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Full text of "Chymie expérimentale et raissonnée"

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Duke  University  Libraries 


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C  H  Y  M  I  E 

EXPERIMENTALE 

E  T 

RAISONNE  E, 

Avec  des  Vignettes  &  des  Figures  en  taille-douce. 

TOME    I. 


C  H  Y  M  I  E 


EXP  ÈRIMENTALE 

E  T 

RAISONNÉ  E, 

Par  M.  B  A  u  M  t ,  Maître  Apothicaire  de  Paris , 

Démonftrateur  en  Chymie ,  &  de  l'Académie 

Royale  des  Sciences. 

TOME     PREMIER. 


J*M.More*»i  U  i^i 


A     PARIS, 

Chez  P.  Franc.  D i d o t  le  jeune ,  Libraire  de  la  Facul 
de  Médecine ,  quai  àts  Auguftins. 


te 


M.    D  C  C.    L  X  X  I  I  I. 

^VEC  APPROBATION^  ET  PRIVILEGE  DU  ROI, 


«vif  /f- 

AVERTISSEMENT. 

O  N  me  difpenfera  volontiers  de  remonter  aux 
premiers  âges  des  Sciences  pour  y  découvrir  l'o- 
rigine de  la  Cliyniie.  Ce  travail  a  été  entrepris 
par  plufieurs  célèbres  Chymiftes  ,  tels  que  Boer- 
haave ,  Junker  ,  Senac ,  &cc.  11  réfulte  à  peu 
près  de  leurs  recherches  ,  que  la  Chymie  ,  ainfi 
que  les  autres  fciences  phyfiques  ,  eft  née  du 
génie  obfervateur,  &c  qu'elle  s'eft  développée  a 
mefure  que  les  Chymilles  ont  mis  les  principes 
de  l'ignorance  à  l'écart  j  pour  étudier  la  Nature  par 
la  voie  de  l'expérience.  La  Chymie  dans  fon  ori" 
gine  étoit  la  fcience  occulte  ,  la  fcience  réfervée 
à  un  petit  nombre  d'Adeptes.  Ses  procédés  étoient 
en  conféquence  écrits  dans  un  ftyle  énigmatique 
&  fous  le  voile  des  hiéroglyphes.  Ce  n'eft  que 
Vers  la  fin  du  fiecle  dernier  ,  que  les  Chymiftes 
fe  mirent  dans  la  voie  de  l'expérience  ,  &  qu'ils 
donnèrent  leurs  procédés  dans  un  ftyle  clair  & 
intelligible  à  tous  les  Phyficiens.  Ce  feroit  donc 
un  travail  alTez  intruélueux  que  de  confulter  les 
ouvrages  des  anciens  Chymiftes.  Ce  qu'ils  ont 
dit  de  bon  eft  li  obfcur  ,  qu'on  a  plutôt  fait  de 
mettre  la  main  à  l'œuvre  &  d'opérer  foi-mème  ,• 
que  de  chercher  à  deviner  ce  qu'ils  ont  voulu 
idire.  C'eft  le  parti  que  j'ai  cru  devoir  prendre. 
Tome  Je  4 


ij       AVERTISSEMENT. 

Une  hiftoire  exade  de  raifonnce  des  décoiî' 
vertes  en  Cliymie  ,  dans  l'ordre  où  elles  ont  été 
publiées,   préfenteroit  un  tableau  fatisfaifant  de 
nos  connoillances  acquifes  dans  cette  fcience ,  & 
nous  montreroit  en  même  temps  la  marche  de 
refprit  humain  dans  cette  carrière.  Cette  hiftoire 
indiqueroit  ce  que  l'on  a  fait ,  ôc  ce  qu'il  con- 
viendroit  de  faire  pour  contribuer  au  progrès  de  la 
Chymie.  Un  ouvrage  de  ce  genre  feroit  donc  du 
plus  grand  fecours  à  ceux  dont  le  goût  du  travail 
l'emporte  fur  celui  de  la  ledure ,  &  leur  épar- 
gneroit  fouvent  la  perte  d'un  temps  précieux  em- 
ployé à  des  expériences  déjà  faites.  Le  zèle  de 
ces  coopérateurs  fe  porteroit  pour  lors  vers  des 
objets  plus  utiles  à  l'avancement  de  la  fcience* 

L'Ouvrage  que  je  préfente,  forme  un  corps  d'o- 
pérations fondamentales  de  Chymie.  Il  eft  le 
fruit  de  plus  de  vingt -cinq  années  de  travail. 
Dans  cet  efpace  de  temps  ,  j'ai  démontré  la  Chy- 
mie avec  M.  Macqner  ,  8c  nous  avons  fait  en- 
femble  feize  cours  de  Chymie  :  chaque  cours  com- 
porroit  plus  de  deux  mille  expériences.  J'ai  fait 
en  outre  plus  de  dix  mille  expériences  accelToires 
à  ces  cours  ,  qui  ont  fait  l'objet  de  beaucoup  de 
Mémoires,  dont  plufieurs  ont  été  lus  à  l'Acadé- 
mie. Les  autres  ont  été  publiés  dans  les  Jour- 
naux &;  dans  divers  écrits  particuliers.  Tous  ces 
Mémoires  ont  fervi  de  matériaux  à  cet  Ouvrage  , 


Avertissement,    il) 

&  font  la  bafe  cie  la  nouvelle  théoiie  que  je  me 
fuis  formée  fur  les  grands  &  principaux  phéno- 
inenes  de  la  Nature  ,  ôc  fur  les  opérations  fonda- 
tnentales  de  la  Cliymie. 

J'ai  plus  opéré  que  lu  ,  ^  je  m'en  fais  bon  gré. 
Il  m'a  paru  que  cette  méthode  étoit  la  meilleure 
pour  faire  quelques  progrès  dans  une  fcicnce  qui , 
comme  la  Chymie  ,  eft  entièrement  fondée  fur 
l'expérience.  Cependant  je  n'ai  point  négligé  de 
lire  les  découvertes  de  nos  prédécefTeurs  ,  &  d'en 
profiter.  J'en  fais  ufage  avec  reconnoilTance  en 
citant  les  Auteurs  à  mefure  que  les  occalions  s'en 
préfentent.  Si  j'ai  fait  quelques  omlflions  relati-» 
ves  à  cet  objet  5  je  les  réparerai  audî-tôt  que  je 
ferai  inftruit.  Il  eft  bien  jufte  d'alTurer  l'honneur 
d'une  découverte  à  celui  qui  l'a  faite ,  puifque 
cet  honneur  eft  fouvent  la  feule  récompenfe  de 
fes  travaux. 

L'érudition  eft  certainement  néceflfaire  dans 
les  fciences  j  mais  elle  n'eft  pas  fans  inconvénients, 
fur-tout  quand  la  ledure  n'eft  pas  précédée  d'un 
travail  un  peu  foutenu.  Lorfqu'on  commence 
par  lire  beaucoup  avant  d'avoir  opéré  ,  on  fe  for- 
me ,  fins  s'en  appercevoir  ,  un  fyftême  d'après 
les  connoi(rances  d'autrui.  Le  défaut  d'expé- 
rience eft  caufe  qu'on  adopte  tout  ce  qui  paroît 
favorable  au  fyftême  que  l'on  a  époufé  par  pa- 
relfe.  L'on  rejette  en  conféquence  tout  ce  qui  ne 


iv      AVERTISSEMENT. 

s'y  rapporte  point.  Ceux  qui  trouvent  qu'il  efl 
plus  commode  de  lire  que  d'opérer,  portent  ra- 
rement un  jugement  bien  ùÀn  fur  les  nouvelles 
découvertes.  Leur  imagination  foiblement  affec- 
tée les  empêche  de  pouvoir  faifir  avec  précifion 
les  vrais  rapports  que  peuvent  avoir  les  nouvelles 
découvertes  avec  l'enfemble  de  la  Chymie. 

J'ai  été  obligé  par  état  de  répéter  un  grand 
nombre  de  fois ,  prefque  toutes  les  opérations 
ordinaires  de  la  Chymie  ,  c'eft  ce  qui  m'a  mis  à 
portée  de  fîmplifier  les  appareils  :  Se  j'ofe  croire 
les  avoir  réduits  à  leur  plus  grand  degré  de  im- 
plicite. Tous  ces  appareils  compliqués ,  décrits 
.Cl  longuement  dans  la  plupart  des  livres  de  Chy- 
mie ,  font  abfolument  inutiles ,  embarraflTants , 
ôc  ne  fervent  le  plus  fouvent  qu'à  rebuter  ceux 
qui  veulent  s'initier  dans  la  Chymie. 

Je  décris  les  manipulations  avec  clarté  :  je  n'o- 
mets rien  d'elTentiel  pour  opérer  furement  & 
commodément  :  j'entre  même  quelquefois  dans 
^es  détails  qu'on  pourroit  regarder  comme  minu- 
tieux j  mais  je  fuis  perfuadé  qu'ils  font  très  né- 
cefTaires  à  ceux  qui  ne  font  pas  fuffifamment 
habitués  au  manuel  des  opérations.  On  trouvera 
des  détails  importants  fur  plulieurs  opérations  qui 
ne  fe  rencontrent  dans  aucun  livre  de  Chymie  , 
ôc  des  manipulations  fîmples  qui  abrègent  confi- 
dérablement  certains  procédés.  C'eft  un  des  prin- 


AVERTISSEMENT.       y 

cipaux  mérites  de  cet  Ouvrage.  Je  ne  contredis- 
perfonne  fur  le  manuel  des  opérations  ,  chacun 
doit  être  libre  d'opérer  comme  il  le  juge  à  pro- 
pos. Je  me  permets  encore  moins  de  combattre 
la  théorie  de  ceux  qui  m'ont  précédé.  L'explica- 
tion des  phénomènes  de  la  Chymie  efl:  le  plus 
fouvent  fondée  fur  des  opinions  qui  peuvent 
ctre  envifagées  fous  différents  afpedts.  Chacun 
ayant  fa  manière  de  voir  ,  doit  avoir  la  liberté 
de  régler  en  conféquence  fes  opinions.  Je  rends 
compte  des  miennes.  Je  tâche  feulement  d'ap- 
puyer plufieurs  points  de  théorie  que  je  crois  m'ê- 
n:e  particuliers  fur  de  nouvelles  expériences,  fans 
exiger  qu'on  trouve  ma  théorie  meilleure  que 
celle  que  d'autres  Auteurs  ont  pu  donner  avant 
moi  fur  les  mêmes  objets.  Je  n'ai  abfolument 
point  gêné  ma  façon  de  penfer  :  &  fi  l'on  me 
trouve  fouvent  d'un  fentiment  contraire  à  ceux 
de  nos  meilleurs  Chymiftes  ,  jeprotefte  de  bonne 
foi  qu'il  n'y  a  pas  la  moindre  vanité  de  ma  part  ^ 
c'eft feulement  que  j'ai  cru  que  de  nouvelles  ex- 
périen:.es  &  de  nouvelles  obfervations  dévoient 
me  taire  penfer  autrement  qu'eux  ^  je  n'en  n'ai 
pas  moins  d'eftime  pour  leur  théorie. 

On  trouvera  que  j'indique  beaucoup  de  points.- 
de  théorie  ou  de  pratique  qui  n'ont  été  qu'entre- 
vus ,  d'autres  qui  ne  font  énoncés  qu'à  demi, 
&  çnjiu  qu'il  y  a  nombre  d'expériences  capitales»- 

aiij 


vj      AVERTISSEMENT. 

qui  ne  font  pas  mcme  commencées.  J'ai  cru  de^ 
voir  en  faire  mention  ,  i°.  afin  de  mieux  faire 
fentir  à  ceux  qui  cultivent  la  Cliymie  ,  combien 
ilrefte  encore  de  chofes  à  faire  pour  compléter 
autant  qu'il  eft  en  notre  foible  pouvoir ,  les  con- 
noilTances  de  certaines  parties  de  cette  fcience  , 
fur  lefquelles  on  n'a  que  peu  ou  point  travaillé, 
2°.  J'ai  indiqué  des  expériences  à  faire,  afin  de 
mettre  fur  la  voie  ceux  qui  ont  la  bonne  volonté 
de  contribuer  par  leurs  travaux  aux  progrès  de  la 
Chymie.  Je  protefte  que  je  n'ai  aucune  prétention 
dans  les  découvertes  qui  peuvent  réfulter  des  dif-. 
férents  travaux  que  je  fuggere  ;  ce  feroit  une 
petite  vanité  qui  pourroit  nuire  aux  progrès  de  la 
fcience  :  d'ailleurs  je  connois  trop  la  différence 
qu'il  y  a  entre  une  idée  qui  peut  être  quelquefois 
hafardée  ,  &:  un  travail  fuivi,  foutenu,  &c  accom- 
pagné de  réflexions  bien  combinées.  La  Chymie 
préfente  une  carrière  fi  vafte  qu'elle  peut  occuper 
tous  ceux  qui  voudront  cultiver  cette  fcience.  Le 
travaille  plus  opiniâtre  d'un  feul  homme,  que 
dis  -je  ?  de  plufieurs  générations,  n'ePc  pas  ca- 
pable d'épuifer  feulement  une  matière  ,  comme 
il  fera  facile  de  s'en  convaincre  par  le  tableau, 
fui  van  t. 

La  Chymie  a  pour  objet  la  connoifTance  ,  l'a- 
nalyfe  &z  la  combinaifon  des  productions  de  la 
\^.:;çure,    Cette  fçiçnçç  XiA  d'autres  borpes  qu© 


AVERTISSEMENT,     vij 

telle.s  de  la  Nature  elle  -  même  ,  c'eft-à-dii-e 
qu'elle  n'en  a  point.  En  effet,  la  Chymie  offre 
des  travaux  immenfes.  Les  découvertes  que  l'on 
fait  joutnellement  font  autant  de  flambeaux  qui 
nous  fontappercevoir  d.ins  l'éloignement  de  nou- 
velles carrières  à  parcourir.  Que  le  Cliyniifte 
jette  un  coup  d'œil  fur  les  moindres  productions 
que  la  Nature  répand  devant  lui  ,  £c  il  fera  hu- 
milié de  voir  cette  fuite  d'expériences  qui  s'ottrenc 
à  fes  recherches. 

lUaut ,  1°.  examiner  féparément  3c  dans  un 
ordre  donné  ,  les  corps  de  la  Nature  ,  pour  bien 
reconnoître  leurs  propriétés  ,  &  conftater  en  quoi 
ceux  de  même  efpecc  ditlerent  les  uns  des  autres» 

2°.  Combiner  ces  différents  corps  deux  à  deux , 
dans  différentes  proportions,  &:  reconnoître  pa- 
reillement les  propriétés  de  ces  combinaifons. 

3^'.  Quels  feuoient  les  compofés  qui  réfulte- 
roient  des-  corps  de  la  Nature  combinés  trois  k 
trois  5  ôc  quelles  feroient  les  propriétés  de  ces 
nouvelles  combinaifons,  ainfi  que  celles  qu'on 
pourroit  lormer  en  variant  leurs  proportions. 

4°.  Quelle  carrière  immenfe  fe  préfente  fi  l'on 
fuit  cet  ordre  de  combinaifons ,  fi  l'on  augmente 
le  nombre  des  corps  dans  une  progrelîion  numé- 
rique ,  &  il  l'on  varie  leur  dofe  j  quel  fera  y 
dans  cette  confufion  ,  le  plan  le  meilleur  &c  en- 
mème  temps  le  plus  lumineux  ,  pour  contenir  ôc 


yilj     AVERTISSEMENT. 

faire  reconnoître  toutes  les  combinaifons  c|,u'oii 
peut  former  avec  les  différents  corps  que  la  Na- 
fure  nous  offre. 

.  C'ertvraifemblablement  cette  immenfîté  d'ob- 
jets qui  eft  caiife  que  jufqu'ici  la  Chymie  n'a  été 
traitée  que  dans  des  plans  cir:onfcrits,  &  dont 
les  limites  empcchoient  qu'on  n'y  adaptât  toutes 
les  nouvelles  expériences  qui  furviennent  en 
foule  :  les  nouvelles  découvertes  ont  toujours 
fait  connoître  les  bornes  étroites  de  ces  fortes  de 
plans  précaires.  Je  ne  me  propofe  point  d'en  faire 
la  critique.  La  Chymie  n'eft  point  encore  alfez 
avancée  pour  appuyer  cette  critique.  Il  arrive  mê- 
me que  les  phénomènes  de  cette  fcience  les  plus 
confiâtes  peuvent  être  envifagés  fous  différents 
points  de  vue  ,  &  préfentés  fous  les  rapports  qu'on 
croit  appercevoir  entre  les  objets  les  plus  connus. 
Dailleurs ,  pour  faire  une  bonne  critique  fur  une 
pareille  matière ,  il  faut  être  parfaitement  con- 
vaincu que  le  plan  qu'on  a  adopté  ,  efl  bien  vé- 
X'itablement  celui  de  la  Nature.  Je  fuis  bien  éloi- 
gné de  me  flatter  d'être  parvenu  à  ce  point  de 
perfe(^ion  ,  &c  qu'il  n'y  ait  rien  à  réformer  fur  le 
plan  que  je  me  fuis  fait ,  &  fous  lequel  je  préfente 
la  Chymie  dans  cet  Ouvrage.  J'ofe  feulement 
croire  que  celui  que  j'obferve ,  ert  plus  étendu 
cju'auciin  de  ceux  qu'on  a  fuivis  jufqu'à,  préfent, 

^  qu'il  etnbr^ffe  un  plus  grand  nombre  d'objets^ 


AVERTISSEMENT.      uù 

l\  efl;  aiïez  vafte  ,  pour  que  beaucoup  d'expérien- 
ces &  de  découveuces  à  faire  puiifent  fe  placer 
naturellement  dans  les  endroits  qui  leur  con- 
viennent ,   fans  rien  déranger  de  l'ordre  général; 
On  a  reproché  à  Lémeri  d'avoir  mêlé  beaucoup 
de  corps  inuciles  avec  l'antimoine  qu'il  a  examiné 
dans  un  très  grand  détail  j   il  feroit  bien  intéref- 
fant  que  les  fubftances  principales  de  la  Chymie 
çuflfent  été  foumifes  à  un  examen  aulli  développé. 
Le  plan  que  j'ai  adopté  indique  beaucoup  d'expé- 
riences qui  peuvent  me  mettre  dans  le  cas  d'un 
pareil  reproche  ,  parccque  ces  expériences  pa- 
roiiïent,  au  premier  coup  d'oeil ,  ne  rien  offrir  d'u- 
tile pour  la  fcience  j  mais  on  n'ell:  certain  que  ces 
expériences,  font  infrudueufes ,  qu'après  qu'elles 
ont  été  faites.   D'ailleuis  elles  ne  paroilTent  inu- 
tiles que  relativement  à  l'état  aduel  de  la  Chy- 
mie. Mais  il  efl:  à  fuppofer  que  ,  lorfque  cette 
fcience  fera  plus  avancée  ,   il  fera  très  intéreflant 
de  connoître  que  tel  corps ,   dans  telle  circonf- 
tance  ,   a  ou  n'a  point  d'adion  fur  un  autre.   Il 
efl:  important  même  que  les  expériences  inutiles 
fpient  confl:atées  Sz  confignées  :  elles  font  partie 
des  connoilTances  acquifes  &  de  la  fcience  ,  en 
cp  que  ces  expériences  étant  reconnues  inutiles  , 
elles  ne  lailfcnt  aucune  incertitude  dans  l'cfprit. 
En  un  mot,  nous  croyons  qu'il  n'y  a  aucune  çx;- 
pirience  inutile. 


X       AVERTISSEMENT. 

Le  plan  que  j'ai  adopté  dans  cet  Ouvrage  eCt 
à  peu  près  celui  que  j'ai  indiqué  dans  rAvertilfc- 
ment  des  deux  éditions  de  mon  Manuel  de  Chy- 
vue.  Je  ne  l'ai  cependant  pas  fuivi  à  la  rigueur  , 
parcequ'il  feroit  refté  beaucoup  de  lacunes  dans 
plufieurs  articles,  qui  n'auroient  pu  être  remplies, 
La  plupart  des  principales  expériences  n'ont  point 
encore  été  faites ,  ou  celles  qui  l'ont  été  ,  ne  font 
pas  encore  fuffifamment  conftatces.  Voici  les  rai- 
Îqws  qui  ont  déterminé  mon  plan. 

Je  coniîdere  la  Nature  comme  un  vafte  labora- 
toire de  Chymie ,  dans  lequel  fe  fornient  des 
comportions  &  des  décompofitions  de  toutes  ef- 
peces.  Je  me  garde  bien  de  croire  avoir  deviné 
les  n;ioyensfecrets  qu'elle  emploie  pour  produire 
tous  les  corps  qu'elle  nous  préfente,  &  que  nous 
connoilfons  encore  fi  peu.  Je  me  contente  feule- 
ment d'obferver  que  la  végétation  eft  le  premier 
indrument  que  le  Créateur  emploie  pour  mettre 
toute  la  Nature  en  adion.  Les  végétaux  font  des: 
corps  organifés  qui  croilfent  à  la  partie  feclie  du 
globe  ,  &  dans  l'intérieur  des  eaux.  Leur  fonc- 
tion eft  de  combiner  immédiatement  les  quatre 
éléments  ,  &  de  fervir  de  pâture  aux  animaux. 
Les  uns  &  les  autres  font  employés  par  la  Nature 
à  former  toute  la  matière  combuftible  qui  cxifte. 
Des  cladcs  immenfes  d'animaux  à  coquilles  ,  & 
des  polypes  de  toute  efpece ,  répandus  dans  la 


AVERTISSEMENT,      xj 

mer ,  convertiflTent  en  terre  calcaire  la  terre  vi- 
trifiable  élémentaire  que  la  végétation  a  déjà  al- 
térée :  toute  la  terre  calcaire  qui  exifte  eft  donc 
l'ouvrage  de  ces  animaux.  La  Nature ,  après  s'ctre 
procuré  les  produits  dont  nous  parlons  ,  en  fait 
ufage  de  mille  8c  mille  manières  différentes  •  elle 
emploie  tous  les  moyens  dont  elle  a  befoin  pour 
diftribuer  à  fon  gré  la  matière  comburtible  &c  la 
terre  calcaire  que  les  corps  organifés  ont  formées, 
La  Nature  paroît  tout  confondre ,  8c  faire  enfem- 
ble  8c  dans  le  mcme  lieu  des  combinaifons  dif- 
parates  :  elles  compofe  dans  le  fein  des  eaux  plu- 
fieiirs  matières  falincs,  du  foufrc  ,  des  métaux  , 
8c  prépare  une  infinité  de  combinaifons  dans  lef- 
quelles  entre  le  principe  inflammable.  D'un  autre 
côté  ,  elle  enfcvelit  dans  les  terres ,  à  l'aide  du 
balancement  des  eaux,  des  amas  immenfes  de  ma- 
tière combuftible  ,  pour  y  répandre  &  entretenir 
ce  fonds  de  chaleur  qu'on  remarque  dans  l'inté- 
rieur  du  globe  ,  Se  pour  y  former  des  combinai- 
fons à  rinfini.  Mais  l'efpcce  de  confu/ion  dont 
nous  parlons,  n'eft  qu'apparente  j  Se  pour  le  peu 
qu'on  y  faiïe  attention  ,  on  voit  que  les  matières 
de  même  efpece  font  alfez  féparées  les  unes  de» 
autres  ,  pour  former  des  veines  &:  des  filons  dg 
mines  de  même  matière. 

Tandis  que  la  Nature  s'occupe  à  former  dans 
l'intérieur  de  la  terre  des  combinaifons  de  toute 


lij     AVERTISSEMENT. 

efpece ,  ou  à  répandre  les  matériaux  propres  1 
les  produire ,  elle  s'établit  un  autre  laboratoire^ 
dans  l'air.  Ce  fluide  que  nous  refpirons  ne  peut 
ni  fe  charger  de  matières ,  ou  trop  grolTieres ,  ou 
trop  pefantes ,  ni  fe  combiner  avec  elles  j  mais 
les  matières  combuftibles  enfevelies  dans  les 
terres  ,  &■  celles  qui  font  à  la  furface  du  globe , 
en  fe  décompofant ,  fournirent  dans  l'air  une 
fubftance  inflammable  dans  le  plus  grand  état  de 
redification  :  cette  matière  efl:  difloute  par  Tait 
de  par  l'eau  que  le  foleil  réduit  en  vapeurs ,  Se 
forme  toutes  les  combinaifons  propres  à  produire 
les  météores  ignés. 

Tel  eft  à  peu  près  le  tableau  fyftématique  que 
je  me  fuis  formé  des  premières  opérations  de  la 
Nature  ,  6c  telle  efl;  auflî  à  peu  près  la  férié  qu'on 
peut  fuivre  quant  à  préfent:  la  Chymie  &  la  Phy- 
flque  ne  font  pas  encore  aflez  avancées  pour  pé- 
nétrer plus  avant.  C'eft  d'après  ces  vues  générales 
que  j'airé.digé  mon  Ouvrage  fur  le  plan  où  je  le- 
préfente.  Je  difcute,  autant  que  mes  connoif- 
fances  me  le  permettent ,  chacun  des  objets  dans 
les  endroits  qui  m'ont  paru  leur  mieux  convenir. 
J'appuie  mes  idées  d'obfervations ,  lorfqu'il  s'en 
préfente  ,  èc  je  tâche  de  les  confirmer  par  des 
expériences.  Il  m'a  paru  que  la  Chymie  ,  étant 
une  fcience  imitatrice  des  opérations  de  la  Na- 
ture ,  pouYoit  être  préfentée  fous  ce  point  da  vue  ^ 


AVERTISSEMENT,    xilj 

5c  que  ce  plan  bien  rempli  feroic  capable  de 
mieux  faire  connoîcre  l'utilité  &c  l'étendue  de  cette 
icience. 

D'après  cet  expofé  ,  on  me  dira  peut-être  qu'il 
étoit  plus  naturel  de  commencer  mon  Ouvrage 
par  le  règne  végétal ,  puifque  c'eft  lui  qui  eft  la 
caufe  primordiale  de  tout  le  fyftême  des  opéra- 
tions dç  la  Nature  ^  mais  je  répondrai  que  j'ai 
cru  devoir  en  agir  autrement,  i*'.  De  toutes  le« 
fubftances  dont  les  végétaux  font  compofés  ,  il 
n'y  a  que  le  principe  inflammable  qui  puilfe  réel- 
lement entrer  dans  la  compofition  des  minéraux, 
&  en  faire  partie  •,  les  autres  fubftances  fe  détrui- 
fent  par  l'effet  de  la  putréfadion  dans  l'intérieur 
des  terres  :  enfin  le  végétal ,  dans  (on  état  de 
fraîcheur ,  ne  peut  jamais  entrer  en  fubftance  dans 
la  compofition  des  minéraux,  i*^.  Le  principe  in- 
flammable qui  fe  fépare  pendant  la  deftrudion 
des  corps  organifés  ,  eft  abfolument  identique  j 
&  lorfqu'il  eft  réduit  dans  l'état  propre  à  faire 
partie  des  minéraux  ,  il  feroit  abfolument  impof» 
iîble  deconnoître  la  plante  qui  l'a  produit  :  or, 
comme  ce  principe  inflammable  eft  univoque  ,  je 
l'examine  auflî-tôt  que  l'occafion  m'en  fournit  le 
moyen.  3°.  Il  m'a  paru  que  les  végétaux  étoienc 
des  corps  trop  compofés ,  &:  leurs  principes  pro- 
chains trop  difficiles  à  féparer  8c  à  faire  coniioîrrc 
à  des  commençants  j  d'ailleurs  j'aucois  été  obligé 


xiV    AVERTISSEMENT. 

de  préfenter  d'abord  un  grand  nombre  d'analyfes 
&  de  gcncraliccs  ,  toujours  difticiles  à  faifir  par 
ceux  qui  commencent  à  cultiver  cette  fcience. 

On  doit  donc  préférer  de  préfenter  le  règne 
minéral.  Les  fubftances  de  ce  règne  font  moins 
compofées  ,  &c  leurs  principes  plus  facdes  à  ob- 
tenir ,  puifqu'ils  fouffrent  moins  d'altérations 
pendant  leur  féparation.  Cette  marche  au  refte 
ne  me  diftrait  point  de  l'ordre  fynthétique  que  j'a- 
dopte comme  plus  lumineux.  Je  paHTe  du  fimple 
au  compofé ,  &  du  compofé  au  plus  compofé* 
Voici  l'ordre  que  j'ai  cru  devoir  obferver. 

Je  fais  d'abord  la  defcription  des  fourneaux  ^ 
forges  ,  vaiffeaux  &  uftenfiles  qu'il  convient  d'a- 
voir dans  un  laboratoire  dont  je  donne  auiîi  la 
defcription  j  je  rends  compte  de  leurs  ufages ,  ÔC 
j'entre  dans  des  détails  concis ,  mais  fuffifants,  fur 
la  manière  de  s'en  fervir.  Je  les  divife  en  plu- 
fieurs  clalïes  qui  indiquent  le  fervice  qu'ils  doivent 
rendre.  Je  n'ai  point  fait  mention  des  vaifTeaux 
compliqués  ,  parcequ'on  peut  s'en  paffer  avec 
avantage  ,  en  fe.  fervant  des  vaiiTeaux  fimples 
dont  je  parle.  J'indique  la  manière  de  couper  les 
cois  des  vaifiTeaux,  &c  de  percer  d'un  petit  trou 
ceux  qui  ont  befoin  de  l'être.  On  trouvera  des 
détails  fufîifants  pour  garnir  de  lut  le  corps  des 
vaiiTeaux  de  grès  ou  de  verre  ,  qu'on  delline  à 
fupporcer  l'action  d'un  gtand  feu^  ôc  qui,  fans 


AVERTISSEMENT,     xv 

cette  précaution  ,  feroient  en  danger  cie  fe  cafler 
ou  cie  fe  fondre.  Je  donne  également  la  recette 
des  différents  luts  pour  boucher  les  jointures  des 
vailfeaiix  qu'on  alfemble  pour  les  dillillations,  &c 
pour  raccommoder  ceux  qui  font  (clés  ou  caiïcs: 
j'indique  auilî  les  moyens  de  faire  le  vernis  de 
fuccin  &c  l'huile  de  lin  cuite  qui  fervent  à  faire 
du  lut  gras,  dont  on  fait  uflige  pour  fermer  les 
jointures  des  vailfcaux  qui  fervent  à  la  diftillation 
des  acides  minéraux  ,  ts:  autres  objets  qu'en  a  be- 
foin  d'avoir  continuellement  fous  la  main  dans 
un  laboratoire. 

Je  fais,  comme  je  l'ai  déjà  dit  plus  haut,  la 
defcription  d'un  laboratoire,  &:  je  donne  la  lifte 
des  outils  c?c  uftenfiles  qui  doivent  s'y  trouver  p^uc 
pouvoir  travailler  commodément  j  &:,  pour  ren- 
dre Li  colledion  de  ces  inftruments  plus  facile 
à  faire  à  ceux  qui  voudroient  fe  monter  un  labo- 
ratoire ,  je  dilhibue  cette  colleétion  par  ordre  des 
Marchands  qui  vendent  ces  inftruments.  J'épar- 
gne ,  par  ce  moyen  ,  aux  Amateurs  de  la  Chymic 
beaucoup  de  temps  en  recherches,  fouvent  inu- 
tiles. Après  ces  prolégomènes  qui  n'interrom- 
pent point  l'ordre  des  objets  vraiment  chymi- 
ques  ,  j'entre  en  matière. 

Je  fais  une  courte  introduction  à  la  Chymie. 
Je  donne  une  définition  de  cette  fcience ,  Se  je 
fais  connoître  combien  elle  répand  de  lumières 


XV]     AVERTISSEMENT. 

dans  la  Phyfiqiie  expérimentale  ,  dans  les  AnS 
&  dans  l'Hilloire  naturelle. 

La  Chymie  ayant  pour  objet  de  reconnoîtr^ 
les  propriétés  des  corps  ,  j'examine  les  différents 
corps  de  la  Nature  )  je  difcute  la  divifion  en  trois 
règnes  ,  établie  par  les  Naturaliftes ,  &  je  recon- 
nois  avec  plufieurs  Chymiftes  ôc  Phyficiens  que 
cette  divifion  n'eft  pas  parfaitement  exaâre.  Les 
végétau3î  ôc  les  animaux  ont  plufieurs  propriétés 
chymiques  qui  leur  font  communes  ,  ôc  par  lef- 
quelles  ils  influent  également  dans  le  fyflême  gé'* 
riéral  des  grandes  opérations  de  la  Nature.  H 
m'arrive  foiivent ,  par  rapport  à  leurs  propriétés 
communes ,  de  les  défigner  coUedtiveriient  fous 
les  noms  de  corps  organifés  ôc  de  corps  combufii- 
lies 3  parcequ'ils  font  les  feuls  qui  puififent  fervir 
d'aliment  au  feu  j  mais ,  comme  ces  corps  diffé- 
rent entre  eux  par  d'autres  propriétés  qui  leur 
font  particulières  ,  je  me  réferve  aulîi  à  en  parler 
féparément ,  ôc  fous  un  autre  point  de  vue. 

Toutes  les  opérations  de  la  Nature  ôc  celles 
de  la  Chymie  fe  réduifent  à  compofer  des  corps, 
&  à  les  décompofer.  La  Nature  fait  la  première 
opération  en  unifTant  les  fubftances  fimples  que 
nous  examinons  fous  le  nom  à! éléments  ou  de 
principes  primitifs.  Ç'auroit  été  ici  le  lieu  de  par- 
ler d'abotd  des  éléments ,  &  de  la  combinaifoil 
qu'ils  peuvent  former ,  pour  donner  enfuiie  des 

idces 


AVERTISSEMENT,     xvij 

idées  générales  de  la  décompofidon  des  corps  ; 
ce  qui  auroit  été  plus  conforme  au  plan  de  la 
Nature  qui  compofe  d'abord  ,  &  qui  ne  décom- 
pofe  qu'après  :  mais  l'Art  en  cela  ne  peut  fuivre 
la  Nature.  On  n'eft  point  encore  parvenu  à  com- 
biner les  fubftances  fîmples  pour  en  former  des 
corps  compofés.  La  Chymie  ne  peut  produire  des 
combinaifons  qu'avec  des  corps  déjà  compofés. 
La  Nature  elle-même  ne  peut  combiner  immé- 
diatement les  éléments  :  la  végétation  eft  le  pre- 
mier inftrument  de  toutes  fes  opérations.  Il  m'a 
paru  ,  par  cette  raifon  ,  que  je  devois  parler  de 
l'analyfe  en  cet  endroit,  8c  donner  des  idées  gé- 
nérales fur  ce  que  l'on  doit  entendre  par  analyfe 
ou  décompofition  des  corps.  J'ai  fait  corinoître 
la  diftindion  qu'on  doit  admettre  entre  principes 
prochains  Se  principes  primitifs  des  corps,  ainfi  que 
les  différents  moyens  qu'on  peut  employer  pour 
féparer  fuccellivement  les  fubftances  qui,  fans 
ctre  principes,  en  font  néajimoins  fonction,  8c 
peuvent  enfin  être  réduites  à  leur  dernier  degré 
de  fimplicité. 

La  combinaifon  qui  fuit  cet  article  ,  a  pour  ob- 
jet de  réunir  les  fubftances  qu'on  a  féparées  par 
l'analyfe  j  mais  je  préviens  en  même  temps  quel 
ces  décompofitions  &:  ces  recompofitions  ne  peu- 
vent s'exécuter  encore  que  fur  un  petit  nombre 
de  corps,  du  règne  minéral  feulement. 

Tome  /.  k 

4 


îcvilj    AVERTISSEMENT. 

Immédiatement  après  l'analyfe  &  la  compo/î* 
tioii ,  je  parle  des  affinités  ,  en  vertu  defquelles 
fe  font  toutes  les  compofîtions  &  dccompofitions 
chymiques  :  ce  que  j'en  dis  fuffit  pour  avoir  des 
notions  générales  fur  les  opérations  fondamen- 
tales de  la  Chymie  ,  ôc  difpofe  à  mieux  conce- 
voir les  objets  quifuivent.  Je  reconnois  avec  les 
meilleurs  Chymiftes-Phyficiens  une  feule  affinité  j 
mais ,  comme  elle  fe  préfente  différemment  fui- 
vant  les  circonftances,  j'examine  les  affinités  chy- 
miques fous  huit  cas  différents. 

L'article  qui  fuit  les  affinités  ,  a  pour  objet 
les  éléments.  Je  difcute  quelles  font  les  proprié- 
tés que  doivent  avoir  les  fubftances  pour  mériter 
le  nom  ^éléments  ou  de  principes  primitifs  des 
corps  jy  ôc  je  reconnois ,  avec  les  meilleurs  Chy- 
miftes-Phyliciens ,  le  feu ,  l'air  ,  l'eau  ôc  la  terre , 
comme  les  feuls  &c  vrais  principes  primitifs  ,  par- 
ccqu'on  ne  peut  occafionner  aucune  altération  à 
ces  fubftances.   Ces  éléments  avoient  été  recon- 
nus pour  tels  par  les  plus  anciens  Philofophes; 
ils  ont  été  adoptés  de  nos  jours  par  les  Chymiftes 
modernes  :  les  Chymiftes  du  moyen  âge  prenoient 
pour  principes  les  fubftances  qu'on  féparoit  des 
corps  pendant  leur  analyfe.  Se  ils  en  admettoient 
de  cinq  efpeces  j  mais  ce  qu'ils  appelloient/^ri/z- 
cipes  ne  l'étoient  point ,  puifqu'on  peut ,  par  des 
•pérations  ultérieures  ,   réduire  fucceffivemenç- 


Avertissement,   xit 

leurs  prétendus  principes  à  différents  degrés  de 
/implicite.  Staahl  paroît  être  le  premier  qui  ait 
admis  le  feu ,  l'air  ,  l'eau  6c  la  terre  comme  prin- 
cipes primitifs  ou  éléments  des  corps  de  la  Na- 
ture. 

J'examine  les  quatre  éléments  dans  l'état  oh. 
la  Nature  nous  les  préfente ,  c'eft-à-dire ,  d'abori 
dans  leur  état  de  pureté  ,  6c  lorfqu'ils  ne  fonC 
partie  d'aucun  corps  compofé.  Je  rends  cortipte 
de  leurs  propriétés  générales ,  &  importantes  a 
connoître  dans  la  Chymie.  Les  éléments  ,  dans 
leur  état  de  pureté  ,  ont  une  grande  difpofition 
pour  s'unir  les  uns  avec  les  autres  j  cependant  on 
ne  connoît  aucune  combinailon  particulière  lor- 
mée  immédiatement  de  leur  union. 

Le  végétal  ell:  l'inftrument  dont  la  Nature  Te 
fert  pour  combiner  en  premier  lieu  immédiate-» 
ment  les  éléments,  6c  pour  former  concurrem- 
ment avec  les  animaux  toute  la  matière  combuf- 
tible  qui  exifte  dans  la  Nature.  J'examine  cette 
combinaifon  des  quatre  éléments  dans  un  très 
grand  détail.  La  matière  combuftible  quin'afubi 
aucune  altération  eft  dans  l'état  huileux  :  celle  au 
contraire  qui  éprouve  de  l'altération  ,  patFe  infen- 
(iblement  de  cet  état  jufqu'à  celui  de  (Iccité ,  & 
enfin  de  décompolîtion  complette.  J'examine  la 
matière  combuftible  dans  ces  différents  états,  dC 
j'en  foruie  deux  articles  :  dans  le  premier  ,   je 


rx     AVERTISSEMENT. 

confidere  la  matière  combuftible  dans  l'état  hui- 
leux j  dans  le  fécond ,  j'examine  la  matière  in- 
flammable dans  l'état  de  ficcité  parfaite  ,  que  je 
défigne  fous  le  nom  de  phlogi/lique.  On  trouvera 
fur  cet  objet  des  détails  neufs  qui,  j'efpere,  répan- 
dront beaucoup  de  lumières  fur  cette  matière  qui 
joue  un  très  grand  rôle  dans  la  Nature  &  dans 
toutes  les  opérations  de  la  Chymie.  Cet  article 
étoit  imprimé  lorfque  parut  l'excellente  DiflTerta- 
tion  de  M.  Guitton  de  Morveau  ,  Avocat  Géné- 
ral du  Parlement  de  Dijon  j  fans  cette  circonf- 
rance,  j'aurois  fait  ufage  avec  reconnoi(Tance  de 
plufieurs  grandes  vues  que  cet  habile  Phyficien 
propofe. 

La  matière  combuftible  eftbien  véritablement 
la  première  combinaifon  immédiate  des  éléments 
qui  tombe  fous  nos  fens.  J'examine  d'abord  cette 
combinaifon  feule  j  je  la  foumets  enfuite  à  l'ac- 
tion des  éléments,  ci-devant  examinés,  &:  je 
rends  compte  des  altérations  qu'elle  éprouve  de 
leur  part.  Je  fais  voir  que  ,  par  fon  féjour  dans 
l'eau  &  dans  la  terre  ,  elle  fe  convertit ,  comme 
dans  une  cornue  ,  en  un  véritable  charbon  ,  au- 
quel on  doit  attribuer  toutes  ces  mines  de  char- 
bons fofliles  qu'on  trouve  dans  une  infinité  d'en- 
droits de  la  terre. 

La  féconde  combinaifon  du  même  ordre  que 
nous  offre  la  Nature ,  eft  la  terre  calcaire,  J'exa- 


AVERTISSEMENT.    xx| 

imine  de  même  cette  nouvelle  fubftance  d'abord 
feule  ,  j'obferve  enfuite  les  altérations  &  les  corn- 
binaifons  qu'elle  peut  fiibiu  Se  former  avec  les 
éléments.  La  terre  calcaire  joue  aufli  un  grand 
rôle  dans  la  Nature.  Nous  penfons  que  c'eft  fous, 
cette  forme  &c  dans  différents  états  d'altération 
que  la  terre  entre  dans  les  combinaifons  où  fe 
trouve  le  principe  terreux  ;  mais  la  Chymie  n'eft 
guère  a^vancée  fur  la  connoiffance  des  combinai^ 
fons  qu'on  peut  produire  avec  cette  terre  dans 
nos  laboratoires ,  à  l'imitation  de  la  Nature.  On 
connoît  à  peine  la  matière  faline  qu'on  peutfor-i 
mer  par  fon  union  avec  le  principe  inflammable.. 
Je  rends  compte  en  cet  endroit  de  quelques  ex- 
périences nouvelles  fur  cette  matière  ,  par  lef- 
quelles  je  fuis  parvenu  à  former  une  fubftance  fa^ 
line  alkaline.  Ces  expériences  peuvent  répandre 
beaucoup  de  lumières  fur  le  rôle  que  la  terre  cal- 
caire joue  dans  la  Nature. 

La  terre  calcaire ,  combinée  avec  le  principe 
inflammable,  fournit  la  première  matière  faline. 
J'examine  cette  matière  faline ,  &  je  reconnois 
qu'elle  doit  fes  propriétés  falines ,  telles  que  la 
faveur,  la  diflolubilité  dans  l'eau ,  &c.  au  feu  qui 
lui  eft  combiné.  Je  tire  cette  conféquence  ,  que 
ie  feu  eft' le  feul  élément  qui  ait  de  la  faveur,  ôc 
qu'il  la  communique  à  tous  les  corps  de  la  Na^ 
lure  qui  font  capables  d'en  avoir.   Je  profite  dot: 

è  iij 


xxij  AVERTISSEMENT- 
cette  première  obfervation  pour  parler  des  ma-i 
tieres  falines  en  général,  &  j'examine  la  queftion 
de  favoir  s'il  y  a  un  élément  des  fels ,  comme 
plufieurs  célèbres  Chymiftes  l'avoient  penfé.  Je 
reconnois  qu'il  y  a  trois  acides  minéraux  ,  un 
acide  végétal ,  deux  alkalis  fixes,  &  un  alkali  vo-» 
Litil  •■,  de  que  ces  fels  font  abfolument  confiants 
dans  la  Nature,  &  jouent  un  très  grand  rôle  dans 
les  opérations  de  la  Chymie.  Je  n'examine  pas  , 
quant  à  préfent,  les  autres  matières  f^ilines  que 
forment  journellement  les  végétaux  &  les  ani- 
maux ,  parcequ'elles  font  trop  compliquées.  Je 
réferve  ce  que  j'ai  à  en  dire ,  lorfque  j'examinerai 
les  fubftances  des  règnes  végétal  ôc  animal.  Ces 
objets  formeront  la  féconde  partie  de  CQt  On- 
vra^e. 

Toutes  les  matières  falines  ont  les  mêmes  fub- 
ftances pour  principes  conftituants  :  elles  ne  dif-» 
ferent  entre  elles  que  par  les  proportions  &  par 
la  manière  dont  leurs  principes  conftituants  font 
combinés  entre  eux  j  mais  j'établis  pour  principe 
général  que  c'eft  au  feu  ,  &  à  l'état  fous  lequel  il 
fe  trouve  dans  les  matières  falines ,  que  les  féls 
doivent  leurs  principales  propriétés.  Je  rapporte 
plufieurs  expériences  oii  je  fais  voir  que  les  aci- 
des minéraux  qui  ont  le  plus  de  faveur ,  ont  quel- 
ques propriétés  communes  avec  le  feu  pur. 

J'examine  d'abord  l'acide  vitriolique  ,   parçQi 


AVERTISSEMENT,    xxiij 

qu  il  eft  le  plus  falé  ,  &  qu'il  eft  le  plus  puillant 
des  fels  :  je  ueconnois  enfuice  fes  piopriétcs  avec 
les  fubftances  ci-devant  examinées  :  j'en  fais  de 
nieme  à  l'égard  des  aunes  matières  falines.  Je 
rapporte,  à  mefure  que  l'occafion  s'en  préfente  , 
les  différentes  opérations  qu'on  fait  avec  ces  mê- 
mes matières  falines ,  &  qui  font  d'ulage  dans  la 
Médecine ,  dans  la  Phyfique  &c  dans  les  Arts  y 
je  ne  néG;lie;e  rien  fur  les  détails  de  chacune  des 
opérations ,  &  j'indique  tous  les  procédés  pour 
opérer  commodément. 

L'article  des  matières  falines  Se  des  combinai- 
fons  qu'elles  forment  avec  les  diftérentes  fub- 
ftances ,  eft  très  étendu  :  j'cfpere  qu'on  v  trou- 
vera des  détails  abfolument  neuts  de  intérelI^mtSé. 
Je  me  fuis  entièrement  écarté  de  la  doctrine  de 
Staahl  &■  de  plufieurs  habiles  Chymiltes  qui  pen« 
foient  que  les  fels  étoient  formés  par  lunion  de 
l'eau  Se  de  la  terre  ^  j'ai  cru  avoir  de  fortes  raifons 
pour  penfer  autrement ,  &c  admettre  dans  les  fels 
du  feu  dans  un  certain  degré  de  pureté ,  Se  attri- 
buer à  ce  même  feu  toutes  les  propriétés  falines» 
Les  fels  qui  réunilTent  un  plus  grand  nombre  de 
propriétés  falines ,  font  ceux  qui  contiennent  une 
plus  grande  quantité  de  ce  feu  dans  un  certain 
degré  qui  avoifme  de  très  près  celui  de  feu  pur 
&  libre.  Au  refte  ,  j'ai  penfé  que  je  pourrois  ex- 
pofer  librement  mon  fentiment  fur  cet  objet, 

b  iv 


xxiv    AVERTISSEMENT. 

fans  craindre  qu'on  m'accusât  de  vouloir  dimi- 
nuer l'eftime  que  l'on  doit  avoir  pour  les  habiles 
Chymiftes  dont  je  n'adopte  point  la  théorie. 

On  trouvera  peut-être  que  je  me  fuis  répété  , 
&  fpécialement  lorfque  je  parle  du  feu  &  de  fes 
effets  dans  les  matières  falines  j  mais  j'ai  penfé 
que  cette  théorie  étant  abfolument  neuve  ,  il 
étoir  néceffaire  d'en  faire  l'application  toutes  les 
fois  que  l'occafion  s'en  prcfentoit  ,  &  ce  fera 
peut-ctre  ces  applications  fréquentes  qu'on  pren- 
dra pour  des  répétitions.  J'ai  penfé  qu'elles  étoient 
nécelTaires  pour  faire  mieux  connoître  les  diffé- 
rentes propriétés  du  feu  fuivant  l'état  où  il  fe 
trouve  dans  les  diverfes  combinaifons  où  il  entre 
tomme  principe  conftituant.  J'évite  ,  par  ce 
moyen,  des  objections  que  les  Lecteurs  pour- 
roient  me  faire  à  chaque  pas ,  n'étant  point  en- 
f:ore  accoutumés  à  cette  nouvelle  doctrine  du 
feu  combiné  d'une  infinité  de  manières ,  ôc  qui 
joue  dans  ces  différents  états  un  (î  grand  rôle 
dans  les  opérations  de  la  Nature  8c  de  la  Chy- 
mie. 

Les  matières  falines  me  donnent  occafion  de; 
parler  du  gypfe  ,  des  argilles  Se  de  l'alun.  Je  rap- 
porte un  extrait  de  mon  Mémoire  fur  les  Argilles  :, 
il  fe  trouve  partagé  en  différents  articles  que  j'ai 
placés  dans  les  endroits  qui  m'ont  paru  leur  con- 
venir. Lorfque  je  parle  du  nitre ,  j'exap.ùne  fe^ 


AVERTISSEMENT,    xxv 

propriétés  :  je  rp.pporte  toutes  les  opérations  con- 
nues fnites  fur  ce  fel ,  telles  que  fa  clccomporition 
parles  matières  phlogiftiques  où  l'acide  nitreux 
fe  trouve  détruit  :  je  fais  aufll  mention  de  tous 
les  procédés  par  lefquels  o-a  décompofe  ce  fel  par 
le  fecours  de  l'acide  vitriolique  ou  des  matériaux 
qui  le  contiennent ,  en  recueillant  à  part  l'acide 
nitreux.  Je  palTe  enfuitc  à  la  compolition  de  la 
poudre  à  canon.  Je  rends  compte  à  cette  occasion 
4e  beaucoup  d'expériences  que  j'ai  faites  fur  cette 
matière  avec  M.  le  Chevalier  d'Arcy.  Je  rapportç 
dans  deux  tables  les  réfultats  des  principales  ex- 
périences. 

J'examine  de  mcme  l'acide  marin  dans  un 
grand  dérail ,  d'abord  feul ,  &  enfuite  avec  toutes 
les  matières  dont  il  avoit  été  parlé  précédem- 
ment. Je  rends  compte  des  combinaifons  qu'il 
forme  ,  &:  je  rapporte  avec  foin  les  détails  de  ma-  ■ 
nipulation  pour  faire  les  opérations  d'ufage  fur 
le  fel  marin.  Je  fuis  la  même  marche  à  l'égard  du 
vinaigre  diftillé  ,  des  alkalis  fixes  végétal  Se  mi- 
néral ,  &z  de  l'alkali  volatil. 

Après  les  matières  falines  les  plus  fimples  , 
j'examine  le  borax  avec  toutes  les  matières  précé- 
demment examinées.  Je  rapporte  le  travail  par- 
ticulier que  j'ai  fait  fur  ce  fel  :  je  rends  compte 
«des  j)rocédés  par  lefquels  je  fuis  parvenu  à  ei"^ 


xxvj  AVERTISSEMENT, 
faire  de  femblable  à  celui  du  commerce.  Je  donne 
un  moyen  facile  pour  fe  procurer  en  peu  de  temps 
beaucoup  de  fel  fédadf  fublimé  ,  ôc  je  fais  voir 
que  tout  le  fel  fcdatif  n'eft  pas  fublimable  ,  mais 
que  celui  qui  l'a  été  ,  peut  fe  fublimer  de  nou- 
veau en  entier.  Enfin  je  termine  les  matières  fa- 
lines  par  un  article  fort  étendu  fur  la  cryftallifa- 
tion  des  fels  ,  ôc  fur  les  eaux-meres  des  fels  & 
des  matières  falines  que  l'on  connoilToit  fort  peu  \ 
j'ai  taché  de  rendre  cet  article  intéreiïant  par  de 
nouvelles  vues  que  je  propofe. 

Après  les  matières  falines ,  viennent  les  fub- 
ftances  métalliques.  Je  définis  ces  fubftances  j  j'en 
énonce  le  nombre  qui  eft  de  quatorze  efpeces  j 
je  les  diftingue  en  demi-métaux,  en  métaux  im- 
parfaits ôc  en  métaux  parfaits.  Je  commence  par 
l'arfenic  ,  parcequ'il  a  des  propriétés  communes 
avec  les  fels  &z  les  matières  métalliques.  L'union 
de  l'arfenic  avec  le  phlogifcique  forme  un  demi- 
métal  que  l'on  nomme  régule  d'arfenic.  J'examine 
immédiatement  après  l'arfenic ,  les  autres  demi- 
métaux  ,  enfuite  les  métaux  imparfaits ,  &  enfin 
les  métaux  parfaits.  Chaque  fubftance  métallique 
eft  examinée  d'abord  à  part  pour  reconncître  fes 
propriétés  particulières,  enfuite  avec  tontes  les 
fubftances  dont  on  a  parlé  précédemment  &:  dans 
le  même  ordre  ,  c'eft- à-dire  avec  le  feu  j  l'air  » 


AVERTISSEMENT,  xxvij- 
l'eau ,  la  glace  ,  le  phlogiftique  ,  avec  les  acides 
minéraux ,  végétaux ,  les  alkalis  fixes  &c  vola- 
tils ,  &c.  &c. 

J'entre  dans  les  détails  des  expériences  qu'on 
a  faites  fur  ces  corps  &  fur  les  produits  qu'on  en 
retire ,  qui  font  d'ufage  dans  la  Médecine ,  dans 
la  Phyfique  ce  dans  les  Arts.  L'arfenic  a  été  peu 
examiné.  M.  Macquer  cil:  un  des  Chymiftcs  qui 
a  le  plus  travaillé  fur  ce  minéral.  Je  choifis  dans 
le  grand  nombre  d'expériences  qu'il  a  faites , 
telles  qui  font  le  mieux  connoître  les  propriétés 
de  cette  fubftance  fmgulicre. 

Le  cobalt  eft  un  demi-métal  important  dans 
les  Arts  ,  à  caufc  du  beau  bleu  qu'il  tournit  pour 
la  peinture  en  émail.  Je  rapporte  une  fuite  con- 
fidérable  d'expériences  que  j'ai  faites  fur  cette 
fubftance  métallique  ,  parmi  lefquelles  je  place 
un  procédé  pour  faire  l'encre  de  fympathie  de 
Hellot  ,  procédé  plus  hmple  &:  plus  hicilc  que 
celui  que  cet  Auteur  a  publié.  Le  cobalt,  com- 
biné avec  les  acides ,  fournit  des  fels  neutres  mé- 
talliques. Je  profite  de  cette  première  occalion 
pour  expofer  mon  fentinient  fur  la  caufticité  de 
ces  fels  plus  grande  que  celle  des  autres  fcls  neu- 
tres. 

Je  rends  compte  du  nickel ,  Se  de  ce  que  l'on 
fait  fur  ce  nouveau  demi-métal,  découvert  p^r 
M.  Cronftedt.   Je  donne  à  pcnfer  qu'il  peut  erre 


xtviij  AVERTISSEMENT, 
du  cobalt  dans  un  certain  état.  Se  dépouillé  de 
la  fubftance  qui  fournit  du  bleu  par  la  vitrifica- 
tion. Le  cobalt  ordinaire  ,  traité  avec  du  foie  de- 
fôufre ,  fournit  une  femblable  fubftance  métalli- 
que qui  ne  s'unit  point  au  foie  de  foufre.  Si  le- 
nickel  eft  un  demi-métal  à  part ,  il  réfulte  de  mes 
expériences  que  le  cobalt  contient  ordinairemenc 
de  ce  demi-métal ,  qu'on  peut  féparer  par  le  foie 
de  foufre. 

Après  le  nickel ,  j'examine  le  régule  d'anti- 
moine. Je  donne  un  procédé  facile  pour  réduire 
ce  demi-métal  en  fleurs  que  l'on  nomme Jieurs  ar* 
gentines  de  régule  d'antimoine.  Je  n'omets  aucun 
procédé  connu  fur  ce  demi-métal  d'ufage ,  foie 
dans  la  Phyfique  ,  foit  dans  la  Médecine ,  ou  dans 
les  Arts.  On  trouvera  fur  la  plupart  des  procédés 
des  détails  de  manipulation  pour  opérer  plus 
promptement  &  plus  commodément ,  par  exem- 
ple ,  un  moyen  facile  pour  fe  procurer  beaucoup 
de  kermès  minéral  en  fort  peu  de  temps  ,  foit  par 
la  voie  feche ,  foit  par  la  voie  humide. 

Le  zinc  eft  un  autre  demi  métal  que  MM.  Hel- 
lot  &  Malouin  ont  le  mieux  examiné.  Je  profite 
de  leurs  travaux ,  oc  je  rends  compte  de  leurs  ex- 
périences qui  peuvent  le  mieux  taire  connoître 
les  propriétés  de  cette  fubftance  métallique^ 
M.  Malouin  a  examiné  le  zinc  comparativement 
avec  l'étain.  11  a  fait  voir  en  quoi  ces  matiçteii 


AVERTISSEMENT,    xxit 

métalliques  fe  redemblent ,  &  en  quoi  elles  dif- 
férent. Je  fais  également  mention  ,  à  mefure  que 
l'occafion  s'en  préfente ,  des  travaux  des  autres 
Chymiftes  en  les  citant. 

Le  bifmutli  eft  un  autre  demi-métal  qui  a  été 
peu  examiné.  M.  Pott  a  fait  fur  cette  matière 
métallique  une  Didertation  pleine  d'érudition  ôc 
d'expériences  curieufes.  Geoffroy  le  fils  a  com- 
paré ce  demi-métal  au  plomb,  &C  a  fait  connoître 
en  quoi  ces  fubftances  métalliques  fe  reiïemblent , 
&en  quoi  elles  différent.  Nous  avons  fait  ufage 
de  ces  différents  travaux ,  afin  de  ne  pas  laifler 
ignorer  ce  qu'il  y  a  de  bien  conflaté  fur  les  pro- 
priétés de  cette  matière  métallique. 

Le  mercure  termine  les  fubftances  fcmi-métal- 
liques  :  fa  fluidité  a  quelque  chofe  de  remarqua- 
ble. Nous  rendons  compte  des  belles  expériences 
iaites  en  Ruflle  ,  par  lefquelles  on  eft  parvenu  a 
£ger  le  mercure  à  l'aide  d'un  grand  froid  artificiel, 
déjà  aidé  d'un  grand  froid  naturel ,  &  a  lui  donner, 
par  ce  moyen  ,  les  propriétés  d'un  métal  duélile. 
Je  rends  compte  de  toutes  les  opérations  d'ufage 
'qu'on  fait  avec  le  mercure.  A  l'article  du  mercure 
doux,  je  prouve  par  de  nouvelles  expériences  que 
Vaquila  alha  ÔC  la  panacée  contiennent  plus  ou 
moins  de  fublimé  corrofif ,  ce  qui  rend  dangereux 
l'ufage  de  ces  médicaments  dans  la  pratique  de  la 
Médecine.  Je  donne  eu  même  temps  le  moyen  de 


îcxx    AVERTISSEMENT. 

iîéharrader ,  par  le  lavage  dans  de  l'eau  ,  tout  le 
fublimé  corrofifde  ces  deux  préparations  de  mer- 
cure  •  ce  que  Ton  ne  peut  abfolument  point  faire 
par  des  fublimations  réitérées. 

On  trouvera  des  détails  intérelîants  fur  la  com- 
binaifon  du  foufre  avec  le  mercure  par  la  voie 
humide  ,  ôc  fur  la  formation  du  cinabre  artificiel 
par  ce  moyen.  J'ai  publié  cqs  expériences ,  il  y  a 
quelques  années  ,  dans  W^vanî-Coureur. 

L'écain  eft  le  premier  métal  que  j'examine.  Je 
tâche  de  reconnoître  fes  propriétés  avec  toutes  les 
madères  ci-devant  examinées  :  fon  meilleur  dif- 
folvant  eft  l'acide  marin.  J'examine  cette  combi- 
naifon  :  elle  fournit  un  fel  cryftallifable  ,  connu 
fous  le  nom  dejei  d'éialn  ,  4'u^^g^3  depuis  quel- 
ques années ,  comme  mordant  pour  imprimer 
àQs  couleurs  fur  les  toiles  de  coton  ,  à  l'imitation 
des  toiles  peintes  des  Indes.  L'étain  &  le  zinc 
fournident  un  alliage  alTez  dur  pour  recevoir  un 
poli  fuuifant,  propre  à  faire  des  pompes  Se  des 
robinets  dont  on  peut  faire  ufage  avec  fuccès 
clans  les  cas  où  le  cuivre  ne  peut  être  employé.  Je 
rends  compte  des  expériences  que  j'ai  faites  à  ce 
fujet. 

L'acide  marin  ,  féparé  des  combinaifons  mé- 
talliques ,  acquiert  de  nouvelles  propriétés.  Je 
propofe  des  vues  pour  examiner  l'acide  marin 
dans  ce  nouvel  état ,  àc  fpécialement  la  liqueuK 


AVERTISSEMENT,    xxxj 

fumanre  de  Libavius ,  qui  eft  l'acide  marin ,  fé- 
paré  du  fublimé  corrolif  par  le  moyen  de  l'étain. 

Le  plomb  n'eft  pas  traicé  avec  moins  de  dé- 
tails. On  trouvera  des  expériences  qui  étoienc 
peu  connues ,  quoique  publiées  dans  les  volumes 
de  l'Académie  ^  ces  expériences  qui  conftatent 
Taffinité  de  ce  métal  ,  plus  grande  avec  l'acide 
vitriolique  qu'avec  les  autres  acides  ,  font  une 
exception  bien  complette  â  la  table  des  rapports 
de  Geoffroy. 

L'utilité  du  fer  dans  les  Arts  &  dans  la  Méde- 
cine m'a  ensasé  de  traiter  ce  métal  dans  un  très 
grand  détail ,  pour  bien  taire  connoître  fes  pro- 
priétés. On  trouve  un  extrait  de  l'Ouvrage  de 
Réaumur  fur  l'Art  de  convertir  le  fer  forgé  en 
acier  ;  un  réfumé  des  travaux  qu'on  a  faits  fur  le 
bleu  de  Pruffe  ,  Se  un  grand  extrait  de  l'excellent 
Mémoire  de  M.  Macquer  fur  cette  matière  :  cet 
habile  Chymifte  a ,  dans  ce  Mémoire ,  mis  la 
théorie  du  bleu  de  Prulfe  dans  fon  plus  grand 
jour. 

Le  cuivre  préfente  des  opérations  plus  utiles 
pour  la  Phyfique  ôc  pour  les  Arts,  que  pour  la 
Médecine.  Je  rapporte  tout  ce  qu'il  y  a  d'eflen- 
tiel  à  connoître  fur  ce  métal.  Je  détaille  tous  les 
procédés  des  opérations  avec  la  plus  grande  exac- 
titude. 

Après  les  métaux  imparfaits  ,   j'examine  les 


xxxi}  AVERTISSEMENT, 
propriétés  des  métaux  parfliits  avec  les  fubftancci!' 
piécédemment  examinées  ,  de  dans  l'ordre  où  il 
en  a  été  fait  mention.  Je  fais  voir  que  les  mé- 
taux parfaits  font  calcinables  j  qu'ils  ne  differenc 
à  cet  égard  des  métaux  imparfliits  ,  que  par  le 
moins  de  calcination  qu'ils  font  fufceptibles  d'é- 
prouver de  la  part  du  feu  &c  des  acides  minéraux. 
L'argent,  l'or,  la  platine,  perdent  dans  nombre 
de  circonftances  la  portion  de  phlogiftique  né- 
ce(raire  à  leur  éclat  métallique ,  de  reprennent 
le  principe  inflammable  &  leur  éclat  beaucoup' 
plus  facilement  que  les  métaux  imparfaits. 

A  l'article  de  la  coupellation  de  l'atgent ,  je 
rapporte  le  Règlement  qui  eft  intervenu  à  la  fuite 
des  expériences  faites  par  MM.  Macquer ,  Tillet 
&  Hellotfur  les  proportions  de  plomb  qu'il  con- 
vient d'employer  relativement  au  titre  de  l'argent 
qu'on  éprouve.  Il  eft  réfulté  des  expériences  de. 
ces  habiles  Chymiftes  ,  que  l'argent  pur  eft  bien 
véritablement  à  douze  deniers ,  &  que  l'or  pur 
eft  également  a  vingt-quatre  karats ,  quoique  les 
boutons  de  retour  ne  pefent  pas  douze  deniers 
d'argent ,  ni  vingt-quatre  karats  d'or  :  on  retrouve 
le  prétendu  déchet  en  petits  globules  difteminés 
à  la  furface  des  coupelles. 

L'or  vient  après  l'argent.  On  trouvera  fur  ce 
métal  précieux  des  détails  que  j'ai  raflemblés ,  2c 
qui  fe  trouvent  épars  dans  beaucoup  d'Ouvrages. 

Jq 


AVERTISSEMENT,  xxxlij 
Je  profite  des  expériences  de  M.  Lewis  pour  com- 
pléter cet  article.  Je  rapporte  à  l'article  de  l'or 
fulminant  de  nouvelles  expériences  de  M.  Bergh- 
rnan  ,  lues  à  l'Académie ,  par  lelquelles  il  eft 
parvenu  à  faire  de  lor  fulminant  lans  acide  ni- 
creux.  Ces  expériences  intérellantes  répandent 
de  nouvelles  lumières  fur  la  caufe  de  la  fulmina- 
tion  de  l'or  que  j'avois  attribuée  à  du  foufre  ni- 
creux. 

La  platine  eft  un  métal  partait ,  nouvellement 
découvert ,  Se  qui  a  excité  la  curioiité  de  plufieurs 
habiles  Chymiftcs.  J'ai  recueilli  tout  ce  qu'on  a 
dit  de  bon  fur  ce  métal ,  &  j'en  ai  fut  ufa^e  dans 
cet  Ouvrage ,  mais  dans  l'ordre  que  j'ai  adopte* 
M.  Macquer  &  moi  avons  fait  aufli  plufieurs  ex- 
périences lur  ce  métal.  J'ai  eu  l'attention  de  ci- 
ter les  Auteurs  à  qui  appartiennent  les  expé- 
riences que  j'emprunte  pour  compléter  mon  ar- 
ticle. 

Après  avoir  reconnu  les  propriétés  des  matières 
falines  des  terres  èc  des  fubftances  métalliques  , 
je  parle  des  travaux  en  grand  qu'on  fait  avec  ces 
différentes  fubftances  ,  &c  qui  font  l'objet  de  plu- 
fieurs arts.  Je  n'entends  point  donner  les  arts 
en  entier  j  je  n'ai  en  vue  que  de  rapporter  ce 
que  tout  bon  Chym.ifte  doit  favoir  fur  ces  diffé- 
rents objets ,  de  faire  connoître  la  théorie  des 
travaux ,    &  d'indiquer  leurs  produits  qui  font 

Tome  I,  c 


Kxxiv  AVERTISSEMENT. 

devenus  d'une  utilité  indifpenfable  dans  la  (a* 
ciété.  L'argille  cuite  fournit  les  briques  ,  les 
tuiles ,  les  fourneaux  portatifs ,  les  creufets ,  les 
moufles  ,  les  vafes  de  terre  non  vernis  &  vernif- 
fés ,  les  poteries  de  grès  communes ,  les  poteries 
de  terre  façon  d'Angleterre ,  la  porcelaine  &  la 
faiance.  On  trouvera  fur  chacun  de  ces  objets 
^es  détails  intérelTants. 

Immédiatement  après  ce  qui  a  rapport  aux  arts 
fondes  fur  les  terres  cuites ,  je  parle  des  émaux  , 
&  je  donne  un  grand  article  fur  la  verrerie,  le 
verre  ôc  le  cryftal.  Comme  cet  art  eft  important , 
je  me  fuis  un  peu  étendu  fur  la  théorie  du  verre 
&;  de  la  vitrification.  Je  propofe  des  vues  pour 
perfectionner  les  verres  qu'on  deftine  à  faire  des 
lunettes  fimples  &:  achromatiques.  Cet  article  eft 
terminé  par  l'examen  des  verres  défectueux  qui 
font  attaquables  par  les  acides ,  &  qu'on  rencon- 
tre fouvent  dans  le- commerce.  Avec  ces  verres 
communs,  on  fait,  par  cémentation  ,  une  forte 
de  porcelaine  dont  de  Réaumur  a  parlé  le  premier. 
Je  rapporte  le  procédé  de  cet  habile  Phylicien.  A 
Jafin  de  cet  article  ,  je  donne  plufieurs  formules 
pour  faire  des  verres  colorés  qui  imitent  certaines 
pierres  précieufes.  Ces  recettes  ne  font  point 
données  au  hafard  ^  je  les  ai  foumifes  à  l'expé- 
rience un  grand  nombre  de  fois ,  belles  m'ont 
léufli  conitamment. 


AVERTISSEMENT,    xxxv 

Les  travaux  eh  grand  fur  les  minéraux  font 
^précédés  d'un  article  ,  dans  lequel  je  propofe  des 
Vues  générales  fur  l'orsianifation  intérieure  du 
globe.  J'expofe  mon  fentiment  fur  la  formation 
des  fels ,  du  foufre  ,  des  bitumes  ,  des  pyrites  ^ 
des  minéraux  métalliques ,  &c.  &  fur  la  caufe 
qui  produit  la  difpofition  de  ces  corps  en  veines 
ou  filons  dans  l'mtérieur  de  la  terre.  C'eft  un 
coup  d'œil  général  que  je  jette  fur  les  grandes 
opérations  de  la  Nature  avant  de  parler  des  tra- 
vaux en  grand.  Cet  article  eft  en  quelque  façon 
une  récapitulation  de  ce  qui  eft  dit  dans  les  trois 
premiers  volumes  de  ma  Chymie. 

Les  Cabinets  d'Hiftoire  Naturelle  contiennent 
une  multitude  d'échantillons  de  mines  ,  variés  a 
l'infini  :  mais  quelque  nombreux  que  puiffent 
€tre  ces  échantillons  ,  ils  fe  réduifeni  à  quatorze 
cfpeces  diftindives  ,  &  ne  produifent  par  confé- 
quent  que  quatorze  efpeces  de  matières  métalli- 
ques ^  du  moins  on  n'en  connoît  point,  quant 
à  préfent,  un  plus  grand  nombre.  Je  défigne  leS 
caraâreres  principaux  par  lefquels  on  peut  re- 
connoîtreces  diftérentes  mines  métalliques^  mais, 
comme  mon  intention  n'eft  point  de  donner  un. 
Traité  de  Minéralogie,  je  me  difpenfe  de  rap- 
porter les  jeux  de  la  Nature,  ou  les  variétés  fous 
lefquelles  elle  nous  préfente  toutes  les  mines  d'un 
même  genre  ,  parcequ'il  faudroit ,  pour  remplir 

cïj 


^x)iv]    AVERTISSEMENT. 

cet  objet ,  plufieuis  volumes  fort  étendus.  Après 
avoir  défigné  les  mines  par  les  caraderes  qui 
leur  font  propres ,  j'indique  les  pratiques  qu'on 
obfcrve  pour  les  découvrir,  &:  pour  reconnoître 
la  direction  des  filons  j  les  moyens  qu'on  em- 
ploie pour  arracher  les  minéraux  des  entrailles 
de  la  terre ,  &  les  précautions  que  l'on  prend 
pour  fe  mettre  à  l'abri  des  inondations  &  des 
cboulements. 

On  ne  pénètre  pas  fans  danger  dans  le  labo- 
ratoire fouterrain  de  la  Nature  j  fi  Ton  a  réuflî  à 
fe  S'itaiitir  des  inondations  &  des  cboulements  , 
on  n'eft  point  encore  parvenu  à  fe  défendre 
contre  les  exhalaifons  fouterraines.  La  plupart 
des  mines  exhalent  des  vapeurs  minérales  phlo- 
giftiques  dans  différents  états  ,  qui  font  périr  les 
ouvriers.  On  trouvera  un  article  fur  cette  ma- 
tière ,  que  j'ai  tâché  de  rendre  intérefiant  par  les 
détails  dans  lefquels  je  fuis  entré  ,  &  par  les  vues 
nouvelles  que  je  propole  pour  acquérir  plus  de 
connoilfances  fur  cette  matière. 

Les  travaux  en  grand  fur  les  mines,  devant  ton-* 
jours  être  précédés  des  opérations  en  petit,  pour 
connoître  la  nature  de  la  mine ,  &  le  produit 
qu'on  efpere  en  retirer  dans  le  travail  en  grand  , 
je  donne  un  article  fur  la  manière  d'efiayer  les 
différentes  mines,  &  je  rapporte  les  meilleurs 
procédés  par  lefquels  on  peut  parvenir  à  cette  con- 


AVERTISSEMENT,    xxxvij 

noiflance.  C'eft  ce  travail  en  petit  qu'on  nomme 
Docimajie ou  VArt  des  ejfa'is. 

Immédiatement  après ,  je  parle  des  travaux  en 
grand  qu'on  fait  fur  les  mines  pour  les  fondre  ,  ï 
l'effet  d'en  fcparer  le  métal  d'avec  les  matières  qui 
lui  font  étrangères.  On  ne  doit  pas  s'attendre  à 
trouver  un  Traité  complet  fur  la  fonderie  des 
mines  en  général  :  cet  objet  eft  trop  étendu.  Je 
me  contente  d'cxpofer  feulement  les  principales 
opérations  que  ne  doivent  point  ignorer  ceux  qui 
cultivent  la  Chymie.  L'exploitation  proprement 
dite  des  mmes  eft  d'ailleurs  un  art  particuliet 
qui  exige  un  travail  à  part ,  parceque  cette  ex- 
ploitation ,  quoiqu'ayantdes  principes  généraux, 
devient  continuellement  particulière  pour  chaque 
cfpece  de  mine  qui  demande  à  être  traitée  difté- 
lemment.  La  nature  de  cet  Ouvrage  ne  comporte 
pas  tous  ces  détails. 

Les  pyrites  font  un  genre  de  minéraux  métal- 
liques qui  contiennent  peu  de  métal ,  &:  qu'on 
ne  fe  donne  point  la  peine  de  retirer  ;  mais  les 
pyrites  fourniffent  différentes  fubftances  ou  ful- 
fureufes  ou  falines  d'ufage  dans  les  arts.  J'exa- 
mine &j'établislesvraiscaracleres  quidiftinguent 
les  pyrites  d*avec  les  mines  métalliques.  Je  divife 
en  quatre  claQes  les  pyrites  &  les  fubllances  qui 
leur  appartiennent.  Je  rends  compte  de  l'eftlo- 
refcence  des  pyrites  à  l'air  humide ,  &  je  parle: 


xvxvii)  AVERTISSEMENT, 

de  la  caufe  qui  produit  cet  effet.  J'expofe  claire-; 
ment  les  procédés  par  lefquels  on  parvient  à  fé- 
parer  du  foufre  des  pyrites  ,  à  leur  faire  produire 
du  vitriol,  de  l'alun,  &c.  Dans  cet  article,  je 
lends  compte  des  procédés  qu'on  emploie  pour 
fcparer  l'alun  d'une  matière  argilleufe  qu'on - 
trouve  abondamment  dans  les  environs  de  Rome, 
ôc  dans  quelques  endroits  de  la  France ,  comme 
l'a  découvert  M.  Fougeroux. 

Les  pyrites  qui  fe  décompofent  dans  l'intérieur 
de  la  terre  ,  fourniffent  des  matières  falines  donE 
l'eau  fe  charge  en  paiïant.  Ce  font  elles  qui 
font  la  caufe  première  de  toutes  les  eaux  miné- 
rales. Je  donne  un  article  fur  les  eaux  minérales  : 
j'expofe  mon  fentiment  fur  la  caufe  de  la  chaleur 
de  celles  qui  font  chaudes  ,  &  de  celles  qui  font 
froides  :  je  donne  les  moyens  de  procéder  à  leur 
analyfe,  pour  féparer  &  reconnoître  les  fubdances 
dont  elles  font  chargées  ,  ôc  je  propofe  de  nou- 
velles vues  pour  examiner  celles  que  la  Nature  a 
compliquées. 

L'article  qui  traite  des  travaux  en  grand  qu'on 
fait  fur  les  eaux  qui  contiennent  le  fel  marin ,  eft 
précédé  d'un  difcours  dans  lequel  j'expofe  mon 
fentiment  fur  la  formation  de  ce  fel  dans  la  mer, 
fie  à  la  partie  feche  du  globe.  J'ai  tâché  de  rendre 
cet  article  intérelTant ,  en  ne  me  permettant  que. 
des  hypothefes  qui  m  ont  paru  avoir  le  plus  grand 


AVERTISSEMENT,    xxxlx 

degré  de  vraifemblance.  J'expôfe  les  travaux  er^ 
çrand  qu'on  fait  far  les  eaux  pour  en  extraire  le 
fel  marin  £c  le  féparer  d'avec  les  fels  étrangers 
qui  l'accompagnent  toujours.  Je  ne  rapporte  pas 
toutes  les  méthodes  qu'on  emploie  pour  parvenir 
a  ce  but  ^  cela  auroit  exigé  des  détails  qui  au- 
roient  paflé  les  bornes  de  cet  Ouvrage.  Je  me  con- 
tente de  parler  de  l'évaporation  de  l'eau  fur  le 
feu  ,  parceque  ce  moyen  fait  mieux  connoître 
les  fubftances  étrangères  unies  au  fel  marin  dans 
les  eaux  falées ,  Se  j'examine  ces  différentes  fub- 
ftances dans  un  détail  fuffifant. 

A  la  fuite  des  travaux  en  grand  fur  le  fel  marin, 
je  donne  un  article  fur  les  moyens  de  delTaler 
l'eau  de  mer,  &:  de  la  rendre  potable.  Je  rap- 
•  porte  la  machine  que  M.  PoilTonnier  a  propofée  à 
ce  fujet ,  qui  cft  la  meilleure  de  toutes  celles  qui 
font  connues  jufqu'à  préfent.  Ce  Phylîcien  ,  ami 
de  l'humanité,  a  bien  voulu  me  communiquer 
fa  machine ,  &c  me  permettre  de  la  faire  dellîner 
&  graver  ;  ce  qui  a  été  exécuté  avec  le  plus  grand 
foin  Se  la  plus  grande  exaélirude. 

Immédiatement  après  leiel  marin  ,  je  parle  des 
travaux  en  grand  fur  le  nitre  ou  falpêtre.  J'expôfe 
auparavant  le  fentiment  des  Phyficiens  fur  la  géné- 
ration de  ce  fel  particulier ,  ^c  je  rends  compte  du 
mien.  S'il  paroît  vraifcmblable,  il  ne  doit  pas  pouB 
cela  rien  diminuer  du  mérite  des  fentiments  des 

c  iv 


xl      AVERTISSEMENT. 

célèbres  Phyficiens  qui  ont  écrit  avant  moi  fur 
cette  matière.  Le  nitre  eft  un  fel  important  pour 
la  défenfe  des  places ,  puifqu'il  eft  la  bafe  de  la 
poudre  à  canon  :  il  n'eft  pas  au{îî  abondant  dans  la 
Nature  que  le  fel  marin,  Plufieurs  perfonnesont 
propofé  de  changer  ce  dernier  fel  en  nitre.  Je 
rapporte  mon  fentiment  fur  Timpollibilité  de 
cette  transformation. 

Enfin,  je  termine  ce  qui  concerne  le  règne 
minéral  qui  fait  la  première  partie  de  cet  Ou-. 
vrage ,  par  des  réflexions  fur  la  pierre  philofo- 
phale.  J'expofe  avec  franchife  mon  fentiment 
fur  cette  matière  ,  de  me  mets  au-delTus  des  cla- 
meurs des  Adeptes.  Je  ne  me  flatte  pas  de  les  con-. 
vertir  :  le  bandeau  du  préjugé  ôc  de  l'ignorance! 
qu'ils  ont  devant  les  yeux ,  les  empêchera  toujours 
de  reconnoître  la  vanité  de  leurs  recherches.  J© 
délire  cependant  bien  fincérement  quemes  ré-, 
flexions  puiflent  les  engager  à  fe  fouftraire  aux; 
tra.vaux  pénibles  dans  lefquels  ils  s'engagent  fans 
utilité  pour  eux  &c  pour  la  Chymie.  C'eft  pouç 
mieux  remplir  cet  objet,  que  je  fais  connoître  les 
manœuvres  &  les  tours  d'adrefle  dont  des  Charla^ 
tans  fe  font  fervis  pour  en  impofer  aux  ignorants. ^ 
^  abufer  de  leur  crédulité. 


TABLE 

DES    ARTICLES 

Contenus  dans  cet  Ouvrage. 


TOME     PREMIER. 

!L/£ s  Fourneaux,  Page  Ixxr 

fourneau  de  litliogéognofie  j  lxxx| 

Fourneau  de  réverbère ,  Ixxxv 

Fourneau  de  coupelle  ,  xcj 

Fourneau  des  Fondeurs  ,    &  Forge  ,  xcii} 

Fourneau  de  lampe  ,  xcyj 

Pes  Vaisseaux,  xcîr 

Première  CUjfe. 
Des  VaifTeaux  cvaporatoires  divifés  en  trois  Sc(flions ,      c] 

Première  SeBion. 

Des  VaifTeaux  évaporatoires  à  l'air  libre  >  iî/V« 

Seconde  SeBion, 
Des  VaifTeaux  évaporatoires  clos  ,•  ciij 

Troijieme  SeBion. 
Des  Récipients ,  er 

Seconde   Clajfi, 

Des  VaifTeaux  circulatoires,  CÎX 

Troijieme  Clajfe. 
Des  VaifTeaux  propres  à  la  fufion  &  à  la  vitrification  ,  Sec. 

Quatrième  Clajfe. 

Des  VaifTeaux  polychrcftes  ,  cxij 

Manière  de  couper  &  de  percer  des  ballons  de  verre 
^  autrçs  vaiueaux ,  cxiij 


xHj 


TABLÉ 


DesLuts,  cxvîf} 

Lut  propre  à  lutcr  les  cornues  de  verre  Se  de  grès  qui 

doivent  fupportcr  un  grand  feu  ,  ièid. 

Lut  pour  lucer  les  jointures  des  vaiffeaux  ,  cxx 

Lut  de  chaux  &  de  blanc  d'œufs,  cxx) 

Lut  d'âne  ,  ibid. 

Lut  gras ,  cxxiij 

Huile  de  lin  cuite  ,  cxxiv 

Vernis  de  fuccin  qu'on  peut  employer  en  place  d'huile 

de  lin  cuite  pour  former  le  lut  gras ,  cxxv 

Cire  molle ,  cxxvi) 

Teinture  de  tournefol  ,  ibid. 

Laboratoire  de  Chymii  ,  •  cxxviij 

■Vailîcaux  de  verre  &  de  cryftal  qu'on  trouve  chez 

prefque  tous  les  Faïanciers  ,  cxxx 

VaifTeaux  de  grès  &  de  terre  qu'on  trouve  chez  plufieurs 

Marchands  Potiers  de  terre  ,  cxxxiij 

Fourneaux  Se  crcufcts  qu'on  trouve  ches  les  Fourna- 

liftes  ,  cxxxv 

VaiiTcaux  de  cuivre  que  fabriquent  les  Chauderon- 

niers ,  cxxxviij 

VaifTeaux  que  fabriquent  les  Potiers  d'étain  ,  cxxxix 

Inftruments  que  vendent  les  Balanciers  ,  xhid. 

Inftruments  qu'on  trouve  chez  les  Marbriers ,  cxl 

Outils  &  Inftruments  qu'on  trouve  chez  les  Clin- 

caillers ,  cxlj 

Outils  &  Inftruments  qu'on  trouve  chez  les  Marchands 

de  fer ,  ibid, 

Inftruments  qu'on  trouve  chez  les  Tourneurs  en  bois 

&  chez  les  Tabletiers ,  cxliv 

Inftruments  qu'on  trouve  chez  les  BoifTeliers,  ibid, 

Inftruments  qu'on  trouve  chez  les  Fondeurs  en  cuivre ,  ibid, 
inftruments  qu'on  trouve  chez  les  Faifeurs  de  ther- 
momètres, cxlv 
Vocabulaire,  de  plufieurs  termes  de  Chymie,            cxlvii 

INTRODUCTION  a  la  Chymie  ,  Page  t 

Objet  de  la  Chymie ,  a 

De  l'Analyfe  ou  de  la  Décompofîtion  chymique  des 

corps ,  8 

De  la  Combinaifon  ou  Compoûtion  chymique  des 

corps ,  II»: 


DES    ARTICLES.       xlig 

Sur  les  Affinités  ckvmiques ,  I9 

I  ".  Affinité  d'adhérence  ou  de  cohéCon  ,  i  j 

t°.   Affinité  d'agréi:!;ation  ,  18 

3'*.  Affinité  compoféç  de  deux  corps  ,   d'où  il  réfulte 

une  combinaifon  ,  3** 

4".  Affinité  compofée  de  trois  corps  qui  ontenfemblc 

un  égal  degré  d'affinité,  ^^ 

î°.  Affinité  d'intermède,  3  5 

6".  Affinité  de  trois  corps  ,  de  laquelle  il  refaite  une 
décompofition  &  une  nouvelle  combinaifon  qui  fe 
font  en  même  temps  ,  .34 

7°.    Affinité  réciproque  ,  3J 

8°.  Affinité  de  c]uatrc  corps  ,  ou  Affinité  double  ,  d'où 
il  réfulte  deux  déconipofitions  &  deux  nouvelles 
combinaifons ,  3^ 

Sur  les  Eléments  ou   Principes  primitifs  des  corps  ,  ?  9 

Sur  le  Feu  pur  ,  47 

Sur  les  moyens  de  rafTcmblcr  le  feu  ,  &  fur  ceux  qui 
déterminent  fon  adion  ,  6l. 

Suri  Air,  dv 

Effets  du  feu  fur  l'air,  6i 

Effets  de  l'air  fur  le  feu  pur ,  69 

Combinaifon  de  l'air  avec  le  feu,  ibid. 

Sur  l'Eau  ,  70 

Des  Propriétés  de  l'eau  dans  l'état  de  liquidité  ,  71 
Expérience  qui  prouve  que  l'eau  ne  prend  qu'un  degré 

de  froid  déterminé  ,  74 

Des  Propriétés  de  l'eau  dans  l'état  de  glace  ,  -jS 

Des  Propriétés  de  l'eau  dans  l'état  de  vapeurs,  7^ 

De  la  Diftillation  ,  8j 

Diftillation  de  l'eau  ,  85- 

De  l'eau  combinée  avec  le  feu  ,  8^ 

De  l'eau  combinée  avec  l'air  ,  87 

De  l'eau  combinée  avec  le  feu  &  l'air  ,  50 

Sur  la  Terre  ,  ibid. 

Des  pierres  &  terres  vitrifiables  ,  ici 

propriétés  de  la  terre  élémentaire  ,  104 

Sur  les  pierres  précicufes,  10^ 

Sur  les  pierres  colorées  ,  107 

Çpmbinaifon  de  la  terre  élémentaire  avec  le  feu  pur ,  n  g 


xliv  TABLE 

Combinaifon  de  la  terre  vitrifiable  avec  Taîr  ,  _l  rS 

Combinaifon  de  la  terre  vitrifiable  avec  l'eau  ,  ihid. 

Sur  la  Combinaifon  des  quatre  Eléments  ,  l  ï  ? 

Sur  la  matière  combuftible  dans  l'état  huileux  ,  115 
Matières  combuftibles  expofées  au  feu  avec  le  concours 

de  l'air ,  M^ 

Matières  combuftibles  expofées  au  feu  fans  air  ,  1 55» 
Expérience  qui  prouve  que  la  matière  combuftible  ne 

peut  brûler  fans  le  concours  de  l'air  ,  ibid. 

Autre  expérience  qui  prouve  la  même  propofîtion  ,  140 

Autre  expérience  qui  prouve  la  même  proportion  ,  144 
Sur  la  matière  combuftible  dans  l'état  de  ficcité ,  ou 

furie  phlogiftique,  14c 

Matières  combuftibles  avec  de  l'eau  ,  15a 

Recompofition  de  la  matière  huileufe  ,  i  £4 

Des  propriétés  du  phlogiftiquc,  lyj 

Sur  la  Terre  calcaire ,  1 6^1 

Etats  fous  lefquels  la  Nature  nous  préfente  la  terre 

calcaire  que  l'on  nomme  aufH  alkaUne  &  abforbante,  1 6j 
Propriétés  des  terres  calcaires  ,  16.9 

Terres  calcaires  expofées  au  feu  dans  des  vaifTcaux 

clos.    Chau-  vive ,  I70 

Pierres  calcaires  avec  l'air  ,  17? 

Terre  calcaire  avec  l'eau,  174 

Examen  des  propriétés  de  la  chaux  vive  ,  17  j 

Chaux  vive  expofée  a  l'air  ,  Xj6 

Chaux  vive  combinée  avec  de  l'eau.  Pâte  de  chaux  ^  177 
Lait  de  chaux,  •  ~     178 

Eau  de  chaux  ,  ibtd. 

Pellicule  ou  çrême  de  chaux  ,  1 7P 

Chaux  avec  la  terre  vitrifiable.  Mortier  de  chaux  &  de 

fable  pour  la  bàt'ijfe  ,  1 9% 

chaux  vive  &  glace  ,  194 

Chaux  vive  combinée  avec  du  phlogiftique.  Alkali 

fixe  artificiel  i  ibii. 

Combinaifon  de  la  terre  calcaire  avec  la  terre  vitrifia- 
ble par  la  voie  feche.  Fusibilité  de  ces  terres  l'une 
par  l'autre,  107 

S'XT  les  Subftances  falines  ,  199 

Piftinélions  des  fubftances  falines  ,  108 

Sur  f  Acide  vîtriolique  aujjî  nommé  acide  univerfeî ,      n\ 


D  E  s    A  R  T  I  C  L  E  s.        xlr 

iToprictcs  de  l'acide  vitriolique  ,  1 1  y 
Acide  vitriolique  avec  le  feu ,  zï6 
Acide  vitriolique  expofc  à  l'air  ,  iiS 
Acide  vitriolique  avec  de  l'eàu.    Efpr'it  de  vitriol  ^       ibid. 
Acide  vitriolique,    &  glace,  119 
Acide  vitriolique  avec  de  la  terre  vitrifîable  ,  110 
Acide  vitriolique  rectifié  ,  &  acide  vitriolique  con- 
centré ,  zit 
Acide  vitriolique  volatilifé  ,  &:  rendu  fulfurcux  fur- 
ie-champ par  du  phlogiftique  dans  le  mouvement 
igné,                           ^  ixj 
Acide  vitriolique  colore  par  des  matières  inflamma- 
bles dans  l'état  huileux.    Acide  vitriolique  Ju/fu^ 
rcux  y  1  j  i 
Acide  vitriolique  avec  de  l'huile  ,  x  î  j 
Soufre  artificiel  ,                                                              ihid» 

Sur  le  Soufre ,  i^-j 

Soufre  expofé  au  feu  ,  i}8 

Soufre  mou  ,  ijj 

Soufre  cryftallifé,  140 

Sur  la  Sublimation  ,  ibid. 

Sublimation  du  foufrc.  i7*«rj</f  yo/'/r«  ,  141 

Soufre  avec  Tait,  144 

Soufre  avec  de  l'eau.    Soufre  lavé ^  ibid. 

Soufre  avec  de  la  glace  ,  14^ 

Souh  e  avec  de  la  terre  vitrifîable ,  i6id. 

Soufre  avec  le  phlogiftique  ,  ibid. 
Soufre  diflous  dans  de  l'huile.    Baume  de  foufre  de 

RuUrid  ,  14^ 

Soufre  avec  la  terre  calcaire ,  147 

Soufre  avec  la  chaux  vive.   f'o;e  de  foufre  terreux  ^  ibid. 

Dccompofition  du  foie  de  foufre  terreux  ,  149 
Décorapofition  du  foie  de  foufre  terreux  par  l'acide 

vitriolique  ,  ibid. 

Soufre  5c  acide  vitriolique.  Soufre  dilfous  dans  cet 

acide  . 


jo 


Acide  vitriolique  avec  les  terres  calcaires  ,  15 1. 

Sw  les  Pierres  &  Terres  gypfeufcs  ,  connues  fous  le 

nom  de  pierres  à  plâtre,  lj9 

Gypfc  expofé  au  feu ,  x6l 

Xîypfc  à  l'air  ,  x6f 


xlvj 


TABLE 


Gypfe  avec  de  l'eau ,  isj, 

Gypfe  avec  de  la  glace ,  176 

Gypfe  avec  la  terre  vitrifîablc  ,  lyt 

Gypfe  avec  le  phlogiftique  ,  ihid, 

Gypfe  avec  la  terre  calcaire,  ifv 

Gypfe  avec  l'eau  de  chaux  ,  ibidi 

Gypfe  avec  l'acide  vitriolique,  ibid. 

Gypfe  avec  le  foufre  ,  174 

Suri' Acide  nitreux ,  ibid. 

Acide  nitreux  au  feu  ,  17$ 

Acide  nitreux  expofé  à  l'air  ,  ryS 

Acide  nitreux  mêlé  avec  de  l'eau  ,  277 

Acide  nitreux  raclé  avec  de  la  glace ,  178 

Acide  nitreux  avec  les  terres  vitiifiables  ,  ibidi 

Acide  nitreux  avec  le  phlogiftique ,  ib'id. 
Acide  nitreux  avec  les  matières  combuftibles  dans 

l'état  naturel ,  i8o 
Acide  nitreux  avec  une  huile.  Infiammadon  de  cette 

huile  y  ibidi 

Obfervations  fur  l'acide  nitreux  ,  281 

Acide  nitreux  avec  les  terres  calcaires  ,  i%\ 

Cryrtallifation  des  nitres  à  bafe  de  terre  calcaire  ,  2S7 

Nitre  à  bafe  terreufe  avec  de  la  qlace  ,  289 

Acide  nitreux  &  acide  vitriolic|ue ,  ibid* 

Acide  nitreux  &  foufre ,  250 
Décompofition  du  foie  de  foufre  terreux  par  l'acide 

nitreux ,  ibid. 

Acide  nitreux  &  gypfe  ,  291 

Sur  l' Acide  marin  que  l'on  nomme  aujfi  Acide  du  fel 

commun  ,  ibidi 

Acide  marin  au  feu  ,  295 

Acide  marin  à  l'air,  ibid. 

Acide  marin  avec  de  l'eau  ,  ibid. 

Acide  marin  mêlé  avec  de  la  glace ,  ibid. 

Acide  marin  avec  les  terres  vitrifiables  ,  294 

Acide  marin  avec  les  matières  combuftibles  y  ibid. 

Acide  marin  avec  le  phlogiftiquc  ,  ii'id^ 

Acide  marin  avec  la  matière  huileufe,  295 

Obfervations  fur  l'acide  marin ,  29^ 

Acide  marin  avec  les  terres  calcaires  ,  25,7 

Cryftaliifation  dçs  fels  marins  à  bafe  terreufe,  3c© 


DES    ARTICLES.      xlvij 

JDécompofition  des  Tels  marins  à  bafe  terreufe  par  l'ac- 
tion du  feu,  jot 
5el  marin  à  bafe  terreufe  avec  de  la  glace  ,  joy 
Acide  marin  &  acide  vitriolique  ,  ibid. 
Acide  marin  avec  le  foufre  ,  ihid» 
Acide  marin  avec  le  foie  de  foufre  terreux,  ihid. 
Acide  marin  avec  le  gypfe  ,  50^ 
Acide  marin  &  acide  nitrcux ,  307 

Suri'  A  cidt  végétal  y  ibid. 

"Vinaigre  expofé  au  feu,  308 

Vinaigre  expofé  à  l'air  ,  ibid. 

Vinaigre  concentre  à  la  gelée  ,  ibid. 

Vinaigre  avec  de  l'eau  ,  310. 

Vinaigre  mclc  avec  de  la  glace  ,  ibid. 

Vinaigre  avec  de  la  terre  vitrifiabic ,  ibid. 

Vinaigre  avec  les  maricrcs  combullibics  ,  311 

Vinaigre  avec  le  phlogiil:ic]ue,  ibid, 

Vinaigreavec  la maticie  huileufc ,  ibid. 

Vinaigre  diftillé  avec  les  terres  calcaires  ,  ibid. 

Cryrtallifation  des  fcls  acétcux  terreux  calcaires,  314. 

Sel  acéteux  calcaire  avec  de  la  glace ,  3 1  y 

Sel  accreux  calcaire  avec  du  foufre  ,  ibid. 

Vinaigre  &  acide  vicriolicjue  diftillés  enfemble  ,  ibid. 

Vinaigre  &  acide  nitrcux  ,  31^ 

Vinaigre  &  acide  marin  ,  317 

Vinaigre  avec  le  foufre  ,  ibid. 

Vinaigre  avec  le  foie  de  foufre  terreux,  ibid. 

Vinaigre  &  gypfe ,  ibid. 

Sur  l'Alkali  fixe  végétal ,  ibid. 

Alkali  fixe  expofé  au  feu  ,  3  i^ 

Alkali  fixe  expofé  à  l'air,  jiO 

Alkali  fixe  mêlé  avec  de  l'eau,  jil 

Alkali  fixe  avec  delà  glace  ,  31c 

Alkali  fixe  avec  de  la  terre  vitrifiable  ,  ibid, 

Liquor  jil:cum  ,  ou  Liqueur  des  cailloux,  ii6 

Liquor  (ilicum  diffous  dans  de  l'eau  ,  3  z  j 
Décompofition  de   la   liqueur  des   cailloux  par  les 

acides,  330 
Çombinaifon  de  la  terre  féparée  du  liquor /ilicum  avec 

l'acide  vitrioliquc.  Alun  artificiel ^  3  j  i 


ilviij 


^  TABLE 


Sur  C Alun ^  3ji 

Alun  au  feu.  Alun  calciné  ,  j  j  I 
Diftillation  de  l'alun  pour  en  féparcr  l'acide  viaio- 

]ic]uc,  jjy' 

Alun  à  l'air,  1^6 

Alun  avec  de  l'eau,  ihid» 

Alun  &  glace,  ibid^ 
Alun  avec  les  matières  combuftibles  Si  phlogiftiqucs. 

Dccompofiùon  de  l'alun ,  ibid, 

Pyrophorc,  j}8 

Décompofition  de  l'alun  par  les  terres  calcaires  ,  542, 
Décompofuion  de  l'alun  par  de  la  chaux  &  par  de 

l'eau  de  chaux  ,  3^45 

Alun  &  acide  vitriolique,  J4j 

Alun  &:  Toufre  ,  iiid. 

Alun  &:  gypfe,  iBid. 

Alun  &  acide  nitreur^,  ibid. 

Alun  &  acide  marin  ,  ibiJ. 

Alun  &  vinaigre  ,  ibid. 
Alun  &  alkaii  fixe.   Décompofition  de  l'alun.  Terre 

d'alun.   Tartre  vitriolé,  ibid. 

Propriétés  de  la  terre  de  l'alun  ,  347 

Alun  faturé  de  fa  terre ,  348 

Terre  d'alun  dilToute  par  de  l'acide  vitriolique,  3  y  r 

Terre  d'alun  diiroute  par  de  l'acide  nitreux  ,  ibid. 

Terre  d'alun  difToute  par  de  l'acide  marin  ,  ibid. 

Terre  d'alun  dilToute  par  le  vinaigre  difhillc  ,  355 

Sur  les  j4r^il/es  ,  ibid. 

Propriétés  des  argilles  ,  3  f  4 

Argilles  expofées  au  feu,  3  j8 

Argilles  avec  l'air  ,  5-60 

Argilles  avec  de  l'eau  ,  3^r 

Argilles  avec  les  terres  vitrifiables  ,•  36  j 

Argilles  avec  le  phlogiftique  ,  ibid. 
Argilles  &  terres  calcaires.  Fujîbilité  de  ces  terres  l'une 

pa'  l'autre,  1^66 

Argilles  &  acide  vitriolique  ,  375 

Argilles  &:  acide  nitreux  ,  377 

Argilles  &,  acide  marin,  379 

Argilles  &  eau  régale,  38a 

Argilles  «Se  vinaigre  diftillc  ,  ibid. 

Argilles  &.foufre,  383 

Argille 


DES    ARTICLES.       xl\% 

Afgillcs  &  alkali fixe ,  ^  38} 

Argilles  ,  alkali  fixe,  &  phlogiilique.  Foie  defiufre, 

&  So:.jre  anijîcii/ ,  ^  8  j 

Alkali  fixe  avec  les  matières  combuftibles  ,  il^ij. 

Alkali  fixe  avec  le  phlogiftique  y  ^Id 

Alkali  fixe  avec  une  huile  gialîc  ,  387 

Alkali  fixe  avec  les  terres  calcaires  j  ibid. 

Alkali  fixe  avec  de  la  chaux  vive  ,  388 

Alkali  fixe  aVcc  de  l'acide  vitrioliquc.  Tartre  vitriolé. 

6t'/de  duobus.  Arranum  duplicatum  ,  389 

Alkali  fixe  avec  le  foie  de  foufre  terreux  ,  390 

Alkali  fixe  avec  le  foufre,  351 

Foie  de  foufre  par  la  voie  humide,  ibid. 

Foie  de  foufre  par  la  voie  fcchc  ,  ibid. 

Foie  de  foufre  au  feu.  Sel  Juif  urcux.  Tartre  vitriolé  ,  39  j 
Foie  de  foufre  à  l'air,  ihid. 

Foie  de  foufre  avec  de  Peau,  jptf 

Foie  de  foufre  avec  de  la  glace,  397 

Foie  de  foufre  avec  de  la  terre  vitrifiable ,  ibid. 

Foie  de  foufre  avec  les  matières  combuftibles,  /*;d. 

Foie  de  foufre  avec  le  phlogilHque  ,  ibid. 

Foie  de  foufre  avec  la  matière  huileufc  ,  39g 

Foie  de  foufre  avec  la  terre  calcaire ,  ibU. 

Foie  de  foufre  avec  l'acide  vitriolique.   Magificre  de 

(oifre  ,  ibid. 

Foie  de  foufre  artificiel ,  ^.oi 

Foie  de  fouhe  artificiel  difTous  dans  de  l'eau  ,  ^ox 

Magiftcre  de  foufre  artificiel ,  ^o^ 

Combinaifon  de  l'acide  lulfureux  avec  l'alkali  fixe. 

Sci/u/fi.rcux  J:  StJ'.lïi  ibid. 

Décompofition  du  fel  fulfurcux  de  Staahl  par  l'acide 

vitriolique,  40; 

Alkali  fixe  &  gypfc.   Décompofition  du  gypfe.   Tartre  vi- 

trn.lé  ^  .         ,    ,    .   ,  4^^ 

Alkali  fixe  Se  acide  nitrcux.  N itre régénéré ^  on.  Salpêtre ^^07 
Alkali  fixe  &  nitre  à  bafcterrcufe.  Nitre  tégénéré ^  409 
Propriétés  du  nitre  ,  i'cii. 

Nitre  au  feu   Ciyftdl  minéral ,  410 

Nitre  alkalifé  fans  addition  ,  4,  i  i 

Nitre  à  l'air,  ^ij 

Nitre  avec  de  l'eau  ,  ^i^ 

Nitre  Se  glace  ,  iy,^^ 

Nitre  &  terres  vitrifiables  ,  41c 

Tome  I,  J 


K  TABLE 

Nitre  avec  les  matières  combuftibics,  ^r  f 

Poudre  de  fuilon,  41e» 

Nicre  avec  le  phlogiftique.  Nitre  fixé  parles  charbons 

à  l'air  libre  ,,  417 

Nitre  fixé  par  les  charbons  dans  des  vaifTeaux  clos. 

diffus  de  n'ure  ,  ^'H 

Nitre  avec  de  l'huile  d'olive,  415 

Nitre  &  terres  calcaires  ,  ibid. 

Nitre  &  acide  vitriolique.    Efpritde  nitre  fumant  a  la 

fjfun  de  Glauber.  Tartre  vitriolé  y  414 

Sel  de  duobus  tiré  de  la  niafle  faline  reftée  dans  la  cor- 
nue après  la  diftillation  de  l'acide  nitreux  fumant  ,454 
Décompofition  du  tartre  vitriolé  par  l'acide  xiitreux 

feul  ,  43 i 

Déphlogiftication  de  l'acide  vitriolique  par  le  nitre 

en  fubilance ,  441 

Nitre  c<  foufre.  Acide  vitriolique  tiré  dufoafre  par  la 
comhuflion  de  cette  l'ubjîancc  ,  &  par  l'intermède  du 
nitre,  ^  44  j 

Décompofîrion  du  nitre  par  l'intermède  du  foufre. 

Clijfus  de  nitre  &  de  foufre.  Sel  polychrefiedcGlafer^  4^1 
Poudre  à  canon  ,  455 

Analyfe  de  la  poudre  à  canon ,  474 

Poudre  fulmipactc ,  475 


D  E  s    A  R  T  I  C  L  E  s.  ÎJ 


T  O  M  E    I  L 

^itreSc  Gypse,  Page  r 

Nitre  &  alun.  Décompofition  du  nitrepar  talun,  Èfprit 

de  nitre  fumant.   Sel  de  duobus ,  * 

Nitie  &.  aigillcs.  Décompo/ttion  du  nitre  par  les  argilUs, 

Efprit  de  nitre.  Tartre  vitriolé  ,  4 

DilHllation  de  l'eau  force  dans  des  fourneaux  qu'on 

nomme  galères ,  jl 

Manière  de  féparer  le  tartre  vitriolé  de  la  matière  ter- 

reufe  qui  rcflc  dans  les  cornues  après  la  dccompolî- 

tion  du  nitre  par  de  l'argille  ,  1  f 

Kitrc  &  foie  de  loufre.  Poudre  fulminante  ,  1  î. 

Alkali  fixe  &  acide  marin.  Sel  fébrifuge  de  Silvius  ,  i  j 
t)écompolition  du  fcl  marin  à  baie  terrcufe  par  l'alkali 

fixe.   Sel fcb'-ifufe  de  Silvius.  M ai:,néfie  blanche  y  i^ 

Propriétés  du  fel  fébrifuge  de  Silvius ,  i  f 

Alkali  fixe  &  vinaigre  diltillé.  Terre  foliée  de  tartre  ^  ibid* 
Diftillation  de  la  terie  foliée  ,  ic 

Sur  r  Âlkdli  mi  a  éral ,  1  % 

Alkali  marin  au  feu  ,  14 

Alkali  marin  à  l'air  ,  îlld». 

Alkali  marin  avec  de  l'eau  ,  i  ç- 

Alkali  marin  avec  de  la  glace  j  Ibid^ 

Alkali  marin  avec  les  terres  vitrifîables  ,  ibid^ 

Alkali  marin  avec  les  matières  combuftibles,  ibid^ 

Alkali  marin  avec  le  plilogiftique  ,  1^ 

Alkali  marin  avec  la  matière  huilcufe ,  ibid, 

Alkali  marin  avec  les  terres  calcaires,  ibid» 
Alkali  marin  avec  de  la  chaux.   Lejfive  des  Savonniers,  1-7 

Pierres  à  cautère  ,  ibidi 

Sut  le  favon ,  j  ^ 

Savon  blanc ,  ^^ 

Décompolition  du  favon  par  les  acides  ,  îlid. 

Alkali  marin  avec  l'acide  vittioliquc,  3  g 

Propriétés  du  fcl  de  Glauber ,  ibid, 

Alkali  marin  avec  le  gypfe.  Sel  de  Glauher  ,  j  ^ 
Alkali  marin  avec  l'acide  nitreux.  Nitre  ^uadr angulaire ^  4* 

Propriétés  du  nitre  quadrangujadre ,  ^1 


lij  TABLE 

Alkali  marin  avec  l'acide  marin.   Sel  marin  ordinaire  ,  44 
Sel  marin  au  feu  ;  Tel  marin  dccrcpité  ,  45 

Fufion  du  fcl  marin  ,  ^6 

Sel  marin  à  l'air  ,  47 

Sel  marin  avec  de  l'eau  ,  ^"^''^. 

Sel  marin  avec  de  la  glace ,  >o 

Sel  marin  avec  les  terres  vitrifîables  ,  itid. 

Sd  marin  avec  les  matières  combuftibles  ,  5  i 

Sel  marin  avec  les  terres  calcaires,  jtf 

Sel  marin  &c  acide  vitriolique.   Efpr'n  de  fd fumant  a 

la  foçon  de  Giauber.  Sel  de  Glauber  y  ibid. 

Manière  de  retirer  le  fel  de  Glauber  de  la  mafle  faline 
cjui  reftc  dans  la  cornue  après  la  diftillation  de  l'a- 
cide marin  fumant  ,  6  j 
Décompolition  du  fel  de  Glauber  par  l'acide  nitreux 

feul ,  ^4 

Sel  marin  &  gypfe  ,  6  j 

Sel  marin  &  acide  nitreux.   D écompojit'ion  de  ce  fd. 

Eau  régale,  ibid. 

Sel  marin  &  acide  marin,  67 

Sel  niarin  &  vinaigre,  ibid. 

Sel  marin  &  alkali  marin.   Purification  du  fd  marin.,  ibid. 
Sel  marin  &:  alun  ,  68 

Sel  marin  Se  argilles.  Déccmpofuion  de  ce  fel.  Acide 

ma-in.   Stl  de  Glauber  ^  ibid, 

Waniere  de  ft-parerde  fel  de  Glauber  que  contient  la 
niatiere  terreufe  çeftée  dans  la  cornue  après  la  dé- 
composition du  fel  marin  par  de  l'argille  ,  70 
Sel  marin  &  foie  de  foufre  ,  71 
Sel  marin  &:  nirre ,  ibid. 
Sel  marin  &  lefîive  des  Savonniers ,  ibid, 
Alkali  marin  avec  le  vinaigre  diftillé.    Terre  foliée 

cryflailifée ,  7 1 

Diftillation  de  la  terre  foliée  cryftalliféc  ,  74 

Sur  l' y^lkali  animal.,  OU.  Alkali  volatil ^  ']  f 
Alkali  volatil  au  feu  ,                                                   "         77 

Alkali  volatil  expofé  à  l'air ,  ihid. 

Alkali  volatil  avec  de  l'eau,  7 S 

Alkali  volatil  avec  de  la  glace,  ihid. 

Alkali  volatil  avec  les  terres  vitrifîables,  79 

Alkali  volatil  avec  les  msricres  combuftibles,  ihid. 

4iliiaJi  volatil  ^vec  les  matières  phlogiftiques ,  ibid. 


DES    ARTICLES.         liij 

Alkali  volatil  avec  la  matière  liuîleufe  ,  80 

Alkali  volatil  avec  les  terres  calcaires  ,  il^i^- 

Alkali  volatil  avec  de  la  chaux  vive  ,  HiJ, 

Alkali  volatil  avec  de  l'acide  vitrioliquc.  Sel  ammo- 
niacal vhriolique  ,  ou  Sel  ammoniacal  furet  de 
Glauler ,  S 1 

Alkali  volatil  &  acide  nicreux.  Selammomacalnitreux  , 

ou  Nitre  ammoni  -.cal  ,  S  f 

Alkali  volatil  &  acide  marin.  Sel  ammoniac  ordinaire  ,  §7 
Alkali  volatil  &  vinais;rc  diftillé  ,  S<> 

Dccompolition  des  fcls  a  bafc  terreufc  par  l'alkali  vo- 
latil ,  90 

Sur  le  Sel  ammonijc ,    ù'  fur  une  Fal'riqae  de  ce  Sel 

établie  en  France  ,  94. 

Sel  ammoniac  au  feu.  Fleurs  de  fcl  ammoniac,  57 

Sel  ammoniac  &;  eau.   Purification  du  Sel  ammoniac  , 

Scfa  Cry^atlifution  ,  9 9 

Sel  ammoniac  &  terre  calcaire.   Sel  volatil  ammoniac. 

Sel  marin  à  hafc  terreujc  ,  I  co 

Sel  ammoniac  &  chaux  éteinte  à  l'aTr.  Efprit  volatil 

de  fcl  ammoniac  ,  jçj 

Foie  de  foufre  volatil  ,  ou  liqueur  fumante  dcBoilc  ,  11^ 
Sel  ammoniac  &  alkali  tixe.  Sel  volatil  ammoniac ^  Se 

Se! féàrfiige  Je  S'ilvius ,  »  I S 

Sel  ammoniac  &  acide  vitriolique.  Acide  marin  tiré 

dujel  .immoniac.   Sel  ammoniac  vitriolique  ^  oq  Sel 

fcc.-ct  de  Glauber ,  H2, 

Sel  ammoniac  &  foufre  ,  ji^ 

Sel  ammoniac  &  gypfe  ,  ibid. 

Si:\  ammoniac  &  acide  nitrcux.  Eau  régale  ,  1  if 

Sel  amiiioniac  S:  acide  marin  ,  1 17 

Sel  ammoniac  &:  vinaigre  diftillé  ,  ibid. 

Sel  ammoniac  &  alun  ,  ii8 

Sel  ammoniac  &:ar2;illc.  ibid. 

Sel  ammoniac  &  foie  de  foufre  ,  ibid. 

Sel  ammoniac  &  nitre  ,  ibid, 

Alkali  volatil  avec  les  alkalis  fixes.,  iif 

Alka'.i  volatil  &  foie  de  foufre  ,  ibid. 

Alkali  volatil  &  nicrc  ,  ibid. 

Sw le  Borax,  ib:d. 

Purilîcation  du  borax  brut ,  i  j-j 

d  ilj 


Viv  TABLE 

Examen  de  la  terre  féparée  du  borax  brut ,  i  j  | 

Sur  le  borax  purifié  ,  141 

Borax  au  feu.  Borax  calciné  ,  il>id, 

Vci      de  borax  ,  14 î 

Bor  X  à  l'air  ,  144 

3orax  avec  de  l'eau  ,  il^'^t 

Borax  &  glace,  i4î 

Borax  &.  phlogirtique  ,  i^'^j'- 

Borax  &  eau  de  chaux  ,  ,  '^'^' 

Borax  &  foufre  ,  ^^'^. 

Borax  &  foie  de  foufre  terreux ,  146 

Borax  &  foie  de  foufre  alkalin  ,  itid. 

Borax  &  nicre  ,  itid. 

Borax  &  fel  marin  ,  iW, 

Borax  &  fel  ammoniac,  ibiJ, 

Borax  Se  terres  vitrifiables  ,  ihid. 

Borax  &  terre  calcaire,  147 

Borax  &  gypfc  ,  ii"d. 

Borax  &:  alun  ,  ihid. 

Borax  &  nicre  à  bafe  tcrreufe  ,  148 

Borax  &  fel  marin  à  bafe  terreufe  ,  ihid. 

Borax  &  fel  accteux  calcaire,  ihid. 

Borax  oc  alkali  végétal  ,.  ibid. 

Borax  &  alkali  volatil ,  ihid. 

Borax  &  acide  vitriolique.  Sel  fédatif  cryJlaUifé.   Sel 

de  GlauhcT  ,  ibid. 

Borax  &  acide  nitreux.  Sel  fédatif  .  N'U'-e  quadrangu- 

la're  ,  149 

Borax  &  acide  marin.  Sel  fédatif.  Sel  marin  régénéré ,   1  j© 
Borax  &  vinaigre  diftillé.    Sel  fédatif.  Terre  foliée 

cryftrliifée  ,  ibid. 

Propriétés  du  fel  fédatif ,  .  157 

Sel  fédatif  au  feu  dans  des  vaiffeaux  clos.  Sel  fédatif 

fuiiUmé  ,  I  j  8 

procédé  pour  faire  beaucoup  de  fel  fédatif  fublimé 

en  peu  de  temps  ,  i6z 

Verrede  fel  fédatif,  164 

Di/Tolution  &  cryftallifation  du  verre  du  fel  fédatif ,     166 
Sel  fédatif  avec  de  l'eau  ,  167 

Sel  fédatif  avec  de  la  glace  ,  ibid. 

Sel  fédatif  cryftallifc  avec  de  l'alkali  marin.   Borax 

régénéié^  ibid. 

Sçl  fédatif  avec  de  l'alkali  fixe  végétal ,  ibid. 


DES    ARTICLES.  W 

Sel  fédatif  avec  de  l'alkali  volatil,  1^8 

Sel  fédatif  avec  les  acides  minéraux  &  le  vinaigre,  ibid. 

Sel  fédatif  &  tartre  vitriolé  ,  ib:d. 

Sel  fédatif  &  nitre.  Décompojîtlon  du  n'itre  ^  ^69 
Sel  fédatif  &  fel  marin.  Décompofit'on  du  jel  marin  ,   ibid. 

Sel  fédatif  &  fel  ammoniacal  virriolique,  170 

Sel  fédatif  &  fel  ammoniacal  nitrcux  ,  ibid. 

Sel  féilatif  &  fel  ammoniac ,  170 

Sel  fédatif  &  fel  ammoniacal  acétcux ,  ihid. 

Sel  fédatif  &  terres  vitrifîablcs ,  i^>d. 

Sel  fédatif  &  terres  calcaires  ,  '^'A 

Sol  fédatif  &:  eau  de  chaux  ,  ib:d. 

Sel  fédatif  Scargillcs,  171 

Sel  fédatif  S:  alun  ,  ibid. 

Sel  fédatif  &  phlogiftique  ,  ibid. 

Sel  fédatif  &  foufre  ,  ibid. 

Sel  fédatif  &  foie  de  foufre  ,  ihid. 

Sur  la  Cryftallifation  des  Sels  ,  ibid. 

Sur  les  caux-mercs  des  fcls  ,  114 

Sur  les  fubftîWiccs  métalliques  ,  i:o 

Sur  C Arfenic  y  ■  217 
Arfenic  au  feu,                                                            '     iiS 

Arfenic  à  l'air,  250 

Arfenic  avec  de  l'eau  ,  ibid, 

Arfenic  &  glace,  15  r 

Arfenic  &;  huile  ,  im, 

Arfenic  avec  le  phlogiftique.  Rcgiile  d'arfenicy  ibid. 

Des  propriétés  du  régule  d'arfcnic  ,  15  j 

Régule  d'arfenic  avec  de  l'acide  virrioliquc  ,  i3<> 

Régule  d'arfenic  avec  l'acide  nitrcux  ,  i}7 

Régule  d'arfenic  avec  l'acide  marin  ,  ibid. 

Régule  d'arfenic  avec  le  vinaigre  diftillé  ,  138 
Remarques  fur  les  diffolutions  du  régule  d'arfenic  par 

les  acides  ,  ihid. 

Arfenic  &  alkali  fixe  végétal.  Fcie  d'arfenic  ^  ibid. 

Arfenic  &  alkali  marin  ,  z+o 

Arfenic  Se  alkali  volatil  ,  ibid. 

Arlenic  Se  foufre.  Orpiment.  Rcugal  ^  24  r 

Arfenic  &  foie  de  foufre  ,  ibid. 
Arfenic  &:  nitrc  traités  dans  des  vaifleaux  à  Taîr  libre ,  ibid. 
Arfenic  &  nitre  traités  dans  des  vailTcaux  clos.   Sel 

d  iy 


Ivj  TABLE 

If  entre  arfenicjl ,  14  î 

Arfeiiic  &  fel  marin  ,  i^Q 

Arfenic  Se  nine  quaJrangulairc  ,  i^'J. 

Arfcnic  S:  fel  ammoniac  ,  ij  5 
Arfenic  &  fcl  ammoniacal  nitreux.  S el neutre  arfenico- 

ammoniacal ,  i?4 

Arfenic  £c  borax,  i^  T 

Arfcnic  &  fcl  fétlatif ,  M^ 

Arfenic  &  gypfc  ,  ^^''••"'• 

Arfcnic  &  argillcs ,  ^S^ 

Arfenic  &  alun,  ^^''^. 

Arfcnic  avec  les  terres  viitifiablcs  &  calcaires  ,  ibij. 

Sur  le  Régule  de  cohalt  .  ibiJ. 

Régule  de  cobalt  expofc  au  feu  ,  1 1  8 

Ré'dudion  de  la  chaux  de  cobalt  en  régule  ,  i'''<î 

Régule  de  cobalt  à  l'air ,  167 

Régule  de  cobalt  dans  l'eau  ,  1^8 

Régule  de  cobalt  avec  le  phlogifcique  ,  ïbïJ. 

Régule  de  cobalt  avec  de  l'acide  vicrioliquc.    Vitriol 

de  cohalt^  ibid. 

Régule  de  cobalt  avec  de  l'acide  nitreux.  N'arc  cohal~ 

tique,  2.7 1 

Cobalt  dilTous  par  de  l'acide  marin  ,  zyj 

Cobalt  diflousparde  l'eau  régale.  Encre  de  fympatk'e,  lyy 
Régule  de  cobalt  avec  le  vinaigre  diftillé  ,  179 

Sur  la  faveur  des  fels  neutres  métalliques  ,  2  tio 

Cobalt  précipité  des  dilVolvants  acides  parl'alkali  fixe,  18  î 
Cobalt  précipite  des  dillolvants  acides  par  de  l'alkali 

volatil,  184. 

Régule  de  cobalt  avec  le  foufre  ,  187 

Régule  de  cobalt  combiné  avec  le  foie  defoufrè.  Ef- 

pece  de  Décornpojitton  de  c:  demi-mctal ,  1 8  8 

Sur  lesfcories  du  régule  de  cobalt  des  opérations  pré' 

cédentes ,  apr 

Sur  le  cobalt  combiné  avec  le  foie  de  foufre  ,  i^i 

Régule  de  cobalt  pur  ,  &  nitrc.  Chaux  de  cobalt ,  297 
Régule  de  cobalt  &  fel  ammoniac ,  298 

Régule  de  cobalt  &  borax  ,  ibid. 

Régule  de  cobalt  &  fel  fédatif ,  ih;d. 

Cobalt  avec  ks  terres  vitriiîables ,  ibid. 

"Vctre  bleu,  2i>5 


DES    ARTICLES.  IviJ 

SurleN:cke\  19? 

Nickel  au  feu  ,  î°' 

Nickel  as  ce  de  l'acide  virrioliqtie  ,  ,^o^ 

Nickel  avec  de  l'acide  nitrcux  ,  "'''•; 

Nickel  avec  de  l'acide  marin  ,  '/;•''• 

Nickel  avec  de  Icau  régale  ,  ^^'•'• 

Nickel  &  vinaigre  diftillé  ,  {^.'^• 

Nickel  avec  de  l'alkali  lîxc  ,  ''"'••• 

Nickel  avec  de  l'alkali  volatil,  _^o> 

Nivkel  avec  le  foufie  ,  'f/f^' 

Nickel  avec  le  foie  de  (oufrc  ,  '^•'^• 

Nickel  avec  lenirrc,  }'^^ 

Nickel  avec  le  Tel  marin  ,  ^^'^' 
Nickel  avec  le  Tel  ammoniac  ,                                »         ij>  ^ 

Nickel  avec  le  borax  ,  ^'''-• 

Nickel  avec  de  l'arfenic,  }^^ 

Nickel  6c  régule  de  cobalt ,  ^^'d. 

Sur  le  Rc'^uJe  d'antimoine  y  iuîa. 

Régule  d'antimoine  au  feu  ,  ibni. 

Fleurs  argentines  de  régule  d'antimoine  ,  307 

Cliaux  de  régule  d'anrimoinc  ,  ^cy 

Régule  d'aiicimoinc  à  Tair  ,  i^'^t. 

Régule  d'antimoine  avec  de  l'eau  ,  3  iO 

Régule  d'antimoine  avec  le  phlogilliiquc,  311 

Régule  d'antimoine  avec  de  l'acid:  vitrioliquc  ,  ^  1 1 

Régule  d'antimoine  &  acide  nitrcux  ,  zpiJ. 

Régule  d'antimoine  &:  acide  marin  ,  'bd. 

Régule  d'antimoine  &  eau  régale  ,  ^  i  j 

Régule  d'antimoine  avec  du  vinaigre  diflillé  ,  ^  t  ç 
Régule  d'antimoine  avec  le  loufre.  Antimoine  rcjfufcitc/l>id. 

Antimoine  au  feu.  Fleurs  d'antimoine  ,  3  1  <î 

Chaux  gnfe  d'antimoine  ,  }  1 8 

Régule  d'antimoine  fait  avec  la  chauxgrife^  519 

Verre  d'antimoine  ,  310 

Foie  d'antimoine  fans  addition  ,  31  j 

Antimoine  crud  &  acide  vitrioliquc,  tbid. 

Antimoine  crud  &  acide  nitrcux  ,  ihiJ. 

Antimoine  crud  &  acide  matin  ,  i'bid. 

Antimoine  crud  &  eau  régale  ,  3 14 

Antimoine  crud  &  vinaigre  diftillé,-  3if 

Antimoine  crud  avec  de  ia  chaux  vive  ,  ih:d. 
Antimoine  3c  alkali  lîxc.  K.c!m:s  minéral  far  /a  voie 


Iviij 


TABLE 


feche;  jif 

Kermès  minéral  fait  par  la  voie  humide ,  330 

Antimoine  &  leflîve  des  Savonniers  ,  3  j  y 

Antimoine  &  alkaii  volatil ,  }5tf 
Antimoine  &  nitrc.  Régule  d'antimoine  fépari par  le 

moyen  du  niire  &  du  tartre  ,  ibid. 
Soufre  dore  d'antimoine  ,  tire  des  fcories  du  régule 

d  antimoine  ,  3  37 
Manière  de  féparer  des  fcories  du  régule  d'antimoine 

la  quantité  de  ce  demi-métal  qui  fe  trouve  dilîoute 

par  le  foie  de  foufre  ,  340 

loie  d'antimoine  fait  avec  le  nitre,  341 

Magnejîa  opalina  ,   ou  Rubine  d'antimoine  ,  343 

Antimoinf  &  nitre.  Fondant  de  Rotrou  ,  344 

Antimoine  diaphorétique  ,  ibid. 

Nitre  antimonié ,  345 

Matière  perlée ,  34^ 

Antimoine  diaphorétique  fait  avec  le  régule  ,  350 

Poudre  de  la  Chcvalcray,  351 

Antimoine,  fel  marin  &  tartre.  Régule  médicinal  y  351, 

Antimoine  &  fcl  ammoniac  ,  ibid. 
Régule  d'antimoine  avec  les  matières  terreufes  vitri- 

£ables  &:  calcaires  ,  3^3 

Régale  d'antimoine  &  arfcnic  ,  ibid» 

Régule  d'antimoine  &  régule  de  cobalt ,  ibid. 

Antimoine  crud  &  arfenic  ,  ibid. 

Antimoine  crud  &;  régule  de  cobalt  ,  354 

Régule  d'antimoine  avec  le  nickel ,  ibid. 

Antimoine  crud  avec  le  nickel ,  ibid. 


Sur  le  Z-'nc  , 

ibid. 

Zinc  au  feu.   Grenailles  de  \ïnc  , 

iSS 

Fleurs  de  zinc  , 

35^ 

Zinc  à  l'air , 

}59 

Zinc  avec  de  l'eau. 

ibid. 

Zinc  avec  de  la  glace , 

ibid. 

Zinc  avec  le  pnlogiHiquc  , 

ibid. 

Zinc  &  acide  vitriolique.    Vitriol  de  ^înc , 

OU  Vitriol 

blanc  , 

ibid. 

Zinc  &  acide  nitrcux  , 

360 

Zinc  S:  acide  marin  , 

3«i 

Zinc  Sceau  régale. 

3*x 

Zinc  &  vinaigre  diftilié  , 

ihid„ 

D  E  s    A  R  T  I  C  L  E  s.  îlx 

Zinc  &alkali  fixe,  3fî 

Zinc  &  alkali  volatil  ,  '"*''^- 

Zinc  avec  le  foufre ,                                      ,  î^4 

Zinc  avec  le  foie  de  foufre,  f^jd- 

Zinc  avec  le  nitre.  Nitre  fixé  par  le  \inc  ^  ibid. 

Zinc  avec  le  Tel  marin,  }f^ 

Zinc  avec  le  fcl  ammoniac ,  ib:d. 

Zinc  &  arfenic  ,  î*»? 

Zinc  &  rccrule  de  cobalt ,  Î70 

Zinc  &:  nickel,  1^'^- 

Zinc  &  régule  d'antimoine  ,  ihiJ, 

Zinc  &  antimoine ,  '^  «^• 

Sur  le  Bifrvuth  ^                                                '  371 

Bifmuta  au  feu  ,  57^ 

Verre  de  bifmuth  ,  57  + 

Bifmuth  à  l'air ,  ?7^ 

Bifmuth  &  eau  ,  ib'id. 

Bifmuth  &:  glace,  m<i. 

Bifmuth  &  phlogiftiquc,  ïbid. 

Bifmuth  avec  de  l'huile,  ih-.d. 

Réduction  des  chaux  de  bifmuth  ,  ;-6 

Bifmuth  &  acide  vitrioliquc  ,  ihid, 

Bifmuth  &  acide  nitreux  ,  ïbtd. 

Cryftaux  de  bifmuth  ,  ou  nitrc  bifmuthiquc .  57  3 

Magiftcrc  de  bifmuth  ,  ibid, 

Bifmuth  &;  acide  marin,  îSi 

Bifmuth  &:  eau  régale ,                                  '  ihid, 

Bifmuth  &  vinaigre  diftillé  ,  ibid. 

Bifmuth  &  alkali  fixe  ,  385 

Bifmuth  &  alkali  volatil ,  ibid, 

B i  fmut h  &  foufre  ,  ihid, 

Bifmuth  &  foie  de  foufre  ,  ibid. 

Bifmuth  &  nitrc  ,  ibid, 

Bifmuth  &  fcl  marin  ,  ilid. 

Bifmuth  &  fel  ammoniac ,  ibid. 

Bifiiiuth  &  borax,                             -  ^Sf 

Bifmuth  &  fcl  fédatif ,  ibid, 

Bifmuth  &:  gypfc  ,  ihid. 

Bifmuth  &  argillc  ,  ibid, 

Bifmuth  &;  alun ,  ibid. 

Bifmuth  &  terres  vitrifiables ,  ibid. 

Bifmuth  avec  les  terres  calcaires  ,                •  iffidy 


Ix  TABLE 

Bifmuth  Scarfcnic ,  ?8f 

Bifmuth  &  régule  de  cobalt  ,  ibid. 

Bifmuth  avec  le  nickel,  3g«> 

Bifmuth  &  régule  d'antimoine  ,  ?  87 

Bifmuth  &  antimoine  crud ,  ihid. 

Bifmuth  &  zinc,  Hid. 

Sur  h  Mercure  ou  Vif- Argent  ^  îhid. 

Mercure  au  feu,  38? 

Mercure  précipité  perfe  ,  38? 

Mercure  à  l'air,  ?94 

Mercure  avec  de  l'eau  ,  ibid. 

Mercure  &  glace,  39f 

Mercure  avec  le  phlogiftiquc,  506 

Mercure  avec  de  l'huile ,  ibid. 

Mercure  Se  acide  vitriolique.  Vitriol  de  Mercure  ,  397 

Lotion  du  vitriol  de  mercure  pour  faire  le  turbith 

minéral,  398 

Mercure  &  acide  nitreux  ,  4Û5 

Mercure  précipité  de  l'acide  nitreux  par  l'alkali  fixe  ,  405 
Turbith  minéral  fait  parle  mélange  des  Ich  vitrioli- 
ques  avec  une  diffolution  de  mercure  faite  par  de 
l'acide  nitreux,  ihid. 

Mercure  précipité  rouge,  407 

Mercure  &  acide  marin  ,  410 

Mercure  précipité  blanc  ,  4I  i 

Sublime  corrofif,  411 

Propriétés  du  fublimé  corrofif,  417 

Mercure  doux ,  nommé  aufli  aquîla  alba^  410 

Sur  le  mercure  doux  ,  414. 

Mercure  doux  &  fel  ammoniac  ,  419 

Panacée  mercurielle ,  430 

Eau  phagédér. ique  ,  431 

Sublimé  corrofif  décompofé  par  de  l'alkali  fixe,  Scpar 

de  l'alkali  volatil ,  ibid. 

Sublimé  corrofif  &.  foie  de  foufre,  ibid. 

Sublimé  corrofif  &  acide  nitreux  ,  435 

Sulîlimé  corrofif  &:  acide  marin  ,  434 

Sublimé  corrofif  avec  le  fcl  de  Glauber  &  le  tartre  vi- 
triolé ,  ihid. 
Sublimé  corrofif  avec  les  fcls  vitrioliqucs  à  bafc  tcr- 

reufc ,  ihid. 

Sublimé  corrofif  avec  le  nitre  ,  ibid. 


DES     ARTICLES.  Ixf 

•îublimé  corrofîf  &  fcl  marin  ,  43  î 
Sublime  corrollf  Se  fel  ammoniac  ,  i^iJ- 
Sel  aicmbroth ,  i^^^- 
Mercure  précipité  blanc,  43^ 
Sublime  corrolîf  Se  arfenic.  Beurre  d'arjenlc  ,  438 
Sublime  corrofif  Se  régule  d'antimoine.  Beurre  d'an- 
timoine, 439 
Sublimé  corrofîf  avec  l'antimoine  crud.   Beurre  d'art' 

t'i moine  ,  Cinabre  d'antimoine ,  445 

Poudre  d'algaroth ,  445 
Beurre  d'antimoine  &  acide  nitreux.  Difjolution  de  h 

partie  réguiine  de  ce  demi-métal  dans  de  l'eau  repaie ,   447 

Bézoard  minéral ,  448 

Subjimé  corrollf  Se  zinc  ,  4Î0 

Sublimé  corrofîf  Se  bifmuth,  ibid. 

Mercure  Se  eau  régale  ,  451 

Mercure  Se  vinaigre  diil:illé  ,  4 J  i 
Oilfolution  de  la  chaux  de  mercure  par  le  vinaigre 

diftillé,  453 
Mercure  Se  alkali  fixe  5e  volatil.  Dijfolution  de  mer- 
cure par  ces/cls ,  4j< 
Mercure  Se  foufre.  Ethiops  minéral  fait  fans  feu,  ibid. 
JEthiops  minéral  préparé  par  le  feu  ,  457 
Cinabre  artificiel  ,  458 
Vermillon,  4^1 
Mercure  revivifié  du  cinabre  ,  4^1 
Mercure  Se  foie  de  foufre  ,  46  5- 
Mercure  Se  foie  de  foufre  volatil^  ^66 
Mercure  Se  fel  marin,  468 
Mercure  Se  fel  ammoniac,  4^9 
Mercure  Se  borax  ,  470 
Mercure  Se  fel  fédatif ,  ibid. 
Mercure  Se  arfenic,  ihid. 
Mercure  Se  régule  de  cobak;  ibid. 
Mercure  Se  nickel  ,  471 
Mercure  Se  régule  d'antimoine^  ibid. 
Mercure  Se  antimoine  crud  ,  '  ibid. 
Mercure  Se  zinc  ,  47 î 
Mercure  Se  bifmuth^  ibïd. 

Sur  !'Et.2!n,  ibid. 

Feuille  d'étain,  474 

£cai;iau  fcu^  4^2 


Ixîj  TABLE 

chaux  d'ctain  ,  4ft 

rotced'étaiii ,  47 <? 

Etain  cxpofc  à  la  plus  grande  violence  du  feu ,  ibid. 

EtainaTair,  481 

Etain  &  eau  ,  48 î 

Erain&  glace,  ibid. 

Etain  &  phlogiftiquc,  ibid» 

Ecain  remifcicc ,  484 

Etain  avec  de  l'huile  ,  48^ 

Etain  &  acide  vitrioliquc,  i^/V. 

Etain  calciné  par  l'acide  nitreux  ,  486 

Dillolution  d*étain  par  l'acide  marin  ,  488 

Sel  marin  à  bafe  d'écain ,  489 

Etain  &  eau  régale  ,  491 

Etain  &  vinaigre  diftillé,  494 

Etain &alkali  fixe,  495 

Etain  &  alkali  vi>latil ,  496 

Erain  &  foufic.  Mme  d' Etain  artificielle ,  ibid. 

Etain  &  foie  de  foufre  ,  497 
Etain  &  nitrc.   Cdcination  de  l' Etain  par  le  n'itre  ,       ibid. 

Etain  &  Tel  ammoniac,  498 

Etain  &  aifenic  ,  Hid. 

Etain  &  régule  de  cobalt,  îoo 

Etain  &  nickel ,  ihid* 

Etain  &  régule  d'antimoine,  ibid. 

Etain  S:  antimoine ,  ibïd» 

Etain  &  zinc  ,  yoi 

Etain  S:  bifmuth ,  joi 
Etain  &  mercure.   Amalgame  de  Mercure  &  d'Etain  ,  ibid. 

Boules  de  mercure  ,  ibid» 

Etamage  des  glaces  ,  50J 
Etain  &fublimécorrofif.  Liqueur  fumante  de  Libavius^  50^ 

Sur  le  Plomb ,                             <•  ^11 

Plomb  au  feu  ,  5  ij 

chaux  de  plomb  ,  ibid. 

Mafficot ,  ibid. 

Minium ,  ibid. 

Litharge ,                                               ^  J14 

Verre  de  plomb  ,  j  i  y 

Plomb  à  l'air  ,  Ç17 

Plomb  Sceau,  pjj 

flomb  &:  glace,  ibid.. 


DES    ARTICLES.  Ixiij 

Plomb  &  phlogiftique  ,  5  if 

Plomb  &  huile,  çzo 

Plomb  &:  acide  vitriolique ,  ibid. 
Plomb  &  acide  nitreux.  Dijfoîudon  du  Plomb  dans  cet 

acide ,  ibid. 

Plomb  &  acide  marin  ,  «  1  j 

Plomb  &  eau  régale,  ihid. 

Vitriol  de  plomb,  ihid. 

Plomb  corné  ,  5 14 

Magiftere  de  plomb  ,  $x6 

Plomb  &  vinaigre  ,  j  17 

Blanc  de  plomb  ,  Tbid. 

Blanc  de céiufe,  jig 

Vinaigre  de  Saturne.  Sel  de  Saturne  y  ibid. 

Efprit  de  Saturne  ,  530 
Decompofition  du  fel  de  Glauber  par  le  fcl  de  Saturne  ,532, 

Plomb  avec  les  alkalis  fixes  &;  volatils ,  535 

Plomb  &  alun  ,  ihid. 

Plomb  &  foufre  ,  ibid. 

Plomb  &  foie  de  foufre ,  534 

Plomb  &  nitre.  Calcinjtion  du  plomb  par  cejèl,  53  y 

plomb  Si  fcl  ammoniac  ,  ibid. 
Decompofition  du  fel  ammoniac  parle  minium.  Efprit 

volatil  de  fel  ammoniac.  Plomb  corné  ,  53^ 

Plomb  &  arfenic  ,  j  3  8 

Plomb  &  régule  de  cobalt ,  ibid. 

Plomb  &  nickel ,  j)^ 

Plomb  &  régule  d'antimoine  ,  ibid. 

Plomb  &  antimoine  ,  ^40 

Plomb  &  zinc,  ihid. 
Plomb  &  bifmuth  ,                                                      '      ^41 

Plomb  &  mercure  ,  îhid. 

Plomb  ,  mercure  &  bifmuth  ,  ibid. 

Plomb  &  étain  ,  ibid. 

Email  blanc  Se  coloré ,  ^41 

Sur  le  Fer  ,  ibid. 

Fer  au  feu  ,  ^44 

Fer  à  l'air  ,  j4j 

Safran  de  Mars  préparc  à  la  rofée  J  54^ 

Fer  avec  de  l'eau  ,  547 

Ethiops  martial,  ibid. 

fer  &  glace,  550 


Ixiv  TABLE 

Fer  avec  les  matières  combuftibles  &  phlogiftiques. 

Acier  ^  S^O 

Caradcre  de  l'acier  ,  &  en  quoi  il  difFcrc  du  fer  ,         y  60 
Trempe  de  l'acier  ,  565 

Fer  &  huile,  5<^9 

Fer  diflous  par  de  l'acide  vitrioliqiie.  Vitnol  de  Mars ,  570 
Examen  des  propriétés  du  vitriol  de  Mars,  571 

Vitriol  de  Mars  au  feu.   Vitriol  de  Mars  calciné  en 

blancheur^  57  î 

Colcothar ,  y7j 

Sel  de  colcotiiar,  57^ 

Terre  douce  de  vitriol  ,  Î77 

Acide  vitriolique  glacial ,  ihid. 

Vitriol  de  Mars  avec  de  la  glace,  579 

Vitriol  de  Mars  avec  les  terres  calcaires  &  la  chaux 

vive ,  jSo 

Fer  féparé  du  vitriol  de  Mars  par  de  l'alkali  fixe.  Tartre 

vitriolé ,  ihid. 

Fer  rcfTufcité  {ans  fufîon  ,  jSz 

Acide  nitrcux  fumant  fait  par  le  colcothar,  584 

Fer  difTous  par  de  l'acide  nitreux ,  5  8  j 

Fer  précipité  de  fon  difTolvant  par  d'autre  fer  ,  j8^ 

Teinture  de  Mars  alkaline  de  Staahl  ,  587 

Sahnn  de  Mars  apéritif  de  Staahl ,  590 

Fer  difl'ous  par  de  l'acide  marin  ,  S9'^ 

Fer  dilfous  par  de  l'eau  régale  ,  ypi 

Fer  dilTous  par  du  vinaigre  diflillé  ,  ihid. 

Bleu  de  Pruilc  ,  thid. 

Bleu  de  PruHe  fait  fans  alun ,  &  qui  n'a  pas  befoîn 

d'êtxc  avivé  ,  ^ol 

Décompoiîtion  du  bleu  de  Pruffe  par  l'aélion  du  feu,  ibid. 
Décompofition  du  bleu  de  Pruffe  par  l'alkali  fixe  ,  (îoi 
Fxamen  des  propriétés  de  l'alkali  prullienfaturc,  60} 

Séparation  du  bleu  de  Prufle  que  l'alkali  pruflien  fa- 

turé  tient  en  diffolution  ,  604 

Fer  &  alkali  végétal ,  606 

Fer&foufre.  Safran  de  Mars  prépJtré par  le  foufre,  éoy 
Fer  fondu  par  le  foufre  ,  6 1  y 

Soufre  mou  ,  ihid» 

Fer  &  foie  de  foufre  ,  616 

Fer  calciné  par  le  nitre  ,  ibid, 

rer&  fel  ammoniac.  Fleurs  de  fel ammoniac  martiales , 
ou  ^s  Marlis  ^  6l9 

Fer 


DES    ARTICLES.         IxV^. 

Fer  aYcc  les  terres ,  ^-^ 

Fer  &  arfcnic  ,  i^'^- 

Fer  &  régule  de  cobalt  ,  i^'<^' 

Fer  &  nickel,  /î^i 

Fer  &  régule  d'antimoine,  iHd. 
Fer  &  antimoine  crad.    Rc'gufe  d'antïmoînemarùal ,  ibid. 

Safran  de  Mars  antimonic  apéritif  de  Staahl  ,  614 

Fer  S:  zinc  ,  «'î-î 

Fer  &  bifmutli,  i^'d. 

Fer  Se  mercure ,  ib'.d. 

Fer  &  fubliraé  corrollf ,  ib'id. 

Fer  &  Etain.    Etamagc  du  Fer.  Fer  blanc  ,                      6r6 

Fer  &  plomb,  ^if 

Sur  le  Cuivre ,  6\o 

Cuivre  expofé  au  feu  ,  ihld. 

Fleurs  de  cuivre,  051 

Cuivre  à  l'air,  631 

Cuivre  avec  de  l'eau ,  6  5  j 

Cuivre  à  la  glace  ,  ihid. 

Cuivre  avec  le  phlogiftiquc  ,  f>)^ 

Réduiftion  des  chaux  de  cuivre  en  véritable  cuivre ,     ibid. 
Cuivre  avec  de  l'huile  ,  û^C 

Cuivre  Se  acide  vitrioliquc.  Dijfolut'ion  du  Cuivre  dans 

de  l'iicide  vitriolique ,  6\J 

Vitriol  de  cuivre  ,  ^58. 

Examen  des  propriétés  du  vitriol  de  cuivre  ,  6^tf 

Cuivre  &  acide  nicreux.  D///ô/«rio/z  i^«  cuivre  da>7S  de 

l'acide  nitreux  ^  64 1 

Cuivre  &  acide  marin.  Diffolution  du  cuivre  par  de 

l'acide  marin,  6^1, 

Cuivre  dilfous  par  de  l'eau  régale,  64.  j 

Cuivre&  vinaigre,  ibid. 

Décompofition  des  diflblutions  de  cuivre  ,  faites  dans 

les  différents  acides  ,  par  différents  intermèdes ,        6^^ 
Rédudion  du  cuivre  qui  a  été  précipité  par  de  l'alkali 

fixe,  645 

Diffolutions  de  cuivre  faites  par  les  différents  acides 

mêlés  avec  de  l'alkali  volatil ,  (?47 

Piflolutions  de  cuivre  faites  par  les  différents  acides 

mêlés  avec  le  foie  de  foufre  ,  ibid. 

Cuivre  précipité  de  fes  diffolutions  par  Iç  fer,  648 

Cuivre  avec  les  alkalis  fixes ,  É4J 

Tome  I.  C 


ivv|  TABLE 

Cuivre  &  alkali  volatil.  Couleur  bleue  qui  difparolt 

■par  défaut  d' air  y  é\if 

Cuivre  &  foufre.  MsVeneris  y  651 

Cuivre  &  foie  de  foufre ,  _          <;  j  i 

Cuivre  calciné  par  le  nitre  ,  É5  J 
Cuivre  &  fel  ammoniac.  JEs  Veneris ,  ou  Fleurs  defel 

ammoniac  cuivreu/es  y  ^54 

Eau  célefte ,  ^yj 

Cuivre  &  arfenic.   Tombac  blanc  y  6^6 

Cuivre  &  régule  de  cobalt ,  6^7 

Cuivre  &c  nickel ,  ibid. 

Cuivre  &  régule  d'antimoine ,  ibid. 

Cuivre  &  antimoine  crud  ,  6  j  8 

Cuivre  &  zinc.    Cuivrejaune ,                ,  ibid. 

Tombac  jaune,  6^60 

Cuivre  rouge  &  bifmuth  ,  66x 
Cuivre  rouge  &  mercure.   Amalgame  de  Cuivre  &  de 

Mercure  y  66^ 

Cuivre  avec  de  ladiflolution  de  mercure  ,  ibid. 
Cuivre  &  étain.    Bronze  y  Airain  ou  Métal  de  cloche  y  é6^ 

Etamage  du  cuivre,  éef 

Cuivre  &  plomb,  670 

Cuivre  rouge  &  fi:r ,  i-j\ 


'.l^ 


DES    ARTICLES.       Ixvî) 


TOME     111. 


Kj  [r  R      l'A  R  G  E  NT  y  PagC   I 

Argent  au  feu  ,  * 

Argent  à  l'air  ,  4 

Argent  avec  de  l'eau  ,  i^id» 

Argent  avec  d"  la  glace ,  j 

Argent  avec  le  plilogiftiquc  ,  i^id. 

Argont  &  acide  vitriolicjue  ,  ibid. 

Argent  &  acide  nitreux  ,  7 

Cryllaux  de  lune,  y 

Détonnation  du  nitre  lunaire  ,  10 

Pierre  infernale  ,  ibid. 
Maticrcs  animales  tachées  par  la  difToIution  d'argent, 
Dillolution  d'argent  avec  de  l'acide  vitrioliquc.  Vnrlol 

de  lune  , 
Dillolution  d'argent  faite  par  de  l'acide  uitrcux  mclé 

avec  de  l'acide  marin.  Lune  cornée  , 
Eau  forte  précipitée  , 
Argent  rellufcité  de  la  lune  cornée  , 
Dilfolution   d'aTgent  mêlée  avec  les  alkalis  fixes  & 

volatils  , 

Argent  diflbus  par  de  l'acide  nitreux  ,  &  précipité  par 

du  foie  de  foufre  , 
Argent  précipité  de  l'acide  nitreux  par  le  fel  neutre 

arfenical  ,  ihid. 

Argent  précipité  de  fa  diflolution  par  le  cuivre ,  i8 

Argent  Se  acide  marin,  jo 

Argent  &  eau  régale ,  3  r 

Argent  &  vinaigre  diftillé  ,  ibid. 

Argent  avec  les  alkalis  fixes  &  volatils  ,  ibid. 

Argent  &  foufre  ,  jï, 

Argent  &:  foie  de  foufre,  55 

Argent  &  nitre  ,  j  j 

Argent  &:  arfenic  ,  36^ 

Argent  &  régule  de  cobalt ,  ibid. 

Argent  &  nickel ,  37 

Argent  &:  régule  d'antimoine  ,  ibid. 

Argent  &  antimoine  ,  ibid. 

Argent  &  zinc  ,  38 

Argent  &  bifrauh,  ihid. 

Cij 


14 
18 

17 


Ixviij  I'  A  B  L  E 

Ai  jcnt  &  mercure.  Amalgame  d' Argent  &  de  Mercure ,      j  8 

Arbre  de  Diane  ,  ou  ailnc  pnilofophique  ,  40 

Argent  &:  fublimé  corrolîf ,  4Î 

Argent  &  étain  ,  ibid. 

Argent  &  plomb  ,  ihid. 

Argent  &  fer  ,  44 

Argent  oC  cuivre  ,  ihid. 

Eflai  de  l'argenr  a  la  coupelle  par  le  plomb  ,  pour 

rcconnoîcre  fon  tirrc  ,  ihid. 

SuTtOi\  58 

Or  cxpofé  au  feu  ,  61 

Or  à  l'air  ,  i^J 

Or  avec  de  l'eau  ,  64 

Or  &  glace  ,  ibid. 

Or  avec  les  matières  terreufes,  6y 

Or  &:  phlogiftique  ,  ihid. 

OrScacide  vitriolique,  ihid. 

Or  Si  acide  nitreux  ,  66 

Or  &  acide  marin  ,  ihid. 

Or  &  vinaigre  diftillé  ,  ihid. 

Dillolution'de  l'or  par  de  l'eau  régale,  67 

Cryftaux  d'or,  6p 

Diilolucion  d'or  avec  les  matières  combuftibles,  70 

Or  en  chiffons  ,  71 

DinbliKion  d'or  avec  les  terres  calcaires,  ihid. 

Diffolution  d'or  &  alkali  fixe.    Précipité  d'Or  y  ibid. 

Diftolution  d'or  &  Uquorfilicum.  ¥ ourpre  pour  peindre 
fur  les  émaux  &  fur  la  porcelaine  ,  74 

Diffoluîioii  d'or  &:  alkali  volatil.  Or  fulminant ,  75 

Or  diiîous  par  de  l'acide  vitriolique ,  &  précipité  par 
de  l'alkidifixc,  8x 

Or  diffous  par  de  l'acide  nitreux ,  &  précipité  par  de 
l'alkalifixc,  ihid. 

Or  dillouspar  de  l'acide  marin,  &:  précipité  par  de  l'al- 
kalifîxe,  ihid. 

Or  dillous  par  du  vinaigre  diftillé  &  précipité  par  de 
l'alkali^xe  ,  ihiJ. 

Didblution  d'or&  foie  de  foufre,  ihi,i. 

Dillblution  d'or  mêlée  avec  de  l'arfenic  &  avec  du  Tel 
neutre  arfenical  ,  84 

Dillolution  d'or  avec  du  mercure  ,  ihid, 

Dillblution  d'or  &;  étain.  Précipité  d'or  de  Cajfus^     ibid. 


DES    ARTICLES.  h.h 

DifTolution  d*or,  &  dilTolution  de  plomb,  91 
Diffolution  d'or  avec  du  fer ,  ^^-û. 
DifTolution  d'or  avec  da  cuivre  ,  9  5 
DilTokition  d'or  avec  de  la  dillolation  d'ara;cnt:  ,  iBid. 
Or  avec  les  alkalis  fixes  &  volatils,  94 
Or  &  foufre  ,  i^-a- 
Or  avec  le  foie  de  foufrc  ,  55 
Séparation  de  l'or  d'avec  le  foie  de  foufre  ,  97 
Or  avec  le  nitrc,  '^•'û'. 
Or  avec  le  fcl  marin  >  98 
Or  avec  le  borax  ,  i^'<^. 
Or  avec  du  fcl  ammoniac  ,  il>id. 
Or  avec  les  matières  métalliques,  99 
Or  &  arfcnic  ,  ibid. 
Or  &  régule  de  cobalt  ,  ibid. 
Or  &  nickel ,  loo 
Or  Se  régule  d'antimoine ,  ihid. 
Or  &  antimoine  crud.  Purification  de  l'or  par  l'anti- 
moine ,  ibid. 
Or  avec  le  zinc,  iol 
Or  &:  bifmutli  ,  ioî 
Ot  avec  le  mercure.  Amalgame  ,  ibid. 
Or  &  mercure  calcinés  l'ui  par  l'autre ,  104 
Dorure  fur  l'argent  &  fur  le  cuivre  par  le  moyen  de  l'a- 

malgamedor  &  de  mercure  ,  10^ 

Or  &  liiblimc  corrofif ,  108 

Or  &  étaiu  ,  ihid. 

Or  &  plomb ,  ihid. 

Or  &  fer,  109 

Ov&  cuivre,  ih'id. 

Or  &  argent,  110 

Elfai  de  l'or  pour  reconnoîtrc  fon  tkrc,  1 1 1 

Départ  de  l'or  d'avec  l'argent,  1  i  4 

Départ  fec  ou  concentré  ,  119 

Sur  la  Platine  ,  lit 

Plarinc  expofée  aufeu,  \iCt 

riatine  à  l'air  ,  m 

Platine  avec  de  l'eau  ,  ibid. 

Platine  avec  de  la  glace  ,  ibid. 

Platine  avec  de  la  terre  vitrifîablc  ,  i  î  2, 

Platine  avec  le  phlogiftique,  ihid. 

Placinc  avec  de  l'huile,  .  ibid. 

e  il] 


Ix? 


XX 


TABLE 


Platine  avec  de  l'acide  vitrioliquc. 

Platine  avec  de  l'aciJc  nitreux  , 

Platine  avec  de  l'acide  marin. 

Platine  avec  de  l'eau  régale  , 

Examen  des  propriétés  de  la  dilfoiution  de  platine, 

Diirolution  de  platine  «Scalkali  minéral  , 

Dillolucion  de  platine  avec  de  l'alkali  prulficn  faturé 

Dillolution  de  platine  avec  de  l'alkali  volatil  , 

Réduiftion  du  précipité  de  platine  , 

Précipiréde  platine  avec  de  l'acide  vitriolique  , 

Précipité  de  platine  avec  de  l'acide  nitreux  , 

Précipité  de  platine  ,  &  acide  marin  , 

Précipité  de  platine  ,  Se  eau  régale  , 

Précipité  de  platine  avec  du  vinaigre  didillé , 

Moyen  de  reconnoître  l'or  allié  de  platine  , 


Diilblut 
Diirolut 
Dillolut 
Di/Tolut 
DilTolut 
DilTolut 
DiiTolut 
Di/Tolut 
DifTolut 
Diflolut 
DifTolut 
DifTolut 
DifTolut 
DifTolut 


on  de  platine  &  foie  de  foufre  , 

on  de  platine  &  arfcnic  , 

on  de  platine  avec  le  régule  de  cobalt , 

on  de  platine  avec  le  nickel , 

on  de  platine  avec  le  régule  d'antimoine, 

on  de  platine  avec  le  zinc  , 

on  de  platine  avec  du  bilmutli , 

on  de  platine,  &  mercure, 

on  de  platine  ,   &  ctain  , 

on  de  platine  ,  &:  plomb  , 

on  de  platine,  &  fer, 

on  de  platine  ,  &  cuivre  , 

on  de  platine  ,    &  argent , 

on  de  platine.  Se  or. 
Platine  &  alkali  fixe. 
Platine  avec  le  foufre  , 
Platine  &  foie  de  foufre  , 
Platine  &  gyp^e , 
Platine  &  fcl  de  Glauber, 
Platine  &  nitrc  , 
Platine  &  fel  marin  , 
Platine  avec  le  borax  , 
Platine  &  fel  ammoniac  , 
Platine  avec  les  terres  vitrifiables  , 
Platine  &  arfcnic  , 
Platine  avec  le  régule  de  cobalt  , 
Platine  &  nickel  , 
Pjatin.c  &c  régule  d'antimoiije , 


ibid, 
135 
134 
136 
«41 
,  ibid, 
14^ 
144 
148 

ihid, 

ibid. 

ibid. 

'49 

150 

in 
ibid. 

M4 

ibid. 
ibid. 

ibid. 

ib;.:. 
ms 

ibid. 

IÎ9 
ib-d. 

\6o 
ibid. 

ï6l 

i<>4 
ibid. 

167 
ibid. 

170 
ibid. 
ibid. 

17,- 

T76 
ibid. 


DES     ARTICLES.  Ixxj 

Platine  avec  de  l'antimoine  crud,  177 

Platine  avec  du  zinc  ,  '78 

Platine  avec  du  bifmutli  ,  I79 

Platine  &  mercure  ,  i8l 

Platine  avec  du  fublimé  corrofif,  ï8x 

Platine  avec  du  fel  alembroth  ,  ibid. 

Platine  avec  de  l'étain  ,  18  J 

Platine  avec  du  plomb  ,  18^ 

Coupcllation  de  la  platine  par  le  plomb ,  189 

Platine  avec  le  fer ,  I94 

Platine  &  cuivre  ,  i57 

Platine  avec  le  cuivre  &  le  zinc  ,  19Z 

Platine  avec  le  cuivre  &  l'étain  ,  199 

Platine  &  argent  ,  3 00 

Platine  avec  de  la  lune  cornée  ,  loi 

Platine  avec  de  l'or  ,  toi 
Remarques  fur  la  combinaifon  de  la  platine  avec  les 

matières  métalliques,  104 

Sur  la  Terre  cuite,  107 

Sur  les  briques  &  les  tuiles  ,  ibid. 
Sur  la  matLrc  des  fourneaux  ,    des  creufets  &:  des 

moufles  de  terre  cuite  ,  i  r  J 

Terre  vcrniiîée ,  aij 

Porerie  des  grès  commune  ,  1x7 

Poterie  de  terre  blanche  ,  façon  d'Angleterre  ,  119 

Sur  la  Porcelaine  ,  1  j  j 

Préparation  de  la  pâte  de  porcelaine  ,  143 

Sur  la  Faïance ,                      m^  z  j  i 

Sur  les  Emaux  ,  154 

Sur  la  Verrerie ,  le  Verre  6»  le  Cryflal ,  x^6 

Des  Verres  légers  ,  189 
Des  verres  pefants  dont  on  peut  faire  des  objectifs 

pour  les  lunettes  achromatiques,  zjo 

Verre  attaquable  par  les  acides ,  lyi 

Porcelaine  de  Réaumur  ,  2^4 

Sur  les  Verres  colorés  pour  imiter  les  pierres  préci^ufes  ,  19^ 

Stras ,  197 

Taufles  topazes ,  158 

e  iy 


Ixxij  TABLE 

Paux  rubis  &  faux  grenats  ,  19  8 

îaufTes  émeraudes ,  xkid. 

FauiTes  hyacinthes  ,  rouge -biun  &  brun-marron  ,  j  99 

Faux  faphirs  ,  ibid, 

ïaun"cs  amérhyftcs  ,  300 

Verre  jaune  ,  Ibid. 

r?   fies  opales ,  S:  girafole  de  Venife  ,  ikid. 

Vues  zcrt-rales  fur  rOrganifjtion  intérieure  du  Globe , 

&  fur  id  Formation  des  Mines  &  dis  Métaux  ,  301 

'Dis  M: nés  métalliques  ,  3  3  j 

Mines  d'or  ,  3  57 

Mines  de  platine  ,  338 

Mines  d'argent ,  340 

Mines  de  plomb  ,  341 

Mines  de  cuivre  ,  34J 

Mines  d'étain ,  344 

Mines  de  fer,  34y 

Alines  i'    zinc  ,  ibid. 

Mines  de  bifmuth  ,  34^ 

"Mines  d'antimoine^                     ■  ibid. 

Mi'ies  de  cobalt ,  347 

Min^s  de  nickel  ,  34g 

Mines  de  mercure ,  349 

Mines  d'arfenic  ,  iBid.. 

Orjevations  générales  fur  la  Métallurgie ,  35» 

Recherches  des  mines,  354 

De  la  fouille  des  mmes,  3  y  y 

Dire£lion  des  filons ,           #  357 

Surlet  Exhaln'fons  fouierraîntSy  3  ^9 

Des  moufettes  ou  mofettes  ,  3<î» 

Feu  brifou  ou  cerrou,  3^4 

Desexhalaifons  métalliques  ,  367 

Réflexions  fur  les  exhalaifons  foutcrraines ,  368 

'Effai  d-ts  Mines ,   ou  de  la  Docimafie  ,  377 

Eflai  des  mines  d'or  ,  3  8* 

Elfai  des  mines  de  platine,  381 

EfTai  des  mines  d'argent  ,  ibid. 

EfTai  des  mines  de  cuivre  ,  384 

tdai  des  mines  de  plomb  ,  38g 


DES     ARTICLES.       hxiij 

E/Tai  des  mines  d'ctaiii  ,  389 

EfTai  des  mines  de  ter,  594 

E/Tai  des  mines  de  mercure,  ?97 

Eflai  des  mines  d'antimoine  ,  3  9* 

ElTai  des  mines  de  biCnuth  ,  400 

EfTai  des  mines  de  zinc  ,  4^1 

E/Tai  des  mines  de  cobalt ,  40 l 

Lavage  du  fafrc  ,  4'^î 

Effai  des  mines  de  nickel  ,  ^06 

Elfai  des  mines  d'arfenic  ,  4^7 

Des  Travaux  en  grand  fur  les  Mines  ,  îhid. 

Travaux  fur  les  m.incs  d'or  ,  4^^^ 

Travaux  fur  les  mines  de  platine  ,  4 1  o 

Travaux  fur  les  m.ines  d'argent ,  ibid. 

Travaux  fur  les  mines  de  cuivre,  41 4 

Travaux  fur  les  mines  de  plomb  ,  4T  9 

Travaux  fur  les  mines  d'ctain  ,  .411 

Travaux  fur  les  mines  de  fer  ,  421, 

Convcrfion  du  fer  fondu  en  fer  forge  ,                             4^4 

Acier  de  fonte  ,  41^ 

Travaux  fur  les  mines  de  mercure  ,  417 

Travaux  fur  les  mines  d'antimoine^  4^1 

Travaux  fur  les  mines  de  bifmutli ,  ibid. 

Travaux  fur  les  mines  de  xinc  ,  4}j 

Cuivre  jaune,   ou  laiton  ,  43 y 

Travaux  fur  les  mines  de  cobalt ,  ibid. 

Arfenic  &.  réalgal  tirés  des  mines  de  cobalt  ,  4;  ^ 

Safre,              ^  457 

Bleu  d'azur ,  4j8 

Bifmuth  tiré  du  coba't ,       '  4)9 

Sur  les  Pyrites  ,  440 

Divifîon  des  pyrites  Se  des  matières  pyritcufcs,  446 

Sur  les  pyrites  ferrugineufcs  ou  martiales ,  449 

Soufre  féparé  des  pyrites  ,  ibid. 

Purification  du  foufre  brut ,  4jr 

Vitriol  de  Mars  retiré  des  pyrites  ,  ibid, 

Ochre,  4j^ 

Sur  les  pyrites  cuivreufes  ,  4j7 

Vitriol  de  cuivre  fait  avec  de  la  mattc  de  cuivre  ,         4^0 

Sur  les  pyrites  arfenicales  ,  461 

Sur  les  fubftanccs  alumincufes  ,  451 

Procédé  pour  féparer  l'alua  de  roche  des  pyrites  ,       4$; 


Ixxiv  TABLE  DES  ARTICLES. 

Procède  dont  on  fc  fcrc  pour  tirer  l'alun  de  Rome  ,  469 

Vitriol  blanc  ou  de  Goflar  ,  473 

Réflexions  fur  les  pyrites ,                                   ■  477 

Sur  le<  Ejux  minâdies  y  4^3 

Si'r  l'analyfc  des  eaux  minérales  ,  455 

Manière  d'analyfer  les  eaux  minérales  ,  496 

Sur  le  Sel  marin  ,  fur  l' Eau  de  mer  ,   ù  fur  I'Eju  des 

puits  ^^  fontaines  f aie  s  ,  511 

Sur  les  Salines  de  Franche-  Comté  ,  517 
Evaporation  de  l'eau  de  Montmorot  fur  des  bâtiments 

de  graduation  ,  5  1 P 
Evaporation  fur  le  feu  de  l'eau  graduée  de  Mont- 
morot pour  en  extraire  le  fel  marin  ,  511 
Sur  ia  faline  de  Salins  ,  517 

(- 

Sur  les  Salir  es  de  Lorraine  ,  518 

Sur  les  eaux  falées  chargées  de  fel  matin  ,  531 

Sur  la  félcnitc  des  eaux  falées  ,  55^ 

Sur  le  fchlot ,  537 
Sur  la  vapeur  qui  j'élcve  pendant  l'évaporatioir  des 

eaux  falées ,  541 

Sur  l'écume  qu'on  enlevé  des  eaux  falées  ,  541 

Sur  le  fel  marin  ,  jj  5 

Sur  la  cryftallifation  du  fel  marin  ,              -  5^0 

Sur  les  muires  ou  eaux-meres  des  eaux  falées ,  551 

Magnéfie  du  fel  marin  ,  558 

Sur  les  écailles  ,  iiid. 

Sur  les  fels  d'Epfom  &  de  Glauber  ,  560 
Comparaifon  du  fel  d'Epfom  d'Angleterre  avec  le  fel 

d'Epfom  préparé  en  France  ,  564 

Sur  les  moyens  de  deffaler  l' eau  de  mer ,  &>  de  conferver 

la  fdluhrité  de  l'eau  douce  dans  les  embarquements  j  j  68 

Sur  le  Nitre  ou  Salpêtre  ,  jSp 
Sur  les  moyens  qu'on  pratique  pour  féparer  le  nitre 

des  terres  nitreufes  ,  ^01 

Nitre  de  deux  cuites  ,  606 

Nitre  de  trois  cuites  ,  607 

Magnéfie  blanche  ,  611 

Réflexions  fur  la  converfion  du  f>;l  marin  en  nitre  ,  614. 

Réflexions  fur  la  Pierre  ■philofopkale  ,  616 
Fin  de  la  Table  des  Articles. 


■£s$im$. 


PROLEGOMENES. 


DES     tOURNEAUX. 

JL  E  S  fourneaux  fonr  des  uftenfiles  deftincs  à  con- 
reniu  des  matières  combuftibles  enfiammces  ,  Sc 
propres  à  appliquer,  en  moyen  d'un  courant  d'air, 
le  tcu  fur  les  corps  qu'on  foumet  à  (on  adion. 

L'air  eft  admis  dans  les  fourneaux  de  deux  ma- 
nières ,  ou  natureUcment  par  des  ouvertures  li- 
bres ,  pratiquées  au  bas  des  {"ourneaux ,  ou  forcé- 
ment par  le  moyen  des  foufflets.  Ce  font  deux  ef- 
peces  de  fourneaux  dont  on  fait  beaucoup  d'ufage 
dans  les  opérations  de  la  Chvmie. 

Nous  ne  nous  propcfons  de  donner  ici  que  la 
delcnption  des  fourneaux  fimples ,  avec  lefquels 
on  peur  faire  géncralemenr,  dans  les  laboratoi- 
res, routes  lesi  expériences  de  la  Cliymie.  Nous 
pairerons  fous  fîlence  la  defcription  des  grands 
fourneaux  dont  on  tait  ufage  pour  la  fonte  des 
mines  Se  des  métaux  dans  les  trav^iux  en  ^rand. 
On  peut,  fur  cet  objet,  confulter  la  Tradudion 
de  Schlutter  par  M.  Hellot.  Nous  fupprimerons 
aufli  les  détails  des  fourneaux  mystérieux  &  com- 
pliqués que  le  caprice  a  tait  imairiner  aux  Alchy- 
miftes  pour  leurs  vaines  opérations.  Les  four- 
neaux les  plus  iimplcs  font  toujours  les  meilleurs , 
&:ils  font  d'un  fervice  plus  ^cnéLal. 

Les  fourneaux  dans  lefquels  l'air  entre  par  des 
ouvertures  pratiquées  au  bas,  opèrent  lci:r  eftet 
naturellement.  Le  courant  d'air  (cvi  par  !a  partie 
fupérieureou  cheniinée  ,  après  avoir  traverfé  l'in- 
térieur du  fourneau.  La  chaleur  &  la  flamme  dQS 


Ixxvj  Prolégomènes. 

matières  combuflibles  rarciient  l'air  de  la  parti* 
fiipérieuredii  fourneau  ,  &  y  forment  un  vuide  y 
ce  qui  oblige  l'air  d'entrer  par  les  ouvertures  pra- 
tiquées au  bas.  Plus  la  cheminée  du  fourneau  eft 
large  ,  plus  il  fe  trouve  d'air  de  raréfié.  Ce  fluide  , 
qui  tend  à  fe  mettre  en  équilibre,  remplit  l'ef- 
pace  vuide  qje  le  feu  a  occalîonné  j  &:  comme 
l'air  ne  peut  entrer  que  par  la  porte  du  cendrier  , 
il  s'établit  naturellement  un  courant  d'air  qui 
produit  l'effet  d'un  fouftlet.  Cette  méchanique 
dépend,  comme  on  le  voit ,  de  la  pefanteur  &  de 
la  fluidité  de  l'air.  Cet  élément  tend,  comme  les 
autres  fluides ,  à  l'équilibre  &  au  repos  ,  &  rem- 
plit les  efpaces  qui  ne  font  pas  occupés  par  une 
matière  plus  pelante  que  lui. 

On  demandera  peut-ctre  pourquoi  l'air  ne 
rentre  pas  aufli  bien  par  la  cheminée  ,  que  par  la 
partit:  inférieure  du  fourneau? 

Il  fera  facile  de  répondre  à  cette  objeétion,  fî 
l'on  fait  attention  que  le  feu  pur  &;  libre  eft  plus^ 
léger  que  l'air  :  on  le  voit  par  la  flamme  qui  s'é- 
lève toujours ,  &  ne  tend  point  vers  la  terre  com- 
me les  autres  matières.  Le  feu  ,  en  vertu  de  cette 
légèreté ,  fort  plutôt  par  la  cheminée  ,  que  par  la 
porte  du  cendrier;  6c  en  s'élevant  ainfl,  i°.  il 
raréfie  ccnfidérablemenr  l'air  de  la  cheminée, 
qu'il  rencontre  à  fon  paflage.  i° .  Comme  le  feu 
libre  cc  pur  eft  continuellement  dans  un  mouve- 
ment exceflîf,  l'impétuofité  avec  laquelle  il  fe 
difllpe  dans  les  fourneaux  bien  conftruits ,  le  met 
dans  le  cas  ,  no^i  feulement  de  faire  équilibre 
avec  la  colonne  d'air  qui  eft  au  deluis  du  four- 
neau ,  mais  encore  de  s'oppofer  vivement  à  fon 
introduction  par  la  cheminée  du  fourneau.  Enfin 
on  pourroit  encore  ajouter  à  ce  que  nous  venons 


Prolégomènes.  Ixxvij 

de  dire ,  que  la  colonne  d'air  qui  repofe  fur  la 
cheminée  ,  efl:  plus  courte  que  celle  qui  entre  par 
la  porte  du  cendrier. 

11  y  a  cependant  des  temps  où  ,  dans  les  four- 
neaux les  mieux  conftruirs ,  l'air  entre  par  la  che- 
minée ,  plutôt  que  par  la  porte  du  cendrier  : 
c'eft  principalement  lorfqu'il  fait  de  c;rands  tour- 
billons de  vent ,  que  l'air  fe  trouve  agite  violem- 
ment par  intermittence  ,  &  qu'il  fouffle  d'une 
manière  fort  irréguliere.  Les  fourneaux  à  lon- 
gues cheminées  pouSÎent  alors  très  inégalement: 
l'air  entre  de  temps  en  temps  par  la  cheminée 
avec  impécuofité,  &  faitfortir  la  flamme, par  in- 
tervalle ,  pri  toutes  les  portes  du  fourneau.  Ces 
mouvements  convulfifs  de  l'air  occafionnenc 
beaucoup  de  variétés  dans  les  réfultats  de  cer- 
taines opérations  j  mais  ils  ne  changent  rien  à  la 
théorie  que  nous  venons  d'établir. 

Les  Chymiftes  &  les  Phyficiens  ont  reconnu 
que  le  concours  de  l'air  éroit  abfolument  nécef- 
faire  à  l'entretien  du  feu  \  de  que  plus  le  courant 
d'air  étoit  rapide ,  plus  il  acccléroit  l'inflamma- 
tion des  matières  combuftibles  renfermées  dans 
les  fourneaux.  Mais  peu  de  perfonnes  ont  exa- 
miné quelles  pouvoient  être  les  meilleures  pro- 
portions des  ouvertures  des  fourneaux ,  relative- 
ment à  leur  capacité ,  Se  quel  rapport  le  diamètre 
de  la  cheminée  devoir  avoir  avec  l'ouverture  pra- 
tiquée au  bas  des  fourneaux  par  où  fe  détermine 
le  courant  d'air.  Les  Phyficiens  ,  au  lieu  d'entrer 
dans  cet  examen ,  fe  font  contentés  d'attribuer 
aux  difféy.'ents  états  de  l'air  les  effets  que  cet  élé- 
ment produit  fur  les  matières  combullibles  ren- 
fermées dans  les  fourneaux. 

Les  uns  ont  ptéîendu  que  le  temps  chaud  Se 


1 X  X  V  ii  j  Prolégom  en  es. 

fec  de  l'été  éroit  celui  où  l'ali-  produifoit  de 
nieilleius  eftets  :  ils  penfoicnc  qu'un  air  chaud  & 
fec ,  en  palT.uir  au  travers  du  feu  ,  devoit  moins 
diminuer  la  chaleur  qu'un  air  froid  &  humide  j  ils 
{ondoient  leur  fentiment  fur  ce  que  l'eau  éteint 
le  icu ,  &  qu'un  air  humide  doit  produire  des  effets 
proportionnellement  à  l'eau  dont  l'air  eft  chargé  , 
&  retard';r  fenilblem.ent  l'iniiammation  des  ma- 
tières combuftibles ,  ôc  l'aétivité  dufeu.  Nous  fe- 
rons connoître  dans  un  inftant  toute  l'abfurdité 
d»  ce  fentnnciit. 

D'autres  Phyliciens  penfent  que  le  temps  des 
grandes  gelées  ,  où  l'air  eft  fec  &  fort  denfe , 
eft  le  temps  le  plus  favorable  pou-  augmenter 
l'aétlvité  du  feu  ,  parceque  ,  difent-ils  ,  fi  l'aétion 
du  feu  dépend  d'une  plus  grande  admilîion  d'air 
dans  les  fourneaux  ,  à  volumes  égaux  ,  dans  les 
temps  de  gcl.!e,  où  l'air  eft  très  denfe  ,  il  s'en  in- 
troduit une  plus  grande  quantité,  qui  doit  par 
confcquent  augmenter  l'aclivité  du  feu. 

Becker  paroit  être  le  premier  qui  ait  entrepris 
d'attribuer  la  caufe  de  l'aélivité  du  feu  dans  les 
fourneaux  ,  non  feulement  à  l'air  ,  mais  encore 
à  l'eau  que  cet  clément  tient  en  dilTolution.  Il 
penfe  même  que  le  principe  aqueux  concourt 
plus  que  l'air  même  à  augmenter  l'aétivité  du  feu. 
Ce  lentiment  paroît  le  plus  vraifemblable.  J'ai 
obfcrvé  conitamment,  toutes  chofes  égales  d'ail- 
leurs ,  que  les  fourneaux  chauffent  mieux  dans 
les  temps  humides  &  pluvieux  que  dans  les  temps 
fecs  de  l'été  ou  des  grandes  gelées.  O'a  peut  ajou- 
ter à  ces  obfervations  l'effet  des  éolipyles  qu'on 
remplit  d'eau ,  &  dont  les  vapeurs  dilatées ,  & 
forcées  de  fortir  par  une  ouverture  fort  étroite, 
font  l'ofïîce  d'un  foufFiet,  &  animent  commode- 


Prolégomènes.  Ixxix 

tc^QïïZ  une  lampe  d'cmailleur ,  au  lieu  de  Tétem- 
dre.  Cette  expérience  prouve  que  l'eau  réduite  en 
vapeurs,  &c  pouflée  avec  violence  ,  produit  l'effer 
de  l'air  fur  les  matières  combuftibles  embrafées. 
A  l'égard  des  proportions  qui  doivent  ctre  ob- 
fervées  entre  l'ouverture  du  bas  du  fourneau  ,  la 
largeur  &:  la  hauteur  de  la  cheminée  ,  on  déter- 
mine ordinairement  ces  proportions  à-peu-près 
relativement  à  la  grandeur  des  fourneaux.  On  n'a 
point  encore  fixé  par  des  principes  surs  quelles 
leroient  les  meilleures  proportions  qu'il  convien- 
droit  d'obferver  fur  ces  objets.  La  routine  qui 
jufques  ici  tient  lieu  de  principes,  fufïit  pour  la 
conrtrudion  des  fourneaux  deftincs  à  faire  la  plu- 
part àcs  opérations  ordinaires  de  la  Chjmie  j 
mais  lorfqu'on  a  befoin  d'appliquer  a  certains 
corps  de  violents  coups  de  teu,  équivalents  au 
degré  de  chaleur  qui  règne  dans  les  fours  de  ver- 
rerie ik.  de  porcelaine,  les  fourneaux  ordinaires 
font  abfolument  infuffifants.  On  eft  fouvent 
obli";é  de  placer  les  expériences  qu'on  fe  propofe 
de  faire ,  dans  les  fourneaux  de  verrerie  \  mais 
alors  on  ne  peut  voir  que  le  réfultat  des  expé- 
riences,  &:  il  eft  difficile  d'obferver  les  phéno- 
mènes qu'elles  préfentent  pendant  leur  expofi- 
tion  au  1-eu.  On  a  plus  d'une  fois  été  obligé  de 
faire  ufage  de  ces  grands  fourneaux  ,  parcequ'on 
ne  préfumoit  pas  qu'il  fut  polîible  de  le  procurer 
dans  un  petit  fourneau ,  en  deux  heures  de  temps , 
un  degré  de  chaleur  égal ,  Se  même  plus  fort  que 
celui  qui  règne  dans  les  fours  de  verrerie  ^  de 
porcelame. 

Le  grand  nombre  d'expériences  que  M  Pott 
a  faites  fur  les  fubftances  terrcufes  en  général ,  &: 
dont  il  a  donné  le  détail  dans  fa  Lithogéognojie y 


Ixxx  Prolesomenes. 

l'a  obligé  d'imaginer  un  fourneau  qui  pût  pro- 
duire un  degré  de  chaleur  égal  &  même  lupérieur 
à  ce  que  l'on  connoilToit.  Il  a  donné  le  delfein  de 
fon  fourneau  fur  une  planche  gravée  Se  inférée 
dans  l'ouvrage  que  nous  venons  de  citer ,  p.  42 1 . 
Cependant  je  ne  puis  m'empccher  d'obferver 
qu'ayant  ir.itfur  la  même  matière  peut-être  au- 
tant d'expériences  que  M.  Pote,  &  ayant  repéré 
la  plupart  des  hennés ,  que  j'ai  toujours  trouvées 
exactes ,  j'ai  de  la  peine  à  croire  que  le  iourneau 
dont  cet  habile  Chymifte  donne  la  defcription  , 
puilTe  produire  un  degré  de  chaleur  convenable 
pour  mettre  en  fufion  certains  mélanges  très  dif- 
hclles  à  fondre,  &  que  M.  Pott  a  fondus.  Suivant 
réclielle  qui  accompagne  cette  gravure  ,  la  che- 
minée ne  doit  avoir  que  quatre  pouces  &  demi  de 
diamètre  :  la  porte  inférieure  par  laquelle  entre  le 
courant  d'air,  n'a,  à-peu-près,  que  quatre  pouces 
quarrés  :  l'une  &  l'autre  ouverture  font  trop 
étroites,  relativement  à  la  capacité  du  fourneau, 
qui  a  environ  un  pied  neuf  à  dix  pouces  de  dia- 
mètre dans  fa  plus  grande  largeur. 

Al.  Maccjuer  a  donné  ,  dans  le  volume  de  l'A- 
cadémie pour  l'année  1758,  la  defa'iption  du 
fourneau  qui  a  fervi  aux  expériences  que  nous 
avons  faites  enfemble  fur  la  porcelaine  :  il  efi: 
plus  commode  que  celui  de  M.  Pott ,  en  ce  qu'on 
peut  y  placer  une  moufle  ,  dans  laquelle  on  con- 
tient les  matières  des  expériences.  Les  creufers 
font  placés  proprement  fous  la  moufle ,  6c  ne  font 
point  expofés  à  tous  les  accidents  auxquels  fom 
iujets  les  creufers  qu'on  arrange  au  travers  des 
charbons ,  comme  d'être  renverfés  ,  mêlés  dans 
de  la  cendre  &c  dans  du  verre  fondu  ,  ôcc.  Voici 
la  defcription  de  ce  fourneau, 

fourneau 


ProlegomCnes'»  Ixxj^ 

Fourneau  de  M,  Macquer  ^  propre  aux  expériences 
de  Llthogéugnqfie. 

Ce  fourneau»  planche  première,  fie.  i  &  i , 
cil  reprcfenté  fur  deux  faces.  11  cft  compofé  de 
trois  pièces ,  A ,  B  ,  C  ,  fig.  i  &  i. 

La  pièce  A  eft  percée  par  fon  fond.  Dans  l'in- 
tcrieur ,  en  D,  fig.  i  ik  i ,  on  a  pratique  un  re- 
bord ,  ou  un  repos  d'un  pouce  dans  fon  pourtour, 
pour  fupporter  une  grille  de  fer  E,  fig.  3.  Les 
barreaux  qui  compofent  cette  grille  doivent  ctre 
pofcs  diagonalement  fui  leurs  carnes,  afin  que  la 
cendre  puifie  couler  plus  facilement:  ils  doivent 
ctre  cfpacés  les  uns  des  autres  d'un  demi  pouce. 
H  fautqueces  barreaux  foient  fulfifamment  gros  . 
pour  qu'il  n'en  entre  que  cinq  dans  le  milieu  de 
cette  grille  :  les  deux  autres  qui  dépendent  du 
chalfis,  pofe.nt  fur  le  rebord  dont  nous  avons 
parlé.  La  pièce  A ,  fig.  1 ,  doit  avoir  une  ouver- 
ture F  :  elle  doit  écre  garnie  de  fa  porte ,  avec  une 
feuillure  d'un  pouce  de  large ,  formée  dans  l'é- 
.pailïeur  du  fourneau  ,  &  dans  celle  de  la  porte  , 
afin  qu'il  ne  puilfe  s'introduire  d'air.  Cette  ou- 
verture eft  cintrée  en  anfe  de  panier  ,  comme  elle 
eft  repréfentée.  La  porte  doit  ctre  garnie  d'une 
poignée.  On  pratique  cette  ouverture  à  quatre 
pouces  &  demi  au  delfus  de  la  grille.  Au  bas  de  l'o- 
rifice de  cette  ouverture,  on  toi  me  un  mantonnec 
qui  avance  d'environ  deux  pouces ,  pour  foutenir 
la  porte  :  on  l'a  repréfentée  en  F  ,  fig.  i . 

La  pièce  B,  fig.  i  2c  i  ,  eft  le  dôme  du  four- 
neau :  elle  eft  un  peu  inclinée  par-devant ,  comme 
on  le  voit  en  B,  fig.   1.   Cette  pièce  eft  percée 
d'une  ouverture  cintrée ,  large  &  commode  pour 
T§mi  I,  f 


l 


Itxxij  ProUgoméneii 

ouvoir  introduire  aifément  le  charbon  :  elle  {% 
ouche  avec  une  porte  de  même  capacité ,  armée 
d'une  poignée  B,  fig.  i.  On.  pratique  autour  de 
cette  ouverture  une  feuillure  d'un  pouce  de  large, 
creufce  dans  la  demi-épai(reur  du  fourneau  ^  &  on 
en  fait  autant  à  la  porte  ,  afin  qu'elle  puilfe  bou- 
cher le  plus  exactement  qu'il  e(l  pollible.  L'incli- 
naifon  qu'on  donne  à  cette  partie  du  fourneau , 
eft  pour  que  la  porte  ne  foit  pas  fujette  à  tomber. 
Cette  féconde  pièce  du  fourneau  eft  quarrée  en 
delfus,  èc  percée  dans  fon  milieu  d'une  ouver- 
ture ronde  de  (îx  pouces  de  diamètre  ,  avec  un 
collet  qui  s'élève  d'environ  deux  pouces. 

La  pièce  C  ,  fig.  i  &:  2  ,  eft  un  tuyau  de  terre 
cuite  de  fix  pouces  de  diamètre  ,  &  d'environ 
deux  pieds  de  hauteur.  Ce  tuyau  s'emboîte  en 
dehors  dans  le  collet  dont  nous  venons  de  parler. 
On  pratique  en  H ,  un  repos  d'un  demi-pouce, 
pris  dans  l'épaifteur  de  ce  tuyau,  pour  recevoir  un 
autre  tuyau  de  tôle  de  douze  pieds  de  longueur 
ôc  de  fix  pouces  de  diamètre. 

Ce  premier  tuyau  de  terre  cuite  reçoit  la  pre- 
mière chaleur  qui  s'échappe  du  fourneau  ,  &  mé- 
nage le  tuyau  de  tôle.  On  pourroit  faire  en  terre 
cuite  la  totalité  de  ce  tuyau  ou  cheminée  du 
fourneau  \  cela  n'en  feroit  que  mieux  :  mais 
comme  il  feroit  fort  pefant ,  il  conviendroit  de  le 
fouten'r  d'efpace  en  efpace  avec  des  croilTants  de 
fer  fcellcs  dans  la  muraille.  Tout  ce  fourneau  eft 
conftruit  en  terre  cuite: on  peut  également  le 
faire  conftruire  en  briques. 

Lorfqu'on  veut  faire  ufage  de  ce  fourneau  , 
on  le  pofe  fur  un  trépied  de  fer,  comme  il  eft 
marqué  fur  la  grille  ,  fig.  3 .  Ce  trépied  doit  avoir 
tu  moins  fix  pouces  d'élévation.  Onpofe  enfuifô 


Proie  gotJienei,  Ixxîciij 

furie  milieu  de  la  grille  deux  briques  à  côté  Tune 
de  l'autre  ,  &  dans  le  fens  de  leur  épaifleur  :  on 
place  une  moufle  fur  ces  deux  briques  :  on  em- 
plit de  charbon  noir  les  trois  quarts  du  fourneau  : 
on  met  pardelTus  du  charbon  allumé  :  on  ne  fer- 
me pas  la  porte  B  ,  jufqu'à  ce  que  la  moufle  foit 
rouî^e  :  fans  cette  précaution  ,  le  courant  d'air  fe 
détermineroitavec  trop  de  rapidité  j  le  fourneau 
chauflferoit  brufquement ,  &  on  courroie  les  rif- 
ques  de  faire  cafler  la  moufle  :  mais  lorfque  l'in- 
térieur du  tourneau  eft  rouge ,  on  ferme  la  porte  ; 
le  courant  d'air  fe  détermine  auflî-tôt  :  il  n  entre 
que  par  le  deflous  de  la  grille  feulement,  avec  une 
fi  grande  virefl~e,  qu'il  fe  fait  dans  l'intérieur  du 
fourneau  un  bruit  femblable  à  celui  d'un  carrolTe 
qui  roule  fur  le  pavé.  Le  tuyau  rougir  jufqu'à  fix 
pieds  de  hauteur ,  6c  la  flamme  du  charbon  fort 
par  l'extrémité  de  la  cheminée  à  plus  de  deux 
pieds  au  delfus.    On  met  une  pellée  de  charbon 
de  vingt  minutes  en  vingt  minutes.  Lorfque  ce 
fourneau  cfl:  bien  fervi  de  charbon  ,  6c  que  l'on 
continue  le  feu  pendant  deux  heures  6:  demie  , 
on  peut  être  affuré  que  le  degré  de  chaleur  eft 
plus  fort  que  celui  qui  règne  dans  les  fours  de  ver- 
rerie ,  de  porcelaine  ,  6c  dans  tous  les  grands 
fourneaux  où  l'on  fait  le  feule  plus  aétif  qu'on  ait 
pu  produire  jufqu'à  préfent.  Si  après  une  heure 
de  feu  ,  on  débouche  la  porte  qui  ferme  la  mou- 
fle ,  l'intérieur  eft  d'un  blanc  fi  éblouiftant ,  qu'il 
eft  impoflible  de  pouvoir  diftinguer  le  dedans , 
que  quelques  minutes  après  que  la  moufle  a  été 
débouchée ,  6c  que  l'air  frais  qui  y  entre  l'a  re- 
froidie. Nous  avons  fait,  M.  Macquer  &c  moi, 
plus  de  deux  mille  expériences  de  fuite  dans  ce 
Fourneau.   Il  n'y  a  aucune  fubftance ,  aucun  me- 

/'>■ 


Ixxxlv  Prolégomènes. 

Linge  que  r.i.  Pott  ait  fondus ,  qui  ne  l'aient  été 
égaiemcnc  ,  ou  vitrifiés  dans  l'efpace  de  deux 
heures  ik.  demie.  Le  degré  de  chaleur  qui  règne 
dans  ce  fourneau  ,  eft  fupérieur  à  tout  ce  qu'on  a 
pu  obtenir  jufqu'ù  préfent. 

Le  grand  degré  de  chaleur  qu'on  obtient  dans 
1:;  fourneau  de  M.  Macquer ,  eft  dû  finguliére- 
ment  aux  bonnes  proportions  que  cet  habile 
Chymifte  a  obfervées  entre  la  capacité  du  four- 
neau ,  le  diamètre  de  la  cheminée,  &  fa  hauteur. 
M,  Macquer  a  conftatc  qu'en  diminuant  le  dia- 
merrede  la  cheminée,  le  fourneau  produit  aulîi- 
tôt  moins  de  chaleur  :  il  en  eft  de  mcme  fi  ,  en 
confervant  à  cette  même  cheminée  fon  diamètre 
de  fix  pouces ,  on  l'alonge  de  plufieurs  pieds  j 
parceque ,  da:is  l'un  &  dans  l'autre  cas,  le  cou- 
rant d'air  ne  peut  fe  déterminer  avec  la  même  vî- 
telFe  ,  que  lorfque  le  fourneau  &L  la  cheminée 
lontdans  un  rapport  convenable. 

Je  penfai  cependant  qu'il  étpit  pofljble  de  faire 
produire  plus  de  chaleur  à  ce  fourneau ,  fans  aug- 
menter fa  capacité  3  6c  qu'il  fuffifoit  d'agrandir 
feulement  le  diamètre  de  la  cheminée  ,  afin  de 
donner  à  l'air  qui  fe  raréfie  en  paflant  au  travers 
du  charbon  embraie  ,  plus  d'cfpace  &  plus  de  fa- 
ciliié  à  s'évacuer.  D'après  cette  théorie  ,  )'ai  fait 
conftruire  un  fourneau  en  briques  ,  repréfenté 
planche  i  ,  fig.  4. 

Ce  fourneau  a  quinze  pieds  de  hauteur ,  dix 
pouces  de  largeur  ^  (Se  treize  pouces  de  profon- 
deur dans  œuvre  ,  par  le  haut  comme  par  le  bas  : 
il  eft  percé  à  jour  par  le  bas ,  &  élevé  environ  à 
dix-huit  pouces  au  dellus  du  plancher  j  il  n'a 
point  de  cendrier  fermé.  On  place  dans  l'intérieur 
en  D'uiie  grille  de  fer  conftruite  comme  celle  du 


Prolésomcnes.  Ixxxv 

foumc.iu  prccédent.  A  fix  pouces  au  defTus  de 
cette  grille  ,  on  pratique  mx\2  porte  cintrée  F,  à 
laquelle  répond  l'ouverture  d'une  moufle  amovi- 
,  ble  qu'on  place  fur  des  briques  pofées  de  champ. 
A  huit  pouces  au  delTus  de  cette  porte,  on  prati- 
que en  B  une  féconde  ouverture  quarrée  ou  cin- 
trée par  le  haut,  qu'on  ferme  avec  une  porte  de 
terre  cuite  :  c'efi:  par  cette  ouverture  qu'on  intro- 
duit le  charbon.  Le  delfus  de  cette  porte  ,  jufqu'A 
fon  extrémité  fupérieure,  eft  la  cheminée  de  ce 
fourneau. 

Jai  fait  plu(îeurse>:périencesdans  ce  fourneau, 
Se  j'ai  obîcrvé  que  lorfqu'il  eft  bien  fcrvi  de  char- 
bon,il  produit  plus  de  chaleur  que  le  lourneau  pré- 
cédent j  (es  effets  font  innniment  fupérieurs  à  ceux 
des  plus  grands  fourneaux  d'ufagc  dans  les  tra- 
vaux en  grand  ,  tels  que  ceux  de  verrerie  ,  de 
porcelaine ,  &:c. 

Fourneau  de  réverbère. 

Le  fourneau  de  réverbère  eft  le  plus  commode 
&  le  plus  utile  qu'on  ait ,  parcequ'on  peut,  avec 
les  différentes  pièces  qui  le  compofent ,  faire  gé- 
néralement toutes  les  opérations  de  la  Chymie  , 
&  fe  paffer  de  tous  les  autres  fourneaux. 

11  eft  ordinairement  compofé  de  quatre  pièces. 
Celui  dont  nous  allons  parler  en  a  ciiiq,  pour  le 
rendre  d'un  fervice  plus  général. 

La  pièce  A  ,  fig.  i ,  fe  nomme  le  cendrier  ;  elle 
fert  à  recevoir  les  cendres  que  rendent  les  ma- 
tières combuftibles  pendant  ou'elles  brûlent. 
C'eft  fur  cette  pièce  qu'on  pofe  la  grille  ,  qui  doit 
être  de  fer. 

La  féconde  pièce  B  fe  nomme  le  foyer  ;  elU 
fert  à  contenir  les  matières  combuftibles. 


Ixxxvj  ProUgomcnes. 

La  troifieme  pièce  C  efl:  le  laboratoire.  C'efl 
dans  cette  partie  du  fourneau  qu'on  place  le  vaif- 
feau  qui  contient  la  matière  fur  laquelle  on 
opère. 

La  quatrième  pièce  D  fe  nomme  le  dôme  ;  elle 
efl:  deîHnée  à  retenir  pour  un  certain,  temps  la 
flamme  des  matières  combullihles ,  &  à  la  faire 
réverbérer  fur  le  vaiÛeau  placé  dans  le  labora- 
toire. 

Enfin  la  cinquième  pièce  E  fe  nomme  la  che- 
7ninée  ;  elle  fait  partie  du  dôme  qui  efl:  partagé 
en  deux  ,  afin  de  tirer  plus  de  fervice  de  ce 
fourneau ,  comme  nous  le  du'ons  en  faifant  le  de* 
tail  de  l'ufage  de  toutes  ces  pièces.  Dans  la  conf- 
truclion  du  fourneau  de  réverbère  ordinaire,  le 
dôme  &  la  cheminée  ne  font  qu'une  feule  pièce. 

En  F  ell  un  tuyau  de  tôle  de  trois  ou  quatre 
pouces  de  diamètre  ,  qu'on  adapte  à  la  cheminée  , 
ôc  qu'on  alonge  à  proportion  que  les  opérations 
l'exigent.  Telles  font  les  pièces  du  fourneau  de 
réverbère  :  examinons  maintenant  l'ufage  qu'on 
en  peut  faire. 

j^\  Avec  la  première  pièce  A,  on  peut  fe  pro- 
curer un  bain  de  fable  chauffé  par  une  lampe,  Sc 
former  par  conféquent  un  fourneau  de  lampe. 
On  pofe  fur  cette  pièce  du  fourneau  une  poclc  de 
fer  ,  de  laquelle  on  a  coupé  la  plus  grande  partie 
du  manche.  On  met  du  fable  daps  cette  pocle ,  Sc 
on  fait  entrer  une  lampe  par  la  porte  du  cendrier. 
Ce  fourneau  efl:  très  commode  pour  des  digeftions 
douces,  &c  même  pour  des  dillillations  où  une 
chaleur  modérée  fulïii:.  Ce  cendrier  doit  avoir  en- 
viron fept  à  huit  pouces  de  hauteur  ,  8c  ctre 
garni  d'une  porte  proportionnée  à  la  capacité  du 
Iburneau.  F^oje:^  ng.  i ,  planche  ^, 


J^l(vu-/ic  J'y  Taijc  ZXTXVJ 


Tom  ,1T 


Fourfieaux    de  -Lû/ioûeoi7/2ûsie. 


Prolégomènes.  Ixxxvi) 

2^.  En  ôtant  cet  appareil,  &:  plaçant  la  grille 
fur  ce  cendrier ,  &:  enfuite  la  pièce  B  ,  qui  doit 
avoir  environ  fix  ou  liuit  pouces  de  hauteur ,  on 
forme  un  fourneau  compofé  des  pièces  A  ,  B  , 
fig.  5.  Ce  fourneau  fert  pour  les  évapoiarions 
des  liqueurs  dans  des  badines ,  ou  dans  dts  chau- 
dières de  fer.  On  peut  pofer  un  alambic  de  cuivre 
fur  ce  fourneau,  &  s'en  fervir  pour  èiQ%  diftilla- 
tions. 

5".  En  ôtant  l'alambic  ,  ^'  mettant  à  fa  place 
une  pocle  de  fer  remplie  de  fable  ,  ow  a  un  four- 
neau à  bain  de  fable  propre  aur  digeftions  &  aux 
diftillarions  où  la  chaleur  du  feu  de  lampe  ne  fe- 
roit  pasfufîifante. 

