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Full text of "Chamfortiana, ou, Recueil choisi d'anecdotes piquantes et de traits d'esprit de Chamfort ..."

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V 



CHAMFORTIAN A , 

ou 
RECUEIL CHOISI 

• D'ANECDOTES PIQUANTES 
* *«T DE TRAITS h'eSPRIT 

DE CHAMFORT, 
vnicioi d'bke notice 

SUR SA VIE ET SES OUVRAGES. 
SECONDE ÉDITION. 



A PARIS, 
DSLA.NGX ,et LesvsuiC) rue de la 

Chez) H-T»*' I^**--i33; 

M o H o I E , Libraire , Cour des 
l'ontainesy Palais Egalité. 



DB L'IMYKIMB&IB DB DBLAVCB BT LBftVBVB, 



An XI — i8oâ. 



i ' 



I * 



r 



I . r 



Mil ^ 

..■■■ I 

s. 



AV I S. 



L'accueil que le Chamfortiana a 
reçu du Public; le jugement favo- 
rable qu'en ont porté les journaux ; 
le débit rapide de cet ouvrage ; tout 
nous invite, en publiant cette secon i 
de Edition^ à réparer Tinsuffisance 
du peti) nombre d'exemplaires de la 
première, et à croire qu'elle ne lui 
sera pas moins agréable. 



NOTICE 



SUR CHAMFORT. 



k < • . ; Magîii arnica Tentas. 



ChAMForT naqfnit en 1741 , daits 
tm village prés de ClermoBt en Au-- 
-vergne ; et mourut en 1794 5 ï© 
24 geiminal^an II de la- république. 

Il ne coimttt que sa m%re , et fut 
bon fils. 

Il s'appeloit Nicolas , et n*eut point 
d'autre nom tout le temps qu'il fut 
-au colley des Grassins, boiirsier 
comme la plupart de ceux qui se 
distingui>ient par leurs études. Les 
prix qull y remporta^, quelques es- 
piègleries de jeunesse 9 avoient rendu 



ce nom fameux, lorsqu'il le quitta 
pour celui de Chatnfort. 

Que ce fût vanité , fbiblesse , ins- 
pirées par la .cr.aiute qu'un nom 
jtrop vulgaire n'imprimât quelque 
ridicule à ses talens; je ne sais : 
mais il ne put échapper à ce ridicule y 
lorsquJu& • de se& andtens cajûia- 
jrades le reik^iltraiit àmx^ le mondai» 
Je :irecoiiniiit; et lui dit âssez plat- 
samment : a il faut conveziir que ta 
j> as bien de f^esprit^ pour avoir 
» fait de Nicolas , Chamfort » ! 

Ce^ sous oe nom > bientôt cé- 
lèbre par de plus grands succès dans 
.les lettnes , qa'ilptfut , à uiDe époque 
ou la pbfloso^e, ooufe dit Voltaire ^ 
commençoit à remuer leslbodemens 
4Ïe 1^ morale et de la société. 

Le bel esfxit dommoit surtout à 



(V) 

ee^Q époqt^e.philasepliiqiie. Il avoit 
étépiisà lamodejparDaclos , Homme 
tres:moral d'Ailbars., et- Crébillon lè 
rfils , qui li^ prétendoit ' guère qu^ 
la.gr^ce. -• -.!:. •^:.- ••" .. \^' '.« 

Di;iclp^, ;$'pp€irçoti ^uné .rëssexn* 
l^ajace fr^pf^tetë jeirtte. la ioo|nuur^ 
idf'e^prit *da> jetiiie- Cfaà«6£DÉt et' là 
.«enhë : it^s'^ia^itesda d'ai^tànt plus 
Tôlcmtiers^ià' rintrodùire dans lè 
-monde^ib^ut Tet»âtquér^ qil%: bèitt 
époque , on commençottàtissi àr sen* ' 
JÛr\la&îécemtéàeip?én&i0'^^'BaÈns les- 
-quels onine'peut'pliks, ÙÊdie'^e iiôi 
jours^'j faire- un sçiilpas»> ' 

Duclos, d'im caractère ) naturel* 
Iemiint:)»mÂpié, àt Vrai» tereton^ àr^ 
ioé;, a dit* ]tfBdâijvkaa:pde\ sa îBràn^ 
^se apparente ^éotemit^dltLtL* sabré 
dont il faisoit ton) trais ipeur,san> 
le tirer souvent'; d'Alombert, plus 



y. niais xnbms irànq^àixi^iip iuf^ 
et ici que sa correspoadânce-àvéù 
.Voltaire Id définit eaeore mieux ^que 
Joiit ce qu'oit peut en aire lorsqu'on 
l'a bien connu ; ces deux corn^béés db 
l'Acadénoie y qui ai/roeiiVd'aMaéf plus 
^empixt sàr tons les beatik ëè^ité, 
jqu'il^ jl^tâasucleiit Jb^îucDtip^î et>m 
JpttoîeBt: giières » p^^nurent à Cham- 
Ipri les. s^ls prôfieurS' qu'il; lui 

-îÂ\ 4^<{^¥^ ^a^^eid j ik pceniieb, 
P^r .te: :&»«?, ipi'il js'étuidiaf. ^u|>- 
étre à donucr jab'^nre d'Csprit àcmt 
il âioitt doiiié pour la^ sailKe:, et ce 
g^pm ^^ <lel»î oè ^dbs éctettâtt; 
p'^^t celui) que Ja;lSic|rt6^p0ur né 
f^(âîiielW4lwe des momirs dbla Ré' 
geskce y aTQitfait:naltilèTars le dcm^ 
xotecement db ce siède « a£ 



(vij) 
favDit pnîsé dans tei meilleiiresi 



Ou a va depuis ce çpie cette au- 
dace, pour oie pas dire cette liberté, 
>iievoitc eneore produixe à la fin de 
ce siècle» i 

< ^Mais né perdons pas de vue 
.C&anifi>rt dams cette noirvetle car- 
rière^ cù je le snÎYoifr de loûi , lors** 
îçrfil j entra. 

II mlnformoit lui -^ même ^on 
*dfe»pit>grès? de sabrante fevillante; 
il me les raco2ittràt SM5 fesle, saàa 




i • 



m Mon cœur^if ftfttté plu» tp^ u'éùrit aarprit «^ 

' J^applsAiâîsso» à ses sueèés; fs^ 
plaudissois à sa piété vraiment fi- 
liale pour sa mère qa% soulageoit. 
Elle vieSIit assez pcmr jcmir de$^ 
Inenfaits d'un fils <pd venoît la g1i«p- 
cher dans l'ombre^ on il ne rentroil 
plus que poxir elle» 



(vîij;) 

• Je l'aliois voir presque tous Fôs 
matins ; nous lisions ensemble FA- 
rioste et la Fucelle^ rapprochant 
l'imitation de l'original, autpur d'un 
petit, poêle où nos livres se ; dessé- 
choient ; et les heures s'écouloient 
.avec trop de rapidité. Je le lai^ois 
retourner ensuite dans le toiUrbillc)^ 
4a monde <]u'il m'analysôit le lendit 
main , à moi qui le fuyois comme jl 
le r^cherchoit. ' ^ ' ;: '.-, 

Qa^d ce train . de vie . eut rcoïk- 
itnué torft uû hiver .5 je m'aperçus, 
avec surprise, d'une sorte de cynisme 
d'esprit qu'il allioit à ce mélange de 
^oûts , de sèntim'end qiki nous rap- 
.prochoient :. 

J'admirois ses talens; mais j^e lé 
plaignois d'en racheter Féclat ^par 
celui des passions . qu'il s^â^laà^ 
dissoit de ne point gouverner ^ 



et atixqudiles il se Urroît en Jffer^ 

cule^ avec les Jbrmes d'Adonis : 

. c'étoii l'expression d'une femme qui se 

piquent de faîen définir les hommes. 

Du reste , il s^est peint lui- 
znéme sous ce rapport , en disant : 
« J'ai détrait mes passions , à peu 
X près comme un homme violent 
I» tne son eheyal, ne pouvant le 
9 gouverner »• 

Je le vis presser lui même le cours 
du torrent qui l'entraîna. Je l'avoue 
à regret, je renonçai dès-lors à sa so- 
ciété y sans cesser de l'aimer. Je le 
perdois y il me revenoit ensuite , mais 
je le.ne cherchois plus. Riçn de sim* 
pie n'entra depuis dans son carac- 
tè^, qui se. composa de toutes lès 
nuances de l'esprit de son siècle. 
' Chamfort fréquenta bientôt tou- 
tes les classes du monde; il suc- 



comba volontairement à tontes les 
tentations; des femmes avilies le 
perdirent enfin , ai jenne Picore ^ 
qu'à peine il eut le temps de l'être. 

Né avec une sensibilité . exquise , 
il avoit un tact , une finesse d'esprit 
et une justesse de gi>ût, qui , pour 
les beaux arts , tiennent plus ou moins 
à ce précieux don. Eh î avec cela , 
il- sembloit destilié . à être la dupe 
de toutes les sottises, de toutes les 
folies de son siècle. 

La nature l'avoit doué d'une fi- 
gure aimable, spirituelle et régu- 
lière 5 douce et attrayante ; mais on 
y démêlpit un fond de causticité, 
de morosité même, qui rendoient 
son caractère fort inégal. Il étoit 
sujet aux boutades/ On &'apercevoi ta 
ses manières qu'il n'étoit pas né dans 
le grand monde ou il s'étoxt jeté sa&s 



( xj ) 

r^stîmer plus qu-îl ne valbît , comme 
les libertins recherchent le plus les 
fen^mes dolit< ils disent du mal. Il 
y! étoifc gauche, et crut remplacer 
ce défaut d'aisance ' ^b sy mettant 
tropkà son.' aise. 

'Ûédifice- de sa constitution 5 na« 
turellement des plus solides , fut bien* 
tôt ruiné dé fond en comble; il 
dajurâv malgré lui; des • plaisirs 
auxquels* il ^étoit Xvité avec trop 
d'smpétuositév 

-r.Bèi-lors il négligea sa toilette et 
ion; faaMlIement, qu'il n'avoit, au 
surplus ) jamais^ trop soignés. • 

Sur ce que -jé^ Ittî bbseryoîs , Ibiig^ 
t^npk apirès / qu'il poussoir trbp * 
loin Tattan^on de.rextâneuii et mênié 
èA \ im pro^reïé <; > !il me répôtidoit : 
<c' .que vaolez - ytous^? il fallait bien 
ii^âtttxdoîs fi^occu^^er de plaup iiux 



(>ij ) 

9» {èmmfis.' A quoi me servîroit-il an- 

» jourd'lmî d'y prétendre »! 

Je le vis, depuis cette époqne 

désastreuse, oà son,pIijisiqa6-sliu&^ 

frit tant, ^ligé de se livrer iaax> 

soins pénibles et journatiers 4'tmei 

santé détabrtfe^^ prodi^ée «en pure 
perte. 

L9> &rtuiie lû les priratîons n'ont 
)aâ)(iis tix>ii})lé son indépendance* 
Sa, pliî}99Qp)i|[ç , à cet ^gaird^^ ne res- 
sembloit à llnsouciancé qne parée 
qn'eUe teiiioil; iHBiltr^lrQ plnsi -a Iha- 
bitude 4^ se passer de ce qult n'kvoit 
pas , qu'au, moindre effort pour s'^a 
priver yQlontaii?epi0nl:. ' ^ ^^ ' 

jÇhaittfai:^ x\t dutjiçnàrintrigncij 
m i^tpi «petjl^ m6jén& qu'eUe msA 
ploie ; en^re moins?, à . la jspmSMkê 
^ sbniciajradtèreBiefttjaÉQais appris 

i:«e j^Siài Jilaia jat c<aisciwnc da 

ses 



• 1 i 



( xiij ) 

ses talens ne le trompa point; elle 
lui faisoit ntiême présager l'avenir 
avec certitude. — * Vous voyez -là 
i> ma fortune n , me dit-il froide* 
ment un jour » en me montrant un 
manuscrit sur la table où il écri* 
Toit. Cet oit sa tragédie de Mustapha 
et Zéangir. Elle lui ouvrit en effet 
les portes de l'Académie, lui valut 
des pensions à la Cour et la place de 
secrétaire des commandemens da 
prince de Condé. 

C'est là que son désintéressement, 
son antipathie pour l'esclavage , 
éclatèrent dans un acte de justice 
rare , en faveur d'un jeune honmie 
- qui depuis .... mais alors . . • • Il 
étoit subordonné , et faisoit les fonc- 
tions de la plabe. Chamfort supplia 
leprinced'enaccorderles émolumens 
avec le titre à celui qui en rem« 



** 



( xîv ) 

plîssoit les devoirs ; renonçant ponr 
soi-même aux faveurs pécujijaircs , 
au logement, qui lui furent offerts en 
échange de sa démission quil força 
le prince à recevoir. 

Chamfort , ainsi dégagé , s'ap* 
partint tout entier ; mais il ne pou- 
voit appartenir à un maître plus 
difficile , et plus qyiinteux. 
. Ni le monde, ni la solitude ne 
lui plaisoient ; il f^Uoit bien revenir 
ail premier, lorsqu'il s'étoit reposé 
du chemin qtfil avoit fait pénible- 
ment vers J'autre; et il en étoit 
bientôt si las ! et puis il étoit si 
propre à ce manège, ou l'on tour- 
île sans ces$e dans le. même cercle! 
11 y étoit si fêté ! 11 n'avoit qu'à se 
laisser aller, pouï. ainsi dire, à sa 
pente naturelle , et il se retrouvoit 
pprté dans le monde sans s'apercevoir 



( XV ) 

de ce qnî l'y ramenoit , pour en mé- 
dire à la journée : comme il se faisoit 
rechercher des grands , pour ayoir 
J'air de les fuir 9 et se ménager le droit 
de les tancer plus à son aisé ! C'étoit là 
son élément; ce sera toujours celui 
de quiconque confondra Taudace 
avec la liberté. Cette audace est de 
tout dire et de penser bien haut de- 
vant ceux qui n'osent ou ne peuvent 
ïii l'un 5 ni l'autre , et qui vous sa- 
vent toujours gré de l'oser pour 
eux. Le plus sûr moyen de plaire 
et d'être à la mode , le voici : 
c'est de donner de l'esprit à ceux 
qui n'en auroient pas sans vous; 
et personne ne posséda cet art 
comme Chamfort. 

Enfin 5 las de jouer le rôle de phi- 
losophe et de bel esprit , moitié cyni- 
que 5 moitié contemplatif I il rencon- 



( xvj ) 

f re une femme bien vive , bien spiri- 
tuelle , sur le retour de Tâge comme 
lui. C'étoit la veuve d'un médecin , 
qui avoit été belle ; avec une physio- 
nomie pleine d'ame et d'expression ; 
parlant bien, mais beaucoup trop 
peut être pour toujours bien par- 
ler; elle avoit conservé tout l'em- 
pire de son sexe , qu'elle n'exerçoit 
plus que sur le cœur, par l'esprit 
qu'elle avoit aussi jeune ^ aussi air- 
mable qu'à quinze ans. Ils s'attachè- 
rent bientôt l'un à l'autre, et réso- 
lurent de se dérober à ce tourbiUon 
fantastique où ils s'ét oient rencontrés , 
pour ne plus se quitter» Us con- 
viennent d'aller vivre à quelques 
lieues de Paris , pout n'y plus re- 
venir. Chamfort m'en fait part, et 
je reçois leurs adieux^vec l'émo- 
tion que devoît m'inspirer le bon- 



( xvîj ) 

beur de mon ami. Car , pour avoir 
aimé toutes le^ femmes dans sa jeu- 
nesse, il n'en, avoit jamais possédé 
réellement une seule ; et s'il pouvoit 
se promettre d'être heureux , ce 
ne devoit être q[u^avec une femmç 
de cette trempe, et qui fût son 
amie. J'ai vu Chamfort laimer 
aussi ardemment qu'une maîtresse , 
aussi tendrement que sa mère. A 
peine étoient-ils établis dans cçtte 
retraite où ils voûloient recommen- 
cer à vivre , que cette femme mou- 
rut. Il en fut affligé comme de 
la perte la plus sensible qu^ ait 
éprouvée (*). 

C'étoit sa volonté qu'il perdoit 
en elle ; car il n'àvoit jamais eu jus- 

■ 

(*) C'est à Toccasion de sa mort^ suivant 



( XVllJ ) 

qne-Ià qne des caprices 5 comme tin 
enfant mal élevé pour lequel il faut 
vouloir. Il revint à Paris , et re- 

m \ \ I II ■< !■■ Il I I I I ■ I M 

toute apparence'^ qu'il fit ces beaux vers 
de seiitimènt : 

A CELLE QUI N'EST PLUS. 

Dans ce moment épouvantable 
Où des sens fatigués , des organes rompiu 
Xa mort arec fureur déchire les tissus ; 

Lorsqu^en cet assaut redoutable 

L^ame , par un dernier effort, 
Xutte contre ses maux et dispute à la moit 
Du corps qu^ellé animoit le débris périssable : 
Dans ces momens affreux où l'homme est sans appui^ 
Où l'amant fuit T amante , où Pami fuit l'ami ; 
Hoi seul y en frémissant y j'ai forcé mon courage 
A supporter pour toi cette effrayante image. * 
De tes derniers combats j'ai ressenti Phorrenr , 
Le sanglot lamentable a passé dans mon cœur. 
Tes yeux ^'t^ y muets , où la douleur est peinte 
D'un sentiment plus doux sembloient porter l'empreinte* 
Ces yeux que j'avois tu par l'amour animés y 
Ces yeux que j'adorois ; ma main les a fermai ! ' 



( ^^^ ) 

tomba dans ses inconséqnences; il 
y reprit tout le train de la vie 
tnmuhueuse à laquelle il étoit ac- 
coutumé. 

Les sociétés les plus brillantes 
alors se le disputent. 11 cède encore 
à l'enipressenient 5 aux caresses des 
grands. Buffon dit que le chat res- 
semble au courtisan , mais que le 
cbien est un ami. Celui-ci se laisse 
enchaîner; la faveur même ne peut 
captiver l'autre. Aussi les ennemis 
de Charafort le comparoient-ils au 
premier , dont on sent les griffes 
en le caressant. M. de Vaudreuil, 
l'homme le plus aimable de la Cour, 
qui avoit le plus de goût et de 
cette véritable noblesse qui em- 
preint les actions comme les ma- 
nières, lui offrit un logement chez 
lui; Chamfort accepta. Je le ren- 



(Xi) 

contrai quelques )ours après; il m« 
conta tout. Je le connoissois bien; 
et je lui demandai s'il fer oit un long 
bail dans ce nouvel appartement : 
c^est à la i>ie et à la mort , me ré- 
pondit-il ; ce sont ses propres ex- 
pressions. On a vu conmie il tint 
parole , à cette époque où le parti 
de Mirabeau , qu'il embrassa , ne 
pouvoit s'allier avec aucune sorte 
de reconnoissance. 

