  Poincare  premier  communiant. 

L'ENFANCE  DE  HENRI  POINCARE  (1854-1865) 


PREMIERE    ENFANCE   (' 1  85  j-l865  ). 


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i5  novembre  1862. 


mars  i863. 


NOTES  OBTENUES  PAR  HENRI  POINCARE  EN  GLASSE  DE  NEUVIEME  (1862-1863). 


PREMIERE    ENFANCE   (l854-l865). 


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NOTES  OBTUNUES  PAR  HENRI  POINGARE  EN  GLASSE  DE  NEUVIEME  (1863). 


PREMIERE    ENFANCE   (l854-l865). 


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i863. 


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:3  aw  20  juin  i863. 


NOTES  OBTUNUES  PAR  HENRI  POINCARE  EN  CLASSE  DE  NEUVIEME  (1863). 


CONCOURS  DES  GRANDES  ECOLES  (1878). 


253 


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ARRETE  NOMMANT  HENRI   POINCARE  ELEVK 

A  L'ECOLE  NORMALE  SUPP1RIRURE  (1873). 

(Regu  5°  &  TEcole  Normale,  Henri  PoixcA.R6  a  opte  pour  TEcole  Polytechnique  ou  11  etait  regu  icr). 
H.  P.  32 


254 


CONCOURS  DES  GRANDES  ECOLES  (1873). 


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LETTRE  DE  NOMINATION  DE  HENRI  POINGARE 
A   L'ECOLE   POLYTECHNIQUE   (1 873). 


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NOTES  OBTENUES  PAR  HENRI  POINCARE  A  L'EXAMEN  D'ADMISSION 
A  L'HCOLE  POLYTECHNIQUE  (1873). 


(Le  classement  des  douze  premiers  etait  le  suivant 

iec  POINCARE 3  go5  points 

2'  BELLEVILLE 3  65 1       » 

3-  APPEL 3563       » 

4 e  CORPS 3  5oi       » 

5«  RUAULT S^Si       » 

6e  MORAND 3  479       » 


DEBRAY 3  464  points 

MESSIER 8899      » 

JACOTOT 8876      » 

BONNEFOY 3370         » 

PICQUET 3368       » 

PETITDIDIER 3  365       » 

APPEL   regu  .premier  a  Pfecple  Norrnale   Superieure  et   PICQUET   devaient  demissionner  avant 
d'entrcr  b  1'Ecole  Polylechnique.) 


256  ELEVE  A  L'ECOLE  POLYTECHNIQUE  (1873-1876). 


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PREMIERE  LETTRE  DE  HENRI  POINCAR^  A  SON  Plk 
APR^S  SON  ENTREE  A  L'ECOLE  POLYTECHNIQUE  (1873). 


ELEVE  A  L'ECOLE  POLYTECHNIQUE  (1878-1875). 


267 


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UNE  LETTRE  DE  HEi\RI  POINCARE  A  SES  PARENTS 
PENDANT  SA  PREMIERE  ANNEE  A  L'EGOLE  POLYTECHNIQUE  (1874). 


ELEVE    A    L'ECOLE    POLYTECHN1QUE 


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SUITE  DE  LA  LETTRE  PRKGEDENTE. 


ELEVE  A  L'ECOLE  POLYTECHNIQUE  (1878-1875). 


269 


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NOTES  OBTENUES  PAR  HENRI  POINGARE 
PENDANT  SA  PREMIERE  ANNEE  A  L'ECOLE  POLYTECHNIQUE  (1873-1874) 


ELEVE  A  L'ECOLE  POLYTECHNIQUE  ( 1873-1875). 


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NOTES  OBTENUES  PAR  HENRI  POINGARE 
PENDANT  SA  SECONDE  ANNEE  A  L'tiCOLE  POLYTECHNIQUE  (1874-1875). 


ELEVE  A  L'ECOLE  POLYTECHNIQUE  (1873-1875). 


261 


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LISTE  DE  GLASSEMENT  DE    LA  PROMOTION  1873 
A  LA  SORTIE  DE' L'ECOLE  POLYTECHNIQUE  (1875). 


33 


ELEVE  A  L'ECOLE  POLYTECHNIQUE  (1873-1875). 


Vers  Case  de  18  ana. 


Eleve  a  VEcole  Poly  technique. 


JSleve  a  I'Ecole  Poly  technique.  Ingenieur  des  Mines  a  VesouL 

HENRI  POINGARE  JEUNE  HOMME  (1872-1879). 


ECOLE  DES  MINES  ET  DEBUT  DE  CARRIERS  (1875-1879). 