4".  En  ôtant  le  bain  de  f.ible  feulement,  & 
plaçant  fur  le  refte  de  l'appareil  une  chnpe  G , 
fig.  4,  on  fe  procure  un  fourneau  de  rulion. 
Lorfqu'on  veut  qu'il  produife  de  plus  grands 
effets  ,  on  adapte  à  la  cheminée  de  cette  chape 
un  tuyau  de  pocle  de  cinq  à  fix  pieds  de  long.  La 
porte  de  la  chape  eft  l'ouverture  par  laquelle  on 
introduit  le  charbon  dans  le  fourneau  ,  &  par  la- 
quelle on  obferve  le  creufet  qu'on  a  placé  fur  une 
brique  pofce  fur  la  grille  du  fourneau.  On  tient 
la  chape  fermée  de  fa  porte ,  pour  ne  l'ouvrir 
que  lorfqu'il  eft  nécclTùre  ,  afin  de  ne  point  par- 
tager le  courant  d'air.  La  brique  qu'on  met  fous 
le  creufer ,  fert  à  l'élever ,  &  à  garantir  ion  fond 
de  la  fraîcheur  du  courant  d'air  qui  entre  par  le 
cendrier. 

5  ^.  En  ôtant  la  chape  du  fourneau ,  &  laiffanc 
le  refte  de  l'appareil  ,  on  pofe  deux  barres  de  fer 
fur  le  foyer  B,  &  enfuite  la  pièce  C,  que  nous 
avons  nommée  le  laboratoire  j  qu'on  pofe  par- 
defTus.  Les  barres  de  fer  fervent  à  foutenir  une 


Ixxxviij  Prolégomènes. 

cornue  de  grcs.  Loifqii'on  veut  diftiller  avec  ce 
vufTeau  ,  on  fair  pafler  fon  col  par  réchanciUre 
pratiquée  à  un  des  côtés  de  la  pièce  C  :  on  pofe  le 
dôme  &  la  cheminée  fur  cet  appareil ,  afin  de  re- 
tenir &  de  réverbérer  la  chaleur ,  lorfque  cela  eft 
néceflTaire.  Cet  appareil  eft  repréfenté  en  entier 
par  la  fig.  i ,  planche  2. 

6°.  Lorfqu'on  veut  diitiller  dans  une  cornue 
de  verre ,  (S:  que  l'on  craint  que  la  violence  du  feu 
ne  la  fade  plier  ou  fondre,  on  fe  fert  d'un  bain 
de  fable  ,  difpofé  de  manière  qu'on puilfe  enfer- 
mer la  cornue  dans  le  bain ,  6c  qu'elfe  foit  entiè- 
rement recouverte  de  lablc.  On  pofe  ce  bain  de 
fable,  fig.  5 ,  fur  les  deux  barres  de  fer  dans  la 
pièce  C  ,  fig.  i .  On  obferve  que  le  bain  de  fable 
ibit  d'environ  un  pouce  plus  étroit  que  le  four- 
neau ,  afin  qu'il  règne  autour  un  efpa'ce  par  où 
puilfe  circuler  librement  la  flamme  des  matières 
combuftibles.  Cette  flamme  doit  s'élever  facile- 
ment au  delTus  de  la  cornue  ,  &  être  réverbérée 
fur  la  voûte  de  ce  vaifleau  par  le  dôme  qu'on 
a  placé  fur  le  fourneau.  Cet  appareil  eft  le  même 
que  le  précédent  j  il  n'en  diftere  que  par  le  bain 
de  fable,  qui  garantit  très  bien  les  cornues  de 
verre  de  la  fafion  :  mais  c'eft  lorfque  le  feu  n'eft 
pas  poufté  trop  violemment  ;  car ,  malgré  cqi  ap- 
pareil ,  il  arrive  quelquefois  que  les  cornues  fe 
plient,  &  mcme  fe  fondent,  par  la  trop  grande 
violence  du  feu:  au  refte,  le  fable  les  garantit 
beaucoup  de  cet  inconvénient. 

Les  bains  de  fable  dont  je  me  fers  pour  ces  for- 
tes de  diftillatiou'î ,  &:  que  l'expérience  m'a  fait 
reconnoître  pour  ctre  les  meilleurs  pour  la  forme, 
font  des  efpeces  de  petits  féaux  de  tôle  forte  :  ils 
ont  une  échancrure  très  profonde  qui  correfpond 


I 


Prolc'somcnes.  Ixxxix 

à  réclianci'ure  du  fourneau  ,  par  où  paiïe  le  col  de 
la  cornue:  les  bords  qui  s'clevenr  au  delTus  de 
réchancrure  ,  doivent  être  aflTez  hauts  pour  fur- 
paffer  d'environ  un  pouce  le  niveau  de  la  voûte 
de  la  cornue  :  ces  bords  fervent  à  retenir  le  fable , 
afin  qu'il  ne  s'écoule  pas  pendant  le  cours  de  l'o- 
pération ;  ce  qui  immanquablement  feroit  fon- 
dre  ou  calfer  la  cornue  par  la  partie  fupérieure. 
On  peut  également  faire  faire  ces  bains  de  fable 
en  terre  cuite  ;  mais  ils  font  ordinairement  trop 
épais ,  &  ne  tranfmertent  pas  la  chaleur  aulfi  faci- 
lement que  ceux  de  rôle 

7°.  En  fe  fervant  de  l'appareil  fig.  ^ ,  &:  fuppri- 
mant  la  grille  du  fourneau,  en  pofant  à  fa  place 
deux  barres  de  fer  ,  fur  lefquelles  on  arrange  une 
moufle  dont  l'ouverture  doit  correfpondre  à  celle 
de  la  féconde  pièce  B,  on  fe  procure  un  fourneau 
de  coupelle  .  qui  fert  particulièrement  pour  affi- 
ner l'or  &  l'argent.  Cet  appareil  eft  encore  extrê- 
mement commode  pour  faire  proprement  une 
infinité  de  torréfadions,  de  calcinations  5c  de  fu- 
(tons.  On  augmente  l'adivité  de  ce  fourneau  par 
le  moyen  d'un  tuyau  de  pocle ,  comme  nous  l'a- 
vons dit  précédemment.  Ce  fourneau ,  à  caufe  de 
fa  forme  ronde,  n'eft  pas  auflli  commode  pour 
les  opérations  de  la  coupelle  ,  que  le  f-ourneau  de 
coupelle  ordinaire  ,  qui  ell:  quarré,  &:dont  nous 
parlerons  dans  un  inftant  j  mais  il  peut  y  fupplcer 
en  cas  de  befoin. 

8^.  Enfin,  en  formant  l'appareil  des  pièces 
A ,  B  j  C ,  D ,  fig.  I ,  &  fupprimant  la  cheminée  E , 
&  bouchant  l'ouverture  de  la  pièce  C  ,  on  pofe  fur 
les  deux  barres  de  fer  qui  font  au  delfus  du 
foyer,  une  cucurbite  de  grès,  dont  l'orifice  s'é- 
lève de  deux  ou  trois  pouces  au  defliis  de  l'ouver- 


jc  Prolégomènes, 

ture  de  la  pièce  D.  On  lute  un  chapiteau  de  verre 
à  la  cucurbice,  &  •  n  bouche  avec  de  la  terre  à 
four  les  ouvertures  qui  reftent  entre  les  parois  de 
la  cucurbite&  celles  de  l'ouverture  du  fourneau. 
Avec  cet  appareil ,  on  diftille  très  commodcmenc 
du  vinaigre  :  le  vaifTeau  diftillatoire  fe  trouvant 
prefque  entièrement  renferme  dans  le  fourneau  , 
reçoit  la  chaleur  par  le  plus  grand  nombre  de  fur- 
faces  poflible  j  ce  qui  facilite  confidérablement 
la  diftiUation ,  &  occaiionne  moins  de  dcpenfe 
de  matières  combulliibles ,  que  lî  ce  vaifTeau  lie 
recevoir  la  chaleur  que  par  fon  fond. 

Avec  cet  appareil ,  on  peut  faire  encore  plu- 
iîeurs  fublimations. 

Le  fourneau  de  réverbère  dont  nous  venons 
de  parler ,  fe  conftruit  en  terre  cuite.  Il  eft  bon 
de  faire  faire  en  même  temps  une  trille  de  la 
même  terre  ,  mais  amovible  ,  parceque  ces  iortes 
de  grilles,  contenajit  plus  de  parties  pleines  qu'à 
jour,  chauffent  moins,  modèrent  la  chaleur,  & 
la  retiennent  plus  long-temps  que  les  grilles  de 
fer.  Les  grilles  de  terre  font  percées  de  trous 
ronds ,  faciles  à  s'engorger  par  la  cendre  du  char- 
bon :  elles  font ,  par  ces  raifons ,  plus  en  état  de 
fournir  une  chaleur  plus  douce  ,  plus  égale  , 
lorfqu'ellcs  font  une  fois  échauffées  ,  que  les 
grilles  de  fer  ;  ce  qui  eft  un  avantage  pour  les 
d'geftions  où  l'on  n'a  befoin  que  d'une  chaleur 
douce  &  égale  :  au  lieu  que  les  grilles  de  fer  , 
pour  le  peu  que  les  barres  foient  éloignées  l'une 
de  l'autre  de  deux  ou  trois  lignes  ,  lailïent  tomber 
les  cendres  à  mefure  alTez  facilement ,  &  lailîent  le 
courant  d'air  trop  libre  j  ce  qui  augmente  l'adi- 
vité  du  feu  fouvent  plus  qu'il  ne  faut. 

JLes  Fournaliftes  pratiquent  aux   différentes 


Flanc Ae  a .  Tqoc  Xr. 


Tû7?l    .  2  ^ 


♦  Prolégomènes.  scj 

pièces  des  fouineaux  ,  des  trous  ronds  qu'on 
nomme  regijîres.  On  les  bouche  &:  débouche 
avec  des  chevilles  de  terre  cuite.  Ces  tious  font 
abfolument  inutiles,  fur-tout  ceux  que  les  four- 
naliftes  forment  autour  du  foyer  du  laboratoire 
&  du  dôme ,  parceque  cqs  trous  partagent  le  cou- 
rant d'air.  Lartamme  fort  de  tous  les  côtes  par  la 
partie  fupcrieuie  du  fourneau ,  &:  n'eft  plus  ré- 
verbérée fur  le  vailfeau  placé  dans  le  laboratoire  , 
aullî  également  que  lorfquc  ces  regiftres  font 
fermés. 

,   Fourneau  de  CoupeiU. 

Le  fourneau  de  coupelle  efl:  audi  nommc/o«r- 
neau  d'effai  j  parcequ'il  elt  deftiné  à  faire  les  opé-» 
rations  pour  connoître  le  titre  de  l'or  &c  de  l'ar- 
gent :  on  le  nomme  encore  fourneau  d'cmailleur , 
parcequ'il  eft  très  commode  pour  faire  propre- 
ment àQS  émaux.  Ce  fourneau  eft  quarré ,  un 
peu  plus  long  que  lar^e  ,  comme  il  eft  repréfenté 
fur  la  planche  5 ,  fig.  1.  Il  eft  ordinairement  cora- 
pofé  de  deux  pièces,  A,  B,  avec  une  chemi- 
née C  ,  qui  tait  corps  avec  la  pièce  B. 

La  pièce  A  peut  ctre  percée  par  Çon  fond ,  pour 
recevoir  une  grille  de  fer  qu'on  pofe  fur  un  rebord 
d'environ  un  pouce ,  qu'on  a  pratiqué  dans  Tinre- 
rieur,  ou  bien  on  fait  ce  fond  en  terre  cuite, 
comme  le  fourneau,  &:  il  Liit  corps  avec  lui.  On 
fe  contente  feulement  de  percer  ce  fond  ,  en  fa- 
briquant le  tourneau  ,  de  pliifieurs  rangées  de 
trous  ronds,  d'environ  huit  lignes  à<:  diamètre, 
Lorfque  le  fourneau  eft  conftruit  pour  recevoir 
une  grille  de  fer,  il  chaufte  davantage,  par  les  rai- 
fons  que  nous  avons  dites  en  parlant  de  la  grille 
4ç  terre  placée  au  fourneau  de  réverbère.  Lapiect 


xcij  Prolégomènes. 

de  ce  fourneau  fe  pofefuiun  trépied  triangulaire^ 
élevé  d'environ  quatre  pouces ,  comme  il  eft  repré- 
fenté  fig.  I 

La  première  pièce  dont  nous  parlons ,  eft  per- 
cée de  deux  ouvertures  en  D  &c  en  E.  Ce  font 
d^eux  portes.  L'une  D  ,  eft  deftinée  à  mettre  du 
charbon,  &  a  faire  couler  fous  la  moufle  celui  du 
haut,  qui  ne  tomberoit  pas,  afin  que  le  deftous 
de  la  moufle  foit  toujours  bien  garni  de  charbon. 
L'ouverture  E  eft  la  porte  correfpondante  à  la 
bouche  de  la  moufle.  C'eft  par  cette  ouverture 
qu'on  introduit  les  coupelles,  les  creufets ,  &c. 
dans  la  moufle.  On  place  dans  ce  fourneau  deux 
barres  de  fer  un  peu  au  deflbus  de  la  nailTance 
de  cette  porte  ,  pour  fupporter  la  moufle  dans  le 
fens  de  fa  longueur ,  afin  qu  elle  ne  fc  cafte  pas 
en  deux  pendant  l'opération  ,  par  (on  poids ,  par 
celui  des  matières  ,  &  par  celui  du  charbon 
qu'on  met  par-delfus. 

La  moufle  eft  une  efpece  decreufet,  repréfenté 
fous  deux  faces,  fig.  3  &  3.  Ce  vaifteau  eft  plan 
en  deftbus  ,  &  convexe  en  deftiis.  Nous  donnons 
la  meilleure  manière  de  les  fabriquer  à  l'article 
Fourneaux  &c  Creufets. 

La  pièce  B ,  fig.  2  ,  eft  le  dôme  du  fourneau  ; 
elle  eft  percée  par-devant  d'une  ouverture  un 
peu  large  pour  pouvoir  introduire  le  charbon 
commodément.  La  partie  fupérieure  de  cette 
pièce  eft  terminée  par  un  tuyau  de  trois  ou  quatre 
pouces  de  hauteur.  Se  fait  corps  avec  le  dôme. 
Cette  partie  du  fourneau  fe  nomme  la  cheminée. 
On  alonge  cette  cheminée,  fuivant  le  befoin , 
avec  un  tuyau  de  poêle  de  quatre  pouces  de  dia- 
mètre qu'on  adapte  par-deflus. 

On  peut  faire  conftruire  deux  augets  de  grolTe 


PlinJze   3.PiZ,7e  XCJI 


Tom .  y 


lu/  .  (. 


- 


Prolégomènes.  xcii 

lôle  qui  entrent  dans  le  fourneau  de  coupelle  , 
qu  on  place  l'un  à  côté  de  l'autre ,  en  obfervant 
qu'on  puilfe  pofer  le  dôme  par-defTus  :  on  fe  pro- 
cure alors  un  fourneau  de  réverbère ,  dans  lequel 
on  peut  dilHller  en  mcme  temps  avec  quatre  ou 
iix  cornues  qu'on  arrange  dans  ces  augets  avec  du 
fable.  Voye-^  hg.  4. 

Fourneau  des  Fondeurs ,  &  Forge. 

Le  fourneau  àes  Fondeurs  eft  une  tour  quar- 
rée  ,  creufe  ,  enfermée  dans  une  maçonnerie  de 
briques.  Ce  tourneau  eft  animé  par  un  foufïlet  à 
deux  vents. 

On  fourient  folidement  un  foufflet  à  deux 
vents  au-dellus  de  la  cheminée  du  laboratoire 
par  des  tirants  &  des  croillants  de  fer  fcellés  dans 
la  muraille,  bc  attachés  au  plancher,  comme  il 
eft  marqué  fur  la  planche  4.  A  l'extrémité  du 
foufflet  on  pratique  iuivant  le  local  en  A  ou  en  B 
une  ouverture  d'un  pouce  ou  deux  de  diamètre , 
iuivant  la  grolTeur  du  foufflet.  On  adapte  à  cette 
ouverture  un  tuyau  de  fer  blanc  qui  defcend  juf- 
qu'en  C.  En  C  eft  une  boîte  de  fer  blanc  de  fix 
pouces  de  large  à\i  en  ^ ,  de  deux  pouces  de  hau- 
teur ,  (Se  d'autant  de  profondeur.  Au-deftus  de 
cette  boîte,  on  pratique  trois  robinets  d^d^d,  pour 
diftribuer  le  vent  dans  les  différents  fourneaux. 
Ces  robinets  font  de  cuivre  à  l'ordinaire.  On  doit 
obferver  en  les  faifant  faire  ,  de  tenir  les  ouver- 
tures d'entrée  &  de  fortie  du  vent ,  ainfi  que  celles 
des  clefs,  plus  larges  que  le  bout  ou  l'extrémité 
des  tuyaux  qu'on  arrange  en  deilous ,  &z  par  où 
fort  le  vent  pour  entrer  dans  les  fourneaux  j  fans 
cette  précaution ,  on  ne  profiteroit  pas  de  tout  le 
vent  que  le  foufflet  peut  donner. 


xciv  Proîcgomcms, 

Au-de(Tbus  de  chaque  robinet  on  ajufte  \in 
tuyau  de  feu  blanc ,  que  l'on  conduit  aux  endroits 
convenables  ,  pour  former  un  fourneau  des  Fon- 
deurs en  F ,  un  autre  petit  fourneau  des  Fondeurs 
en  G  ,  &  une  forge  en  H. 

Le  fourneau  de  Fondeurs  F  efl:  une  tour  quar- 
rce ,  creufe  d'environ  dix-huit  pouces  de  proton- 
deur, &:  de  huit  à  neuf  pouces  de  largeur,  i  eft 
la  porte  du  cendrier ,  qu'on  bouche  exactement 
avec  des  briques  &  de  la  terre  à  four,  &:  on  ne 
l'ouvre  que  lôrfqu'il  eft:  nécelïaire  de  nettoyer  le 
fourneau.  Immédiatement  au  defTus  de  cette 
porte ,  on  fait  entrer  en  F  la  tuyère  du  foufflet  : 
a  un  demi-pouce  au  defTus  de  la  tuyère,  onpofe 
deux  barres  de  fer  qu'on  ajufte  au  tourneau  en 
le  conft:ruirant  :  fur  ces  deux  barres ,  on  place  la 
plaque  de  fer  K  j  elle  eft:  de  fer  forge  de  fix  à  huit 
lignes  d'épailleur,  &:quarrce  comme  l'ouverture 
du  fourneau  :  les  quatre  angles  font  échancrés 
en  croilTànt ,  afin  de  laiftTer  paffer  le  vent  du 
foufflet  :  il  refte  treize  pouces  de  profondeur  pour 
le  fourneau.  C'eft:  fur  la  plaque  de  fer  K,  qu'on 
pofe  les  creufets  :  afin  de  mieux  concentrer  la 
chaleur  ,  on  pofe  fur  ce  fourneau  un  couvercle 
de  terre  cuite  M  ,  qui  retient  &  réverbère  fur  le 
creufet  la  flamme  du  charbon. 

Lorfqu'on  veut  faire  ufage  de  ce  fourneau,  on 
pofe  un  creufet  fur  la  plaque  de  fer  :  on  l'entoure 
de  charbons  noirs  &  de  quelques  charbons  allu- 
més :  on  couvre  le  creufet  &  le  fourneau  de  leurs 
couvercles  :  on  fait  agir  la  branloire  N.  La  cha- 
leur en  moins  d'un  quart  d'heure  eft  très  violente. 
Lorfque  le  foufflet  eft:  bon ,  &c  qu'il  peut  fuppor- 
rer  une  tuyère  d'un  pouce  ou  d'un  pouce  &:  demi 
de  diamètre ,  ce  fourneau  donne  dans  l'efpace 


Prolégomènes,  xct. 

^'iine  heure ,  lorfqu'il  eft  bien  fervi  de  charbon , 
un  coup  de  feu  égal  &:  même  fupérieur  aux  fours 
de  verrerie.  Il  faut  avoir  attention  de  ne  point 
couder  ces  tuyaux  ,  &  de  faire  entrer  le  vent  dans 
le  fourneau  le  plus  directement  qu'il  eftpclllble, 
autrement  on  perd  coniidcrablement  de  l'effet 
que  le  vent  du  foufflet  peut  produire  dans  le  four- 
neau. 

11  arrive  prefque  toujours  que  la  violence  du 
feu  fait  couler  en  verre  les  parois  du  fourneau  , 
^  bouche  les  ouvertures  ou  les  angles  tronqués 
de  la  plaque  :  il  convient  de  les  déboucher.  On  y 
parvient  par  le  moyen  d'une  barre  de  fer  pointue 
qu'on  palfe  de  temps  en  temps  aux  qjiatre  angles 
du  fourneau  :  &:  pour  ne  pas  fe  brûler  en  failant 
cette  opération,  on  fe  garnit  les  mains  de  petits 
facs  de  toile  en  plufieurs  doubles,  qu'on  a  mouil- 
lés &  exprimés  auparavant.  Les  Fondeurs  nom- 
ment moufles  CQS  fortes  de  facs. 

En  G  ,  eft  une  petite  café  ronde  de  huit  pouces 
de  diamètre  &:  de  fix  pouces  de  profondeur,  avec 
uii  tuyau  qui  part  du  louftlet ,  &  qui  s'adapte  au 
bas  de  la  café.  C'eft  un  fourneau  dont  la  conftiuc- 
tion  tient  le  milieu  entre  la  forge  (impie  &  le 
fourneau  des  Fondeurs.  Ce  fourneau  eft  économi- 
que en  ce  qu'il  tient  peu  de  charbon  ^  &  il  eft 
très  commode  pour  une  infinité  d'expériences  où 
il  faut  un  feu  très  vif. 

Lorfqu'on  difpofe  un  fouftlet  dans  un  labora- 
toire, il  eft  avantageux  d'en  tirer  le  plus  grandi 
parti  pollible.  On  peut ,  au  moyen  des  robinets  , 
diftribuer  le  vent  dans  plufieurs  endroits.  Il  eft 
bon  deconferver  un  tuyau  pour  former  une  forge 
ordinaire.  On  pratique  à  hauteur  d'appui ,  une 
aire  en  briques,  adoftce  contre  le  mur  à  la  proxi- 


3ÎCV  î  Prolcromen  es, 

mité  du  foufflet  :  on  tait  pa-der  la  tuyère  à  fleur  de 
cette  aire  :  on  fe  procure  par  ce  moyen  une 
forge  femblable  à  celle  d'un  Serrurier  ;  on  en 
forme  un  fourneau  lorfqu'on  en  a  befoin  ,  en 
arrangeant  des  briques  autour  de  la  tuyère.  On 
réferve  une  cavité  au  dellous  de  la  forge  :  cette 
cavité  fert  à  retirer  du  charbon  ,  des  briques  ou 
d'autres  chofes  qu'il  efl:  bon  d'avoir  fous  la  main. 
On  peut  voir  en  Hj  planche  4,  la  difpofition 
de  la  forge.  Il  eft  impolîible  d'indiquer  les  meil- 
leurs moyens  de  la  pratiquer  dans  un  laboratoire; 
cela  dépend  abfolument  du  local  :  mais  il  eft  bon 
d'obferver ,  autant  qu'on  le  peut,  de  placer  la 
branloire  à  la  main  gauche ,  afin  qu'en  faifinc 
agir  le  foufïlet,  on  puilTe  en  même  temps  tifun- 
ner  le  feu  avec  la  main  droite. 

Fourneau  de  Lampe. 

Le  fourneau  de  lampe ,  ainfi  nommé  parce- 
qu'on  le  fait  chauffer  au  moyen  d'une  lampe  ,  eft 
ordinairement  conftruit  en  tôle  noire.  Comme 
le  feu  de  ce  fourneau  eft  facile  à  conduire ,  ôc 
qu'il  demande  moins  de  foin  que  les  fourneaux 
qui  font  chauffés  avec  du  bois  ou  du  charbon , 
il  y  a  beaucoup  de  perfonnes  qui  font  un  grand 
ufage  du  fourneau  de  lampe.  On  a  par  cette  rai- 
fon  multiplié  les  pièces  qu'on  met  en  place 
l'une  de  l'autre,  fuivant  les  opérations  qu'on  veut 
faire.  En  effet,  le  fourneau  de  lampe  eft  fort  com- 
mode \  mais  il  ne  peut  fervir  que  pour  des  opéra- 
tions en  petit,  &  pour  lefquelles  il  ne  faut  pas  un 
grand  degré  de  chaleur.  C'eft  ordinairement  de 
Phuile  d'olive  qu'on  emploie  ,  ou  toute  autre  huile 
^ui  ne  produit  pas  plus  de  famée  qu'elle  en  brû- 
lant : 


Prolégomenc:.  xcviï 

li.nt  :  on  fe  fert  de  mèche  de  coton.  Quelques 
perfonnes  fe  fervent  de  hieche  d'amiance  ou  de 
hl  d'ot  dont  on  réunit  un  certain  nombre  pour 
former  un  petit  faifceau.  On  met  quatre  ^  cinq 
ou  fix  mèches  à  la  lampe ,  &  dn  n'en  allume  que 
ce  dont  on  croit  avoir  befoin.On  fe  procure  pat  c^ 
moyen  différents  degrés  de  chaleur.  On  arrange 
ces  mèches  avec  des  cifeaux  &  avec  de  peticcs 
pinces  A  raifort  qu'on  nomme  hruljelles. 

La  planche  5  repréfenre  les  diftérenreâ  pièces 
qui  appartiennent  au  fourneau  de  lampe. 

La  pièce  A  ,  fig.  i  ,  eft  un  vafc  de  tôle  noire  ^ 
autour  duquel  on  pratique  plufîeurs  jours  peut 
entretenir  la  lampe  allumée  j  comme  il  efl:  mar- 
qué en  A.  Oh  forme  utie  ouverture  cintrée  en  B, 
pour  faire  entrer  la  lampe  C.  La  pièce  C  eft  de 
verre  ,  &  n'a  qu'une  ouverture  par  le  bas  ^  à  la- 
quelle on  arrange  une  foupape  de  fer  blanc ,  pour 
empêcher  l'huile  de  tomber  lorfqu'on  la  met  en 
place  ,  ou  qu'on  l'enlevé.  La  pièce  D  cft  de  fer 
blanc  ;  elle  tornie  conjointement  avec  le  vafe  de 
verre  C  ,  le  rciervoir  qui  contient  une  provifioii 
d'huile.  On  a  pratiqué  a  la  pièce  D  ,  une  rigole 
de  fer  blanc  B,  de  cinq  à  fix  pouces  de  long,  au 
bout  de  laquelle  on  arrange  les  mèches  :  cette 
rigole  eft  couverte  \  on  l'introduit  jufques  vers  le 
rhilieu  du  diamètre  du  fourneau  A  ,  afin  que  lat 
chaleur  foit  au  centte  du  fourneau. 

Au  delTus  du  fourneau  ,  on  place  un  vafe  E, 
en  tôle  noire  ,  qui  fert  de  bain  de  fable  :  il  entre 
dans  l'intérieur  du  fourneau  d'environ  deux  ou 
trois  pouces.  On  a  pratiqué  autour  de  cette  pièce 
un  petit  repos  pour  l'empêcher  de  defcendre  plus 
qu'il  ne  convient  j  ce  qui  arriveroitfans  cela,  par 
le  poids  du  fable  &  du  vailLeau  qu'on  mec  dan* 
Tome  l,  g 


xcviij  Prolégomcnes. 

cette  pièce,  &  ne  manqueroic  pas  d'clai'gir  le 
fourneau.  F  eft  une  cornue  de  verre  placée  clans 
ce  bain  de  fable ,  au  bec  de  laquelle  on  a  adapté 
un  ballon  ou  récipient  G. 

On  peut,  avec  cet  appareil,  faire  commodé- 
ment beaucoup  de  diftillations  de  liqueurs  fpiri- 
ritueufes  &:  de  reétifications  d'huiles  eflentielles. 

La  figure  z  repréfente  les  pièces  pour  diftiller 
au  bain  -  marie.  La  pièce  A  eft:  un  vaiifeau  de 
fer  blanc  qui  s'adapte  fur  le  fourneau  de  lampe  , 
en  place  du  bain  de  fable.  On  met  de  l'eau  dans 
cette  pièce  :  on  plonge  dedans  une  cucurbite  de 
verreoud'étain  B.  On  adapte  pardelTus  un  couver- 
cle de  fer  blanc  C ,  qui  ferme  d  feuillures ,  comme 
une  boîte  de  fer  blanc  ordinaire.  Ce  couvercle  eft 
percé  dans  fon  milieu  d'une  ouverture  égale  au 
diamètre  du  col  de  la  cucurbite.  On  a  pratiqué  à 
ce  couvercle  en  D,  un  petit  tuyau  pour  introduire 
de  l'eau ,  afin  de  remplacer  ,  àmefure  qu'il  eft  né- 
ceflaire  ,  celle  qui  s'évapore. 

On  pofe  fur  la  cucurbite  un  chapiteau  de  verre 
E.  On  le  lute  avec  des  bandes  de  papier  enduites 
de  colle  d'amidon  ou  de  farine.  On  a  imaginé 
d'appliquer  par  deffus  ce  chapiteau  de  verre  un 
réfrigérant  F  G  :  la  cuvette  eft  de  fer  blanc ,  &  ce 
qui  s'applique  fur  le  chapiteau  eft  de  plomb.  Ce 
métal  mou  eft  plus  facile  à  travailler  :  on  lui  fait 
prendre  volontiers  la  forme  extérieure  du  chapi- 
teau de  verre.  On  a  pratiqué  en  F  une  petite 
échancrure  pour  ne  point  gcner  le  chapiteau  de 
verre.  On  a  fondé  en  G  un  petit  robinet  de  cui- 
vre à  ce  refiigérant  pourvuider  l'eau  loricju'elle 
s'eft  échauftée. 

La  figure  3  repréfente  cet  appareil  en  entier, 
au  tnoyen  duquel  on  peut  diftiller  avec  une  eu- 


Pl^ic/ie  5  Fac/c  XCJm 


I[ym .  y,' 


Fi 


U/  .   J 


J'U/  .   2 


Fie/ .  3 . 


Prolésomenes.  ixcix 

tiubitede  verre  ou  d'ctain ,  fuivant  la  nature  des 
fubftances  que  l'on  traite. 


DES     VAISSEAUX. 

vJn  nomme  en  Chymie  vafe  ou  vaiffeau^  une 
machine  creule  quelconque  &  de  quelque  ma- 
tière c|u'elle  foit,  pourvu  qu'elle  puilfe  contenir 
&  retenir  les  corps  fur  lefquels  on  veut  opérer. 
Les  vaiiïeaux  dont  on  fe  fert  en  Chymie  ,  font 
de  différentes  natures  ôc  de  diftcrentes  Formes. 
C'efl:  à  l'Artille  à  favoir  adortir  la  nature  6c  la 
forme  du  vailTeau  aux  opérations  qu'il  fe  pro- 
pofe  de  faire ,  &  à  éviter  d'employer  ceux  qui 
l'eroicnt  attaqués  par  les  fubftances  t]u'on  vou- 
droit  mettre  dedans.  Plulieurs  perfonnes  ,  faute 
d'avoir  fait  cette  attention  ,  font  tombées  dans: 
des  erreurs  :  elles  ont  hit  defiécher  du  fcl  de  fonde 
dans  des  marmites  de  tev  :  ce  fel  a  pris  fuccellî- 
vement  des  couleurs  de  malîicot  &  de  minium  : 
elles  ont  attribué  ces  couleurs  à  la  nature  du  fel 
de  fonde ,  tandis  qu'elles  viennent  de  la  rouille  du 
fer  que  cet  alkali  dillout  pendant  fon  évapora- 
tion  &  la  delliccation. 

D'autres  ont  expofé  au  grand  feu  de  la  craie 
dans  des  creufets  d'argille  :  il  ed  arrivé  quelqne- 
iois  à  la  craie  d'entrer  en  fulîon.  On  a  attribué 
cet  ertet  à  la  violence  du  feu  ,  tandis  qu'on  de- 
voit  le  rapporter  à  la  propriété  Imguliere  qu'ont 
ces  deux  matières  terreuies  de  fe  tondre  &  de  fe 
vitrifier  réciproquement.  La  craie  ,  comme  nous 
le  dirons ,  ne  peut  entrer  en  fuvion  &z  fe  réduire 
en  verre  lorfqu'elle  eft  feule,  que  par  un  feu  de  U 


e  Prolégomènes» 

plas  grande  violence  &  peut-ccre  égal  à  celui  qui 
règne  au  foyer  d'un  miroir  ardent. 

Il  en  eft  de  même  du  fel  alkali  fixe  qu'on  tien- 
droic  en  fufion  pendant  un  certain  temps  daais  un 
creufet  d'argille.  Si  Ton  examine  enfuite  ce  fel 
alkali,  on  trouve  qu'il  contient  du  tartre  vitriolé. 
On  feroit  d'abord  porte  à  croire  qu'une  partie  de 
l'alkali  fixe  fe  feroit  changée  en  acide  vitriolique, 
de  combinée  avec  de  l'alkali  fixe  à  mefure,  pour 
former  du  tartre  vitriolé  'y  mais  pour  peu  qu'on 
réflécliirTe,  il  n'eft  pas  difficile  de  connoître  la 
véritable  production  de  ce  fel.  Ce  tartre  vitriolé 
eft  formé  par  de  l'acide  vitriolique  de  l'argille  du 
creufet.  Toutes  cqs  obfervations  font  fuffifantes 
pour  faire  voir  la  néceffité  de  connoître  les  pro- 
priétés des  fubftances  fur  lefquelles  on  travaille, 
afin  de  n'employer  que  des  vailTeaux  qui  ne  puif- 
fent  rien  leur  communiquer. 

Plufieurs  Cliymiftes  qui  ont  voulu  faire  con- 
noître les  propriétés  des  vaifleaux  par  des  défi- 
gnations  générales,  en  ont  établi  de  deux  efpe- 
ces,  d'aaifs  ôc  <\q  pajjifs.  Ils  nomment  vaijfeaux 
îicîifs  les  fourneaux ,  &  vaijfeaux  paffifs  les  vaif- 
feaux  ordinaires  j  mais  cette  diftribution  ne  fait 
pas  fuffifamment  connoître  les  différents  vafes 
dont  on  fait  ufage  dans  la  Chymie.  Si  l'on  vou- 
loit  donner  une  divifion  méthodique  des  diffé- 
rents vaifTeaux  dont  on  fe  fert  en  Chymie  ,  elle 
devroit  être  plutôt  fondée  fur  les  effets  que  doi- 
vent produire  ces  mêmes  vaifleaux,  ou  ftir  le 
fervice  qu'ils  doivent  rendre  :  en  les  confidérant 
fous  ce  point  de  vue  ,  on  pourroit  les  divifer  en 
plufieurs  clafTes  ,  comme  nous  allons  efTayer  de 
le  taire. 

i^.  Les  vaifTeaux  qui  fervent  aux  évapora- 
tions. 


Prolégomènes.  t] 

1°.  Les  vaKTeaux  dont  on  fait  ufage  pour  le« 
cligeftions  ,  les  circulations  ,  les  infufions  ,  &:c. 
Enfin  tous  ceux  qu'on  peut  faire  fervir  dans  les 
opérations  où  il  eft  ncceflTaiie  que  le  véhicule 
s'élève  &  retombe  continuellement  fur  les  fub- 
(lances,  fans  qu'il  fe  fafTe  d'évaporation. 

3°.  Les  vaiffeaux  qui  font  deftinés  à  éprouver 
la  violence  du  feu  ,  &  qui  fervent  aux  fufions  &c 
aux  vitrifications. 

4°.  Enfin  ,  on  peut  faire  une  ciafTe  àes  vaif- 
feaux  qui  ont  nluneurs  ufages  ,  &i  qu'on  nom- 
meroit  la  c\:i[XdAe^va!l]eaux~polychrcfics. 

Nous  patLerons  ici  îous  filence  tous  les  vaif- 
feaux  extraordinaires  que  les  Alchymiftes  ont 
imaginés  pour  leurs  vaines  opéracions  :  ces  détails 
feroient  longs,  faftidieux  ,  6c  n'apprendroienc 
rien  :  néanmoins  il  eft  facile  de  placer  ces  vaif^ 
féaux  dans  les  clafles  que  nous  propofons ,  parce- 
qae,quelque  forme  qu'ils  puilïent  avoir,  ils  nonz 
à  remplir  que  les  objets  compris  dans  les  quatre 
clalfes  des  vailTeaux  que  nous  venons  d'énoncer. 
Nous  nous  contenterons  donc  de  donner  feule- 
ment la  defcription  des  vailfeaux  les  plus  fimples, 
&:  qui  remplifientcomplettement  toutes  les  indi- 
eaiions  qu'on  fe  propofe^ 

PREMIERE     CLASSE. 

Des  Vaijfeaux  évaporatolres  divïfcs  en  troi^ 
fcclïons. 

Première     Section. 

Tics  Va'iffcaux  évaporatolres  a  l'air  libre.. 

\a  fic;i-ire  i ,  planche  (î,  repréfence  une  batfijie-. 


Ci]  Prolégomcnei^ 

On  en  fait  de  cuivre  rouge  ,  de  cuivre  jaune  ,' 
éramé  &  non  écamé  :  on  en  fait  aufli  d'argent  : 
on  peut  également  en  faire  d'or.  Ces  vailieaux 
font  très  commodes  pour  les  évaporations  à  l'air 
libre  :  ceux  d'argent  méritent  la  préférence  ,  en 
ce  qu'ils  font  d'un  fervice  plus  général. 

La  figure  i  repréfenre  une  marmite  de  fer. 
Ces  fortes  de  vaifléaux  fervent  également  à  faire 
évaporer  des  liqueurs  :  on  les  fait  fervir  aulli  de 
bain  de  fable. 

La  figure  3  reprcfente  une  capfule  de  verre  :  il 
y  en  a  de  différentes  grandeurs  ;  cependant  les 
plus  grar^^des  tiennent  environ  une  pinte.  Un  cul 
de  matras ,  coupé  proprement,  peut,demc;me 
qu'une  capiule  ,  fervir  aux  évaporations  ^  mais 
lorfqu'on  a  beaucoup  de  liqueur  à  faire  évapo- 
rer ,  on  fe  fert  avec  fucccs  des  cloches  de  verre 
dont  les  Jardmiets  font  ufage  pour  garantir  les 
légumes  de  la  gelée.  Les  vailieaux  de  verre  font 
les  meilleurs  qu'on  puilTe  employer  pour  les  éva- 
porations ,  parcequ'ils  ne  fe  lailTent  point  atta- 
quer par  les  fubRances  qu'on  fait  évaporer  de- 
dans :  ils  ne  fournirent  rien  par  conféquent. 

La  figure  4  repréfente  une  terrine  de  grès.CeS; 
fortes  de  vailTeaux  font  très  bons  pour  faire  évapo- 
rer des  li(|ueurs  falines  acides ,  comme  des  diflo- 
lutions  métalliques,  &c.  Les  terrines  de  terre 
verjiiliées  font  très  poreufes,  &  conviennent  a 
fort  peu  d'opérations.  On  fe  fert  encore  avec 
fuccès  de  vailfeaux  de  porcelaine  pour  évapora- 
toires  :  ces  fortes  de  vaiflcaux,  lorfqu'ils  font  de 
porcelaine  très  dure  ,  font  aufli  bons  que  ceux 
de  verre. 

La  figure  5  repréfente  une  cucurbire.  On  en 
^à\K.  de  mét;il  »  de  verre ,  de  grès ,  de  terre  cuite. 


Prolégomènes,  cUj 

die  porcelaine  ,  &:c.  On  fe  fert  fouvent  de  ces  for  - 
tes  de  vaifTeaux  pour  faire  évaporer  des  liqueurs. 
On  fait  choix  de  ceux  qui  font  de  large  ouver- 
ture ,  parceque  les  évapcrations  fe  font  plus  facile- 
ment. 

Seconde     Section. 
Des  yaijfeaux  évaporatoires  clos. 

Ce  que  nous  entendons  défigner  par  vaifleaux 
évaporatoires  clos  ,  font  ceux  qui  lervent  pour 
les  diftillations  ^  pour  les  fublimations.  Ces  for- 
tes de  vailîeaux  font  faits  pour  faire  évaporer  les 
liqueurs ,  comme  les  précédents  ,  avec  cette  dif- 
férence cependant ,  que  les  fubftances  qui  peu- 
vent fe  dilîiper  ,  font  reçues  dans  un  vailleaii 
adapté  à  celui  qui  contient  la  fubllance  qui  doit 
s'évaporer. 

La  première  figure  de  la  féconde  feélion  6.qs 
vailfeauxévaporatoiresrepréfente  une  cornue  :  on 
en  fait  de  grès,  de  verre ,  de  terre  vernilTée  :  on 
en  fait  auili  de  fer  de  fonte.  Les  cornues  de  verre 
ou  de  grès  font  celles  dont  on  fait  le  plus  d'ufage 
dans  les  opérations  de  laChymie.  On  choifit  cel- 
les dont  la  pcinfe  eft  alongce  en  poire  :  elles  font 
plus  commodes ,  6c  elles  tiennent  davantage  de 
matières  fous  le  même  volume.  On  a  attention 
aulli  à  la  forme  de  la  partie  fupérieure  qu'on 
nomme  la  voûte  delà  cornue  :  elle  doit  être  large  , 
peu  élevée,  &:  former  avec  le  col  du  vailîeau  un 
cône  allez  régulier.  A  l'éfrard  du  bec  de  la  cornue, 
il  peut  ctre  plus  ou  moins  large  j  cela  dépend  des 
matières  qu'on  veut  foumertre  à  la  diltillntion. 
Lorfqu'on  diftille  des  fubftances  qui  doivent 
fournir  quelques  fublimcs ,  ou  a  attention  de  fe 


fiv  Prolégomènes. 

fervir  d'une  cornue  qui  ait  le  bec  fort  large  ,  au- 
trement il  s'engorgeroit  pendant  le  cours  de  l'o- 
pération ,  &  le  vaifTeau  feroit  en  danger  de  fe 
calFer. 

Il  arrive  fouvenr  pendant  le  cours  d'une  diftil- 
lation  ,  qu'on  a  bcfoiri  d'introduire  dans  la  cor- 
jiue  quelques  fubftances  ;  dans  ce  cas,  on  fe  ferc 
d'une  cornue  qui  a  une  ouverture  à  la  partie  fupé- 
rieure.  On  nomme  cette  ouverture  tubulure  ,  ôi 
cornue  tabulée  celle  qui  a  ainii  un  tube.  Cette 
cornue  eft  repréfentée  par  la  figure  z.  On  ferme 
cette  ouverture  avec  un  bouchon  de  cryftal  ufé  a 
l'émeri  l'un  fur  l'autre.  La  tubulure  qu'on  prati- 
que aux  cornues  de  verre  ,  eft  ,  pour  l'ordinaire  , 
malfaite  ;  elle  eft  trop  mince  ,  &  ne  peut  fuppor- 
ter  le  bouchage  :  on  ne  peut  tout  au  plus  qu'y  ap- 
pliquer un  bouchon  de  liège.  Lorfque  Topcra- 
tion  exige  qu'on  fe  ferve  d'une  cornue  tubulée  y 
il  faut  avoir  recours  à  une  cornue  de  cryftal  ou  de 
grès. On  foigne  davantage  les  cornues  de  cryftal  : 
elles  font  plus  épailTes  que  celles  de  verre  :  leur 
tubulure  eft  plus  forte  ,  &  peut  fupporter  le  bou- 
chage: •  ■ 

La  figure  3  repréfente  un  alambic  de  verre  de 
deux  pièces.  Le  vaiiîeau  fupérieur  fe  nomme 
chapitca-i  ^  &c  celui  qui  eft  au-delTous  fe  nomme 
la  cucurbite.  On  fait  des  alambics  de  métal.  J'ai 
donné  dans  mes  Eléments  de  Pharmacie  la  def- 
çripcion  d'un  alambic  de  cuivre  à  bain-marie  d'é- 
tain  :  voye:^  cette  defcription.  On  fait  auftî  des 
^lambics  de  fer  de  fonte  avec  le  chapiteau  de  mê- 
me matière,  ou  qn  fe  fert  d'un  chapiteau  de  verre. 
On  en  fait  d'argent ,  de  grès ,  de  terre  verniiTée  , 
&c. 

Il  en  eft  de  la  diftillation  dans  les  alambics , 


ProUaomenes.  cy 

o 

comme  de  celle  qu'on  fait  dans  des  cornues  : 
on  eft  quelquefois  obligé  d'ajouter  des  fubftan- 
ces  pendant  le  cours  des  opérations  j  6c  pour  ne 
point  interrompre  la  diftillation  ,  ou  pour  ne 
point  déluter  les  vailTeaux,  on  fe  lert  d'un  chapi- 
teau percé  par  la  partie  fupérieure  qu'on  nomme 
pareillement  chapiteau  tabule.  Ow  bouche  de  mê- 
me cette  tubulure  avec  un  bouchon  de  cryftal 
ufé  l'un  fur  l'autre  avec  de  Tcmeri. 

Il  arrive  fouvcnt  que  le  lut  qu'on  emploie 
pour  former  les  joints  du  chapiteau  &:  de  la  cii- 
curbite  nt  peut  réfiller  aux  vapeurs  qui  s'é- 
lèvent pendant  la  diftillation  \  dans  ce  cas ,  on 
fait  ufage  d'un  alambic  d'une  feule  nièce,  c'eft:' 
à-dire,  dont  le  chapiteau  (Se  la  cucurbite  tiennent 
enfemble  :  on  pratique  feulement  une  ouverture 
à  la  partie  fupérieure  du  chapiteau  ,  par  laquelle 
on  introduit  les  fubftances  à  diftiller  ,  &:  on 
bouche  cette  ouverture  avec  un  bouchon  de  cryf- 
tal ufé  à  l'émeri.  Ce  vailfeau  eft  repréfenté  fig.  4. 
é 
T  i^  0  I  S  i  F.  M  E     Section. 

Des  Récipients. 

On  nomme  récipients  des  vaiffeaux  propres  à 
recevoir  les  fubftances  qui  s'élèvent  desvaiireaux 
diftillatoires.  Les  récipients  ont  différentes  for- 
mes qui  font  relatives  aux  vues  qu'on  a  dans  les 
opérations. 

La  fioure  première  repréfenté  un  ballon  de 
verre  percé  d'un  petit  trou  à  la  partie  fupérieure. 
Ce  vaifleau  eft  fait  pjur  être  adapté  au  bec  d'une 
cornue  de  grès  oi\  de  verre  :  on  lute  les  joints  avec 
du  lut  dont  nous  parlerons  bientôt.  Le  petit  trou 
Ç^ratiq^é  :;u  b^ilou  ,  eft  très  commode  pour  faire 


cv)  Prolégomènes. 

évacuer  l'air  trop  raiéhé  qui  fe  dégage  de  lai 
plupart  des  fubftances  qu'on  diftille  :  il  fert  aufll 
à  faciliter  la  fortie  d'une  partie  des  vapeurs  trop 
dilatées  qui  pourroient  faire  crever  le  ballon.  On 
prévient  cet  accident  en  débouchant  de  temps  en 
temps  le  trou  de  ce  vaifTeau  :  on  le  bouche 
avec  un  petit  brin  de  bois ,  ou  avec  un  peu  de 
cire  mplle.  Lorfqu'on  adapte  le  ballon  à  la  cor- 
nue, on  a  l'attention  de  le  tourner  pour  que  la 
petite  ouverture  fe  trouve  fur  le  côté  ,  &  non  en 
deiïlis.  Cette  partie  du  ballon  eft  celle  qui  s'é- 
ch'i'ifFe  le  plus,  &  qui  reçoit  immédiatement  les 
vapeurs  qui  fortent  de  la  cornue  \  il  fe  difliperoic 
be;iucoup  plus  de  vapeurs  ,  fi  l'on  plaçoit  ce  petit 
trou  en  deiTus. 

Dans  beaucoup  de  dilHUations,  il  paffe  en 
même  temps  des  fubfcances  liquides  &  des 
fubftances  concrètes  ,  telles  que  des  fels  vola- 
tils. Si  l'on  fe  fervoit  du  ballon  dont  nous 
venons  de  parler  ,  ces  fubftances  fe  confon- 
droient ,  la  partie  liquide  fe«chaigeroit  jufqu'au 
point  de  faturation  des  fels  conci-cts.  Pour  remé- 
dier à  cet  inconvénient  ,  on  fe  fert  d'un  ballon 
tabulé  qui  eft  repréfenré  par  la  figure  i.  On  place 
la  tubulure  en  en  bas  ,  &  on  y  adapte  une  bou- 
teille qu'on  lute  bien.  Ce  ballon  eft  également 
percé  au  milieu  de  fa  capacité  d'un  petit  trou , 
comme  le  précédent,  &  qui  fert  au  mcme  ufage. 
Au  moyen  de  ce  vaifteau ,  la  partie  liquide  coule 
à  mefure  dans  la  bouteille  inférieure  j  les  fels 
volatils  concrets  reftent  fecs  dans  le  ballon  ,  & 
en  rapiflent  1  intérieur.  La  liqueur  qui  combe  dans 
la  bouteille  eft  néanmoins  chargée  de  fel ,  &  elle 
le  laifte  cryftaliifer  par  le  refroidifiemenr. 

On  varie ,  fuivant  les  circonftances,  l'appareU 


Prolégomènes,  cvl) 

tîes  vaifTeaiix  propres  à  fcparer  pendant  la  diftil- 
lauion  les  fubllances  feches  d'avec  les  liquides  : 
on  fe  ferc  avec  fuccès  d'un  vaifleau  de  verre  de 
figure  conoide  qu'on  nomme  alonge.  Ce  vaif- 
feau  eft  rcprcfenté  par  la  figure  3  j  il  efl:  percé 
par  les  deux  bouts  :  le  côté  A  s  adapte  au  bec  de 
la  cornue,  &  le  côte  B  entre  dans  le  col  d'un  bal- 
lon ordinaire  ,  ou  dans  celui  d'un  ballon  tubulé 
femblable  a  la  figure  1.  Les  matières  feches  con- 
crètes fe  fixent  oc  s'arrêtent  dans  le  premier  ballon 
conoïde,  que  nous  avons  nommé  alonge  ;  la  fub- 
ftance  liquide  coule  dans  le  fécond  ballon.  On 
fait  en  verre  des  alonges  de  plufieurs  grandeurs  , 
depuis  un  demi-feptier  jufqu'à  vingt  pintes.  Il 
convient  de  proportionner  la  capacité  de  ce  vaif- 
feau  à  la  quantité  de  fubftances  feches  qu'on 
efpere  obtenir.  Il  faut  encore  avoir  la  plus  grande 
attention  d'empccher  qu'il  ne  fe  bouche  par  (on. 
extrémité  B ,  parccqu'il  ne  refteroit  plus  aflez 
d'efpace  pour  la  circulation  des  vapeurs  raréfiées 
qui  fdrrent  de  la  cornue  j  lesvaiireauxleroient  en 
danger  de  crever. 

Quelques  perfonnes  ont  propofé  d'ajufter,  au 
moyen  des  alonges  ,  une  file  de  vailfeaux  adap- 
tés les  uns  aux  autres,  afin  de  donner  plus  d'ef- 
pace aux  vipeurs,  &:  de  faciliter  par-là  leur  con- 
denlation.  On  a  donné  à  cet  appareil  de  vaif- 
feaux  le  nom  de  ballons  enfilés.  Cet  appareil  eft 
abfolument inutile,  &  il  n'y  a  point  d'opération 
où  l'on  ne  puilfe  s'en  palTer  facilement  :  il  a  l'in- 
convénient d'être  embarralTant ,  à  caufe  de  beau- 
coup de  jointuresà  luter,  &:  il  arrive  prefque  tou- 
jours que  les  luts  manquent  par  quelques  en- 
droits. Cet  appareil  n'a  que  de  l'éclat,  &  fert 
ibuvent  de  voile  pour  cacher  l'ignorance  de  celui 


"tviî|  Prolégomènes. 

qui  croît  qu'on  ne  peut  fe  difpenfer  d'en  faire 
ufage  ;  c  eft  là  le  plus  grand  mérite  de  cet  appa- 
reil :  les  vaifTeaux  &  les  appareils  les  plus  (im- 
pies font  toujours  les  meilleurs.  D'ailleurs  il 
arrive  conftammentque  lorfqu'on  diftille  desfub- 
ftances  très  raréfiables ,  il  ne  feconden  fe  rien  , 
tant  que  l'air  renfermé  dans  les  vailfeaux  n'eft 
point  faturé  de  ces  mêmes  fubftances  :  il  eft  donc 
inutile  de  multiplier  le  volume  de  l'air  en  multi- 
pliant le  nombre  des  vaifTeaux ,  fous  le  prétexte 
de  faciliter  la  condenfation  des  vapeurs. 

La  figure  4  repréfente  un  vaiiïeau  qu'on  nom- 
me matras  :  il  ne  diffère  du  ballon  que  par  la  lon- 
gueur de  iow  col.  Ce  vaifleau  fert  quelquefois  de 
récipient  \  mais  il  eft  incommode  lorfquece  qu'il 
doit  recevoir  paffé  en  vapeurs  chaudes.  Le  col  fe 
fendprefque  toujours  longitudinalement  \  il  vaut 
mieux  par  cette  raifon  employer  un  ballon.  Le 
matras  fert  pour  les  digeftions ,  les  diflblutions  , 
lesfublimations ,  &c.  Ce  vailfeau  eft  polychrefte. 
On  donne  au  matras  différentes  formes  :  on  en 
fait  à  culs  plats  qui  fervent  à  la  calcination  du 
mercure  :  les  matras  minces  font  moins  fujets  a 
fe  caffer  par  le  contrafte  du  froid  &  du  chaud  , 
que  les  matras  épais.  Ceux  qui  ont  un  pontis  ait 
cul  fe  callent  avec  la  plus  grande  facilite.  Les  ma- 
tras qui  pafiTent  le  mieux  du  froid  au  chaud  fubi- 
tement ,  font  ceux  qui  font  d'une  égale  épailTeur 
par-tout  :  tels  font  les  fioles  à  médecine  &  les  pe- 
tits matras  dans  lefquels  vient  le  vin  de  Syra- 
cufe. 

La  figure  5  eft  un  récipient  qui  fért  pour  la  dif- 
tiHation  des  huiles  eftentielles.  J'en  ai  parlé  dans 
mes  Eléments  de  Pharmacie. 

La  figure  G  eft.  un  ferpenan  de  vercc  :-  on  W 


I%mcAc  o,  Paj/c  CVUl. 


/o/?i ,  X?' 


,ilI'V"'|i|. 


2 


Jicavien^ ,    ^)(^^'\ll\V7<v?  ,  j 


Prolégomènes.  cix 

Jîlace  dans  une  cuvecte  de  verre  ou  de  faïance 
remplie  d'eau  froide  :  il  fert  à  rafraîchir  &  à  con- 
denfer  les  vapeurs  qui  font  condenfables  par  ce 
moyen.  On  en  fait  de  métal ,  comme  de  cuivre  , 
d'étain,  -Sec.  J'ai  parlé  dans  mes  Eléments  de  Phar- 
macie des  ferpencins,  des  avantages  5c  des  incon- 
vénients de  cesvaiireaux  :  voye:^  cet  article.  Ce  que 
j'en  ai  dit  eft  applicable  à  ceux  qu'on  voudroic 
taire  en  verre  ou  en  grès  pour  la  diftillation  des 
acides  minéraux  qui  doivent  être  confervés  dans 
le  degré  de  concentration  où  ils  fortent  de  la  cor- 
nue. Il  ne  faut  pas,  pour  leur  conferver  ces  qua- 
lités ,  employer  de  l'eau  trop  froide,  parcequ'elle 
condenfe  l'humidité  de  l'air  contenu  dans  la  ca- 
pacité du  ferpentin ,  &  que  cette  humidité  fe 
mêle  avec  les  acides  minéraux  qui  en  font  fort 
avides. 

SECONDE    CLASSE. 
Des  yaijfeaux  circulatoires. 

Les  vailîeaux  circulatoires  font  très  nombreux 
&  très  compliqués  chez  les  Alchymiftes  j  mais 
comme  nous  reftreignons  tous  les  vaifleaux  à  leur 
véritable  ufage  ,  nous  ne  parlerons  que  de  deux 
vailfeaux  circulatoires,  parcequ'ils  font  fuififants, 
&:  qu'ils  remplirent  toutes  les  indications  qu'on 
fe  propofe. 

On  nomme  vaijfeaux  circulatoires  ceux  dont 
l'effet  eft  de  permettre  aux  liqueurs  de  s'élever  en 
vapeurs  ,  &:  de  condenfer  ces  mêmes  vapeurs  qui 
retombent  en  gouttes  dans  la  capacité  du  même 
vale  \  ces  fortes  de  vaiffeaux  font  en  même  temps 
vaiffeaux  diftillatoires  &  récipients. 

La  figr  I ,  planch.  7,  repréf§nte  deux  macras  qui 


ex  Proie  somcneSk 

o 

entrent  l'un  dans  l'autre.  Le  matras  inférieur  doif 
ctre  le  plus  grand  :  le  col  du  matras  fupérieur  doit 
entrer  dans  le  col  du  premier  vailleau  ,  afin  que 
les  vapeurs  qui  fe  condenfent  puilTent  couler  dans 
le  matras  inférieur  :  on  nomme  cet  appareil  vaij-- 
féaux  de  rencontre.  On  lu  ce  les  jointures  des  vaif- 
feaux  avec  du  papier  enduit  de  colle  ^  ou  avec  de 
la  veflîe  de  cochon  mouillée  &:  alFujettie  avec  du 
gros  fil.  Comme  il  n'y  a  aucune  ouverture  à  ces 
vaiHeaux  par  ou  1  air  ou  les  vapeurs  trop  rarehees, 
puiirent  s'évacuer,  il  eft  important  de  ne  leur  ap- 
pliquer qu'un  léger  degré  de  chaleur  ,  fans  quoi 
on  court  les  rifques  de  les  faire  crever.  Il  eft,  par 
cette  raifon  ,  plus  prudent  de  ne  faire  ufaî^e 
de  ces  vailfeaux  ,  que  lorfque  cela  eft  indifpenla- 
blement  nécelîaire  :  on  emploie  en  place  un  ma- 
tras dont  on  coclfe  l'ouverture  avec  de  la  vellîe 
mouillée  &  ailujettie  avec  du  gros  fil.  On  prati- 
que au  milieu  de  cette  veiîie  un  petit  trou  avec 
une  épingle  :  cet  appareil  Imiple  remplit  fans  dan- 
ger prelque  toutes  les  indications  qu'on  fe  pro- 
pofe.  Les  vaiireaux  de  rencontre  ou  le  matras  hm- 
ple  ,  comme  nous  venons  de  le  dire  ,  fervent  aux 
digeftions ,  aux  macérations ,  aux  infufions ,  &c. 
La  figure  i  eft  un  vailîeau  qu'on  wowAYiQ  péli- 
can ;  c'eft  un  alambic  d'une  feule  pièce  :  aux  deux 
côtés  oppofés  font  deux  tuyaux  ou  deux  becs  re- 
courbés qui  prennent  nailT^ince  danî>  la  gouttière 
du  chapiteau  j  &  qui  viennent  aboutir  dans  la 
capacité  de  lacucurbite.  Les  vapeurs  qui  s'élèvent 
Çq  condenfent  dans  le  chapiteau  ,  &  retombent 
dans  la  cucurbite.  La  partie  fupérieure  du  chapi- 
teau eft  garnie  d'un  tube  ouvert ,  fort  épais ,  6C 
qu'on  bouche  avec  un  bouchon  de  cryftal  ufé  l'un- 
fur  l'autre  avec  de  i'émeri  :  c  eft  par  cette  ouvet-» 


Prolégomènes.  ex; 

ture  qu'on  introduit  les  matières,  «Se  qu'on  les  ôte 
îorfqu'elles  ont  fuftifamment  digéré.  Les  Alchy- 
miftes  ont  imaginé  de  faire  taire  des  pélicans  qui 
<mi  jufqu'à  fix  tuyaux  ,  pour  rapporter  les  vapeurs 
condenfées  dans  la  capacité  delà  cucurbite.  Ils  re- 
gardent ces  vailfeaux  comme  meilleurs  que  les 
autres,  parcequ'ils  font  plus  compliqués.  On  peut 
très  bien  dans  toutes  les  opérations  de  la  Chymie 
fepalTerdu  pélican  fimple  :  on  peut  avec  les  vaif- 
feaux  circulatoires  dont  nous  avons  parlé  ,  faire 
toutes  les  opérations  de  diçrelHons ,  d'infufions 
^'.  cte  cu'culations. 

TROISIEME     CLASSE. 

Des  J-^aiJJeaux  propres  à  la  fujion  ^  à  la. 
vitrification  j  &c. 

Comme  ces  vaideaux  font  deftinés  à  éprouvet 
Taéiion  immédiate  du  feu,  ils  doivent  ctre  très 
rcfradaires  :  ils  font  expofés  à  fondre  par  la  cendre 
des  matières  combuftibles  j  fouventles  fubftances 
qu'ils  contiennent  fervent  encore  de  fondant  à  la 
fubftance  terreufe  dont  ils  font  fabriqués.  Ces 
fortes  de  vaiiïeaux  ont  différentes  formes ,  &:  ont 
des  noms  diftinéts.  Nous  donnerons  dans  cet 
Ouvrage  un  article  fur  la  meilleure  manière  de 
conftruire  ces  fortes  de  vafes. 

La  figure  i  ,  planche  7 ,  repréfente  un  creufet 
triangulaire ,  tel  qu'on  les  fait  à  Helfe-CalTel  :  ces 
fortes  de  creufets  font  les  meilleurs  qu'on  con- 
lîoilTe  à  Paris. 

La  figure  2  repréfente  un  creufet  rond  avec 
un  petit  bec  pour  couler  la  matière  quand  elle 
cii  fondue.  C'eftla  forme  qu'on  donne  aux  creu,-: 


\ 


cxij  Prolégomènes. 

fets  qu'on  fait  à  Paris  ,  dans  la  rue  Mazarinè. 
Ces  creufers  font  faits  avec  une  argille  très  fufible , 
ôc  ne  refirent  point  à  dé  grands  coups  de  feu  :  ils 
fe  fondent  eux-mêmes. 

La  figure  5  ,  repréfehte  un  creufet  qu'on 
nomme  r^rc.  Ces  fortes  de  creufers  fefontà  Heiïe- 
Cadel  :  ils  font  très  réfra6laires  ,  &  réfiftent  à  la 
plus  grande  violence  du  feu.  Ils  ont  une  forme 
ronde  qui  finit  en  cône  par  le  bas ,  avec  une  petite 
ouverture  à  la  partie  fupérieure.  Cette  forme  eft 
très  avantageufe  pour  ralïembler  le  métal  dans  les 
cflais  qu'on  fait  des  mines. 

La  figure  4  repréfente  une  petite  aflîette  de 
terre  cuite  qui  fert  a  calciner  des  mines  &  des 
matières  métalliques.  On  nomme  ce  vailfeau  rêc 
à  rôtir ^  ou  catin.  Ces  fortes  devaiffeaux  doivent 
être  larges  &  plats  ,  fort  unis ,  afin  de  pouvoir 
ramaiïer  commodément  les  chaux  métalliques  ou 
les  poudres  qu'on  met  dedans. 

La  figure  5  repréfente  une  coupelle  :  c'eft  un 
petit  creufet  large  6c  évafé  ,  creufé  à-peu  près  en 
demi-fphere  ,  &  ayant  la  figure  d'une  coupe. 
Cette  efpece  de  creufet  eft  fait  avec  des  os  de  pieds 
de  mouton  calcinés  ,  pulvérifés,  pafTés  au  tamis  de 
foie  ,  &■  bien  lavés.  On  pétrit  cette  poudre  avec 
de  l'eau ,  6c  on  forme  les  coupelles  dans  un 
moule, 

QUATRIEME    CLASSE. 

Des  Vdiffeaux  -polychrefies. 

Les  vaiiïeaux  polychreftes  font  ceux  qui  n'ont 
point  d'ufage  particulier  pour  les  opérations  de 
Chymie ,  mais  qui  fervent  à  plufieurs  chofes ,  tels 
que  des  verres ,  des  bocaux ,  des  bouteilles ,  des 

\  entonnoirs 


P/<Z7icAe   -.  Piwe  CXU. 


Tû/?i .  1  '' 


2'.  iVasse.cù^'T  l\iissau<v  iYmi/aàu7\'é\ 


Fia. 


Iuj,i. 


.6 


Prolégomènes.  exil) 

entonnoirs  de  verre ,  des  caraffes  ,  des  mortier^ 
de  verre,  &:c.  11  eft  inutile  de  faire  la  defcriptioii 
de  ces  forres  de  vailleaiix  ,  ainfi  que  de  les  taire 
graver,  parcequ'ils  font  connus  de  ceux  mènie 
qui  ne  s'occupent  point  de  laChymie. 

Manière  de  coupera  de  percer  des'ballons  de  verre 
&  autres  V ai jf eaux. 

Les  vaiiïeaux  ,  fortant  de  la  verrerie  ,  ne  foilC 
point  appropriés,  &;ne  peuvent  fervir  aux  opéra- 
tions. Les  Dallons  ont  le  col  trop  long  ,  èc  ne 
font  point  percés^  les  becs  des  chapiteaux  ne  (ont 
point  ouverts,  6cc.  Le  Cliym.fte  ell:  obligé  d'ar- 
ranger ces  vailleaux,  &:  de  les  mettre  en  état  de 
fervir. 

-  On  parvient  à  couper  le  col  des  ballons  de  plu- 
fieurs  manières,  i*^.  A  deux  ou  trois  pouces  au 
deflus  de  la  nailfance  du  col  de  ce  vaifTeau  ,  on 
trace  avec  une  pierre  à  tulil  une  ligne  circulaire 
autour  du  col  du  ballon  \  &  pour  ne  point  tracer 
cette  ligne  au  hafard  ,  on  colle  avec  de  la  colle 
forte  un  cuir  mouillé  &:  fouple  autour  du  col  du 
ballon,  à  l'endroit  où  on  veut  le  couper:  ce  cuir" 
fait  un  point  d'appui ,  &  empêche  que  la  pierre  à 
fufil  ne  glilfe ,  &  ne  falTe  des  traces  de  travers. 
Lorlque  la  première  pellicule  du  verre  eft  enta- 
mée ,  on  paife  dans  la  trace  faite  par  la  pierre  d 
fulil  une  bonne  lime  à  trois  quarts,  &î.on  prend 
de  préférence  une  lime  d'Angleterre  ,  parce- 
qa'elles  font  plus  dures  &  meilleures.  Il  arrive 
fouvent  qu'après  avoir  fut  agir  la  lime  une  feule 
fois  autour  de  la  trace  ,  le  col  fe  détache  de  lui- 
nicme.  S'il  n'eft  pas  coupé  par  cette  feule  opéra- 
tion ,  on  continue  de  taire  agir  la  lime  jufqu'à  ce 
Tome  I,  h 


cxiv  Prolésomencs, 

que  le  col  foit  coupé.  Ce  moyen  de  couper  le  col 
des  ballons  eft  un  des  meilleurs  6c  des  plus 
sais. 

1° .  x\près  qu'on  a  tracé  avec  la  pierre  à  fufil  & 
la  lime  une  ligne  circulaire  aucour  du  col  du  bal- 
lon ,  on  enduic  légèrement  de  térébenthine  une 
mèche  de  coton  qu'on  applique  fur  la  trace  ,  &: 
avec  une  lumière  on  enflamme  la  térébenthine  : 
pendant  qu'elle  brûle  ,  on  tourne  le  ballon  pour 
la  faire  brûler  également  :  lorfque  toute  la  téré- 
benthine eft  braîce  ,  on  met  avec  le  bout  du  doigt 
ime  goutte  d'eau  j  elle  fait  détacher  aufli-tôt  le 
col  du  ballon  à  l'endroit  tracé  j  mais  il  arrive  fou- 
vent  que  le  col  fe  calle  à  côté  :  il  faut  un  peu  d'a- 
dreiï'e  lie  d'habitude  pour  couper  les  cols  de  bal- 
lons par  ce  procède. 

5".  Quelques  perfonnes  propofent  d'appliquer 
fur  le  col  du  ballon  après  l'avoir  tracé  avec  la 
pierre  à  fuill  &  la  lime ,  un  croiflant  de  fer  qu'on 
a  fait  rougir  auparavant  :  on  met  avec  le  bout  du 
doigt  une  ecutte  d'eau  fur  l'encroit  chauffé  ,  fi  le 
fer  rouge  ne  fuffit  pas  pour  taire  tomber  le  col  : 
ce  moyen  réuilit  encore  alfez  bien  j  mais  il  a  c]uel- 
quCiOis  l'inconvénient  de  faire  fendre  lecolref- 
tant  au  ballon. 

4°.  On  coupe  encore  le  col  des  ballons  avec 
une  petite  roue  .de  cuivre  garnie  d'émeri  bc 
d'huile  j  on  la  fait  tourner  par  une  grande  roue 
perpendiculairement  dans  le  fens  des  meules  de 
Couteliers  :  on  préfente  le  col  du  ballon  à  l'en- 
droit où  on  veut  le  couper  :  on  le  coupe  très  pro- 
prement par  ce  moyen  ,  èk'  le  ballon  elt  moins  ex- 
pofé  à  être  calfc.  Il  y  a  à  Paris  pluiieurs  flacon- 
niers  qui  coupent  aiufi  les  cols  des  gros  ballons 
pour  une  fomme  niodic^ue.  Après  qu'on  a  coupé 


Prolégomènes.  txv 

le  col  àQS  ballons  par  les  autres  procédés  dont 
nous  venons  de  parler,  il  convient  de  paflôr  une 
lime  fur  les  bords ,  &  de  les  frotter  légèrement 
pour  ôrer  les  vives  arêtes ,  afin  de  ne  point  fe 
couper  les  mains  en  les  palfant  autour  du  col  de 
ces  vaifTeaux. 

On  coupe  de  la  manière  que  nous  venons  ds 
dire  ,  les  matras  pour  en  faire  des  ballons ,  le 
bout  des  becs  des  chapiteaux  ,  &c. 

11  m'eft  arrivé  plufieurs  fois  de  coiipef  en  mê- 
me temps  les  cols  de  vingt-quatre  gros  matras  « 
parle  moyen  d'une  fcie ,  avec  de  l'eau  &  du  grès  , 
comme  on  fcie  de  la  pierre.  J'arrangeois ,  par  !©• 
moyen  d'une  corde  tendue ,  les  ballons  les  uns  à 
côté  des  autres.  Je  faifois  répondre  perpendicu- 
lairement à  la  corde  l'endroit  où  je  voulois  cou- 
per le  col  de  chaque  matras  :  je  mettois  les  glo- 
bes des  matras  alternativement ,  l'un  à  droite,  Se 
l'autre  à  gauche ,  afin  d'occuper  moins  d'étendue  î 
lorfque  les  matras  étoient  ainfi  difpofés  ,  je  rem- 
plilfois  les  efpaces  vuides  avec  du  plâtre  gâché,  afin, 
que  les  matras  fulïent  bien  afTujettis  j  alors  je  pO' 
fois  fur  le  plâtre  ,  &:  à  l'endroit  défigné  ,  une  icie 
légère ,  femblable  à  celles  qui  fervent  à  fcier  de  la 
pierre  avec  de  l'eau  &  du  grès  égrugé  :  je  fciai  lèS 
vingt-quatre  matiasà  la  fois.  Ce  moyen  eft  expé- 
ditit  pour  couper  beaucoup  de  vaifTeaux  à  la  fois  ^ 
&  il  m'a  très  bien  réudî. 

Lorfqu'on  veut  percer  un  ballon ,  &  y  prati- 
quer un  petit  trou  ,  on  commence  par  choiîir  aa 
milieu  du  ventre  du  ballon  une  petite  bulle  bien 
ronde.  Le  verre ,  dans  ces  bulles ,  eft  feuilleté ,  dC 
forme  au  moins  deux  couches  l'une  fur  l'autre  : 
l'entre-deux  eft  vuide  :  lorfqu'on  a  choifi  la  buIW 
de  la  grandeur  5c  de  la  rondeur  convenable  j  on 


cxv)  TroUgomenes. 

frotte  defTiis  avec  la  pointe  d'un  buiiii  trempe 
bien  fecj  le  verre  s'égrène,  &;  on  a  bientôt  en- 
tamé &c  égrené  la  première  pellicule  du  verre  ; 
elle  forme  une  petite  profondeur  qui  retient  l'ou- 
til ,  &:  l'empêche  de  ghlfer  :  on  fait  la  même  opé- 
ration avec  la  pointe  du  burin  fur  la  féconde  pel- 
licule du  verre  qui  fe  piéfente.  Avec  un  peu  d'a- 
drelfe  ,  on  parvient  à  percer  le  ballon  :  alors ,  avec 
la  pointe  d'une  petite  lime  ronde  ,  on  arrondit  le 
trou  ,  &  on  l'élargit  autant  que  l'on  veut ,  mais  il 
faut  avoir  la  plus  grande  attention  de  ne  jamais 
forcer  la  lime  à  entrer  :  iî  on  la  ferroit  dans  le 
trou,  elle  feroit  éclater  le  ballon. 

Les  cornues  de  grès  tubulées  font  ordinaire- 
ment Il  mal  percées ,  qu'il  eft  impofîîble  de  bou- 
cher exadement  cette  ouverture  que  les  ouvriers 
ont  formée  en  fabriquant  ces  fortes  de  vaifleaux  \ 
il  vaut  mieux  prendre  des  cornues  non  tubulées, 
&  les  percer  foi-meme.  On  y  parvient  facilement 
par  le  procédé  fuivant. 

On  s'adîed  fur  une  chaife ,  &  on  pofe  fur  fes ge- 
noux une  cornue  de  grès:  avec  un  poinçon  d'acier 
trempé  &  un  petit  marteau ,  on  frappe  circulai- 
rement  à  l'endroit  où  l'on  veut  percer  la  cornue  : 
on  continue  ainiî  de  même  jufqu'à  ce  qu'il  y  ait 
une  petite  ouverture  à  jour  :  on  arrondit  &  on 
agrandit  le  trou  en  y  paffant  une  lime  ronde; 
alors  on  prend  un  bouchon  de  cryjftal  dont  l'ex- 
trémité puilfe  entrer  dans  cette  ouverture  :  on 
tourne  ce  bouchon  avec  de  l'eau  &  du  fablon  dans 
Touverture  qu'on  a  pratiquée  à  la  cornue,  afin  de 
les  ufer  l'un  fur  l'autre.  On  peut,  fi  l'on  veut, 
nvec  de  l'huile  &  de  l'émeri,  polir  le  bouchon  & 
la  tubulure  de  la  cornue ,  en  les  frottant  l'un  dans- 
l'autre  avec  de  ce  mélange.  Ceçte  manière  de  tubu- 


Prolégomènes.  cxvi* 

1er  les  cornues  de  grès  eft  préférable  à  toute  autre 
qu'on  voudroit  employer. 

Il  y  a  dans  Pans  plulieurs  boucheurs  de  flacons , 
qui  percent  les  vaifl^eaux  de  verre  &  les  cornues 
de  grès  ;  ils  fe  fervent  pour  cela  d'une  broche 
creufe  qui  tourne  par  le  moyen  d'une  roue  :  la 
pièce  coupée  entre  dans  la  broche  qui  produit 
l'effet  d'un  emporte-pièce.  Ce  moyen  réuflît  à 
merveille,  lorfqu'on  a  befoin  d'une  ouverture  de 
pliifieurs  lignes  de  diamètre  \  mais  lorfque  les 
trous  ne  doivent  être  que  de  grandeur  à  rece- 
voir l'introdudion  d'une  épingle,  les  ouvriers 
font  fujets  à  faire  éclater  les  vaiffeaux  de  verre. 
Les  vaifleaux  de  grès  réfiftent  mieux  à  l'etfort  de 
cette  efpece  de  foret ,  ôc  ne  font  points  fujets  i 
s'éclater. 


hiîf 


cxviij  Prolégomènes, 


DES     L  U  T  S. 

vJn  facilite  le  fuccès  de  beaucoup  d'opérations 
de  Chyrnie,  à  l'aide  de  différents  mélanges  qu'on 
nomme  luts.  Il  y  a  des  luts  qu'on  applique  au 
corps  des  vaiiTeaux  qui  reçoivent  l'action  immé- 
diate du  feu ,  afin  de  les  garantir  de  la  fufion  ou 
des  fraâ:ures  quelefeupourroit  leur  occafionner. 
Ces  fortes  de  luts  doivent  être  oeu  ou  point  fufi- 
bles  au  grand  feu.  Il  y  a  d'autres  luts  qui  font  def- 
tinés  à  boucher  les  efpaces  que  laiffent  entre  leurs 
cols  des  vailTeaux  qu'on  joint  enfemble  ,  afin 
d'empêcher  la  fortie  des  vapeurs  qui  s'élèvent 
pendant  les  diftillations.  Les  luts  propres  à  ce 
dernier  ufage  font  de  différentes  efpeces ,  &  doi- 
vent être  de  nature  à  réfifter  à  l'aârion  àcs  va- 
peurs ,  fans  fe  diffoudre  &:  fans  fe  délayer  par  ces 
jnêmes  vapeurs. 

J.ut  propre  à  luter  les  cornues  de  verre  &  de  grès 
qui  doivent  fupporter  un  grand  jeu. 

On  mêle  enfemble  deux  livres  de  terre  à  four , 
autant  de  fablon  blanc  ,  une  livre  d'argille  bleue 
un  peu  fufible ,  &  environ  une  once  de  bourre. 
On  délaie  ces  matières  dans  une  fuffifante  quan- 
tité d'eau  pour  former  une  pâte  molle  qui  s'atta- 
che facilement  aux  mains.  U  eft  eflentiel  de  pé- 
trir ce  mélange  long-remps,  jufqu'à  ce  que  la 
bourre  foie  parfaitement  délayée  &:  bien  mêlée  \ 
ee  qui  ?ft  long  &  difficile  :  alors  le  lut  eft  fait. 

Lorf<|aoa  veut  appliquer  ce  lut  fur  une  cor- 


Prolégomènes.  cxix 

nue,  on  prend  dans  une  main  une  certaine  quan- 
tité de  ce  mélange  ,  &  de  l'autre  on  tient  la  cor- 
nue par  le  col  :  on  pofe  ce  lut  fur  \i  cornue  ,  & 
on  rétend  le  plus  également  qu'il  eft  pollible.  On 
obferve  qu'il  y  en  ait  fur  la  cornue  une  cpailîeur 
de  cinq  à  fix  li2;nes  :  alors  on  fait  entrer  dans  le 
col  de  cette  cornue  uu  bâton  fiché  dans  une  table , 
^  on  laiffe  le  Uu  fe  fécher  à  l'air.  Lorfqu'il  elt  fec  , 
on  ote  avec  un  couteau  une  partie  du  lut,  pour 
n'en  laitier  qu'une  épailfeur  de  trois  ou  quatre 
liî7nes  par  tout  :  on  arranire  de  même  le  lut  a u- 
tour  des  ballons,  des  matras,  des  cornues  de 

Le  lut  dont  nous  parlons  efl:  un  peu  fulibîe  au 
grand  feu ,  &  il  eft  néceflaire  qu'il  le  foit  un  peu  ; 
lans  cela  il  fe  gerceroit  en  cuifant,  &  le  détache- 
roit  par  écailles.  Lorfqu'on  préfume  que  le  degré 
de  feu  qu'il  doit  fupporter  fera  incapable  de  lui 
occafionner  quelques  degrés  de  falîon  ,  on  aug- 
mente fa  fufibilité  ,  en  ajoutant  dans  le  mélange 
une  once  ou  deux  de  litharge  ,  ou  de  minium  j  ou 
bien  on  fe  contente  d'appliquer  l'une  ou  l'autre 
fubftance  à  la  furface  du  lut  avec  un  pinceau  : 
pour  cela ,  on  broie  avec  de  l'eau  ou  avec  de 
l'huile  de  lin  ,  la  litharge  ou  le  rrinium  ,  afin  de 
former  une  pâte  liquide:  on  applique  par-delTus 
le  lut  de  cette  pâte  liquide ,  par  le  moyen  d'ua 
pinceau  ,  &:  on  lailfe  fécher  à  l'air  cet  enduit. 

On  applique  encore  le  lut  aux  vailfeaux  de  la 
manière  fuivante.  On  délaie  dans  de  l'eau  le  lut 
terreux  dont  nous  avons  parlé  ,  pour  former  une 
bouillie  un  peu  claire  :  on  plonge  une  cornue  dans 
cette  bouillie  \  il  s'applique  à  fa  furface  un  cou- 
che de  lut.  On  tourne  en  tous  fens  le  vailîeauau 
delfus  d'une  réchaud  de  feu,,  afin  de  faire  dilTipei 

h  iv 


cxx  Prolégomènes. 

rhumidité ,  &  que  le  lut  ne  fe  ralTemble  pas  à 
une  feule  place.  Lorfqu'il  eft  bien  fec  ,  on  plonge 
de  mèni'i  la  coinue  dans  le  lut  icduit  en  bouillie  ! 
on  fait  pareillement  fécher  cette  féconde  couche: 
on  continue  ainfi  de  fuite  jufqu'à  ce  qu'il  y  en  ait 
d'appliqué  de  l'épainTcur  qu'on  defue.  Quand  le 
lut  elt  partaitement  fec  ,  on  ote  avec  un  couteau 
les  endroits  trop  épais  :  on  raccommode"  les  ger- 
çures,  s'il  s'en  trouve,  avec  ini  pinceau  plongé 
dans  le  même  lut ,  qu'on  palfe  à  plufieurs  repri- 
fes  ,  jufqu'à  ce  qu'elles  foient  bien  fermées.  L'une 
&  l'autre  manière  de  luter  les  cornues  font  éga- 
lement bonnes. 

Lut  pour  luter  les  jointures  des  vaijfeaux. 

Le  lut  le  plus  hmple  pour  luter  les  jointures 
des  vailîeaux ,  eft  d'appliquer  delTus ,  de  la  veflie 
bien  mouillée ,  &  de  l'aiïujettir  avec  du  iil.  L'eau 
délaie  de  la  furface  intérieure  de  la  veflie  une 
matière  mucilagineufe  qui  fe  colle  très  bien  au 
verre  ,  &  qui  y  adhère  beaucoup  en  féchant.  Ce 
lut  futHt  pour  empêcher  la  diflipation  des  li- 
queurs aqueufes  ,  &  même  des  vapeurs  fpiri- 
tueufes  &  inflammables  j  mais  il  n'eft  point  en 
état  de  réiifter  aux  vapeurs  falines ,  acides  ou  al- 
kalines  volatiles. 

La  colle  d'amidon  ou  de  farine  cuite  avec  de 
l'eau ,  étendue  fur  des  bandes  de  papier  ,  &:  ap- 
pliquée fur  les  jointures  des  vaifleaux  ,  tonne  en- 
core un  tort  bon  lut  pour  les  ufages  dont  nous 
venons  de  parler  ;  mais  il  eft  de  même  incapable 
de  réfifter  à  l'avion  des  vapeurs  des  acides  roi-^ 


Prolégomènes.  cxx[ 

Lut  de  chaux  &  de  blanc  d'œufs,  '  ■ 

On  met  A:i\\s  une  écuelle  de  grès  deux  ou 
trois  blancs  d'œufs ,  avec  à-peu-près  autant  d'eau  : 
on  fouette  ce  mélange  avec  la  main  pour  délayer 
les  blancs  d'œufs  :  on  ajoute  une  fumfante  quan- 
tité de  chaux  éteinte  A  l'air ,  &  palfée  au  tamis  de 
foie  ,  pour  former  une  pâte  liquide  :  on  met  avec 
les  doigts  de  ce  lut  fur  des  bandes  de  linge  éten- 
dues fur  une  planche  ou  fur  une  table  ,&:on  en 
garnit  les  deux  côtés  du  linge  :  on  applique  ces 
bandes  de  toile  fur  les  jointures  des  vailteaux  :  on 
met  fuccellivement  plufieurs  bandes  l'une  fur 
l'autre ,  &  on  les  alfujettit  avec  de  la  ficelle. 

Il  faut  employer  ce  lut  aufli-tôt  qu'il  vient  d'ê- 
tre fait,  parcequ'il  fe  grumele  &  fe  durcit promp- 
tement  comme  du  plâtre  qui  vient  d'être  gâché  : 
lorfqu'il  s'eft  ainfi  grumelé,  il  ne  peut  ni  coller 
ni  s'appliquer  exadement. 

On  fait  avec  du  fromage  blanc  ,  qu'on  nomme 
à  Vxtis  fromage  à  la  pie  j  èc  de  la  chaux  éteinte  a 
l'air,  un  lut  peu  différent  de  celui  dont  nous  ve- 
nons de  parler ,  &  qui  eft  aufli  bon.  On  prend  la 
quantité  que  l'on  veut  de  ce  homage  :on  le  dé- 
laie dans  une  fuffifante  quantité  d'eau  pour  for- 
mer une  forte  de  bouillie  que  l'on  exprime  au 
travers  d'un  linge  :  on  ajoute  à  cette  liqueur  de  la 
chaux  éteinte  à  l'air,  pour  former  une  pâte  fem- 
blable  à  la  précédente,  &  on  l'emploie  étendue 
fur  des  bandes  de  linge  ,  comme  nous  l'avons  dit 
pour  le  lut  de  chaux  &  de  blanc  d'œufj. 

Lut  d*âne. 

Le  lut  qu'on  nomme  lut  d'une  ne  diffère  du  lut 


cxxiv  Prolégomènes. 

faut  le  conferver  à  la  cave  dans  un  pot  de  grès 
qu'on  bouche  avec  un  couvercle.  Lorfqu'il  eft: 
devenu  trop  Çqc  ,  on  le  ramollit  en  le  pilant  dans 
im  mortier  de  fer ,  &  y  ajoutant  une  dofe  conve- 
nable d'huile  de  lin  cuite.  Le  lut  qui  a  fervi  à 
une  opération  peut  reffervir  à  une  autre  ;  cepen- 
dant c'eft  lorfqu'il  ne  s'eft  point  brûlé  pendant  la 
difrillation-.il  pcutreffervir  ainii  de  fuite  un  grand 
nombre  de  fois  j  il  n^n  devient  que  plus  liant  & 
plus  tenace.  On  bonifie  même  le  nouveau  lut  gras 
en  le  mêlant  avec  du  vieux  lut  fec,  ou  non  fec, 
pourvu  qu'il  n'ait  point  été  brûlé.  Voici  le  moyen 
de  faire  de  l'huile  de  lin  cuite,  qui  fert  à  faire  ce 
lut. 

Huile  de  Lin  cuite. 

Ou.  met  dans  une  bafline  de  cuivre  ou  dans 
une  marmite  de  fer  propre  quatre  livres  d'huile 
de  lin  ordinaire  avec  llx  onces  de  litharge  réduite 
en  poudre  fine  &  paflée  au  tamis  de  foie  :  on  place 
le  vaifTeau  fur  un  fourneau,  &:on  le  chauffe  aifez 
pour  que  l'huile  de  lin  puilTe  dilfoudre  la  litharge. 
On  agite  fans  difcontinuer  ce  mélange  avec  une 
ipatule  de  bois  ,  jufqu'à  ce  que  la  litharge  foit  en- 
tièrement dilîoute  :  alors  on  ôte  le  vailfeau  du 
feu  :  on  le  lailTe  un  peu  refroidir,  &  on  conferve 
dans  une  cruche  bien  bouchée  avec  un  bouchon 
de  licge,  l'huile  qu'il  contient;  c'eft  ce  que  l'on 
nomme  huile  de  Un  cuite  qui  fert  d  faire  le  lut  gras 
dont  nous  venons  de  parler. 

L'huile  de  lin  cuite  eft  connue  des  Peintres  fous 
le  nom  à'huilejiccative.  Les  Epiciers  marchands 
de  couleurs  vende jjt  cecte  huile  préparée  comme 


Prolégomènes.  cx>v. 

nous  venons  de  le  dire  ;  toute  la  ditféi'ence  eft  que 
la  leur  eft  blanche ,  au  lieu  que  celle  qui  eft  faite 
comme  il  vient  d'ètie  dit,  eft  d'un  brun  fonce  : 
cela  eftabfolument  indifférent  pour  former  le  lut 
gras^  mais  il  n'en  eft  pas  de  mcme  pour  l'ufage 
qu'en  font  les  Peintres,  pour  qui  cette  huile  clt 
préparée  :  il  faut  qu'elle  n'ait  point  de  couleur  : 
on  peut ,  en  la  préparant ,  l'obtenir  de  mcme 
fans  couleur  j  il  fuiîic  pour  cela  d'ajouter  de  l'e.iu 
dans  le  vailfeau  pendaht  la  cuite  de  l'huile ,  de 
mcme  c]u'on  le  fut  pour  la  cuite  de  certains  em- 
plâtres. Voyez-en  les  raifons  dans  mes  Eléments 
de  Pharmacie ^  à  l'article  des  emplâtres  dans  la 
compofition  defc]uels  on  fait  entrer  des  prépara- 
tions de  plomb. 

Quelques  Chymiftes  rejettent  l'huile  de  lin 
cuite ,  &  lui  préfèrent  du  vernis  commun  de  fuccin 
pour  former  le  lut  gras.  Ces  raifons  de  préférence 
paroiflent  uniquement  fondées  fur  ce  que  l'huile 
de  lin  cuite  eft  trop  lunplc  &  trop  facile  à  fe  pro- 
curer,  au  lieu  que  le  vernis  de  fuccin  eft  plus  dif- 
pendieux  &  plus  embarralfant  àavoir.  On  eft  fou- 
vent  obligé  de  le  préparer  foi-mcme  ,  n'en  trou- 
vant point  de  bit  dansle  commerce,  parcequ'il 
n'eft  d'aucun  ulage  dans  les  arts.  Je  vais  rapporter 
la  recette  de  ce  vernis  commun  de  fuccin  j  mais  je 
puis  afturer  d'avance  qu'il  n'eft  pas  meilleur  que 
riiuile  de  lin  cuite  dont  nous  venons  de  parler. 
J'ai  fait  fur  cet  objet  toutes  les  expériences  de 
comparaifon  néceftaires. 

Vernis  de  fuccin  qu'on  peut  employer  en  place 
d'huile  de  lin  cuite  pour  former  le  lut  gras. 

On  mec  dans  une  marmite  de  fer  la  quantité 


cxxvj  Prolégomènes. 

qu'on  veut  de  fuccin  réduit  en  poudre  grofîîere. 
On  place  la  marmite  fur  un  feu  capable  de  liqué- 
fier le  fucrin  :  on  l'agite  dans  les  commencements 
avec  une  fpatule  de  bois ,  afin  d'cchaufFcr  &  de 
fondre  enfemble  la  totalité  du  fuccin.  Lorfque  le 
fuccin  eft  parfaitement  liquéfié ,  on  ôte  la  mar- 
mite du  feu  ,  on  la  laille  refroidir  avec  ce  qu'elle 
confient. 

Alors  on  met  dans  une  autre  marmite  de  fer 
deux  livres  de  fuccin  préparé  comme  nous  ve- 
nons de  le  dire ,  avec  trois  livres  d'huile  de  lin 
ordinaire  :  on  fait  fondre  le  fuccin  à  une  douce 
chaleur  j  aulfi-tôt  qu'il  eft  fondu ,  il  fe  dilTouC 
dans  l'huile,  &:  le  vernis  eft  fait.  On  le  tire  du 
feu,  &lorfqu'il  eft  fuffifamment  refroidi ,  &;  on  le 
conferve  dans  une  bouteille.  On  en  fait  \i(zqe  en 
place  d^huile  de  lin  cuite ,  comme  nous  iavons 
dit. 

Le  fuccin  ,  dans  fon  état  naturel ,  ne  peut  fe 
diiïbudre  dans  l'huile  de  lirt  ;  mais  lorfqu'il  a  été 
liquéfié ,  il  eft  changé  de  nature  ,  &c  fe  diflout  très 
bien.  Cette  liquéfadion  fait  diffiper  un  peu  de 
phlegme,  un  peu  d'huile  fluide  &  du  fel  volatil. 
On  peut,  fi  l'on  veut  j  faire  cette  opération  dans 
une  cornue,  6c  y  adapter  un  ballon  j  alors  on  re- 
cueille les  produits  dont  nous  parlons. 

Le  fuccin  eft  une  fubftance  inflammable  ,  il 
arrive  fouvent  qu'il  s'enflamme  pendant  fa  liqué- 
faélion  :  cet  inconvénient  n'apporte  aucun  préju- 
dice à  la  préparation  du  vernis ,  mais  il  eft  impor- 
tant d'arrêter  promptement  l'inflammation  :  il 
convient  d'avoir  à  fa  main  un  couvercle  de  tôle , 
&  de  l'appliquer  fur  la  marmite  aufli-tôt  que  le 
fuccin  ou  le  vernis  s'enflamme ,  afin  d'étouffer  la 
flamme. 


Prolégomènes.  cxxviî 

Cire  molle. 

On  fait  fondie  enfemble  une  livre  de  cire  jaune 
&:  deux  onces  de  tcrébenthine.  Lorfque  ce  mé- 
lange eft  fondu ,  on  le  retire  du  feu  \  on  le  manie 
entre  les  mains  pour  lui  faire  prendre  un  peu  de 
ténacité,  &  pour  qu'il  nefoit  pas  caflTant. 

La  cire  molle  fert  à  boucher  le  petit  trou  des 
ballons  pendant  la  diftillation  des  liqueurs  acides 
ou  alkalines  volatiles  :  elle  ne  peut  fervir  aux  dif- 
tillations  des  liqueurs  fpiritueufes  ,  parcequ'elle 
ferdit  dilFoute.  On  fait  encore  des  bouchons  avec 
de  la  cire  molle,  pour  boucher  des  bouteilles  qui 
contiennent  des  liqueurs  acides  ou  alkalines. 


TEINTURE    DE    TOURNESOL. 

On  prend  une  once  de  tournefol  en  pain  :  on 
le  réduit  en  poudre  grolîierc  :  on  le  met  dans  un 
poêlon  d'argent  avec  environ  dix  ou  douze  onces 
d'eau  pure  :  on  fait  bouillir  ce  mélange  feulement 
un  inftant  :  on  filtre  la  liqueur  au  travers  d'un  pa- 
pier jofeph  ,  &:  on  la  conferve  dans  une  bouteille 
qu'on  a  loin  de  tenir  bouchée.  C'eft  ce  que  l'on 
nomme  teinture  de  tournefol. 

La  teinture  de  tournefol  a  la  propriété  de  rougir 
avec  tous  les  acides,  &  de  faire  connoître  leur  pré- 
fcnce:  lorfqu'on  veut  en  faire  ufage,  on  en  met 
quelques  gouttes  dans  un  verre  avec  plus  ou  moins 
d'eau  ,  afin  de  lui  donner  l'inrenfité  de  couleujj^ 
convenable. 

On  doit  ne  préparer  cette  teinture  qu'avec  du 
tournefol  en  pain,  &;  non  avec  du  tournefol  en 


cxxviij  Prolégomènes. 

drapeau.  Le  tournefol  en  pain  eft  commun  dans 
le  commerce ,  il  eft  en  petits  morceaux  à-peu-près 
quarrés  &  de  couleur  bleue  violette. 


LABORATOIRE  DE  CHYMIE. 

J'ai  penfé  que  quelques  détails  fur  un  labora- 
toire de  Chymie ,  &:  fur  les  inftruments  dont  il 
doit  être  garni ,  pourroient  faire  plailïr  aux  ama- 
teurs qui  voudroient ,  foit  en  province ,  foit  à  Pa- 
ris j  monter  un  laboratoire  propre  aux  opérations 
de  cette  fcience.  Ces  détails  leur  épargneront 
l'embarras  des  recherches  pour  découvrir  la  clalTe 
d'ouvriers  qui  préparent  ces  différents  inftru- 
ments. J'ai  penfé  encore  qu'il  feroit  plus  com- 
mode de  réunir  dans  des  articles  féparés  ce  que 
l'on  trouve  chez  le  même  Artifte  ou  chez  le  même 
Marchand.  Je  joindrai  à  cqs  détails  une  courte 
notice  fur  l'ufage  des  outils  ou  des  inftruments  , 
afin  que  celui  qui  veut  fe  former  un  laboratoire  , 
puilfe  voir  d'un  coup  d'œil  fi  l'inftrument  dont  oï\ 
parle  peut  être  utile  au  genre  de  travaux  qu'il 
veut  entreprendre. 

On  proportionne  la  grandeur  d'un  laboratoire 
aux  opérations  qu'on  fe  propofe  de  faire.  Si  on 
le  deftine  à  des  expériences  de  recherches  ,  com- 
me nous  le  fuppofons ,  il  fufEt  d'avoir  un  empla- 
cement de  douze  ou  quinze  pieds  de  long  fur  à- 
peu-près  autant  de  large.  Il  eft  plus  avantageux 
de  le  faire  au-deftus  du  raiz-de-chauflée  ,  parce- 
que  les  raiz-de-chauffée  font  ordinairement  hu-» 
lïiides ,  les  QijtUs  de  fej  s'y  rouillent,  les  fels  qu^oii 

veut 


Prolégomènes*.  cjndx 

veut  conferver  font  plus  fujets  à  tomber  en  detl- 
quïumy  &:  les  étiquettes  font  expofées  à  fe  décol- 
ler &:  à  s'effacer. 

Il  faut  encore  ,  autant  qu'on  le  peut ,  que  l'em- 
placement qu'on  a  choifi  ,  foit  bien  éclairé.  Cet 
objet  eft  mcme  important.  Il  y  a  un  grand  nom- 
bre de  phénomènes  peu  fenfibles  qui  fe  paflTent 
dans  beaucoup  d'opérations  ,  qui  échapperoienc 
à  la  vue ,  fi  l'on  faifoit  ces  opérations  dans  un  la- 
boratoire mal  éclairé.  La  lumière  des  bougies , 
mcme  multipliées ,  ne  remplace  pas  avec  le  même 
avanraç^e  la  lumière  naturelle. 

Lorlqu'on  s'efl:  arrêté  à  l'emplacement  du  la- 
boratoire ,  on  fait  conftruire  par  un  maçon  un 
manteau  de  cheminée  en  hotte  de  dix  ou  douze 
pieds  de  long ,  &:  de  trois  pieds  &  demi  ou  da 
quatre  pieds  de  profondeur  dans  œuvre  :  on  tient 
le  manteau  élevé  à  une  hauteur  de  cinq  ou  (îx 
pieds  ,  afin  de  pouvoir  pader  librement  delTous  : 
cependant  plus  cette  partie  de  la  cheminée  fera 
balfe  ,  moins  la  cheminée  fera  fujette  à  fumer; 
mais  pour  ne  pas  être  gêné ,  il  eft  difficile  de  lui 
donner  moins  d'élévation ,  que  celle  de  la  hauteur 
d'un  homme  de  taille  ordinaire. 

0\\  fait  arranger  fur  cette  cheminée  un  foufîlec 
à  deux  vents ,  en  obfervant  de  mettre  la  branloire 
i  la  main  gauche.  On  peut  voir  la  difpofition  de 
ce  foufïlet,  ainfi  que  des  tuyaux  pour  la  conduite 
de  l'air  ,  planche  4. 

Sut  le  manteau  de  cette  cheminée  on  fait  pra- 
tiquer par  un  menuifier  plufieurs  tablettes  pour 
recirer  des  ballons ,  des  marras ,  &  autres  vaif- 
feaux  en  état  de  fervir  aux  opérations.  On  garnie 
de  même  le  pourtour  du  laboratoire  de  tablettes 
Tome  i.  i 


cx'xx  'Prolc'pomcnes. 

o 

pout  retirer  des  bouteilles,  des  flacons,  &  les 
produits  des  opérations. 

Sous  cette  cheminée  on  fait  conftruire  une 
forge  en  briques  ,  &  quelques  fourneaux  aufîi  en 
briques ,  à  demeure  fi  on  le  juge  à  propos.  Dans 
l'étendue  de  la  place  reftante  fous  cette  chemi- 
née ,  on  fait  conftruire  en  briques  une  paillafïe 
élevée  d'environ  un  pied  huit  à  neuf  pouces  du 
plancher  du  laboratoire  ,  &:  de  dix-huit  à  vingt 
pouces  de  largeur.  Pour  conftruire  cette  paillafle, 
on  élevé  plufieurs  jambages  en  briques  de  diftance 
en  diftance  ,  fur  lefquels  on  pofe  plufieurs  barres 
de  fer  pour  fupporter  une  rangée  de  briques  fcel- 
iées  en  plâtre  :  on  forme  une  aire  qu'on  peut  faire 
carreler ,  fi  l'on  veut ,  pour  plus  de  propreté.  On 
garnit  l'extérieur  de  cette  paillafle  d'une  bande 
de  fer  plate ,  fcellée  par  les  deux  bouts  dans  la 
muraille  \  Se  pour  l'empêcher  de  baguer  dans  le 
milieu  ,  on  l'alfujettit  avec  quelques  petits  tirants 
de  fer  ,  fcellés  d'efpace  en  efpace  dans  la  mu- 
iaille,  &c  qui  traverient  dans  l'épaiffeur  de  cette 
paillafl^e.  Le  deftous  de  cette  paillafle  ferr  à  re- 
tirer des  bric]ues  ,  de  la  terre  à  four  ,  un  panier 
de  charbon  ,  &:  autres  commodités  qu'il  convient 
d'avoir  à  la  main  dans  un  laboratoire  •>  le  deffus 
de  cette  paillafte  fert  à  pofer  les  fourneaux  por- 
tatifs, qui  fe  trouvent ,  au  moyen  de  cette  difpo- 
fuion  ,  à  une  hauteur  commode  pour  le  fervice. 

Vaijfeaux  de  verre  &  de  cryjlal  qu'on  trouve  che:^ 
prefque  tous  les  Fàiancïers, 

Il  convient  d'avoir  dans  un  laboratoire  de  Chy- 
rtiiê  une  provifion  de  bouteilles  de  verre  bJanc  j, 


Prolégomènes.  cxxxj 

^e  difTérentes  grandeurs  &  A  col  renverfé;  des 
flacons  de  cryllal  auiîi  de  différentes  capacirés  ^ 
bouchés  avec  des  bouchons  de  cryltal  ,  &  ufés  A 
rémcri ,  également  à  col  renverfé.  Ces  vailTeaux 
fervent  à  contenir  les  acides  minéraux  ,  les^  fcls  , 
les  produits  des  opérations  ,  Sec. 

Des  matras  de  différentes  grandeurs  ,  à  col 
long  ,  &:  d'autres  à  col  large  :  on  fait  des  ballons 
avec  ces  derniers  en  coupant  leurs  cols.  Il  eft  bon 
d'avoir  des  matras  à  culs  plats  pour  la  calcination 
du  mercure,  &  d'autres  fubftances  qu'on  voudroic 
faire  calciner  proprement. 

Une  provifion  de  bocaux  de  verre  blanc  pour 
contenir  ^es  poudres  &:  d'autres  matières  feches , 
qu'on  ne  peut  mettre  dans  des  bouteilles  ordi^- 
naires  à  caufe  de  leur  ouverture  étroite. 

Plufieurs  gros  ballons  de  verre  vert  \  a  l'égard 
de  ceux  de  verre  blanc ,  on  les  fait  foj-mcme  , 
comme  nous  venons  de  le  dire ,  en  coupant  le  col 
des  2;ros  matras. 

Des  ballons  tubulés  pour  la  diPcillation  des 
fsls  volatils,  &  d'autres  ballons  percés  de  plu- 
fieurs  ouvertures. 

Plufieuiscapfules  6c  petits  féaux  de  verre  blanc 
pour  les  évaporations  6c  les  cryftaliifations  des 
fcls. 

Plufieurs  entonnoirs  de  verre  de  différentes 
grandeurs,  pour  filtrer  les  liqueurs,  &  pour  intro- 
duire ces  mêmes  liqueurs  d'un  vafe  dans  un  au- 
tre :  on  en  trouve  depuis  la  contenance  de  deux 
pintes  jufqu'à  deux  onces  de  liqueur.  11  faut  que 
ces  entonnoirs  foient  en  cônes  réc^uliers  \  lorf- 
quHls  s'élargilfent  en  cloches  j  ils  font  très  incom- 
modes pour  filtrer  :  il  eft  bien  rare  que  les  fîl- 


cxxxij  Protégôtnenesl 

très  de  papier  qu'on  met  dedans  ne  creveht  pa§ 
pendant  la  filtration. 

Quelques  fpatules  de  verre  pour  remuer  les 
fels  métalliques  ,  les  fpatules  de  métal  étant  at- 
taquées par  les  acides. 

11  eftbon  d'avoir  une  provifion  de  verres  blancs^ 
unis  &  coniques ,  femblables  à  ceux  des  cabarets, 
pour  faire  une  infinité  d'expériences.  La  forme 
conique  eft  néceflTaire  ,  afin  que  les  précipités  , 
lorfqu'il  s'en  forme  ,  deviennent  plus  lenfibles  en 
fe  raraallant  dans  un  petit  efpace. 

Plufieurs  grands  verres,  femblables  à  ceux  dont 
fe  fervent  les  Emailleurs  :  ils  ont  la  forme  des  pré- 
cédents \  mais  il  y  en  a  qui  tiennent  plufieurs  pin- 
tes. Ces  vailfeaux  font  très  commodes  pour  faire 
des  précipitations  &  des  lavages  de  précipités. 
Ces  verres  ont  une  couleur  verte  \  les  Faïancierg 
ne  font  pas  encore  dans  l'ufage  d'en  faire  faire  en 
verre  blanc,  quoiqu'ils  foient  plus  commodes. 

Une  provifion  de  cornues  de  verre  blanc.  On. 
en  trouve  de  toutes  grandeurs  ,  qui  tiennent  de- 
puis douze  pintes  jufqu'à  deux  onces  de  liqueur. 
Il  convient  de  choifir  les  cornues  d'une  belle  for- 
me j  celles  dont  la  panfe  fait  bien  la  poire ,  & 
qui  ont  leur  voûte  en  cône  :  on  doit  rejetter  celle* 
qui  ne  font  pas  d'une  égale  épaifleur  ,  qui  ont  des 
pontis  ou  des  nœuds  ;  ces  nœuds  font  des  parties 
de  matière  mal  vitrifiées  Se  recouvertes  d'une 
pellicule  de  verre.  La  moindre  dilatation  occa- 
fionne  dans  ces  endroits  la  fracture  des  vaiffeaux. 
Il  efi:  bon  d'avoir  aufli  des  cornues  de  cryftal  tu- 
bulées  &  bouchées  avec  des  bouchons  de  cryftal 
ufés  à  l'émeri. 

Quelques  récipients  à  huile  eflentielle.  Il  faut 


Prolégomènes.  cxxxiij 

obferver  que  le  tuyau  en  5  ne  s'élève  qu'à  deux 
ou  trois  pouces  au-delTous  de  l'orifice  du  vaifleau; 
s'il  s'élevoit  à  la  même  hauteur ,  la  liqueur  ne 
pourroit  point  couler  par  le  tuyau  ,  &  cevaiflTeau 
feroit  inutile. 

Plufieurs  alambics  de  verre  de  deux  pièces  ,  de 
d'autres  d'une  feule  pièce ,  avec  la  tubule  bouchée 
d'un  bouchon  de  cryftal. 

Quelques  mortiers  de  verre  ou  de  cryftal ,  avec 
leurs  pilons  de  mcme  matière. 

Un  certain  nombre  d  afliettes  de  faïance  ou  de 
porcelaine. 

Quelques  vafes  à  pefe-liqueurs  ,  &:  quelques 
pefe-liqueurs  pour  reconnoitre  les  degrés  de  fa- 
îure  des  acides  &:  des  alkalis. 

Je  pafle  ici  fous  filenee  tous  les  vaifTeaux  alchy- 
miques  ,  tels  que  les  pélicans  ,  les  vaiffeaux  2e- 
maux,  les  enfers ,  &:c.  Ces  vaiffeaux  font  abfolu- 
ment  inutiles.  On  peut  avec  ceux  dont  nous  par- 
lons ,  faire  plus  commodément  &  plus  furement 
toutes  les  opérations  de  la  Chymie. 

Vaîjfeaux  de  grès  &  de  terre  quon  trouve  cke:^ 
plufieurs  Marchands  Potiers  de  terre» 

On  trouve  chez  plufieurs  Marchands  Potiers 
de  terre  à  Paris ,  mais  qui  ne  font  point  fabri- 
quants ,  les  différents  vaifTeaux  de  grès  &  de  terre 
dont  on  a  befoin.  Savoir  , 

Des  cornues  de  grès  de  différentes  grandeurs. 
Ces  vaiffeaux  font  très  commodes  pour  lesdiftil- 
lations  où  l'on  doit  appliquer  un  arand  dearé 
de  cnaleur,  en  ce  qu  \\%  n  éprouvent  que  peu  ou 
point  a'altcration  de  la  part  du  feu.  Il  eft  im.por- 
.tant  de  ne  point  mouiller  ^  laver  les  vailleaux 

iïij 


cxxxiv  Proie somenes. 

de  grès  qui  doivent  être  expofés  au  grand  feu^ 
îorfqu'ils  ont  ctc  mouillés  ,  ils  décrépitent,  fe  ré- 
duifcnten  poudre,  &  produifent  des  explorons 
très  bruyantes  ;  ce  qui  n'arrive  pas  Iorfqu'ils 
font  neufs ,  confervés  dans  un  endroit  fec  ,  & 
qu'ils  n'ont  jamais  été  mouillés.  On  doit  éviter 
d'employer  par  rapport  à  cela  des  cornues  de  grès 
pour  la  diftillation  des  fubftances  liquides  \  il  faut 
préférer  des  cornues  de  verre. 

Des  cucurbites  de  grès  de  différentes  gran- 
deurs, pour  la  diftillation  du  vinaigre  &:  d'autres 
matières  falines  :  on  adapte  ordinairement  fur 
ces  cucurbites  des  chapiteaux  de  verre. 

Des  terrines  de  grès  pour  la  cryftallifation  des 
fels  ,  &  pour  les  évaporations  des  diffolutions  mé- 
talliques. On  fait  aulîi  des  capfules  de  grès  qui 
fervent  aux  mêmes  ufages  pour  des  opérations 
plus  en  petit.  Il  y  a  de  ces  fortes  de  vaiffeaux  en 
grès ,  qui  tiennent  depuis  vingt-quatre  pintes-juf- 
qu'à  un  poitTon.  On  doirchoiiir  ces  vailïeauxbien 
cuits  :  ils  ont  une  couleur  très  bife.  Ceux  qui  font 
blancs  ou  jaunâtres  font  d'un  grès  mal  cuit  :  ils 
font  poreux,  &  leur  fervice  n'eft  pas  également 
bon. 

Il  convient  d'avoir  dans  un  laboratoire  quel- 
ques cruches  de  grès  ,  pour  contenir  de  l'huile 
d'olive.,  de  l'huile  de  lin  cuite  ,  &  certains  fels 
en  provifion. 

Quoique  les  terrines  de  terre  verniiïees  foient 
d'un  mauvais  fervice  ,  il  eft  bon  d'en  avoir  en 
provifion  :  elles  fervent  à  contenir  du  fable  et  a 
former  des  bains  defible  :  elles  font  bonnes  poui 
faire  certaines  calcinations  qui  n'ont  pas  befoin 
d'un  grand  feu ,  &  pour  lefquelles  le  vernis  de 
plomb  ,  qui  recouvre  iem  intédeuî ,  eft  indilTé-' 
cent, 


Prolégomènes.  cxxxv 

Quelques  affietces  &:  plats  de  terre  verniilés  y 
de  diamètre  à  entrer  dans  les  fourneavix.  Ceî 
"  vaifTeaux  fe  mettent  fous  les  cornues  de  grès  j  afin 
d'en  préferver  le  fond  de  l'aâiion  immédiate"  du 
feu.  On  a  feulement  attention  que  ces  afliettes 
&  plats  ne  remplitTent  pas  tout  le  diamètre  dii 
fourneau  :  il  doit  refter  autour  un  efnace  d'un 
bon  pouce  pour  la  circulation  libre  de  la  chaleur 
&  de  la  flamme. 

On  fait  des  vaifleaux  de  terre  non  vernilTés  , 
qui  ont  la  forme  de  [rots  de  chambre  fans  anfe  , 
qu'on  nomme  camions.  Ces  vailFeaux  ne  rcfiftcnc 
pas  à  une  grande  action  du  feu  j  mais  ils  font  très 
commodes  pour  des  calcinations  moyennes  qu'on 
veut  faire  en  certaine  quantité  à  la  fois  :  ils  font 
plus  larges  &  moins  poreux  que  les  creufets  ordi- 
naires ,  &  on  les  préfère  pour  cette  raifon  dans 
nombre  d'occafions. 

Fourneaux  &  Creufets  quon  trouve  che-^  les  Four- 
nalïjles, 

Plufîeurs  Potiers  de  terre  à  Paris  fabriquent 
des  fourneaux  ,  des  creufets  ,  des  moufles  &  de& 
capfules  de  terre  cuite  :  on  nomme  ces  dernières 
catïns^  ou  têts  à  rôtir.  Se  les  Fournaliftes  leur  don- 
nent improprement  le  nom  de  coupelles.  On  peut 
fe  procurer  chez  ces  fortes  d'ouvriers  , 

1  ''.  Quelques  fourneaux  de  réverbère  de  diffé- 
rentes grandeurs ,  &  compofés  du  nombre  de 
pièces  que  nous  avons  indiquées  en  donnant  la. 
defcription  de  ce  fourneau ,  planche  i. 

1^.  Un  fourneau  de  coupelle  avec  des  trous, 
dans  l'intérieur  à  la  nailfance  de  la  porte ,  &  4  la. 

iiy 


cxxxvj  Prolégomènes. 

partie  antérieure  ,  pour  recevoir  deux  barres  de 
Fer  qui  fervent  à  fupporter  la  moufle. 

3**.  Une  tour  quarrée  creufe  fans  fond  ,  de- 
vant fervirde  fourneau  des  Fondeurs;  on  enfonce 
cette  efpecede  fourneau  dans  une  maçonnerie  de 
briques ,  comme  nous  l'avons  dit  en  faifant  la 
defcription  de  ce  fourneau. 

4°.  Un  ou  plufieurs  couvercles  de  terre  cuite , 
pour  couvrir  le  fourneau  des  Fondeurs. 

5  *'.  Un  demi-cercle  de  terre  cuite,  pour  met- 
tre devant  la  tuyère  de  la  forge  :  on  le  procure 
par  ce  moyen  un  fourneau  à  fondre  devant  la 
tuyère  du  foufflet ,  quoique  cette  manière  de  fon- 
dre foit  fujette  à  percer  les  creufets  &  à  les  fon- 
dre à  l'endroit  où  darde  le  vent  du  fouflflet.  11  y 
a  cependant  des  cas  où  cet  appareil  eft  utile  j 
c'eft  principalement  lorfqu  il  faut  appliquer  un 
fort  coup  de  feu ,  mais  de  peu  de  durée. 

6°.  Le  fourneau  de  M.  Macquer,  dont  nous 
avons  donné  la  defcription  ,  Planche  i  ^  figure  i 
&  2.  On  le  fait  de  plufieurs  pièces,  qu'on  furmonte 
ies  unes  fur  les  autres  ,  jufqu'à  la  hauteur  de 
quinze  ou  dix-huit  pieds.  Ou  celui  dont  j'ai  donné 
la  defcription  ,  figure  4  j,  même  Planche. 

7°.  Des  creufets  de  différentes  grandeurs.  On 
en  fait  de  la  contenance  de  vingt-quatre  livres 
jufqu'à  un  gros  de  fubftance.  Les  grands  creufets 
de  terre  de  Paris  font  à  bon  marché  j  on  peut  pour 
x:ette  raifon  les  employer  :  à  l'égard  des  petits  creu- 
fets ,  ceux  de  HelTe  méritent  la  préférence.  On  en 
trouve  chez  les  Fournaliftes  \  mais  plufieurs  Quin- 
cailliers, vis-à-vis  le  Palais  marchand  ,  en  font  ve^ 
»ir  d'Allemagne  ,  &  font  mieux  afTortis. 

8**.  Des  couvercles  ronds  &  triangulaires  pouç 


Prolégomènes.  cxxxvij 

les  creufets.  On  ne  trouve  point  à  Paris  de  cou- 
vercles de  la  mcme  terre  que  les  creufets  d'Alle- 
magne. Les  Marchands  qui  font  venir  les  creufets 
de  Hefle  ,  ne  font  point  venir  de  couvercles. 

9".  Des  capfules  de  terre  cuite  pour  lescalci- 
nations  &  autres  torréfadions.  11  convient  d'en 
avoir  une  bonne  provifion  ,  &  de  différentes  gran- 
deurs. Les  capfules  de  nos  Fournaliftes  font  or- 
dinairement très  mal  faites ,  6c  mal  unies  dans 
leur  intérieur.  Il  vaut  mieux  faire  foi-même  ces 
fortes  de  vaiffeaux  dans  des  moules  de  bois,  avec 
de  bons  mélanges  de  terre,  dont  nous  parlons 
dans  cet  Ouvrage  à  l'article  des  Fourneaux  &  Creu- 
fets. 

10''.  Des  aludels  :  ceux  des  Fournaliftes  font 
fort  mal  faits  ;  il  vaut  encore  mieux  les  faire  foi- 
mcme  avec  des  camions.  On  fait  fcier  le  fond  des 
camions  ,  &  on  les  furmonte  les  uns  fur  les  au- 
tres. On  obferve  que  le  fond  du  dernier  ne  foit 
percé  que  d'un  petit  trou  dans  fon  milieu.  Les 
aludels  ne  fervent  que  dans  les  laboratoires  des 
Démonftrateurs ,  pour  donner  un  exemple  de  la 
fublimarion  du  foufre.  Cet  appareil  n'eft  point 
TiécefTaire  dans  un  autre  laboratoire ,  fi  ce  n'eft 
pour  les  fleurs  d'antimoine  ,  dont  nous  parlons  à 
ion  article  ,  page  3  3  <>  ,  fécond  volume. 

11''.  Des  moufles  :  il  vaut  mieux  les  faire  foi- 
méme  encore  avec  un  bon  mélange  de  terre,  par 
le  procédé  Imiple  que  nous  indiquons  à  l'article 
des  Fourneaux  &  Creufets. 

11°.  Des  petits  ronds  de  terre  cuite,  qu'on 
nomme  fromages ^  à  caufe  de  leur  forme  ,  pour 
mettre  fous  les  creufets ,  afin  de  les  garantir  du 
courant  d'air  ,  à  quoi  ils  feroient  expofés  s'ils 
ctoient  placés  immédiatement  fur  la  grille  du 


txxxviij  Prolégomènes, 

fourneau  ;  mais  un  morceau  de  brique  remplie  la 
même  indication. 

13°.  Enfin  une  provifion  de  briques  de  relais  , 
de  la  terre  à  four,  afin  de  pouvoir  ,  fuivant  les 
circonftances  ,  conftruire  foi-mcme  un  fourneau 
amovible. 

KaïJJeaux  de  cuivre  que  fabriquent  les  Chaude^ 
ronniers. 

Quelques  bafîînes  de  cuivre  rouge  ou  jaune. 
Celles  d'argent  font  préférables  ,  &  très  commo- 
des pour  les  évaporations  de  beaucoup  de  liqueurs 
falines.  Les  balfmes  de  cuivre  ne  peuvent  abfo- 
lument  pointfervir  à  cet  ufage  :  néanmoins  il  efi: 
difficile  de  s'en  pafTer  dans  un  laboratoire  ,  quand 
ce  ne  feroit  que  pour  faire  chauffer  de  l'eau. 

Un  grand  alambic  de  cuivre  étamé  ,  pour  la 
diftillation  des  plantes  dont  on  veut  tirer  l'huile 
cffentielle ,  avec  un  ferpentin  d'étain  ,  plongé 
dans  une  cuve  de  cuivre.  Le  ferpentin  d'étain  eft 
de  la  compétence  du  Potier  d'étain  :  e'eflaufîi  lui 
qui  le  fonde  dans  la  cuve  de  cuivre. 

Un  petit  alambic  de  cuivre ,  avec  un  bain-ma« 
rie  &  la  chapelle  d'étain  ,  èc  un  petit  ferpentin 
d'étain ,  plongé  dans  une  cuve  de  cuivre.  Il  faut, 
pour  la  conftrudlion  de  cet  alambic  ,  le  concours 
fluChauderonnicr  pour  les  pièces  de  cuivre  ,  & 
celui  du  Potier  d'étain  pour  les  pièces  d'étain. 
C'eft  le  Potier  d'étain  qui  monte  toutes  les  pie^ 
ces  ,  &  qui  achevé  l'alambic.  Il  efl  bien  impor- 
tant de  recommander  à  l'un  &  à  l'autre  ouvrier 
de  faire  ces  pièces  très  minces  ^  car  ils  ont  le  plus 
grand  intérêt  à  le?  faire  pefantes  5<  maflives  ,  ^ 
il  eft  même  difficile  d'éviter  cette  méprife  4e  leuj: 
part.  On  trouvei:^  dans  mes  EUmenxs  de  Phar- 


Prolégomènes.  cxxxlx 

tnac'ie  tous  les  détails  convenables  pour  la  conf- 
'  tru<5i:ion  de  cet  alambic. 

P^aijfeaux  que  fabriquent  les  Potiers  d*étaïn. 

Quelques  petits  baflins  d'étain  ,  des  mefures , 
telles  que  pinte  ,  chcpine  ,  demi-feptier  ,  poiATon 
&  demi-poilfon.  11  faut  prendre  garde  à  cette  der- 
nière mefure  :  les  Potiers  d'étain  en  font  de  deux 
grandeurs  \  l'une  eft  le  feizieme  de  la  pinte  ,  & 
l'autre  ell  faite  pour  ctre  environ  le  dix-huiticme. 

Infirumcnts  que  vendent  les  Balanciers. 

Balances  de  plufieurs  grandeurs,  dont  une  paire 
propre  pour  pefer  des  quantités  proportionnées 
au  travail  qu'on  fe  propofe  de  taire. 

Un  bon  trébucher  avec  des  poids  de  grains.  On 
fait  des  balances  à  fléaux  fins  &:  à  fléaux  com- 
muns. On  doit  préférer  les  premières  ,  paree- 
qu'elles  font  plus  exades  pour  les  expériences. 

Une  paire  de  balances  d'elTai  pour  pefer  les 
-produits  ^Qs  mines  &  les  boutons  de  retour  des 
matières  d'or  &  d'arcrent.  Il  faut  avec  ces  balances 
les  différents  poids  de  femelle  pour  les  elFais  d'or, 
6c  ceux  pour  les  eflais  d'argent.  Voye:^  pour  ces 
poids  les  articles  qui  ont  rapport  à  la  coupcllation 
de  ces  métaux.  On  peut  encore,  fi  l'on  veut,  £e 
procurer  des  poids  fidifsqui  repréfententun  quin- 
tal, avec  tous  les  poids  qui  partagent  ce  qutntai, 
jufqu'au  grain ,  demi-grain  ,  quart  de  grain  ,  &c, 
f^'oyey^  pour  cet  objet  l'article  des  Ejjai  des  Mine^^ 
Les  balances  d'efl^ais  doivent  toujours  erre  enfer- 
mées dans  une  efpece  de  lanterne  de  verre ,  à  Vi* 
bri  de  la  poullîere  6c  de  l'humidité. 


cxl  Prolégomènes. 

Des  poids  de  fer  aflortis  ,  depuis  cinquante  li- 
vres julqu'à  deux  onces. 

Un  poids  de  marc  très  exad. 

Injlruments  qu'on  trouve  chei^  les  Marbriers. 

Un  grand  mortier  de  marbre  pour  piler  des 
herbes ,  &cc. 

Quelques  petits  mortiers  de  marbre  de  diffé- 
rentes grandeurs. 

Les  meilleurs  mortiers  de  marbre  nous  vien- 
nent d'Italie.  Prefque  tous  les  mortiers  de  mar- 
bre qu'on  fabrique  à  Paris  font  faits  avec  une  qua- 
lité de  marbre  qui  a  dans  fa  cafTurc  un  (^rain  lem- 
blable  à  celui  du  grès  :  il  s'étonne  facilement 
comme  du  grès ,  &  le  réduit  en  poudre  comme  lui. 
Les  mortiers  faits  avec  cette  efpece  de  marbre  ne 
durent  pas  long-temps  ;  c'eft  à  quoi  il  faut  prendre 
garde  lorfqu'on  en  fait  l'acquifition.  Le  marbre 
propre  à  faire  de  bons  mortiers  doit  préfenter  dans 
fa  calTure  un  grain  femblable  à  celui  du  quartz. 

Une  pierre  de  porphyre  avec  fa  molette  de  mê- 
me matière ,  pour  broyer  une  infinité  de  fubftan- 
ces  :  mais  lorfqu'on  peut  trouver  une  pierre  con- 
nue fous  le  nom  Ôl  écaille  de  mer  j  on  doit  lui  don- 
ner la  préférence  ,  en  ce  qu'elle  eft  plus  dure ,  &: 
c[u'elle  ne  communique  point  de  couleur  aux 
corps  durs  qu'on  broie  delTus  j  ce  que  fait  le  por- 
phyre. Les  écailles  de  mer  font  une  efpece  de  grès 
nn  &  très  dur ,  qui  eft  à  beaucoup  meilleur  mar- 
jché  que  les  pierres  de  porphyre  :  on  prend  pour 
iervir  de  molette  un  grès  dur ,  un  caillou  ou  une 
|>ierre  a  fufil  qu'on  taille  en  molette. 


I 


ProIégomenAsi  êxlf 

Outils  &  Inflruments  quart  'trouve  che^  les  Quln-^^ 

cailliers. 

Des  fpatulesde  fer  de  différentes  grandeurs, 
donc  une  de  deux  ou  trois  pieds  de  long,  pour 
remuer  les  fels  lorfqu'on  les  fait  deifccher  danj 
des  marmites  de  fer. 

Un  tas  d'acier  poli ,  avec  un  marteau  auflî 
poli ,  pour  planer  les  métaux  lorfqu'on  veut  con- 
noître  leur  dureté  ou  leur  dudilité. 

Quelques  lingotieres  de  fer  pour  couler  les  mé- 
taux lorsqu'ils  font  en  fufîon. 

On  trouve  ehez  les  mêmes  Marchands  une  in- 
finité d'outils  qui  font  nécelTaires  dans  un  labo- 
ratoire ,  tels  que  des  limes  pour  couper  des  vaif- 
feaux  de  verre ,  &:  pour  d'autres  ufages  j  des  cou- 
teaux ,  des  cifeaux  \  des  pinces  plates ,  rondes  j 
briquets ,  tire-bouchons  ,  clous  ,  vrilles  ,  mar- 
teaux communs  ,  tenailles  à  creufets  ,  de  diffé- 
rentes formes  &  de  différentes  forces  j  tenailles 
qu'on  nomme  moujlaches  ;  petites  pinces  à  ref- 
fort ,  que  l'on  nomme  bruxelles  ;  étaux ,  poin- 
çons, &c. 

Outils  &  Injlruments  quon  trouve  cke:^  les  Mar-^ 
chands  de  fer. 

Quelques  marmites  de  fer  de  différentes  gran- 
deurs. Ces  vailTeaux  ont  pkiheurs  ufages  :  ils  fer- 
vent à  lelTiver  les  fels,  de  bains  de  fable  dans  l'oc- 
cafion  ,  &:  quelquefois  de  creufets  pour  calciner 
des  matières  végétales  &  animales. 

Pluûeuis  cuillers  de  fer  battu.  On  fait  fonder 
i  quelques-unes  par  un  Serrurier  une  tringle  pour 
alongcr  le  inAuche  de  quelques  pieds.  Ces  cuit- 


txllj  Prolégomenss, 

1ers  fervent  pour  projetter  dans  les  creufets  des 

madères  qui  font  fiijettes  à  produire  des  explo- 

fions. 

Une  ou  plufieurs  cornues  de  fer  ,  pour  la  dif- 
tillation  des  matières  végétales  &:  animales  ,  & 
pour  fcparer  le  mercure  du  cinabre.  Ces  cornues 
font  très  commodes ,  en  ce  qu'elles  ne  font  pas 
fujettes  à  fe  catTer  pendant  les  opérations,  com- 
me celles  de  grès  &  de  verre  ;  mais  on  en  trouve 
rarement  de  toutes  faites,  il  faut  les  commander  : 
plufieurs  Marchands  de  fer ,  fur  le  quii  de  la  Fer- 
raille, les  font  faire  lorfqu'on  les  en  charge. 

Quelques  pelles  &c  pincettes  à  fourneau ,  des 
petits  fourgons  j  des  pincettes  dont  on  fait  cou- 
per les  bouts  ,  &  qu'on  ajufte  en  pointes.  On  en 
fait  arranger  une  paire  avec  un  point  d'appui  , 
pour  aflujettir  les  tiges  ,  afin  qu'elles  ne  fe  croi- 
ientpas  lorfqu'on  pince  quelque  chofe. 

Quelques  mortiers  de  fer  fondu ,  tournés  & 
polis ,  lorfque  cela  fe  peut.  Il  y  a  des  Tourneurs 
en  fer  ,  qui  entreprennent  ces  fortes  d'ouvrages. 
On  choifit  des  pilons  de  fer  alTortis  à  la  grandeur 
des  mortiers,  &  on  obferve  que  les  deux  bouts 
foienr  garnis  d'acier. 

Un  mortier  de  fer  plus  grand  ,  avec  fon  pilon 
aufli  de  fer  ,  &  garni  d'acier  par  les  deux  bouts. 
On  pofe  ce  mortier  fur  un  bloc  de  bois,  qu'on 
fait  arranger  par  un  Menuifier  ou  par  un  Char- 
pentier. 

Plufieurs  poêles  de  fer  à  manche  court  pour 
prendre  du  charbon  ,  &  pour  fervir  de  bains  de 
fable  dans  l'occafion.  Ces  fortes  de  poêles  font 
très  commodes  pour  cqz  appareil. 

Les  mêmes  Marchands  de  fer  vendent  des  poê- 
les de  faïance  &:  de  fer  de  fonte  :  il  eft  commode 


Prolégomènes.  cxlîi; 

«l'en  faire  placer  un  dans  fon  laboratoire.  Il  vaut 
mieux  le  p-endre  en  fer.  On  fait  pratiquer  en- 
deffus  un  chaliis  de  tôle  fans  fond  ,  avec  un  re- 
bord de  trois  ou  quatre  pouces  de  hauteur.  Ce 
chaflls  eft  retenu  aux  quatre  angles  par  les  vis& 
les  écrous  du  pocle.  Cet  appareil  forme  un  bain 
de  fable. 

On  fait  conftruire  en  tôle  de  Suéde  une  caide 
un  peu  en  forme  de  trémie  ,  avec  deux  anfes  de 
fer  battu  pour  pouvoir  la  porter.  Cette  caifTe  eft 
plus  commode  qu'un  panier  pour  mettre  du  char- 
bon, en  ce  que  le  poulîier  fe  tamife  au  travers 
du  panier  ,  &  fait  de  la  mal-propreté  dans  le  la- 
boratoue;  inconvénient  qui  n'arrive  pas  avec  une 
cailTe  de  tôle. 

Il  eft  commode  d'avoir  dans  un  laboratoire  une 
provifion  de  barres  de  ter  de  différentes  grofleurs 
&  longueurs  ,  pour  placer  des  fourneaux  &  les 
élever  à  la  hauteur  qu'on  veut ,  pour  tifonner ,  & 
pour  une  infinité  d'ufages  dans  le  détail  defquels 
il  feroit  minutieux  d'entrer. 

11  convient  d'avoir  dans  un  laboratoire  de  Chy- 
tnie  une  pierre  d'aimant,  ou  des  barreaux  d'acier 
aimantés.  On  trouve  chez  les  Faifeurs  d'inftru- 
ments  de  mathématiques  des  pierres  d'aimant 
toutes  montées ,  &z  des  barreaux  d'acier  de  diffé- 
rentes formes  parfaitement  bien  aimantés ,  <S:  qui 
font  le  plus  fouvent  plus  forts  que  les  pierres  d'ai- 
mant naturelles.  Il  eft  néceftaire  d'avoir  quatre 
de  ces  barreaux  d'acier  ,  avec  deux  petits  barreaux 
de  fer  pour  fervir  de  point  de  contad  :  au  moyen 
de  ce  nombre  ,  on  peut  leur  donner  de  la  force 
•magnétique,  lorfqu'ils  en  ont  perdu  ,  &:  les  ra- 
commoder  foi-même  fans  avoir  recours  à  d'autre 
aimant. 


cxliv  Proie  gomems: 

Jnjîruments  quon  trouve  cke^  les  Tourneurs  en  bolsi 
&  che-^  les  Tahletlersé 

Pliifîeurs  pilons  de  bois  dur ,  comme  de  frêne, 
d'acacia  ou  de  buis  j  ceux  de  gayac  font  trop  fu- 
jecs  à  (e  cafTer. 

Une  preHTe  pour  exprimer  les  huiles  des  fe- 
mences  huileufes ,  Se  les  fucs  des  plantes.  On 

Îeut  la  faire  en  fer  ,  alors  on  s'adreflTe  à  un  Tail- 
andier. 

Des  fpatules  de  bois  dur  de  différentes  gran- 
deurs. 

On  trouve  des  fpatules  d'ivoire  chez  les  Table- 
tiers. 

Injlruments  quon  trouve  che-^  les  Boijfelïers. 

Un  gros  foufïlet  à  deux  vents  pour  une  forge  : 
un  foufflet  à  lampe  d'Emailleur  ;  on  le  fait  mon- 
ter fur  une  table  par  un  Menuifier,&  le  Ferblan- 
tier fait  les  tuyaux  de  conduite  pour  l'un  &  l'au- 
tre foufïlet. 

Pluiieurs  tamis  de  foie  couverts  j  de  différents 
degrés  de  fineffe.  Plufieurs  tamis  de  crin  couverts 
&  non  couverts  ,  pour  pafTer  des  poudres  moins 
fines.  On  trouve  auiïï  chez  les  BoifTeliers  des  gou- 
pillons gros  &  petits ,  pour  nettoyer  les  tubes  , 
&  l'extrémité  des  entonnoirs. 

Injlruments  que  vendent  les  Fondeurs  en  cuivre, 

'  Moules  à  coupelles ,  de  différentes  grandeurs , 
&  des  moules  pour  former  foi-même  des  têts  à 
rôtir,  &  lingotieres  à  pierre  infernale:  mais  on 
jie  trouve  pas  ces  inftruments  tout  faits  j  il  faut 

les 


Prolégomènes',  cxlv 

\e5  commander ,  &  donner  des  modèles  en  bois. 
On  peut ,  fi  Ton  veut ,  fe  contenter  de  moules 
en  bois  pour  former  les  coupelles  &  les  têts  à. 
rôtir. 

Injiruments quon  trouve  chc:^  les  Fa'fcurs  de  Ther- 
momètres. 

Un  bon  baromètre  fimple  eft  préférable  à  ceux 
qui  font  compofés.  Plufieurs  thermomètres  à  mer- 
cure &  à  efpritde  vin  très  exadts ,  &z  fuivant  une 
graduation  connue.  A  Paris  ,  on  ne  fe  fert  que  de 
ceux  faits  fur  l'échelle  de  Rcaumur.  Les  thermo- 
mètres les  plus  commodes  pour  les  expériences 
font  ceux  qui  font  renfermes  dans  des  tubes  de 
verre  ,  &:  qui  ont  la  boule  en  dehors.  Ces  ther- 
momètres peuvent  cire  plongés  dans  des  liqueurs 
acides,  alkalines ,  &:c.  fans  craindre  d'ctre  gâtés. 

On  trouve  chez  les  mêmes  Artiftes  des  pefe- 
liqueurs  pour  les  fels  j  des  pefe-Iiqueurs  pour 
connoître  les  degrés  de  redification  des  liqueurs 
fpiritueufes  ,  &  tous  les  petits  inftruments  en 
verre  dont  on  peut  avoir  bcfoin  dans  un  labora- 
toire ,  tels  que  des  entonnoirs  à  longs  tuyaux , 
pour  introduire  à^s  liqueurs  dans  des  cornues 
fans  falir  leurs  cols,  &c.  &:c.  On  trouve  ces  inf- 
truments chez  les  faifeurs  de  thermomètres. 
Acier  Perica,  qui  demeure  rue  Saint  Antoine, 
eft  un  des  meilleurs  ouvriers  dans  cette  partie. 

Nous  nous  difpenferons  d'entrer  dans  le  détail 
d'une  infinité  de  petits  objets  que  lebefoin  indi- 
que fuffifamment ,  tels  qu'un  réfervoir  de  plomb , 
ou  une  fontaine  de  grès  ;  vieux  linges  pour  luter 
&;  elTuyer,  linge  de  coutil  pour  la  prelfe  j  ficelle, 
bouchons ,  fable  ,  &  grès  égrugé.  Ce  font  les 
Tome  L  k 


cxlvj  Prolégomènes. 

Chandeliers  qui  vendent  à  Paiis  ces  dernières  fub* 
ftances.  Ronds  de  nattes  de  ditFérentes  grandeurs, 

f>oar  pofer  les  vailîeaux  de  verre  qui  n'ont  point 
e  cul  plat.  Les  Nattiers  font  ces  ronds  de  nattes, 
que  Ton  nomme  valets  dans  les  laboratoires.  Des 
boîtes  de  différentes  grandeurs  j  fourneaux  de 
lampe  :  ce  font  les  Ferblantiers  qui  les  fabri-» 
quent ,  6cc.  &c. 


«j>*y   *;ssî«*  V^i-, 


VOCABULAIRE 

De  plufieurs    termes  de   Chym'ie, 

A. 

AlivAEst  eft  le  nom  que  quelques  Alc!iymifl-c<: 
ont  donné  pour  exprimer  un  diflolvant  univcrfel. 
Les  Alchymiftes  3  voient  imnginé  pouvoir  produira 
un  femblahle  menftrue,  &  qui  Kit  propre  a  diC- 
foudre  indiftindement  tous  les  corps  de  la  Na^ 
ture  j  ils  ont  donne  à  ce  prétendu  menftrue  le  nom 
faftueux  è^alhaeji  ou  de  dijjo/vjnt  unïvcrfel.  Ce 
diirolvant  univerfelcft  un  pioblCmequi peutctre 
mis  dans  la  cialle  de  ceux  du  verre  malléable  ,  de 
la  tranfmutation  des  métaux  ,  du  mouvement 
perpétuel,  ccc.  Les  diflérents  corps  font  pourvus 
de  propriétés  qui  font  relatives  à  leur  nature  \  il 
faut  à  ces  corps  des  diflblvants  différents,  ^5f'^an- 
helmont  a  donné  au  nitre  fixé  par  les  charbons 
le  nom  à'alkaeji  ,  parceque  cet  Alchymiftecroyoic 
que  ce  fel  éroit  un  dilfolvant  univerfel. 

Alkalescent.  On  donne  ce  nom  à  des  fub- 
ftances  légèrement  alkalines  ,  ou  à  celles  qui  le 
deviennent  en  éprouvant  le  mouvement  de  pu- 
tréfaction ,  &  qui  commencent  à  exhaler  une 
odeur  d'alkali  volatil. 

Alkalisé.  C'eft  donner  des  propriétés  alkali- 
nes à  des  fubftances  qui  n'en  avoient  point ,  telles 
que  le  nitre  qu'on  fiit  détonner  avec  une  ma- 
tière inflammable  j  l'acide  nitreux  fe  détruit,  il 
refte  la  bafe  alkaline  de  ce  fel.  Il  en  eft  de  même 
ilu  tartre  qu  on  fait  brûler  j  l'acide  de  cette  fub- 

kij 


cxlviij  Vocabulaire. 

tance  fe  détruit  par  la  combuftion  ,  &  il  refteun 
fel  aikali  fixe  :  l'opération  qui  produit  cet  effet  fe 
nomme  alkalïfer  &  alkalifatlon, 

AiKooL.  0\\  donne  ce  nom  à  des  poudres 
réduites  dans  l'état  de  la  plus  grande  ténuité. 

On  donne  auffi  ce  nom  à  de  l'efprit  de  vin  rec- 
tifié autanr  qu'il  peut  l'être.  Boerhaaveemployoit 
le  terme  à'alkool  pour  défigner  le  principe  in- 
flammable le  plus  pur  &  réduira  fon  plus  grand' 
degré  de  {implicite. 

Alliage.  C'eft  l'union  des  différentes  matières 
métalliques  les  unes  avec  les  autres. 

La  fufion  des  métaux  eft  une  condition  abfolu- 
ment  néce (faire  pour  l'union  des  matières  métal- 
liques ,  mais  elle  ne  fuffit  pas  pour*  toutes  :  par 
exemple ,  le  plomb  &  le  zinc  ,  ou  le  plomb  &c  le 
cobalt ,  ou  le  régule  d'antimoine  &  le  mercure  , 
&:c.  ne  s'unififent  point  par  ce  feul  moyen. 

Les  fubftances  métalliques  qui  peuvent  s'unir 
par  la  fuiion  ,  fourniffent  des  alliages  qui  ont 
des  propriétés  différentes  des  métaux  pris  féparé- 
ment.  Les  alliages  métalliques  ont  moins  de  duc- 
tilité que  les  métaux  en  particulier  j  ils  font  aulîî 
pour  l'ordinaire  d'une  pefanteur  fpécifique  plus 
grande  que  les  métaux.  Cet  effet  provient  de  ce 
que  les  métaux  fe  pénètrent  mutuellement ,  & 
que  leurs  parties  fe  logent  réciproquement  dans 
les  pores  de  ces  mêmes  métaux.   % 

Amalgame.  C'eft  l'union  que  peut  former  le 
mercure  avec  les  fubftances  métalliques. 

Apyre.  Les  Chymiftes  &  les  Naturaliftes  dé- 
lignent  par  ce  terme  les  fubftances  infufibies  ,  & 
qui  n'éprouvent  aucune  altération  de  la  part  du 


Vocabulaire.  cxlix 

plus  grand  feu  que  l'on  puilTe  produire  dans  nos 
j    Fourneaux.  Voye-:^  Réfradtaires. 

!  Athanor  eft  un  fourneau  ordinaire,  à  coté 
j  duquel  on  pratique  au-delfiis  du  foyer  une  tour 
[  dans  laquelle  on  met  une  provifion  de  charbon 
noir  bien  enfermé.  Ce  charbon  tombe  à  mefure 
que  cela  eft  néceffaire  dans  le  foyer  du  fourneau  , 
à  l'aide  d'un  plan  incliné  qu'on  a  difpofc  au  bas 
de  la  tour  6c  dans  fon  intérieur.  On  a  imas;iné 
ce  fourneau  afin  de  n'ctre  point  alTujetti  à  mettre 
du  charbon  à  tout  moment  \  l'origine  de  fon  nom 
viQntdQ  piger  he/iricus  J  fourneau  des  pareffeux. 
Ce  fourneau  a  toutes  fortes  d'inconvénients  :  le 
charbon  ne  tombe  pas  ,  ou  tombe  en  trop  grande 
quantité  j  &  il  eft  difficile  d'avoir  im  teu  égal  , 
quoiqu'il  ait  été  imaginé  pour  produire  cet  etret. 

B. 

Bains.  On  nomme  bains ^  différentes  fub- 
ftances  qui  fervent  de  milieu  pour  recevoir  la 
chaleur  immédiate ,  &:  pour  la  tranfmettre  d'une 
manière  plus  douce  aux  corps  plongés  ou  placés 
dans  le  centre  de  ces  fubftances.  Les  matières 
qu'on  emploie  le  plus  ordinairement  font  l'eau  ÔC 
le  fable. 

Lorfqu'on  plonge  dans  de  l'eau  le  vafe  qui 
contient  les  fubftances  fur  lefquelles  on  opère  , 
cet  appareil  fe  nomme  bain-marie.  Comme  l'eau 
qui  a  la  liberté  de  s'évaporer ,  ne  peut  recevoic 
qu'un  degré  de  chaleur  déterminé,  on  tranfmet 
par  fon  moyen  un  degré  de  chaleur  toujours  égal. 
Voyc-^  mes  Eléments  de  Pharmacie  ^  à  l'article 
Alambic  à  bain-marie  ^  page  iz  ,  troifieme  édi- 
tion. 

k  iij 


cl  Vccahulaïre. 

Si  le  vafe  ne  reçoit  de  la  chaleur  que  par  la 
vapeur  de  l'eau  ,  l'appareil  porte  le  nom  de  haïn 
de  vapeurs. 

On  nomme  bain  de  fable  ^  l'appareil  où  le  vaif- 
feau  eft  renfermé  dans  du  fable  Ce  bain  efl:  em- 
ployé pour  tempérer  l'aclivité  du  feu  nud  ;  mais , 
comme  le  fiible  peut  prendre  tous  les  degrés  de 
chaleur  qu'on  veut  lui  appliquer  ,  on  peut  regar- 
der la  chaleur  du  bain  de  fable  égale  à  celle  du 
feu  nud.  Le  fable  a  feulement  l'avantage  de  re- 
tenir les  vaiffeaux  dans  la  htuarion  où  on  les  a 
placés ,  &  d'empêcher  ua  peu  leur  affaillemcnt , 
s'ils  viennent  à  fe  ramollir  par  la  violence  du 
feu. 

Les  Alchymiftes  ont  imaginé  beaucoupde bains 
inutiles ,  tels  que  de  cendres ,  de  limaille  de 
fer ,  &:c  Toutes  ces  matières  ne  rempliifent  pas 
mieux  que  le  fible  les  indications  qu'on  fe  pro- 
pofe ,  éc  ne  méritent  abfolument  aucune  préfé-» 
rence. 

Le  bain  de  fumier  qu'on  nomme  aufîi  bain  de 
vent'e  de  cheval ^  eft  un  bain  imaginé  par  les  Al- 
chymiftes ,  qui  ne  vaut  pas  le  bain-marie  :  le  bain 
de  fumier  confifte  à  placer  dans  un  tas  defumieu 
un  matras  qui  contient  les  fubftances  qu'on  veut 
faire  dipérer  à  une  chaleur  douce.  Le  fumier  ne 
fournit  pas  une  chaleur  égale  \  elle  eft  forte  au 
commencement  de  la  fermentation  des  matières 
véeétales  ,  &  foible  &  même  nulle  fur  la  fin. 

Base.  On  donne  communément  le  nom  do 
hafe  à  Tune  de  deux  fubftances  unies  &  combi- 
jiées  ,  qui  donne  du  corps  &  de  la  folidité  à  celle 
qui  n'en  n'a  point ,  comme  cela  fe  rencontre  dans 
les  Tels  neutres  compofés  d'alkalis  fixes ,  ou  de  m«- 


I 


Vocabulaire.  cl| 

tâl ,  ou  de  terre  :  cui  dit  alors  hafe  alkallne  j  bafe 
métallique  _,  bafe  terreufe  j  parceqne  ces  fubllances, 
en  fe  combinant  avec  les  acides ,  leur  donnent 
du  corps  ôc  de  la  folidité. 

BocARD  fe  dit  des  machines  propres  à  piler  les 
mines  dans  les  travaux  en  grand  :  ce  font  des  pi- 
lons mus  dans  des  mortiers  à  l'aide  dunco.urant 
d'eau. 

C. 

CandÉfaction  fe  dit  de  l'acllon  par  laquelle 
on  fait  rougir  par  l'adion  du  feu  ,  un  corps  qui 
ne  contient  pas  alTez  de  matières  combuftibles 
pour  qu'il  puitTe  fubfifter  dans  cet  état  \  il  ne  peut 
relier  rouge  qu'à  l'aide  d'un  feu  étranger  qu'oi* 
lui  applique. 

Caput  mortuum  :  voye-^  Rcfidu. 

Circulation  fe  dit  de  l'adion  par  laquelle- 
une  liqueur  enfermée  dans  un  vailfeau  ,  s'clev- 
dans  la  partie  iupcrieure  ,  &c  retombe  continuele 
lenient  dans  le  même  vaiffeau.  Ces  opérations  fe, 
font  dans  des  vailîeaux  de  rencontre,  dans  des 
pélicans  ,  &c.  Elles  fe  pratiquent  pour  ouvrir 
ou  pour  combiner  plus  intimement  des  fubftances. 
enfemble.  Les  Alchymiftes  font  beaucoup  d'ufage 
de  ces  opérations ,  &c  elles  font  peut-être  trop, 
négligées  dans  la  Chymie. 

Coagulum.  Efpece  de  gelée  provenant  d'une 
ou  de  plufieurs  liqueurs  qu'on  mêle  enfemble.  On 
nomme  coagulum  le  caillé  du  lait.  Le  mélange  de 
l'huile  de  chaux  &  de  l'alkali  fixe  en  liqoeur  forme 
lin  magma  épais  que  l'on  nomme  coagulum. 

On  dit  quelquefois  qu'un  fel  fe  coagule ,  pout 

k  iv 


clij  Vocabulaire. 

dire  qu'il  fe  cryftallife  j   cette  expreflîon  eft  aU 
chymique. 

CoHOBATiON.  Opération  par  laquelle  on  dif- 
tille  une  liqueur  fur  le  marc  refté  dans  l'alambic. 
Cette  opération  fe  fait  lorfque  la  fubftance  ^xe  , 
foumife  à  l'adtion  de  la  liqueur  diftillée,  n'a  pas 
été  fuftîfamment  pénétrée  par  une  première  diftil- 
lation.  Cette  opération  produit  à  peu  près  le  même 
effet  que  la  circulation ,  mais  elle  en  diffère  à  cer- 
tains égards.  Voye-^  ce  mot. 

CoNDiNSATiON.  Ow  entend  par  ce  mot  le 
rapprochementdes  parties  d'une  fubftance  dilatée. 
De  l'eau  réduite  en  vapeurs  eft  de  l'eau  dilatée. 
Lorfque  le  froid  oblige  {q^  parties  à  fe  rapprocher, 
elles  fe  condenfent,  occupent  moins  d'efpace  &c 
fe  réduifent  en  eau  :  on  dit  alors  que  les  vapeurs 
de  l'eau  fe  font  condenfées. 

D. 

DÉCANTATION.  Opération  par  laquelle  on  fé- 
pare  une  liqueur  de  delTus  un  dépôt  ou  un  marc. 
On  décante  une  liqueur  en  la  verfant  doucement 
&par  inclination. 

Départ.  On  entend  par  ce  mot  la  féparation 
de  l'or  d'avec  de  l'argent  par  le  moyen  de  l'eau 
forte,  à  l'effet  de  connoître  le  titre  de  l'or  j  il  eft 
prefcrit  par  les  Ordonnances  d'allier  l'or  avec  trois 
parties  d'argent.  Voye-^  //;^i/i7rr.  Si  l'prétoit  moins 
allié  ,  il  défendroit  une  partie  de  l'argent  de  l'ac- 
tion du  dilTolvant ,  &■  le  départ  ne  feroit  point 
«xa^lt. 

Digestion.  Séjour  d'une  liqueur  fur  une  fub- 
iUnce  renfermée  dans  un  vaifteau  clos ,  tel  qu  uq 


Vocabulaire.  cliij 

matras.  La  digeftion  fe  fait  à  froid  ,  ou  a  la  cha- 
leur du  foleil,  ou  à  celle  d'un  bain  de  fable  chauffé 
inodérément.  Cette  opération  ff  tau  pour  extraire 
ou  pour  difloudre  quel»:jues  fubftances  à  l'aide 
d'une  liqueur. 

Dureté.  Qualité  qu'ont  certains  corps,  &  qui 
confifte  dans  la  difficulté  qu'ils  ont  à  le  lailTer en- 
tamer ,  ou  dans  la  réfiRance  qu'ils  oppofent  à  la  fé- 
paration  de  leurs  parties.  Il  y  a  une  grande  variété 
entre  les  corps  pour  raifon  de  leur  dureté  :  il  n'y  a 
point  de  corps  qui  ait  une  dureté  ablolue.  Cette 
propriété  n'appartient  vraifemblablement  qu'aux 
molécules  primitives  des  éléments.  Il  eft  difficile 
de  connoître  la  caufe  de  la  dureté  des  autres  corps  ; 
cette  propriété  n'eft  point  en  raifojicompoféede  la 
compacité  ni  de  la  ténacité  de  leurs  parties.  L'or 
ell  le  corps  le  plus  pefant ,  &:  celui  dont  les  par- 
ties ont  le  plus  de  ténacité  ,  ^  il  n'cll:  point  le 
plus  dur. 

Les  corps  les  plus  aigres  &:  les  plus  caffants  pa- 
roiflent  être  les  plus  durs ,  cependant  les  demi- 
métaux  qui  onx.  ces  propriétés  ne  font  pas  les 
corps  les  plus  durs.  L'acier  trempé  eft  fort  aigre 
&  tort  calTant ,  il  eft  auffi  le  plus  dur  parmi  les 
matières  métalliques  j  mais  il  n'cft  pas  le  plus 
dur  des  corps  de  la  Nature  :  une  lime  bien  trempée 
ne  fait  point  de  trace  fur  le  diamant. 

Les  corps  les  plus  durs  font  dans  la  clalTe  des 
pierres  vitriHables  \  mais  celles  qui  font  les  plus 
pures  ne  font  pas  les  plus  dures  :  le  cryftal  de  roche 
qui  eft  la  terre  vitriiîable  la  plus  pure  ,  parce- 
qu'elle  n'éprouve  aucune  altération  de  la  part  du 
feu  ,  n'eft  pas  (î  dur  que  le  diamant.  Le  caillou 
eu  pierjre  à  fufil ,  qui  n'eft  pas ,  à  beaucoup  près  , 


cliv  Vocabulaire. 

une  pierre  aiifTi  pure  que  le  cryftal  de  roche  ,  eft 
plus  dur  que  Ini  ;  il  raie  cette  dernière  fubftance  , 
&  le  cryftal  de  roche  ne  peut  rayer  la  pierre  à  fufil 
noire.  On  peut  juger  de  la  dureté  d'un  corps  par 
la  facilité  qu'il  a  à  rayer  les  autres  :  la  pierre  à  uifil 
noire  raie  &  entame  tous  les  corps.  11  n'y  a  peut- 
être  dans  la  Nature  que  le  diamant  qui  foit  plus 
dur  que  la  pierre  à  fulil  noire.  Si  le  diamant  eft  le 
corps  le  plus  dur ,  comme  on  doit  le  préfumer,  & 
après  lui  ,  la  pierre  à  fufil  noire  ,  la  dureté  des 
corps  n'eft  point  en  raifon  de  leur  pureté  ,  puif- 
que  le  diamant  &  le  caillou  ne  font  pas  les 
pierres  les  plus  pures  -.cette  propriété  n'eft  pas 
non  plus  en  raifon  de  leur  pefanteur  fpécifique  , 
puifque  les  métaux  qui  font  les  corps  les  plus  pc- 
fants,  font  moins  durs  :  enfin  la  dureté  des  corps 
n'eft  point  en  raifon  de  la  ténacité  des  parties  , 
puifque  l'or  qui  eft  le  corps  le  plus  tenace  ,  neft 
pas  le  plus  dur.  Il  y  a  ,  comme  on  voit ,  une  belle 
fuite  d'expériences  à  faire  pour  connoîrre  lacaufe 
de  la  dureté  des  corps.  Tout  ce  que  l'on  peut  dire 
de  pi  us  général  quant  à  préfen  t ,  eft  qu'il  paroit  que 
la  dureté  dépend  beaucoup  de  l'arrangement  & 
de  la  figure  des  molécules  primitives  &  confti- 
tuantes  des  différents  corps ,  fur  lefquelles  il  eft 
difficile,  &:  peut-être impofiible,  d'acquérir  quel- 
cjues  connoiflances. 

E. 

Edulcorer.  C'eft  adoucir  une  fubftance  en  fé- 
paranr ,  par  le  moyen  d'un  lavage  avec  de  l'eau  , 
les  matières  falines  qu'elle  contient ,  comme  lorf- 
qu'on  lave  un  précipité  terreux  ou  métallique  pour 
le  débarraffer  des  fels  avec  lefquels  il  eft  mclé. 

Effervescence.  Mouvement  qui  fe  produit 


Vocabulaire.  cly 

dans  une  liqueur  ,  &  par  lequel  elle  augmente  ae 
volume  fans  augmenter  de  poids,  &  dans  laquelle 
il  fe  produit  une  éhullition.  L'effervefcence  efl 
ordinairement  occafionnée  par  de  l'air,  ou  par 
quelque  liquide  réduit  en  vapeurs  qui  s'échap- 
pent j  l'un  &  l'autre,  quoique  dégagés,  confer- 
vent  un  peu  d'adhérence  avec  la  malTe  :  en  fe 
dilTipant,  ils  fouleventcettemalfeplus  ou  moins, 
6c  produifent  le  gonflement  qu'on  obferve.  Du 
Jait  fur  le  feu ,  qui  augmente  de  volume ,  efl:  en 
efFervefcence. 

Eff^ervefcencc  fe  dit  auflî  du  mouvement  &:  du 
gonflement  qui  s'excite  entre  deux  liqueurs  qui 
fe  combinent ,  comme  lorfqu'on  verfe  un  acide 
fur  un  alkali  ,  ou  lorfqu'on  fait  dillcudre  une 
fubft:ance  feche  par  un  acide.  L'efïervefcence  eft 
ordinairement  accompagnée  de  chaleur  ,  mais  pas 
toujours  :  nous  verrons  dans  le  cours  des  opéra- 
tions qu'il  y  a  des  eff^ervefcences  qui  produifent 
du  froid.  Les  efl^ervefcences  font  fuivies  de  petits 
jets  de  liqueur  qui  font  occafionnés  ,  comir.e 
nous  venons  de  le  dire ,  par  l'air  ou  par  cjuelqucs 
fubfl^ances  réduites  en  vapeurs,  ^  fouvent  par 
tous  les  deux  en  même  temps. 

F. 

FuLiGiNosiTÉ.  On  nomme  ainfi  une  fuie  lé- 
gère qui  s'attache  aux  corps  froids  fous  la  forme 
d'une  fleur ,  pendant  la  combufl:ion  des  matières 
huileufes.  On  nomme  fuligl no f té ,'7ietanicjue  une 
fuie  légère  qui  fe  forme  également  pendant  la 
combuflion  des  fubft:ances  métalliques. 

G. 

GnANULER.  Ceft  réduû'e  en  grenailles  ou  me^ 


civj  Vocabulaire. 

nues  parties  un  métal  fondu.  On  le  coule  pour  cet 
effet  doucement  dans  de  l'eau  ,  &  on  s'épargne 
par  ce  moyen  la  peine  de  le  limer  ou  de  le  couper 
par  petits  morceaux. 

I. 

Incandescence  eftla  même  chofe  quecandé- 
fadion  :  voye:^  ce  mot. 

Inquart  ou  Quartation.  Opération  par  la- 
quelle on  ajoute  à  de  l'or  déjà  allié  d'argent ,  une 
nouvelle  quantité  de  ce  dernier  métal ,  pour  que 
l'or  fe  trouve  faire  le  quart  du  poids  de  l'argent  : 
l'acide  nitreux  ,  par  ce  moyen  ,  attaque  plus  faci- 
lement l'argent.  On  fait  ce  mélange  pour  connoî- 
tre  le  titre  de  l'or  par  le  moyen  du  départ  :  voyc"^ 
Départ. 

L. 

Lut  hermétique.  Opération  par  laquelle  on 
ferme  à  la  lampe  d'Emailleur  le  col  d'un  vaifleau 
de  verre  :  ce  lut  n'en  eft  point  un ,  c'eft  une  con- 
tinuité du  même  vaiiTeau.  Cette  manière  de  fer- 
mer les  vaiffeaux  vaut  mieux  que  tous  les  luts 
quelconques.  Le  nom  hermétique  lui  a  vraifem- 
blablement  été  donné  à  caufe  du  Philofophe  Her- 
mès qui  en  faifoit  beaucoup  d'ufage  dans  fes  opé- 
rations alchymiques. 

On  dit  aufli  fceller  hermétiquement  pour  déiî- 
gnerl'adion  de  fermer  à  la  lampe  d'Emailleur  les 
vaifTeaux  de  verre. 

M. 

Macération.  Cette  opération  confifte  à  faire 
tremper  des  fubftances  ,  foit  à  froid ,  foit  à  une 
douce  chaleur,  dans  une  liqueur ,  pour  les  ramol- 


yocahulalre.  clvij 

Hr,  les  ouvrir,  les  pénétrer  ,  ou  pour  extraire 
quelque  principe  prochain. 

Menstrue.  C'elt  le  nom  ordinaire  que  l'on 
donne  à  une  liqueur  qui  peut  dil^oudre  en  entier, 
ou  quipeutextraire  feulement, certaines  fubftan- 
ces  d'un  corps.  Les  menftrues  fervent  à  analyfer 
les  corps,  &  on  adonné  à  l'analyfe  faite  par  leur 
moyen  le  nom  âHanalyfc  par  les  menftrues.  Com- 
me les  corps  qu'on  peut  analyfer  varient  à  l'in- 
fini ,  les  menftrues  qu'on  peut  employer  font 
aufïi  de  différente  nature.'  Les  menftrues  font 
l'eau,  l'efprit  de  vin  ,  les  huiles,  les  acides  mi- 
néraux &:  végétaux ,  les  fels  alkalis  fixes  &c  vo- 
latils ,  les  favons  ,  &:c.  &c.  Des  corps  folides 
font  fouvent  employés  comme  menftrues  ;  mais 
il  eft  quelquefois  néceffiire  de  les  faire  entrer 
en  fufion ,  &  de  les  mettre  dans  l'état  de  flui- 
dité, pour  qu'ils  puiffent  agir  fur  les  corps  qu'on 
leur  préfente  ,  tels  que  le  plomb  qu'on  emploie 
pour  féparer  l'argent  uni  au  cuivre ,  comme  cela 
le  pratique  dans  l'opération  qu'on  nomme  lïqua- 
tion.  Les  menftrues  fecs  &:  folides  s'emploient 
ordinairement  par  la  voie  feche  ,  comme  les  al- 
kalis fixes  ,  auxquels  on  veut  faire  diftbudre  èits 
matières  terreufes  j  ces  menftrues  ne  pourroient 
dilToudre  ces  fubftances  autrement. 

R. 

Rectificatton.  Procédé  par  lequel  ow  faitfu- 
bir  à  une  fubftance  une  opération  qu'elle  a  déjà 
éprouvée  ,  afin  de  la  réduire  dans  un  plus  grand 
degié  de  pureté  :  telle  qu'une  liqueur  qui  a  déjà 
étédiftillée,  &  qu'on  diftille  une  féconde  fois  ; 
ou  une  fubftance  déjà  fublimée  qu'on  fait  iubli- 


clvlij  l'ocabulalre, 

nier  de  nouveau  \  un  fel  ciyftallifé  qu'on  d'iîoilt 
dans  de  l'eau  ,  2>:  qu'on  fait  reciyftalhfer.  Sec.  Ces 
opérations  fc  font  à delTein  de  pinihcr  les  liqueurs 
pour  les  obtenir  plus  fpiuitueufes ,  ou  pour  dé- 
Darralfer  les  fels  fublimés  ou  cryftallifés  des  fub- 
ftances  étrangères  qui  pouvoient  altérer  leur  pu- 
reté. 

Réfractaires  fe  dit  des  corps  infufîbles  au 
plus  grand  feu  que  l'on  puifiTe  produire  dans  des 
fourneaux ,  mais  qui  peuvent  éprouver  ou  ne 
point  éprouver  d'altération.  La  terre  calcaire  ,  par 
exemple ,  eft  réfraébaire  ,  parcequ'elle  eft  infufi- 
ble  :  mais  elle  n'eft  point  apyre  ,  parcequ'elle 
éprouve  des  altérations  de  la  part  du  feu  \  diftinc- 
tion  très  luraineufeque  M.  Macquer  fait  dans  fon 
Dictionnaire  de  Chymie. 

Résidu.  On  donne  ce  nom  aux  matières  qui 
reftent  après  les  opérations.  Les  anciens  Chymifîes 
donnoient  à  ces  mêmes  fubftazices  les  noms  de 
cctput  monuum  ÔJ  de  terres  damnées'^  ils  enten- 
doient  déiigner  par  ces  dénominations  des  fub- 
ftances  qui  ne  pouvoient  rien  fournir  davantage. 
Mais  les  Chymiftes ,  par  ce  mot ,  défignent  feu- 
lement les  matières  qui  reftent  après  les  opéra- 
tions. Les  réfidus  font  fouvent  chargés  de  fub- 
ftancesqui  font  plus  elTentielles  à  connoître  que 
les  produits  des  opérations  mêmes. 

Registres.  On  nomme  ainfi  de  petites  ou- 
vertures qu'on  pratique  autour  des  f-ourneaux  , 
&  qu'on  bouche  avec  des  bouchons  de  terre  cuire , 
dans  le  delfein  de  partager  le  courant  de  l'air ,  & 
de  diftribuer  la  chaleur  plus  également  :  mais  on 
fupprime  aujourd'hui  les  regiftres  des  fourneaux. 


J'^ocalulaire.  dix 

parcequ'ils  ne  produilent  pas  l'effet  qu'on  en  at- 
tendoir. 

S. 

Sang  de  Salamandrf.  La  falamandre  efl: 
un  animal^  fabuleux  que  l'on  dit  pouvoir  vivre 
dans  le  feu.  Les  Alchymiftes  ont  nommé  Ji^ng 
de  falamandre  l'acide  nirreux  qui  fe  réduit  en  va- 
peur rouge  pendant  les  opérations  \  mais  ces  dé- 
nominations allégt)riques  ne  fervent  qu'à  voiler 
leur  ignorance. 

Stratifier.  C'eft  placer  lit  fur  lit  des  fub- 
ftances  de  différente  nature  ,  dont  l'une  doit 
porter  fon  aclionfur  l'autre  :  lorfqu'on  veut ,  par 
exemple  ,  convertir  le  fer  en  acier ,  on  met  alter- 
r.ativement  une  couche  de  cément  &  une  couche 
de  barreaux  de  fer  \  ce  que  l'on  continue  jufqu'a 
ce  que  le  vaiflean  foit  rempli. 

V. 

Volatil.  On  nomme  cor^^s  volatils  ceux  qui 
ont  la  propriété  de  fe  difliper  par  l'aélion  du  feu. 
11  y  a  une  grande  diverfité  parmi  les  fubftances 
qui  ont  cette  propriété.  11  y  a  des  corps ,  comme 
l'efprit  volatil  de  fel  ammoniac,  l'éthcr,  l'efpric 
de  vin ,  certames  huiles  très  red^ifiées  ,  qui  fe 
dilîipentfans  le  fecours  d'aucune  chaleur  ,  même 
à  une  température  de  froid  très  confidérable.  Il 
paroît  qu'il  feroit  difficile  de  déterminer  n  quelle 
température  de  froid  ces  liqueurs  cefleroient  de 
s'évaporer  \  elles  s'évaporent  même  plus  rapide- 
ment lorfqu'elles  fontexpofées  à  un  air  très  froid , 
que  lorfqu'elles  font  expofées  à  un  air  tempéré. 


c\t  J^ocahuldire. 

L'érat  fec  de  l'air  concribue  beaucoup  à  leur  cva- 
poration. 

Il  y  a  des  corps  au  contraire  qui  ne  peuvent  fe 
didiper  par  la  chaleur  qui  règne  ordinairement 
<lans  l'air  j  il  faut  leur  appliquer  une  chaleur  plus 
forte.  Les  uns  s'évaporent  au  degré  de  chaleuf 
de  l'eau  bouillante^  telles  font  les  fleurs  de  ben- 
join :  d'autres  ne  peuvent  fe  difliper  qu'à  un  de- 
gré de  chaleur  fupérieur.  Enfin  il  y  en  a  qui  ne 
peuvent  s'évaporer  que  lorfqu'ils  font  rougis  a 
blanc. 


I 


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\^  %#  ^^'' 


CHYMIE 


4  js^*-f-?*-;i^       <S<LciP*<Le!>^        è?"'^^'^-^  ' 


C  H  Y  M  I  E 

EXPÉRIMENTALE 

E  T 

RAISONNÉ  E. 


Introduction  a    la  Chymie. 

L  A  Chvmie  eu.  une  fcience  fondée  fur  l'expc- 
rience  :  elle  a  pour  objet  l'anaJyfe  ou  la  dccom^ 
pofîtion  de  tous  les  corps  de  la  Nature ,  &  la  coni- 
binaifon  de  tous  ces  corps,  ou  de  leurs  principes , 
les  uns  avec  les  autres  ,  pour  former  de  nouveaux 
compofés. 

Plulleurs  Chymiftes  habiles  font  entrés  dans 
de  très  grands  détails  pour  faire  connoitre  toute 
l'utilité  de  cette  fcience  dans  les  arts  :  en  effet  , 
elle  en  a  fourni  plulleurs  à  la  fociété  ,  dont  oii 
auroit  beaucoup  de  peine  à  fe  palier  aujourd'hui  ; 
tels  que  ceux  de  la  verrerie ,  de  la  fonte  des  mi- 
nes &  des  métaux.  La  Chymie  porte  tous  les  jours 
fon  flambeau  dans  les  arts  qui  font  de  (on  ref- 
fort  :  elle  en  perfectionne ,  &  elle  en  crée  mémo 
de  nouveaux.  Ses  objets  d'utilité  font  tout  aufli 
étendus  dans  la  Phyfique  expérimentale  &c  dans 
THiftoire  Natuxelie.  Nous  ne  nous  arrêterons  pas 
T^r?2€  /«  A 


a  Chymie  expérimentale 

davantage  fur  cette  matière  ,  afin  de  ne  point 
groflir  cet  ouvrage  de  chofes  qui  ne  font  que  de 
pure  curiofifc. 

Objet  de  la  Chymie. 

L'objet  de  la  Chymie  efl:  etTentielIement  de 
reconno'itre  la  nature  &:  les  propriétés  des  corps 
naturels.  Mais  avant  de  nous  occuper  de  cet 
objet ,  il  convient  de  jetter  un  premier  coup-d'œil 
général  fur  les  différents  corps  que  nous  offre  la 
Nature. 

Les  Chymiftes  &  les  Naturaliftes  font  conve- 
nus de  divifer  d'abord  tous  les  corps  naturels  en 
trois  grandes  claflcs  qu'ils  nomment  règnes  ;  fa- 
voir,  le  règne  minéral  ^  le  règne  végétal  _^  &  le 
règne  animal. 

Les  objets  qui  font  du  règne  minéral ,  font 
tous  les  corps  que  la  Nature  produit  &:  renferme 
dans  le  fein  de  la  terre  :  ces  corps  n'ont  aucun 

f)rincipe  de  vie  ni  de  végétation  :  ils  font  abfo- 
ument  privés  de  toute  efpece  de  faculté  repro- 
du6tive  :  la  plupart  ont  feulement  une  forte  d'ar- 
rangement fymmétrique  ou  de  cryftallifation. 
Les  corps  de  ce  règne  font  les  minéraux  propre- 
ment dits  ,  qui  fournilTent  les  métaux ,  les  mé- 
taux eux-mêmes,  les  pierres,  les  fables,  les 
terres  de  toutes  efpeces  ,  &c. 

Les  corps  du  règne  végétal  font  tous  ceux  qui 
végètent  à  la  furface  de  la  terre  ,  &  qui  y  font 
attachés  par  des  racines  :  c'eft  par  cqs  racines 
qu'ils  tirent  la  plus  grande  partie  de  la  nourriture 
propre  à  leur  accroiffement ,  mais  non  pas  toute , 
car  les  feuilles  &  les  tises  en  tirent  aulfi  de  l'air 
par  leurs  pores.  Les  végétaux  font  pourvus  de 
parties  propres  à  la  génération ,  &:  fe  reproduifent 
par  le  moyen  des  graines  j  ce  en  quoi  ils  différent 


tTîlAÎSÔNNil.  I 

des  corps  du  règne  minéral,  comme  nous  venons 
de  le  faire  obferver.  Les  corps  qui  appartiennent 
au  règne  végétal ,  font  les  arbres ,  les  plantes  ,  les 
moufles ,  les  gommes ,  les  rélînes  éc  toutes  les 
fubftances  qui  en  dépendent.  Les  végétaux  ont 
une  forte  dévie ,  un  principe  de  mouvement  qui 
eft  fuffifant  pour  élaborer  &:  perfectionner  les 
fubftances  dont  ils  fe  nourriflent  ,  &  pour  les 
aflimiler  à  la  leur  propre.  Us  ont  même  la  faculté 
de  combiner  pliifieurs  principes  ,  &:  de  produire 
des  compofcs  très  compliques  que  l'art  n^eft  pas 
encore  parvenu  à  imiter. 

Enfin,  les  ctres  qui  compofent  le  règne  animal , 
font  ceux  qui  ont  du  fentiment ,  la  faculté  de  fe 
mouvoir ,  d'agir,  de  faire  ufage  des  fens  dont  la 
Nature  les  a  doués ,  de  fe  reproduire  Se  de  veiller 
continuellement  à  leur  confervation  :  tous  les 
êtres  qui  ont  une  partie  ou  la  totalité  des  facultés 
dont  je  viens  de  parler,  font  du  règne  animal. 

Si  les  végétaux  ,  comme  nous  1  avons  fait  re- 
marquer ,  ont  la  propriété  d'élaborer  les  fub- 
ftances  qui  fervent  à  leur  nourriture  ,  les  animaux 
1  ont  la  faculté  d'élaborer  d'une  manière  bien  plus 
t  marquée  ,  les  fubftances  qui  fervent  aufli  à  la  leur. 
Us  changent  tellement  la  nature  des  aliments 
dont  ils  fe  nonrrilfent ,  que  la  plupart  des  fub- 
ftances ,  en  palfant  dans  le  corps  animal ,  éprou- 
vent ,  pour  l'ordinaire ,  des  changements  3c  des  al- 
térations qui  les  dénaturent  au  point  de  les  rendre 
méconnoiïrables. 

Toutes  ces  facultés  des  végétaux  &:  des  animaux, 
qui  produifent ,  dans  les  uns  &  dans  les  autres  , 
des  effets  qui  ont  entre  eux  ben.ucoup  de  reffem- 
blance  ,  ont  conduit  plufieurs  Phyficiens  à  trou- 
ver une  fimilitude  parfaite  entre  ces  deux  règnes: 
Se  ce  n'eft  pas  taut-à-fait  fans  fondement  j  car 

Aij 


4  Chymie  expérimentale 

nous  verrons  dans  un  raornent ,  que  les  corps  de 
ces  deux  règnes  ont  encore  des  propriétés  chymi- 
ques  qui  leur  font  communes.  Quoi  qu'il  en  foie, 
les  animaux  font  pourvus  defentiment  :  ils  font , 
par  cette  faculté ,  faciles  à  diftinguer  d'avec  tous 
les  autres  cttes  de  la  nature  ,  qui  en  font  abfolu- 
ment  privés.  En  vain  voudroit-on  accorder  du 
fentimentà  la  plante  que  l'on  novn\-nQ  fenjidve ^ 
parcequ'elle  lailfe  pencher  les  feuilles  qu'on  tou-' 
che  ,  &c  les  feuilles  voifuies  de  celles  qui  font 
touchées.  Cet  effet  doit  plutôt  ctre  attribué  à  la 
difpoiition  des  fibres  nerveufes  de  la  plante  , 
mifes  en  jeu  par  un  mouvement  communiqué, 
&  peut-être  par  quelque  commotion  électrique 
qu'on  n'a  pas  même  tenté  de  rechercher  dans  cet 
effet. 

Quelques  Naturaliftes,  ayant  remarqué  dans  la 
plupart  des  minéraux  un  arrangement  fymmétri- 
que ,  une  cryftallifation ,  ont  cru  y  reconnoître 
une  organifation  à-peu-près  femblable  à  celle 
des  végétaux  àc  des  animaux.  Le  célèbre  M.  de 
Buffon  (i)  croit  même  qu'on  peut  fe  difpenfer  de 
diviferainû  en  trois  grandes  claffes  les  corps  de 
la  Nature.  Il  penfe  (\\ion  peut  defcsndrepar  degrés 
prefqiu  infenfibles  j  de  la  créature  la  plus  parfaite 
jufquà  la  matière  la  plus  informe  j  de  l'animal 
le  mieux  organifé  jufquau  minéral  le  plus  brut. 
M.  Bonnet  a  développé  cette  idée  dans  les  pre- 
miers chapitres  de  fa  Contemplation  de  la  Nature, 
Il  y  met  fous  les  yeux  des  Leéteurs  un  tableau 
très  éloquent  de  la  chaîne  graduelle  des  êtres  : 
le  néant  eft  à  un  bout  de  cette  chaîne  j  l'exiftence 
infinie  occupe  l'autre. 

(i)  Dans  le  premier  volume  de  fon  excellent  Ouvrage 
fur  l'Hiftoire  Naturelle,  page  ix  de  l'édition  w-4?. 


ET      RAISONNE  s.  5 

Avant  ces  deux  célèbres  Ecrivains  ,  Hombere 
avoir  cru  devoir  renoncer  à  la  divinon  commune 
des  produdions  naturelles  en  trois  claffes.  On  lit 
dans  les  Mémoires  de  l'Académie  (  année  i  yoz  , 
page  34  ) ,  que  ce  Chymifte  les  réduifoit  à  deux  : 
i*'.  les  matières  minérales  :  2°.  les  matières  vé- 
gétales, d^ns  lefque/Ics  ,  dit-il,  nous  compren- 
drons aujfjl  les  animaux  ;  car  les  plantes  &  les  ani- 
maux produifant  les  mêmes  principes  dans  les 
analyfes  3  il  ne  paraît  pas  qu  on  doive  en  faire  deux 
clajes  différentes.  Aufli ,  il  m'arrivera  fouvent  de 
les  défigner  colleéVivement  fous  les  noms  de  corps 
organises j   3c  de  corps  corvhujlihles. 

L'idée  de  MM.  de  Biiffon  &  Bonnet  eft  d'une 
philofophic  fublime  quiTalfemble  fous  un  point 
de  vue  tous  les  êtres  de  la  Nature ,  pour  les  con- 
fidérer  enfuite  d'un  même  coup  d'œil. 

Mais  on  ne  peut  difconvenir  que  cette  diftri- 
bution  générale  des  corps  en  trois  règnes  ne  pa- 
roiHe  toute  iimple  ,  &  qu'elle  ne  foit  d'ailleurs 
très  commode  pour  mettre  dans  nos  connoiflances 
un  ordre  qui  foulage  la  mémoire  duPhyficien, 
&  l'œil  du  Naturalifte. 

Celui-ci  cependant ,  s'arrctant  à  des  cara6leres 
extérieurs  pour  diftinguer  les  corps  ,  peut  être 
fouvent  féduit  par  de  faufTes  apparences.  Le  Chy- 
■mifte  échappe  i  cette  illufion  par  l'analyfe  à  la- 
quelle il  (ôumet  les  fubftances  qu'on  lui  préfente. 
Quelque  défigurées  qu'elles  puilfent  être  ,  il  les 
reconnoît  &  faifit  fur -le -champ  le  fecret  de  la 
Nature.  Nous  ferons  donc ,  fur  la  divifion  des 
trois  règnes,  plufieurs  remarques  qui  viendront  à 
l'appui  du  fentiiïient  de  MM.  de  BufFou ,  Bonnet 
&:  Homberg. 

Tous  les  corps  organifés  font  eflentieltement 
combuftibles ,  éc  font  aliment  du  feu,  parcequ'ils 

Aiij 


i?  Chymie  expérimentale 

font  les  feuls  qui  contiennent  une  fubftance 
grafle  &  vraiment  huileufe  ,  qu'on  fépare,  par 
l'analyfe  ,  des  matières  végétales  &c  animales.  Au 
contraire  ,  tous  les  corps  qui  appartiennent  véri- 
tablement au  règne  minéral ,  ne  font  point  com- 
buftibles,  tant  qu'ils  font  feuls  :  ils  ne  peuvent 
fervir  d'aliment  au  feu  :  ils  doivent  bien  ,  à  la 
vérité  ,  aux  corps  organifés  le  peu  de  fubftance 
inflammable  qu'ils  contiennent  ;  mais  elle  n'eft 
plus  dans  l'état  huileux.  Les  corps  de  ce  règne 
ne  fourniflent,  dans  toutes  les  opérations  ordi- 
naires de  la  Chymie,  aucune  fubftance  huileufe. 
Les  matières  végétales  &  animales ,  en  féjournant 
dans  la  terre ,  fouffrent  des  altérations  confidé- 
rables.  Cette  efpece  d'épuifement  les  fait  rentrer 
dans  le  caractère  des  matières  purement  minéra- 
les ,  tel  que  le  phlogiftique  qui  entre  dans  la 
compofîtion  des  métaux,  &  dont  l'origine  eft 
due  aux  matières  combuftibles.  Cette  obfervation 
que  je  jette  en  paftant,  fera  difcutée  :  elle  con- 
firme l'idée  des  Physiciens  que  j'ai  cités  plus 
haut. 

A  l'égard  des  matières  huileufes  Se  des  bitumes 
qui  fe  trouvent  dans  plufîcurs  endroits  de  la  terre, 
&  même  à  des  profondeurs  confidérables ,  ils 
doivent  leur  origine  aux  corps  organifés  qui  fe 
trouvent  accidentellement  au  fein  de  la  terre. 
Ce  font  les  débris  des  végétaux  &  des  animaux 
qui  ont  été  engloutis  par  de  grandes  révolutions 
qui  arrivent  de  temps  en  temps  à  la  furface  de 
notre  globe. 

Il  refaite  de  ce  que  nous  venons  d'expofer , 
qu'on  pourroit  ,  à  la  rigueur  ,  réduire  à  deux 
grandes  clafl^es  tous  les  corps  de  la  Nature  ;  favoir, 
les  corps  organifés  Se  les  minéraux.  Le  but  de  la 
Nature  eft  de  compofer  de  de  déçompofer  :  elle 


ET      RAISONNÉ  E.  f 

fait  prefque  toujours  ces  deux  grandes  opérations 
en  même  temps ,  &c  dans  le  même  fujet.  Pour  y 
parvenir ,  elle  a  départi  aux  corps  organifés  la 
faculté  de  compofer  toute  la  matière  combulhble 
qui  exifte  fur  notre  globe  ,  en  combinant  les  élé- 
ments d'une  manière  qui  leur  eft  propre ,  &  y  a 
recelé ,  pour  ainfi  dire  ,  la  plus  grande  partie  du 
feu  qui  nous  vient  dufoleil. 

La  terre  ouvre  aulîi-tot  fon  fein  pour  engloutir 
ôc  détruire  les  corps  organifcs  qu'elle  a  fait  croître: 
elle  s'approprie  les  éléments  qui  fe  font  combinés 
à  fa  furtace  ,  pour  fe  les  diftribuer  A  fon  gré  :  tel 
eil ,  en  deux  mots ,  le  fyftême  général  des  grandes 
opérations  de  la  Nature  ;  mais  toute  furprenante 
que  pourra  paroître  cette  idée ,  j'efpere  la  dé- 
montrer dans  tout  fon  jour  j  &  faire  voir  en  fon 
lieu  ,  que  c'ell:  aux  corps  organifés  qu'on  doit  rap- 
porter le  fyllême  général  de  l'organifation  de  la 
croûte  fuperticielle  du  globe  ,  dans  laquelle  on  a 
pénétré. 

Nous  ferons  voir ,  lorfque  l'occafion  fe  pré- 
fentera  ,  les  petites  diftérences  que  l'analyfe 
fait  obferver  entre  les  végétaux  Se  les  animaux  : 
il  fuffit  de  dire  ,  quant  à  préfent  ,  que  les  mi- 
néraux qui  font  bien  véritablement  dans  l'état 
minéral  ,  différent  des  corps  organifés  ,  en  ce 
que  la  matière  combuftible  qu'ils  contiennent , 
eft  dans  l'état  de  (îccité  parfaite ,  &C  non  dans  l'é- 
tat huileux  ,  comme  elle  fe  trouve  dans  les  corps 
organifés. 

Telles  font  les  propriétés  les  plus  générales  des 
fubftances  de  la  Nature,  qu'il  convenoit  de  faire 
d'abord  connoître ,  afin  d'éviter  un  plus  grand 
nombre  de  généralités  toujours  difficiles  à  faille 
dans  les  commencemeucs. 


IV 


1?  ChYMIE    EXPEKIMENTi^LE 

Vc  VAnalyfc  ou  de  la  Décompojîùon  chymique 
des  corps. 

On  entend  par  analyfe  ou  décompofition  chy- 
mique  des  coips  ,  la  féparation.  des  principes  qui 
conrtituent  les  corps  «-ompofés. 

Les  fubftances  qu'on  fépare  des  corps  par  leurs 
analyfes,  font  hétérogènes  entre  elles,  &  ont  des 
propriétés  différentes  des  corps  d'où  on  les  a  fé- 
parees. 

Sur  quoi  nous  obfervons  que  la  divifion  mé- 
ehanique  qu'on  peut  faire  des  corps ,  à  l'aide  des 
inftruments  tranchants  ou  contondants ,  eft  infuf- 
fifante  pour  opérer  leur  décompolition  :  on  par^ 
vient  bien  à  les  réduire  en  molécules  très  déliées, 
i  leur  faire  préfenter  plus  de  furface  j  mais  il  eft 
împoflible ,  par  ces  moyens,  d'en  féparer  leurs  par- 
ties conftituantes.  Les  plus  petites  parties  d'un 
corps  très  divifé  ont  elTentiellement  les  mêmes 
propriétés  que  le  corps  avoir  avant  fa  divifion ,  ex- 
cepté celles  qui  peuvent  appartenir  à  fon  volume. 

Nous  pouvons  rendre  cela  fenfible  par  un  exem- 
ple ,  &  fiire  voir  en  quoi  l'analyfe  diffère  de  la 
divifion  méchanique.  Suppofons  un  corps  corn- 
pofé  d'argent  ^  de  foufre.  L'argent  eft  un  métal 
très  fixe  au  feu  \  le  foufre  eft  une  fubftance  très 
volatile.  Si  l'on  expofe  ce  compofé  à  l'aétion  du 
feu ,  dans  des  vailteaux  clos ,  le  foufre  s'élèvera 
feul  à  la  partie  fupérieure  des  vaifleaux  ,  &  s'y 
attachera  ;  l'argent,  comme  fixe  ,  rcftera  au  fond 
<lu  vaiiïeau,  &  fera  abfolument  pur.  Ainfi  cela 
formera  une  véritable  analyfe ,  ou  une  féparation 
des  principes  prochains  qui  compofoient  le  corps 
^Qnt  nous  parlons,  puifqu'on  obtient  féparément 
les,  parties  conftituantes ,  qui  font  le  foufre  & 
l'argent ,  fans  (qu'ils  aient  fuM  d'altération ,  & 


ET      MAISONNEE.  9 

«jui  ont,  chacun  féparément,  des  propriétés  diffé- 
rentes que  lorfqu'iîs  ctoient  unis. 

On  nomme  principes prochiZins  ceux  qu'on  fé- 
pare  des  corps  pendant  leur  analyfe  ,  tels  que  ces 
principes  exiftoien  t ,  fans  qu'ils  aient  fouffert  d^al- 
tciation.  Ces  mêmes  principes  prochains  peuvent 
fouvent  être  eux-mcmes  décompofés  en  d'autres 
fubftances  ;  &:  ces  fubftances  peuvent  encore  être 
décompofcesen  d'autres  fubftances  plus  fimples  , 
&  cela  jufqu'à  ce  que  les  corps  foient  réduits  aux 
cléments  primitits  dont  ils  font  eflentiellement 
compofés.  C'eft  pour  cette  raifon  que  les  Chy- 
miftes  font  convenus  de  diftinguer  en  principes 
prochains  &:  en  principes  primitifs-,  les  fubftances 
qu'on  fépare  des  corps  pendant  leur  analyfe.  Les 
principes  prochains  peuvent  être  décompofés  par 
des  opérations  ultérieures  ;  mais  les  principes 
primitifs  ne  font  plus  fufceptibles  d'éprouver  de 
dccompolltion  ni  d'altération. 

Il  feroit  abfolument  impoflible  de  parvenir  , 
par  la  fîmple  divifion  ou  pulvérifation  ,  à  une 
femblable  décompofition.  Les  plus  petites  mo- 
lécules du  compofé  contiendroient  toujours  de 
l'argent  &  du  foufre  dans  les  mêmes  proportions 
qu'on  les  auroit  fait  entrer  dans  la  maffe. 

Ce  moyen  d'analyfer  les  corps  n'eft  pas  tou- 
jours efficace  pour  obtenir  leurs  principes ,  foit 
prochains ,  foit  primitifs  :  cela  vient  de  ce  que 
tous  les  corps  ne  font  ni  également  fimples ,  ni 
également  compofés,  ni  aufli  faciles  à  décom- 
pofer.  Il  y  a,  fur  cet  objet,  une  variété  confidé- 
rable.  Il  y  a  même  plufieurs  corps  auxquels  il  eft 
abfolument  impoflible  de  caufer  la  moindre  alté- 
ration j  ce  font  ceux  que  nous  examinerons  bien- 
tôt fous  le  nom  d'éléments  ou  de  principes  pri" 
mitifs  des  corps. 


ïo  Chymie  expérimentale 

Il  y  a  d'autres  fubftances ,  &  ce  font  les  corps 
organifés ,  qui  font  fi  faciles  à  fe  dénaturer,  que  , 
par  ce  moyen  d'analyfer,  il  eft  impoflible  de 
recueillir  leurs  principes  prochains ,  tels  qu'ils 
exiftent  dans  ces  corps.  Ils  fe  trouvent  tellement 
dénaturés  ,  après  une  femblable  analyfe ,  qu'ils 
font  abfolument  méconnoilTables.  Ces  difficultés 
ont  engagé  les  Chymiftes  à  chercher  d'autres 
moyens  d'analyfer  les  corps  ,  fans  leur  caufer 
d'altération  fenfible  j  &  c'eft  à  quoi  l'on  eft  par- 
venu à  l'aide  de  différents  menftrues  :  de  là  font 
venues  ces  diftindtions  d'analyfe  par  le  feu ,  ÔC 
d'analyfe  par  le,s  menftrues. 

L' analyfe  par  le  feu  eft  celle  où  l'on  fe  fert  de 
l'action  immédiate  du  feu  ,  pour  décompofer  les 
corps ,  comme  nous  venons  de  le  dire. 

L' analyfe  par  les  menjlrues  conCiikQ  à  faire  palier 
fur  les  corps  qu'on  veut  analyfer ,  des  liqueurs  de 
différente  nature ,  propres  à  ditfoudre  fuccefli- 
vement  les  fubftances  qui  entrent  dans  la  compo- 
fition  des  corps.  Ce  moyen  s'emploie  avec  beau- 
coup de  fuccès  pour  féparer  des  végétaux  de  des 
animaux  leurs  différents  principes  prochains ,  fans 
leur  caufer  d'altération  fenfible  ,  fl  ce  n'eft  de  fe 
trouver  mêlés  avec  un  peu  du  menftrue  qu'on  a 
employé.  Un  exemple  va  donner  une  idée  claire 
de  l'analyfe  par  les  menftrues.  Suppofons  une 
plante  qui  contienne  de  la  gomme  ,  de  la  réfine , 
du  fel  efî'entiel ,  &c.  en  paftant  fucceifivement 
fur  cette  plante  de  l'eau  ,  de  l'efprit  de  vin  ,  de 
l'éthèr ,  écc.  on  l'épuifera  de  fes  principes  pro- 
chains. L'eau  diftbudra  les  parties  gommeufes  Se 
falnies  j  l'efprit  de  vin  s'emparera  de  la  partie 
réfineufe  ,  Ôc  l'éthèr  diftbudra ,  d'une  manière 
plus  exade  ,  cette  fubftance  réfineufe ,  que  n'a- 
ypit  pu  faire  l'efprit  de  vin  :  il  reftera  enfin  la 


IT      RAISONNES.  Il 

partie  ligneufe  du  végétal ,  qu'on  peut  achever 
«l'analyfer  par  le  feu.  11  y  a  encore  beaucoup  d'au- 
tres menftrues  qu'on  peut  employer  pour  cette 
efpece  d'analyfe  j  tels  font  les  acides  minéraux 
&  végétaux ,  les  fels  alkalis  fixes  &:  volatils ,  les 
huiles  grafTes  &  elTentielles ,  &c.  Le  choix  des 
menftrues  dépend  de  la  nature  du  corps  qu'on 
veut  analyfer  ,  &  de  la  fubftance  qu'on  veut  ex- 
traire de  ce  même  corps.  Nous  aurons  occafion 
de  nous  étendre  davantage  fur  cette  matière  , 
lorfque  nous  ferons  l'analyfe  des  fubftances  vé- 
gétales &  animales. 

De  la  Combinai/on  ou  Compojitïon  chymique  des 
corps. 

La  combinaifon  ou  compofition  chymique  eft 
l'union  de  plufieiu^s  corps  hétérogènes  entre  eux, 
dont  il  réfulre  un  nouveau  corps  mixte  qui  a  des 
propriétés  différentes  &  moyennes  entre  les  fub- 
ftances qui  ont  fervi  à  le  former  j  c'eft  ce  que 
Becker  6c  Staahl  ont  nommé  mixtionj&c  que  nous 
nommerons  combinaifon  ou  compojition  chymi- 
que. 

Pour  que  la  combinaifon  ait  lieu  ,  il  faut  que 
plufîeurscirconftancesconcourenten  même  temps. 
I  '^.  Il  eft  évident  que  les  fubftances  qu'on  veut 
unir ,  doivent  être  hétérogènes  entre  elles  j  fi  elles 
étoient  homogènes ,  il  n'en  réfulteroit  pas  une 
combinaifon  ,  mais  une  fimple  addition  de  ma- 
tière de  mcme  efpece.  z°.  Il  faut  que  l'union  fe 
falfe  entre  les  molécules  intégrantes  ,  qu'elles  fe 
juxtapofent  entre  elles  ,  &  qu'elles  reftent  adhé- 
rentes dans  cette  juxtapofition  ;  car  les  fubftances 
.pouvant  fe  féparer  par  le  repos ,  comme  de  l'huile 
qu'on  auroit  mêlée  avec  de  l'eau  par  le  moyen  de 
l'agitation  ,  on  n'auroit  fait  qu'une  fimple  divi- 


12  Chymiï  expérimeï;tale 

fîon  d'un  corps  par  un  autre  ,  &  non  une  combi- 
naifon. 

Expliquons  maintenant  ce  que  Ton  entend 
par  les  termes  hétérogène ,  homogène^  &c  ip2i: par- 
ties intégrantes. 

On  entend  par  corps  hétérogène  ^  ou  de  diffé- 
rente nature  ,  des  fubftances  qui  ont  entre  elles 
des  propriétés  différentes  ,  &:,  en  quelque  forte, 
oppofées  l'une  à  l'autre  ;  lorfque  ces  fubftances 
peuvent  s'unir ,  adhérer  enfemble  ,  &  former  un 
compofé  ,  on  leur  donne  le  nom  àQ  principes  ou 
de  parties  conjiituantes  ,  parcequ'elies  fervent 
effectivement  de  principes,  ou  de  parties  confti- 
tuantes,  au  nouveau  compofé  qui  réfulte  de  leur 
union.  Par  exemple ,  un  acide  àc  un  alkali  font 
des  corps  de  nature  bien  différente  l'un  de  fau- 
tr.e  ;  leurs  propriétés  font ,  en  quelque  forte  , 
oppofées.  Ces  deux  corps  s'uniffent  très  bien  ,  & 
en  s'uniffant,  ils  épuifent  réciproquement  leurs 
propriétés  particulières  ;  ce  qui  eft  une  condition 
abfolument  effentielle  à  la  combinaifon.  Le  corps 
qui  réfulte  de  cette  union  ,  a  des  propriétés 
moyennes  entre  les  deux  corps  qui  l'ont  formé  5 
ainfi  l'acide  &  l'alkali  deviennent  les  principes , 
ou  les  parties  conftituantes ,  du  nouveau  com- 
pofé. 

On  entend  par  corps x^n parties  homogènes,  des 
fubftances  qui  font  de  même  nature  ;  telles  que 
deux  molécules  détachées  d'une  même  pierre  ou 
d'un  même  métal ,  deux  gouttes  d'eau  ,  de\ix 
gouttes  d'une  même  huile  ,  &c. 

Enfin  on  entend  p:ii:  parties  intégrantes  ^  les 
plus  petites  molécules  féparées  d'un  corps ,  mais 
qui  confervent  les  propriétés  du  corps  d'où  elles 
ont  été  féparées.  On  peut  fuppofer  cette  divifion 
portée  à  un  tel  excès ,  qu'il  n'eft  plus  pofîible  de 


ÏT      RAISONNE  E.  IJ 

divifer  davantage  ces  corps ,  fans  les  décompofer. 
Teleft,  par  exemple,  un  corps dilToiis  dans  un 
acide  ,  qui  eft  tellement  divifé ,  qu'il  efl;  réduit  à 
£cs  molécules  intégrantes,  &c  que  l'acide  empêche 
de  fe  réunir.  Si  l'on  prend  une  petite  portion  de 
la  dilTolution  ,  on  peut  faire  reparoître  le  corps 
tel  qu'il  étoit,  fans  avoir  lubid'altération  jainlî  ce 
corps  étoit  feulement  divifé  ,  de  non  décompofé, 
cependant  avec  les  reftridions  dont  nous  parle- 
rons en  (on  lieu. 

Lorfque  deux  corps  homogènes ,  ou  de  même 
nature ,  s'unifient  enfemble ,  cela  ne  forme  point 
une  compofition ,  mais  une  maffe  qui  a  feulemenc 
un  plus  grand  volume  :lorfqu'il  y  a  union  &  ad- 
hérence entre  les  parties  de  ce  tour,  cela  produit 
ce  que  Becker  8c  Staahl  ont  nommé  agrégation  j 
agrégat  j  8c  corps  agrégé. 

On  voit  par  conféquent,  qu'il  y  a  une  très 
grande  différence  entre  la  compofition  &  l'agréga- 
tion. Il  eft  bien  elfentiel  de  ne  point  confondre  ces 
deux  opérations ,  puifque  l'agrégation  ne  produit 
qu'une  addition  de  malîe  ,  ou  qu'une  addition  de 
parties  femblables  ,  ÔJ  que  la  compofition  ,  au 
contraire  ,  produit  un  nouveau  corps  qui  diffère 
eflentiellement  des  fubftances  qui  le  compofenr. 

Il  réliilte  de  tout  ce  que  nous  avons  dit  jufqu'à 

fréfent  fur  l'analyfe  6c  fur  la  compofition ,  que 
analyfe  a  pour  objet  la  féparation  des  principes 
qui  conftituent  les  corps  j  &  la  compofition ,  au 
contraire,  a  pour  objet  de  réunir  les  principes 
qui  ont  été  féparés  par  l'analyfe  ,  pour  reformer 
les  compofés  tels  qu'ils  étoient  auparavant.  Nous 
pouvons  rendre  cela  encore  plus  fenfîble  par  ua 
exemple  ,  en  nous  fervant  des  produits  que  nous 
avons  féparés  du  corps  que  nous  avons  pris  poiy: 
exemple  d'analyfe. 


