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C H Y M I E
EXPERIMENTALE
E T
RAISONNE E,
Avec des Vignettes & des Figures en taille-douce.
TOME I.
C H Y M I E
EXP ÈRIMENTALE
E T
RAISONNÉ E,
Par M. B A u M t , Maître Apothicaire de Paris ,
Démonftrateur en Chymie , & de l'Académie
Royale des Sciences.
TOME PREMIER.
J*M.More*»i U i^i
A PARIS,
Chez P. Franc. D i d o t le jeune , Libraire de la Facul
de Médecine , quai àts Auguftins.
te
M. D C C. L X X I I I.
^VEC APPROBATION^ ET PRIVILEGE DU ROI,
«vif /f-
AVERTISSEMENT.
O N me difpenfera volontiers de remonter aux
premiers âges des Sciences pour y découvrir l'o-
rigine de la Cliyniie. Ce travail a été entrepris
par plufieurs célèbres Chymiftes , tels que Boer-
haave , Junker , Senac , &cc. 11 réfulte à peu
près de leurs recherches , que la Chymie , ainfi
que les autres fciences phyfiques , eft née du
génie obfervateur, &c qu'elle s'eft développée a
mefure que les Chymilles ont mis les principes
de l'ignorance à l'écart j pour étudier la Nature par
la voie de l'expérience. La Chymie dans fon ori"
gine étoit la fcience occulte , la fcience réfervée
à un petit nombre d'Adeptes. Ses procédés étoient
en conféquence écrits dans un ftyle énigmatique
& fous le voile des hiéroglyphes. Ce n'eft que
Vers la fin du fiecle dernier , que les Chymiftes
fe mirent dans la voie de l'expérience , & qu'ils
donnèrent leurs procédés dans un ftyle clair &
intelligible à tous les Phyficiens. Ce feroit donc
un travail alTez intruélueux que de confulter les
ouvrages des anciens Chymiftes. Ce qu'ils ont
dit de bon eft li obfcur , qu'on a plutôt fait de
mettre la main à l'œuvre & d'opérer foi-mème ,•
que de chercher à deviner ce qu'ils ont voulu
idire. C'eft le parti que j'ai cru devoir prendre.
Tome Je 4
ij AVERTISSEMENT.
Une hiftoire exade de raifonnce des décoiî'
vertes en Cliymie , dans l'ordre où elles ont été
publiées, préfenteroit un tableau fatisfaifant de
nos connoillances acquifes dans cette fcience , &
nous montreroit en même temps la marche de
refprit humain dans cette carrière. Cette hiftoire
indiqueroit ce que l'on a fait , ôc ce qu'il con-
viendroit de faire pour contribuer au progrès de la
Chymie. Un ouvrage de ce genre feroit donc du
plus grand fecours à ceux dont le goût du travail
l'emporte fur celui de la ledure , & leur épar-
gneroit fouvent la perte d'un temps précieux em-
ployé à des expériences déjà faites. Le zèle de
ces coopérateurs fe porteroit pour lors vers des
objets plus utiles à l'avancement de la fcience*
L'Ouvrage que je préfente, forme un corps d'o-
pérations fondamentales de Chymie. Il eft le
fruit de plus de vingt -cinq années de travail.
Dans cet efpace de temps , j'ai démontré la Chy-
mie avec M. Macqner , 8c nous avons fait en-
femble feize cours de Chymie : chaque cours com-
porroit plus de deux mille expériences. J'ai fait
en outre plus de dix mille expériences accelToires
à ces cours , qui ont fait l'objet de beaucoup de
Mémoires, dont plufieurs ont été lus à l'Acadé-
mie. Les autres ont été publiés dans les Jour-
naux &; dans divers écrits particuliers. Tous ces
Mémoires ont fervi de matériaux à cet Ouvrage ,
Avertissement, il)
& font la bafe cie la nouvelle théoiie que je me
fuis formée fur les grands & principaux phéno-
inenes de la Nature , ôc fur les opérations fonda-
tnentales de la Cliymie.
J'ai plus opéré que lu , ^ je m'en fais bon gré.
Il m'a paru que cette méthode étoit la meilleure
pour faire quelques progrès dans une fcicnce qui ,
comme la Chymie , eft entièrement fondée fur
l'expérience. Cependant je n'ai point négligé de
lire les découvertes de nos prédécefTeurs , & d'en
profiter. J'en fais ufage avec reconnoilTance en
citant les Auteurs à mefure que les occalions s'en
préfentent. Si j'ai fait quelques omlflions relati-»
ves à cet objet 5 je les réparerai audî-tôt que je
ferai inftruit. Il eft bien jufte d'alTurer l'honneur
d'une découverte à celui qui l'a faite , puifque
cet honneur eft fouvent la feule récompenfe de
fes travaux.
L'érudition eft certainement néceflfaire dans
les fciences j mais elle n'eft pas fans inconvénients,
fur-tout quand la ledure n'eft pas précédée d'un
travail un peu foutenu. Lorfqu'on commence
par lire beaucoup avant d'avoir opéré , on fe for-
me , fins s'en appercevoir , un fyftême d'après
les connoi(rances d'autrui. Le défaut d'expé-
rience eft caufe qu'on adopte tout ce qui paroît
favorable au fyftême que l'on a époufé par pa-
relfe. L'on rejette en conféquence tout ce qui ne
iv AVERTISSEMENT.
s'y rapporte point. Ceux qui trouvent qu'il efl
plus commode de lire que d'opérer, portent ra-
rement un jugement bien ùÀn fur les nouvelles
découvertes. Leur imagination foiblement affec-
tée les empêche de pouvoir faifir avec précifion
les vrais rapports que peuvent avoir les nouvelles
découvertes avec l'enfemble de la Chymie.
J'ai été obligé par état de répéter un grand
nombre de fois , prefque toutes les opérations
ordinaires de la Chymie , c'eft ce qui m'a mis à
portée de fîmplifier les appareils : Se j'ofe croire
les avoir réduits à leur plus grand degré de im-
plicite. Tous ces appareils compliqués , décrits
.Cl longuement dans la plupart des livres de Chy-
mie , font abfolument inutiles , embarraflTants ,
ôc ne fervent le plus fouvent qu'à rebuter ceux
qui veulent s'initier dans la Chymie.
Je décris les manipulations avec clarté : je n'o-
mets rien d'elTentiel pour opérer furement &
commodément : j'entre même quelquefois dans
^es détails qu'on pourroit regarder comme minu-
tieux j mais je fuis perfuadé qu'ils font très né-
cefTaires à ceux qui ne font pas fuffifamment
habitués au manuel des opérations. On trouvera
des détails importants fur plulieurs opérations qui
ne fe rencontrent dans aucun livre de Chymie ,
ôc des manipulations fîmples qui abrègent confi-
dérablement certains procédés. C'eft un des prin-
AVERTISSEMENT. y
cipaux mérites de cet Ouvrage. Je ne contredis-
perfonne fur le manuel des opérations , chacun
doit être libre d'opérer comme il le juge à pro-
pos. Je me permets encore moins de combattre
la théorie de ceux qui m'ont précédé. L'explica-
tion des phénomènes de la Chymie efl: le plus
fouvent fondée fur des opinions qui peuvent
ctre envifagées fous différents afpedts. Chacun
ayant fa manière de voir , doit avoir la liberté
de régler en conféquence fes opinions. Je rends
compte des miennes. Je tâche feulement d'ap-
puyer plufieurs points de théorie que je crois m'ê-
n:e particuliers fur de nouvelles expériences, fans
exiger qu'on trouve ma théorie meilleure que
celle que d'autres Auteurs ont pu donner avant
moi fur les mêmes objets. Je n'ai abfolument
point gêné ma façon de penfer : & fi l'on me
trouve fouvent d'un fentiment contraire à ceux
de nos meilleurs Chymiftes , jeprotefte de bonne
foi qu'il n'y a pas la moindre vanité de ma part ^
c'eft feulement que j'ai cru que de nouvelles ex-
périen:.es & de nouvelles obfervations dévoient
me taire penfer autrement qu'eux ^ je n'en n'ai
pas moins d'eftime pour leur théorie.
On trouvera que j'indique beaucoup de points.-
de théorie ou de pratique qui n'ont été qu'entre-
vus , d'autres qui ne font énoncés qu'à demi,
& çnjiu qu'il y a nombre d'expériences capitales»-
aiij
vj AVERTISSEMENT.
qui ne font pas mcme commencées. J'ai cru de^
voir en faire mention , i°. afin de mieux faire
fentir à ceux qui cultivent la Cliymie , combien
ilrefte encore de chofes à faire pour compléter
autant qu'il eft en notre foible pouvoir , les con-
noilTances de certaines parties de cette fcience ,
fur lefquelles on n'a que peu ou point travaillé,
2°. J'ai indiqué des expériences à faire, afin de
mettre fur la voie ceux qui ont la bonne volonté
de contribuer par leurs travaux aux progrès de la
Chymie. Je protefte que je n'ai aucune prétention
dans les découvertes qui peuvent réfulter des dif-.
férents travaux que je fuggere ; ce feroit une
petite vanité qui pourroit nuire aux progrès de la
fcience : d'ailleurs je connois trop la différence
qu'il y a entre une idée qui peut être quelquefois
hafardée , &: un travail fuivi, foutenu, &c accom-
pagné de réflexions bien combinées. La Chymie
préfente une carrière fi vafte qu'elle peut occuper
tous ceux qui voudront cultiver cette fcience. Le
travaille plus opiniâtre d'un feul homme, que
dis -je ? de plufieurs générations, n'ePc pas ca-
pable d'épuifer feulement une matière , comme
il fera facile de s'en convaincre par le tableau,
fui van t.
La Chymie a pour objet la connoifTance , l'a-
nalyfe &z la combinaifon des productions de la
\^.:;çure, Cette fçiçnçç XiA d'autres borpes qu©
AVERTISSEMENT, vij
telle.s de la Nature elle - même , c'eft-à-dii-e
qu'elle n'en a point. En effet, la Chymie offre
des travaux immenfes. Les découvertes que l'on
fait joutnellement font autant de flambeaux qui
nous fontappercevoir d.ins l'éloignement de nou-
velles carrières à parcourir. Que le Cliyniifte
jette un coup d'œil fur les moindres productions
que la Nature répand devant lui , £c il fera hu-
milié de voir cette fuite d'expériences qui s'ottrenc
à fes recherches.
lUaut , 1°. examiner féparément 3c dans un
ordre donné , les corps de la Nature , pour bien
reconnoître leurs propriétés , & conftater en quoi
ceux de même efpecc ditlerent les uns des autres»
2°. Combiner ces différents corps deux à deux ,
dans différentes proportions, &: reconnoître pa-
reillement les propriétés de ces combinaifons.
3^'. Quels feuoient les compofés qui réfulte-
roient des- corps de la Nature combinés trois k
trois 5 ôc quelles feroient les propriétés de ces
nouvelles combinaifons, ainfi que celles qu'on
pourroit lormer en variant leurs proportions.
4°. Quelle carrière immenfe fe préfente fi l'on
fuit cet ordre de combinaifons , fi l'on augmente
le nombre des corps dans une progrelîion numé-
rique , & il l'on varie leur dofe j quel fera y
dans cette confufion , le plan le meilleur &c en-
mème temps le plus lumineux , pour contenir ôc
yilj AVERTISSEMENT.
faire reconnoître toutes les combinaifons c|,u'oii
peut former avec les différents corps que la Na-
fure nous offre.
. C'ertvraifemblablement cette immenfîté d'ob-
jets qui eft caiife que jufqu'ici la Chymie n'a été
traitée que dans des plans cir:onfcrits, & dont
les limites empcchoient qu'on n'y adaptât toutes
les nouvelles expériences qui furviennent en
foule : les nouvelles découvertes ont toujours
fait connoître les bornes étroites de ces fortes de
plans précaires. Je ne me propofe point d'en faire
la critique. La Chymie n'eft point encore alfez
avancée pour appuyer cette critique. Il arrive mê-
me que les phénomènes de cette fcience les plus
confiâtes peuvent être envifagés fous différents
points de vue , & préfentés fous les rapports qu'on
croit appercevoir entre les objets les plus connus.
Dailleurs , pour faire une bonne critique fur une
pareille matière , il faut être parfaitement con-
vaincu que le plan qu'on a adopté , efl bien vé-
X'itablement celui de la Nature. Je fuis bien éloi-
gné de me flatter d'être parvenu à ce point de
perfe(^ion , &c qu'il n'y ait rien à réformer fur le
plan que je me fuis fait , & fous lequel je préfente
la Chymie dans cet Ouvrage. J'ofe feulement
croire que celui que j'obferve , ert plus étendu
cju'auciin de ceux qu'on a fuivis jufqu'à, préfent,
^ qu'il etnbr^ffe un plus grand nombre d'objets^
AVERTISSEMENT. uù
l\ efl; aiïez vafte , pour que beaucoup d'expérien-
ces & de découveuces à faire puiifent fe placer
naturellement dans les endroits qui leur con-
viennent , fans rien déranger de l'ordre général;
On a reproché à Lémeri d'avoir mêlé beaucoup
de corps inuciles avec l'antimoine qu'il a examiné
dans un très grand détail j il feroit bien intéref-
fant que les fubftances principales de la Chymie
çuflfent été foumifes à un examen aulli développé.
Le plan que j'ai adopté indique beaucoup d'expé-
riences qui peuvent me mettre dans le cas d'un
pareil reproche , parccque ces expériences pa-
roiiïent, au premier coup d'oeil , ne rien offrir d'u-
tile pour la fcience j mais on n'ell: certain que ces
expériences, font infrudueufes , qu'après qu'elles
ont été faites. D'ailleuis elles ne paroilTent inu-
tiles que relativement à l'état aduel de la Chy-
mie. Mais il efl: à fuppofer que , lorfque cette
fcience fera plus avancée , il fera très intéreflant
de connoître que tel corps , dans telle circonf-
tance , a ou n'a point d'adion fur un autre. Il
efl: important même que les expériences inutiles
fpient confl:atées Sz confignées : elles font partie
des connoilTances acquifes & de la fcience , en
cp que ces expériences étant reconnues inutiles ,
elles ne lailfcnt aucune incertitude dans l'cfprit.
En un mot, nous croyons qu'il n'y a aucune çx;-
pirience inutile.
X AVERTISSEMENT.
Le plan que j'ai adopté dans cet Ouvrage eCt
à peu près celui que j'ai indiqué dans rAvertilfc-
ment des deux éditions de mon Manuel de Chy-
vue. Je ne l'ai cependant pas fuivi à la rigueur ,
parcequ'il feroit refté beaucoup de lacunes dans
plufieurs articles, qui n'auroient pu être remplies,
La plupart des principales expériences n'ont point
encore été faites , ou celles qui l'ont été , ne font
pas encore fuffifamment conftatces. Voici les rai-
Îqws qui ont déterminé mon plan.
Je coniîdere la Nature comme un vafte labora-
toire de Chymie , dans lequel fe fornient des
comportions & des décompofitions de toutes ef-
peces. Je me garde bien de croire avoir deviné
les n;ioyensfecrets qu'elle emploie pour produire
tous les corps qu'elle nous préfente, & que nous
connoilfons encore fi peu. Je me contente feule-
ment d'obferver que la végétation eft le premier
indrument que le Créateur emploie pour mettre
toute la Nature en adion. Les végétaux font des:
corps organifés qui croilfent à la partie feclie du
globe , & dans l'intérieur des eaux. Leur fonc-
tion eft de combiner immédiatement les quatre
éléments , & de fervir de pâture aux animaux.
Les uns & les autres font employés par la Nature
à former toute la matière combuftible qui cxifte.
Des cladcs immenfes d'animaux à coquilles , &
des polypes de toute efpece , répandus dans la
AVERTISSEMENT, xj
mer , convertiflTent en terre calcaire la terre vi-
trifiable élémentaire que la végétation a déjà al-
térée : toute la terre calcaire qui exifte eft donc
l'ouvrage de ces animaux. La Nature , après s'ctre
procuré les produits dont nous parlons , en fait
ufage de mille 8c mille manières différentes • elle
emploie tous les moyens dont elle a befoin pour
diftribuer à fon gré la matière comburtible &c la
terre calcaire que les corps organifés ont formées,
La Nature paroît tout confondre , 8c faire enfem-
ble 8c dans le mcme lieu des combinaifons dif-
parates : elles compofe dans le fein des eaux plu-
fieiirs matières falincs, du foufrc , des métaux ,
8c prépare une infinité de combinaifons dans lef-
quelles entre le principe inflammable. D'un autre
côté , elle enfcvelit dans les terres , à l'aide du
balancement des eaux, des amas immenfes de ma-
tière combuftible , pour y répandre & entretenir
ce fonds de chaleur qu'on remarque dans l'inté-
rieur du globe , Se pour y former des combinai-
fons à rinfini. Mais l'efpcce de confu/ion dont
nous parlons, n'eft qu'apparente j Se pour le peu
qu'on y faiïe attention , on voit que les matières
de même efpece font alfez féparées les unes de»
autres , pour former des veines &: des filons dg
mines de même matière.
Tandis que la Nature s'occupe à former dans
l'intérieur de la terre des combinaifons de toute
lij AVERTISSEMENT.
efpece , ou à répandre les matériaux propres 1
les produire , elle s'établit un autre laboratoire^
dans l'air. Ce fluide que nous refpirons ne peut
ni fe charger de matières , ou trop grolTieres , ou
trop pefantes , ni fe combiner avec elles j mais
les matières combuftibles enfevelies dans les
terres , &■ celles qui font à la furface du globe ,
en fe décompofant , fournirent dans l'air une
fubftance inflammable dans le plus grand état de
redification : cette matière efl: difloute par Tait
de par l'eau que le foleil réduit en vapeurs , Se
forme toutes les combinaifons propres à produire
les météores ignés.
Tel eft à peu près le tableau fyftématique que
je me fuis formé des premières opérations de la
Nature , 6c telle efl; auflî à peu près la férié qu'on
peut fuivre quant à préfent: la Chymie & la Phy-
flque ne font pas encore aflez avancées pour pé-
nétrer plus avant. C'eft d'après ces vues générales
que j'airé.digé mon Ouvrage fur le plan où je le-
préfente. Je difcute, autant que mes connoif-
fances me le permettent , chacun des objets dans
les endroits qui m'ont paru leur mieux convenir.
J'appuie mes idées d'obfervations , lorfqu'il s'en
préfente , èc je tâche de les confirmer par des
expériences. Il m'a paru que la Chymie , étant
une fcience imitatrice des opérations de la Na-
ture , pouYoit être préfentée fous ce point da vue ^
AVERTISSEMENT, xilj
5c que ce plan bien rempli feroic capable de
mieux faire connoîcre l'utilité &c l'étendue de cette
icience.
D'après cet expofé , on me dira peut-être qu'il
étoit plus naturel de commencer mon Ouvrage
par le règne végétal , puifque c'eft lui qui eft la
caufe primordiale de tout le fyftême des opéra-
tions dç la Nature ^ mais je répondrai que j'ai
cru devoir en agir autrement, i*'. De toutes le«
fubftances dont les végétaux font compofés , il
n'y a que le principe inflammable qui puilfe réel-
lement entrer dans la compofition des minéraux,
& en faire partie •, les autres fubftances fe détrui-
fent par l'effet de la putréfadion dans l'intérieur
des terres : enfin le végétal , dans (on état de
fraîcheur , ne peut jamais entrer en fubftance dans
la compofition des minéraux, i*^. Le principe in-
flammable qui fe fépare pendant la deftrudion
des corps organifés , eft abfolument identique j
& lorfqu'il eft réduit dans l'état propre à faire
partie des minéraux , il feroit abfolument impof»
iîble deconnoître la plante qui l'a produit : or,
comme ce principe inflammable eft univoque , je
l'examine auflî-tôt que l'occafion m'en fournit le
moyen. 3°. Il m'a paru que les végétaux étoienc
des corps trop compofés , &: leurs principes pro-
chains trop difficiles à féparer 8c à faire coniioîrrc
à des commençants j d'ailleurs j'aucois été obligé
xiV AVERTISSEMENT.
de préfenter d'abord un grand nombre d'analyfes
& de gcncraliccs , toujours difticiles à faifir par
ceux qui commencent à cultiver cette fcience.
On doit donc préférer de préfenter le règne
minéral. Les fubftances de ce règne font moins
compofées , &c leurs principes plus facdes à ob-
tenir , puifqu'ils fouffrent moins d'altérations
pendant leur féparation. Cette marche au refte
ne me diftrait point de l'ordre fynthétique que j'a-
dopte comme plus lumineux. Je paHTe du fimple
au compofé , & du compofé au plus compofé*
Voici l'ordre que j'ai cru devoir obferver.
Je fais d'abord la defcription des fourneaux ^
forges , vaiffeaux & uftenfiles qu'il convient d'a-
voir dans un laboratoire dont je donne auiîi la
defcription j je rends compte de leurs ufages , ÔC
j'entre dans des détails concis , mais fuffifants, fur
la manière de s'en fervir. Je les divife en plu-
fieurs clalïes qui indiquent le fervice qu'ils doivent
rendre. Je n'ai point fait mention des vaifTeaux
compliqués , parcequ'on peut s'en paffer avec
avantage , en fe. fervant des vaiiTeaux fimples
dont je parle. J'indique la manière de couper les
cois des vaifiTeaux, &c de percer d'un petit trou
ceux qui ont befoin de l'être. On trouvera des
détails fufîifants pour garnir de lut le corps des
vaiiTeaux de grès ou de verre , qu'on delline à
fupporcer l'action d'un gtand feu^ ôc qui, fans
AVERTISSEMENT, xv
cette précaution , feroient en danger cie fe cafler
ou cie fe fondre. Je donne également la recette
des différents luts pour boucher les jointures des
vailfeaiix qu'on alfemble pour les dillillations, &c
pour raccommoder ceux qui font (clés ou caiïcs:
j'indique auilî les moyens de faire le vernis de
fuccin &c l'huile de lin cuite qui fervent à faire
du lut gras, dont on fait uflige pour fermer les
jointures des vailfcaux qui fervent à la diftillation
des acides minéraux , ts: autres objets qu'en a be-
foin d'avoir continuellement fous la main dans
un laboratoire.
Je fais, comme je l'ai déjà dit plus haut, la
defcription d'un laboratoire, &: je donne la lifte
des outils c?c uftenfiles qui doivent s'y trouver p^uc
pouvoir travailler commodément j &:, pour ren-
dre Li colledion de ces inftruments plus facile
à faire à ceux qui voudroient fe monter un labo-
ratoire , je dilhibue cette colleétion par ordre des
Marchands qui vendent ces inftruments. J'épar-
gne , par ce moyen , aux Amateurs de la Chymic
beaucoup de temps en recherches, fouvent inu-
tiles. Après ces prolégomènes qui n'interrom-
pent point l'ordre des objets vraiment chymi-
ques , j'entre en matière.
Je fais une courte introduction à la Chymie.
Je donne une définition de cette fcience , Se je
fais connoître combien elle répand de lumières
XV] AVERTISSEMENT.
dans la Phyfiqiie expérimentale , dans les AnS
& dans l'Hilloire naturelle.
La Chymie ayant pour objet de reconnoîtr^
les propriétés des corps , j'examine les différents
corps de la Nature ) je difcute la divifion en trois
règnes , établie par les Naturaliftes , & je recon-
nois avec plufieurs Chymiftes ôc Phyficiens que
cette divifion n'eft pas parfaitement exaâre. Les
végétau3î ôc les animaux ont plufieurs propriétés
chymiques qui leur font communes , ôc par lef-
quelles ils influent également dans le fyflême gé'*
riéral des grandes opérations de la Nature. H
m'arrive foiivent , par rapport à leurs propriétés
communes , de les défigner coUedtiveriient fous
les noms de corps organifés ôc de corps combufii-
lies 3 parcequ'ils font les feuls qui puififent fervir
d'aliment au feu j mais , comme ces corps diffé-
rent entre eux par d'autres propriétés qui leur
font particulières , je me réferve aulîi à en parler
féparément , ôc fous un autre point de vue.
Toutes les opérations de la Nature ôc celles
de la Chymie fe réduifent à compofer des corps,
& à les décompofer. La Nature fait la première
opération en unifTant les fubftances fimples que
nous examinons fous le nom à! éléments ou de
principes primitifs. Ç'auroit été ici le lieu de par-
ler d'abotd des éléments , & de la combinaifoil
qu'ils peuvent former , pour donner enfuiie des
idces
AVERTISSEMENT, xvij
idées générales de la décompofidon des corps ;
ce qui auroit été plus conforme au plan de la
Nature qui compofe d'abord , & qui ne décom-
pofe qu'après : mais l'Art en cela ne peut fuivre
la Nature. On n'eft point encore parvenu à com-
biner les fubftances fîmples pour en former des
corps compofés. La Chymie ne peut produire des
combinaifons qu'avec des corps déjà compofés.
La Nature elle-même ne peut combiner immé-
diatement les éléments : la végétation eft le pre-
mier inftrument de toutes fes opérations. Il m'a
paru , par cette raifon , que je devois parler de
l'analyfe en cet endroit, 8c donner des idées gé-
nérales fur ce que l'on doit entendre par analyfe
ou décompofition des corps. J'ai fait corinoître
la diftindion qu'on doit admettre entre principes
prochains Se principes primitifs des corps, ainfi que
les différents moyens qu'on peut employer pour
féparer fuccellivement les fubftances qui, fans
ctre principes, en font néajimoins fonction, 8c
peuvent enfin être réduites à leur dernier degré
de fimplicité.
La combinaifon qui fuit cet article , a pour ob-
jet de réunir les fubftances qu'on a féparées par
l'analyfe j mais je préviens en même temps quel
ces décompofitions &: ces recompofitions ne peu-
vent s'exécuter encore que fur un petit nombre
de corps, du règne minéral feulement.
Tome /. k
4
îcvilj AVERTISSEMENT.
Immédiatement après l'analyfe & la compo/î*
tioii , je parle des affinités , en vertu defquelles
fe font toutes les compofîtions & dccompofitions
chymiques : ce que j'en dis fuffit pour avoir des
notions générales fur les opérations fondamen-
tales de la Chymie , ôc difpofe à mieux conce-
voir les objets quifuivent. Je reconnois avec les
meilleurs Chymiftes-Phyficiens une feule affinité j
mais , comme elle fe préfente différemment fui-
vant les circonftances, j'examine les affinités chy-
miques fous huit cas différents.
L'article qui fuit les affinités , a pour objet
les éléments. Je difcute quelles font les proprié-
tés que doivent avoir les fubftances pour mériter
le nom ^éléments ou de principes primitifs des
corps jy ôc je reconnois , avec les meilleurs Chy-
miftes-Phyliciens , le feu , l'air , l'eau ôc la terre ,
comme les feuls &c vrais principes primitifs , par-
ccqu'on ne peut occafionner aucune altération à
ces fubftances. Ces éléments avoient été recon-
nus pour tels par les plus anciens Philofophes;
ils ont été adoptés de nos jours par les Chymiftes
modernes : les Chymiftes du moyen âge prenoient
pour principes les fubftances qu'on féparoit des
corps pendant leur analyfe. Se ils en admettoient
de cinq efpeces j mais ce qu'ils appelloient/^ri/z-
cipes ne l'étoient point , puifqu'on peut , par des
•pérations ultérieures , réduire fucceffivemenç-
Avertissement, xit
leurs prétendus principes à différents degrés de
/implicite. Staahl paroît être le premier qui ait
admis le feu , l'air , l'eau 6c la terre comme prin-
cipes primitifs ou éléments des corps de la Na-
ture.
J'examine les quatre éléments dans l'état oh.
la Nature nous les préfente , c'eft-à-dire , d'abori
dans leur état de pureté , 6c lorfqu'ils ne fonC
partie d'aucun corps compofé. Je rends cortipte
de leurs propriétés générales , & importantes a
connoître dans la Chymie. Les éléments , dans
leur état de pureté , ont une grande difpofition
pour s'unir les uns avec les autres j cependant on
ne connoît aucune combinailon particulière lor-
mée immédiatement de leur union.
Le végétal ell: l'inftrument dont la Nature Te
fert pour combiner en premier lieu immédiate-»
ment les éléments, 6c pour former concurrem-
ment avec les animaux toute la matière combuf-
tible qui exifte dans la Nature. J'examine cette
combinaifon des quatre éléments dans un très
grand détail. La matière combuftible quin'afubi
aucune altération eft dans l'état huileux : celle au
contraire qui éprouve de l'altération , patFe infen-
(iblement de cet état jufqu'à celui de (Iccité , &
enfin de décompolîtion complette. J'examine la
matière combuftible dans ces différents états, dC
j'en foruie deux articles : dans le premier , je
rx AVERTISSEMENT.
confidere la matière combuftible dans l'état hui-
leux j dans le fécond , j'examine la matière in-
flammable dans l'état de ficcité parfaite , que je
défigne fous le nom de phlogi/lique. On trouvera
fur cet objet des détails neufs qui, j'efpere, répan-
dront beaucoup de lumières fur cette matière qui
joue un très grand rôle dans la Nature & dans
toutes les opérations de la Chymie. Cet article
étoit imprimé lorfque parut l'excellente DiflTerta-
tion de M. Guitton de Morveau , Avocat Géné-
ral du Parlement de Dijon j fans cette circonf-
rance, j'aurois fait ufage avec reconnoi(Tance de
plufieurs grandes vues que cet habile Phyficien
propofe.
La matière combuftible eftbien véritablement
la première combinaifon immédiate des éléments
qui tombe fous nos fens. J'examine d'abord cette
combinaifon feule j je la foumets enfuite à l'ac-
tion des éléments, ci-devant examinés, &: je
rends compte des altérations qu'elle éprouve de
leur part. Je fais voir que , par fon féjour dans
l'eau & dans la terre , elle fe convertit , comme
dans une cornue , en un véritable charbon , au-
quel on doit attribuer toutes ces mines de char-
bons fofliles qu'on trouve dans une infinité d'en-
droits de la terre.
La féconde combinaifon du même ordre que
nous offre la Nature , eft la terre calcaire, J'exa-
AVERTISSEMENT. xx|
imine de même cette nouvelle fubftance d'abord
feule , j'obferve enfuite les altérations & les corn-
binaifons qu'elle peut fiibiu Se former avec les
éléments. La terre calcaire joue aufli un grand
rôle dans la Nature. Nous penfons que c'eft fous,
cette forme &c dans différents états d'altération
que la terre entre dans les combinaifons où fe
trouve le principe terreux ; mais la Chymie n'eft
guère a^vancée fur la connoiffance des combinai^
fons qu'on peut produire avec cette terre dans
nos laboratoires , à l'imitation de la Nature. On
connoît à peine la matière faline qu'on peutfor-i
mer par fon union avec le principe inflammable..
Je rends compte en cet endroit de quelques ex-
périences nouvelles fur cette matière , par lef-
quelles je fuis parvenu à former une fubftance fa^
line alkaline. Ces expériences peuvent répandre
beaucoup de lumières fur le rôle que la terre cal-
caire joue dans la Nature.
La terre calcaire , combinée avec le principe
inflammable, fournit la première matière faline.
J'examine cette matière faline , & je reconnois
qu'elle doit fes propriétés falines , telles que la
faveur, la diflolubilité dans l'eau , &c. au feu qui
lui eft combiné. Je tire cette conféquence , que
ie feu eft' le feul élément qui ait de la faveur, ôc
qu'il la communique à tous les corps de la Na^
lure qui font capables d'en avoir. Je profite dot:
è iij
xxij AVERTISSEMENT-
cette première obfervation pour parler des ma-i
tieres falines en général, & j'examine la queftion
de favoir s'il y a un élément des fels , comme
plufieurs célèbres Chymiftes l'avoient penfé. Je
reconnois qu'il y a trois acides minéraux , un
acide végétal , deux alkalis fixes, & un alkali vo-»
Litil •■, de que ces fels font abfolument confiants
dans la Nature, & jouent un très grand rôle dans
les opérations de la Chymie. Je n'examine pas ,
quant à préfent, les autres matières f^ilines que
forment journellement les végétaux & les ani-
maux , parcequ'elles font trop compliquées. Je
réferve ce que j'ai à en dire , lorfque j'examinerai
les fubftances des règnes végétal ôc animal. Ces
objets formeront la féconde partie de CQt On-
vra^e.
Toutes les matières falines ont les mêmes fub-
ftances pour principes conftituants : elles ne dif-»
ferent entre elles que par les proportions & par
la manière dont leurs principes conftituants font
combinés entre eux j mais j'établis pour principe
général que c'eft au feu , & à l'état fous lequel il
fe trouve dans les matières falines , que les féls
doivent leurs principales propriétés. Je rapporte
plufieurs expériences oii je fais voir que les aci-
des minéraux qui ont le plus de faveur , ont quel-
ques propriétés communes avec le feu pur.
J'examine d'abord l'acide vitriolique , parçQi
AVERTISSEMENT, xxiij
qu il eft le plus falé , & qu'il eft le plus puillant
des fels : je ueconnois enfuice fes piopriétcs avec
les fubftances ci-devant examinées : j'en fais de
nieme à l'égard des aunes matières falines. Je
rapporte, à mefure que l'occafion s'en préfente ,
les différentes opérations qu'on fait avec ces mê-
mes matières falines , & qui font d'ulage dans la
Médecine , dans la Phyfique &c dans les Arts y
je ne néG;lie;e rien fur les détails de chacune des
opérations , & j'indique tous les procédés pour
opérer commodément.
L'article des matières falines Se des combinai-
fons qu'elles forment avec les diftérentes fub-
ftances , eft très étendu : j'cfpere qu'on v trou-
vera des détails abfolument neuts de intérelI^mtSé.
Je me fuis entièrement écarté de la doctrine de
Staahl &■ de plufieurs habiles Chymiltes qui pen«
foient que les fels étoient formés par lunion de
l'eau Se de la terre ^ j'ai cru avoir de fortes raifons
pour penfer autrement , &c admettre dans les fels
du feu dans un certain degré de pureté , Se attri-
buer à ce même feu toutes les propriétés falines»
Les fels qui réunilTent un plus grand nombre de
propriétés falines , font ceux qui contiennent une
plus grande quantité de ce feu dans un certain
degré qui avoifme de très près celui de feu pur
& libre. Au refte , j'ai penfé que je pourrois ex-
pofer librement mon fentiment fur cet objet,
b iv
xxiv AVERTISSEMENT.
fans craindre qu'on m'accusât de vouloir dimi-
nuer l'eftime que l'on doit avoir pour les habiles
Chymiftes dont je n'adopte point la théorie.
On trouvera peut-être que je me fuis répété ,
& fpécialement lorfque je parle du feu & de fes
effets dans les matières falines j mais j'ai penfé
que cette théorie étant abfolument neuve , il
étoir néceffaire d'en faire l'application toutes les
fois que l'occafion s'en prcfentoit , & ce fera
peut-ctre ces applications fréquentes qu'on pren-
dra pour des répétitions. J'ai penfé qu'elles étoient
nécelTaires pour faire mieux connoître les diffé-
rentes propriétés du feu fuivant l'état où il fe
trouve dans les diverfes combinaifons où il entre
tomme principe conftituant. J'évite , par ce
moyen, des objections que les Lecteurs pour-
roient me faire à chaque pas , n'étant point en-
f:ore accoutumés à cette nouvelle doctrine du
feu combiné d'une infinité de manières , ôc qui
joue dans ces différents états un (î grand rôle
dans les opérations de la Nature 8c de la Chy-
mie.
Les matières falines me donnent occafion de;
parler du gypfe , des argilles Se de l'alun. Je rap-
porte un extrait de mon Mémoire fur les Argilles :,
il fe trouve partagé en différents articles que j'ai
placés dans les endroits qui m'ont paru leur con-
venir. Lorfque je parle du nitre , j'exap.ùne fe^
AVERTISSEMENT, xxv
propriétés : je rp.pporte toutes les opérations con-
nues fnites fur ce fel , telles que fa clccomporition
parles matières phlogiftiques où l'acide nitreux
fe trouve détruit : je fais aufll mention de tous
les procédés par lefquels o-a décompofe ce fel par
le fecours de l'acide vitriolique ou des matériaux
qui le contiennent , en recueillant à part l'acide
nitreux. Je palTe enfuitc à la compolition de la
poudre à canon. Je rends compte à cette occasion
4e beaucoup d'expériences que j'ai faites fur cette
matière avec M. le Chevalier d'Arcy. Je rapportç
dans deux tables les réfultats des principales ex-
périences.
J'examine de mcme l'acide marin dans un
grand dérail , d'abord feul , & enfuite avec toutes
les matières dont il avoit été parlé précédem-
ment. Je rends compte des combinaifons qu'il
forme , &: je rapporte avec foin les détails de ma- ■
nipulation pour faire les opérations d'ufage fur
le fel marin. Je fuis la même marche à l'égard du
vinaigre diftillé , des alkalis fixes végétal Se mi-
néral , &z de l'alkali volatil.
Après les matières falines les plus fimples ,
j'examine le borax avec toutes les matières précé-
demment examinées. Je rapporte le travail par-
ticulier que j'ai fait fur ce fel : je rends compte
«des j)rocédés par lefquels je fuis parvenu à ei"^
xxvj AVERTISSEMENT,
faire de femblable à celui du commerce. Je donne
un moyen facile pour fe procurer en peu de temps
beaucoup de fel fédadf fublimé , ôc je fais voir
que tout le fel fcdatif n'eft pas fublimable , mais
que celui qui l'a été , peut fe fublimer de nou-
veau en entier. Enfin je termine les matières fa-
lines par un article fort étendu fur la cryftallifa-
tion des fels , ôc fur les eaux-meres des fels &
des matières falines que l'on connoilToit fort peu \
j'ai taché de rendre cet article intéreiïant par de
nouvelles vues que je propofe.
Après les matières falines , viennent les fub-
ftances métalliques. Je définis ces fubftances j j'en
énonce le nombre qui eft de quatorze efpeces j
je les diftingue en demi-métaux, en métaux im-
parfaits ôc en métaux parfaits. Je commence par
l'arfenic , parcequ'il a des propriétés communes
avec les fels &z les matières métalliques. L'union
de l'arfenic avec le phlogifcique forme un demi-
métal que l'on nomme régule d'arfenic. J'examine
immédiatement après l'arfenic , les autres demi-
métaux , enfuite les métaux imparfaits , & enfin
les métaux parfaits. Chaque fubftance métallique
eft examinée d'abord à part pour reconncître fes
propriétés particulières, enfuite avec tontes les
fubftances dont on a parlé précédemment &: dans
le même ordre , c'eft- à-dire avec le feu j l'air »
AVERTISSEMENT, xxvij-
l'eau , la glace , le phlogiftique , avec les acides
minéraux , végétaux , les alkalis fixes &c vola-
tils , &c. &c.
J'entre dans les détails des expériences qu'on
a faites fur ces corps & fur les produits qu'on en
retire , qui font d'ufage dans la Médecine , dans
la Phyfique ce dans les Arts. L'arfenic a été peu
examiné. M. Macquer cil: un des Chymiftcs qui
a le plus travaillé fur ce minéral. Je choifis dans
le grand nombre d'expériences qu'il a faites ,
telles qui font le mieux connoître les propriétés
de cette fubftance fmgulicre.
Le cobalt eft un demi-métal important dans
les Arts , à caufc du beau bleu qu'il tournit pour
la peinture en émail. Je rapporte une fuite con-
fidérable d'expériences que j'ai faites fur cette
fubftance métallique , parmi lefquelles je place
un procédé pour faire l'encre de fympathie de
Hellot , procédé plus hmple &: plus hicilc que
celui que cet Auteur a publié. Le cobalt, com-
biné avec les acides , fournit des fels neutres mé-
talliques. Je profite de cette première occalion
pour expofer mon fentinient fur la caufticité de
ces fels plus grande que celle des autres fcls neu-
tres.
Je rends compte du nickel , Se de ce que l'on
fait fur ce nouveau demi-métal, découvert p^r
M. Cronftedt. Je donne à pcnfer qu'il peut erre
xtviij AVERTISSEMENT,
du cobalt dans un certain état. Se dépouillé de
la fubftance qui fournit du bleu par la vitrifica-
tion. Le cobalt ordinaire , traité avec du foie de-
fôufre , fournit une femblable fubftance métalli-
que qui ne s'unit point au foie de foufre. Si le-
nickel eft un demi-métal à part , il réfulte de mes
expériences que le cobalt contient ordinairemenc
de ce demi-métal , qu'on peut féparer par le foie
de foufre.
Après le nickel , j'examine le régule d'anti-
moine. Je donne un procédé facile pour réduire
ce demi-métal en fleurs que l'on nomme Jieurs ar*
gentines de régule d'antimoine. Je n'omets aucun
procédé connu fur ce demi-métal d'ufage , foie
dans la Phyfique , foit dans la Médecine , ou dans
les Arts. On trouvera fur la plupart des procédés
des détails de manipulation pour opérer plus
promptement & plus commodément , par exem-
ple , un moyen facile pour fe procurer beaucoup
de kermès minéral en fort peu de temps , foit par
la voie feche , foit par la voie humide.
Le zinc eft un autre demi métal que MM. Hel-
lot & Malouin ont le mieux examiné. Je profite
de leurs travaux , oc je rends compte de leurs ex-
périences qui peuvent le mieux taire connoître
les propriétés de cette fubftance métallique^
M. Malouin a examiné le zinc comparativement
avec l'étain. 11 a fait voir en quoi ces matiçteii
AVERTISSEMENT, xxit
métalliques fe redemblent , & en quoi elles dif-
férent. Je fais également mention , à mefure que
l'occafion s'en préfente , des travaux des autres
Chymiftes en les citant.
Le bifmutli eft un autre demi-métal qui a été
peu examiné. M. Pott a fait fur cette matière
métallique une Didertation pleine d'érudition ôc
d'expériences curieufes. Geoffroy le fils a com-
paré ce demi-métal au plomb, &C a fait connoître
en quoi ces fubftances métalliques fe reiïemblent ,
&en quoi elles différent. Nous avons fait ufage
de ces différents travaux , afin de ne pas laifler
ignorer ce qu'il y a de bien conflaté fur les pro-
priétés de cette matière métallique.
Le mercure termine les fubftances fcmi-métal-
liques : fa fluidité a quelque chofe de remarqua-
ble. Nous rendons compte des belles expériences
iaites en Ruflle , par lefquelles on eft parvenu a
£ger le mercure à l'aide d'un grand froid artificiel,
déjà aidé d'un grand froid naturel , & a lui donner,
par ce moyen , les propriétés d'un métal duélile.
Je rends compte de toutes les opérations d'ufage
'qu'on fait avec le mercure. A l'article du mercure
doux, je prouve par de nouvelles expériences que
Vaquila alha ÔC la panacée contiennent plus ou
moins de fublimé corrofif , ce qui rend dangereux
l'ufage de ces médicaments dans la pratique de la
Médecine. Je donne eu même temps le moyen de
îcxx AVERTISSEMENT.
iîéharrader , par le lavage dans de l'eau , tout le
fublimé corrofifde ces deux préparations de mer-
cure • ce que Ton ne peut abfolument point faire
par des fublimations réitérées.
On trouvera des détails intérelîants fur la com-
binaifon du foufre avec le mercure par la voie
humide , ôc fur la formation du cinabre artificiel
par ce moyen. J'ai publié cqs expériences , il y a
quelques années , dans W^vanî-Coureur.
L'écain eft le premier métal que j'examine. Je
tâche de reconnoître fes propriétés avec toutes les
madères ci-devant examinées : fon meilleur dif-
folvant eft l'acide marin. J'examine cette combi-
naifon : elle fournit un fel cryftallifable , connu
fous le nom dejei d'éialn , 4'u^^g^3 depuis quel-
ques années , comme mordant pour imprimer
àQs couleurs fur les toiles de coton , à l'imitation
des toiles peintes des Indes. L'étain & le zinc
fournident un alliage alTez dur pour recevoir un
poli fuuifant, propre à faire des pompes Se des
robinets dont on peut faire ufage avec fuccès
clans les cas où le cuivre ne peut être employé. Je
rends compte des expériences que j'ai faites à ce
fujet.
L'acide marin , féparé des combinaifons mé-
talliques , acquiert de nouvelles propriétés. Je
propofe des vues pour examiner l'acide marin
dans ce nouvel état , àc fpécialement la liqueuK
AVERTISSEMENT, xxxj
fumanre de Libavius , qui eft l'acide marin , fé-
paré du fublimé corrolif par le moyen de l'étain.
Le plomb n'eft pas traicé avec moins de dé-
tails. On trouvera des expériences qui étoienc
peu connues , quoique publiées dans les volumes
de l'Académie ^ ces expériences qui conftatent
Taffinité de ce métal , plus grande avec l'acide
vitriolique qu'avec les autres acides , font une
exception bien complette â la table des rapports
de Geoffroy.
L'utilité du fer dans les Arts & dans la Méde-
cine m'a ensasé de traiter ce métal dans un très
grand détail , pour bien taire connoître fes pro-
priétés. On trouve un extrait de l'Ouvrage de
Réaumur fur l'Art de convertir le fer forgé en
acier ; un réfumé des travaux qu'on a faits fur le
bleu de Pruffe , Se un grand extrait de l'excellent
Mémoire de M. Macquer fur cette matière : cet
habile Chymifte a , dans ce Mémoire , mis la
théorie du bleu de Prulfe dans fon plus grand
jour.
Le cuivre préfente des opérations plus utiles
pour la Phyfique ôc pour les Arts, que pour la
Médecine. Je rapporte tout ce qu'il y a d'eflen-
tiel à connoître fur ce métal. Je détaille tous les
procédés des opérations avec la plus grande exac-
titude.
Après les métaux imparfaits , j'examine les
xxxi} AVERTISSEMENT,
propriétés des métaux parfliits avec les fubftancci!'
piécédemment examinées , de dans l'ordre où il
en a été fait mention. Je fais voir que les mé-
taux parfaits font calcinables j qu'ils ne differenc
à cet égard des métaux imparfliits , que par le
moins de calcination qu'ils font fufceptibles d'é-
prouver de la part du feu &c des acides minéraux.
L'argent, l'or, la platine, perdent dans nombre
de circonftances la portion de phlogiftique né-
ce(raire à leur éclat métallique , de reprennent
le principe inflammable & leur éclat beaucoup'
plus facilement que les métaux imparfaits.
A l'article de la coupellation de l'atgent , je
rapporte le Règlement qui eft intervenu à la fuite
des expériences faites par MM. Macquer , Tillet
& Hellotfur les proportions de plomb qu'il con-
vient d'employer relativement au titre de l'argent
qu'on éprouve. Il eft réfulté des expériences de.
ces habiles Chymiftes , que l'argent pur eft bien
véritablement à douze deniers , & que l'or pur
eft également a vingt-quatre karats , quoique les
boutons de retour ne pefent pas douze deniers
d'argent , ni vingt-quatre karats d'or : on retrouve
le prétendu déchet en petits globules difteminés
à la furface des coupelles.
L'or vient après l'argent. On trouvera fur ce
métal précieux des détails que j'ai raflemblés , 2c
qui fe trouvent épars dans beaucoup d'Ouvrages.
Jq
AVERTISSEMENT, xxxlij
Je profite des expériences de M. Lewis pour com-
pléter cet article. Je rapporte à l'article de l'or
fulminant de nouvelles expériences de M. Bergh-
rnan , lues à l'Académie , par lelquelles il eft
parvenu à faire de lor fulminant lans acide ni-
creux. Ces expériences intérellantes répandent
de nouvelles lumières fur la caufe de la fulmina-
tion de l'or que j'avois attribuée à du foufre ni-
creux.
La platine eft un métal partait , nouvellement
découvert , Se qui a excité la curioiité de plufieurs
habiles Chymiftcs. J'ai recueilli tout ce qu'on a
dit de bon fur ce métal , & j'en ai fut ufa^e dans
cet Ouvrage , mais dans l'ordre que j'ai adopte*
M. Macquer & moi avons fait aufli plufieurs ex-
périences lur ce métal. J'ai eu l'attention de ci-
ter les Auteurs à qui appartiennent les expé-
riences que j'emprunte pour compléter mon ar-
ticle.
Après avoir reconnu les propriétés des matières
falines des terres èc des fubftances métalliques ,
je parle des travaux en grand qu'on fait avec ces
différentes fubftances , &c qui font l'objet de plu-
fieurs arts. Je n'entends point donner les arts
en entier j je n'ai en vue que de rapporter ce
que tout bon Chym.ifte doit favoir fur ces diffé-
rents objets , de faire connoître la théorie des
travaux , & d'indiquer leurs produits qui font
Tome I, c
Kxxiv AVERTISSEMENT.
devenus d'une utilité indifpenfable dans la (a*
ciété. L'argille cuite fournit les briques , les
tuiles , les fourneaux portatifs , les creufets , les
moufles , les vafes de terre non vernis & vernif-
fés , les poteries de grès communes , les poteries
de terre façon d'Angleterre , la porcelaine & la
faiance. On trouvera fur chacun de ces objets
^es détails intérelTants.
Immédiatement après ce qui a rapport aux arts
fondes fur les terres cuites , je parle des émaux ,
& je donne un grand article fur la verrerie, le
verre ôc le cryftal. Comme cet art eft important ,
je me fuis un peu étendu fur la théorie du verre
&; de la vitrification. Je propofe des vues pour
perfectionner les verres qu'on deftine à faire des
lunettes fimples &: achromatiques. Cet article eft
terminé par l'examen des verres défectueux qui
font attaquables par les acides , & qu'on rencon-
tre fouvent dans le- commerce. Avec ces verres
communs, on fait, par cémentation , une forte
de porcelaine dont de Réaumur a parlé le premier.
Je rapporte le procédé de cet habile Phylicien. A
Jafin de cet article , je donne plufieurs formules
pour faire des verres colorés qui imitent certaines
pierres précieufes. Ces recettes ne font point
données au hafard ^ je les ai foumifes à l'expé-
rience un grand nombre de fois , belles m'ont
léufli conitamment.
AVERTISSEMENT, xxxv
Les travaux eh grand fur les minéraux font
^précédés d'un article , dans lequel je propofe des
Vues générales fur l'orsianifation intérieure du
globe. J'expofe mon fentiment fur la formation
des fels , du foufre , des bitumes , des pyrites ^
des minéraux métalliques , &c. & fur la caufe
qui produit la difpofition de ces corps en veines
ou filons dans l'mtérieur de la terre. C'eft un
coup d'œil général que je jette fur les grandes
opérations de la Nature avant de parler des tra-
vaux en grand. Cet article eft en quelque façon
une récapitulation de ce qui eft dit dans les trois
premiers volumes de ma Chymie.
Les Cabinets d'Hiftoire Naturelle contiennent
une multitude d'échantillons de mines , variés a
l'infini : mais quelque nombreux que puiffent
€tre ces échantillons , ils fe réduifeni à quatorze
cfpeces diftindives , & ne produifent par confé-
quent que quatorze efpeces de matières métalli-
ques ^ du moins on n'en connoît point, quant
à préfent, un plus grand nombre. Je défigne leS
caraâreres principaux par lefquels on peut re-
connoîtreces diftérentes mines métalliques^ mais,
comme mon intention n'eft point de donner un.
Traité de Minéralogie, je me difpenfe de rap-
porter les jeux de la Nature, ou les variétés fous
lefquelles elle nous préfente toutes les mines d'un
même genre , parcequ'il faudroit , pour remplir
cïj
^x)iv] AVERTISSEMENT.
cet objet , plufieuis volumes fort étendus. Après
avoir défigné les mines par les caraderes qui
leur font propres , j'indique les pratiques qu'on
obfcrve pour les découvrir, &: pour reconnoître
la direction des filons j les moyens qu'on em-
ploie pour arracher les minéraux des entrailles
de la terre , & les précautions que l'on prend
pour fe mettre à l'abri des inondations & des
cboulements.
On ne pénètre pas fans danger dans le labo-
ratoire fouterrain de la Nature j fi Ton a réuflî à
fe S'itaiitir des inondations & des cboulements ,
on n'eft point encore parvenu à fe défendre
contre les exhalaifons fouterraines. La plupart
des mines exhalent des vapeurs minérales phlo-
giftiques dans différents états , qui font périr les
ouvriers. On trouvera un article fur cette ma-
tière , que j'ai tâché de rendre intérefiant par les
détails dans lefquels je fuis entré , & par les vues
nouvelles que je propole pour acquérir plus de
connoilfances fur cette matière.
Les travaux en grand fur les mines, devant ton-*
jours être précédés des opérations en petit, pour
connoître la nature de la mine , & le produit
qu'on efpere en retirer dans le travail en grand ,
je donne un article fur la manière d'efiayer les
différentes mines, & je rapporte les meilleurs
procédés par lefquels on peut parvenir à cette con-
AVERTISSEMENT, xxxvij
noiflance. C'eft ce travail en petit qu'on nomme
Docimajie ou VArt des ejfa'is.
Immédiatement après , je parle des travaux en
grand qu'on fait fur les mines pour les fondre , ï
l'effet d'en fcparer le métal d'avec les matières qui
lui font étrangères. On ne doit pas s'attendre à
trouver un Traité complet fur la fonderie des
mines en général : cet objet eft trop étendu. Je
me contente d'cxpofer feulement les principales
opérations que ne doivent point ignorer ceux qui
cultivent la Chymie. L'exploitation proprement
dite des mmes eft d'ailleurs un art particuliet
qui exige un travail à part , parceque cette ex-
ploitation , quoiqu'ayantdes principes généraux,
devient continuellement particulière pour chaque
cfpece de mine qui demande à être traitée difté-
lemment. La nature de cet Ouvrage ne comporte
pas tous ces détails.
Les pyrites font un genre de minéraux métal-
liques qui contiennent peu de métal , &: qu'on
ne fe donne point la peine de retirer ; mais les
pyrites fourniffent différentes fubftances ou ful-
fureufes ou falines d'ufage dans les arts. J'exa-
mine &j'établislesvraiscaracleres quidiftinguent
les pyrites d*avec les mines métalliques. Je divife
en quatre claQes les pyrites & les fubllances qui
leur appartiennent. Je rends compte de l'eftlo-
refcence des pyrites à l'air humide , & je parle:
xvxvii) AVERTISSEMENT,
de la caufe qui produit cet effet. J'expofe claire-;
ment les procédés par lefquels on parvient à fé-
parer du foufre des pyrites , à leur faire produire
du vitriol, de l'alun, &c. Dans cet article, je
lends compte des procédés qu'on emploie pour
fcparer l'alun d'une matière argilleufe qu'on -
trouve abondamment dans les environs de Rome,
ôc dans quelques endroits de la France , comme
l'a découvert M. Fougeroux.
Les pyrites qui fe décompofent dans l'intérieur
de la terre , fourniffent des matières falines donE
l'eau fe charge en paiïant. Ce font elles qui
font la caufe première de toutes les eaux miné-
rales. Je donne un article fur les eaux minérales :
j'expofe mon fentiment fur la caufe de la chaleur
de celles qui font chaudes , & de celles qui font
froides : je donne les moyens de procéder à leur
analyfe, pour féparer & reconnoître les fubdances
dont elles font chargées , ôc je propofe de nou-
velles vues pour examiner celles que la Nature a
compliquées.
L'article qui traite des travaux en grand qu'on
fait fur les eaux qui contiennent le fel marin , eft
précédé d'un difcours dans lequel j'expofe mon
fentiment fur la formation de ce fel dans la mer,
fie à la partie feche du globe. J'ai tâché de rendre
cet article intérelTant , en ne me permettant que.
des hypothefes qui m ont paru avoir le plus grand
AVERTISSEMENT, xxxlx
degré de vraifemblance. J'expôfe les travaux er^
çrand qu'on fait far les eaux pour en extraire le
fel marin £c le féparer d'avec les fels étrangers
qui l'accompagnent toujours. Je ne rapporte pas
toutes les méthodes qu'on emploie pour parvenir
a ce but ^ cela auroit exigé des détails qui au-
roient paflé les bornes de cet Ouvrage. Je me con-
tente de parler de l'évaporation de l'eau fur le
feu , parceque ce moyen fait mieux connoître
les fubftances étrangères unies au fel marin dans
les eaux falées , Se j'examine ces différentes fub-
ftances dans un détail fuffifant.
A la fuite des travaux en grand fur le fel marin,
je donne un article fur les moyens de delTaler
l'eau de mer, &: de la rendre potable. Je rap-
• porte la machine que M. PoilTonnier a propofée à
ce fujet , qui cft la meilleure de toutes celles qui
font connues jufqu'à préfent. Ce Phylîcien , ami
de l'humanité, a bien voulu me communiquer
fa machine , &c me permettre de la faire dellîner
& graver ; ce qui a été exécuté avec le plus grand
foin Se la plus grande exaélirude.
Immédiatement après leiel marin , je parle des
travaux en grand fur le nitre ou falpêtre. J'expôfe
auparavant le fentiment des Phyficiens fur la géné-
ration de ce fel particulier , ^c je rends compte du
mien. S'il paroît vraifcmblable, il ne doit pas pouB
cela rien diminuer du mérite des fentiments des
c iv
xl AVERTISSEMENT.
célèbres Phyficiens qui ont écrit avant moi fur
cette matière. Le nitre eft un fel important pour
la défenfe des places , puifqu'il eft la bafe de la
poudre à canon : il n'eft pas au{îî abondant dans la
Nature que le fel marin, Plufieurs perfonnesont
propofé de changer ce dernier fel en nitre. Je
rapporte mon fentiment fur Timpollibilité de
cette transformation.
Enfin, je termine ce qui concerne le règne
minéral qui fait la première partie de cet Ou-.
vrage , par des réflexions fur la pierre philofo-
phale. J'expofe avec franchife mon fentiment
fur cette matière , de me mets au-delTus des cla-
meurs des Adeptes. Je ne me flatte pas de les con-.
vertir : le bandeau du préjugé ôc de l'ignorance!
qu'ils ont devant les yeux , les empêchera toujours
de reconnoître la vanité de leurs recherches. J©
délire cependant bien fincérement quemes ré-,
flexions puiflent les engager à fe fouftraire aux;
tra.vaux pénibles dans lefquels ils s'engagent fans
utilité pour eux &c pour la Chymie. C'eft pouç
mieux remplir cet objet, que je fais connoître les
manœuvres & les tours d'adrefle dont des Charla^
tans fe font fervis pour en impofer aux ignorants. ^
^ abufer de leur crédulité.
TABLE
DES ARTICLES
Contenus dans cet Ouvrage.
TOME PREMIER.
!L/£ s Fourneaux, Page Ixxr
fourneau de litliogéognofie j lxxx|
Fourneau de réverbère , Ixxxv
Fourneau de coupelle , xcj
Fourneau des Fondeurs , & Forge , xcii}
Fourneau de lampe , xcyj
Pes Vaisseaux, xcîr
Première CUjfe.
Des VaifTeaux cvaporatoires divifés en trois Sc(flions , c]
Première SeBion.
Des VaifTeaux évaporatoires à l'air libre > iî/V«
Seconde SeBion,
Des VaifTeaux évaporatoires clos ,• ciij
Troijieme SeBion.
Des Récipients , er
Seconde Clajfi,
Des VaifTeaux circulatoires, CÎX
Troijieme Clajfe.
Des VaifTeaux propres à la fufion & à la vitrification , Sec.
Quatrième Clajfe.
Des VaifTeaux polychrcftes , cxij
Manière de couper & de percer des ballons de verre
^ autrçs vaiueaux , cxiij
xHj
TABLÉ
DesLuts, cxvîf}
Lut propre à lutcr les cornues de verre Se de grès qui
doivent fupportcr un grand feu , ièid.
Lut pour lucer les jointures des vaiffeaux , cxx
Lut de chaux & de blanc d'œufs, cxx)
Lut d'âne , ibid.
Lut gras , cxxiij
Huile de lin cuite , cxxiv
Vernis de fuccin qu'on peut employer en place d'huile
de lin cuite pour former le lut gras , cxxv
Cire molle , cxxvi)
Teinture de tournefol , ibid.
Laboratoire de Chymii , • cxxviij
■Vailîcaux de verre & de cryftal qu'on trouve chez
prefque tous les Faïanciers , cxxx
VaifTeaux de grès & de terre qu'on trouve chez plufieurs
Marchands Potiers de terre , cxxxiij
Fourneaux Se crcufcts qu'on trouve ches les Fourna-
liftes , cxxxv
VaiiTcaux de cuivre que fabriquent les Chauderon-
niers , cxxxviij
VaifTeaux que fabriquent les Potiers d'étain , cxxxix
Inftruments que vendent les Balanciers , xhid.
Inftruments qu'on trouve chez les Marbriers , cxl
Outils & Inftruments qu'on trouve chez les Clin-
caillers , cxlj
Outils & Inftruments qu'on trouve chez les Marchands
de fer , ibid,
Inftruments qu'on trouve chez les Tourneurs en bois
& chez les Tabletiers , cxliv
Inftruments qu'on trouve chez les BoifTeliers, ibid,
Inftruments qu'on trouve chez les Fondeurs en cuivre , ibid,
inftruments qu'on trouve chez les Faifeurs de ther-
momètres, cxlv
Vocabulaire, de plufieurs termes de Chymie, cxlvii
INTRODUCTION a la Chymie , Page t
Objet de la Chymie , a
De l'Analyfe ou de la Décompofîtion chymique des
corps , 8
De la Combinaifon ou Compoûtion chymique des
corps , II»:
DES ARTICLES. xlig
Sur les Affinités ckvmiques , I9
I ". Affinité d'adhérence ou de cohéCon , i j
t°. Affinité d'agréi:!;ation , 18
3'*. Affinité compoféç de deux corps , d'où il réfulte
une combinaifon , 3**
4". Affinité compofée de trois corps qui ontenfemblc
un égal degré d'affinité, ^^
î°. Affinité d'intermède, 3 5
6". Affinité de trois corps , de laquelle il refaite une
décompofition & une nouvelle combinaifon qui fe
font en même temps , .34
7°. Affinité réciproque , 3J
8°. Affinité de c]uatrc corps , ou Affinité double , d'où
il réfulte deux déconipofitions & deux nouvelles
combinaifons , 3^
Sur les Eléments ou Principes primitifs des corps , ? 9
Sur le Feu pur , 47
Sur les moyens de rafTcmblcr le feu , & fur ceux qui
déterminent fon adion , 6l.
Suri Air, dv
Effets du feu fur l'air, 6i
Effets de l'air fur le feu pur , 69
Combinaifon de l'air avec le feu, ibid.
Sur l'Eau , 70
Des Propriétés de l'eau dans l'état de liquidité , 71
Expérience qui prouve que l'eau ne prend qu'un degré
de froid déterminé , 74
Des Propriétés de l'eau dans l'état de glace , -jS
Des Propriétés de l'eau dans l'état de vapeurs, 7^
De la Diftillation , 8j
Diftillation de l'eau , 85-
De l'eau combinée avec le feu , 8^
De l'eau combinée avec l'air , 87
De l'eau combinée avec le feu & l'air , 50
Sur la Terre , ibid.
Des pierres & terres vitrifiables , ici
propriétés de la terre élémentaire , 104
Sur les pierres précicufes, 10^
Sur les pierres colorées , 107
Çpmbinaifon de la terre élémentaire avec le feu pur , n g
xliv TABLE
Combinaifon de la terre vitrifiable avec Taîr , _l rS
Combinaifon de la terre vitrifiable avec l'eau , ihid.
Sur la Combinaifon des quatre Eléments , l ï ?
Sur la matière combuftible dans l'état huileux , 115
Matières combuftibles expofées au feu avec le concours
de l'air , M^
Matières combuftibles expofées au feu fans air , 1 55»
Expérience qui prouve que la matière combuftible ne
peut brûler fans le concours de l'air , ibid.
Autre expérience qui prouve la même propofîtion , 140
Autre expérience qui prouve la même proportion , 144
Sur la matière combuftible dans l'état de ficcité , ou
furie phlogiftique, 14c
Matières combuftibles avec de l'eau , 15a
Recompofition de la matière huileufe , i £4
Des propriétés du phlogiftiquc, lyj
Sur la Terre calcaire , 1 6^1
Etats fous lefquels la Nature nous préfente la terre
calcaire que l'on nomme aufH alkaUne & abforbante, 1 6j
Propriétés des terres calcaires , 16.9
Terres calcaires expofées au feu dans des vaifTcaux
clos. Chau- vive , I70
Pierres calcaires avec l'air , 17?
Terre calcaire avec l'eau, 174
Examen des propriétés de la chaux vive , 17 j
Chaux vive expofée a l'air , Xj6
Chaux vive combinée avec de l'eau. Pâte de chaux ^ 177
Lait de chaux, • ~ 178
Eau de chaux , ibtd.
Pellicule ou çrême de chaux , 1 7P
Chaux avec la terre vitrifiable. Mortier de chaux & de
fable pour la bàt'ijfe , 1 9%
chaux vive & glace , 194
Chaux vive combinée avec du phlogiftique. Alkali
fixe artificiel i ibii.
Combinaifon de la terre calcaire avec la terre vitrifia-
ble par la voie feche. Fusibilité de ces terres l'une
par l'autre, 107
S'XT les Subftances falines , 199
Piftinélions des fubftances falines , 108
Sur f Acide vîtriolique aujjî nommé acide univerfeî , n\
D E s A R T I C L E s. xlr
iToprictcs de l'acide vitriolique , 1 1 y
Acide vitriolique avec le feu , zï6
Acide vitriolique expofc à l'air , iiS
Acide vitriolique avec de l'eàu. Efpr'it de vitriol ^ ibid.
Acide vitriolique, & glace, 119
Acide vitriolique avec de la terre vitrifîable , 110
Acide vitriolique rectifié , & acide vitriolique con-
centré , zit
Acide vitriolique volatilifé , &: rendu fulfurcux fur-
ie-champ par du phlogiftique dans le mouvement
igné, ^ ixj
Acide vitriolique colore par des matières inflamma-
bles dans l'état huileux. Acide vitriolique Ju/fu^
rcux y 1 j i
Acide vitriolique avec de l'huile , x î j
Soufre artificiel , ihid»
Sur le Soufre , i^-j
Soufre expofé au feu , i}8
Soufre mou , ijj
Soufre cryftallifé, 140
Sur la Sublimation , ibid.
Sublimation du foufrc. i7*«rj</f yo/'/r« , 141
Soufre avec Tait, 144
Soufre avec de l'eau. Soufre lavé ^ ibid.
Soufre avec de la glace , 14^
Souh e avec de la terre vitrifîable , i6id.
Soufre avec le phlogiftique , ibid.
Soufre diflous dans de l'huile. Baume de foufre de
RuUrid , 14^
Soufre avec la terre calcaire , 147
Soufre avec la chaux vive. f'o;e de foufre terreux ^ ibid.
Dccompofition du foie de foufre terreux , 149
Décorapofition du foie de foufre terreux par l'acide
vitriolique , ibid.
Soufre 5c acide vitriolique. Soufre dilfous dans cet
acide .
jo
Acide vitriolique avec les terres calcaires , 15 1.
Sw les Pierres & Terres gypfeufcs , connues fous le
nom de pierres à plâtre, lj9
Gypfc expofé au feu , x6l
Xîypfc à l'air , x6f
xlvj
TABLE
Gypfe avec de l'eau , isj,
Gypfe avec de la glace , 176
Gypfe avec la terre vitrifîablc , lyt
Gypfe avec le phlogiftique , ihid,
Gypfe avec la terre calcaire, ifv
Gypfe avec l'eau de chaux , ibidi
Gypfe avec l'acide vitriolique, ibid.
Gypfe avec le foufre , 174
Suri' Acide nitreux , ibid.
Acide nitreux au feu , 17$
Acide nitreux expofé à l'air , ryS
Acide nitreux mêlé avec de l'eau , 277
Acide nitreux raclé avec de la glace , 178
Acide nitreux avec les terres vitiifiables , ibidi
Acide nitreux avec le phlogiftique , ib'id.
Acide nitreux avec les matières combuftibles dans
l'état naturel , i8o
Acide nitreux avec une huile. Infiammadon de cette
huile y ibidi
Obfervations fur l'acide nitreux , 281
Acide nitreux avec les terres calcaires , i%\
Cryrtallifation des nitres à bafe de terre calcaire , 2S7
Nitre à bafe terreufe avec de la qlace , 289
Acide nitreux & acide vitriolic|ue , ibid*
Acide nitreux & foufre , 250
Décompofition du foie de foufre terreux par l'acide
nitreux , ibid.
Acide nitreux & gypfe , 291
Sur l' Acide marin que l'on nomme aujfi Acide du fel
commun , ibidi
Acide marin au feu , 295
Acide marin à l'air, ibid.
Acide marin avec de l'eau , ibid.
Acide marin mêlé avec de la glace , ibid.
Acide marin avec les terres vitrifiables , 294
Acide marin avec les matières combuftibles y ibid.
Acide marin avec le phlogiftiquc , ii'id^
Acide marin avec la matière huileufe, 295
Obfervations fur l'acide marin , 29^
Acide marin avec les terres calcaires , 25,7
Cryftaliifation dçs fels marins à bafe terreufe, 3c©
DES ARTICLES. xlvij
JDécompofition des Tels marins à bafe terreufe par l'ac-
tion du feu, jot
5el marin à bafe terreufe avec de la glace , joy
Acide marin & acide vitriolique , ibid.
Acide marin avec le foufre , ihid»
Acide marin avec le foie de foufre terreux, ihid.
Acide marin avec le gypfe , 50^
Acide marin & acide nitrcux , 307
Suri' A cidt végétal y ibid.
"Vinaigre expofé au feu, 308
Vinaigre expofé à l'air , ibid.
Vinaigre concentre à la gelée , ibid.
Vinaigre avec de l'eau , 310.
Vinaigre mclc avec de la glace , ibid.
Vinaigre avec de la terre vitrifiabic , ibid.
Vinaigre avec les maricrcs combullibics , 311
Vinaigre avec le phlogiil:ic]ue, ibid,
Vinaigreavec la maticie huileufc , ibid.
Vinaigre diftillé avec les terres calcaires , ibid.
Cryrtallifation des fcls acétcux terreux calcaires, 314.
Sel acéteux calcaire avec de la glace , 3 1 y
Sel accreux calcaire avec du foufre , ibid.
Vinaigre & acide vicriolicjue diftillés enfemble , ibid.
Vinaigre & acide nitrcux , 31^
Vinaigre & acide marin , 317
Vinaigre avec le foufre , ibid.
Vinaigre avec le foie de foufre terreux, ibid.
Vinaigre & gypfe , ibid.
Sur l'Alkali fixe végétal , ibid.
Alkali fixe expofé au feu , 3 i^
Alkali fixe expofé à l'air, jiO
Alkali fixe mêlé avec de l'eau, jil
Alkali fixe avec delà glace , 31c
Alkali fixe avec de la terre vitrifiable , ibid,
Liquor jil:cum , ou Liqueur des cailloux, ii6
Liquor (ilicum diffous dans de l'eau , 3 z j
Décompofition de la liqueur des cailloux par les
acides, 330
Çombinaifon de la terre féparée du liquor /ilicum avec
l'acide vitrioliquc. Alun artificiel ^ 3 j i
ilviij
^ TABLE
Sur C Alun ^ 3ji
Alun au feu. Alun calciné , j j I
Diftillation de l'alun pour en féparcr l'acide viaio-
]ic]uc, jjy'
Alun à l'air, 1^6
Alun avec de l'eau, ihid»
Alun & glace, ibid^
Alun avec les matières combuftibles Si phlogiftiqucs.
Dccompofiùon de l'alun , ibid,
Pyrophorc, j}8
Décompofition de l'alun par les terres calcaires , 542,
Décompofuion de l'alun par de la chaux & par de
l'eau de chaux , 3^45
Alun & acide vitriolique, J4j
Alun &: Toufre , iiid.
Alun &: gypfe, iBid.
Alun & acide nitreur^, ibid.
Alun & acide marin , ibiJ.
Alun & vinaigre , ibid.
Alun & alkaii fixe. Décompofition de l'alun. Terre
d'alun. Tartre vitriolé, ibid.
Propriétés de la terre de l'alun , 347
Alun faturé de fa terre , 348
Terre d'alun dilToute par de l'acide vitriolique, 3 y r
Terre d'alun diiroute par de l'acide nitreux , ibid.
Terre d'alun difToute par de l'acide marin , ibid.
Terre d'alun dilToute par le vinaigre difhillc , 355
Sur les j4r^il/es , ibid.
Propriétés des argilles , 3 f 4
Argilles expofées au feu, 3 j8
Argilles avec l'air , 5-60
Argilles avec de l'eau , 3^r
Argilles avec les terres vitrifiables ,• 36 j
Argilles avec le phlogiftique , ibid.
Argilles & terres calcaires. Fujîbilité de ces terres l'une
pa' l'autre, 1^66
Argilles & acide vitriolique , 375
Argilles &: acide nitreux , 377
Argilles &, acide marin, 379
Argilles & eau régale, 38a
Argilles «Se vinaigre diftillc , ibid.
Argilles &.foufre, 383
Argille
DES ARTICLES. xl\%
Afgillcs & alkali fixe , ^ 38}
Argilles , alkali fixe, & phlogiilique. Foie defiufre,
& So:.jre anijîcii/ , ^ 8 j
Alkali fixe avec les matières combuftibles , il^ij.
Alkali fixe avec le phlogiftique y ^Id
Alkali fixe avec une huile gialîc , 387
Alkali fixe avec les terres calcaires j ibid.
Alkali fixe avec de la chaux vive , 388
Alkali fixe aVcc de l'acide vitrioliquc. Tartre vitriolé.
6t'/de duobus. Arranum duplicatum , 389
Alkali fixe avec le foie de foufre terreux , 390
Alkali fixe avec le foufre, 351
Foie de foufre par la voie humide, ibid.
Foie de foufre par la voie fcchc , ibid.
Foie de foufre au feu. Sel Juif urcux. Tartre vitriolé , 39 j
Foie de foufre à l'air, ihid.
Foie de foufre avec de Peau, jptf
Foie de foufre avec de la glace, 397
Foie de foufre avec de la terre vitrifiable , ibid.
Foie de foufre avec les matières combuftibles, /*;d.
Foie de foufre avec le phlogilHque , ibid.
Foie de foufre avec la matière huileufc , 39g
Foie de foufre avec la terre calcaire , ibU.
Foie de foufre avec l'acide vitriolique. Magificre de
(oifre , ibid.
Foie de foufre artificiel , ^.oi
Foie de fouhe artificiel difTous dans de l'eau , ^ox
Magiftcre de foufre artificiel , ^o^
Combinaifon de l'acide lulfureux avec l'alkali fixe.
Sci/u/fi.rcux J: StJ'.lïi ibid.
Décompofition du fel fulfurcux de Staahl par l'acide
vitriolique, 40;
Alkali fixe & gypfc. Décompofition du gypfe. Tartre vi-
trn.lé ^ . , , . , 4^^
Alkali fixe Se acide nitrcux. N itre régénéré ^ on. Salpêtre ^^07
Alkali fixe & nitre à bafcterrcufe. Nitre tégénéré ^ 409
Propriétés du nitre , i'cii.
Nitre au feu Ciyftdl minéral , 410
Nitre alkalifé fans addition , 4, i i
Nitre à l'air, ^ij
Nitre avec de l'eau , ^i^
Nitre Se glace , iy,^^
Nitre & terres vitrifiables , 41c
Tome I, J
K TABLE
Nitre avec les matières combuftibics, ^r f
Poudre de fuilon, 41e»
Nicre avec le phlogiftique. Nitre fixé parles charbons
à l'air libre ,, 417
Nitre fixé par les charbons dans des vaifTeaux clos.
diffus de n'ure , ^'H
Nitre avec de l'huile d'olive, 415
Nitre & terres calcaires , ibid.
Nitre & acide vitriolique. Efpritde nitre fumant a la
fjfun de Glauber. Tartre vitriolé y 414
Sel de duobus tiré de la niafle faline reftée dans la cor-
nue après la diftillation de l'acide nitreux fumant ,454
Décompofition du tartre vitriolé par l'acide xiitreux
feul , 43 i
Déphlogiftication de l'acide vitriolique par le nitre
en fubilance , 441
Nitre c< foufre. Acide vitriolique tiré dufoafre par la
comhuflion de cette l'ubjîancc , & par l'intermède du
nitre, ^ 44 j
Décompofîrion du nitre par l'intermède du foufre.
Clijfus de nitre & de foufre. Sel polychrefiedcGlafer^ 4^1
Poudre à canon , 455
Analyfe de la poudre à canon , 474
Poudre fulmipactc , 475
D E s A R T I C L E s. ÎJ
T O M E I L
^itreSc Gypse, Page r
Nitre & alun. Décompofition du nitrepar talun, Èfprit
de nitre fumant. Sel de duobus , *
Nitie &. aigillcs. Décompo/ttion du nitre par les argilUs,
Efprit de nitre. Tartre vitriolé , 4
DilHllation de l'eau force dans des fourneaux qu'on
nomme galères , jl
Manière de féparer le tartre vitriolé de la matière ter-
reufe qui rcflc dans les cornues après la dccompolî-
tion du nitre par de l'argille , 1 f
Kitrc & foie de loufre. Poudre fulminante , 1 î.
Alkali fixe & acide marin. Sel fébrifuge de Silvius , i j
t)écompolition du fcl marin à baie terrcufe par l'alkali
fixe. Sel fcb'-ifufe de Silvius. M ai:,néfie blanche y i^
Propriétés du fel fébrifuge de Silvius , i f
Alkali fixe & vinaigre diltillé. Terre foliée de tartre ^ ibid*
Diftillation de la terie foliée , ic
Sur r Âlkdli mi a éral , 1 %
Alkali marin au feu , 14
Alkali marin à l'air , îlld».
Alkali marin avec de l'eau , i ç-
Alkali marin avec de la glace j Ibid^
Alkali marin avec les terres vitrifîables , ibid^
Alkali marin avec les matières combuftibles, ibid^
Alkali marin avec le plilogiftique , 1^
Alkali marin avec la matière huilcufe , ibid,
Alkali marin avec les terres calcaires, ibid»
Alkali marin avec de la chaux. Lejfive des Savonniers, 1-7
Pierres à cautère , ibidi
Sut le favon , j ^
Savon blanc , ^^
Décompolition du favon par les acides , îlid.
Alkali marin avec l'acide vittioliquc, 3 g
Propriétés du fcl de Glauber , ibid,
Alkali marin avec le gypfe. Sel de Glauher , j ^
Alkali marin avec l'acide nitreux. Nitre ^uadr angulaire ^ 4*
Propriétés du nitre quadrangujadre , ^1
lij TABLE
Alkali marin avec l'acide marin. Sel marin ordinaire , 44
Sel marin au feu ; Tel marin dccrcpité , 45
Fufion du fcl marin , ^6
Sel marin à l'air , 47
Sel marin avec de l'eau , ^"^''^.
Sel marin avec de la glace , >o
Sel marin avec les terres vitrifîables , itid.
Sd marin avec les matières combuftibles , 5 i
Sel marin avec les terres calcaires, jtf
Sel marin &c acide vitriolique. Efpr'n de fd fumant a
la foçon de Giauber. Sel de Glauber y ibid.
Manière de retirer le fel de Glauber de la mafle faline
cjui reftc dans la cornue après la diftillation de l'a-
cide marin fumant , 6 j
Décompolition du fel de Glauber par l'acide nitreux
feul , ^4
Sel marin & gypfe , 6 j
Sel marin & acide nitreux. D écompojit'ion de ce fd.
Eau régale, ibid.
Sel marin & acide marin, 67
Sel niarin & vinaigre, ibid.
Sel marin & alkali marin. Purification du fd marin., ibid.
Sel marin &: alun , 68
Sel marin Se argilles. Déccmpofuion de ce fel. Acide
ma-in. Stl de Glauber ^ ibid,
Waniere de ft-parerde fel de Glauber que contient la
niatiere terreufe çeftée dans la cornue après la dé-
composition du fel marin par de l'argille , 70
Sel marin & foie de foufre , 71
Sel marin &: nirre , ibid.
Sel marin & lefîive des Savonniers , ibid,
Alkali marin avec le vinaigre diftillé. Terre foliée
cryflailifée , 7 1
Diftillation de la terre foliée cryftalliféc , 74
Sur l' y^lkali animal., OU. Alkali volatil ^ '] f
Alkali volatil au feu , " 77
Alkali volatil expofé à l'air , ihid.
Alkali volatil avec de l'eau, 7 S
Alkali volatil avec de la glace, ihid.
Alkali volatil avec les terres vitrifîables, 79
Alkali volatil avec les msricres combuftibles, ihid.
4iliiaJi volatil ^vec les matières phlogiftiques , ibid.
DES ARTICLES. liij
Alkali volatil avec la matière liuîleufe , 80
Alkali volatil avec les terres calcaires , il^i^-
Alkali volatil avec de la chaux vive , HiJ,
Alkali volatil avec de l'acide vitrioliquc. Sel ammo-
niacal vhriolique , ou Sel ammoniacal furet de
Glauler , S 1
Alkali volatil & acide nicreux. Selammomacalnitreux ,
ou Nitre ammoni -.cal , S f
Alkali volatil & acide marin. Sel ammoniac ordinaire , §7
Alkali volatil & vinais;rc diftillé , S<>
Dccompolition des fcls a bafc terreufc par l'alkali vo-
latil , 90
Sur le Sel ammonijc , ù' fur une Fal'riqae de ce Sel
établie en France , 94.
Sel ammoniac au feu. Fleurs de fcl ammoniac, 57
Sel ammoniac &; eau. Purification du Sel ammoniac ,
Scfa Cry^atlifution , 9 9
Sel ammoniac & terre calcaire. Sel volatil ammoniac.
Sel marin à hafc terreujc , I co
Sel ammoniac & chaux éteinte à l'aTr. Efprit volatil
de fcl ammoniac , jçj
Foie de foufre volatil , ou liqueur fumante dcBoilc , 11^
Sel ammoniac & alkali tixe. Sel volatil ammoniac ^ Se
Se! féàrfiige Je S'ilvius , » I S
Sel ammoniac & acide vitriolique. Acide marin tiré
dujel .immoniac. Sel ammoniac vitriolique ^ oq Sel
fcc.-ct de Glauber , H2,
Sel ammoniac & foufre , ji^
Sel ammoniac & gypfe , ibid.
Si:\ ammoniac & acide nitrcux. Eau régale , 1 if
Sel amiiioniac S: acide marin , 1 17
Sel ammoniac &: vinaigre diftillé , ibid.
Sel ammoniac & alun , ii8
Sel ammoniac &:ar2;illc. ibid.
Sel ammoniac & foie de foufre , ibid.
Sel ammoniac & nitre , ibid,
Alkali volatil avec les alkalis fixes., iif
Alka'.i volatil & foie de foufre , ibid.
Alkali volatil & nicrc , ibid.
Sw le Borax, ib:d.
Purilîcation du borax brut , i j-j
d ilj
Viv TABLE
Examen de la terre féparée du borax brut , i j |
Sur le borax purifié , 141
Borax au feu. Borax calciné , il>id,
Vci de borax , 14 î
Bor X à l'air , 144
3orax avec de l'eau , il^'^t
Borax & glace, i4î
Borax &. phlogirtique , i^'^j'-
Borax & eau de chaux , , '^'^'
Borax & foufre , ^^'^.
Borax & foie de foufre terreux , 146
Borax & foie de foufre alkalin , itid.
Borax & nicre , itid.
Borax & fel marin , iW,
Borax & fel ammoniac, ibiJ,
Borax Se terres vitrifiables , ihid.
Borax & terre calcaire, 147
Borax & gypfc , ii"d.
Borax &: alun , ihid.
Borax & nicre à bafe tcrreufe , 148
Borax & fel marin à bafe terreufe , ihid.
Borax & fel accteux calcaire, ihid.
Borax oc alkali végétal ,. ibid.
Borax & alkali volatil , ihid.
Borax & acide vitriolique. Sel fédatif cryJlaUifé. Sel
de GlauhcT , ibid.
Borax & acide nitreux. Sel fédatif . N'U'-e quadrangu-
la're , 149
Borax & acide marin. Sel fédatif. Sel marin régénéré , 1 j©
Borax & vinaigre diftillé. Sel fédatif. Terre foliée
cryftrliifée , ibid.
Propriétés du fel fédatif , . 157
Sel fédatif au feu dans des vaiffeaux clos. Sel fédatif
fuiiUmé , I j 8
procédé pour faire beaucoup de fel fédatif fublimé
en peu de temps , i6z
Verrede fel fédatif, 164
Di/Tolution & cryftallifation du verre du fel fédatif , 166
Sel fédatif avec de l'eau , 167
Sel fédatif avec de la glace , ibid.
Sel fédatif cryftallifc avec de l'alkali marin. Borax
régénéié^ ibid.
Sçl fédatif avec de l'alkali fixe végétal , ibid.
DES ARTICLES. W
Sel fédatif avec de l'alkali volatil, 1^8
Sel fédatif avec les acides minéraux & le vinaigre, ibid.
Sel fédatif & tartre vitriolé , ib:d.
Sel fédatif & nitre. Décompojîtlon du n'itre ^ ^69
Sel fédatif & fel marin. Décompofit'on du jel marin , ibid.
Sel fédatif & fel ammoniacal virriolique, 170
Sel fédatif & fel ammoniacal nitrcux , ibid.
Sel féilatif & fel ammoniac , 170
Sel fédatif & fel ammoniacal acétcux , ihid.
Sel fédatif & terres vitrifîablcs , i^>d.
Sel fédatif & terres calcaires , '^'A
Sol fédatif &: eau de chaux , ib:d.
Sel fédatif Scargillcs, 171
Sel fédatif S: alun , ibid.
Sel fédatif & phlogiftique , ibid.
Sel fédatif & foufre , ibid.
Sel fédatif & foie de foufre , ihid.
Sur la Cryftallifation des Sels , ibid.
Sur les caux-mercs des fcls , 114
Sur les fubftîWiccs métalliques , i:o
Sur C Arfenic y ■ 217
Arfenic au feu, ' iiS
Arfenic à l'air, 250
Arfenic avec de l'eau , ibid,
Arfenic & glace, 15 r
Arfenic &; huile , im,
Arfenic avec le phlogiftique. Rcgiile d'arfenicy ibid.
Des propriétés du régule d'arfcnic , 15 j
Régule d'arfenic avec de l'acide virrioliquc , i3<>
Régule d'arfenic avec l'acide nitrcux , i}7
Régule d'arfenic avec l'acide marin , ibid.
Régule d'arfenic avec le vinaigre diftillé , 138
Remarques fur les diffolutions du régule d'arfenic par
les acides , ihid.
Arfenic & alkali fixe végétal. Fcie d'arfenic ^ ibid.
Arfenic & alkali marin , z+o
Arfenic Se alkali volatil , ibid.
Arlenic Se foufre. Orpiment. Rcugal ^ 24 r
Arfenic & foie de foufre , ibid.
Arfenic &: nitrc traités dans des vaifleaux à Taîr libre , ibid.
Arfenic & nitre traités dans des vailTcaux clos. Sel
d iy
Ivj TABLE
If entre arfenicjl , 14 î
Arfeiiic & fel marin , i^Q
Arfenic Se nine quaJrangulairc , i^'J.
Arfcnic S: fel ammoniac , ij 5
Arfenic & fcl ammoniacal nitreux. S el neutre arfenico-
ammoniacal , i?4
Arfenic £c borax, i^ T
Arfcnic & fcl fétlatif , M^
Arfenic & gypfc , ^^''••"'•
Arfcnic & argillcs , ^S^
Arfenic & alun, ^^''^.
Arfcnic avec les terres viitifiablcs & calcaires , ibij.
Sur le Régule de cohalt . ibiJ.
Régule de cobalt expofc au feu , 1 1 8
Ré'dudion de la chaux de cobalt en régule , i'''<î
Régule de cobalt à l'air , 167
Régule de cobalt dans l'eau , 1^8
Régule de cobalt avec le phlogifcique , ïbïJ.
Régule de cobalt avec de l'acide vicrioliquc. Vitriol
de cohalt^ ibid.
Régule de cobalt avec de l'acide nitreux. N'arc cohal~
tique, 2.7 1
Cobalt dilTous par de l'acide marin , zyj
Cobalt diflousparde l'eau régale. Encre de fympatk'e, lyy
Régule de cobalt avec le vinaigre diftillé , 179
Sur la faveur des fels neutres métalliques , 2 tio
Cobalt précipité des dilVolvants acides parl'alkali fixe, 18 î
Cobalt précipite des dillolvants acides par de l'alkali
volatil, 184.
Régule de cobalt avec le foufre , 187
Régule de cobalt combiné avec le foie defoufrè. Ef-
pece de Décornpojitton de c: demi-mctal , 1 8 8
Sur lesfcories du régule de cobalt des opérations pré'
cédentes , apr
Sur le cobalt combiné avec le foie de foufre , i^i
Régule de cobalt pur , & nitrc. Chaux de cobalt , 297
Régule de cobalt & fel ammoniac , 298
Régule de cobalt & borax , ibid.
Régule de cobalt & fel fédatif , ih;d.
Cobalt avec ks terres vitriiîables , ibid.
"Vctre bleu, 2i>5
DES ARTICLES. IviJ
SurleN:cke\ 19?
Nickel au feu , î°'
Nickel as ce de l'acide virrioliqtie , ,^o^
Nickel avec de l'acide nitrcux , "'''•;
Nickel avec de l'acide marin , '/;•''•
Nickel avec de Icau régale , ^^'•'•
Nickel & vinaigre diftillé , {^.'^•
Nickel avec de l'alkali lîxc , ''"'•••
Nickel avec de l'alkali volatil, _^o>
Nivkel avec le foufie , 'f/f^'
Nickel avec le foie de (oufrc , '^•'^•
Nickel avec lenirrc, }'^^
Nickel avec le Tel marin , ^^'^'
Nickel avec le Tel ammoniac , » ij> ^
Nickel avec le borax , ^'''-•
Nickel avec de l'arfenic, }^^
Nickel 6c régule de cobalt , ^^'d.
Sur le Rc'^uJe d'antimoine y iuîa.
Régule d'antimoine au feu , ibni.
Fleurs argentines de régule d'antimoine , 307
Cliaux de régule d'anrimoinc , ^cy
Régule d'aiicimoinc à Tair , i^'^t.
Régule d'antimoine avec de l'eau , 3 iO
Régule d'antimoine avec le phlogilliiquc, 311
Régule d'antimoine avec de l'acid: vitrioliquc , ^ 1 1
Régule d'antimoine & acide nitrcux , zpiJ.
Régule d'antimoine &: acide marin , 'bd.