263 


l^~      M — 


LETTRE  NOMMANT  HENRI  POINGARE 
ELEVE  INGKNIEUR  A  L'ECOLK  DES  MINES  (1875). 


264 


ECOLE   DES   MINES   ET   DEBUT   DE   CARRIERS   (1870-1879). 


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ECOLE  DES  MINES  ET  DEBUT  DE  CARRIERS  (1875-1879). 


ffongrie  1877. 


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JiJL. 


Voyage  en  Norvege  1878. 

PAGES  DES  GARNETS  DES  NOTES  PRISES  PAR  HENRI  POINCARE 
AU  COURSVDE  VOYAGES  D'ETUDES  (1877-1878). 


66 


ECOLE  DES  MINES  ET  DEBUT  DE  CARRIERE  (  187:1-1879  > 


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ECOLE  DES  MINES  ET  DEBUT  DE  CARRIERE  (1876-1879).  267 


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UN   RAPPORT  DE  HENRI  POINCARE,  INGENTEUR  DES  MINES  (1879). 

Premiere  page  d'un  cornpte  rendu  d'enquete  sur  un  accident  survenu  dans  une  mine 

de  son  arrondissement  quand  il  6tait  a  Vesoul.) 


268 


ECOLE    DES    MINES    ET    DEBUT    DE    CARRIERE    (1875-1879). 


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DERNIERE  PAGE  DU  RAPPORT  PRECEDENT. 


ECOLE   DES   MINES   ET   DEBUT   DE   CARRIERE  (1876-1879;. 


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MANUSGRIT  D'UNE    NOTE  DE   HENRI  POINCARE  A  L'AGADEMIE  DES  SCIENCES   (1879). 

( Avant  cette  Note  Henri  POINCARE  avait  prdsente  k  1'Academie 
une  premiere  Note  le  n  aout  1879.) 

H.  P.  3« 


ECOLE  DES  MINES  ET  DEBUT  DE  CARRIERE  ("1870-1879). 


'IX>1  Rni'lION  PL'BIJUJUE 

ET  UfcS  !!EA.l  V-UlTs 
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M.  i«'  KuotuHi-  <!««  i'Amdemio  <te  Ct^u  cst  charge  dc  i'cx«vtifH>H  do  |m"*eta  a 


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ARRftTE  NOMMANT  HENRI  POINCARE  CHARGE  DE  COURS 
A  LA  FACULTfi  DES  SCIENCES  DE  CAEN  (1879). 


FONCTIONS   FUCHSIENNES  (1880-1882).  271 


Le  :>9  mai  1880  Henri  POINCARE,  jeune  professeur  encore  inconnu,  ecrit  au  Professeur  FUCHS 
de  Gottingen  qui  avail  peut-etre  le  double  de  son  &ge,  une  lettre  dans  laquelle  il  souleve 
quelques  objections  sur  un  Memoire  que  celui-ci  venait  de  publier  au  Journal  de  Crelle. 
II  termine  sa  lettre  ainsi  :  «  Je  dois  vous  avouer,  Monsieur,  que  ces  reflexions  m'ont  inspire 
quelques  doutes  sur  la  generality  du  resultat  que  vous  annoncez,  et  j'ai  pris  la  liberte  de  vous 
ecrire,  dans  1'esperance  que  vous  n'aurez  pas  de  peine  &  les  eclaircir  ». 

Le  5  juin  1880,  FUCHS  lui  repond  par  la  lettre  suivante  : 


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BAPTfiME  DES  FONGTIONS  FUCHSIENNES  (1880). 


FONCTIONS  FUCHSIENNES  (1880-1882). 


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Le  12  juin  1880,  Henri  POINCARE  repond  a  FUCHS  en  faisant  de  nouvelles  objections  et  en 
presentant  de  nouveaux  developpernents,  et  il  lui  demande  dans  les  termes  reproduits  ci-apres, 
Tautorisation  de  donner  le  nom  de  «  fuchsiennes  »  aux  nouvelles  fonctions  qu'il  dtudiait. 

«  Dans  le  cas  ou  ces  points  singuliers  ne  sont  qu'au  norabre  de  deux,  je  trouve  que  la 
fonction  que  vous  avez  defmie  jouit  de  proprietes  fort  remarquables,  et,  comme  j'ai  1'intention 
de  publier  les  resultats  que  j'ai  obtenus,  je  vous  demanderai  la  permission  de  lui  donner  le 
nom  de  fonction  fuchsienne,  puisque  c'est  vous  qui  1'avez  decuuverte  ». 