14  ChYMÏE    EXPért.IMEHTALE 

Si  l'on  fait  fondre  dans  uncreufet,  l'argent  que 
nous  avons  féparé  par  l'analyfe ,  &  qu'on  ajoute 
le  foufre  qu'on  a  pareillement  obtenu  par  la  fu- 
blimation  j  ces  deux  fubftances  s'uniront  enfem- 
ble  j  de  reformeront  le  mcme  compofé  d'argent 
&  de  foufre  ,  tel  qu'il  étoit  auparavant.  11  y  a 
dans  laChymie  beaucoup  d'exemples  femblables, 
dont  nous  parlerons  à  mefure  que  l'occalion  nous 
en  fournira  les  moyens. 

Ces  décompofitions  &  recompofitions  fe  font 
avec  exa6titude  &  rigoureufement  y  mais  ce  n'eft 
encore  que  fur  un  très  petit  nombre  de  corps  du 
règne  minéral ,  parcequ'ils  font  beaucoup  plus 
fîmples  &  moins  faciles  à  fe  détruire ,  que  les 
corps  organifés.  La  Chymie  &  la  Phyfique  ne 
font  pas  encore  aiïez  avancées  pour  opérer  ces  dé- 
compofitions &z  ces  recompofitions  fur  une  infi- 
nité d'autres  corps.  Il  y  a  même  lieu  de  préfumer 
que ,  quelques  découvertes  qu'on  fafl^e  à  ce  fujet , 
il  reftera  toujours  un  grand  nombre  de  fubftan- 
ces ,  fur  lefquelles  il  fera  toujours  impofiible 
d'appliquer  ces  opérations  j  tels  font  les  végé- 
taux ôc  les  animaux  ,  parceque  ces  corps  font 
très  compofés  ;  plufieurs  de  leurs  principes  pro- 
chains font  fi  fugaces ,  qu'il  fe  diflîpe  toujours 
quelque  chofe  ,  même  fans  qu'on  puifTe  s'en  ap- 
percevoir  :  d'ailleurs ,  leur  texture  eft  fi  délicate 
ôc  fi  bien  organifée  ^  qu'elle  fe  détruit  com- 
plettement  dans  routes  les  opérations  de  ce  genre 
qu'on  leur  faitfubir  :  &  il  eft  impofiible  ,  en  unif- 
fant  leurs  principes ,  de  les  faire  reparoître  tels 
qu'ils  étoient  auparavant. 

La  plupart  des  Chymiftes-Phyficiens  ont  fait 
beaucoup  de  recherches  pour  expliquer  les  phé- 
nomènes de  la  combinaifon  :  ils  les  attribuent  à 
l'attradtion  &  à  la  pefanteur  des  corps  :  en  effet. 


ET      RAISONNE  B.  I5 

il  paroîc  difficile  de  les  afligner  à  d'autres  caufes. 
Nous  verrons  dansuninftant,  que  ces  deux  effets 
qui  fe  modifient  différemment  dans  les  opéra- 
tions de  la  Chymie,  font  connus  fous  les  noms 
de  rapports  &  d'affinités  j  &  qu'ils  font  des  pro- 
priétés inhérentes  de  la  matière  ,  &  la  caufe  de 
prefque  toutes  les  décompofitions  ôc  compofi- 
tions  chymiques. 

M.  de Buffcn  dit  ,13^.  volume ,  édition  i/z-4''. 
page  xij  de  la  Nature  ,  féconde  vue  :  Si  ^  juf- 
quà  ce  jour  j  l'on  a  regardé  ces  laix  d'affinité 
comme  diffiérentes  de  celles  de  la  pefanteur  j  c'efl 
faute  de  les  avoir  bien  connues  j  bien  fuivies  ;  c'ejl 
faute  d'avoir  emhrajfé  cet  objet  dans  toute  fon  éten^ 
due.  La  figure  qui ,  dans  les  corps  célejies  j  ne  fait 
rien  ^  ou  prefque  rien  ^  à  la  loi  de  Vaclion  des  uns 
furies  autres ,  parceque  la  diflance  efl  très  grande  , 
faitj  au  contraire  j  prefque  tout  j  lorfque  la  diflance 
cjl  très  petite  ou  nulle. 

Afin  de  fixer  les  idées  qu'on  doit  fe  former  de 
la  combinaifon  des  corps ,  examinons  comment 
on  peut  concevoir  cette  grande  &  merveilleufe 
opération  ,  &:  la  difpofition  que  prennent  entre 
elles  les  fiibftances  qui  fe  combinent.  Je  penfe 
que  l'attraiftion  &  la  pefanreur  font  le  nerf  de 
toutes  les  combinaifons;  mais  fi  ces  deux  pro- 
priétés font  les  mêmes ,  il  faut  cependant  les  dif- 
tinguer ,  à  l'égard  des  combinaifons  chymiques , 
en  ce  que  l'une  &  l'autre ,  dans  nombre  de  cir- 
conftances ,  paroiffent  agir  comme  fi  elles  étoienc 
indépendantes  l'une  de  l'autre  :  nous  pouvons 
rendre  cela  plus  fenfible  par  des  exemples.  La 
pefanteur  eft  la  propriété  qu'ont  les  corps  de 
tomber  en  li^ne  perpendiculaire  à  la  furface  de 
la  terre  ,  lorique  rien  ne  s'oppofe  à  leur  chiite  : 
lorfque  le  corps  eft  arrivé  à  fon  point  de  repos  y 


j/?  Chymie   expérimentale 

il  pefe  fur  le  corps  qu'il  touche,  avec  tout  foa 
poids,  comme  corps  pefaat  :  dan«  les  circonf- 
tances  ordinaires,  on  peut  enlever  ce  corps  à 
l'aide  d'un  eftort  égal  à  fon  poids  :  tel  eft  ce  que 
l'on  doit  entendre  par  pefanteur  feulement,  & 
indépendamment  de  toute  autre  propriété  de  la 
matière. 

Mais  11  ce  corps ,  indépendamment  de  fa  pe- 
fanteur ,  a  de  l'adhérence  avec  celui  fur  lequel  il 
repofe ,  par  exemple ,  un  morceau  de  fer  d'une 
once ,  qu'on  poferoit  fur  une  pierre  d'aimant , 
on  fent  bien  qu'il  taut  d'abord  un  poids  qui  puiffe 
agir  avec  une  once  de  force ,  pour  enlever  ce 
morceau  de  fer  j  mais  il  faut  encore  ajouter  à 
cette  force  un  poids  fuffifantpour  rompre  l'attrac- 
tion que  ces  deux  corps  ont  entre  eux  :  il  eft  dif- 
ficile de  déterminer  ce  poids,  parceque  cela  dé- 
pend des  points  de  contact,  &  de  l'attraétion  plus 
ou  moins  forte  entre  ces  corps.  Ce  que  nous  di- 
fons  arriver  entre  une  pierre  d'aimant  &  un  mor- 
ceau de  fer  ,  fe  palTe  entre  les  plus  petites  molé- 
cules des  corps  qui  fe  combinent;  &  leur  adhé- 
rence eft  d'autant  plus  forte ,  que  les  corps  fe 
touchent  par  un  plus  grand  nombre  de  points  de 
contad ,  &  que  ces  mêmes  molécules  ont  plus 
d'attradion  entre  elles. 

11  fuit  de  là  que  la  combinaifon  fe  fait  effentiel- 
lement  entre  les  molécules  intégrantes  des  corps 
hétérogènes  qui  font  mis  en  jeu ,  &  qu'elles  sen- 
tre-divifent  refpedivement  les  unes  les  autres  , 
pour  fe  juxtapofer  entre  elles  :  c'eft  dans  cet  inftant 
d'union ,  que  les  corps  qui  fe  combinent ,  font  ou 
ne  font  point  d'effervefcence  ,  produilent  ou  na 
produifent  point  de  chaleur ,  ablorbent  ou  laiifent 
dégager  de  l'air  ,  &  tous  les  autres  phénomènes 
,qui  accompagnent  la  combinaifon  en  général. 

Comme 


ÏT      RAISONNÉ  Ë.  %'/ 

Comme  la  matière  eft  abfolument  impénétrable  | 
il  eft  difficile  de  concevoir  la  combmaifon  autre- 
ment que  comme  une  juxtapofition  de  molécule* 
intégrantes  à  molécules    intégrantes  ^    (î    nou^ 
avions  des  oraanes  affez  déliés ,  ou  des  inftrumentS 
d'optique  allez  bons  ^   on  dilbngueroit  dans  un 
compofé  lesdirtérentes  molécules  qui  forment  icà 
corps ,  &  on  les  verroit  placées,  en  toutfcnS)  ieâ 
unes  à  côté  des  autres.  Un  mélange  ,  parexemplè^ 
de  poudre  bleue  &  de  poudre  verte  forme  une  cou- 
leur jaune  ,  é:ant  regardé  à  la  vue  fnnple  \  mais ,  U 
on  l'examine  à  l'aide  d'une  bonne  loupe,  on  y  dif^ 
tingue  les  deux  couleurs  primitives.    Pour  faire 
comprendre  à  ceux  qui  ne  lont  pas  fulfifammeiiÊ 
initiés  dans  la  phyfiqué ,  ce  que  l'on  entend  par  ini* 
pénétrabilité  de  la  matière ,  nous  pouvons  citer  ici. 
uneexpérience  connue  de  tous  les  PhyHciens.  Lors- 
qu'on entonce  un  clou  dans  une  pièce  de  bois  j  ce 
clou  déplace  feulement  les  fibres  pour  fe  faire  unô 
entrée^  mais  il  ne  peut  ni  percer  ni  pénétrer  li 
fubftance  propre  du  bois.  IliepalTedans  le^  coni- 
binaifons  chymiques  quelque  chofe  de  compa-» 
rable  à  cet  effet ,  relativement  à  l'impcnécrabilité  ^ 
avec  cette  différence  cependant  j  que  le  clou  n'êft 
point  combiné  avec  le  bois  :  il  n'eft  ni  divif<^  ^  ni 
dans  l'état  propre  à  la  combinaifon  :  il  n'eft  pas 
nicme  adhérent  à  la  fubftance  propre  du  bois  { il 
n'eft  retenu  que  par  la  prelfion  ôc  l'élafticité  âei 
fibres  du  bois  ;  au  lieu  que  la  combinaifon  fe  fait 
immédiatement  entre  les  molécules  intégrante^ 
des  corps ,   qui  fe  placent  les  unes  à  côté  des  au- 
tres ,  fans  fe  pénétrer.  C'eft  de  leur  adhérence  mu- 
tuelle ,  que  réfulte  la  combinaifon  ,  en  vertu  dû 
Tattradion  qu'elles  ont  entre  elles. 

Nous  obferverons  que  tous  les  corps  de  la  Hâ-* 
ture  doivent  ctre  confidérés  comme  étant  comf>a-= 
Tome  L  B 


'ï&  ChYMIE    EXPERIMENTAIS 

fés  de  molécules  infiniment  petites  j  mais  on  doîc 
fuppofer  en  mcme  temps  ,  que  les  molécules  de 
tous  les  corps  ne  font  pas  toutes  de  la  même  té- 
nuité. Il  y  a  fur  cet  objet  une  diverfité  confidé- 
rable  j  &  c'eft  à  cette  diverfité  qu'on  doit  rappor- 
ter celle  qu'on  remarque  dans  les  combinaifons, 
Ibit  par  leur  plus  ou  leur  moins  d'adhérence , 
ou  par  le  plus  ou  le  moins  de  facilité  qu'elles 
préfentent  à  fe  lailTer  décompofer.  Tout  ce  que 
l'on  peut  dire  de  plus  général  fur  cette  matière, 
c'eft  qu'il  paroît  que  les  combinaifons  les  plus 
parfaites  font  celles  qui  fe  font  entre  des  corps 
dont  les  molécules  intégrantes  font  les  plus  petites 
ou  les  plus  ténues  ,  de  qui  ont  en  même  temps  la 
plus  forte  attraétion  entre  elles.  Ce  ne  peut  être 
qu'à  ces  diverfités ,  qu'on  doit  rapporter  certains 
effets  que  plufieurs  combinaifons  falines  préfen- 
tent dans  beaucoup  d'expériences,  effets  qui  font 
différents  de  ceux  auxquels  on  devoit  s'attendre. 
Il  y  a  certains  fels  ,  par  exemple,  que  l'on  croiroic 
ne  devoir  point  changer  les  couleurs  bleues  des 
végétaux  ,  &c  qui  néanmoins  les  changent  :  tels 
que  la  terre  foliée  de  tartre ,  le  nitre  à  bafe  ter- 
reufe ,  le  fel  marin  à  bafe  terreufe ,  qui  rougiffent 
d'abord  la  couleur  du  fyrop  violât,  &  la  rendent 
verte  un  inftant  après  :  tous  ces  effets  ne  peuvent 
être  attribués  qu'à  une  combinaifon  peu  intime , 
qui  laifle  les  fubftances  propres  de  la  combinaifon 
agir  l'une  après  l'autre  j  ce  qui  femble  indiquer 
que  cette  combinaifon  s'eft  faite  entre  des  mo- 
lécules intégrantes  ,  moins  déliées  que  celles 
des  combinaifons  de  même  efpece,  qui  ne  pro- 
duifent  pas  de  femblables  effets.  L'acide  des 
combinaifons  dont  nous  parlons ,  agit  d'abord 
fur  la  couleur  bleue  des  végétaux,  comme  fi  cet  ' 
acide  ctoit  libre  j  de  i'alkali  ou  la  terre  de  ce$ 


ET      RAISONNÉ  E*  ^0 

îêls  lie  produic  fon  effet  qu'en  dernier  lieu. 

Confiaérons  maintenant  les  phénomènes  de 
Gompofition  ôc  de  décompofîtion  ,  fous  un  point 
de  vue  plus  général ,  fous  celui  qu'on  eft  convenu 
de  nommer  rapport  ou  affinité. 

Sur  les  Affinités  chymiques. 

Lorfque  deux  corps  libres ,  éloignés  l'un  de 
l'autre  ,  s'approchent  mutuellement  (xns  qu'au- 
cune caufe  extérieure  les  poulfe  l'un  vers  l'autre, 
les  Phyficiens  ont  donné  à  ce  phénomène  le  nom 
d\iuracîwn  ;  &z  celui  de  vertu  attractive  à  la  caufe 
qui  le  produit,  quand  ces  effets  fe  partent  fur  les 
corps  en  malles,  Se  non  fur  les  molécules  primi^ 
tives  de  ces  corps. 

Cette  propriété  de  la  matière  porte  en  parti- 
culier le  nom  de  gravitation  j  quand  les  corps 
qui  agiffent  l'un  fur  l'autre  ,  font  fort  éloignés  : 
par  exemple  ,  l'action  que  le  foleil  &c  la  terre 
exercent  réciproquement  l'un  fur  l'autre  pour  fe 
rapprocher  Se  s'unir ,  a  été  nommée  gravitation. 

On  a  donne  à  cette  même  propriété  de  la  ma- 
tière le  nom  de  cohéjîon  ou  èi! adhérence  j  lorfque 
les  corps  c|ui  agiffent  l'un  fur  l'autre,  fe  touchent 
immédiatement ,  &  qu'ils  adhèrent  entre  eux. 

Enfin  on  a  nommé  cette  propriété  rapport  ou  af- 
finité ^  lorfque  les  phénomènes  qu'elle  préfente 
fe  palfent  dans  les  opérations  de  la  chymie,  foit 
que  ces  effets  aient  lieu  entre  les  molécules  inté- 
grantes des  corps  ,  ou  entre  les  éléments  de  ces 
mêmes  corps  ;  mais ,  fous  quelque  dénomination 
que  l'on  confidere  les  effets  dont  nous  parlons  ,ils 
dépendent  abfolument  de  la  même  caufe. 

Nous  détiniffons  les  affinités  chymiques  ,  une 
tendance  qu'ont  les  parties  de  la  matière  pour 
s'unir  &  adhérer  enfemble ,  foit  que  ces  parties 

Bij 


20         Chymie  expérimentale 

foieiic  homogènes ,  foit  qu'elles  foient  hécéro- 
genes. 

L'adhérence  de  deux  furfaces  très  polies  ,  ap- 
pliquées l'une  fur  l'aucre  j  la  tendance  qu'ont  l'une 
vers  l'autre  deux  gouttes  d'eau  ,  deux  gouttes 
d'huile  ,  deux  gouttes  de  mercure,  ou  de  quel- 
que Huide  de  mcme  efpece ,  placées  l'une  près  de 
l'autre ,  qui  fe  réuniireiit  &  fe  confondent  en  une 
feule  malfe  ;  l'afcenllon  des  liqueurs  dans  les 
tuyaux  capillaires  j  la  dilfolution  des  corps  ;  l'at- 
tradion  du  fer  &  de  l'aimant ,  &  celle  des  matiè- 
res vers  les  corps  électriques ,  8cc.  (  effets  qui  ont 
également  lieu  à  l'air  comme  dans  le  vuide  ;  )  la 
gravitation  &  le  mouvement  de  tout  le  fyftcme 
planétaire ,  font  autant  de  phénomènes  du  même 
genre  ,  &c  qui  paroiirent  dépendants  de  la  même 
caufe. 

La  Chymie  Se  la  Phyfique  ne  font  pas  encore 
aiïez  avancées  pour  expliquer  la  caufe  de  l'attrac- 
tion. Plulieurs  habiles  Phyficiens  ont  examiné 
avec  foin  les  phénomènes  de  l'attraction  j  mais 
ils  n'ont  point  entrepris  d'expliquer  ces  phéno- 
mènes ,  parcequ'ils  font  au-delfus  de  nosconnoif- 
fances  aétuelles.  En  effet ,  pour  pouvoir  en  rendre 
faifon  ,  il  faudroit  connoître  la  caufe  du  mouve- 
ment que  font  les  corps  pour  s'approcher  l'un  vers 
l'autre  j  s'alfurer  ii  ce  mouvement  dépend  d'un 
principe  interne  qui  attire  les  corps  ,  ou  d'un 
principe  externe  qui  les  repouffe.  Cette  propriété, 
quelle  qu'en  foit  la  caufe  ,  paioit  aulîi  inhérente 
à  la  matière  ,  que  fon  étendue  ôt  fon  impénétra- 
bilité. 

Quelques  Chymiftes  ont  rangé  les  affinités  chy- 
miques  dans  la  claflTe  de  ces  fyltêmes  ingénieux  , 
faits  pour  fubfifter  jufqu'à  ce  que  d'autres  vien- 
nent les  détruire  j  mais  il  sea  faut  de  beaucoup 


ET      RAISONNE  E.  21 

que  les  affinités  foient  dans  cette  claffe  :  onob- 
ferve  que  certains  corps  s'unilTent  enfemble  avec 
une  grande  facilité,  que  d'autres  ne  fe  combinent 
que  difficilement ,  &:  qu'enfin  il  y  en  a  qui  re- 
fufent  de  contrader  aucune  union  pai*  tous  les 
moyens  connus  jufqu'à  préfent  j  mais,  parce- 
qu'on  n'eft  pas  encore  parvenu  à  combiner  ces 
corps ,  on  auroit  tort  de  conclure  qu'ils  n'ont  en- 
femble aucune  affinité ,  il  y  a  au  contraire  tout  lieu 
de  penfer  qu'on  y  parviendroit  par  des  moyens 
plus  recherchés  :  c'ci\  effedivement  ce  à  quoi  je 
luis  parvenu  fur  un  certain  nombre  de  corps  qu'on 
avoir  toujours  penfé  ne  pouvoir  pas  s'unu'  enfem- 
ble ,  comme  nous  le  ferons  remarquer  à  mefure 
que  les  occafions  s'en  préfenteront. 

Ainfi ,  déterminer  ,  par  un  nombre  fuffifanr 
d'expériences,  l'ordre  dans  lequel  les  différents 
corps  peuvent  s'unir  fucceffivement  les  uns  aux 
autres ,  &  le  mcmc  ordre  dans  lequel  ils  le  fépa- 
rent  les  uns  des  autres  ,  eft  un  fervice  des  plus 
importants  qu'on  puilTe  rendre  à  la  Chymie.  Feu 
Geoftroy,  Médecin,  eft  le  premier  qui  ait  penfé 
à  réunir  en  une  table  les  rapports  ou  affinités 
fondamentales  de  la  Chymie  (i).  Cette  table  eft 
fujette  à  plufieurs  exceptions  &à  plufîeurs  chan- 
gements que  nous  ferons  remarquer  à  mefure  que 
les  occafions  s'en  préfenteront  ;  néanmoins  elle 
forme  un  tableau  ou  un  enchaînement  de  con- 
noiffimces  qui  ont  répandu  beaucoup  de  lumière 
dans  la  Chymie  &  dans  la  Phyfique. 

M.  Geller  a  augmenté  confidérablement  cette 
table  ,  comme  on  le  voit  dans  Con  excellent  Ou- 
vrage qui  a  pour  titre  Chymie  metaHique. 

L'Académie  de  Rouen  propofa  les  affinités  chy^ 

(i)  Volume  de  l'Académie ,  amiée  1718. 

Bii| 


il  Chymie  expérimentale 
miques,  pour  le  fujet  de  fon  prix  de  l'année  1758, 
Ce  furent  MM.  Jean  -  Philippe  de  Limbourg , 
Docteur  en  Médecine ,  &  Sage ,  fils ,  Maître  de 
Philofophie  &  de  Mathématiques  à  Genève ,  qui 
remportèrent  le  prix.  Il  fut  partagé  entre  eux  , 
comme  ayant  rcfolu ,  chacun  de  leur  côté ,  la 
moitié  de  la  queftion.  Le  premier  traita  les  affi- 
nités en  Chymifte^  ôc  le  fécond  les  conûdéra 
en  Phyficien-Géometre.  En  effet ,  il  paroît  que, 
pour  pouvoir  bien  traiter  cette  matière  ,  il  faut 
réunir  &  faire  ufage  des  connoilfances  chymiques 
de  mathématiques. 

M.  Macquer  a  donné  ,  dans  fon  Dictionnaire 
de  Chymie  ,  un  très  bon  article  fur  les  affinités 
chymiques.  Il  fait  une  divifion  méthodique  en 
quatre  claiTes,  des  différents  états  où  l'on  ren- 
contre les  affinités  dans  les  opérations  de  la  Chy- 
mie j  quoique  d'ailleurs  il  n'admette  ,  avec 
tous  les  bons  Chymiftes-Phyflciens ,  qu'une  feule 
efpece  d'affinité  qui  eft  abfolument  la  même ,  & 
qu'il  reconnoît  venir  de  la  même  caufe. 

Les  différentes  tables  des  rapports ,  publiées 
jufqu'à  préfent ,  n'indiquent  point  fi  les  affini- 
tés qu'on  y  expofe,  ont  lieu  par  la  voie  feche  ou 
par  la  voie  humide.  Comme  j'ai  obfervé  que 
les  réfultats  ne  font  pas  toujours  les  mêmes  ,  je 
propofe  deux  tables  des  rapports  :  l'une  indique 
l'ordre  des  affinités  des  corps  par  la  voie  humide  , 
êc  la  féconde  indique  le  même  ordre  des  affinités 
par  la  voiefcche  :  ce  font  les  feules  manières  d'o- 
pérer dans  la  Chymie.  Je  penfe  qu'au  moyen  de 
ces  deux  tables  ,  on  peut  établir  les  affinités  avec 
plus  d'ordre ,  d'exadtitude  &:  de  précifion ,  qu'on 
n'a  pu  le  faire  jufqu'à  préfent.  Les  affinités  éta- 
blies fous  ces  deux  points  de  vue,  font  plus  mé- 
thodiques 6c  plus  cojiformes  aux  différente?  rpa* 


1  T      R  A  I   S    O   N  N   É  E.  tf 

hieres  d'opérer.  Je  ferai  remarquer ,  à  mefure  que 
les  occafions  fe  préfenteront ,  qu'il  y  a  une  in- 
finité de  circonftances  ,  où  des  corps  qui  ont  en- 
femble  la  plus  grande  affinité  par  la  voie  humide  , 
ne  l'ont  que  très  fioible  par  la  voie  feche  ,  &  vice 
versa;  c'eft  ce  qui  me  fait  penfer  que  cette  double 
table  feroit  extrêmement  utile. 

Les  affinités  chymiques  dépendent  efîentielle- 
ment  d'une  feule  &  même  caufe  qui  eft  l'attrac- 
tion y  mais  cette  propriété  de  la  matière  fe  mo- 
difie ,  ôc  préfente  dans  les  opérations  différents 
effets  qui  font  relatifs  à  l'état  des  fubftances 
qu'on  met  en  jeu.  Nous  penfons  qu'on  peut  con- 
fidérer  fous  huit  cas  différents  ,  les  principaux 
phénomènes  qui  ont  rapport  aux  affinités  chymi- 
ques. Nous  nous  contenterons  d'expofer  ici  quel- 
ques exemples  de  chacun  des  difrérents  cas  fous 
lefquels  fe  manifellent  les  affinités  chymiques. 
De  plus  grands  détails  feroient  déplacés  ,  ^  de- 
manderoient  la  connoiflance  de  rnure  laChymiej 
mais  nous  ne  manquerons  pas  de  iaire  remarquer, 
dans  le  cours  de  cet  Ouvrage ,  les  autres  expé- 
riences qui  ont  rapport  aux  affinités. 

i".  affinité  d'adhérence  ou  de  cohéjion. 

L'affinité  d'adhérence  ou  de  cohéfion  efl  la 
tendance  qu'ont  les  corps  pour  fe  porter  l'un  vers 
l'autre ,  &  la  force  qu'ils  emploient  pour  s'oppo- 
fer  à  leur  féparation. 

Expérience. 

On  prend  deux  morceaux  de  glace  bien  polie  5, 
on  les  afTujettit ,  chacun  féparément,  avec  du 
maflic  ,  fur  deux  morceaux  de  liège. 

On  fixe  fur  une  table  l'une  des  deux  pièces  , 
en  obfervant  que  la  glace  fe  trouve  en  defîus  :  011 

Biv 


J4  Chymie  expérimentale 
ppfe  enfuite  l'autre  glace  fur  celle  qu'on  vient 
craffujettir,  en  la  frottant  circulairement,  &en 
appuyant  un  peu  fort.  Si  l'on  vient  à  lever  la 
glace  f  upérieure ,  on  obferve  qu'elle  tient,  comme 
fi  elle  étoit  collée  fur  la  glace  inférieure  ;  il  faut , 
pour  l'en  détacher  ,  employer  une  force  fupé- 
îieure  à  fon  poids.  Si  l'on  mer  une  goutte  d'huile 
entre  ces  deux  glaces,  elle  augmente  davantage 
les  points  de  contacb,  &  Tadhérence  devient  beau- 
coup plus  foi  te.  M.  Muiïchenbroek,  célèbre  Phy- 
fiaen  (Ejjals  de  Phy/ique ,  tome  i  ,  page  171,  ) 
a  obfervé  que  deux  boules  de  cryftal ,  qui  fe 
touchoient  réciproquement  par  deux  fegments 
ronds,  d'un  dixième  de  pouce  de  diamètre,  adhé- 
rèrent enfemble  avec  une  telle  force ,  qu'il  fallut 
employer  un  poids  de  dix-neuf  onces  de  plus  que 
le  poids  d'une  des  deux  boules  pour  les  détacher. 
M.  Defaguilliersa  obfervé,  dans  une  expérience 
femblable  ,  faite  avec  deux  balles  de  plomb  , 
qu'elles  tinrent  avec  une  force  égale  à  quatre- 
vingts  livres ,  &  quelquefois  à  cent  livres.  J'ai 
vu  une  pierre  d'aimant  pefant  une  once  ,  qui 
fpulevoit  un  poids  de  fept  livres. 

L'afcenfion  des  liqueurs  dans  les  tuyaux  ca- 
pillaires ,  l'attradion  de  l'aimant  ,  celles  des 
corps  éledriques,  &c.  font  autant  d'exemples 
4e  cette  efpece  d'affiniré  à  laquelle  les  Phyfi- 
ciens  ont  donné  le  nom  ^attraciion  j  &  quî 
Tious  nommons  affinité  ^adhérence  ou  de  cohé- 
fion  j  afin  de  la  diftinguer  de  l'affinité  d'agréga- 
tion dont  nous  parlerons  dans  un  inftant.  Dans 
l'affinité  d'adhérence ,  il  n'y  a  point  une  véri- 
table union  entre  les  corps  :  les  parties  de  la 
matière  de  l'un  confervent  la  pofition  qu'elles 
avoient  à  l'égard  des  parties  de  la  matière  de 
l'autre,  Ce  genre  d'affinité  n'a  lieu  que  pour  Içs 


ET      RAISONNE  E.  1^ 

corps  qui  ne  peuvent  fe  mêler  ni  fe  confondre  , 
mais  feulement  adhérer  enfemble  ,  foit  qu'ils 
foient  homogènes ,  foit  qu'ils  foient  hétérogènes  : 
mais ,  lorfque  ,  par  des  moyens  chymiques ,  on 
les  mêle  par  la  fuiion  ou  autrement  ;  il  en  réfulte 
une  compolition  ,  fi  les  corps  qu'on  met  en  jeu 
font  de  nature  différente  j  il  n'en  réfulte  au  con- 
traire qu'une  agrégation  ,  fi  ces  corps  font  d© 
même  efpece. 

Nous  obferverons  que  cette  affinité  a  lieu  dans 
une  infinité  d'opérations  de  chymie  ;  6^  fur- 
tout  à  l'égard  des  précipités  terreux  &  métalli- 
ques ,  qu'on  laifle  fécher  fans  les  remuer.  Les 
parties  de  la  matière  prejinent  entre  elles,'  à  la 
Faveur  de  l'eau  ,  un  arrangement  fymmétriquc  , 
&:  une  adhérence  qui  eft  telle  ,  que  plufieurs  ne 
fe  laifTent  divifer  qu'avec  beaucoup  de  difficulté. 
Si ,  au  contraire  ,  on  les  remue  fouvent  pendant 
leur  defliccation ,  on  détruit  cet  arrangement , 
avant  que  les  parties  aient  acquis  toute  leur 
adhérence.  Ces  précipités  font  alors  prefque 
fans  confiftance  ,  de  deviennent  très  faciles  à  di- 
vifer. Cette  affinité  a  encore  lieu  à  l'égard  des 
cryftaux  de  fels  qui  fe  font  formés  dans  des  li- 
queurs acides  ou  alkalines.  Ces  fubftances  adhè- 
rent aux  cryftaux  de  fels  avec  une  certaine  force  , 
fans  être  combinés  :  il  faut,  pour  les  féparer,  une 
force  plus  grande. 

Cette  affinité  d'adhérence  ou  de  cohéfion  ne 
•borne  pas  feulement  fa  puillance  dans  les  labora- 
toires de  chymie  ,  elle  a  également  lieu  à  l'égard 
-des  terres  très  divifées  que  les  rivières  charrient  & 
dépofent ,  lorfque  leurs  molécules  font  de  nature 
à  avoir  beaucoup  d'affinité  entre  elles.  Elles  pren- 
nent ,  à  la  faveur  de  l'eau  dans  laquelle  elles  fe 
^meuvent  librement,  l'arrangement  fymmétriquc 


î^  GhYMIE    EXrÉRIMENTALE 

qui  leur  cft  propre  :  il  en  réfulte ,  par  le  laps  de 
temps  j  une  pierre  plus  ou  moins  dure  ,  fuivant 
l'arrangement  &c  la  nature  des  molécules  confti- 
tuantes. 

Tous  les  corps  de  la  nature  n'ont  pas  ,  à  beau- 
coup près ,  la  même  dureté  ni  la  même  folidiré. 
11  y  en  a,  comme  la  craie  ,  dont  les  parties  inté- 
grantes font  fi  peu  liées  entre  elles  ,  qu'on  peut 
détruire  leur  adhérence  par  un  léger  frottement 
entre  les  doigts  ;  tandis  qu'au  contraire ,  il  y  a 
d'autres  corps  dont  les  molécules  intégrantes  ont 
une  adhérence  Ci  forte ,  qu'il  faut ,  pour  la  dé- 
truire ,  employer  une  force  très  confidérable  ; 
tels  font  les  pierres  vitrifiables ,  les  minéraux ,  Sec. 
On  peut  déduire  de  ces  différentes  propriétés , 
que  la  force  attradive  qui  s'exerce  entre  les  mo  - 
lécules  intégrantes  des  corps  ou  entre  leurs  élé- 
ments ,  n'efl  pas  toujours  précifément  du  même 
nombre  de  degrés.  Si ,  lorfque  les  parties  de  la 
matière  fe  portent  les  unes  vers  les  autres ,  pour 
adhérer  enfemble  j  fi,  dis-je,  cette  force  attrac- 
tive avoir  lieu  avec  tout  fon  pouvoir  abfolu  ,  8c 
que  rien  ne  diminuât  ou  ne  s'opposât  à  cette  ac- 
tion, il  devroit  néceffairement  en  réfulter  des 
corps  d'une  fî  grande  denfité,  qu'ils  feroient  peut- 
être  mille  fois  plus  pefants  que  l'or.  11  en  leroit 
de  même ,  fi  cette  force  d'attra6lion ,  fans  être 
abfolue ,  agi(Toit  conftamment  avec  un  même  de- 
gré de  force  entre  les  molécules  difpofées  à  ad- 
hérer enfemble  ;  il  en  réfulteroit  des  corps  qui 
feroient  entre  eux  d'une  denfité  égale.  Or,  comme 
nous  venons  de  le  faire  obferver ,  il  y  a ,  à  cet 
cgard,  une  très  grande  variété  :  on  en  peut  con- 
clure que  l'attraétion  exerce  fon  aétion  à  des  de- 
grés de  diflance  différents  ,  qui  font  relatifs  a  la 
jiature  des  corps,&  à  une  infinité  de  circonftances. 


I 


ET       RAISONNE  E.  ly 

îl  fera  peut-ctre  toujours  impolllble  de  pouvoir 
obferver  &  conftater  les  degrés  de  force  de  ces 
effets  dans  les  différents  corps ,  &c  déterminer  les 
diftances  où  cette  vertu  atiradtive  ceffe  d'agir. 

La  caufe  qui  s'oppofe  à  l'attradtion  abfolue  , 
a  été  reconnue  par  les  Phyficiens  à  l'égard  des 
corps  céleftes  j  ils  lui  ont  donné  le  nom  de  répul- 
Jïon  j  c'eft-à-dire ,  une  force  tout  aulîi  réelle  que 
l'attradion  ,  qui  repouffe  les  corps  ,  après  qu'ils 
fe  font  approchés  à  un  certain  point ,  6c  qui  les 
empêche  de  fe  réunir.  Il  paroît  que  c'efl  de  ces 
deux  forces  ,  attraclion  &c  répuljîon  j  bien  ordon- 
nées ,  que  réfulte  l'équilibre  &  la  parfaite  har- 
monie qu'il  a  plu  au  Créateur  d'établir  dans  l'uni- 
vers. Cette  répulllon  ,  quoique  caufe  féconde ,  de 
foumife  aux  Icix  de  l'attradlion  ,  eft  une  propriété 
inhérente  à  la  matière  :  cette  propriété  agit  con- 
jointement avec  l'attraétion  ,  jufques  dans  les  élé- 
ments des  corps.  Se  dans  toutes  les  opérations  de 
la  Chymie.  11  paroît  même  que  c'elf  de  ces  deux 
effets  réunis  ,  ôc  de  leurs  différents  degrés  d'ac- 
tion ,  que  réfulte  la  vnriété  qu'on  obferve  dans 
la  dureté  6c  dans  la  dcnfité  des  corps  ;  cette  ré- 
pulfion  n'influe  pas  moins  dans  les  phénomènes 
de  leur  compoiition  ôc  dans  ceux  de  leur  décom- 
pofuion. 

Beaucoup  de  Phyficiens  ont  rejette  la  répulfion 
que  Newton  avoit  reconnue  dans  les  corps  fublu- 
naires.  Ils  ont  regardé  cette  propriété  comme  chi- 
mérique ,  parcequ'elle  n'étoic  pas  appuyée  fur  un 
nombre  fuffifant  d'expériences  6c  d'obfervations  j 
mais ,  Il  l'on  jette  un  coup  d'œil  fur  beaucoup 
d'opérations  de  chymie  ,  on  ne  pourra  s'empêcher 
d'admettre  une  propriété  répulfive  dans  les  corps. 
Lorfque  nous  parlerons  de  la  cryftallifation  des 
(els  y  jious  nous  étendrons  davantage  fur  cette  ma- 


28  Chymie  expérimentale 

tiere  :  nous  ferons  voir  des  expériences  très  fa- 
vorables au  fyftême  de  la  répulfion, 

1  " .  affinité  d^agrégation» 

L'affinité  d'agrégation  eft  l'attradion  &  l'ad- 
nérence  des  corps  de  mcme  efpece  dans  l'état  de 
liquidité  ,  pour  former  des  mafïes  plus  grofles , 
mais  de  même  nature. 

On  place  fur  un  papier  huilé ,  deux  gouttes 
d'eau  ,  diftantes  l'une  de  l'autre  d'environ  une 
ligne  :  un  inftant  après ,  on  voit  qu'elles  font 
effort  pour  fe  rapprocher  ;  elles  fe  rapprochent 
en  effet ,  &  fe  réuniirent  avec  un  mouvement 
accéléré.  Deux  gouttes  de  mercure  placées ,  dans 
Iqs  mêmes  circonftances  ,  fur  une  feuille  de  pa- 
pier, fe  réunirent  également  avec  un  mouve- 
ment accéléré.  Il  y  a  beaucoup  d'autres  expé- 
riences ,  dépendantes  de  la  même  caufe  ,  où 
deux  gouttes  de  liqueurs  homogènes  fe  réuniffent 
de  la  même  manière  j  tandis  que  deux  gouttes  de 
liqueurs  hétérogènes,  comme  une  goutte  d'eau 
&  une  goutte  d'huile ,  loin  de  fe  réunir ,  fem- 
blent ,  au  contraire ,  fe  repouffer. 

Il  eft  bon  de  prévenir  ,  lorfqu'on  fait  cqs  expé- 
riences, de  pofer  les  gouttes  de  liqueurs  fur  des 
corps  auxquels  elles  n'aient  point  une  difpofition 
à  s'unir  :  par  exemple,  fi  l'on  mettoit  les  deux 
gouttes  d'eau  fur  du  papier  fans  être  huilé  ,  cette 
affinité  ne  fe  manifefteroit  point,  l'eau  s'imbibe- 
roit  dans  le  papier,  &  cette  imbibition  s'oppoferoit 
au  phénomène  de  la  tendance.  La  même  chofe 
arriveroit  fi  on  plaçoit  des  gouttes  de  mercure 
fur  une  plaque  de  plomb  ou  d'étain  ,  &c. 

Comme  l'agrégation  emporte  nécefiairement 
avec  elle  l'union  &:  le  mélange  intime  des  corps 
tqu'pn  met  en  jeu ,  de  manière  qu'on  ne  puifTe 


ET      RAÎSONNiE.  i^ 

pas  diftinguer  les  parties  qui  étoient  a  droite 
d'avec  celles  qui  étoient  à  gauche  ;  il  s'enfuie 
que  ce  cas  d'aftinité  ne  peut  avoir  lieu  qu'avec 
des  corps  qui  font  dans  l'état  de  liquidité  , 
comme  font  les  liquides  dont  nous  venons  de 
parler  ,  ou  deux  gouttes  de  métal  de  même  ef- 
pece  ,  en  fufion  ,  qu'on  placeroit  l'une  à  côté  de 
l'autre.  Ce  en  quoi  cette  efpece  d'affinité  diftere 
de  l'affinité  d'adhérence  ,  eft  que  dans  cette  der- 
nière affinité  ,  qui  a  lieu  entre  les  corps  folides 
de  même  efpece  ,  oud'efpece  différente  ,  ou  entre 
un  corps  folide  &  un  corps  liquide ,  les  corps  ne 
peuvent  fe  mêler  ni  fe  confondre. 

Les  exemples  d'affinité  d'agrégation  que  j'ai 
rapportes  ,  prouvent  que  l'attradion  agit  fur  les 
petites  parties  des  corps  dans  l'état  de  liquidité  , 
comme  fur  les  corps  folides  j  au  refte  ces  faits 
peuvent  être  également  cités  comme  des  exemples 
d'affinité  d'attradtion  &c  d'affinité  d'agrégation  : 
mais  fi  l'on  veut  voir  les  effets  de  cette  dernière 
affinité  d'une  manière  plus  fenfible  ,  on  peut 
mêler  un  verre  d'eau  avec  un  verre  d'eau,  ou  uîi 
verre  d'huile  avec  un  verre  d'huile  ,  ou  une  livre 
de  plomb  fondu  avec  une  livre  de  plomb  fondu  j 
ces  expériences  font  toutes  autant  d'exemples 
d'affinités  d'agrégation.  Mais  fi  ,  par  l'agitation  , 
on  mêle  intimement  un  verre  d'eau  &  un  verre 
d'huile  ,  ou  que  ,  par  la  fufion  ,  on  mêle  du  fer 
&■  du  cuivre ,  ces  deux  mélanges  ne  formeront 
point  d'agrégation  ,  parceque  l'huile  &c  l'eau  ne 
font  pas  des  corps  de  même  efpece ,  non  plus 
que  le  fer  ôc  le  cuivre.  Le  fimple  repos  occa- 
nonnera  la  féparation  de  l'huile  d'avec  l'eau  ;  ôC 
l'on  obfervera ,  dans  le  mélange  de  fer  &  de  cui- 
vre ,  que  ces  métaux  ne  font  pas  parfaitement 
unis  j  ils  feront  difpetfés  dans  la  maif*?  d'une  ma- 


^O  ChYMIE    EXPERIMENTALE 

niere  très  diftinde  ,  Se  on  pourra  les  féparer  l'urf 
de  l'ancre  avec  un  marteau  &  un  cifeau. 

Il  en  eft  de  même  d'un  tas  de  briques  ou  de 
fable  :  ce  n'eft  point  une  agrégation  ,  mais  un 
amas  de  matière.  Si  l'on  procure  au  fable ,  ou  à 
la  brique ,  le  degré  de  chaleur  convenable  poui* 
les  faire  entrer  en  fulion ,  alors  les  parties  fe  réu- 
nilfent  ;  elles  forment  une  maife  uniforme  j  il 
en  réfulte  une  agrégation.  Ainfi ,  pour  que  l'agré- 
gation ait  véritablement  lieu,  il  faut,  comme 
nous  l'avons  déjà  dit ,  que  les  corps  foient  ho- 
mogènes entre  eux ,  &c  dans  un  état  de  liquidité , 
afin  que  l'union  des  parties  puilfe  fe  faire. 

3°.  Jlffinué  compofée  de  deux  corps  ,  d'oà  il  réfuhc 
une  combinai  fort. 

Cette  affinité  a  lieu  à  l'égard  de  deux  corps  hé- 
térogènes qui  agilfent  mutuellement  l'un  fur  l'au- 
tre ,  en  épuifant  réciproquement  leurs  propriétés 
particulières.  11  réfulte  de  leur  union  un  nouveau 
corps  compofé  qui  a  des  propriétés  moyennes 
entre  les  corps  qui  ont  fervi  à  le  former. 

Expérience. 

On  met  dans  un  verre  un  morceau  de  marbre 
blanc  :  on  verfe  par-delfus  environ  trois  ou  qua- 
tre fois  fon  poids  d'acide  nitreux  :  aufii-tôt  l'acide 
agit  fur  le  marbre  :  il  fe  fait  une  effervefcence 
qui  dur-î  tant  qu'il  y  a  du  marbre  $^  de  l'acide 
nitreux  en  état  d'agir  :  le  marbre  difparoît  en  en- 
tier ,  fi  l'on  a  employé  fuffifamment  d'acide. 

Après  que  la  diffolution  eft  faite ,  &;  qu'elle 
eft  bien  faturée ,  il  réfulte  une  liqueur  qui  a  des 
propriétés  moyennes  entre  celles  de  l'acide  &: 
celles  du  marbre. 

Le  marbre  n'a  ni  odeur  ni  faveur  \  l'acide  ni- 


fe   T      R  A  I  S  O  N  N  i  e1  '^l" 

freux  a  une  odeur  forte ,  &  une  faveur  violem- 
ment aigre,qui  agace  les  dents.  Ce  dernier  partage 
{es  propriétés  avec  le  marbre  blanc  :  le  compofé 
qui  réfulte  de  leur  union ,  a  infiniment  moins 
d'odeur  ,  moins  de  faveur  que  n'en  a  l'acide  ni- 
treux  pur  :  celle  de  ce  compofé  n'eft  plus  aigre  ; 
elle  eft  feulement  falée ,  un  peu  amere  8c  pi- 
quante 'j  mais  on  n'y  reconnoît  plus  les  propriétés 
de  l'acide  nitreux  pur. 

Il  y  a  dans  la  Chymie  beaucoup  d'exemples 
femblables  d'affinité  de  deux  corps ,  d'où  il  ré- 
fulte autant  d'efpeces  de  compofcs  :  nous  en  par- 
lerons ,  à  mefure  que  l'occafion  nous  en  fournira 
les  moyens.  Nous  ferons  ici  quelques  remarques 
fur  la  manière  d'opérer  cette  affinité  avec  plus  de 
facilité. 

1°.  Il  y  a  des  corps  dont  l'adhérence  des  parties 
efl:  fi  grande ,  que  les  acides  les  plus  puiffants  font 
abfolument  hors  d'état  de  les  attaquer  par  la  voie 
humide ,  &  tant  qu'ils  font  agrégés  :  telles  font  les 
pierres  Scies  terres  vitrifiables ,  Sec.  Mais  fi  l'on 
détruit  l'agrégation  des  parties  de  la  matière  ,  en 
pulvérifant  les  corps,  foit  par  des  moyens  mécha- 
niques ,  foit  par  des  moyens  chymiques ,  fuivanc 
la  nature  des  corps  que  l'on  veut  combiner ,  on 
parvient  à  les  unir  enfemble  j  de  c'eft  en  effet  à. 
quoi  je  fuis  parvenu  dans  beaucoup  d'occafions. 

Le  marbre  même ,  quoiqu'il  foit  de  facile  dif- 
folution  dans  les  acides ,  fe  dilfout  moins  rapide- 
ment ,  lorfqu'il  eft  en  gros  morceaux ,  que  lorf- 
qu'il  eft  en  poudre  fine. 

1°.  De  ce  que  deux  corps  fe  font  unis  très 
promptement  ,  on  n'en  doit  pas  conclure  qu'ils 
ont  enfemble  la  plus  grande  affinité.  C'eft  par  l'ad- 
hérence qi;i  fubhlle  après  qu'ils  font  unis  ,  &c  par 
les  difliciilrés  qu'on  éprouve  à  les  fcparer,  qu'on 


|i  ChYMIE    EXPERIMENTALE 

doit  mefurer  leurs  degrés  d'affinité.  Par  exem- 
ple ,  l'argent  s'unit  à  l'acide  nicreux  avec  beau- 
coup  de  facilite  ;  mais  il  y  tient  bien  Icgéremervt  j 
une  chaleur  mcme  a(Tez  modérée  fuffit  pour  l'en 
réparer  j  tandis  cju'au  contraire  ,  l'acide  marin , 
qui  ne  s'unit  à  l'argent  que  difficilement ,  &  par 
des  moyens  non  direfts  ,  contra6te  cependant 
avec  ce  métal  une  union  très  forte  ,  &c  qui  ne 
peut  être  détruite  avec  la  même  facilité.  De  là 
on  peut  conclure  qu'il  ne  faut  pas  décider  qu'un 
corps  n'a  aucune  affinité  avec  un  autre  corps  ,  par- 
ceque  l'on  ne  connoît  aucun  moyen  de  les  unir  : 
il  y  a ,  au  contraire ,  tout  lieu  de  penfer  c[u'on  y 
parviendioit  par  des  moyens  plus  recherchés. 

La  Chymie  n'étant  pas  encore  alTez  avancée 
pour  parvenir  à  unir  certains  corps  qui  refufent 
de  fe  combiner ,  nous  regarderons ,  comme  le  dit 
M.  Macquer ,  les  affinités  qu  on  peut  leur  fuppo- 
fer ,  comme  de  nul  effet  j  &C  nous  dirons ,  avec 
cet  habile  Chymifte  ,  en  attendant  qu'on  décou- 
vre les  moyens  de  les  unir ,  que  ces  corps-là  n'ont 
f>oint  d'affinité  enfemble ,  comme  l'huile  &  l'eau, 
e  plomb  Se  le  fer ,  le  mercure  Se  le  fer ,  Sec,  parce- 
que  jufqu'à  préfent  on  ne  connoît  aucun  moyen  de 
les  unir  directement. 

4°.  Affinité  compofét  de  trois  corps  qui  ont  en-^ 
femhle  un  égal  degré  d* affinité. 

Les  affinités  de  cette  clafTe  font  celles  des  corps 
hétérogènes  qui  ont  enfemble  des  degrés  d'afn- 
nite  égaux ,  ou  a-peu-pres  cgaux  ,   &  qui  s  unil-    | 
fent,  fans  qu'il  arrive  de  décompofîtion.  " 

Expérience. 

On  fait  fondre  enfemble  dans  une  cuiller  de 
fer,  quatre  gros  de  plomb  Se  autant  d'étain  :  on 

ajoute 


ET      RAISON  NEE.  jjj> 

ajoute  à  ces  métaux  fondus  deux  gros  de  mer* 
cure  :  on  coule  ce  mélange  fur  une  brique  :  le 
mercure  s'unit  en  même  temps  au  plomb  &  à 
rétain  ,  parceque  fon  affinité  eft  à-peu-près  égale 
avec  l'un  comme  avec  l'aune.  La  malTe  métal- 
lique fe  trouve  avoir  des  propriétés  communes 
aux  trois  corps  dont  elle  eft  compofée  :  elle  eft 
plus  blanche  ,  plus  argentine  ,  plus  aigre  &  plus 
cafTante  que  ne  le  font  ,  chacun  féparement  , 
ou  enfemble  ,  le  plomb  de  l'étain  :  le  mercure  a 
perdu  fa  fluidité ,  en  diminuant  la  folidité  des 
autres  métaux. 

On  pourroit  ainfi  réunir  un  plus  grand  nom- 
bre de  corps ,  fans  qu'il  arrivât  de  décompofition  J 
ce  feroit  alors  un  exemple  d'affinité  compofée 
d'autant  de  corps  qu'on  en  auroit  fait  entrer  dans 
le  mélange. 

5°.  JffinUe  d'intermède, 

\  L'affinité  d'intermède  eft  celle  dans  laquelle 
deux  corps  ne  peuvent  s'unir  enfemble,  qu'à  l'aide 
d'un  troifieme  qui  a  de  l'affinité  avec  un  des  deux 
premiers,  ou  avec  tous  les  deux  en  mcme  temps. 

Expérience. 

On  met  dans  un  verre  un  morceau  de  marbre 
blanc  :  on  verfe  de  l'eau  par-delfus  :  ces  deux 
fubftances  ne  s'uniffent  point  j  mais  fi  l'on  ajoute 
un  acide,  il  dilTout  le  marbre  j  il  facilite  par  con-- 
léquent  (on  union  avec  l'eau  :  ainfi  l'acide  eft  un 
intermède  propre  à  unir  la  terre  avec  l'eau  ,  par- 
coque  l'acide  a  de  l'affinité  avec  la  terre,  Se  qu'il 
en  a  auffi  avec  l'eau. 

Il  en  eft  de  mcme  du  foufre  8c  de  l'eau  qui 
n'ont  point  d'affinité ,  &c  qui  ne  peuvent  s'unir 
Tome  I,  C 


^4  CnirMît  EXPÉRIMENtÂtlè 

enfemble  ;  mais  Ci  l'on  ajoute  de  Talkali  fixè'^ 
comme  il  a  de  l'affinité  avec  l'eau  &  avec  le  foufre, 
il  fert  d'intermède  pour  unir  le  foufre  à  l'eau  j  ce 
compofé  porte  le  nom  de /oie  de  foufre. 

Il  y  a  dans  la  Chymie  une  infinité  d'exemples 
d'affinités  de  ce  genre. 

6°.  Affinité  de  trois  corps  ,  de  laquelle  il  réfulte 
une  décompofition  &  une  nouvelle  combinaifon 
qui  fe  font  en  même  temrs. 

Cette  affinité  a  lieu  ,  lorfqu'on  ajoute  à  deux 
corps  qui  font  déjà  unis ,  un  troifieme  qui  a  avec 
l'un  des  deux  une  affinité  plus  grande  que  les 
deux  premiers  n'en  ont  enfemble. 

Expérience. 

On  met  dans  un  verre  du  marbre  difïous  par 
de  l'acide  nitreux  :  on  verfe  defTus  de  l'alkali 
fixe  en  liqueur  :  cette  matière  faline  occafionne 
fur-le-champ  un  précipité  blanc  qui  eft  le  marbre 
que  tenoit  l'acide  en  difTolution.  Cet  effet  arrive , 
parceque  les  affinités  de  l'acide  &  de  l'alkali  font 
plus  fortes  entre  elles  ,  que  celle  de  la  terre  avec 
ce  même  acide  :  l'acide  nitreux  quitte  la  terre , 
pour  s'unir  à  l'alkali ,  &  former  enfemble  une 
nouvelle  combinaifon  qui  efl  du  nitre.  On  peut 
obtenir  ce  nitre ,  en  filtrant  le  mélange  ,  &  fai- 
fant  évaporer  une  partie  de  la  liqueur  :  elle  four- 
nit, par  le  refroidiirement,  de  vrais  cryftaux  de 
nitre.  Ce  qui  refte  dans  le  filtre ,  eft  le  marbre 
en  poudre  :  on  peut  le  laver ,  pour  le  defTaler  :  on 
lui  reconnoîtra  toutes  les  propriétés  qu'il  avoit 
auparavant. 

Ce  genre  d'affinité  eft  d'un  grand  fecours  dans 
les  opérations  de  la  Chymie  :  c'eft  par  elle  que 


ET      R  A  1  S   O  N  N  E  E.  '15* 

"&*operent  toutes  les  précipitations  des  matières 
métalliques  qui  étoient  dilToutes  dans  un  acide- 
quelconque. 

7°»  affinité  réciproque, 

L'afEnitc  réciproque  eft  celle  où  deux  corps 
déjà  unis,  l'un  des  deux  eft  ieparé  par  un  troi- 
fieme  qu'on  lui  préfente  :  le  corps  dégagé  fépare 
à  fon  tour  celui  qui  l'avoit  féparé  d'abord.  On 
nomme  cette  affinité  réciproque  ^  à  caufe  de  U 
réciprocité  des  effets  qui  arrivent. 

ExPÉRir.    NCE. 

On  met  dans  une  cornue  parties  égales  de  nitrc 
Se  d'acide  vitriolique  :  on  foumet  le  mélange  à  la 
diftillation  :  l'acide  vitriolique  décompofc  le  ni- 
tre  -.l'acide  nitreux  patfe  dans  la  diftillation.  U 
refte  dans  la  cornue  l'acide  vitriolique  uni  à  l'ai- 
kali  du  nitre  qui  forme  du  fel  de  duohus  qu'on 
purifie  par  diftolution ,  filtration  &:  cryftallifa- 
tion. 

Enfuite  on  fait  dilToudre,  à  l'aide  d'une  douce 
chaleur  ,  du  fel  de  duohus  dans  fon  poids  égal  ,  ou 
à-peu-près,  d'acide  nitreux.  Lorfque  la  diflolution 
eft  faite  ,  on  la  lailfe  refroidir  :  elle  fournit  une 
très  grande  quantité  de  cryftaux  qui  font  du  ni- 
tre ,  qu'on  fait  égoutterfur  du  papier  gris ,  pour 
abforber  l'acide  vitriolique  qui  le  mouille.  Dans 
ce  dernier  cas ,  l'acide  nitreux  dégage  l'acide  vi- 
triolique ,  pour  s'unir  à  l'alkali  du  fel  de  duobus ^ 
avec  lequel  il  forme  du  nitre. 

Il  réfulte  de  ces  expériences  ,  que  ,  par  la  voie 
feche,  l'acide  vitriolique  a  plus  d'amnité  avec 
l'alkali  du  nitre ,  que  non  a  l'acide  nitreux  ;  & 
au  contraire,  ilparoîtque,  par  la  voie  humide  , 
c'eft  l'acide  nitreux  qui  a  fon  affinité  plus  grande 

Cij 


$iS         Chymie  expérimentale 

:iy Gc  cette  même  matière faline.  Le  fel  de  GlaubeL* 
fe  ciécompofe  de  même  par  l'acide  nitreux.  Nous 
rendrons  compte  en  (on  lieu  de  quelques  obfer- 
vations  relatives  à  ces  affinités  réciproques. 

11  y  a  dans  la  Chymie  beaucoup  d'exemples 
femblables  ,  telle  que  la  décompofition  du  fel  am- 
moniac par  la  craie  ,  qui  s'opère  par  la  voie  feche: 
la  craie  dégage  l'alkali  volatil  :  cette  dernière 
fubftance  décompofe  à  Ion  tour  ,  par  la  voie  hu- 
mide ,  le  fel  marin  à  bafe  terreufe  ,  qui  refte 
dans  la  cornue  après  la  décompofition  du  fel  am- 
moniac, &c.  ôcc.  Ces  obfervations  font  voir  la 
nécelîité  d'établir  les  deux  tables  des  rapports  que 
je  propofe  :  c'eft  le  feul  moyen  de  mettre  plus  de 
clarté  dans  l'ordre  des  affinités  des  corps ,  &  de 
connoître  leur  degré  d'affinité  avec  plus  d'exadti- 
tude  qu'on  n'a  pu  le  faire  jafqu'à  préfenr. 

8^.  affinité  de  quatre  corps  i  ou  Affinité  double  y 
d'où  il  ré  fuite  deux  décompojitions  &  deux  nou- 
velles combinaifons. 

Ces  affinités  font  celles  où  l'on  met  en  jeu 
quatre  fubftances ,  mais  déjà  combinées  deux  à 
deux  :  les  deux  compofées  échangent  récipro»- 
quement  leurs  parties  conftituanres ,  &  forment 
deux  nouvelles  combinaifons  produites  par  deux 
décompofitions. 

Expérience. 

On  prend  ,  d'une  part ,  du  fel  de  Glauber  , 
qui  ell  compofé  d'acide  vitriolique  &  d'alkali 
marin. 

D'une  autre  part,  on  prend  du  mercure  dif- 
fous  par  de  l'acide  nitreux  :  cela  forme  bien  les 
quatre  fubftances,  mais  combinées  deux  à  deux. 


1  T      R  A  I  S   O  N  N  E  E.  J7 

comme  nous  l'avons  dit  dans  notre  définition. 

Prcfentement ,  en  mêlant  ces  deux  diirolutions,. 
il fe fait,  un  inftant  après,  un  précipite.  Ce  préci- 
pité eft  produit  par  l'union  du  mercure  avec  l'acide 
vitriolique  qui  ont  quitté ,  l'un  l'acide  nitreux  , 
&c  l'autre  l'alkali  marin  ,  pour  former  un  vitriol 
de  mercure  qui  fait  une  nouvelle  combinaifon 
d'acide  vitriolique  &  de  mercure,  que  l'on  nomme 
turbith  minéral.  En  filtrant  la  liqueur  ,  &:  la  fài- 
fant  évaporer  un  peu ,  elle  fournit  des  cryftaux  de 
nitre  quadrangulaires  \  &  c'eft  la  féconde  combi- 
naifon :  elle  eft  formée  par  l'alkali  marin  du  fel 
de  Glauber  6i  l'acide  nitreux  de  la  dilfolution  de 
mercure. 

Il  y  a  dans  laChymie  une  infinité  d'occafions 
où  ce  genre  d'affinité  a  lieu.  Le  tartre  vitriolé  &: 
la  diffclution de  mercure,  faite  par  de  l'acide  ni- 
treux, fournilTent  encore  un  exemple  de  ces  affi- 
nités. 

La  décompofition  du  fel  de  Glauber  &  du 
tartre  vitriolé  par  le  fel  de  Saturne  j  l'opération 
du  bleu  de  Prufle  *,  celle  par  laquelle  on  fait 
en  mcme  temps  le  beurre  &:  le  cinnabre  d'an- 
timoine \  la  décompofition  du  fel  marm  par  les 
diffolutions  de  plomb  ,  d'argent  &:  de  mercure  ,. 
fiites  par  l'acide  nitreux,  font  autant  d'exemples 
de  cette  affinité  de  quatre  corps  qui  agillent  en 
même  temps  ,  &  qui  produifent  deux  décompo- 
fitions  oc  deux  nouvelles  combinaifons. 

Au  moyen  de  ces  affinités  doubles,  on  explique 
plufieurs  phénomènes  de  décompofition  &  de 
compofition  dont  on  auroit  peine  à  rendre  raifon» 
Elles  fervent  à  prouver  ,  par  exemple  ,  que  cer- 
tains corps ,  tant  qu'ils  font  en  malle  d'agrégés , 
ne  peuvent  ni  s'unir  ni  fe  combiner  ;  mais  que  3^ 
lovfque  ces  mêmes  corps  fouc  fuffifamment  di- 

Ciij 


5  5  ChYMIE    EXPÉRIMINTAL* 

vifés ,  foie  par  des  moyens  méchaniques  ou  chy- 
miques,  ils  s'unilTent  très  bien  j  tel  que  le  mer- 
cure qui  ne  peut ,  fans  feu ,  s'unir  à  l'acide  vi- 
triolique  même  concentre ,  &  qui  fe  combine 
très  bien  avec  cet  acide  même  aftoibli ,  lorfqu'il 
a  étédivifé  auparavant.  L'acide  nitreux  fait  cette 
divifion  j  d'où  je  conclus  qu'en  divifant  fuffifam- 
ment  les  corps ,  on  peut  parvenir  à  en  unir  beau- 
coup qui  paroilîent  les  moins  difpofés  à  fe  com- 
biner. 

Ces  affinités  de  quatre  corps  font  très  com- 
modes pour  découvrir  certains  mélanges  qui  fe- 
roient  difficiles  à  connoîrre  autrement.  Néan- 
moins il  y  a  nombre  d'occafions  où  cela  n'eft  pas 
abfolument  nécelTaire  ,  &  où  les  décompofîtions 
fe  font  avec  trois  corps ,  tels  que  ,  i  ^.  la  décom- 
polltion  du  tartre  vitriolé  par  l'acide  nitreux  feul  : 
i".  le  fel  de  Glauber  décompofé  par  ce  même 
acide  feul  :  3  °.  ces  fels  pareillement  décompofés 
par  du  plomb  pur ,  mais  fuffifamment  divifé  : 
4°.  du  bleu  de  Pruiïe  fait  fans  acide  par  l'alkali 
volatil  &  le  fer  dilTous  dans  de  l'eau  diftillée  : 
5  "".  le  fublimé  corrofîf ,  décompofé  par  le  régule 
d'antimoine:  6*^.  le  fel  marin,  décompofé  par 
l'acide  nitreux  feul. 

11  réfulte  donc  qu'à  la  rigueur,  on  peut  fe  pafTer 
des  affinités  de  quatre  corps  ,  pour  opérer  beau- 
coup de  décompofitions  ,  puifqu'elles  ont  lieu 
avec  trois  j  ce  qui  me  paroît  plus  fimple  &  plus 
conforme  aux  loix  de  la  Nature.  D'ailleurs  il  eft 
à  prefumer  que  des  quatre  corps  qu'on  met  en 
jeu  ,  il  arrive  fouvent  qu'il  n'y  en  a  que  trois  qui 
agilTent  direélement  ;  le  quatrième  joue  (on  rôle 
par  occafion ,  &  parcequ'il  eft  libre  :  il  fe  réunit 
avec  celui  des  trois ,  qui  fe  trouve  nécelTairement 
iibre.  Cependant  il  faut  convenir  que  ces  décom- 


tT      RAISONNE  E.  ^^ 

pofînons  &  compoficions  réuflilTenc  mieux  ,  lorf- 
qu'on  mec  les  quacre  corps  en  jeu  :  elles  font  infi- 
niment plus  promptes. 

Sur  les  Eléments  ,  ou  Principes  primitifs  des  corps. 

Les  Chymiftes  donnent  le  nom  d'é/ements  à 
des  fubftances  fimples ,  inaltérables ,  auxquelles 
on  ne  connoît  point  de  parties  conftituantes  : 
tels  font  le  feu  f  Vair^  ïeau  Se  la  terre.  On  leur  a 
donné  aulîi  le  nom  de  principes  primitij s  j  par- 
cequ'ils  font  en  etfet  les  premiers  principes  des 
corps,  &  qu'ils  entrent,  comme  principes  confti- 
tuants  ,  dans  la  compofition  des  corps  compofés  j 
du  moins  ,  ils  fe  manifeftent  dans  toutes  les  ana- 
lyfes  &  décompofitions  chymiques ,  comme  der- 
niers réfultats  qu'on  ne  peut  plus  décompofer. 

Ces  quatre  fubftances  ne  fe  trouvent  pas  tou- 
jours réunies  dans  tous  les  corps  de  la  Nature  in- 
diftindement  :  les  végétaux  &  les  animaux  les 
contiennent  bien  toutes  j  mais  la  plupart  des  ma- 
tières du  règne  minéral ,  &c  Ipécialement  les  ter- 
res vitrihables ,  font  abfolument  dépourvues  d'air 
&  d'eau. 

La  plupart  des  Philofophes  ont  fenti  la  nc- 
cellicé  d'admettre  àes  principes  primitifs  j,  c'eft-à- 
dire ,  des  corps  très  (impies,  qui  fervilTent  à  for- 
mer tous  les  corps  de  la  Nature ,  (Se  dans  un  ordre 
progrellif,  comme  nous  le  dirons  dans  un  inftant: 
mais  ces  Philofophes  ne  font  point  d'accord  fur 
la  nature  de  ces  principes,  ni  fur  leur  nombre  : 
ils  leur  ont  donné  différents  noms,  comme  éle'- 
mènes  j  monades  j  matière  première  j  Sec.  Les 
uns ,  comme  Thaïes  de  Milet,  admettoient  l'eau 
comme  principe  de  toutes  chofes  :  les  autres , 
comme  Anaximene ,  penfoient  que  l'air  étoic 
le  feul  principe  :  d'autres  la  terre ,  &  d'autres 

C  iv 


40  Chymie  expérimentale 

le  feu  :  ils  ont  quelquefois  attribué  aux  princi- 
pes qu'ils  avoient  adoptés  ,  des  propriétés  qui 
n'étoienr  purement  relatives  qu'à  ce  qu'ils  fe 
propofoient  d'expliquer.  Quoi  qu'il  en  foit ,  & 
fous  quelque  dénomination  que  l'on  confidere 
les  principes  primitifs  des  corps ,  on  doit  con- 
cevoir qu'ils  font  elTentiellement  de  la  plus  grande 
iimplicité  ,  qu'ils  n'ont  point  de  parties  confti- 
tuantes,  êc  qu'àcaufe  de  la  ténuité  &  de  la  fineffe 
de  leurs  parties  ,  ils  ne  peuvent  être  foumis  a 
aucun  de  nos  fens. 

Empédocles ,    l'un  des  plus  anciens  Philofo- 
phes  de  la  Grèce  ,  paroît  être  le  premier  qui  ait 
établi ,   comme  éléments  ou  principes  de  toutes 
choies  ,  le  feu  j  Vair  ^  Veau  &c  la  terre.   Voyez 
Hijloire  de  la  Phïlofophïe  par   M.  Deflande  , 
Tome  II,   page   02,.  L'habile  Traduétewr  de  la 
nouvelle  Edition  de  Pline  fait  la  m.ême  remar- 
que dans  une  Note  ,  Livre  z  ,  page   13  ,  &  il 
ajoute  qu'Ariftote  &:   Zenon  diftiuguoient   les 
éléments    établis    par  Empédocles  ,   d'avec  les 
principes  :  ils  penfoient  que  Dieu  &  la  matière 
étoient  les  principes  de  toutes  chofes  ,  &c  que  le 
feu  _,  ïair  ^  Veau  &  la  terre  étoient  les  éléments. 
>5  Un  pafiTage  de  Plutarque ,  ditleTradu6teur  de 
>j  Pline  ,    jette    une   grande  lumierç  fur  cette 
35  difficulté  ,  &:  juiHfie  pleinement  la  contradic- 
>j  tion  apparente  où  Pline  femble  tomber  ,  lori- 
»  qu'il  dit  ,    malgré  toutes  les  opinions  qu'on 
s5  vient  de  rapporter,  que  perfonne  ne  doute  que 
S)  les  éléments  ne  foient  quatre  en  nombre. . . . , 
»  Voici  ce  palfage  de  Plutarque.  Ariftote  fc  Pla- 
s3  ton  penfent  qu'il  y  a  une  différence  entre  prin- 
-.->  cipes  iSc  éléments  j  mais  Thaïes  de  Milet  les 
i>  prend  pour  une  même  chofe.  Toutefois  la  diffé- 
s>  rence  cft  grande ,  puifque  les  éléments  font 


E  T      R  A  I  s   O  N  N  E  E.  4I 

j>  compofés ,  &  que  les  piincipes  font  incompofcs 
«  &  fîmples  comme  tout  ce  qui  eft  d'une  nature 
j>  complette.  C'eft:  pourquoi  l'air,  la  terre,  le  feu 
35  &z  l'eau  font  appelles  déments.  Mais  les  prin- 
s>  cipes  font  ainli  nommes ,  parcequ'ils  n'ont  rien 
j>  qui  les  précède ,  &  d'où  ils  dérivent  j  car  au- 
»  trement ,  &  s'ils  n'étoient  les  premiers ,  ils  ne 
»  feroienr  pas  principes ,  mais  engendres,  .-j 

Ce  paiïage  de  Plutarque  fait  voir  alfez  que 
les  fubftances  reconnues  aujourd'hui  par  les  meil- 
leurs Chy milles  Pliyliciens  ,  pour  ctre  les  élé- 
ments primitifs  des  corps ,  étoienr  déjà  connues 
pour  tels  par  beaucoup  de  Philofoplies ,  il  y  a  près 
de  deux  mille  ans  ;  &  vraifemblablemcnt  ces 
Philofophes  n*étoient  pas  Chymiftes.  Les  pre- 
miers Chymiftes  n'ont  point  profité  de  ces  con- 
noiifances.  Paracelfe ,  qui  vivoit  dans  le  feiziemo 
fiecle  ,  imagina  d'ctablir  des  principes  des  corps 
à  fa  manière  \  mais  il  n'étoit  ni  alfez  bon  Pliyli- 
cien  ni  aiïez  bon  Chymifte  ,  pour  connoitre  les 
qualités  que  doivent  avoir  des  fubftances  qui  mé- 
ritent véritablement  le  nom  ^éléments  ou  de 
principes  primitifs.  Il  prend  pour  tels  ,  les  pro» 
duits  qu'il  obtenoit  par  une  première  analyfe  des 
végétaux  &  des  animaux  :  il  en  diftingua  de  cinq 
efpeces ,  qu'il  divifa  en  aciifs  &c  en  pajjîfs.  Ses 
principes  aélifs  font  Vcfprit  _,  V.'  uile&:  \efe/;  & 
les  principes  partîfs  font  Veau  &  la  terre. 

Ce  qu'il  entend  par  efprit  j  qu'il  nomme  aulli 
mercure ,  eft  du  fel  dilTous  dans  de  l'eau. 

Par  kui/e  j  qu'il  nomme  également  y  oz^/rf  ;  il 
entend  toutes  les  liqueurs  huileufes  oç  inflam- 
mables. 

Par  \efclj  il  entend  routes  les  matières  falines. 
,  Par  Veau  y  qu'il  nomme  auiVi  phîc^me ,  il  eu- 
tend  toutes  les  iic|ueurs  aqueufgs. 


5^2         Chymie  ExrÉRi mentale 

Et  par  la  terre  j  il  entend  toutes  les  matière^ 
fixes. 

Cette  dodrine  ,  établie  par  Paracelfe  ,  a  été 
adoptée  par  les  Chymiftes  de  {on  temps ,  &  fui- 
vie  par  plufieurs  Chymiftes  modernes  j  mais  Pa- 
racelfe &  (qs  feilateurs  ont  regardé  comme  prin- 
cipes ,  des  fubftances  qui  n'en  font  pas  :  elles 
n'ont  pas ,  à  beaucoup  près  ,  la  {implicite  des 
vrais  principes  :  ce  font  au  contraire ,  comme  nous 
le  verrons ,  des  fubftances  compofées  ,  très  diffé- 
rentes entre  elles ,  &  qu'on  peut  réduire ,  par  des 
opérations  fucceflîves ,  en  des  fubftances  de  plus 
en  plus  (impies  ,  jufqu'cà  ce  qu'elles  foient  rame- 
nées aux  vrais  éléments  primitifs  dont  nous  par- 
lons. 

Becker  ayant  fentil'obfcurité  de  cette  dodrine, 
a  entrepris  de  la  rectifier.  Il  n'a  établi  que  deux 
principes  ou  éléments  des  corps  ,  favoir  ,  Veau  &. 
la  terre  ;  mais  ,  pour  pouvoir  rendre  raifon  des 
propriétés  de  tous  les  corps  compofés  ,  il  a  admis 
trois  efpeces  de  terres  iimples  &:  élémentaires. 

Il  nomme  la  première  terre  vitrifiable  ;  la  fé- 
conde ,  terre  inflammable  -^  &c  la  troifieme  ,  terre 
mercurielle. 

La  terre  vitrifiable  eft,  félon  Becker ,  le  prin- 
cipe de  la  fixité  ,  de  la  dureté  des  corps  ,  &  de  la 
vitrification. 

Par  terre  inflammable ^  il  entend  celle  qui  con- 
tient le  principe  de  l'inflammabilité. 

Et  par  terre  mercurielle  j  il  entend  le  principe 
de  la  métallifation  j  c'eft-à-dire ,  celui  qui ,  com- 
biné avec  les  deux  autres  terres ,  eft  propre  à  for- 
mer les  métaux. 

Staahl ,  en  redifiant ,  à  fon  tour ,  la  théorie  de 
Becker,  a  prouvé  ,  d'une  manière  fatisfaifante , 
i'exiftence  des  deux  premières  terres ,   la  terre 


ET       RAISONNE  F.  j4j 

VÎtnfiabU  Se  la  terre  infiammable  ;  mais  il  révoque 
en  doute  l'exiftence  de  la  troifieme ,  comme  ne  lui 
paroiiïanc  pas  fuffifamment  démontrée  ;  &  il  fait 
voir  en  même  temps  que  Ja  terre  inflammable  ,  a 
laquelle  il  donne  le  nom  dephiogijiique  ^  n'eft  pas 
un  principe  fimple  j  que  c'eft  une  fubftance  com- 
pofée  ,  qu'on  peut  analyfer  ,  &  qui  n'a  point  par 
conféquent  la  implicite  des  fubftances  qu'on  doit 
regarder  comme  cléments.  Ainfi  des  trois  terres 
de  Becker  ,  il  ne  refte  que  la  terre  vitritiable , 
qu'on  puifTe  raifonnablement  mettre  au  rang  des 
cléments. 

Staahl  a  beaucoup  raifonné  fur  la  {implicite  que 
doivent  avoir  de  vrais  principes  j  il  a  éclairer  la 
théorie  de  Becker  ,  Sz  a  ctabli  la  fîenne.  Parmi  les 
Chymiftes ,  il  paroît  être  le  premier  qui  ait  admis 
pour  éléments  ou  principes  primitifs  des  corps , 
le  feu  ,  Vairj  Veau  ôc  la  terre  ^  qui  avoient  été 
reconnus  pour  tels  par  les  Philofophes  Grecs  que 
nous  avons  cités  plus  haut  j  mais  ,  quoique  Staahl 
s'explique  clairement ,  &  qu'il  reconnoilfe  à  ces 
fubllances  toute  la  implicite  des  vrais  principes 
primitifs  ,  il  penfe  ,  d'après  ces  Philofophes ,  que 
le  feu  ,  l'air  ,  l'eau  ôc  la  terre  ,  regardés  comme 
les  quatre  éléments  ,  font  eux-mêmes  compofés 
de  fubftances  encore  beaucoup  plus  fimples.  Il  ne 
dit  pas  avec  autant  de  précifîon,  s'ils  font  com- 
pofés d'une  ou  de  plulieurs  fubftances  hétérogè- 
nes entre  elles ,  Se  qui  aient  des  propriétés  diffé- 
rences,  ou  fi  elles  font  homogènes.  Et  en  effet , 
il  eft  impoffiblede  fe  procurer  cette  connoiirance. 

Staahl  lailfe  feulement  appercevoir  qu'il  pen- 
foit  que  les  principes  qu'il  fuppofe  compofer  nos 
quatre  éléments ,  font  hétérogènes  entre  eux  : 
en  effet  ,  il  paroît  difficile  de  concevoir  com- 
ment un  feul  principe  fimple  ôi  homogène  peut 


44  ChYMIE    EXPÉRIMENTAtl 

former ,  non  feulement  le  feu  ,  l'aii' ,  l'eau  Se  la 
leire,  mais  encore  tous  les  différents  corps  qui 
exiftent  dans  la  Nature.  Les  molécules  d'un  tel 
principe  unique ,  en  fe  réunilfant ,  ne  doivent 
former  que  des  agrégations  qui  feront  toujours 
de  même  efpece ,  &c  non  des  combinaifons.  Si 
l'on  vouloir  fuppofer  ,  avec  Staahl  &c  les  Philo- 
fophes  Grecs,  que  le  feu,  l'air,  l'eau  &:  la  terre 
foient  des  fubftances  compofées ,  il  paroîtroit  rai- 
fonnable  de  croire  qu'il  entre  dans  leur  compofi- 
tion  plufieurs  efpeces  de  principes  également 
Tmiples ,  mais  différents  entre  eux  par  leurs  pro- 
priétés. 

Nous  penfons  qu'il  eft  difficile  d'en  détermi- 
ner le  nombre  ,  &  nous  en  fentirons  mieux  les 
raifons ,  lorfque  nous  examinerons  les  propriétés 
de  ces  fubftances  (  du  feu,  de  l'air ,  de  l'eau  &  de 
la  terre  ) ,  &  nous  les  confidérerons  avec  les  meil- 
leurs Chymiftes-Phylipiens ,  comme  les  feuls  ÔC 
vrais  principes  des  corps ,  parceque  nous  ne  con- 
noiffons  ,  quant  à  préfent,  aucun  moyen  pour 
les  décompofer ,  ou  pour  leur  caufer  la  moindre 
altération. 

Il  paroît  très  naturel  de  croire  que  Staahl  doit 
aux  Philofophes  anciens  l'idée  qu'il  s'eft  formée 
fur  la  poflibilité  que  ces  éléments  pouvoient  être 
eux-mcmes  compofés  :  ce  feutiment  n'eft  pas 
tout-a-flùt  dénué  de  viaifemblance  ;  du  moins  le- 
feu,  ou  plutôt  la  lumière  qui  nous  vient  du  fo- 
leil ,  eft  décompofable  en  fept  couleurs  diffé- 
rentes ,  comme  l'a  prouvé  Nev/ton  par  beaucoup 
d'expériences  des  plus  curieufes  3c  des  plus  fatis- 
faifantes.  Peut-être  parviendra-ton  par  la  fuite 
à  opérer  quelques  femblablesdécompofîtions  des 
autres  éléments. 

hd-  réunion  des  quatre  éléments  jleurs  propor- 


Et      RAISONNÉ  E.  45 

tions  différentes  &c  leur  manière  de  s'arranger  , 
forment  tous  les  corps  qui  exiftent  dans  la  Nature. 
Nous  démontrerons  ces  vérités  dans  un  très  grand 
détail ,  en  analyfant  les  corps  des  différents  rè- 
gnes. Nous  obferverons  cependant  que  ce  n'eft: 
pas  par  une  première  analyle ,  qu'on  réduit  les 
corps  aux  éléments  dont  ils  font  elTentiellement 
compofés  :  il  faut,  pour  y  parvenir ,  analyfer  ul- 
térieurement ces  premiers  produits,  un  certain 
nombre  de  fois  de  fuite ,  comme  nous  Pavons  die 
en  parlant  des  fubftances  que  Paracelfe  avoit  re- 
gardées comme  principes  :  ces  fubftances  acquiè- 
rent dans  chaque  opération  quelques  degrés  de 
funplicité ,  &  fe  réduifent  à  la  qualité  des  élé- 
ments primitifs.  Ces  obfervations  importantes 
ont  vraifemblablement  donné  à  Becker  ôc  à 
Staahl  l'idée  de  croire  que  les  corps  fe  compo- 
foient  dans  un  ordre  progrellif,  à  peu  près  fem- 
blable  à  ce  qu'on  oblerve  dans  leur  décompoii- 
tion  j  mais  ils  ont  donné  à  ces  corps  de  différents 
ordres  de  compolition  ,  des  dénominations  qui 
font  impropres.  La  fignification  de  ces  termes  eft 
mcme  contraire  à  l'idée  qu'on  y  atfeéle  ordinai- 
nairement ,  &  peut  répandre  de  l'obfcurité  &  de 
l'équivoque.  Ils  les  ont  défij^nés  par  les  termes  de 
mixtes  ou  mixtions  _,  compofés  j  dccompofés  ôc 
Jl  rdécompcfés. 

Ils  entendoient  par  miAVtri  j  le  feu,  l'air,  l'eau 
&  la  terre  ,  qu'ils  penfoient  être  compofés  de 
fubftances  beaucoup  plus  iimples  que  ces  élé- 
ments ne  le  font  eux-mêmes  :  ils  les  ont  nom- 
més, pour  cette  raifon  ,  principes  fcconduires. 

Les  corps  qu'ils  nomment  compofés  ^  font  ceux 
qui  font  formés  immédiatement  par  l'union  des 
mixtes  dont  nous  venons  de  parler. 

Ceux  qu'ils  nomment  décompoft's  j  font  les 


'41?         Chymie  expérimentale 

corps  qui  font  formés  immédiatement  par  dei 
corps  compofés. 

Enfin  ce  qu'ils  entendent  par  corps  furdécom- 
pofés  ^  font  ceux  qui  font  formés  par  l'union  6.<i& 
corps  qu'ils  nomment  décompofcs.  Voilà  en  peu 
de  mots  toute  la  théorie  que  Becker  &:  Staahl 
ont  établie  à  l'égard  des  prmcipes  des  corps  ,  & 
l'ordre  des  combinaifons  qu'ils  fuppofent  former , 
lorfqu'ils  s'unifTent  les  uns  aux  autres  ,  pour 
former  des  corps  fuccellîvement  plus  compofés  \ 
&c  cela  dans  une  progreffion  indéfinie.  Les  Chy- 
miftes  de  les  Phyficiens  les  défignent  par  des  nom- 
bres qui  indiquent  leur  ordre  de  compofition  (i). 
Ainfi  on  les  nomme  compofés  du  premier  ordre  ^ 
compofés  du  fécond  ordre  ^  compofés  du  troiflemc 
ordre  ,  &:c.  ce  qui  ne  donne  lieu  à  aucune  efpece 
d'obfcurité  &  d'équivoque. 

On  peut  préfumer  que  les  différents  corps  fe 
compofent  dans  un  ordre  quelconque ,  &  que  des 
corps  déjà  compofés  entrent  comme  principes  , 
pour  former  des  corps  d'un  autre  ordre  de  com- 
pofition. Mais  la  Chymie  &  la  Phyfique  ne  font 
pas  afTez  avancées  pour  faifir  la  férié  de  cet  or- 
dre de  compofition.  Nous  ne  connoiflons  point, 
par  exemple,  de  fubftances  qui  foient  formées  im- 
médiatement de  l'union  du  feu  &  de  l'air  ,  de  l'u- 
nion du  feu  &:  de  l'eau ,  de  celle  de  l'air  &  de  l'eau  i» 
non  plus  que  de  celle  de  l'air  &:  de  la  terre ,  ainfi 
que  de  celle  de  l'eau  &  de  la  terre  :  il  n'y  a  dans 
ce  genre  de  combinaifon  immédiate  des  principes 
prunitirs ,  que  celle  du  reu&:  de  la  terre  ,  que  l'on 
commence  un  peu  à  connoître.  Cette  union  forme 
la  fubftance  connue  fous  le  nom  de  phlogijlique, 

(  I  )  MufTchenbrock ,  EfTais  de  Phyfique  ,  page  47 ,  pa- 
ragraphe 41.  Dictionnaire  de  Chymie,  page  jzS,  voK  II. 


1  T      R  A  ï  «  b  W  N  Ê  î".  4  J 

Il  en  eft  de  même  des  combinaifons  de  tioh 
de  ces  principes  primitifs.  Nous  ne  connoiffons 
point  de  corps  qui  foient  immédiatement  formés 
du  feu ,  de  l'air  &c  de  l'eau  ,  ni  de  femblables  fub- 
ftances  formées  par  l'union  du  feu ,  delà  terre  Se 
de  l'air.  Nous  commençons  à  connoître  celle  du 
feu ,  de  l'eau  5c  de  la  terre  :  c'eft  celle  qui  forme 
le  principe  falin ,  ou  l'huile  ,  fuivant  les  propor- 
tions où  fe  trouvent  ces  corps.  Néanmoins  il  y  a 
lieu  de  penfer  que  ces  combinaifons  exiftent  dans 
laNature  ,  &c  qu'elles  fervent  de  principes  à  des 
corps  plus  compofés  ^  mais  jufqu'à  préfent,  il  a 
été  impoflible  ae  les  obferver  &  de  les  fuivre. 

La  Nature  nous  offre  les  éléments  dont  nous 
venons  de  parler  ,  fous  deux  états  différents  : 
I  *^.  ifolés  ,  ne  faifant  partie  d'aucun  corps  com- 
pofc  ,  3c  dans  un  état  de  pureté  fuffifant  pour  que 
nous  puilîions  les  reconnoître  :  z°.  combinés  en- 
tre eux  d'une  infinité  de  manières,  &dans  toutes 
fortes  de  proportions  ,  formant  tous  les  corps 
compofés  que  nous  connoifTons. 

Nous  examinerons  les  propriétés  de  ces  élé- 
ments dans  ces  deux  états  ,  &  d'abord  celles  qu'ils 
ont ,  lorfqu'ils  ne  font  partie  d'aucun  corps.  Lorf- 
que  nous  en  ferons  aux  analyfes  ,  nous  recon- 
noîtrons  leurs  autres  propriétés  dans  les  corps 
compofés  dont  ils  font  partie. 

Sur  ie  Feu  pur» 

On  doit  entendre  par  feu  pur ,  celui  qui  eft 
abfolument  libre  ,  qui  ne  fait  partie  d'aucun 
corps  ,  &c  qui  ne  leur  eft  point  adhérent ,  enfin  , 
€[m  n'a  contracté  avec  eux  aucune  efpece  de 
combinaifon.  Ce  feu  entre  librement  dans  les 
corps ,  Se  en  fort  de  même  ,  fuivant  les  circonf- 
tances.  Tel  eft  celui  qui  eft  répandu  dans  1,'air  âc 


4^  ChYMIE    EXPiRlMENTALE 

dans  les  corps  enviionncs  par  l'air.  Ce  feu  puf 
ii'efl:  point  vifible ,  6:  ne  devient  fenfîbleque  par 
les  eftets  qu'il  produit  fur  les  corps. 

Le  feu  pur  eft  un  élément  qu'on  ne  peut  défi- 
nir :  on  ne  peut  que  reconnoître  fes  propriétés. 
C'cft  une  matière  effenciellement  fluide  ,  prin- 
cipe de  la  fluidité  des  autres  corps  ,  &z  toujours  en 
mouvement  :  c'eft;  le  principal  agent  3c  la  caufe 
de  prefque  toutes  les  compontions  ôc  décompoll- 
tions  qui  fe  font  dans  la  Nature.  Nous  penfons 
que  le  feu  efl:  la  feule  fubfl:ance  adive  dans  la  Na- 
ture ,  ôc  de  laquelle  toutes  les  autres  tiennent  leur 
aélion.  Le  feu  eft:  le  feul  corps  qui  ait  de  la  faveur, 
&c  qui  la  donne  aux  fubfl:ances  qui  en  ont.  Les 
fels  &  les  fubflances  falines  doivent  leurs  pro- 
priétés dilfolvantes  &c  leur  faveur  forte  au  feu 
qu'ilscontiennent.  La  différence  qu'on  remarque 
entre  ces  corps  n'eft:  due  qu'à  la  dofe  de  feu  qui 
entre  dans  leur  compofition  ,  &  à  la  manière 
dont  il  y  eft:  combiné  :  les  autres  éléments  fem- 
blent  être  créés  pour  interpofer  fes  parties,  dC 
pour  modérer  par-là  l'adion  trop  adive  de  cet 
élément. 

Le  feu  eft:,  par  rapport  à  nous  ,  un  élément 
funple  ,  qui  paroît  n'avoir  point  de  parties  conf- 
tituantes  j  cependant ,  comme  la  lumière  qui 
nous  vient  du  foleil ,  peut  fe  décompofer  en  fept 
couleurs  différentes  par  le  moyen  du  prifme  ,  ÔC 
que  d'ailleurs  fes  rnyons,  diverfement  colorés, 
ont  chacun  leur  réfrangibilité  propre  ^  cela  peut 
faire  fou pçonner  que  le  feu  eftcompofé  départies 
très  Amples  ,  à  la  vérité  ,  mais  hétérogènes  entre 
elles.  Cette  réflexion  ajoute  de  la  vraifemblance 
au  fentiment  des  Philofophes  qui  penfent  que 
les  corps  que  nous  fommes  obligés  de  regarder 
comme  éléments ,  à  caufe  de  leur  {implicite  appa- 

lente , 


BT      RAISONNE  E.  49 

rente ,  font  eux-mêmes  compofés ,  mais  de  fub* 
fiances  encore  plus  fimples ,  comme  nous  l'avons 
dit  précédemment.  Quoi  qu'il  en  foit,  nous  con- 
fidérerons  le  feu  pur,  comme  n'ayant  point  de  par* 
ties  conftituantes  ,  juft]u'à  ce  que  nos  connoif- 
fances  foient  alTez  avancées  pour  nous  donner 
une  dcmonftracion  complettc  fur  cet  objet. 

Les  parties  qui  compofent  le  teu ,  n'ont  prefque 
point  de  cohérence  entre  elles  :  elles  font  d'une 
petitelfe  inconcevable  ,  &:  qui  furpalfe  celle  des 
autres  corps. 

Le  feu  a  de  l'adion  fur  tous  les  corps  qu'il  tou- 
che :  il  devient  mcme  un  inftrument  propre  aux 
analyfcs  de  aux  recompofitions. 

Lorfqu'il  eft  combiné  avec  d'autres  fubftances , 
&:  qu'il  fait  un  des  principes  conftituants  des  corps 
compofés  ,  il  eft  dans  l'inaéiion  &z  dans  un  repcJ 

f>arfait  :  il  ne  peut  fe  mettre  en  mouvement  que 
orfqu'il  eft  excité. 

Les  fignes  auxquels  on  reconnoît  la  préfence 
du  feu  ,  font  les  effets  qu'il  produit  :  fivoir  , 
1°.  la  chaleur  j  1°.  la  lumière  ;  5°.  la  couleur  ; 
4°.  la  dilatation  ou  rarétaétion ,  tant  des  liqui- 
des que  des  folides  j  5°.  la  combuftion,  la  fu- 
fîon  ,  Sec. 

Quelques  Philofophes  penfent  que  la  lumiera 
eft  un  figne  certain  de  la  préfence  du  teu  j  mais 
cela  peut  être  révoqué  en  doute  ,  puifque  la  cha- 
leur &:  la  lumière  peuvent  exifter  l'une  fans  l'autre. 
Un  fer  très  chaud  ne  répand  pas  de  lumière  dans 
l'obfcurité  j  &  il  eft  cependant  en  érat  d'enilam- 
mer  les  corps  combuftibles.  Le  foyer  d'un  mirour 
concave  de  réliexion  n'eft  point  lumineux ,  quoi- 
.  qu'il  produife  une  chaleur  excelTive  ,  capable  de 
fondre  Se  de  vitrifier  les  corps  les  plus  durs  en  un 
inftant.  Il  en  eft  de  même  du  foyer  d'une  lentille  j 
Tome  I.  D 


5©         Chymie  expérimentale 

il  eft  très  chaud ,  fans  être  lumineux.  Peut-être 
audi ,  &  je  ferois  même  alFez  poité  d  le  croire  , 
que  le  feu  eft  eirentiellement  troid.  La  chaleur 
qu'il  fait  fcntii  par-tout  où  il  eft  ,  n'eft  occadon- 
lîée  que  par  l'adlion  qu'il  exerce  fur  les  corps  qu'il 
touche.  Il  eft  difficile ,  &:  peut-être  même  im- 
pollible  ,  d'appuyer  ce  fentiment  par  des  expé- 
riences :  aufli  je  ne  prétends  le  donner  que  comme 
une  conjecture  fondée  feulement  fur  quelques 
probabilités. 

La  lumière  peut  de  même  exifter  fans  chaleur. 
Les  rayons  de  la  lune  ,  raftemblés  par  le  moyen 
d'un  miroir  concave  de  réflexion ,  ou  d'une  grande 
lentille ,  forment  un  point  très  lumineux  qui,  reçu 
fur  la  boule  d'un  therm.ometre ,  n'indique  aucun 
degré  de  chaleur. 

Les  vers  luifants,  certains  bois  qui  deviennent 
blancs  en  fe  pourrifl~ant  à  l'air  ,  &c  plufieurs  ma- 
tières phofphoriques ,  qui  ne  laiftentappercevoir 
d'autre  chaleur  que  celle  de  l'air  environnant , 
prouvent  affez  que  la  lumière  peut  exifter  fans 
chaleur  \  ce  qui  pourroit  faire  croire  qu'elle  fe- 
roit  différente  du  teu.  Cependant  il  eft  à  pré- 
fumer que  ,  quoique  la  lumière  ,  dans  certaines 
circonftances ,  ne  donne  aucun  indice  de  chaleur, 
elle  ne  provient  pas  moins  elfentiellement  du 
feu ,  mais  modifiée  d'une  manière  qui  nous  eft 
encore  inconnue.  Nous  verrons ,  en  examinanc 
les  propriétés  des  corps  combuftibles ,  que  le  feu 
peut  être  dans  une  infinité  d'états  de  combinai- 
fons  8c  de.  proportions ,  ôc  préfenter ,  fous  ces 
diff^érentes  formes ,  des  phénomènes  finguliers 
dans  la  Nature,  &  dans  les  opérations  de  la  Chy- 
mie. C'eft  à  ces  différentes  manières  d'être  du 
feu  ,  &■  à-  celles  dont  il  agit  fur  les  corps ,  qu'on 
doit  encore  rapporter  la  plupart  des  eff^ets  qu'il 


£TRAISOl4MiE.  ^t 

produit.  Boerhaave  (i)  obferve  qu'un  fer  mé-* 
diocrement  rouge  enflamme  la  poudre  à  canon  , 
le  foufre ,  &  les  autres  corps  combuftibles ,  tandis 
qu'il  eft  incapable  d'enflammer  de  refprit  de  vin. 
11  eft:  vifible  que  la  différente  manière  dont  le  teu 
agit  dans  cette  occafion  ,  eft  purement  relative  à 
la  quantité  qui  s'en  trouve  dans  la  barre  de  fer  , 
&  à  l'état  des  corps  qu'on  lui  préfente.  Le  fou- 
fre ,  la  poudre ,  &c.  peuvent  s'enflammer  par 
l'attouchement  d'un  certain  nombre  de  parties  dô 
feu  j  mais  il  en  faut  une  plus  grande  quantité  de 
réunies,  pour  enflammer  de  l'efprit  de  vin  ,  quoi- 
qu'il foie  une  liqueur  très  combuftible  :  il  lui  faut 
le  concours  d'une  flamme.  Le  foyer  d'un  miroir 
ardent  ne  peut  mcme  enflammer  de  l'efprit  de 
vin  ,  pourvu  cependant  qu'on  prenne  les  précau- 
tions convenables  pour  que  l'adion  du  feu  ne 
fafle  pas  produire  de  flamme  au  fupport  j  dans  ce 
cas ,  l'eTprit  de  vin  s'enflamme.  Ce  n'eft  pas  , 
comme  on  pourroit  le  foupçonner ,  que  l'efprit 
de  vin  élude  l'adion  du  feu  de  la  barre  de  fer  ou 
du  foyer  du  miroir  ardent  :  il  entre  en  ébullition  ^ 
il  eft ,  par  conféquent ,  dans  l'état  le  plus  favo- 
rable à  fon  inflammation  ^  &c  cependant  il  ne^ 
peut  s'enflammer  :  il  lui  faut,  dans  le  cas  donc 
nous  parlons ,  le  contadt  de  la  flamme  ,  foit  de 
celle  du  fer  rouge  à  blanc  ,  foit  celle  du  fupport 
qui  éprouve  l'action  du  foyer  du  miroir  ardent. 

Une  preuve  non  équivoque  de  la  préfence  du 
feu  eft  la  dilatation  qu'il  occafionne  aux  corps  : 
il  les  pénètre  tous  avec  une  extrême  facilité  ,  en 
fe  diftribuant  uniformément  dans  toutes  les  par- 
ties de  leurs  mafles.  Il  n'y  a  aucun  corps  qui  foit 
en  état  de  réfifter  à  (on  adion.  Lorfqu'il  s'intro- 
»»  '  I      '■  I.  ■ .  ■ 

(  i  )  Tome  II ,  page  8 1 , 

Dij 


:$i         Chymie  ixpér.imintal'b 

duic  dans  les  corps ,  il  les  dilate  ,  il  les  échauffe ,' 
&  leur  fait  occuper  un  volume  plus  grand  qu'au- 
paravant ,  fans  augmenter  leur  pefanfeur  abfo- 
lue  ;  mais  il  dilate  plus  promptement  les  liquides 
Se  les  corps  rares ,  que  ceux  qui  font  folides  Se 
très  denfes. 

Le  froid  qu'on  penfe  n'être  que  Tabfence  d'une 
partie  de  ce  feu,  produit  le  contraire,  c'eft-à- 
dire  que  moins  les  corps  font  pénétres  de  feu  , 
plus  ils  diminuent  de  volume  ,  fans  rien  perdre 
de  leur  poids  j  ils  augmentent ,  par  conféquent , 
en  pefanteur  fpécifique  &  en  dureté  ,  parceque 
leurs  parties  deviennent  plus  étroitement  liées 
enfemble.  Cependant  nous  avons  remarqué  que 
les  corps ,  après  avoir  diminué  de  volume  par  un 
certain  degré  de  froid  ,  ceiïoient  non  feulement 
de  fe  contracter ,  mais  même  augmentoient  de 
volume  :  leurs  parties  fe  défuniflent  par  la  dila- 
tation, à  un  tel  point,  qu'elles  entrent  dans  une 
forte  de  fufion  :  telle  efl.  l'eau  glacée  ,  qui  coule 
comme  une  lave ,  lorfqu'elle  éprouve  un  plus 
grand  froid  que  celui  qui  fuffit  pour  la  tenir  dans 
Pétat  de  glace.  11  arrive  quelque  chofe  de  fem- 
blable  aux  métaux  qui  éprouvent  un  très  grand 
froid  :  ils  diminuent  d'abord  de  volume  jufqu'à 
un  certain  point  :  après  cela ,  ils  celTent  de  fe 
contrader  davantage  ;  mais  ,  en  éprouvant  un 
plus  grand  froid ,  ils  fe  dilatent ,  deviennent 
calTants  :  en  cet  état,  on  dit  qu'ils  font  gelc's.  11  y 
a  lieu  de  préfumer  que  fi  l'on  pouvoir  augmenter 
davantage  l'intenlité  du  froid ,  on  liquéfieroit 
les  métaux  ,  ôc  on  les  feroit  couler  comme  l'eau 
congelée  qui  éprouve  un  très  grand  froid  j  mais 
cette  fufion  eft  d'une  nature  différente  de  celle 
qui  eft  procurée  par  l'intenfité  de  la  chaleur  j  com-" 
munément  elle  n'a  point  la  même  liquidité. 


ÏT      RAISONNE  ï«  JJ- 

Nous  avons  déjà  rapporté  dans  plufieurs  Mé- 
moires ,  des  expériences  qui  pourroi^nt  indiquer 
que  le  froid  n'eft  pas  feulement  occafionné  par 
l'abfence  du  feu.  On  peut  confuker  à  ce  fujet ,  le 
Mémoire  inféré  dans  le  Journal  de  Médecine,  ^ 
année  1770,  pages  53i&4io.  Si  le  froid  n'eft 
que  l'abfence  du  feu  ,  ou  fi ,  comme  le  difent  les 
Phyficiens  ,  quand  on  produit  un  froid  artificiel , 
ce  font  les  parties  de  feu,  qui  étoient  contenues 
dans  les  fubftances  mifcs  en  jeu  ,  qui  fe  dégagent 
du  mélange  ,  il  doit  s'enfuivre  qu'en  taifant 
dans  une  chambre  un  s;ïand  mélange  de  fel  Se 
de  glace,  on  échauffera,  par  le  moyen  des  parties 
de  feu  qui  fe  dégageront  de  ce  mélange,  l'air  de  la 
chambre  \  ce  qui  n'arrive  pas.  11  paroit  donc  plus 
vraifemblable  de  croire  que  les  parties  de  feu 
prennent ,  dans  ces  opérations  ,  un  tout  autre 
arrangement  qu'elles  avoient  d'abord,  qui  eft  tel 
qu'il  produit  fur  nous  une  fenfation  de  froid.  On 
nous  demandera  peut-être  quel  ctoit  l'arrange- 
ment de  ce  feu  avant  l'expérience  ,  &  quel  eft  ce- 
lui qu'il  a  pris ,  pour  produire  du  froid.  A  cela 
nous  répondrons  que  la  Chymie  &:  la  Phyfique  ne 
font  point  allez  avancées  pour  donner  une  expli- 
cation fatisfaifante  fur  cette  matière. 

Au  refte  ,  on  s'eft  fervi  avantageufement  de 
cette  propriété  qu'a  le  feu  de  pénétrer  &  de  di- 
later facilement  les  corps,  pour  conftruire  des 
thermomètres.  Ces  inftruments,  perfectionnés  par 
Réaumur,  font,  comme  on  le  fait,  d'une  très 
grande  commodité  pour  mefurer  des  degrés  de 
chaud  ou  de  froid  ,  qu'on  ne  pourrort  apprécier 
par  aucun  autre  moyen. 

Il  n'v  a  aucun  corps  qui  ne  foit  conrinuelle- 
ment  pénétré  d'une  plus  ou  moins  grande  quan- 

Diij 


j4  Chymie  expérimentale 

tité  de  ce  feu  pur  *,  &  c'eft  toujours  proportion- 
iiellemenr  à  la  quantité  de  celui  qui  fe  trouve 
dans  l'air  ambiant.  Ce  feu  s'échappe  de  rentre 
peipécuellement  dans  les  corps ,  comme  par  une 
efpece  de  cuciilation  ,  fuivant  les  circonftances , 
parcequ'il  n'efl:  pas  combiné  ,  mais  feulement  in- 
terpofc  entre  les  parties  de  la  matière.  Les  corps 
qui  excitent  en  nous  des  fenfations  de  froid ,  font 
encore  pénétrés  d'une  grande  quantité  de  feu.  On 
peut ,  à  la  vérité ,  les  priver  d'une  partie  de  ce  feu» 
On  peut ,  par  exemple, faire  éprouver  à  la  glace  un 
froid  artificiel ,  plus  grand  que  celui  de  fa  tempé- 
rature j  mais  jufqu'à  préfent  il  a  été  abfolument 
impolTible  de  priver  les  corps  de  tout  le  feu  qu'ils 
contiennent  :  ils  en  confervent  toujours  une  cer- 
taine quantité  ,  même  lorfqu'ils  font  expofés  au 
plus  grand  froid  que  nous  puiiîîons  exciter  arti- 
ficiellement. Le  froid  abfolu ,  ou  l'abfence  to- 
tale du  feu  ,  que  quelques  Philofophes  ont  ima- 
giné ,  eft  aufîî  chimérique  que  le  chaud  abfolu. 
Nous  ne  pouvons  pas  avoir  d'idées  nettes  fur  ces 
deux  états ,  &c  encore  moins  nous  procurer  ces 
deux  extrêmes. 

La  dilatation  que  le  feu  occafionne  aux  corps , 
eft  un  commencement  de  défunion  de  leurs  par- 
ties ,  Ik  une  preuve  de  la  propriété  qu'a  le  feu  de 
décompofer  les  fubftances ,  Se  de  féparer  leurs 
parties  conftituantes  j  mais  comme  il  y  a  une  très 
grande  diverfité  entre  les  corps ,  il  s'enfuit  de  U 
que  le  feu  ne  décompofe  pas  toutes  les  fubftances 
avec  la  même  facilité.  L'illuftre  Boerhaave  dit , 
à  ce  fujet ,  qu'il  y  a  dans  les  corps  une  mariera 
qui  n'eft  point  feu  ,  Se  qui  s'oppofe  à  la  fépara- 
tion  de  leurs  principes  ;  mais  nous  penfons  qu'on 
ne  peat  attribuçv  çeç  effet  qu'à  la  combinaifo» 


IT      RAISONNE  E.  ~55 

plus  OU  moins  intime  des  parties  conftituantes 
des  corps,  &  à  leur  plus  ou  moins  grande  adhé- 
rence entre  elles. 

Plus  les  corps  font  échauffés ,  plus  ils  fe  di- 
latent 'y  mais  cette  dilatation  celTe  dans  les  corps 
fufceptibles  de  fufion  ,  aulli-tôt  qu'ils  font  fon- 
dus ,  parcequ'alors  leurs  parties  font  dcfunies  : 
ils  ne  peuvent  plus  retenir  le  feu,  &:  ils  le  lailfent 
diffiper,  à  mefure  qu'ils  en  font  pénétrés.  Les 
corps  les  plus  difficiles  à  fondre,  &c  qui  font  fixes 
au  teu ,  font  capables  d'acquérir  &  de  conferver 
plus  de  chaleur  que  ceux  qui  font  dans  des  cir- 
conftances  contraires. 

Il  en  eft  de  même  des  liqueurs  :  on  peut  les  con- 
fidérer  comme  étant  continuellement  en  fufion  , 
puifqu'on  les  fait  palTer  à  l'état  defolidité,  en  les 
refroididant fuftifamment.  L'ébullition  eftle der- 
nier degré  de  chaleur  qu'elles  peuvent  prendre  ; 
&  celles  qui  font  plus  ditticiles  à  faire  bouillir  , 
acquièrent  plus  de  chaleur.  C'efl:  par  cette  raifon 
que  l'huile  ,  par  exemple ,  quoique  plus  légère 
que  l'eau  ,  acquiert  cependant  plus  de  chaleur  ^ 
mais  le  mercure,  quoique  quinze  fois  plus  pefanc 
que  l'huile ,  ne  prend  pas  un  plus  grand  degré  de 
chaleur  en  bouillant,  parceque  cette  fubllance 
métallique  eft  volatile  :  ainfi  le  plus  grand  degré 
de  chaleur  que  les  liqueurs  peuvent  prendre  y. 
n'eft  point  en  raifon  de  leur  pelanteur  fpécifique  > 
mais  feulement  en  proportion  de  leur  hxiré. 

Le  feu  pur  &c  libre,  répandu  dans  l'air,  ne 
fait  qu'effleurer  les  p.irties  intégrantes  des  corps 
qu'il  échaufîe  :  il  ne  fe  diilipe  pas  fubitement , 
mais  fuccelfivement ,  à  mefure  que  ces  coips  fe 
refioidiffenr ^  &  il  ne  refte  enfin  de  feu  libre,, 
dans  ces  cops  qu'une  quantité  égale  à  celle  qui  fe. 
trouve  dans  l'air  environnant» 


5^  CnTUll    iXriRIMENTALÉ 

Les  corps  les  plus  pefanrs ,  fous  le  même  vo- 
lume, retiennent  le  reii  pur  plus  long-temps  que 
les  corps  mous  (i  ).  Il  fe  dilîipe  promptement  dan? 
les  premiers  inftants  j  mais  lorfque  les  fubftances 
font  parvenues  à  un  certain  degré  de  refroidifTe- 
ment  qui  approche  de  la  température  de  l'air  am- 
biant ,  le  refte  du  feu  qu'elles  contiennent ,  eft 
beaucoup  plus  long-temps  à  fe  dilfiper. 

On  n'efl:  pas  certain  G.  le  feu  eft  ou  n'eft  pas  pe- 
fant.  11  y  a  des  expériences  pour  &  contre  ces  deux 
fentiments.  Boerhaave  a  fait  rougir  une  barre  de 
fer  qu'il  avoir  pefée  auparavant,  il  n'a  remarque 
aucune  augmentation  de  poids ,  ôc  dans  un  autre 
endroit  de  {on  excellent  Traité  du  Feu  j  il  ob- 
ferve  que  les  métaux  calcinés  au  miroir  ardent , 
augmentent  de  poids  confîdérablement  \  les  uns 
d'un  feizieme ,  &  d'autres  d'un  dixième.  11  penfe 
qu'on  n'a  pas  pris  les  précautions  convenables 
pour  s'affurer  de  la  caufe  de  cette  augmentation. 
11  croit  qu'elle  vient  Ae^  vaiflTeaux  qui  fe  dé- 
truifent  &:  fe  mêlent  avec  la  matière  calcinée  :  il 
dit  même  que  les  matières  métalliques,  calci- 
nées dans  des  vaiiïeaux  de  verre  ,  n'augmentent 
prefque  point  de  poids.  J'ai  répété  cette  expé- 
rience avec  foin ,  &  j'ai  remarqué  que  le  plomb 
calciné  dans  des  vailfeaux  de  verre  ,  fous  le  mou- 
fle d'un  fourneau  de  coupelle  ,  augmente  d'un 
dixième  de  fon  poids ,  fans  que  la  capfule  ait 
perdu  abfolument  rien  du  fien.  Le  mercure  cal- 
ciné dans  àçs  matras  de  verre  ,  augmente  pareil- 
lement d'un  dixième  ,  fans  que  le  vaiflTeau  perde 
rien  de  fon  poids. 


(0  A  l'exception  cependant  des  matières  métalliques  , 
icjui  s'cchaufFent  &  fe  refroidifTent  plus  promptement  cjirt 
les  autres  corps. 


ÏT      RAISONNES.  57 

Je  penfe  que  le  feu  pur  dont  nous  parlons  ,  cft 
unematiereauflieiïentiellementpefanre)  que  tout 
autre  corps  ;  mais  comme  le  feu  pur  eft  toujours 
en  niouvement ,  il  ne  touche  point  les  corps  qu'il 
pénètre  j  il  n'eft  interpofé  qu'entre  leurs  parties. 
On  peut  le  comparer  ,  par  rapport  à  la  manière 
dont  il  eft  dans  les  corps  qu'il  pénètre ,  à  un  oifeau 
qui  voltige  dans  fa  cage ,  fans  y  toucher  j  il  n'aug- 
jncnte  point  le  poids  de  la  cage.  11  en  eft  de  même 
du  feu  :  comme  il  ne  touche  point  les  parties  de 
la  barre  de  fer ,  il  n'augmente  point  fa  pefanteur  j 
mais  lorfque  le  feu  fe  fixe  tSc  fe  combine  dans  le» 
corps ,  comme  cela  arrive  dans  les  matières  mé- 
talliques qu'on  calcine  par  fon  moyen  ,  il  de- 
vient d'une  pefanteur  appréciable  ,  parcequ'il  a 
perdu  toutes  fes  propriétés  de  feu  pur  :  il  eft  non 
feulement  adhérent  aux  corps  j  mais  il  eft  encore 
dans  un  état  de  combinaifon. 

On  peut  dire  la  même  chofe  du  feu  qui  entre 
dans  la  composition  des  corps  organifés  :  comme 
il  devient  un  de  leurs  principes  conftituants ,  il 
a  ,  dans  cet  état ,  néceflairement  de  la  pefanteur , 
&  il  augmente  réellement  le  volume  &:  le  poids 
des  corps  :  on  ne  peu:  même  le  féparer  de  ces 
combinaifons ,  fans  obferver  une  diminution  de 
poids  qu'on  peut  apprécier  par  des  analyfes  exac- 
res ,  &  faites  avec  les  précautions  convenables. 
Si  le  feu ,  en  devenant  principe  des  corps  orga- 
nifés ,  a  de  la  pefanteur ,  pourquoi  n'en  admet- 
troit-on  pas  au  feu  pur  ? 

Tous  les  corps  ne  contiennent  pas  la  même 
quantité  de  matière  inflammable.  Les  minéraux 
qui  ne  font  pas  combuftibles  par  eux-i"nêmes , 
n'en  contiennent  pas ,  à  beaucoup  près ,  une  aufli 
grande  quantité  que  les  corps  organifés  ;  ce  qui 
nous  prouve  que  la  difpofition  ôc  l'arrangement 


5^  Chymie  expérimentale 

des  parties  de  la  madère  donnent  aux  corps  la 
propriété  d'alîimiler  avec  eux  différentes  propor- 
tions de  feu  élémentaire  ,  de  le  fixer  fous  diffé- 
rents états  ,  &  d'acquérir  autant  de  propriétés 
Î|ui  font  relatives  à  la  forme  fous  laquelle  le  feu 
e  trouve  fixé  dans  ces  mêmes  corps. 

Il  réfulte  de  tout  ceci ,  que  le  feu  eft  réelle- 
ment pefant ,  lorfqu'il  eft  combiné  dans  les  corps  ; 
qu'il  eft  encore  pefant ,  lorfqu'il  eft  libre  &  pur  ; 
mais  que  dans  ce  dernier  état ,  on  ne  peut  appré- 
cier {on  poids  ,  parcequ'il  ne  touche  point  les 
corps  qu'il  pénètre  ,  ôc  qu'il  eft  continuellement 
dans  un  mouvement  exceflif  :  fon  mouvement 
eft  même  fi  rapide ,  qu'il  n'eft  pas  polTible  de  dé- 
ranger les  rayons  raflemblés  par  le  moyen  d'une 
lentille ,  ou  d'un  miroir  concave  de  réflexion  , 
qu'en  interceptant  ces  mêmes  rayons  par  un  corps 
étranger  qu'on  met  entre  le  foyer  &  le  miroir. 
Le  vent  le  plus  impétueux  ne  peut  détourner 
les  rayons  de  la  moindre  chofe,  ni  déranger  le 
foyer. 

Un  métal  pourvu  de  toutes  fes  propriétés  mé- 
talliques ,  ne  peut  admettre  dans  fa  fubftance 
aucune  matière  étrangère ,  fans  perdre  de  fes  pro- 
priétés. Or  la  barre  de  fer  n'ayant  point  changé 
de  nature,  en  fe  laiflfant  pénétrer  d'un  feu  qui  lui 
eft  étranger  ,  ce  feu  d'ailleurs  ne  lui  étant  point 
adhérent ,  elle  ne  devoir  point  changer  de  poids. 
Il  n'en  eft  pas  de  même  d'un  métal  qui  fe  calcine  i 
il  change  de  nature  ,  de  forme  &  de  propriétés  , 
puifqu'il  fe  réduit  en  une  poudre  ou  chaux  mé- 
tallique qui  ne  peut  plus  fe  mêler  avec  une  autre 
portion  du  même  métal  pourvu  de  toutes  fes  pro- 
priétés métalliques.  Les  parties  du  métal ,  ainfi 
réduit  en  chaux  ,  font  difpofées  à  admettre  ce  feu 
pur ,  à  le  fixer  ôc  à  lui  faire  perdre  fes  propriétés. 


IT      RAISONNE!.  59 

de  feu  pur.  Le  métal,  pendant  la  calcination  , 
^nen  admet  jamais  qu'une  dofe  qui  eft  toujours 
conftante  dans  la  chaux  du  même  métal ,  fans 
qu'on  puifle  lui  en  faire  prendre  une  plus  grande 
quantité  que  celle  que  fa  nature  lui  permet  d'ad- 
mettre ,  parceque  fon  état  de  calcination  eft  per  • 
manent. 

Le  feu  pur ,  en  s'uniffant  aux  métaux  qui  fe 
calcinent ,  forme  avec  eux  une  combmaifon  par- 
ticulière dont  la  pefanteur  eft  moyenne  entre 
celle  du  feu  &  du  métal  avant  fa  calcination ,  par- 
cequ'il  s'eft  combiné  avec  la  chaux  du  métal  une 
certaine  quantité  de  feu  qui  augmente  fa  pefan- 
teur abfolue.  Cette  fubftance  eft  du  feu  qui  eft 
plus  léger  que  le  métal  j  elle  diminue ,  par  con- 
féquent ,  fa  pefanteur  fpécitîque  :  aufti ,  à  vo- 
lumes égaux,  cette  chaux  eft -elle  plus  légère 
qu'une  pareille  quantité  de  matière  métallique 
de  même  efpece.  Mais  on  m'objedera  peut-être 
que  le  métal ,  pendant  la  calcination  ,  perd  beau- 
coup de  fubftance  inflammable  qu'on  voit  même 
fe  diiîîper  en  fumée  :  elle  eft  néceftairement  pe- 
fante.  Comment  fe  peut-il  faire  que,  malgré  cette 
perte ,  il  y  ait  une  augmentation  de  poids  aufti 
confidérable  que  celle  qu'on  a  coutume  de  re- 
marquer ,  qui  va  même ,  à  l'égard  de  certaines 
matières  métalliques ,  jufqu'à  douze  livres  par 
chaque  cent  livres  de  métal  ?  Je  répondrai  à  cela 
que  l'augmentation  de  pefanteur  abfolue  qu'on 
ûbferve  ,  provient  de  ce  qu'il  eft  entré  dans  cette 
chaux  une  plus  grande  quantité  de  teu  que  le 
poids  du  phlùgiftique  qui  s'eft  diftipé  pendant  la 
calcination.  Au  refte  ,  il  eft  certain  que  chaque 
efpece  de  métal  augmente  conftamment ,  pen- 
dant fa  calcination,  de  la  même  pefanteur  ab-» 
ibUie, 


^0  ChYMII   ÏXPiRIMENTALE 

Je  fens  bien  qu'il  reftera  toujours  quelque  diffi- 
culté à  éclaircir.  Il  eft  difficile  ,  en  effet ,  de  favoit 
dans  quel  état  ce  feu  eft  ainfi  combiné  dans  les 
chaux  métalliques.  Il  ne  peut  y  être  fous  la  forme 
de  phlogiftique  ,  parceque  s'il  y  étoit  fous  cette 
forme ,  la  chaux  fe  réduiroit  en  métal  par  la  fufion, 
aulieu  de  fe  convertir  en  verre ,  comme  elle  a 
coutume  de  faire*  ce  qui  fait  voir  que  le  feu  peut 
fe  combiner ,  dans  divers  états ,  de  différentes  ma- 
nières ,  &  dans  différentes  proportions  ,  fuivant 
la  nature  &  la  difpoûtion  des  corps  avec  lefquels 
il  fe  combine  ,  &  auxquels  il  donne  de  nouvelles 
propriétés. 

11  réfulte  de  tout  ce  que  nous  venons  d'expofer 
fur  les  propriétés  du  feu  ,  qu'il  eft  une  matière  , 
puifqu'il  exerce  fon  a6tion  dans  toutes  fortes  de 
diredions ,  en  fe  dégageant  des  corps.  On  peut 
s'en  affurer ,  en  plaçant  des  thermomètres  ,  à 
égales  diftances ,  autour  d'un  boulet  rouge  ,  fuf- 
pendu  à  un  plancher  :  ils  fuivront  tous  la  même 
marche ,  fi  rien  d'étranger  ne  s'y  oppofe.  Lorfque 
le  feu  fe  dégage  des  corps  ,  il  tend  à  fe  mettre  en 
équilibre ,  fe  répand  dans  l'air  ,  &  s'infinue  dans 
toutes  les  fubftances  qu'il  rencontre  ,  jufqu'à  ce 
qu'il  y  ait  équilibre  par-tout. 

Le  feu  eft  impénétrable  comme  toutes  les  au- 
tres parties  de  la  matière ,  puifqu'il  eft  réfléchi 
par  les  miroirs  ardents.  Il  eft  pefant,  puifqu'il 
augmente  le  poids  des  corps  dans  lefquels  il  fe 
combine  ,  foit  végétaux ,  foit  animaux  ,  foit  mi- 
néraux. 

Les  molécules  primitives  du  feu  doivent  être 
d'une  très  grande  fineffe  ,  puifqu'elles  entrent 
avec  une  extrême  facilité  dans  les  pores  des  corps, 
même  les  plus  folides.  Ces  molécules  doivent 
ctre  très  folides,  très  limples,  puifqu'elles  ne 


IT      RAISONNE  E.  6t 

font  pas  fufceptibles  de  changer  ni  de  varier  dans 
leurs  effets. 

Les  parties  du  feu  ont  néceflairement  une  très 
grande  vîtefTe,  puifqu'elles  font  mouvoir  les  par- 
ties des  corps  qu'elles  pénètrent ,  avec  une  très 
grande  rapidité ,  &  qu'elles  les  tiennent  dans  un 
mouvement  continuel ,  en  entrant  8c  en  fortanc 
alternativement.  11  eft  d'ailleurs  impoflible  de 
déranger ,  par  un  vent  des  plus  impétueux  ,  les 
rayons  qui  coïncident  au  foyer  d'un  miroir  ar- 
dent ,  ou  d'une  lentille  ,  ainfi  que  nous  l'avons 
déjà  dit. 

Sur  les  moyens  de  rajjcmbkr  le  feu  _,  &fur  ceux 
qui  déterminent  fon  ad:ion. 

Après  avoir  expofé  les  principales  propriétés 
du  feu  pur  fur  les  corps ,  nous  allons  examiner 
les  caules  qui  l'excitent,  les  moyens  qu'on  em- 
ploie pour  le  raiïembler,  &  les  caufes  qui  déter- 
minent fon  adion. 

La  première  de  ces  caufes  eft  le  foleil.  Cet 
aftre,  quoiqu'éloigné  de  nous ,  paroîi  être  le  ré- 
fervoir  commun  du  feu  qui  entoure  notre  globe. 
Il  nous  vient  du  foleil  en  ligne  droite  par  des 
rayons  parallèles^  &:  peut-être  le  furpius  du 
feu  qui  nous  eft  nécelfaire  y  retourne-t-il  par  une 
cfpece  de  circulation,  comme  quelques Philofo- 
phes  l'ont  penfé ,  mais  fans  l'avoir  démontré. 

La  chaleur  qui  nous  vient  du  foleil  eft  douce , 
modérée ,  incapable  d'apporter  dans  les  corps  des 
changements  qui  pourroient  leur  caufer  une  trop 
grande  altération.  Elle  n'eft  que  fuftifante  pour 
procurer  la  génération ,  le  développement  &  l'ac- 
croiirementdetous  les  êtres  qui  vivent,  végètent 
ou  fe  combinent  â  la  furface  ou  dans  le  fein  de 
Ja  terre. 


6t         Chymie  expérimentale 

Les  Phyficiens  ont  trouvé  le  moyen  de  réunît 
&  de  faire  converger  en  un  fcul  point ,  par  le  fe» 
cours  des  lentilles  &  des  miroirs  concaves  de  ré- 
flexion ,  un  certain  nombre  de  rayons  du  foleil  , 
&  de  produire  par  là  un  foyer  d'une  chaleur  ex- 
ceflive  ,  de  beaucoup  fupérieure  a  tout  ce  que 
nous  connoilTons  ,  &  capable  de  fondre  &  de  vi- 
trifier en  un  inftant  les  corps  les  plus  durs  :  ce  que 
nous  ne  pouvons  faire ,  à.  beaucoup  près  ,  dans 
nos  fourneaux  les  plus  animés. 

Un  autre  moyen  que  l'on  emploie  pour  exciter 
le  feu  ,  &  qui  produit  des  effets  aulTi  violents  que 
ceux  dont  nous  venons  de  parler ,  eft  le  choc  de 
plufieurs  corps  durs.  Le  choc  d'un  briquet  contre 
une  pierre  à  fufd  produit  en  un  inftant  un  feu 
aufli  violent  que  celui  qui  règne  dans  le  foyer  d'un 
bon  miroir  concave  de  réflexion.  Les  étincelles 
que  le  briquet  produit  étant  ralTemblées  &  exa- 
minées au  microfcope ,  fe  trouvent  être  du  fer 
qui  a  été  mis  en  fufion ,  &  enfuite  vitrifié.  Or  , 
pour  produire  un  pareil  effet  en  un  inftant  fi 
court,  on  corçoit  facilement  qu'il  a  fallu  une 
chaleur  excefîive  ,  &  pour  le  moins  auflî  forte 
que  celle  qui  règne  au  foyer  d'un  bon  miroir  ar- 
dent. 

Un  troifieme  moyen  par  lequel  on  parvient  à 
exciter  le  feu  ,  eft  la  combuftion  des  corps  orga- 
nifés ,  dans  la  com.pofition  defquels  le  feu  élé- 
mentaire eft  entré  comme  principe  conftituant  en 
très  grande  quantité  ^  mais  ,  comme  ce  feu  eft 
combiné  avec  Ips  autres  éléments ,  il  convient 
que  nous  les  examinions  d'abord. 

Sur  l'Air, 

•    L'air  eft  un  fluide  invifible  ,  fans  couleur ,  infi- 
pide ,  inodore ,  pefant ,  élaftique  ,  fufceptible  de 


ET       RAISONNÉ  E.  g^ 

raréfadion  &  de  ciondenfation  ,  8z  qui  n'affedte 
aucun  de  nos  fens ,  fî  ce  n'elt  le  toucher. 

L'air  eft  un  élément  indeftrudlible  ,  inaltéra- 
ble par  tous  les  moyens  connus  jufqu'à  préfent 
dans  la  Chymie. 

Ce  fluide  environne  le  globe  terreftre  ,  8c  ferc 
à  entretenir  la  vie  des  animaux  &  des  végétaux 
qui  font  à  fa  furface.  Les  expériences  de  la  ma- 
chine du  vuide  ont  démontré  que  l'animal  ou  le 
végétal  qui  cefle  de  le  relpirer  ,  périt  aulîi  tôt. 

L'air  eft  fous  deux  états  diftérents,  comme  le 
feu  :  i^'.pur,  ifolé  de  ne  faifant  partie  d'aucun 
corps  compofé  j  i°.  combiné  avec  d'autres  fub- 
ftances,  Se  faifant  fondion  de  principe  ou  de 
partie  conftituance  de  beaucoup  de  corps  compo- 
fés ,  principalement  des  végétaux  &  des  animaux. 

Nous  allons  d'abord  reconnoître  les  propriétés 
les  plus  générales  de  l'air  pur  &  ifolé. 

Il  eft  difficile  de  fe  procurer  de  l'air  abfolu- 
ment  pur  :  il  eft  toujours  mêlé  de  parties  de  feu, 
d'eau  &  des  exhalaifons  qui  s'élèvent  à  la  furface 
du  globe.  Néanmoins ,  comme  l'air  eft  diftindt 
de  toute  autre  fubftance  ,  ôc  qu'il  eft  un  élément 
à  part ,  que  l'on  peut  fuppofer  dans  un  état  de 
pureté  ,  nous  le  confidérerons  comme  s'il  étoit 
dans  cet  état  j  nous  examinerons  fes  propriétés  , 
6c  ce  en  quoi  il  diffère  des  autres  corps  de  la  Na- 
ture. 

L'air  eft  toujours  fluide  comme  le  feu  j  du 
moins  jufqu'à  préfent  les  Physiciens  ne  font  pas 
encore  parvenus  à  le  rendre  folide ,  même  à  l'aide 
des  plus  grands  refroidilTements  qu'on  a  pu  exci- 
ter artificiellement. 

La  fluidité  de  l'air  eft  abfolument  néceflaire 

f)Our  l'entretien  de  la  vie  des  animaux ,  8c  pour 
a  végétation.  Cet  élément  n'eft  pas  fufceptible 


6j^         Chymie  expérimentale 

de  devenu-  folide  ,  comme  le  devient  l'eau , 
même  par  une  légère  intenfité  de  froid.  Boer- 
haave  conjcifture  que  la  fluidité  de  l'air  peut -ve- 
nir des  parties  de  feu  qu'il  retient  toujours  ,  6c 
dont  il  eft  abfolumentinféparable  j  ce  quiparoît 
très  vraifemblable.  La  difficulté  de  nous  procurer 
un  froid  fuffifant  eft  peut-être  la  feule  caufepour 
laquelle  on  n'a  jamais  vu  d'air  folide.  C'eft  un  ' 
corps  auquel  il  faut  une  chaleur  bien  médiocre 
pour  le  tenir  dans  cet  état  de  fluidité  où  noas 
fommes  accoutumés  à  le  fentir. 

L'air  ,  comme  nous  l'avons  dit ,  ne  peut  être 
apperçu  par  l'organe  de  la  vue  :  il  eft  ablolument- 
invifible,  parcequ'il  n'a  pas  de  couleur  :  il  eft 
abfolument  inflpide  ôc  fans  odeur.  Lorfqu'il  eft 
parfaitement  pur ,  ilfe  charge  avec  une  très  grande 
facilité  des  bonnes  Se  des  mauvaifes  odeurs.  Lorf- 
qu'il s'agite ,  il  tranfporte  à  des  diftances  consi- 
dérables les  odeurs  Se  les  vapeurs  dont  il  s'eH 
imprégné  :  il  femble  même  qu'il  eft  le  réfervoir 
des  corps  prodigieufement  divifés.  Se  qui  font 
réduits  en  molécules  aufli  déliées  qu'il  l'eft  lui- 
même  :  il  eft  enfin  le  diflolvant  de  ces  fubftances  : 
c'eft  ce  qui  eft  caufe  qu'il  eft  difficile  de  trouver 
de  l'air  parfaitement  pur  &  dépouillé  de  toute 
matière  étrangère  :  il  eft  toujours  chargé  d'humi- 
dité :  il  paroît  même  que  c'eft  une  qualité  eflen- 
tielle  pour  les  animaux  qui  le  refpirent ,  Se  pour 
raccroiflement  des  végétaux,  puifque  les  pre- 
miers fouffrent  beaucoup  en  refpirant  un  air  trop 
fec  ,  Se  que  les  derniers  languilfent  Se  périlfent 
raiême  ,  lorfque  l'air  n'eft  pas  chargé  d'une  cer- 
taine quantité  d'eau ,  comme  on  le  remarque 
dans  les  années  où  il  pleut  fort  peu. 

Le  temps  où  l'air  eft  le  plus  pur ,   mais  non  le 
plus  fain,  eft  celui  des  grandes  gelées.  Se  lorf- 
qu'il 


ET       R  A  I  S  O  N  N  E  E.  C^ 

Ou  il  ne  fait  point  de  vent  :  il  contient  moins  de 
feu  élémentaire  ;  il  en  contient  cependant  encore 
beaucoup  ,  puifqu'il  ne  cefTe  pas  d'être  fluide  : 
il  eft  beaucoup  moins  aqueux ,  parceque  l'eaii 
dont  il  eft  charn;é  dans  tout  autre  temps ,  fe  gelc 
par  le  grand  uoid  :  il  eil  aulTi  beaucoup  moms 
chargé  des  exhalaifons  de  la  terre  ,  parceque  fa 
lurtace  étant  gelée,  les  exhalaifons  Ion t  moins 
abondantes.  Le  froid  eft  m  jme  fouvent  nécefTaira 
pour  purger  l'air  de  matières  nuihble*:  qui  peu^ 
vent  l'infedber  j  mais  il  a  des  inconvénients  lorf» 
qu'il  dure  trop  long-temps,  parcequ'il  f.-  fait  un 
amas  de  matières  dans  l'intérieur  de  la  terre  ,  qui 
s'élèvent  en  vapeurs  tout-à-U'^tois  au  momsnc 
du  dégel.  En  été  ,  le  temps  où  l'air  eft  le  plus  pur 
&  le  plus  fain ,  eft  celui  qui  luccede  aux  pluies. 

L'air  a  une  réfiftance  comme  les  autres  corps  ; 
èc  lorfqu'il  s'agite  ,  il  renverfe  fouvent  les  obfta- 
cles  qui  s'oppofent  a.  fon  palfage. 

Après  le  leu  ,  l'air  eft  la  matière  la  plus  légère 
&  la  plus  fluide  que  nous  connoilfions  dans  la 
Nature.  C'eft  pour  cette  raifon  qu'il  eft  toujours 
à  la  fUrface  des  corps  avec  lefquels  il  n'eft  pas 
combiné.  En  général ,  il  ne  pénètre  que  dans  les 
endroits  où  il  ne  trouve  pas  de  matière  plus  pe- 
fante  que  lui. C'eft  fur  cette  propriété  de  l'air  qu'eft 
fondée  la  méchanique  des  fourneaux  dont  nous 
avons  parlé  au  commencement  de  cet  Ouvrage. 

L'air,  quoique  plus  fluide  que  les  autres  liqui- 
des, &  même  dont  les  parties  intégrantes  font 
infiniment  plus  déliées,  ne  paffe pas,  ou  du  moins 
palTe  très  difiicilement ,  au  travers  de  certains 
corps  ,  tels  que  le  papier  ,  le  parchemin  ,  le  car- 
ton ,  &c.  ou  de  tout  autre  corps  de  même  efpece  j 
tandis  que  l'huile ,  l'efprit  de  vin ,  l'eau  ,  les  fels 
en  dilfolution  dans  l'eau,  ikc.  y  palfeat  avec  alTca; 
To/ns  I,  E 


r. 


'S 6  ChVMIE    EXPÉRIÎvtE^tALË 

de  facilirc.  C'elt  une  obfervation  connue  des 
Phyficiens  :  quelques-uns  en  ont  même  conclu 
que  cela  venoit  de  ce  que  les  parties  intcg;rantes 
de  l'ail'  ctoient  plus  groiîleres  que  celles  des  au- 
tres fluides.  Je  penle  qu'on  doit  attribuer  cet 
eftet  purement  &  fimplement  au  jeu  des  tuyaux 
capillaires.  L'air  ne  mouille  point  ces  difltérents 
corps  :  il  n'y  a  point  d'attradion  entre  eux  &  les 
molécules  de  l'air  :  l'air  ne  peut  fe  filtrer  au  tra- 
vers de  leurs  pores ,  à  moins  qu'il  n'y  foit  con- 
traint par  une  torce  étrangère.  Il  en  eft  de  mcme 
de  l'eau  qu'on  voudroit  faire  pafler  au  travers  d'un 
apier  huilé  :  comme  elle  ne  peut  plus  mouiller 
es  parties  propres  du  papier ,  fa  iiltration  n'a 
plus  lieu. 

Nous  pourrions  rapporter  un  grand  nombre 
d'expériences  qui  prouveroient  non  feulement  î 
la  peianteur  de  l'air  ,  mais  même  fon  rapport 
avec  la  plupart  des  corps  connus  j  mais  nous 
croyons  ces  chsfes  abfolument  étrangères  dans 
un  ouvrage  de  Chymie ,  Se  nous  renvoyons  aux 
livres  de  Phyiique  qui  traitent  ces  matières  dans  - 
le  détail  convenable  ,  pour  nous  en  tenir  aux 
propriétés  de  cet  élément  qui  ont  un  rapport  plus 
dire6t  à  la  Chymie. 

L'air  eft  élaftique,  c'eft-à-dire  qu'il  eft  com- 
prelîible  ,  de  qu'il  fe  rétablit  dans  fon  premier 
état,  aulli-tôt  qu'on  fupprime  le  poids  qui  le  corn- 
primoit.  Il  ne  perd  rien  de  fon  élafticité  ,  comme 
ïon}:  tous  les  autres  corps  à  relfort  ,  ou  pour  avoir 
été  trop  comprimés ,  ou  confervés  pendant  très 
long  temps  dans  un  état  de  preflion.  L'élafticitéde 
l'air  a  une  proportion  conftante  Se  déterminée , 
relative  à  la  denfité  de  l'air  :  cet  élément  occupe 
un  efpace  qui  eft  en  ràifon  inverfe  des  poids  qui 
le  compriment. 


ET       R  A  I   S   O  N  N  É  E.        '  Cf 

Plufieurs  Phyficiens  ont  tenu  de  l'air  prbdi- 
gieiifement  comprimé  pendant  quinze  &  vino;t: 
années  ,  fans  qu'ils  fe  foient  apperçus  qu'il  eut 
perdu  la  moindre  chofe  de  ion  clafticité.  Il  fuie 
d'ailleurs  la  même  loi  que  les  autres  corps  à  ref- 
fort,  c'eft-à-dire  qu'il  le  lailfe  comprimer  d'a- 
bord affez  facilement  \  mais  lorfqu'il  eft  parvenu 
à  un  certain  état  de  prellion  ,  il  rélifte  davantage. 
Boile  a  rendu  l'air  treize  lois  plus  Aq.\\{q  ,  en  le 
comprimant.  M.  Kaller  dit  l  avoir  réduit  à  un 
volume  foixante  fois  plus  petit.  M.  Haies  l'a 
rendu  trente-huit  fois  plus  denfe ,  à  l'aide  d'une 
prelfe.  L'air  ,  ainli  comprimé  ,  ne  peut  plus  ctre 
refpiré  par  les  animaux  \  il  eft  trop  denfe.  Ceux 
qui  fe  font  mis  lous  la  cloche  du  plongeur ,  en  ont 
fourni  de  cruelles  expériences.  Lorfque  l'air  eft 
trop  condenfé ,  il  occafionne  une  dilatation  con- 
fidérable  &  des  déchirements  mortels  dans  les 
poumons. 

L'air  ,  comme  nous  l'avons  dit ,  entre  dans  la 
combinaifon  de  beaucoup  de  corps  compofés,  &  il 
fait  même  un  de  leurs  principes  conftituants.  Lorf- 
qu'il eft  ainli  combiné  ,  il  perd  toutes  fes  proprié- 
tés élaftiques  :  il  devient ,  dans  les  corps ,  ce  que 
M.  Halès  nomme  ^ir/o/ic/jj  c'eft-à-dire  ,  de  l'air 
qui  s'eft  folidifié ,  6«:  qui  a  perdu  toutes  fes  pro- 
priétés d'air  pur  ,  en  s'aftimilant  aux  corps  orga- 
iiilés ,  comme  le  feu  pur  perd  les  tiennes ,  en  de- 
venant principe  conftituant  de  ces  mêmes  corps. 
C'eft  le  propre  des  végétaux^  des  animaux  de 
faire  perdre  aux  cléments  purs  leurs  propriétés  , 
en  les  combinant  &  les  allimilant  à  leurs  propres 
fubftances. 

Peut-être  l'air  n'eft-il  dans  la  compofition  des 
corps ,  qu'après  s'être  combiné  avec  d'autres  fub- 
ftances :  djiis  ce  cas ,  il  y  feroit  fous  la  forme  d'un 


<jS  C  n  y  \f  I  e  expérimentale 

principe  fecondaire,  comme  le  feu  fous  la  forme 
lie  nhlogiftique  ^  c'eft  ce  que  nous  examinerons 
en  ion  lieu.  Quoi  qu'il  en  foit ,  on  doit  bien  dif- 
tinguer  l'air  combine  d'avec  celui  qui  n'eft:  qu'in- 
teipo(c  entre  les  parties  des  corps  :  nous  avons 
déjà  fait  cette  même  diftindion  à  l'égard  du  feu 
pur.    L'air  qui  n'eft  qu'interpofé ,  peut  ctre  fé- 

1?aré  des  corps  par  des  moyens  méchaniques  j  au 
ieu  que  celui  qui  fait  fonction  de  principe  ,  ne 
peut  l'être  qu'en  décompofiint  les  jorps.  Il  en  eft 
de  l'air  à  cet  égard  ,  comme  du  feu  ,  dont  on 
peut  féparer  une  bonne  partie  par  des  refroi- 
dilfements  artiliciels.  Onpeut  de  même,  parle 
moyen  de  la  machine  pneumatique,  féparer  des 
corps  la  plus  grande  partie  de  l'air  qui  y  eft  inter- 
pofé  ,  ôc  qui  n'eft  pas  dans  l'état  de  combinaifon. 
Nous  n'entreprendrons  pas  de  démontrer  à 
préfent  l'exiftence  de  l'air  ,  comme  faifant  foncr 
rion  de  principe  conftituanr  dans  les  corps  orga»- 
ni fés  :  cela  nous  obligeroit  d'entrer  dans  des  dé- 
tails qui  fuppoferoient  la  connoiftance  de  beau- 
coup de  chofes  dont  il  convient  que  nous  parlions 
auparavant. 

Effets  du  FéuJufV'Âlr* 

Les  effets  du  feu  fur  l'aie  font  de  le  dilater  oii 
de  le  raréfier,  c'eft-à-dire ,  de  lui  faire  occuper 
des  efpaces  plus  grands  qu'auparavant.  La  dila- 
tation la  plus  confidcrnbie  qu'il  eft  fufceprible 
d'éprouver  de  la  part  du  feu  le  plus  violent ,  eit 
de  treize  à  quatorze  fois  fon  volume  :  il  ne  peut 
jamais  fe  rarétier  alfez  pour  qu'il  s'enfuive  un 
vuide  parfait  :  il  refte  toujours  une  partie  de  l'air, 
même  lorfqu'on  fait  chaufter  au  rouge  blanc  le 
vafe  qui  le  contient.  Nous  ne  rapporterons  point 
les  expériences  qui  prouvent. cette  propoiitipn:j 


ET      R  A  I  S   O  N  N  Ê  E.  é^ 

on  peut  en  voir  le  détail  dans  la  plupart  des  livres 
de  phyiiqiie.  Lorfque  l'air  cefTe  d'être  échauffe  , 
^'  qu'il  fe  refroidit ,  il  fe  condenfe  ,  c*^eft-à  -  dire 
que  {qs  parties  fe  rapprochent  les  unes  près  des 
autres  ,  pour  n'occuper  que  le  volume  qu'il  avoic 
îiuparavant. 

E^ets  de  C  Air  fur  le  Feu  pur. 

Nous  venons  de  reconnoître  les  effets  du  feu 
fur  l'air  ;  examinons  préfentement  les  efîets  de 
l'air  fur  le  feu. 

L'air  n'a  aucune  adion  fur  le  feu  pur  :  il  ne 
paroît  rien  changer  à  fon  état  ni  à  fa  manière  d'a- 
gir. La  tonârion  de  l'air  femble  fe  borner  à  être 
le  réfervoir  d'une  partie  du  feu  qui  nous  vicii,.  du 
foleil ,  &  de  celui  qui  fe  dégage  Aes  corps  pen- 
dant leur  décompolition  :  il  scw  laiffc  pjnctrer 
imitormément:  il  n'augmente  ni  ne  diminue  l'ac- 
tivité  du  teu.  Le  feu  pur  agit  indépendamment  de 
l'air,  puifqu'il  pénètre  &  a  autant  d'atVion  dans 
levuidc  ,  que  loifqu'il agira  l'air  libre,  il  fond  (!?c 
vitrifie  les  corps  dans  cette  circonftance ,  avec  au- 
tant de  facilité  qu'à  l'air  libre ,  toutes  chofes  éga- 
les d'ailleurs. 

Mais  il  n'en  elt  pas  de  même  de  l'accion  do 
Tair  fur  le  feu,  applique  aux  matières combufti- 
blés.  Son  concours  eft  abfolument  nécefiaire  pouu 
entretenir  leur  combuftiou  ,  comme  nous  le  di- 
rons en  fon  lieu. 

Ccmhinaifon  de  VAïr  avec  le  Feu. 

Peut-être  la  Nature  combine-t-ellc  l'air  avec 
le  feu  p'u-,  ce  qui  formeroit  un  véritable  piincipo 
Secondaire  j^.mais  Jufqu'à  préfent  cette  conibi- 
naifon,  f»  elle  exifle,  a  échappé  aux  connoif-^ 
fa^cc  «^çsChymiftes  ôc  àts  Phyficiens. 

E.ii|. 


7©         Chymie  expéri mentale 
Sur  l'Eau. 

L'eau  efl:  une  fubftance  liquide,  tranfparente , 
fans  couleur,  fans  odeur  &  fans  faveur,  lorf- 
qu'elle  eil  parfaitement  pure.  Elle  eft  un  clément 
primitif,  indell:tu6tible,  inaltérable  dans  toutes 
les  opérations  de  la  Chymie. 

Il  en  eft  de  l'eau  comme  des  autres  éléments 
dont  nous  avons  parlé.  Elle  a  une  fi  grande  dif- 
pofition  pour  s'unir  avec  les  fubftances  qu'elle 
rencontre  à  la  furface  ou  dans  l'intérieur  de  U 
terre,  qu'il  eft  abfolument  impolîible  de  l'avoir 
parfaitement  pure  ,  &  privée  de  toutes  fubftances 
étrangères.  Elle  eft  toujours  mêlée  de  feu  ,  d'air 
&  de  terre.  La  plus  pure  que  fournit  la  Nature , 
eft  pelle  qui  roule  dans  des  fables  ou  dans  des  ro- 
chers de  grès  ou  d'autres  pierres  vitrifiables  j 
mais  elle  n'eft  pas  pour  cela  parfaitement  pure, 
Néanmoins  cela  ne  nous  empêchera  pas  de  re- 
connoître  les  propriétés  de  l'eau ,  comme  fi  elle 
éroit  dans  (on  plus  grand  état  de  pureté ,  &:  de  la 
diftinguer  des  autres  éléments ,  &  de  toutes  les 
autres  fubftances  de  la  Nature. 

L'eau  eft  fous  deux  états ,  comme  les  autres 
éléments:  i°.  pure,  ifolée  ,  &  ne  faifant  partie 
d'aucun  corps  compofé:  i°.  combinée  avec  diffé- 
rentes fubftances ,  entrant  dans  la  compofition 
de  beaucoup  de  corps  compofés  ,  6^  faifant  fonc- 
tion de  principe  conftituant  de  ces  mêmes  corps , 
èc  principalement  des  corps  organifés.  Nous  exa- 
minerons à  prcfent  l'eau  pure  &;  ifolée ,  afin  de 
reconnoître  \qs  propriétés  dans  cet  état  :  nous  re- 
connoîtrons  par  la  fuite  les  propriétés  qu'elle  aj^ 
lorfqu'elle  fait  partie  conftituante  des  corps  com- 
pofés dans  lefquels  elle  entre. 

La  Nature  nous  préfente  l'eau  pure  ifolée  fous 


ÏT      RAISONNE  E.  7I 

trois  différents  états  :  i  **.  dans  l'état  de  li<quidité  : 
i".  dans  l'état  defolidiré  que  l'on  nomme  g/ace  : 
3  °.  dans  l'état  de  vapeurs.  Sous  quelque  forme  que 
nous  confidcrions  cette  fubftance  ,  elle  eft  tou- 
jours de  l'eau  :  elle  ne  change  abfolument  point 
de  nature  ^  mais,  comme  elle  préfente  des  phé- 
nomènes chymiques  &  phyliques  qui  font  rela- 
tifs à  ces  différents  états  ,  nous  croyons  de- 
voir examiner  fes  propriétés  fous  ces  différentes 
formes. 

Des  proprietts  de  l'Eau  dans  l'état  de  liquidité. 

L'eau  dans  l'état  de  liquidité  efl  la  boiffon  na- 
turelle des  animaux  ,  &  peut-être  la  feule  propre 
à  entretenir  la  fanté  &  la  vie.  Elle  efl  également 
nécelfaire  à  la  végétation ,  puifque ,  fans  fon  con- 
cours ,  toutes  les  plantes  périlfent.  Il  paroît  même 
qu'elle  entre  immédiatement  dans  la  compoiîtion 
des  corps  organifcs.  L'eau  fertà  la  formation  des 
matières  métalliques  ^  mais  ce  n'efl  que  comme 
inftrument.  Toutes  les  recherches  qu'on  a  faites 
jusqu'à  préfent ,  prouvent  qu'elle  ne  fait  pas  par- 
tie de  ces  corps. 

L'eau  eft  incompreffible.  L'Académie  de  Flo- 
rence expofa  à  la  preffe  des  boules  d'or  remplies 
d'eau  dans  une  température  froide.  Les  boules 
s'applatirent,  &  l'eau  paffa  au  travers  du  métal 
plutôt  que  de  fe  laifler  comprimer  :  ce  qui  fait  voir 
que  les  parties  intégrantes  de  l'eau  {ont  d'une 
grande  roideur  &  d'une  grande  finefle.  Quel- 
ques Phyficieas  avoient  mis  en  queftion  de  favoir 
il  l'eau  pafTe  ou  ne  pafle  pas  au  travers  du  verre. 
M.  de  Colligny  a  décidé  cette  queftion-par  des  ex- 
périences bien  faites  :  nous  en  rendrons  compte 
lorfque  nous  parlerons  des  différents  moyens  qui 
ont  été  propofés  pour  delfaler  l'eau  de  mer» 
Tome  h  .Eiv* 


■Jl  Ch  Y  MIE    EXPÉRIMENTAL  F. 

Au  refte  ,  comme  nous  avons  vu  que  l'ait  eft 
très  comprelîiblj  ,  iSc  que  l'eau  au  contraire  pa- 
roît  ne  point  l''ctre ,  cela  nous  fait  vou^  que  ces 
deux  cléments  différent  eirentiellemenc  entre 
eux. 

L'eau  prife  au  terme  de  dix  degrés  au-deflus 
de  la  congélation  occupe  le  plus  petit  efpace  pof- 
(ibie  :  fi  dans  cet  état  on  la  fait  chauffer  à  l'air 
libre  jufqu'à  l'ébullition,  elle  augmente  de  vo- 
lume d'environ  un  trente-deuxième.  Elle  a  d'ans 
cet  état  le  plus  grand  degré  de  chaleur  qu'elle  peut 
acquérir  :  on  s'en  eft  alTiiré  par  l'immerfion  d'un 
thermomètre.  Son  plus  grand  degré  de  chaleur  , 
lorfqu'elle  bout  à  gros  bouillons  ,  eft  de  quatre- 
vingt  àquatre-vingt-quatre  degrés  au  thermomètre 
de  Réaumur.Cette  variation  dépend  de  la  hauteur 
de  l'atmofphere.  Mais  ,  lorfqu'elle  eft  retenue 
&  qu'elle  n'a  pas  la  liberté  de  s'évaporer,  comme 
dans  le  digefteur  de  Papin  ,  elle  acquiert  alors 
allez  de  chaleur  pour  fondre  un  morceau  de  plomb 
ou  d'érain ,  fufpendu  dans  fon  centre  ,  &  pour 
décompofer  les  fubftances  végétales  &  animales  , 
à-peu-près  de  même  que  lorfqu'on  les  foumet  à  la 
dilliillation  pour  en  faire  l'analyfe.  L'eau  renfer- 
mée dans  des  vafes  de  métal  aflez  fort ,  y  rougit  : 
je  l'ai  vu  rougir  :  elle  eft  même  capable  de  rougir  à 
blanc  ,  lorfqu'elle  eft  fuffîfamment  fixée  ,  comme 
nous  le  démontrerons.  Au  contraire  ,  lorfque 
l'eau  ceffe  d'ctre  comprimée  par  le  poids  de  Tat- 
mofphere ,  ainfi  qu'il  arrive  lorfqu'elle  eft  renfer- 
mée dans  le  vuide  ,elle  bout  avec  plus  de  facilité  : 
elle  ne  peut  même,  dans  cette  circonftance  ,  ac- 
quérir que  quarante  degrés  de  chaleur  ,  au  lieu 
de  quatre-vingt  ,  comme  lorfqu'elle  eft  à  l'air 
libre  \  c'eft  ce  que  Huygens  ôc  l'Abbé  Noller 
ont  fufhfaminenc  démontre.  ^ 


i 


ETRAISONNÉl.  75 

i  L'eau  contient  beaucoup  d'air  qui  lui  eft  fort 

j  adhérent  :  cet  air  s'échappe  en  grande  quantité  , 
mais  jamais  en  totalité ,  pendant  i'ébuUition. 
Mais  l'eau  expofée  à  l'air  libre  reprend ,  dans  l'ef- 
pace  de  quelques  jours ,  l'air  qu'elle  avoir  perdu 

j      par  I'ébuUition  ou  par  le  moyen  de  la  machine 

!      pneumatique. 

L'eau  ell  un  dilTolvant  des  fels  8c  de  toutes  les 
matières  falines  ,  gommeufes  ,  extradives ,  ôcc. 
L'eau  ne  s'oppofe  pas  complettement  à  l'adlion 

I  du  feu  pur  :  elle  diminue  feulement  une  partie 
des  effets  de  cet  élément.  On  tait  fondre  dans 
de  l'eau  des  matières  métalliques  ,  Se  on  réduit 
en  charbon  des  corps  organilés  qu'on  expofe  au 
miroir  ardent  ,  dont  le  foyer  &  les  corps  dont 
nous  parlons  font  plongés  dans  une  maffe  d'eau  j 
mais  elle  éteint  le  feu  qui  ell  appliqué  aux  corps 
combuftibles  :  cela  vient  de  ce  qu'elle  s'applique 
à  leur  furface ,  &  qu'elle  intercepte  toute  com- 
munication avec  l'air ,  fans  lequel  aucun  corps 
combuftible  ne  peut  brûler. 

Mais  ,  lorfque  l'eau  ne  peut  pas  mouiller  les 
corps  ,  &  qu'ils  font  plus  légers  qu'elle ,  comme 
les  matières  grailfeufcs ,  elle  ne  peut  les  éteindre 
quand  ils  font  enflammés  ,  parcequ'ils  furnagenc 
Se  qu'ils  éludent  par-là  le  contact  de  l'eau. 

Plufieurs  Phynciens  ont  avancé  que  l'eau  pou-. 
voit  fe  convertir  en  terre  ,  foit  naturellement , 
foit  par  l'art  :  quelques  Chymiftes  rapportent 
même  des  expériences  faites  à  ce  fujet.  Vigner  , 
Boile  ,  Ôcc.  ont  diftillé  une  petite  quantité  d'eau 
mille  fois  de  fuite ,  &  en  ont  retiré  à  chaque 
fois  une  terre  fixe  au  feu.  Comme  ces  expériences 
ne  font  point  rapportées  avec  aflez  de  détails  ,  on 
peut  conclure  ,  en  toute  futeté ,  que  cette  terre 
Qi\  étrangère  à  l'eau.  Nous  croyons  avec  Boer- 


74  ChYMIE    EXPÉRIMENTALE  , 

haave  que  l'eau  eft  un  clément  abfolument  indeC-     U 
trudible  &  inaltérable  :  cet  élément,  à  quelque 
épreuve  qu'on  le  foumette  ,  redevient  toujours   . 
de  l'eau ,   tel  qu'il  étoit  auparavant.  M.  Lavoi-  - 
fier,  de  l'Académie  des  Sciences  ,  a  répété  quel- 
ques-uns des  procédés  dont  nous  parlons  y  il  s'eft 
ftlfuré  par  des  expériences  fort  exaéVes  ,  que  l'eau 
ne  fe  cnange  point  en  terre. 

Nous  avons  fait  obferver  que  Tenu  qui  bout  a 
l'air  libre  ,  à  gros  bouillons  ,  ne  prend  jamaia 
qu'un  degré  de  chaleur  déterminé.  Lorfqu  on  lui 
fait  éprouver  un  très  grand  froid  artificiel ,  elle  ne 
prend  pareillement  qu'un  très  léger  degré  de  froid 
qui  eft  d'un  demi  degré  au  dellous  de  Ton  terme 
de  congélation  ,-  tant  qu'elle  eft  dans  fon  état  de 
liquidité ,  quelque  grand  que  foit  d'ailleurs  le 
froid  qu'on  lui  fait  éprouver.  C'eft  ce  que  j'ai 
démontré  dans  un  Mémoife  imprimé  dans  le 
Journal  de  Médecine ,  année  1770  ,  mois  d'Oc- 
tobre &  de  Novembre. 


XPERIENCE 


Qui  prouve  que  l'Eau  ne  prend  quun  degré  de 
froid  déterminé. 

On  fait  un  mélange  de  deux  parties  de  glacç 
&  d'une  partie  de  fel  marin  y  ce  qui  produit  un. 
froid  de  dix-huit  à  vingt  degrés  au-deftbus  du 
terme  de  la  glace.  On  plonge  dans  le  centre  de  ce 
mélange  un  petit  gobelet  de  verre  rempli  d'eau 
pure  'y  d'une  autre  par«t  ,  on  plonge  dans  le  mê-« 
lange  de  fel  &  de  glace  un  thermomètre  ,  &  l'oa 
plonge  aulTi  dans  l'eau  du  gobelet  un  femblable 
thermomètre.  Celui  qui  eft  plongé  dans  le  mé- 
lange de  glace  ôi  de  fel  j  fe  tient  conftamment  à  la 
température  de  ce  mélange  j  mais  celui  qui  eft 


ET      RAISONNES.  7J 

plongé  dans  l'eau  du  gobelet ,  refte  conftamment 
à  un  demi-degré  au-delFous  du  terme  de  la  con- 
gélation, tant  qu'il  refte  plongé  dans  Teau  non 
gelée  ;  &:  il  ne  prend  la  température  du  bain,  qu'a- 
près que  l'eau  eft  gelée  complettement.  Si,  au  lieu 
d'eau  ,  on  plonge  un  bocal  d'efprit  de  vin  ou  de 
toute  autre  liqueur  non  gelable ,  à  une  fcmblable 
température,  la  liqueur  prend  ,  fans  tarder,  celle 
du  bain. 

J'attribue  cet  eftet  au  mouvement  que  le  froid 
excite  entre  les  parties  intégrantes  de  l'eau.  Ce 
mouvement  produit  de  la  chaleur  qui  efl:  toujours 
proportionnelle  au  h'oici  artificiel  auquel  on  fou- 
met  l'eau  ,  puifque  ,  quelque  grand  que  foit  ce 
froid  ,  l'eau  refte  au-delfous  du  terme  de  la  con- 
gélation. 

Les  liqueurs  fpiritueufes ,  pour  lefquelles  il 
faut  un  plus  grand  froid  pour  fe  congeler  ,  pren- 
nent fur  le-champ  ou  peu  après  ,  la  température 
du  bain  mentionné  ci-defTus  ,  parceque  ,  dans  ce 
cas ,  il  ne  s'excite  entre  leurs  parties  intégrantes , 
aucim  mouvement  qui  produife  de  la  chaleur; 
mais ,  (i  on  leur  fait  éprouver  un  froid  capable 
de  les  congeler  ,  il  arrive  à  leur  égard  précifément 
la  même  chofe  qu'à  l'eau  :  i°.  tant  qu'elles  font 
dans  l'état  de  liquidité  ,  elles  reftent  conftamment 
à  quelques  degrés  au-deftous  du  terme  de  leur 
congélation  (i)  :  2".  elles  ne  prennent,  comme 
l'eau  ,  la  température  du  bain  où  on  les  a  plon- 
gées, qu'après  qu'elles  font  entièrement  gelées. 

(  0  Le  terme  de  la  conç^cLitioii  n'cft  pas  le  mcmc  pour 
toutes  les  liqueurs  :  il  faut  une  intenfité  de  froid  d'autant 
plus  grande  que  la  liqueur  eft  moins  gelable.  C'eft  ce  que 
j'ai  conftatc  par  une  fuite  d'expériences  détaillées  dans 
mon  Mémoire  imprime  dans  le  Journal  dç  Médecine  fciir 
le  mois  d'Odobrc  1-^-70. 


7<*         Chymie  expérimentale" 

2?«  Propriétés  de  l'Eau  dans  L'état  de  glace. 

Lorfque  l'eau  éprouve  un  certain  degré  de  froid, 
elle  fe  convertit  en  un  corps  folidc  que  l'on  nom- 
me glace. 

La  glace  efl;  un  corps  dur  &  élaftique  qui  pré- 
fente des  phénomènes  différents  ,  fuivant  qu  elle 
fe  forme  plus  ou  moins  lentement.  Lorfqu'elle 
fe  forme  lentement ,  elle  prend  un  arrangement 
fymmétrique  qu'on  peut  très  bien  obferver,&que 
j'ai  comparé  ,  dans  mes  cours  ,  à  la  cryftallifatioa 
des  fels  :  elle  forme  toujours  des  aiguilles  qui  fe 
croifent  en  an2;les  de  foixante  ou  de  cent  vingt 
degrés ,  comme  l'a  remarqué  M.  de  Mairan ,  dans 
fa  DilTertation  fur  la  glace.  Mais ,  lorfque  la 
glace  fe  forme  par  un  froid  fort  âpre  ,  cet  arran- 
gement ne  fe  fait  pas  avec  la  même  régularité  \  à 
inefure  que  le  froid  augmente,  la  glace  acquiert 
plus  de  confiftance  &  de  volume.  On  obferve  que 
de  l'eau  glacée ,  contenue  dans  un  vafe  plein , 
coule  &  fe  répand  jufques  par-deflTus  les  bords, 
comme  une  lave  de  volcan  \  ce  qui  indique  non 
feulement  une  dilatation  entre  les  parties  de  la 
glace  ,  mais  même  un  commencement  de  fulion. 
Cet  effet  eft  d'autant  plus  fenfible  ,  que  le  froid 
devient  plus  grand.  La  glace  fe  dilate  même  fl 
confîdérablement,  qu'elle  fait  des  efforts  incroya- 
bles pour  rompre  les  obfcacles  qui  lui  réfîftent.  Les 
Académiciens  de  Florence  ayant  pris  une  boule 
de  cuivre  fort  épaifle ,  dont  la  cavité  avoit  ua 
pouce  de  diamètre,  la  remplirent  d'eau,  &  la 
fermèrent  :  lorfque  cette  eau  fut  gelée ,  elle  creva 
la  boule  de  métal.  Ils  calculèrent  enfuite  l'effort 
qu'il  fallut  pour  produire  cet  effet  ;  ils  trouvèrent 
qu'il  eft  égal  à  vingt-fept  mille  fept  cents  vingc 


ET      RAISONNÉ  E.  -J-f 

iivres.    [EJfal  de  Phyjîquc  àe  MufTchenbroek , 

Lorfque  la  glace  fe  forme,  l'air  contenu  dans 
l'eau  fe  dégage  ,  produit  des  bulles  qui  troublent 
même  la  tranfparence  de  la  glace.  Les  Phyficiens 
avoient  attribué  à  cet  air  tous  les  phénomènes 
dont  nous  venons  de  parler  \  mais  il  s'en  faut  de 
beaucoup  que  cette  explication  foit  fatistaifante. 
D'ailleurs  cet  air  interpofé  n'cil  point  dans  un 
ctai;  de  preflîon ,  puifque  ,  fi  l'on  perce  la  glace 
avec  une  aiguille  pour  en  fau^e  fortir  les  bulles 
d'air ,  il  n'en  fort  pas ,  ou  ,  s'il  en  fort ,  c'eft  fans 
effort.  Nous  penfons  que  les  efforts  que  fait  la 
glace,  viennentdu  mouvement  &  de  la  dilatation 
qui  s'excitent  entre  fes  parties,  &  qui  la  difpo- 
fent  à  une  forte  de  fufion.  Dans  ce  fens ,  la  fo- 
lidité  de  l'eau  ne  feroit  pas  plus  fon  état  naturel , 
que  fa  liquidité. 

Un  morceau  de  métal  expofé  au  froid ,  fuit  né- 
cefTairement  la  même  marche  :  il  diminue  d'abord 
de  volume  j  mais,  lorfqu'il  eft  frappé  de  froid  fuffi- 
famment,  il  doit  de  même  commencer  à  augmen- 
ter de  volume,  un  peu  avant  d'être  gelé.  J'entends 
par  métal  gelé ^  celui  qui  eft  tellement  pénétré  de 
froid ,  qu'il  e(l  caffant  à  un  choc  médiocre.  Le 
fer  eft  dans  ce  cas.  Il  faut  peut-être  un  plus  grand 
froid  pour  faire  parvenir  les  autres  métaux  au 
même  point.  Il  doit  y  avoir  entre  eux,  à  cet  égard, 
les  mêmes  différences  qu'il  y  a  entre  les  liqueurs 
qui  éprouvent  une  plus  ou  moins  grande  facilité 
à  fe  geler,  comme  je  l'ai  dit  dans  le  même  Mé- 
moire imprimé  dans  le  Journal  de  Médecine  pour 
le  mois  d'06tobre  1770.  Je  fuis  même  porté  à 
croire  c]ue,  s'il  étoit  pofTible  d'obtenir  un  froid 
fuifilant,les  métaux éprouveroient,  comme  l'eau 
congelée ,  cette  forte  de  fufion  qui  arrive  à  la 


7^  Chymie  expérimentale 

glace  foumife  à  un  grand  froid  :  on  parviendroit  ,■ 
par  le  moyen  d'un  troid  exceliîf,  à  liquéher ,  il 
j'ofe  me  fervir  de  ce  terme  ,  les  corps  les  plus 
durs  ,  de  mcme  qu'on  les  fait  entrer  en  fufioii 
au  miroir  ardent.  On  obferveroit  nécelTairement 
dans  ce  genre  de  fufion  les  mêmes  différences  que 
l'on  remarque  entre  les  autres  fuiions  opérées  par 
le  feu  \  il  faudroit  par  conféquent ,  pour  les  corps 
les  plus  durs  ,  une  plus  grande  intenfité  de  froid. 
La  glace  nage  toujours  fur  l'eau.  Les  Physi- 
ciens ont  attribué  cet  effet  à  l'air  qui  fe  dégage 
de  l'eau  pendant  la  congélation,  &  qui  diminue 
fa  pefanteur  fpécitique  ;  mais  nous  ne  croyons 
pas  que  cette  explication  foit  fuHifante.  On  doit 
plutôt ,  ce  me  femble  ,  attribuer  cet  effet  à  l'ar- 
rangement des  parties  ,  qui  eft  différent.  Tous 
les  corps  qui  peuvent  palier  de  l'état  de  folidité 
à  celui  de  liquidité  ,  font  dans  le  même  cas.  Un 
métal  figé  nage  fur  le  métal  de  même  efpece  qui 
•eft  en  fuiîon.  Du  beurre  figé  na^e  fur  du  beurre 
qui  eft  liquené,  &:c.  11  paroît  même  que  c'eft  un 
principe  général  que  les- c-orps  en  fufion  ont  plus 
de  pefanteur  fpécifîque.,  que  lorfqu'ils  n'y  font 
■pas. 

•^  '  Lorfque  le  froid  augmente  ,  la  glace  eft  tou- 
jours en  mouvement/,-  elle  continue  de  fe  gon- 
fler ;  elle  s'élève  en  boife  dans  le  milieu ,  fi  les 
bords  du  vafe  qui  la  contient ,  réfiftent  à  fon  ex- 
tenfion.  11  eft  difficile  d'attribuer  tous  ces  effets 
au  froid  feul ,  ou  â  l'abfence  du  feu  :  on  remarcjue 
fouvent  que  le  thermomètre  eft  de  plufieurs  de- 
grés au-deirus  de  la  glace  ,  &c  que  néanmoins  il 
gelé.  M.  de  Réaumur  dit  que  l'eau  fe  gelé,  quand 
elle  eft  parvenue  à  un  certain  degré  de  froid  j 
qu'elle  ne  fe  ^ele  pas  dans  un  autre  temps ,  quoi- 
que plus  froid  que  le  t^rme  ordinaire  de  la  coii- 


ET       RAISONNÉ  £.  74) 

Relation  *,  qu'il  dégelé  ,  lorfqu'il  faic  plus  froid 
que  quand  il  geloic.  Tous  ces  phénomènes  font 
bien  finguliers,  &  pourroient  faire  préfumer  que 
le  hoid  &  la  gelée  ne  font  point  entre  eux  comme 
icaufe  &:  effet. 

L'eau  qui  fe  dégelé,  n'efl:  point  falubre  :  elle 
ne  recouvre  fa  falubrité  que  quelque  temps  après 
qu'elle  efl:  entièrement  dégelée  :  c'eft  une  obfer- 
vation  que  beaucoup  de  Phyliciens  ont  faite.  Je 
penfe  qu'on  doit  attribuer  cet  effet  à  ce  que  les 
parties  de  l'eau  ,  au  moment  du  dégel ,  n'ont  pas 
encore  pris  l'arrangement  qui  leur  eft  propre  &c 
qu'elles  ont  dans  l'état  de  parfaite  liquidité. 

La  glace  mclée  avec  les  acides  minéraux  ,  avec 
Telpric  de  vin ,  &c.  produit  des  degrés  de  froid 
confidérables jtandis  quel'eau  non  gelée  s'échauffe 
beaucoup  avec  toutes  ces  fubflances.  Tous  ces 
phénomènes  nous  prouvent  que  le  même  corps 
change  de  propriétés  ,  lorfqu'il  change  d'état. 
Cette  obfervation  ne  fe  borne  pas  à  l'eau  feule- 
ment :  il  en  eft  de  même  des  autres  éléments , 
lorf.|u'ils  entrent  dans  les  combinaifons  qu'ils 
peuvent  former. 

Des  Propriétés  de  l'Eau  dans  l'état  de  vapeur. 

Lorfque  l'eau  éprouve  un  degré  de  chaleur 
même  affez  médiocre  ,  elle  s'évapore  ,  c'eft-à- 
dire  qu'elle  fe  réduit  en  vapeurs.  Ces  vapeurs 
lont  vilibles ,  lorfque  fair  eft  faturé  d'eau ,  &: 
qu'il  eft  froid  :  au  contraire  ,  elles  font  infenfî- 
blés  dans  les  a;randes  chaleurs  de  Tété  ,  ou  du 
moins  elles  lont  infiniment  moins  vifibles  ,  par- 
ceque  l'air  chaud  peut  en  tenir  davantage  en  diifo- 
lurion. 

Il  s'élève  de  la  furface  des  eaux  une  quantité 
prodigieufe  de  vapeurs  invilibles  ou  vifibles,  fui- 


8o  Chymie  ex  péri  mentale 

vaut  les  circonftances  du  froid  ou  du  chaud.  C*eft 
une  forte  de  diftillarion  que  la  Nature  fait  4e 
l'eau  ,  Se  que  les  vents  tranf|jortent  dans  cet  état 
de  dillohuion:,  pour  produire  les  différents  mé- 
téores aqueux ,  tels  que  la  pluie  ^  la  grêle,  la 
neige  ,  &:c.  qui  forment  eiifuite  les  rivières ,  les 
fontaines,  &c.  La 'pluie  nettoie  l'air  de  dilîé- 
rentes  vapeurs  dont  il  pourroit  être  chargé  :  c'eil 
pour  cette  raifon  que  l'eau  de  pluie  n'eft  pas  par- 
faitement pure  j  elle  eft  chargée  d''ex.halaifons  de 
la  terre,  &  d'une  petite  quantité  de félcnite.  J'ai 
expofé  ,  après  plufieurs  jours  de  pluie,  une  jatte 
de  porcelaine  en  plein  air ,-  éloignée; de  tout  bâti> 
ment ,  de  élevée  dé  plufieurs  pieds, ui-delîus  de  la 
furfice  de  la  terre ,  pour  recevoir  Je  l'eau  de  pluie 
le  plus  proprement -qu'il  fut  pollîble.  Cette  eau 
s'eft  trouvé  contenir  de  l'acide  vitriolique  dans 
l'état  félénireux  :  elle  précipitoit  en  jaune  de 
turbith  la  dilTolution  de  mercure ,  faite:  par  facida 
nitreux.  -         -       ;:>.•:.•....■. 

•  Lorfque l'eau  ,  réduite  en  vapeurs,  eft  forcés 
de  fortir  par  une  petite  ouverture,  xomme  dans 
un  éolipyle  ,  elle  eft  vifible,  parcequ'cUe  n'eft 
pas  dilîoute.  dans  l'air, j  mais  la  chaleur  qu'elle 
éprouve  ^  en  paliant  au  travers  de  la  flamme 
"d'uhe  lampe  ,  la  combine  avec  l'air  :  elle  eft  alors 
invifible  ;  fa  difloliition  eft  complette.  On  fe  ferr 
avec  avantage  de  cette  propriété  de  l'eau  de  jfe 
dilfoudre  dans  l'air  .  pour  augmenter  l'élafticité 
de  l'air  ,  &  animer  une  lampe  mieux  que  ne  le 
feroit  un  co'nranrd'air  pur.  Elle  anime  le  feu  ,  nu 
lieu  de  l'éteindre,  comme  il  arrive  lorfqu'eile 
'agit  en  mafte.  Elle  fait  l'oftîce  d'un  foufïlet  de 
forge.  Les  Emailleurs  fe  fervent  de  cette  propriété 
de  l'eau  pour  diriger  la  liamme  d'une  lampe  fur 
du  verre  cp'ils  veulent  chaufter  ou  fondre. 

Lorfque 


Et      RAISON   NÉE.  8t 

Lotfqiie  l'eau  eft  réduite  en  vapeurs  ,  Se  que 
ces  vapeurs  n'ont  point  la  liberté  de  fe  dilîiper  _, 
elles  o'U  une  force  il  expanfible ,  qu'on  l'emploie 
à  mouvoir  de  groires  machines  pour  loulever  des 
mafles  confidérabies  ,  de  taire  agir  des  piftons 
de  pompes  qui  élèvent  l'eau  à  de  grandes  hau- 
teurs. 

Lorfque  l'eau  ell:  parfaitement  réduite  en  va- 
peurs ,  elle  occupe  quatorze  mille  fois  plus  de 
place  qu'auparavant.  Si  l'on  met  une  goutte  d'eau 
dans  la  boule  d'un  verre  de  thermomètre ,  qui 
puille  contenir  quatorze  mille  gouttes  d'eau  fem- 
blables  j  fi  l'on  tait  chauffer  enfuite  cette  goutte 
d'eau  pour  la  réduire  partaitement  en  vapeurs  , 
elle  chaffe  tout  l'air  de  Tintérieur  du  verre ,  &  elle 
en  occupe  toute  la  capacité.  Le  tube  étant  fubi- 
tement  plongé  dans  l'eau  la  boule  s'en  remplie 
dans  un  inftant ,  parceque  cette  nouvelle  eau 
prend  la  place  de  l'air  que  l'eau  réduite  en  va- 
peurs a  évacué.  Pour  produire  cet  eftet ,  il  a  tallu 
que  la  goutte  d'eau  occupât  toute  la  capacité  du 
vaifleau  ,  &  par  conféquent  quatorze  mille  fois 
plus  de  place ,  que  lorlqu'elle  étoit  en  liqueur. 
Hauksbée  ayant  voulu  comparer  la  dilatation  de 
l'eau  avec  celle  de  la  poudre ,  mit  le  feu ,  par  le 
moyen  d'un  verre  ardent,  à  de  la  poudre  qu'il 
avoir  enfermée  dans  la  parcie  fupérieure  d'un  ba- 
romètre rempli  de  mercure  ,  il  trouva  que  la  di- 
latation de  la  poudre  occaficnna  un  vuide  deux 
cents  vingt-deux  fois  plus  grand  que  le  volume 
de  la  poudre  qu'il  avoir  employée  j  par  confé- 
quent l'eau  fe  ratétie  environ  foixante-troistois 
plus  que  la  poudre  :  d'où  il  réfulte  que ,  li  l'on 
trouvoit  le  moyen  de  réduire  fubitement  en  va- 
peurs une  mafle  d'eau ,  on  produiroit  des  effets 
qui  feroient  foixante-trois  fois  plus  grands  que 
Tome  I.  F 


8i  Chvmie  expérimentale 
ceux  d'un  pareil  volume  de  poudre.  C'eft  ce  qui 
arrive  fort  fouvenndans  les  volcans,  où  l'eau  eft 
quelquefois  retenue  &:  réduire  fi  fubitement  erx 
vapeurs  par  la  chaleur  excelîlve  du  feu  que  ren- 
ferment ces  volcans ,  qu'elle  jette  au  loin  des 
malfcs  énormes  dont  le  recul ,  femblable  à  celui 
des  armes  à  feu  ,  occalionne  ces  fecoulles  de  trem- 
blements déterre  ,  qui furprennent toujours  avec 
frayeur. 

La  même  chofe  arrive  en  petit  dans  nos  labo- 
ratoires, lorfque,  par  imprudence,  on  jette  quel- 
ques gouttes  d'eau  dans  de  l'huile  très  chaude  , 
ou  fur  du  cuivre  ou  du  plomb  ,  8cc.  en  fufîon  , 
&  encore  mieux ,  lorfc]u'on  coule  dans  un  mortier 
humide  du  fel  alkali  ou  tout  autre  fel  en  fufion  : 
l'eau  fe  réduit  fubitement  en  vapeurs,  &  jette 
au  loin  les  matières  tondues  avec  un  bruit  ef- 
frayante avec  danger  pour  ceux  qui  font  préfents. 
Il  efl  de  la  plus  grande  importance  de  bien  con-l 
noître  ces  terribles  effets  ,  afin  de  fe  garantir  des 
accidents  qui  peuvent  en  réfulter. 

Les  enfants  font  tous  les  jours  une  Expérience 
qui  eil  relative  à  ce  que  nous  venons  de  dire  fur 
Texpaniibilité  de  l'eau.  Us  mettent  fur  quelques 
gouttes  d'eau ,  ou  fur  un  peu  de  falive  ,  un  char- 
bon bien  ardent ,  &  ils  frappent  promptemenc 
avec  un  marteau  de  bois  ou  de  fer  fur  le  charbon  ; 
le  feu  réduit  fubitement  en  vapeurs  l'eau  qui 
l'entoure,  &c  il  fe  fait  auiîi-tôt  une  explofion  fort 
bruyante. 

On  fe  fert  tous  les  jours  avantageufement  de 
la  propriété  qu'a  l'eau  de  fe  réduire  en  vapeurs, 
pour  la  débirrafler  des  matières  fixes  avec  lef- 
quelles  elle  peut  être  mêlée.  ! 


ET      RAISON  NJt  JE*  8j 

De  la  Dijiillation» 

La  diftillation  eft  une  opération  par  le  moyen 
de  laquelle  on  fépare  ,  à  l'aide  du  feu  ,  les  fub- 
ftances  liquides  6c  volatiles  d'avec  les  hxes  ,  ou 
Une  évapoiation  qui  fe  tait  dans  des  vaiireaux  clos , 
appropriés ,  afin  de  recueilUr  &  conferver  à  part 
les  fubftances  que  le  feu  tait  élever. 

Il  y  a  deuxefpeces  de  diftillation  :  favoir ,  Tune 
que  l'on  nomme  per  a/cenjum  j  &  l'autre  que 
l'on  nomïneper  dejcenfum. 

La  première  eft  celle  qu'on  emploie  ordinaire- 
ment. Elle  fe  fait  en  plaçant  le  feu  fous  le  vaif-* 
feau  qui  contient  la  matière  qu'on  foumet  à  la 
diftillation.  La  chaleur  fait  élever  les  vapeurs  au 
haut  du  vaifteau  ,  &  elles  font  conduites,  foit  en 
vapeurs ,  foit  en  liqueurs,  dans  un  récipient  qu'on 
place,  à  cet  eftet,  à  côté  du  vaifteau  diftilla- 
toire. 

La  féconde  eft  lorfqu'on  met  le  feu  audelfus 

de  la  matière  qu'on  veut  diftiller.   Les  vapeurs 

■qui  fe  dégagent  des  corps  ne  pouvant  s'élever 

j  .comme  dans  la  diftillation  ordinaire ,  font  forcées 

à  fe  précipiter  dans  un  vaifleau  inférieur  qu'on 

j  -ijAare  à  cedelfein. 

!   r     Par  exemple ,  on  pofe  un  linge  fur  un  verre  à 

boire  :  on  mçt  furce linge  qui  doit  être  lâche  dc 

s'enfoncer  un  peu  dans  le  verte  ,  des  clous  de  gé- 

rolle  coiicaftes  :  on  pôle  par-deftus  cet  appai^eil , 

Il  -un  plateau  de  balance  qui  joint ,  le  plus  exadte- 

I,    ment  qu'il  eft  poftible ,   les  bords  du  verre  :  on 

S*  .remplit  de  cendres  chaudes  la  partie  concave  du 

[i    plateau  de  balance.   La  chaleur,  agilfant  furie 

Ij    cérotle  ,  en  dégage  une  partie  du  phlegme  &  de 

|i    l'huile  eftentielle  qui  fc  raftemble  au  fond  du 

i  F'i 


§4  ChYMIE    EXPERIMEKtALE 

verre  *  c'ell  ce  que  l'on  nomme  dilHller  per  def-* 
cenfum  :  mais  cette  manière  de  diftiller  n'eft  pref- 
qiie  point  ulîtce,  p.uxcqu'clie  a  l'inconvénient 
de  dénaturer  les  lubilances  qu'on  veut  retirer  , 
étant  difHcile  d'adminiftrer  précifément  le  degré 
de  chaleur  qui  convient. 

LesChymirtes  ont  établi  une  troifieme  manière 
;de  diftiller  ,  qu'ils  nomvnenx.per  latus  j  ou  par  le 
côté  j  c'eft  celle  que  l'on  fait  dans  des  cornues  : 
mais  ,  comme  elle  ne  diffère  point  de  la  diftilla- 
rion  pcr  afcenfum  ^  qui  fe  fait  dans  des  alambicc 
de  verre  ou  de  cuivre  étamé  ,  nous  croyons  qu'il. 
eft  inutile  d'en  faire  ici  une  dilHnétion.  J'en  ai 
parlé  dans  mes  Eléments  do  Pharmacie.  Elle  fe 
tait  toujours  per  afcenfum  j  puilque  les  vapeurs 
s'élèvent  perpendiculairement  pour  entrer  dans 
le  col  qui  aboutit  au  récipient.  La  diftillation 
qu'on  fait  dans  des  alambics  de  cuivre  pourroic 
ctre  reçrardée  à  la  rieueur  comme  une  diftillation 
pcr  latus.  Les  vapeurs  s'élèvent  perpendiculaire- 
ment ;  elles  enfilent  le  canal  qu'on  a  pratiqué  au 
coté  du  chapiteau  de  l'alambic  pour  venir  fe  raf- 
fembler  :&  fe  condenfer  dans  le  récipient  :  ainiî 
ces  deux  diftiiiations  ne  ditrerent  l'une  de  l'autre, 
que  par  la. forme  des  vaiireaux. . .      .a  4 ■.^^.•i .; 

Lofque  les  fubftances  qu'on  m.et)  diftiller.  con- 
tiennent quelques  principes  faciles  à  s'altérer  ,  on 
fe  fert  d'oin  alambic  à  bain  marier  qui  tempéré 
l'aélivité  du  feu.  Au  moyen  de  ce  vaifFeau  ,  on 
peut  graduer,  à_fon  gré,  .la.,  chaleur,  «Se  nC' faire 
éprouver  aux  fubftancos  qu'on  foumet  à  la  diftil- 
lation ,  que  celle  qui  leur  convient  :  dans  cette 
diftillation  ,  les  fubftances  ne  peuvent  recevoir  , 
tout  au  plus  ,  que  le  degré  de  chaleur  égal  à  celui 
de  l'eau  bouillante.  Voyez  mes  Eléments  de  Fharr 
maçie  j  pour  le  détail  d'un  alambic  à  bain  marle^ 


ET      RAISONNÉ  E.  È^ 

Dijlillation  de  l'Eau* 

On  met  dans  une  cornue  cîe  verre  plulleurs 
pintes  d'eau  :  on  place  le  vaifTeau  dans  le  bain  de 
iable  d'un  tourneaii:  on  y  adapte  un  ballon  ou 
récipient.  On  lute  les  jointures  avec  des  bandas 
de  papier,  enduites  décolle  de  farine  ou  d'ami- 
don :  alors  on  procède  à  la  diftillation  par  un  teu 
gradué  que  Von  augmente  jufqu'au  degré  de 
i'cbullition  ou  à-peu-près.  On  continue  la  diftil- 
lation  ,  jufqu'd  ce  que  l'on  ait  fiit  dilliller  envi- 
ron les  trois  quarts  de  l'eau  c]ue  l'on  a  emnlt-yyée. 
On  débite  le  ballon  ;  on  verfe  ce  qu'il  contient 
dans  un  llacon  de  cryftal  qu'on  bouche  bien  :  on 
jette,  comme  inutile,  ce  qui  refte  dans  la  cornue, 

R    E    M    A    R    (^    U   B. 

L'eau,  comme  nous  l'avons  dit,  n'cft  jamais 
parfaitement  pure  :  elle  eft  plus  ou  moins  chargée 
de  terre  &  de  félénite.  On  a  befoin  ,  pour  nom- 
bre d'opérations  &c  d'expériences  de  Chymie  , 
d'eau  feparce  de  ces  fubftances.  La  diftillation 
eft  très  convenable  pour  opérer  cette  fépararion^ 
L'eau  étant  \\n  corps  volatil ,  s'élève  feule  en  va- 
peurs qui  fe  condenfcnt  &  fe  ralTemblent  dans  le. 
ballon  \  &C  clic  laiiTe  dans  la  cornue  les  matières 
fixes  qui  ne  peuvent  s'élever  au  même  degré  de 
chaleur  qu'elle.  U  faut  faire  choix  d'une  eau  déjà 
pure,  &  qui  ne  contienne  point  de  fubftances, 
volatiles  j  telles  font  les  eaux  des  grands  fleuves» 
Si  l'on  veu.t,  pour  plus  d'exaélitude  ,  ^  être  cer- 
tain que  l'eau  que  l'on  veut  obtenir  ne  contienne 
rien  d  étranger  ,  il  faut  rejetter  les  premières 
onces  d'eau  qui  palTent  dans  la  diftillation. 

Qn  pourroit  Kiire  diftiUer  une  plus  grauji^ 

lui 


8<î"        Chymie  expérimentale 

quantité  d'eau  que  celle  que  nous  avons  dite  ,  tc 
même  continuer  la  diftillation  jufqu'à  ficcité  j 
mais  il  feioic  à  craindre  que  les  matières  falines 
fur-tour  ne  vindent  à  fe  décompofer,  ce  qui  al- 
téreroit  la  pureté  de  Teau. 

Lorfqu'on  vcut  fe  procurer  de  l'eau  diftillée 
parfaitement  pure  ,  il  convient  de  la  diftiller  dans 
^Qs  vailfeaux  de  verre  :  ceux  qui  font  faits  avec 
les  différents  métaux  qu'on  nomme  imparfaits  j 
communiquent  une  odeur  empyreumatique.  Les 
alambics  de  cuivre  ou  d'étain  ,  dans  lefquels  on 
a  diftillé  àas  plantes ,  ont  fpécialement  cet  incon- 
vénient. Il  efl;  impoflible  de  les  nettoyer  aflfez 
pour  les  empêcher  de  communiquer  à  l'eau  cette 
odeur  d'empyreume. 

L'eau  diftillée  doit  être  confervée  dans  des 
flacons  de  cryftal ,  bouchés  avec  des  bouchons 
auflî  de  cryftal ,  ufés  à  l'émeri.  On  a  foin  de  les 
laver  auparavant  avec  de  l'eau  diftillée.  Les  bou- 
chons de  liège  lui  communiquent  une  odeur  de 
croupi.  L'eau  diftillée  eft  inaltérable  :  elle  peut 
fe  garder  pendant  très  long-temps  dans  fon  état 
de  pureté ,  lorfque  rien  d'étranger  ne  fe  mêle 
avec  elle. 

On  reconnoît  que  l'eau  diftillée  eft  pure ,  lorf^ 
qu'elle  ne  change  point  les  couleurs  bleues  de  la 
ceinture  du  tournefol  &  du  fyrop  de  violettes  ,  &: 
fur-tout  lorfqu'elle  n'occafîonne  aucun  trouble 
ni  précipitation  aux  diffolutions  de  mercure  8c 
4'argent ,  faites  par  de  Tacide  nitreux. 

De  l'Eau  combinée  avec  le  Ftu, 

On  ne  connoît  point  de  combinaifon  immé- 
(liate  de  l'eau  avec  le  feu  pur  :  peut-être  la  Na- 
ture forme-ç-elle  cette  combinaifon  j  mais  juf- 


ÏT      RAISONNÉ  E.  ?7 

qu'à  prcfenc  elle  a  échappé  aux  recherches  des 
Chymiftes  8c  des  Phyficiens.  On  fait  que  l'eau  eft 
toujours  mêlée  d'une  certaine  quantité  de  feu  : 
c'eft  de  lui  qu'elle  tient  fa  liquidité.  On  a  tou- 
jours confidéré  ce  feu  comme  libre  ,  &  leulemenc 
interpofé  entre  les  parties  de  l'eau  j  mais  on  ignore 
il  quelques  parties  ne  fcroient  pas  réellement  dans 
l'étar  de  combinaifon  ,  &  fous  la  forme  d'un  prin- 
cipe fecondaire ,  qui  feroit  tenu  en  diirolutioii 
dans  la  totalité  d'une  malTe  d'eau  quelconque. 
Ce  qu'il  y  a  de  certain  ,  c'eft  qu  il  eft  impoflîble  » 
par  des  refroidiftements  artificiels ,  de  priver  l'eau 
de  tout  le  feu  libre  qu'elle  contient. 

De  l'Eau  combinée  avec  CAir. 

Ueau  fe  diftout  dans  l'air  ,  comme  les  fels  fet 
diftoîvent  dans  l'eau.  Cette  diftolution  eft  claire 
&  tranfparente.  C'eft  une  vérité  que  M.  le  Roi , 
Dodeur  en  Médecine  de  la  Faculté  de  Montpel- 
lier ,  a  démontrée  d'une  manière  très  lumineufe ,, 
dans  un  Mémoire  imprimé  dans  le  volume  de 
l'Académie  ,  année  175 1  ,  page  481.  Cet  habile 
Phylîcien  rapporte  des  expériences  trèsingcnieu- 
Îqs^  par  lefquelles  il  fait  voir  que  cette  dilfolu- 
tion  de  l'eau  par  l'air  eft  alFujettie  a  un  point  de 
faturation.  De  l'air  chaud  dilfout  davantage  d'eaa 
que  de  l'air  froid.  Lorfque  de  l'air  chaud  ,  faturé 
d'eau ,  vient  à  fe  refroidir  ,  il  laitfe  dépofer  l'excès, 
de  celle  qu'il  ne  peut  plus  tenir  en  diflolution. 
Pour  conftater  cette  vérité,  M.  le  Roi  a  pris  une 
bouteille  vuide  8c  feche  j  il  l'a  expofée  à  un  air 
chaud  de  quinze  degrés  au-delTus  du  terme  de  la 
congélation ,  &  l'a  bouchée  exadlement.  Lorfque 
l'air  de  l'atmofphere  s'eft  refroidi  de  quelques  dcr-^ 


88  Chymie  expérimentale 

gi'és ,  celui  renfermé  dans  la  bouteille  s'eft  refroidi 
ae  nicme  j  mais  il  s'eft  déchargé  de  l'eau  qu'il  ne 
pouvoir  plus,  dans  cet  état,  tenir  en  difTolution,  la- 
quelle s'eft  rallemblée  au  tond  de  la  bouteille.  Il 
s'eft  affuré  encore  que  l'eau ,  ainfi  condenfée ,  s'eft 
diffoute  de  nouveau  dans  l'air  de  la  bouteille  ,  à 
mefure  qu'il  parvenoit  au  degré  de  chaleur  où  il 
y  avoir  été  enfermé.  M.  le  Roi  a  varié  cette  expé- 
rience de  manière  à  ne  lailTer  aucun  doute  fur  le 
fait  dont  il  eft  queftion. 

On  auroit  tort  de  regarder  ces  expériences  & 
ces  obfervations  comme  de  pure  curiofité  :  il  eft , 
au  contraire,  très  important  de  les  connoître  dans 
la  Chymie.  On  renferme  tous  les  jours  dans  des 
bouteilles  des  fels  &  d'autres  fubftances  qui  doi- 
vent ctre  gardés  féchement.  Si  l'air  renfermé  dans 
la  bouteille  eft  chargé  d'humidité  ,  il  humecle 
plus  ou  moins  les  fubftances  qu'on  y  renferme. 
L'eau  dépofée  par  l'air  fur  des  acides  concentrés  , 
ou  fur  de  l'alkali ,  ne  fe  diftout  plus  lorfque  l'at- 
mofphere  fe  réchauffe ,  parceque  l'eau  eft  plus 
adhérente  à  ces  fubftances  falines  qu'elle  ne  l'eft, 
foit  au  verre  ,  foit  à  l'air. 

Lorfque  Pair  chaud  eft  parfaitement  faturé 
d'eau ,  &  qu'il  vient  à  fe  refroidir  ,  l'excès  fe  con- 
den£e  comme  nous  l'avons  dit,  &  retombe  en 
pluie ,  en  rofée ,  en  neige ,  en  grêle ,  Sec.  On  voie 
cet  effet  arriver  d'une  manière  bien  fenhble  chez 
les  artiftes  qui  font  évaporer  une  grande  quan- 
tité d'eau  dans  des  endroits  fermés  ,  comme  chez 
les  teinturiers  ,  chez  les  bratTeurs  ,  &c.  L'air  ne 
peut  pas  diftoudre  toute  l'eau  qui  s'évapore.  Une 
partie  eft  dans  l'état  de  vapeurs  ,  trouble  la  tranf- 
parence  de  l'air,  &  y  forme  un  véritable  brouil-. 
lard.  Une  autre  portion  de  l'eau  fe  féparede  l'au" 


ET      RAISONNE  B.  Si> 

dans  la  partie  la  plus  élevée  de  ces  atceliers ,  8c  re- 
tombe en  pluie  &  en  rofce  :  c'ell;  ce  que  les  ou- 
vriers nomment  buée. 

Cette  combinaifon  d'air  3c  d'eau  joue  dans  la 
Chymie ,  dans  les  Arts  &  dans  la  Nature ,  un  très 
grand  rôle.  C'eft  elle  ,  par  exemple  ,  qui  eft  la 
caufe  que  beaucoup  de  métaux ,  expofcs  à  l'air, 
fe  rouillent  èc  fe  terniflent  j  effet  qu'on  avoit  tou- 
jours attribué  à  l'air  feul.  C'eft  l'eau  qui  occa- 
fîonne  l'efflorefcence  des  pyrites  j  elle  augmente 
l'adivitédu  feu  rentermé  dans  les  fourneaux.  De 
l'air  pur  Se  parfaitement  fec  ne  produiroit  pas  la 
plupart  âes  effets  dont  nous  parlons ,  ni  d'une  ma- 
nière aufli  efficace. 

Cette  combinaifon  peut  être  confidérée  comme 
un  principe  fecondaire ,  formé  immédiatement 
de  feau  3c  de  l'air,  dont  la  Nature  fe  fert  pour 
l'accroiffement  des  végétaux  ,  3c  pour  l'entretien 
de  la  vie  des  animaux.  11  eft  reconnu  qu'un  air 
trop  fec  fait  languir  la  végétation  ,  &  eit  moins 
falubre  aux  animaux  qui  le  refpirent.  Il  eft  bon  de 
rappeller  ici  que  ces  deux  éléments  ne  font  ja- 
mais fans  une  certaine  dofe  de  feu  élémentaire  ; 
c'eft  lui  qui  fert  d'intermède  pour  unir  l'eau  à  l'air , 
comme  nous  venons  de  le  faire  oblerver.  L'eau 
contenue  dans  l'air,  eft,  de  fon  côté,  plus  ou 
moins  chargée  de  terre  ,  qu'elle  tient  en  dillolu- 
tion.  Ainfi  les  quatre  éléments  fe  trouvent  en  mê- 
me temps  réunis  dans  l'air,  mais  dans  l'état  de 
combinaifon,  &  formant  un  principe  Iccondaire  , 
compofé  immédiatement  des  quatre  principes 
primitifs.  Les  proportions  des  fubftances  qui  en- 
trent dans  cette  combinaifon, font  fujettes à va-( 
lier,  (Se  varient  en  effet  continuellement,  même 
d'un  jour  à  l'autre  ,  Se  influent  beaucoup  fur  la 
Yfgération ,  Se  fur  l'économie  animale.  Nous  ne 


5>o         Chymie  expérimentale 
Regligerons  pas  de  faire  des  applications  de  ces 
obfervations  ,  à  mefure  que  roccafion  s'en  pué- 
fentera. 

De  l'Eau  combinée  avec  le  Feu  &  VAïr, 

On  ne  connoît  aucunement  cette  combinaifon. 
Nous  venons  de  dire  ce  que  nous  en  penfons. 
Nous  avons  parlé  des  propriétés  qu'elle  peut  avoir 
relativement  à  l'accroiirement  des  végétaux  ,  &  à 
l'entretien  de  la  vie  des  animaux  j  mais  ,  jufqu'à 
préfent ,  on  n'a  point  fait  de  recherches  pour  fe 
procurer  cette  combinaifon  féparée  de  la  maffe 
d'air  qui  nous  environne ,  &  dans  des  proportions 
commodes  pour  pouvoir  l'examiner. 

Sur  la  Terre. 

La  terre  eft  le  quatrième  &:  dernier  élément 
qui  nous  refte  à  examiner.  Cette  fubftance  mé- 
rite ,  à  jufte  titre  ,  le  nom  d'élément ,  puifqu'elle 
entre  ,  comme  principe  conftituant ,  dans  la  com- 
pofition  de  tous  les  corps  ,  &  qu'on  la  retrouve , 
«iprès  les  analyfes  ,  comme  dernier  réfultat.  11  nj 
a  dans  la  Nature  que  les  éléments  primitifs  donc 
nous  venons  de  reconnoître  les  propriétés ,  qui 
exiftent  fans  le  principe  terreux.  C'eft  ce  principe 
qui  donne  la  confift-ance  ,  la  folidité  &  la  pefan- 
teur  aux  corps  dans  la  compofition  deiquels  il  en- 
tre. C'cft  le  plus  folide  &  le  plus  pefant  des  élé- 
ments. 

La  terre  élémentaire  eft  aufli  difficile  à  définir 
que  le  feu  ,  l'air  &  l'eau.  La  meilleure  définition 
qu'on  en  peut  donner  ,  eft  de  dire  que  c'eft  uiï 
clément ,  &  qu'il  joue  fon  rôle  dans  la  Nature 
conjointement  avec  les  autres  éléments,  pouî' 


ET      RAISONNE  E.  9I 

former  tous  les  corps  compofés  qui  exiftent.  La 
Nature  nous  préfente  une  Ci  grande  quantité  de 
matière  terreufe  de  toute  efpece  ,  qu'il  paroit 
d'abord  difficile  de  favoir  à  laquelle  de  ces  fub- 
flances  on  doit  alîigner  le  nom  de  terre  élémen- 
taire  j  &  qui  foit  véritablement  le  principe  ter- 
reux des  corps. 