Régule d'antimoine & eau régale , ^ i j
Régule d'antimoine avec du vinaigre diflillé , ^ t ç
Régule d'antimoine avec le loufre. Antimoine rcjfufcitc/l>id.
Antimoine au feu. Fleurs d'antimoine , 3 1 <î
Chaux gnfe d'antimoine , } 1 8
Régule d'antimoine fait avec la chauxgrife^ 519
Verre d'antimoine , 310
Foie d'antimoine fans addition , 31 j
Antimoine crud & acide vitrioliquc, tbid.
Antimoine crud & acide nitrcux , ihiJ.
Antimoine crud & acide matin , i'bid.
Antimoine crud & eau régale , 3 14
Antimoine crud & vinaigre diftillé,- 3if
Antimoine crud avec de ia chaux vive , ih:d.
Antimoine 3c alkali lîxc. K.c!m:s minéral far /a voie
Iviij
TABLE
feche; jif
Kermès minéral fait par la voie humide , 330
Antimoine & leflîve des Savonniers , 3 j y
Antimoine & alkaii volatil , }5tf
Antimoine & nitrc. Régule d'antimoine fépari par le
moyen du niire & du tartre , ibid.
Soufre dore d'antimoine , tire des fcories du régule
d antimoine , 3 37
Manière de féparer des fcories du régule d'antimoine
la quantité de ce demi-métal qui fe trouve dilîoute
par le foie de foufre , 340
loie d'antimoine fait avec le nitre, 341
Magnejîa opalina , ou Rubine d'antimoine , 343
Antimoinf & nitre. Fondant de Rotrou , 344
Antimoine diaphorétique , ibid.
Nitre antimonié , 345
Matière perlée , 34^
Antimoine diaphorétique fait avec le régule , 350
Poudre de la Chcvalcray, 351
Antimoine, fel marin & tartre. Régule médicinal y 351,
Antimoine & fcl ammoniac , ibid.
Régule d'antimoine avec les matières terreufes vitri-
£ables &: calcaires , 3^3
Régale d'antimoine & arfcnic , ibid»
Régule d'antimoine & régule de cobalt , ibid.
Antimoine crud & arfenic , ibid.
Antimoine crud &; régule de cobalt , 354
Régule d'antimoine avec le nickel , ibid.
Antimoine crud avec le nickel , ibid.
Sur le Z-'nc ,
ibid.
Zinc au feu. Grenailles de \ïnc ,
iSS
Fleurs de zinc ,
35^
Zinc à l'air ,
}59
Zinc avec de l'eau.
ibid.
Zinc avec de la glace ,
ibid.
Zinc avec le pnlogiHiquc ,
ibid.
Zinc & acide vitriolique. Vitriol de ^înc ,
OU Vitriol
blanc ,
ibid.
Zinc & acide nitrcux ,
360
Zinc S: acide marin ,
3«i
Zinc Sceau régale.
3*x
Zinc & vinaigre diftilié ,
ihid„
D E s A R T I C L E s. îlx
Zinc &alkali fixe, 3fî
Zinc & alkali volatil , '"*''^-
Zinc avec le foufre , , î^4
Zinc avec le foie de foufre, f^jd-
Zinc avec le nitre. Nitre fixé par le \inc ^ ibid.
Zinc avec le Tel marin, }f^
Zinc avec le fcl ammoniac , ib:d.
Zinc & arfenic , î*»?
Zinc & rccrule de cobalt , Î70
Zinc &: nickel, 1^'^-
Zinc & régule d'antimoine , ihiJ,
Zinc & antimoine , '^ «^•
Sur le Bifrvuth ^ ' 371
Bifmuta au feu , 57^
Verre de bifmuth , 57 +
Bifmuth à l'air , ?7^
Bifmuth & eau , ib'id.
Bifmuth &: glace, m<i.
Bifmuth & phlogiftiquc, ïbid.
Bifmuth avec de l'huile, ih-.d.
Réduction des chaux de bifmuth , ;-6
Bifmuth & acide vitrioliquc , ihid,
Bifmuth & acide nitreux , ïbtd.
Cryftaux de bifmuth , ou nitrc bifmuthiquc . 57 3
Magiftcrc de bifmuth , ibid,
Bifmuth &; acide marin, îSi
Bifmuth &: eau régale , ' ihid,
Bifmuth & vinaigre diftillé , ibid.
Bifmuth & alkali fixe , 385
Bifmuth & alkali volatil , ibid,
B i fmut h & foufre , ihid,
Bifmuth & foie de foufre , ibid.
Bifmuth & nitrc , ibid,
Bifmuth & fcl marin , ilid.
Bifmuth & fel ammoniac , ibid.
Bifiiiuth & borax, - ^Sf
Bifmuth & fcl fédatif , ibid,
Bifmuth &: gypfc , ihid.
Bifmuth & argillc , ibid,
Bifmuth &; alun , ibid.
Bifmuth & terres vitrifiables , ibid.
Bifmuth avec les terres calcaires , • iffidy
Ix TABLE
Bifmuth Scarfcnic , ?8f
Bifmuth & régule de cobalt , ibid.
Bifmuth avec le nickel, 3g«>
Bifmuth & régule d'antimoine , ? 87
Bifmuth & antimoine crud , ihid.
Bifmuth & zinc, Hid.
Sur h Mercure ou Vif- Argent ^ îhid.
Mercure au feu, 38?
Mercure précipité perfe , 38?
Mercure à l'air, ?94
Mercure avec de l'eau , ibid.
Mercure & glace, 39f
Mercure avec le phlogiftiquc, 506
Mercure avec de l'huile , ibid.
Mercure Se acide vitriolique. Vitriol de Mercure , 397
Lotion du vitriol de mercure pour faire le turbith
minéral, 398
Mercure & acide nitreux , 4Û5
Mercure précipité de l'acide nitreux par l'alkali fixe , 405
Turbith minéral fait parle mélange des Ich vitrioli-
ques avec une diffolution de mercure faite par de
l'acide nitreux, ihid.
Mercure précipité rouge, 407
Mercure & acide marin , 410
Mercure précipité blanc , 4I i
Sublime corrofif, 411
Propriétés du fublimé corrofif, 417
Mercure doux , nommé aufli aquîla alba^ 410
Sur le mercure doux , 414.
Mercure doux & fel ammoniac , 419
Panacée mercurielle , 430
Eau phagédér. ique , 431
Sublimé corrofif décompofé par de l'alkali fixe, Scpar
de l'alkali volatil , ibid.
Sublimé corrofif &. foie de foufre, ibid.
Sublimé corrofif & acide nitreux , 435
Sulîlimé corrofif &: acide marin , 434
Sublimé corrofif avec le fcl de Glauber & le tartre vi-
triolé , ihid.
Sublimé corrofif avec les fcls vitrioliqucs à bafc tcr-
reufc , ihid.
Sublimé corrofif avec le nitre , ibid.
DES ARTICLES. Ixf
•îublimé corrofîf & fcl marin , 43 î
Sublime corrollf Se fel ammoniac , i^iJ-
Sel aicmbroth , i^^^-
Mercure précipité blanc, 43^
Sublime corrolîf Se arfenic. Beurre d'arjenlc , 438
Sublime corrofif Se régule d'antimoine. Beurre d'an-
timoine, 439
Sublimé corrofîf avec l'antimoine crud. Beurre d'art'
t'i moine , Cinabre d'antimoine , 445
Poudre d'algaroth , 445
Beurre d'antimoine & acide nitreux. Difjolution de h
partie réguiine de ce demi-métal dans de l'eau repaie , 447
Bézoard minéral , 448
Subjimé corrollf Se zinc , 4Î0
Sublimé corrofîf Se bifmuth, ibid.
Mercure Se eau régale , 451
Mercure Se vinaigre diil:illé , 4 J i
Oilfolution de la chaux de mercure par le vinaigre
diftillé, 453
Mercure Se alkali fixe 5e volatil. Dijfolution de mer-
cure par ces/cls , 4j<
Mercure Se foufre. Ethiops minéral fait fans feu, ibid.
JEthiops minéral préparé par le feu , 457
Cinabre artificiel , 458
Vermillon, 4^1
Mercure revivifié du cinabre , 4^1
Mercure Se foie de foufre , 46 5-
Mercure Se foie de foufre volatil^ ^66
Mercure Se fel marin, 468
Mercure Se fel ammoniac, 4^9
Mercure Se borax , 470
Mercure Se fel fédatif , ibid.
Mercure Se arfenic, ihid.
Mercure Se régule de cobak; ibid.
Mercure Se nickel , 471
Mercure Se régule d'antimoine^ ibid.
Mercure Se antimoine crud , ' ibid.
Mercure Se zinc , 47 î
Mercure Se bifmuth^ ibïd.
Sur !'Et.2!n, ibid.
Feuille d'étain, 474
£cai;iau fcu^ 4^2
Ixîj TABLE
chaux d'ctain , 4ft
rotced'étaiii , 47 <?
Etain cxpofc à la plus grande violence du feu , ibid.
EtainaTair, 481
Etain & eau , 48 î
Erain& glace, ibid.
Etain & phlogiftiquc, ibid»
Ecain remifcicc , 484
Etain avec de l'huile , 48^
Etain & acide vitrioliquc, i^/V.
Etain calciné par l'acide nitreux , 486
Dillolution d*étain par l'acide marin , 488
Sel marin à bafe d'écain , 489
Etain & eau régale , 491
Etain & vinaigre diftillé, 494
Etain &alkali fixe, 495
Etain & alkali vi>latil , 496
Erain & foufic. Mme d' Etain artificielle , ibid.
Etain & foie de foufre , 497
Etain & nitrc. Cdcination de l' Etain par le n'itre , ibid.
Etain & Tel ammoniac, 498
Etain & aifenic , Hid.
Etain & régule de cobalt, îoo
Etain & nickel , ihid*
Etain & régule d'antimoine, ibid.
Etain S: antimoine , ibïd»
Etain & zinc , yoi
Etain S: bifmuth , joi
Etain & mercure. Amalgame de Mercure & d'Etain , ibid.
Boules de mercure , ibid»
Etamage des glaces , 50J
Etain &fublimécorrofif. Liqueur fumante de Libavius^ 50^
Sur le Plomb , <• ^11
Plomb au feu , 5 ij
chaux de plomb , ibid.
Mafficot , ibid.
Minium , ibid.
Litharge , ^ J14
Verre de plomb , j i y
Plomb à l'air , Ç17
Plomb Sceau, pjj
flomb &: glace, ibid..
DES ARTICLES. Ixiij
Plomb & phlogiftique , 5 if
Plomb & huile, çzo
Plomb &: acide vitriolique , ibid.
Plomb & acide nitreux. Dijfoîudon du Plomb dans cet
acide , ibid.
Plomb & acide marin , « 1 j
Plomb & eau régale, ihid.
Vitriol de plomb, ihid.
Plomb corné , 5 14
Magiftere de plomb , $x6
Plomb & vinaigre , j 17
Blanc de plomb , Tbid.
Blanc de céiufe, jig
Vinaigre de Saturne. Sel de Saturne y ibid.
Efprit de Saturne , 530
Decompofition du fel de Glauber par le fcl de Saturne ,532,
Plomb avec les alkalis fixes &; volatils , 535
Plomb & alun , ihid.
Plomb & foufre , ibid.
Plomb & foie de foufre , 534
Plomb & nitre. Calcinjtion du plomb par cejèl, 53 y
plomb Si fcl ammoniac , ibid.
Decompofition du fel ammoniac parle minium. Efprit
volatil de fel ammoniac. Plomb corné , 53^
Plomb & arfenic , j 3 8
Plomb & régule de cobalt , ibid.
Plomb & nickel , j)^
Plomb & régule d'antimoine , ibid.
Plomb & antimoine , ^40
Plomb & zinc, ihid.
Plomb & bifmuth , ' ^41
Plomb & mercure , îhid.
Plomb , mercure & bifmuth , ibid.
Plomb & étain , ibid.
Email blanc Se coloré , ^41
Sur le Fer , ibid.
Fer au feu , ^44
Fer à l'air , j4j
Safran de Mars préparc à la rofée J 54^
Fer avec de l'eau , 547
Ethiops martial, ibid.
fer & glace, 550
Ixiv TABLE
Fer avec les matières combuftibles & phlogiftiques.
Acier ^ S^O
Caradcre de l'acier , & en quoi il difFcrc du fer , y 60
Trempe de l'acier , 565
Fer & huile, 5<^9
Fer diflous par de l'acide vitrioliqiie. Vitnol de Mars , 570
Examen des propriétés du vitriol de Mars, 571
Vitriol de Mars au feu. Vitriol de Mars calciné en
blancheur^ 57 î
Colcothar , y7j
Sel de colcotiiar, 57^
Terre douce de vitriol , Î77
Acide vitriolique glacial , ihid.
Vitriol de Mars avec de la glace, 579
Vitriol de Mars avec les terres calcaires & la chaux
vive , jSo
Fer féparé du vitriol de Mars par de l'alkali fixe. Tartre
vitriolé , ihid.
Fer rcfTufcité {ans fufîon , jSz
Acide nitrcux fumant fait par le colcothar, 584
Fer difTous par de l'acide nitreux , 5 8 j
Fer précipité de fon difTolvant par d'autre fer , j8^
Teinture de Mars alkaline de Staahl , 587
Sahnn de Mars apéritif de Staahl , 590
Fer difl'ous par de l'acide marin , S9'^
Fer dilfous par de l'eau régale , ypi
Fer dilTous par du vinaigre diflillé , ihid.
Bleu de Pruilc , thid.
Bleu de PruHe fait fans alun , & qui n'a pas befoîn
d'êtxc avivé , ^ol
Décompoiîtion du bleu de Pruffe par l'aélion du feu, ibid.
Décompofition du bleu de Pruffe par l'alkali fixe , (îoi
Fxamen des propriétés de l'alkali prullienfaturc, 60}
Séparation du bleu de Prufle que l'alkali pruflien fa-
turé tient en diffolution , 604
Fer & alkali végétal , 606
Fer&foufre. Safran de Mars prépJtré par le foufre, éoy
Fer fondu par le foufre , 6 1 y
Soufre mou , ihid»
Fer & foie de foufre , 616
Fer calciné par le nitre , ibid,
rer& fel ammoniac. Fleurs de fel ammoniac martiales ,
ou ^s Marlis ^ 6l9
Fer
DES ARTICLES. IxV^.
Fer aYcc les terres , ^-^
Fer & arfcnic , i^'^-
Fer & régule de cobalt , i^'<^'
Fer & nickel, /î^i
Fer & régule d'antimoine, iHd.
Fer & antimoine crad. Rc'gufe d'antïmoînemarùal , ibid.
Safran de Mars antimonic apéritif de Staahl , 614
Fer S: zinc , «'î-î
Fer & bifmutli, i^'d.
Fer Se mercure , ib'.d.
Fer & fubliraé corrollf , ib'id.
Fer & Etain. Etamagc du Fer. Fer blanc , 6r6
Fer & plomb, ^if
Sur le Cuivre , 6\o
Cuivre expofé au feu , ihld.
Fleurs de cuivre, 051
Cuivre à l'air, 631
Cuivre avec de l'eau , 6 5 j
Cuivre à la glace , ihid.
Cuivre avec le phlogiftiquc , f>)^
Réduiftion des chaux de cuivre en véritable cuivre , ibid.
Cuivre avec de l'huile , û^C
Cuivre Se acide vitrioliquc. Dijfolut'ion du Cuivre dans
de l'iicide vitriolique , 6\J
Vitriol de cuivre , ^58.
Examen des propriétés du vitriol de cuivre , 6^tf
Cuivre & acide nicreux. D///ô/«rio/z i^« cuivre da>7S de
l'acide nitreux ^ 64 1
Cuivre & acide marin. Diffolution du cuivre par de
l'acide marin, 6^1,
Cuivre dilfous par de l'eau régale, 64. j
Cuivre& vinaigre, ibid.
Décompofition des diflblutions de cuivre , faites dans
les différents acides , par différents intermèdes , 6^^
Rédudion du cuivre qui a été précipité par de l'alkali
fixe, 645
Diffolutions de cuivre faites par les différents acides
mêlés avec de l'alkali volatil , (?47
Piflolutions de cuivre faites par les différents acides
mêlés avec le foie de foufre , ibid.
Cuivre précipité de fes diffolutions par Iç fer, 648
Cuivre avec les alkalis fixes , É4J
Tome I. C
ivv| TABLE
Cuivre & alkali volatil. Couleur bleue qui difparolt
■par défaut d' air y é\if
Cuivre & foufre. MsVeneris y 651
Cuivre & foie de foufre , _ <; j i
Cuivre calciné par le nitre , É5 J
Cuivre & fel ammoniac. JEs Veneris , ou Fleurs defel
ammoniac cuivreu/es y ^54
Eau célefte , ^yj
Cuivre & arfenic. Tombac blanc y 6^6
Cuivre & régule de cobalt , 6^7
Cuivre &c nickel , ibid.
Cuivre & régule d'antimoine , ibid.
Cuivre & antimoine crud , 6 j 8
Cuivre & zinc. Cuivrejaune , , ibid.
Tombac jaune, 6^60
Cuivre rouge & bifmuth , 66x
Cuivre rouge & mercure. Amalgame de Cuivre & de
Mercure y 66^
Cuivre avec de ladiflolution de mercure , ibid.
Cuivre & étain. Bronze y Airain ou Métal de cloche y é6^
Etamage du cuivre, éef
Cuivre & plomb, 670
Cuivre rouge & fi:r , i-j\
'.l^
DES ARTICLES. Ixvî)
TOME 111.
Kj [r R l'A R G E NT y PagC I
Argent au feu , *
Argent à l'air , 4
Argent avec de l'eau , i^id»
Argent avec d" la glace , j
Argent avec le plilogiftiquc , i^id.
Argont & acide vitriolicjue , ibid.
Argent & acide nitreux , 7
Cryllaux de lune, y
Détonnation du nitre lunaire , 10
Pierre infernale , ibid.
Maticrcs animales tachées par la difToIution d'argent,
Dillolution d'argent avec de l'acide vitrioliquc. Vnrlol
de lune ,
Dillolution d'argent faite par de l'acide uitrcux mclé
avec de l'acide marin. Lune cornée ,
Eau forte précipitée ,
Argent rellufcité de la lune cornée ,
Dilfolution d'aTgent mêlée avec les alkalis fixes &
volatils ,
Argent diflbus par de l'acide nitreux , & précipité par
du foie de foufre ,
Argent précipité de l'acide nitreux par le fel neutre
arfenical , ihid.
Argent précipité de fa diflolution par le cuivre , i8
Argent Se acide marin, jo
Argent & eau régale , 3 r
Argent & vinaigre diftillé , ibid.
Argent avec les alkalis fixes & volatils , ibid.
Argent & foufre , jï,
Argent &: foie de foufre, 55
Argent & nitre , j j
Argent &: arfenic , 36^
Argent & régule de cobalt , ibid.
Argent & nickel , 37
Argent &: régule d'antimoine , ibid.
Argent & antimoine , ibid.
Argent & zinc , 38
Argent & bifrauh, ihid.
Cij
14
18
17
Ixviij I' A B L E
Ai jcnt & mercure. Amalgame d' Argent & de Mercure , j 8
Arbre de Diane , ou ailnc pnilofophique , 40
Argent &: fublimé corrolîf , 4Î
Argent & étain , ibid.
Argent & plomb , ihid.
Argent & fer , 44
Argent oC cuivre , ihid.
Eflai de l'argenr a la coupelle par le plomb , pour
rcconnoîcre fon tirrc , ihid.
SuTtOi\ 58
Or cxpofé au feu , 61
Or à l'air , i^J
Or avec de l'eau , 64
Or & glace , ibid.
Or avec les matières terreufes, 6y
Or &: phlogiftique , ihid.
OrScacide vitriolique, ihid.
Or Si acide nitreux , 66
Or & acide marin , ihid.
Or & vinaigre diftillé , ihid.
Dillolution'de l'or par de l'eau régale, 67
Cryftaux d'or, 6p
Diilolucion d'or avec les matières combuftibles, 70
Or en chiffons , 71
DinbliKion d'or avec les terres calcaires, ihid.
Diffolution d'or & alkali fixe. Précipité d'Or y ibid.
Diftolution d'or & Uquorfilicum. ¥ ourpre pour peindre
fur les émaux & fur la porcelaine , 74
Diffoluîioii d'or &: alkali volatil. Or fulminant , 75
Or diiîous par de l'acide vitriolique , & précipité par
de l'alkidifixc, 8x
Or diffous par de l'acide nitreux , & précipité par de
l'alkalifixc, ihid.
Or dillouspar de l'acide marin, &: précipité par de l'al-
kalifîxe, ihid.
Or dillous par du vinaigre diftillé & précipité par de
l'alkali^xe , ihiJ.
Didblution d'or& foie de foufre, ihi,i.
Dillblution d'or mêlée avec de l'arfenic & avec du Tel
neutre arfenical , 84
Dillolution d'or avec du mercure , ihid,
Dillblution d'or &; étain. Précipité d'or de Cajfus^ ibid.
DES ARTICLES. h.h
DifTolution d*or, & dilTolution de plomb, 91
Diffolution d'or avec du fer , ^^-û.
DifTolution d'or avec da cuivre , 9 5
DilTokition d'or avec de la dillolation d'ara;cnt: , iBid.
Or avec les alkalis fixes & volatils, 94
Or & foufre , i^-a-
Or avec le foie de foufrc , 55
Séparation de l'or d'avec le foie de foufre , 97
Or avec le nitrc, '^•'û'.
Or avec le fcl marin > 98
Or avec le borax , i^'<^.
Or avec du fcl ammoniac , il>id.
Or avec les matières métalliques, 99
Or & arfcnic , ibid.
Or & régule de cobalt , ibid.
Or & nickel , loo
Or Se régule d'antimoine , ihid.
Or & antimoine crud. Purification de l'or par l'anti-
moine , ibid.
Or avec le zinc, iol
Or &: bifmutli , ioî
Ot avec le mercure. Amalgame , ibid.
Or & mercure calcinés l'ui par l'autre , 104
Dorure fur l'argent & fur le cuivre par le moyen de l'a-
malgamedor & de mercure , 10^
Or & liiblimc corrofif , 108
Or & étaiu , ihid.
Or & plomb , ihid.
Or & fer, 109
Ov& cuivre, ih'id.
Or & argent, 110
Elfai de l'or pour reconnoîtrc fon tkrc, 1 1 1
Départ de l'or d'avec l'argent, 1 i 4
Départ fec ou concentré , 119
Sur la Platine , lit
Plarinc expofée aufeu, \iCt
riatine à l'air , m
Platine avec de l'eau , ibid.
Platine avec de la glace , ibid.
Platine avec de la terre vitrifîablc , i î 2,
Platine avec le phlogiftique, ihid.
Placinc avec de l'huile, . ibid.
e il]
Ix?
XX
TABLE
Platine avec de l'acide vitrioliquc.
Platine avec de l'aciJc nitreux ,
Platine avec de l'acide marin.
Platine avec de l'eau régale ,
Examen des propriétés de la dilfoiution de platine,
Diirolution de platine «Scalkali minéral ,
Dillolucion de platine avec de l'alkali prulficn faturé
Dillolution de platine avec de l'alkali volatil ,
Réduiftion du précipité de platine ,
Précipiréde platine avec de l'acide vitriolique ,
Précipité de platine avec de l'acide nitreux ,
Précipité de platine , & acide marin ,
Précipité de platine , Se eau régale ,
Précipité de platine avec du vinaigre didillé ,
Moyen de reconnoître l'or allié de platine ,
Diilblut
Diirolut
Dillolut
Di/Tolut
DilTolut
DilTolut
DiiTolut
Di/Tolut
DifTolut
Diflolut
DifTolut
DifTolut
DifTolut
DifTolut
on de platine & foie de foufre ,
on de platine & arfcnic ,
on de platine avec le régule de cobalt ,
on de platine avec le nickel ,
on de platine avec le régule d'antimoine,
on de platine avec le zinc ,
on de platine avec du bilmutli ,
on de platine, & mercure,
on de platine , & ctain ,
on de platine , &: plomb ,
on de platine, & fer,
on de platine , & cuivre ,
on de platine , & argent ,
on de platine. Se or.
Platine & alkali fixe.
Platine avec le foufre ,
Platine & foie de foufre ,
Platine & gyp^e ,
Platine & fcl de Glauber,
Platine & nitrc ,
Platine & fel marin ,
Platine avec le borax ,
Platine & fel ammoniac ,
Platine avec les terres vitrifiables ,
Platine & arfcnic ,
Platine avec le régule de cobalt ,
Platine & nickel ,
Pjatin.c &c régule d'antimoiije ,
ibid,
135
134
136
«41
, ibid,
14^
144
148
ihid,
ibid.
ibid.
'49
150
in
ibid.
M4
ibid.
ibid.
ibid.
ib;.:.
ms
ibid.
IÎ9
ib-d.
\6o
ibid.
ï6l
i<>4
ibid.
167
ibid.
170
ibid.
ibid.
17,-
T76
ibid.
DES ARTICLES. Ixxj
Platine avec de l'antimoine crud, 177
Platine avec du zinc , '78
Platine avec du bifmutli , I79
Platine & mercure , i8l
Platine avec du fublimé corrofif, ï8x
Platine avec du fel alembroth , ibid.
Platine avec de l'étain , 18 J
Platine avec du plomb , 18^
Coupcllation de la platine par le plomb , 189
Platine avec le fer , I94
Platine & cuivre , i57
Platine avec le cuivre & le zinc , 19Z
Platine avec le cuivre & l'étain , 199
Platine & argent , 3 00
Platine avec de la lune cornée , loi
Platine avec de l'or , toi
Remarques fur la combinaifon de la platine avec les
matières métalliques, 104
Sur la Terre cuite, 107
Sur les briques & les tuiles , ibid.
Sur la matLrc des fourneaux , des creufets &: des
moufles de terre cuite , i r J
Terre vcrniiîée , aij
Porerie des grès commune , 1x7
Poterie de terre blanche , façon d'Angleterre , 119
Sur la Porcelaine , 1 j j
Préparation de la pâte de porcelaine , 143
Sur la Faïance , m^ z j i
Sur les Emaux , 154
Sur la Verrerie , le Verre 6» le Cryflal , x^6
Des Verres légers , 189
Des verres pefants dont on peut faire des objectifs
pour les lunettes achromatiques, zjo
Verre attaquable par les acides , lyi
Porcelaine de Réaumur , 2^4
Sur les Verres colorés pour imiter les pierres préci^ufes , 19^
Stras , 197
Taufles topazes , 158
e iy
Ixxij TABLE
Paux rubis & faux grenats , 19 8
îaufTes émeraudes , xkid.
FauiTes hyacinthes , rouge -biun & brun-marron , j 99
Faux faphirs , ibid,
ïaun"cs amérhyftcs , 300
Verre jaune , Ibid.
r? fies opales , S: girafole de Venife , ikid.
Vues zcrt-rales fur rOrganifjtion intérieure du Globe ,
& fur id Formation des Mines & dis Métaux , 301
'Dis M: nés métalliques , 3 3 j
Mines d'or , 3 57
Mines de platine , 338
Mines d'argent , 340
Mines de plomb , 341
Mines de cuivre , 34J
Mines d'étain , 344
Mines de fer, 34y
Alines i' zinc , ibid.
Mines de bifmuth , 34^
"Mines d'antimoine^ ■ ibid.
Mi'ies de cobalt , 347
Min^s de nickel , 34g
Mines de mercure , 349
Mines d'arfenic , iBid..
Orjevations générales fur la Métallurgie , 35»
Recherches des mines, 354
De la fouille des mmes, 3 y y
Dire£lion des filons , # 357
Surlet Exhaln'fons fouierraîntSy 3 ^9
Des moufettes ou mofettes , 3<î»
Feu brifou ou cerrou, 3^4
Desexhalaifons métalliques , 367
Réflexions fur les exhalaifons foutcrraines , 368
'Effai d-ts Mines , ou de la Docimafie , 377
Eflai des mines d'or , 3 8*
Elfai des mines de platine, 381
EfTai des mines d'argent , ibid.
EfTai des mines de cuivre , 384
tdai des mines de plomb , 38g
DES ARTICLES. hxiij
E/Tai des mines d'ctaiii , 389
EfTai des mines de ter, 594
E/Tai des mines de mercure, ?97
Eflai des mines d'antimoine , 3 9*
ElTai des mines de biCnuth , 400
EfTai des mines de zinc , 4^1
E/Tai des mines de cobalt , 40 l
Lavage du fafrc , 4'^î
Effai des mines de nickel , ^06
Elfai des mines d'arfenic , 4^7
Des Travaux en grand fur les Mines , îhid.
Travaux fur les m.incs d'or , 4^^^
Travaux fur les mines de platine , 4 1 o
Travaux fur les m.ines d'argent , ibid.
Travaux fur les mines de cuivre, 41 4
Travaux fur les mines de plomb , 4T 9
Travaux fur les mines d'ctain , .411
Travaux fur les mines de fer , 421,
Convcrfion du fer fondu en fer forge , 4^4
Acier de fonte , 41^
Travaux fur les mines de mercure , 417
Travaux fur les mines d'antimoine^ 4^1
Travaux fur les mines de bifmutli , ibid.
Travaux fur les mines de xinc , 4}j
Cuivre jaune, ou laiton , 43 y
Travaux fur les mines de cobalt , ibid.
Arfenic &. réalgal tirés des mines de cobalt , 4; ^
Safre, ^ 457
Bleu d'azur , 4j8
Bifmuth tiré du coba't , ' 4)9
Sur les Pyrites , 440
Divifîon des pyrites Se des matières pyritcufcs, 446
Sur les pyrites ferrugineufcs ou martiales , 449
Soufre féparé des pyrites , ibid.
Purification du foufre brut , 4jr
Vitriol de Mars retiré des pyrites , ibid,
Ochre, 4j^
Sur les pyrites cuivreufes , 4j7
Vitriol de cuivre fait avec de la mattc de cuivre , 4^0
Sur les pyrites arfenicales , 461
Sur les fubftanccs alumincufes , 451
Procédé pour féparer l'alua de roche des pyrites , 4$;
Ixxiv TABLE DES ARTICLES.
Procède dont on fc fcrc pour tirer l'alun de Rome , 469
Vitriol blanc ou de Goflar , 473
Réflexions fur les pyrites , ■ 477
Sur le< Ejux minâdies y 4^3
Si'r l'analyfc des eaux minérales , 455
Manière d'analyfer les eaux minérales , 496
Sur le Sel marin , fur l' Eau de mer , ù fur I'Eju des
puits ^^ fontaines f aie s , 511
Sur les Salines de Franche- Comté , 517
Evaporation de l'eau de Montmorot fur des bâtiments
de graduation , 5 1 P
Evaporation fur le feu de l'eau graduée de Mont-
morot pour en extraire le fel marin , 511
Sur ia faline de Salins , 517
(-
Sur les Salir es de Lorraine , 518
Sur les eaux falées chargées de fel matin , 531
Sur la félcnitc des eaux falées , 55^
Sur le fchlot , 537
Sur la vapeur qui j'élcve pendant l'évaporatioir des
eaux falées , 541
Sur l'écume qu'on enlevé des eaux falées , 541
Sur le fel marin , jj 5
Sur la cryftallifation du fel marin , - 5^0
Sur les muires ou eaux-meres des eaux falées , 551
Magnéfie du fel marin , 558
Sur les écailles , iiid.
Sur les fels d'Epfom & de Glauber , 560
Comparaifon du fel d'Epfom d'Angleterre avec le fel
d'Epfom préparé en France , 564
Sur les moyens de deffaler l' eau de mer , &> de conferver
la fdluhrité de l'eau douce dans les embarquements j j 68
Sur le Nitre ou Salpêtre , jSp
Sur les moyens qu'on pratique pour féparer le nitre
des terres nitreufes , ^01
Nitre de deux cuites , 606
Nitre de trois cuites , 607
Magnéfie blanche , 611
Réflexions fur la converfion du f>;l marin en nitre , 614.
Réflexions fur la Pierre ■philofopkale , 616
Fin de la Table des Articles.
■£s$im$.
PROLEGOMENES.
DES tOURNEAUX.
JL E S fourneaux fonr des uftenfiles deftincs à con-
reniu des matières combuftibles enfiammces , Sc
propres à appliquer, en moyen d'un courant d'air,
le tcu fur les corps qu'on foumet à (on adion.
L'air eft admis dans les fourneaux de deux ma-
nières , ou natureUcment par des ouvertures li-
bres , pratiquées au bas des {"ourneaux , ou forcé-
ment par le moyen des foufflets. Ce font deux ef-
peces de fourneaux dont on fait beaucoup d'ufage
dans les opérations de la Chvmie.
Nous ne nous propcfons de donner ici que la
delcnption des fourneaux fimples , avec lefquels
on peur faire géncralemenr, dans les laboratoi-
res, routes lesi expériences de la Cliymie. Nous
pairerons fous fîlence la defcription des grands
fourneaux dont on tait ufage pour la fonte des
mines Se des métaux dans les trav^iux en ^rand.
On peut, fur cet objet, confulter la Tradudion
de Schlutter par M. Hellot. Nous fupprimerons
aufli les détails des fourneaux mystérieux & com-
pliqués que le caprice a tait imairiner aux Alchy-
miftes pour leurs vaines opérations. Les four-
neaux les plus iimplcs font toujours les meilleurs ,
&:ils font d'un fervice plus ^cnéLal.
Les fourneaux dans lefquels l'air entre par des
ouvertures pratiquées au bas, opèrent lci:r eftet
naturellement. Le courant d'air (cvi par !a partie
fupérieureou cheniinée , après avoir traverfé l'in-
térieur du fourneau. La chaleur & la flamme dQS
Ixxvj Prolégomènes.
matières combuflibles rarciient l'air de la parti*
fiipérieuredii fourneau , & y forment un vuide y
ce qui oblige l'air d'entrer par les ouvertures pra-
tiquées au bas. Plus la cheminée du fourneau eft
large , plus il fe trouve d'air de raréfié. Ce fluide ,
qui tend à fe mettre en équilibre, remplit l'ef-
pace vuide qje le feu a occalîonné j &: comme
l'air ne peut entrer que par la porte du cendrier ,
il s'établit naturellement un courant d'air qui
produit l'effet d'un fouftlet. Cette méchanique
dépend, comme on le voit , de la pefanteur & de
la fluidité de l'air. Cet élément tend, comme les
autres fluides , à l'équilibre & au repos , & rem-
plit les efpaces qui ne font pas occupés par une
matière plus pelante que lui.
On demandera peut-ctre pourquoi l'air ne
rentre pas aufli bien par la cheminée , que par la
partit: inférieure du fourneau?
Il fera facile de répondre à cette objeétion, fî
l'on fait attention que le feu pur &; libre eft plus^
léger que l'air : on le voit par la flamme qui s'é-
lève toujours , & ne tend point vers la terre com-
me les autres matières. Le feu , en vertu de cette
légèreté , fort plutôt par la cheminée , que par la
porte du cendrier; 6c en s'élevant ainfl, i°. il
raréfie ccnfidérablemenr l'air de la cheminée,
qu'il rencontre à fon paflage. i° . Comme le feu
libre cc pur eft continuellement dans un mouve-
ment exceflîf, l'impétuofité avec laquelle il fe
difllpe dans les fourneaux bien conftruits , le met
dans le cas , no^i feulement de faire équilibre
avec la colonne d'air qui eft au deluis du four-
neau , mais encore de s'oppofer vivement à fon
introduction par la cheminée du fourneau. Enfin
on pourroit encore ajouter à ce que nous venons
Prolégomènes. Ixxvij
de dire , que la colonne d'air qui repofe fur la
cheminée , efl: plus courte que celle qui entre par
la porte du cendrier.
11 y a cependant des temps où , dans les four-
neaux les mieux conftruirs , l'air entre par la che-
minée , plutôt que par la porte du cendrier :
c'eft principalement lorfqu'il fait de c;rands tour-
billons de vent , que l'air fe trouve agite violem-
ment par intermittence , & qu'il fouffle d'une
manière fort irréguliere. Les fourneaux à lon-
gues cheminées pouSÎent alors très inégalement:
l'air entre de temps en temps par la cheminée
avec impécuofité, & faitfortir la flamme, par in-
tervalle , pri toutes les portes du fourneau. Ces
mouvements convulfifs de l'air occafionnenc
beaucoup de variétés dans les réfultats de cer-
taines opérations j mais ils ne changent rien à la
théorie que nous venons d'établir.
Les Chymiftes & les Phyficiens ont reconnu
que le concours de l'air éroit abfolument nécef-
faire à l'entretien du feu \ de que plus le courant
d'air étoit rapide , plus il acccléroit l'inflamma-
tion des matières combuftibles renfermées dans
les fourneaux. Mais peu de perfonnes ont exa-
miné quelles pouvoient être les meilleures pro-
portions des ouvertures des fourneaux , relative-
ment à leur capacité , Se quel rapport le diamètre
de la cheminée devoir avoir avec l'ouverture pra-
tiquée au bas des fourneaux par où fe détermine
le courant d'air. Les Phyficiens , au lieu d'entrer
dans cet examen , fe font contentés d'attribuer
aux difféy.'ents états de l'air les effets que cet élé-
ment produit fur les matières combullibles ren-
fermées dans les fourneaux.
Les uns ont ptéîendu que le temps chaud Se
1 X X V ii j Prolégom en es.
fec de l'été éroit celui où l'ali- produifoit de
nieilleius eftets : ils penfoicnc qu'un air chaud &
fec , en palT.uir au travers du feu , devoit moins
diminuer la chaleur qu'un air froid & humide j ils
{ondoient leur fentiment fur ce que l'eau éteint
le icu , & qu'un air humide doit produire des effets
proportionnellement à l'eau dont l'air eft chargé ,
& retard';r fenilblem.ent l'iniiammation des ma-
tières combuftibles , ôc l'aétivité dufeu. Nous fe-
rons connoître dans un inftant toute l'abfurdité
d» ce fentnnciit.
D'autres Phyliciens penfent que le temps des
grandes gelées , où l'air eft fec & fort denfe ,
eft le temps le plus favorable pou- augmenter
l'aétlvité du feu , parceque , difent-ils , fi l'aétion
du feu dépend d'une plus grande admilîion d'air
dans les fourneaux , à volumes égaux , dans les
temps de gcl.!e, où l'air eft très denfe , il s'en in-
troduit une plus grande quantité, qui doit par
confcquent augmenter l'aclivité du feu.
Becker paroit être le premier qui ait entrepris
d'attribuer la caufe de l'aélivité du feu dans les
fourneaux , non feulement à l'air , mais encore
à l'eau que cet clément tient en dilTolution. Il
penfe même que le principe aqueux concourt
plus que l'air même à augmenter l'aétivité du feu.
Ce lentiment paroît le plus vraifemblable. J'ai
obfcrvé conitamment, toutes chofes égales d'ail-
leurs , que les fourneaux chauffent mieux dans
les temps humides & pluvieux que dans les temps
fecs de l'été ou des grandes gelées. O'a peut ajou-
ter à ces obfervations l'effet des éolipyles qu'on
remplit d'eau , & dont les vapeurs dilatées , &
forcées de fortir par une ouverture fort étroite,
font l'ofïîce d'un foufFiet, & animent commode-
Prolégomènes. Ixxix
tc^QïïZ une lampe d'cmailleur , au lieu de Tétem-
dre. Cette expérience prouve que l'eau réduite en
vapeurs, &c pouflée avec violence , produit l'effer
de l'air fur les matières combuftibles embrafées.
A l'égard des proportions qui doivent ctre ob-
fervées entre l'ouverture du bas du fourneau , la
largeur &: la hauteur de la cheminée , on déter-
mine ordinairement ces proportions à-peu-près
relativement à la grandeur des fourneaux. On n'a
point encore fixé par des principes surs quelles
leroient les meilleures proportions qu'il convien-
droit d'obferver fur ces objets. La routine qui
jufques ici tient lieu de principes, fufïit pour la
conrtrudion des fourneaux deftincs à faire la plu-
part àcs opérations ordinaires de la Chjmie j
mais lorfqu'on a befoin d'appliquer a certains
corps de violents coups de teu, équivalents au
degré de chaleur qui règne dans les fours de ver-
rerie ik. de porcelaine, les fourneaux ordinaires
font abfolument infuffifants. On eft fouvent
obli";é de placer les expériences qu'on fe propofe
de faire , dans les fourneaux de verrerie \ mais
alors on ne peut voir que le réfultat des expé-
riences, &: il eft difficile d'obferver les phéno-
mènes qu'elles préfentent pendant leur expofi-
tion au 1-eu. On a plus d'une fois été obligé de
faire ufage de ces grands fourneaux , parcequ'on
ne préfumoit pas qu'il fut polîible de le procurer
dans un petit fourneau , en deux heures de temps ,
un degré de chaleur égal , Se même plus fort que
celui qui règne dans les fours de verrerie ^ de
porcelame.
Le grand nombre d'expériences que M Pott
a faites fur les fubftances terrcufes en général , &:
dont il a donné le détail dans fa Lithogéognojie y
Ixxx Prolesomenes.
l'a obligé d'imaginer un fourneau qui pût pro-
duire un degré de chaleur égal & même lupérieur
à ce que l'on connoilToit. Il a donné le delfein de
fon fourneau fur une planche gravée Se inférée
dans l'ouvrage que nous venons de citer , p. 42 1 .
Cependant je ne puis m'empccher d'obferver
qu'ayant ir.itfur la même matière peut-être au-
tant d'expériences que M. Pote, & ayant repéré
la plupart des hennés , que j'ai toujours trouvées
exactes , j'ai de la peine à croire que le iourneau
dont cet habile Chymifte donne la defcription ,
puilTe produire un degré de chaleur convenable
pour mettre en fufion certains mélanges très dif-
hclles à fondre, & que M. Pott a fondus. Suivant
réclielle qui accompagne cette gravure , la che-
minée ne doit avoir que quatre pouces & demi de
diamètre : la porte inférieure par laquelle entre le
courant d'air, n'a, à-peu-près, que quatre pouces
quarrés : l'une & l'autre ouverture font trop
étroites, relativement à la capacité du fourneau,
qui a environ un pied neuf à dix pouces de dia-
mètre dans fa plus grande largeur.
Al. Maccjuer a donné , dans le volume de l'A-
cadémie pour l'année 1758, la defa'iption du
fourneau qui a fervi aux expériences que nous
avons faites enfemble fur la porcelaine : il efi:
plus commode que celui de M. Pott , en ce qu'on
peut y placer une moufle , dans laquelle on con-
tient les matières des expériences. Les creufers
font placés proprement fous la moufle , 6c ne font
point expofés à tous les accidents auxquels fom
iujets les creufers qu'on arrange au travers des
charbons , comme d'être renverfés , mêlés dans
de la cendre &c dans du verre fondu , ôcc. Voici
la defcription de ce fourneau,
fourneau
ProlegomCnes'» Ixxj^
Fourneau de M, Macquer ^ propre aux expériences
de Llthogéugnqfie.
Ce fourneau» planche première, fie. i & i ,
cil reprcfenté fur deux faces. 11 cft compofé de
trois pièces , A , B , C , fig. i & i.
La pièce A eft percée par fon fond. Dans l'in-
tcrieur , en D, fig. i ik i , on a pratique un re-
bord , ou un repos d'un pouce dans fon pourtour,
pour fupporter une grille de fer E, fig. 3. Les
barreaux qui compofent cette grille doivent ctre
pofcs diagonalement fui leurs carnes, afin que la
cendre puifie couler plus facilement: ils doivent
ctre cfpacés les uns des autres d'un demi pouce.
H fautqueces barreaux foient fulfifamment gros .
pour qu'il n'en entre que cinq dans le milieu de
cette grille : les deux autres qui dépendent du
chalfis, pofe.nt fur le rebord dont nous avons
parlé. La pièce A , fig. 1 , doit avoir une ouver-
ture F : elle doit écre garnie de fa porte , avec une
feuillure d'un pouce de large , formée dans l'é-
.pailïeur du fourneau , & dans celle de la porte ,
afin qu'il ne puilfe s'introduire d'air. Cette ou-
verture eft cintrée en anfe de panier , comme elle
eft repréfentée. La porte doit ctre garnie d'une
poignée. On pratique cette ouverture à quatre
pouces & demi au delfus de la grille. Au bas de l'o-
rifice de cette ouverture, on toi me un mantonnec
qui avance d'environ deux pouces , pour foutenir
la porte : on l'a repréfentée en F , fig. i .
La pièce B, fig. i 2c i , eft le dôme du four-
neau : elle eft un peu inclinée par-devant , comme
on le voit en B, fig. 1. Cette pièce eft percée
d'une ouverture cintrée , large & commode pour
T§mi I, f
l
Itxxij ProUgoméneii
ouvoir introduire aifément le charbon : elle {%
ouche avec une porte de même capacité , armée
d'une poignée B, fig. i. On. pratique autour de
cette ouverture une feuillure d'un pouce de large,
creufce dans la demi-épai(reur du fourneau ^ & on
en fait autant à la porte , afin qu'elle puilfe bou-
cher le plus exactement qu'il e(l pollible. L'incli-
naifon qu'on donne à cette partie du fourneau ,
eft pour que la porte ne foit pas fujette à tomber.
Cette féconde pièce du fourneau eft quarrée en
delfus, èc percée dans fon milieu d'une ouver-
ture ronde de (îx pouces de diamètre , avec un
collet qui s'élève d'environ deux pouces.
La pièce C , fig. i &: 2 , eft un tuyau de terre
cuite de fix pouces de diamètre , & d'environ
deux pieds de hauteur. Ce tuyau s'emboîte en
dehors dans le collet dont nous venons de parler.
On pratique en H , un repos d'un demi-pouce,
pris dans l'épaifteur de ce tuyau, pour recevoir un
autre tuyau de tôle de douze pieds de longueur
ôc de fix pouces de diamètre.
Ce premier tuyau de terre cuite reçoit la pre-
mière chaleur qui s'échappe du fourneau , & mé-
nage le tuyau de tôle. On pourroit faire en terre
cuite la totalité de ce tuyau ou cheminée du
fourneau \ cela n'en feroit que mieux : mais
comme il feroit fort pefant , il conviendroit de le
fouten'r d'efpace en efpace avec des croilTants de
fer fcellcs dans la muraille. Tout ce fourneau eft
conftruit en terre cuite: on peut également le
faire conftruire en briques.
Lorfqu'on veut faire ufage de ce fourneau ,
on le pofe fur un trépied de fer, comme il eft
marqué fur la grille , fig. 3 . Ce trépied doit avoir
tu moins fix pouces d'élévation. Onpofe enfuifô
Proie gotJienei, Ixxîciij
furie milieu de la grille deux briques à côté Tune
de l'autre , & dans le fens de leur épaifleur : on
place une moufle fur ces deux briques : on em-
plit de charbon noir les trois quarts du fourneau :
on met pardelTus du charbon allumé : on ne fer-
me pas la porte B , jufqu'à ce que la moufle foit
rouî^e : fans cette précaution , le courant d'air fe
détermineroitavec trop de rapidité j le fourneau
chauflferoit brufquement , & on courroie les rif-
ques de faire cafler la moufle : mais lorfque l'in-
térieur du tourneau eft rouge , on ferme la porte ;
le courant d'air fe détermine auflî-tôt : il n entre
que par le deflous de la grille feulement, avec une
fi grande virefl~e, qu'il fe fait dans l'intérieur du
fourneau un bruit femblable à celui d'un carrolTe
qui roule fur le pavé. Le tuyau rougir jufqu'à fix
pieds de hauteur , 6c la flamme du charbon fort
par l'extrémité de la cheminée à plus de deux
pieds au delfus. On met une pellée de charbon
de vingt minutes en vingt minutes. Lorfque ce
fourneau cfl: bien fervi de charbon , 6c que l'on
continue le feu pendant deux heures 6: demie ,
on peut être affuré que le degré de chaleur eft
plus fort que celui qui règne dans les fours de ver-
rerie , de porcelaine , 6c dans tous les grands
fourneaux où l'on fait le feule plus aétif qu'on ait
pu produire jufqu'à préfent. Si après une heure
de feu , on débouche la porte qui ferme la mou-
fle , l'intérieur eft d'un blanc fi éblouiftant , qu'il
eft impoflible de pouvoir diftinguer le dedans ,
que quelques minutes après que la moufle a été
débouchée , 6c que l'air frais qui y entre l'a re-
froidie. Nous avons fait, M. Macquer &c moi,
plus de deux mille expériences de fuite dans ce
Fourneau. Il n'y a aucune fubftance , aucun me-
/'>■
Ixxxlv Prolégomènes.
Linge que r.i. Pott ait fondus , qui ne l'aient été
égaiemcnc , ou vitrifiés dans l'efpace de deux
heures ik. demie. Le degré de chaleur qui règne
dans ce fourneau , eft fupérieur à tout ce qu'on a
pu obtenir jufqu'ù préfent.
Le grand degré de chaleur qu'on obtient dans
1:; fourneau de M. Macquer , eft dû finguliére-
ment aux bonnes proportions que cet habile
Chymifte a obfervées entre la capacité du four-
neau , le diamètre de la cheminée, & fa hauteur.
M, Macquer a conftatc qu'en diminuant le dia-
merrede la cheminée, le fourneau produit aulîi-
tôt moins de chaleur : il en eft de mcme fi , en
confervant à cette même cheminée fon diamètre
de fix pouces , on l'alonge de plufieurs pieds j
parceque , da:is l'un & dans l'autre cas, le cou-
rant d'air ne peut fe déterminer avec la même vî-
telFe , que lorfque le fourneau &L la cheminée
lontdans un rapport convenable.
Je penfai cependant qu'il étpit pofljble de faire
produire plus de chaleur à ce fourneau , fans aug-
menter fa capacité 3 6c qu'il fuffifoit d'agrandir
feulement le diamètre de la cheminée , afin de
donner à l'air qui fe raréfie en paflant au travers
du charbon embraie , plus d'cfpace & plus de fa-
ciliié à s'évacuer. D'après cette théorie , )'ai fait
conftruire un fourneau en briques , repréfenté
planche i , fig. 4.
Ce fourneau a quinze pieds de hauteur , dix
pouces de largeur ^ (Se treize pouces de profon-
deur dans œuvre , par le haut comme par le bas :
il eft percé à jour par le bas , & élevé environ à
dix-huit pouces au dellus du plancher j il n'a
point de cendrier fermé. On place dans l'intérieur
en D'uiie grille de fer conftruite comme celle du
Prolésomcnes. Ixxxv
foumc.iu prccédent. A fix pouces au defTus de
cette grille , on pratique mx\2 porte cintrée F, à
laquelle répond l'ouverture d'une moufle amovi-
, ble qu'on place fur des briques pofées de champ.
A huit pouces au delTus de cette porte, on prati-
que en B une féconde ouverture quarrée ou cin-
trée par le haut, qu'on ferme avec une porte de
terre cuite : c'efi: par cette ouverture qu'on intro-
duit le charbon. Le delfus de cette porte , jufqu'A
fon extrémité fupérieure, eft la cheminée de ce
fourneau.
Jai fait plu(îeurse>:périencesdans ce fourneau,
Se j'ai obîcrvé que lorfqu'il eft bien fcrvi de char-
bon,il produit plus de chaleur que le lourneau pré-
cédent j (es effets font innniment fupérieurs à ceux
des plus grands fourneaux d'ufagc dans les tra-
vaux en grand , tels que ceux de verrerie , de
porcelaine , &:c.
Fourneau de réverbère.
Le fourneau de réverbère eft le plus commode
& le plus utile qu'on ait , parcequ'on peut, avec
les différentes pièces qui le compofent , faire gé-
néralement toutes les opérations de la Chymie ,
& fe paffer de tous les autres fourneaux.
11 eft ordinairement compofé de quatre pièces.
Celui dont nous allons parler en a ciiiq, pour le
rendre d'un fervice plus général.
La pièce A , fig. i , fe nomme le cendrier ; elle
fert à recevoir les cendres que rendent les ma-
tières combuftibles pendant ou'elles brûlent.
C'eft fur cette pièce qu'on pofe la grille , qui doit
être de fer.
La féconde pièce B fe nomme le foyer ; elU
fert à contenir les matières combuftibles.
Ixxxvj ProUgomcnes.
La troifieme pièce C efl: le laboratoire. C'efl
dans cette partie du fourneau qu'on place le vaif-
feau qui contient la matière fur laquelle on
opère.
La quatrième pièce D fe nomme le dôme ; elle
efl: deîHnée à retenir pour un certain, temps la
flamme des matières combullihles , & à la faire
réverbérer fur le vaiÛeau placé dans le labora-
toire.
Enfin la cinquième pièce E fe nomme la che-
7ninée ; elle fait partie du dôme qui efl: partagé
en deux , afin de tirer plus de fervice de ce
fourneau , comme nous le du'ons en faifant le de*
tail de l'ufage de toutes ces pièces. Dans la conf-
truclion du fourneau de réverbère ordinaire, le
dôme & la cheminée ne font qu'une feule pièce.
En F ell un tuyau de tôle de trois ou quatre
pouces de diamètre , qu'on adapte à la cheminée ,
ôc qu'on alonge à proportion que les opérations
l'exigent. Telles font les pièces du fourneau de
réverbère : examinons maintenant l'ufage qu'on
en peut faire.
j^\ Avec la première pièce A, on peut fe pro-
curer un bain de fable chauffé par une lampe, Sc
former par conféquent un fourneau de lampe.
On pofe fur cette pièce du fourneau une poclc de
fer , de laquelle on a coupé la plus grande partie
du manche. On met du fable daps cette pocle , Sc
on fait entrer une lampe par la porte du cendrier.
Ce fourneau efl: très commode pour des digeftions
douces, &c même pour des dillillations où une
chaleur modérée fulïii:. Ce cendrier doit avoir en-
viron fept à huit pouces de hauteur , 8c ctre
garni d'une porte proportionnée à la capacité du
Iburneau. F^oje:^ ng. i , planche ^,
J^l(vu-/ic J'y Taijc ZXTXVJ
Tom ,1T
Fourfieaux de -Lû/ioûeoi7/2ûsie.
Prolégomènes. Ixxxvi)
2^. En ôtant cet appareil, &: plaçant la grille
fur ce cendrier , &: enfuite la pièce B , qui doit
avoir environ fix ou liuit pouces de hauteur , on
forme un fourneau compofé des pièces A , B ,
fig. 5. Ce fourneau fert pour les évapoiarions
des liqueurs dans des badines , ou dans dts chau-
dières de fer. On peut pofer un alambic de cuivre
fur ce fourneau, & s'en fervir pour èiQ% diftilla-
tions.
5". En ôtant l'alambic , ^' mettant à fa place
une pocle de fer remplie de fable , ow a un four-
neau à bain de fable propre aur digeftions & aux
diftillarions où la chaleur du feu de lampe ne fe-
roit pasfufîifante.
4". En ôtant le bain de f.ible feulement, &
plaçant fur le refte de l'appareil une chnpe G ,
fig. 4, on fe procure un fourneau de rulion.
Lorfqu'on veut qu'il produife de plus grands
effets , on adapte à la cheminée de cette chape
un tuyau de pocle de cinq à fix pieds de long. La
porte de la chape eft l'ouverture par laquelle on
introduit le charbon dans le fourneau , & par la-
quelle on obferve le creufet qu'on a placé fur une
brique pofce fur la grille du fourneau. On tient
la chape fermée de fa porte , pour ne l'ouvrir
que lorfqu'il eft nécclTùre , afin de ne point par-
tager le courant d'air. La brique qu'on met fous
le creufer , fert à l'élever , & à garantir ion fond
de la fraîcheur du courant d'air qui entre par le
cendrier.
5 ^. En ôtant la chape du fourneau , & laiffanc
le refte de l'appareil , on pofe deux barres de fer
fur le foyer B, & enfuite la pièce C, que nous
avons nommée le laboratoire j qu'on pofe par-
defTus. Les barres de fer fervent à foutenir une
Ixxxviij Prolégomènes.
cornue de grcs. Loifqii'on veut diftiller avec ce
vufTeau , on fair pafler fon col par réchanciUre
pratiquée à un des côtés de la pièce C : on pofe le
dôme & la cheminée fur cet appareil , afin de re-
tenir & de réverbérer la chaleur , lorfque cela eft
néceflTaire. Cet appareil eft repréfenté en entier
par la fig. i , planche 2.
6°. Lorfqu'on veut diitiller dans une cornue
de verre , (S: que l'on craint que la violence du feu
ne la fade plier ou fondre, on fe fert d'un bain
de fable , difpofé de manière qu'on puilfe enfer-
mer la cornue dans le bain , 6c qu'elfe foit entiè-
rement recouverte de lablc. On pofe ce bain de
fable, fig. 5 , fur les deux barres de fer dans la
pièce C , fig. i . On obferve que le bain de fable
ibit d'environ un pouce plus étroit que le four-
neau , afin qu'il règne autour un efpa'ce par où
puilfe circuler librement la flamme des matières
combuftibles. Cette flamme doit s'élever facile-
ment au delTus de la cornue , & être réverbérée
fur la voûte de ce vaifleau par le dôme qu'on
a placé fur le fourneau. Cet appareil eft le même
que le précédent j il n'en diftere que par le bain
de fable, qui garantit très bien les cornues de
verre de la fafion : mais c'eft lorfque le feu n'eft
pas poufté trop violemment ; car , malgré cqi ap-
pareil , il arrive quelquefois que les cornues fe
plient, & mcme fe fondent, par la trop grande
violence du feu: au refte, le fable les garantit
beaucoup de cet inconvénient.
Les bains de fable dont je me fers pour ces for-
tes de diftillatiou'î , &: que l'expérience m'a fait
reconnoître pour ctre les meilleurs pour la forme,
font des efpeces de petits féaux de tôle forte : ils
ont une échancrure très profonde qui correfpond
I
Prolc'somcnes. Ixxxix
à réclianci'ure du fourneau , par où paiïe le col de
la cornue: les bords qui s'clevenr au delTus de
réchancrure , doivent être aflTez hauts pour fur-
paffer d'environ un pouce le niveau de la voûte
de la cornue : ces bords fervent à retenir le fable ,
afin qu'il ne s'écoule pas pendant le cours de l'o-
pération ; ce qui immanquablement feroit fon-
dre ou calfer la cornue par la partie fupérieure.
On peut également faire faire ces bains de fable
en terre cuite ; mais ils font ordinairement trop
épais , & ne tranfmertent pas la chaleur aulfi faci-
lement que ceux de rôle
7°. En fe fervant de l'appareil fig. ^ , &: fuppri-
mant la grille du fourneau, en pofant à fa place
deux barres de fer , fur lefquelles on arrange une
moufle dont l'ouverture doit correfpondre à celle
de la féconde pièce B, on fe procure un fourneau
de coupelle . qui fert particulièrement pour affi-
ner l'or & l'argent. Cet appareil eft encore extrê-
mement commode pour faire proprement une
infinité de torréfadions, de calcinations 5c de fu-
(tons. On augmente l'adivité de ce fourneau par
le moyen d'un tuyau de pocle , comme nous l'a-
vons dit précédemment. Ce fourneau , à caufe de
fa forme ronde, n'eft pas auflli commode pour
les opérations de la coupelle , que le f-ourneau de
coupelle ordinaire , qui ell: quarré, &:dont nous
parlerons dans un inftant j mais il peut y fupplcer
en cas de befoin.
8^. Enfin, en formant l'appareil des pièces
A , B j C , D , fig. I , & fupprimant la cheminée E ,
& bouchant l'ouverture de la pièce C , on pofe fur
les deux barres de fer qui font au delfus du
foyer, une cucurbite de grès, dont l'orifice s'é-
lève de deux ou trois pouces au defliis de l'ouver-
jc Prolégomènes,
ture de la pièce D. On lute un chapiteau de verre
à la cucurbice, & • n bouche avec de la terre à
four les ouvertures qui reftent entre les parois de
la cucurbite& celles de l'ouverture du fourneau.
Avec cet appareil , on diftille très commodcmenc
du vinaigre : le vaifTeau diftillatoire fe trouvant
prefque entièrement renferme dans le fourneau ,
reçoit la chaleur par le plus grand nombre de fur-
faces poflible j ce qui facilite confidérablement
la diftiUation , & occaiionne moins de dcpenfe
de matières combulliibles , que lî ce vaifTeau lie
recevoir la chaleur que par fon fond.
Avec cet appareil , on peut faire encore plu-
iîeurs fublimations.
Le fourneau de réverbère dont nous venons
de parler , fe conftruit en terre cuite. Il eft bon
de faire faire en même temps une trille de la
même terre , mais amovible , parceque ces iortes
de grilles, contenajit plus de parties pleines qu'à
jour, chauffent moins, modèrent la chaleur, &
la retiennent plus long-temps que les grilles de
fer. Les grilles de terre font percées de trous
ronds , faciles à s'engorger par la cendre du char-
bon : elles font , par ces raifons , plus en état de
fournir une chaleur plus douce , plus égale ,
lorfqu'ellcs font une fois échauffées , que les
grilles de fer ; ce qui eft un avantage pour les
d'geftions où l'on n'a befoin que d'une chaleur
douce & égale : au lieu que les grilles de fer ,
pour le peu que les barres foient éloignées l'une
de l'autre de deux ou trois lignes , lailïent tomber
les cendres à mefure alTez facilement , & lailîent le
courant d'air trop libre j ce qui augmente l'adi-
vité du feu fouvent plus qu'il ne faut.
JLes Fournaliftes pratiquent aux différentes
Flanc Ae a . Tqoc Xr.
Tû7?l . 2 ^
♦ Prolégomènes. scj
pièces des fouineaux , des trous ronds qu'on
nomme regijîres. On les bouche &: débouche
avec des chevilles de terre cuite. Ces tious font
abfolument inutiles, fur-tout ceux que les four-
naliftes forment autour du foyer du laboratoire
& du dôme , parceque cqs trous partagent le cou-
rant d'air. Lartamme fort de tous les côtes par la
partie fupcrieuie du fourneau , &: n'eft plus ré-
verbérée fur le vailfeau placé dans le laboratoire ,
aullî également que lorfquc ces regiftres font
fermés.
, Fourneau de CoupeiU.
Le fourneau de coupelle efl: audi nommc/o«r-
neau d'effai j parcequ'il elt deftiné à faire les opé-»
rations pour connoître le titre de l'or &c de l'ar-
gent : on le nomme encore fourneau d'cmailleur ,
parcequ'il eft très commode pour faire propre-
ment àQS émaux. Ce fourneau eft quarré , un
peu plus long que lar^e , comme il eft repréfenté
fur la planche 5 , fig. 1. Il eft ordinairement cora-
pofé de deux pièces, A, B, avec une chemi-
née C , qui tait corps avec la pièce B.
La pièce A peut ctre percée par Çon fond , pour
recevoir une grille de fer qu'on pofe fur un rebord
d'environ un pouce , qu'on a pratiqué dans Tinre-
rieur, ou bien on fait ce fond en terre cuite,
comme le fourneau, &: il Liit corps avec lui. On
fe contente feulement de percer ce fond , en fa-
briquant le tourneau , de pliifieurs rangées de
trous ronds, d'environ huit lignes à<: diamètre,
Lorfque le fourneau eft conftruit pour recevoir
une grille de fer, il chaufte davantage, par les rai-
fons que nous avons dites en parlant de la grille
4ç terre placée au fourneau de réverbère. Lapiect
xcij Prolégomènes.
de ce fourneau fe pofefuiun trépied triangulaire^
élevé d'environ quatre pouces , comme il eft repré-
fenté fig. I
La première pièce dont nous parlons , eft per-
cée de deux ouvertures en D &c en E. Ce font
d^eux portes. L'une D , eft deftinée à mettre du
charbon, & a faire couler fous la moufle celui du
haut, qui ne tomberoit pas, afin que le deftous
de la moufle foit toujours bien garni de charbon.
L'ouverture E eft la porte correfpondante à la
bouche de la moufle. C'eft par cette ouverture
qu'on introduit les coupelles, les creufets , &c.
dans la moufle. On place dans ce fourneau deux
barres de fer un peu au deflbus de la nailTance
de cette porte , pour fupporter la moufle dans le
fens de fa longueur , afin qu elle ne fc cafte pas
en deux pendant l'opération , par (on poids , par
celui des matières , & par celui du charbon
qu'on met par-delfus.
La moufle eft une efpece decreufet, repréfenté
fous deux faces, fig. 3 & 3. Ce vaifteau eft plan
en deftbus , & convexe en deftiis. Nous donnons
la meilleure manière de les fabriquer à l'article
Fourneaux &c Creufets.
La pièce B , fig. 2 , eft le dôme du fourneau ;
elle eft percée par-devant d'une ouverture un
peu large pour pouvoir introduire le charbon
commodément. La partie fupérieure de cette
pièce eft terminée par un tuyau de trois ou quatre
pouces de hauteur. Se fait corps avec le dôme.
Cette partie du fourneau fe nomme la cheminée.
On alonge cette cheminée, fuivant le befoin ,
avec un tuyau de poêle de quatre pouces de dia-
mètre qu'on adapte par-deflus.
On peut faire conftruire deux augets de grolTe
PlinJze 3.PiZ,7e XCJI
Tom . y
lu/ . (.
-
Prolégomènes. xcii
lôle qui entrent dans le fourneau de coupelle ,
qu on place l'un à côté de l'autre , en obfervant
qu'on puilfe pofer le dôme par-defTus : on fe pro-
cure alors un fourneau de réverbère , dans lequel
on peut dilHller en mcme temps avec quatre ou
iix cornues qu'on arrange dans ces augets avec du
fable. Voye-^ hg. 4.
Fourneau des Fondeurs , & Forge.
Le fourneau àes Fondeurs eft une tour quar-
rée , creufe , enfermée dans une maçonnerie de
briques. Ce tourneau eft animé par un foufïlet à
deux vents.
On fourient folidement un foufflet à deux
vents au-dellus de la cheminée du laboratoire
par des tirants & des croillants de fer fcellés dans
la muraille, bc attachés au plancher, comme il
eft marqué fur la planche 4. A l'extrémité du
foufflet on pratique iuivant le local en A ou en B
une ouverture d'un pouce ou deux de diamètre ,
iuivant la grolTeur du foufflet. On adapte à cette
ouverture un tuyau de fer blanc qui defcend juf-
qu'en C. En C eft une boîte de fer blanc de fix
pouces de large à\i en ^ , de deux pouces de hau-
teur , (Se d'autant de profondeur. Au-deftus de
cette boîte, on pratique trois robinets d^d^d, pour
diftribuer le vent dans les différents fourneaux.
Ces robinets font de cuivre à l'ordinaire. On doit
obferver en les faifant faire , de tenir les ouver-
tures d'entrée & de fortie du vent , ainfi que celles
des clefs, plus larges que le bout ou l'extrémité
des tuyaux qu'on arrange en deilous , &z par où
fort le vent pour entrer dans les fourneaux j fans
cette précaution , on ne profiteroit pas de tout le
vent que le foufflet peut donner.
xciv Proîcgomcms,
Au-de(Tbus de chaque robinet on ajufte \in
tuyau de feu blanc , que l'on conduit aux endroits
convenables , pour former un fourneau des Fon-
deurs en F , un autre petit fourneau des Fondeurs
en G , & une forge en H.
Le fourneau de Fondeurs F efl: une tour quar-
rce , creufe d'environ dix-huit pouces de proton-
deur, &: de huit à neuf pouces de largeur, i eft
la porte du cendrier , qu'on bouche exactement
avec des briques & de la terre à four, &: on ne
l'ouvre que lôrfqu'il eft: nécelïaire de nettoyer le
fourneau. Immédiatement au defTus de cette
porte , on fait entrer en F la tuyère du foufflet :
a un demi-pouce au defTus de la tuyère, onpofe
deux barres de fer qu'on ajufte au tourneau en
le conft:ruirant : fur ces deux barres , on place la
plaque de fer K j elle eft: de fer forge de fix à huit
lignes d'épailleur, &:quarrce comme l'ouverture
du fourneau : les quatre angles font échancrés
en croilTànt , afin de laiftTer paffer le vent du
foufflet : il refte treize pouces de profondeur pour
le fourneau. C'eft: fur la plaque de fer K, qu'on
pofe les creufets : afin de mieux concentrer la
chaleur , on pofe fur ce fourneau un couvercle
de terre cuite M , qui retient & réverbère fur le
creufet la flamme du charbon.
Lorfqu'on veut faire ufage de ce fourneau, on
pofe un creufet fur la plaque de fer : on l'entoure
de charbons noirs & de quelques charbons allu-
més : on couvre le creufet & le fourneau de leurs
couvercles : on fait agir la branloire N. La cha-
leur en moins d'un quart d'heure eft très violente.
Lorfque le foufflet eft: bon , &c qu'il peut fuppor-
rer une tuyère d'un pouce ou d'un pouce &: demi
de diamètre , ce fourneau donne dans l'efpace
Prolégomènes, xct.
^'iine heure , lorfqu'il eft bien fervi de charbon ,
un coup de feu égal &: même fupérieur aux fours
de verrerie. Il faut avoir attention de ne point
couder ces tuyaux , & de faire entrer le vent dans
le fourneau le plus directement qu'il eftpclllble,
autrement on perd coniidcrablement de l'effet
que le vent du foufflet peut produire dans le four-
neau.
11 arrive prefque toujours que la violence du
feu fait couler en verre les parois du fourneau ,
^ bouche les ouvertures ou les angles tronqués
de la plaque : il convient de les déboucher. On y
parvient par le moyen d'une barre de fer pointue
qu'on palfe de temps en temps aux qjiatre angles
du fourneau : &: pour ne pas fe brûler en failant
cette opération, on fe garnit les mains de petits
facs de toile en plufieurs doubles, qu'on a mouil-
lés & exprimés auparavant. Les Fondeurs nom-
ment moufles CQS fortes de facs.
En G , eft une petite café ronde de huit pouces
de diamètre &: de fix pouces de profondeur, avec
uii tuyau qui part du louftlet , & qui s'adapte au
bas de la café. C'eft un fourneau dont la conftiuc-
tion tient le milieu entre la forge (impie & le
fourneau des Fondeurs. Ce fourneau eft économi-
que en ce qu'il tient peu de charbon ^ & il eft
très commode pour une infinité d'expériences où
il faut un feu très vif.
Lorfqu'on difpofe un fouftlet dans un labora-
toire, il eft avantageux d'en tirer le plus grandi
parti pollible. On peut , au moyen des robinets ,
diftribuer le vent dans plufieurs endroits. Il eft
bon deconferver un tuyau pour former une forge
ordinaire. On pratique à hauteur d'appui , une
aire en briques, adoftce contre le mur à la proxi-
3ÎCV î Prolcromen es,
mité du foufflet : on tait pa-der la tuyère à fleur de
cette aire : on fe procure par ce moyen une
forge femblable à celle d'un Serrurier ; on en
forme un fourneau lorfqu'on en a befoin , en
arrangeant des briques autour de la tuyère. On
réferve une cavité au dellous de la forge : cette
cavité fert à retirer du charbon , des briques ou
d'autres chofes qu'il efl: bon d'avoir fous la main.
On peut voir en Hj planche 4, la difpofition
de la forge. Il eft impolîible d'indiquer les meil-
leurs moyens de la pratiquer dans un laboratoire;
cela dépend abfolument du local : mais il eft bon
d'obferver , autant qu'on le peut, de placer la
branloire à la main gauche , afin qu'en faifinc
agir le foufïlet, on puilTe en même temps tifun-
ner le feu avec la main droite.
Fourneau de Lampe.
Le fourneau de lampe , ainfi nommé parce-
qu'on le fait chauffer au moyen d'une lampe , eft
ordinairement conftruit en tôle noire. Comme
le feu de ce fourneau eft facile à conduire , ôc
qu'il demande moins de foin que les fourneaux
qui font chauffés avec du bois ou du charbon ,
il y a beaucoup de perfonnes qui font un grand
ufage du fourneau de lampe. On a par cette rai-
fon multiplié les pièces qu'on met en place
l'une de l'autre, fuivant les opérations qu'on veut
faire. En effet, le fourneau de lampe eft fort com-
mode \ mais il ne peut fervir que pour des opéra-
tions en petit, & pour lefquelles il ne faut pas un
grand degré de chaleur. C'eft ordinairement de
Phuile d'olive qu'on emploie , ou toute autre huile
^ui ne produit pas plus de famée qu'elle en brû-
lant :
Prolégomenc:. xcviï
li.nt : on fe fert de mèche de coton. Quelques
perfonnes fe fervent de hieche d'amiance ou de
hl d'ot dont on réunit un certain nombre pour
former un petit faifceau. On met quatre ^ cinq
ou fix mèches à la lampe , & dn n'en allume que
ce dont on croit avoir befoin.On fe procure pat c^
moyen différents degrés de chaleur. On arrange
ces mèches avec des cifeaux & avec de peticcs
pinces A raifort qu'on nomme hruljelles.
La planche 5 repréfenre les diftérenreâ pièces
qui appartiennent au fourneau de lampe.
La pièce A , fig. i , eft un vafc de tôle noire ^
autour duquel on pratique plufîeurs jours peut
entretenir la lampe allumée j comme il efl: mar-
qué en A. Oh forme utie ouverture cintrée en B,
pour faire entrer la lampe C. La pièce C eft de
verre , & n'a qu'une ouverture par le bas ^ à la-
quelle on arrange une foupape de fer blanc , pour
empêcher l'huile de tomber lorfqu'on la met en
place , ou qu'on l'enlevé. La pièce D cft de fer
blanc ; elle tornie conjointement avec le vafe de
verre C , le rciervoir qui contient une provifioii
d'huile. On a pratiqué a la pièce D , une rigole
de fer blanc B, de cinq à fix pouces de long, au
bout de laquelle on arrange les mèches : cette
rigole eft couverte \ on l'introduit jufques vers le
rhilieu du diamètre du fourneau A , afin que lat
chaleur foit au centte du fourneau.
Au delTus du fourneau , on place un vafe E,
en tôle noire , qui fert de bain de fable : il entre
dans l'intérieur du fourneau d'environ deux ou
trois pouces. On a pratiqué autour de cette pièce
un petit repos pour l'empêcher de defcendre plus
qu'il ne convient j ce qui arriveroitfans cela, par
le poids du fable & du vailLeau qu'on mec dan*
Tome l, g
xcviij Prolégomcnes.
cette pièce, & ne manqueroic pas d'clai'gir le
fourneau. F eft une cornue de verre placée clans
ce bain de fable , au bec de laquelle on a adapté
un ballon ou récipient G.
On peut, avec cet appareil, faire commodé-
ment beaucoup de diftillations de liqueurs fpiri-
ritueufes &: de reétifications d'huiles eflentielles.
La figure z repréfente les pièces pour diftiller
au bain - marie. La pièce A eft: un vaiifeau de
fer blanc qui s'adapte fur le fourneau de lampe ,
en place du bain de fable. On met de l'eau dans
cette pièce : on plonge dedans une cucurbite de
verreoud'étain B. On adapte pardelTus un couver-
cle de fer blanc C , qui ferme d feuillures , comme
une boîte de fer blanc ordinaire. Ce couvercle eft
percé dans fon milieu d'une ouverture égale au
diamètre du col de la cucurbite. On a pratiqué à
ce couvercle en D, un petit tuyau pour introduire
de l'eau , afin de remplacer , àmefure qu'il eft né-
ceflaire , celle qui s'évapore.
On pofe fur la cucurbite un chapiteau de verre
E. On le lute avec des bandes de papier enduites
de colle d'amidon ou de farine. On a imaginé
d'appliquer par deffus ce chapiteau de verre un
réfrigérant F G : la cuvette eft de fer blanc , & ce
qui s'applique fur le chapiteau eft de plomb. Ce
métal mou eft plus facile à travailler : on lui fait
prendre volontiers la forme extérieure du chapi-
teau de verre. On a pratiqué en F une petite
échancrure pour ne point gcner le chapiteau de
verre. On a fondé en G un petit robinet de cui-
vre à ce refiigérant pourvuider l'eau loricju'elle
s'eft échauftée.
La figure 3 repréfente cet appareil en entier,
au tnoyen duquel on peut diftiller avec une eu-
Pl^ic/ie 5 Fac/c XCJm
I[ym . y,'
Fi
U/ . J
J'U/ . 2
Fie/ . 3 .
Prolésomenes. ixcix
tiubitede verre ou d'ctain , fuivant la nature des
fubftances que l'on traite.
DES VAISSEAUX.
vJn nomme en Chymie vafe ou vaiffeau^ une
machine creule quelconque & de quelque ma-
tière c|u'elle foit, pourvu qu'elle puilfe contenir
& retenir les corps fur lefquels on veut opérer.
Les vaiiïeaux dont on fe fert en Chymie , font
de différentes natures ôc de diftcrentes Formes.
C'efl: à l'Artille à favoir adortir la nature 6c la
forme du vailTeau aux opérations qu'il fe pro-
pofe de faire , & à éviter d'employer ceux qui
l'eroicnt attaqués par les fubftances t]u'on vou-
droit mettre dedans. Plulieurs perfonnes , faute
d'avoir fait cette attention , font tombées dans:
des erreurs : elles ont hit defiécher du fcl de fonde
dans des marmites de tev : ce fel a pris fuccellî-
vement des couleurs de malîicot & de minium :
elles ont attribué ces couleurs à la nature du fel
de fonde , tandis qu'elles viennent de la rouille du
fer que cet alkali dillout pendant fon évapora-
tion & la delliccation.
D'autres ont expofé au grand feu de la craie
dans des creufets d'argille : il ed arrivé quelqne-
iois à la craie d'entrer en fulîon. On a attribué
cet ertet à la violence du feu , tandis qu'on de-
voit le rapporter à la propriété Imguliere qu'ont
ces deux matières terreuies de fe tondre & de fe
vitrifier réciproquement. La craie , comme nous
le dirons , ne peut entrer en fuvion &z fe réduire
en verre lorfqu'elle eft feule, que par un feu de U
e Prolégomènes»
plas grande violence & peut-ccre égal à celui qui
règne au foyer d'un miroir ardent.
Il en eft de même du fel alkali fixe qu'on tien-
droic en fufion pendant un certain temps daais un
creufet d'argille. Si Ton examine enfuite ce fel
alkali, on trouve qu'il contient du tartre vitriolé.
On feroit d'abord porte à croire qu'une partie de
l'alkali fixe fe feroit changée en acide vitriolique,
de combinée avec de l'alkali fixe à mefure, pour
former du tartre vitriolé 'y mais pour peu qu'on
réflécliirTe, il n'eft pas difficile de connoître la
véritable production de ce fel. Ce tartre vitriolé
eft formé par de l'acide vitriolique de l'argille du
creufet. Toutes cqs obfervations font fuffifantes
pour faire voir la néceffité de connoître les pro-
priétés des fubftances fur lefquelles on travaille,
afin de n'employer que des vailTeaux qui ne puif-
fent rien leur communiquer.
Plufieurs Cliymiftes qui ont voulu faire con-
noître les propriétés des vaifleaux par des défi-
gnations générales, en ont établi de deux efpe-
ces, d'aaifs ôc <\q pajjifs. Ils nomment vaijfeaux
îicîifs les fourneaux , & vaijfeaux paffifs les vaif-
feaux ordinaires j mais cette diftribution ne fait
pas fuffifamment connoître les différents vafes
dont on fait ufage dans la Chymie. Si l'on vou-
loit donner une divifion méthodique des diffé-
rents vaifTeaux dont on fe fert en Chymie , elle
devroit être plutôt fondée fur les effets que doi-
vent produire ces mêmes vaifleaux, ou ftir le
fervice qu'ils doivent rendre : en les confidérant
fous ce point de vue , on pourroit les divifer en
plufieurs clafTes , comme nous allons efTayer de
le taire.
i^. Les vaifTeaux qui fervent aux évapora-
tions.
Prolégomènes. t]
1°. Les vaKTeaux dont on fait ufage pour le«
cligeftions , les circulations , les infufions , &:c.
Enfin tous ceux qu'on peut faire fervir dans les
opérations où il eft ncceflTaiie que le véhicule
s'élève & retombe continuellement fur les fub-
(lances, fans qu'il fe fafTe d'évaporation.
3°. Les vaiffeaux qui font deftinés à éprouver
la violence du feu , & qui fervent aux fufions &c
aux vitrifications.
4°. Enfin , on peut faire une ciafTe àes vaif-
feaux qui ont nluneurs ufages , &i qu'on nom-
meroit la c\:i[XdAe^va!l]eaux~polychrcfics.
Nous patLerons ici îous filence tous les vaif-
feaux extraordinaires que les Alchymiftes ont
imaginés pour leurs vaines opéracions : ces détails
feroient longs, faftidieux , 6c n'apprendroienc
rien : néanmoins il eft facile de placer ces vaif^
féaux dans les clafles que nous propofons , parce-
qae,quelque forme qu'ils puilïent avoir, ils nonz
à remplir que les objets compris dans les quatre
clalfes des vailTeaux que nous venons d'énoncer.
Nous nous contenterons donc de donner feule-
ment la defcription des vailfeaux les plus fimples,
&: qui remplifientcomplettement toutes les indi-
eaiions qu'on fe propofe^
PREMIERE CLASSE.
Des Vaijfeaux évaporatolres divïfcs en troi^
fcclïons.
Première Section.
Tics Va'iffcaux évaporatolres a l'air libre..
\a fic;i-ire i , planche (î, repréfence une batfijie-.
Ci] Prolégomcnei^
On en fait de cuivre rouge , de cuivre jaune ,'
éramé & non écamé : on en fait aufli d'argent :
on peut également en faire d'or. Ces vailieaux
font très commodes pour les évaporations à l'air
libre : ceux d'argent méritent la préférence , en
ce qu'ils font d'un fervice plus général.
La figure i repréfenre une marmite de fer.
Ces fortes de vaifléaux fervent également à faire
évaporer des liqueurs : on les fait fervir aulli de
bain de fable.
La figure 3 reprcfente une capfule de verre : il
y en a de différentes grandeurs ; cependant les
plus grar^^des tiennent environ une pinte. Un cul
de matras , coupé proprement, peut,demc;me
qu'une capiule , fervir aux évaporations ^ mais
lorfqu'on a beaucoup de liqueur à faire évapo-
rer , on fe fert avec fucccs des cloches de verre
dont les Jardmiets font ufage pour garantir les
légumes de la gelée. Les vailieaux de verre font
les meilleurs qu'on puilTe employer pour les éva-
porations , parcequ'ils ne fe lailTent point atta-
quer par les fubRances qu'on fait évaporer de-
dans : ils ne fournirent rien par conféquent.
La figure 4 repréfente une terrine de grès.CeS;
fortes de vailTeaux font très bons pour faire évapo-
rer des li(|ueurs falines acides , comme des diflo-
lutions métalliques, &c. Les terrines de terre
verjiiliées font très poreufes, & conviennent a
fort peu d'opérations. On fe fert encore avec
fuccès de vailfeaux de porcelaine pour évapora-
toires : ces fortes de vaiflcaux, lorfqu'ils font de
porcelaine très dure , font aufli bons que ceux
de verre.
La figure 5 repréfente une cucurbire. On en
^à\K. de mét;il » de verre , de grès , de terre cuite.
Prolégomènes, cUj
die porcelaine , &:c. On fe fert fouvent de ces for -
tes de vaifTeaux pour faire évaporer des liqueurs.
On fait choix de ceux qui font de large ouver-
ture , parceque les évapcrations fe font plus facile-
ment.
Seconde Section.
Des yaijfeaux évaporatoires clos.
Ce que nous entendons défigner par vaifleaux
évaporatoires clos , font ceux qui lervent pour
les diftillations ^ pour les fublimations. Ces for-
tes de vailîeaux font faits pour faire évaporer les
liqueurs , comme les précédents , avec cette dif-
férence cependant , que les fubftances qui peu-
vent fe dilîiper , font reçues dans un vailleaii
adapté à celui qui contient la fubllance qui doit
s'évaporer.
La première figure de la féconde feélion 6.qs
vailfeauxévaporatoiresrepréfente une cornue : on
en fait de grès, de verre , de terre vernilTée : on
en fait auili de fer de fonte. Les cornues de verre
ou de grès font celles dont on fait le plus d'ufage
dans les opérations de laChymie. On choifit cel-
les dont la pcinfe eft alongce en poire : elles font
plus commodes , 6c elles tiennent davantage de
matières fous le même volume. On a attention
aulli à la forme de la partie fupérieure qu'on
nomme la voûte delà cornue : elle doit être large ,
peu élevée, &: former avec le col du vailîeau un
cône allez régulier. A l'éfrard du bec de la cornue,
il peut ctre plus ou moins large j cela dépend des
matières qu'on veut foumertre à la diltillntion.
Lorfqu'on diftille des fubftances qui doivent
fournir quelques fublimcs , ou a attention de fe
fiv Prolégomènes.
fervir d'une cornue qui ait le bec fort large , au-
trement il s'engorgeroit pendant le cours de l'o-
pération , & le vaifTeau feroit en danger de fe
calFer.
Il arrive fouvenr pendant le cours d'une diftil-
lation , qu'on a bcfoiri d'introduire dans la cor-
jiue quelques fubftances ; dans ce cas, on fe ferc
d'une cornue qui a une ouverture à la partie fupé-
rieure. On nomme cette ouverture tubulure , ôi
cornue tabulée celle qui a ainii un tube. Cette
cornue eft repréfentée par la figure z. On ferme
cette ouverture avec un bouchon de cryftal ufé a
l'émeri l'un fur l'autre. La tubulure qu'on prati-
que aux cornues de verre , eft , pour l'ordinaire ,
malfaite ; elle eft trop mince , & ne peut fuppor-
ter le bouchage : on ne peut tout au plus qu'y ap-
pliquer un bouchon de liège. Lorfque Topcra-
tion exige qu'on fe ferve d'une cornue tubulée y
il faut avoir recours à une cornue de cryftal ou de
grès. On foigne davantage les cornues de cryftal :
elles font plus épailTes que celles de verre : leur
tubulure eft plus forte , & peut fupporter le bou-
chage: • ■
La figure 3 repréfente un alambic de verre de
deux pièces. Le vaiiîeau fupérieur fe nomme
chapitca-i ^ &c celui qui eft au-delTous fe nomme
la cucurbite. On fait des alambics de métal. J'ai
donné dans mes Eléments de Pharmacie la def-
çripcion d'un alambic de cuivre à bain-marie d'é-
tain : voye:^ cette defcription. On fait auftî des
^lambics de fer de fonte avec le chapiteau de mê-
me matière, ou qn fe fert d'un chapiteau de verre.
On en fait d'argent , de grès , de terre verniiTée ,
&c.
Il en eft de la diftillation dans les alambics ,
ProUaomenes. cy
o
comme de celle qu'on fait dans des cornues :
on eft quelquefois obligé d'ajouter des fubftan-
ces pendant le cours des opérations j 6c pour ne
point interrompre la diftillation , ou pour ne
point déluter les vailTeaux, on fe lert d'un chapi-
teau percé par la partie fupérieure qu'on nomme
pareillement chapiteau tabule. Ow bouche de mê-
me cette tubulure avec un bouchon de cryftal
ufé l'un fur l'autre avec de Tcmeri.
Il arrive fouvcnt que le lut qu'on emploie
pour former les joints du chapiteau &: de la cii-
curbite nt peut réfiller aux vapeurs qui s'é-
lèvent pendant la diftillation \ dans ce cas , on
fait ufage d'un alambic d'une feule nièce, c'eft:'
à-dire, dont le chapiteau (Se la cucurbite tiennent
enfemble : on pratique feulement une ouverture
à la partie fupérieure du chapiteau , par laquelle
on introduit les fubftances à diftiller , &: on
bouche cette ouverture avec un bouchon de cryf-
tal ufé à l'émeri. Ce vailfeau eft repréfenté fig. 4.
é
T i^ 0 I S i F. M E Section.
Des Récipients.
On nomme récipients des vaiffeaux propres à
recevoir les fubftances qui s'élèvent desvaiireaux
diftillatoires. Les récipients ont différentes for-
mes qui font relatives aux vues qu'on a dans les
opérations.
La fioure première repréfenté un ballon de
verre percé d'un petit trou à la partie fupérieure.
Ce vaifleau eft fait pjur être adapté au bec d'une
cornue de grès oi\ de verre : on lute les joints avec
du lut dont nous parlerons bientôt. Le petit trou
Ç^ratiq^é :;u b^ilou , eft très commode pour faire
cv) Prolégomènes.
évacuer l'air trop raiéhé qui fe dégage de lai
plupart des fubftances qu'on diftille : il fert aufll
à faciliter la fortie d'une partie des vapeurs trop
dilatées qui pourroient faire crever le ballon. On
prévient cet accident en débouchant de temps en
temps le trou de ce vaifTeau : on le bouche
avec un petit brin de bois , ou avec un peu de
cire mplle. Lorfqu'on adapte le ballon à la cor-
nue, on a l'attention de le tourner pour que la
petite ouverture fe trouve fur le côté , & non en
deiïlis. Cette partie du ballon eft celle qui s'é-
ch'i'ifFe le plus, & qui reçoit immédiatement les
vapeurs qui fortent de la cornue \ il fe difliperoic
be;iucoup plus de vapeurs , fi l'on plaçoit ce petit
trou en deiTus.
Dans beaucoup de dilHUations, il paffe en
même temps des fubfcances liquides & des
fubftances concrètes , telles que des fels vola-
tils. Si l'on fe fervoit du ballon dont nous
venons de parler , ces fubftances fe confon-
droient , la partie liquide fe«chaigeroit jufqu'au
point de faturation des fels conci-cts. Pour remé-
dier à cet inconvénient , on fe fert d'un ballon
tabulé qui eft repréfenré par la figure i. On place
la tubulure en en bas , & on y adapte une bou-
teille qu'on lute bien. Ce ballon eft également
percé au milieu de fa capacité d'un petit trou ,
comme le précédent, & qui fert au mcme ufage.
Au moyen de ce vaifteau , la partie liquide coule
à mefure dans la bouteille inférieure j les fels
volatils concrets reftent fecs dans le ballon , &
en rapiflent 1 intérieur. La liqueur qui combe dans
la bouteille eft néanmoins chargée de fel , & elle
le laifte cryftaliifer par le refroidifiemenr.