Là il vécut en original , pour tran* 
cher davantage avec des hommes 
qui se ressembloient tous par l'a- 
mabilité, les grâces de l'esprit et 
le meillenr ton de société. C'étoit 
une espèce d'ours qui ne s'apprî- 
voisoit qu'en spectacle. Alors on 
obtenoit de lui mille tours, mille 
gentillesses d'esprit. Il lisoit , dans 
cette société , des aperçus rapides^ 



(^j ) 

des contes pleins de finesse , de légè- 
reté , et de malice en applications. 
Cfaaqae trait lancé arriToit à son 
but, étoit aussitôt recaeilli; lien 
A*étoit perdu pour une société choisie 
qui relevoît la moindre grâce avec 
le même charme qui Favoit fait 
naître. C'est pour elle qnll imagina 
de peindre les soirées de Ninon , 
qu'il y récitoit , en vers qn on 
ne sauroit trop regretter» et qui 
nous ont été dérobés dans Tabandon 
des derniers momens si cruels de 
sa vie. Morceau le plus piquant, 
peut-être, de ce genre de com- 
position qui lui étoit si propre, et 
dont fl me lut quelques fragmens 
en particulier. Cétoit le sel attique ; 
c'étoit la grâce unie au savoir faire ; 
une facilité qui cache d'autant plus 
d'art qu'elle est le sceau de la per- 



( xxiv ) 

« Ma vie entière est un tissu de 
» contrastes apparens avec mes 
» principes. Je n'aime point les 
» princes )' et je suis attaché à une 
» princesse et à un prince. On ine 
» connoit des maximes républi- 
» caines , et plusieurs de mes anods 
» sont revêtus de décorations mo- 
» narchîques. J'aime la pauvreté vo- 
)» lontaire, et je vis avec des gens 
» riches. Je fuis les honneurs, et 
» quelques-uns sont venus à moi. 
» Les lettres sont presque ma seule 
» . consolation , et je ne vois point de 
» beaux esprits , et^ ne vais point à 
j l'Académie. Ajoutez que je croîs 
9) les illusions nécessaires à l'homme » 
9 et je vis sans illusion; que je crois 
» les passions plus utiles que la rai- 
» son, et je ne sais plus ce que 
» c'est que les passions, etc. » 

Après 



Après avoir fiiit assez cosnoitre 
la personne, Tesprit, et le carac- 
tère de Chamfort, il; nous reste à 
dire : un piot de ^es ouvrages. Ils 
sont len petit nppibre ^ et la question 
à laquelle il va répondre lui-même , . 
nous dispensera . . dfen irechercher 
d'autres motifs qyio ceux qu'il nous 
fournit* Il n'étoit point oisif, puisw 
qu'il ob^exvoit ,beaupiOup dans la*.; 
société ; mais le . tr^ty^U du çabinei, 
quoiqu'il fat né * ^fkmr PappUcatiçn ; . 
comme .son goûl^fa^^ri, pour le jeu-r 
des échecs râtteslie', 9^<1^> couyerfi 
noit plps depuis. ; qu'il avpit ruiné 
sa^santé^ U a travaillera difféiren^ die- : 
tîcxnnaires^ tels';C(ue ceu^. du granci 
Vocabulaire frajQçiais 9' et des Tkéâ* 
très 5 etCi., etc.. Le Mercure lui, 
dut -quelques^ articles .vers la fin 
de sa vie: mais ses deux éloges de 



** * 



( 3txvj ) 

Molière et de La Fontaike sont 
ses œuvres les plus marquantes, 
puisque sa seule tragédie, Mustapha 
et Zëangir , n'est point restée au 
théâtre , quoique supérieurement 
écrite et dans le style qu'il s'étoit 
fait d'après Racine \ puisque seé co- 
médies de la Jeune Indienne et du 
Marchand de Smyme , qui sont 
restées au théâtre , méritent à peine le 
titre- de comédies^ dans deux genres 
si différens. U ^embloit pourtant dis** 
p^si, pat Tes^t d'observation, à 
devenir un ^poëte comique; mais il 
ne fiit qu'un très-bel esprit , non 
moins solide que briQant et cultivé 
par les meilleui^es* études , avec lé 
taét et le goût le plus sûrs. On peut 
en juger par ses notes charmantes (^) 



-■**■ 



(i) Elles se trouvent d^sPéditioa des tiois 
Fabulistes y imprimée par Delance^ 



( xxvij ) 

sur La Fontaine , qui ne furent que 
ses études avant d'en composer 
réloge. 

Ses œuvres , recueillies par l'amitié 
d'un homme de lettres , forment qua* 
tre volumes in-8®«,qui perdroient 
peu de leur valeur en retranchant 
de cette collection beaucoup de 
choses inutiles à la réputation de 
Chamfort. Cest un mauvais ser- 
vice que rendent souvent les édi- 
teurs à la mémoire des hommes 
célèbres, que d'imprimer tout ca 
qui n'en est pas digne. C'est ainsi 
que Firon fut enterré sous le poids 
d'une édition trop volumineuse. 

Outre les Soirées de Ninon ^ qmi 
sont perdues , on doit regretter de» 
fragmens d'un poëme sur la Fronde^ 
dont Chamfbrt s'étoit occupé. 

On ne trouvera , pour ainsi dire y 



( xxviij ) 

^lans le Chamfortiana , que de l'esprit 
de société , dont il se plaisoit à consi- 
gner sur des feuilles volantes , chaqtie 
soir qu'il en reVénoit, les traits les plus 
saillans qui lui. létoient échappés , 
pu qu'il y sivoit, recueillis. Tout le 
znpnde sait dailleurs ce qu'il faut 
chercher dans ce qu'on appelle Ana, 
X^e&t l'esprit . n^énie du siècle qui 
s^y peint cudinairement , et se ré- 
fléchit comme dans un miroir fidelle. 
Les Jtina étoient sayans lorsqu'on Té- 
toit ;Kîelui-ci ne l'est point. C'est donc 
de l'esprit seul de ce siècle qu'il est for- 
mé , l'érudition n'y entre pour rien; 
c'est une gaze légère au travers de la-> 
quelle se distinguent à nu des formes 
qu'on « ne cache plus. Ce sont des 
Viiœurs, des anecdotes piquantes , 
auxquelles on a joint des observa- 
tions fines et des réflexions dont 



( zxbt } 

la plupart ont été extraites dans 
le Journal de Paris , et le Mercure. 
Four justifier Tépigraphe de eette 
notice , on nous saura peut-être gré 
de faire connottre une ode de Cham- 
fort à la YiBiTÈj qui n'est pas 
dans ses œuvres, et remporta le 
prix des jeux Floraux en 1768 : 
nous rinsérons ici , quoiqu'elle soit 
d'un genre Ëien différent du Cbam- 

leORTlAVA. 

ODE 

A L A T É R I T É» 

DxscxvDS de ta sphère éternelle, 
O ydrité ! ccmtieiis ma rois. 
Descends , Tiens renger ta ^erelle^ 
Rédame tes angnstes diùhs. 
I«e penrers f outrage et t^abhonre, 
JLe sage trop sonyent tHgpore ; 
Et Pobscnr amas des martels y- 
Mémeen t'implotantparieiblessey . 
Craint d'ennsagier la déesse 
Dont il embrasse les autels. 



Favt-iz.. que loin de>notre yne, 
Tbn trône éclatant soit placé ! . . 
Ah ! que du moins perçant la nue 
Un rayon vers nous soit lancé.- 
Vois ce soleil dans sa carrière ; 
Son intarissable lumière 
Dans nos yeux entre gvec douceur: 
Qbe ne ^uY ta Tîve influence y* 
En imîtiautisa^ieiifaistfnce» ' •< 
Penser ains^notre cœlir ! - r 

Ij*ÛirxTBR8> heureux et paisible 
Ke connoît^oit aucun fléau; 
Thémis , pour être incorruptible^ . : 
N'auroit plus besoin 4e bandeau; 
Et le fanatisme barbare, ' 
Odieux ènfimtdwTéiiarf^ .. S. 
Qui se dit le rengeur des, cieiqc; 
Enchaîné par ta maiip puissante \ 
Au fond de sa prisoi^ br&lante ' . 
Etoufferoit ses cris nfireux. 

Lb mensonge, la perfidie 

Loin des Cours eftt fui pour jamaiff) 

Du sage la yoix plus hardie 

Eût dit aux rois dans leiirt pjilaia,:. 



\ 
\ 



( xxxj .) 

If 

Om y je vous dois Pobéissance » 
Je oi'anne pour votre défense; 
Maïs quand je combata pour mes rois 
On me doit des jours sans alarmes j 
Et Phonneur d'essuyer nos larmea 
Est le plus noble de Yosdroiu. • 



lo îi 



RovGzssBz de Totre génie , 
Vous 4 politiques imposteurs » 
Complices de la tyrannie 
Dont TOUS consacrez les fureurs* 
J'entends yotre yoix mercenaire 
Crier aux maîtres de la terre ; . 
<f Vos sujets sont formés pour toiis} 
» Aucun devoir ne tous engage ; 
» Ramper I gémir est leur partage | 
» Heureux de tivre à Yos genoux ! » , 



Qir* vv courtisan noirci de crimes | 
Habile dans Part de ramper , 
Empoisonne de ces maximes 
Le monarque qu*il veut tromper | 
Il entrevoit sa récompense ; 
Il Ta dévorer la substance 



( XXXÎJ ) 

De font un penple gémmasr. 
Je hais nn flatteur exécrable, 
J'e plains un tyran méprisable , 
£t je me tais en frémissant. 

lilAzs TOUS dont la yoix libre et sage 
A.UX mortels doit la Térité, 
Àyez-yons cru lui rendre hommage 
En trahissant rhumanité! 
Ke pesez plus ma destinée. 
Pourquoi d'une main forcenée 
Me jeter sous un joug d'airain ^ 
Et pourquoi d'un' sceptre paisible 
Formez-yous un glaiye terrible 
Que yous appuyés mu mon seiitl 

t : ■ ' 

Ftrxs loin de moi, mortel profjpi^e^ 
Qui par le mensonge inspiré , 
A de Clio y quLte condamne V 
Ayili le burin sacré.. 
Je te l'arrache ayec colère : 
Je yeux que sur l'airain séyère 
n graye ta honte à faniais. 
Tu brises fa digue impuissante 
Que d'un Dieu là main bienfaisante 
C^poioii aux heureux ibrfaita> 



( xxxîij ) 

O douleur ! un tyran féroce 
Dans le sang se sera plongé y 
Il rend en paix son ame atroce ; 
EtrUnirers n'est pas vengé ! 
Si dans nos cœurs il pouvoit lire 
L'horreur , le mépris qu'il inspire ; 
Mais d'encens il meurt enivré . . . 
Ah ! que l'histoire inexorable 
Flétrisse au moins ce nom coupable y 
Immortel pour être abhorré. 

ViRiTB y confonds l'artifice y 
Démens les fourbes , les flatteurs ! 
Et toi , Postérité propice , 
Dispense avec choix les faveurs ! 
N'offre aux respects de tous les âge« 
Que les vrais héros , les vrais sages \ 
Et que ta sévère équité 
Jfouvre le temple de Mémoire 
Qu'à ceux qui marchent à la gloire 
Sur les pas delà Vcrité. 



( XXXV ) 

QUESTION. 

. * 

Pourquoi ne donnez-^ous 
plus rien au ^public ? 

" RÉPONS ES 

DE CHAMBO R T. 

C'est que le public me paroît 
avoir le comble du mauviiis 
goût et la rage du dénigrement. 

C'est qu'un homme raison- 
nable ne peut agir sans motif, 
et qu'un succès ne nie feroit 
asicun plaisir, tandis qu'une, 
disgrâce ijne . feroit peut-être 
beàuconâp^ de peine. 

C'est que je ne dois paii 



( XXXVj ) 

troubler mon r^epps», pa^ce que 
la compagnie prétend qu'il faut 
divertir la compagnie. 

C'est que' jè^^trayailtepout»\ 
les Variét^ amusanjtesj, qui 
sont le, théâtre ^e la nation, 
et que je mène de front, avec 
cela, !un ouvrage philosophi- 

qufe V m^^ ^^^^ ' ^^^^ imprimé à 
rimprimèrié royalçf. ^'\ » 

C'est que le- public en me 
avec les gens de lettres comme 
les racoleurs du pont StrMî- 
cbel âVeo^ceuxi qu'ils éçrâient, 
enivrés^ le premier: jour»; dix 
écusj et desbotipadè l^âltott 'te 

resté de leur viç. i*|* U / < 

C'est 



( xxxvî} ), 
C'est qu!oïi me presse ôjb^ 
travailler , par la même raison^ 
que ,; qu^nd on se m§t à sa fe- 
nêtre; on souhaite de voir pas-H 
3er dans les ru^,,des singes, 
ou des , meneur53, d'ours. 

Exemple de M. Thoma^j^ 
insulté pejidailt toute, sa vie 
et loué après sa mort. 

C'est qûéî j'ai peur de mou- 
rir sans avoir véau.v 

C'est que tout ce qu'on mè 
dit'^c^wrm'engâger à onae pro- 
duire, est bon à dire à Sainte 
Ange et à Murville. 

^ ^ C'est qiœ j'ai à travailley 



( xzxvnj ) 

et que les succès perdent du 
temps. 

C'est que je ne voudrois pas 
faire comme les gens de lettres , 
qui ressemblent à des ânes ^ 
ruans et se balttans devant un 
ji^atelier vide. 

C'est que si j'avoîs donné à 
mesure les bagatelles dont je 
pouvois disposer, il n'y auroit 
plus pour moi de repos sur 
la terre. 

C'est que j'àime mieux l'es- 
time des honnêtes gens , et 
mon bonheur particulier , que 
«quelques éloges, quelques éCUs, 



( XXXJX ) 

avec beaucoup d'injures et de 
calomiiiès. ; . ,i. 

C'est que s'il y a un homnie 
sur . la terre qui ait le droit 
de vivre pour lui ; c'est moi , 
après les méchancetés qu'on 
m'a f9ite3 h chaque supcès que 
j'ai obtenu^ 

i G'ést (que jamais ^ comme dit 
Bacon, on n'a vu marcher en- 
semble la gloire et le repos. 
* Parce que le ptjblîo n-ç Sj'iyité- 
resse qu'aux succès qu'il n'es^ 
tiQ;ie pas. 

Parce que je resterois à 

moitié chemin de la gloire de 
Jeannot 



(xl) 

Parce que j'en suis à ne 
plus vouloir plaire qu'à qui me 
ressemble. • ^ 

C'est que plus mon affiche 
littéraire s'efface , plus ^ )e suis 
heureux. , 

C'esï que j'ai connu presque 
tous les hommes célèbres 'de 
nottè tcmj)6 , ^^t que je les' ai 
vu ifialheureux par cette belle 
passion de célébrité , et mourir, 
ïiprès avoir dégradé par elle 
leur caractère moraL 






CHAMFORTIANA. 



La plupart des faiseurs de recuefls 
de vers ou de bons mots ressemblent 
à ceux qui mangent des cerises ou 
des huîtres^ choisissant d'abord les 
meilleures , et finissant par tout 
manger. 

Les fripons ont toujours un peu 
besoin de leur honneur , à peu près 
comme les espions de police, qui 
3ont payés moins cher quand ils 
Voient moins bonne compagnie. 

n faut convenir qu'il est impos- 
sible de vivre dans le monde , sans 
jouer de temps eu temps la comédie. 



(O 

Ce qui distingue l'honnête homme 
du fripon , c'est de ne la jouer que 
dans les cas forcés , et pour échap- 
per au péril , au lieu que l'autre va 
au-devant des occasions. 



La philosophie 5 ainsi que la mé- 
decine , a beaucoup de drogues , très- 
peu de bons remèdes , et presque 
point de spécifiques. 

La plupart des nobles rappellent 
leurs ancêtres , à peu près comme un 
Cicérone dlt^lie rappelle Cicéron. 

C'est Une belle allégorie, dans la 
bible , que cet arbre de la science 
du biisn et du mal qui produit la 
jnprt. jCet emblème ne veut-il pas 
dire que , lorsqu'on a pénétré' le fond 
4es choses , la perte des illusions 



Ê (3) 

^Ê amène la mort de Tame ; c'e8t*à-dîre ^ 
V un désintéressement complet sur tout 
W ce qui touche et occupe les autres 
F hommes. 

Je ne suis pas plus étonné de voir 

, un homme fatigué de la gloire » que 

je ne le suis d'en voir un autre 

importuné du bruit qu'on fait dan$ 

son antichambre. 



On souhaite la paresse d'un mé- 
chant , et le silence d'un sot. 

Ce qui explique le mieux comment 
le mal-honnéte homme , et quelque- 
fois même le sot , réussissent presque 
toujours mieux , dans le monde , quq 
l'honnête homme et que l'homme 
d'esprit , à faire leur chemin , c'est 
que le mal-honnéte homme et le sot 



(4) 

ont moins de peine à se mettre àù 
courant et au ton du monde qui, 
en général , n'est que mal-honnêteté 
et sottise ; au lieu que llionnêtB 
homme et l'homme sensé , ne pou- 
vant pas entrer sitôt en commerce 
avec le monde, perdent un temps 
précieux pour la fortune. Les^ uns 
sont des marchands qui , sachant 
la langue du pays , vendent et s'ap* 
provisionnent tout de suite, tandis 
que les autres sont obligés d'appren* 
are la langue de leurs vendeurs et 
de leurs c]|)alands , avant que d'ex- 
poser leurs marchandises , et d'en- 
trer en traité avec eux. Souvent 
même ils dédaignent d'apprendre 
cette langue, et alors ils s'en re- 
tournent sans étrçnner. 

Il 7 a des sottises bien babii^ 



(S) 
lëes , conmie il y a des sots très-bien 
yêttts. 

Notre raison nous rend quelque- 
fois aussi malheureux que nos pas- 
sions ; et on peut dire de Thomme , 
quand il est dans ce cas , que c'est 
un malade empoisonné par son mé- 
decin. 

Les médecins et le commun des 
hommes ne voient pas plus clair 
les uns que les autres dans les ma- 
ladies , et dans Tintérieur du corps 
humain. Ce sont tous des aveugles ; 
mais les médecins sont des quinze- 
vingts qui connoissent mieux les 
rues, et qui se tirent mieux d'affaire. 

Qu'est-ce qu'un philosophe ? c'est 
un homme qui oppose la nature à la 



(6) 

loi, la raison à fasage, sa conscience à 
Topinion, et son jugement à Terreur. 

Un sot qui a un moment d'esprit , 
étonne et scandalise , comme des 
chevaux de fiacre au galop. 

L'importance, sans mérite 9 ob- 
tient des égards sans estime. 

Grands et petits, on a beau faire, 
il faut toujours se dire comme le fia- 
cre aux courtisannes, dans le moulin 
de Javelle : vous autres et nous autres , 
nous ne pout^ons nous passer les 
uns des autres. 

Quelqu'un disoit que la providence 
étoit le nom de baptême du hasard : 
qudque dévot dira que le hasaîrd est 
un sobriquet de la providence. 



(7) 
plus perdue de toutes les jour- 
nées 9 est celle où Ton n'a pas ri. 

En apprenant à connoitre les maux 
de la nature , on méprise la mort ; en 
apprenant à connoitre ceux de la so* 
ciété y on méprise la vie. , 

, L'homme pauvre , mais indépen* 
dant des hoipmes , n'est qu'aux or- 
dres de la nécessité. L'homme riche , 
mais dépendant , est aux ordres 
d'un autre homme ou de plusieurs,. 

L'opinion publique est une juri- 
diction que l'honnête homme ne doit 
jamais reconnoître parfaitement , et 
qu'il ne doit jamais décliner. 

''Vivre est une maladie doutée 
sommeil nous soulage toutes les i6 



(8) 

heures. C'est on palliatif. La mort 
est le remède. 

Il y a deux choses auxquelles il 
faut se faire , sous peine de trouver 
la vie insupportable. Ce sont les in* 
jures du temps et les injustices des 
Hommes. 

Je ne conçois pas de sagesse sans 
défiance. L'écriture a dit que le com- 
xnencement de la sagesse étoit la 
crainte de Dieu; moi, je crois que 
c'est la crainte des hommes. 

Un homme sans élévation ne sau- 
roît avoir de bontés il ne peut avoir 
que de la bonhommie. . >.i 

Si Diogènes viyoit de nos jours, il 
faudroit que sa lanterne fût une 
lanterne sourde. 



(9) 

La fortune et le eostiime qui l'en* 
toure , fait de la vie une représen- 
tation au milieu de laquelle il faut 
que rhomme le plus honnête devien- 
ne, à la longue 9 comédien malgré 
lui. 

L'estime vaut mieux que la célé- 
brité ; la considération vaut mieuiC 
que la renommée ; et l'honneur vaut 
mieux que la gloire. 

Les gens foibles sont les troupes 
légères de l'armée des méchans. Ils 
font plus de mal que l'armée même ; 
ils infestent et ils ravagent. 

L'habileté est à la ruse ^ ce qûô 
la dextérité est à la filouterie. 

L'entêtement représente le carac'* 



( lO ) 

ière^ à peu près comme le tempéra^ 
ment représente Vamôur. 

Amour, folie aimable ; ambition, 

sottise sérieuse. 

» 

n faut être juste avknt d'être gêné* 
reux , comme on a des chemises 
ayant d'avoir ^es dentelles. 

Le changement de modes est l'im- 
pôt que l'industrie du pauvre met 
sur la vanité du riche. 

Le rôle de l'homme prévoyant est 
assez triste. II ajGBige s^s amis, en leur 
annonçant les malheurs auxquels les 
expose leur imprudence. On ne le 
croit pas ; et quand ces malheurs sont 
arrivés , ces mêmes amis lui savent 
mauvais gré du mal qu'il a prédit; 



(") 

leur amonr propre baisse les yeux 
devant Fami qui devoît être leur 
consolateur, et qu'ils auroient choisi 
s'ils n'étoient pas humiliés en sa 
présenee. 

Celui qui veut trop faire dépendre 
son bonheur de sa raison , qui le 
soumet à l'examen , qui chicane ^ 
pour ainsi dire , ses jouissances , et 
n'adinet que des plaisirs délicats^ 
finit par n'en plus avoir. C'est un 
homme qui » à force de faire carder 
son matelas, le voit diminuer, et 
finit par coucher sur la dure. 

Quand on a été bien tourmenté, 

bien fatigué par sa propre sensibilité, 

on ^'^perçoit qu'il faut vivre au jour 

le jour, oublier beaucoup, enfin, épon^ 

gcrla ^fà à mesure qu'elle s'écoule» 



( la) 

La fausse modestie est le plus dé* 
cent de tous les meusonges. 

En parcourant les mémoires et- les 
mônumens du siècle de Louis XIV , 
on trouve , même dans la mauvaise 
compagnie de ce temps-là, quelque 
chose qui manque à la bonne d'au- 
jourd'hui. 

