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Full text of "Chambre des Pairs. Séance du 21 avril 1826. Opinion de M. le comte de Pontécoulant, sur le projet de loi relatif à la reparation de l'indemnité stipulée en faveur des colons de Saint-Domingue"

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IMPRESSIONS 

N8  j5  bis. 

1826. 


CHAMBRE  DES  PAIRS. 


Séance  du  11  avril  1826. 


DE  M.  LE  COMTE  DE  PONTÉCOULANT, 

Sur  le  projet  de  loi  relatif  à  la  répartition  de  l'indemnité 
stipulée  en  faveur  des  colons  de  Saint-Domingue  *. 


(  Extrait  du  proces-verbai  ) 


Un  onzième  opinant  est  appelé  à  la  tribune. 

Depuis  près  de  neuf  mois  qu'a  été  publié  l'acte  du 
1 7  avril,  une  discussion  si  vive  et  si  approfondie  s'est 
engagée  sur  la  régularité  comme  sur  les  avantages  ou  les 
inconvénients  de  ses  dispositions  ;  tant  de  lumières  ont 
été  répandues  sur  les  questions  qu'il  fait  naître ,  soit 
par  les  nombreux  écrits  auxquels  il  a  donné  lieu ,  soit 
par  la  controverse  des  journaux ,  que  la  plupart  des 
membres  de  cette  Chambre  ont  pu  se  former  d'avance 
une  opinion  arrêtée.  Le  noble  Pair  lui-même,  contrai- 
rement à  ses  habitudes  parlementaires,  est  arrivé  à 
cette  discussion  déjà  pleinement  décidé  à  confirmer 
par  son  suffrage,  tant  au  fond  que  dans  la  forme,  et 
ce  qui  étoit  soumis  à  la  délibération  de  la  Chambre,  et 


Cette  opinion  ayant  été  improvisée  ,  n'a  pu  être  imprimée  que  par  extrait. 


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(>■) 


ce  qui  sembloit  devoir  n'être  même  pas  mis  en  ques- 
tion. Ainsi  sa  conviction  intime  étoit,  et  est  encore, 
que  l'acte  du  1 7  avril  n'avoit  aucun  besoin  de  l'appro- 
bation des  Chambres;  que  c'était  un  acte  complet  de 
la  volonté  royale,  exercée  dans  toute  sa  plénitude ,  mais 
dans  ses  limites  constitutionnelles ,  et  qui  n'était  sujet 
à  aucune  ratification ,  sauf  l'exercice ,  s'il  y  avoit  lieu , 
de  la  responsabilité  ministérielle.  On  a  réclamé  contre 
la  qualification  d'ordonnance  donnée  à  cet  acte,  et 
cette  qualification  est  devenue  l'objet  de   beaucoup 
d'objections  et  d'équivoques.  Le  noble  Pair  convient 
que  s'il  existoit  dans  notre  langage  constitutionnel  une 
expression  plus  solennelle ,  elle  auroit  dû  être  appli- 
quée à  un  acte  d'une  si  haute  importance  et  d'un  ca- 
ractère si  différent  de  celui  des  simples  ordonnances. 
Mais  il  a  bien  fallu  se  servir  du  seul  mot  qui  fût  usité, 
et  cette  querelle  de  mots  est  peu  digne  d'occuper  l'at- 
tention de  la  Chambre.  Parmi  les  autres  objections  qui 
ont  été  faites  contre  la  forme  de  l'acte  du  1 7  avril,  bien 
peu  sont  restées  sans  réponse  dans  le  cours  de  la  dis- 
cussion. Quant  au  fond,  la  religion  de  la  Chambre 
paroît  devoir  être  suffisamment  éclairée.  Ce  n'est  pas 
dans  des  théories  abstraites  que  l'on  doit  chercher  la 
solution  d'une  question  de  ce  genre,  c'est  l'état  des 
choses  qu'il  faut  considérer.  Or,  quel  étoit-il  depuis 
trente  ans  à  l'égard  de  Saint-Domingue?  La  scission 
étoit  opérée ,  et  l'indépendance  acquise  et  affermie. 
Quel  autre  parti  auroit-on  pu  prendre ,  qui  fût  meil- 
leur que  celui  qu'on  a  pris?  Auroit-on  voulu  recon- 
quérir la  colonie  par  la  voie  des  armes?  Mais  la  raison 
et  l'expérience  démontrent  que  le  succès  d'une  pareille 
entreprise  étoit  impossible.  Auroit-on  préféré  ne  rien 