Les  anciens  Chymiftes  ,  comme  le  remarque 
Boerhaave  dans  fon  Traité  fur  la  Terre  (i) ,  ont 
bien  fenti  que  ,  pour  l'explication  de  leur  fyftc- 
me  ,  il  leur  ctoit  important  de  connoitre  la  fub- 
ftance  terreufe  élémentaire.  Ils  ont  fait  les  plus 
grands  efforts  pour  la  découvrir,  mais  inutile- 
ment. Ils  l'ont  nommée  vierge  pure  ^  à  caufe  de  la 
pureté  &  de  la  limplicité  qu'ils  lui  fuppofoient. 
Ils  l'ont  cherchée  cians  les  cendres  des  végétaux 
&  des  animaux  ,  dans  la  pluie  ,  dans  la  rofée  , 
dans  l'air  ,  dans  les  minéraux  ,  &c.  Ils  ont  néan- 
moins reconnu  que  les  terres  qu'ils  avoient  fépa- 
rées  des  corps  organifés ,  font  identiques  ,  lorf- 
qu'elles  font  fufhfamment  purifiées,  foit  qu'ori 
les  obtienne  par  la  calcination  ,  ou  par  la  putré- 
faction de  ces  corps.  Cette  obfervatiùn  devoir 
naturellement  les  conduire  A  chercher  li ,  parmi 
les  fubftances  terreufes  que  fournit  la  Nature  ,  il 
n'y  a  pas  une  terre  à  laquelle  on  puilïe  rapporter 
celles  qu'ils  avoient  féparées  des  corps  organiles , 
par  le  moyen  de  l'analyfe  :  c'eft  ce  qu'ils  ont  ab- 
folument  négligé  de  faire.    Aulîi  tous  leurs  tra- 
vaux  n'ont  répandu  que  peu  de  lumière  fur  la 
matière  dont  il  eft  queftion.   Le  grand  nombre 
d'expériences  que  j'ai  faites  fur  les  matières  ter- 
reufes en  général ,  6c  dont  j'ai  déjà  publié  une 

(i)  Traité  fur  la  Terre  ,  page  5  &  fuivantes ,'  tome  V, 
çdition  françoife,  in-ii. 


5)i  Chymie  expérimentale 

partie  dans  mon  Mémoire  fur  les  Argilles  ,  m'ont 
pleinement  convaincu  que  les  terres  fcp.irées 
des  corps  oreanifés  font  eirentiellement  de  mê- 
me  eipece ,  oc  qu  elles  ont  les  principaux  carac- 
tères de  la  fubftance  terreufe  que  les  Cli/miftes 
o<nt  nommée  terre  vitrifiahle  :  ainli  la  terre  vitri- 
fiable  fera  donc  la  terre  élémentaire  des  végéiaux 
&  des  animaux. 

En  examinant  enfuite  les  autres  corps  dans  la 
compohtion  defquels  entre  le  principe  terreux  , 
on  remarque  que  c'eft  encore  la  même  terre  vitri- 
fiable  ,  mais  plus  ou  moins  altérée  ,  &  cette  alté- 
ration la  rend  fouvent  méconnoiflahle.  Nous  ver- 
rons qu'il  en  eft  de  la  terre  primitive  comme  des 
antres  éléments.  Elle  eft  fufceptible  de  recevoir 
toutes  fortes  de  modifications  j  &  nous  verrons 
aufli  ,  à  mefure  que  l'occafion  nous  en  fournira  les 
moyens ,  que  cette  terre  primitive  ,  lorfqu'cUe  n'a 
reçu  que  de  certains  degrés  d'altération  ,  peut 
être  ramenée  ,  par  des  opérations  de  l'art ,  au  ca- 
raétere  fpécifique  de  fon  origine  ,  devenir  enfin 
terre  vitrifiable.  Il  n'eft  plus  poflible  alors  de  lui 
caufer  la  moindre  altération. 

Les  Naturaliftes  ,  ayant  examiné  les  corps  ter- 
reux qui  font  dans  la  Nature  ,  ont  remarqué  qu'il 
y  en  avoir  plufieursqui  différoient  alTez  elïentiel- 
lement  les  uns  des  autres  :  pour  les  diftinguer  en 
différentes  efpeces  ,  ils  en  ont  formé  plufieurs, 
claffes.  Cette  diverfité  de  fubftances  terreufes 
avoir  fait  penfer  à  quelques  Naturaliftes  qu'il  pou- 
voir y  avoir  plulieurs  efpeces  de  terre  élémentaire, 
également  fimples  \  mais  comme  il  n'y  a  qu'une 
feule  efpece  de  feu  ,  qu'une  feule  efpece  d'air  ,  &c 
qu'une  feule  efpece  d'eau  ,  il  eft  à  préfumer  qu^ 
la  Nature  ne  s'eft  point  écartée  de  la  loi  général^ 
51  ré:2ard  de  l'élément  terreux,  Mais  ce  dei,-nieï. 


ET      RAISONNES.  93 

clément  eft,  comme  les  autres,  fiifceptible  de 
changer  de  forme ,  d'être  dénaturé ,  en  entrant 
dans  les  différentes  conibinaifons.  Ce  font  vrai- 
iemblablement  ces  différents  changements,  fous 
lefquels  la  terre  élémentaire  fe  préfente  ,  qui  ont 
donné  lieu  aux  Naturaliftes  de  taire  beaucoup  de 
divihons  de  de  clafles  des  matières  terreufes  ;  mais 
ces  divifions  ôc  ces  claffes  s'évanouilknt  toutes  , 
pour  l'ordinaire  ,  entre  les  mains  des  Chymiftes. 

Les  Naturaliftes  font  encore  alfez  ordinaire- 
ment une  diftindion  générale  des  pierres  d'avec 
les  terres  j  mais  mal-à- propos ,  comme  le  remar- 
que M.  Pott ,  dans  fa  Lithogcognojie  j  p<ige  5  , 
tome  I.  Les  pierres  ne  font  formées  que  de  mo- 
lécules terreufes,  qui  tiennent  par  l'amnité  d'ad- 
hérence qu'ont  entre  elles  les  parties  de  la  ma- 
tière. Les  terres  font  des  pierres  réduites  en  pou- 
dre ,  ôc  dont  l'adhérence  des  parties  eft  détruite , 
ou  n'a  jamais  eu  lieu.  Que  l'on  reduife  en  poudre 
du  grès ,  par  exemple ,  il  relfemblera  â  de  la 
terre  :  il  en  fera  de  même  du  marbre  blanc  broyé 
fur  un  porphyre  :  on  pourra  le  prendre  pour  de  la 
,craie.  Dans  l'un  &  dans  l'autre  cas  ,  les  matières 
terreufes  n'ont  point  changé  de  nature.  Il  y  a  peu 
de  Naturaliftes  qui  ne  fe  trompent,  en  e'xami- 
. liant  ces  fuhftances  par  le  fimple  coup  d'oeil  j  mais 
le  Chymifte  ne  peut  s'en  laiifer  impofer  avec  la 
même  facilité.  11  rcconnoîtra  la  nature  de  ces 
terres ,  à  l'aide  de  quelques  opérations  chymi- 
ques ,  qui  font  des  guides  sûrs  dans  de  pareilles 
recherches. 

Les  Chymiftes  ont  beaucoup  diminué  le  no;n- 
bre  des  diviiions  des  terres  ,  données  par  les  Na- 
turaliftes 5^^  ils  n'ont  nullement  égard  à  la  forme 
des  matières  terreufes.  Ils  ne  reconnoiftent  pour 
terres  &  pour  pierres  de  même  efpecc ,  que  celles 


94  ChYMIE    EXPÉRtMENT  ALE 

qui  ont  les  mcmes  propriétés  chymiques ,  fouâ 
telles  formes  qu'on  les  leur  préfente,  foit  en  mafle, 
foiten  poulîîere  j  mais  ils  ne  font  point  d'accord 
fur  le  nombre  des  matières  terreufes  ,  primitives 
ou  élémentaires ,  qu'il  convient  d'admettre. 

Becker  admet  trois  terres ,  comme  nous  l'avons 
dit  à  l'article  des  Eléments  ou  principes  primitifs 
des  corps  :  mais  les  terres  dont  ce  Chymifte  en- 
tend parler  ,  font  celles  qu'il  croit  entrer  dans  la 
compofition  des  matières  métalliques  (i)  j  au  lieu 
que  nous  entendons  parler  ici  des  fubftances  ter- 
reufes en  général.  D'ailleurs  des  trois  terres  de 
Becker  ,  il  n'y  a  que  la  terre  vitrihable  qui  mérite 
véritablement  le  nom  de  terre  fimple  6r.  élémen- 
taire. 

Staahl ,  dans  fon  Spécimen  Beckerianum  (i)  , 
n'admet  que  deux  efpeces  de  terre  ;  favoir ,  la 
terre  vitrilîable  &  la  terre  calcaire.  11  penfe  que 
routes  les  autres  ne  font  que  des  modifications  ou 
des  mélanges  de  ces  deux  terres,  mélanges  faits  pair 
la  Nature  dans  différentes  proportions  &  de  diffé- 
rentes manières.  M.  Pott ,  dans  fa  Lithogéogno^ 
fie  ,  a  démontré,  par  une  multitude  d'expérien- 
ces ,  combien  la  Chymie  peut  éclairer  cette  par- 
tie de  l'Hiftoire  Naturelle.  D'après  les  propriétés 
qu'il  a  reconnues  aux  différentes  matières  te'rreù- 
fes  qu'il  a  examinées ,  il  a  cru  devoir  en  admettre 
quatre  efpeces  principales  \  favoir  ,  la  terre' vlirU 
fiable  j  la  terre  argilleufe  ^  la  terre  alkalïne  ou  cat- 
Caire  j  &:  la  terre  gypfi^f^' 

M.  Pott  fait  plufieurs  remarques  fur  ces  quatre 
efpeces  de  terre.  •"■  - 

(i)  Fkyfica  fubterranea  3  pag.  44,  n".  15,  édir.  de 
Leipfick  ,1759. 

(i)  Pag.  78,  n".i3. 


ET      RAISONNÉ  E.  çj 

I  °.  Il  dit  que  jufqu  à  préfent  il  n'a  trouvé  que 
ces  quatre  efpeces  de  terre  ,  qui  différalTent  entre 
jcUes  par  leurs  propriétés  caradériftiques  ,  3c  aux- 
quelles on  puifle  rapporter  toutes  les  autres  terres 
qu'il  regarde  comme  dérivées  des  premières. 

i".  Il  ne  les  regarde  cependant  point  comme 
des  terres  pures  &  élémentaires  ;  il  penfe  au  con- 
traire qu'elles  font  compofées  :  6c  il  ne  défefpere 
pas  qu'avec  le  temps  on  ne  parvienne  à  les  réduire 
à  un  plus  grand  degré  de  iimplicité. 

3  '^.  Aucune  de  ces  terres ,  expofée  feule  au  feu 
de  (on  fourneau  ,  n'entre  en  tuiîon. 

4°.  A  la  rigueur ,  toutes  les  terres  font  fufibles  j 
il  ne  nous  manque  que  le  degré  de  teu  néceflfaire 
pour  y  parvenir  :  mais  il  faut ,  pour  fondre  &c 
vitritier  la  terre  argilleufe,  la  terre  gypfeufe  &  la 
terre  calcaire  ,  une  plus  grande  quantité  de  fel  ou 
de  matière  tondante  ,  que  pour  la  terre  vitrifîable. 

5".  Entîn  il  trouve  trop  générale  ladivifion  de 
Staahl  en  terre  calcaire  &  en  terre  vitrifiable  , 
i  parceque ,  dit- il ,  les  terres  calcaires  font  fufcep- 
tibles  de  fe  vitrifier ,  mais  plus  difficilement. 

Si  l'on  confidere  en  Naturalifte  la  divifion 
des  fubftances  terreufes  de  M.  Pott ,  elle  préfente 
quelque  facilité  pour  clalfer  les  matériaux  d'un 
cabinet  d'Hiftoire  Naturelle,  parceque  la  Nature 
fournit  avec  abondance  ces  quatre  efpeces  de 
terre  ;  mais  on  trouve  que  cette  divifion  manque 
d'exaditude  ,  i\  Von  foumet  ces  terres  à  un  exa- 
men chymique.  La  divifion  de  Staahl  en  terre 
vitrifiable  &  en  terre  calcaire  approche  davan- 
tage de  la  vérité,  &z  n'a  pas  non  plus,  comme 
nous  le  verrons ,  l'exadtitude  defirée.  J'ai  conftaté 
par  une  fuite  d'expériences,  que  la  terre  gypfeufe 
de  M.  Pott  n'ell  point  une  terre  pure  j  c'eft  un 


9<^  ChYMIe    EXrÉRlMENtALB 

vrai  fel  Vitrioliqiie  à  bafe  de  terre  calcaire ,  quô 
je  ciélîgne  fous  le  nom  defélénitc  calcaire.  J'ai  pa- 
reillement conllaté  que  la  terre  argilleufe  n'eft 
pas  non  plus  une  terre  pure  :  c'eft  un  fel  vitrio- 
îique  à  bafe  de  terre  vitrifiable  ,  &  que  je  nomme 
félcnite  vitrifiable.  Ainlf  ,  des  quatre  terres  de 
M.  Pott ,  il  ne  refte  plus  que  la  terre  vitrifiable 
&  la  terre  calcaire  qui  font  celles  que  Staahi 
regarde  comme  pures  &  fervant  d'éléments  aux 
autres  matières  terreufes  qui  font  dans  la  Na- 
ture j  mais  nous  verrons ,  à  mefure  que  les  oc- 
cafions  fe  préfenteront ,  que  la  terre  calcaire  eft 
de  la  terre  vitrifiable  ,  mais  eft  combinée  par  le 
travail  Àqs  animaux  ,  avec  une  portion  double  , 
ou  environ ,  de  fon  poids  d'eau  &  d'air.  Lorf^ 
qu'on  fépare  cette  eau  &  cet  air  de  la  terre  cal- 
caire ,  elle  redevient  terre  vitrifiable. 

Il  fuit  de  là  que  la  terre  vitrifiable  eft  celle 
qu'on  doit  regarder  comme  la  terre  primitive  & 
élémentaire.  Elle  eft,  ainfi  que  les  autres  élé- 
ments ,  fufceptible  de  toutes  fortes  de  modifica- 
tions :  elle  entre  de  même  qu'eux ,  fous  différentes 
formes ,  comme  principe  conftiruant ,  dans  tous 
les  corps  compofés. 

Néanmoins ,  comme  la  Nature  nous  préfente 
cette  fubftance  terreufe  dans  une  infinité  de  com- 
binaifons  &C  d'états  différents ,  nous  croyons  qu'il 
eft  important  d'examiner  les  Hivers  corps  terreux 
avec  la  plus  grande  attention  ,  afin  de  reconnoî- 
tre  la  férié  6c  l'ordre  que  la  Nature  obferve  dans 
leur  compofition.  11  ne  peut  réfulter  d'un  fem- 
blable  travail  que  beaucoup  de  connoilTances 
utiles  à  l'économie  animale,  &  à  l'agriculture, 
aux  arts  &  aux  progrès  de  cette  partie  de  l'Hiftoire 
Naturellç  qui  n'eft  encore  qu'au  berceau. 

Par 


ET      RAISONNA  Ê.  5)^ 

Par  rapport  à  l'économie  animale,  on  apprcn- 
droit  à  mieux  connoître  les  changements  que  là 
terre  vitrifiàble  éprouve  en  partant  du  végétal 
dans  le  corps  animal ,  Se  les  différentes  élabora- 
tions  qu'elle  fubir,  en  s'alïîmilant  aux  corps  or- 
ganifés. 

Par  rapport  à  l'agriculture  ,  on  s'inftr uiroit  du 
meilleur  état  où  cette  même  terre  doit  être  pour 
produire  une  bonne  végétation  j  on  perfe6tion- 
neroit  par  conféquent  un  art  de  première  nécef- 
fité  ,  qui  a  le  plus  befoirî  de  l'être. 

Par  rapport  aux  arts ,  il  réfulteroit  de  ces  recher- 
ches ,  des  connoiffances  plus  exactes  fur  la  por-^ 
celaine,  la  faïance  ,  les  poteries ,  la  verrerie,  ikc» 
Ces  travaux  peuvent  même  faire  naître  de  nou- 
veaux arts  &  de  nouvelles  branches  de  commerce; 
On  pourroit  découvrir  l'état  où  la  terre  fe  trouve 
iorfqu  elle  fe  mctallife  par  l'intermède  du  phlogif- 
tique  ,  ôc  parvenir  même  à  produire  de  nouvelles 
matières  métalliques.  Toutes  ces  recherches  fe- 
toientdu  moins  plus  raifonnablesc|ue  celles  que 
font  les  Alchymiftes  pour  tranfmuer  en  or  les 
métaux  imparfaits. 

Enfin  ,  par  rapport  à  l'Hiftoire  Naturelle  ,  on 
apprendroit  à  mieux  connoître  les  corps  terreux. 
Je  ne  citerai  que  quelques  exemples  ,  pour  faire 
voir  combien  cette  fcience  craî^neroit  à  ces  re-» 
cherches. 

Les  Naturaliftcs  rangent  dans  la  même  claffe 
un  certain  nombre  de  pierres  cryftalliCées  qui  for^ 
ment ,  fuivant  eux  ,  un  genre  particulier  auquel 
ils  ont  donné  le  nom  dej'path.  Ces  pierres  le  ref- 
femblent  en  ce  qu'elles  font  cryllallifées  j  mais 
ce  caractère  n'eft  pas  futfifant  pour  faire  connoître 
leur  nature. 

Il  y  a  de  ces  pierres  qui  font  cryftalliféesà  fa- 
Tome  L  G 


«)S  Chymie  expérimentale 

certes  brillantes  ,  comme  de  petits  miroirs ,  fans 
cependant  reprcfenter  les  objets. 

Il  y  en  a  qui  font  cryftallilées  en  aiguilles,  en 
rhomboïdes ,  en  cubes ,  en  feuillets ,  en  grappes , 
en  hexagones,  en  pyramides,  en  o6laèdres,  en 
rofes ,  en  cylmdres,  en  globules ,  &c. 

Parmi  ces  pierres ,  les  unes  font  tranfparentes, 
les  autres  n'ont  qu'une  demi-tranfparence ,  &  il 
y  en  a  d'opaques  :  il  y  en  a  des  unes  Se  des  autres 
îans  couleurs  :  d'autres  font  plus  ou  moins  colo- 
rées ,  foit  par  des  matières  phlogiftiques ,  foitpar 
des  matières  métalliques ,  &  quelquefois  par  ces 
deux  efpeces  de  fubftances  en  même  temps. 

Les  fparhs  ont  en  général  plus  de  pefanteur  fpéci- 
fique  que  les  autres  pierres  de  même  efpece  :  il  y  en 
a  dont  la  pefanteur  approche  de  celle  des  métaux. 

Telles  font  les  propriétés  les  plus  générales  qui 
font  communes  aux  fpaths  j  mais  ,  h  on  les  exa- 
mine plus  particulièrement,  on  trouve  qu'ils  dif- 
férent conlidérablement  les  uns  des  autres.  Les 
uns  font  de  terre  vitrifiable  ,  d'autres  de  terre 
calcaire  ,  d'autres  de  gypfe  ,  ôc  d'autres  font  des 
mélanges  de  terres  dans  toutes  fortes  de  propor- 
tions ,  &  cryftallifcs  enfemble.  11  ell:  viiible  qu'en 
confidérant  ces  pierres  fous  la  même  dénomina- 
tion de  fpaths  ,  il  en  doit  réfulter  beaucoup  de 
contufion  &  nulle  connoilfance. 

Il  y  a  de  ces  pierres  parfaitement  tranfparentes, 
cryftallifées  en  pointes  de  diamant  :  les  unes  font 
de  nature  vitrifiable ,  infufibles  au  plus  grand  feu 
que  nous  puiflions  faire  ,  tandis  que  d'autres  font 
fulîblcs ,  de  d'autres  font  purement  calcaires, 
quoiqu'cgalement  tranfparentes. 

La  Nature  fait  cryftallifer  la  combinaifon  de 
l'acide  vitriolique  avec  la  terre  calcaire  fous  une 
infinité  de  formes.  On  a  donné  à  ces  corps  qui 


ITRAiSÔNNÉE.  cjçi 

en  font  formés  ,  différents  noms^  comïnefpjrh  , 
lorfque  la  pierre  eft  cryftallifée  fans  tigure  déter- 
minée ;  gypfi  >  lorfque  cette  combinaifon  eft 
cryftallifée  en  lames  appliquées  les  unes  fur  les 
autres.  Les  Naturaliftcs  ont  donné  le  nom  de 
pierre  à  plâtre  à  ce  même  fel ,  lorfqu'il  eft  en 
mafles  irrégulieres  \  à' albâtre  _,  lorfque  cette  même 
pierre  eft  plus  blanche  &  plus  pure  ^  à.Q  fclcnite  y 
lorfque  cette  même  fubftance  eft  en  cryftaux  ai- 
guillés,  comme  le  nitre,   &:c. 

Les  Naturaliftes  placent  encore  ,  parmi  les 
matières  gypieufes  ,  certains  fpatlis  verdatres  , 
&  qui  deviennent  pholphoriques  par  la  calcina- 
tion  :  cependant  ce  genre  de  pierre,  étant  calciné , 
ne  fe  convertit  point  en  plâtre  ,  &  ne  contient 
point  d'acide  vitriolique.  J'ai  reconnu  qu'ils 
croient  de  la  nature  du  talc  6c  du  mica  j  mais  ils 
différent  encore  decesfubftances  par  des  nuances 
qu'on  n'a  pas  encore  reconnues  par  l'expérience. 

Il  réfulte  de  tout  ce  que  nous  venons  de  dire 
fur  les  fpaths ,  qu'il  eft  abufif  d'en  faire  un  genre 
de  pierres  particulier.  11  vaut  mieux  confidérer 
ces  fubftances  comme  des  pierres  cryftallifées ,  6i 
les  rano;er  chacune  dans  la  claffe  àQs  pierres  de 
même  efpece  ,  fans  avoir  égard  à  leur  cryrtallifa- 
tion  ,  puifque  cette  forme  ne  change  rien  à  leur 
nature. 

On  trouve  la  même  confufion  à  l'ésard  d'un 
autre  genre  de  pierres  que  les  Naturaliftes  nom- 
ment granits.  Plufieurs  fe  trouvent  clalfés  avec 
des  terres  pures  ou  prefque  pures.  Les  granits 
font  formés  par  des  mélanges  de  terres  de  toutes 
efpeces  6c  dans  toutes  fortes  de  proportions  ,  ag- 
glutinées entre  elles  par  l'affinité  d'adhérence.  Ces 
pierres  fe  préfentent  fous  toutes  fortes  de  tormes  j 
elles  ont  différentes  couleurs  6c  divers  degrés  de 

G.j 


loo        Chymie  expérimentale 

dureté.  Plufieurs  iom  feu  étant  frappées  conrrô 
l'acier  ,  &  prennent  un  beau  poli.  Il  Teroit  donc 
naturel  d'en  Faire  une  clanfe  à  part  fous  le  nom  de 
granits  ou  de  pierres  mcliing-ses.  L'analyle  en  fe- 
roit  inutile,  parcequ'elle  n'apprendroit  rien  de 
fatisf-ailant,  linon  à  connoitre  leulement  l'cchan- 
tillon  de  pierre  qu'on  examineroit ,  &  non  la 
cla(ïe  entière  des  granits. 

Revenons  préientement  à  la  terre  élémen- 
taire. Nous  regarderons  donc  la  terre  vitrilîable 
comme  étant  la  feule  terre  élémentaire,  &  le 
principe  primitif  de  toutes  les  fubltances  ter- 
reufes  ,  parcequ'elle  eil  la  plus  pure  ,  &:  qu'elle 
polTede  un  plus  grand  nombre  de  propriétés  d'un 
véritable  élément. 

La  Nature  nous  préfente  cette  terre  fous  deux 
états  différents  :  i^'.pure,  iloiée  &  ne  faifant 
partie  d'aucim  corps  compoié  :  i°.  combinée  d'une 
infinité  de  manières ,  &  entrant,  comme  prin- 
cipe conftituant ,  dans  la  compofition  des  corps. 
Nous  confidérerons  par  conféquent  cet  élément 
fous  ces  deux  afpeéls ,  comme  nous  avons  Lut  à 
l'égard  des  autres  éléments.  Jettons  d'abord  un 
coup  d'oeil  général  fur  les  différentes  matières  ter- 
reufes  vitnfiables  que  prélente  la  Nature  ,  pour 
connoître  li ,  parmi  ces  terres ,  il  n'y  en  a  pas  de 
plus  pure  l'une  que  l'autre  :  nous  reconnoîtrons 
les  propriétés  de  cette  efpece  de  terre  dans  celle 
qui  nous  paroîtra  mieux  pofléder  les  qualités  d'un 
véritable  élément  :  nous  examinerons  en  fon  lieu 
les  différents  moyens  que  la  Nature  emploie  pour 
faire  entrer  cette  terre  dans  la  compofition  des 
différents  corps:  enfin,  nous  tacherons  de  fuivre 
l'ordre  que  la  Nature  femble  avoir  établi  pour 
former  des  corps  de  plus  en  plus  compofés ,  & 
nous  verrons  que  les  corps  orgaaifésfonc  les  feuls 


IT      RAISONNES.  lOf 

înftruments  qu'elle  emploie  pour  opérer  fes  plus 
grandes  Se  fes  plus  univerfelles  opérations.  Ce 
font  eux  qui  ont  établi  &  qui  entretiennent  l'or- 
ganifation  qui  rubhfte  dans  Tiatérieur  6c  à  la 
lurface  de  la  terre. 

Des  Pierres  &  Termes  vitr'ijîables. 

Les  pierres  vitrihables  font  fous  deux  formes 
diftcrentes  :  i  .  en  malles  :  i''\  en  pouiîlere  plus 
ou  moins  groiliere. 

Entre  les  pierres  vitrifîables  en  maff^s  ,  les  unes 
font  cryftallifées  &  aftedent  des  ligures  régulières^ 
les  autres  ne  prcfentent  aucune  Hgure  (ymmétri- 
que.  Parmi  les  pierres  vitrifiables  crvftallifées ,  il 
y  en  a  de  partaiteiV/ent  tranfparentes  (!s:  fans  cou- 
leur, telles  que  lecryftal  de  roche,  certains  quartz 
cryflallilés  en  pointes  de  diamant ,  que  l'on  nom- 
me cryjîaux  de  minei.  Il  y  a  d'autres  pierres  vitri- 
fiables cryftallifécs  6c  en  même  temps  colorées  , 
comme  les  hyacinthes,  les  grenats ,  les  rubis,  les 
faphirs ,  &c. 

Il  y  a  des  pierres  vitrifiables  cryftallifées  qui 
font  opaques  en  partie  ou  en  totalité. 

Les  pierres  vitrifiables  en  malles ,  qui  ne  font 
point  cryftallifées  ,  fe  préfentent  fous  différentes 
Formes  irrégulieres  \  tels  font  les  cailloux  ou 
pierres  a  fulil  ,  les  grès,  les  ftaladlites  vitrifia^ 
blés,  &c. 

Les  pierres  vitrifiables  en  pouffiere  font  les  fa- 
tles  qui  varient  à  l'infini ,  tant  par  leurs  couleurs 
que  par  leurs  grolTears.  Les  fables  ,  vus  au  micro- 
fcope,  préfentent  des  figures  fymmétriques. 

Toutes  les  pierres  qui  préfenrent  àes  figures.- 
régulières  &  cryftallines ,  ont  été  cryftallifées  par- 
l'eau  ,  de  la  même  manière  que  fe  cryftallifenU' 
iss  fels  j  c'eft-à-dire  que  la  lubflance  Krteufe: 

Gui 


102        Chymie  expérimentalb 

dont  elles  font  formées,  a  été  dKToiite  dans  de 
l'eau  ,  oLi  elle  a  été  divifée  en  molécules  fi  déliées  , 
qu'elle  avoifine  de  bien  près  la  parfiite  dilTolu- 
rion  Si  Ton  fuppofe  enfuite  cette  eau  parfaite- 
ment tranquille  ,  les  parties  de  la  terre  fe  mettent 
en  mouvement  j  à  mefure  que  l'eau  s'évapore  , 
elles  s'attirent  mutuellement ,  fe  réunilTent  Sc 
prennent  entre  elles  l'arrangement  fymmétrique 
qui  leur  eft  propre ,  en  vertu  des  loix  de  l'attrac- 
tion ,  &:  celles  du  mouvement  qui  eft  une  des 
propriétés  de  la  matière.  Quelques  Naturaliftes 
ont  attribué  cette  cryftallifation  des  pierres  à  des 
matières  falines  ,  qu'ils  fuppofent  entrer  dans 
leur  compofition  j  mais  c'eft  gratuitement.  On 
ne  peut  démontrer  ,  par  aucune  expérience  de 
Chymie  ,  le  moindre  atome  de  fel  dans  ces  fortes 
de  pierres. 

Lorfque  l'eau  tient  en  même  temps  des  matières 
métalliques  &  des  pierres   en  diifolution  ,  les 

ftremieres  fournifTent  à  ces  dernières  de  la  cou- 
eur  en  fe  cryftallifant. 

La  matière;  phlogiftique  donne  auflî  de  la  cou- 
leur aux  pierres.  Lorfqu'elles  ne  font  colorées  que 
par  cette  fubftance  ,  on  peut  leur  enlever  la  cou- 
leur par  la  calcination  ,  fans  qu'elles  perdent  rien 
de  leurs  autres  propriétés.  Les  pierres  à  fufil  noi- 
res font  dans  ce  cas  :  elles  font  aiïez  pures  de  fixes 
en  feu:  elles  deviennent  d'un  beau  blanc  mat 
par  la  calcination.  On  fait  quelquefois  ufage  de 
ce  moyen  pour  enlever  la  couleur  à  certaines  pier- 
res fines ,  &  pour  leur  donner  plus  de  valeur  dans 
le  commerce,  qu'elles  n'en  ont  lorfqu'elles  font; 
colorées.  On  a  attention  de  les  chauffer  long- 
temps avant  de  les  fair  erougir  ^  parcequ'elles  font 
fort  fujettes  à  s'éclater  par  la  chaleur. 

Telles  font,  en  général ,  les  différences  formes 


ET      RAISONNES.  lOJ 

fous  lefquelles  la  Nature  nous  prcfente  les  matiè- 
res terreufes  vitrihables.  La  plupart  ne  font  pas 
pures  ;  elles  ont  été  travaillées  plus  d'une  fois  par 
les  mains  de  la  Nature  ,  Se  par  les  corps  organifés. 
Une  feule  réflexion  fuflit  pour  le  faire  conce- 
voir. 

La  terre  ,  confidéiée  comme  élément,  dévoie 
être  ,  au  fortir  des  mains  du  Créateur ,  pure  ,  ho- 
mogène ,  comme  les  autres  éléments  ,  &:  telle 
qu'on  la  retrouve  prefque  encore  dans  l'intérieur 
du  globe ,  &:  à  de  grandes  profondeurs ,  où  les 
corps  organifés  n'ont  que  peu  ou  point  pénétré. 
L'intérieur  de  la  terre  j  comme  le  dit  M.  de  Buf- 
ion  dans  plufieurs  endroits  de  (on  Hïjloire  Na- 
turelle j  &  particulièrement  dans  le  treizième 
volume  ,  page  1 1  ,  de  la  Nature  ,  féconde  vue» 
ejl  compofe  de  fable.  Je  fuis  très  porté  à  croire 
que  ce  fable  très  pur  eft  la  terre  primitive  \  &:  que 
toutes  les  différentes  matières  cryftallifées  ne  pa- 
roilTent  encore  plus  pures  que  par  Tarrangemenc 
que  la  terre  vitrihable  a  pris  en  fe  cryftallifant  j, 
mais  le  fable,  dont  le  cryllalde  roche,  par  exem» 
pie  ,  eft  compofé  ,  exiftoit  nécelTairement  aupara- 
vant :  ce  cryftal  n'eft  donc  que  le  produit  d'une 
formation  féconde  j  &  du  concours  des  éléments 
qui  ont  fervi  d'inftrument  à  modifier  la  terre  vi- 
trihable. Toutes  les  pierres  colorées  doivent  leur 
couleur  à  des  matières  phlogiftiques  &  métal- 
liques -y  ainfi  elles  ne  font  pas  pures.  Nous  en 
parlerons  en  fon  lieu. 

Le  fable  eft  l'efpÉce  de  terre  qui  eft  ta  plus 
abondante  &  la  plus  univcrfellement  répandue^ 
On  la  retrouve  par-tout  où  l'on  fouille  à  de  gran- 
des profondeurs,  mais  plus  ou  moins  adultérée  ^ 
pour  les  raifons  que  nous  déduirons,  ailtetirs» 
Quoiqu'il  nous  paroiffe  bien  démontré  que  le  fa-. 

G  IV 


Î04        Chymie  expérimentale 

ble  foit  la  terre  primitive  &  élémentaire,  néan- 
moins nous  reconnoitrons  dans  le  cryftal  de  ro- 
che, quoique  de  formation  féconde  ,  les  proprié- 
tés de  l'clcment  terreux  ,  non  pas  que  nous  pen- 
dons qu'il  foit  plus  pur  que  du  fable  qui  n'auroit 
reçu  aucune  altération  de  la  part  des  corps  organi- 
{cs  ,  mais  feulement  parceque  la  terre  vitrilîable 
fous  cette  forme  paroît  plus  pure.  Il  feroit  d'ailleurs 
difticile  de  pénétrer  aiTez  profondément  dans  l'in- 
térieur du  globe  pour  recueillir  de  la  terre  primi- 
tive ,  Se  qui  n'auroit  éprouvé  aucune  altération.  Il 
paroît  certaiji  que  fi  l'on  pouvoit  fe  procurer  de 
cette  efpece  de  terre ,  &  un  degré  de  feu  fuffifant 
pour  la  faire  entrer  en  fufion  ,  on  la  réduiroit  en 
une  maiTe  aulïï  belle  que  le  plus  beau  cryllal  de 
roche ,  6c  qu'on  ne  pourroit  plus  dillinguer  l'un  de 
l'autre. 

J'avois  penfé  ,  avec  plufieurs  Chymiftes,  que 
le  diamant,  à  caufe  de  fa  belle  tranfparence&  de 
fa  grande  dureté  ,  étoit  la  fubftance  terreufe  la 
plus  pure;  mais  des  expériences  qu'on  vient  de 
taire  fur  le  diamant ,  dont  nous  rendrons  compte 
par  la  fuite  ,  prouvent  que  fa-nature  effc  très  peu 
connue  ,  &  que  ce  n'eft  pas  une  terre  pure.  Cette 
fubftance  mérite  un  examen  particulier  :  nous  eri 
parlerons  dans  un  inftant. 

Propriétés  de  la  Terre  élémentaire. 

La  terre  élémentaire  ,  ou  la  terre  vitrifiable 
pure,  eft  une  fubftance  feche  ,  folide,  abfolu- 
Kient  fans  couleur ,  fans  odeur ,  flins  faveur  ,  qui 
eît  fixe  &:  inaltérable  au  plus  grand  feu  que  nous 
puifiions  faire.  Tel  eft  du  faEle  très  pur ,  ou  un 
morceau  de  cryftal  de  roche  bien  net  &  bien  tranf- 


ET      RAISONNE  £.■  IO5 

Les  propriétés  générales  de  l'élément  terreux 
font,  comme  on  le  voit ,  communes  avec  celles 
des  autres  éléments  ;  mais  la  terre  en  diftere  pat  fa 
pefanteur  fpécifique  ,  qui  eft  plus  grande.  Les 
corps  compofés ,  qui  font  plus  pelants  qu'elle  , 
ne  doivent  cette  propriété  qu'à  la  manière  dont 
les  fubftances  compofantes  font  arrangées  entre 
elles.  Quoique  les  autres  éléments  loient  plus  lé- 
gers que  la  terre  ,  ils  peuvent  néanmoins ,  dans 
nombre  de  circonftances,  augmenter  fa  pefanteur 
fpécifique  :  ce  qui  prouve,  pour  le  dire  en  paf- 
fant,  que  les  corps  compolés  des  mêmes  fubftan- 
ces ,  &  dans  les  mêmes  proportions ,  changent 
fouvent  de  propriétés  ,  c]ui  dépendent  de  la  ma- 
nière dont  les  mbftances  compofantes  s'arrangent 
entre  elles. 

La  terre  vitrifiable  diffère  encore  des  autres 
éléments  par  la  dureté  j  elle  eft  aufti  la  plus  dure 
de  toutes  les  fubftances  connues  :c'eft  elle  qui 
donne  la  dureté  &  la  folidité  aux  autres  corps. 
Toutes  les  pierres  vitrihables  ont  alfez  de  dureté 
pour  faire  feu  ,  étant  frappées  contre  de  l'acier  , 
&  pour  entamer  tous  les  autres  corps.  Les  fables 
ont  autant  de  dureté  que  les  pierres  vitrifiables 
en  malfes.  Si  l'on  ne  peut,  par  leur  moyen  ,  tirer 
des  étincelles  de  l'acier ,  e'eft  que  leurs  malfes  font 
trop  petites  pour  ctre  tenues  entre  les  doigts  j  mais 
ils  détruifent  j  par  le  frottement ,  le  poli  des  corps 
durs ,  de  l'on  s'en  fert  pour  dégrollir  les  corps 
qu'on  veut  polir. 

Toutes  les  pierres  vitrifiables  pures  ,  ou  à- peu- 
près  pures  ,  éc  qui  font  cryftallifées  ,  ne  préfen- 
tent  aucun  grain  dans  leur  cafTure.  Cette  calfure 
eft  lifte  &c  polie  comme  celle  du  verre. 

La  terre  vitrifiable  pure  eft  de  la  plus  grande 
fixité  au  feu  le  plus  violent  que  nous  puifllons 


10^  ChVMIE    EXPiRI  MENTAL! 

produire  ;  elle  efl:  abfolument  inaltérable  ,  ne 
foufFre  aucune  diminution  de  poids:  elle  s'agglu- 
tine un  peu,  mais  fans  entrer  en  fufion.  Il  n'y  a 
peut-ctre  que  le  foyer  d'un  grand  miroir  ardent 
c]ui  puifle  la  fondre  j  dans  ce  cas ,  elle  redevient , 
par  le  refroidilTeinent,  telle  qu'elle  étoit  aupara- 
vant. 

Quoique  cette  terre  foit  infufible  au  plus  grand 
feu  que  nous  puiflîons  faire  ,  cela  n'empêche  pas 
que  le  nom  de  terre  vitrifiable  ne  lui  convienne 
très  bien  ,  parcequ'elle  eft  la  plus  propre  à  pro- 
duire du  verre ,  &:  qu'il  lui  faut  une  moindre 
quantité  de  fondant  pour  la  taire  entrer  en  fu- 
fion ,  que  pour  faire  fondre  certaines  terres  que 
l'on  avoir  regardées  comme  également  {impies  *, 
telle  eft  la  terre  calcaire. 

Toutes  les  pierres  vitrifiables ,  étant  frottées 
l'une  contre  l'autre  ,  répandent  de  la  lumière  &: 
de  l'odeur.  Cette  lumière  eft  interne  j  elle  eft  in- 
capable de  mettre  le  feu  à  de  l'amadou.  L'odeur 
vient  de  ce  que  ces  pierres  contiennent  une  cer- 
taine quantité  de  matière  phlogiftique.  Les  plus 
pures  ,  par  conféquent ,  ne  font  pas  parfaitement 
pures.  Nous  rencontrons  dans  l'élément  terreux 
un  même  défaut  de  pureté  que  dans  les  autres 
éléments,  qu'il  eft,  comme  nous  l'avons  vu  ,  ah- 
folument  impoftlble  d'avoir  parfaitement  purs. 

Sur  les  Pi  erres  pre'ci  cufes. 

On  a  donné  le  nom  àe  pierres  précieufes  à  plu- 
fleurs  matières  terreufes  cryftallifées,  qui  font,  ou 
fans  couleurs,  ou  qui  ont  de  la  couleur  j  telles  que' 
le  diamant ,  le  rubis ,  le  faphir  ,  l'émeraude ,  la 
topaze  ,  &c.  L'épithete  àe  précieufes  c^u  on  leur  a 
donnée,  eft  vraifemblablement  à  caufe  de  leuï- 


ÏT      RAISONNÉ  E.  I07 

rareté  &  de  leur  grand  prix.  11  paroît  que  la  Na- 
ture eft  avare  de  les  produire.  Les  pierres  pré- 
cieufes  n'ont  encore  été  que  très  peu  examinées 
par  les  Chymiftes.  Ce  n'efl:  que  de  cette  année 
1771  qu'on  commence  à  connoître  un  peu  le  dia- 
mant. 

On  avoir  penfé  que  le  diamant ,  à  caufe  de  fa 
iranfparence  &  de  fa  dureté ,  étoit  la  fubftance 
terreufe  la  plus  pure  ^  mais  il  eft  bien  démontré  à 
préfent  qu'elle  ne  l'eft  pas.  Il  eft  rapporté  dans 
la  Pyritologie  de  Henckel ,  pa2;e  41  3  j  que  l'Em- 
pereur François  1  tîtexpofer  au  leu  pour  lix  mille 
florins  de  diamants  &;  de  rubis  pendant  vingt- 
quatre  heures.  Les  diamants  difparurent  entière- 
ment j  mais  les  rubis  ne  fouftrirent  pas  la  moin- 
dre altération.  On  expofa  de  nouveau  à  la  plus 
grande  violence  du  feu  ,  des  rubis  pendant  trois 
fois  vingt-quatre  heures  ,  qui  fe  comportèrent 
comme  la  première  fois ,  fans  qu'ils  perdilTent 
rien  de  leur  poids ,  de  leur  couleur  ,  bc  fans  que 
les  angles  le  fulfent  arrondis  de  la  moindre 
chofe. 

Le  même  Prince  fit  répéter  ces  expériences  fur 
plus  de  vincTt  pierres  précieufes  de  diff^érentes  ef- 
peces.  On  s'apperçut  que  le  diamant  étoit  tou- 
jours le  premier  altéré  :  il  perdoit  fon  poli  &c  s'ex- 
folioit,  6c  enfin  fe  dillipoitconftamment.  L'éme- 
raude  fe  fondit  &c  s'attacha  au  creufet  j  le  rubis 
n'éprouva  aucune  altération. 

Le  grand  Duc  de  Tofcane  fit  expofer  des 
pierres  précieufes  au  foyer  d'un  verre  ardent  de 
Tchirnhaufîn ,  auquel  on  joignit  une  féconde 
lentille  :  le  diamant  réfifta  beaucoup  moins  à  ce 
loyer  que  toutes  les  autres  pierres  précieufes  j  au 
bout  de  trente  fécondes  un  diamant  d'environ 
vingt  grains  perdit  fa  couleur ,  (on  éclat  &  fa 


loS  Chymie  expert  m  entais 
tranfparence  ,  devint  blanchâtre  comme  une 
chalcédoine  ;  au  bout  de  cinq  minutes  il  fe  foima 
des  bulles  à  fa  furfl^e ,  &  il  fe  brifa  en  morceaux 
qui  n'avoient  plus  de  durerc.  On  en  a  écrafc  un 
morceau  avec  la  lame  d'un  couteau  ,  &  on  l'a  ré- 
duit en  poudre  très  fine  D'autres  diamants  ,  fur 
lefquels  on  répéta  cette  expérience ,  s'évaporèrent 
entièrement  ;  mais  on  ne  remarqua  jamais  qu'ils 
entralFent  en  fufion.  On  eifaya  d'en  fondre  par 
l'addition  du  verre,  du  fel  alkali,  des  cailloux, 
des  matières  métalliques ,  de  la  cendre  j  rien  ne 
put  déterminer  la  fuiion  du  diamant. 

Les  rubis  furent  traités  de  la  même  manière; 
mais  ils  réfifterent  beaucoup  plus  au  feu  que  les 
diamants.  Ils  devinrent  luifants  en  peu  de  temps , 
comme  s'ils  eulTent  été  mouillés  avec  de  la  grailTe 
fondue.  Il  fe  forma  des  bulles.  Un  rubis  qui  avoir 
été  expofé  pendant  quarante-cinq  minutes  à  ce 
foyer  ,  perdit  une  grande  partie  de  fa  couleur  ; 
fa  furface  &  fes  angles  s'arrondirent,  &  la  pierre 
s'amollit  au  point  de  prendre  l'empreinte  d'un 
cachet  qu'on  prenrade(rus(  dans  Tinftant  fans  doute 
qu'il  étoit  rouge)  :  on  y  fit  aufll  des  entailles  avec 
la  pointe  d'un  couteau.  Mais  ces  pierres  ne  per- 
dirent rien  de  leur  poids  Se  de  leur  forme. 

M.  d'Arcet ,  Dodeur  en  Médecine  ,  a  repris 
cette  matière.  Il  a  répété  plufieurs  des  expérien- 
ces dont  on  vient  de  parler ,  mais  dans  un  tour  de 
porcelaine:  il  a  obfervé  demémeque  le  diamant 
étoit  évaporable  ^  mais  il  a  de  plus  découvert  que 
le  diamant  s'évaporoit  même  par  l'adion  d'un 
feu  affez  médiocre,  puifqu'il  fuffic  de  le  faire  feu- 
lement bien  rougir.  Se,s  premières  expériences 
ont  été  faites  dans  des  vailïeaux  qui  avoient  un 
libre  accès  avec  l'air  extérieur.  M.  d'Arcet ,  vou- 
lant les  varier ,  elïàya  d'expofer  au  grand  f§u  des 


ÎT       RAISONNE  F.  I09 

diamants  dans  des  vaifleaux  parfaitement  clos.  Il 
mit  des  diamants  dans  des  boules  formées  de  pâte 
de  porcelaine,  qu'il  ferma  auiîi  le  plus  exaclie- 
ment  qu'il  lui  fut  poflible  ,  avec  de  la  même  pâte 
de  porcehine  délayée  dans  un  peu  d'eau.  11  ex- 
pofa  ces  boules  lous  le  four  de  porcelaine  de  M.  le 
Comte  de  Lauraguais ,  au  feu  le  plus  violent.  Les 
diamants  refterent  fains  &  entiers  dans  quelques 
boules  y  ils  s'évaporèrent  à  demi  dans  d'autres  ,  &z 
ils  fe  volatiliferent  entièrement  dans  d'autres 
boules.  Toutes  ces  boules  étoient  conftruites  avec 
de  la  même  pâte  de  porcelaine.  M.  d'Arcet  crut 
devoir  attribuer  ces  différents  effets  à  la  nature 
des  diamants,  &:  pcnfi  qu'il  y  a  de  la  différence 
entre  ceux  du  Brefil  &  ceux  d'Orient  j  mais  les 
Lapidaires  n'en  font  abfolument  aucune  dilHnc- 
tion  :  ils  prétendent  mcme  qu'il  eft  impofîlble  de 
pouvoir  diltinfTLier  un  diamant  d'Orient  d'avec  un 
diamant  du  Brefil.  Ainfi  l'évaporation  du  dia- 
mant dans  des  vaiffeaux  parfaitement  clos  étoic 
une  chofe  indécife  parmi  les  Chymiftes  j  mais  elle 
ne  l'étoit  pas  parmi  les  Lapidaires  :  ils  affuroienc 
au  contraire  que  les  diamants  dans  des  vaifïeaux 
parfaitement  clos  font  abfolument  inaltérables, 
&  ne  fouffrent  aucune  diminution  de  leur  poids  j 
ils  ne  parloienr  pas  des  circonflances  qu'ils  avoienc 
habitude  d'obferver ,  parcequ'ils  les  fuppofoienc 
connues. 

M.  d'Arcet  a  expofé  fes  diamants  dans  des  bou- 
les de  porcelaine  non  cuite  ,  &  qui  ne  peut  cuire 
qu'à  un  très  grand  coup  de  feu.  Si  l'on  fait  atten- 
tion à  la  nature  de  la  pâte  d'une  femblable  porce- 
laine non  cuite,  &  des  effets  qu'elle  peut  pro- 
duire pendant  fa  cuiiron  ,  il  fera  facile  de  recon- 
'noîrre  pourquoi  les  diamants  fe  font  évaporés 
dans  ces  fortes  de  vaifleaux. 


110        Chymie  expérimentale 

1°.  Labafe  de  la  porcelaine  eft  nécefTairement 
de  l'argille.  i°.  Elle  contient  de  l'eau.  3*^.  Les 
argilles  font  dans  l'état  de  combinaifon  avec  une 
certaine  quantité  d'acide  vitriolique  qui  leur  eft 
de  la  plus  grande  adhérence.  Toutes  ces  fubftan- 
ces  fe  rcduifent  en  vapeurs ,  &z  font  fondion  d'air 
pendant  la  cuite  de  la  porcelaine  ;  elles  font  donc 
caufe  que  les  diamants  ,  quoiqu'enfermés  dans 
ces  fortes  de  vafcs,  fe  font  comportés  à-peu-près 
comme  s'ils  eulfent  été  expofés  au  feu  avec  le 
concours  de  l'air.  Si  dans  quelques  boules  ils 
n'ont  point  fouffert  d'altération ,  cela  vient  de 
quelques  circonftances  particulières ,  puifque  le 
diamant  s'évapore  à  proportion  que  les  matières 
dans  lefquelles  on  le  cémente,  contiennent  des 
fubftances  propres  à  fe  réduire  en  vapeurs  &  à 
faire  fonélion  d'air.  La  pâte  de  porcelaine  dont 
M.  d'Arcet  a  compofé  fes  boules,  étant  de  très 
difficile  cuilTon  ,  refte  long-temps  poreufe  j  elle 
donne  par  conféquent  tout  le  temps  aux  dia- 
mants de  s'évaporer  avant  qu'elle  ait  reçu  le  de- 
gré de  feu  convenable  qui  lui  donne  la  compa- 
cité néceiïaire  pour  former  un  vaiffeau  parfaite- 
ment clos ,  &c  pour  empêcher  l'évaporation  du 
diamant. 

M.  Macquer  expofa  au  feu  ,  à  l'air  libre ,  des 
diamants.  11  obferva  que  le  diamant  produifoit 
une  véritable  flamme,  ou  une  auréole  phofplio- 
rique.  Ses  expériences  ont  fait  le  fujet  d'un  Mé- 
moire que  cet  habile  Chymifte  a  lu  à  l'Académie 
en  177:. 

Au  mois  d'Avril  1772,  MM.  Lavoifier ,  Mac- 
quer &  Cadet  lurent  un  Mémoire  à  la  même  Aca- 
démie ,  dans  lequel  ils  rapportèrent  des  expé- 
riences nouvelles  ,  faites  en  préfencede  plufieurs 
Chymifles.  Les  diamants ,  dans  ces  expériences. 


BT       RAISONNE  E.  III 

ont  été  expofés  dans  des  vai(ïeaux  parfaitement 
clos  :  ils  ne  foiiftiitent  aucune  alrcration. 

On  enferma  deux  carats  de  diamants  dans  le 
godet  d'une  pipe  ,  où  l'on  mit  d'abord  du  pouf- 
iier  de  charbon.  Les  diamants  furent  placés  au 
centre ,  ôc  recouverts  de  ce  même  poullier  de 
charbon  :  on  appliqua  par-deiîus  un  petit  cou- 
vercle de  tôle  du  diamètre  précis  de  la  pipe  ,  &c 
airujettiavecdufild'archal.  Cette  efpece  decreu- 
fet  tut  mis  dans  un  petit  creufet  de  HelTe  :  on  en 
remplit  les  intervalles  avec  du  poulîier  de  char- 
bon j  il  fut  recouvert  d'un  autre  creufet  de  Helfe: 
on  a  également  alfujetti  cet  appareil  avec  du  fil 
d'archal ,  &  les  joints  ont  été  lûtes  avec  de  la 
terre  à  four  détrempée  avec  de  l'eau.  On  a  fiit 
fécher  complettement  à  une  douce  chaleur  cet 
appareil  qui  a  été  enfuite  expofé  dans  un  fourneau 
à  vent ,  chaurté  par  degrés  :  on  a  augmenté  le  fea 
jufqu'à  la  plus  grande  violence  que  ce  fourneau 
peut  donner,  6c  on  l'a  entretenu  dans  cet  état 
pendant  deux  heures.  Le  feu  du  fourneau  dont  il 
elliciquelHon ,  donne,  en  deux  heures  de  temps , 
un  plus  grand  degré  de  chaleur  que  M.  d'Arcet  n'a 
eu  pendant  trois  jours  &  trois  nuits ,  fous  le  four 
de  porcelaine  de  M.  le  Comte  de  Lauraguais. 

Lorfque  le  tourneau  Se  les  creufetsont  été  fuf- 
fifamment  rehoidis  ,  on  a  trouvé  les  creufets  fains 
oc  entiers  ,  mais  enduits  d'une  couche  de  verre 
bien  tondu  ,  produit  parla  terre  à  four.  On  a  calTé 
les  creufets  .  &  on  a  trouvé  les  diamants  fains  , 
entiers ,  n'avant  rien  perdu  de  leur  poids ,  ni  de 
leur  tranfparence.  Le  pouilier  de  charbon  qui 
entouroit  les  diamants ,  ell  relié  noir  ,  &:  n'a 
fourtort  aucune  combuftion.  Il  réfulte  bien  évi- 
demment de  cette  expérience  que  le  diamant  n'efl: 
ni  combuftible  ni   volatil  par  l'adion  du  feu  le 


112        Chymie  expérimentale 

plus  violent ,  à  moins  que  cette  adion  ne  foit  ai- 
dée du  concours  de  l'aii ,  ou  de  matières  propret 
à  en  taire  fonélion  ,  comme  nous  le  dirons  aans 
un  inftant. 

Ces  mêmes  Chymiftes  foumirent  à  la  diftilla- 
tion  ,  dans  une  cornue  de  grès ,  1 9  grains ,  poids 
de  marc,  &  un  peu  plus  (i),  de  diamants.  Us  les 
poulTerent  à  un  feu  violent  pour  favoir  s'il  s'eri 
diftilleroit  ou  fe  fublimeroit  quelque  chofe.  Les 
diamants  ont  rélifté  pleinement  à  cette  épreuve  j 
il  ne  s'en  eft  rien  féparé,  S>c  on  les  a  trouvés  de 
même  poids  qu'auparavant  :  &  dans  le  Journal 
de  M.  l'Abbé  Relier  (2)  ,  on  ajoute  que  ces  dia- 
mants diminuèrent  de  poids.  11  y  a  nécelTaire- 
ment  de  l'erreur  dans  l'un  des  deux  rapports.  Nous 
allons  voir  que  les  diamants  diminuent  de  poids, 
proportionnellement  à  la  malFe  d'air  contenu  dans 
le  vallfeau  qui  les  renferme  ,  ou  à  proportion  que 
le  cément  qui  entoure  ce  vailTeau ,  fournit ,  pen- 
dant la  calcination ,  des  fubftances  qui  fe  rédui- 
fent  en  vapeurs  ,   &c  qui  font  fonélion  d'air. 

M.  Mitouard ,  Maître  Apothicaire  &  Démonf- 
trateur  en  Chymie ,  a  d'abord  répété  les  expé-* 
riences  de  la  combuftion  du  diamant  dans  des 
vaifleaux  à  l'air  libre ,  &  il  s'eft  afTuré  de  la  pré- 
fence  de  l'auréole  ou  flamme  que  produit  le  dia- 
mant ,  que  M.  Macquer  avoit  oblervée.  Il  a  pa- 


(i)  yoye^  la  Feuille  de  l' Avant-Coureur  ,  page  i98  , 
année  i77î,  du  1 1  Mai,  &  le  Journal  de  M.  l'Abbé  Ro* 
fier  pour  le  mois  de  Mai  1771  ,  page  97  ,  où  l'on  rapporte 
la  même  expérience.  Il  y  eft  dit  que  ces  mêmes  diamants 
pefoient  i 9  crains  |. 

(1)  Dans  le  Journal  déjà  cité  ,  page  99  ,  on  dit  :  "  Les 
«  diamants  ayant  été  rapportés  à  la  balance  ,  ne  Te  fonc 
»  plus  trouve  pefer  que  16  grains  yj. 

l'eillemenc 


BT      RAISONNES.  IIJ 

t€illement  répété  la  cémentation  du  diamant  dans 
des  vailTeaux  clos  j  mais  il  a  varié  les  expériences 
de  ce  genre,  en  cémentant  des  diamants  dans 
différentes  fubftances  >  comme  dans  du  char- 
bon en  poudre,  dans  de  la  craie,  dans  de  la 
corne  de  cerf  calcinée  ,  dans  du  verre  en  poudre. 
Il  a  aulli  expofc  au  même  feu  des  diamants  enfer- 
més feuls  dans  un  creufet  fans  cément  :  tous  ces 
creufets  ont  été  arrangés  dans  des  cônes  de  pipes  , 
&  fermés  très  exaétement  de  la  même  manière 
que  nous  l'avons  dit  précédemment.  Le  petit 
creufet  qui  contenoit  un  diamant  fans  cément ,  a 
été  fermé  avec  la  même  exailitude  que  ceux  ci- 
deflus  ,  5c  on  a  alTujetti  avec  de  la  terre  à  four , 
féchée  6c  pulvérifée  ->  le  petit  cône  de  pipe  pour 
l'empêcher  de  ballotter. 

On  a  chaufté  ces  creufets  dans  le  même  four- 
neau ,  pendant  deux  heures ,  avec  la  plus  grande 
violence ,  en  préfence  de  plufieurs  Chymiftes  , 
du  nombre  defquels  j'étois.  Voici  quels  ont  été 
Iqs  réfultars. 

l '^ .  Un  diamant  rofe  très  plat ,  taillé  aux  Indes 
Bc  nommé  laboras  par  les  joailliers,  d'un  petit 
œil  verdâtre  (  couleur  occafionnée  par  la  réfle- 
xion du  feuillctis ,  fuivanr  le  fentiment  des  bijou- 
tiers prélents  à  ces  expériences  ) ,  égrifé  fur  un 
des  côtés  ,  6c  pefant  2  grains  -^  fort ,  poids  dô 
marc  >  a  été  entermé  dans  du  charbon  en  poudre. 
On  a  retrouvé  ce  diamant  tel  qu'on  l'avoit  mis  , 
abfolument  fans  aucune  diminution  de  poids  , 
fans  avoir  rien  perdu  de  fon  poli  ni  de  £on  eau  j 
en  un  mot,  n'ayant  fouffert  aucune  altération. 

i**.  Une  rofe  jaune  pefant  un  carat  moins  -^ , 
enfermée  dans  de  la  craie  de  Champagne  en  pou- 
dre ,   a  perdu  de  fon  poli  :  (es  angles  étoienc 
çmoulTés  ,  &  on  y  diftinguoit  des  taches  de  dif- 
Tome  1,  H 


Ît4  ChYMIE    tXPÉRTMENTALï 

féreiîtes  couleurs.  Ce  diamant  ne  pefoit  plus  quô 

5  grains  moins  ~.  Il  a  été  repoli  de  nouveau  par 
Un  Lapidaire  :  fa  furface ,  fuivanc  fon  rapport, 
avoit  une  croûte  aulîi  cpailTe  que  celle  d'un  dia- 
mant brut. 

3  ''.  Un  diamant  brut ,  croûte  polie ,  très  brun 

6  mal  net ,  pefant  5  grains  fort ,  lans  intermède  , 
a  de  même  diminué  de  poids  :  il  s'ell  trouvé  ne 
plus  pefer  que  4  grains  moins  -^^  :  il  a  confervé  fa 
Forme,  quoiqu'il  ait  perdu  fon  poli.  Sa  couleur 
a  été  ablolument  altérée  Se  a  palTé  au  noir  de 
jayec. 

4°.  Un  diamant  mis  dans  de  la  corne  de  cerF 
calcinée  Se  pulvérifée,  pefant  2.  grains,  poids  de 
marc ,  ne  s'eft  plus  trouvé  pefer  qu'un  grain  jl-  Il 
étoit  dépoli  dans  toute  fa  furface  ,  &  marqué  de 
taches  noires  dans  plufieurs  endroits. 

M.  Mitouard  a  pareillement  foumis  au  grand 
feu,  dans  une  pstite  cornue  de  grès,  deux  dia- 
mants ,  l'un  blanc  &  l'autre  brun  ,  pefant  enfem- 
ble  1  grain  &  ^  foible.  Après  deux  heures  ôc 
demie  de  grand  feu  ,  on  a  ôté  la  cornue  du  four- 
neau ,  tandis  qu'elle  étoir  encore  très  chaude  : 
il  n'ell  rien  palîé  dans  le  récipient  qu'on  y  avoit 
adapté.  Le  diamant  blanc  étoit  brillant ,  tant 
qu'il  étoit  chaud  j  il  devint  laiteux  en  fe  refroi- 
didant  :  le  brun  n'avoit  prefque  rien  perdu  de 
fa  couleur,  mais  fa  tranfparence  a  un  peu  louf- 
ferr. 

M.  d'Arcet  avoir  établi  par  fes  expériences 
quelques  incertitudes  fur  la  nature  des  diamants , 
entre  ceux  d'Orient  ôc  ceux  du  Brelil.  M.  Mi- 
touard voulant  éclaircif  les  doutes  de  M.  d'Arcet, 
fit  de  nouvelles  expériences  pour  connoître  fi  les 
effets  qui  avoient  été  produits  précédemment,  dé- 
voient être  attribués  à  la  nature  des  diamants,  ou 


ET      RAISON  NÉE.  ÎTJ 

àcelle  des  intermèdes  qui  avoient  lervide  cément. 
11  a  fournis  à  de  nouvelles  expériences  auxquelles 
j'ai  aflillé ,  les  diamants  des  expériences  précé- 
dentes, mais  en  changeant  leurs  céments  :  les 
creufets  ont  été  difpoiés  comme  les  précédents  , 
&  il  leur  a  appliqué  le  même  coup  de  feu  ,  &  dans 
le  mcme  fourneau. 

i^.Un  diamant  pefanti  grains  ,  poids  de  marc, 
qui  avoit  été  ci-devant  cémenté  dans  du  charbon, 
&  qui  pefoit  i  grains  ,  poids  de  marc  ,  fut  enve- 
loppé dans  de  la  corne  de  cerf  ^  il  s'cft  trouvé, 
après  l'opération  ,  ne  plus  pefer  c]u'un  grain  &  ^. 
Il  s'tft  dépoli  dans  toute  fa  furface ,  &:  a  été  mar- 
qué de  taches  noires  dans  plufieurs  endroits. 

1° .  Un  autre  diamant  précédemment  cémenté 
avec  de  la  craie  ,  repoli  dans  le  milieu  fculcn-ient, 
&  cémenté  dans  la  féconde  expéiience  avec  du 
poullier  de  charbon  ,  ne  louffrit  abfolument  au- 
cune altération  ni  diminution  de  poids. 

3°.  Un  diamant  cémenté  avec  du  verre  fondu, 
a  été  perdu.  11  n'a  pas  été  poilible  d;;  favoir  s'il 
s'eft  dilfipé  au  feu ,  ou  s'il  a  été  perdu  en  calTant 
le  creufet. 

Il  réfulte  évidemment  de  cas  expériences  , 
i".  que  le  diamant  eft  inflammable,  &:  qu'il  fe 
brûle  au  feu  ,  comme  toute  autre  matière  com- 
buftible  ,  lorfqu'il  a  communication  avec  l'air  ex- 
térieur ;  Se  qu'il  n'y  a  point  de  différence  entre  les 
diamants ,  puifque  ceux  qui  n'avoient  point  fouf- 
fert  d'altération  dans  le  charbon  ,  furent  altérés 
par  le  cément  de  la  corne  de  cerf  j  &  que  ceux  qui 
furent  altérés  par  le  cément  de  craie,  ne  le  furent 
plus  par  le  cément  de  charbon.  Ces  altérations 
ne  font  àonc  point  ducs  à  la  nature  du  diamant, 
mais  feulement  à  celle  du  cément. 

i°.  Le  diamant  ne  foufïre  aucune  altération  de 

Hii 


ilS  ChYMIE    EXPERIMENTALE 

la  part  du  feu  le  plus  violent,  lorfqu'il  eft  envi- 
ronné de  poudre  de  charbon,  &  qu  il  n'a  point 
de  contad  avec  l'air  extérieur  j  en  cela  ,  il  fuit  la 
même  loi  que  les  autres  matières  combuftibles  , 
incapables  de  fe  réduire  en  vapeurs ,  &  de  fe  con- 
fumer  dans  des  vailfeaux  parfaitement  clos. 

3  ".  Mais  le  diamant  fouffre  beaucoup  d'altéra- 
tion &  de  diminution  dans  foi:  poids ,  lorfqu'il  efl: 
cémenté  avec  des  matières  terreufes  qui  contien- 
nent de  l'air  &  de  l'eau ,  comme  la  craie ,  la  corne 
de  cerf  calcinée,  il  paroît  même  qu'il  fouffre  da- 
vantage d'altération  ,  toutes  chofes  égales  d'ail- 
leurs, de  la  part  de  ces  fubftances  ,  que  lorfqu'il 
eft  enfermé  leul  dans  un  vafe  de  même  capacité, 
puifque  le  diamant  renfermé  dans  de  la  craie  a 
diminué  d'un  grain  de  fon  poids ,  &c  que  celui  qui 
étoit  fans  intermède ,  n'a  diminué  que  d'un  grain 
moins  ^. 

4*^.  Il  eft  évident  que  le  diamant  eft  une  fub- 
ftance  particulière,  &:  qui  a  befoin  d'être  examinée 
pour  être  encore  mieux  connue  qu'elle  ne  l'eft  à 
préfent.  11  paroît  que  le  diamant  a  des  propriétés 
communes  aux  pierres,  aux  matières  combufti- 
bles &  à  certaines  matières  métalliques.  Ufemble 
tenir  ,  en  quelque  forte  ,  le  milieu  entre  ces  fub- 
ftances :  il  reftemble  aux  matières  terreufes  par  fa 
dureté  :  il  paroît  même  qu'il  eft  la  plus  dure  de 
toutes  les  pierres  :  il  a  une  propriété  femblable  à 
celle  des  matières  inflammables  ordinaires  ,  en  ce 
c]u'il  produit  de  la  Hamme ,  &"  qu'il  fe  diftipe 
comme  elles  ,  à  mefure  qu'il  fe  brûle.  La  flamme 
qu'il  donne  eft  petite ,  brillante ,  femblable  à  celle 
que  produifent  l'étain ,  le  bifmuth  ,  Sec.  Le  dia- 
mant n'eft  peut-être  qu'une  matière  phlogiftique 
dans  un  état  particulier  qu'on  ne  connoît  point 
encore. 


ET      RAISONNE  E.  117 

Sur  Us  Pierres  colorées, 

M.  Mitouard  a  fait  encore  des  expériences  fur 
les  pierres  colorées.  Il  a  mis  dans  fîx  coupelles 
fous  la  moufle  d'un  fourneau  de  coupelle  ordi- 
naire ,  &  qui  chauffoic  beaucoup  moins  que 
celui  dans  lequel  il  a  fait  les  expériences  précé- 
dentes ,  différentes  pierres  précieufes  dont  nous 
allons  rendre  compte.  Il  les  a  tait  chauffer  pen- 
dant deux  heures ,  à  un  feu  capable  de  les  faire 
rougir  prefque  à  blanc  :  favoir , 

1"^.  Un  rubis  terminé  par  deux  pyramides  ,  &:■ 
un  rubis  brut.  Ils  n'ont  rien  perdu  de  leur  forme  , 
de  leur  couleur ,  ni  de  leur  poli. 

1°.  Une  améthyfte.  Elle  eft  devenue  gîaceufe  y 
&z  elle  avoit  totalement  perdu  fa  couleur. 

3  °.  Un  faphir  d'eau  &c  un  faphir  oriental.  Un 
des  deux  a  été  prefque  entiéremen:  décoloré  j, 
l'autre  eft  devenu  obfcur. 

4".  Une  émeraude.  Elle  a  fondu  en  partie  & 
fi  perdu  fa  tranfparence  :  fa  couleur  a  été  peu  al- 
térée :  elle  a  feulement  pris  un  autre  ton  ,  prove- 
nant de  fon  opacité. 

5  ° .  Une  vermeille.  Elle  a  confervé  fa  tranfpa- 
rence  j  mais  fa  furface  a  perdu  un  peu  de  ibix 
poli. 

6°.  Un  grenat  Syrien.  11  eft:  devenu  opaque^ 

D'une  autre  part  ,  M.  Mitouard  a  cémenté 
dans  de  petits  creufets ,  Se  arrangés  comme  ceux- 
pour  la  cémentation  des  diamants  ,  i".  un  rubisr 
enveloppé  dans  de  la  cendre  tamifée  ,  &  expofé- 
pendant  deux  heures  &  un  quart  à  la  plus  grander 
violence  du  feu.  Les  cendres  ont  été  complette- 
ment  vitrifiées  ,  8c  l'on  n'a  retrouvé  auc.u«e  tracer 
du  rubis  dans  le  verre» 

3t°,  M.  Mitouard  a  ex^ofé  dans  «»  appareit 
)  Hùi 


ii8        Chymie  experimentali 

femblable  au  précédent ,  un  rubis  cémenté  avec 
du  verre  pulvénfé  :  le  verre  a  fondu,  il  eft  devenu 
noir;  le  rubis  s'efi:  précipité  au  fond  du  creufec , 
&  a  reçu  un  commencement  de  fufion.  Il  s'étoit 
déformé;  mais  fa  couleur  n'a  point  été  altérée. 

Combinaifon  de  la  Terre  élémentaire  avec  le  Feu 
pur. 

Nous  ne  connoilTons  point  de  combinaifon  for- 
mée immédiatement  de  l'union  de  la  terre  vitri- 
iîabie  avec  le  feu  pur..  Une  pareille  combinaifon 
£iiC'3  par  la  Nature,  feroit  un  principe  fccondaire  , 
compofé  de  deux  éléments  primitifs  ;  principe  qui 
pourroit,  fous  cette  forme,  entrer  dans  la  compo- 
iition  de  certams  corps. 

Combinaifon  de  la  Terre  vitrifiable  avec  VAir, 

Cette  combinaifon  ,  fi  elle  exifte  ,  n'eft  point 
connue.  Elle  formeroit  encore  un  principe  fecon- 
daire  qui  pouiroit  fervir  à  la  formation  de  corps 
plus  compofés.  La  terre  vitrifiable  paroîtne  re- 
cevoir même  aucune  altération  de  la  part  de  l'air. 

Combinaifon  de  la  Terre  vitrifiable  avec  l'Eau»  ■ 

La  terre  vitrifiable  n'éprouve  aucune  altération 
de  la  part  de  l'eau  dans  nos  opérations  de  Chymie, 
11  paroît  qu'il  en  feroit  de  même  dans  celles  de  la 
Nature,  fi  rien  d'étranger  n'augmentoit  l'adiou 
de  l'eau.  L'on  rencontre  fouventde  l'eau  qui  tient 
de  la  terre  vitrifiable  en  difiblution;  telle  que 
celle  qui  palTé  au  travers  des  bancs  de  grès  ou  de 
fable.  11  eft  à  préfumer  que  cette  union  n'eft  pas 
immédiatemeat  formée  entre  ces  dçux  éléments; 


IT       RAISONNÉ  E.  11^ 

elle  eft  due  aux  autres  éléments  qui  y  concouicnt 
en  même  temps  ,  &  fpécialemeut  au  feu  libre  ré- 
pandu dans  le  fein  de  la  terre.  Je  penfe  même 
que ,  s'il  exiftoit  dans  la  Nature  quelques  endroits 
où  l'air  &  l'eau  fuffent  abfolument  fans  feu  ,  ce 
qu'il  n'efl:  guère  pollible  de  concevoir ,  l'eau  néan- 
moins ,  dans  ces  circonfi-ances  ,  aidée  feulement 
du  concours  de  l'air,  n'auroit  aucune  adion  fur 
la  terre  élémentaire  j  6c  ne  la  dilfolveroit  pas. 

Sur  la  Combinaifon  des  quatre  Eléments.» 

Peut-ctue  la  Nature  combine-t-elle  immédia- 
tement les  éléments  deux  à  deux  &  trois  à  trois  pav 
des  moyens  qui  nous  font  abfolument  inconnus. 
Si  ces  combinaifons  fimples  exiftent ,  elles  feroienc 
autant  de  principes  fecondaires  ,  ou  de  principes 
principiés ,  dont  la  Nature  feroit  ufage  pour  for- 
mer des  corps  compofés.  Les  connoilfances  nous 
manquent  abfolument  fur  cet  objet.  Nous  ne 
fommes  pas  plus  inftruits  fur  la  combinaifon  ini' 
médiate  des  quatre  éléments  \  nous  favons  feule- 
ment qu'ils  ont  une  telle  difpofition  à  fe  mêler  y 
qu'il  efl:  abfolument  impollible  de  les  avoir  par- 
faitement pursôc  ifolés  les  uns  des  autres. 

Si  la  Nature ,  pour  combiner  les  éléments  les  uns 
avec  les  autres ,  ne  fe  fût  procuré  que  les  moyens 
dont  nous  venons  de  parler,  il  \\q\\  feroit  jamais 
réfulté  que  des  combinaifons  funples  de  l'efpece 
de  celles  dont  nous  parlons:elles  auroient  été  rares, 
en  petit ,  &:  n'auroient  eu  lieu  que  lorfque  les  cir- 
confiances  feroient  devenues  favorables.  Le  globe 
terreftre  feroit  un  défert  aflreux  ,  feniblable  à  cer- 
tains continents  de  la  terre  où  les  quatre  éléments, 
fculs  font  en  aétion  les  uns  contre  les  autres.,  oà 
il  ne  croie  abfolument  rien  \  il  n'y  exifte ,  tout  a.a 


120  ChYMIE    EXPÉRIMENTAL! 

plus  5  que  des  fubftances  du  genre  des  principes 
principiés ,  pauceque  le  fol  eft  de  fable  ou  de  terre 
élémentaire,  incapable  de  rien  produire,  de  de 
former  des  combinaifons  qui  puilTent  tomber  fous 
nos  fens. 

Les  combinaifons  qui  peuvent  réfulter  de  l'u- 
nion immédiate  des  éléments,  ne  deviennent 
fenfibles  pour  nous,  qu'autant  qu'elles  contien- 
nent plus  ou  moins  du  principe  terreux  j  nos  or- 
ganes ne  font  pas  afTez  déliés  pour  nous  faire  ap- 
percevoir  celles  dans  lefquelles  ce  principe  n'entre 
pour  rien.  Nous  ne  connoifiTons  qu'une  combi- 
naifon  de  cette  efpece  j  c'eft  celle  de  la  terre  ÔC 
du  feu  ,  à  laquelle  on  a  donné  le  nom  de  phio" 
gïjiique  ;  encore  n'eft-elle  pas  formée  de  l'union 
immédiate  de  ces  éléments  :  elle  eft  un  produit 
de  la  deftruétion  des  corps  organifés.  Il  eft  même 
à  préfumer  que  ,  fans  eux  ,  ce  principe  principié 
n'exifteroit  pas  dans  la  Nature. 

11  doit  en  être  de  même  des  autres  principes 
principiés,  foimés  immédiatement  de  l'union  des 
autres  éléments  :  la  Nature  ne  les  forme  vraifem- 
blablçment  point.  Ceux  de  ce  genre  qui  peuvent 
exifter  font  encore  dus  aux  corps  organifés  qui  fe 
dérruifent.  Ces  corps  ,  comme  nous  le  dirons , 
ont  la  faculté  de  combiner  &:  d'élaborer  les  élé- 
inenrs ,  &:  de  former  des  fubftances  qui  fervent 
enfuite  comme  de  principes  à  des  corps  qui  fortt 
plus  compofés  que  des  principes  principiés. 

La  Nature  qui  avoir  de  plus  grandes  vues  àrenv- 
plir  que  celles  de  former  de  fimples  mélanges  d'é- 
léments ,  ou  de  produire  des  principes  fecondaires^ 
s'eft  procuré  les  n?oyens  de  faire  un  plus  grand  & 
un  plus  magnifique  ufage  des  éléments.  Elle  a 
créé  des  corps  organifés ,  &  d'abord  des  végétaux-, 
çfl;  leur  allignant  U  faculté  de  çalTerablet  immo^ 


ÏT      RAISONNES.  III 

clîatement  les  éléments  primitifs  ,  de  les  combi- 
ner ,  de  les  élaborer ,  &z  de  former  des  combinai- 
fons  délicates  cjue  l'art  eft  encore  tort  éloigne  d'i- 
miter :  tel  a  été  le  but  de  la  Nature  en  créant  les 
corps  orgnnifés. 

Le  végétal  a  été  le  pt emier  inftrument  dont  elle 
s'eft  fervi  pour  former  fes  plus  grandes  &:  fes  plus 
merveilleufes  opérations.  Ce  font  les  végétaux 
qui  ont  mis  la  Nature  en  aélion  à  la  furface  du 
globe  ,  dans  l'intérieur  de  la  terre  &:  des  mers.  Ce 
font  eux  qui  font  lacaufe  immédiate  des  météores 
ignés  qui  fe  forment  dans  l''air  ,  &:c.  Toutes  fur- 
prenantes  que  peuvent  d'abord  paroître  ces  idées , 
j'efpere  les  mettre  dans  tout  leur  jour,  mais  fuc- 
ceilivement. 

Les  végétaux  contiennent  les  éléments  dans 
des  proportions  plus  égales  qu'ils  ne  fe  trouvent 
dans  aucun  corps.  Le  reu  eft  le  principe  dominant 
des  végétaux  ,  qui  forment ,  par  cette  raifon  ,  la 
première  fubftance  combuftibîe.  Tous  les  autres 
corps  de  la  Nature ,  qui  contiennent  quelque  ma- 
tière inflammable,  la  doivent  aux  végétaux.  Nous 
.ne  prétendons  pas  dire  pour  cela  que  les  végétaux 
foient  compofcs  de  parties  égales  de  chacun  des 
éléments ,  mais  feulement  qu'ils  les  contiennent 
dans  des  proportions  qui  approchent  davantage 
de  l'égalité.  Le  principe  terreux  eft  celui  qui  y  eft 
moins  abondant. 

Les  végétaux  dévoient  nécelTairement  précéder 
les  animaux.  Ceux-ci  ont  befoin  de  pâture ,  &:  ne 
peuvent  abfolument  point  fubfîfter  fans  eux.  Les 
animaux  combinent  de  nouveau  la  fubftance  vé- 
gétale ,  &  fe  l'aflimilent  :  chez  eux  ,  la  matière 
change  de  forme  ,  de  nature  ,  de  acquiert  de  nou- 
velles propriétés  chymiques.  La  fubftance  ani- 
male di^erç  bien  peu  de  la  végétale  :  elle  contient 


ïît       Chymie  expérimentale 

également  les  quatre  éléments  dans  l'état  de  corn- 
binaifon.  On  ne  fait  pis  encore  Ci  la  fubftance 
animale  n'eft  pas  déjà  toute  formée  dans  les  végé- 
taux :  peur-être  que  les  .uiimaux  qui  s'en  nourrif- 
fent ,  ne  font  que  féparer  cette  fubftance  déjà  ani- 
milifée  par  le  vé^ér  il.  C'eft  ce  que  nous  verrons 
lorfque  nous  exajninerons  les  crames  firineufes: 
la  m.itiere  ^lutineufe  qu'elles  fournilTent  eft  bien 
décidément  de  nature  animale.  Il  paroituoit  donc 
que  la  Nature  luroit  difv>jnfé  l'animal  de  ralTem- 
bler  lui-même  les  éléments  pour  le  développe- 
ment de  fon  individu.  Elle  a  déparri  à  cette  clafTe 
de  corps  org^nifés  la  fondtion  de  concourir  avec 
les  végétaux  à  entretenir  la  matière  combuftible, 
&  à  la  diftribuer  concurremment  à  la  furface  de 
la  terre.  Au  refte  ,  il  paroît  bien  certain  que  ce 
font  les  végétaux  ,  dans  l'état  de  fanté,  qui  com- 
pofenr  toute  la  matière  animale  qui  exifte  ,  Se  qui 
ne  pourroit  abfolument  fubfîfter  fans  la  végéta- 
tion. 

Je  penfe  donc  que  la  végétation  eft  le  feul 
moyen  que  la  Nature  emploie  pour  combiner  la 
plus  grande  partie  du  feu  élémentaire  qui  nous 
vient  du  foleil  :  le  furplus  de  ce  feu  fert  à  entre- 
tenir la  vie  des  animaux  ,  &  à  mettre  en  action 
celui  que  la  Nature  a  combiné  dans  les  corps  or- 
ganifés. 

Je  conftdere  ici  la  Nature  fortantdes  mains  du 
Créateur.  Je  n'examine  point  comment  les  corps 
organifés  ont  été  placés  fur  la  terre.  Ils  y  ont  été 
mis  par  l'Auteur  de  la  Nature ,  pour  y  jouer  le 
rôle  qu'il  leur  a  départi  ^  mais  j'obfervela  Nature 
pied  à  pied  ,  &c  je  tâche  de  dévoiler  {qs  myfteres 
&  fes  opérations ,  parcequ'ils  influent  fur  toute 
la  Chymie  Sz  fur  l'Hiftoire  Naturelle. 

Les  corps  organifés  font  diftribiiés  autour  du 


IT      RAISONNE  E.  IZJ 

globe  &  dans  tous  les  endroits  où  ils  peuvent  fnb- 
iifter  ;  mais  la  Nature ,  pour  opérer  les  merveilles , 
a  choifi  deux  laboratoires  diftcrents.  Elle  travaille 
fans  relâche  dans  la  partie  feche  du  globe  à  taire 
naître  des  végétaux  &c  des  animaux.  La  partie  li- 
quide ou  la  mer  ,  qui  eft  Ton  fécond  laboratoire, 
eft  également  remplie  de  végétaux  de  toute  ef- 
pece  j  ils  fervent  de  pâture  à  des  milliers  d'ani- 
maux de  tout  genre,  auxquels  cet  élément  étoit 
iiécefTaire.  Les  corps  organifés  croifTent ,  fc  re- 
produifent  &  périffent  chacun  dans  leur  élément. 
L.es  générations  ie  fuccedent  fans  interruprion  : 
ces  corps  entretiennent  la  matière  combuftible 
toujours  à-peu- près  au  même  degré  d'abonànnce. 
Les  vues  de  la  Nature  n'auroient  pas  été  fuffifam- 
ment  bien  remplies,  iî  toute  la  matière  combuf' 
tible  qui  fe  forme  dans  la  partie  feche  du  globe, 
y  reftoit  :  elle  en  a  befoin  dans  l'intérieur  de  la 
terre ,  pour  y  produire  une  infinité  de  combinai- 
fons  d'un  autre  genre.  Elle  fe  fert  de  temps  en 
temps  du  balancement  des  eaux ,  peur  faire  des 
incurfions  fur  la  partie  feche  du  globe  ,  &  pour 
engloutir  dans  fon  fein  des  amas  immenfes  de 
matières  combuftibles  qui  s'y  forment,  afin  de  les 
diftribuer  à  fon  gré  dans  l'intérieur  de  la  terre  pour 
fes  opérations  fecretes. 

La  folidité  ôc  l'arrangement  aéluel  de  la  terre 
font  l'ouvrage  des  eaux  ,  des  corps  organifés  &: 
du  laps  de  temps.  Les  végétaux  &  les  animaux 
ont  fertilifé  la  croûte  fuperficielle  de  la  terre  que 
nous  cultivons.  Les  eaux  y  font  venues  à  plufieurs 
reprifes.  La  terre,  dans  les  commencements, n'a > 
voit  point  aiïez  de  folidiré  pour  retenir  les  eaux, 
comme  Je  dit  M.  de  BuiFon  :  elles  ont  du  circuler 
pendant  long-temps  ,  faire  beaucoup  de  révolu- 
lions  autour  du  globe ,  vie  porter  dans  fon  inté- 


ÎÎ4  ChTMIE    EXPERIMENTAtl 

rieur,  jufques  dans  (es  plus  grandes  profondeurs,'' 
le  peu  de  fubftances  combuftibles  qui  fe  formoienc 
à  fa  furface.  Les  eaux  n'onr  pu  fe  fixer  enfin  qu'a- 
près que  les  corps  organifés  eurent  divifé  la  terre 
élémentaire,  &c  formé  aflez  d'argille  pour  empê- 
cher l'épanchement  de  l'élément  aqueux. 

Nous  verrons  que  l'argille  eft  produite  par  du 
gypfe  roulé  &  décompofe  pa*-  les  eaux,  &c  que  le 
gypfe  lui-même  eft  produit  par  la  pulvérifation 
des  coquilles  ,  &  combiné  avec  de  l'acide  virrioli- 
que.  Quelle  fuite  de  fiecles  n'a-t-il  donc  pas  fallu 
pour  produire  tous  ces  grands  changements  ! 

La  croûte  de  terre  que  nous  cultivons ,  eft  par- 
tout compofée  de  débris  de  végétaux^:  d'aaimaux. 
Elle  a  été  altétée  &  remaniée  tant  de  fois  par  les 
eaux  &  par  les  corps  organifés ,  que  k  terre  pri- 
mitive élémentaire ,  qui  en  fait  le  fond ,  eft  à  peine 
reconnoifTable.  Les  animaux  qui  périment  à  la 
partie  feche  du  globe ,  s'y  décomposent  &  fervent 
a  des  générations  futures  du  même  ordre.  Si  nous 
confidérons  les  opérations  qui  fe  paûTent  dans  la 
mer ,  elles  ne  font  pas  moins  belles.  Ce  lac  im^ 
menfe  eft  peuplé  d'une  quantité  étonnante  de 
poiflons  de  toute  efpece.  Les  uns  comme  les  tef- 
tacées,  les  polypiers,  &c.  changent  la  terre  du  vé- 
gétal dont  ils  fe  nourriftent,  en  terre  calcaire.  On 
retrouve  par-tout  dans  l'intérieur  des  terres  les 
coquilles  de  ces  poilForis  j  elles  att-eftenï  que  ces 
endroits  ont  été  autrefais  des  fonds  de  mers.  Ce 
n'eft  pas  ici  le  lieu  de  nous  étendre  davantage  fur 
cette  matière  ,  cela  nous  obligeroit  d'entrer  dans 
de  grands  détails  qui  nous  éloigneroient  de  notre 
objet  y  mais  on  les  trouvera  aux  articles  qui  leu£ 
conviennent,  &  principalement  au  commence-^ 
ment  du  travail  des  mines.  Ce  que  nous  allons 
examiner  maintenant  eft  k  matière  combuftibla 


ET       RAISONNÉ  1.  11^ 

que  ies  corps  organifés  on  formée.  Cette  fub- 
ftance ,  qiioiqu'eirentiellement  de  même  efpece 
ôc  de  même  nature  ,  peut  néanmoins  être  cond- 
dérée  fous  deux  états  différents  :  i°.  dans  l'état 
huileux  :  2°.  dans  l'état  de  iîccité  parfaite.  Nous 
reconnoîtrons  les  propriétés  de  cette  même  fub- 
ftance  inflammable  dans  les  différents  corps  ou 
elle  fe  trouve ,  a  mefure  que  les  occafions  fe  pré- 
fenteront. 

Sur  la  matière  comhujlibh  dans  l'état  huileux* 

Ce  que  l'on  nomme  matière  comhujlihle  ou  ali- 
ment du  feu  j  eft  cette  fubftance  inflammable  qui 
fe  dégage  des  corps  organifés  lorfqu'on  les  fait 
brûler,  &■  qui  répand  de  la  flamme  &  de  la  lu- 
,  miere.  Ce  feu,  mis  en  aétion ,  produit  fur  les  fub«» 
ftances  qu'il  touche ,  les  mêmes  effets  que  les 
rayons  du  foleil  raffemblés  ,  ou  les  frottements 
des  corps  durs  :  il  les  échauffe  ,  les  brûle  ,  les  dé- 
compofe&:  fépare  leurs  principes  conftituants. 

Les  corps  organifés  ont  tellement  pénétré  tous 
les  corps  de  la  Nature  ,  qu'il  n'y  en  a  aucun  qui 
ne  contienne  plus  ou  moins  de  principe  inflam- 
mable ,  mais  dans  des  proportions  &:  dans  des  états 
bien  difl^érents.  Les  végétaux  &:  les  animaux  le 
contiennent  en  plus  grande  quantité  qu'aucun 
autre  corps  \  Se  ce  principe  chez  eux  eft  dans  l'état 
huileux.  On  les  nomme  pour  cette  raifon  ,  cvrps 
combujiibles  ou  aliment  du  feu  ^  parcequ'ils  fer- 
vent à  fon  entretien,  &  qu'ils  font  les  feuls  qui 
y  foient  propres.  Les  matières  vraiment  terreufes, 
comme  les  cailloux  ,  Sec.  ne  contiennent  pas  une 
alfez  grande  quantité  de  feu  combiné  pour  fervir 
d'aliment  au  feu,  &c  celui  qu'elles  ont  vient  des 
corps  organifés  dont  elles  ou:  été  pénétrées  pen- 


ti(j  Chymie  expérimentale 
dznt  leur  féjaur  dans  la  terre  :  le  principe  inflam- 
mable que  ces  matières  contiennent,  a  fubi  une 
fi  grande  altération  par  le  laps  de  temps,  qu'il 
n'ell:  plus  dans  l'état  huileux.  Ces  corps  ne  font 
point  combuftibles  par  eux-mêmes,  &  ne  peu- 
vent s'embrafer  qu'à  l'aide  des  matières  que  nous 
avons  nommées  combuftibles.  Ils  ne  peuvent  s'é- 
chauffer aflez  par  un  frottement  rapide  ,  pour  ac- 
quérir une  chaleur  capable  de  mettre  le  teu  à  des 
corps  combuftibles.  Il  n'en  eft  pas  de  même  des 
métaux  \  quoiqu'ils  ne  foient  pas  des  corps  com- 
buftibles par  eux-mêmes ,  ils  contiennent  aiTez 
de  principe  inflammable  (  non  pas  cependant  dans 
l'état  huileux  )  pour  que  ceux  qui  ont  afl^ez  de 
dureté  pour  réfifter  à  un  frottement  rapide,  puif- 
fent  s'échauffer  ,  rougir  même ,  &  mettre  le  fed 
à  des  corps  combuftibles.  Mais ,  comme  leur  prin- 
cipe inflammable  eft  combiné  avec  une  très  grande 
quantité  de  terre  ,  il  ne  peut  continuer  de  refter 
dans  cet  état  d'inflammation  j  ils  fe  refroidiffent 
aufli-tôt  qu'on  cefle  de  les  frotter.  Lorfqu'on  fait 
éprouver  aux  corps  combuftibles  un  femblable 
frottement,  ils  s'enflamment  de  même  ,  &  con- 
tinuent de  brûler,  lorfque  rien  d'étranger  nes'op- 
pofe  à  leur  combuftion,  parcequ'ils  font  pourvus 
de  beaucoup  de  matière  inflammable  ,  &  qu'ils 
peuvent  brûler  fans  des  fecours  étrangers.  Voilà 
donc  en  quoi  différent  les  corps  vraiment  com- 
buftibles d'avec  ceux  qui  ne  le  font  pas ,  quoique 
contenant  beaucoup  de  matière  inflammable.  Les 
corps  combuftibles  renferment  beaucoup  de  feu 
combiné  &  peu  de  terre  :  les  autres  au  contraire 
contiennent  beaucoup  de  terre  &:  peu  de  feu  com- 
biné. 

Il  eft  bien  difficile  de  découvrir  comment  le  feu 
élémentaire  fe  fixe  dans  les  corps  organifcs,  &: 


ET      RAISONNÉ  î.  117 

comment,  en  devenant  un  de  leurs  principes ,  il 
perd  routes  les  propriétés  que  nous  lui  avons  re- 
connues, au  poiiirde  ne  pouvoir  fe  manifciter  que 
par  le  contaA  d'un  corps  actuellement  dans  le 
mouvement  igné.  Boerhaave  demande  û  ce  feu 
fe  combine  d'abord  avec  la  terre  ,  ou  s'il  fe  com- 
bine en  mcme  temps  avec  la  terre  &:  l'eau,  pour 
former  la  matière  huileufe.  Nous  dirons  notre 
lentimentfurces  différences  queftions  ,  après  que 
nous  aurons  Hni  d'cxpofer  la  théorie  des  meilleurs 
Phyficiens  fur  le  feu  combiné. 

Pendant  la  combuftion  des  fubftances  combuf- 
tibles ,  le  feu  fe  réduit  en  feu  élémentaire ,  &  fe 
(lilîîpe  à  mefure.  Boerhaave  n'efi:  cependant  pas 
de  ce  fentiment  :  il  dit  que  fî  celactoit,  la  quan- 
tité de  teu  élémentaire  devioit  augmenter  à  l'm- 
fîni  dans  la  Nature  j  c'eft  ce  que  l'on  ne  remarque 
pas.  Les  obfervations  les  plus  exactes  indiquent 
au  contraire  qu'il  n'y  a  jamais  que  la  même  dofe 
de  ce  feu  élémentaire ,  quoique  journellement  on 
falfe  briller  une  grande  quantité  de  matière  com- 
bullible.  Mais  il  efl:  facile  de  répondre  à  cette 
objection  ,  endifant,  comme  on  eft  en  droit  de 
le  préfumer  ,  que  le  feu  élémentaire ,  dégagé  des 
corps ,  fe  combine  à  mefure  avec  d'autres  fiib- 
ftances ,  &  qu'il  perd  toutes  fes  propriétés  de  leu 
libre  ,  en  devenant  principe  conitituant  des  corps 
dans  la  compolicion  defquels  il  entre  :  ce  fenti- 
ment eft  celui  de  Scaahlj  mais  il  y  a  fur  cet  objet, 
comme  nous  le  verrons  encore ,  beaucoup  de 
chofes  à  defirer  ,  &  peut-être  même  nous  fera-t- 
il  toujours  'mpoflible  d'avoir  des  connoilfances 
jiettes  fur  cette  matière. 

Boerhaave  a  examiné  les  différentes  fubftances 
qu'on  retire  pendant  l'analyfe  des  corps  organifés, 
&:  il  a  ûbfervé  qu'il  n'y  a  que  h  matière  huileufe. 


tlS  ChYMIE    EXPÉRIMmTAtB 

dans  quelque  étac  qu'elle  foit ,  qui  puifle  être  Vc-'^ 
ricablement  l'aliment  du  feu.  Les  autres  éléments, 
comme  l'eau,  la  terre  de  le  fel,  n'étailt  point  com-» 
buftibles  ,  font,  dit-il,  plus  propres  à  éteindre 
le  feu  qu'a  lui  fervir  d'aliment.  Tout  ceci  fe  trouvô 
démontré  par  une  infinité  d'expériences.  Boer- 
haave  remarque  encore  que  ces  lubftances  ,  quoi- 
qu'incombuftibles ,  fervent  néanmoins  à  aug- 
menter l'a^bivité  de  lacombuftion  des  corps  in- 
flam.mables ,  lorfqu'elles  s'y  trouvent  dans  des 
proportions  convenables.  Il  donne  le  nom  d'al- 
kool  à  ce  principe  inflammable ,  lorfqu'il  eft  dans 
fon  plus  grand  degré  de  pureté  ,  c'eft-à-dire,  lors- 
qu'il peut  brider  lans  répandre  ni  fuie  ni  fumée» 
Il  reconnoît  aulîl  l'identité  de  ce  principe  dans 
tous  les  végétaux  &  les  animaux.  Le  principe  dont 
nous  entendons  parler  ici ,  eft  celui  que  Staahl  a 
nomvciiphlogljîiquc  i  &c  dont  nous  parlerons  dans 
un  inftant. 

Voici  une  expérience  que  Boerhaave  a  faite  à 
ce  fujet  :  il  a  reçu  dans  une  cloche  de  verre  ce  que 
laiiïe  diiîîper  l'efprit  de  vin  enflammé  ,  ôc  il  n'a 
remarqué  ni  fuie  ni  fumée  Les  vapeurs  qui  fe 
font  condenfées  étoient  de  l'eau  :  la  matière  in- 
flammable s'eft  détruite  Si.  diiripée  :  il  n'a  pas  pu 
la  retenir  à  part  (i).  Les  autres  corps ,  fuivant  fon 
obfervation  ,  ne  font  inflammables  qu'à  raifon 
d'un  principe  de  même  efpece  qu'ils  contiennent; 
&  ,  lorfque  ,  par  la  combuftion  ,  l'on  a  féparé  ce 
principe  d'un  corps ,  ce  qui  refte  de  ce  corps  n'efl: 
pas  inflammable.  Boerhaave  fe  fait  une  queftion 
d  lui-même  (z),  6c  demande  fi,   dans  le  cas  où 


(  1  )  Traite  du  Feu ,  troifîcme  vol.  pages  77  &  78  de  la 
Traduction  françoife. 
(i)  /^/(/.  page  1 10. 

cette 


ET       RAISONNE  E.  llC) 

cette  matière  feroit  féparce  de  toute  fubftance 
étrangère  ,  elle  bruleroit  tranquillement  &  luc- 
ceflïvement ,  comme  cela  lui  arrive  lorrqu'elle  eft 
mêlée  avec  de  l'eau ,  ainfi  qu'elle  l'eft  dans  refpric 
de  vin ,  ou  C\  elle  feroit  confumée ,  comme  la  fou- 
dre, en  un  inftant.  Sans  décider  la  queftion  ,  il 
conclut  que  cette  matière  ,  de  quelques  corps 
qu'on  la  retire  ,  feroit  très  pure  ,  iunple  ,  parfai- 
tement combuftible  ,  &  donneroit  une  fiamme 
très  pure ,  fans  répandre  ni  fuie  ni  fumée.  De  la. 
il  conjecture  (i)  que  ce  principe  ejl  un  compofe  de 
feu  &  d'une  matière  très  fubtilc  qui  lui  cft  intime^ 
ment  jointe  y  8c  que  rien  ,  dans  la  Pliyfique,  n'eft 
peut-ctre  fi  difficile  à  connoître  que  cette  partie 
purement  inflammable  des  corps  combullibles  > 
qui  fert  d'aliment  au  feu  j  d'autant  plus  que  > 
lorfque  cette  matière  brûle ,  elle  fe  détruit  &  de- 
vient d'une  fi  grande  fublimité ,  qu'elle  ne  tombe 
plus  fous  nos  fens  [ij.  11  ajoute  que  ,  jufqu'à  pré- 
fent  ,  on  ne  nous  a  rien  flùt  connoître  de  faris- 
failant  fur  les  changements  que  cette  matière 
éprouve  pendant  fa  combuftion. 

Tel  ell:  le  fentiment  de  Boerhaave  fur  le  feu 
combiné  ;  celui  de  Staahl  n'en  diffère  point. 
Boerhaave  a  confidéré  le  teu  en  grand  Phylicien  , 
.&  Staahl  en  grand  Cliymifte  :  l'un  &;  l'autre  font 
d'accord  fur  les  propriétés  générales  Se  fonda- 
mentales de  la  fubftance  que  Boerhaave  nomme 
alkool  y  Se  Staahl  phlogiflique.  Staahl  s'eft  appli- 
qué à  reconnoître  Se  à  démontrer  l'exiftence  de 
ce  principe  dans  les  corps  des  trois  règnes  j  cc  il  l'a 
fait  d'une  manière  fatistaifante.  11  n'a  rien  néglige 
non  plus  pour  découvrir  le  plus  grand  nombre 

(  1  )  Page  84  &  fuivantes  ,  troilîeme  volume, 
(i)  Page  78  ,  ibid. 

Tome  I, ,  J 


i^ô        Chymie  expérimentale 

des  proprl.^tés  de  cetce  fiibftance  }  mais  il  paroiÊ 
que  Boerhaave  avoir  des  vues  plus  exaâ:es  &  plus 
générales  ,  puifqu'après  avoiu  reconnu  l'exidcnce 
de  ce  prnicipe  dans  les  corps  des  crois  règnes  , 
comme  l'a  fair  Scaahl ,  il  a  porté  {es  vues  &  fes 
recherches  fur  la  nature  &  la  compofition  de  ce 
même  principe  dans  les  fubftances  qui  le  for- 
ment ,  à  l'exclufîon  de  toute  autre ,  &  qui  en  font 
le  plus  abondamment  pourvues. 

J'ai  déjà  commencé  à  donner,  en  tête  de  cet 
article  ,  mon  fentiment  fur  cette  matière  j  je 
placerai  ici  ce  qui  refte  à  dire  fur  cet  objet. 

1°.  Je  regarde  la  végétation  comme  un  des 
grands  moyens ,  &  peut-être  le  feul ,  que  la  Na- 
ture emploie  pour  combiner  avec  les  autres  élé- 
ments la  plus  grande  partie  du  feu  qui  nous  vient 
du  foleil. 

2°.  Les  végétaux  &  les  animaux  font  les  feuls 
corps  vraiment  combuftibles ,  comme  nous  l'a- 
vons fait  remarquer.  Je  penfe  même  que  les  corps 
organifés  font  les  feuls  inftruments  dont  fe  fert  ' 
la  Nature  pour  former  tout  le  principe  inflam- 
mable qui  exille,  tant  dans  l'intérieur  qu'à  la 
furface  de  la  terre.  Ce  font  les  corps  organifés 
qui  fourniffent  ce  principe  aux  corps  du  règne 
minéral  j  Se  c'eft  d'eux  que  les  matières  minérales 
ôc  miCtalliques  tiennent  tout  ce  qu'elles  ont  de 
combuftible. 

3".  La  végétation  ne  fe  fait  qu'à  la  faveur  de 
la  chaleur  ,  de  l'humidité  &  du  concours  de  l'air. 
Les  plantes  mêmes  qui  viennent  fous  la  glace ,  ne 
peuvent  être  citées  pour  combattre  notre  fenti- 
ment. Il  règne  toujours  de  la  chaleur  fous  la 
glace  ,  quelque  froide  qu'on  la  fuppofe  j  &  il  y 
a  des  végétaux  auxquels  il  faut  peu  de  chaleur 
pour  leur  accroiiTement.  11  eft  d'oljfervation  con- 


i  T      kAtSONNÉE*  ÎJÎ 

fiante  que  la  végétation  eù.  comme  fupprimée  en 
hiver ,  en  compaiailon  de  fon  abondance  en  été , 
ou  lorfqu'il  legne  dans  l'air  une  chaleur  douce  &: 
modérée.  Il  en  ell  de  mcme  de  l'eau  :  li  l'on  prive 
les  végétaux  de  cet  élément,  ils  ne  tardent  pas  à 
périr.  L'air  joue  le  même  rôle  :  les  végétaux  pé- 
riflent  en  tort  peu  de  temps ,  lorfqu'ils  en  font 
entièrement  privés ,  comme  le  démontre  l'expé- 
rience de  la  machine  pneinnatique.  Le  principe 
terreux  eft  également  nccelFaire,  foit  celui  qui 
eft  en  diflolution  dans  l'eau,  ou  celui  que  les  vé- 
gétaux rirent  immédiatement  de  la  terre. 

Si  l'on  rcBéchit  piéfentement  à  ce  que  nous 
venons  d'expofer ,  &  à  ce  que  nous  avons  dit  fur 
les  propriétés  des  éléments  lorfqu'ils  font  purs  , 
on  concevra  fans  difficulté  ,  que  la  végétation  fe 
fait  nécelfairement  par  le  concours  des  quatre 
éléments  qui  viennent  fe  réunir  en  même  temps , 
&  prennent  entre  eux  les  arrangements  qui  leur 
font  propres  pour  former  le  végétal.  Il  eft  difficile 
de  concevoir  les  chofes  autrement  j  car  li  les  élé- 
ments ne  fe  réuniffoient  pas  tous  en  mê.'iie  temps , 
ôc  dans  les  proportions  convenables  ,  on  trou- 
veroit  des  portions  de  végétal ,  dans  lefquelles 
quelques-uns  des  éléments  ne  feroient  pas  encore 
entrés  j  c'eft  ce  que  l'on  n'a  point  encore  obfervé. 
Qu'on  examine  quelque  portion  de  végétal  que 
ce  foit  j  dans  quelque  état  de  maturité  qu'on  le 
prenne,  on  le  trouve  conftamment  pourvu  de 
toutes  fes  propriétés  de  végétal ,  &c  contenant 
toujours  les  quatre  éléments. 

Je  fens  bien  qu'on  me  demandera  comment  fe 
fait  cette  combinaifon  \  dans  quelle  proportion 
les  éléments  entrent  dans  le  végétal  \  comment 
le  feu ,  en  fe  combinant  ainfi  ,  perd  (es  proprié' 


•l^l  ChYMÎE    EXPERIMENTALE 

tés  de  feu  pur  j  3c  comment  l'air  perd  fon  élaftî-' 
ciré,  &c. 

Ces  queftions  ne  font  pas  faciles  à  rélbudre  j 
j'en  conviens  :  il  eft  difficile  de  les  expliquer,  fans 
avoir  recours  au  mouvement  qui  eft  une  des  pro- 
priétés inhérentes  à  la  matière  :  ce  mouvement 
eft  d'autant  plus  adif ,  que  la  matière  eft  elle- 
même  dans  un  plus  grand  état  de  divifion.  Les 
molécules  intégrantes  des  éléments  font,  plus  que 
toutes  celles  des  autres  fubftances ,  dans  cet  état 
favorable  à  la  combinaifon.  Les  éléments  ont 
même  une  telle  difpolition  à  s'unir  les  uns  avec 
les  autres ,  qu'il  eft  impoflible  de  les  avoir  dans  ce 
degré  de  pureté  où  nous  les  avons  fuppofés,  lorf- 
que  nous  les  avons  examinés. 

A  l'égard  des  proportions  dans  lefquelles  les 
éléments  fe  trouvent  réunis  ,  il  eft  très  facile  de 
les  reconnoître  par  des  analyfes  exaéies  :  nous 
parlerons  de  ces  moyens  par  la  fuite. 

Mais  comment  cette  combinaifon  fe  fait-elle  ? 
Cette  quertion  n'eft  pas  facile  à  réfoudre  :  néan- 
moins je  vais  tâcher  d'y  répondre. 

Nous  avons  dit  que  les  combinaifons  fe  fai- 
foient,  en  général,  entre  les  molécules  intégrantes 
des  corps ,  &  non  entre  les  corps  coniîdérés  dans 
leur  état  d'agrégation  j  nous  avons  dit  encore 
que  les  combinaifons  étoient  d'autant  plus  fortes 
ëc  plus  intimes  ,  que  les  molécules  compofantes 
ctoient  elles-mêmes  plus  fimples  &  plus  déliées. 
11  eft  difficile  de  concevoir  autrement  les  molé- 
cules des  éléments  primitifs ,  puifqu'elles  fur- 
pafTent  en  finelfe  les  molécules  des  corps  com- 
pofés. 

Les  molécules  des  éléments  ,  lorfqu'elles  font 
ifolées  &c  décachées  le§  unes  des  autres ,  ont  né- 


ET      TLATSOtfmi.  15  J 

tefTairement  des  propriétés  différentes  des  élé- 
ments eux-mcmes  réunis  en  mafTe  d'agrégés, 
c'eft-à-dire  qu'une  molécule  d'air  ifolée  n'eft  poin  c 
élaftique  ;  up^e  molécule  de  feu  ifolée  n'a  plus 
d'aélion  fur  les  corps ,  &:  elle  eft  fans  chaleur  ^ 
une  molécule  d'eau  ifolée  eft  de  la  plus  grande 
folidité^  3c  entîn.  une  molécule  de  terre  ifolée 
eft  également  très  folide  &  impénétrable.  Nous 
avons  des  exemples  fenfibles  de  ce5  etfers  dans 
les  grandes  chaleurs  de  l'été.  Le  feu  qui  nous, 
vient  du  foleil ,  échautfe  l'air  ,  &c  écarte  les  mo- 
lécules intégrantes  de  cet  élément  les  unes  des  au- 
tres :  l'air  perd  alors  Con  rellort  Se  Ion  élafticité  ;, 
on  ne  le  r^ifpire  cju'avec  difficulté.  On  doit  ,  je 
penfe ,  attribuer  cet  effet  autant  à  l'air  dilaté,, 
comme  s'il  étoit  raréfié  par  la  machine  pneuma- 
tique ,  qu'à  ce  que  les  molécules  d'air  font  inter- 
pofées  entre  des  parties  d'eau  Se  des  parties  de 
&U.  L'air,  en  été  ,  eft  communément  plus  charge 
de  feu  &  d'eau  :  ces  deux  éléments  s'interpolent, 
entre  les  molécules  de  l'air,  8c  peuvent,  en  les 
ifolant,  diminuer  fon- élafticité.  L'air,  l'eau  & 
le  feu  ,  dans  ces  circonil:ances ,  font  mclés  en 
quelqae  façon  &:  dilfous  l'un  par  l'autre.  Il  eft  a. 
préfumet'  que  c'eft  dans  cet  état ,  que  les  éléments 
font  les  plus  propies  à  la  végétation. 

Ce  que  nous  difons  de  l'air  qui  perd  tout  {oix 
reffort  par  l'interpofîtion  des  autres  éléments  ^ 
doit  s'entendre  également  du  feu  :  cet  élément 
aélif  produit  fur  nous  des  fenfations  de  chaleur, 
tant  que  fes  parties  font  réunies  dans  une  certain^ 
proportion  ^  mais  lorfqu'elles  font  fuififammenr 
ifolées  les  unes  des  autres  ,  elles  perdent  la  pro-i 
priété  de  produire  cette  fenfation. 

Dans  cette  hypothefe ,  il  eft  facile  de  con^- 
cevctir  quQ  lorfque  les  molécules  des  éléments Xq,- 


134  Chymie  expérimentale 
combinent  entve  elles ,  ces  molécules  font  né-» 
cefTairement  ifolces  les  unes  à  l'égard  des  autres  j 
elles  adhèrent  entre  elles  en  vertu  des  loix  de 
rattrattion  :  fans  ces  circonftances  ,  il  n'y  auroit 
point  de  combinaifon  j  ce  feroit  un  mélange 
eroflier  ;  de  les  éléments  conferveroient  toutes 
leurs  propriétés.  Si  l'on  conçoit  bien  cette  mter- 
pofition  des  molécules  ,  on  comprendra  facile- 
ment pourquoi  le  feu  perd  fes  propriétés  de  feu , 
l'air  (es  propriétés  élaftiques ,  &c  de  même  pour- 
quoi les  autres  éléments  perdent  leurs  propriétés 
particulières.  Dans  cette  hypothefe  ,  dis-je,  il  eft 
facile  de  concevoir  comment  les  éléments  perdent 
réciproquement  leurs  propriétés ,  en  entrant  dans 
les  corps  organifés ,  pour  en  acquérir  de  nou- 
velles ,  fuivant  les  loix  de  la  combinaifon.  Les 
nouvelles  propriétés  du  corps  compofé  font  rela- 
tives à  l'arrangement  que  les  molécules  inté- 
grantes des  éléments  ont  pris  entre  elles ,  arran- 
gement qui  varie  à  l'infini. 

Quelque  vraifemblable  que  puilïe  paroître  ce 
fyftéme,  il  n'eft  cependant  pas  à  l'abri  de  toute  ob- 
jedion . II  n'explique  point, par  exemple,comment 
les  éléments, en  s'ifolantmutuellement,  donnent  à 
leurs  molécules  un  arrangement  propre  pour  for- 
mer un  végétal.  11  eft  à  préfumer  qu'on  ne  pourra 
jamais  réfoudre  cette  queftion  ,  parcequ'elle  eft 
de  la  nature  de  celles  où  il  s'agiroit  de  rendre 
compte  de  la  manière  dont  les  végétaux  combl- 
aient &  élaborent  les  éléments,  pour  former  une 
gomme  ou  une  réfine.  Toutes  ces  chofes  tien- 
nent à  la  nature  dç  à  la  conftitution  des  corps 
organifés  ,  au  mouvement  de  végétation  dont  ils 
font  doués,  Se  à  bien  d'autres  caufes  également 
difficiles  à  expliquer  ,  &  fur  lefquelles  la  Nature 
a  tiré  un  voile  impénétrable.  Au  refte,  ces  quef- 


ET      RAISONNÉ  E.  I55 

rions  font  étrangères  à  celles  que  nous  avons  agi- 
tées :  il  n'en  paroît  pas  moins  vrai  que  les  élé- 
ments, dans  les  corps  organifés ,  font  ifolés  ,  & 
que  c'eft  par  cet  arrangement  qu'ils  perdent  rcci- 
provquement  les  propriétés  qu'ils  ont ,  lorfqu  ils 
font  en  malfe  d'ac;régés  ;  c'elt  tout  ce  que  je  m'é-- 
rois  propofé  de  prouver. 

Lorsqu'on  décompofe  les  fubftances  végétales^ 
on  en  lépare  une  quantité  étonnante  d'air ,  quan- 
tité qui  varie  fuivant  l'efpece  de  végétal ,  comme 
Ta  remarqué  M.  Haies  dans  fa  Statique  des  Vé- 
gétaux. Cette  quaiuité  d'au' ,  dans  le  bois  de, 
chêne  bien  fec  ,  eft  environ  de  huit  cents  fois  le 
volume  du  bois  employé  :  fi  les  molécules  d'air 
ifolées  étoient  élaftiques  ,  il  leroit  inconcevable 
que  cette  quantité  immenfe  d'air  eût  pu  entrer 
dans  le  végétal ,  &  en  faire  partie. 

Il  en  eft  de  même  du  teu  :  ii  les  molécules  ifo- 
lées de  cet  élément  avoient  la  même  adion  qu'une 
malfe  de  feu  ,  6c  qu'elles  produifilîent  de  la  cha- 
leur ,  il  n'y  a  point  de  doute  qu'elles  détruiroient 
le  végétal ,  au  lieu  de  devenir  un  de  its,  principes 
conftituants.  0\\  n'a  point  encore  déterminé  le 
poids  du  feu  dans  les  végétaux  ,  comrr.e  l'a  fait 
M.  Haies  à  l'égard  de  l'air.  Les  expériences  qu'il 
conviendroit  de  faire ,  font  cependant  très  fa- 
ciles :  nous  en  parlerons  dans  l'article  du  phlo- 
giftique. 

L'eau  fait,  pour  l'ordinaire,  environ. moitié 
du  poids  du  végét-al ,  même  le  plus  fec.  Je  n'en-- 
tends  point  parler  de  l'eau  de  végétation  qu'oa 
remarque  dans  un  végétal  récent,  &  qu'on  peut- 
réparer  par  la  feule  expreflion ,  ou  par  la  dellicca- 
tion  \  cette  eau  ne  fait  point  partie  de  la  fubftance- 
du  végétal ,  puifqu'elle  peut  en  être  fcparée ,  fans, 
c^u'il  perde  fes  autres  propriétés  :  j'entends  panle;^ 

liy 


i5<?  Chymie  expérimentale 
de  l'eau  qui  fait  partie  du  végétal ,  ou  lui  fert  de 
principe  confticuant ,  &  qu'on  n'en  peut  féparer, 
fans  détruire  le  vérjétal.  Si  les  molécules  ifolées 
de  cette  eau,  principe  du  végétal ,  étoient  liqui- 
des, le  vé-^étal  n'auroit  ni  la  fermeté  ni  la  con- 
fi  (lance  qu'on  lui  connoît.  On  n'a  pas  encore  dé- 
terminé la  quantité  d'eau  qui  entre  dans  la  com- 
poiîtion  des  végétaux.  Il  y  a  lieu  de  prélumer 
qu'on  y  obferveroit  la  même  différence  que  dans 
les  autres  éléments.  Il  réfulteroit  de  pareilles  re- 
cherches, des  connoilfances  utiles  fur  la  nature  &' 
la  folidité  des  bois  pour  la  conftru£tion  des  bâti- 
ments. Il  en  eft  de  même  de  la  terre  qui  fait  par- 
tie du  végétal.  Les  expériences  propres  à  déter- 
miner la  quantité  de  terre  qui  entre  dans  la  com- 
pofition  des  végétaux  ,  manquent  abfolument. 

Le  végétal ,  comme  corps  organifé  ,  élabore 
les  éléments ,  pour  former  différentes  combinai- 
Ions  qui  varient  à  l'infini  ,  fuivant  la  nature  de 
chaque  efpece  de  végétal.  Les  végétaux  combi- 
nent les  éléments  par  leurs  racines ,  par  leurs  ti- 
ges ,  par  leurs  feuilles ,  &:c.  La  partie  du  végétal 
qui  eft  hors  de  terre ,  refpire  l'air  qui  eft  prefque 
toujours  chargé  des  autres  éléments  ,  comme 
dious  l'avons  dit  précédemment  j  ainiî  les  végé- 
taux prennent  de  la  nourriture  de  l'air  comme  de 
la  terre  :  tel  eft  le  méchanifme  général  fous  le- 
quel je  conçois  la  végétation. 

Les  animaux  combinent  directement ,  par  la 
voie  de  la  refpiration  ,  une  certaine  quantité  d'air 
ôc  une  certaine  quantité  des  éléments  répandus 
dans  l'air  j  mais  ceci  n'eft  pas  ,  à  beaucoup  près  , 
fuffifant  pour  leur  fubfiftance  :  ils  font  obligés 
d'avoir  recours  aux  végétaux  pour  fe  nourrir.  Le 
végétal ,  en  paffant  dans  le  corps  animal ,  change 
de  forme  ôc  de  nature  en  s'^ftlmilant  au  cor|>s  ani- 


ET       RAISONNÉ  E.  î  ^f 

mal.Lamatiere  y  acquiert  de  nouvelles  piopriétés 
chymiques  ,  fuivantlamanieie  dont  elle  fe  com- 
bine ,  ôc  rarrangement  qu'elle  prend  :  c'eft  ce  que 
nous  ferons  remarquer  lorfquenous  examinerons 
les  différentes  fublîances  animales ,  telles  que  la 
graiffe,  le  fang  ,  6cc.  La  matière  animale  appart- 
tient  donc  effentiellement  au  règne  vécictal  :  elle 
en  conferve  aulîi  beaucoup  de  proprictcs  chymi- 
ques, (S:  fmguliérement  la  combuftibilité  :  aulîî 
elle  fait  partie  des  corps  que  nous  avons  nommes 
comhujlihlcs  j  parcequ'il  entre  dans  fa  compoli- 
tion,  ainlique  dans  celle  des  végétaux,  beaucoup 
de  feu  combiné.  Les  os  contiennent  moins  de 
matière  combuftible  ,  &;  beaucoup  plus  de  terre: 
aulîi  ne  font-ils  pas  combufnbles  par  eux-mêmes. 

Les  tellacées  font  dans  le  même  cas  que  les 
matières  olfeufes  des  autres  anmiaux  :  ils  contien- 
nent beaucoup  de  matière  terreufe  ,  &:  peu  de 
fubftance  combuftible  dans  l'état  huileux.  Cette 
dernière  fubftance  eft  tellement  défendue  de  l'ac- 
tion du  feu  par  1j  terre ,  qu'on  croiroit  ne  devoir 
point  la  mettre  au  rang  des  matières  combuftibles, 
parceque,  dans  cet  état ,  elle  ne  peut  brûler  par 
elle-même  j  il  lui  faut  le  fecours  d'autres  matières 
combuftibles  dans  l'état  d'ic^nition  :  mais  ceci  ne 
contredit  aucunement  ce  que  nous  avons  avance 
fur  la  nature  des  corps  organifés.  En  effet ,  fi  l'on 
fépare  ,  par  le  moyen  d'un  acide  ,  la  matière  ter- 
reufe de  ces  coquilles ,  on  retrouve  la  matière 
animale  qui  étoit  diftribuée  parmi  la  terre ,  ôc  qui 
colloit  les  molécules  terreufes  entre  elles.  Cette 
fubftance  eft  alors  combuftible  par  elle-même  , 
&  peut  fervir  d'aliment  au  feu ,  comme  toutes  les 
autres  matières  végétales  &  animales. 

Nous  allons  fuivrefexamen  des  propriétés  de  la 
matière  combuftible  dans  fes  différents  étatSide» 


tjS        Chymie  expérimentale 

fuis  rinftant  où  elle  commence  à  éprouver  de 
alcérarion  ,  jufqu'à  celui  où  elle  eft  complette- 
menr  détruite. 

Madères  combujlihles  exyofces  au  feu  avec  le 
concours  de  l'air. 

Lorfqa  on  fait  brûler  à  l'air  libre  des  matières 

combuftibles,  elles  produifent  de  la  flamme  &  de 
la  famée ,  &  il  refte  la  matière  terreufe.  La  flamme 
eft  produite  par  la  matière  huileufe  j  mais  elle  eft: 
agrandie  considérablement  par  l'air  &  par  l'eau 
qui  fe  dégagent  des  corps  pendant  leur  combuf- 
tion.  L'air  fe  dilate  ,  l'eau  fe  réduit  en  vapeurs  j  Sc 
ces  deux  éléments  font  l'effet  d'un  fouftlet.  Néan- 
moins toute  la  matière  combuftiblene  brûle  pas  j 
«ne  partie  échappe  à  la  combufl:ion,  &  s'élève  eu 
vapeius  :  c'efl:  elle  qui  produit  la  fumée  &:  la  fuie  : 
elle  fe  condenfe  facilement  fur  les  corps  froids; 
qu'elle  rencontre,  &  s'y  attache  ,  comme  cela  ar- 
rive dans  les  cheminées.  Cette  matière ,  qui  s'eft; 
ainfl  élevée  pendant  la  combuftion ,  eft:  elle-mê- 
me capable  de  brûler  de  nouveau  ,  &  de  produire 
tous  les  efl^ets  de  la  matière  combuft:ible  qui  n'a 
pas  encore  éprouvé  l'aélion  du  feu  y  &  cela  à  plu- 
fleurs  reprifes ,  jufqu'à  ce  que  tout  ce  qu'il  y  a  de 
combufl:ible  foit  totalement  brûlé. 

La  combuftion  des  corps  ne  peut  fe  faire  que 
par  le  concours  de  l'air.  Plufieurs  habiles  Physi- 
ciens penfent  que  fa  pefanteur  &  fon  élafticité 
font  les  feules  caufes  qui  le  rendent  propre  à  en-» 
tretenir  la  combuftion  des  corps.  Au  moyen  de- 
ces  propriétés  ,  il  réunit  &  raffemble  le  feu  en  ac- 
tion ,  &  l'applique  immédiatement  fur  les  matiè- 
res combuftibles  qui  reftent  à  brûler.  Mais  cette 
théorie  n'explique  pas  le  phénomène  qui  fe  poilQ 
dans  l'expérience  fuivante. 


ET      RAISONNES.  I59 

Madères  comhujlïbles  expofées  au  feu  fans  air. 

L'air  eft  le  véhicule  de  la  combuftion  ,  comme 
nous  venons  de  le  dire.  Sans  lui,  aucun  corps 
combuftible  ne  peur  brûler  :  il  s'éteint  même  , 
quoique  bien  enflamme,  lorfqu'on  lui  ôte  toute 
communication  avec  l'air  extérieur.  Le  charbon 
bien  allumé  qu'on  enferme  dans  un  étouffoir  pour 
l'éteindre  ,  eft  un  exemple  qui  prouve  cette  pro- 
pofition. 

Expérience 

Qui  prouve  que  la  madère  combujlihle  ne  peut 
brûler  fans  le  concours  de  l'air. 

On  met  des  charbons  noirs  dans  une  boîte  de 
fer  ou  de  terre ,  qu'on  ferme  exa6tement  :  on  place 
cette  boîte  dans  un  fourneau,  &  on  la  chauffe 
jufqu'à  la  faire  rougir  à  blanc.  On  trouve  ,  après 
que  la  boîte  eft  refroidie  ,  que ,  malgré  la  violence 
&la  continuité  du  feu  ,  le  charbon  n'a  rien  perdu 
de  fon  poids  ,  &:  qu'il  n'a  fouffert  aucune  com- 
buftion. 

R  E  M  A  R  Çi   u  E  s. 

Pendant  que  le  charbon  étoit  expofé  à  Tadtion 
du  feu,  il  eft  certain  que  la  matière  du  feu  ,  dans 
le  mouvement  igné  ,  lui  a  été  continuellement 
appliquée  très  immédiatement ,  ^^  que  la  matière 
inflammable  de  ce  charbon  a  été  elle-même  dans 
un  embrafernent  conddérable. 

Le  charbon  ne  brûle  point  dans  cette  expé-« 
rience  ,  parceque  c'eft  un  corps  (ec  ,  privé  abfo-e 
lument  d'eau ,  d'air  &c  de  routes  matières  qui  peu-^ 
yent  en  faire  fondion.  11  ne  contienc   rien  dç' 


1^0       Chymie  Expf rimentale 

volatil  qui  pui(Te  fe  raréfier  par  Tadion  du  feu  y 
&  contribuer  par  ce  moyen  à  fa  combuftion  , 
comme  il  arrive  aux  corps  organifcs  qui  renfer- 
ment de  Tair  &  de  Teau  abondamment.  La  ma- 
tière inflammable  dont  eft  pourvu  le  charbon  , 
non  feulement  n'eft  fufceptible  d'aucune  dilata- 
tion ,  mais  même  eft  propre  à  abforber  l'air  pen- 
dant fa  combuftion  ,  comme  nous  le  ferons  re- 
marquer dans  un  inftant.  Le  charbon,  dans  cette 
expérience ,  fe  trouve  pénétré  de  feu  ;  mais  c'eft 
d'un  feu  étranger  :  fa  propre  matière  inflammable 
fie  fe  confume  poiiK,  parcequ'elle  n'eft  point  fuf- 
ceptible de  fe  dilater. 

Mais ,  medira-t-on  ,  les  corps  végétaux  ôc  ani- 
maux, quoique  contenant  beaucoup  d'air  6c  de 
mati  ;res  huileufes  ,  aqueufes ,  &c.  ne  fe  brûlent 
pas  davantage  pendant  l'analyfe  ?  Cela  vient  de 
ce  que  l'on  conduit  le  feu  par  degré ,  pour  déga- 
ger ces  fubftances  fucceflîvement.  L'expérience  a 
appris  que ,  lorfqu'on  brufque  le  feu  ,  on  occa- 
fîonnedes  explofions  qui  pourroient  venir  aufli- 
bien  de  l'inflammation  de  ces  fubftances  volaù'^ 
les,  que  de  leur  dilatation. 

Autre     Expérienci 

Qui  ppouve  la  même  propo/ition^ 

On  met  fous  une  cloche  de  verre  ,  pofée  fur  des 
cuirs  mouillés  ,  un  bout  de  chandelle  allumée , 
qui  ait  un  lumignon  un  peu  long.  La  lumière 
brûle  d'abord  trcs  bien  j  elle  quitte  infenfible- 
ment  la  mèche  ,  chemine  jufques  vers  fon  extré- 
mité ,  &:  finit  par  la  quitter  &:  s'éteindre.  11  s'é-* 
chappe  aufli-tôt  du  lumiç^non  ,  qui  refte  encore 
emSrafé  ,  uue  fumée  qui  s'élève  p^rpendiculal- 


ET       RAISONNE   E.  14! 

remenc ,  comme  cela  arrive  dans  le  vuide  ;  la  clo- 
che adhère  fenfiblement  aux  cuirs  ,  à  raifon  d'une 
partie  d'air  qui  en  eft  fortie. 

R    E.  M   A    R    q    U   E    s. 

La  chandelle  brûle  d'abord ,  parcequ'elle  eft 
placée  dans  une  mafle  d'air  prife  dans  Con  état 
naturel  j  mais  elle  ne  tarde  pas  à  s'éteindre  ,  par- 
ceque  la  chaleur  de  la  riamme  raréfie  l'air.  Une 
partie  s'eft  échappée  par  les  bords  de  la  cloche  j 
ce  dont  on  peut  s'alFurer  en  mettant  autour  de  fes 
bords  du  fable  ou  de  la  poulliere ,  qui  eft  repouf- 
fée  par  l'air  intérieur  qui  fe  dilate.  L'élafticité  de 
cet  air  eft  tellement  augmentée,  qu'elle  comprime 
la  flamme  &z  l'oblige  de  s'éteindre. Cette  théorie 
eft  de  Al.  de  Morveau  ,  Avocat  Général  au  Parle- 
ment de  Dijon  ,  «Se  Membre  de  l'Académie  de 
cette  ville  ,  qui  a  donné  ,  fur  les  phénomènes  de 
l'air ,  un  Mémoire  rempli  de  très  belles  expérien- 
ces. Ce  Mémoire  eft  imprimé  dans  le  premier  vo- 
lume des  Mémoires  de  l'Académie  de  Dijon. 

Si  l'extinétion  de  la  lumière  eft  due  à  de  l'air 
abforbé  par  la  flamme ,  comme  on  l'avoir  toujours 
penfé ,  il  devroit  s'enfuivre  ,  dit  M.  de  Morveau  , 
qu'en  introduifant  fous  la  cloche  une  quantité 
d'air  égale  à  celle  qu'on  prcfumc  avoir  été  abfor- 
bée,  la  lumière  ne  devroit  pas  s'éteindre  :  cepen- 
dant il  arrive  le  contraire.  M.  de  Morveau  ,  dans 
une  femblable  expérience,  a  fait  entrer  de  Tair 
fous  la  cloche  ,  en  remontant  le  pifton  de  la  ma- 
chine pneumatique  ,  avec  le<:  précautions  nécef- 
faires  ,  pour  que  cet  air  ne  produisît  aucune  agi- 
ration  à  la  flamme  :  la  lumière  s'eft  éteinte  plus 
promptemcnt ,  comme  l'avoit  prévu  cet  habile 
Phylicien ,  parceqd'alors  il  fe  trouve  fous  la  clo- 


t4i        Chymie  expérimentale 
the  une  plus  grande  quantité  d'air ,  dont  l'élaftî-^ 
cité  augmente  à  proportion  ,  qui  comprime  U 
flamme  davantage ,  Ôc  l'oblige  de  s'éteindre. 

M.  de  Morveau  ne  s'eft  pas  contente  de  ces  ex- 
périences j  il  en  a  l'ait  d'autres  qui  font  très  ingé- 
nieufes  ôc  très  propres  à  conhrmer  fa  théorie.  Il  a 
pris  un  bocal  de  verre  de  dix  pouces  de  hauteur  , 
dont  la  moitié  avoit  cinq  pouces  de  diamètre  ,  &C 
l'autre  deux  pouces  de  diamètre  :  c'eft  par  ce  der- 
nier côté  qu'étoit  l'ouverture.  Il  a  fufpendu  ce 
bocal,  l'ouverture  en  bas,  à  deux  pouces  au  def- 
fus  de  fon  fupport,  de  manière  que  l'intérieur 
avoir  une  libre  communication  avec  l'air  exté- 
rieur :  il  a  introduit,  au  milieu  de  la  hauteur  de 
ce  bocal ,  une  bougie  allumée ,  qui  s'eft  éteinte 
aufîîpromptement  que  fi  l'ouverture  eût  été  exac- 
tement fermée  :  l'air  raréfié  dans  la  partie  fupé- 
rieure  compiimoit  la  flamme  comme  dans  l'expé- 
rience précédente.  Cet  air  ne  pouvoir  pas  dimi- 
nuer d'élafticité  ,  parcequ'il  ne  pouvoir  s'évacueC 
par  la  partie  fupérieure  du  bocal ,  comme  cela  au- 
roit  été  néceflaire  pour  l'entretien  de  la  flamme. 
D'un  autre  côté ,  la  colonne  d'air  extérieur  fai- 
foit  équilibre  à  celui  renfermé  dans  le  vafe ,  6c 
le  retenoit  dans  cet  état  d'élafticité  ôc  de  raréfac- 
tion. 

M.  de  Morveau  a  enfuite  répété  certe  expé- 
rience avec  le  même  bocal ,  mais  en  tenant  l'ou- 
verture en  haut.  Il  s'eft  afluré  qu'en  quelque  en- 
droit qu'on  plaçât  la  lumière  ,  elle  ne  s'éteignoic 
pas ,  même  en  mettant  une  glace  à  un  pouce  de 
diftance  au-defl^us  de  l'ouverture  du  vafe  ,  parce- 
qu'à  mefure  que  l'air  fe  raréfioit  par  la  chaleur ,  il 
s'échappoit.  Il  en  rentroit  d'autre  le  long  des  pa- 
rois du  vafe  ,  qui  entretenoit  la  flamme.  Pour  s'en 
aflurer,  M.  de  Morveau  a  jette  des  petits  corps 


£t     raisonne  e;  l^f 

légers  au-defTus  de  ce  vaifleau  ^  ils  ont  été  empor- 
tés par  les  courants  d'air  qui  fe  font  établis  :  les 
uns  ont  été  rcpoullcs  au  dehors  par  l'air  raréfié 
t]ui  s'échappoit,  6c  les  autres  ont  été  portés  dans 
l'intérieur  du  bocal  par  l'air  qui  y  entroit. 

Le  Mémoire  de  M.  de  Morveau  eft  rempli  de 
beaucoup  d'autres  expériences  relatives  à  l'objet 
dont  nous  parlons  :  il  Tiit  voir  que  l'air  ne  con- 
tribue point  matérialement  à  la  combuftion  des 
corps  ,  &  qu'il  ne  s'en  abforbe  point ,  ou ,  fi  l'on 
veut,  qu'il  ne  s'en  détruit  point  pendant  qu'on 
les  fait  brûler  dans  des  vaifTeaux  clos. 

Les  corps  brûlants ,  &  dans  le  mouvement  igné, 
s'éteignent  ,  quoiqu'on  les  plonge  dans  des  li- 
queurs inflammables,  foit  que  ces  liqueurs  brûlent 
elles-mêmes  ,  ou  qu'elles  ne  brûlent  point. 


XPERIENCE. 


Si  Ton  plonge  dans  de  l'efprit  de  vin  enflammé , 
ou  dans  de  l'huile  ,  un  charbon  bien  allumé  ,  dC 
qu'on  l'ôte  enfuite  de  ces  liqueurs  ,  on  remarque 
qu'il  eft  éteint ,  comme  fi  on  l'eût  plongé  dans 
de  l'eau.  Cet  effet  vient  de  ce  que  ces  liqueurs 
s'appliquent  très  immédiatement  à  la  furface  du 
charbon  ,  Se  qu'elles  interceptent  au  feu ,  donc 
le  charbon  étoit  pénétré,  toute  communication 
avec  l'air. 

Il  réfulte  bien  évidemment  de  ce  qui  vient 
d'être  dit,  que  le  concours  de  l'air  eft  abfolumsnt 
néceflaire  pour  la  combuftion  des  corps  :  c'eft  fur 
cette  propriété  qu'eft  fondée  toute  la  méchanique 
des  fourneaux  ,  comme  nous  l'avons  déjà  dit  à 
l'article  de  l'air. 


*44  ChYMIE    EXPÉRIMENTALE 

Autre    Expérience 
Qui  prouve  la  même  propo/ition, 

Lorfqa'on  diftille  dans  une  cornue  un  végétal 
quelconque  ,  &  qu'on  adapte  un  récipient  au  beC 
de  ce  vaifTeau  ,  on  recueille  les  fubftances  vola- 
tiles que  le  feu  a  fait  élever.  Ces  fubftances  font 
de  l'eau  falée  (qu'on  nomme  efprit  )  ,  de  l'huile 
&  de  l'air.  Il  refte  dans  la  cornue  une  matière 
charbonneufe.  Nous  ne  conlidérerons  ,  quant  à 
préfent ,  que  l'huile  &  la  matière  charbonneufe. 

L'huile  qu'on  fépare  dans  cette  expérience  ,  eft 
elle-même  encore  compofée  des  mêmes  fubftances 
que  le  végétal.  Si  on  la  foumet  de  nouveau  à  U 
diftillation  ,  on  en  tire  encore  les  mêmes  produits, 
mais  dans  des  proportions  différentes.  Comme 
elle  contient  moins  d'eau  &  moins  de  terre  ,  elle 
fournit  m.oins  de  ces  fubftances ,  que  le  végétal  \  il 
refte  dans  la  cornue  moins  de  matière  charbon- 
neufe. En  continuant  de  diftiller  ainfî  fucceiîive- 
ment  plulieurs  fois  de  fuite ,  on  parvient  à  dé- 
compofer  complettement  l'huile  que  fournit  cha- 
que diftillation  ,  &  à  la  réduire  en  air  ,  en  eau  àc 
en  charbon.  Ce  charbon  contient  prefque  tout 
le  feu  qui  étoit  combiné  dans  le  végétal,  puifque, 
dans  toutes  ces  opérations ,  il  n'y  a  eu  aucune  in- 
flammation ,  ces  expériences  ayant  été  faites  dans 
des  vaifTeaux  clos  \  ôc  ,  comme  nous  venons  de  le 
dire ,  aucune  matière  combuftible  ne  peut  brûler 
fans  le  concours  de  l'air.  C'eftce  charbon  qui  va 
nous  occuper  maintenant  fous  le  nom  de  phloglf- 
tique  j  èc  qui  Joue  un  fi  grand  rôle  dans  la  Natuœ 
ô^  dans  toutes  les  opçrations  de  la  Chymie. 

Sur 


ET      RAISONNE!,  J4j 

Sur  le  PhlogLjllque. 

D'après  tout  ce  que  nous  avons  dit  fur  les  ma- 
tières combullibles  ,  nous  croyons  devoir  donnev 
au  phloeiftique  la  définition  fui  vante. 

Le  phlogiftique  eft  un  principe  fecondaire , 
compofé  cle  deux  élémencs  primitifs  qui  font  le 
feu  pur  &  la  terre  vitrifiable.  Cette  combinaifon 
eft  nbfolument  privée  d'air  dc  d'eau;  elle  eft  le 
réfidu  charbonneux ,  provenant  de  la  déconipofi-t 
tion  de  la  matière  huileufe. 

Il  eft  bien  démontre  que  le  rélTdu  charbonneux 
dont  nous  venons  de  parler ,  contient  prefque 
tout  le  feu  qui  étoit  entré  dans  la  compoiition  du 
végétal  :  je  dis  prefque  tout  le  feu  ,  parceque , 
pendant  l'opération  par  laquelle  on  réduit  les  ma- 
tières combuftibles  dans  cet  état ,  ilfe  diftlpe  tou- 
jours une  petite  quantité  de  feu ,  mais  qui  ne 
mérite  aucune  conlidération.  Lorfque  la  totalité 
de  la  matière  combuftible  eft  dans  l'état  charbon- 
neux ,  tout  le  feu  qu'elle  contenoit ,  fe  rrouvi* 
réduit  fous  le  plus  petit  volume  pofiîble.  Nous 
fuppofons  que  le  charbon  a  été  formé  dans  des 
valifeaux  clos  &:  fans  inflammation.  La  totalité  du 
feu  fe  trouve  extraite  &  fixée  avec  la  terre  propre 
du  végétal  :  ainfi  la  matière  chaibonneufe  eft  doqç 
le  feu  uni  à  la  terre  du  corps  organifé.  Cette  ma- 
tière eft  abfolument  privée  d'air  &:  d'eau  ,  parce- 
que ces  deux  éléments  font  volatils  :  ils  fe  (onz 
diifipés  par  l'aélion  du  feu,  &  ont  emporté  avçe 
eux  la  plus  grande  partie  de  la  matière  faline. 

Nous  avons  dit  dans  notre  déhnition  du  rhlo-^if. 
tique,  que  la  terre  qui  entre  dans  fa  compoiition  , 
eft  une  terre  vitrifiabie  ;  c'eft  ce  que  j'ai  conftaté 
par  une  longue  fuite  d'expérienç$s  ^  en  examinant 


Ï4^  ChYMIE    EXPÉRIMENTAtl 

la  terre  des  végétaux  j  des  animaux  ,  &  celle  àes 
huiles  de  ces  corps  organifés.  J'ai  déjà  publié  une 
partie  de  ce  travail  dans  mon  Mémoire  fur  les 
Argilles.  Nous  rendrons  compte  des  autres  expé- 
riences qui  conftatent  cette  théorie ,  à  mefure  qu3 
les  occauons  fe  préfenteront. 

C'eft  un  phénomène  bien  digne  de  remarque , 
que  le  feu  puifle  ainft  s'extraire  &  fe  rafTembler 
fous  un  petit  volume  ,  fans  recouvrer  fes  pro- 
priétés de  feu  pur.  Cela  prouve  bien  ce  que  nous 
avons  dit  précédemment ,  que ,  lorfque  les  molé- 
cules des  éléments  font  ifolées  ,  elles  n'ont  plus 
les  propriétés  des  éléments  en  malTe.  Dans  le 
charbon ,  les  molécules  du  feu  font  combinées 
avec  la  terre  du  végétal ,  par  conféquent  ifolées 
par  les  molécules  de  la  terre ,  qui  font  interpo- 
lées entre  celles  du  feu ,  fuivant  les  loix  de  la 
combinaifon.  Les  molécules  du  feu  ifolées  dans 
le  charbon ,  font  fans  mouvement ,  fans  flui- 
dité ,  fans  élafticité ,  fans  adtion  &c  dans  un  repos 
parfait  j  mais  elles  font  toutes  prêtes  à  fe  réunir  , 
&  à  recouvrer  toutes  les  propriétés  de  feu  pur  & 
en  adion  :  il fuffit ,  pour  cela,  de  préfenter  au 
charbon  un  corps  aduellement  dans  le  mouve- 
ment igné. 

Nous  avons  fait  remarquer  précédemment  lef 
tentatives  que  Boerhaave  a  faites  pour  obtenir  le 
phlogiftique  à  part ,  mais  dans  l'état  de  com- 
Duftion  y  ce  qui  eft:  abfolument  impofiîble.  Ce 
font  ces  recherches  mal  entendues  qui  ont  fait 
croire  que  l'état  naturel  du  phlogiftique  étoit 
l'ignition  :  cette  doctrine  a  été  adoptée  par  la  plu- 
part des  ChymifteS. 

Le  feu  ne  peut  être  que  fous  deux  états,  libre, 
ou  combiné  :  s'il  eft  libre  ,  c'eft  du  feu  élémen- 
taire, &  non  du  phlogiftique.  Dans  cet  état,  il  n'eft 


ilT      RAISONNES.  143^ 

^as  poflible  de  le  retenir ,  à  caufe  de  la  difpofi* 
don  qu'il  a  à  s'étendre  uniformément  entre  tous 
Iqs  objets  qui  l'environnent,  jufqu'à  ce  qu'il  fe 
foit  mis  dans  un  partait  équilibre  j  mais  lorfque 
le  feu  élémentaire  eft  combiné  ,  il  perd  toutes  fes 
propriétés  de  feu  pur.  Lorfqu'il  n'efl:  combiné 
qu'avec  peu  de  fubftance ,  ôc  qu'il  eft  dans  l'état 
de  ficcité ,  comme  il  fe  trouve  dans  le  charbon 
d'une  huile,  de  lorfqu'il  peut  brûler,  fans  ré- 
pandre ni  fuie  ni  tumée ,  je  le  nommerai  alors 
phlo^ijîiquc  ,  afin  de  le  diftinguer  de  la  matière 
combuftible  dans  l'état  huileux.  Nous  verrons 
d'ailleurs  que  la  fubftance  inflammable  joue  * 
dans  ces  deux  états  de  combinaifon ,  différents 
rôles  dans  la  Nature  &  dans  prefque  toutes  les 
opérations  de  la  Chymie  :  Ci  enfuite  on  enflamme 
ce  phlogiftique  par  l'attouchement  d'un  corps 
dans  le  mouvement  igné  ,  ce  fera  du  phlogiftique 
qui  brûlera  Se  qui  fe  décompofera.  Dans  l'un  &c 
dans  l'autre  cas ,  il  eft  toujours  du  phlogiftique  t 
dans  le  premier ,  il  eft  du  phlogiftique  en  repos  \ 
dans  le  fécond ,  du  phlogiftique  en  aélion  ,  qui 
fe  brûle  6c  qui  fe  décompofe  :  il  n'eft  pas  nécelTaue 
qu'il  foit  dans  l'état  d'ignition  ,  pour  être  caraCté- 
rifé  phlog'iflique.  Tout  ceci  prouve  évidemment 
que  le  phlogiftique  eft  une  fubftance  compofée  ; 
qu'elle  eft  en  repos  lorfqu'elle  ne  brûle  pas ,  &: 
qu'elle  eft  en  aélion  lorfqu'on  la  fait  brûler*  C'eft 
une  abfurdité  de  chercher  à  obtenir  à  part  cette 
fubftance  dans  l'état  d'ignition  ,  mais  qu'elle  ne 
brûle  pas.  Voilà  cependant  à  quoi  fe  réduit  Tob- 
jet  des  travaux  de  ceux  qui  ont  voulu  retenir  à 
part  le  principe  phlogiftique  ;  ce  qui  eft  impofli- 
ble.  Une  fubftance  ne  peut  en  màne  temps  brû- 
ler &:  ne  brûler  pas  :  fi  elle  brûle  ,  il  faut ,  pour' 
la  retenir ,  employer  des  vaifleaux  clos  ;  mais , 

K  ij 


Ï4S  ChYMIE    EXPÉPvIMENTALE 

fians  ce  cas,  elle  ceiTe  de  brûler ,  &  s'éteint,  faute 
du  concoiu's  de  Tair, 

Il  réfulte  de  la  diftinttion  que  nous  avons  faite 
dit  phlogifrique  en  adion  3c  du  phlogifcique  en 
repos ,  qu'on  peut  obtenir  à  part  ce  principe  , 
mais  dans  ce  dernier  état  :  on  peut  alors  le  manier 
à  fon  gré ,  &:  le  contenir  enfin  dans  une  bou- 
teille ,  dans  une  boîte  ,  Ôcc.  pour  me  fervir  des 
exprelVions  de  ceux  qui  ont  mis  en  queftion  de 
conferver  le  phlogiftique.  Il  fufiit,  pour  cela,  de 
diftiller  une  huile,  comme  nous  venons  de  le 
dire ,  ou  toute  autre  matière  végétale  ou  ani- 
male ,  Se  de  conferver  féparément  le  charbon  qui 
relie  au  fond  du  vailTeau  :  ce  phlogiftique  fera 
d'autant  plus  pur  ,  qu'on  aura  employé  une  fub- 
{lance  plus  pure  ,  Se  que  fon  charbon  fera  chargé 
de  la  moindre  quantité  de  terre  polîible. 

Je  fens  bien  qu'on  m'objeélera  que  ce  réfidu 
charbonneux,  fur-tout  s'il  provient  de  fubftances 
végétales ,  contiendra  quelques  matières  falines 
étrangères  au  phlogiftique  ,  Se  que  ,  par  confé- 
quent ,  il  ne  fera  point  du  phlogiftique  pur. 
A  cela  je  répondrai  qu'il  faut  faire  choix  d'une 
huile  animale  déjà  très  reélihée:  elle  laillera,  dans 
tOLUes  les  combinaifons  qu'on  lui  fera  fubir ,  un 
charbon  très-pur  Se  privé  de  toute  matière  faline. 
D'ailleurs  la  dirîiculté  qu'il  y  a  d'avoir  du  charbon 
parfaitement  pur ,  eft  un  inconvénient  comm.un 
à  toutes  les  matières  qui  ont  un  certain  degré  de 
fuiïplicité.  Le  phlogiftique  eft  un  principe  fort 
peu  compofé  j  il  participe  plus  ou  moins  des  pro- 
priétés des  éléments  qui  le  forment ,  &  il  eft  aulll 
difficile  de  l'avoir  dans  le  dernier  degré  de  pu- 
reté :  mais  cela  n'empêche  pas  qu'on  ne  puifte 
îrès  bien  reconnoître  {qs  propriétés  ,  Se  en  quoi 
e^  principe  fecondaire  diffère  d»  feu  pur. 


ET      îl  A  I  S    O  N  N  È  E.  î^cj 

On  poiUToit  peut-être  encore  me  faire  une  ob- 
jeilion  ,  &c  dire  que  la  fubftance  que  je  regarde 
comme  du  phlogilliique  pur  ou  prefque  pur  j  peut 
&  doit  ncceirairement  ne  jamais  contenir  conf- 
tamment  de  la  terre  ôc  du  feu  pur  dans  les  mêmes 
proportions.  Dans  ce  cas  ,  quelles  feront  les  fub- 
ftances  intermédiaires  ? 

Je  repondrai,  i'".  qu'il  efl  de  l'eflenceduphlo- 
giftique  ,  même  de  celui  qui  eft  dans  l'état  de  va- 
peurs ,  &  qui  produit  des  efters  moi  tels,  de  con- 
tenir de  la  terre.  Cette  terre  ,  dans  le  charbon 
qui  n'eft  point  allumé ,  ifole  les  molécules  de  teu, 
éc  s'oppofc  à  leur  réunion  j  mais,  lorfqu'on  ap- 
plique au  charbon  du  feu  en  adion  ,  ce  teu  déter- 
mine le  développement  &  la  réunion  de  celui  qui 
entre  clans  la  coouwfràon  du  charbon  j  c'efc  du 
phlogiftique  qui  brûle  :comme  tout  ce  que  ce  char- 
bon en  contient ,  ne  brûle  pas  en  totalité  ,  une 
partie  fe  réduit  en  vapeurs  ,  mais  dans  l'état  de 
phlogiftique  ,  c'eft-à-dire  toujours  unie,  à  delà 
terre.  Cette  dernière  portion  feulement  produiu 
les  effets  mortels  dont  nous  avons  parle  j  tandis 
que  la  portion  de  ce  même  phlogiftique  ,  ciui  elt 
réduite  en  feu  élémentaire ,  ne  produit  que  les 
effets  du  feu  pur. 

2°.  Je  réponds  encore  que  le  feu  peut  être  fixé 
par  une  plus  ou  moins  grande  quantiré  de  terre. 
Le  phlogiftique  fera  d'autant  plus  pur,  que  ces 
deux  éléments  feront  réunis  dans  demciileurcs 
proportions  ;  mais ,  dans  tous  les  cas ,  ce  fera  du 
phlogilHque.  Il  y  a  nécellairement  beaucoup  de 
variété  dans  cette  combinaifon  du  feu  pur  avec  la 
terre  y  il  cft  certain  qu'il  /  a  plus  de  teu  nxé  dans 
le  charbon  d'une  huile  que  dans  la  partie  ligneufe 
d'un  végétal ,  ou  dans  le  charbon  olfeux.  Le  char- 
bon d'une  huile  eft  par  cette  raifon  inhnimcn: 

K  iij 


i5«  Chymie  expérimintals 
pins  difficile  à  brûler  complettement  que  les  char- 
bons de  matières  végétales  ligneufes.  11  y  a  fur 
cette  matière  beaucoup  de  recherches  ôc  d'expé- 
riences à  faire  pour  déterminer  la  quantité  ou  le 
poids  du  feu  qui  entre  dans  les  différents  corps 
organifés.  Ces  expériences  démontreroient  d'une 
manière  complette  ,quelefeueftpefant,  &  qu'on 
peut  apprécier  {on  poids  lorfqu'il  fait  partie  des 
corps ,  &  qu'il  eft  un  de  leurs  principes  confti- 
tuants.  On  le  trouve  fans  pefanteur  lorfqu  il  eft 
libre  ,  parceque,  comme  je  l'ai  déjà  dit ,  il  ne 
touche  point  les  corps ,  &  qu'il  eft  dans  un  excellif 
înouvement. 

J'ai  fait  fur  les  corps  organifés  beaucoup  d'ex- 
périences qui  auroient  pu  me  faire  connoître  la 
quantité  de  feu  qui  entre  dans  leur  compofition  j 
mais,  comme  elles  n'ont  pas  été  faites  dans  cette 
intention  ,  je  n'ai  pas  tenu  des  notes  aftez  exactes 
pour  les  rapporter  ici  :  tout  ce  que  je  puis  dire  de 
plus  général ,  d'après  mes  expériences  ,  c'eft  qu'il 
en  eft  du  feu ,  comme  des  autres  éléments  :  il  m'a 
paru  que  les  corps  organifés  ou  leurs  parties  ne 
çontenoient  pas  tous  précifément  le  même  poids 
de  feu.  Le  feu,  devenu  principe  des  corps ,  eft  dans 
l'état  de  combinajfon  j  fans  lui ,  les  corps  orga-- 
jiifés  ne  feroient  pas  ce  qu'ils  font  :  il  eft  pefant , 
parcequ'il  eft  un  de  leurs  principes  conftituants  : 
il  eft  dans  un  état  bien  différent  de  celui  de  la 
barre  de  fer  rouge  dont  parle  Boerhaave  :  ce  Chy- 
mifte  a  trouvé  ce  feu  fans  pefanteur ,  parcequ'il 
n'eft  point  combiné,  ôc  qu'il  ne  touche  pas  le 
métal. 

La  manière  de  décompofer  les  corps  organifés , 
pour  connoître  le  poids  du  feu  qui  eft  entré  dans 
leur  compofition ,  confifte  à  faire  brûler  le  char- 
bon de  ces  corps ,  ^  cçkii  qu'gn  obtient  de  leur^- 


ET      RAISONNâï.  I5I 

liuileSj  dans  des  vaifTeaux  élevés,  &c  qui  aient 
communication  avec  l'air  ,  en  prenant  garde  que 
quelque  courant  d'air  n'emporte  rien  de  la  ma- 
tière, fînon  que  le  feu  pur  qui  doit  fe  diliiper.  II 
refte  la  terre  fixe.  Si  l'onapefé  la  matière  char- 
bonneufe  avant  l'opération ,  &:  (i  l'on  pefe  enfuite 
la  terre  qui  refte ,  on  faura ,  par  le  poids  qui 
manque  ,  celui  du  feu  qui  étoit  combiné  ,  èc  qui 
s'eft  dillipé  pendant  la  combuftion  ,  puifque  la 
matière  phlogiftique  ou  charbonneufe  ne  contient 
plus  rien  de  volatil  que  le  feu  pur  ,  incapable  de 
ie  diliiper  autrement  que  par  le  concours  de  l'air. 
Il  y  aura  ,  à  la  vérité ,  une  portion  de  phlogifti- 
que qui  fe  dirtipera  en  vapeurs  fans  brûler ,  comme 
cela  arrive  toutes  les  fois  qu'on  fait  brûler  une 
matière  combuftible  :  c'eft  un  inconvénient.  Il  eft: 
impoifible  dans  la  plupart  de  nos  opérations  d'ob- 
tenir le  dernier  degré  d'exaélitude.  Ces  recherches 
continuées  cependant  répandroient  plus  de  lu- 
mière que  nous  n'en  avons  fur  les  proportions  de 
feu  combiné  dans  les  corps  organiiés. 

Les  anciens  Chymiftes  ont  donné  différents 
noms  d  la  matière  inflammable  ,  tels  que  ceux 
d'huile  ,  de  graifte ,  de  foufre  ,  &c.  Ils  n'avoient 

f)oint  adopté  des  termes  particuliers  pour  défigner 
e  principe  inflammable  réduit  à  fa  plus  grande 
(implicite.  Cependant ,  Ci  l  on  confondoit ,  fous 
la  même  dénomination ,  la  matière  combuftible , 
dans  quelque  état  qu'elle  fût ,  il  enréfulreroitné- 
celTairement  de  l'obfcurité  ,  parcequ'il  y  a  une 
différence  bien  grande  entre  une  huile  ôc  du  char- 
bon. Il  en  feroit  de  mcme  (1  on  vouloit  diftinguer 
la  matière  inflammable  par  des  noms  différents  , 
fuivant  l'état  où  elle  fe  préfente  :  on  feroit  obligé 
de  multiplier  les  noms  A  l'infini  j  car,  depuis  l'etac 
huileiix  ougraifTcux  le  plus  grolfier ,  jufqu'à  ce- 

Kiv 


^52.  ChYMÎE    EXrÉRIMEMTALÈ 

lui  de  phlogiftique  ou  de  charbon  très  pur  ,  il  eil 
facile  de  ruppcfer  bien  des  états  intermédiaires 
auxquels  il  faudroit  par  conféquent  donner  ditfé- 
rents  noms ,  ce  quideviendroitde  la  plus  grande 
obfcuritc.  Quelques  Chyniiftes  modernes  ont  déjà 
elTayé  d'introduire  dans  la  Chymie  les  noms  de 
caujllacujn  ôc  d'acidum  pingue  ,  pour  défigner  le 
phlogidique  qui  eft  dans  la  chaux  vive.  Outre 
qu'il  efc  inutile  d'introduire  de  nouveaux  termes 
fans  nécefllré  dans  unefcience,  nous  obferve- 
rons  que  le  nom  êi  acidum pingue  eft  très  impropre, 
&  qu'il  ne  préfente  rien  de  vrai  à  l'efprit.  Lephlo- 
giftique  dans  la  chaux  n'a  rien  d'acide  ni  de  gras  \ 
c'eft  du  phlogiftique  mêlé  avec  beaucoup  de  terre 
calcaire  :  ainli  nous  penfons  qu'il  fuiïit  de  diftin- 
guer  5  comme  nous  l'avons  l^iit ,  la  matière  com- 
buftible  dans  deux  états  différents  :  i  °.  dans  l'état 
huileux  ;  2.°.  dans  l'état  non  huileux  ou  phlogilti- 
que»  Toute  autre  dénomination  qu'on  pourroic 
donner  aux  différents  états  dans  lefquels  peut  fe 
ïenconrrer  cette  fubflance  ,  feroitabuiive  ,  &  ne 
feroit  c|ue  répandre  de  l'obfcurité. 

Matières  comhujlïbles  avec  de  l'eau. 

Jufqua  préfent  nous  n'avons  préfenté  le  phlo- 
giftique qiie  comme  un  corps  charbonneux  ,  privé 
par  l'arc  d  eau  &  d'air ,  par  l'aétion  du  feu  fans  le 
concGUiS  de  l'air.  La  Nature  produit  également 
dès.matieres  charbonneufes  par  le  moyen  du  feu  , 
6c  fans  le  concours  de  l'air  j  mais  elle  le  fait  en- 
core par  le  moyen  de  l'eau ,  avec  ou  fans  le  con- 
cours de  l'air.  La  putréfaction  des  corps  combuf- 
tibles ,  où  le  féjour  de  ces  mêmes  coros  dans  l'eait 
6c  liicme  dans  des  eaux  courantes  ,  réduifentles 
ecrps  cômbuftibles  dans  l'état  charbonneux ,  com- 


£T      RAtSONNÉE.  I55 

me  s'ils  euiïent  cpioiivé  l'adion  du  feu  dans  des 
vaiiTeaux  des.  Il  y  a  p::u  de  perfonnes  qui  n'aient 
eu  occalion  de  remaïquer  que  ,  lorfqu'on  rendue 
le  fond  des  petites  rivières  ou  des  étangs ,  dans 
lefquels  il  le  trouve  des  matières  combuftibles, 
il  s'élève  une  boue  noire  à  la  furhice  de  Teau  j  il 
s'en  exale  en  mcme  temps  une  odeur  de  putrétac- 
tion  :  cette'boue  noire  cil  la  matière  combuftible 
qui  tend  a  devenir  charbon.  J'ai  eu  occadon  d'e- 
xaminer du  bois  qui  avoir  féjourné  long-temps 
fous  l'eau ,  6c  qui  étoit  converti  tout  en  charbon. 
Les  matières  purement  huileufes  qui  féjournent 
entermécs  dans  des  terreins  humides  ,  deviennent 
pareillement charbonncufes  j  mais,  lorfqu'ellcs 
font  mclées  avec  des  kls ,  ^'  que  ces  fels  ne  peu- 
vent pas  quitter  la  matière  grailfeufe ,  elles  font- 
infiniment  plus  long-temps  à  fe  réduire  en  char- 
bon. Nous  en  verrons  la  raifon  dans  un  inllant. 

On  trouve  dans  la  Nature  beaucoup  de  char- 
bon qui  n'effc  m^lé  ni  avec  du  foufre ,  ni  avec  de 
l'acide  vitriolione.  Il  a  été  formé  de  la  mcme  ma- 
nière fans  le  concours  du  feu ,  puifqu'U  s'en  forme 
fous  nos  yeux  par  ce  moyen  fort  hmple  :  une  forêt 
inondée  ,  &qui  refle  long- temps  fous  Tcau,  doit 
fe  réduire  en  un  charbon  femblable  à  celui  c]ue 
nous  pouvons  former  dans  nos  laboratoires  par 
l'adion  du  feu  ,  pourvu  qu'il  n.e  furvienne  pas 
de  matières  faîines;  mais,  (i  au  contraire  il  fur- 
vient  beaucoup  de  m?.tieres  contenant  de  Tacidè 
vitriohque  qui  puifle  fe  mêler  avec  la  matière  conv 
bullible  j  il  fe  forme  du  foufre  •,  le  charbon  eft 
minéraiifé  ,  &il  produit  alors  ce  que  l'on  nomme 
charbon  de  terre,  La  fubftancc  huileufe  fc  con- 
ferve  beaucoup  plus  Ions- temos  :  c'cfl  la  raifon 
pour  laquelle  on  retire  de  l'huile  ^  du  fouhe  dz 
tous  les  ch.irbons  foifilcs ,  tandis  ciu'on  ne  rciir^ 


154       Chymie  expérimentale 
ni  huile  ni  foufre  des  charbons  pareillement  for- 
més dans  l'intérieur  de  la  terre  ,  mais  qui  n'ont 
point  été  adultérés  par  des  matières  falines. 

C'eft  un  fpedacle  bien  digne  d'un  Philofophe 
Naturalifte  de  voir  l'eau  produire  fur  les  matières 
combuftibles  les  mêmes  effets  que  le  feu.  L'eau  a 
même  la  propriété  de  féparer  l'eau  Se  l'air ,  prin- 
cipes conftituants  des  corps  organifés ,  pour  les 
réduire  en  véritable  charbon,  comme  cela  arrive 
par  l'adion  du  feu  dans  des  vaiflTeaux  clos. 

Je  penfe  qu'on  doit  attribuer  tous  ces  effets  à 
l'air  qui  fe  dégage  des  corps  par  le  mouvement  de 
putréfaction  qu'ils  fubiffent  dans  l'eau.  Dans  les 
endroits  où  les  matières  combuftibles  pourriifent 
fous  l'eau ,  on  voit  fouvent  s'élever  jufqu'à  fa  fur- 
face  ,  des  bulles  d'air ,  par  l'effet  de  fa  plus  grande 
légèreté.  Cet  air  eft  celui  qui  entroit  y  comme 
principe  conftituant,  dans  la  compofîtion  de  ces 
corps  organifés.  Aufli-tôt  qu'un  corps  perd  un  de 
£qs  principes,  il  change  de  propriété.  Le  principe 
aqueux  fe  fépare  enfuite  de  ces  corps ,  ôc  la  fub- 
ilance  reftante  ne  peut  plus  fe  recombiner ,  ni  avec 
de  l'eau ,  ni  avec  de  l'air,  pour  former  la  matière 
huileufe ,  parcequ'il  lui  faut  un  interm-,ede  falin 
pour  produire  cette  combinaifon.  Il  refte  donc 
enfin  le  feu  combiné  Se  fixé  avec  la  terre  propre 
du  végétal ,  ce  qui  forme  une  véritable  fubftance 
çharbonneufe ,  Se  qui  a  toutes  les  propriétés  du 
charbon ,  lorfque  fon  féjour  fous  l'eau  a  été  fuffi- 
famment  long  pour  opérer  cette  décompofîtion» 

Recompojîtion  de  la  matière  huileufe^ 

La  définition  que  j'ai  donnée  du  phlogiftiq»». 
n'eft  point  une  affertion  vague.  Nous  avons 
prouvé  par  plufîeuis  expériences  que  c'eft  efFeâ:i- 


ET       RAISONNÉ!.  l$$ 

vement  un  corps  (ec  ,  privé  d'eau  3c  d'air  j  enfin 
il  eft  le  charbon  de  la  matière  huileufe  :  il  peut 
redevenir  dans  l'ctac  huileux  &  reformer  une  vé- 
rirable  huile ,  telle  qu'elle  ctoit  auparavant ,  en 
lui  rendant  l'air  Se  l'eau  qu'il  a  perdus.  Il  eft  vrai- 
femblablement  très  pofllble  ce  parvenir  à  cette 
recompofition  par  plufieurs  moyens.  Celui  par 
lequel  j'y  fuis  parvenu  ,  a  été  de  diftiller  à  la 
otjrnue  du  bleu  de  Prulfe  qui  m'a  donné  de  Thuile 
en  abondance,  iSc  plus  que  fuftifante  pour  dé- 
montrer cette  recompofition ,  &  pour  prouver  que 
tout  ce  que  j'ai  avancé  fur  cette  matière  eft  de  la 
plus  grande  exaditude. 

Mais ,  comme  cette  opération  eft  un  peu  com- 
pliquée ,  bc  qu'elle  exige  l'emploi  de  plufieuis 
lubllances  dont  nous  n'avons  pas  encore  parlé  , 
nous  renvoyons  cet  objet  à  l'article  du  bleu  de 
Pr  ufiTe. 

Il  réfulte  bien  évidemment  que  ,  fi  nous  pou- 
vons ,  par  des  matières  falines,  reflufciter  la  ma- 
tière huileufe ,  la  Nature  doit  le  faire  dans  (on 
immenfe  laboratoire  ,  &c  confcrver  long-  temps 
celle  qui  exifte  dans  les  matières  combuftibles 
qu'elle  enfevelit  fous  les  eaux. 

Des  propriétés  du  Phlogiflique, 

Le  phlogiftique  eft  le  principe  des  odeurs ,  des 
«ouleurs  &  de  l'opacité  des  corps.  Cette  fubftance 
eft  fi  univerfellenient  répandue  dans  la  Nature  , 
qu'il  y  a  fort  peu  de  corps  qui  n'en  contiennent 
une  plus  ou  moins  grande  quantité  :  \qs  pierres 
vitrifiables  les  plus  dures  en  contiennent.  Lorf- 
qu'on  les  frotte  l'une  contre  l'autre ,  elles  exha- 
lent une  odeur  phlogiftique ,  parceque  tout ,  dans 
la  Nature ,  a  été  remanié  plus  d'une  fois  pat  les 


i^S  ChYMIE    EXPÉRIMENTAtt 

torps  organifés ,  peut-être  jufqu'au  centre  dii 
globe. 

Le  phlogilHque  n'eft  ni  chaud  ni  froid  :  il  ne 
peur  fe  mettre  en  aétion  &c  produire  du  feu  que 
lorfqu'il  y  eft  excité  par  le  contad  d'un  corps  ac- 
tuellement dans  le  mouvement  igné  :  lorfqu'il 
brûle,  le  feu  élémentaire  fe  diffipe,  8c  la  terre 
refte  fixe  j  mais ,  comme  il  eft  privé  d'air  Se  d'eau, 
fa  flamme  eft  moins  vive  ,  moins  lumineufe  que 
celle  des  corps  combuftibles  dans  l'état  naturel , 
parceque  l'eau  &c  l'air  qu'ils  contiennent  agran- 
dilient  la  flamme. 

Le  phlogiftique  eft  de  la  plus  grande  fixité  aa 
feu ,  tant  qu'il  n'a  point  de  contact  avec  l'air  ; 
c'eft  ce  que  nous  avons  vu  par  les  charbons  ren- 
fermés dans  une  boîte  de  fer.  Cette  propriété  le 
rend  très  propre  à  pouvoir  fe  combiner  par  la  fu- 
don  avec  pluiieurs  corps.  Lorfqu'il  s'unit  aux 
verres  par  la  fufion ,  il  leur  communique  des  cou- 
leurs Se  de  l'opacité. 

Lorfqu'il  fe  combine  avec  les  chaux  métalli- 
ques ,  il  les  relTufcite  en  métal  ;  il  leur  donne  de 
la  couleur  Se  une  opacité  abfolue  ,  fans  leur  com- 
muniquer ni  chaleur  ni  lumière  ,  mais  il  leut 
procure  plus  de  fuiibiliré  Se  de  volatilité  ;  il  aug- 
mente même  leur  pefanteur  fpécifique. 

Le  phlogiftique  fert  fouvent  d'intermède  pour 
unir  des  corps  qui  ne  s'uniroient  pas  fans  lui  ; 
telles  font  les  chaux  métalliques  oui  ne  peuvent 
s'unir  avec  le  métal  de  même  efpece.  Ces  mêmes 
chaux  ne  peuvent ,  pour  la  plupart ,  fe  difloudre 
dans  les  acides  ,  parcequ'elles  font  dépouillées 
de  phlogiftique. 

Le  phlogiftique  peut  pafl~er  d'ime  combinaifon 
dans  une  autre,  fans  qu'il  ait  befoin  de  s'enflam- 
mer. 


ET      RAISONNES.  I57 

Le  phlogiftiqiie  ne  s'unit  pas  avec  tous  les  corps 
qu'on  peut  lui  prcfcnter  :  il  ne  contrade  immé- 
diatement aucune  union  avec  le  principe  aqueux, 
puifque ,  comme  nou$  l'avons  dit ,  il  fe  forme  fous 
l'eau. 

Le  phlogifti  que  eft  identique,  ou  toujours  le 
même,  de  quelque  corps  qu'on  le  fcpare  :  il  eft 
toujours  du  feu  combiné  avec  de  la  terre  vitrilîa- 
ble  j  il  peut  feulement  être  dans  ditiérents  états 
de  pureté  ,  &  produire  alors  des  effets  qui  font 
relatifs  à  fon  état.  Il  n'ell:  pas  ncceiraire  qu'il  foit 
parfaitement  pur  pour  produire  la  plupart  des 
effets  dont  nous  venons  de  parler  :  il  y  a  même  des 
cas  où  ces  effets  font  nuls  ou  prefque  nuls ,  lorfque 
le  phlogillique  ell  dans  un  trop  grand  état  de  pu- 
reté. 

Jufqu  à  préfent  nous  avons  confidéré  le  phlo- 
girtique  comme  un  corps  fec  ,  privé  d'air  &  d'eau , 
fixe ,  incapable  de  s'évaporer  au  degré  de  chaleur 
qui  règne  dans  l'air.  On  me  demandera  comment 
un  pareil  principe  peut ,  dans  nombre  de  circonf- 
rances  ,  fe  réduire  en  vapeurs,  produire  des  effets 
inortels  ,  des  inflammations  fubites  ,  des  explo- 
fions  très  bruy  antes,&  autres  effets  du  même  genre 
qui  arrivent  tous  les  jours.  Ces  objeélions  ne  dé- 
truifent  rien  de  ce  que  j'ai  avancé  fur  cette  matière: 
elles  font  au  contraire  très  favorables  à  démon- 
trer ce  que  j'ai  dit.  Cela  prouve,  i  °.  combien  il  y 
a  d'états  intermédiaires  entre  le  feu  pur  ,  la  fub- 
ftance  inflammable  la  plus  pure,  èc  la  matière 
inflammable  dans  l'état  huileux  le  plus  grolfier  : 
2".  combien  ce  principe  inflammable  peut  chan- 
ger de  propriétés,  relativement  à  l'état  où  il  fe 
trouve ,  &  à  la  proportion  dans  laque!  le  il  eft  com- 
biné avec  plus  ou  moins  de  principes  terreux.  La 
dpfe  du  feu  élémentaire  peut  refter  la  même ,  & 


158        Chymie  expérimentale 

celle  de  la  terre  diminuer  de  plus  en  plus.  Une 
très  petite  quantité  de  terre  ,  à  caufe  de  l'extrcme 
petitefTe  de  (qs  molécules  intégrantes  ,  fixe  une 
plus  ou  moins  grande  quantité  de  feu  élémentaire. 
Comme  la  terre  eft  très  fixe ,  elle  fait  participer 
au  feu  qu'elle  combine  ,  une  partie  de  fa  fixité  , 
lorfqu'elle  fe  trouve  en  grande  quantité ,  comme 
dans  les  matières  charbonneufes  ;  ce  phlogiftique 
eft  alors  très  fixe  :  mais ,  lorfqu'au  contraire  le 
feu  élémentaire  fe  trouve  combiné  en  grande  dofe 
avec  la  plus  petite  quantité  de  terre ,  fuffifante 
néanmoins  pour  faire  perdre  au  feu  élémentaire 
fes  propriétés  de  feu  pur ,  le  phlogiftique  parti-* 
cipe  alors  davantage  des  propriétés  du  feu  :  dans 
cet  état ,  il  fe  réduit  facilement  en  vapeurs  :  il 
produit  alors  (es  effets ,  non  comme  reu  pur , 
parcequ'il  ne  cefte  point  d'être  com-biné  j  mais 
comme  phlogiftique ,  il  détruit ,  en  tout  ou  en 
partie ,  le  relfort  de  l'air  :  la  mort  fuit  de  près  ,  â 
l'on  ne  fe  retire  promptement ,  aulîi  tôt  que  l'on 
commence  à  reftentir  les  effets  de  ces  vapeurs 
phlogiftiques. 

Tout  ceci  prouve  donc  que  le  phlogiftique  eft 
fixe  quand  il  entre  beaucoup  de  terre  dans  fat 
compofition  ,  &  qu'il  eft  au  contraire  très  volatil 
quand  c'eft  le  feu  élémentaire  qui  prçdomine  fur 
le  principe  terreux. 

Le  phlogiftique ,  en  fe  réduifant  en  vapeurs  , 
entraîne  avec  lui  quelques  fubftances  des  matiè- 
res dans  lefquelles  il  fe  produit ,  fur-tout  lorfque 
ces  matières  font  elles-mêmes  volatiles  j  du  moins 
on  eft  en  droit  de  le  préfumer ,  parceque  les  va- 
peurs phlogiftiques  ne  font  pas  toujours  inflam- 
mables ,  quoiqu'elles  occafionnent  conftamment 
des  effets  mortels.  Lorfqu'elles  font  accompa- 
gnées de  quelques  fubftances  huileufes  éthérées  , 


ET      RAISONNÉ  £.  l^^ 

OU  de  foufre  réduit  en  vapeurs,  elles  s'enflamment 
avec  eï^plofion  ,  comme  il  arrive  dans  certains 
fouterreins  de  mines.  Le  même  effet  a  lieu  lorf- 
qu'elles  font  produites  par  des  matières  combuf- 
tibles  en  putréfaction.  Les  vapeurs  phlogiftiques 
qui  s'élèvent  du  charbon  qu'on  tait  brûler ,  ne 
font  pointinflammables,  quoiqu'elles  produifent 
des  effets  mortels  j  du  moins  jufqu'à  préfent  on 
n'a  point  remarqué  qu'elles  le  iulfent. 

11  réfulte  évidemment  de  toutes  ces  propriétés 
du  phlogiftique  ,  qu'il  diffère  efîentiellement  du 
feu  pur.  Il  n  y  a  perfonne  qui  ne  fâche  que  lorf- 
qu'on  fait  brûler  du  charbon  ou  de  la  braife  dans 
une  chambre  bien  fermée,  l'organe  de  l'odorat  fe 
trouve  affedlé  d'une  manière  bien  fenlîble  :  mais 
la  vapeur  invilible  qui  s'exhale  du  charbon  ou  de 
la  braife  allumée,  ati^e6le  bien  plus  vivement  en- 
core le  cerveau  ;  ôc  la  mort  fuit  de  près  fi  l'on  ne 
fe  retire  aufîî-tôt  que  ces  effets  fe  font  fentir.  11 
n'en  efl  pas  de  même  de  l'efprit  de  vin  qu'on  fait 
brûler  de  la  même  manière:  il  n'en  efl:  pas  de 
même  non  plus  du  charbon  qu'on  fait  brûler  dans 
une  cheminée  ,  ou  dans  un  pocle ,  dans  lequel 
l'air  extérieur  peut  circuler  librement. 

Les  effets  qui  arrivent  dans  le  premier  cas , 
viennent  de  ce  que  le  charbon  ne  contient  ni  air 
ni  eau.  Une  portion  de  phlogiftique  fe  réduit  en 
vapeurs  par  l'aéle  de  la  combuftion  :  ces  vapeurs, 
n'ayant  pas  eu  le  temps  de  fe  brûler  &  de  fe  ré- 
duire en  feu  élémentaire,  circulent  dans  la  cham- 
bre ,  abforbcnt  l'eau  répandue  dans  l'air  ,  détrui- 
fent  le  reffort  de  l'air  en  tout  ou  en  partie.  Ces  va- 
peurs font  invifibles ,  parcequ'elles  ne  font  ac- 
compagnées d'aucune  fumée.  Les  effets  que  le 
phlogifliique  produit  fur  ceux  qui  y  font  expofés, 
viennent  vraifemblablement  de  la  grande  difpo- 


I  tf  O  C  H  Y  >.î  I  E     E  X  P  E  R  I  M  E  I^I  T  A  L  E 

fîdon  que  le  phlogidique  ,  réduit  dans  cet  étar , 
a  pour  fe  combiner  avec  les  corps  qu'il  renconcre. 

Les  vapeurs  qui  s'clevenc  pendanu  la  combuf- 
tion  de  l'cTpricde  vin  ,  ne  proâuifenc  pas  le  même 
effet,  parcequ'il  entre  dans  la  compofîti^Ji  de 
cette  liqueur  beaucoup  d'air  &  d'siiu,  qui  fe  dé- 
gagent à  mefure  qu'elle  brûle  j  il  le  tait  par  conié- 
quent  une  compenfation  :  d'ailleurs  l'eau  conte- 
nue dans  l'efprit  de  vin  retarde  la  combuilion  , 
8c  donne  à  la  matieve  inflammable  le  temps  de  fe 
brûler  en  totalité. 

Les  huiles  qu'on  brûle  dans  des  lampes  ,  pro-- 
duiient,  dans  des  endroits  fermés,  à-peu-piès 
les  mêmes  effets  que  la-vapeur  du  charbon  j  dans 
un  degré  moins  fort,  à  la  vérité  ,  parcequ'elles 
contiennent  toujours  une  petite  quantité  d'air  dc 
d'eau,  dont  le  charbon  e(l  entièrement  privé. 

La  bougie  de  cire  ,  en  brûlant ,  exhale  moins 
de  fumée  que  la  chandelle  de  fuit  de  bœuf.  Se 
elle  répand  moins  d'odeur  phlogidique  ,  parce- 
que  la  cire  e(l  plus  difiicile  à  fe  liquéher  par  la 
chaleur  :  la  quantité  pompée  par  fa  mèche  fe  brûle 
prefque  en  totalité  ;  au  lieu  que  le  fuif ,  étant 
plus  facile  d  fe  liquéfier  ,  eft  pompé  par  la  me-' 
che  en  plus  grande  quantité  qu'il  ne  peut  s'en 
brûler.  La  chaleur  que  ce  fuif  éprouve  le  réduit 
en  vapeurs  fuligineufes  ,  qui  incommodent  pref- 
que autant  que  celles  d:i  charbon.  Les  huiles 
qu'on  brûle  au  lieu  de  fuif  font  encore  plus  dan- 
gereufes.  Comme  elles  font  ordinairement  liqui- 
des ,  elles  font  pompées  par  la  mèche  en  plus 
grande  quantité  ,  ik  elles  produifent  beaucoup 
plus  de  vapeurs  phlogiftiques. 

Tous  les  accidents  qui  peuvent  arriver  par  ces 
fortes  de  vapeurs  phlogidiques ,  renfermées  dans 
une  chambre,  n'ont  point  lieu  lorfqii'on  fait  éva- 
porer 


ET       RAISONNÉ   E.  Ï<)1 

?orer  en  même  temps  une  grande  quantité  d'eaiii 
e  l'ai  éprouvé  fur  moi-même. 
Ces  accidents  n'ont  plus  lieu  également  lor(- 
qu'on  tait  brûler  du  charbon  dans  une  cheminée  , 
ou  dans  unpocle,  où  l'air  circule  librement,  par- 
ceque  les  vapeurs  plilogiftiques  font  emportées 
continuellement  par  le  courant  de  l'air.  11  n'y  a 
que  le  feu  pur  de  élémentaire  qui  fe  tamife  au 
travers  des  tuyaux  des  poêles.  La  portion  de 
phlogilHque  en  vapeurs ,  qui  s'élève  pendant  la 
combuftion  du  charbon,  n'eft  ni  auflî  déliée  ni 
aulli  fubrilc  que  le  feu  pur  :  elle  eft  hors  d'état  de 
fe  tamifer  de  la  même  manière  au  travers  des 
pores  des  tuyaux  des  pocles  :  elle  a  même  h  peu 
de  difpo(ition  pour  fe  tamifer  au  travers  des  corps, 
qu'une  feuille  de  papier  fuiHt  pour  interceptée 
ion  palfage. 

Les  autres  propriétés  du  phlogiftique  font  trop 
générales  &  trop  nombreufes  pour  que  nous  puil^ 
fions  les  rapporter  toutes  ici  j  nous  les  ferons  re- 
marquer à  mefure  que  l'occafîon  s'en  préfentera: 
mais  ce  que  nous  en  avons  dit  eft  bien  fuffifanc 
pour  qu'on  ne  le  confonde  pas  avec  le  feu  élé- 
mentaire. 

Sur  la  Terre  calcaire. 

D'après  tout  ce  que  nous  avons  dit  fur  la  terre  « 
il  eft  bien  prouvé  que  c'eft  la  terre  vitrifiable  qui 
eft  la  terre  primitive  &:  élémentaire.  Elle  eft  né- 
ceflairement  la  plus  ancienne  de  toutes  les  matiè- 
res terreufes  :  c'eft  elle  qui  fiir  le  fond  de  la  terre 
calcaire  ;  mais  cette  dernière  en  diffère  beaucoup 
par  les  altérations  que  lui  ont  occafionnécs  les 
corps  organifés.  Mais  comment ,  me  dira-t-on  , 
.  cette  terre  a-r-elle  reçu  ces  changements ,  &  quels 
Tome  /.  L 


1-^4,       Chymie  expérimentale 

font  les  moyens  que  la  Nature  emploie  pour  pro- 
duire cette  terre  ?  C'eft  ce  que  nous  allons  exa- 
miner. 

La  terre  calcaire  ,  comme  nous  le  démontre- 
rons, eft  conipofce  de  parties  égales  ,  ou  à  peu- 
ples ,  de  terre  élémentaire  &  d'eau  ,  mêlées  avec 
une  certaine  quantité  de  matière  phlogiftique  &C 
d'air. 

Jufqu'à  préfent  il  a  été  impofîîble  aux  Chymif-* 
tes  de  taire  cette  combinaifon.  J'ai  fait  beaucoup 
de  tentatives  qui  n'ont  étéfuivies  d'aucun  fuccès  : 
mais  la  Nature  le  fait  en  grand ,  d'une  manière 
très  (impie  &  très  marquée  :  elle  emploie  ,  pour  y 
parvenir,  tous  les  infectes  de  mer  qui  fe  forment 
des  niches pierreufes  j  &  tous  les  poilfons  tejiacées 
ou  à  coquilles.  Tout  ce  qui  exifte  de  terre  calcaire 
a  été  fait  par  ces  animaux  ,  comme  l'a  démontré 
M.  de  Buffon  (i).  C'eft  un  des  plus  beaux  &c  des 
plus  grands  moyens  ,^  le  feul  que  la  Nature  em- 
ploie pour  changer  l'élément  terreux  ,  &  pour  en 
former  une  forte  de  principe  terreux  propre  à  en- 
trer, fous  cette  forme,  dans  d'autres  combinai- 
ions  ,  &  fpécialement  dans  la  compofîtion  des 
matières  filin  es  en  général.  Lorfque  cette  terre 
entre  dans  lacombiuaifon  desfels,  elle  redevient 
terre  vitritiable ,  comme  elle  étoit  auparavant  5 
cependant  plus  ou  moins  :  c'eft  ce  que  nous  exa- 
minerons à  l'article  des  matières  métalliques. 

Je  n'examine  point  ici  la  méchaniquc  qu'em- 
ploient ces  animaux  pour  fe  conftruire  leur  loge- 
ment j  ce  feroit  une  di^reftion  qui  m'éloigneroit 
trop  de  mon  fujet  :  je  ferai  remarquer  feulement 
que  ces  animaux,  ne  pouvant  vivre ,  comme  tous 

■  ,m-^ 

(i)  Hiftoire  Naturelle  in-Af".  prcoiier  vol.  p3<;e  17^, 


Et      HAISONNiE.  iS^ 

ïes  autres ,  que  de  végétaux  ,  changent  par  con- 
féquent  la  nature  de  la  terre  vitrihable  en  terre 
calcaire.  On  conçoit  facilement  que  des  animaux 
qui  ne  peuvent  vivre  que  fous  l'eau  ,  combinent 
iiécefTairement  la  terre  des  végétaux  dont  ils  fe 
nourriffent,  avec  le  principe  aqueux.  Cène  peut 
ctre  qu'avec  une  femblable  combinaifon  qu'ils 
conllruifent  leurs  logements^  mais,  pour  leur 
donner  de  la  foliditc  ,  ils  diftribuent ,  entre  les 
molécules  terrcules  ,  une    fubftance    mucilasi- 
neufe  ,  pnrf-aitement  animalilée.  Cette  fubftance 
fait  fondion  de  colle  j  elle  lie  les  molécules  ter- 
leufes  entre  elles ,  pour  former  un  tout  alTez  {o- 
lide  pour  la  confervation  de  Tindividu.  Je  ne  fuis 
pas  en  cela  de  l'avis  de  M.  de  Buffon ,  lorfqu'il 
dit ,   page  xj ,    volume  1 5  ,  i/i-^*^  :  3>  Les  ani- 
55    maux  à  coquilles  rranstorment  l'eau  de  la  mer 
»j   en  pierre  ,  pioduifent  le  corail  Ôc  tous  les  ma- 
jj   drépores  ^'.  Il  eft  difficile  de  concevoir  que  de 
Tcau  puilTe  fe  changer  en  terre.  L'eau  eft  un  élé- 
ment qui  ne  peut  contracter  que  des  combinai- 
fons  y  mais  elle  n'eft  point  fufceptiblede  changer 
de  nature  :  elle  entre  bien  dans  la  compofition  de 
la  terre  calcaire ,  maisc'elt  comme  principe  conf- 
tituant.  Si  on  la  fépare  ,  elle  recouvre  toutes  fes 
propriétés  d'eau.  Lorfque  l'animal  à  coquille  pé- 
rit ,  la  matière  animale  ,  qui  fait  partie  de  la  co- 
quille ,  fe   détruit  ,  comme  l'huile  des  autres 
corps  qui  féjournent  fous  l'eau  j  mais  le  réfidu 
charbonneux  &c  le  principe  ac^ueux  reftenr  com- 
binés avec  la  terre  ,  &  en  font  partie  pour  tou- 
jours ,  du  moins  tant  que  cette  terre  refte  terre 
calcaire.  On  obferve  ces  changements  de  la  ma- 
tiere  combuftible  des  teftacées,  dans  des  tas  de  co- 
quilles d'huîtres  amoncelées.  Lorfque  la  fubftance 
^nimale   entre    en  putréfaction  ,  ces  coquilles 

Lij 


i(?4^  Chymie  expérimentale 
exhalent  une  odeur  femblable  à  route  autre  ma- 
tière qui  fe  putréfie  :  la  terre  calcaire  prend  des 
couleurs  noires  ,  bleues  ,  vertes,  Sec,  Le  laps  de 
temps ,  S>c  l'adion  de  l'air  5c  de  l'eau  ,  détruifent 
enfin  la  plus  grande  partie  de  ce  qui  a  échappé  à 
la  putrch'idtion.  La  terre  calcaire  paroît  alors  avec 
toute  la  blancheur  qui  lui  eft  naturelle ,  8>c  avec 
toutes  {es  autres  propriétés  :  néanmoins  elle  re- 
tient opiniâtrement  un  refte  de  matière  inflam- 
mable ,  non  dans  l'état  huileux,  mais  dans  celui 
de  phlogiftique,  dont  la  grande  quantité  de  terre 
empêche  la  defi:ru£tion  complette. 

Tous  ces  changements  arrivent  à  la  fubftance 
animale  des  coquilles,  de  la  même  manière  que 
nous  l'avons  dit ,  en  parlant  de  ceux  qu'éprouvent 
les  matières  combuftibles  végétales  qui  féjour- 
nent  fous  les  eaux.  C'eji à i'alr  j  t^ui  fe  dégage  d'a- 
bord par  le  mouvement  de putréfaciLon[i)  ,  &c.  On 
auroit  tort  de  rèjetter  en  doute  l'exiftence  de  l'air 
dans  la  compofition  des  matières  animales  qui  fe 
font  formées  &  qui  exiftent  dans  l'eau.  Toutes 
les  expériences  chymiques  démontrent  que  ces 
matières  animales  contiennent  autant  d'air  que 
les  animaux  qui  refpirent  immédiatement  cet 
élément  :  en  un  mot,  l'air  eft  un  principe  confti- 
tuant  de  toute  matière  animale  ^  &  fans  ce  prin- 
cipe il  n'y  auroit  point  d'animalifation.  En  quel  - 
que  endroit  du  globe  que  fe  forment  les  ani- 
maux j  on  les  trouve  toujours  pourvus  d'une 
quantité  d'air  qu'ils  ont  aflimiléà  leur  fubftance , 
proportionnellement  à  leur  nature  j  car  tous  les 
animaux  n'en  contiennent  pas  la  même  quantité  , 
comme  l'a  démontré  M.  Haies  dans  fa  Statique 


(i)  Voyez  page  ijz. 


l 


ET      R  A  I  S   O  N  N  É  E.  ï6^ 

des  Végétaux  Se  dans  celle  des  animaux.  On  vou- 
dra bien  me  difpenfer  d'entier  dans  les  détails 
de  mcchanique  qu'emploient  ces  animaux  pour 
prendre  dans  l'eau  l'air  nécedaire  à  leurconlbtu- 
tion ,  pour  ne  m'aitachcr  qu'à  mon  objet ,  qui  eft 
la  terre  calcaire. 

La  terre  calcaire  eft  répandue  avec  uihe  grande 
abondance  dans  la  Nature  ;  mais  comme  elle  eft 
de  formation  féconde  ,  &r.  qu'elle  eft  produite 
par  les  animaux  dont  nous  venons  de  parler ,  elle 
fait  la  plus  petite  partie  de  la  conftitution  du 
globe.  On  la  trouve,  dans  certains  endroits,  à 
des  profondeurs  confidérables ,  à  plus  de  mille  de 
douze  cents  pieds.  On  peut  juger  par  cette  pro- 
fondeur ,  de  celle  qu'avoient  eux-mêmes  ces  en- 
droits avant  qu'ils  futfent  fonds  de  mers ,  parce- 
quil  n'y  a  que  dans  la  mer,  &  par  le  concours 
des  animaux,  que  puilTe  fe  former  cette  terre. 
Au-delTous  de  ces  endroits  quifervoient  autrefois 
de  fond  à  la  mer ,  on  ne  trouve  plus  de  terre  cal- 
caire j  ce  n'eft  que  de  la  terre  vitrifiable ,  fous  dif- 
férentes formes  5  mais  communément  fous  celle 
delable. 

Toutes  les  pierres  calcaires ,  comme  le  remar- 
que très  bien  M.  de  Butfon  ,  font  formées  de  co- 
quilles brifées ,  détruites ,  réduites  même  en  pouf- 
fiere  ,  tenant  enfemble  par  l'affinité  d'adhé- 
rence &  celle  d'a^réciation.  Il  eft  abfolument  im- 
pollible  de  trouver  dans  4a  Nature  une  terre  cal- 
caire qui  ne  foit  tormée  de  coquilles  ,  &  qui  n'en 
contienne  encore  quelques  veftiges  ,  (î  ce  n'eft 
celles  qui  font  crvftallifées  j  nous  en  dirons  les 
raifons  dans  un»inftant  :  les  pierres  calcaires  ont 
d'ailleurs  les  mêmes  propriétés  chymiques  que  la 
terre  des  coquilles  a  qui  elles  doivent  leur  ori- 
gine. Les  déplacements  de  la  mer ,  qui  ont  eu 

L  iij 


i66       Chymie  expérimentale 

lieu  à  différentes  repriies  ,  ont  biffé  par-tout  de 
la  terre  calcaire.  Il  étoit  nécefTaire  qu'elle  fit  fa 
révolution  autour  du  globe  pour  laiffer  cette  terre 
û  utile  pour  labâtiffe.  Il  feroit  laborieux  &c  dif- 
pendieux  fi  l'on  étoit  obligé  d'employer  des  pier- 
res vitrifiables  pour  ces  ufiges. 

On  me  demandera  peut-être  comment  ont  pu 
fe  former  ces  chaînes  de  montagnes  de  pierres 
calcaires ,  Se  celles  de  coquilles ,  dont  plufieurs 
ont  une  épaiflfeur  confidérable ,  Se  d'une  grande 
étendue.  Je  penfe  que  ces  groiïes  chaînes  de 
montagnes  de  pierres  calcaires  dont  on  fe  fert 
pour  bâtir,  ont  été  formées  dans  la  mer  comme 
toutes  les  autres  montagnes  ,  par  dépôt  de  co- 
quilles brifées  Se  réduites  en  poudre.  Le  laps  de 
temps  &  l'attraction  des  particules  de  la  matière 
ont  agrégé  ces  fubftances  entre  elles  ,  Se  ont  for- 
mé ces  pierres  qui  ont  plus  ou  moins  de  dureté, 
plus  ou  moins  de  fineife ,  à  proportion  que  ces 
matières  étoient  elles-mêmes  dans  des  états  plus 
tavorables  pour  acquérir  de  la  folidité. 

A  l'égard  des  montagnes  qui  ne  font  compo- 
fées  que  de  coquilles  ,  Se  fouvent  de  même  efpe- 
ce  ,  on  peut  croire  que  les  teftacées  fe  comportent 
comme  les  animaux  terreftres  y  qu'ils  fe  canton- 
nent dans  la  mer  :  ils  adoptent  une  place ,  croif- 
fent,  vivent,  périlfent  Se  reftent  où  ils  ont  pris 
nailTance  j  d'autres  croiflenr  par-dellus  les  pre- 
miers ,  Se  reftent  de  même.  Il  ne  faut ,  après  cela, 
Xfue  du  temps, pour  former  une  chaîne  de  monta- 
gnes coquill  ères  de  toute  l'étendue  du  canton  que 
ces  animaux  ont  adopté  :  ces  montagnes  conti- 
jiuent  de  s'élever ,  jufqu'à  ce  qu'enfin  les  tefta- 
cées ne  trouvent  plus  au-delïus  d'eux  une  épaif 
feur  d'eau  fuffifinte  pour  continuer  d'y  faire  leur 
domicile.  Dan^  cette  hypothefe,  il  efl.  facile  de 


lîT      RAISONNÉ  E.  idj 

concevoir  pourquoi  il  n'y  a  point  de  coquilles, 
dans  les  vallons  au  pied  de  ces  montagnes:  c'cft 
que  ces  vallons  ne  faifoient  point  partie  du  can- 
tonnement de  ces  animaux, 

Etats  Jous  lefquels  la  Nature  nous  préfente  la  Terre 
calcaire  que  l'on  nomme  aujjl  alkaline  &  abfor- 
bante. 

Examinons  prcfentemenr  les  difTcrents  ctars 
fous  lefquels  la  Nature  nous  préfente  la  terre  cal- 
caire ,  ou  plutôt  les  changements  que  les  coquilles 
ont  éprouvés  par  le  laps  de  temps. 

La  terre  calcaire  eft  fous  différentes  formes , 
comme  la  terre  vitrifiable.  Je  ne  parle  que  de 
celle  qui  a  un  degré  de  pureté  fuffifant  &:  diftincb 
de  tontes  les  autres  fubftances  terreufes. 

Entre  les  pierres  calcaires,  les  unes  font  en 
grandes  maffes  irrégulieres  ,  dont  les  parties 
adhèrent  par  l'affinité  de  cohéflon  qu'ont  entre 
elles  les  parties  de  la  matière  j  tels  font  les  moel- 
lons ,  les  pierres  a  bâtir ,  le  marbre  blanc  ,  ècc, 
La  calfure  de  ces  pierres  eft  plus  ou  moins  gre- 
nue ,  comme  celle  du  fucre.  Toutes  ces  pier- 
res fe  laifTent  imbiber  par  l'eau  avec  plus  ou 
moins  de  facilité.  On  fe  ferr ,  avec  une  forte  de 
fuccès,  des  pierres  les  plus  poreufes  de  cette  ef- 
pece  pour  filtrer  de  l'eau ,  après  les  avoir  creufées 
en  cône  ,  en  plaçant  la  pointe  en  bas. 

On  trouve  des  pierres  calcaires  cryftallifces. 
fymmétriquement  ,  &:  variées  à  l'infini ,  d'une 
pefanteur  fpécifique  beaucoup  plus  grande  que 
celle  des  précédentes  ,  &  qui  approchent  mcme 
des  terres  vitrifiables  en  pefanteur.  On  les  appelle 
fpaths  calcaires  :  elles  ont  des  facettes  brillantes». 
Ces  pierres  ne  différent  des  précédentes  que  pas 

Liv 


icîS        Chymie   expiIri  mentale 

l'arrangement  de  leurs  parties.  Uy  a  lieu  de  croire 
que  la  matie  re  terreufe  ,  en  partie  diiïoute  par 
l'eau  ,  a  été  tellement  divifée  ,  que  les  molécules 
terreufes  ,  en  s'attirant  mutuellement  pour  fe 
réunir,  ont  pris  entre  elles  cet  arrangement  fym- 
métrique  de  cryftallin  qu'on  leur  obferve.  Ces 
pierres  font  plus  dures,  plus  compades  que  les 
précédentes  :  elles  ont  une  demi-tranfparence,  & 
ne  fe  laiffent  point  imbiber  par  de  l'eau.  Parmi 
les  pierres  de  cette  efpece  ,  il  y  en  a  dont  la  terre 
a  été  complettement  dilloute  dans  l'eau,  ôc  qui 
s'eft  cryftallifée  enfuite  très  proprement.  J'ai  vu 
de  ces  piètres  qui  avoient  le  coup  d'œil  &  l'ap- 
parence du  cryftal  de  roche  :  elles  en  avoient ,  à 
très  peu  de  chofe  près ,  la  tranfparence. 

Il  y  a  d'autres  pierres  calcaires  plus  dures  que 
les  précédentes ,  demi-tranfparentes ,  &  qui  n'ont 
d'autres  figures  que  celles  que  leur  procurent  les 
différentes  circonftances  qui  contribuent  à  leur 
formation.  Ce  font  les  (îalaciites  qui  fe  forment 
dans  les  caves  gouttières  &  dans  les  grottes ,  & 
dans  toutes  les  cavités  qui  font  dans  l'intérieur 
de  la  terre ,  où  l'eau  peut  fuinter ,  s'évaporer  & 
laifTer  la  portion  de  terre  qu'elle  tenoit  en  diffo- 
lution.  La  terre  refte  attachée  à  la  voûte  de  la 
caverne ,  augmente  à  mefure  qu'il  en  vient  de 
nouvelle  ,  &  prend,  par  fuccellion  de  temps, 
des  figures  fingulieres  &  variées  à  l'infini.  La 
formation  de  ces  mafles  de  terre  eft  fcmblable 
aux  glaçons  qui  pendent  aux  toits  lôrlqu'il  vient 
un  faux  dégel  après  qu'il  a  neigé. 