On varie , fuivant les circonftances, l'appareU
Prolégomènes, cvl)
tîes vaifTeaiix propres à fcparer pendant la diftil-
lauion les fubllances feches d'avec les liquides :
on fe ferc avec fuccès d'un vaifleau de verre de
figure conoide qu'on nomme alonge. Ce vaif-
feau eft rcprcfenté par la figure 3 j il efl: percé
par les deux bouts : le côté A s adapte au bec de
la cornue, & le côte B entre dans le col d'un bal-
lon ordinaire , ou dans celui d'un ballon tubulé
femblable a la figure 1. Les matières feches con-
crètes fe fixent oc s'arrêtent dans le premier ballon
conoïde, que nous avons nommé alonge ; la fub-
ftance liquide coule dans le fécond ballon. On
fait en verre des alonges de plufieurs grandeurs ,
depuis un demi-feptier jufqu'à vingt pintes. Il
convient de proportionner la capacité de ce vaif-
feau à la quantité de fubftances feches qu'on
efpere obtenir. Il faut encore avoir la plus grande
attention d'empccher qu'il ne fe bouche par (on.
extrémité B , parccqu'il ne refteroit plus aflez
d'efpace pour la circulation des vapeurs raréfiées
qui fdrrent de la cornue j lesvaiireauxleroient en
danger de crever.
Quelques perfonnes ont propofé d'ajufter, au
moyen des alonges , une file de vailfeaux adap-
tés les uns aux autres, afin de donner plus d'ef-
pace aux vipeurs, &: de faciliter par-là leur con-
denlation. On a donné à cet appareil de vaif-
feaux le nom de ballons enfilés. Cet appareil eft
abfolument inutile, & il n'y a point d'opération
où l'on ne puilfe s'en palTer facilement : il a l'in-
convénient d'être embarralTant , à caufe de beau-
coup de jointuresà luter, &: il arrive prefque tou-
jours que les luts manquent par quelques en-
droits. Cet appareil n'a que de l'éclat, & fert
ibuvent de voile pour cacher l'ignorance de celui
"tviî| Prolégomènes.
qui croît qu'on ne peut fe difpenfer d'en faire
ufage ; c eft là le plus grand mérite de cet appa-
reil : les vaifTeaux & les appareils les plus (im-
pies font toujours les meilleurs. D'ailleurs il
arrive conftammentque lorfqu'on diftille desfub-
ftances très raréfiables , il ne feconden fe rien ,
tant que l'air renfermé dans les vailfeaux n'eft
point faturé de ces mêmes fubftances : il eft donc
inutile de multiplier le volume de l'air en multi-
pliant le nombre des vaifTeaux , fous le prétexte
de faciliter la condenfation des vapeurs.
La figure 4 repréfente un vaiiïeau qu'on nom-
me matras : il ne diffère du ballon que par la lon-
gueur de iow col. Ce vaifleau fert quelquefois de
récipient \ mais il eft incommode lorfquece qu'il
doit recevoir paffé en vapeurs chaudes. Le col fe
fendprefque toujours longitudinalement \ il vaut
mieux par cette raifon employer un ballon. Le
matras fert pour les digeftions , les diflblutions ,
lesfublimations , &c. Ce vailfeau eft polychrefte.
On donne au matras différentes formes : on en
fait à culs plats qui fervent à la calcination du
mercure : les matras minces font moins fujets a
fe caffer par le contrafte du froid & du chaud ,
que les matras épais. Ceux qui ont un pontis ait
cul fe callent avec la plus grande facilite. Les ma-
tras qui pafiTent le mieux du froid au chaud fubi-
tement , font ceux qui font d'une égale épailTeur
par-tout : tels font les fioles à médecine & les pe-
tits matras dans lefquels vient le vin de Syra-
cufe.
La figure 5 eft un récipient qui fért pour la dif-
tiHation des huiles eftentielles. J'en ai parlé dans
mes Eléments de Pharmacie.
La figure G eft. un ferpenan de vercc :- on W
I%mcAc o, Paj/c CVUl.
/o/?i , X?'
,ilI'V"'|i|.
2
Jicavien^ , ^)(^^'\ll\V7<v? , j
Prolégomènes. cix
Jîlace dans une cuvecte de verre ou de faïance
remplie d'eau froide : il fert à rafraîchir & à con-
denfer les vapeurs qui font condenfables par ce
moyen. On en fait de métal , comme de cuivre ,
d'étain, -Sec. J'ai parlé dans mes Eléments de Phar-
macie des ferpencins, des avantages 5c des incon-
vénients de cesvaiireaux : voye:^ cet article. Ce que
j'en ai dit eft applicable à ceux qu'on voudroic
taire en verre ou en grès pour la diftillation des
acides minéraux qui doivent être confervés dans
le degré de concentration où ils fortent de la cor-
nue. Il ne faut pas, pour leur conferver ces qua-
lités , employer de l'eau trop froide, parcequ'elle
condenfe l'humidité de l'air contenu dans la ca-
pacité du ferpentin , & que cette humidité fe
mêle avec les acides minéraux qui en font fort
avides.
SECONDE CLASSE.
Des yaijfeaux circulatoires.
Les vailîeaux circulatoires font très nombreux
& très compliqués chez les Alchymiftes j mais
comme nous reftreignons tous les vaifleaux à leur
véritable ufage , nous ne parlerons que de deux
vailfeaux circulatoires, parcequ'ils font fuififants,
&: qu'ils remplirent toutes les indications qu'on
fe propofe.
On nomme vaijfeaux circulatoires ceux dont
l'effet eft de permettre aux liqueurs de s'élever en
vapeurs , &: de condenfer ces mêmes vapeurs qui
retombent en gouttes dans la capacité du même
vale \ ces fortes de vaiffeaux font en même temps
vaiffeaux diftillatoires & récipients.
La figr I , planch. 7, repréf§nte deux macras qui
ex Proie somcneSk
o
entrent l'un dans l'autre. Le matras inférieur doif
ctre le plus grand : le col du matras fupérieur doit
entrer dans le col du premier vailleau , afin que
les vapeurs qui fe condenfent puilTent couler dans
le matras inférieur : on nomme cet appareil vaij--
féaux de rencontre. On lu ce les jointures des vaif-
feaux avec du papier enduit de colle ^ ou avec de
la veflîe de cochon mouillée &: alFujettie avec du
gros fil. Comme il n'y a aucune ouverture à ces
vaiHeaux par ou 1 air ou les vapeurs trop rarehees,
puiirent s'évacuer, il eft important de ne leur ap-
pliquer qu'un léger degré de chaleur , fans quoi
on court les rifques de les faire crever. Il eft, par
cette raifon , plus prudent de ne faire ufaî^e
de ces vailfeaux , que lorfque cela eft indifpenla-
blement nécelîaire : on emploie en place un ma-
tras dont on coclfe l'ouverture avec de la vellîe
mouillée & ailujettie avec du gros fil. On prati-
que au milieu de cette veiîie un petit trou avec
une épingle : cet appareil Imiple remplit fans dan-
ger prelque toutes les indications qu'on fe pro-
pofe. Les vaiireaux de rencontre ou le matras hm-
ple , comme nous venons de le dire , fervent aux
digeftions , aux macérations , aux infufions , &c.
La figure i eft un vailîeau qu'on wowAYiQ péli-
can ; c'eft un alambic d'une feule pièce : aux deux
côtés oppofés font deux tuyaux ou deux becs re-
courbés qui prennent nailT^ince danî> la gouttière
du chapiteau j & qui viennent aboutir dans la
capacité de lacucurbite. Les vapeurs qui s'élèvent
Çq condenfent dans le chapiteau , & retombent
dans la cucurbite. La partie fupérieure du chapi-
teau eft garnie d'un tube ouvert , fort épais , 6C
qu'on bouche avec un bouchon de cryftal ufé l'un-
fur l'autre avec de i'émeri : c eft par cette ouvet-»
Prolégomènes. ex;
ture qu'on introduit les matières, «Se qu'on les ôte
îorfqu'elles ont fuftifamment digéré. Les Alchy-
miftes ont imaginé de faire taire des pélicans qui
<mi jufqu'à fix tuyaux , pour rapporter les vapeurs
condenfées dans la capacité delà cucurbite. Ils re-
gardent ces vailfeaux comme meilleurs que les
autres, parcequ'ils font plus compliqués. On peut
très bien dans toutes les opérations de la Chymie
fepalTerdu pélican fimple : on peut avec les vaif-
feaux circulatoires dont nous avons parlé , faire
toutes les opérations de diçrelHons , d'infufions
^'. cte cu'culations.
TROISIEME CLASSE.
Des J-^aiJJeaux propres à la fujion ^ à la.
vitrification j &c.
Comme ces vaideaux font deftinés à éprouvet
Taéiion immédiate du feu, ils doivent ctre très
rcfradaires : ils font expofés à fondre par la cendre
des matières combuftibles j fouventles fubftances
qu'ils contiennent fervent encore de fondant à la
fubftance terreufe dont ils font fabriqués. Ces
fortes de vaiiïeaux ont différentes formes , &: ont
des noms diftinéts. Nous donnerons dans cet
Ouvrage un article fur la meilleure manière de
conftruire ces fortes de vafes.
La figure i , planche 7 , repréfente un creufet
triangulaire , tel qu'on les fait à Helfe-CalTel : ces
fortes de creufets font les meilleurs qu'on con-
lîoilTe à Paris.
La figure 2 repréfente un creufet rond avec
un petit bec pour couler la matière quand elle
cii fondue. C'eftla forme qu'on donne aux creu,-:
\
cxij Prolégomènes.
fets qu'on fait à Paris , dans la rue Mazarinè.
Ces creufers font faits avec une argille très fufible ,
ôc ne refirent point à dé grands coups de feu : ils
fe fondent eux-mêmes.
La figure 5 , repréfehte un creufet qu'on
nomme r^rc. Ces fortes de creufers fefontà Heiïe-
Cadel : ils font très réfra6laires , & réfiftent à la
plus grande violence du feu. Ils ont une forme
ronde qui finit en cône par le bas , avec une petite
ouverture à la partie fupérieure. Cette forme eft
très avantageufe pour ralïembler le métal dans les
cflais qu'on fait des mines.
La figure 4 repréfente une petite aflîette de
terre cuite qui fert a calciner des mines & des
matières métalliques. On nomme ce vailfeau rêc
à rôtir ^ ou catin. Ces fortes devaiffeaux doivent
être larges & plats , fort unis , afin de pouvoir
ramaiïer commodément les chaux métalliques ou
les poudres qu'on met dedans.
La figure 5 repréfente une coupelle : c'eft un
petit creufet large 6c évafé , creufé à-peu près en
demi-fphere , & ayant la figure d'une coupe.
Cette efpece de creufet eft fait avec des os de pieds
de mouton calcinés , pulvérifés, pafTés au tamis de
foie , &■ bien lavés. On pétrit cette poudre avec
de l'eau , 6c on forme les coupelles dans un
moule,
QUATRIEME CLASSE.
Des Vdiffeaux -polychrefies.
Les vaiiïeaux polychreftes font ceux qui n'ont
point d'ufage particulier pour les opérations de
Chymie , mais qui fervent à plufieurs chofes , tels
que des verres , des bocaux , des bouteilles , des
\ entonnoirs
P/<Z7icAe -. Piwe CXU.
Tû/?i . 1 ''
2'. iVasse.cù^'T l\iissau<v iYmi/aàu7\'é\
Fia.
Iuj,i.
.6
Prolégomènes. exil)
entonnoirs de verre , des caraffes , des mortier^
de verre, &:c. 11 eft inutile de faire la defcriptioii
de ces forres de vailleaiix , ainfi que de les taire
graver, parcequ'ils font connus de ceux mènie
qui ne s'occupent point de laChymie.
Manière de coupera de percer des'ballons de verre
& autres V ai jf eaux.
Les vaiiïeaux , fortant de la verrerie , ne foilC
point appropriés, &;ne peuvent fervir aux opéra-
tions. Les Dallons ont le col trop long , èc ne
font point percés^ les becs des chapiteaux ne (ont
point ouverts, 6cc. Le Cliym.fte ell: obligé d'ar-
ranger ces vailleaux, &: de les mettre en état de
fervir.
- On parvient à couper le col des ballons de plu-
fieurs manières, i*^. A deux ou trois pouces au
deflus de la nailfance du col de ce vaifTeau , on
trace avec une pierre à tulil une ligne circulaire
autour du col du ballon \ & pour ne point tracer
cette ligne au hafard , on colle avec de la colle
forte un cuir mouillé &: fouple autour du col du
ballon, à l'endroit où on veut le couper: ce cuir"
fait un point d'appui , & empêche que la pierre à
fufil ne glilfe , & ne falTe des traces de travers.
Lorlque la première pellicule du verre eft enta-
mée , on paife dans la trace faite par la pierre d
fulil une bonne lime à trois quarts, &î.on prend
de préférence une lime d'Angleterre , parce-
qa'elles font plus dures & meilleures. Il arrive
fouvent qu'après avoir fut agir la lime une feule
fois autour de la trace , le col fe détache de lui-
nicme. S'il n'eft pas coupé par cette feule opéra-
tion , on continue de taire agir la lime jufqu'à ce
Tome I, h
cxiv Prolésomencs,
que le col foit coupé. Ce moyen de couper le col
des ballons eft un des meilleurs 6c des plus
sais.
1° . x\près qu'on a tracé avec la pierre à fufil &
la lime une ligne circulaire aucour du col du bal-
lon , on enduic légèrement de térébenthine une
mèche de coton qu'on applique fur la trace , &:
avec une lumière on enflamme la térébenthine :
pendant qu'elle brûle , on tourne le ballon pour
la faire brûler également : lorfque toute la téré-
benthine eft braîce , on met avec le bout du doigt
ime goutte d'eau j elle fait détacher aufli-tôt le
col du ballon à l'endroit tracé j mais il arrive fou-
vent que le col fe calle à côté : il faut un peu d'a-
dreiï'e lie d'habitude pour couper les cols de bal-
lons par ce procède.
5". Quelques perfonnes propofent d'appliquer
fur le col du ballon après l'avoir tracé avec la
pierre à fuill & la lime , un croiflant de fer qu'on
a fait rougir auparavant : on met avec le bout du
doigt une ecutte d'eau fur l'encroit chauffé , fi le
fer rouge ne fuffit pas pour taire tomber le col :
ce moyen réuilit encore alfez bien j mais il a c]uel-
quCiOis l'inconvénient de faire fendre lecolref-
tant au ballon.
4°. On coupe encore le col des ballons avec
une petite roue .de cuivre garnie d'émeri bc
d'huile j on la fait tourner par une grande roue
perpendiculairement dans le fens des meules de
Couteliers : on préfente le col du ballon à l'en-
droit où on veut le couper : on le coupe très pro-
prement par ce moyen , èk' le ballon elt moins ex-
pofé à être calfc. Il y a à Paris pluiieurs flacon-
niers qui coupent aiufi les cols des gros ballons
pour une fomme niodic^ue. Après qu'on a coupé
Prolégomènes. txv
le col àQS ballons par les autres procédés dont
nous venons de parler, il convient de paflôr une
lime fur les bords , & de les frotter légèrement
pour ôrer les vives arêtes , afin de ne point fe
couper les mains en les palfant autour du col de
ces vaifTeaux.
On coupe de la manière que nous venons ds
dire , les matras pour en faire des ballons , le
bout des becs des chapiteaux , &c.
11 m'eft arrivé plufieurs fois de coiipef en mê-
me temps les cols de vingt-quatre gros matras «
parle moyen d'une fcie , avec de l'eau & du grès ,
comme on fcie de la pierre. J'arrangeois , par !©•
moyen d'une corde tendue , les ballons les uns à
côté des autres. Je faifois répondre perpendicu-
lairement à la corde l'endroit où je voulois cou-
per le col de chaque matras : je mettois les glo-
bes des matras alternativement , l'un à droite, Se
l'autre à gauche , afin d'occuper moins d'étendue î
lorfque les matras étoient ainfi difpofés , je rem-
plilfois les efpaces vuides avec du plâtre gâché, afin,
que les matras fulïent bien afTujettis j alors je pO'
fois fur le plâtre , &: à l'endroit défigné , une icie
légère , femblable à celles qui fervent à fcier de la
pierre avec de l'eau & du grès égrugé : je fciai lèS
vingt-quatre matiasà la fois. Ce moyen eft expé-
ditit pour couper beaucoup de vaifTeaux à la fois ^
& il m'a très bien réudî.
Lorfqu'on veut percer un ballon , & y prati-
quer un petit trou , on commence par choiîir aa
milieu du ventre du ballon une petite bulle bien
ronde. Le verre , dans ces bulles , eft feuilleté , dC
forme au moins deux couches l'une fur l'autre :
l'entre-deux eft vuide : lorfqu'on a choifi la buIW
de la grandeur 5c de la rondeur convenable j on
cxv) TroUgomenes.
frotte defTiis avec la pointe d'un buiiii trempe
bien fecj le verre s'égrène, &; on a bientôt en-
tamé &c égrené la première pellicule du verre ;
elle forme une petite profondeur qui retient l'ou-
til , &: l'empêche de ghlfer : on fait la même opé-
ration avec la pointe du burin fur la féconde pel-
licule du verre qui fe piéfente. Avec un peu d'a-
drelfe , on parvient à percer le ballon : alors , avec
la pointe d'une petite lime ronde , on arrondit le
trou , & on l'élargit autant que l'on veut , mais il
faut avoir la plus grande attention de ne jamais
forcer la lime à entrer : iî on la ferroit dans le
trou, elle feroit éclater le ballon.
Les cornues de grès tubulées font ordinaire-
ment Il mal percées , qu'il eft impofîîble de bou-
cher exadement cette ouverture que les ouvriers
ont formée en fabriquant ces fortes de vaifleaux \
il vaut mieux prendre des cornues non tubulées,
& les percer foi-meme. On y parvient facilement
par le procédé fuivant.
On s'adîed fur une chaife , & on pofe fur fes ge-
noux une cornue de grès: avec un poinçon d'acier
trempé & un petit marteau , on frappe circulai-
rement à l'endroit où l'on veut percer la cornue :
on continue ainiî de même jufqu'à ce qu'il y ait
une petite ouverture à jour : on arrondit & on
agrandit le trou en y paffant une lime ronde;
alors on prend un bouchon de cryjftal dont l'ex-
trémité puilfe entrer dans cette ouverture : on
tourne ce bouchon avec de l'eau & du fablon dans
Touverture qu'on a pratiquée à la cornue, afin de
les ufer l'un fur l'autre. On peut, fi l'on veut,
nvec de l'huile & de l'émeri, polir le bouchon &
la tubulure de la cornue , en les frottant l'un dans-
l'autre avec de ce mélange. Ceçte manière de tubu-
Prolégomènes. cxvi*
1er les cornues de grès eft préférable à toute autre
qu'on voudroit employer.
Il y a dans Pans plulieurs boucheurs de flacons ,
qui percent les vaifl^eaux de verre & les cornues
de grès ; ils fe fervent pour cela d'une broche
creufe qui tourne par le moyen d'une roue : la
pièce coupée entre dans la broche qui produit
l'effet d'un emporte-pièce. Ce moyen réuflît à
merveille, lorfqu'on a befoin d'une ouverture de
pliifieurs lignes de diamètre \ mais lorfque les
trous ne doivent être que de grandeur à rece-
voir l'introdudion d'une épingle, les ouvriers
font fujets à faire éclater les vaiffeaux de verre.
Les vaifleaux de grès réfiftent mieux à l'etfort de
cette efpece de foret , ôc ne font points fujets i
s'éclater.
hiîf
cxviij Prolégomènes,
DES L U T S.
vJn facilite le fuccès de beaucoup d'opérations
de Chyrnie, à l'aide de différents mélanges qu'on
nomme luts. Il y a des luts qu'on applique au
corps des vaiiTeaux qui reçoivent l'action immé-
diate du feu , afin de les garantir de la fufion ou
des fraâ:ures quelefeupourroit leur occafionner.
Ces fortes de luts doivent être oeu ou point fufi-
bles au grand feu. Il y a d'autres luts qui font def-
tinés à boucher les efpaces que laiffent entre leurs
cols des vailTeaux qu'on joint enfemble , afin
d'empêcher la fortie des vapeurs qui s'élèvent
pendant les diftillations. Les luts propres à ce
dernier ufage font de différentes efpeces , & doi-
vent être de nature à réfifter à l'aârion àcs va-
peurs , fans fe diffoudre &: fans fe délayer par ces
jnêmes vapeurs.
J.ut propre à luter les cornues de verre & de grès
qui doivent fupporter un grand jeu.
On mêle enfemble deux livres de terre à four ,
autant de fablon blanc , une livre d'argille bleue
un peu fufible , & environ une once de bourre.
On délaie ces matières dans une fuffifante quan-
tité d'eau pour former une pâte molle qui s'atta-
che facilement aux mains. U eft eflentiel de pé-
trir ce mélange long-remps, jufqu'à ce que la
bourre foie parfaitement délayée &: bien mêlée \
ee qui ?ft long & difficile : alors le lut eft fait.
Lorf<|aoa veut appliquer ce lut fur une cor-
Prolégomènes. cxix
nue, on prend dans une main une certaine quan-
tité de ce mélange , & de l'autre on tient la cor-
nue par le col : on pofe ce lut fur \i cornue , &
on rétend le plus également qu'il eft pollible. On
obferve qu'il y en ait fur la cornue une cpailîeur
de cinq à fix li2;nes : alors on fait entrer dans le
col de cette cornue uu bâton fiché dans une table ,
^ on laiffe le Uu fe fécher à l'air. Lorfqu'il elt fec ,
on ote avec un couteau une partie du lut, pour
n'en laitier qu'une épailfeur de trois ou quatre
liî7nes par tout : on arranire de même le lut a u-
tour des ballons, des matras, des cornues de
Le lut dont nous parlons efl: un peu fulibîe au
grand feu , & il eft néceflaire qu'il le foit un peu ;
lans cela il fe gerceroit en cuifant, & le détache-
roit par écailles. Lorfqu'on préfume que le degré
de feu qu'il doit fupporter fera incapable de lui
occafionner quelques degrés de falîon , on aug-
mente fa fufibilité , en ajoutant dans le mélange
une once ou deux de litharge , ou de minium j ou
bien on fe contente d'appliquer l'une ou l'autre
fubftance à la furface du lut avec un pinceau :
pour cela , on broie avec de l'eau ou avec de
l'huile de lin , la litharge ou le rrinium , afin de
former une pâte liquide: on applique par-delTus
le lut de cette pâte liquide , par le moyen d'ua
pinceau , &: on lailfe fécher à l'air cet enduit.
On applique encore le lut aux vailfeaux de la
manière fuivante. On délaie dans de l'eau le lut
terreux dont nous avons parlé , pour former une
bouillie un peu claire : on plonge une cornue dans
cette bouillie \ il s'applique à fa furface un cou-
che de lut. On tourne en tous fens le vailîeauau
delfus d'une réchaud de feu,, afin de faire dilTipei
h iv
cxx Prolégomènes.
rhumidité , & que le lut ne fe ralTemble pas à
une feule place. Lorfqu'il eft bien fec , on plonge
de mèni'i la coinue dans le lut icduit en bouillie !
on fait pareillement fécher cette féconde couche:
on continue ainfi de fuite jufqu'à ce qu'il y en ait
d'appliqué de l'épainTcur qu'on defue. Quand le
lut elt partaitement fec , on ote avec un couteau
les endroits trop épais : on raccommode" les ger-
çures, s'il s'en trouve, avec ini pinceau plongé
dans le même lut , qu'on palfe à plufieurs repri-
fes , jufqu'à ce qu'elles foient bien fermées. L'une
& l'autre manière de luter les cornues font éga-
lement bonnes.
Lut pour luter les jointures des vaijfeaux.
Le lut le plus hmple pour luter les jointures
des vailîeaux , eft d'appliquer delTus , de la veflie
bien mouillée , & de l'aiïujettir avec du iil. L'eau
délaie de la furface intérieure de la veflie une
matière mucilagineufe qui fe colle très bien au
verre , & qui y adhère beaucoup en féchant. Ce
lut futHt pour empêcher la diflipation des li-
queurs aqueufes , & même des vapeurs fpiri-
tueufes & inflammables j mais il n'eft point en
état de réiifter aux vapeurs falines , acides ou al-
kalines volatiles.
La colle d'amidon ou de farine cuite avec de
l'eau , étendue fur des bandes de papier , &: ap-
pliquée fur les jointures des vaifleaux , tonne en-
core un tort bon lut pour les ufages dont nous
venons de parler ; mais il eft de même incapable
de réfifter à l'avion des vapeurs des acides roi-^
Prolégomènes. cxx[
Lut de chaux & de blanc d'œufs, ' ■
On met A:i\\s une écuelle de grès deux ou
trois blancs d'œufs , avec à-peu-près autant d'eau :
on fouette ce mélange avec la main pour délayer
les blancs d'œufs : on ajoute une fumfante quan-
tité de chaux éteinte A l'air , & palfée au tamis de
foie , pour former une pâte liquide : on met avec
les doigts de ce lut fur des bandes de linge éten-
dues fur une planche ou fur une table ,&:on en
garnit les deux côtés du linge : on applique ces
bandes de toile fur les jointures des vailteaux : on
met fuccellivement plufieurs bandes l'une fur
l'autre , & on les alfujettit avec de la ficelle.
Il faut employer ce lut aufli-tôt qu'il vient d'ê-
tre fait, parcequ'il fe grumele & fe durcit promp-
tement comme du plâtre qui vient d'être gâché :
lorfqu'il s'eft ainfi grumelé, il ne peut ni coller
ni s'appliquer exadement.
On fait avec du fromage blanc , qu'on nomme
à Vxtis fromage à la pie j èc de la chaux éteinte a
l'air, un lut peu différent de celui dont nous ve-
nons de parler , & qui eft aufli bon. On prend la
quantité que l'on veut de ce homage :on le dé-
laie dans une fuffifante quantité d'eau pour for-
mer une forte de bouillie que l'on exprime au
travers d'un linge : on ajoute à cette liqueur de la
chaux éteinte à l'air, pour former une pâte fem-
blable à la précédente, & on l'emploie étendue
fur des bandes de linge , comme nous l'avons dit
pour le lut de chaux & de blanc d'œufj.
Lut d*âne.
Le lut qu'on nomme lut d'une ne diffère du lut
cxxiv Prolégomènes.
faut le conferver à la cave dans un pot de grès
qu'on bouche avec un couvercle. Lorfqu'il eft:
devenu trop Çqc , on le ramollit en le pilant dans
im mortier de fer , & y ajoutant une dofe conve-
nable d'huile de lin cuite. Le lut qui a fervi à
une opération peut reffervir à une autre ; cepen-
dant c'eft lorfqu'il ne s'eft point brûlé pendant la
difrillation-.il pcutreffervir ainii de fuite un grand
nombre de fois j il n^n devient que plus liant &
plus tenace. On bonifie même le nouveau lut gras
en le mêlant avec du vieux lut fec, ou non fec,
pourvu qu'il n'ait point été brûlé. Voici le moyen
de faire de l'huile de lin cuite, qui fert à faire ce
lut.
Huile de Lin cuite.
Ou. met dans une bafline de cuivre ou dans
une marmite de fer propre quatre livres d'huile
de lin ordinaire avec llx onces de litharge réduite
en poudre fine & paflée au tamis de foie : on place
le vaifTeau fur un fourneau, &:on le chauffe aifez
pour que l'huile de lin puilTe dilfoudre la litharge.
On agite fans difcontinuer ce mélange avec une
ipatule de bois , jufqu'à ce que la litharge foit en-
tièrement dilîoute : alors on ôte le vailfeau du
feu : on le lailTe un peu refroidir, & on conferve
dans une cruche bien bouchée avec un bouchon
de licge, l'huile qu'il contient; c'eft ce que l'on
nomme huile de Un cuite qui fert d faire le lut gras
dont nous venons de parler.
L'huile de lin cuite eft connue des Peintres fous
le nom à'huilejiccative. Les Epiciers marchands
de couleurs vende jjt cecte huile préparée comme
Prolégomènes. cx>v.
nous venons de le dire ; toute la ditféi'ence eft que
la leur eft blanche , au lieu que celle qui eft faite
comme il vient d'ètie dit, eft d'un brun fonce :
cela eftabfolument indifférent pour former le lut
gras^ mais il n'en eft pas de mcme pour l'ufage
qu'en font les Peintres, pour qui cette huile clt
préparée : il faut qu'elle n'ait point de couleur :
on peut , en la préparant , l'obtenir de mcme
fans couleur j il fuiîic pour cela d'ajouter de l'e.iu
dans le vailfeau pendaht la cuite de l'huile , de
mcme c]u'on le fut pour la cuite de certains em-
plâtres. Voyez-en les raifons dans mes Eléments
de Pharmacie ^ à l'article des emplâtres dans la
compofition defc]uels on fait entrer des prépara-
tions de plomb.
Quelques Chymiftes rejettent l'huile de lin
cuite , & lui préfèrent du vernis commun de fuccin
pour former le lut gras. Ces raifons de préférence
paroiflent uniquement fondées fur ce que l'huile
de lin cuite eft trop lunplc & trop facile à fe pro-
curer, au lieu que le vernis de fuccin eft plus dif-
pendieux & plus embarralfant àavoir. On eft fou-
vent obligé de le préparer foi-mcme , n'en trou-
vant point de bit dansle commerce, parcequ'il
n'eft d'aucun ulage dans les arts. Je vais rapporter
la recette de ce vernis commun de fuccin j mais je
puis afturer d'avance qu'il n'eft pas meilleur que
riiuile de lin cuite dont nous venons de parler.
J'ai fait fur cet objet toutes les expériences de
comparaifon néceftaires.
Vernis de fuccin qu'on peut employer en place
d'huile de lin cuite pour former le lut gras.
On mec dans une marmite de fer la quantité
cxxvj Prolégomènes.
qu'on veut de fuccin réduit en poudre grofîîere.
On place la marmite fur un feu capable de liqué-
fier le fucrin : on l'agite dans les commencements
avec une fpatule de bois , afin d'cchaufFcr & de
fondre enfemble la totalité du fuccin. Lorfque le
fuccin eft parfaitement liquéfié , on ôte la mar-
mite du feu , on la laille refroidir avec ce qu'elle
confient.
Alors on met dans une autre marmite de fer
deux livres de fuccin préparé comme nous ve-
nons de le dire , avec trois livres d'huile de lin
ordinaire : on fait fondre le fuccin à une douce
chaleur j aulfi-tôt qu'il eft fondu , il fe dilTouC
dans l'huile, &: le vernis eft fait. On le tire du
feu, &lorfqu'il eft fuffifamment refroidi , &; on le
conferve dans une bouteille. On en fait \i(zqe en
place d^huile de lin cuite , comme nous iavons
dit.
Le fuccin , dans fon état naturel , ne peut fe
diiïbudre dans l'huile de lirt ; mais lorfqu'il a été
liquéfié , il eft changé de nature , &c fe diflout très
bien. Cette liquéfadion fait diffiper un peu de
phlegme, un peu d'huile fluide & du fel volatil.
On peut, fi l'on veut j faire cette opération dans
une cornue, 6c y adapter un ballon j alors on re-
cueille les produits dont nous parlons.
Le fuccin eft une fubftance inflammable , il
arrive fouvent qu'il s'enflamme pendant fa liqué-
faélion : cet inconvénient n'apporte aucun préju-
dice à la préparation du vernis , mais il eft impor-
tant d'arrêter promptement l'inflammation : il
convient d'avoir à fa main un couvercle de tôle ,
& de l'appliquer fur la marmite aufli-tôt que le
fuccin ou le vernis s'enflamme , afin d'étouffer la
flamme.
Prolégomènes. cxxviî
Cire molle.
On fait fondie enfemble une livre de cire jaune
&: deux onces de tcrébenthine. Lorfque ce mé-
lange eft fondu , on le retire du feu \ on le manie
entre les mains pour lui faire prendre un peu de
ténacité, & pour qu'il nefoit pas caflTant.
La cire molle fert à boucher le petit trou des
ballons pendant la diftillation des liqueurs acides
ou alkalines volatiles : elle ne peut fervir aux dif-
tillations des liqueurs fpiritueufes , parcequ'elle
ferdit dilFoute. On fait encore des bouchons avec
de la cire molle, pour boucher des bouteilles qui
contiennent des liqueurs acides ou alkalines.
TEINTURE DE TOURNESOL.
On prend une once de tournefol en pain : on
le réduit en poudre grolîierc : on le met dans un
poêlon d'argent avec environ dix ou douze onces
d'eau pure : on fait bouillir ce mélange feulement
un inftant : on filtre la liqueur au travers d'un pa-
pier jofeph , &: on la conferve dans une bouteille
qu'on a loin de tenir bouchée. C'eft ce que l'on
nomme teinture de tournefol.
La teinture de tournefol a la propriété de rougir
avec tous les acides, & de faire connoître leur pré-
fcnce: lorfqu'on veut en faire ufage, on en met
quelques gouttes dans un verre avec plus ou moins
d'eau , afin de lui donner l'inrenfité de couleujj^
convenable.
On doit ne préparer cette teinture qu'avec du
tournefol en pain, &; non avec du tournefol en
cxxviij Prolégomènes.
drapeau. Le tournefol en pain eft commun dans
le commerce , il eft en petits morceaux à-peu-près
quarrés & de couleur bleue violette.
LABORATOIRE DE CHYMIE.
J'ai penfé que quelques détails fur un labora-
toire de Chymie , &: fur les inftruments dont il
doit être garni , pourroient faire plailïr aux ama-
teurs qui voudroient , foit en province , foit à Pa-
ris j monter un laboratoire propre aux opérations
de cette fcience. Ces détails leur épargneront
l'embarras des recherches pour découvrir la clalTe
d'ouvriers qui préparent ces différents inftru-
ments. J'ai penfé encore qu'il feroit plus com-
mode de réunir dans des articles féparés ce que
l'on trouve chez le même Artifte ou chez le même
Marchand. Je joindrai à cqs détails une courte
notice fur l'ufage des outils ou des inftruments ,
afin que celui qui veut fe former un laboratoire ,
puilfe voir d'un coup d'œil fi l'inftrument dont oï\
parle peut être utile au genre de travaux qu'il
veut entreprendre.
On proportionne la grandeur d'un laboratoire
aux opérations qu'on fe propofe de faire. Si on
le deftine à des expériences de recherches , com-
me nous le fuppofons , il fufEt d'avoir un empla-
cement de douze ou quinze pieds de long fur à-
peu-près autant de large. Il eft plus avantageux
de le faire au-deftus du raiz-de-chauflée , parce-
que les raiz-de-chauffée font ordinairement hu-»
lïiides , les QijtUs de fej s'y rouillent, les fels qu^oii
veut
Prolégomènes*. cjndx
veut conferver font plus fujets à tomber en detl-
quïumy &: les étiquettes font expofées à fe décol-
ler &: à s'effacer.
Il faut encore , autant qu'on le peut , que l'em-
placement qu'on a choifi , foit bien éclairé. Cet
objet eft mcme important. Il y a un grand nom-
bre de phénomènes peu fenfibles qui fe paflTent
dans beaucoup d'opérations , qui échapperoienc
à la vue , fi l'on faifoit ces opérations dans un la-
boratoire mal éclairé. La lumière des bougies ,
mcme multipliées , ne remplace pas avec le même
avanraç^e la lumière naturelle.
Lorlqu'on s'efl: arrêté à l'emplacement du la-
boratoire , on fait conftruire par un maçon un
manteau de cheminée en hotte de dix ou douze
pieds de long , &: de trois pieds & demi ou da
quatre pieds de profondeur dans œuvre : on tient
le manteau élevé à une hauteur de cinq ou (îx
pieds , afin de pouvoir pader librement delTous :
cependant plus cette partie de la cheminée fera
balfe , moins la cheminée fera fujette à fumer;
mais pour ne pas être gêné , il eft difficile de lui
donner moins d'élévation , que celle de la hauteur
d'un homme de taille ordinaire.
0\\ fait arranger fur cette cheminée un foufîlec
à deux vents , en obfervant de mettre la branloire
i la main gauche. On peut voir la difpofition de
ce foufïlet, ainfi que des tuyaux pour la conduite
de l'air , planche 4.
Sut le manteau de cette cheminée on fait pra-
tiquer par un menuifier plufieurs tablettes pour
recirer des ballons , des marras , & autres vaif-
feaux en état de fervir aux opérations. On garnie
de même le pourtour du laboratoire de tablettes
Tome i. i
cx'xx 'Prolc'pomcnes.
o
pout retirer des bouteilles, des flacons, & les
produits des opérations.
Sous cette cheminée on fait conftruire une
forge en briques , & quelques fourneaux aufîi en
briques , à demeure fi on le juge à propos. Dans
l'étendue de la place reftante fous cette chemi-
née , on fait conftruire en briques une paillafïe
élevée d'environ un pied huit à neuf pouces du
plancher du laboratoire , &: de dix-huit à vingt
pouces de largeur. Pour conftruire cette paillafle,
on élevé plufieurs jambages en briques de diftance
en diftance , fur lefquels on pofe plufieurs barres
de fer pour fupporter une rangée de briques fcel-
iées en plâtre : on forme une aire qu'on peut faire
carreler , fi l'on veut , pour plus de propreté. On
garnit l'extérieur de cette paillafle d'une bande
de fer plate , fcellée par les deux bouts dans la
muraille \ Se pour l'empêcher de baguer dans le
milieu , on l'alfujettit avec quelques petits tirants
de fer , fcellés d'efpace en efpace dans la mu-
iaille, &c qui traverient dans l'épaiffeur de cette
paillafl^e. Le deftous de cette paillafle ferr à re-
tirer des bric]ues , de la terre à four , un panier
de charbon , &: autres commodités qu'il convient
d'avoir à la main dans un laboratoire •> le deffus
de cette paillafte fert à pofer les fourneaux por-
tatifs, qui fe trouvent , au moyen de cette difpo-
fuion , à une hauteur commode pour le fervice.
Vaijfeaux de verre & de cryjlal qu'on trouve che:^
prefque tous les Fàiancïers,
Il convient d'avoir dans un laboratoire de Chy-
rtiiê une provifion de bouteilles de verre bJanc j,
Prolégomènes. cxxxj
^e difTérentes grandeurs & A col renverfé; des
flacons de cryllal auiîi de différentes capacirés ^
bouchés avec des bouchons de cryltal , & ufés A
rémcri , également à col renverfé. Ces vailTeaux
fervent à contenir les acides minéraux , les^ fcls ,
les produits des opérations , Sec.
Des matras de différentes grandeurs , à col
long , &: d'autres à col large : on fait des ballons
avec ces derniers en coupant leurs cols. Il eft bon
d'avoir des matras à culs plats pour la calcination
du mercure, & d'autres fubftances qu'on voudroic
faire calciner proprement.
Une provifion de bocaux de verre blanc pour
contenir ^es poudres &: d'autres matières feches ,
qu'on ne peut mettre dans des bouteilles ordi^-
naires à caufe de leur ouverture étroite.
Plufieurs gros ballons de verre vert \ a l'égard
de ceux de verre blanc , on les fait foj-mcme ,
comme nous venons de le dire , en coupant le col
des 2;ros matras.
Des ballons tubulés pour la diPcillation des
fsls volatils, & d'autres ballons percés de plu-
fieurs ouvertures.
Plufieuiscapfules 6c petits féaux de verre blanc
pour les évaporations 6c les cryftaliifations des
fcls.
Plufieurs entonnoirs de verre de différentes
grandeurs, pour filtrer les liqueurs, & pour intro-
duire ces mêmes liqueurs d'un vafe dans un au-
tre : on en trouve depuis la contenance de deux
pintes jufqu'à deux onces de liqueur. 11 faut que
ces entonnoirs foient en cônes réc^uliers \ lorf-
quHls s'élargilfent en cloches j ils font très incom-
modes pour filtrer : il eft bien rare que les fîl-
cxxxij Protégôtnenesl
très de papier qu'on met dedans ne creveht pa§
pendant la filtration.
Quelques fpatules de verre pour remuer les
fels métalliques , les fpatules de métal étant at-
taquées par les acides.
11 eftbon d'avoir une provifion de verres blancs^
unis & coniques , femblables à ceux des cabarets,
pour faire une infinité d'expériences. La forme
conique eft néceflTaire , afin que les précipités ,
lorfqu'il s'en forme , deviennent plus lenfibles en
fe raraallant dans un petit efpace.
Plufieurs grands verres, femblables à ceux dont
fe fervent les Emailleurs : ils ont la forme des pré-
cédents \ mais il y en a qui tiennent plufieurs pin-
tes. Ces vailfeaux font très commodes pour faire
des précipitations & des lavages de précipités.
Ces verres ont une couleur verte \ les Faïancierg
ne font pas encore dans l'ufage d'en faire faire en
verre blanc, quoiqu'ils foient plus commodes.
Une provifion de cornues de verre blanc. On.
en trouve de toutes grandeurs , qui tiennent de-
puis douze pintes jufqu'à deux onces de liqueur.
Il convient de choifir les cornues d'une belle for-
me j celles dont la panfe fait bien la poire , &
qui ont leur voûte en cône : on doit rejetter celle*
qui ne font pas d'une égale épaifleur , qui ont des
pontis ou des nœuds ; ces nœuds font des parties
de matière mal vitrifiées Se recouvertes d'une
pellicule de verre. La moindre dilatation occa-
fionne dans ces endroits la fracture des vaiffeaux.
Il efi: bon d'avoir aufli des cornues de cryftal tu-
bulées & bouchées avec des bouchons de cryftal
ufés à l'émeri.
Quelques récipients à huile eflentielle. Il faut
Prolégomènes. cxxxiij
obferver que le tuyau en 5 ne s'élève qu'à deux
ou trois pouces au-delTous de l'orifice du vaifleau;
s'il s'élevoit à la même hauteur , la liqueur ne
pourroit point couler par le tuyau , & cevaiflTeau
feroit inutile.
Plufieurs alambics de verre de deux pièces , de
d'autres d'une feule pièce , avec la tubule bouchée
d'un bouchon de cryftal.
Quelques mortiers de verre ou de cryftal , avec
leurs pilons de mcme matière.
Un certain nombre d afliettes de faïance ou de
porcelaine.
Quelques vafes à pefe-liqueurs , &: quelques
pefe-liqueurs pour reconnoitre les degrés de fa-
îure des acides &: des alkalis.
Je pafle ici fous filenee tous les vaifTeaux alchy-
miques , tels que les pélicans , les vaiffeaux 2e-
maux, les enfers , &:c. Ces vaiffeaux font abfolu-
ment inutiles. On peut avec ceux dont nous par-
lons , faire plus commodément & plus furement
toutes les opérations de la Chymie.
Vaîjfeaux de grès & de terre quon trouve cke:^
plufieurs Marchands Potiers de terre»
On trouve chez plufieurs Marchands Potiers
de terre à Paris , mais qui ne font point fabri-
quants , les différents vaifTeaux de grès & de terre
dont on a befoin. Savoir ,
Des cornues de grès de différentes grandeurs.
Ces vaiffeaux font très commodes pour lesdiftil-
lations où l'on doit appliquer un arand dearé
de cnaleur, en ce qu \\% n éprouvent que peu ou
point a'altcration de la part du feu. Il eft im.por-
.tant de ne point mouiller ^ laver les vailleaux
iïij
cxxxiv Proie somenes.
de grès qui doivent être expofés au grand feu^
îorfqu'ils ont ctc mouillés , ils décrépitent, fe ré-
duifcnten poudre, & produifent des explorons
très bruyantes ; ce qui n'arrive pas Iorfqu'ils
font neufs , confervés dans un endroit fec , &
qu'ils n'ont jamais été mouillés. On doit éviter
d'employer par rapport à cela des cornues de grès
pour la diftillation des fubftances liquides \ il faut
préférer des cornues de verre.
Des cucurbites de grès de différentes gran-
deurs, pour la diftillation du vinaigre &: d'autres
matières falines : on adapte ordinairement fur
ces cucurbites des chapiteaux de verre.
Des terrines de grès pour la cryftallifation des
fels , & pour les évaporations des diffolutions mé-
talliques. On fait aulîi des capfules de grès qui
fervent aux mêmes ufages pour des opérations
plus en petit. Il y a de ces fortes de vaiffeaux en
grès , qui tiennent depuis vingt-quatre pintes-juf-
qu'à un poitTon. On doirchoiiir ces vailïeauxbien
cuits : ils ont une couleur très bife. Ceux qui font
blancs ou jaunâtres font d'un grès mal cuit : ils
font poreux, & leur fervice n'eft pas également
bon.
Il convient d'avoir dans un laboratoire quel-
ques cruches de grès , pour contenir de l'huile
d'olive., de l'huile de lin cuite , & certains fels
en provifion.
Quoique les terrines de terre verniiïees foient
d'un mauvais fervice , il eft bon d'en avoir en
provifion : elles fervent à contenir du fable et a
former des bains defible : elles font bonnes poui
faire certaines calcinations qui n'ont pas befoin
d'un grand feu , & pour lefquelles le vernis de
plomb , qui recouvre iem intédeuî , eft indilTé-'
cent,
Prolégomènes. cxxxv
Quelques affietces &: plats de terre verniilés y
de diamètre à entrer dans les fourneavix. Ceî
" vaifTeaux fe mettent fous les cornues de grès j afin
d'en préferver le fond de l'aâiion immédiate" du
feu. On a feulement attention que ces afliettes
& plats ne remplitTent pas tout le diamètre dii
fourneau : il doit refter autour un efnace d'un
bon pouce pour la circulation libre de la chaleur
& de la flamme.
On fait des vaifleaux de terre non vernilTés ,
qui ont la forme de [rots de chambre fans anfe ,
qu'on nomme camions. Ces vailFeaux ne rcfiftcnc
pas à une grande action du feu j mais ils font très
commodes pour des calcinations moyennes qu'on
veut faire en certaine quantité à la fois : ils font
plus larges & moins poreux que les creufets ordi-
naires , & on les préfère pour cette raifon dans
nombre d'occafions.
Fourneaux & Creufets quon trouve che-^ les Four-
nalïjles,
Plufîeurs Potiers de terre à Paris fabriquent
des fourneaux , des creufets , des moufles & de&
capfules de terre cuite : on nomme ces dernières
catïns^ ou têts à rôtir. Se les Fournaliftes leur don-
nent improprement le nom de coupelles. On peut
fe procurer chez ces fortes d'ouvriers ,
1 ''. Quelques fourneaux de réverbère de diffé-
rentes grandeurs , & compofés du nombre de
pièces que nous avons indiquées en donnant la.
defcription de ce fourneau , planche i.
1^. Un fourneau de coupelle avec des trous,
dans l'intérieur à la nailfance de la porte , & 4 la.
iiy
cxxxvj Prolégomènes.
partie antérieure , pour recevoir deux barres de
Fer qui fervent à fupporter la moufle.
3**. Une tour quarrée creufe fans fond , de-
vant fervirde fourneau des Fondeurs; on enfonce
cette efpecede fourneau dans une maçonnerie de
briques , comme nous l'avons dit en faifant la
defcription de ce fourneau.
4°. Un ou plufieurs couvercles de terre cuite ,
pour couvrir le fourneau des Fondeurs.
5 *'. Un demi-cercle de terre cuite, pour met-
tre devant la tuyère de la forge : on le procure
par ce moyen un fourneau à fondre devant la
tuyère du foufflet , quoique cette manière de fon-
dre foit fujette à percer les creufets & à les fon-
dre à l'endroit où darde le vent du fouflflet. 11 y
a cependant des cas où cet appareil eft utile j
c'eft principalement lorfqu il faut appliquer un
fort coup de feu , mais de peu de durée.
6°. Le fourneau de M. Macquer, dont nous
avons donné la defcription , Planche i ^ figure i
& 2. On le fait de plufieurs pièces, qu'on furmonte
ies unes fur les autres , jufqu'à la hauteur de
quinze ou dix-huit pieds. Ou celui dont j'ai donné
la defcription , figure 4 j, même Planche.
7°. Des creufets de différentes grandeurs. On
en fait de la contenance de vingt-quatre livres
jufqu'à un gros de fubftance. Les grands creufets
de terre de Paris font à bon marché j on peut pour
x:ette raifon les employer : à l'égard des petits creu-
fets , ceux de HelTe méritent la préférence. On en
trouve chez les Fournaliftes \ mais plufieurs Quin-
cailliers, vis-à-vis le Palais marchand , en font ve^
»ir d'Allemagne , & font mieux afTortis.
8**. Des couvercles ronds & triangulaires pouç
Prolégomènes. cxxxvij
les creufets. On ne trouve point à Paris de cou-
vercles de la mcme terre que les creufets d'Alle-
magne. Les Marchands qui font venir les creufets
de Hefle , ne font point venir de couvercles.
9". Des capfules de terre cuite pour lescalci-
nations & autres torréfadions. 11 convient d'en
avoir une bonne provifion , & de différentes gran-
deurs. Les capfules de nos Fournaliftes font or-
dinairement très mal faites , 6c mal unies dans
leur intérieur. Il vaut mieux faire foi-même ces
fortes de vaiffeaux dans des moules de bois, avec
de bons mélanges de terre, dont nous parlons
dans cet Ouvrage à l'article des Fourneaux & Creu-
fets.
10''. Des aludels : ceux des Fournaliftes font
fort mal faits ; il vaut encore mieux les faire foi-
mcme avec des camions. On fait fcier le fond des
camions , & on les furmonte les uns fur les au-
tres. On obferve que le fond du dernier ne foit
percé que d'un petit trou dans fon milieu. Les
aludels ne fervent que dans les laboratoires des
Démonftrateurs , pour donner un exemple de la
fublimarion du foufre. Cet appareil n'eft point
TiécefTaire dans un autre laboratoire , fi ce n'eft
pour les fleurs d'antimoine , dont nous parlons à
ion article , page 3 3 <> , fécond volume.
11''. Des moufles : il vaut mieux les faire foi-
méme encore avec un bon mélange de terre, par
le procédé Imiple que nous indiquons à l'article
des Fourneaux & Creufets.
11°. Des petits ronds de terre cuite, qu'on
nomme fromages ^ à caufe de leur forme , pour
mettre fous les creufets , afin de les garantir du
courant d'air , à quoi ils feroient expofés s'ils
ctoient placés immédiatement fur la grille du
txxxviij Prolégomènes,
fourneau ; mais un morceau de brique remplie la
même indication.
13°. Enfin une provifion de briques de relais ,
de la terre à four, afin de pouvoir , fuivant les
circonftances , conftruire foi-mcme un fourneau
amovible.
KaïJJeaux de cuivre que fabriquent les Chaude^
ronniers.
Quelques bafîînes de cuivre rouge ou jaune.
Celles d'argent font préférables , & très commo-
des pour les évaporations de beaucoup de liqueurs
falines. Les balfmes de cuivre ne peuvent abfo-
lument pointfervir à cet ufage : néanmoins il efi:
difficile de s'en pafTer dans un laboratoire , quand
ce ne feroit que pour faire chauffer de l'eau.
Un grand alambic de cuivre étamé , pour la
diftillation des plantes dont on veut tirer l'huile
cffentielle , avec un ferpentin d'étain , plongé
dans une cuve de cuivre. Le ferpentin d'étain eft
de la compétence du Potier d'étain : e'eflaufîi lui
qui le fonde dans la cuve de cuivre.
Un petit alambic de cuivre , avec un bain-ma«
rie & la chapelle d'étain , èc un petit ferpentin
d'étain , plongé dans une cuve de cuivre. Il faut,
pour la conftrudlion de cet alambic , le concours
fluChauderonnicr pour les pièces de cuivre , &
celui du Potier d'étain pour les pièces d'étain.
C'eft le Potier d'étain qui monte toutes les pie^
ces , & qui achevé l'alambic. Il efl bien impor-
tant de recommander à l'un & à l'autre ouvrier
de faire ces pièces très minces ^ car ils ont le plus
grand intérêt à le? faire pefantes 5< maflives , ^
il eft même difficile d'éviter cette méprife 4e leuj:
part. On trouvei:^ dans mes EUmenxs de Phar-
Prolégomènes. cxxxlx
tnac'ie tous les détails convenables pour la conf-
' tru<5i:ion de cet alambic.
P^aijfeaux que fabriquent les Potiers d*étaïn.
Quelques petits baflins d'étain , des mefures ,
telles que pinte , chcpine , demi-feptier , poiATon
& demi-poilfon. 11 faut prendre garde à cette der-
nière mefure : les Potiers d'étain en font de deux
grandeurs \ l'une eft le feizieme de la pinte , &
l'autre ell faite pour ctre environ le dix-huiticme.
Infirumcnts que vendent les Balanciers.
Balances de plufieurs grandeurs, dont une paire
propre pour pefer des quantités proportionnées
au travail qu'on fe propofe de taire.
Un bon trébucher avec des poids de grains. On
fait des balances à fléaux fins &: à fléaux com-
muns. On doit préférer les premières , paree-
qu'elles font plus exades pour les expériences.
Une paire de balances d'elTai pour pefer les
-produits ^Qs mines & les boutons de retour des
matières d'or & d'arcrent. Il faut avec ces balances
les différents poids de femelle pour les elFais d'or,
6c ceux pour les eflais d'argent. Voye:^ pour ces
poids les articles qui ont rapport à la coupcllation
de ces métaux. On peut encore, fi l'on veut, £e
procurer des poids fidifsqui repréfententun quin-
tal, avec tous les poids qui partagent ce qutntai,
jufqu'au grain , demi-grain , quart de grain , &c,
f^'oyey^ pour cet objet l'article des Ejjai des Mine^^
Les balances d'efl^ais doivent toujours erre enfer-
mées dans une efpece de lanterne de verre , à Vi*
bri de la poullîere 6c de l'humidité.
cxl Prolégomènes.
Des poids de fer aflortis , depuis cinquante li-
vres julqu'à deux onces.
Un poids de marc très exad.
Injlruments qu'on trouve chei^ les Marbriers.
Un grand mortier de marbre pour piler des
herbes , &cc.
Quelques petits mortiers de marbre de diffé-
rentes grandeurs.
Les meilleurs mortiers de marbre nous vien-
nent d'Italie. Prefque tous les mortiers de mar-
bre qu'on fabrique à Paris font faits avec une qua-
lité de marbre qui a dans fa cafTurc un (^rain lem-
blable à celui du grès : il s'étonne facilement
comme du grès , & le réduit en poudre comme lui.
Les mortiers faits avec cette efpece de marbre ne
durent pas long-temps ; c'eft à quoi il faut prendre
garde lorfqu'on en fait l'acquifition. Le marbre
propre à faire de bons mortiers doit préfenter dans
fa calTure un grain femblable à celui du quartz.
Une pierre de porphyre avec fa molette de mê-
me matière , pour broyer une infinité de fubftan-
ces : mais lorfqu'on peut trouver une pierre con-
nue fous le nom Ôl écaille de mer j on doit lui don-
ner la préférence , en ce qu'elle eft plus dure , &:
c[u'elle ne communique point de couleur aux
corps durs qu'on broie delTus j ce que fait le por-
phyre. Les écailles de mer font une efpece de grès
nn & très dur , qui eft à beaucoup meilleur mar-
jché que les pierres de porphyre : on prend pour
iervir de molette un grès dur , un caillou ou une
|>ierre a fufil qu'on taille en molette.
I
ProIégomenAsi êxlf
Outils & Inflruments quart 'trouve che^ les Quln-^^
cailliers.
Des fpatulesde fer de différentes grandeurs,
donc une de deux ou trois pieds de long, pour
remuer les fels lorfqu'on les fait deifccher danj
des marmites de fer.
Un tas d'acier poli , avec un marteau auflî
poli , pour planer les métaux lorfqu'on veut con-
noître leur dureté ou leur dudilité.
Quelques lingotieres de fer pour couler les mé-
taux lorsqu'ils font en fufîon.
On trouve ehez les mêmes Marchands une in-
finité d'outils qui font nécelTaires dans un labo-
ratoire , tels que des limes pour couper des vaif-
feaux de verre , &: pour d'autres ufages j des cou-
teaux , des cifeaux \ des pinces plates , rondes j
briquets , tire-bouchons , clous , vrilles , mar-
teaux communs , tenailles à creufets , de diffé-
rentes formes & de différentes forces j tenailles
qu'on nomme moujlaches ; petites pinces à ref-
fort , que l'on nomme bruxelles ; étaux , poin-
çons, &c.
Outils & Injlruments quon trouve cke:^ les Mar-^
chands de fer.
Quelques marmites de fer de différentes gran-
deurs. Ces vailTeaux ont pkiheurs ufages : ils fer-
vent à lelTiver les fels, de bains de fable dans l'oc-
cafion , &: quelquefois de creufets pour calciner
des matières végétales & animales.
Pluûeuis cuillers de fer battu. On fait fonder
i quelques-unes par un Serrurier une tringle pour
alongcr le inAuche de quelques pieds. Ces cuit-
txllj Prolégomenss,
1ers fervent pour projetter dans les creufets des
madères qui font fiijettes à produire des explo-
fions.
Une ou plufieurs cornues de fer , pour la dif-
tillation des matières végétales &: animales , &
pour fcparer le mercure du cinabre. Ces cornues
font très commodes , en ce qu'elles ne font pas
fujettes à fe catTer pendant les opérations, com-
me celles de grès & de verre ; mais on en trouve
rarement de toutes faites, il faut les commander :
plufieurs Marchands de fer , fur le quii de la Fer-
raille, les font faire lorfqu'on les en charge.
Quelques pelles &c pincettes à fourneau , des
petits fourgons j des pincettes dont on fait cou-
per les bouts , & qu'on ajufte en pointes. On en
fait arranger une paire avec un point d'appui ,
pour aflujettir les tiges , afin qu'elles ne fe croi-
ientpas lorfqu'on pince quelque chofe.
Quelques mortiers de fer fondu , tournés &
polis , lorfque cela fe peut. Il y a des Tourneurs
en fer , qui entreprennent ces fortes d'ouvrages.
On choifit des pilons de fer alTortis à la grandeur
des mortiers, & on obferve que les deux bouts
foienr garnis d'acier.
Un mortier de fer plus grand , avec fon pilon
aufli de fer , & garni d'acier par les deux bouts.
On pofe ce mortier fur un bloc de bois, qu'on
fait arranger par un Menuifier ou par un Char-
pentier.
Plufieurs poêles de fer à manche court pour
prendre du charbon , & pour fervir de bains de
fable dans l'occafion. Ces fortes de poêles font
très commodes pour cqz appareil.
Les mêmes Marchands de fer vendent des poê-
les de faïance &: de fer de fonte : il eft commode
Prolégomènes. cxlîi;
«l'en faire placer un dans fon laboratoire. Il vaut
mieux le p-endre en fer. On fait pratiquer en-
deffus un chaliis de tôle fans fond , avec un re-
bord de trois ou quatre pouces de hauteur. Ce
chaflls eft retenu aux quatre angles par les vis&
les écrous du pocle. Cet appareil forme un bain
de fable.
On fait conftruire en tôle de Suéde une caide
un peu en forme de trémie , avec deux anfes de
fer battu pour pouvoir la porter. Cette caifTe eft
plus commode qu'un panier pour mettre du char-
bon, en ce que le poulîier fe tamife au travers
du panier , & fait de la mal-propreté dans le la-
boratoue; inconvénient qui n'arrive pas avec une
cailTe de tôle.
Il eft commode d'avoir dans un laboratoire une
provifion de barres de ter de différentes grofleurs
& longueurs , pour placer des fourneaux & les
élever à la hauteur qu'on veut , pour tifonner , &
pour une infinité d'ufages dans le détail defquels
il feroit minutieux d'entrer.
11 convient d'avoir dans un laboratoire de Chy-
tnie une pierre d'aimant, ou des barreaux d'acier
aimantés. On trouve chez les Faifeurs d'inftru-
ments de mathématiques des pierres d'aimant
toutes montées , &z des barreaux d'acier de diffé-
rentes formes parfaitement bien aimantés , <S: qui
font le plus fouvent plus forts que les pierres d'ai-
mant naturelles. Il eft néceftaire d'avoir quatre
de ces barreaux d'acier , avec deux petits barreaux
de fer pour fervir de point de contad : au moyen
de ce nombre , on peut leur donner de la force
•magnétique, lorfqu'ils en ont perdu , &: les ra-
commoder foi-même fans avoir recours à d'autre
aimant.
cxliv Proie gomems:
Jnjîruments quon trouve cke^ les Tourneurs en bolsi
& che-^ les Tahletlersé
Pliifîeurs pilons de bois dur , comme de frêne,
d'acacia ou de buis j ceux de gayac font trop fu-
jecs à (e cafTer.
Une preHTe pour exprimer les huiles des fe-
mences huileufes , Se les fucs des plantes. On
Îeut la faire en fer , alors on s'adreflTe à un Tail-
andier.
Des fpatules de bois dur de différentes gran-
deurs.
On trouve des fpatules d'ivoire chez les Table-
tiers.
Injlruments quon trouve che-^ les Boijfelïers.
Un gros foufïlet à deux vents pour une forge :
un foufflet à lampe d'Emailleur ; on le fait mon-
ter fur une table par un Menuifier,& le Ferblan-
tier fait les tuyaux de conduite pour l'un & l'au-
tre foufïlet.
Pluiieurs tamis de foie couverts j de différents
degrés de fineffe. Plufieurs tamis de crin couverts
& non couverts , pour pafTer des poudres moins
fines. On trouve auiïï chez les BoifTeliers des gou-
pillons gros & petits , pour nettoyer les tubes ,
& l'extrémité des entonnoirs.
Injlruments que vendent les Fondeurs en cuivre,
' Moules à coupelles , de différentes grandeurs ,
& des moules pour former foi-même des têts à
rôtir, & lingotieres à pierre infernale: mais on
jie trouve pas ces inftruments tout faits j il faut
les
Prolégomènes', cxlv
\e5 commander , & donner des modèles en bois.
On peut , fi Ton veut , fe contenter de moules
en bois pour former les coupelles & les têts à.
rôtir.
Injiruments quon trouve chc:^ les Fa'fcurs de Ther-
momètres.
Un bon baromètre fimple eft préférable à ceux
qui font compofés. Plufieurs thermomètres à mer-
cure & à efpritde vin très exadts , &z fuivant une
graduation connue. A Paris , on ne fe fert que de
ceux faits fur l'échelle de Rcaumur. Les thermo-
mètres les plus commodes pour les expériences
font ceux qui font renfermes dans des tubes de
verre , &: qui ont la boule en dehors. Ces ther-
momètres peuvent cire plongés dans des liqueurs
acides, alkalines , &:c. fans craindre d'ctre gâtés.
On trouve chez les mêmes Artiftes des pefe-
liqueurs pour les fels j des pefe-Iiqueurs pour
connoître les degrés de redification des liqueurs
fpiritueufes , & tous les petits inftruments en
verre dont on peut avoir bcfoin dans un labora-
toire , tels que des entonnoirs à longs tuyaux ,
pour introduire à^s liqueurs dans des cornues
fans falir leurs cols, &c. &:c. On trouve ces inf-
truments chez les faifeurs de thermomètres.
Acier Perica, qui demeure rue Saint Antoine,
eft un des meilleurs ouvriers dans cette partie.
Nous nous difpenferons d'entrer dans le détail
d'une infinité de petits objets que lebefoin indi-
que fuffifamment , tels qu'un réfervoir de plomb ,
ou une fontaine de grès ; vieux linges pour luter
&; elTuyer, linge de coutil pour la prelfe j ficelle,
bouchons , fable , & grès égrugé. Ce font les
Tome L k
cxlvj Prolégomènes.
Chandeliers qui vendent à Paiis ces dernières fub*
ftances. Ronds de nattes de ditFérentes grandeurs,
f>oar pofer les vailîeaux de verre qui n'ont point
e cul plat. Les Nattiers font ces ronds de nattes,
que Ton nomme valets dans les laboratoires. Des
boîtes de différentes grandeurs j fourneaux de
lampe : ce font les Ferblantiers qui les fabri-»
quent , 6cc. &c.
«j>*y *;ssî«* V^i-,
VOCABULAIRE
De plufieurs termes de Chym'ie,
A.
AlivAEst eft le nom que quelques Alc!iymifl-c<:
ont donné pour exprimer un diflolvant univcrfel.
Les Alchymiftes 3 voient imnginé pouvoir produira
un femblahle menftrue, & qui Kit propre a diC-
foudre indiftindement tous les corps de la Na^
ture j ils ont donne à ce prétendu menftrue le nom
faftueux è^alhaeji ou de dijjo/vjnt unïvcrfel. Ce
diirolvant univerfelcft un pioblCmequi peutctre
mis dans la cialle de ceux du verre malléable , de
la tranfmutation des métaux , du mouvement
perpétuel, ccc. Les diflérents corps font pourvus
de propriétés qui font relatives à leur nature \ il
faut à ces corps des diflblvants différents, ^5f'^an-
helmont a donné au nitre fixé par les charbons
le nom à'alkaeji , parceque cet Alchymiftecroyoic
que ce fel éroit un dilfolvant univerfel.
Alkalescent. On donne ce nom à des fub-
ftances légèrement alkalines , ou à celles qui le
deviennent en éprouvant le mouvement de pu-
tréfaction , & qui commencent à exhaler une
odeur d'alkali volatil.
Alkalisé. C'eft donner des propriétés alkali-
nes à des fubftances qui n'en avoient point , telles
que le nitre qu'on fiit détonner avec une ma-
tière inflammable j l'acide nitreux fe détruit, il
refte la bafe alkaline de ce fel. Il en eft de même
ilu tartre qu on fait brûler j l'acide de cette fub-
kij
cxlviij Vocabulaire.
tance fe détruit par la combuftion , & il refteun
fel aikali fixe : l'opération qui produit cet effet fe
nomme alkalïfer & alkalifatlon,
AiKooL. 0\\ donne ce nom à des poudres
réduites dans l'état de la plus grande ténuité.
On donne auffi ce nom à de l'efprit de vin rec-
tifié autanr qu'il peut l'être. Boerhaaveemployoit
le terme à'alkool pour défigner le principe in-
flammable le plus pur & réduira fon plus grand'
degré de {implicite.
Alliage. C'eft l'union des différentes matières
métalliques les unes avec les autres.
La fufion des métaux eft une condition abfolu-
ment néce (faire pour l'union des matières métal-
liques , mais elle ne fuffit pas pour* toutes : par
exemple , le plomb & le zinc , ou le plomb &c le
cobalt , ou le régule d'antimoine & le mercure ,
&:c. ne s'unififent point par ce feul moyen.
Les fubftances métalliques qui peuvent s'unir
par la fuiion , fourniffent des alliages qui ont
des propriétés différentes des métaux pris féparé-
ment. Les alliages métalliques ont moins de duc-
tilité que les métaux en particulier j ils font aulîî
pour l'ordinaire d'une pefanteur fpécifique plus
grande que les métaux. Cet effet provient de ce
que les métaux fe pénètrent mutuellement , &
que leurs parties fe logent réciproquement dans
les pores de ces mêmes métaux. %
Amalgame. C'eft l'union que peut former le
mercure avec les fubftances métalliques.
Apyre. Les Chymiftes & les Naturaliftes dé-
lignent par ce terme les fubftances infufibies , &
qui n'éprouvent aucune altération de la part du
Vocabulaire. cxlix
plus grand feu que l'on puilTe produire dans nos
j Fourneaux. Voye-:^ Réfradtaires.
! Athanor eft un fourneau ordinaire, à coté
j duquel on pratique au-delfiis du foyer une tour
[ dans laquelle on met une provifion de charbon
noir bien enfermé. Ce charbon tombe à mefure
que cela eft néceffaire dans le foyer du fourneau ,
à l'aide d'un plan incliné qu'on a difpofc au bas
de la tour 6c dans fon intérieur. On a imas;iné
ce fourneau afin de n'ctre point alTujetti à mettre
du charbon à tout moment \ l'origine de fon nom
viQntdQ piger he/iricus J fourneau des pareffeux.
Ce fourneau a toutes fortes d'inconvénients : le
charbon ne tombe pas , ou tombe en trop grande
quantité j & il eft difficile d'avoir im teu égal ,
quoiqu'il ait été imaginé pour produire cet etret.
B.
Bains. On nomme bains ^ différentes fub-
ftances qui fervent de milieu pour recevoir la
chaleur immédiate , &: pour la tranfmettre d'une
manière plus douce aux corps plongés ou placés
dans le centre de ces fubftances. Les matières
qu'on emploie le plus ordinairement font l'eau ÔC
le fable.
Lorfqu'on plonge dans de l'eau le vafe qui
contient les fubftances fur lefquelles on opère ,
cet appareil fe nomme bain-marie. Comme l'eau
qui a la liberté de s'évaporer , ne peut recevoic
qu'un degré de chaleur déterminé, on tranfmet
par fon moyen un degré de chaleur toujours égal.
Voyc-^ mes Eléments de Pharmacie ^ à l'article
Alambic à bain-marie ^ page iz , troifieme édi-
tion.
k iij
cl Vccahulaïre.
Si le vafe ne reçoit de la chaleur que par la
vapeur de l'eau , l'appareil porte le nom de haïn
de vapeurs.
On nomme bain de fable ^ l'appareil où le vaif-
feau eft renfermé dans du fable Ce bain efl: em-
ployé pour tempérer l'aclivité du feu nud ; mais ,
comme le fiible peut prendre tous les degrés de
chaleur qu'on veut lui appliquer , on peut regar-
der la chaleur du bain de fable égale à celle du
feu nud. Le fable a feulement l'avantage de re-
tenir les vaiffeaux dans la htuarion où on les a
placés , & d'empêcher ua peu leur affaillemcnt ,
s'ils viennent à fe ramollir par la violence du
feu.
Les Alchymiftes ont imaginé beaucoupde bains
inutiles , tels que de cendres , de limaille de
fer , &:c Toutes ces matières ne rempliifent pas
mieux que le fible les indications qu'on fe pro-
pofe , éc ne méritent abfolument aucune préfé-»
rence.
Le bain de fumier qu'on nomme aufîi bain de
vent'e de cheval ^ eft un bain imaginé par les Al-
chymiftes , qui ne vaut pas le bain-marie : le bain
de fumier confifte à placer dans un tas defumieu
un matras qui contient les fubftances qu'on veut
faire dipérer à une chaleur douce. Le fumier ne
fournit pas une chaleur égale \ elle eft forte au
commencement de la fermentation des matières
véeétales , & foible & même nulle fur la fin.
Base. On donne communément le nom do
hafe à Tune de deux fubftances unies & combi-
jiées , qui donne du corps & de la folidité à celle
qui n'en n'a point , comme cela fe rencontre dans
les Tels neutres compofés d'alkalis fixes , ou de m«-
I
Vocabulaire. cl|
tâl , ou de terre : cui dit alors hafe alkallne j bafe
métallique _, bafe terreufe j parceqne ces fubllances,
en fe combinant avec les acides , leur donnent
du corps ôc de la folidité.
BocARD fe dit des machines propres à piler les
mines dans les travaux en grand : ce font des pi-
lons mus dans des mortiers à l'aide dunco.urant
d'eau.
C.
CandÉfaction fe dit de l'acllon par laquelle
on fait rougir par l'adion du feu , un corps qui
ne contient pas alTez de matières combuftibles
pour qu'il puitTe fubfifter dans cet état \ il ne peut
relier rouge qu'à l'aide d'un feu étranger qu'oi*
lui applique.
Caput mortuum : voye-^ Rcfidu.
Circulation fe dit de l'adion par laquelle-
une liqueur enfermée dans un vailfeau , s'clev-
dans la partie iupcrieure , &c retombe continuele
lenient dans le même vaiffeau. Ces opérations fe,
font dans des vailîeaux de rencontre, dans des
pélicans , &c. Elles fe pratiquent pour ouvrir
ou pour combiner plus intimement des fubftances.
enfemble. Les Alchymiftes font beaucoup d'ufage
de ces opérations , &c elles font peut-être trop,
négligées dans la Chymie.
Coagulum. Efpece de gelée provenant d'une
ou de plufieurs liqueurs qu'on mêle enfemble. On
nomme coagulum le caillé du lait. Le mélange de
l'huile de chaux & de l'alkali fixe en liqoeur forme
lin magma épais que l'on nomme coagulum.
On dit quelquefois qu'un fel fe coagule , pout
k iv
clij Vocabulaire.
dire qu'il fe cryftallife j cette expreflîon eft aU
chymique.
CoHOBATiON. Opération par laquelle on dif-
tille une liqueur fur le marc refté dans l'alambic.
Cette opération fe fait lorfque la fubftance ^xe ,
foumife à l'adtion de la liqueur diftillée, n'a pas
été fuftîfamment pénétrée par une première diftil-
lation. Cette opération produit à peu près le même
effet que la circulation , mais elle en diffère à cer-
tains égards. Voye-^ ce mot.
CoNDiNSATiON. Ow entend par ce mot le
rapprochementdes parties d'une fubftance dilatée.
De l'eau réduite en vapeurs eft de l'eau dilatée.
Lorfque le froid oblige {q^ parties à fe rapprocher,
elles fe condenfent, occupent moins d'efpace &c
fe réduifent en eau : on dit alors que les vapeurs
de l'eau fe font condenfées.
D.
DÉCANTATION. Opération par laquelle on fé-
pare une liqueur de delTus un dépôt ou un marc.
On décante une liqueur en la verfant doucement
&par inclination.
Départ. On entend par ce mot la féparation
de l'or d'avec de l'argent par le moyen de l'eau
forte, à l'effet de connoître le titre de l'or j il eft
prefcrit par les Ordonnances d'allier l'or avec trois
parties d'argent. Voye-^ //;^i/i7rr. Si l'prétoit moins
allié , il défendroit une partie de l'argent de l'ac-
tion du dilTolvant , &■ le départ ne feroit point
«xa^lt.
Digestion. Séjour d'une liqueur fur une fub-
iUnce renfermée dans un vaifteau clos , tel qu uq
Vocabulaire. cliij
matras. La digeftion fe fait à froid , ou a la cha-
leur du foleil, ou à celle d'un bain de fable chauffé
inodérément. Cette opération ff tau pour extraire
ou pour difloudre quel»:jues fubftances à l'aide
d'une liqueur.
Dureté. Qualité qu'ont certains corps, & qui
confifte dans la difficulté qu'ils ont à le lailTer en-
tamer , ou dans la réfiRance qu'ils oppofent à la fé-
paration de leurs parties. Il y a une grande variété
entre les corps pour raifon de leur dureté : il n'y a
point de corps qui ait une dureté ablolue. Cette
propriété n'appartient vraifemblablement qu'aux
molécules primitives des éléments. Il eft difficile
de connoître la caufe de la dureté des autres corps ;
cette propriété n'eft point en raifojicompoféede la
compacité ni de la ténacité de leurs parties. L'or
ell le corps le plus pefant , &: celui dont les par-
ties ont le plus de ténacité , ^ il n'cll: point le
plus dur.
Les corps les plus aigres &: les plus caffants pa-
roiflent être les plus durs , cependant les demi-
métaux qui onx. ces propriétés ne font pas les
corps les plus durs. L'acier trempé eft fort aigre
& tort calTant , il eft auffi le plus dur parmi les
matières métalliques j mais il n'cft pas le plus
dur des corps de la Nature : une lime bien trempée
ne fait point de trace fur le diamant.
Les corps les plus durs font dans la clalTe des
pierres vitriHables \ mais celles qui font les plus
pures ne font pas les plus dures : le cryftal de roche
qui eft la terre vitriiîable la plus pure , parce-
qu'elle n'éprouve aucune altération de la part du
feu , n'eft pas (î dur que le diamant. Le caillou
eu pierjre à fufil , qui n'eft pas , à beaucoup près ,
cliv Vocabulaire.
une pierre aiifTi pure que le cryftal de roche , eft
plus dur que Ini ; il raie cette dernière fubftance ,
& le cryftal de roche ne peut rayer la pierre à fufil
noire. On peut juger de la dureté d'un corps par
la facilité qu'il a à rayer les autres : la pierre à uifil
noire raie & entame tous les corps. 11 n'y a peut-
être dans la Nature que le diamant qui foit plus
dur que la pierre à fulil noire. Si le diamant eft le
corps le plus dur , comme on doit le préfumer, &
après lui , la pierre à fufil noire , la dureté des
corps n'eft point en raifon de leur pureté , puif-
que le diamant & le caillou ne font pas les
pierres les plus pures -.cette propriété n'eft pas
non plus en raifon de leur pefanteur fpécifique ,
puifque les métaux qui font les corps les plus pc-
fants, font moins durs : enfin la dureté des corps
n'eft point en raifon de la ténacité des parties ,
puifque l'or qui eft le corps le plus tenace , neft
pas le plus dur. Il y a , comme on voit , une belle
fuite d'expériences à faire pour connoîrre lacaufe
de la dureté des corps. Tout ce que l'on peut dire
de pi us général quant à préfen t , eft qu'il paroit que
la dureté dépend beaucoup de l'arrangement &
de la figure des molécules primitives & confti-
tuantes des différents corps , fur lefquelles il eft
difficile, &: peut-être impofiible, d'acquérir quel-
cjues connoiflances.
E.
Edulcorer. C'eft adoucir une fubftance en fé-
paranr , par le moyen d'un lavage avec de l'eau ,
les matières falines qu'elle contient , comme lorf-
qu'on lave un précipité terreux ou métallique pour
le débarraffer des fels avec lefquels il eft mclé.
Effervescence. Mouvement qui fe produit
Vocabulaire. cly
dans une liqueur , & par lequel elle augmente ae
volume fans augmenter de poids, & dans laquelle
il fe produit une éhullition. L'effervefcence efl
ordinairement occafionnée par de l'air, ou par
quelque liquide réduit en vapeurs qui s'échap-
pent j l'un & l'autre, quoique dégagés, confer-
vent un peu d'adhérence avec la malTe : en fe
dilTipant, ils fouleventcettemalfeplus ou moins,
6c produifent le gonflement qu'on obferve. Du
Jait fur le feu , qui augmente de volume , efl: en
efFervefcence.
Eff^ervefcencc fe dit auflî du mouvement &: du
gonflement qui s'excite entre deux liqueurs qui
fe combinent , comme lorfqu'on verfe un acide
fur un alkali , ou lorfqu'on fait dillcudre une
fubft:ance feche par un acide. L'efïervefcence eft
ordinairement accompagnée de chaleur , mais pas
toujours : nous verrons dans le cours des opéra-
tions qu'il y a des eff^ervefcences qui produifent
du froid. Les efl^ervefcences font fuivies de petits
jets de liqueur qui font occafionnés , comir.e
nous venons de le dire , par l'air ou par cjuelqucs
fubfl^ances réduites en vapeurs, ^ fouvent par
tous les deux en même temps.
F.
FuLiGiNosiTÉ. On nomme ainfi une fuie lé-
gère qui s'attache aux corps froids fous la forme
d'une fleur , pendant la combufl:ion des matières
huileufes. On nomme fuligl no f té ,'7ietanicjue une
fuie légère qui fe forme également pendant la
combuflion des fubft:ances métalliques.
G.
GnANULER. Ceft réduû'e en grenailles ou me^
civj Vocabulaire.
nues parties un métal fondu. On le coule pour cet
effet doucement dans de l'eau , & on s'épargne
par ce moyen la peine de le limer ou de le couper
par petits morceaux.
I.
Incandescence eftla même chofe quecandé-
fadion : voye:^ ce mot.
Inquart ou Quartation. Opération par la-
quelle on ajoute à de l'or déjà allié d'argent , une
nouvelle quantité de ce dernier métal , pour que
l'or fe trouve faire le quart du poids de l'argent :
l'acide nitreux , par ce moyen , attaque plus faci-
lement l'argent. On fait ce mélange pour connoî-
tre le titre de l'or par le moyen du départ : voyc"^
Départ.
L.
Lut hermétique. Opération par laquelle on
ferme à la lampe d'Emailleur le col d'un vaifleau
de verre : ce lut n'en eft point un , c'eft une con-
tinuité du même vaiiTeau. Cette manière de fer-
mer les vaiffeaux vaut mieux que tous les luts
quelconques. Le nom hermétique lui a vraifem-
blablement été donné à caufe du Philofophe Her-
mès qui en faifoit beaucoup d'ufage dans fes opé-
rations alchymiques.
On dit aufli fceller hermétiquement pour déiî-
gnerl'adion de fermer à la lampe d'Emailleur les
vaifTeaux de verre.
M.
Macération. Cette opération confifte à faire
tremper des fubftances , foit à froid , foit à une
douce chaleur, dans une liqueur , pour les ramol-
yocahulalre. clvij
Hr, les ouvrir, les pénétrer , ou pour extraire
quelque principe prochain.
Menstrue. C'elt le nom ordinaire que l'on
donne à une liqueur qui peut dil^oudre en entier,
ou quipeutextraire feulement, certaines fubftan-
ces d'un corps. Les menftrues fervent à analyfer
les corps, & on adonné à l'analyfe faite par leur
moyen le nom âHanalyfc par les menftrues. Com-
me les corps qu'on peut analyfer varient à l'in-
fini , les menftrues qu'on peut employer font
aufïi de différente nature.' Les menftrues font
l'eau, l'efprit de vin , les huiles, les acides mi-
néraux &: végétaux , les fels alkalis fixes &c vo-
latils , les favons , &:c. &c. Des corps folides
font fouvent employés comme menftrues ; mais
il eft quelquefois néceffiire de les faire entrer
en fufion , & de les mettre dans l'état de flui-
dité, pour qu'ils puiffent agir fur les corps qu'on
leur préfente , tels que le plomb qu'on emploie
pour féparer l'argent uni au cuivre , comme cela
le pratique dans l'opération qu'on nomme lïqua-
tion. Les menftrues fecs &: folides s'emploient
ordinairement par la voie feche , comme les al-
kalis fixes , auxquels on veut faire diftbudre èits
matières terreufes j ces menftrues ne pourroient
dilToudre ces fubftances autrement.
R.
Rectificatton. Procédé par lequel ow faitfu-
bir à une fubftance une opération qu'elle a déjà
éprouvée , afin de la réduire dans un plus grand
degié de pureté : telle qu'une liqueur qui a déjà
étédiftillée, & qu'on diftille une féconde fois ;
ou une fubftance déjà fublimée qu'on fait iubli-
clvlij l'ocabulalre,
nier de nouveau \ un fel ciyftallifé qu'on d'iîoilt
dans de l'eau , 2>: qu'on fait reciyftalhfer. Sec. Ces
opérations fc font à delTein de pinihcr les liqueurs
pour les obtenir plus fpiuitueufes , ou pour dé-
Darralfer les fels fublimés ou cryftallifés des fub-
ftances étrangères qui pouvoient altérer leur pu-
reté.
Réfractaires fe dit des corps infufîbles au
plus grand feu que l'on puifiTe produire dans des
fourneaux , mais qui peuvent éprouver ou ne
point éprouver d'altération. La terre calcaire , par
exemple , eft réfraébaire , parcequ'elle eft infufi-
ble : mais elle n'eft point apyre , parcequ'elle
éprouve des altérations de la part du feu \ diftinc-
tion très luraineufeque M. Macquer fait dans fon
Dictionnaire de Chymie.
Résidu. On donne ce nom aux matières qui
reftent après les opérations. Les anciens Chymifîes
donnoient à ces mêmes fubftazices les noms de
cctput monuum ÔJ de terres damnées'^ ils enten-
doient déiigner par ces dénominations des fub-
ftances qui ne pouvoient rien fournir davantage.
Mais les Chymiftes , par ce mot , défignent feu-
lement les matières qui reftent après les opéra-
tions. Les réfidus font fouvent chargés de fub-
ftancesqui font plus elTentielles à connoître que
les produits des opérations mêmes.
Registres. On nomme ainfi de petites ou-
vertures qu'on pratique autour des f-ourneaux ,
& qu'on bouche avec des bouchons de terre cuire ,
dans le delfein de partager le courant de l'air , &
de diftribuer la chaleur plus également : mais on
fupprime aujourd'hui les regiftres des fourneaux.
J'^ocalulaire. dix
parcequ'ils ne produilent pas l'effet qu'on en at-
tendoir.
S.
Sang de Salamandrf. La falamandre efl:
un animal^ fabuleux que l'on dit pouvoir vivre
dans le feu. Les Alchymiftes ont nommé Ji^ng
de falamandre l'acide nirreux qui fe réduit en va-
peur rouge pendant les opérations \ mais ces dé-
nominations allégt)riques ne fervent qu'à voiler
leur ignorance.
Stratifier. C'eft placer lit fur lit des fub-
ftances de différente nature , dont l'une doit
porter fon aclionfur l'autre : lorfqu'on veut , par
exemple , convertir le fer en acier , on met alter-
r.ativement une couche de cément & une couche
de barreaux de fer \ ce que l'on continue jufqu'a
ce que le vaiflean foit rempli.
V.
Volatil. On nomme cor^^s volatils ceux qui
ont la propriété de fe difliper par l'aélion du feu.
11 y a une grande diverfité parmi les fubftances
qui ont cette propriété. 11 y a des corps , comme
l'efprit volatil de fel ammoniac, l'éthcr, l'efpric
de vin , certames huiles très red^ifiées , qui fe
dilîipentfans le fecours d'aucune chaleur , même
à une température de froid très confidérable. Il
paroît qu'il feroit difficile de déterminer n quelle
température de froid ces liqueurs cefleroient de
s'évaporer \ elles s'évaporent même plus rapide-
ment lorfqu'elles fontexpofées à un air très froid ,
que lorfqu'elles font expofées à un air tempéré.
c\t J^ocahuldire.
L'érat fec de l'air concribue beaucoup à leur cva-
poration.
Il y a des corps au contraire qui ne peuvent fe
didiper par la chaleur qui règne ordinairement
<lans l'air j il faut leur appliquer une chaleur plus
forte. Les uns s'évaporent au degré de chaleuf
de l'eau bouillante^ telles font les fleurs de ben-
join : d'autres ne peuvent fe difliper qu'à un de-
gré de chaleur fupérieur. Enfin il y en a qui ne
peuvent s'évaporer que lorfqu'ils font rougis a
blanc.
I
.^f^ #fe ^\,
\^ %# ^^''
CHYMIE
4 js^*-f-?*-;i^ <S<LciP*<Le!>^ è?"'^^'^-^ '
C H Y M I E
EXPÉRIMENTALE
E T
RAISONNÉ E.
Introduction a la Chymie.
L A Chvmie eu. une fcience fondée fur l'expc-
rience : elle a pour objet l'anaJyfe ou la dccom^
pofîtion de tous les corps de la Nature , & la coni-
binaifon de tous ces corps, ou de leurs principes ,
les uns avec les autres , pour former de nouveaux
compofés.
Plulleurs Chymiftes habiles font entrés dans
de très grands détails pour faire connoitre toute
l'utilité de cette fcience dans les arts : en effet ,
elle en a fourni plulleurs à la fociété , dont oii
auroit beaucoup de peine à fe palier aujourd'hui ;
tels que ceux de la verrerie , de la fonte des mi-
nes & des métaux. La Chymie porte tous les jours
fon flambeau dans les arts qui font de (on ref-
fort : elle en perfectionne , & elle en crée mémo
de nouveaux. Ses objets d'utilité font tout aufli
étendus dans la Phyfique expérimentale &c dans
THiftoire Natuxelie. Nous ne nous arrêterons pas
T^r?2€ /« A
a Chymie expérimentale
davantage fur cette matière , afin de ne point
groflir cet ouvrage de chofes qui ne font que de
pure curiofifc.
Objet de la Chymie.
L'objet de la Chymie efl: etTentielIement de
reconno'itre la nature &: les propriétés des corps
naturels. Mais avant de nous occuper de cet
objet , il convient de jetter un premier coup-d'œil
général fur les différents corps que nous offre la
Nature.
Les Chymiftes & les Naturaliftes font conve-
nus de divifer d'abord tous les corps naturels en
trois grandes claflcs qu'ils nomment règnes ; fa-
voir, le règne minéral ^ le règne végétal _^ & le
règne animal.
Les objets qui font du règne minéral , font
tous les corps que la Nature produit &: renferme
dans le fein de la terre : ces corps n'ont aucun
f)rincipe de vie ni de végétation : ils font abfo-
ument privés de toute efpece de faculté repro-
du6tive : la plupart ont feulement une forte d'ar-
rangement fymmétrique ou de cryftallifation.
Les corps de ce règne font les minéraux propre-
ment dits , qui fournilTent les métaux , les mé-
taux eux-mêmes, les pierres, les fables, les
terres de toutes efpeces , &c.
Les corps du règne végétal font tous ceux qui
végètent à la furface de la terre , & qui y font
attachés par des racines : c'eft par cqs racines
qu'ils tirent la plus grande partie de la nourriture
propre à leur accroiffement , mais non pas toute ,
car les feuilles & les tises en tirent aulfi de l'air
par leurs pores. Les végétaux font pourvus de
parties propres à la génération , &: fe reproduifent
par le moyen des graines j ce en quoi ils différent
tTîlAÎSÔNNil. I
des corps du règne minéral, comme nous venons
de le faire obferver. Les corps qui appartiennent
au règne végétal , font les arbres , les plantes , les
moufles , les gommes , les rélînes éc toutes les
fubftances qui en dépendent. Les végétaux ont
une forte dévie , un principe de mouvement qui
eft fuffifant pour élaborer &: perfectionner les
fubftances dont ils fe nourriflent , & pour les
aflimiler à la leur propre. Us ont même la faculté
de combiner pliifieurs principes , &: de produire
des compofcs très compliques que l'art n^eft pas
encore parvenu à imiter.
Enfin, les ctres qui compofent le règne animal ,
font ceux qui ont du fentiment , la faculté de fe
mouvoir , d'agir, de faire ufage des fens dont la
Nature les a doués , de fe reproduire Se de veiller
continuellement à leur confervation : tous les
êtres qui ont une partie ou la totalité des facultés
dont je viens de parler, font du règne animal.
Si les végétaux , comme nous 1 avons fait re-
marquer , ont la propriété d'élaborer les fub-
ftances qui fervent à leur nourriture , les animaux
1 ont la faculté d'élaborer d'une manière bien plus
t marquée , les fubftances qui fervent aufli à la leur.
Us changent tellement la nature des aliments
dont ils fe nonrrilfent , que la plupart des fub-
ftances , en palfant dans le corps animal , éprou-
vent , pour l'ordinaire , des changements 3c des al-
térations qui les dénaturent au point de les rendre
méconnoiïrables.
Toutes ces facultés des végétaux &: des animaux,
qui produifent , dans les uns & dans les autres ,
des effets qui ont entre eux ben.ucoup de reffem-
blance , ont conduit plufieurs Phyficiens à trou-
ver une fimilitude parfaite entre ces deux règnes:
Se ce n'eft pas taut-à-fait fans fondement j car
Aij
4 Chymie expérimentale
nous verrons dans un raornent , que les corps de
ces deux règnes ont encore des propriétés chymi-
ques qui leur font communes. Quoi qu'il en foie,
les animaux font pourvus defentiment : ils font ,
par cette faculté , faciles à diftinguer d'avec tous
les autres cttes de la nature , qui en font abfolu-
ment privés. En vain voudroit-on accorder du
fentimentà la plante que l'on novn\-nQ fenjidve ^
parcequ'elle lailfe pencher les feuilles qu'on tou-'
che , &c les feuilles voifuies de celles qui font
touchées. Cet effet doit plutôt ctre attribué à la
difpoiition des fibres nerveufes de la plante ,
mifes en jeu par un mouvement communiqué,
& peut-être par quelque commotion électrique
qu'on n'a pas même tenté de rechercher dans cet
effet.