Qu'est-ce que la société, quand la 
raison n'en forme pas les nœuds , 
quand le sentiment n'y jette pas d'in- 
térêt , quand elle n'est pas un échange 
de pensées agréables et de vraie bien- 
veillance ? Une foire , un tripot , une 
auberge , un bois , un mauvais lieu et 
des petites - maisons ; c'est tout ce 
qu'elle est tour à tour pour la plu- 
part de ceux qui la composent. 

On ne peut vivre dans 1^ société 

après 



(i3) 

après l'âge des passions. Elle n'est 
lolérable que dans Tépoque où l'on 
se sert de son estomac pour s'amu- 
ser , et de sa personne pour tuer le 

temps. 

> 

Cest bien mal fait, disait M# . . î 
d'avoir laissé tomber le cocuage» 
c'est-à-dire , de s'être arrangé pour 
que ce ne soit plus rien. Autre- 
ibis , c'étoit un état dans le monde | 
comme de nos jours , celui de joueur. 

A présent ce n'est plus rien du tout. 

i 

La société est coiiiposée de deux 
grandes classes : ceux qui ont plus 
de dînes que d'appétit , et ceux qui 
ont plus dfappétit que de dinés. 

Amitié de Cour, foi de renardç,. 
et société de loups. 



(14) 

On n'imagine pas combien il fant 
d'esprit pour n'être jamais ridicule. 

A voir Ip 3oin cjue les conventions 
sociales paroissent avoir 'pri3 d'é^ 
carter le mérite de toutes les places 
çù il pourroit être utile à la société , 
^n examinant la ligue des sots.contrç 
les gens d'esprit , on croiroit voir une 
conjuration de v^let§ poiir farter 
)es maîjtre^. 

Les bourgeois , par un entêtement 
ridicule , font det leurs filles un fumier 
pour les terres des gens de qualité* 

Jiàes gens qui élèvent les princes et 
qui prétendent leur donner une 
bonne éducatiQn , après s'être sou- 
mis à leurs formalités et à leurs avilis- 
santes étiquettes , ressemblent à des 



V. 



( iS) 

maîtres d'arithmétique, qui VOtL-» 
droient former de grands calcula* 
teurs , après avoir accordé à leurs 

élèves que trois et trois font huit. 

• 

Le inonde et la société ressemblent 
à une bibliothèque où , au premier, 
coup d'oeil , tout paroît en règle , par- 
ce que les livres y sont placés suivant 
le format et la grandeur des volumes , 
mais où , dans le fond , tout est en 
désordre, parce que rien n'y est 
rangé suivant l'ordre des sciences, 
des matières , ni des auteurs. 

L'expérience qui éôlaire les parti- 
culiers , corrompt les princes et les 
gens en place. . 

L'état de courtisan est un mé- 
tier dont ou a voulu faire une 



(»6) 
science. Chacun cherche i se hausser. 

Lqs magistrats chargés de veiller 
sur Tordre public , tels que le lieu- 
tenant criminel , le lieutenant civil , 
le lieutenant de peliez, et tant 
d'autres , finissent presque toujours 
par avoir une opinion horrible de 
la société. Us croient connoître les 
hommes , et n'en connoissent que le 
rebut. On ne juge pas d'une ville 
par ses égoûts , et d'une maison par 
ses latrines. La plupart de ces ma- 
gistrats me rappellent toujours le 
collège , où les correcteurs ont une 
cabane auprès des commodités, et 
n'en sortent que pour donner le fouet* 

C'est la plaisanterie qui doit faire 
justice de tous les traversdes hommes 
çt de la société. C'est par elle qu'oA 



(ï7) 
évite de se compromettre. Cest par 
elle qu'on met tout en place sani 
sortir de la sienne. C'est elle qui 
atteste notre supériorité sur les 
choses et les personnes dont nous 
nous moquons*, sans que les person- 
nes puissent s'en offenser , à moins 
qu'elles ne manquent de gaieté ou de 
mœurs. La réputation de savoir bien 
manier cette arme dcnme à l'homme 
d'un rang inférieur , dans le monde 
et dans la meilleure compagnie, cette 
sorte de considération que les mi- 
litaires ont pour ceux qui manient 
supérieurement Tépée. J'ai entendu 
^dire à un honmie d'esprit : ôtez à la 
plaisanterie son empire , et je quitte 
demain la société. C'est une sorte 
de duel où il n'y a pas de sang vetsé, 
et qui y comme l'autre , rend les 
hommes plus mesurés et plus polis» 



n y a des choses indevinables 
pour un jeuue homme bien né. Com- 
ment se défieroit-on , à vingt ans , d'un 
espion de police y qui a le cordon 
rouge ? 

Les coutumes les plus absurdes, 
les étiquettes les plqs ridicules , sont 
en France et aflleurs sous la pro- 
tection de ce mot : c'est Vusage. 
C'est précisément ce mot que ré- 
pondent les Hpttentots, quand les 
Européens leur demandent pourquoi 
ils mangent des sauterelles ; pour- 
quoi ils dévorent la vermine dont ils 

\ sont couverts. Us disent aussi : c'est 

i Fusage. 

Qu'est-ce que c'est qu'un fat sans 
sa fatuité ? Otez les ailes à un papil- 
^n, c'est une chenille 



('9) 
Les courtisans sont des pauvres en- 
xicliis par la mendicité. 

Des qualités trop supérieures ren- 
dent souvent un homme moins propre 
à la société. On ne ya pas au marché 
avec des lingots; on y va avec de 
l'argent ou de la petite mpnnoie. 

La société , les cercles , les salons , 
ce qu'on appelle le monde ^ est une 
pièce misérable , un mauvais opéra y 
sans intérêt , qui se soutient un peu 
par les machines et les décorations. 

Quand on veut plaire dans le 
monde , il faut se résoudre à se laisser 
apprendre beaucoup de choses qu'on 
sait , par des gens qui les ignorent. 

Dans un pays où tout le monde 



(âo) 

cherche à paraître ^ beaucoup de 
gens doivent croire , et croî^it en 
effet , qu'il vaut mieux être banque* 
routier que de n'être rien.r 

La menace du rhume négligé est 
pour les médecins , ce que le pur» 
gatoire est pour les prêtres, un 
Pérou. 

Les conversations ressemblent aux 
voyages qu'on fait sur l'eau : on s'é- 
carte de la terre sans presque le 
■sentir, et l'on ne 3'aperçoit qu'on a 
quitté le bord que quand on est déjà 
bien loin. 

On est plus heureux dans la soli- 
tude que dans le monde. Cela ne vien- 
droit-il pas de ce que dans la solitude 
on pense aux choses, et que dans le 



(21) 

monde on est forcé de penser aux 
jiommes ? 

On dît quelquefois dW homme 
qui vit seul : il n'aiitie pas la société. 
C'est souvent comme si on disoit d'un 
homme, qu'il n'aime pas la prome- 
jiade, sous le prétexte qu'il né se 
promène pas volontiers le soir dans 
la forêt de Bondjr* 

Un homme d'esprit est perdu , s'il 
ne joint pas à l'esprit l'énergie du 
caractère. Quand on a la lanterne de 
Diogène , il faut avoir son bâton. 

Il ne faut point s^étonner du goût 
de J.- J. Rousseau pour la retraite ; 
de pareilles âmes sont exposées à se 
voir seules , à vivre isolées , comme 
l'aigle; mais comme lui, fétendui^ 



de lenrs regards et la hauteur de 
leur vol , est le charme de leur solî* 
tude. 

Quiconque n'a pas de caractère 
D^estpas un homme , c'est une chose. 

On a trouvé le moi de Médée su- 
blime; mais celui qui ne peut pas 
le dire dans tous les accidens de la 
vie est bien peu de chose. 

Tout homme qui se connoti des 
sentimens élevés a le droit , pour se 
faire traiter comme il convient, 
de partir de son caractère, plutôt 
que de sa position. 

■ 

Il y a des hommes à qui les il- 
lusions sur les choses qui les intéres- 
sent sont aussi nécessaires que là vie* 



(â3) 

Qael<}ae{bis cependant ils ont des 
aperçus tfuîferoient croire qu'ils sont 
près de la yérïté ; mais ils s'en éloi- 
gnent bien vite , et ressemblent aux 
enfans qui courent après un masque, 
et qui s'enfuient si le masque vient à 
se retourner. 

Le sentiment- qu'on a pour la plu* 
part des bienfaiteurs, ressemblée la 
reconnoissance qu'on a pour les ar- 
racheurs de dents. On se dit qu'ils 
vous ont fait du* bien , qu'ils vous 
ont délivré d'un mal, mais on se 
rappelle la douleur qu'ils ont causée , 
et on ne les aime guère avec tendresse. 

Tout bienfait qui n'est pas cher au 
cœur est odieux. C'est une relique , 
ou un os de mort. Il faut l'enchâsser 
ou le fouler aux pieds. 



(M) 

La plupart de» bienfaiteurs qtn 
prétendent être caché» , après vous 
avoir fait du bien , s'enfuient comme 
la Galatée de Virgile : et se cupU 
ante videri. 

On dit communément qu*€m*s*at- 
tache par ses bienfaits. C'est une 
bonté de la nature* 11 est juste que 
la récompense de bien faire soit 
d'aimer. 

La calomnie est comirie la guêpe 
qui vous importune, et contre la- 
quelle fil ne faut faire aucun mouve- 
ment , à moins qif on ne soit sûr de 
de la tuer , sans quoi elle revient 
à la charge, plus furieuse que Jamais. 

La plupart des amitiés sont héris- 
sées àesiet de TTzai^ ^ et aboutisseat 



a 



(â5) 

à de simples liaisons , qui subsistent 
à force de sous-entendus. 

Il y a entre les mœurs anciennes 
et les nôtres le même f apport qui 
se trouve entre Aristide , contrôleur- 
général des Athéniens, et Tabbé 
Terray. 

Il y a peu de bienfaiteurs qui ne 
disent comme Satan : si cadens àdo^ 
raveris me. 

La pauvreté met le crime au 
rabais. 

L'amitié extrême et délicate est 
souvent blessée du replis d'une rose. 

La générosité n'est que la pitié des 
âmes nobles. 

3 



(26) 

Jouis et fais jouir, sans faire de 
mal ni à toi , ni à personne ; voilà, 
je crois, toute la morale* 

• • • 

* Pour les hommes vraiment hon* 
nêtes , et qui ont de certains prin- 
cipes, les commandemens de Dieu 
ont été mis en abrégé sur le {ron« 
tispice de l'abbaye de Thelême \Jm 
ce (pic tu» poudrai r 

Jaî détruit mes passions^ à peu 
près comme un homme violent tue 
son cheval, ne pouvant le gouverner. 

Le jansénisme des chrétiens, c'est 
le stoïcisme des païens , dégradé de 
figure et mis à la portée d'une po-* 
Palace chrétienne; et cette secte 
a eu des Pascal et des Arnaud pour 
défenseurs j 



L'amour est comme leé mal^jî^i 
épidéiuiques ; plus ou les cxaiut, plus 
on y est exposée 

. XJn homme amoureux e$t ç^ 
homme qui veut être plus aimable 
qu'il ne . peut ; et voilà pourquojl 
presque tous les amoureux sont 
ridicules. 

Les femmes ont des fantaisies ,ded 
engouemens , quelquefois des goûts. 
Elles peuvent même s'élever jus- 
qu'aux passions. Ce dont elles sont le 
moins susceptible, c'est Fattachf^ 
ment. Elles sont faites pour commer- 
cer avec nos foiblesses , avec notre 
folie, mais non avec notre raison. 
11 existe entre elles et les hommes 
des sympathies d'épiderme , et très- 
peu de sympathies d'esprit , dame et 



(48) 

%ie Caractère. C'est ce <pi΀^t prouvé 
par le peu de cas qu'elles font d'un 
homme de 40 ans. Je dis^ même celles 
qui sont à peu près de cet âge. Obser- 
vez que quand elle^ lui accordent 
tme préférence , c'est, toujours d'après 
qwèlqùes vues mal-honnêtes , d'après 
im calcul d'intérêt ou de.v^nité , et 
alors l'exception prouve larègle, et 
même plus que la règle. Ajoutons 
que ce n*esf pas ici le cas de Taxiome: 
qui prouve trop ne prouve rien. 

' Oiez l'^amour propre de Famour, 
il en reste trop peu de chose. Uhc 
fois purgé de vailité, c'est un con- 
valescent affoibli ^ qui peut à peine 
se traîner. 

Xfamour , tel qu'il existe dans la 
société j n'est que l'échange de deux 



fantaisies, et le contact de deux 
épidermes.j 

On vous dît quelquefois , pour vous 
engager à aller chez telle ou telle 
femme : elle est tres-aimahle : mais 
si je ne veux pas Faii^ier î 11 vaudroit 
mieux dire, ^U^ ^si très-aimante^ 
parce qu'il y a plus de gens qui 
veulent être aimés , que de gens 
qui veulent aimer eux-mêmes. 

Si Von veut se faire une idée «de 
l'amour propre des femmes , dans 
leur jeunesse ,. qu'on .en juge par 
celui qui leur reste , après qu'elles 

ont passé l'âge de/plaire<- 

». 

; li me semble, disoit y^i d^*v'? 
à propos des faveurs des femmes*^ 
qu'à: la vérité cjela se dispute. au 



(3o) 

concours , mais que^sclane se donne 
ni au sentiment, ni au xnâite. 

Les jeunes femmes ont un malheur 
qui leur est commun avec les rois , 
celui de nWoir point d amis. Mais 
heureusement elles ne sentent pas 
ce malheur plus que les rois eux- 
mêmes. Là grandeur des uns et la 
vanité des autres, leur en dérobe 
le sentiment. 



' On dit , eh politique , que les sages 
tie font point de conquêtes : cela 
peut aussi s appliquer à la galanterie. 

Soyez atiés( aimable,' aussi hon- 
nête qu'il est possible , aimez la 
femme la plus pidrfaite qm se piïsse 
îin^gîïièr , vous n'en serez pasim^ins 
dans le cas de lui pardonner- on 



(Si) 
Totre prédécesseur 5 ou votre suc- 



cesseur. 



Peut qu*une liaison d'homme à 
femm^ soit vraiment intéressante ^ 
il faut qu'il y ait entre eux jouissance^ 
ménioire ou désir. » 

Il y a des redites pour l'oreille 
et pour l'esprit ; il n'y en a point 
pour le cœur. « 

Qu'est-ce que c'est qu'une maî- 
tresse ? Une femme près de laquelle 
on ne se souvient plus de ce qu'on 
sait par cœur, c'est-à-dire, de tous 
les défauts de son sexe. 

L'amour plaît plus que le mariage , 
par la raison que les romans sont 
plus amusant que l'histoire. 



( 3â ) 

L'hymeu vient après Tamour , 
comme la fujSiée après la flaiome. 

Le mot le plus taîsoûnable et le 
plus mesuré qui ait été dit sur la 
question du célibat et du mariage, 
est celui-ci : quelque parti que tu 
prennes, tu t'en repentiras. Fonte- 
nelle se repentit , dans ses dernières 
années , de ne s'être pas marié. II 
oublioit 95 ans , passés dans Fin*- 
souciance. 

En fait de^ mariage, il n'y a de 
reçu que ce qui est sensé, et il n'y 
a d'intéressant que ce qui est fou. 
Le reste est un vil calcul. 

On marie Içs femmes avant qu'elles 
soient rien , et qu'elles puissent rien 
être. Un mari n'est qi^'une espèce 



( 33 ) 

de manœuvre qui tracasse le corps 
de sa femme, ébauche son esprit ^ 
et dégrossit son ame. 

Le dîvorce est si naturel que , dans 
plusieurs maisons , il couche toutes 
les nuits entre deux jépôux. 

Une femme laide , impérieuse , et 
qui veut plaire, est un pauvre qui 
commande qu'on lui fasse la charité. 

r 11 paroît qu'il y a dans le cerveau 
des femmes une case de moins, et 
dans leur cœur une fibre de plus, 
que chez les hommes. Il falloit une 
organisation particulière pour les 
rendre capables de supporter, soi- 
gner, caresser les enfans. 

Un homme, amoureux , qui plaint 



( 34 ) 

rhomme raisonnable 5 me paroît 
ressembler à un homme qui lit des 
contes de fées , et qui raille ceux 
qui lisent llûstoire. 

L'amour est un . coiumerce orâ- 

■ 

geux, qui finît toujours ^ par unq 
banqueroute; et c'est la personne 
à qui on fait banqueroute qui est 
déshonorée. 

Une des meilleures raisons qu^on 
puisse avoir dé ne se marier jamais, 
c'est qu'on n'est pas tout à fait la 
dupe d'une femme , tant qu'elle n'est 
point la vôtre. 

Avez -vous jamais connu une 
femme qui , voyant un de ses amis 
assidu auprès d'une autre femme, ait 
supposé que cette fenune lui fût 



(35) 

cmelle ? On voit par là Topinion 
qu'elles ont les unes des autres. Tirez 
vos conclusions. 

On a observé que les écrivains 
en physique , histoire naturelle , 
physiologie , chimie , étoient ordi- 
nairement des hommes d'un carac* 
tère doux , égal , et en général heu- 
reux ; qu'au contraire , les écrivains 
de politique , de législation , mênMS de 
morale , étoient d'une humeur triste, 
mélancoUque, etc. Rien de plus 
simple ; les uns étudient la nature, 
les autres U société. Les uns con- 
templent l'ouvrage du grand Etre ; 
les autres arrêtent leurs regards sur 
l'ouvrage de rhonune. Les résultats 
doivent être différens. 

Quelqu'un a dit que de prendre 



(36) 

sur les anciens, c'étoit pirater au* 
delà de la ligne ; mais que de piller 
les modernes , c'étoit filouter au coin 
des rues. 

La plupart des livres d'à prés^it 
ont Fair d'avoir été faits en un jour, 
avec des livras lils de la veille. 

Les ^ens de lettres aiment cens 
qu'its amusent, comme les voyageuirs 
aiment ceux qu'ils étonnent. 

Un auteur j homme de goût, est, 
parmi ce public blasé, ce qu'une 
jeune femme est au milieu d'un 
cercle de vieux ' libertins; 

Peu de philosophie mène à mé*- 
priser l'érudition ; beaucoup de phi- 
losophie mène à l'estimer* 

Le 



( 37 ) 
Le travail du pôc^e, et souvent 
de l'homme de lettres , lai sont bien j 

peu fructueux à lui-même ; et de la '\ 

part du pttljKci il ise trouve plaoé 
entre le grand merci y et le va te 
promener. Sa^ fiairtune fsé: réduit à 
jôuîr de lui-même^ et du temps. • 



I 



Ce qui fait le succès ^ de quantité 
d'ouvrages est le rapport qui se 
ïrotrve^%hîre la médiocrité dès idées 
de Tauteur, et la médiocrité dçsidéés 
du public. 



j i 



LTionneut d'être de l'académie 
française est comme la croix de Saint 
Lo^s y qu'ob Voit également au 
soupe de Marljr, et dans les au- 
bergies à 22 soùsi 

Cest la philosophie qui découvre' 

4 



( ?8 ) 

poHtitp.e. i.Cçst. l'éloquence: qui k^ 
réjodpopuIairës.'Céstlapoëaie qui les 
irend , pour :aiasi Jdi^e.^ pmYwhi^lf^P 



'\'. \ , S ." ". • •' i '^ 



• On nfest pdnt $« îhomnxQ 4'^prit 
|)our avoir beajo/CQiip 4'îdées9 comme 
on n'est pas un bon général pour 

avoir beaucoup de ^Qld]af$). >) 

* • •» 

: . lua > côiivîptîon' i^t îa^-.fpçispieftpa 
derèjpxit. ) / .^'1 p 

On se fâche souvent contre" les 
gens de lettres qui se ^ retirent du 
mondev On ^ veut qu'ils, prennent 
intérêt à la société doqt iU ne tiv^t 
prçsq^^ point d'ay^intages :[pn veut 
les forcer d'assisté éternellement 
au^ tirages d'une loterie où ils n'ont 
point de billets^ 



( % 1 

Les gefis de lettres , surtout Ie« 
poëtes , sont comme les paons > à 
qui on jette mesquinement quelques 
graines dan^ leur loge , et qu'on en 
tire quelquefois pour les voir étaler 
leur queue 5 taïiâîs ^yié les cokjs, 
les poules, lés canards et les dindons 
se promènent librement dans • la 
basse-cour, et remplissent leur jabot 
tout à leur aise. 

> • j' '. . . . 1. 

Les mémoires que les gens en 
place ou les gens de lettres , même 
ceux qui ont passé pour les plus 
modestes, laissent pour servir à This- 
ibirè de leur vie , trahissent leur va- 
nité secrète ^ et rappellent l'histoire 
de ce saiiît qui a voit laissé cent mille 
écus pour serX'ir à sa canonisation^ 

C'est après l'âge des passions qua 



(4^) 

les grands hommes ont produit 
leurs chefs-d'œuyres , comme c'est 
après les éruptions des yolcana ^e 
la terre est .plus' fertile. 