La  terre  calcaire  fe  préfente  encore  fous  la  for- 
me d'une  poudre  blanche  plus  ou  moins  fine. 
Quelquefois  les  parties  de  cette  terre  font  légère- 
ment agglutinées  entre  elles,  &  forment  les  craies, 
dont  la  confiftance  des  maffes  varie  X  l'infini. 


ET       RAISONNÉ  E.  l(î^ 

Toutes  les  coquilles  des  œufs  d'oifeaux  font 
encore  de  la  terre  calcaire ,  mais  mêlée  d'un  pa- 
renchyme animal ,  comme  dans  les  coquilles  des 
poilTons ,  qui  ferc  également  à  donner  de  la  foli- 
dite  à  ces  coquilles. 

Plufieurs  habiles  Chymiftes  ont  encore  mis  au 
rang  des  terres  calcaires  celles  qu'on  tire  des  vé- 
gétaux &  des  os  par  lacornbuftion  :  mais  ces  fub- 
llances  terreufes  en  différent  elfentiellement. 
Celles  qu'on  fépare  des  végétaux  eft  de  la  terre 
vitrihable  ;  6c  celles  des  os  tiennent  le  milieu 
entre  les  terres  vitrifiables  &c  les  terres  calcaires  : 
mais  ni  les  unes  ni  les  autres  ne  font  de  la  chaux 
vive  par  la  calcination  ;  ce  qui  eft  un  caradlere 
fpécifique  des  terres  calcaires.  Nous  parlerons  do 
ces  terres  par  la  fuite. 

Propriéccs  des  Terres  calcaires. 

Toutes  les  pierres  calcaires  font  beaucoup 
moins  dures  que  les  pierres  vitrifiables.  Aucune 
ne  fait  feu  frappée  contre  de  l'acier  ;  au  contraire 
elles  fe  lailTent  toutes  entamer  &:  rayer  par  la 
pointe  d'un  couteau. 

Aucune  pierre  calcaire  n'a  la  pefanteur  de  la 
terre  vitrihable ,  même  les  fpaths  calcaires  les 
plus  pefnits. 

Toutes  les  terres  calcaires  fe  dilTolventdans  les 
acides  avec  chaleur  &  effervefcence  \  on  fe  fert 
de  ce  moyen  pour  les  diftin^uer  :  mais  nous  en 
parlerons  plus  particulièrement  lorfque  nous  exa- 
minerons les  propriétés  des  matières  falines. 

Les  pierres  calcaires  ne  font  pas  toutes  égale- 
ment pures  ;  il  y  a  entre  elles  la  même  différence 
que  celle  que  nous  avons  fait  remarquer  entre 
les  pierres  vitrifiables.  Tous  les  marbres  colorés 


ijo        Chimie  experimeî^taib 

font  de  la  terre  calcaire  fort  impure  :  leurs  cou- 
leurs font  la  plupart  métalliques  :  ils  contiennenr 
prefque  tous  une  plus  ou  moins  grande  quantité 
d'argille. 

La  terre  calcaire  la  plus  pure  que  j'aie  reconnue 

Îm  des  expériences  fliites  fur  cette  matière  ,  eft 
e  beau  marbre  blanc  ,  ou  les  beaux  fpaths  cryf- 
tallifés,   bien  tranfparents. 

Terres  calcaires  expofées  au  feu  dans  des  vaîjfeaux: 
clos. 

Chaux  vive. 

On  met  dans  une  cornue  de  grès  ,  capable  de: 
réfifter  à  une  violente  aifeion  du  feu ,  des  mor- 
ceaux de  marbre  blanc  ;  on  place  la  cornue  dans 
un  fourneau  qui  pouffe  bien  :  on  adapte  à  la  cor- 
nue un  ballon  ou  récipient  :  on  lute  les  join-^ 
tures  :  alors  on  échauffe  la  cornue  par  degrés  >  dC 
l'on  augmente  le  feu  jufqu'à  ce  qu'elle  foit  rouge 
a  blanc  :  on  l'entretient  dans  cet  état  pendant 
environ  trois  heures  :  on  laifFe  refroidir  les  vaif- 
feaux  fufïifamment ,  &  on  délute  le  ballon  :  on 
verfe  ce  qu'il  contient  dans  un  flacon  :  on  en-- 
levé  la  cornue  du  fourneau  :  on  verfe  fur  un  pa- 
pier ce  qu'elle  contient ,  &  on  l'enferme  dans  une 
bouteille,  afin  que  la  matière  ne  prenne  point 
l'humidité  de  l'air. 

La  liqueur  qui  a  paffé  dans  le  ballon  pendant 
la  calcination  ,  eft  de  l'eau  pure  j  elle  a  feule- 
ment une  légère  odeur  empyreumatique  qui  lui 
vient  de  la  matière  phlogiftique  contenue  dajis 
la  pierre  calcaire.  La  fubftance  terreufe  de  la  cor- 
nue s'eft  convertie  en  chaux  vive  qui  fe  trouve 
noire  &  enfumée,  à  raifon  de  la  matière  phlogifti- 
que qui  y  eft  contenue  ,  de  qui  ne  peut  fe  brCileç 


ET      RAISONNÉ  E."  I7I 

idans  des  vaiflTeaux  clos  où  l'air  n'a  point  d'accès. 
Si ,  avant  la  calcination  ,  on  a  pefé  la  pierre  ,  & 
fï  on  la  pefe  de  nouveau  après  l'opération ,  on 
trouve  qu'elle  a  diminue  de  la  moitié  de  fon 
poids,  ou  à-peu-près  j  elle  a  diminué  aulli  de  vo- 
lume ,  &  a  acquis  beaucoup  plus  de  dureté  qu'elle 
n'en  avoir  auparavanr. 

Certe  expérience  prouve  donc  que  le  marbre 
blanc  contient  une  grande  quantité  d'eau,  puif- 
qu'on  la  recueille  par  la  difbiUation.  On  ne  peut 
pas  foupçonner  que  cette  eau  foit  étrangère  à  la 
terre  calcaire  ;  car  fi  l'on  a  pris  la  précaution  de 
faire  fécher  cette  terre  pendant  plulîeurs  jours  , 
jufqu'à  la  faire  bien  chauffer,  fans  la  faire  rougir , 
elle  n'en  fournit  pas  moins  d'eau  pour  cela.  La 
couleur  noire  que  prend  la  terre  enfermée  dans  la 
cornue  ,  eft  une  preuve  non  équivoque  de  l'exif- 
tence  de  la  matière  inflammable  :  c'eft  un  refte  de 
matière  animale  qui  vient  originairement  de  fa 
formation.  Tout  ceci  prouve  complettement  ce 
que  nous  avons  avancé  fur  l'origine  de  la  nature 
de  cette  terre. 

Ce  n'efl:  ni  avec  du  marbre  blanc ,  ni  de  la  ma- 
nière que  nous  venons  de  le  dire  ,  qu'on  fait  la 
chaux  dont  on  fait  ufa2;e  dans  les  arts  &c  pour  la 
bâtilTe;  mais  nous  nous  fervons  de  marbre  blanc 
pour  cette  expérience,  dans  nos  Cours  ^  parceque 
c'eft  la  terre  calcaire  la  plus  pure  ,  &  qui  fournit 
une  chaux  très  blanche.  Les  fpatiis  &  les  ftalac- 
tites  calcaires  purs  fournififent  de  mcme  des  chaux 
de  la  plus  grande  blancheur.  Nous  fiifons  cette 
expérience  dans  une  cornue,  pour  hiire  voir  la 
grande  quantité  d'eau  Se  d'air  qui  le  dégagent  pen- 
dant l'opération  :  fubftances  qui  étoient  nécelTai- 
rement  combinées  ayec  la  matière  terrcufe,  piiif- 


iji        Chymiz  expérimentale 

qu'elles  ne  fe  féparent  qu'à  la  plus  grande  vio- 
lence du  feu. 

La  chaux  ordinaire  fe  fait  avec  des  pierres  cal- 
caires communes.  Ces  fortes  de  pierres  contien- 
nent toutes  une  certaine  quantité  de  fer  dans  l'é- 
tat d'ochre  \  ce  qui  eft  aUez  indifférent  pour  les 
ufages  auxquels  on  emploie  la  chaux.  Plufieurs 
de  ces  pierres  contiennent  encore  de  la  terre  vi- 
trifiable.  Le  marbre  noir  &  tous  les  marbres  co- 
lorés font  des  pierres  calcaires  fort  impures  :  elles 
fe  lèvent  par  feuilles  j  elles  forment  de  mauvaife 
chaux  ,  èc  il  leur  arrive  fouvent  d'entrer  en  fu- 
iîon.  La  manière  de  convertir  en  chaux  vive 
les  pierres  calcaires  ordinaires  ,  confifte  à  les  cal- 
ciner au  travers  de  la  flamme  des  matières  com- 
buftibles  ,  dans  des  fourneaux  faits  exprès,  qu'on 
nomme  fours  à  chaux.  Mais  il  n'y  a  aucune  pierre 
décidément  calcaire  qui  ,  étant  traitée  dans  des 
vaifleaux  clos ,  comme  nous  venons  de  le  dire  , 
ne  fourniffe  les  mêmes  fubftances  par  une  fem- 
blable  opération.  L'eau  eft  effentielle  à  la  confti- 
tution  de  cette  forte  de  terre.  J'ai  remarqué  qu'il 
y  en  a  parmi  elles  qui  ne  fournilTent  pas  la  même 
quantité  d'eau ,  &  qui  ne  forment  pas  ,  par  la 
calcination  ,  une  chaux  vive  également  bonne  : 
cela  vient  de  l'efpece  de  décompodtion  que  fu- 
biffent  ces  pierres  par  le  laps  de  temps.  La  Nature 
tend  à  féparer  l'eau  qui  leur  eft  unie  ,  &  à  les  ra- 
mener au  caraétere  fpécifique  de  leur  origine, 
celui  de  terre  vitrifiable  :  c'eft  ce  que  l'on  voit  ar- 
river dans  certains  bancs  de  craie  où  l'on  trouve 
des  quantités  coniidérables  de  cailloux  de  diffé- 
rentes couleurs ,  qui  ne  font  autre  chofe  que  la 
terre  calcaire  devenue  vitrifiable.  J'ai  encore 
remarqué  qu'il  faut  un  plus  grand  coup  de  feu 


[ 


IT       RAISONNES.  I75 

pour  convertir  en  chaux  les  pierres  calcaires  du- 
res ,  que  pour  celles  qui  le  font  moins ,  &c  que  les 
terres  calcaires  tiès  pures  ne  fournifTcnt  pas  une 
chaux  aulîi  forte  que  les  pierres  calcaires  com- 
munes. 

Pour  fuivre  l'ordre  que  nous  nous  fommes 
prefcrit,  examinons  les  effets  de  l'âir  fur  les  pierres 
calcaires. 

Pierres  calcaires  avec  l'air. 

On  ne  connoît  point  ra(ftion  de  l'air  fur 
les  terres  calcaires  j  mais  d'apiès  tout  ce  que 
nous  venons  de  dire,  on  ne  peut  mcconnoitre 
les  grands  changements  que  le  laps  de  temps 
opère  fur  les  terres  calcaires.  On  trouve  dans 
les  cabinets  d'Hiftoire  Naturelle ,  des  coquilles 
dans  toutes  fortes  d'états  d'altcration  ,  qui  les 
approchent  de  la  terre  vitrifiable ,  &  d'autres 
coquilles  qui  le  font  devenues  complettement  : 
on  découvre  tous  les  jours  des  bancs  de  coquilles 
très  confidérables ,  qui  font  changées  en  terres 
vitrifiables.  La  Nature  produit  ces  changements" 
par  le  feu  dans  les  volcans,  &  elle  le  tait  aufli 
fans  feu  ,  par  le  laps  de  temps  j  mais  dans  l'un 
&  dans  l'autre  cas ,  c'efl:  toujours  en  féparant  l'eau 
&  l'air  qui  étoient  unis  à  la  terre  :  l'eau  ne  peut 
faire  partie  des  pierres  vitrihables ,  ni  entrer  dans 
la  fulion  vitreufe  de  ces  terres,  &,  par  conféquent, 
dans  la  vitrification.  Les  pierres  calcaires  doi- 
vent contenir  de  l'air  :  c'eft  lui  qui  fert  d'inter- 
mède pour  unir  le  principe  aqueux  à  la  terre  : 
lorfque  les  pierres  calcaires  éprouvent  les  chan- 
gements dont  nous  parlons ,  l'air  fe  fépare  d'a- 
bord. J'ignore  ,  au  refte ,  fi  on  a  fait  des  expé- 
riences pour  démontrer  l'exiftence  de  l'air  dans 
cette  efpece  de  terre  qui  doit  néceffairement  en 


474  Chymie  expérimentale 
contenir  ,  puifqu'elle  a  fait  autrefois  partie  deS 
animaux  :  c'eft  la  matière  d'un  très  beau  travail  à 
faire.  Ces  expériences  apprendroient  à  connoître 
la  terre  calcaire  dans  tous  fes  paflages  intermé^ 
diaires  ,  prife  de  la  coquille  adluellement  vi- 
vante, julqu'à  fon  état  de  converfion  &  de  retour 
en  terre  vitrifiable  :  on  remarqueroit  nécelTaire- 
ment  qu'elle  peudroit  de  plus  en  plus  fes  pro- 
priétés calcaires ,  à  mefure  qu'elle  feroit  privée 
de  l'air  ôc  de  l'eau  qui  conftituent  fon  état  cal- 
caire :  du  moins  toutes  les  expériences  que  j'ai 
déjà  faites  fur  cette  matière ,  me  conduifent  à 
penfer  ainfi. 

Terre  calcaire  avec  l'eau. 

Nous  avons  parlé  des  changements  que  la  terre 
calcaire  éprouve  en  fortant  immédiatement  des 
animaux  tellacées  &;  des  infeétes  de  mer  :  nous 
avons  expofé  ceux  que  cette  même  terre  éprouve 
par  le  laps  de  temps  qui  fépare  l'eau  &:  l'air  qui 
Faifoient  parties  conftituantes  de  ces  terres  :  nous 
avons  aulîi  confidéré  les  états  intermédiaires  par 
où  elles  paifent ,  jufqu'àce  qu'elles  foient  entiè- 
rement redevenues  terre  vitrifiable.  En  exami- 
nant un  grand  nombre  de  terres  calcaires  ,  on  en 
rencontre  dans  tous  ces  états  intermédiaires  dont 
nous  parlons  \  &  quoiqu'elles  aient  les  propriétés 
générales  des  terres  calcaires ,  elles  en  ont  de  par- 
ticulières qui  font  abfolument  relatives  aux  pro- 
portions d'air  &  d'eau  qu'elles  confervent  en- 
core. 

La  terre  calcaire  ordinaire  contient  toute  la 
quantité  d'eau  dont  elle  peut  être  chargée  :  on  ne 
peut  lui  en  combiner  une  plus  grande  dofe  ;  néan- 
moins cette  efpece  de  terre  eft  diffoluble  dans 
l'eau,  L'eau  qui  pa^e  dans  des  terreins  calcaires. 


ET       RAISONNES.  lyj 

t'en  charge  confidérablement  :  poiu"  le  pea  qu'elle 
s'évapore ,  elle  laille  cicpofer  cette  terre  dans  la 
même  proportion.  On  peut  laire  la  même  opé- 
ration dans  les  laboratoires  de  chymie ,  6c  s'affii- 
rer  de  la  dilTolubiiité  de  cette  terre.  Si  l'on  fait 
bouillir  feulement  un  inftant  de  la  craie  dans  de 
l'eau  diftillée ,  &c  Ci  l'on  filtre  la  liqueur  ,  il  eft 
facile  de  s'appercevoir ,  par  la  faveur  fade  que 
l'eau  acquiert ,  qu'elle  en  eft  faturée  :  elle  dc- 
pofe  ,  par  l'cvaporation  ,  la  terre  qu'elle  avait 
diiïbute.  Les  fpaths  &  les  ftaladites  calcaires  ont 
été  formés  par  des  eaux  qui  tenoient  de  la  terre 
calcaire  en  dillolution  j  ces  fpaths  ôc  ces  ftalac- 
tites  fe  font  cryftallifés  par  l'évapoiation  de  l'eau. 

La  terre  calcaire  eft  très  difpolée  à  perdre  (on. 
eau  principe  Se  fon  air ,  &  à  redevenir  terre  vitri- 
iiable.  C'eft  principalement  en  réitérant  les  caU 
cinations  &c  les  extinctions  dans  l'eau ,  qu'on  y 
parvient.  La  Nature  fait  cette  belle  opération  par 
le  feu  ;  mais  elle  la  fait  d'une  manière  plus  géné- 
rale ,  &c  bien  plus  en  grand  ,  fans  le  fecours  de 
ce  puilîanc  agent ,  comme  nous  le  dirons  ail- 
leurs. 

La  terre  calcaire ,  par  la  calcination  ,  acquiert 
des  propriétés  falines  alkalines.  Le  feu  combine 
d'une  manière  plus  intime  &c  différente  les  fub- 
ftances  que  la  Nature  a  réunies  dans  cette  efpece 
de  terre  j  c'eft  ce  que  nous  allons  examiner. 

Examen  des  propriétés  de  la  Chaux  vive. 

On  doit  confidérer  la  réduélion  des  pierreà  cal- 
caires en  chaux  vive  ,  conune  un  acheminement 
à  la  formation  du  principe  falin  alkalin  :  aullî 
verrons-nous  que  la  chaux  a  plulieurs  propriétés 
analogues  au  fel  alkali.  La  chaux  a,  comme  lui. 


i"^        Chymie  expérimentale 

une  faveur  acre  &c  brûlante  ;  elle  attire  de  mêhie 

puifTamment  l'humidité  de  l'air. 

Chaux  vive  expo  fée  à  l'air. 

On  met  dans  une  terrine  de  grès  deux  livres 
de  chaux  vive  en  morceaux  :  on  la  couvre  d'un 
papier  pour  la  mettre  à  l'abri  de  la  pouiîiere.  Quel- 
que temps  après  ,  elle  fe  pénètre  de  l'humidité 
répandue  dans  l'air  :  les  parties  de  la  chaux  s'é- 
cartent les  unes  des  autres ,  èc  occupent  un  vo- 
lume confidérable  :  elle  fe  réduit  en  une  poudre 
fine,  légère  ;  c'eft  ce  que  l'on  nomme  chaux  éteinte 
à  l'air.  Si  on  la  pefe  dans  cet  état ,  on  trouve 
qu'elle  eft  augmentée  de  poids  ,  environ  de  qua- 
torze onces  :  c'eft  de  l'eau  répandue  dans  l'air , 
dont  elle  s'eft  chargée.  Ces  effets  ont  lieu  plus 
promptement ,  lorfque  la  chaux  eft  expofée  dans 
un  endroit  où  l'air  eft  chargé  de  beaucoup  d'hu- 
midité ,  comme  à  la  cave. 
.  Nous  remarquerons  que  la  chaux  ainfî  expofée 
à  l'air ,  ne  peut  reprendre  la  même  quantité  d'eau 
qu'elle  a  perdue  par  la  calcination  ,  quel  que  foit 
k  temps  qu'on  la  laifte  expofée  à  l'air  :  lorfqu'elle 
s'en  eft  faturée ,  on  ne  lui  retrouve  plus  le  même 
poids  qu'avoir  la  terre  calcaire  avant  fa  calcina- 
tion. 

Cet  effet  vient  de  ce  que  la  pierre  calcaire , 
pendant  la  calcination  ,  a  perdu  la  plus  grande 
partie  de  l'eau  Se  de  l'air  principes  à  cette  efpece 
de  terre  :  beaucoup  de  molécules  terreufes  fe  font 
rapprochées  de  la  nature  de  la  terre  vitriliable  , 
&  font  devenues  par-là  hors  d'état  de  reprendre 
dans  l'air  la  même  quantité  d'eau  qu'il  y  en  a 
dans  la  terre  calcaire  avant  fa  calcination  :  mais 
la  portion  de  terre  calcaire  qui  a  éprouvé  une 

moindre 


t   T       R   A  1   S    Ô   N   N   É   P.  \-^y 

ruoindre  action  du  feu  ,  Se  qui  s'eft  convertie  en 
chaux  vive  ,  paroit  plus  divifée  qu'elle  ne  l'ctoic 
auparavant  :  c'eft  cette  partie  qui  admet  prefque 
toute  l'eau  dont  la  chaux  s'eft  chargée  pendant 
fon  expofition  à  l'air.  Quoi  qu'il  en  foit ,  la  malîs 
totale  ne  peut  admettre  la  mcme  quantité  d'eau 
que  celle  qui  entroit  dans  fa  compolition ,  ni  con- 
ferver  le  même  état  de  liccité  qu'avoit  l'a  pierre 
avant  fa  calcination.  J'ai  tenu  à  la  cave  ,  dans  des 
terrines  de  grès ,  pendant  plufieurs  années  ,  de 
la  chaux  vive  exadcment  pefée  :  elle  a  tombé  en 
efïlorelcence  ,  &c  a  conddérablement  aucrnienté 
de  poids  j  mais  elle  n'a  jamais  attiré  alTez  d'eau 
pour  pefer  autant  que  la  terre  calcaire  qui  avoic 
été  originairement  employée  j  il  s'en  talîoit  tou- 
jours de  plus  de  deux  onces  par  livre  :  elle  éroic 
toujours  plus  humide  que  de  la  même  terre  cal- 
caire, réduite  en  poudre  impalpable.  Cette  diffé- 
rence ne  peut  être  attribuée  qu'à  l'état  de  la  terre 
calcaire  qui  a  été  changée  pendant  fa  calcination , 
&  qui  s'eft  plus  ou  moins  rapprochée  de  la  nature 
des  terres  vitrifjables  qui  font  hors  d'état  d'abfor- 
ber  de  Teau. 

Chizux  vive  combinée  avec  de  l*eau, 
pâte  de  Chaux, 

On  met  dans  une  terrine  de  grès  quelques 
livres  de  chaux  vive  :  on  verfe  de  l'eau  par-dedlis  : 
elle  ne  tarde  pas  à  être  abforbée  avec  une  avidité 
confidérable.  On  remarque,  quelque  temps  après, 
&  quelquefois  fur-le-champ ,  qu'elle  s'échauffe 
conndérablement.  Les  parties  de  la  châux  s'é- 
cartent avec  un  bruit  qui  eft  afTez  fort  pour 
fe  faire  entendre  à  cinquante  pieds  de  diftance  : 
une  partie  de  l'eau  qui  la  pénétré  ,  fe  réduit  en 
vapeurs  par  la  chaleur  qu'elle  oftcafîonne  :  cetcî 
Tomi  I.  M 


Î7S  CnVMIE    E  2:  I' BRI  MENTALE 

chaleur  eft  fi  grande ,  que  jufqu'à  préfent  on  n'a 
pu  encore  en  connoître  le  degré ,  parcequ'elle  va 
jufqu'à  incendierles  matières  combuftibles  qu'elle 
touche.  On  manque  d'inftrument  pour  apprécier 
cette  chaleur  ,  même  dans  les  expériences  en  pe- 
tit ,  parcequ'elle  eft  fuffifante  pour  mettre  tou- 
tes les  liqueurs  en  ébuUition  ,  &  même  le  mer- 
cure. 

Lorfque  les  phénomènes  de  l'extinétion  de  îa 
chaux  font  pallés,  &c  qu'on  n'a  employé  que  la 
quantité  d'eau  convenable  pour  la  réduire  en 
pâte,  on  lui  donne  le  nom  de  pâte  de  chaux  : 
c'eft  dans  cet  état  qu'on  l'emploie  pour  former 
le  mortier  dont  nous  parlerons. 

Lak  de  Chaux» 

On  délaie  dans  beaucoup  d'eau  la  pâte  de  chaux  î 
elle  forme  une  liqueur  trouble,  blanche,  fem- 
blable  à  du  lait  :  on  lui  a  donné ,  à  caufe  de  cela, 
le  nom  de  laie  de  chaux, 

Éau  de  Chaux. 

Ce  lait  de  chaux  s'éclaircitparle  repos  :  la  terre 
fe  précipite.  Si  l'on  filtre  ce  lait  de  chaux  au  tra- 
vers du  papier  gris  ,  l'eau  qui  paflxî  eft  claire,  fans 
couleur  j  elle  eft  chargée  d'une  fubftance  faline 
alkaline  qu'elle  tient  en  difiolution  :  cette  fub' 
fiance  lui  donne  une  faveur  acre  ôc  amere  :  on 
nomme  cette  liqueur  eau  de  chaux.  On  donne  le 
nom  ^eau  de  chaux  féconde  à  de  nouvelle  eau 
qu'on  pafie  fur  le  marc  ;  cette  féconde  eau  de 
chaux  peut  ctre  aulfi  chargée  de  matière  faline 
que  la  première  ^  cela  dépend  des  proportions 
d'eau  &  de  chaux  qu'on  a  employées  la  première 
fois.  Lorfqu'on  a  befoin  d'eau  de  chaux  fecond(; 


ET       RAISONNÉ  E.  î-f^ 

jPoiir  rafage  de  la  Médecine  ,  il  vaut  mieux  cou- 
per l'eau  de  chaux  ordinaiie ,  après  qu'elle  cil 
faite ,  avec  fon  poids  égal  d'eau  pure. 

Pellicule  ou  Crêrfie  de  Chaux. 

Pour  peu  que  l'eau  de  chaux  s'évapore ,  il  fe 
forme  à  fa  furface  une  pellicule  yà///20-rt'rrt:.'-y^ 
que  l'on  nomme pc//icu/e  ou  crcme  de  chaux. 

En  continuant  de  palfer  beaucoup  d'eau  fur  le 
marc  refté  fur. le  filtre  ,  on  parvient  à  enlever  i 
la  chaux  tout  ce  qu'elle  peut  fournir  de  cette  fub- 
ftance  falino-tetreufe  dans  l'eau  \  mais  il  faut  une 
prodigieufe  quantité  d'eau.  Il  refte  enfin  une  très 
grande  quantité  de  terre  blanche  qui  n'a  plus  au- 
cune des  propriétés  de  la  chaux  :  ce  n'eft  plus 
qu'une  terre  calcaire  peu  différente  de  ce  qu'elle 
étoit  auparavant.  Il  feroit  à fouhaiter  qu'on  fuivîc 
les  calcinations  &  les  lotions  jufqu'à  ce  que  li 
terre  calcaire  fe  refusât  à  préfenter  les  mcmeS 
phénomènes.  M.  Duhamel  obferve  que  la  chaux 
bien  imbibée  d'eau  ,  foumife  à  la  calcination , 
retient  l'eau  dont  elle  a  été  pénétrée ,  avec  plus  de 
force  que  lorfqu'on  calcine  la  pierre  pour  la  pre- 
mière fois  ,  puifqu'alors  il  a  fallu  un  plus  grand 
coup  de  feu  pour  faire  dilfiper  entièrement  l'hu- 
midité qui  la  pénétroit  (i). 

Jufqu'à  préfent  il  a  été  impoflîble  de  convertis.' 
En  chaux  vive ,  par  une  feule  calcination  ,  toute 
la  fubftance  de  la  pierre  :  il  en  relie  ,  après  le  la- 
vage ,  la  plus  grande  partie  qui  n'eft  point  de- 
venue chaux  vive  pendant  la  calcination  ,  5c  qui 
ne  peut  plus  rien  communiquer  à  l'eau. 


{i}  Mémoires  de  l'Académie  ,  année  1747 ,  pn^c  C-jt 

Mij" 


i3o        Chymie  expérimentale 

La  matière  falinocerreufe  que  fournit  la  chaux 
pendant  fon  extindion  ,  fe  difTout  en  trop  petite 
quantité  dans  l'eau  ,  pour  enlever  a  la  chaux  tout 
ce  qu'elle  peut  fournir  de  cette  matière  :  il  faut 
une  quantité  très  confidcrable  d'eau. 

J'ai  mis  dans  douze  livres  d'eau  chaude  très 
pure  ,  un  gros  de  chaux  vive  :  la  chaux  s'eft 
éteinte  comme  de  coutume  ^  &  dans  l'efpace  de 
deux  heures ,  il  s'eft  formé  une  pellicule  ou  crème 
de  chaux  aiTez  forte  ,  quoiqu'il  n'y  ait  point  eU 
d'évaporation.  L'eau  n'avoit  pas  ,  à  beaucoup 
près  ,  une  faveur  auiÏÏ  force  qu'on  auroit  dû  s'y 
attendre,  en  voyant  l'épailTeur  de  cette  pelli- 
cule :  ainfi  la  pellicule  qui  peut  paroître  a  la  fur- 
face  de  l'eau  de  chaux ,  n'eft  pas  toujours  une 
f)reuve  qu'elle  eft  faturée  de  cette  fubftance  fa- 
ine. 

Les  pellicules  de  chaux  font  une  matière  falinè 
qui  a  les  propriétés  générales  des  fels  :  ces  pelli- 
cules ont  un  peu  de  faveur:  elles  font  diflolubles 
dans  l'eau  ,  en  petite  quantité  ,  à  la  vérité  ;  car 
deux  onces  d'eau  diftillée  &c  bouillante  en  dillol- 
vent  à  peine  trois  grains  :  cependant,  lorfqu'on 
préfente  à  l'eau  beaucoup  de  ces  pellicules  à  la 
fois  ,  elle  en  dilïout  une  bien  plus  grande  quan- 
tité. 

Remarques. 

Examinons  préfenrement  les  phénomènes  de 
la  chaux,  dont  nous  venons  de  rendre  compte. 

Le  premier  phénomène  eft  que  les  pierres  cal- 
caires contiennent  plus  de  la  moitié  de  leur  poids 
d'eau  qu'on  fépare  par  la  diftillation  :  elles  ren- 
ferment auiîi  un  peu  de  matière  inflammable, 
puifque  la  pierre  calcinée  ,  reftée  dans  la  cornue, 
eft  noire  &  comme  enfumée. 


IT      HAISONNil.  181 

Pendant  la  calcination ,  route  l'eau  delà  pierre 
calcaire  ne  s'évapore  pas  :  il  en  refte  une  quantité 
très  coniîdérable.  La  preuve  en  eft  qu'on  peut  lui 
enlever  encore  ,  par  une  calcination  plus  forte  & 
plus  long-temps  contiiuiée,  une  partie  de  l'eau 
qu'elle  a  lerenue.  Tant  que  la  chaux  eft  blanche 
&:  opaque ,  elle  contient  de  l'eau  qu'on  peut  lui 
enlever.  L'inftant  où  elle  celTe  d'en  contenir ,  eft 
celui  où  elle  devient  diaphane  ,  &  qu'elle  eft 
convertie  en  un  verre  net  &:  tranfparent  :  alors  la 
terre  calcaire  eft  changée  de  nature  :  elle  fe  trouve 
convertie  en  terre  vitrifiable  ;  elle  en  a  exade- 
ment  les  propriétés  :  elle  eft  abfolument  privée 
d'eau ,  parceque  l'eau  ne  peut  point  Faire  partie 
de  la  vitritication  :  c'eft  cette  eau  très  adhérente 
aux  terres  calcaires ,  qui  les  rend  fi  réfraélaires  : 
c'eft  elle  aulîi  qui  s'oppofe  à  leur  vitrification.  La 
chaux ,  telle  qu'on  a  coutume  de  l'avoir ,  doit 
contenir  néceftairement  une  certaine  quantité 
d'eau  :  lorfqu'elle  en  eft  trop  privée  par  une  trop 
forte  calcination  ,  elle  fe  rapproche  ,  en  propor- 
tion de  cette  calcination ,  de  la  nature  des  pierres 
vitnhables ,  &c  elle  perd  de  plus  en  plus  fes  pro- 
priétés de  chaux  vive.  Ce  phénomène  arrive  quel- 
quefois aux  Chaufourniers  :  ils  nomment  choux 
brûlée  j  la  chaux  qui  a  été  ainfi  trop  calcinée  :  on 
la  met  à  part  pour  n'être  point  employée  dans  les 
bâtiments. 

L'aétion  du  feu  ,  pendant  la  calcination  de  la 
pierre  calcaire  ,  combine  la  portion  de  phiogifti- 
que  Se  l'eau  qui  ne  fe  font  pas  diflipées ,  avec  une 
portion  de  la  terre  calcaire  :  cette  combinaifon  eft 
plus  intime  que  celle  qui  exiftoit  dans  la  pierre 
calcaire  avant  fa  calcination  ,  Ôc  elle  fe  fait  d'une 
manière  différente.  Il  fe  forme  de  la  matière  fa- 
illie alkaline  propoLtiounellement  à  ce  qui  refte 

Miij 


iSz       Chymie  expérimentale 

d'eau ,  d'air  &c  de  matière  inflammable  unis  â  la 
terre  calcaire  pendant  fa  calcination.  La  portion 
d'alkali  fe  dilîout  dans  l'eau  lors  de  l'extindion  de 
la  chaux ,  &  lui  communique  une  faveur  qui  a 
toutes  les  propriétés  d'un  alkali  fixe  :  nous  prou- 
verons cette  dernière  propofition  dans  un  inftant* 

Les  coquilles  d'huîtres  &  les  coquilles  d'œufs 
dans  l'état  naturel ,  contiennent  davantage  de 
matière  inflammable  que  les  pierres  calcaires  : 
ces  coquilles  fourniflent ,  par  cette  raifon  ,  une 
chaux  beaucoup  plus  forte  ôc  plus  acre  que  les 
terres  calcaires  les  plus  pures ,  parceque  leur  ma- 
tière inflammable  donne  lieu  à  la  formation  d'une 
plus  grande  quantité  de  cette  fubftance  faline  al- 
Icalinc. 

Quoiqu'on  calcine  ces  pierres  à  travers  la  flam- 
me ,  toute  la  matière  phlogiftique  ne  fe  brûle 
pas,  comme  on  pourroit  le  foupçonner  j  il  n'y  a 
que  la  portion  qui  efl:  à,  la  furface  :  celle  de  l'in- 
rérieur  fe  trouve  renfermée  comme  le  charbon 
dans  la  bcjte  de  fer ,  qui  ne  brûle  pas  faute  du 
concours  de  l'air.  Cette  portion  de  phlogiftique 
y  eft  de  ia  plus  grande  fixité  :  elle  fe  combine 
avec  la  terre  ôz  l'eau ,  &  forme  la  m,atiere  fa-j 
line. 

he  fécond  phénomène  que  la  terre  calcaire  pré- 
fpnte  après  fa  calcination  ,  eft  fa  diminution  de 
volume  &  fon  augmentation  de  dureté.  Comme 
elle  a  perdu  beaucoup,  d'eau  ,  en  conçoit  facile- 
ment la  diminution  de  fon  poids  j  mais  ,  pour, 
qu'elle  perde  fon  volume  ,  il  faut  fuppofer  qu'il 
y.  a  eu  entre  les  parties  de  la  pierre  un  mouvement 
c^ui  aoccafionné  leur  rapprochement  j  fans  cela, 
la  chaux  feroit  légère  &  fpongieufe  :  elle  eft ,  an 
contraire,  plus  pefante  qu'un  pareil  volume  do 
Içmblable  pierre  non  calcinée:  elle  a^  acciiis.^ 


ET      «.AISONNÈe.  iSj 

buti'ô  cela,  beaucoup  plus  de  dureté  :  elle  a  mcme 
un  [on  timbre  comme  celui  des  pierres  vitrifia- 
bies.  La  retraite  de  ces  pierres ,  pendant  leur  caU 
cination  ,  eft  quelquefois  (î  grande  ,  qu'elle  va 
jufqu'à  la  moitié  de  leur  volume  :  cette  diminu- 
tion occafionne  fouvent  des  éboulements  dans 
les  tours,  pendant  la  converlion  de  ces  pierres  ea 
chaux. 

Le  troijîeme  phénomène  qu'il  eft  important  de 
remarquer  ,  eft  la  propriété  qu'a  la  chaux  de  fe 
charger  de  l'humidité  de  l'air  ,  &:  de  s'échauffer 
confidérablementavec  l'eau.  Plufieurs  Plivficiens 
avoient  attribué  ces  eftets  à  des  parties  de  ku  qui 
fe  fixent  dans  la  pierre  pendant  fa  calcination. 
Quoique  ce  fentiment  ne  foit  pas  dénué  de  toute 
vraifemblance  ,  il  a  été  abfolument  rejette  :  ce- 
pendant je  le  crois  le  plus  probable  \  mais  il  faut 
lavoir  auparavant  ce  que  l'on  entend  par  cqs  par- 
ties de  feu  ainfi  fixées.  Si  l'on  entend  que  ce  fonn 
des  parties  de  feu  libre  &;  pur  qui  fe  font  feule- 
ment nichées  dans  les  cellules  de  la  pierre  ,  ce 
fentiment  pourra  paroître  abfurde ,  puifque  la 
chaux  vive  n'indicjue  pas  plus  de  chaleur  que  les 
autres  corps  qui  font  dans  fon  voifinage.  Il  me  pa- 
roîr  certain  que  la  chaleur  que  produit  la  chaux: 
pendant  [on  extinction  dans  l'eau  ,  doit  être  attri- 
buée au  teu  qu'elle  contient;  mais,  pour  rendre 
cette  propofition  facile  à  concevoir ,  il  faut  faire 
voir  que  cette  chaleur  eft  due  à  l'état  fous  lequei 
le  feu  le  trouve  dans  la  chaux  :  il  n'eft  pas  feule- 
ment interpolé  entre  les  parties  de  la  pierre  ;  il 
s'y  trouve  dans  l'état  de  demi-combinailon  ,  qui 
avoilme  de  bien  près  l'état  f^ilin  parfait. 

11  y  a  plufieurs  fubftances  qui  ont  la  propriété 
de  fixer  &  de  combiner  ainfi  plus  ou  morns  dit 
feu ,  6>:  qi.ù  oat ,  après  la  calciiiaiion  ,  plufieai::^ 

Miv 


184  ChYMIE    ÏXrÉR-lMENT/LE 

propriétés  communes  avec  la  chaux  :  ce  font  les- 
maneres  métalliques  calcinables  ,  qui  augmen- 
ten  de  poids  &  de  volume  ,  au  lieu  de  diminuer 
comme  font  les  pierres  calcaires  que  l'on  con- 
vertit en  chaux.  Ces  différences  viennent  de  ce 
que  les  matières  métalliques  ne  contiennent  point 
d'eau,  &  qu'elles  fouftrent  une  moindre  déper- 
dition de  fubftances ,  pendant  leur  calcination  , 
que  les  pierres  calcaires.  Les  chaux  métalliques 
ne  s'échauffent  point  non  plus  dans  Tcau  ,  parce-^ 
qu'elles  retiennent  opiniâtrement  plus  de  prin- 
cipe inflammable  ,  qui  combine  mieux  que  les 
chaux  pierreufes  ,  le  feu  qu  elles  s'aflimilent  : 
nous  verrons,  dans  un  inftant,  que  cette  hypo- 
thefe  n'eft  point  jettée  au  hafard,  &c  qu'elle  eft 
fondée  fur  plufieurs  expériences.  Je  fuis  parvenu 
à  diminuer  6c  même  à  faire  perdre  entièrement  à 
la  chaux  la  propriété  qu'elle  a  d<:  s'échaufîer  avec 
l'eau.  C'eft  par  l'addition  d'une  quantité  de  ma- 
tière inflammable  ,  que  j'ai  réufli  à  produire  cet 
effet  :  cette  addition  facilite  les  moyens  de  mieux 
fixer  &  de  mieux  combiner  le  feu ,  qu'on  ne  le 
feroitfans  cette  circonftance.  Le  produit  qui  en 
ïéfulte ,  a  des  propriétés  diftérentes  de  la  chaux 
vive. 

Il  paroît  comme  certain ,  d'après  ce  que  nous 
avons  dit  en  examinant  les  propriétés  des  corps 
qui  contiennent  du  feu  combine  ,  que  ces  corps 
5€chaufîentpar  le  frottement,  à  proportion  qu'ils 
contiennentdavantage  de  cefeu  combiné,  &  qu'ils 
font  en  même  temps  de  confiftance  à  pouvoir  ré- 
fîfter  à  un  grand  frottement ,  fans  fe  réduire  en 
poudre  :  or  ,  ni  la  chaux  ,  qui  eft  une  matière  ter- 
reufe  non  inflammable  ,  ni  l'eau  ne  contiennent 
alfez  de  fubftance  combuftible ,  pour  produire 
par  leur  union  une  inflammation  :  auitî  on  n'a 


ET      RAISONNÉ  1.  185 

Jamais  VU  paroître  de  flamme  dans  de  la  chaux  qui 
s'éteint  par  le-moyen  de  l'eau ,  en  quelque  quan- 
tité que  cette  chaux  fe  trouve.  Les  parties  de  feu 
qui  le  dégagent,  font,  comme  celles  qui  font 
réunies  dans  le  foyer  d'un  miroir  ardent,  ou  dans 
celui  d'une  lentille ,  du  feu  pur  &  invifible,  par- 
ceque,  dans  ces  diftcrents  cas,  il  n'y  a  point  de 
matière  combuftible  pour  produire  de  la  flamme. 
Le  feu,  dans  ces  circonftances,  ne  fe  manil^efte  que 
par  les  effets  qu'il  produit  fur  les  corps  qui  l'envi- 
ronnent, comme  lorfqu'on  place  des  corps  au 
foyer  de  ces  infl:ruments  :  ces  corps  font  alors  en- 
flammés ou  calcinés  en  un  inftant.  Il  en  eft  da 
même  d'une  grande  quantité  de  chaux  qui  s'éteint- 
dans  de  l'eau.  La  grande  abondance  de  feu  pur 
qui  fe  dégage ,  fe  réunit  &  met  le  feu  aux  matières 
combuftibles  qui  fe  trouvent  dans  leur  voifinage. 
On  voit  fouvent  de  ces  fortes  d'incendies  arriver 
â  des  voitures  &  à  des  bateaux  chargés  de  chaux 
vive.  Voici  comme  je  conçois  que  les  chofes  fe 
pafl^'ent. 

La  pierre,  pendant  la  calcination  ,  laifle  dif- 
/îper  la  plus  grande  partie  de  fon  eau  principe  :  fes 
parties  intérieures  font  remplies  d'une  multitude 
infinie  de  petits  efpaces  vuides  d'air  ,  que  la  raré- 
faction de  l'eau  a  occafîonnés  en  fe  diflîpant, 
comme  il  arrive  à  un  verre  de  thermomètre 
qu'on  vuide  d'air  à  l'aide  d'une  goutte  de  liqueur , 
pour  le  remplir  enfuite  de  liqueur  plus  facile- 
ment. L'eau  qu'on  préfente  a  la  chaux  eft  abfor- 
bée  par  les  bouches  ou  tuyaux  capillaires  qui  com- 
pofent  toute  fa  furface  :  cette  eau  pénètre  jufques 
dans  l'intérieur  de  la  chaux  ,  comme  feau  entre 
dans  un  verre  de  thermomètre  purgé  d'air.  Il  fe 
fait,  entre  les  parties  de  la  terrée  celles  de  l'eau, 
un  frottement  confidérable ,  &:  qui  eft  multiplié 


iS5  Chymie  expérimentale 
à  l'infini  par  les  ditïcrenrs  canaux  qui  font  à  la  fur- 
face  des  morceaux  de  chaux.  Ce  frottement  pro- 
duit de  la  chaleur  :  cette  chaleur  pourroit  être 
médiocre,  &  femblable  à  celle  qui  rcfulteroit 
de  l'eau  qui  pénétreroit  une  pierre  ponce  bien 
feche  ,  ou  à  celle  qui  feroit  produite  par  le  frot- 
tement de  deux  morceaux  de  pierre  vitrifiable  ^ 
mais  ,  comme  la  chaux  contient  une  grande 
quantité  de  parties  de  feu  dans  l'état  de  demi- 
combinaifon  ,  &  qu'il  n'y  a  pas  affez  de  matière 
inflammable  dans  la  pierre  calcaire  pour  retenir 
ce  feu  ,  l'eau  qui  pénètre  la  chaux ,  détruit  ceztQ 
fohe  de  combinaifon,  &  permet  aux  parties  ds 
rende  fe  dégager  :  ces  parties  fe  réunifl^ent ,  pro- 
duifent  de  la  chaleur,  dilatent  l'eau,  l'échauffenc 
&  la  mettent  en  cbuUition  :  l'eau  qui  pénètre 
la  pierre  ,  efl:  réduite  en  vapeurs  :  l'effort  qu'elle 
fait  pour  s'échapper ,  écarte  les  parties  de  la  pierre 
jufques  dans  fes  plus  petites  molécules  ,  &la  di- 
vife  &  fubdivife  à  l'infini.  Si  le  mélange  ne  con- 
tient que  l'eau  nécelfaire  pour  réduire  la  chaux 
en  pâte  ,  les  parties  de  feu  n'ont  pas  la  liberté  de 
s'étendre  :  elles  fe  réuniffenr  &  mettent  le  feu  aux 
fubftances  combuPtibles  quife  trouvent  dans  leuu 
voifinage.  Jufqu'ici,  nous  avons  examiné  les  phé- 
nomènes de  la  chaux  ,  avec  la  fuppofition  qu'elle 
contient  beaucoup  de  parties  de  feu  dans  l'état  de 
demi-combinaifon ,  &  ifolées  par  la  terre  j  nous 
prouverons  cette  fuppofiEion  dans  le  phénomène 
luivant  que  nous  allons  examiner. 

Le  quatrième  phénomène  que  préfente  l.i 
chaux  pendant  fon  extinction,  eft  la  faveur  qu'elle 
communique  à  l'eau.  Par  la  faveur  de  cette  eau  ^ 
on  ne  peut  méconnoître  l'exiftence  d'une  matière- 
féline  alkaline  :  cette  fubflance  faline  a  été  recou- 
iiue  par  pluHeurs  C.hy milles.  5  niée  par  d'auttçs,  j^ 


ET      RAISONNÉ  E.  187 

êc  enfuite  adoptée  de  nouveau.  Staahl  &  route 
ion  école  penfent  que  cette  matière  faline  alka- 
line  efl:  produite  pendant  l'extindion  de  la  chaux 
dans  l'eau  \  qu'elle  eft  due  à  l'extrcme  divifion  des 
parties  de  la  terre ,  qui  fe  combinent  avec  l'eau  , 
èc  qu'elle  n'eft  nullement  formée  pendant  la  cal- 
cination  de  la  pierre.  Malgré  la  déférence  que 
l'on  doit  avoir  au  fentiment  de  Staahl  &  de 
quelques  autres  habiles  Chymiftes  qui  ont  penfé 
comme  lui  fur  cette  matière ,  je  crois  devoir  adop- 
ter une  opinion  différente ,  avec  d'autant  plus  da 
raifon, que  Staahl  n'admettoitpour  toute  fubftance 
dans  la  compofition  des  fcls ,  que  l'union  de  l'eau 
avec  la  terre  :  il  n'a  jamais  penfé  que  le  phlogifti- 
que  ou  le  feu  entrât  dans  la  compofition  des  fels. 
Nous  verrons  cependant  qu'il  joue  le  principal 
rôle  dans  cette  compofition  ,  &  que  c'eft  à  lui 
qu'on  doit  rapporter  les  principales  propriétés  de 
CQS  fubftances. 

L'extrcme  divifion  fous  laquelle  fe  préfente  la 
chaux'  pendant  fon  extinélion  ,  eft  un  état  très 
favorable  à  fa  combinaifon  avec  l'eau  \  mais ,  fi 
des  parties  de  feu  ne  s'unilToient  pas  en  même 
temps  ,  il  n'en  réfulteroit  qu'une  dilTolution  de 
rerre  dans  l'eau ,  qui  n'auroit  qu'une  faveur  fade  , 
femblable  à  celle  dans  laquelle  on  a  fait  bouillir 
de  la  craie.  L'eau  de  chaux  au  contraire  a  une  fa- 
veur acre  alkaline  qui  indique  qu'il  eft  entré  dans 
fa  compofition  d'autres  fubftances  que  l'eau  &:  la 
lerre  :  la  faveur  de  cette  eau  aimonce  qu'il  eft  né- 
celTaircment  entré  du  feu  dans  la  combinaitoii 
qu'elle  rient  en  dilTolution.  Ce  feu  n'eft  pas  feu- 
lement interpofé  ,  mais  bien  dans  l'état  de  com- 
binaifon lui-mcme  :  il  eft,  comme  nous  l'avons 
^it  3  le  principe  des  faveurs ,    3c  le  feul  éléroeaÇ; 


iSS  ClîY?.(IE    EXPÉRIMENTALE 

favoureux  :  c'eft  lui  qui  donne  de  la  faveur  à  l'eau 
de  chaux  ,  à  toutes  les  fubftances  falines  &  à  tous 
les  coips  qui  ont  de  la  faveur.  C'eft  ce  que  nous 
nous  promettons  de  développer  plus  particulière- 
ment. 

Je  penfe  donc  que  la  combinaifon  faline  qui 
cxifte  dans  l'eau  de  chaux ,  étoit  auparavant  dans 
la  chaux  même  ,  avant  fon  extindtion  dans  l'eau. 
La  terre  calcaire ,  comme  nous  l'avons  dit ,  con- 
tient beaucoup  d'eau  ôc  un  refte  de  matière  in- 
flammable ,  provenant  des  corps  organifés,  dont 
cette  terre  raifoit  ci-devant  partie.  L'action  du 
feu ,  pendant  la  calcination  ,  combine  une  partie 
de  la  terre  avec  l'eau  &  avec  le  principe  inflam- 
mable ,  d'une  manière  plus  intime  que  ces  fub- 
ftances ne  l'étoient  dans  la  terre  calcaire  avant  fa 
calcination.  Il  réfulte  de  cette  union  une  matière 
vraiment  faline  j  mais  elle  eft  fufceptible  d'être 
détruite  par  une  trop  forte  Se  trop  longue  calci- 
nation. Cela  arrive  dans  les  fours  à  chaux  ordi- 
naires ,  où  des  pierres  plus  expofées  les  unes  que 
les  autres  à  la  violence  du  feu  ,  ne  font  plus  de  la 
chaux.  Ces  pier^  es  trop  calcinées  tiennent  en 
quelque  forte  le  milieu  entre  les  pierres  vitrifia- 
bles  &  la  terre  calcaire.  Les  ouvriers  les  nomment 
pierres  brûlées  ,  parcequ'elles  ne  font  plus  fufcep- 
tibles  de  préfenter  avec  l'eau  les  phénomènes  de 
la  chaux  ordinaire.  lime  paroît  bien  démontré, 
d'après  ce  que  nous  venons  de  dire  ,  que  la  ma- 
tière faline  eft  bien  véritablement  formée  pen- 
dant la  calcination  des  pierres  calcaires.  L'eau  , 
pendant  l'extindion  de  la  chaux  ,  eft  purement 
un  moyen  de  féparer  cette  combinaifon  ,  comme 
elle  l'eft  pour  féparer  le  fel  contenu  dans  la  cendre 
des  végétaux.  Il  n'y  auroit  pas  plus  de  raifon  de 


ET      RAISONNE!.  185J 

croire  que  l'eau  employée  pour  lelliver  les  cen- 
dres ,  produit ,  avec  la  terre  du  végétal ,  les  dific- 
rents  fels  qu'on  en  retire. 

J'ai  reconnu  ,  en  examinant  de  la  chaux  qui 
avoir  été  enfermée  pendant  quinze  années  dans 
une  bouteille  de  verre ,  bouchée  de  liège .  que  le 
bouchon,  ayant  perdu  fou  élafticité ,  avoit  permis 
à.  l'air  d'y  entrer  d'une  manière  infenlible.  Cette 
chaux  a  été  ,  pour  ainfi  dire  ,  tout  ce  temps  à  s'é- 
teindre par  l'humidité  de  l'air  ^  ôcà  (e  réduire  en 
poudre.  L'ayant  traitée  enfuite  avec  de  l'eau ,  elle 
ne  s'eft  point  échauffée  ,  parceque  les  parties  de 
feu  à  demi  combinées ,  dont  elle  étoit  pénétrée  , 
fe  font  dilîipées  d'une  manière  infenfible^  mais 
«lie  a  fourni  dans  l'eau  autant  de  matière  laline  , 
qu'une  pareille  quantité  de  chaux  vive  dont  elle 
provenoit.  Il  faudroit  donc  fuppofer  alors  que 
cette  matière  faline  a  été  quinze  années  à  fe  for- 
mer ,  qui  eft  le  temps  que  cette  chaux  a  été  à  s'é- 
teindre. 

Nonobftant  tout  ce  que  je  viens  de  dire,  j'ai 
encore  de  fortes  raifons  pour  croire  que  la  matière 
faline  fe  forme  pendant  la  calcination  de  la  pierre, 
&  par  le  concours  de  la  matière  inflammable 
qu'elle  contient.  i°.  Il  eft  de  tait  que  les  pierres 
vitrifiables  pures,  calcinées,  ne  préfentent  au- 
cun des  phénomènes  de  la  chaux  ,  parcequ'il  eft 
de  leur  elfence  de  ne  contenir  ni  eau  ,  ni  air,  ni 
matière  inflammable  dans  le  même  état  qu'il  s'en 
trouve  dans  les  pierres  calcaires.  i°.  A  mefure 
qu'on  prive  les  pierres  calcaires  des  fubftances  qui 
les  conftituent ,  on  leur  diminue  d'autant  la  pro- 
priété qu'elles  ont  de  former  de  la  chaux  ,  en  les 
éloignant  davantage  de  la  nature  des  pierres  cal- 
caires ,  ôc  en  les  rapprochant  beaucoup  plus  de 
celle  des  terres  vitrinables.  3".  Enfin,  les  terres 


ïcfo        Chymie  expéiIim£ntAlé 

•calcaires ,  fort  abondantes  en  principes  inflaitinia^ 
blés ,  en  eau  de  en  air  ,  comme  font  les  coquilles 
d'huîtres  récentes  ,  forment  de  la  chaux  vive  in- 
finiment plus  forte  que  les  terres  calcaires  ordi- 
naires :  la  chaux  des  coquilles  fournit  auflî  da- 
vantage de  matière  faline  ,  fans  produire  plus  de 
chaleur  pendant  fon  extindtion ,  que  de  la  chaux 
vive  ordinaire  :  ainfi  on  ne  peut  pas  dire  que  c'eft  le 
mouvement  &  la  chaleur ,  produits  pendant  l'ex- 
tindion ,  qui  combinent  davantage  de  terre  avec 
l'eau,  pour  former  une  plus  grande  quantité  de 
matière  faline  :  cette  combinaifon  ell  due  aux 
proportions  d'eau ,  d'air  de  de  principe  inflamma- 
ble qui  fe  trouvent  dans  les  coquilles  d'huîtres 
récentes. 

Je  me  fuis  bien  convaincu  par  l'expérience  ^ 
qu'en  ajoutant  aux  terres  calcau^es  ordinaires  de 
la  matière  inflammable  qu'elles  ont  perdue  par 
le  laps  de  temps,  on  leur  donne  la  propriété  de  for- 
mer de  la  chaux  vive  aufli  forte  8c  aulîi  bonne  que 
celle  qu'ont  produit,  par  la  calcination,  des  coquil- 
les d'huîtres  récentes  :  en  les  calcinant  enhn  avec 
beaucoup  de  fubftance  inflammable ,  je  fuis  par- 
venu à  produire  un  véritable  alkali  fixe,  &:  qui 
en  a  toutes  les  propriétés  ^  comme  nous  le  dirons 
dans  un  inftant. 

La  matière  faline  qu  on  fépare  en  leflivant  la 
chaux ,  n'a  pas  les  propriétés  alkalines  aufli  mar- 
quées qu'un  alkali  fixe  pur  ,  parceque  la  matière 
faline  dans  la  chaux  s'y  trouve  dans  toutes  fortes 
d'états.  La  portion  d'alkali  fixe  qui  eft  complet- 
tement  formée  ,  eft  fi  bien  combinée  avec  celle 
qui  l'avoifine ,  de  celle-ci  avec  la  portion  qui  l'ap- 
proche le  plus ,  &  ainfi  de  fuite  jufqu'aux  portions 
qui  font  dans  l'état  le  plus  terreux  ,  qu'il  réfulto 
^n  tout  falin  trçç  terreux  qui  mafque  les  proprié-» 


Et      RAISONNÉ  È.  le>f 

tés  de  la  petite  portion  d'alkali  bien  formé.  Il  eft 
à  préiamer  que ,  ii  l'on  faifoit  dilToudre  dans  de 
l'eau  ,  plufieurs  fois  de  fuite  ,  une  grande  quan- 
tirc  de  pellicules  de  chaux ,  on  fépaieroit  chaque 
fois  beaucoup  de  terre  ,  &c  qu'on  obtiendroit  en- 
fin une  liqueur  alkaline,  ou  un  vrai  lel  alkali 
fixe  dont  les  propriétés  ne  feroient  pas  équivo- 
tjues ,  comme  elles  paroilfent  l'être  en  examinant 
<îes  pellicules  de  chaux.  Je  penfe  qu'il  ieroit  nc-^ 
ceflaire  d'ajouter  à  l'eau  quelques  gouttes  d'efprit 
de  vin  ,  ou  une  autre  fubftance  inflammable  pure, 
afin  de  retenir  les  parties  de  feu  qui  le  dilliperoienC 
fans  cette  addition. 

Le  cinquième  phénomène  fur  la  chaux,  qui  mé- 
rite d'ctre  examiné  ,  eft  celui  de  l'adhérence  de 
l'eàu  à  la  terre  calcaire  :  l'eau,  quoique  très  vola- 
tile ,  fupporte,  pendant  la  caleination  de  la  pierre  j 
le  degré  d'incandefcence  fans  fe  volatilifer ,  puif- 
qu'elle  rougit  à  blanc  pendant  long-temps,  fans 
s'évaporer^  ce  qui  nous  prouve  deux  chofes:  i°.  fa 
combinaifon  &  fon  extrême  adhérence  avec  la 
terre  :  cette  dernière  fubftance  eft  un  corps  fixe 
qui  communique  à  l'eau  une  partie  de  fes  pro* 
prières  :  2°.  cela  nous  prouve  encore  combien  la 
matière  en  général  peut  acquérir  de  nouvelles 
propriétés  ,  en  entrant  dans  de  nouvelles  combi- 
Jiaifons  ,  &:  combien  elle  eft  fufceptible  de  mo- 
difications différentes. 

Lorfque  l'eau  eft  unie  A  la  terre  d'une  manière 
plus  intime ,  &  qu'elle  y  eft  dans  l'état  falin  , 
comme  dans  la  matière  faline  de  la  chaux  ,  elle  y 
adhère  encore  bien  plus  fortement.  C'eft  la  caufe 
pour  laquelle  ,  lorfqu'on  calcine  de  la  chaux  ré- 
duite en  pâte  par  de  l'eau  ,  cette  eau  ne  peut  plus 
quitter  fa  nouvelle  combinaifon  ,  qu'en  la  dé- 
f  ruifant  ;  elle  eft  alors  ii  adlKtentej  qu&  la  combi» 


19 i  Chymie    EXPÉRTMENTALE 

n.iifon  entière  s'évapore  plutôt  que  les  parties 
conftituantes  ne  fe  fcparent. 

Chaux  avec  la  Terre  v'uri fiable. 
Mortier  de  chaux  &  de  fable  pour  la  bâtifTc. 

JLefixleme  ôc  dernier  phénomène  q«i  nous  refte 
à  examiner  fur  la  chaux ,  ell  l'adhérence  extrême 
de  la  matière  falino-  terreufe  fur  les  corps  lilTes  ÔC 
vitreux  :  c'eft  fur  cette  propriété  qu'eft  fondé  l'u- 
fage  du  mortier  de  chaux  &  de  fable  pour  bâtir. 
Comme  c'eft  à  cette  matière  faline  qu'eft  due  la 
bonté  du  mortier,  il  convient,  lorfqu'on  fait 
l'extinction  de  la  chaux  ,  de  n'employer  que  la 
quantité  d'eau  convenable  ,  de  de  prendre  gardé 
que  celle  qu'on  pourroit  mettre  de  trop  ,  ne  s'é- 
coule ou  ne  s'imbibe  dans  les  terres ,  parcequ'elle 
emporteroitavec  elle  une  partie  de  cette  fubftance 
précieufe  au  mortier. 

Pour  faire  le  mortier ,  on  mêle  enfemble  à-peu- 
près  parties  égales  de  pâte  de  chaux  &;  de  fable  , 
ou  deux  parties  de  fable  fur  une  de  pâte  de  chaux. 

Ce  mélange  n'a  d'abord  que  la  confiftance  d'une 
pâte  j  mais ,  avec  le  temps ,  il  acquiert  une  foli- 
dité  prefque  égale  à  celle  des  terres  calcaires  les 
plus  dures.  Cet  eftet  hngulier  eft  dû  a  la  matière 
falino-terreufe  que  produit  la  chaux.  Lorfqu  elle 
s'applique  fur  un  corps  vitrifiable  ,  elle  s'intro- 
duit dans  fes  pores  les  plus  imperceptibles ,  quel- 
que dur  que  foit  ce  corps.  On  en  a  la  preuve  en 
faifant  éteindre  dans  un  verre  de  la  chaux  vive 
avec  un  peu  d'eau.  La  matière  falino-terreufe  de 
la  chaux  prend  avec  ce  verre  une  telle  adhérence, 
qu'au  bout  de  quelques  jours  iln'eft  plus  poffible 
<le  l'en  détacher.  Le  verre  refte  terne  &:  paroîc 

dépoli. 


ET      R  A  î  S  O  N'  N  h  £.  Jc)^ 

dépoli.  Le  même  effet  arrive  à  chacun  de^  grains 
de  fable  du  mortier  :  ils  fe  trouvent  liés  les  uns 
aux  autres  par  l'effet  de  la  chaux  :  leur  adhérence 
augmente  avec  le  temps ,  i  mefure  que  le  mortier 
perd  fort  humidité.  Les  matières  les  plus  ordi- 
naires qu'on  emploie  avec  la  chaux  ,  font  le  fahle 
de  rivière  ,  le  fablon  ,  certains  fables  très  lins, 
mêles  d'argille,  &■  Targille  cuite  pulvérifée  qu'on 
appelle  communément  ciment.  On  fe  feit  pouf 
cela  des  débris  de  tuiles,  de  briques  &  de  vaif^» 
feaux degrés^  toutes  ces  matières  font  également 
bonnes  :  on  en  fait  néanmoins  un  choix  ,  fuivant 
lescirconftances.  Par  exemple  ,  on  doit  emplo:Y.er 
le  fable  'nn  pour  le  mortier  deftiné  à  remplir  les 
pQtits  joints  qu'on  laiffe  entre  les  pierres  taillées  ï 
au  contraire,  on  fefert  du  mortier  fait  avec  du  gros 
fable  ou  du  ciment  pour  les  murs  de  moellons  ^^ 
pour  le  pavement  des  cours,  6cc.  parcequ'on  n'efb 
pas  gêné  par  la  petitefle  &larégularitédes  joints  ^ 
ôcpar  la  difficulté  d'y  faire  couler  le;moritier.  Ert 
général  i  le  mortier  de  fable  fin  efl:  préférable*  J'ai 
eu  occafion  de  remarquer  que  celui  dontgnfe 
fert  pour  la  bàtiffe  en  plufieurs  endroits  de  la  Lor- 
raine ,  efl  fait  avec  jine  chaux  noire  ajrgillevife  &1 
du  fable  très  fin»  tpUéautfid'argille;  CemottieC 
eft 'rail  tfait  qu'on  l'emploie  avec  le  plus  grand 
fuçcè^  ;)i<^n.s  les  balîins  des  jardins.  J'ai  vu  des  joints 
r^iesdepuis  dix  ans  avec  de  ce  mortier  -.ilsavoient 
encore  du  relief ,  quoiqu'on  pafsât  d^flus  très  fou-» 
Yçrit.le  halai  pour  nettoyer  les  baflinsk-  J'ai/ondé 
ce  mortier  avec  la  •pointe  d'un  couteau:*  j^e  i'ai 
Kûu>[!é; de ia  plus  .grande  foUdité.  >  j  : 1 1.  j . 
'■'(  ;  ^••^^   ■  .    ::.:r.:n'i^l  c.         .'u-ixûnc:- 


orne 


L  N 


ïtj-t  Chy'MIE    EXPEklMEh'TAI^ 

Chaux  vive  &  Glace. 

Une  partie  de  chaux  vive  &  deux  de  glace  pro- 
duifent  un  degic  &  demi  de  froid,  la  tempéra- 
ture du  lieu  étant  au  terme  de  la  glace. 

Chaux.yive  combincç^yhc  4^  Phloglflique^ 
-  -  '     -       Alkali  &tt  artificiel.' 

J'ai  pulvérifé  du  marbre  blanc  :  Je  l'ai  mêlé  avéC 
fon  poids  -égal  de  charbon  d'huile  de  corne  d« 
cerf  :  j'ai  renf-etmé  ce  mélange  dans  un  creufét  : 
j'ai  httéle  couvercle ,  afin  qu'il  ne  s'introduisît 
point  de  cendres  du  charbon  :  j'ai  fait  chauffer  c©: 
ereûfec-pfindânt  deux  heures  jufqu'au  rouge  blanc. 
Le  creufet  étante  hors  du  feii  te  refroidi ,  j'en'  ai- 
fépâié^l^mariere  :  elle  éfOJP nhs  noire ,  patcequef 
làf«bftanœ^phlogiftïqùe'''iÇ'a  pif  brûler  ;:faut;edtï 
tfto cours- de îl'air  :  'CQ  ttiêians^e' ainfi  calciné  avoii^ 
tmh  fâvètir-plù?  1tQrî'é'q¥fè-'dô'''iit^- chaux  -vive  ordir. 
JiÀif^.înob  ij.'^fT  eop  ïejjptrffîy:  '^)b>  r.Oà-ic^Do  uc 

J'ai  fexjîâfé'cétté  ^iêàjké%  Mf  fitîTrtîdé  pendâriif 
trois :) ait rs-'^'  elle' a  peu' augmenté  de  poids  r-je^i'-ai 
flîêl■éé'à^^ecl  fon  pôîcl^ 'Igal  ^ëcharîbon  d'huilé  dô 
corne  de  cerf ,  &  un  peiii d'eau-:  jôt'dfi  faî"-'^^.5*»v 
Jiefdev-noùveau  ,•  côui'mg  la  J^tëmiére  fois'^ûljiï'» 
dant  dcHix'héîiiëS  j'ayflPî^b  Idfé-  âUpâlavantiè  VoiW 
veîclêj-  pcvur  évitef  i'introduétion  dis  lacefidreV 
J'ai  examiné  enfuice^è'fte  fnatieïe  '.  jelKi:aà  trou'Vé 
ô-fte  ti^v-e^it^écidcmentr  ïtlkaliftë  ,  quoique"  |>ac- 
ricipant  encore  de  celle-^dieî-lRlschaux  :  cômnïQ^etltf 
ne  me  paroilToit  pas  fufHfammenc  alkaline  ,  j'ai 
réitéré  cette  opération  pour  la  troifieme  fois  :  j'ai 
*iîclé  chaque  fois  la  maria'eavçc  {pu  poids  égal  dç^ 


I 


tt      RAISONNÉ  Ê.  Îg5 

Ràréil  charbon  d'Huile  de  corne  de  cerf  5c  un  peii 
d'eau  ,  en  lutant  Toujours  le  couvercle  au  creu-^ 
fet ,   pour  éviter  l'introduftion  de  la  cendre; 

J'ai  fait  dilToudre  dans  de  l'eau  la  matière  aind 
préparée  :  j'ai  filtré  la  liqueur  ^  elle  étoîc  parfai- 
tement claire  :  elle  avoir  une  légère  faveur  d'eaii 
de  chau)i  j  mdis  accompagnée  de  celle  de  l'alkali 
■fixe  bien  décidée.  J  ai  fait  concentrer  cette  li- 
queur :  il  s'eft  formé  pendant  l'évaporation  quel- 
ques pellicules  de  chaux^  mais  la  liqueur  reftante 
iivoit  toutes  les  propriétés  d'un  alkalihxe  trcsca- 
raélérifé ,  verdilHint  les  couleur^  bleues  des  végé- 
taux ,  pouvant  fe  delfécher  fur  le  feu ,  attirer  l'hu- 
midité de  l'air ,  &  fe  refoudre  en  liqueur  ,  comme 
lé  fait  l'alkali  fixe  tiré  de  la  cendre  des  végétaux: 
cet  alkali  fait  effervefcence  ^  forme  des  fcls  ncii«. 
lies  avec  les  acides. 

J'ai  répété  cette  expérience  plufieurs  fois ,  & 
toujours  avec  le  nièrhe  fuccès.  Quelquefois  je 
înettois  moins  de  matière  inflammable,  ^cj'ob- 
tEnois  pour  lors  moins  d'alkali  fixe.  Dans  toutes 
ces  expériences  ,  il  eil  impoflible  de  convérfit  eri 
alkali  fixe  toute  la  quantité  de  tefre  calcaire  qu'on» 
emploie  ;  on  ne  peut  également  faire  enrrer  dans 
là  cbmbinaifon  tout  le  phlogiftique  qu'on  a  mis 
ért  jeu.  L'eau  fe  dilïïpe  en  grande  partie  avanc 
que  l'aâiion  du  feu  foit  allez  violente  pour  ie  com- 
biner. 11  en  eft  de  même  dii  phlogilHque  ;  il  fe 
détruit  en  grande  partie  ,  avant  que  l'at^ion  du 
feu  puilfe  le  combiner  avec  la  terre.  Toutes  ces 
opérations  tendent  à  changer  la  nature  d'une  por- 
tion de  la  terre  calcaire ,  6c  à  la  ramener  a  la  na- 
|Ure  des  teries  vitrifiables  ;  dans  cet  état ,  eUe  ite 

Nij 


ii)(i        Chymie  expérimentale 

peur  plus  former  de  matière  faline ,  &  il  refte  enfin, 
une  portion  de  phlogiftique  dans  l'état  charbon- 
neux ,  qui  n'eft  entré  pour  rien  dans  cette  combi- 
naifon. 

Comme  le  phlogiftique  ne  peutfe  brûler  qu'a- 
vec le  concours  de  l'air ,  8c  qu'il  s'en  brûle  tou- 
jours une  portion  dans  le  creufet,  a  la  faveur  de 
l'humidité  qui  s'évapore  ,  &  qui  fait  fondion 
d'air  ,  j'ai  tenté  de  calciner  de  pareils  mélanges 
dans  des  cornues  de  grès  :  mon  objet  étoit  de 
combiner  une  plus  grande  quantité  de  phlogifti- 
que avec  la  terre  calcaire  ,  afin  d'obtenir  davan- 
tage d'alkali  fixe.  J'ai  remarqué  alors  que  la  ma- 
tière phlogiftique  ne  s'atténue  pas  allez  ,  faute  , 
fans  doute ,  d'un  concours  d'air  fufiilant  :  cette 
fubftance  phlogiftique  refte  dans  un  état  trop  gref- 
fier :  elle  nefe  combine  pas  aulïi  intimement  qu'il 
le  faut  pour  produire  de  l'alkali  fixe.  Tous  les 
mélanges  que  j'ai  fait  calciner  dans  des  vaifteaux 
clos ,  fourniiïoient  des  lefiives  moyennes  entre 
l'alkali  fixe  6c  l'eau  de  chaux  :  elles  précipitoient 
en  noir  le  fer  de  la  dilfolution  de  vitriol  de  Mars , 
&  non  en  bleu  de  Prulfe. 

J'avois  foin  d'ajouter  à  la  matière  ,  après  cha- 
que calcinarion  ,  un  peu  d'eau  ,  afin  de  remplacer, 
celle  qui  s'écoit  diflipée ,  m'étant  apperçu  que 
cette  addition  favorifoit  mieux  la  combinaifon. 

Il  réfulte  de  ces  expériences,  i".  qu'on  doit 
bien  véritablement  attribuer  la  faveur  de  l'eau  de 
chaux  ordinaire  à  une  portion  d'alkali  fixe  qui 
s'eft  formé  pendant  la  calcination  de  la  pierre.  La 
dofe  de  l'alkali  eft  proportionnelle  à  celle  du  phlo- 
giftique qui  s'eft  combiné  en  même  temps  avec 
l'air,  l'eau  &■  la  terre  j  pendant  la  calcination  de 
la  pierre  calcaire. 

2°.  Les  terres  vitrifiables  font  abfolument  dé-^ 


ET      RAISONNE!?.  I97 

pourvues  du  principe  aqueux  :  celles  qui  font 
affez  divifees  pour  fixer  l'eau  jufqu'à  un  certain 
point,  comme  la  terre  de  l'alun  ,  ne  peuvent  ni 
la  combiner  ni  la  retenir  lufHfamment  pour  pro- 
duire une  femblable  combinai fon  faline  :  ce  font 
là  les  raifons  pour  lefquelles  on  ne  peut  pas  faire 
de  la  chaux  avec  les  terres  vitrilîables. 

3°.  On  peut  préfumer,  des  réflexions  &:  des  ex- 
périences dont  nous  venons  de  rendre  compte , 
que  la  Nature,  qui  eft  féconde  en  moyens ,  en  em- 
ploie plus  d'un  pour  former  tout  l'alkali  dont  elle 
fe  fert  pour  produire  les  diftérentes  combinaifons 
dans  lefquelles  elle  le  fait  entrer.  Dans  les  vol- 
cans ,  il  doit  nécclfairemcnt  le  former  de  l'alkali 
fixe  par  un  procédé  a- peu-près  femblable  à  celui 
dont  nous  venons  de  parler.  Les  circonfliances  fa- 
vorables s'y  rencontrent  prefque  toujours  pour 
le  produire  direélement ,  puifqu'il  ne  faut  que 
de  la  terre  calcaire  ,  de  l'eau  &  du  phlogiftique. 

Mais  on  peut  préfumer  que  la  Nature  forme 
aufîi  cet  alkali  par  la  voie  humide  :  c'eft  mcme 
le  moyen  le  plus  général  qu'elle  emploie  pour 
produire  l'immenfe  quantité  d'alkali  fixe  qui 
exifte  dans  la  Nature ,  Se  finguliérement  dans  le 
fel  marin.  Ces  moyens  nous  font  abfolument 
inconnus  :  néanmoins  nous  établirons ,  à  ce  fu- 
jet ,  les  conjeélures  qui  nous  paroiflent  les  plus 
vraifemblables. 

Combina'ifon  de  la  Terre  calcaire  avec  la  Terre 
v'urijlahle par  la  voiefcche, 

Fufibilité  de  ces  terres  l'une  par  l'autre. 

Nous  avons  rendu  compte  des  effets  de  la 
chaux  par  la  voie  humide  ,  lur  les  terres  vitrifia- 
blés  j  e'eft  ce  qui  a  produit  le  mortier  de  chau:« 

N  lij 


Jf)^  ChYMIE    EXPÉRITyÇENTAtï 

ôc  de.  fable  :  examinons  préfentement  le$  pro4 
pi'iétés  de  la  chaux  fur  cette  même  terre ,  par  U 
voie  feche. 

La  terre  yirrifiable  pure  eft,  comme  nous  l'a- 
vons dit,  infufjble  au  plus  grand  feu  de  nos  four- 
fieaujc  y  mais  la  terre  calcaire  lui  fert  de  fondant , 
à  raifon  de  la  matière  faline  alkajine  qu'elle  pro- 
duit pendant  la  calcinatio|i.  Comme  cette  ma- 
tière faline  fe  trouye  toujours  mêlée  avec  une 
grande  quantité  de  terre  qui  n'eft  pas  dans  l'étac 
falin  ,  elle  ne  forme  pas  avec  la  terre  vitrihable , 
un  verre  net  &  tranfparent,  en  fuppofant  ce- 
pendant que  l'on  ne  donne  pas  à  ce  mélange  uri 
Coup  de  feu  capable  de  faire  fondre  la  terre  vitri- 
fiable,  fi  elle  étôit  feule  j  car,  à  la  rigueur,  tout 
eft  fulible  ,  même  la  terre  calcaire  ,  comme  nou$ 
l'avons  déjà  dit  :  ainlî  nous  entendons  parler  ici 
d'un  degré  fufEfant  pour  les  vitrifications  ordi- 
naires dont  il  eft  cependant  difficile  de  déter- 
miner r.intenfité  ,  faute  d'inftruments  convena- 
bles. ■     •        ■        •        • 

.j'ai  expofé  au  grand  feu  un  mélange  de  parties 
égalas  de  fable  broyé,  &"  de  craie  :  ce  mélange  n'a 
point  fondu  j  mais  la  terre  calcaire  s'eft  réduite  en 
chaux  vive.  J'ai  e,<pofé  ce  mélange  4  l'air  pendant 
quelque  temps  :  la  chaux  s'eft  chargée  de  i'humi- 
fiitc  de  l'air ,  comipe  elle  a  coutume  de  faire  ,  Sc 
elle  s'eft  réduite  en  poudre.  J'ai  expofé  de  nou- 
veau ce  mélange  à  la  même  aftion  du  feu  :  il  eft 
entté  en  fufion  >  &  il  a  formé  une  matière  tumé- 
fiée, poreufe ,  demi-tranfparente ,  &c  qui  n'a  plu5 
attiré  l'humidité  de  l'air.  On  ne  peur  attribuer 
cet  effet  à  aiitre  chofe  ,  fuion  à  une  addition  de 
niitiere  faline  ,  laquelle  s'eft  formée  pendant  1^ 
féconde  calcination  :  elle  s'eft  trouvée  alors  et^ 
4p(p.  fuffifajue  pour  entraîner  l^  fuÇpn  4^  i^^y.9» 


ÏT      RAISONNE  e;  J55 

Je  me  crois  d'autant  mievix  fondé  a  penfer  alnfi  , 
que  je  fuis  parvenu  à  rn^rrre  en  fufion ,  8c  d'un  feul 
coup  de  tiîu,  de  pareil  fable  que  i'avois  mclc  aveg 
{o\\  poid§  égal  de  pellicules  de  cnaux.  Ce  verre  , 
à  la  vérité ,  étpit  femblable  au  précèdent  :  il  n'a- 
yoit  ni  la  beauté  ni  la  tvanfparence  d'un  verre 
parfait^  niais  il  étoit  fondu  fijffifamipent  pour 
me  faire  penfer  que  la  matière  faline  qui  fe  forme 
pendant  la  calcination  de  la  terre  calcaire  ,  pro- 
duit cette  fufion  qu'on  peut  confidcrer  comme  uii, 
commencement  de  vitritication^ 

Sur  Us  Suhflançes  falineSt 

Tout  ce  que  nous  avons  dit  fur  la  terre  cal- 
caire ,  &  lur  fa  converfion  en  alkali  fixe ,  doit; 
faire  préfumer  que  la  terre  élémentaire  ,  altérée 
par  le  travail  des  animaux ,  &:  devenue  calcaire 
enfin  ,  doit ,  fous  cette  forme ,  jouer ,  dans  le  la- 
boratoire immenfe  de  la  Nature  ,  vin  très  grand 
rôle  dans  la  formation  des  matières  falines.  Je 
penfe  mtme  que  c'eft  feulement  dans  cet  état  d'al- 
tération ,  que  l'élément  terreux  peut  véritable- 
ment contrarier  avec  les  autres  principes  unq 
union  de  compofition  faline.  Je  penfe  encotQ 
que  ,  lorfque  cette  terre  entre  dans  ces  fortes  dq 
combinai fons ,  elle  fe  dépouille  plus  ou  moins  de. 
fes  propriétés  calcaires  \  ôç  ç  eft  de  ces  différents 
états  fous  lefquels  elle  fe  trouve ,  que  réfulte 
l'efpece  de  fel  qui  fe  produit.  Nous  verrons ,  dans 
le  détail  de  nos  expériences  ,  que  la  terre  qui  fait; 
partie  des  fcls ,  Se  qu'on  en  fépare  en  les  décom- 
pofant-  eft  abfolument  femblable  aux  terres  vi-^ 
trifiables  connues  :  mais  on  ne  la  recueille  point 
4ans  l'état  où  elle  étoit ,  lorfqu'elle  f aifoit  partia. 
des  fels.  On  achevé  de  la  dénaturer  par  les  d:ffé--% 


100        Chymie  expérimentale 

rentes  opérations  qu'on  lui  fait  fubir  pour  la  fé- 
parer  des  fels  :  on  la  réduit  enfin  aux  caraderes 
des  terres  virrihabies. 

Les  anciens  Chymiftes  penfoient  que  les  fels 
étoient  comuofés  d'eau  &  de  terre  ;  mais  comme 
jls  prévoyoient  que  ces  deux  fubftances  ne  pou- 
voient  pas  former  un  compofé  qui  eût  de  la  la^ 
veur,  ils  admirent  un  troifieme  principe  qu'ils 
nommèrent  e/prit  univefel  :  ils  croyoienc  que  les 
différentes  proportions  de  ce  troifieme  principe 
formoient,  ou  un  fel  acide ,  ou  un  fel  alkali.  Les 
Chymiftes  qui  y  ont  eu  recours  pour  la  tormation 
des  fels,  ne  nous  ont  donné  aucune  idée  nette 
fur  la  nature  de  ce  prétendu  efprit  univeufel. 

Staahl ,  &:  tous  les  Chymiftes  qui  ont  adopté  fa 
dodrine  ,  admettent  avec  lui  la  terre  &;  l'eau 
pour  feulg  principes  conflitutifs  de  toute  ma- 
tière faline.  Sans  vouloir  contredire  Staahl ,  ni 
les  habiles  Chymiftes  qui  fuivent  fa  doctrine , 
nous  croyons  devoir  nous  écarter  de  fa  théorie 
fur  cet  objet  j  nous  croyons  être  fondés  fur  tou- 
tes les  nouvelles  obfervations  que  nous  avons 
rapportées  fur  la  chaux  ,  &  fur  ce  que  l'eau  , 
dans  la  Nature  ,  n'eft  jamais  parfaitement  pure  : 
elle  tient  toujours  une  plus  ou  moins  grande 
quantité  de  terre  en  difTolurion  ,  loit  calcaire , 
fou  vitrifiable  :  elle  n'a  pas  ,  pour  cela  ,  une  fa- 
veur falée ,  quoique  l'eau  &  la  terre  foient  par- 
faitement ilnies.  J'ai  remarqué  feulement  que 
l'eau  avoit  plus  de  faveur  loilqu'elle  tient  de  la 
terre  calcaire  en  difTolution  j  mais  cette  faveur 
efl  fade ,  plate  &:  jamais  falée  j  tandis  qu'au  con- 
traire „  une  petite  quantité  de  matière  faline, 
ajoutée  à  l'eau ,  lui  communique  aufîi-tor  une  fa- 
veur manifeftement  falée  ,  qui  diffère  ellentiel- 
Içment  de  celle  que  produit  une  fimple  union  d-j- 


ET      RAISONNÉ  E.  201 

Teaii  avec  la  terre  :  ainfi  on  ne  peut  attribuer  ces 
différences  à  des  proportions  qu'on  pourroit  dire 
n'être  point  femblables ,  puifqu'on  peut  faire  dif- 
foudre  dans  de  Teau  de  la  terre  calcaire  jufqu'au 
point  de  faturation,  fans  que  cette  eau  acquière 
de  faveur  faline,  quoiqu'elle  en  foit  beaucoup 
chargée. 

Ces  obfervations  &  beaucoup  d'autres  que  je 
pourrois  ajouter,  prouvent  qu'il  entre  nccelfai- 
rement  dans  la  compofîtion  des  fels ,  quelque 
chofe  de  plus  que  la  terre  &  l'eau.  On  ne  peut 
fe  difpenier  d'admettre  dans  cette  combinaifon 
l'air  &  le  feu  ;  mais  ce  dernier  élément  s'y  trouve 
en  mcme  temps  fous  différentes  formes,  fous  celle 
de  pKlogi{l:ique,fous  celle  de  feu  prefque  pur.  11  a 
été  prouvé  par  les  expériences  que  j'ai  rapportées 
fur  la  tormation  de  l'alkali  fixe  artificiel,  qu'à 
mefure  qu'on  ajoute  du  principe  inflammable  à 
la  terre  calcaire  ,  on  produit  plus  d'alkali  fixe. 
J'ai  fait  oblerver  que  cette  production  n'avoit  pas 
lieu  dans  un  degré  d'alkalicité  aufli  marqué,  lorf- 
que  l'on  faifoit  calciner  ces  mélanges  dans  des 
vaifleaux  clos  ,  parceque  la  matière  phlogiftique 
ne  peut  fe  réduire  dans  l'état  propre  à  la  combi- 
naifon faline,  faute  du  concours  de  l'air.  Ceci 
fuppofe  ,  par  conféquent ,  que  le  phlogiftique 
qui  entre  dans  la  compofition  des  fels  ,  y  eft  dans 
le  plus  grand  état  de  pureté ,  état  qui  avoifine  de 
bien  près  celui  de  feu  libre.  Dans  l'eau  de  chaux  » 
le  feu  y  eft  trop  libre  &:  trop  voifin  de  l'état  de  feu 
abfolument  pur.  J'ai  remarqué  que  de  l'eau  de 
chaux ,  gardée  plufieurs  années  dans  des  bou- 
teilles de  verre  ,  perdoit ,  au  bout  de  ce  temps  , 
toute  fa  faveur  ,  parceque  le  feu  ,  n'étant  point 
retenu  par  quelques  matières  phlogiftiques ,  fe 
diliipoit  d'une  manière  infenfible.  L'eau  de  chaux. 


f^i  ChTMIE    EXPÉRIMEKTAt* 

lailfe  dépofer  de  la  terre  dans  la  même  propor^ 
tion  ,  Tans  qu'elle  fubifTe  d'cyappration  ;  mais  Gl 
l'on  ajoute  à  de  l'eau  de  chaux  quelque  peu  d'ef- 
priç  de  vin  ,  ou  toute  autre  matière  inflammable 
qui  puiiïe  fe  mêler  avec  elle ,  elle  fert  de  bafe 
pour  mieux  fixer  les  parties  de  fçu  :  l'eau  de  çliaux 
acquiert  alors  plus  de  faveur ,  &  n'eft  plus  fujettft 
à  cette  efpece  de  décompofition.  Si  à  toutes  ces 
expériences  &  à  toutes  ces  obfervations  on  ajoute 
celles  de  M.  Haies  ,  qui  pioviyçnt  d'une  manière 
bien  complette  ,  que  l'air  fait  partie  des  fels  (i)  , 
on  ne  pourra  drfconvenir  alors  que  les  fels  8^  les 
fubftances  falines  font  elFentiellement  compofés 
des  quatre  éléments ,  &  que  ces  éléments  foric 
leurs  principes  conftituants,  de  même  qu'ils  la 
font  dans  les  corps  organifés.  Les  différentes  pro* 
prières  de  ces  corps  viennent  de  l'état  des  proport 
tions  &  des  modifications  que  le  feu  prend  lorf- 
qu'il  çntre  dans  leurs  combinaifçns.  Les  éléments 
ne  fe  combinent  pas  immédiatement  pour  for- 
mer les  matières  falines  j  ils  fe  réunirent  fou5 
la  forme  de  principes  fecondaires  ;  &  ces  prin-». 
cipes  font  fournis  par  la  deftruftioii  des  corps  or- 
ganifés. 

Les  corps  organifés ,  comme  nous  l'avons  déjife 
dit  j  font  les  feuls  à  qui  la  Nature  a  donné  Tem* 

(  1  )  Voycx  Statique  des  Végétaux ,  par  M^  Haies  ,  tra^ 
duite  de  l'angloispar  M.  de  BufFon. 

Le  fcl  de  tartre  contient  22,4  fois  fon  volume  d'air  2 
page  i;  9. 

Le  tartre  crud  ,  le  tiers  de  fon  poids  ,  même  page. 

Le  nitre  ,    j  80  fois  fou  volume  ,  ihid. 

Un  demi-pouce  cubique  de  fel  marin  ,  6^  pouces  cubi- 
ques d'air  ,  page  158. 

Deux  pouces  cubiques  d'eau  régale ,  74  pouces  cubique?^ 
d'air ,  page  187. 

Le  ûicre  ,  la  dixième  partie  de  fou  poids  ,  pa^  U.<^». 


ÏT      RAISONNE  E.  ïgf 

toloi  de  combiner  immédiatement  les  cléments. 
De  leur  deftrudion  il  rélulce  ditfcrents  principe? 
qui  fervent  à  former  une  autre  clalFe  de  corps  com- 
pofés  :  ces  corps  font ,  ou  plus  fimplçs ,  ou  plus; 
compofcs,  fuivant  les  circonltances.  C'eft  dans 
la  mer  que  la  Nature  a  établi  (on  principal  labo- 
ratoire des  fels.  Les  teftacées ,  [es  polypiers ,  £cc. 
forment  cette  immenfe  quantité  de  piertes  cal-»- 
caires.  11  paroît  que  c'eft  fous  cette  forme  ,  que 
le  principe  terreux  entre  dans  la  plupart  des  com- 
binaifons  des  corps  non  organifés.  Les  teftacées 
pnt  la  plus  grande  part  a  la  formation  des  fub- 
ftancesfalines  primitives ,  &:fpécialementàcelÎQ 
du  fel  marin  Se  du  gypfe.  En  effet ,  ces  ani- 
maux contiennent  tous  les  matériaux  des  fels  : 
après  avoir  rempli  leur  rôle  ,  ilspérilfent ,  ôc  laif- 
fentà  la  Nature  le  foin  de  faire  ufage  de  leurs  dé- 
pouilles. On  me  demandera  peut-être  quels  fonç 
les  moyens  que  la  Nature  emploie  pour  former,  par 
la  voie  humidejdcs  matières  falines  avec  ces  fortes 
de  corps  organifés.  Cesqueftioi>s  ne  fjnt  pas  fa- 
ciles à  réfoudre  j  j'en  conviens  :  pour  y  parvenic 
d'une  marjiere  fatisfaifante  ,  il  faudroit ,  pour 
ainfi  dire  ,  prendre  la  Nature  fur  le  fait.  Je  vaiç 
néanmoins  expofer  mon  fentiment  fur  cette  ma- 
tière ,  d'autant  plus  que  les  expériences  fur  la, 
chaux  m'ont  mis  à  portée  de  découvrir  un  moyen 
de  former  une  matière  faline  par  la  voie  feche.  U 
cil  à  préfun-:er  que  la  Nature  fait  ces  mêmes  corn- 
Ipinaifons  plus  généralement  avec  le  concours  dç 
l'eau  ,  qu'avQC  celui  du  leu. 

Lorfqu'on  examine  les  fels  en  général,  &  les 
coquilles  des  teftacées,  on  trouve  qu'ils  font, 
les  uns  Se  les  autres ,  compofés  des  mêmes  fubr 
fiances  ,  fi  ce  n'eft  cependant  que  les  fels  réputés 
purs  ne  contiennent  point  le  principe  inBanv- 


104  ChYMIE    ex  pâRTMENTALJE 

mable  dans  l'écar  huileux  :  les  coquilles  ,  au  con- 
traire ,  font  pourvues  de  matière  combuftible 
dans  l'état  huileux.  Les  fels  renferment  beaucoup 
moins  de  terre  que  les  coquilles  ;  mais  il  n'eft 
point  difficile  à  la  Nature  de  changer  la  conftiru- 
rion  de  ces  fubftances,  &  de  les  unir  dans  l'état , 
dans  l'ordre  Se  dans  les  proportions  qui  leur  con- 
viennent ,  pour  former  des  matières  falines. 

Les  teftacées  croiflTent  ôc  périlTent  dans  la  mer. 
La  Nature ,  par  le  mouvement  des  eaux ,  brife  ÔC 
réduit  en  poudre  impalpable  beaucoup  de  co- 
quilles de  ces  animaux ,  êc  met  la  terre  calcaire  en 
état  d'être  difToute  par  l'eau.  L'eau  de  la  mer 
diflTout  de  même  la  matière  inflammable ,  non 
feulement  des  corps  dont  nous  parlons ,  mais  de 
tous  les  corps  organisés  qui  croiflent  &  périflent 
dans  fon  fein  :  elle  élabore  à  fon  gré  la  matière 
inflammable ,  ôc  la  réduit  dans  l'état  convenable 
pour  former  différentes  matières  falines.  De  cette 
union  il  réfulte  différents  fels  ,  fuivant  l'état  des 
fubftances  &  les  proportions  dans  lefquelles  ces 
fubliances  fe  font  combinées.  Je  penfe  que  les 
fels  contenant  de  l'acide  vitriolique ,  &  ceux  con- 
tenant de  l'acide  marin  ,  font  les  fels  que  la  Na- 
ture forme  le  plus  abondamment  dans  la  mer  j 
ils  font  l'un  &  l'autre  des  fels  primitifs. 

Je  conviens  que  ce  fentiment ,  tout  probable 
qu'il  paroît  être,  n'eft  pas  à  l'abri  des  objedions  j 
iî  eft  impofîible  d'en  donner  la  démon ftration  ; 
mais  puifque  je  fuis  parvenu  à  produire  une  ma- 
tière faline  par  la  voie  feche ,  il  eft  à  préfumer 
que  la  Nature  parvient  au  même  but  par  la  voie 
humide.  Au  refte ,  il  doit  être  permis  de  hafarder 
des  conjeétures  fur  des  matières  de  ce  genre  ,  qui 
font  fi  peu  connues,  &  fur  lefquelles  on  n'a  en- 
core rien  dit  de  faûsfaifant.  Ces  queftions  font 


ET      RAISONNFE.  iOJ 

voir  au  moins  que  nos  connoiflanccs  (ont  très 
peu  avancées  fur  ces  différents  objets. 

Quoi  qu'il  en  foit,  il  réfulte  que  les  fels  Se  les 
_  fubftances  falines  font  eflentiellement  compofcs 
des  quatre  éléments  :  mais  il  refte  encore  à  con- 
noître  dans  quelles  proportions  ces  éléments  en- 
trent dans  les  différents  fels  ,  de  quelle  manière 
ils  y  font  arrangés ,  ik  dans  quel  état  ils  y  font 
combinés.  La  connoiiïance  de  ces  objets  répan- 
droit  beaucoup  de  lumière  fur  la  différence  qu'il 
y  a  entre  les  fels  acides  &  les  fels  alkalis  qui  font 
effentiellement  compofés  des  mêmes  fubftances  j 
mais  la  Chymie  &  la  Phyfique  ne  font  pas  encore 
afTez  avancées  pour  rien  prononcer  fur  cette  ma- 
tière. 

Tout  ce  que  les  expériences  indiquent ,  eft  , 
1^.  qu'il  entre  dans  la  compofition  de  Talkali  une 
plus  grande  quantité  de  terre  que  dans  les  aci- 
des ,  puifqu'on  peut  réduire  les  alkalis  fous  une 
forme  feche  ,  &  que  cela  eft  impolfible  pour  les 
acides  :  il  eft  même  de  leur  effence  de  ne  pouvoir 
jamais  paroître  fous  une  forme  feche ,  parcequ'ils 
ne  contiennent  pas  alïez  de  terre.  On  parvient 
bien,  à  la  vérité ,^par  des  opérations  laborieufes  , 
à  les  réduire  fous  une  forme  concrète  j  mais  ces 
acides  n'ont  pas  la  même  folidité  que  les  alka- 
lis ,  ils  fe  laifTent  liquéfier  à  un  degré  de  cha- 
leur inférieur  a  celui  de  l'eau  bouillante  j  ce  qui 
n'arrive  pas  aux  alkalis ,  puifqu'ils  ne  peuvent 
entrer  en  fufion  qu'après  avoir  rougi.  Toutes  ces 
propriétés  indiquent  que  le  principe  aqueux  eft 
dominant  dans  tous  les  acides. 

1°.  La  matière  phlogiftique  dans  les  fels  al- 
kalis fe  trouve  dans  un  état  propre  à  être  tranf- 
mis  ,  foit  par  la  voie  feche  ,  foit  par  la  voie  hu- 
mide ,  à  la  plupart  des  corps  qu'on  lui  préfente. 


ioè  ChVmIE    EXPERIMENTAIS 

La  maûere  phlogirtiquc  des  acides ,  au  contraire  ^ 
Jie  peut  ctie  tranfmile  avec  la  même  facilité  :  les 
acides  s'emparent  avec  avidité  du  principe  inftam- 
liiable  des  corps  fournis  à  leur  aétion. 

3°.  Le  plilogiftique  dans  l'alkàli  paroit  ctre 
iiioins  pur  c]ue  celui  cjuî  fe  trouve  dans  les  acides  : 
ces  fels  alkalis  font ,  pour  cette  raifon,  plus  fixes 
au  feu ,  Se  ils  ont ,  en  général ,  une  aétion  moins" 
vive  fiir  les  corps  qui  contiennent  le  principe  in-^ 
ilammable.  Nous  démontrerons  toutes  ces  pro- 
pofitions  avec  la  plus  grande  évidence ,  lorfque 
lious  examinerons  les  propriétés  des  acides  fur  les 
matières  métalliques  Se  fur  les  huiles. 

Suivant  cette  théorie  ,  nous  croyons  devoir 
définir  les  fels  fimples ,  des  corps  compofes  qui 
^fifedcrit  le  fens  dii  CToùt  ,  oui  font  diffolubles 
dans  l'eau,  fans  lui  communiquer  de  la  couleur , 
èc  qui  ont  beaucoup  de  difpoiltion  a  s'unir  avec  la 
principe  inrlammable.      .  '..■  ■     r 

I  ous  les  corps  qui  ont  ces  propriétés ,  lont  nc- 
cerfairement  falés ,  ou  les  doivenç  aux  fels  qu'ils 
contiennent^.  ^  ,.•       > :î^.^,     ^) 

Au  moyen  des  fubftàncës  quèiious'recon'noif-' 
fbns  devoir  entrer  dans  la  compofition  des  fels  / 
il  eftfacile  de  déduire  la  caufede.leur  faveur.  'J^àt-' 
tribue  cette  câiîfe  au  feu ,  mais  eiirnême  temps' a^ 
Fétat  fous  lequel  cet  élément  fe  trouvé.      '  ".  '   "t 

Le  feu  eft  la  feule  fubfta'ncé  qui  ait  de  la  faveillr,  ' 
Les  imprelfions  vives  ,  éauftiqaes  &  même  Dru-' 
lantes  que  le  feu  libre  fait  fur  l'organe  du  goTlt ,,  ' 
font  uiie  preuve  non  équivoque  de  fa  faveur  pat  ■ 
excellence.  Lorfqûe  le  re'q  eft  combiné  avec  là" 
terre  ,  &  qu'il  eft  réduit  fous  la  forme  de'^  plilo-. 
giftique ,  comme  il  l'eft  dans  le  charbon  ,  il,  c'eirer 
d'avoir  de  la  faveur,  quoic|uii  foit  prqdiiit  pai^ 
iine  fubftance  qui  q\\  avcit  beaucoup  auparatirnc^ 


ï  t     R  À  I  s  o  N  N  é  eJ  :ioy 

felïe,  par  exemple  ,  qu'une  huile  efTentielle  :  cela 
prouve  que  les  tiitféients  écats  fous  lefquels  le  feu 
fe  trouve  dans  les  corps ,  font  caufe  que  ces  corps 
ont  plus  ou  moins  de  faveur. 

Si  l'on  connoiffoit  bien  l'état  du  feu  dans  les 
différents  corps  ,  on  pourroit  les  ranger  les  uns  à 
£Ôté  des  autres ,  de  former  une  férié  de  leurs  fa- 
veurs :  on  placeroit  d'abord  le  charbon  qui  con- 
tient beaucoup  de  feu ,  5c  qui  n'a  que  peu  ou  point 
de  faveur  j  le  feu  peut  fuivre  le  dernier  terme  de 
1-a  férié  :  il  conviendroit  de  placer  dans  cet  ordre 
les  acides  minéraux  immédiatement  avant  le  feu. 
pitr.  Les"  acides  minéraux  contiennent  elTentiel- 
Jemenf  moins  de  feu  dans  l'état  de  phlogiftique  , 
qu'une  huile  douce  :  il  fuit  de  là  que  c'ell  moins 
ce  la  quantité  d^  feu  contenu  dans  les  corps ,  que 
yéfulte  leur  faveur ,  que  de  l'état  fous  lequel  cet 
clément  fe  trouve;  '■  •'. 

Le  feu  pur  elt  donc  le  corps  favouteux  par  ex- 
cellence: il  ceflTe  d'avoir  de  la  faveik,lèrfqu'il  n'efl: 
combiné  qu'avec  k  principe  terreux  •,  mais  lors- 
qu'il eft  dans  un  certain  état  de  cbmbinaifon  dans 
laquelle  entre  le  principe  aqueux,  comme  dansles 
acides  minéraux ,  l'eau  tempère  fon  ad'ion  jufqu'i 
ïlii  certain  point  :  -cette  eau  cependant  lui  lai^fe 
encore  la  liberté  d'agir  avec  preiquê  autant  de 
force  que  s'il  étoit  dans  l'état  de  pureté.  G'elt  aux 
propriétés  du  feu  contenu  dans  les  acides,  que  l'oix 
doit  rapporter  Taction  dillolvante  propre  à  ces 
matières  falinei  acidesf.  ^c-;c::.^r'i^.  j 

•  Les  acides  !k  les  alkalis  ont  beaucoup  d'adioit 
fur  les  fubitanees  combulttbles':'  cette  aélion  eil- 
fnêwe  comparable  à  celle  du  feu  pur.  -Ces  acides" 
affettenfvivement  rôré,ane  du  goût , -mais  moins' 
fortement  cependant' que  le  feu  ,  parceqùe  leuf" 
«âïoio-'ell  tempérée  ;pâr  t'eaù  qui  -anué  dàris  ïavkt- 

•  <  :  non-  :  : 


zoS  Chymie  t xpérimektalè 
compofition.  La  grande  adivité  qu'ont  les  acides 
pour  s'unir  aux  matières  inflammables  ,  nous 
piouvequele  feu  n'eft  bridé  que  très  légèrement, 
6c  feulement  qu'autant  qu'il  eft  ncceiTaire  pour 
qu'il  puilTe  être  contenu  fous  cette  forme  :  en  un 
un  mot,  le  feu  dans  les  acides  eft  très  voifm  dé 
l'état  de  feu  pur  ,  puifqu'ils  agiffent  comme  cet 
élément  dans  bien  des  cu'conftances  :  ils  brûlent , 
détruifent  les  corps ,  com.me  fait  le  feu  pur  :  auilî 
remarque  - 1  -  on  que  les  fels  qui  contiennent  le 
feu  dans  cet  écat  de  pureté ,  font  ceux  quiom  le 
plus  de  faveur. 

Il  y  a  d'autres  matières  falines  ,  au  contraire  , 
où  le  feu  eft  tellement  bridé  par  des  fubftances. 
qui  n'ont  point  de  faveur ,  qu'on  a  même  de  la 
peine  à  reconnoître  leurs  propriétés  falines  :  ce 
font  les  fels  dans  lefquels  la  terre  entre  en  très 
grande  quantité.  Comme  le  principe  terreux  n'a 
point  de  faveur ,  il  diminue  les  propriétés  des 
fels,  telles  que  leur  faveur  &  leur  diftblubilité. 
dans  l'eau.  Les  fels  de  ce  genre  font  les  argilles,, 
les  félénites  calcaires  ,  beaucoup  de  fels  huileux, 
qu'on  retire  des  végétaux ,  dans  lefquels  le  feu  eft 
tellement  combiné,  foi t  par  des  huiles  douces, 
fpit  par  de  la  terre  ,  que  ces  fels  manquent ,  pour 
ainft  dire  ,  de  propriétés  falines  j  ce  qui  a  même 
fait  douter  de  leur  état  falin. 

Dijlinaions  des  SaVJlanceifaîinei:^^'^'^^'^'^'^ 

.•.  i  ■''.-■'  • 

Les  matière?  falines  qui  ont  le  plus  de  falure  , 
font  celles  qui  contiennent  le  feu  combiné  dans 
le  plus  grand  état  de  fmiplicité  \  elles  devienr. 
nent ,  entre  ks  mains  des  Chymiftes  ,  des  agents. 
&des  inftruments  puiftants  pour  opérer  une  infi* 
nité  de  compofitions  &:  de  décompofitions  :  c'eft 
fur  ces  fels  que  roulent  la  plupart  des. grands 

phénomènes 


ET      RAISON  NÉE,  loç} 

"l^héiiomenes  chymiques ,  parcequ'ils  font  capa- 
bles de  former  avec  les  autres  corps  des  combinai» 
fons  falines  à  l'intini. 

Entre  les  matières  falines  que  nous  allons  exa- 
miner ,  nous  en  diftinguerons  de  deux  efpeces 
principales  \  favoir,  l'une  qui  eft  acide  ,  &  l'autra 
<]ui  eft  alkaline.  Cette  diftindion  eft  fondée  fur 
ce  que  ces  deux  efpeces  de  fubltances  falines  diffé- 
rent l'une  de  l'autre  par  des  proprictcs  générales 
qui  lont  mcme  oppolces  entre  elles.  C'eft  pour- 
quoi il  eft  bienelfentiel  de  ne  pointconfondreces 
deux  efpeces  de  fubftances  falines. 

Les  corps  des  trois  règnes  fourniftent  une  fub- 
llance  faline  acide  j  ce  qui  doit  faire  d'abord  pré- 
jfumer  qu'il  y  en  a  de  pluiieurs  efpeces.  Il  exifte 
en  eftet  bien  des  fortes  d'acides  ;  mais,  comme 
ils  ne  font  pas  tous  également  iimples ,  &  qu'ils 
n'ont  pas  les  propriétés  falines  au  mcme  dea,rc  , 
nous  \\Qn  examinerons  d'abord  qu'un  fort  petit 
nombre  :  nous  reconnoîtrons  les  propriétés  des  au- 
tres acides  à  mefute  que  l'ocealion  s'en  préfentera. 
Nous  différerons  fur-tout  de  parler  des  acides  que 
fournit  le  règne  animal ,  parcequ'ils  ne  font  pas 
aftez  purs  pour  être  mis  en  jeu  c]uant  à  préfent. 

Les  matières  falines  acides ,  dont  il  fera  ici 
queftion  ,  fo)U  Y  acide  vanoUquc^  V  acide  nitreux  ^ 
Vacide  marin  &c  le  vinaigre. 

On  défigne  ordinairement  les  trois  premiers 
fous  le  nom  générique  d'acides  minéraux  j  parce- 
que  l'on  pcnle  qu'ils  appartiennent  tous  aurecrne, 
minéral.  Ce  font  les  feuls  de  cette  efpece  que  l'on 
connoilfe  quant  à  préfent  :  le  quatrième  appartient 
au  règne  végétal. 

Tous  ces  acides  fe  relTemblent  par  un  certain 
nombre  de  propriétés  qui  leur  lont  communes  , 
comme  d'ctre  le  plus  ordinairement  fous  unç 
Ti^me  I,  Q 


iio  Chymie  expérimentale 
forme  liquide  ;  ce  qui  les  a  fait  nommer  acides 
fiuors  QXifcls  fluors  ;  d'avoir  la  même  faveur ,  qui 
eft  aigre  ,  piquante  &:  même  agréable ,  lorfqu'ils 
fontaffoiblis  par  une  fuffifante  quantité  d'eau  5 
d'asiacer  les  dents  ;  de  rougir  les  couleurs  bleues 
des  végétaux  \  de  dilToudre  les  pierres  &  terres  cal- 
caires avec  efFervefcence  j  de  fe  combiner  avec 
les  alkalis  j  de  dilToudre  les  matières  métalli- 
ques ,  &:c.  , 

Telles  font  les  propriétés  générales  par  lef- 
quelles  les  acides  fe  reiTemblent  j  mais  ils  diffé- 
rent tous  les  uns  des  autres  par  des  propriétés  par- 
ticulières à  chaque  efpece  d'acide ,  comme  le  dé- 
tail des  expériences  nous  le  fera  voir. 

La  fubftance  faline-alkaline  eft  pareillement 
fournie  par  les  corps  des  trois  règnes  j  ce  qui  nous 
oblige  d'en  diftinguer  de  trois  efpeces  j  favoir  , 
Valhali  minéral  qu'on  nomme  aulîî  alkali  marin 
&  alkali  de  la  foude  _,  X alkali  végétal  ^  de  V alkali 
animal. 

Ces  trois  matières  falines  fe  reffemblent  paf 
plufieurs  propriétés  qui  leur  font  communes  , 
telles  que  celles  d'avoir  une  faveur  acre  ,  caufti- 
que ,  brûlante  ,  &  de  développer  dans  la  bouche 
une  faveur  urineufe  j  de  verdir  les  couleurs  bleues 
des  végétaux  j  de  ne  pouvoir  s'unir  aux  terres  cal- 
caires par  la  voie  humide  ,  mais  de  fe  combiner 
avec  les  acides  jufqu'au  point  de  faturation,  avec 
chûleui"  &  effervef:ence,  &c. 

Telles  font  les  propriétés  générales  par  lef- 
quellesles  alkalis  différent  des  acides. 

Et  telles  font  aufli  les  propriétés  générales  par 
lefquelles  les  alkalis  fe  refTemblenr. 

Mais  ces  mêmes  matières  falines  différent  entre 
elles  ,  non  feulement  par  un  grand  nombre  de 
propriétés  chymiq^ues ,  mais  encore  par  l'état  fous 


ETHAtSONNéE.  211 

lequel  on  a  coutume  de  les  voir  ordinairemenr. 
L'alkali  marin  eft  fous  une  forme  concrète  (5c  cryf- 
ralhne  :  il  n'attire  point  l'humidité  de  l'air  :  il  perd 
au  contraire  fon  eau  de  cryftallifatio'.i.  L'alkali 
végétal  ,  quoique  pouvant  être  auffi  fous  une 
forme  concrète  ,  ne  peut  point  fe  cryftallifer  :  il 
eft  déliquefcent,  fe  charge  de  l'humidité  de  l'air  , 
&  feicfout  en  liqueur  :  ces  deux  alkalis  font  fans 
odeur  ^  ils  rcfiftent  tous  les  deux,  jufqu'à  un  certain 
point ,  à  rad:ion  du  feu ,  fans  fe  diiliper  :  on  les 
nomme,  à  caufe  de  cela ,  alhaLis fixes. 

L'alkali  animal  eft  fufceptible  defe  cryftallifer; 
mais  il  diftere  des  deux  autres ,  en  ce  qu'il  a  une 
odeur  vive,  piquante,  pénétrante  :  il  s'évapcre 
&  fe  dinipe  lorfqu'il  eft  expofé  à  l'air  ,  fans  qu'il 
ait  befoin  du  fecours  d'aucune  chaleur  étrangère. 
C'eft  cette  dernière  propriété  qui  lui  a  fait  donner 
le  nom  à'alkaii  volatil. 

Ces  trois  matières  falines-alkalines  font  les 
feules  connues  jufqu'A  préfent. 

Telles  font  les  propriétés  les  plus  générales  des 
matières  falines ,  acides  6c  alkalines  que  nous  al- 
lons examiner.  Les  acides  ont  une  fi  grande  dif- 
pofition  pour  s'unir  avec  tous  les  corps  qu'ils  ren- 
contrent ,  qu'on  ne  les  trouve  jamais  purs  dans 
la  Natiu'e  :  on  ne  peut  les  obtenir  que  par  l'ana- 
lyfe  des  matériaux  qui  les  contiennent.  Nous  fup- 
poferons  ces  anaiyfes  faites  j  &  nous  les  examine- 
rons dans  leur  plus  grand  état  de  pureté  ,  comme 
fi  la  Nature  les  fournilToit  ainfi.  Il  en  eft  à-peu- 
près  de  même  des  alkalis  :  on  rencontre  rarement 
ces  fels  dans  leur  état  de  pureté  j  lorfqu'on  en 
trouve ,  c'eft  toujours  en  petite  quantité.  Nous  in- 
diquerons ,  lorfqu'il  en  fera  temps,  les  moyens  de 
les  obtenir  des  fubftances  qui  les  contiennent. 

Oij 


àii        Chymîe  expérimentais 
Surl'c.cldc  v'itrlolique  auffi  nommé  Acide  univerieL 

On  a  donne  le  nom  d'acide  univerfel  à  l'acide 
vitiiolique  ,  parcequ'on  penfe  qu'il  eft  le  plu» 
jniveifellement  répandu  dans  la  Nature,  2^  qu'il 
eft  le  plus  fort  de  le  plus  adit  des  acides  &:  de 
toute  matière  fiiline  :  il  polTede  en  effet  les  pro- 
priétés falines  dans  le  degré  le  plus  éminent. 

Staahl  regardoit  l'acide  vitriolique  comme  une 
forte  d'élément  falé  ,  &:  duquel  toutes  les  matiè- 
res falines  tiennent  ce  qu'elles  ont  de  falin  :  il 
parle  même  dans  pluiieurs  endroits  de  fes  ouvra- 
ges de  la  tranfmutation  des  autres  acides  en  acide 
vitriolique  \  mais  ,  comme  il  n'a  riei,i  dit  fur  les 
moyens  de  produire  ces  changements  ,  &:  que  , 
depuis  lui,  perfonne  n'y  eft  parvenu,  nous  re- 
garderons cette  idée  fimplement  comme  pro- 
bable. 

Je  me  crois  fuffifamment  fondé  à  penfer  autre- 
ment que  Staahl  fur  cette  matière.  Je  penfe  qu'il 
exifte  dans  la  Nature  un  certain  nombre  de  ma- 
tières falines  primitives  qui  tiennent  leur  falure 
d'elles-mêmes  ,  fans  que  l'acide  vitriolique  y  aie 
jamais  concouru  pour  la  moindre  chofe.  Cesfub- 
fcances  font  l'acide  vitriolic^ue  ,  l'acide  marin  , 
peut-être  l'acide  nitreux  ,  l'alkali  marin  ,  &:  l'al- 
kali  végétal.  Je  vais  déduire  les  raifons  qui  me 
déterminent  à  penfer  autrement  que  Staahl  fur 
cet  objet. 

Les  matières  falines ,  comme  nous  venons  de 
le  dire  ,  font  beaucoup  plus  compofées  qu'on  n$ 
l'avoit  penfé  jufc[uM  prélent.  11  n'eft  ni  difficile  ni 
laborieux  à  la  Nature  d'en  compoferde  plu/ieurs 
efpeces  en  même  temps.  En  vain  m'allégueroit- 
on  qu'on  trouve  dans  l'intérieur  de  la  terre  des 
nialfes  énormes   d'acide   vitriolique  ^    comaie 


£  T      R  A  I   S   O  N  N  E  E.  li^ 

'dans  le  foufue  ,  dr.ns  les  vitriols ,  dans  les  aluns, 
dans  les  pyrites,  dans  les  argilles,  dans  Icsgvp- 
ies  ou  pierres  à  plâtre  ,  ^cc.  on  me  dira  même 
■que  cet  acide  efi:  reconnu  pour  être  le  plus  puif-r 
lanc  :  eniin ,  me  djra-t-on  encore  ,  en  a  conti- 
aiuellemeiît  fous  ms  yeux  les  changements  qu'il 
tprouve  par  les  matières  putréfiantes  qui  le  con- 
vertillent  en  acide  nitreux.  Nous  examinerons 
tette  dernière  propoiîtioH  en  parlant  de  l'origiae 
•du  nitre» 

Cette  objection  eft  fpécieufe ,  mais  il"  eft  facile 
<l'y  repondre.  Le  fel  marin  exifte  tout  formé  dans 
la  Nature  ,  tant  dans  l'intérieur  de  la  nier  ,  que 
dans  l'intérieur  de  la  partie  feche  du  globe  ,  en 
nalfes  trèsconlidérables.  Peut-èti^e  qu<:  s'il  étoic 
poOible  de  calculer  les  quantités  de  part  &  d'au- 
tre ,  on  trouveroit  que  les  diftérentes  combinai- 
fons  qui  contiennent  ra<;ide  marin,  l'emporte- 
roient  de  beaucoup  fur  celles  de  l'acide  virrioli- 
que  :  c'oft  ce  qui  me  fait  penfer  que  l'acide  marin 
ou  le  fel  marin  ne  doit  ni  fa  falure  ni  fa  formation, 
à  1  acide  virnoliqae  \  qu'il  eil  primitif,  indépen- 
dant ôc  abfalument  formé  fans  le  concours  de  cet 
acide  :  s'il  étoit  formé  par  le  concours  de  l'acide 
vitriolique  ,  on  trouveroit  des  produits  fous  dif- 
férents états  qui  feroient  intermédiaires  entre 
l'acide  vitriolique  3c  l'acide  marin ,  ce  que  l'oit 
n'a  point  encore  obfervé  j  du  moins  les  Chymiftes 
ëc  les  Naturalises  ne  font  nulle  mention  de  fem- 
blables  fubtlances  trouvées  dans  la  Nature.  Je 
penfe  que  l'acide  vitriolique  eft  formé  dans  la 
mer ,  comme  l'acide  marin  :  ils  font  l'un  de  fautif 
compofês  de  principes  que  la  mer  fépare  des  corps, 
organilés  qui  périllent  dans  fon  fein. 

Je  crois ,  avec  les  meilleurs  Chymiftes ,  qu<? 
l'acide  viu'iolique  peut  entrer  d.iDs  beaucoup  cU;^ 

Qui 


ai4  Chymie  exi^érimentale 
combinaifons ,  ôc  qu'en  y  entLant,  il  peut  fubir 
des  changements  &c  des  altérations  conudctables. 
Peut-être  eft-il  poflibie  qu'avec  des  circonftances 
favorables  il  fe  change  en  acide  nitreux.  11  peut 
très  bien  fe  faire  que  l'acide  vitriolique  foit  le 
principe  falin  des  matières  fiilines  des  corps  orga- 
nifés.  L'art  peut  enfuite  analyfer  ces  fubftances 
falines  ,  les  réduire  à  un  plus  grand  degré  defim- 
plicité  ,  &c  les  ramener  au  caractère  de  l'acide  vi- 
triolique ,  &  reproduire  même  un  véritable  acide 
vitriolique. 

Tout  cela  ne  détruit  rien  de  mon  fentiment. 
Quand  même  on  parviendroit  à  tranfmuer  tous 
les  acides  en  acide  vitriolique,  on  ne  démontre^ 
roit  pas  encore  que  ce  dernier  acide  feroit  leur 
élément  falin  :  on  prouveroit  feulement  que  tous 
les  acides  font  des  corps  très  compofés  ,  comme 
je  l'ai  dit ,  &z  que  ceux  qui  le  font  davantage  , 
peuvent  être  réduits  à  un  plus  grand  degré  de  lim- 
plicité  :  il  réfulteroit  de  tout  ceci  que  l'acide  vi- 
triolique feroit  le  plus  fimple  des  acides  ,  mais 
non  la  feule  matière  faline  primitive  ou  l'élément 
falin.  On  doit  même  regarder  comme  un  prin- 
cipe général ,  que  plus  un  corps  eft  compofé ,  & 
que  fes  principes  font  moins  bien  combinés ,  plus 
ce  corps  eft  fufceptible  de  recevoir  des  altérations 
de  la  part  de  l'art ,  &:  de  devenir  limple  de  plus 
en  plus.  C'eft  Uvraifemblablementcequiadonnc 
lieu  à  Staahlde  penfer  qu'il  n'y  avoir  qu'une  feule 
efpece  de  matière  faline  ,  parceque  ,  dans  certai- 
nes opérations  ,  il  a  cru  avoir  opéré  ces  change- 
ments. 

Mais,  quand  même  on  parviendroit  à  tranf- 
muer les  acides  les  uns  dans  les  autres ,  cela  ne 
■prouveroit  pas  davantage  que  l'acide  vitriolique 
eli  l'élément  de  toute  matière  faline  3  car  il  fau- 


£T      RAISONNA  E.  HÇ 

droit  enfuite  faire  la  même  démonftration  à  l'c- 
Çard  de  l'alkali  minéral  &  de  l'alkali  végétal ,  &c 
Tes  tranfmuer  en  acide  vitriolique.  S'il  croit  pof- 
fible  qu'on  pût  parvenir  à  opérer  ces  change- 
ments ,  on  ne  prouveroit  encore  rien  en  faveur 
de  l'élément  falin  ,  parceque  prefque  tout  le  fel 
marin  que  produit  la  Nature  eft  à  bafe  d'alkali 
minéral  :  il  refteroit  encore  à  démontrer  que  cette 
matière  fliline  a  été  produite  par  le  concours  de 
l'acide  vitriolique. 

Propriétés  de  l'Acide  vicriolijue» 

L'acide  vitriolique  eft  ainfi  nommé  parcequ'ofï 
le  retiroit  autrefois  d'un  fcl  métallique  qu'on 
nomme  vitriol  de  Mars. 

L'acide  vitriolique  eft  une  fubftance  faline , 

f)refque  toujours  liquide.  On  peut  néanmoins  fe 
e  procurer  fous  une  forme  concrète  :  nous  en 
parlerons  par  la  fuite. 

Lorfqu'il  eft  pur  &  bien  concentré  ,  il  porte  les 
noms  élucide  vitriolique  concentré ^  ou  è^ acide  vi- 
triolique  reclifié ^  &c  improprement  celui  d'huile 
de  vitriol  concentré. 

Il  eft  le  plus  falé  &  le  plus  puiftant  de  tous  les 
acides. 

Lorfqu'il  eft  parfaitement  pur  ,  il  eft  fans  cou- 
leur &  fans  odeur. 

Il  a  une  faveur  violemment  aigre  &:  acide  ,  qui 
agace  fortement  les  deiits.  Si  l'on  en  mettoit  fur 
la  langue  dans  l'état  de  pureté  où  nous  le  fuppo- 
fons  ,  il  occafionneroit  une  douleur  comparable 
à  celle  que  produiroit  un  fer  rouge  :  il  corrode  &; 
détruit  les  matières  combuftibles  ,  comme  Ip  feu, 
en  les  réduifanc  dans  l'état  d'un  véritable  char- 
bon. 

Oiv 


'i.ïâ       Chymie  Expérimentai? 

11  a  une  pefanreiir  moyenne  entre  celle  de  Tean 
Se  celle  de  la  terre.  Une  bouteille  qui  tient  huit 
gros  d'eau  ,  contient  feize  gros  de  cet  acide  ,  &c 
quelquefois  dix-fept  gros. 

Il  a  moins  de  fluidité  que  l'eau  :  il  file  même 
tomme  de  l'huile  ,  ou  à-peu-près  :  il  j3aroît  gras , 
iorfqu'on  le  touche  entre  les  doigts  :  ce  font  ces 
deux  dernières  propriétés  qui  lui  ont  fait  donner 
par  les  anciens  Chymiflies  le  nom  à' huile  de  vitriol; 
mais  ce  nom  efc  fort  impropre.  Cet  acide  n'eft  ni 
gras  ni  inflammable  :  fa  confîftance  huileufe  lui 
vient  de  fon  degré  de  concentration  *,  &  l'onéluo- 
fité  qa'il  manifefte  au  toiicher  ,  eft  produitç  par 
ï'aétion  dilTolvante  qu'il  exerce  fur  les  doigts  ^^ 
fur  toutes  les  matières  animales  qu'il  touche. 

il  rougit  les  couleurs  bleues  des  végétaux  :  nous 
ferons  connoître  (qs  autres  propriétés  à  mefure 
que  l'occafion  s'en  préfentera. 

Acide  vitriolique  avec  le  Jeu, 

Jufqu  à  préfent  on  ne  connoît  point  de  combi- 
ïiaifon  formée  immédiatement  de  l'union  de  l'a- 
cide vitriolique  avec  le  feu  pur.  Cet  acide  en  eft 
teliemep.t  faturé ,  qu'on  ignore  les  moyens  de  lui 
en  introduire  davantage.  Nous  verrons  qu'il  a  la 
plus  grande  difpolition  pour  s'unir  au  phlogifl:i- 
que  ,  &;  qu'il  préfente  avec  cette  fubftance  des 
£fters  bien  dignes  de  remarque  :  nons  allons  d'a- 
bord examiner  les  effets  du  feu  pur  appliqué  a 
cette  fubftance  faline ,  nous  reconnoîtrons  enfuite 
fes  orooriétés  avec  le  feu  combiné. 

L'acide  vitriolique  a  une  fixité  au  feubeaucoup 
plus  grande  que  l'eau  ;  c'eft-àdire  qu'il  eft  en  état 
de  fupporter  un  degré  de  chaleur  très  coniidéra-? 
Jjle  avant  de  fe  réduire  en  va|)eurs.  La  chaleu?^ 


BT    raisonnes:  117 

■^u  il  peut  fupporter  dans  les  vailTeaux  clos ,  avant 
de  s'élever  ,  va  prefque  jufqu  à  l'incandefcence  j 
mais  il  efl:  dangereux  de  le  chaufter  à  ce  point, 
pour  les  rail'ons  que  nous  dirons  dans  un  inltant. 
Si  néanmoins  on  lui  applique  ce  degré  de  chaleur, 
il  diftille  en  fubftance  ,  fans  fouttrir  d'altération 
fenlible.  Cependant,  toutes  les  fois  qu'on  loumen 
à  la  diftillation  de  l'acide  vitriolique  très  pur  ,  il 
prend  une  légère  couleur  ambrée  dès  les  premiers 
degrés  de  chaleur  ;  ce  qui  diftille  a  une  odeur  d'a- 
cide fulfureux  volatil  :  mais  en  continuant  de  le 
chaufter  ainfi  dans  des  vaifteaux  clos ,  il  redevient 
blanc,  Se,  dans  cet  état ,  il  ne  fournit  plus  d'acide 
fulfureux,  à  moins  qu'il  n'ait  été  tranfvafé  d'un 
vaifleau  dans  un  autre  ;  ce  qui  le  foumet  pour  un 
inftant  au  contadl  de  l'air.  On  pourroit  attribuer 
l'eftet  dont  nous  venons  de  parler  ,  à  quelque  lé- 
î^ere  pouftiere  que  l'acide  vitriolique  prendroit 
dans  l'air  j  mais  il  eft  trop  fulfureux  pour  croiro 
<jue  la  pouftiere  qu'il  peut  prendre  ,  foit  la  feule 
caufe  de  cette  odeur  :  d'ailleurs  la  même  chofe 
arrive  lorfqu'on  le  tranfvafé  dans  un  lieu  où  l'air 
eft  très  (ec ,  très  pur ,  &c  où  il  ne  règne  point  de 
pouftiere. 

Je  penfe  qu'indépendamment  de  la  pouftiere 
dont  il  peut  s'emparer  dans  cette  occafton  ,  l'air 
contribue  lui-même  à  cette  forte  d'altération.  L'a- 
cide vitriolique  en  abforbe  un  peu  toutes  les  fois 
qu'il  en  eft  touché  ,  ce  qui  dérange  quelque  chofe 
de  fa  combinaifon  ,  ik  lui  procure  enfuite  le 
moyen  de  fe  décompofer  en  partie  ,  &  de  pro- 
duire la  petite  quantité  d'acide  fulfureux  qu'on 
obtient.  Je  penfe  même  que  li  l'on  faifoit  digérer 
au  feu  de  fable  à  une  douce  chaleur  pendant 
quelque  temps ,  de  l'acide  vitriolique  très  pur 
dans  un  matras  dgnt  le  col  feroiç  ciré  d  la  lam^a 


2.iS  Chymie  expérimentale 
d'Emailleur ,  pour  ne  lui  conferver  qu'une  ou- 
verture très  capillaire ,  cet  acide  fe  décompo- 
feroit  entièrement  ,  3c  qu'il  ne  refteroit  que  de 
l'eau  ôc  de  la  terre.  La  force  ,  l'adivité  &:1a  fa- 
lure  de  cet  acide  lui  viennent  de  la  grande  quan- 
tité de  feu  qu'il  contient ,  &c  qui  eft  très  voiiin 
de  l'état  de  feu  pur:  une  chaleur  lente  ,  mais  long- 
temps continuée  ,  le  décompoferoit  &  lui  feroit 
perdre  ou  tout  ou  feulement  une  partie  de  ce  feu 
d'où  dépendent  toutes  {qs  propriétés  falines. 

Acide  vitrioUque  expofé  à  l'air. 

L'acide  vitriolique  a  une  li  grande  difpofition. 
pour  s  unu"  a  1  eau ,  qu  il  le  charge  avec  une  lorte 
d'avidité  de  celle  qui  eft  répandue  dans  l'air. 

Après  avoir  mis  dans  un  vafe  de  verre  plat  &: 
évafe  deux  gros  d'acide  vitriolique  bien  concentré, 
l'ai  remarqué  que ,  dans  l'efpace  de  cinq  jours  , 
cette  quantité  s'eft  trouvé  pefer  une  once  cin-» 
quante-quatre  grains ,  ce  qui  fait  lîx  gros  cin- 
quante-quatre grains  d'augmentation  :  elle  pro- 
vient de  l'humidité  de  l'air  dont  cet  acide  s'efl 
chargé ,  au  lieu  de  s'évaporer  comme  l'eau. 

Acide  vitriolique  avec  de  l'eau, 
Efprit  de  vitriol. 

L'acide  vitriolique  s'unit  à  l'eau  avec  rapidité, 
chaleur  &  bouillonnement. 

On  choifit  un  matras  de  verre  mince  ou  une 
fiole  a  médecine  :  on  met  dedans  quatre  onces 
d'acide  vitriolique  bien  concentré  :  on  verfe  par- 
deflus  quatre  onces  d'eau  pure: il  s'exite  aulîi-tôt 
un  bruit ,  un  bouillonnement  &  une  chaleur  égale 
à  celle  de  l'eau  bouillante  j  &;  il  s'élève  des  vapeurs 


ET       RAISONNÉ  E.  21^ 

qui  ont  une  légère  odeur  particulière  ;  mais  cette 
odeur  n'eft  point  celle  de  l'acide  fuUureux.  Ces 
phénomènes  [ont  voir  la  grande  affinité  qu'a  cet 
acide  avec  le  prmcipe  aqueux.  La  chaleur  qui  fe 
produit ,  vient  du  frottement  qui  s'excite  entre 
les  molécules  primitives  intégrantes  des  deux  li- 
queurs qui  fe  pénètrent  mutuellement. 

Lorfqu'on  fait  ce  mélange ,  il  convient  de  te- 
nir le  matras  ou  la  fiole  au-defTus  d'une  terrine  de 
grès ,  parcequ'il  arrive  quelquefois  que  le  vaif- 
feau  caiïe  ,  fur-tout  lorfque  l'air  eft  froid.  J'ai 
remarqué  que  la  chaleur  eft  plus  confidérable 
lorfqu'on  verfe  l'acide  fur  l'eau  ,  que  lorfqu'on 
fait  le  contraire.  La  liqueur  qui  réfulte  de  ce  mé- 
lange porte  le  nom  à'ej'prit  de  vitriol  ai  d\2cide  vi- 
triolique  affaibli.  Mais ,  comme  il  feroit  encore 
trop  fort  pour  la  plupart  des  ufages  où  l'on  a  be- 
foin  d'acide  vitriolicjne  foible ,  on  mcle  ordinaire- 
ment cet  acide  concentré  avec  trois  parties  d'eau  , 
pour  produire  ce  quq  Ton  nomme  communément 
e/prit  de  vitriol. 

Acide  vïtrioUque  &  Glace. 

Deux  gros  d'acide  vitriolique  concentré  ,  & 
demi-once  de  glace  pilée ,  ont  fait  monter  fur^ 
le-champ,  de  trente  degrés,  la  liqueur  d'un  ther- 
momètre de  Réaumur ,  comme  par  fecoulTe.  La 
liqueur  eft  defcendue  ,  un  inftant  après,  au  terme 
de  la  congélation  ,  &:  s'eft  élevée  enfuite  à  fix 
degrés  au-delfus.  La  température  du  lieuéroita 
fept  degrés  au-delfus  du  terme  de  la  congélation  , 
ainfi  que  dans  les  expériences  fuivantes. 

Un  gros  du  même  acide  vitriolique  ,  &  demi' 
once  de  glace  pilée  ,  ont  fait  monter  la  liqueur 
du  thermomètre ,  par  une  fecoulTe ,  à  dix  degrés 


2.10  CHtMÎE    EXPERIMENTALE 

aii-deflTus  de  fa  températare.  Après  ce  premiei 
effet,  elle  a  defcenda  à  douze  degrés  au-deirous 
du  terme  delà  glace. 

Un  gros  du  même  acide  ,  Sc  une  once  de  glace 
pilée ,  ont  de  même  fait  monter  la  liqueur  du 
thermomètre  à  dix  degrés  au  deffus  de  fa  tempéra- 
ture j  ik  elle  efl;  defcendue,  un  inftant  après,  à  dix 
degrés  au-deifous  du  terme  de  la  glace. 

L'acide  vitriolique  occafionne  fur-le-cham.p  la 
fudon  d'une  partie  de  la  glace  :  il  s'échauffe  d'a- 
bord avec  l'eau  qui  en  provient  j  il  s'afFoiblit  par 
conféquent  ;  &  ce  n'ell:  que  dans  cet  état ,  qu'il 
produit  du  froid  avec  la  glace  reftante.  Je  m'en 
luis  alFurépar  l'expérience  fuivante. 

Deux  gros  d'efprit  de  vitriol ,  verfés  fur  une 
demi-once  de  glace  pilée ,  ont  fait  bailler  très 
promptement  la  liqueur  du  même  thermomètre  , 
de  douze  degrés  au-delfous  de  fa  température  > 
■fans  qu'il  fe  foit  auparavant  produit  de  la  cha%v 
îeur. 

Acide  vitriolique  avec  de  la  terre  vitrifiahU, 

L'acide  vitriolique  concentré,  ou  non  con- 
centré ,  n'a  aucune  aétion  fur  les  terres  vitrifiables 
pures ,  même  lorfqu'elles  font  réduites  en  pou- 
dre impalpable  par  des  moyens  méchaniques  , 
parcequ'ils  font  infuffifants  pour  divifer  aiTez 
cette  terre  ,  pour  qu'elle  puiiTe  être  attaquée  par 
cet  acide. 

J'ai  fait  bouillir  quatre  onces  d'acide  vitrioli- 
que très  concentré  ,  avec  quatre  e^ros  de  fable  ré- 
duit en  poudre  impalpable  fur  v.'^.  porphyre.  J'ai 
fair  digérer  ce  mélange  pendant  plus  de  quinze 
jours  fans  plus  de  fuccès.  J'ai  répété  cette  expé- 
îience  avec  du  lîiGme  acide  affoibli,  quine  i*i'a, 


tT      RAISONNA  E.  lit 

pas  mieux  réuflî.  Au  bout  d'un  long  efpace  de 
temps  de  digeftion  ,  j'ai  fcparc  le  fable  ,  &  j'en  ai 
retrouvé  le  mcme  poids  que  j'avois  employé.  J'ai 
examiné  enfuire  les  acides  de  l'une  &c  de  l'autie 
expérience  y  ils  ne  tenoient  point  de  fable  en  dif- 
folurion. 

Enfin  5  j'ai  foumis  a  la  diftillation  quatre  onces 
^u  même  acide  vitriclique  concentré  ,  avec  una 
once  de  fable  broyé  fur  un  porphyre  :   l'acide  a 
paffé  dans  la  diftillation  ,  le  fable  eil:  reftc  dans  la 
cornue  en  poudre  feche  6c  friable ,  mais  de  la  plus 
grande  blancheur.    J'ai  rcverfé  fur  le  fable  de  la 
cornue  ,  l'acide  qui  avoir  pa(lé  ,  &  j'ai  procédé  de 
lîouveau  à  une  féconde  diftillation.   J'ai  poulfé, 
fur  la  hn ,  le  feu  aftez  fort  pour  ramollir  un  peu 
1-e  cul  de  la  cornue  :  l'acide  a  diftillé  comme  la 
première  fois  ^  le  fable  éroit  très  légèrement  ag- 
glutiné ,  parfaitement  blanc,  ayant  retenu  une  très 
petite  quantité  d'acide  :  il  étoit  augmenté  de  dix- 
huit  grains  de  fon  poids.    J'attribue  cette  aug- 
mentation à  un  peu  de  terre  fournie  par  une  pe- 
tite portion  de  l'acide  qui  aura  été  décompofé 
pendant  ces  deux  diftillations.   Ce  fable  ,  lavé 
enfuite  dans  de  l'eau,  lui  communiquoit  une  lé- 
gère faveur  acidulé  ,  &  cette  eau  rougilloit  la 
teinture  du  tonrncfol. 

Il  rcfulte  de  ces  expériences  que  la  terre  virri- 
fiable  eft  abfolument  inattaquable  par  cet  acide  ; 
&  l'on  en  fentira  mieux  les  raifons  dans  un  inf- 
tant:  elle  ne  contient  ni  eau  ,  ni  air,  ni  matière 
combuftible,  qui  font  les  fubftances  par  lefquelles 
.  l'acide  vitriolique  attaque  les  corps.  Cette  terre 
eft  trop  pure  pour  être  diftbute  immédiatement 
par  cet  acide  :  elle  ne  peut  le  diifoudre  que  lorf- 
quelle  eft  réduire  à  les  molécules  primitives  , 
i^Kégrautes ,  ou  à  peu  ptcs^  di  c'eft  à  quoi  il  eft 


HZ       Chymie  EXPÉÂ.I mentale 

împoflible  de  parvenir  par  des  moyens  purement 
médian iques  :  il  faut  avoir  recours  à  des  moyens 
chymiques ,  qui  divifent  les  corps  bien  plus  effi- 
cacement. Cependant  on  trouve  dans  la  Nature 
cette  combinaifon  toute  faite ,  &  en  très  grande 
quantité  :  c'eftdans  les  argilles.  Mais  la  Nature 
le  fait-elle  d'une  manière  directe  ?  C'eft  ce  qu'il 
eft  difficile  de  croire.  Nous  examinerons  cette 
queftion  ,  lorfque  nous  parlerons  des  effets  de 
l'air  fur  le  gypfe. 

Acids  vitriolique  rectifié^  &  Acide  vitriolique 
concentré, 

La  redification  de  l'acide  vitriolique  a  pour 
objet  de  débarraffer  celui  qui  eft  déjà  concentré, 
des  matières  inflammables  qui  lui  communiquent 
de  la  couleur  j  c'eft  à  quoi  l'on  parvient  en  faifant 
paffer  un  peu  de  liqueur  par  la  diftillation  :  la 
matière  qui  colore  cet  acide  fe  détruit. 

La  concentration  conlîfte  à  féparer  par  la  dif- 
tillation ,  l'eau  furabondan te  à  ce  même  acide ,  & 
de  rapprocher  fes  parties  falines  fous  le  plus  petit 
volume  poffible. 

Par  cette  dernière  opération  ,  on  redifie  auiïi 
l'acide  vitriolique  ^  mais  il  ne  fe  débarrafle  des 
matières  inflamm.ables  ,  qu'après  qu'on  a  fait 
palTer  par  la  diftillation  une  certaine  quantité 
d'eau  :  tant  qu'il  eft  fort  aqueux,  il  agit  foiblement 
fur  ces  fubftances;  auflî  cqs  deux  opérations  fe  font- 
elles  en  même  temps.  Lorfque  l'acide  qu'on  em- 
ploie eft  aqueux  ,  il  commence  par  fe  concentrer, 
&  il  fe  reétifîe  enfuite. 

On  met  dans  une  cornue  de  verre  la  quantité 
que  l'on  veut  d'acide  vitriolique  qui  a  befoin  d'être 
concentré  &:  redifié ,  ayant  foin  de  ne  la  remplir 


ET      RAISONNÉ    F.  2ÎJ 

qu'environ  aux  trois  quarts ,  ou  jufqu  à  deux  pou- 
ces au-de{Tous  de  fa  courbure.  On  place  le  vaif- 
feau  dans  un  bain  de  fable  d'un  tourneau ,  de 
manière  que  la  chaleur  puiffe  circuler  librement 
tout  autour,  à  l'exception  du  côté  par  où  palfe  le 
col  de  la  cornue ,   qu'on  lute    très  exadtement 
avec  de  la  terre  à  four  détrempée  avec  de  l'eau , 
afin  d'empêcher  la  communication  de  la  flamme 
du  charbon  avec  le  col  de  la  cornue.  On  adapte 
à  la  cornue  un  ballon  percé  d'un  petit  trou  qu'on 
bouche  avec  un  peu  de  cire  ramollie  entre  les 
doigts.  On  lute  les  jointures  des  vaiiTeaux  avec 
des  bandes  de  papier  enduites  de  colle  de  farine 
ou  d'amidon.   Alors  on  procède  à  la  difl:illation 
par  un  teu  de  quelques  charbons  ardents  pour 
échaufter  la  cornue  doucement  :  on  l'augmente 
par  degré  ,  jufqu'à  ce  que  la  liqueur  commence  à 
diftiller,  &  que  la  voûte  de  la  cornue  s'échaufîe 
au  point  de  n'y  pouvoir  tenir  la  main  ,  qu'avec 
peme ,  fans  être  incommodé  par  la  chaleur  :  on 
entretient  le  feu  à  ce  degré  pendant  tout  le  temps 
de  l'opération  ,  en  obfervant  cependant  qu'on 
peut  mener  la  diftillation  ,  far-tout  dans  le  com,- 
mencement ,  de  manière  qu'on  puifllî  compter 
dix  ci  douze  fécondes  entre  les  gouttes  qui  dif- 
tillent  ;  mais  lorfque  l'acide  a  acquis  beaucoup 
de  concentration  ,  il  feroit  imprudent  de  con- 
duire la  diftillation  aufli  vite  :  il  faut  qu'on  puiffe 
compter  trente  ou  quarante  fécondes  entre  les 
gouttes  qui  tombent  dans  le  ballon ,  fans  quoi  on 
courroit  les  rifques  de  mettre  l'acide  en  ébulli- 
tion  \  ce  qui  ne  manque  pas  de  fiire  cafler  la  cor- 
nue à  la  voûte  ,  à  caufe  du  contrafte  de  la  cha- 
leur de  cet  acide  qui  mouille  les  parois  intérieures 
du  vailleau,  &  de  Tair  frais  qui  rcpofe  fur  la  voûte 
^  fur  le  col  de  la  cornue. 


l24  ChVMIE    EXPÉR-IMENTAtC 

Si  l'acide  qu'on  a  employé  eft  fort  aqueux ,  \i 
liqueur  diftille  facilement  dans  les  commence- 
ments j  mais  elle  eft  plus  difficile  à  palTer ,  à  me- 
fure  que  l'acide  de  la  cornue  fe  concentre.  Il 
prend  de  la  couleur  qui  augmente  peu  à  peu  oC 
à  proportion  qu'il  étoit  charge  de  matière  inflam- 
mable. Lorfque  l'acide  a  acquis  cette  couleur  ,  il 
atrit  fur  la  fubftance  inflammable  y  ce  qu'il  ne 
pouvoit  faire  avant  qu'il  fut  moins  concentré.  Il 
s'élève  alors  des  vapeurs  blanches ,  un  peu  élaf- 
tiques  ,  qui  ont  une  odeur  de  foufre  brûlant.  On 
débouche  de  temps  en  temps  le  petit  trou  du: 
ballon  ,  pour  faciliter  la  fortie  d'une  partie  de  ces 
vapeurs  &  leur  condenfation  ,  de  par-là  prévenin 
-  la  rupture  des  vaifleaux.   A  mefure  que  les  va- 
peurs diminuent ,  l'acide  de  la  cornue  perd  de 
la  couleur  j  &:  aulTi-tôt  que  cet  acide  eft  devenu 
parfaitement  blanc ,  il  ne  s'élève  plus  de  vapeurs. 
La  ceflation  des  vapeurs  indique  que  l'acide  ne 
contient  plus  de  matière  inflammable  ,  de  qu'il 
eft  autant  concentré  qu'on  en  a  befoin.  On  laiffe 
refroidir  les  vaiffeaux  :  on  délute  le  ballon  :  ou 
ei\  fubftitue  un  autre  à  fa  place,   qu'on  lute  de 
même  :  on  ceflTe  le  feu  :  la  chaleur  qui  refte  dans 
le  fourneau  eft  fuffifante  pour  lui  faire  perdre  un 
refte  d'odeur  d'acide  fulfureux  qu'il  peut  encore 
avoir.  Si  l'on  ne  changeoit  point  de  ballon  ,  il 
conferveroit  un  peu  de  cette  odeur  qui  luiferoic 
communiquée  par  la  liqueur  qui  a  diftille. 

Lorfque  la  cornue  eft  entièrement  rehoidie , 
on  délute  le  ballon  :  on  l'enlevé  de  fon  bain  de 
fable  :  on  verfe  par  inclination  ce  qu'elle  contient 
dans  un  flacon  de  cryftal ,  bouché  aufli  de  cryftal , 
ôc  mé  avec  de  l'émeri.  On  trouve  quelquefois 
au  fond  de  la  cornue  un  peu  de  terre  blanche  : 
cela  dépend  dç  l'état  ovVétoiç  l'acide  avant  l'ope- 


faticn. 


L» 


ET      R.AISONNiï.  225 

La  liqueur  fépaiée  de  la  cornue  fe  nomme 
acide  vitriolique  concentré  ou  rectijx  ^  ou  huile  de 
vitriol  concentrée  ou  recfijîcc. 

La  liqueur  qui  a  diftillé  dans  le  pretnier  bal- 
lon ,  fe  met  à  parc  :  c'cft  de  Vaclde  yitnoliquc 
fulfureux  volatil. 

S'il  a  palfc  un  peu  d'acide  dans  le  fécond  bal- 
lon ,  on  le  met  de  mcme  ;i  part  ,  comme  moins 
concentré  que  celui  de  la  cornue  :  il  peut  fervLC 
au  même  ufage  que  l'acide  vitriolique  atfoibli. 

R    E    M    A    R    (^    U    E    S. 

Lorfque  l'acide  qu'on  emploie  dans  une  fem* 
blable  opération  ,  ell  tort  aqueux  ,  on  peut,  après 
qu'on  a  échaufté  les  vailfeaux  fufîifamment ,  aug- 
menter le  feu  aflez  pour  faire  bouillir  la  liqueur, 
mais  doucement  j  ce  qui  accélère  l'opération  fans 
danger.  U  arrive  fouvent  qu'il  fe  forrne  u»  dépôt 
terreux  ,  dès  qu'il  y  a  une  certaine  quantité  de 
liqueur  de  diftillée  :  ce  dépôt  occafionne  des  fou- 
btefauts  &  des  jets  de  liqueur.  Lorfque  cet  in- 
convénient arrive  ,  il  faut  celfer  la  dillillation  , 
laitier  refroidir  les  vailîeaux,  vuider  la  cornue, 
&  féparer,  par  décantation  ,  ce  dépôt  terreux, 
fans  quoi  la  cornue  feroit  en  danger  de  caCTcr 
pendant  l'opération.  Lorfque  toutes  ces  opéra- 
tions font  faites  ,  on  remet  de  nouveau  l'acide 
en  diftillation  ,  &  on  procède  comme  nous  l'a- 
vons dit. 

On  retire -d'autant  plus  de  liqueur  par  cette 
diftillation ,  que  l'acide  qu'on  a  employé  étoic 
aqueux.  11  paîfe  ,  avec  l'eau  ,  une  certaine  quan- 
tité d'acide  qui  s'élève  avec  elle  :  lorfque  l'acide 
qu'on  a  employé  étoit  lui-même  déjà  très  con- 
centré ,  il  diftiile  fort  peu  de  Uqueivr  j  mais  cecta 
Terne  i.  ;  P 


ii6  Chymie  expérimentais 
liqueur  eft  toujours  acide,  parceque  le  peu  d'eau 
qui  palîe  entraîne  avec  elle  un  peu  de  cet  acide. 
On  remarque  aulli  dans  cette  dernière  opération 
que  l'acide  de  la  cornue  n'eft  guère  plus  concen- 
tré qu'il  ne  l'étoit  auparavant  :  il  ne  fait  que  per- 
dre fa  couleur. 

Lorfque  l'acide  eft  parvenu  à  un  certain  point 
de  concentration  ,  il  ag-it  d'une  manière  directe 
fur  la  matière  inflammable  j  ce  qu'il  ne  pouvoir 
faire  lorfqu'il  étoit  fort  aqueux  :  il  s'unit  avec 
elle  :  il  la  réduit  dans  un  état  charbonneux.  La 
matière  inflammable,  de  fon  côté,  en  s'uniflant 
à  une  portion  de  l'acide  ,  le  rend  plus  volatil  : 
c'eft  cette  union  qui  s'annonce  fous  la  foime  de 
vapeurs  blanches  ,  &c  qui  produit  l'acide  fulfu- 
reux  volatil  qui  diftille  pendant  l'opération  ,  Se 
que  je  regarde  comme  un  foufre  ébauché. 

Lorfque  l'acide  vitriolique  eft  chargé  de  beau- 
coup de  matière  inflammable,  j'ai  remarqué  qu'il 
s'élève  quelquefois  ,  pendant  la  diftillation  ,  un 
peu  de  matière  fuligineufe  légère  ,  femblable  à 
du  noir  de  fumée ,  qui  s'attache  au  col  de  la  cor- 
nue :  il  palle  auflii  de  cette  matière  dans  le  ballon  ; 
mais  elle  ne  communique  point  de  couleur  à  cet 
acide ,  ou  tout  au  plus  une  légère  couleur  lilas. 

La  plupart  de  l'acide  vitriolique  qui  eft  dans  le 
commerce,  eft  chargé  de  beaucoup  de  terre  ,  qui 
eft  quelquefois  argilleufe  Se  quelquefois  calcaire  ; 
&  le  plus  fouvent  ces  deux  terres  le  trouvent  en- 
femble  :  l'acide  vitriolique  tient  alors  de  l'alun  ôc 
fLe  la  félénite  en  dilfolution.  J'ai  vu  de  ces  acides 
qui,  étant  mêlés  avec  le  tiers  de  leur  poids  d'eau, 
formoient,  par  le  refroidiftement ,  une  grande 
quantité  de  cryftaux  femblablesàceux  du  fel  fé- 
aatif  fublimé  :  lorfque  de  pareil  acide  a  été  étendu 
dans  beaucoup  d'eau ,  &  lorfqu'oii  vient  enfuite 


BT      RAISONNÉ  E.  Î27 

à  le  concentrer ,  la  terre ,  ou,  fi  l'on  veut,  les  fels 
neutres  fe  précipitent  pendant  l'opération  ,  s'ap- 
pliquent au  fond  de  la  cornue  fans  y  adhérer, 
empêchent  le  pafTage  des  molécules  de  feu  ,  oc- 
cafionnent  des  bouffées  de  vapeurs  qui  partent 
du  fond  de  la  cornue,  foulevent  par  fecouiles 
toute  la  colonne  de  liqueur  ,  &  produifent  des 
foubrefauts  qui  mettent  la  cornue  en  danger 
d'ctre  caflée.  11  faut,  lorfque  cet  inconvénient 
arrive,  y  remédier  de  la  manière  que  nous  ravons 
indiqué. 

Toutes  les  fois  que  Ton  fait  concentrer  de  l'a- 
cide vitriolique  aqueux  ,  il  fe  fépare  une  cer- 
taine quantité  de  matières  terreufes.  L'acide  vi- 
triolique même  ,  après  qu'il  a  été  concentre  &t 
enfermé  dans  des  flacons,  dépofe  aflezfouvent^ 
au  bout  de  quelques  mois,  une  matière  faline  en 
poudre,  ou  de  petits  cryftaux  féléniteux  ,  difpofcs 
en  petites  écailles  comme  le  fel  fédatif  fublimé. 
Outre  ces  matières  étrangères  à  l'acide  vitrioli- 
que ,  il  ell:  encore  chargé  d'une  certaine  quantité 
de  fer  ,  quoiqu'il  paroiiïe  d'ailleurs  de  la  piuâ 
grande  pureté  ;  c'eft  ce  que  nous  ferons  voir,  lorf- 
que nous  parlerons  de  la  liqueur  éthérée  faite 
par  cet  acide. 

L'acide  vitriolique,  quoique  très  concentré  » 
contient  encore  beaucoup  d'eau  :  elle  1-ui  eft  Ci 
adhérente  qu'on  ne  peut  la  féparer  complette-* 
ment  par  la  diftillation  :  il  s'élève  de  l'acide  qui 
diftille  avec  l'eau  :  il  palle  aulîî  une  partie  des  ma- 
tières terreufes  ,  mais  en  difTolurion  :  ainfî  l.i  dif- 
tillation qu'on  voudroit  employer  pour  fe  procu- 
rer de  l'acide  vitriolique  très  pur  &  exempt  dô 
toutes  matières  falines  étrangères  ,  eft  abfolu-* 
ment  infuffifante  :  d'ailleurs  il  eft  difficile  de 
faire  palTer  cet  acide  en  fubftan-ce  dans  la  dilHlr 

P4 


iiS        Chymie  expérimentale 

lation  ,  fans  courir  le  rifque  de  faire  cafïer  k 
cornue  ,  à  moins  que  d'opérer  fur  une  petite 
quantité  d'acide  à  la  fois  ,  comme  au  poids  de 
huit  onces  :  alors  il  convient  de  couvrir  la  partie 
fupéricure  de  la  cornue  ,  pour  la  mettre  à  l'abri 
de  l'air  frais ,  fur-tout  lorfqu'on  opère  en  hiver , 
ou  dans  une  température  au-deflbus  de  douze 
degrés  de  chaleur  au  thermomètre  de  Réaumur. 

Lorfqu'on  a  fait  trop  de  feu ,  &  que  la  cornue 
rient  à  calfer  pendant  la  concentration  de  l'acide 
vitriolique  ,  c'eft  ordinairement  par  la  voûte  :  le 
cul  fe  trouve  prefque  toujours  entier.  Voici  ce 
qu'il  convient  de  faire  lorfque  cet  accident  ar- 
rive. 11  faut  ôter  le  feu  du  fourneau  ,  en  fermer 
toutes  les  ouvertures ,  ouvrir  toutes  les  fenêtres 
du  laboratoire  ,  &  y  relier  le  moins  de  temps  qu'il 
eft  poiîible,  afin  d'éviter  de  refpirer  de  l'air  charge 
de  cet  acide  ;  il  fe  réduit  en  vapeurs  blanches  , 
cpaiiTes  ,  qui  excitent  à  toulfer  violemment  :  il 
s'en  attache  fur  les  mains ,  fur  le  vifage  :  elles  oc- 
cafionnent  des  rougeurs  &c  des  inflammations  éré- 
fîpélateufes  qui  font  douloureufes.  Lorfque  le 
fourneau  ôc  les  vailTeaux  font  fuffifamment  re- 
froidis ,  &c  qu'il  ne  règne  plus  de  vapeurs  dans  le 
laboratoire ,  on  enlevé  le  cul  de  la  cornue.  Lorf* 
qu'il  n'y  eft  pas  tombé  de  fable  ,  l'acide  eft  tout 
aufli  bon  de  tout  auiîi  pur  que  11  cet  accident  n'étoic 
point  arrivé ,  fur- tout  lorfqu'on  ne  lui  a  pas  donné 
le  temps  de  fe  charger  de  l'humidité  de  l'air. 

11  faut  éviter  avec  le  plus  grand  foin  de  refroi- 
dir l'intérieur  du  fourneau  avec  des  briques 
froides  qu'on  pourroit  y  introduire  :  cela  feroit 
caffer  le  cul  de  la  cornue  j  l'acide  alors  fe  répan- 
droit  dans  le  fable ,  ce  qui  exigeroit  un  travail 
confidérable  pour  le  mettre  en  nature.  Il  faudroit 
laver  ce  fable  dans  beaucoup  d'eau,  filtrer  la  li- 


ÏT       RAISONNE!.  tlf 

queiir  ,    Se  la  faire  concentrer  de  nouveau. 

De  la  propriété  qu'a  l'acide  vitriolique  de  fe 
charger  de  l'humidité  de  l'air ,  il  fuit  qu'on  ne 
peut  ni  le  concentrer ,  ni  le  reélifier ,  que  dans 
des  vailTeaux  clos  j  je  m'en  fuis  afluré  par  l'expé- 
rience fuivante. 

J'ai  mis  dans  une  capfule  de  verre ,  à  l'air  libre , 
une  livre  d'acide  vitriolique  déjà  concentré  &z  un 
peu  coloré  :  j'ai  placé  cette  capfule  fur  un  bain  de 
lable  :  je  l'ai  fiit  chauftcr  pendant  dix  à  douze 
heures  fans  le  faire  bouillir  (  l'air  étoit  fort  hu- 
mide) pendant  tout  ce  temps  :  il  a  exhalé  beau- 
coup de  vapeurs  blanches  &c  épaiiTes  :  il  n'a  duiù- 
nué  que  de  quelques  onces  de  fon  poids  ^  mais 
comme  il  fe  chargeoit  continuellement  de  l'hu- 
midité de  l'air  ,  il  a  perdu  confidérablement  de 
fa  pefanteur  fpécifique  :  il  a  acquis  aulh  plus  de 
couleur  ,  à  raiîon  des  matières  inflammables  qui 
voltigent  dans  l'air. 

décide   vitriolique    volaùlifc  j  &  rendu  fulfureux 
fur-le-champ  par  du  phlogijliciuc  dans  le  mou- 
vement igné. 

On  met  dans  un  verre  de  l'acide  vitrioli- 
que pur  ;  on  plonge  dans  cet  acide  un  charbon 
ardent.  Il  s'élève  mr-le-champ  une  fumée  blan- 
che fort  épailfe  &  fort  abondante  ,  qui  a  une 
odeur  de  foufre  brûlant  ,  &  qui  eft  en  état  de 
fufïbquer.  L'acide  prend  fur-le-champ  une  cou- 
leur ambrée  :  cette  vapeur  eft  produite  par  la 
combinaifon  de  cet  acide  avec  le  phlogiftique 
dans  le  mouvement  igné  ;  elle  forme  fur-le- 
champ  de  l'acide  fulfureux  volatil ,  femblable  à 
celui  qui  a  diftillé  dans  l'opération  précédente. 
Si ,  au  lieu  de  charbon  ardent ,  on  préfente  à  cet 

Piij 


Z^&  ChYMII    EXPERIMENTALE 

acide  du  charbon  éteint ,  cet  effet  n'a  point  lieu': 
il  at  abfolument  le  fecours  de  la  chaleur  pour 
produire  les  mêmes  phénomènes.  J'ai  fait  a  ce  fu- 
jet  les  expériences  fuivantes. 

J'ai  mis  dans  une  cornue  de  verre  une  livre 
d'acide  vitriolique  concentré  ,  &  demi-once  de 
charbon  en  poudre  fine  :  i'ai  laiffé  digérer  ce  mé- 
lange à  froid  pendant  quinze  jours  :  l'acide  ne  s'eft 
point  coloré  du  tout.  Au  bout  de  ce  temps ,  j'ai 
foumis  ce  mélange  à  la  diftillation ,  &  l'ai  échauf- 
fe par  degrés ,  jufqu'au  point  de  mettre  l'acide  en 
cbullition  :  en  moins  d'une  heure  il  eft  devenu 
d'une  légère  couleur  verte  d'aiguë  mai^ine.  J'ai 
laiiïé  refroidir  le  vaiiTeau  :  la  couleur  a  difparu 
complettement  :  ayant  rechauffé  de  nouveau  les 
vaiiTeaux ,  l'acide  a  repris  la  même  couleur.   J'ai 
réitéré  le  refroidiffementàplufîeurs  reprifes  :  les 
rtiêmes  phénomènes  ont  eu  lieu  :  la  couleur  pa- 
roilfoit  lorfque  l'acide  étoit  chaud ,  &  elle  dif- 
paroiffoit  lorfqu'il  étoit  froid.  Ayant  enfuite  con- 
tinué la  diftillation  ,  il  a  paffé  en  vapeurs  blan- 
ches de  l'acide  fulfureux  ,   tant  que  celui  de  la 
cornue  avoit  de  la  couleur  :  il  eft  refté  au  fond 
de  la  cornue  une  terre  blanche,  qui  eft  celle  du 
charbon.  J'ai  recueilli  cette  terre  avec  un  peu  du 
même  acide  :  j'ai  étendu  le  tout  dans  une  fuffi- 
fante  quantité  d'eau  ;  &  au  bout  de  quelque 
temps  ,  j'ai  obtenu  des  cryftaux  de  véritable  alun  : 
j'ai  confervé  à  part ,  dans  un  flacon ,  l'acide  con- 
centré ;  dans  l'efpace  de  quelques  mois ,  il  a  laiffé 
dépofer  des  cryftaux  de  tartre  vitriolé,  formé  par 
l'alkali  fixe  du  charbon,  &  une  portion  de  l'acide 
vitrioliqiie. 

Ces  expériences  forment  une  analyfe  bien  com- 
plecte  du  charbon ,  qu'on  avoit  regardé  comme  in- 
capable d'être  attaqué  par  les  agents  de  la  Chymie. 


ET      RAISONNÉ  I.  ijl 

J  ai  parlé  de  ces  expériences  dans  l'Avertiffement 
de  la  féconde  édition  de  mon  Manuel  de  Chymïe: 
mais  il  s'eft  gliflé  une  erreur  dans  les  propor- 
tions de  charbon  &.  d'acide  qui  y  font  indiquées  : 
celles  qu'il  convient  de  fuivre  ,  pour  le  fuccès  de 
l'expérience  ,  font  celles  que  nous  venons  de  dé- 
fîgner.  Les  phénomènes  font  différents  lorfqu'on 
met  beaucoup  de  charbon. 

J'ai  fournis  à  la  diftillation  ,  dans  une  cornue 
de  verre ,  trois  livres  d'acide  vicriolique  concen- 
tré ,  avec  lîx  onces  de  charbon  en  poudre  fine. 
L'acide  a  paflefous  une  couleur  ambrée  :  il  avoir 
une  odeur  d'acide  fulfureux  volatil  ,  6c  il  étoit 
chargé  de  beaucoup  ds  charbon  en  poudre  :  il 
étoit  fi  léger ,  qu'il  avoir  de  la  peine  à  fe  précipi- 
ter :  une  partie  eft  reftée  dans  le  col  de  la  cornue , 
&  obftruoir  prefque  entièrement  Touverture. 
J'interrompis  la  diftillation  pour  dégorger  le  col 
de  la  cornue ,  &  je  trouvai  que  le  charbon  qui 
l'obftruoit  ,  étoit  tout  rempli  de  foufie ,  quoi- 
qu'il n'y  eut  pas  plus  du  quart  de  l'acide  de  diT- 
tillé.  J'adaptai  de  nouveau  le  ballon  à  la  cornue , 
&  j'achevai  la  diftillation  pour  faire  pairer  tour 
l'acide.  Il  continua  de  paCfer  ,  comme  dans  le 
commencement ,  tout  en  vapeurs  blanches  \  & 
l'acide  qui  réfulta  de  leur  condenfation  avoit 
une  couleur  citrine  foncée  :  il  contenoit  encore 
du  charbon  léger ,  qui  avoir  beaucoup  de  peine  à 
fe  précipiter.  Il  eft  refté  dans  la  cornue  la  plus 
grande  partie  du  charbon  :  il  étoit  noir ,  réuni 
en  une  mafte  fort  dure ,  difHcile  à  fe  brûler  à 
l'air  libre  ,  &  exhalant  une  odeur  de  foufre. 

J'ai  diftillé  de  nouveau  ,  dans  une  cornue  de 
▼erre  ,  l'acide  de  l'opération  précédente ,  avec  la 
portion  de  charbon  qui  s'éroit  précipitée.  La  pre- 

Piv 


x^i         Chymie  EXPÉR I mentals 

miere  liqueur  qui  a  pafïé  n'avoit  point  de  cou- 
leur j  mais  elle  s'efl:  colorée  fucceirivemeiit,  &  fur 
la  fin  elle  s'eft  trouvée  citrine.  Il  efl.  encore  reftc 
dans  la  cornue  une  matière  charbonneufe,  dure, 
femblable  à  la  précédente. 

J'ai  diftillé  de  nouveau  cet  acide  pour  la  troi- 
iîeme  fois,  dans  une  cornue  de  verre  j  il  a  pafTc 
fans  couleur  depuis  le  commencement  jufqu'à  la 
fin  de  l'opération  :  il  eft  refté  encore  de  la  ma- 
tière charbonneufe  dans  le  même  état  que  dans 
les  précédentes  opérations. 

Tout  l'acide  vitriolique  qui  a  diftillé  pendant 
ces  opérations ,  étoit  volatil  fulfureux.  Il  s'eft  fu- 
blimé  du  foufre  dans  le  col  de  la  cornue  j  &z  ce 
qu'il  y  a  de  remarquable  ,  c'eft  que  ce  foufre  a 
été  formé  ôc  fublimé  avant  même  que  le  quart 
de  l'acide  fût  pafle.  Cette  obfervation  prouve 
que  le  foufre  fe  forme  tout  aulîi  bien  par  la  voie 
humide,  que  par  la  voie  feche.  Nous  aurons  occa- 
fîon  de  confirmer  cette  obfervation  ,  en  faifmc 
mention  d'autres  circonftances  où  le  foufre  eft 
également  formé  par  la  voie  humide. 

Acide  vitriolique  coloré  par  des  matières  infiarri' 
mahles  dans  l'état  huileux. 

Acide  vitriolique  fulfureux. 

On  met  dans  un  verre  de  l'acide  vitriolique  pur  : 
on  y  plonge  quelques  brins  de  paille  :  un  inftant 
après ,  ils  deviennent  mous ,  noirs  &:  charbon- 
neux :  l'acide  prend  lui-même  une  couleur  brune 
plus  ou  moins  foncée. 

Toutes  les  matières  combuftibles  ,  foit  végé- 
tales j  foit  animales ,  produifent  le  même  effet. 


ET       RAISONNE  1.  Ijj 

Acide  VLtriolique  avec  de  l'huile. 

J'ai  fournis  à  la  diftillation  ,  dans  une  cornue 
de  verre  ,  une  livre  d'acide  vitriolique  concen- 
tré j  &  demi-once  d'huile  d'olive  :  ce  mélange 
efl:  devenu  fur-le-champ  prefque  noir.  Je  n'ai  re- 
tiré que  de  l'acide  fulfuieux ,  proportionnelle- 
ment à  la  matière  inflammable ,  &  point  d'huile 
ni  defoufre:  j'ai  continué  l'opération  jufqu'à  ce 
que  l'acide  de  la  cornue  devînt  parfaitement 
blanc ,  &  qu'il  ne  contînt  plus  de  matière  in- 
flammable. Il  eft  reft:é  au  fond  de  la  cornue , 
avec  l'acide  vitriolique  ,  une  petite  quantité  de 
terre  blanche. 

Soufre  attificiel. 

Mais  fi  au  lieu  de  mettre  une  fi  gtande  quan- 
tité d'acide  avec  l'huile,  on  mêle  ces  deux  fub- 
ftances  ,  à  peu  près  à  parties  égales  ,  à  la  dofe 
d'une  once  de  chaque  ,  les  phénomènes  font  un 
peu  différents.  \'-\  Le  mélange  s'échauffe  &  fe 
gonile  confidérablement  un  inftant  après  avec 
effervefcence  :  il  fe  dégage  dts  vapeurs  d'acide 
fulfureux  volatil.  Ce  mélange  devient  fort  noir, 
St  d'une  confift:ance  réfineule  femblable  à  de  la 
térébenthine  cpaifle.  2°.  En  foumettant  enfuite 
ce  mélange  à  la  diftillation  ,  il  paife  tm  peu  d'a- 
cide fulfureux  ,  mais  aqueux  ,  un  peu  d'huile  ,  &C 
fur  la  fin  il  fe  fublime  une  matière  qui  eft  de  vrai 
foufre.  Il  refte  dans  la  cornue  une  matière  char- 
bonneufe  beaucoup  plus  volumineufe  que  ne  le 
feroit  une  pareille  quantité  d'huile  qu'on  diftil- 
Icroit  toute  feule. 


1^4i         ChYMIE    EXPÉRIMENTAte 

Remarq^ues. 

-  II  réfiilte  évidemment  de  ces  expériences,  que 
l'acide  vitriol i que  a  une  adion  bien  marquée  fur 
les  matières  combuftibles  en  général ,  dans  quel- 
que état  qu'elles  foient  :  il  détruit  leur  piincipe 
inflammable  aufli  efficacement  que  le  feu  qu'on 
leur  appliqueroit  immédiatement  j  toute  la  diffé- 
rence ,  c'eft  qu'il  produit  ces  effets  fans  inflam- 
mation ,  foit  avec  ,  foit  fans  le  concours  de  l'air  j 
au  lieu  que  le  feu  ne  peut  les  faire  brûler  avec 
flamme,  qu:  lorfqu'il  eft  aidé  du  concours  de  l'air. 
L'acide  vitriolique  réduit  d'abord  en  véritable 
charbon  les  matières  combuftibles  qui  font  en- 
fermées avec  lui  dans  des  vailfeaux  clos  :  je  m'en 
fuis  afTuré  en  arrêtant  ces  diftillations  au  point 
où  je  jugeois  qu'elles  n'avoient  plus  rien  d'hui- 
leux :  je  leur  trouvois  toutes  les  propriétés  d'un 
charbon  bien  fait  ,  fî  ce  n'eft  qu'il  eft  imprégné 
de  cet  acixle.  Lorfque  l'acide  a  réduit  les  corps 
combuftibles  dans  cet  état ,  il  continue  de  féparer 
leur  matière  inflammable  jufqu'à  fon  entière  def- 
truélion.  L'acide  vitriolique  agit  mieux  fur  les 
matières  combuftibles  dans  leur  état  naturel ,  par- 
cequ'ellesfont  pourvues  d'eau  principe  :  cette  eau 
principe  fert  d'intermède  pour  donner  prife  à  cer 
acide  fur  la  matière  inflammable  des  corps  com- 
buftibles. 

Il  eft  bien  difficile  de  croire  qu'une  combinai- 
fon  purement  d'eau  &  de  terre  ,  comme  Staahl 
l'admet  pour  feul  principe  des  matières  falines, 
puiffe  produire  de  pareils  eft'ets.  L'eau  &  la 
terre  font  des  éléments  fans  aârion  dell:rud:ive  : 
ils  ont  au  contraire  la  propriété  de  modérer  celle 
du  feu ,  comme  ils  le  font  en  effet  dans  les  occa- 


IT      RAISONNES.  155 

nons  préfences.  L'acide  vitriolique  agit  fur  les 
matières  combuftibles  d'une  manière  qui  eft  com- 
mune au  feu  en  aélion  ,  mais  moins  vivement  , 
parceque  le  feu ,  qui  eft  de  fon  effence ,  eft  modéré 
par  la  combinaifon  qu'il  a  conrra6tée  avec  de  l'eau 
ôc  de  la  terre.  Il  me  paroît  bien  plus  naturel  d'at- 
tribuer les  effets  de  cet  acide  au  feu  prefque  put 
qui  entre  en  très  grande  quantité  dans  fa  compo- 
fition.  C'eft  lui  qui  produit  tous  les  phénomènes 
dont  nous  venons  de  parler,  qui  font  d'ailleurs 
abfolument  femblables  à  ceux  du  feu  pur.  Nous 
verrons  dans  toutes  les  occafions  où  nous  em- 
ploierons les  matières  falines  acides  ,  qu'elles 
produifent,  plus  ou  moins,  fur  les  fubftances  in- 
flammables ,  les  effets  du  feu  dans  le  mouvement 
igné.  C'eft  donc  au  feu  contenu  dans  ces  acides 
qu'on  doit  attribuer  leur  faveur  cauftique  ,  leur 
propriété  de  détruire  le  principe  inflammable 
dans  les  matières  métalliques  ,  l'aétion  qu'ont 
ces  acides  pour  les  difToudre  ,  &  les  autres  grands 
phénomènes  qu'ils  préfentent  dans  toutes  les 
opérations  de  la  Chymie.  Cette  doétrine ,  quel- 
que neuve  qu'elle  paroiffe  ,  n'en  eft  pas  moins 
vraie  ;  &  ce  ne  feroit  pas  une  raifon  de  la  rejet- 
ter ,  parcequ  il  m'eft  impofllble  de  rendre  compte 
de  l'état  fous  lequel  le  feu ,  dans  les  acides  ,  eft 
contenu  par  les  autres  éléments  :  tout  ce  que  je 
puis  dire  ,  c'eft  que  le  feu  y  eft  très  légèrement 
bridé  :  il  ne  l'eft  qu'autant  qu'il  le  faut  pour  ref- 
ter  fixé ,  &:  ne  pouvoir  fe  diftîper  ,  comme  il  lui 
arrive  lorfqu'il  eft  abfolument  pur  de  ifolé,  & 
qu'il  ne  fait  partie  d'aucun  corps.  Il  paroît  encore 
que  ce  feu  exifte  dans  le«  acides  en  très  grande 
quantité  ,  puifqu'ils  peuvent ,  avant  que  de  s'é- 
puifer ,  exercer  leur  aélion  fur  beaucoup  de  fub- 
ftances combuftibles.   Je  ne  défefpere  pas  qu'a- 


1^6        Chymie   expérimenta  L1 

vec  le  temps  on  ne  parvienne  à  apprécier  la  dofô 
contenue  dans  chacun  d'eux ,  comme  je  l'ai  à 
peu  près  fait  à  l'égard  de  celui  contenu  dans  les 
Aiatieres  organifées. 

Il  nous  refte  encore  quelques  remarques  à  faire 
relativement  à  l'état  des  produits  obtenus  des  dif- 
férentes opérations  dont  nous  venons  de  parler. 
Lorfqu'il  a  été  employé  beaucoup  d'acide  &c  peu 
de  matière  inflammable ,  nous  n'avons  tiré  que 
de  l'acide  vitriolique  fulfureux  &  point  de  fou- 
fre.  En  employant  des  dofes  contraires  on  retire 
moins  d'acide  fulfureux  ;  mais  on  obtient  du 
fbufre  :  ces  deux  produits  font  eflentiellement  de 
même  efpece  ;  mais  ils  différent  entre  eux  par  l'é- 
tat où  fe  trouvent  les  fubftances  qui  les  conipo- 
fent. 

Dans  le  premier  cas  on  n'obtient  que  de  l'acide 
vitriolique  fulfureux  ,  parceque  le  phlogiftique. 
eft  dans  un  état  de  demi-décompofîtion  :  la  por- 
tion de  foufre  qui  s'eft  formée  ,  eft  diifoute  par 
l'excès  de  l'acide  qui  eft  devenu  plus  aqueux  qu'il 
n'étoit  auparavant  :  ce  mélange  monte  dans  la. 
diftillation  avec  plus  de  facilité  que  de  l'acide  vi- 
triolique pur,  par  la  raifon  que  ce  mélange  eft 
plus  aqueux,  &c  qu'il  contient  du  phlogiftique  en 
diftblution,  qui  lui  communique  une  partie  de  fai 
volatilité. 

Dans  le  fécond  cas  la  matière  inflammable 
n'eft  pas  délayée  avec  la  même  facilité  :  l'acide  agit 
plus  immédiatement  j  cet  acide  qui  s'eft  concen- 
tré ,  après  avoir  réduit  la  matière  inflammable 
dans  l'état  charbonneux,  fe  combine  avec  le  phlo- 
giftique &  forme  un  véritable  foufre  :  ce  foufre 
n'eft  ni  altéré  ni  diftbus,  faute  d'une  dofe  fuffifante 
d'acide  &  d'eau.  Le  foufre  qui  s'eft  formé  fe  con.^ 
ferve  en  fublimé ,  parceque  les  fubftances  qui  le 


ET      RAISONKÉe.  237 

compofent  font  plus  volatiles  ,  après  leur  union  , 
qu'elles  ne  le  font  chacune  féparcmenr. 

La  dernière  remarque  que  nous  faifons  fur 
cette  matière  ,. 5c  qui  nous  donne  occahon  de 
faire  une  application  des  diftindions  que  nous 
avons  établies  entre  le  phlogiftique  ^'  la  matière 
huileufe  j  a  pour  objet  la  couleur  d'aiguë  marine 
que  prend  ,  par  la  chaleur  ,  l'acide  vitriolique 
mêlé  avec  le  charbon  j  tandis  qu'au  contraire  ce 
même  acide  devient  noir ,  même  à  froid  ,  lorf- 
qu'il  eft  mêlé  avec  de  l'huile.  On  doit  attribuer 
ces  différences  à  ce  que  l'acide  vitriolique  s'empare 
de  l'eau  principe  de  l'huile  ,  &  qu'il  dilTout  com- 
plettement  la  matière  inflammable.  Il  n'en  eflrpas 
de  même  du  charbon  :  comme  il  ne  contient  point 
d'eau  ,  l'acide  ,  tant  qu'il  eft  chaud  ,  ne  peut  en 
faire  qu'une  forte  de  demi-diffolution  :  c'eft  à 
cet  état  du  phlogiftique  qu'eft  due  la  couleur  d'ai- 
guë marine  que  prend  l'acide  vitriolique.  Exami- 
nons maintenant  le  foufre  avec  les  fubftances 
4ont  nous  avons  déjà,  reconnu  les  propriétés. 

Sur  le  Soufre. 

Le  foufre  eft  un  compofé  d'acide  vitriolique  & 
de  phlogiftique  ,  comme  nous  venons  de  le  voir. 
La  Nature  fournit  une  grande  quantité  de  cette 
fubftance  fous  différents  états.  Il  y  en  a  de  par- 
faitement pur  j  mais  il  eft  le  plus  ordinairement 
combiné  avec  des  minéraux  métalliques  :  lorfque 
nous  en  ferons  aux  minéraux  compofés  ,  nous 
parlerons  des  moyens  que  l'on  emploie  pour  l'en 
féparer. 

Lorfque  le  foufre  eft  pur ,  il  a  une  couleur 
jaune  citrine  :  il  a  une  odeur  qui  lui  eft  particu- 
lière :  il  eft  un  peu  tranfparent  :  il  eft  fec ,  com- 


2,35  ClîYMlt    EXl'ÉRIMEMTALE 

pade  ,  &c  fe  cafTe  facilement.  On  nomme  foufrc 
en  canon  j  celui  qui  a  été  coulé  dans  des  moules 
cylindriques,  &  qui  refTemble  à  de  petits  cylindres 
pleins. 

Lorfqu'on  prefTe  un  morceau  de  foufre  entre 
les  mains  ,  la  chaleur  qui  le  pénètre  ,  occafionne 
dans  l'intérieur  une  dilatation  qui  lui  fait  faire 
un  petit  bruit ,  comme  s'il  fe  calfoit  en  plufleurs 
morceaux ,  &  il  fe  calTe  en  effet  pour  l'ordinaire  j 
cet  effet  vient  de  ce  que  cette  fubftance  eft  très 
cledlrique. 

Soufre  expoféaufeu. 

Le  foufre  eft  d'une  très  grande  combulHbilitc. 
On  pourroit  le  nommer  ,  à  caufe  de  cette  pro- 
jriété  ,  phofphore  vitrioUque  ;  cependant  il  ne  ré- 
jand  point  de  lumière  dans  l'obscurité ,  même  par 
e  frottement  :  il  eft  moins  combuftible  que  le  phof- 
phore. Lorfqu'on  le  met  fur  des  charbons  ardents , 
il  s'enflamme  ,  produit  une  flamme  bleue,  6c 
exhale  une  odeur  d'acide  fulfureux  volatil ,  qui 
eft  fufFoquante ,  &  feroit  périr  fi  l'on  reftoit  en- 
fermé dans  un  endroit  ou  l'on  feroit  brûler  du 
foufre  :  cette  odeur  eft  vive ,  pénétrante  ,  fort  ex- 
panfible  ,  &c  fe  répand  au  loin  très  promptement. 

Le  foufre  a  deux  fortes  d'inflammation  ;  l'une 
douce ,  lente  ôc  incapable  de  mettre  le  feu  aux 
matières  combuftibles  ;  l'autre  plus  forte ,  8c  qui 
eft  en  état  de  mettre  le  feu  à  tout  ce  qui  eft  inflam- 
mable. 

Dans  cette  expérience  le phlogiftiquefe  brûle, 
ôc  l'acide  fe  diflipe.  Nous  indiquerons  bientôc 
un  moyen  de  recueillie  cet  acide. 


iT      RAISONNES.  15^ 

Soufre  mvu. 

Le  foiifre  eft  d'une  fufion  très  facile  :  il  fond  i 
une  chaleur  fort  modérée. 

On  met  du  foufre  dans  un  creufet  :  on  le  place 
entre  quelques  charbons  ardents  :  il  ne  tarde  pas 
à  entrer  en  fufion.  Cette  première  fufion  eft  li- 
quide^ mais,  en  tenant  le  foufre  un  inftant  de 
plus  fur  le  feu  ,  il  acquiert  une  confiftance  beau- 
coup plus  épailTe.  Lorfqu'il  eft  dans  cet  état ,  on 
le  coule  dans  une  terrine  pleine  d'eau  :  on  trouve 
qu'il  a  acquis  une  couleur  rouge  ,  Se  qu'il  eft  mou 
comme  de  la  cire  :  il  fe  pétrit  facilement  entre  les 
doigts  ,  au  lieu  d'être  fec  &  caffant,  comme  l'eft 
le  foufre  ordinaire. 

Ceramolliftement  du  foufre  vient  de  ce  que  , 
dans  cette  opération ,  l'eau  a  diflous  une  certaine 
quantité  d'acide  y  en  forte  que  le  foufre  qui  refte  , 
contient  une  plus  grande  quantité  de  phlogiftique. 
Le  foufre ,  dans  les  premiers  inftants  de  fa  fufion  , 
eft  fluide  j  mais  il  s'épailTît  confidérablement  un 
moment  apics  j  &  c'eft  dans  cet  état  qu'il  faut  le 
couler  dans  de  l'eau  pour  l'avoir  mou:  non  le  cou- 
loir avant  cet  épaiiTilfement ,  il  feroit  fec  &  caf- 
fant ,  comme  il  l'étoit  auparavant. 

Le  foufre ,  dans  cet  état ,  eft  employé  avec  fuc- 
cès  pour  tirer  des  copies  de  cachets  &"  de  pierres 
gravées  j  il  en  prend  les  empreintes  d'une  manière 
fort  nette,  qu'il  conferve  toujours,  parcequ'il 
devient,  quelques  jours  après  ceramolliffemenr, 
fec  &  calTant.  Les  traits  ne  s'arrondiftent  pas , 
comme  cela  arrive  à  la  cire  avec  laquelle  on  a 
levé  de  femblables  empreintes. 


t>4^        Chymie  expérimentale 
Soufre  cryfiallïjc. 

Si  au  lieu  de  prendre  le  foufre  dans  cet  étac 
d'épaifllirement ,  on  le  retire  du  feu  immédiate- 
ment après  qu'il  eft  fondu  ,  &  qu'on  le  laide  re- 
froidir tranquillement,  fes  parties  prennent  entre 
elles  un  arrangement  fymmctrique  difpofé  en 
aiguilles  ,  qui  forment  une  cryilallifation  du. 
foufre. 

Le  foufre  ne  peut  fe  brûler  qu'avec  le  con- 
cours de  l'air  ;  il  on  le  fait  chauffer  dans  des  vaif- 
feaux  clos  ,  il  fe  fublime  en  fubftance ,  fans  fouf- 
frir  aucune  décompofition.  Avant  de  parler  de 
cette  opération  ,  il  convient  d'établir  les  princi- 
pes généraux  fur  la  fublimation. 

Sur  la  Sublimation, 

La  fublimation  eft  une  opération  ,  par  le 
moyen  de  laquelle  on  fépare  ,  à  l'aide  du  feu  , 
les  fubftances  volatiles  qui  peuvent  être  mêlées 
avec  des  corps  fixes.  Elle  relTemble  en  cela  à  la 
diftillation  dont  nous  avons  parié  :  aulîi  la  nom- 
me-t- on  allez  fouvent  dlfldlation  fcche  ^  par- 
ceque  les  fubftances  qui  en  font  le  produit,  font 
toujours  fous  une  forme  feche  &  concrète  j  fans 
cela ,  ce  ne  feroit  plus  une  fublimation  ,  mais 
une  diftillation. 

La  fublimation  fe  fait  affez  ordinairement  dans 
des  appareils  femblables  à  ceux  qui  fervent  à  la 
diftillation  ,  quoique  fouvent  on  fublime  auflî 
dans  des  matras  ,  dans  des  bouteilles ,  dans  des 
cornues ,  &:c.  cela  dépend  de  la  matière  qu'on 
reut  faire  fublimer. 

La  fublimation  eft  utile  pour  combiner  certains 

corps 


BT      RAISONNA  E.  ±4! 

corps  qu'on  ne  pourroit  unk  qu'avec  difficulté  par 
tout  autre  moyen. 

Les  produits  de  la  fublimation  font  fous  une 
forme  concrète  cryllâlline  :  c'eft  une  forte  dé 
a^ftallifation  par  la  voie  feche  ;  au  lieU  que  U 
cryftallifation  ordinaire  ,  comme  nous  le  dirons , 
fe  fait  par  la  voie  humide  :  c'eft  en  quoi  ces  deux 
opérations  différent  ^  mais  elles  fe  reffemblent , 
en  ce  que  les  produits  de  l'une  &c  de  l'autre  opéra- 
tion font  fous  des  formes  cryftallifées  qui  varient 
fuivant  la  nature  des  matières  qu'on  tait  fubli- 
mer. 

Qqs  deux  opérations  différent  auffi  l'une  de 
l'autre ,  en  ce  que  les  cryftaux  qu'on  obtient  pajT 
la  fublimation  ,  contiennent  moins  d'eau  danî 
leurs  cryftaux  :  quelquefois  ils  n'en  contiennent 
point  du  tout.  Les  cryftaux  qu'on  obtient  par  la 
cryftallifation  ordinaire,  contiennent  au  contraire  • 
une  certaine  quantité  d'eau  à  laquelle  ils  doivent 
leur  figure  cryftalline. 

On  peut  ranger  fous  deux  claffes  générales 
toutes  les  matières  qui  font  du  reffort  de  la  fubli- 
mation. 

Dans  la  première ,  on  peut  comprendre  toutes 
les  matières  affez  légères  &  affez  volatiles  pouf 
fe  fublimer  feules  ,  &  fans  qu'on  foit  obligé 
d'employer  des  intermèdes  pour  faciliter  leur  fu- 
blimation y  tels  font  les  fleurs  de  foufre ,  les  fleurs 
de  benjoin,  les  fels  volatils, ôcc. 

Dans  la  féconde  clafle  ,  nous  renfermerons 
tous  les  corps  qui ,  ne  pouvant  fe  fublimer  tant 
qu'ils  font  leuls ,  ont  befoin  de  quelques  inter- 
mèdes volatils  pour  faciliter  leur  fublimation, 
ou  pour  leur  communiquer  une  partie  de  leac 
volatilité  :  tels  font  l'ot  ,  l'argent  &  la  platine  , 
qui  font  enlevés  par  le  fel  ammoniac ,  fans  être 
Tome  Is  Q 


242.  CnYMtE    EXPÉRIMENTALE 

combinés  avec  lui.  D'autres  matières  mctalliques 
également  fixes ,  comme  le  fer,  le  cuivre,  &cc.  font 
également  enlevées  par  le  fel  ammoniac  j  mais 
celles-ci  font  combinées  avec  ce  fel.  On  peut 
mettre  encore  dans  cette  clalfe  les  corps  qui  con- 
tiennent des  fubftances  volatiles ,  mais  qui  ne 
peuvent  cependant  point  s'clever  par  l'aéVioii 
d'une  chaleur  ordinaire ,  à  caufe  de  l'union  qu'ils 
ont  contrariée  avec  des  fubftances  fixes  j  il  faut, 
pour  les  faire  fublimer,  employer  des  interme^^ 
des  propres  à  détruire  leurs  combinaifons. 

Ce  que  nous  venons  d'expofer  fur  la  fublima- 
tion  en  général,  eft  fuffifant  pour  faire  entendre 
ce  que  nous  avons  à  dire  fur  celle  du  foufre. 

•    Sublimation  du  foufre. 

r.;',  •;-. r..     "•■    ;•     rieurs  de  Soufre.        ,.,  •-. 


On  met  dans  une  cùcùrBite'de  venre  quélqîiei? 
onces  de  foufre  concalTé  :  oii  lapjace  fur  le  bain 
de  fable  d'un  fournea.u  :  on  adapte  fur  la  cucur- 
bite  un  chapiteau  :  on  lute  les  jointures  avec  des 
bandes  de  papier  enduites  de  colle  d'amidon ;i;,on 
ajoute  au  bec  du  chapiteau  un  fécipient,feuléhîènc 


iion  ,  il  s'élève  fous  la  forme  d'une  fumée  blan- 
che ép,;jiile,  qui  fe  condenfe  Se  s'attache  aux  pa- 
rois du  chapiteau  fous  la  forme  d'une  poudre. 
Lorfqu'il  en  q'H  fuffifamment  garni,  on  celfe'le 
feu:  on  laiiTe  tefroidir  les  vailfeaux  :  on  délute 
le  chapit;e,au,  :,on  ramalTe  avec  la  barbe  d'une 

flume  le  foufre  qui  s'eft  fublimé  j  c'eft  ce  que 
on  nomme  fleurs  de  foufre.  On  lute  de  noii- 
J^eau  le  chapiteau  à  la  cucurbite ,  6c  on  procède  a 


ET      RAISONNA  E,'  i^j 

une  nouvelle  fublimation.  On  conrhiue  ainfi-de 
fuite ,  jufqti'i  ce  que  Von  :iit  Fait  lliblu-her  rouC 
le  foufie.  Il  refte  au  fond  de  la  ciicurbite  une 
nés  petite  quantité  de  terre  çi-ife  noirârre. 

Les, fleurs  de  fouFre  relFemblent  à  Une  pou- 
dre ;  mais  il  on  les  examine  au  microfcope,  ori 
.obferve  que  ce  font  de  petites  aiguilles;  '    '  ■  ' 

Remarques.       :•.:>«  -;. 

Nous  avons  vu  queiorfqiie  l'acide  vitvioliqué 
eft  pur ,  11  ne  peut  s'éleVer  qu'à  un  de^ré  de 
chaleur  ton.  conlidcrable  :  lorfqu'il  ell  uni  au 
phlogirttque  pour  former  du  foufre  f  .il  eft  dans 
le  plus  grand  état  de  cbjicentration.-ll  fémble- 
roit  que  l'acide  vitriolique ,  ainfi  concéhtré  ^ 
devroic  avoir  acquis  encore  plus  de'hxitc  j  ce* 
pendant  il  devient  infiniment  plus  .volatil.  Il 
eft  vifible  que  c'ell  le  principe  inHammable ,  avec 
lequel  il  s'eft  uni  pour  former  du  loufre  ,  qui 
lui  donne  cette  volatilité.  Le  foufre  eft  en  ^at 
de  fe  fublimer  un  grand  nombre  de  fois ,  fans 
foufrrir  aucune  décompofition  ^  tant  qu'il  eft 
dans  des  vailFeaux  clos.  Cependant  j'ai  remarqué 
qu'il  laifte  chaque  fois  un  peu  de  matière  terreufe 
au  fond  du  vailfeau.  Je  crois  qu'elle  provient  de 
la  terre  propre  de  l'acide  vitriolique  ,  Se  de  celle 
du  phlogiftique  qui  entre  dans  fa  compofition. 
Dans  toutes  ces  opérations ,  il  y  a  un  peu  d'acide 
&  de  phlogiftique  de  décompofé. 

Lorfque  le  foufre  fe  fublime  ,  il  fe  réduit  en 
vapeurs  très  inflammables.  Si ,  dans  cet  état ,  on 
enlevoit  le  chapiteau  ,  &  qu'on  approchât  impru- 
demment Une  lumière,  il  fe  feroit  uhe  explolîon 
bruyante  qui  feroit  cafler  les  vaifTeaux  avec  dan^" 


^44       Chymie  expérimentale 

La  fublimation  du  foufre  fe  fait  à  defTein  d'a- 
voir du  foufre  plus  divifé  &  plus  pur.  Comme  on 
le  retire  ordinairement  des  matières falines  miné- 
rales, on  préfume  que  cette  opération  le  débar- 
ralïe  des  matières  étrangères  avec  lefquelles  il 
pourroit  être  mêlé. 

Communément  on  ne  fait  pas  ,  dans  les  labo- 
ratoires ,  cette  opération  à  deflein  de  fe  fournir 
de  fleurs  de  foufre  pour  fes  befoins ,  parcequ  on 
en  trouve  dans  le  commerce  qui  font  très  bonnes, 
&  qui  peuvent  fervir  pour  tous  les  ufages.  On 
prépare  les  fleurs  de  ioufre  en  grand  dans  des 
pots  percés  par  leurs  fonds,  furmontés  les  uns 
lur  les  autres ,  à  l'exception  du  premier  &  du  der- 
nier ,  qui  ne  le  font  pas.  On  nomme  ces  pots  aiu-* 
dels.  Ils  font  fondion  d'un  très  grand  chapiteau. 
Le  foufre  fe  fublime  &:  s'attache  dans  ces  diffé- 
rents pots.  ^ 
Soufre  avec  Vair, 

Le  foufre  ne  reçoit  point  d'altération  de  la  part 
de  l'air.  Cet  élément  ne  parok  même  avoir  au- 
cune adion  fur  cette  fubftance. 

Soufre  avec  de  Ceau, 
Soufre  lavé. 

L*eau  n*a  aucune  aétion  fur  le  foufre.  J'ai 
broyé  long-temps  du  foufre  fur  un  porphyre  avec 
de  l'eau.  Cette  eau ,  examinée  enfuite  ,  ne  s'eft 
trouvé  contenir  aucune  portion  de  foufre  en  dif- 
folution.  Quelquefois  j'en  ai  féparé,  par  évapo- 
ration ,  dans  des  vaifl^eaux  à  l'abri  de  la  pouffiere , 
une  matière  falino-terreufe  feuilletée  \  mais  elle 
cft  étrangère  au  foufre. 

J'ai  fait  bouillir  plufieurs  fois  de  l'eau  avec  du 


IT      RAISONNES,  I4Ç 

Ibufre,  pour  former  ce  que  l'on  nomme  foufre 
/ûvtf.  Cette  eau,  examinée  enfuite,  ne  s'eft  point 
trouvé  contenir  de  foufre  en  diffolution  :  quelque- 
fois elle  étoit  chargée  d'un  peu  de  matière  féléni- 
teufë  j  mais  cette  dernier^e  fubftance ,  comme 
nous  venons  de  le  dire  ,  eft  étrangère  au  foufre. 
L'acide  vitriolique  ,  comme  nous  l'avons  dit , 
a  la  plus  grande  affinité  avec  l'eau  ^  mais  en  fe 
combinant  avec  le  phlogiftique  dans  l'état  de 
foufre  ,  il  perd  entièrement  cette  propriété  :  c'eft 
un  phénomène  bien  fingulier ,  &  dont  il  eft  diffi- 
cile de  rendre  raifon.  Le  foufre  ,  comme  nous  le 
dirons  ,  ne  contient  qu'un  feptieme  de  fon  poids 
de  phlogiftique  ,  3c  cette  portion  fuffit  pour  dé- 
fendre l'acide  vitriolique  de  l'aétion  de  l'eau. 

Soufre  avec  de  la  glace. 

Le  foufre  mclé  avec  de  la  glace  ,  dans  toutes 
fortes  de  proportions  ,  ne  produit  point  de  froid , 
parceque  cette  matière  n'a  aucune  difpofition 
pour  s'unir  à  l'eau  ,  &  qu  elle  ne  peut  faciliter  la 
fulion  de  la  glace. 

Soufre  avec  de  la  terre  vitrifïable. 

Le  foufre  &  la  terre  vitrifiable  ne  forment  au- 
cune combinaifon  connue  :  cependant,  dans  la 
fufion  Aqs  terres  vitrifiables ,  le  foufre  communi- 
que une  couleur  noire  au  verre  qui  en  réfulte  j  ce 
qui  indique  que  le  phlogiftique  dans  le  foufre  n'y 
eft  pas  dans  un  degré  de  pureté  auflî  grand  qu'on 
le  croit  communément. 

Soufre  avec  le  phlogijlicjue. 

On  ne  connoît  point  de  combinaifon  de  foufre 
avec  le  phlogiftique  pur ,  ou  dans  l'état  charbon- 

Qiij 


i^ê       Chymie  exté rimentals 

neux.  Ces  deux  fiibdances  paroilfent  fe  mèlef 
J[ans  fe  combiner.  Peiit-crre  cependant  s'enflam- 
meioient-elles,  comme  cela  arrive  aux  métaux 
qu'on  mcle  avec  le  foufre:  ces  effets  ne  font  nul- 
lement connus  j  mais  les  matières  huileufes  dif- 
folvent  le  foufre,  comme  l'eau  dilFout  les  fels, 
parceque  ce  font  de  part  &  d'autre  des  fubftances 
inflammables  qui  ne  demandent  qu'à  s'unir  &C  x 
ie  combiner  enfemble. 

Soufre  dijffous  dans  de  C huile. 
Baume  de  Soufre  de  Ru l and. 

*  On  met  dans  un  matras  quatre  onces  de  fleurs 
de  foufre  :  on  verfe  par-deiTus  une  livre  d'huile 
de  noix  :  on  place  le  matras  au  bain  de  iable  ,  & 
on  le  fait  chauffer  affez  pour  faire  fondre  le  fou- 
fre :  on  l'entretient  à  ce  degré  de  chaleur  jufqu'à 
ce  que  l'huile  ait  acquis  une  couleur  rouge-brune 
foncée  :  on  ôte  le  matras  du  feu  :  on  le  lailfe  re- 
froidir :  on  décante  l'huile  furnageante  :  on  1^ 
çoiîferve  dans  une  bouteille. 

.     R  :e.  M  A  s.  çi  u  E  s. 

Toutes  les  huiles  diffolvent  le  foufre  j  mais  i! 
faut  que  cette  dernière  fubftance  foit  échauffée 
aHTez  pour  être  mife  en  fufion  j  fans  cela,  l'huile 
n'en  difïout  aucune  portion.  Lorfque  le  foufre  ^ 
ét|é  en  fufion  feulement  une  demi  heure  fous 
Thuilé  ,  celle-ci  en  eft  autant  chargée  qu'elle  peut 
l'être  'y  elle  en  tient  mcnie  en  diffolution  plus 
qu'elle  n'en  peut  difloudre  lorfqu'elle  eft  froide: 
çUe  laiffe  dépofer ,  par  le  refroidifl^ement ,  l'ex- 
cédent fous  la  forme  de  cryftâux  aiguillés.  Le 
(oufre ,  ainfi  uni  aax  huiles ,  s'y  trouve  en  fub.% 


ET      RAISONNÉ  E.  247 

fiance  fans  fouffdr  aucune  décompofitlon.  Les 
cryflaux  aiguilles  qu'elle  lailfe  dcpofer  par  le  re- 
froidiflemenc ,  fe  trouvent  etie  du  foufre ,  tel  qu'il 
étoic  auparavant. 

Soufre  avec  la  terre  calcaire. 