Quelques Naturaliftes, ayant remarqué dans la
plupart des minéraux un arrangement fymmétri-
que , une cryftallifation , ont cru y reconnoître
une organifation à-peu-près femblable à celle
des végétaux àc des animaux. Le célèbre M. de
Buffon (i) croit même qu'on peut fe difpenfer de
diviferainû en trois grandes claffes les corps de
la Nature. Il penfe (\\ion peut defcsndrepar degrés
prefqiu infenfibles j de la créature la plus parfaite
jufquà la matière la plus informe j de l'animal
le mieux organifé jufquau minéral le plus brut.
M. Bonnet a développé cette idée dans les pre-
miers chapitres de fa Contemplation de la Nature,
Il y met fous les yeux des Leéteurs un tableau
très éloquent de la chaîne graduelle des êtres :
le néant eft à un bout de cette chaîne j l'exiftence
infinie occupe l'autre.
(i) Dans le premier volume de fon excellent Ouvrage
fur l'Hiftoire Naturelle, page ix de l'édition w-4?.
ET RAISONNE s. 5
Avant ces deux célèbres Ecrivains , Hombere
avoir cru devoir renoncer à la divinon commune
des produdions naturelles en trois claffes. On lit
dans les Mémoires de l'Académie ( année i yoz ,
page 34 ) , que ce Chymifte les réduifoit à deux :
i*'. les matières minérales : 2°. les matières vé-
gétales, d^ns lefque/Ics , dit-il, nous compren-
drons aujfjl les animaux ; car les plantes & les ani-
maux produifant les mêmes principes dans les
analyfes 3 il ne paraît pas qu on doive en faire deux
clajes différentes. Aufli , il m'arrivera fouvent de
les défigner colleéVivement fous les noms de corps
organises j 3c de corps corvhujlihles.
L'idée de MM. de Biiffon & Bonnet eft d'une
philofophic fublime quiTalfemble fous un point
de vue tous les êtres de la Nature , pour les con-
fidérer enfuite d'un même coup d'œil.
Mais on ne peut difconvenir que cette diftri-
bution générale des corps en trois règnes ne pa-
roiHe toute iimple , & qu'elle ne foit d'ailleurs
très commode pour mettre dans nos connoiflances
un ordre qui foulage la mémoire duPhyficien,
& l'œil du Naturalifte.
Celui-ci cependant , s'arrctant à des cara6leres
extérieurs pour diftinguer les corps , peut être
fouvent féduit par de faufTes apparences. Le Chy-
■mifte échappe i cette illufion par l'analyfe à la-
quelle il (ôumet les fubftances qu'on lui préfente.
Quelque défigurées qu'elles puilfent être , il les
reconnoît & faifit fur -le -champ le fecret de la
Nature. Nous ferons donc , fur la divifion des
trois règnes, plufieurs remarques qui viendront à
l'appui du fentiiïient de MM. de BufFou , Bonnet
&: Homberg.
Tous les corps organifés font eflentieltement
combuftibles , éc font aliment du feu, parcequ'ils
Aiij
i? Chymie expérimentale
font les feuls qui contiennent une fubftance
grafle & vraiment huileufe , qu'on fépare, par
l'analyfe , des matières végétales &c animales. Au
contraire , tous les corps qui appartiennent véri-
tablement au règne minéral , ne font point com-
buftibles, tant qu'ils font feuls : ils ne peuvent
fervir d'aliment au feu : ils doivent bien , à la
vérité , aux corps organifés le peu de fubftance
inflammable qu'ils contiennent ; mais elle n'eft
plus dans l'état huileux. Les corps de ce règne
ne fourniflent, dans toutes les opérations ordi-
naires de la Chymie, aucune fubftance huileufe.
Les matières végétales & animales , en féjournant
dans la terre , fouffrent des altérations confidé-
rables. Cette efpece d'épuifement les fait rentrer
dans le caractère des matières purement minéra-
les , tel que le phlogiftique qui entre dans la
compofîtion des métaux, & dont l'origine eft
due aux matières combuftibles. Cette obfervation
que je jette en paftant, fera difcutée : elle con-
firme l'idée des Physiciens que j'ai cités plus
haut.
A l'égard des matières huileufes Se des bitumes
qui fe trouvent dans plufîcurs endroits de la terre,
& même à des profondeurs confidérables , ils
doivent leur origine aux corps organifés qui fe
trouvent accidentellement au fein de la terre.
Ce font les débris des végétaux & des animaux
qui ont été engloutis par de grandes révolutions
qui arrivent de temps en temps à la furface de
notre globe.
Il refaite de ce que nous venons d'expofer ,
qu'on pourroit , à la rigueur , réduire à deux
grandes clafl^es tous les corps de la Nature ; favoir,
les corps organifés Se les minéraux. Le but de la
Nature eft de compofer de de déçompofer : elle
ET RAISONNÉ E. f
fait prefque toujours ces deux grandes opérations
en même temps , &c dans le même fujet. Pour y
parvenir , elle a départi aux corps organifés la
faculté de compofer toute la matière combulhble
qui exifte fur notre globe , en combinant les élé-
ments d'une manière qui leur eft propre , & y a
recelé , pour ainfi dire , la plus grande partie du
feu qui nous vient dufoleil.
La terre ouvre aulîi-tot fon fein pour engloutir
ôc détruire les corps organifcs qu'elle a fait croître:
elle s'approprie les éléments qui fe font combinés
à fa furtace , pour fe les diftribuer A fon gré : tel
eil , en deux mots , le fyftême général des grandes
opérations de la Nature ; mais toute furprenante
que pourra paroître cette idée , j'efpere la dé-
montrer dans tout fon jour j & faire voir en fon
lieu , que c'ell: aux corps organifés qu'on doit rap-
porter le fyllême général de l'organifation de la
croûte fuperticielle du globe , dans laquelle on a
pénétré.
Nous ferons voir , lorfque l'occafion fe pré-
fentera , les petites diftérences que l'analyfe
fait obferver entre les végétaux Se les animaux :
il fuffit de dire , quant à préfent , que les mi-
néraux qui font bien véritablement dans l'état
minéral , différent des corps organifés , en ce
que la matière combuftible qu'ils contiennent ,
eft dans l'état de (îccité parfaite , &C non dans l'é-
tat huileux , comme elle fe trouve dans les corps
organifés.
Telles font les propriétés les plus générales des
fubftances de la Nature, qu'il convenoit de faire
d'abord connoître , afin d'éviter un plus grand
nombre de généralités toujours difficiles à faille
dans les commencemeucs.
IV
1? ChYMIE EXPEKIMENTi^LE
Vc VAnalyfc ou de la Décompojîùon chymique
des corps.
On entend par analyfe ou décompofition chy-
mique des coips , la féparation. des principes qui
conrtituent les corps «-ompofés.
Les fubftances qu'on fépare des corps par leurs
analyfes, font hétérogènes entre elles, & ont des
propriétés différentes des corps d'où on les a fé-
parees.
Sur quoi nous obfervons que la divifion mé-
ehanique qu'on peut faire des corps , à l'aide des
inftruments tranchants ou contondants , eft infuf-
fifante pour opérer leur décompolition : on par^
vient bien à les réduire en molécules très déliées,
i leur faire préfenter plus de furface j mais il eft
împoflible , par ces moyens, d'en féparer leurs par-
ties conftituantes. Les plus petites parties d'un
corps très divifé ont elTentiellement les mêmes
propriétés que le corps avoir avant fa divifion , ex-
cepté celles qui peuvent appartenir à fon volume.
Nous pouvons rendre cela fenfible par un exem-
ple , & fiire voir en quoi l'analyfe diffère de la
divifion méchanique. Suppofons un corps corn-
pofé d'argent ^ de foufre. L'argent eft un métal
très fixe au feu \ le foufre eft une fubftance très
volatile. Si l'on expofe ce compofé à l'aétion du
feu , dans des vailteaux clos , le foufre s'élèvera
feul à la partie fupérieure des vaifleaux , & s'y
attachera ; l'argent, comme fixe , rcftera au fond
<lu vaiiïeau, & fera abfolument pur. Ainfi cela
formera une véritable analyfe , ou une féparation
des principes prochains qui compofoient le corps
^Qnt nous parlons, puifqu'on obtient féparément
les, parties conftituantes , qui font le foufre &
l'argent , fans (qu'ils aient fuM d'altération , &
ET MAISONNEE. 9
«jui ont, chacun féparément, des propriétés diffé-
rentes que lorfqu'iîs ctoient unis.
On nomme principes prochiZins ceux qu'on fé-
pare des corps pendant leur analyfe , tels que ces
principes exiftoien t , fans qu'ils aient fouffert d^al-
tciation. Ces mêmes principes prochains peuvent
fouvent être eux-mcmes décompofés en d'autres
fubftances ; &: ces fubftances peuvent encore être
décompofcesen d'autres fubftances plus fimples ,
& cela jufqu'à ce que les corps foient réduits aux
cléments primitits dont ils font eflentiellement
compofés. C'eft pour cette raifon que les Chy-
miftes font convenus de diftinguer en principes
prochains &: en principes primitifs-, les fubftances
qu'on fépare des corps pendant leur analyfe. Les
principes prochains peuvent être décompofés par
des opérations ultérieures ; mais les principes
primitifs ne font plus fufceptibles d'éprouver de
dccompolltion ni d'altération.
Il feroit abfolument impoflible de parvenir ,
par la fîmple divifion ou pulvérifation , à une
femblable décompofition. Les plus petites mo-
lécules du compofé contiendroient toujours de
l'argent & du foufre dans les mêmes proportions
qu'on les auroit fait entrer dans la maffe.
Ce moyen d'analyfer les corps n'eft pas tou-
jours efficace pour obtenir leurs principes , foit
prochains , foit primitifs : cela vient de ce que
tous les corps ne font ni également fimples , ni
également compofés, ni aufli faciles à décom-
pofer. Il y a, fur cet objet, une variété confidé-
rable. Il y a même plufieurs corps auxquels il eft
abfolument impoflible de caufer la moindre alté-
ration j ce font ceux que nous examinerons bien-
tôt fous le nom d'éléments ou de principes pri"
mitifs des corps.
ïo Chymie expérimentale
Il y a d'autres fubftances , & ce font les corps
organifés , qui font fi faciles à fe dénaturer, que ,
par ce moyen d'analyfer, il eft impoflible de
recueillir leurs principes prochains , tels qu'ils
exiftent dans ces corps. Ils fe trouvent tellement
dénaturés , après une femblable analyfe , qu'ils
font abfolument méconnoilTables. Ces difficultés
ont engagé les Chymiftes à chercher d'autres
moyens d'analyfer les corps , fans leur caufer
d'altération fenfible j & c'eft à quoi l'on eft par-
venu à l'aide de différents menftrues : de là font
venues ces diftindtions d'analyfe par le feu , ÔC
d'analyfe par le,s menftrues.
L' analyfe par le feu eft celle où l'on fe fert de
l'action immédiate du feu , pour décompofer les
corps , comme nous venons de le dire.
L' analyfe par les menjlrues conCiikQ à faire palier
fur les corps qu'on veut analyfer , des liqueurs de
différente nature , propres à ditfoudre fuccefli-
vement les fubftances qui entrent dans la compo-
fition des corps. Ce moyen s'emploie avec beau-
coup de fuccès pour féparer des végétaux de des
animaux leurs différents principes prochains , fans
leur caufer d'altération fenfible , fl ce n'eft de fe
trouver mêlés avec un peu du menftrue qu'on a
employé. Un exemple va donner une idée claire
de l'analyfe par les menftrues. Suppofons une
plante qui contienne de la gomme , de la réfine ,
du fel efî'entiel , &c. en paftant fucceifivement
fur cette plante de l'eau , de l'efprit de vin , de
l'éthèr , écc. on l'épuifera de fes principes pro-
chains. L'eau diftbudra les parties gommeufes Se
falnies j l'efprit de vin s'emparera de la partie
réfineufe , Ôc l'éthèr diftbudra , d'une manière
plus exade , cette fubftance réfineufe , que n'a-
ypit pu faire l'efprit de vin : il reftera enfin la
IT RAISONNES. Il
partie ligneufe du végétal , qu'on peut achever
«l'analyfer par le feu. 11 y a encore beaucoup d'au-
tres menftrues qu'on peut employer pour cette
efpece d'analyfe j tels font les acides minéraux
& végétaux , les fels alkalis fixes &: volatils , les
huiles grafTes & elTentielles , &c. Le choix des
menftrues dépend de la nature du corps qu'on
veut analyfer , & de la fubftance qu'on veut ex-
traire de ce même corps. Nous aurons occafion
de nous étendre davantage fur cette matière ,
lorfque nous ferons l'analyfe des fubftances vé-
gétales & animales.
De la Combinai/on ou Compojitïon chymique des
corps.
La combinaifon ou compofition chymique eft
l'union de plufieiu^s corps hétérogènes entre eux,
dont il réfulre un nouveau corps mixte qui a des
propriétés différentes & moyennes entre les fub-
ftances qui ont fervi à le former j c'eft ce que
Becker 6c Staahl ont nommé mixtionj&c que nous
nommerons combinaifon ou compojition chymi-
que.
Pour que la combinaifon ait lieu , il faut que
plufîeurscirconftancesconcourenten même temps.
I '^. Il eft évident que les fubftances qu'on veut
unir , doivent être hétérogènes entre elles j fi elles
étoient homogènes , il n'en réfulteroit pas une
combinaifon , mais une fimple addition de ma-
tière de mcme efpece. z°. Il faut que l'union fe
falfe entre les molécules intégrantes , qu'elles fe
juxtapofent entre elles , & qu'elles reftent adhé-
rentes dans cette juxtapofition ; car les fubftances
.pouvant fe féparer par le repos , comme de l'huile
qu'on auroit mêlée avec de l'eau par le moyen de
l'agitation , on n'auroit fait qu'une fimple divi-
12 Chymiï expérimeï;tale
fîon d'un corps par un autre , & non une combi-
naifon.
Expliquons maintenant ce que Ton entend
par les termes hétérogène , homogène^ &c ip2i: par-
ties intégrantes.
On entend par corps hétérogène ^ ou de diffé-
rente nature , des fubftances qui ont entre elles
des propriétés différentes , &:, en quelque forte,
oppofées l'une à l'autre ; lorfque ces fubftances
peuvent s'unir , adhérer enfemble , & former un
compofé , on leur donne le nom àQ principes ou
de parties conjiituantes , parcequ'elies fervent
effectivement de principes, ou de parties confti-
tuantes, au nouveau compofé qui réfulte de leur
union. Par exemple , un acide àc un alkali font
des corps de nature bien différente l'un de fau-
tr.e ; leurs propriétés font , en quelque forte ,
oppofées. Ces deux corps s'uniffent très bien , &
en s'uniffant, ils épuifent réciproquement leurs
propriétés particulières ; ce qui eft une condition
abfolument effentielle à la combinaifon. Le corps
qui réfulte de cette union , a des propriétés
moyennes entre les deux corps qui l'ont formé 5
ainfi l'acide & l'alkali deviennent les principes ,
ou les parties conftituantes , du nouveau com-
pofé.
On entend par corps x^n parties homogènes, des
fubftances qui font de même nature ; telles que
deux molécules détachées d'une même pierre ou
d'un même métal , deux gouttes d'eau , de\ix
gouttes d'une même huile , &c.
Enfin on entend p:ii: parties intégrantes ^ les
plus petites molécules féparées d'un corps , mais
qui confervent les propriétés du corps d'où elles
ont été féparées. On peut fuppofer cette divifion
portée à un tel excès , qu'il n'eft plus pofîible de
ÏT RAISONNE E. IJ
divifer davantage ces corps , fans les décompofer.
Teleft, par exemple, un corps dilToiis dans un
acide , qui eft tellement divifé , qu'il efl; réduit à
£cs molécules intégrantes, &c que l'acide empêche
de fe réunir. Si l'on prend une petite portion de
la dilTolution , on peut faire reparoître le corps
tel qu'il étoit, fans avoir lubid'altération jainlî ce
corps étoit feulement divifé , de non décompofé,
cependant avec les reftridions dont nous parle-
rons en (on lieu.
Lorfque deux corps homogènes , ou de même
nature , s'unifient enfemble , cela ne forme point
une compofition , mais une maffe qui a feulemenc
un plus grand volume :lorfqu'il y a union & ad-
hérence entre les parties de ce tour, cela produit
ce que Becker 8c Staahl ont nommé agrégation j
agrégat j 8c corps agrégé.
On voit par conféquent, qu'il y a une très
grande différence entre la compofition & l'agréga-
tion. Il eft bien elfentiel de ne point confondre ces
deux opérations , puifque l'agrégation ne produit
qu'une addition de malîe , ou qu'une addition de
parties femblables , ÔJ que la compofition , au
contraire , produit un nouveau corps qui diffère
eflentiellement des fubftances qui le compofenr.
Il réliilte de tout ce que nous avons dit jufqu'à
fréfent fur l'analyfe 6c fur la compofition , que
analyfe a pour objet la féparation des principes
qui conftituent les corps j & la compofition , au
contraire, a pour objet de réunir les principes
qui ont été féparés par l'analyfe , pour reformer
les compofés tels qu'ils étoient auparavant. Nous
pouvons rendre cela encore plus fenfîble par ua
exemple , en nous fervant des produits que nous
avons féparés du corps que nous avons pris poiy:
exemple d'analyfe.
14 ChYMÏE EXPért.IMEHTALE
Si l'on fait fondre dans uncreufet, l'argent que
nous avons féparé par l'analyfe , & qu'on ajoute
le foufre qu'on a pareillement obtenu par la fu-
blimation j ces deux fubftances s'uniront enfem-
ble j de reformeront le mcme compofé d'argent
& de foufre , tel qu'il étoit auparavant. 11 y a
dans laChymie beaucoup d'exemples femblables,
dont nous parlerons à mefure que l'occalion nous
en fournira les moyens.
Ces décompofitions & recompofitions fe font
avec exa6titude & rigoureufement y mais ce n'eft
encore que fur un très petit nombre de corps du
règne minéral , parcequ'ils font beaucoup plus
fîmples & moins faciles à fe détruire , que les
corps organifés. La Chymie & la Phyfique ne
font pas encore aiïez avancées pour opérer ces dé-
compofitions &z ces recompofitions fur une infi-
nité d'autres corps. Il y a même lieu de préfumer
que , quelques découvertes qu'on fafl^e à ce fujet ,
il reftera toujours un grand nombre de fubftan-
ces , fur lefquelles il fera toujours impofiible
d'appliquer ces opérations j tels font les végé-
taux ôc les animaux , parceque ces corps font
très compofés ; plufieurs de leurs principes pro-
chains font fi fugaces , qu'il fe diflîpe toujours
quelque chofe , même fans qu'on puifTe s'en ap-
percevoir : d'ailleurs , leur texture eft fi délicate
ôc fi bien organifée ^ qu'elle fe détruit com-
plettement dans routes les opérations de ce genre
qu'on leur faitfubir : & il eft impofiible , en unif-
fant leurs principes , de les faire reparoître tels
qu'ils étoient auparavant.
La plupart des Chymiftes-Phyficiens ont fait
beaucoup de recherches pour expliquer les phé-
nomènes de la combinaifon : ils les attribuent à
l'attradtion & à la pefanteur des corps : en effet.
ET RAISONNE B. I5
il paroîc difficile de les afligner à d'autres caufes.
Nous verrons dansuninftant, que ces deux effets
qui fe modifient différemment dans les opéra-
tions de la Chymie, font connus fous les noms
de rapports & d'affinités j & qu'ils font des pro-
priétés inhérentes de la matière , & la caufe de
prefque toutes les décompofitions ôc compofi-
tions chymiques.
M. de Buffcn dit ,13^. volume , édition i/z-4''.
page xij de la Nature , féconde vue : Si ^ juf-
quà ce jour j l'on a regardé ces laix d'affinité
comme diffiérentes de celles de la pefanteur j c'efl
faute de les avoir bien connues j bien fuivies ; c'ejl
faute d'avoir emhrajfé cet objet dans toute fon éten^
due. La figure qui , dans les corps célejies j ne fait
rien ^ ou prefque rien ^ à la loi de Vaclion des uns
furies autres , parceque la diflance efl très grande ,
faitj au contraire j prefque tout j lorfque la diflance
cjl très petite ou nulle.
Afin de fixer les idées qu'on doit fe former de
la combinaifon des corps , examinons comment
on peut concevoir cette grande & merveilleufe
opération , &: la difpofition que prennent entre
elles les fiibftances qui fe combinent. Je penfe
que l'attraiftion & la pefanreur font le nerf de
toutes les combinaifons; mais fi ces deux pro-
priétés font les mêmes , il faut cependant les dif-
tinguer , à l'égard des combinaifons chymiques ,
en ce que l'une & l'autre , dans nombre de cir-
conftances , paroiffent agir comme fi elles étoienc
indépendantes l'une de l'autre : nous pouvons
rendre cela plus fenfible par des exemples. La
pefanteur eft la propriété qu'ont les corps de
tomber en li^ne perpendiculaire à la furface de
la terre , lorique rien ne s'oppofe à leur chiite :
lorfque le corps eft arrivé à fon point de repos y
j/? Chymie expérimentale
il pefe fur le corps qu'il touche, avec tout foa
poids, comme corps pefaat : dan« les circonf-
tances ordinaires, on peut enlever ce corps à
l'aide d'un eftort égal à fon poids : tel eft ce que
l'on doit entendre par pefanteur feulement, &
indépendamment de toute autre propriété de la
matière.
Mais 11 ce corps , indépendamment de fa pe-
fanteur , a de l'adhérence avec celui fur lequel il
repofe , par exemple , un morceau de fer d'une
once , qu'on poferoit fur une pierre d'aimant ,
on fent bien qu'il taut d'abord un poids qui puiffe
agir avec une once de force , pour enlever ce
morceau de fer j mais il faut encore ajouter à
cette force un poids fuffifantpour rompre l'attrac-
tion que ces deux corps ont entre eux : il eft dif-
ficile de déterminer ce poids, parceque cela dé-
pend des points de contact, & de l'attraétion plus
ou moins forte entre ces corps. Ce que nous di-
fons arriver entre une pierre d'aimant & un mor-
ceau de fer , fe palTe entre les plus petites molé-
cules des corps qui fe combinent; & leur adhé-
rence eft d'autant plus forte , que les corps fe
touchent par un plus grand nombre de points de
contad , & que ces mêmes molécules ont plus
d'attradion entre elles.
11 fuit de là que la combinaifon fe fait effentiel-
lement entre les molécules intégrantes des corps
hétérogènes qui font mis en jeu , & qu'elles sen-
tre-divifent refpedivement les unes les autres ,
pour fe juxtapofer entre elles : c'eft dans cet inftant
d'union , que les corps qui fe combinent , font ou
ne font point d'effervefcence , produilent ou na
produifent point de chaleur , ablorbent ou laiifent
dégager de l'air , & tous les autres phénomènes
,qui accompagnent la combinaifon en général.
Comme
ÏT RAISONNÉ Ë. %'/
Comme la matière eft abfolument impénétrable |
il eft difficile de concevoir la combmaifon autre-
ment que comme une juxtapofition de molécule*
intégrantes à molécules intégrantes ^ (î nou^
avions des oraanes affez déliés , ou des inftrumentS
d'optique allez bons ^ on dilbngueroit dans un
compofé lesdirtérentes molécules qui forment icà
corps , & on les verroit placées, en toutfcnS) ieâ
unes à côté des autres. Un mélange , parexemplè^
de poudre bleue & de poudre verte forme une cou-
leur jaune , é:ant regardé à la vue fnnple \ mais , U
on l'examine à l'aide d'une bonne loupe, on y dif^
tingue les deux couleurs primitives. Pour faire
comprendre à ceux qui ne lont pas fulfifammeiiÊ
initiés dans la phyfiqué , ce que l'on entend par ini*
pénétrabilité de la matière , nous pouvons citer ici.
uneexpérience connue de tous les PhyHciens. Lors-
qu'on entonce un clou dans une pièce de bois j ce
clou déplace feulement les fibres pour fe faire unô
entrée^ mais il ne peut ni percer ni pénétrer li
fubftance propre du bois. IliepalTedans le^ coni-
binaifons chymiques quelque chofe de compa-»
rable à cet effet , relativement à l'impcnécrabilité ^
avec cette différence cependant j que le clou n'êft
point combiné avec le bois : il n'eft ni divif<^ ^ ni
dans l'état propre à la combinaifon : il n'eft pas
nicme adhérent à la fubftance propre du bois { il
n'eft retenu que par la prelfion ôc l'élafticité âei
fibres du bois ; au lieu que la combinaifon fe fait
immédiatement entre les molécules intégrante^
des corps , qui fe placent les unes à côté des au-
tres , fans fe pénétrer. C'eft de leur adhérence mu-
tuelle , que réfulte la combinaifon , en vertu dû
Tattradion qu'elles ont entre elles.
Nous obferverons que tous les corps de la Hâ-*
ture doivent ctre confidérés comme étant comf>a-=
Tome L B
'ï& ChYMIE EXPERIMENTAIS
fés de molécules infiniment petites j mais on doîc
fuppofer en mcme temps , que les molécules de
tous les corps ne font pas toutes de la même té-
nuité. Il y a fur cet objet une diverfité confidé-
rable j & c'eft à cette diverfité qu'on doit rappor-
ter celle qu'on remarque dans les combinaifons,
Ibit par leur plus ou leur moins d'adhérence ,
ou par le plus ou le moins de facilité qu'elles
préfentent à fe lailTer décompofer. Tout ce que
l'on peut dire de plus général fur cette matière,
c'eft qu'il paroît que les combinaifons les plus
parfaites font celles qui fe font entre des corps
dont les molécules intégrantes font les plus petites
ou les plus ténues , de qui ont en même temps la
plus forte attraétion entre elles. Ce ne peut être
qu'à ces diverfités , qu'on doit rapporter certains
effets que plufieurs combinaifons falines préfen-
tent dans beaucoup d'expériences, effets qui font
différents de ceux auxquels on devoit s'attendre.
Il y a certains fels , par exemple, que l'on croiroic
ne devoir point changer les couleurs bleues des
végétaux , &c qui néanmoins les changent : tels
que la terre foliée de tartre , le nitre à bafe ter-
reufe , le fel marin à bafe terreufe , qui rougiffent
d'abord la couleur du fyrop violât, & la rendent
verte un inftant après : tous ces effets ne peuvent
être attribués qu'à une combinaifon peu intime ,
qui laifle les fubftances propres de la combinaifon
agir l'une après l'autre j ce qui femble indiquer
que cette combinaifon s'eft faite entre des mo-
lécules intégrantes , moins déliées que celles
des combinaifons de même efpece, qui ne pro-
duifent pas de femblables effets. L'acide des
combinaifons dont nous parlons , agit d'abord
fur la couleur bleue des végétaux, comme fi cet '
acide ctoit libre j de i'alkali ou la terre de ce$
ET RAISONNÉ E* ^0
îêls lie produic fon effet qu'en dernier lieu.
Confiaérons maintenant les phénomènes de
Gompofition ôc de décompofîtion , fous un point
de vue plus général , fous celui qu'on eft convenu
de nommer rapport ou affinité.
Sur les Affinités chymiques.
Lorfque deux corps libres , éloignés l'un de
l'autre , s'approchent mutuellement (xns qu'au-
cune caufe extérieure les poulfe l'un vers l'autre,
les Phyficiens ont donné à ce phénomène le nom
d\iuracîwn ; &z celui de vertu attractive à la caufe
qui le produit, quand ces effets fe partent fur les
corps en malles, Se non fur les molécules primi^
tives de ces corps.
Cette propriété de la matière porte en parti-
culier le nom de gravitation j quand les corps
qui agiffent l'un fur l'autre , font fort éloignés :
par exemple , l'action que le foleil &c la terre
exercent réciproquement l'un fur l'autre pour fe
rapprocher Se s'unir , a été nommée gravitation.
On a donne à cette même propriété de la ma-
tière le nom de cohéjîon ou èi! adhérence j lorfque
les corps c|ui agiffent l'un fur l'autre, fe touchent
immédiatement , & qu'ils adhèrent entre eux.
Enfin on a nommé cette propriété rapport ou af-
finité ^ lorfque les phénomènes qu'elle préfente
fe palfent dans les opérations de la chymie, foit
que ces effets aient lieu entre les molécules inté-
grantes des corps , ou entre les éléments de ces
mêmes corps ; mais , fous quelque dénomination
que l'on confidere les effets dont nous parlons ,ils
dépendent abfolument de la même caufe.
Nous détiniffons les affinités chymiques , une
tendance qu'ont les parties de la matière pour
s'unir & adhérer enfemble , foit que ces parties
Bij
20 Chymie expérimentale
foieiic homogènes , foit qu'elles foient hécéro-
genes.
L'adhérence de deux furfaces très polies , ap-
pliquées l'une fur l'aucre j la tendance qu'ont l'une
vers l'autre deux gouttes d'eau , deux gouttes
d'huile , deux gouttes de mercure, ou de quel-
que Huide de mcme efpece , placées l'une près de
l'autre , qui fe réuniireiit & fe confondent en une
feule malfe ; l'afcenllon des liqueurs dans les
tuyaux capillaires j la dilfolution des corps ; l'at-
tradion du fer & de l'aimant , & celle des matiè-
res vers les corps électriques , 8cc. ( effets qui ont
également lieu à l'air comme dans le vuide ; ) la
gravitation & le mouvement de tout le fyftcme
planétaire , font autant de phénomènes du même
genre , &c qui paroiirent dépendants de la même
caufe.
La Chymie Se la Phyfique ne font pas encore
aiïez avancées pour expliquer la caufe de l'attrac-
tion. Plulieurs habiles Phyficiens ont examiné
avec foin les phénomènes de l'attraction j mais
ils n'ont point entrepris d'expliquer ces phéno-
mènes , parcequ'ils font au-delfus de nosconnoif-
fances aétuelles. En effet , pour pouvoir en rendre
faifon , il faudroit connoître la caufe du mouve-
ment que font les corps pour s'approcher l'un vers
l'autre j s'alfurer ii ce mouvement dépend d'un
principe interne qui attire les corps , ou d'un
principe externe qui les repouffe. Cette propriété,
quelle qu'en foit la caufe , paioit aulîi inhérente
à la matière , que fon étendue ôt fon impénétra-
bilité.
Quelques Chymiftes ont rangé les affinités chy-
miques dans la claflTe de ces fyltêmes ingénieux ,
faits pour fubfifter jufqu'à ce que d'autres vien-
nent les détruire j mais il sea faut de beaucoup
ET RAISONNE E. 21
que les affinités foient dans cette claffe : onob-
ferve que certains corps s'unilTent enfemble avec
une grande facilité, que d'autres ne fe combinent
que difficilement , &: qu'enfin il y en a qui re-
fufent de contrader aucune union pai* tous les
moyens connus jufqu'à préfent j mais, parce-
qu'on n'eft pas encore parvenu à combiner ces
corps , on auroit tort de conclure qu'ils n'ont en-
femble aucune affinité , il y a au contraire tout lieu
de penfer qu'on y parviendroit par des moyens
plus recherchés : c'ci\ effedivement ce à quoi je
luis parvenu fur un certain nombre de corps qu'on
avoir toujours penfé ne pouvoir pas s'unu' enfem-
ble , comme nous le ferons remarquer à mefure
que les occafions s'en préfenteront.
Ainfi , déterminer , par un nombre fuffifanr
d'expériences, l'ordre dans lequel les différents
corps peuvent s'unir fucceffivement les uns aux
autres , & le mcmc ordre dans lequel ils le fépa-
rent les uns des autres , eft un fervice des plus
importants qu'on puilTe rendre à la Chymie. Feu
Geoftroy, Médecin, eft le premier qui ait penfé
à réunir en une table les rapports ou affinités
fondamentales de la Chymie (i). Cette table eft
fujette à plufieurs exceptions &à plufîeurs chan-
gements que nous ferons remarquer à mefure que
les occafions s'en préfenteront ; néanmoins elle
forme un tableau ou un enchaînement de con-
noiffimces qui ont répandu beaucoup de lumière
dans la Chymie & dans la Phyfique.
M. Geller a augmenté confidérablement cette
table , comme on le voit dans Con excellent Ou-
vrage qui a pour titre Chymie metaHique.
L'Académie de Rouen propofa les affinités chy^
(i) Volume de l'Académie , amiée 1718.
Bii|
il Chymie expérimentale
miques, pour le fujet de fon prix de l'année 1758,
Ce furent MM. Jean - Philippe de Limbourg ,
Docteur en Médecine , & Sage , fils , Maître de
Philofophie & de Mathématiques à Genève , qui
remportèrent le prix. Il fut partagé entre eux ,
comme ayant rcfolu , chacun de leur côté , la
moitié de la queftion. Le premier traita les affi-
nités en Chymifte^ ôc le fécond les conûdéra
en Phyficien-Géometre. En effet , il paroît que,
pour pouvoir bien traiter cette matière , il faut
réunir & faire ufage des connoilfances chymiques
de mathématiques.
M. Macquer a donné , dans fon Dictionnaire
de Chymie , un très bon article fur les affinités
chymiques. Il fait une divifion méthodique en
quatre claiTes, des différents états où l'on ren-
contre les affinités dans les opérations de la Chy-
mie j quoique d'ailleurs il n'admette , avec
tous les bons Chymiftes-Phyflciens , qu'une feule
efpece d'affinité qui eft abfolument la même , &
qu'il reconnoît venir de la même caufe.
Les différentes tables des rapports , publiées
jufqu'à préfent , n'indiquent point fi les affini-
tés qu'on y expofe, ont lieu par la voie feche ou
par la voie humide. Comme j'ai obfervé que
les réfultats ne font pas toujours les mêmes , je
propofe deux tables des rapports : l'une indique
l'ordre des affinités des corps par la voie humide ,
êc la féconde indique le même ordre des affinités
par la voiefcche : ce font les feules manières d'o-
pérer dans la Chymie. Je penfe qu'au moyen de
ces deux tables , on peut établir les affinités avec
plus d'ordre , d'exadtitude &: de précifion , qu'on
n'a pu le faire jufqu'à préfent. Les affinités éta-
blies fous ces deux points de vue, font plus mé-
thodiques 6c plus cojiformes aux différente? rpa*
1 T R A I S O N N É E. tf
hieres d'opérer. Je ferai remarquer , à mefure que
les occafions fe préfenteront , qu'il y a une in-
finité de circonftances , où des corps qui ont en-
femble la plus grande affinité par la voie humide ,
ne l'ont que très fioible par la voie feche , & vice
versa; c'eft ce qui me fait penfer que cette double
table feroit extrêmement utile.
Les affinités chymiques dépendent efîentielle-
ment d'une feule & même caufe qui eft l'attrac-
tion y mais cette propriété de la matière fe mo-
difie , ôc préfente dans les opérations différents
effets qui font relatifs à l'état des fubftances
qu'on met en jeu. Nous penfons qu'on peut con-
fidérer fous huit cas différents , les principaux
phénomènes qui ont rapport aux affinités chymi-
ques. Nous nous contenterons d'expofer ici quel-
ques exemples de chacun des difrérents cas fous
lefquels fe manifellent les affinités chymiques.
De plus grands détails feroient déplacés , ^ de-
manderoient la connoiflance de rnure laChymiej
mais nous ne manquerons pas de iaire remarquer,
dans le cours de cet Ouvrage , les autres expé-
riences qui ont rapport aux affinités.
i". affinité d'adhérence ou de cohéjion.
L'affinité d'adhérence ou de cohéfion efl la
tendance qu'ont les corps pour fe porter l'un vers
l'autre , & la force qu'ils emploient pour s'oppo-
fer à leur féparation.
Expérience.
On prend deux morceaux de glace bien polie 5,
on les afTujettit , chacun féparément, avec du
maflic , fur deux morceaux de liège.
On fixe fur une table l'une des deux pièces ,
en obfervant que la glace fe trouve en defîus : 011
Biv
J4 Chymie expérimentale
ppfe enfuite l'autre glace fur celle qu'on vient
craffujettir, en la frottant circulairement, &en
appuyant un peu fort. Si l'on vient à lever la
glace f upérieure , on obferve qu'elle tient, comme
fi elle étoit collée fur la glace inférieure ; il faut ,
pour l'en détacher , employer une force fupé-
îieure à fon poids. Si l'on mer une goutte d'huile
entre ces deux glaces, elle augmente davantage
les points de contacb, & Tadhérence devient beau-
coup plus foi te. M. Muiïchenbroek, célèbre Phy-
fiaen (Ejjals de Phy/ique , tome i , page 171, )
a obfervé que deux boules de cryftal , qui fe
touchoient réciproquement par deux fegments
ronds, d'un dixième de pouce de diamètre, adhé-
rèrent enfemble avec une telle force , qu'il fallut
employer un poids de dix-neuf onces de plus que
le poids d'une des deux boules pour les détacher.
M. Defaguilliersa obfervé, dans une expérience
femblable , faite avec deux balles de plomb ,
qu'elles tinrent avec une force égale à quatre-
vingts livres , & quelquefois à cent livres. J'ai
vu une pierre d'aimant pefant une once , qui
fpulevoit un poids de fept livres.
L'afcenfion des liqueurs dans les tuyaux ca-
pillaires , l'attradion de l'aimant , celles des
corps éledriques, &c. font autant d'exemples
4e cette efpece d'affiniré à laquelle les Phyfi-
ciens ont donné le nom ^attraciion j & quî
Tious nommons affinité ^adhérence ou de cohé-
fion j afin de la diftinguer de l'affinité d'agréga-
tion dont nous parlerons dans un inftant. Dans
l'affinité d'adhérence , il n'y a point une véri-
table union entre les corps : les parties de la
matière de l'un confervent la pofition qu'elles
avoient à l'égard des parties de la matière de
l'autre, Ce genre d'affinité n'a lieu que pour Içs
ET RAISONNE E. 1^
corps qui ne peuvent fe mêler ni fe confondre ,
mais feulement adhérer enfemble , foit qu'ils
foient homogènes , foit qu'ils foient hétérogènes :
mais , lorfque , par des moyens chymiques , on
les mêle par la fuiion ou autrement ; il en réfulte
une compolition , fi les corps qu'on met en jeu
font de nature différente j il n'en réfulte au con-
traire qu'une agrégation , fi ces corps font d©
même efpece.
Nous obferverons que cette affinité a lieu dans
une infinité d'opérations de chymie ; 6^ fur-
tout à l'égard des précipités terreux & métalli-
ques , qu'on laifle fécher fans les remuer. Les
parties de la matière prejinent entre elles,' à la
Faveur de l'eau , un arrangement fymmétriquc ,
&: une adhérence qui eft telle , que plufieurs ne
fe laifTent divifer qu'avec beaucoup de difficulté.
Si , au contraire , on les remue fouvent pendant
leur defliccation , on détruit cet arrangement ,
avant que les parties aient acquis toute leur
adhérence. Ces précipités font alors prefque
fans confiftance , de deviennent très faciles à di-
vifer. Cette affinité a encore lieu à l'égard des
cryftaux de fels qui fe font formés dans des li-
queurs acides ou alkalines. Ces fubftances adhè-
rent aux cryftaux de fels avec une certaine force ,
fans être combinés : il faut, pour les féparer, une
force plus grande.
Cette affinité d'adhérence ou de cohéfion ne
•borne pas feulement fa puillance dans les labora-
toires de chymie , elle a également lieu à l'égard
-des terres très divifées que les rivières charrient &
dépofent , lorfque leurs molécules font de nature
à avoir beaucoup d'affinité entre elles. Elles pren-
nent , à la faveur de l'eau dans laquelle elles fe
^meuvent librement, l'arrangement fymmétriquc
î^ GhYMIE EXrÉRIMENTALE
qui leur cft propre : il en réfulte , par le laps de
temps j une pierre plus ou moins dure , fuivant
l'arrangement &c la nature des molécules confti-
tuantes.
Tous les corps de la nature n'ont pas , à beau-
coup près , la même dureté ni la même folidiré.
11 y en a, comme la craie , dont les parties inté-
grantes font fi peu liées entre elles , qu'on peut
détruire leur adhérence par un léger frottement
entre les doigts ; tandis qu'au contraire , il y a
d'autres corps dont les molécules intégrantes ont
une adhérence Ci forte , qu'il faut , pour la dé-
truire , employer une force très confidérable ;
tels font les pierres vitrifiables , les minéraux , Sec.
On peut déduire de ces différentes propriétés ,
que la force attradive qui s'exerce entre les mo -
lécules intégrantes des corps ou entre leurs élé-
ments , n'efl pas toujours précifément du même
nombre de degrés. Si , lorfque les parties de la
matière fe portent les unes vers les autres , pour
adhérer enfemble j fi, dis-je, cette force attrac-
tive avoir lieu avec tout fon pouvoir abfolu , 8c
que rien ne diminuât ou ne s'opposât à cette ac-
tion, il devroit néceffairement en réfulter des
corps d'une fî grande denfité, qu'ils feroient peut-
être mille fois plus pefants que l'or. 11 en leroit
de même , fi cette force d'attra6lion , fans être
abfolue , agi(Toit conftamment avec un même de-
gré de force entre les molécules difpofées à ad-
hérer enfemble ; il en réfulteroit des corps qui
feroient entre eux d'une denfité égale. Or, comme
nous venons de le faire obferver , il y a , à cet
cgard, une très grande variété : on en peut con-
clure que l'attraétion exerce fon aétion à des de-
grés de diflance différents , qui font relatifs a la
jiature des corps,& à une infinité de circonftances.
I
ET RAISONNE E. ly
îl fera peut-ctre toujours impolllble de pouvoir
obferver & conftater les degrés de force de ces
effets dans les différents corps , &c déterminer les
diftances où cette vertu atiradtive ceffe d'agir.
La caufe qui s'oppofe à l'attradtion abfolue ,
a été reconnue par les Phyficiens à l'égard des
corps céleftes j ils lui ont donné le nom de répul-
Jïon j c'eft-à-dire , une force tout aulîi réelle que
l'attradion , qui repouffe les corps , après qu'ils
fe font approchés à un certain point , 6c qui les
empêche de fe réunir. Il paroît que c'efl de ces
deux forces , attraclion &c répuljîon j bien ordon-
nées , que réfulte l'équilibre & la parfaite har-
monie qu'il a plu au Créateur d'établir dans l'uni-
vers. Cette répulllon , quoique caufe féconde , de
foumife aux Icix de l'attradlion , eft une propriété
inhérente à la matière : cette propriété agit con-
jointement avec l'attraétion , jufques dans les élé-
ments des corps. Se dans toutes les opérations de
la Chymie. 11 paroît même que c'elf de ces deux
effets réunis , ôc de leurs différents degrés d'ac-
tion , que réfulte la vnriété qu'on obferve dans
la dureté 6c dans la dcnfité des corps ; cette ré-
pulfion n'influe pas moins dans les phénomènes
de leur compoiition ôc dans ceux de leur décom-
pofuion.
Beaucoup de Phyficiens ont rejette la répulfion
que Newton avoit reconnue dans les corps fublu-
naires. Ils ont regardé cette propriété comme chi-
mérique , parcequ'elle n'étoic pas appuyée fur un
nombre fuffifant d'expériences 6c d'obfervations j
mais , Il l'on jette un coup d'œil fur beaucoup
d'opérations de chymie , on ne pourra s'empêcher
d'admettre une propriété répulfive dans les corps.
Lorfque nous parlerons de la cryftallifation des
(els y jious nous étendrons davantage fur cette ma-
28 Chymie expérimentale
tiere : nous ferons voir des expériences très fa-
vorables au fyftême de la répulfion,
1 " . affinité d^agrégation»
L'affinité d'agrégation eft l'attradion & l'ad-
nérence des corps de mcme efpece dans l'état de
liquidité , pour former des mafïes plus grofles ,
mais de même nature.
On place fur un papier huilé , deux gouttes
d'eau , diftantes l'une de l'autre d'environ une
ligne : un inftant après , on voit qu'elles font
effort pour fe rapprocher ; elles fe rapprochent
en effet , & fe réuniirent avec un mouvement
accéléré. Deux gouttes de mercure placées , dans
Iqs mêmes circonftances , fur une feuille de pa-
pier, fe réunirent également avec un mouve-
ment accéléré. Il y a beaucoup d'autres expé-
riences , dépendantes de la même caufe , où
deux gouttes de liqueurs homogènes fe réuniffent
de la même manière j tandis que deux gouttes de
liqueurs hétérogènes, comme une goutte d'eau
& une goutte d'huile , loin de fe réunir , fem-
blent , au contraire , fe repouffer.
Il eft bon de prévenir , lorfqu'on fait cqs expé-
riences, de pofer les gouttes de liqueurs fur des
corps auxquels elles n'aient point une difpofition
à s'unir : par exemple, fi l'on mettoit les deux
gouttes d'eau fur du papier fans être huilé , cette
affinité ne fe manifefteroit point, l'eau s'imbibe-
roit dans le papier, & cette imbibition s'oppoferoit
au phénomène de la tendance. La même chofe
arriveroit fi on plaçoit des gouttes de mercure
fur une plaque de plomb ou d'étain , &c.
Comme l'agrégation emporte nécefiairement
avec elle l'union &: le mélange intime des corps
tqu'pn met en jeu , de manière qu'on ne puifTe
ET RAÎSONNiE. i^
pas diftinguer les parties qui étoient a droite
d'avec celles qui étoient à gauche ; il s'enfuie
que ce cas d'aftinité ne peut avoir lieu qu'avec
des corps qui font dans l'état de liquidité ,
comme font les liquides dont nous venons de
parler , ou deux gouttes de métal de même ef-
pece , en fufion , qu'on placeroit l'une à côté de
l'autre. Ce en quoi cette efpece d'affinité diftere
de l'affinité d'adhérence , eft que dans cette der-
nière affinité , qui a lieu entre les corps folides
de même efpece , oud'efpece différente , ou entre
un corps folide & un corps liquide , les corps ne
peuvent fe mêler ni fe confondre.
Les exemples d'affinité d'agrégation que j'ai
rapportes , prouvent que l'attradion agit fur les
petites parties des corps dans l'état de liquidité ,
comme fur les corps folides j au refte ces faits
peuvent être également cités comme des exemples
d'affinité d'attradtion &c d'affinité d'agrégation :
mais fi l'on veut voir les effets de cette dernière
affinité d'une manière plus fenfible , on peut
mêler un verre d'eau avec un verre d'eau, ou uîi
verre d'huile avec un verre d'huile , ou une livre
de plomb fondu avec une livre de plomb fondu j
ces expériences font toutes autant d'exemples
d'affinités d'agrégation. Mais fi , par l'agitation ,
on mêle intimement un verre d'eau & un verre
d'huile , ou que , par la fufion , on mêle du fer
&■ du cuivre , ces deux mélanges ne formeront
point d'agrégation , parceque l'huile &c l'eau ne
font pas des corps de même efpece , non plus
que le fer ôc le cuivre. Le fimple repos occa-
nonnera la féparation de l'huile d'avec l'eau ; ôC
l'on obfervera , dans le mélange de fer & de cui-
vre , que ces métaux ne font pas parfaitement
unis j ils feront difpetfés dans la maif*? d'une ma-
^O ChYMIE EXPERIMENTALE
niere très diftinde , Se on pourra les féparer l'urf
de l'ancre avec un marteau & un cifeau.
Il en eft de même d'un tas de briques ou de
fable : ce n'eft point une agrégation , mais un
amas de matière. Si l'on procure au fable , ou à
la brique , le degré de chaleur convenable poui*
les faire entrer en fulion , alors les parties fe réu-
nilfent ; elles forment une maife uniforme j il
en réfulte une agrégation. Ainfi , pour que l'agré-
gation ait véritablement lieu, il faut, comme
nous l'avons déjà dit , que les corps foient ho-
mogènes entre eux , &c dans un état de liquidité ,
afin que l'union des parties puilfe fe faire.
3°. Jlffinué compofée de deux corps , d'oà il réfuhc
une combinai fort.
Cette affinité a lieu à l'égard de deux corps hé-
térogènes qui agilfent mutuellement l'un fur l'au-
tre , en épuifant réciproquement leurs propriétés
particulières. 11 réfulte de leur union un nouveau
corps compofé qui a des propriétés moyennes
entre les corps qui ont fervi à le former.
Expérience.
On met dans un verre un morceau de marbre
blanc : on verfe par-delfus environ trois ou qua-
tre fois fon poids d'acide nitreux : aufii-tôt l'acide
agit fur le marbre : il fe fait une effervefcence
qui dur-î tant qu'il y a du marbre $^ de l'acide
nitreux en état d'agir : le marbre difparoît en en-
tier , fi l'on a employé fuffifamment d'acide.
Après que la diffolution eft faite , &; qu'elle
eft bien faturée , il réfulte une liqueur qui a des
propriétés moyennes entre celles de l'acide &:
celles du marbre.
Le marbre n'a ni odeur ni faveur \ l'acide ni-
fe T R A I S O N N i e1 '^l"
freux a une odeur forte , & une faveur violem-
ment aigre,qui agace les dents. Ce dernier partage
{es propriétés avec le marbre blanc : le compofé
qui réfulte de leur union , a infiniment moins
d'odeur , moins de faveur que n'en a l'acide ni-
treux pur : celle de ce compofé n'eft plus aigre ;
elle eft feulement falée , un peu amere 8c pi-
quante 'j mais on n'y reconnoît plus les propriétés
de l'acide nitreux pur.
Il y a dans la Chymie beaucoup d'exemples
femblables d'affinité de deux corps , d'où il ré-
fulte autant d'efpeces de compofcs : nous en par-
lerons , à mefure que l'occafion nous en fournira
les moyens. Nous ferons ici quelques remarques
fur la manière d'opérer cette affinité avec plus de
facilité.
1°. Il y a des corps dont l'adhérence des parties
efl: fi grande , que les acides les plus puiffants font
abfolument hors d'état de les attaquer par la voie
humide , & tant qu'ils font agrégés : telles font les
pierres Scies terres vitrifiables , Sec. Mais fi l'on
détruit l'agrégation des parties de la matière , en
pulvérifant les corps, foit par des moyens mécha-
niques , foit par des moyens chymiques , fuivanc
la nature des corps que l'on veut combiner , on
parvient à les unir enfemble j de c'eft en effet à.
quoi je fuis parvenu dans beaucoup d'occafions.
Le marbre même , quoiqu'il foit de facile dif-
folution dans les acides , fe dilfout moins rapide-
ment , lorfqu'il eft en gros morceaux , que lorf-
qu'il eft en poudre fine.
1°. De ce que deux corps fe font unis très
promptement , on n'en doit pas conclure qu'ils
ont enfemble la plus grande affinité. C'eft par l'ad-
hérence qi;i fubhlle après qu'ils font unis , &c par
les difliciilrés qu'on éprouve à les fcparer, qu'on
|i ChYMIE EXPERIMENTALE
doit mefurer leurs degrés d'affinité. Par exem-
ple , l'argent s'unit à l'acide nicreux avec beau-
coup de facilite ; mais il y tient bien Icgéremervt j
une chaleur mcme a(Tez modérée fuffit pour l'en
réparer j tandis cju'au contraire , l'acide marin ,
qui ne s'unit à l'argent que difficilement , & par
des moyens non direfts , contra6te cependant
avec ce métal une union très forte , &c qui ne
peut être détruite avec la même facilité. De là
on peut conclure qu'il ne faut pas décider qu'un
corps n'a aucune affinité avec un autre corps , par-
ceque l'on ne connoît aucun moyen de les unir :
il y a , au contraire , tout lieu de penfer c[u'on y
parviendioit par des moyens plus recherchés.
La Chymie n'étant pas encore alTez avancée
pour parvenir à unir certains corps qui refufent
de fe combiner , nous regarderons , comme le dit
M. Macquer , les affinités qu on peut leur fuppo-
fer , comme de nul effet j &C nous dirons , avec
cet habile Chymifte , en attendant qu'on décou-
vre les moyens de les unir , que ces corps-là n'ont
f>oint d'affinité enfemble , comme l'huile & l'eau,
e plomb Se le fer , le mercure Se le fer , Sec, parce-
que jufqu'à préfent on ne connoît aucun moyen de
les unir directement.
4°. Affinité compofét de trois corps qui ont en-^
femhle un égal degré d* affinité.
Les affinités de cette clafTe font celles des corps
hétérogènes qui ont enfemble des degrés d'afn-
nite égaux , ou a-peu-pres cgaux , & qui s unil- |
fent, fans qu'il arrive de décompofîtion. "
Expérience.
On fait fondre enfemble dans une cuiller de
fer, quatre gros de plomb Se autant d'étain : on
ajoute
ET RAISON NEE. jjj>
ajoute à ces métaux fondus deux gros de mer*
cure : on coule ce mélange fur une brique : le
mercure s'unit en même temps au plomb & à
rétain , parceque fon affinité eft à-peu-près égale
avec l'un comme avec l'aune. La malTe métal-
lique fe trouve avoir des propriétés communes
aux trois corps dont elle eft compofée : elle eft
plus blanche , plus argentine , plus aigre & plus
cafTante que ne le font , chacun féparement ,
ou enfemble , le plomb de l'étain : le mercure a
perdu fa fluidité , en diminuant la folidité des
autres métaux.
On pourroit ainfi réunir un plus grand nom-
bre de corps , fans qu'il arrivât de décompofition J
ce feroit alors un exemple d'affinité compofée
d'autant de corps qu'on en auroit fait entrer dans
le mélange.
5°. JffinUe d'intermède,
\ L'affinité d'intermède eft celle dans laquelle
deux corps ne peuvent s'unir enfemble, qu'à l'aide
d'un troifieme qui a de l'affinité avec un des deux
premiers, ou avec tous les deux en mcme temps.
Expérience.
On met dans un verre un morceau de marbre
blanc : on verfe de l'eau par-delfus : ces deux
fubftances ne s'uniffent point j mais fi l'on ajoute
un acide, il dilTout le marbre j il facilite par con--
léquent (on union avec l'eau : ainfi l'acide eft un
intermède propre à unir la terre avec l'eau , par-
coque l'acide a de l'affinité avec la terre, Se qu'il
en a auffi avec l'eau.
Il en eft de mcme du foufre 8c de l'eau qui
n'ont point d'affinité , &c qui ne peuvent s'unir
Tome I, C
^4 CnirMît EXPÉRIMENtÂtlè
enfemble ; mais Ci l'on ajoute de Talkali fixè'^
comme il a de l'affinité avec l'eau & avec le foufre,
il fert d'intermède pour unir le foufre à l'eau j ce
compofé porte le nom de /oie de foufre.
Il y a dans la Chymie une infinité d'exemples
d'affinités de ce genre.
6°. Affinité de trois corps , de laquelle il réfulte
une décompofition & une nouvelle combinaifon
qui fe font en même temrs.
Cette affinité a lieu , lorfqu'on ajoute à deux
corps qui font déjà unis , un troifieme qui a avec
l'un des deux une affinité plus grande que les
deux premiers n'en ont enfemble.
Expérience.
On met dans un verre du marbre difïous par
de l'acide nitreux : on verfe defTus de l'alkali
fixe en liqueur : cette matière faline occafionne
fur-le-champ un précipité blanc qui eft le marbre
que tenoit l'acide en difTolution. Cet effet arrive ,
parceque les affinités de l'acide & de l'alkali font
plus fortes entre elles , que celle de la terre avec
ce même acide : l'acide nitreux quitte la terre ,
pour s'unir à l'alkali , & former enfemble une
nouvelle combinaifon qui efl du nitre. On peut
obtenir ce nitre , en filtrant le mélange , & fai-
fant évaporer une partie de la liqueur : elle four-
nit, par le refroidiirement, de vrais cryftaux de
nitre. Ce qui refte dans le filtre , eft le marbre
en poudre : on peut le laver , pour le defTaler : on
lui reconnoîtra toutes les propriétés qu'il avoit
auparavant.
Ce genre d'affinité eft d'un grand fecours dans
les opérations de la Chymie : c'eft par elle que
ET R A 1 S O N N E E. '15*
"&*operent toutes les précipitations des matières
métalliques qui étoient dilToutes dans un acide-
quelconque.
7°» affinité réciproque,
L'afEnitc réciproque eft celle où deux corps
déjà unis, l'un des deux eft ieparé par un troi-
fieme qu'on lui préfente : le corps dégagé fépare
à fon tour celui qui l'avoit féparé d'abord. On
nomme cette affinité réciproque ^ à caufe de U
réciprocité des effets qui arrivent.
ExPÉRir. NCE.
On met dans une cornue parties égales de nitrc
Se d'acide vitriolique : on foumet le mélange à la
diftillation : l'acide vitriolique décompofc le ni-
tre -.l'acide nitreux patfe dans la diftillation. U
refte dans la cornue l'acide vitriolique uni à l'ai-
kali du nitre qui forme du fel de duohus qu'on
purifie par diftolution , filtration &: cryftallifa-
tion.
Enfuite on fait dilToudre, à l'aide d'une douce
chaleur , du fel de duohus dans fon poids égal , ou
à-peu-près, d'acide nitreux. Lorfque la diflolution
eft faite , on la lailfe refroidir : elle fournit une
très grande quantité de cryftaux qui font du ni-
tre , qu'on fait égoutterfur du papier gris , pour
abforber l'acide vitriolique qui le mouille. Dans
ce dernier cas , l'acide nitreux dégage l'acide vi-
triolique , pour s'unir à l'alkali du fel de duobus ^
avec lequel il forme du nitre.
Il réfulte de ces expériences , que , par la voie
feche, l'acide vitriolique a plus d'amnité avec
l'alkali du nitre , que non a l'acide nitreux ; &
au contraire, ilparoîtque, par la voie humide ,
c'eft l'acide nitreux qui a fon affinité plus grande
Cij
$iS Chymie expérimentale
:iy Gc cette même matière faline. Le fel de GlaubeL*
fe ciécompofe de même par l'acide nitreux. Nous
rendrons compte en (on lieu de quelques obfer-
vations relatives à ces affinités réciproques.
11 y a dans la Chymie beaucoup d'exemples
femblables , telle que la décompofition du fel am-
moniac par la craie , qui s'opère par la voie feche:
la craie dégage l'alkali volatil : cette dernière
fubftance décompofe à Ion tour , par la voie hu-
mide , le fel marin à bafe terreufe , qui refte
dans la cornue après la décompofition du fel am-
moniac, &c. ôcc. Ces obfervations font voir la
nécelîité d'établir les deux tables des rapports que
je propofe : c'eft le feul moyen de mettre plus de
clarté dans l'ordre des affinités des corps , & de
connoître leur degré d'affinité avec plus d'exadti-
tude qu'on n'a pu le faire jafqu'à préfenr.
8^. affinité de quatre corps i ou Affinité double y
d'où il ré fuite deux décompojitions & deux nou-
velles combinaifons.
Ces affinités font celles où l'on met en jeu
quatre fubftances , mais déjà combinées deux à
deux : les deux compofées échangent récipro»-
quement leurs parties conftituanres , & forment
deux nouvelles combinaifons produites par deux
décompofitions.
Expérience.
On prend , d'une part , du fel de Glauber ,
qui ell compofé d'acide vitriolique & d'alkali
marin.
D'une autre part, on prend du mercure dif-
fous par de l'acide nitreux : cela forme bien les
quatre fubftances, mais combinées deux à deux.
1 T R A I S O N N E E. J7
comme nous l'avons dit dans notre définition.
Prcfentement , en mêlant ces deux diirolutions,.
il fe fait, un inftant après, un précipite. Ce préci-
pité eft produit par l'union du mercure avec l'acide
vitriolique qui ont quitté , l'un l'acide nitreux ,
&c l'autre l'alkali marin , pour former un vitriol
de mercure qui fait une nouvelle combinaifon
d'acide vitriolique & de mercure, que l'on nomme
turbith minéral. En filtrant la liqueur , &: la fài-
fant évaporer un peu , elle fournit des cryftaux de
nitre quadrangulaires \ & c'eft la féconde combi-
naifon : elle eft formée par l'alkali marin du fel
de Glauber 6i l'acide nitreux de la dilfolution de
mercure.
Il y a dans laChymie une infinité d'occafions
où ce genre d'affinité a lieu. Le tartre vitriolé &:
la diffclution de mercure, faite par de l'acide ni-
treux, fournilTent encore un exemple de ces affi-
nités.
La décompofition du fel de Glauber & du
tartre vitriolé par le fel de Saturne j l'opération
du bleu de Prufle *, celle par laquelle on fait
en mcme temps le beurre &: le cinnabre d'an-
timoine \ la décompofition du fel marm par les
diffolutions de plomb , d'argent &: de mercure ,.
fiites par l'acide nitreux, font autant d'exemples
de cette affinité de quatre corps qui agillent en
même temps , & qui produifent deux décompo-
fitions oc deux nouvelles combinaifons.
Au moyen de ces affinités doubles, on explique
plufieurs phénomènes de décompofition & de
compofition dont on auroit peine à rendre raifon»
Elles fervent à prouver , par exemple , que cer-
tains corps , tant qu'ils font en malle d'agrégés ,
ne peuvent ni s'unir ni fe combiner ; mais que 3^
lovfque ces mêmes corps fouc fuffifamment di-
Ciij
5 5 ChYMIE EXPÉRIMINTAL*
vifés , foie par des moyens méchaniques ou chy-
miques, ils s'unilTent très bien j tel que le mer-
cure qui ne peut , fans feu , s'unir à l'acide vi-
triolique même concentre , & qui fe combine
très bien avec cet acide même aftoibli , lorfqu'il
a étédivifé auparavant. L'acide nitreux fait cette
divifion j d'où je conclus qu'en divifant fuffifam-
ment les corps , on peut parvenir à en unir beau-
coup qui paroilîent les moins difpofés à fe com-
biner.
Ces affinités de quatre corps font très com-
modes pour découvrir certains mélanges qui fe-
roient difficiles à connoîrre autrement. Néan-
moins il y a nombre d'occafions où cela n'eft pas
abfolument nécelTaire , & où les décompofîtions
fe font avec trois corps , tels que , i ^. la décom-
polltion du tartre vitriolé par l'acide nitreux feul :
i". le fel de Glauber décompofé par ce même
acide feul : 3 °. ces fels pareillement décompofés
par du plomb pur , mais fuffifamment divifé :
4°. du bleu de Pruiïe fait fans acide par l'alkali
volatil & le fer dilTous dans de l'eau diftillée :
5 "". le fublimé corrofîf , décompofé par le régule
d'antimoine: 6*^. le fel marin, décompofé par
l'acide nitreux feul.
11 réfulte donc qu'à la rigueur, on peut fe pafTer
des affinités de quatre corps , pour opérer beau-
coup de décompofitions , puifqu'elles ont lieu
avec trois j ce qui me paroît plus fimple & plus
conforme aux loix de la Nature. D'ailleurs il eft
à prefumer que des quatre corps qu'on met en
jeu , il arrive fouvent qu'il n'y en a que trois qui
agilTent direélement ; le quatrième joue (on rôle
par occafion , & parcequ'il eft libre : il fe réunit
avec celui des trois , qui fe trouve nécelTairement
iibre. Cependant il faut convenir que ces décom-
tT RAISONNE E. ^^
pofînons & compoficions réuflilTenc mieux , lorf-
qu'on mec les quacre corps en jeu : elles font infi-
niment plus promptes.
Sur les Eléments , ou Principes primitifs des corps.
Les Chymiftes donnent le nom d'é/ements à
des fubftances fimples , inaltérables , auxquelles
on ne connoît point de parties conftituantes :
tels font le feu f Vair^ ïeau Se la terre. On leur a
donné aulîi le nom de principes primitij s j par-
cequ'ils font en etfet les premiers principes des
corps, & qu'ils entrent, comme principes confti-
tuants , dans la compofition des corps compofés j
du moins , ils fe manifeftent dans toutes les ana-
lyfes & décompofitions chymiques , comme der-
niers réfultats qu'on ne peut plus décompofer.
Ces quatre fubftances ne fe trouvent pas tou-
jours réunies dans tous les corps de la Nature in-
diftindement : les végétaux & les animaux les
contiennent bien toutes j mais la plupart des ma-
tières du règne minéral , &c Ipécialement les ter-
res vitrihables , font abfolument dépourvues d'air
& d'eau.
La plupart des Philofophes ont fenti la nc-
cellicé d'admettre àes principes primitifs j, c'eft-à-
dire , des corps très (impies, qui fervilTent à for-
mer tous les corps de la Nature , (Se dans un ordre
progrellif, comme nous le dirons dans un inftant:
mais ces Philofophes ne font point d'accord fur
la nature de ces principes, ni fur leur nombre :
ils leur ont donné différents noms, comme éle'-
mènes j monades j matière première j Sec. Les
uns , comme Thaïes de Milet, admettoient l'eau
comme principe de toutes chofes : les autres ,
comme Anaximene , penfoient que l'air étoic
le feul principe : d'autres la terre , & d'autres
C iv
40 Chymie expérimentale
le feu : ils ont quelquefois attribué aux princi-
pes qu'ils avoient adoptés , des propriétés qui
n'étoienr purement relatives qu'à ce qu'ils fe
propofoient d'expliquer. Quoi qu'il en foit , &
fous quelque dénomination que l'on confidere
les principes primitifs des corps , on doit con-
cevoir qu'ils font elTentiellement de la plus grande
iimplicité , qu'ils n'ont point de parties confti-
tuantes, êc qu'àcaufe de la ténuité & de la fineffe
de leurs parties , ils ne peuvent être foumis a
aucun de nos fens.
Empédocles , l'un des plus anciens Philofo-
phes de la Grèce , paroît être le premier qui ait
établi , comme éléments ou principes de toutes
choies , le feu j Vair ^ Veau &c la terre. Voyez
Hijloire de la Phïlofophïe par M. Deflande ,
Tome II, page 02,. L'habile Traduétewr de la
nouvelle Edition de Pline fait la m.ême remar-
que dans une Note , Livre z , page 13 , & il
ajoute qu'Ariftote &: Zenon diftiuguoient les
éléments établis par Empédocles , d'avec les
principes : ils penfoient que Dieu & la matière
étoient les principes de toutes chofes , &c que le
feu _, ïair ^ Veau & la terre étoient les éléments.
>5 Un pafiTage de Plutarque , ditleTradu6teur de
>j Pline , jette une grande lumierç fur cette
35 difficulté , &: juiHfie pleinement la contradic-
>j tion apparente où Pline femble tomber , lori-
» qu'il dit , malgré toutes les opinions qu'on
s5 vient de rapporter, que perfonne ne doute que
S) les éléments ne foient quatre en nombre. . . . ,
» Voici ce palfage de Plutarque. Ariftote fc Pla-
s3 ton penfent qu'il y a une différence entre prin-
-.-> cipes iSc éléments j mais Thaïes de Milet les
i> prend pour une même chofe. Toutefois la diffé-
s> rence cft grande , puifque les éléments font
E T R A I s O N N E E. 4I
j> compofés , & que les piincipes font incompofcs
« & fîmples comme tout ce qui eft d'une nature
j> complette. C'eft: pourquoi l'air, la terre, le feu
35 &z l'eau font appelles déments. Mais les prin-
s> cipes font ainli nommes , parcequ'ils n'ont rien
j> qui les précède , & d'où ils dérivent j car au-
» trement , & s'ils n'étoient les premiers , ils ne
» feroienr pas principes , mais engendres, .-j
Ce paiïage de Plutarque fait voir alfez que
les fubftances reconnues aujourd'hui par les meil-
leurs Chy milles Pliyliciens , pour ctre les élé-
ments primitifs des corps , étoienr déjà connues
pour tels par beaucoup de Philofoplies , il y a près
de deux mille ans ; & vraifemblablemcnt ces
Philofophes n*étoient pas Chymiftes. Les pre-
miers Chymiftes n'ont point profité de ces con-
noiifances. Paracelfe , qui vivoit dans le feiziemo
fiecle , imagina d'ctablir des principes des corps
à fa manière \ mais il n'étoit ni alfez bon Pliyli-
cien ni aiïez bon Chymifte , pour connoitre les
qualités que doivent avoir des fubftances qui mé-
ritent véritablement le nom ^éléments ou de
principes primitifs. Il prend pour tels , les pro»
duits qu'il obtenoit par une première analyfe des
végétaux & des animaux : il en diftingua de cinq
efpeces , qu'il divifa en aciifs &c en pajjîfs. Ses
principes aélifs font Vcfprit _, V.' uile&: \efe/; &
les principes partîfs font Veau & la terre.
Ce qu'il entend par efprit j qu'il nomme aulli
mercure , eft du fel dilTous dans de l'eau.
Par kui/e j qu'il nomme également y oz^/rf ; il
entend toutes les liqueurs huileufes oç inflam-
mables.
Par \efclj il entend routes les matières falines.
, Par Veau y qu'il nomme auiVi phîc^me , il eu-
tend toutes les iic|ueurs aqueufgs.
5^2 Chymie ExrÉRi mentale
Et par la terre j il entend toutes les matière^
fixes.
Cette dodrine , établie par Paracelfe , a été
adoptée par les Chymiftes de {on temps , & fui-
vie par plufieurs Chymiftes modernes j mais Pa-
racelfe & (qs feilateurs ont regardé comme prin-
cipes , des fubftances qui n'en font pas : elles
n'ont pas , à beaucoup près , la {implicite des
vrais principes : ce font au contraire , comme nous
le verrons , des fubftances compofées , très diffé-
rentes entre elles , & qu'on peut réduire , par des
opérations fucceflîves , en des fubftances de plus
en plus (impies , jufqu'cà ce qu'elles foient rame-
nées aux vrais éléments primitifs dont nous par-
lons.
Becker ayant fentil'obfcurité de cette dodrine,
a entrepris de la rectifier. Il n'a établi que deux
principes ou éléments des corps , favoir , Veau &.
la terre ; mais , pour pouvoir rendre raifon des
propriétés de tous les corps compofés , il a admis
trois efpeces de terres iimples &: élémentaires.
Il nomme la première terre vitrifiable ; la fé-
conde , terre inflammable -^ &c la troifieme , terre
mercurielle.
La terre vitrifiable eft, félon Becker , le prin-
cipe de la fixité , de la dureté des corps , & de la
vitrification.
Par terre inflammable ^ il entend celle qui con-
tient le principe de l'inflammabilité.
Et par terre mercurielle j il entend le principe
de la métallifation j c'eft-à-dire , celui qui , com-
biné avec les deux autres terres , eft propre à for-
mer les métaux.
Staahl , en redifiant , à fon tour , la théorie de
Becker, a prouvé , d'une manière fatisfaifante ,
i'exiftence des deux premières terres , la terre
ET RAISONNE F. j4j
VÎtnfiabU Se la terre infiammable ; mais il révoque
en doute l'exiftence de la troifieme , comme ne lui
paroiiïanc pas fuffifamment démontrée ; & il fait
voir en même temps que Ja terre inflammable , a
laquelle il donne le nom dephiogijiique ^ n'eft pas
un principe fimple j que c'eft une fubftance com-
pofée , qu'on peut analyfer , & qui n'a point par
conféquent la implicite des fubftances qu'on doit
regarder comme cléments. Ainfi des trois terres
de Becker , il ne refte que la terre vitritiable ,
qu'on puifTe raifonnablement mettre au rang des
cléments.
Staahl a beaucoup raifonné fur la {implicite que
doivent avoir de vrais principes j il a éclairer la
théorie de Becker , Sz a ctabli la fîenne. Parmi les
Chymiftes , il paroît être le premier qui ait admis
pour éléments ou principes primitifs des corps ,
le feu , Vairj Veau ôc la terre ^ qui avoient été
reconnus pour tels par les Philofophes Grecs que
nous avons cités plus haut j mais , quoique Staahl
s'explique clairement , & qu'il reconnoilfe à ces
fubllances toute la implicite des vrais principes
primitifs , il penfe , d'après ces Philofophes , que
le feu , l'air , l'eau ôc la terre , regardés comme
les quatre éléments , font eux-mêmes compofés
de fubftances encore beaucoup plus fimples. Il ne
dit pas avec autant de précifîon, s'ils font com-
pofés d'une ou de plulieurs fubftances hétérogè-
nes entre elles , Se qui aient des propriétés diffé-
rences, ou fi elles font homogènes. Et en effet ,
il eft impoffiblede fe procurer cette connoiirance.
Staahl lailfe feulement appercevoir qu'il pen-
foit que les principes qu'il fuppofe compofer nos
quatre éléments , font hétérogènes entre eux :
en effet , il paroît difficile de concevoir com-
ment un feul principe fimple ôi homogène peut
44 ChYMIE EXPÉRIMENTAtl
former , non feulement le feu , l'aii' , l'eau Se la
leire, mais encore tous les différents corps qui
exiftent dans la Nature. Les molécules d'un tel
principe unique , en fe réunilfant , ne doivent
former que des agrégations qui feront toujours
de même efpece , &c non des combinaifons. Si
l'on vouloir fuppofer , avec Staahl &c les Philo-
fophes Grecs, que le feu, l'air, l'eau &: la terre
foient des fubftances compofées , il paroîtroit rai-
fonnable de croire qu'il entre dans leur compofi-
tion plufieurs efpeces de principes également
Tmiples , mais différents entre eux par leurs pro-
priétés.
Nous penfons qu'il eft difficile d'en détermi-
ner le nombre , & nous en fentirons mieux les
raifons , lorfque nous examinerons les propriétés
de ces fubftances ( du feu, de l'air , de l'eau & de
la terre ) , & nous les confidérerons avec les meil-
leurs Chymiftes-Phylipiens , comme les feuls ÔC
vrais principes des corps , parceque nous ne con-
noiffons , quant à préfent, aucun moyen pour
les décompofer , ou pour leur caufer la moindre
altération.
Il paroît très naturel de croire que Staahl doit
aux Philofophes anciens l'idée qu'il s'eft formée
fur la poflibilité que ces éléments pouvoient être
eux-mcmes compofés : ce feutiment n'eft pas
tout-a-flùt dénué de viaifemblance ; du moins le-
feu, ou plutôt la lumière qui nous vient du fo-
leil , eft décompofable en fept couleurs diffé-
rentes , comme l'a prouvé Nev/ton par beaucoup
d'expériences des plus curieufes 3c des plus fatis-
faifantes. Peut-être parviendra-ton par la fuite
à opérer quelques femblablesdécompofîtions des
autres éléments.
hd- réunion des quatre éléments jleurs propor-
Et RAISONNÉ E. 45
tions différentes &c leur manière de s'arranger ,
forment tous les corps qui exiftent dans la Nature.
Nous démontrerons ces vérités dans un très grand
détail , en analyfant les corps des différents rè-
gnes. Nous obferverons cependant que ce n'eft:
pas par une première analyle , qu'on réduit les
corps aux éléments dont ils font elTentiellement
compofés : il faut, pour y parvenir , analyfer ul-
térieurement ces premiers produits, un certain
nombre de fois de fuite , comme nous Pavons die
en parlant des fubftances que Paracelfe avoit re-
gardées comme principes : ces fubftances acquiè-
rent dans chaque opération quelques degrés de
funplicité , & fe réduifent à la qualité des élé-
ments primitifs. Ces obfervations importantes
ont vraifemblablement donné à Becker ôc à
Staahl l'idée de croire que les corps fe compo-
foient dans un ordre progrellif, à peu près fem-
blable à ce qu'on oblerve dans leur décompoii-
tion j mais ils ont donné à ces corps de différents
ordres de compolition , des dénominations qui
font impropres. La fignification de ces termes eft
mcme contraire à l'idée qu'on y atfeéle ordinai-
nairement , & peut répandre de l'obfcurité & de
l'équivoque. Ils les ont défij^nés par les termes de
mixtes ou mixtions _, compofés j dccompofés ôc
Jl rdécompcfés.
Ils entendoient par miAVtri j le feu, l'air, l'eau
& la terre , qu'ils penfoient être compofés de
fubftances beaucoup plus iimples que ces élé-
ments ne le font eux-mêmes : ils les ont nom-
més, pour cette raifon , principes fcconduires.
Les corps qu'ils nomment compofés ^ font ceux
qui font formés immédiatement par l'union des
mixtes dont nous venons de parler.
Ceux qu'ils nomment décompoft's j font les
'41? Chymie expérimentale
corps qui font formés immédiatement par dei
corps compofés.
Enfin ce qu'ils entendent par corps furdécom-
pofés ^ font ceux qui font formés par l'union 6.<i&
corps qu'ils nomment décompofcs. Voilà en peu
de mots toute la théorie que Becker &: Staahl
ont établie à l'égard des prmcipes des corps , &
l'ordre des combinaifons qu'ils fuppofent former ,
lorfqu'ils s'unifTent les uns aux autres , pour
former des corps fuccellîvement plus compofés \
&c cela dans une progreffion indéfinie. Les Chy-
miftes de les Phyficiens les défignent par des nom-
bres qui indiquent leur ordre de compofition (i).
Ainfi on les nomme compofés du premier ordre ^
compofés du fécond ordre ^ compofés du troiflemc
ordre , &:c. ce qui ne donne lieu à aucune efpece
d'obfcurité & d'équivoque.
On peut préfumer que les différents corps fe
compofent dans un ordre quelconque , & que des
corps déjà compofés entrent comme principes ,
pour former des corps d'un autre ordre de com-
pofition. Mais la Chymie & la Phyfique ne font
pas afTez avancées pour faifir la férié de cet or-
dre de compofition. Nous ne connoiflons point,
par exemple, de fubftances qui foient formées im-
médiatement de l'union du feu & de l'air , de l'u-
nion du feu &: de l'eau , de celle de l'air & de l'eau i»
non plus que de celle de l'air &: de la terre , ainfi
que de celle de l'eau & de la terre : il n'y a dans
ce genre de combinaifon immédiate des principes
prunitirs , que celle du reu&: de la terre , que l'on
commence un peu à connoître. Cette union forme
la fubftance connue fous le nom de phlogijlique,
( I ) MufTchenbrock , EfTais de Phyfique , page 47 , pa-
ragraphe 41. Dictionnaire de Chymie, page jzS, voK II.
1 T R A ï « b W N Ê î". 4 J
Il en eft de même des combinaifons de tioh
de ces principes primitifs. Nous ne connoiffons
point de corps qui foient immédiatement formés
du feu , de l'air &c de l'eau , ni de femblables fub-
ftances formées par l'union du feu , delà terre Se
de l'air. Nous commençons à connoître celle du
feu , de l'eau 5c de la terre : c'eft celle qui forme
le principe falin , ou l'huile , fuivant les propor-
tions où fe trouvent ces corps. Néanmoins il y a
lieu de penfer que ces combinaifons exiftent dans
laNature , &c qu'elles fervent de principes à des
corps plus compofés ^ mais jufqu'à préfent, il a
été impoflible ae les obferver & de les fuivre.
La Nature nous offre les éléments dont nous
venons de parler , fous deux états différents :
I *^. ifolés , ne faifant partie d'aucun corps com-
pofc , 3c dans un état de pureté fuffifant pour que
nous puilîions les reconnoître : z°. combinés en-
tre eux d'une infinité de manières, &dans toutes
fortes de proportions , formant tous les corps
compofés que nous connoifTons.
Nous examinerons les propriétés de ces élé-
ments dans ces deux états , & d'abord celles qu'ils
ont , lorfqu'ils ne font partie d'aucun corps. Lorf-
que nous en ferons aux analyfes , nous recon-
noîtrons leurs autres propriétés dans les corps
compofés dont ils font partie.
Sur ie Feu pur»
On doit entendre par feu pur , celui qui eft
abfolument libre , qui ne fait partie d'aucun
corps , &c qui ne leur eft point adhérent , enfin ,
€[m n'a contracté avec eux aucune efpece de
combinaifon. Ce feu entre librement dans les
corps , Se en fort de même , fuivant les circonf-
tances. Tel eft celui qui eft répandu dans 1,'air âc
4^ ChYMIE EXPiRlMENTALE
dans les corps enviionncs par l'air. Ce feu puf
ii'efl: point vifible , 6: ne devient fenfîbleque par
les eftets qu'il produit fur les corps.
Le feu pur eft un élément qu'on ne peut défi-
nir : on ne peut que reconnoître fes propriétés.
C'cft une matière effenciellement fluide , prin-
cipe de la fluidité des autres corps , &z toujours en
mouvement : c'eft; le principal agent 3c la caufe
de prefque toutes les compontions ôc décompoll-
tions qui fe font dans la Nature. Nous penfons
que le feu efl: la feule fubfl:ance adive dans la Na-
ture , ôc de laquelle toutes les autres tiennent leur
aélion. Le feu eft: le feul corps qui ait de la faveur,
&c qui la donne aux fubfl:ances qui en ont. Les
fels & les fubflances falines doivent leurs pro-
priétés dilfolvantes &c leur faveur forte au feu
qu'ilscontiennent. La différence qu'on remarque
entre ces corps n'eft: due qu'à la dofe de feu qui
entre dans leur compofition , & à la manière
dont il y eft: combiné : les autres éléments fem-
blent être créés pour interpofer fes parties, dC
pour modérer par-là l'adion trop adive de cet
élément.
Le feu eft:, par rapport à nous , un élément
funple , qui paroît n'avoir point de parties conf-
tituantes j cependant , comme la lumière qui
nous vient du foleil , peut fe décompofer en fept
couleurs différentes par le moyen du prifme , ÔC
que d'ailleurs fes rnyons, diverfement colorés,
ont chacun leur réfrangibilité propre ^ cela peut
faire fou pçonner que le feu eftcompofé départies
très Amples , à la vérité , mais hétérogènes entre
elles. Cette réflexion ajoute de la vraifemblance
au fentiment des Philofophes qui penfent que
les corps que nous fommes obligés de regarder
comme éléments , à caufe de leur {implicite appa-
lente ,
BT RAISONNE E. 49
rente , font eux-mêmes compofés , mais de fub*
fiances encore plus fimples , comme nous l'avons
dit précédemment. Quoi qu'il en foit, nous con-
fidérerons le feu pur, comme n'ayant point de par*
ties conftituantes , juft]u'à ce que nos connoif-
fances foient alTez avancées pour nous donner
une dcmonftracion complettc fur cet objet.
Les parties qui compofent le teu , n'ont prefque
point de cohérence entre elles : elles font d'une
petitelfe inconcevable , &: qui furpalfe celle des
autres corps.
Le feu a de l'adion fur tous les corps qu'il tou-
che : il devient mcme un inftrument propre aux
analyfcs de aux recompofitions.
Lorfqu'il eft combiné avec d'autres fubftances ,
&: qu'il fait un des principes conftituants des corps
compofés , il eft dans l'inaéiion &z dans un repcJ
f>arfait : il ne peut fe mettre en mouvement que
orfqu'il eft excité.
Les fignes auxquels on reconnoît la préfence
du feu , font les effets qu'il produit : fivoir ,
1°. la chaleur j 1°. la lumière ; 5°. la couleur ;
4°. la dilatation ou rarétaétion , tant des liqui-
des que des folides j 5°. la combuftion, la fu-
fîon , Sec.
Quelques Philofophes penfent que la lumiera
eft un figne certain de la préfence du teu j mais
cela peut être révoqué en doute , puifque la cha-
leur &: la lumière peuvent exifter l'une fans l'autre.
Un fer très chaud ne répand pas de lumière dans
l'obfcurité j & il eft cependant en érat d'enilam-
mer les corps combuftibles. Le foyer d'un mirour
concave de réliexion n'eft point lumineux , quoi-
. qu'il produife une chaleur excelTive , capable de
fondre Se de vitrifier les corps les plus durs en un
inftant. Il en eft de même du foyer d'une lentille j
Tome I. D
5© Chymie expérimentale
il eft très chaud , fans être lumineux. Peut-être
audi , & je ferois même alFez poité d le croire ,
que le feu eft eirentiellement troid. La chaleur
qu'il fait fcntii par-tout où il eft , n'eft occadon-
lîée que par l'adlion qu'il exerce fur les corps qu'il
touche. Il eft difficile , &: peut-être même im-
pollible , d'appuyer ce fentiment par des expé-
riences : aufli je ne prétends le donner que comme
une conjecture fondée feulement fur quelques
probabilités.
La lumière peut de même exifter fans chaleur.
Les rayons de la lune , raftemblés par le moyen
d'un miroir concave de réflexion , ou d'une grande
lentille , forment un point très lumineux qui, reçu
fur la boule d'un therm.ometre , n'indique aucun
degré de chaleur.
Les vers luifants, certains bois qui deviennent
blancs en fe pourrifl~ant à l'air , &c plufieurs ma-
tières phofphoriques , qui ne laiftentappercevoir
d'autre chaleur que celle de l'air environnant ,
prouvent affez que la lumière peut exifter fans
chaleur \ ce qui pourroit faire croire qu'elle fe-
roit différente du teu. Cependant il eft à pré-
fumer que , quoique la lumière , dans certaines
circonftances , ne donne aucun indice de chaleur,
elle ne provient pas moins elfentiellement du
feu , mais modifiée d'une manière qui nous eft
encore inconnue. Nous verrons , en examinanc
les propriétés des corps combuftibles , que le feu
peut être dans une infinité d'états de combinai-
fons 8c de. proportions , ôc préfenter , fous ces
diff^érentes formes , des phénomènes finguliers
dans la Nature, & dans les opérations de la Chy-
mie. C'eft à ces différentes manières d'être du
feu , &■ à- celles dont il agit fur les corps , qu'on
doit encore rapporter la plupart des eff^ets qu'il
£TRAISOl4MiE. ^t
produit. Boerhaave (i) obferve qu'un fer mé-*
diocrement rouge enflamme la poudre à canon ,
le foufre , & les autres corps combuftibles , tandis
qu'il eft incapable d'enflammer de refprit de vin.
11 eft: vifible que la différente manière dont le teu
agit dans cette occafion , eft purement relative à
la quantité qui s'en trouve dans la barre de fer ,
& à l'état des corps qu'on lui préfente. Le fou-
fre , la poudre , &c. peuvent s'enflammer par
l'attouchement d'un certain nombre de parties dô
feu j mais il en faut une plus grande quantité de
réunies, pour enflammer de l'efprit de vin , quoi-
qu'il foie une liqueur très combuftible : il lui faut
le concours d'une flamme. Le foyer d'un miroir
ardent ne peut mcme enflammer de l'efprit de
vin , pourvu cependant qu'on prenne les précau-
tions convenables pour que l'adion du feu ne
fafle pas produire de flamme au fupport j dans ce
cas , l'eTprit de vin s'enflamme. Ce n'eft pas ,
comme on pourroit le foupçonner , que l'efprit
de vin élude l'adion du feu de la barre de fer ou
du foyer du miroir ardent : il entre en ébullition ^
il eft , par conféquent , dans l'état le plus favo-
rable à fon inflammation ^ &c cependant il ne^
peut s'enflammer : il lui faut, dans le cas donc
nous parlons , le contadt de la flamme , foit de
celle du fer rouge à blanc , foit celle du fupport
qui éprouve l'action du foyer du miroir ardent.
Une preuve non équivoque de la préfence du
feu eft la dilatation qu'il occafionne aux corps :
il les pénètre tous avec une extrême facilité , en
fe diftribuant uniformément dans toutes les par-
ties de leurs mafles. Il n'y a aucun corps qui foit
en état de réfifter à (on adion. Lorfqu'il s'intro-
»» ' I '■ I. ■ . ■
( i ) Tome II , page 8 1 ,
Dij
:$i Chymie ixpér.imintal'b
duic dans les corps , il les dilate , il les échauffe ,'
& leur fait occuper un volume plus grand qu'au-
paravant , fans augmenter leur pefanfeur abfo-
lue ; mais il dilate plus promptement les liquides
Se les corps rares , que ceux qui font folides Se
très denfes.
Le froid qu'on penfe n'être que Tabfence d'une
partie de ce feu, produit le contraire, c'eft-à-
dire que moins les corps font pénétres de feu ,
plus ils diminuent de volume , fans rien perdre
de leur poids j ils augmentent , par conféquent ,
en pefanteur fpécifique & en dureté , parceque
leurs parties deviennent plus étroitement liées
enfemble. Cependant nous avons remarqué que
les corps , après avoir diminué de volume par un
certain degré de froid , ceiïoient non feulement
de fe contracter , mais même augmentoient de
volume : leurs parties fe défuniflent par la dila-
tation, à un tel point, qu'elles entrent dans une
forte de fufion : telle efl. l'eau glacée , qui coule
comme une lave , lorfqu'elle éprouve un plus
grand froid que celui qui fuffit pour la tenir dans
Pétat de glace. 11 arrive quelque chofe de fem-
blable aux métaux qui éprouvent un très grand
froid : ils diminuent d'abord de volume jufqu'à
un certain point : après cela , ils celTent de fe
contrader davantage ; mais , en éprouvant un
plus grand froid , ils fe dilatent , deviennent
calTants : en cet état, on dit qu'ils font gelc's. 11 y
a lieu de préfumer que fi l'on pouvoir augmenter
davantage l'intenlité du froid , on liquéfieroit
les métaux , ôc on les feroit couler comme l'eau
congelée qui éprouve un très grand froid j mais
cette fufion eft d'une nature différente de celle
qui eft procurée par l'intenfité de la chaleur j com-"
munément elle n'a point la même liquidité.
ÏT RAISONNE ï« JJ-
Nous avons déjà rapporté dans plufieurs Mé-
moires , des expériences qui pourroi^nt indiquer
que le froid n'eft pas feulement occafionné par
l'abfence du feu. On peut confuker à ce fujet , le
Mémoire inféré dans le Journal de Médecine, ^
année 1770, pages 53i&4io. Si le froid n'eft
que l'abfence du feu , ou fi , comme le difent les
Phyficiens , quand on produit un froid artificiel ,
ce font les parties de feu, qui étoient contenues
dans les fubftances mifcs en jeu , qui fe dégagent
du mélange , il doit s'enfuivre qu'en taifant
dans une chambre un s;ïand mélange de fel Se
de glace, on échauffera, par le moyen des parties
de feu qui fe dégageront de ce mélange, l'air de la
chambre \ ce qui n'arrive pas. 11 paroit donc plus
vraifemblable de croire que les parties de feu
prennent , dans ces opérations , un tout autre
arrangement qu'elles avoient d'abord, qui eft tel
qu'il produit fur nous une fenfation de froid. On
nous demandera peut-être quel ctoit l'arrange-
ment de ce feu avant l'expérience , & quel eft ce-
lui qu'il a pris , pour produire du froid. A cela
nous répondrons que la Chymie &: la Phyfique ne
font point allez avancées pour donner une expli-
cation fatisfaifante fur cette matière.