BAPTEME  DBS  FONGTIONS  FUCHSIENNES  (fin). 


FONCTIONS   FUCHSIENNES   (1880-1882). 


273 


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PREMIERE  NOTE  A  L'ACADEMIE  DES  SCIENCES 
SUR  LES  FONCTIONS  FUCHSIENNES  (1881). 


FONCTIONS   FUCHSIENNES   (1880-1882). 


Henri  Poincare  ct  sa  fiancee. 


Oue/gues  annees  plus  tard. 

HENRI  POINCARl'i  FONDE  UN  FOYER. 

(Le  20  avrii  1881,  Henri  POINCAHE  a  epouse  Mlle  Louise  POULAIN  d: 
.arriere  petite-fille  de  Etienne  GEOPFBOY  SAINT-HILAIRE.  ) 


FONCTIONS    FUCHSIENNES   (1880-1882).  276 


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APRKS  UNE  NOTE  DU  PROFESSEUR  KLEIN 
LE  PROFESSEUR  FUCHS  R^AGIT  VIGOUREUSEMENT  (1882). 

(Lettre  en  frangais  ecrite  ^  la  suite  chine  Note  de  KLEIN  qui  critiquait  les  designations  donnees 
par  Henri  POJNCARE  aux  nouvelles  fonctions,  et  mettait  en  cause  ie  Professeur  FUCHS.) 


FONCTIONS    FUCHSIENNES    (1880-1882). 


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FIN  DE  LA  LETTRE  PREGEDENTE. 


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LETTRE   DE   HENRI  POINCARE         - 
POUR  JUSTIFIER  LES  DESIGNATIONS  QU'IL  AVAIT  CHOISIES  (1882). 

(  Voir  note  page  suivante.) 
H.  P. 


35 


FONCTIONS  FUCHSIENNES  (1880-1882). 


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SUITE  DE  LA  LETTHE  PRECEDENTE. 

(Lettre  adress6e  au  Professeur  KLEIN  pour  les  lecteurs  dcs  Mathemati&che  Annalen,  et  publi6e 
par  KLEIN  dans  cette  revue.  On  remarque  les  annotations  de  Ja  main  cle  KIKIN,  destinies  a 
Tcditeur,  et  le  renvoi  ajoutc  au  bas  de  la  premiere  page.) 


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FIN   DE   LA   LETTRE  PREGEDENTE. 


280 


MEMOIRES    SCIENTIFIQUES   DE    1^83    A    l8S5. 


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PREMIERE  PAGE  DU  MEMOlRE  SUR  LES  GkOUPES  KLKINEENS  (1883). 


MEMOIRES    SCIENT1FIQUES    DE    l883    A    1886, 


28l 


,E  DU  MEMOIRE  SUR  LES  GROUPES  DES  EQUATIONS  LINEAIRES  (1883). 
(avec  figure  dcssince  de  la  maia  de  Henri  POINCARE). 


9.82 


MEMO1RES    SCIENTIF1QUES    DE     l883    A     l885. 


PAGE   DE  FIGURES  DU  MEMOIRE 

SUR  LES  GROUPES  DES  EQUATIONS  LINEAIRES  (1883). 
(de  la  main  de  Henri  POINCARE.) 


•    MEMOIRES   SCIENTIFIQUES    DE    l883    A    l885. 


283 


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UNE  PAGE  DU  MANUSCRIT  SUR  L'EQUILIBRE  D'UNE  MASSE  FLUIDE 
ANIMfeE  D'UN  MOUVEMENT  DE  ROTATION  (1885). 


ACADEMIE    DES   SCIENCES    ET   PRIX    DU    ROI    OSCAR    (  1 886    ET    1889). 


HENHI  POINGARE  CANDIDAT  A  L'ACADKMIE  DES  SCIENCES  (1886). 

(Extraits  d'une  letti-e  dans  laquelle  Henri  POINCARE  raconte  k  sa  femme 
ses  visiles  de  candidature.) 


ACADEMIE_DES   SCIENCES    ET    PRIX   DU    ROI    OSCAR    (i860    ET    1889).  285 


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SUITE  DE  LA  LETTRE  PRECEDENT  E. 


H.  P. 


36 


o8G  ACADEMIE    DES    SCIENCES    ET    PRIX    DU    ROI    OSCAR   (1886   ET    1889). 


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PROCES-\ERBAL  ETABLI  PAR  LE  JURY  D'ATTRIBUTIONiDU  PRIX 
DECERNE  PAR  LE   ROI    OSCAR    H  DE  SUEDE  ET  DE  NORVEGE  (1889). 


