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V
CHAMFORTIAN A ,
ou
RECUEIL CHOISI
• D'ANECDOTES PIQUANTES
* *«T DE TRAITS h'eSPRIT
DE CHAMFORT,
vnicioi d'bke notice
SUR SA VIE ET SES OUVRAGES.
SECONDE ÉDITION.
A PARIS,
DSLA.NGX ,et LesvsuiC) rue de la
Chez) H-T»*' I^**--i33;
M o H o I E , Libraire , Cour des
l'ontainesy Palais Egalité.
DB L'IMYKIMB&IB DB DBLAVCB BT LBftVBVB,
An XI — i8oâ.
i '
I *
r
I . r
Mil ^
..■■■ I
s.
AV I S.
L'accueil que le Chamfortiana a
reçu du Public; le jugement favo-
rable qu'en ont porté les journaux ;
le débit rapide de cet ouvrage ; tout
nous invite, en publiant cette secon i
de Edition^ à réparer Tinsuffisance
du peti) nombre d'exemplaires de la
première, et à croire qu'elle ne lui
sera pas moins agréable.
NOTICE
SUR CHAMFORT.
k < • . ; Magîii arnica Tentas.
ChAMForT naqfnit en 1741 , daits
tm village prés de ClermoBt en Au--
-vergne ; et mourut en 1794 5 ï©
24 geiminal^an II de la- république.
Il ne coimttt que sa m%re , et fut
bon fils.
Il s'appeloit Nicolas , et n*eut point
d'autre nom tout le temps qu'il fut
-au colley des Grassins, boiirsier
comme la plupart de ceux qui se
distingui>ient par leurs études. Les
prix qull y remporta^, quelques es-
piègleries de jeunesse 9 avoient rendu
ce nom fameux, lorsqu'il le quitta
pour celui de Chatnfort.
Que ce fût vanité , fbiblesse , ins-
pirées par la .cr.aiute qu'un nom
jtrop vulgaire n'imprimât quelque
ridicule à ses talens; je ne sais :
mais il ne put échapper à ce ridicule y
lorsquJu& • de se& andtens cajûia-
jrades le reik^iltraiit àmx^ le mondai»
Je :irecoiiniiit; et lui dit âssez plat-
samment : a il faut conveziir que ta
j> as bien de f^esprit^ pour avoir
» fait de Nicolas , Chamfort » !
Ce^ sous oe nom > bientôt cé-
lèbre par de plus grands succès dans
.les lettnes , qa'ilptfut , à uiDe époque
ou la pbfloso^e, ooufe dit Voltaire ^
commençoit à remuer leslbodemens
4Ïe 1^ morale et de la société.
Le bel esfxit dommoit surtout à
(V)
ee^Q époqt^e.philasepliiqiie. Il avoit
étépiisà lamodejparDaclos , Homme
tres:moral d'Ailbars., et- Crébillon lè
rfils , qui li^ prétendoit ' guère qu^
la.gr^ce. -• -.!:. •^:.- ••" .. \^' '.«
Di;iclp^, ;$'pp€irçoti ^uné .rëssexn*
l^ajace fr^pf^tetë jeirtte. la ioo|nuur^
idf'e^prit *da> jetiiie- Cfaà«6£DÉt et' là
.«enhë : it^s'^ia^itesda d'ai^tànt plus
Tôlcmtiers^ià' rintrodùire dans lè
-monde^ib^ut Tet»âtquér^ qil%: bèitt
époque , on commençottàtissi àr sen* '
JÛr\la&îécemtéàeip?én&i0'^^'BaÈns les-
-quels onine'peut'pliks, ÙÊdie'^e iiôi
jours^'j faire- un sçiilpas»> '
Duclos, d'im caractère ) naturel*
Iemiint:)»mÂpié, àt Vrai» tereton^ àr^
ioé;, a dit* ]tfBdâijvkaa:pde\ sa îBràn^
^se apparente ^éotemit^dltLtL* sabré
dont il faisoit ton) trais ipeur,san>
le tirer souvent'; d'Alombert, plus
y. niais xnbms irànq^àixi^iip iuf^
et ici que sa correspoadânce-àvéù
.Voltaire Id définit eaeore mieux ^que
Joiit ce qu'oit peut en aire lorsqu'on
l'a bien connu ; ces deux corn^béés db
l'Acadénoie y qui ai/roeiiVd'aMaéf plus
^empixt sàr tons les beatik ëè^ité,
jqu'il^ jl^tâasucleiit Jb^îucDtip^î et>m
JpttoîeBt: giières » p^^nurent à Cham-
Ipri les. s^ls prôfieurS' qu'il; lui
-îÂ\ 4^<{^¥^ ^a^^eid j ik pceniieb,
P^r .te: :&»«?, ipi'il js'étuidiaf. ^u|>-
étre à donucr jab'^nre d'Csprit àcmt
il âioitt doiiié pour la^ sailKe:, et ce
g^pm ^^ <lel»î oè ^dbs éctettâtt;
p'^^t celui) que Ja;lSic|rt6^p0ur né
f^(âîiielW4lwe des momirs dbla Ré'
geskce y aTQitfait:naltilèTars le dcm^
xotecement db ce siède « a£
(vij)
favDit pnîsé dans tei meilleiiresi
Ou a va depuis ce çpie cette au-
dace, pour oie pas dire cette liberté,
>iievoitc eneore produixe à la fin de
ce siècle» i
< ^Mais né perdons pas de vue
.C&anifi>rt dams cette noirvetle car-
rière^ cù je le snÎYoifr de loûi , lors**
îçrfil j entra.
II mlnformoit lui -^ même ^on
*dfe»pit>grès? de sabrante fevillante;
il me les raco2ittràt SM5 fesle, saàa
i •
m Mon cœur^if ftfttté plu» tp^ u'éùrit aarprit «^
' J^applsAiâîsso» à ses sueèés; fs^
plaudissois à sa piété vraiment fi-
liale pour sa mère qa% soulageoit.
Elle vieSIit assez pcmr jcmir de$^
Inenfaits d'un fils <pd venoît la g1i«p-
cher dans l'ombre^ on il ne rentroil
plus que poxir elle»
(vîij;)
• Je l'aliois voir presque tous Fôs
matins ; nous lisions ensemble FA-
rioste et la Fucelle^ rapprochant
l'imitation de l'original, autpur d'un
petit, poêle où nos livres se ; dessé-
choient ; et les heures s'écouloient
.avec trop de rapidité. Je le lai^ois
retourner ensuite dans le toiUrbillc)^
4a monde <]u'il m'analysôit le lendit
main , à moi qui le fuyois comme jl
le r^cherchoit. ' ^ ' ;: '.-,
Qa^d ce train . de vie . eut rcoïk-
itnué torft uû hiver .5 je m'aperçus,
avec surprise, d'une sorte de cynisme
d'esprit qu'il allioit à ce mélange de
^oûts , de sèntim'end qiki nous rap-
.prochoient :.
J'admirois ses talens; mais j^e lé
plaignois d'en racheter Féclat ^par
celui des passions . qu'il s^â^laà^
dissoit de ne point gouverner ^
et atixqudiles il se Urroît en Jffer^
cule^ avec les Jbrmes d'Adonis :
. c'étoii l'expression d'une femme qui se
piquent de faîen définir les hommes.
Du reste , il s^est peint lui-
znéme sous ce rapport , en disant :
« J'ai détrait mes passions , à peu
X près comme un homme violent
I» tne son eheyal, ne pouvant le
9 gouverner »•
Je le vis presser lui même le cours
du torrent qui l'entraîna. Je l'avoue
à regret, je renonçai dès-lors à sa so-
ciété y sans cesser de l'aimer. Je le
perdois y il me revenoit ensuite , mais
je le.ne cherchois plus. Riçn de sim*
pie n'entra depuis dans son carac-
tè^, qui se. composa de toutes lès
nuances de l'esprit de son siècle.
' Chamfort fréquenta bientôt tou-
tes les classes du monde; il suc-
comba volontairement à tontes les
tentations; des femmes avilies le
perdirent enfin , ai jenne Picore ^
qu'à peine il eut le temps de l'être.
Né avec une sensibilité . exquise ,
il avoit un tact , une finesse d'esprit
et une justesse de gi>ût, qui , pour
les beaux arts , tiennent plus ou moins
à ce précieux don. Eh î avec cela ,
il- sembloit destilié . à être la dupe
de toutes les sottises, de toutes les
folies de son siècle.
La nature l'avoit doué d'une fi-
gure aimable, spirituelle et régu-
lière 5 douce et attrayante ; mais on
y démêlpit un fond de causticité,
de morosité même, qui rendoient
son caractère fort inégal. Il étoit
sujet aux boutades/ On &'apercevoi ta
ses manières qu'il n'étoit pas né dans
le grand monde ou il s'étoxt jeté sa&s
( xj )
r^stîmer plus qu-îl ne valbît , comme
les libertins recherchent le plus les
fen^mes dolit< ils disent du mal. Il
y! étoifc gauche, et crut remplacer
ce défaut d'aisance ' ^b sy mettant
tropkà son.' aise.
'Ûédifice- de sa constitution 5 na«
turellement des plus solides , fut bien*
tôt ruiné dé fond en comble; il
dajurâv malgré lui; des • plaisirs
auxquels* il ^étoit Xvité avec trop
d'smpétuositév
-r.Bèi-lors il négligea sa toilette et
ion; faaMlIement, qu'il n'avoit, au
surplus ) jamais^ trop soignés. •
Sur ce que -jé^ Ittî bbseryoîs , Ibiig^
t^npk apirès / qu'il poussoir trbp *
loin Tattan^on de.rextâneuii et mênié
èA \ im pro^reïé <; > !il me répôtidoit :
<c' .que vaolez - ytous^? il fallait bien
ii^âtttxdoîs fi^occu^^er de plaup iiux
(>ij )
9» {èmmfis.' A quoi me servîroit-il an-
» jourd'lmî d'y prétendre »!
Je le vis, depuis cette époqne
désastreuse, oà son,pIijisiqa6-sliu&^
frit tant, ^ligé de se livrer iaax>
soins pénibles et journatiers 4'tmei
santé détabrtfe^^ prodi^ée «en pure
perte.
L9> &rtuiie lû les priratîons n'ont
)aâ)(iis tix>ii})lé son indépendance*
Sa, pliî}99Qp)i|[ç , à cet ^gaird^^ ne res-
sembloit à llnsouciancé qne parée
qn'eUe teiiioil; iHBiltr^lrQ plnsi -a Iha-
bitude 4^ se passer de ce qult n'kvoit
pas , qu'au, moindre effort pour s'^a
priver yQlontaii?epi0nl:. ' ^ ^^ '
jÇhaittfai:^ x\t dutjiçnàrintrigncij
m i^tpi «petjl^ m6jén& qu'eUe msA
ploie ; en^re moins?, à . la jspmSMkê
^ sbniciajradtèreBiefttjaÉQais appris
i:«e j^Siài Jilaia jat c<aisciwnc da
ses
• 1 i
( xiij )
ses talens ne le trompa point; elle
lui faisoit ntiême présager l'avenir
avec certitude. — * Vous voyez -là
i> ma fortune n , me dit-il froide*
ment un jour » en me montrant un
manuscrit sur la table où il écri*
Toit. Cet oit sa tragédie de Mustapha
et Zéangir. Elle lui ouvrit en effet
les portes de l'Académie, lui valut
des pensions à la Cour et la place de
secrétaire des commandemens da
prince de Condé.
C'est là que son désintéressement,
son antipathie pour l'esclavage ,
éclatèrent dans un acte de justice
rare , en faveur d'un jeune honmie
- qui depuis .... mais alors . . • • Il
étoit subordonné , et faisoit les fonc-
tions de la plabe. Chamfort supplia
leprinced'enaccorderles émolumens
avec le titre à celui qui en rem«
**
( xîv )
plîssoit les devoirs ; renonçant ponr
soi-même aux faveurs pécujijaircs ,
au logement, qui lui furent offerts en
échange de sa démission quil força
le prince à recevoir.
Chamfort , ainsi dégagé , s'ap*
partint tout entier ; mais il ne pou-
voit appartenir à un maître plus
difficile , et plus qyiinteux.
. Ni le monde, ni la solitude ne
lui plaisoient ; il f^Uoit bien revenir
ail premier, lorsqu'il s'étoit reposé
du chemin qtfil avoit fait pénible-
ment vers J'autre; et il en étoit
bientôt si las ! et puis il étoit si
propre à ce manège, ou l'on tour-
île sans ces$e dans le. même cercle!
11 y étoit si fêté ! 11 n'avoit qu'à se
laisser aller, pouï. ainsi dire, à sa
pente naturelle , et il se retrouvoit
pprté dans le monde sans s'apercevoir
( XV )
de ce qnî l'y ramenoit , pour en mé-
dire à la journée : comme il se faisoit
rechercher des grands , pour ayoir
J'air de les fuir 9 et se ménager le droit
de les tancer plus à son aisé ! C'étoit là
son élément; ce sera toujours celui
de quiconque confondra Taudace
avec la liberté. Cette audace est de
tout dire et de penser bien haut de-
vant ceux qui n'osent ou ne peuvent
ïii l'un 5 ni l'autre , et qui vous sa-
vent toujours gré de l'oser pour
eux. Le plus sûr moyen de plaire
et d'être à la mode , le voici :
c'est de donner de l'esprit à ceux
qui n'en auroient pas sans vous;
et personne ne posséda cet art
comme Chamfort.
Enfin 5 las de jouer le rôle de phi-
losophe et de bel esprit , moitié cyni-
que 5 moitié contemplatif I il rencon-
( xvj )
f re une femme bien vive , bien spiri-
tuelle , sur le retour de Tâge comme
lui. C'étoit la veuve d'un médecin ,
qui avoit été belle ; avec une physio-
nomie pleine d'ame et d'expression ;
parlant bien, mais beaucoup trop
peut être pour toujours bien par-
ler; elle avoit conservé tout l'em-
pire de son sexe , qu'elle n'exerçoit
plus que sur le cœur, par l'esprit
qu'elle avoit aussi jeune ^ aussi air-
mable qu'à quinze ans. Ils s'attachè-
rent bientôt l'un à l'autre, et réso-
lurent de se dérober à ce tourbiUon
fantastique où ils s'ét oient rencontrés ,
pour ne plus se quitter» Us con-
viennent d'aller vivre à quelques
lieues de Paris , pout n'y plus re-
venir. Chamfort m'en fait part, et
je reçois leurs adieux^vec l'émo-
tion que devoît m'inspirer le bon-
( xvîj )
beur de mon ami. Car , pour avoir
aimé toutes le^ femmes dans sa jeu-
nesse, il n'en, avoit jamais possédé
réellement une seule ; et s'il pouvoit
se promettre d'être heureux , ce
ne devoit être q[u^avec une femmç
de cette trempe, et qui fût son
amie. J'ai vu Chamfort laimer
aussi ardemment qu'une maîtresse ,
aussi tendrement que sa mère. A
peine étoient-ils établis dans cçtte
retraite où ils voûloient recommen-
cer à vivre , que cette femme mou-
rut. Il en fut affligé comme de
la perte la plus sensible qu^ ait
éprouvée (*).
C'étoit sa volonté qu'il perdoit
en elle ; car il n'àvoit jamais eu jus-
■
(*) C'est à Toccasion de sa mort^ suivant
( XVllJ )
qne-Ià qne des caprices 5 comme tin
enfant mal élevé pour lequel il faut
vouloir. Il revint à Paris , et re-
m \ \ I II ■< !■■ Il I I I I ■ I M
toute apparence'^ qu'il fit ces beaux vers
de seiitimènt :
A CELLE QUI N'EST PLUS.
Dans ce moment épouvantable
Où des sens fatigués , des organes rompiu
Xa mort arec fureur déchire les tissus ;
Lorsqu^en cet assaut redoutable
L^ame , par un dernier effort,
Xutte contre ses maux et dispute à la moit
Du corps qu^ellé animoit le débris périssable :
Dans ces momens affreux où l'homme est sans appui^
Où l'amant fuit T amante , où Pami fuit l'ami ;
Hoi seul y en frémissant y j'ai forcé mon courage
A supporter pour toi cette effrayante image. *
De tes derniers combats j'ai ressenti Phorrenr ,
Le sanglot lamentable a passé dans mon cœur.
Tes yeux ^'t^ y muets , où la douleur est peinte
D'un sentiment plus doux sembloient porter l'empreinte*
Ces yeux que j'avois tu par l'amour animés y
Ces yeux que j'adorois ; ma main les a fermai ! '
( ^^^ )
tomba dans ses inconséqnences; il
y reprit tout le train de la vie
tnmuhueuse à laquelle il étoit ac-
coutumé.
Les sociétés les plus brillantes
alors se le disputent. 11 cède encore
à l'enipressenient 5 aux caresses des
grands. Buffon dit que le chat res-
semble au courtisan , mais que le
cbien est un ami. Celui-ci se laisse
enchaîner; la faveur même ne peut
captiver l'autre. Aussi les ennemis
de Charafort le comparoient-ils au
premier , dont on sent les griffes
en le caressant. M. de Vaudreuil,
l'homme le plus aimable de la Cour,
qui avoit le plus de goût et de
cette véritable noblesse qui em-
preint les actions comme les ma-
nières, lui offrit un logement chez
lui; Chamfort accepta. Je le ren-
(Xi)
contrai quelques )ours après; il m«
conta tout. Je le connoissois bien;
et je lui demandai s'il fer oit un long
bail dans ce nouvel appartement :
c^est à la i>ie et à la mort , me ré-
pondit-il ; ce sont ses propres ex-
pressions. On a vu conmie il tint
parole , à cette époque où le parti
de Mirabeau , qu'il embrassa , ne
pouvoit s'allier avec aucune sorte
de reconnoissance.
Là il vécut en original , pour tran*
cher davantage avec des hommes
qui se ressembloient tous par l'a-
mabilité, les grâces de l'esprit et
le meillenr ton de société. C'étoit
une espèce d'ours qui ne s'apprî-
voisoit qu'en spectacle. Alors on
obtenoit de lui mille tours, mille
gentillesses d'esprit. Il lisoit , dans
cette société , des aperçus rapides^
(^j )
des contes pleins de finesse , de légè-
reté , et de malice en applications.
Cfaaqae trait lancé arriToit à son
but, étoit aussitôt recaeilli; lien
A*étoit perdu pour une société choisie
qui relevoît la moindre grâce avec
le même charme qui Favoit fait
naître. C'est pour elle qnll imagina
de peindre les soirées de Ninon ,
qu'il y récitoit , en vers qn on
ne sauroit trop regretter» et qui
nous ont été dérobés dans Tabandon
des derniers momens si cruels de
sa vie. Morceau le plus piquant,
peut-être, de ce genre de com-
position qui lui étoit si propre, et
dont fl me lut quelques fragmens
en particulier. Cétoit le sel attique ;
c'étoit la grâce unie au savoir faire ;
une facilité qui cache d'autant plus
d'art qu'elle est le sceau de la per-
( xxiv )
« Ma vie entière est un tissu de
» contrastes apparens avec mes
» principes. Je n'aime point les
» princes )' et je suis attaché à une
» princesse et à un prince. On ine
» connoit des maximes républi-
» caines , et plusieurs de mes anods
» sont revêtus de décorations mo-
» narchîques. J'aime la pauvreté vo-
)» lontaire, et je vis avec des gens
» riches. Je fuis les honneurs, et
» quelques-uns sont venus à moi.