Au refte , on s'eft fervi avantageufement de
cette propriété qu'a le feu de pénétrer & de di-
later facilement les corps, pour conftruire des
thermomètres. Ces inftruments, perfectionnés par
Réaumur, font, comme on le fait, d'une très
grande commodité pour mefurer des degrés de
chaud ou de froid , qu'on ne pourrort apprécier
par aucun autre moyen.
Il n'v a aucun corps qui ne foit conrinuelle-
ment pénétré d'une plus ou moins grande quan-
Diij
j4 Chymie expérimentale
tité de ce feu pur *, & c'eft toujours proportion-
iiellemenr à la quantité de celui qui fe trouve
dans l'air ambiant. Ce feu s'échappe de rentre
peipécuellement dans les corps , comme par une
efpece de cuciilation , fuivant les circonftances ,
parcequ'il n'efl: pas combiné , mais feulement in-
terpofc entre les parties de la matière. Les corps
qui excitent en nous des fenfations de froid , font
encore pénétrés d'une grande quantité de feu. On
peut , à la vérité , les priver d'une partie de ce feu»
On peut , par exemple, faire éprouver à la glace un
froid artificiel , plus grand que celui de fa tempé-
rature j mais jufqu'à préfent il a été abfolument
impolTible de priver les corps de tout le feu qu'ils
contiennent : ils en confervent toujours une cer-
taine quantité , même lorfqu'ils font expofés au
plus grand froid que nous puiiîîons exciter arti-
ficiellement. Le froid abfolu , ou l'abfence to-
tale du feu , que quelques Philofophes ont ima-
giné , eft aufîî chimérique que le chaud abfolu.
Nous ne pouvons pas avoir d'idées nettes fur ces
deux états , &c encore moins nous procurer ces
deux extrêmes.
La dilatation que le feu occafionne aux corps ,
eft un commencement de défunion de leurs par-
ties , Ik une preuve de la propriété qu'a le feu de
décompofer les fubftances , Se de féparer leurs
parties conftituantes j mais comme il y a une très
grande diverfité entre les corps , il s'enfuit de U
que le feu ne décompofe pas toutes les fubftances
avec la même facilité. L'illuftre Boerhaave dit ,
à ce fujet , qu'il y a dans les corps une mariera
qui n'eft point feu , Se qui s'oppofe à la fépara-
tion de leurs principes ; mais nous penfons qu'on
ne peat attribuçv çeç effet qu'à la combinaifo»
IT RAISONNE E. ~55
plus OU moins intime des parties conftituantes
des corps, & à leur plus ou moins grande adhé-
rence entre elles.
Plus les corps font échauffés , plus ils fe di-
latent 'y mais cette dilatation celTe dans les corps
fufceptibles de fufion , aulli-tôt qu'ils font fon-
dus , parcequ'alors leurs parties font dcfunies :
ils ne peuvent plus retenir le feu, &: ils le lailfent
diffiper, à mefure qu'ils en font pénétrés. Les
corps les plus difficiles à fondre, &c qui font fixes
au teu , font capables d'acquérir & de conferver
plus de chaleur que ceux qui font dans des cir-
conftances contraires.
Il en eft de même des liqueurs : on peut les con-
fidérer comme étant continuellement en fufion ,
puifqu'on les fait palTer à l'état defolidité, en les
refroididant fuftifamment. L'ébullition eftle der-
nier degré de chaleur qu'elles peuvent prendre ;
& celles qui font plus ditticiles à faire bouillir ,
acquièrent plus de chaleur. C'efl: par cette raifon
que l'huile , par exemple , quoique plus légère
que l'eau , acquiert cependant plus de chaleur ^
mais le mercure, quoique quinze fois plus pefanc
que l'huile , ne prend pas un plus grand degré de
chaleur en bouillant, parceque cette fubllance
métallique eft volatile : ainfi le plus grand degré
de chaleur que les liqueurs peuvent prendre y.
n'eft point en raifon de leur pelanteur fpécifique >
mais feulement en proportion de leur hxiré.
Le feu pur &c libre, répandu dans l'air, ne
fait qu'effleurer les p.irties intégrantes des corps
qu'il échaufîe : il ne fe diilipe pas fubitement ,
mais fuccelfivement , à mefure que ces coips fe
refioidiffenr ^ & il ne refte enfin de feu libre,,
dans ces cops qu'une quantité égale à celle qui fe.
trouve dans l'air environnant»
5^ CnTUll iXriRIMENTALÉ
Les corps les plus pefanrs , fous le même vo-
lume, retiennent le reii pur plus long-temps que
les corps mous (i ). Il fe dilîipe promptement dan?
les premiers inftants j mais lorfque les fubftances
font parvenues à un certain degré de refroidifTe-
ment qui approche de la température de l'air am-
biant , le refte du feu qu'elles contiennent , eft
beaucoup plus long-temps à fe dilfiper.
On n'efl: pas certain G. le feu eft ou n'eft pas pe-
fant. 11 y a des expériences pour & contre ces deux
fentiments. Boerhaave a fait rougir une barre de
fer qu'il avoir pefée auparavant, il n'a remarque
aucune augmentation de poids , ôc dans un autre
endroit de {on excellent Traité du Feu j il ob-
ferve que les métaux calcinés au miroir ardent ,
augmentent de poids confîdérablement \ les uns
d'un feizieme , & d'autres d'un dixième. 11 penfe
qu'on n'a pas pris les précautions convenables
pour s'affurer de la caufe de cette augmentation.
11 croit qu'elle vient Ae^ vaiflTeaux qui fe dé-
truifent &: fe mêlent avec la matière calcinée : il
dit même que les matières métalliques, calci-
nées dans des vaiiïeaux de verre , n'augmentent
prefque point de poids. J'ai répété cette expé-
rience avec foin , & j'ai remarqué que le plomb
calciné dans des vailfeaux de verre , fous le mou-
fle d'un fourneau de coupelle , augmente d'un
dixième de fon poids , fans que la capfule ait
perdu abfolument rien du fien. Le mercure cal-
ciné dans àçs matras de verre , augmente pareil-
lement d'un dixième , fans que le vaiflTeau perde
rien de fon poids.
(0 A l'exception cependant des matières métalliques ,
icjui s'cchaufFent & fe refroidifTent plus promptement cjirt
les autres corps.
ÏT RAISONNES. 57
Je penfe que le feu pur dont nous parlons , cft
unematiereauflieiïentiellementpefanre) que tout
autre corps ; mais comme le feu pur eft toujours
en niouvement , il ne touche point les corps qu'il
pénètre j il n'eft interpofé qu'entre leurs parties.
On peut le comparer , par rapport à la manière
dont il eft dans les corps qu'il pénètre , à un oifeau
qui voltige dans fa cage , fans y toucher j il n'aug-
jncnte point le poids de la cage. 11 en eft de même
du feu : comme il ne touche point les parties de
la barre de fer , il n'augmente point fa pefanteur j
mais lorfque le feu fe fixe tSc fe combine dans le»
corps , comme cela arrive dans les matières mé-
talliques qu'on calcine par fon moyen , il de-
vient d'une pefanteur appréciable , parcequ'il a
perdu toutes fes propriétés de feu pur : il eft non
feulement adhérent aux corps j mais il eft encore
dans un état de combinaifon.
On peut dire la même chofe du feu qui entre
dans la composition des corps organifés : comme
il devient un de leurs principes conftituants , il
a , dans cet état , néceflairement de la pefanteur ,
& il augmente réellement le volume &: le poids
des corps : on ne peu: même le féparer de ces
combinaifons , fans obferver une diminution de
poids qu'on peut apprécier par des analyfes exac-
res , & faites avec les précautions convenables.
Si le feu , en devenant principe des corps orga-
nifés , a de la pefanteur , pourquoi n'en admet-
troit-on pas au feu pur ?
Tous les corps ne contiennent pas la même
quantité de matière inflammable. Les minéraux
qui ne font pas combuftibles par eux-i"nêmes ,
n'en contiennent pas , à beaucoup près , une aufli
grande quantité que les corps organifés ; ce qui
nous prouve que la difpofition ôc l'arrangement
5^ Chymie expérimentale
des parties de la madère donnent aux corps la
propriété d'alîimiler avec eux différentes propor-
tions de feu élémentaire , de le fixer fous diffé-
rents états , & d'acquérir autant de propriétés
Î|ui font relatives à la forme fous laquelle le feu
e trouve fixé dans ces mêmes corps.
Il réfulte de tout ceci , que le feu eft réelle-
ment pefant , lorfqu'il eft combiné dans les corps ;
qu'il eft encore pefant , lorfqu'il eft libre & pur ;
mais que dans ce dernier état , on ne peut appré-
cier {on poids , parcequ'il ne touche point les
corps qu'il pénètre , ôc qu'il eft continuellement
dans un mouvement exceflif : fon mouvement
eft même fi rapide , qu'il n'eft pas polTible de dé-
ranger les rayons raflemblés par le moyen d'une
lentille , ou d'un miroir concave de réflexion ,
qu'en interceptant ces mêmes rayons par un corps
étranger qu'on met entre le foyer & le miroir.
Le vent le plus impétueux ne peut détourner
les rayons de la moindre chofe, ni déranger le
foyer.
Un métal pourvu de toutes fes propriétés mé-
talliques , ne peut admettre dans fa fubftance
aucune matière étrangère , fans perdre de fes pro-
priétés. Or la barre de fer n'ayant point changé
de nature, en fe laiflfant pénétrer d'un feu qui lui
eft étranger , ce feu d'ailleurs ne lui étant point
adhérent , elle ne devoir point changer de poids.
Il n'en eft pas de même d'un métal qui fe calcine i
il change de nature , de forme & de propriétés ,
puifqu'il fe réduit en une poudre ou chaux mé-
tallique qui ne peut plus fe mêler avec une autre
portion du même métal pourvu de toutes fes pro-
priétés métalliques. Les parties du métal , ainfi
réduit en chaux , font difpofées à admettre ce feu
pur , à le fixer ôc à lui faire perdre fes propriétés.
IT RAISONNE!. 59
de feu pur. Le métal, pendant la calcination ,
^nen admet jamais qu'une dofe qui eft toujours
conftante dans la chaux du même métal , fans
qu'on puifle lui en faire prendre une plus grande
quantité que celle que fa nature lui permet d'ad-
mettre , parceque fon état de calcination eft per •
manent.
Le feu pur , en s'uniffant aux métaux qui fe
calcinent , forme avec eux une combmaifon par-
ticulière dont la pefanteur eft moyenne entre
celle du feu & du métal avant fa calcination , par-
cequ'il s'eft combiné avec la chaux du métal une
certaine quantité de feu qui augmente fa pefan-
teur abfolue. Cette fubftance eft du feu qui eft
plus léger que le métal j elle diminue , par con-
féquent , fa pefanteur fpécitîque : aufti , à vo-
lumes égaux, cette chaux eft -elle plus légère
qu'une pareille quantité de matière métallique
de même efpece. Mais on m'objedera peut-être
que le métal , pendant la calcination , perd beau-
coup de fubftance inflammable qu'on voit même
fe diiîîper en fumée : elle eft néceftairement pe-
fante. Comment fe peut-il faire que, malgré cette
perte , il y ait une augmentation de poids aufti
confidérable que celle qu'on a coutume de re-
marquer , qui va même , à l'égard de certaines
matières métalliques , jufqu'à douze livres par
chaque cent livres de métal ? Je répondrai à cela
que l'augmentation de pefanteur abfolue qu'on
ûbferve , provient de ce qu'il eft entré dans cette
chaux une plus grande quantité de teu que le
poids du phlùgiftique qui s'eft diftipé pendant la
calcination. Au refte , il eft certain que chaque
efpece de métal augmente conftamment , pen-
dant fa calcination, de la même pefanteur ab-»
ibUie,
^0 ChYMII ÏXPiRIMENTALE
Je fens bien qu'il reftera toujours quelque diffi-
culté à éclaircir. Il eft difficile , en effet , de favoit
dans quel état ce feu eft ainfi combiné dans les
chaux métalliques. Il ne peut y être fous la forme
de phlogiftique , parceque s'il y étoit fous cette
forme , la chaux fe réduiroit en métal par la fufion,
aulieu de fe convertir en verre , comme elle a
coutume de faire* ce qui fait voir que le feu peut
fe combiner , dans divers états , de différentes ma-
nières , & dans différentes proportions , fuivant
la nature & la difpoûtion des corps avec lefquels
il fe combine , & auxquels il donne de nouvelles
propriétés.
11 réfulte de tout ce que nous venons d'expofer
fur les propriétés du feu , qu'il eft une matière ,
puifqu'il exerce fon a6tion dans toutes fortes de
diredions , en fe dégageant des corps. On peut
s'en affurer , en plaçant des thermomètres , à
égales diftances , autour d'un boulet rouge , fuf-
pendu à un plancher : ils fuivront tous la même
marche , fi rien d'étranger ne s'y oppofe. Lorfque
le feu fe dégage des corps , il tend à fe mettre en
équilibre , fe répand dans l'air , & s'infinue dans
toutes les fubftances qu'il rencontre , jufqu'à ce
qu'il y ait équilibre par-tout.
Le feu eft impénétrable comme toutes les au-
tres parties de la matière , puifqu'il eft réfléchi
par les miroirs ardents. Il eft pefant, puifqu'il
augmente le poids des corps dans lefquels il fe
combine , foit végétaux , foit animaux , foit mi-
néraux.
Les molécules primitives du feu doivent être
d'une très grande fineffe , puifqu'elles entrent
avec une extrême facilité dans les pores des corps,
même les plus folides. Ces molécules doivent
ctre très folides, très limples, puifqu'elles ne
IT RAISONNE E. 6t
font pas fufceptibles de changer ni de varier dans
leurs effets.
Les parties du feu ont néceflairement une très
grande vîtefTe, puifqu'elles font mouvoir les par-
ties des corps qu'elles pénètrent , avec une très
grande rapidité , & qu'elles les tiennent dans un
mouvement continuel , en entrant 8c en fortanc
alternativement. 11 eft d'ailleurs impoflible de
déranger , par un vent des plus impétueux , les
rayons qui coïncident au foyer d'un miroir ar-
dent , ou d'une lentille , ainfi que nous l'avons
déjà dit.
Sur les moyens de rajjcmbkr le feu _, &fur ceux
qui déterminent fon ad:ion.
Après avoir expofé les principales propriétés
du feu pur fur les corps , nous allons examiner
les caules qui l'excitent, les moyens qu'on em-
ploie pour le raiïembler, & les caufes qui déter-
minent fon adion.
La première de ces caufes eft le foleil. Cet
aftre, quoiqu'éloigné de nous , paroîi être le ré-
fervoir commun du feu qui entoure notre globe.
Il nous vient du foleil en ligne droite par des
rayons parallèles^ &: peut-être le furpius du
feu qui nous eft nécelfaire y retourne-t-il par une
cfpece de circulation, comme quelques Philofo-
phes l'ont penfé , mais fans l'avoir démontré.
La chaleur qui nous vient du foleil eft douce ,
modérée , incapable d'apporter dans les corps des
changements qui pourroient leur caufer une trop
grande altération. Elle n'eft que fuftifante pour
procurer la génération , le développement & l'ac-
croiirementdetous les êtres qui vivent, végètent
ou fe combinent â la furface ou dans le fein de
Ja terre.
6t Chymie expérimentale
Les Phyficiens ont trouvé le moyen de réunît
& de faire converger en un fcul point , par le fe»
cours des lentilles & des miroirs concaves de ré-
flexion , un certain nombre de rayons du foleil ,
& de produire par là un foyer d'une chaleur ex-
ceflive , de beaucoup fupérieure a tout ce que
nous connoilTons , & capable de fondre & de vi-
trifier en un inftant les corps les plus durs : ce que
nous ne pouvons faire , à. beaucoup près , dans
nos fourneaux les plus animés.
Un autre moyen que l'on emploie pour exciter
le feu , & qui produit des effets aulTi violents que
ceux dont nous venons de parler , eft le choc de
plufieurs corps durs. Le choc d'un briquet contre
une pierre à fufd produit en un inftant un feu
aufli violent que celui qui règne dans le foyer d'un
bon miroir concave de réflexion. Les étincelles
que le briquet produit étant ralTemblées & exa-
minées au microfcope , fe trouvent être du fer
qui a été mis en fufion , & enfuite vitrifié. Or ,
pour produire un pareil effet en un inftant fi
court, on corçoit facilement qu'il a fallu une
chaleur excefîive , & pour le moins auflî forte
que celle qui règne au foyer d'un bon miroir ar-
dent.
Un troifieme moyen par lequel on parvient à
exciter le feu , eft la combuftion des corps orga-
nifés , dans la com.pofition defquels le feu élé-
mentaire eft entré comme principe conftituant en
très grande quantité ^ mais , comme ce feu eft
combiné avec Ips autres éléments , il convient
que nous les examinions d'abord.
Sur l'Air,
• L'air eft un fluide invifible , fans couleur , infi-
pide , inodore , pefant , élaftique , fufceptible de
ET RAISONNÉ E. g^
raréfadion & de ciondenfation , 8z qui n'affedte
aucun de nos fens , fî ce n'elt le toucher.
L'air eft un élément indeftrudlible , inaltéra-
ble par tous les moyens connus jufqu'à préfent
dans la Chymie.
Ce fluide environne le globe terreftre , 8c ferc
à entretenir la vie des animaux & des végétaux
qui font à fa furface. Les expériences de la ma-
chine du vuide ont démontré que l'animal ou le
végétal qui cefle de le relpirer , périt aulîi tôt.
L'air eft fous deux états diftérents, comme le
feu : i^'.pur, ifolé de ne faifant partie d'aucun
corps compofé j i°. combiné avec d'autres fub-
ftances, Se faifant fondion de principe ou de
partie conftituance de beaucoup de corps compo-
fés , principalement des végétaux & des animaux.
Nous allons d'abord reconnoître les propriétés
les plus générales de l'air pur & ifolé.
Il eft difficile de fe procurer de l'air abfolu-
ment pur : il eft toujours mêlé de parties de feu,
d'eau & des exhalaifons qui s'élèvent à la furface
du globe. Néanmoins , comme l'air eft diftindt
de toute autre fubftance , ôc qu'il eft un élément
à part , que l'on peut fuppofer dans un état de
pureté , nous le confidérerons comme s'il étoit
dans cet état j nous examinerons fes propriétés ,
6c ce en quoi il diffère des autres corps de la Na-
ture.
L'air eft toujours fluide comme le feu j du
moins jufqu'à préfent les Physiciens ne font pas
encore parvenus à le rendre folide , même à l'aide
des plus grands refroidilTements qu'on a pu exci-
ter artificiellement.
La fluidité de l'air eft abfolument néceflaire
f)Our l'entretien de la vie des animaux , 8c pour
a végétation. Cet élément n'eft pas fufceptible
6j^ Chymie expérimentale
de devenu- folide , comme le devient l'eau ,
même par une légère intenfité de froid. Boer-
haave conjcifture que la fluidité de l'air peut -ve-
nir des parties de feu qu'il retient toujours , 6c
dont il eft abfolumentinféparable j ce quiparoît
très vraifemblable. La difficulté de nous procurer
un froid fuffifant eft peut-être la feule caufepour
laquelle on n'a jamais vu d'air folide. C'eft un '
corps auquel il faut une chaleur bien médiocre
pour le tenir dans cet état de fluidité où noas
fommes accoutumés à le fentir.
L'air , comme nous l'avons dit , ne peut être
apperçu par l'organe de la vue : il eft ablolument-
invifible, parcequ'il n'a pas de couleur : il eft
abfolument inflpide ôc fans odeur. Lorfqu'il eft
parfaitement pur , ilfe charge avec une très grande
facilité des bonnes Se des mauvaifes odeurs. Lorf-
qu'il s'agite , il tranfporte à des diftances consi-
dérables les odeurs Se les vapeurs dont il s'eH
imprégné : il femble même qu'il eft le réfervoir
des corps prodigieufement divifés. Se qui font
réduits en molécules aufli déliées qu'il l'eft lui-
même : il eft enfin le diflolvant de ces fubftances :
c'eft ce qui eft caufe qu'il eft difficile de trouver
de l'air parfaitement pur & dépouillé de toute
matière étrangère : il eft toujours chargé d'humi-
dité : il paroît même que c'eft une qualité eflen-
tielle pour les animaux qui le refpirent , Se pour
raccroiflement des végétaux, puifque les pre-
miers fouffrent beaucoup en refpirant un air trop
fec , Se que les derniers languilfent Se périlfent
raiême , lorfque l'air n'eft pas chargé d'une cer-
taine quantité d'eau , comme on le remarque
dans les années où il pleut fort peu.
Le temps où l'air eft le plus pur , mais non le
plus fain, eft celui des grandes gelées. Se lorf-
qu'il
ET R A I S O N N E E. C^
Ou il ne fait point de vent : il contient moins de
feu élémentaire ; il en contient cependant encore
beaucoup , puifqu'il ne cefTe pas d'être fluide :
il eft beaucoup moins aqueux , parceque l'eaii
dont il eft charn;é dans tout autre temps , fe gelc
par le grand uoid : il eil aulTi beaucoup moms
chargé des exhalaifons de la terre , parceque fa
lurtace étant gelée, les exhalaifons Ion t moins
abondantes. Le froid eft m jme fouvent nécefTaira
pour purger l'air de matières nuihble*: qui peu^
vent l'infedber j mais il a des inconvénients lorf»
qu'il dure trop long-temps, parcequ'il f.- fait un
amas de matières dans l'intérieur de la terre , qui
s'élèvent en vapeurs tout-à-U'^tois au momsnc
du dégel. En été , le temps où l'air eft le plus pur
& le plus fain , eft celui qui luccede aux pluies.
L'air a une réfiftance comme les autres corps ;
èc lorfqu'il s'agite , il renverfe fouvent les obfta-
cles qui s'oppofent a. fon palfage.
Après le leu , l'air eft la matière la plus légère
& la plus fluide que nous connoilfions dans la
Nature. C'eft pour cette raifon qu'il eft toujours
à la fUrface des corps avec lefquels il n'eft pas
combiné. En général , il ne pénètre que dans les
endroits où il ne trouve pas de matière plus pe-
fante que lui. C'eft fur cette propriété de l'air qu'eft
fondée la méchanique des fourneaux dont nous
avons parlé au commencement de cet Ouvrage.
L'air, quoique plus fluide que les autres liqui-
des, & même dont les parties intégrantes font
infiniment plus déliées, ne paffe pas, ou du moins
palTe très difiicilement , au travers de certains
corps , tels que le papier , le parchemin , le car-
ton , &c. ou de tout autre corps de même efpece j
tandis que l'huile , l'efprit de vin , l'eau , les fels
en dilfolution dans l'eau, ikc. y palfeat avec alTca;
To/ns I, E
r.
'S 6 ChVMIE EXPÉRIÎvtE^tALË
de facilirc. C'elt une obfervation connue des
Phyficiens : quelques-uns en ont même conclu
que cela venoit de ce que les parties intcg;rantes
de l'ail' ctoient plus groiîleres que celles des au-
tres fluides. Je penle qu'on doit attribuer cet
eftet purement & fimplement au jeu des tuyaux
capillaires. L'air ne mouille point ces difltérents
corps : il n'y a point d'attradion entre eux & les
molécules de l'air : l'air ne peut fe filtrer au tra-
vers de leurs pores , à moins qu'il n'y foit con-
traint par une torce étrangère. Il en eft de mcme
de l'eau qu'on voudroit faire pafler au travers d'un
apier huilé : comme elle ne peut plus mouiller
es parties propres du papier , fa iiltration n'a
plus lieu.
Nous pourrions rapporter un grand nombre
d'expériences qui prouveroient non feulement î
la peianteur de l'air , mais même fon rapport
avec la plupart des corps connus j mais nous
croyons ces chsfes abfolument étrangères dans
un ouvrage de Chymie , Se nous renvoyons aux
livres de Phyiique qui traitent ces matières dans -
le détail convenable , pour nous en tenir aux
propriétés de cet élément qui ont un rapport plus
dire6t à la Chymie.
L'air eft élaftique, c'eft-à-dire qu'il eft com-
prelîible , de qu'il fe rétablit dans fon premier
état, aulli-tôt qu'on fupprime le poids qui le corn-
primoit. Il ne perd rien de fon élafticité , comme
ïon}: tous les autres corps à relfort , ou pour avoir
été trop comprimés , ou confervés pendant très
long temps dans un état de preflion. L'élafticitéde
l'air a une proportion conftante Se déterminée ,
relative à la denfité de l'air : cet élément occupe
un efpace qui eft en ràifon inverfe des poids qui
le compriment.
ET R A I S O N N É E. ' Cf
Plufieurs Phyficiens ont tenu de l'air prbdi-
gieiifement comprimé pendant quinze & vino;t:
années , fans qu'ils fe foient apperçus qu'il eut
perdu la moindre chofe de ion clafticité. Il fuie
d'ailleurs la même loi que les autres corps à ref-
fort, c'eft-à-dire qu'il le lailfe comprimer d'a-
bord affez facilement \ mais lorfqu'il eft parvenu
à un certain état de prellion , il rélifte davantage.
Boile a rendu l'air treize lois plus Aq.\\{q , en le
comprimant. M. Kaller dit l avoir réduit à un
volume foixante fois plus petit. M. Haies l'a
rendu trente-huit fois plus denfe , à l'aide d'une
prelfe. L'air , ainli comprimé , ne peut plus ctre
refpiré par les animaux \ il eft trop denfe. Ceux
qui fe font mis lous la cloche du plongeur , en ont
fourni de cruelles expériences. Lorfque l'air eft
trop condenfé , il occafionne une dilatation con-
fidérable & des déchirements mortels dans les
poumons.
L'air , comme nous l'avons dit , entre dans la
combinaifon de beaucoup de corps compofés, & il
fait même un de leurs principes conftituants. Lorf-
qu'il eft ainli combiné , il perd toutes fes proprié-
tés élaftiques : il devient , dans les corps , ce que
M. Halès nomme ^ir/o/ic/jj c'eft-à-dire , de l'air
qui s'eft folidifié , 6«: qui a perdu toutes fes pro-
priétés d'air pur , en s'aftimilant aux corps orga-
iiilés , comme le feu pur perd les tiennes , en de-
venant principe conftituant de ces mêmes corps.
C'eft le propre des végétaux^ des animaux de
faire perdre aux cléments purs leurs propriétés ,
en les combinant & les allimilant à leurs propres
fubftances.
Peut-être l'air n'eft-il dans la compofition des
corps , qu'après s'être combiné avec d'autres fub-
ftances : djiis ce cas , il y feroit fous la forme d'un
<jS C n y \f I e expérimentale
principe fecondaire, comme le feu fous la forme
lie nhlogiftique ^ c'eft ce que nous examinerons
en ion lieu. Quoi qu'il en foit , on doit bien dif-
tinguer l'air combine d'avec celui qui n'eft: qu'in-
teipo(c entre les parties des corps : nous avons
déjà fait cette même diftindion à l'égard du feu
pur. L'air qui n'eft qu'interpofé , peut ctre fé-
1?aré des corps par des moyens méchaniques j au
ieu que celui qui fait fonction de principe , ne
peut l'être qu'en décompofiint les jorps. Il en eft
de l'air à cet égard , comme du feu , dont on
peut féparer une bonne partie par des refroi-
dilfements artiliciels. Onpeut de même, parle
moyen de la machine pneumatique, féparer des
corps la plus grande partie de l'air qui y eft inter-
pofé , ôc qui n'eft pas dans l'état de combinaifon.
Nous n'entreprendrons pas de démontrer à
préfent l'exiftence de l'air , comme faifant foncr
rion de principe conftituanr dans les corps orga»-
ni fés : cela nous obligeroit d'entrer dans des dé-
tails qui fuppoferoient la connoiftance de beau-
coup de chofes dont il convient que nous parlions
auparavant.
Effets du FéuJufV'Âlr*
Les effets du feu fur l'aie font de le dilater oii
de le raréfier, c'eft-à-dire , de lui faire occuper
des efpaces plus grands qu'auparavant. La dila-
tation la plus confidcrnbie qu'il eft fufceprible
d'éprouver de la part du feu le plus violent , eit
de treize à quatorze fois fon volume : il ne peut
jamais fe rarétier alfez pour qu'il s'enfuive un
vuide parfait : il refte toujours une partie de l'air,
même lorfqu'on fait chaufter au rouge blanc le
vafe qui le contient. Nous ne rapporterons point
les expériences qui prouvent. cette propoiitipn:j
ET R A I S O N N Ê E. é^
on peut en voir le détail dans la plupart des livres
de phyiiqiie. Lorfque l'air cefTe d'être échauffe ,
^' qu'il fe refroidit , il fe condenfe , c*^eft-à - dire
que {qs parties fe rapprochent les unes près des
autres , pour n'occuper que le volume qu'il avoic
îiuparavant.
E^ets de C Air fur le Feu pur.
Nous venons de reconnoître les effets du feu
fur l'air ; examinons préfentement les efîets de
l'air fur le feu.
L'air n'a aucune adion fur le feu pur : il ne
paroît rien changer à fon état ni à fa manière d'a-
gir. La tonârion de l'air femble fe borner à être
le réfervoir d'une partie du feu qui nous vicii,. du
foleil , & de celui qui fe dégage Aes corps pen-
dant leur décompolition : il scw laiffc pjnctrer
imitormément: il n'augmente ni ne diminue l'ac-
tivité du teu. Le feu pur agit indépendamment de
l'air, puifqu'il pénètre & a autant d'atVion dans
levuidc , que loifqu'il agira l'air libre, il fond (!?c
vitrifie les corps dans cette circonftance , avec au-
tant de facilité qu'à l'air libre , toutes chofes éga-
les d'ailleurs.
Mais il n'en elt pas de même de l'accion do
Tair fur le feu, applique aux matières combufti-
blés. Son concours eft abfolument nécefiaire pouu
entretenir leur combuftiou , comme nous le di-
rons en fon lieu.
Ccmhinaifon de VAïr avec le Feu.
Peut-être la Nature combine-t-ellc l'air avec
le feu p'u-, ce qui formeroit un véritable piincipo
Secondaire j^.mais Jufqu'à préfent cette conibi-
naifon, f» elle exifle, a échappé aux connoif-^
fa^cc «^çsChymiftes ôc àts Phyficiens.
E.ii|.
7© Chymie expéri mentale
Sur l'Eau.
L'eau efl: une fubftance liquide, tranfparente ,
fans couleur, fans odeur & fans faveur, lorf-
qu'elle eil parfaitement pure. Elle eft un clément
primitif, indell:tu6tible, inaltérable dans toutes
les opérations de la Chymie.
Il en eft de l'eau comme des autres éléments
dont nous avons parlé. Elle a une fi grande dif-
pofition pour s'unir avec les fubftances qu'elle
rencontre à la furface ou dans l'intérieur de U
terre, qu'il eft abfolument impolîible de l'avoir
parfaitement pure , & privée de toutes fubftances
étrangères. Elle eft toujours mêlée de feu , d'air
& de terre. La plus pure que fournit la Nature ,
eft pelle qui roule dans des fables ou dans des ro-
chers de grès ou d'autres pierres vitrifiables j
mais elle n'eft pas pour cela parfaitement pure,
Néanmoins cela ne nous empêchera pas de re-
connoître les propriétés de l'eau , comme fi elle
éroit dans (on plus grand état de pureté , &: de la
diftinguer des autres éléments , & de toutes les
autres fubftances de la Nature.
L'eau eft fous deux états , comme les autres
éléments: i°. pure, ifolée , & ne faifant partie
d'aucun corps compofé: i°. combinée avec diffé-
rentes fubftances , entrant dans la compofition
de beaucoup de corps compofés , 6^ faifant fonc-
tion de principe conftituant de ces mêmes corps ,
èc principalement des corps organifés. Nous exa-
minerons à prcfent l'eau pure &; ifolée , afin de
reconnoître \qs propriétés dans cet état : nous re-
connoîtrons par la fuite les propriétés qu'elle aj^
lorfqu'elle fait partie conftituante des corps com-
pofés dans lefquels elle entre.
La Nature nous préfente l'eau pure ifolée fous
ÏT RAISONNE E. 7I
trois différents états : i **. dans l'état de li<quidité :
i". dans l'état defolidiré que l'on nomme g/ace :
3 °. dans l'état de vapeurs. Sous quelque forme que
nous confidcrions cette fubftance , elle eft tou-
jours de l'eau : elle ne change abfolument point
de nature ^ mais, comme elle préfente des phé-
nomènes chymiques & phyliques qui font rela-
tifs à ces différents états , nous croyons de-
voir examiner fes propriétés fous ces différentes
formes.
Des proprietts de l'Eau dans l'état de liquidité.
L'eau dans l'état de liquidité efl la boiffon na-
turelle des animaux , & peut-être la feule propre
à entretenir la fanté & la vie. Elle efl également
nécelfaire à la végétation , puifque , fans fon con-
cours , toutes les plantes périlfent. Il paroît même
qu'elle entre immédiatement dans la compoiîtion
des corps organifcs. L'eau fertà la formation des
matières métalliques ^ mais ce n'efl que comme
inftrument. Toutes les recherches qu'on a faites
jusqu'à préfent , prouvent qu'elle ne fait pas par-
tie de ces corps.
L'eau eft incompreffible. L'Académie de Flo-
rence expofa à la preffe des boules d'or remplies
d'eau dans une température froide. Les boules
s'applatirent, & l'eau paffa au travers du métal
plutôt que de fe laifler comprimer : ce qui fait voir
que les parties intégrantes de l'eau {ont d'une
grande roideur & d'une grande finefle. Quel-
ques Phyficieas avoient mis en queftion de favoir
il l'eau pafTe ou ne pafle pas au travers du verre.
M. de Colligny a décidé cette queftion-par des ex-
périences bien faites : nous en rendrons compte
lorfque nous parlerons des différents moyens qui
ont été propofés pour delfaler l'eau de mer»
Tome h .Eiv*
■Jl Ch Y MIE EXPÉRIMENTAL F.
Au refte , comme nous avons vu que l'ait eft
très comprelîiblj , iSc que l'eau au contraire pa-
roît ne point l''ctre , cela nous fait vou^ que ces
deux cléments différent eirentiellemenc entre
eux.
L'eau prife au terme de dix degrés au-deflus
de la congélation occupe le plus petit efpace pof-
(ibie : fi dans cet état on la fait chauffer à l'air
libre jufqu'à l'ébullition, elle augmente de vo-
lume d'environ un trente-deuxième. Elle a d'ans
cet état le plus grand degré de chaleur qu'elle peut
acquérir : on s'en eft alTiiré par l'immerfion d'un
thermomètre. Son plus grand degré de chaleur ,
lorfqu'elle bout à gros bouillons , eft de quatre-
vingt àquatre-vingt-quatre degrés au thermomètre
de Réaumur.Cette variation dépend de la hauteur
de l'atmofphere. Mais , lorfqu'elle eft retenue
& qu'elle n'a pas la liberté de s'évaporer, comme
dans le digefteur de Papin , elle acquiert alors
allez de chaleur pour fondre un morceau de plomb
ou d'érain , fufpendu dans fon centre , & pour
décompofer les fubftances végétales & animales ,
à-peu-près de même que lorfqu'on les foumet à la
dilliillation pour en faire l'analyfe. L'eau renfer-
mée dans des vafes de métal aflez fort , y rougit :
je l'ai vu rougir : elle eft même capable de rougir à
blanc , lorfqu'elle eft fuffîfamment fixée , comme
nous le démontrerons. Au contraire , lorfque
l'eau ceffe d'ctre comprimée par le poids de Tat-
mofphere , ainfi qu'il arrive lorfqu'elle eft renfer-
mée dans le vuide ,elle bout avec plus de facilité :
elle ne peut même, dans cette circonftance , ac-
quérir que quarante degrés de chaleur , au lieu
de quatre-vingt , comme lorfqu'elle eft à l'air
libre \ c'eft ce que Huygens ôc l'Abbé Noller
ont fufhfaminenc démontre. ^
i
ETRAISONNÉl. 75
i L'eau contient beaucoup d'air qui lui eft fort
j adhérent : cet air s'échappe en grande quantité ,
mais jamais en totalité , pendant i'ébuUition.
Mais l'eau expofée à l'air libre reprend , dans l'ef-
pace de quelques jours , l'air qu'elle avoir perdu
j par I'ébuUition ou par le moyen de la machine
! pneumatique.
L'eau ell un dilTolvant des fels 8c de toutes les
matières falines , gommeufes , extradives , ôcc.
L'eau ne s'oppofe pas complettement à l'adlion
I du feu pur : elle diminue feulement une partie
des effets de cet élément. On tait fondre dans
de l'eau des matières métalliques , Se on réduit
en charbon des corps organilés qu'on expofe au
miroir ardent , dont le foyer & les corps dont
nous parlons font plongés dans une maffe d'eau j
mais elle éteint le feu qui ell appliqué aux corps
combuftibles : cela vient de ce qu'elle s'applique
à leur furface , & qu'elle intercepte toute com-
munication avec l'air , fans lequel aucun corps
combuftible ne peut brûler.
Mais , lorfque l'eau ne peut pas mouiller les
corps , & qu'ils font plus légers qu'elle , comme
les matières grailfeufcs , elle ne peut les éteindre
quand ils font enflammés , parcequ'ils furnagenc
Se qu'ils éludent par-là le contact de l'eau.
Plufieurs Phynciens ont avancé que l'eau pou-.
voit fe convertir en terre , foit naturellement ,
foit par l'art : quelques Chymiftes rapportent
même des expériences faites à ce fujet. Vigner ,
Boile , Ôcc. ont diftillé une petite quantité d'eau
mille fois de fuite , & en ont retiré à chaque
fois une terre fixe au feu. Comme ces expériences
ne font point rapportées avec aflez de détails , on
peut conclure , en toute futeté , que cette terre
Qi\ étrangère à l'eau. Nous croyons avec Boer-
74 ChYMIE EXPÉRIMENTALE ,
haave que l'eau eft un clément abfolument indeC- U
trudible & inaltérable : cet élément, à quelque
épreuve qu'on le foumette , redevient toujours .
de l'eau , tel qu'il étoit auparavant. M. Lavoi- -
fier, de l'Académie des Sciences , a répété quel-
ques-uns des procédés dont nous parlons y il s'eft
ftlfuré par des expériences fort exaéVes , que l'eau
ne fe cnange point en terre.
Nous avons fait obferver que Tenu qui bout a
l'air libre , à gros bouillons , ne prend jamaia
qu'un degré de chaleur déterminé. Lorfqu on lui
fait éprouver un très grand froid artificiel , elle ne
prend pareillement qu'un très léger degré de froid
qui eft d'un demi degré au dellous de Ton terme
de congélation ,- tant qu'elle eft dans fon état de
liquidité , quelque grand que foit d'ailleurs le
froid qu'on lui fait éprouver. C'eft ce que j'ai
démontré dans un Mémoife imprimé dans le
Journal de Médecine , année 1770 , mois d'Oc-
tobre & de Novembre.
XPERIENCE
Qui prouve que l'Eau ne prend quun degré de
froid déterminé.
On fait un mélange de deux parties de glacç
& d'une partie de fel marin y ce qui produit un.
froid de dix-huit à vingt degrés au-deftbus du
terme de la glace. On plonge dans le centre de ce
mélange un petit gobelet de verre rempli d'eau
pure 'y d'une autre par«t , on plonge dans le mê-«
lange de fel & de glace un thermomètre , & l'oa
plonge aulTi dans l'eau du gobelet un femblable
thermomètre. Celui qui eft plongé dans le mé-
lange de glace ôi de fel j fe tient conftamment à la
température de ce mélange j mais celui qui eft
ET RAISONNES. 7J
plongé dans l'eau du gobelet , refte conftamment
à un demi-degré au-delFous du terme de la con-
gélation, tant qu'il refte plongé dans Teau non
gelée ; &: il ne prend la température du bain, qu'a-
près que l'eau eft gelée complettement. Si, au lieu
d'eau , on plonge un bocal d'efprit de vin ou de
toute autre liqueur non gelable , à une fcmblable
température, la liqueur prend , fans tarder, celle
du bain.
J'attribue cet eftet au mouvement que le froid
excite entre les parties intégrantes de l'eau. Ce
mouvement produit de la chaleur qui efl: toujours
proportionnelle au h'oici artificiel auquel on fou-
met l'eau , puifque , quelque grand que foit ce
froid , l'eau refte au-delfous du terme de la con-
gélation.
Les liqueurs fpiritueufes , pour lefquelles il
faut un plus grand froid pour fe congeler , pren-
nent fur le-champ ou peu après , la température
du bain mentionné ci-defTus , parceque , dans ce
cas , il ne s'excite entre leurs parties intégrantes ,
aucim mouvement qui produife de la chaleur;
mais , (i on leur fait éprouver un froid capable
de les congeler , il arrive à leur égard précifément
la même chofe qu'à l'eau : i°. tant qu'elles font
dans l'état de liquidité , elles reftent conftamment
à quelques degrés au-deftous du terme de leur
congélation (i) : 2". elles ne prennent, comme
l'eau , la température du bain où on les a plon-
gées, qu'après qu'elles font entièrement gelées.
( 0 Le terme de la conç^cLitioii n'cft pas le mcmc pour
toutes les liqueurs : il faut une intenfité de froid d'autant
plus grande que la liqueur eft moins gelable. C'eft ce que
j'ai conftatc par une fuite d'expériences détaillées dans
mon Mémoire imprime dans le Journal dç Médecine fciir
le mois d'Odobrc 1-^-70.
7<* Chymie expérimentale"
2?« Propriétés de l'Eau dans L'état de glace.
Lorfque l'eau éprouve un certain degré de froid,
elle fe convertit en un corps folidc que l'on nom-
me glace.
La glace efl; un corps dur & élaftique qui pré-
fente des phénomènes différents , fuivant qu elle
fe forme plus ou moins lentement. Lorfqu'elle
fe forme lentement , elle prend un arrangement
fymmétrique qu'on peut très bien obferver,&que
j'ai comparé , dans mes cours , à la cryftallifatioa
des fels : elle forme toujours des aiguilles qui fe
croifent en an2;les de foixante ou de cent vingt
degrés , comme l'a remarqué M. de Mairan , dans
fa DilTertation fur la glace. Mais , lorfque la
glace fe forme par un froid fort âpre , cet arran-
gement ne fe fait pas avec la même régularité \ à
inefure que le froid augmente, la glace acquiert
plus de confiftance & de volume. On obferve que
de l'eau glacée , contenue dans un vafe plein ,
coule & fe répand jufques par-deflTus les bords,
comme une lave de volcan \ ce qui indique non
feulement une dilatation entre les parties de la
glace , mais même un commencement de fulion.
Cet effet eft d'autant plus fenfible , que le froid
devient plus grand. La glace fe dilate même fl
confîdérablement, qu'elle fait des efforts incroya-
bles pour rompre les obfcacles qui lui réfîftent. Les
Académiciens de Florence ayant pris une boule
de cuivre fort épaifle , dont la cavité avoit ua
pouce de diamètre, la remplirent d'eau, & la
fermèrent : lorfque cette eau fut gelée , elle creva
la boule de métal. Ils calculèrent enfuite l'effort
qu'il fallut pour produire cet effet ; ils trouvèrent
qu'il eft égal à vingt-fept mille fept cents vingc
ET RAISONNÉ E. -J-f
iivres. [EJfal de Phyjîquc àe MufTchenbroek ,
Lorfque la glace fe forme, l'air contenu dans
l'eau fe dégage , produit des bulles qui troublent
même la tranfparence de la glace. Les Phyficiens
avoient attribué à cet air tous les phénomènes
dont nous venons de parler \ mais il s'en faut de
beaucoup que cette explication foit fatistaifante.
D'ailleurs cet air interpofé n'cil point dans un
ctai; de preflîon , puifque , fi l'on perce la glace
avec une aiguille pour en fau^e fortir les bulles
d'air , il n'en fort pas , ou , s'il en fort , c'eft fans
effort. Nous penfons que les efforts que fait la
glace, viennentdu mouvement & de la dilatation
qui s'excitent entre fes parties, & qui la difpo-
fent à une forte de fufion. Dans ce fens , la fo-
lidité de l'eau ne feroit pas plus fon état naturel ,
que fa liquidité.
Un morceau de métal expofé au froid , fuit né-
cefTairement la même marche : il diminue d'abord
de volume j mais, lorfqu'il eft frappé de froid fuffi-
famment, il doit de même commencer à augmen-
ter de volume, un peu avant d'être gelé. J'entends
par métal gelé ^ celui qui eft tellement pénétré de
froid , qu'il e(l caffant à un choc médiocre. Le
fer eft dans ce cas. Il faut peut-être un plus grand
froid pour faire parvenir les autres métaux au
même point. Il doit y avoir entre eux, à cet égard,
les mêmes différences qu'il y a entre les liqueurs
qui éprouvent une plus ou moins grande facilité
à fe geler, comme je l'ai dit dans le même Mé-
moire imprimé dans le Journal de Médecine pour
le mois d'06tobre 1770. Je fuis même porté à
croire c]ue, s'il étoit pofTible d'obtenir un froid
fuifilant,les métaux éprouveroient, comme l'eau
congelée , cette forte de fufion qui arrive à la
7^ Chymie expérimentale
glace foumife à un grand froid : on parviendroit ,■
par le moyen d'un troid exceliîf, à liquéher , il
j'ofe me fervir de ce terme , les corps les plus
durs , de mcme qu'on les fait entrer en fufioii
au miroir ardent. On obferveroit nécelTairement
dans ce genre de fufion les mêmes différences que
l'on remarque entre les autres fuiions opérées par
le feu \ il faudroit par conféquent , pour les corps
les plus durs , une plus grande intenfité de froid.
La glace nage toujours fur l'eau. Les Physi-
ciens ont attribué cet effet à l'air qui fe dégage
de l'eau pendant la congélation, & qui diminue
fa pefanteur fpécitique ; mais nous ne croyons
pas que cette explication foit fuHifante. On doit
plutôt , ce me femble , attribuer cet effet à l'ar-
rangement des parties , qui eft différent. Tous
les corps qui peuvent palier de l'état de folidité
à celui de liquidité , font dans le même cas. Un
métal figé nage fur le métal de même efpece qui
•eft en fuiîon. Du beurre figé na^e fur du beurre
qui eft liquené, &:c. 11 paroît même que c'eft un
principe général que les- c-orps en fufion ont plus
de pefanteur fpécifîque., que lorfqu'ils n'y font
■pas.
•^ ' Lorfque le froid augmente , la glace eft tou-
jours en mouvement/,- elle continue de fe gon-
fler ; elle s'élève en boife dans le milieu , fi les
bords du vafe qui la contient , réfiftent à fon ex-
tenfion. 11 eft difficile d'attribuer tous ces effets
au froid feul , ou â l'abfence du feu : on remarcjue
fouvent que le thermomètre eft de plufieurs de-
grés au-deirus de la glace , &c que néanmoins il
gelé. M. de Réaumur dit que l'eau fe gelé, quand
elle eft parvenue à un certain degré de froid j
qu'elle ne fe ^ele pas dans un autre temps , quoi-
que plus froid que le t^rme ordinaire de la coii-
ET RAISONNÉ £. 74)
Relation *, qu'il dégelé , lorfqu'il faic plus froid
que quand il geloic. Tous ces phénomènes font
bien finguliers, & pourroient faire préfumer que
le hoid & la gelée ne font point entre eux comme
icaufe &: effet.
L'eau qui fe dégelé, n'efl: point falubre : elle
ne recouvre fa falubrité que quelque temps après
qu'elle efl: entièrement dégelée : c'eft une obfer-
vation que beaucoup de Phyliciens ont faite. Je
penfe qu'on doit attribuer cet effet à ce que les
parties de l'eau , au moment du dégel , n'ont pas
encore pris l'arrangement qui leur eft propre &c
qu'elles ont dans l'état de parfaite liquidité.
La glace mclée avec les acides minéraux , avec
Telpric de vin , &c. produit des degrés de froid
confidérables jtandis quel'eau non gelée s'échauffe
beaucoup avec toutes ces fubflances. Tous ces
phénomènes nous prouvent que le même corps
change de propriétés , lorfqu'il change d'état.
Cette obfervation ne fe borne pas à l'eau feule-
ment : il en eft de même des autres éléments ,
lorf.|u'ils entrent dans les combinaifons qu'ils
peuvent former.
Des Propriétés de l'Eau dans l'état de vapeur.
Lorfque l'eau éprouve un degré de chaleur
même affez médiocre , elle s'évapore , c'eft-à-
dire qu'elle fe réduit en vapeurs. Ces vapeurs
lont vilibles , lorfque fair eft faturé d'eau , &:
qu'il eft froid : au contraire , elles font infenfî-
blés dans les a;randes chaleurs de Tété , ou du
moins elles lont infiniment moins vifibles , par-
ceque l'air chaud peut en tenir davantage en diifo-
lurion.
Il s'élève de la furface des eaux une quantité
prodigieufe de vapeurs invilibles ou vifibles, fui-
8o Chymie ex péri mentale
vaut les circonftances du froid ou du chaud. C*eft
une forte de diftillarion que la Nature fait 4e
l'eau , Se que les vents tranf|jortent dans cet état
de dillohuion:, pour produire les différents mé-
téores aqueux , tels que la pluie ^ la grêle, la
neige , &:c. qui forment eiifuite les rivières , les
fontaines, &c. La 'pluie nettoie l'air de dilîé-
rentes vapeurs dont il pourroit être chargé : c'eil
pour cette raifon que l'eau de pluie n'eft pas par-
faitement pure j elle eft chargée d''ex.halaifons de
la terre, & d'une petite quantité de félcnite. J'ai
expofé , après plufieurs jours de pluie, une jatte
de porcelaine en plein air ,- éloignée; de tout bâti>
ment , de élevée dé plufieurs pieds, ui-delîus de la
furfice de la terre , pour recevoir Je l'eau de pluie
le plus proprement -qu'il fut pollîble. Cette eau
s'eft trouvé contenir de l'acide vitriolique dans
l'état félénireux : elle précipitoit en jaune de
turbith la dilTolution de mercure , faite: par facida
nitreux. - - ;:>.•:.•....■.
• Lorfque l'eau , réduite en vapeurs, eft forcés
de fortir par une petite ouverture, xomme dans
un éolipyle , elle eft vifible, parcequ'cUe n'eft
pas dilîoute. dans l'air, j mais la chaleur qu'elle
éprouve ^ en paliant au travers de la flamme
"d'uhe lampe , la combine avec l'air : elle eft alors
invifible ; fa difloliition eft complette. On fe ferr
avec avantage de cette propriété de l'eau de jfe
dilfoudre dans l'air . pour augmenter l'élafticité
de l'air , & animer une lampe mieux que ne le
feroit un co'nranrd'air pur. Elle anime le feu , nu
lieu de l'éteindre, comme il arrive lorfqu'eile
'agit en mafte. Elle fait l'oftîce d'un foufïlet de
forge. Les Emailleurs fe fervent de cette propriété
de l'eau pour diriger la liamme d'une lampe fur
du verre cp'ils veulent chaufter ou fondre.
Lorfque
Et RAISON NÉE. 8t
Lotfqiie l'eau eft réduite en vapeurs , Se que
ces vapeurs n'ont point la liberté de fe dilîiper _,
elles o'U une force il expanfible , qu'on l'emploie
à mouvoir de groires machines pour loulever des
mafles confidérabies , de taire agir des piftons
de pompes qui élèvent l'eau à de grandes hau-
teurs.
Lorfque l'eau ell: parfaitement réduite en va-
peurs , elle occupe quatorze mille fois plus de
place qu'auparavant. Si l'on met une goutte d'eau
dans la boule d'un verre de thermomètre , qui
puille contenir quatorze mille gouttes d'eau fem-
blables j fi l'on tait chauffer enfuite cette goutte
d'eau pour la réduire partaitement en vapeurs ,
elle chaffe tout l'air de Tintérieur du verre , & elle
en occupe toute la capacité. Le tube étant fubi-
tement plongé dans l'eau la boule s'en remplie
dans un inftant , parceque cette nouvelle eau
prend la place de l'air que l'eau réduite en va-
peurs a évacué. Pour produire cet eftet , il a tallu
que la goutte d'eau occupât toute la capacité du
vaifleau , & par conféquent quatorze mille fois
plus de place , que lorlqu'elle étoit en liqueur.
Hauksbée ayant voulu comparer la dilatation de
l'eau avec celle de la poudre , mit le feu , par le
moyen d'un verre ardent, à de la poudre qu'il
avoir enfermée dans la parcie fupérieure d'un ba-
romètre rempli de mercure , il trouva que la di-
latation de la poudre occaficnna un vuide deux
cents vingt-deux fois plus grand que le volume
de la poudre qu'il avoir employée j par confé-
quent l'eau fe ratétie environ foixante-troistois
plus que la poudre : d'où il réfulte que , li l'on
trouvoit le moyen de réduire fubitement en va-
peurs une mafle d'eau , on produiroit des effets
qui feroient foixante-trois fois plus grands que
Tome I. F
8i Chvmie expérimentale
ceux d'un pareil volume de poudre. C'eft ce qui
arrive fort fouvenndans les volcans, où l'eau eft
quelquefois retenue &: réduire fi fubitement erx
vapeurs par la chaleur excelîlve du feu que ren-
ferment ces volcans , qu'elle jette au loin des
malfcs énormes dont le recul , femblable à celui
des armes à feu , occalionne ces fecoulles de trem-
blements déterre , qui furprennent toujours avec
frayeur.
La même chofe arrive en petit dans nos labo-
ratoires, lorfque, par imprudence, on jette quel-
ques gouttes d'eau dans de l'huile très chaude ,
ou fur du cuivre ou du plomb , 8cc. en fufîon ,
& encore mieux , lorfc]u'on coule dans un mortier
humide du fel alkali ou tout autre fel en fufion :
l'eau fe réduit fubitement en vapeurs, & jette
au loin les matières tondues avec un bruit ef-
frayante avec danger pour ceux qui font préfents.
Il efl de la plus grande importance de bien con-l
noître ces terribles effets , afin de fe garantir des
accidents qui peuvent en réfulter.
Les enfants font tous les jours une Expérience
qui eil relative à ce que nous venons de dire fur
Texpaniibilité de l'eau. Us mettent fur quelques
gouttes d'eau , ou fur un peu de falive , un char-
bon bien ardent , & ils frappent promptemenc
avec un marteau de bois ou de fer fur le charbon ;
le feu réduit fubitement en vapeurs l'eau qui
l'entoure, &c il fe fait auiîi-tôt une explofion fort
bruyante.
On fe fert tous les jours avantageufement de
la propriété qu'a l'eau de fe réduire en vapeurs,
pour la débirrafler des matières fixes avec lef-
quelles elle peut être mêlée. !
ET RAISON NJt JE* 8j
De la Dijiillation»
La diftillation eft une opération par le moyen
de laquelle on fépare , à l'aide du feu , les fub-
ftances liquides 6c volatiles d'avec les hxes , ou
Une évapoiation qui fe tait dans des vaiireaux clos ,
appropriés , afin de recueilUr & conferver à part
les fubftances que le feu tait élever.
Il y a deuxefpeces de diftillation : favoir , Tune
que l'on nomme per a/cenjum j & l'autre que
l'on nomïneper dejcenfum.
La première eft celle qu'on emploie ordinaire-
ment. Elle fe fait en plaçant le feu fous le vaif-*
feau qui contient la matière qu'on foumet à la
diftillation. La chaleur fait élever les vapeurs au
haut du vaifteau , & elles font conduites, foit en
vapeurs , foit en liqueurs, dans un récipient qu'on
place, à cet eftet, à côté du vaifteau diftilla-
toire.
La féconde eft lorfqu'on met le feu audelfus
de la matière qu'on veut diftiller. Les vapeurs
■qui fe dégagent des corps ne pouvant s'élever
j .comme dans la diftillation ordinaire , font forcées
à fe précipiter dans un vaifleau inférieur qu'on
j -ijAare à cedelfein.
! r Par exemple , on pofe un linge fur un verre à
boire : on mçt furce linge qui doit être lâche dc
s'enfoncer un peu dans le verte , des clous de gé-
rolle coiicaftes : on pôle par-deftus cet appai^eil ,
Il -un plateau de balance qui joint , le plus exadte-
I, ment qu'il eft poftible , les bords du verre : on
S* .remplit de cendres chaudes la partie concave du
[i plateau de balance. La chaleur, agilfant furie
Ij cérotle , en dégage une partie du phlegme & de
|i l'huile eftentielle qui fc raftemble au fond du
i F'i
§4 ChYMIE EXPERIMEKtALE
verre * c'ell ce que l'on nomme dilHller per def-*
cenfum : mais cette manière de diftiller n'eft pref-
qiie point ulîtce, p.uxcqu'clie a l'inconvénient
de dénaturer les lubilances qu'on veut retirer ,
étant difHcile d'adminiftrer précifément le degré
de chaleur qui convient.
LesChymirtes ont établi une troifieme manière
;de diftiller , qu'ils nomvnenx.per latus j ou par le
côté j c'eft celle que l'on fait dans des cornues :
mais , comme elle ne diffère point de la diftilla-
rion pcr afcenfum ^ qui fe fait dans des alambicc
de verre ou de cuivre étamé , nous croyons qu'il.
eft inutile d'en faire ici une dilHnétion. J'en ai
parlé dans mes Eléments do Pharmacie. Elle fe
tait toujours per afcenfum j puilque les vapeurs
s'élèvent perpendiculairement pour entrer dans
le col qui aboutit au récipient. La diftillation
qu'on fait dans des alambics de cuivre pourroic
ctre reçrardée à la rieueur comme une diftillation
pcr latus. Les vapeurs s'élèvent perpendiculaire-
ment ; elles enfilent le canal qu'on a pratiqué au
coté du chapiteau de l'alambic pour venir fe raf-
fembler :& fe condenfer dans le récipient : ainiî
ces deux diftiiiations ne ditrerent l'une de l'autre,
que par la. forme des vaiireaux. . . .a 4 ■.^^.•i .;
Lofque les fubftances qu'on m.et) diftiller. con-
tiennent quelques principes faciles à s'altérer , on
fe fert d'oin alambic à bain marier qui tempéré
l'aélivité du feu. Au moyen de ce vaifFeau , on
peut graduer, à_fon gré, .la., chaleur, «Se nC' faire
éprouver aux fubftancos qu'on foumet à la diftil-
lation , que celle qui leur convient : dans cette
diftillation , les fubftances ne peuvent recevoir ,
tout au plus , que le degré de chaleur égal à celui
de l'eau bouillante. Voyez mes Eléments de Fharr
maçie j pour le détail d'un alambic à bain marle^
ET RAISONNÉ E. È^
Dijlillation de l'Eau*
On met dans une cornue cîe verre plulleurs
pintes d'eau : on place le vaifTeau dans le bain de
iable d'un tourneaii: on y adapte un ballon ou
récipient. On lute les jointures avec des bandas
de papier, enduites décolle de farine ou d'ami-
don : alors on procède à la diftillation par un teu
gradué que Von augmente jufqu'au degré de
i'cbullition ou à-peu-près. On continue la diftil-
lation , jufqu'd ce que l'on ait fiit dilliller envi-
ron les trois quarts de l'eau c]ue l'on a emnlt-yyée.
On débite le ballon ; on verfe ce qu'il contient
dans un llacon de cryftal qu'on bouche bien : on
jette, comme inutile, ce qui refte dans la cornue,
R E M A R (^ U B.
L'eau, comme nous l'avons dit, n'cft jamais
parfaitement pure : elle eft plus ou moins chargée
de terre & de félénite. On a befoin , pour nom-
bre d'opérations &c d'expériences de Chymie ,
d'eau feparce de ces fubftances. La diftillation
eft très convenable pour opérer cette fépararion^
L'eau étant \\n corps volatil , s'élève feule en va-
peurs qui fe condenfcnt & fe ralTemblent dans le.
ballon \ &C clic laiiTe dans la cornue les matières
fixes qui ne peuvent s'élever au même degré de
chaleur qu'elle. U faut faire choix d'une eau déjà
pure, & qui ne contienne point de fubftances,
volatiles j telles font les eaux des grands fleuves»
Si l'on veu.t, pour plus d'exaélitude , ^ être cer-
tain que l'eau que l'on veut obtenir ne contienne
rien d étranger , il faut rejetter les premières
onces d'eau qui palTent dans la diftillation.
Qn pourroit Kiire diftiUer une plus grauji^
lui
8<î" Chymie expérimentale
quantité d'eau que celle que nous avons dite , tc
même continuer la diftillation jufqu'à ficcité j
mais il feioic à craindre que les matières falines
fur-tour ne vindent à fe décompofer, ce qui al-
téreroit la pureté de Teau.
Lorfqu'on vcut fe procurer de l'eau diftillée
parfaitement pure , il convient de la diftiller dans
^Qs vailfeaux de verre : ceux qui font faits avec
les différents métaux qu'on nomme imparfaits j
communiquent une odeur empyreumatique. Les
alambics de cuivre ou d'étain , dans lefquels on
a diftillé àas plantes , ont fpécialement cet incon-
vénient. Il efl; impoflible de les nettoyer aflfez
pour les empêcher de communiquer à l'eau cette
odeur d'empyreume.
L'eau diftillée doit être confervée dans des
flacons de cryftal , bouchés avec des bouchons
auflî de cryftal , ufés à l'émeri. On a foin de les
laver auparavant avec de l'eau diftillée. Les bou-
chons de liège lui communiquent une odeur de
croupi. L'eau diftillée eft inaltérable : elle peut
fe garder pendant très long-temps dans fon état
de pureté , lorfque rien d'étranger ne fe mêle
avec elle.
On reconnoît que l'eau diftillée eft pure , lorf^
qu'elle ne change point les couleurs bleues de la
ceinture du tournefol & du fyrop de violettes , &:
fur-tout lorfqu'elle n'occafîonne aucun trouble
ni précipitation aux diffolutions de mercure 8c
4'argent , faites par de Tacide nitreux.
De l'Eau combinée avec le Ftu,
On ne connoît point de combinaifon immé-
(liate de l'eau avec le feu pur : peut-être la Na-
ture forme-ç-elle cette combinaifon j mais juf-
ÏT RAISONNÉ E. ?7
qu'à prcfenc elle a échappé aux recherches des
Chymiftes 8c des Phyficiens. On fait que l'eau eft
toujours mêlée d'une certaine quantité de feu :
c'eft de lui qu'elle tient fa liquidité. On a tou-
jours confidéré ce feu comme libre , & leulemenc
interpofé entre les parties de l'eau j mais on ignore
il quelques parties ne fcroient pas réellement dans
l'étar de combinaifon , & fous la forme d'un prin-
cipe fecondaire , qui feroit tenu en diirolutioii
dans la totalité d'une malTe d'eau quelconque.
Ce qu'il y a de certain , c'eft qu il eft impoflîble »
par des refroidiftements artificiels , de priver l'eau
de tout le feu libre qu'elle contient.
De l'Eau combinée avec CAir.
Ueau fe diftout dans l'air , comme les fels fet
diftoîvent dans l'eau. Cette diftolution eft claire
& tranfparente. C'eft une vérité que M. le Roi ,
Dodeur en Médecine de la Faculté de Montpel-
lier , a démontrée d'une manière très lumineufe ,,
dans un Mémoire imprimé dans le volume de
l'Académie , année 175 1 , page 481. Cet habile
Phylîcien rapporte des expériences trèsingcnieu-
Îqs^ par lefquelles il fait voir que cette dilfolu-
tion de l'eau par l'air eft alFujettie a un point de
faturation. De l'air chaud dilfout davantage d'eaa
que de l'air froid. Lorfque de l'air chaud , faturé
d'eau , vient à fe refroidir , il laitfe dépofer l'excès,
de celle qu'il ne peut plus tenir en diflolution.
Pour conftater cette vérité, M. le Roi a pris une
bouteille vuide 8c feche j il l'a expofée à un air
chaud de quinze degrés au-delTus du terme de la
congélation , & l'a bouchée exadlement. Lorfque
l'air de l'atmofphere s'eft refroidi de quelques dcr-^
88 Chymie expérimentale
gi'és , celui renfermé dans la bouteille s'eft refroidi
ae nicme j mais il s'eft déchargé de l'eau qu'il ne
pouvoir plus, dans cet état, tenir en difTolution, la-
quelle s'eft rallemblée au tond de la bouteille. Il
s'eft affuré encore que l'eau , ainfi condenfée , s'eft
diffoute de nouveau dans l'air de la bouteille , à
mefure qu'il parvenoit au degré de chaleur où il
y avoir été enfermé. M. le Roi a varié cette expé-
rience de manière à ne lailTer aucun doute fur le
fait dont il eft queftion.
On auroit tort de regarder ces expériences &
ces obfervations comme de pure curiofité : il eft ,
au contraire, très important de les connoître dans
la Chymie. On renferme tous les jours dans des
bouteilles des fels & d'autres fubftances qui doi-
vent ctre gardés féchement. Si l'air renfermé dans
la bouteille eft chargé d'humidité , il humecle
plus ou moins les fubftances qu'on y renferme.
L'eau dépofée par l'air fur des acides concentrés ,
ou fur de l'alkali , ne fe diftout plus lorfque l'at-
mofphere fe réchauffe , parceque l'eau eft plus
adhérente à ces fubftances falines qu'elle ne l'eft,
foit au verre , foit à l'air.
Lorfque Pair chaud eft parfaitement faturé
d'eau , & qu'il vient à fe refroidir , l'excès fe con-
den£e comme nous l'avons dit, & retombe en
pluie , en rofée , en neige , en grêle , Sec. On voie
cet effet arriver d'une manière bien fenhble chez
les artiftes qui font évaporer une grande quan-
tité d'eau dans des endroits fermés , comme chez
les teinturiers , chez les bratTeurs , &c. L'air ne
peut pas diftoudre toute l'eau qui s'évapore. Une
partie eft dans l'état de vapeurs , trouble la tranf-
parence de l'air, & y forme un véritable brouil-.
lard. Une autre portion de l'eau fe féparede l'au"
ET RAISONNE B. Si>
dans la partie la plus élevée de ces atceliers , 8c re-
tombe en pluie & en rofce : c'ell; ce que les ou-
vriers nomment buée.
Cette combinaifon d'air 3c d'eau joue dans la
Chymie , dans les Arts & dans la Nature , un très
grand rôle. C'eft elle , par exemple , qui eft la
caufe que beaucoup de métaux , expofcs à l'air,
fe rouillent èc fe terniflent j effet qu'on avoit tou-
jours attribué à l'air feul. C'eft l'eau qui occa-
fîonne l'efflorefcence des pyrites j elle augmente
l'adivitédu feu rentermé dans les fourneaux. De
l'air pur Se parfaitement fec ne produiroit pas la
plupart âes effets dont nous parlons , ni d'une ma-
nière aufli efficace.
Cette combinaifon peut être confidérée comme
un principe fecondaire , formé immédiatement
de feau 3c de l'air, dont la Nature fe fert pour
l'accroiffement des végétaux , 3c pour l'entretien
de la vie des animaux. 11 eft reconnu qu'un air
trop fec fait languir la végétation , & eit moins
falubre aux animaux qui le refpirent. Il eft bon de
rappeller ici que ces deux éléments ne font ja-
mais fans une certaine dofe de feu élémentaire ;
c'eft lui qui fert d'intermède pour unir l'eau à l'air ,
comme nous venons de le faire oblerver. L'eau
contenue dans l'air, eft, de fon côté, plus ou
moins chargée de terre , qu'elle tient en dillolu-
tion. Ainfi les quatre éléments fe trouvent en mê-
me temps réunis dans l'air, mais dans l'état de
combinaifon, & formant un principe Iccondaire ,
compofé immédiatement des quatre principes
primitifs. Les proportions des fubftances qui en-
trent dans cette combinaifon, font fujettes à va-(
lier, (Se varient en effet continuellement, même
d'un jour à l'autre , Se influent beaucoup fur la
Yfgération , Se fur l'économie animale. Nous ne
5>o Chymie expérimentale
Regligerons pas de faire des applications de ces
obfervations , à mefure que roccafion s'en pué-
fentera.
De l'Eau combinée avec le Feu & VAïr,
On ne connoît aucunement cette combinaifon.
Nous venons de dire ce que nous en penfons.
Nous avons parlé des propriétés qu'elle peut avoir
relativement à l'accroiirement des végétaux , & à
l'entretien de la vie des animaux j mais , jufqu'à
préfent , on n'a point fait de recherches pour fe
procurer cette combinaifon féparée de la maffe
d'air qui nous environne , & dans des proportions
commodes pour pouvoir l'examiner.
Sur la Terre.
La terre eft le quatrième &: dernier élément
qui nous refte à examiner. Cette fubftance mé-
rite , à jufte titre , le nom d'élément , puifqu'elle
entre , comme principe conftituant , dans la com-
pofition de tous les corps , & qu'on la retrouve ,
«iprès les analyfes , comme dernier réfultat. 11 nj
a dans la Nature que les éléments primitifs donc
nous venons de reconnoître les propriétés , qui
exiftent fans le principe terreux. C'eft ce principe
qui donne la confift-ance , la folidité & la pefan-
teur aux corps dans la compofition deiquels il en-
tre. C'cft le plus folide & le plus pefant des élé-
ments.
La terre élémentaire eft aufli difficile à définir
que le feu , l'air & l'eau. La meilleure définition
qu'on en peut donner , eft de dire que c'eft uiï
clément , & qu'il joue fon rôle dans la Nature
conjointement avec les autres éléments, pouî'
ET RAISONNE E. 9I
former tous les corps compofés qui exiftent. La
Nature nous préfente une Ci grande quantité de
matière terreufe de toute efpece , qu'il paroit
d'abord difficile de favoir à laquelle de ces fub-
flances on doit alîigner le nom de terre élémen-
taire j & qui foit véritablement le principe ter-
reux des corps.
Les anciens Chymiftes , comme le remarque
Boerhaave dans fon Traité fur la Terre (i) , ont
bien fenti que , pour l'explication de leur fyftc-
me , il leur ctoit important de connoitre la fub-
ftance terreufe élémentaire. Ils ont fait les plus
grands efforts pour la découvrir, mais inutile-
ment. Ils l'ont nommée vierge pure ^ à caufe de la
pureté & de la limplicité qu'ils lui fuppofoient.
Ils l'ont cherchée cians les cendres des végétaux
& des animaux , dans la pluie , dans la rofée ,
dans l'air , dans les minéraux , &c. Ils ont néan-
moins reconnu que les terres qu'ils avoient fépa-
rées des corps organifés , font identiques , lorf-
qu'elles font fufhfamment purifiées, foit qu'ori
les obtienne par la calcination , ou par la putré-
faction de ces corps. Cette obfervatiùn devoir
naturellement les conduire A chercher li , parmi
les fubftances terreufes que fournit la Nature , il
n'y a pas une terre à laquelle on puilïe rapporter
celles qu'ils avoient féparées des corps organiles ,
par le moyen de l'analyfe : c'eft ce qu'ils ont ab-
folument négligé de faire. Aulîi tous leurs tra-
vaux n'ont répandu que peu de lumière fur la
matière dont il eft queftion. Le grand nombre
d'expériences que j'ai faites fur les matières ter-
reufes en général , 6c dont j'ai déjà publié une
(i) Traité fur la Terre , page 5 & fuivantes ,' tome V,
çdition françoife, in-ii.
5)i Chymie expérimentale
partie dans mon Mémoire fur les Argilles , m'ont
pleinement convaincu que les terres fcp.irées
des corps oreanifés font eirentiellement de mê-
me eipece , oc qu elles ont les principaux carac-
tères de la fubftance terreufe que les Cli/miftes
o<nt nommée terre vitrifiahle : ainli la terre vitri-
fiable fera donc la terre élémentaire des végéiaux
& des animaux.
En examinant enfuite les autres corps dans la
compohtion defquels entre le principe terreux ,
on remarque que c'eft encore la même terre vitri-
fiable , mais plus ou moins altérée , & cette alté-
ration la rend fouvent méconnoiflahle. Nous ver-
rons qu'il en eft de la terre primitive comme des
antres éléments. Elle eft fufceptible de recevoir
toutes fortes de modifications j & nous verrons
aufli , à mefure que l'occafion nous en fournira les
moyens , que cette terre primitive , lorfqu'cUe n'a
reçu que de certains degrés d'altération , peut
être ramenée , par des opérations de l'art , au ca-
raétere fpécifique de fon origine , devenir enfin
terre vitrifiable. Il n'eft plus poflible alors de lui
caufer la moindre altération.
Les Naturaliftes , ayant examiné les corps ter-
reux qui font dans la Nature , ont remarqué qu'il
y en avoir plufieursqui différoient alTez elïentiel-
lement les uns des autres : pour les diftinguer en
différentes efpeces , ils en ont formé plufieurs,
claffes. Cette diverfité de fubftances terreufes
avoir fait penfer à quelques Naturaliftes qu'il pou-
voir y avoir plulieurs efpeces de terre élémentaire,
également fimples \ mais comme il n'y a qu'une
feule efpece de feu , qu'une feule efpece d'air , &c
qu'une feule efpece d'eau , il eft à préfumer qu^
la Nature ne s'eft point écartée de la loi général^
51 ré:2ard de l'élément terreux, Mais ce dei,-nieï.
ET RAISONNES. 93
clément eft, comme les autres, fiifceptible de
changer de forme , d'être dénaturé , en entrant
dans les différentes conibinaifons. Ce font vrai-
iemblablement ces différents changements, fous
lefquels la terre élémentaire fe préfente , qui ont
donné lieu aux Naturaliftes de taire beaucoup de
divihons de de clafles des matières terreufes ; mais
ces divifions ôc ces claffes s'évanouilknt toutes ,
pour l'ordinaire , entre les mains des Chymiftes.
Les Naturaliftes font encore alfez ordinaire-
ment une diftindion générale des pierres d'avec
les terres j mais mal-à- propos , comme le remar-
que M. Pott , dans fa Lithogcognojie j p<ige 5 ,
tome I. Les pierres ne font formées que de mo-
lécules terreufes, qui tiennent par l'amnité d'ad-
hérence qu'ont entre elles les parties de la ma-
tière. Les terres font des pierres réduites en pou-
dre , ôc dont l'adhérence des parties eft détruite ,
ou n'a jamais eu lieu. Que l'on reduife en poudre
du grès , par exemple , il relfemblera â de la
terre : il en fera de même du marbre blanc broyé
fur un porphyre : on pourra le prendre pour de la
,craie. Dans l'un & dans l'autre cas , les matières
terreufes n'ont point changé de nature. Il y a peu
de Naturaliftes qui ne fe trompent, en e'xami-
. liant ces fuhftances par le fimple coup d'oeil j mais
le Chymifte ne peut s'en laiifer impofer avec la
même facilité. 11 rcconnoîtra la nature de ces
terres , à l'aide de quelques opérations chymi-
ques , qui font des guides sûrs dans de pareilles
recherches.
Les Chymiftes ont beaucoup diminué le no;n-
bre des diviiions des terres , données par les Na-
turaliftes 5^^ ils n'ont nullement égard à la forme
des matières terreufes. Ils ne reconnoiftent pour
terres & pour pierres de même efpecc , que celles
94 ChYMIE EXPÉRtMENT ALE
qui ont les mcmes propriétés chymiques , fouâ
telles formes qu'on les leur préfente, foit en mafle,
foiten poulîîere j mais ils ne font point d'accord
fur le nombre des matières terreufes , primitives
ou élémentaires , qu'il convient d'admettre.
Becker admet trois terres , comme nous l'avons
dit à l'article des Eléments ou principes primitifs
des corps : mais les terres dont ce Chymifte en-
tend parler , font celles qu'il croit entrer dans la
compofition des matières métalliques (i) j au lieu
que nous entendons parler ici des fubftances ter-
reufes en général. D'ailleurs des trois terres de
Becker , il n'y a que la terre vitrihable qui mérite
véritablement le nom de terre fimple 6r. élémen-
taire.
Staahl , dans fon Spécimen Beckerianum (i) ,
n'admet que deux efpeces de terre ; favoir , la
terre vitrilîable & la terre calcaire. 11 penfe que
routes les autres ne font que des modifications ou
des mélanges de ces deux terres, mélanges faits pair
la Nature dans différentes proportions & de diffé-
rentes manières. M. Pott , dans fa Lithogéogno^
fie , a démontré, par une multitude d'expérien-
ces , combien la Chymie peut éclairer cette par-
tie de l'Hiftoire Naturelle. D'après les propriétés
qu'il a reconnues aux différentes matières te'rreù-
fes qu'il a examinées , il a cru devoir en admettre
quatre efpeces principales \ favoir , la terre' vlirU
fiable j la terre argilleufe ^ la terre alkalïne ou cat-
Caire j &: la terre gypfi^f^'
M. Pott fait plufieurs remarques fur ces quatre
efpeces de terre. •"■ -
(i) Fkyfica fubterranea 3 pag. 44, n". 15, édir. de
Leipfick ,1759.
(i) Pag. 78, n".i3.
ET RAISONNÉ E. çj
I °. Il dit que jufqu à préfent il n'a trouvé que
ces quatre efpeces de terre , qui différalTent entre
jcUes par leurs propriétés caradériftiques , 3c aux-
quelles on puifle rapporter toutes les autres terres
qu'il regarde comme dérivées des premières.
i". Il ne les regarde cependant point comme
des terres pures & élémentaires ; il penfe au con-
traire qu'elles font compofées : 6c il ne défefpere
pas qu'avec le temps on ne parvienne à les réduire
à un plus grand degré de iimplicité.
3 '^. Aucune de ces terres , expofée feule au feu
de (on fourneau , n'entre en tuiîon.
4°. A la rigueur , toutes les terres font fufibles j
il ne nous manque que le degré de teu néceflfaire
pour y parvenir : mais il faut , pour fondre &c
vitritier la terre argilleufe, la terre gypfeufe & la
terre calcaire , une plus grande quantité de fel ou
de matière tondante , que pour la terre vitrifîable.
5". Entîn il trouve trop générale ladivifion de
Staahl en terre calcaire & en terre vitrifiable ,
i parceque , dit- il , les terres calcaires font fufcep-
tibles de fe vitrifier , mais plus difficilement.
Si l'on confidere en Naturalifte la divifion
des fubftances terreufes de M. Pott , elle préfente
quelque facilité pour clalfer les matériaux d'un
cabinet d'Hiftoire Naturelle, parceque la Nature
fournit avec abondance ces quatre efpeces de
terre ; mais on trouve que cette divifion manque
d'exaditude , i\ Von foumet ces terres à un exa-
men chymique. La divifion de Staahl en terre
vitrifiable & en terre calcaire approche davan-
tage de la vérité, &z n'a pas non plus, comme
nous le verrons , l'exadtitude defirée. J'ai conftaté
par une fuite d'expériences, que la terre gypfeufe
de M. Pott n'ell point une terre pure j c'eft un
9<^ ChYMIe EXrÉRlMENtALB
vrai fel Vitrioliqiie à bafe de terre calcaire , quô
je ciélîgne fous le nom defélénitc calcaire. J'ai pa-
reillement conllaté que la terre argilleufe n'eft
pas non plus une terre pure : c'eft un fel vitrio-
îique à bafe de terre vitrifiable , & que je nomme
félcnite vitrifiable. Ainlf , des quatre terres de
M. Pott , il ne refte plus que la terre vitrifiable
& la terre calcaire qui font celles que Staahi
regarde comme pures & fervant d'éléments aux
autres matières terreufes qui font dans la Na-
ture j mais nous verrons , à mefure que les oc-
cafions fe préfenteront , que la terre calcaire eft
de la terre vitrifiable , mais eft combinée par le
travail Àqs animaux , avec une portion double ,
ou environ , de fon poids d'eau & d'air. Lorf^
qu'on fépare cette eau & cet air de la terre cal-
caire , elle redevient terre vitrifiable.
Il fuit de là que la terre vitrifiable eft celle
qu'on doit regarder comme la terre primitive &
élémentaire. Elle eft, ainfi que les autres élé-
ments , fufceptible de toutes fortes de modifica-
tions : elle entre de même qu'eux , fous différentes
formes , comme principe conftiruant , dans tous
les corps compofés.
Néanmoins , comme la Nature nous préfente
cette fubftance terreufe dans une infinité de com-
binaifons &C d'états différents , nous croyons qu'il
eft important d'examiner les Hivers corps terreux
avec la plus grande attention , afin de reconnoî-
tre la férié 6c l'ordre que la Nature obferve dans
leur compofition. 11 ne peut réfulter d'un fem-
blable travail que beaucoup de connoilTances
utiles à l'économie animale, & à l'agriculture,
aux arts & aux progrès de cette partie de l'Hiftoire
Naturellç qui n'eft encore qu'au berceau.
Par
ET RAISONNA Ê. 5)^
Par rapport à l'économie animale, on apprcn-
droit à mieux connoître les changements que là
terre vitrifiàble éprouve en partant du végétal
dans le corps animal , Se les différentes élabora-
tions qu'elle fubir, en s'alïîmilant aux corps or-
ganifés.
Par rapport à l'agriculture , on s'inftr uiroit du
meilleur état où cette même terre doit être pour
produire une bonne végétation j on perfe6tion-
neroit par conféquent un art de première nécef-
fité , qui a le plus befoirî de l'être.
Par rapport aux arts , il réfulteroit de ces recher-
ches , des connoiffances plus exactes fur la por-^
celaine, la faïance , les poteries , la verrerie, ikc»
Ces travaux peuvent même faire naître de nou-
veaux arts & de nouvelles branches de commerce;
On pourroit découvrir l'état où la terre fe trouve
iorfqu elle fe mctallife par l'intermède du phlogif-
tique , ôc parvenir même à produire de nouvelles
matières métalliques. Toutes ces recherches fe-
toientdu moins plus raifonnablesc|ue celles que
font les Alchymiftes pour tranfmuer en or les
métaux imparfaits.
Enfin , par rapport à l'Hiftoire Naturelle , on
apprendroit à mieux connoître les corps terreux.
Je ne citerai que quelques exemples , pour faire
voir combien cette fcience craî^neroit à ces re-»
cherches.
Les Naturaliftcs rangent dans la même claffe
un certain nombre de pierres cryftalliCées qui for^
ment , fuivant eux , un genre particulier auquel
ils ont donné le nom dej'path. Ces pierres le ref-
femblent en ce qu'elles font cryllallifées j mais
ce caractère n'eft pas futfifant pour faire connoître
leur nature.
Il y a de ces pierres qui font cryftalliféesà fa-
Tome L G
«)S Chymie expérimentale
certes brillantes , comme de petits miroirs , fans
cependant reprcfenter les objets.
Il y en a qui font cryftallilées en aiguilles, en
rhomboïdes , en cubes , en feuillets , en grappes ,
en hexagones, en pyramides, en o6laèdres, en
rofes , en cylmdres, en globules , &c.
Parmi ces pierres , les unes font tranfparentes,
les autres n'ont qu'une demi-tranfparence , & il
y en a d'opaques : il y en a des unes Se des autres
îans couleurs : d'autres font plus ou moins colo-
rées , foit par des matières phlogiftiques , foitpar
des matières métalliques , & quelquefois par ces
deux efpeces de fubftances en même temps.
Les fparhs ont en général plus de pefanteur fpéci-
fique que les autres pierres de même efpece : il y en
a dont la pefanteur approche de celle des métaux.
Telles font les propriétés les plus générales qui
font communes aux fpaths j mais , h on les exa-
mine plus particulièrement, on trouve qu'ils dif-
férent conlidérablement les uns des autres. Les
uns font de terre vitrifiable , d'autres de terre
calcaire , d'autres de gypfe , ôc d'autres font des
mélanges de terres dans toutes fortes de propor-
tions , & cryftallifcs enfemble. 11 ell: viiible qu'en
confidérant ces pierres fous la même dénomina-
tion de fpaths , il en doit réfulter beaucoup de
contufion & nulle connoilfance.
Il y a de ces pierres parfaitement tranfparentes,
cryftallifées en pointes de diamant : les unes font
de nature vitrifiable , infufibles au plus grand feu
que nous puiflions faire , tandis que d'autres font
fulîblcs , de d'autres font purement calcaires,
quoiqu'cgalement tranfparentes.
La Nature fait cryftallifer la combinaifon de
l'acide vitriolique avec la terre calcaire fous une
infinité de formes. On a donné à ces corps qui
ITRAiSÔNNÉE. cjçi
en font formés , différents noms^ comïnefpjrh ,
lorfque la pierre eft cryftallifée fans tigure déter-
minée ; gypfi > lorfque cette combinaifon eft
cryftallifée en lames appliquées les unes fur les
autres. Les Naturaliftcs ont donné le nom de
pierre à plâtre à ce même fel , lorfqu'il eft en
mafles irrégulieres \ à' albâtre _, lorfque cette même
pierre eft plus blanche & plus pure ^ à.Q fclcnite y
lorfque cette même fubftance eft en cryftaux ai-
guillés, comme le nitre, &:c.
Les Naturaliftes placent encore , parmi les
matières gypieufes , certains fpatlis verdatres ,
& qui deviennent pholphoriques par la calcina-
tion : cependant ce genre de pierre, étant calciné ,
ne fe convertit point en plâtre , & ne contient
point d'acide vitriolique. J'ai reconnu qu'ils
croient de la nature du talc 6c du mica j mais ils
différent encore decesfubftances par des nuances
qu'on n'a pas encore reconnues par l'expérience.
Il réfulte de tout ce que nous venons de dire
fur les fpaths , qu'il eft abufif d'en faire un genre
de pierres particulier. 11 vaut mieux confidérer
ces fubftances comme des pierres cryftallifées , 6i
les rano;er chacune dans la claffe àQs pierres de
même efpece , fans avoir égard à leur cryrtallifa-
tion , puifque cette forme ne change rien à leur
nature.
On trouve la même confufion à l'ésard d'un
autre genre de pierres que les Naturaliftes nom-
ment granits. Plufieurs fe trouvent clalfés avec
des terres pures ou prefque pures. Les granits
font formés par des mélanges de terres de toutes
efpeces 6c dans toutes fortes de proportions , ag-
glutinées entre elles par l'affinité d'adhérence. Ces
pierres fe préfentent fous toutes fortes de tormes j
elles ont différentes couleurs 6c divers degrés de
G.j
loo Chymie expérimentale
dureté. Plufieurs iom feu étant frappées conrrô
l'acier , & prennent un beau poli. Il Teroit donc
naturel d'en Faire une clanfe à part fous le nom de
granits ou de pierres mcliing-ses. L'analyle en fe-
roit inutile, parcequ'elle n'apprendroit rien de
fatisf-ailant, linon à connoitre leulement l'cchan-
tillon de pierre qu'on examineroit , & non la
cla(ïe entière des granits.
Revenons préientement à la terre élémen-
taire. Nous regarderons donc la terre vitrilîable
comme étant la feule terre élémentaire, & le
principe primitif de toutes les fubltances ter-
reufes , parcequ'elle eil la plus pure , &: qu'elle
polTede un plus grand nombre de propriétés d'un
véritable élément.
La Nature nous préfente cette terre fous deux
états différents : i^'.pure, iloiée & ne faifant
partie d'aucim corps compoié : i°. combinée d'une
infinité de manières , & entrant, comme prin-
cipe conftituant , dans la compofition des corps.
Nous confidérerons par conféquent cet élément
fous ces deux afpeéls , comme nous avons Lut à
l'égard des autres éléments. Jettons d'abord un
coup d'oeil général fur les différentes matières ter-
reufes vitnfiables que prélente la Nature , pour
connoître li , parmi ces terres , il n'y en a pas de
plus pure l'une que l'autre : nous reconnoîtrons
les propriétés de cette efpece de terre dans celle
qui nous paroîtra mieux pofléder les qualités d'un
véritable élément : nous examinerons en fon lieu
les différents moyens que la Nature emploie pour
faire entrer cette terre dans la compofition des
différents corps: enfin, nous tacherons de fuivre
l'ordre que la Nature femble avoir établi pour
former des corps de plus en plus compofés , &
nous verrons que les corps orgaaifésfonc les feuls
IT RAISONNES. lOf
înftruments qu'elle emploie pour opérer fes plus
grandes Se fes plus univerfelles opérations. Ce
font eux qui ont établi & qui entretiennent l'or-
ganifation qui rubhfte dans Tiatérieur 6c à la
lurface de la terre.
Des Pierres & Termes vitr'ijîables.
Les pierres vitrihables font fous deux formes
diftcrentes : i . en malles : i''\ en pouiîlere plus
ou moins groiliere.
Entre les pierres vitrifîables en maff^s , les unes
font cryftallifées & aftedent des ligures régulières^
les autres ne prcfentent aucune Hgure (ymmétri-
que. Parmi les pierres vitrifiables crvftallifées , il
y en a de partaiteiV/ent tranfparentes (!s: fans cou-
leur, telles que lecryftal de roche, certains quartz
cryflallilés en pointes de diamant , que l'on nom-
me cryjîaux de minei. Il y a d'autres pierres vitri-
fiables cryftallifécs 6c en même temps colorées ,
comme les hyacinthes, les grenats , les rubis, les
faphirs , &c.
Il y a des pierres vitrifiables cryftallifées qui
font opaques en partie ou en totalité.
Les pierres vitrifiables en malles , qui ne font
point cryftallifées , fe préfentent fous différentes
Formes irrégulieres \ tels font les cailloux ou
pierres a fulil , les grès, les ftaladlites vitrifia^
blés, &c.
Les pierres vitrifiables en pouffiere font les fa-
tles qui varient à l'infini , tant par leurs couleurs
que par leurs grolTears. Les fables , vus au micro-
fcope, préfentent des figures fymmétriques.
Toutes les pierres qui préfenrent àes figures.-
régulières & cryftallines , ont été cryftallifées par-
l'eau , de la même manière que fe cryftallifenU'
iss fels j c'eft-à-dire que la lubflance Krteufe:
Gui
102 Chymie expérimentalb
dont elles font formées, a été dKToiite dans de
l'eau , oLi elle a été divifée en molécules fi déliées ,
qu'elle avoifine de bien près la parfiite dilTolu-
rion Si Ton fuppofe enfuite cette eau parfaite-
ment tranquille , les parties de la terre fe mettent
en mouvement j à mefure que l'eau s'évapore ,
elles s'attirent mutuellement , fe réunilTent Sc
prennent entre elles l'arrangement fymmétrique
qui leur eft propre , en vertu des loix de l'attrac-
tion , &: celles du mouvement qui eft une des
propriétés de la matière. Quelques Naturaliftes
ont attribué cette cryftallifation des pierres à des
matières falines , qu'ils fuppofent entrer dans
leur compofition j mais c'eft gratuitement. On
ne peut démontrer , par aucune expérience de
Chymie , le moindre atome de fel dans ces fortes
de pierres.