On  ne  connoît  point  l'adion  du  foufre  fur  la 
terre  calcaire  ,  foir  par  la  voie  humide  ,  foit  par 
la  voie  fechej  mais  on  connoît  celle  du  fou,- 
fre  avec  la  chaux. 

Soufre  avec  la  chaux  vive^ 
Foie  de  Soufre  terreux. 

On  met  dans  une  terrine  de  grès  une  livre  de 
chaux  vive,  &:  quatre  onces  de  fleurs  de  fouh-e  : 
on  verfe  peu-à-peu  une  fuffifante  quantité  d'eaa 
pour  éteindre  la  chaux  ,  &  pour  formev  une 
bouillie  un  peu  claire.  On  remue  le  mélange  avec 
une  fpatule  de  fer  ,  à  mefure  que  la  chaux  s'é- 
teint. Lorfqu'il  eft  fuffifamment  refroidi ,  on  le 
filtre  au  travers  d'un  papier  gris  :  il  coule  une  li- 
queur jaune  qui  a  une  odeur  d'œuf  couvi.  On  la 
garde  dans  une  bouteille  qui  bouche  bien  :  c'efl: 
ce  que  l'on  nomme/oie  de  foufre  terreux  ^  pour  le 
difl:in2;uer  du  foie  de  foufre  qu'on  fait  avec  de 
l'alkali  fixe. 

R   E    M   A   R    (l    U   E     S. 

Comme  la  chaux  contient  une  fubftancc  aîka- 
line ,  elle  dilfout  une  certaine  quantité  de  foufre.. 
La  chaleur  qui  naît  pendant  fon  extinclion  ,  eft; 
fuffifmte  pour  faciliter  cette  diflolution  de  fou- 
tre \  la  liqueur  s'en  trouve  chargée  autant  qu'elle 
j)eut  rècce.  Si  l'on  craignoit  qu'elle  ne  le  fût  n^Sy 

QiY 


i^S  Chymie  expérimentale 
aiïez ,  on  pounoit  mettre  le  mélange  dans  un  ma- 
çras,  après  que  la  chaux  eft  éteinte  ,  &  le  faire 
digérer  au  bain  de  fable  pendant  dix  ou  douze 
heures ,  &  le  filtrer  enfuite  j  mais  cela  m'a  paru 
inutile  ,  parceque  j'ai  trouvé  la  liqueur  très  cnar- 
gée  de  foufre.  On  pourroit  faire  cette  opération 
dans  un  matras ,  en  réduifant  auparavant lachaux 
en  poudre  grofliere  j  mais  il  y  auroit  à  craindre 
que ,  venant  à  gonfler  ,  elle  ne  fît  calîer  le  vaif- 
feau. 

La  chaux  contient ,  outre  la  matière  faline  al- 
kaline,  une  certaine  quantité  de  feu  combiné 
dans  le  même  état,  ou  approchant ,  que  celui  qui 
eft  dans  les  acides.  Ce  feu,  qui  s'unit  au  foufre, 
êc  en  même  temps  à  la  matière  faline  alkaline,  fa- 
cilite la  diffolution  du  foufre  dans  l'eau.  La  cha- 
leur qui  fe  produit  pendant  l'extindion  de  la 
chaux,  eft  fuffifante  pour  opérer  cette  combinai- 
fon.  Ce  foie  de  foufre  contient,  comme  l'eau  de 
chaux  ordinaire, une  certaine  quantité  de  terre  en 
diftolution.  Il  fe  forme  à  fa  furface  des  pellicules 
comme  delTus  l'eau  de  chaux  :  c'eft  pourquoi  il 
convient  de  l'enfermer  dans  une  bouteille,  afin 
qu'il  ne  fç  fafte  point  d'évaporation ,  parcequ'elle 
<lécompoferoit  le  foie  de  foufre  en  grande  partie. 
Le  foie  de  foufre  terreux  fe  détruit  avec  la  plus 
grande  facilité  ,  même  dans  des  vaifleaux  parfai- 
tement clos  :  le  phlogiftique  du  foufre  fe  décom- 
pofe  ,  le  feu  de  cette  fubftance  fe  diilipe  au  tra- 
vers du  verre  y  il  refte  dans  les  bouteilles  une  li- 
queur fans  couleur ,  qui  n'a  prefque  plus  de  fa- 
veur ,  ^  fous  laquelle  il  fe  forme  un  précipité  qui 
<;orxtieiit  de  la  félénite  de  du  tartre  vitriolé. 


IT      RAISONNE!.  I45 

Décompojltion  du  foie  defoufre  terreux» 

Efpece  de  Tartre  vitriolé. 

.  On  met  dans  une  capfule  de  grès  la  quantité 
que  l'on  veut  de  foie  de  foufre  terreux  :  on  place 
le  vailTeau  au  bain  de  fable  :  on  fait  évaporer  la  li- 
queur jufqu'à  ficcité  ;  enfuite  on  fait  calciner  la 
matière  à  une  chaleur  modérée  &:  incapable  d'en- 
flammer le  foufre.  Lorfque  la  matière  ne  fume 
Îilus,  on  augmente  le  feu  pour  calciner  davantage 
a  matière  :  on  la  fait  difloudre  dans  une  fufn- 
fante  quantité  d'eau  :  on  filtre  la  liqueur.  J'ai  ob- 
tenu d'une  femblable  opération  de  la  fclénite ,  &, 
fur  la  fin ,  des  cryftaux  de  tartre  vitriolé. 

Cette  expérience  eft  femblable  à  celle  que 
Staahl  a  faite  avec  du  foie  de  foufre  alkalin  ,  pour 
démontrer  la  quantité  de  phlogiftique  contenu 
dans  le  foufre.  Je  me  fers  dô  la  même  manipula- 
tion pour  confirmer  ce  que  j'ai  avancé  fur  l'exif- 
tence  de  la  portion  d'alkali  fixe  dans  la  chaux.  Le 
tartre  vitriolé  que  j'ai  obtenu  dans  cette  expé- 
rience ,  eft  formé  par  l'alkali  de  la  chaux  &  l'a- 
cide vitriolique  du  foufre.  La  féléniteeft  produite 
Far  la  terre  qui  s'eft  diffoute  dans  l'eau  ,  pendant 
extinction  de  la  chaux ,  &  qui  n'étoit  point  dans 
l'état  falin  :  elle  s'eft  pareillement  combinée  avec 
de  ce  même  acide  du  foufre. 

Décompojîtion  dufoïe  defoufre  terreux  par  l'acide 
vitriolique. 

On  met  dans  un  verre  du  foie  de  foufre  terreux, 
ic  on  retend  dans  beaucoup  d'eau.  On  verfe 
î^outte  à  goutte  de  l'acide  vitriolique  affoibli  :  il  fe 
iait  un  précipité  :  on  contiauc  de  veifer  de  l'acid* 


ij-o  Chtmie  expÉrimentalb 
jufqu'i  ce  qu'il  ne  fe  huTe  plus  de  prccipltation  J 
on  lave  ce  prccipité  dans  une  fuffirante  quancicc 
d'eau  ,  &  on  le  fait  fécher.  On  trouve  qu'il  eft  du 
foufre  tel  qu'il  étoit  auparavant  ;  ce  qui  prouve 
qu'il  étoit  feulement  dilfous  par  l'eau  de  chaux,  6c 
non  dans  l'état  de  dccompoiltion. 

Soufre  &  acide  v'uriolique. 
Soufre  diflbus  dans  cet  acide. 

L'acide  vitriolique  a  un  peu  d'adlion  fur  lefoiu 
fre  :  il  en  diirout  une  petite  quantité  ;  mais  c'cft  a 
l'aide  de  la  chaleur ,  fans  laquelle  il  n'a  aucune 
action  fur  lui. 

On  met  dans  une  fiole  de  l'acide  vitriolique 
concentré  &  très  pur,  avec  un  peu  de  foufre  con- 
calTé.  On  fait  chauffer  ce  mélange  aflfez  pour  faire 
liquéfier  le  foufre.  Il  fe  promené  dans  cet  acide 
en  globules ,  comme  de  l'huile  dans  de  l'eau.  L'a- 
cide prend  une  légère  couleur  ambrée ,  &:il  aune 
odeur  d'acide  fulfureux  volatil.  Lorfque  le  fou- 
fre eft  refroidi ,  on  remarque  qu'il  a  acquis  une 
couleur  verte  d'olive  j  il  a  d'ailleurs  toutes  les 
propriétés  qu'il  avoit  auparavant.  La  couleur  que 
prend  l'acide  vitriolique,  nous  prouve  encore  que 
le  phlogiftique  dans  le  foufre  n'eft  pas  dans  le  plus 
grand  état  de  pureté.  Cet  acide  tient  un  peu  de 
foufre  en  diiïolution  ,  que  j'ai  féparé  par  l'alkali 
fixe. 

M.  Ephraim  Rhinhoid  Sechl  lut,  en  1744,0. 
la  Société  Royale  de  Londres,  un  Mémoire  qui 
fe  trouve  inféré  dans  les  Tranfaclions  Phïlojo- 
phïcjues  j  n*^.  472  ;  il  propofe  dans  ce  Mémoire 
deux  moyens  pour  décompofer  le  foufre  par  l'a* 
cide  vitriolique. 

Le  premier  confifte  à  mclsr  une  livre  de  fleurs. 


ET       RAISONNÉ  E.'  15I 

de  fonfre  avec  cinq  livres  d'alkali  fixe  bien  fec.  On 
fait  bouillir  ce  mélange  dans  une  fuffifante  quan- 
tité d'eau  ,  jufqu'à  ce  que  le  foufie  foit  dilfous  : 
alors  on  filtre  la  liqueur ,  &  on  la  fait  évaporer 
jufqu'à  ficcité ,  &  jufqu'à  fondre  la  matière.  Lorf- 
qu'elle  efl;  refroidie  ,  on  la  met  dans  une  cornue 
tubulée  j  que  l'on  place  dans  un  fourneau  de  ré- 
verbère au  bain  de  fable  ,  &:  on  y  ajoute  deux  li- 
vres d'acide  vitriolique  concentré.  On  procède  à 
la  diftillation.  On  retire  ,  fuivant  lui ,  douze  on- 
ces d'acide  volatil  de  foufre. 

Le  fécond  procédé  eft  le  même  quant  à  la  ma- 
nipulation j  il  n'en  diffère  que  par  la  chaux  qu'il 
fait  entrer  conjointement  avec  de  l'alkali,  pour 
former  un  femblable  foie  de  foufre.  Les  dofes 
font  une  livre  de  fleurs  de  foufre ,  quatre  livres  &c 
demie  d'alkali  fixe  ,  &z  trois  livres  de  chaux  vive. 
Lorfque  la  liqueur  cfl  filtrée  Se  deflechée  comme 
ci-delfus  ,  il  la  diifille  dans  une  cornue  avec  une 
livre  &  demie  d'acide  vitriolique  concentré.  On 
retire  ,  fuivant  lui,  huit  onces  d'efprit  volatil  de 
foufre  plus  fort  &  plus  acide  que  le  précédent. 

Nous  remarquerons  que  l'acide  qu'on  obtient 
dans  ces  opérations,  eft  celui  qui  eft  excédent  à  la 
faturation  de  la  chaux  &  de  l'alkali.  L'Auteur  a 
beaucoup  de  confiance  à  cet  acide  ,  parcequ'il  eft 
très  volatil  8c  très  fulfureux  j  mais  ,  comme 
nous  l'avons  dit ,  le  phlogiftique  eft  le  même  ,  de 
quelque  fubftance  qu'on  le  retire.  On  peut  fe  dif- 
penfer  de  faire  ces  opérations  embarralFantespour 
le  procurer  de  l'acide  fulfureux  volatil,  llfufntde 
dirtiller  l'acide  vitriolique  avec  une  matière  in- 
flammable quelconque  :  le  produit  qu'on  obtien- 
dra fera  abfolument  le  même,  &  aura  les  mêmes 
propriétés  que  celui  des  deux  procédés  de  l'Au» 
leur  dont  nous  venons  de  parler. 


i^t       Chymie  expérimentale 
Acide  vitriolique  avec  les  terres  calcaires. 

Nous  avons  démontré  précédemment  que  les 
rerres  calcaires  contiennent  de  l'eau  ,  de  l'air  ,  & 
un  peu  de  matière  inflammable.  Ces  fubftances 
ifolent  les  unes  des  autres  les  molécules  terreufes, 
&  les  tiennent  dans  un  grand  état  de  divifion , 
&  comme  réduites  à  leurs  molécules  primitives 
intégrantes.  Ces  fubftances  ont ,  comme  nous  l'a- 
vons dit ,  beaucoup  d'affinité  avec  l'acide  vitrioli- 
que :  elles  fervent  d'intermèdes  par  lefquels  cet 
acide  difTout  ces  terres  :  aufli  toutes  les  terres  cal- 
caires fe  didolvent  dans  cet  acide  avec  chaleur  & 
efFervefcence,jufqu'au  point  de  faturation. 

Expérience 

On  met  dans  un  matras  la  quantité  que  l'on 
veut  de  marbre  blanc  en  poudre  :  on  verfe  par- 
delTus  de  l'acide  vitriolique  trèsafFoibli.  On  place 
le  matras  fur  un  bain  de  fable  échauffé  modéré- 
ment. Lorfque  l'efFervefcence  a  celfé  ,  &  que  l'a- 
cide eft  bien  faturé ,  on  filtre  la  liqueur ,  &  on  la 
fait  évaporer  lentement  fur  le  feu ,  ou ,  encore 
mieux ,  à  l'air  libre ,  dans  un  vafe  de  verre  couvert 
de  papier ,  pour  la  garantir  da  la  pouffiere.  Oa 
obtient ,  au  bout  de  quelque  temps ,  de  petits 
cryftaux  blancs  prefque  opaques,  difpofés  en  pe- 
tites aiguilles ,  &  quelquefois  pas  plus  gros  que 
des  grains  de  fable  ,  fans  figure  déterminée.  Ce 
fel  eft  connu  fous  le  nom  defélenite.  Je  le  nomme 
félénite  calcaire  ,  afin  de  le  diftingaer  des  féléni- 
tes  à  bafe  de  terres  vitrifiables,  dont  nous  parle- 
rons en  fon  lieu. 

Remarq^UES. 

L'efpece  de  fel  qui  réfulte  de  (?ette  combinai- 


r.  T     RAISONNiE*  aj^ 

fon  ,  eft  fort  peu  difToluble  dans  Vea\}.  Il  fe  cryf- 
tallife  à  mefure  qu'il  fe  forme  :  il  s'applique  très 
immédiatement  fur  les  molécules  de  terres  qui 
ne  font  point  diflToutes ,  &  les  empêche  de  fe  dif- 
foudre  j  mais  on  prévient  cet  inconvénient  en 
étendant  l'acide  vitriolique  dans  beaucoup  d'eau  : 
fans  cette  précaution  ,  il  eft  prefque  impoîfible  de 
faturer  cet  acide  de  terre.  Quelle  que  foit  la  terre 
calcaire  qu'on  ait  employée  ,  l'efpece  de  fel  qui 
en  réfulte  eft  eflTentiellement  le  même.  Cepen- 
dant j'ai  remarqué  quelque  différence  dans  le  fel 
provenant  de  certaines  terres  calcaires,  fur-to«t 
<ie  celles  que  le  laps  de  temps  a  commencé  à  pri- 
ver d'une  certaine  quantité  de  leur  eau,  &  à  ra- 
mener plus  ou  moins  au  caractère  de  terre  clé- 
menraire.  Les  félénites  qu'on  forme  avec  de  ces 
fortes  de  terres,  tiennent  le  milieu  entre  les  félé- 
nites calcaires  proprement  dites,  &  l'alun. 

Par  cette  combinaifon  ,  l'acide  vitriolique  perd 
prefque  toutes  fes  propriétés  falines ,  &  il  les 
communique  à  la  terre  calcaire  ;  &z  ,  réciproque- 
ment, la  terre  calcaire  communique  une  partie  des 
liennes  à  l'acide  vitriolique.  Le  fel  neutre  qui  en 
réfulte  ,  participe  des  propriétés  de  l'acide  &  de  la 
terre  :  il  n'a  prefque  pas  pins  de  faveur  que  la 
terre  calcaire  :  il  fe  dilTout  difficilement  dans 
l'eau  ,  &:  en  très  petite  quantité.  L'eau  bouillante 
n'en  tient  pas  plus  en  dillolution  que  l'eau  froide. 

La  Nature  fournit  beaucoup  de  matière  faline 
de  même  efpece  que  celle  dont  nous  parlons  , 
mais  qui  a  différentes  formes ,  &:  à  laquelle  les 
Naturaliftes  ont  donné  différents  noms  ,  comme 
gypfc  ou  miroir  d'âne  ^  pierre  à  plâtre  j  albâtre  j 
fpath  gypfeux  ^  &c.  Ce  genre  de  fubftances  fait 
une  des  quatre  efpeces  de  terre  que  M.  Pott  a  éta- 
blies dans  fa  Lithogécgnojîe  ;  mais  toutes  ces  ma- 


154  Chymié  exp  Eut  mentale 
tieres  fonc-riA  feiil  &  même  fel ,  &  nous  les  coii-* 
fidérerons  comme  telles.  Toute  la  différence  e(t 
dans  la  forme.  La  Nature ,  dans  fon  travail  eri 
grand ,  produit  des  cryftaux  d'une  grolTeur  monA 
trueufe-,  tandis  que  nous  ne  pouvons  faire  que 
de  petits  cryftaux,  gros  à-peu  près  comme  des 
grains  de  fable.  •  •  ■  •   ; 

Pour  parvenir  à  faturet:  dé?  l*acide  vitribliqtié 
avec  de  la  terre  calcaire ,  il  faut  employer  plus  de 
cette  terre  que  l'acide  n'en  peut  dilfoudre,  quel- 
que divifée  qu'elle  foit.  Cela  vient  de  ce  que  ces 
pierres  ne  font  pas  pai'faitément  homogènes.  Elles 
contiennent  toutes  des  parties  plus  tendres  &  plus 
faciles  à  fe  laifiTe  difToudre  les  unes  que  les  autres. 
L'a-cide  fe  faiiit  d'abord  des  parties  les  plus  tendreS': 
lorfqu'il  approche  du  point  de  faturation  ,  il  ne 
peut  plus  entartier  les  parties  dures.  Je  me  fuis  af^ 
furé  de  ce  fait ,  en  mettant  dans  les  acides  mifté^î- 
rauxdesmorceauxde  différe'ntës  pierres  calcaires, 
incme-du-marbre  blanc  i  ce  qui  échappoit  de  ces 
pierres,  à  la  première  aéiion  des  acides  ,  étoit 
creufé ,  dans  cert-ains  endroits ,  comme  fi  le  buriiî 
y  eut  palTé,  &:  étoit  de  la  plus  grande  difHcultéâ 
fe  diffoudre  dans  la  portiôrt  d'acide  qui  -reftoita 
faturer.  Ces  relies  préfentoientaulîi  plus  tie  diffi- 
culté à  f e  dilloudre  dans  de  nouvel  acide  que  [è 
leur  préfentois.  On  peut  tirer  de  cette  obierva»- 
tioh  une  confcquence  en  faveuï  de  ce  que  hotfs 
avons  dit  précédemment  î  la  terre  calcaire  n'étant 
point  une  terre  pure,  mais,  au  contraire,  une  terre 
cômpofëe  ,  founredes  altérations  par  le  laps  de 
temos  ,  qui'  tendent  à  la  ramener"  à  un'  plus 
grand  degré  de  fimplicité.  Les  altérations  qu'elle 
éprouve  ne  font  point  uniformes  dans  toutes  leurs 
parties  ^  puifqu'elle  a  des  endroits  plus  durs  les 
wns  que  les  autres  j  ce  que  je  n'ai  point  obfervé 


ET       RAISONNÉ  E.  255 

i^ans  la  terre  des  coquilles  récentes ,  qui  n'ont 
pas  encore  éprouvé,  delà  parc  du  temps,  les  mê- 
mes altérations 

Lotfque  l'acide  n'a  pas  été  étendu  dans  une 
fuffilante  quantité  d'eau ,  le  fel  fe  cryftallife  en 
petites  aiguilles  à  mefure  qu'il  fe  forme.  La  por- 
tion qui  refte  fufpendue  donne  à  la  liqueur  une 
apparence  moirée.  Il  faut  alors  étendre  la  liqueur 
dans  beaucoup  d'eau ,  &z  faire  chauffer  ce  mélange 
jufqu'ù  le  hiire  bouillir  ,  &  Jie  le  filtrer  qu'après 
ique  l'acide  eft  parfaitement  faturé ,  ce  que  l'on  re- 
connoît  lorfqu'il  n'a  plus  de  faveur  acide. 

J'ai  examiné  av€C  l'acide  vitriolique  un  grand 
nombre  de  pierres  5c  de  terres  calcaires,  dont 
voici  les  réfultats.     -i*cr;  .ol    '  ;!;rjpr/j  . 

1°.  Toutes  les  pierres  calcaires  pures  ^c  pefan- 
tes-,  telles  que  le  beau  marbre  blanxi,-  lesfpaths 
calcaires ,  font  très  dures ,  ôc  plus  difficiles  à  fe 
difloudre  dans  cet  acide  ,  que  les  pierres  calcaires 
moins  dures  Ôc  moins  pures ,  comme  le  moellon. 
"Les  premières  ne  peuvent  fatuver -cet  .acide  fans 
le  fecours  de  la  chaleur;  le  moellon,  au  con- 
traire, le  fature  coitipletrement  j  même  fans  lo 
fecours  de  la  ch ileilrv  [  uioVri  jsji^  ;  z-^nvË  z^i 
••  '  2^.  Toutes  les  pierres '&  iores.  calcaires  que 
■j^âi  éprouvées ,  contiei-hicnt  une  certaine  quan- 
tité'<ie-  fer  dans  l'état  d'ochre  :  il  fe  précipice  de 
ces  dilTolations  par  le  féjour  ,  lorfqui'dles  pr\téf^ 
•bien  faturées.  ■•:.•';.' 

i°.  Les  coquilles  d'œufs  lavées  Sz  dcbarraffées 
dfelèur'membrane  intérieure  ,  fe  diffolvent  dans 
Tacide' vitriolique  plus  difficilement  que  toutes 
l^s  terrés  calcaires  que  j'ai  éprouvées  :•  elles  .d'^- 
viennent,  pendant  ladigeftion  au  bain  de  fable, 
roufîes  ,  jaunâtres,  comme  fi  elles  étoient.expo- 
iecyimhiédiatement  fur  des  cendres  chaude j. 


Î5^  ChYMIE    EXPERIMENTALir 

Tous  ces  effets  font  dus  a  l'adion  de  l'acide  quC" 
agit  comme  le  feu  put  fur  la  matière  animale 
di(féminée  dans  la  fubflance  teireufe  des  coquil- 
les. Ce  n'a  été  qu'après  plusieurs  jours  de  digef- 
tion,  que  je  fuis  parvenu  à  faturer  cet  acide  avec 
<le  cette  matière  terreufe.  Cette  diffolution  avoir 
une  légère  couleur  orangée ,  &  une  foible  faveur 
alumineufe.  Dans  l'efpace  de  deux  mois ,  cette 
liqueur  s'eft  troublée  :  elle  contenoit  quelques 
lambeaux  mucilagineux ,  &  quelques  taches  de 
moififTure  à  fa  furface ,  fans  odeur  de  putréfac- 
tion :  elle  a  lailfé  dépofer  un  peu  de  terre  blan- 
che ,  de  elle  a  perdu  la  légère  faveur  alumineufe 
. >qu  elle  avoir. 

4°.  Les  coquilles  des  poifTons  de  mer  &  de  ri- 
vière? ,  les  coraux ,  les  madrépores ,  préfentent 
à-peu-près  les  mêmes  phénomènes  pendant  leur 
dilTolution  j  &  on  en  lépare  un  parenchyme  mu- 
cilagineux ,  qui  conferve  la  forme  de  la  coquille, 
comme  nous  le  dirons  lorfque  nous  examine- 
rons ces  terres  avec  l'acide  nitreux.  Je  n'ai  re- 
marqué ,  dans  aucune  de  ces  terres  animales ,  des 
Îtarties  plus  tendres  ou  plus  dures  les  unes  que 
es  autres  :  elles  m'ont  paru  d'une  conflitution 
plus  uniforme  que  les  pierres  calcaires  ordinaires. 
5°.  La  chaux  vive  ,  l'eau  de  chaux  ôc  les  pel- 
licules de  chaux ,  préfentent ,  avec  l'acide  vitrio- 
lique ,  des  phénomènes  un  peu  différents  :  les 
félénites  qu'on  en  obtient ,  font  tranfparentes  , 
au  lieu  d'être  opaques ,  comme  font  celles  des 
terres  calcaires  pures  :  les  cryftaux  font  infini- 
ment plus  gros  :  ils  font  beaucoup  plus  diiïblu- 
bles  dans  l'eau  :  en  un  mot ,  ces  fels  polfedent 
davantage  les  propriétés  falines. 

6°.  Toutes  ces  diflolutions  font  fans  couleurs, 
lorfqu'elUsont  dépofé  le  fer  que  contenoient  les 
^  pierres 


£T       RAISONNE  É.  257 

bîerres  calcaires ,  ou  celui  qui  étoic  contenu  dans 
l'acide  vitriolique  ,  donc  le  plus  pur  n'eft  jamais 
exempt. 

7°.  Toutes  ces  difïolutions  ^  quoique  parfai- 
tement claires  de  fans  couleur  ,  prennent  nveé 
rinfafion  de  noix  de  g^He  une  Icc^ere  couleur 
violette  j  ce  qui  prouve  qu'elles  contiennent  en- 
core un  peu  de  fer. 

S°.  Elles  n'ont  toutes  qu'une  faveur  fade,fem- 
blable  à  celle  des  eaux  des  puits  de  Paris. 

9^.  Aucune  de  ces  dilfolutions  ne  change  là 
couleur  bleue  du  fyrop  violât ,  ni  celle  de  là 
teinture  de  tournefoh 

10'.  L'eau  dechaux  ne  précipite  rien  des  dif- 
folutions  de  pierres  calcaires  pures  :  mais,  comme 
la  plupart  des  autres  pierres  calcaires  font  mé- 
langées de  terre  vitrifiable ,  ou  de  portions  dé 
terre  calcaire  qui  tendent  à  le  devenir  ,  l'eau  de 
chaux  précipite  ces  lubltances  de  ces  diffolutions. 
X.es  terres  calcaires  que  j'ai  obfervé  être  dans  lé 
cas  dont  nous  parlons  ,  font  la  crr'ie  de  Cham- 
pagne qui  en  fournit  un  peu  ,  &  les  coquilles 
d.'œufs  qui  en  fourniflent  beaucoup.  J'ai  recueilli 
le  précipité  formé  de  ladilTolution  des  coquilles 
d^œufs  par  l'eau  de  chaux  :  il  étoit  en  petits  cryf- 
taux  écailleux,  comme  le  fel  fédacif  fublimé.  Je 
l'ai  fait  dilFoudre  de  nouveau  dans  de  l'acide 
vitriolique  :  il  a  formé  des  cryftaux  de  véritable 
alun  ,  mais  mêlé  de  félénite  ,  parceque  la  fépa- 
ration  de  ces  terres  n'eft  pas  abfolument  parfaite; 
Néanmoins  ce  moyen  fournit  un  procédé  pour 
féparer  &  reconnoître  une  terre  vitritiable  qiii 
feroit  mêlée  avec  une  terre  calcaire. 

II".  Aucune  pierre  calcaire  ,  dilfoute  dans  l'a^ 
cide  vitriolique  ,   n'eft  précipitée  par  une  autre 
pierre  ou  terre  calcaire  :  je  me  fuis  afluré  de  ce 
Tome  L  R 


5158        Chymie  expérimental» 

fait  pair  un  gi'and  nombre  d'expériences  :  j'aî 
même  confervé  de  femblables  mélanges  pendant 
plufieurs  années.  Jemettois  un  morceau  de  pierre 
calcaire  tendre  dans  des  diiïblutions  de  pierres 
calcaires  dures.  J'ai  fiiit  digérer  ce  mélange  au 
feu  de  fable  ;  il  n'y  a  jamais  eu  de  précipité. 

1 1"*.  J'ai  mis  de  toutes  ces  diflolutions ,  cha- 
cune féparément ,  dans  des  féaux  de  verre ,  cou- 
verts d'un  papier  pour  les  garantir  de  la  poufîiere  ; 
je  les  ai  expofées  dans  un  endroit  convenable  à  la 
cryftallifation  par  une  évaporation  fpontanée  5, 
elles  ont  toutes  fourni  des  cryftaux  dans  l'efpace 
de  deux  mois  \  favoir  les  diiïblutions  de  ftalaÂites 
d'Arcueil,  celle  de  chaux  de  marbre  blanc ,  l'eau 
de  chaux  ordinaire  faturée  d'acide  vitriolique , 
l'eau  de  chaux  de  marbre  blanc  ,  auflî  faturée  de 
ce  même  acide  :  les  pellicules  provenant  de  ces 
deux  eaux  de  chaux  faturées  d'acide  vitriolique  , 
ont  formé  de  petits  cryftaux  en  aiguilles,  group- 
pées  plufîeurs  enfemble ,  de  quelquefois  elles 
étoienrfolitaires. 

Les  didolutions  de  moellons  ,  de  fpaths  ,  de 
marbre  blanc  6z  de  coquilles  d'oeufs  ,  ont  toutes 
formé  de  petits  cryftaux  ,  femblables  à-peu-près 
à  des  grains  de  fable. 

13'^.  La  chaux  ordinaire  dont  on  fe  fert  à  Paris 
pour  bâtir  ,  traitée  de  même  avec  l'acide  vitrio- 
lique ,  m'a  fourni  des  cryftaux  de  véritable  alun, 
bien  féparés  &  diftinéls  des  cryftaux  de  félénite 
qu'elle  fournilToit  en  même  temps.  La  produdioii 
de  cet  alun  eft  due  à  quelque  portion  de  terre  vitri- 
Hablequife  trouvoit  mêlée  dans  la  pierre  calcaire, 
ou  à  une  portion  de  pierre  calcaire  convertie  elle- 
même  en  cette  efpece  de  terre  vitrifiable ,  par  la 
violence  du  feu  pendant  lacalcinationde  la  pierre 
calcaire. 


t  T      R  A  t  S   O  N  N\p  E.  2  5  c) 

14®.  Toutes  ces  félénites  expofées  à  un  feu  ca- 
pable de  les  faiuc  rougir  ,  fe  convertiirent  en 
piarre. 

15°.  Expofées  à  un  très  grand  feu  dz  long- 
temps continué ,  elles  fe  font  changées  en  ce  t|uô 
l'on  nomme  plâtre  brûlé. 

1 6°.  Toutes  ces  félcnltes,  foumifes  à  la  diftilla- 
tion  dans  des  cornues  ,  n'ont  fourni  qu'une  pe- 
tite quantité  de  liqueur  infipide  ,  qui  ne  donne 
aucun  indice  d'acidité. 

Examinons  préfentement  les  propriétés  desfé- 
lénites  naturelles  dans  les  fubftances  que  l'on 
nomme  gypfc  &c pierre  a  plâtre. 

Sur  les  Pierres  &  Terres  gypfeufcs  j   connues  fous 
le  nom  de  Pierres  à  plâtre. 

Les  fubftances  que  nous  examinons  préfente- 
ment font  des  fels  vitrioliques  à  bafe  de  terres 
calcaires  ,  formés  par  la  Nature ,  abfolument  fem- 
blablesaux  félénites  dont  nous  venons  de  parler. 
Plufieurs  Naturaliftes  ont  confondu  les  pierres  a 
plâtre  parmi  les  pierres  &  terres  calcaires,  comme 
le  remarque  M.  Pott''i).  Quelques  Chymiftes 
ont  rejette  en  doute  l'exiftence  de  l'acide  vitrio- 
lique  dans  les  pierres  à  plâtre  :  ils  fe  fondent  fur 
ce  qu'elles  ne  décompolent  pas  le  nitre  &  le  fel 
marin  ,  comme  le  font  les  argilles  qui  contien- 
nent de  l'acide  vitriolique  &;  qui  décompofenc 
ces  fels. 

Le  gypfe  de  Montmartre  ,  près  de  Paris ,  efl: 
d*une  tranfparence  jaunâtre  j  il  eft  crvftallifé  en 
lames  minces  appliquées  les  unes  fur  les  autres,. 


ï 


(i)  Lithocidognofie ,  pagcji,  premier  volume. 


l60  ChYMIE     EXPÉRTME>tTALE 

que  Ton  peut  lever  par  feuillets  avec  la  lame  d'un 
couteau.  Les  mafles  de  gypfe  font  compofées  de 
deux  triangles  alongcs ,  fcparés  en  deux  par  une 
ligne  de  future  ,  formant  un  triangle  alongé ,  dont 
le  côté  oppofé  à  la  bafe  eft  en  angle  rentrant  d'en- 
viron quarante-cinq  a  cinquante  degrés. 

On  trouve  dans  les  Pyrénées  du  gypfe  fem- 
blable  à  celui  de  Montmartre,  mais  qui  eft  très 
pur  &  abfolument  fans  couleur. 

Les  pierres  avec  lefquelles  on  fait  le  plâtre  à 
Montmartre ,  n'ont  aucune  figure  déterminée  : 
elles  rellemblent  à  des  pierres  ordinaires  ;  mais- 
elles  font  plus  pefantes  :  on  les  voit  parfemées  de 
petits  points  brillants  qui  font  des  portions  de 
petits  cryftaux  de  gypfe  ,  parmi  lefquels  on  en 
diftingue  d'entiers  qui  font  très  réguliers. 

L'albâtre  eft  fous  différentes  couleurs.  Celui 
qui  eft  blanc  èc  fans  couleur  ,  a  un  grain  plus  fin 
&  plus  ferré  que  celui  de  la  pierre  à  plâtre  ordi- 
naire. Il  s'en  trouve  qui  a  de  petits  cryftaux, 
comme  la  pierre  à  plâtre  de  Montmartre.  L'al- 
bâtre eft  doux  au  toucher ,  comme  certaines  pierres 
favonneufes  j  il  eft  fujet  a  être  coloré  &  veiné  pat 
des  matières  métalliques ,  comme  le  marbre. 

On  trouve  encore  dans  la  Nature  des  cryftaux 
de  félénites  qui  relfemblent  à  de  gros  cryftaux  de 
nitre ,    &c. 

Toutes  ces  fubftances  ne  font  qu'une  feule  Sc 
même  efpece  de  fel  :  elles  différent  feulement 
entre  elles  par  la  figure  &c  par  le  plus  ou  le  moins 
de  pureté.  La  pierre  à  plâtre  de  Montmartre  eft 
un  véritable  albâtre  grolfier  &:  impur.  Il  eft  éton- 
nant qu'on  n'ait  pas  encore  trouvé  à  Montmartre 
de  cette  pierre  dans  le  même  état  de  pureté  qu'eft 
celle  qui  porte  fpécialement  le  nom  à'albâtre. 

D'après  ce  que  nous  venons  de  dire ,  il  eft  fa- 


IT      RAISONNÉ  E.  i(5"l 

cile  d'appercevoir  déjà  la  différence  qu'on  cicic 
faire  entre  l'albâtre  &:  le  marbre  que  quelques 
Naturaliftes  ont  ranges  dans  lamemeclafle.  Quel- 
ques perfonnes ,  pour  accorder  les  différents  fen- 
timents  des  Naturaliftes  &z  des  Sculpteurs ,  ont 
imaginé  d'admettre  de  l'albâtre  gvpfeux  de  de 
l'albâtre  calcaire  :  cette  diftindion  ne  peut  avoir 
lieu ,  lorfque  l'on  conlidere  les  propriétés  chymi- 
ques  de  ces  fubftances.  L'albâtre  eft  ,  comme  nous 
le  verrons ,  dilfoluble  en  entier  dans  l'eau  ,  î^c  la 
pierre  calcaire  ne  l'eft  pas  :  il  eft  un  vrai  fel ,  ôc  la 
terre  calcaire  ne  l'eft  pas» 

Gypfe  expofé  au  feu. 

Le  gypfe  >  l'albâtre  &  la  pierre  à  plâtre  expofés 
au  feu  pour  les  faire  rougir  feulement ,  perdent 
l'eau  de  leur  crvftallifation ,  en  faifmt  un  petit 
bruit  ou  pétillement  que  l'on  nomme  décrcp'ua- 
zion.  Le  gypfe  décrépite  plus  que  les  autres  pierres 
de  même  efpece.  Toutes  ces  pierres  deviennent 
friables  &  d'un  très  beau  blanc  opaque.  Le  gypfe 
fe  divife  pendant  cette  opération  en  feuillets  ex- 
trêmement minces.  Ce  produit  fe  nomme  gypjs 
cuk  ow  plâtre  j  loriqu'il  eftluftifamment  calciné. 
Le  gypfe ,  pendant  la  calcination  ,  perd  fort  peu 
de  Ion  acicie  ,  &;  la  terre  calcaire  fe  réduit  en 
chaux  qui ,  à  caufe  de  fon  union  avec  l'acide  vi- 
triolique  ,  a  des  effets  différents  de  la  chaux 
vive. 

Ces  pierres  ainfi  calcinées  ,  pulvérifees  &  dé- 
layées dans  de  l'eau  ,  s'echauff^ent  un  peu  ,  mais 
infiniment  moins  que  la  chaux  vive  :  elles  exha- 
lent une  légère  odeur  de  foie  de  foulre ,  &  elles 
abforbent  une  très  grande  quantité  d'eau  :  elles 
forment  une  pâte  qui'prend  beaucoup  de  corps,  & 

Riij 


xëi        Chymi-e  fxpérimental# 

qui  Jarcit  confidérablement  en  fe  fcchant.  L^ 
chaleur  qui  s'excite  lorfqu'on  gâche  le  plâtre  , 
quoique  foible ,  eft  rjcanmoins  fuffifante  pour  le 
tenir  dans  une  efpece  de  dilïolution.  L'endurciflTe- 
ment  qu'il  éprouve,  quelques  inllants  après  qu'il 
eft  ^âchc  5  vient  d'une  cryftallifation  contufe  qui 
lui  arrive  par  le  refroidiffement.  Dans  cet  état , 
il  retient  toute  l'eau  qui  a  fervi  à  le  gâcher.  L'eau 
qui  refte  dans  le  plâtre  après  qu'il  eft  pris ,  agit 
de  nouveau,  &  le  fait  gonfler  pendant  plus  ou 
moins  de  temps, &:  avec  plus  ou  moins  de  force  , 
félon  les  circonftances  :  cet  effet  eft  même  {i  fort, 
que  il  le  plâtre  fe  trouve  gêné,  il  brif.^  Ôc  renr 
verfe  les  obftacles  qu'on  lui  oppofe,  avec  la  même 
force  que  de  l'eau  qui  fe  congelé.  Une  portion 
de  cette  eau  n'eft,  pom  ainfi  dire,  qu'interpofée 
entre  les  molécules  du  plâtre  :  elle  s'évapore  avec 
facilité  par  le  concouts  de  l'air  &c  de  la  chaleur 
qui  fubfifte  pendant  un  certain  temps  ,  après  que 
le  plâtre  a  pris  de  la  coniiftance  j  mais  l'autre  por- 
tion eft  combinée  ,  &:  elle  n'eft  évaporable  que 
par  un  degré  de  chaleur  fupérieur  à  celui  qui  rè- 
gne dans  les  fouterrains  :  Teau  dans  le  plâtre 
qu'on  emploie  dans  les  fouterrains  ,  n'ayant  pas 
la  liberté  de  s'évaporer  promptement ,  continue 
d'agir ,  comme  lorfqu'il  vient  d'être  gâché  :  cette 
aétion  fe  continue  à  la  faveur  de  l'humidité  ,  juf- 
qu'aux  plus  petites  molécules  qui  n'ont  pas  été 
jmouillées  d'abord.  11  fe  fait  dans  l'intérieur  de  la 
jnaife  des  cryftallifatons  fuccelTîves  jufqu'à  ce 
C^u'enfin  les  molécules  intégrantes  du  plâtre  aient 
fiibi  le  même  fort.  C'eft  là  ce  qui  occafionne  le 
gonflement  perpétuel  qui  arrive  aux  plâtres  em- 
ployés dans  des  lieux  humides,  &  les  raifons 
pour  lefquelles  il  fe  détruit  plus  ou  moins  promp* 
îçmeiK,  Si  l'en  examine  le  plâtre  des  c^yes  hu-^ 


IT      RAISONNÉE.  1(3^ 

n-jides ,  on  le  tiouve  fouvent  parfcmé  de  petirs 
cryftflux  qui  fe  font  formés  depuis  qu'il  a  été  em- 
ployé. Ce  font  ces  mouvements  &l  ces  cryltallila- 
tions  réitérés  qui  font  caufe  qu'il  fe  détache  des 
murailles  dans  les  fouterrains  humides.  Il  n'en 
efl  pas  de  mcme  du  plâtre  employé  dans  l'mté- 
rieur  des  maifons  &  dans  les  endroits  fort  fecs  : 
il  eft  exempt  de  tous  ces  inconvénients ,  parcc- 
que  l'eau  qui  les  occafionne  eft  évaporée  promp- 
tement.  La  propriété  qu'a  le  plâtre  de  fe  gonllec 
ainli ,  fait  qu'il  eft  très  précieux  pour  les  fcelle- 
ments  :  c'eft  en  vertu  de  cette  propriété  qu'ils 
font  fi  folides ,  parceque  le  plâtre  fait  l'eftet  d'une 
compreftion  continuelle. 

Lorfqu'on  fait  calciner  les  pierres  gyp^eufes  à 
un  trop  grand  feu  ,  elles  acquièrent  un  caratlere 
moyen  entre  la  chaux  &  le  plâtre  :  il  ne  prend  que 
peu  ou  point  de  corps  lorfqu'on  le  gâche  -.dans  cet 
état,  les  ouvriers  le  nomment /^/Jrr^  brûle.  Lorf- 
que  le  coup  de  feu  a  été  moins  fort  qu'il  ne  faut 
pour  convertir  ces  pierres  en  bon  plâtre ,  les  ou- 
vriers le  nomment  plâtre  court  :  il  eft  long-temps 
à  prendre  corps  avec  de  l'eau.  J'ai  examiné  le 
plâtre  cuit  dans  ces  différents  états ,  &:  j'ai  re- 
connu que  lorfqu'il  eft  trop  cuit,  il  a  perdu  d'une 
part,  une  portion  d'acide  vitriolique  \  de  d'un  au- 
tre côté,  la  terre  calcaire  a  acquis  les  propriétés 
de  la  chaux ,  au-delà  de  ce  qu'il  convient  pour  for- 
mer du  bon  plâtre. 

M.  Port  a  remarqué  que  les  pierres  gypfeufcs^ 
expofées  au  plus  grand  teu  qu'il  ait  pu  produire, 
n'entrent  point  en  fufion  (i).  Il  eft  bon  d'obfer- 
ver,  lorfqu'on  fait  cette  expérience ,  de  ne  pas 
employer  un  creufet  d'argille  ,  parceque  cette: 

(i)  Lithogcognofie  ,  page  <?;, 

Pv  iv 


Z^4  ChYMIE    EXPÉaU^ENTAtS 

t  rre  &  le  gypf- ,  comme  nous  le  dirons  en  fbit 
lieii,  fe  fervent  réciproquement  de  fondant.  Il 
faut  pofer  le  gypfe  fur  du  fable  ou  fur  de  la  craie. 
Le  gypfe  n'efl:  cependant  pas  infufible  :  ayant  ex- 
pofc,  M.  Macquer  &  moi  (i),  du  gypfe  de  Mont- 
(iiartre  au  foyer  d'un  bon  miroir  ardent ,  il  s'y  eft 
promprement  calciné,  ôc  n'a  point  fondu,  tant 
que  nous  n'avons  préfenté  cette  pierre  que  par 
la  fur  face  large  des  lames  ou  feuillets  dont  elle 
eft  compofée  ;  mais  elle  s'y  eft  fondue  en  un  inf- 
tant  avec  bruit  &  llfïlement,  auifi-tôt  que  nous 
en  avons  préfenté  la  tranche  ou  le  coté.  Les  par- 
ties fondues  ont  pris  une  retraite  très  confidéra- 
\)\q  :  elles  n'étoient  pas  néanmoins  changées  en 
im  verre  tranfparent,  mais  en  une  matière  opa 
que  &  d'un  jaune  fauve. 

L'acide  vitriolique  eft  fort  adhérent  dans  le 
gypfe.  J'ai  foumis  à  la  diftillation  dans  une  cornue 
de  verre  deux  onces  de  gypfe  en  poudre.  J'ai 
poufle  le  feu  pendant  quatre  heures ,  jufqu'au 
point  prefque  de  fondre  la  cornue  :  il  a  diftillé 
trois  gros  de  liqueur  infipide  :  il  eft  refté  dans  le 
vailleau  une  once  cinq  gros  de  gyple  calcine  très 
blanc  8c  en  poudre  légère. 

La  liqueur  qui  a  diftillé  n'étoit  que  l'eau  de 
la  cryftallifation  du  gypfe  :  elle  n'avoit  ni  odeur 
ni  faveur  :  elle  ne  changeoit  point  la  couleur  de 
la  teinture  de  tournefol ,  ni  celle  du  fyrop  violât; 
mais  elle  donnoit  un  petit  œil  louche  à  la  dilfo- 
lution  du  mercure  faite  par  l'acide  nitreux  :  ce 
qui  fait  voir  qu'il  n'a  palTé  dans  cette  diftilla- 
tion qu'une  quantité  imperceptible  d'acide  vi- 
^rioliqile. 


j[i)  Mémoires  de  l'Académie,  année  1758  ,  page  iti,. 


ïT    raisonnIi.'  1^5 

Le  gypfe  refté  dans  la  cornue  ne  prenoit  plus 
<3e  corps  avec  l'eau ,  comme  le  plâtre  ordinaire  : 
il  étoit  ce  que  les  ouvriers  nomment  du  plâtre 
brûlé  :  il  fe  réduifoit  en  pouflîere  en  féchant;  ce 
qui  prouve  qu'il  ne  fufht  pas  que  l'acide  refte 
dans  le  gvpfe  ,  pour  former  de  bon  plâtre  ;  mais 
qu'il  faut  encore  prendre  garde  de  trop  calciner 
la  terre  calcaire ,  Il  l'on  veut  avoir  du  plâtre  de 
bonpe  qualité, 

Gypfc  à  l'air. 

II  paroît  qu'on  n'a  point  obfervé  les  altéra- 
tions que  le  2;ypfe  peut  recevoir  de  la  part  de 
l'air.  Il  y  a  lieu  de  croire  qu'il  ne  lui  cauferoic  au- 
cun changement ,  s'il  étoit  toujours  parfaitement 
pur  ,  &:  non  mclé  avec  les  autres  éléments  j  mais 
comme  cela  n'eft  pas  ,  le  ^ypfe  reçoit  de  leur  ac- 
tion réunie  ,  &  du  laps  de  temps ,  les  plus  grands 
changements  ,  &  devient  enfin  argille.  Il  me  fera 
difficile  de  donner  une  démonftration  bien  com- 
plette  de  ce  fentimcnt ,  parcequ'il  faudroit  pou- 
voir changer  du  gvpfe  en  argille  \  ce  que  je  n'ai 
pu  faire  :  mais  je  vais  tâcher  de  développer  mon 
îentiment ,  &:  de  le  rendre  au  moins  probable. 

Le  gypfe  a  pour  bafe  de  la  terre  calcaire.  Cette 
terre  ,  comme  nous  lavons  dit ,  eft  due  au  travail 
des  teftacées,  &c.  Les  eaux  de  la  mer  tiennent  en 
dilTolution ,  &  dans  l'état  le  plus  favorable  ,  les 
matériaux  propres  à  former  les  matières  falines. 
Le  gvpfe  ,  qui  eft  un  fel  vitriolique  à  bafe  ter- 
reufes  calcaire ,  a  été  néceiïairement  formé  dans 
la  mer.  Tout  l'annonce.  Les  riches  carrières  à 
plâtre  font  difpofées  par  couches  parallèles  &:  ho- 
rizontales ,  parmi  lefquelles  on  trouve  ,  conmie 
par-tout  ailleurs  ,  des  débris  marins.  Cette  dif- 
nofition  des  couches  des  carrières  à  plâtre  an^ 


%6d^       Chymie  expérimentale 

nonce  alTez  qu'elles  te  rrouvent  telles  qu'elles  ont 
été  formées  cLins  l.i  mer  ,  &  pnr  dépôts.  La  terre 
du.  gypfe  ne  diffère  abfolument  point  de  la  terre 
calcaire  ordinaire  :  l'acide  vitriolique,  qui  lui  eft 
uni,  n'a  point  chauffé  fa  nature  j  il  fembie  même 
qu'elle  eft  par  lui  garantie  de  l'adion  des  élé- 
ments :  j'en  juge  par  les  diftérentes  expériences^ 
que  j'ai  faites  fur  le  gypfe ,  à  l'effet  de  ramener  fa 
terre  à  de  plus  grands  degrés  de  fîmplicité  ,  mais 
fans  l'avoir  auparavant  débarralfé  de  (on  acide  vi- 
triolique. Les  expériences  que  j'ai  faites  à  ce  fujet 
ont  été  infrudueufes.  Si  j'y  fuffe  parvenu  ,  j'aii- 
rois  formé  de  l'alun  ou  de  l'arsille ,  fuivant  les 
proportions  d'acide  qui  feroit  refté  uni  à  la  terre. 
C'eft  pour  la  même  caufe  que  le  gypfe  ,  par  une 
forte  calcination ,  ne  fe  convertit  pas  en  bonne 
chaux  vive.  L'acide  vitriolique  qu'il  contient  s'op- 
pofe  a.  ce  changement. 

Mais  il  n'en  a  pas  été  de  même  de  la  terre  dix 
gypfe  ,  féparéede  tout  acide  vitriolique  :  elle  s'eft 
mieux  prêtée  aux  changements  dont  nous  parlons: 
elle  s'eft  comportée  à  cet  égard  de  même  que  de 
la  terre  calcaire  pure  :  elle  s'eft  d'abord  convertie 
en  bonne  chaux  vive  ,  par  la  combinaifon.  J'ai 
fiiit  calciner  cette  terre  plufîeurs  fois  de  fuite,  en 
la  lavant  chaque  fois  dans  beaucoup  d'eau  ,  com- 
me j'ai  obfervé  d  l'égard  de  la  terre  calcaire  ordi- 
naire. Je  fuis  parvenu ,  par  ces  moyens  fimples,  à 
lui  opérer  une  forte  de  décompofition  ,  &  à  la 
rendre  prefque  indifîoluble  dans  les  acides ,  par- 
ceque,  par  toutes  ces  opérations  ,  je  lui  faifois 
perdre  l'eau  &  l'air  qui  la  conftituoient  terre  cal- 
caire. La  féparation  de  ces  fubftances  la  rappro- 
che de  la  nature  des  terres  vitrifiables.  J'ai  traité 
enfuite  cette  même  terre  avec  de  l'acide  vitrioli- 
que :  elle  a  fourni  quelques  cryftaux  de  vérita- 


ET      RAISONNA  E.  iSj 

ble alun j  6c  delà  félénite  calcaire  j  ce  qu'elle  ne 
pouvoit  pi-oduire  auparavant.  Nous  verrons  bien- 
tôt que  la  terre  de  l'alun  eft  femblable  à  celle  des 
argilles. 

Si  j  dans  nos  laboratoires  ,  nous  pouvons  ,  par 
la  voie  feche  ,  occafionner  de  pareils  change- 
ments à  la  terre  calcaire  ,  la  Nature  doit  les  pro- 
duire, par  la  voie  humide,  d'une  manière  bien 
plus  générale.  Quoique  je  n'aie  pu  changer  la 
lerre  du  gypfe ,  tant  qu'elle  étoit  encore  unie  a 
de  l'acide  vitriolique,  ce  n'eft  pas  une  raifoa 
pour  croire  cpie  la  Nature  ne  le  peut  faire  ;  au 
contraire  ,  je  fuis  perfuadé  qu'elle  ne  manque  pas 
de  moyens,  &  qu'elle  change  les  propriétés  de 
cette  mCme  terre  ,  fans  qu'elle  ait  befoin  d'en  fé- 
parer  d'abord  l'acide  vitriolique.  Le  gypfe  ,  par 
les  altérations  qu'il  éprouve,  eft  changé  en  ar- 
gille  6c  en  alun ,  avec  la  plus  grande  facilité  :  il  ne 
faut  que  du  temps.  Cet  agent ,  aulîi  puilfant  que 
les  éléments ,  ne  coûte  rien  à  la  Nature. 

La  terre  calcaire  du  gypfe  ,  quciqu'unie  à  de 
l'acide  vitriolique  ,  reçoit  donc  ,  de  la  part  des 
cléments  ,  tous  les  changements  dont  nous  par- 
lons :  elle  eft  ramenée,  par  le  laps  de  temps, 
au  caraétere  de  la  terre  vitrifiable  \  mais  il  réfulte 
de  l'argille  lorfque  la  terre  refte  très  divifée,  &; 
qu'elle  conferve  une  dofe  futhfante  d'acide  vi- 
triolique. C'eft  dans  la  mer  que  la  Nature  pro- 
duit ces  belles  métamorphofes.  La  partie  feche 
du  globe  s'oppofe  ,  par  fa  folidité  ,  aux  mouve- 
ments nécelfau-es  pour  produire  de  pareils  chan- 
gements ^  mais  les  eaux  de  la  mer  promènent  à 
leur  gré  des  malTes  de  gypfe  ,  qui  fe  font  accumu- 
lées. Le  frottement  amenuife  les  molécules ,  & 
donne  aux  argilles  cette  douceur  6-  ce  liant  qu'oie 


idZ  Chymie  expérimentale 
leur  connoîr.  Tout  porte  à  croire  que  les  argillefi 
font  le  produit  des  altérations  que  le  gyple  a 
éprouvées  par  le  laps  de  temps  ,  &  par  le  mouve- 
ment des  eaux  de  la  mer.  11  eft  difficile  de  croire 
que  les  argilles  aient  été  formées  immédiatement 
par  l'union  de  la  terre  primitive  ôc  élémentaire 
avec  de  l'acide  vitriolique ,  parceque  ,  comme 
nous  l'avons  dit,  cette  terre  ne  contient  ni  eau , 
ni  air ,  ni  principe  inflammable  ,  qui  font  les  fub- 
ftances  par  lefquelles  l'acide  vitriolique  attaque 
les  corps.  La  Nature  doit  éprouver  les  mêmes  dif- 
ficultés, ôc  nous  n'aurions  que  fort  peu  d'argilles 
il  nous  n'avions  que  celles  qui  peuvent  fe  former 
immédiatement  par  l'union  de  la  terre  vitrifiabl^ 
avec  l'acide  vitriolique. 

L'efpece  de  décompofition  qu'éprouve  legypfe 
pour  fe  changer  en  argille,  ne  fe  fait  pas  tout-à- 
coup  :  c'eft  l'affaire  du  temps,  des  circonftanceSj^. 
êc  des  révolutions  qui  arrivent  au  mouvement  des 
eaux  de  la  mer.  Ces  changements  ,  que  nous  di- 
fons  arriver  dans  le  fein  des  eaux  ,  fe  pafîent  fous 
nos  yeux  ,  mais  en  petit ,  dans  les  carrières  à  plâ- 
tre. Tout  le  terrein  des  embouchures  des  carriè- 
res cà  plâtre  de  Montmartre  eftcompafé  de  pierre 
à  plâtre  ,  brifée ,  réduite  en  poudre  par  les  voi- 
tures ,  &  délayée  par  les  eaux  de  pluie.  Ce  ter* 
rein  eft  argilleux  :  c'eft,  à  la  vérité,  une  mau- 
vaife  argille  j  elle  eft  plutôt  de  la  marne:  mais 
c'eft  un  commencement  &  un  acheminement  à  de 
plus  grands  changements  j  dont  le  gypfe  eft  fuf- 
ceptible  :  il  ne  faut  à  cette  fubftance  que  du  temps 
pour  devenir  argille  parfaite.  Il  y  a  bien  peu  d'ar- 
gilles qui  ne  contiennent  encore  quelque  refte  de 
terre  calcaire.  Il  eft  à  préfumer  que  celles  qui  n'en 
ont  point  du  tout,  font  formées  très  anciennement. 


ET      RAISONNER,  %(j^ 

A.  par  la  deftrudion  des  premiers  corps  organifés. 
L.i  rerre  calcaire  a  eu  le  temps  de  fe  détruire  &  de 
changer  de  nature  complettement. 
.  Tel  eft  le  fentiment  que  je  me  fuis  propofé  de 
développer  fur  la  formation  du  gypfe  ,  &  fur  les 
altérations  qu'il  éprouve  dans  le  fein  des  eaux 
pour  fe  changer  en  argiUe.  Si  cette  idée  n'em- 
porte pas  une  conviélion  parfaite ,  on  peut  lui  ac- 
corder du  moins  quelques  degrés  de  probabilité  : 
c'eft  tout  ce  que  l'on  peut  demer ,  jufqu'à  ce  que 
nos  connoilTances  fur  cette  matière  foient  plus 
avancées.  Le  gypfe  c]ui  fe  trouve  en  malfe  dans  la 
partie  fechedu  globe  ,  n'a  pas  toujours  les  mêmes 
occafions  pour  éprouver  les  changements  donc 
nous  parlons,  &:  pour  fe  convertir  en  argille  j  il 
reçoit  également  des  altérations  par  l"e  laps  du 
temps  :  mais  il  paroît  que ,  faute  de  mouvement 
&  du  concours  des  eaux,  elles  font  d'un  autre 
genre.  C'eft  le  gypfe  vraifemblablement  qui ,  à 
la  faveur  des  changements  qu'il  éprouve  ,  forme 
les  amiantes,  les  micas,  les  talcs,  les  craies  de 
Briançon  ,  les  asbeftes,  &cq.  Toutes  ces  matières 
jie  contiennent  plus  un  atome  d'acide  vitrioli- 
que  :  elles  ont ,  au  refte ,  un  certain  nombre  de 
propriétés  chymiques  qui  leur  font  communes^ 
avec  les  terres  des  ar2;illes  féparées  de  leurs  aci- 
des \  mais  elles  différent  auiîi  entre  elles  par  des 
propriétés  particulières  à  chacune  d'elles.  Ces 
terres  demanderoient  autant  de  traités  différents 
pour  les  mieux  faire  connoître ,  qu  elles  ne  le  font 
encore  à  préfent. 

Gypfe  avec  de  F  eau. 

Le  gypfe  parfaitement  pur  ,  c'eft-à-dire  celui 
dont  toute  la  terre  calcaire  eft  combinée  avec  de 


iyo        Chymie  EXPÉiiiMEî^T^iic 

Vacrde  vicriolique  ,  ei\  dilîoluble  en  entier  daiifll 
l'eau  ,  fans  laitier  aucune  iéfidence.  Huit  onces 
d'eau  bouillante  dilTolvent  huit  grains  de  gypfe 
ou  d'albâtre.  La  dilFolution  eft  claire  6^:  parfaite- 
ment tranfparente. 

Mais  lorfqu'on  fait  bouillir  beaucoup  de  gypfe 
bu  d'albâtre  dans  de  l'eau  ,  cette  liqueur  s'en 
charge  d'une  plus  grande  quantité.  Cet  effet  vient 
de  ce  qu'il  y  a  dans  le  gypfe  des  parties  plus  dilTo- 
lubles  les  unes  que  les  autres  ,  quoiqu'elTentiel- 
lement  de  même  nature.  11  arrive  la  même  chofé 
auxfélénites  artificielles^ 

La  pierre  à  plâtre  de  Montmartre  contient  uti 
peu  de  terre  calcaire  libre  ;  auflî  ne  fe  dilTout  elle 
pas  complettement  dans  l'eau.  Les  eaux  fouterrai- 
iies  de  Paris  roulent  fur  un  bain  gypfeux  :  elles 
font  faturées  de  femblables  félénites  :  elles  for- 
ment ce  que  l'on  nomme  eaux  crues  ou  eaux  dures. 
Ces  eaux  ont  les  mêmes  propriétés  que  les  diiïolu- 
tions  de  gypfe  :  mifes  à  évaporer,  elles  forment 
pareillement  de  petits  cryftaux  de  félénite. 

Toutes  les  difTolutions  de  gypfe  ont  la  même 
faveur  que  les  eaux  des  puits  de  Paris  j  elles  ne 
changent  point  la  couleur  de  la  teinture  de  tour- 
nefol ,  ni  celle  du  fyrop  violât. 

L'eau  de  chaux  ne  précipite  rien  de  ces  dilîb- 
lutions.  11  eft  vifible  ,  par  toutes  ces  expériences  , 
que  les  gypfes ,  &  toutes  les  fubftances  gypfeufes  , 
font  im  vrai  fel  vitriolique  à  bafe  terreufe  ;  SC 
nous  démontrerons ,  dans  une  autre  occafion  , 
que  cette  bafe  eft  décidément  calcaire. 

Gypfe  avec  de  la  glace. 

On  ne  fait  pas  fi  le  gypfe  avec  de  la  glace  pro-i 
cluiroit  du  fïoid ,  comme  le  font  la  plupart  dçj 


ET      RAISONNÉ  E.  17I 

fels.  Il  eft  à  préfumer  qu'il  n'en  produiiroit  pas  , 
parceque  ce  lel  elttics  peu  cUiroluble  ,  8c  qu'il  ne 
pouiroic  occalionnet  la  tufion  de  la  glace. 

Oypfe  avec  la  terre  XLtr'ifiahle. 

Le  gyp^e  n'a  ,  par  la  voie  humide  ,  aucune  ac- 
tion fur  la  terre  virrifîable  j  mais  il  en  a  un  peu 
par  la  voie  feche.  J'ai  expofé  plufieurs  fois  au 
grand  feu  un  mélange  de  parties  égales  de  gypfe 
^  de  fable  ,  l'un  &  l'autre  en  poudre  fine:  le  mé- 
lange eft  quelquefois  refté  en  poudre  friable  après 
la  calcination  :  d'autres  fois  il  s'eft  agglutiné,  &  a 
pris  un  peu  de  corps ,  mais  fans  entrer  en  fulion: 
cela  dépend  du  coup  de  teu  qu'il  a  éprouvé,  &  il 
eft  difficile  d'en  déterminer  l'intenfité.  A  la  ri- 
gueur, rien  n'eft  infufible  dans  la  Nature  :  il  eft 
certain  que  ce  mélange  entreroit  dans  une  fufion 
çpmplette  ,  a  l'aide  d'uni  feu  fufîifamment  fort  : 
alors  ce  feroit  autant  à  l'intenfité  du  feu  qu'on  de- 
vroit  attribuer  la  fufion  de  ces  fubftances ,  qu'à 
i'adion  qu'elles  peuvent  avoir  réciproquement 
l'une  fur  l'autre. 

Gypfe  avec  le  phlogijlique. 

J'ai  fait  calciner  dans  un  creufet ,  pendant  deux 
heures  ,  à  une  chaleur  modérée  ,  un  mélange  de 
huit  gros  de  gypfe  &  de  deux  gros  de  charbon  , 
l'un  &  l'autre  réduits  en  poudre  très  fine  :  pendant 
la  calcination ,  le  mélange  exhaloit  une  odeuc 
de  foufre  &  d'acide  fulfureux  volatil.  La  matière 
eft  reftée  feche  &  triable  -,  elle  a  acquis  une  cou- 
leur gris  de  lin.  Cette  matière  a  été  délayée  dans 
de  l'eau  chaude  ,  puis  filtrée.  La  liqueur  qui  a 
'paffé  étoit  claire  ,  mais  d'une  couleur  verte  ,  & 
.4'une  odeur  de  foie  de  foufre  \  elle  étoic  auûi  un 


^ji        Chimie  expérimentale 

véLÏtable  foie  de  foutre  terreux  ,  de  qui  en  avoic 
les  propriétés  :  il  fe  lai  doit  décompofer  par  un 
acide,  &  lailToit  précipiter  le  foufre  qui  s'étoic 
formé  pendant  la  calcination  ,  par  l'union  du 
phlogiftique  du  charbon  avec  l'acide  vitriolique 
dugypfe.  La  terre  calcaire  s'eft  convertie  en  chaux 
vive  en  partie  ,  &  a  fervi  d'intermède  pour  tenic 
le  foufre  en  diiïblution  dans  de  l'eau  j  ce  qui  a 
formé  par  conféquent  du  foie  de  foufre  terreux. 

Gypfe  avec  la  tefre  calcaire^ 

On  ne  connoît  point  les  effets  de  ce  mélange 

far  la  voie  feche  j  on  ne  fait  par  conféquent  fi 
acide  vitriolique  fe  partageroit  entre  la  terre 
calcaire  qu'on  ajouteroit ,  ou  s'il  refteroit  dans 
fon  état  de  faturation  parfaite. 

Je  me  fuis  alTuré  qu'aucune  terre  calcaire  ne 
«lécompofe  ,  par  la  voie  humide  ,  ni  le  gypfe  j  ni 
aucune  félénite  calcaire* 

Gypfe  avec  l'eau  de  chaux. 

L'eau  de  chaux  ,  verfée  fur  des  diffolutions  de 
gypfe,  n'occafionne  point  de  précipité.  Le  mé- 
lange fe  trouble  légèrement ,  mais  dans  l'efpace 
<le  quinze  jours  feulement.  L'eau  de  chaux  toute 
feule  produit  un  femblable  précipité  :  ainfi  on  ne 
peut  l'attribuer  à  une  décompolition  du  gypfe  qui 
auroit  été  opérée  par  l'eau  de  chaux,  mais  à  la 
terre  tenue  en  dilTolution  dans  cette  eau ,  qui  eft 
précipitée  par  la  féléiiite. 

Gypfe  avec  de  l* acide  vurioUque, 

L'acide  vitriolique  n*a  aucune  adion  fur  leS 
fubftances  gypfeufes  j  mais  par  fon  moyen  on 

parvient 


ET      RAISONNÉ  E.  ïy  ^ 

t>aïvient  à  diiroudre  dans  l'eau  une  plus  ei"ande 
quantité  de  ces  matières. 

J'ai  fait  bouillit  quelques  lames  de  gypfe  dans 
de  l'acide  vitriolique  aiîoibli  j  elles  ont  petdu  leur 
tranfparence  en  un  inll:ant  :  elles  font  devenues 
blanches  &  opaques,  comme  lorfqu'on  les  ex- 
pole  fur  des  charbons  ardents  ,  fans  ccpendajit 
qu'il  parût  rien  de  dillous.  Cet  eftet  doit  ctre  at- 
tribue à  l'acide  vitriolique  qui  leur  a  enlevé  leuf 
eau  de  cryllallifation. 

J'ai  dit  que  huit  onces  d'eau  bouillante  dilTol- 
vent  huit  grains  de  gypfe  ,  mais  lorfque  cette 
quantité  d'eau  eft  chargée  d'un  gros  d'acide  vitrio- 
lique concentre  (i) ,  elle  dilfout  trente  grains  de 
gypfe  ou  d'albâtre ,  avec  effervefcence  lorfque  la 
liqueur  eft  chaude,  &  fans  effervefcencc  iorf- 
qu'elle  eft  froide.  Ce  mouvement  d'effervefcence 
vient  de  la  rapidité  avec  laquelle  cette  fubftance 
fe  diflout  dans  cet  acide,  fans  cependant  fe  com- 
biner. 

J'ai  répété  cette  expérience  un  peu  plus  en 
grand  ,  &  j'ai  employé  beaucoup  plus  d'albâtre 
qu'il  ne  pouvoir  s'en  difloudre.  La  liqueur  a  con- 
fervé  toute  fon  acidité.  J'ai  tiltré  la  liqueur,  &:  l'ai 
fait  cryftallifer.  J'ai  obtenu  des  cryftaux  de  félé- 
nite  beaucoup  plus  gros  que  ceux  d'une  pareille 
dllfolution  dans  de  Teau  pure  :  ils  croient  acides  , 
parcequ'ils  fe  font  lormés  dans  une  liqueur  acide  j 
mais  ils  fe  font  trouvés  parfaitement  neutres  , 
après  qu'ils  eurent  été  égouités  fur  des  papiers 
gris  ,  jufqu'à  ce  qu'ils  ne  les  mouillallent  plus  ,,  &: 
qu'ils  devinlfent  partaitement  lecs  par  luccionoii 
imbibition  dans  les  papiers. 

(f)  Cet  aciik  pcfe  une  once  fix  {;ros  cinquante -<lcins 
grains  ,  dans  une  bouteille  qui  contient  un^:  once  d'eau. 

Tome  J,  S 


274        Chymie  expérimentale 

La  difToliicion  de  ce  fel  dans  l'eau  ne  change 
point  la  teinture  du  tournefol  ni  celle  du  fyrop 
violât.  J'ai  répété  ces  expériences  fur  beaucoup 
de  félénites  artificielles  qui  ont  préfenté  les  mê- 
mes phénomènes.  En  augmentant  la  dofe  de 
l'acide  vitrioliqus  ,  je  procurois  à  l'eau  la  pro- 
priété d'en  dilloudre  davantage  ,  mais  toujours 
dans  la  même  proportion.  Les  cryftaux  cjui  en 

frovenoient ,  étoient  parhiitement  neutres ,  après 
imbibition  de  l'acide  dans  du  papier  gris. 
Il  réfultebien  évidemment  de  ces  expériences, 
que  les  félénites  calcaires  ne  peuvent  ie  combi" 
ner  avec  une  furabondance  d'acide  vitriolique  ; 
ce  qui  nous  conduit  à  établir  cette  loi  générale, 
c^n  aucun  fel  vitriolique  à  bafe  de  terre  calcaire 
ne  peut  admettre  dansfes  cryjiaux  aucune  furabon- 
dance d'acide  j  m  de  terre  calcaire.  Ces  fels  nç 
peuvent  être  que  parfaitement  neutres. 

Gypfe  avec  le  foufre. 

On  ne  connoît  point  ce  que  produiroit  le  mé- 
lange du  gypfe  &  du  foufre  ,  il  y  a  lieu  de  préfu- 
mer que  ,  par  la  calcination  ,  ce  mélange  fourni- 
roit  un  foie  de  fouhe  terreux.  J'ai  remarqué  que 
le  foufre  facilite  un  peu  la  fufion  du  gypfe.  Il  en 
réfulte  une  maffe  noire  &:  fpongieufe. 

Sur  l'Acide  nitreux. 

L'acide  nitreux  eft  toujours  fluor  ;  du  moins 
jufqu'à  préfent  on  n'eft  pas  encore  parvenu  à 
l'avoir  fous  une  forme  concrète  ,  comme  cela  eft 
pofîîble  pour  l'acide  vitriolique.  Lorfqu'il  eft 
pur  &  bien  concentré,  il  eft  d'une  couleur  rouge 
de  feu  :  il  exhale  continuellement  des  vapeurs 


ET       RAISONNE  E.  iyj 

rouges  qui  font  vilibles  dans  la  partie  vuide  des 
flacons ,  mèiiie  fans  le  concours  de  l'air. 

Sa  pefanteuu  fpccifique,  comparée  à  l'eau,  efl 
comme  douze  cl.  huit  j  c'eft-à-diie  qu'une  bou- 
teille qui  tient  huit  gros  d'eau  ,  contient  douze 
gros  de  cet  acide.  Par  des  moyens  dont  nous  par- 
lerons bientôt,  je  luis  parvenu  à  me  procurer  de 
cet  acide  qui  peloit  douze  gros  cinquante-quatre 
grains  dans  la  même  bouteille. 

L'acide  nitreux  a  une  faveur  aigre ,  violem- 
ment acide  ,  rongeante  &  corrodante  :  il  fait  fur 
la  peau  des  taches  jaunes ,  qui  fubhftent  quelque 
temps ,  &  que  l'eau  de  chaux  ou  les  matières  cal- 
caires développent,  5c  alfurent  davantage.  Il  fe- 
roit  dangereux  de  goûter  cet  acide  dans  l'état  de 
pureté  où  nous  le  fuppofons  ^  mais  lorfqu'il 
eft  affoiblipar  beaucoup  d'eau ,  on  peut  le  goûter 
fans  danger.  Dans  cet  ctat ,  il  laille  dans  la  bou- 
che une  faveur  froide  fade,  femblable  aux  rap- 
ports qu'on  a  après  avoir  mangé  des  raves. 

Lorfque  cet  acide  eft  affoibli  par  une  cértaiile 
quantité  d'eau,  il  porte  vulgairement  le  nom 
d'eau  forte. 

Il  rougit  les  couleurs  bleues  des  végétaux. 

Il  dilTout  tous  les  corps  qu'il  peut  attaquer 
avec  plus  d'adion  &  de  rapidité  que  ne  le  font  les 
autres  acides. 

u4cïde  nitreux  au  feu. 

L'acide  riitréUx  eft  infiniment  plus  volatil  que 
l'acide  vitriolique.  Lorfqu'il  eft  expofc  au  teu  dans 
des  vaiireaux  diftillatoires  ,  il  fe  réduit  en  vapeurs 
rouges,  très  expanfibles,très  élaftiques,&  très  diffii 
ciles  à  fe  condenler.  11  s'élève  tout  entier  dans  là 
diftillation  fans  le  reditîerou  fe  concentrer,  com- 
me cela  arrive  à  l'acide  vitriolique,  à  moins  qu'il 

Sij 


^jS  ChYMIE    EXPéaiMENTALE. 

n'aie  été  aftoibli  par  beaucoup  d'eau  ;  mais  il  en 
patfe  toujours  beaucoup  avec  l'eau  qui  diftille. 
Dans  ces  dirtillations,  il  ne  fouftre  aucune  alté- 
ration, ni  aucune  dccompofition.  11  y  a  des  cir- 
conftances  où  Ton  a  befoin  de  foumettre  l'acide 
nitreux  à  la  diftillation  ,  pour  le  dcbarrafler  des 
matières  étrangères  avec  lefquelles  il  peut  être 
uni.  L'appareil  ei\  le  même  que  celui  que  nous 
avons  décrit  pour  la  rectification  &  concentra- 
tion de  l'acide  vitrioJique  j  mais  il  eft  bon  de  pré- 
venir que  cette  opération  eft  infiniment  plus  la- 
borieule  ^ifir  plus  difficile,  parcequ'il  doit  pafl^er 
tout  entier  dans  la  diftillation  j  au  lieu  qu'on  fe 
difpenfe  de  faire  pafter  tout  l'acide  vitrioiique. 
L'acide  nitreux  palfe  tout  en  vapeurs  rouges  , 
très  élaftiques,  qui  mettent  les  vailfeaux  en  dan- 
ger de  crever ,  fi  l'on  n'apporte  pas  les  plus  gran- 
des précautions.  Dans  la  rectification  de  l'acide 
vitrioiique  ,  ce  qui  diftille  ,  eft  chargé  de  peu 
d'acide.  Il  n'en  eft  pas  de  mcme  de  l'acide  nitreux  : 
ce  qui  s'élève  dans  cette  diftillation ,  eft  tout 
auftî  concentré  que  ce  qui  refte  dans  la  cornue. 
Plus  l'acide  nitreux  eft  concentré  ,  plus  il  eft  vo- 
latil ôc  difpofé  à  fe  réduire  ainfi  en  vapeurs ,  qui 
font  en  même  temps  très  élaftiques. 

Acide  nitreux  expojé  à  l'air. 

L'acide  nitreux  concentré,  expofé  à  l'air,  s'é- 
lève &  fe  diftipe  en  grande  partie  en  vapeurs  rou- 
ges 5  mais  elles  deviennent  blanchâtres  ptefque 
aufù-tot,  lorfque  l'air  eft  chargé  de  beaucoup 
d'humidité  :  ce  qui  refte,  prend  l'humidité  de  lair, 
mais  moins  vite ,  &  dans  une  moindre  quantité 
que  l'acide  vitrioiique* 


ET      RAISONNE  E.  fj-f 

Acide  nïtrcux  mclc  avec  de  l'eau. 

On  msrdans  une  fiole  à  médecine  deux  onces 
d'acide  nitreux  bien  concentre  :  on  veiTe  par 
delfus  autant  d'eau.  Le  mélange  bouillonne  fur 
le  champ  d'une  force  confidérable,  &  il  fe  pro- 
duit quarante  degrés  de  chaleur.  Cette  chaleur 
efl:  moitié  moindre  que  celle  de  l'union  de  l'a- 
cide vitriolique  avec  l'eau  ;  mais  l'ébullition  eft 
beaucoup  plus  forte.  Aufli-tôt  que  l'eau  s'unit  à 
l'acide  nitreux,  il  s'élève  beaucoup  de  vapeurs 
rouges  :  le  mélange  prend  fur-le-champ  une  belle 
couleur  bleue  de  faphir.  Cette  couleur  fubfifte 
pendant  plufieurs  années  ,  lorfqu'on  a  employé  un 
peu  moins  d'eau  que  nous  ne  l'avons  dit ,  6c  que 
le  mèlanî^c  cft  confervé  dans  un  flacon  exactement 
bouché  avec  un  bouchon  de  cryftal.  Cette  couleur 
difparoît  au  bout  de  quelques  heures ,  loriqa'oii 
a  mis  danis  le  mélange  plus  d'eau  que  nous  n'eu 
avons  indiqué.  L'acide  cowÇqivq.  alors  une  cou- 
leur verte  ou  une  couleur  citrine ,  fuivant  les  pro- 
portions d'eau  que  l'on  a  employées  :  enfin  il  perd 
toute  couleur  ,  lorfqu'on  a  employé  une  plus 
grande  quantité  d'eau,  comme  deux  ou  trois  par- 
ties fur  une  d'acide. 

L'acide  nitreux ,  ainiî  aftoibli ,  ne  peur  plus  fe 
concentrer  par  la  fimple  diftillation  ,  comme  l'a- 
cide vitriolique.  Etant  plus  volatil ,  il  s'élève 
avec  l'eau  avec  laquelle  on  Ta  mclé.  11  faut  d'au- 
tres opérations  pour  le  remettre  dans  l'état  où  il 
étoit  :  nous  aurons  occafion  d'en  parler  plus  d'unp 
fois. 


i-yS        Chymie  expérimentale." 
u4eide  nitreux  mêlé  avec  de  la  glace. 

Dix  onces  de  glace  pilée  &  fix  onces  d'efprit  de 
nirie  fumanc  ont  produit  un  froid  de  22  degrés , 
la  température  du  lieu  à  5  degrés  au-deflus  du 
terme  de  la  congélation. 

Acide  nitreux  avec  les  terres  vitrifiahles. 

L'acide  nitreux  n'a  aucune  adion  fur  les  terres, 
vitrifiables  pures,  quelque diviféesqu elles foienc 
par  àcs  moyens  méchaniqucs.  Il  ne  peut ,  foit 
par  la  voie  feche  ,  foit  par  la  voie  humide ,  con- 
trarier aucune  union  de  compofîtion  avec  ces 
fortes  de  terres.  On  ne  connoît  non  plus  aucune 
combinaifonde  cette  efpece  formée  par  la  Nature. 
Ce  défaut  d'adion  de  l'acide  nitreux  fur  ces  terres 
vient  ,  comme  nous  l'avons  dit  en  parlant  de 
l'acide  vitriolique,  de  ce  que  les  terres  vitrifiables 
ne  contiennent  ni  eau  ni  air  ,  &:  que  la  matière 
inflammable  qui  leur  eft  combinée,  eft  en  tiop 
petite  quantité  &  trop  bien  unie  ,  pour  qu'elle 
puiflTe  être  attaquée  par  les  acides  ,  &  fervir  d'in- 
termède à  la  dilTolution  de  ces  fortes  de  terres. 

Acide  nitreux  avec  le  phlogijlique. 

L'acide  nitreux  paroît  n'avoir  que  très  peu  d'ac- 
tion fur  le  phlogiîlique  qui  eft  dans  l'état  char- 
bonneux fans  ignition.  Si  l'on  plonge  dans  de  l'a- 
cide nitreux  fumant  un  charbon  noir,  il  ne  fe  pro- 
duit aucun  effet. 

Je  ne  fais  fi  cet  acide,  diftilléfur  du  charbon  en 
poudre ,  le  décompoferoit ,  comme  je  l'ai  fait  avec 
de  l'acide  vitriolique.  Si  l'on  faifoit  cette  expé- 
rience 5  ilferoit  à  propos  de  fe  mettre  en  garde,, 


IT       RAISONNÉ  E.  ±75 

paicequ'il  pourroit  arriver  inflammation  Se  explo- 
fion  j  on  ignore  du  moins  ce  qui  pourroit  en  ré- 
fulter. 

Mais  en  revanche  l'acide  nitreux  a  une  grande 
aâ:ioa  fur  le  phlogiftique  dans  le  mouvement 
is;nc,  fur  certaines  matières  huilcufes  ,  &  fur  le 
pnlogillique  des  matières  métalliques.  11  s'unit  a 
ces  fubftances  avec  une  impctuofité  conddérable. 

Si  l'on  plonge  dans  de  l'acide  nitreux  himant  ôc 
bien  concentré  un  charbon  ardent ,  il  s'excite  aufli- 
tôt  une  inflammation  des  plus  vives  avec  déton- 
nation.  La  furface  du  charbon  eft  lumineufe  , 
comme  fi  elle  étoit  foufllée  continuellement  avec 
un  foufllet.  Le  charbon  brûle  avec  l'acide  nitreux 
qui  s'applique  à  la  furface ,  au  lieu  de  s'éteindre , 
comme  cela  arrive  avec  l'acide  virriolique.  Il  fe 
produit  un  foufre  nitreux  compofcdecet  acide  de 
du  phlogiftiquequi  eft:  de  la  plus  grande  combuf- 
tibilité. 

La  plupart  des  Chymiftes  attribuent  cette  in- 
flammation à  du  nitre  qui  le  torme  de  l'alkali  de 
la  cendre  du  charbon  avec  l'acide  nitreux  ;  mais 
cette  inflammation  eft:  trop  vive,  trop  rapide,  pour 
l'attribuer  à  cette  caufe  toute  feule  :  d'ailleurs , 
comme  le  charbon  ne  briile  qu'à  fa  furface  ,  de 
qu'il  ccfle  de  détonner  aufli-tôtqu'on  l'enlevé  àcet 
acide  ,  &  comme  on  ne  retrouve  point  de  nitre 
dans  l'acide  nitreux  reftant  ,  on  eft  en  droit  de 
conclure  que  tout  le  fracas  que  l'acide  nitreux 

froduit  dans  cette  expérience,  vient,  comme  je 
ai  dit ,  du  foufre  nitreux.  Ce  foufre  fe  forme  , 
s'enflamme  ôc  continue  de  fe  former  &  de  s'en- 
flammer ,  tant  que  le  charbon  eft:  dans  l'ignition, 
&  qu'il  refte  plongé  dans  cet  acide. 


Siv 


îSo        Chymie  expérimentale 

Açïdc  n'urcux  avec  les  matières  combujîihks  dam 
l'état  naturel. 

L'acide  nirreux  a  une  adbioii  fingulieie  Tariez 
matières  vc^écales  &  animales  :  il  les  détruit  a  une 
manière  très  prompte  &c  plus  efticacemenr  que  ne 
le  fait  l'acide  virriolique.  Il  s'empare,  pour  ainii 
dire,  de  la  totalité  de  leur  fubftance  inflamma- 
ble, fans  les  faire  paiTer  fucceffivement  de  l'état 
où  elles  font ,  à  celui  de  charbon  ,  comme  le  fait 
ï'acide  vitriolique ,  parcequ'il  les  attaque  &  les 
diflout  dans  leur  entier.  L'acide  vitriolique  au 
contraire  s'empare  d'abord  de  leur  eau  principe , 
&  déqageleur  air.  La  matière  inflammable  paroîc 
alors  fous  la  forme  d'une  fubftance  charbonneufe. 
L'acide  nitreux  porte  ^on  aélion  en  même  temps 
fur  tousL  leS'  principes  conftituants  des  matières 
combuftibles  \  ce  qui  prouve  que  {on  affinité  avec 
la  terre  du  corps  organifé   eft  prefque  .égale  à 

•calle  qu'il  a.  avec  la  matière  inflammablq  dans 
l'état  huileux.  •  : 

-  Nous  allons  voir  dans  l'expérience  fuivante^ 
que  l'adion  de  l'acide  nirreux  eft  encore  plus 
marquée  lorfqu'il  agit  immédiatement  fur  la  map 
tiere  huileufe  dans  l'état  de  pureté, 

.  uâcidc  nitreux  avec  une  .huile^ 
Inflartimjrtion  de  cette  huile. 

On"  met^dans  .ime  capfulc  de  verre  environ 
quatre  gros  d'atîide  nitreux  fumant  :  on  verfe  par 
d'jffus,  à  l'aide  d'une  cuiller  à  long  manche  -, 
environ  autant,  &  même  un  peu  moins  d'huile 
de  lin.  H  fe  fait' au0i- tôt -itne  efFervefcence  très 
vive  ,  &  le  mélange  s'enflamme  :  l'huile  briilQ 
çiKiéi'ement  :  il  refte  une  matière  charbonneuXe^ 


ET      R  A  I  S   O  N  N  F.  E.  lît 

Toutes  les  huiles  ne  s'enflamment  pas  de  mcme 
avec  l'acide  nitreux  :  nous  en  dirons  les  raifons 
dans  une  autre  occafion  ,  ainfi  que  des  phéno- 
mènes que  piéfente  cet  acide  avec  les  différentes 
huiles  :  nous  ferons  feulement  ,  quant  à  prc- 
fent ,  quelques  réflexions  fur  cette  inflamma- 
tion. 

Le  phénomène  dont  nous  venons  de  faire 
mention  eft  connu  depuis  long-temps  des  Chy- 
mirtes  ôc  des  Phyhciens ,  &  on  l'a  expliqué  de 
différentes  manières.  On  doit  l'attribuer  au  frot- 
tement qui  s'excite  entre  les  parties  de  l'acide  ni- 
treux ,  ^  de  celles  de  l'huile  qui  s'uniflent  &  fe 
combinent.  De  cette  union  ,  il  réfulte  une  forte 
de  fouire  que  l'on  nomme  foufre  nitreux  ,  «Se  c]ui 
eft  de  la  plus  grande  combuftibilité.  La  chaleur 
qui  fe  produit  dans  le  mélange  eft  fuffifante  pouc 
l'enflammer  &  pour  mettre.le  feu  à  l'huile. 

Obfervations  fur  l'Acide  nitreux. 

Nous  avons  vu  que  le  mélange  de  l'acide  vî- 
triolique  ôc  de  l'huile  de  lin  ne  s'eft  point  en- 
flammé :  ce  n'eft  pas  parceque  la  chaleur  eft 
•moins  forte  que  dans  le  mélange  de  l'acide  ni- 
treux &:  de  cette  même  huile  ;  c'eft  que  l'acide 
vitriolique  n'eft  pas  inflammable  ,  6c  que  l'ef- 
pece  de  foufre  qui  refaite  de  l'union  de  l'acide 
vitriolique  6:  du  phlogiftique  ,  eft  moins  com- 
buftible  que  le  foufre  nitretix  :  la  chaleur  qui  fe 
produit  eft  incapable  de  l'enflampier^  ^i^Jl'on 
plongeoir  un  thermomètre  dans  le  mclange  de 
l'acide  vitriolique  &  de  l'huile  ,  on  obferveroit 
;qu'il  fe  produit  plus  de  chaleur  qu'il  ne,  s'en  pro- 
duit pendant  l'effcrvefcence  qui  précède  l'inflam- 
lîiation   du  mélange  de  l'acide  nitreuk  èc  dâ 


iSi  Chymie  expérimentale 
l'huile  'y  mais  cette  chaleur  ,  quoique  plus  foible 
dans  ce  dernier  mclange  ,  eft  lulVilante  pour  en- 
flammer le  foufre  nitreux  qui  Ce  forme  :  ainfi , 
c'efl:  moins  à  la  chaleur  qui  fe  produit,  qu'efl:  due 
l'inflammation  ,  qu'à  la  combuftibilité  de  ce  fou- 
fre nitreux,  qui  peut  s'enflammer  à  une  chaleur 
aflez  modérée. 

L'odeur ,  la  couleur  rouge  ardente  de  l'acide 
nitreux ,  &  la  couleur  bleue  qu'il  prend  lorf- 
<^u'on  le  mêle  avec  de  l'eau  ,  font  autant  d'indi- 
ces que  cet  acide  contient  une  très  grande  quan- 
tité de  phlogiftique  ,  ôc  qu'il  en  eft  mcme  faturé. 
Nous  verrons  dans  quelques  expériences  qu'il 
peut  s'en  fuperfaturer ,  &  fe  manifefter  fous  la 
forme  d'une  liqueur  qui  nage  a  fa  furface  comme 
une  huile  nage  à  la  furface  de  l'eau.  C'eft  à  cette 
quantité  de  phlogiftique,  contenu  dans  l'acide  ni- 
treux, qu'on  doit  attribuer  tous  les  effets  que  nous, 
venons  de  lui  reconnoître  fur  les  matières  in- 
flammables ;  ce  qui  eft  caufe  qu'il  eft  lui-même 
inflammable  dans  toute  fa  fubftance. 

Lorfqu'on  mêle  l'acide  vitriolique  aux  huiles  „ 
il  fouffre  une  forte  de  décompciition.  L'acide  qui 
fe  fépare  immédiatement  après  l'efFervefcence, 
eft  beaucoup  moins  concentré  qu'il  ne  l'étoit.  La 
matière  falme  acide  s'unit  à  l'huile ,  &  fe  fépare 
de  fon  eau  furabondante.  Il  n'en  eft  pas  de  même 
de  l'acide  nitreux  :  il  s'unit  dans  toute  fa  fubftance 
fans  fubir  la  même  efpece  de  féparation  :  lors- 
qu'il refte  même  de  l'acide  nitreux  après  l'inflam- 
mation de  l'huile  ,  il  eft  tout  aufli  concentré 
que  lorfqu'on  l'a  employé  ;  du  moins  il  n'y  a  pas 
la  même  différence  que  celle  qu'on  remarque  à 
l'acide  vitriolique  qui  fe  fépare  de  l'huile  après; 
que  l'efFervefcence  eft  palTée. 

Jufqû'ici  on  comprend  facilement  la  caufe  de 


r.T      RAISONNES.  i$^ 

rinflammation  de  l'huile  à  la  faveur  du  foufre  ni- 
treuxqui  fe  produit  pendant  refFervefccnce  ;  mais 
il  eft  difficile  de  concevoir  cette  eftervefcence 
elle-même  ,  qui  elT:  le  figne  de  lacombinaifon  Se 
la  caufe  de  Tmllammacion.  Comme  tous  les  effets 
de  cet  acide  fur  les  matières  combuftibles  font 
abfolument  femblables  à  ceux  du  feu,  je  penfe 
qu'on  doit  les  attribuer  au  feu  pur  ou  prefque 
pur,  qui  fait  le  fond  de  cet  acide.  L'acide  ni- 
treux  ,  félon  moi ,  contient  plus  de  feu  légère- 
ment bridé  par  les  autres  éléments,  que  l'acide 
vitriolique  ^  &  c'eft  à  fa  dofe  &:  à  l'état  fous  le- 
quel il  fe  trouve  retenu  ,  qu'on  doit  attribuer  fa, 
grande  action  fur  les  matières  qui  contiennent 
quelque  fubftance  inHammnblc.  Tout  ce  que 
nous  avons  dit  à  ce  fujet,  en  parlant  de  l'acide 
vitriolique ,  eft  applicable  à  l'acide  nitreux  :  ainli 
nous  n'en  dirons  rien  de  plus. 

Dans  les  opérations  ordinaires  de  la  Cîiymie  , 
on  ne  fe  fert  point  d'acide  nitreux  fumant  , 
comme  celui  dont  nous  venons  depailer  :  on  em- 
ploie communément  de  l'acide  nitreux  plus  foi- 
ble.  C'eft  de  ce  dernier  dont  nous  ferons  ufage  , 
à  moins  que  dans  le  cours  des  opérations  nous 
n'ayons  befoin  du  premier  j  dans  ce  cas,  nous  en 
préviendrons. 

Acide  nitreux  avec  les  terres  calcaires. 

L'acide  nitreux  diffout  toutes  les  pierres  Se 
terres  calcaires  avec  beaucoup  de  facilité  ,  &  in- 
finiment mieux  qup  ne  le  fait  l'acide  vitriolique. 
Ces  dindutions  le  font  avec  beaucoup  de  cha- 
leur &:  d'eftervefcence.  L'acide  fe  fature  de  ces 
terres  fans  le  fecours  d'aucune  chaleur  :  il  forme 
avec  elles  c[qs  fels  neutres  qui  fe  cryftallifcnt  ditîi- 


Î.S4  ChYMIE    E  XPÉRIMENTALE 

cikmenr,  ôc  qui  attirent  puilTamment  riiumï-' 
dite  de  l'air.  On  nonnne  ces  fels  nicre  à  baje 
terreufe. 

On  met  dans  un  matras,  ou  dans  une  cucur- 
bite  de  verre ,  des  morceaux  de  marbre  blanc. 
On  verfe  par-delfus  environ  le  double  de  fon 
poids  d'acide  nitreux  ordinaire.  La  diirolurion  fe 
fait  avec  beaucoup  d'effervefcence.  Lorfque  l'a- 
cide eft  parfaitement  faturé,  on  filtre  la  liqueur 
an  travers  d'un  papier  gris  ,  &  on  la  garde  dans 
une  bouteille. 

R  E  M  A  R  (^   u  E  s. 

1,,  J'ai  fait  dilToudre  dans  de  l'acide  nitreux  beau- 
coup de  différentes  efpeces  de  terres  calcaires, 
chacune  féparément  j  telles  que  des  ftaladites 
d'Arçueil ,  du  moellon  ,  delà  craie  de  Champa- 
gne ,  différentes  efpeces  de  fp.aths  calcaires  ,  des 
coquilles  d'œufs  ,  des  coquilles  d'huîtres  ,  de  la 
chaux,  des  pellicules  de  chaux  ,  &c.  Toutes  ces 
fubftances  prcféntent  les  mêmes  phénomènes 
pendant  leur  dilTolution. 

L'acide  nitreux  diffout  mieux  toutes  ces  fub- 
ftances ,,  que  l'acide  vitriolique.  11  les  dilfouc 
même  à  froid  fans  lailTer  aucune  réfidence ,  lorf- 
que ces  pierres  font  pures.  Lorfque  cet  acide  ap- 
proche de  fa  faturation  ,  il  dépofe ,  fous  la  forme 
d'ochre  ,  la  portion  de  fer  contenue  dans  ces 
terres ,  dont  les  plus  pures  ne  font  pas  exemptes. 
Ce  précipité  ferrugineux  s'applique  fur  la  terre 
qui  cft  furabond.ante  à  la  faturation  de  cet  acide. 
Si  ce  font  des.  morceaux  de  marbre  blanc  que  l'on 
a  employés,  on  remarque  qu'ils  font  creufés  par 
endroits  j  les  parties  les  plus  tendres  font  atta- 
quées les  premières.  On  obferve  mieux  ces  inu- 
niformités  des  pierres ,  lorfque  l'acide  eft  prci 


ET       R  A  I   3   O  N  N  É   E.  ig^ 

d*ètre  faturc  :  il  cefle  d'entamer  les  parties  <lii- 
res.  J'ai  fait  la  mcme  obfervation  fur  la  plupart 
des  autres  pierres  calcaires. 

Les  pierres  calcaires  qui  contiennent  du  fer  , 
comme  le  moellon  d'Arcueil,  forment  une  dif- 
folutionde  couleur  ambrée  j  mais  en  employant 
plus  de  terre  calcaire  qu'il  n'en  faut  pour  faturer 
l'acide  ,  le  fer  fe  précipite  ,  6c  la  dilîolution  de- 
vient claire  &  fans  couleur. 

Les  coquilles  d'oeufs  contiennent  ,  comme 
nous  l'avons  déjà  dit,  un  parenchyme  mucilagi- 
lîcux  qui  donne  de  la  foliditc  à  la  coquille.  Cette 
fubftance  occafionne  un  gonflement  prodigieux 
pendant  que  la  terre  calcaire  fe  diiïout.  Le  mé- 
lange fe  réduit  en  écume  remplie  de  beaucoup 
de  bulles  d'air  qui  taifoient  partie  de  la  coquille. 
Pour  faire  cette  dilTolution  commodément ,  il 
faut  employer  un  grand  vailfeau,  ôc  ne  mettre  les 
coquilles  qu'à  mefure  qu'elles  font  dilfoutes. 
Cette  dilfolution  bien  faturée  eft  d'une  légère 
couleur  d'aiguë  marine. 

Douze  onces  d'eau  de  chaux  ont  Jfaturé  com- 
plettement  un  gros  d'acide  nitreux  (i).  Il  ne  s'eft 
tait  aucune  eftervelcence  fendble.  La  liqueur 
étoit  claire  ,  fans  couleur  ,  prefque  fans  faveur  : 
elle  avoir  feulement  celle  d'une  eau  toiblement 
nitrée.  Dans  l'efpace  de  qumze  jours ,  elle  a 
formé  un  dépôt  léger  femblable  au  duvet  qui 
s'amalTe  fous  les  meubles  dans  les  appartements. 

Toutes  ces  dilTolutions  de  terres  calcaires , 
faites  par  l'acide  nitreux,  ont  une  faveur  amere^ 
très  piquante  &  nitreufe. 

Aucune  de  ces  dilfolutions  ne  change  les  cou- 

I— ■■  ■       ■        ■  II.»    ■        ■  .1..  ■■■ .     I   .         ,..—  -,■      I       ,m 

(  I  )  Cet  acide  pefc  dix  gros  dans  une  bouccillccjui  ticnif 
huit  gros  d*cau. 


iS<3        Chymie  expérimentale 

leurs  bleues  du  fyiop  violât ,  ôc  de  la  teinture  dé 
tournefol. 

Aucune  des  terres  calcaires  ,  dilToute  dans  l'a- 
cide nitreux  ,  n'eft  précipitée  par  une  autre  terre 
calcaire  :  cependant  j'ai  remarque  que  le  moellon 
d'Arcueil ,  dans  l'eipace  de  quinze  jours ,  avoit 
fait  précipiter  un  peu  de  marbre  blanc  ^  ce  qui 
n'eft  point  arrivé  aux  autres  diiroluiions ,  même 
dans  l'efpace  de  deux  années. 

L'eau  de  chaux  ne  précipite  rien  de  la  plupart 
de  ces  dififolutions  :  cependant  elle  les  troubla  un 
peu ,  mais  bien  légèrement.  La  diirolution  de 
moellon  d'Arcueil  produit  ,  avec  de  l'eau  de 
chaux ,  un  précipité  plus  fenlible.  Ce  précipité 
eft  une  petite  quantité  de  terre  virrihable  très  di- 
vifée  ,  qui  eft  mêlée  dans  cette  efpece  de  pierre. 

Mais  l'eau  de  chaux  occafionne ,  par  le  féjour  ^ 
deux  fortes  de  précipités  à  la  dilîolution  de  fpath 
calcaire  :  ils  font  peu  abondants  :  l'un  eft  jaunâtre 
&  ferrugineux  j  l'autre  eft  en  petits  cryftaux 
plats ,  comme  ceux  du  fel  fédatif  fublimé ,  auiîi 
blancs  &  aufli  argentins. 

L'eau  de  chaux  précipite  fur  le  chanip  de  la 
dilïolution  des  coquilles  d'œufs ,  beaucoup  de 
cryftaux  femblables  aux  précédents  :  ces  cryftaux, 
examinés  enfuite  ,  fe  font  trouvés  être  une  terre 
femblable  à  celle  de  l'alun. 

L'acide  vitriolique  concentré ,  verfé  dans  tou- 
tes ces  cliftolutions ,  s'empare  de  la  terre,  &  forme 
avec  elle  une  félénite  calcaire  qui  fe  précipite  , 
parcequ'elle  ne  peut  fe  tenir  en  dilfolution  dans 
la  même  quantité  d'eau ,  comme  le  nitre  à  bafe  ter- 
reufe.  La  même  chofe  arrive  avec  l'acide  vitrio- 
lique afFoibli  j  mais  l'effet  n'eft  pas  aufli  fenfible^ 
parceque  le  précipité  fe  dilfout  à  mefure  en  grande 
partie. 


IT       RAISONNÉ    E.  187 

CryJlaUïfdtïon  des  nUres  à  bafe  de  terres  calcaires. 

On  prend  la  quantité  que  l'on  veut  de  dilTo- 
lution  de  terre  calcaire  ,  faite  par  l'acide  nitreux  : 
on.  la  met  dans  une  capfule  de  verre  :  on  la  place 
fur  un  bain  de  fable  :  on  fait  évaporer  la  liqueur, 
jufqu'à  ce  qu'elle  foit  réduite  en  condftance  de 
fyrop  ,  ou  bien  jufqu'à  ce  qu'elle  fc  fige  par  le 
froid  ,  en  en  prenant  une  goutte  au  bout  d'une 
fpatule  d'ivoire  :  alors  on  ceflTe  le  feu  :  on  lailTe 
le  vailleau  fur  le  fible.  La  liqueur,  en  refroidif- 
fant ,  fe  convertit  en  une  feule  mafle  tranfpa- 
rente  cryftalline  :  c'efl:  le  nitre  à  bafe  terreufe, 

R   E    M    A    R    q    U    E    s. 

Toutes  les  diflolutions  de  terres  calcaires ,  fai- 
tes par  l'acide  nitreux ,  fournilfent  un  femblable 
Ici ,  qui  fe  congelé  en  malfe,  dans  laquelle  on 
diftingue  des  figures  régulières  :  ce  n'efl:  pas  un 
fimple  figement ,  comme  une  graifle  qui  fe  re- 
froidit. Si  l'on  fait  cette  expérience  un  peu  en 
grand,  qu'on  fafîe  moins  évaporer  la  liqueur ,  &c 
qu'on  la  mette  refroidir  dans  une  bouteille  ,  on 
obtient  des  cryftaux  mieux  formés  :  ils  font  re- 
couverts par  de  la  liqueur  qui  n'eft  point  cryftal- 
lifée  ;  mais  ces  cryftaux  font  toujours  en  maffe,  &c 
entafîcs  contufément  les  uns  fur  les  autres. 

L'acide  nitreux ,  quoique  diirolvant  facile- 
ment les  terres  calcaires  ,  tient  cependant  moins 
fort  A  ces  terres  ,  que  l'acide  vitriolique  :  il  a  aulli 
moins  d  afîinité  avec  elles,  que  l'acide  vitriolique  : 
c'eft  ce  que  nous  avons  vu  par  la  propriété  qu'a  ce 
dernier  .acide  de  décompofer  le  nitre  à  bafe  ter- 
reufe.  Nous  avons  dit  que  les  félénites ,  expofées  à 


2Îl8  ChyMÎE    ÉX  pÉ  RIMENTAtÊ 

l'aftion  du  feu ,  ne  perdoient  rien  de  leur  acide  ; 
il  n'en  eft  pas  de  même  des  nitres  à  bafe  terreufe* 
Si  l'on  expofe  ces  fels  à  l'adlion  du  feu  dans  des 
vaiireaux  clos  ,  on  en  fcpare  une  partie  de  l'acide 
qui  s'élève  en  vapeurs  rouges  :  il  en  cefte  ncan- 
inoins  une  bonne  partie  qui  ne  quitte  point  la 
terre  calcaire  ,  quelque  violent  que  foit  le  feu  : 
fi ,  au  con-craire ,  on  le  fait  chauffer  dans  un  creu- 
fet ,  comme  ce  fel  fe  trouve  avoir  une  communi- 
c;ition  libre  avec  l'air  ,  l'acide  nitreux  fe  diflipe 
en  entier ,  ôc  il  refte  la  terre  calcaire  qui  s'eft  con- 
vertie en  chaux  vive  ,  fuivant  le  degré  de  feu 
qu'on  a  adminiftré. 

I.e  nirre  à  bafe  tcrreufe  fe  liquéfie  à  une  cha- 
leur modérée,  &  fe  fige  par  le  refroidilTement. 
Cette  propriété  lui  vient  de  ce  qu'il  entre  dans  fa 
compolition  beaucoup  d'eau  &:  de  feu  combinés 
dans  un  certain  état  :  lorfque  ce  fel  eft  liquéfié  , 
il  on  le  coule  dans  de  l'eau  froide  ,  il  durcit  fur- 
ie-champ, comme  fait  le  fucre  cuit  à  la  plume  , 
auquel  on  fait  fubir  la  mcme  opération. 

Ce  fel  eft  très  déliquefcent ,  c'eft-à-dire  qu'il 
fe  charge  promptement  de  l'humidité  de  l'air ,  ÔC 
fe  réfout  même  en  liqueur  :  de  là  vient  qu'il  ne 
peut  fe  cryftallifer  que  par  le  refroidi  dément ,  ôc 
non  par  l'évaporation  ,  comme  les  fels  vitrioli- 
ques  à  bafe  terreufe.  J'attribue  cet  effet  a  ce  qu'il 
entre  dans  la  compofition  de  l'acide  nitreux  une 
très  grande  quantité  de  phlogiftique  qui  empêche 
cet  acide  de  le  conibiner  avec  ces  terres  auili  inti- 
mement que  le  fait  l'acide  vitriolique  ,  &  encore 
à  ce  que  le  feu  prefque  pur  dont  il  abonde  ,  ne 
quitte  point  cette  combinaifon.  C'efb  à  cette  fé- 
conde propriété  qu'eft  due  la  faveur  forte  6c  pi- 
quante de  ces  fels. 

Le  ï\itïQ  à  bafe  terreufe  ne  peut  admettre  dans 

fa 


ET      RAISONNES.  i8^ 

Ù.  conibinaifon  ,  ni  une  furabondance  d'acide  , 
ni  une  furabondance  de  terre.  Pour  le  peu  qu'on 
le  fafTe  chauffer  ,  il  fe  dillipe  quelque  portion  de 
Çon  acide  :  on  fépare  aulli-tot ,  par  dinTolution  &c 
filtration ,  une  quantité  de  terre  dans  la  même 
proportion.  11  en  eft  de  même  par  rapport  à  l'a- 
cide. J'ai  examiné  des  cryftaux  de  nitre  à  bafe 
terreufe ,  provenant  d'une  dilfolution  non  faturée 
de  terre  calcaire  ^  les  cryftaux  égouttés  fur  du  pa- 
pier gris,  dans  des  vailfeaux  clos ,  fe  font  trouvés 
parfiitement  neutres. 

Le  nitre  à  bafe  terreufe  bouillonne  fur  les  char- 
bons ardents ,  fe  liquéfie ,  éteint  le  feu ,  Se  laifTe 
difliper  une  partie  de  fon  acide  :  ce  qui  refte  , 
lorfqu'il  eft  bien  fec  ,  tranfporté  fur  un  charbon 
ardent,  détonne  comme  le  nitre  ordinaire,  mais 
plus  foibleraent,  parceque  fa  bafe  calcaire  n'eft 
point  fufible  :  elle  empêche  que  l'acide  nitreux 
n'ait  un  contad  avec  le  phlogiftique  ,  comme 
nous  le  dirons  à  l'article  du  nitre  fixé  par  les  char- 
bons. 

Nitre  à  bafe  terreufe  avec  de  la  glace. 

On  ne  connoît  point  les  effets  du  nitre  à  bafe 
terreufe  avec  de  la  glace.  11  eft  à  préfumer  qu'il 
produiroit  beaucoup  de  froid. 

Acide  nitreux  &  Acide  vitrioUque. 

Si  l'on  met  dans  de  l'acide  nitreux  bien  fumant , 
un  peu  d'acide  vitrioUque  concentré  ,  l'acide  ni- 
treux perd  auflî-tôt  beaucoup  de  fa  couleur  j  &; 
les  vapeurs  qu'il  exhale ,  font  prefque  blanches , 
de  rouges  qu'elles  étoient.  Cet  acide  mixte  en- 
flamme mieux  les  huiles,  que  l'acide  nitreux  pur  : 
on  ne  connoît  point  les  autres  propriétés  de  ce 
mélange. 

Tome  L  T 


ipO  ChYMIE    ÎXpéRtMENtAlE 

L'acide  nirreux  a  la  propriété  d'enlever  8c  de 
détruire  promptement  les  matières  inflammables 
qui  colorent  l'acide  vitriolique. 

On  met  dans  un  matras  une  livre  d'acide  vi- 
triolique noirci  par  des  matières  inflammables  : 
on  verfe  par-deflTus  un  gros  d'acide  nitreux  ,  ou 
davantage,  fuivant  que  l'acide  vitriolique  eft  co- 
loré :  on  place  le  vaifleau  fur  un  bain  de  fable  ; 
on  le  fait  digérer  jufqu'à  ce  que  l'acide  n'ait  plus 
de  couleur,  &c  qu'il  devienne  parfaitement  blanc. 
L'acide  nitreux  agit  de  même  à  froid  fur  les  ma- 
tieres  inflammables  qui  font  mêlées  avec  l'acide 
vitriolique ,  mais  plus  lentement.  Pendant  la  di- 
geftion  ,  l'acide  nitreux  s'évapore  en  partie  j  mais 
il  en  refte  toujours  de  mclé  avec  l'acide  vitrioli- 
que :  on  ne  peut  plus  le  féparer  complettement , 
même  par  la  diftillation  ,  à  caufe  de  l'adhérence 
mutuelle  de  ces  deux  acides.  Au  refiie ,  cet  acide 
vitriolique  peut  fervir  dans  nombre  d'occafions 
où  un  peu  d'acide  nitreux  ne  peut  pas  nuire  aux 
opérations. 

Acide  nitreux  &  Soufre. 

On  ne  connoît  point  le  mélange  que  ces  deux 
fubftances  peuvent  faire  ,  ou  plutôt  la  combi- 
naifon  qui  réfulteroit  d'un  femblable  mélange. 

Décompojitïon  du  Foie   de  Soufre  terreux  par 
l'acide  nitreux. 

L'acide  nitreux  décompofe  le  foie  de  foufre 
terreux  :  il  s'unit  aux  matériaux  de  la  chaux  ,  & 
fait  précipiter  le  foufre. 

On  met  dans  un  verre  du  foie  de  foufre  ter- 
reux :  on  verfe  par-deflus  de  l'acide  nitreux  :  il  fe 
fait  un  précipité  :  on  filtre  la  liquçur  :  le  foufre 


ÏT      RAISONNÉ  E.'  îc,i 

refte  fur  le  filtre  :  on  paflTe  beaucoup  d'eau  bouil- 
lance  pour  le  bien  laver  ,  &  on  le  fait  lécher  :  on 
trouve  que  ce  foufre  efl:  celui  que  tcnoit  l'eau  de 
chaux  en  difFolution. 

Acide  n'ureux  &  Gypfe. 

L'acide  nitreux  diflout  très  bien  le  fjvpfe  Se  les 
clcnites  calcaires ,  mais  fans  contracter  d'union 
avec  ces  fubftances. 

Huit  onces  d'eau  chargée  d'un  gros  d'acide  ni- 
treux ,  dilfolvent,  à  l'aide  de  la  chaleur,  vin^r-qua- 
tre  grains  de  gypfe  avec  cffjrvefcence  ,  fans  riou- 
bler  la  tranfparence  de  l'eau  :  l'eau  en  eft  parfai- 
tement faturée. 

Huit  onces  d'eau  chargée  de  deux  gros  du 
nlcme  acide  ,  dilTolvcnt  quarante-huit  grains  de 

L'albâtre  s'efl:  comporté  de  même  ,  &:  il  s'effc 
dillous  dans  les  mêmes  proportions. 

J'ai  mis  ces  liqueurs  dans  des  vafes  convena- 
bles à  la  cryftallilation  :  elles  ont  fourni  ,  par  le 
refroididement,  beaucoup  de  cryftaux  nets ,  bril- 
lants ,  tranfparents ,  difpofcs  en  aiguilles  aflez 
grofles ,  qui  avoient  trois  lignes  de  longueur  : 

r      r  I  11'- 

ces  cryftaux  fe  font  trouve  être  de  la  félénite 
parfaitement  neutre.  Après  l'avoir  égouttée  fur 
du  papier  gris  ,  elle  n'altéroit  aucunement  la 
teinture  de  tournefol ,  &  ne  contenoit  point 
d'acide  nitreux. 

Sur  V Acide  marin  que  l'on  nomme  aujji  Acide 
du  fel  commun. 

11  en  eft  de  l'acide  marin  comme  des  deux  au- 
tres dont  nous  avons  commencé  a  reconnoître 
les  propriétés  :  il  eft  également  difpofé  à  fe  cûm- 

Tij 


î^l  ChTMIE    EXpiaiMENTALS 

biner  avec  les  corps  qu'il  rencontre  j  ce  qui  efi: 
caufe  qu'on  ne  le  rencontie  jamais  pur  dans  la 
Nacure.  Nous  dirons,  parla  fuite  ,  la  manière  de 
le  féparer  des  diftérenres  combinaifons  dans  lef- 
quelles  il  fe  trouve  :  nous  allons  reconnoître  les 
proprictés  de  l'acide  marin  pur  Se  dégagé  de  tou- 
tes bafes. 

L'acide  marin  eft  toujours  fluor  :  il  paroît  mcme 
avoir  plus  d'affinité  avec  le  principe  aqueux  ,  que 
les  précédents.  Il  feroit ,  par  cette  raifon  ,  plus 
ilimcile  de  l'obtenir  fous  une  forme  concrète. 

11  a  ordinairement  uns  couleur  jaune  citrine  : 
on  ne  fait  pas  encore  fi  cette  couleur  lui  eft  inhé- 
rente ,  comme  la  couleur  rouge  l'eft  à  l'acide  ni- 
rreux.  Nous  verrons  dans  plusieurs  expériences  , 
que  l'acide  marin  perd  fa  couleur  bien  facile- 
ment ,  fans  ceiTer  d'être  concentré. 

L'acide  marin  a  une  odeur  qui  lui  eft  particu- 
lière :  elle  tire  un  peu  fur  celle  du  fafran. 

Il  exhale  des  vapeurs  blanches ,  mais  qui  ne 
font  vifibles  qu'avec  le  concours  de  l'air  :  elles 
excitent  une  fenfation  de  chaleur  j  elles  ne  font 
cependant  point  chaudes.  La  chaleur  qu'elles 
produifent ,  vient  de  l'adion  qu'elles  ont  fur  la 
peau  ,  &  de  la  corrofion  qu'elles  y  occafionnent. 
Ces  vapeurs  font  plus  corroUves  que  celles  de 
l'acide  nitreux.  L'acide  marin  a  une  faveur  vio- 
lemment aigre ,  acide ,  fans  arriere-goût. 

La  pefanteur  fpécifique  de  cet  acide  le  plus 
concentré  qu'il  foit  poflîble  d'avoir ,  eft  comme 
dix-neuf  à  feize,  c'eft-à-dire  qu'une  bouteille  qui 
contient  feize  gros  d'eau,  contient  dix-neuf  gros 
de  cet  acide  :  il  eft ,  par  conféquent ,  moins  pe- 
faut  &c  moins  concentré  que  les  deux  autres  acides 
minéraux. 

Il  rougit  fur-le  champ  les  couleurs  bleues  des 


T.  r      RAISONNES.  l^jj 

végétaux ,  fans  détruire  les  couleurs  comme  le 
font  l'acide  vitriolique  fulfureux  &  l'acide  nU 
treux. 

Acide  marin  au  feu. 

L'acide  marin  eft  le  plus  volatil  des  acides  mi- 
néraux ,  lorfqu'il  eft  bien  concentré  de  bien  fu- 
mant. Si  on  le  foumet  à  la  diltillation  ,  il  fe  ré- 
duit en  vapeurs  très  expanfibles  ôc  très  difficiles  a 
fe  condenfer  :  il  palfe  en  entier,  fans  fouftrir  au- 
/cune  altération  ni  dccompofition  ,  &z  ne  fe  coa-' 
centre  point ,  tant  qu'il  eft  feul. 

Acide  marin  à  l'air. 

Cet  acide  fe  charge  de  l'humidité  de  l'air,  mais; 
inoins  que  les  autres  acides  minéraux,  parcequ'il 
eft  infiniment  plus  aqueux  :  on  ne  peut  le  concen- 
trer plus  que  nous  ne  l'avons  dit  j  d'où  l'on  peut 
conclure  qu'il  a  avec  l'eau  plus  d'affinité  que  les 
acides  vitriolique  &  nitreux. 

Acide  marin  avec  de  l'eau. 

Il  eft  a  préfumer  que  fi  l'on  mêle  de  l'acide  ma- 
rin bien  concentré  &  bien  fumant  avec  de  l'eau  , 
on  produira  de  la  chaleur  :  cette  expérience  n'a 
point  été  faite.  Lorfqu'il  eft  affbibli  par  fon  poids 
égal  d'eau ,  il  conferve  encore  beaucoup  de  fa 
couleur  citrine. 

Acide  marin  mêlé  avec  de  la  glace. 

Un  gros  d'efprit  de  fel  fumant  &:  demi-once  de 
glace  pilée  ont  produit  leize  degrés  de  froid  ,  la 
température  du  lieu  à  fept  degrés  au-delFus  du 
terme  de  la  congélation. 

La  même  quantité  de  gLace  avec  deux  gros  de 

Tiij 


A5>4        Chymie  expérimentale 

cet  acide  ont  produit  vingt-t^ois  degrés  de  froid  , 

&  vingt-cinq  ,  en  employant  trois  gros  du  nicme 

acide. 

Acide  marin  avec  les  terres  vitrlfiahles. 

L'acide  marin  n'a  aucune  adion  lur  les  terres 
vitrifiables  qui  font  en  malTes  d'agrégés  ,  ou  lorf- 
qu'elles  font  divifées  par  des  moyens  méchani- 
ques  :  mais  il  en  a  beaucoup  fui;  ces  terres ,  lorf- 
qu'elles  font  divifées  par  des  moyens  chymiques, 
comme  nous  le  verrons  en  fon  lieu. 

Acide  m  rin  avec  les  matières  comhujlihles. 

L'acide  marin  fumant,  ou  feulement  fes  va- 
peurs ,  a  une  adion  très  forte  &  très  marquée  fur 
les  matières  végétales  &  animales  dans  l'état  na- 
turel :  il  les  détruit  plus  promptement  que  les  au- 
tres acides  minéraux  ,  &  d'une  manière  fourde  , 
fans  les  noircir  comme  l'acide  vitriolique  :  il  leur 
donne  une  couleur  jaune ,  comme  le  fait  l'acide 
nitreux  :  il  les  attaque  dans  toutes  leurs  fubftan- 
ces ,  comme  l'acide  nitreux  \  mais  il  n'a  pas  la 
même  adion  fur  les  matières  inflammables  dans 
l'état  huileux. 

Acide  marin  avec  le phlogijîique,  ' 

L'acide  marin  n'a  point  de  difpofition  pour  s'u- 
nir, foit  par  la  voie  fcchc,  foit  par  la  voie  hu- 
mide ,  au  phlogiftique  dans  l'état  charbonneux. 
On  ne  connoit  point  de  combinaifon  de  cet  acide 
avec  la  fubftance  inflammable,  comme  on  connoît 
celle  de  l'acide  vitriolique  &  celle  de  l'acide  ni- 
treux avec  cette  même  lubftance.  On  ne  fait  ce 
qui  réfulteroit  d'un  mélange  d'acide  marin  &  de 
fharbon  en  poiidre ,  diftillé  jufqu'à  iiccicé ,  ^  C\ 


ET      RAISONNE  E.  Ip^ 

le  charbon  feroit  décompofc  comme  il  l'eft  par 
l'acide  vitriolique. 

L'acide  marin  n'a  pas  plus  de  difpofition  pour 
s'unir  au  plilogiftique  dans  le  mouvement  ignc. 
Si  l'on  plonge  un  charbon  ardent  dans  de  l'acide 
marin  fumant,  ce  charbon  s'éteint  aulîi-tot, 
comme  s'il  ctoit  plongé  dans  toute  autre  liqueur 
non  inflammable.  Il  ne  faut  pas  croire  cependant 
que  cet  acide  n'a  aucune  affinité  avec  le  phlogifti- 
que  :  au  contraire,  je  penfe  qu'il  en  a  une  très 
forte  j  mais  il  refte  à  trouver  les  moyens  de  com- 
biner ces  deux  fubftances  :  elles  doivent  nécelfai- 
rement  produire  une  forte  de  foufre ,  comme  le 
font  les  autres  acides  :  je  penfe  même  que  la  Na- 
ture le  fait ,  quoique  cette  fubftance  ne  foit  pas 
çncore  connue. 

Acide  marin  avec  la  matière  huiUufe, 

L'acide  marin  paroît  n'avoir  que  peu  ou  point 
d'adion  fur  les  fubftances  huileufç s  :  il  agit  foi- 
blement.  On  ne  connoît  pas  ,  au  refte  ,  les  chan- 
gements &  les  altérations  qu'il  pourroit  occa- 
lîonner  à  ces  fubftances ,  s'il  étoit  dans  un  plus 
grand  degré  de  concentration  ,  que  celui  où  l'on 
a  coutume  de  l'avoir.  Nous  verrons  dans  plulieurs 
expériences,  que ,  lorfqu'on  préfente  à  l'acide  ma- 
rin certaines  fubftances  métalliques,  il  peut  fe 
concentrer  con (idérablement ,  &  que  dans  cet 
état  il  produit  fur  les  matières  inflammables  des 
eftets  peu  diftérenrs  de  ceux  de  l'acide  nitreux.  Je 
ne  ferois  point  furpris  qu'avec  lui  on  parvînt,  à 
enflammer  les  matières  huileufes ,  comme  on  le 
fait  avec  de  l'acide  nitreux  pur. 


ïiv 


1^6  ChyMIE    tXPÉRrMENTALÏ 

Obfervations  fur  l' Acide  marin. 

On  a  donné aufîîiiracicle marin  le  nom  A' acide 
du fel  commun  j  parcequ'on  le  retire  du  fel  marin 
dont  on  fait  ufage  dans  les  aliments  ,  8c  que  ce 
fel  efl:  fort  commun  dans  la  Nature. 

Nous  avons  dit ,  en  parlant  fur  l'origine  des 
terres  calcaires ,  ce  que  nous  peniîons  im  celle 
du  fel  marin.  Nous  croyons  que  les  propriétés  que 
nous  venons  de  reconnoître  à  l'acide  de  ce  fel  , 
font  analogues  à  fon  origine  :  nous  le  fuppofons 
formé  dans  l'eau  par  la  réunion  des  principes  fé- 
parés  des  corps  organifés  qui  fe  détruifent  :  cet 
acide  participe  beaucoup  des  propriétés  de  l'eau , 
puifqu'il  a  avec  cette  fubftance  plus  d'affinité  que 
les  deux  autres  acides  minéraux ,  &  qu'on  ne  peut 
l'avoir  au  même  degré  de  concentration  qu'eux 
par  les  moyens  ordinaires.  Il  paroît  que  les  prin- 
cipes qui  compofent  l'acide  marin ,  font  les  mêmes 
que  ceux  des  autres  acides ,  puifqu'il  en  a  les  pro- 
priétés générales  j  mais  il  paroît,  en  même  temps , 
que  fon  phlogiftique  efl;  dans  un  état  moins  pur 
que  dans  les  autres  acides  minéraux  ;  c'eft  ce  qui 
diminue  beaucoup  (on  aétion  fur  les  matières  hui- 
leufes  pures.  Néanmoins  ,  lorfqu'il  eft  dans  le 
plus  grand  degré  de  concentration  où  il  puilTë  par- 
venir ,  il  agit  puifTamment  fur  les  matières  végé- 
tales 5c  animales  ,  mais  fourdement  ôc  fans  faire 
autant  de  fracas  que  l'acide  nitreux.  Il  eft,  à  cet 
égard ,  comparable  au  vinaigre  qui  agit  foible- 
ment  fur  beaucoup  de  fubftances ,  lorfcp'il  eft 
fort  aqueux  ,  Se  qui  agit  puiiTamment  8c  fourde- 
ment fur  ces  mêmes  fubftances  ,  lorfque  ,  par  la 
congélation  ,  on  l'a  débarralTé  de  la  plus  grande 

f)artie  de  fon  eau  furabondante ,  ou  encore  mieux 
orfqu'on  la féparé  des  combinaifons  cerieufes , 


ET       RAISONNES.  I97 

OU  métalliques ,  dans  lefquclles  on  l'a  fait  d'abord 
entrer.  Il  en  eft  de  mcme  de  l'acide  marin  :  il  ac- 
quiert encore  plus  de  force  &  d'adion  ,  lorlqu'on 
l'a  pareillement  fcparc  des  combinaifons  métal- 
liques :  il  fe  dcbarralTe  de  (on  eau  furabondante 
&c  de  fa  matière  inflammable  plus  grolliere  qu'elle 
ne  l'eft  apparemment  dans  les  autres  acides ,  pour 
acquérir  les  propriétés  d'un  acide  plus  adlif  &  , 
par  conféquent ,  plus  pur. 

Indépendamment  de  tout  ce  que  nous  venons 
de  dire  ,  j'admets  encore  dans  l'acide  marin  , 
comme  dans  les  autres  acides  minéraux  ,  une  cer- 
taine quantité  de  feu  pur  ou  prefque  pur.  C'eil 
a  ce  feu  ,  à  fa  dofe  &:  d  la  manière  dont  il  eft  ar- 
rangé ,  qu'on  doit  rapporter  les  différences  qu'on 
remarque  entre  lui  ôc  les  autres  acides  :  c'eft  encore 
a  l'état  de  ce  teu  dans  l'acide  marin  ,  qu'on  doit 
attribuer  toutes  fes  propriétés  cauftiques  8c  diffol- 
vantes  ,  Se  toute  l'aélion  qu  il  peut  avoir  fur  les 
matières  qu'on  lui  préfente.  Mais  la  Chymie  & 
la  Phyfique  ne  font  pas  aflez  avancées  pour  don- 
ner une  démonftration  fatisfaifante  fur  la  quan- 
tité de  feu  ,  &  fur  l'état  ou  il  fe  trouve  dans  ces 
différentes  fubftances  falincs. 

Acide  marin  avec  les  terres  calcaires. 

L'acide  marin  dillout  toutes  les  terres  calcaire? 
avec  chaleur  &  effervefcence ,  Staufli  facilement 
que  le  fait  l'acide  nitreux  :  il  s'en  fature  de  mcme 
fans  le  fecours  d'aucune  chaleur  :  il  réfulte  de 
cette  combinaifon  un  fel  neutre  déliquefcent , 
mais  fufceptible  de  fe  cryftallifer  par  le  refroidif- 
fement.  On  le  nomme yè/  marin  à  hafe  tcrreufc. 

Expérience. 

On  met  dans  une  cueurbite  de  verre  la  quan- 


ic)$        Chymie  expérimentale 

tiré  que  l'on  veut  de  marbre  blanc  caffé  par  petits 
morceaux ,  ou  réduit  en  poudre  grolfiere  :  on  verfe 
par-deirus  de  l'acide  marin  y  il  fe  fait  aufîî-tôc 
une  tffervcfcence  confidérablc.  Le  marbre  fe  dif- 
fout  mcmc  à  froid  ;  on  facilite ,  fi  l'on  veut ,  la 
dilTolucion  ,  en  plaçant  le  vailTeau  fur  un  bain  de 
fable  un  peu  chaud  :  lorfqu'il  n'y  a  plus  d'etfer- 
vefcence ,  &c  que  l'acide  eft  parfaitement  faturé , 
on  filtre  la  liqueur  au  travers  d'un  papier  gris  :  on 
|a  conferve  dans  une  bouteille. 

Remarques. 

J'ai  traité  l'acide  marin,  comme  les  deux  autres 
acides  minéraux  ,  avec  toutes  les  terres  calcaires 
dont  nous  avon's  parlé  précédemment.  Leur  ma- 
nière de  fe  diffoudre  dans  cet  acide  a  été  abfo- 
lument  femblable  à  celle  qu'elles  ont  préfen- 
rée  avec  l'acide  nitreux.  Ces  fubftances  font  des 
(lalaétites,  du  moellon  d'Arcueil,  de  la  craie  de 
Champagne  ,  du  fpath  calcaire  ,  des  coquilles 
d'œufs ,  de  la  chaux  éteinte  à  l'air ,  des  crcmes  ou 
pellicules  de  chaux. 

Il  faut ,  pour  diffoudre  les  coquilles  d'œufs 
dans  cet  acide  ,  apporter  les  mêmes  précautions 
que  nous  avons  indiquées  en  parlant  de  leur  dif- 
folution  dans  l'acide  nitreux ,  à  caufe  du  gonfle- 
jiient. 

La  chaux  s'échauffe  davantas;e  avec  l'acide  ma- 
l'in,  qu'avec  l'acide  nitreux. 

Trente  gouttes  d'acide  marin  ordinaire  ont  été 
faturées  par  huit  onces  d'eau  de  chaux  j  ce  quis'efl 
fait  fans  eifervefcence.  Quelques  jours  après ,  le 
mélange  a  dépofé  un  peu  de  matière  terreufe  de 
couleur  ambrée  ,  qui  enfuite  eft  devenue  blanche. 
La  liqueur  étoit  fans  couleur  :  elle  avoit  une  lé- 
gère faveur  d'eau  crue,  mais  qui  a  changé  5  elle 


F.  T       RAISONNE  E.  Zç)<) 

cft  devenue  un  peu  amere  &:  mordicante. 

L'acide  marin,  en  fe  combinant  avec  les  terres 
calcaires  ,  perd  fa  couleur  Se  fon  odeur.  Toutes 
ces  dilTolutions  font  fans  couleur  &c  fans  odeur  : 
elles  ont  toutes  une  faveur  falce  ,  amere  Se  pi- 
quante. La  dilTolution  de  moellon  avoit  une  lé- 
gère faveur  métallique  ,  à  caufe  du  fer  que  cette 
pierre  contient. 

Toutes  ces  dilfolutions ,  lorfqu'elles  font  nou- 
velles, changent  en  verd  la  couleur  du  fyrop  vio- 
lât y  mais  environ  trois  mois  aptes  qu'elles  font 
faites ,  elles  n'en  changent  plus  la  couleur ,  ni 
celle  de  la  teinture  de  rournefol. 

Aucune  terre  calcaire  ,  diffoure  par  l'acide  ma- 
rin ,  n'eft  précipitée  par  une  autre  terre  calcaire. 

L'eau  de  chaux  occafionne  fur  le  champ  un 
léger  précipité  aux  dillolutions  de  marbre  blanc 
6c  de  ftaladites.  Ces  précipités  font  en  petits 
cryftaux  ,  comme  ceux  de  fel  fédatif  fublimé. 

L'eau  de  chaux  n'a  rien  fait  précipiter  d'abord 
des  dilfolutions  de  moellon  ,  de  fpath  ,  de  coquil- 
les d'œufs  ]  mais  quelques  jours  après,  elle  aoc^ 
cafionné  des  précipites  femblables  aux  précé- 
dents, qui  étoient  aulli  peu  abondants. 

Enfin  ,  les  dilfolutions  de  chaux ,  de  craie ,  de 
crcme  de  chaux  ,  Se  la  combinaifon  d'eau  de 
chaux  Se  d'acide  marin  ,  n'ont  lormé  avec  l'eau 
de  chaux  aucun  précipité  ,  même  par  le  fcjour. 

L'acide  vitriolique  concentre  ou  alfoibli  par 
trois  fois  (on  poids  d'eau  ,  mclé  avec  toutes  ies 
dilfolutions  de  terres  calcaires  ,  laites  par  l'acide 
marin  ,  a  occafionne  aufii-tôt  un  précipité  féléui- 
teux  ,  com.me  cela  arrive  avec  la  dillolution  de 
ces  terres  par  l'acide  nitreux.  L'acide  vitriolique 
dégage  l'acide  marin ,  Se  s'unit  à  la  terre  calcaire  : 
il  forme  avec  elle  de  la  félénite ,  qui  fe  manifeftç 


300        Chymie  expérimentale 

fous  la  forme  d'un  précipité ,  parceqii'elle  ne  peut 
fe  tenir  en  diirolution  dans  aulîi  peu  d'eau  que 
le  fel  marin  à  bafe  terreufe. 

Cryjlallïfaùon  des  f As  marins  à  bafc  terreufe. 

On  prend  la  quantité  que  l'on  veut  de  l'une 
ou  de  l'autre  diirolurion  de  terre ,  faite  par  l'a- 
cide marin.  On  la  met  dans  une  capfule  de  verre  : 
on  la  place  fur  un  bain  de  fable':  on  fait  évapo- 
rer la  liqueur,  jufqu'à  ce  qu'en  en  prenant  une 
goutte  au  bout  d'une  fpatule  d'ivoire  ,  elle  fe  fige 
par  le  refroidiflement.  On  laiffe  le  vailTeau  fur  le 
fable,  mais  fans  feu,  afin  que  la  liqueur  refroi- 
dilTe  lentement  :  elle  fe  réduit  en  une  ma  fie  jau- 
nâtre ,  compofée  de  cryftaux  enlacés  les  uns 
dans  les  autres ,  fans  figure  déterminée  :  c'eft  ce 
«jue^l'on  nomme  fel  marin  à  bafe  terreufe  calcaire, 

R   E   M   A   R    Q    U   E   S. 

Les  fels  marins  à  bafe  de  terres  calcaires  for- 
ment des  cryftaux  folitaires,  plus  facilement  que 
les  nitres  à  bafe  terreufe ,  lorfque  les  liqueurs 
des  fels  marins  à  bafe  terreufe  font  évaporées 
à  quarante-cinq  degrés  ,  à  mon  aréomètre  des 
fels  (i).  Si  on  les  enferme  dans  des  bouteilles, 
elles  forment,  par  le  refroidilfement ,  de  gros 
cryftaux  folitaires  nets  ,  purs  de  bien  tranlpa- 
rents  ;  les  uns  font  en  grotfes  aiguilles  comme 
les  cryftaux  de  fel  de  glauber  j  les  autres  font  en 
groftes  maftes  fans  figures  déterminées.  On  dé- 
cante la  liqueur  ,  ôc  on  fait  égoutter  le  fel ,  en 
appliquant  le  goulot  de  la  bouteille  fur  un  paquet 
de  papier  gris ,  parceque  fi  on  l'expofoit  à  l'air ,  il 

(  1  )  Voyez  la  dcfcription  de  cet  inftrument  dans  mes 
Llérmnts  ae  PItaimacie, 


î 


fe  cliargeroit  de  l'humiditc  ,  &  fe  réfoudroit  en 
liqueur. 

Le  fel  marin  à  bafe  terreufe ,  expofc  à  une 
douce  chaleur  ,  fe  liquche  &  fe  fige  par  le  refroi- 
ditTement,  comme  de  la  graifle.  Si  on  le  chauffe 
un  peu  fort ,  il  perd  un  peu  de  fon  acide. 

Ce  fel  attire  puilTammcnt  l'humidité  de  l'air, 
&  fe  refont  en  liqueur.  C'eft  en  vertu  de  cette 
propriété  qu'il  ne  peut  cryftallifer  que  par  le  re- 
rroidifrcment ,  Se  point  par  l'évaporation.  Ces 
propriétés  font  communes  au  nitre  à  bafe  terreufe, 
^  viennent  de  la  même  caufe  que  nous  avonç 
expliquée  précédemment. 

Les  différents  fels  marins  à  bafe  terreufe ,  ex- 

ofés  fur  les  charbons  ardents ,  bouillonnent  & 
è  bourfouflent,  lans  décrépiter.   Une  partie  de 
l'acide  fe  dillîpe. 

Aucun  de  ces  fels  ne  peut  admettre  ni  une 
furabondance  d'acide ,  ni  une  furabondance  de 
terre  dans  leur  combinaifon.  On  peut  bien  les 
mêler  avec  une  furabondance  de  l'une  ou  de  l'au- 
tre fubftance  ;  mais  ces  fels  s'en  féparent  en  fe 
cryftallifant,&  deviennent  parfaitement  neutres. 
La  Nature  fournit  une  très  grande  quantité  de 
fel  marin  à  bafe  terreufe  calcaire.  Nous  en  par- 
lerons ,  lorfque  nous  examinerons  l'eau  de  la 
mer  Se  celle  des  puits  Se  fontaines  falés. 

Décompojîdon  des  fels  marins  à  bafe  terreufe  ^ 
par  l'aciion  du  feu. 

Les  différents  fels  marins  à  bafe  terreufe  fe 
comportent  à  l'adion  de  feu ,  un  peu  différem- 
ment que  les  différents  nitres  à  bafe  terreufe. 
L'acide  marin  tient  davantage  à  la  terre  calcaire. 

Quatre  onces  de  fel  marm  à  bafe  terreufe  , 
fi^t  avec  le  marbre  blanc ,  mis  en  diftillation  dans 


301         Chymie   EXPÉRIMÈNTALB 

une  cornue  de  verre ,  &c  pouffé  pendant  trois  heu-» 
res  au  plus  grand  teu  ,  ont  fourni  une  once  d'à-» 
cide  marin  tort  bon,  fans  couleur,  ayant  une 
forte  odeur  d'eau  rcgale  :  il  a  perdu  cette  odeur  , 
en  le  fiifant  chauffer  légèrement  dans  un  petit 
matras.  Il  efl  refté  dans  la  cornue  trois  onces  de 
matière  faline  blanche  en  deffus ,  raréfiée ,  de 
noirâtre  en  dcffous. 

J'ai  mêlé  a  la  réfidence  de  la  cornue  ,  environ 
trois  onces  d'eau.  Le  mélange  s'eft  échauffé  à-peu- 
,près  au  degré  de  l'eau  bouillante  :  enfuite  j'ai 
étendu  le  tout  dans  une  plus  grande  quantité 
d'eau.  La  liqueur  étoit  trouble  &  noirâtre  :  je  l'ai 
filtrée  :  elle  a  paffé  claire  &c  fans  couleur  :  il  efl 
reflé  fur  le  filtre  la  portion  de  terre  que  l'acide , 
paffé  dans  la  diftillation  ,  avoit  abandonnée. 

J'ai  defïéché  de  nouveau  cette  liqueur  ,  &  j'ai 
mis  en  diftillation  le  fel  marin  à  bafe  terreufe  qui 
en  eft  réfulté  :  je  l'ai  poufîé  à  la  plus  grande  vio- 
lence du  feu  ,  que  la  cornue  qui  étoit  de  verre 
pouvoir  fupporter  fans  fe  fondre  :  je  n'ai  obtenu 
qu'un  peu  de  liqueur  acidulé.  La  plus  grande  par- 
xie  de  l'acide  marin  eft  reftée  opiniâtrement  fixée 
avec  la  terre. 

La  plupart  des  Chymiftes  penfent  que  le  fél 
marin  à  bafe  terreufe  fe  décompofe  complette- 
ment  &  facilement  par  l'adion  du  feu.  On  peut 
croire  que  c'eft  par  analogie  qu'ils  ont  raifonné 
'ainfi.  On  a  vu  que  le  nitre  à  bafe  terreufe  avoit 
beaucoup  de  faveur  ,  &c  qu'il  étoit  déliquefcent. 
On  a  reconnu  au  fel  marin  à  bafe  terreufe  la  même 
propriété  :  on  en  a  conclu  qu'il  devoit  fe  décom- 
pofer ,  comme  lui ,  par  l'action  du  feu  ^  mais 
ayant  examiné  cette  matière  plus  attentivement , 
j'ai  reconnu  qu'il  n'en  eft  pas  de  même  de  l'acide 
■  marin  :  ces  différences  font  fondées  fur  les  j*fo- 


HT      R  A  I  S  O  N  N  E  E.'  ^OJf 

priétés  de  cet  acide  ,  qui  ne  font  pas  les  mcmes 
que  celles  de  l'acide  nitieux  ,  &c  fur  les  change- 
ments que  la  terre  calcaire  éprouve  pendant  lef 
diftillations  des  fels  marins  à  bafe  terreufe. 

Lorfqu'on  foumet  à  la  dillation  du  fel  marin  a 
bafe  terreufe  ,  fait  avec  de  la  terre  calcaire  dans 
fon  état  naturel ,  la  terre  calcaire  ,  quoiqu'unie  à 
l'acide  marin ,  fe  convertit  en  chaux  vive.  La  por- 
tion d'acide  qu'on  retire  ,  eft  celle  qui  précède  ce 
changement  d'état.  Lorfqu'elle  eft  une  fois  con- 
vertie en  chaux ,  elle  ne  permet  plus  à  l'acide  de 
la  quitter  :  l'acide  eft  fixé  prefque  autant  que  s'il 
croit  uni  à  de  l'alkali  fixe.  C'eft  la  raifon  pour  la- 
quelle on  tire  des  fcls  marins  à  bafe  terreufe  une 
partie  de  leur  acide,  au  commencement  de  la 
diftillation.  Pour  m'en  alfurer  plus  particulière- 
ment, j'ai  fournis  à  une  femblable  diftillation 
quatre  onces  de  fel  marin  a  bafe  terreufe ,  fait 
avec  de  la  chaux  éteinte  à  l'air  :  j'ai  poufle  le  fea 
aufli  fort  que  dans  l'expérience  précédente  :  j'ai 
obtenu  treize  gros  de  liqueur  claire,  fans  couleur, 
fans  faveur,  d'une  légère  odeur  empyreumatique , 
ne  changeant  point  la  couleur  du  fyrop  violât,  ni 
celle  de  la  teinture  de  tournefol  :  de  i'alkali  fixe 
verfé  dans  une  petite  portion  de  cette  liqueur  ,  a 
occafionné  un  léger  précipité  terreux.  Il  réfulte 
de  cette  expérience,  que  le  peu  de  fubftance  qui 
a  palfé  avec  l'eau  qui  a  diftillé ,  n'étoit  point  de 
l'acide  marin  pur,  mais  du  fel  marin  à  bafe  ter- 
reufe en  nature  ,  qui  a  été  enlevé  à  la  faveur  de 
l'eau  par  la  violence  du  feu.  Il  eft  refté  dans  la 
cornue  une  mafte  à  demi  fondue  ,  d'une  couleur 
citrine  àfa  furface  ,  grife  ,  blanchâtre  à  l'intérieur, 
qui  pefoit  deux  onces  deux  gros  dix-huit  grains; 
ce  qui  fait  cinquante-quatre  grains  de  perte.  En 
dilToivant  cette  matière  dans  de  l'eau  ,  j'ai  remar- 


J04       Chymie  expérimentale 

que  qu'elle  s'ell  échauffée  i-peu-piès  à  foixanre  8C 

dix  degrés  :  elle  exhaloit  une  odeur  empyreuma- 

tique.  J'ai  varié  cette  expérience  de  la  manière 

fuivante. 

J'ai  mêlé  deux  onces  de  fel  marin  à  bafe  ter- 
reufe ,  fait  avec  de  la  chaux  ,  8c  deux  onces  de 
fel  marin  très  pur  à  bafe  d'alkali  minéral.  J'ai  fou- 
rnis ce  mélange  à  la  diftillation  :  il  a  paffé  neuf  gros 
de  liqueur  qui  avoir  une  légère  odeur  d'acide  ma- 
rin ,  laquelle  rougifloit  foiblement  les  couleurs 
bleues  de  la  teinture  du  tournefol  &c  dufyrop  vio- 
lât. Cette  liqueur  ne  faifoit  rien  avec  l'alkalifixe; 
mais  elle  précipitoit  en  blanc  un  peu  de  mercure 
diflous  dans  de  l'acide  nitreux.  Il  eft  refté  dans  la 
cornue  une  malle  grife  blanchâtre  ',  qui  s'efl: 
échauffée  beaucoup  en  la  diffolvant  dans  l'eau. 

J'ai  répété  ces  expériences  avec  de  l'huile  de 
chaux,  évaporée  au  même  point  (i) ,  qui  s'eft 
comportée  abfolument  de  la  même  manière. 

J'ai  expofé  à  l'aclion  du  feu  ,  dans  des  creufets 
avec  le  concours  de  l'air  ,  de  tous  les  fels  marins 
à  bafe  terreufe  dont  je  viens  de  parler  :  tous  ont 
perdu  beaucoup  plus  de  leur  acide ,  que  lorfqu'ils 
etoient  dans  des  vaifTeaux  clos  ;  mais  aucun  n'a 
été  décompofé  complettement.  Quelque  degré 
de  force  que  l'on  ait  donné  au  feu ,  &  quoiqu'il 
ait  été  continué  pendant  plufieurs  heures ,  les 
réfldus  contenoient  toujours  une  portion  de  fel 
marin  à  bafe  terreufe  non  décompofé  ,  que  je  fé- 
parois  des  réfidus  par  folution  Se  filtration. 

Je  penfe  néanmoins  que,  fi  l'on  expofoit  ces  fels 
à  un  feu  beaucoup  plus  fort  que  je  ne  l'ai  fait ,  tel 

(  I  )  Voyez  Huile  de  chaux  :  c'eft  le  fel  marin  à  bafe  ter- 
reufe ,  qu'on  fépaie  du  caput  mortuum  de  la  dccompofition 
du  fel  ammoniac  par  la  chaux. 

qu'un 


ET     raiscJ^i'îÈe;  30^ 

iqu'iin  feu  de  verrerie  ,  on  feroit  dillîpcr  entière- 
ment l'acide  marin  ,  fur- tout  fi  l'on  crendojr  ces 
fels  fort  mince  j  mais  il  réfulte  toujours  de  ce 
giie  nous  venons  de  dire  ,  que  l'acide  marin  fé 
fixe  davantage  dans  les  terres  calcaires,  que  l'acide 
hitreux. 

Sel  marin  à  hafc  terrcufc  avec  de  la  glacé. 

On  ne  cohnoît  point  les  effets  de  ce  fel  avec 
la  glace  ,  ni  les  degrés  de  froid  qu'ils  produi- 
roient  \  mais  il  eft  à  prélumer  qu'ils  occafionne- 
roient  beaucoup  de  froid. 

Acide  marin  &  Acide  vitriolique. 

Lorsqu'on  mêle  de  l'acide  marin  avec  de  l'a- 
cide vitriolique  concentré  ,  il  fe  produit  de  là 
chaleur  ,  parceque  l'acide  marin  bien  concentré 
eft  toujours  fort  aqueux  ,  relativement  à  l'acide 
vitriolique  concentré.  On  ne  connoît  f  oint  les 
propriétés  de  ce  mélange. 

Acide  marin  avec  lefoufre. 

On  ne  connoît  point  l'adtion  de  ces  fubftancc^ 
l'une  fur  l'autre ,  ni  ce  que  ce  mélange  produiroit; 

Acide  marin  avec  le  foie  de  foufre  terreux. 

L'acide  marin ,  comme  acide  ,  décompofe  le 
foie  de  foufre  terreux  :  il  s'unit  à  la  terre  &:  à  la. 
matière  faline  de  la  chaux ,  &  fait  précipitet  lé 
foufre.  Ce  foufre ,  lavé  &:  féché ,  fe  trouve  fem- 
blable  à  ce  qu'il  étoit  auparavant.  L'acide  mariri 
fe  comporte  ,  à  cet  égard,  comme  les  autres 
acides. 

Tome  L  V 


305  ChYMIE    EXPf  RIMENTALl 

u4cide  marin  avec  le  gypfe» 

L'acide  marin  froid  n*a  aucune  adion  fur  les 
fubftances  gypfeufes  :  lorfqu'il  efl:  chaud ,  il  pro- 
cure à  l'eau  la  propriété  d'en  dilTondre  une  plus 
grande  quantité,  fans  que  cet  acide  fe  combine 
avec  ces  fubftances.  On  obtient  par  fon  moyen 
<Jes  cryftauxdefélénite  j  feulement  plus  gros  qu'a- 
vec de  l'eau  pure. 

J'ai  mis  dans  un  matras  huit  onces  d'eau  ,  & 
un  gros  &:  demi  d'acide  marin  (i)  :  ce  mélange 
bouillant  a  dilfous  avec  effervefcenco  vingt-quatre 
grains  de  gypfe  réduit  en  poudre  fine  :  l'eau  en 
ctoit  faturée  j  mais  ayant  ajouté  une  pareille  quan- 
tité d'acide  marin  ,  la  même  eau  a  diffous  encore 
autant  de  gypfe.  L'albâtre  a  préfenté  les  mêmes 
phénomènes  avec  l'acide  marin. 

J'ai  mis  ces  dilTolutions  dans  de  petits  fceaux 
de  verre,  &:  couverts  de  papier,  pour  garantir 
les  liqueurs  de  la  pouftiere  j  elles  ont  formé  des. 
cryftaux  aiguillés  de  la  longueur  de  trois  ou  quatre 
lignes  ,  &  d'une  belle  couleur  jaune  dorée.  Ces 
cryftaux,  mis  égoutter  fur  du  papier  gris,  fon  t  deve- 
nus très  blancs  &  parfaitement  neutres ,  &  n'ayant 
rien  retenu  de  l'acide  marin.  L'acide  vitriolique, 
verfé  fur  ces  cryftaux,  ne  dégageoit  aucunes  va- 
peurs d'efprit  de  fel. 

La  dilfolution  de  ces  cryftaux  n'altéroit  point 
les  couleurs  bleues  du  fyrop  violât,  &de  la  tein- 
ture de  tournefol  :  ils  étoient  de  la  félénite  aiiiE 
pure  qu'avant  toutes  ces  opérations. 


(  I  )  Cet  acide  pefe  une  once  60  grains  dans  une  boa^ 
teille  qui  contient  une  once  d'eau. 


ET      R  A  ï  S  O  N  N  i  E.  ^Cl 

Acide  marin  &  Acide  nitreux. 

L*acide  marin  &:  l'acide  nitreux  fe  mclent  &: 
s'unilTent  très  bien  enfembledans  toutes  propor- 
tions. Il  ell:  enfuite  impolîible  de  les  fcparer  Tuii 
de  l'autre  fans  intermèdes,  parcequ'ils  ontà-peu- 
près  le  même  degré  de  volatilité.  Ce  mélange 
Forme  un  acide  mixte  que  l'on  nomme  eau  régale  ^ 
qui  a  des  propriétés  particulières  &  différentes  des 
deux  acides  pris  féparément.  Nous  aurons  occa- 
iîon  de  faire  connoître  les  propriétés  de  l'eau  ré- 
gale :  ainfi  nous  ne  dirons  rien  de  plus ,  quant  a 
préfent,  fur  ces  propriétés, ni  fur  les  dofes  des  deux 
acides ,  c]u'on  fait  varier  luivant  Tufage  qu'on  en 
veut  faire.  Le  nom  à^eau  régale  a  été  donné  à  ce 
mélange ,  à  caufe  de  la  propriété  qu'il  a  de  dif- 
•foudre  for  que  les  Alchymiftes  ont  nommé  le 
Roi  des  métaux. 

Sur  C Acide  •végétal. 

Entre  les  différents  acides  que  fournit  le  règne 
végétal,  nous  ne  nous  propofons  d'examiner, 
quant  a  prelent ,  que  celui  que  1  on  nomme  vi- 
naigre :  il  eft  produit  par  latermefttation  acéteufe. 
Nous  fuppolons  cet  acide  pur,  comme  fî  la  Na- 
ture le  rourniffoit  ainfi,  de  même  que  nous  l'a- 
vons fait  à  l'égard  àes  acides  mméraux.  On  dif- 
tille  cet  acide  pour  le  débarraffer  des  matières  co- 
lorantes &  extraétives.  Nous  dirons ,  enfon  lieu , 
comment  cet  acide  eft  produit ,  ôc  comment  on 
le  diftille  :  nous  le  fuppofons  ici  tout  diftillé. 

Le  vinaigre  diftillé  eft  blanc,  fans  couleur. 

11  a  une  odeur  Se  une  faveur  acide  agréable. 

Il  eft  prefque  auflî  pefant  que  de  l'eau. 

Il  eû^  conftamment  fous  une  forme  liquide  ï 

Vij 


5*58  ChYMIE    ÏXPÉRIMENTAtl 

"  du  moins  jufquVi  prérenc ,  a  t-il  cré  impolîîble  dc 
l'avoir  fous  une  torme  conciette. 

Il  rougit  les  couleurs  bleues  des  végétaux  » 
comme  les  acides  minéraux. 

Plnaigre  expofé  au  feu. 

Le  vinaigre  déjà  diftillé  ,  foumis  de  nouveau  à 
la  difbllarion  ,  foit  dans  une  cornue,  foit  dans 
un  alambic  de  verre,  fouffre  une  forte  de  con- 
centration, bien  légère  à  la  vérité  :  ce  qui  palTe  au 
commencement  e(l  plus  aqueux  que  ce  qui  dif- 
tille  fur  la  hn.  11  refte  toujours  au  fond  du  vaif- 
feau  un  peu  de  matière  extradtive  ,  ou  qui  a 
monté  dans  la  première  diftillation  ,  ou  qui  pro- 
vient d'une  portion  de  vinaigre  qui  a  été  décom- 
pofée  pendant  cette  dernière  opération.  Cet  acide 
«ft  infiniment  plus  volatil  que  les  acides  miné- 
raux. 

Vinaigre  expofé  à  l*alr. 

Cet  acide  eft  tellement  aqueux ,  qu'au  lieu 
d'attirer  l'humidité  de  l'air ,  comme  le  font  les 
acides  minéraux,  il  s'évapore  en  entier,  &  ne 
laiffe  qu'une  tache  de  matière  extraélive ,  comme 
lorfqu'on  le  foumet  à  la  diftillation. 

Vinaigre  concentré  à  la  gelée. 

Mais  lorfqu'on  expofe  le  vinaigre  à  un  froid 
de  plufieurs  degrés  au-delfous  du  terme  de  la 
congélation  ,  l'eau  fe  gelé,  mais  non  la  partie  aci- 
de :  on  fépare  la  glace  qui  s'eft  formée  :  on  la  met 
égoutter  lur  un  tamis  toujours  au  même  degré  de 
froid  :  on  la  jette  comme  inutile.  Cette  première 
glace  ne  fe  trouve  être  que  de  l'eau  \  du  moins 
^Ue  contient  une  fi  petite  quantité  d'acide,  qu'elle 


ÏT     RAIS  ON  Nil.  509 

iie  mérite  aucune  attention.  On  expofe  de  nou- 
veau le  même  vinaigre  à  un  plus  grand  froid  :  la 
partie  aqueufe  fe  gelé  encore  :  on  fcpare  de 
nicme  la  glace  ;  mais  on  la  met  a  part  ,  parce- 
qu'elle  retient  dans  fes  interftices  une  certame 
quantité  de  vinaigre  qu'il  ell  bon  de  ne  pas  per- 
dre. On  continue  d'expofer  ainfi  de  fuite  le  mcme 
vinaigre  à  de  plus  grands  froids,  jufqu'àce  qu'il 
refufe  de  fe  celer  davantage  :  il  refte  enfin  un  vi- 
naigre  très  acide  &c  très  fort  :  c'etl  ce  que  l'ou 
nomme  vinaigre  concentré  à  la  ^déc* 

Remarques. 

Cent  pintes  de  vinaigre  diftillc  qu'on  expofe 
ainfl  au  froid  ,  rendent  environ  quatre  ou  cinq 
pintes  d'acide  végétal  très  fort ,  après  avoir  éprou- 
vé un  froid  naturel  de  dix  degrés  au-deffous  du 
terme  de  la  congélation.  Néanmoins  cette  quan- 
tité peut  varier  ;  cela  dépend  du  degré  d'acidité 
où  étoit  le  vinaigre  avant  qu'on  le  fournît  au 
froid  ,  &"  du  degré  de  froid  qu'il  a  fait  pendant 
la  congélation. 

Lorfqu'on  expofe  une  première  fois  le  vinaigre 
à  un  grand  froid ,  il  s'en  gelé  une  trop  grande 
cjuantité  en  mcme  temps.  La  partie  acide  non 
gelée  refte  interpofée  dans  la  glace  ;  ce  qui  fait 
un  déchet  confidérable  :  il  eft  bon  de  contenir  le 
vinaigre  dnns  des  cruches  bouchées  d'un  pnpier  , 
afin  qu'il  fe  ù(re  moins  de  perte.  Lorlque  le  vi- 
naigre eft  expofe  à  l'aélion  du  fioid  dans  des  ter- 
rines de  grès ,  &  qu'il  préfente  beaucoup  de  fur- 
face  à  l'air  ,  il  fe  gelé  un  peu  mieux  à  la  vérité, 
mais  il  s'en  évapore  beaucoup  par  l'âpreté  du 
froid  :  c'eft  ordinairement  le  plus  fubtil  &c  le  plus 
fpiritueux  qui  fe  diilipe. 


■^'lO  ChYMIE    EXPERIMENTALE 

Le  vinaigre  fe  concentre  très  bien  par  ce  pro- 
cédé. La  partie  acide  fe  trouve  rafTemblée  fous 
un  plus  petit  volume.  Le  vinaigre  ,  parvenu  à  ce 
point  de  concentration ,  a  plus  d'adiion  que  le  vi- 
naigre feulement  diftillé  :  il  agir,  dans  pluficurs 
occalîons ,  d'une  manière  fourde ,  comme  l'acide 
marin.  On  connoît  fort  peu  les  propriétés  de  ce 
vinaiçrre  ainfî  concentré.  On  peut  l'obtenir  en- 
core plus  concentré,  en  expofant  ce  même  vinai- 
gre à  un  froid  artificiel ,  plus  grand  que  le  naturel 
qu'il  a  éprouvé. 

p^inaigi^  avec  de  l'eau. 

Cet  acide  fe  mêle  très  bien  avec  l'eau  fans  pro- 
duire ni  froid  ,  ni  chaleur  ,  ni  effervefcence  :  ce 
qui  n'a  rien  de  furprenant,  puifque  cet  acide  efl 
fort  aqueux.  On  peut  enfuite  lui  enlever  ,  par  le 
moyen  de  la  congélation  ,  l'eau  qu'on  lui  a  ajou- 
tée ,  comme  nous  venons  de  le  dire. 

Vinaigre  mêlé  avec  de  la  glace. 

Deux  gros  de  vinaigre  diftillé  ,  avec  demi- 
once  de  glace  pilée ,  ont  produit  un  degré  de 
froid  ,  la  température  étant  à  fept  degrés  au-def- 
fous  de  la  glace. 

Le  vinaigre  concentré  à  la  gelée ,  employé  a 
la  même  dofe ,  &;  avec  la  même  quantité  de  glace, 
a  fait  bailfer  la  liqueur  du  thermomètre  de  qua- 
tre degrés. 

Vinaigre  avec   de  la  terre  vitrifiahle. 

Le  vinaigre  n'a  aucune  adlion  fur  les  terres  vi- 
trifiables  ,  quelque  divifées  qu'elles  foient  par 
les  moyens  méchaniques.  Nous  verrons ,  par  la 

Viv 


ET      RAISONNÉ  E.  31I 

fuite,  que  ,  lorfque  cette  terre  efl:  même  divifée 
thymiqiiement ,  le  vinaigre  n'a  encore  que  très 
peu  d'adion  fur  elle. 

yinaigre  avec  les  madères  combuJlibUs, 

Le  vinaigre  n'a  pas  fur  les  matières  combufti- 
bles  l'adion  des  acides  minéraux.  Il  açit  d'une 
manière  plus  douce  ,  à-peu-  près  comme  le  fait 
l'eau ,  parcequ'il  eft  fort  aqueux.  On  s'en  fert 
dans  plufieurs  occafions ,  comme  menllrue,  pour 
extraire  ou  pour  dilfoudre  certaines  fubftances 
qu'il  peut  attaquer.  Nous  aurons  occafion  d'en 
parler  dans  le  cours  de  nos  expériences. 

f^ina'igre  avec  le  phlogijlique. 

Le  vinaigre  n'a  aucune  difpofition  pour  s'unir 
avec  le  phlogiftique  :  cela  vient  de  ce  que  cet 
acide  eft  tort  aqueux.  Peut-ctre  que  fî  l'en  par- 
venoit  à  le  concentrer  au  même  degré  où  font  or- 
dinairement les  acides  minéraux  ,on  parviendroic 
à  produire  une  forte  de  foufre  j  comme  on  le  fait 
avec  les  autres  acides. 

Vinaigre  avec  la  matière  huileufe. 

Le  vinaigre  paroît  n'avoir  pas  plus  d'adion  fut 
les  matières  huileufes,  que  de  l'eau  pure  \  mais  on 
ne  fait  quelle  feroit  fon  adion  fut  ces  fubftances, 
s'il  étoit  bien  concentré. 

Vinaigre  dijiillé  avec  les  terres  calcaires. 

Le  vinaigre  diffout  toutes  les  terres  calcaires 
avec  effervefcence  :  il  s'en  charge  Jufqu'au  point 
de  faturation  ,  &  il  torme  avec  elles  des  fels  qui 
fe  cryftallifent ,  &  qui  n'attirent  point  l'huniidité? 

VlY 


5ii        Chymie  expérimintalï 

4e  l'air.  Ces  fels  poitent  le  nom  général  àe'fe^ 
fcéicux  terreux  ,  &  en  parriculier  celui  de  l'efpece 
^e  rerre  que  l'on  a  employée  j  comme/"^/  de  craiSy 
4e  marbre  blanc ^  d'yeux  d'écreviJJ'es,  de  corail^  &cc. 

On  met  dans  un  matras  du  marbre  blanc  en 
poudie  :  on  verfe  par-defTus  du  vinaigre  diftillé  : 
il  fc^  fait  aulîi-tôt  une  effervefcence  :  lorfqu'elle  eft 
un  peu  appaifée ,  on  place  le  vaifleau  fur  un  bain 
de  fable  chaud ,  pour  accélérer  la  diflTolution. 
Loifque  le  vinaigre  celîe  d'agir,  &  qu'il  eft  fa- 
turé ,  on  filtre  la  liqueur ,  &  on  la  garde  dans 
une  bouteille.  Cette  dilTolution  ell  d'une  légère 
couleur  ambrée.  J'ai  fait  dilToudre  plufieurs 
pierres  de  terres  calcanes  dans  le  vinaigre  diftillé. 
Je  vais  rendre  compte  des  phénomènes  qu'elles 
ont  préfenrés. 

De  la  craie  de  Champagne,  diffbute  dans  cet 
acide ,  a  formé  une  diffolution  femblable  à  la  pré- 
cédente ,  ôc  qui  avoit  la  même  couleur. 

Du  moellon  d'Arcueil  a  formé  une  dllfolution 
plus  ambrée  que  les  précédentes  ,  parceque  cette 
pierre  contient  un  peu  plus  de  fer. 

Du  fpath  calcaire  s'eft  diffous  plus  prompte- 
ment  dans  cet  acide,  que  les  matières  précédentes. 
La  dilTbhition  ,  avant  d'être  farurée ,  éroit  citrine, 
à  raifon  du  fer  que  cette  pierre  contient  j  mais 
lorfqu  elle  a  été  faturée  complettement ,  elle  a 
dépofc  un  peu  d'ochre.  La  liqueur  n'avoir  qu'une 
légère  couleur  ambrée. 

Des  ftaladites  calcaires  dr'Arcueil  fe  font  dif- 
foutçs  avec  les  mêmes  phénomènes.  Cette  dif- 
folution  ,  bien  faturée  ,  étoit  prefque  fans  cou- 
leur. 

Des  coquilles  d'œufs  fe  font  très  bien  diiToures. 
La  diirolution  n'avoit  aucune  couleur. 

La  chaux,  éteinte  à.  l'air,  s'eft  dilToute  avec 


IT       RAISONNE  E.  $1$ 

vive  effervefcence.  Le  vinaigre  s'en  eft  faturé  fans 
le  fecours  de  la  chaleur.  Cette  dilToliuion  étoit 
d'une  légère  couleur  ambrée. 

Les  pellicules  ou  crème  de  chaux  fe  font  très 
bien  diilbutes  dans  cet  acide.  Cette  dilToIution 
ii'avoit  prefque  point  de  couleur. 

Six  gros  de  vinaigre  diftillé  ont  été  fatarés  par 
vingt  onces  d'eau  de  chaux.  Le  mélange  s'eft  tait 
fans  eftervefçencç  fenfible.  La  liqueur  etoit  fans 
couleur. 

Toutes  ces  difTolutions ,  bien  faturées  ,  ont  la 
même  faveur  :  elle  eft  amere  ,  acerbe  Se  un  peu 
inordicante.  La  faveur  de  la  dilTolution  de  chaux 
étoit  moins  forte,  §c  la  liqueur  de  la  faturation 
de  l'eau  de  chaux  étoit  encore  plus  foible.  Sa  fa- 
veur approchoit  beaucoup  de  celle  de  l'eau  crue 
des  puits  de  Paris. 

Au  bout  de  quatre  mois ,  il  s'eft  formé  à  la  fur* 
face  de  ces  dilfolutions  une  moifiirure  fans  odeur 
de  putréfaction  ,  à  l'exception  cependant  de  la 
diftolution  de  pellicules  de  chaux  ,  qui  ne  s'eft 
point  moitié.  Elles  ont  toutes  perdu  confidéra- 
blement  de  leur  faveur  piquante. 

Lorfque  ces  dilTolutions  font  nouvellement 
faites ,  elles  font  prendre  au  fyrop  violât  &  à  la 
teinture  de  tournefol  une  couleur  purpurine  qui 
pafte  à  la  couleur  de  feuille  morte  ^  mais  lorf- 
qu  elles  ont  été  expofées  à  l'air  ,  feulement  trois 
ou  quatre  jours  ,  elles  n'altèrent  plus  les  couleurs 
de  ces  végétaux. 

J'attribue  cet  effet  à  ce  que  j'ai  remarqué  pen- 
dant la  faturation  du  vinaigre  avec  les  terres  cal- 
caires. Il  fe  dégage  une  vapeur  acide  très  vola- 
tile ,  comparable  pour  la  force  à  l'acide  fulfureux 
volatil ,  &:  qu'on  pourroit  nommer  acide  fulfureux 
végétal.  Cette  vapeur  eft  un  peu  adhéiente  à  U 


514  Chymii  EXPÉRIMENTAIÏ 
liqueur ,  fans  être  combinée.  Lorfque  les  diiïô- 
lutions  font  nouvelles ,  elles  font  imprégnées  de 
cet  acide  fubtil  :  il  agit  fur  les  couleurs  bleues 
des  végétaux ,  comme  l'acide  vitriolique  fulfu- 
reux  :  il  les  rougit  d'abord ,  &  les  fait  palTer  à  la 
couleur  de  feuilles  mortes.  Lorfqu'on  expofe  ces 
difTolutions  à  l'air  libre ,  cet  acide  volatil  fe  dif- 
fipe  entièrement. 

Aucune  terre  calcaire  ne  décompofe  ces  diffo- 
lutions,  &  n'en  fait  point  précipiter  la  terre. 

L'eau  de  chaux  ne  précipite  que  des  atomes  de 
matière  terreufe  de  toutes  ces  dilfolutions. 

L'acide  vitriolique  pourroit  bien  décompofef 
tous  ces  fels  acéteux  terreux. 

Je  n'ai  point  effayé  ce  que  feroient  les  acides 
nitreux  de  marins  fur  ces  diffolutions. 

Cryjiallifation  des  fels  acéteux ,  terreux-calcaires. 

J'ai  diftribué  féparément  dans  des  féaux  de 
verre  ,  des  portions  de  toutes  ces  dilfolutions  de 
terres  calcaires ,  faites  par  le  vinaigre  diftillé.  Je 
les  ai  recouvertes  d'un  papier  pour  les  garantir  de 
la  poulîiere  :  elles  ont  toutes  fourni  des  cryftaux 
par  une  évaporation  fpontanée:  ces  cryftaux ,  qui 
font  de  la  plus  grande  beauté  ,  font  fort  fujetsà 
grimper  le  long  des  parois  des  vailTeaux.  Lorf- 
que la  liqueur  dans  laquelle  ils  fe  forment,  eft 
peu  évaporée  ,  ils  ralfemblent  en  quelque  forte  i 
des  épis  de  feigle.  Lorfqu'au  contraire  on  lailfe 
évaporer  la  liqueur  à  l'air  libre ,  la  furface  du  fel 
eft  hérilfée  de  grumeaux  femblables  à  des  choux- 
fleurs ,  fous  lefquels  on  trouve  des  cryftaux  en 
épis  ,  qui  font  toujours  foyeux  &  moirés. 

J'ai  mis  en  diftillation  dians  une  cornue  de 
verre  huit  onces  de  fel  acéteux-calcaire ,  fait  avec 


ET      RAISONNE!.  ^IJ 

des  coquilles  d'œiifs.  Il  a  palTé  ,  en  vapeurs  blan- 
ches ,  deux  onces  fept  gros  de  liqueur  rouiïe  très 
fpirirueufe,  très  inflammable,  &  ayant  l'odeui: 
de  l'éthèr  végétal ,  mais  empyreumatique. 

11  eft  relté  dans  la  cornue  une  matière  terreufe 
noire ,  légère  &  charbonneufe ,  pefant  quatre 
onces  trois  gros.  Il  s'eft  fait  fix  gros  de  perte  pen- 
dant la  diftillation. 

J'ai  mis  la  liqueur  en  redification  dans  une 
petite  cornue  au  ien  de  lampe  avec  un  feul  lumi- 
gnon :  il  a  pafle  d'abord  une  once  de  liqueur  très 
Ipiritueufe ,  inflammable ,  d'une  légère  couleur 
ambrée  ,  &c  que  j'ai  féparée  :  il  a  pafle  enfuite  une 
liqueur  blanchâtre  laiteufe ,  fur  laquelle  on  re- 
maïquoit  quelques  gouttes  d'huile  aflez  blanche. 
11  eft  refté  dans  la  cornue  une  once  deux  gros  de 
liqueur  roufle ,  fur  laquelle  nageoir  environ  un 
gros  d'huile  noire ,  épaifl~e  comme  de  la  térében- 
thine. 

Toutes  ces  liqaeurs  rougifl~oient  la  teinture  de 
tournefol.  La  première  blanchilToit  avec  Teau. 
Nous  verrons,  en  fon  lieu,  que  l'alkali  fixe, 
traité  de  mcme  avec  du  vinaigre  diftillé  ,  donne 
des  produits  abfolument  contraires. 

Sel  acéteux-calcaire  avec  de  la  glace. 

On  ne  connoît  point  les  effets  que  produirolc 
ce  fel  avec  de  la  glace. 

Sel  acéteux-calcaire  avec  dufoufre. 

On  ignore  également  les  effets  de  ce  fel  fur  le 

foufre. 

yinaïgre  &  acide  vitrioUque  dijlillés  enfemhle. 
J'ai  mêlé  enfemble ,  dans  une  cornue  de  verre , 


|itf        Chymie  expérimentale 

deux  livres  d'acide  vitriolique  concentré,  Se  aiï* 
tant  de  vinaigre  rouge  ordinaire.  Ces  liqueurs  fe 
font  échaufFces  à-peu  près  autant  que  de  l'eau 
qu'on  mêle  avec  de  l'acide  vitriolique  dans  les 
mêmes  proportions.  Pendant  ce  mélange,  il  s'eft 
élevé  des  vapeurs  blanches  qui  avoient  une  odeur 
Tuave  de  vinaigre.  J'ai  fournis  ce  mélange  à  la 
diftillation  au  bain  de  fable  que  j'avois  chauffé 
auparavant.  Lorfqu'il  y  a  eu  une  certaine  quan- 
tité de  liqueur  de  di'tillée  ,  le  mélange  de  la  cor- 
nue s'eft  raréfié  :  il  a  pafTé  beaucoup  de  vapeurs 
blanches ,  mais  point  élaftiques.  J'ai  déluté  le 
ballon  :  j'ai  obtenu  quinze  onces  fix  gros  de  li- 
queur acide ,  ayant  une  odeur  très  agréable  , 
étant  légèrement  fulfureufe  &non  empyreumati- 
que;  ce  à  quoi  le  vinaigre  eft  ordinairement  fuj et  - 
lorfqu'on  le  diftille  feul. 

J'ai  adapté  un  autre  ballon  à  la  cornue,  &  j'ai 
continué  la  diftillation  pour  tirer  encore  feize 
onces  de  liqueur.  La  matière  fe  gonfloit  avec  la 
plus  grande  facilité  j  ce  qui  obligeoit  de  ménager 
le  feu  avec,  beaucoup  de  foin.  La  liqueur  a  enfin 
çelfé  de  fe  raréfier  :  il  s'eft  dégagé  beaucoup  de 
vapeurs  blanches  qui  fe  condenfoient  difficile- 
ment. La  liqueur  qui  a  diftille  étoit  fans  couleur  j 
mais  elle  avoir  une  forte  odeur  d'acide  fulfureux 
volatil  :  elle  avoir  aufti  une  faveur  infiniment 
plus  acide  que  la  première  liqueur  :  on  rçmar- 
quoit  à  fa  furtace  une  pellicule  graffe  ,  qui  a  dif- 
paru  dans  l'efpace  de  quelques  jours.  11  eft  refté 
dans  la  cornue  une  livre  treize  onces  d'acide  vi- 
triolique noir,  femblablç  au  réfidu  de  l'éthèi;  vi-^ 
triolique. 

Vinaigre  &  acide  nltreu».. 
Oïl  peut  préfumer  que  l'acide  nitteux,  qui  % 


KT      RAISONNE  E.  Hf 

beaucoup  d'a6tion  fur  les  matières  inflammables  > 
procureroir  au  vinaigre  des  changements  d'une 
nature  différente  de  ceux  de  l'acide  vitrioliqne  , 
&  relatifs  à  fa  manière  d'agir  fur  ces  fubftances. 
Mais  il  n'y  a  aucune  obfervation  de  faite  fur  cette 
combinaifon. 

Vinaigre  &  acide  marin. 

Il  en  eft  de  même  de  l'acide  marin.  On  ne  con- 
noît  nullement  fes  effets  fur  le  vinaigre. 

Vinaigre  avec  le  foufrL 

Les  effets  &  l'adion  du  vinaigre ,  pris  dans  dif« 
férents  états  ,  fur  le  foufre  ,  lent  pareillement 
ignorés. 

Vinaigre  avec  le  foie  de  fûufre  terreux. 

Le  vinaigre  décompofe  le  foie  de  foufre  ter- 
reux ,  comme  le  font  les  acides  minéraux  :  il  s'u- 
nit à  la  terre  &  à  la  matière  faline  de  la  chaux  , 
€n  faifant  précipiter  le  foufre. 

Vinaigre  &  gypfi' 

Le  vinaigre  diftillé  &  bouillant  ne  difTbut  pas 
mieux  ni  en  plus  grande  quantité  le  gypfe  &  les 
fubftances  gypfeufes,  que  ne  le  fait  l'eau  pure  &: 
touillante. 

Sur  Valkali  fixe  végétal. 

L'alkali  fixe  eft  une  fubftance  faline  qu'on  fc- 
pare  des  cendres  des  végétaux.  Nous  le  fuppofe- 
rons  ici  tout  purifié ,  comme  fi  la  Nature  le  pro- 
duifoit  ainfi.  Nous  parlerons  par  la  fuite  des 
moyens  qu'on  emploie  pour  fe  le  procurer. 

Les  Chymiftes  ont  fouvent  agité  cette  quef- 


3l8  ChYMÏE    IXPÉRIMENTAtl 

lion:  La  Nature  produit-elle  cette  fubilance  fa- 
line ,  ou  cette  fubllance  eft-elle  un  produit  du 
feu  ?  Nous  avons  déjà  dit  notre  fentimentfurcet 
objet,  en  examinant  les  matières  falines  en  gc- 
îiéral  ;  ôc  nous  tcpctons  ici  que  la  Nature  forme 
l'alkali  fixe  direélement  par  la  voie  humide  de  par 
la  voie  feche  ,  fuivant  les  circonftances  :  mais  il 
paroît  que  la  plus  grande  quantité  de  ce  quiexifte 
dans  la  Nature  ,  fe  produit  journellement  par  la 
voie  humide. 

11  eft  à  préfumer  que  l'alkali  fixe  efl:  compofc 
des  mêmes  fubftances  que  les  acides  ,  mais  diffé- 
remment arrangées ,  de  dans  des  proportions  di- 
yerfes.  Les  propriétés  que  nous  reconnoîtrons 
à  ce  fel  nous  font  préfumer  que  le  principe  du 
feu ,  qui  eft  de  l'enence  de  cette  fubftance  fa- 
line ,  n'eft  pas  aulîi  pur  que  dans  les  acides  mi- 
néraux :  c'eft  vraifemblablement  la  caufe  pour  la- 
quelle l'alkali  a  moins  d'adion  fur  les  matières 
inflammables.  Le  principe  terreux  réfide  en  plus 
grande  quantité  dans  ce  fel ,  que  dans  les  acides, 
C'eft  encore  pour  cette  raifon  qu'il  eft  moins  pro- 
pre à  fe  combiner  avec  les  corps  inflammables.  Il 
a  avec  l'eau  une  moindre  aflinité  que  n'en  ont  les 
acides  j  mais  il  en  a  beaucoup  avec  la  terre  par  la 
voie  feche  :  il  contrade  avec  elle  des  combinai- 
fons  très  fortes  ôc  très  intimes.  Nous  reconnoî- 
trons mieux  toutes  ces  propriétés  de  l'alkali  dans 
le  détail  des  opérations. 

L'alkali  fixe  eft  fous  une  forme  feche  ;  ce  qui 
indique  d'abord  qu'il  entre  dans  fa  compofition 
une  plus  grande  quantité  de  terre,  que  dans  celle 
des  acides. 

11  eft  d'un  blanc  mat,  &:  n'affede  aucune  figure! 
particulière. 

Il  eft  fans  odeur  lorfqu'il  eft  parfaitement  pur.; 


ST      RAISONNÉ  1.  ^itf 

Il  a  une  faveur  acre ,  cauftique  &  brûlante ,  Se 
développe  dans  la  bouche  une  odeur  urineufe. 
Cette  propriété  cauftique  ,  qui  eft  femblable  à 
celle  du  feu  ,  nous  indique  que  l'alkali  contient 
une  certaine  quantité  de  teu  pur  ou  prefque  pur , 
qui  lui  eft  uni,  comme  il  Teft  dans  les  acides, 
puifque  l'alkali  agit  comme  eux  fur  les  matières 
animales.  L'odeur  urineufe  qu'il  développe,  vient 
encore  de  fa  grande  aétion  fur  la  fubftance  de  la 
langue  :  il  agit  en  la  dctruifant ,  &  en  dégage  une 
fubftance  qui  eft  de  l'alkali  volatil ,  comme  nous 
le  dirons  en  fon  lieu. 

L'alkali  hxe  verdit  les  couleurs  bleues  desvé  - 
géraux  ,  tels  que  le  fyrop  violât.  Sec. 

Alkali  fixe  expoféaufeu. 

L'alkali  fixe  a  beaucoup  plus  de  fixité  au  feu,  que 
tous  les  acides  :  il  eft  en  état  de  fupporter  la  plus 
grande  violence  du  feu  dans  des  vaifleaux  clos  , 
lans  s'élever  :  mais  lorfqu'il  a  communication 
avec  l'air,  &  qu'il  éprouve  l'adlion  immédiate  du 
feu ,  fon  phlogiftique  entre  véritablement  en 
combuftion  :  alors  l'alkali  fe  diflipe  en  vapeurs 
blanches  très  épaiftes,  qui  affedlent  finguliére- 
ment  le  cerveau  :  il  fe  réduit  encore  plus  prompte- 
ment  en  vapeurs  lorfqu'il  a  en  même  temps  un 
contact  immédiat  avec  le  phlogiftique  embrafé  : 
il  n'entre  en  fufion  qu'après  avoir  rougi. 

On  met  dans  un  creufet  la  quantité  que  l'on 
veut  d'alkali  fixe  :  on  le  place  dans  un  fourneau 
entre  des  charbons  ardents  :  o\\  couvre  le  creufet 
avec  un  couvercle  de  terre ,  pour  empêcher  les 
charbons  d'y  entrer.  Lorfque  le  fel  eft  fondu  ,  on 
le  verfe  dans  un  mortier  de  fer  un  peu  échauffé  : 
il  coule  comme  une  liqueur  :  il  forme,  après  qu'il 


jî©       Chymie  expérimentale 
efl:  refroidi,  une  maiïe  blanche  verdâtre  très  dure  î 
on  le  pulvérife  de  on  l'enferme  pendant  qu'il  eft 
chaud  ,  dans  une  bouteille  qu'on  bouche  bien. 

La  couleur  verdâtre  que  l'alkali  prend  dans 
cette  occalion  ,  vient  d'une  portion  de  phlogifti- 
que  qui  s  cil  développée  pendant  lafuflon.  Lorf- 
qu'il  eft  fondu,  il  exhale  une  fumée  blanche  :  il 
fe  dilîîperoit  entièrement  fi  on  le  laiffoit  trop 
long-temps  au  feu.  Il  eft  de  la  plus  grande  im- 
portance de  prendre  garde  que  le  mortier  foit 
bien  fec  lorfqu'on  coule  ce  fel  :  s'il  contenoit  la 
moindre  humidité  ,  elle  feroitfubitement réduite 
en  vapeurs  très  dilatées ,  &  occafionneroit  une 
explofion  des  plus  bruyantes  ,  en  jettant  au  loin 
le  fel  fondu.  Cette  remarque  eft  générale  pour 
toutes  les  matières  en  fufion.  On  doit  avoir  la  plus 
grande  attention  de  ne  jamais  les  couler  dans  des 
vailTeaux  humides. 

En  examinant  les  propriétés  du  principe  ter- 
reux, nous  avons  vu  qu'il  étoit  abfolument  fixe* 
Comme  cette  matière  faline  a  beaucoup  plus  de 
fixité  que  les  acides  ,  nous  pouvons  conclure  en 
toute  fureté  ,  qu'elle  contient  beaucoup  plus  de 
principe  terreux  que  les  acides. 

Alkalïfixe  expofé  à  l'ai  té 

L'alkali  fixe  fe  charge  puiflamment  de  l'humi- 
dité de  l'air,  &  fe  refout  en  liqueur.  Comme 
l'alkali  fixe  le  plus  pur  fe  tire  du  tartre ,  on  le 
nomme  ,  lorfqu'il  eft  ainfi  réfous  en  liqueur , 
huile  de  tartre  par  défaiiîance ,  &  alkali  tombé 
en  ielïquLum.  Ce  nom  d'huile  eft  impropre.  L'al- 
kali fixe  n'a  rien  d'huileux.  On  ne  lui  a  donné 
ce  nom,  qu'à  caufe  de  fa  confiftance  qui  approche 
un  peu  de  celle  de  l'huile  fluide.  Pour  le  prépa- 
rer ainfi  : 

On 


fT     RAISONNA  i;  jiî 

X^n  met  du  fel  alkali  dans  des  vafes  de  grès 
tùu  de  verre  ,  larges  &  plats  :  on  les  expofe  à  la 
cave  ,  ou  dans  tout  autre  endroit  humide  :  lorf- 
que  ce  fel  eft  réfous  en  liqueur ,  on  le  filtre  ,  & 
on  le  conferve  dans  des  bouteilles  qu'on  bouche 
avec  des  bouchons  de  liège ,  ou  encore  mieux 
avec  des  bouchons  de  verre. 

Ce  moyen  de  préparer  l'huile  de  tartre  a  des 
inconvénients,  à  caufe  dclapouHîere  qu'elle  ra- 
malTe  :  elle  fe  charge  aulli  des  fabftances  réduites 
en  vapeurs  dans  l'air,  qui  altèrent  fa  pureté.  11 
Yaut  mieux  la  préparer  de  la  manière  fuivante. 

Alkali  fixe  mêlé  avec  de  l'eau. 

On  met  dans  une  terrine  de  grès  de  l'alkalî 
fixe  defféché  :  on  verfe  par-deiTus  environ  Çon 
poids  égal  d'eau  :  on  agite  le  mélange  avec  une 
fpatule  :  il  fe  produit  une  chaleur  de  foixante  de- 
grés lorfque  l'alkali  eft  bien  (qc  :  elle  eft  moindre 
lorfqu'il  n'a  pas  été  bien  deflcchc.  Lorfque  l'al- 
kali eft  entièrement  dilfous,  on  filtre  la  liqueur, 
&  on  la  conferve  dans  une  bouteille.  Dans  cet 
état,  il  eft  fans  couleur  &  fans  odeur,  lorfqu'on 
a  fait  choix  d'un  alkali  bien  pur  j  mais  il  a  tou* 
jours  une  faveur  acre  ,  cauftique  6i.  brûlante. 

R   E    M   A    R    Çl    U   K   S. 

L'alkali  fixe  contient  de  la  terre  par  furabon- 
dance  :  celle  qui  conftitue  fon  elTence  ne  lui  eft 
pas  unie  aufii  intimement  qu'elle  l'eft  dans  les 
acides  ;  du  moins  on  en  fcpare ,  facilement  & 
promptement,  une  certaine  quantité  :  il  fuffit  de 
Faire  dilfoudre  dans  de  l'eau  &c  de  faire  defle- 
cher  plufieurs  fois  de  fuite  le  mcme  alkali  fixe  : 
on  en  iépare  chaque  fois  une  quantité  fort  confi- 
Toine  I,  X 


412.  Chymie  expérimentale 
dérable  de  terre  blanche  ,  fans  que  l'alkali  percîe  _^ 
fes  propriétés.  J'ai  gardé  nombre  de  fois ,  dans  des 
flacons  bouchés  de  cryftal ,  de  l'alkali  fixe  très 
pur  en  liqueur  :  il  a  toujours  dépofé  une  plus  ou 
moins  grande  quantité  de  terre  blanche.  Jepenfe 
que  cet  effet  vient ,  dans  l'un  &c  dans  l'autre  cas, 
d'une  véritabre  décompofition  de  l'alkali  ,  de  de 
ce  que  (es  principes  font  bien  moins  unis  entre 
eux  (|ue  dans  les  acides.  Je  penfe  aullî  que  ces 
phénomènes  viennent  de  ce  que  la  portion  de  feu 
prefque  pur ,  auquel  il  doit  fes  propriétés  falines, 
fe  dilîipe ,  ôc  qu'ait  fe  fépare  de  la  terre  dans  la 
tnême  proportion  :  il  peut  fe  décompofer,  en 
grande  partie  ,  par  ces  moyens  fimples  ,  ôc  acqué- 
rir même  plus  de  caufticité  ,  fur-tout  en  ne  le 
faifant  point  calciner  à  chaque  defiiccation  ,  afin- 
de  ne  point  détruire  la  matière  phlogiftique  dont 
il  abonde ,  ôc  qui  fert  à  mieux  fixer  les  parties  de 
feu.  Si  au  contraire  on  le  calcine  chaque  fois 
qu'on  le  fait  defifécher,  on  brûle  la  matière  phlo- 
giftique qui  s'étoit  concentrée  dans  les  deiîicca- 
tions  précédentes,  ôc  on  occafionne  la  fépara- 
tîon  d  une  plus  grande  quantité  de  terre  :  la  por- 
tion de  terre  qui  fe  fépare ,  eft  proportionnée  à  la 
quantité  de  feu  principe  de  l'alkali  qu'on  a  fait 
difiiper ,  parcequ'il  y  a  réellement  une  partie  de 
ce  fel  qui  eft  décompofée  complettement  :  il  eft 
facile  de  s'en  appercevoir  par  le  poids  de  l'alkali 
reftanr  ,  qui  eft  moindre  qu'auparavant  :  ce  fel  fe 
trouve  dans  le  mcme  état  qu'il  étoit  avant  ces 
opérations  :  on  peut  le  décompofer  fucceftive- 
ment,  ôc  même  aftez  promptement,  en  faifant 
difiiper  le  feu  ôc  l'air  qui  lui  fervoient  de  princi- 
pes conftituants  :  à  la  fin  de  ces  opérations,  on  re- 
cueille à  part  l'eau  ôc  la  terre  qui  font  les  autre^^ 
principes  de  ce  fel. 


î  T      Pv  A  I  S   O  N  N  i  E.  3ij 

Il  en  eO:  de  mcme  àe  Teau  de  chaux  :  elle  perd 
jpar  le  fcjour  toute  fa  faveur  :  les  pellicules  de 
chaux  n'ont  plus  de  faveur.  Tous  ces  eftets  vien- 
nent de  la  nicmc  caufe.  Il  n'y  a  ni  dans  l'eau  de 
chaux  ,  ni  dans  les  pellicules ,  alTez  de  matière 
phlogiftique  pour  fixer  les  parties  de  feu  ;  n-.ais  fi 
l'on  ajoute  à  l'eau  de  chaux  ,  comme  je  l'ai  fait, 
une  matière  phlogiflique  ,  dans  un  état  convena- 
ble ,  tel  que  de  l'efprÏL  devin  ,  pour  qu'elle  puilTe 
s'unir  aux  principes  de  l'eau  de  chaux  ;  alors,  au 
lieu  de  perdre  de  fa  caufticitc  par  le  féjour,  elle 
ien  acquiert  confidérablement.  Ces  phénomènes 
nous  prouvent ,  de  plus  en  plus,  que  les  parties 
de  feu  qui  font  la  caufticité  des  matières  falines, 
ont  befoin  d'être  unies  par  une  dofe  fullifante  de 
phlogiftique,  &c  dans  un  état  convenable  j  car 
une  plus  grande  dofe  de  fubftance  de  cette  na- 
ture tait  perdre  au  fel  alkali  toutes  fes  proprié- 
tés cauftiques ,  comme  nous  le  verrons  en  parlant 
de  l'alkali  phlogiftique  pour  le  bleu  de  PrulTe. 

Quant  à  la  terre  qu'on  fépare  de  l'alkali  fixe 
dans  ces  différentes  opérations ,  je  me  fuis  bien 
convaincu  qu'elle  eft  de  nature  vitrifiable ,  & 
qu'elle  en  a  toutes  les  propriétés:  mais  il  ne  f^iuc 
pas  croire  ,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  qu'elle  foit 
dans  les  fels  fous  l'état  calcaire  j  je  penfe,  au 
contraire ,  que  lorfqu'elle  en  fait  partie  ,  elle  y 
eft  dans  un  état  moyen  entre  les  terres  calcaires 
6>c  les  terres  vitrifiables  :  je  penfe  encore  qu'elle 
ne  peut  fe  féparer  des  combinaifons  llilines ,  que 
lorfqu'elle  eft  parvenue  à  l'état  de  terre  vitrifia- 
ble pure,  «Se  lorfqu'elle  s'eft-  dépouillée  de  l'air, 
du  phlogiftique  îk  du  principe  aqueux ,  qui  la 
conftituoient  plus  ou  moins  terre  calcaire. 

D'après  tout  ce  que  je  viens  de  dire  ,  je  crois 
qu'on  pourroit  décompofer  complettement  une 

X  ij 


'514  Chymie  expérimentale 
quantité  donnée  d'alkali  fixe ,  d'une  manière  fort; 
limple.  Il  fuffiroit,  pour  cela,  de  faire  digérer 
dans  un  matras  au  bain  de  fable,  de  l'alkali  fixe 
en  iiqueui. ,  &  qui  ne  feroit  pas  trop  concentré. 
Il  feroit  inutile  d'ôter  la  terre  à  mefure  qu'elle 
fe  fépareroit  du  fel  :  elle  ne  peut  nuire  à  l'opé- 
ration. 

L'alkali  fixe  très  pur  n'efl:  point  fufceptible  de 
fe  cryftallifer  :  il  fe  deffeche  ôc  fe  réduit  en  pou- 
dre. Quelques  Chymiftes  ont  cependant  avancé 
qu'on  pouvoir  le  faire  cryftallifer  :  fi  cela  eft  arri- 
vé ,  on  doit  l'attribuer  à  quelques  lels  étrangers 
qui  fe  l'ont  alfocié  pour  cryftallifer  enfemble. 
Mais  le  fel  de  tartre  très  pur ,  &  qui  a  été  calciné  à 
l'air  libre,  n'eft  point  fufceptible  de  fe  cryftallifer  : 
cependant ,  lorfqu'on  fait  calciner  le  tartre  dans 
des  vaifteaux  clos  ,  comme  dans  une  cornue  ,  il 
y  a  une  bonne  partie  du  fel  alkali  qui  fe  cryftal- 
life  :  cet  effet  vient  du  phlogiftique  qui  conver- 
tit une  partie  de  ce  fel  en  cryftaux  de  fonde  ,  ou 
en  alkali  marin.  Le  phlogiftique,  dans  ce  cas  , 
eft  plus  abondant  :  fon  état  eft  différent  de  celui 
qu'il  a  dans  le  fel  qu'on  nomme  alkali  végétal  : 
l'alkali  qui  refaire  de  cette  combinaifon  n'eft 
plus  déliquefcent  ]  il  eft  moins  acre  ôc  moins 
cauftique  que  l'alkali  végétal. 

Lorfque  l'alkali  eft  en  liqueur ,  ou  pour  avoir 
été  expofé  à  l'air,  ou  pour  avoir  été  dillous  dans 
l'eau  ,  on  peut  le  remettre  dans  fon  premier  état 
de  ficcité.  Il  fufHr  de  faire  évaporer  l'humidité, 
jufqu'à  ce  qu'il  foit  réduit  à  ficcité,  de  de  l'en- 
fermer dans  une  bouteille,  tandis  qu'il  eft  chaud  : 
mais  comme  cette  matière  faline  a  de  l'action  fur 
certains  métaux,  il  s'enfuit  que  tous  Les  vaifleaux 
ne  font  pas  également  propres  à  la  dedécher.  Les 
tneilleurs  font  ceux  de  verre  ou  de  grès  :  mais  ils 


ET      RAISONNES.  5I5 

ont  l'inconvcnienc  de  caffer  :  ils  font  petits  :  on 
ne  peut  faire  deiréchet  qu'une  petite  quantité  de 
fel  à  la  fois  :  ceux  de  feu  alteient  la  puieté  de  l'al- 
kali ,&;  encore  plus  ceux  de  cuivre  :  les  vailleaux 
les  plus  commodes  font  les  ballines  d'argent  j  ils 
ne  communiquent  rien  à  ce  fel. 

Alkali  fixe  avsc  de  la  glace. 

L'alkali  fixe  ,  comme  nous  l'avons  dit ,  produit 
de  la  chaleur  en  fe  dilfolvant  dans  l'eau.  11  en  eft 
autrement,  lorfqu'on  le  nicle  avec  de  la  glace  : 
une  partie  de  ce  fel ,  &:  deux  de  glace  pilce  ,  pro- 
duifent  un  froid  de  dix  degrés ,  la  température  ail 
terme  de  la  conc:élation. 

Alkali  fixe  avec  de  la  terre  vitr'ifiahle. 

L'alkali  fixe  ne  peut ,  par  la  voie  humide ,  con- 
tradter  aucune  union  avec  la  terre  vitrifiable  j 
mais  par  la  fufion ,  il  dilfout  parfaitement  les  ter- 
res vitrifiables,  mcme  avec  effervefcence.  11  for- 
me avec  elles  des  matières  vitreufes  ou  des  ma- 
tières vitriformes ,  fuivant  les  porportions  que 
l'on  a  employces. 

Lorfqu'on  fiiit  entrer  dans  le  mélange  fix  ou 
fept  parties  de  fable  ,  Se  même  davantage,  fur  une 
d'alkali  fixe ,  ces  matières ,  pouflées  long-temps  à 
la  violence  du  feu  ,  entrent  en  fufion  ,  &  fe  com- 
binent très  bien.  Le  produit  qui  en  réfulte  fe 
nomme  verre.  Nous  parlerons  plus  amplement 
de  ce  produit  en  fon  lieu ,  &c  nous  donnerons 
un  article  fur  le  verre ,  la  verrerie  &  la  vitrifi- 
cation. 

Mais  lorfqu'on  a  employé  ,  au  contraire,  trois 
ou  quatre  parties  de  fel  alkali  (ur  une  de  lable  ,  il 
n'y  a  pas  alliez  de  matière  terreufe  pour  faturer 

Xiij 


|2^        Chymie  expérimentale 

Falkali.  Le  mélange  participe  davantage  des  pro^ 
pnétés  de  la  matière  faline  :  il  eft  acre,  caufti-r 
que ,  déliquefcent  :  la  terre  vitrifiablc  fe  trouve 
diiToiite  par  l'alkali  fixe  :  elle  eft  en  crac  de  palTer 
au  travers  des  filtres  :  c'eft  ce  que  l'on  nomme 
l'iquor  Jiiicum. 

Liquor  filicum  ^  ou  liqueur  des  cailloux. 

On  prend  une  once  de  caillou  noir  calciné 
Se  réduit  en  poudre  fur  le  porphyre  :  on  le  mcle 
avec  quatre  onces  de  fel  alkali  bien  fec  :  on  mec 
ce  mélange  dans  un  creufet ,  qu'on  ne  remplit 
qu'à  moitié  :  on  place  le  creufet  dans  un  four- 
neau qui  poulTe  bien  :  auffi- tôt  que  la  matière 
entre  entre  fufion  ,  elle  fe  gonfle  confidérable-^ 
jnent  :  elle  continue  de  fe  bourfoufler  jufqu'à  ce 
que  l'alkali  ait  diflous  toute  la  terre  vitrifiable. 
On  tient  le  creufet  ouvert,  tant  que  cette  effer-? 
vefcence  a  lieu  ,  afin  de  la  modérer ,  fans  quoi  la 
matière  pafleroit  par-defiTus  les  bords  du  creu- 
fet. Lorfque  l'eflervefcence  eft  palfée,  on  couvre 
le  creufet,  on  augmente  un  peu  le  feu  pendant 
trois  ou  quatre  minutes ,  pour  faire  prendre  à  la 
matière  une  belle  fufion ,  Se  pour  être  sûr  que 
coûte  la  terre  vitrifiable  eft  diffoute  par  l'alkali  ; 
alors  on  verfe  ce  que  contient  le  creufet  dans  ua 
mortier  de  fer  bien  fec,  ou  fur  une  plaque  de  fer 
ou  de  cuivre.  La  matière ,  en  fe  refroidiftant ,  fe 
fige  &c  prend  l'apparence  d'un  verre  :  elle  fe  cafle 
d'elle-même  en  plufieurs  morceaux ,  dès  qu'elle 
çefte  d'être  rouge. 

Remarques. 

Pendant  la  fufion  de  ces  deux  fubftances  ,  l'al-^ 
ïcali  j  aidé  de  la  chaleur ,  dilîoiu  la  terre  viçrifia.'» 


ET      RAlSONNir.  517 

-ble,  comme  un  acide  diirout  la  terre  calcaire^ 
L'inftant  où  fe  fait  cette  dilîolution  ,  s'annonce 
par  l'efïervefcence  qui  s'excite  entre  ces  fubrran- 
ces  ,  de  qui  eft  même  très  confi.lérable  :  c'eft  pour 
cette  raifon  que  nous  avons  recommandé  de 
n'emplir  le  creufct  qu'à  moitié,  afin  qu'il  y  aie 
un  efpace  fufîifant ,  pour  que  la  matière  ne  fe 
répande  pas  hors  du  creufet.  On  eft  afluré  que 
la  combinaifon  eft  fliite ,  lorfque  reffcrvefcence 
eft  paftcc.  Néanmoins  j'ai  remarque  qu'il  étoic 
nccelTaire  de  chauffer  le  mêlançre  encore  quel- 
que temps  après  ,  afin  d'ctre  afluré  que  la  tota- 
lité de  la  terre  vitrifiable  eft  complcttemen:  dif- 
foute. 