» Les lettres sont presque ma seule
» . consolation , et je ne vois point de
» beaux esprits , et^ ne vais point à
j l'Académie. Ajoutez que je croîs
9) les illusions nécessaires à l'homme »
9 et je vis sans illusion; que je crois
» les passions plus utiles que la rai-
» son, et je ne sais plus ce que
» c'est que les passions, etc. »
Après
Après avoir fiiit assez cosnoitre
la personne, Tesprit, et le carac-
tère de Chamfort, il; nous reste à
dire : un piot de ^es ouvrages. Ils
sont len petit nppibre ^ et la question
à laquelle il va répondre lui-même , .
nous dispensera . . dfen irechercher
d'autres motifs qyio ceux qu'il nous
fournit* Il n'étoit point oisif, puisw
qu'il ob^exvoit ,beaupiOup dans la*.;
société ; mais le . tr^ty^U du çabinei,
quoiqu'il fat né * ^fkmr PappUcatiçn ; .
comme .son goûl^fa^^ri, pour le jeu-r
des échecs râtteslie', 9^<1^> couyerfi
noit plps depuis. ; qu'il avpit ruiné
sa^santé^ U a travaillera difféiren^ die- :
tîcxnnaires^ tels';C(ue ceu^. du granci
Vocabulaire frajQçiais 9' et des Tkéâ*
très 5 etCi., etc.. Le Mercure lui,
dut -quelques^ articles .vers la fin
de sa vie: mais ses deux éloges de
** *
( 3txvj )
Molière et de La Fontaike sont
ses œuvres les plus marquantes,
puisque sa seule tragédie, Mustapha
et Zëangir , n'est point restée au
théâtre , quoique supérieurement
écrite et dans le style qu'il s'étoit
fait d'après Racine \ puisque seé co-
médies de la Jeune Indienne et du
Marchand de Smyme , qui sont
restées au théâtre , méritent à peine le
titre- de comédies^ dans deux genres
si différens. U ^embloit pourtant dis**
p^si, pat Tes^t d'observation, à
devenir un ^poëte comique; mais il
ne fiit qu'un très-bel esprit , non
moins solide que briQant et cultivé
par les meilleui^es* études , avec lé
taét et le goût le plus sûrs. On peut
en juger par ses notes charmantes (^)
-■**■
(i) Elles se trouvent d^sPéditioa des tiois
Fabulistes y imprimée par Delance^
( xxvij )
sur La Fontaine , qui ne furent que
ses études avant d'en composer
réloge.
Ses œuvres , recueillies par l'amitié
d'un homme de lettres , forment qua*
tre volumes in-8®«,qui perdroient
peu de leur valeur en retranchant
de cette collection beaucoup de
choses inutiles à la réputation de
Chamfort. Cest un mauvais ser-
vice que rendent souvent les édi-
teurs à la mémoire des hommes
célèbres, que d'imprimer tout ca
qui n'en est pas digne. C'est ainsi
que Firon fut enterré sous le poids
d'une édition trop volumineuse.
Outre les Soirées de Ninon ^ qmi
sont perdues , on doit regretter de»
fragmens d'un poëme sur la Fronde^
dont Chamfbrt s'étoit occupé.
On ne trouvera , pour ainsi dire y
( xxviij )
^lans le Chamfortiana , que de l'esprit
de société , dont il se plaisoit à consi-
gner sur des feuilles volantes , chaqtie
soir qu'il en reVénoit, les traits les plus
saillans qui lui. létoient échappés ,
pu qu'il y sivoit, recueillis. Tout le
znpnde sait dailleurs ce qu'il faut
chercher dans ce qu'on appelle Ana,
X^e&t l'esprit . n^énie du siècle qui
s^y peint cudinairement , et se ré-
fléchit comme dans un miroir fidelle.
Les Jtina étoient sayans lorsqu'on Té-
toit ;Kîelui-ci ne l'est point. C'est donc
de l'esprit seul de ce siècle qu'il est for-
mé , l'érudition n'y entre pour rien;
c'est une gaze légère au travers de la->
quelle se distinguent à nu des formes
qu'on « ne cache plus. Ce sont des
Viiœurs, des anecdotes piquantes ,
auxquelles on a joint des observa-
tions fines et des réflexions dont
( zxbt }
la plupart ont été extraites dans
le Journal de Paris , et le Mercure.
Four justifier Tépigraphe de eette
notice , on nous saura peut-être gré
de faire connottre une ode de Cham-
fort à la YiBiTÈj qui n'est pas
dans ses œuvres, et remporta le
prix des jeux Floraux en 1768 :
nous rinsérons ici , quoiqu'elle soit
d'un genre Ëien différent du Cbam-
leORTlAVA.
ODE
A L A T É R I T É»
DxscxvDS de ta sphère éternelle,
O ydrité ! ccmtieiis ma rois.
Descends , Tiens renger ta ^erelle^
Rédame tes angnstes diùhs.
I«e penrers f outrage et t^abhonre,
JLe sage trop sonyent tHgpore ;
Et Pobscnr amas des martels y-
Mémeen t'implotantparieiblessey .
Craint d'ennsagier la déesse
Dont il embrasse les autels.
Favt-iz.. que loin de>notre yne,
Tbn trône éclatant soit placé ! . .
Ah ! que du moins perçant la nue
Un rayon vers nous soit lancé.-
Vois ce soleil dans sa carrière ;
Son intarissable lumière
Dans nos yeux entre gvec douceur:
Qbe ne ^uY ta Tîve influence y*
En imîtiautisa^ieiifaistfnce» ' •<
Penser ains^notre cœlir ! - r
Ij*ÛirxTBR8> heureux et paisible
Ke connoît^oit aucun fléau;
Thémis , pour être incorruptible^ . :
N'auroit plus besoin 4e bandeau;
Et le fanatisme barbare, '
Odieux ènfimtdwTéiiarf^ .. S.
Qui se dit le rengeur des, cieiqc;
Enchaîné par ta maiip puissante \
Au fond de sa prisoi^ br&lante ' .
Etoufferoit ses cris nfireux.
Lb mensonge, la perfidie
Loin des Cours eftt fui pour jamaiff)
Du sage la yoix plus hardie
Eût dit aux rois dans leiirt pjilaia,:.
\
\
( xxxj .)
If
Om y je vous dois Pobéissance »
Je oi'anne pour votre défense;
Maïs quand je combata pour mes rois
On me doit des jours sans alarmes j
Et Phonneur d'essuyer nos larmea
Est le plus noble de Yosdroiu. •
lo îi
RovGzssBz de Totre génie ,
Vous 4 politiques imposteurs »
Complices de la tyrannie
Dont TOUS consacrez les fureurs*
J'entends yotre yoix mercenaire
Crier aux maîtres de la terre ; .
<f Vos sujets sont formés pour toiis}
» Aucun devoir ne tous engage ;
» Ramper I gémir est leur partage |
» Heureux de tivre à Yos genoux ! » ,
Qir* vv courtisan noirci de crimes |
Habile dans Part de ramper ,
Empoisonne de ces maximes
Le monarque qu*il veut tromper |
Il entrevoit sa récompense ;
Il Ta dévorer la substance
( XXXÎJ )
De font un penple gémmasr.
Je hais nn flatteur exécrable,
J'e plains un tyran méprisable ,
£t je me tais en frémissant.
lilAzs TOUS dont la yoix libre et sage
A.UX mortels doit la Térité,
Àyez-yons cru lui rendre hommage
En trahissant rhumanité!
Ke pesez plus ma destinée.
Pourquoi d'une main forcenée
Me jeter sous un joug d'airain ^
Et pourquoi d'un' sceptre paisible
Formez-yous un glaiye terrible
Que yous appuyés mu mon seiitl
t : ■ '
Ftrxs loin de moi, mortel profjpi^e^
Qui par le mensonge inspiré ,
A de Clio y quLte condamne V
Ayili le burin sacré..
Je te l'arrache ayec colère :
Je yeux que sur l'airain séyère
n graye ta honte à faniais.
Tu brises fa digue impuissante
Que d'un Dieu là main bienfaisante
C^poioii aux heureux ibrfaita>
( xxxîij )
O douleur ! un tyran féroce
Dans le sang se sera plongé y
Il rend en paix son ame atroce ;
EtrUnirers n'est pas vengé !
Si dans nos cœurs il pouvoit lire
L'horreur , le mépris qu'il inspire ;
Mais d'encens il meurt enivré . . .
Ah ! que l'histoire inexorable
Flétrisse au moins ce nom coupable y
Immortel pour être abhorré.
ViRiTB y confonds l'artifice y
Démens les fourbes , les flatteurs !
Et toi , Postérité propice ,
Dispense avec choix les faveurs !
N'offre aux respects de tous les âge«
Que les vrais héros , les vrais sages \
Et que ta sévère équité
Jfouvre le temple de Mémoire
Qu'à ceux qui marchent à la gloire
Sur les pas delà Vcrité.
( XXXV )
QUESTION.
. *
Pourquoi ne donnez-^ous
plus rien au ^public ?
" RÉPONS ES
DE CHAMBO R T.
C'est que le public me paroît
avoir le comble du mauviiis
goût et la rage du dénigrement.
C'est qu'un homme raison-
nable ne peut agir sans motif,
et qu'un succès ne nie feroit
asicun plaisir, tandis qu'une,
disgrâce ijne . feroit peut-être
beàuconâp^ de peine.
C'est que je ne dois paii
( XXXVj )
troubler mon r^epps», pa^ce que
la compagnie prétend qu'il faut
divertir la compagnie.
C'est que' jè^^trayailtepout»\
les Variét^ amusanjtesj, qui
sont le, théâtre ^e la nation,
et que je mène de front, avec
cela, !un ouvrage philosophi-
qufe V m^^ ^^^^ ' ^^^^ imprimé à
rimprimèrié royalçf. ^'\ »
C'est que le- public en me
avec les gens de lettres comme
les racoleurs du pont StrMî-
cbel âVeo^ceuxi qu'ils éçrâient,
enivrés^ le premier: jour»; dix
écusj et desbotipadè l^âltott 'te
resté de leur viç. i*|* U / <
C'est
( xxxvî} ),
C'est qu!oïi me presse ôjb^
travailler , par la même raison^
que ,; qu^nd on se m§t à sa fe-
nêtre; on souhaite de voir pas-H
3er dans les ru^,,des singes,
ou des , meneur53, d'ours.
Exemple de M. Thoma^j^
insulté pejidailt toute, sa vie
et loué après sa mort.
C'est qûéî j'ai peur de mou-
rir sans avoir véau.v
C'est que tout ce qu'on mè
dit'^c^wrm'engâger à onae pro-
duire, est bon à dire à Sainte
Ange et à Murville.
^ ^ C'est qiœ j'ai à travailley
( xzxvnj )
et que les succès perdent du
temps.
C'est que je ne voudrois pas
faire comme les gens de lettres ,
qui ressemblent à des ânes ^
ruans et se balttans devant un
ji^atelier vide.
C'est que si j'avoîs donné à
mesure les bagatelles dont je
pouvois disposer, il n'y auroit
plus pour moi de repos sur
la terre.
C'est que j'àime mieux l'es-
time des honnêtes gens , et
mon bonheur particulier , que
«quelques éloges, quelques éCUs,
( XXXJX )
avec beaucoup d'injures et de
calomiiiès. ; . ,i.
C'est que s'il y a un homnie
sur . la terre qui ait le droit
de vivre pour lui ; c'est moi ,
après les méchancetés qu'on
m'a f9ite3 h chaque supcès que
j'ai obtenu^
i G'ést (que jamais ^ comme dit
Bacon, on n'a vu marcher en-
semble la gloire et le repos.
* Parce que le ptjblîo n-ç Sj'iyité-
resse qu'aux succès qu'il n'es^
tiQ;ie pas.
Parce que je resterois à
moitié chemin de la gloire de
Jeannot
(xl)
Parce que j'en suis à ne
plus vouloir plaire qu'à qui me
ressemble. • ^
C'est que plus mon affiche
littéraire s'efface , plus ^ )e suis
heureux. ,
C'esï que j'ai connu presque
tous les hommes célèbres 'de
nottè tcmj)6 , ^^t que je les' ai
vu ifialheureux par cette belle
passion de célébrité , et mourir,
ïiprès avoir dégradé par elle
leur caractère moraL
CHAMFORTIANA.
La plupart des faiseurs de recuefls
de vers ou de bons mots ressemblent
à ceux qui mangent des cerises ou
des huîtres^ choisissant d'abord les
meilleures , et finissant par tout
manger.
Les fripons ont toujours un peu
besoin de leur honneur , à peu près
comme les espions de police, qui
3ont payés moins cher quand ils
Voient moins bonne compagnie.
n faut convenir qu'il est impos-
sible de vivre dans le monde , sans
jouer de temps eu temps la comédie.
(O
Ce qui distingue l'honnête homme
du fripon , c'est de ne la jouer que
dans les cas forcés , et pour échap-
per au péril , au lieu que l'autre va
au-devant des occasions.
La philosophie 5 ainsi que la mé-
decine , a beaucoup de drogues , très-
peu de bons remèdes , et presque
point de spécifiques.
La plupart des nobles rappellent
leurs ancêtres , à peu près comme un
Cicérone dlt^lie rappelle Cicéron.
C'est Une belle allégorie, dans la
bible , que cet arbre de la science
du biisn et du mal qui produit la
jnprt. jCet emblème ne veut-il pas
dire que , lorsqu'on a pénétré' le fond
4es choses , la perte des illusions
Ê (3)
^Ê amène la mort de Tame ; c'e8t*à-dîre ^
V un désintéressement complet sur tout
W ce qui touche et occupe les autres
F hommes.
Je ne suis pas plus étonné de voir
, un homme fatigué de la gloire » que
je ne le suis d'en voir un autre
importuné du bruit qu'on fait dan$
son antichambre.
On souhaite la paresse d'un mé-
chant , et le silence d'un sot.
Ce qui explique le mieux comment
le mal-honnéte homme , et quelque-
fois même le sot , réussissent presque
toujours mieux , dans le monde , quq
l'honnête homme et que l'homme
d'esprit , à faire leur chemin , c'est
que le mal-honnéte homme et le sot
(4)
ont moins de peine à se mettre àù
courant et au ton du monde qui,
en général , n'est que mal-honnêteté
et sottise ; au lieu que llionnêtB
homme et l'homme sensé , ne pou-
vant pas entrer sitôt en commerce
avec le monde, perdent un temps
précieux pour la fortune. Les^ uns
sont des marchands qui , sachant
la langue du pays , vendent et s'ap*
provisionnent tout de suite, tandis
que les autres sont obligés d'appren*
are la langue de leurs vendeurs et
de leurs c]|)alands , avant que d'ex-
poser leurs marchandises , et d'en-
trer en traité avec eux. Souvent
même ils dédaignent d'apprendre
cette langue, et alors ils s'en re-
tournent sans étrçnner.
Il 7 a des sottises bien babii^
(S)
lëes , conmie il y a des sots très-bien
yêttts.
Notre raison nous rend quelque-
fois aussi malheureux que nos pas-
sions ; et on peut dire de Thomme ,
quand il est dans ce cas , que c'est
un malade empoisonné par son mé-
decin.
Les médecins et le commun des
hommes ne voient pas plus clair
les uns que les autres dans les ma-
ladies , et dans Tintérieur du corps
humain. Ce sont tous des aveugles ;
mais les médecins sont des quinze-
vingts qui connoissent mieux les
rues, et qui se tirent mieux d'affaire.
Qu'est-ce qu'un philosophe ? c'est
un homme qui oppose la nature à la
(6)
loi, la raison à fasage, sa conscience à
Topinion, et son jugement à Terreur.
Un sot qui a un moment d'esprit ,
étonne et scandalise , comme des
chevaux de fiacre au galop.
L'importance, sans mérite 9 ob-
tient des égards sans estime.
Grands et petits, on a beau faire,
il faut toujours se dire comme le fia-
cre aux courtisannes, dans le moulin
de Javelle : vous autres et nous autres ,
nous ne pout^ons nous passer les
uns des autres.
Quelqu'un disoit que la providence
étoit le nom de baptême du hasard :
qudque dévot dira que le hasaîrd est
un sobriquet de la providence.
(7)
plus perdue de toutes les jour-
nées 9 est celle où Ton n'a pas ri.
En apprenant à connoitre les maux
de la nature , on méprise la mort ; en
apprenant à connoitre ceux de la so*
ciété y on méprise la vie. ,
, L'homme pauvre , mais indépen*
dant des hoipmes , n'est qu'aux or-
dres de la nécessité. L'homme riche ,
mais dépendant , est aux ordres
d'un autre homme ou de plusieurs,.
L'opinion publique est une juri-
diction que l'honnête homme ne doit
jamais reconnoître parfaitement , et
qu'il ne doit jamais décliner.
''Vivre est une maladie doutée
sommeil nous soulage toutes les i6
(8)
heures. C'est on palliatif. La mort
est le remède.
Il y a deux choses auxquelles il
faut se faire , sous peine de trouver
la vie insupportable. Ce sont les in*
jures du temps et les injustices des
Hommes.
Je ne conçois pas de sagesse sans
défiance. L'écriture a dit que le com-
xnencement de la sagesse étoit la
crainte de Dieu; moi, je crois que
c'est la crainte des hommes.
Un homme sans élévation ne sau-
roît avoir de bontés il ne peut avoir
que de la bonhommie. . >.i
Si Diogènes viyoit de nos jours, il
faudroit que sa lanterne fût une
lanterne sourde.
(9)
La fortune et le eostiime qui l'en*
toure , fait de la vie une représen-
tation au milieu de laquelle il faut
que rhomme le plus honnête devien-
ne, à la longue 9 comédien malgré
lui.
L'estime vaut mieux que la célé-
brité ; la considération vaut mieuiC
que la renommée ; et l'honneur vaut
mieux que la gloire.
Les gens foibles sont les troupes
légères de l'armée des méchans. Ils
font plus de mal que l'armée même ;
ils infestent et ils ravagent.
L'habileté est à la ruse ^ ce qûô
la dextérité est à la filouterie.
L'entêtement représente le carac'*
( lO )
ière^ à peu près comme le tempéra^
ment représente Vamôur.
Amour, folie aimable ; ambition,
sottise sérieuse.
»
n faut être juste avknt d'être gêné*
reux , comme on a des chemises
ayant d'avoir ^es dentelles.
Le changement de modes est l'im-
pôt que l'industrie du pauvre met
sur la vanité du riche.
Le rôle de l'homme prévoyant est
assez triste. II ajGBige s^s amis, en leur
annonçant les malheurs auxquels les
expose leur imprudence. On ne le
croit pas ; et quand ces malheurs sont
arrivés , ces mêmes amis lui savent
mauvais gré du mal qu'il a prédit;
(")
leur amonr propre baisse les yeux
devant Fami qui devoît être leur
consolateur, et qu'ils auroient choisi
s'ils n'étoient pas humiliés en sa
présenee.
Celui qui veut trop faire dépendre
son bonheur de sa raison , qui le
soumet à l'examen , qui chicane ^
pour ainsi dire , ses jouissances , et
n'adinet que des plaisirs délicats^
finit par n'en plus avoir. C'est un
homme qui » à force de faire carder
son matelas, le voit diminuer, et
finit par coucher sur la dure.
Quand on a été bien tourmenté,
bien fatigué par sa propre sensibilité,
on ^'^perçoit qu'il faut vivre au jour
le jour, oublier beaucoup, enfin, épon^
gcrla ^fà à mesure qu'elle s'écoule»
( la)
La fausse modestie est le plus dé*
cent de tous les meusonges.
En parcourant les mémoires et- les
mônumens du siècle de Louis XIV ,
on trouve , même dans la mauvaise
compagnie de ce temps-là, quelque
chose qui manque à la bonne d'au-
jourd'hui.