Lorfque l'eau tient en même temps des matières
métalliques & des pierres en diifolution , les
ftremieres fournifTent à ces dernières de la cou-
eur en fe cryftallifant.
La matière; phlogiftique donne auflî de la cou-
leur aux pierres. Lorfqu'elles ne font colorées que
par cette fubftance , on peut leur enlever la cou-
leur par la calcination , fans qu'elles perdent rien
de leurs autres propriétés. Les pierres à fufil noi-
res font dans ce cas : elles font aiïez pures de fixes
en feu: elles deviennent d'un beau blanc mat
par la calcination. On fait quelquefois ufage de
ce moyen pour enlever la couleur à certaines pier-
res fines , & pour leur donner plus de valeur dans
le commerce, qu'elles n'en ont lorfqu'elles font;
colorées. On a attention de les chauffer long-
temps avant de les fair erougir ^ parcequ'elles font
fort fujettes à s'éclater par la chaleur.
Telles font, en général , les différences formes
ET RAISONNES. lOJ
fous lefquelles la Nature nous prcfente les matiè-
res terreufes vitrihables. La plupart ne font pas
pures ; elles ont été travaillées plus d'une fois par
les mains de la Nature , Se par les corps organifés.
Une feule réflexion fuflit pour le faire conce-
voir.
La terre , confidéiée comme élément, dévoie
être , au fortir des mains du Créateur , pure , ho-
mogène , comme les autres éléments , &: telle
qu'on la retrouve prefque encore dans l'intérieur
du globe , &: à de grandes profondeurs , où les
corps organifés n'ont que peu ou point pénétré.
L'intérieur de la terre j comme le dit M. de Buf-
ion dans plufieurs endroits de (on Hïjloire Na-
turelle j & particulièrement dans le treizième
volume , page 1 1 , de la Nature , féconde vue»
ejl compofe de fable. Je fuis très porté à croire
que ce fable très pur eft la terre primitive \ &: que
toutes les différentes matières cryftallifées ne pa-
roilTent encore plus pures que par Tarrangemenc
que la terre vitrihable a pris en fe cryftallifant j,
mais le fable, dont le cryllalde roche, par exem»
pie , eft compofé , exiftoit nécelTairement aupara-
vant : ce cryftal n'eft donc que le produit d'une
formation féconde j & du concours des éléments
qui ont fervi d'inftrument à modifier la terre vi-
trihable. Toutes les pierres colorées doivent leur
couleur à des matières phlogiftiques & métal-
liques -y ainfi elles ne font pas pures. Nous en
parlerons en fon lieu.
Le fable eft l'efpÉce de terre qui eft ta plus
abondante & la plus univcrfellement répandue^
On la retrouve par-tout où l'on fouille à de gran-
des profondeurs, mais plus ou moins adultérée ^
pour les raifons que nous déduirons, ailtetirs»
Quoiqu'il nous paroiffe bien démontré que le fa-.
G IV
Î04 Chymie expérimentale
ble foit la terre primitive & élémentaire, néan-
moins nous reconnoitrons dans le cryftal de ro-
che, quoique de formation féconde , les proprié-
tés de l'clcment terreux , non pas que nous pen-
dons qu'il foit plus pur que du fable qui n'auroit
reçu aucune altération de la part des corps organi-
{cs , mais feulement parceque la terre vitrilîable
fous cette forme paroît plus pure. Il feroit d'ailleurs
difticile de pénétrer aiTez profondément dans l'in-
térieur du globe pour recueillir de la terre primi-
tive , Se qui n'auroit éprouvé aucune altération. Il
paroît certaiji que fi l'on pouvoit fe procurer de
cette efpece de terre , & un degré de feu fuffifant
pour la faire entrer en fufion , on la réduiroit en
une maiTe aulïï belle que le plus beau cryllal de
roche , 6c qu'on ne pourroit plus dillinguer l'un de
l'autre.
J'avois penfé , avec plufieurs Chymiftes, que
le diamant, à caufe de fa belle tranfparence& de
fa grande dureté , étoit la fubftance terreufe la
plus pure; mais des expériences qu'on vient de
taire fur le diamant , dont nous rendrons compte
par la fuite , prouvent que fa-nature effc très peu
connue , & que ce n'eft pas une terre pure. Cette
fubftance mérite un examen particulier : nous eri
parlerons dans un inftant.
Propriétés de la Terre élémentaire.
La terre élémentaire , ou la terre vitrifiable
pure, eft une fubftance feche , folide, abfolu-
Kient fans couleur , fans odeur , flins faveur , qui
eît fixe &: inaltérable au plus grand feu que nous
puifiions faire. Tel eft du faEle très pur , ou un
morceau de cryftal de roche bien net & bien tranf-
ET RAISONNE £.■ IO5
Les propriétés générales de l'élément terreux
font, comme on le voit , communes avec celles
des autres éléments ; mais la terre en diftere pat fa
pefanteur fpécifique , qui eft plus grande. Les
corps compofés , qui font plus pelants qu'elle ,
ne doivent cette propriété qu'à la manière dont
les fubftances compofantes font arrangées entre
elles. Quoique les autres éléments loient plus lé-
gers que la terre , ils peuvent néanmoins , dans
nombre de circonftances, augmenter fa pefanteur
fpécifique : ce qui prouve, pour le dire en paf-
fant, que les corps compolés des mêmes fubftan-
ces , & dans les mêmes proportions , changent
fouvent de propriétés , c]ui dépendent de la ma-
nière dont les mbftances compofantes s'arrangent
entre elles.
La terre vitrifiable diffère encore des autres
éléments par la dureté j elle eft aufti la plus dure
de toutes les fubftances connues :c'eft elle qui
donne la dureté & la folidité aux autres corps.
Toutes les pierres vitrihables ont alfez de dureté
pour faire feu , étant frappées contre de l'acier ,
& pour entamer tous les autres corps. Les fables
ont autant de dureté que les pierres vitrifiables
en malfes. Si l'on ne peut, par leur moyen , tirer
des étincelles de l'acier , e'eft que leurs malfes font
trop petites pour ctre tenues entre les doigts j mais
ils détruifent j par le frottement , le poli des corps
durs , de l'on s'en fert pour dégrollir les corps
qu'on veut polir.
Toutes les pierres vitrifiables pures , ou à- peu-
près pures , éc qui font cryftallifées , ne préfen-
tent aucun grain dans leur cafTure. Cette calfure
eft lifte &c polie comme celle du verre.
La terre vitrifiable pure eft de la plus grande
fixité au feu le plus violent que nous puifllons
10^ ChVMIE EXPiRI MENTAL!
produire ; elle efl: abfolument inaltérable , ne
foufFre aucune diminution de poids: elle s'agglu-
tine un peu, mais fans entrer en fufion. Il n'y a
peut-ctre que le foyer d'un grand miroir ardent
c]ui puifle la fondre j dans ce cas , elle redevient ,
par le refroidilTeinent, telle qu'elle étoit aupara-
vant.
Quoique cette terre foit infufible au plus grand
feu que nous puiflîons faire , cela n'empêche pas
que le nom de terre vitrifiable ne lui convienne
très bien , parcequ'elle eft la plus propre à pro-
duire du verre , &: qu'il lui faut une moindre
quantité de fondant pour la taire entrer en fu-
fion , que pour faire fondre certaines terres que
l'on avoir regardées comme également {impies *,
telle eft la terre calcaire.
Toutes les pierres vitrifiables , étant frottées
l'une contre l'autre , répandent de la lumière &:
de l'odeur. Cette lumière eft interne j elle eft in-
capable de mettre le feu à de l'amadou. L'odeur
vient de ce que ces pierres contiennent une cer-
taine quantité de matière phlogiftique. Les plus
pures , par conféquent , ne font pas parfaitement
pures. Nous rencontrons dans l'élément terreux
un même défaut de pureté que dans les autres
éléments, qu'il eft, comme nous l'avons vu , ah-
folument impoftlble d'avoir parfaitement purs.
Sur les Pi erres pre'ci cufes.
On a donné le nom àe pierres précieufes à plu-
fleurs matières terreufes cryftallifées, qui font, ou
fans couleurs, ou qui ont de la couleur j telles que'
le diamant , le rubis , le faphir , l'émeraude , la
topaze , &c. L'épithete àe précieufes c^u on leur a
donnée, eft vraifemblablement à caufe de leuï-
ÏT RAISONNÉ E. I07
rareté & de leur grand prix. 11 paroît que la Na-
ture eft avare de les produire. Les pierres pré-
cieufes n'ont encore été que très peu examinées
par les Chymiftes. Ce n'efl: que de cette année
1771 qu'on commence à connoître un peu le dia-
mant.
On avoir penfé que le diamant , à caufe de fa
iranfparence & de fa dureté , étoit la fubftance
terreufe la plus pure ^ mais il eft bien démontré à
préfent qu'elle ne l'eft pas. Il eft rapporté dans
la Pyritologie de Henckel , pa2;e 41 3 j que l'Em-
pereur François 1 tîtexpofer au leu pour lix mille
florins de diamants &; de rubis pendant vingt-
quatre heures. Les diamants difparurent entière-
ment j mais les rubis ne fouftrirent pas la moin-
dre altération. On expofa de nouveau à la plus
grande violence du feu , des rubis pendant trois
fois vingt-quatre heures , qui fe comportèrent
comme la première fois , fans qu'ils perdilTent
rien de leur poids , de leur couleur , bc fans que
les angles le fulfent arrondis de la moindre
chofe.
Le même Prince fit répéter ces expériences fur
plus de vincTt pierres précieufes de diff^érentes ef-
peces. On s'apperçut que le diamant étoit tou-
jours le premier altéré : il perdoit fon poli &c s'ex-
folioit, 6c enfin fe dillipoitconftamment. L'éme-
raude fe fondit &c s'attacha au creufet j le rubis
n'éprouva aucune altération.
Le grand Duc de Tofcane fit expofer des
pierres précieufes au foyer d'un verre ardent de
Tchirnhaufîn , auquel on joignit une féconde
lentille : le diamant réfifta beaucoup moins à ce
loyer que toutes les autres pierres précieufes j au
bout de trente fécondes un diamant d'environ
vingt grains perdit fa couleur , (on éclat & fa
loS Chymie expert m entais
tranfparence , devint blanchâtre comme une
chalcédoine ; au bout de cinq minutes il fe foima
des bulles à fa furfl^e , & il fe brifa en morceaux
qui n'avoient plus de durerc. On en a écrafc un
morceau avec la lame d'un couteau , & on l'a ré-
duit en poudre très fine D'autres diamants , fur
lefquels on répéta cette expérience , s'évaporèrent
entièrement ; mais on ne remarqua jamais qu'ils
entralFent en fufion. On eifaya d'en fondre par
l'addition du verre, du fel alkali, des cailloux,
des matières métalliques , de la cendre j rien ne
put déterminer la fuiion du diamant.
Les rubis furent traités de la même manière;
mais ils réfifterent beaucoup plus au feu que les
diamants. Ils devinrent luifants en peu de temps ,
comme s'ils eulTent été mouillés avec de la grailTe
fondue. Il fe forma des bulles. Un rubis qui avoir
été expofé pendant quarante-cinq minutes à ce
foyer , perdit une grande partie de fa couleur ;
fa furface & fes angles s'arrondirent, & la pierre
s'amollit au point de prendre l'empreinte d'un
cachet qu'on prenrade(rus( dans Tinftant fans doute
qu'il étoit rouge) : on y fit aufll des entailles avec
la pointe d'un couteau. Mais ces pierres ne per-
dirent rien de leur poids Se de leur forme.
M. d'Arcet , Dodeur en Médecine , a repris
cette matière. Il a répété plufieurs des expérien-
ces dont on vient de parler , mais dans un tour de
porcelaine: il a obfervé demémeque le diamant
étoit évaporable ^ mais il a de plus découvert que
le diamant s'évaporoit même par l'adion d'un
feu affez médiocre, puifqu'il fuffic de le faire feu-
lement bien rougir. Se,s premières expériences
ont été faites dans des vailïeaux qui avoient un
libre accès avec l'air extérieur. M. d'Arcet , vou-
lant les varier , elïàya d'expofer au grand f§u des
ÎT RAISONNE F. I09
diamants dans des vaifleaux parfaitement clos. Il
mit des diamants dans des boules formées de pâte
de porcelaine, qu'il ferma auiîi le plus exaclie-
ment qu'il lui fut poflible , avec de la même pâte
de porcehine délayée dans un peu d'eau. 11 ex-
pofa ces boules lous le four de porcelaine de M. le
Comte de Lauraguais , au feu le plus violent. Les
diamants refterent fains & entiers dans quelques
boules y ils s'évaporèrent à demi dans d'autres , &z
ils fe volatiliferent entièrement dans d'autres
boules. Toutes ces boules étoient conftruites avec
de la même pâte de porcelaine. M. d'Arcet crut
devoir attribuer ces différents effets à la nature
des diamants, &: pcnfi qu'il y a de la différence
entre ceux du Brefil & ceux d'Orient j mais les
Lapidaires n'en font abfolument aucune dilHnc-
tion : ils prétendent mcme qu'il eft impofîlble de
pouvoir diltinfTLier un diamant d'Orient d'avec un
diamant du Brefil. Ainfi l'évaporation du dia-
mant dans des vaiffeaux parfaitement clos étoic
une chofe indécife parmi les Chymiftes j mais elle
ne l'étoit pas parmi les Lapidaires : ils affuroienc
au contraire que les diamants dans des vaifïeaux
parfaitement clos font abfolument inaltérables,
& ne fouffrent aucune diminution de leur poids j
ils ne parloienr pas des circonflances qu'ils avoienc
habitude d'obferver , parcequ'ils les fuppofoienc
connues.
M. d'Arcet a expofé fes diamants dans des bou-
les de porcelaine non cuite , & qui ne peut cuire
qu'à un très grand coup de feu. Si l'on fait atten-
tion à la nature de la pâte d'une femblable porce-
laine non cuite, & des effets qu'elle peut pro-
duire pendant fa cuiiron , il fera facile de recon-
'noîrre pourquoi les diamants fe font évaporés
dans ces fortes de vaifleaux.
110 Chymie expérimentale
1°. Labafe de la porcelaine eft nécefTairement
de l'argille. i°. Elle contient de l'eau. 3*^. Les
argilles font dans l'état de combinaifon avec une
certaine quantité d'acide vitriolique qui leur eft
de la plus grande adhérence. Toutes ces fubftan-
ces fe rcduifent en vapeurs , &z font fondion d'air
pendant la cuite de la porcelaine ; elles font donc
caufe que les diamants , quoiqu'enfermés dans
ces fortes de vafcs, fe font comportés à-peu-près
comme s'ils eulfent été expofés au feu avec le
concours de l'air. Si dans quelques boules ils
n'ont point fouffert d'altération , cela vient de
quelques circonftances particulières , puifque le
diamant s'évapore à proportion que les matières
dans lefquelles on le cémente, contiennent des
fubftances propres à fe réduire en vapeurs & à
faire fonélion d'air. La pâte de porcelaine dont
M. d'Arcet a compofé fes boules, étant de très
difficile cuilTon , refte long-temps poreufe j elle
donne par conféquent tout le temps aux dia-
mants de s'évaporer avant qu'elle ait reçu le de-
gré de feu convenable qui lui donne la compa-
cité néceiïaire pour former un vaiffeau parfaite-
ment clos , &c pour empêcher l'évaporation du
diamant.
M. Macquer expofa au feu , à l'air libre , des
diamants. 11 obferva que le diamant produifoit
une véritable flamme, ou une auréole phofplio-
rique. Ses expériences ont fait le fujet d'un Mé-
moire que cet habile Chymifte a lu à l'Académie
en 177:.
Au mois d'Avril 1772, MM. Lavoifier , Mac-
quer & Cadet lurent un Mémoire à la même Aca-
démie , dans lequel ils rapportèrent des expé-
riences nouvelles , faites en préfencede plufieurs
Chymifles. Les diamants , dans ces expériences.
BT RAISONNE E. III
ont été expofés dans des vai(ïeaux parfaitement
clos : ils ne foiiftiitent aucune alrcration.
On enferma deux carats de diamants dans le
godet d'une pipe , où l'on mit d'abord du pouf-
iier de charbon. Les diamants furent placés au
centre , ôc recouverts de ce même poullier de
charbon : on appliqua par-deiîus un petit cou-
vercle de tôle du diamètre précis de la pipe , &c
airujettiavecdufild'archal. Cette efpece decreu-
fet tut mis dans un petit creufet de HelTe : on en
remplit les intervalles avec du poulîier de char-
bon j il fut recouvert d'un autre creufet de Helfe:
on a également alfujetti cet appareil avec du fil
d'archal , & les joints ont été lûtes avec de la
terre à four détrempée avec de l'eau. On a fiit
fécher complettement à une douce chaleur cet
appareil qui a été enfuite expofé dans un fourneau
à vent , chaurté par degrés : on a augmenté le fea
jufqu'à la plus grande violence que ce fourneau
peut donner, 6c on l'a entretenu dans cet état
pendant deux heures. Le feu du fourneau dont il
elliciquelHon , donne, en deux heures de temps ,
un plus grand degré de chaleur que M. d'Arcet n'a
eu pendant trois jours & trois nuits , fous le four
de porcelaine de M. le Comte de Lauraguais.
Lorfque le tourneau Se les creufetsont été fuf-
fifamment rehoidis , on a trouvé les creufets fains
oc entiers , mais enduits d'une couche de verre
bien tondu , produit parla terre à four. On a calTé
les creufets . & on a trouvé les diamants fains ,
entiers , n'avant rien perdu de leur poids , ni de
leur tranfparence. Le pouilier de charbon qui
entouroit les diamants , ell relié noir , &: n'a
fourtort aucune combuftion. Il réfulte bien évi-
demment de cette expérience que le diamant n'efl:
ni combuftible ni volatil par l'adion du feu le
112 Chymie expérimentale
plus violent , à moins que cette adion ne foit ai-
dée du concours de l'aii , ou de matières propret
à en taire fonélion , comme nous le dirons aans
un inftant.
Ces mêmes Chymiftes foumirent à la diftilla-
tion , dans une cornue de grès , 1 9 grains , poids
de marc, & un peu plus (i), de diamants. Us les
poulTerent à un feu violent pour favoir s'il s'eri
diftilleroit ou fe fublimeroit quelque chofe. Les
diamants ont rélifté pleinement à cette épreuve j
il ne s'en eft rien féparé, S>c on les a trouvés de
même poids qu'auparavant : & dans le Journal
de M. l'Abbé Relier (2) , on ajoute que ces dia-
mants diminuèrent de poids. 11 y a nécelTaire-
ment de l'erreur dans l'un des deux rapports. Nous
allons voir que les diamants diminuent de poids,
proportionnellement à la malFe d'air contenu dans
le vallfeau qui les renferme , ou à proportion que
le cément qui entoure ce vailTeau , fournit , pen-
dant la calcination , des fubftances qui fe rédui-
fent en vapeurs , &c qui font fonélion d'air.
M. Mitouard , Maître Apothicaire & Démonf-
trateur en Chymie , a d'abord répété les expé-*
riences de la combuftion du diamant dans des
vaifleaux à l'air libre , & il s'eft afTuré de la pré-
fence de l'auréole ou flamme que produit le dia-
mant , que M. Macquer avoit oblervée. Il a pa-
(i) yoye^ la Feuille de l' Avant-Coureur , page i98 ,
année i77î, du 1 1 Mai, & le Journal de M. l'Abbé Ro*
fier pour le mois de Mai 1771 , page 97 , où l'on rapporte
la même expérience. Il y eft dit que ces mêmes diamants
pefoient i 9 crains |.
(1) Dans le Journal déjà cité , page 99 , on dit : " Les
« diamants ayant été rapportés à la balance , ne Te fonc
» plus trouve pefer que 16 grains yj.
l'eillemenc
BT RAISONNES. IIJ
t€illement répété la cémentation du diamant dans
des vailTeaux clos j mais il a varié les expériences
de ce genre, en cémentant des diamants dans
différentes fubftances > comme dans du char-
bon en poudre, dans de la craie, dans de la
corne de cerf calcinée , dans du verre en poudre.
Il a aulli expofc au même feu des diamants enfer-
més feuls dans un creufet fans cément : tous ces
creufets ont été arrangés dans des cônes de pipes ,
& fermés très exaétement de la même manière
que nous l'avons dit précédemment. Le petit
creufet qui contenoit un diamant fans cément , a
été fermé avec la même exailitude que ceux ci-
deflus , 5c on a alTujetti avec de la terre à four ,
féchée 6c pulvérifée -> le petit cône de pipe pour
l'empêcher de ballotter.
On a chaufté ces creufets dans le même four-
neau , pendant deux heures , avec la plus grande
violence , en préfence de plufieurs Chymiftes ,
du nombre defquels j'étois. Voici quels ont été
Iqs réfultars.
l '^ . Un diamant rofe très plat , taillé aux Indes
Bc nommé laboras par les joailliers, d'un petit
œil verdâtre ( couleur occafionnée par la réfle-
xion du feuillctis , fuivanr le fentiment des bijou-
tiers prélents à ces expériences ) , égrifé fur un
des côtés , 6c pefant 2 grains -^ fort , poids dô
marc > a été entermé dans du charbon en poudre.
On a retrouvé ce diamant tel qu'on l'avoit mis ,
abfolument fans aucune diminution de poids ,
fans avoir rien perdu de fon poli ni de £on eau j
en un mot, n'ayant fouffert aucune altération.
i**. Une rofe jaune pefant un carat moins -^ ,
enfermée dans de la craie de Champagne en pou-
dre , a perdu de fon poli : (es angles étoienc
çmoulTés , & on y diftinguoit des taches de dif-
Tome 1, H
Ît4 ChYMIE tXPÉRTMENTALï
féreiîtes couleurs. Ce diamant ne pefoit plus quô
5 grains moins ~. Il a été repoli de nouveau par
Un Lapidaire : fa furface , fuivanc fon rapport,
avoit une croûte aulîi cpailTe que celle d'un dia-
mant brut.
3 ''. Un diamant brut , croûte polie , très brun
6 mal net , pefant 5 grains fort , lans intermède ,
a de même diminué de poids : il s'ell trouvé ne
plus pefer que 4 grains moins -^^ : il a confervé fa
Forme, quoiqu'il ait perdu fon poli. Sa couleur
a été ablolument altérée Se a palTé au noir de
jayec.
4°. Un diamant mis dans de la corne de cerF
calcinée Se pulvérifée, pefant 2. grains, poids de
marc , ne s'eft plus trouvé pefer qu'un grain jl- Il
étoit dépoli dans toute fa furface , & marqué de
taches noires dans plufieurs endroits.
M. Mitouard a pareillement foumis au grand
feu, dans une pstite cornue de grès, deux dia-
mants , l'un blanc & l'autre brun , pefant enfem-
ble 1 grain & ^ foible. Après deux heures ôc
demie de grand feu , on a ôté la cornue du four-
neau , tandis qu'elle étoir encore très chaude :
il n'ell rien palîé dans le récipient qu'on y avoit
adapté. Le diamant blanc étoit brillant , tant
qu'il étoit chaud j il devint laiteux en fe refroi-
didant : le brun n'avoit prefque rien perdu de
fa couleur, mais fa tranfparence a un peu louf-
ferr.
M. d'Arcet avoir établi par fes expériences
quelques incertitudes fur la nature des diamants ,
entre ceux d'Orient ôc ceux du Brelil. M. Mi-
touard voulant éclaircif les doutes de M. d'Arcet,
fit de nouvelles expériences pour connoître fi les
effets qui avoient été produits précédemment, dé-
voient être attribués à la nature des diamants, ou
ET RAISON NÉE. ÎTJ
àcelle des intermèdes qui avoient lervide cément.
11 a fournis à de nouvelles expériences auxquelles
j'ai aflillé , les diamants des expériences précé-
dentes, mais en changeant leurs céments : les
creufets ont été difpoiés comme les précédents ,
& il leur a appliqué le même coup de feu , & dans
le mcme fourneau.
i^.Un diamant pefanti grains , poids de marc,
qui avoit été ci-devant cémenté dans du charbon,
& qui pefoit i grains , poids de marc , fut enve-
loppé dans de la corne de cerf ^ il s'cft trouvé,
après l'opération , ne plus pefer c]u'un grain & ^.
Il s'tft dépoli dans toute fa furface , &: a été mar-
qué de taches noires dans plufieurs endroits.
1° . Un autre diamant précédemment cémenté
avec de la craie , repoli dans le milieu fculcn-ient,
& cémenté dans la féconde expéiience avec du
poullier de charbon , ne louffrit abfolument au-
cune altération ni diminution de poids.
3°. Un diamant cémenté avec du verre fondu,
a été perdu. 11 n'a pas été poilible d;; favoir s'il
s'eft dilfipé au feu , ou s'il a été perdu en calTant
le creufet.
Il réfulte évidemment de cas expériences ,
i". que le diamant eft inflammable, &: qu'il fe
brûle au feu , comme toute autre matière com-
buftible , lorfqu'il a communication avec l'air ex-
térieur ; Se qu'il n'y a point de différence entre les
diamants , puifque ceux qui n'avoient point fouf-
fert d'altération dans le charbon , furent altérés
par le cément de la corne de cerf j & que ceux qui
furent altérés par le cément de craie, ne le furent
plus par le cément de charbon. Ces altérations
ne font àonc point ducs à la nature du diamant,
mais feulement à celle du cément.
i°. Le diamant ne foufïre aucune altération de
Hii
ilS ChYMIE EXPERIMENTALE
la part du feu le plus violent, lorfqu'il eft envi-
ronné de poudre de charbon, & qu il n'a point
de contad avec l'air extérieur j en cela , il fuit la
même loi que les autres matières combuftibles ,
incapables de fe réduire en vapeurs , & de fe con-
fumer dans des vailfeaux parfaitement clos.
3 ". Mais le diamant fouffre beaucoup d'altéra-
tion & de diminution dans foi: poids , lorfqu'il efl:
cémenté avec des matières terreufes qui contien-
nent de l'air & de l'eau , comme la craie , la corne
de cerf calcinée, il paroît même qu'il fouffre da-
vantage d'altération , toutes chofes égales d'ail-
leurs, de la part de ces fubftances , que lorfqu'il
eft enfermé leul dans un vafe de même capacité,
puifque le diamant renfermé dans de la craie a
diminué d'un grain de fon poids , &c que celui qui
étoit fans intermède , n'a diminué que d'un grain
moins ^.
4*^. Il eft évident que le diamant eft une fub-
ftance particulière, &: qui a befoin d'être examinée
pour être encore mieux connue qu'elle ne l'eft à
préfent. 11 paroît que le diamant a des propriétés
communes aux pierres, aux matières combufti-
bles & à certaines matières métalliques. Ufemble
tenir , en quelque forte , le milieu entre ces fub-
ftances : il reftemble aux matières terreufes par fa
dureté : il paroît même qu'il eft la plus dure de
toutes les pierres : il a une propriété femblable à
celle des matières inflammables ordinaires , en ce
c]u'il produit de la Hamme , &" qu'il fe diftipe
comme elles , à mefure qu'il fe brûle. La flamme
qu'il donne eft petite , brillante , femblable à celle
que produifent l'étain , le bifmuth , Sec. Le dia-
mant n'eft peut-être qu'une matière phlogiftique
dans un état particulier qu'on ne connoît point
encore.
ET RAISONNE E. 117
Sur Us Pierres colorées,
M. Mitouard a fait encore des expériences fur
les pierres colorées. Il a mis dans fîx coupelles
fous la moufle d'un fourneau de coupelle ordi-
naire , & qui chauffoic beaucoup moins que
celui dans lequel il a fait les expériences précé-
dentes , différentes pierres précieufes dont nous
allons rendre compte. Il les a tait chauffer pen-
dant deux heures , à un feu capable de les faire
rougir prefque à blanc : favoir ,
1"^. Un rubis terminé par deux pyramides , &:■
un rubis brut. Ils n'ont rien perdu de leur forme ,
de leur couleur , ni de leur poli.
1°. Une améthyfte. Elle eft devenue gîaceufe y
&z elle avoit totalement perdu fa couleur.
3 °. Un faphir d'eau &c un faphir oriental. Un
des deux a été prefque entiéremen: décoloré j,
l'autre eft devenu obfcur.
4". Une émeraude. Elle a fondu en partie &
fi perdu fa tranfparence : fa couleur a été peu al-
térée : elle a feulement pris un autre ton , prove-
nant de fon opacité.
5 ° . Une vermeille. Elle a confervé fa tranfpa-
rence j mais fa furface a perdu un peu de ibix
poli.
6°. Un grenat Syrien. 11 eft: devenu opaque^
D'une autre part , M. Mitouard a cémenté
dans de petits creufets , Se arrangés comme ceux-
pour la cémentation des diamants , i". un rubisr
enveloppé dans de la cendre tamifée , & expofé-
pendant deux heures & un quart à la plus grander
violence du feu. Les cendres ont été complette-
ment vitrifiées , 8c l'on n'a retrouvé auc.u«e tracer
du rubis dans le verre»
3t°, M. Mitouard a ex^ofé dans «» appareit
) Hùi
ii8 Chymie experimentali
femblable au précédent , un rubis cémenté avec
du verre pulvénfé : le verre a fondu, il eft devenu
noir; le rubis s'efi: précipité au fond du creufec ,
& a reçu un commencement de fufion. Il s'étoit
déformé; mais fa couleur n'a point été altérée.
Combinaifon de la Terre élémentaire avec le Feu
pur.
Nous ne connoilTons point de combinaifon for-
mée immédiatement de l'union de la terre vitri-
iîabie avec le feu pur.. Une pareille combinaifon
£iiC'3 par la Nature, feroit un principe fccondaire ,
compofé de deux éléments primitifs ; principe qui
pourroit, fous cette forme, entrer dans la compo-
iition de certams corps.
Combinaifon de la Terre vitrifiable avec VAir,
Cette combinaifon , fi elle exifte , n'eft point
connue. Elle formeroit encore un principe fecon-
daire qui pouiroit fervir à la formation de corps
plus compofés. La terre vitrifiable paroîtne re-
cevoir même aucune altération de la part de l'air.
Combinaifon de la Terre vitrifiable avec l'Eau» ■
La terre vitrifiable n'éprouve aucune altération
de la part de l'eau dans nos opérations de Chymie,
11 paroît qu'il en feroit de même dans celles de la
Nature, fi rien d'étranger n'augmentoit l'adiou
de l'eau. L'on rencontre fouventde l'eau qui tient
de la terre vitrifiable en difiblution; telle que
celle qui palTé au travers des bancs de grès ou de
fable. 11 eft à préfumer que cette union n'eft pas
immédiatemeat formée entre ces dçux éléments;
IT RAISONNÉ E. 11^
elle eft due aux autres éléments qui y concouicnt
en même temps , & fpécialemeut au feu libre ré-
pandu dans le fein de la terre. Je penfe même
que , s'il exiftoit dans la Nature quelques endroits
où l'air & l'eau fuffent abfolument fans feu , ce
qu'il n'efl: guère pollible de concevoir , l'eau néan-
moins , dans ces circonfi-ances , aidée feulement
du concours de l'air, n'auroit aucune adion fur
la terre élémentaire j 6c ne la dilfolveroit pas.
Sur la Combinaifon des quatre Eléments.»
Peut-ctue la Nature combine-t-elle immédia-
tement les éléments deux à deux & trois à trois pav
des moyens qui nous font abfolument inconnus.
Si ces combinaifons fimples exiftent , elles feroienc
autant de principes fecondaires , ou de principes
principiés , dont la Nature feroit ufage pour for-
mer des corps compofés. Les connoilfances nous
manquent abfolument fur cet objet. Nous ne
fommes pas plus inftruits fur la combinaifon ini'
médiate des quatre éléments \ nous favons feule-
ment qu'ils ont une telle difpofition à fe mêler y
qu'il efl: abfolument impollible de les avoir par-
faitement pursôc ifolés les uns des autres.
Si la Nature , pour combiner les éléments les uns
avec les autres , ne fe fût procuré que les moyens
dont nous venons de parler, il \\q\\ feroit jamais
réfulté que des combinaifons funples de l'efpece
de celles dont nous parlons:elles auroient été rares,
en petit , &: n'auroient eu lieu que lorfque les cir-
confiances feroient devenues favorables. Le globe
terreftre feroit un défert aflreux , feniblable à cer-
tains continents de la terre où les quatre éléments,
fculs font en aétion les uns contre les autres., oà
il ne croie abfolument rien \ il n'y exifte , tout a.a
120 ChYMIE EXPÉRIMENTAL!
plus 5 que des fubftances du genre des principes
principiés , pauceque le fol eft de fable ou de terre
élémentaire, incapable de rien produire, de de
former des combinaifons qui puilTent tomber fous
nos fens.
Les combinaifons qui peuvent réfulter de l'u-
nion immédiate des éléments, ne deviennent
fenfibles pour nous, qu'autant qu'elles contien-
nent plus ou moins du principe terreux j nos or-
ganes ne font pas afTez déliés pour nous faire ap-
percevoir celles dans lefquelles ce principe n'entre
pour rien. Nous ne connoifiTons qu'une combi-
naifon de cette efpece j c'eft celle de la terre ÔC
du feu , à laquelle on a donné le nom de phio"
gïjiique ; encore n'eft-elle pas formée de l'union
immédiate de ces éléments : elle eft un produit
de la deftruétion des corps organifés. Il eft même
à préfumer que , fans eux , ce principe principié
n'exifteroit pas dans la Nature.
11 doit en être de même des autres principes
principiés, foimés immédiatement de l'union des
autres éléments : la Nature ne les forme vraifem-
blablçment point. Ceux de ce genre qui peuvent
exifter font encore dus aux corps organifés qui fe
dérruifent. Ces corps , comme nous le dirons ,
ont la faculté de combiner &: d'élaborer les élé-
inenrs , &: de former des fubftances qui fervent
enfuite comme de principes à des corps qui fortt
plus compofés que des principes principiés.
La Nature qui avoir de plus grandes vues àrenv-
plir que celles de former de fimples mélanges d'é-
léments , ou de produire des principes fecondaires^
s'eft procuré les n?oyens de faire un plus grand &
un plus magnifique ufage des éléments. Elle a
créé des corps organifés , & d'abord des végétaux-,
çfl; leur allignant U faculté de çalTerablet immo^
ÏT RAISONNES. III
clîatement les éléments primitifs , de les combi-
ner , de les élaborer , &z de former des combinai-
fons délicates cjue l'art eft encore tort éloigne d'i-
miter : tel a été le but de la Nature en créant les
corps orgnnifés.
Le végétal a été le pt emier inftrument dont elle
s'eft fervi pour former fes plus grandes &: fes plus
merveilleufes opérations. Ce font les végétaux
qui ont mis la Nature en aélion à la furface du
globe , dans l'intérieur de la terre &: des mers. Ce
font eux qui font lacaufe immédiate des météores
ignés qui fe forment dans l''air , &:c. Toutes fur-
prenantes que peuvent d'abord paroître ces idées ,
j'efpere les mettre dans tout leur jour, mais fuc-
ceilivement.
Les végétaux contiennent les éléments dans
des proportions plus égales qu'ils ne fe trouvent
dans aucun corps. Le reu eft le principe dominant
des végétaux , qui forment , par cette raifon , la
première fubftance combuftibîe. Tous les autres
corps de la Nature , qui contiennent quelque ma-
tière inflammable, la doivent aux végétaux. Nous
.ne prétendons pas dire pour cela que les végétaux
foient compofcs de parties égales de chacun des
éléments , mais feulement qu'ils les contiennent
dans des proportions qui approchent davantage
de l'égalité. Le principe terreux eft celui qui y eft
moins abondant.
Les végétaux dévoient nécelTairement précéder
les animaux. Ceux-ci ont befoin de pâture , &: ne
peuvent abfolument point fubfîfter fans eux. Les
animaux combinent de nouveau la fubftance vé-
gétale , & fe l'aflimilent : chez eux , la matière
change de forme , de nature , de acquiert de nou-
velles propriétés chymiques. La fubftance ani-
male di^erç bien peu de la végétale : elle contient
ïît Chymie expérimentale
également les quatre éléments dans l'état de corn-
binaifon. On ne fait pis encore Ci la fubftance
animale n'eft pas déjà toute formée dans les végé-
taux : peur-être que les .uiimaux qui s'en nourrif-
fent , ne font que féparer cette fubftance déjà ani-
milifée par le vé^ér il. C'eft ce que nous verrons
lorfque nous exajninerons les crames firineufes:
la m.itiere ^lutineufe qu'elles fournilTent eft bien
décidément de nature animale. Il paroituoit donc
que la Nature luroit difv>jnfé l'animal de ralTem-
bler lui-même les éléments pour le développe-
ment de fon individu. Elle a déparri à cette clafTe
de corps org^nifés la fondtion de concourir avec
les végétaux à entretenir la matière combuftible,
& à la diftribuer concurremment à la furface de
la terre. Au refte , il paroît bien certain que ce
font les végétaux , dans l'état de fanté, qui com-
pofenr toute la matière animale qui exifte , Se qui
ne pourroit abfolument fubfîfter fans la végéta-
tion.
Je penfe donc que la végétation eft le feul
moyen que la Nature emploie pour combiner la
plus grande partie du feu élémentaire qui nous
vient du foleil : le furplus de ce feu fert à entre-
tenir la vie des animaux , & à mettre en action
celui que la Nature a combiné dans les corps or-
ganifés.
Je conftdere ici la Nature fortantdes mains du
Créateur. Je n'examine point comment les corps
organifés ont été placés fur la terre. Ils y ont été
mis par l'Auteur de la Nature , pour y jouer le
rôle qu'il leur a départi ^ mais j'obfervela Nature
pied à pied , &c je tâche de dévoiler {qs myfteres
& fes opérations , parcequ'ils influent fur toute
la Chymie Sz fur l'Hiftoire Naturelle.
Les corps organifés font diftribiiés autour du
IT RAISONNE E. IZJ
globe & dans tous les endroits où ils peuvent fnb-
iifter ; mais la Nature , pour opérer les merveilles ,
a choifi deux laboratoires diftcrents. Elle travaille
fans relâche dans la partie feche du globe à taire
naître des végétaux &c des animaux. La partie li-
quide ou la mer , qui eft Ton fécond laboratoire,
eft également remplie de végétaux de toute ef-
pece j ils fervent de pâture à des milliers d'ani-
maux de tout genre, auxquels cet élément étoit
iiécefTaire. Les corps organifés croifTent , fc re-
produifent & périffent chacun dans leur élément.
L.es générations ie fuccedent fans interruprion :
ces corps entretiennent la matière combuftible
toujours à-peu- près au même degré d'abonànnce.
Les vues de la Nature n'auroient pas été fuffifam-
ment bien remplies, iî toute la matière combuf'
tible qui fe forme dans la partie feche du globe,
y reftoit : elle en a befoin dans l'intérieur de la
terre , pour y produire une infinité de combinai-
fons d'un autre genre. Elle fe fert de temps en
temps du balancement des eaux , peur faire des
incurfions fur la partie feche du globe , & pour
engloutir dans fon fein des amas immenfes de
matières combuftibles qui s'y forment, afin de les
diftribuer à fon gré dans l'intérieur de la terre pour
fes opérations fecretes.
La folidité ôc l'arrangement aéluel de la terre
font l'ouvrage des eaux , des corps organifés &:
du laps de temps. Les végétaux & les animaux
ont fertilifé la croûte fuperficielle de la terre que
nous cultivons. Les eaux y font venues à plufieurs
reprifes. La terre, dans les commencements, n'a >
voit point aiïez de folidiré pour retenir les eaux,
comme Je dit M. de BuiFon : elles ont du circuler
pendant long-temps , faire beaucoup de révolu-
lions autour du globe , vie porter dans fon inté-
ÎÎ4 ChTMIE EXPERIMENTAtl
rieur, jufques dans (es plus grandes profondeurs,''
le peu de fubftances combuftibles qui fe formoienc
à fa furface. Les eaux n'onr pu fe fixer enfin qu'a-
près que les corps organifés eurent divifé la terre
élémentaire, &c formé aflez d'argille pour empê-
cher l'épanchement de l'élément aqueux.
Nous verrons que l'argille eft produite par du
gypfe roulé & décompofe pa*- les eaux, &c que le
gypfe lui-même eft produit par la pulvérifation
des coquilles , & combiné avec de l'acide virrioli-
que. Quelle fuite de fiecles n'a-t-il donc pas fallu
pour produire tous ces grands changements !
La croûte de terre que nous cultivons , eft par-
tout compofée de débris de végétaux^: d'aaimaux.
Elle a été altétée & remaniée tant de fois par les
eaux & par les corps organifés , que k terre pri-
mitive élémentaire , qui en fait le fond , eft à peine
reconnoifTable. Les animaux qui périment à la
partie feche du globe , s'y décomposent & fervent
a des générations futures du même ordre. Si nous
confidérons les opérations qui fe paûTent dans la
mer , elles ne font pas moins belles. Ce lac im^
menfe eft peuplé d'une quantité étonnante de
poiflons de toute efpece. Les uns comme les tef-
tacées, les polypiers, &c. changent la terre du vé-
gétal dont ils fe nourriftent, en terre calcaire. On
retrouve par-tout dans l'intérieur des terres les
coquilles de ces poilForis j elles att-eftenï que ces
endroits ont été autrefais des fonds de mers. Ce
n'eft pas ici le lieu de nous étendre davantage fur
cette matière , cela nous obligeroit d'entrer dans
de grands détails qui nous éloigneroient de notre
objet y mais on les trouvera aux articles qui leu£
conviennent, & principalement au commence-^
ment du travail des mines. Ce que nous allons
examiner maintenant eft k matière combuftibla
ET RAISONNÉ 1. 11^
que ies corps organifés on formée. Cette fub-
ftance , qiioiqu'eirentiellement de même efpece
ôc de même nature , peut néanmoins être cond-
dérée fous deux états différents : i°. dans l'état
huileux : 2°. dans l'état de iîccité parfaite. Nous
reconnoîtrons les propriétés de cette même fub-
ftance inflammable dans les différents corps ou
elle fe trouve , a mefure que les occafions fe pré-
fenteront.
Sur la matière comhujlibh dans l'état huileux*
Ce que l'on nomme matière comhujlihle ou ali-
ment du feu j eft cette fubftance inflammable qui
fe dégage des corps organifés lorfqu'on les fait
brûler, &■ qui répand de la flamme & de la lu-
, miere. Ce feu, mis en aétion , produit fur les fub«»
ftances qu'il touche , les mêmes effets que les
rayons du foleil raffemblés , ou les frottements
des corps durs : il les échauffe , les brûle , les dé-
compofe&: fépare leurs principes conftituants.
Les corps organifés ont tellement pénétré tous
les corps de la Nature , qu'il n'y en a aucun qui
ne contienne plus ou moins de principe inflam-
mable , mais dans des proportions &: dans des états
bien difl^érents. Les végétaux &: les animaux le
contiennent en plus grande quantité qu'aucun
autre corps \ Se ce principe chez eux eft dans l'état
huileux. On les nomme pour cette raifon , cvrps
combujiibles ou aliment du feu ^ parcequ'ils fer-
vent à fon entretien, & qu'ils font les feuls qui
y foient propres. Les matières vraiment terreufes,
comme les cailloux , Sec. ne contiennent pas une
alfez grande quantité de feu combiné pour fervir
d'aliment au feu, &c celui qu'elles ont vient des
corps organifés dont elles ou: été pénétrées pen-
ti(j Chymie expérimentale
dznt leur féjaur dans la terre : le principe inflam-
mable que ces matières contiennent, a fubi une
fi grande altération par le laps de temps, qu'il
n'ell: plus dans l'état huileux. Ces corps ne font
point combuftibles par eux-mêmes, & ne peu-
vent s'embrafer qu'à l'aide des matières que nous
avons nommées combuftibles. Ils ne peuvent s'é-
chauffer aflez par un frottement rapide , pour ac-
quérir une chaleur capable de mettre le teu à des
corps combuftibles. Il n'en eft pas de même des
métaux \ quoiqu'ils ne foient pas des corps com-
buftibles par eux-mêmes , ils contiennent aiTez
de principe inflammable ( non pas cependant dans
l'état huileux ) pour que ceux qui ont afl^ez de
dureté pour réfifter à un frottement rapide, puif-
fent s'échauffer , rougir même , & mettre le fed
à des corps combuftibles. Mais , comme leur prin-
cipe inflammable eft combiné avec une très grande
quantité de terre , il ne peut continuer de refter
dans cet état d'inflammation j ils fe refroidiffent
aufli-tôt qu'on cefle de les frotter. Lorfqu'on fait
éprouver aux corps combuftibles un femblable
frottement, ils s'enflamment de même , & con-
tinuent de brûler, lorfque rien d'étranger nes'op-
pofe à leur combuftion, parcequ'ils font pourvus
de beaucoup de matière inflammable , & qu'ils
peuvent brûler fans des fecours étrangers. Voilà
donc en quoi différent les corps vraiment com-
buftibles d'avec ceux qui ne le font pas , quoique
contenant beaucoup de matière inflammable. Les
corps combuftibles renferment beaucoup de feu
combiné & peu de terre : les autres au contraire
contiennent beaucoup de terre &: peu de feu com-
biné.
Il eft bien difficile de découvrir comment le feu
élémentaire fe fixe dans les corps organifcs, &:
ET RAISONNÉ î. 117
comment, en devenant un de leurs principes , il
perd routes les propriétés que nous lui avons re-
connues, au poiiirde ne pouvoir fe manifciter que
par le contaA d'un corps actuellement dans le
mouvement igné. Boerhaave demande û ce feu
fe combine d'abord avec la terre , ou s'il fe com-
bine en mcme temps avec la terre &: l'eau, pour
former la matière huileufe. Nous dirons notre
lentimentfurces différences queftions , après que
nous aurons Hni d'cxpofer la théorie des meilleurs
Phyficiens fur le feu combiné.
Pendant la combuftion des fubftances combuf-
tibles , le feu fe réduit en feu élémentaire , & fe
(lilîîpe à mefure. Boerhaave n'efi: cependant pas
de ce fentiment : il dit que fî celactoit, la quan-
tité de teu élémentaire devioit augmenter à l'm-
fîni dans la Nature j c'eft ce que l'on ne remarque
pas. Les obfervations les plus exactes indiquent
au contraire qu'il n'y a jamais que la même dofe
de ce feu élémentaire , quoique journellement on
falfe briller une grande quantité de matière com-
bullible. Mais il efl: facile de répondre à cette
objection , endifant, comme on eft en droit de
le préfumer , que le feu élémentaire , dégagé des
corps , fe combine à mefure avec d'autres fiib-
ftances , & qu'il perd toutes fes propriétés de leu
libre , en devenant principe conitituant des corps
dans la compolicion defquels il entre : ce fenti-
ment eft celui de Scaahlj mais il y a fur cet objet,
comme nous le verrons encore , beaucoup de
chofes à defirer , & peut-être même nous fera-t-
il toujours 'mpoflible d'avoir des connoilfances
jiettes fur cette matière.
Boerhaave a examiné les différentes fubftances
qu'on retire pendant l'analyfe des corps organifés,
&: il a ûbfervé qu'il n'y a que h matière huileufe.
tlS ChYMIE EXPÉRIMmTAtB
dans quelque étac qu'elle foit , qui puifle être Vc-'^
ricablement l'aliment du feu. Les autres éléments,
comme l'eau, la terre de le fel, n'étailt point com-»
buftibles , font, dit-il, plus propres à éteindre
le feu qu'a lui fervir d'aliment. Tout ceci fe trouvô
démontré par une infinité d'expériences. Boer-
haave remarque encore que ces lubftances , quoi-
qu'incombuftibles , fervent néanmoins à aug-
menter l'a^bivité de lacombuftion des corps in-
flam.mables , lorfqu'elles s'y trouvent dans des
proportions convenables. Il donne le nom d'al-
kool à ce principe inflammable , lorfqu'il eft dans
fon plus grand degré de pureté , c'eft-à-dire, lors-
qu'il peut brider lans répandre ni fuie ni fumée»
Il reconnoît aulîl l'identité de ce principe dans
tous les végétaux & les animaux. Le principe dont
nous entendons parler ici , eft celui que Staahl a
nomvciiphlogljîiquc i &c dont nous parlerons dans
un inftant.
Voici une expérience que Boerhaave a faite à
ce fujet : il a reçu dans une cloche de verre ce que
laiiïe diiîîper l'efprit de vin enflammé , ôc il n'a
remarqué ni fuie ni fumée Les vapeurs qui fe
font condenfées étoient de l'eau : la matière in-
flammable s'eft détruite Si. diiripée : il n'a pas pu
la retenir à part (i). Les autres corps , fuivant fon
obfervation , ne font inflammables qu'à raifon
d'un principe de même efpece qu'ils contiennent;
& , lorfque , par la combuftion , l'on a féparé ce
principe d'un corps , ce qui refte de ce corps n'efl:
pas inflammable. Boerhaave fe fait une queftion
d lui-même (z), 6c demande fi, dans le cas où
( 1 ) Traite du Feu , troifîcme vol. pages 77 & 78 de la
Traduction françoife.
(i) /^/(/. page 1 10.
cette
ET RAISONNE E. llC)
cette matière feroit féparce de toute fubftance
étrangère , elle bruleroit tranquillement & luc-
ceflïvement , comme cela lui arrive lorrqu'elle eft
mêlée avec de l'eau , ainfi qu'elle l'eft dans refpric
de vin , ou C\ elle feroit confumée , comme la fou-
dre, en un inftant. Sans décider la queftion , il
conclut que cette matière , de quelques corps
qu'on la retire , feroit très pure , iunple , parfai-
tement combuftible , & donneroit une fiamme
très pure , fans répandre ni fuie ni fumée. De la.
il conjecture (i) que ce principe ejl un compofe de
feu & d'une matière très fubtilc qui lui cft intime^
ment jointe y 8c que rien , dans la Pliyfique, n'eft
peut-ctre fi difficile à connoître que cette partie
purement inflammable des corps combullibles >
qui fert d'aliment au feu j d'autant plus que >
lorfque cette matière brûle , elle fe détruit & de-
vient d'une fi grande fublimité , qu'elle ne tombe
plus fous nos fens [ij. 11 ajoute que , jufqu'à pré-
fent , on ne nous a rien flùt connoître de faris-
failant fur les changements que cette matière
éprouve pendant fa combuftion.
Tel ell: le fentiment de Boerhaave fur le feu
combiné ; celui de Staahl n'en diffère point.
Boerhaave a confidéré le teu en grand Phylicien ,
.& Staahl en grand Cliymifte : l'un &; l'autre font
d'accord fur les propriétés générales Se fonda-
mentales de la fubftance que Boerhaave nomme
alkool y Se Staahl phlogiflique. Staahl s'eft appli-
qué à reconnoître Se à démontrer l'exiftence de
ce principe dans les corps des trois règnes j cc il l'a
fait d'une manière fatistaifante. 11 n'a rien néglige
non plus pour découvrir le plus grand nombre
( 1 ) Page 84 & fuivantes , troilîeme volume,
(i) Page 78 , ibid.
Tome I, , J
i^ô Chymie expérimentale
des proprl.^tés de cetce fiibftance } mais il paroiÊ
que Boerhaave avoir des vues plus exaâ:es & plus
générales , puifqu'après avoiu reconnu l'exidcnce
de ce prnicipe dans les corps des crois règnes ,
comme l'a fair Scaahl , il a porté {es vues & fes
recherches fur la nature & la compofition de ce
même principe dans les fubftances qui le for-
ment , à l'exclufîon de toute autre , & qui en font
le plus abondamment pourvues.
J'ai déjà commencé à donner, en tête de cet
article , mon fentiment fur cette matière j je
placerai ici ce qui refte à dire fur cet objet.
1°. Je regarde la végétation comme un des
grands moyens , & peut-être le feul , que la Na-
ture emploie pour combiner avec les autres élé-
ments la plus grande partie du feu qui nous vient
du foleil.
2°. Les végétaux & les animaux font les feuls
corps vraiment combuftibles , comme nous l'a-
vons fait remarquer. Je penfe même que les corps
organifés font les feuls inftruments dont fe fert '
la Nature pour former tout le principe inflam-
mable qui exille, tant dans l'intérieur qu'à la
furface de la terre. Ce font les corps organifés
qui fourniffent ce principe aux corps du règne
minéral j Se c'eft d'eux que les matières minérales
ôc miCtalliques tiennent tout ce qu'elles ont de
combuftible.
3". La végétation ne fe fait qu'à la faveur de
la chaleur , de l'humidité & du concours de l'air.
Les plantes mêmes qui viennent fous la glace , ne
peuvent être citées pour combattre notre fenti-
ment. Il règne toujours de la chaleur fous la
glace , quelque froide qu'on la fuppofe j & il y
a des végétaux auxquels il faut peu de chaleur
pour leur accroiiTement. 11 eft d'oljfervation con-
i T kAtSONNÉE* ÎJÎ
fiante que la végétation eù. comme fupprimée en
hiver , en compaiailon de fon abondance en été ,
ou lorfqu'il legne dans l'air une chaleur douce &:
modérée. Il en ell de mcme de l'eau : li l'on prive
les végétaux de cet élément, ils ne tardent pas à
périr. L'air joue le même rôle : les végétaux pé-
riflent en tort peu de temps , lorfqu'ils en font
entièrement privés , comme le démontre l'expé-
rience de la machine pneinnatique. Le principe
terreux eft également nccelFaire, foit celui qui
eft en diflolution dans l'eau, ou celui que les vé-
gétaux rirent immédiatement de la terre.
Si l'on rcBéchit piéfentement à ce que nous
venons d'expofer , & à ce que nous avons dit fur
les propriétés des éléments lorfqu'ils font purs ,
on concevra fans difficulté , que la végétation fe
fait nécelfairement par le concours des quatre
éléments qui viennent fe réunir en même temps ,
& prennent entre eux les arrangements qui leur
font propres pour former le végétal. Il eft difficile
de concevoir les chofes autrement j car li les élé-
ments ne fe réuniffoient pas tous en mê.'iie temps ,
ôc dans les proportions convenables , on trou-
veroit des portions de végétal , dans lefquelles
quelques-uns des éléments ne feroient pas encore
entrés j c'eft ce que l'on n'a point encore obfervé.
Qu'on examine quelque portion de végétal que
ce foit j dans quelque état de maturité qu'on le
prenne, on le trouve conftamment pourvu de
toutes fes propriétés de végétal , &c contenant
toujours les quatre éléments.
Je fens bien qu'on me demandera comment fe
fait cette combinaifon \ dans quelle proportion
les éléments entrent dans le végétal \ comment
le feu , en fe combinant ainfi , perd (es proprié'
•l^l ChYMÎE EXPERIMENTALE
tés de feu pur j 3c comment l'air perd fon élaftî-'
ciré, &c.
Ces queftions ne font pas faciles à rélbudre j
j'en conviens : il eft difficile de les expliquer, fans
avoir recours au mouvement qui eft une des pro-
priétés inhérentes à la matière : ce mouvement
eft d'autant plus adif , que la matière eft elle-
même dans un plus grand état de divifion. Les
molécules intégrantes des éléments font, plus que
toutes celles des autres fubftances , dans cet état
favorable à la combinaifon. Les éléments ont
même une telle difpolition à s'unir les uns avec
les autres , qu'il eft impoflible de les avoir dans ce
degré de pureté où nous les avons fuppofés, lorf-
que nous les avons examinés.
A l'égard des proportions dans lefquelles les
éléments fe trouvent réunis , il eft très facile de
les reconnoître par des analyfes exaéies : nous
parlerons de ces moyens par la fuite.
Mais comment cette combinaifon fe fait-elle ?
Cette quertion n'eft pas facile à réfoudre : néan-
moins je vais tâcher d'y répondre.
Nous avons dit que les combinaifons fe fai-
foient, en général, entre les molécules intégrantes
des corps , & non entre les corps coniîdérés dans
leur état d'agrégation j nous avons dit encore
que les combinaifons étoient d'autant plus fortes
ëc plus intimes , que les molécules compofantes
ctoient elles-mêmes plus fimples & plus déliées.
11 eft difficile de concevoir autrement les molé-
cules des éléments primitifs , puifqu'elles fur-
pafTent en finelfe les molécules des corps com-
pofés.
Les molécules des éléments , lorfqu'elles font
ifolées &c décachées le§ unes des autres , ont né-
ET TLATSOtfmi. 15 J
tefTairement des propriétés différentes des élé-
ments eux-mcmes réunis en mafTe d'agrégés,
c'eft-à-dire qu'une molécule d'air ifolée n'eft poin c
élaftique ; up^e molécule de feu ifolée n'a plus
d'aélion fur les corps , &: elle eft fans chaleur ^
une molécule d'eau ifolée eft de la plus grande
folidité^ 3c entîn. une molécule de terre ifolée
eft également très folide & impénétrable. Nous
avons des exemples fenfibles de ce5 etfers dans
les grandes chaleurs de l'été. Le feu qui nous,
vient du foleil , échautfe l'air , &c écarte les mo-
lécules intégrantes de cet élément les unes des au-
tres : l'air perd alors Con rellort Se Ion élafticité ;,
on ne le r^ifpire cju'avec difficulté. On doit , je
penfe , attribuer cet effet autant à l'air dilaté,,
comme s'il étoit raréfié par la machine pneuma-
tique , qu'à ce que les molécules d'air font inter-
pofées entre des parties d'eau Se des parties de
&U. L'air, en été , eft communément plus charge
de feu & d'eau : ces deux éléments s'interpolent,
entre les molécules de l'air, 8c peuvent, en les
ifolant, diminuer fon- élafticité. L'air, l'eau &
le feu , dans ces circonil:ances , font mclés en
quelqae façon &: dilfous l'un par l'autre. Il eft a.
préfumet' que c'eft dans cet état , que les éléments
font les plus propies à la végétation.
Ce que nous difons de l'air qui perd tout {oix
reffort par l'interpofîtion des autres éléments ^
doit s'entendre également du feu : cet élément
aélif produit fur nous des fenfations de chaleur,
tant que fes parties font réunies dans une certain^
proportion ^ mais lorfqu'elles font fuififammenr
ifolées les unes des autres , elles perdent la pro-i
priété de produire cette fenfation.
Dans cette hypothefe , il eft facile de con^-
cevctir quQ lorfque les molécules des éléments Xq,-
134 Chymie expérimentale
combinent entve elles , ces molécules font né-»
cefTairement ifolces les unes à l'égard des autres j
elles adhèrent entre elles en vertu des loix de
rattrattion : fans ces circonftances , il n'y auroit
point de combinaifon j ce feroit un mélange
eroflier ; de les éléments conferveroient toutes
leurs propriétés. Si l'on conçoit bien cette mter-
pofition des molécules , on comprendra facile-
ment pourquoi le feu perd fes propriétés de feu ,
l'air (es propriétés élaftiques , &c de même pour-
quoi les autres éléments perdent leurs propriétés
particulières. Dans cette hypothefe , dis-je, il eft
facile de concevoir comment les éléments perdent
réciproquement leurs propriétés , en entrant dans
les corps organifés , pour en acquérir de nou-
velles , fuivant les loix de la combinaifon. Les
nouvelles propriétés du corps compofé font rela-
tives à l'arrangement que les molécules inté-
grantes des éléments ont pris entre elles , arran-
gement qui varie à l'infini.
Quelque vraifemblable que puilïe paroître ce
fyftéme, il n'eft cependant pas à l'abri de toute ob-
jedion . II n'explique point, par exemple,comment
les éléments, en s'ifolantmutuellement, donnent à
leurs molécules un arrangement propre pour for-
mer un végétal. 11 eft à préfumer qu'on ne pourra
jamais réfoudre cette queftion , parcequ'elle eft
de la nature de celles où il s'agiroit de rendre
compte de la manière dont les végétaux combl-
aient & élaborent les éléments, pour former une
gomme ou une réfine. Toutes ces chofes tien-
nent à la nature dç à la conftitution des corps
organifés , au mouvement de végétation dont ils
font doués, Se à bien d'autres caufes également
difficiles à expliquer , & fur lefquelles la Nature
a tiré un voile impénétrable. Au refte, ces quef-
ET RAISONNÉ E. I55
rions font étrangères à celles que nous avons agi-
tées : il n'en paroît pas moins vrai que les élé-
ments, dans les corps organifés , font ifolés , &
que c'eft par cet arrangement qu'ils perdent rcci-
provquement les propriétés qu'ils ont , lorfqu ils
font en malfe d'ac;régés ; c'elt tout ce que je m'é--
rois propofé de prouver.
Lorsqu'on décompofe les fubftances végétales^
on en lépare une quantité étonnante d'air , quan-
tité qui varie fuivant l'efpece de végétal , comme
Ta remarqué M. Haies dans fa Statique des Vé-
gétaux. Cette quaiuité d'au' , dans le bois de,
chêne bien fec , eft environ de huit cents fois le
volume du bois employé : fi les molécules d'air
ifolées étoient élaftiques , il leroit inconcevable
que cette quantité immenfe d'air eût pu entrer
dans le végétal , & en faire partie.
Il en eft de même du teu : ii les molécules ifo-
lées de cet élément avoient la même adion qu'une
malfe de feu , 6c qu'elles produifilîent de la cha-
leur , il n'y a point de doute qu'elles détruiroient
le végétal , au lieu de devenir un de its, principes
conftituants. 0\\ n'a point encore déterminé le
poids du feu dans les végétaux , comrr.e l'a fait
M. Haies à l'égard de l'air. Les expériences qu'il
conviendroit de faire , font cependant très fa-
ciles : nous en parlerons dans l'article du phlo-
giftique.
L'eau fait, pour l'ordinaire, environ. moitié
du poids du végét-al , même le plus fec. Je n'en--
tends point parler de l'eau de végétation qu'oa
remarque dans un végétal récent, & qu'on peut-
réparer par la feule expreflion , ou par la dellicca-
tion \ cette eau ne fait point partie de la fubftance-
du végétal , puifqu'elle peut en être fcparée , fans,
c^u'il perde fes autres propriétés : j'entends panle;^
liy
i5<? Chymie expérimentale
de l'eau qui fait partie du végétal , ou lui fert de
principe confticuant , & qu'on n'en peut féparer,
fans détruire le vérjétal. Si les molécules ifolées
de cette eau, principe du végétal , étoient liqui-
des, le vé-^étal n'auroit ni la fermeté ni la con-
fi (lance qu'on lui connoît. On n'a pas encore dé-
terminé la quantité d'eau qui entre dans la com-
poiîtion des végétaux. Il y a lieu de prélumer
qu'on y obferveroit la même différence que dans
les autres éléments. Il réfulteroit de pareilles re-
cherches, des connoilfances utiles fur la nature &'
la folidité des bois pour la conftru£tion des bâti-
ments. Il en eft de même de la terre qui fait par-
tie du végétal. Les expériences propres à déter-
miner la quantité de terre qui entre dans la com-
pofition des végétaux , manquent abfolument.
Le végétal , comme corps organifé , élabore
les éléments , pour former différentes combinai-
Ions qui varient à l'infini , fuivant la nature de
chaque efpece de végétal. Les végétaux combi-
nent les éléments par leurs racines , par leurs ti-
ges , par leurs feuilles , &:c. La partie du végétal
qui eft hors de terre , refpire l'air qui eft prefque
toujours chargé des autres éléments , comme
dious l'avons dit précédemment j ainiî les végé-
taux prennent de la nourriture de l'air comme de
la terre : tel eft le méchanifme général fous le-
quel je conçois la végétation.
Les animaux combinent directement , par la
voie de la refpiration , une certaine quantité d'air
ôc une certaine quantité des éléments répandus
dans l'air j mais ceci n'eft pas , à beaucoup près ,
fuffifant pour leur fubfiftance : ils font obligés
d'avoir recours aux végétaux pour fe nourrir. Le
végétal , en paffant dans le corps animal , change
de forme ôc de nature en s'^ftlmilant au cor|>s ani-
ET RAISONNÉ E. î ^f
mal.Lamatiere y acquiert de nouvelles piopriétés
chymiques , fuivantlamanieie dont elle fe com-
bine , ôc rarrangement qu'elle prend : c'eft ce que
nous ferons remarquer lorfquenous examinerons
les différentes fublîances animales , telles que la
graiffe, le fang , 6cc. La matière animale appart-
tient donc effentiellement au règne vécictal : elle
en conferve aulîi beaucoup de proprictcs chymi-
ques, (S: fmguliérement la combuftibilité : aulîî
elle fait partie des corps que nous avons nommes
comhujlihlcs j parcequ'il entre dans fa compoli-
tion, ainlique dans celle des végétaux, beaucoup
de feu combiné. Les os contiennent moins de
matière combuftible , &; beaucoup plus de terre:
aulîi ne font-ils pas combufnbles par eux-mêmes.
Les tellacées font dans le même cas que les
matières olfeufes des autres anmiaux : ils contien-
nent beaucoup de matière terreufe , &: peu de
fubftance combuftible dans l'état huileux. Cette
dernière fubftance eft tellement défendue de l'ac-
tion du feu par 1j terre , qu'on croiroit ne devoir
point la mettre au rang des matières combuftibles,
parceque, dans cet état , elle ne peut brûler par
elle-même j il lui faut le fecours d'autres matières
combuftibles dans l'état d'ic^nition : mais ceci ne
contredit aucunement ce que nous avons avance
fur la nature des corps organifés. En effet , fi l'on
fépare , par le moyen d'un acide , la matière ter-
reufe de ces coquilles , on retrouve la matière
animale qui étoit diftribuée parmi la terre , ôc qui
colloit les molécules terreufes entre elles. Cette
fubftance eft alors combuftible par elle-même ,
& peut fervir d'aliment au feu , comme toutes les
autres matières végétales & animales.
Nous allons fuivrefexamen des propriétés de la
matière combuftible dans fes différents étatSide»
tjS Chymie expérimentale
fuis rinftant où elle commence à éprouver de
alcérarion , jufqu'à celui où elle eft complette-
menr détruite.
Madères combujlihles exyofces au feu avec le
concours de l'air.
Lorfqa on fait brûler à l'air libre des matières
combuftibles, elles produifent de la flamme & de
la famée , & il refte la matière terreufe. La flamme
eft produite par la matière huileufe j mais elle eft:
agrandie considérablement par l'air & par l'eau
qui fe dégagent des corps pendant leur combuf-
tion. L'air fe dilate , l'eau fe réduit en vapeurs j Sc
ces deux éléments font l'effet d'un fouftlet. Néan-
moins toute la matière combuftiblene brûle pas j
«ne partie échappe à la combufl:ion, & s'élève eu
vapeius : c'efl: elle qui produit la fumée &: la fuie :
elle fe condenfe facilement fur les corps froids;
qu'elle rencontre, & s'y attache , comme cela ar-
rive dans les cheminées. Cette matière , qui s'eft;
ainfl élevée pendant la combuftion , eft: elle-mê-
me capable de brûler de nouveau , & de produire
tous les efl^ets de la matière combuft:ible qui n'a
pas encore éprouvé l'aélion du feu y & cela à plu-
fleurs reprifes , jufqu'à ce que tout ce qu'il y a de
combufl:ible foit totalement brûlé.
La combuftion des corps ne peut fe faire que
par le concours de l'air. Plufieurs habiles Physi-
ciens penfent que fa pefanteur & fon élafticité
font les feules caufes qui le rendent propre à en-»
tretenir la combuftion des corps. Au moyen de-
ces propriétés , il réunit & raffemble le feu en ac-
tion , & l'applique immédiatement fur les matiè-
res combuftibles qui reftent à brûler. Mais cette
théorie n'explique pas le phénomène qui fe poilQ
dans l'expérience fuivante.
ET RAISONNES. I59
Madères comhujlïbles expofées au feu fans air.
L'air eft le véhicule de la combuftion , comme
nous venons de le dire. Sans lui, aucun corps
combuftible ne peur brûler : il s'éteint même ,
quoique bien enflamme, lorfqu'on lui ôte toute
communication avec l'air extérieur. Le charbon
bien allumé qu'on enferme dans un étouffoir pour
l'éteindre , eft un exemple qui prouve cette pro-
pofition.
Expérience
Qui prouve que la madère combujlihle ne peut
brûler fans le concours de l'air.
On met des charbons noirs dans une boîte de
fer ou de terre , qu'on ferme exa6tement : on place
cette boîte dans un fourneau, & on la chauffe
jufqu'à la faire rougir à blanc. On trouve , après
que la boîte eft refroidie , que , malgré la violence
&la continuité du feu , le charbon n'a rien perdu
de fon poids , &: qu'il n'a fouffert aucune com-
buftion.
R E M A R Çi u E s.
Pendant que le charbon étoit expofé à Tadtion
du feu, il eft certain que la matière du feu , dans
le mouvement igné , lui a été continuellement
appliquée très immédiatement , ^^ que la matière
inflammable de ce charbon a été elle-même dans
un embrafernent conddérable.
Le charbon ne brûle point dans cette expé-«
rience , parceque c'eft un corps (ec , privé abfo-e
lument d'eau , d'air &c de routes matières qui peu-^
yent en faire fondion. 11 ne contienc rien dç'
1^0 Chymie Expf rimentale
volatil qui pui(Te fe raréfier par Tadion du feu y
& contribuer par ce moyen à fa combuftion ,
comme il arrive aux corps organifcs qui renfer-
ment de Tair & de Teau abondamment. La ma-
tière inflammable dont eft pourvu le charbon ,
non feulement n'eft fufceptible d'aucune dilata-
tion , mais même eft propre à abforber l'air pen-
dant fa combuftion , comme nous le ferons re-
marquer dans un inftant. Le charbon, dans cette
expérience , fe trouve pénétré de feu ; mais c'eft
d'un feu étranger : fa propre matière inflammable
fie fe confume poiiK, parcequ'elle n'eft point fuf-
ceptible de fe dilater.
Mais , medira-t-on , les corps végétaux ôc ani-
maux, quoique contenant beaucoup d'air 6c de
mati ;res huileufes , aqueufes , &c. ne fe brûlent
pas davantage pendant l'analyfe ? Cela vient de
ce que l'on conduit le feu par degré , pour déga-
ger ces fubftances fucceflîvement. L'expérience a
appris que , lorfqu'on brufque le feu , on occa-
fîonnedes explofions qui pourroient venir aufli-
bien de l'inflammation de ces fubftances volaù'^
les, que de leur dilatation.
Autre Expérienci
Qui ppouve la même propo/ition^
On met fous une cloche de verre , pofée fur des
cuirs mouillés , un bout de chandelle allumée ,
qui ait un lumignon un peu long. La lumière
brûle d'abord trcs bien j elle quitte infenfible-
ment la mèche , chemine jufques vers fon extré-
mité , &: finit par la quitter &: s'éteindre. 11 s'é-*
chappe aufli-tôt du lumiç^non , qui refte encore
emSrafé , uue fumée qui s'élève p^rpendiculal-
ET RAISONNE E. 14!
remenc , comme cela arrive dans le vuide ; la clo-
che adhère fenfiblement aux cuirs , à raifon d'une
partie d'air qui en eft fortie.
R E. M A R q U E s.
La chandelle brûle d'abord , parcequ'elle eft
placée dans une mafle d'air prife dans Con état
naturel j mais elle ne tarde pas à s'éteindre , par-
ceque la chaleur de la riamme raréfie l'air. Une
partie s'eft échappée par les bords de la cloche j
ce dont on peut s'alFurer en mettant autour de fes
bords du fable ou de la poulliere , qui eft repouf-
fée par l'air intérieur qui fe dilate. L'élafticité de
cet air eft tellement augmentée, qu'elle comprime
la flamme &z l'oblige de s'éteindre. Cette théorie
eft de Al. de Morveau , Avocat Général au Parle-
ment de Dijon , «Se Membre de l'Académie de
cette ville , qui a donné , fur les phénomènes de
l'air , un Mémoire rempli de très belles expérien-
ces. Ce Mémoire eft imprimé dans le premier vo-
lume des Mémoires de l'Académie de Dijon.
Si l'extinétion de la lumière eft due à de l'air
abforbé par la flamme , comme on l'avoir toujours
penfé , il devroit s'enfuivre , dit M. de Morveau ,
qu'en introduifant fous la cloche une quantité
d'air égale à celle qu'on prcfumc avoir été abfor-
bée, la lumière ne devroit pas s'éteindre : cepen-
dant il arrive le contraire. M. de Morveau , dans
une femblable expérience, a fait entrer de Tair
fous la cloche , en remontant le pifton de la ma-
chine pneumatique , avec le<: précautions nécef-
faires , pour que cet air ne produisît aucune agi-
ration à la flamme : la lumière s'eft éteinte plus
promptemcnt , comme l'avoit prévu cet habile
Phylicien , parceqd'alors il fe trouve fous la clo-
t4i Chymie expérimentale
the une plus grande quantité d'air , dont l'élaftî-^
cité augmente à proportion , qui comprime U
flamme davantage , Ôc l'oblige de s'éteindre.
M. de Morveau ne s'eft pas contente de ces ex-
périences j il en a l'ait d'autres qui font très ingé-
nieufes ôc très propres à conhrmer fa théorie. Il a
pris un bocal de verre de dix pouces de hauteur ,
dont la moitié avoit cinq pouces de diamètre , &C
l'autre deux pouces de diamètre : c'eft par ce der-
nier côté qu'étoit l'ouverture. Il a fufpendu ce
bocal, l'ouverture en bas, à deux pouces au def-
fus de fon fupport, de manière que l'intérieur
avoir une libre communication avec l'air exté-
rieur : il a introduit, au milieu de la hauteur de
ce bocal , une bougie allumée , qui s'eft éteinte
aufîîpromptement que fi l'ouverture eût été exac-
tement fermée : l'air raréfié dans la partie fupé-
rieure compiimoit la flamme comme dans l'expé-
rience précédente. Cet air ne pouvoir pas dimi-
nuer d'élafticité , parcequ'il ne pouvoir s'évacueC
par la partie fupérieure du bocal , comme cela au-
roit été néceflaire pour l'entretien de la flamme.
D'un autre côté , la colonne d'air extérieur fai-
foit équilibre à celui renfermé dans le vafe , 6c
le retenoit dans cet état d'élafticité ôc de raréfac-
tion.
M. de Morveau a enfuite répété certe expé-
rience avec le même bocal , mais en tenant l'ou-
verture en haut. Il s'eft afluré qu'en quelque en-
droit qu'on plaçât la lumière , elle ne s'éteignoic
pas , même en mettant une glace à un pouce de
diftance au-defl^us de l'ouverture du vafe , parce-
qu'à mefure que l'air fe raréfioit par la chaleur , il
s'échappoit. Il en rentroit d'autre le long des pa-
rois du vafe , qui entretenoit la flamme. Pour s'en
aflurer, M. de Morveau a jette des petits corps
£t raisonne e; l^f
légers au-defTus de ce vaifleau ^ ils ont été empor-
tés par les courants d'air qui fe font établis : les
uns ont été rcpoullcs au dehors par l'air raréfié
t]ui s'échappoit, 6c les autres ont été portés dans
l'intérieur du bocal par l'air qui y entroit.
Le Mémoire de M. de Morveau eft rempli de
beaucoup d'autres expériences relatives à l'objet
dont nous parlons : il Tiit voir que l'air ne con-
tribue point matérialement à la combuftion des
corps , & qu'il ne s'en abforbe point , ou , fi l'on
veut, qu'il ne s'en détruit point pendant qu'on
les fait brûler dans des vaifTeaux clos.
Les corps brûlants , & dans le mouvement igné,
s'éteignent , quoiqu'on les plonge dans des li-
queurs inflammables, foit que ces liqueurs brûlent
elles-mêmes , ou qu'elles ne brûlent point.
XPERIENCE.
Si Ton plonge dans de l'efprit de vin enflammé ,
ou dans de l'huile , un charbon bien allumé , dC
qu'on l'ôte enfuite de ces liqueurs , on remarque
qu'il eft éteint , comme fi on l'eût plongé dans
de l'eau. Cet effet vient de ce que ces liqueurs
s'appliquent très immédiatement à la furface du
charbon , Se qu'elles interceptent au feu , donc
le charbon étoit pénétré, toute communication
avec l'air.
Il réfulte bien évidemment de ce qui vient
d'être dit, que le concours de l'air eft abfolumsnt
néceflaire pour la combuftion des corps : c'eft fur
cette propriété qu'eft fondée toute la méchanique
des fourneaux , comme nous l'avons déjà dit à
l'article de l'air.
*44 ChYMIE EXPÉRIMENTALE
Autre Expérience
Qui prouve la même propo/ition,
Lorfqa'on diftille dans une cornue un végétal
quelconque , & qu'on adapte un récipient au beC
de ce vaifTeau , on recueille les fubftances vola-
tiles que le feu a fait élever. Ces fubftances font
de l'eau falée (qu'on nomme efprit ) , de l'huile
& de l'air. Il refte dans la cornue une matière
charbonneufe. Nous ne conlidérerons , quant à
préfent , que l'huile & la matière charbonneufe.
L'huile qu'on fépare dans cette expérience , eft
elle-même encore compofée des mêmes fubftances
que le végétal. Si on la foumet de nouveau à U
diftillation , on en tire encore les mêmes produits,
mais dans des proportions différentes. Comme
elle contient moins d'eau & moins de terre , elle
fournit m.oins de ces fubftances , que le végétal \ il
refte dans la cornue moins de matière charbon-
neufe. En continuant de diftiller ainfî fucceiîive-
ment plulieurs fois de fuite , on parvient à dé-
compofer complettement l'huile que fournit cha-
que diftillation , & à la réduire en air , en eau àc
en charbon. Ce charbon contient prefque tout
le feu qui étoit combiné dans le végétal, puifque,
dans toutes ces opérations , il n'y a eu aucune in-
flammation , ces expériences ayant été faites dans
des vaifTeaux clos \ ôc , comme nous venons de le
dire , aucune matière combuftible ne peut brûler
fans le concours de l'air. C'eftce charbon qui va
nous occuper maintenant fous le nom de phloglf-
tique j èc qui Joue un fi grand rôle dans la Natuœ
ô^ dans toutes les opçrations de la Chymie.
Sur
ET RAISONNE!, J4j
Sur le PhlogLjllque.
D'après tout ce que nous avons dit fur les ma-
tières combullibles , nous croyons devoir donnev
au phloeiftique la définition fui vante.
Le phlogiftique eft un principe fecondaire ,
compofé cle deux élémencs primitifs qui font le
feu pur & la terre vitrifiable. Cette combinaifon
eft nbfolument privée d'air dc d'eau; elle eft le
réfidu charbonneux , provenant de la déconipofi-t
tion de la matière huileufe.
Il eft bien démontre que le rélTdu charbonneux
dont nous venons de parler , contient prefque
tout le feu qui étoit entré dans la compoiition du
végétal : je dis prefque tout le feu , parceque ,
pendant l'opération par laquelle on réduit les ma-
tières combuftibles dans cet état , ilfe diftlpe tou-
jours une petite quantité de feu , mais qui ne
mérite aucune conlidération. Lorfque la totalité
de la matière combuftible eft dans l'état charbon-
neux , tout le feu qu'elle contenoit , fe rrouvi*
réduit fous le plus petit volume pofiîble. Nous
fuppofons que le charbon a été formé dans des
valifeaux clos &: fans inflammation. La totalité du
feu fe trouve extraite & fixée avec la terre propre
du végétal : ainfi la matière chaibonneufe eft doqç
le feu uni à la terre du corps organifé. Cette ma-
tière eft abfolument privée d'air &: d'eau , parce-
que ces deux éléments font volatils : ils fe (onz
diifipés par l'aélion du feu, & ont emporté avçe
eux la plus grande partie de la matière faline.
Nous avons dit dans notre déhnition du rhlo-^if.
tique, que la terre qui entre dans fa compoiition ,
eft une terre vitrifiabie ; c'eft ce que j'ai conftaté
par une longue fuite d'expérienç$s ^ en examinant
Ï4^ ChYMIE EXPÉRIMENTAtl
la terre des végétaux j des animaux , & celle àes
huiles de ces corps organifés. J'ai déjà publié une
partie de ce travail dans mon Mémoire fur les
Argilles. Nous rendrons compte des autres expé-
riences qui conftatent cette théorie , à mefure qu3
les occauons fe préfenteront.
C'eft un phénomène bien digne de remarque ,
que le feu puifle ainft s'extraire & fe rafTembler
fous un petit volume , fans recouvrer fes pro-
priétés de feu pur. Cela prouve bien ce que nous
avons dit précédemment , que , lorfque les molé-
cules des éléments font ifolées , elles n'ont plus
les propriétés des éléments en malTe. Dans le
charbon , les molécules du feu font combinées
avec la terre du végétal , par conféquent ifolées
par les molécules de la terre , qui font interpo-
lées entre celles du feu , fuivant les loix de la
combinaifon. Les molécules du feu ifolées dans
le charbon , font fans mouvement , fans flui-
dité , fans élafticité , fans adtion &c dans un repos
parfait j mais elles font toutes prêtes à fe réunir ,
& à recouvrer toutes les propriétés de feu pur &
en adion : il fuffit , pour cela, de préfenter au
charbon un corps aduellement dans le mouve-
ment igné.
Nous avons fait remarquer précédemment lef
tentatives que Boerhaave a faites pour obtenir le
phlogiftique à part , mais dans l'état de com-
Duftion y ce qui eft: abfolument impofiîble. Ce
font ces recherches mal entendues qui ont fait
croire que l'état naturel du phlogiftique étoit
l'ignition : cette doctrine a été adoptée par la plu-
part des ChymifteS.
Le feu ne peut être que fous deux états, libre,
ou combiné : s'il eft libre , c'eft du feu élémen-
taire, & non du phlogiftique. Dans cet état, il n'eft
ilT RAISONNES. 143^
^as poflible de le retenir , à caufe de la difpofi*
don qu'il a à s'étendre uniformément entre tous
Iqs objets qui l'environnent, jufqu'à ce qu'il fe
foit mis dans un partait équilibre j mais lorfque
le feu élémentaire eft combiné , il perd toutes fes
propriétés de feu pur. Lorfqu'il n'efl: combiné
qu'avec peu de fubftance , ôc qu'il eft dans l'état
de ficcité , comme il fe trouve dans le charbon
d'une huile, de lorfqu'il peut brûler, fans ré-
pandre ni fuie ni tumée , je le nommerai alors
phlo^ijîiquc , afin de le diftinguer de la matière
combuftible dans l'état huileux. Nous verrons
d'ailleurs que la fubftance inflammable joue *
dans ces deux états de combinaifon , différents
rôles dans la Nature & dans prefque toutes les
opérations de la Chymie : Ci enfuite on enflamme
ce phlogiftique par l'attouchement d'un corps
dans le mouvement igné , ce fera du phlogiftique
qui brûlera Se qui fe décompofera. Dans l'un &c
dans l'autre cas , il eft toujours du phlogiftique t
dans le premier , il eft du phlogiftique en repos \
dans le fécond , du phlogiftique en aélion , qui
fe brûle 6c qui fe décompofe : il n'eft pas nécelTaue
qu'il foit dans l'état d'ignition , pour être caraCté-
rifé phlog'iflique. Tout ceci prouve évidemment
que le phlogiftique eft une fubftance compofée ;
qu'elle eft en repos lorfqu'elle ne brûle pas , &:
qu'elle eft en aélion lorfqu'on la fait brûler* C'eft
une abfurdité de chercher à obtenir à part cette
fubftance dans l'état d'ignition , mais qu'elle ne
brûle pas. Voilà cependant à quoi fe réduit Tob-
jet des travaux de ceux qui ont voulu retenir à
part le principe phlogiftique ; ce qui eft impofli-
ble. Une fubftance ne peut en màne temps brû-
ler &: ne brûler pas : fi elle brûle , il faut , pour'
la retenir , employer des vaifleaux clos ; mais ,
K ij
Ï4S ChYMIE EXPÉPvIMENTALE
fians ce cas, elle ceiTe de brûler , & s'éteint, faute
du concoiu's de Tair,
Il réfulte de la diftinttion que nous avons faite
dit phlogifrique en adion 3c du phlogifcique en
repos , qu'on peut obtenir à part ce principe ,
mais dans ce dernier état : on peut alors le manier
à fon gré , &: le contenir enfin dans une bou-
teille , dans une boîte , Ôcc. pour me fervir des
exprelVions de ceux qui ont mis en queftion de
conferver le phlogiftique. Il fufiit, pour cela, de
diftiller une huile, comme nous venons de le
dire , ou toute autre matière végétale ou ani-
male , Se de conferver féparément le charbon qui
relie au fond du vailTeau : ce phlogiftique fera
d'autant plus pur , qu'on aura employé une fub-
{lance plus pure , Se que fon charbon fera chargé
de la moindre quantité de terre polîible.
Je fens bien qu'on m'objeélera que ce réfidu
charbonneux, fur-tout s'il provient de fubftances
végétales , contiendra quelques matières falines
étrangères au phlogiftique , Se que , par confé-
quent , il ne fera point du phlogiftique pur.
A cela je répondrai qu'il faut faire choix d'une
huile animale déjà très reélihée: elle laillera, dans
tOLUes les combinaifons qu'on lui fera fubir , un
charbon très-pur Se privé de toute matière faline.
D'ailleurs la dirîiculté qu'il y a d'avoir du charbon
parfaitement pur , eft un inconvénient comm.un
à toutes les matières qui ont un certain degré de
fuiïplicité. Le phlogiftique eft un principe fort
peu compofé j il participe plus ou moins des pro-
priétés des éléments qui le forment , & il eft aulll
difficile de l'avoir dans le dernier degré de pu-
reté : mais cela n'empêche pas qu'on ne puifte
îrès bien reconnoître {qs propriétés , Se en quoi
e^ principe fecondaire diffère d» feu pur.
ET îl A I S O N N È E. î^cj
On poiUToit peut-être encore me faire une ob-
jeilion , &c dire que la fubftance que je regarde
comme du phlogilliique pur ou prefque pur j peut
& doit ncceirairement ne jamais contenir conf-
tamment de la terre ôc du feu pur dans les mêmes
proportions. Dans ce cas , quelles feront les fub-
ftances intermédiaires ?
Je repondrai, i'". qu'il efl de l'eflenceduphlo-
giftique , même de celui qui eft dans l'état de va-
peurs , & qui produit des efters moi tels, de con-
tenir de la terre. Cette terre , dans le charbon
qui n'eft point allumé , ifole les molécules de teu,
éc s'oppofc à leur réunion j mais, lorfqu'on ap-
plique au charbon du feu en adion , ce teu déter-
mine le développement & la réunion de celui qui
entre clans la coouwfràon du charbon j c'efc du
phlogiftique qui brûle :comme tout ce que ce char-
bon en contient , ne brûle pas en totalité , une
partie fe réduit en vapeurs , mais dans l'état de
phlogiftique , c'eft-à-dire toujours unie, à delà
terre. Cette dernière portion feulement produiu
les effets mortels dont nous avons parle j tandis
que la portion de ce même phlogiftique , ciui elt
réduite en feu élémentaire , ne produit que les
effets du feu pur.
2°. Je réponds encore que le feu peut être fixé
par une plus ou moins grande quantiré de terre.
Le phlogiftique fera d'autant plus pur, que ces
deux éléments feront réunis dans demciileurcs
proportions ; mais , dans tous les cas , ce fera du
phlogilHque. Il y a nécellairement beaucoup de
variété dans cette combinaifon du feu pur avec la
terre y il cft certain qu'il / a plus de teu nxé dans
le charbon d'une huile que dans la partie ligneufe
d'un végétal , ou dans le charbon olfeux. Le char-
bon d'une huile eft par cette raifon inhnimcn:
K iij
i5« Chymie expérimintals
pins difficile à brûler complettement que les char-
bons de matières végétales ligneufes. 11 y a fur
cette matière beaucoup de recherches ôc d'expé-
riences à faire pour déterminer la quantité ou le
poids du feu qui entre dans les différents corps
organifés. Ces expériences démontreroient d'une
manière complette ,quelefeueftpefant, & qu'on
peut apprécier {on poids lorfqu'il fait partie des
corps , & qu'il eft un de leurs principes confti-
tuants. On le trouve fans pefanteur lorfqu il eft
libre , parceque, comme je l'ai déjà dit , il ne
touche point les corps , & qu'il eft dans un excellif
înouvement.
J'ai fait fur les corps organifés beaucoup d'ex-
périences qui auroient pu me faire connoître la
quantité de feu qui entre dans leur compofition j
mais, comme elles n'ont pas été faites dans cette
intention , je n'ai pas tenu des notes aftez exactes
pour les rapporter ici : tout ce que je puis dire de
plus général , d'après mes expériences , c'eft qu'il
en eft du feu , comme des autres éléments : il m'a
paru que les corps organifés ou leurs parties ne
çontenoient pas tous précifément le même poids
de feu. Le feu, devenu principe des corps , eft dans
l'état de combinajfon j fans lui , les corps orga--
jiifés ne feroient pas ce qu'ils font : il eft pefant ,
parcequ'il eft un de leurs principes conftituants :
il eft dans un état bien différent de celui de la
barre de fer rouge dont parle Boerhaave : ce Chy-
mifte a trouvé ce feu fans pefanteur , parcequ'il
n'eft point combiné, ôc qu'il ne touche pas le
métal.
La manière de décompofer les corps organifés ,
pour connoître le poids du feu qui eft entré dans
leur compofition , confifte à faire brûler le char-
bon de ces corps , ^ cçkii qu'gn obtient de leur^-
ET RAISONNâï. I5I
liuileSj dans des vaifTeaux élevés, &c qui aient
communication avec l'air , en prenant garde que
quelque courant d'air n'emporte rien de la ma-
tière, fînon que le feu pur qui doit fe diliiper. II
refte la terre fixe. Si l'onapefé la matière char-
bonneufe avant l'opération , &: (i l'on pefe enfuite
la terre qui refte , on faura , par le poids qui
manque , celui du feu qui étoit combiné , èc qui
s'eft dillipé pendant la combuftion , puifque la
matière phlogiftique ou charbonneufe ne contient
plus rien de volatil que le feu pur , incapable de
ie diliiper autrement que par le concours de l'air.
Il y aura , à la vérité , une portion de phlogifti-
que qui fe dirtipera en vapeurs fans brûler , comme
cela arrive toutes les fois qu'on fait brûler une
matière combuftible : c'eft un inconvénient. Il eft:
impoifible dans la plupart de nos opérations d'ob-
tenir le dernier degré d'exaélitude. Ces recherches
continuées cependant répandroient plus de lu-
mière que nous n'en avons fur les proportions de
feu combiné dans les corps organiiés.