(3) 
faire?  Mais  étoit-il  de  l'honneur  de  la  France  de  rester 
dans  un  état  précaire  ,  qui  nuisoit  à  son  commerce  et 
sembloit  attester  son  impuissance?  Le  noble  Pair  ne 
sauroit  donc  hésiter  sur  le  fond  même  de  la  mesure , 
et  s'il  avoit  pu  conserver  quelques  doutes,  ils  auroient 
été  levés  par  les  développements  aussi  lumineux  que 
solides  qu'a  donnés  à  l'examen  de  ce  point  ]e  noble 
rapporteur  de  la  commission.  A  la  vérité ,  son  rapport 
même  a  introduit  un  élément  nouveau  dans  la  dis- 
cussion, par  la  proposition  d'un  article  additionnel 
relatif  aux  droits  des  créanciers.  La  question  que  cette 
proposition  fait  naître  est  aussi  importante  que  diffi- 
cile. Si  c'est  une  chose  inouie  en  législation  qu'une  at- 
teinte ,  même  partielle ,  portée  aux  droits  des  créan- 
ciers ,  c'est  aussi  une  catastrophe  inouie  dans  l'histoire 
que  celle  qui  a  détruit  à-la-fois  la  propriété  des  colons, 
et  le  gage  de  leurs  créanciers.  Si  de  fortes  raisons  mi- 
litent pour  les  uns,  de  puissantes  considérations  s'é- 
lèvent en  faveur  des  autres.  Le  noble  Pair  attend  de  la 
discussion  de  nouvelles  lumières  pour  se  fixer   sur 
ce  point,  et  il  se  bornerait,  en  ce  moment ,  à  motiver, 
par  le  peu  de  réflexions  qui  précédent  son  vote,  sur 
l'ensemble  du  projet,  si  deux  opinions  émises  ians  le 
cours  de  la  discussion  ,  avec  l'accen'tde  la  conviction  la 
plus  respectable,  n'a  voient  pris  pour  base  de  leurs 
attaques  un  système  dont   les   graves  conséquences 
exigent  absolument  qu'on  y  réponde,  et  qu'on  le  com- 
batte. Ce  système  se  fonde  sur  une  combinaison  ha- 
bile d'erreur  et  de  vérité  dans  les  faits  comme  dans  les 
inductions  qu'on  en  tire.  Dans  les  exemples  cités  par 
les  adversaires,  ainsi  que,  dans  leurs  argumentations,  on 
ne  trouve  rien  qui  soit  absolument  faux;  mais  on  ne 


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(4) 

trouve  rien  non  plus  qui  soit  tout-à-fait  vrai.  Les  deux 
nobles  auteurs  de  ces  opinions  ont  cherché  à  établir 
comme  un  principe  la  nécessité  de  la  ratification  des 
Chambres  pour  des  traités  conclus  en  vertu  de  l'art.  1 4 
de  la  Charte.  L'opinant  remarquera  d'abord  que  cet 
article  de  la  Charte  présente  un  texte  clair,  précis, 
et  qui  n'a  besoin  d'aucun  commentaire.  Si  d'autres 
articles  sont  susceptibles  de  recevoir  des  interpréta- 
tions diverses,  celui-là  n'en  admet  qu'une  seule;  il 
attribue  au  Roi  le  pouvoir  exclusif,  et  sans  concours , 
de  déclarer  la  guerre ,  et  de  faire  les  traités  d'alliance , 
de  commerce  et  de  paix.  Malgré  cette  disposition  ex- 
presse, on  soutient  cependant  que  les  traités  qui  en- 
traînent la  nécessité  d'un  subside  doivent  être  soumis 
aux  Chambres.  Ici  trouve  son  application  l'observation 
que  faisoit  le  noble  Pair,  sur  le  mélange  du  vrai  et  du 
faux  dans  le  système  qu'il  combat.  Il  n'est  pas  exact, 
en  effet ,  de  dire  que  les  traités  de  subsides  doivent  être 
soumis  à  la  délibération  des  Chambres  ;  il  est  seule- 
ment vrai  que  les  conséquences  de  ces  traités  rentrent 
dans  leur  domaine  par  la  nécessité  de  leur  vote  pour 
l'impôt  ou  pour  l'emprunt,  au  moyen  duquel  le  sub- 
side doit  être  payé  ;  mais  on  ne  peut  tirer  de  là  aucune 
induction  pour  le  traité  actuel ,  où  la  France  n'a  rien  à 
payer,  et  où  elle  reçoit,  au  contraire,  une  somme  de 
i5o  millions.  Autant  une  loi  seroit  nécessaire  s'il 
falloit,  en  vertu  de  l'acte  du  17  avril,  asseoir  une 
contribution,  ou  changer  même  un  tarif  de  douanes, 
autant  elle  seroit  inutile  ici  pour  autoriser  la  re- 
cette de  l'indemnité  stipulée.  Non  seulement  l'acte 
en  lui-même  n'offroit  aucun  caractère  législatif, 
mais  les  Chambres  n'auroient  même  pas  eu  à  s'occu- 