A 1 



. Les gens de lettres sont rarement 
jaloux des réputations quelquefois 
e;^agérées qu'ont certains ouvrages 
deê gens de la. Cour ; ils regardent ces 
succès comme les honnêtes femmes 
^regardent la fortune des filles. 

f. J'ai .vu à Anvers, dans une des 
principales églises, le tombeau du 
célèbre imprimeur Plantin j orné de 
tableaux superbes , ouvrages de Ru- 
ben3, et consacrés à sa mémoire. 
Je me suis rappelé à cette vue que 
les; Etienne, Henri et Robert, qui 
par leur érudition grecque et latine 
ont renduiles plus grands services 



(4t ) 

ftu^ lettres, traînèrent en France 
une vieillesse misérable ; et qne 
Charles Etienne, leur successeur, 
mourut à l'hôpital , après avoir côn- 
trihué presqu'autant qu'eux aux pro- 
grès de la littérature. Je lUQ suis rap- 
pelé qu'André Duchéne , quon peut 
regarder . Dcmime le père de Ihistoire 
de France, fut. chassé de Paris, 
par la j^iisère, et réduit à se réfugier 
dans une petite ferme qu'il avoit 
enChamjpagne. Il sefua en tombant 
du' haut d'ime charrette , chargée 
de foin, à une hauteur immense. 
Adrien de Valois , créateur de l'his- 
toire métallique, n'eut guère une 
meilleure destinée. Samson , le père 
de: la géographie , alloit à . 70 ans 
faire de^ leçons., à pied , pour vivre. 
Tjôut le monde sait la destinée des 
Driryer, Tristan, Maynard, .et de 



i¥ ) 

tant d'autres. Corneille manquoît de 
bouillon , à sa dernière'maladie. La- 
fontaine n'étoit guère mieux. Si 
Kaciné, Boilèau, Molière et Quinault 
eurent un sort plus heujreux , c'est 
que leurs talens étoient consacrés 
au roi plus particulièrement. L'abbé 
Delonguerae , qui rapporte et r^p* 
proche plusieurs de ces anecdotes 
sur le triste sort des * hommes de 
lettres, illustrer en France , ajoute : 
c'est ainsi qu'on en a toujours usé 
dans ce misérable paysv Cette liste 
si célèbre des gens de lettres que 
le roi vouloit pensionner, et qui fut 
présentée à Colbert , étôit l'ouvrage 
de Chapelain , Perrault , Fabbé 
Gallois , qui omirent ceux dé leurs 
confrères qu'ils haïssoient, tandis 
qu'ils y placèrent les noms de plu- 
sieurs sayans étrangers, sachant très- 



bien que le roi et le miriîsti^e seroîent 
plus flattés de se faire louer à 400 
lieues de Paris. 

Lorsque Ton considère que le pro- 
duit du travail des lumières de 
trente oU quarante siècles , a été dé 
livrer trois cents millions d'hommes , 
répandus sur le globe ^ à une tren- 
taine de despotes , la plupart igno- 
rans et imbécilies , dont chacun est 
gouverné par trois ou quatre scé- 
lérats, quelquefois stupides; que 
penser de Thumanité , et qu'attendre 
d'elle à l'avenir ? 

- Autrefois , le trésor royal s'ap- 
^loit l'épargne. On a rougi de ce 
nom qui sembloit une contre-vé- 
rité, depuis qu'on a prodigué les 
trésors de l'Ëtat, et on l'a tout 



(-44) 

jsisiplexnent appelé le trésor royal. 

Le titre le plus respectable de la 
noblesse française, c'est de descendre 
immédiatement de ces trente mille 
hommes casqyés , cuirassés j^v I^ras- 
sardés , cuissardes , qui $ur f|e grands 
chevaux, bardés de ièrt fiouloient 
aux pieds huit ou neuf millions 
d'hpmmes nus , qui sont les ancêtres 
de la nation actuelle. Voilà un droit 
bien avéré à l'amour et au respect 
de leurs descendans ! et pour ache* 
ver de rendre cette noblesse res- 
pectable 5 elle se recrute et se régé- 
nère par l'adoption de ces hommes 
qui ont arcru leur forl;uiae en dé- 
pouillant, la cabane du pauyre, hors 
d'état j3e payer les impositions. Misé- 
rables institution^ humaines qui, faî- 
tes pour inspirer .le mépris et l'hor- 



(45) 

rettr , exigent qu'on les respecte et 
qu'on les révère ! 

-Xa nécessité d'être gentilhomme 
pour être capitaine de vaisseau , est 
tout aussi raisonnable que celle 
d'être secrétaire du roi pour être 

matelot ou mousse. 

«. ' < 

. Cette impossij)ilîté d'arriver aux 
grandes places, à moins que d'être 
gentilhomme , est une des absurdités 
les plus funestes , dans presque tous 
les pays. Il me semble voir des ânes 
défendre les carrousels et les tournois 
ffux chevaux^ i 

La naturq,.pour faire un homme 
vertueux ou xm homme de génie, 
ne Ta pas consulter Cherîn (i). 

(i) Généalogiste. 



( 46 ) 

On a fait des livtes sur les înférêts 
des princes : on pajle d'étudier les 
intérêts des princes : quelqu'un a-t-îl 
jamais jiârlé d'étudier les intérêts des 
peuples ? i î • 

• • 1 * 

^ Les ministres ne sont que des gens, 
d'affaires , et ils ne sont si importans 
que parce que la terre du gen- 
tilhomme leur maître est ttès-con- 
«idérable. '' 

Paris, singulier pays, où il faut 3o s. 
pour dîner; quatre francs pour pren- 
dre Tair; loo louis -pour avoir le 
superflu dans le nécessaire , et 
400 louis pour n'avoir que le né- 
cessaire dans le supèiflii. ' 

On pourroit appliquer à la ville 
de Paris les propres termes de 



( 47 ) 

Ste. l'Kérèse, potir définir Teiifér -5 
yëndroît ou il pût et où on n'aime 
point. 

C f ■ ■ ■ 

- Êbl Franco , on laisse ien repkJt 
eenx qui mettent le feu , et on pefôé« 
é^Aie-^eeùJi qui sonnent le toesin. ^ 

En France , il nY a plus de public 
ni de nation ^ par la raison que de 
la charpie n'est pas du lîn^. . 



• t 



:, Les ' flatteurs desï princes ont dit 
que: la chasse étoit* une imagé de 
la guerre ; et en eÉFet , les paysans 
dont elle vientde ravager les champs, 
doivent trouver qu'elle la représenta 
assez: bien; ' * i ^ 



i « 



C'est une vérité incontestable, qu'il 
y a en France sept millions d'hom;mea 



(48) 

qui détnatident ^aumône, et doux© 
millions hors d'état de la leur faire* 

La noblesse , dit - on souvent , 
f rt: un itttennédi^ire entre le roi^ et 
le peuple- .)• . • Oui , comme le chiei^ 
de. chasse est un intermédiaire entre 
le chasseur et les lièvres. 



•> 



Il en est) un peu des réputations 
littérairesl, jet surtout des réputa- 
tions de théâtre, comme des for- 
tunées qu'on! faisoit < autrefois, dans 
les îles. Il suffisait presque autres 
fois d'y passer , pour parvenir A 
ime grande richesse , mais ces gran- 
des, fortunes mêmes ont nui à celles 
de la génération suivante: les terres 
épuisées n'ont plus rendu si abon- 
fiàmmenL " 

Tout 



(49) 

Tout ce qui sort de la classe da 
peuple s'arme contre lui , pour l'op- 
primer : depuis le milicien , le né- 
gociant devenu secrétaire du roi, 
le prédicateur sorti d'un village , 
pour prêcher la soumission au pou- 
voir arbitraire , Thistoriographe , 
fils d'un bourgeois , etc. Ce sont 
les soldats de Cadmus : les premiers 
armés se tournent contre leurs frères , 
et se précipitent sur eux. 

Les pauvres sont les nègres de 
l'Europe. 

En voyant le grand nombre de dé- 
putés à rassemblée nationale de 1 789 , 
et tous les préjugés dont la plupart 
étoient remplis, on eut dît qu'ils 
ne les avoient détruits que pour 
Jes prendre; comme ces gens qui 

5 



(So) 

abattent un édifice pour s'approprier 
les décombres. 

Les courtisans et ceux qui vi voient 
des abus monstrueux qui écrasoient 
la France , sont sans cesse à dire qu'on 
pouvoit réformer les abus sans dé* 
traire comme on a détruit. Us au- 
roient bien voulu qu'on nettoyât Té- 
table d'Augias avec un plumeau. 

Notre siècle a produit huit grandes 
comédiennes; quatre du théâtre et 
quatre de la société. Les quatre 
premières sont, mademoiselle d'An- 
geville , mademoiselle Dumesnil , 
mademoiselle Clairon et madame 
Saint-Huberti ; les quatre autres sont , 
madame de Mont. • • • , madame de 

Genl , madame N , et 

madame d'Angiv* ••• ^ 



(5i) 

On sait le discours &natîqQe qne 
l'évêque de Dol a tena au roi, aa 
sujet du rappel des protestans. Il 
parla aa nom da clergé. Uéveqae de 
Saint-Pol loi ayant demandé pour- 
quoi il aToit parlé au nom de ses 
con&ères sans les consnlter : j'ai 
consulté, dit* il ^ mon crucifix. En ce 
cas , répliqua Févêque de Saint-Pol ^ 
il &lloit répéter exactement ce que 
votre crucifix yous avoit répondu. 

Le maréchal de Richelieu ayant 
proposé pour maîtresse de Louis XV 
une grande dame, j'ai oubfié la* 
quelle ; le roi n'en voulut pas , di- 
sant , qu'elle coûteroit trop cher i 
renvoyer. 

M. de Tressan avoit fait , en lySS, 
des couplets contre M. le duc de Hi^ 



(5a) 

vemoîs 5 et sollicita l'académie , en 
1780, Il alla chez M. de Nivernoîs, 
qui le reçut à merveille 5 lui parla du 
succès de ses derniers ouvrages, et 
le renvoyoit comblé d'espérances, 
lorsque , voyant M. de Tressan prêt 
à remonter en voiture, il lui dit : 
adieu, M. le comte, je vous félicite 
de n'avoir pas plus de mémoire. 

Le maréchal de Biron eut une 
maladie très-dangereuse. Il voulut 
se confesser , et dit devant plusieurs 
de ses amis : ce que je dois à Dieu , 
ce que je dois au roi , ce que je 

dois à r£tat Un de ses amis 

l'interrompit. Tais-toi, dit*il, tu 
mourras insolvable. 

M. . . . ; me disoit : j'ai vu des 
femmes de tous les pays; Tltalienne 



( S3 ) 

ne croît être aimée de son amant 
que quand il est capable de com- 
mettre un crime pour elle ; l'Anglaise 
une folie , et la Française une sottise. 

Duclos disoit de je ne sais quel bas 
coquin qui avoit fait fortune : on lui 
crache au visage, on le lui essuyo 
avec le pied , et il remercie. 

Un homme alloîf^ depuis trente 
ans, passer toutes les soirées chez 
madame de ... ; il perdit sa femme ; 
on crut qu'il épouseroit l'autre , et on 
l'y encourageoit. 11 refusa : je ne sau- 
Tois plus , dit-il , où aller passer mes 
soirées. 

Madame de Tencîn , avec des 
manières douces , étoit une femme 
sans principes , et capable de tout ^ 



(54) 

exactement. Un jour, on louoît sa 
douceur : oui, dit Tabbé Trublet, 
si elle eût eu intérêt dé vous em- 
poisonner y elle eût choisi le poison 
le plus ^oux. 

On réfutoit je ne sais quelle opi- 
nion de M . . . . sur un ouvrage , 
en lui parlant du public qui en 
jugeoit autrement. Le public , le 
public ! dit-il , combien faut-il de 
sots pour faire un public ? 

M. d'Argenson disoît à M. le comte 

de Sébourg , qui étoit l'amant de 

sa femme : il y a deux places quî 

vous conviendroient également ;ie 

i gouvernement de la bastille et celui 

j des invalides. Si je vous donne la 

j bastille, tout le monde dira que je 

'■ vous y ai envoyé : si je vous donne 



(55) 

les invalides , on croira que c'est ma 
femme, 

M.... disait : Les femmes n'ont de 
bon que ce qu'elles ont de meilleur. 

Un homme épris des charmes de 
Tétat de prêtrise , disoit ; quand je 
devrois être damné, il faut que je 
me fasse prêtre. 

Madame de Bassompierre , vivant 
à la cour du roi Stanislas , étoit la 
maîtresse connue de M. de la Galai- 
zière , chancelier du roi de Pologne; 
Le roi alla un jour chez elle, et prit 
avec elle quelques libertés qui ne réus- 
sirent'pas. Je me tais, dit Stanislas; 
mon chancelier vous dira le reste. 

Autrefois on tiroit le gâteau des 



(56) 

rois avant le repas. M. Fontanelle 
fut roi; et comme il négligeoit de 
servir d'un excellent plat qu'il avoit 
devant lui , on lui dit : le roi oublie 
ses sujets. A quoi il répondit : voilà 
comme nous sommes , nous autres. 

r 

4 

Quinze jours avant l'attentat de 
Damien, un négociant provençal ^ 
passant dans une petite ville , à six 
lieues de Lyon , et étant à l'auberge , 
entendit dire, dans une chambre 
qui nétoît séparée de la sienne que 
par une cloison , qu'un nommé Da- 
mien de voit assassiner le roi. Ce 
négociant venoit à Paris : il alla se 
présenter chez M. Berrier, ne le 
trouva point , lui écrivit ce qu'il 
avoit entendu , retourna voir M. Ber- 
rier, et lui dit qui il étoit. Il repartit 
pour sa province : comme il étoit 



(5?) 
en ronte, arriva l'attentat de Damîen. 
M. Berrier qui comprît que ce né*- 
gociant conteroit son histoire, et 
que cette négligence le perdroitj 
lui Berrier , envoie un exempt de 
police et des gardes sur la route 
de Lyon; on saisit l'homme, on le 
bâillonne, on l'amène à Paris, on 
le met à la bastille, où il est resté 
pendant i8 ans. M. de Malesherbes, 
qui en délivra plusieurs prisonniers 
en 1775 , conta cette histoire dans le 
premier moment de son indignation. 

' M. de Roquemont , dont la femme 
étoit très-galante , couchoit une fois 
par mois dans la chambre de ma* 
dame , pour prévenir les mauvais 
propos si elle devenoit grosse ,. et 
s'en alloit en disant : me voilà net j 
arrive qui plante. 



( 58 ) 

M. de. . • , que des cliagrîns amers 
empêchoient de reprendre sa santé , 
me disoit : qu'on me montre le fleuve 
d'Oubli , et je trouverai la fontaine 
de Jouvence. 

On faisoit une quête à Facadëmie 
française; il manquoit un écu de 
six francs ou un louis d'or : un des 
membres, connu par son avarice, 
fut soupçonné de n'avoir pas con- 
tribué. Il soutint qu'il a voit mîsj 
celui qui faisoit la collecte dit : je 
ne l'ai pas vu, je le crois. M. de 
Fontenelle termina la discussion, en 
disant : je l'ai vu , moi ; mais je ne 
)ç crois pas. 

L'abbé .Maury allant chez le car- 
dinal de la Roche- Aimon , le ren- 
contra , revenant de l'assemblée du 



(59) 

clergé- Il lui trouva de l'humeur, 
et lui en demanda la raison. J'en 
ai de bien bonnes, dit le vieux 
cardinal; on m'a engagé à présider 
cette assemblée du clergé , où tout 
s'est passé on ne sauroit plus mal. 
Il n'y a pas jusqu'à ces jeunes agens 
du clergé , cet abbé de la Luzerne , 
qui ne veulent pas se payer de 
mauvaises raisons. 

Un évêque de St. Brîeux, dans 
une oraison funèbre de Marie-Thé- 
rèse , se tira d'affaire fort simplement , 
sur le partage de la Pologne : la 
France, dit-il, n'ayant rien dit sur 
ce partage , je prendrai le parti de 
faire comme la France , et de n'en 
rien dire non plus. 

« 

Madame la duchesse du Maine , 



(6o) 

dont la santé alloit mal, grondoit 
son médecin, et lui disoit : étoitrce 
la peine de m'imposer tant de pri- 
vations , et de me faire vivre en mon 
particulier ? — Mais V. A. a main- 
tenant 4^ personnes au château* 
'^ — Eh bien ! ne savez-vous pas que 
40 ou 5o personnes sont le parti- 
culier d'une princesse ? , 

Le duc de Chartres (i), apprenant 
rinsulte faite à madame la duchesse 
de Bourbour, sa sœur , par M. le 
comte d'Artois, dit : on est bien 
heureux de n'êtr« m père, nimarî. 

Un jour que l'on ne s'entendoit 
pas dans une dispute à l'académie, 
M. de Maîran dit : messieurs , si 



(1) Le' dernier duc d'Orléans. 

nous 



C60 

nous ne parlions que quatre à % 
fois. 

I^e comte de Mirabeau, très-laid 
de figure , mais plein d'esprit , ayant 
été mis en cause pour un prétendu 
rapt de séduction , fut lui-même son 
avocat« Messieurs, dit-il, je suis 
accusé de séduction ; pour toute ré- 
ponse et pour toute défense , je de- 
j^aande que mon portrait soit mis 
au greffe. Le commissaire n'entendoit 
pas ; bête , dit le juge, regarde donc 
la figure de monsieur. 

M • • • • me disait : c'est faute de 
pouvoir placer un sentiment vrai » 
que j'ai pris le parti de traiter 
Famour comme tout le monde. Cette 
ressource a été mon pis aller , comme 
un homme qui , voidant aller au 

6 



(62) 

^pectafele, et n'ayant pas trouvé 
de place à Iphigénte, s en va aux 
variétés amusantes, 

M. le duc de Ghoîseul ëtoît da 
jeu de Louis XV /quand il fut exilé* 
M. de Chauvelîn, qui en étoît aussi, 
dit au roi qu'il ne pouvoit le con- 
tinuer, parce que le duc en étoit 
de moitié. Le roi dît à M. de Chaavë- 
lin : demandez-lui s'il veut conti- 
nuer. M. de Chauvelin écrivit à 
Chanteloup : M. de Choiseul accepta. 
Au bout du mois, le roi demanda 
si. le partage des gains étoit fait. 
0ui 5 dit M. de Chauvelin , M. de 
Clioiseul gagne trois mille louis. 
Ahi fen suis bien ai^e, dit le roi, 
mandez le lui bien vite. 

■ 

Madame d§ B • . . . , ne pouvant 



(63) 

malgré son grand crëdît, rien fâiri» 
pour M. de D... , son amant, homme 
par trop médiocre , la épousé. En 
fait d'amans , il n est pas de ceux 
que Ton montre ; en fait de maris, 
on montre tout. 

Le Czar Pierre I^'*. étant à Spî- 
tliéad 5 voulut savoir ce que c'étoit 
que le châtiment de la cale qu'on 
inflige aux matelots. Il ne se trouva 
pour lors aucun coupable. Pierre dit: 
qu'on prenne un de mes gens. Prince , 
lui répondit-on, vos gens sont en 
Angleterre , et par conséquent sous 
la protection des lois. 

M. d'Argenson apprenant à la 
bataille de Kaucoux, qu'un valet 
d'armée avoit été blessé d'un coup 
de canon derrière lendroit où il 



(64) 

(ftoit lui-même avec le roi , disait : 
te drôle-làne nous fera pasPhonneur 
d'en mourir. 

Quand M. le comte d'Estaing, 
après sa campagne de la Grenade, 
l^int faire sa cour à la reine , pour 
la première fois , il arriva porté sur 
ses béquilles , et accompagné de plu- 
sieurs o£Sciers blessés comme lui; 
la reine ne sut lui dirq autre chose, 
sinon : M. le comte , avez-vous été 
content du petit Laborde? 

Je n'ai vu dans le monde , disoit 

M que des dîners sans diges* 

tion, des soupers sans plaisir, des 
conversations sans confiance, des 
liaisons sans amitié « et des couche- 
^îes sans amour. 

H. • , me disoit : j'ai renoncé à Fa- 



- (65) 
mîtié de deux hommes, Tun parce 
qu'il ne m'a jamais parlé dé lui , l'au- 
tre parce qu'il ne m'a jamais parlé 
de moi. 

On deraandoit au même pourquoi 
les gouverneurs de province avoient 
plus de faste que le roi;, c'est, dit- 
il , que les comédiens de campagne 
chargent plus que ceux de Paris. 

M , intendant de province^ 

bomme fort ridicule, avoit plusieurs 
personnes dans son salon, tandis 
qu'il étoit dans son cabinet dont la 
porte étoit ouverte. Il prend un air 
afiairé et, tenant des papiers à la 
main , il dicte gravement à son secré- 
taire : Louis , par la grâce de Dieu , 
roi de France et de Navarre , à tous 
ceux qui ces présentes lettres ver- 



i% 



(66) 

tont, (verront un t à la (in) Salât. 
Le reste est de forme , dit-il , en re- 
mettant les papiers; et il passe dans 
la salle d'audience, pour livrer au 
public le grand homme occupé de 
tant de grandes affaires. 