Les anciens Chymiftes ont donné différents
noms d la matière inflammable , tels que ceux
d'huile , de graifte , de foufre , &c. Ils n'avoient
f)oint adopté des termes particuliers pour défigner
e principe inflammable réduit à fa plus grande
(implicite. Cependant , Ci l on confondoit , fous
la même dénomination , la matière combuftible ,
dans quelque état qu'elle fût , il enréfulreroitné-
celTairement de l'obfcurité , parcequ'il y a une
différence bien grande entre une huile ôc du char-
bon. Il en feroit de mcme (1 on vouloit diftinguer
la matière inflammable par des noms différents ,
fuivant l'état où elle fe préfente : on feroit obligé
de multiplier les noms A l'infini j car, depuis l'etac
huileiix ougraifTcux le plus grolfier , jufqu'à ce-
Kiv
^52. ChYMÎE EXrÉRIMEMTALÈ
lui de phlogiftique ou de charbon très pur , il eil
facile de ruppcfer bien des états intermédiaires
auxquels il faudroit par conféquent donner ditfé-
rents noms , ce quideviendroitde la plus grande
obfcuritc. Quelques Chyniiftes modernes ont déjà
elTayé d'introduire dans la Chymie les noms de
caujllacujn ôc d'acidum pingue , pour défigner le
phlogidique qui eft dans la chaux vive. Outre
qu'il efc inutile d'introduire de nouveaux termes
fans nécefllré dans unefcience, nous obferve-
rons que le nom êi acidum pingue eft très impropre,
& qu'il ne préfente rien de vrai à l'efprit. Lephlo-
giftique dans la chaux n'a rien d'acide ni de gras \
c'eft du phlogiftique mêlé avec beaucoup de terre
calcaire : ainli nous penfons qu'il fuiïit de diftin-
guer 5 comme nous l'avons l^iit , la matière com-
buftible dans deux états différents : i °. dans l'état
huileux ; 2.°. dans l'état non huileux ou phlogilti-
que» Toute autre dénomination qu'on pourroic
donner aux différents états dans lefquels peut fe
ïenconrrer cette fubflance , feroitabuiive , & ne
feroit c|ue répandre de l'obfcurité.
Matières comhujlïbles avec de l'eau.
Jufqua préfent nous n'avons préfenté le phlo-
giftique qiie comme un corps charbonneux , privé
par l'arc d eau & d'air , par l'aétion du feu fans le
concGUiS de l'air. La Nature produit également
dès.matieres charbonneufes par le moyen du feu ,
6c fans le concours de l'air j mais elle le fait en-
core par le moyen de l'eau , avec ou fans le con-
cours de l'air. La putréfaction des corps combuf-
tibles , où le féjour de ces mêmes coros dans l'eait
6c liicme dans des eaux courantes , réduifentles
ecrps cômbuftibles dans l'état charbonneux , com-
£T RAtSONNÉE. I55
me s'ils euiïent cpioiivé l'adion du feu dans des
vaiiTeaux des. Il y a p::u de perfonnes qui n'aient
eu occalion de remaïquer que , lorfqu'on rendue
le fond des petites rivières ou des étangs , dans
lefquels il le trouve des matières combuftibles,
il s'élève une boue noire à la furhice de Teau j il
s'en exale en mcme temps une odeur de putrétac-
tion : cette'boue noire cil la matière combuftible
qui tend a devenir charbon. J'ai eu occadon d'e-
xaminer du bois qui avoir féjourné long-temps
fous l'eau , 6c qui étoit converti tout en charbon.
Les matières purement huileufes qui féjournent
entermécs dans des terreins humides , deviennent
pareillement charbonncufes j mais, lorfqu'ellcs
font mclées avec des kls , ^' que ces fels ne peu-
vent pas quitter la matière grailfeufe , elles font-
infiniment plus long-temps à fe réduire en char-
bon. Nous en verrons la raifon dans un inllant.
On trouve dans la Nature beaucoup de char-
bon qui n'effc m^lé ni avec du foufre , ni avec de
l'acide vitriolione. Il a été formé de la mcme ma-
nière fans le concours du feu , puifqu'U s'en forme
fous nos yeux par ce moyen fort hmple : une forêt
inondée , &qui refle long- temps fous Tcau, doit
fe réduire en un charbon femblable à celui c]ue
nous pouvons former dans nos laboratoires par
l'adion du feu , pourvu qu'il n.e furvienne pas
de matières faîines; mais, (i au contraire il fur-
vient beaucoup de m?.tieres contenant de Tacidè
vitriohque qui puifle fe mêler avec la matière conv
bullible j il fe forme du foufre •, le charbon eft
minéraiifé , &il produit alors ce que l'on nomme
charbon de terre, La fubftancc huileufe fc con-
ferve beaucoup plus Ions- temos : c'cfl la raifon
pour laquelle on retire de l'huile ^ du fouhe dz
tous les ch.irbons foifilcs , tandis ciu'on ne rciir^
154 Chymie expérimentale
ni huile ni foufre des charbons pareillement for-
més dans l'intérieur de la terre , mais qui n'ont
point été adultérés par des matières falines.
C'eft un fpedacle bien digne d'un Philofophe
Naturalifte de voir l'eau produire fur les matières
combuftibles les mêmes effets que le feu. L'eau a
même la propriété de féparer l'eau Se l'air , prin-
cipes conftituants des corps organifés , pour les
réduire en véritable charbon, comme cela arrive
par l'adion du feu dans des vaiflTeaux clos.
Je penfe qu'on doit attribuer tous ces effets à
l'air qui fe dégage des corps par le mouvement de
putréfaction qu'ils fubiffent dans l'eau. Dans les
endroits où les matières combuftibles pourriifent
fous l'eau , on voit fouvent s'élever jufqu'à fa fur-
face , des bulles d'air , par l'effet de fa plus grande
légèreté. Cet air eft celui qui entroit y comme
principe conftituant, dans la compofîtion de ces
corps organifés. Aufli-tôt qu'un corps perd un de
£qs principes, il change de propriété. Le principe
aqueux fe fépare enfuite de ces corps , ôc la fub-
ilance reftante ne peut plus fe recombiner , ni avec
de l'eau , ni avec de l'air, pour former la matière
huileufe , parcequ'il lui faut un interm-,ede falin
pour produire cette combinaifon. Il refte donc
enfin le feu combiné Se fixé avec la terre propre
du végétal , ce qui forme une véritable fubftance
çharbonneufe , Se qui a toutes les propriétés du
charbon , lorfque fon féjour fous l'eau a été fuffi-
famment long pour opérer cette décompofîtion»
Recompojîtion de la matière huileufe^
La définition que j'ai donnée du phlogiftiq»».
n'eft point une affertion vague. Nous avons
prouvé par plufîeuis expériences que c'eft efFeâ:i-
ET RAISONNÉ!. l$$
vement un corps (ec , privé d'eau 3c d'air j enfin
il eft le charbon de la matière huileufe : il peut
redevenir dans l'ctac huileux & reformer une vé-
rirable huile , telle qu'elle ctoit auparavant , en
lui rendant l'air Se l'eau qu'il a perdus. Il eft vrai-
femblablement très pofllble ce parvenir à cette
recompofition par plufieurs moyens. Celui par
lequel j'y fuis parvenu , a été de diftiller à la
otjrnue du bleu de Prulfe qui m'a donné de Thuile
en abondance, iSc plus que fuftifante pour dé-
montrer cette recompofition , & pour prouver que
tout ce que j'ai avancé fur cette matière eft de la
plus grande exaditude.
Mais , comme cette opération eft un peu com-
pliquée , bc qu'elle exige l'emploi de plufieuis
lubllances dont nous n'avons pas encore parlé ,
nous renvoyons cet objet à l'article du bleu de
Pr ufiTe.
Il réfulte bien évidemment que , fi nous pou-
vons , par des matières falines, reflufciter la ma-
tière huileufe , la Nature doit le faire dans (on
immenfe laboratoire , &c confcrver long- temps
celle qui exifte dans les matières combuftibles
qu'elle enfevelit fous les eaux.
Des propriétés du Phlogiflique,
Le phlogiftique eft le principe des odeurs , des
«ouleurs & de l'opacité des corps. Cette fubftance
eft fi univerfellenient répandue dans la Nature ,
qu'il y a fort peu de corps qui n'en contiennent
une plus ou moins grande quantité : \qs pierres
vitrifiables les plus dures en contiennent. Lorf-
qu'on les frotte l'une contre l'autre , elles exha-
lent une odeur phlogiftique , parceque tout , dans
la Nature , a été remanié plus d'une fois pat les
i^S ChYMIE EXPÉRIMENTAtt
torps organifés , peut-être jufqu'au centre dii
globe.
Le phlogilHque n'eft ni chaud ni froid : il ne
peur fe mettre en aétion &c produire du feu que
lorfqu'il y eft excité par le contad d'un corps ac-
tuellement dans le mouvement igné : lorfqu'il
brûle, le feu élémentaire fe diffipe, 8c la terre
refte fixe j mais , comme il eft privé d'air Se d'eau,
fa flamme eft moins vive , moins lumineufe que
celle des corps combuftibles dans l'état naturel ,
parceque l'eau &c l'air qu'ils contiennent agran-
dilient la flamme.
Le phlogiftique eft de la plus grande fixité aa
feu , tant qu'il n'a point de contact avec l'air ;
c'eft ce que nous avons vu par les charbons ren-
fermés dans une boîte de fer. Cette propriété le
rend très propre à pouvoir fe combiner par la fu-
don avec pluiieurs corps. Lorfqu'il s'unit aux
verres par la fufion , il leur communique des cou-
leurs Se de l'opacité.
Lorfqu'il fe combine avec les chaux métalli-
ques , il les relTufcite en métal ; il leur donne de
la couleur Se une opacité abfolue , fans leur com-
muniquer ni chaleur ni lumière , mais il leut
procure plus de fuiibiliré Se de volatilité ; il aug-
mente même leur pefanteur fpécifique.
Le phlogiftique fert fouvent d'intermède pour
unir des corps qui ne s'uniroient pas fans lui ;
telles font les chaux métalliques oui ne peuvent
s'unir avec le métal de même efpece. Ces mêmes
chaux ne peuvent , pour la plupart , fe difloudre
dans les acides , parcequ'elles font dépouillées
de phlogiftique.
Le phlogiftique peut pafl~er d'ime combinaifon
dans une autre, fans qu'il ait befoin de s'enflam-
mer.
ET RAISONNES. I57
Le phlogiftiqiie ne s'unit pas avec tous les corps
qu'on peut lui prcfcnter : il ne contrade immé-
diatement aucune union avec le principe aqueux,
puifque , comme nou$ l'avons dit , il fe forme fous
l'eau.
Le phlogifti que eft identique, ou toujours le
même, de quelque corps qu'on le fcpare : il eft
toujours du feu combiné avec de la terre vitrilîa-
ble j il peut feulement être dans ditiérents états
de pureté , & produire alors des effets qui font
relatifs à fon état. Il n'ell: pas ncceiraire qu'il foit
parfaitement pur pour produire la plupart des
effets dont nous venons de parler : il y a même des
cas où ces effets font nuls ou prefque nuls , lorfque
le phlogillique ell dans un trop grand état de pu-
reté.
Jufqu à préfent nous avons confidéré le phlo-
girtique comme un corps fec , privé d'air & d'eau ,
fixe , incapable de s'évaporer au degré de chaleur
qui règne dans l'air. On me demandera comment
un pareil principe peut , dans nombre de circonf-
rances , fe réduire en vapeurs, produire des effets
inortels , des inflammations fubites , des explo-
fions très bruy antes,& autres effets du même genre
qui arrivent tous les jours. Ces objeélions ne dé-
truifent rien de ce que j'ai avancé fur cette matière:
elles font au contraire très favorables à démon-
trer ce que j'ai dit. Cela prouve, i °. combien il y
a d'états intermédiaires entre le feu pur , la fub-
ftance inflammable la plus pure, èc la matière
inflammable dans l'état huileux le plus grolfier :
2". combien ce principe inflammable peut chan-
ger de propriétés, relativement à l'état où il fe
trouve , & à la proportion dans laque! le il eft com-
biné avec plus ou moins de principes terreux. La
dpfe du feu élémentaire peut refter la même , &
158 Chymie expérimentale
celle de la terre diminuer de plus en plus. Une
très petite quantité de terre , à caufe de l'extrcme
petitefTe de (qs molécules intégrantes , fixe une
plus ou moins grande quantité de feu élémentaire.
Comme la terre eft très fixe , elle fait participer
au feu qu'elle combine , une partie de fa fixité ,
lorfqu'elle fe trouve en grande quantité , comme
dans les matières charbonneufes ; ce phlogiftique
eft alors très fixe : mais , lorfqu'au contraire le
feu élémentaire fe trouve combiné en grande dofe
avec la plus petite quantité de terre , fuffifante
néanmoins pour faire perdre au feu élémentaire
fes propriétés de feu pur , le phlogiftique parti-*
cipe alors davantage des propriétés du feu : dans
cet état , il fe réduit facilement en vapeurs : il
produit alors (es effets , non comme reu pur ,
parcequ'il ne cefte point d'être com-biné j mais
comme phlogiftique , il détruit , en tout ou en
partie , le relfort de l'air : la mort fuit de près , â
l'on ne fe retire promptement , aulîi tôt que l'on
commence à reftentir les effets de ces vapeurs
phlogiftiques.
Tout ceci prouve donc que le phlogiftique eft
fixe quand il entre beaucoup de terre dans fat
compofition , & qu'il eft au contraire très volatil
quand c'eft le feu élémentaire qui prçdomine fur
le principe terreux.
Le phlogiftique , en fe réduifant en vapeurs ,
entraîne avec lui quelques fubftances des matiè-
res dans lefquelles il fe produit , fur-tout lorfque
ces matières font elles-mêmes volatiles j du moins
on eft en droit de le préfumer , parceque les va-
peurs phlogiftiques ne font pas toujours inflam-
mables , quoiqu'elles occafionnent conftamment
des effets mortels. Lorfqu'elles font accompa-
gnées de quelques fubftances huileufes éthérées ,
ET RAISONNÉ £. l^^
OU de foufre réduit en vapeurs, elles s'enflamment
avec eï^plofion , comme il arrive dans certains
fouterreins de mines. Le même effet a lieu lorf-
qu'elles font produites par des matières combuf-
tibles en putréfaction. Les vapeurs phlogiftiques
qui s'élèvent du charbon qu'on tait brûler , ne
font pointinflammables, quoiqu'elles produifent
des effets mortels j du moins jufqu'à préfent on
n'a point remarqué qu'elles le iulfent.
11 réfulte évidemment de toutes ces propriétés
du phlogiftique , qu'il diffère efîentiellement du
feu pur. Il n y a perfonne qui ne fâche que lorf-
qu'on fait brûler du charbon ou de la braife dans
une chambre bien fermée, l'organe de l'odorat fe
trouve affedlé d'une manière bien fenlîble : mais
la vapeur invilible qui s'exhale du charbon ou de
la braife allumée, ati^e6le bien plus vivement en-
core le cerveau ; ôc la mort fuit de près fi l'on ne
fe retire aufîî-tôt que ces effets fe font fentir. 11
n'en efl pas de même de l'efprit de vin qu'on fait
brûler de la même manière: il n'en efl: pas de
même non plus du charbon qu'on fait brûler dans
une cheminée , ou dans un pocle , dans lequel
l'air extérieur peut circuler librement.
Les effets qui arrivent dans le premier cas ,
viennent de ce que le charbon ne contient ni air
ni eau. Une portion de phlogiftique fe réduit en
vapeurs par l'aéle de la combuftion : ces vapeurs,
n'ayant pas eu le temps de fe brûler & de fe ré-
duire en feu élémentaire, circulent dans la cham-
bre , abforbcnt l'eau répandue dans l'air , détrui-
fent le reffort de l'air en tout ou en partie. Ces va-
peurs font invifibles , parcequ'elles ne font ac-
compagnées d'aucune fumée. Les effets que le
phlogifliique produit fur ceux qui y font expofés,
viennent vraifemblablement de la grande difpo-
I tf O C H Y >.î I E E X P E R I M E I^I T A L E
fîdon que le phlogidique , réduit dans cet étar ,
a pour fe combiner avec les corps qu'il renconcre.
Les vapeurs qui s'clevenc pendanu la combuf-
tion de l'cTpricde vin , ne proâuifenc pas le même
effet, parcequ'il entre dans la compofîti^Ji de
cette liqueur beaucoup d'air & d'siiu, qui fe dé-
gagent à mefure qu'elle brûle j il le tait par conié-
quent une compenfation : d'ailleurs l'eau conte-
nue dans l'efprit de vin retarde la combuilion ,
8c donne à la matieve inflammable le temps de fe
brûler en totalité.
Les huiles qu'on brûle dans des lampes , pro--
duiient, dans des endroits fermés, à-peu-piès
les mêmes effets que la-vapeur du charbon j dans
un degré moins fort, à la vérité , parcequ'elles
contiennent toujours une petite quantité d'air dc
d'eau, dont le charbon e(l entièrement privé.
La bougie de cire , en brûlant , exhale moins
de fumée que la chandelle de fuit de bœuf. Se
elle répand moins d'odeur phlogidique , parce-
que la cire e(l plus difiicile à fe liquéher par la
chaleur : la quantité pompée par fa mèche fe brûle
prefque en totalité ; au lieu que le fuif , étant
plus facile d fe liquéfier , eft pompé par la me-'
che en plus grande quantité qu'il ne peut s'en
brûler. La chaleur que ce fuif éprouve le réduit
en vapeurs fuligineufes , qui incommodent pref-
que autant que celles d:i charbon. Les huiles
qu'on brûle au lieu de fuif font encore plus dan-
gereufes. Comme elles font ordinairement liqui-
des , elles font pompées par la mèche en plus
grande quantité , ik elles produifent beaucoup
plus de vapeurs phlogiftiques.
Tous les accidents qui peuvent arriver par ces
fortes de vapeurs phlogidiques , renfermées dans
une chambre, n'ont point lieu lorfqii'on fait éva-
porer
ET RAISONNÉ E. Ï<)1
?orer en même temps une grande quantité d'eaiii
e l'ai éprouvé fur moi-même.
Ces accidents n'ont plus lieu également lor(-
qu'on tait brûler du charbon dans une cheminée ,
ou dans unpocle, où l'air circule librement, par-
ceque les vapeurs plilogiftiques font emportées
continuellement par le courant de l'air. 11 n'y a
que le feu pur de élémentaire qui fe tamife au
travers des tuyaux des poêles. La portion de
phlogilHque en vapeurs , qui s'élève pendant la
combuftion du charbon, n'eft ni auflî déliée ni
aulli fubrilc que le feu pur : elle eft hors d'état de
fe tamifer de la même manière au travers des
pores des tuyaux des pocles : elle a même h peu
de difpo(ition pour fe tamifer au travers des corps,
qu'une feuille de papier fuiHt pour interceptée
ion palfage.
Les autres propriétés du phlogiftique font trop
générales & trop nombreufes pour que nous puil^
fions les rapporter toutes ici j nous les ferons re-
marquer à mefure que l'occafîon s'en préfentera:
mais ce que nous en avons dit eft bien fuffifanc
pour qu'on ne le confonde pas avec le feu élé-
mentaire.
Sur la Terre calcaire.
D'après tout ce que nous avons dit fur la terre «
il eft bien prouvé que c'eft la terre vitrifiable qui
eft la terre primitive &: élémentaire. Elle eft né-
ceflairement la plus ancienne de toutes les matiè-
res terreufes : c'eft elle qui fiir le fond de la terre
calcaire ; mais cette dernière en diffère beaucoup
par les altérations que lui ont occafionnécs les
corps organifés. Mais comment , me dira-t-on ,
. cette terre a-r-elle reçu ces changements , & quels
Tome /. L
1-^4, Chymie expérimentale
font les moyens que la Nature emploie pour pro-
duire cette terre ? C'eft ce que nous allons exa-
miner.
La terre calcaire , comme nous le démontre-
rons, eft conipofce de parties égales , ou à peu-
ples , de terre élémentaire & d'eau , mêlées avec
une certaine quantité de matière phlogiftique &C
d'air.
Jufqu'à préfent il a été impofîîble aux Chymif-*
tes de taire cette combinaifon. J'ai fait beaucoup
de tentatives qui n'ont étéfuivies d'aucun fuccès :
mais la Nature le fait en grand , d'une manière
très (impie & très marquée : elle emploie , pour y
parvenir, tous les infectes de mer qui fe forment
des niches pierreufes j & tous les poilfons tejiacées
ou à coquilles. Tout ce qui exifte de terre calcaire
a été fait par ces animaux , comme l'a démontré
M. de Buffon (i). C'eft un des plus beaux &c des
plus grands moyens ,^ le feul que la Nature em-
ploie pour changer l'élément terreux , & pour en
former une forte de principe terreux propre à en-
trer, fous cette forme, dans d'autres combinai-
ions , & fpécialement dans la compofîtion des
matières filin es en général. Lorfque cette terre
entre dans lacombiuaifon desfels, elle redevient
terre vitritiable , comme elle étoit auparavant 5
cependant plus ou moins : c'eft ce que nous exa-
minerons à l'article des matières métalliques.
Je n'examine point ici la méchaniquc qu'em-
ploient ces animaux pour fe conftruire leur loge-
ment j ce feroit une di^reftion qui m'éloigneroit
trop de mon fujet : je ferai remarquer feulement
que ces animaux, ne pouvant vivre , comme tous
■ ,m-^
(i) Hiftoire Naturelle in-Af". prcoiier vol. p3<;e 17^,
Et HAISONNiE. iS^
ïes autres , que de végétaux , changent par con-
féquent la nature de la terre vitrihable en terre
calcaire. On conçoit facilement que des animaux
qui ne peuvent vivre que fous l'eau , combinent
iiécefTairement la terre des végétaux dont ils fe
nourriffent, avec le principe aqueux. Cène peut
ctre qu'avec une femblable combinaifon qu'ils
conllruifent leurs logements^ mais, pour leur
donner de la foliditc , ils diftribuent , entre les
molécules terrcules , une fubftance mucilasi-
neufe , pnrf-aitement animalilée. Cette fubftance
fait fondion de colle j elle lie les molécules ter-
leufes entre elles , pour former un tout alTez {o-
lide pour la confervation de Tindividu. Je ne fuis
pas en cela de l'avis de M. de Buffon , lorfqu'il
dit , page xj , volume 1 5 , i/i-^*^ : 3> Les ani-
55 maux à coquilles rranstorment l'eau de la mer
»j en pierre , pioduifent le corail Ôc tous les ma-
jj drépores ^'. Il eft difficile de concevoir que de
Tcau puilTe fe changer en terre. L'eau eft un élé-
ment qui ne peut contracter que des combinai-
fons y mais elle n'eft point fufceptiblede changer
de nature : elle entre bien dans la compofition de
la terre calcaire , maisc'elt comme principe conf-
tituant. Si on la fépare , elle recouvre toutes fes
propriétés d'eau. Lorfque l'animal à coquille pé-
rit , la matière animale , qui fait partie de la co-
quille , fe détruit , comme l'huile des autres
corps qui féjournent fous l'eau j mais le réfidu
charbonneux &c le principe ac^ueux reftenr com-
binés avec la terre , & en font partie pour tou-
jours , du moins tant que cette terre refte terre
calcaire. On obferve ces changements de la ma-
tiere combuftible des teftacées, dans des tas de co-
quilles d'huîtres amoncelées. Lorfque la fubftance
^nimale entre en putréfaction , ces coquilles
Lij
i(?4^ Chymie expérimentale
exhalent une odeur femblable à route autre ma-
tière qui fe putréfie : la terre calcaire prend des
couleurs noires , bleues , vertes, Sec, Le laps de
temps , S>c l'adion de l'air 5c de l'eau , détruifent
enfin la plus grande partie de ce qui a échappé à
la putrch'idtion. La terre calcaire paroît alors avec
toute la blancheur qui lui eft naturelle , 8>c avec
toutes {es autres propriétés : néanmoins elle re-
tient opiniâtrement un refte de matière inflam-
mable , non dans l'état huileux, mais dans celui
de phlogiftique, dont la grande quantité de terre
empêche la defi:ru£tion complette.
Tous ces changements arrivent à la fubftance
animale des coquilles, de la même manière que
nous l'avons dit , en parlant de ceux qu'éprouvent
les matières combuftibles végétales qui féjour-
nent fous les eaux. C'eji à i'alr j t^ui fe dégage d'a-
bord par le mouvement de putréfaciLon[i) , &c. On
auroit tort de rèjetter en doute l'exiftence de l'air
dans la compofition des matières animales qui fe
font formées & qui exiftent dans l'eau. Toutes
les expériences chymiques démontrent que ces
matières animales contiennent autant d'air que
les animaux qui refpirent immédiatement cet
élément : en un mot, l'air eft un principe confti-
tuant de toute matière animale ^ & fans ce prin-
cipe il n'y auroit point d'animalifation. En quel -
que endroit du globe que fe forment les ani-
maux j on les trouve toujours pourvus d'une
quantité d'air qu'ils ont aflimiléà leur fubftance ,
proportionnellement à leur nature j car tous les
animaux n'en contiennent pas la même quantité ,
comme l'a démontré M. Haies dans fa Statique
(i) Voyez page ijz.
l
ET R A I S O N N É E. ï6^
des Végétaux Se dans celle des animaux. On vou-
dra bien me difpenfer d'entier dans les détails
de mcchanique qu'emploient ces animaux pour
prendre dans l'eau l'air nécedaire à leurconlbtu-
tion , pour ne m'aitachcr qu'à mon objet , qui eft
la terre calcaire.
La terre calcaire eft répandue avec uihe grande
abondance dans la Nature ; mais comme elle eft
de formation féconde , &r. qu'elle eft produite
par les animaux dont nous venons de parler , elle
fait la plus petite partie de la conftitution du
globe. On la trouve, dans certains endroits, à
des profondeurs confidérables , à plus de mille de
douze cents pieds. On peut juger par cette pro-
fondeur , de celle qu'avoient eux-mêmes ces en-
droits avant qu'ils futfent fonds de mers , parce-
quil n'y a que dans la mer, & par le concours
des animaux, que puilTe fe former cette terre.
Au-delTous de ces endroits quifervoient autrefois
de fond à la mer , on ne trouve plus de terre cal-
caire j ce n'eft que de la terre vitrifiable , fous dif-
férentes formes 5 mais communément fous celle
delable.
Toutes les pierres calcaires , comme le remar-
que très bien M. de Butfon , font formées de co-
quilles brifées , détruites , réduites même en pouf-
fiere , tenant enfemble par l'affinité d'adhé-
rence & celle d'a^réciation. Il eft abfolument im-
pollible de trouver dans 4a Nature une terre cal-
caire qui ne foit tormée de coquilles , & qui n'en
contienne encore quelques veftiges , (î ce n'eft
celles qui font crvftallifées j nous en dirons les
raifons dans un»inftant : les pierres calcaires ont
d'ailleurs les mêmes propriétés chymiques que la
terre des coquilles a qui elles doivent leur ori-
gine. Les déplacements de la mer , qui ont eu
L iij
i66 Chymie expérimentale
lieu à différentes repriies , ont biffé par-tout de
la terre calcaire. Il étoit nécefTaire qu'elle fit fa
révolution autour du globe pour laiffer cette terre
û utile pour labâtiffe. Il feroit laborieux &c dif-
pendieux fi l'on étoit obligé d'employer des pier-
res vitrifiables pour ces ufiges.
On me demandera peut-être comment ont pu
fe former ces chaînes de montagnes de pierres
calcaires , Se celles de coquilles , dont plufieurs
ont une épaiflfeur confidérable , Se d'une grande
étendue. Je penfe que ces groiïes chaînes de
montagnes de pierres calcaires dont on fe fert
pour bâtir, ont été formées dans la mer comme
toutes les autres montagnes , par dépôt de co-
quilles brifées Se réduites en poudre. Le laps de
temps & l'attraction des particules de la matière
ont agrégé ces fubftances entre elles , Se ont for-
mé ces pierres qui ont plus ou moins de dureté,
plus ou moins de fineife , à proportion que ces
matières étoient elles-mêmes dans des états plus
tavorables pour acquérir de la folidité.
A l'égard des montagnes qui ne font compo-
fées que de coquilles , Se fouvent de même efpe-
ce , on peut croire que les teftacées fe comportent
comme les animaux terreftres y qu'ils fe canton-
nent dans la mer : ils adoptent une place , croif-
fent, vivent, périlfent Se reftent où ils ont pris
nailTance j d'autres croiflenr par-dellus les pre-
miers , Se reftent de même. Il ne faut , après cela,
Xfue du temps, pour former une chaîne de monta-
gnes coquill ères de toute l'étendue du canton que
ces animaux ont adopté : ces montagnes conti-
jiuent de s'élever , jufqu'à ce qu'enfin les tefta-
cées ne trouvent plus au-delïus d'eux une épaif
feur d'eau fuffifinte pour continuer d'y faire leur
domicile. Dan^ cette hypothefe, il efl. facile de
lîT RAISONNÉ E. idj
concevoir pourquoi il n'y a point de coquilles,
dans les vallons au pied de ces montagnes: c'cft
que ces vallons ne faifoient point partie du can-
tonnement de ces animaux,
Etats Jous lefquels la Nature nous préfente la Terre
calcaire que l'on nomme aujjl alkaline & abfor-
bante.
Examinons prcfentemenr les difTcrents ctars
fous lefquels la Nature nous préfente la terre cal-
caire , ou plutôt les changements que les coquilles
ont éprouvés par le laps de temps.
La terre calcaire eft fous différentes formes ,
comme la terre vitrifiable. Je ne parle que de
celle qui a un degré de pureté fuffifant &: diftincb
de tontes les autres fubftances terreufes.
Entre les pierres calcaires, les unes font en
grandes maffes irrégulieres , dont les parties
adhèrent par l'affinité de cohéflon qu'ont entre
elles les parties de la matière j tels font les moel-
lons , les pierres a bâtir , le marbre blanc , ècc,
La calfure de ces pierres eft plus ou moins gre-
nue , comme celle du fucre. Toutes ces pier-
res fe laifTent imbiber par l'eau avec plus ou
moins de facilité. On fe ferr , avec une forte de
fuccès, des pierres les plus poreufes de cette ef-
pece pour filtrer de l'eau , après les avoir creufées
en cône , en plaçant la pointe en bas.
On trouve des pierres calcaires cryftallifces.
fymmétriquement , &: variées à l'infini , d'une
pefanteur fpécifique beaucoup plus grande que
celle des précédentes , & qui approchent mcme
des terres vitrifiables en pefanteur. On les appelle
fpaths calcaires : elles ont des facettes brillantes».
Ces pierres ne différent des précédentes que pas
Liv
icîS Chymie expiIri mentale
l'arrangement de leurs parties. Uy a lieu de croire
que la matie re terreufe , en partie diiïoute par
l'eau , a été tellement divifée , que les molécules
terreufes , en s'attirant mutuellement pour fe
réunir, ont pris entre elles cet arrangement fym-
métrique de cryftallin qu'on leur obferve. Ces
pierres font plus dures, plus compades que les
précédentes : elles ont une demi-tranfparence, &
ne fe laiffent point imbiber par de l'eau. Parmi
les pierres de cette efpece , il y en a dont la terre
a été complettement dilloute dans l'eau, ôc qui
s'eft cryftallifée enfuite très proprement. J'ai vu
de ces piètres qui avoient le coup d'œil & l'ap-
parence du cryftal de roche : elles en avoient , à
très peu de chofe près , la tranfparence.
Il y a d'autres pierres calcaires plus dures que
les précédentes , demi-tranfparentes , & qui n'ont
d'autres figures que celles que leur procurent les
différentes circonftances qui contribuent à leur
formation. Ce font les (îalaciites qui fe forment
dans les caves gouttières & dans les grottes , &
dans toutes les cavités qui font dans l'intérieur
de la terre , où l'eau peut fuinter , s'évaporer &
laifTer la portion de terre qu'elle tenoit en diffo-
lution. La terre refte attachée à la voûte de la
caverne , augmente à mefure qu'il en vient de
nouvelle , & prend, par fuccellion de temps,
des figures fingulieres & variées à l'infini. La
formation de ces mafles de terre eft fcmblable
aux glaçons qui pendent aux toits lôrlqu'il vient
un faux dégel après qu'il a neigé.
La terre calcaire fe préfente encore fous la for-
me d'une poudre blanche plus ou moins fine.
Quelquefois les parties de cette terre font légère-
ment agglutinées entre elles, & forment les craies,
dont la confiftance des maffes varie X l'infini.
ET RAISONNÉ E. l(î^
Toutes les coquilles des œufs d'oifeaux font
encore de la terre calcaire , mais mêlée d'un pa-
renchyme animal , comme dans les coquilles des
poilTons , qui ferc également à donner de la foli-
dite à ces coquilles.
Plufieurs habiles Chymiftes ont encore mis au
rang des terres calcaires celles qu'on tire des vé-
gétaux & des os par lacornbuftion : mais ces fub-
llances terreufes en différent elfentiellement.
Celles qu'on fépare des végétaux eft de la terre
vitrihable ; 6c celles des os tiennent le milieu
entre les terres vitrifiables &c les terres calcaires :
mais ni les unes ni les autres ne font de la chaux
vive par la calcination ; ce qui eft un caradlere
fpécifique des terres calcaires. Nous parlerons do
ces terres par la fuite.
Propriéccs des Terres calcaires.
Toutes les pierres calcaires font beaucoup
moins dures que les pierres vitrifiables. Aucune
ne fait feu frappée contre de l'acier ; au contraire
elles fe lailTent toutes entamer &: rayer par la
pointe d'un couteau.
Aucune pierre calcaire n'a la pefanteur de la
terre vitrihable , même les fpaths calcaires les
plus pefnits.
Toutes les terres calcaires fe dilTolventdans les
acides avec chaleur & effervefcence \ on fe fert
de ce moyen pour les diftin^uer : mais nous en
parlerons plus particulièrement lorfque nous exa-
minerons les propriétés des matières falines.
Les pierres calcaires ne font pas toutes égale-
ment pures ; il y a entre elles la même différence
que celle que nous avons fait remarquer entre
les pierres vitrifiables. Tous les marbres colorés
ijo Chimie experimeî^taib
font de la terre calcaire fort impure : leurs cou-
leurs font la plupart métalliques : ils contiennenr
prefque tous une plus ou moins grande quantité
d'argille.
La terre calcaire la plus pure que j'aie reconnue
Îm des expériences fliites fur cette matière , eft
e beau marbre blanc , ou les beaux fpaths cryf-
tallifés, bien tranfparents.
Terres calcaires expofées au feu dans des vaîjfeaux:
clos.
Chaux vive.
On met dans une cornue de grès , capable de:
réfifter à une violente aifeion du feu , des mor-
ceaux de marbre blanc ; on place la cornue dans
un fourneau qui pouffe bien : on adapte à la cor-
nue un ballon ou récipient : on lute les join-^
tures : alors on échauffe la cornue par degrés > dC
l'on augmente le feu jufqu'à ce qu'elle foit rouge
a blanc : on l'entretient dans cet état pendant
environ trois heures : on laifFe refroidir les vaif-
feaux fufïifamment , & on délute le ballon : on
verfe ce qu'il contient dans un flacon : on en--
levé la cornue du fourneau : on verfe fur un pa-
pier ce qu'elle contient , & on l'enferme dans une
bouteille, afin que la matière ne prenne point
l'humidité de l'air.
La liqueur qui a paffé dans le ballon pendant
la calcination , eft de l'eau pure j elle a feule-
ment une légère odeur empyreumatique qui lui
vient de la matière phlogiftique contenue dajis
la pierre calcaire. La fubftance terreufe de la cor-
nue s'eft convertie en chaux vive qui fe trouve
noire & enfumée, à raifon de la matière phlogifti-
que qui y eft contenue , de qui ne peut fe brCileç
ET RAISONNÉ E." I7I
idans des vaiflTeaux clos où l'air n'a point d'accès.
Si , avant la calcination , on a pefé la pierre , &
fï on la pefe de nouveau après l'opération , on
trouve qu'elle a diminue de la moitié de fon
poids, ou à-peu-près j elle a diminué aulli de vo-
lume , & a acquis beaucoup plus de dureté qu'elle
n'en avoir auparavanr.
Certe expérience prouve donc que le marbre
blanc contient une grande quantité d'eau, puif-
qu'on la recueille par la difbiUation. On ne peut
pas foupçonner que cette eau foit étrangère à la
terre calcaire ; car fi l'on a pris la précaution de
faire fécher cette terre pendant plulîeurs jours ,
jufqu'à la faire bien chauffer, fans la faire rougir ,
elle n'en fournit pas moins d'eau pour cela. La
couleur noire que prend la terre enfermée dans la
cornue , eft une preuve non équivoque de l'exif-
tence de la matière inflammable : c'eft un refte de
matière animale qui vient originairement de fa
formation. Tout ceci prouve complettement ce
que nous avons avancé fur l'origine de la nature
de cette terre.
Ce n'efl: ni avec du marbre blanc , ni de la ma-
nière que nous venons de le dire , qu'on fait la
chaux dont on fait ufa2;e dans les arts &c pour la
bâtilTe; mais nous nous fervons de marbre blanc
pour cette expérience, dans nos Cours ^ parceque
c'eft la terre calcaire la plus pure , & qui fournit
une chaux très blanche. Les fpatiis & les ftalac-
tites calcaires purs fournififent de mcme des chaux
de la plus grande blancheur. Nous fiifons cette
expérience dans une cornue, pour hiire voir la
grande quantité d'eau Se d'air qui le dégagent pen-
dant l'opération : fubftances qui étoient nécelTai-
rement combinées ayec la matière terrcufe, piiif-
iji Chymiz expérimentale
qu'elles ne fe féparent qu'à la plus grande vio-
lence du feu.
La chaux ordinaire fe fait avec des pierres cal-
caires communes. Ces fortes de pierres contien-
nent toutes une certaine quantité de fer dans l'é-
tat d'ochre \ ce qui eft aUez indifférent pour les
ufages auxquels on emploie la chaux. Plufieurs
de ces pierres contiennent encore de la terre vi-
trifiable. Le marbre noir & tous les marbres co-
lorés font des pierres calcaires fort impures : elles
fe lèvent par feuilles j elles forment de mauvaife
chaux , èc il leur arrive fouvent d'entrer en fu-
iîon. La manière de convertir en chaux vive
les pierres calcaires ordinaires , confifte à les cal-
ciner au travers de la flamme des matières com-
buftibles , dans des fourneaux faits exprès, qu'on
nomme fours à chaux. Mais il n'y a aucune pierre
décidément calcaire qui , étant traitée dans des
vaifleaux clos , comme nous venons de le dire ,
ne fourniffe les mêmes fubftances par une fem-
blable opération. L'eau eft effentielle à la confti-
tution de cette forte de terre. J'ai remarqué qu'il
y en a parmi elles qui ne fournilTent pas la même
quantité d'eau , & qui ne forment pas , par la
calcination , une chaux vive également bonne :
cela vient de l'efpece de décompodtion que fu-
biffent ces pierres par le laps de temps. La Nature
tend à féparer l'eau qui leur eft unie , & à les ra-
mener au caraétere fpécifique de leur origine,
celui de terre vitrifiable : c'eft ce que l'on voit ar-
river dans certains bancs de craie où l'on trouve
des quantités coniidérables de cailloux de diffé-
rentes couleurs , qui ne font autre chofe que la
terre calcaire devenue vitrifiable. J'ai encore
remarqué qu'il faut un plus grand coup de feu
[
IT RAISONNES. I75
pour convertir en chaux les pierres calcaires du-
res , que pour celles qui le font moins , &c que les
terres calcaires tiès pures ne fournifTcnt pas une
chaux aulîi forte que les pierres calcaires com-
munes.
Pour fuivre l'ordre que nous nous fommes
prefcrit, examinons les effets de l'âir fur les pierres
calcaires.
Pierres calcaires avec l'air.
On ne connoît point ra(ftion de l'air fur
les terres calcaires j mais d'apiès tout ce que
nous venons de dire, on ne peut mcconnoitre
les grands changements que le laps de temps
opère fur les terres calcaires. On trouve dans
les cabinets d'Hiftoire Naturelle , des coquilles
dans toutes fortes d'états d'altcration , qui les
approchent de la terre vitrifiable , & d'autres
coquilles qui le font devenues complettement :
on découvre tous les jours des bancs de coquilles
très confidérables , qui font changées en terres
vitrifiables. La Nature produit ces changements"
par le feu dans les volcans, & elle le tait aufli
fans feu , par le laps de temps j mais dans l'un
& dans l'autre cas , c'efl: toujours en féparant l'eau
& l'air qui étoient unis à la terre : l'eau ne peut
faire partie des pierres vitrihables , ni entrer dans
la fulion vitreufe de ces terres, &, par conféquent,
dans la vitrification. Les pierres calcaires doi-
vent contenir de l'air : c'eft lui qui fert d'inter-
mède pour unir le principe aqueux à la terre :
lorfque les pierres calcaires éprouvent les chan-
gements dont nous parlons , l'air fe fépare d'a-
bord. J'ignore , au refte , fi on a fait des expé-
riences pour démontrer l'exiftence de l'air dans
cette efpece de terre qui doit néceffairement en
474 Chymie expérimentale
contenir , puifqu'elle a fait autrefois partie deS
animaux : c'eft la matière d'un très beau travail à
faire. Ces expériences apprendroient à connoître
la terre calcaire dans tous fes paflages intermé^
diaires , prife de la coquille adluellement vi-
vante, julqu'à fon état de converfion & de retour
en terre vitrifiable : on remarqueroit nécelTaire-
ment qu'elle peudroit de plus en plus fes pro-
priétés calcaires , à mefure qu'elle feroit privée
de l'air ôc de l'eau qui conftituent fon état cal-
caire : du moins toutes les expériences que j'ai
déjà faites fur cette matière , me conduifent à
penfer ainfi.
Terre calcaire avec l'eau.
Nous avons parlé des changements que la terre
calcaire éprouve en fortant immédiatement des
animaux tellacées &; des infeétes de mer : nous
avons expofé ceux que cette même terre éprouve
par le laps de temps qui fépare l'eau &: l'air qui
Faifoient parties conftituantes de ces terres : nous
avons aulîi confidéré les états intermédiaires par
où elles paifent , jufqu'àce qu'elles foient entiè-
rement redevenues terre vitrifiable. En exami-
nant un grand nombre de terres calcaires , on en
rencontre dans tous ces états intermédiaires dont
nous parlons \ & quoiqu'elles aient les propriétés
générales des terres calcaires , elles en ont de par-
ticulières qui font abfolument relatives aux pro-
portions d'air & d'eau qu'elles confervent en-
core.
La terre calcaire ordinaire contient toute la
quantité d'eau dont elle peut être chargée : on ne
peut lui en combiner une plus grande dofe ; néan-
moins cette efpece de terre eft diffoluble dans
l'eau, L'eau qui pa^e dans des terreins calcaires.
ET RAISONNES. lyj
t'en charge confidérablement : poiu" le pea qu'elle
s'évapore , elle laille cicpofer cette terre dans la
même proportion. On peut laire la même opé-
ration dans les laboratoires de chymie , 6c s'affii-
rer de la dilTolubiiité de cette terre. Si l'on fait
bouillir feulement un inftant de la craie dans de
l'eau diftillée , &c Ci l'on filtre la liqueur , il eft
facile de s'appercevoir , par la faveur fade que
l'eau acquiert , qu'elle en eft faturée : elle dc-
pofe , par l'cvaporation , la terre qu'elle avait
diiïbute. Les fpaths & les ftaladites calcaires ont
été formés par des eaux qui tenoient de la terre
calcaire en dillolution j ces fpaths ôc ces ftalac-
tites fe font cryftallifés par l'évapoiation de l'eau.
La terre calcaire eft très difpolée à perdre (on.
eau principe Se fon air , & à redevenir terre vitri-
iiable. C'eft principalement en réitérant les caU
cinations &c les extinctions dans l'eau , qu'on y
parvient. La Nature fait cette belle opération par
le feu ; mais elle la fait d'une manière plus géné-
rale , &c bien plus en grand , fans le fecours de
ce puilîanc agent , comme nous le dirons ail-
leurs.
La terre calcaire , par la calcination , acquiert
des propriétés falines alkalines. Le feu combine
d'une manière plus intime &c différente les fub-
ftances que la Nature a réunies dans cette efpece
de terre j c'eft ce que nous allons examiner.
Examen des propriétés de la Chaux vive.
On doit confidérer la réduélion des pierreà cal-
caires en chaux vive , conune un acheminement
à la formation du principe falin alkalin : aullî
verrons-nous que la chaux a plulieurs propriétés
analogues au fel alkali. La chaux a, comme lui.
i"^ Chymie expérimentale
une faveur acre &c brûlante ; elle attire de mêhie
puifTamment l'humidité de l'air.
Chaux vive expo fée à l'air.
On met dans une terrine de grès deux livres
de chaux vive en morceaux : on la couvre d'un
papier pour la mettre à l'abri de la pouiîiere. Quel-
que temps après , elle fe pénètre de l'humidité
répandue dans l'air : les parties de la chaux s'é-
cartent les unes des autres , èc occupent un vo-
lume confidérable : elle fe réduit en une poudre
fine, légère ; c'eft ce que l'on nomme chaux éteinte
à l'air. Si on la pefe dans cet état , on trouve
qu'elle eft augmentée de poids , environ de qua-
torze onces : c'eft de l'eau répandue dans l'air ,
dont elle s'eft chargée. Ces effets ont lieu plus
promptement , lorfque la chaux eft expofée dans
un endroit où l'air eft chargé de beaucoup d'hu-
midité , comme à la cave.
. Nous remarquerons que la chaux ainfî expofée
à l'air , ne peut reprendre la même quantité d'eau
qu'elle a perdue par la calcination , quel que foit
k temps qu'on la laifte expofée à l'air : lorfqu'elle
s'en eft faturée , on ne lui retrouve plus le même
poids qu'avoir la terre calcaire avant fa calcina-
tion.
Cet effet vient de ce que la pierre calcaire ,
pendant la calcination , a perdu la plus grande
partie de l'eau Se de l'air principes à cette efpece
de terre : beaucoup de molécules terreufes fe font
rapprochées de la nature de la terre vitriliable ,
& font devenues par-là hors d'état de reprendre
dans l'air la même quantité d'eau qu'il y en a
dans la terre calcaire avant fa calcination : mais
la portion de terre calcaire qui a éprouvé une
moindre
t T R A 1 S Ô N N É P. \-^y
ruoindre action du feu , Se qui s'eft convertie en
chaux vive , paroit plus divifée qu'elle ne l'ctoic
auparavant : c'eft cette partie qui admet prefque
toute l'eau dont la chaux s'eft chargée pendant
fon expofition à l'air. Quoi qu'il en foit , la malîs
totale ne peut admettre la mcme quantité d'eau
que celle qui entroit dans fa compolition , ni con-
ferver le même état de liccité qu'avoit l'a pierre
avant fa calcination. J'ai tenu à la cave , dans des
terrines de grès , pendant plufieurs années , de
la chaux vive exadcment pefée : elle a tombé en
efïlorelcence , &c a conddérablement aucrnienté
de poids j mais elle n'a jamais attiré alTez d'eau
pour pefer autant que la terre calcaire qui avoic
été originairement employée j il s'en talîoit tou-
jours de plus de deux onces par livre : elle éroic
toujours plus humide que de la même terre cal-
caire, réduite en poudre impalpable. Cette diffé-
rence ne peut être attribuée qu'à l'état de la terre
calcaire qui a été changée pendant fa calcination ,
& qui s'eft plus ou moins rapprochée de la nature
des terres vitrifjables qui font hors d'état d'abfor-
ber de Teau.
Chizux vive combinée avec de l*eau,
pâte de Chaux,
On met dans une terrine de grès quelques
livres de chaux vive : on verfe de l'eau par-dedlis :
elle ne tarde pas à être abforbée avec une avidité
confidérable. On remarque, quelque temps après,
& quelquefois fur-le-champ , qu'elle s'échauffe
conndérablement. Les parties de la châux s'é-
cartent avec un bruit qui eft afTez fort pour
fe faire entendre à cinquante pieds de diftance :
une partie de l'eau qui la pénétré , fe réduit en
vapeurs par la chaleur qu'elle oftcafîonne : cetcî
Tomi I. M
Î7S CnVMIE E 2: I' BRI MENTALE
chaleur eft fi grande , que jufqu'à préfent on n'a
pu encore en connoître le degré , parcequ'elle va
jufqu'à incendierles matières combuftibles qu'elle
touche. On manque d'inftrument pour apprécier
cette chaleur , même dans les expériences en pe-
tit , parcequ'elle eft fuffifante pour mettre tou-
tes les liqueurs en ébuUition , & même le mer-
cure.
Lorfque les phénomènes de l'extinétion de îa
chaux font pallés, &c qu'on n'a employé que la
quantité d'eau convenable pour la réduire en
pâte, on lui donne le nom de pâte de chaux :
c'eft dans cet état qu'on l'emploie pour former
le mortier dont nous parlerons.
Lak de Chaux»
On délaie dans beaucoup d'eau la pâte de chaux î
elle forme une liqueur trouble, blanche, fem-
blable à du lait : on lui a donné , à caufe de cela,
le nom de laie de chaux,
Éau de Chaux.
Ce lait de chaux s'éclaircitparle repos : la terre
fe précipite. Si l'on filtre ce lait de chaux au tra-
vers du papier gris , l'eau qui paflxî eft claire, fans
couleur j elle eft chargée d'une fubftance faline
alkaline qu'elle tient en difiolution : cette fub'
fiance lui donne une faveur acre ôc amere : on
nomme cette liqueur eau de chaux. On donne le
nom ^eau de chaux féconde à de nouvelle eau
qu'on pafie fur le marc ; cette féconde eau de
chaux peut ctre aulfi chargée de matière faline
que la première ^ cela dépend des proportions
d'eau & de chaux qu'on a employées la première
fois. Lorfqu'on a befoin d'eau de chaux fecond(;
ET RAISONNÉ E. î-f^
jPoiir rafage de la Médecine , il vaut mieux cou-
per l'eau de chaux ordinaiie , après qu'elle cil
faite , avec fon poids égal d'eau pure.
Pellicule ou Crêrfie de Chaux.
Pour peu que l'eau de chaux s'évapore , il fe
forme à fa furface une pellicule yà///20-rt'rrt:.'-y^
que l'on nomme pc//icu/e ou crcme de chaux.
En continuant de palfer beaucoup d'eau fur le
marc refté fur. le filtre , on parvient à enlever i
la chaux tout ce qu'elle peut fournir de cette fub-
ftance falino-tetreufe dans l'eau \ mais il faut une
prodigieufe quantité d'eau. Il refte enfin une très
grande quantité de terre blanche qui n'a plus au-
cune des propriétés de la chaux : ce n'eft plus
qu'une terre calcaire peu différente de ce qu'elle
étoit auparavant. Il feroit à fouhaiter qu'on fuivîc
les calcinations & les lotions jufqu'à ce que li
terre calcaire fe refusât à préfenter les mcmeS
phénomènes. M. Duhamel obferve que la chaux
bien imbibée d'eau , foumife à la calcination ,
retient l'eau dont elle a été pénétrée , avec plus de
force que lorfqu'on calcine la pierre pour la pre-
mière fois , puifqu'alors il a fallu un plus grand
coup de feu pour faire dilfiper entièrement l'hu-
midité qui la pénétroit (i).
Jufqu'à préfent il a été impoflîble de convertis.'
En chaux vive , par une feule calcination , toute
la fubftance de la pierre : il en relie , après le la-
vage , la plus grande partie qui n'eft point de-
venue chaux vive pendant la calcination , 5c qui
ne peut plus rien communiquer à l'eau.
{i} Mémoires de l'Académie , année 1747 , pn^c C-jt
Mij"
i3o Chymie expérimentale
La matière falinocerreufe que fournit la chaux
pendant fon extindion , fe difTout en trop petite
quantité dans l'eau , pour enlever a la chaux tout
ce qu'elle peut fournir de cette matière : il faut
une quantité très confidcrable d'eau.
J'ai mis dans douze livres d'eau chaude très
pure , un gros de chaux vive : la chaux s'eft
éteinte comme de coutume ^ & dans l'efpace de
deux heures , il s'eft formé une pellicule ou crème
de chaux aiTez forte , quoiqu'il n'y ait point eU
d'évaporation. L'eau n'avoit pas , à beaucoup
près , une faveur auiÏÏ force qu'on auroit dû s'y
attendre, en voyant l'épailTeur de cette pelli-
cule : ainfi la pellicule qui peut paroître a la fur-
face de l'eau de chaux , n'eft pas toujours une
f)reuve qu'elle eft faturée de cette fubftance fa-
ine.
Les pellicules de chaux font une matière falinè
qui a les propriétés générales des fels : ces pelli-
cules ont un peu de faveur: elles font diflolubles
dans l'eau , en petite quantité , à la vérité ; car
deux onces d'eau diftillée &c bouillante en dillol-
vent à peine trois grains : cependant, lorfqu'on
préfente à l'eau beaucoup de ces pellicules à la
fois , elle en dilïout une bien plus grande quan-
tité.
Remarques.
Examinons préfenrement les phénomènes de
la chaux, dont nous venons de rendre compte.
Le premier phénomène eft que les pierres cal-
caires contiennent plus de la moitié de leur poids
d'eau qu'on fépare par la diftillation : elles ren-
ferment auiîi un peu de matière inflammable,
puifque la pierre calcinée , reftée dans la cornue,
eft noire & comme enfumée.
IT HAISONNil. 181
Pendant la calcination , route l'eau delà pierre
calcaire ne s'évapore pas : il en refte une quantité
très coniîdérable. La preuve en eft qu'on peut lui
enlever encore , par une calcination plus forte &
plus long-temps contiiuiée, une partie de l'eau
qu'elle a lerenue. Tant que la chaux eft blanche
&: opaque , elle contient de l'eau qu'on peut lui
enlever. L'inftant où elle celTe d'en contenir , eft
celui où elle devient diaphane , & qu'elle eft
convertie en un verre net &: tranfparent : alors la
terre calcaire eft changée de nature : elle fe trouve
convertie en terre vitrifiable ; elle en a exade-
ment les propriétés : elle eft abfolument privée
d'eau , parceque l'eau ne peut point Faire partie
de la vitritication : c'eft cette eau très adhérente
aux terres calcaires , qui les rend fi réfraélaires :
c'eft elle aulîi qui s'oppofe à leur vitrification. La
chaux , telle qu'on a coutume de l'avoir , doit
contenir néceftairement une certaine quantité
d'eau : lorfqu'elle en eft trop privée par une trop
forte calcination , elle fe rapproche , en propor-
tion de cette calcination , de la nature des pierres
vitnhables , &c elle perd de plus en plus fes pro-
priétés de chaux vive. Ce phénomène arrive quel-
quefois aux Chaufourniers : ils nomment choux
brûlée j la chaux qui a été ainfi trop calcinée : on
la met à part pour n'être point employée dans les
bâtiments.
L'aétion du feu , pendant la calcination de la
pierre calcaire , combine la portion de phiogifti-
que Se l'eau qui ne fe font pas diflipées , avec une
portion de la terre calcaire : cette combinaifon eft
plus intime que celle qui exiftoit dans la pierre
calcaire avant fa calcination , Ôc elle fe fait d'une
manière différente. Il fe forme de la matière fa-
illie alkaline propoLtiounellement à ce qui refte
Miij
iSz Chymie expérimentale
d'eau , d'air &c de matière inflammable unis â la
terre calcaire pendant fa calcination. La portion
d'alkali fe dilîout dans l'eau lors de l'extindion de
la chaux , & lui communique une faveur qui a
toutes les propriétés d'un alkali fixe : nous prou-
verons cette dernière propofition dans un inftant*
Les coquilles d'huîtres & les coquilles d'œufs
dans l'état naturel , contiennent davantage de
matière inflammable que les pierres calcaires :
ces coquilles fourniflent , par cette raifon , une
chaux beaucoup plus forte ôc plus acre que les
terres calcaires les plus pures , parceque leur ma-
tière inflammable donne lieu à la formation d'une
plus grande quantité de cette fubftance faline al-
Icalinc.
Quoiqu'on calcine ces pierres à travers la flam-
me , toute la matière phlogiftique ne fe brûle
pas, comme on pourroit le foupçonner j il n'y a
que la portion qui efl: à, la furface : celle de l'in-
rérieur fe trouve renfermée comme le charbon
dans la bcjte de fer , qui ne brûle pas faute du
concours de l'air. Cette portion de phlogiftique
y eft de ia plus grande fixité : elle fe combine
avec la terre ôz l'eau , & forme la m,atiere fa-j
line.
he fécond phénomène que la terre calcaire pré-
fpnte après fa calcination , eft fa diminution de
volume & fon augmentation de dureté. Comme
elle a perdu beaucoup, d'eau , en conçoit facile-
ment la diminution de fon poids j mais , pour,
qu'elle perde fon volume , il faut fuppofer qu'il
y. a eu entre les parties de la pierre un mouvement
c^ui aoccafionné leur rapprochement j fans cela,
la chaux feroit légère & fpongieufe : elle eft , an
contraire, plus pefante qu'un pareil volume do
Içmblable pierre non calcinée: elle a^ acciiis.^
ET «.AISONNÈe. iSj
buti'ô cela, beaucoup plus de dureté : elle a mcme
un [on timbre comme celui des pierres vitrifia-
bies. La retraite de ces pierres , pendant leur caU
cination , eft quelquefois (î grande , qu'elle va
jufqu'à la moitié de leur volume : cette diminu-
tion occafionne fouvent des éboulements dans
les tours, pendant la converlion de ces pierres ea
chaux.
Le troijîeme phénomène qu'il eft important de
remarquer , eft la propriété qu'a la chaux de fe
charger de l'humidité de l'air , &: de s'échauffer
confidérablementavec l'eau. Plufieurs Plivficiens
avoient attribué ces eftets à des parties de ku qui
fe fixent dans la pierre pendant fa calcination.
Quoique ce fentiment ne foit pas dénué de toute
vraifemblance , il a été abfolument rejette : ce-
pendant je le crois le plus probable \ mais il faut
lavoir auparavant ce que l'on entend par cqs par-
ties de feu ainfi fixées. Si l'on entend que ce fonn
des parties de feu libre &; pur qui fe font feule-
ment nichées dans les cellules de la pierre , ce
fentiment pourra paroître abfurde , puifque la
chaux vive n'indicjue pas plus de chaleur que les
autres corps qui font dans fon voifinage. Il me pa-
roîr certain que la chaleur que produit la chaux:
pendant [on extinction dans l'eau , doit être attri-
buée au teu qu'elle contient; mais, pour rendre
cette propofition facile à concevoir , il faut faire
voir que cette chaleur eft due à l'état fous lequei
le feu le trouve dans la chaux : il n'eft pas feule-
ment interpolé entre les parties de la pierre ; il
s'y trouve dans l'état de demi-combinailon , qui
avoilme de bien près l'état f^ilin parfait.
11 y a plufieurs fubftances qui ont la propriété
de fixer & de combiner ainfi plus ou morns dit
feu , 6>: qi.ù oat , après la calciiiaiion , plufieai::^
Miv
184 ChYMIE ÏXrÉR-lMENT/LE
propriétés communes avec la chaux : ce font les-
maneres métalliques calcinables , qui augmen-
ten de poids & de volume , au lieu de diminuer
comme font les pierres calcaires que l'on con-
vertit en chaux. Ces différences viennent de ce
que les matières métalliques ne contiennent point
d'eau, & qu'elles fouftrent une moindre déper-
dition de fubftances , pendant leur calcination ,
que les pierres calcaires. Les chaux métalliques
ne s'échauffent point non plus dans Tcau , parce-^
qu'elles retiennent opiniâtrement plus de prin-
cipe inflammable , qui combine mieux que les
chaux pierreufes , le feu qu elles s'aflimilent :
nous verrons, dans un inftant, que cette hypo-
thefe n'eft point jettée au hafard, &c qu'elle eft
fondée fur plufieurs expériences. Je fuis parvenu
à diminuer 6c même à faire perdre entièrement à
la chaux la propriété qu'elle a d<: s'échaufîer avec
l'eau. C'eft par l'addition d'une quantité de ma-
tière inflammable , que j'ai réufli à produire cet
effet : cette addition facilite les moyens de mieux
fixer & de mieux combiner le feu , qu'on ne le
feroitfans cette circonftance. Le produit qui en
ïéfulte , a des propriétés diftérentes de la chaux
vive.
Il paroît comme certain , d'après ce que nous
avons dit en examinant les propriétés des corps
qui contiennent du feu combine , que ces corps
5€chaufîentpar le frottement, à proportion qu'ils
contiennentdavantage de cefeu combiné, & qu'ils
font en même temps de confiftance à pouvoir ré-
fîfter à un grand frottement , fans fe réduire en
poudre : or , ni la chaux , qui eft une matière ter-
reufe non inflammable , ni l'eau ne contiennent
alfez de fubftance combuftible , pour produire
par leur union une inflammation : auitî on n'a
ET RAISONNÉ 1. 185
Jamais VU paroître de flamme dans de la chaux qui
s'éteint par le-moyen de l'eau , en quelque quan-
tité que cette chaux fe trouve. Les parties de feu
qui le dégagent, font, comme celles qui font
réunies dans le foyer d'un miroir ardent, ou dans
celui d'une lentille , du feu pur & invifible, par-
ceque, dans ces diftcrents cas, il n'y a point de
matière combuftible pour produire de la flamme.
Le feu, dans ces circonftances, ne fe manil^efte que
par les effets qu'il produit fur les corps qui l'envi-
ronnent, comme lorfqu'on place des corps au
foyer de ces infl:ruments : ces corps font alors en-
flammés ou calcinés en un inftant. Il en eft da
même d'une grande quantité de chaux qui s'éteint-
dans de l'eau. La grande abondance de feu pur
qui fe dégage , fe réunit & met le feu aux matières
combuftibles qui fe trouvent dans leur voifinage.
On voit fouvent de ces fortes d'incendies arriver
â des voitures & à des bateaux chargés de chaux
vive. Voici comme je conçois que les chofes fe
pafl^'ent.
La pierre, pendant la calcination , laifle dif-
/îper la plus grande partie de fon eau principe : fes
parties intérieures font remplies d'une multitude
infinie de petits efpaces vuides d'air , que la raré-
faction de l'eau a occafîonnés en fe diflîpant,
comme il arrive à un verre de thermomètre
qu'on vuide d'air à l'aide d'une goutte de liqueur ,
pour le remplir enfuite de liqueur plus facile-
ment. L'eau qu'on préfente a la chaux eft abfor-
bée par les bouches ou tuyaux capillaires qui com-
pofent toute fa furface : cette eau pénètre jufques
dans l'intérieur de la chaux , comme feau entre
dans un verre de thermomètre purgé d'air. Il fe
fait, entre les parties de la terrée celles de l'eau,
un frottement confidérable , &: qui eft multiplié
iS5 Chymie expérimentale
à l'infini par les ditïcrenrs canaux qui font à la fur-
face des morceaux de chaux. Ce frottement pro-
duit de la chaleur : cette chaleur pourroit être
médiocre, & femblable à celle qui rcfulteroit
de l'eau qui pénétreroit une pierre ponce bien
feche , ou à celle qui feroit produite par le frot-
tement de deux morceaux de pierre vitrifiable ^
mais , comme la chaux contient une grande
quantité de parties de feu dans l'état de demi-
combinaifon , & qu'il n'y a pas affez de matière
inflammable dans la pierre calcaire pour retenir
ce feu , l'eau qui pénètre la chaux , détruit ceztQ
fohe de combinaifon, & permet aux parties ds
rende fe dégager : ces parties fe réunifl^ent , pro-
duifent de la chaleur, dilatent l'eau, l'échauffenc
& la mettent en cbuUition : l'eau qui pénètre
la pierre , efl: réduite en vapeurs : l'effort qu'elle
fait pour s'échapper , écarte les parties de la pierre
jufques dans fes plus petites molécules , &la di-
vife & fubdivife à l'infini. Si le mélange ne con-
tient que l'eau nécelfaire pour réduire la chaux
en pâte , les parties de feu n'ont pas la liberté de
s'étendre : elles fe réuniffenr & mettent le feu aux
fubftances combuPtibles quife trouvent dans leuu
voifinage. Jufqu'ici, nous avons examiné les phé-
nomènes de la chaux , avec la fuppofition qu'elle
contient beaucoup de parties de feu dans l'état de
demi-combinaifon , & ifolées par la terre j nous
prouverons cette fuppofiEion dans le phénomène
luivant que nous allons examiner.
Le quatrième phénomène que préfente l.i
chaux pendant fon extinction, eft la faveur qu'elle
communique à l'eau. Par la faveur de cette eau ^
on ne peut méconnoître l'exiftence d'une matière-
féline alkaline : cette fubflance faline a été recou-
iiue par pluHeurs C.hy milles. 5 niée par d'auttçs, j^
ET RAISONNÉ E. 187
êc enfuite adoptée de nouveau. Staahl & route
ion école penfent que cette matière faline alka-
line efl: produite pendant l'extindion de la chaux
dans l'eau \ qu'elle eft due à l'extrcme divifion des
parties de la terre , qui fe combinent avec l'eau ,
èc qu'elle n'eft nullement formée pendant la cal-
cination de la pierre. Malgré la déférence que
l'on doit avoir au fentiment de Staahl & de
quelques autres habiles Chymiftes qui ont penfé
comme lui fur cette matière , je crois devoir adop-
ter une opinion différente , avec d'autant plus da
raifon, que Staahl n'admettoitpour toute fubftance
dans la compofition des fcls , que l'union de l'eau
avec la terre : il n'a jamais penfé que le phlogifti-
que ou le feu entrât dans la compofition des fels.
Nous verrons cependant qu'il joue le principal
rôle dans cette compofition , & que c'eft à lui
qu'on doit rapporter les principales propriétés de
CQS fubftances.
L'extrcme divifion fous laquelle fe préfente la
chaux' pendant fon extinélion , eft un état très
favorable à fa combinaifon avec l'eau \ mais , fi
des parties de feu ne s'unilToient pas en même
temps , il n'en réfulteroit qu'une dilTolution de
rerre dans l'eau , qui n'auroit qu'une faveur fade ,
femblable à celle dans laquelle on a fait bouillir
de la craie. L'eau de chaux au contraire a une fa-
veur acre alkaline qui indique qu'il eft entré dans
fa compofition d'autres fubftances que l'eau &: la
lerre : la faveur de cette eau aimonce qu'il eft né-
celTaircment entré du feu dans la combinaitoii
qu'elle rient en dilTolution. Ce feu n'eft pas feu-
lement interpofé , mais bien dans l'état de com-
binaifon lui-mcme : il eft, comme nous l'avons
^it 3 le principe des faveurs , 3c le feul éléroeaÇ;
iSS ClîY?.(IE EXPÉRIMENTALE
favoureux : c'eft lui qui donne de la faveur à l'eau
de chaux , à toutes les fubftances falines & à tous
les coips qui ont de la faveur. C'eft ce que nous
nous promettons de développer plus particulière-
ment.
Je penfe donc que la combinaifon faline qui
cxifte dans l'eau de chaux , étoit auparavant dans
la chaux même , avant fon extindtion dans l'eau.
La terre calcaire , comme nous l'avons dit , con-
tient beaucoup d'eau ôc un refte de matière in-
flammable , provenant des corps organifés, dont
cette terre raifoit ci-devant partie. L'action du
feu , pendant la calcination , combine une partie
de la terre avec l'eau & avec le principe inflam-
mable , d'une manière plus intime que ces fub-
ftances ne l'étoient dans la terre calcaire avant fa
calcination. Il réfulte de cette union une matière
vraiment faline j mais elle eft fufceptible d'être
détruite par une trop forte Se trop longue calci-
nation. Cela arrive dans les fours à chaux ordi-
naires , où des pierres plus expofées les unes que
les autres à la violence du feu , ne font plus de la
chaux. Ces pier^ es trop calcinées tiennent en
quelque forte le milieu entre les pierres vitrifia-
bles & la terre calcaire. Les ouvriers les nomment
pierres brûlées , parcequ'elles ne font plus fufcep-
tibles de préfenter avec l'eau les phénomènes de
la chaux ordinaire. lime paroît bien démontré,
d'après ce que nous venons de dire , que la ma-
tière faline eft bien véritablement formée pen-
dant la calcination des pierres calcaires. L'eau ,
pendant l'extindion de la chaux , eft purement
un moyen de féparer cette combinaifon , comme
elle l'eft pour féparer le fel contenu dans la cendre
des végétaux. Il n'y auroit pas plus de raifon de
ET RAISONNE!. 185J
croire que l'eau employée pour lelliver les cen-
dres , produit , avec la terre du végétal , les dific-
rents fels qu'on en retire.
J'ai reconnu , en examinant de la chaux qui
avoir été enfermée pendant quinze années dans
une bouteille de verre , bouchée de liège . que le
bouchon, ayant perdu fou élafticité , avoit permis
à. l'air d'y entrer d'une manière infenlible. Cette
chaux a été , pour ainfi dire , tout ce temps à s'é-
teindre par l'humidité de l'air ^ ôcà (e réduire en
poudre. L'ayant traitée enfuite avec de l'eau , elle
ne s'eft point échauffée , parceque les parties de
feu à demi combinées , dont elle étoit pénétrée ,
fe font dilîipées d'une manière infenfible^ mais
«lie a fourni dans l'eau autant de matière laline ,
qu'une pareille quantité de chaux vive dont elle
provenoit. Il faudroit donc fuppofer alors que
cette matière faline a été quinze années à fe for-
mer , qui eft le temps que cette chaux a été à s'é-
teindre.
Nonobftant tout ce que je viens de dire, j'ai
encore de fortes raifons pour croire que la matière
faline fe forme pendant la calcination de la pierre,
& par le concours de la matière inflammable
qu'elle contient. i°. Il eft de tait que les pierres
vitrifiables pures, calcinées, ne préfentent au-
cun des phénomènes de la chaux , parcequ'il eft
de leur elfence de ne contenir ni eau , ni air, ni
matière inflammable dans le même état qu'il s'en
trouve dans les pierres calcaires. i°. A mefure
qu'on prive les pierres calcaires des fubftances qui
les conftituent , on leur diminue d'autant la pro-
priété qu'elles ont de former de la chaux , en les
éloignant davantage de la nature des pierres cal-
caires , ôc en les rapprochant beaucoup plus de
celle des terres vitrinables. 3". Enfin, les terres
ïcfo Chymie expéiIim£ntAlé
•calcaires , fort abondantes en principes inflaitinia^
blés , en eau de en air , comme font les coquilles
d'huîtres récentes , forment de la chaux vive in-
finiment plus forte que les terres calcaires ordi-
naires : la chaux des coquilles fournit auflî da-
vantage de matière faline , fans produire plus de
chaleur pendant fon extindtion , que de la chaux
vive ordinaire : ainfi on ne peut pas dire que c'eft le
mouvement & la chaleur , produits pendant l'ex-
tindion , qui combinent davantage de terre avec
l'eau, pour former une plus grande quantité de
matière faline : cette combinaifon ell due aux
proportions d'eau , d'air de de principe inflamma-
ble qui fe trouvent dans les coquilles d'huîtres
récentes.
Je me fuis bien convaincu par l'expérience ^
qu'en ajoutant aux terres calcau^es ordinaires de
la matière inflammable qu'elles ont perdue par
le laps de temps, on leur donne la propriété de for-
mer de la chaux vive aufli forte 8c aulîi bonne que
celle qu'ont produit, par la calcination, des coquil-
les d'huîtres récentes : en les calcinant enhn avec
beaucoup de fubftance inflammable , je fuis par-
venu à produire un véritable alkali fixe, &: qui
en a toutes les propriétés ^ comme nous le dirons
dans un inftant.
La matière faline qu on fépare en leflivant la
chaux , n'a pas les propriétés alkalines aufli mar-
quées qu'un alkali fixe pur , parceque la matière
faline dans la chaux s'y trouve dans toutes fortes
d'états. La portion d'alkali fixe qui eft complet-
tement formée , eft fi bien combinée avec celle
qui l'avoifine , de celle-ci avec la portion qui l'ap-
proche le plus , & ainfi de fuite jufqu'aux portions
qui font dans l'état le plus terreux , qu'il réfulto
^n tout falin trçç terreux qui mafque les proprié-»
Et RAISONNÉ È. le>f
tés de la petite portion d'alkali bien formé. Il eft
à préiamer que , ii l'on faifoit dilToudre dans de
l'eau , plufieurs fois de fuite , une grande quan-
tirc de pellicules de chaux , on fépaieroit chaque
fois beaucoup de terre , &c qu'on obtiendroit en-
fin une liqueur alkaline, ou un vrai lel alkali
fixe dont les propriétés ne feroient pas équivo-
tjues , comme elles paroilfent l'être en examinant
<îes pellicules de chaux. Je penfe qu'il ieroit nc-^
ceflaire d'ajouter à l'eau quelques gouttes d'efprit
de vin , ou une autre fubftance inflammable pure,
afin de retenir les parties de feu qui le dilliperoienC
fans cette addition.
Le cinquième phénomène fur la chaux, qui mé-
rite d'ctre examiné , eft celui de l'adhérence de
l'eàu à la terre calcaire : l'eau, quoique très vola-
tile , fupporte, pendant la caleination de la pierre j
le degré d'incandefcence fans fe volatilifer , puif-
qu'elle rougit à blanc pendant long-temps, fans
s'évaporer^ ce qui nous prouve deux chofes: i°. fa
combinaifon & fon extrême adhérence avec la
terre : cette dernière fubftance eft un corps fixe
qui communique à l'eau une partie de fes pro*
prières : 2°. cela nous prouve encore combien la
matière en général peut acquérir de nouvelles
propriétés , en entrant dans de nouvelles combi-
Jiaifons , &: combien elle eft fufceptible de mo-
difications différentes.
Lorfque l'eau eft unie A la terre d'une manière
plus intime , & qu'elle y eft dans l'état falin ,
comme dans la matière faline de la chaux , elle y
adhère encore bien plus fortement. C'eft la caufe
pour laquelle , lorfqu'on calcine de la chaux ré-
duite en pâte par de l'eau , cette eau ne peut plus
quitter fa nouvelle combinaifon , qu'en la dé-
f ruifant ; elle eft alors ii adlKtentej qu& la combi»
19 i Chymie EXPÉRTMENTALE
n.iifon entière s'évapore plutôt que les parties
conftituantes ne fe fcparent.
Chaux avec la Terre v'uri fiable.
Mortier de chaux & de fable pour la bâtifTc.
JLefixleme ôc dernier phénomène q«i nous refte
à examiner fur la chaux , ell l'adhérence extrême
de la matière falino- terreufe fur les corps lilTes ÔC
vitreux : c'eft fur cette propriété qu'eft fondé l'u-
fage du mortier de chaux & de fable pour bâtir.
Comme c'eft à cette matière faline qu'eft due la
bonté du mortier, il convient, lorfqu'on fait
l'extinction de la chaux , de n'employer que la
quantité d'eau convenable , de de prendre gardé
que celle qu'on pourroit mettre de trop , ne s'é-
coule ou ne s'imbibe dans les terres , parcequ'elle
emporteroitavec elle une partie de cette fubftance
précieufe au mortier.
Pour faire le mortier , on mêle enfemble à-peu-
près parties égales de pâte de chaux &; de fable ,
ou deux parties de fable fur une de pâte de chaux.
Ce mélange n'a d'abord que la confiftance d'une
pâte j mais , avec le temps , il acquiert une foli-
dité prefque égale à celle des terres calcaires les
plus dures. Cet eftet hngulier eft dû a la matière
falino-terreufe que produit la chaux. Lorfqu elle
s'applique fur un corps vitrifiable , elle s'intro-
duit dans fes pores les plus imperceptibles , quel-
que dur que foit ce corps. On en a la preuve en
faifant éteindre dans un verre de la chaux vive
avec un peu d'eau. La matière falino-terreufe de
la chaux prend avec ce verre une telle adhérence,
qu'au bout de quelques jours iln'eft plus poffible
<le l'en détacher. Le verre refte terne &: paroîc
dépoli.
ET R A î S O N' N h £. Jc)^
dépoli. Le même effet arrive à chacun de^ grains
de fable du mortier : ils fe trouvent liés les uns
aux autres par l'effet de la chaux : leur adhérence
augmente avec le temps , i mefure que le mortier
perd fort humidité. Les matières les plus ordi-
naires qu'on emploie avec la chaux , font le fahle
de rivière , le fablon , certains fables très lins,
mêles d'argille, &■ Targille cuite pulvérifée qu'on
appelle communément ciment. On fe feit pouf
cela des débris de tuiles, de briques & de vaif^»
feaux degrés^ toutes ces matières font également
bonnes : on en fait néanmoins un choix , fuivant
lescirconftances. Par exemple , on doit emplo:Y.er
le fable 'nn pour le mortier deftiné à remplir les
pQtits joints qu'on laiffe entre les pierres taillées ï
au contraire, on fefert du mortier fait avec du gros
fable ou du ciment pour les murs de moellons ^^
pour le pavement des cours, 6cc. parcequ'on n'efb
pas gêné par la petitefle &larégularitédes joints ^
ôcpar la difficulté d'y faire couler le;moritier. Ert
général i le mortier de fable fin efl: préférable* J'ai
eu occafion de remarquer que celui dontgnfe
fert pour la bàtiffe en plufieurs endroits de la Lor-
raine , efl fait avec jine chaux noire ajrgillevife &1
du fable très fin» tpUéautfid'argille; CemottieC
eft 'rail tfait qu'on l'emploie avec le plus grand
fuçcè^ ;)i<^n.s les balîins des jardins. J'ai vu des joints
r^iesdepuis dix ans avec de ce mortier -.ilsavoient
encore du relief , quoiqu'on pafsât d^flus très fou-»
Yçrit.le halai pour nettoyer les baflinsk- J'ai/ondé
ce mortier avec la •pointe d'un couteau:* j^e i'ai
Kûu>[!é; de ia plus .grande foUdité. > j : 1 1. j .
'■'( ; ^••^^ ■ . ::.:r.:n'i^l c. .'u-ixûnc:-
orne
L N
ïtj-t Chy'MIE EXPEklMEh'TAI^
Chaux vive & Glace.
Une partie de chaux vive & deux de glace pro-
duifent un degic & demi de froid, la tempéra-
ture du lieu étant au terme de la glace.
Chaux.yive combincç^yhc 4^ Phloglflique^
- - ' - Alkali &tt artificiel.'
J'ai pulvérifé du marbre blanc : Je l'ai mêlé avéC
fon poids -égal de charbon d'huile de corne d«
cerf : j'ai renf-etmé ce mélange dans un creufét :
j'ai httéle couvercle , afin qu'il ne s'introduisît
point de cendres du charbon : j'ai fait chauffer c©:
ereûfec-pfindânt deux heures jufqu'au rouge blanc.
Le creufet étante hors du feii te refroidi , j'en' ai-
fépâié^l^mariere : elle éfOJP nhs noire , patcequef
làf«bftanœ^phlogiftïqùe'''iÇ'a pif brûler ;:faut;edtï
tfto cours- de îl'air : 'CQ ttiêians^e' ainfi calciné avoii^
tmh fâvètir-plù? 1tQrî'é'q¥fè-'dô'''iit^- chaux -vive ordir.
JiÀif^.înob ij.'^fT eop ïejjptrffîy: '^)b> r.Oà-ic^Do uc
J'ai fexjîâfé'cétté ^iêàjké% Mf fitîTrtîdé pendâriif
trois :) ait rs-'^' elle' a peu' augmenté de poids r-je^i'-ai
flîêl■éé'à^^ecl fon pôîcl^ 'Igal ^ëcharîbon d'huilé dô
corne de cerf , & un peiii d'eau-: jôt'dfi faî"-'^^.5*»v
Jiefdev-noùveau ,• côui'mg la J^tëmiére fois'^ûljiï'»
dant dcHix'héîiiëS j'ayflPî^b Idfé- âUpâlavantiè VoiW
veîclêj- pcvur évitef i'introduétion dis lacefidreV
J'ai examiné enfuice^è'fte fnatieïe '. jelKi:aà trou'Vé
ô-fte ti^v-e^it^écidcmentr ïtlkaliftë , quoique" |>ac-
ricipant encore de celle-^dieî-lRlschaux : cômnïQ^etltf
ne me paroilToit pas fufHfammenc alkaline , j'ai
réitéré cette opération pour la troifieme fois : j'ai
*iîclé chaque fois la maria'eavçc {pu poids égal dç^
I
tt RAISONNÉ Ê. Îg5
Ràréil charbon d'Huile de corne de cerf 5c un peii
d'eau , en lutant Toujours le couvercle au creu-^
fet , pour éviter l'introduftion de la cendre;
J'ai fait dilToudre dans de l'eau la matière aind
préparée : j'ai filtré la liqueur ^ elle étoîc parfai-
tement claire : elle avoir une légère faveur d'eaii
de chau)i j mdis accompagnée de celle de l'alkali
■fixe bien décidée. J ai fait concentrer cette li-
queur : il s'eft formé pendant l'évaporation quel-
ques pellicules de chaux^ mais la liqueur reftante
iivoit toutes les propriétés d'un alkalihxe trcsca-
raélérifé , verdilHint les couleur^ bleues des végé-
taux , pouvant fe delfécher fur le feu , attirer l'hu-
midité de l'air , & fe refoudre en liqueur , comme
lé fait l'alkali fixe tiré de la cendre des végétaux:
cet alkali fait effervefcence ^ forme des fcls ncii«.
lies avec les acides.
J'ai répété cette expérience plufieurs fois , &
toujours avec le nièrhe fuccès. Quelquefois je
înettois moins de matière inflammable, ^cj'ob-
tEnois pour lors moins d'alkali fixe. Dans toutes
ces expériences , il eil impoflible de convérfit eri
alkali fixe toute la quantité de tefre calcaire qu'on»
emploie ; on ne peut également faire enrrer dans
là cbmbinaifon tout le phlogiftique qu'on a mis
ért jeu. L'eau fe dilïïpe en grande partie avanc
que l'aâiion du feu foit allez violente pour ie com-
biner. 11 en eft de même dii phlogilHque ; il fe
détruit en grande partie , avant que l'at^ion du
feu puilfe le combiner avec la terre. Toutes ces
opérations tendent à changer la nature d'une por-
tion de la terre calcaire , 6c à la ramener a la na-
|Ure des teries vitrifiables ; dans cet état , eUe ite
Nij
ii)(i Chymie expérimentale
peur plus former de matière faline , & il refte enfin,
une portion de phlogiftique dans l'état charbon-
neux , qui n'eft entré pour rien dans cette combi-
naifon.
Comme le phlogiftique ne peutfe brûler qu'a-
vec le concours de l'air , 8c qu'il s'en brûle tou-
jours une portion dans le creufet, a la faveur de
l'humidité qui s'évapore , & qui fait fondion
d'air , j'ai tenté de calciner de pareils mélanges
dans des cornues de grès : mon objet étoit de
combiner une plus grande quantité de phlogifti-
que avec la terre calcaire , afin d'obtenir davan-
tage d'alkali fixe. J'ai remarqué alors que la ma-
tière phlogiftique ne s'atténue pas allez , faute ,
fans doute , d'un concours d'air fufiilant : cette
fubftance phlogiftique refte dans un état trop gref-
fier : elle nefe combine pas aulïi intimement qu'il
le faut pour produire de l'alkali fixe. Tous les
mélanges que j'ai fait calciner dans des vaifteaux
clos , fourniiïoient des lefiives moyennes entre
l'alkali fixe 6c l'eau de chaux : elles précipitoient
en noir le fer de la dilfolution de vitriol de Mars ,
& non en bleu de Prulfe.
J'avois foin d'ajouter à la matière , après cha-
que calcinarion , un peu d'eau , afin de remplacer,
celle qui s'écoit diflipée , m'étant apperçu que
cette addition favorifoit mieux la combinaifon.
Il réfulte de ces expériences, i". qu'on doit
bien véritablement attribuer la faveur de l'eau de
chaux ordinaire à une portion d'alkali fixe qui
s'eft formé pendant la calcination de la pierre. La
dofe de l'alkali eft proportionnelle à celle du phlo-
giftique qui s'eft combiné en même temps avec
l'air, l'eau &■ la terre j pendant la calcination de
la pierre calcaire.
2°. Les terres vitrifiables font abfolument dé-^
ET RAISONNE!?. I97
pourvues du principe aqueux : celles qui font
affez divifees pour fixer l'eau jufqu'à un certain
point, comme la terre de l'alun , ne peuvent ni
la combiner ni la retenir lufHfamment pour pro-
duire une femblable combinai fon faline : ce font
là les raifons pour lefquelles on ne peut pas faire
de la chaux avec les terres vitrilîables.
3°. On peut préfumer, des réflexions &: des ex-
périences dont nous venons de rendre compte ,
que la Nature, qui eft féconde en moyens , en em-
ploie plus d'un pour former tout l'alkali dont elle
fe fert pour produire les diftérentes combinaifons
dans lefquelles elle le fait entrer. Dans les vol-
cans , il doit nécclfairemcnt le former de l'alkali
fixe par un procédé a- peu-près femblable à celui
dont nous venons de parler. Les circonfliances fa-
vorables s'y rencontrent prefque toujours pour
le produire direélement , puifqu'il ne faut que
de la terre calcaire , de l'eau & du phlogiftique.
Mais on peut préfumer que la Nature forme
aufîi cet alkali par la voie humide : c'eft mcme
le moyen le plus général qu'elle emploie pour
produire l'immenfe quantité d'alkali fixe qui
exifte dans la Nature , Se finguliérement dans le
fel marin. Ces moyens nous font abfolument
inconnus : néanmoins nous établirons , à ce fu-
jet , les conjeélures qui nous paroiflent les plus
vraifemblables.
Combina'ifon de la Terre calcaire avec la Terre
v'urijlahle par la voiefcche,
Fufibilité de ces terres l'une par l'autre.
Nous avons rendu compte des effets de la
chaux par la voie humide , lur les terres vitrifia-
blés j e'eft ce qui a produit le mortier de chau:«
N lij
Jf)^ ChYMIE EXPÉRITyÇENTAtï
ôc de. fable : examinons préfentement le$ pro4
pi'iétés de la chaux fur cette même terre , par U
voie feche.
La terre yirrifiable pure eft, comme nous l'a-
vons dit, infufjble au plus grand feu de nos four-
fieaujc y mais la terre calcaire lui fert de fondant ,
à raifon de la matière faline alkajine qu'elle pro-
duit pendant la calcinatio|i. Comme cette ma-
tière faline fe trouye toujours mêlée avec une
grande quantité de terre qui n'eft pas dans l'étac
falin , elle ne forme pas avec la terre vitrihable ,
un verre net & tranfparent, en fuppofant ce-
pendant que l'on ne donne pas à ce mélange uri
Coup de feu capable de faire fondre la terre vitri-
fiable, fi elle étôit feule j car, à la rigueur, tout
eft fulible , même la terre calcaire , comme nou$
l'avons déjà dit : ainlî nous entendons parler ici
d'un degré fufEfant pour les vitrifications ordi-
naires dont il eft cependant difficile de déter-
miner r.intenfité , faute d'inftruments convena-
bles. ■ • ■ • •
.j'ai expofé au grand feu un mélange de parties
égalas de fable broyé, &" de craie : ce mélange n'a
point fondu j mais la terre calcaire s'eft réduite en
chaux vive. J'ai e,<pofé ce mélange 4 l'air pendant
quelque temps : la chaux s'eft chargée de i'humi-
fiitc de l'air , comipe elle a coutume de faire , Sc
elle s'eft réduite en poudre. J'ai expofé de nou-
veau ce mélange à la même aftion du feu : il eft
entté en fufion > & il a formé une matière tumé-
fiée, poreufe , demi-tranfparente , &c qui n'a plu5
attiré l'humidité de l'air. On ne peur attribuer
cet effet à aiitre chofe , fuion à une addition de
niitiere faline , laquelle s'eft formée pendant 1^
féconde calcination : elle s'eft trouvée alors et^
4p(p. fuffifajue pour entraîner l^ fuÇpn 4^ i^^y.9»
ÏT RAISONNE e; J55
Je me crois d'autant mievix fondé a penfer alnfi ,
que je fuis parvenu à rn^rrre en fufion , 8c d'un feul
coup de tiîu, de pareil fable que i'avois mclc aveg
{o\\ poid§ égal de pellicules de cnaux. Ce verre ,
à la vérité , étpit femblable au précèdent : il n'a-
yoit ni la beauté ni la tvanfparence d'un verre
parfait^ niais il étoit fondu fijffifamipent pour
me faire penfer que la matière faline qui fe forme
pendant la calcination de la terre calcaire , pro-
duit cette fufion qu'on peut confidcrer comme uii,
commencement de vitritication^
Sur Us Suhflançes falineSt
Tout ce que nous avons dit fur la terre cal-
caire , & lur fa converfion en alkali fixe , doit;
faire préfumer que la terre élémentaire , altérée
par le travail des animaux , &: devenue calcaire
enfin , doit , fous cette forme , jouer , dans le la-
boratoire immenfe de la Nature , vin très grand
rôle dans la formation des matières falines. Je
penfe mtme que c'eft feulement dans cet état d'al-
tération , que l'élément terreux peut véritable-
ment contrarier avec les autres principes unq
union de compofition faline. Je penfe encotQ
que , lorfque cette terre entre dans ces fortes dq
combinai fons , elle fe dépouille plus ou moins de.
fes propriétés calcaires \ ôç ç eft de ces différents
états fous lefquels elle fe trouve , que réfulte
l'efpece de fel qui fe produit. Nous verrons , dans
le détail de nos expériences , que la terre qui fait;
partie des fcls , Se qu'on en fépare en les décom-
pofant- eft abfolument femblable aux terres vi-^
trifiables connues : mais on ne la recueille point
4ans l'état où elle étoit , lorfqu'elle f aifoit partia.
des fels. On achevé de la dénaturer par les d:ffé--%
100 Chymie expérimentale
rentes opérations qu'on lui fait fubir pour la fé-
parer des fels : on la réduit enfin aux caraderes
des terres virrihabies.
Les anciens Chymiftes penfoient que les fels
étoient comuofés d'eau & de terre ; mais comme
jls prévoyoient que ces deux fubftances ne pou-
voient pas former un compofé qui eût de la la^
veur, ils admirent un troifieme principe qu'ils
nommèrent e/prit univefel : ils croyoienc que les
différentes proportions de ce troifieme principe
formoient, ou un fel acide , ou un fel alkali. Les
Chymiftes qui y ont eu recours pour la tormation
des fels, ne nous ont donné aucune idée nette
fur la nature de ce prétendu efprit univeufel.