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(5) 
per  de  son  exécution,  si,  pour  la  rendre  meilleure  et 
plus  favorable  aux  colons,  on  n'avoit  voulu  apporter 
aux  lois  ordinaires  trois  modifications  que  le  pouvoir 
législatif  é toit  seul  en  droit  de  prescrire,  savoir:  Sa  re- 
nonciation de  l'État  à  la  portion  d'indemnité  à  la- 
quelle il  auroit  eu  droit  pour  les  propriétés  à  lui  ap- 
partenantes, l'exemption  des  droits  de  mutation,  d'en- 
registrement et  de  timbre,  et  enfin,  la  disposition 
relative  aux  créanciers,  soit  qu'elle  reste  telle  qu'elle 
se  trouve  dans  le    projet  ,    ou  qu'elle  soit  étendue 
comme  le  propose  la  commission.  Cette  énumération 
répond  suffisamment  à  ceux  qui  auraient  voulu  que 
la  répartition  se  fît  par  une  simple  ordonnance.  On  a 
cité  pour  établir  le  droit  des  Chambres,  le  traité  de 
novembre     1 8 1 5   qui   leur  fut  officiellement    com- 
muniqué: cette  citation  est   encore  juste  pour  une 
partie,  et  inexacte  dans  une  autre.  Il  est  vrai  que  le 
traité  de  i8i5  a  été  soumis  aux  Chambres,  mais  c'est 
précisément  parcequ'il   stipuloit   un   subside   et  un 
subside    des    plus    onéreux.    Une    délibération    des 
Chambres  étoit  indispensable,  et  a  eu  lieu  pour  assu- 
rer le  paiement  de  ce  subside;  mais  elle  n'a  aucune- 
ment  porté  sur  le  traité  en  lui-même,  qu'il  ne  s'agissoit 
ni  de  discuter  ni  d'approuver.  La  seule  délibération  à 
laquelle  la  communication  a  donné  lieu  dans  cette 
Chambre  a  été  "celle  par  laquelle  le  Président  a  été 
chargé  de  se  retirer  par  devers  le  Roi  pour  lui  expri- 
mer à  ce  sujet  les  sentiments  d'amour,  de  fidélité,  de 
respect  et  de  dévouement  inaltérable  dont  la  Chambre 
étoit  pénétrée,  ainsi  que    son   zèle   à  seconder  tous 
lesefforts  qu'exigeoientles  circonstances,  et  son  entière 
conformité  à  la  noble  et  digne  résignation  du  cœur 


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(  6  ) 