ACADEMIE    DES   SCIENCES    ET    PRIX    DU   ROI   OSCAR   (1886    ET    1889). 


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SUITE  DU  PROCES-VERBAL  PRECEDENT. 


ACADEMIE    DES   SCIENCES    ET    PRIX    DU    ROI    OSCAR   (  1886   ET    1889). 


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SUITE  DU  FROCKS-VERBAL  PRECEDENT. 


ACADEMIE   DES   SCIENCES    ET    PRIX    DU    ROI    OSCAR   (1886    ET    1889). 


289 


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2CJO 


CONFERENCES    ET   DISCOURS,    ACADEMIE    FRANCAISE   (1900-1909). 


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MANUSCRIT  DK  LA  CONFERENCE  SUR  LE  ROLE 
BE  L'INTUITION  ET  DE  LA  LOGIQUE  EN  MATHEMATIQUES  FAITE  A  PARIS  (19( 


CONFERENCES    ET    DISCOURS,    ACADEMIE   FRANCAISE  (1900-1909). 


291 


UNE  PAGE  DU  JVIANUSCRIT  DU  DISGOURS  SUR  LA   PART  DES  POLYTECHINICIE1XS 
DANS  L'OEUYRE  SCIENTIFIQUE  DU  XIX-  SIECLE  (1903). 

(Allocution  prononcee  par  Henri  POINCARE  en  presidant  la  36e  Assembled  gdnerale 
de  la  Socidle  de  secours  des  ancieus  eleves  de  l*Ecole  Polytechnique.) 


CONFERENCES   ET    DISCOURS,   ACADEMIE    FRANCAISE 


A  Longuyon  en  igo5 

(assis  avec  a  sa  droite  une  sceur  el  un  frere  cle  sa  mere  el  a  sa  gauche 
sa  cousine  germaine  Mrae  Albin  HALLEU  et  sa  fern  me). 


Henri  Poincare  et  Albin  Haller. 
HENRI  POINCARE  EN  VACANGES  EN  LORRAINE 


CONFERENCES    ET   DISCOURS,    ACADEMIE   FRANCAISE   (1900-1909).  098 


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UNE    PAGE  DU  MANUSCRIT  DU  DISCOURS  DE  RECEPTION 

A  L'ACADEMIE  FRANCAISE  (1 909). 
H.  P.  37 


'294 


SOUVENIRS   DE    igiO.ET 


HENRI  POINCARE  A  BUDAPEST  EN  1910. 

(Henri  POIXGARE  clesigne  comme  rapporteur  de  la  Commission  d'attribution  du  prix, 
Bolyai,  siege  a  Budapest  avec  MM.  Jules  KONKJ  president,  Gustave  RADOS  etGosta  MITTAG- 
LEPFLER  le  18  octobre  1910. ) 


SOUVENIRS   DE    1910   ET    igil. 


295 


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SILHOUETTE  DE  HENRI  POlNCARfi  SUR  LA  PLAGE  PENDANT  L5ETE  1911. 


296 


SOUVENIRS   DE    1910   ET 


LETTRE  DE  HENRI  POINCARE  A  G.  B.  GUGGIA  PUBLIKE 
DANS  LES  «  RENDICONTI  DEL  CIRCOLO  MATEMATICO  DI  PALERMO  »  (1911). 


FIGURES  D'UNE  PREMIERE  REDACTION  DU  MEMOIRE  «  SUR  UN  THEORBME 
DE  GEOMETRIE  »  ANNONGI^  DANS  LA  LETTRE  PREGEDENTE  (1911), 

(A  defaut  d'une^ solution  gen6rale  Henri  POINGARE  avait  eritrepri^ 
T^tude  systematique  d^  solutions   particulieres.) 


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SOUVENIRS   DE    1912. 


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MANUSCRIT  DE  LA  CONFERENCE  SUR  LA  LOGIQUE  DE  L'INFINI 
FAITE  A  LONDRES  LE   3  MAI  1912. 


SOUVENIRS  DE    1912. 


299 


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DEUX  PAGES  DU  MANUSCRIT  DE  LA  CONFERENCE  FAITE  A  LA  SEANCE 

INAUGURALS  DE  LA  LIGUE  D'ENSEIGNEMENT  MORAL  LE  26  JUIN  1912. 

(G'est  la  derniere  fois  que  Henri  POINGA.RE  ait  parle  en  public.) 


3  00 


SOUVENIRS   DE    1912. 