Qu'est-ce que la société, quand la
raison n'en forme pas les nœuds ,
quand le sentiment n'y jette pas d'in-
térêt , quand elle n'est pas un échange
de pensées agréables et de vraie bien-
veillance ? Une foire , un tripot , une
auberge , un bois , un mauvais lieu et
des petites - maisons ; c'est tout ce
qu'elle est tour à tour pour la plu-
part de ceux qui la composent.
On ne peut vivre dans 1^ société
après
(i3)
après l'âge des passions. Elle n'est
lolérable que dans Tépoque où l'on
se sert de son estomac pour s'amu-
ser , et de sa personne pour tuer le
temps.
>
Cest bien mal fait, disait M# . . î
d'avoir laissé tomber le cocuage»
c'est-à-dire , de s'être arrangé pour
que ce ne soit plus rien. Autre-
ibis , c'étoit un état dans le monde |
comme de nos jours , celui de joueur.
A présent ce n'est plus rien du tout.
i
La société est coiiiposée de deux
grandes classes : ceux qui ont plus
de dînes que d'appétit , et ceux qui
ont plus dfappétit que de dinés.
Amitié de Cour, foi de renardç,.
et société de loups.
(14)
On n'imagine pas combien il fant
d'esprit pour n'être jamais ridicule.
A voir Ip 3oin cjue les conventions
sociales paroissent avoir 'pri3 d'é^
carter le mérite de toutes les places
çù il pourroit être utile à la société ,
^n examinant la ligue des sots.contrç
les gens d'esprit , on croiroit voir une
conjuration de v^let§ poiir farter
)es maîjtre^.
Les bourgeois , par un entêtement
ridicule , font det leurs filles un fumier
pour les terres des gens de qualité*
Jiàes gens qui élèvent les princes et
qui prétendent leur donner une
bonne éducatiQn , après s'être sou-
mis à leurs formalités et à leurs avilis-
santes étiquettes , ressemblent à des
V.
( iS)
maîtres d'arithmétique, qui VOtL-»
droient former de grands calcula*
teurs , après avoir accordé à leurs
élèves que trois et trois font huit.
•
Le inonde et la société ressemblent
à une bibliothèque où , au premier,
coup d'oeil , tout paroît en règle , par-
ce que les livres y sont placés suivant
le format et la grandeur des volumes ,
mais où , dans le fond , tout est en
désordre, parce que rien n'y est
rangé suivant l'ordre des sciences,
des matières , ni des auteurs.
L'expérience qui éôlaire les parti-
culiers , corrompt les princes et les
gens en place. .
L'état de courtisan est un mé-
tier dont ou a voulu faire une
(»6)
science. Chacun cherche i se hausser.
Lqs magistrats chargés de veiller
sur Tordre public , tels que le lieu-
tenant criminel , le lieutenant civil ,
le lieutenant de peliez, et tant
d'autres , finissent presque toujours
par avoir une opinion horrible de
la société. Us croient connoître les
hommes , et n'en connoissent que le
rebut. On ne juge pas d'une ville
par ses égoûts , et d'une maison par
ses latrines. La plupart de ces ma-
gistrats me rappellent toujours le
collège , où les correcteurs ont une
cabane auprès des commodités, et
n'en sortent que pour donner le fouet*
C'est la plaisanterie qui doit faire
justice de tous les traversdes hommes
çt de la société. C'est par elle qu'oA
(ï7)
évite de se compromettre. Cest par
elle qu'on met tout en place sani
sortir de la sienne. C'est elle qui
atteste notre supériorité sur les
choses et les personnes dont nous
nous moquons*, sans que les person-
nes puissent s'en offenser , à moins
qu'elles ne manquent de gaieté ou de
mœurs. La réputation de savoir bien
manier cette arme dcnme à l'homme
d'un rang inférieur , dans le monde
et dans la meilleure compagnie, cette
sorte de considération que les mi-
litaires ont pour ceux qui manient
supérieurement Tépée. J'ai entendu
^dire à un honmie d'esprit : ôtez à la
plaisanterie son empire , et je quitte
demain la société. C'est une sorte
de duel où il n'y a pas de sang vetsé,
et qui y comme l'autre , rend les
hommes plus mesurés et plus polis»
n y a des choses indevinables
pour un jeuue homme bien né. Com-
ment se défieroit-on , à vingt ans , d'un
espion de police y qui a le cordon
rouge ?
Les coutumes les plus absurdes,
les étiquettes les plqs ridicules , sont
en France et aflleurs sous la pro-
tection de ce mot : c'est Vusage.
C'est précisément ce mot que ré-
pondent les Hpttentots, quand les
Européens leur demandent pourquoi
ils mangent des sauterelles ; pour-
quoi ils dévorent la vermine dont ils
\ sont couverts. Us disent aussi : c'est
i Fusage.
Qu'est-ce que c'est qu'un fat sans
sa fatuité ? Otez les ailes à un papil-
^n, c'est une chenille
('9)
Les courtisans sont des pauvres en-
xicliis par la mendicité.
Des qualités trop supérieures ren-
dent souvent un homme moins propre
à la société. On ne ya pas au marché
avec des lingots; on y va avec de
l'argent ou de la petite mpnnoie.
La société , les cercles , les salons ,
ce qu'on appelle le monde ^ est une
pièce misérable , un mauvais opéra y
sans intérêt , qui se soutient un peu
par les machines et les décorations.
Quand on veut plaire dans le
monde , il faut se résoudre à se laisser
apprendre beaucoup de choses qu'on
sait , par des gens qui les ignorent.
Dans un pays où tout le monde
(âo)
cherche à paraître ^ beaucoup de
gens doivent croire , et croî^it en
effet , qu'il vaut mieux être banque*
routier que de n'être rien.r
La menace du rhume négligé est
pour les médecins , ce que le pur»
gatoire est pour les prêtres, un
Pérou.
Les conversations ressemblent aux
voyages qu'on fait sur l'eau : on s'é-
carte de la terre sans presque le
■sentir, et l'on ne 3'aperçoit qu'on a
quitté le bord que quand on est déjà
bien loin.
On est plus heureux dans la soli-
tude que dans le monde. Cela ne vien-
droit-il pas de ce que dans la solitude
on pense aux choses, et que dans le
(21)
monde on est forcé de penser aux
jiommes ?
On dît quelquefois dW homme
qui vit seul : il n'aiitie pas la société.
C'est souvent comme si on disoit d'un
homme, qu'il n'aime pas la prome-
jiade, sous le prétexte qu'il né se
promène pas volontiers le soir dans
la forêt de Bondjr*
Un homme d'esprit est perdu , s'il
ne joint pas à l'esprit l'énergie du
caractère. Quand on a la lanterne de
Diogène , il faut avoir son bâton.
Il ne faut point s^étonner du goût
de J.- J. Rousseau pour la retraite ;
de pareilles âmes sont exposées à se
voir seules , à vivre isolées , comme
l'aigle; mais comme lui, fétendui^
de lenrs regards et la hauteur de
leur vol , est le charme de leur solî*
tude.
Quiconque n'a pas de caractère
D^estpas un homme , c'est une chose.
On a trouvé le moi de Médée su-
blime; mais celui qui ne peut pas
le dire dans tous les accidens de la
vie est bien peu de chose.
Tout homme qui se connoti des
sentimens élevés a le droit , pour se
faire traiter comme il convient,
de partir de son caractère, plutôt
que de sa position.
■
Il y a des hommes à qui les il-
lusions sur les choses qui les intéres-
sent sont aussi nécessaires que là vie*
(â3)
Qael<}ae{bis cependant ils ont des
aperçus tfuîferoient croire qu'ils sont
près de la yérïté ; mais ils s'en éloi-
gnent bien vite , et ressemblent aux
enfans qui courent après un masque,
et qui s'enfuient si le masque vient à
se retourner.
Le sentiment- qu'on a pour la plu*
part des bienfaiteurs, ressemblée la
reconnoissance qu'on a pour les ar-
racheurs de dents. On se dit qu'ils
vous ont fait du* bien , qu'ils vous
ont délivré d'un mal, mais on se
rappelle la douleur qu'ils ont causée ,
et on ne les aime guère avec tendresse.
Tout bienfait qui n'est pas cher au
cœur est odieux. C'est une relique ,
ou un os de mort. Il faut l'enchâsser
ou le fouler aux pieds.
(M)
La plupart de» bienfaiteurs qtn
prétendent être caché» , après vous
avoir fait du bien , s'enfuient comme
la Galatée de Virgile : et se cupU
ante videri.
On dit communément qu*€m*s*at-
tache par ses bienfaits. C'est une
bonté de la nature* 11 est juste que
la récompense de bien faire soit
d'aimer.
La calomnie est comirie la guêpe
qui vous importune, et contre la-
quelle fil ne faut faire aucun mouve-
ment , à moins qif on ne soit sûr de
de la tuer , sans quoi elle revient
à la charge, plus furieuse que Jamais.
La plupart des amitiés sont héris-
sées àesiet de TTzai^ ^ et aboutisseat
a
(â5)
à de simples liaisons , qui subsistent
à force de sous-entendus.
Il y a entre les mœurs anciennes
et les nôtres le même f apport qui
se trouve entre Aristide , contrôleur-
général des Athéniens, et Tabbé
Terray.
Il y a peu de bienfaiteurs qui ne
disent comme Satan : si cadens àdo^
raveris me.
La pauvreté met le crime au
rabais.
L'amitié extrême et délicate est
souvent blessée du replis d'une rose.
La générosité n'est que la pitié des
âmes nobles.
3
(26)
Jouis et fais jouir, sans faire de
mal ni à toi , ni à personne ; voilà,
je crois, toute la morale*
• • •
* Pour les hommes vraiment hon*
nêtes , et qui ont de certains prin-
cipes, les commandemens de Dieu
ont été mis en abrégé sur le {ron«
tispice de l'abbaye de Thelême \Jm
ce (pic tu» poudrai r
Jaî détruit mes passions^ à peu
près comme un homme violent tue
son cheval, ne pouvant le gouverner.
Le jansénisme des chrétiens, c'est
le stoïcisme des païens , dégradé de
figure et mis à la portée d'une po-*
Palace chrétienne; et cette secte
a eu des Pascal et des Arnaud pour
défenseurs j
L'amour est comme leé mal^jî^i
épidéiuiques ; plus ou les cxaiut, plus
on y est exposée
. XJn homme amoureux e$t ç^
homme qui veut être plus aimable
qu'il ne . peut ; et voilà pourquojl
presque tous les amoureux sont
ridicules.
Les femmes ont des fantaisies ,ded
engouemens , quelquefois des goûts.
Elles peuvent même s'élever jus-
qu'aux passions. Ce dont elles sont le
moins susceptible, c'est Fattachf^
ment. Elles sont faites pour commer-
cer avec nos foiblesses , avec notre
folie, mais non avec notre raison.
11 existe entre elles et les hommes
des sympathies d'épiderme , et très-
peu de sympathies d'esprit , dame et
(48)
%ie Caractère. C'est ce <pi΀^t prouvé
par le peu de cas qu'elles font d'un
homme de 40 ans. Je dis^ même celles
qui sont à peu près de cet âge. Obser-
vez que quand elle^ lui accordent
tme préférence , c'est, toujours d'après
qwèlqùes vues mal-honnêtes , d'après
im calcul d'intérêt ou de.v^nité , et
alors l'exception prouve larègle, et
même plus que la règle. Ajoutons
que ce n*esf pas ici le cas de Taxiome:
qui prouve trop ne prouve rien.
' Oiez l'^amour propre de Famour,
il en reste trop peu de chose. Uhc
fois purgé de vailité, c'est un con-
valescent affoibli ^ qui peut à peine
se traîner.
Xfamour , tel qu'il existe dans la
société j n'est que l'échange de deux
fantaisies, et le contact de deux
épidermes.j
On vous dît quelquefois , pour vous
engager à aller chez telle ou telle
femme : elle est tres-aimahle : mais
si je ne veux pas Faii^ier î 11 vaudroit
mieux dire, ^U^ ^si très-aimante^
parce qu'il y a plus de gens qui
veulent être aimés , que de gens
qui veulent aimer eux-mêmes.
Si Von veut se faire une idée «de
l'amour propre des femmes , dans
leur jeunesse ,. qu'on .en juge par
celui qui leur reste , après qu'elles
ont passé l'âge de/plaire<-
».
; li me semble, disoit y^i d^*v'?
à propos des faveurs des femmes*^
qu'à: la vérité cjela se dispute. au
(3o)
concours , mais que^sclane se donne
ni au sentiment, ni au xnâite.
Les jeunes femmes ont un malheur
qui leur est commun avec les rois ,
celui de nWoir point d amis. Mais
heureusement elles ne sentent pas
ce malheur plus que les rois eux-
mêmes. Là grandeur des uns et la
vanité des autres, leur en dérobe
le sentiment.
' On dit , eh politique , que les sages
tie font point de conquêtes : cela
peut aussi s appliquer à la galanterie.
Soyez atiés( aimable,' aussi hon-
nête qu'il est possible , aimez la
femme la plus pidrfaite qm se piïsse
îin^gîïièr , vous n'en serez pasim^ins
dans le cas de lui pardonner- on
(Si)
Totre prédécesseur 5 ou votre suc-
cesseur.
Peut qu*une liaison d'homme à
femm^ soit vraiment intéressante ^
il faut qu'il y ait entre eux jouissance^
ménioire ou désir. »
Il y a des redites pour l'oreille
et pour l'esprit ; il n'y en a point
pour le cœur. «
Qu'est-ce que c'est qu'une maî-
tresse ? Une femme près de laquelle
on ne se souvient plus de ce qu'on
sait par cœur, c'est-à-dire, de tous
les défauts de son sexe.
L'amour plaît plus que le mariage ,
par la raison que les romans sont
plus amusant que l'histoire.
( 3â )
L'hymeu vient après Tamour ,
comme la fujSiée après la flaiome.
Le mot le plus taîsoûnable et le
plus mesuré qui ait été dit sur la
question du célibat et du mariage,
est celui-ci : quelque parti que tu
prennes, tu t'en repentiras. Fonte-
nelle se repentit , dans ses dernières
années , de ne s'être pas marié. II
oublioit 95 ans , passés dans Fin*-
souciance.
En fait de^ mariage, il n'y a de
reçu que ce qui est sensé, et il n'y
a d'intéressant que ce qui est fou.
Le reste est un vil calcul.
On marie Içs femmes avant qu'elles
soient rien , et qu'elles puissent rien
être. Un mari n'est qi^'une espèce
( 33 )
de manœuvre qui tracasse le corps
de sa femme, ébauche son esprit ^
et dégrossit son ame.
Le dîvorce est si naturel que , dans
plusieurs maisons , il couche toutes
les nuits entre deux jépôux.
Une femme laide , impérieuse , et
qui veut plaire, est un pauvre qui
commande qu'on lui fasse la charité.
r 11 paroît qu'il y a dans le cerveau
des femmes une case de moins, et
dans leur cœur une fibre de plus,
que chez les hommes. Il falloit une
organisation particulière pour les
rendre capables de supporter, soi-
gner, caresser les enfans.
Un homme, amoureux , qui plaint
( 34 )
rhomme raisonnable 5 me paroît
ressembler à un homme qui lit des
contes de fées , et qui raille ceux
qui lisent llûstoire.
L'amour est un . coiumerce orâ-
■
geux, qui finît toujours ^ par unq
banqueroute; et c'est la personne
à qui on fait banqueroute qui est
déshonorée.
Une des meilleures raisons qu^on
puisse avoir dé ne se marier jamais,
c'est qu'on n'est pas tout à fait la
dupe d'une femme , tant qu'elle n'est
point la vôtre.
Avez -vous jamais connu une
femme qui , voyant un de ses amis
assidu auprès d'une autre femme, ait
supposé que cette fenune lui fût
(35)
cmelle ? On voit par là Topinion
qu'elles ont les unes des autres. Tirez
vos conclusions.
On a observé que les écrivains
en physique , histoire naturelle ,
physiologie , chimie , étoient ordi-
nairement des hommes d'un carac*
tère doux , égal , et en général heu-
reux ; qu'au contraire , les écrivains
de politique , de législation , mênMS de
morale , étoient d'une humeur triste,
mélancoUque, etc. Rien de plus
simple ; les uns étudient la nature,
les autres U société. Les uns con-
templent l'ouvrage du grand Etre ;
les autres arrêtent leurs regards sur
l'ouvrage de rhonune. Les résultats
doivent être différens.
Quelqu'un a dit que de prendre
(36)
sur les anciens, c'étoit pirater au*
delà de la ligne ; mais que de piller
les modernes , c'étoit filouter au coin
des rues.
La plupart des livres d'à prés^it
ont Fair d'avoir été faits en un jour,
avec des livras lils de la veille.
Les ^ens de lettres aiment cens
qu'its amusent, comme les voyageuirs
aiment ceux qu'ils étonnent.
Un auteur j homme de goût, est,
parmi ce public blasé, ce qu'une
jeune femme est au milieu d'un
cercle de vieux ' libertins;
Peu de philosophie mène à mé*-
priser l'érudition ; beaucoup de phi-
losophie mène à l'estimer*
Le
( 37 )
Le travail du pôc^e, et souvent
de l'homme de lettres , lai sont bien j
peu fructueux à lui-même ; et de la '\
part du pttljKci il ise trouve plaoé
entre le grand merci y et le va te
promener. Sa^ fiairtune fsé: réduit à
jôuîr de lui-même^ et du temps. •
I
Ce qui fait le succès ^ de quantité
d'ouvrages est le rapport qui se
ïrotrve^%hîre la médiocrité dès idées
de Tauteur, et la médiocrité dçsidéés
du public.
j i
LTionneut d'être de l'académie
française est comme la croix de Saint
Lo^s y qu'ob Voit également au
soupe de Marljr, et dans les au-
bergies à 22 soùsi
Cest la philosophie qui découvre'
4
( ?8 )
poHtitp.e. i.Cçst. l'éloquence: qui k^
réjodpopuIairës.'Céstlapoëaie qui les
irend , pour :aiasi Jdi^e.^ pmYwhi^lf^P
'\'. \ , S ." ". • •' i '^
• On nfest pdnt $« îhomnxQ 4'^prit
|)our avoir beajo/CQiip 4'îdées9 comme
on n'est pas un bon général pour
avoir beaucoup de ^Qld]af$). >)
* • •»
: . lua > côiivîptîon' i^t îa^-.fpçispieftpa
derèjpxit. ) / .^'1 p
On se fâche souvent contre" les
gens de lettres qui se ^ retirent du
mondev On ^ veut qu'ils, prennent
intérêt à la société doqt iU ne tiv^t
prçsq^^ point d'ay^intages :[pn veut
les forcer d'assisté éternellement
au^ tirages d'une loterie où ils n'ont
point de billets^
( % 1
Les gefis de lettres , surtout Ie«
poëtes , sont comme les paons > à
qui on jette mesquinement quelques
graines dan^ leur loge , et qu'on en
tire quelquefois pour les voir étaler
leur queue 5 taïiâîs ^yié les cokjs,
les poules, lés canards et les dindons
se promènent librement dans • la
basse-cour, et remplissent leur jabot
tout à leur aise.
> • j' '. . . . 1.
Les mémoires que les gens en
place ou les gens de lettres , même
ceux qui ont passé pour les plus
modestes, laissent pour servir à This-
ibirè de leur vie , trahissent leur va-
nité secrète ^ et rappellent l'histoire
de ce saiiît qui a voit laissé cent mille
écus pour serX'ir à sa canonisation^
C'est après l'âge des passions qua
(4^)
les grands hommes ont produit
leurs chefs-d'œuyres , comme c'est
après les éruptions des yolcana ^e
la terre est .plus' fertile.