paternel  de  Sa  Majesté.  Tels  sont  les  termes  mêmes  de 
ia  délibération.  Ainsi  rien  dans  l'exemple  cité  qui 
puisse  fonder  le  droit  prétendu  des  Chambres  pour 
lé  cas  actuel.  On  invoque  la  pratique  de  l'Angleterre; 
mais  dans  ce  pays,  dont  le  gouvernement  tient  beau- 
coup plus  de  l'aristocratie  que  de  la  monarchie,  le 
Roi,  cependant,  exerce  seul,  et  de  la  manière  la  plus 
absolue,  le  droit  de  paix  et  de  guerre.  Il  signe  seul, 
il  ratifie  seul  les  traités.  A  la  vérité,   les  Chambres 
demandent  souvent,  ou  le  Gouvernement  donne  de 
lui-même,   communication  des  traités,  mais  ce  n'est 
pas  pour  les  soumettre  à  une  ratification  inutile  :  s'ils 
sont  discutés  dans  le  parlement ,  c'est  sous  un  tout 
autre  rapport ,  et  dans  la  vue  de  reconnoître  si  les 
Ministres,  en  les  conseillant  au  Roi,  auroient  en- 
couru   la    responsabilité.  Cette    responsabilité,    qui, 
dans  ce   cas  a  souvent  été  exercée,  porte  sur  tout  ce 
qui  dans  le  traité  seroit  nuisible  au   bien  du  pays , 
soit  immédiatement,  soit  même  par  des  conséquences 
éloignées;  et  il  est  à  remarquer  que,  sur  dix  ministres 
mis  en  accusation  au  parlement  d'Angleterre,  six  l'ont 
été  pour  leur  participation  à  des  actes  diplomatiques, 
savoir:  quatre  pour  le  traité  de  partage ,  et  deux  pour1 
ia  paix  d'Utrecht.  C'est  précisément  ce  qui  se  pratique 
à  cet  égard  en  Angleterre,  que  la  Charte  a  voulu  in- 
troduire en  France;  elle  en  contient  le  principe,  et  il 
suffirait  d'en  organiser  l'application.  Mais  il  faut  ob- 
server que  le  système  de  la  ratification  par  les  Cham- 
bres seroit  destructif  de  toute  responsabilité,  puis- 
que apparemment  les  Chambres  ne  pourraient  accuser 
et  juger  un  Ministre,  pour  raison  d'un  traité  qu'elles 
auroient  approuvé,  et  qui  seroit  devenu  loi  de  l'État. 


(  7  ) 
La  responsabilité  ne  peut  porter  que  sur  l'inexécution 
ou  l'infraction  des  lois  et  non  sur  leur  proposition,  puis- 
que les  Chambres  sont  libres  d'adopter  ou  de  rejeter. 
Ainsi  le  système  dont  il  s'agit  seroit  attentatoire  à  la 
prérogative  royale,  et  anéantirait  la  responsabilité  mi- 
nistérielle; il  seroit  facile  d'établir  en  outre  qu'il  seroit 
fatal  à  l'autorité  même  des  Chambres,  et  pour  s'en 
convaincre,  il  suffit  de  se  reporter  à  la  mémorable 
discussion  qui  s'éleva  à  ce  sujet  dans  le  sein  de  l'as- 
semblée constituante.  Ceux  qui  soutiennent  aujour- 
d'hui le  système  que  combat  le  noble  Pair  seraient 
peut-être  effrayés  d'apprendre  que  c'est  précisément 
celui  que  proposoit  Barnave,  et  qui  fut  repoussé  par 
l'assemblée  constituante  ,  sur  la  motion  de  Mirabeau, 
qui,  s'ilétoit  toujours  éloquent,  se  montra,  dans  cette 
occasion  du  moins ,  ami  de  la  monarchie,  et  véritable- 
ment homme  d'État.  On  vouloit  que  le  Roi  fît  les 
traités,  mais  qu'ils  ne  fussent  rendus  exécutoires  que 
par  le  corps  législatif;  l'assemblée  constituante,  que 
l'on  n'accusera  pas  de  trop  de  prédilection  pour  les 
principes  monarchiques,  jugea  qu'une  pareille  dispo- 
sition étoit  attentatoire  àla  prérogative  royale,  et  com- 
promettait la  sûreté  de  l'État  et  ses  véritables  intérêts. 
Gomment  voudroit-on  consacrer  aujourd'hui  ce  qu'elle 
crut  devoir  alors  repousser?  En  vain  prétendroit-on  sub- 
stituer le  mot  d'approbation  à  celui  de  ratification  ;  il 
n'en  seroit  pas  moins  vrai  qu'un  traité,  signé  par  les 
Ministres  du  Roi,  et  ratifié  par  lui,  ne  seroit  encore 
qu'un  vain  projet,  qui  n'offrirait  aucune  garantie  aux 
Fuissancescontractantes.  Adopter  un  pareil  système,  ce 
seroit  vouloir  s'isoler  au  milieu  de  l'Europe,  et  rompre 
toute  communication  avec  les  autres  gouvernements. 