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FIN  DU  MANUSCRIT  PRECEDENT 


SOUVENIRS    DE    igi2.  3oi 


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DERNIER  MEMOIRE  PUBLIE  DE  HENRI  POINCARE  (1912). 

(Ce  Memoire  a  et6  public  dans  les  Annales  de  la  facult&  des  Sciences  de  Toulouse 
apr£s  la  mort  de  Henri  POINCARE.  ) 

H.  P.  38 


SOUVENIRS   DE 


5 


DERNIERE  LETTRE  ECRITE  PAR  HENRI   POINCARE  (1912). 

Le  7  juillet  1912,  le  jour  meme  oii  il  entrait  i-i  la  clinique  dans  laquelle  il  devait  succomber 
dix  jours  plus  tard  a  une  embolie,  Henri  POINCARE  mettait  lui-meme  k  la  poste  la  lettre 
ci-dessus,  et  le  Memoire  qui  precede,  a  Tadresse  de  M.  !CosSERAT,  Directeur  de  1'Obser- 
vatoire  de  Toulouse.) 


EPILOGUE. 


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UNE  PAGE   D?UNE  RENDITION  DE  LA  TRADUGTION  JAPONAISE  DE 
«  LA  SCIENCE  ET  L'HYPOTHESE  »  (1950). 


3o.{ 


EPILOGUE. 


UN  ASPECT  DE  L'EXPOSITION  HENRI  POINCARE 
A  L'ECOLE  POLYTECHNIQUE  (1954). 


ERRATA 


Page  177,     9C  ligne,  au  lieu  de  ouvert,  lire  trace. 

»  178,    irc      »      supprimer  de  (4e  mot). 
»       »      12°      »      aw  //ew  de  les,  //re  des. 

»  179,  u(l      »       au  lieu  de  ici,  //re  sur  ce  point. 

»  181,    3e      «      ajouter  a  e/zZre  ct  e£  un. 
»        »    22*      »      aw  //ew  oe  accordes,  //re  raccordes. 

»  1 85,    61'      »       aw  //ew  a*e  progessif,  //re  progress!*'. 
»        w     iie      »       aw  //ew  a*e  ou,  //re  et. 
»        »     18°      »       au  lieu  de  des,  //re  du. 

»        »     19°      »      az£  Z/ew  <fe  vraisemblables,  ///^  vraisemblable. 
o        »     3ie      »      t^M  lieu  de  de,  //re  du, 

»  1 86,    6(t      »      ^w  //ew  ^  les  de'bats,  //re  le  de'bat. 

))  187,  ire       »•       au  lieu  de  un  moment  cinelique,  lire  une  quantite  de  mouvemeni. 
»         »     i3e       »       supprimer  la  virgule  entre  niais  e^  si. 

»  188,   6|J      »       remplacer  la  ligne  par  la  suivante  :  euclidien  et  la  Mecanique 

ondulatoire  le  determinisme  et  1'explication  me'canique. 

»  189,  ire      »       «w  //ew  de  application,  lire  explication. 
w         »    17°      »       aw  //ew  de  Je  crains  bien,  //re  On  peut  craindre. 
»        »    25C      »      aw  //ew  a'e  Constance,  lire  constante. 
u        «    28e      »      aw  //ew  flfe  arts,  lire  Arts. 

»        »    3oe      »      au  lieu  de  du  moment  cine'tique,  lire  de  la  quantite  de  mouvement. 

»  190,  aie      »      aw  //ew  a*e  appuyait,  //re  appuyaient. 
»         »    23°  et  24e  llgnes,  aw  lieu  de  ,  chose  grave,  n'est  plus  a  la  mode,  lire  ne  nous 

touclie  plus  beaucoup. 

»  191,  i9e  ligne,  aw  lieu  de  spatiotemporelle,  lire  spatio-teiaporelle. 
w         »     aoe      y      aw  lieu  de  spatiotemporelles,  lire  spatio-temporelles. 

»  193,  34°      »      supprimer  Le  mathematisme.  — 
H        »     35C      w      apres  efficience,  ajouter  physique. 

»  198,  i6e      »      aw  //ew  r/e  neonominalistes,  lire  neo-nominalistes. 

»  201,  1 8e      »      supprimer,  disons. 


PARTS.    —    IMPRIMERIE     G  AUTHIER-VILL  A  RS 

147833  Quai  des  Grands-Augustins,  55 


DepcH  legal,  Imprimear,  1955,  n°  1019 
Dep6t  legal,  Editeur,  1955,  n°  031. 

Acheve  d'imprimer  le  14  ociobrc  1955. 


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