A 1
. Les gens de lettres sont rarement
jaloux des réputations quelquefois
e;^agérées qu'ont certains ouvrages
deê gens de la. Cour ; ils regardent ces
succès comme les honnêtes femmes
^regardent la fortune des filles.
f. J'ai .vu à Anvers, dans une des
principales églises, le tombeau du
célèbre imprimeur Plantin j orné de
tableaux superbes , ouvrages de Ru-
ben3, et consacrés à sa mémoire.
Je me suis rappelé à cette vue que
les; Etienne, Henri et Robert, qui
par leur érudition grecque et latine
ont renduiles plus grands services
(4t )
ftu^ lettres, traînèrent en France
une vieillesse misérable ; et qne
Charles Etienne, leur successeur,
mourut à l'hôpital , après avoir côn-
trihué presqu'autant qu'eux aux pro-
grès de la littérature. Je lUQ suis rap-
pelé qu'André Duchéne , quon peut
regarder . Dcmime le père de Ihistoire
de France, fut. chassé de Paris,
par la j^iisère, et réduit à se réfugier
dans une petite ferme qu'il avoit
enChamjpagne. Il sefua en tombant
du' haut d'ime charrette , chargée
de foin, à une hauteur immense.
Adrien de Valois , créateur de l'his-
toire métallique, n'eut guère une
meilleure destinée. Samson , le père
de: la géographie , alloit à . 70 ans
faire de^ leçons., à pied , pour vivre.
Tjôut le monde sait la destinée des
Driryer, Tristan, Maynard, .et de
i¥ )
tant d'autres. Corneille manquoît de
bouillon , à sa dernière'maladie. La-
fontaine n'étoit guère mieux. Si
Kaciné, Boilèau, Molière et Quinault
eurent un sort plus heujreux , c'est
que leurs talens étoient consacrés
au roi plus particulièrement. L'abbé
Delonguerae , qui rapporte et r^p*
proche plusieurs de ces anecdotes
sur le triste sort des * hommes de
lettres, illustrer en France , ajoute :
c'est ainsi qu'on en a toujours usé
dans ce misérable paysv Cette liste
si célèbre des gens de lettres que
le roi vouloit pensionner, et qui fut
présentée à Colbert , étôit l'ouvrage
de Chapelain , Perrault , Fabbé
Gallois , qui omirent ceux dé leurs
confrères qu'ils haïssoient, tandis
qu'ils y placèrent les noms de plu-
sieurs sayans étrangers, sachant très-
bien que le roi et le miriîsti^e seroîent
plus flattés de se faire louer à 400
lieues de Paris.
Lorsque Ton considère que le pro-
duit du travail des lumières de
trente oU quarante siècles , a été dé
livrer trois cents millions d'hommes ,
répandus sur le globe ^ à une tren-
taine de despotes , la plupart igno-
rans et imbécilies , dont chacun est
gouverné par trois ou quatre scé-
lérats, quelquefois stupides; que
penser de Thumanité , et qu'attendre
d'elle à l'avenir ?
- Autrefois , le trésor royal s'ap-
^loit l'épargne. On a rougi de ce
nom qui sembloit une contre-vé-
rité, depuis qu'on a prodigué les
trésors de l'Ëtat, et on l'a tout
(-44)
jsisiplexnent appelé le trésor royal.
Le titre le plus respectable de la
noblesse française, c'est de descendre
immédiatement de ces trente mille
hommes casqyés , cuirassés j^v I^ras-
sardés , cuissardes , qui $ur f|e grands
chevaux, bardés de ièrt fiouloient
aux pieds huit ou neuf millions
d'hpmmes nus , qui sont les ancêtres
de la nation actuelle. Voilà un droit
bien avéré à l'amour et au respect
de leurs descendans ! et pour ache*
ver de rendre cette noblesse res-
pectable 5 elle se recrute et se régé-
nère par l'adoption de ces hommes
qui ont arcru leur forl;uiae en dé-
pouillant, la cabane du pauyre, hors
d'état j3e payer les impositions. Misé-
rables institution^ humaines qui, faî-
tes pour inspirer .le mépris et l'hor-
(45)
rettr , exigent qu'on les respecte et
qu'on les révère !
-Xa nécessité d'être gentilhomme
pour être capitaine de vaisseau , est
tout aussi raisonnable que celle
d'être secrétaire du roi pour être
matelot ou mousse.
«. ' <
. Cette impossij)ilîté d'arriver aux
grandes places, à moins que d'être
gentilhomme , est une des absurdités
les plus funestes , dans presque tous
les pays. Il me semble voir des ânes
défendre les carrousels et les tournois
ffux chevaux^ i
La naturq,.pour faire un homme
vertueux ou xm homme de génie,
ne Ta pas consulter Cherîn (i).
(i) Généalogiste.
( 46 )
On a fait des livtes sur les înférêts
des princes : on pajle d'étudier les
intérêts des princes : quelqu'un a-t-îl
jamais jiârlé d'étudier les intérêts des
peuples ? i î •
• • 1 *
^ Les ministres ne sont que des gens,
d'affaires , et ils ne sont si importans
que parce que la terre du gen-
tilhomme leur maître est ttès-con-
«idérable. ''
Paris, singulier pays, où il faut 3o s.
pour dîner; quatre francs pour pren-
dre Tair; loo louis -pour avoir le
superflu dans le nécessaire , et
400 louis pour n'avoir que le né-
cessaire dans le supèiflii. '
On pourroit appliquer à la ville
de Paris les propres termes de
( 47 )
Ste. l'Kérèse, potir définir Teiifér -5
yëndroît ou il pût et où on n'aime
point.
C f ■ ■ ■
- Êbl Franco , on laisse ien repkJt
eenx qui mettent le feu , et on pefôé«
é^Aie-^eeùJi qui sonnent le toesin. ^
En France , il nY a plus de public
ni de nation ^ par la raison que de
la charpie n'est pas du lîn^. .
• t
:, Les ' flatteurs desï princes ont dit
que: la chasse étoit* une imagé de
la guerre ; et en eÉFet , les paysans
dont elle vientde ravager les champs,
doivent trouver qu'elle la représenta
assez: bien; ' * i ^
i «
C'est une vérité incontestable, qu'il
y a en France sept millions d'hom;mea
(48)
qui détnatident ^aumône, et doux©
millions hors d'état de la leur faire*
La noblesse , dit - on souvent ,
f rt: un itttennédi^ire entre le roi^ et
le peuple- .)• . • Oui , comme le chiei^
de. chasse est un intermédiaire entre
le chasseur et les lièvres.
•>
Il en est) un peu des réputations
littérairesl, jet surtout des réputa-
tions de théâtre, comme des for-
tunées qu'on! faisoit < autrefois, dans
les îles. Il suffisait presque autres
fois d'y passer , pour parvenir A
ime grande richesse , mais ces gran-
des, fortunes mêmes ont nui à celles
de la génération suivante: les terres
épuisées n'ont plus rendu si abon-
fiàmmenL "
Tout
(49)
Tout ce qui sort de la classe da
peuple s'arme contre lui , pour l'op-
primer : depuis le milicien , le né-
gociant devenu secrétaire du roi,
le prédicateur sorti d'un village ,
pour prêcher la soumission au pou-
voir arbitraire , Thistoriographe ,
fils d'un bourgeois , etc. Ce sont
les soldats de Cadmus : les premiers
armés se tournent contre leurs frères ,
et se précipitent sur eux.
Les pauvres sont les nègres de
l'Europe.
En voyant le grand nombre de dé-
putés à rassemblée nationale de 1 789 ,
et tous les préjugés dont la plupart
étoient remplis, on eut dît qu'ils
ne les avoient détruits que pour
Jes prendre; comme ces gens qui
5
(So)
abattent un édifice pour s'approprier
les décombres.
Les courtisans et ceux qui vi voient
des abus monstrueux qui écrasoient
la France , sont sans cesse à dire qu'on
pouvoit réformer les abus sans dé*
traire comme on a détruit. Us au-
roient bien voulu qu'on nettoyât Té-
table d'Augias avec un plumeau.
Notre siècle a produit huit grandes
comédiennes; quatre du théâtre et
quatre de la société. Les quatre
premières sont, mademoiselle d'An-
geville , mademoiselle Dumesnil ,
mademoiselle Clairon et madame
Saint-Huberti ; les quatre autres sont ,
madame de Mont. • • • , madame de
Genl , madame N , et
madame d'Angiv* ••• ^
(5i)
On sait le discours &natîqQe qne
l'évêque de Dol a tena au roi, aa
sujet du rappel des protestans. Il
parla aa nom da clergé. Uéveqae de
Saint-Pol loi ayant demandé pour-
quoi il aToit parlé au nom de ses
con&ères sans les consnlter : j'ai
consulté, dit* il ^ mon crucifix. En ce
cas , répliqua Févêque de Saint-Pol ^
il &lloit répéter exactement ce que
votre crucifix yous avoit répondu.
Le maréchal de Richelieu ayant
proposé pour maîtresse de Louis XV
une grande dame, j'ai oubfié la*
quelle ; le roi n'en voulut pas , di-
sant , qu'elle coûteroit trop cher i
renvoyer.
M. de Tressan avoit fait , en lySS,
des couplets contre M. le duc de Hi^
(5a)
vemoîs 5 et sollicita l'académie , en
1780, Il alla chez M. de Nivernoîs,
qui le reçut à merveille 5 lui parla du
succès de ses derniers ouvrages, et
le renvoyoit comblé d'espérances,
lorsque , voyant M. de Tressan prêt
à remonter en voiture, il lui dit :
adieu, M. le comte, je vous félicite
de n'avoir pas plus de mémoire.
Le maréchal de Biron eut une
maladie très-dangereuse. Il voulut
se confesser , et dit devant plusieurs
de ses amis : ce que je dois à Dieu ,
ce que je dois au roi , ce que je
dois à r£tat Un de ses amis
l'interrompit. Tais-toi, dit*il, tu
mourras insolvable.
M. . . . ; me disoit : j'ai vu des
femmes de tous les pays; Tltalienne
( S3 )
ne croît être aimée de son amant
que quand il est capable de com-
mettre un crime pour elle ; l'Anglaise
une folie , et la Française une sottise.
Duclos disoit de je ne sais quel bas
coquin qui avoit fait fortune : on lui
crache au visage, on le lui essuyo
avec le pied , et il remercie.
Un homme alloîf^ depuis trente
ans, passer toutes les soirées chez
madame de ... ; il perdit sa femme ;
on crut qu'il épouseroit l'autre , et on
l'y encourageoit. 11 refusa : je ne sau-
Tois plus , dit-il , où aller passer mes
soirées.
Madame de Tencîn , avec des
manières douces , étoit une femme
sans principes , et capable de tout ^
(54)
exactement. Un jour, on louoît sa
douceur : oui, dit Tabbé Trublet,
si elle eût eu intérêt dé vous em-
poisonner y elle eût choisi le poison
le plus ^oux.
On réfutoit je ne sais quelle opi-
nion de M . . . . sur un ouvrage ,
en lui parlant du public qui en
jugeoit autrement. Le public , le
public ! dit-il , combien faut-il de
sots pour faire un public ?
M. d'Argenson disoît à M. le comte
de Sébourg , qui étoit l'amant de
sa femme : il y a deux places quî
vous conviendroient également ;ie
i gouvernement de la bastille et celui
j des invalides. Si je vous donne la
j bastille, tout le monde dira que je
'■ vous y ai envoyé : si je vous donne
(55)
les invalides , on croira que c'est ma
femme,
M.... disait : Les femmes n'ont de
bon que ce qu'elles ont de meilleur.
Un homme épris des charmes de
Tétat de prêtrise , disoit ; quand je
devrois être damné, il faut que je
me fasse prêtre.
Madame de Bassompierre , vivant
à la cour du roi Stanislas , étoit la
maîtresse connue de M. de la Galai-
zière , chancelier du roi de Pologne;
Le roi alla un jour chez elle, et prit
avec elle quelques libertés qui ne réus-
sirent'pas. Je me tais, dit Stanislas;
mon chancelier vous dira le reste.
Autrefois on tiroit le gâteau des
(56)
rois avant le repas. M. Fontanelle
fut roi; et comme il négligeoit de
servir d'un excellent plat qu'il avoit
devant lui , on lui dit : le roi oublie
ses sujets. A quoi il répondit : voilà
comme nous sommes , nous autres.
r
4
Quinze jours avant l'attentat de
Damien, un négociant provençal ^
passant dans une petite ville , à six
lieues de Lyon , et étant à l'auberge ,
entendit dire, dans une chambre
qui nétoît séparée de la sienne que
par une cloison , qu'un nommé Da-
mien de voit assassiner le roi. Ce
négociant venoit à Paris : il alla se
présenter chez M. Berrier, ne le
trouva point , lui écrivit ce qu'il
avoit entendu , retourna voir M. Ber-
rier, et lui dit qui il étoit. Il repartit
pour sa province : comme il étoit
(5?)
en ronte, arriva l'attentat de Damîen.
M. Berrier qui comprît que ce né*-
gociant conteroit son histoire, et
que cette négligence le perdroitj
lui Berrier , envoie un exempt de
police et des gardes sur la route
de Lyon; on saisit l'homme, on le
bâillonne, on l'amène à Paris, on
le met à la bastille, où il est resté
pendant i8 ans. M. de Malesherbes,
qui en délivra plusieurs prisonniers
en 1775 , conta cette histoire dans le
premier moment de son indignation.
' M. de Roquemont , dont la femme
étoit très-galante , couchoit une fois
par mois dans la chambre de ma*
dame , pour prévenir les mauvais
propos si elle devenoit grosse ,. et
s'en alloit en disant : me voilà net j
arrive qui plante.
( 58 )
M. de. . • , que des cliagrîns amers
empêchoient de reprendre sa santé ,
me disoit : qu'on me montre le fleuve
d'Oubli , et je trouverai la fontaine
de Jouvence.
On faisoit une quête à Facadëmie
française; il manquoit un écu de
six francs ou un louis d'or : un des
membres, connu par son avarice,
fut soupçonné de n'avoir pas con-
tribué. Il soutint qu'il a voit mîsj
celui qui faisoit la collecte dit : je
ne l'ai pas vu, je le crois. M. de
Fontenelle termina la discussion, en
disant : je l'ai vu , moi ; mais je ne
)ç crois pas.
L'abbé .Maury allant chez le car-
dinal de la Roche- Aimon , le ren-
contra , revenant de l'assemblée du
(59)
clergé- Il lui trouva de l'humeur,
et lui en demanda la raison. J'en
ai de bien bonnes, dit le vieux
cardinal; on m'a engagé à présider
cette assemblée du clergé , où tout
s'est passé on ne sauroit plus mal.
Il n'y a pas jusqu'à ces jeunes agens
du clergé , cet abbé de la Luzerne ,
qui ne veulent pas se payer de
mauvaises raisons.
Un évêque de St. Brîeux, dans
une oraison funèbre de Marie-Thé-
rèse , se tira d'affaire fort simplement ,
sur le partage de la Pologne : la
France, dit-il, n'ayant rien dit sur
ce partage , je prendrai le parti de
faire comme la France , et de n'en
rien dire non plus.
«
Madame la duchesse du Maine ,
(6o)
dont la santé alloit mal, grondoit
son médecin, et lui disoit : étoitrce
la peine de m'imposer tant de pri-
vations , et de me faire vivre en mon
particulier ? — Mais V. A. a main-
tenant 4^ personnes au château*
'^ — Eh bien ! ne savez-vous pas que
40 ou 5o personnes sont le parti-
culier d'une princesse ? ,
Le duc de Chartres (i), apprenant
rinsulte faite à madame la duchesse
de Bourbour, sa sœur , par M. le
comte d'Artois, dit : on est bien
heureux de n'êtr« m père, nimarî.
Un jour que l'on ne s'entendoit
pas dans une dispute à l'académie,
M. de Maîran dit : messieurs , si
(1) Le' dernier duc d'Orléans.
nous
C60
nous ne parlions que quatre à %
fois.
I^e comte de Mirabeau, très-laid
de figure , mais plein d'esprit , ayant
été mis en cause pour un prétendu
rapt de séduction , fut lui-même son
avocat« Messieurs, dit-il, je suis
accusé de séduction ; pour toute ré-
ponse et pour toute défense , je de-
j^aande que mon portrait soit mis
au greffe. Le commissaire n'entendoit
pas ; bête , dit le juge, regarde donc
la figure de monsieur.
M • • • • me disait : c'est faute de
pouvoir placer un sentiment vrai »
que j'ai pris le parti de traiter
Famour comme tout le monde. Cette
ressource a été mon pis aller , comme
un homme qui , voidant aller au
6
(62)
^pectafele, et n'ayant pas trouvé
de place à Iphigénte, s en va aux
variétés amusantes,
M. le duc de Ghoîseul ëtoît da
jeu de Louis XV /quand il fut exilé*
M. de Chauvelîn, qui en étoît aussi,
dit au roi qu'il ne pouvoit le con-
tinuer, parce que le duc en étoit
de moitié. Le roi dît à M. de Chaavë-
lin : demandez-lui s'il veut conti-
nuer. M. de Chauvelin écrivit à
Chanteloup : M. de Choiseul accepta.
Au bout du mois, le roi demanda
si. le partage des gains étoit fait.
0ui 5 dit M. de Chauvelin , M. de
Clioiseul gagne trois mille louis.
Ahi fen suis bien ai^e, dit le roi,
mandez le lui bien vite.
■
Madame d§ B • . . . , ne pouvant
(63)
malgré son grand crëdît, rien fâiri»
pour M. de D... , son amant, homme
par trop médiocre , la épousé. En
fait d'amans , il n est pas de ceux
que Ton montre ; en fait de maris,
on montre tout.
Le Czar Pierre I^'*. étant à Spî-
tliéad 5 voulut savoir ce que c'étoit
que le châtiment de la cale qu'on
inflige aux matelots. Il ne se trouva
pour lors aucun coupable. Pierre dit:
qu'on prenne un de mes gens. Prince ,
lui répondit-on, vos gens sont en
Angleterre , et par conséquent sous
la protection des lois.
M. d'Argenson apprenant à la
bataille de Kaucoux, qu'un valet
d'armée avoit été blessé d'un coup
de canon derrière lendroit où il
(64)
(ftoit lui-même avec le roi , disait :
te drôle-làne nous fera pasPhonneur
d'en mourir.
Quand M. le comte d'Estaing,
après sa campagne de la Grenade,
l^int faire sa cour à la reine , pour
la première fois , il arriva porté sur
ses béquilles , et accompagné de plu-
sieurs o£Sciers blessés comme lui;
la reine ne sut lui dirq autre chose,
sinon : M. le comte , avez-vous été
content du petit Laborde?
Je n'ai vu dans le monde , disoit
M que des dîners sans diges*
tion, des soupers sans plaisir, des
conversations sans confiance, des
liaisons sans amitié « et des couche-
^îes sans amour.
H. • , me disoit : j'ai renoncé à Fa-
- (65)
mîtié de deux hommes, Tun parce
qu'il ne m'a jamais parlé dé lui , l'au-
tre parce qu'il ne m'a jamais parlé
de moi.
On deraandoit au même pourquoi
les gouverneurs de province avoient
plus de faste que le roi;, c'est, dit-
il , que les comédiens de campagne
chargent plus que ceux de Paris.
M , intendant de province^
bomme fort ridicule, avoit plusieurs
personnes dans son salon, tandis
qu'il étoit dans son cabinet dont la
porte étoit ouverte. Il prend un air
afiairé et, tenant des papiers à la
main , il dicte gravement à son secré-
taire : Louis , par la grâce de Dieu ,
roi de France et de Navarre , à tous
ceux qui ces présentes lettres ver-
i%
(66)
tont, (verront un t à la (in) Salât.