Cette  combinaifon  eft  eflentiellement  moins 
fufible  que  l'alkali  pur,  parceque  la  fufibiîité  de 
l'alkali  &  l'infufibilité  de  la  terre  fe  partagent 
réciproquement  leurs  propriétés.  C'eft  pourquoi 
il  fiut  un  bon  coup  de  feu  ,  pour  produire  la 
difTolution  complette  de  la  terre  viriifiable.  Si 
l'on  a  ôté  du  feu  la  matière  ,  immédiatem.ent 
après  qu'elle  eft  fondue,  elle  eft  d'un  blanc  lai- 
teux ,  lorfqu'elle  eft  refroidie ,  parceque  les  cail- 
loux contiennent  encore  quelque  portion  de 
terre  moyenne  entre  la  terre  calcaire  &  la  terre 
vitrifiable,  une  terre  enfin  qui  n'eft  pas  encore 
complettement  changée  en  une  terre  vitrifiable 
pure.  Il  faut,  pour  diûToudre  cette  portion  de  terre, 
un  plus  grand  &C  plus  lon^  coup  de  feu  ,  que  pour 
diftoudre  par  le  même  moyen  de  la  terre  vitrina- 
ble  pure.  La  matière  eft  bien  tranfparente,  lorf- 
qu'elle a  reçu  le  feu  convenable. 

Si ,  au  lieu  de  cailloux  ,  on  emploie  du  fable, 
blanc  ordinaire  &  également  broyé ,  ou  toute  au- 
tre pierre  vitrifiable  pure ,  la  mafte  vitriforme 
qui  réfuke  immédiatement  après  fa  fulion  ,  n'etfc 

Xiv 


$iî  Chymie  expérimentale 
point  laiteiife  :  elle  efi:  tranTparenre  comme  diï 
verre.  Ceci  nous  donne  un  exemple  de  la  fufibi- 
lité  des  terres  vitrifiables  plus  grande  que  celle 
des  terres  calcaires ,  puifque  la  terre  vitrifiable 
du  caillou  eft  fondue  la  première,  &  qu'on  eft 
obligé  de  continuer  le  feu  encore  quelques  inf- 
tants  de  plus ,  pour  vitrifier  la  portion  de  terre 
qui  a  confervé  quelques-uns  des  cara6leres  de  la 
terre  calcaire. 

Si  le  feu  n'a  pas  été  fuffifamment  fort  ni  afTez 
long-temps  continué  pour  fondre  la  terre  demi- 
calcaire  du  caillou ,  on  la  retrouve  fur  les  filtres  , 
lorfqu'on  vient  à  faire  difioudre  dans  de  l'eau 
cette  matière  vitriforme.  Elle  ne  fe  préfente  pas 
avec  toutes  (es  propriétés  calcaires  bien  décidées, 
parceque  ,  comme  nous  l'avons  déjà  dit  ,  elle 
éprouve  des  altérations  de  la  part  du  feu ,  qui  la 
ramènent  de  plus  en  plus  au  caractère  de  terre 
vitrifiable  ,  qui  eft  celui  de  fon  origine. 

On  peut ,  fi  l'on  veut ,  s'éviter  la  peine  de 
broyer  fur  le  porphyre  ces  fortes  de  pierres  :  il 
fufht  de  les  employer  en  poudre  fine  ;  la  diflolu- 
tion  eft  feulement  quelques  inftants  de  plus  à  fe 
faire  :  le  eonflement  &  l'effervefcence  durent  un 
peu  plus  de  temps.  C'eft  un  prmcipe  général  : 
plus  les  corps  font  divifés ,  mieux  ils  fe  combi- 
nent, &  la  combinaifon  fe  fait  plus  prompte- 
ment. 

Lorfqu'il  tombe  quelques  charbons  dans  le 
creufet ,  tandis  cjue  la  matière  eft  en  fufion  ,  l'ai- 
kali  a.o;i^  fur  le  phlogillique  ,  difiout  mcme  le 
charbon  :  la  matière  prend  une  couleur  depuis  le 
jaune  iufqu'au  ronge  d'hyacintlie  ,  à  proportion 
que  l'alkali  a  dilïous  de  cette  fubftance  y  au  liea 
que  quand  cet  accident  n'arrive  pas ,  la  matière 
n'a  qu'une  légère  couleur  ambrée. 


ET      RAISONNÉ  I.  }2f 

L'nlkali  fixe,  qiioiqu'uni  avec  le  quart  de  fon 
poids  de  teire  vitiihable ,  confeive  encoie  de  fes 
propriétés  alkalines  :  elles  font  mcme  augmen- 
tées Cette  matière  faline  eft  irfinnnent  plus  acre 
^'  plus  cauftique  que  l'alkali  pur  :  elle  attire  puif- 
famment  rhumiduc  de  l'air,  &  fe  rcfout  en  li- 
queur. Je  penfe  que  cette  augmentation  de  cauf- 
ticité  vient  des  parties  de  feu  prefque  pur  qui  fe 
font  combinées  avec  cette  maticie  :  quoiqu'il  foie 
difficile  de  démontrer  cette  alTertion  ,  elle  ne 
m'en  paroît  pas  moins  ceitaine,  parcequ'il  n'y  a 
dans  la  nature ,  félon  moi ,  que  le  teu  qui  ait  de  la 
faveur  ôc  qui  foit  caulbque. 

Liquor  fûïcum  dijj'ous  dans  de  l'eau. 

On  piilvérife  grofîîérement  la  matière  vitri- 
forme  dont  nous  venons  de  parler  :  on  la  met 
dans  un  matras  avec  une  fuflifante  quantité 
d'eau  :  on  fait  digérer  ce  mélange  au  bain  de  fa- 
ble ,  jufqu'à  ce  que  la  matière  loir  parfaitement 
diCoute  :  on  filtre  la  liqueur ,  is:  on  la  conferve 
dans  une  bouteille  qu'on  bouche  bien  :  il  refte 
toujours  fur  le  filtre  une  certaine  quantité  de 
terre  vitrifiable,  qui  a  échappé  à  l'adlion  de  l'al- 
kali. 

R   E    M   A    R    Q^    U   E    s. 

Lorfquc  la  matière  faline  n'a  pas  reçu  un  coup 
de  feu  fufiilamment  fort  &  alfez  long-rem ps  con- 
tinué, la  terre  vitrifiable  n'eft  que  dans  un  état  de 
dcmi-diffolution  :  la  liqueur  paffe  trouble  ^  dif- 
ficilement au  travers  du  hltre.  Lorfqu'au  contraire 
le  coup  de  feu  a  été  fuffifiimment  fort,  la  terre  vi- 
trifiable eft  parfaitement  difToute.  La  difTolurioii 
palTe  très  claire  6c  facikmenc  ;  elle  eil  d'une  cou- 


33<5  ChYMIE    EXPERIMENTALE 

leur  ambrée.  Dans  le  premier  cas ,  prefque  route 
la  terre  fe  fépare  de  la  liqueur  dans  l'efpace  d'une 
année.  Dans  le  fécond  ,  il  he  s'en  précipite  qu'une 
bien  petite  quantité ,  même  dans  l'efpace  de  cinq 
à  fix  années.  La  plus  grande  quantité  refte  par- 
faitement dilToute  dans  l'alkali  fixe. 

Décompafition  de  la  liqueur  des  cailloux  par  les 
acides. 

On  met  dans  un  grand  verre  de  la  liqueur  àes 
cailloux  :  on  verfe  par  delïus  de  l'acide  vitrioli- 
que  :  il  s'unit  à  l'alkali  avec  efFervefcence  ,  &  fait 
précipiter  la  terre ,  qui  eft  dans  un  fi  grand  état 
de  divilion,  qu'elle  relTemble  plutôt  à  un  muci- 
lage ,  qu'à  une  terre.  On.  filtre  la. liqueur  :  on  lave 
la  terre  dans  beaucoup  d'eau  bouillante,  pour  la 
delTaler  complettement ,  &  on  la  fait  fécher  fi 
l'on  veut  :  elle  eft  de  même  nature  qu'elle  étoic 
auparavant  y  Se  n'a  point  changé  dans  ces  opé- 
rations. 

M.  .Pott ,  dans  fa  Lithogéognofie  ,  Edition 
Françoife  ,  page  174  ,  premier  volume,  dit  que 
cette  terre  précipitée  ^  de  vitrifiahle  &  infolublc 
quelle  étoit  auparavant  par  les  acides  j  ejl  devenue 
alhaiine  ;  car  elle  fe  dijjout  dans  les  acides:  &  il 
ajoute  qu'il  n'y  a  que  l'acide  vitrioUque  qui  ait  la 
propriété  de  la  précipiter. 

La  diiTolubilité  d'une  terre  dans  les  acides  ne 
conftitue  point  feule  fa  nature  :  la  terre  qu'on  fé- 
pare du  liquor  Jilicum  j  ned  diiïbluble  que  par 
rapport  à  l'état  fous  lequel  elle  fe  trouve  réduite. 

On  peut  voir  dans  mon  Al  émoi  re  fur  les  Ar- 
gilles  3  de  quelle  importance  eft  cette  expérience 
pour  la  connoiffance  des  matières  terreufes  :  c'eft 
ce  qui  m'a  engagé  à  la  répéter  un  grand  npmbrçt 


ET      RAISONNEE.  551 

de  fois ,  &C  à  en  examiner  toutes  les  circonftan- 
ces.  J'ai  reconnu  ,  comme  M.  Pott ,  qiKî  celte 
terre  ctoit  précipitée  par  l'acide  vitrioliquc  ^mais 
je  me  fuis  alfuré,  de  plus  ,  qu'elle  l'étoit  égale- 
ment par  les  autres  acides  ^  mcme  par  le  vinai- 
gre diftillé  j  Se  que  cette  terre  étoit  enfuite ,  non 
feulement  dilfoluble  dans  l'acide  vitriolique  , 
comme  le  dit  M.  Pott ,  mais  qu'elle  l'étoit  égale- 
ment dans  l'acide  nitreux  &:  dans  l'acide  marin  : 
l'acide  du  vinaigre  ne  l'attaque  pas  fenliblement. 
Je  me  fuis  encore  bien  convaincu  qu'elle  n'eft 
point  changée  de  nature,  &  qu'elle  a  toutes  lei 
propriétés  d'une  terre  vitriliable,  comme  je  l'ai 
démontré  dans  mon  Mémoire  fur  les  Argilles  j  & 
comme  on  le  verra  par  le  détail  des  expériences 
que  je  vais  rapporter. 

Combinaifon  delà  terre  féparce  du.  liquor  filicum 
avec  l'acide  vitriolique. 

Alun  artificiel. 

On  met  dans  un  matras  une  certaine  quantité 
de  terre  féparée  an  liquor  Jilicum  ^  coxnn-ie  nous 
venons  de  le  dire  :  on  verfe  par  deflus  de  l'acide 
vitriolique  afFoibli  :  on  fait  digérer  ce  mclanc;e  au 
bain  de  fable  :  la  terre  fe  difTout  :  on  a  foin  qu'il 
fs  trouve  dans  le  mélange  une  furabondance  d'a- 
cide :  on  filtre  la  liqueur  ,  &:  on  la  fait  évaporer  à 
l'air  libre  :  elle  fournit  des  cryftaux  de  véritable 
alun.  J'ai  répété  ces  expériences  avec  différentes 
terres  vitrilîables ,  telles  que  du  quartz,  du  fable , 
du  caillou  de  ditférente  efpece  ,  du  cryftal  de  ro- 
che :  j'ai  eu  conftamment  les  mêmes  réfultats  ;  ce 
qui  prouve  d'abord  l'identité  de  la  terre  vitrifia- 
ble  avec  la  terre  de  l'alun  ,'  tic  nous  verrons  cettQ 
W)ème  identité  avec  la  terre  des  argilles. 


332.        Chymie  expérimentale 

Ladiiïolution  de  cette  mcme  terre  d'alun  dan? 
l'acide  nitreux  croit  fort  acide  j  elle  rougiiroit  les 
couleurs  bleues  des  végétaux  :  l'eau  de  chaux  la 
décompofe  &  en  fait  précipiter  la  terre  vitrifia- 
ble.  La  terre  calcaire  opère  la  même  décompofi- 
tion,  La  combinaifon  de  l'acide  nitreux  avec  la 
terre  du  liquor Jillcum  j  évaporée  à  l'air  libre  ,  a 
donné  un  mucilage  net  ôc  tranfparent ,  &c  n'a 
point  formé  de  cryftaux  :  cette  combinaifon,  faite 
avec  de  l'acide  marin  ,  a  formé  quelques  petites 
aiguilles  d'une  ftypticité  confidérable. 

11  eft  bon  de  faire  obferver  que  lorfqu'on  pré- 
fente cette  terre  aux  acides  ,  dans  le  delfein  de  la 
dilloudre  ,  il  faut  la  prendre  ,  tandis  qu'elle  eft 
en  bouillie  ,  &c  avant  qu'elle  ait  été  féchée  j  car  , 
lorfqu'on  l'a  fait  fécher  ,  les  parties  fe  font  réu- 
nies ôc  agglutinées  entre  elles  par  l'attraction  : 
cette  terre  alors  ne  peut  plus  fe  dilfoudre. 

Lorfque  le  Lïquor  filïcum  a  été  mal  fondu ,  la 
terre  qu'on  en  précipite  eft  beaucoup  plus  difficile 
à  fe  difloudre  dans  les  acides. 

Tous  ces  aluns  artificiels  font  fufceptibles  de 
fe  faturer  de  leur  terre ,  &:  de  former ,  comme 
l'alun  ordinaire  faturé  de  fa  terre ,  des  efpeces  de 
fels  qui  fe  cryftallifent  en  petites  écailles  comme 
du  mïca-^  8c  dans  cet  état ,  ils  font  peu  diftblu- 
blés  dans  l'eau. 

Sur  VAlun. 

L'alun  eft  un  fel  vitriolique  ,  ou  une  félénite 
à  bafe  de  terre  vitrifiable ,  compofé  de  parties 
égales  de  terre  argilleufe  &: -d'acide  vitriolique. 
Ce  fel  eft  avec  excès  d'acide  :  il  fe  dilfout  facile- 
ment dans  l'eau,  &  en  très  grande  quantité.  Nous 
verrons  dans  le  détail  des  expériences  ,  qu'il  eft 
de  même  nature  que  les  argUles ,  quoique  cette 


ET      R  A  I  S  O  N  N  i  ï.  5  5  §' 

dernière  fubftance  foit  très  peu  dilToluble  dans 
l'eau.  On  trouve  dans  le  commerce  trois  efpeces 
d'alun  :  favoir  ^  \alun  oc  Rome  j  qui  eft  le  plus 
pur  j  Valun  de  Smyrne  _,  &  Xalun  de  roche  :  ce  der- 
nier contient  fouvent  du  fer.  Ces  aluns  font  elTen- 
tiellement  de  mcme  nature  :  ils  différent  feule- 
ment les  uns  des  autres  par  des  degrés  de  pureté , 
&  quelquefois  par  l'état  de  leur  terre,  quoiqu'elle 
foit  toujours  de  nature  vitritîable. 

Lorfque  nous  examinerons  les  pyrites ,  nous 
dirons  de  quelle  manière  on  tire  l'alun  des  ma- 
tières qui  le  contiennent ,  ou  qui  font  propres  à  le 
fournir  :  nous  ne  parlerons,  quant  à  préfent,  que 
de  l'alun  de  roche. 

L'alun  de  roche  eftcryftallifé  en  grolTes  malTes 
irrégulicres. 

11  a  une  faveur  acide  ,  ftyptique  &c  fort  aftrin- 
gente. 

Il  rougit  les  couleurs  bleues  des  végétaux. 

L'alun  eft  une  matière  faline  incombuftible  : 
on  le  fait  entrer  dans  des  vernis  de  colle  forte 
qu'on  applique  fur  des  menuiferies,  afin  qu'elles 
foient  moins  fujettes  aux  incendies. 

j4lun  au  feu.  Alun  calcine'. 

On  met  de  l'alun  dans  un  creufet  :  on  le  place 
dans  un  fourneau  entre  des  charbons  ardents  :  il 
fe  liquéfie  aulli-tot  qu'il  commence  à  fentir  la 
chaleur,  6c  bouillonne  :  il  febourfoufie  confidé- 
rablemenr ,  &:  fe  réduit  en  une  matière  très  blan- 
che ,  friable ,  très  légère ,  rare,  fpongieufe &:  très 
volumineufe  \  c'eft  ce  que  l'on  nomme  alun  cal- 
ciné  :  on  le  détache  du  creufet ,  ^  on  le  conferve 
dans  une  boite. 


554  ChYMIE    EXPE-RlMENTAtÉ 

Remarques. 

L'alun  contient  nn  peu  plus  de  la  moitié  de  fort 
poids  d'eau  de  cryftallifation  :  c'eft  à  la  faveur  de 
cette  eau  qu'il  fe  liquéfie  :  elle  fe  diflipe  en  va- 
peurs. Lorfque  l'alun  eft  près  de  perdre  les  der- 
nières portions  de  cette  eau ,  il  fe  gonfle  pro- 
din^ieufemenc  ,  &  refte  dans  cet  état  de  bour- 
fouflement ,  parceque  la  chaleur  n'eft  pas,  à  beau- 
coup près  ,  allez  forte  pour  le  faire  entrer  en  fu- 
fion.  L'alun  ,  par  cette  opération ,  ne  change 
point  de  nature  :  il  ne  fait  que  perdre  l'eau  de  fa 
cryftallifation  ,  &  peu  ou  point  de  fon  acide.  Ce- 
pendant j'ai  remarqvié  qu'en  faifantdifToudre  dans 
de  l'eau  de  l'alun  calciné,on  en  fépare  toujours  une 
certaine  quantité  de  terre.  Je  l'attribue  à  ce  que, 
pendant  la  calcination  ,  les  parties  de  la  terre  fe 
font  réunies  :  elles  font  infinimentrr.oinsdivifées 
qu'elles  ne  l'étoient  auparavant,  quoique  tou- 
jours dilToutes  dans  l'acide  vitriolique. 

On  veut  dans  le  commerce,  que  l'alun  calcine 
foit  ainfi  rare ,  léger  &  volumineux.  On  trouve  cer- 
taines  efpeces  d'alun  qui  ne  fe  gonflent  pas  comme" 
celui  dont  nous  venons  de  parler  ,  quoiqu'il  foie 
abfolument  de  même  nature  ,  &  qu'il  ait  effen- 
tiellement  les  mêmes  propriétés.  On  peut  croire 
que  ce  font  des  aluns  tirés  de  matériaux  qui  onc 
éprouvé  l'adion  du  feu,  3c  dans  lefquels  la  terre 
eft  moins  divifée  ,  puifque ,  comme  je  l'ai  remar- 
qué ,  l'alun  qui  a  été  calciné ,  peut  fe  diffoudre 
dans  de  l'eau  ,  fe  cryftallifer  de  nouveau ,  &  re- 
former de  l'alun ,  tel  qu'il  étoit  auparavant  j  mais 
cet  alun  ne  fe  gonfle  prefque  plus  par  une  féconde 
calcination  :  nous  ferons  remarquer,  au  refte,  eri' 
décompofant  l'alun  par  l'alkali  fixe ,  que  la  terre 
de  celui  qui  a  été  calciné ,  eft  moins  fine. 


t  T      R  A  î  S  O  N  N  i  E.  ^^f 

*rous  les  aluns  ne  diminuent  pas  également 
pendant  la  calcination  :  ceux  qui  lonc  faits  avec 
des  matériaux  que  l'on  a  calcinés  auparavant , 
comme  l'alun  de  Rome  ,  diminuent  beaucoup 
moins  pour  les  raifons  que  nous  venons  d'expo- 
fer.  Deux  livres  d'alun  de  Rome  fournilfent  dix- 
huit  onces  d'alun  calciné. 

L'alun  calciné  fert  dans  quelques  arts.  Lorf- 
qu'on  en  veut  préparer  une  grande  quantité  à  la 
fois  ,  on  le  met  dans  les  vaiueaux  propres  à  dif- 
tiller  l'eau  forte  en  grand,  &  on  les  place  dans 
le  fourneau  qui  fert  à  cette  diftillation.  Par  ce 
moyen  ,  on  calcine  une  grande  quantité  d'alun  i 
la  fois,  de  très  proprement. 

Dïfllllation  de  l'Alun  pour  en  feparer  L'acide 
vitriolique. 

J'ai  mis  en  diftillation  dans  une  cornue  de 
verre  ,  deux  livres  d'alun  de  Rome  très  net  &:  dé- 
barralTé  de  toute  terre  rouge  qu'il  contient  tou- 
jours. Il  a  paflTé  dans  le  récipient  douze  onces  de 
liqueur  inlipide  que  l'on  nomme phlegme  d'alun  : 
elle  ne  changeoit  point  la  couleur  du  fyrop  violât 
ni  celle  de  la  teinture  de  tournefol.  J'ai  continué 
le  feu  pour  rougir  feulement  la  cornue  :  j'ai  ob- 
tenu de  nouveau  deux  onces  de  liqueur  légère- 
ment acide  ôc  volatile  fulfureufe.  Il  s'eft  élevé  au 
col  de  la  cornue  une  petite  quantité  de  matière 
faline  cryftaliine  qui  avoir  la  faveur  du  fel  marin  : 
il  eft  refté  dans  la  cornue  dix-huit  once-s  d'alun 
calciné.  La  petite  quantité  d'acide  qui  a  palTé 
dans  cette  diftillation  ,  eft  due  à  l'eau  de  la  cryftal- 
iifation  ^  car,  lorfque  l'alun  eft  parfaitement  deffé- 
ché ,  l'acide  adhère  à  la  terre  avec  une  force  éton- 
nante. 


^^(j       Chymie  expérimentale 

M.Geoffroy  a  fournis  de  l  alun  calciné  à  la  diftil-* 
lation  dans  une  cornue  de  terre  ,  &:  l'a  pouflé  à  la 
violence  du  feu  p?n  laiit  rrois  jours  &c  trois  nuits  : 
il  n'a  retiré  qu'une  très  petite  quantité  d'acide  que 
je  crois  être  une  partie  de  la  dofe  excédente  à  la 
fat'iration  de  la  terre.  Nous  verrons  que  les  ar- 
gill  :s  retiennent  l'acide  vuriolic|ue  avec  autant  de 
force. 

yf/un  à  l'air.' 

Ualun  expofc  à  l'air  fe  feche  Se  perd  un  peu  de 
fon  eau  de  cryftallifation,  mais  fans  foufftir  d'au- 
tres altérations. 

u4lun  avec  de  VeaUé 

Deux  livres  d'eau  froide ,  la  température  à  dix 
de<7rés  au  defTus  de  la  congélation  ,  ne  peuvent 
dilloudre  que  quatorze  gros  d'alun  de  roche.  Ce 
fel ,  en  fe  ditlolvant ,  produit  deux  degrés  de 
froid  ^  mais  huit  onces  d'eau  bouillante  dilfolvent 
cinq  onces  du  m  jme  alun.  L'alun  dilTousdans  l'eaa 
chaude  fe  cryftallife  par  le  refroidiffement.  Les 
cryftaux  forment  des  pyramides  triangulaires  dont 
les  fommets  font  coupés. 

Alun  &  Glace, 

L'alun  &:  la  ^lace  mclés  enfemble  produlfent 
du  froid  j  mais  je  ne  fais  fi  l'on  en  a  déterminé  les 
degrés. 

Alun  avides  matières  combufîibles  ùphlogijliques, 
Décompofition  de  l'Alun. 

On  met  dans  une  terrine  verni  liée  une  livre 
d'alun  de  Rome  avec  huit  onces  de  miel  jaune  : 
on  place  le  vailleau  dans  un  fourneau  chauffé  par 

ua 


ÏT     RAîSONNér.  3^-7 

tin  feu  capable  de  liquéfier  l'alun  :  on  remue  ce 
mélange  avec  une  fparule  de  bois  :  on  le  fait 
chauffer  jufqu'à  ce  qu'il  devienne  fec  &  charbon- 
neux ;  on  pulvcrife  enfuite  cette  matière  ,  &  on 
la  fait  calciner  à  l'air  libre ,  dans  un  creufet  laree 
&  plat,  pendant  environ  une  heure  ,  ou  julqu'à 
ce  que  la  matière  devienne  partaicement  blan- 
che, &:  qu'elle  n'exhale  plus  de  vapeur  de  foutre 
ni  d'acide  fultureux  volatil.  J'ai  obtenu  ,  par  ce 
procédé ,  la  terre  de  l'alun  de  la  plus  p-iande  blan- 
cheur :  je  l'ai  lavée  dans  beaucoup  d'eau  bouil- 
lante,  ôi:  l'ai  f^iit  fécher. 

L'eau  du  premier  lavage  étoitfans  couleur  :  elle 
avoir  une  f^iveur  de  fel  marin  &  de  tartre  vitriolé  : 
elle  exhaloit  une  odeur  de  toie  de  foufre ,  préci- 
pitoit  en  Jaune  le  mercure  diifous  par  l'acide 
nitreux  ,  &  verdiflToit  légèrement  la  couleur  du 
fyrop  violât. 

La  terre  de  l'alun  ,  féparée  par  ce  moyen  ,  eft: 
parfaitement  blanche  :  étant  broyée  fur  le  por- 
phyre ,  elle  acquiert  une  forte  de  liant  fcmblable 
à  celui  des  argilles  :  elle  décrépite  de  pitille  au 
teu  comme  les  argilles  î  elle  réfille  à  la  plus 
grande  violence  du  teu ,  fans  entrer  en  fulion ,  & 
fans  rien  perdre  de  fon  blanc  :  elle  y  devient 
même  plus  blanche  :  elle  ne  perd  rien  de  fon 
blanc ,  étant  broyée  à  l'huile  ,  comme  font  la  plu- 
part des  blancs  métalliques  :  elle  pourroit  fervir 
dans  la  peinture  à  l'huile  ,  préiérablcment  à  tous 
les  blancs  métalliques  que  l'on  emploie  ordinai- 
rement. 

Ilréfulte  bien  évidemment  de  ces  expériences  j 
que  l'alun  a  été  décompofé  par  la  matière  phlo- 
îriftique.  Cette  matière  s'eft  unie  à  l'acide  vitiio- 
lique  ,  avec  lequel  elle  a  formé  du  foufre  qui  s'ell 
brûlé  6c  diiîipé  à  mefure  qu'il  s'eft  formé  :  on  le 
Tome  /.  Y 


33^        Chymie  expérimsntali 

voit  même  brûler  pendant   tout  le  temps  de  kl 
calcinarion. 

J'ai  répété  cette  expérience  avec  différentes 
matières  combuftibles  :  le  réfultat  a  toujours  été 
le  même,  à  quelque  diftérence  près,  qui  prpr 
venoit  de  la  matière  combuftible  employée. 

Pyrophore. 

L'opération  du  pyrophore  eft  la  même  que  celle 
dont  nous  venons  de  parler  ,  avec  cette  diffé- 
rence ,  qu'on  exige  que  le  foufre  qui  fe  forme , 
refte  mêlé  avec  la  terre  de  l'alun  :  l'opération 
fe  fait ,  pour  cette  raifon  ,  dans  des  vaiffeaux  clos. 

On  prend  trois  parties  d'alun  de  roche  concaffé 
&;  une  partie  de  miel  ou  de  fucre  :  on  fait  deifé- 
cher  cQs  deux  matières  dans  une  terrine  vernilfée , 
ou  dans  une  pocle  de  fer  ,  «Se  on  a  foin  de  les  re- 
muer avec  une  fpatule  de  fer.  Les  matières  fe  li- 
quéfient d'abord  j  elles  fe  bourfouflent  enfuite  , 
éc  fe  réduifent  en  grumeaux.  Lorfque  la  matière 
eft  dans  cet  état ,  on  la  pulvérife  grolliérement  :  on 
achevé  de  la  deifécher  ,  afin  d'être  sûr  qu'elle  ne 
fe  ramollira  plus  :  elle  forme  alors  une  poudre 
noire  charbonneufe.  On  la  met ,  tandis  qu'elle 
encore  chaude,  dans  un  matras  dont  le  col  ait 
environ  fix  pouces  de  long  ;  on  obferve  de  ne 
remplir  ce  vaiffeau  qu'aux  trois  quarts.  On  place 
ce  matras  dans  un  creufet  avec  du  fable ,  &  on 
en  recouvre  la  boule  d'environ  un  doigt  d'épaif- 
feur  :  on  met  dans  un  fourneau  le  creufet  qui  con- 
tient ie  matras ,  qu'il  faut  chauffer  par  degrés  :  on 
augmente  le  feu  jufqu'à  faire  rougir  le  matras  :  on 
entretient  le  feu  en  cet  état  pendant  environ  un 
quart  d'heure ,  ou  jufqu'à  ce  qu'il  ne  paroiffe  plus 
fortir  de  fumée  par  l'ouverture  du  matras ,  &: 
qu'il  s'exhale  à  la  place  une  vapeur  de  fgufre  q^ui 


\ 


ÏT      RAISON  Ni  2.  53  p 

S^ehflamme  ordinairement.  Lorfquc  ces  vapeurs 
enflammées  ont  paru  pendant  environ  un  quart 
d'heure ,  on  ôre  le  feu  du  fourneau  :  on  bouche 
le  matras  avec  un  bouchon  de  papier  j  &  ,  lorf- 
qu'il  eft  un  peu  refroidi ,  on  le  bouche  avec  ua 
bouchon  de  lie^e.  Lorfcpe  les  vailleaux  font 
fuftifamment  ren^oidis ,  on  enlevé  le  matras  :  on 
verfe  promptement  ce  qu'il  contient  dans  un  fla- 
con bien  (ec  «3c  chaud,  qu'on  bouche  avec  un  bou^ 
chon  de  cryftal. 

Lorfqu'on  verfe  de  cette  poudre  fur  du  papiet 
d  l'air  libre  ,  elle  prend  feu  :  elle  produit  une  lé- 
gère flamme  bleue  ,  de  elle  exhale  une  odeur  de 
foie  de  foufre  &  de  foufre  brûlant.  Lorfque  le 
pyrophore  eft  un  peu  lent  à  s'enflammer,  on  accé- 
lère fon  inflammation ,  en  répandant  delfus  la  lé» 
gère  vapeur  humide  qui  fort  de  la  bouche. 

Remarques, 

Dans  le  commencement  de  la  defliccation  dei 
matières ,  la  vapeur  qui  s'élève  eft  aqueufe  j  mais , 
fur  la  fin  ,  elle  eft  rouffe  ,  piquante  ,  excire  à  toiif» 
fer  ,  Se  fait  alfez  d'impreflion  fur  les  yeux ,  pour 
faire  couler  des  larmes  :  elle  vient  du  foufre  èc  du 
miel  qui  fe  brûle.  Quelquefois  la  matière  s'en- 
flamme :  il  faut  l'éteindre  en  tirant  le  vaifleau  du 
feu  ,  &  étouftant  la  flamme  j  mais  elle  s'cteitiÉ 
promprement ,  en  agitant  la  matière  hors  du  feu* 
Il  eft  bien  eflTenticl  que  la  matière  foit  parfaite- 
ment deflcchée,  avant  de  la  mettre  dans  le  ma-* 
cras ,  fans  quoi,  elle  fe  réuniroit  en  une  feulô 
maflc  :  il  feroit  difficile  de  l'ôter  fans  perrd  &C 
ians  beaucoup  d'embarras ,  parceque  ,  lorfqu^i 
cfette  poudre  s'enflalnme  ,  elle  ne  peut  plus  s'en- 
flammer davantage  ,  qu'en  la  faifant  calciner  d^ 
nouYgau^     - 

•       Yi) 


5  40  ChY  MIE    EXPÉRIMENTAIS 

Lorfque  la  matière  eft  deiréchée ,  il  faut  TeiTl-* 
ployer  tandis  qu'elle  eft  chaude ,  finon  l'entermei? 
dans  une  bouteille  qu'on  bouche  bien,  parceque 
j'ai  obfervé  que  dix  onces  5c  demie  de  cette  ma- 
tière fe  chargent  de  plus  de  deux  onces  d'humidité 
de  l'air  dans  l'efpace  de  quelques  jours  :  on  feroit 
obliqc  de  la  deilccher  de  nouveau.  Si  l'on  a  em- 
ployé quinze  onces  de  mélange  au  total ,  on  ne 
trouve  plus ,  après  la  defliccation ,  que  dix  onces 
ôc  demie  de  matière  charbonneufe  :  cependant 
cette  quantité  peut  varier  d'un  gros  en  plus  ou  en 
moins ,  &  la  matière  ctre  également  bien  deifé- 
chée.  Cette  même  matière  charbonneufe ,  cal- 
cinée enfuite  dans  un  matras ,  comme  nous  ve- 
nons de  le  dire ,  fournit  trois  onces  &  demie  de 
pyrophore. 

Malgré  que  la  matière  foit  bien  deflTcchée  ,  elle 
contient  encore  un  peu  d'huile  empyreumatique  : 
c'eft  elle  qui  fe  diflipe  en  vapeurs  roufTes  alTez 
épaifîes,  par  l'ouverture  du  matras.  Auffi-tôtque 
ces  vapeurs  ceifent ,  il  s'élève  du  vrai  foufre  qui 
fe  fubiime  en  partie  dans  le  col  du  matras  j  il  s'en- 
flamme &c  fe  cUfiîpe.  Il  eft  inutile  de  boucher  le 
vaifTeau  pendant  cette  calcination,  comme  la  plu- 
part des  Physiciens  le  prefcrivent.  La  chaleur 
qu'on  eft  obligé  de  donner ,  eft  aftez  forte  pour  ra- 
mollir le  verre  :  le  poids  du  col  du  matras  qui  pefe 
fur  la  boule,  y  occafîonne  des  plis  dans  lefquels 
fe  renferme  du  pyrophore  qu'on  ne  peut  ôter. 
Pour  éviter  cet  inconvénient ,  il  convient  d'atta- 
cher un  fil  d'archal  au  col  du  matras  :  on  l'alfu  jettic 
à  un  clou  pofé  fur  une  muraille ,  ou  fur  quelque 
chofe  de  folide. 

Il  convient  encore  de  faire  choix  d'un  fîacoiî 
d'ouverture  alfez  large  pour  que  le  col  du  matras 
ptùife  y  entrer  librement ,  afin  que ,  lorfqu'ou 


ET       RAISONNÉ  E.  54I 

vient  à  levuider,  on  puifle  le  faire  commodé- 
ment ,  fans  perte  &l  fans  fe  brûler. 

On  remarque  ordinairement ,  après  l'cpcra- 
tion  ,  que  le  cul  du  matras  a  perdu  fa  tranfpa- 
rence  :  il  eft  blanc-laiteux  ,  un  peu  enfume ,  loif- 
que  la  matière  a  été  calcinée  proprement  dans  une 
terrine  vernilTée  :  il  eft  jaune,  rouge  ou  brun, 
lorfque  la  matière  a  été  calcinée  dans  une  pocle 
de  fer.  Cet  effet  vient  d'une  combinaifon  de  l'a- 
cide de  l'alun  &  des  matières  du  pyrophore,qui  fe 
font  combinées  avec  le  verre  dans  le  tQ,mps  oue 
le  matras  s'eft  ramolli. 

Le  pyrophore  peut  fe  conferver  pluf.eurs  années 
de  fuite ,  lorfqu'on  le  tient  dans  des  bouteilles 
bien  bouchées ,  &  qu'on  ne  les  débouche  pas  fou- 
vent.  Lorfqu'il  a  perdu  la  propriété  de  s'enflam- 
mer ,  on  peut  la  lui  rendre  en  le  fiifant  calciner 
de  nouveau  dans  un  matras,  comme  nous  venons 
de  le  dire,  pourvu  cependant  qu'il  n'ait  pas  été 
trop  calciné  précédemment. 

Ce  fut  Homberg  qui  découvrit  le  pyrophore , 
en  travaillant  fur  la  matière  fécale  qu'il  avoir 
mclée  avec  de  l'alun  &  du  vitriol.  Lémerv  le  ca- 
det a  fait  fur  cet  objet  beaucoup  d'expériences 
inférées  dans  les  Volumes  de  l'Académie  pour 
les  années  1714&1715.  Il  s'eft alTuré  qu'on  pou- 
voir faire  ce  pyrophore  indiftinélement  avec  tou- 
tes les  matières  végétales  &c  animales  qui  abon- 
dent en  phlogiftique  ,  &c  de  l'alun  ou  du  vitriol. 
Depuis  les  travaux  de  ces  Chymiftes ,  on  trouve, 
dans  le  tioifieme  Volume  des  S avams  étmn.i^ers  _^ 
un  excellent  Mémoire  de  M.  de  Suvic;ny  ,  Doc- 
teur en  Médecine  ,  où  l'Auteur  fait  voir  qu'il  e(l 
parvenu  à  faire  du  pyrophore  avec  toutes  les  ma- 
tières qui  contiennent  de  l'acide  vitrioîique  unij^ 

Y  ni 


342.  ChYMIE    EXPÉRIMENTAL! 

foit  à  une  terre ,  foit  à  un  fel  alkali ,  foit  a  uiitf 
Uiatiere  mcrallique. 

Homberg  &  Lémery  avoient  attribué  l'inflam- 
m.ition  du  pyrophoue  à  la  terre  de  l'alun  qu'ils 
fU'^p^'>loient  s'être  convertie  en  chaux  vive  :  ils 
penfoient  que  cette  terre ,  en  attirant  l'humidité 
de  l'air,  oroduifoir  alFez  de  chaleur  pour  mettre  le 
feu  au  foufre  qui  s'eft  formé  par  la  calcination  : 
mais  la  terre  de  l'alun  eft  une  terre  vitritiable  qui 
lie  forme  point  de  chaux  par  la  calcination. 

L'explication  qu'en  donne  M.  de  Suvigni ,  me 
paroît  plus  conforme  à  la  faine  Phylique  :  il  attri- 
bue l'inflammation  du  pyrophore  à  une  portion 
d'acide  vitriolique  à  demi  dégagé  de  fa  bafe  ,  qui 
n'elt  pas  tout- à-fait  foufre  ,  Sç  qui  fe  trouve  dans 
un  degré  de  concentration  confidérable  (  &c  peut" 
être  fous  une  forme  glaciale.  )  Lorfqu'on  expofe 
le  pyrophore  à  l'air,  cet  acide  attire  l'humidité  de 
l'air ,  êc  s'éçhauife  aiïez  pour  enflammer  le  foufre 
qui  l'environne  de  toutes  parts, 

Décompqfîdon  de  l* Alun  par  les  terres  caUaires, 

Nous  avons  vu  que  les  félénites  calcaires,  ainiî 
que  les  autres  fels  à  bafe  de  terres  calcaires  ,  ne 
font  point  décompofées  par  une  autre  terre  cal- 
caire. Il  n'en  eil  pas  de  même  des  fels  à  bafe  ter^ 
reufe  vitrifiable.  L'alun,  qui  eftune  félénite  de 
cette  dernière  efpece  ,  eft  décompofé  par  les  ter- 
res calcaires  ,    par  la  chaux  ôc  par  l'eau  de  chaux. 

On  met  dans  un  matras  delà  diflolution  d'a- 
lun étendue  dans  beaucoup  d'eau  :  on  ajoute  de 
petits  morceaux  de  pierre  calcaire  :  on  met  le  ma- 
tras ,  à  une  chaleur  douce ,  fur  un  bain  de  fable  : 
l'acide  vitriolique  de  l'alun  difl^out  la  terre  cal- 
caire ,  &  fait  précipiter  la  terre  de  l'alim.  Ou  ïQ" 


rbiinoîr  que  l'alun  eft  dccompofé ,  parceque  la  li- 
queur n'a  plus  la  faveui:  de  l'alun.  On  décante  la 
liqueur  tandis  qu'elle  eft  trouble  :  on  fcpare  les 
petits  morceaux  de  terre  calcaire  qui  ne  fe  font 
point  diffous  :  on  filtre  la  liqueur  :  on  pailc  fur  le 
filtre  beaucoup  d'eau  bouillante  ,  pour  emportei' 
la  félénite  qui  pourroit  être  mclée  avec  la  terre 
que  l'on  fait  fcclier. 

J'ai  déconipofc  l'alun  avec  toutes  les  terres  cal- 
caires que  je  lui  ai  prcfentces.  Je  n'ai  remarque 
aucune  diflcrence  ,  fi  ce  n'eft  que  les  pierres  cal- 
caires tendres  le  décompofenr  mieux  ^  mais  , 
comme  elles  font  fu jettes  à  s'égrener,  il  s'en  mêle 
un  peu  avec  la  terre  de  l'alun  :  il  vaut  mieux  em- 
ployer des  morceaux  de  terres  calcaires  propres  Sc 
arrangés  de  manière  qu'ds  ne  puillent  pas  s'é- 
grener :  néanmoins  il  s'en  mêle  toujours  un  peu 
parmi  la  terre  de  l'alun. 

Décompofîtion  de  l'Alun  par  de  la  chaux  &  par  de 
l'eau  de  chaux. 

Si  l'on  mêle  de  la  chaux  vive  ,  ou  éteinte  à  l'air , 
avec  une  diiïolution  d'alun,  il  arrive  la  même  dé- 
compofîtion j  la  terre  de  l'alun  eft  complettement 
précipitée  \  la  liqueur  fe  trouve  chargée  de  félé- 
nite calcaire  ;  cependant  on  né  peur ,  par  ce 
moyen ,  obtenir  la  terre  de  l'alun  dans  fon  état  de 
pureté  :  il  fe  mêle  avec  elle  une  certaine  quantité 
de  chaux  ,  à  caufe  de  la  facilité  qu'a  cette  terr& 
pour  fe  délayer  dans  l'eau  :  la  terre  de  l'alun  fc 
trouve  encore  altérée  par  de  la  félénite  calcaire 
qui  fe  précipite  avec  la  terre  de  l'alun.  Qaoi  qu'il 
en  foit ,  cela  ne  dérange  rien  de  la  théorie  que 
nous  établinfons  ,  qui  eft  que  les  terres  calcaires 
onz  plus  d'affinité  avec  les  acides  ,  que  n'en  ont 
les  terres  vitrihables. 

Yiv 


544  ChYMIE    EXrÉRIMENTALl 

Il  en  eft  de  mcir.e  de  l'eau  de  chaux  :  elle  dé^ 
compore  très  bien  lalun  j  mais  elle  a  pareille- 
ment l'inconvénient  de  fournir  de  la  te  ne  cal- 
caire ,  &:  de  fe  précipiter  en  partie  avec  la  terre 
de  l'alun  qu'elle  Icpare  de  fon  acide.  Conmie 
l'eau  de  chaux  contient  peu  de  fubftance  ter- 
peufe  ,  il  en  faut  beaucoup  pour  décompofer  l'a- 
lun. La  terre  d'alun  que  l'eau  de  chaux  préci- 
pite,  eft  quelquefois  jaunâtre,  mucil:igineufe , 
6c  femblable  à  de  la  mie  de  pain  tendre  dont  elle 
a  l'élafticité.  La  couleur  de  cette  terre  lui  vient 
du  phlogifUque  contenu  dans  l'eau  de  chaux.  J'ai 
remarqué  que  cette  terre  en  étoit  fort  avide. 

J'ai  examiné  les  liqueurs  provenant  de  l'alun 
décompofé  par  les  terres  calcaires ,  6^  pareille- 
ment les  liqueurs  provenant  de  la  décompoiirion 
de  l'alun  par  de  l'eau  de  chaux  :  elles  étoient 
toutes  feulement  chargées  de  fclénite  calcaire  , 
&  parfaitement  faturées  :  elles  n'occafionnoient 
aucun  changement  au  fyrop  violât  ni  à  la  teinture 
de  tournefol.  J'ai  partage  toutes  ces  liqueurs  en 
deux  portions  :  dans  l'une  ,  j'ai  ajouté  une  légère 
furabondance  d'acide  vitriolique  qui  n'a  commu- 
yiiqué  qu'une  faveur  acide  8c  nullement  aftrin- 
gente  :  je  n'ai  rien  ajouté  à  l'aucre  portion  de  ces. 
liqueurs  :  je  les  ai  diftribuées  dans  des  féaux  de 
verre,  chacune  féparément  :  elles  ont  toutes  four- 
ni de  la  lélénite  calcaire,  &  pas  un  feul  atome 
4'alun. 

J'ai  enfuite  combiné  avec  de  l'acide  vitriolique 
la  terre  d'alun  qui  a  été  féparée  par  ces  différents 
intermèdes  calcaires  :  chacune  m'a  fourni  des; 
cryftaux  d'alun  &  de  la  féiénite  cr.lcaire  ;  mais 
ce  dernier  fel  fe  trouvoitdans  des  proportions  re- 
latives à  la  quantité  de  terre  calcaire  qui  >s'iétoic 
précipitée  avec  la  terre  de  l'alun.  Nous  parlero^^ 


ET      RAISONNÉ  E.  54J 

bientôt  des  moyens  d'obtenir  la  terre  de  l'alun 
dons  un  grand  état  de  pureté  ,  &c  nous  examine- 
rons plus  amplement  les  propriétés  de  cette  terre. 

j^/un  &  acide  vitriolique. 

On  ne  fait  pas  fi  l'alun  admettroir  dans  fa 
cryftallifation  une  plus  grande  quantité  d'acide 
vitrioliquo  qu'il  n'en  contient  ordinairement. 

j4lun  &  foufre. 

On  ne  connoîr  point  ce  mélange  ni  les  effets 
de  ces  fubllances  l'une  fur  l'autre. 

j4lun  &  gypf^- 

On  ne  fait  ce  que  formeroient  ces  deux  fub- 
ftances ,  foit  par  la  voie  feche  ,  foit  par  la  voie 
humide.  On  peut  préfumer  que  par  la  voie  fe- 
che elles  fe  foudroient  mutuellement,  &  qu'il 
en  réfulteroit  un  verre. 

Alun  &  acide  nitreux. 

On  ne  connoît  point  l'adtion  de  ces  fubftanccs 
l'une  fur  l'autre. 

Alun  &  acide  marin. 

On  ignore  ce  que  produiroit  ce  mélange. 

Alun  &  vinaigre. 

On  ignore  de  mcme  ce  que  produiroit  ce  mé- 
lange. 

Alun  &  alkalifixe. 

Pécompofîtion  de  l'Alun.   Terre  d'Alun ,  Tartre  vitriolé. 

L'alkali  fixe  décompofe  tous  les  fels  à  bafe 
çerreufe  (quelconque  ;  il  s'unit  aux  acides  ôc  fait 


54^       Chymie  expérimentale 
précipiter  la  tcrie.  Nous  ne  parlerons  préfentô- 
ment  que  de  la  clécompofition  de  l'alun. 

On  fait  difToiidre  deux  livres  d'alun  de  roche 
dans  une  (uffifante  quantité  d'eau  :  on  verfe  par- 
delfus  peu  à  pou  environ  autant  d'alkali  fixe  ré- 
fous en  liqueur,  ou  jufqu'à  ce  qu'il  ne  fe  falTe 
plus  de  précipité,  &c  que  l'acide  vicriolique  foir 
parfaitement  faturé.  La  terre  qui  fe  précipite  eit 
blanche  :  elle  eft  d'autant  plus  légère  ,  qu'elle  a. 
été  précipitée  dans  une  plus  grande  quantité  d'eau  : 
on  la  lave ,  à  plufieurs  reprifes  ,  dans  beaucoup 
d^eau  bouillante  :  il  eft  même  nécelTaire  de  la  faire^ 
bouillir  dans  de  l'eau  pour  la  delFaler  complette- 
ment ,  parcequ'elle  retient  les  fels  très  opiniâtre- 
ment :  lorfqu'elle  eft  bien  lavée,  on  l'a  fait  égo.ut- 
ter  fur  un  filtre ,  &  on  la  fait  fécher. 

Si  l'on  fait  évaporer  les  premières  liqueurs 
jufqu'à  pellicule,  elles fournifTent ,  parlerefrob 
diifement ,  des  cryftaux  de  tartre  vitriolé» 

R   E   M   A   R    (^    U   E   s. 

Dans  cette  expérience  Talkali  fixe  s\inir  à  l'a-, 
cide  vitrioliaue  ,  &c  ils  forment  enfemble  un  vrat 
tartre  vitriolé.  La  terre  de  l'alun  fe  précipite  en 
même  temps.  Cette  décompofition  fe  fait  avec 
beaucoup  d'effervefcence  lorfque  les  liqueurs 
font  chaudes  8c  peu  étendues  dans  de  l'eau.  Cette 
terre  retient  l'eau  avec  une  force  confidérable  r 
elle  eft  très  long-temps  à  fe  fécher  a  l'air  libre. 
J'ai  reconnu  qu'il  lui  faut  plus  de  trois  mois, 
même  en  été.  Deux  livres  d'alun  de  roche  fonr- 
jiiftent  ordinairement  fix  onces  &C  demie  de  terro 
d'un  blanc  fale ,  parcequ'elle  a  une  difpofition' 
finguliere  pour  s'emparer  des  matières  coloran- 
tes. Lorfqu'on  la  lailfe  fécher  fa,ns  la  remuer,  elle 


«T      RAISONNÉ?.  ^47.^ 

devient  brune  &  fcmblable  à  de  la  corne,  ayantf 
nicme  un  peu  de  tranfparence. 

Lorfque  la  terre  de  l'alun  eft  dcffcchée  à  un 
certain  point ,  elle  a  un  liant  feniblable  3.  celui 
des  arç^illes  :  il  ell  beaucoup  plus  conlidcrable  , 
jnais  il  eft  pâteux  ^  6c  comme  cette  terre  prend 
beaucoup  de  retraite  en  fe  fcchant ,  elle  fe  fend 
«Se  le  réduit  en  menues  parties.  Mais  la  terre  qui 
a  été  féparée  de  l'alun  calciné  ,  ne  prélente  pas 
ces  phénomènes  :  elle  eft  moins  fine  ,  moins  di- 
vilce  :  elle  fe  feche  plus  promptement  :  elle  prend 
beaucoup  moins  de  retraite  en  fe  féchant  :  l'une  Sc 
l'autre  font  âpres  8c  dures  au  toucher. 

Propriétés  de  la  terre  de  Valun. 

Nous  avons  déjà  expofé  une  partie  èiÇ.%  pro* 

f>riétés  de  la  terre  de  l'alun ,  qui  a  été  féparéie  par 
es  matières  phlogiftiques.  Celle  qui  a  été  léparée 
par  l'alkali  fixe  a  les  mêmes  propriétés  :  ainfi  nous 
allons  continuer  à  examiner  les  propriétés  de 
cette  terre.  L'air ,  l'eau ,  la  glace  ,  les  terres  vi- 
trifiables  ,  les  terres  calcaires  ,  la  chaux  vive , 
ji'onr  aucune  action  fur  cette  terre  \  mais  elle  a 
une  grande  difpofition  à  fe  combiner  avec  les  ma- 
tières phlogiftiques  :  elle  s'empare  avec  avidité  de 
celui  qui  eft  contenu  dans  l'alkali  qui  fert  à  la 
précipiter  :  elle  retient  aufîî  ce  principe  avec  beau- 
coup d'opiniâtreté.  L'eau  lui  eft  de  même  fort 
adhérente. 

J'ai  placé  fous  la  moufle  d'un  fort  fourneau  à 
vent,  deux  gros  de  terre  d'alun  qui  avoir  été  fé- 
chée  au  foleil  pendant  long-temps.  Après  deux 
heures  d'un  feu  de  la  plus  grande  violence,  j'ai 
trouvé  qu'elle  étoit  diminuée  de  48  grains  de  fon 
poids  :  il  a  fallu  ce  temps  pour  lui  enlever  cette 
quantité  d'humidité  :  elle  eft  devenue  duplusgrand 


34^  Chymie  expérimentale 
blanc  :  elle  efl:  reftce  feche  ôc  frir.ble.  Expofée  de 
nouveau  à  un  femblablc  coup  de  f^ni ,  mais  beau- 
coup plus  long  temps  continué,  elle  a  diminué 
encore  de  1 1  grams  :  elle  a  acquis  un  degré  de 
dureté  conlidcrable  j  mais  elle  étoit  bien  éloi- 
gnée de  la  fufion  :  il  n'y  a  peut  être  que  le  foyer 
d'un  bon  miroir  ardent  qui  Toit  en  état  de  la  fon- 
dre loifqu'elle  eft  feule  &  parfaitement  pure, 
tant  cette  terre  eft  réfradaire, 

La  terre  de  l'alun  fe  combine  très  bien  avec 
l'acide  vitriolique ,  &  reproduit  de  l'alun,  comme 
nous  le  dirons  plus  particulièrement  dans  un  inf- 
tant. 

j4/un  faturé  de  fa  terre, 

Jufqu'ici  nous  avons  confidéré  l'alun  comme 
une  félénite  àbafede  terre  vitrihable,  mais  qui  dif- 
fère des  félénites  calcaires  ,  \°.  en  ce  que  ce  fel  a 
pour  bafe  une  terre  vitrifiable  \  i°.  en  ce  qu'il  entre 
unQ  très  grande  quantité  d'eau  dans  la  compofi- 
tion  de  fes  cryHiaux  ^3°.  en  ce  qu'il  a  une  faveur 
acide  très  aftringente  j  4*^.  en  ce  qu'il  fe  diffouc 
en  plus  grande  quantité  dans  l'eau,  de  que  l'eau 
bouillante  en  dilTout  beaucoup  plus  que  l'eau 
froide  j  5°.  en  ce  que  ce  fel  eft  en  état  de  dif- 
foudre  une  nouvelle  quantité  de  fa  propre  terre  , 
de  s'en  faturer  complettcment ,  &:  d'acquérir  alors, 
des  propriétés  communes  avec  les  argilles  ;  toutes 
propriétés  que  n'ont  point  les  félénites  calcaires. 

Le  grand  nombre  d'expériences  que  j'ai  faites 
fur  les  matières  terreufes  en  général ,  m'a  mi^ 
à  portée  de  reconnoître  ces  deux  efpeces  de  félé- 
nites \  l'une  à  hafe  de  terre  calcaire  ,  ôc  l'autre  à 
hafe  de  terre  vitrifiable.  J'ai  établi  cette  diftindion 
pour  la  première  fois  dans  un  Mémoire  fur  l' Alun  ^ 
inféré  dans  la  gazette  de  Médeciue  du  4  Décem- 


ÏT      RAISONNE  E.  54^ 

tre  ly^^i,  page  353.  Depuis  j'ai  fait  la  mcme 
diftinction  dans  les  deux  éditions  de  mon  Manuel 
de  Chymie  -y  dans  celle  publiée  en  lyC^  ,  page  8<jj 
&  dans  la  féconde  impiimée  en  17(^5  ,  page  Scj. 
J'en  ai  encore  parlé  au  mot  Alun  dans  le  Diclion- 
naire  des  Arts  &  Métiers ,  en  2  vol.  in-8°.  impri- 
mé en  I  y 66.  Voici  comme  je  fuis  parvenu  à  fatu* 
rer  l'alun  de  ù\  propre  terre. 

J'ai  mis  dans  une  bafline  d'argent  de  la  dillo- 
lution  d'alun  étendue  dans  beaucoup  d'eau.  J'ai 
ajouté  de  la  terre  d'alun  bien  préparée  Se  non  fé- 
chée.  J'ai  fait  bouillir  ce  mclange  pendant  envi-» 
ton  une  heure.  L'alun  a  diffous  une  certaine  quan- 
tité de  terre  avec  eftervefcence.  J'ai  filtré  la  li- 
queur :  elle  n'avoit  plus  la  faveur  de  l'alun  j  elle 
avoit  celle  d'une  eau  dure  :  elle  ne  changeoic 
point  la  couleur  de  la  teinture  de  tournefol ,  mais 
elle  verdilfoit  le  fyrop  violât.  L'alkalifîxe  faifoic 
précipiter  beaucoup  de  terre  de  cette  liqueur.  Il 
«ft  refté  fur  le  filtre  la  matière  terreufe ,  mais 
mclée  de  beaucoup  de  matière  faline  prefque  inr 
ililToluble  dans  l'eau.  Je  l'ai  broyée  fur  un  por- 
phyre, 5«:  je  l'ai  fait  fécher  :  elle  avoit  les  carac- 
tères principaux  de  l'argille.  Cette  terre  nen  dif-. 
fiéroit  qu'en  ce  qu'elle  avoit  moins  de  liant  j 
qu'elle  fe  lailfoit  décompofer  plus  facilement  par 
i'alkalifixe,  que  les  argilles  naturelles.  L'Art  ne 
peut  jamais  imiter  parfaitement  la  Nature  ,  ni 
combiner  aulîi  intimement  qu'elle  le  fait,  une  pe- 
tite quantité  d'acide  vitriolique  avec  une  très 
grande  dofe  de  terre.  Par  une  évaporation  fpon- 
tanée,  la  liqueur  filtrée  a  fourni  peu  de  cryftaux 
qui  étoient  difpofés  en  petites  écailles  comme  du 
mica  ,  très  doux  au  toucher.  Ce  nouveau  fel  n'a 
point  de  faveur  :  il  n'a  prefque  plus  de  dilTolubi- 
iité  dans  l'eau  :  il  relTemble  beaucoup ,  par  ces 


5  50       Chymïe  Expérimentale 
dernières  propriétés,  auxlelénites  calcaires.  Lorf- 
que  la  terre  de  l'alun  n'a  pas  été  fuffifamment  la- 
vée ,  il  fe  forme  un  peu  de  tartre  vitriolé  qui 
grimpe  le  long  des  parois  du  vafe. 

Lorfqu'on  tait  cette  expérience  avec  de  la  terre 
d'alun  qu'on  a  fait  fécher  ,  cette  terre  a  beau- 
coup de  peine  à  fe  diflbudre ,  parcequ'elle  ne  fe 
délaie  point,  ou  du  moins  fort  mal  :  il  faut  alori 
réduire  cette  terre  en  poudre  fine ,  &  la  faire 
bouillir  long-temps  avec  la  dilTolution  d'alun  qui 
s'en  fature  de  même  :  ceci  n'eft  qu'un  peu  plus 
long. 

Ces  diiïblutions  d'alun  faturé  font  décompofa- 
bles  par  les  terres  calcaires ,  par  l'eau  de  chaux  ôc 
par  l'alkali  lixe. 

J'ai  ajouté  à  une  portion  de  ces  liqueurs,  fatu- 
rées  de  terre  d'alun ,  une  certaine  quantité  d'a- 
cide vitriolique  ,  dans  le  defifein  de  reproduire  de 
l'alun.  La  liqueur  eft  reftée  acidulé  ,  fans  acqué- 
rir la  faveur  de  l'alun  j  néanmoins  elle  a  formé, 
dans  l'efpace  de  trois  mois  ,  par  une  évaporation 
fpontanée ,  des  cryftaux  de  véritable  alun  ,  parmi 
lefquels  il  y  avoir  des  cryftaux  micacés ,  fembla- 
blés  à  ceux  produits  par  l'alun  faturé  de  fii  terre. 

Lorfque  la  rivière  eft  trouble  a  Paris ,  les  blan- 
chifteufes  de  linge  fin  font  dans  l'ufage  d'éclaircir 
l'eau  dans  des  baquets  avec  un  peu  d'alun  :  c'eft 
un  effet  qui  eft  très  connu  ;  mais  la  caufe  ne 
l'étoit  pas  :  il  eft  aifé  de  la  connoître  d'après  ce 
que  nous  venons  de  dire  ;  l'alun  fe  fature  de  la 
terre  la  plus  fine  qui  trouble  l'eau  :  elle  forme 
un  fel  prefque  infoluble  qui  fe  précipite  Se  en.- 
traîne  avec  lui  la  terre  groiliere  qui  n'a  plusd'ad- 
kérence  avec  l'eau, 


I 


IT      RAISONNÉ  E.  ^jr 

Terre  d'alun  dijfoute par  de  l'acide  v'uriolïque. 

La  terre  de  l'alun  fe  dilTout  complet tcment  pat 
de  l'acide  vitriolique  \  mais  lorfqu'elle  a  étc  Té- 
chce  ,  elle  fe  diiïout  difficilement.  Il  faut  l'em- 
ployer immédiatement  après  qu'elle  a  été  préci- 
pitée &  bien  lavée  ,  &c  lorfqu'elle  efl:  encore  eu 
bouillie.  Dans  cet  état,  les  molécules  de  terre  ne 
font  pas  encore  agglutinées  ^  cUepréfenre  plus  de 
furficc  &  fe  dilfout  mieux.  Cette  diflolution  re- 
forme de  l'alun  tel  qu'il  étoit  auparavant.  On 
obtient  aufli  ,  conjointement  avec  les  cryftaux 
d'alun,  une  certaine  quantité  de  cryllaux  difpo- 
fés  en  petites  écailles  comme  le  mica  :  ils  font 
talqueux  <5c  doux  au  toucher.  Lorfqu'on  fait  cette 
expérience,  il  faut  la  faire  fur  plufieurs  onces  de 
terre  ;  car  lorfqu'on  la  fait  en  petit ,  elle  réuilic 
mal  :  on  n'obtient,  pourainfi  due  ,  que  des  cryf- 
taux de  mica ,  ou  des  cryftaux  d'alun  plus  ou 
moins  chargés  de  terre ,  qui  ont  des  propriétés 
moyennes  entre  ceux  d'alun  6c  ceux  qui  font 
comme  du  mica. 

Terre  d'alun  dijfoute  par  de  l'acide  nitreux. 

L'acide  nitreux  diflout  complettement  la  terre 
d'alun.  Cette  diffolution  ,  bien  faturée  ,  eft  fans 
couleur  j  mais  elle  a  une  faveur  beaucoup  plus 
«ftringente  que  celle  de  l'alun.  Cette  liqueur, 
par  une  évaporation  fpontanée  ,  a  formé  de  pe- 
tits ciyftaux  à  pointes  de  diamants ,  &  d'une  ftyp- 
ticité  confidérable. 

Terre  d'alun  dijjoutc  par  de  l'acide  marin, 

•  i-' acide  marin  diffout  complettement  la  terre 


55*  Chyaîie  expérimentale 
de  l'alim.  J'ai  faturé  de  cet  acide  avec  de  la  terré 
d'alun  féchée  &  réduite  en  poudre  fine  j  il  s'eft 
excite  une  vive  etfervefcence  de  une  chaleur  con- 
lidérable  ,  quoique  cet  acide  fût  affoibli  :  la  dif- 
folution  ctoit  mucilagineufe.  J'ai  été  obligé  de 
l'étendre  dans  beaucoup  d'eau  pour  pouvoir  la 
filtrer.  La  liqueur  filtrée  étoit  fans  couleur  :  elle 
avoit  une  faveur  ftyptique  aftringente  &  de  fel 
marin  :  elle  rougifloit  d'abord  la  couleur  de  la 
teinture  de  tournefol ,  mais  cette  couleur  fe  réta- 
bUlFoit  enfuite  :  elle  rougilToit  de  même  la  cou- 
leur du  fyrop  violât ,  qui  devenoit  verte  un  inf- 
tant  après.  Cette  liqueur ,  par  une  évaporation 
fpon tance  ,  a  formé  des  cryftaux  d'une  ftypticité 
confidérable. 

L'acide  marin  dilTout  de  même  le  fable  féparé 
du  liquorJîUcum.  Les  phénomènes  qu'il  préfentô 
font  femblables  à  ceux  qu'il  produit  avec  la  terre 
d'alun  ,  lorfqu'on  préfente  à  cet  acide  de  la  terre 
d'alun  feche,  ou  du  fable  du  lïquor  Jilïcum  égale- 
ment féché.  Il  fe  produit ,  fur  le  champ,  une  cha- 
leur confidérable  avec  etfervefcence ,  quoique 
dans  cet  état  l'acide  marin  diffolve  peu  de  ces 
terres.  Ce  phénomène  n'arrive  pas  avec  l'acide 
nitreux  ;  ce  qui  eft  une  preuve  qu'il  a  fur  ces 
terres  moins  d'aétion  que  l'acide  marin.  Lorf- 
qu'on laifie  refroidir  cette  dilTolution  faturée 
avant  de  la  délayer  dans  de  l'eau ,  elle  forme  un 
beau  mucilage  net ,  tranfparent  &:  fans  couleur. 
Ce  mucilage  eft  d'une  couleur  jaune  lorfque  l'a- 
cide n'eft  pas  entièrement  faturé  de  terre. 

En  général ,  l'acide  marin  dilTout  mieux  ces. 
terres ,  &  en  plus  grande  quantité ,  que  l'acide 
nitreux  :  il  forme  avec  elles  des  diflolutions  qui 
ont  la  même  faveur,quellequefoitlaterre  vitrifia- 
^bie  qu'on  aix  employée.  Toutes  ces  diiïolutions 


Et      -RAISONNÉ  È.  ^^^ 

font  décompofées  par  l'eau  de  chaux  Se  par  leâ 
terres  calcaires. 

Terre  (Valun  dijfoute  par  le  vliiaigrc  dijlille\ 

La  terre  d'alun  fe  difTout  fort  mal  dans  le  vinai* 
gre  diftillc.  Cet  acide  n^en  difTout  qu'une  fort  pe- 
tite quantité.  L'efpece  de  fel  que  produit  cette 
dilTolution ,  ell:  fort  terreufc.  Les  cryftaux  font 
petits  &:  difpoics  en  aiguilles.  On  croiroit,en 
voyant  leur  figure ,  qu'ils  feroient  produits  par 
quelque  légère  portion  de  terre  calcaire  que  la 
vinaigre  diltillé  auroit  féparée  de  la  terre  d'alun« 

Sur  les  Argilles. 

Nous  venons  de  dire  que  l'alun  ctoit  fufcep-* 
tible  de  fe  fiturcr  de  fa  propre  terre ,  (^  de  for- 
mer dans  cet  état  une  matière  qui  n'a  prefqua 
plus  les  propriétés  falines.  La  Nature  nous  offre 
dans  les  argilles  une  quantité  immenfe  de  fub- 
ftance  faline  de  cette  efpece  :  elle  en  diftere 
feulement,  en  ce  qu'elle  ell  mélangée  avec  beau-' 
coup  de  terre  vitrihable  de  même  na:ure,niais 
qui  n'ell:  pas  combinée  avec  de  l'acide  vitriolique. 
C'eft  un  fable  très  fin  ,  qu'il  eft  même  impofiible 
de  féparer  par  le  lavage.  C'eft  à  ce  mélange ,  for^ 
mé  par  la  Nature,  que  l'on  a  donné  les  noms  à'ar- 
gille  (S:  de  terre  glaïfe.  La  plupart  des  Naturalif- 
tes  diftinguent  les  argilles  d'avec  les  glaifes  ^  mais 
ces  diftinctions  font  fondées  fur  des  caraéleres 
trop  équivoques.  Les  Ciiymiftes  n'en  font  au- 
cune ,  &r  nous  regarderons  ces  dénominations 
comme  étant  abfolument  fynonymes. 

En  parlant  des  altérations  que  le  gypfe  éprouve 
de  la  part  des  éléments  &  du  laps  de  temps ,  j'ai 
cxpofé  le  fentiment  qui  m'a  paru  le  plus  probable 
Tami  I.  Z 


5  54  Chymie  expérimentale 
fur  l'origine  des  argilles.  Tout  nie  porte  à  croire 
qu'elles  l'ont  formées  par  du  gypfe  réduit  en  pou- 
dre roulée  p.ir  les  eaux  de  la  mer.  La  terre  cal- 
caire qui  fait  la  bafe  du  gypfe  ,  eft  une  terre  com- 
pofée ,  qui  ne  peut  que  tendre  à  de  plus  grands 
degrés  de  hmplicité  ,  ôc  à  redevenir  terre  vitrifia- 
ble  ,  telle  qu'elle  étoit  avant  d'avoir  fubi  tous  ces 
changements.  Si  pendant  que  tous  ces  change- 
ments s'opèrent,  il  refte  de  l'acide  vitriolique  uni 
à  la  terre ,  il  en  réfulte  une  argille  ou  de  l'alun , 
fuivant  les  proportions  de  l'acide  reliant. 

Propriétés  des  argilles. 

Je  regarde  donc  les  argilles  comme  étant  de 
la  terre  vitriftable ,  qui  a  fubi  précédemment 
beaucoup  d'altération  ,  &  que  le  laps  de  temps 
a  plus  ou  moins  ramenée  au  caraétere  de  fon  ori- 
gine. Une  partie  feulement  de  cette  terre  eft  com- 
binée avec  de  l'acide  vitriolique  ,  l'autre  ne  l'eft 
point  :  c'eft  la  portion  dans  l'état  falin  ,  qu'on 
devroit  nommer  argille  :  celle  qui  n'y  eft  point  ,* 
eft  de  la  terre  vitrifiable  ,  femblable  à  la  premiè- 
re, &  dans  un  grand  état  de  divifion  :  on  devroit 
la  nommer  terre  à  argille  ^  ou  terre  argilleufs  :  elle 
eft  un  fable  très  fin ,  ou  une  portion  de  terre  de 
même  nature  que  celle  de  l'argille ,  mais  qui  n'é- 
tant point  combinée  avec  de  l'acide  vitriolique  , 
refufe  de  fe  dilfoudre  ,  foit  dans  l'eau  ,  foit  dans 
les  acides.  Néanmoins ,  pour  ne  rien  changer 
dans  les  dénominations ,  nous  nommerons  ar- 
gille ce  mélange  que  donne  la  Nature ,  de  matière 
laline  &  de  ter-re  vitrifiable  divifée ,  qui  font  la 
compofition  de  toutes  les  terres  connues  fous  le 
nom  à! argilles. 

Les  argilles  font  des  terres  gralTes ,  pâteufes , 


ET      RAISONNÉ  É.  ^55 

douces  au  toucher  :  elles  s'attachent  à  la  langue  , 
fe  pêtrifTent  avec  de  l'eau,  fe  réduifent  en  pâte  , 
&  ont  alFez  de  liant  pour  fe  lailTer  travailler  fur 
le  tour  :  elles  pétillent  &"  fautent  en  éclats,  avec 
explofion  ,  lorfqu'elles  ne  font  pas  parlaiiement 
feches ,  &c  qu'on  les  expofe  brufquement  au  grand 
feu  :  elles  fe  rcduifent  pour  lors  en  poudre  avec 
un  mouvement  de  décrépitation. 

Les  argilles  font  lujettes  à  être  colorées.  Il  y 
en  a  de  noire  *,  cette  couleur  lui  vient  des  ma- 
tières phlogiftiques  :  il  y  en  a  de  verte  ,  couleur 
qui  lui  eft  communiquée  par  du  cuivre  dans  l'é- 
tat de  rouille  :  il  y  en  a  de  jaune ,  de  rouge ,  de 
bleue  ,  de  grife  ,  de  blanche ,  &:c.  d'autres  font 
veinées  de  différentes  couleurs,  femblables,  par 
leur  arrangement  &  pour  leur  variété,  à  celles 
des  plus  beaux  marbres  colorés.  Les  terres  que 
l'on  nomme  ho/s  ^  tel  qac  le  bol  d'Arménie ,  font 
des  argilles  colorées  par  du  fer.  Toutes  ces  cou- 
leurs font  abfolument  étrangères  à  la  nature  des 
argilles  :  elles  y  font  produites  par  des  matières 
végétales ,  animales  &  métalliques.  Quelquefois 
les  fubftances  des  trois  règnes  colorent  l'argille 
en  même  temps  ,  &  quelquefois  elle  n'eft  colo- 
rée que  par  des  fubftances  d'un  feul  règne. 

Il  y  a  des  argilles  qui  contiennent  de  l'or  :  celle 
avec  laquelle  on  fait  les  creufets  de  la  verrerie  de 
Sève ,  près  de  Paris  ,  eft  dans  ce  cas  :  on  la  tire 
de  Gifors.  Les  argilles  colorées  contiennent  pref- 
que  toutes  des  pyrites.  Dans  les  unes,  les  pyrites 
font  dans  un  état  d'efflorefcence  ,  &  quelquefois 
en  poufliere  :  dans  d'autres  ,  les  pyrites  font  en- 
tières. Ces  matières  altèrent  la  pureté  des  argil-» 
les  :  on  eft  obligé  de  les  féparer ,  lorfqu'on  eil 
veut  faire  de  bonne  poterie ,  parcequ'elles  font 
des  fondants  des  argilles. 

Z  ij 


5  5<^       CnVMiE  EXPÉRI^IEMTAL^ 

J'ai  obrervé  pareillenienc  beaucoup  de  variété 
dans  hs  argilles ,  lelativem-ent  à  l'acide  vicrioli- 
que  qu'elles  contiennent  :  toutes  celles  qui  font 
colorées,  en  font  plus  pourvues  que  celles  qui 
font  blanches  8c  fans  couleur.  On  trouve  des  ter- 
res blanches  qui  fe  didolvenc  peu  ou  point  dans 
les  acides  :  elles  ont  du  liant,  mais  beaucoup 
moins  que  les  argilles ,  3c  elles  ne  contiennent 
point  d'acide  vitriolique.  Ces  efpeces  de  terres 
font  de  même  nature  que  celles  qui  fervent  de 
bafe  aux  argjUes  :  elles  ont  vraifemblablement  la 
même  origine.  11  eft  à  prcfumer  que  ce  font  des 
argilles  qui  ont  été  remaniées  plus  d'une  fois  par 
les  eaux  ,  &  qui  ont,  dans  ces  dilférentes  révolu- 
tions ,  perdu  tout  leur  acide  vitriolique  :  mais  el- 
les ne  font  pas  de  vraies  argilles  :  ces  terres  font 
aux  argilles,  ce  que  les  terres  calcaires  très  divi- 
fécs  font  au  plâtre.  La  terre  calcaire  eft  bien  la 
bafe  du  gypfe  j  mais  elle  n'eft  pas  du  gypfe.  Ce 
qui  conftitue  elTentiellement  l'argille  ,  c'eft  la 
combinalfon  de  l'acide  vitriolique  avec  une  terre 
vitriliable. 

j'ai  remarque  que  les  argilles  blanches  ont 
moins  de  liant  que  les  bleues,  les  noires  &  les; 
grifes ,  qui  fervent  à  faire  des  poteries  commu- 
nes. Ce  défaut  leur  vient  de  ce  que  leurs  molécu- 
les font  moins  tines  ,  &  qu'elles  font  moins  dans 
l'état  filin  :  elles  font  d'ailleurs  prefque  toujours 
mêlées  avec  une  très  grande  quantité  de  mica  : 
pluiïeurs  même  en  font  tellement  altérées  , 
qu'on  peut  préfumer  que  ce  font  des  argilles  qui 
commencent  à  fe  dénaturer ,  à  perdre  de  leur  aci- 
de ,  à  s'éloiener  de  l'état  falin  ,  &  à  former  de 
nouveaux  corps  qui  ceifent  d'avoir  les  caraderes 
diftinftifs  des  argilles. 

On  doit  attribuer  le  liant  àQS  argilles  à  l'exif 


BT      RAISONNA  E.  557 

trème  cUvifion  de  leurs  parties ,  qui  les  rend  pro- 
pres à  retenir  l'eau  ,  &c  à  leur  état  falin  ,  qui  leur 
donne  la  propriété  d'être  prefque  dilTolublcs  dàiis 
l'eau.  Leurs  molécules  font  beaucoup  plus  dans 
l'état  de  divifion  ,  que  celui  qu'on  pourroit  pro- 
curer à  une  pierre  quelconque  par  des  moyens 
méchaniques.  On  peut  bien  donner  au  fable  &c 
à  toutes  les  matières  vitrihables  beaucoup,  de 
liant,  en  les  réduifant  en  poudre  impalpable  fur 
le  porphyre  j  mais  quelque  divifées  que  foienr 
ces  fubRances  ,  elles  ne  peuvent  jamais  acquérir 
le  liant  des  argilles  ,  parcequ'elles  n'ont  rien  de 
falin  qui  les  rende  mifcibles  à  l'eau.  Les  affil- 
ies elles-mêmes  n'ont  prefque  plus  de  liant ,  lorf- 
qu'on  leur  a  enlevé  leur  acide  ,  quoique  la  fub- 
llance  terreufe  refte  dans  le  plus  grand  état  de 
divilion.  C'eft  pour  cette  raifon  que  les  argilles 
blanches  qui  font  toujours  remplies  de  mica  , 
&  qui  font ,  par  conféquent ,  moins  dans  l'état  fa- 
lin ,  ne  font  pas,  à  beaucoup  près  ,  au(li  liantes , 
&  fe  fechent  plus  promptement  que  les  argilles 
fortes  :  elles  font  auOi  plus  fujettes  à  fe  fendre 
en  féchant,  &  plus  faciles  à  être  pénétrées  &c  dé- 
layées par  l'eau. 

J'attribue  le  doux  au  toucher  qu'on  remarqu;? 
aux  argilles,  a  ce  que  ces  terres  ont  été  roulées 
par  les  eaux  :  leurs  molécides  font  arrondies ,  Se 
ne  font  point- anguleufes.  La  terre  qu'on  fépare 
des  argilles  6c  celle  de  l'alun  font  âpres  «Se  rudes 
au  toucher,  parcequ'elles  n'ont  point  eliuyé  un 
femblable  frottement  :  leurs  molécules ,  en  fe 
précipitant ,  prennent  la  figure  qui  leur  efl  pro- 
pre :  elles  font  nécellairement  anguleufes  j  &î 
c'eft  là  ce  qui  eft  caufe  que  ces  terres  font  âpres 
^  rudes  au  couchet,  même  la  terre  des  aigiU.Gs 

Ziii 


55^        Chymie  expérimentale 

les  plus  douces  qu'on  fait  précipiter  par  un  fel 
alkali. 

Ar cilles  expofées  au  feu. 

Les  argilles  parfaitement  pures ,  expofées  au 
grand  feu  ,  n'entrent  point  en  fuiion  j  mais  elles 
ont  la  propriété  de  s'agglutiner,  de  prendre  affez 
de  corps  ,  èc  d'acquérir  aiTez  de  dureté  pour  jet-r 
ter  des  étincelles  comme  une  pierre  à  fufil,  lorf- 
qu'on  les  frappe  contre  de  l'acier. 

Toutes  les  argilles  colorées  par  des  matières 
végétales  &  animales,  blanchiffent  à  un  coup  de 
feu  médiocre.  Leur  matière  colorante  fe  détruit  j 
mais  lorfqu'on  les  poulie  à  un  coup  de  feu  capa- 
ble de  les  durcir  affez  pour  faire  feu  étant  frap- 
pées contre  de  l'acier,  elles  reprennent  beaucoup 
de  couleur.  Ces  fortes  d'argilles  ne  font  pas  pro- 
pres à  faire  des  poteries  blanches.  Celles  qui 
font  colorées  par  des  matières  métalliques  ,  font 
encore  moins  bonnes  pour  cet  objet.  L'action  da 
feu  développe  même  des  couleurs  nouvelles  qui 
n'étoient  point  apparentes  avant  leur  calcina- 
tion  :  elles  ont ,  d'ailleurs ,  l'inconvénient  d'en- 
trer en  fufion  &  de  fe  réduire  en  verre  par  la 
violence  du  feu  ,  parceque  les  matières  métalli- 
ques leur  fervent  de  fondant. 

Lorfqu'on  expofe  les  argilles  à  la  violence  du 
feu,  elles  durcifient  toutes  ,  les  unes  plutôt,  les 
autres  plus  tard  :  elles  prennent  beaucoup  de  re- 
traite ,  c'eft-à-dire  qu'elles  occupent,  après  la 
calcination  ,  un  volume  moins  grand  qu'aupara- 
vant. Les  argilles  blanches  &  parfaitement  pu- 
res ont  befoin  d'un  plus  grand  coup  de  feu  pour 
durcir  complettement,parcequ'elles  contiennent 
^iTetitieUement  moins  d'acide  vitriolique ,  qui  eft 


ET      RAISONNÉ  E.  35J) 

wn  principe  de  fufibilité,  comme  je  le  démontre- 
rai. Les  argilles  bleues  contiennent  toutes  plus 
d'acide  viniolique  :  elles  font  d'ailleurs  mclées 
pour  l'ordinaire  avec  une  certaine  quantité  de  fer 
qui  facilite  beaucoup  leur  endurcilfement.  On 
doit  confidérer  cet  effet,  comme  produit  par  une 
difpofition  à  la  fulion  :  aufli  les  argilles  entrent 
réellement  en  fufion  ,  ôc  fe  convertiffent  en  ver- 
re ,  lorfqu'elles  contiennent  une  certaine  quan- 
tité de  quelques  chaux  métalliques ,  quoiqu'elles 
n'éprouvent  qu'un  feu  égal  à  celui  qui  ne  fait 
que  durcir  les  argilles  pures. 

La  diminution  de  volume  que  les  argilles 
éprouvent  par  la  calcination ,  vient  de  deux  cau- 
les  :  1°.  de  l'humidité  qui  s'évapore,  laquelle  ell 
fi  tenace,  que  les  argilles  en  contiennent  encore, 
même  lorfqu'elles  font  rougies  à  blanc.  Je  m'en 
fuis  aifuré  ,  en  pefant  un  morceau  d'argille  tout 
rouge ,  que  j'ai  repefé  après  l'avoir  tenu  encore 
deux  heures  à  un  rrcs  grand  feu  ,  fous  la  moufle 
d'un  fourneau  de  coupelle  :  j'ai  trouvé  que  cette 
argille  étoit  diminuée  con(idérablement  de  poids 
&  de  volume.  2".  Lorfque  l'argille  eft  rouge  à 
blanc  ,  elle  eft  dans  un  état  de  molleffe ,  comme 
un  corps  qui  fe  difpofe  à  la  fuiion  ,  quoiqu'elle 
foit  pour  cela  fort  éloignée  de  fe  fondre.  Néan- 
moins ,  lorfqu'elle  eft  parvenue  à  cet  état ,  les 
parties  de  la  terre  fe  rapprochent  les  unes  des 
autres,  &  la  maffe  totale  acquiert  plus  de  deniité 
en  diminuant  de  volume. 

L'acide  vitriolique  ,  comme  principe  de  fufi- 
bilité des  argilles  ,  facilite  encore  leur  endurcif- 
fement  :  aulii ,  j'ai  remarqué  que  les  terres  argil- 
leufes ,  delquelles  j'avois  féparé  l'acide  vitrioli- 
que j  avoient  befoin  dun  coup  de  feu  infinimenc 

Ziv 


^6o  ChYMIE    EXrÉRIMENTALB 

plus  fort  ^  pour  acquérir  tout  le  degré  de  CLiiiïoH 
êc  de  dureté  dont  elles  font  fufccptiblcs.  J'ai  ob-> 
fcrvé  que  les  argilles  les  plus  liantes ,  &c  qui  re-t 
tiennent  en  même  temps  la  plus  grande  quantité 
d'eau ,  font  celles  qui  prennent  le  plus  de  retraite 
gu  feu. 

L'acide  vitriolique  eft  de  la  plus  grande  adhé- 
rence dans  les  argilles.  L'aétion  du  feu  le  plus 
violent  &  le  plus  long-temps  continué  eft  inca^ 
pable  de  le  faire  dilliper  entièrement.  Les  pote^ 
lies ,  les  fourneaux  ,  les  creufets ,  les  porcelaines 
terreufes.on  t  néceflairemcnt  de  l'argille  pour  bafe. 
Lorfqu'on  fait  cuire  ces  vafes ,  l'aélion  du  feu  fait 
dilîîper  une  partie  de  l'acide  vitriolique  :  il  fe  ré- 
pand dans  le  voilînage  une  odeur  d'acide  fulfureux 
volatil  qui  eft  confidérablc.  On  s'apperçoit  encore 
inieux  de  cette  odeur,  lorfqu'on  eft  à  la  proxi- 
mité des  fours  où  l'on  fait  cuire  des  briques  & 
des  tuiles  j  mais  ce  n'eft  que  la  plus  grande  partie 
de  iacide  qui  s'évapore  :  elle  n'eft  même  que  pro- 
portionnelle à  la  quantité  de  matière  phlogifti- 
que  qui  fe  trouve  dans  l'argille.  Les  tuiles  & 
les  briques  de  Bourgogne  font  faites  avec  une 
argille  paiTIiblement  réfradaire  :  elles  font  les 
plus  cuites  de  toutes  celles  dont  on  [fait  ufage  à 
Paris  ;  le  plus  grand  nombre  eft  même  vitrifié  à 
la  furface  ;  ce  qui  fuppofe  qu'elles  ont  reçu  un 
très  grand  coup  de  feu  :  cependant  elles  con- 
tiennent encore  une  fi  grande  quantité  d'acide 
vitriolique ,  qu'on  crou'oit  qu'elles  n'en  ont  poinc 
peidii  du  tout  pendant  leur  cuiftbn, 

ÂrgilUs  avec  Vau\ 

On  ne  connoît  point  de  combinaifon  de  Tar^ 
gUh  avec  l'air  \  mais  çQmii,ie  l'argille  fait  le  fcmc|, 


ET       RAISONNÉ  E.'  5^1 

ide  la  végétation ,  ainfi  que  je  l'ai  démontré  dans 
mon  Mémoire  fur  les  Argilles  j  on  peut  préfumer 
que  l'air,  l'eau  &  le  feu  fe  combinent  avec  l'ar- 
gille ,  pour  entrer  dans  la  compofition  des  végé- 
taux ,  &  pour  en  faire  partie.  Quoi  qu'il  en  foit , 
les  argilles  fc  décompofent  par  l'adion  des  élé- 
ments &  le  laps  de  temps  :  leur  acide  fe  fépare  & 
fe  combine  avec  des  matières  phlogiftiqucs  :  il 
fe  produit  du  foufre.  Lorfqu'il  fe  rencontre  des 
matières  métalliques  dans  les  argilles ,  ce  qui  efl: 
alfez  ordinaire  ,  le  foiifre  s'y  unit ,  &  forme  des 
pyrites  :  les  pyrites  tombent  enfuite  en  eflloref- 
cence,  &  produifent  de  l'alun  ,de  la  Iclénite  &c 
des  vitriols,  fuivant  l'efpece  de  matière  métalli- 
que qui  s'eft  trouvée  dans  les  argilles.  Il  peut 
aulli  très  bien  fe  faire  que  la  Nature  combine  di- 
reélement  le  principe  inflammable  avec  la  terre 
argilleufe ,  ôc  en  forme  des  métaux.  Toutes  les 
expériences  de  la  Chymie  tendent  au  moins  à 
prouver  que  la  terre  vitrihable  6c  le  phlogiftique 
entrent  dans  la  compofition  des  matières  métal^ 
liques.  Il  paroît  que  la  Nature  fe  réferve  le  fecret 
à^s  moyens  qu'elle  emploie  pour  opérer  ces  mer- 
veilles j  du  moins ,  jufqu'à  préfent,  on  n'ell:  pas 
encore  parvenu  à  former  un  métal ,  en  combi- 
nant une  terre  quelconque  avec  du  phlogiftique. 

L'argille  qui  éprouve  les  altérations  dont 
nous  parlons  ,  perd  fa  çouleiu- ,  parceque  fon 
phlogiftique  fe  combine  avec  d'autres  corps ,  & 
fe  détruit  même  en  partie  :  il  ne  lui  faut  que 
du  temps  pour  devenir  parfaitement  blanche  ; 
elle  ne  conferve  enhn  que  les  couleurs  formées 
par  les  matières  métalliques ,  &  qui  font  infini- 
ment pUis  long-temps  à  fe  détruire  complette^ 
Client. 

Tq^s  ces  changements  peuvent  are  confidéfçs 


^6l  ChYMIE    EXPÉRIMENTAL! 

comme  les  avanr-coureurs  des  plus  grandes  alté- 
rations donc  les  aigilles  foient  fufcepcibles.  Loif- 
qu'elles  commencent  à  blanchir  par  le  laps  de 
temps ,  elles  perdent  de  leur  hnelfe  de  de  leur 
liant  :  elles  cle viennent  moins  douces  au  tou- 
cher :  leurs  molécules  s'agglutinent  :  elles  forment 
des  matières  terreufes  ou  fableufes,  des  micas  co- 
lorés ou  fans  couleur ,  fuivant  les  circonftances  , 
&  à  proportion  des  matières  phlogiftiques  &  mé- 
talliques qui  fe  rencontrent  dans  le  temps  que 
ces  altérations  ont  lieu.  On  trouve  dans  les  Ca- 
binets d'Hiftoire  Naturelle  ,  des  échantillons  de 
toutes  ces  matières  qui  conftatent  ces  différents 
états  par  où  palTent  les  argilles. 

il  y  a  peu  d'argilles  blanches  fans  mica  :  elles 
font  moins  liantes  que  les  autres ,  &  contiennent 
toutes  moins  d'acide  vitriolique.  Je  penfe  même 
que  les  argilles  blanches  qui  ne  contiennent  point 
de  mica  j  fonu  blanchies  de  nouvelle  date  :  il  ne 
leur  faut  que  du  temps  pour  arriver  dans  le  même 
état,  c'eft- à-dire  devenir  plus  blanches,  en  per- 
dant de  leur  fineffe  &  de  leur  liant,  &:  produire 
du  mica  :  enfin  les  talcs,  les  amiantes,  les  craies 
de  Briançon  font  autant  de  corps  naturels  qui 
doivent  leur  origine  aux  argilles  qui  ont  encore 
fubi  de  plus  grandes  altérations.  On  ne  découvre 
plus  aucun  velHge  d'acide  vitriolique  dans  la  plu- 
part de  ces  corps  :  je  m'en  fuis  alFuré  par  une  infi- 
nité d'expériences. 

argilles  avec  de  l'eau* 

L'argille  eft  une  vraie  matière  faline  :  elle  a  les 
principales  propriétés  des  fels ,  mais  à  des  degrés 
peu  fenfibles ,  parcequ'il  entre  dans  fa  compofî- 
don  beaucoup  plus  de  terre  que  n'en  contienneac 


/ 


ET      RAISONNÉ  E.  ^ô^ 

tous  les  fels  à  bafe  ceireufe  connus.  Ce  fel  aigil- 
leux  eft  le  moins  dllfoluble  des  fels  que  j'ai  exami- 
nés. L'aigille  a  cela  de  particulier  j  c'cft  qu'elle  eft; 
le  feul  (el  à  bafe  teireufe  connu,  qui  ait  la  proprié- 
té d'admettre  dans  fa  compofîrion  toutes  fortes  de 
dofes  de  fa  terre ,  fans  que  celle  de  l'acide  varie  y 
c'eft  ce  que  nous  démontrerons  fucceflivement. 

J'ai  fait  bouillir  un  grand  nombre  de  fois  dans 
de  l'eau  dill:illce ,  des  argilles  blanches  &:  colo- 
rées ,  chacune  fépavément  :  j'ai  filtré  les  liqueurs  : 
je  les  ai  quelquetois  fait  évaporer  fur  le  teu  ;  &c  , 
dans  d'autres  circonftances ,  je  les  laifTois  s'éva- 
porer d'elles-mêmes  à  l'air  ,  mais  enfermées  dans 
des  vaifTeaux  de  verre ,  couverts  d'un  pnpier  poui: 
les  garantir  de  la  poufîiere.  Par  l'évaporation  fur 
le  feu ,  je  n'obtenois  qu'une  efpece  de  poudre 
qui  n'avoir  aucune  apparence  de  fiçrure  rcsuliere  ; 
mais,  par  i  evaporation  Ipontanee,  j  obcenois  une 
matière  pulvérulente  dans  laquelle  on  diftinguoit 
de  petits  cryftaux  difpofcs  en  petites  écailles 
comme  le  mica.  L'eau  dans  laquelle  j'avois  fait 
bouillir  l'argille  blanche,  étoit  fans  couleur  :  elle 
avoir  une  faveur  fade  Se  dure,  femblable  à  celle 
des  eaux  des  puits  de  Paris  :  elle  verdiffoit  le  fy- 
rop  violât ,  à  raifon  de  l'excès  de  terre  que  con- 
tient la  matière  faline  dont  elle  eft  chargée. 

La  décodion  de  l'argille  colorée  avoir  une  lé- 
gère couleur  ambrée  :  elle  a  mcme  laiflé  dépofer 
un  peu  d'ochre  :  évaporée  des  deux  manières  , 
comme  la  décodion  de  l'argille  blanche  ,  elle  a 
donné  les  mêmes  réfultats  ,  mais  dans  un  degré 
plus  marqué.  Les  cryftaux  qui  fe  font  formés  par 
une  evaporation  fpontanée,  étoient  plus  larges 
ôc  plus  femblables  au  mica  j  parceque  cette  ar- 
gille  tient  davantage  d'acide  vitriolicjue,&:  qu'elle 
eft  plus  dans  l'état  falin  que  les  argilles  blanches. 


5<>4       Chymie  expérimentale 

La  faveur  que  l'arr^ille  procure  à  l'eau ,  la  cli(TcH 
lubilité  de  cette  matière  &facryfl:allilation  ,  four, 
comme  on  le  fait,  des  propriétés  falines  &  com- 
munes à  tous  les  fels  &  à  l'état  falin  de  i'arîzille. 

Toutes  les  eaux  des  grandes  rivières  qui  font 
bordées  de  bancs  argilleux,  contiennent  unelem- 
blable  félénire  vitrifiable,  dont  la  dofe  eft  depuis- 
cinq  jufqu'à  dix  grains  par  pinte  de  Paris.  On 
peut  l'obtenir  en  laifTant  évaporer  à  l'air  libre  une 
certaine  quantité  de  ces  eaux  dans  des  vafes  pro- 
pres :  l'eau  peut  s'en  charger  d'une  plus  grande 
quantité ,  &c  elle  s'en  charge  en  efter  ,  lorfqu'oii 
fait  bouillir  de  l'argille  dans  de  l'eau.  J'ai  tenté  , 
mais  inutilement ,  de  dilToudre  entièrement  une 
certaine  quantité  d'argille  dans  de  l'eau  :  il  eft 
toujours  refté  une  matière  terreufe  ,  fableufe  , 
très  fine,  &  abfolument  indiiïoluble,  parcequ'elle 
lî'eft  pas  combinée  avec  Tacide  vitriolique ,  dC 
qu'elle  n'eft  point ,  par  conféquent ,  dans  l'état 
falin.  J'ai  filtré  les  liqueurs  ;  je  les  ai  mêlées  j  j'y 
ai  ajouté  de  l'alkali  fixe  :  il  s'eft  fait  un  précipité 
terreux  fort  blanc.  J'ai  lavé  de  féché  cette  terre  : 
elle  s'eft  trouvée  abfolument  femblable  à  celle  de 
l'alun  :  elle  en  avoit  toute  la  rudefle  3c  l'âpreté 
entre  les  doigts.  Les  liqueurs,  féparées  de  ces  ter- 
res après  leur  précipitation  ,  m'ont  toutes  fourni 
du  tartre  vitriolé. 

J'ai  dit  plus  haut  que  l'acide  vitriolique  étoit 
très  adhérent  aux  argilles  :  je  m'en  fuis  alfuré  pac 
les  expériences  dont  je  vais  rendre  compte. 

J'ai  réduit  féparément  en  poudre  alîez  grof- 
fiere  des  tuiles  &  des  briques  de  Bourgogne  :  j'ai 
verfé  par-deffiis  l'une  &  l'autre  de  l'eau  diftillée  8c 
froide  :  l'infufion  d'un  quart  d'heure  a  fuiH  pour 
charger  cette  eau  d'un  fel  vitriolique  qui  a  com- 
Kiunicjué  à  l'eau  diftillée  une  faveur  d'çau  ciuç  ^ 


ï  T      R  A  I  S  O  N  N  É  £.  5  îf  | 

iemblable  à  celle  des  eaux  des  puits  de  Paris.  Ces 
liqueurs  liltrces  précipitent  en  jaune  de  turbith 
minéral ,  le  mercure  diirous  dans  l'acide  nitreux  : 
l'alkali  fixe  en  fait  précipiter  une  terre  jaunâtre. 
Je  fens  bien  qu'on  peut  m'objecter  que  l'argille 
avec  laquelle  on  fait  des  tuiles  &:  des  briques  , 
contient  des  pyrites  qu'on  ne  fe  donne  pas  la  peine 
de  réparer  ,  (?c  qui  font  calcinées  pendant  la  cuite 
de  la  brique  :  elles  fe  trouvent  alors  dans  l'état  le 
plus  favorable  pour  tomber  en  eftlorefccnce  ,  ôc 
pour  produire  dans  l'eau  tous  les  phénomènes  donc 
nous  venons  de  parler.  Ainli  l'acide  virriolique 
que  l'on  retrouve  dans  les  tuiles  &z  dans  les  bri- 
ques ,  ne  feroit  plus  fourni  par  l'argille ,  mais  par 
les  pyrites. 

Cette  objeétion  eft  fpécieufe  j  mais  on  en  trou- 
vera la  réponfe  à  l'article  de  la  décompofition  du 
nitre  par  les  argilles ,  où  nous  ferons  voir  que  ce 
fel  eft  décompofé  par  la  porcelaine  des  Indes. 

Argilles  avec  les  terres  vitrifiablcs. 

Les  argilles  &:  les  terres  vitrilîables  n'ont  poinc 
d'nélion  l'une  fur  l'autre  par  la  voie  humide  j  mais 
elles  en  ont  fenfiblement  par  la  voie  feche  ,  pro- 
portionnellement A  la  quantité  d'acide  vitriolique 
qui  fe  trouve  dans  les  argilles  :  c'eft  fur  ces  pro- 
priétés qu'eft  fondée  la  fabrication  des  fourneaux 
&  des  creufets  de  terre  cuite,  ainfi  que  celle  des 
poteries  fines,  telles  que  la  porcelaine,  6c  des 
poteries  communes,  comme  la  faïance  ,  la  terre 
vernitrée ,  &c.  dont  nous  parlerons  par  la  fuite, 

Argilles  avec  le  phlogijlique. 

L'argille  fe  décompofé  par  l'intermède  du  phlo- 
giftique ,  de  même  que  l'alun.   La  matière  inr 


F 


^66  ChYMIE    tXPÉRlilENTAtE 

flammable  s'unit  à  l'acide  vitriolique ,  &c  forme 
du  foufre  qui  fe  biûle  à  mefure  qu'il  ie  forme  : 
la  terre  refte  libre.  Mais  cette  décompofition  fe 
fait  plus  difficilement  que  celle  de  l'alun.  L'excès 
de  terre  dans  l'argille  défend  l'acide  du  contad  du 
hlo2;iftique.  On  parvient  mieux  a  decompofer 
'argille  par  l'intermède  de  l'alkali,  comme  nous 
le  dirons  dans  un  inftant. 

ArgiUes  &  Terres  calcaires, 
Fufibilité  de  ces  terres  l'une  par  l'autre. 

On  fait  un  mélange  exad:  de  quatre  gros  d'ar- 
gille  blanche  &  d'autant  de  craie ,  l'une  &  l'autre 
en  poudre  :  on  met  ce  mélange  dans  un  creufet  î 
on  le  place  fous  la  moufle  d'un  bon  fourneau  à 
vent  :  on  le  fait  chauffer  pendant  une  demi-heure 
ou  trois  quarts  d'heure.  Ces  deux  fubfbances  fe 
fondent  mutuellem.ent ,  &  fe  convertirent  en  un 
verre  net  &c  tranfparent  qui  a ,  pour  l'ordinaire, 
une  couleur  verte  d'aiguë  marine. 

C'eft  un  des  beaux  phénomènes  chymiques  , 
qui  a  été  découvert  par  M.  Pott ,  &  que  nous 
avons  eu  occafion  de  voir  bien  de  fois,  M.  Mac- 
quer  &  moi ,  dans  le  cours  de  plus  de  deux  mille 
expériences  que  nous  avons  faites  enfemble  fur  la 
porcelaine  :  mais  M.  Pott  n'en  donne  aucune  ex- 
plication. Je  vais  expofer  la  théorie  que  je  me  fuis 
Formée  fur  cette  matière  :  elle  fera  voir  au  moins 
la  néceffité  de  diftinguer  dans  l'argille  la  portion 
de  fubftance  terreufe  qui  eft  combinée  &:  réduite 
dans  l'état  falin  par  l'acide  vitriolique ,  d'avec 
celle  qui  n'eft  pas  dans  l'état  falin.  Nous  verrons 
que  cette  même  terre,  prife  dans  ces  deux  états, 
a  des  propriétés  différentes. 

Nous  avons  dit  précédemment  que  M.  Pott 


,5 

i 


ET       RAISONNES.  "^^7 

âvoit  diftingué  quatre  efpeces  de  teires  :  favoir  j 
la  terre  argilleufe,  la  terre  gypfeufe  ,  la  terre  vi- 
trifiabie ,  &  la  terre  calcaire.  Nous  avons  fait 
connoître  notre  fentiment  fur  cette  diftinclion 
de  M.  Pott.  Quoi  qu'il  en  foit ,  aucunes  de  ces 
terres  ,  expofces  au  grand  feu  ,  n'entrent  en 
tutîon  ,  tant  qu'elles  font  feules.  Il  en  eft  de 
même  des  mélanges  d'argille  &  de  fable ,  6c  de 
ceux  de  gvpfe  ôc  de  craie  ,  qui  n'entrent  pas  non 
plus  en  hilion.  Ceux  de  craie  de  de  fable ,  (Se  ceux 
de  gypfe  &  de  fable  ,  s'agglutinent  un  peu ,  & 
prennent  un  peu  de  corps  j  mais  ceux  d'argille  & 
de  craie  ,  ou  ceux  d'argille  ôc  de  gypfe,  entrent  en 
véritable  fufion  ,  &  fe  convertillent  en  un  verre 
net  &:  tranfparent  qui  fe  trouve  avoir  alfez  de  (o^ 
lidité  &c  de  dureté  pour  faire  feu  ,  lorfqu'on  le 
frappe  contre  de  l'acier.  J'attribue  cette  fufibilité 
à  trois  caufes  :  i°.  à  l'acide  vitriolique  contenu 
dans  les  matières  qui  font  mifes  en  jeu  :  i^.  à  la 
matière  faline  alkaline  qui  fe  forme  pendant  la 
calcination  de  la  pierre  calcaire  :  3^.  à  un  principe 
de  fufibilité  ,  contenu  dans  toutes  les  pierres  & 
terres  vitrifiables  ,  mais  qu'elles  peuvent  perdre 
par  une  trop  grande  violence  du  feu.  C'ell:  ce  que 
je  vais  tâcher  de  démontrer. 

J'ai  expofé  plu(ieurs  fois  à  un  même  degré  de 
chaleur  ,  des  mélanges  de  craie  &C  de  terre  fépa- 
rée  des  dllfolutions  d'argilles  très  pures  par  l'a!- 
kali  fixe  ,  &c  pareillement  des  mélanges  fembla- 
blcs  de  terre  d'alun  &  de  terre  calcaire  :  aucun  de 
ces  mélanges  n'eft  entré  en  fufion ,  ôz  n'a  pas  même 
pris  un  peu  de  corps  :  ils  font  tous  rcftés  poreux  ôc 
friables.  Tous  ces  mélanges  étoient  faits  à  parties 
égales  de  ces  deux  terres  ,  Se  au  poids  de  deux 
gros  de  chaque. 

J'ai  répété  ces  expériences ,  &c  j'ai  ajouté  à  cha* 


$$8  ChYMIÊ    ÎXPÉRUlENtAtÉ 

cun  des  mélanges  faits  au  même  poids ,  deux  gTôft 
d'alun  calcine  :  je  les  ai  enfuite  expofés  à  la  mémo 
violence  du  feu  :  ils  font  tous  entrés  en  fulion  , 
de  ont  ioimé  des  mafles  vitreufes ,  tranfpaientes  ^ 
blanches  Se  laiteufes  ^  mais  aucun  n'a  formé  du 
verre  parfait  :  néanmoins  il  réfulte  évidemment 
que  c'eft  à  l'acide  vitriolique  qu'on  doit  attribuer 
le  commencement  de  fufion  qui  eft  arrivé  à  tous 
ces  mélanges.  J'ai  remarqué  que  celui  de  gypfe 
Se  d'argille  entre  en  fufion  beaucoup  plus  facile- 
ment que  celui  de  craie  &  d'argille  :  il  produit 
aufli  une  effervefcence  qui  eft  fi  confidérable ,  que 
la  matière  palTe  toujours  par-delïus  les  bords  du 
creufet  :  ainfi  l'acide  vitriolique  entre  donc  pouf 
quelque  chofe  dans  la  fufion  de  ces  terres  l'une 
par  l'autre.  La  terre  argilleufe,  privée  d'acide  vi- 
triolique ,  a  donc  des  propriétés  différentes  dô 
l'argille ,  puifqu'elle  eft  infiniment  moins  fufible 
avec  de  la  terre  calcaire. 

La  féconde  caufe  à  laquelle  j'attribue  cette  fu- 
fibilité  des  terres  l'une  par  l'autre ,  vient  de  la 
portion  d'alkali  fixe  qui  fe  forme  pendant  la  cal- 
cination  de  la  terre  calcaire,  en  fe  réduifanteil 
chaux  vive  :  elle  devient  un  fondant  de  la  terre 
vitriliable ,  l'oblige  d'entrer  en  fufion ,  &c  entraîne 
la  vitrification  de  la  portion  de  terre  calcaire  qui 
n'eft  point  devenue  faline.  J'ai  obfervé  qu'il  faut  j 
en  général ,  une  très  petite  quantité  de  matière 
faline  pour  faire  entrer  la  terre  vitrifiable  en  fu- 
fion ,  comme  on  le  va  voir  par  l'expérience  fui- 
vante. 

J'ai  expofé  au  grand  feu  un  mélange  de  parties 
égales  de  fable  broyé  &c  de  craie  :  ce  mélange  n'a 
point  fondu  j  mais  la  terre  calcaire  s'eft  réduira 
en  chaux  vive.  La  portion  de  matière  faline  ,  for- 
mée par  la  pierre  calcaire,  n'écoit  pas  en  dof* 

fuffifantej 


ET      R  A  I  S   6  i-ï  N   £  E.  5^^ 

faffifaiite  pour  entraînei:  en  fufion  de  la  tetre  vi- 
trifiable.  J'ai  expofé  ce  mélange  à  l'aii-  pendant 
quelque  temps  ;  la  chaux  s'eft  chargée  de  l'humi- 
dité de  l'air ,  comme  elle  a  coutume  de  faire ,  &. 
elle  s'eft  réduite  en  poudre.  Alors  j'ai  expofé  de 
nouveau  ce  mélange  à  la  mcme  aClion  du  feu  :  il 
eft  entré  en  fufion  ,  &"  il  a  formé  une  matière  tu- 
tnériée ,  poreufe  ,  demi-tranfpatente  ,  Se  qui  n'a 
plus  attiré  l'humidité  de  l'air.  On  ne  peut  attri- 
buer cet  effet  à  autre  chofe ,  qu'à  une  addition 
de  matière  faline  ,  laquelle  s'eft  formée  pen- 
dant la  féconde  calcination  :  elle  s'eft  alors  trou- 
vée en  dofe  fuffifante  pour  entraîner  la  fufion  du 
fable.  Je  me  crois  d'autant  mieux  fondé  à  penfei: 
ainfi ,  que  je  fuis  parvenu  à  mettre  en  femblablé 
fufion  ,  &  d'un  feul  coup  de  feu ,  de  pareil  fable 
que  j'avois  mêlé  avec  fon  poids  égal  de  pellicules 
de  chaux  :  ce  verre  ,  à  la  vérité  ,  étoit  femblablé 
au  précédent  :  il  n'avoit  ni  la  beauté  ni  la  tranf- 
parence  d'un  verre  parfait  ;  mais  il  étoit  fuftifam- 
ment  bien  fondu  ,  pour  me  faire  peiifer  que  la 
matière  faline  qui  le  forme  pendant  la  calcina- 
tion de  la  terre  calcaire,  entre  pour  beaucoup  dahâ 
cette  fufibilité  des  terres  :  cette  matière  faline 
alkaline,&  l'acide  vitriolique  contenu  dans  les  ar- 
gillcs  ,  font  donc  les  deux  caufes  auxquelles  oii 
doit  attribuer  la  fufibilité  des  terres  l'une  pair 
l'autre  j  &  il  faut  le  concours  de  ces  detix  fub- 
ftances  en  même  temps ,  pour  obtenir  de  ces  ter- 
res des  verres  parfaits  ,  puifque  l'une  fans  l'autre 
ne  produit  que  des  demi-vitrifications.    .    . 

Pour  revenir  à  la  troifieme  caufe  de  fufibilité 
dont  j'ai  parlé,  je  vais  rapporter  une  expérience 
que  j'ai  faite  plufieurâ  fois  ,  &  qu'on  pourroiê 
oppofer  à  mon  fentiment.  J'ai  tenté ,  mais  inu- 
tilement ,  de  fondre  un  mélange  de  parrieâ  cga- 
Tome  li  Ai 


^yo  Chymie  expérimentale 
les  de  terre  d'alun  ôc  de  gypfe  :  ce  mélange  eft 
toujours  refté  fec  Se  friable.  On  pourroit  m'ob- 
jedler  qu'il  y  a  dnns  ce  mélange  de  l'acide  vitrio- 
lique ,  de  qu'il  auroit  dû  au  moins  former  une 
matière  vitriforme  :  or  cela  n'eft  point  arrivé  : 
donc  ,  pourroit-on  conclure,  il  y  a  une  différence 
entre  la  terre  de  l'alun  &  les  autres  terres  vitrifia- 
bles ,  comme  le  penfe  M.  Margraff,  page  3  de  fes 
Opufcules  j  2^.  volume ,  où  il  dit  :  La  terre  de 
l'alun  ejl  une  terre  particulière  féparée  de  la  terre 
argilleufe.  Mais  le  fable  féparc  du  liquorfilicum 
par  le  moyen  des  acides ,  traité  de  même  à  parties 
égales  avec  le  gypfe  ,  ne  ferme  plus  une  matière 
vitriforme  ,  comme  le  fait  le  fable  qui  n'a  point 
fubi  toutes  ces  opérations.  Doit-on  en  concliu'e 
que  le  fable  tiré  du  liquorfilicum  eft  une  terre  par- 
ticulière féparée  du  fable  ?  D'où  viennent  donc 
QQ.%  différences  ?  De  deux  caufes  :  1°.  de  l'extrcme 
divifion  des  parties  :  2°.  d'un  principe  de  fufibi- 
îité ,  contenu  dans  les  terres  vitrifiables;  principe 
fufceptible  de  fe  détruire  &  de  fe  dilîîper  par  la 
Violence  du  feu  :  j'en  ai  parlé  plus  haut.  J'ai  re- 
marqué un  grand  nombre  de  fois  que  du  fable  cal- 
ciné exigeoit  ww  peu  plus  de  fondant  pour  fe  ré- 
duire en  verre,  que  celui  qui  ne  l'a  point  été  :  ainfi 
la  terre  rirée  du  liquorfilicum  ^  &  la  terre  tirée  de 
l'alun,  font  deux  terres  dans  le  plus  grand  état  de 
divifion  poffible  :  elles  préfentent  beaucoup  de 
furface  à  l'action  du  feu  :  leur  principe  fufible  s'é- 
vapore avant  que'le  feu  les  ait  pénétrées  fulfifam- 
ment  pour  les  faire  entrer  en  fufion.  Nous  avons , 
M.  Macquer  &  moi ,  expofé  fouvent  au  grand 
feu  àç.s  mélanges  de  craie ,  d'argille  &  de  fable  , 
pétris  avec  de  l'eau,  pour  former  une  forte  de 
porcelaine.  Ces  mélanges,  après  leur  cuite,  etoienc 
enduits  à  leur  furface  d'une  croûte  de  verre  net  6c 


BT      RAISON  NÉE.  57I 

tranfparent  :  les  pièces  de  porcelaine  fe  cauoienc 
d'elles-mêmes  en  le  refroidiirant ,  &  les  moiceaux 
fauroient  avec  éclat,  pauccque  la  retraice  nelefai-» 
foitpas  uniformément  :  le  verre  fe  détachoit  de  lai- 
mcme.  Se  ne  £iifoic  pas  corps  avec  la  pâte.  Lorfque 
nous  expofions  de  nouveau  au  Icu  ces  morceaux  de 
porcelaine ,  le  verre  c]ui  étoit  à  leur  furtace,  fe  dcf- 
léchoit  Se  s'évaporoit  de  plus  en  plus,  au  lieu  d'en- 
trer en  lufion  :  lorlque  le  ieii  n'écoit  pas  aGez  fort 
pour  le  faire  dilfiper  ,  il  formoit  à  la  furface  de  la 
pâte  de  cette  forte  de  porcelaine  une  incrullation 
terne ,  femblable  à  celle  qui  le  forme  à  fa  furface 
du  diamant  qu  on  a  expofé  au  teu  à  l'air  libre.  II 
eil:  difficile  d'attribuer  ces  effets  à  autre  chofe  qu'à 
une  fubllance  que  le  teu  fait  dilîîper,  &  qui  fa- 
cilite la  fuiion  des  matières  terreufes.  C'eft  cette 
fubllance  ,  fans  connoître  fa  nature  ,  que  je 
nonwwQ  principe  de  jujlbilité  ^  parceque  les  ma- 
tières terreufes ,  fufceptibles  de  fufion  ,  devien- 
nent d'autant  moins  tuhbles  ,  qu'elles  ont  été  da- 
vantage delféchées  6c  privées  de  cette  matière  par 
l'acVion  du  feu.  A  la  rigueur,  tout  eftfulible  dans 
la  Nature  :  il  fuffit  de  fe  procurer  le  degré  de  feu 
convenable,&:  de  l'appliquer  aux  corps  les  plus  ré- 
fradlaires  \  il  eft  certain  qu'ils  entreront  tous  en 
fuiion,  fans  qu'on  foit  obligé  de  les  mcler  en- 
femble  :  mais  les  expériences  dont  nous  venons 
de  parler  ,  ont  toutes  été  faites  à  un  coup  de  feu 
à-peu-prcs  femblable,  qui^  quoique  très  fort,  ne 
l'étoit  pas  lutïîlamment  pour  fondre  les  fubftances 
dont  nous  parlons  ,  lorfqu'elles  étoient  feules  : 
ainli  les  phénomènes  qui  fe  préfentent  dans  ces 
expériences ,  font  bien  véritablement  dus  à  l'ac- 
tion de  ces  fubftances  les  unes  fur  les  autres. 

Indépendamment   de    la  dilpofition    qu'ont 
tous  les  corps  à  entrer  en  fuiion  par  la  violence 

Aaij 


37-  ChYMIE    EXPÉRlitE>4TAit 

du  feu,  Se  nonobftant  que  ce  moyen  foit  rô-ij 
connu  fuffifanr  pour  les  réduire  tous  en  verre, 
je  ferois  porté  à  croire  que  tous  les  corps  de  la  Na- 
ture contiennent  plus  ou  moins  de  ce  principe  de 
fufibilité  :  il  paroit,  en  beaucoup  d'occafions,  agit- 
dans  la  Nature,  aufli  bien  par  la  voie  humide, 
que  par  la  voie  feche.  Il  paroît  que  ce  principe 
excite  dans  les  corps  qui  en  font  pourvus ,  unô 
forte  de  mouvement  comparable  à  celui  de  la 
fufion ,  par  rapport  aux  effets  qui  en  réfultent. 
Je  conviens  qu'il  eft  difficile  de  donner  des  no- 
tions exadtes  fur  une  fubftance  qui  n'eft  qu'a 
peine  foupçonnée ,  laquelle  n'eft  peut-ctre  même 
que  l'effet  de  l'attradtion  des  parties  de  la  ma- 
tière l'une  vers  l'autre  j  mais  quelle  qu'en  foit  la 
caufe,  les  phénomènes  qui  fe  préfentent  relati- 
vement à.  cet  objet ,  méritent  bien  la  peine  que 
nous  nous  y  arrêtions  un  moment ,  foit  que  l'on 
attribue  ces  phénomènes  à  un  principe  de  fufibi- 
lité ,  ou  à  la  force  de  l'attraftion. 

Toutes  les  pierres  vitrifiables  préfentent ,  a 
leur  furface  ,  une  apparence  unie ,  &c  quelque 
chofe  de  lille  ,  comme  fi  elles  étoient  mouillées. 
On  voit  tous  les  jours  de  ces  fortes  de  pierres' 
caffces  par  des  affaiffements  locaux  ,  ôc  qui  ont 
été  reffoudées  enfuite.  Il  arrive  fouvent  que  l'en- 
droit de  la  jonftion  forme  un  bourlet  ou  une 
éminence.  Les  Naturaliftes  attribuent  cet  eftet  à 
des  fucs  lapidifiques  qui  font  venus  remplir  les 
intervalles,  effet  femblable  à  celui  d'un  vafe  rem- 
pli d'eau ,  5c  que  l'effort  de  la  gelée  a  fait  caffer  : 
l'augmentation  du  froid  fait  couler  la  glace  par 
la  fente  du  vafe  :  elle  fonde  tout  ce  qu'elle  ren- 
contre à  fon  paffage.  Ce  fuc  lapidifique  auroit-il 
la  même  confiftance  que  celle  de  la  glace  qui 
coule  par  l'augmentation  du  froid  ?  11  faut  que 


ET      R  A  I  S   O  N  N  E  E;  375 

cela  foit:  ce  fuc  lapidifique  n'ell  pas  toujours  de 
la  terre  tenue  en  diffolution  qui  vient  fe  juxta- 
pofer  ,  tandis  que  l'eau  s'évapore  :  fi  les  interval- 
les étoient  remplis  par  cette  dernière  caufe ,  on 
verroit  les  alentours  remplis  de  la  mcme  fub- 
ftance  par  l'eau  qui  fe  feroit  cpanchée  j  c'ell  ce 
que  l'on  ne  remarque  pas  toujours. 

Argilles  &  acide  vitrlolique. 

J'ai  mis  dans  un  matras  quatre  onces  d'argiîle 
blanche  bien  fcchce,  de  réduite  en  poudre  fine  : 
je  l'ai  délayée  avec  douze  onces  d'eau  diflillée  : 
j'ai  ajouté  à  ce  mélange  fix  gros  d'acide  vitrioli- 
que  très  pur  &  bien  concentré  :  il  ne  s'cft  excité 
aucune  eftervefcence.  J'ai  fait  digérer  ce  mclan^e 
pendant  deux  jours  au  bain  de  fable  ,  ayant  foin 
de  l'agiter  fouvent  :  cnfuite  j'ai  filtré  la  liqueur 
au  travers  d'un  papier  gris  :  la  liqueur  a  palTe  très 
claire ,  &  fans  couleur  :  elle  avoir  une  faveur  ab- 
folument  femblable  à  celle  d'une  dilfolution  d'a- 
lun. Je  l'ai  mife  dans  un  vafe  couvert  d'un  pa- 
pier ,  pour  la  garantir  de  la  poufliere.  Par  une 
évaporation  fpontanée  ,  j'ai  obtenu  cinq  gros  de 
matière  faline.  La  plus  grande  partie  de  ce  fel 
ctoit  difpofée  en  petites  écailles ,  comme  du  mica 
blanc,  &  en  avoit  le  brillant  ;  une  autre  portion 
ctoit  en  petits  cryftaux  régulièrement  cryftalUfés 
comme  l'alun.  Tout  ce  fel  avoit  la  faveur  de  l'a- 
lun :  il  fe  bourfourioicau  feu,  &  fe  réduifoit  eiï 
alun  calciné  comme  lui.  Cette  expérience  prouve 
bien  l'ideîitité  de  la  terre  d^alun  avec  la  terre  ar- 
c;illeufe.  Nous  avons  vu  d'une  autre  part  l'iden- 
tité de  la  terre  vitrihable  avec  la  terre  de  l'alun  : 
c'eft  ce  que  nous  avons  démontre  par  la  forma- 
tion de  l'alun  avec  l'acide  vitriolique ,  combine 

Aaiij 


574  Chymie  expÉrimentali 
avec  la  terre  vitrifiable  {épa.ï:ée  du  liquor  ^/icuml 
Toutes  ces  terres  font  elTentiellement  de  même 
efpece  &:  de  ntcme  nature  :  leur  plus  grande  dif- 
férence ne  vient  que  de  la  forme  Se  de  l'état  fous 
lefquels  la  nature  nous  les  préfente.  Quelques 
Chymiftes  avoient  dit  avant  moi,  qu'on  taifoitde 
l'alun  avec  des  argilles ,  &  que  ces  deux  terres 
étoient  de  mcmc  efpece  j  mais  ni  les  uns  ni  les 
autres  ne  nous  ont  fait  connoître  la  nature  de 
ces  terres.  On  étoit  en  droit  de  leur  demander 
de  aûelle  nature  eft  la  terre  de  l'alun  ,  ou  de 
quelle  nature  eft  la  terre  de  l'argille.  Quelques; 
Chymiftes  ont  mcme  avancé  que  la  terre  de  l'a- 
lun eft  une  véritable  argille  :  nous  croyons  que 
cette  aflertion  manque  d'exaditude.  Ce'quîconf- 
titue  eftentiellement  une  argille,  c:'^  la  comki- 
naifon  de  la  terre  argïlleufe  avec  l'acide  vïtrïolï- 
que  :  mais  la  terre  féparée  de  cette  combinaifon 
n'eft  plus  de  l'argille  \  c'eft  la  terre  propre  à  for- 
mer une  argille  :  je  l'ai  nommée  à  caufe  de  cela 
terre  argïlleufe.  Il  en  eft  de  même  de  la  terre  de 
l'alun  :  elle  n'eft  pas  de  l'alun  \  c'eft  la  terre  de  ce 
fel ,  &;  que  l'on  nomme ,  à  caufe  de  cela  ,  terre, 
d'alun. 

M.  Ivlargraff ,  dans  un  Mémoire  inféré  dans 
fes  Opufcules  chy nuques ^  page  98  ,  deuxième  vol. 
édition  françoife,  dit  avoir  fait  de  l'alun  avec 
de  l'argille  &  de  l'acide  vitriolique ,  &  n'avoir  ja- 
mais eu  d'alun ,  qu'en  ajoutant  à  ces  mélanges 
une  petite  quantité  d'alkali  fixe  :  cependant  je 
n'ai  point  fait  cette  addition ,  &:  mon  expérience 
a  trèS'bien  réufïi. 

J'ai  lavé  dans  une  très  grande  quantité  d'eau 
^iftillée  ,  le  marc  qui  eft  refté  fur  le  filtre  :  j'ai  fil- 
tré la  liqueur  ,  ^  j'y  ai  verfé  une  fuffifante  quan- 
\vth  4'aIkaU  fixe,  pour  décompofer  le  fel  terreiii^ 


ET      RAISONNÉ  E.  375 

t^u  elle  tenoic  en  tli(Tolutioii ,  Ôc  pour  avoir  la 
terre  à  parc.  L'alkali  fixe  a  occalïonné  un  préci- 
pité blanc  très  léger  ,  difficile  à  fe  raflembler  ,  5c 
qui  retenoit  fortement  l'eau  :  il  avoit  un  liane 
mucilaeineux  ,  comme  celui  de  la  terre  de  Talun 
précipité  de  la  même  manière.  J'ai  lavé  ,  à  plu- 
fieurs  reprifes ,  dans  beaucoup  d'eau  ,  cette  terre 
reftée  fur  le  filtre ,  &  l'ai  fait  fécher  :  il  s'en  eft 
trouvé  un  gros  &c  demi. 

J'ai  fait  fécher  la  terre  argilleufe  reftée  fur  le 
filtre  :  il  s'en  eft  trouvé  trois  onces  &  demie.  C'eft 
donc  une  demi-once  qui  s'étoit  dilfoute ,  tant  par 
l'acide  vitriolique  ,  que  par  l'eau  qui  a  fervi  à  la 
laver.  Cette  argille ,  après  toutes  ces  opérations , 
avoit  moins  de  liant,  parceque  l'acide  vitriolique 
&  l'eau  ont  dilFous  pendant  le  lavage  la  partu^  la 
plus  fine  ,  Se  que  la  partie  fableufe  qui  n'a  p  ic 
de  liant  fe  trouve  ralfemblce  ôc  privée  de  la  par- 
tie la  plus  fine. 

Ces  expériences  prouvent  que  fi  l'argille  n'eft 
pas  entièrement  dilfoute  par  l'acide  vitriolique  , 
il  y  en  a  du  moins  une  partie  :  mais  voici  une  ex  • 
périence  qui  fait  voir  qu'elle  eft  diftoluble  eu 
bien  plus  grande  quantité  dans  cet  acide. 

J'ai  mis  dans  une  fiole  deux  onces  d'acide 
vitriolique  concentré  Sc  très  pur  ,  avec  vingt- 
quatre  grains  de  la  mcme  argille.  J'ai  fait  bouil- 
lir ce  mélange  pendant  un  quart  d'heure  :  il 
ne  paroilloit  pas  que  cet  acide  eut  attaque  I  ar- 
gille j  mais  je  préfumois  qu'elle  devoir  fe  dilfou- 
dre  au  bout  d'un  long  efpacc  de  temps.  J'ai  gardé 
ce  mélange  pendant  pluiîcurs  années  ,  en  le  re- 
muant de  temps  à  autre  :  toute  l'argille  s'eft  dif- 
foute  dans  l'efpace  d'une  année  ,  à  l'exceptioiv 
dune  très  petite  quantité  de  fable  très  fin.  Au. 
bouc  de  quatte  années  >  j'ai  féparc  le  dépcr ,  ie- 

x\  a  iv 


5|7^  Ghymie  expérimentale 
l'ai  lavé  &  faii  fécher  :  il  s'en  eft  trouvé  quatre 
grains  :  en  l'examinant  à  la  loupe  ,  j'ai  reconnu 
que  c'étoit  un  fable  très  fin  :  il  avoit  le  brillant 
&  la  tranfparence  du  fable  blanc  ordinaire  :  il 
çroquoit  comme  lui  fous  les  dents. 

J'ai  répété  ces  expériences  fur  de  l'argille  bleue 
(ies  environs  de  Paris ,  qui  eft  celle  dont  fe  fer- 
yen:  les  -potiers  de  terre.  Je  l'ai  employée  à  la 
même  dofe  de  quatre  onces  fur  une  once  d'acide 
yitriolique ,  &:  douze  onces  d'eau  :  il  ne  s'eft  ex- 
cité aucune  efFervefcence  dans  le  mélange.  Après 
deux  jours  de  digeftion ,  j'ai  filtré  la  liqueur  : 
elle  a  pafTé  très  claire  &  fans  couleur  ;  mais  elle 
avoit  une  très  forte  faveur  alumineufe  :  par  une 
évaporation  fpontanée  ,  elle  a,  formé  ,  comme  la 
précédente  ,  beaucoup  de  petits  cryftaux  d'alun  , 
parmi  lefquels  il  s'eft  trouvé ,  au  fond  dii  vafe  , 
vn  gros  çryftal  très  régulièrement  formé ,  &  qui 
étôit  de  véritable  alun.  La  totalité  de  ce  fel  pe- 
foit  une  once. 

J'ai  lavé  la  terre  ,  reftéefur  le  filtre,  dans  une 
grande  quantité  d'eau  ,  pour  emporter  toute  la 
matière  faline  dont  elle  étoit  imprégnée  :  j'ai  filtré 
la  liqueur ,  &  j'ai  ajouté  de  l'alkali  fixe  pour  faire 
précipiter  la  terre  :  il  s'eft  formé  un  précipité 
blanc  comme  dans  l'expérience  précédente ,  mais 
qui  a  jauni  par  le  contadt  de  l'air  ,  Se  qui  a  jauni 
encore  davantage  après  le  lavage  ,  &c  pendant  la 
deflicçation  ^  il  s'en  eft  trouvé  trois  gros.  Cette 
couleur  lui  vient  du  fer  que  cette  argille  con- 
tient ,  &c  qui  s'eft  rouillé  éc  réduit  en  fafran  de 
Mars. 

L'argille,  qui  ne  s'eft  point  dilToute  ,  pefoic 
deux  onces  trois  gros  &  demi,  après  avoir  été 
bien  féchée  :  c'eft  par  conféquc-nr  une  once  qua- 
(re  gros  de  demi  d'argille  qui  s'eft  dillçute  dans 


ET       RAISONNE  E.  577 

ï'acide  viniolique  &  dans  l'eau  :  cette  argille  avoit 
perdu  fenfiblement  de  (on  liant. 

Ilréfulte  bien  évidemment  de  ces  expériences, 
que  l'alun  eft  une  argille  qui  contient  une  allez, 
grande  quantité  d'acide  viniolique  ,  pour  être  ré- 
duite dans  un  état  falin  bien  caraélérifé  ,  &z  que 
l'argille  eft  pareillement  de  l'alun  ,  mais  dont  la 
dofe  de  terre  furpalfe  tellement  celle  de  l'acide 
vitriolique,  qu'elle  fait  difparoître  prefque  en- 
tièrement les  propriétés  falines  :  enhn,en  ajoutant 
à  l'argille  la  dofe  d'acide  vitriolique  qui  lui  man- 
que ,  on  forme  de  l'alun. 

Argillcs  &  acide  nïtreux. 

J'ai  pareillement  traité  les  deux  argilles  blan- 
che &:  bleue  avec  de  l'acide  nitreux.  J'ai  eflayé 
d'en  difloudre  une  quantité  donnée  dans  cet 
acide  ;  mais  ce  n'a  été  qu'au  bout  de  plufieurs 
années  que  cette  diflolution  aétc  complette^  en- 
core eft-il  refté  une  petite  quantité  de  matière 
fableufe  indiiïoluble  :  j'ai  enfuite  procédé  aux 
expériences  fuivantes. 

J'ai  mis  féparément  dans  des  matras  quatre 
onces  de  chacune  de  ces  argilles ,  bien  féchées  , 
réduites  en  poudre  fine  ,  avec  une  once  de  bon 
acide  nitreux ,  &:  douze  onces  d'eau  diftillée.  J'ai 
tait  digérer  ces  mélanges  au  bain  de  fable  pen- 
dant deux  jours  :  il  ne  s'eft  excité  aucun  mouve- 
ment d'effervefcence  ,  ni  pendant  le  mélange, 
ni  pendant  le  temps  de  la  digeftion.  J'ai  filtré 
les  liqueurs  chacune  féparément  :  celle  de  l'argille 
blanche  a  palTé  très  claire  &:  fans  couleur  \  celle 
de  l'argille  bleue  avoit  une  forte  couleur  orangée 
très  foncée  :  Tune  &:  l'autre  avoient  une  faveur 
alumineufe  :  celle  de  l'argille  bleue  tiroit  un  ^^eu 


57^  ChYMIE    EXPERIMENTALE 

fur  la  faveur  du  vitriol  de  Mars  :  elle  a  aufll  dé-» 
pofé  ,  dans  l'efpace  de  vingt-quatre  heures,  une 
matière  terreufe  d'un  blanc  jaunâtre.  Cette  li- 
queur a  fourni ,  par  une  évaporation  fpontanée  , 
une  gelée  jaune  ,  couverte  d'une  pellicule  de 
la  même  couleur ,  qui  s'eft  dedéchée  complec- 
tement ,  Se  réduite  en  une  matière  jaune  >  de  fa- 
veur vitriolique  &  alumineufe ,  pefant  deux  gros , 
dans  laquelle  il  s'eft  trouvé  quelques  petits  cryf- 
taux  de  véritable  alun  ,  Ôc  qui  en  avoient  toutes 
les  propriétés.  La  liqueur  de  Targille  blanche  s'eft 
réduite  a  trois  gros  :  elle  eft  devenue  d'une  cou- 
leur femblable  à  une  dififolution  de  vitriol  de 
Mars  :  elle  avoit  une  confiftance  fyrupeufe ,  Sc 
n'a  point  fourni  de  cryftaux  :  fa  faveur  étoit  ftyp- 
tique  Ôc  fort  aftringente. 

J'ai  lavé  la  terre  reftée  fur  le  filtre  de  l'une  & 
de  l'autre  expérience  ,  dans  une  grande  quantité 
d'eau  diftillée.  Celle  provenant  de  l'argille  blan- 
che ,  a  filtré  très  claire ,  fans  couleur  :  j'ai  verfé 
deflus  une  fuffifante  quantité  d'alkali  fixe  ;  il  a 
fait  précipiter  une  terre  blanche  qui,  lavée  &  fé- 
çhée,  pefoit  un  gros  ôc  demi  :  l'argille  qui  eft  reftée 
après  toutes  ces  opérations,  pefoit ,  après  avoir 
été  bien  féchée,  trois  onces  quatre  gros  &demi. 

J'aipareillement  lavé  la  terre  de  l'argille  bleue 
dans  beaucoup  d'eau  diftillée,  &:  j'ai  filtré  la  li- 
queur :  elle  a  paiTé  claire  ,  8c  fans  couleur  j  mais 
dans  l'efpace  de  deux  heures,  elle  eft  devenue 
d'une  couleur  jaune  orangée  :  elle  s'eft  troublée  , 
ôc  elle  a  dépofé  une  terre  de  la  même  couleur ,  qui 
ctoit  de  l'ochre  :  je  ne  l'ai  point  féparée  :  j'ai  pré- 
cipité ,  par  de  l'alkali  fixe ,  la  terre  tenue  en  difta- 
lution  dans  cette  liqueur.  J'ai  lavé  la  terre  préci- 
pitée dans  une  fuffifante  quantité  d'eau  :  je  l'ai  fait 
fécher  ;  il  son  eft  trouvé  un  c^ros  ;  elle  eft  d'une 


ÏT      RAISONNES.  3  7^ 

fcouîeur  de  canelle ,  à  caufe  du  fer  qu'elle  con- 
tient, qui  s'eit  réduit  en  oclire.  L'argille  bleue  de 
foutes  ces  opérations,  ralTemblée  Se  féchée,  pefoit 
trois  onces  demi-gros  :  elle  avoit  con(idcrable-- 
nient  perdu  de  fa  couleur. 

ArsUlcs  &  acide  marin. 

L'acide  marin  agit  mieux  fur  les  argiilcs  que 
l'acide  nitreux  :  il  a  plus  de  difpofition  pour  s'u- 
nir aux  terres  vitrifiables. 

J'ai  mis  dans  des  matras  quatre  onces  d'argilles 
blanche  &:  bleue,  chacune  iéparément,  avec  dix- 
huit  gros  d'acide  marin  ordinaire ,  &  douze  onces 
d'eau  diftillée.  J'ai  fait  digérer  ce  mélange  comme 
dans  les  expériences  précédentes ,  &  j'ai  filtré  les 
liqueurs  au  bout  de  deux  jours.  Les  liqueurs 
avoient  une  faveur  aluniineufe  très  forte  :  elles 
étoient  fans  couleur  j  mais  dans  l'efpace  de  quatre 
mois,  c'eft- à-dire  après  qu'elles  fe  hircnt réduites 
à  un  petit  volume  par  l'évaporation  ,  elles  avoienc 
acquis  l'une  &  l'autre  une  belle  couleur  de  dilfolu- 
tion  d'or.  La  liqueur  de  l'argille  blanche  n'a  formé 
aucun  cryftal  :  elle  s'eft  épaillie  confidérablement 
&  faifoit  de  l'encre  avec  de  la  noix  de  galle,  a 
caufe  de  la  petite  quantité  de  fer  qu'elle  conte- 
noir. 

La  liqueur  de  l'argille  bleue  a  formé  douze 
grains  de  félénite  vitrifiable ,  fans  couleur  &  fans 
iaveur  :  la  liqueur  s'eft  épaiflie  de  plus  en  plus, 
&c  a  lailTé  dépofer  beaucoup  d'ochrc  de  couleur- 
jaune  orangée. 

J'ai  lavé  les  terres  reftées  fur  les  filtres  ,  Se  j'ai 
pareillement  filtré  les  liqueurs,  Se  précipité  par 
de  l'alkali  fixe  la  terre  qu'elles  tenoient  en  dilfo- 
Ji4tion  :  'fQn  ai  tiré  un  gros  «3v:  demi  des  lotions  de 


380  ChYMIE    EXPÉRIMENTAL'ï 

l'argille  blanche,  &  un  gros  dix-huit  grains  des 
lotions  de  l'argille  bleue. 

Il  eft  reftc  enfin  d'indilToluble ,  favoir,  trois 
onces  cinq  gros  vingt-quatre  grains  d'argille  blan- 
che, ôc  trois  onces  deux  gros  ôc  denii  d'argille 
bleue. 

^rgilles  &  eau  régale^ 

L'eau  régale  a  plus  d'adcion  fur  les  argilles ,  qu« 
n'en  ont  féparénient  les  acides  nitreux  &  marin. 
Quelques  Chymiftes  owt  propofé  ce  menftrue 
pour  purifier  &  débarrafifer  les  argilles  des  matières 
métalliques ,  lorfqu'ellesen  contiennent ,  afin  de 
les  employer  enfuite  avec  plus  de  fuccès  dans  les 
poteries  blanches,  telles  que  la  porcelaine  ,  &c. 
Mais  outre  que  ce  moyen  efl:  difpendieux ,  il  ne 
fépare  pas  complettement  les  matières  métalli- 
ques. Cet  acide  mixte  diflout  à  la  vérité  la  por- 
tion qui  peut  être  pourvue  de  phlogiftique  \  mais 
celle  qui  eft  dans  l'état  de  chaux  n'eft  point  atta- 
quée par  l'eau  régale  :  elle  refte  dans  l'argille  ,  & 
altère  toujours  fa  pureté. 

Argilles  &  vinaigre  dijlillé. 

Le  vinaigre  diftillé  a  fort  peu  d'adion  fur  les 
argilles  :  il  ne  les  diflout  guère  mieux  que  de  l'eau 
pure  j  mais  il  a  l'avantage  de  féparer  toute  la  terre 
calcaire  qu'elles  peuvent  contenir. 

J'ai  mis  dans  un  matras  quatre  onces  d'argille 
blanche  &  huit  onces  de  vinaigre  diftillé  :  il  ne 
s'eft  excité  aucune  effervefcence.  J'ai  fait  digérer 
ce  mélange  pendant  huit  jours.  J'ai  filtré  la  li- 
queur :  elle  a  pafTé  claire  ,  fans  couleur ,  n'ayant- 
point  d'autre  faveur  que  celle  du  vinaigre  difti.Ué 


ET       RAISONNE  E.  58I 

pur.  J'ai  laiiré  la  liqueur  s'évaporer  a  l'air  daiLs 
lin  vafe  de  verre  couvert  d'un  papier  pour  la  ga- 
rantir de  la  poulliere  :  elle  a  forme  vingt-quatre 
grains  de  fel  terreux  ,  femblable  à  celui  de  craie 
Se  de  vinaigre  diftillc  j  il  avoir  feulement  moins 
de  laveur  amere  :  il  croit  d'une  légère  couleur 
rouffe,  à  caufe  d'un  peu  de  fer  qu'il  contenoit. 

J'ai  lavé  le  marcrefté  fur  le  filtre  comme  dans 
les  expériences  précédentes  :  j'ai  filtré  la  liqueur  j 
êc  par  le  moyen  de  l'alkali  fixe  ,  'fcn  ai  précipité 
la  terre  :  j'ai  obtenu  quarante-quatre  grains  de 
terre  blanche  :  cette  terre  efl:  toute  calcaire  :  elle 
fe  dillout  avec  vive  etfervefcence ,  «Se  fe  convertit 
en  chaux  vive  par  la  calcination  ;  il  eft  refté  enfin 
trois  onces  cinq  gros  cinquante -quatre  grains 
d'argille ,  qui  ne  parut  point  différer  de  ce  qu'elle 
étoit  auparavant. 

J'ai  traité  de  mcme  l'argille  bleue  des  potiers 
avec  du  vinaigre  diftillé  ,  t>c  aux  mêmes  dofes.  La 
liqueur  hltrce  m  a  rourni ,  par  une  evaporatioii 
fpontanée  ,  vingt-quatre  grains  de  fel  calcaire 
acéteux ,  cryftall ifé  ew  petites  aiguilles  foyeufes  , 
mais  (Ai  par  beaucoup  d'ochre  jaune  qui  s'eft  dc- 
pofée.  Ce  fel  a  une  faveur  chaude ,  aulîi  acre  que 
le  fel  de  craie  &:  de  vinaigre  :  il  a  rongé  les  pa- 
piers dans  lefquels  je  l'avois  enveloppé. 

J'ai  pareillement  lavé  la  terre  ;  j'ai  filtré  la  li- 
queur ,  &  l'ai  précipitée  par  de  l'alkali  fixe  :  j'ai 
obtenu  cinquante  grains  de  terre  calcaire  jaune, 
à  caufe  de  l'ochre  qui  s'eft  dépofée  avec  elle.  Il  eft 
refté  enfin  deux  onces  fix  gros  &  demi  d'argille 
après  toutes  ces  opérations. 

Mon  objet  étant  de  comparer  les  argilles  avec 


jSi         ChYMiE   expértmentalê 

la  terre  de  l'almi ,  afin  de  m'afTurer  fi  la  terre  dS 
l'une  &  de  l'autre  eft  eiTentiellement  de  même 
elpece,  j'ai  rcpctc  avec  de  la  terre  de  l'alun  toutes 
làs  expériences  de  dilFolutions  dans  les  acides 
dont  je  viens  de  parler  aux  articles  précédents  : 
j'ai  obfervé  exaftement  les  mcmes  phénomè- 
nes. Je  fupprime  ici  les  détails,  parceque  cela 
ne  feroit  qu'une  répétition  de  ce  qui  vient  d'ê- 
tre dit.  J'ai  pareillement  comparé  la  terre  de 
l'alun  avec  les  précipités  d'argilles ,  obtenus  dc& 
dilfolurions  faites  dans  les  acides  précipités  par 
l'alkali  fixe  :  j'ai  remarqué  que  ceux  provenant 
des  dilfolutions  faites  par  les  acides  virriolique  Se 
marin,  étoient  abfolument  femblables  à  la  terre 
de  l'alun  ,  &  qu'ils  formoient  de  l'alun  en  combi- 
nant de  nouveau  ces  précipités  avec  de  l'acide  vi- 
rriolique. M.  MargrafF,  dans  {es  Opufcules  chy^ 
miques  j  édition  françoife  ,  deuxième  volume , 
page  94 ,  dit  avoir  obtenu  quelque  chofe  qui  avoit 
du  rapport  avec  de  véritable  alun  j  &  quelques 
pages  plus  loin ,  il  dit  n'avoir  jamais  pu  former 
de  l'alun  en  combinant  enfemble  de  la  terre  def 
l'alun  avec  de  l'acide  vitriolique  :  il  a  toujours 
été  obligé  d'ajouter  de  l'alkali  fixe.  Mais  à  la 
page  iSi  ,  deuxième  volume  ,  il  dit  cependant  : 
3'  Je  ne  voudrois  pourtant  pas  nier  que  la  chofe 
S'  fut  abfolument  impolfible  a  la  faveur  de  quel- 
3>  ques  circonftances  ultérieures  '«.  Je  penfe  que 
H  M.  Margraft  n'a  point  eu  dans  ces  expériences 
des  cryftaux  de  véritable  alun,  cela  vient  des  pro- 
portions de  terre  &  d'acide  qui  fe  font  trouvées 
dans  fes  mélanges.  J'ai  fait  voir  que  l'alun  ordi- 
naire peut  fc  charger  d'une  nouvelle  quantité  de 
fa  terre,  &  même  s'en  faturer  :  il  peut  auiîi  en  pren- 
dre une  moindre  quantité  que  celle  qui  eft  nécef- 
faijLe  à  fa  parfaite  faturacion.  Les  efpeces  de  fels 


ET      RAISONNÉ  E.  5S3 

qui  réfultent  de  ces  différentes  dofes  de  terre  & 
d'acide ,  ont  d'autant  moins  les  propriétés  de 
l'alun ,  qu'il  eft  entré  davantage  de  terre  dans 
leur  compofition  :  en  un  mot ,  j'ai  obfervé  que 
l'alun  admet  toutes  fortes  de  dofes  de  terre  ,  fans 
que  celle  de  l'acide  vitrioliqae  varie.  Il  paroîr 
que  les  matières  falines  qu'a  obtenu  M.  Margratf, 
de  qu'il  dit  avoir  eu  du  rapport  avec  de  véritable 
alun  ,  fe  trouvoient  combinées  dans  des  propor- 
tions différentes  de  celles  qui  fe  trouvent  dans 
i'alun  ordinaire. 

Argille  &  foufre, 

L'argille  &:  le  foufre  n'ont  point  d'action  l'un 
fur  l'autre  par  la  voie  humide.  On  ne  connoîr 
point  leurs  c.^qis  par  la  voie  feche.  J'ai  mêlé  plu- 
fleurs  fois  de  l'argille  blanche  très  piu^e  avec  du 
foufre:  j'ai  expoié  ces  mélanges  à  la  plus  grande 
aélion  du  feu  fous  la  moufle  :  le  foufre  fe  dilîî- 
poit  ^  mais  il  communiquoit  ordinairement  à  l'ar- 
gille une  couleur  noire  phlo^ilHquée ,  qu'elle  ne 
prenoir  jamais  fans  cette  addition.  Cette  expé- 
rience fort  fimple  prouve  deux  chofes  ,  1°.  la 
grande  affinité  des  argilles  avec  le  principe  in- 
flammable ,  2^.  que  le  phlogiftique  dans  le  foufre 
n'efl:  pas  dans  le  plus  grand  état  de  pureté  :  c'eft 
ce  que  nous  avons  déjà  dit  ailleurs. 

Argïlle  &  alk ail  fixe. 

Si  dans  une  décottion  d'argille  faite  avec  de 
l'eau  pure ,  on  verfe  de  l'alkali  fixe  en  liqueur  , 
il  fe  fait  aufli-tôt  un  précipité  blanc  terreux  :  l'al- 
kali s'unit  à  l'acide  vitriolique  de  l'argille ,  &C 
fait  précipiter  la  terre  :  en  tiltrant  cette  liqueur, 
&  la  taifant  évaporer,  on  obtient  des  cryftaux  de 


3^4  Chymïe  expérimentale 
tartre  vitriolé.  On  lave  la  terre  qui  relie  fur  le 
hltre  ,  &  on  la  fait  fccher.  Cette  terre  eft  fem- 
blable  à  la  terre  de  l'alun  ,  &  elle  en  a  toutes  les 
propriétés.  Il  eft  vifible  que  par  ce  moyen  l'ar- 
gille  qui  s'eftdilToute  dans  l'eau ,  eft  décompofée  ; 
mais  Pargille  en  malTe  d'agrégé  ne  fe  lailfe  pas 
décompofer  de  mcme  par  l'aUcali  fixe. 

J'ai  fait  bouillir  pendant  douze  heures  deux 
livres  d'argille  blanche  avec  autant  d'alkali  fixe , 
dans  une  luffifante quantité  d'eau  :  je  remplaçois 
l'eau  à  mefure  qu'elle  s'évaporoit.  L'argille  deve- 
noit  comme  foyeufe  ;  les  molécules  ,  en  fe  mou- 
vant dans  l'eau ,  faifoient  des  reflets  femblables 
à  ceux  que  jette  la  moir?  J'ai  filtré  la  liqueur 
tandis  qu'elle  étoitbouiil  nte  :  elle  s'eft  troublée 
par  le  refroidiflement,  &  elle  étoit  aufli  alkaline 
qu'avant  cette  opérr.tion  :  je  n'en  ai  jamais  pu 
tirer  du  tartre  vitriolé.  La  liqueur  a  dépofé,  par 
le  féjour  ,  une  portion  d'argille  que  l'alkàli  fixe 
avoir  diflbute.  J'ai   lavé  dans  beaucoup    d'eau 
bouillante  l'argille  reftée  fur  le  filtre  ,  afin  de  la 
delfaler  entièrement.  Tant  que  la  matière  conte- 
noit  de  l'alkàli ,  la  liqueur  fe  filtroit  facilement: 
elle  paflbit  claire  j  mais  elle  avoir  une  coulent 
roufîe  :  aufli-tôt  qu'elle  a  été  débarraflée  de  l'al- 
kàli ,  elle  s'eft  divifée  dans  l'eau  bouillante  à  un 
tel  degré,  qu'il  n'étoit  plus  poflible  de  filtrer  la  li- 
queur :  la  terre  étoit  dans  une  forte  de  demi-dif- 
folution.  J'ai  fait  fccher  cette  terre  :  je  m'en  fuis 
fervi  pour  décompofer  du  nitre  &c  du  fel  marin  : 
elle  a  décotnpofé  ces  fels  avec  la  même  facilité 
que  de  pareille  argille  qui  n'a  point  fubi  ces  opé- 
rations. Quelques  Chymiftespenfent  le  contraire, 
&  croient  que  ce  moyen  eft  fuffifant  pour  enlever 
à  l'argille  fon  acide  vitriolique. 

H  réfulte  de  ces  expériences  que  l'acide  vitrio- 
lique 


1-T      RAISONNÉ  Ei  ^Sj 

lique  eft  très  adhérent  aux  argilles.  Nous  ver-» 
rons  dans  une  autre  occaiion ,  en  décon^.pofant  le 
nitre  par  les  argilles  cuites  ,  que  la  violence  du 
feu  même  ne  peut  point  priver  cette  fubilance  dô 
tout  l'acide  vitriolique  qu'elle  contient. 

yirg'illc  j  alkali  fixe  ,  &  phlogljlique. 
Foie  de  Soufre  ,  fie  Soufre  artificiel. 

J'ai  fait  fondre  dans  un  creufet  une  once  d*ar- 
gille ,  huit  onces  d'alkali  fixe ,  &:  une  demi-once 
de  charbon  en  poudre.  J'ai  leflivé  cette  matière 
dans  de  l'eau.  J'ai  hltré  la  liqueur  :elle  avoir  tous 
les  caractères  du  foie  de  foutre  ordinaire.  J'ai 
verfc  du  vinaigre  diftiUc  dans  cette  liqueur,  qui  a 
fait  précipiter  de  vrai  foufre.  Dans  cette  expé- 
rience ,  le  phlogiftique  du  charbon  s'eft  uni  à 
l'acide  vitriolique,  oc  ils  ont  formé  du  foufre.  L'ai* 
kali  fixe  a  empêché  que  ce  foufre  ne  fe  brûlât  a 
mefure  qu'il  fe  formoit.  Ce  foufre  n'efl:  pas  pur  , 
parcequ'il  y  a  une  certaine  quantité  de  terre  ar- 
gilleuie  qui  eft  diflToute  par  l'alkali  ^  &  que  l'a- 
cide fait  précipiter  conjointement  avec  le  foufre. 
Néanmoins  il  réfulte  de  cette  expérience  ,  que 
quoique  l'acide  vitriolique  ait  une  très  grande 
adhérence  avec  la  terre  argilleufe  ,  le  phlogifti- 
que le  fépare  d'avec  cette  terre  par  la  voie  feche. 

Alkalï  fixe  avec  les  matières  combufiïhles, 

L'alkali  fixe  a  une  adio»!  confidérable  fui  lea 
matières  végétales  &:  animales  :  il  produit  diffé- 
rents effets,  fuivant  l'état  où  elles  f  e  trouvent  :  il 
racornit  &  durcit  beaucoup  les  chairs  :  il  dilfout 
&  réduit  en  gelée  la  laine ,  la  foie  ,  la  corne,  &c. 
L'alkali  fixe  rroid  n'a  pas  une  adion  aufii  prompt® 
Tome  I,  Bb 


3  s  <î  C  H  y  M  I  E    E  X  r  É  R I  M  E  N  T  A  L  F 

que  les  acides  minéraux  fur  les  matières  animales, 
mais  il  agitaufli  efficacement.  Il  s'empare  de  leur 
matière  huileufe  ,  leur  ôte  toute  leur  folidité,  8>C 
les  pénètre  tellement  qu'il  les  rend  prefque  in- 
combuftibles.  Cette  dernière  propriété  lui  eft 
commune  avec  prefque  tous  les  fels  neutres  qui 
ne  font  point  inHammables.  Cet  effet  vient  de  ce 
que  les  fels  s'appliquent  très  intimement  à  la  fur- 
face  des  matières  combuftibles ,  qu'ils  intercep- 
tent au  feu  la  communication  avec  l'air  ,  &  que 
ces  mêmes  fels  retiennent  le  principe  aqueux  qui 
s'oppofe  à  l'inflammation  des  corps  combuftibles. 

Alkali  fixe  avec  le  phlo^ijlique. 

L'alkali  fixe  en  liqueur  à  froid ,  ou  cà  l'aide 
d'une  chaleur  égale  à  celle  de  l'eau  bouillante  ,  a 
fort  peu  d'a6tion  fur  les  charbons  bien  faits  :  mais 
il  n'en  eft  pas  de  même  par  la  fufion.  Si  l'on  fait 
fondre  dans  un  creufet  huit  onces  de  fel  alkali  & 
une  demi-once  de  charbon  en  poudre ,  on  peut 
préfumer  que  ce  charbon  fera  complettement  dif- 
fous  ^  du  moins  j'ai  remarqué  que  ,  lorfqu'il 
tombe  des  charbons  dans  de  l'alkali  qu'on  fait  en- 
trer en  fuiîon,  il  s'en  diftbut  beaucoup  j  l'alkali 
prend  une  couleur  rouge ,  &  devient  plus  déli- 
quefcent.  J'ai  encore  remarqué  que  le  phlogifti- 
que  du  charbon  occafîonne  la  volacilifation  de 
l'alkali  fixe  :  il  le  réduit  en  fumée  blanche  ôc 
épaifte  ,  qui  agit  prodigieufement  fur  le  cerveau 
&  fur  le  genre  nervetiK.  Cette  fumée  rend  la  tête 
foible  &  étonnée ,  comme  lorfqu'on  eft  conva- 
lefcent  à  la  fuite  d'une  grande  maladie  :  cette 
fumée  phlogiftique  eft  faline ,  irrite  le  genre  ner- 
veux, &  occafîonne  des  inquiétudes  6c  des  im- 
patiences dans  tous  les  membres. 


ET       RAISONNÉ  E.  3S7 

Lorfquon  fait  dilFoudre  cet  alkali  dans  de 
Veau ,  il  produit  une  liqueur  acre  très  cauftique 
&  d'une  couleur  rouge  très  foncée.  Il  y  a  lieu  de 
penfer  qu'en  féparant  par  précipitation  cette  ma-^ 
tiere  colorante  ,  &  en  la  loumettant  à  la  diftilla^ 
tion,  ellefourniroit  une  matière  huileufe ,  comme 
nous  avons  dit  que  cela  arrivoit  en  dilHllant  du 
bleu  de  Prufle»  La  matière  phlogiftique  ,  précipi-* 
tée  par  le  fer  ,  redevient  dans  l'état  huileux,  par^ 
cequ'elle  fe  combine  avec  le  principe  aqueux» 

Alkali  fixe  avec  une  huile  grajje. 

L'alkali  fixe  a  beaucoup  d'adion  fur  les  huiles 
•ralTes  :  il  forme  avec  elles  des  compofés  que  l'on 
nommey^rvo/zj  ;  mais  comme  l'alkali  fixe  elt  déli- 
quefcent,  les  favons  qu'il  forme  font  mous  &  un 
peu  déliquefcents.  On  eft  dans  l'ufage  d'y  em- 
ployer l'alkali  marin,  dont  on  augmente  la  caufti- 
cité  par  de  la  chaux.  Nous  ne  dirons  rien  quant  â 
préfent  fur  cette  efpece  de  favon  ,  ôc  nous  ren- 
voyons tout  ce  que  nous  avons  à  dire  fur  cette 
matière  ,  à  l'examen  que  nous  ferons  des  propris-» 
tes  de  l'alkali  marin. 

L'alkali  fixe  eft  volatilifé  par  la  itiatiere  hui-^ 
leufe.  Starkey,  dans  fa  Pyrotechnie^  recommande, 
pour  y  parvenir ,  de  diftiller  une  huile  fur  du  fel 
alkali ,  &  de  diftiller  un  grand  nombre  de  fois  dé 
fuite  ,  fur  l'alkali  qui  refte  dans  les  vailfeaux  ^ 
l'huile  qui  apalfé  à  chaque  diftillation.  Nouspar-* 
ierons  ailleurs  de  ces  procédés. 

Alkali  fixe  avec  les  nerres  calcaire4. 

L'alkali  fixe  ne  peut  contracter  aucune  ùnîôli 
de  comoofition  par  la  voie  humide  avec  les  terrés 
calcaires  :  elles  n'augmentent  point  fa  caufticité  k 

Bbij 


5SS  ChYMIÉ    ÈXPiklI^ËNTALE 

mais  par  la  voie  feche  ,  cette  matière  falinô  pré- 
fente  avec  ces  terres  des  phénomènes  femblables 
à  ceux  de  la  terre  vitrifiable  ,  c'eft-à-dire  que  , 
fuivant  les  proportions  de  ces  deux  fubftances, 
on  obtient  des  matières  vitreufes ,  ou  des  matières 
vitriformes ,  comme  nous  l'avons  dit  à  l'article 
du  lïquorfdicum.  Dans  cette  expérience  ,  la  terre 
calcaire  eft  abfolument  changée  de  nature  :  elle 
ell  convertie  en  terre  vitrifiable  ,  &  fe  trouve  ra- 
dicalement privée  d'eau  ,  d'air  &:  de  matière  in- 
flammable j  du  moins  elle  ne  contient  pas  plus 
de  cette  dernière  fubftance ,  que  les  terres  vitrifia- 
bles  ordinaires.  J'ai  dilfous  dans  les  différents  aci- 
des ,  la  terre  féparée  de  cette  efpece  àQ  UquorJîU- 
cum  ;  elle  m'a  fourni  de  l'alun  avec  l'acide  vitrio- 
lique  ;  ce  qui  prouve  complettement  la  conver- 
fion  de  cette  terre  en  terre  vitrifiable.  Je  ne  ré- 
pète point  ici  les  procédés  de  ces  opérations,  par- 
cequ'ils  font  les  mêmes  que  ceux  dont  nousavoni 
parlé  précédemment. 

Alkalifixe  avec  de  la  chaux  vive. 

L'alkali  fixe ,  traité  avec  de  la  chaux  vive,  aug- 
mente confidérablementdecaufticité.  La  liqueur, 
filtrée  &:  évaporée  jufqu'à  un  certain  point ,  pro- 
duit une  leffive  très  alkaline  à  laquelle  on  peut 
donner  le  nom  de  Ujjîve  des  favonniers  faite  avec 
de  l'alkali  végétal^  afin  de  la  diftinguer  de  celle 
qu'on  fait  avec  de  l'alkali  marin ,  qui  eft  celle 
qu'on  emploie  ordinairement  pour  la  compofition 
du  favon.  Les  propriétés  de  la  leffive  de  l'alkali 
végétal  cauftique  ne  font  pas  connues.  On  ignore 
quelles  feroient  les  propriétés  des  favons  qu'on 
feroit  avec  cette  lefiive  :  on  fait  feulement  qu'ils 
font  mous,  ^ ne  prenaeiît  paî|  beaucoup  de  coiis 
iiftance. 


BT       RAISONNÉ  E.  jSp 

Alkali  fixe  avec  de  l'acide  vitrïclique. 
Tartre  vitriole  ,  Sel  de  duobus  ,  Arcanum  dupUcatum. 

L'alkali  fixe  de  l'acide  vitriolique  fe  combiH^iK 
très  bien  jufqu'au  point  de  faturacion  avec  cha- 
leur &C  eftecvefcencOk  Ces  fubftances  perdent  ré- 
ciproquement leurs  propriétés  particulières  en  fe 
combinant. 

On  met  dans  une  terrine  de  grès  quatre  onces 
d'alkali  fixe  étendu  dans  douze  ou  quinze  fois 
{on  volume  d'eau  chaude.  On  verfe  peu  à  peu  de 
l'acide  vitriolique  affoibliril  fe  fait  une  vive  etfcr- 
vefcence  :on  continue  d'en  verfer  jufqu'à  ce  qu'il 
ne  fe  talfe  plus  d'etfervefcence  &c  que  la  liqueur 
n'ait  point  de  faveur  alkaline  ni  acide  :  c'eft  ce 
que  l'on  nomme  point  de  faturation  :  alors  on  fil- 
tre la  liqueur,  &:  on  la  fait  évaporer  jufqu'à  lé- 
gère pellicule  :  elle  forme ,  par  le  refroidillement, 
de  petits  cryftaux  taillés  en  pointes  de  diamant  : 
c'eft  ce  que  l'on  nomme  tartre  vitriolé,  fcl  de  duo- 
bus^ on  arcanum  dupUcatum.  On  détache  le  fel  de 
la  terrine  avec  la  pointe  d'un  couteau ,  &:  on  le 
fait  éçToutter  fur  du  papier  gris-  On  fait  évaporer 
la  liqueur  de  nouveau  jufqu'à  pellicule  :  on  ob- 
tient des  cryftaux  comme  la  première  fois  :  on 
continue  ainfi  de  fuite  les  évapoiations  &  les 
cryftallifations  jufqu'à  ce  que  la  liqueur  ait  fourni 
tout  ce  qu'elle  peut  doi\ner  de  fel  :  il  refte  enfin 
une  liqueur  qui  n'en  fournit  plus  :  on  lui  a  donné 
le  nom  à'eau-merc  :  on  la  jette  comme  inutile  : 
tous  les  fels  neutres,  qui  ont  pour  bafe  un  acide^ 
^  un  alkali ,  laiffent  une  femblable  eau-mere» 
Nous  ferons  un  article  fur  les  eaux-meres  des  feli 
en  général  j  lorfque  nous  parlerons  de  la  cryllal- 
lifatiou  des  fels. 

Bbii| 


3f50  ChYMIE    ex  P  ÉRIMENl  ALE 

R   E    M    A    R    Çl    U    E    S. 

Ni  l'acide  ni  l'alkali  ne  peuvent  fe  cryftalliicr 
tan:  qu'ils  font  feuls.  La  faveur  de  chacun  d'eux 
eft  très  forre  ,  très  différente  &  très  diftinde.  Ces 
matières  falines  ont  beaucoup  d'affinité  avec  l'eau: 
cependant  l'efpsce  de  fel  qui  réfulte  de  cette  com- 
binaifon  ,  fe  cryftallife  facilement ,  a  peu  de  fa- 
veuT  &:.peu  de  difTolubilité  dans  l'eau  :  il  eft  par- 
faitement neutre  :  il  ne  change  point  les  cou- 
leurs bleues  des  végétaux  :  il  a  moins  d'affinité 
?.veç  l'eau  que  les  deux  fubftances  falines  qui  en- 
trent dans  fa  combinaifon  :  il  n'attire  point  l'hu- 
rnidité  de  l'air  :  il  fe  difiTout  en  plus  grande  quan- 
tité dans  l'eau  bouillante  que  dans  l'eau  froide. 
Quatre  onces  d'eau  bouillante  diflfolvent  fept  gros 
quarante-huit  grains  de  tartre  vitriolé.  Toutes 
ces  propriétés  font  dues  ,  fuivant  notre  nouvelle 
théorie  ,  à  ce  que  ces  deux  fubftances  falines,  en 
fe  combinant ,  perdent  la  plus  grande  partie  de 
leur  feu ,  auquel  elles  dévoient  leur  caufticité. 

Ce  fel  ne  peut  admettre  dans  fa  combinaifon 
ni  une  furabondance  d'acide ,  ni  une  furabon- 
dance  d'alkali.  M.  Rouelle  rapporte  dans  un  Mé- 
moire imprimé  dans  le  volume  de  l'Académie 
pour  l'année  1754,  page  5^(5,  une  expérience 
par  laquelle  il  avoit  cru  combiner  une  portion 
d'acide  vitriolique  furabondant  à  ce  fel.  C'eft  ce 
que  nous  examinerons  à  l'article  de  la  cryftallifa- 
Ùon  des  fels. 

Alkall  fixe  avec  le  foie,  de  foufre  terreux, 

L'alkali  fixe  décompofe  le  foie  de  foufre  ter- 
veux  :  il  fait  précipiter  la  terre  de  l'eau  de  chaux , 
^  5'empare  du  foufre  qu'il  diftbut  ;  mais  aucun 
4ês  produits  de  ces  opérations  n'a  été  examiné* 


ET       RAISONNE!,  591 

Alkali  fixe  avec  le  foufre. 

L'alkali  fixe  s'unit  au  foufre  par  la  voie  hu- 
mide &:  par  la  voie  feche  ,  fans  que  le  foufre  fu- 
biffe  aucune  dccompofition.  Ce  compofé  porte 
le  nom  Aq  foie  de  foufre. 

Foif.  de  foufre  par  la  vole  humide. 

On  prend  fix  onces  de  foufre  en  poudre  ou  de 
fleurs  de  foufre  ,  &:  douze  onces  d'alkali  fixe  fec  : 
on  met  ces  matières  dans  un  matras  avec  une 
livre  d'eau  :  on  place  le  vaifieau  fur  un  bain  de 
fable  :  on  le  fait  chauffer  par  degrés  ,  jufqu  à  faire 
bouillir  doucement  la  liqueur  pendant  quatre  ou 
cinq  heures ,  ou  jufqu'à  ce  qu'elle  devienne  d'une 
couleur  jaune  orangée  :  on  agite  le  vaifieau  de 
temps  en  temps  ;  alors  on  filtre  la  liqueur  au 
travers  d'un  papier  gris,  &:  on  la  conferve  dans 
une  bouteille  qu'on  tient  toujours  bouchée  :  c'efl; 
\tfoie  de  foufre  fait  par  la  voie  humide. 

Foie  de  foufre  par  la  voie  feche. 

On  prend  quatre  onces  de  foufre  en  poudre  : 
on  le  mêle  dans  un  mortier  de  marbre  ,  avec  au- 
tant d'alkali  fixe  bien  fec  :  on  met  ce  mélange 
dans  un  creufei  :  on  le  place  dans  un  fourneau 
au  milieu  des  charbons  ardents  :  on  couvre  le 
creufet  de  fon  couvercle.  Aufli-tôt  que  la  ma- 
tière commence  à  rougir ,  elle  entre  en  fufion  : 
lorfqu'elle  eft  bien  fondue ,  on  la  coule  fur  un 
marbre  poli  &  légèrement  grailTé  &  efluyé.  La 
matière  fe  fige  en  refroidiflant  :  on  la  détache 
tandis  qu'elle  cft  encore  chaude  :  on  la  calTe  par 
petits  morceaux,  &  on  la  ferre  dans  une  bouteille 
qu'on  bouche  bien ,  parcequ'elle  attire  l'humi- 
aité  de  l'air  :  c'eft  le  foie  de  foufre  parla  voie  feche. 

Bbiv 


'^^z       Chymie  expérimentale 
Remarques, 

Il  eft  vifible ,  par  ces  deux  expériences ,  que  le 
foufre  eft  uni  à  î'alkali  par  deux  proccc^és  difFé-- 
rents.  L'alkali  fixe  par  la  voie  humide  dilTout 
moins  de  foufre.  Il  eft  plus  expéditif  de  faire 
chauffer  le  mélange  affez  pour  {\\ire  entrer  Iq 
foufre  en  fufion,  comme  nous  l'avons  dit  à  l'é- 
gard dn  foufre  qu'on  fait  diffoudre  par  de  l'huile. 
Dans  cet  état ,  l'alkali  le  diffout  mieux  que  lorf- 
qu'on  agite  le  mélange  dans  le  deffein  d'empê^ 
cher  le  foufre  de  fe  raffembler  au  tond  du  ma- 
tras  :  mais  fi  par  cette  voie  on  unit  moins  de 
foufre  à  l'alkali ,  celui  qu'il  tient  en  difTblution 
lui  refle  plus  long- temps  combiné  fans  fe  décom- 
pofer.  Nous  verrons ,  dans  un  inftant ,  que  le 
foie  de  foufre  qui  a  été  fait  par  la  voie  feche ,  eft 
de  très  facile  décompofition  )  mcme  dans  des 
bouteilles  bien  bouchées. 

Nous  avons  dit  précédemment  que  l'alkali 
rougit  au  feu  long-temps  avant  d'entrer  en  fu- 
fion ,  &c  que  le  foufre  ,  au  contraire ,  entre  en 
fufion  à  une  chaleur  fort  modérée.  Ces  deux  fub^ 
fiances  partagent  entre  elles  leurs  degrés  de  fu-» 
fibilité  :  c'eft  ce  qui  fait  que  ce  mélange  entre  en 
fufion  en  même  temps  qu'il  rougir.  Une  partie 
du  foufre  s'enflamme  avant  qu'il  ait  le  temps  de 
fe  combiner  avec  l'alkali.  La  plus  grande  partie 
de  l'acide  vitriolique  qui  devient  libre  ,  fe  com- 
bine avec  Talkali,  ôc  ils  forment  enfemble  du 
tartre  vitriolé,  qui  fait  partie  de  la  malTe  qu'on 
obtient  j  mais  la  plus  grande  partie  du  foufre  fe 
combine  avec  l'alkalij&r  forme  la  fubftancequoî; 
nomme/oie  de  foufre.  Ce  compofé  eft  d'une  cou^ 
iQiU'  nQÙiçf ©a <^u^  jauniç  un  peu  ^  h  furface  c^uçl^- 


ETRAISONNEE.  ^ÇJ 

que  temps  après ,  où  il  eO:  d'une  couleur  rouj^e  , 
(uivant  les  degrés  de  feu  qu'il  a  reçus.  Ce  toie 
de  foufre  attire  l'humidité  de  l'air ,  mais  moins 
que  Talkali  fixe  :  néanmoins  il  s'en  charge  alTez 
pour  faire  voir  que  l'alkali  conferve  encore  de 
les  propriétés.  Ce  foie  de  foufre  a  beaucoup  plus 
d'odeur  que  le  foufre  pur  ;  celle  qu'il  a,  tire  fur 
celle  des  œufs  couvis. 

Si  l'on  n'avoir  pas  foin  de  grailler  un  peu  la 
pierre  fur  laquelle  on  coule  le  foie  de  foufre,  il 
s'y  appliqueroir  fortement  :  on  auroit  beaucoup 
de  peine  à  l'en  détacher  ,  fans  arracher  un  peu  de 
la  furface  de  la  pierre. 

Le  foie  de  foufre  fe  diffout  très  bien  dans 
l'eau  :  on  en  pulvérife  la  quantité  que  l'on  veut  : 
on  la  met  dans  un  matras  :  on  verfe  par  delTus 
trois  ou  quatre  fois  fon  poids  d'eau  chaude  :  on 
agite  le  mélange ,  &  au  bout  d'une  demi-heure  , 
ou  lorfque  la  matière  eft  bien  dilloute  ,  on  filtre 
la  liqueur  au  travers  d'un  papier  gris.  Il  refle  fut 
le  filtre  un  peu  de  terre  &:  de  tartre  vitriolé  qui 
s'eft  formé  pendant  la  fufion  ,  pourvu  cepen- 
dant qu'on  n'ait  pas  employé  trop  d'eau.  Dans 
ce  cas ,  le  tartre  vitriolé  fe  dilfout  &:  palfe  au 
travers  du  filtre  avec  le  foie  de  foutre.  La  li- 
queur filtrée  eft  claire  Se  tranfparente  ;  mais  elle 
a  une  couleur  jaune  orangée ,  qui  eft  d'autant 
plus  foncée ,  que  la  matière  a  moins  refté  de 
temps  fur  le  feu  pendant  la  fufion  :  elle  a  uns 
odeur  de  foufre  &  d'œufs  couvis  :  on  nomme 
cette  liqueur  foie  de  foufre  dijfous  :  elle  a  les  mê- 
mes propriétés  que  le  foie  de  foufre  qui  a  été  pré- 
paré par  la  voie  humide  ,  à  quelques  propriétés 
prcs,qui  viennent  de  l'altévation  qu'a  fubi  le  fou-» 
|ie  pendant  la  fufion. 

j^oifc^u'ou  a  laiiré  le  foie  de  foufie  trop  lon^-* 


594       Chymie  expérimentale 
temps  au  feu,  la  dilfolution  qu'on  en  fait  en- 
fuite  ,  a  beaucoup  moins  de  couleur  :  le  foie  de 
foufre  qu'elle  tient  en  dilTolution  fe  décompofe 
très  promptement ,  même  fans  le  concours  de 
Fair  :  il  fe  torme  dans  les  bouteilles  qui  le  con- 
tiennent ,  un  tartre  vitriolé ,  auquel  on  a  donné 
îe  nom  6.Q  fel fulfureux  de  *SrjûA/,  parcequ'il  con- 
tient un  peu  de  matière  phlogiftique,  &  que  ce 
fel  a  des  propriétés  un  peu  différentes  du  tartre 
vitriolé  ordinaire.  Cette   propriété  qu'a  le  foie 
de  foufre  de  fe  décompofer  ainfi  ,  vient  de  ce 
que  le  phlogiHique  du  foufre,  pendant  la  fufion,  2 
été  plus  atténué  qu'il  ne  l'étoit  dans  le  foufre 
pur  ;  le  principe  du  feu  qui  le  conftitue  phlogifti- 
que ,  s'eft  rapproché  davantage  du  feu  pur  :  fous 
cette  forme  ,  il  eft  plus  facile  à  fe  décompofer 
complettement ,  à  fe  réduire  en  feu  élémentaire , 
&  à  fe  diffiper.  Ceci  nous  donne  un  exemple  des 
différents  états  fous  lefquels  peut  fe  trouver  le 
phlogiftique, avant  d'être  décompofe  complette- 
ment :  celui  qui  eft  dans  le  foufre  ,  eft  fufceptible 
d'altérations  par  nuances  înfenfibles  :  il  peut  ac- 
quérir différentes  propriétés  ,  fuivant  l'état  où  il 
fe  trouve,  &  même  s'enflammer  tout  feul  à  l'air, 
comme  cela  arrive  dans  le  pyrophore  ,  où  le  fou- 
fre eft  en  partie  dans  un  grand  état  d'altération. 
Lorfque  le  foie  de  foufre  fe  décompofe  dans  des 
bouteilles  bouchées ,  il  lui  arrive  fouvent  de  ta- 
piflTer  l'intérieur  d'un  enduit  phlogiftique  d'une 
couleur  prefque  noire ,  ^  qui  forme  ^qs  iris  : 
d'autres  fois  il  nelaiffe  aucune  couleur  :  cela  dé- 
pend du  degré  de  feu  que  le  foie  de  foufre  a  reçu 
pendant  fa  formation. 


r.  T      RAISONNES.  ^  JJ^ 

Foie  de  foufre  au  feu. 
Sel  Ailfurcux.  Tartre  vitriolé. 

On  met  dans  un  vaifleau  de  terre  large  &;  plat, 
la  quantité  que  l'on  veut  de  foie  de  foufre  fait 
par  la  voie  feche  &  réduit  en  poudre.  On  place 
le  vaiffeau  fur  un  feu  très  doux  :  on  remue  la  ma- 
tière de  temps  en  temps ,  pour  renouveller  les 
furfaces.  Le  foufre  fe  décompofe ,  le  phlogifti- 
que  fe  dilTipe  fans  combuftion,  &  l'acide  vitrio- 
lique  fe  combine  avec  l'alkali  du  foie  de  foufre , 
&  forme  du  tartre  vitriolé.  Lorfque  la  matière  a 
fumé  pendant  un  certain  temps ,  on  augmente 
le  feu  ,  jufqu'à  la  faire  rougir  obfcurémenr  pen- 
dant environ  un  quart  d'heure,  afin  de  faire  dif- 
fiper  tout  le  phlogiftique  :  alors  on  fait  diffoudre 
dans  de  l'eau  la  matière  faline  :  on  filtre  la  li- 
queur ,  &  on  la  lailfe  refroidir  ;  elle  fournit  des 
cryftaux  de  vrai  tartre  vitriolé. 

Staahl  avoir  imaginé  cette  expérience  ,  qui  eft 
très  exade  ,  pour  démontrer  que  le  foufre  étoit 
compofé  de  fept  parties  d'acide  vitriolique  ,  & 
d'une  de  phlogiftique.  La  vapeur  qui  fe  dégage 
du  foie  de  foufre  dans  cette  opération  ,  n'eft  point 
4u  feu  pur  ;  c'eft  dû  phlogiftique  qui  eft  excédent 
a  la  compofitton  du  tartre  vitriolé.  Cette  vapeur 
eft  aufii  pernicieufe  que  celle  qui  s'élève  du  char- 
bon ou  de  la  braife  qu'on  fait  brûler.  Si  l'on  fai- 
foit  cette  expérience  fur  plufieurs  livres  de  foie 
de  foufre  ,  &  dans  un  endroit  bien  clos ,  on  fe- 
roit  futfoqué  comme  par  toute  autre  matière 
phlogiftique  dans  l'état  de  vapeurs, 

Foïe  de  foufre  à  Voir, 
Le  phlogiftique  a  plus  d'affinité  avec  l'acide 


'^9^  Chymie  expérimentale 
vitriolique  ,  que  cet  acide  n'en  a  avec  l'alkali  5 
c'eft  un  fait  qui  eft  conftatc  par  une  fuite  d'ex- 
périences ,  &:  nous  verrons  mcme  dans  le  cours 
ae  nos  opérations ,  que  ce  principe  inflammable 
s'empare  de  cet  acide  ,  à  quelque  bafe  qu'il  foit 
uni,  foit  par  la  voie  feche,  foit  par  la  voie  hu- 
mide :  cependant ,  (i  l'on  expofe  du  foie  de  fou- 
fre  fec  à  l'air ,  il  attire  d'abord  l'humidité  de  l'air, 
parceque  l'alkali,  quoiqu'un!  à  du  foufre,  con- 
lerve  encore  quelques-unes  de  fes  propriétés  ,  Se 
finçuliérement  celle  de  fe  charger  de  l'humidité 
de  l'air.  Mais  ce  qu'il  y  a  de  remarquable ,  c'eft 
que  ce  même  foie  de  foufre  fe  décompofe  par  la 
feule  expofition  à  l'air  ,  comme  par  l'aétion  du 
feu.  Le  phlogiftique  fe  diflipe ,  &  ce  qui  refte  eft 
du  tartre  vitriolé ,  mais  qui  cependant  diffère 
du  tartre  vitriolé  ordinaire ,  en  ce  qu'il  retient 
un  peu  de  phlogiftique  :  on  le  nomme ,  à  caufe 
de  cela ,  fe/  fulfureux  :  mais  au  moins  eft-il  cer- 
tain que  prefque  tout  le  phlogiftique  s'eft  diflipé. 
On  eft  en  droit  de  conclure  ,  d'après  cette  obfer- 
vation  ,  que  les  affinités  qu'on  a  établies  fur  ces 
fubftances  ,  ne  font  pas  juftes  j  &  en  effet,  elles 
manquent  d'exaétitude ,  puifque  cette  affinité 
n'eft  ni  générale  ni  conftante.  Le  foie  de  foufre 
qui  fe  décompofe  à  l'air ,  &  qui  laiiTe  diffiper  fon 
phlogiftique ,  prouve ,  dans  cette  circonftance  , 
que  l'acide  vitriolique  a  plus  d'affinité  avec  l'alkali 
qu'avec  le  phlogiftique.  Nous  examinerons  cette 
queftion  ,  lorfque  nous  parlerons  du  foufre  arti- 
ficiel. 

Foie  de  Soufre  avec  de  l'eau. 

D'après  les  propriétés  du  foie  de  foufre  qua 
nous  avons  fait  connoître ,  on  fait  déjà  que  cette 
iîul:)ftaïice  fe  diftbut  dans  l'eau  j  Se  en  eftet  »  die 


ET      RAISONNÉ  Ê.  ^97 

S*y  difTout  facilement.  Lorfque  le  foie  de  fouftô 
eft  dilfous ,  on  filtre  la  liqueur  ;  c'eft  ce  que  Von 
nomme  foie  de  foufre  en  liqueur.  C'efl  dans  cet 
état  de  dilTolution  j  qu'on  l'emploie  le  plus  ordi- 
nairement dans  les  expériences  :  li  l'on  expofe  à 
l'air  le  foie  de  foufre ,  il  fe  décompofe  ^  commft 
je  viens  de  le  dire. 

Foie  de  Soufre  avec  de  la  glace* 

On  ignore  les  effets  de  ce  mélange. 

Foie  de  Soufre  avec  de  la  terre  vïtrifiahle. 

On  ne  connoît  point  les  effets  du  foie  de  foufre 
fur  la  terre  vitrifiable ,  foii  par  la  voie  feche ,  foin 
par  la  voie  humide.  On  peut  prcfumer  que  par  la 
voie  feche  il  n'agit  point  comme  foie  de  foufre, 
parcequ^il  feroit  décompofe  par  la  chaleur,  avant 
qu'il  pût  porter  fon  adion  fur  la  terre  vitrifiable. 
On  peut  de  mcme  penfer  qu'il  n'auroit  guère  plus 
d'aclion  par  la  voie  humide ,  parceque  la  terre  vi- 
trifiable ne  contient  aucun  des  principes  par  lef- 
quels  les  matières  falines  attaquent  les  corps. 

Foie  de  Soufre  avec  les  matières  combujlibles. 

Le  foie  de  foufre  a  beaucoup  d'adion  fur  les 
matières  végétales  &  animales  \  mais  on  a  fait 
peu  d'expériences  pour  connoître  les  propriétés 
île  cette  fubftance  fur  les  matières  combuftibles. 

Foie  de  Soufre  avec  le  phlogijlique. 

Le  foie  de  foufre  a  beaucoup  d'adion  fur  les 
matières  charbonneufes  végétales  :  il  les  dilTout, 
foit  par  la  voie  feche  ,  foit  par  la  voie  humide. 

On  met  une  pincée  de  charbon  en  poudre  dans 


5^8  Chymie  expérimentale 
une  fiole  :  on  verfe  par-defiTus  une  demi-once,  ou 
à-peu-près,  de  foie  de  foufre  liquide  :  on  fait 
chauffer  légèrement  ce  mélange  :  le  chareon  fe 
diffout  complettement ,  de  communique  à  la  li- 
queur unj  couleur  verte.  Ce  phénomène  nous 
donne  un  exemple  de  la  grande  action  du  foie  de 
foufre  fur  les  matières  charbonneufes. 

Foie  de  Soufre  avec  la  madère  hu'deufe. 

On  ignore  les  eifets  du  foie  de  foufre  fur  les 
huiles.  * 

Foie  de  Soufre  avec  la  terre  calcaire. 

On  ignore  de  même  les  effets  de  cette  fubllauce 
fur  les  terres  calcaires. 

Foie  de  Soufre  avec  l'acide  vitriolique, 
Magiflere  de  Soufre. 

On  met  dans  un  vafe  de  verre  la  quantité  que 
l'on  veut  de  foie  de  foufre  liquide  fait  par  la  voie 
feche  ou  par  la  voie  humide  :  on  l'étend  dans  une 
grande  quantité  d'eau.  Dans  ce  mélange,  on  verfe 
goutte  à  goutte  de  l'acide  vitriolique  aftoibli  :  il  fe 
fait  auflî-tôt  une  vive  effervefcence ,  un  précipité 
iblanc  qui  trouble  la  liqueur ,  &  il  s'exhale  une 
odeur  d'oeufs  couvis  ou  de  matière  fécale.  On 
continue  de  verfer  de  l'acide  jufqu'à  ce  qu'il  ne  fe 
fafîe  plus  de  précipité  ;  alors  on  filtre  la  liqueur  : 
on  paife  de  l'eau  chaude  fur  le  précipité  refté  fur 
le  filtre ,  afin  de  le  defTaler  :  on  le  fait  fécher  : 
c'eft  ce  que  l'on  nomme  magiflere  de  foufre. 

Remarques. 

Le  foie  de  foufre ,  comme  nous  l'avons  dit , 


ET       RAISONNES.  59^ 

efl  l'union  du  foufre  avec  l'alkali  :  le  foufre  ,  par 
cette  union  ,  n'a  point  changé  de  nature.  Lorf- 
qu'on  verfe  de  l'acide  fur  du  foie  de  foufie ,  il 
s'unit  à  l'alkali ,  ôc  fait  précipiter  le  fouhe  fous  la 
forme  d'une  poudre  qui  eft  blanche  ,  à  caufe  de 
fon  extrême  divifion  :  elle  trouble  la  liqueur ,  de 
lui  donne  une  apparence  laiteufe.  Dans  cet  état , 
on  donne  à  cette  liqueur  le  nom  de  iait  de  foufre. 
La  liqueur  qu'on  fépare  par  filtration  ,  contient 
un  tavtre  vitriolé  formé  par  l'alkali  du  toie  de  fou- 
tre &  l'acide  vitriolique  que  l'on  emploie  pour 
faire  précipiter  le  foufre.  On  reconnoit  que  tout 
le  foutre  eft  précipité ,  lorfqu'en  verfant  quel- 
ques gouttes  d'acide  dans  le  mélange  ,  il  ne  fe  fait 
plus  de  précipité  ,  &  que  la  liqueur  eft  parfaite- 
ment neutre. 

Si  l'on  emploie  une  trop  grande  quantité  d'a- 
cide ,  il  y  a  une  portion  de  loufre  qui  le  trouve 
dans  un  état  de  demi-dillolution  :  la  liqueur  paife 
difticilement  au  travers  du  filtre ,  &:  elle  eft  trou* 
ble  :  dans  ce  cas ,  il  faut  ajouter  au  mélange  un 
peu  d'alkali  pour  faturer  cet  excès  d'acide. 

L'acide  nitreux,  l'acide  marin  ,  le  vinaigre, 
&  même  tous  les  acides  végétaux  ,  décompofent 
pareillement  le  foie  de  foufre.  Le  foufre  qu'on 
obtient  par  ces  différents  acides ,  eft  abfolumenc 
le  même,  6c  ne  diffère  point ,  parceque  ces  acides 
ne  font  que  des  intermèdes  propres  à  féparer  le 
foufre  ,  àc  qu'ils  n'ajoutent  rien  à  (on  effence. 

L'odeur  qui  s'exhale  lorfqu'on  verfe  un  acide 
dans  du  foie  de  foufre  ,  eft  très  infecte  &  dange- 
reule  à  refpirer  :  elle  eft  produite  par  une  vapeur 
phlogiftique  qui  a2;it  linguliérement  fur  les  pou- 
mons :  elle  rend  la  refpiration  très  laborieufe  : 
elle  agit.aulfi  fur  le  cerveau,  &:  occafionne  des 
écourdiffements.  Ces  effets  font  les  mêmes  que 


4*^6  ChyMiè  expérimentale 
ceux  qui  font  produits  par  des  liqueurs  en  fermeil^ 
tation  fpirirueufe.  Ces  vapeurs  abforbenc  &  dé-» 
truifent  le  relïort  de  l'ait.  J'ai  eu  occafion  d'ob^ 
ferver  8c  de  renentir  tous  ces  effets  en  précipitant 
cent  livres  de  foie  de  foufre  à  la  fois.  Il  étoit  im- 
pofîible  de  tenir  une  bougie  allumée  dans  le  voi- 
fînage  où  je  faifois  cette  précipitation  ,  quoique 
le  lieu  où  je  la  faifois  ,  fut  fort  grand  &  très  aéré. 
Le  phlogiftique  qui  s'élevoit  ainfi  en  vapeurs  , 
s'attachoit  fur  tout  ce  qui  étoit  métallique  :  il  ter- 
niiïoic  la  furface  des  vailfeaux  d'argent ,  de  cui- 
vre ,  d'étain  ,  de  plomb  :  ces  vapeurs  ternilToienc 
auflî  toute  la  peinture  en  huile  qui  étoit  appli- 
quée dans  les  différents  endroits  du  laboratoire  ^ 
f>arcequ'il  étoit  entré  dans  la  compofition  des  cou- 
eurs  ,  des  préparations  de  plomb  :  cette  peinture 
devint  d'une  couleur  ardoifée  brillante.  Lorfqu'on 
frottoit  les  doigts  delfus ,  ils  fe  garniffoient  d'une 
matière  de  la  même  couleur.    Cet  effet  vient  du 

f>hlogiftique  qui  reffufcite  la  chaux  métallique  de 
a  peinture ,  comme  je  le  démontrerai  plus  parti- 
culièrement ,  lorfque  nous  examinerons  les  pro- 
priétés des  corps  métalliques. 

L'odeur  que  lailfe  exhaler  le  foie  de  foufre 
qu'on  précipite  par  un  acide ,  a  quelque  chofe  de 
remarquable.  Quelques  Chymiftes  ont  dit  qu'elle 
étoit  plus  fétide  lorfqu'on  le  précipiroit  avec  du 
vinaigre  ,  que  lorfqu'on  fait  cette  précipitation 
avec  un  autre  acide;  mais  je  n'ai  point  remarqué 
de  différence  fenfible  dans  les  précipitations  en 
grand  que  j'ai  faites  du  foie  de  foufre  avec  les 
différents  acides.  J'attribue  cette  odeur  à  unci» 
portion  du  phlogiftique  du  foufre  qui  s'eit  féparée 
pendant  la  préparation  du  foie  de  foufre  qui  n'é- 
toit  que  dans  un  état  de  dcmi-combinaifon  ,  de 
-Xeulemenc  a4héi:ent,  Lorfqu'on  verfç  un  acide  fur 

1« 


ET      R  A  I  S  O  N  IJ  i  E^  ^-Ot' 

le  foie  de  foiifre,  il  fait  cefler  cette  adhérence.  Le 
phlogiftique  devient  libre  :  il  fe  diffipe  &  fe  réduit 
en  vapeurs  :  il  entraîne  avec  lui  un  peu  de  matière 
faline  alkaline  qu'il  volatilife  :  de  là  vient  que 
l'organe  de  l'odorat  fe  trouve  en  même  temps 
affedé,  comme  s'il  l'étoit  par  du  foie  de  foufie 
qui  s'évapore ,  ôc  du  phlogiftique  libre  qui  fe 
difljpe. 

Foie  de  Soufre  aniJîcleL 

On  fait  un  mélange  de  trois  onces  de  fel  alkalî 
fixe  bien  fec ,  &  de  deux  onces  de  tartre  vitriolé  t 
on  fait  fondre  ce  mélange  dans  un  creufet  capable 
d'en  contenir  cinq  à  fix  fois  autant.  Lorfque  les 
fels  font  fondus ,  on  projette  par  cuillerées  un  au- 
tre mélange  que  l'on  a  difpofé  tout  prêt ,  corn- 
pofé  d'une  once  de  charbon  en  poudre  ,  &  d'au- 
tant de  tartre  vitriolé  :  on  couvre  le  creufet  à  cha- 
que cuillerée  de  matière  qu'on  y  introduit  :  il  fe 
fait  chaque  fois  une  effervefcence  &  un  gonfle- 
ment conhdérable  :  on  attend  qu'il  foit  pafle  , 
avant  de  remettre  de  nouvelle  matière  :  on  con- 
tinue ainfi  jufqu'à  ce  que  tout  le  fécond  mélange 
foit  entré  dans  le  creufet  :  alors  on  augmente  un. 
peu  le  feu  pour  faire  entrer  la  matière  dans  une 
belle  fuiion  :  on  s'aflure  qu'elle  eft  bien  fondue, 
en  la  remuant  avec  une  baguette  de  bois  :  alors 
on  la  coule  fur  une  plaque  de  fer  ou  de  cuivre  un 
peu  graifl~ée ,  afin  qu'elle  n'y  a.dhere  point  :  ou 
caife  cette  matière  par  morceaux ,  &:  on  l'enferme 
dans  une  bouteille  qu'on  bouche  bien ,  parce- 
qu'elle  fe  charge  de  rhumidité  de  l'air ,  &:  fe  re- 
loue en  liqueur. 

Remarq^ues. 

Le  procédé  pour  faire  du  foie  de  foufre  arti« 
Tome  /.  Ce 


'402  ChYMIE   EXpiRIMENTAlE 

ficiel ,  ôz  celui  par  lequel  on  fépare  le  foufre  qui 
s'eft  formé ,  font  de  Sraahl  &c  ae  Geoffroy  ,  Mé- 
decins ,  qui  les  ont  publiés ,  chacun  de  leur  côté  , 
à-peu  près  dans  le  mcme  temps  :  c'eft  une  belle  dc 
importante  découverte. 

L'acide  vitriolique  du  tartre  vitriolé  quitte  fa 
bafe  alkaline  pour  s'unir  au  phlogiftique  du  char- 
bon ,  de  former  enfemble  du  vrai  foufre.  C'eft 
dans  cet  inftant  de  décompofition  &  de  nouvelle 
combinaifon ,  que  fe  fait  l'effervefcence  &  le  gon- 
flement j  ce  qui  oblige  d'employer  un  grand  creu- 
fet ,  fans  quoi  la  matière  palTeroir  par-deflus  les 
bords  :  lorfqu'on  remue  la  matière  avec  une  ba- 
guette de  bois  ,  l'extrémité  fcintille  &  poulTe  des 
aigrettes  d'étincelles  femblables  à  celles  d'un  fer 
chauffé  jufqu'au  rouge  blanc.  Le  fel  alkali  qu'on 
fait  entrer  dans  le  mélange ,  n'eft  employé  que 
pour  envelopper  le  foufre  à  mefurs  qu'il  fe  forme  , 
ôc  pour  l'empccher  de  fe  brûler  ;  le  foufre  fe  com- 
bine avec  lui,  &  forme  un  vrai  foie  de  foufre.  Si 
l'on  faifoit  cette  opération  fans  alkali ,  le  foufre 
fe  formeroit  de  même  j  mais  il  fe  brCderoit  &  fe 
dillîperoit  à  mefure. 

Ce  foie  de  foufre  artificiel  eft  d'une  couleur 
rouge  foncée ,  femblable  à  celle  du  foie  d'un  ani- 
mal :  il  a  plus  de  couleur  que  le  foie  de  foufre  or- 
dinaire. Si  l'on  tenoit  la  matière  trop  long-temps 
en  fufion  ,  une  partie  du  foufre  fe  confumeroic 
en  pure  perte  :  on  s'en  apperçoit  par  des  étincelles 
vives  &;  brillantes  qui  fortent  du  creufet,  fembla- 
bles à  celles  dont  nous  venons  de  parler. 

Foie  de  Soufre  artificiel  dijfous  dans  de  l'eau. 

On  pulvérife  groiliérement  le  foie  de  foufre  ar- 
tificiel :  on  le  met  dans  un  matras  :  on  verfe  par- 


ET      RAISONNil.  405 

tlefTiis  cinq  à  fix  fois  fon  poids  d'eau  chaude  :  on 
faic  digérer  ce  mélange  pendant  une  demi-heure, 
à  une  douce  chaleur ,  ou  jufciuM  ce  qu'il  foit  en- 
tièrement difTous  :  on  filtre  la  liqueur  :  elle  pafle 
difficilement  :  elle  eft  d'une  coulem-  bleue  ver  Ja- 
rre ,  au  lieu  d'ctre  jaune  comme  celle  du  foie  de 
foulre  ordinaire  :  on  la  garde  dans  une  bouteille 
qu'on  bouche  bit-n.  Il  reli^  fur  le  filtre  la  portion 
de  charbon  excéJente  à  celle  de  l'acide  vitrioli- 
que  ,  &c  qui  n'a  point  formé  de  foufre. 

Le  charbon  ,  comme  nous  l'avons  dit  précé- 
demment, ell  dilfous  prit  le  foie  de  foufre.  Dans 
cette  expérience ,  il  s'en  trouve  un  excès  dont  il 
fe  diffout  une  partie  ic'efl  cet  excès  qui  donne  une 
couleur  verdatre  à  ladilfolution  dufoie  de  foufre 
artificiel. 

Le  foie  de  foufre  artificiel  en  liqueur  fe  dé- 
compofe  à  l'air ,  ou  enfermé  dans  des  bouteilles , 
comme  le  foie  de  foufre  ordinaire  :  le  phlogifti- 
que  fe  difiîp'e ,  l'acide  vitriolique  fe  combine  avec 

I  alkali ,  &  forme  du  tartre  vitriolé  qui  fe  cryftal- 
life  dans  les  bouteilles  :  il  ne  faut  qu:  l'efpace  de 
cinq  à  Ci\  mois  pour  opérer  cette  décompvfition. 

II  eft  évident  que  par  la  voie  feche  le  phlogiftique 
a  plus  d'affinité  avec  l'acide  vitriolique,  que  ce 
même  acide  n'en  a  avec  l'alkaii.  Mais  il  en  eft 
autrement  par  la  voie  humide  :  c'eft  l'acide  &  l'al- 
kaii qui  ont  enfemble  la  plus  grande  affinité. 
Cette  obfervation  fait  bien  voir  la  néceffité  d'éta- 
blir les  deux  tables  des  rapports  dont  j'ai  parlé  au 
commencement  de  cet  ouvrage.  Je  doute  très 
fort  que  par  aucune  expérience  on  décompofe 
le  tartre  vitriolé  par  l'intermède  du  phlogiftique 
par  la  voie  humide. 


CciJ 


4^4       Chymie  expÉrimektaii 

Magljiere  de  Soufre  artificiel. 

On  met  dans  un  grand  vafe  de  verre  la  dîlïo- 

îution  du  foie  de  foufre  artificiel  :  on  l'étend  dans 

une  grande  quantité  d'eau  :  on  ajoute  peu  à  peu 

de  l'acide  vitriolique  ,  ou  tout  autre  acide.   Il  fe 

pafTe  dans  cette  opération  tous  les  phénomènes 

que  nous  avons  expofés  en  parlant  du  magiftere 

du  foufre  ordinaire  :  le  précipité  eft  feulement 

moins  blanc ,  à  caufe  du  charbon  que  ce  foie  de 

foufre  tient  en  diiïolution ,  &  qui  fe  précipite 

avec  le  foufre.   0\\  lave  ce  précipité ,  en  palîant 

deffus  de  l'eau  bouillante  à  plufieurs  reprifes  ,  & 

on  le  fait  fécher.    Si  on  l'examine  enfuite ,  on 

Trouve  qu'il  eft  de  véritable  foufre  ,  &  qu'il  en  a 

toutes  les  propriétés  :  il  eft  feulement  mêlé  d'un 

peu  de  charbon. 

Combinaifon  de  l* acide  fulfureux  avec  Valkalifixe* 
Sel  fulphureux  de  Staahl. 