(  8  ) 
On  a  voulu  tirer  argument  de  la  constitution  de  1791; 
mais  cet  argument  ne  prouve-t-il  pas  contre  ceux  qui 
l'emploient?  et  comment  vouloir  imposer  à  l'autorité 
royale,  dans  un  gouvernement  bien  réglé,  une  obliga- 
tion introduite  en  baine  de  la  royauté  dans  la  constitu- 
tion la  plus  anarchique  peut-être,  et  la  plus  incompa- 
tible avec  la  monarchie,  qui  ait  jamais  été  conçue?  Il  en 
est  de  même  de  l'exemple  de  l'Amérique  ;  il  ne  sauroit 
non  plus  avoir  aucune  force,  même  en  théorie,  puis- 
que apparemment  on  ne  veut  pas  appliquer  à  une  mo- 
narchie des  régies  faites  pour  une  république;  mais 
sous  le  rapport  de  la  pratique  cet  exemple  est  encore 
plus  malheureusement  choisi,  et  il  suffiroit,  pour  re- 
pousser un  pareil  système,  de  rappeler  comment,  par 
suite  de  la  marche  adoptée  par  les  États-Unis,  un 
traité  de  commerce  conclu  par  le  président  avec  l'An- 
gleterre n'a  pu  encore  recevoir,  après  deux  ans,  la 
ratification  du  congrès.  L'observation  exacte  de  sem- 
blables faits  ne  suffit-elle  pas  pour  proscrire  de  vaines 
spéculations  et  des  théories  abstraites?  Pourquoi  au 
lieu  de  chercher  ailleurs  des  institutions  en  mal  appro- 
priées à  notre  système  politique,  ne  pas  nous  tenir  à 
la  Charte  qui  nous  a  été  donnée?  On  nous  parle  d'exer- 
cer nos  droits;  mais  la  meilleure  manière  de  les  exer- 
cer n'est- elle  pas  de  se  renfermer  strictement  dans 
leurs  limites  légales?  En  les  dépassant  nous  ne  pou- 
vons qu'empiéter  sur  les  droits  de  la  Couronne,  sur 
ceux  de  l'autre  Chambre ,  ou  attenter  aux  libertés  pu- 
bliques. La  communication  des  traités  n'aura,  dit-on, 
aucun  de  ces  inconvénients;  mais  il  faut  bien  s'enten- 
dre sur  le  sens  qu'on  attache  à  cette  communication. 
Si  l'on  entend  se  borner  à  une  simple  demande  de  ren^ 


.     Il      ■  iTIl  m 


(9) 
seignements ,  nul  doute  que  la  Chambre ,  et  chacun  de 
ses  membres  en  particulier,  n'ait  le  droit  de  réclamer 
tous  ceux  qu'il  croit  nécessaires  pour  éclairer  sa  con- 
science sur  les  propositions  qui  lui  sont  soumises,  sauf 
le  droit  des  Ministres  de  donner  ou  de  refuser  les 
renseignements  demandés,  suivant  que  l'exige  l'inté- 
rêt du  pays  ou  le  secret  des  négociations,  et  sous  leur 
responsabilité.  En  ce  sens,  le  droit  existe  pour  les  Cham- 
bres; mais  il  ne  doit  pas  être  étendu  jusqu'au  point 
d'en  vouloir  faire  la  base  d'une  délibération  spéciale,  et 
d'approuver  ou  de  rejeter  le  traité  qui  en  seroit  l'ob- 
jet, et  de  faire  entrer  ainsi  dans  le  domaine  de  la  légis- 
lation ce  qui  doit  exclusivement  appartenir,  sous  la 
responsabilité  des  Ministres ,  à  l'autorité  royale.  Ces  ob- 
servations suffisent  pour  écarter  le  système  qu'il  sagis- 
soit  de  combattre,  et  le  noble  Pair  regardecomme  inu- 
tile de  suivre  désormais  le  dernier  des  orateurs  qui  l'ont 
défendu  dans  les  recherches  auxquelles  il  a  cru  devoir 
se  livrer  sur  les  traités  qui,  dans  les  divers  âges  de  la 
monarchie,  ont  stipulé  des  cessions  de  territoire.  Il 
est  évident  que  jamais  les  colonies  n'ont  pu,  ajuste 
titre,  être  considérées  comme  partieintégranteduterri- 
toire  français.  Un  décret  a  bien  pu  le  proclamer  ainsi, 
mais  la  nature  même  des  choses  protestoit  contre  une 
assertion  qui  n'a  rien  de  vrai,  ni  politiquement,  ni 
grammaticalement,  ni  géographiquement.  Toute  cette 
doctrine  est  donc  icisansapplication.  Acesuj  et  la  Cham- 
bre reconnoîtra  qu'il  est  des  questions  tellement  délica- 
tes, qu'il  ne  faut  les  traiter  que  dans  le  cas  d'une  néces- 
sité absolue,  et  que  la  discussion  de  celle-ci présenteroit 
aujourd'hui  beaucoup  d'inconvénients  sans  aucune 
utilité  réelle,  puisqu'il  ne  s'agit  point  de  cession  , de 