Le reste est de forme , dit-il , en re-
mettant les papiers; et il passe dans
la salle d'audience, pour livrer au
public le grand homme occupé de
tant de grandes affaires.
Le Régent envoya demander att
président Daron , la démission de
sa place de premier président du
parlement de Bordeaux, Celui-ci
répondit qu'on ne pouvoit lui ôter
sa place sans lui faire son procès.
Le Régent 5 ayant reçu la lettre , mît
au bas : Qu^d cela ne tienne y et la
renvoya pour réponse. Le président
connoissant le prinae auquel il avoit
à faire, envoya sa démission.
M. de la R***** , obligé de choi-
sir entre la place d'administrateur
(67)
des postes et celle de fermier-général ,
après avoir possédé ces deux places.,
dans lesquelles il avoit été maintenu
par le crédit des grands seigneurs
qui soupoient chez lui , se plaignit
à eux de l'alternative qu'on lui pro-
posoit et qui diminuoit de beaucoup
son revenu. Un d'eux lui dit naïve-
ment : eh ! mon dieu , cela ne fait
pas une grande différence dans votre
fortune. C'est un million à mettre
à fonds perdu, et nous n'en viendrons
pas moins souper chez vous.
M. . . , provençal , qui a des idées
assez plaisantes , me disoit, à propos
de rois et même de ministres , que
la machine étant bien montée, le
choix des uns et des autres étoit
indifférent. Ce sont, disoit-il, des
chiens dans un tournebroche : il
(68)
suffit qu'ils remuent les pattes pour
que^ tout aille bien. Que le chien soit
beau, qu'il ait de Imtelligence , ou
du nez, ou rien de tout cela, la
broche tourne , et le soupe sera
toujours à peu près bon.
On faisoit une procession avec la
châsse de sainte Geneviève, pour
obtenir de la sécheresse. A peine la
procession fut^elle en route, qu'il
commença à pleuvoir ; sur quoi Té-
vêque de Castres dit plaisamment :
la sainte se trompe ; elle croit qu'on
lui demande de la pluie.
On venoit de citer quelques traits
de la gourmandise de plusieurs sou-
verains. Que voulez -vous 5 dit le
bon homme M. de Brequigny , que
Youlez-vous que fassent ces pauvres
x>
( 69 )
rois? il faut bien qu'ils mangent'.
M. dé Malesherbes dîsoit à M. de
Maurepas qu'il falloit engager le roi
à aller voir la bastille. Il faut bien
s'en garder , lui répondit M. de Mau-
repas ; il ne voudroit plus y faire
mettre personne.
Pendant un siège, un porteur
d'eau crioit dans la ville : à six sous
la voie d'eau. Une bombe vient et
emporte un de ses seaux. A douze
sous le seau d'eau , s'écrie le porteur ,
sans s'étonner.
L'abbé de Molière étoit un homme
simple et pauvre, étranger à tout,
hors à ses travaux , sur le système
de Descartes; il n'avoit point de
valet, et travailloit dans son lit.
( 7Q )
faute de boîs , sa culotte sur sa tête ,
par dessus sonlbonnet , les deux côtés
pendant à droite et à gauche. Un
matin , il entend frapper à sa porte,
-i- Qui va là? — Ouvrez. — Il tire
un cordon et la porte s'ouvre : labbé
de Molière ne regardant point.
•—Qui êtes-vous ? -'— Donnez -moi
de l'argent. — De l'argent ? — Ouï ,
de l'argent. — . Ah ! j'entends , ' vous
êtes un voleur. Voleur ou non ,
il me faut de l'argent. — Vraiment
oui 5 il vous en faut. Eh bien !
cherchez là- dedans 5 (il tend le cou,
et présente un des côtés de la cu-
lotte ) : 1b voleur fouille. Eh
bien ! il n'y a point d'argent. —
Vraiment non, mais il y a ma clé.
— Eh bien ! cette clé. — Cette clé y
prenez-là. - Je la tiens. - AUez-vous-
çn à ce secrétaire : ouvrez. — L©
( 70
voleur met la clé à un autre ti-
roir. — Laissais donc : ne dérangea
pas : ce sont mes papiers. Ventre-
bleu, finîrèz-vous? ce sont mes pa-
piers : à l'autre tiroir, vous trouverez
de l'argent. — ^Le voilà. — Eh bien !
prenez. Fermez donc le tiroir. Le
voleur s'enfuit. — M. le voleur , fer-
mez donc la porte. Morbleu ! il
laisse laporte ouverte.. . ! quel chien
de voleur ! Il faut que je me lève par
le froid qu'il fait : maudit voleur l
L'àbbé saute en pied , va fermer la
porte 5 et revient se remettre à sou
travail.
Madame de Montmorîn disoit àson
fils : vous entrez dans le monde, je
n'ai qu'un conseil à vo\is dopner : c'est
d-étre ainoureux/de tou^çs^l^a^femmes^
Il faut , disoit M. . . , flatter Tin^
(70
térêt ou effrayer l'amour propre des
hommes : ce sont des singes qui ne
sautent que pour des noix, ou
bien dans la crainte du coup de
fouet.
Madame de Créqui parlant à la
duchesse de Chaulnes de son ma-
riage avec M. de Giac, après les
suites désagréables qu'il a eu , lui
dit qu'elle auroit dû les prévoir ,
et insista sur la distance des âges.
Madame , lui dit madame de Giac ,
apprenez qu'une feînme de la Cour
n'est jamais vieille , et qu'un homme
de robe est toujours vieux.
Lé . comte d'Argenson , homme
d'esprit , mais dépravé ,- et se jouant
dé sa propre honte , disoit : mes
ennemis ont beau faire, ils ne me
culbuteront
(73)
culbuteront pas. Il n'y a ici personne
plus valet que naoî.
M. de B*********, homme
sans esprit, très-vain, et fier d'uu
cordon bleu par cbàrge, disoit à
un homme , en mettant ce cordon ,
pour lequel il avoit acheté une
place de 5o mille écus : ne seriez-
vous pas bien aise d'avoir un pareil
ornement ? Non , dit l'autre , mais
je voudrois avoir ce qu'il vous coûte.
Le marquis de Chatelux , amou-
reux comme à vingt ans, ayant
vu sa femme occupée pendant tout
un dîner d'un étranger , jeune et
beau , l'aborda au sortir de table ,
et luiadressoit d'humbles reproches.;
le marquis de Genlis lui dit : passez ,
passer 5 bon homme , on vous a don-
7
(74)
né. ( Formule usitée envers les pau-
vres qui redemandent Taumône ).
M./V, connu par son usage du
monde , me disoît que ce qui Tavoît
le plus formé , c'étoit d'avoir su cou-
cher, dans Toccasion, avec des
femmes de 40 ans^ et écouter dçs
vieillards de 80f
M . « • • disoît que de courir après
la fortune avec de l'ennui , des soins,
des assiduités auprès des grands ,
en négligeant la culture de sou
esprit et de son ame , c'est pêcher
au goujon avec nu hameçon d'or.
Le duc de Choîseul et le duo
de Praslin avoîent eu une dispute
pour savoir lequel étoit le plus bête
du roi ou de M. de h Vr ilière ; le dUo
(75)
de Praslinsoutenoît que c'étoit M. dé
la Vrilière : l'autre , en fidelle sujet,
parioitpour le roi. Un jour, au con-
seil 5 le roi dit une grosse bêtise. Eh
bien ! M. de Fraslin , dit le duc de
Choîseul; qu'en pensez-vous?
Quelque temps avant que Louis XV
fût arrangé avec madame de Pom-
padour , elle couroit après lui . aux
chasses. Le roi* eut la complaisance
d'envoyer à M, d'Etiolés ime ramure
de cerf. Celui-ci la fit mettre dans
sa salle à manger , avec ces mots :
présent fait par le roi à M. d'Etiolés.
. Madame de G*** vivoit avec
M. de S****. Un jour qu'elle avoit
son mari à sa toilette, un soldat
arrive , et lui demande sa protection
auprès de M. de S * *** , son co-
'( 76 )
lonel , auquel il demandoit un Congé.
jMàdame de G*** se fâche contre
cet impertinent; dit qu'elle ne con-
noît M. de S*** que comme tout le
monde , en un mot , refuse. M. de **%
son mari , retient le soldat , et lui dit :
Va demander ton congé en mon
nom; et si S*****, te le refuse,
dis-lui que je lui ferai doimer le
sien.
M . » • • débitoit souvent des ma-
ximes de roué, en fait d'amour,
mais dans le fond il étoit sensible ,
et fait pour les passions. Aussi quel-
qu'un disoit-il de lui : il a fait sem-
blant d'être mal-bonnête, afin que
les femmes ne le rebutent pas.
Voltaire disoit, à propos de l'antî-
machiayel du roi de Prusse : il cracbe
(77)
au plat pour en dégoûter les autres.
On faisoît compliment à madame
Denis de la façon dont elle venoit
de jouer ZaJôre. Il faudroit, dit-elle^
être belle et jeune. Ah! madame,
reprit le complimenteur naïvement,
vous êtes bien la preuve da contraire.
M. Poissonnier, le médecin , après
son retour de Russie , alla à Ferney ,
et parlant à M. de Voltaire de tout
ce qu'il avoit dit de faux et d'exa-
géré sur ce pays-là : mon ami , ré-
pondit naïvement Voltaire, au lieu
4e s'amuser à contredire , ils m'ont
donné de bonnes pelisses , et je suis
très-frileux.
Un banquier anglais , nommé Ser
ou Sair , fat accusé d'ayoir fait une
(7»)
Conspiration pour enlever le roî
( Georges III ) et le transporter à
Philadelphie. Amené devant ses
juges , il leur dit : je sais très-bien
ce qu'un roi peut faire d'un ban-
quier, mais j'ignore ce qu'un ban-
quier peut faire d'un roi.
On disoit à un satirique anglais :
tonnez sur les vices, mais ména-
gez les vicieux. Comment, dit-îl,
condamner les cartes , et pardonner
.aux escrocs?
Madame de H me racon*
toit la mort de M. le duc d'Aumont.
Cela a tourné bien court, disoit-elle ;
deux jours auparavant , M. Bouvard
lui avoit permis de manger, et le
jour même de sa mort, deux heures
avant la récidive de sa paralysie ^
(79)
il étoit, comme à trente ans, cdm-
roe il avoit été toute sa vie : il avoit
demandé son perroquet , avoit dit :
brossez ce fauteuil , voyons mes deux
broderies nouvelles ; enfin , toute sa
tête , ses idées comme à Vordinaire.
J.-J. Rousseau passe pour avoir
eu madame la comtesse de B****%
et même (qu'on me passe ce terme)
pour l'avoir manquée , ce qui leur
donna beaucoup d'humeur l'un con-
tre l'autre. Un jour on disoit devant
eux que l'amour du genre humain
éteignoit l'amour de la patrie. Pour
moi, dit-elle , je sais par mon exem-
ple , et je sens que cela n'est pas vrai ;
je suis très -bonne française, et je
ne m'intéresse pas moins au bonheur
de tous les peuples. Oui , je vous en-
tends , dit Rousseau , vous êtes franî-
(8o)
çaise par votre buste 9 et cosmopolite
du reste de votre personne.
Une des maîtresses de M. le ré-
gent lui ayant parlé d'affaires dans
un rendez- vous, il parut l'écouter
avec attention. Croyez-vous , lui ré-
pondit-il , que le chancelier soit une
bonne jouissance ?
M. de ... . qui avoît vécu avec
des princesses d'Allemagne , me di-
soit : croyez-vous que M. deL . . .
ait madame de S. •>• ? je lui ré-
pondis : il n'en a pas même la préten-
tion. Il se donne pour ce qu'il est,
pour un libertin, un homme qui
aime les filles par-dessus tout. Jeune
homme, me répondit-il, n'en soyez
pas la dupe ; c'est avec cela que l'on
a des reines.
(8i )
M. de Staînyille, lieutenant-gé'-
néral , venoit de faîre enfermer sa
femme. M. de Vaubecourt, maré-
chal de camp, soUicitoit un ordre
pour faîre enfermer la sienne. Il
venoit d'obtenir Tordre, et sortoit
de chez le ministre avec un air triom-
phant. M. de Stainville, qui crut
qu'il venoit d'être nommé lieutenant-
général, lui dit devant beaucoup
de monde : je vous félicite, vous
êtes sûrement des nôtres.
Les gens du monde ne sont pas
plutôt attroupés y qu'ils se croient en
société.
L'Ecluse , celui qui a été à la tête
des t^ariétés amwantes ^ racontoit
que , tout jeune et sans fortune ,
il arriva à Lunéyille , où il obtint
(82 )
la place de dentiste du roi Stanislas 5
précisément le jour ou le roi perdit
sa dernière dent
On assure que madame de Mont-
pensier , ayant été quelquefois obli-
gée , pendant Tabsence de ses dames ,
de se faire remettre un soulier par
quelqu'un de ses pages , lui deman-
doit s'il n'avoit pas eu quelque
tentation. Le page répondoit qu'oui.
La princesse , trop honnête pour
profiter de cet aveu , leur donnoit
quelques louis pour les mettre en
état d^aller chez quelque fille perdre
la tentation dont elle étoit la cause.
De jeunes gens de la cour sou-
poient chez M. de .Conflans. On dé-
bute par une chanson libre, mais
sans excès d'indécence. M. de Fron*
(83)
sac (i) , sur le champ se met à chan*
ter des couplets abominables qui
étonnèrent même la bande joyeuse.
M. de Conflans interrompt le silence
universel en disant : que diable !
Fronsac, il y a dix bouteilles de
vin de Champagne entre cette chan*
son et la première,
On dîsputoit chez madame de
Luxembourg sur ce vers de Tabbé
Demie :
£t ces deux grands débris se consoloient entve eux.
On annonce le baiHi de Breteuil et
madame de la R****. Le vers est
bon , dît la maréchale.
Madame du pëfant , étant petite
fille 5 et au couvent , y prêchoit
(i.) Le fils du maréchal de Richelieo.
(84)
rirrâigion à 3es petites camarades.
L'abbesse fit venir Massillon , à qui
la petite :exposa ses raisons. Massillon
se retira , en disant : elle est char-
mante. Uabhesse, qui mettoit de
l'importance à tout cela, demanda
à révêque quel livre il falloit faire
lire à cette enfant. Il réfléchit une
minute, et il répondit : un caté-
chisme de cinq ^ous; on ne put
en tirer autre chose.
Le prétendant, retiré à Rome,
vieux et touriûenté de la goutte,
crioit dans ses accès : pauvre roi^
pauvre roi /. Un français voyageur
qui alloit souvent chez lui , lui dit
^a'il s'étontip^t de H^jr pas voir d'an-
glais. Je s^îs pourquoi , répondit-il.
Us s'imaginent que je me ressouviens
de ce qui s'est passé. Je les verrois
encore
( 85 )
encore avec plaisir, 'Taîiae me§
sujets ) moi.
M. de Barbançon , qui ayoit été
très -beau, possédoît un très -joli
jardin que madame la duchesse de
la ValHèfce alla voir. Le propriétaire ,
*ilor3 ti:ès-vieux et très- goutteux, lui
dit qu'il ^yoit été amo.ureux d'elle
à la folie. Madame de la Vallière
lui répondit : hélas ! mon Dieu , que
ne parliez-vqus ? vous m'auriez eue
comme les; autres.
L'abbé Fragnier perdit up procès
qui ayoit duré vingt ans. On lui faisoit
remarquer toutes Içs peines qu^e lui
avoient causées un procè^ quij ayoit
fini par perdre. Oh! dit-il,* je. Tasi
gagné tous les soirs pendaqt vinglt
ans. Cq mot est très-philosophique,*
8
• .1 ^
( 86 )
fel: pfeuî s'apfflîqnér à fout. Il oblique
comment on aime la caquette* £}le
vous fait gagner votre procès pen-
dant sfx mois, pour un jour où
çllevouç le fait perdre,
M, de Maurepas et M. de Sainte
Florentin; tous deux ministres dans
le temps de madame de Pompadour,
firent uji jour , par plaisanterie , la
répétition du compliment de renvoi
qu'ils préroyoient que l'un feroît un
jour à l'autre. Quinze jbtiré après
cette facétie j M. de Maurepas entre
ua'pùr chez M. de ÎSâint- Florentin,
prend un air triste et grave, et vient
lai demander sa démission. M. de
Sainf-É'lroreiQtîn parôissoît en être la
dupe 5 lorsqu'il fut rassuré par un
éclat' de ' rire dé M. de Maurepas.
Trois semaine après , arriva le
(8^)
tbur dé celui-ci, mais isérientemeiit»
M. de Saint-Florentin, entre ches
lui et , se rappelant le commencèmeiat
de la harangue de M*, de Maurepas
le jour de sa facétie, il • répétasses
propres mois. M. de ' Maurepas crut
d'abord que c'étoît une plaisanterie;;
mais voyant que l'autre parloit tout
•de bon : allons, dit-il , je vois bien
que vous ne me persifliez pas. Vous
êtes un bonnéte bomme. Je vais vous
donner ma démission.
Uabbé Mauri) tâchant de. faire
conter à l'abbé de Boismond , vieux
et paralytique , les détails de sa jeu*
jiesse et de sa vie : l'abbé , lui dit
celui-ci 5 vous me prenez mesure ;
indiquant qu'il cherchbit des maté-
riaux pour son éloge à l'académie^
M • . » . disoit ) à propos de sottise$
(88)
uinistérienes et ridicules.: sans le
gouvernement ^ on ne riroit plus en
France.
«Ha plu un moment à madame
la ducbesse de Gramniont de dire
que JM^ de L * * * * * ayoit autant
d'esprit que. M. de L****. M. de
Créquî rencontre celui-ci, et lui dit:
tu dînes aujourd'hui chezmoi. — Mon
&mi, cela m'est impossible. — Il le
faut ; et d'ailleurs tu y es intéressé.
— Comment ?—L***** y cttne :
on lui donne ton esprit ; il ne s'en
sert point , il te le rendra.
On disoit de J.- J. Rousseau , c'est
un hibou. Oui, dit quelqu'un, mais
«'est celui de Miner ye; et quand je
sors du diBvin du village, j ajoute-
rois, déniché par les grâce^.
(89)
Deux femmes de la Cour , passant
Sur le Pont - Neuf , prirent , en deuac
minutes y un moine et un cheval
blanc ; une des deux , poussant Tau-
tre du coude , lui dit : pour la catin ,
vous et moi nous n'en sommes pas
en peine (i).
Le prince de Conti actuel , s'affli*
geoit de ce que le comte d'Artois
venoit d'acquérir une terre auprès
de ses cantons de chasse : on hii
fit entendre que les limites étoient
bien marqtiëes , qu'il n'y avoit rien
à craindre pour lui , etc. Le prince
de Conti interrompit le>harangueur,
_ * _ .^_^
(i) Allusion à Fancien proverbe popu* '
laire ; on ne passe jamais sur le Pont-^
Neuf sans y voir un moine y un cheval
iianc et une catin*
(30)
en lui disant : vons ne savez pas ce
que c'est que les princes.
*
Les fléaux physiques, et les ca-
lamités de la nature humaine ont
rendu la société nécessaire. La so-
ciété a ajouté aux malheurs de la
nature. Les iDconvéniens de la so-
ciété ont amené la nécessité du gou-
vernement , et le gouvernement ajou-
te aux malheurs de la société. Voilà
rhistoire de la nature humaine.
Lliomme qui vit avec lui-même ,
a besoin de vertu ; celui qui vit avec
les autres, a besoin d'honneur.
Le philosophe qui veut éteindre
ses passions, ressemble au chimiste
qui voudroit éteindre son feu.
y
(90
On croît commimémeiit que Fart
de plaire est un grand moyen de
faire fortune : savoir ^ennuyer est
un art qui réussit bien davantage.