On  arrange  fur  un  entonnoir  d'ofier  à  claires 
voies,  un  linge  taillé  en  chauffe  d'Hippocrate , 
qu'on  a  auparavant  imbibée  d'alkali  fixe  en  li- 
queur :  on  fufpend  cet  appareil  au-deflus  d'une 
petite  capfule  de  terre  cuite  ,  dans  laquelle  on  a 
mis  des  morceaux  de  foufre  brut  :  on  allume  le 
foufre,  &  on  le  fait  brûler  le  plus  lentement 
qu'il  eft  pofîlble.  La  vapeur  du  foufre  fe  combine 
avec  l'alkalifixe  :  à  mcfure  que  cette  combinaifon 
fefait,  le  linge  devient  iQ.c  &  roide:  il  fe  forme 
un  fel  neutre  qui  quelquefois  paroît  en  cryftaux 
aieuillés  à  la  furface  du  ling-e  :  alors  on  plonge  ce 
linge  dans  une  petite  quantité  d'eau  tiede  afin  de 
diftoudre  le  fel.  On  filtre  la  liqueur  ,  &:on  la  fait 
évaporera  une  douce  chaleur  jufqu'à  légère  pelli- 


F.  T      R  A  I  8  O  N  N  1&  E.  jfOif 

cule  :  elle  forme,  par  le  refroidiiïemeiit ,  des  cryf- 
taux  difpofcs  en  petites  aiguilles  :  c'ell  ce  que  l'on 
nomme  fel  fulfureux  de  Staahl  :  on  fait  évaporée 
une  féconde  fois  la  liqueur  pour  obtenir  de  nou- 
veaux cryftaux. 

Le  fuccès  de  cette  opération  dépend  principa- 
lement de  la  lenteur  avec  laquelle  on  doit  faire 
brûler  le  foufre  :  lorfqu'il  brûle  rapidement ,  le 
phlogiftique  fe  confumc  &  fe  diiîîpc  j  &:  l'on 
cherche  au  contraire  à  retenir  le  plus  qu'il  eft 
pollible  de  phlogiftique  combiné  avec  l'acide  vi- 
triolique  qui  fe  réduit  en  vapeurs.  Sans  cette  pré- 
caution on  ne  retire  du  linge  que  du  tartre  vi- 
triolé. Il  en  eft  de  même  lorfqu  on  lave  le  linge. 
Si  Ton  employoit  de  l'eau  bouillante  ,  &:  en  trop 
grande  quantité  ,  la  chaleur  de  l'eau  feroit  difîî- 
per  le  phlogiftique  du  fel  \  ou  fi  l'on  faifoit  éva- 
porer la  liqueur  a  une  trop  forte  chaleur ,  le  phlo- 
giftique fe  diftîperoit  également.  Toutes  ces  ob- 
lervations  prouvent  bien  ce  que  nous  venons  à&- 
dire  fur  la  diftcrence  des  affinités  de  ces  fubftances 
par  la  voie  feche  &:  par  la  voie  humide. 

Décompqfîtion  du  fel  fulfureux  de  Staahl  par 
l'acide  vitrioUque. 

Le  fel  fulfureux  de  Staahl  eft  une  forte  de  tar- 
tre vitriolé  :  il  en  diftere  feulement  en  ce  qu'il 
entre  dans  fa  compofition  une  plus  grande  quan- 
tité de  phlogiftique  qui  rend  l'acide  vitriolique 
moins  adhérent  à  l'alkali ,  q^ue  lorfque  cet  acide 
eft  pur. 

Le  fel  fulfureux  ou  fa  vapeur  ne  tache  point ,.. 
ni  ne  ternit  l'argent,  comme  le  fait  le  foufre  :  il 
n'a  point  d'odeur  :  il  fe  dilfout  dans  l'eau  en.pluSs 
gtande  quantité  que  le  tartre  vitriolé  :  il  fe  dé- 

C  c  iij 


'40<?  ChYMIE    EXPÉRIMENTAtE 

compofe  à  l'iir ,  c'eft-à-dire  que  le  phloglftique' 
fe  dilîipe  'y  ce  qui  refte  eft  du  tartre  vitriolé. 
L'acide  vitriolique  le  décompofe  &  en  fait  exha- 
ler des  vapeurs  pcnétiantes  qui  ont  l'odeur  de 
l'acide  lulnueux  volatil. 

On  met  dans  un  verre  du  fel  fulfureux  :  on 
verfe  par-delTus  de  l'acide  vitriolique  afFoibli  :  il 
fe  dégage  auffi  tôt  des  vapeurs  d'acide  fulfureux 
volatil,  femblablesà  celles  du  foufre  brûlant -,  &C 
l'acide  vitriolique  s'unit  à  l'alkali  avec  lequel  il 
forme  du  tartre  vitriolé. 

Le  phlogiftique  efl:  fî  peu  adhérent  à  ce  fel , 
qu'il  fe  dillipe  lorfqu'on  l'expofe  à  l'air ,  ou  lorf- 
qu'on  le  fait  un  peu  chauffer.  J'ai  mis  en  diftilla- 
tion  ,  dans  une  cornue  de  verre,  du  fel  fulfureux  : 
il  a  pafifé  un  phlegme  inlipide  qui  étoit  l'eau  de 
fa  cryftallifation  :  le  phlogiftique  s'eft  décompofe 
&  détruit  :  le  feu  qui  le  conftituoit  s'eft  difîîpé. 
Le  fel  refté  dans  la  cornue  ,  diftous  dans  de  l'eau 
filtrée  ,  &  cryftallifé,  s'eft  trouvé  être  du  tartre  vi- 
triolé très  pur. 

Il  réfulte  évidemment  de  tout  ce  que  nous  ve- 
nons de  dire ,  que  l'acide  vitriolique  ôc  l'alkali 
fixe  ont  chacun  fépaiément  beaucoup  d'affinité 
avec  le  phlogiftique  j  mais  que  par  la  voie  hu- 
mide ,  les  affinités  de  ces  deux  matières  falines 
font  plus  grandes  entre  elles ,  que  celle  du  tartre 
vitriolé  avec  le  phlogiftique  ,  puifque  cette  der- 
nière fubftance  le  fépare  toujours  du  fel  neutre  qui 
réfulte  de  la  combinaifon  de  ces  deux  fubftançes 
falines. 

Alkali  fixe  &  Gypfe. 

Décompontion  du  Gypfe,  Tartre  vitriolé. 

Le  gypfe  étant  un  fel  vitriolique  à  bafe  ter- 
reufe ,  l'alkali  fixe  le  décompofe  comme  tous  les 


IT    RAISONNA  E,  4O7 

fels  a.  bafe  terreufe  :  mais  j'ai  déterminé  par  des 
expériences ,  les  proportions  de  terre  &  d'acide  vi- 
triolique  et  ntenues  dans  plulîeurs  de  ces  fubftan- 
ces  ,  dont  je  vais  rendre  compte. 

J'ai  fait  dilfoudre  quatre  gros  de  gvpfe  de 
Montmartre ,  réduit  en  poudre ,  dans  dix-huit 
livres  d'eau  bouillante  :  j'ai  verfé  dans  cette  li- 
queur une  fuffifante  quantité  d'alkali  fixe  très 
pur  pour  faire  précipiter  la  terre  &  faturer  l'acide. 
J'ai  recueilli  le  précipité  terreux,  &  l'ai  lavé  dans 
beaucoup  d'eau  bouillante  :  je  l'ai  fait  fécher ,  Sc 
j'ai  obtenu  deux  gros  dix-huit  grains  de  terre  cal- 
caire :  c'eft  par  conféquent  un  gros  cinquante- 
quatre  grains  d'acide  vitriolic]ue  que  cette  matière 
contenoit. 

J'ai  fait  évaporer  la  liqueur  jufqu'A  légère  pel- 
licule :  elle  eft  devenue  rouffe  &  phlogillriquée  : 
elle  m'a  fourni  des  cryflaux  de  tartre  vitriolé. 

J'ai  fait  la  même  expérience  fur  de  la  pierre  à 
plâtre  ordinaire  de  Montmartre.  Les  phénomènes 
ont  été  les  mcmes.  J'ai  obtenu  deux  gros  vingt- 
quatre  grains  de  terre  calcaire  femblable  à  lapré- 
cédente. 

J'ai  traité  de  mcme  de  l'albâtre  Sc  à  la  mcme 
dofe  de  demi-once  :  j'ai  obtenu  deux  gros  vingt- 
huit  grains  de  terre  calcaire  très  blanche.  La  li- 
queur mife  à  évaporer  eft  devenue  rouife  &  phlo- 
giftiquée  :  elle  a  pareillement  fourni  du  tartre 
vitriolé. 

Alhalï  fixe  &  acide  nitreux, 

Nitre  régénéré  ,  ou  Salpêtre. 

L'alkali  fixe  fe  combine  très  bien  avec  l'acide 
nitreux  jufqu'au  point  de  faturation  :  cette  com- 
binaifon  fe  fait  avec  chaleur  &  effervefcence. 

On  met  dans  un  vafe  de  verre  de  l'alkali  fixe, 

Cciv 


'4o8        Chymie  expérimentale 

étendu  dans  de  l'eau  :  on  verfe  peu  à  peu  de  Ta-» 
cide  ninreux  :  il  fe  fait  une  vive  effervefcence  :  on 
continue  d'en  verfer  jufqu'à  ce  que  l'efFervef- 
cence  n'ait  plus  lieu ,  &  que  les  liqueurs  foient  au 
point  de  fatuiation  :  on  iiltrc  la  liqueur  &c  on  la 
fait  évaporer  :  elle  fournit,  par  le  refroidilTement, 
des  cryftaux  difpofés  en  grofTes  aiguilles  j  c'eft  co 
que  l'on  nomme  nitre  owfalpêtre.  On  continue 
les  évaporations  &  les  cryftallifations  jufqu'à  ce 
que  la  liqueur  ait  fourni  tout  le  nitre  qu'elle  con- 
tient. 

Lorfque  l'acide  nitreux  s'unit  à  l'alkali,  il  fe 
dégage  pendant  l'effervefcence  une  grande  quan- 
tité d'air  qui  chafTe  devant  lui  un  peu  de  la  li- 
queur en  forme  de  petits  jets  qui  s'élèvent  quel- 
quefois jufqu'à  trois  pouces  de  haut.  On  s'apper- 
çoit  que  les  liqueurs  font  au  point  de  faturation 
lorfqu'il  ne  fe  fait  plus  d'effervefcence  ,  en  ver- 
fant  dans  le  mélange,  foit  de  l'acide  nitreux,  foit 
de  l'alkali  fixe ,  &:  lorfque  la  liqueur  ne  change 
plus  les  couleurs  bleues  des  végétaux.  Cependant 
û  le  mélange  contenoit  une  furabondance  de 
l'une  des  deux  matières  falines ,  les  cryftaux  de 
nitre  qu'on  obtiendroit  feroient  également  neu- 
tres ,  après  qu'on  les  auroit  fait  égoutter  fur  du 
papier  gris,  parceque  ce  fel  ne  peut  admettre  dans 
la  combinaifon  ni  une  furabondance  d'acide,  ni 
un  excès  d'alkali.  Si  le  mélange  contenoit  plus 
d'acide  qu'il  n'en  faut,  on  feroit  obligé  de  faire 
évaporer  la  liqueur  dans  un  vaifTeau  de  grès  ou 
de  verre  ,  parceque  cet  excédent  d'acide  agiroit 
fur  ceux  de  métal ,  à  l'exception  de  ceux  d'or.  Si 
nu  contraire  la  liqueur  pèche  par  un  e\chs  d'al- 
kali, comme  cette  matière  faline  n'a  pas  la  même 
action  fur  les  madères  métalliques  ^  l'incouvé* 


ET      RAISONNES.  40^ 

inientdont  nous  venons  déparier  n  eft  pas  à  crain- 
dre. 

Le  nitre  qui  eft  dans  le  commerce  n'eft  point 
fait  de  la  manière  que  nous  venons  de  le  dire  :on 
le  rire  des  vieux  plâtras  Se  des  terres  nitreufes. 
Nous  dirons  par  la  fuite  de  quelle  manière  on  le 
prépare. 

Alkalïfixe  &  Nitrt  à  bafe  urreufe. 

Nitre  régénéré. 

On  met  dans  un  grand  vafe  de  verre  du  nitre 
à  bafe  terreufe ,  étendu  dans  une  fuiïifante  quan- 
tité d'eau  :  on  verfe  par-deffus  de  l'alkalillxe  :  il 
fe  fait  aulli-tôt  une  eftervefcence  &  un  précipité 
blanc.  On  continue  de  mettre  de  l'alkali  jufqu'à 
ce  qu'il  ne  fe  faffe  plus  de  précipité.  On  lave  la 
terre  à  plufieurs  reprifes  dans  de  l'eau  bouillante 
pour  la  deifaler  complettement  \  &c  on  la  fait  fé- 
cher  :  c'eft  ce  que  l'on  nomme  magncfic  blanche  ^ 
panacée  nïtreufe  ,  de  poudre  de  SantinelU.  On  fait 
évaporer  les  liqueurs  :  elles  fourniftent  des  cryf- 
taux  de  nitre  femblables  aux  précédents ,  &  qui 
n'en  différent  point. 

Dans  cette  expérience  l'alkali  s'unir  à  l'acide 
nitreux  &:  fait  précipiter  la  terre.  Quelle  que  foie 
l'efpece  de  terre  calcaire  qui  eft  unie  à  l'acide  ni- 
treux, les  phénomènes  de  décompoiîtions  font 
abfolument  les  mêmes,  &  les  réfultats  femblables. 

Propriétés  du  Nitre, 

Le  nitre  eft  un  fel  parfaitement  neutre  :  l'acide 
èc  l'alkali  qui  le  conftituentont  tellement  épuifé 
réciproquement  leurs  propriétés  ,  que  ce  fel  n'a 
plus  de  faveur  ,  ni  acide,  ni  alkaline  :  fa  faveur 
eft  falée ,  un  peu  amere,  fade  6c  fraîche  :  ce  fel 


4Td       Chymie  expéhimentalï 

n'attire  point  l'humidité  de  l'air  :  il  s'y  deffechô 
mcme  plutôt  :  il  ne  change  point  les  couleurs 
bleues  des  végétaux,  ôcc. 

Nitre  au  feu, 
Cryftal  minéral. 

Le  nitre  eft  très  fufible  :  il  entre  en  fuiîon 
avant  de  rougir  ,  &  même  a  une  chaleur  aiïez 
modérée. 

On  met  dans  un  creufet  une  certaine  quantité 
de  nitre  que  l'on  place  dans  un  fourneau  au  mi- 
lieu des  charbons  ardents  :  le  nitre  ne  tarde  pas  à 
entrer  en  fufion  :  lorfqu'il  eft  fondu ,  on  le  coule 
de  l'épaifiTeur  d'environ  fix  lignes ,  dans  des  pocles 
de  fer  battu ,  larges  &  plates ,  que  l'on  a  aupara- 
vant  bien  récurées  &  bien  féchées.  Le  fel  fe  fige 
en  fe  refroidiffant ,  &  prend  la  forme  du  vaif- 
feau  :  il  eft  blanc  &:  demi-tranfparent  :  c'eft  ce 
que  l'on  nomme  cryjlal  minéral  on  fel  de  prunelle, 

R   E    M   A   R    q    U   E   s. 

Quelques  pevfonnes  recommandent  de  projet- 
ter  un  peu  de  foufre  en  poudre  fur  le  nitie,  lorf- 
qu'il eft  en  fufion,  àdefîein  de  confumer  par  fou 
inflammation  quelques  matières  graftes  qu'on 
croit  exifter  dans  le  nitre  ;  c'eft  ce  qui  me  paroît 
fort  inutile  lorfqu'on  a  fait  choix  d'un  nitre  très 
pur  :  d'ailleurs  le  foufre  enflamme  du  nitre  pro- 
portionnellement à  ce  que  l'on  en  met ,  Se  l'al- 
kalife  :  une  partie  de  l'acide  vitriolique  du  foufre 
fe  combine  avec  l'alkali ,  &  produit  un  peu  de 
tartre  vitriolé ,  qui  refte  mêlé  avec  le  cryftal  mi- 
néral. 

Lorfqu'on  ne  tient  le  nitre  au  feu  que  pen- 


ET     RAISONNE  f.  4n 

dant  le  temps  qui  efl:  ncceiïaiie  pour  le  faire  en- 
trer en  fufion  ,  il  ne  fouftre  aucune  altération  ,  Se 
fort  peu  de  diminution  de  fon  poids  :  elle  n'eft 
que  de  deux  onces  par  livre.  La  facilité  avec  la- 
quelle le  nitre  entre  en  fufion  ,  vient  de  ce  qu'il 
entre  dans  fa  compofition  une  très  grande  quan- 
tité d'eau  &c  de  teu,  qui  font  abfoiument  elfen- 
tiels  à  fon  eflence  faline ,  &  qu'on  ne  peut  fé- 
parer  du  nitre  fans  le  changer  de  nature.  L'eau 
dont  j'entends  parler  n'eft  ponit  celle  de  lacryf- 
tallifation  :  celle-ci  fe  difîipe  pendant  la  fufion 
du  nitre:  c'eft  elle  qui  fait  la  diminution  du  poids 
du  nitre  ,  dont  nous  venons  de  parler.  Le  phlo- 
giftique,  fous  la  forme  de  feu  prefque  pur,  en- 
tre également  en  grande  quantité  dans  la  compo- 
fition du  nitre  j  il  communique,  conjointement 
avec  le  principe  aqueux ,  le  degré  de  fufibilité 
que  l'on  connoît  au  nitre.  Les  lels  ,  comme  l'a- 
lun ,  qui  contiennent  plus  de  la  moitié  de  leur 
poids  d'enu  de  cryftallifation  ,  fe  liquéfient  à  la 
faveur  de  cette  eau,  &  font  après  cela  de  très 
difficile  fufion.  11  n'en  n'eft  pas  de  même  du  ni- 
tre :  comme  il  contient  fort  peu  d'eau  de  cryftal- 
lifation ,  il  n'eft  pas  fufceptible  d'une  femblable 
liquéfaction.  Il  entre  en  fulion  réellement  j  &  à 
la  faveur  de  l'eau  8c  du  feu  principe  ,  il  acquiert 
une  fluidité  fi  confidérable  ,  qu'il  palfe,  lorfqu'il 
eft  en  fufion ,  au  travers  de  tous  les  creufets  avec 
la  plus  grande  facilité  :  il  n'va  point  de  creufet  en 
état  de   rcfifter  à  {on    adion    plus   d'un    quart 
d'heure  fins  en  être  pénétré  Se  même  fendu:  cela 
produit  un  déchet  fur  le  nirre  qu'on  veut  former 
en  cryftal  minéral.  Quelques  perfonnes  ,  pour  re- 
médier à  cet  inconvénient ,  fe  fervent  d'une  mar- 
mite de  ter  pour  faire  fondre  le  nirre.  J'ai  re- 
piarqué  cju'il  y  a  des  marmites  de  fer  d'une  font© 


'41  î  Chymie  expIrt mentale 
fi  douce  ,  qu'elles  font  attaquées  par  le  niti'e,  & 
lui  communiquent  beaucoup  de  couleur  j  ce  qui 
eft  un  autre  inconvénient.  Ces  confidérations 
m'ont  fait  prendre  le  parti  de  me  fervir  d'un  creu- 
fet  d'argent  de  coupelle,  qui  n'eft  fujet  à  aucun 
des  inconvénients  dont  nous  venons  de  parler. 
Le  nitre  ne  palfe  point  au  travers ,  &;  ne  prend 
aucune  couleur  j  fa  fufion  eft  d'ailleurs  infiiiimenc 
plus  facile  que  celle  de  l'argent, 

Nitre  alkallfé fans  addition» 

On  met  dans  une  capfule  de  grès  quatre  onces 
de  nitre ,  que  l'on  place  fous  la  moufle  d'un  four- 
neau de  coupelle  ,  &:  que  l'on  chauffe  par  de- 
grés. Le  nitre  entre  en  fufion  :  il  bouillonne  un 
peu  :  lorfqu'il  eft  rouge,  il  s'en  échappe  un  peu 
hors  de  la  capfule  par  la  violence  de  la  chaleur. 
Lorfque  le  nitre  eft  bien  rouge  ,  il  s'élève  des  va- 
peurs d'acide  nitreux  qui  font  rouges  :  il  eft  diffi- 
cile de  diftinguer  fî  ce  font  des  vapeurs  ou  de  la 
flamme  :  on  l'entretient  en  cet  état  pendant  en- 
viron un  quart  d'heure  :  alors  on  tire  la  capfule 
du  feu  :  on  verfe  ce  qu'elle  contient  dans  un 
mortier  de  fer  bien  fec  &:  un  peu  chauffe  :  la  ma- 
tière fe  fige  par  le  refroidiff^ement  :  elle  attire 
riiumidité  de  l'air  :  elle  a  une  faveur  alkaline. 
On  la  fait  diffoudre  dans  de  l'eau  :  on  filtre  la  li- 
queur :  fi  on  l'examine,  on  trouve  qu'elle  verdit 
le  fyrop  violât,  qu'elle  fait  effervefcence  avec  les 
acides  ,  &  qu'elle  a  toutes  les  propriétés  d'une  li- 
queur alkaline  j  mais  elle  contient  encore  beau- 
coup de  nitre ,  parceque  le  feu  n'a  pas  été  afl^ez 
long-temps  continué  pour  en  décompofer  la  tor 
talité. 


ÏT      RAISONNâi;  51.1  f 

R   E    M    A    R    q    U    E    S. 

Cette  expérience  prouve  que  le  nitre  ,  quoi- 
que fel  neutre  parfait,  eft  néanmoins  dccompofc 
Ï)ar  l'adion  du  feu  :  mais  cette  décompofition  n'a 
ieu  que  lorfque  le  nitre  a  communication  avec 
l'air  extérieur.  J'ai  répété  cette  expéiience  dans 
une  cornue  de  grcs  :  en  poulfant  le  feu  très  fort 
pendant  deux  heures ,  il  a  diftillé  un  peu  de  li- 
queur qui  étoit  fi  peu  acide,  qu'elle  rougilToit  à 
peine  la  teinture  de  tournefol  :  le  nitre  ,  refté 
dans  la  cornue ,  étoit  parfaitement  neutre  Se  n'a- 
voit  fouffert  aucune  altération. 

Lorfque  le  nitre  éprouve  une  forte  adtion  du 
feu  dans  des  vailleaux  à  l'air  libre ,  on  voit  l'a- 
cide fe  difliper  fous  la  forme  d'une  vapeur  rouge, 
&  qui  a  l'odeur  de  l'acide  nitreux  :  il  faut  bien 
diftinguer  cette  vapeur  d'avec  les  portions  de  ni- 
tre en  fubftance ,  qui  fautillent  par  la  violence 
du  feu  :  on  les  apperçoit  par  la  déronnation  ,  en 
approchant  un  charbon  ardent  près  du  vaifîeau. 
Dans  unefemblable  expérience  ,  j'ai  continué  le 
feu  pendant  deux  heures.  Tout  le  nitre  s'eft  vola- 
tilifé  :  il  n'efl:  abfolument  rien  refté  ,  pas  même 
un  veftige  de  l'alkali  du  nitre  :  mais  lorfqu'on  ne 
continue  le  feu  qu'autant  de  temps  que  nous  l'a- 
vons dit ,  tout  le  nitre  n'eft  ni  volatilifé ,  ni  en- 
tièrement décompofé.  En  faifant  évaporer  la  li- 
queur alkaline  au  point  convenable  ,  on  obtient , 
par  le  refroidiffement ,  la  portion  de  nitre  qui  a 
;cchappé  à  l'adtion  du  feu ,  Se  la  liqueur  reftantc 
eft  riche  en  alkali  du  nitre. 

Nitre  à  l'air. 

Ce  fel  ne  fouffre  aucune  altération  de  la  part 


4^4  Chymie  expérimentale 
de  l'air  :  il  n'efl:  point  déliquefcent  •,  au  contraire 
il  fe  delfechc  en  perdant  l'eau  de  fa  cryftallifation, 
fans  cependant  tomber  en  eftervefcence.  Il  de- 
vient d'un  blanc  mat ,  &  perd  de  fa  tranfparence. 
Lorfqu'il  a  été  bien  féché  à  l'air,  il  ne  diminue 
prefque  point  de  fon  poids  à  la  fufion.  Si  le  nitre 
peut  tormer  quelques  combinaifons  avec  l'air, 
elles  font  abfolument  inconnues. 

Nitre  avec  de  l'eau. 

Le  nitre  fe  dilTout  très  bien  dans  l'eau  fans 
foufFrir  aucune  altération  :  il  reforme  des  cryftaux 
tels  qu'ils  étoient  auparavant.  Il  eft  un  des  fels 
quife  cryftallifent  par  le  refroidilîement ,  &:  donc 
l'eau  chaude  en  diflout  davantage  que  l'eau 
froide.  Quatre  onces  d'eau  bouillante  difTolvent 
dix  onces  de  nitre  :  lorfqu'on  fait  cette  dilfolu- 
tion  dans  un  matras,  la  pellicule  qui  fe  forme  à 
la  furface  de  la  liqueur ,  eft  à  peine  fenfible ,  par- 
cequ'elle  eft  didoute  continuellement  par  les  va- 
peurs qui  retombent  defllis  :  mais  il  n'en  eft  pas 
de  même  lorfqu'on  fait  cette  diftolution  dans  un 
vaifteau  qui  a  une  libre  communication  avec  l'air  : 
il  fe  forme  une  pellicule  à  la  furface  de  la  li- 
queur ,  même  lorfque  le  nitre  eft  difl^ous  par  fou 
poids  égal  d'eau. 

Le  nitre  produit  du  froid  en  fe  dilTolvant  dans 
l'eau. 

Nitre  &  glace. 

On  avoitpenfé,  avant  M.  de  Réaumur ,  que  le 
nitre  produifoit  beaucoup  de  froid.  Les  Phyfi- 
ciens  s'en  fervoient  même  pour  expliquer  la  caufe 
du  froid ,  mais  vraifemblablement  fans  avoir  fait 
aucune  expérience  ,  car  ils  fe  feroient  convain- 

•  "       \ 


ET      RAISONNAI.  4Î5 

eus ,  comme  M.  de  Réaumur ,  que  le  nitie  ne 
donne  que  peu  de  froid.  Ce  Phyficien  a  mêlé  du 
nicre  &  de  la  glace  dans  toutes  fortes  de  propor- 
tions: le  plus  grand  froid  qu'il  ait  pu  produire,  a 
été  de  trois  degrés  Se  demi  au-deflous  du  terme 
de  la  glace ,  la  température  étant  au  terme  de  la 
congélation  :  il  s'ell:  encore  afTuré  que  lorfque  le 
nitre  produit  un  plus  grand  froid  ,  c'eft  à  raifon 
du  fcl  marin  qu'il  contient  :  ce  froid  eft  propor- 
tionnel à  la  dofe  du  lel  marin  qui  lui  efl:  mclée. 
P^oye:^  les  Mémoires  de  l' Académie ,  année  1734, 
page  1^7. 

Nicre  &  terres  vitrifiables. 

Le  nitre ,  par  la  voie  humide  &  par  la  voie  fe- 
che  ,  n'a  point  d'a6lion  fur  les  terres  vitrifiables , 
tant  qu'il  eft  dans  l'état  de  nitre  ;  mais  ,  comme 
nous  l'avons  tait  remarquer,  il  fe  décompofepar 
i'aâ:ion  du  feu  &i  le  concours  de  l'air  :  [on  acide 
fe  diflipe ,  l'alkali  alors  porte  fon  adion  fur  les 
terres  vitrifiables  ,  les  fait  entrer  en  fufion  ,  &:  fe 
convertit  avec  elles  en  verre  net  &  tranfparent, 
comme  le  fait  l'alkali  fixe  ordinaire.  Je  réferve 
ce  que  j'ai  à  dire  fur  cette  matière  pour  l'article 
de  la  Verrerie  &c  de  la  Vitrification. 

Nitre  avec  les  matières  combufiibles. 

Le  nitre,  à  l'aide  du  feu,  a  une  action  fingu- 
liere  fur  les  matières  combufiibles  :  il  s'empare 
de  leur  phlogiftique  :  fon  acide  fe  brCde  &  fe  dé- 
truit avec  elles  :  cetzQ  inflammation  produit  una 
chaleur  capable  de  faire  entrer  en  fufion  des  corps 
alfez  difficiles  à  fondre. 


Jfï^  ChYMIE    ÏXPÉM  MENTAL!* 

Poudre  de  fufion. 

On  fait  un  mclangc  exadl  de  trois  onces  de  nî- 
tre  en  poudre  ,  d'une  once  de  foufre  en  poudre  , 
&  d'une  once  de  fciure  de  bois.  On  conferve 
cette  poudre  dans  une  bouteille. 

On  met  dans  une  coquille  de  noix  un  peu  de 
cette  poudre ,  &  par-dellus  une  pièce  de  fix  liards 
un  peu  pliée  pour  qu'elle  ne  touche  point  les  pa- 
rois de  la  coquille  :  on  recouvre  cette  pièce  de  la 
même  poudre  j  alors  on  y  met  le  feu  avec  une 
allumette  ,  ou  un  petit  charbon  embrafé:  la  pou- 
dre s'enflamme  avec  rapidité,  &  produit  alTez  de 
chaleur  pour  faire  entrer  la  pièce  de  métal  dans 
une  véritable  fufion  :  on  la  trouve  au  fond  de  la 
coquille  réduite  en  un  petit  lingot  bien  fondu. 

On.  fait  ordinairement  cette  expérience  dans 
une  coquille  de  noix ,  afin  d'y  ajouter  du  mer- 
veilleux :  fi  on  plonge  cette  coquille  dans  un 
verre  d'eau  aufïl-tôt  que  la  poudre  a  cefle  de  brû- 
ler j  on  obferve  qu'elle  n'eft  que  noircie  dans  fou 
intérieur ,  qu'elle  n'eft  point  brûlée ,  &:  qu'elle 
eft  en  état  de  fervir  de  nouveau  à  une  femblable 
opération. 

Cette  expérience  très  jfîmple  préfente  des  phé- 
nomènes vraiment  chymiques  :  le  premier  eft  \% 
coquille  de  noix  qui  ne  brûle  pas  j  le  fécond  eft 
la  fufion  du  métal.  Le  premier  s'explique  tout 
naturellement  :  la  coquille  eft  infulible  j  elle  ne 
peut  que  fe  brûler ,  mais  c'eft  de  furface  en  fur- 
face  :  le  feu  eft  trop  rapide  &:  point  aflcz  dura- 
ble pour  brûler  beaucoup  de  fon  épaifteur  :  il  n'y 
a  que  la  furface  touchée  par  le  feu  qui  fouffre  un 
peu  de  (on  aétion  ,  qui  brûle  réellement ,  &  qui 
continueroit  à  brûler  fi  on  ne  la  plongeoit  pas 
dans  de  l'eau. 

Le 


ET      RAISONNÉ  £.  417 

Le  fécond  phénomène  vient  de  ce  que  le  mé- 
tal eft  fLifible  iorfqu'il  eft  échauffe  à  un  ccrrain 
point  :  fa  fuiiace  fe  fond  &c  communique  fa  fu- 
libiiité  aux  parties  voifmes  3  ce  qui.  entraine-  la 
/uiion.  totale. 

N'itre  avec  U  phlogïfîitjue. 
Nitrc  fixé  pat  IcS  charbons  à  l'air  libre. 

On  met  une  certaine  quantité  de  nitre  dans  uix 
creufet  que  l'on  place  dans  un  fourneau  entre- les 
charbons  ardents  :  lorfque  le  nitre  eft  fondu  ,  ôi 
qu'il  commence  à  rougir,  on  projette  .une  cuil- 
lerée de  charbon  en  poudre  ,  pairée  au  tamis  de. 
crin  :  il  fe  fait  une  grande  déronnation  :  lorf- 
qu'elle  eft  palfce ,  on  remet  une  nouvelle  cuil- 
lerée de  charbon  :  on  attend  de  mènio  que  la  dé- 
Hagration  foit  paflée  :  on  continue  ainli  de  fuite 
julqu'à  ce  qu'en  remettant  du  charbon  ,  il  ;ic  fe 
falfe  plus  de  détonnation.  Urefte  dans  le  creufec 
une  matière  faline  :  on  la  fait  calciner  pendant 
environ  une  demi-heure,  à  un  feu  capable' da  la 
faire  prefque  entrer  en  fufion  :  alors  on  ote  le 
creufet  du  îeu  :  on  détache  le  fel  qu'il  contient  : 
on  le  fait  dilfoudre  dans  trois  ou  quatre  fois  fon 
poids  d'eau»:  on  filtre  la  liqueur,  èc  on  la.  fait 
évaporer  jufc]u'à  ficcité.  On  obtient  un  fel  ^Ikali 
qui  eft  plus  ou  moins  blanc  :  on  le  purifie  de  nou» 
veau  fi  l'on  veut,  en  le  faiianr  calciner  ,, «fans  le 
faire  tondre  ,  dans  une  Cvipfule  de  tetre  fous  la 
moufle  d'un  fourneau  de  coupelle  :  on  lefaitdif- 
foudrc  enfuite  dans  de  l'eau  :on  filtre  la  liqueur, 
&:  on  la  fait  évaporer  jufqu'à  ficcité:  ccfc  ce  que 
l'on  nomme  nitre  fixé  par  Us  charbons.  Si  on  le 
conferve  en  liqueur  un  peu  concentrée  ,  on  la 
rlomme  lïcjueur  de  nitre  jixc  ^  ôc  aikaeft  de  W^art' 
hclmont.  _  .•'»..•.' j- 

Tomc  L  ,  Và 


41 8        Chymië  exp  érïme  ntAlh 
Remarques. 

Lorfque  le  nirre  cefTe  de  détonner,  l'opéra- 
tion eft  finie  :  cependant  la  matière  l'aline  con- 
tient encore  un  peu  de  nitre  que  l'alkali  défend 
de  l'adion  du  phlogiftique  :  c'eft  pour  le  détruire 
que  l'on  fait  calciner  la  matière  après  la  défla- 
gration, &  pour  confumer  le  charbon  qu'on  au- 
roit  pu  employer  par  furabondance.  Quelques 
précautions  qu'on  prenne  ,  il  refte  toujours  un 
peu  de  nitre  de  non  décompofé ,  ainfi  que  du 
charbon  non  brûlé  :  l'alkali  défend  ces  fubftan- 
ces  Se  les  empêche  de  fe  détruire  mutuellement. 
On  peut ,  pour  accélérer  la  purification  de  ce  fel, 
le  retirer  du  creufet  dès  qu'il  ne  détonne  plus  , 
6c  le  calciner  pendant  deux  heures ,  fans  le  faire 
fondre ,  dans  une  capfule  de  terre  placée  fous  la 
moufle  d'un  fourneau  de  coupelle  :  comme  ce 
vafe  préfente  beaucoup  de  furface ,  la  matière 
phlogirtique  peut  s'y  confumer  plus  facilement: 
que  dans  le  creufet. 

A  mefure  que  le  nitre  fe  détruit  par  la  défla- 
gration ,  la  matière  faline ,  qui  devient  alkaline, 
"eft  de  plus  difficile  fufion,  parcequ'i!l  entre  dans 
fa  compofition  moins  d'eau  que  dans  celle  du  ni- 
tre. 

Ce  fel  a  moins  d'action  fur  les  creufets  :  il  ne 
les  détruit  pas  auffi  promptement  que  le  nitre  : 
c'eft  pourquoi ,  lorfque  le  creufet  a  échappé  à  la 
première  aétion  du  nitre ,  on  eft  sûr  qu'il  fera  en 
état  d'achever  l'opération.  J'àvois  imaginé,  pour 
remédier  à  cet  inconvénient,  de  projetter  dans  le 
creufet,  rougi  auparavant,  un  mélange  groflier  de 
nitre, &:  de  charbon  :  dans  ce  cas  le  nitre  s'alkalife 
fur-le-champ  :  il  n'a  pas  le  cemps  de  porter  fon 


i  r      RAISONNÉ  E.  419 

ectioti  fur  le  creufet ,  ni  de  pafler  au  tiavers  j  mais 
il  arrive ,  à  la  féconde  ou  à  la  troifieme  proje<5tion, 
que  la  matière  froide  ,  qui  vient  toucher  le  fel 
très  chaud ,  occafionne  des  exploitons  lorfqu  elle 
vient  a  détonner  :  elle  produit  une  chaleur  qui 
liquéhe  la  totalité  de  la  matière  faline.  La  nou- 
velle cuillerée  de  matière  qu'on  ajoute  ,  fe  préci- 
pite en  partie  fous  la  matière  fondue  ,  achevé  de 
détonner,  occafionne  un  gonflement  conlidéra- 
ble,  fait  monter  ôc  fauter  par  jets  la  matière  hors 
<iu  creufet. 

Quelques  pcrfonncs  recommandent d'employei* 
des  marmites  de  fer  j  mais  le  nitre  ôc  le  fel  alkali 
ont  beaucoup  d'atlion  fur  ce  métal.  Le  fel  qu'oa 
obtient  n'eft  jamais  blanc  ni  pur  ,  parcequ'il  eit 
chargé  de  fer  :  Talkali  ne  l'abandonne  que  difH- 
cilement  :  ce  fel  alkali  ne  peut  fervir  dans  une 
infinité  d'expériences  de  recherches  où  il  faut 
de  l'alkali  de  la  plus  grande  pureté. 

Dans  cette  opération  l'acide  nitreuxs'enfiamme 
èc  fe  détruit  :  il  quitte  l'alkali  pour  s'unir  au  phlo- 
giftique  du  charbon  ,  avec  lequel  il  forme  une 
forte  de  foufre  ou  de  phofphore  quiefl;  de  la  plus 
grande  combultibilité  ,  Se  qui ,  comme  nous  le 
verrons,  s'enflamme  même  dans  les  vaifieaux  clos. 
Cet  eft'et  vient  de  ce  que  l'acide  ,  lorfqu'il  eftbien 
concentré  ,  devient  réellement  inflammable  avec 
le  phlogiftique  dans  le  ^nouvement  igné.  Pour 
que  cette  inflammation  ait  lieu,  il  faut  ou  que 
cet  acide  ,  s'il  eft  libre,  foit  bien  concentré,  ou  , 
s'il  eft:  combiné  avec  une  bafe ,  que  cette  bafe  foit 
fufible.  Nous  avons  dit  que  l'acide  nitreux  hi- 
mant ,  dans  lequel  on  plonge  un  charbon  ar- 
dent ,  fait  une  déflagration  très  forte.  Dans  le  ni- 
tre ordinaire  ,  l'acide  nitreux  eft  uni  à  l'alkali 
qui  eft  une  bafe  fufible  ;  dans  l'un  &  dans  l'autte 

Ddij 


4Î0  CmYMIE    EXPERIMENTAtE 

cas,  l'acide  nitreux  dcHagre  avec  le  phlogiftique 
dans  le  mouvement  igné ,  parcequ'il  peut  cou- 
jours  être  en  contait  avec  le  phlogiftique  en- 
flammé. 11  n'en  eft  pas  de  même  lorfque  cet  acide 
eft  aqueux ,  ou  lorlqu'il  eft  uni  a  une  terre  cal- 
caire. Dans  le  premier  cas,  il  éteint  le  charbon 
ardent  qu'on  lui  préfente  ,  au  lieu  de  s'enflammer 
avec  lui  :  dans  le  {cconà  cas ,  la  terre  calcaire  n'é- 
tant point  fulîble,  le  nirre  à  bafe  terreufe  dé- 
tonne peu,  &  feulement  aux  endroits  touchés 
par  le  phlogiftique.  Ainfi,  ce  n'eft  pas  ,  comme 
on  l'avoir  penfé  ,  à  l'adhérence  de  l'acide  nitreux 
dans  une  bafe,  qu'eft  due  la  déflagration  de  l'acide 
nitreux  avec  le  phlogiftique ,  mais  feulement  au 
contact  des  deux  fubftances  ;  puifque  ,  comme 
nous  l'avons  fait  obferver ,  l'acide  nitreux  eft  très 
adhérent  aux  terres  calcaires ,  ôc  qu'il  eft  prefque 
auflî  difficile  de  l'en  féparer  par  la  feule  aéiion  du 
feu,  que  lorfqu'il  eft  uni  â  l'alkali  fixe.  Voyez  ce 
que  nous  avons  dit  à  ce  fujet  à  l'article  àii Nitre  à 
bafe  terreufe. 

Nous  remarquerons  encore  que,  pour  que  le 
nitre  ou  l'acide  nitreux  s'enflamme  avec  le  phlo- 
giftique, il  faut  que  l'un  des  deux  ,  le  nitre  ou 
le  phlogiftique  ,  foit  dans  le  mouvement  igné  ^ 
fans  cela ,  il  n'y  a  point  d'inflammation. 

Si  Ton  plonge  un  charbon  noir  dans  du  nitre  en 
fufion  ,  avant  qu'il  foit  rouge ,  il  ne  s'enflamme 
point  \  ce  n'eft  pas  ,  comme  on  pourroit  le  croire, 
parceque  le  nitre  n'eft  liquéfié  qu'à  la  faveur  de 
Ion  eau  de  cryftallifarion  ^  comme  cela  arrive  à 
certains  fels  qui  fe  liquéfient  d'abord  par  cet  in- 
termède, èc  qui  entrent,  après  cela,  réellement 
en  fufion,  après  qu'ils  en  font  privés.  Le  nitre 
n'eft  point  dans  le  cas  d'une  femblable  liquéfac- 
tion ,  parcequ'il  contient  fort  peu  d'eaudecryf- 


IT       RAISONNE  E.  41t 

tallifation  :  il  entre  tout  de  fuite  en  fufion  ;  mais 
s'il  relroit  quelque  cloute  à  ce  fujer,  on  peut  le 
faire  même  rougit  fortement  j  on  eft  certain  alors 
qu'il  ne  peut  contenir  d'eau  de  cryftallifation  :  fi. 
enfuite  on  le  tire  du  feu  ,  ôc  qu'on  le  lailTe  fe  dé- 
rougir ,  il  n'enflammera  pas  mieux  le  charbon 
qu'on  lui  préfentera,  quoiqu'il  puifle  relier  encore 
quelque  temps  dans  cet  état  de  hifion  ^  mxis  fi  au 
contraire  le  nitre  eft  rouge,  il  enflamme  j-ulll-tôc 
un  charbon  éteint.  Si  on  jette  du  nitre  en  poudre 
fur  du  charbon  ardent,  il  y  a  également  inflam- 
matioji.  Nous  avons  dit  que  l'acide  nitreux  fe  dc- 
compofoit&fedétruifoitpendantrinflammationj 
c'eft  ce  que  nous  allons  démontrer  par  l'expé- 
rience fuivante. 

I^  Lire  fixé  par  les  charbons  dans  des  valjfeaux  clos^ 
ClifTus  de  Nitre 

On  place  dans  un  fourneau  une  cornue  de  terre 
tubulée  ,  c'eft-à-direquiait  une  petite  ouverture 
ronde  dans  fa  partie  fupérieure  ,  qu'on  puilfe 
boucher  &  déboucher  à  volonté.  On  adapte  à  la 
■cornue  un  grand  ballon  de  verre,  percé  d'un  petic 
trou  à  un  des  côtés.  On  lute  le  ballon  au  col  de 
la  cornue  ,  avec  des  bandes  de  papier  enduites  de 
colle  de  farine  ou  d'amidon.  On  fait  fous  la 
cornue  un  feu  de  charbon,  pour  faire  rougir  Çon 
fond  :  lorfqu'il  eft  rouge ,  on  introduit  dans  la 
cornue  par  l'ouverture  pratiquée  à  fa  partie  fupé- 
rieure ,  environ  deux  ou  trois  îiros  d'un  mclantie 
fait  à  parties  cgalesde  nitre  &de  charbon  en  pou- 
dre :  on  bouche  aufli-tôt  l'ouverture  de  la  cornue „ 
5c  on  laide  ouvert  le  trou  du  ballon.  Le  mélange 
s'enflamme  «Se  détonne ,  comme  à  l'air  libre  :  il 
palfe  daixsle  ballon  une  grande  quantité  de  va- 

D  d  ii] 


42. 2.         Chymie  expérimentale 

penrs  blanches ,  épaifles  ,  6c  qui  s'y  condenfent 
peu  à  peu  :  lorfque  la  défiaguation  eft  paflee  ,  on 
remet  dans  la  cornue  une  pareille  quantité  de 
matière  :  on  attend  de  mcmc  que  l'effet  folipalfé 
avant  que  d'en  remettre  d'autre  :  on  continue  ainfl 
de  fuite  ,  jufqu'à  ce  que  l'on  ait  employé  environ 
huit  onces  de  mélange  :  on  laifTe  refroidir  les 
vaifTeaux  :  on  délute  le  ballon  :  on  verfe  dans  une 
bouteille  ce  qu'il  contient  ;  c'eft  ce  produit  que 
l'on  nomme  diffus  de  nïtre.  On  donne  ce  nom  à 
toutes  les  fubftances  qu'on  obtient  par  une  fem- 
blable  opération. 

Cette  liqueur  n'eft  point  acide  :  elle  a  au  con- 
traire, pour  l'ordinaire  ,  une  faveur  alkaline  \ 
mais  c'eft  accidentellement  :  elle  verdit  même  Iç 
fyrop  violât. 

R'EMAKÇIV'ES. 

Il  eft  eftentiel  d'employer  dans  cette  opération 
nnc  cornue  de  terre  qui  puide  rélifter  à  la  chaleur 
fubite  qui  s'excite  lors  de  l'inflammation  du  mé- 
lange :  une  cornue  de  grès  ou  de  verre  calleroit 
indubitablement.  On  remarque  qu'il  palTe  dans 
le  ballon  des  étincelles  qui  y  font  apportées  par 
les  vapeurs  qui  y  entrent  avec  rapidité.  Lorfqu'on 
tient  l'ouverture  du  ballon  ouverte  ,  il  n'y  a  poinc 
à  craindre  pour  la  rupture  du  vailfeau.  Ces  va- 
peurs n'ont  pas  une  grande  élafticité  :  elles  ont 
une  odeur  phlogiftique  femblable  à  celle  que  ré- 
pand Talkali  jette  fur  è,t^  charbons  ardents ,  &: 
qui  fe  réduit  en  vapeurs  par  la  violence  du  feu  : 
ces  vapeurs  font  long-temps  à  fe  condenfer ,  & 
fournilTent  bien  peu  de  liqueur  :  huit  onces  de 
mélange  en  fournilTent  à  peine  deux  gros.  Cette 
liqueur  eft  alkaline  \  mais  c'eft  accidentellement  ; 


IT      RAISONNES.  4I5 

elle  provient  de  la  bafe  alkaline  du  nitre  dont 
une  petite  portion  a  été  enlevée  par  la  rapidité 
de  l'inflammation  ,  &  a  palTé  avec  les  vapeurs. 

11  eft  évident  que,  dans  cette  expérience,  l'acide 
nitreux  a  été  complettement  détruit ,  puifqu'on 
n'en  retrouve  aucun  veftige.  Mais  un  autre  phé- 
nomène qui  n'eft  pas  moins  furprenant ,  c'eft  la 
petite  quantité  de  liqueur  qu'on  retrouve  après 
l'opération.  Cependant  il  eft  certain  que  le  nitre 
contient  une  très  grande  quantité  d'eau  principe 
à  ce  fel  :  il  y  a  lieu  de  penfer  que  cette  eau  fait 
partie  de  quelque  autre  combinaifon  qu'on  ne  re- 
trouve plus ,  ou  qu'elle  s'eft  détruite  &  dilîipée 
Fendant  la  déflagration  du  nitre.  On  trouve,  après 
opération  ,  au  fond  de  la  cornue  ,  l'alkali  du  ni- 
tre :  on  ne  peut  pas  foupçonner  qu'il  ton  tient 
toute  l'eau  du  nitre ,  parcequ'il  entre  moins  d'eau 
dans  fa  compofition  ,  qu'il  n'en  entre  dans  le  ni- 
tre :  on  peut  purifier  ce  fel ,  comme  nous  l'a- 
vons dit  précédemment  pour  le  nitre  fixé  dans 
un  creufet. 

l^itre  avec  de  l'huile  d'olive. 

Le  nitre  n'a  point  d'aétion  fur  les  matières  hui- 
leufes  j  mais  fi  l'on  chauffe  ce  mélange  au  point 
d'enflammer  une  des  deux  fubftances  ,  alors  il  fe 
fait  une  déflagration ,  comme  avec  les  autres  ma- 
tières combuftibles  6c  le  charbon. 

Nitre  &  terres  calcaires» 

Le  nitrâ  n'a  point  d'aétion  fur  les  terres  calcai- 
res par  la  voie  humide  j  mais  il  en  a  beaucoup 
par  la  voie  feche  ,  &  le  concours  de  l'air.  L'acide 
nitreux  fe  difllpe  ,  &:  l'alkali  vitrifie  ces  terres  :il 
les  réduit  en  des  verres  nets  ^  tranfparents. 

Ddiv 


4^4       Chymie  expérimentale 

Nitre  &  acide  vitriolique. 

Efpiit  de  nitrc  fumant  à  la  façon  de  Glauber.  Tartre 
vitriolé. 

On  choi/ît  une  bonne  cornue  de  grès  ,  de  la 
contenance  d'environ  dix  ou  douze  livres  d'eau  : 
on  garnit  l'intérieur  de  fon  col  avec  un  rouleau  de 
papier  :  il  faut  qu'il  defcende  un  peu  au  deffous 
de  fa  courbure.  On  met  dans  cette  cornue  ,  par  le 
canal  de  papier  ,  quatre  livres  de  nitre  très  pur  » 
bien  (qc  Ôc  pulvérifé  :  on  verfe  par-defTiis  deux 
livres  d'acide  vitriolique  concentré  :  on  fe  ferc 
pour  cela  d'un  col  de  matras,  ou  d'un  entonnoir 
de  verre  ,  qui  ait  un  tuyau  alTez  long  pour  entrer 
jufques  dans  la  capacité  de  la  cornue.  On  ôte  l'eU' 
tonnoir  ôc  le  rouleau  de  papier  :  on  pofe  fur  les 
deux  barres  de  fer  d'un  fourneau  de  réverbère 
«ne  afîîette  de  terre  verniflée,  dans  laquelle  on  a 
mis  un  peu  de  fable.  On  pofe  le  cul  de  la  cornue 
fur  cette  alUette  ,  8c  on  fait  paiïer  le  col  par  l'é- 
chancrure  du  fourneau  :  on  adapte  au  col  de  la 
cornue  un  grand  ballon  de  verre ,  percé  d'un  pe- 
tit trou  ,  qu'on  laiiïe  ouvert  :  on  liite  les  jointu- 
res des  vaifTeaux  avec  du  lut  gras  :  on  applique 
par-deffus  des  bandes  de  toile  enduites  de  lut  de 
chaux  éteinte  à  l'air,  délayée  avec  un  peu  d'eau 
&  des  blancs  d'œufs  :  on  affiijettit  ces  luts  avec  de- 
la  ficelle ,  dont  on  fait  plufieurs  tours  ;  alors  on 
bouche  le  petit  trou  du  ballon  avec  de  la  cire 
molle  î  on  ajufte  le  dôme  fur  le  fourneau  :  on 
bouche  les  joints,  ain/i  que  l'ouverture  par  où 
palTe  le  col  de  la  cornue  ,  avec  de  la  terre  d  four , 
pêcrie  avec  de  l'eau.  Lorfque  tout  cet  appareil  eC'c 
^infî  difpofé  ,  on  commence  la  diftillation  par  un 
Wè5  peùc  feu ,  afin  d'échauffé?  dpuççment  la  cqx^ 


IT      RAISONNE  E.  4I5 

nue  ,  &  par  degrcs.  Pendant  la  première  heure, 
il  palTe  environ  une  once  &:  demie  d'acide  ni- 
treux  jaunâtre  &:  peu  fumant  ;  il  eft  fuivi  par  des 
vapeurs  rouges  très  claftiques ,  qui,  en  moins 
d'un  inftant,  remplillenc  toute  la  capacité  du  bal- 
lon, &  robfcurciirent  confidcrablement  ;  elles 
échautfent  aulli  toute  la  partie  fupcrieure  de  ce 
vailTeau.  C'eft  dans  cet  inftant  de  la  diftillatioii 
qu'il  i^iut  déboucher  de  temps  en  temps  le  petit 
trou  du  ballon  ,  bien  ménao;er  le  feu  ,  ^'  ne  l'au- 
gmenter que  lorfciue  la  dillillation  fe  ralentit  ; 
ce  que  l'on  reconnoît  en  comptant ,  par  le  batte- 
ment du  pouls  ,  le  nombre  de  fécondes  qu'il  y  a 
d'intervalle  entre  chaque  goutte  :  on  reconnoîc 
encore  que  la  diftillation  fe  ralentit  lorfque  le 
jet  de  vapeur  ,  qui  fort  par  le  petit  trou  du  bal- 
Ion  ,  ett  moins  long.  On  continue  le  feu ,  3c  ou 
l'augmente  par  degrés  ,  jufqu'à  faire  rougir  la 
cornue  ,  qu'il  ne  dilHlle  plus  rien  ,  qu'il  ne  forte 
plus  de  vapeurs  de  la  cornue  ,  &  que  le  ballon  fe 
refroidilïe  ,  malgré  la  violence  du  feu. 

Lorfque  la  plus  grande  chaleur  du  fourneau 
eft  tombée ,  on  débite  le  ballon  :  on  verfe  ce  qu'il 
contient  dans  un  flacon  de  cryftal  ,  bouché  auflî 
de  cryftal ,  Se  ufé  a  l'émeri  :  on  obferve  ,  en  vui- 
dant  cet  acide,  de  fe  ménager  un  courant  d'air 
pour  emporter  les  vapeurs ,  afin  de  n'en  pas  être 
incommodé ,  parcequ'elles  font  fort  dangereufes 
à  refpirer. 

On  obtient  ordinairement  deux  livres  &:  une 
once  d'acide  nitreux  ,  bien  concentré  &:  bien  fu- 
mant :  il  eft  d'une  couleur  jaune  ardente  :  il  pefe 
douze  gros  dans  une  bouteille  qui  contient  une 
once  d'eau. 

Il  refte  dans  la  cornue ,  après  l'opération ,  une 
malTefaline  très  blanche ,  poreufe ,  demi-fondue , 


4^6  ChYMIE    EXPÉRIMENTAL! 

&  qui  s'eft  moulée  dans  le  fond  de  la  cornue  : 
c'eft  un  compofé  de  l'alkali  hxe  du  nitre  &  de 
l'acide  vitriolique  j  elle  pefe  ordinairement  trois 
livres  fept  onces.  Cette  matière ,  difToute  dans 
l'eau  ,  filtrée  &  mife  à  cryftallifcr ,  forme  un  fel 
que  l'on  nomme  tanre  vitriolé  ^f cl  de  duobus  ÔC 
arcanum  dupUcatum^ 

Remakq^ues. 

Le  rouleau  de  papier  dont  on  garnit  l'intérieur 
du  col  de  la  cornue  ,  &  le  tuyau  de  verre  qui  fert 
à  introduire  l'acide  dans  ce  vaifTeau,  font  pour 
empêcher  qu'il  ne  refte  ,  ou  du  nitre ,  ou  de  l'acide 
vitriolique  dans  les  rugofités  du  col  de  la  cornue. 
Si,  lorfqu'on  retire  le  tuyau ,  il  s'échappe  quelques 
gouttes  d'acide,  elles  tombent  fur  le  papier:  on 
le  retire  promptement ,  afin  de  ne  point  lui  don- 
ner le  temps  d'être  pénétré ,  ni  celui  de  mouiller 
les  parois  du  col  de  la  cornue. 

L'alTiette  de  terre  garnie  de  fable  qu'on  met 
fous  ce  vairteau ,  fert  à  l'afiujettir  &:  à  le  garantir 
de  la  flamme  de  quelques  fumereaux  quife  trou- 
vent toujours  dans  le  charbon  :  ils  feroient  cafler 
la  cornue  dans  les  commencements  de  l'opéra- 
tion. Il  fautj  lorfqu'on  s'apperçoit  qu'il  y  en  a  , 
les  retirer  aulTi  tôt. 

On  laiiïe  le  petit  trou  du  ballon  ouvert  pen- 
dant qu'on  lute  ce  vaifTeau  à  la  cornue  ,  afin  de 
donner  iffue  à  la  fortie  des  vapeurs  ;  fans  cette 
précaution ,  elles  reflueroient  fur  les  jointures  des 
vaifTeaux  ,  les  humederoient ,  &:  empêcheroient 
qu'on  y  pût  faire  adhérer  le  lut  aulTi  exadement 
que  cela  eft  nécefTaire. 

Les  vapeurs  de  l'acide  nitreux  font  très  actives  , 
très  corroiives  :  c'eft  pour  cette  raifon  qu'il  fauc 


IT      RAISONNÉ  E.  '41^ 

Faire  choix  d'an  hit  fur  lequel  elles  n'aient  point 
d'aôtion  ,  finon  il  feroit  détruit  en  un  inftant  j 
l'acide  fe  difliperoit ,  fans  qu'il  fut  poflible  de 
l'empccher  de  s'échapper.  Le  lut  gras  réfifte  très 
bien  à  ces  vapeurs.  On  commence  par  en  mettre 
fur  les  joints  un  rouleau  de  huit  à  neuf  lignes 
d'épailfeur  :  on  appuie  delfus  avec  les  doigts  pour 
le  faire  adhérer  ik  pour  l'étendre  un  peu,  en  olv 
fervantde  tenir  le  milieu  plus  épais  que  vers  les 
bords ,  afin  de  former  un  bourlet  :  on  l'unit  Se 
on  le  liiTe  avec  un  peu  de  fuif  qu'on  fe  met  au 
bout  dos  doigts  ,  &  l'on  fait  difparoître  toutes 
les  fentes.  Ce  lut  tout  feul  eft  en  ctat  de  réfifter  à 
l'aélion  des  vapeurs  de  l'acide  nitreux  ^  mais  il  n'a 
pas  aiïez  de  ténacité  :  il  fe  dérangeroit  au  moin- 
dre ébranlement.  On  eft  à  l'abri  de  cet  inconvé- 
nient en  appliquant  par-dellus  des  bandes  de 
toile  enduites  de  lut  de  chaux  Se  de  blancs 
d'œufs  :  ce  fécond  lut  ne  rélifteroit  pas  aux  vapeurs 
de  cet  acide  ;  il  n'y  eft  pas  expole  non  plus ,  3c 
prend  de  la  retraite  :  il  durcit  en  féchant ,  main- 
tient le  premier  lut,  &c  le  met  à  l'abri  des  ébran- 
lements. La  ficelle  qu'on  met  pour  aftujettir 
ces  luts  ,  leur  donne  encore  de  la  folidité  :  on 
peut,  pour  plus  grande  fureté  ,  ajouter  par-def- 
lus  la  ficelle  des  bandes  de  linge  enduites  da 
même  lut  de  chaux  &  de  blancs  d'œufs.  Malgré 
toutes  les  précautions  que  nous  recommandons 
de  prendre  pour  appliquer  ces  luts ,  fi  l'on  n'eft 
pas  un  peu  accoutumé  à  opérer  ,  on  les  verra 
manquer  pendant  le  cours  de  l'opération. 

Le  lut  gras  a  l'avantage  précieux  de  ne  jamais 
fécher  à  fond,  &:  de  pouvoir  s'enlever  facilement, 
même  après  des  diftillations  de  plufieurs  jours  :  il 
ne  fe  defteche  jamais  alTez  pour  mettre  les  vaif- 
feaux  en  danger  d'être  calfés ,  lorfqu'il  eft  nécef- 


42.8        Chymie  expérimentale 

faire  de  les  déluter  j  ce  à  quoi  l'on  eft  expofé 
avec  du  lut  de  vitrier  :  ce  dernier  eft  fait  avec  de 
la  craie  j  il  eft  d'ailleurs  dilToluble  par  les  vapeurs 
acides. 

On  peut ,  il  l'on  veut,  au  lieu  d'un  feul ballon, 
employer ,  conjointement  avec  lui,  un  vaiiîeau 
de  hgure  conique,  que  l'on  nomme  aionge ;  il 
s'introduit  par  un  bout  dans  le  ballon  ,  &:  dans 
l'autre  ouverture  on  fait  entrer  le  bec  de  la  cornue. 
Cet  appareil  a  l'avantage  d'éloigner  le  ballon  de 
la  chaleur  du  fourneau,  laquelle  chaleur  retarde 
la  condenfation  des  vapeurs  de  l'acide  nitreux  : 
alors  on  a  deux  jointures  à  luter ,  6c  qui  exigent 
toutes  deux  les  précautions  dont  nous  avons  parlé. 
Je  préfère  ,  à  caufe  de  cela  ,  un  feul  ballon  :  on  le 
garantit  de  la  chaleur  ,  en  l'interceptant  par  le 
moyen  d'une  planche  qu'on  place  entre  lui  8c  le 
fourneau:  on  applique  encore  des  linges  mouillés 
fur  la  partie  fupérieure  du  ballon  ,  de  on  les  re- 
nouvelle de  temps  en  temps ,  afin  de  mieux  faci- 
liter la  condenfation  des  vapeurs  de  l'acide  ni- 
treux. Lorfqu'on  rafraîchit  ce  vaiffeaii ,  il  faut 
obferver  qu'il  ne  foit  pas  trop  chaud  j  s'il  l'étoit , 
on  courroit  les  rifques  de  le  faire  caOTer. 

Quelques  perfonnes  recommandent  de  fe  fer- 
vir  d'une  cornue  tubulée  pour  faire  l'efprit  deni- 
tre  fumant  :  on  introduit  par  cette  ouverture  l'a- 
cide vitriolique,  après  que  les  vaiffêaux  font  lu- 
tés.  Cette  manipulation  eft  fondée  fur  ce  que  l'on 
croit  que  l'acide  vitriolique  agit  au(lî-tôt  qu'il 
touche  le  nitre  ,  Se  que  les  vapeurs  qui  s'en  élè- 
vent empêchent  d'agir  &  de  luter  commodément 
les  vaifteaux  ^  mais  cela  n'eft  point.  Celles  qui  fe 
dégagent  font  psu  abondantes ,  &  ne  font  aiîcun 
embarras  ,  pourvu  qu'on  laifte  ouvert  le  trou  du 
ballon  pendant  qu'on  lute  les  vaiifeaux» 


IT      RAISON  NBE.  4I9 

Lorfqu'on  verfe  fur  le  nicre  l'acide  vitriolique 
bien  concentré  ,  comme  il  faut  qu'il  le  foit  pour 
cette  opération  ,  le  mélange  s'échauffe  un  peu. 
Cet  acide  a^it  foiblement  à  troid  fur  le  nitre; 
cependant  il  agit  alfez  pour  faire  élever  quelques 
vapeurs  blanchâtres  :  elles  ont  une  odeur  bien 
marquée  d'acide  nitreux  ,  Se  fe  condenfent  faci- 
lement j  mais ,  à  l'aide  de  la  chaleur ,  l'acide  vi- 
triolique décompofe  le  nitre  plus  efficacement  :  il 
dégage  l'acide  nitreux  ,  &c  il  s'empare  de  fix  bafe 
alkaline.  Comme  l'acide  vitriolique  n'eft  com- 
biné avec  aucune  bafe,  Se  qu'il  ell  libre,  il  dé- 
compofe le  nitre  tour  à  la  fois  j  celui-ci  entre  dans 
une  forte  de  fufion  dès  le  premier  degré  de  cha- 
leur :  c'efl:  dans  cet  inftant  qu'il  taut  bien  ména- 
ger le  feu ,  finon  il  s'élève  tout-à-coup  une  quan- 
tité prodigieufe  de  vapeurs  très  élaftiques ,  qui 
feroient  crever  le  ballon.  Le  mélange  fe  gonfle 
confidérablement;  il  s'élève  hors  de  la  cornue, 
ôc  palfe  en  fubftance  dans  le  ballon.  Lorfque  cet 
<iccident  arrive  ,  il  faut  ôter  le  feu  du  fourneau, 
tenir  ouvert  le  trou  du  ballon ,  lailTer  refroidir  les 
vailîeaux  ,  &  remettre  dans  la  cornue  ce  qui  a 
paire  dans  le  récipient ,  pour  le  diililler  de  nou- 
veau. 

-  Pendant  le  cours  de  cette  diftillation  ,  il  fe  dif- 
flpe ,  par  le  petit  trou  du  ballon  ,  environ  le  fixie- 
me  du  poids  de  l'acide  nitreux.  Ileft  difficile  d'é- 
viter cette  perte,  parcequ'on  ne  peut  fe  difpenfer 
de  déboucher  cette  ouverture  de  temps  en  temps, 
pour  faciliter  la  condenfation  ,  &c  la  fortie  d'unp 
partie  des  vapeurs  trop  raréfiées  j  fans  cette  pré- 
-caution  ,  le  vaifleau  feroit  en  danger  de  crever. 
On  juge  de  l'état  de  la  diftillation  par  la  longueur 
jàu  jet  de  vapeurs  qui  fort  par  le  petit  trou  du 
ballon  :  il  faut  avoir  attention  qu'il  n'ait  jamais 


450  CmYMIE    EÎCpiRIMEîs'TALE 

plus  de  huit  ou  dix  pouces  de  longueur;  s'il  croit 
plus  long,  &  qu'il  fortît  avecfilïlementjilfaudroic 
ralenrir  le  feu  :  il  paffe  beaucoup  de  cet  acide  en 
vapeurs  ;  mais  il  S'en  diftiUe  aulîî  goutte  A  goutte. 
On  juge  encore  de  l'érat  de  la  diftillation  par  le 
nombre  de  fécondes  qu'on  peut  compter  pendant 
l'intervalle  de  la  chute  d'une  goutte  d  l'autre  : 
cette  méthode  elltrès  fure  ;  elle  eft  générale  pouu 
coûtes  les  diftillationsquife  font  goutte  à  goutte, 
6c  dont  il  eft  important  de  connoître  l'accélcra- 
xion  ou  le  ralentiflement  :  fans  des  précautions 
de  ce  genre  ,  on  travaille  au  hafard ,  Se  l'on  court 
les  rifques  de  fe  bleffer  par  des  exploficns  qui  ne 
manquent  pas  d'arriver. 

Lorfque  la  température  n'a  que  dix  degrés  de 
chaleur  au-defuis  du  terme  de  la  glace  ,  on  peut 
conduire  la  diftillation  de  manière  qu'il  foit  fa- 
cile de  compter  dix  fécondes  entre  la  chiite  d'une 
goutte  à  l'autre ,  &  cela  depuis  le  commencement 
jufqu'à  la  nn  de  la  diftillation.  Mais  fi  l'on  fait 
cette  opération  dans  les  chaleurs  de  l'été,  &  lorf* 
que  la  température  eft  à  vingt  degrés  au-defTus  de 
la  glace ,  il  eft  bien  effenriel  de  conduire  le  fea 
de  façon  qu'on  puilTe  compter  au  moins  quarante 
fécondes  entre  la  chute  des  gouttes  :  s'il  fe  trouve 
moins  d'intervalle  entre  elles,  on  met  les  vaif- 
"feaux  en  danger  de  crever  :  d'ailleurs  la  plus  grande 
partie  de  l'acide  fort  en  vapeurs  très  élaftiques 
par  le  petit  trou  du  ballon,  qu'on  eft  obligé  de 
déboucher  plus  fouvent.  Lorfqu'on  veut  obferver 
la  chute  des  gouttes ,  on  place  une  lumière  de 
façon  que  le  col  de  la  cornue  foit  entre  l'œil  de 
l'obfervateur  &:  la  lumière  :  on  la  met  dans  la  po- 
fition  la  plus  favorable  ,  pour  qu'on  puilTe  voir 
tomber  la  goutte  du  bec  de  la  coi'nue  j  ce  qui  n'eft 


I  T      B.  A  I  S   O   N  K  E  E.  43  I 

ias  toujours  facile  ,  parceque  rabondance  des  va- 
jeurs  rouges  de  cet  acide  obfcuicir  tellement 
e  ballon  ,  qu'on  ne  peut  voir  que  difficilement  au 
travers. 

Les  vapeurs  de  l'acide  nitreux  cha^Tent  tout  l'air 
de  l'intérieur  du  ballon  ,  ôc  elles  en  prennent  la 
place.  Lorfque  la  clialeur  vient  à  diminuer ,  ou 
que  les  vapeurs  celfent  de  venir  avec  la  même 
abondance  ,  on  apperçoit ,  en  débouchant  le  trou 
du  ballon  ,  qu'il  ne  fort  plus  de  vapeurs  j  il  s'in- 
troduit au  contraire  un  courant  d'air  avec  fiftle- 
nient,  qui  forme  dans  l'intérieur  un  cône  de  va- 
peurs blanchâtres.  Cet  effet  vient  de  l'humidité 
que  l'air  porte  avec  lui  :  il  affoiblit  l'acide  nitreux 
réduit  en  vapeurs ,  ôc  change  leur  couleur.  Lorf- 
que cela  arrive ,  on  bouche  fur-le-champ  le  petit 
trou  du  ballon,  parcequ'il  fe  rempliroit  d'air,  &: 
qu'il  faudroit  l'cvacuer  enfuite  ;  ce  qui  ne  fe  fait 
pas  fans  perte  :  d'ailleurs  l'air  porte  avec  lui  de 
l'humidité  ,  dont  cet  acide  eft  fort  avide  j  ce  qui 
diminue  fa  concentration. 

Si  l'on  avoir  des  ferpentins  de  grès  ou  de  verre 
d'un  large  diamètre ,  plongés  dans  des  cuves  d'eau 
fraîche  ,  comme  on  en  a  d'étam  pour  les  diftilla- 
tions  ordinaires  ,  on  diminueroit  conlîdérable- 
ment  les  difficultés  ôc  les  dangers  de  cette  opéra- 
tion. 

A  mefure  que  la  décompofition  du  nitre  fe 
fait  par  l'intermède  de  l'acide  vitriolique,  il  fe 
forme  dans  la  cornue  une  nouvelle  combinai- 
fon  faline  ,  qui  eft  du  tartre  vitriolé  :  ce  fel 
eft  de  plus  difficile  tufion  que  le  nitre  ^  ilconferve 
dans  fon  centre  une  portion  de  nitre  non  décom- 
pofé  ,  ou  de  l'acide  nitreux  qui  ne  peut  s'élever 
^u'à  la  derniers  violence  du  feu ,  à  caufe  de  fon 


4^2.  ClIYMIE    EXPERIMENTAT.! 

adhérence  au  rarcre  vitrtolé  :  on  le  retrouve  fur  la 
fin  des  cryftallifations  de  ce  fel ,  comme  nous  Iç 
dirons  dans  un  inftanc. 

Lorlqiie  le  teu  a  été  adminiftré  modérément , 
ë>c  qu'on  veut  l'augmenter  trop  précipitamment 
fur  la  fin ,  il  s'élève  tout-à  coup  une  quantité  con- 
lidérable  de  vapeurs  de  l'acide  nitreux  le  plus 
concentré  :  le  ballon  feroit  en  danger  d'être  calTé , 
fi  l'onn'avoit  pas  foin  de  déboucher  le  petit  trou 
très  fouvent ,  pour  éviter  Taffluence  de  ces  der- 
iiieres  vapeurs  :  il  faut  n'augmenter  le  feu  que 
par  degrés ,  de  manière  que  la  cornue  ne  de- 
vienne rouge  que  dans  l'efpace  des  trois  dernières 
heures.  Cette  opération  dure  environ  vingt  X 
vingt-quatre  heures ,  lorfqu'on  la  fait  dans  une 
température  de  dix  degrés  au-delfus  de  la  congé- 
lation ,  Se  au  deffoLis  :  mais  elle  eft  plus  labo- 
rieufe  &  plus  longue  pendant  les  chaleurs  de 
l'été  :  elle  dure  quarante  à  cinquante  heures,  ôc 
quelquefois  davantage  ,  lorfqu'on  la  fait  aux  do- 
fes  que  j'ai  indiquées. 

Les  vapeurs  de  l'acide  nitreux  font  très  dange- 
reufes  :  il  faut  éviter  avec  grand  foin  de  les  refpi- 
rer  :  elles  font  fufîoquantes  ,  ôc  font  une  impref- 
fion  vive  fur  les  poumons  j  mais  ce  n'eft  que  quel- 
ques moments  après  qu'on  les  a'réfpirées.  Comme 
elles  ne  font  pas  d'impreflions  douloureufes  fur- 
ie-champ ,  on  ne  s'en  méfie  pas  d'abord  j  mais 
un  inftant  après  ,  elles  excitent  à  toufier  violem- 
ment, jufqu'a  faire  cracher  le  fang.  Lorfqu'on 
vuide  le  ballon  ,  il  faut  fe  mettre  vis-à-vis  d'une 
porte  ou  d'une  fenêtre  ,  afin  d'avoir  un  courant 
il'air  qui  puiffe  emporter  les  vapeurs  qui  s'échap- 
pent. . 

On  peur ,  fi,  l'on  veut ,  rendre  cet  acide  en- 
core plus  fumant  qu'il  ne  l'efl ,  parle  procédé  que 

nous 


ST      RAISONNÉ  E»  455 

ItoiiS  avons  indique  :  il  fufHt  pour  cela  d'ajoucet' 
au  mélange  quatre  onces  de  limaille  de  fer  non 
rouillé  :  l'acide  nitreux  fe  charge  de  tout  le  plilo- 
giftique  de  ce  métal ,  &  aulli  d'un  peu  de  ter  qu'il 
enlevé  avec  lui  :  le  phlogiftique  augmente  fa  cou- 
leur rouge  ardente  :  il  le  rend  plus  volatil  &  plus 
difficile  à  fe  condenfer  ,  mais  fans  augmenter  fa 
pefanteur  fpécihque.  J'ai  remarc|ué,  au  contraire, 
que  fouvent  elle  eft  diminuée  par  le  concours  de 
ce  principe  inflammable  :  il  pourroit  très  bien  fe 
faire  qu'il  fut  néanmoins  plus  concentré  ,  &  que 
le  plilogirtique  dont  il  eft  faturé  ,  foi:  feulement 
la  caufe  de  fa  plus  grande  légèreté. 

L'acide  nitreux  tumant  contient  toujours  un 
peu  d'acide  vitriolique  qu'il  a  enlevé  avec  lui  î 
on  le  fépare  ,  en  rcdihant  l'acide  nitreux  fur  du 
nitre.  Cette  féconde  opération  cil:  prefque  auili 
laborieufe  que  la  première. 

Plufieurs  Chymiftes  ont  fait  quelques  recher- 
ches fur  la  caufe  de  la  couleur  rouge  des  vapeurs 
de  l'acide  nitreux.  M.  Hellot  l'attribue  au  fer  &c 
au  phlogiftique  :  il  fe  fonde  fur  ce  que  ce  métal 
eft  contenu  dans  l'acide  vitriolique  dont  on  fe 
fert  pour  décompofer  le  nitre.  L'acide  nitreux  s'en 
empare  &  l'cnleve  avec  lui.  Cette  idée  paroît 
vrailemblable  :  nous  verrons  même,  à  melure 
que  les  occafions  nous  en  fourniront  les  moyens  , 
que  ces  deux  acides  minéraux  contiennent  pref- 
que toujours  du  fer.  Néanmoins  j'attribue  la  cou- 
leur de  cet  acide  ,  ainli  que  celle  de  (es  vapeurs  , 
au  phlogiftique  purement  &:  (implement  :  c'eft 
même  un  principe  qui  lui  eft  inhérent ,  &c  fans 
lequel  il  celferoit  d'ctre  acide  nitreux.  Si  le  fer 
augmente  fa  couleur ,  c'eft  qu'il  fournit  beau- 
coup de  phlogiftique.  J'ai  fait  de  l'acide  nitreux 
très  concentré  avec  des  matières  qui  ne  conte- 


43  4  Chymie  expérimentale 
noient  point  de  fer,  ôc  qui  ne  pouvoient  point 
fournir  de  phlogiftique  fiuabondant  :  j'ai  obtenu 
un  acide  plus  concentré  que  ceux  dont  nous  ve- 
nons de  parler  :  il  n'avoit  qu'une  légère  couleur 
citrine  :  il  exhaloit  de  même  des  vapeurs  rouges. 
Nous  en  parlerons  à  l'article  du  nitre  décompofé 
par  l'alun. 

Lorfqu'on  veut  conferver  l'acide  nitreux  fil- 
mant en  bon  état ,  il  faut  le  contenir  dans  des  fla- 
cons de  cryftal,  bouchés  aufli  de  cryftal  ufé  a 
l'émeri  ,  vifiter  de  temps  en  temps  les  flacons  : 
chaque  fois  qu'on  en  retire  du  vaiireau  ,  il  faut 
avoir  attention  d'efluyer  parfaitement  le  bouchon 
&  l'intérieur  du  col  du  flacon  :  fans  cette  précau- 
tion ,  ce  qui  refte  dans  les  joints  remonte  autour 
du  bouchon ,  attire  l'humidité  de  Tair ,  &  forme 
une  liqueur  acide  aqueufe  autour  du  bouchon  : 
lorfque  l'air  de  l'atmofphere  vient  à  s'échauffer  , 
les  vapeurs  de  l'acide  ,  renfermées  dans  le  fla- 
con ,  fe  dilatent  &€  foulevent  le  bouchon  :  l'acide 
aqueux  qui  eft  autour  du  bouchon  ,  retombe  dans 
l'intérieur  du  flacon  :  ce  jeu  fe  renouvelle  conti- 
nuellement, &c  diminue,  au  bout  d'un  certain 
temps  ,  la  concentration  de  cet  acide. 

Sei  de  duobus  tiré  de  la  majje  faline  rejiée  d.ms 
la  cornue  après  la  dïfi'dlation  de  l'acide  nitreux 
fumant, 

La  mafl^e  faline  qui  refte  dans  la  cornue  après 
la  diftillation  de  l'efprit  de  nitre  fumant ,  eft  tou- 
jours acide ,  foit  par  les  vapeurs  de  l'acide  ni- 
treux dont  elle  eft  imprégnée  ,  foit  par  quelques 
portions  d'acide  vitriolique  libre  :  l'un  &:  l'autre 
n'ont  pu  partner  dans  la  diftillation ,  à  caufe  de  leur 
adhérence  6c  du  défaut  de  concours  de  l'air,  Lorf- 


ET      R  A  1  S    O  N  N  F.  fci  4  j  ^ 

qu'on  veut  en  tiier  le  fel  par  la  cryftallifatioil ,  ort 
coiïcafle  cette  malTe  faline  :  on  la  met  dans  une 
terrine  de  grès  :  on  verfe  par-deflus  de  l'eau  bouil- 
lante pour  la  dilFoudre  :  on  ajoute  de  l'alkali  fixô 
alTez  pour  faturer  l'excès  d'acide  qu'elle  contient  î 
alors  on  fait  chaufter  la  liqueur  dans  une  marmite 
de  fer  :  on  la  fait  mcme  évaporer  jufqu'à  légère 
pellicule  :  on  filtre  la  liqueur  au  travers  d'un  pa- 
pier gris  :  on  la  reçoit  dans  une  terrine  de  grès  t 
elle  fournit ,  par  le  refroidifTement ,  beaucoup  de 
cryftaux  qui  font  du  tartre  vitriolé  :  on  décante  la 
liqueur  :  on  la  fait  évaporer  de  nouveau  :  on  la 
filtre  de  même  ,  Se  elle  donne  de  nouveaux  cryf- 
raux,  en  fe  refroidi  liant.  On  continue  amfi  de 
fuite  les  évaporations  &c  les  cryftallifations  jufqu'i 
ce  que  la  liqueur  ne  fournilTe  plus  de  cryftaux  :  oii 
détache  le  fel  des  terrines  avec  la  pointe  d'urt 
couteau  :  on  le  met  égoutter  fur  des  papiers  gris  i 
lorfqu'il  eft  bien  fec  ,  on  l'enferme  dans  des 
boîtes. 

Sur  la  fin  des  cryftallifations  ,  on  obtient  tou« 
jours  des  cryftaux  de  vrai  nitre  qu'on  met  à  part  i 
la  quantité  va  depuis  deux  gros  jufqu'à  demi- 
€>nce. 

Nous  avons  recommandé  de  faire  diffoudre  la 
malle  faline  dans  une  terrine  de  grès  ,  &  de  la  fa- 
turer avec  de  l'alkali  fixe  avant  de  la  mettre  dans 
une  marmite  de  fer,  afin  que  les  acides  libres  ne 
puiftent  point  agir  fut  ce  métal  j  ce  qui  arri— 
veroit,  fi  on  faifoit  le  contraire  :  la  liqueur  feroie 
verdâtre ,  &  le  fel  le  feroit  aufli.  Si  cet  accident 
arrivoit ,  il  faudroit  remettre  le  fel  &  les  liqueurs 
dans  la  même  marmite  ,  &  ajouter  allez  d'alkali 
pour  faire  précipiter  le  fer  :  on  achevé  enfuirai 

Ee  ij 


J^'j6  Cil  Y  MIE    EXPÉRIMEl^TALE 

l'opération  ,  comme  nous  venons  de  le  dire. 

Lorfque  la  liqueur  contient  une  légère  fura- 
bondance  d'alkali ,  elle  pa{Te  plus  facilement  au 
travers  des  filtres  ,  &  fournir  davantage  de  cryf- 
taux  qui  font  plus  gros  &z  plus  faciles  à  détachet 
des  terrines  :  il  arrivée  le  contraire  ,  lorfque  la  li- 
queur eft  parfaitement  neutre  :  lorfqu'elle  eft  un 
peu  acide ,  elle  palle  encore  plus  difficilement 
au  travers  des  filtres  y  Se  le  fel  eft  encore  plus  dif- 
ficile à  fe  détacher  des  terrines  ^  il  eft  même  (i  fort 
adhérent ,  qu'on  ne  peut  le  détacher ,  qu'en  fai- 
fant  chauffer  légèrement,  mais  brufquement,  le 
cul  des  terrines.  Cette  opération  doit  fe  faire  im- 
médiatement après  avoir  décanté  la  liqueur  :  les 
terrines  fe  dilatent  par  la  chaleur  ,  dans  des  pro- 
portions différentes  de  celles  du  fel  :  l'humidité 
appliquée  fur  les  terrines  fe  dilate  de  même ,  &C 
permet  au  fel  de  fe  détacher  ;  on  peut  l'enlever 
facilement  en  larges  plaquettes.  Si,  au  contraire  , 
on  faifoit  chauffer  les  terrines  après  qu'elles  (ont 
égouttées,on  augmenteroit  tellement  l'adhérence 
du  fel  qu'on  ne  pourroit  plus  le  détacher ,  qu'en  le 
réduifant  en  poudre. 

De  quatre  livres  de  nitre  &  de  deux  livres  d'a- 
cide vitriolique  que  l'on  a  employées ,  on  retire 
ordinairement  quatre  livres  onze  onces  de  fel  de 
duobus  j  &  environ  une  demi-once  de  nitre. 

Décompojition  du  Tartre  vitrlolt  par  l'acide 
nitreux  ftuL 

Nous  venons  de  voir  c]ue  l'acide  vitriolique 
décompofe  le  nitre  &:  dégage  l'acide  nirreux  j 
mais  c'eft  par  la  voie  feche.  L'acide  nitreux,  par 
la  voie  humide ,  décompofe  le  tartre  vitriolé  ; 
ceci  eft  un  exemple  d'affinité  réciproque ,  &  fait 


ET      RAISONNÉ  E.  457 

voir  de  plus  en  plus  la  nécefiîté  d'établir  les  deux 
tables  des  rapports  dont  j'ai  déjà  parle. 

On  met  dans  un  matras  deux  onces  de  tartre 
vitriolé  en  poudre  :  on  verfe  par-deflus  autant 
d'acide  nitreux  ordinaire  :  on  fsitchaufler  ce  mc- 
lânge  jufqu'à  ce  que  le  fel  foit  dilTous  *,  ce  qui  le 
fait  facilement  :  on  verfe  la  liqueur  dans  une  cap- 
fule  de  verre  :  elle  fournit ,  par  le  rehoidille- 
ment,  devrais  cryftaux  de  nitre  :  on  décante  la 
liqueur  :  on  tait  égoutter  les  cryftaux  fur  du  pa- 
pier gris  :  on  les  rechange  de  papier  jufoju'à  ce 
qu'ils  ne  les  mouillent  plus  :  le  nirre  eft  alors  très 
pur  ,  &  a  toutes  les  propriétés  d'un  nitre  parfait  : 
amfi  il  eft  certain  que,  dans  cette  opération  ,  l'a- 
cide nitreux  a  dégagé  l'acide  vitrioljque ,  &  s'eft 
emparé  de  fa  bafe  alkaline. 

Remarques, 

Staahl  avoit  propofé  en  problème  de  dccom- 
pofer  le  tartre  vitriolé  dans  la  paume  de  la  main  y 
il  s'étoit  fervi  de  cette  expreflion  fans  doute  pour 
faire  entendre  que  cette  décompofition  étoit  fa- 
cile. MM.  Pott  &  Geoffroy  le  Médecin  ,  tous 
deux  fort  habiles  Chymiftes  ,  ont  réfolu  le  pro- 
blème de  Staahl ,  mais  en  employant  des  diflolu- 
tions  de  mercure,  d'argent  &:  de  plomb,  faites 
par  l'acide  nitreux.  Il  paroît  que  Ctaahl  a  été  Li~ 
tisfait  de  cette  folution  j  du  moins  il  n'a  rien  die 
qui  V  fut  contraire  :  elle  a  donné  lieu  à  expliquer 
ce  phénomène  par  les  affinités  de  quatre  corps  qui 
agilfent  enfemble  ,  d'où  réfultent  deux  dccompo- 
fitions  ^  deux  nouvelles  combinaifons.  L'acide 
nitreux  quitte  fa  fubftance  métallique  à  laquelle 
il  ctoit  uni ,  pour  s'unir  à  l'alkali  du  tartre  vi- 
tviolé.  L'acide  vitriolique,  deveciu  libre ,  s'unit  à 

£e  ii| 


4?8    .,    Chymii  expérimentais 

la  fubilance  métallique  qui  devient  libre  aufli ,  ^ 
fonne  un  vitriol  de  mercure  ,  d'argent  ou  de 
plomb  ,  fuivant  le  métal  que  l'acide  nitreux  te- 
noit  en  diffolution.  On  croyoit  que  cette  dccom- 
polltion  fe  faifoit  en  raifon  des  affinités  réunies 
de  l'acide  nitreux  avec  la  matière  métallique  ,  &C 
que,  ni  le  métal ,  ni  l'acide  nitreux,  chacun  fé- 
parément  ,  ne  pouvait  opérer  la  décompolîtion 
de  ce  fel.  Les  différentes  recherches  que  j'ai  faites 
fur  les  affinités  des  matières  falines  ,  m'ont  mis  a 
portée  de  réfoudre  ce  problème  par  l'acide  ni- 
treux feul ,  &  par  conféquent  d'une  manière  plus 
fimple  que  ne  l'avoient  fait  les  habiles  Chymifles 
que  je  viens  de  citer. 

Le  i3  Décembre  ly^o,  je  donnai  à  l'Acadé- 
mie ce  m.oyen  de  décompofer  le  tartre  vitriolé  par 
l'acide  nitreux  feul  :  je  me  contentai  alors  d'en 
conclure  que  Tacide  vitriolique  décompofoit  le 
nitre  par  la  voie  feche  ,  à  raifon  de  fa  fixité  plus 
grande  que  celle  de  l'acide  nitreux ,  &  non  en 
raifon  de  fa  plus  grande  affinité  avec  l'alkali , 
comme  on  l'avoir  toujours  penfé.  Jeréfervaid'en 
donner  la  théorie  dans  une  autre  occafion. 

Ce  ne  fut  que  trois  années  après  que  j'entrepris 
^ç  l'expliquer  :  j'en  rendis  compte  à  l'Académie 
le  1  i  Janvier  1765  ,  dans  un  Mémoire  que  je  lus 
à  cet  effet.  Voici  comme  j'explique  cette  décom- 
pofition. 

Le  phlogiflique  eft  un  des  principes  conftituant& 
del'alkalinxe.  Lorfque  l'on  combine  ce  fel  avec 
de  l'acide  vitriolique  ,  le  phlogiftique  fe  partage 
Cntrç  l'alkali  &  l'acide  :  il  refte  combiné  &  fait 
partie  du  fel  neutre  qui  refaite  de  leur  union.  On 
^  beau  calciner  ce  nouveau  fel ,  on  ne  fait  que 
difliper  le  phlogiftique  qui  lui  eft  étranger  ;  mais 
la  portion  principe,  effentielle  à  la  nature  de  l'ai- 


ET      RAISONNE  1.  455 

kali ,  ne  peut  fe  dilîîper  qu'à  mefure  que  ce  fel  fe 
décompofe.  Tout  ceci  eft  prouvé  pai  les  obfeiva- 
tions  fuivantes. 

I  °.  En  difTolvant  dans  de  l'eau  le  tartre  vitriole  , 
ainfi  calciné  ,  on  voit  précipiter  une  portion  de 
terre,  qui  ne  peut  provenir  que  de  la  portion  de 
ce  fel  qui  a  été  décompofée. 

1°.  En  verfant  de  l'acide  vitriolique  très  pur  6c 
très  concentré  fur  du  tirtre  vitriolé  calciné  ,  Se 
fortant  immédiatement  du  creufet,  on  en  tire 
par  la  dilUllation  de  l'acide  vitriolique  fulfu- 
reux  ,  parceque  la  matière  phlogiftique,  principe 
de  l'alkali ,  eft  encore  unie  à  ce  fel  neutre  :  l'a- 
cide vitriolique  qu'il  contient,  eft  dans  un  état 
de  phlogiftication  :  lorsqu'on  lui  préfente  un 
nouvel  acide  vitriolique  plus  pur  ,  c'eft-à-dire  , 
moins  phlogiftique  que  celui  qu'il  contient,  il  le 
dégage  ,  &  le  fubftitue  à  fa  place  :  l'acide  vitrio- 
lique qui  faifoit  partie  du  tartre  vitriolé ,  pafte 
dans  la  diftillation  ,  chargé  de  phlogiftique  :  il  eft 
fulfureux  comme  celui  qu'on  tire, par  le  même 
moyen, du  fel  fulfureux  de  Staahl. 

L'acide  nitreux ,  comme  nous  l'avons  dit,  con- 
tient beaucoup  de  phlogiftique  :  néanmoins  il 
eft  fort  avide  de  celui  qu'on  lui  préfente  :  il  s'u- 
nit par  ce  principe  à  l'alkali  du  tartre  vitriolé ,  &c 
en  dégage  l'acide  vitriolique ,  qui  a  moins  d'affi- 
nité avec  le  principe  inflammable ,  que  n'en  a 
l'acide  nitreux. 

Les  félénites ,  foit  à  bafe  de  terres  vitrihables , 
foit  à  bafe  de  terres  calcaires  ,  ne  font  point  dé- 
compofées  par  l'acide  nitreux ,  parcequ'elles  ne 
contiennent  point  autant  de  phlogiftique  que 
l'alkali  fixe  :  c'eft  ce  principe  inflammable  qui  eft 
l'intermède  par  lequel ,  fuivant  moi ,  l'acide  ni- 
treux décompofe  le  tartre  vitriolé  :  cet  acide , 

Ee  IV 


44*  ChYMIE    EXPHRIMENTALt 

comme  je  l'ai  dit  précédemment ,  facilite  feule- 
ment la  dilfolution  de  ces  fels  à  bafe  terreufe , 
dans  une  moindre  quantité  d'eau. 

Au  refte ,  j'ai  remarqué  que  les  degrés  d'affini- 
tés de  ces  deux  acides,  par  la  voie  numide,  fur 
l'alkali ,  différent  bien  peu  l'un  de  l'autre  ,  puif- 
que  l'acide  vitriolique  qui  a  été  dégagé  par  l'a- 
cide nitreux ,  dégage  à  fon  tour  cet  acide ,  ôc  re- 
forme de  nouveau  du  tartre  vitriolé  ,  tel  qu'il 
étoit,  fans  rien  ajoijter  dans  le  mélange. 

J'ai  fait  cryftallifer  à  l'air  libre  plufieurs  mé- 
langes de  tartre  vitriolé  &  d'acide  nitreux.  Le  ni- 
tre  qui  s'étoit  d'abord  formé  par  la  décompofition 
du  tartre  vitriolé  ,  s'eft  cryftallifé  en  belles  aiguil- 
ler j  mais  au  bout  d'un  certain  temps,  ce  nitre  a 
été  décompofé  par  l'acide  vitriolique,  que  l'a- 
cide nitreux  avoir  dégagé.  Se  qui  étoit  refté  en 
liqueur  dans  les  vafes.  Dans  l'inftant  où  le  nitre 
co  mmence  à  être  décompofé  ,  il  végète  en  forme 
d  'arbriflfeaux  très  bien  ramifiés  ,  &  de  la  plus 
grande  beauté  ;  ces  végétations  ont  peu  de  con-^ 
h  ftance  :  une  partie  de  l'acide  vitriolique  libre 
s'élève  dans  les  tuyaux  capillaires  du  nitre  qui  a 
V  égété  :  il  dégage  l'acide  nitreux  à  fon  tour ,  &: 
celui-ci,  devenu  libre,  fe  difîîpe  peu  à  peu,  à 
raifon  de  fa  volatilité.  Le  nitre  qui  avoit  végété 
retombe  en  poudre  dans  l'acide  vitriolique,  avec 
lequel  il  reforme  du  tartre  vitriolé.  Cette  nou- 
velle décompofition  fe  fait  fpontanément,  juf- 
qu'à  ce  que  tout  l'acide  nitreux  foit  prefque  en-r 
çiérement  évaporé. 

J'attribue  ces  décompofitions  fucceflives  à  l'a- 
Ç  ide  vitriolique ,  qui  fe  déphlogiftique  par  foix 
expofition  à  l'air  libre,  6c  à  fa  fixité  plus  grande, 
que  celle  de  l'acide  nitreux.  Lorfque  l'acide  vi- 
tçiplique  eft  ainfi  déphlogiftique  ;,  il  çecovivrç 


ET      RAISONNÉ  f.  44I 

tous  fes  droits  :  il  dégage  l'acide  nitreux  de  fa 
bafe  alkaline,  &  ce  dernier  fe  diflipe  à  mefure ,  à 
raifon  de  fa  grande  volatilité. 

Je  me  fuis  allure  du  fait ,  en  répétant  ces  ex- 
périences dans  des  flacons  bouchés  exadement 
avec  des  bouchons  de  cryftal.  L'acide  vitrioU- 
que  qui  a  été  dégagé  du  tartre  vitriolé  ,  ne  pou- 
vant fe  déphlogiftiquer ,  faute  du  concours  de 
l'air  extérieur,  n'a  pu  décompofer  le  nitre. 

J'ai  pareillement  reconnu  par  l'expérience , 
que  le  tartre  vitriolé  qui  refte  après  ces  décom- 
poiîtions  réciproques  &:  fucceflives ,  fe  lailTe  dé- 
compofer de  nouveau  par  de  l'acide  nitreux  :  il 
préfente  les  mêmes  phénomènes  que  la  première 
fois  :  on  peut  conjedurer  qu'il  feroit  également 
décompofé  ,  quand  mcme  il  auroit  reçu  un  grand 
nombre  de  ces  décompofitions  fucceflives -.cela 
arriveroit,  parceque ,  comme  je  l'ai  dit  plus  haut, 
le  phlogiflique  ,  principe  de  l'alkali ,  le  partage 
toujours  entre  l'acide  vitriolique  de  ce  mcme  al- 
kali ,  lorfque  ces  fubfl:ances  falines  fe  combinent 
enfemble. 

Nous  avons  dit  précédemment  que  l'acide  ni- 
treux détruifoit  promptement  les  couleurs  don- 
nées à  l'acide  vitriolique  par  des  matières  inflam- 
mables y  ce  qui  prouve  que  l'acide  nitreux  a  plus 
d'aflSnité  avec  ces  fubftances ,  que  n'en  a  l'acide 
vitriolique.  Je  vais  rapporter  de  fuite  quelques 
expériences  qui  conft:atent  la  mcme  chofe  j  telles 
que  la  décoloration  de  l'acide  vitriolique  par  le 
nitre  en  fubfl:ance  >  la  décompofition  du  foufre 
par  le  nitie ,  ^ç, 


44*        Chymie  expérimentale 

Déphlogljlicaùon    de  l'acide   vitriolique  par  U 
nïtre  en  fuhjlance. 

On  met  dans  un  marras  huit  onces  d'acide  vi- 
triolique concentré  ,  &:  qui  a  été  coloré  acciden- 
tellement par  quelque  matière  combuftible  :  on 
y  ajoute  deux  ou  trois  gros  de  nitre  en  poudre  : 
on  place  le  matras  fur  un  bain  de  fable  chaud  ; 
èc  on  le  fait  digérer  à  une  douce  chaleur ,  jufqu'à 
ce  que  l'acide  foit  entièrement  décoloré. 

L'acide  vitriolique  décompofe  le  nitre  ,  &  dé- 
age  l'acide  nirreux  :  celui-ci  détruit  les  matières 
phlogiftiqaes ,  pour  les  raifons  que  nous  avons 
<lites  précédemment.  Si  l'on  fait  cette  opération 
dans  une  cornue  ,  ce  qui  pafTe  eft  de  l'acide  ni- 
treux  en  plus  grande  partie  :  cependant  il  en 
lefte  un  peu  de  combiné  avec  l'acide  vitriolique, 
&:  qu'on  ne  peut  plus  féparer  par  ce  moyen.  Il 
refte  en  outre  l'alkali  fixe  du  nitre ,  qui  forme  du 
tartre  vitriolé  ,  cpii  ne  fe  fépare  jamais  en  entier 
de  cet  acide ,  mcme  dans  l'efpace  de  plufîeurs  an- 
nées :  une  partie  feulement  fe  cryftallife  au  fond 
des  flacons  :  néanmoins  cet  acide  peut  fervir  dans 
beaucoup  d'opérations ,  où  une  fi  grande  pureté 
n'eft  pas  nécelîaire.  J'avois  rapporté  cette  expé- 
rience dans  ma Dljfertation  fur  i' E tkèr ,  page  54. 
L'Auteur  qui  a  fourni  au  Journalifte  l'analyfe  de 
ce  Livre  ,  dit  :  «  Il  nous  femble  qu'il  ne  devroit 
îs  point  y  avoir  de  précipité  ,  &:  qu'il  fuffiroit, 
3>  pour  rediher  cette  huile  de  vitriol ,  de  la  dif- 
s>  tiller ,  parceque  le  tartre  vitriolé  qui  fe  forme , 
9>  ne  peut  pas  monter  par  la  diftillation  •>.  Voyez 
le  Journal  de  Médecine  ,  Avril  1758. 

L'Auteur  de  cette  remarque  n'eft  vraifembla- 
blement  pas  Chymifte  :  il  ignore  les  difficultés 


ET      RAISONNÉ  E.  44$ 

qu'on  éprouve  à  faire  diftiller  cet  acide  en  fub- 
ftance  :  il  n'a  pas  fenti  que  ce  moyen  cil:  employé 
précifémenc  pour  s'éviter  la  peine  de  cette  diftil- 
îation  j  qui  eil ,  comme  je  l'ai  dit ,  très  laborieufe. 

N'ure  &  Soufre. 

Acide  vitiioHquc  tiré  du  foufic  par  la  comhuftion  <îc  cette 
fubflance  ,  &  par  l'imccrmcdc  du  nitre. 

Depuis  que  Staahl  a  démontré  ,  par  plufieurs 
belles  expériences ,  t]ue  le  foufre  eft  compofé  de 
fept  parties  d'acide  vitriolique  ,  6c  d'une  de  phlo- 
giltique  ,  les  Chymiftes  ont  cherché  les  moyens 
de  tirer  avec  profit  l'acide  vitriolique  du  foufre. 
On  s'eft  appercu  qu'il  n'y  avoit  que  le  phlogifti- 
que  qui  fe  détruifoit  pendant  la  combuftion  du 
foufre ,  Se  qu'il  n'en  étoit  pas  de  même  de  l'acide 
vitriolique  j  qu'on  pouvoit  le  recueillir  en  entier. 
Mais  d'un  autre  côté,  le  foufre  ne  peur  brûler 
qu'avec  le  concours  de  l'air  :  alors  l'acide  vitrioli- 
que fe  dilîîpe  en  entier.  On  a  imaginé  ,  pour  le 
recueillir,  des  appareils  de  vaiffeaux  difpofés 
d'une  infinité  de  manières  difi:crentes ,  &  de 
grande  capacité  ,  afin  qu'ils  continrent  beaucoup 
d'air  ,  de  qu'ils  fuffent  par-là  en  état  d'entretenir 
la  combuftion  du  foufre  :  mais  tous  ces  appareils 
ont  été  infruélueux,  puifqu'on  ne  retiroit  pas  la 
dixième  partie  de  l'acide  vitriolique  du  foufre. 
Nous  ne  parlerons  point  de  ces  appareils ,  parce- 
qu'ils  font  trop  nombreux ,  &:  la  plupart  trop 
compliqués ,  pour  opérer  avec  écononne. 

Ce  n'eftquc  depuis  une  dizaine  d'années  qu'on 
eft  parvenu  à  tirer  du  fouhe  tout  l'acide  qu'il 
contient,  par  le  moyen  du  nitre.  Ce  fel  facilite 
la  combuftion  du  nhlogiftique  du  foufre  dans  les 
vaifteaux  clos.  Il  paroit  que  cette  découverte  a 


444  Chymie  expérimentale 
été  faite  à-peu-près  en  mcme  temps ,  en  Hollande 
ôc  en  Angleterre.  Le  procédé  que  l'on  croyoit 
fuffifant  à  la  fépararion  de  cet  acide  du  foufre  ,  a 
été  publié  dans  un  Livre  qui  a  pour  titre  :  les  Se- 
crets &  les  Fraudes  de  la  Chymie  &  de  la  Pharma- 
cie modernes  dévoilés.  J'ai  inféré  ce  procédé  dans 
le  Dictionnaire  portatif  des  Arts  &  Métiers ^  tome 

fremier,  page  340.  Mais,m'étant  apperçu  que 
humidité  de  l'eau  du  ballon  faifoit  un  obftacle 
à  la  combuftion  du  foufre,  j'ai  recommandé  dans 
l'AvertilTement  qu'on  a  mis  à  la  tête  du  premier 
volume  de  cet  ouvrage  ,  page  10  ,  première  édi- 
tion ,  de  faire  cette  décompaiition  du  foufre  par 
l'intermède  du  nitre,  dans  un  appareil  femblable 
à  celui  dont  nous  avons  parlé  à  l'article  du  dif- 
fus de  nitre.  Voici  ce  procédé  qui  réulîit  très 
bien. 

On  difpofe  dans  un  fourneau  une  cornue  de 
fer  de  fonte ,  d'environ  trois  ou  quatre  pintes,  Sc 
qui  ait  à  fa  partie  fupérieure  une  ouverture 
londe,  d'environ  deux  pouces  de  diamètre,  qu'on 
bouche  &  débouche  à  volonté ,  avec  un  bouchon 
aufîî  de  fer  fondu ,  ou  de  terre  cuite  :  on  adapte 
à  cette  cornue  un  grand  ballon  de  verre  ou  de 
grès,  percé  d'un  petit  trou  :  on  met  quelques  on- 
ces d'eau  dans  le  ballon  :  on  lute,  avec  du  lut  gras, 
les  jointures  des  vaiflTeaux.  Lorfque  l'appareil  ell 
ainfi  difpofé  ,  on  fait  du  feu  fous  la  cornue  pour 
en  faire  rougir  obfcurément  le  fond  :  alors  on 
projette  par  cuillerées ,  par  l'ouverture  fupérieure 
de  la  cornue  ,  un  mélange  de  feize  onces  de  fou- 
fre ,  d'une  once  de  nitre  ,  &  d'une  once  de  char- 
bon en  poudre  :  quand  la  déflagration  de  la  pre- 
mière cuillerée  efb  paflee ,  on  remet  une  nouvelle 
quantité  du  même  mélange  ,  &  on  continue  ainfi" 
de  fuite,  jufqu'à  ce  que  l'on  aie  employé  a.'ataiHi 


ET      RAISONNÉ  E.  44J 

ne  matière  qu'on  juge  à  propos  :  alors  on  tire  la 
liqueur  du  ballon  ^  &  on  la  rectifie  dans  une  cor- 
nue de  verre:  on  conferve  l'acide  dans  des  fla- 
cons. 

Remarques. 

Dans  l'AvertilTement  du  Dicllonnalre  des 
Arts  ,  j'avois  recommandé  d'ajouter  au  mélange 
de  nitre  &  de  foufre,  une  onc@  de  charbon  en 

f)oudre ,  parceque  dans  le  procédé  publié  dans  le 
ivre  des  Secrets  ô*  Fraudes  de  la  Chymïe,  &c.  l'Au- 
teur recommande  d'employer  de  la  filaflTe  pour 
faciliter  la  combuftion  du  foufre.  Je  penfai  que, 
matière  combuftible  pour  matière  combuftible, 
le  charbon  en  poudre  doit  ctre  préféré,  en  ce 
qu'il  ne  peut  pas  fournir  de  fubftance  inflamma- 
ble dans  l'état  huileux ,  comme  le  fait  la  filafle  ; 
ce  qui  altère  la  pureté  de  l'acide  vitriolique. 

J'ai  fait  cette  opération  dans  des  cornues  de 
grès  &:  dans  des  cornues  de  Hefle  :  les  premières 
font  fort  fujettes  à  fe  cafler,  &  les  dernières  font 
trop  poreufes  :  elles  laiflent  tranfpirer  beaucoup 
d'acide.  Je  recommande  d'employer  des  cornues 
de  fer,  parceque  j'ai  éprouvé  que  les  acides  les 
plus  concentrés  agiifent  difficilement  fur  le  fer 
fondu.  Je  préfume  qu'elles  doivent  réuflir  j  mais 
je  ne  les  ai  point  éprouvées.  Au  moyen  de  ce  que 
la  chaleur  du  fond  de  la  cornue  eit  permanente, 
le  foufre  s'enflamme  en  totalité ,  ou  à-peu-près. 
Il  y  a  toujours  une  portion  de  foufre  qui  fe  fu- 
blirae  ,  avant  que  de  pouvoir  fe  brûler  avec  le 
nitre  \  mais  au  moins  eft  il  certain  que  la  plus 
e;rande  partie  fe  décompofe  complettement ,  & 
fournit  tout  fon  acide  vitriolique.  Les  vapeurs 
qui  s'élèvent  par  cette  déflagration  ,  paflent  dans 
le  ballon  ,  &  ne  fe  condenfent  que  lentement  ; 


44<>  Chymie  expérimentale 
c'ert  pour  faciliter  leur  condenfation  ,  qu'on  iret 
un  peu  d'eau  dans  le  ballon.  Ahn  de  ne  pas  per- 
dre de  temps  pendant  que  les  vapeurs  fe  condcn- 
fent,  on  peut  difpofer  lur  un  fourneau  long,  une 
file  de  plufieurs  appareils  femblables  :  on  pafle 
d'un  vaiHeau  à  un  autre  :  par  ce  moyen,  les  vapeurs 
du  premier  ont  le  temps  de  fe  condenfer  ,  avant 
quon  y  revienne  pour  y  introduire  une  nouvelle 
cuillerée  de  mélange. 

Pour  que  l'inflammation  du  foufre  fe  falTe  d'une 
manière  avantageufe  &z  durable  ,  il  faut  que , 
d'une  part ,  le  foufre  foit  mêlé  avec  une  fubrcance 
qui  puilTe ,  fans  le  concours  de  l'air  ,  exciter  fon 
inflammation  dans  des  vailTeaux  clos.  Le  nitre  eft 
très  propre  à  produire  cet  effet ,  &  le  charbon  à 
foutenir  cette  inflammation  :  il  faut,  d'une  autre 
parc ,  que  le  mélange  foit  appliqué  à  une  chaleur 
permanente  qui  puilTe  entretenir  la  combuftion  : 
fans  cette  dernière  condition ,  le  foufre ,  quoique 
mêlé  avec  du  nitre  ,  peut  être  enflammé  pendant 
quelques  moments  ;,  mais  ils  ne  tarde  pas  à  s'é- 
teindre :  c'eft  pour  cette  raifon  que  j'ajoute  un  peu 
de  charbon  au  mélange  :  au  m.oyen  de  ce  que  le 
cul  de  la  cornue  eft  rouge,  l'inflammation  du 
foufre  fubiifte  ,  5c  fa  décompofition  a  lieu. 

C'eft  fur  des  obfervations  femblables  ,  qu'on  a. 
établi,  en  Angleterre  &c  en  HoUandej  des  atteliers 
confldérables ,  dans  lefquels  on  tire  avec  profit 
l'acide  vitriolique  du  foufre  :  voici  le  moyen 
dont  on  a  fait  ufage  en  Angleterre  jufqu'à  ces 
derniers  temps  :  on  m'a  afllué  en  même  temps 
qu'on  avoit  abandonné  ce  procédé ,  ayant  trouvé 
depuis  quelques  années  une  méthode  encore  plus 
limple  êc  plus  économique. 

On  emploie  des  ballons  de  verre  de  quatre  a 
«inq  pieds  de  diamètre ,  qui  tiennent  quatre  1 


ET      RAISONNE  E.  447 

Cinq  cents  pintes,  mefure  de  Paris.  On  fait  un 
lit  de  (able  :  on  pofe  les  ballons  deflus ,  en  in- 
clinant le  col  hoiizontalement  :  on  en  établit 
deux  files  femblables,  placées  l'une  vis-à-vis  de 
l'autre  :  on  obferve  de  conferver  entre  ces  deux 
files  un  efpace  fuffifant ,  pour  que  plufieurs  per- 
fonnes  puilfent  palfer  de  front ,  &  qu'elles  puif- 
fent  agir  ,  fans  craindre  de  cafler  les  vaiiïeaux  : 
on  met  dans  chaque  ballon  une  ou  deux  pintes 
d'eau,  &z  on  introduit,  par  l'ouverture,  un  pot 
de  grès  d'environ  fix  pouces  de  hauteur  ,  fur  le- 
quel on  place  enfuite  une  cuiller  de  fer  de  fonte 
un  peu  cpailfe  ,  à  long  manche  ,  Se  qu'on  a  fait 
rougir  auparavant.  On  y  met,  par  le  moyen  d'une 
autre  cuiller  de  fer  blanc,  aufll  à  long  manche, 
une  cuillerée  de  mélange  de  nitre  &c  de  foufre, 
fait  dans  les  proportions  de  huit  parties  de  fou- 
fre &  d'une  de  nitre.  Le  mélange  s'enflamme  à 
la  faveur  de  la  chaleur  de  la  cuiller  :  on  ferme 
l'ouverture  du  ballon  avec  une  petite  trape  de 
bois  ,  qu'on  a  difpofée,  à  cet  effet ,  à  l'ouverture 
de  chaque  ballon.  Le  foufre  produit,  par  facom- 
buftion ,  une  flamme  très  grande  ,  qui  remplit 
de  vapeurs  blanches  toute  la  capacité  du  baUon. 
Lorfque  ces  vapeurs  font  un  peu  condenfécs ,  on 
retire  la  cuiller ,  &  on  les  laifle  fe  condenfer  com- 
plettement  :  pendant  qu'elles  fe  condenfent,  on 
fait  la  même  opération  dans  le  fécond  ballon, 
dans  le  troifieme ,  &  ainfi  de  fuite,  jufqu'à  ce 
que  l'on  foit  parvenu  au  bout  de  la  première  fi- 
le :  on  fait ,  en  revenant ,  la  même  opération  fut 
l'autre  file  de  ballons  j  de  lorfqu'on  eft  arrivé  aa 
dernier  de  cette  féconde  file  ,  l'Artifte  fe  trouve 
ramené  vis-à-vis  du  premier  ballon  ,  par  où  il  a 
commencé.  Les  vapeurs  le  trouvent  alors  con- 
denfées  :  c'efl  au  Maoutadurier  d'avoir  l'atten- 


44^  CrtYXtlÈ    EXPÉRI\{ENTAtE 

tioii  d'employer  un  nombre  fuffifant  de  fembll- 
bles  ballons ,  pour  que  celui  qui  les  charge  ,  fe 
trouve  continuellement  occupé  ,  fans  être  obligé 
d'attendre  la  condenfation  des  vapeurs. 

On  continue  ainfi  de  faire  brûler  du  foufre 
dans  les  mêmes  ballons  ,  jufqu'à  ce  que  l'eau 
qu'ils  contiennent  foit  fuffifamment  charges 
d'acide  :  alors  on  retire  la  liqueur  avec  une  cuil- 
ler de  fer  blanc  :  on  la  verfe  dans  des  cornues  de 
verre  que  l'on  place  fur  un  bain  de  fable ,  dans 
des  fourneaux  alongés  que  l'on  nomme  galères  : 
on  adapte  des  récipients  aux  cornues  :  on  procède 
à  la  diftilbtion  pour  féparer  la  partie  aqueufe  , 
jufqu'à  ce  que  l'acide  qui  refte  dans  la  cornue, 
foit  concentré  au  point  de  pcfer  une  once  fept 
gros  &  demi  dans  une  bouteille  qui  contient  une 
once  d'eau  :  cela  forme  l'acide  virrioliqae  connu 
dans  le  commerce  fous  le  nom  A' huile  de  vitriol  y 
propre  aux  opérations  de  Chymie  ,  &  des  Manu- 
factures qui  emploient  cet  acide. 

En  Angleterre  &  en  Hollande ,  on  emploie  des 
ballons  de  verre  d'une  grandeur  considérable  ; 
mais  ,  comme  ces  vailTeaux  font  très  fragiles  &: 
fort  coûteux ,  je  confeille  de  fubftituer  à  leur 
place  des  ballons  de  grès  de  femblable  volume. 
Les  acides  n'ont  point  d'aélion  fur  cette  efpece 
de  poterie  ,  quand  elle  eft  bien  cuire. 

Pour  faire  rougir  les  cuillers  commodément, 
on  conftruir  une  petite  brouette  qui  contient  un 
réchaud  de  tôle  ,  dans  lequel  on  fait  un  feu  de 
charbon  alfez  fort  pour  les  faire  rougir.  Ces  cuil- 
lers doivent  être  en  fer  fondu,  d'un  demi-pouce 
de  profondeur,  aulîi  larges  parle  bas  que  par 
le  haut,  ayant  la  forme  d'une  tabatière  ronde, 
fans  couvercle,  &  de  iix  lignes  ou  environ  d'é- 

paiflTeur  , 


'ET      îl  À  I  S  O  N  N  i  É.  44c^ 

paiffeur,  afin  qu'elles  puiirenr  confeiver  alfez  de 
chaleur  pour  confumer  tout  le  mélange  qu'on 
met  chaque  fois. 

Il  faut  avoir  foin  ,  lorfqu'on  introduit  de 
nouvelle  matière,  de  n'en  pas  répandre  dans  le 
ballon  :  ce  feroit  mêler  des  (ubl^ances  non  décom- 
pofé€s,avec  l'acide  qui  feroit  déjà  fait.  Tout 
l'acide  vitriolique  qui  eft  aduellement  dans  le 
commerce,  eft  tiré  du  loulie  par  des  procédés 
femblables,  ou  peu  différents  de  ceux  dont  nous 
venons  de  parler.  Plufieurs  fabriquants  penfent 
qu'il  n'ell:  pas  nécelT^iire  de  faire  entrer  du  char- 
bon dans  le  mélange  :  cependant  j'ai  obfervé 
qu'il  produifoit  un  meilleur  etfet ,  &c  qu'il  procu- 
roit  l'inHammation  d'une  plus  grande  quantité 
de  foufre.  Les  ouvriers  apportent  apparemment 
peud'exadtitude  dans  leurs  opérations  :  on  trouva 
fouvent  au  fond  des  bouteilles ,  des  dépôts  conlî- 
dérablesdefélcnite  &  détartre  vitriolé, dont  Une 
partie  refte en  dillolution dans  cetacide.  J'ai  trou- 
vé dans  une  bouteille  pleine  d'huile  de  vitriol  , 
une  petite  mefure  de  ter  blanc,  de  la  contenance 
d'environ  deux  onces  d'eau.  Cette  mefure  étoit 
depuis  plus  d'un  an  dans  cet  acide,  fans  qu'elle 
fut  endommagée  de  la  moindre  chofe  ,  &:  fans 
que  l'étamage  fût  détruit  j  ce  qui  eft  un  indice 
que  les  ouvriers  emploient  des  outils  de  fer 
blanc,  pour  puilér  l'acide  vitriolique  dans  les 
ballons ,  &^  qu'on  peut  s'en  fervir  avec  fécurirc. 

Le  nitre  eft  abfolument  nécelfaire  pour  taire 
brûler  le  foufre  fans  le  concours  de  l'air  :  j'ai  mis 
dans  un  tét  à  rôtir,  que  j'avois  fait  rougir  aupa- 
ravant, un  gros  de  foufre  en  poudre  :  je  l'ai  re- 
couvert d'une  cloche  de  verre ,  garnie  de  fable 
tout  au  tour  :  le  foufre  s'eft  enflammé  fur-le- 
champ  j  il  a  raréhé  l'air ,  &  l'a  tait  refluer  par  les 
Tome  I.  Ff 


45©  ChYMIE    IXPÉRI\fENTAlB 

borJsdela  cloche  ,  en  repoulTant  le  fable  :  j'ai  re- 
garni de  fable  les  bords  de  la  cloche  j  le  foufre 
a  ceflé  de  brûler,  5c  il  s'emflammoit  aufli-tôt 
que  je  levois  la  cloche.  Il  nen  a  pas  été  de  mê- 
me du  mcUnçie  de  foufre  Se  de  nitie  :  il  s'eft 
enflammé  avec  beaucoup  de  facilité  j  mais  il  y 
a  une  portion  de  foufre  qui  s'eft  fublimée.  Ce 
dernier  mélange  étoit  compofé  de  cinq  parties 
de  foufre  &  d'une  de  nitre.  On  peut  conclure  de 
ces  expériences,  que  l'inflammation  totale  du 
foufre,  d'où  réfulte  fa  décompofition ,  eft  due  à 
des  dofes  précifes  de  nitre.  Je  n'ai  point  fait  d'ex- 
périences pour  en  connoître  les  meilleures  pro- 
portions. Un  femblable  mélange  ,  auquel  j'ai 
ajouté  du  charbon ,  s'eft  encore  mieux  enflammé. 

J'ai  mêlé  enfemble  un  gros  de  foufre  en  pou- 
dre ,  huit  grains  de  nitre  &  huit  grains  de  char- 
bon. J'ai  enflammé  ce  mélange  avec  un  petit  char- 
bon ardeur,  &c  l'ai  recouvert  d'une  cloche  de 
verre  :  il  a  très  bien  brûlé  fans  le  concours  de  l'air, 
de  fans  le  fecours  d'une  cha'eur  étrangère  :  il  of- 
froit ,  pendant  (on  inflammation  ,  un  fpeétacle 
fort  agréable  :  la  portion  de  foufre  qui  fe  réduifoic 
en  vapeurs  ,  s'enflammoit  par  intervalle  par  la 
communication  de  la  flamme  du  mélange  j  ce 
qui  formoit  une  lumière  phofphorique ,  fembla- 
ble à  celle  qui  fubfîfte  dans  le  ballon  ,  après  la 
d-iftillation  du  phofphore  d'urine. 

Dans  toutes  ces  inflammations  ,  il  y  a  toujours 
une  portion  de  foufre  qui  échappe  à  la  combuf- 
tion  :  une  partie  eft  dans  un  état  de  demi-décom- 
pofltion  :  elle  eft  difloute  par  l'acide  vitriolique. 
J'ai  reconnu  dans  une  infinité  d'expériences  de 
recherches  que  tout  l'acide  vitriolique  qui  eft 
dans  le  commerce ,  contient  réellement  une  pe- 
tite quantité  de  foufre  en  diATolucion  j  c'eft  U 


i 


ET      RAlSONNis,  45% 

vrairemblablement  ce  qui  eft  caufe  en  partie  qu'il 
fournit  de  l'acide  fulfureux  ,  toutes  les  fois  qu'on 
foumet  à  la  reititication  cet  acide  vitriolique  , 
mcme  celui  qui  eft  le  plus  blanc  &:  qui  parok 
le  plus  pur  :  de  parfaitement  blanc  qu'il  eft,  il 
acquiert  toujours  dans  les  cornues  une  léj^ere 
couleur  ambrée  qu'il  perd  très  difficilement,  lans 
l'addition  d'un  peu  d'acide  nitreux  :  on  eft  obligé 
de  le  fiire  chautfer  pluheurs  jours  de  fuite  ,  pour 
pouvoir  complettement  détruire  cette  couleur. 

Décompojîtion  du  nitrc  par  l' intermède  du  foufre. 
Clifliis  de  nitie  &  tic  foufre.  Sel  polychrefte  de  Glaser. 

Nous  avons  vu  que  le  phlogiftique  des  char- 
bons décompofoit  le  nitre,  6c  détruiloitfon  acide. 
Le  foufre  décompofe  de  même  le  nitre  ^  mais  , 
comme  il  ne  contient  pas  a(fez  de  phlogiftique  , 
il  ne  peut  détruire  tout  l'acide  nitreux  :  on  peuc 
le  recueillir  en  grande  partie. 

On  difpofe  un  appareil  femblable  a  celui  que 
nous  avons  décrit  pour  le  clilfus  de  nitre  :  on  fait 
de  même  rougir  le  fand  de  la  cornue  :  par  la  tu- 
bulure ,  on  projette  par  cuillerées  un  mélange  de 
parties  égales  de  nitre  &:  de  foufre.  Il  fe  fait  cha-* 
que  fois  une  grande  déflagration  >  &;  fort  peu  de 
détonnation  :  il  palfe  dans  le  ballon  beaucoup  de 
vapeurs  blanches  qui  fe  condenlent  difficilement. 
Lorfque  la  déflagration  eft  paifée  ,  on  remet  une 
nouvelle  quantité  de  matière  :  on  continue  ainlî 
de  fuite  ,  jufqu'à  ce  quon  ait  employé  !a  quan- 
tité du  mélange  qu'on  a  difpofée.  Lorfque  les  va- 
peurs font  condenfées  ,  on  délute  le  ballon  :  on. 
verfe  ce  qu'il  contient  dans  un  flacon.  La  liqueur 
qu'on  obtient,  eft  un  mélange  d'acide  nitreux  & 
d'acide  vitriolique  fulfureux  volatil. 

Ffij 


45 i         Chymie  expérimentale 

Il  refte  dans  la  cornue  une  combinaifon  de 
l'alkali  du  nitre  &c  de  l'acide  vitiiolique  du  fou- 
fre.  On  fait  diiroudie  cette  mafle  faline  dans  une 
fufïifante  quantité  d'eau  :  on  la  fait  évaporei  juf- 
qu'à  légère  pellicule  :  on  filtre  la  liqueur  :  elle 
fournit ,  par  le  refroidifTement,  de  vrais  cryftaux 
de  tartre  vitriolé ,  auquel  on  a  donné  le  nom  de 
felpolychrejlc  ^e  Clafer. 

Remarq^ues. 

Lorfqu'on  n'a  intention  que  de  faire  le  fel  poly- 
chreile  de  Glafer,fans  recueillir  les  vapeurs  aci- 
des qui  fe  dégagent  de  ce  mélange,  on  projette 
la  matière  par  cuillerées  ,  dans  un  creafet  que 
l'on  a  fait  rougir  auparavant ,  &:  on  attend  de 
même  que  la  déflagration  foit  paflee  ,  avant  que 
de  remettre  une  nouvelle  dofe  de  mélange.  Lorf- 
que  toute  la  matière  que  l'on  a  difpofée  eft  em- 
ployée ,  on  fait  calciner  la  matière  du  creufet,  &: 
on  la  fait  entrer  en  hilion  :  on  coule  ce  fel  dans 
un  mortier  de  fer  ,  bien  fec  &:  un  peu  chauffé  :  on 
le  fait  dilToudre  dans  de  l'eau ,  &"  on  procède  pour 
le  refte  ,  comme  nous  venons  de  le  dire.  On  ob- 
tient pareillement  des  cryftaux  de  tartre  vitriolé  : 
on  continue  lesévaporations  &  les  cryftallifations 
jufqu'à  ce  que  la  liqueur  refufe  de  fournir  du 
fel. 

Lecliftus  de  nitre  &  de  foufre  eft  une  opéra- 
tion par  laquelle  on  démontre  que  l'acide  nitreux 
n'eft  pas  détruit  pendant  fa  déflagration  avec  le 
phlogiftique  du  foufre  ,  comme  il  l'eft  par  celui 
du  charbon:  on  attribue communémentce  défaut 
à  ce  qu'il  n'y  a  pas  dans  le  foufre  aflez  de  phlogif- 
tique pour  produire  la  deftruétion  de  l'acide  ni- 
treux ;  mais  ne  pourroit-on  pas  plutôt  l'attribuer 
à  l'état  fous  lequel  ce  principe  inflammable  fe 


ET      RAISONNES.  45^ 

trouve  dans  le  foufre  ?  Pendant  la  dctiagration  de 
ce  mélange  dans  le  creufet ,  on  voit  de  niane  cet 
acide  foitit  en  vapeurs  rouges-orangées ,  &  for- 
mer un  cercle  qui  entoure  la  flamme  du  foufre. 

On  a  donné  à  ce  fcl  le  nom  de  Jel polychrejle 
de  Glafer  ^6x1  nom  de  l'Auteur.  Quelques  per- 
fonnes  ont  voulu  mettre  une  différence  entre  ce 
fel  &  le  tartre  vitriolé  ;  mais  c'eft  une  de  ces  dif- 
tindlions  mal  fondées.  Toutes  les  i"ois  que  l'al- 
kali  fixe  fe  trouve  uni  à  l'acide  vitriolique  ,  il  ré- 
fulte  toujours  du  tartre  vitriolé,  quelle  que  foie  la 
fubfl:ance  qui  fourniffe  cet  acide.  ^ 

Poudre  à  canon,  1 

La  poudre  à  canon  eft  un  mélange  intime  & 
très  exatt ,  de  nitre  ,  de  foufre  &c  de  charbon. 

On  prend  fix  onces  de  nitre  très  pur,  une  once 
de  charbon  broyé  fur  le  porphyre  ,  &  deux  onces 
de  foufre  :  on  fait  piler  &;  triturer  enfemble 
ces  matières  dans  un  mortier  de  marbre  avec  un 
pilon  de  bois ,  pendant  fept  a  huit  heures  fans 
relâche  ,  par  deux  hommes  placés  vis-à-vis  l'un 
de  l'autre  autour  du  mortier  ,  qui  fe  relaient  de 
quart  d'heure  en  quart  d'heure.  11  faut  que  le 
mélange  reçoive  environ  fept  mille  coups  de 
pilon  par  heure.  On  l'arrofe  avec  quatre  onces 
d'eau  ,  qu'on  ne  met  que  peu-à-peu ,  &  en  quinze 
ou  vingt  fois.  Cette  quantité  d'eau  doit  s'évapo- 
rer par  le  feul  mouvement  du  pilon.  On  tire  \x 
matière  hors  du  mortier.  Lorfqu'elle  eft  féchée 
au  point  de  ne  pouvoir  plus  fe  laiirer  triturer , 
fans  fortir  hors  du  mortier  comme  une  matière 
fluide  ,  alors  on  la  fait  fécher  au  foleil  :  c'eft  de 
cette  manière  qu'on  doit  préparer  les  poudres 
dont  on  veut  faire  des  eflais  ,  &:  on  ne  doit  pas 
les  grener ,  pavceque  l'humidité  qu'on  eft  obligé 

Ffiij 


4S4       Chymie  expIuimentals 
de  confeiver  au  mélange ,  pour  pouvoir  le  grô- 
ner ,  facilite  la  cryftalliiation  du  nitre ,  &C  dimi- 
nue la  force  de  la  poudre. 

Si  cependant  on  veut  grener  cette  poudre , 
il  faut  la  prendre  dans  un  degré  de  ficcité  tel 
qu'elle  forme  une  pâte  feche ,  qui  ne  puitTe  laif- 
fer  aucune  trace  d'humidité ,  lorfqu'on  la  pofe 
fur  une  afîîette  de  faïance.  On  la  met  dans  une 
boîte  de  fer  blanc  :  on  la  fecoue  rapidement  en 
tous  {^ns ,  en  la  frappant  de  temps  en  temps  con- 
tre la  paume  de  la  main  :  on  continue  cette  ma- 
nœuvre jufqu'à  ce  que  la  plus  grande  partie  de  la 
poudre  foit  réduite  en  grains  :  on  fépare  le  pouf- 
fier  par  le  moyen  d'un  tamis  de  foie.  La  portion 
de  poudre  qui  s'eft  grenée  refte  fur  le  tamis.  On 
remet  ces  grains  de  poudre  dans  la  même  boîte 
de  fer  blanc ,  après  l'avoir  nettoyée  :  on  l'agite  de 
même  pendant  environ  une  heure ,  jufqu'à  ce 
que  les  grains  deviennent  fufïîfamment  luifants  : 
cette  dernière  agitation  fe  nomme  lijfer  la  pou- 
dre :  on  fépare  le  pouiîier  par  le  moyen  d'un  ta- 
mis ,  &  on  fait  fécner  au  foleil  la  poudre  grenée. 

R   E    M   A   R    (^    U   E   s. 

En  175  2  ,  M.  le  Chevalier  d'Arcy  ,  de  l'Aca- 
démie Royale  des  Sciences  ,  me  pria  de  faire  l'a- 
nalyfe  de  pluiîeurs  poudres  ,  dont  les  forces 
étoient  différentes ,  afin  de  connoître  Ci  on  de- 
voir les  attribuer  aux  dofes  des  fubftances  qui 
les  comipofoient ,  8c  qu'on  pouvoit  foupçonner 
n'être  pas  les  mêmes,  ou  être  toute  autre  ch»fe. 
Il  me  pria  aufli  de  compofer  de  nouvelles  pou- 
dres j  à  l'effet  de  déterminer  les  meilleures  pro-  - 
portions  des  fubftances  qui  compofent  la  poudre. 
Je  fis  fur  cet  objet  beaucoup  d'expériences ,  donc 
je  vais  rendre  compte. 


ET       RAISONNE  ï.  4^$ 

La  bonté  de  la  poudie  dépend  de  trois  ohicts 
principaux:  i°.  du  choix  des  matières  :  i^.  des 
tlofes  de  ces  matières  :  3*^.  enhn ,  de  la  manipu- 
lation. 

A  l'égard  du  premier  objet ,  on  doit  faire  choix 
de  nitre  très  pur  ,  bien  cryftallifé  ,  exempt  de  iel 
marin,  &:  parfaitement  égoutté  de  toute  eau-me- 
re.  Ces  matières  retardent  l'inlLimmation  du  ni- 
tre ;  elles  diminuent ,  par  con(éc]uent,  les  eftcts 
de  la  poudre.  Nous  avons  tait  des  elTiiis  des 
poudres  dans  lefquelles  nous  avions  fait  en- 
entrer  différentes  dofes  de  iel  marin  qui  en  di- 
minuoit  conlidérablement  la  {"orce.  Lcrique  ncuis 
examinerons  les  matériaux  d'où  Ton  tire  le  nitre , 
nous  ferons  quelques  obftrvations  fur  celui  quoii 
emploie  dans  les  poudres. 

Le  charbon  doit  ctre  bien  fait: on  doit  rejet- 
ter  avec  foin  les  fumerons.  On  avoir  toujours 
penfé  que  le  charbon  des  bois  légers  devoir  ctre 
préféré  à  celui  des  bois  pelants  j  mais  ils  font  tous 
également  bons.  J'ai  fait  de  la  poudre  avec  du 
charbon  de  bois  de  gayac  &  de  buis ,  qui  font  des 
bois  pefants  j  &  dans  d'autres  elîais,  j'ai  employé 
du  charbon  de  bois  lé^er  ,  &  de  matières  véçéta- 
les  légères ,  tels  que  le  charbon  de  bois  de  til- 
leul ,  le  charbon  de  moelle  de  fureau ,  celui  de 
liege  ,  &  le  charbon  ordinaire.  Tous  a^s  char- 
bons (toutes  chofes  égales  d'ailleurs)  n'ont  ab- 
folument  apporté  aucune  différence  ,  6j  ont  pro- 
duit exaétement  les  mêmes  effets.  A  Elsône  ,  où 
l'on  fabrique  de  la  poudre,  on  fe  fert  de  char- 
bon de  bois  de  bourdaine ,  quoiqu'il  ne  foit  pas 
meilleur  que  le  charbon  ordinaire  qu'on  brûle 
dani  les  laboratoires  de  Chymie.  Le  charbon  des 
matières  animales  eft  décidément  mauvais,  ^ 

l'ï  IV 


45^        Chymie  expérimentale 

feioit ,  ainfi  que  le  noir  de  fimiée,  dcfedueux 
(  poui"  la  compofition  de  la  poudie. 
'  Le  foufre  n'exige  aucune  préparation ,  il  fafiit 
qu'il  foit  pur  :  on  emploie  ordinairement  le  fou- 
fre en  canon  :  on  peut  indiftindement  faire  ufage 
de  la  fleur  de  foufre  qui  eft  aulîî  bonne  pour  la  fa- 
brication de  la  poudre. 

Quant  aux  dofes  des  matières  ,  celles  du  fou- 
fre &  du  charbon  peuvent  varier  un  peu  ,  fans 
que  les  effets  de  la  poudre  changent  d'une  manière 
marquée.  Pour  connoître  les  meilleures  propor- 
tions des  ingrédients  ,  nous  avons  fait  plufieuis 
expériences ,  dans  lefquelles ,  i  °.  nous  avons  fait 
varier  les  quantités  de  foufre ,  celles  de  nitre  6i  ~ 
de  charbon  reftant  les  mêmes  \  2.°.  les  quantités 
de  nitre  ôc  de  foufre  étant  confiantes,  nous  avons 
varié  les  dofes  de  charbon.  Il  auroit  fallu  faire 
enfin  la  troifîemeclafTe  d'expériences  ,  en  laifTanc 
conftantes  les  ciuantités  de  charbon  &c  de  foufre  , 
ôc  variant  les  aofes  de  nirre  ;  mais  M.  le  Che  - 
valieç  d'Arcy  obferveque  les  fecours  ayant  man- 
qué, cette  partie  eftreftée  à  faire.  Voyez  EJfdi 
d'une  Théorie  d'Artillerie  ^  P^gc  ^4* 

La  manipulation  étoit  ce  qu'il  y  avoit  de  plus 
difficile  à  trouver  ,  pour  remplir  avec  exadtitude 
le  plan  d'expériences  que  nous  nous  étions  pro- 
pofé,  Il  falloit  que  cette  manipulation  fut  telle 
que  l'on  pût  être  certain  qu'avec  des  qur;ntités 
données  des  trois  ingrédients  ,  on  feroit  de  la 
poudre  dont  les  effets  feroient  confiants.  Cen'efl 
qu'après  beaucoup  d'expériences  que  j'y  luis  par- 
venu. J'ai  reconnu  qu'il  falloit  abfolument  re- 
noncer a  grener  les  effais  que  nous  voulions  com- 
parer. Il  efl  plus  exad  de  les  triturer  dans  le  mor- 
tier,  jufqu'à  ce  qu'ils  deviennent  fî  (qcs  ,  qu'il  ne 
fpit  plus  poffible  de  les  remuer,    fans  qu'ils  yoi- 


ET      RAISONNER.  457 

tîgent  hors  du  moitier  ,  comme  de  la  frA-ine  très 
feche  qu'on  y  voudroit  remuer  :  fans  cette  condi- 
tion, les  efTais  doivent  être  regardés  comme  ab- 
foluinent  manques  ;  aulll  les  rcfultars  qu'ils  don- 
noient  aux  épreuves  n'étoient  jamais  femblables. 
Loifc]u'on  veut  grencr  la  poudre  ,  on  eft  oblige 
de  conferver  au  mélange im  peu  'Thumidité  j  fans 
cela,  il  feroit  inipolîible  de  le  former  en  grains  : 
c'eft  du  plus  grand  degré  de  ilccité ,  où  le  mélange 
fe  trouve  avant  de  le  i^reaer  ,  que  dépend  la 
bonté  de  la  poudre,  Lorl qu'il  eft  trop  humide  , 
la  poudre  fe  grailfe  avec  beai^oup  de  facilité  j 
mais  le  nitre  fe  réunit  Se  fe  cryftallife  dans  l'in- 
térieur des  grains  :  il  ne  fe  trouve  plus  -liftribué 
numériquement  avec  les  molécules  du  foufre  & 
du  charbon.  Si  l'on  coupe  en  deux  de  femblables 
grains  de  poudre,  on  diftingue,  à  l'aide  d'une 
bonne  loupe,  le  nitre  cryftallilc  dans  l'intérieur. 
La  poudre  a  d'autant  moins  de  force ,  qu'elle  étoit 
plus  humide  avant  que  de  la  grener.  C'eft  ce 
qui  arrive  à  toutes  les  poudres  qu'on  grene  ,  par- 
cequ'elles  contiennent  davantage  de  nitre  de  raf- 
femblé  ;  elles  perdent  fenfiblement  de  leur  force 
au  grenage  :  ce  n'eft  que  du  plus  au  moins  ^  cez 
accident  eft  inévitable  :  les  poudres  feroient  d'un 
fervice  très  incommode  fi  elles  n'étôient  pas  ré- 
duites en  grains.  Tout  l'art  du  poudrier ,  pour 
conlervcr  à  la  poudre  la  force  qu'elle  a  reçue  par 
les  opérations  qui  précèdent  le  grenage  ,  confifte 
donc  à  ne  la  tirer  des  morciirs  ,  pour  la  grener  , 
que  lorfqu'clle  a  le  moins  d'humidité  poîlible.  Or 
il  eft  facile  de  fentir  combien  ces  obfervations 
font  difficiles  à  faire,  lorfqu'on  fait  des  elTais  qui 
doivent  être  comparés  entre  eux  :  c'eft  pour  cette 
raifon  que  nous  avons  été  obligés  de  renoncer  à 
grener  nos  différents  elTais.  Nous  avons  reconnu , 


■458  ChYMIE    EXPERIMENTALE 

tdutes  chofes  égales  d'ailleurs,  que  la  poudre  qui 
avoic  été  parfaitemenr  delTcchée  dans  le  mortier, 
par  le  feul  mouvement  de  la  trituration  ,  avoit 
plus  de  force  que  celle  qui  avoit  été  grenée  ,  dans 
les  circonftances  même  les  plus  avantageufes. 

En  vain  obje6teroit-on  que  la  poudre  grenée 
préfente  moins  ds  furface  ,  qu'elle  s'enflamme  en 
moindre  quantité,  Se  que  c'eft  par  cette  raifon 
qu'elle  paroît  avoir  moins  de  force.  Nous  avons 
pulvérifé  ôc  pifle  au  tamis  de  la  poudre  ,  après 
qu'elle  avoit  été  grenée.  Nous  avons  comparé  fa 
force  avec  de  la. même  poudre,  faite  dans  les 
mêmes  proportions,  mais  qui  n'avoit  point  été 
grenée  ^  l'une  &  l'autre  ont  été  féchées  au  bain- 
marie  ,  ôc  leur  degré  de  force  a  été  éprouvé  , 
tandis  qu'elles  étoient  encore  chaudes  ;  ainfi  ,  de 
ce  côté  là  ,  il  n'y  a  aucune  incertitude  :  la  pou- 
dre qui  avoit  été  grenée  ,  avoit  toujours  moins  de 
force. 

C'eft  au  nitre  feul  ,  qui  a  la  propriété  de  s'en- 
flammer par  le  contaét  du  phlogiftique  embrafé  , 
qu'on  doit  rapporter  les  effets  dç  la  poudre  j  mais 
pour  qu'ils  aient  lieu  ,  il  faut  que  le  mélange  foit 
très  intime  ,  &:  que  le  nitre  fe  trouve  diftribué 
numériquement  avec  les  molécules  du  foufre  ôc 
du  charbon  \  fans  cela  le  mélange  fufe  fansexplo- 
iîon  j  le  nitre  fe  décompofe  fucceflivement  au  lieu 
de  s'enflammer  tout  à  coup.  La  plus  petite  quantité 
d'humidité  dérange  cette  diftribution  numérique 
&  diminue  la  force  de  la  poudre.  Cependant 
l'eau  eft  nécefl~aire  pour  faciliter  le  mélange  des 
ingrédients  &  pour  l'empêcher  de  fortir  hors  du 
mortier;  mais  il  faut  en  mettre  peu  à  la  fois,  & 
éviter  fur-tout  d'en  mettre  alîez  pour  former  une 
bouillie  :  elle  difloudroit  le  nitre  &c  détruiroitle 
mélange  qui  a  été  fait  ci-devant.  Tout  mouve- 


ET      RAISONNA  f.  459 

ment  du  pilon  devient  même  inutile  jufqu'à  ce 
que  l'eau  foit  évaporée  en  grande  partie ,  !k  que 
le  mélange  foit  redevenu  en  confîftance  de  pâte, 
au  point  de  laifler  à  peine  quelque  trace  d'humi- 
dité lorfqu'on  en  met  fur  une  ailiette  de  faïance. 
C'cft  dans  cet  état  qu'il  convient  d'entretenir  le 
mélange  pendant  tout  le  temps  de  la  trituration. 
Lorfqu'on  a  employé  toute  la  quantité  d'eau  pref- 
crire,  on  continue  de  triturer  la  matière  Jufqu'à  ce 
qu'elle  devienne  feche  comme  nous  l'avons  dit. 

Avant  que  j'eulfe  trouvé  cette  méthode,  Se  que 
j'eulfe  reconnu  les  inconvénients  de  gréner  les 
eiïais  de  poudre  ,  je  broyois  ces  elfais  fur  un  por- 
phyre avec  une  molette.  Il  étoit  impolîible  de 
faire  un  mélange  exaél ,  parceque  ,  lorfque  la 
matière  étoit  parvenue  au  degré  de  ficcité  conve- 
nable, &z  où  le  mélange  fe  fait  réellement,  la 
matière  fe  plaquoit  fur  le  porphyre ,  la  molette 
ne  fiifoit  que  gliffer  delTus  ,  la  lilToit  &c  ne  mcr 
loit  rien.  On  a  reconnu  à  Elïône  ce  même  incon- 
vénient à- peu-près  dans  le  temps  que  je  m'oc- 
cupois  de  cet  objet  :  on  avoit  établi  de  gros  cy- 
lindres de  fer  roulants  dans  des  auges  de  bois  : 
on  a  été  obligé  d'abandonner  cette  méthode  pour 
les  raifons  que  nous  venons  d'expofer. 

11  eft  effentiel  de  ne  point  mcler  dans  des  mor- 
tiers de  fer  ,  avec  des  pilons  de  fer  ,  les  matières 
qui  compofent  la  poudre ,  parceque  le  frottement 
du  pilon  contre  le  mortier  occafîonneroit  alTez 
de  chaleur  pour  enflammer  la  poudre.  Il  y  a  mille 
exemples  d'accidents  arrivés  pour  avoir  employé 
de  femblables  inftruments.  Cependant  je  me  fuis 
fervi  long-temps  d'un  mortier  de  cuivre  &;  d'im 
pilon  de  fer  :  il  n'eft  point  arrivé  d'accidents  : 
néanmoins  il  eft  plus  prudent  de  n'employer  que 
4es  inftruments  de  pierre  QU  de  bois.  J'ai  encore 


4^0  Chymie  l  X  p  é  ri  mentale 
obfervé  qu'il  vaut  mieux  triturer  enfemble  les 
trois  matières  qui  entrent  dans  la  poudre  ,  que 
de  les  triturer  deux  A  deux.  Loifqu'on  commence 
pir  triturer  d'abord  le  nitre  &  le  foufre  ,  il  m'a 
femblé  que  cette  dernière  fubftance  faifoit  l'effet 
d'un  vernis  fur  le  nitre  ,  Se  empêchoit  que  le 
charbon  eût  après  cela  avec  le  nitre  un  contadt 
aufli  exa6t  que  cela  eft  néceflfaire. 

Après  avoir  déterminé  par  des  expériences 
tous  les  objets  dont  je  viens  de  rendre  compte  , 
nous  avons  procédé  à  la  folution  de  deux  des 
trois  queftions  que  nous  nous  étions  propofées. 
Le  zo  Décembre  1754,  &  jours  fuivants  ,  j'ai  fait 
cinq  elfais  de  poudre  ,  dans  lefquels  le  nitre  &  le 
charbon  font  conftamment  employés  aux  mêmes 
dofes ,  mais  en  variant  celle  du  ibufre ,  (  voyez,  ci- 
après  ,  Table  première)  afin  deconnoître  les  meil- 
leures proportions  de  cette  fubftance.  On  n'en  a 
|-»oint  fait  entrer  dans  le  premier  eftaij  par  ce 
moyen,  on  peut  juger  de  fon utilité  dans  la  com- 
poiition  de  la  poudre.  On  a  gardé  ces  poudres 
dans  un  endroit  très  fec ,  jufqu'au  20  Avril  1755, 
qui  eft  le  jour  où  on  les  a  éprouvées  au  poids  d'une 
once  chacune.  (Voyez  le  réfultat  dans  la  troifieme 
colonne  de  la  première  Table,  j  On  aconfervé  le 
reftant  de  ces  effais  dans  un  endroit  très  fec ,  juf- 
c]u'au  1 5  de  Juin  fuivant.  On  les  a  fait  fécher 
dans  un  alambic  au  bain  marie ,  couvert  de  fon 
chapiteau,  &:on  les  a  éprouvés  de  nouveau  dans 
la  même  machine ,  Se  pareillement  au  poids  d'une 
once.  (  Voyez  les  réfultats  dans  la  quatrième  co- 
lonne de  la  première  Table.  )  11  eft  réfulté  de  ces 
expériences 

I®.  Les  poudres ,  toutes  chofes  égales  d'ailleurs» 
ont  plus  de  force ,  lorfqu'elles  font  bien  feches  ^ 
que  lorfqu'elles  font  dans  un  état  contraire.  L'hu- 


iT      RAISONNÉ  E.  40 1 

înidité  qu'elles  peuvent  prendre  de  l'atmorphere, 
qiioiqu'incapablede  lesdécompofer,  retarde  leur 
inflammation  :  elle  empêche  qu'il  ne  s'enflamme 
une  aufli  grande  quantité  de  la  charge  employée. 
C'eft  à  cette  circonftance  qu'on  doit  attribuer  le 
moins  de  recul  qu'occalîonnent  les  poudres  lorf- 
qu'elles  ne  font  pas  parfaitement  delféchées. 

1°.  Un  mélange  de  fix  onces  de  nitre  &  d'une 
once  de  charbon  produit  une  poudre  qui  a  moi- 
tié moins  de  force  que  toutes  celles  dans  lef- 
quelles  on  fait  entrer  du  foufre  :  cette  fubftance 
eil  donc  abfôlument  efl~entielle  à  la  compoiition 
de  la  poudre.  Dans  le  temps  que  je  travaillois 
fur  cette  matière,  quelques  particuliers  propofe- 
lent  de  faire  de  la  poudre  lans  foufre  :  ils  promet- 
toient  qu'elle  feroit  plus  forte  &  qu'elle  faliroit 
moins  les  armes  à  feu.  On  fe  perfuadoit  que  la 
poudre  feroit  plus  forte,  fans  foufre,  d'après  une 
expérience  de  M.  Haies ,  où  il  fait  voir  que  cette 
fubftance ,  pendant  fon  inflammation,  abforbe  de 
l'air,  au  lieu  d'en  fournir  comme  la  plupart  des 
autres  corps  qu'il  a  foumis  à  {es  expériences. 
Comme  on  rapportoit  à  l'air  les  effets  de  la  pou- 
cke  ,  il  étoit  tout  naturel  de  penler  que  le  fouhe 
qui  en  abforbe  devoir  en  diminuer  les  effets  j  mais 
il  en  eft  tout  autrement.  La  poudre  dans  laquelle 
on  fait  entrer  une  petite  quantité  de  foufre,  aug- 
mente de  force  du  double  j  ce  quifuftit  pour  faire 
penfer  que  l'air  toutfeul ,  en  fuppoiant  qu'il  con- 
coure pour  quelque  chofe  ,  n'eft  pas  lafeule  caufe 
des  terribles  efi^ets  de  la  poudre.  C'eft  une  quef- 
tion  que  nous  examinerons  bientôt. 

Le  foufre  ne  falit  pas  plus  les  armes,  que  les 
autres  fubftances ,  lorfqu'on  le  fait  entrer  en  dofe 
convenable ,  ôc  qu'il  eft  bien  mêlé  avec  les  au- 
tres ingrédients  de  la  poudre.  Lorfque  la  poudre 


4<ji        Chymie  expérï mentale 

graifle  les  armes  plus  que  de  coutume  ,  cela  vient 
de  ce  que  le  mélange  n'efl:  pas  fuffifamment 
exa6t  :  il  ne  s'enflamme  pas  afl~ez  rapidement.  La 
poudre  laifTe  une  vapeur  de  foie  de  foufre  qui 
s'attache  aux  armes  &c  les  détruit.  Ces  inconvé- 
nients font  moindres  lorfque  la  poudre  a  le  plus 
grand  degré  de  force  qu'elle  puilTe  acquérir. 
Alors  elle  s'enflamme  bien  rapidement,  &  elle  fa- 
lit  moins  les  armes. 

Au  refl:e ,  il  efl:  vifible  que  le  foufre  eft  fi  né- 
ceflaire  dans  la  poudre ,  qu'à  mefure  qu'on  en 
augmente  la  dofe ,  on  augmente  fa  force  :  cepen- 
dant cela  doit  avoir  des  limites  j  mais  on  peut  ti- 
rer de  ces  expériences  une  conféquence  impor- 
tante. Comme  le  foufre  n'eft  point  expofé  aux 
viciflîtudes  de  l'air  humide  ou  de  l'air  fec ,  la  pou- 
dre dans  laquelle  on  fait  entrer  beaucoup  de  fou- 
fre, donne  moins  de  différence  dans  le  recul, 
eflayée  dans  fon  état  de  delTéchement  à  l'air,  &C 
dans  celui  où  elle  a  été  féchée  au  bain-marie.  Les 
poudres  chargées  de  beaucoup  de  foufre  peuvent , 
dans  certaines  circonfliances,  avoir  des  avantages 
fur  celles  qui  en  contiennent  moins,  &  finguliére- 
ment  pour  la  marine.  Comme  elles  font  moins 
fujettes  à  fe  charger  de  l'humidité  de  l'air  ,  on 
peut  mieux  les  contenir  dans  les  fonds  de  cale  des 
vaifl~eaux,  où  on  les  conferve  ordinairement.  Le 
foufre  les  défendra  de  l'humidité.  Il  y  auroit  feule- 
ment à  craindre  que  ,  comme  elles  répandent 
beaucoup  de  fumée  ,  elles  ne  falifl~ent  trop  les  ar- 
mes, &  qu'elles  ne  les  détruififl^ent  plus  prompte- 
ment.  Il  faut  encore  obferver  que  le  foufre  aug-. 
mente  la  pefanteur  fpécifique  de  la  poudre. 

Les  expériences  que  nous  avons  faites  pour  ré- 
foudre la  féconde  quefl:ion,  avoient  pour  objet 
dôdéterminer  la  meilleure  dofe  de  charbon  qu'on 


IT      KAISONNâl.  4^^ 

peut  faire  entrer  dans  la  compoficion  de  la  pou- 
dre. Ces  expériences  font  rapportées  dans  la  fé- 
conde Table.  11  en  réfulte  , 

I  ".  Qu'il  n'ert  pas  polfible  de  faire  de  la  pou- 
dre fans  charbon ,  ou  fans  toute  autre  matière 
comburtible  qui  en  falfe  fondtion.  Un  mélange 
de  nitre  &  de  foufre  ,  fait  dans  toutes  fortes  de 
proportions ,  ne  peut  s'enflammer  dans  aucune 
arme  à  feu.  (  Voyez  N°.  premier  ,  deuxième  Ta- 
ble. )  Il  faut  pour  l'inflammation  d'un  pareil  mé- 
lange le  fecours  d'une  chaleur  permanente  , 
comme  nous  l'avons  dit  au  fcl  polychrefte  de 
Glafer. 

2^.  Le  charbon  employé  en  trop  petite  dofe  , 
ne  forme  qu'une  poudre  foible  qui  ne  produit 
que  8  degrés  -^  de  recul ,  comme  on  le  voit  aii 
N*\  1  de  la  deuxième  Table.  Lorfque  cette  fub- 
ftance  entre  en  trop  grande  quantité,  la  poudre 
ne  fait  plus  d'explofion  ;  elle  fufe  feulement 
comme  une  fufée  d'artifice.  (Voyez  le  N'^'.  5.) 
Mais  lorfqu'au  contraire  le  charbon  efl:  employé 
dans  des  dofes  convenables  ,  la  poudre  a  toute 
la  force  qu'elle  elle  eft  fufceptible  d'acquérir. 
(  Voyez  le  N°.  5.  )  Cette  poudre  eft  femblable  à 
celle  du  N*'.  5  de  la  première  Table.  La  pente 
différence  de  recul  qu'on  remarque  à  ces  deux 
poudies  eflayées  après  avoir  été  deflcchées  au 
bain-marie ,  vient  de  quelques  petites  circonftan- 
CQS  difficiles  à  découvrir. 


4^4 


TABLE     PRE  AI  1ERE 


Pour  connoître  la  meilleure  dofe  de  foufrc  qu'il  convient  de  faire 
entrer  dans  la  poudre  à  canon  y  en  variant  la  dofe  de  cette  fuh' 
jlance  ^  &  en  confervant  toujours  les  mènïes  poids  de  nitre  &  de 
charbon  ;  &  dans  laquelle  on  rend  compte  du  recul  que  ces  pou- 
dres ont  occajionné  à  une  arme  à  feu  j  ejfayées  au  poids  d'une 
once  dans  deux  états  diff^érents  ;  fichées  au  bain'marie  ^  &  non 
féchées* 


lOBSERVATIONS. 

Compolîtion  de  chaque  clTai  en 
particulier. 

Degrés  de  recul 
des  coips  moyens 
avec  la  poudre 
non  féchée. 

Temps  chaud. 

Degrés  de  recul 
de  la  poudre  fé- 
chée au  BM  ,  b: 
encore  chaude. 

Temps  chaud. 

Ce  mc-lange  a  été  cri- 
turc  pendant  fept  heures 
pourls  pouvoir  fécher. 

Le  ter.ips  très  humide. 

N°.  premier. 

2^  Nitre.     .        .        •    ?vj 
Charbon  de  faule.     §j 
Eau.        .       .        •    §ij 

1^^^-TI' 

n  des-  i 

16' 

Iiicm> 

y  Nitre.     .        .        .   ^vj 
Charbon  de  faule.     |j 

.     Soufre.    .        ,         «51] 
Eau.        .        .        .    ^iij 

M-^^-rr. 

l8'''S-j. 

Idem. 

N^.  3. 

^  Nitre.    .       .        .     |vj 
Charbon  de  faule.     ^) 
Soufre.   .        .        .    jiv 
Eau.       .       .        .    |iv 

ij'^^s-.V. 

ly^'^^-ri- 

Idem. 
L'inflammation  d-' cette 
poudre    répand    beau- 
coup de  fumée. 

"2^  Nitre.     .       .        •    ^vj 
Charbon  de  faule.      |j 
Soufre.    .         .         .    ^j 
Eau.        .        .        .     ^iv 

IS'^^-Tl' 

Yl^'^-\. 

Idem. 
L'inflammation  de  cette 
poudre   répand    encore 
plus  de    fumée   que  la 
précédente. 

y  Nitre.     .       .       •     ^vj 
Charbon  de  faule.      |j 
Soufre.     .        .        .  |ij 
Eau.          .        .       .    ^v 

1$^^-^,. 

i6dcs.x. 

Plus  il  y  a  de  foufre  dans  ces  efîais ,   moins  ils  occup  nt  de  place  dans  le 
canon  ;  ils  font  par  conféquent  fpécifiquement  plus  pefanrs. 

TABLE 


TABLE    SECONDE 


4fff 


Pour  connourc  la  meilleure  dofe  dt  ckarbon  qu'il  convient 
de  faire  entrer  dans  la  poudre  à  canon  _,  en  variant  la 
dôfe  de  cette  fubjîance  ,  &  en  confervant  toujours  les 
mêmes  poids  de  nitrc  &  defoufre  ;  &  dans  laquelle  on  rend 
compte  du  recul  que  ces  poudres  ont  occajîonné  à  une  arme 
à  feu  y  ejfayées  au  poids  d'une  once  ^  dans  deux  états 
diff'érents  ;  fèchées  au  bain-marie ^  &  nonfeche'çs. 


OBSERVATIONS. 


Ce  mélange  a  été  tricurc 
Icpt  heures  pour  pouvoir 
!e  lécher. 

Le  temps  chaud. 


1     Dtgiéde  recul  de  1.Î 
Ipoiidre  léchée  au  BM. 
Compouuon  de  chacun  de  ces  ^  en-ore  chau"c 
(Tais. 

Ien:psch<  ud. 


Soufre. 
Eau. 


N".  premier. 


Ce  mêlaDge  a  écé  tricuré. 
pcndaiu  fcpc  heures  &  de-]  i^  Nitrc. 
Soufre 


Le  temps  chaud. 


Eau  ....    ^iij 
Charbon  de  faule.     5iv 


Ce  mélange  a  écé  uicuré      .  N 

pendant  huit  heures.  '2Z  Nitte. 

Le  temps  chaud 

Cet  efrai  cft  le  même 
que  le  N°.  5  de  la  Table 
première. 


Soufre.    . 

Eau. 

Charbon  de  faulc. 


2^] 


Ce  mélange  a  été  trituré 
le  même  temps  que  le  pré- 
cédent. 


Idem. 


N^'.  4. 


^Nitre.      .        .        ; 
Soufre.    . 
Eau. 
Charbon  de  faulc. 


5ij 


If  Nitre. 
Soufre. 
Eau. 


21X 


Charbon  de  faule.      5iv 


Cette  poudre  n'oc- 
caiîonne  aucun  recul. 
tl  n'y  a  que  1v  foufrc 
qui  biùle  fans  que  le 
niera  s'enflamlnc. 


8  '**S-  77, 


15 


dcg.jj 


Fufc  fans  eiploficn. 


La  quantité  d'eau  qui  entre  dans  ces  poudres  n'a  été  mifc  qU(â 
petit  à  petit ,  &  à  mefure  (qu'elle  fe  diiripoit. 


2  orne  I, 


Gg 


^66        Chymie  expérimentale 

A  Eflône ,  près  de  Corbeil ,  on  fait  entrer  dans 
cent  livres  de  poudre  foixante  &  quinze  livres  de 
nitre  ,  neuf  livres  &  demie  de  foufre  ,  &  quinze 
livres  de  charbon.  Ces  matières  font  pilées  pen-r 
dant  douze  heures  dans  plufieurs  mortiers  de 
bois  avec  des  pilons  de  bois  ,  mus  par  un  courant 
d'eau  comme  ceux  des  moulins  à  tan  ou  à  papier. 
La  matière  de  chaque  mortier  reçoit  trois  mille 
fîx  cents  coups  de  pilon  par  heure  ,  &  on  Tarrofe 
avec  une  pinte  d'eau  qu'on  met  en  cinq  ou  fîx 
fois  de  deux  heures  en  deux  heures.  On  pourroic 
fe  contenter,  pendant  cette  opération  ,  de  remuer 
la  matière  avec  une  fpatule  ;  mais  les  manufac- 
turiers fe  méfiant  de  l'inexactitude  des  ouvriers, 
font  dans  l'ufage  de  faire  changer  fuccellîvemenc 
la  matière  d'un  mortier  dans  un  autre ,  pour  s'af- 
furer  de  la  petfeétion  du  mélange.  On  vuide  le 
premier  mortier  :  on  entrepofe  la  matière  dans 
une  fébile  de  bois  :  on  met  dans  le  mortier  qu'on 
vient  de  vuider,  la  matière  du  fécond  mortier  : 
on  continue  ainfi  de  fuite  à  vuider  les  autres  :  la 
matière  du  premier  mortier  que  l'on  a  entrepofée , 
fe  met  dans  le  dernier  qui  le  trouve  vuicle  à  la 
fin  de  la  tournée. 

Lorfque  la  poudre  a  été  pilce  le  temps  que 
nous  venons  de  dire  ,  la  quantité  d'eau  qu'on  y  a 
mife  s'eft  prefque  évaporée  :  le  mélange  fe  trouve 
£ec  au  point  qu'en  en  mettant  fur  une  aflîette  de 
faïance ,  il  n'y  laifie  aucune  trace  d'humidité  : 
alors  on  porte  la  poudre  au  grenoir^  qui  elt  l'at- 
telier  où  elle  doit  être grenée. 

Pour  grener  la  poudre  ,  on  en  met  une  certaine 
quantité  fur  un  crible  de  peau ,  dont  les  trous 
ont  à-peu-près  fix  lignes  de  diamètre  :  on  mer 
fur  ce  crible  avec  la  poudre  une  petite  meule  de 
bois  d'environ  huit  pouces  de  diamètre ,  oc  de 


ET      R  A  ï  S  O  N  -N  i  E.  457 

■ienx  pouces  d  epai^Tcur  :  on  fait  agir  le  crible  ho- 
nzoncalemeiit  en  ligne  droite  far  une  traverfe 
de  boisj  pour  faire  palfcr  la  poudre.  La  meule 
fertà  plaquer  la  matière  ,  afin  de  coller  enfemble 
ItiS  molécules  de  la  poudre  en  même  temps  qu'elle 
palfe  au  travers  des  trous  \  ce  qui  commence  a 
former  les  grains.  Cette  poudre  cft  reprife  au  for- 
tir  de  ce  premier  crible  dans  un  autre  dont  les 
trous  iont  plus  petits  ,  où  on  la  remue  de  la  même 
manière  ,  en  faifant  toujours  ufige  de  la  meule 
pour  continuer  à  former  les  grains ,  «Se  pour  gre- 
ner  la  portion  de  poudre  qui  a  échappe  à  la  pre- 
mière opération  :  on  contmue  cette  manœuvre 
en  taifant  patïer  ainii  la  poudre  dans  dirfcrents 
cribles  dont  les  trous  vent  toujours  en  diminuant 
de  groHcur ,  jufqu'à  ce  que  l'on  foit  enfin  par- 
venu à  la  faire  pafler  au  travers  du  crible  qui 
forme  les  graiiîs  de  la  grclTeur  de  la  poudre  à 
canon  ordinaire.  Alors  on  naffe  cette  poudre  au 
travers  d'un  tamis  de  icie ,  afin  de  féparcr  la  por- 
tion grenée  de  celle  qui  ne  l'ell  point ,  de  qui  eft 
reftce  en  poufiiere.  On  pafTe  cnfuite  la  poudre 
grenée  au  travers  d'un  tamis  plus  gros  que  le  pré- 
cédent, afin  de  féparer  les  petits  grains  d'avec 
les  gros  qui  forment  la  poudre  à  canon.  Les  pe- 
tit$  qui  fubilfent  encore  les  opérations  dont  nous 
allons  parler ,  forment  la  poudre  de  chalTe. 

Ce  triage  de  la  poudre  à  canon  étant  fiait ,  on 
la  porte  anjechoir.  C'eft  un  qrand  hangard  vitré 
du  coté  du  midi  ,  dans  la  longueur  duquel  eft 
une  table  garnie  d'une  toile  fur  laquelle  on  étend 
la  poudre.  On  a  foin  de  la  retirer  du  féchoir  à  la 
fin  du  jour  ,  afin  d'éviter  l'humidité  &  la  fraî- 
cheur de  la  nuit,  &  les  autres  accioents  qui  pour* 
roient  arriver.  Il  y  a  des  manufa6tures  où  roil 
fait  fécher  l-x  poudre  dans  lyie  éiUve  chauffée  par 


4^«^        Chyàiie  expérimentale 
un  po'Jle  j   mais  on  doit ,  autant  qu'on  le  peut, 
éviter  de  fe  ferviu  de  ce  moyen  ,  à  caufe  du  dan- 
ger du  feu. 

On  eft  dans  l'ufage  de  lilfer  la  poudre  de  chafTe, 
mais  avant  de  l'avoir  fait  fécher.  Pour  cet  effet, 
on  en  remplit  à  demi  un  tonneau  percé  dans  fes 
deux  fonds  ,  de  enfilé  par  un  axe  quarré ,  pofé 
fur  deux  pivots  ,  &■  alfujetti  à  une  roue  qu'un 
courant  d'eau  fait  mouvoir.  La  poudre  refte  pen- 
dant fix  heures  dans  ce  tonneau  qui  tourne  circu- 
lairement ,  &c  alors  elle  eft  fuffifamment  lilTée. 

Après  cette  opération  ,  on  repalFe  la  poudre 
au  travers  d'un  tamis  de  foie  ,  pour  féparer  la 
portion  grenée  d'avec  celle  qui  n'eft  pas  reftée 
en  grains  ;  ôc  on  repaife  encore  cette  poudre  au 
travers  d'un  tamis  de  crin  ,  pour  féparer  les  pe- 
tits grains  d'avec  les  gros  j  ce  qui  donne  deux 
poudres  ,  dont  les  grains  font  de  différente  grof- 
fcur ,  de  également  employées  pour  la  cbalïe. 

11  réfulte  de  ce  que  nous  venons  de  dire  ,  que 
la  poudre  à  canon  &  la  poudre  de  chafTe  font 
effentiellement  de  même  qualité  j  néanmoins  la 
poudre  de  chalïe  eft  moins  forte  que  la  poudre  à 
canon  ,  parceque  la  poudre  de  chaife  eft  liftée , 
ôc  que  cette  opération  la  rend  moins  fufceptible 
de  s'enflammer.  A  quantité  égale  de  poudre  mife 
dans  un  canon,  il  s'enflamme  beaucoup  plus  de 
poudre  à  canon  que  de  poudre  de  chaife  ,  par- 
ceque les  grains  de  la  poudre  à  cajion,  n'étant  pas 
il  entaffés  ,  font  pénétrés  plus  facilement  ôc  plus 
promptemenc  par  le  feu.  On  aime  ,  pour  la 
chaflTe ,  que  la  poudre  foit  liflTée  ,  parcequ'elle 
ialit  moins  les  mains  ,  les  grains  étant  plus  diffi- 
ciles à  fe  déformer. 

La  portion  de  poudre  qui  ne  s'eft  point  grenée 
dans  toutes  les  opérations  que  nous  avons  détail- 


ET      RAISONNA  E.  4(^5 

lées ,  eft  remife  dans  les  mortiers  pour  y  être 
pilée  pendant  deux  heures  ,  &:  huiredée  avec  un 
peu  d'eau  j  au  bout  duquel  temps  on  la  grcnc 
ainfi  qu'il  a  été  dit  ci-deflus. 

Quand  on  a  commencé  à  faire  ufage  de  la  pou- 
dre ,  on  ne  la  çirenoit  pas  :  on  fe  contentoit  de  la 
pulvérifer  dans  le  mortier  jufqu'à  ce  qu'elle  fût 
prefque  feche.  Cette  poudre  fe  trouvoit  plus  torte 
que  celle  qui  eft  grenée  ,  parcequ'elle  préfentoit 
plus  de  furface  ,  &:  qu'à  quantité  égale,  il  s'en 
enflammoit  davantage  ^  mais  elle  étoit  plus  fi»- 
jette  aux  viàlîitudes  de  Thumidiré  de  l'air  ,  6c  il 
étoit  difficile  de  l'introduire  dans  le  canon  ,  par- 
cequ'elle ne  couloit  pas  aifément ,  &  cju'il  en 
reftoit  une  partie  aux  parois  j  c'eft  ce  qui  la  ren- 
doit  d'un  fervicc  incomn-iode  ,  &C  qui  a  tait  ima- 
giner de  la  grener. 

On  connoît  afTez  les  terribles  effets  de  la  pou- 
dre. Plufieurs  Phylîciens  ont  attribué  ces  eftets  à 
l'air  contenu  dans  le  nitre  :  ils  ont  fait ,  à  ce  fu- 
jet,  beaucoup  d'expériences  curieufes  ,  pour  ap-^ 
précier  la  quantité  d'air  qui  le  dégage  lors  de  l'in- 
flammation de  la  poudre  :  elles  ont  fervi  à  dé- 
montrer qu'il  s'en  dégage  fort  peu.  D'autres  onc 
attribué  ces  effets  à  un  fluide  clallique  fur  la  na- 
ture duquel  il  ne  nous  ont  donné  aucune  con- 
noiffance.  D'autres  enfin  ont  attribué  ces  effets  à. 
l'eau  principe  des  matières  qui  compofent  la  pou- 
dre ,  6c  qui  fe  réduit  fubitement  en  vapeurs  lors, 
de  fon  inflammation.  Ce  fentiment  eft  celui  de 
Staahl ,  auquel  j'ajouterai  quelques  réfJ.exions. 

On  connoit  les  effets  de  l'air  dilaté  chautré 
jufqu'au  rouge  blanc  :  ils  font  incomparablen^ent- 
nioins  forts  que  ceux  de  l'eau  dilatée  fubitemept 
au  mémç  degré  de  chaleur.  Cette  réflexion  e(l 
{"vifftlantç-  pour  faire  croire  que  l'air  ervtrç  pouv 


47*^  CkYî/.  lE    T.XVZ-l'.MY  STAIT 

peu  de  chofe  dans  les  effets  de  la  poudre ,  fur^ 
tout  (i  nous  pouvons  prouver  que  les  matières 
qui  compofent  la  poudre  ,  contiennent  beaucoup 
d'eau  ,  &  que  cette  eau  efl:  chauffée  fubitcment 
jufqu'au  rouge  blanc  qui  eft  le  degré  de  chaleur 
où  elle  reçoit  la  plus  grande  dilatation.  Les  Phy-^ 
lîciens  pavcifans  de  l'air  fouriennent  qu'à  mefure 
qu'on  humecte  la  poudre  par  la  vapeur  de  l'eau  , 
on  diminue  conhdérablement  fa  force;  donc, 
difent-ils ,  les  effets  de  la  poud'-e  ne  viennent 
point  de  l'eau  :  on  ne  doit  point  non  plus  les 
attribuer  au  foufre ,  puifqu'il  abforbe  de  l'air  pen- 
dant fon  inflammation. 

Les  auteurs  de  ces  affertions  ne  font  point 
attention  que  la  vape.ir  de  l'eau  détruit  l'arran- 
gement des  parties  numériques  des  ingrédients 
qui  compofent  la  poudre  ,  en  faifant  cryftallifçr 
le  nitre  :  cela  efi;  h  vrai ,  que  fi  l'on  fait  fccher 
enfuite  cette  poudre,  fans  la  triturer,  on  trou- 
vera qu'elle  aura  perdu  prefque  toute  fa  force  : 
elle  ne  fera  pas  même  d'cxplofion  :  elle  fufera 
com'me  une  fufée  d'artifice,  ii  elle  a  été  beau- 
coup humeûée  :  d'une  autre  part ,  fî  l'on  coupe 
un  des  grains  en  deux  ,  on  diffinguera ,  à  l'aide 
d'une  loupe ,  le  nitre  qui  s'eft  cryftallifé.  Ces 
mêmes  Phyficiens  ne  font  pas  encore  attention 
que  cette  eau  eft  étrangère  &  abfolument  fura- 
bondante  à  la  nature  des  matériaux  de  la  poudre  :. 
c'eft  l'eau  principe  de  ces  fubftances  qu'il  faut  con- 
sidérer ,  fans  laquelle  le  nitre  ne  feroit  point  ni- 
tre ,  Se  le  foufre  ne  feroit  point  foufre  :  eau  prin- 
cipe qu'on  ne  peut  féparer  ,  fans  détruire  la  na- 
ture de  ces  fubftances. 

Il  en  eft  de  même  du  foufre  :  quoiqu'il  abforbe 
de  l'air  pendant  fa  combuftion  ,  cela  n'empêche 
pas  qu'il  ne  produife  de  violentes  explofions,  lorf- 


ET      RAISONNEI.  47I 

qu'il  efl:  réduit  en  vapeurs  ,  &  qu'on  vient  à  les 
enflammer  ;  c'eft  ce  que  j'ai  fait  obfervcr  à  l'ar- 
ticle de  la  fublimation  du  foufre.  Cette  iubftance 
qui  fe  trouve  très  divifée  dans  la  poudre  ,  s'en- 
flamme tout-i-coup  ,  Se  fournit  fou  contingent 
dans  l'explofion. 

Pour  mieux  taire  entendre  ce  que  nous  avons 
a  dire  fur  la  théorie  des  effets  de  la  poudre  ,  rap- 
pelions ici  en  peu  demots  quelques  principes  que 
nous  avons  prouves  ailleurs. 

Nous  avons  dit  que  le  foufre  contenoit  fept 
huitièmes  d'acide  vitriolique  très  concentré,  de 
un  huitième  de  phlogiltique. 

Le  nitre ,  de  fon  côte ,  contient  environ  la 
moitié  de  fon  poids  d'eau  principe  de  cette  fub- 
ftance  faline. 

Nous  devons  auflî  nous  rappeller  que  les  corps 
capables  de  fe  réduire  en  vapeurs  par  la  chaleur, 
font  d'autant  plus  expanfibles,  qu'ils  contiennent 
plus  de  mafle  fous  le  même  volume. 

Or  nous  avons  dans  la  poudre  le  foufre  Se  le 
nitre  qui  font  des  corps  très  inflammables ,  &c 
qui,  à  caufe  de  leur  pefanteur  fpécifique ,  font 
très  dilatables  :  ils  font  entièrement  réduits  en 
vapeurs  par  la  chaleur  qui  fe  produit  pendant  l'in- 
flammation de  la  poudre.  Lors  donc  qu'on  met 
le  feu  à  de  la  poudre ,  l'acide  nitreux  s'unit  au 
phlogiftique  du  charbon  Se  du  foufre  :  il  en  réfulte 
un  foufre  nitreux  qui  eft  très  explofible  :  la  cha- 
leur qu'il  produit  lors  de  l'inflammation  ,  eft  aflcz 
forte  pour  réduire  fubitcment  en  vapeurs  tout 
l'alkali  du  nitre ,  &:,  par  conféquent,  Veau  prin- 
cipe de  ces  fubftances.  Mais  fi  les  vapeurs  de  l'eau 
pure  font  auflîi  expanfibles  que  nous  l'avons  dit, 
les  matières  falines  du  foufre  &  du  nitre  le  font 
bien  davantage  :  s'il  étoit  poflible  d'apprécier  leuc 

Ggiv 


47-  ChYMIE    EXPÉRIMEKTAtl 

expanfibiiité  ,  on  tuoiiveroit  que  la  différence  efl 
infiniment  plus  grande  que  cellç  qu'il  y  a  entre 
l'air  qui  fe  dilate  treize  fois  fon  volume  ,  &c  l'eau 
qui  fe  dilate  quatorze  mille  fois  fon  volume. 
Qu'on  juge  à  préfent  à  qui  l'on  doit  attribuer  les 
eiiets  de  la  poudre  j  fi  c  efi;  à  la  petite  quantité 
d'air  contenu  dans  les  matières  qui  la  compofent, 
ou  à  l'élafticité  de  Teau  ôc  des  fubilances  falines 
qui  font  réduites  fubitem.ent  en  vapeurs. 

Le  fcufre  augmente  l'inflammation  de  la  pou- 
dre :  le  charbon  la  foutient.  Lorfque  la  poudre  a 
été  mal  mclée  ,  on  trouve  ,  après  fon  inflamma- 
tion ,  de  petites  boules  ou  grenailles  de  fel  fondu  3. 
qui  font  du  foie  de  foufre  dans  lequel  l'alkali  do- 
mine, 11  paroit  qu'il  n'entre  pas  dans  la  poudre 
une  alfez  grande  quantité  de  matière  phlogiftique 

Ïiour  détruire  tout  l'acide  iiitreux.  M.  le  Cheva- 
ler  Saluce  (1)  a  fait  fur  cet  objet  de  fort  belles  ex- 
périences :  il  a ,  par  un  appareil  convenable ,  en- 
flammé de  la  poudre  ,  &  en  a  fait  pafîer  la  vapeur 
dans  le  vuide ,  mais  au  travers  de  papiers  imbibés 
d'alkali  fixe  :  il  trouva  les  papiers  chargés  de  nitre 
ëc  de  tartre  vitriolé  :  d'où  il  réfulte  que  fi  l'on  pou- 
voitfe  procurer  quelque  matière  inflammable  qui 
pût  tenir  lieu  de  charbon  ,  &  qui ,  fous  le  même 
volume,  contînt  alfez  de  phlogiflique  pour  com- 
biner tout  l'acide  nitreux  du  nitre  qu'on  emploie 
dans  la  poudre ,  on  auroit  lieu  d'efpérer  d'aug- 
menter fes  effets  :  ainfî  il  y  a  encore  ,  comme  on 
voir  s  beaucoup  de  recherches  à  faire  fur  cette  ma- 
tière. 

Les  Phyfîcieiis  qui  penfent  que  les  effets  de  la 
poudre  viennent  de  l'air  ,  recommandent  de  faire 
^es  efïais  avec  les  matières  qui  en  contiennent 

(i)  Journal  étranger  ,  Avril  i7^opageiij. 


ÏT      RAISONNE  E.  47J 

beîiucoup  ,  &  qui  peuvent  ctre  de  nature  à  pou- 
voir entrer  dans  la  poudre  j  telles  que  le  Tel  marin, 
le  fel  ammoniac  ,  ècc.  Mais  ces  matières  font  plus 
propres  à  en  diminuer  les  effets ,  qu'à  les  au^en- 
ter  ,  comme  nous  l'avons  appris  par  l'expérience. 
La  plus  petite  quantité  de  fel  marin  ,  ajoutée  à 
des  eflais  de  poudre ,  en  a  diminué  la  torce  de 
plus  d'un  quart ,  parceque  ce  fel  n'eft  point  in- 
Hammable.  Si  la  poudre  étoit  fufceptible  d'ac- 
quérir quelque  perfedion  du  côté  de  la  force ,  ce 
feroit  plutôt  par  le  moyen  des  matietes  inflam- 
mables foit  falincs  ou  autres.  Parmi  les  matières 
falines,  celles  qui  contiennent  l'acide  nitreux  déjà 
combiné  avec  des  matières  olilogiftiques ,  telles 
que  l'or  fulminant,  le  nitre  laturnin ,  le  nitre  am- 
moniacal ,  le  foufre  nitreux  ,  6cc.  feroient  les  plus 
propres  à  produire  cette  force  ;  mais  il  faudroit 
auparavant  trouver  les  moyens  de  fe  procurer 
abondamment  cette  efpece  de  foufre  nitreux. 
Parmi  les  matières  végétales ,  il  feroit  bon  d'ef- 
fayer  le  licopodejConnu  auflifous  le  nom  de  foufre 
végétal. 

On  fe  fert  de  différents  inftruments  pour  re- 
connoître  le  degré  de  force  de  la  poudre  ;  mais 
tous  fe  réduifent  A  apprécier  le  recul  qu'elle  occa- 
fîonne  aux  armes  à  teu.  Ces  inftruments  portent 
le  nom  d'eprouvcttcs  :  celle  dont  nous  nous  fom- 
ines  fervis ,  a  été  imaginée  par  M.  le  Chevalier 
d'Arcy  telle  eft  plus  exacte  que  toutes  les  autres. 

Cette  machine  J  B  ^  conftruite  en  charpente , 
repréfente  un  pied  de  table  quatre ,  plus  étroit 
par  le  haut  que  par  le  bas.  A  la  partie  fupérieure 
C  C  e(\.  un  chaflis  de  fer  avec  un  demi-cercle  de 
cuivre  ddy  fur  lequel  eft  une  aiguille  D  j  qui 
tourne  lorfque  le  canon  fait  quelque  recul.  Le 
canon  E  eft  fufpendu  par  une  tige  de  fer  F  ^  (nC- 


474  C  II  Y  MIE    EXPÎHIMENTALE 

pendue  elle-même  fur  des  couteaux  qui  pofeiit Tuf 
des  pivots  d'acier  ,  comme  un  fléau  de  balance. 
Lorlqu'on  met  le  feu  ,  l'effet  de  la  poudre  eft  d'oc- 
cahonner  un  recul  au  canon  :  un  petit  levier  qu'oa 
a  pratiqué  à  la  verge  de  fer  6'_,  poulTe  l'aiguille 
qui  fe  fixe  à  l'endroit  où  le  canon  la  fait  aller  ,  & 
qui  marque  le  nombre  des  degrés  de  recul  :  on 
juge  par  là  de  la  force  de  la  poudre.  Ceux  qui  vou- 
dront avoir  plus  de  détail  fur  cette  machine ,  peu- 
vent confulcer  l'Ouvrage  de  M.  d'Arcy  que  nous 
avons  déjà  cité. 

Analyfe  de  la  Poudre,  à  canon. 

Nous  avons  dit  précédemment  que ,  pour  faire 
de  bonne  poudre,  il  ne  fuffifoit  pas  toujours  d'em- 
ployer de  bonnes  matières ,  &  dans  les  meilleures 
proportions  :  la  manipulation  apporte  de  très 
grands  changements  dans  le  mélange  \  c'eft  ce  que 
l'aiobfervé  en  faifant  l'analyfe  de  plufieurs  pou- 
dres de  différente  force  ,  qui  contenoient  cepen- 
dant les  mêmes  fubftances  ,  à  peu  de  chofe  près , 
dans  les  mêmes  proportions.  Les  poudres  que 
j'ai  analyfées  ,  font  dédgnées  dans  la  Table  fui- 
vante.  J'y  fais  mention  des  dofes  des  matières 
qui  les  compofoient ,  &  du  recul  qu'elles  ont  oc- 
cafionné  au  canon  de  l'éprouvette  :  ces  reculs  font 
déiignés  par  des  nombres  129,  198,  <?^c.  qui 
pourroient  faire  croire  que  ces  poudres  font  infi- 
niment plus  fortes  que  celles  des  effais  dont  nous 
avons  parlé  précédemmeht  \  ce  qui  n'eft  pas.  Ces 
diff'érences  viennent  feulement  de  l'efpece  de  ca- 
dran de  l 'cprouvette  qui  a  fervi  à  ces  expériences, 
&  qui  étoit  divifé  en  des  degrés  plus  nombreux. 
Voici  de  quelle  manière  j'ai  analyfé  ces  pou- 
dres. 

J'ai  pulvérifé  une  livre  de  poudre  à  cangn  fran* 


PumcÂcS.   Tom.  J-r 


r^u/.  474- 


î   T       RAISONNE  T.  47  5 

çoire  que  j'ai  fait  houillir  ,  pendant  un  quart 
d'heure  ,  dans  quatre  livres  d'eau  :  j'ai  hltrc 
la  liqueur,  &  j'ai  paflc  beaucoup  d'eau  bouil- 
lante fur  le  marc  refté  fur  le  filtre ,  ahn  de  le 
deffaler  :  après  avoir  réuni  les  liqueurs ,  &  les 
avoir  fait  évaporer  jufqu'à  ficcité  ,  j'ai  obtenu 
douze  onces  de  nitrc  parfaitement  fec. 

Le  marc  relié  fur  ie  filtre  contenoit  le  foufre  3c 
le  charbon  :  je  l'ai  lait  fécher  pout  le  pefer  :  il  s'en 
eft  trouvé  quatre  onces.  J'ai  enfuitehumeélé  cette 
matière  avec  une  fulïilante  quantité  d'eau  ,  pour 
former  une  pare  tics  ferme  :  je  l'ai  mife  dans  une 
petite  capfule  de  terre  fous  la  moufle  d'un  four- 
neau de  coupelle  :  je  l'ai  fait  chaufter  par  degrés 
jufqu'à  ce  que  la  chaleur  fut  affez  forte  pour  en- 
flammer le  loufre ,  de  non  le  charbon  :  j'avois  foin 
de  remuer  la  matière  avec  un  crochet  de  fil  de  fer, 
afin  de  renouveller  les  furfaces  :  le  foufre  s'eft 
diflipé  &  brûlé  ^  enfin  le  charbon  eft  refté  feul  fans 
fe  confumer  ,  mais  mêlé  encore  d'une  vinct-qua- 
trieme partie  de  foufre  qu'on  ne  peut  abfoTument 
point  feparer,  fans  brûler  le  charbon -.cette fépa- 
rationexaétedeyenoit  mcme  inutile  :  il  mefuffi- 
foit  deconnoître  ce  qui  reftoit.  En  dcfalquantcette 
quantité  de  foufre  fur  le  poids  du  charbon  ,  on 
connoît  le  poids  réel  de  ces  deux  fubftances.  J'ai 
analylé  de  mcme  les  autres  efpeces  de  poudre  : 
on  en  trouvera  les  réfultats  dans  la  1  able  fui^ 
vante. 


47<»  ChYMII   EXPiRIMENTALE 

TABLE 

Qui  contient  les  réfultats  de  Vanalyfe  de  quatre  ej- 
peces  de  poudre  fa:te  au  poids  d'une  livre  _,  &  lô 
recul  qu  elles  ont  occajionné  à  l'éprouvette. 


Efpcces  des  poudres  Poids  des  fubftances 

qui  ont  été  analyfées.       trouves   par   l'analyfe. 


Degrés  de  recul  à 
l'éprouvette. 


Poudre  à  canon 
angloife. 


Poudre  à  canon 
françoife. 


Poudre  de  chaffe 
ordinaire. 


Poudre  de  chafTe 
nouvelle. 


/  onc.  gros  gr. 

f  Nitre  .  .  i  x 
<  Soufre        I    4 
L Charbon    ^    4 


I 

} 


iip. 


198. 


ii7. 


lij. 


R  E   M   A   R.    Çl    U    E   S, 

Par  les  réfultats  rapportés  dans  la  Table  ,  il  eft 
vifîble  que  les  différentes  forces  de  ces  poudres 
ne  viennent  p.^s  des  dofes  des  matières  qui  les 
compofent ,  mais  feulement  de  l'état  de  mèlangç 


ET      RAISONNE  E.  477 

fous  lequel  elles  fe  tiouvent  réciproquement  les 
unes  à  l'cgard  des  autres. 

Rien  n'ell  fi  facile  que  de  féparer  le  nitre  des 
poudres.  Ce  fel  fe  diflout  dans  l'eau  ,  &  quitte 
facilement  les  autres  ingrédients  ;  mais  la  fépa- 
ration  du  foufre  de  du  charbon  n'efl:  pas  aulll  facile 
à  obtenir  :  j'ofe  même  dire  qu'elle  ne  peut  fe  faire 
exadement  par  un  autre  procédé  que  par  celui 
que  j'ai  indiqué.  Ce  moyen  eft  fondé  lur  la  grande 
combuftibilité  du  foufre,  qui  peut  brûler,  fans 
enflammer  le  charbon  ,  &c  même  les  corps  les  plus 
combuftibles.  M.  Robins,  dansfon  Traité d'Ar-- 
tïllerïe  ^  écrit  en  anglois ,  a  remarqué  que  le  fou- 
fre de  la  poudre  peut  fe  confumer,  fans  allumer 
les  grains  :  c'eft  un  fait  que  m'a  appris  M.  le  Che- 
valier d'Arcy  ,  lorfque  je  lui  rendis  compte  de 
mes  expériences  (i).  Quoi  qu'il  en  foit,  je  n'ai 
été  conduit  au  moyen  que  je  viens  d'indiquer  , 
qu'après  plufieurs  tentatives  qui  ne  m'ont  pas 
réulli. 

J'avois  elTayé  de  faire  bouillir  dans  de  l'huile 
de  tartre  par  défaillance  ,  un  mélange  connu  de- 
foufre  &  de  charbon  broyés  enfemble  fur  le  por- 
phyre j  mais  je  reconnus  que  l'alkali  ne  dilfol- 
voit  pas  tout  le  foufre.  Loifque  je  faifois  préci- 
piter par  un  acide  celui  qu'il  avoir  dilfous ,  il  fe. 
mêloit  parmi  une  certaine  quantité  de  terre  des 
fels  ,    qui  augmentoit  le  poids  du  foufre. 

J'ai  tenté  la  fublimation  d'un  pareil  mélange 
connu  de  foufre  ôc  de  charbon  ,  fans  plus  de  lue 
ces.  Le  foufre  contrarie  une  forte  d'adhérence 
avec  le  charbon  :  il  ne  fe  fublime  qu'à  mefure 
qu'on  remue  la  matière  pour  renouveller  les  fur- 
. «^ 

(i)  Voyez  'Effai  d'une  Théorie  d' ArtiUerle  ,  page  41, 


47^  ChYMIE    ÈXPÉRiîvtENT  Atfi 

faces  :  on  eft ,  par  conféquenr,  obligé  de  faire 
cette  fublimation  d  plufieurs  reprifes  :  il  relie  du 
foufre  opiniâtrement  adhérent  au  charbon  qui  re- 
fufe  de  le  fublimer  :  d'ailleurs  il  cit  difficile  de  le 
détacher  exadlement  des  chapiteaux  :  ce  moyen 
eft  long  de  peu  exa6t.  Ce  fut  l'eilai  que  je  fis  de 
brûler  un  peu  de  la  matière  qui  reftoit  au  tond  du 
vaiffeau  ,  pour  reconnoître  il  elle  contenoit  en- 
core du  foufre  ,  qui  me  conduillt  à  faire  brûler  le 
foufre  ,  fans  faire  brûler  le  charbon. 

Je  mêlai  enfemble  fur  un  porphyre  ,  avec  un 
peu  d'eau ,  deux  gros  de  foufre  6<:  autant  de  char- 
bon ;  je  fis  brûler  le  foufre  de  ce  mélange,  comme 
je  l'ai  indiqué  :  je  vis  avec  plaifir ,  qu'en  ne  don- 
nant que  le  degré  de  chaleur  convenable^  je  fai- 
fois  brûler  le  foufre  ,  &  point  le  charbon  y  mais 
fon  poids  fe  trouva  augmenté  de  fix  grains  ,  qui 
eft  la  vingt-quatrième  partie  du  foufre  employé. 
J'ai  répété  cette  expérience  avec  du  charbon  de 
liège ,  de  fureau ,  du  charbon  ordmaire ,  du  char- 
bon de  papier ,  &  des  parties  légères  des  ani- 
maux ,  &c.  J'ai  également  répété  ces  expériences 
avec  du  charbon  de  linge  ,  d'amadou  ,  de  noir 
de  fumée  :  j'ai  employé  toutes  ces  fubftances  à  la 
dofe  de  deux  gros ,  avec  autant  de  loufrc ,  &  j'ai 
recommencé  enfuite  ces  expériences  avec  deux 
onces  de  chacun  de  ces  charbons,  &c  autant  de  fou' 
fre  :  l'augmentation  du  poids  du  charbon  par  le 
foufre  qui  lui  refte  uni,  a  toujours  été  la  vingt- 
quatrième  partie  du  foufre  employé. 

Il  y  a  une  remarque  à  faire  fur  le  noir  de  fu- 
mée j  c'eft  que  cette  matière  devient  très  pefante 
par  la  trituration  :  elle  n'eft  prefque  pas  mflam- 
mable  :  elle  rougit ,  fans  brûler  &  fans  perdre 
prefque  rien  de  fon  poids. 

Je  n'ai  point  fait  d'expériences  pour  recon- 


rr       RAISONNE  E.  47  j 

noîtte  l'état  fous  lequel  fe  trouve  le  {bufre  qui 
refte  uni  au  charbon  après  cette  combuftion  :  j'ai 
fait  brûler  quelques-uns  de  ces  charbons  j'ifqu'à 
ce  qu'ils  fufîent  réduits  en  cendres  :  ils  ont  lailFé 
exhaler  l'odeur  de  foufre  jufqu'au  dernier  inftant  j 
ce  qui  meferoit  croire  qu'ils  ne  contiennent  point 
de  foufre  ,  mais  une  certaine  quantité  d'acide  vi- 
triolique  devenu  libre  par  la  combuftion  du  fou- 
fre ,  éc  qui  forme  de  l'acide  fulfureux  pendant 
la  combuftion  du  charbon  avec  lequel  il  étoit 
uni. 

Poudre  fulminante. 

On  met  dans  un  mortier  de  marbre  qu'on  z 
échaufté  avec  de  l'eau  bouillante  ,  &  qu'on  a  en- 
fuite  bien  eftuyé  ,  trois  onces  de  nitre  bien  fec  , 
deux  onces  de  fel  alkali  bien  fec  ,  ôc  une  once  de 
fleurs  de  foufre ,  ou  de  foufre  réduit  en  poudre 
iine  :  on  mêle  toutes  ces  matières  en  les  triturant 
avec  un  pilon  de  verre  aufti  chauffé  &  féché  ,  juf- 
qu'à  ce  que  le  mélange  foit  bien  exa6l  :  on  ren- 
ferme la  poudre  dans  une  bouteille  qu'on  bouche 
bien. 

La  propriété  de  cette  poudre  eft  de  produire  , 
étant  expofée  fur  le  feu  ,  une  explolion  des  plus 
fortes  &  des  plus  bruyantes.  On  met  dans  une 
cuiller  de  fer ,  fur  un  feu  très  doux ,  un  demi-gros 
ou  un  gros  de  cette  poudre  :  la  poudre  fe  liquéfie: 
lorfqu'elle  eft  parvenue  à  une  certain  degré  de 
chaleur ,  elle  fe  réduit  fubitement  en  vapeurs  , 
êc  elle  produit  une  explofion  très  bruyante. 

Le  fel  alkali  attire  l'humidité  de  l'air  :  il  con- 
vient ,  pour  cette  raifon ,  de  faire  le  mélange 


480  CitYMiE    EXPÉRIMENTAtl 

ilans  un  mortier  chaud  ,  afin  que  la  poudre  fc 
trouve  feche  lorfqu'elle  eft  faite  ;  (es  etfets  font 
d'autant  plus  forts ,  que  le  mélange  eft  plus  in- 
time. 

La  théorie  des  terribles  effets  de  cette  poudre 
eft  à-peu-près  la  même  que  celle  des  effets  de  la 
poudre  à  canon  :  ces  effets  font  dus  à  l'infiamma- 
lion  du  foufre  nitreux  qui  produit  affez  de  chaleur 
pour  réduire  l'eau  principe  des  fubftances  falines 
6^  les  fels  eux-mêmes  en  vapeurs  très  dilatées. 
Pendant  que  la  poudre  fe  liquéfie ,  il  fe  fait  deux 
décompohtions  &  deux  nouvelles  combinaifons  : 
une  partie  du  foufre  fe  brûle  j  mais  la  plus  grande 
partie  du  plilogiftique  fe  combine  avec  l'acide  ni- 
treux ,  &  forme  du  foufre  nitreux.  L'acide  vitrio- 
lique  fe  porte  fur  l'alkali  fixe  &c  fur  l'alkali  du  ni- 
tre,&  ils  forment  enfemble  un  tartre  vitriolé.  Ces 
combinaifons  fe  font  fimultanément  :  lorfque  le 
foufre  nitreux  eft  formé  ,  &  qu'il  éprouve  un  de- 
gré de  chaleur  fuffifant ,  il  s'enflamme  &c  produit 
î'explofion  dont  nous  venons  de  parler.  La  com- 
motion dans  l'air  eft  fi  terrible  6c  il  prompte,  qu'il 
eft  impoftible  de  remarquer  aucune  flamme  dans 
le  temps  de  l'explofion  :  elle  eft  étouffée  auili-tôt 
qu'elle  a  lieu  ,  par  h.  réfiftance  qu'elle  trouve  de 
la  part  de  l'air.  Si  l'on  taifoir  cette  expérience 
dans  un  endroit  fermé ,  il  feroit  dangereux  d'em- 
ployer plus  d'un  demi-gros  de  poudre  a  la  tois  : 
rexplofion  pourroit  être  allez  forte  pour  ren- 
verfer  les  afliftants ,  brifer  les  portes  &  les  croi- 
fées  5  &c.  ,    . , 

Il  arrive  quelquefois ,  fur- tout  lorfque  la  cha- 
leur eft  trop  forte ,  que  la  poudre  produit  fou 
exploiion  avant  d'être  entrée  en  liquéfaélion  : 
alors  elle  eft  moins  bruyante  que  lorfque  la  ma- 
tière eft  entrée  en  pleine  liquéfaClign ,  parcequ'ii 

f© 


ET       RAISONNE  Éi  4^^ 

fe  forme  une  plus  grande  quantité  de  foUfie  ni- 
treux.  On  peut  s'alTurer  de  ce  que  nous  venons 
dé  dire ,  en  jettant  fur  des  charbons  ardents  un 
peu  de  cette  poudre  :  le  nirre  fufe  fur-le-champ 
îans  explofion  ,  &  le  foufîe  brûle  de  fon  côté ,  la 
combinaifon  du  foufre  nitreux  n'ayant  pas  Id 
temps  de  fe  former.  Le  foie  de  foufre  qui  le  pro-> 
duit  pendant  la  fufion  de  la  poudre  ,  tient  le 
phlogiftique  du  foufre  dans  un  état  très  favorable 
à  fa  combinaifon  avec  l'acide  nitreux.  Si ,  au  lieu 
d'appliquer  à  la  poudre  fulminante  le  degré  de 
chaleur  convenable  ,  on  ne  lui  donne  qu'une 
chaleur  foible  ,  la  fubftance  inflammable  &  ex- 
plofible  fe  dillîpe  en  détail  8>i  tranquillement, 
fans  produire  d'exploliôn. 

Si  Von  mêle  du  nitre  avec  dii  foie  de  foufre  ôt- 
dinaire ,  on  produit  une  femblable  poudre  fui-* 
minante ,  &  dont  les  effets  font  aulll  terribles. 

On  obtient  encore  une  femblable  poudre  fui-» 
minante ,  fi ,  au  lieu  de  fel  alkali ,  on  emploie 
de  la  crème  de  tartre  :  il  m'a  femblé  cependant 
que  l'explofion  étoit  un  peu  moins  bruyante* 

J'ai  fait  quelques  tentatives  pour  féparet  le 
foufre  nitreux  qui  fe  forme  dans  cette  expérience. 
J'ôtois  la  matière  du  feu  lorfque  je  jugeois  que 
la  matière  liquéfiée  étoit  prère  à  faire  fon  explo- 
fion :  je  la  faifois  diffoudre  dans  l'eau  ,  &  je  pré- 
cipitois  le  foufre  par  le  moyen  d'un  acide.  J  ob- 
tins un  précipité  qui  étoit  un  mélange  de  foufre 
nitreux  &  de  foufre  vitriol ique  :  il  ne  faifoic 
qu'une  foible  explofion  :  je  n'ai  pas  ofé  continuer 
ces  expériences  à  caufe  du  danger. 

11  feroit  fort  intéréffant  pour  la  Chymie  de 
pouvoir  fe  procurer  une  certame  quantité  de  cei 
foufre  nitreux ,  pour  en  reconnoître  les  proprié- 
tés. Je  crois  devoir  prévenir  qu'il  feroit  aufli  dan- 
Ti^me  I,  H  h 


^îz  Chymie  bxpérimentale  et  raisonnes. 
cereux  que  l'or  fulminant ,  ôc  qu'il   exieeroit 
a  erre  manie  avec  prudence  pour  éviter  les  acci- 
dents. 


Fin  du  Tome  premier. 


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