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(  10) 
territoire.  Le  noble  Pair  ne  répondra  pas  davantage 
aux  indiscrètes  suppositions  que  s'est  permises  l'orateur, 
qui  le  premier  a  porté  la  parole  dans  cette  discussion. 
S'il  peut  être  admis  de  forcer  les  conséquences  d'un 
système  pour  en  démontrer  les  vices  ,  cette  logique  a 
cependant  des  bornes ,  et  si  elles  ne  s'arrête  pas  au 
vraisemblable,  elle  ne  doit  pas  du  moins  dépasser 
le  possible  ,  et  les  suppositions  du  noble  orateur 
l'ont  de  beaucoup  dépassé.  L'opinant  s'abstiendra 
également  de  répondre  à  ce  qui  a  été  dit  par  le  second 
orateur  sur  l'état  actuel  des  colonies  qui  nous  restent, 
et  sur  les  mesures  qui  auroient  pu  être  prises  pour 
faire  recouvrer  à  la  France  la  souveraineté  sur  Saint- 
Domingue.  Il  est,  en  pareille  matière,  des  choses  que 
peut-être  il  ne  faut  pas  dire ,  mais  que  certainement 
on  doit  s'abstenir  de  répéter.  Elles  ont  assurément  été 
dites  de  bonne  foi  par  le  noble  Pair;  mais  n'oublions 
pas  que  si  les  malheurs  de  Saint-Domingue  ont  été 
consommés  par  le  vertige  et  la  fureur,  ils  ont  été  com- 
mencés par  des  paroles  innocentes  et  de  bonne  foi.  Un 
mot  seulement  est  encore  nécessaire  pour  combattre 
une  assertion  émise  par  l'orateur  dont  il  s'agit  dans 
la  séance  d'hier.  Il  a  pensé  que  l'abolition  de  la  traite 
des  noirs  avoit  été  imposée  par  l'Angleterre  à  la  France; 
c'est  une  assertion  qu'on  ne  peut  laisser  passer  sans  ré- 
ponse :  on  peut  consulter  à  cet  égard  les  discussions 
auxquelles  la  loi  d'abolition  a  donné  lieu  ;  on  y  verra 
par  qui  elle  a  été  soutenue,  avec  quelle  touchante 
unanimité  elle  a  été  accueillie,  et  l'on  jugera  ensuite  si 
une  telle  loi  porte  le  caractère  de  la  contrainte,  ou  si  elle 
n'a  pas  plutôt  été  dictée  par  la  sagesse  du  Monarque  p 
et  par  le  sentiment  de  la  justice  et  de  l'humanité.  Si 


(  II  ) 

quelque  influence  étrangère  avoit  forcé  la  main  à  cet 
égard,  avec  quel  empressement  ne  seroit-on  pas  revenu 
contre  la  décision  prise,  aussitôt  que  la  contrainte 
auroit  cessé  !  Il  est  arrivé  au  contraire  que  de- 
puis la  promulgation  de  la  loi,  si  de  nombreuses 
réclamations  se  sont  élevées  à  son  sujet,  c'a  été  seule- 
ment pour  en  demander  la  stricte  exécution,  pour 
demander  même  des  dispositions  pénales  d'une  plus 
grande  sévérité ,  tant  cette  loi  est  conforme  aux  sen- 
timents d'humanité  qui  animent  tous  les  Français,  et  à 
l'horreur  qu'inspire  à  tous  les  cœurs  cet  odieux  et  in- 
fâme trafic!  Par  tous  ces  motifs,  le  noble  Pair  vote 
l'adoption  du  projet  de  loi  dans  son  ensemble,  se  ré- 
servant de  voter,  suivant  les  lumières  que  la  discussion 
lui  aura  fournies,  sur  l'amendement  de  la  commis- 
sion. 


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