Le talent de faire fininne , comme
celui de réussir auprès des finnmes ,
se réduit presque à cet art-la.
En voyant quelquefois les fri-
ponneries des petits et les brigan-
dages des hommes en place , on est
tenté de regarder la société comme
un boiis rempli de voleurs , dont les
plus dangereux sont les archers,
préposés pour arrêter les autres.
Je conseillerois à quelqutin qui
vent obtenir une grâce d'nn ministre,
de Tabôrder d'un air triste , plutôt
que d'un air riant. On n aime pas
À voir plus heureux qoe soL
C 90
Quand les princes sortent àt leurs
misérables étiquettes , ce n'est jamais
en faveur d'un homme de mérite )
mais d'une fille ou d'un bouffon.
Quand les femmes s'affichent, ce
n'est presque jamais pour, un hon*-
nête homme, c'est pour une espèce*
En tout , lorsque l'on brise le joug
de l'opinion , c'est Rarement pour
s'élever au-dessus , mais presque
toujours pour descendre au-dessous.
M... disoit que la goutte res-
^embloit aux bâtards des princes ,
qu't)n baptise le plus tard qu'on peut
J.-J. Rousseau étant à Fontaine-
bleau, à la représentatîojû de son
devin du village, un courtisan l'a-
borda, et lui dit poliment : monsieur,
permette^'^vous que je vous fasse
C 93 )
mon compKnieiit? — oui , moiisîctir,
dit Rousseau^ s'il est bien. Le cour-
tisan s'en alla ; * on "dit à Rousseau :
mais'y songez-Vous? quelle réponse
vous venez de faire ! — Fort bonne ,
dit Rousseau. Connoisséz-vbiis rien
de' pire qu'un coniplimeïit mal fait ?
On sait que M. die Lùyne , ayant
quitté le service, pour un soufflet
qu'il avoit reçu sans e^ tirer ven-
geance, fbt fait bientôt après ar*
chevêque de Sens. Un jour qu'il
avoit officié pontificalement , un
mauvais plaisant prît sa mitre , et
l'écartant des deux côtés, c'e^t sin-
gulier, dit-il, comme cette mitre
ressemble à un soufflet.
Fontenelle^ avôît été refusé trois
fois de lacadémie, et le racontoit
( 96 )
plusîenrs femmes de la Cour ne
vouloient point la voir, La duchesse
de Gîsors étoît du nombre ; et comme
elle étoit très-dévote, les amis de
madame Brisard comprirent que , si
madame de Gîsors la recevoit,les
autres, n'en feroient aucune diffi-
culté. Ils entreprirent cette négo-
ciation et réussirent. Comme ma-
dame Brisard étoit. aimable, elle
plut bientpt ^ la dévote ^^ et elleç
éjx .vinrent à Tintîmit^ . ^Un jpur
i;|[iadaç:ie de Xfd^pr^ lui fit entç^p4x'e
q^ç^ tout en jCpncçyant. très- bieû
qu'qn ^ûtjifne foiblesse^ el^q3n^ qpm-
prenpit p^s qu'une femme vint à
pmltiplf^r à un. certain point le
nombre 'de ses amans. Hélgstlui
dît madame Brisard , c'est qu'à
çtiaqu^Tois, j'ai cxu: que celui-là
ferpit .le 4^niierf . ; ,; .
Le
(9/)
Le Hëgent vouloit aller an bal^
et n'y être pas reconnu. J'en sais
un moyen, dit Fabbé Dubois; et,
dans le bal ,11 lui donna des coups
de pied dans le derrière. Le Ragent
qui les trouva trop forts , lui dit :
Fabbé, tu me déguises trop.
»
Lafontaine entendant plaindre le;
sort des damnés, au milieu du feu
de Fenfer , dit : je me flatte qu'ils s'y
accoutument , et qu à la fin ils sont;
là comme le poisson dans Feaiu
On a dît sur le résultat du con*
seil de guerre tenu à FOrient, pouç
juger l'affaire de M. de Grasse : L'ar-
mée innocentée y le général innocent^
le minisire hor3 de cour ^ le roi
condamné aux dépens. 11 faut savoir
^u^e conseil coûta au roi quatre
(98)
Biillions, et qu'on prévoyoitia chute
de M. de Castries.
On répétoît cette plaisanterie de-
vant une assemblée de jeunes gens
de la Cour. Un d'eux, enehantë
jusqu'à Vivressè , dit , en levant les
xnainç après un instant de silence^
et avec un air profond : comment ne
8eroît-on pas charmé des grands évé-
jiemens , des bouleversemens niêmes
qui font dire de si jolis mots? On
suivit cette idée , on repassa les
mots , les chansons^ faites sur tous
les désastres de la France» La chan-
son sur 1^ bataille dHochstet fut
trouvée mauvaise , et quelques-uns
dfrent à ce sujet : Je isuîs fâché de
la perte de celte bataille; lâchai^''
i^PAue vaut xien.
( 99J
tl s'agissoit de corriger Lottis XV ,
jeune encore, de I'baJl>itnde de dé*
chirer les dentelles de ses courti-
sans. M. de Mâurepas s'en chargea,
n parut devant le roi avec les plus
beUes dentelles du monde. Le roi
s'approche, et lui en déchire une.
M. de Mâurepas , froidement , dé-
chire celle de l'autre main , et dit
simplement : cela ne m'a fait nul
plaisir. Le roi surpris devint rouge ,
et depuis ce temps ne déchira plus
de dentdlesr
Beaumarchais, qui s^étoit laissa
maltraiter par le duc de Chaulnes^
sans se battre avec lui, reçut un
défi de M. de la filache. Il lui ré-
pondit: j'ai refusé mieux*
M. de Sou^^hes , petit fat y hi*
( lOO ),
âenx , le teint noir , et ressemblant à
•un Vhib.ou , dit un jour en se reti-
rant : voilà la première fois , depuis
deux ans , que )e vaili coucher chez
moi, L'évéque d'Agde se retournant,
^t voyant cette figuré , lui dit en
le regardant : monsieur perche ap
paremment.
M. de R.venoit de lire dans une
société trois ou quatre épigrammes
contre autant de personnes dont
aucune n'étoit vivante.. On se tour-
na vers M. de... comme pour lui
demander s'il n'en avoit pas quel-
ques-unes dont il put régaler ras-
semblée. Moi , dit-il naïvement :
tout mon monde vit^ je ne puis vous
rien dire.
M. de Fontenellcj âgé de 97 ans,
(loi )
venant de dire à madame Heï*
vétîus 5 jeune , belle et nouvellement
mariée, mille choses aimables- et
galantes, passa devant elle pour se
mettre à table , ne Tayant pas aper-
çue. Voyez, lui dît madame Hel*
vétius , le cas que Je dois &ire de
vos galanteries ; vous passez devant
moi sans me regarder. Madame , dit
le vieillard, si je vous eusse regar-
dée, je n'aurois pas passé.
Le roi Stanislas venoit d'accorder
^ des pensions à plusieurs ex- jésuites.^
M. de Tressan lui dit : sire , votre ma-
jesté ne fera * t - elle rien pour la fa-
mille de Damien, qui est dans la
plus profonde misère ?
Fontenelle, âgé de 80 ans, s'em-
pressa de relever Téventail d'usé
( lo^ )
femme, jeane et bdle, mais mal
élcvécillii reçut sa politesse dédai-
gnonsemeht. AAi ! madame y lui dit-il,
vous prodiguez bien vos rigueurs^
M. de Brîssac , ivre de gentiHiom-
merie , désignoit souvent Dieu par
cette phrase : le gentiihonhne d'en
haut.
Le curé de Bray ayant passé trois
ou quatre fois de la religion catho-
lique à la religion protestante, et ses
amis s'étonnant de cette indifférence.
-Moi, indifférent! dit le curé; moi,
inconstant ! Rien de tout cela ; au
con^traire, je ne change point, je
veux être curé de Bray.
On sait quelle familiarité le roi
de Prusse peripettoit à quelques-
uns de ceux qui viyoient avec lui.
\
( io3 ^
lae général Quîntus-lcîlîus étoit celui
qui en profitoit le plus librement,
Le roi de Prusse , ayant la bataille
Ae Rosback, lui dit que s'îMa per-
doit , il se rendroit à Venise , où if
yivroii en exerçant la médecine.
Quintus lui répondit i toujours as^
bassin*
Un paysan partagea le peu de
bien qu'il ayoit entre ses quatre fils
et alla vivre, tantôt chez Tim,
tantôt chez Fautre. On lui dit, à son
retour d'un de ses voyages chez ses
enfans : eh bien ! comment vous ont-
ils reçu? comment vous ont-ils traité?
Ils m'ont traité , dît-il , comme leur
enfant. Ce mot paroît sublime dans
la bouche d'un père tel que celui-ci.
Pour jnger ce que c'est que la
( 104)
noblesse , dîsoit M . . . , îl suffit d'ob-
server que M. le prince de Turenne,
actueHement vivant , est plus noble
que M. de Turenne, et que le
marquis de LaTal est plus noble
que le connétaMe de Montmorencî.
Quelqu'un disoit que la goutte est
la seule maladie qui donne de la
considération dans le monde. Je le
crois bien , répondit M . . . , c'est la
croix de Saint-Louis delà galanterie.
M. de la R***** devoît épou-
ser mademoiselle de J****** ^ jeune
et aimable. 11 revendit de la voir,
enchanté du bonheur qui l'atten-
doît, et disoit à M. deM * * * * * %
«on beau -frère : ne penser -vous
pas en effet que mon bonheur sera
parfait ? — Cela dépend de quelques
(io5)
circonstances.—— Comment, que
voulez-vous dire ? -^ Cela dépend
du premier amant qu'elle aura.
M, . . . dîsoît que le grand monde
est un mauvais lieu que Ton avoue.
Marmontel , dans sa jeunesse ,
recherchoit beaucoup le vieuxBoin-
din , célèbre par son esprit et son
incrédulité. Le vieillard lui dît :
trouvez -vous au café Procope.
—-Mais nous ne pourrons pas parler
de matières philosophiques, -~- Si
fait, en convenant d'une langue
particulière, d'un argot. Alors ils
firent ^eur dictionnaire. L'ame s'ap-
J)eloit Margot j la religion, Javotte;
la liberté, Jan]|«tpm|; pt Je père éter^
nel ^ M. de l'Être. Lé» voilà dispu-
tant et sentendant très-bien. Un
( io6 )
homme en habit noir, avec nne
fort mauvaise mine , se mêlant à
la conversation , dit à Boindin :
Monsieur , oserois-je vous demander
ce que c*étoit que ce M. de l'Être
qui s'est si souvent xa^al conduit, et
dont vous jêtes si mécontent ? Mon-
sieur, reprit Boindin, c'étoit un
espion de police. On peut juger
de réclat de rire , cet homme étant
lui-même du métier.
Le lord Bolînbroke donna à Louis
XIV m îUe preuves de sensibilité
pendant une maladie très-dange-
reuse. Le roi étonné lui dit : fen
suis d'autant plus touché , que vous
autres anglais vous n'airoea: pas les
rois. Sire , dit Bolînbroke , nous
ressemblons aux maris qui , n'aimant
pas leurs femmes, n'en sont que
( 107 )
plus empressés à plaire à celles do
leurs voisins.
Dans une dispute que les répré*
sentans de Genève eurent avec la
chevalier de BoutevîUe , l'un d'eux
s'échautfant , le chevalier lui dit :
savez? vous que je sijiis le représentant
du roi mon maître? Savez-vous,
lui dit le Genevois , que je suis
le représentant de mes é^ux?
L'abbé Delille devoît lire des ven
à Tacadémie pour la réception d'un
de ses amis. Sur. quoi il disoit :
je voudrois bien qu'on ne le sût
pas d avance, mais je crains bien
de le dire à tout le monde.
Madame Beauzée côucboît avec
un maître de langue allemande.
<io8)
M. Beanzée les surprit au retour
de racadémie. L'aUemaiid dît à la
femme : quand je vous dîsoîs qu'il
ëtoit temps que jem'eaaz7/e. M. Beau-
zée 5 toujours puriste , lui dit : que
je m'en allasse^ monsieur. .
M. Dnbreuîl , pendant la maladie
dont il mourut , disoit à son ami ,
M. Pehméja : mon ami, pourquoi
tout ce monde dans ma chambre?
Il ne devroit y avoir que toi; ma
maladie est contagieuse.
On demandoit.à Pehméja quelle
étoit sa fortune ? — 1 5oo livres de
rente. ..^ C'est bien peu. — Oh! re-
prit Pehméja, Dubreuil est riche.
I^adame la comtesse de Tassé
disoit après la mort de M. Dubreuil :
il
( 109 )
3 étôit trop inflexible , trop inabor^
dable aux prétôns , et j ayois un accès
de fîfevre^'téute^les fois que je sdn^
geois à lui -en faire. £t moi aussi ,'
lui répondit madame de Champagne
qui avoit placé 36,coo Hv. sur sa tête ;
voilà pourquoi fai mieux aîmé m&
doiïner tout de suite unebonn^îiiar»
ladiê que d'avoir tout ces petits^ afe^
ces de fièvre dont vous .parlez. » i
Uabbé Maurjr, étant pauvre, avoît
enseigné le latin à un vieux ' cbtir^
seiller de grand'chambrè qui tott-{
loît entendre les instif utes de Justî^
r
nien. Quelques annéefe se passent, et
il rencontre ce conseiller, étonné do
le voir dans une maison honnête.
Ah ! Tabbé , vous voilà ! lui dit-il lies-
tement : par quel hasard vous trou-
ves -vous dans cette maison -ci?
lO
(IIO)
Je toly trouve iîQitinEie vouiivOu^
y trouvez. — • Ok\ ce n^esi pas. la
même choae : vous .êtes donc nueux.
dans vos afïaîre^j? pv/s^-vofts fait
quelque chose dai^^ votre tnétier
de prêtre ? — - Je suis grand, vicaire
dei Mi de Loinbez. -«— » Diable ! c'est
quelque chose ; et cpmhieii cela
vaut-U ?^ Mille francs. -r: C'est biei»
t>eu $ et il rpproz^d le ipp. le&le ^t iég<^Tp
-^ Mais j'ai eu un prieuré de millo
4ûu? ! — Millp écus 5 bonnes affaires
(flPiçç l'air cfe I0 cûmidera(fon). -^ Et
j!ap.:>&ijt ja r^]3icontre du maître de
cHi? Plaiso^-c chez M* 1^ cardinal
4.e I^ohAn**-^ F€|Ste ! voiis allez chez
le cardinal de Rohan ! -— Oui , il
3(p,'a fait avoir une abbaye. — Un©
abbaye} Ah! cela ppsé^ monsieur
l^bbé , faites - moi Vhonneip: 4? YÇ*»
]px dîjier chez i^çir .
( III )
Jamais Boâsuet ne put apprendre
au grand dauphin. à écrire une lettre.
Ce prince étoit très-indolent. Ou
raconte que ses billets à la comtesse
du Roure finissoient tous p^r ces
mots : le roi me fait mander pour
le conseil. Le jour que cette comr
fesse fut exilée,. un des courtisans
lui deipanda s'il, n'étpit pas bien
affligé. Sans-doute , dit ïe dauphin ;
mais cependant ipe voilà délivré do
la nécessite d'écrire le petit billet
Le maréchal de ^roglîe avoît épou-
sé la fille d'un négociant. Il eut deux
filles. On lui proposoit, en présen-
ce de madame de Broglie, de faire
entrer l'une dans un chapitre. Je me
«uîs fermé , dit-il , en épousant ma-
dame^ l'entrée de tous les chapi-
tres, • , Et de Hiôpitaï , ajouta -t- elle.
( "2)
M. d'Alembert a entendu dire au
•roi de Prusse,' qu'à la bataille de
Mindeii, si M. de Broglie eût atta-
qué les ennemis et secondé M. de
«Gontades, le prince Ferdinand étoît
battu. Les Broglies ont fait deman-
tier à M. d'Alèmbert s'il étoit vrai
qu'il eût entendu dire cefâit au roi
de Prusse , et il a répondu qu'oui.
Un coTirtîsati djàbît : ne $e brouille
pas avec moi qui veuf: ' ^
• • • »
. Le maréchal de Noailles dîsoîf
beaucoup de mal d'une tragédie
nouvelle. On lui dit : mais M. d'An-
mont 5 dans la loge duquel vous lavez
entendue , prétend qu'elle vous a
fait pleurer. Moi, dit le maréchal,
point du tout: maiâi icomnoie il pieu-
("3)
roît Inî-mêiiie dès la première sekne\
j'ai cru honnête de prendre part
à sa douleur-
Louis XV demanda au duc d'Ayen ,
.(depuis maréchal de Noailles) sll
avoît envoyé sa vaisselle à la mon-
noie* Le duc répondit que' non.
Moi , dit le roi , j'ai envoyé la
mienne. Ah! sire, dit M. d'Ayen,
quand J.-C. mourut le vendredi
saint , il sa voit bien qp'il ressosci*
.ter oit le dimanche^
M. de ... . ayant aperça que
M. Barthe é toit jaloux (de sa femme),
.hii dit : vous, jaloux! Mais^avez-
. vous que c'est une prétention? C'est
bien de llionneur que vous vous
faites. Je m'explique. N'est pas cocu
qui veut : savez- vous que pour rêtre.
( "4i)
il faut savoir' tenir une maison,
être poli., sociable^ honnête. Com-
mencez par acquérir toutes ces
qualités , et puis les honnêtes gens
.verront ce qix'ils auront à faire pour
vous.JiTei que vous êtes, qui pour-
roit: vous faire cocu ? Une espèce.
Quand il sera temps de vous effrayer,
je vous eu ferai mon compliment.
.Uni hombè d'esprit me disoît un
jour : que 3e gouvernement àe France
étoît une monarchie absolue , tem-
pérée par des chansons.
Milord Hervey, voyageant dans
.ritalie-, et se trouvant non loin
de la mer, traversa une lagune dans
Feau de laquelle il trempa son doigt.
Ah , ah ! dit-il ^ leau est salée, ceci
est à nous.
%.-'
\
(ii5)
Duclos disoit à nn homme emmyé
d'un sermon prêché à Versailles :
pourquoi avez-voiîs entendu ce
sermon jusqu'au bout?— J'ai craint
,de déranger l'auditoire et de le
scandaliser. -^ Ma foi, reprit Duclos,
plutôt que d'entendre ce sermon,
je me serois converti au premier
point.
M. de Turenne , voyant un enfant
passer derrière un cheval , de fiiçon
à pouvoir être e^ropié par un:^
ruade , l'appela et lui dit : mon bel
enfant , ne passez jamais derrière un
cheval sans laisser entre lui et vous
l'intervalle nécessaire pour que vous
ne puissiez -en être blessé. Je voiis
promets que cela ne vous fera pas
faire une demi -lieue de plus dans
le cours de votre vie entière; et
^
(ii6)
«ouvenc^-vons que c'est M. de Tu-
renne qui vous Ta dit.
M. de Th. . . pour exprimer l'insi-
pidité des bergeries de M. deFlorian,
disoit : je les àinierois assez, sf^il y
; mettôit des loups.
M. de Fronsac alla voir une
mappemonde que montroit l'artiste
qui l'avoit imaginée. Cet homme
ne le connoissant pas , et lui voyant
une croix de i^Saint-LiDuis , ne l'ap-
peloit que le chevalier. La vanité
de M. de Fronsac, blessée de ne
pas être appeléduc, lui fit inventer
une histoire, dont un des interlocu-
>teurs, un dé ses /gens, l'ap peloit
moQseigneur. M. de Genlis . l'arrête
à ce mot ^ et lui dit : qu'est - ce
que tu dis 1^, monsçigueur? On
( "7 )
va te prendre pour un ëvêque.