Le Régent envoya demander att 
président Daron , la démission de 
sa place de premier président du 
parlement de Bordeaux, Celui-ci 
répondit qu'on ne pouvoit lui ôter 
sa place sans lui faire son procès. 
Le Régent 5 ayant reçu la lettre , mît 
au bas : Qu^d cela ne tienne y et la 
renvoya pour réponse. Le président 
connoissant le prinae auquel il avoit 
à faire, envoya sa démission. 

M. de la R***** , obligé de choi- 
sir entre la place d'administrateur 



(67) 

des postes et celle de fermier-général , 
après avoir possédé ces deux places., 
dans lesquelles il avoit été maintenu 
par le crédit des grands seigneurs 
qui soupoient chez lui , se plaignit 
à eux de l'alternative qu'on lui pro- 
posoit et qui diminuoit de beaucoup 
son revenu. Un d'eux lui dit naïve- 
ment : eh ! mon dieu , cela ne fait 
pas une grande différence dans votre 
fortune. C'est un million à mettre 
à fonds perdu, et nous n'en viendrons 
pas moins souper chez vous. 

M. . . , provençal , qui a des idées 
assez plaisantes , me disoit, à propos 
de rois et même de ministres , que 
la machine étant bien montée, le 
choix des uns et des autres étoit 
indifférent. Ce sont, disoit-il, des 
chiens dans un tournebroche : il 



(68) 

suffit qu'ils remuent les pattes pour 
que^ tout aille bien. Que le chien soit 
beau, qu'il ait de Imtelligence , ou 
du nez, ou rien de tout cela, la 
broche tourne , et le soupe sera 
toujours à peu près bon. 

On faisoit une procession avec la 
châsse de sainte Geneviève, pour 
obtenir de la sécheresse. A peine la 
procession fut^elle en route, qu'il 
commença à pleuvoir ; sur quoi Té- 
vêque de Castres dit plaisamment : 
la sainte se trompe ; elle croit qu'on 
lui demande de la pluie. 

On venoit de citer quelques traits 
de la gourmandise de plusieurs sou- 
verains. Que voulez -vous 5 dit le 
bon homme M. de Brequigny , que 
Youlez-vous que fassent ces pauvres 



x> 



( 69 ) 
rois? il faut bien qu'ils mangent'. 

M. dé Malesherbes dîsoit à M. de 
Maurepas qu'il falloit engager le roi 
à aller voir la bastille. Il faut bien 
s'en garder , lui répondit M. de Mau- 
repas ; il ne voudroit plus y faire 
mettre personne. 

Pendant un siège, un porteur 
d'eau crioit dans la ville : à six sous 
la voie d'eau. Une bombe vient et 
emporte un de ses seaux. A douze 
sous le seau d'eau , s'écrie le porteur , 
sans s'étonner. 

L'abbé de Molière étoit un homme 
simple et pauvre, étranger à tout, 
hors à ses travaux , sur le système 
de Descartes; il n'avoit point de 
valet, et travailloit dans son lit. 



( 7Q ) 
faute de boîs , sa culotte sur sa tête , 
par dessus sonlbonnet , les deux côtés 
pendant à droite et à gauche. Un 
matin , il entend frapper à sa porte, 
-i- Qui va là? — Ouvrez. — Il tire 
un cordon et la porte s'ouvre : labbé 
de Molière ne regardant point. 
•—Qui êtes-vous ? -'— Donnez -moi 
de l'argent. — De l'argent ? — Ouï , 
de l'argent. — . Ah ! j'entends , ' vous 

êtes un voleur. Voleur ou non , 

il me faut de l'argent. — Vraiment 
oui 5 il vous en faut. Eh bien ! 
cherchez là- dedans 5 (il tend le cou, 
et présente un des côtés de la cu- 
lotte ) : 1b voleur fouille. Eh 

bien ! il n'y a point d'argent. — 
Vraiment non, mais il y a ma clé. 
— Eh bien ! cette clé. — Cette clé y 
prenez-là. - Je la tiens. - AUez-vous- 
çn à ce secrétaire : ouvrez. — L© 



( 70 
voleur met la clé à un autre ti- 
roir. — Laissais donc : ne dérangea 
pas : ce sont mes papiers. Ventre- 
bleu, finîrèz-vous? ce sont mes pa- 
piers : à l'autre tiroir, vous trouverez 
de l'argent. — ^Le voilà. — Eh bien ! 
prenez. Fermez donc le tiroir. Le 
voleur s'enfuit. — M. le voleur , fer- 
mez donc la porte. Morbleu ! il 
laisse laporte ouverte.. . ! quel chien 
de voleur ! Il faut que je me lève par 
le froid qu'il fait : maudit voleur l 
L'àbbé saute en pied , va fermer la 
porte 5 et revient se remettre à sou 
travail. 

Madame de Montmorîn disoit àson 
fils : vous entrez dans le monde, je 
n'ai qu'un conseil à vo\is dopner : c'est 
d-étre ainoureux/de tou^çs^l^a^femmes^ 

Il faut , disoit M. . . , flatter Tin^ 



(70 
térêt ou effrayer l'amour propre des 
hommes : ce sont des singes qui ne 
sautent que pour des noix, ou 
bien dans la crainte du coup de 
fouet. 

Madame de Créqui parlant à la 
duchesse de Chaulnes de son ma- 
riage avec M. de Giac, après les 
suites désagréables qu'il a eu , lui 
dit qu'elle auroit dû les prévoir , 
et insista sur la distance des âges. 
Madame , lui dit madame de Giac , 
apprenez qu'une feînme de la Cour 
n'est jamais vieille , et qu'un homme 
de robe est toujours vieux. 

Lé . comte d'Argenson , homme 
d'esprit , mais dépravé ,- et se jouant 
dé sa propre honte , disoit : mes 
ennemis ont beau faire, ils ne me 

culbuteront 



(73) 

culbuteront pas. Il n'y a ici personne 
plus valet que naoî. 

M. de B*********, homme 
sans esprit, très-vain, et fier d'uu 
cordon bleu par cbàrge, disoit à 
un homme , en mettant ce cordon , 
pour lequel il avoit acheté une 
place de 5o mille écus : ne seriez- 
vous pas bien aise d'avoir un pareil 
ornement ? Non , dit l'autre , mais 
je voudrois avoir ce qu'il vous coûte. 

Le marquis de Chatelux , amou- 
reux comme à vingt ans, ayant 
vu sa femme occupée pendant tout 
un dîner d'un étranger , jeune et 
beau , l'aborda au sortir de table , 
et luiadressoit d'humbles reproches.; 
le marquis de Genlis lui dit : passez , 
passer 5 bon homme , on vous a don- 

7 



(74) 
né. ( Formule usitée envers les pau- 
vres qui redemandent Taumône ). 

M./V, connu par son usage du 
monde , me disoît que ce qui Tavoît 
le plus formé , c'étoit d'avoir su cou- 
cher, dans Toccasion, avec des 
femmes de 40 ans^ et écouter dçs 
vieillards de 80f 

M . « • • disoît que de courir après 
la fortune avec de l'ennui , des soins, 
des assiduités auprès des grands , 
en négligeant la culture de sou 
esprit et de son ame , c'est pêcher 
au goujon avec nu hameçon d'or. 

Le duc de Choîseul et le duo 
de Praslin avoîent eu une dispute 
pour savoir lequel étoit le plus bête 
du roi ou de M. de h Vr ilière ; le dUo 



(75) 

de Praslinsoutenoît que c'étoit M. dé 
la Vrilière : l'autre , en fidelle sujet, 
parioitpour le roi. Un jour, au con- 
seil 5 le roi dit une grosse bêtise. Eh 
bien ! M. de Fraslin , dit le duc de 
Choîseul; qu'en pensez-vous? 

Quelque temps avant que Louis XV 
fût arrangé avec madame de Pom- 
padour , elle couroit après lui . aux 
chasses. Le roi* eut la complaisance 
d'envoyer à M, d'Etiolés ime ramure 
de cerf. Celui-ci la fit mettre dans 
sa salle à manger , avec ces mots : 
présent fait par le roi à M. d'Etiolés. 

. Madame de G*** vivoit avec 
M. de S****. Un jour qu'elle avoit 
son mari à sa toilette, un soldat 
arrive , et lui demande sa protection 
auprès de M. de S * *** , son co- 



'( 76 ) 
lonel , auquel il demandoit un Congé. 
jMàdame de G*** se fâche contre 
cet impertinent; dit qu'elle ne con- 
noît M. de S*** que comme tout le 
monde , en un mot , refuse. M. de **% 
son mari , retient le soldat , et lui dit : 
Va demander ton congé en mon 
nom; et si S*****, te le refuse, 
dis-lui que je lui ferai doimer le 
sien. 

M . » • • débitoit souvent des ma- 
ximes de roué, en fait d'amour, 
mais dans le fond il étoit sensible , 
et fait pour les passions. Aussi quel- 
qu'un disoit-il de lui : il a fait sem- 
blant d'être mal-bonnête, afin que 
les femmes ne le rebutent pas. 

Voltaire disoit, à propos de l'antî- 
machiayel du roi de Prusse : il cracbe 



(77) 
au plat pour en dégoûter les autres. 

On faisoît compliment à madame 
Denis de la façon dont elle venoit 
de jouer ZaJôre. Il faudroit, dit-elle^ 
être belle et jeune. Ah! madame, 
reprit le complimenteur naïvement, 
vous êtes bien la preuve da contraire. 

M. Poissonnier, le médecin , après 
son retour de Russie , alla à Ferney , 
et parlant à M. de Voltaire de tout 
ce qu'il avoit dit de faux et d'exa- 
géré sur ce pays-là : mon ami , ré- 
pondit naïvement Voltaire, au lieu 
4e s'amuser à contredire , ils m'ont 
donné de bonnes pelisses , et je suis 
très-frileux. 

Un banquier anglais , nommé Ser 
ou Sair , fat accusé d'ayoir fait une 



(7») 

Conspiration pour enlever le roî 
( Georges III ) et le transporter à 
Philadelphie. Amené devant ses 
juges , il leur dit : je sais très-bien 
ce qu'un roi peut faire d'un ban- 
quier, mais j'ignore ce qu'un ban- 
quier peut faire d'un roi. 

On disoit à un satirique anglais : 
tonnez sur les vices, mais ména- 
gez les vicieux. Comment, dit-îl, 
condamner les cartes , et pardonner 
.aux escrocs? 

Madame de H me racon* 

toit la mort de M. le duc d'Aumont. 
Cela a tourné bien court, disoit-elle ; 
deux jours auparavant , M. Bouvard 
lui avoit permis de manger, et le 
jour même de sa mort, deux heures 
avant la récidive de sa paralysie ^ 



(79) 

il étoit, comme à trente ans, cdm- 
roe il avoit été toute sa vie : il avoit 
demandé son perroquet , avoit dit : 
brossez ce fauteuil , voyons mes deux 
broderies nouvelles ; enfin , toute sa 
tête , ses idées comme à Vordinaire. 

J.-J. Rousseau passe pour avoir 
eu madame la comtesse de B****% 
et même (qu'on me passe ce terme) 
pour l'avoir manquée , ce qui leur 
donna beaucoup d'humeur l'un con- 
tre l'autre. Un jour on disoit devant 
eux que l'amour du genre humain 
éteignoit l'amour de la patrie. Pour 
moi, dit-elle , je sais par mon exem- 
ple , et je sens que cela n'est pas vrai ; 
je suis très -bonne française, et je 
ne m'intéresse pas moins au bonheur 
de tous les peuples. Oui , je vous en- 
tends , dit Rousseau , vous êtes franî- 



(8o) 

çaise par votre buste 9 et cosmopolite 
du reste de votre personne. 

Une des maîtresses de M. le ré- 
gent lui ayant parlé d'affaires dans 
un rendez- vous, il parut l'écouter 
avec attention. Croyez-vous , lui ré- 
pondit-il , que le chancelier soit une 
bonne jouissance ? 

M. de ... . qui avoît vécu avec 
des princesses d'Allemagne , me di- 
soit : croyez-vous que M. deL . . . 
ait madame de S. •>• ? je lui ré- 
pondis : il n'en a pas même la préten- 
tion. Il se donne pour ce qu'il est, 
pour un libertin, un homme qui 
aime les filles par-dessus tout. Jeune 
homme, me répondit-il, n'en soyez 
pas la dupe ; c'est avec cela que l'on 
a des reines. 



(8i ) 

M. de Staînyille, lieutenant-gé'- 
néral , venoit de faîre enfermer sa 
femme. M. de Vaubecourt, maré- 
chal de camp, soUicitoit un ordre 
pour faîre enfermer la sienne. Il 
venoit d'obtenir Tordre, et sortoit 
de chez le ministre avec un air triom- 
phant. M. de Stainville, qui crut 
qu'il venoit d'être nommé lieutenant- 
général, lui dit devant beaucoup 
de monde : je vous félicite, vous 
êtes sûrement des nôtres. 

Les gens du monde ne sont pas 
plutôt attroupés y qu'ils se croient en 
société. 

L'Ecluse , celui qui a été à la tête 
des t^ariétés amwantes ^ racontoit 
que , tout jeune et sans fortune , 
il arriva à Lunéyille , où il obtint 



(82 ) 

la place de dentiste du roi Stanislas 5 
précisément le jour ou le roi perdit 
sa dernière dent 

On assure que madame de Mont- 
pensier , ayant été quelquefois obli- 
gée , pendant Tabsence de ses dames , 
de se faire remettre un soulier par 
quelqu'un de ses pages , lui deman- 
doit s'il n'avoit pas eu quelque 
tentation. Le page répondoit qu'oui. 
La princesse , trop honnête pour 
profiter de cet aveu , leur donnoit 
quelques louis pour les mettre en 
état d^aller chez quelque fille perdre 
la tentation dont elle étoit la cause. 

De jeunes gens de la cour sou- 
poient chez M. de .Conflans. On dé- 
bute par une chanson libre, mais 
sans excès d'indécence. M. de Fron* 



(83) 

sac (i) , sur le champ se met à chan* 
ter des couplets abominables qui 
étonnèrent même la bande joyeuse. 
M. de Conflans interrompt le silence 
universel en disant : que diable ! 
Fronsac, il y a dix bouteilles de 
vin de Champagne entre cette chan* 
son et la première, 

On dîsputoit chez madame de 
Luxembourg sur ce vers de Tabbé 
Demie : 

£t ces deux grands débris se consoloient entve eux. 

On annonce le baiHi de Breteuil et 
madame de la R****. Le vers est 
bon , dît la maréchale. 

Madame du pëfant , étant petite 
fille 5 et au couvent , y prêchoit 



(i.) Le fils du maréchal de Richelieo. 



(84) 

rirrâigion à 3es petites camarades. 
L'abbesse fit venir Massillon , à qui 
la petite :exposa ses raisons. Massillon 
se retira , en disant : elle est char- 
mante. Uabhesse, qui mettoit de 
l'importance à tout cela, demanda 
à révêque quel livre il falloit faire 
lire à cette enfant. Il réfléchit une 
minute, et il répondit : un caté- 
chisme de cinq ^ous; on ne put 
en tirer autre chose. 

Le prétendant, retiré à Rome, 
vieux et touriûenté de la goutte, 
crioit dans ses accès : pauvre roi^ 
pauvre roi /. Un français voyageur 
qui alloit souvent chez lui , lui dit 
^a'il s'étontip^t de H^jr pas voir d'an- 
glais. Je s^îs pourquoi , répondit-il. 
Us s'imaginent que je me ressouviens 
de ce qui s'est passé. Je les verrois 

encore 



( 85 ) 

encore avec plaisir, 'Taîiae me§ 
sujets ) moi. 

M. de Barbançon , qui ayoit été 
très -beau, possédoît un très -joli 
jardin que madame la duchesse de 
la ValHèfce alla voir. Le propriétaire , 
*ilor3 ti:ès-vieux et très- goutteux, lui 
dit qu'il ^yoit été amo.ureux d'elle 
à la folie. Madame de la Vallière 
lui répondit : hélas ! mon Dieu , que 
ne parliez-vqus ? vous m'auriez eue 
comme les; autres. 

L'abbé Fragnier perdit up procès 
qui ayoit duré vingt ans. On lui faisoit 
remarquer toutes Içs peines qu^e lui 
avoient causées un procè^ quij ayoit 
fini par perdre. Oh! dit-il,* je. Tasi 
gagné tous les soirs pendaqt vinglt 
ans. Cq mot est très-philosophique,* 

8 



• .1 ^ 

( 86 ) 

fel: pfeuî s'apfflîqnér à fout. Il oblique 
comment on aime la caquette* £}le 
vous fait gagner votre procès pen- 
dant sfx mois, pour un jour où 
çllevouç le fait perdre, 

M, de Maurepas et M. de Sainte 
Florentin; tous deux ministres dans 
le temps de madame de Pompadour, 
firent uji jour , par plaisanterie , la 
répétition du compliment de renvoi 
qu'ils préroyoient que l'un feroît un 
jour à l'autre. Quinze jbtiré après 
cette facétie j M. de Maurepas entre 
ua'pùr chez M. de ÎSâint- Florentin, 
prend un air triste et grave, et vient 
lai demander sa démission. M. de 
Sainf-É'lroreiQtîn parôissoît en être la 
dupe 5 lorsqu'il fut rassuré par un 
éclat' de ' rire dé M. de Maurepas. 
Trois semaine après , arriva le 



(8^) 

tbur dé celui-ci, mais isérientemeiit» 
M. de Saint-Florentin, entre ches 
lui et , se rappelant le commencèmeiat 
de la harangue de M*, de Maurepas 
le jour de sa facétie, il • répétasses 
propres mois. M. de ' Maurepas crut 
d'abord que c'étoît une plaisanterie;; 
mais voyant que l'autre parloit tout 
•de bon : allons, dit-il , je vois bien 
que vous ne me persifliez pas. Vous 
êtes un bonnéte bomme. Je vais vous 
donner ma démission. 

Uabbé Mauri) tâchant de. faire 
conter à l'abbé de Boismond , vieux 
et paralytique , les détails de sa jeu* 
jiesse et de sa vie : l'abbé , lui dit 
celui-ci 5 vous me prenez mesure ; 
indiquant qu'il cherchbit des maté- 
riaux pour son éloge à l'académie^ 

M • . » . disoit ) à propos de sottise$ 



(88) 

uinistérienes et ridicules.: sans le 
gouvernement ^ on ne riroit plus en 
France. 

«Ha plu un moment à madame 
la ducbesse de Gramniont de dire 
que JM^ de L * * * * * ayoit autant 
d'esprit que. M. de L****. M. de 
Créquî rencontre celui-ci, et lui dit: 
tu dînes aujourd'hui chezmoi. — Mon 
&mi, cela m'est impossible. — Il le 
faut ; et d'ailleurs tu y es intéressé. 
— Comment ?—L***** y cttne : 
on lui donne ton esprit ; il ne s'en 
sert point , il te le rendra. 

On disoit de J.- J. Rousseau , c'est 
un hibou. Oui, dit quelqu'un, mais 
«'est celui de Miner ye; et quand je 
sors du diBvin du village, j ajoute- 
rois, déniché par les grâce^. 



(89) 

Deux femmes de la Cour , passant 
Sur le Pont - Neuf , prirent , en deuac 
minutes y un moine et un cheval 
blanc ; une des deux , poussant Tau- 
tre du coude , lui dit : pour la catin , 
vous et moi nous n'en sommes pas 
en peine (i). 

Le prince de Conti actuel , s'affli* 
geoit de ce que le comte d'Artois 
venoit d'acquérir une terre auprès 
de ses cantons de chasse : on hii 
fit entendre que les limites étoient 
bien marqtiëes , qu'il n'y avoit rien 
à craindre pour lui , etc. Le prince 
de Conti interrompit le>harangueur, 

_ * _ .^_^ 

(i) Allusion à Fancien proverbe popu* ' 
laire ; on ne passe jamais sur le Pont-^ 
Neuf sans y voir un moine y un cheval 
iianc et une catin* 



(30) 

en lui disant : vons ne savez pas ce 
que c'est que les princes. 

* 

Les fléaux physiques, et les ca- 
lamités de la nature humaine ont 
rendu la société nécessaire. La so- 
ciété a ajouté aux malheurs de la 
nature. Les iDconvéniens de la so- 
ciété ont amené la nécessité du gou- 
vernement , et le gouvernement ajou- 
te aux malheurs de la société. Voilà 
rhistoire de la nature humaine. 

Lliomme qui vit avec lui-même , 
a besoin de vertu ; celui qui vit avec 
les autres, a besoin d'honneur. 

Le philosophe qui veut éteindre 
ses passions, ressemble au chimiste 
qui voudroit éteindre son feu. 



y 



(90 

On croît commimémeiit que Fart 
de plaire est un grand moyen de 
faire fortune : savoir ^ennuyer est 
un art qui réussit bien davantage. 
Le talent de faire fininne , comme 
celui de réussir auprès des finnmes , 
se réduit presque à cet art-la. 



En voyant quelquefois les fri- 
ponneries des petits et les brigan- 
dages des hommes en place , on est 
tenté de regarder la société comme 
un boiis rempli de voleurs , dont les 
plus dangereux sont les archers, 
préposés pour arrêter les autres. 

Je conseillerois à quelqutin qui 
vent obtenir une grâce d'nn ministre, 
de Tabôrder d'un air triste , plutôt 
que d'un air riant. On n aime pas 
À voir plus heureux qoe soL 



C 90 
Quand les princes sortent àt leurs 
misérables étiquettes , ce n'est jamais 
en faveur d'un homme de mérite ) 
mais d'une fille ou d'un bouffon. 
Quand les femmes s'affichent, ce 
n'est presque jamais pour, un hon*- 
nête homme, c'est pour une espèce* 
En tout , lorsque l'on brise le joug 
de l'opinion , c'est Rarement pour 
s'élever au-dessus , mais presque 
toujours pour descendre au-dessous. 

M... disoit que la goutte res- 
^embloit aux bâtards des princes , 
qu't)n baptise le plus tard qu'on peut 

J.-J. Rousseau étant à Fontaine- 
bleau, à la représentatîojû de son 
devin du village, un courtisan l'a- 
borda, et lui dit poliment : monsieur, 
permette^'^vous que je vous fasse 



C 93 ) 

mon compKnieiit? — oui , moiisîctir, 
dit Rousseau^ s'il est bien. Le cour- 
tisan s'en alla ; * on "dit à Rousseau : 
mais'y songez-Vous? quelle réponse 
vous venez de faire ! — Fort bonne , 
dit Rousseau. Connoisséz-vbiis rien 
de' pire qu'un coniplimeïit mal fait ? 

On sait que M. die Lùyne , ayant 
quitté le service, pour un soufflet 
qu'il avoit reçu sans e^ tirer ven- 
geance, fbt fait bientôt après ar* 
chevêque de Sens. Un jour qu'il 
avoit officié pontificalement , un 
mauvais plaisant prît sa mitre , et 
l'écartant des deux côtés, c'e^t sin- 
gulier, dit-il, comme cette mitre 
ressemble à un soufflet. 

Fontenelle^ avôît été refusé trois 
fois de lacadémie, et le racontoit 



( 96 ) 

plusîenrs femmes de la Cour ne 
vouloient point la voir, La duchesse 
de Gîsors étoît du nombre ; et comme 
elle étoit très-dévote, les amis de 
madame Brisard comprirent que , si 
madame de Gîsors la recevoit,les 
autres, n'en feroient aucune diffi- 
culté. Ils entreprirent cette négo- 
ciation et réussirent. Comme ma- 
dame Brisard étoit. aimable, elle 
plut bientpt ^ la dévote ^^ et elleç 
éjx .vinrent à Tintîmit^ . ^Un jpur 
i;|[iadaç:ie de Xfd^pr^ lui fit entç^p4x'e 
q^ç^ tout en jCpncçyant. très- bieû 
qu'qn ^ûtjifne foiblesse^ el^q3n^ qpm- 
prenpit p^s qu'une femme vint à 
pmltiplf^r à un. certain point le 
nombre 'de ses amans. Hélgstlui 
dît madame Brisard , c'est qu'à 
çtiaqu^Tois, j'ai cxu: que celui-là 
ferpit .le 4^niierf . ; ,; . 

Le 



(9/) 
Le Hëgent vouloit aller an bal^ 
et n'y être pas reconnu. J'en sais 
un moyen, dit Fabbé Dubois; et, 
dans le bal ,11 lui donna des coups 
de pied dans le derrière. Le Ragent 
qui les trouva trop forts , lui dit : 

Fabbé, tu me déguises trop. 

» 

Lafontaine entendant plaindre le; 
sort des damnés, au milieu du feu 
de Fenfer , dit : je me flatte qu'ils s'y 
accoutument , et qu à la fin ils sont; 
là comme le poisson dans Feaiu 

On a dît sur le résultat du con* 
seil de guerre tenu à FOrient, pouç 
juger l'affaire de M. de Grasse : L'ar- 
mée innocentée y le général innocent^ 
le minisire hor3 de cour ^ le roi 
condamné aux dépens. 11 faut savoir 
^u^e conseil coûta au roi quatre 



(98) 

Biillions, et qu'on prévoyoitia chute 
de M. de Castries. 

On répétoît cette plaisanterie de- 
vant une assemblée de jeunes gens 
de la Cour. Un d'eux, enehantë 
jusqu'à Vivressè , dit , en levant les 
xnainç après un instant de silence^ 
et avec un air profond : comment ne 
8eroît-on pas charmé des grands évé- 
jiemens , des bouleversemens niêmes 
qui font dire de si jolis mots? On 
suivit cette idée , on repassa les 
mots , les chansons^ faites sur tous 
les désastres de la France» La chan- 
son sur 1^ bataille dHochstet fut 
trouvée mauvaise , et quelques-uns 
dfrent à ce sujet : Je isuîs fâché de 
la perte de celte bataille; lâchai^'' 
i^PAue vaut xien. 



( 99J 
tl s'agissoit de corriger Lottis XV , 
jeune encore, de I'baJl>itnde de dé* 
chirer les dentelles de ses courti- 
sans. M. de Mâurepas s'en chargea, 
n parut devant le roi avec les plus 
beUes dentelles du monde. Le roi 
s'approche, et lui en déchire une. 
M. de Mâurepas , froidement , dé- 
chire celle de l'autre main , et dit 
simplement : cela ne m'a fait nul 
plaisir. Le roi surpris devint rouge , 
et depuis ce temps ne déchira plus 
de dentdlesr 

Beaumarchais, qui s^étoit laissa 
maltraiter par le duc de Chaulnes^ 
sans se battre avec lui, reçut un 
défi de M. de la filache. Il lui ré- 
pondit: j'ai refusé mieux* 

M. de Sou^^hes , petit fat y hi* 



( lOO ), 

âenx , le teint noir , et ressemblant à 
•un Vhib.ou , dit un jour en se reti- 
rant : voilà la première fois , depuis 
deux ans , que )e vaili coucher chez 
moi, L'évéque d'Agde se retournant, 
^t voyant cette figuré , lui dit en 
le regardant : monsieur perche ap 
paremment. 

M. de R.venoit de lire dans une 
société trois ou quatre épigrammes 
contre autant de personnes dont 
aucune n'étoit vivante.. On se tour- 
na vers M. de... comme pour lui 
demander s'il n'en avoit pas quel- 
ques-unes dont il put régaler ras- 
semblée. Moi , dit-il naïvement : 
tout mon monde vit^ je ne puis vous 
rien dire. 

M. de Fontenellcj âgé de 97 ans, 



(loi ) 

venant de dire à madame Heï* 
vétîus 5 jeune , belle et nouvellement 
mariée, mille choses aimables- et 
galantes, passa devant elle pour se 
mettre à table , ne Tayant pas aper- 
çue. Voyez, lui dît madame Hel* 
vétius , le cas que Je dois &ire de 
vos galanteries ; vous passez devant 
moi sans me regarder. Madame , dit 
le vieillard, si je vous eusse regar- 
dée, je n'aurois pas passé. 

Le roi Stanislas venoit d'accorder 
^ des pensions à plusieurs ex- jésuites.^ 
M. de Tressan lui dit : sire , votre ma- 
jesté ne fera * t - elle rien pour la fa- 
mille de Damien, qui est dans la 
plus profonde misère ? 

Fontenelle, âgé de 80 ans, s'em- 
pressa de relever Téventail d'usé 



( lo^ ) 

femme, jeane et bdle, mais mal 
élcvécillii reçut sa politesse dédai- 
gnonsemeht. AAi ! madame y lui dit-il, 
vous prodiguez bien vos rigueurs^ 

M. de Brîssac , ivre de gentiHiom- 
merie , désignoit souvent Dieu par 
cette phrase : le gentiihonhne d'en 
haut. 

Le curé de Bray ayant passé trois 
ou quatre fois de la religion catho- 
lique à la religion protestante, et ses 
amis s'étonnant de cette indifférence. 
-Moi, indifférent! dit le curé; moi, 
inconstant ! Rien de tout cela ; au 
con^traire, je ne change point, je 
veux être curé de Bray. 

On sait quelle familiarité le roi 
de Prusse peripettoit à quelques- 
uns de ceux qui viyoient avec lui. 



\ 



( io3 ^ 

lae général Quîntus-lcîlîus étoit celui 
qui en profitoit le plus librement, 
Le roi de Prusse , ayant la bataille 
Ae Rosback, lui dit que s'îMa per- 
doit , il se rendroit à Venise , où if 
yivroii en exerçant la médecine. 
Quintus lui répondit i toujours as^ 
bassin* 

Un paysan partagea le peu de 
bien qu'il ayoit entre ses quatre fils 
et alla vivre, tantôt chez Tim, 
tantôt chez Fautre. On lui dit, à son 
retour d'un de ses voyages chez ses 
enfans : eh bien ! comment vous ont- 
ils reçu? comment vous ont-ils traité? 
Ils m'ont traité , dît-il , comme leur 
enfant. Ce mot paroît sublime dans 
la bouche d'un père tel que celui-ci. 

Pour jnger ce que c'est que la 



( 104) 

noblesse , dîsoit M . . . , îl suffit d'ob- 
server que M. le prince de Turenne, 
actueHement vivant , est plus noble 
que M. de Turenne, et que le 
marquis de LaTal est plus noble 
que le connétaMe de Montmorencî. 

Quelqu'un disoit que la goutte est 
la seule maladie qui donne de la 
considération dans le monde. Je le 
crois bien , répondit M . . . , c'est la 
croix de Saint-Louis delà galanterie. 

M. de la R***** devoît épou- 
ser mademoiselle de J****** ^ jeune 
et aimable. 11 revendit de la voir, 
enchanté du bonheur qui l'atten- 
doît, et disoit à M. deM * * * * * % 
«on beau -frère : ne penser -vous 
pas en effet que mon bonheur sera 
parfait ? — Cela dépend de quelques 



(io5) 

circonstances.—— Comment, que 
voulez-vous dire ? -^ Cela dépend 
du premier amant qu'elle aura. 

M, . . . dîsoît que le grand monde 
est un mauvais lieu que Ton avoue. 

Marmontel , dans sa jeunesse , 
recherchoit beaucoup le vieuxBoin- 
din , célèbre par son esprit et son 
incrédulité. Le vieillard lui dît : 
trouvez -vous au café Procope. 
—-Mais nous ne pourrons pas parler 
de matières philosophiques, -~- Si 
fait, en convenant d'une langue 
particulière, d'un argot. Alors ils 
firent ^eur dictionnaire. L'ame s'ap- 
J)eloit Margot j la religion, Javotte; 
la liberté, Jan]|«tpm|; pt Je père éter^ 
nel ^ M. de l'Être. Lé» voilà dispu- 
tant et sentendant très-bien. Un 



( io6 ) 

homme en habit noir, avec nne 
fort mauvaise mine , se mêlant à 
la conversation , dit à Boindin : 
Monsieur , oserois-je vous demander 
ce que c*étoit que ce M. de l'Être 
qui s'est si souvent xa^al conduit, et 
dont vous jêtes si mécontent ? Mon- 
sieur, reprit Boindin, c'étoit un 
espion de police. On peut juger 
de réclat de rire , cet homme étant 
lui-même du métier. 

Le lord Bolînbroke donna à Louis 
XIV m îUe preuves de sensibilité 
pendant une maladie très-dange- 
reuse. Le roi étonné lui dit : fen 
suis d'autant plus touché , que vous 
autres anglais vous n'airoea: pas les 
rois. Sire , dit Bolînbroke , nous 
ressemblons aux maris qui , n'aimant 
pas leurs femmes, n'en sont que 



( 107 ) 

plus empressés à plaire à celles do 
leurs voisins. 

Dans une dispute que les répré* 
sentans de Genève eurent avec la 
chevalier de BoutevîUe , l'un d'eux 
s'échautfant , le chevalier lui dit : 
savez? vous que je sijiis le représentant 
du roi mon maître? Savez-vous, 
lui dit le Genevois , que je suis 
le représentant de mes é^ux? 

L'abbé Delille devoît lire des ven 
à Tacadémie pour la réception d'un 
de ses amis. Sur. quoi il disoit : 
je voudrois bien qu'on ne le sût 
pas d avance, mais je crains bien 
de le dire à tout le monde. 

Madame Beauzée côucboît avec 
un maître de langue allemande. 



<io8) 

M. Beanzée les surprit au retour 
de racadémie. L'aUemaiid dît à la 
femme : quand je vous dîsoîs qu'il 
ëtoit temps que jem'eaaz7/e. M. Beau- 
zée 5 toujours puriste , lui dit : que 
je m'en allasse^ monsieur. . 

M. Dnbreuîl , pendant la maladie 
dont il mourut , disoit à son ami , 
M. Pehméja : mon ami, pourquoi 
tout ce monde dans ma chambre? 
Il ne devroit y avoir que toi; ma 
maladie est contagieuse. 

On demandoit.à Pehméja quelle 
étoit sa fortune ? — 1 5oo livres de 
rente. ..^ C'est bien peu. — Oh! re- 
prit Pehméja, Dubreuil est riche. 

I^adame la comtesse de Tassé 
disoit après la mort de M. Dubreuil : 

il 



( 109 ) 

3 étôit trop inflexible , trop inabor^ 
dable aux prétôns , et j ayois un accès 
de fîfevre^'téute^les fois que je sdn^ 
geois à lui -en faire. £t moi aussi ,' 
lui répondit madame de Champagne 
qui avoit placé 36,coo Hv. sur sa tête ; 
voilà pourquoi fai mieux aîmé m& 
doiïner tout de suite unebonn^îiiar» 
ladiê que d'avoir tout ces petits^ afe^ 
ces de fièvre dont vous .parlez. » i 

Uabbé Maurjr, étant pauvre, avoît 
enseigné le latin à un vieux ' cbtir^ 
seiller de grand'chambrè qui tott-{ 
loît entendre les instif utes de Justî^ 

r 

nien. Quelques annéefe se passent, et 
il rencontre ce conseiller, étonné do 
le voir dans une maison honnête. 
Ah ! Tabbé , vous voilà ! lui dit-il lies- 
tement : par quel hasard vous trou- 
ves -vous dans cette maison -ci? 

lO 



(IIO) 

Je toly trouve iîQitinEie vouiivOu^ 
y trouvez. — • Ok\ ce n^esi pas. la 
même choae : vous .êtes donc nueux. 
dans vos afïaîre^j? pv/s^-vofts fait 
quelque chose dai^^ votre tnétier 
de prêtre ? — - Je suis grand, vicaire 
dei Mi de Loinbez. -«— » Diable ! c'est 
quelque chose ; et cpmhieii cela 
vaut-U ?^ Mille francs. -r: C'est biei» 

t>eu $ et il rpproz^d le ipp. le&le ^t iég<^Tp 

-^ Mais j'ai eu un prieuré de millo 
4ûu? ! — Millp écus 5 bonnes affaires 
(flPiçç l'air cfe I0 cûmidera(fon). -^ Et 
j!ap.:>&ijt ja r^]3icontre du maître de 
cHi? Plaiso^-c chez M* 1^ cardinal 
4.e I^ohAn**-^ F€|Ste ! voiis allez chez 
le cardinal de Rohan ! -— Oui , il 
3(p,'a fait avoir une abbaye. — Un© 
abbaye} Ah! cela ppsé^ monsieur 
l^bbé , faites - moi Vhonneip: 4? YÇ*» 
]px dîjier chez i^çir . 



( III ) 

Jamais Boâsuet ne put apprendre 
au grand dauphin. à écrire une lettre. 
Ce prince étoit très-indolent. Ou 
raconte que ses billets à la comtesse 
du Roure finissoient tous p^r ces 
mots : le roi me fait mander pour 
le conseil. Le jour que cette comr 
fesse fut exilée,. un des courtisans 
lui deipanda s'il, n'étpit pas bien 
affligé. Sans-doute , dit ïe dauphin ; 
mais cependant ipe voilà délivré do 
la nécessite d'écrire le petit billet 

Le maréchal de ^roglîe avoît épou- 
sé la fille d'un négociant. Il eut deux 
filles. On lui proposoit, en présen- 
ce de madame de Broglie, de faire 
entrer l'une dans un chapitre. Je me 
«uîs fermé , dit-il , en épousant ma- 
dame^ l'entrée de tous les chapi- 
tres, • , Et de Hiôpitaï , ajouta -t- elle. 



( "2) 

M. d'Alembert a entendu dire au 
•roi de Prusse,' qu'à la bataille de 
Mindeii, si M. de Broglie eût atta- 
qué les ennemis et secondé M. de 
«Gontades, le prince Ferdinand étoît 
battu. Les Broglies ont fait deman- 
tier à M. d'Alèmbert s'il étoit vrai 
qu'il eût entendu dire cefâit au roi 
de Prusse , et il a répondu qu'oui. 

Un coTirtîsati djàbît : ne $e brouille 
pas avec moi qui veuf: ' ^ 

• • • » 
. Le maréchal de Noailles dîsoîf 
beaucoup de mal d'une tragédie 
nouvelle. On lui dit : mais M. d'An- 
mont 5 dans la loge duquel vous lavez 
entendue , prétend qu'elle vous a 
fait pleurer. Moi, dit le maréchal, 
point du tout: maiâi icomnoie il pieu- 






("3) 

roît Inî-mêiiie dès la première sekne\ 

j'ai cru honnête de prendre part 

à sa douleur- 
Louis XV demanda au duc d'Ayen , 

.(depuis maréchal de Noailles) sll 
avoît envoyé sa vaisselle à la mon- 
noie* Le duc répondit que' non. 
Moi , dit le roi , j'ai envoyé la 
mienne. Ah! sire, dit M. d'Ayen, 
quand J.-C. mourut le vendredi 
saint , il sa voit bien qp'il ressosci* 
.ter oit le dimanche^ 

M. de ... . ayant aperça que 
M. Barthe é toit jaloux (de sa femme), 
.hii dit : vous, jaloux! Mais^avez- 
. vous que c'est une prétention? C'est 
bien de llionneur que vous vous 
faites. Je m'explique. N'est pas cocu 
qui veut : savez- vous que pour rêtre. 



( "4i) 

il faut savoir' tenir une maison, 
être poli., sociable^ honnête. Com- 
mencez par acquérir toutes ces 
qualités , et puis les honnêtes gens 
.verront ce qix'ils auront à faire pour 
vous.JiTei que vous êtes, qui pour- 
roit: vous faire cocu ? Une espèce. 
Quand il sera temps de vous effrayer, 
je vous eu ferai mon compliment. 

.Uni hombè d'esprit me disoît un 
jour : que 3e gouvernement àe France 
étoît une monarchie absolue , tem- 
pérée par des chansons. 

Milord Hervey, voyageant dans 
.ritalie-, et se trouvant non loin 
de la mer, traversa une lagune dans 
Feau de laquelle il trempa son doigt. 
Ah , ah ! dit-il ^ leau est salée, ceci 
est à nous. 



%.-' 



\ 



(ii5) 

Duclos disoit à nn homme emmyé 
d'un sermon prêché à Versailles : 
pourquoi avez-voiîs entendu ce 
sermon jusqu'au bout?— J'ai craint 
,de déranger l'auditoire et de le 
scandaliser. -^ Ma foi, reprit Duclos, 
plutôt que d'entendre ce sermon, 
je me serois converti au premier 
point. 

M. de Turenne , voyant un enfant 
passer derrière un cheval , de fiiçon 
à pouvoir être e^ropié par un:^ 
ruade , l'appela et lui dit : mon bel 
enfant , ne passez jamais derrière un 
cheval sans laisser entre lui et vous 
l'intervalle nécessaire pour que vous 
ne puissiez -en être blessé. Je voiis 
promets que cela ne vous fera pas 
faire une demi -lieue de plus dans 
le cours de votre vie entière; et 



^ 



(ii6) 

«ouvenc^-vons que c'est M. de Tu- 
renne qui vous Ta dit. 

M. de Th. . . pour exprimer l'insi- 
pidité des bergeries de M. deFlorian, 
disoit : je les àinierois assez, sf^il y 
; mettôit des loups. 

M. de Fronsac alla voir une 
mappemonde que montroit l'artiste 
qui l'avoit imaginée. Cet homme 
ne le connoissant pas , et lui voyant 
une croix de i^Saint-LiDuis , ne l'ap- 
peloit que le chevalier. La vanité 
de M. de Fronsac, blessée de ne 
pas être appeléduc, lui fit inventer 
une histoire, dont un des interlocu- 
>teurs, un dé ses /gens, l'ap peloit 
moQseigneur. M. de Genlis . l'arrête 
à ce mot ^ et lui dit : qu'est - ce 
que tu dis 1^, monsçigueur? On 



( "7 ) 
va te prendre pour un ëvêque. 