Quelqu'un ayant entendu la tra-
duction des géorgiques de Tabbé
Delille , lui dit : cela est excellent ;
J6 ne doute pas que vous n'ayez le
premier bénéfîcB <juî sera à la no-
mination de Virgile,
M. de Voltaire voyant la religion
tomber tpus lesf jours ^ di^oit une fois:
cela est pourtant fâcheux, c^ar de
quoi nous moquerons-nous ? Oh ! lui
dit M. Sabatier.de Cabre, consolez-
vous , les occasions ne vous manque-
ront pas plus que les moyens. Ah!
monsieur, reprit douloure.usement
M. de Voltaire , hors de l'église point
de salut.
Le prince de Conti disoit , dans
(ii8)
3a dernière maladie, à Bcamnar^
chais qu'il ne pourroit s'en tirer,
va l'état de sa personne , épuisée
par les fatigues de la guerre , dû
-vin et de la joui^ance. A l'égard
de la guerre , dit celui-fcî , le prince
-Eûgèine a fait vingt-Une campagnes ,
et il est mort à yS ^ans; quant au
vin, le marquis de Brancas buvoit
par jour six bouteilles de vin de
Champagne ^ et il est mort à 84''ans.
Oui , mais le coït , reprît lé prince.
-~- Madame votre mère, répondit
Beaumarchais : ( k princesse étoît
morte à yg ans). Tu as raison, dit
le prince ^ il n'est pas impossible
gue j'en revienne.
M. le Régent avoit promis de
faire quelque chose du jeune Arrouet,
c'est-à-dire , d'en faire un important
("9)
ti de le plaoer.i Le jeiine poète ^t«>
tendit le piiaoe du soittir du conseil , >
aiu.. -moment où il iâtoit suivi des
quatre secrétaires d'Etat. Le Régent .
le vît et lui dit : Arrouet , je no
tkî pas oublié^ et je te destine le
déjpartement des niaiseries. Monsei-
gneur, dit le jeune Arrou^ , j'aurois i
trop de rivaux, en voilà quatre.
Le prince pensa étouffer d^ rire.
Quand le maréchal de Richelieu
vint faire sa cour k Louis .XY aprè$
la pris0 de Mahon^U pf ornière chose^
ou plutôt la seule que lui. dît le roi ,.
fut celle-ci: maréchal, savez -vous
la mort de ce pauvre Lansmatt ?
Lansniatt étoit un vieux gardon do
la chambre. i. .
Quelqu'un, ayant lu une lettre très^
sotte de M. Blanchard sur le ballon,
dans le journal de- Paris;, avec cet
esprîti-là^. d£t*-!il,^ce M. Blanchard
doit bi^n ^'ennuyer )en. Tair.
Louis XV* se fit peindre par La
Tour. Le. peintre, tout: en travail-
lant, causoit avec le roi, qui p^-
roissoît lei trouver bon. La Tour,
encouragé , et '■ naturellement indis-
cret, poussa la témérité jusqu'à lui
dire : au fait, sire , vous n'avez point
dé marine. Le toi répondit sèche-
ment : que dites -vous* là ? et Ver-
net, donc ! '
• I
On dit à la duchesse de /Chaul-
nes , mourante' et séparée de ^ son
mari : les sacremens sont là.^ Un pe-
tit moment. — M. le duc de Chaulnes
voudroit bien- vt>us revoir. — Est-H
là?
(m)
là ? Oui. Qu'il attende : il
entrera avec les sacremens*
Je me promenois un jour avec
un de mes amis qui fut salué par
un homme d'assez mauvaise mine.
Je lui demandai ce que c'étoit que
cet homme : il me répondit que
c'étoit un homme qui faisoit pour
sa patrie ce que Bratus n'auroit
pas fait pour la sienne. Je le priai
de mettre cette ^ande idée à mon
niveau. J'appris que son homme
étoit un espion de police.
M. Lemière a mieux dit qu'il ne
vouloit, en disant qu'entré sa Veuve
de 'Malabar, jouée en I770, et sa
Veuve de Malabar, jouée en 1781 ,
il y avoit la différence d'une falourde
à une voie de bois. C'est en effet
II
( Ï22 )
le bAcher perfectionné qui a fait
le succès de la pièce.
M. de C parlant un jour
du gouvernement d'Angleterre et de
ses avantages , dans une assemblée où
se trouvoient plusieurs evêques et
quelques abbés ; un d'eux , nommé
Tabbé de Seguerand , lui dît : mon-
sieur, sur le peu que je sais de ce
pays-là, je ne suis nullement tenté
d'y vivre, et je sens que je m'y
trouverois très -mal. M. ïabbé, lui
répondit naïvenient M.- de C. • . . ,
c'est parce que vous y seriez mal ,
que le pays est excellent,
Plusieurs officiers français étant
allés à Berlin, l'un d'eux parut devant
le roi sans uniforme et en has blancs.
Le roi sapproph^ dç lui, et lui
\
âeiïianda son nom. — • Le marquis*
de Beaucour* — De quel régiment ?
— De Champagne. — Ah oui! ce ré-
giment ou Ton se f . • • de l'ordre ;
et il |>ar)a ensuite àvtx officiers qui
étoient en unifaline et en bottes.
, M. de Cbaulnes ayoit fait peindre
sa feqime en Hébé; il ne savoit com-
ment se faire peindre pour faiie
pendant. Mademoiselle Quinaut, a:
qui il disoit son embarras ^ lui dit
&ites*yoiis peindre en hébété. i
L'empereur , passant à Trieste in-
cognito, selon sa coutume, entra
dans une auberge; il demanda s'il
y avoit une bonne chambre : on.
lui dit qu'un évêque d'Allemagne-
venoit de prendre la dernière , et
qu'il ne restoit plus que deux petit»
bouges. II demanda à souper. On
( "4 )
lai dit qu^il n'y avoit plus qoe de»
cenfs et des légumes ^ parce qaa
Févéqae et 3a suite a voient denmndi-
toute la ycjaille! L'empereur fit cb»
çiauder à réyéque h uii étranger
pouvoit souper ayee lui. L'éyêque>
refusa. L'empereur soupa ayec un
aumônier de Téyéque, qui ne man-
geoit point ayec son maître. de*-
manda à cet aumônier ce qu'il alioit
feire à Kome. Monseigneur, dit
celui-ci^ ya solliciter un bénéfice
de 5o,ooo liyres de rentes, ayan^'
que l'empereur soit informé qu'il est
yacant. On change de conyersation.
L'empereur écrit une lettre au car-
dinal dataire, et une autre à son'
ambassadeur. Il fait promettre à
Faumônier de remettre ces deux
lettres à leur adresse, en arrivant
à Rome. Celai-ci tient sa promesse*
( 125 )
lie cardinal dataire fait expédier
les provisions à Taumônier surpris.
Il va conter son histoire à son évêqua
qui veut partir. Uauniônier, ayant af
faire à Rome , voulut rester ; alors il
apprit à son évêque que cette aven-
ture étoit Feffet d une lettre écrite au
cardinal dataire et à fambassa-
deur de l'Empire , par Fempereur ,
qui étoit cet étranger avec lequel
monseigneur n'avoit pas voulu sou-
per à Trieste.
Le comte de. . • et le marquis de. . .
me demandant quelfe différence je
faisois entre eux, en fait de prin-
cipes f je répondis : la différence
qu'il y a entre vous, est que l'un
lécheroit Vécumoire , et que l'autre
Favaleroit.
( 1^6 )
Madame D*******^ couchant
avec Louis XV , le roi lui dit : tu
as couché avec tous mes sujets.-^Ah ,
sire ! — Tu as eu le duc de Choîseul.
•— Il est si puissant! — Le maréchal
de Richelieu. — Il a tant d'esprit !
— - Mon ville. — Il a une si belle
jambe! - A la bonne heure; mais
le duc d'Aumont, qui n'a rien de
*out cela. — Ah , sire ! il est si at-
taché à votre majesté !
Collé avoit placé une somme d'ar-
gent considérable, à fonds perdu,
et à di^ poilf cent, chez un fi-
nancier qui , à la seconde année ,
ne lui avoit pas encore donné un
sou. Monsieur, lui dit CoUé , dans
une .visite^ qu'il lui fit, quand je
place mon argent en viager,; c^est
poux être payé de mon vivant.
( "7)
Feue madame la duchesse d'Or-
léans étoit fort éprise de son mari^
dans les commencemens de son ma-
riage ; et il y avoit peu de réduits
dans le Palais Royal qui n'en eussent
été témoins. Un jour les deux épou:c
allèrent faire visite à la duchesse
douairière, qui étoit malade. Pendant
la conversation , elle s'endormit ; et le
duc et la jeune duchesse trouvèrent
plaisant de se divertir sur le pied
du lit de la malade. Elle s'en aperçut,
et dit à sa belle fille : il vous étoit
réservé, madame, de faire rougir
du mariage.
Le maréchal de Duras, mécon-^
tent d^un de ses fils, lui dit : mi^
sérable, si tu continues, je te ferai
souper avec le roi. C'est que le jeutie
homme avoit soupe deux fois à
( ia8 )
Marly , où il s étoit ennayé à périr.
Duclos parloit un )our du paradis
que chacun se fait à sa manière.
Madame de Rochefort lui dit :
pour vous , Duclos , . voici de quoi
composer le vôtre : du pain , dq
vin 9 du fromage, et la première
venue.
On disoit à Louis XV qu'un de
SCS gardes , qu on lui nonunoit , alloit
mourir sur le champ, pour avoir
fait 1^ mauvaise plaisanterie d avaler
un ëcu de six livres. Ah ! boa Dieu ,
dit le roi , qu'on aille chercher
Andouillet , Lamartinière , Lassone.
Sire, dit le: duc dç Noailles, ce ne
sont point là les gens qu il f«ut. — £t
qui donc ? — — Sire , c'est Tabbé
Terray. — L'abbé Terxay , com-
C^^ )
ment ? -^ H aniyera, il mettra sta
ce gros éca nu premier dixième ^
un second dixième , mi premier
vingtième , mi second vingtième "
]e gros écn sera rédnit à 36 sons,
comme les nôtres; il s'en ira par les
voies ordinaires , et voilà le malade
guéri. Cette plaisanterie fot la seale
qui ait fait de la peine à Fabbé
Terray. Cest la seule dont il e&k
conservé le souvenir ; il le dit
lui-même au marquis de Ses*
mnîsons.
On appela à la Cour le célèbre
Levret, pour accoucher la feue dau«
phine. M. le dauphin lui dit : vous
4Stes bien content^ M. Levret^ d'ac*
coucher madame la dauphine; cela
va vous &ire de la réputation. Si
ma réputation n'étoit pas faite, dit
(i3o)
tranquillement raccoucheur, je ne
wiou pas ici«
Duclos diaoit un jour à madame
die Rochefbrt et à madame de Mi-'
repoix > que les courtisanes deve-
noient bégueules , et ne youloient
plus entendre le moindre conte un
peu trop Ti£ Elles étoient» disoit-»
iUy plus timorée que les femmes bour
nétes;^ et ià-4f ssus , il eofile U9e bîsi
toijre fort g^e ,^puia uu.e autre encore
plus forte ; enfin , à une troisième ^
qui commençoit encore plus vive-
ment, madame de Roôbefi:u:t f ar-
rête» et lui dit : prenez donc garde ^
Puclos; vous nous croyez aussi par
trop Honnêtes femmes*
Le cocber du roi^e Prusse Payant
len verfté , je roi entra (fons une cot
(i3i)
lèreëpoiiYantaUe. £h bien ! dît le co-
cher , c'est un malheur; et tods! n^a-
vez-vous jamais perda une bataille ?
Le maréchal de Villais fut adomié
au via, même dafis sa vieillesse.
Allant en Italie, pour se mettre
à la tête de Farmée , dans la gaerre
de I7349 ^ ^^ faire sa conr au roi
de Sardaîgne , tellement pris de vin ,
qu'il ne pouvoit se soutenir , et quH
tomba par terre. Dans cet état, il
n'a voit pourtant pas perdu la tête ,
et il dit au roi : me voilà porté tout
naturellement aux pieds de votre
majesté.
Le lord Rochester avoit fait,
dans une pièce de vers , féloge de
la poltronnerie. Il étoit dans un
café; arrive un homme qui avoit
( i32)
reçu des coups de bâton sans se
plaindre. Milord Rocbester , après
beaucoup de complimens, lui dît :
monsieur, si vous étiez homme à
recevoir des coups de bâton si pa-
tiemment, que ne le disiez -vous?
je vous les aurois donné , moi, pour
xne remettre en crédit.
Louis XIV se plaignant , cbezma-
dame de Maintenons du chagrin
que lui causoit la division des évê-
ques;si l'on pou voit, disoit-il, ra-
xnenejc les neuf opposans, on évi-
téroit un schisme ; mais cela ne sera
pas facile. Eh bien ! sire, dit en
riant madame la duchesse, que ne
dites- vous aux quarante de revenir
à l'avis des neuf? ils ne vous re-
fuseront pas.
Le
(i33)
Lie maréchal de Belle-Isle , voyant
que M. de Choiseal prenoit trop
d^ascendant , fit faire contre lui un
mémoire pour le roi , par le jésuite
de Neuville. Il mourut sans avoir pré^
sente ce mémoire, et le porte-feuille
fut porté à M. le duc de Choiseul ^
qui y trouva le mémoire fait contre
lui. Il fit l'impossible pour recon-
noître l'écriture. Il n'y songeoit plus ,
lorsqu'un jésuite considérable lui fit
demander la permission de lui lire
l'éloge qu'on faisoit de lui, dans
l'oraison funèbre du maréchal de
Belle-Isle , composée par le père de
Neuville. La lecture se fit sur le
manuscrit de fauteur , et M. de
Choiseul reconnut alors l'écriture*
La seule vengeance qu'il eiL tira
ce fut de faire dire au père de Neu-
ville qu'il réussissoit mieux dans lé
12
( »54 )
genre de rornîson funèbre , que dans
celui des mémoires au roi.
D • • • . 9 niiâantbrope plaisant , me
disoit , à propos de la méchanceté
des hommes ; il n'y a que Tinutilité
du premier déluge qui gmpêche Dieu
d'en envoyer un second^
L'abbé de la G^Uisière étoit fort
lié avec M* Orrî, avant qu'il fût
contrôleur général. Quand «il fut
nonuné à cette place , son portier ,
devenu suisse, sembloit pe paji le
reconnoître. Mon ^niî, lui dit l'abb^
de I^ G^laijsière , vous ête^ insolent
beaucoup trop tôt : votre maître no
Ir^st pas encore*
yne feqime de 90 ans disoit à M,
^e Foutenelle , âgé dç ^5 : I4 mort
( i35 )
nous a oubliés. Chut, lui répondit
M. de FonfeDcIle ^ eu joiettaut le
doigt sur sa bouche.
M. de Vendôme disoit de ma-
dame de Nemours, qui avoit un long
nez courbé , sur des lèvres ver-
meille^ : elle a Tair d'un perroquet
qui mange une cerise,
/ M. le prince de Charolaîs ayant
surpris M. de Brissac chez sa mai*
tresse, lui dît: sortez. M. de Bris-
sac lui répondit : monseigneur , vos
ancêtres auroient dit : sortons.
M. de Voltaire étant chez ma-
dame du Châtelet , et même dans
sa chambre , s amusoit avec labbé
Mignot , encore enfant , et qu'il
tenoit sur ^^& genoux. Il se mit
(i36)
k jaser avec lui , et à lui donner
des instructions. Mon ami , lui dit-
il, pour réussir avec les hommes,
il faut avoir les femmes pour soi ;
pour avoir les fenoimes pour soi,
il faut les connoître. Vous saurez
donc que toutes les femmes sont
fausses et catins Comment ,
toutes les femmes ? que dites-vous
là , monsieur , dit madame da
Châtelet en colère? Madame, dit
M. de Voltaire , il ne faut pas trom-
per l'enfance.
M; de Tùrenne, dînant chez
M. de Lamoignon , celui-ci lui de-
manda si son intrépidité n'étoit
pas ébranlée * au- commencement
d'une bataille. Oui, dit M. de Tu-
renne, j'éprouve nne grande agita-
tion; mais il y a dans l'armée
plusieurs officiers subdUetnês et un
grand nombre de soldate qui n'en
éprouyeut aucune*
Je pjk*oposoÎ3 à M. de L. un ma-
riage qui sembloit avantageux. 11
me répondit : pourquoi memarierois-
je ? le mieux qui puisse m'arriver,
en me mariant, est de n'être pas
Cocu, ce que j'obtiendrai encore
plus sûrement, en ne me mairiant pas.
Fontenelle avoit fait un opéra
où il y avoit un chœur de prêtres ,
cjuî scandalisoit les dévots. L'arche-
vêque de Paris voulut le faire sup-
primer, je ne me mêle pas de son i
clergé, dit Fontenelle, qu'il ne se
mêle pas du mien«
La maréchale de Luxembourg ^
( ï38)
arrivant à Téglise un peu trop tard ,
demanda où en étoît la messe, et
dans cet instant la sonnette du lever
Dieu sonna. Le comte de Chabot
lui dit en bégayant : madame la
maréchale ,
J'entends la petite clochette y
Le petit uiouton n'est pas loin.
V
Ce sont deux, vers d'un opéra
comique.
♦ •
On demandoit à M. de Fontenelle
mourant, comment cela va-t-il?
cela ne va pas, dit -il; cela s'en va.
Le roi de Pologne Stanislas avoit
des bontés pour l'abbé Porquet, et
n'avoit encore rien fait pour lai.
L'abbé lui en faisoit l'observation :
mais 3 mou cher abbé^ dit le roi;
il y a beaucoup de votre faute ,
vous tenez des discours très -libres;
on prétend que vous ne croyez pas
en Dieu ; il faut vous modérer ; tâ-
chez d'y croire. Je vous donne un
an pour cela.
Louis XV ayant refusé vingt-cinq
mille francs de sa cassette à Lebel ,
son valet de chambre, pour la dé-
pense de ses petits appartemens ,
et lui disant de s'adresser au trésor
royal, Lebel lui répondit : pourquoi
m'exposerois-je aux refus et aux
tracasseries de ces gens là , tandis
que vous avez là plusieurs raillions?
Le roi lui répondit: je n'aime pointa
me dessaisir : il faut toujours avoir
de quoi vivre.
Un homme très -pauvre qui avoit
( 140)
fait un livre contre le gouvememenl'f
disoit : morbleu , la bastille n'arrive
point ; et voilà qu'il faut tout à
Vheure payer mon terme.
Quand farclievêque de Lyon,
Montazet , alla prendre possession
de ^on siège , une vieille cbanoi-
liesse de ... • , sœur da cardinal de
Tencin, lui fît compliment de ses
succès auprès des femmes , et entre
autres , de l'enfant qn'il avoit eu
de madame de Mazarin. Le prélat
nia tout , et ajouta : madame , vous
savez que la calomnie ne vous a
pas ménagée vous-même. Mon his-
toire avec madame de Mazarin n'est
pas plus vraie que celle qu'on vous
a prêté avec M. le caràinal. En ce
cas , dit la cbanoinesse tranquille*
Yucnt : fenfant; est de yous.
( Hr )
Le maréchal de Broglîe, affron-
tant un danger inutile, et ne vou-
lant pas se retirer; tous ses amis
faisoient de vains efforts pour lui
en faire sentir la nécessité. Enfin ,
l'un d'entre eux, M. de Jaucour^
s'approcha , et lui dit à l'oreille : M.
le maréchal , songez que si vous
êtes tué, c'est M. de Routhe qui
commandera. Cétoit le plus sot des
lieutenans généraux. M. de Broglie,
frappé du danger que couroît l'ar-
mée, se retira.