Quelqu'un ayant entendu la tra- 
duction des géorgiques de Tabbé 
Delille , lui dit : cela est excellent ; 
J6 ne doute pas que vous n'ayez le 
premier bénéfîcB <juî sera à la no- 
mination de Virgile, 

M. de Voltaire voyant la religion 
tomber tpus lesf jours ^ di^oit une fois: 
cela est pourtant fâcheux, c^ar de 
quoi nous moquerons-nous ? Oh ! lui 
dit M. Sabatier.de Cabre, consolez- 
vous , les occasions ne vous manque- 
ront pas plus que les moyens. Ah! 
monsieur, reprit douloure.usement 
M. de Voltaire , hors de l'église point 
de salut. 

Le prince de Conti disoit , dans 



(ii8) 

3a dernière maladie, à Bcamnar^ 
chais qu'il ne pourroit s'en tirer, 
va l'état de sa personne , épuisée 
par les fatigues de la guerre , dû 
-vin et de la joui^ance. A l'égard 
de la guerre , dit celui-fcî , le prince 
-Eûgèine a fait vingt-Une campagnes , 
et il est mort à yS ^ans; quant au 
vin, le marquis de Brancas buvoit 
par jour six bouteilles de vin de 
Champagne ^ et il est mort à 84''ans. 
Oui , mais le coït , reprît lé prince. 
-~- Madame votre mère, répondit 
Beaumarchais : ( k princesse étoît 
morte à yg ans). Tu as raison, dit 
le prince ^ il n'est pas impossible 
gue j'en revienne. 

M. le Régent avoit promis de 
faire quelque chose du jeune Arrouet, 
c'est-à-dire , d'en faire un important 



("9) 

ti de le plaoer.i Le jeiine poète ^t«> 
tendit le piiaoe du soittir du conseil , > 
aiu.. -moment où il iâtoit suivi des 
quatre secrétaires d'Etat. Le Régent . 
le vît et lui dit : Arrouet , je no 
tkî pas oublié^ et je te destine le 
déjpartement des niaiseries. Monsei- 
gneur, dit le jeune Arrou^ , j'aurois i 
trop de rivaux, en voilà quatre. 
Le prince pensa étouffer d^ rire. 

Quand le maréchal de Richelieu 
vint faire sa cour k Louis .XY aprè$ 
la pris0 de Mahon^U pf ornière chose^ 
ou plutôt la seule que lui. dît le roi ,. 
fut celle-ci: maréchal, savez -vous 
la mort de ce pauvre Lansmatt ? 
Lansniatt étoit un vieux gardon do 
la chambre. i. . 

Quelqu'un, ayant lu une lettre très^ 



sotte de M. Blanchard sur le ballon, 
dans le journal de- Paris;, avec cet 
esprîti-là^. d£t*-!il,^ce M. Blanchard 
doit bi^n ^'ennuyer )en. Tair. 

Louis XV* se fit peindre par La 
Tour. Le. peintre, tout: en travail- 
lant, causoit avec le roi, qui p^- 
roissoît lei trouver bon. La Tour, 
encouragé , et '■ naturellement indis- 
cret, poussa la témérité jusqu'à lui 
dire : au fait, sire , vous n'avez point 
dé marine. Le toi répondit sèche- 
ment : que dites -vous* là ? et Ver- 
net, donc ! ' 



• I 



On dit à la duchesse de /Chaul- 
nes , mourante' et séparée de ^ son 
mari : les sacremens sont là.^ Un pe- 
tit moment. — M. le duc de Chaulnes 
voudroit bien- vt>us revoir. — Est-H 

là? 



(m) 

là ? Oui. Qu'il attende : il 

entrera avec les sacremens* 

Je me promenois un jour avec 
un de mes amis qui fut salué par 
un homme d'assez mauvaise mine. 
Je lui demandai ce que c'étoit que 
cet homme : il me répondit que 
c'étoit un homme qui faisoit pour 
sa patrie ce que Bratus n'auroit 
pas fait pour la sienne. Je le priai 
de mettre cette ^ande idée à mon 
niveau. J'appris que son homme 
étoit un espion de police. 

M. Lemière a mieux dit qu'il ne 
vouloit, en disant qu'entré sa Veuve 
de 'Malabar, jouée en I770, et sa 
Veuve de Malabar, jouée en 1781 , 
il y avoit la différence d'une falourde 
à une voie de bois. C'est en effet 

II 



( Ï22 ) 

le bAcher perfectionné qui a fait 
le succès de la pièce. 

M. de C parlant un jour 

du gouvernement d'Angleterre et de 
ses avantages , dans une assemblée où 
se trouvoient plusieurs evêques et 
quelques abbés ; un d'eux , nommé 
Tabbé de Seguerand , lui dît : mon- 
sieur, sur le peu que je sais de ce 
pays-là, je ne suis nullement tenté 
d'y vivre, et je sens que je m'y 
trouverois très -mal. M. ïabbé, lui 
répondit naïvenient M.- de C. • . . , 
c'est parce que vous y seriez mal , 
que le pays est excellent, 

Plusieurs officiers français étant 
allés à Berlin, l'un d'eux parut devant 
le roi sans uniforme et en has blancs. 
Le roi sapproph^ dç lui, et lui 



\ 



âeiïianda son nom. — • Le marquis* 
de Beaucour* — De quel régiment ? 
— De Champagne. — Ah oui! ce ré- 
giment ou Ton se f . • • de l'ordre ; 
et il |>ar)a ensuite àvtx officiers qui 
étoient en unifaline et en bottes. 

, M. de Cbaulnes ayoit fait peindre 
sa feqime en Hébé; il ne savoit com- 
ment se faire peindre pour faiie 
pendant. Mademoiselle Quinaut, a: 
qui il disoit son embarras ^ lui dit 
&ites*yoiis peindre en hébété. i 

L'empereur , passant à Trieste in- 
cognito, selon sa coutume, entra 
dans une auberge; il demanda s'il 
y avoit une bonne chambre : on. 
lui dit qu'un évêque d'Allemagne- 
venoit de prendre la dernière , et 
qu'il ne restoit plus que deux petit» 
bouges. II demanda à souper. On 



( "4 ) 

lai dit qu^il n'y avoit plus qoe de» 
cenfs et des légumes ^ parce qaa 
Févéqae et 3a suite a voient denmndi- 
toute la ycjaille! L'empereur fit cb» 
çiauder à réyéque h uii étranger 
pouvoit souper ayee lui. L'éyêque> 
refusa. L'empereur soupa ayec un 
aumônier de Téyéque, qui ne man- 
geoit point ayec son maître. de*- 
manda à cet aumônier ce qu'il alioit 
feire à Kome. Monseigneur, dit 
celui-ci^ ya solliciter un bénéfice 
de 5o,ooo liyres de rentes, ayan^' 
que l'empereur soit informé qu'il est 
yacant. On change de conyersation. 
L'empereur écrit une lettre au car- 
dinal dataire, et une autre à son' 
ambassadeur. Il fait promettre à 
Faumônier de remettre ces deux 
lettres à leur adresse, en arrivant 
à Rome. Celai-ci tient sa promesse* 



( 125 ) 

lie cardinal dataire fait expédier 
les provisions à Taumônier surpris. 
Il va conter son histoire à son évêqua 
qui veut partir. Uauniônier, ayant af 
faire à Rome , voulut rester ; alors il 
apprit à son évêque que cette aven- 
ture étoit Feffet d une lettre écrite au 
cardinal dataire et à fambassa- 
deur de l'Empire , par Fempereur , 
qui étoit cet étranger avec lequel 
monseigneur n'avoit pas voulu sou- 
per à Trieste. 

Le comte de. . • et le marquis de. . . 
me demandant quelfe différence je 
faisois entre eux, en fait de prin- 
cipes f je répondis : la différence 
qu'il y a entre vous, est que l'un 
lécheroit Vécumoire , et que l'autre 
Favaleroit. 



( 1^6 ) 
Madame D*******^ couchant 
avec Louis XV , le roi lui dit : tu 
as couché avec tous mes sujets.-^Ah , 
sire ! — Tu as eu le duc de Choîseul. 
•— Il est si puissant! — Le maréchal 
de Richelieu. — Il a tant d'esprit ! 
— - Mon ville. — Il a une si belle 
jambe! - A la bonne heure; mais 
le duc d'Aumont, qui n'a rien de 
*out cela. — Ah , sire ! il est si at- 
taché à votre majesté ! 

Collé avoit placé une somme d'ar- 
gent considérable, à fonds perdu, 
et à di^ poilf cent, chez un fi- 
nancier qui , à la seconde année , 
ne lui avoit pas encore donné un 
sou. Monsieur, lui dit CoUé , dans 
une .visite^ qu'il lui fit, quand je 
place mon argent en viager,; c^est 
poux être payé de mon vivant. 



( "7) 
Feue madame la duchesse d'Or- 
léans étoit fort éprise de son mari^ 
dans les commencemens de son ma- 
riage ; et il y avoit peu de réduits 
dans le Palais Royal qui n'en eussent 
été témoins. Un jour les deux épou:c 
allèrent faire visite à la duchesse 
douairière, qui étoit malade. Pendant 
la conversation , elle s'endormit ; et le 
duc et la jeune duchesse trouvèrent 
plaisant de se divertir sur le pied 
du lit de la malade. Elle s'en aperçut, 
et dit à sa belle fille : il vous étoit 
réservé, madame, de faire rougir 
du mariage. 

Le maréchal de Duras, mécon-^ 
tent d^un de ses fils, lui dit : mi^ 
sérable, si tu continues, je te ferai 
souper avec le roi. C'est que le jeutie 
homme avoit soupe deux fois à 



( ia8 ) 
Marly , où il s étoit ennayé à périr. 

Duclos parloit un )our du paradis 
que chacun se fait à sa manière. 
Madame de Rochefort lui dit : 
pour vous , Duclos , . voici de quoi 
composer le vôtre : du pain , dq 
vin 9 du fromage, et la première 
venue. 

On disoit à Louis XV qu'un de 
SCS gardes , qu on lui nonunoit , alloit 
mourir sur le champ, pour avoir 
fait 1^ mauvaise plaisanterie d avaler 
un ëcu de six livres. Ah ! boa Dieu , 
dit le roi , qu'on aille chercher 
Andouillet , Lamartinière , Lassone. 
Sire, dit le: duc dç Noailles, ce ne 
sont point là les gens qu il f«ut. — £t 
qui donc ? — — Sire , c'est Tabbé 
Terray. — L'abbé Terxay , com- 



C^^ ) 

ment ? -^ H aniyera, il mettra sta 
ce gros éca nu premier dixième ^ 
un second dixième , mi premier 
vingtième , mi second vingtième " 
]e gros écn sera rédnit à 36 sons, 
comme les nôtres; il s'en ira par les 
voies ordinaires , et voilà le malade 
guéri. Cette plaisanterie fot la seale 
qui ait fait de la peine à Fabbé 
Terray. Cest la seule dont il e&k 
conservé le souvenir ; il le dit 
lui-même au marquis de Ses* 
mnîsons. 

On appela à la Cour le célèbre 
Levret, pour accoucher la feue dau« 
phine. M. le dauphin lui dit : vous 
4Stes bien content^ M. Levret^ d'ac* 
coucher madame la dauphine; cela 
va vous &ire de la réputation. Si 
ma réputation n'étoit pas faite, dit 



(i3o) 

tranquillement raccoucheur, je ne 
wiou pas ici« 

Duclos diaoit un jour à madame 
die Rochefbrt et à madame de Mi-' 
repoix > que les courtisanes deve- 
noient bégueules , et ne youloient 
plus entendre le moindre conte un 
peu trop Ti£ Elles étoient» disoit-» 
iUy plus timorée que les femmes bour 
nétes;^ et ià-4f ssus , il eofile U9e bîsi 
toijre fort g^e ,^puia uu.e autre encore 
plus forte ; enfin , à une troisième ^ 
qui commençoit encore plus vive- 
ment, madame de Roôbefi:u:t f ar- 
rête» et lui dit : prenez donc garde ^ 
Puclos; vous nous croyez aussi par 
trop Honnêtes femmes* 

Le cocber du roi^e Prusse Payant 
len verfté , je roi entra (fons une cot 



(i3i) 

lèreëpoiiYantaUe. £h bien ! dît le co- 
cher , c'est un malheur; et tods! n^a- 
vez-vous jamais perda une bataille ? 

Le maréchal de Villais fut adomié 
au via, même dafis sa vieillesse. 
Allant en Italie, pour se mettre 
à la tête de Farmée , dans la gaerre 
de I7349 ^ ^^ faire sa conr au roi 
de Sardaîgne , tellement pris de vin , 
qu'il ne pouvoit se soutenir , et quH 
tomba par terre. Dans cet état, il 
n'a voit pourtant pas perdu la tête , 
et il dit au roi : me voilà porté tout 
naturellement aux pieds de votre 
majesté. 

Le lord Rochester avoit fait, 
dans une pièce de vers , féloge de 
la poltronnerie. Il étoit dans un 
café; arrive un homme qui avoit 



( i32) 

reçu des coups de bâton sans se 
plaindre. Milord Rocbester , après 
beaucoup de complimens, lui dît : 

monsieur, si vous étiez homme à 
recevoir des coups de bâton si pa- 
tiemment, que ne le disiez -vous? 
je vous les aurois donné , moi, pour 
xne remettre en crédit. 

Louis XIV se plaignant , cbezma- 
dame de Maintenons du chagrin 
que lui causoit la division des évê- 
ques;si l'on pou voit, disoit-il, ra- 
xnenejc les neuf opposans, on évi- 
téroit un schisme ; mais cela ne sera 
pas facile. Eh bien ! sire, dit en 
riant madame la duchesse, que ne 
dites- vous aux quarante de revenir 
à l'avis des neuf? ils ne vous re- 
fuseront pas. 



Le 



(i33) 

Lie maréchal de Belle-Isle , voyant 
que M. de Choiseal prenoit trop 
d^ascendant , fit faire contre lui un 
mémoire pour le roi , par le jésuite 
de Neuville. Il mourut sans avoir pré^ 
sente ce mémoire, et le porte-feuille 
fut porté à M. le duc de Choiseul ^ 
qui y trouva le mémoire fait contre 
lui. Il fit l'impossible pour recon- 
noître l'écriture. Il n'y songeoit plus , 
lorsqu'un jésuite considérable lui fit 
demander la permission de lui lire 
l'éloge qu'on faisoit de lui, dans 
l'oraison funèbre du maréchal de 
Belle-Isle , composée par le père de 
Neuville. La lecture se fit sur le 
manuscrit de fauteur , et M. de 
Choiseul reconnut alors l'écriture* 
La seule vengeance qu'il eiL tira 
ce fut de faire dire au père de Neu- 
ville qu'il réussissoit mieux dans lé 

12 



( »54 ) 

genre de rornîson funèbre , que dans 
celui des mémoires au roi. 

D • • • . 9 niiâantbrope plaisant , me 
disoit , à propos de la méchanceté 
des hommes ; il n'y a que Tinutilité 
du premier déluge qui gmpêche Dieu 
d'en envoyer un second^ 

L'abbé de la G^Uisière étoit fort 
lié avec M* Orrî, avant qu'il fût 
contrôleur général. Quand «il fut 
nonuné à cette place , son portier , 
devenu suisse, sembloit pe paji le 
reconnoître. Mon ^niî, lui dit l'abb^ 
de I^ G^laijsière , vous ête^ insolent 
beaucoup trop tôt : votre maître no 
Ir^st pas encore* 

yne feqime de 90 ans disoit à M, 
^e Foutenelle , âgé dç ^5 : I4 mort 



( i35 ) 

nous a oubliés. Chut, lui répondit 
M. de FonfeDcIle ^ eu joiettaut le 
doigt sur sa bouche. 

M. de Vendôme disoit de ma- 
dame de Nemours, qui avoit un long 
nez courbé , sur des lèvres ver- 
meille^ : elle a Tair d'un perroquet 
qui mange une cerise, 

/ M. le prince de Charolaîs ayant 
surpris M. de Brissac chez sa mai* 
tresse, lui dît: sortez. M. de Bris- 
sac lui répondit : monseigneur , vos 
ancêtres auroient dit : sortons. 

M. de Voltaire étant chez ma- 
dame du Châtelet , et même dans 
sa chambre , s amusoit avec labbé 
Mignot , encore enfant , et qu'il 
tenoit sur ^^& genoux. Il se mit 



(i36) 

k jaser avec lui , et à lui donner 
des instructions. Mon ami , lui dit- 
il, pour réussir avec les hommes, 
il faut avoir les femmes pour soi ; 
pour avoir les fenoimes pour soi, 
il faut les connoître. Vous saurez 
donc que toutes les femmes sont 

fausses et catins Comment , 

toutes les femmes ? que dites-vous 
là , monsieur , dit madame da 
Châtelet en colère? Madame, dit 
M. de Voltaire , il ne faut pas trom- 
per l'enfance. 

M; de Tùrenne, dînant chez 
M. de Lamoignon , celui-ci lui de- 
manda si son intrépidité n'étoit 
pas ébranlée * au- commencement 
d'une bataille. Oui, dit M. de Tu- 
renne, j'éprouve nne grande agita- 
tion; mais il y a dans l'armée 



plusieurs officiers subdUetnês et un 
grand nombre de soldate qui n'en 
éprouyeut aucune* 

Je pjk*oposoÎ3 à M. de L. un ma- 
riage qui sembloit avantageux. 11 
me répondit : pourquoi memarierois- 
je ? le mieux qui puisse m'arriver, 
en me mariant, est de n'être pas 
Cocu, ce que j'obtiendrai encore 
plus sûrement, en ne me mairiant pas. 

Fontenelle avoit fait un opéra 
où il y avoit un chœur de prêtres , 
cjuî scandalisoit les dévots. L'arche- 
vêque de Paris voulut le faire sup- 
primer, je ne me mêle pas de son i 
clergé, dit Fontenelle, qu'il ne se 
mêle pas du mien« 

La maréchale de Luxembourg ^ 



( ï38) 

arrivant à Téglise un peu trop tard , 
demanda où en étoît la messe, et 
dans cet instant la sonnette du lever 
Dieu sonna. Le comte de Chabot 
lui dit en bégayant : madame la 
maréchale , 

J'entends la petite clochette y 
Le petit uiouton n'est pas loin. 



V 



Ce sont deux, vers d'un opéra 
comique. 

♦ • 

On demandoit à M. de Fontenelle 
mourant, comment cela va-t-il? 
cela ne va pas, dit -il; cela s'en va. 

Le roi de Pologne Stanislas avoit 
des bontés pour l'abbé Porquet, et 
n'avoit encore rien fait pour lai. 
L'abbé lui en faisoit l'observation : 
mais 3 mou cher abbé^ dit le roi; 



il y a beaucoup de votre faute , 
vous tenez des discours très -libres; 
on prétend que vous ne croyez pas 
en Dieu ; il faut vous modérer ; tâ- 
chez d'y croire. Je vous donne un 
an pour cela. 

Louis XV ayant refusé vingt-cinq 
mille francs de sa cassette à Lebel , 
son valet de chambre, pour la dé- 
pense de ses petits appartemens , 
et lui disant de s'adresser au trésor 
royal, Lebel lui répondit : pourquoi 
m'exposerois-je aux refus et aux 
tracasseries de ces gens là , tandis 
que vous avez là plusieurs raillions? 
Le roi lui répondit: je n'aime pointa 
me dessaisir : il faut toujours avoir 
de quoi vivre. 

Un homme très -pauvre qui avoit 



( 140) 

fait un livre contre le gouvememenl'f 
disoit : morbleu , la bastille n'arrive 
point ; et voilà qu'il faut tout à 
Vheure payer mon terme. 

Quand farclievêque de Lyon, 
Montazet , alla prendre possession 
de ^on siège , une vieille cbanoi- 
liesse de ... • , sœur da cardinal de 
Tencin, lui fît compliment de ses 
succès auprès des femmes , et entre 
autres , de l'enfant qn'il avoit eu 
de madame de Mazarin. Le prélat 
nia tout , et ajouta : madame , vous 
savez que la calomnie ne vous a 
pas ménagée vous-même. Mon his- 
toire avec madame de Mazarin n'est 
pas plus vraie que celle qu'on vous 
a prêté avec M. le caràinal. En ce 
cas , dit la cbanoinesse tranquille* 
Yucnt : fenfant; est de yous. 



( Hr ) 

Le maréchal de Broglîe, affron- 
tant un danger inutile, et ne vou- 
lant pas se retirer; tous ses amis 
faisoient de vains efforts pour lui 
en faire sentir la nécessité. Enfin , 
l'un d'entre eux, M. de Jaucour^ 
s'approcha , et lui dit à l'oreille : M. 
le maréchal , songez que si vous 
êtes tué, c'est M. de Routhe qui 
commandera. Cétoit le plus sot des 
lieutenans généraux. M. de Broglie, 
frappé du danger que couroît l'ar- 
mée, se retira. 

Un homme huvoît à table d'ex* 
ùellent vin , sans le louer. Le maître 
de la maison lui en fit servir do 
très-médiocre. Voilà de bon vin ^ 
dit le buveur silencieux. C'est dut 
vin à dix sous, dit le maître, et 
l'autre est un vin des dieux. Je 1% 



( '4a) 
sais , reprit le convive ; aussi ne 
lai -je pas loué. Cest celui-ci qui a 
besoin de reconunandation. 

Duclos disoit; pour ne pas pror 
faner le nom de Romain ^ en par-» 
lant des Romains modernes , un Ita* 
lien de liùme. 

Jfe vous prie de croire , disoit M . • 
à un homme très -riche, que je n'ai 
pas besoin de ce qui me manque. 

M.. . à qui on ofiroit une place 
dont quelques fonctions blessoient 
$SL déKc^tesse , répondit : cette place 
ne convient ni à Famour propre que 
je me permets , ni à celui que je me 
commande. 

^ AI.**. • qui a voit une collée lion 



( H3 ) 

des discours de réception à Faca- 
démie française , me disoit : lorsque 
j'y jette les .yeux , il me semble voir 
des carcasses de feu d'artifice, après 
la St.-Jean, 

• 

Une jeune personne , dont la mère 
étoit jalouse et à qui les i3 ans de 
sa fille défil^isoient infiniment^ me 
disoit un jour: jai toujours envie 
de lui demander pardon detre née. 

On disoit à M. • • • , académicien : 
vous vous marierez quelque jour. 
11 répondit : j'ai tant plaisanté Fa-» 
éadémie, et j'en suis; j'ai toujours 
peur quil ne m^^iriye \ei même 
phose pour le mariage, 

M... disoit de mademoiselle...^ 
Çqvii n'étoit pQint vénale , n'écoutoit 



(144) 
que son cœur, et restoit fidelle à 
Tobjet de son choix) : c'est une 
personne charmante, et qui, vit le 
plus honnêtement qu'il est possible; 
hors du mariage et du célibat 

M. de L . . . . , connu pour mi- 
santhrope, me disoit un jour, à 
propos de son goût pour la solitude : 
il faut diablement aimer quelqu'un 
pour le voir. 

Qu'un homme d'esprit (disoît en 
riant M. de ••••), ait dés doutes 
sur sa maîtresse, cela se conçoit; 
mais sur sa femme ! il faut être bien 

bête. 

« 

Dans le monde, disoit M.-.. , 
vous avez trois sortes d'amis : vos 
amis qui vous aiment ; vos amis qui 

ne 



( 145 ) 

ne se soucient pas de* vous,; et 
vos amis qui tous haïssent. ^ 

> 
M. de. . . disoit qu'il ne falloit 

rien lire dans les séances publiqi^eai 

de l'académie française, par de-Ià ce 

qui est imposé par les statuts^ et il 

niotivoit son avis en disant : en 

fcdt d'inutilités ^ il ne faut que le 

nécessaire. . 



\ 



1 F . . • 

On prpposoit un .mariage à M... , 
il Tjépondit ; il y a deux choses 
que j'ai toujours aimées à la folie , 
ce sont les femmes et le célibat. J'ai 
perdu ma première passion , il faut 
que, je conserve la seconde. . 



!. Thomas me disoit un jour : 
)é n'ai pas besoiti de mes contem- 
porains ; mais j'ai besoin de la pos* 

i3 



_> 



( 145 ) 

♦êritë': (îraiinoit Beaucoup la gloire). 
Beau résultat de la philosophie , lUî 
dîs-jç , de . pouvoir se passer des 
vivans,' poUr avoir besoin de ceux 
qui lire sont pas nés. 

On proposoît à un célibataire de 
»e marier , il répondit par de la 
plaisanterie ; et comme il y avoit mis 
beaucoup d'esprit , on lui dît : votre 
femme ne s'ennuyeroit pas ; sur (juoi 
il répondît : si elle ^tdît jolie , snre- 
ihent elle ^amuseroit tout comme 
une autre; ' 

: M . . . , qui venoit de publier un 
ouvrage qui avoit beaucoup réussi , 
étoit sollicité d'en publier un second , 
dont ses amis' faisoieixt grand éâs. 
Non , dit-il , il faut laisser à l'enviQ 
îc temps d'essuyej: son écume. 



. ( '47 ) 
M...., jeune homme, mô demalir* 
doit pourquoi madame d^ B . . . . f 
avoit refiisé son hommage y qu'il lui 
offroit 5 pour coui:ir après celui dç 
M. de L.» . , qui sembloit se refuser 
à ses avances; je lui dis : mon cher 
ami, Gênes, riche et puissante ^ a 
ofl'ert sa souveraineté à plusieurs 
rois, qui Tont refusée, et on a fait 
la guerre pour la Corse , qui nç 
produit que des châtaignes, mais 
qui étoit fière et indépendante* 

On reprochoit à M. L , 

homme de lettres, de ne plus rien 
donner au public. Que voulez -vous 
qu'on imprime, dit-il, dan§ un pays 
où l'almanach de Liège est défendu 
de temps en temps? 

M... disoitdeM.de laR***^^ 



( 148 ) 

ehes qui tout le inonde va pour sa 
table, et qu'on trouve très -en- 
nuyeux ; on le mange ^ mais on 
ne le digère pas. 

Je demandois à M s^il se 

tnarieroit ; il me répondit : pourquoi 
faire ? pour payer au roi de France 
la capitation et les trois vingtièmes 
après ma mort. 

M. de ... • demandoit à Tévéque 
de. .\ une maison de campagne 
où il n'alloit jamais; celui-ci lut 
répondit : ne savez-vous pas qu'il 
feut toujours avoir un endroit où 
l'on n'aille point et où l'on croie que 
l'on seroit heureux si on y alloît? 
M. de. . •, après un instant de si* 
lence , répondit : cela est vrai , et 
c'est ce qui a fait lafortune duparadîs. 



(149) 

Mîltpû , après le rétablissement de 
Charles II , étoit dans le cas de re- 
prendre une place très - lucrative 
qu'il avoit perdue ; sa * femme l'y 
exhortoit; il lui répondit: vous êtes 
femme et vous voulez avoir un car- 
rosse ; moi je veux vivre et mou- 
rir en honnête homme. 

M. de Galonné voulant introduira 
des femmes dans son cabinet , trou- 
va que la clé n'entroit point dans 
la serrure, 11 lâcha un f . . . . d'im- 
patience ^ et sentant sa faute : par- 
don, mesdames, dit-il , j'ai fait bien 
des affaires dans ma vie , et j'ai vu 
qu'il n'y a qu'un mot qi4 serve. En 
effet , la clé entra tout de suite. 

/ Je pressois M. de L. . . d'oublier 
les torts de M. de B. . . (qui l'avoit 



luî-iriême épousé en secondes hôces, 
étant veuf d'une calviniste. ' ^ 

* 

On disoit d'un courtisan léger; 
mais non corrompu : il a pris de là 
poussière dans le tourbillon, maîa 
il n'a pas pris de tache dans la boue« 

Une femme parloît emphatique- 
ment de sa vertu , et ne vouloit 
plus, disoit -elle, entendre parler d'a- 
mour. Un homme d^esprit dit là- 
dessus : à quoi bon toute cette for- 
fanterie ? ne peut -on pas trouver un 
amant sans dire tout cela ? 

Dans le iemps de l'assemblée des 
notables, un homme vouloit faire 
parler le perroquet de madame de.^ 
Ne vous fatiguez pas, lui dit -elle, 
il n'ouvre' jamais le bec. •--< Comment 



/ 



( 152 ) 

avez -vous un perroquet qui ne dît 
mot? ayez -en un qui dise au moins 
vive le roi. Dieu m'en préserve , dit- 
elle : un perroquet disant vive le 
roi! je ne l'aurois plus. On en au- 
roît fait un notable. 

M. de Vergennes n'aîmoit point 
les gens de lettres , et on remarqua 
qu'aucun écrivain distingué n'avoit 
fait des vers sur la paix de 1783; 
sur quoi quelqu'un disoit : il y en 
a deux raisons ; il ne donne rien 
aux poètes, et ne prête pas à la 
poésie. 

. Je demandois à M . . • . quelle 
étoit sa raison de refuser un mariage 
avantageux. Je ne ceux point me 
marier^ dit-il , dans la crainte d^ avoir 
un Jih qui me re^^embk* Comme 



(i53) 

î'étois surpris , vu que c'est un très- 
honnête homme; oui, dit-il, ouï, 
dans la crainte d'avoir un fils qui , 
étant pauvre comme moi , ne sache 
ni mentir , ni flatter , ni ramper , 
et ait à subir les mêmes épreuves 
que moi. 

TJn malheureux portier , à qui les 
enfans de son maître refusèrent do 
payer un legs de looo liv. , qu'il 
pouvoit réclamer par justice, me 
dit: voulez -vous, monsieur, que 
j'aille plaider contre les enfans dua 
homme que j'ai servi vingt- cinq ans , 
et que je sers eux-mêmes depuis 
quinze? 11 ^e faisoit de leur injus^ 
tîce même , une raison detre'gëné- 
reux à leur égard. . . . _. '\ 

IdT. deL.... ihe disbît ^ relafi Vement 



( i54 ) 

an plaisir des femines ^ qae lorsqu'on 
cesse de pouvoir être prodigue , il 
faut devenir avare, et qu'en ce 
genre, celui qui cesse d'être ri- 
che commence à être pauvre. Four 
moi , dit-il , aussitôt que j'ai été 
obligé de distinguer entre la lettre 
de change payable à vue , et la 
lettre payable à échéance , j'^ quitté 
la banque. 

Un homme de lettres à qui un 
grand seigneur faisoit sentir la su- 
périorité de son rang , lui dit : 
monsieur le duc, je n'ignore pas 
ce que je dois savoir, mais je sais 
aussi qu'il est plus aisé d'être au- i 
dessus de moi qu'à côté. 

Le maréchal de Noailles avoit un 
procès au parlement, avec un de 



( i55 ) 

SCS fermiers. Huit à neuf COnafcilTers 
se récusèrent j disant : louis en qualité 
de parens de M* de Noailles ; et ils 
l'étoient en effet au huitième degré. 
Un conseiller 5 nommé M. Hurson, 
trouvant cette vanité 'ridicule, se 
leva , disant : je me récuse aussi. 
Le" premier président lui demanda 
en quelle qualité. Il répondit : conoone 
parent du fermier. 

M. ... 5 à qui on' reprochoit son 
Indifférence pour les. femmes , disait : 
je puis diresuT élle^,'cè qiie ma- 
dame de C . . . disoftsur les enfans. 
J'ai dans la tête un fils dont ie 
n'ai jamais pu accoucher. J'ai dans - 
l'esprit une fémmfe comme il y en 
a peu, qui me préserve des femmes 
comme il y en a beaucoup. J'ai bien 
des obligations à cette femme-là. 



(156) 

. Lès aiùîs de M • . ^ . ,.^ 'jguloîeiit 
plier son caractère à leurs fantaisies, 
et le trouvant toujours le. même, 
disoient qu'il étoit incorrigible; il 
leur répondit : si je n'étois pas in- 
corrigible, il y a bien long-temps 
que je serois corrompu. 

On reprochoit à M. de. . • , d'être 
le médecin Tant Pis. Cela vient , ré- 
pondit-il , de ce que j'ai vu enterrer 
tous les^ malades du médecin Tant 
Mieux. Aif.mc)ins si Iqs miens meu- 
rent , on ii'^ point à me repi^ocher 
d'être un sot. 

Un homme qui avoit refusé 
d'avoir, madara^e de S.. . . , disoit : à 
quoi ilsert l'esprit,, s'il Ae sert pas à 
SLavoir point mad^mq. de. . .' ? 

' ' ' . ' 

Quelqu'un 



(i57) 
Quelqu'un disoit d'un homme très- 
personnel : il bruleroit vpt^emai8o^ 
pour sfi faire cuire deux œufs. 

Le duc de . . . ;, qui avoit autre-^ 
fois de Pesprit, qui recherchoit la 
conversation des honnêtes gens , s'est 
mis^ à cinquante ans, à mener la 
vie d'un courtisan ordinaire. Ce.mé- 
tier et la vie de Versailles lui con- 
viennent dans la 4écadence de son 
esprit, conune le jeu convient aux 
vieilles femmes. 

Un homme dont la santé s'étoit 
rétablie en assez peu de.temp^ et 
à qui on en demaodoit la raison, 
répondit : c'est que; je compte avec 
moi, au lieu qu'auparavai^t jecomp- 
tois sur mois« > 

• ■ • - • 

M- 



\ 



- ( i58 ) 

Je er6!9, disoh M. . . V sur îeilac 

de ',^qitè son nom est sdmpltfi 

grand -mStite, et t^^l è tontes les 
vertus (jui se font dans une par* 
chémînerîé^ 



I 



Orf laccnsbît xm jénne fadrânie^d^ 
là Cour d'aimer les fïDes 'afec fti* 
Yeur. ily avoit là plusieurs femmes 
honnêtes et considérables avec qtïi 
«ela ponvoit le brouîHer: Un de s^ 
mmis qui ëtoît présent ,' répondît : 
exagération , méchaïiceté^', il a aus^ 
des femmes. 

' M. de L. . ... 5 dîsoîf qu'on auroît 
dû appliquer au mariage , la police 
telâtive aux maison; qu*on loue par 
un'bail , pour trois , éix et bèùf ans , 
avec pouvoir d'acbeter là toaison» 
si ellci vous convient* 



: ( 
1- 



C i59 > 

M . . :. - ^oit , pbup e%pnmei le 
mépris, une formulé favorite : cfeA 
Favant-demier des hotnmtîs. —-Pour- 
quoi l'avant- dernier 3 lui demandoit- 
on ? — *• Pour ne décourager ' pei^ 
sonne 9 car il y a presse* ^^' 

k * • ' 

M. de C . • • avoît reçu un bienfait 
de M, d'A*, .• , celui-ci avoit re- 
commandé le secret. 11 fut gardA 
Plusieurs années aprtjs ils* se brouil- 
lèrent', alôts 'M.*^ de 'G .'\'if J- révéla le 
secret du bienfait qu'il avoit reçiï. 
M. T, .. , leur ami commun, ins- 
truît, demanda' à M. de^ C. . . . la 
raison de cette apparetite^bi^arrerie. 
Celui-ci répond i j^i tk ion bièn^ 
fait -tant que je Tài aîiàé.vTe parle', 
parce ^'iieiè^»^- faime'' pWs. C'étoîV 
alors sTon secret, à j^résent,' c^est 
le mien. 



i 



(i60 

mtqm^GOûiamnéà attendre deux 
heures qxreHe^ soit liétabHe. Le do« 
œestique va et fait la coiii mission « 
Quel hpmme est*ce? dit Tarcbevêque. 
£st-ce qaelqa\tii comitie il faut?-— Je 
le croîs ii'moofieigneur; il a nn air 
bien hoiUDéte. -•— Qu'appelle-ta hoii- 
aéte ? est-il bien mis ? — Monseigneur , 
simplement) mais bien.— A- 1- il 
des gens? — Monseigneur, je l'ima* 
gîne. — Va t'en le savoir. Le domes^^ 
tique va et revient : — monseigneur, 
li, les a enVpy^^ devant à Versailles. 
— Ah ! c'est quelque chose ! Mais 
ce n'est pas tout; demande-lui s^l 
est gentilhomme. Le laquais va et 
revient* — Oui , monseigneur, it est 
gentilhomme. — A la boline heure: 
quîl vienne , nous Verrons ce que 
c'est. Le Dtic arrive , salue. PArche- 
yéquefaïtuiir signe de tête ^ se range 



^ 



(i65) 

k peine pour faire une petite place 
daas sa voiture. 11 voit une croix 
de Saint- Louis. Monsieur, dit -il 
au duc-, je suis fôcbé de vous 
avoir fait attendre ,. mais je ne pou-* 
vois donner une place dans ma 
voiture à un homme de rien : vojas 
en conviendrez. ;Je sais que vous 
êtes gentilhomme. Vous avez servi , 
à ce que je vois?— -Oui, mon^ 

seigneur. Et vous allez à Ver-» 

«ailles ? — Oui , monseigneur. — Dana 
les bureaux apparemment — Non ^ 
je n'ai rien à faire dans les bureaux»; 
Je vais remercier — qui, M. de 
Louvois ? — Non , monseigneur , le 
roi. — Le roi ! ( ici farchevéque se 
recule et fait un peu de place). 
--^Le roi vient donc de vous faire 
^elque grâce toute récente ?— Non, 
monseigneur , c'e^t une loBg;ae 



' ( m ) 

toîre^*— Contez' toujours. — ^ C'^t 
qu'il y^a. deux ans j'ai marié ma 
fille à un homme peu .riche (Tar- 
ehevéque reprend un peu de l'es- 
pace qu'il a cédé dans^ la voiture) , 
mais d'un très* grand nom, (I/ar^ 
chevêque recède la place). Le dao 
conlînue. Sa majesté avoit hien von- 
lu s'intéresser à ce mariage... (Iw 
c^evéque fait beaucoup de place) 
et avoit même promis à mon gen(ke 
le premier gouvernement qui vaquer 
roît. — -* Comment donc ? un petit 
gouvernement sans doute ! De quelle 
ville ? — Ce n'est pas d'une ville , 
. nlopseigneur , c'est d'une province. 
— D'une province, monsieur! crie 
Tarchevéque , en reculant dans l'an* 
gle de sa voiture;. d'une province! 
r^— Oui, et il va y en avoir uv 
de. vacant, r^ Lequel , donc ? i^ jLe 



(165) 

mien y celui de Berri , que je veux 
faire passer à mon gendre. — Quoi J 
monsieur . . • vous êtes gouverneur 
de • • • Vous êtes donc le duc d' A • • •' 
Et il veut descendre dé sa voiture.... 
Mais monsieur le duc , que ne par- 
liez- vous ? Mais cela est incroyable. 
Mais à quoi m'exposez- vous? Pardon 
de vous avoir fait attendre. . . Ce 
maraud de laquais qui nevme dit 
pas . • • • Je suis bien heureux en* 
core d'avoir cru sur votre parole 
que vous étiez gentilhomme : tant 
de gens le disent sans l'être! et puis 
ce d'Hozier est un fripon. Ah ! M. le 
duc, je suis confus. — Remettez* 
vous, monseigneur. Pardonnez à 
votre laquais , qui s'est contenté de 
vous dire que j'étois un honnête 
homme. Pardonnez à d'Hozier , qui 
vous exposoit à recevoir dans votre 



(i66 ) 

Voiture un vieux militaire non titré-; 
et pardonnez - moi aussi de n'aypir 
pas iîommencé par faire mes preuves 
pour monter dans votre carrosse. 

Le philosophe qui fait tout pour 
la vanité, a-t-il le droit de mépri- 
ser le courtisan qui fait tout pour 
l'intérêt? Il me semble que l'un 
emporte les louis d'or et que l'autre 
se retire content, après en avoir 
entendu le bruit, D'Alembert, cour- 
tisan de Voltaire , par un intérêt 
de vanité , est-il bien au<^essus de 
tel ou tel courtisan de Louis XIY , 
qui vouloit une pension ou un gou** 
vernement? . ■* 

' Speron-Speroni explique très-bien 
comment \ûi auteur qui s'énox^c^ 
très- clairement pour lui-même > est 



I 

( ï67 ) 

^lielqùefoîs obscur pour son lectetu: t 
c'est 5 dit-il , que l'auteur va de la 
pensée à l'expression , et que la 
lecteur va de l'expression à la pensée. 

Célébrité : l'avantage d'être connu 
de ceux qui ne vous conuoissent 
p^s* 

Si l'on avoit dît à Adam , le len- 
demain de la mort d'Abel , que dana 
quelques siècles il y auroit des 
endroits on ,* dans Fenceinte * do 
quatre lieues carrées, se trpuveroîent 
réunis et amonoelés «ept ou huit 
cent mille hommes, auroit-il cru 
que ces multifudes-pussent jamais 
vivre ensemble? Ne se seroit-il pas 
fait une idée encore plus affreuse 
de ce qui s'y commet de crimes et 
de monstruosités? C'est la réflexion 



( i68) 

^ quTl Faut faire pour se consoler 
des abus attachés à ces étonnantes 
réunions dlionunes. 

Quand on veut éviter d'être char-* 
latan , il faut fuir les tréteaux ; car 
si l'on y monte , çn est bien forcé 
d'être charlatan, sans quoi l'assem- 
blée vous jette des pierres. 

La nature a voulu que les il* 
lusions fussent pour les sages comme 
pour les fous , alin que. les premiers 
ne fussent pas trop malheureux par 
leur propre sagesse» 

« m * 

FIN. 



2.7' ^^ 



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O \J cj -., ï --^ 



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