Un homme huvoît à table d'ex*
ùellent vin , sans le louer. Le maître
de la maison lui en fit servir do
très-médiocre. Voilà de bon vin ^
dit le buveur silencieux. C'est dut
vin à dix sous, dit le maître, et
l'autre est un vin des dieux. Je 1%
( '4a)
sais , reprit le convive ; aussi ne
lai -je pas loué. Cest celui-ci qui a
besoin de reconunandation.
Duclos disoit; pour ne pas pror
faner le nom de Romain ^ en par-»
lant des Romains modernes , un Ita*
lien de liùme.
Jfe vous prie de croire , disoit M . •
à un homme très -riche, que je n'ai
pas besoin de ce qui me manque.
M.. . à qui on ofiroit une place
dont quelques fonctions blessoient
$SL déKc^tesse , répondit : cette place
ne convient ni à Famour propre que
je me permets , ni à celui que je me
commande.
^ AI.**. • qui a voit une collée lion
( H3 )
des discours de réception à Faca-
démie française , me disoit : lorsque
j'y jette les .yeux , il me semble voir
des carcasses de feu d'artifice, après
la St.-Jean,
•
Une jeune personne , dont la mère
étoit jalouse et à qui les i3 ans de
sa fille défil^isoient infiniment^ me
disoit un jour: jai toujours envie
de lui demander pardon detre née.
On disoit à M. • • • , académicien :
vous vous marierez quelque jour.
11 répondit : j'ai tant plaisanté Fa-»
éadémie, et j'en suis; j'ai toujours
peur quil ne m^^iriye \ei même
phose pour le mariage,
M... disoit de mademoiselle...^
Çqvii n'étoit pQint vénale , n'écoutoit
(144)
que son cœur, et restoit fidelle à
Tobjet de son choix) : c'est une
personne charmante, et qui, vit le
plus honnêtement qu'il est possible;
hors du mariage et du célibat
M. de L . . . . , connu pour mi-
santhrope, me disoit un jour, à
propos de son goût pour la solitude :
il faut diablement aimer quelqu'un
pour le voir.
Qu'un homme d'esprit (disoît en
riant M. de ••••), ait dés doutes
sur sa maîtresse, cela se conçoit;
mais sur sa femme ! il faut être bien
bête.
«
Dans le monde, disoit M.-.. ,
vous avez trois sortes d'amis : vos
amis qui vous aiment ; vos amis qui
ne
( 145 )
ne se soucient pas de* vous,; et
vos amis qui tous haïssent. ^
>
M. de. . . disoit qu'il ne falloit
rien lire dans les séances publiqi^eai
de l'académie française, par de-Ià ce
qui est imposé par les statuts^ et il
niotivoit son avis en disant : en
fcdt d'inutilités ^ il ne faut que le
nécessaire. .
\
1 F . . •
On prpposoit un .mariage à M... ,
il Tjépondit ; il y a deux choses
que j'ai toujours aimées à la folie ,
ce sont les femmes et le célibat. J'ai
perdu ma première passion , il faut
que, je conserve la seconde. .
!. Thomas me disoit un jour :
)é n'ai pas besoiti de mes contem-
porains ; mais j'ai besoin de la pos*
i3
_>
( 145 )
♦êritë': (îraiinoit Beaucoup la gloire).
Beau résultat de la philosophie , lUî
dîs-jç , de . pouvoir se passer des
vivans,' poUr avoir besoin de ceux
qui lire sont pas nés.
On proposoît à un célibataire de
»e marier , il répondit par de la
plaisanterie ; et comme il y avoit mis
beaucoup d'esprit , on lui dît : votre
femme ne s'ennuyeroit pas ; sur (juoi
il répondît : si elle ^tdît jolie , snre-
ihent elle ^amuseroit tout comme
une autre; '
: M . . . , qui venoit de publier un
ouvrage qui avoit beaucoup réussi ,
étoit sollicité d'en publier un second ,
dont ses amis' faisoieixt grand éâs.
Non , dit-il , il faut laisser à l'enviQ
îc temps d'essuyej: son écume.
. ( '47 )
M...., jeune homme, mô demalir*
doit pourquoi madame d^ B . . . . f
avoit refiisé son hommage y qu'il lui
offroit 5 pour coui:ir après celui dç
M. de L.» . , qui sembloit se refuser
à ses avances; je lui dis : mon cher
ami, Gênes, riche et puissante ^ a
ofl'ert sa souveraineté à plusieurs
rois, qui Tont refusée, et on a fait
la guerre pour la Corse , qui nç
produit que des châtaignes, mais
qui étoit fière et indépendante*
On reprochoit à M. L ,
homme de lettres, de ne plus rien
donner au public. Que voulez -vous
qu'on imprime, dit-il, dan§ un pays
où l'almanach de Liège est défendu
de temps en temps?
M... disoitdeM.de laR***^^
( 148 )
ehes qui tout le inonde va pour sa
table, et qu'on trouve très -en-
nuyeux ; on le mange ^ mais on
ne le digère pas.
Je demandois à M s^il se
tnarieroit ; il me répondit : pourquoi
faire ? pour payer au roi de France
la capitation et les trois vingtièmes
après ma mort.
M. de ... • demandoit à Tévéque
de. .\ une maison de campagne
où il n'alloit jamais; celui-ci lut
répondit : ne savez-vous pas qu'il
feut toujours avoir un endroit où
l'on n'aille point et où l'on croie que
l'on seroit heureux si on y alloît?
M. de. . •, après un instant de si*
lence , répondit : cela est vrai , et
c'est ce qui a fait lafortune duparadîs.
(149)
Mîltpû , après le rétablissement de
Charles II , étoit dans le cas de re-
prendre une place très - lucrative
qu'il avoit perdue ; sa * femme l'y
exhortoit; il lui répondit: vous êtes
femme et vous voulez avoir un car-
rosse ; moi je veux vivre et mou-
rir en honnête homme.
M. de Galonné voulant introduira
des femmes dans son cabinet , trou-
va que la clé n'entroit point dans
la serrure, 11 lâcha un f . . . . d'im-
patience ^ et sentant sa faute : par-
don, mesdames, dit-il , j'ai fait bien
des affaires dans ma vie , et j'ai vu
qu'il n'y a qu'un mot qi4 serve. En
effet , la clé entra tout de suite.
/ Je pressois M. de L. . . d'oublier
les torts de M. de B. . . (qui l'avoit
luî-iriême épousé en secondes hôces,
étant veuf d'une calviniste. ' ^
*
On disoit d'un courtisan léger;
mais non corrompu : il a pris de là
poussière dans le tourbillon, maîa
il n'a pas pris de tache dans la boue«
Une femme parloît emphatique-
ment de sa vertu , et ne vouloit
plus, disoit -elle, entendre parler d'a-
mour. Un homme d^esprit dit là-
dessus : à quoi bon toute cette for-
fanterie ? ne peut -on pas trouver un
amant sans dire tout cela ?
Dans le iemps de l'assemblée des
notables, un homme vouloit faire
parler le perroquet de madame de.^
Ne vous fatiguez pas, lui dit -elle,
il n'ouvre' jamais le bec. •--< Comment
/
( 152 )
avez -vous un perroquet qui ne dît
mot? ayez -en un qui dise au moins
vive le roi. Dieu m'en préserve , dit-
elle : un perroquet disant vive le
roi! je ne l'aurois plus. On en au-
roît fait un notable.
M. de Vergennes n'aîmoit point
les gens de lettres , et on remarqua
qu'aucun écrivain distingué n'avoit
fait des vers sur la paix de 1783;
sur quoi quelqu'un disoit : il y en
a deux raisons ; il ne donne rien
aux poètes, et ne prête pas à la
poésie.
. Je demandois à M . . • . quelle
étoit sa raison de refuser un mariage
avantageux. Je ne ceux point me
marier^ dit-il , dans la crainte d^ avoir
un Jih qui me re^^embk* Comme
(i53)
î'étois surpris , vu que c'est un très-
honnête homme; oui, dit-il, ouï,
dans la crainte d'avoir un fils qui ,
étant pauvre comme moi , ne sache
ni mentir , ni flatter , ni ramper ,
et ait à subir les mêmes épreuves
que moi.
TJn malheureux portier , à qui les
enfans de son maître refusèrent do
payer un legs de looo liv. , qu'il
pouvoit réclamer par justice, me
dit: voulez -vous, monsieur, que
j'aille plaider contre les enfans dua
homme que j'ai servi vingt- cinq ans ,
et que je sers eux-mêmes depuis
quinze? 11 ^e faisoit de leur injus^
tîce même , une raison detre'gëné-
reux à leur égard. . . . _. '\
IdT. deL.... ihe disbît ^ relafi Vement
( i54 )
an plaisir des femines ^ qae lorsqu'on
cesse de pouvoir être prodigue , il
faut devenir avare, et qu'en ce
genre, celui qui cesse d'être ri-
che commence à être pauvre. Four
moi , dit-il , aussitôt que j'ai été
obligé de distinguer entre la lettre
de change payable à vue , et la
lettre payable à échéance , j'^ quitté
la banque.
Un homme de lettres à qui un
grand seigneur faisoit sentir la su-
périorité de son rang , lui dit :
monsieur le duc, je n'ignore pas
ce que je dois savoir, mais je sais
aussi qu'il est plus aisé d'être au- i
dessus de moi qu'à côté.
Le maréchal de Noailles avoit un
procès au parlement, avec un de
( i55 )
SCS fermiers. Huit à neuf COnafcilTers
se récusèrent j disant : louis en qualité
de parens de M* de Noailles ; et ils
l'étoient en effet au huitième degré.
Un conseiller 5 nommé M. Hurson,
trouvant cette vanité 'ridicule, se
leva , disant : je me récuse aussi.
Le" premier président lui demanda
en quelle qualité. Il répondit : conoone
parent du fermier.
M. ... 5 à qui on' reprochoit son
Indifférence pour les. femmes , disait :
je puis diresuT élle^,'cè qiie ma-
dame de C . . . disoftsur les enfans.
J'ai dans la tête un fils dont ie
n'ai jamais pu accoucher. J'ai dans -
l'esprit une fémmfe comme il y en
a peu, qui me préserve des femmes
comme il y en a beaucoup. J'ai bien
des obligations à cette femme-là.
(156)
. Lès aiùîs de M • . ^ . ,.^ 'jguloîeiit
plier son caractère à leurs fantaisies,
et le trouvant toujours le. même,
disoient qu'il étoit incorrigible; il
leur répondit : si je n'étois pas in-
corrigible, il y a bien long-temps
que je serois corrompu.
On reprochoit à M. de. . • , d'être
le médecin Tant Pis. Cela vient , ré-
pondit-il , de ce que j'ai vu enterrer
tous les^ malades du médecin Tant
Mieux. Aif.mc)ins si Iqs miens meu-
rent , on ii'^ point à me repi^ocher
d'être un sot.
Un homme qui avoit refusé
d'avoir, madara^e de S.. . . , disoit : à
quoi ilsert l'esprit,, s'il Ae sert pas à
SLavoir point mad^mq. de. . .' ?
' ' ' . '
Quelqu'un
(i57)
Quelqu'un disoit d'un homme très-
personnel : il bruleroit vpt^emai8o^
pour sfi faire cuire deux œufs.
Le duc de . . . ;, qui avoit autre-^
fois de Pesprit, qui recherchoit la
conversation des honnêtes gens , s'est
mis^ à cinquante ans, à mener la
vie d'un courtisan ordinaire. Ce.mé-
tier et la vie de Versailles lui con-
viennent dans la 4écadence de son
esprit, conune le jeu convient aux
vieilles femmes.
Un homme dont la santé s'étoit
rétablie en assez peu de.temp^ et
à qui on en demaodoit la raison,
répondit : c'est que; je compte avec
moi, au lieu qu'auparavai^t jecomp-
tois sur mois« >
• ■ • - •
M-
\
- ( i58 )
Je er6!9, disoh M. . . V sur îeilac
de ',^qitè son nom est sdmpltfi
grand -mStite, et t^^l è tontes les
vertus (jui se font dans une par*
chémînerîé^
I
Orf laccnsbît xm jénne fadrânie^d^
là Cour d'aimer les fïDes 'afec fti*
Yeur. ily avoit là plusieurs femmes
honnêtes et considérables avec qtïi
«ela ponvoit le brouîHer: Un de s^
mmis qui ëtoît présent ,' répondît :
exagération , méchaïiceté^', il a aus^
des femmes.
' M. de L. . ... 5 dîsoîf qu'on auroît
dû appliquer au mariage , la police
telâtive aux maison; qu*on loue par
un'bail , pour trois , éix et bèùf ans ,
avec pouvoir d'acbeter là toaison»
si ellci vous convient*
: (
1-
C i59 >
M . . :. - ^oit , pbup e%pnmei le
mépris, une formulé favorite : cfeA
Favant-demier des hotnmtîs. —-Pour-
quoi l'avant- dernier 3 lui demandoit-
on ? — *• Pour ne décourager ' pei^
sonne 9 car il y a presse* ^^'
k * • '
M. de C . • • avoît reçu un bienfait
de M, d'A*, .• , celui-ci avoit re-
commandé le secret. 11 fut gardA
Plusieurs années aprtjs ils* se brouil-
lèrent', alôts 'M.*^ de 'G .'\'if J- révéla le
secret du bienfait qu'il avoit reçiï.
M. T, .. , leur ami commun, ins-
truît, demanda' à M. de^ C. . . . la
raison de cette apparetite^bi^arrerie.
Celui-ci répond i j^i tk ion bièn^
fait -tant que je Tài aîiàé.vTe parle',
parce ^'iieiè^»^- faime'' pWs. C'étoîV
alors sTon secret, à j^résent,' c^est
le mien.
i
(i60
mtqm^GOûiamnéà attendre deux
heures qxreHe^ soit liétabHe. Le do«
œestique va et fait la coiii mission «
Quel hpmme est*ce? dit Tarcbevêque.
£st-ce qaelqa\tii comitie il faut?-— Je
le croîs ii'moofieigneur; il a nn air
bien hoiUDéte. -•— Qu'appelle-ta hoii-
aéte ? est-il bien mis ? — Monseigneur ,
simplement) mais bien.— A- 1- il
des gens? — Monseigneur, je l'ima*
gîne. — Va t'en le savoir. Le domes^^
tique va et revient : — monseigneur,
li, les a enVpy^^ devant à Versailles.
— Ah ! c'est quelque chose ! Mais
ce n'est pas tout; demande-lui s^l
est gentilhomme. Le laquais va et
revient* — Oui , monseigneur, it est
gentilhomme. — A la boline heure:
quîl vienne , nous Verrons ce que
c'est. Le Dtic arrive , salue. PArche-
yéquefaïtuiir signe de tête ^ se range
^
(i65)
k peine pour faire une petite place
daas sa voiture. 11 voit une croix
de Saint- Louis. Monsieur, dit -il
au duc-, je suis fôcbé de vous
avoir fait attendre ,. mais je ne pou-*
vois donner une place dans ma
voiture à un homme de rien : vojas
en conviendrez. ;Je sais que vous
êtes gentilhomme. Vous avez servi ,
à ce que je vois?— -Oui, mon^
seigneur. Et vous allez à Ver-»
«ailles ? — Oui , monseigneur. — Dana
les bureaux apparemment — Non ^
je n'ai rien à faire dans les bureaux»;
Je vais remercier — qui, M. de
Louvois ? — Non , monseigneur , le
roi. — Le roi ! ( ici farchevéque se
recule et fait un peu de place).
--^Le roi vient donc de vous faire
^elque grâce toute récente ?— Non,
monseigneur , c'e^t une loBg;ae
' ( m )
toîre^*— Contez' toujours. — ^ C'^t
qu'il y^a. deux ans j'ai marié ma
fille à un homme peu .riche (Tar-
ehevéque reprend un peu de l'es-
pace qu'il a cédé dans^ la voiture) ,
mais d'un très* grand nom, (I/ar^
chevêque recède la place). Le dao
conlînue. Sa majesté avoit hien von-
lu s'intéresser à ce mariage... (Iw
c^evéque fait beaucoup de place)
et avoit même promis à mon gen(ke
le premier gouvernement qui vaquer
roît. — -* Comment donc ? un petit
gouvernement sans doute ! De quelle
ville ? — Ce n'est pas d'une ville ,
. nlopseigneur , c'est d'une province.
— D'une province, monsieur! crie
Tarchevéque , en reculant dans l'an*
gle de sa voiture;. d'une province!
r^— Oui, et il va y en avoir uv
de. vacant, r^ Lequel , donc ? i^ jLe
(165)
mien y celui de Berri , que je veux
faire passer à mon gendre. — Quoi J
monsieur . . • vous êtes gouverneur
de • • • Vous êtes donc le duc d' A • • •'
Et il veut descendre dé sa voiture....
Mais monsieur le duc , que ne par-
liez- vous ? Mais cela est incroyable.
Mais à quoi m'exposez- vous? Pardon
de vous avoir fait attendre. . . Ce
maraud de laquais qui nevme dit
pas . • • • Je suis bien heureux en*
core d'avoir cru sur votre parole
que vous étiez gentilhomme : tant
de gens le disent sans l'être! et puis
ce d'Hozier est un fripon. Ah ! M. le
duc, je suis confus. — Remettez*
vous, monseigneur. Pardonnez à
votre laquais , qui s'est contenté de
vous dire que j'étois un honnête
homme. Pardonnez à d'Hozier , qui
vous exposoit à recevoir dans votre
(i66 )
Voiture un vieux militaire non titré-;
et pardonnez - moi aussi de n'aypir
pas iîommencé par faire mes preuves
pour monter dans votre carrosse.
Le philosophe qui fait tout pour
la vanité, a-t-il le droit de mépri-
ser le courtisan qui fait tout pour
l'intérêt? Il me semble que l'un
emporte les louis d'or et que l'autre
se retire content, après en avoir
entendu le bruit, D'Alembert, cour-
tisan de Voltaire , par un intérêt
de vanité , est-il bien au<^essus de
tel ou tel courtisan de Louis XIY ,
qui vouloit une pension ou un gou**
vernement? . ■*
' Speron-Speroni explique très-bien
comment \ûi auteur qui s'énox^c^
très- clairement pour lui-même > est
I
( ï67 )
^lielqùefoîs obscur pour son lectetu: t
c'est 5 dit-il , que l'auteur va de la
pensée à l'expression , et que la
lecteur va de l'expression à la pensée.
Célébrité : l'avantage d'être connu
de ceux qui ne vous conuoissent
p^s*
Si l'on avoit dît à Adam , le len-
demain de la mort d'Abel , que dana
quelques siècles il y auroit des
endroits on ,* dans Fenceinte * do
quatre lieues carrées, se trpuveroîent
réunis et amonoelés «ept ou huit
cent mille hommes, auroit-il cru
que ces multifudes-pussent jamais
vivre ensemble? Ne se seroit-il pas
fait une idée encore plus affreuse
de ce qui s'y commet de crimes et
de monstruosités? C'est la réflexion
( i68)
^ quTl Faut faire pour se consoler
des abus attachés à ces étonnantes
réunions dlionunes.
Quand on veut éviter d'être char-*
latan , il faut fuir les tréteaux ; car
si l'on y monte , çn est bien forcé
d'être charlatan, sans quoi l'assem-
blée vous jette des pierres.
La nature a voulu que les il*
lusions fussent pour les sages comme
pour les fous , alin que. les premiers
ne fussent pas trop malheureux par
leur propre sagesse»
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FIN.
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