Staahl , &: tous les Chymiftes qui ont adopté fa
dodrine , admettent avec lui la terre &; l'eau
pour feulg principes conflitutifs de toute ma-
tière faline. Sans vouloir contredire Staahl , ni
les habiles Chymiftes qui fuivent fa doctrine ,
nous croyons devoir nous écarter de fa théorie
fur cet objet j nous croyons être fondés fur tou-
tes les nouvelles obfervations que nous avons
rapportées fur la chaux , & fur ce que l'eau ,
dans la Nature , n'eft jamais parfaitement pure :
elle tient toujours une plus ou moins grande
quantité de terre en difTolurion , loit calcaire ,
fou vitrifiable : elle n'a pas , pour cela , une fa-
veur falée , quoique l'eau & la terre foient par-
faitement ilnies. J'ai remarqué feulement que
l'eau avoit plus de faveur loilqu'elle tient de la
terre calcaire en difTolution j mais cette faveur
efl fade , plate &: jamais falée j tandis qu'au con-
traire „ une petite quantité de matière faline,
ajoutée à l'eau , lui communique aufîi-tor une fa-
veur manifeftement falée , qui diffère ellentiel-
Içment de celle que produit une fimple union d-j-
ET RAISONNÉ E. 201
Teaii avec la terre : ainfi on ne peut attribuer ces
différences à des proportions qu'on pourroit dire
n'être point femblables , puifqu'on peut faire dif-
foudre dans de Teau de la terre calcaire jufqu'au
point de faturation, fans que cette eau acquière
de faveur faline, quoiqu'elle en foit beaucoup
chargée.
Ces obfervations & beaucoup d'autres que je
pourrois ajouter, prouvent qu'il entre nccelfai-
rement dans la compofîtion des fels , quelque
chofe de plus que la terre & l'eau. On ne peut
fe difpenier d'admettre dans cette combinaifon
l'air & le feu ; mais ce dernier élément s'y trouve
en mcme temps fous différentes formes, fous celle
de pKlogi{l:ique,fous celle de feu prefque pur. 11 a
été prouvé par les expériences que j'ai rapportées
fur la tormation de l'alkali fixe artificiel, qu'à
mefure qu'on ajoute du principe inflammable à
la terre calcaire , on produit plus d'alkali fixe.
J'ai fait oblerver que cette production n'avoit pas
lieu dans un degré d'alkalicité aufli marqué, lorf-
que l'on faifoit calciner ces mélanges dans des
vaifleaux clos , parceque la matière phlogiftique
ne peut fe réduire dans l'état propre à la combi-
naifon faline, faute du concours de l'air. Ceci
fuppofe , par conféquent , que le phlogiftique
qui entre dans la compofition des fels , y eft dans
le plus grand état de pureté , état qui avoifine de
bien près celui de feu libre. Dans l'eau de chaux »
le feu y eft trop libre &: trop voifin de l'état de feu
abfolument pur. J'ai remarqué que de l'eau de
chaux , gardée plufieurs années dans des bou-
teilles de verre , perdoit , au bout de ce temps ,
toute fa faveur , parceque le feu , n'étant point
retenu par quelques matières phlogiftiques , fe
diliipoit d'une manière infenfible. L'eau de chaux.
f^i ChTMIE EXPÉRIMEKTAt*
lailfe dépofer de la terre dans la même propor^
tion , Tans qu'elle fubifTe d'cyappration ; mais Gl
l'on ajoute à de l'eau de chaux quelque peu d'ef-
priç de vin , ou toute autre matière inflammable
qui puiiïe fe mêler avec elle , elle fert de bafe
pour mieux fixer les parties de fçu : l'eau de çliaux
acquiert alors plus de faveur , & n'eft plus fujettft
à cette efpece de décompofition. Si à toutes ces
expériences & à toutes ces obfervations on ajoute
celles de M. Haies , qui pioviyçnt d'une manière
bien complette , que l'air fait partie des fels (i) ,
on ne pourra drfconvenir alors que les fels 8^ les
fubftances falines font elFentiellement compofés
des quatre éléments , & que ces éléments foric
leurs principes conftituants, de même qu'ils la
font dans les corps organifés. Les différentes pro*
prières de ces corps viennent de l'état des proport
tions & des modifications que le feu prend lorf-
qu'il çntre dans leurs combinaifçns. Les éléments
ne fe combinent pas immédiatement pour for-
mer les matières falines j ils fe réunirent fou5
la forme de principes fecondaires ; & ces prin-».
cipes font fournis par la deftruftioii des corps or-
ganifés.
Les corps organifés , comme nous l'avons déjife
dit j font les feuls à qui la Nature a donné Tem*
( 1 ) Voycx Statique des Végétaux , par M^ Haies , tra^
duite de l'angloispar M. de BufFon.
Le fcl de tartre contient 22,4 fois fon volume d'air 2
page i; 9.
Le tartre crud , le tiers de fon poids , même page.
Le nitre , j 80 fois fou volume , ihid.
Un demi-pouce cubique de fel marin , 6^ pouces cubi-
ques d'air , page 158.
Deux pouces cubiques d'eau régale , 74 pouces cubique?^
d'air , page 187.
Le ûicre , la dixième partie de fou poids , pa^ U.<^».
ÏT RAISONNE E. ïgf
toloi de combiner immédiatement les cléments.
De leur deftrudion il rélulce ditfcrents principe?
qui fervent à former une autre clalFe de corps com-
pofés : ces corps font , ou plus fimplçs , ou plus;
compofcs, fuivant les circonltances. C'eft dans
la mer que la Nature a établi (on principal labo-
ratoire des fels. Les teftacées , [es polypiers , £cc.
forment cette immenfe quantité de piertes cal-»-
caires. 11 paroît que c'eft fous cette forme , que
le principe terreux entre dans la plupart des com-
binaifons des corps non organifés. Les teftacées
pnt la plus grande part a la formation des fub-
ftancesfalines primitives , &:fpécialementàcelÎQ
du fel marin Se du gypfe. En effet , ces ani-
maux contiennent tous les matériaux des fels :
après avoir rempli leur rôle , ilspérilfent , ôc laif-
fentà la Nature le foin de faire ufage de leurs dé-
pouilles. On me demandera peut-être quels fonç
les moyens que la Nature emploie pour former, par
la voie humidejdcs matières falines avec ces fortes
de corps organifés. Cesqueftioi>s ne fjnt pas fa-
ciles à réfoudre j j'en conviens : pour y parvenic
d'une marjiere fatisfaifante , il faudroit , pour
ainfi dire , prendre la Nature fur le fait. Je vaiç
néanmoins expofer mon fentiment fur cette ma-
tière , d'autant plus que les expériences fur la,
chaux m'ont mis à portée de découvrir un moyen
de former une matière faline par la voie feche. U
cil à préfun-:er que la Nature fait ces mêmes corn-
Ipinaifons plus généralement avec le concours dç
l'eau , qu'avQC celui du leu.
Lorfqu'on examine les fels en général, & les
coquilles des teftacées, on trouve qu'ils font,
les uns Se les autres , compofés des mêmes fubr
fiances , fi ce n'eft cependant que les fels réputés
purs ne contiennent point le principe inBanv-
104 ChYMIE ex pâRTMENTALJE
mable dans l'écar huileux : les coquilles , au con-
traire , font pourvues de matière combuftible
dans l'état huileux. Les fels renferment beaucoup
moins de terre que les coquilles ; mais il n'eft
point difficile à la Nature de changer la conftiru-
rion de ces fubftances, & de les unir dans l'état ,
dans l'ordre Se dans les proportions qui leur con-
viennent , pour former des matières falines.
Les teftacées croiflTent ôc périlTent dans la mer.
La Nature , par le mouvement des eaux , brife ÔC
réduit en poudre impalpable beaucoup de co-
quilles de ces animaux , êc met la terre calcaire en
état d'être difToute par l'eau. L'eau de la mer
diflTout de même la matière inflammable , non
feulement des corps dont nous parlons , mais de
tous les corps organisés qui croiflent & périflent
dans fon fein : elle élabore à fon gré la matière
inflammable , ôc la réduit dans l'état convenable
pour former différentes matières falines. De cette
union il réfulte différents fels , fuivant l'état des
fubftances & les proportions dans lefquelles ces
fubliances fe font combinées. Je penfe que les
fels contenant de l'acide vitriolique , & ceux con-
tenant de l'acide marin , font les fels que la Na-
ture forme le plus abondamment dans la mer j
ils font l'un & l'autre des fels primitifs.
Je conviens que ce fentiment , tout probable
qu'il paroît être, n'eft pas à l'abri des objedions j
iî eft impofîible d'en donner la démon ftration ;
mais puifque je fuis parvenu à produire une ma-
tière faline par la voie feche , il eft à préfumer
que la Nature parvient au même but par la voie
humide. Au refte , il doit être permis de hafarder
des conjeétures fur des matières de ce genre , qui
font fi peu connues, & fur lefquelles on n'a en-
core rien dit de faûsfaifant. Ces queftions font
ET RAISONNFE. iOJ
voir au moins que nos connoiflanccs (ont très
peu avancées fur ces différents objets.
Quoi qu'il en foit, il réfulte que les fels Se les
_ fubftances falines font eflentiellement compofcs
des quatre éléments : mais il refte encore à con-
noître dans quelles proportions ces éléments en-
trent dans les différents fels , de quelle manière
ils y font arrangés , ik dans quel état ils y font
combinés. La connoiiïance de ces objets répan-
droit beaucoup de lumière fur la différence qu'il
y a entre les fels acides & les fels alkalis qui font
effentiellement compofés des mêmes fubftances j
mais la Chymie & la Phyfique ne font pas encore
afTez avancées pour rien prononcer fur cette ma-
tière.
Tout ce que les expériences indiquent , eft ,
1^. qu'il entre dans la compofition de Talkali une
plus grande quantité de terre que dans les aci-
des , puifqu'on peut réduire les alkalis fous une
forme feche , & que cela eft impolfible pour les
acides : il eft même de leur effence de ne pouvoir
jamais paroître fous une forme feche , parcequ'ils
ne contiennent pas alïez de terre. On parvient
bien, à la vérité ,^par des opérations laborieufes ,
à les réduire fous une forme concrète j mais ces
acides n'ont pas la même folidité que les alka-
lis , ils fe laifTent liquéfier à un degré de cha-
leur inférieur a celui de l'eau bouillante j ce qui
n'arrive pas aux alkalis , puifqu'ils ne peuvent
entrer en fufion qu'après avoir rougi. Toutes ces
propriétés indiquent que le principe aqueux eft
dominant dans tous les acides.
1°. La matière phlogiftique dans les fels al-
kalis fe trouve dans un état propre à être tranf-
mis , foit par la voie feche , foit par la voie hu-
mide , à la plupart des corps qu'on lui préfente.
ioè ChVmIE EXPERIMENTAIS
La maûere phlogirtiquc des acides , au contraire ^
Jie peut ctie tranfmile avec la même facilité : les
acides s'emparent avec avidité du principe inftam-
liiable des corps fournis à leur aétion.
3°. Le plilogiftique dans l'alkàli paroit ctre
iiioins pur c]ue celui cjuî fe trouve dans les acides :
ces fels alkalis font , pour cette raifon, plus fixes
au feu , Se ils ont , en général , une aétion moins"
vive fiir les corps qui contiennent le principe in-^
ilammable. Nous démontrerons toutes ces pro-
pofitions avec la plus grande évidence , lorfque
lious examinerons les propriétés des acides fur les
matières métalliques Se fur les huiles.
Suivant cette théorie , nous croyons devoir
définir les fels fimples , des corps compofes qui
^fifedcrit le fens dii CToùt , oui font diffolubles
dans l'eau, fans lui communiquer de la couleur ,
èc qui ont beaucoup de difpoiltion a s'unir avec la
principe inrlammable. . '..■ ■ r
I ous les corps qui ont ces propriétés , lont nc-
cerfairement falés , ou les doivenç aux fels qu'ils
contiennent^. ^ ,.• > :î^.^, ^)
Au moyen des fubftàncës quèiious'recon'noif-'
fbns devoir entrer dans la compofition des fels /
il eftfacile de déduire la caufede.leur faveur. 'J^àt-'
tribue cette câiîfe au feu , mais eiirnême temps' a^
Fétat fous lequel cet élément fe trouvé. ' ". ' "t
Le feu eft la feule fubfta'ncé qui ait de la faveillr, '
Les imprelfions vives , éauftiqaes & même Dru-'
lantes que le feu libre fait fur l'organe du goTlt ,, '
font uiie preuve non équivoque de fa faveur pat ■
excellence. Lorfqûe le re'q eft combiné avec là"
terre , & qu'il eft réduit fous la forme de'^ plilo-.
giftique , comme il l'eft dans le charbon , il, c'eirer
d'avoir de la faveur, quoic|uii foit prqdiiit pai^
iine fubftance qui q\\ avcit beaucoup auparatirnc^
ï t R À I s o N N é eJ :ioy
felïe, par exemple , qu'une huile efTentielle : cela
prouve que les tiitféients écats fous lefquels le feu
fe trouve dans les corps , font caufe que ces corps
ont plus ou moins de faveur.
Si l'on connoiffoit bien l'état du feu dans les
différents corps , on pourroit les ranger les uns à
£Ôté des autres , de former une férié de leurs fa-
veurs : on placeroit d'abord le charbon qui con-
tient beaucoup de feu , 5c qui n'a que peu ou point
de faveur j le feu peut fuivre le dernier terme de
1-a férié : il conviendroit de placer dans cet ordre
les acides minéraux immédiatement avant le feu.
pitr. Les" acides minéraux contiennent elTentiel-
Jemenf moins de feu dans l'état de phlogiftique ,
qu'une huile douce : il fuit de là que c'ell moins
ce la quantité d^ feu contenu dans les corps , que
yéfulte leur faveur , que de l'état fous lequel cet
clément fe trouve; '■ •'.
Le feu pur elt donc le corps favouteux par ex-
cellence: il ceflTe d'avoir de la faveik,lèrfqu'il n'efl:
combiné qu'avec k principe terreux •, mais lors-
qu'il eft dans un certain état de cbmbinaifon dans
laquelle entre le principe aqueux, comme dansles
acides minéraux , l'eau tempère fon ad'ion jufqu'i
ïlii certain point : -cette eau cependant lui lai^fe
encore la liberté d'agir avec preiquê autant de
force que s'il étoit dans l'état de pureté. G'elt aux
propriétés du feu contenu dans les acides, que l'oix
doit rapporter Taction dillolvante propre à ces
matières falinei acidesf. ^c-;c::.^r'i^. j
• Les acides !k les alkalis ont beaucoup d'adioit
fur les fubitanees combulttbles':' cette aélion eil-
fnêwe comparable à celle du feu pur. -Ces acides"
affettenfvivement rôré,ane du goût , -mais moins'
fortement cependant' que le feu , parceqùe leuf"
«âïoio-'ell tempérée ;pâr t'eaù qui -anué dàris ïavkt-
• < : non- : :
zoS Chymie t xpérimektalè
compofition. La grande adivité qu'ont les acides
pour s'unir aux matières inflammables , nous
piouvequele feu n'eft bridé que très légèrement,
6c feulement qu'autant qu'il eft ncceiTaire pour
qu'il puilTe être contenu fous cette forme : en un
un mot, le feu dans les acides eft très voifm dé
l'état de feu pur , puifqu'ils agiffent comme cet
élément dans bien des cu'conftances : ils brûlent ,
détruifent les corps , com.me fait le feu pur : auilî
remarque - 1 - on que les fels qui contiennent le
feu dans cet écat de pureté , font ceux quiom le
plus de faveur.
Il y a d'autres matières falines , au contraire ,
où le feu eft tellement bridé par des fubftances.
qui n'ont point de faveur , qu'on a même de la
peine à reconnoître leurs propriétés falines : ce
font les fels dans lefquels la terre entre en très
grande quantité. Comme le principe terreux n'a
point de faveur , il diminue les propriétés des
fels, telles que leur faveur & leur diftblubilité.
dans l'eau. Les fels de ce genre font les argilles,,
les félénites calcaires , beaucoup de fels huileux,
qu'on retire des végétaux , dans lefquels le feu eft
tellement combiné, foi t par des huiles douces,
fpit par de la terre , que ces fels manquent , pour
ainft dire , de propriétés falines j ce qui a même
fait douter de leur état falin.
Dijlinaions des SaVJlanceifaîinei:^^'^'^^'^'^'^
.•. i ■''.-■' •
Les matière? falines qui ont le plus de falure ,
font celles qui contiennent le feu combiné dans
le plus grand état de fmiplicité \ elles devienr.
nent , entre ks mains des Chymiftes , des agents.
&des inftruments puiftants pour opérer une infi*
nité de compofitions &: de décompofitions : c'eft
fur ces fels que roulent la plupart des. grands
phénomènes
ET RAISON NÉE, loç}
"l^héiiomenes chymiques , parcequ'ils font capa-
bles de former avec les autres corps des combinai»
fons falines à l'intini.
Entre les matières falines que nous allons exa-
miner , nous en diftinguerons de deux efpeces
principales \ favoir, l'une qui eft acide , & l'autra
<]ui eft alkaline. Cette diftindion eft fondée fur
ce que ces deux efpeces de fubltances falines diffé-
rent l'une de l'autre par des proprictcs générales
qui lont mcme oppolces entre elles. C'eft pour-
quoi il eft bienelfentiel de ne pointconfondreces
deux efpeces de fubftances falines.
Les corps des trois règnes fourniftent une fub-
llance faline acide j ce qui doit faire d'abord pré-
jfumer qu'il y en a de pluiieurs efpeces. Il exifte
en eftet bien des fortes d'acides ; mais, comme
ils ne font pas tous également iimples , & qu'ils
n'ont pas les propriétés falines au mcme dea,rc ,
nous \\Qn examinerons d'abord qu'un fort petit
nombre : nous reconnoîtrons les propriétés des au-
tres acides à mefute que l'ocealion s'en préfentera.
Nous différerons fur-tout de parler des acides que
fournit le règne animal , parcequ'ils ne font pas
aftez purs pour être mis en jeu c]uant à préfent.
Les matières falines acides , dont il fera ici
queftion , fo)U Y acide vanoUquc^ V acide nitreux ^
Vacide marin &c le vinaigre.
On défigne ordinairement les trois premiers
fous le nom générique d'acides minéraux j parce-
que l'on pcnle qu'ils appartiennent tous aurecrne,
minéral. Ce font les feuls de cette efpece que l'on
connoilfe quant à préfent : le quatrième appartient
au règne végétal.
Tous ces acides fe relTemblent par un certain
nombre de propriétés qui leur lont communes ,
comme d'ctre le plus ordinairement fous unç
Ti^me I, Q
iio Chymie expérimentale
forme liquide ; ce qui les a fait nommer acides
fiuors QXifcls fluors ; d'avoir la même faveur , qui
eft aigre , piquante &: même agréable , lorfqu'ils
fontaffoiblis par une fuffifante quantité d'eau 5
d'asiacer les dents ; de rougir les couleurs bleues
des végétaux \ de dilToudre les pierres & terres cal-
caires avec efFervefcence j de fe combiner avec
les alkalis j de dilToudre les matières métalli-
ques , &:c. ,
Telles font les propriétés générales par lef-
quelles les acides fe reiTemblent j mais ils diffé-
rent tous les uns des autres par des propriétés par-
ticulières à chaque efpece d'acide , comme le dé-
tail des expériences nous le fera voir.
La fubftance faline-alkaline eft pareillement
fournie par les corps des trois règnes j ce qui nous
oblige d'en diftinguer de trois efpeces j favoir ,
Valhali minéral qu'on nomme aulîî alkali marin
& alkali de la foude _, X alkali végétal ^ de V alkali
animal.
Ces trois matières falines fe reffemblent paf
plufieurs propriétés qui leur font communes ,
telles que celles d'avoir une faveur acre , caufti-
que , brûlante , & de développer dans la bouche
une faveur urineufe j de verdir les couleurs bleues
des végétaux j de ne pouvoir s'unir aux terres cal-
caires par la voie humide , mais de fe combiner
avec les acides jufqu'au point de faturation, avec
chûleui" & effervef:ence, &c.
Telles font les propriétés générales par lef-
quellesles alkalis différent des acides.
Et telles font aufli les propriétés générales par
lefquelles les alkalis fe refTemblenr.
Mais ces mêmes matières falines différent entre
elles , non feulement par un grand nombre de
propriétés chymiq^ues , mais encore par l'état fous
ETHAtSONNéE. 211
lequel on a coutume de les voir ordinairemenr.
L'alkali marin eft fous une forme concrète (5c cryf-
ralhne : il n'attire point l'humidité de l'air : il perd
au contraire fon eau de cryftallifatio'.i. L'alkali
végétal , quoique pouvant être auffi fous une
forme concrète , ne peut point fe cryftallifer : il
eft déliquefcent, fe charge de l'humidité de l'air ,
& feicfout en liqueur : ces deux alkalis font fans
odeur ^ ils rcfiftent tous les deux, jufqu'à un certain
point , à rad:ion du feu , fans fe diiliper : on les
nomme, à caufe de cela , alhaLis fixes.
L'alkali animal eft fufceptible defe cryftallifer;
mais il diftere des deux autres , en ce qu'il a une
odeur vive, piquante, pénétrante : il s'évapcre
& fe dinipe lorfqu'il eft expofé à l'air , fans qu'il
ait befoin du fecours d'aucune chaleur étrangère.
C'eft cette dernière propriété qui lui a fait donner
le nom à'alkaii volatil.
Ces trois matières falines-alkalines font les
feules connues jufqu'A préfent.
Telles font les propriétés les plus générales des
matières falines , acides 6c alkalines que nous al-
lons examiner. Les acides ont une fi grande dif-
pofition pour s'unir avec tous les corps qu'ils ren-
contrent , qu'on ne les trouve jamais purs dans
la Natiu'e : on ne peut les obtenir que par l'ana-
lyfe des matériaux qui les contiennent. Nous fup-
poferons ces anaiyfes faites j & nous les examine-
rons dans leur plus grand état de pureté , comme
fi la Nature les fournilToit ainfi. Il en eft à-peu-
près de même des alkalis : on rencontre rarement
ces fels dans leur état de pureté j lorfqu'on en
trouve , c'eft toujours en petite quantité. Nous in-
diquerons , lorfqu'il en fera temps, les moyens de
les obtenir des fubftances qui les contiennent.
Oij
àii Chymîe expérimentais
Surl'c.cldc v'itrlolique auffi nommé Acide univerieL
On a donne le nom d'acide univerfel à l'acide
vitiiolique , parcequ'on penfe qu'il eft le plu»
jniveifellement répandu dans la Nature, 2^ qu'il
eft le plus fort de le plus adit des acides &: de
toute matière fiiline : il polTede en effet les pro-
priétés falines dans le degré le plus éminent.
Staahl regardoit l'acide vitriolique comme une
forte d'élément falé , &: duquel toutes les matiè-
res falines tiennent ce qu'elles ont de falin : il
parle même dans pluiieurs endroits de fes ouvra-
ges de la tranfmutation des autres acides en acide
vitriolique \ mais , comme il n'a riei,i dit fur les
moyens de produire ces changements , &: que ,
depuis lui, perfonne n'y eft parvenu, nous re-
garderons cette idée fimplement comme pro-
bable.
Je me crois fuffifamment fondé à penfer autre-
ment que Staahl fur cette matière. Je penfe qu'il
exifte dans la Nature un certain nombre de ma-
tières falines primitives qui tiennent leur falure
d'elles-mêmes , fans que l'acide vitriolique y aie
jamais concouru pour la moindre chofe. Cesfub-
fcances font l'acide vitriolic^ue , l'acide marin ,
peut-être l'acide nitreux , l'alkali marin , &: l'al-
kali végétal. Je vais déduire les raifons qui me
déterminent à penfer autrement que Staahl fur
cet objet.
Les matières falines , comme nous venons de
le dire , font beaucoup plus compofées qu'on n$
l'avoit penfé jufc[uM prélent. 11 n'eft ni difficile ni
laborieux à la Nature d'en compoferde plu/ieurs
efpeces en même temps. En vain m'allégueroit-
on qu'on trouve dans l'intérieur de la terre des
nialfes énormes d'acide vitriolique ^ comaie
£ T R A I S O N N E E. li^
'dans le foufue , dr.ns les vitriols , dans les aluns,
dans les pyrites, dans les argilles, dans Icsgvp-
ies ou pierres à plâtre , ^cc. on me dira même
■que cet acide efi: reconnu pour être le plus puif-r
lanc : eniin , me djra-t-on encore , en a conti-
aiuellemeiît fous ms yeux les changements qu'il
tprouve par les matières putréfiantes qui le con-
vertillent en acide nitreux. Nous examinerons
tette dernière propoiîtioH en parlant de l'origiae
•du nitre»
Cette objection eft fpécieufe , mais il" eft facile
<l'y repondre. Le fel marin exifte tout formé dans
la Nature , tant dans l'intérieur de la nier , que
dans l'intérieur de la partie feche du globe , en
nalfes trèsconlidérables. Peut-èti^e qu<: s'il étoic
poOible de calculer les quantités de part & d'au-
tre , on trouveroit que les diftérentes combinai-
fons qui contiennent ra<;ide marin, l'emporte-
roient de beaucoup fur celles de l'acide virrioli-
que : c'oft ce qui me fait penfer que l'acide marin
ou le fel marin ne doit ni fa falure ni fa formation,
à 1 acide virnoliqae \ qu'il eil primitif, indépen-
dant ôc abfalument formé fans le concours de cet
acide : s'il étoit formé par le concours de l'acide
vitriolique , on trouveroit des produits fous dif-
férents états qui feroient intermédiaires entre
l'acide vitriolique 3c l'acide marin , ce que l'oit
n'a point encore obfervé j du moins les Chymiftes
ëc les Naturalises ne font nulle mention de fem-
blables fubtlances trouvées dans la Nature. Je
penfe que l'acide vitriolique eft formé dans la
mer , comme l'acide marin : ils font l'un de fautif
compofês de principes que la mer fépare des corps,
organilés qui périllent dans fon fein.
Je crois , avec les meilleurs Chymiftes , qu<?
l'acide viu'iolique peut entrer d.iDs beaucoup cU;^
Qui
ai4 Chymie exi^érimentale
combinaifons , ôc qu'en y entLant, il peut fubir
des changements &c des altérations conudctables.
Peut-être eft-il poflibie qu'avec des circonftances
favorables il fe change en acide nitreux. 11 peut
très bien fe faire que l'acide vitriolique foit le
principe falin des matières fiilines des corps orga-
nifés. L'art peut enfuite analyfer ces fubftances
falines , les réduire à un plus grand degré defim-
plicité , &c les ramener au caractère de l'acide vi-
triolique , & reproduire même un véritable acide
vitriolique.
Tout cela ne détruit rien de mon fentiment.
Quand même on parviendroit à tranfmuer tous
les acides en acide vitriolique, on ne démontre^
roit pas encore que ce dernier acide feroit leur
élément falin : on prouveroit feulement que tous
les acides font des corps très compofés , comme
je l'ai dit , &z que ceux qui le font davantage ,
peuvent être réduits à un plus grand degré de lim-
plicité : il réfulteroit de tout ceci que l'acide vi-
triolique feroit le plus fimple des acides , mais
non la feule matière faline primitive ou l'élément
falin. On doit même regarder comme un prin-
cipe général , que plus un corps eft compofé , &
que fes principes font moins bien combinés , plus
ce corps eft fufceptible de recevoir des altérations
de la part de l'art , &: de devenir limple de plus
en plus. C'eft Uvraifemblablementcequiadonnc
lieu à Staahlde penfer qu'il n'y avoir qu'une feule
efpece de matière faline , parceque , dans certai-
nes opérations , il a cru avoir opéré ces change-
ments.
Mais, quand même on parviendroit à tranf-
muer les acides les uns dans les autres , cela ne
■prouveroit pas davantage que l'acide vitriolique
eli l'élément de toute matière faline 3 car il fau-
£T RAISONNA E. HÇ
droit enfuite faire la même démonftration à l'c-
Çard de l'alkali minéral & de l'alkali végétal , &c
Tes tranfmuer en acide vitriolique. S'il croit pof-
fible qu'on pût parvenir à opérer ces change-
ments , on ne prouveroit encore rien en faveur
de l'élément falin , parceque prefque tout le fel
marin que produit la Nature eft à bafe d'alkali
minéral : il refteroit encore à démontrer que cette
matière fliline a été produite par le concours de
l'acide vitriolique.
Propriétés de l'Acide vicriolijue»
L'acide vitriolique eft ainfi nommé parcequ'ofï
le retiroit autrefois d'un fcl métallique qu'on
nomme vitriol de Mars.
L'acide vitriolique eft une fubftance faline ,
f)refque toujours liquide. On peut néanmoins fe
e procurer fous une forme concrète : nous en
parlerons par la fuite.
Lorfqu'il eft pur & bien concentré , il porte les
noms élucide vitriolique concentré ^ ou è^ acide vi-
triolique reclifié ^ &c improprement celui d'huile
de vitriol concentré.
Il eft le plus falé & le plus puiftant de tous les
acides.
Lorfqu'il eft parfaitement pur , il eft fans cou-
leur & fans odeur.
Il a une faveur violemment aigre &: acide , qui
agace fortement les deiits. Si l'on en mettoit fur
la langue dans l'état de pureté où nous le fuppo-
fons , il occafionneroit une douleur comparable
à celle que produiroit un fer rouge : il corrode &;
détruit les matières combuftibles , comme Ip feu,
en les réduifanc dans l'état d'un véritable char-
bon.
Oiv
'i.ïâ Chymie Expérimentai?
11 a une pefanreiir moyenne entre celle de Tean
Se celle de la terre. Une bouteille qui tient huit
gros d'eau , contient feize gros de cet acide , &c
quelquefois dix-fept gros.
Il a moins de fluidité que l'eau : il file même
tomme de l'huile , ou à-peu-près : il j3aroît gras ,
iorfqu'on le touche entre les doigts : ce font ces
deux dernières propriétés qui lui ont fait donner
par les anciens Chymiflies le nom à' huile de vitriol;
mais ce nom efc fort impropre. Cet acide n'eft ni
gras ni inflammable : fa confîftance huileufe lui
vient de fon degré de concentration *, & l'onéluo-
fité qa'il manifefte au toiicher , eft produitç par
ï'aétion dilTolvante qu'il exerce fur les doigts ^^
fur toutes les matières animales qu'il touche.
il rougit les couleurs bleues des végétaux : nous
ferons connoître (qs autres propriétés à mefure
que l'occafion s'en préfentera.
Acide vitriolique avec le Jeu,
Jufqu à préfent on ne connoît point de combi-
ïiaifon formée immédiatement de l'union de l'a-
cide vitriolique avec le feu pur. Cet acide en eft
teliemep.t faturé , qu'on ignore les moyens de lui
en introduire davantage. Nous verrons qu'il a la
plus grande difpolition pour s'unir au phlogifl:i-
que , &; qu'il préfente avec cette fubftance des
£fters bien dignes de remarque : nons allons d'a-
bord examiner les effets du feu pur appliqué a
cette fubftance faline , nous reconnoîtrons enfuite
fes orooriétés avec le feu combiné.
L'acide vitriolique a une fixité au feubeaucoup
plus grande que l'eau ; c'eft-àdire qu'il eft en état
de fupporter un degré de chaleur très coniidéra-?
Jjle avant de fe réduire en va|)eurs. La chaleu?^
BT raisonnes: 117
■^u il peut fupporter dans les vailTeaux clos , avant
de s'élever , va prefque jufqu à l'incandefcence j
mais il efl: dangereux de le chaufter à ce point,
pour les rail'ons que nous dirons dans un inltant.
Si néanmoins on lui applique ce degré de chaleur,
il diftille en fubftance , fans fouttrir d'altération
fenlible. Cependant, toutes les fois qu'on loumen
à la diftillation de l'acide vitriolique très pur , il
prend une légère couleur ambrée dès les premiers
degrés de chaleur ; ce qui diftille a une odeur d'a-
cide fulfureux volatil : mais en continuant de le
chaufter ainfi dans des vaifteaux clos , il redevient
blanc, Se, dans cet état , il ne fournit plus d'acide
fulfureux, à moins qu'il n'ait été tranfvafé d'un
vaifleau dans un autre ; ce qui le foumet pour un
inftant au contadl de l'air. On pourroit attribuer
l'eftet dont nous venons de parler , à quelque lé-
î^ere pouftiere que l'acide vitriolique prendroit
dans l'air j mais il eft trop fulfureux pour croiro
<jue la pouftiere qu'il peut prendre , foit la feule
caufe de cette odeur : d'ailleurs la même chofe
arrive lorfqu'on le tranfvafé dans un lieu où l'air
eft très (ec , très pur , &c où il ne règne point de
pouftiere.
Je penfe qu'indépendamment de la pouftiere
dont il peut s'emparer dans cette occafton , l'air
contribue lui-même à cette forte d'altération. L'a-
cide vitriolique en abforbe un peu toutes les fois
qu'il en eft touché , ce qui dérange quelque chofe
de fa combinaifon , ik lui procure enfuite le
moyen de fe décompofer en partie , & de pro-
duire la petite quantité d'acide fulfureux qu'on
obtient. Je penfe même que li l'on faifoit digérer
au feu de fable à une douce chaleur pendant
quelque temps , de l'acide vitriolique très pur
dans un matras dgnt le col feroiç ciré d la lam^a
2.iS Chymie expérimentale
d'Emailleur , pour ne lui conferver qu'une ou-
verture très capillaire , cet acide fe décompo-
feroit entièrement , 3c qu'il ne refteroit que de
l'eau ôc de la terre. La force , l'adivité &:1a fa-
lure de cet acide lui viennent de la grande quan-
tité de feu qu'il contient , &c qui eft très voiiin
de l'état de feu pur: une chaleur lente , mais long-
temps continuée , le décompoferoit & lui feroit
perdre ou tout ou feulement une partie de ce feu
d'où dépendent toutes {qs propriétés falines.
Acide vitrioUque expofé à l'air.
L'acide vitriolique a une li grande difpofition.
pour s unu" a 1 eau , qu il le charge avec une lorte
d'avidité de celle qui eft répandue dans l'air.
Après avoir mis dans un vafe de verre plat &:
évafe deux gros d'acide vitriolique bien concentré,
l'ai remarqué que , dans l'efpace de cinq jours ,
cette quantité s'eft trouvé pefer une once cin-»
quante-quatre grains , ce qui fait lîx gros cin-
quante-quatre grains d'augmentation : elle pro-
vient de l'humidité de l'air dont cet acide s'efl
chargé , au lieu de s'évaporer comme l'eau.
Acide vitriolique avec de l'eau,
Efprit de vitriol.
L'acide vitriolique s'unit à l'eau avec rapidité,
chaleur & bouillonnement.
On choifit un matras de verre mince ou une
fiole a médecine : on met dedans quatre onces
d'acide vitriolique bien concentré : on verfe par-
deflus quatre onces d'eau pure: il s'exite aulîi-tôt
un bruit , un bouillonnement & une chaleur égale
à celle de l'eau bouillante j &; il s'élève des vapeurs
ET RAISONNÉ E. 21^
qui ont une légère odeur particulière ; mais cette
odeur n'eft point celle de l'acide fuUureux. Ces
phénomènes [ont voir la grande affinité qu'a cet
acide avec le prmcipe aqueux. La chaleur qui fe
produit , vient du frottement qui s'excite entre
les molécules primitives intégrantes des deux li-
queurs qui fe pénètrent mutuellement.
Lorfqu'on fait ce mélange , il convient de te-
nir le matras ou la fiole au-defTus d'une terrine de
grès , parcequ'il arrive quelquefois que le vaif-
feau caiïe , fur-tout lorfque l'air eft froid. J'ai
remarqué que la chaleur eft plus confidérable
lorfqu'on verfe l'acide fur l'eau , que lorfqu'on
fait le contraire. La liqueur qui réfulte de ce mé-
lange porte le nom à'ej'prit de vitriol ai d\2cide vi-
triolique affaibli. Mais , comme il feroit encore
trop fort pour la plupart des ufages où l'on a be-
foin d'acide vitriolicjne foible , on mcle ordinaire-
ment cet acide concentré avec trois parties d'eau ,
pour produire ce quq Ton nomme communément
e/prit de vitriol.
Acide vïtrioUque & Glace.
Deux gros d'acide vitriolique concentré , &
demi-once de glace pilée , ont fait monter fur^
le-champ, de trente degrés, la liqueur d'un ther-
momètre de Réaumur , comme par fecoulTe. La
liqueur eft defcendue , un inftant après, au terme
de la congélation , &: s'eft élevée enfuite à fix
degrés au-delfus. La température du lieuéroita
fept degrés au-delfus du terme de la congélation ,
ainfi que dans les expériences fuivantes.
Un gros du même acide vitriolique , & demi'
once de glace pilée , ont fait monter la liqueur
du thermomètre , par une fecoulTe , à dix degrés
2.10 CHtMÎE EXPERIMENTALE
aii-deflTus de fa températare. Après ce premiei
effet, elle a defcenda à douze degrés au-deirous
du terme delà glace.
Un gros du même acide , Sc une once de glace
pilée , ont de même fait monter la liqueur du
thermomètre à dix degrés au deffus de fa tempéra-
ture j ik elle efl; defcendue, un inftant après, à dix
degrés au-deifous du terme de la glace.
L'acide vitriolique occafionne fur-le-cham.p la
fudon d'une partie de la glace : il s'échauffe d'a-
bord avec l'eau qui en provient j il s'afFoiblit par
conféquent ; & ce n'ell: que dans cet état , qu'il
produit du froid avec la glace reftante. Je m'en
luis alFurépar l'expérience fuivante.
Deux gros d'efprit de vitriol , verfés fur une
demi-once de glace pilée , ont fait bailler très
promptement la liqueur du même thermomètre ,
de douze degrés au-delfous de fa température >
■fans qu'il fe foit auparavant produit de la cha%v
îeur.
Acide vitriolique avec de la terre vitrifiahU,
L'acide vitriolique concentré, ou non con-
centré , n'a aucune aétion fur les terres vitrifiables
pures , même lorfqu'elles font réduites en pou-
dre impalpable par des moyens méchaniques ,
parcequ'ils font infuffifants pour divifer aiTez
cette terre , pour qu'elle puiiTe être attaquée par
cet acide.
J'ai fait bouillir quatre onces d'acide vitrioli-
que très concentré , avec quatre e^ros de fable ré-
duit en poudre impalpable fur v.'^. porphyre. J'ai
fair digérer ce mélange pendant plus de quinze
jours fans plus de fuccès. J'ai répété cette expé-
îience avec du lîiGme acide affoibli, quine i*i'a,
tT RAISONNA E. lit
pas mieux réuflî. Au bout d'un long efpace de
temps de digeftion , j'ai fcparc le fable , & j'en ai
retrouvé le mcme poids que j'avois employé. J'ai
examiné enfuire les acides de l'une &c de l'autie
expérience y ils ne tenoient point de fable en dif-
folurion.
Enfin 5 j'ai foumis a la diftillation quatre onces
^u même acide vitriclique concentré , avec una
once de fable broyé fur un porphyre : l'acide a
paffé dans la diftillation , le fable eil: reftc dans la
cornue en poudre feche 6c friable , mais de la plus
grande blancheur. J'ai rcverfé fur le fable de la
cornue , l'acide qui avoir pa(lé , & j'ai procédé de
lîouveau à une féconde diftillation. J'ai poulfé,
fur la hn , le feu aftez fort pour ramollir un peu
1-e cul de la cornue : l'acide a diftillé comme la
première fois ^ le fable éroit très légèrement ag-
glutiné , parfaitement blanc, ayant retenu une très
petite quantité d'acide : il étoit augmenté de dix-
huit grains de fon poids. J'attribue cette aug-
mentation à un peu de terre fournie par une pe-
tite portion de l'acide qui aura été décompofé
pendant ces deux diftillations. Ce fable , lavé
enfuite dans de l'eau, lui communiquoit une lé-
gère faveur acidulé , & cette eau rougilloit la
teinture du tonrncfol.
Il rcfulte de ces expériences que la terre virri-
fiable eft abfolument inattaquable par cet acide ;
& l'on en fentira mieux les raifons dans un inf-
tant: elle ne contient ni eau , ni air, ni matière
combuftible, qui font les fubftances par lefquelles
. l'acide vitriolique attaque les corps. Cette terre
eft trop pure pour être diftbute immédiatement
par cet acide : elle ne peut le diifoudre que lorf-
quelle eft réduire à les molécules primitives ,
i^Kégrautes , ou à peu ptcs^ di c'eft à quoi il eft
HZ Chymie EXPÉÂ.I mentale
împoflible de parvenir par des moyens purement
médian iques : il faut avoir recours à des moyens
chymiques , qui divifent les corps bien plus effi-
cacement. Cependant on trouve dans la Nature
cette combinaifon toute faite , & en très grande
quantité : c'eftdans les argilles. Mais la Nature
le fait-elle d'une manière directe ? C'eft ce qu'il
eft difficile de croire. Nous examinerons cette
queftion , lorfque nous parlerons des effets de
l'air fur le gypfe.
Acids vitriolique rectifié^ & Acide vitriolique
concentré,
La redification de l'acide vitriolique a pour
objet de débarraffer celui qui eft déjà concentré,
des matières inflammables qui lui communiquent
de la couleur j c'eft à quoi l'on parvient en faifant
paffer un peu de liqueur par la diftillation : la
matière qui colore cet acide fe détruit.
La concentration conlîfte à féparer par la dif-
tillation , l'eau furabondan te à ce même acide , &
de rapprocher fes parties falines fous le plus petit
volume poffible.
Par cette dernière opération , on redifie auiïi
l'acide vitriolique ^ mais il ne fe débarrafle des
matières inflamm.ables , qu'après qu'on a fait
palTer par la diftillation une certaine quantité
d'eau : tant qu'il eft fort aqueux, il agit foiblement
fur ces fubftances; auflî cqs deux opérations fe font-
elles en même temps. Lorfque l'acide qu'on em-
ploie eft aqueux , il commence par fe concentrer,
& il fe reétifîe enfuite.
On met dans une cornue de verre la quantité
que l'on veut d'acide vitriolique qui a befoin d'être
concentré &: redifié , ayant foin de ne la remplir
ET RAISONNÉ F. 2ÎJ
qu'environ aux trois quarts , ou jufqu à deux pou-
ces au-de{Tous de fa courbure. On place le vaif-
feau dans un bain de fable d'un tourneau , de
manière que la chaleur puiffe circuler librement
tout autour, à l'exception du côté par où palfe le
col de la cornue , qu'on lute très exadtement
avec de la terre à four détrempée avec de l'eau ,
afin d'empêcher la communication de la flamme
du charbon avec le col de la cornue. On adapte
à la cornue un ballon percé d'un petit trou qu'on
bouche avec un peu de cire ramollie entre les
doigts. On lute les jointures des vaiiTeaux avec
des bandes de papier enduites de colle de farine
ou d'amidon. Alors on procède à la difl:illation
par un teu de quelques charbons ardents pour
échaufter la cornue doucement : on l'augmente
par degré , jufqu'à ce que la liqueur commence à
diftiller, & que la voûte de la cornue s'échaufîe
au point de n'y pouvoir tenir la main , qu'avec
peme , fans être incommodé par la chaleur : on
entretient le feu à ce degré pendant tout le temps
de l'opération , en obfervant cependant qu'on
peut mener la diftillation , far-tout dans le com,-
mencement , de manière qu'on puifllî compter
dix ci douze fécondes entre les gouttes qui dif-
tillent ; mais lorfque l'acide a acquis beaucoup
de concentration , il feroit imprudent de con-
duire la diftillation aufli vite : il faut qu'on puiffe
compter trente ou quarante fécondes entre les
gouttes qui tombent dans le ballon , fans quoi on
courroit les rifques de mettre l'acide en ébulli-
tion \ ce qui ne manque pas de fiire cafler la cor-
nue à la voûte , à caufe du contrafte de la cha-
leur de cet acide qui mouille les parois intérieures
du vailleau, & de Tair frais qui rcpofe fur la voûte
^ fur le col de la cornue.
l24 ChVMIE EXPÉR-IMENTAtC
Si l'acide qu'on a employé eft fort aqueux , \i
liqueur diftille facilement dans les commence-
ments j mais elle eft plus difficile à palTer , à me-
fure que l'acide de la cornue fe concentre. Il
prend de la couleur qui augmente peu à peu oC
à proportion qu'il étoit charge de matière inflam-
mable. Lorfque l'acide a acquis cette couleur , il
atrit fur la fubftance inflammable y ce qu'il ne
pouvoit faire avant qu'il fut moins concentré. Il
s'élève alors des vapeurs blanches , un peu élaf-
tiques , qui ont une odeur de foufre brûlant. On
débouche de temps en temps le petit trou du:
ballon , pour faciliter la fortie d'une partie de ces
vapeurs & leur condenfation , de par-là prévenin
- la rupture des vaifleaux. A mefure que les va-
peurs diminuent , l'acide de la cornue perd de
la couleur j &: aulTi-tôt que cet acide eft devenu
parfaitement blanc , il ne s'élève plus de vapeurs.
La ceflation des vapeurs indique que l'acide ne
contient plus de matière inflammable , de qu'il
eft autant concentré qu'on en a befoin. On laiffe
refroidir les vaiffeaux : on délute le ballon : ou
ei\ fubftitue un autre à fa place, qu'on lute de
même : on ceflTe le feu : la chaleur qui refte dans
le fourneau eft fuffifante pour lui faire perdre un
refte d'odeur d'acide fulfureux qu'il peut encore
avoir. Si l'on ne changeoit point de ballon , il
conferveroit un peu de cette odeur qui luiferoic
communiquée par la liqueur qui a diftille.
Lorfque la cornue eft entièrement rehoidie ,
on délute le ballon : on l'enlevé de fon bain de
fable : on verfe par inclination ce qu'elle contient
dans un flacon de cryftal , bouché aufli de cryftal ,
ôc mé avec de l'émeri. On trouve quelquefois
au fond de la cornue un peu de terre blanche :
cela dépend dç l'état ovVétoiç l'acide avant l'ope-
faticn.
L»
ET R.AISONNiï. 225
La liqueur fépaiée de la cornue fe nomme
acide vitriolique concentré ou rectijx ^ ou huile de
vitriol concentrée ou recfijîcc.
La liqueur qui a diftillé dans le pretnier bal-
lon , fe met à parc : c'cft de Vaclde yitnoliquc
fulfureux volatil.
S'il a palfc un peu d'acide dans le fécond bal-
lon , on le met de mcme ;i part , comme moins
concentré que celui de la cornue : il peut fervLC
au même ufage que l'acide vitriolique atfoibli.
R E M A R (^ U E S.
Lorfque l'acide qu'on emploie dans une fem*
blable opération , ell tort aqueux , on peut, après
qu'on a échaufté les vailfeaux fufîifamment , aug-
menter le feu aflez pour faire bouillir la liqueur,
mais doucement j ce qui accélère l'opération fans
danger. U arrive fouvent qu'il fe forrne u» dépôt
terreux , dès qu'il y a une certaine quantité de
liqueur de diftillée : ce dépôt occafionne des fou-
btefauts & des jets de liqueur. Lorfque cet in-
convénient arrive , il faut celfer la dillillation ,
laitier refroidir les vailîeaux, vuider la cornue,
& féparer, par décantation , ce dépôt terreux,
fans quoi la cornue feroit en danger de caCTcr
pendant l'opération. Lorfque toutes ces opéra-
tions font faites , on remet de nouveau l'acide
en diftillation , & on procède comme nous l'a-
vons dit.
On retire -d'autant plus de liqueur par cette
diftillation , que l'acide qu'on a employé étoic
aqueux. 11 paîfe , avec l'eau , une certaine quan-
tité d'acide qui s'élève avec elle : lorfque l'acide
qu'on a employé étoit lui-même déjà très con-
centré , il diftiile fort peu de Uqueivr j mais cecta
Terne i. ; P
ii6 Chymie expérimentais
liqueur eft toujours acide, parceque le peu d'eau
qui palîe entraîne avec elle un peu de cet acide.
On remarque aulli dans cette dernière opération
que l'acide de la cornue n'eft guère plus concen-
tré qu'il ne l'étoit auparavant : il ne fait que per-
dre fa couleur.
Lorfque l'acide eft parvenu à un certain point
de concentration , il ag-it d'une manière directe
fur la matière inflammable j ce qu'il ne pouvoir
faire lorfqu'il étoit fort aqueux : il s'unit avec
elle : il la réduit dans un état charbonneux. La
matière inflammable, de fon côté, en s'uniflant
à une portion de l'acide , le rend plus volatil :
c'eft cette union qui s'annonce fous la foime de
vapeurs blanches , &c qui produit l'acide fulfu-
reux volatil qui diftille pendant l'opération , Se
que je regarde comme un foufre ébauché.
Lorfque l'acide vitriolique eft chargé de beau-
coup de matière inflammable, j'ai remarqué qu'il
s'élève quelquefois , pendant la diftillation , un
peu de matière fuligineufe légère , femblable à
du noir de fumée , qui s'attache au col de la cor-
nue : il palle auflii de cette matière dans le ballon ;
mais elle ne communique point de couleur à cet
acide , ou tout au plus une légère couleur lilas.
La plupart de l'acide vitriolique qui eft dans le
commerce, eft chargé de beaucoup de terre , qui
eft quelquefois argilleufe Se quelquefois calcaire ;
& le plus fouvent ces deux terres le trouvent en-
femble : l'acide vitriolique tient alors de l'alun ôc
fLe la félénite en dilfolution. J'ai vu de ces acides
qui, étant mêlés avec le tiers de leur poids d'eau,
formoient, par le refroidiftement , une grande
quantité de cryftaux femblablesàceux du fel fé-
aatif fublimé : lorfque de pareil acide a été étendu
dans beaucoup d'eau , & lorfqu'oii vient enfuite
BT RAISONNÉ E. Î27
à le concentrer , la terre , ou, fi l'on veut, les fels
neutres fe précipitent pendant l'opération , s'ap-
pliquent au fond de la cornue fans y adhérer,
empêchent le pafTage des molécules de feu , oc-
cafionnent des bouffées de vapeurs qui partent
du fond de la cornue, foulevent par fecouiles
toute la colonne de liqueur , & produifent des
foubrefauts qui mettent la cornue en danger
d'ctre caflée. 11 faut, lorfque cet inconvénient
arrive, y remédier de la manière que nous ravons
indiqué.
Toutes les fois que Ton fait concentrer de l'a-
cide vitriolique aqueux , il fe fépare une cer-
taine quantité de matières terreufes. L'acide vi-
triolique même , après qu'il a été concentre &t
enfermé dans des flacons, dépofe aflezfouvent^
au bout de quelques mois, une matière faline en
poudre, ou de petits cryftaux féléniteux , difpofcs
en petites écailles comme le fel fédatif fublimé.
Outre ces matières étrangères à l'acide vitrioli-
que , il ell: encore chargé d'une certaine quantité
de fer , quoiqu'il paroiiïe d'ailleurs de la piuâ
grande pureté ; c'eft ce que nous ferons voir, lorf-
que nous parlerons de la liqueur éthérée faite
par cet acide.
L'acide vitriolique, quoique très concentré »
contient encore beaucoup d'eau : elle 1-ui eft Ci
adhérente qu'on ne peut la féparer complette-*
ment par la diftillation : il s'élève de l'acide qui
diftille avec l'eau : il palle aulîî une partie des ma-
tières terreufes , mais en difTolurion : ainfî l.i dif-
tillation qu'on voudroit employer pour fe procu-
rer de l'acide vitriolique très pur & exempt dô
toutes matières falines étrangères , eft abfolu-*
ment infuffifante : d'ailleurs il eft difficile de
faire palTer cet acide en fubftan-ce dans la dilHlr
P4
iiS Chymie expérimentale
lation , fans courir le rifque de faire cafïer k
cornue , à moins que d'opérer fur une petite
quantité d'acide à la fois , comme au poids de
huit onces : alors il convient de couvrir la partie
fupéricure de la cornue , pour la mettre à l'abri
de l'air frais , fur-tout lorfqu'on opère en hiver ,
ou dans une température au-deflbus de douze
degrés de chaleur au thermomètre de Réaumur.
Lorfqu'on a fait trop de feu , & que la cornue
rient à calfer pendant la concentration de l'acide
vitriolique , c'eft ordinairement par la voûte : le
cul fe trouve prefque toujours entier. Voici ce
qu'il convient de faire lorfque cet accident ar-
rive. 11 faut ôter le feu du fourneau , en fermer
toutes les ouvertures , ouvrir toutes les fenêtres
du laboratoire , & y relier le moins de temps qu'il
eft poiîible, afin d'éviter de refpirer de l'air charge
de cet acide ; il fe réduit en vapeurs blanches ,
cpaiiTes , qui excitent à toulfer violemment : il
s'en attache fur les mains , fur le vifage : elles oc-
cafionnent des rougeurs &c des inflammations éré-
fîpélateufes qui font douloureufes. Lorfque le
fourneau ôc les vailTeaux font fuffifamment re-
froidis , &c qu'il ne règne plus de vapeurs dans le
laboratoire , on enlevé le cul de la cornue. Lorf*
qu'il n'y eft pas tombé de fable , l'acide eft tout
aufli bon de tout auiîi pur que 11 cet accident n'étoic
point arrivé , fur- tout lorfqu'on ne lui a pas donné
le temps de fe charger de l'humidité de l'air.
11 faut éviter avec le plus grand foin de refroi-
dir l'intérieur du fourneau avec des briques
froides qu'on pourroit y introduire : cela feroit
caffer le cul de la cornue j l'acide alors fe répan-
droit dans le fable , ce qui exigeroit un travail
confidérable pour le mettre en nature. Il faudroit
laver ce fable dans beaucoup d'eau, filtrer la li-
ÏT RAISONNE!. tlf
queiir , Se la faire concentrer de nouveau.
De la propriété qu'a l'acide vitriolique de fe
charger de l'humidité de l'air , il fuit qu'on ne
peut ni le concentrer , ni le reélifier , que dans
des vailTeaux clos j je m'en fuis afluré par l'expé-
rience fuivante.
J'ai mis dans une capfule de verre , à l'air libre ,
une livre d'acide vitriolique déjà concentré &z un
peu coloré : j'ai placé cette capfule fur un bain de
lable : je l'ai fiit chauftcr pendant dix à douze
heures fans le faire bouillir ( l'air étoit fort hu-
mide) pendant tout ce temps : il a exhalé beau-
coup de vapeurs blanches &c épaiiTes : il n'a duiù-
nué que de quelques onces de fon poids ^ mais
comme il fe chargeoit continuellement de l'hu-
midité de l'air , il a perdu confidérablement de
fa pefanteur fpécifique : il a acquis aulh plus de
couleur , à raiîon des matières inflammables qui
voltigent dans l'air.
décide vitriolique volaùlifc j & rendu fulfureux
fur-le-champ par du phlogijliciuc dans le mou-
vement igné.
On met dans un verre de l'acide vitrioli-
que pur ; on plonge dans cet acide un charbon
ardent. Il s'élève mr-le-champ une fumée blan-
che fort épailfe & fort abondante , qui a une
odeur de foufre brûlant , & qui eft en état de
fufïbquer. L'acide prend fur-le-champ une cou-
leur ambrée : cette vapeur eft produite par la
combinaifon de cet acide avec le phlogiftique
dans le mouvement igné ; elle forme fur-le-
champ de l'acide fulfureux volatil , femblable à
celui qui a diftillé dans l'opération précédente.
Si , au lieu de charbon ardent , on préfente à cet
Piij
Z^& ChYMII EXPERIMENTALE
acide du charbon éteint , cet effet n'a point lieu':
il at abfolument le fecours de la chaleur pour
produire les mêmes phénomènes. J'ai fait a ce fu-
jet les expériences fuivantes.
J'ai mis dans une cornue de verre une livre
d'acide vitriolique concentré , & demi-once de
charbon en poudre fine : i'ai laiffé digérer ce mé-
lange à froid pendant quinze jours : l'acide ne s'eft
point coloré du tout. Au bout de ce temps , j'ai
foumis ce mélange à la diftillation , & l'ai échauf-
fe par degrés , jufqu'au point de mettre l'acide en
cbullition : en moins d'une heure il eft devenu
d'une légère couleur verte d'aiguë mai^ine. J'ai
laiiïé refroidir le vaiiTeau : la couleur a difparu
complettement : ayant rechauffé de nouveau les
vaiiTeaux , l'acide a repris la même couleur. J'ai
réitéré le refroidiffementàplufîeurs reprifes : les
rtiêmes phénomènes ont eu lieu : la couleur pa-
roilfoit lorfque l'acide étoit chaud , & elle dif-
paroiffoit lorfqu'il étoit froid. Ayant enfuite con-
tinué la diftillation , il a paffé en vapeurs blan-
ches de l'acide fulfureux , tant que celui de la
cornue avoit de la couleur : il eft refté au fond
de la cornue une terre blanche, qui eft celle du
charbon. J'ai recueilli cette terre avec un peu du
même acide : j'ai étendu le tout dans une fuffi-
fante quantité d'eau ; & au bout de quelque
temps , j'ai obtenu des cryftaux de véritable alun :
j'ai confervé à part , dans un flacon , l'acide con-
centré ; dans l'efpace de quelques mois , il a laiffé
dépofer des cryftaux de tartre vitriolé, formé par
l'alkali fixe du charbon, & une portion de l'acide
vitrioliqiie.
Ces expériences forment une analyfe bien com-
plecte du charbon , qu'on avoit regardé comme in-
capable d'être attaqué par les agents de la Chymie.
ET RAISONNÉ I. ijl
J ai parlé de ces expériences dans l'Avertiffement
de la féconde édition de mon Manuel de Chymïe:
mais il s'eft gliflé une erreur dans les propor-
tions de charbon &. d'acide qui y font indiquées :
celles qu'il convient de fuivre , pour le fuccès de
l'expérience , font celles que nous venons de dé-
fîgner. Les phénomènes font différents lorfqu'on
met beaucoup de charbon.
J'ai fournis à la diftillation , dans une cornue
de verre , trois livres d'acide vicriolique concen-
tré , avec lîx onces de charbon en poudre fine.
L'acide a paflefous une couleur ambrée : il avoir
une odeur d'acide fulfureux volatil , 6c il étoit
chargé de beaucoup ds charbon en poudre : il
étoit fi léger , qu'il avoir de la peine à fe précipi-
ter : une partie eft reftée dans le col de la cornue ,
& obftruoir prefque entièrement Touverture.
J'interrompis la diftillation pour dégorger le col
de la cornue , & je trouvai que le charbon qui
l'obftruoit , étoit tout rempli de foufie , quoi-
qu'il n'y eut pas plus du quart de l'acide de diT-
tillé. J'adaptai de nouveau le ballon à la cornue ,
& j'achevai la diftillation pour faire pairer tour
l'acide. Il continua de paCfer , comme dans le
commencement , tout en vapeurs blanches \ &
l'acide qui réfulta de leur condenfation avoit
une couleur citrine foncée : il contenoit encore
du charbon léger , qui avoir beaucoup de peine à
fe précipiter. Il eft refté dans la cornue la plus
grande partie du charbon : il étoit noir , réuni
en une mafte fort dure , difHcile à fe brûler à
l'air libre , & exhalant une odeur de foufre.
J'ai diftillé de nouveau , dans une cornue de
▼erre , l'acide de l'opération précédente , avec la
portion de charbon qui s'éroit précipitée. La pre-
Piv
x^i Chymie EXPÉR I mentals
miere liqueur qui a pafïé n'avoit point de cou-
leur j mais elle s'efl: colorée fucceirivemeiit, & fur
la fin elle s'eft trouvée citrine. Il efl. encore reftc
dans la cornue une matière charbonneufe, dure,
femblable à la précédente.
J'ai diftillé de nouveau cet acide pour la troi-
iîeme fois, dans une cornue de verre j il a pafTc
fans couleur depuis le commencement jufqu'à la
fin de l'opération : il eft refté encore de la ma-
tière charbonneufe dans le même état que dans
les précédentes opérations.
Tout l'acide vitriolique qui a diftillé pendant
ces opérations , étoit volatil fulfureux. Il s'eft fu-
blimé du foufre dans le col de la cornue j &z ce
qu'il y a de remarquable , c'eft que ce foufre a
été formé ôc fublimé avant même que le quart
de l'acide fût pafle. Cette obfervation prouve
que le foufre fe forme tout aulîi bien par la voie
humide, que par la voie feche. Nous aurons occa-
fîon de confirmer cette obfervation , en faifmc
mention d'autres circonftances où le foufre eft
également formé par la voie humide.
Acide vitriolique coloré par des matières infiarri'
mahles dans l'état huileux.
Acide vitriolique fulfureux.
On met dans un verre de l'acide vitriolique pur :
on y plonge quelques brins de paille : un inftant
après , ils deviennent mous , noirs &: charbon-
neux : l'acide prend lui-même une couleur brune
plus ou moins foncée.
Toutes les matières combuftibles , foit végé-
tales j foit animales , produifent le même effet.
ET RAISONNE 1. Ijj
Acide VLtriolique avec de l'huile.
J'ai fournis à la diftillation , dans une cornue
de verre , une livre d'acide vitriolique concen-
tré j & demi-once d'huile d'olive : ce mélange
efl: devenu fur-le-champ prefque noir. Je n'ai re-
tiré que de l'acide fulfuieux , proportionnelle-
ment à la matière inflammable , & point d'huile
ni defoufre: j'ai continué l'opération jufqu'à ce
que l'acide de la cornue devînt parfaitement
blanc , & qu'il ne contînt plus de matière in-
flammable. Il eft reft:é au fond de la cornue ,
avec l'acide vitriolique , une petite quantité de
terre blanche.
Soufre attificiel.
Mais fi au lieu de mettre une fi gtande quan-
tité d'acide avec l'huile, on mêle ces deux fub-
ftances , à peu près à parties égales , à la dofe
d'une once de chaque , les phénomènes font un
peu différents. \'-\ Le mélange s'échauffe & fe
gonile confidérablement un inftant après avec
effervefcence : il fe dégage dts vapeurs d'acide
fulfureux volatil. Ce mélange devient fort noir,
St d'une confift:ance réfineule femblable à de la
térébenthine cpaifle. 2°. En foumettant enfuite
ce mélange à la diftillation , il paife tm peu d'a-
cide fulfureux , mais aqueux , un peu d'huile , &C
fur la fin il fe fublime une matière qui eft de vrai
foufre. Il refte dans la cornue une matière char-
bonneufe beaucoup plus volumineufe que ne le
feroit une pareille quantité d'huile qu'on diftil-
Icroit toute feule.
1^4i ChYMIE EXPÉRIMENTAte
Remarq^ues.
- II réfiilte évidemment de ces expériences, que
l'acide vitriol i que a une adion bien marquée fur
les matières combuftibles en général , dans quel-
que état qu'elles foient : il détruit leur piincipe
inflammable aufli efficacement que le feu qu'on
leur appliqueroit immédiatement j toute la diffé-
rence , c'eft qu'il produit ces effets fans inflam-
mation , foit avec , foit fans le concours de l'air j
au lieu que le feu ne peut les faire brûler avec
flamme, qu: lorfqu'il eft aidé du concours de l'air.
L'acide vitriolique réduit d'abord en véritable
charbon les matières combuftibles qui font en-
fermées avec lui dans des vailfeaux clos : je m'en
fuis afTuré en arrêtant ces diftillations au point
où je jugeois qu'elles n'avoient plus rien d'hui-
leux : je leur trouvois toutes les propriétés d'un
charbon bien fait , fî ce n'eft qu'il eft imprégné
de cet acixle. Lorfque l'acide a réduit les corps
combuftibles dans cet état , il continue de féparer
leur matière inflammable jufqu'à fon entière def-
truélion. L'acide vitriolique agit mieux fur les
matières combuftibles dans leur état naturel , par-
cequ'ellesfont pourvues d'eau principe : cette eau
principe fert d'intermède pour donner prife à cer
acide fur la matière inflammable des corps com-
buftibles.
Il eft bien difficile de croire qu'une combinai-
fon purement d'eau & de terre , comme Staahl
l'admet pour feul principe des matières falines,
puiffe produire de pareils eft'ets. L'eau & la
terre font des éléments fans aârion dell:rud:ive :
ils ont au contraire la propriété de modérer celle
du feu , comme ils le font en effet dans les occa-
IT RAISONNES. 155
nons préfences. L'acide vitriolique agit fur les
matières combuftibles d'une manière qui eft com-
mune au feu en aélion , mais moins vivement ,
parceque le feu , qui eft de fon effence , eft modéré
par la combinaifon qu'il a conrra6tée avec de l'eau
ôc de la terre. Il me paroît bien plus naturel d'at-
tribuer les effets de cet acide au feu prefque put
qui entre en très grande quantité dans fa compo-
fition. C'eft lui qui produit tous les phénomènes
dont nous venons de parler, qui font d'ailleurs
abfolument femblables à ceux du feu pur. Nous
verrons dans toutes les occafions où nous em-
ploierons les matières falines acides , qu'elles
produifent, plus ou moins, fur les fubftances in-
flammables , les effets du feu dans le mouvement
igné. C'eft donc au feu contenu dans ces acides
qu'on doit attribuer leur faveur cauftique , leur
propriété de détruire le principe inflammable
dans les matières métalliques , l'aétion qu'ont
ces acides pour les difToudre , & les autres grands
phénomènes qu'ils préfentent dans toutes les
opérations de la Chymie. Cette doétrine , quel-
que neuve qu'elle paroiffe , n'en eft pas moins
vraie ; & ce ne feroit pas une raifon de la rejet-
ter , parcequ il m'eft impofllble de rendre compte
de l'état fous lequel le feu , dans les acides , eft
contenu par les autres éléments : tout ce que je
puis dire , c'eft que le feu y eft très légèrement
bridé : il ne l'eft qu'autant qu'il le faut pour ref-
ter fixé , &: ne pouvoir fe diftîper , comme il lui
arrive lorfqu'il eft abfolument pur de ifolé, &
qu'il ne fait partie d'aucun corps. Il paroît encore
que ce feu exifte dans le« acides en très grande
quantité , puifqu'ils peuvent , avant que de s'é-
puifer , exercer leur aélion fur beaucoup de fub-
ftances combuftibles. Je ne défefpere pas qu'a-
1^6 Chymie expérimenta L1
vec le temps on ne parvienne à apprécier la dofô
contenue dans chacun d'eux , comme je l'ai à
peu près fait à l'égard de celui contenu dans les
Aiatieres organifées.
Il nous refte encore quelques remarques à faire
relativement à l'état des produits obtenus des dif-
férentes opérations dont nous venons de parler.
Lorfqu'il a été employé beaucoup d'acide &c peu
de matière inflammable , nous n'avons tiré que
de l'acide vitriolique fulfureux & point de fou-
fre. En employant des dofes contraires on retire
moins d'acide fulfureux ; mais on obtient du
fbufre : ces deux produits font eflentiellement de
même efpece ; mais ils différent entre eux par l'é-
tat où fe trouvent les fubftances qui les conipo-
fent.
Dans le premier cas on n'obtient que de l'acide
vitriolique fulfureux , parceque le phlogiftique.
eft dans un état de demi-décompofîtion : la por-
tion de foufre qui s'eft formée , eft diifoute par
l'excès de l'acide qui eft devenu plus aqueux qu'il
n'étoit auparavant : ce mélange monte dans la.
diftillation avec plus de facilité que de l'acide vi-
triolique pur, par la raifon que ce mélange eft
plus aqueux, &c qu'il contient du phlogiftique en
diftblution, qui lui communique une partie de fai
volatilité.
Dans le fécond cas la matière inflammable
n'eft pas délayée avec la même facilité : l'acide agit
plus immédiatement j cet acide qui s'eft concen-
tré , après avoir réduit la matière inflammable
dans l'état charbonneux, fe combine avec le phlo-
giftique & forme un véritable foufre : ce foufre
n'eft ni altéré ni diftbus, faute d'une dofe fuffifante
d'acide & d'eau. Le foufre qui s'eft formé fe con.^
ferve en fublimé , parceque les fubftances qui le
ET RAISONKÉe. 237
compofent font plus volatiles , après leur union ,
qu'elles ne le font chacune féparcmenr.
La dernière remarque que nous faifons fur
cette matière ,. 5c qui nous donne occahon de
faire une application des diftindions que nous
avons établies entre le phlogiftique ^' la matière
huileufe j a pour objet la couleur d'aiguë marine
que prend , par la chaleur , l'acide vitriolique
mêlé avec le charbon j tandis qu'au contraire ce
même acide devient noir , même à froid , lorf-
qu'il eft mêlé avec de l'huile. On doit attribuer
ces différences à ce que l'acide vitriolique s'empare
de l'eau principe de l'huile , & qu'il dilTout com-
plettement la matière inflammable. Il n'en eflrpas
de même du charbon : comme il ne contient point
d'eau , l'acide , tant qu'il eft chaud , ne peut en
faire qu'une forte de demi-diffolution : c'eft à
cet état du phlogiftique qu'eft due la couleur d'ai-
guë marine que prend l'acide vitriolique. Exami-
nons maintenant le foufre avec les fubftances
4ont nous avons déjà, reconnu les propriétés.
Sur le Soufre.
Le foufre eft un compofé d'acide vitriolique &
de phlogiftique , comme nous venons de le voir.
La Nature fournit une grande quantité de cette
fubftance fous différents états. Il y en a de par-
faitement pur j mais il eft le plus ordinairement
combiné avec des minéraux métalliques : lorfque
nous en ferons aux minéraux compofés , nous
parlerons des moyens que l'on emploie pour l'en
féparer.
Lorfque le foufre eft pur , il a une couleur
jaune citrine : il a une odeur qui lui eft particu-
lière : il eft un peu tranfparent : il eft fec , com-
2,35 ClîYMlt EXl'ÉRIMEMTALE
pade , &c fe cafTe facilement. On nomme foufrc
en canon j celui qui a été coulé dans des moules
cylindriques, & qui refTemble à de petits cylindres
pleins.
Lorfqu'on prefTe un morceau de foufre entre
les mains , la chaleur qui le pénètre , occafionne
dans l'intérieur une dilatation qui lui fait faire
un petit bruit , comme s'il fe calfoit en plufleurs
morceaux , & il fe calTe en effet pour l'ordinaire j
cet effet vient de ce que cette fubftance eft très
cledlrique.
Soufre expoféaufeu.
Le foufre eft d'une très grande combulHbilitc.
On pourroit le nommer , à caufe de cette pro-
jriété , phofphore vitrioUque ; cependant il ne ré-
jand point de lumière dans l'obscurité , même par
e frottement : il eft moins combuftible que le phof-
phore. Lorfqu'on le met fur des charbons ardents ,
il s'enflamme , produit une flamme bleue, 6c
exhale une odeur d'acide fulfureux volatil , qui
eft fufFoquante , & feroit périr fi l'on reftoit en-
fermé dans un endroit ou l'on feroit brûler du
foufre : cette odeur eft vive , pénétrante , fort ex-
panfible , &c fe répand au loin très promptement.
Le foufre a deux fortes d'inflammation ; l'une
douce , lente ôc incapable de mettre le feu aux
matières combuftibles ; l'autre plus forte , 8c qui
eft en état de mettre le feu à tout ce qui eft inflam-
mable.
Dans cette expérience le phlogiftiquefe brûle,
ôc l'acide fe diflipe. Nous indiquerons bientôc
un moyen de recueillie cet acide.
iT RAISONNES. 15^
Soufre mvu.
Le foiifre eft d'une fufion très facile : il fond i
une chaleur fort modérée.
On met du foufre dans un creufet : on le place
entre quelques charbons ardents : il ne tarde pas
à entrer en fufion. Cette première fufion eft li-
quide^ mais, en tenant le foufre un inftant de
plus fur le feu , il acquiert une confiftance beau-
coup plus épailTe. Lorfqu'il eft dans cet état , on
le coule dans une terrine pleine d'eau : on trouve
qu'il a acquis une couleur rouge , Se qu'il eft mou
comme de la cire : il fe pétrit facilement entre les
doigts , au lieu d'être fec & caffant, comme l'eft
le foufre ordinaire.
Ceramolliftement du foufre vient de ce que ,
dans cette opération , l'eau a diflous une certaine
quantité d'acide y en forte que le foufre qui refte ,
contient une plus grande quantité de phlogiftique.
Le foufre , dans les premiers inftants de fa fufion ,
eft fluide j mais il s'épailTît confidérablement un
moment apics j & c'eft dans cet état qu'il faut le
couler dans de l'eau pour l'avoir mou: non le cou-
loir avant cet épaiiTilfement , il feroit fec & caf-
fant , comme il l'étoit auparavant.
Le foufre , dans cet état , eft employé avec fuc-
cès pour tirer des copies de cachets &" de pierres
gravées j il en prend les empreintes d'une manière
fort nette, qu'il conferve toujours, parcequ'il
devient, quelques jours après ceramolliffemenr,
fec & calTant. Les traits ne s'arrondiftent pas ,
comme cela arrive à la cire avec laquelle on a
levé de femblables empreintes.
t>4^ Chymie expérimentale
Soufre cryfiallïjc.
Si au lieu de prendre le foufre dans cet étac
d'épaifllirement , on le retire du feu immédiate-
ment après qu'il eft fondu , & qu'on le laide re-
froidir tranquillement, fes parties prennent entre
elles un arrangement fymmctrique difpofé en
aiguilles , qui forment une cryilallifation du.
foufre.
Le foufre ne peut fe brûler qu'avec le con-
cours de l'air ; il on le fait chauffer dans des vaif-
feaux clos , il fe fublime en fubftance , fans fouf-
frir aucune décompofition. Avant de parler de
cette opération , il convient d'établir les princi-
pes généraux fur la fublimation.
Sur la Sublimation,
La fublimation eft une opération , par le
moyen de laquelle on fépare , à l'aide du feu ,
les fubftances volatiles qui peuvent être mêlées
avec des corps fixes. Elle relTemble en cela à la
diftillation dont nous avons parié : aulîi la nom-
me-t- on allez fouvent dlfldlation fcche ^ par-
ceque les fubftances qui en font le produit, font
toujours fous une forme feche & concrète j fans
cela , ce ne feroit plus une fublimation , mais
une diftillation.
La fublimation fe fait affez ordinairement dans
des appareils femblables à ceux qui fervent à la
diftillation , quoique fouvent on fublime auflî
dans des matras , dans des bouteilles , dans des
cornues , &:c. cela dépend de la matière qu'on
reut faire fublimer.
La fublimation eft utile pour combiner certains
corps
BT RAISONNA E. ±4!
corps qu'on ne pourroit unk qu'avec difficulté par
tout autre moyen.
Les produits de la fublimation font fous une
forme concrète cryllâlline : c'eft une forte dé
a^ftallifation par la voie feche ; au lieU que U
cryftallifation ordinaire , comme nous le dirons ,
fe fait par la voie humide : c'eft en quoi ces deux
opérations différent ^ mais elles fe reffemblent ,
en ce que les produits de l'une &c de l'autre opéra-
tion font fous des formes cryftallifées qui varient
fuivant la nature des matières qu'on tait fubli-
mer.
Qqs deux opérations différent auffi l'une de
l'autre , en ce que les cryftaux qu'on obtient pajT
la fublimation , contiennent moins d'eau danî
leurs cryftaux : quelquefois ils n'en contiennent
point du tout. Les cryftaux qu'on obtient par la
cryftallifation ordinaire, contiennent au contraire •
une certaine quantité d'eau à laquelle ils doivent
leur figure cryftalline.
On peut ranger fous deux claffes générales
toutes les matières qui font du reffort de la fubli-
mation.
Dans la première , on peut comprendre toutes
les matières affez légères & affez volatiles pouf
fe fublimer feules , & fans qu'on foit obligé
d'employer des intermèdes pour faciliter leur fu-
blimation y tels font les fleurs de foufre , les fleurs
de benjoin, les fels volatils, ôcc.
Dans la féconde clafle , nous renfermerons
tous les corps qui , ne pouvant fe fublimer tant
qu'ils font leuls , ont befoin de quelques inter-
mèdes volatils pour faciliter leur fublimation,
ou pour leur communiquer une partie de leac
volatilité : tels font l'ot , l'argent & la platine ,
qui font enlevés par le fel ammoniac , fans être
Tome Is Q
242. CnYMtE EXPÉRIMENTALE
combinés avec lui. D'autres matières mctalliques
également fixes , comme le fer, le cuivre, &cc. font
également enlevées par le fel ammoniac j mais
celles-ci font combinées avec ce fel. On peut
mettre encore dans cette clalfe les corps qui con-
tiennent des fubftances volatiles , mais qui ne
peuvent cependant point s'clever par l'aéVioii
d'une chaleur ordinaire , à caufe de l'union qu'ils
ont contrariée avec des fubftances fixes j il faut,
pour les faire fublimer, employer des interme^^
des propres à détruire leurs combinaifons.
Ce que nous venons d'expofer fur la fublima-
tion en général, eft fuffifant pour faire entendre
ce que nous avons à dire fur celle du foufre.
• Sublimation du foufre.
r.;', •;-. r.. "•■ ;• rieurs de Soufre. ,., •-.
On met dans une cùcùrBite'de venre quélqîiei?
onces de foufre concalTé : oii lapjace fur le bain
de fable d'un fournea.u : on adapte fur la cucur-
bite un chapiteau : on lute les jointures avec des
bandes de papier enduites de colle d'amidon ;i;,on
ajoute au bec du chapiteau un fécipient,feuléhîènc
iion , il s'élève fous la forme d'une fumée blan-
che ép,;jiile, qui fe condenfe Se s'attache aux pa-
rois du chapiteau fous la forme d'une poudre.
Lorfqu'il en q'H fuffifamment garni, on celfe'le
feu: on laiiTe tefroidir les vailfeaux : on délute
le chapit;e,au, :,on ramalTe avec la barbe d'une
flume le foufre qui s'eft fublimé j c'eft ce que
on nomme fleurs de foufre. On lute de noii-
J^eau le chapiteau à la cucurbite , 6c on procède a
ET RAISONNA E,' i^j
une nouvelle fublimation. On conrhiue ainfi-de
fuite , jufqti'i ce que Von :iit Fait lliblu-her rouC
le foufie. Il refte au fond de la ciicurbite une
nés petite quantité de terre çi-ife noirârre.
Les, fleurs de fouFre relFemblent à Une pou-
dre ; mais il on les examine au microfcope, ori
.obferve que ce font de petites aiguilles; ' ' ■ '
Remarques. :•.:>« -;.
Nous avons vu queiorfqiie l'acide vitvioliqué
eft pur , 11 ne peut s'éleVer qu'à un de^ré de
chaleur ton. conlidcrable : lorfqu'il ell uni au
phlogirttque pour former du foufre f .il eft dans
le plus grand état de cbjicentration.-ll fémble-
roit que l'acide vitriolique , ainfi concéhtré ^
devroic avoir acquis encore plus de'hxitc j ce*
pendant il devient infiniment plus .volatil. Il
eft vifible que c'ell le principe inHammable , avec
lequel il s'eft uni pour former du loufre , qui
lui donne cette volatilité. Le foufre eft en ^at
de fe fublimer un grand nombre de fois , fans
foufrrir aucune décompofition ^ tant qu'il eft
dans des vailFeaux clos. Cependant j'ai remarqué
qu'il laifte chaque fois un peu de matière terreufe
au fond du vailfeau. Je crois qu'elle provient de
la terre propre de l'acide vitriolique , Se de celle
du phlogiftique qui entre dans fa compofition.
Dans toutes ces opérations , il y a un peu d'acide
& de phlogiftique de décompofé.
Lorfque le foufre fe fublime , il fe réduit en
vapeurs très inflammables. Si , dans cet état , on
enlevoit le chapiteau , & qu'on approchât impru-
demment Une lumière, il fe feroit uhe explolîon
bruyante qui feroit cafler les vaifTeaux avec dan^"
^44 Chymie expérimentale
La fublimation du foufre fe fait à defTein d'a-
voir du foufre plus divifé & plus pur. Comme on
le retire ordinairement des matières falines miné-
rales, on préfume que cette opération le débar-
ralïe des matières étrangères avec lefquelles il
pourroit être mêlé.
Communément on ne fait pas , dans les labo-
ratoires , cette opération à deflein de fe fournir
de fleurs de foufre pour fes befoins , parcequ on
en trouve dans le commerce qui font très bonnes,
& qui peuvent fervir pour tous les ufages. On
prépare les fleurs de ioufre en grand dans des
pots percés par leurs fonds, furmontés les uns
lur les autres , à l'exception du premier & du der-
nier , qui ne le font pas. On nomme ces pots aiu-*
dels. Ils font fondion d'un très grand chapiteau.
Le foufre fe fublime &: s'attache dans ces diffé-
rents pots. ^
Soufre avec Vair,
Le foufre ne reçoit point d'altération de la part
de l'air. Cet élément ne parok même avoir au-
cune adion fur cette fubftance.
Soufre avec de Ceau,
Soufre lavé.
L*eau n*a aucune aétion fur le foufre. J'ai
broyé long-temps du foufre fur un porphyre avec
de l'eau. Cette eau , examinée enfuite , ne s'eft
trouvé contenir aucune portion de foufre en dif-
folution. Quelquefois j'en ai féparé, par évapo-
ration , dans des vaifl^eaux à l'abri de la pouffiere ,
une matière falino-terreufe feuilletée \ mais elle
cft étrangère au foufre.
J'ai fait bouillir plufieurs fois de l'eau avec du
IT RAISONNES, I4Ç
Ibufre, pour former ce que l'on nomme foufre
/ûvtf. Cette eau, examinée enfuite, ne s'eft point
trouvé contenir de foufre en diffolution : quelque-
fois elle étoit chargée d'un peu de matière féléni-
teufë j mais cette dernier^e fubftance , comme
nous venons de le dire , eft étrangère au foufre.
L'acide vitriolique , comme nous l'avons dit ,
a la plus grande affinité avec l'eau ^ mais en fe
combinant avec le phlogiftique dans l'état de
foufre , il perd entièrement cette propriété : c'eft
un phénomène bien fingulier , & dont il eft diffi-
cile de rendre raifon. Le foufre , comme nous le
dirons , ne contient qu'un feptieme de fon poids
de phlogiftique , 3c cette portion fuffit pour dé-
fendre l'acide vitriolique de l'aétion de l'eau.
Soufre avec de la glace.
Le foufre mclé avec de la glace , dans toutes
fortes de proportions , ne produit point de froid ,
parceque cette matière n'a aucune difpofition
pour s'unir à l'eau , & qu elle ne peut faciliter la
fulion de la glace.
Soufre avec de la terre vitrifïable.
Le foufre & la terre vitrifiable ne forment au-
cune combinaifon connue : cependant, dans la
fufion Aqs terres vitrifiables , le foufre communi-
que une couleur noire au verre qui en réfulte j ce
qui indique que le phlogiftique dans le foufre n'y
eft pas dans un degré de pureté auflî grand qu'on
le croit communément.
Soufre avec le phlogijlicjue.
On ne connoît point de combinaifon de foufre
avec le phlogiftique pur , ou dans l'état charbon-
Qiij
i^ê Chymie exté rimentals
neux. Ces deux fiibdances paroilfent fe mèlef
J[ans fe combiner. Peiit-crre cependant s'enflam-
meioient-elles, comme cela arrive aux métaux
qu'on mcle avec le foufre: ces effets ne font nul-
lement connus j mais les matières huileufes dif-
folvent le foufre, comme l'eau dilFout les fels,
parceque ce font de part & d'autre des fubftances
inflammables qui ne demandent qu'à s'unir &C x
ie combiner enfemble.
Soufre dijffous dans de C huile.
Baume de Soufre de Ru l and.
* On met dans un matras quatre onces de fleurs
de foufre : on verfe par-deiTus une livre d'huile
de noix : on place le matras au bain de iable , &
on le fait chauffer affez pour faire fondre le fou-
fre : on l'entretient à ce degré de chaleur jufqu'à
ce que l'huile ait acquis une couleur rouge-brune
foncée : on ôte le matras du feu : on le lailfe re-
froidir : on décante l'huile furnageante : on 1^
çoiîferve dans une bouteille.
. R :e. M A s. çi u E s.
Toutes les huiles diffolvent le foufre j mais i!
faut que cette dernière fubftance foit échauffée
aHTez pour être mife en fufion j fans cela, l'huile
n'en difïout aucune portion. Lorfque le foufre ^
ét|é en fufion feulement une demi heure fous
Thuilé , celle-ci en eft autant chargée qu'elle peut
l'être 'y elle en tient mcnie en diffolution plus
qu'elle n'en peut difloudre lorfqu'elle eft froide:
çUe laiffe dépofer , par le refroidifl^ement , l'ex-
cédent fous la forme de cryftâux aiguillés. Le
(oufre , ainfi uni aax huiles , s'y trouve en fub.%
ET RAISONNÉ E. 247
fiance fans fouffdr aucune décompofitlon. Les
cryflaux aiguilles qu'elle lailfe dcpofer par le re-
froidiflemenc , fe trouvent etie du foufre , tel qu'il
étoic auparavant.
Soufre avec la terre calcaire.
On ne connoît point l'adion du foufre fur la
terre calcaire , foir par la voie humide , foit par
la voie fechej mais on connoît celle du fou,-
fre avec la chaux.
Soufre avec la chaux vive^
Foie de Soufre terreux.
On met dans une terrine de grès une livre de
chaux vive, &: quatre onces de fleurs de fouh-e :
on verfe peu-à-peu une fuffifante quantité d'eaa
pour éteindre la chaux , & pour formev une
bouillie un peu claire. On remue le mélange avec
une fpatule de fer , à mefure que la chaux s'é-
teint. Lorfqu'il eft fuffifamment refroidi , on le
filtre au travers d'un papier gris : il coule une li-
queur jaune qui a une odeur d'œuf couvi. On la
garde dans une bouteille qui bouche bien : c'efl:
ce que l'on nomme/oie de foufre terreux ^ pour le
difl:in2;uer du foie de foufre qu'on fait avec de
l'alkali fixe.
R E M A R (l U E S.
Comme la chaux contient une fubftancc aîka-
line , elle dilfout une certaine quantité de foufre..
La chaleur qui naît pendant fon extinclion , eft;
fuffifmte pour faciliter cette diflolution de fou-
tre \ la liqueur s'en trouve chargée autant qu'elle
j)eut rècce. Si l'on craignoit qu'elle ne le fût n^Sy
QiY
i^S Chymie expérimentale
aiïez , on pounoit mettre le mélange dans un ma-
çras, après que la chaux eft éteinte , & le faire
digérer au bain de fable pendant dix ou douze
heures , & le filtrer enfuite j mais cela m'a paru
inutile , parceque j'ai trouvé la liqueur très cnar-
gée de foufre. On pourroit faire cette opération
dans un matras , en réduifant auparavant lachaux
en poudre grofliere j mais il y auroit à craindre
que , venant à gonfler , elle ne fît calîer le vaif-
feau.
La chaux contient , outre la matière faline al-
kaline, une certaine quantité de feu combiné
dans le même état, ou approchant , que celui qui
eft dans les acides. Ce feu, qui s'unit au foufre,
êc en même temps à la matière faline alkaline, fa-
cilite la diffolution du foufre dans l'eau. La cha-
leur qui fe produit pendant l'extindion de la
chaux, eft fuffifante pour opérer cette combinai-
fon. Ce foie de foufre contient, comme l'eau de
chaux ordinaire, une certaine quantité de terre en
diftolution. Il fe forme à fa furface des pellicules
comme delTus l'eau de chaux : c'eft pourquoi il
convient de l'enfermer dans une bouteille, afin
qu'il ne fç fafte point d'évaporation , parcequ'elle
<lécompoferoit le foie de foufre en grande partie.
Le foie de foufre terreux fe détruit avec la plus
grande facilité , même dans des vaifleaux parfai-
tement clos : le phlogiftique du foufre fe décom-
pofe , le feu de cette fubftance fe diilipe au tra-
vers du verre y il refte dans les bouteilles une li-
queur fans couleur , qui n'a prefque plus de fa-
veur , ^ fous laquelle il fe forme un précipité qui
<;orxtieiit de la félénite de du tartre vitriolé.
IT RAISONNE!. I45
Décompojltion du foie defoufre terreux»
Efpece de Tartre vitriolé.
. On met dans une capfule de grès la quantité
que l'on veut de foie de foufre terreux : on place
le vailTeau au bain de fable : on fait évaporer la li-
queur jufqu'à ficcité ; enfuite on fait calciner la
matière à une chaleur modérée &: incapable d'en-
flammer le foufre. Lorfque la matière ne fume
Îilus, on augmente le feu pour calciner davantage
a matière : on la fait difloudre dans une fufn-
fante quantité d'eau : on filtre la liqueur. J'ai ob-
tenu d'une femblable opération de la fclénite , &,
fur la fin , des cryftaux de tartre vitriolé.
Cette expérience eft femblable à celle que
Staahl a faite avec du foie de foufre alkalin , pour
démontrer la quantité de phlogiftique contenu
dans le foufre. Je me fers dô la même manipula-
tion pour confirmer ce que j'ai avancé fur l'exif-
tence de la portion d'alkali fixe dans la chaux. Le
tartre vitriolé que j'ai obtenu dans cette expé-
rience , eft formé par l'alkali de la chaux & l'a-
cide vitriolique du foufre. La féléniteeft produite
Far la terre qui s'eft diffoute dans l'eau , pendant
extinction de la chaux , & qui n'étoit point dans
l'état falin : elle s'eft pareillement combinée avec
de ce même acide du foufre.
Décompojîtion dufoïe defoufre terreux par l'acide
vitriolique.
On met dans un verre du foie de foufre terreux,
ic on retend dans beaucoup d'eau. On verfe
î^outte à goutte de l'acide vitriolique affoibli : il fe
iait un précipité : on contiauc de veifer de l'acid*
ij-o Chtmie expÉrimentalb
jufqu'i ce qu'il ne fe huTe plus de prccipltation J
on lave ce prccipité dans une fuffirante quancicc
d'eau , & on le fait fécher. On trouve qu'il eft du
foufre tel qu'il étoit auparavant ; ce qui prouve
qu'il étoit feulement dilfous par l'eau de chaux, 6c
non dans l'état de dccompoiltion.
Soufre & acide v'uriolique.
Soufre diflbus dans cet acide.
L'acide vitriolique a un peu d'adlion fur lefoiu
fre : il en diirout une petite quantité ; mais c'cft a
l'aide de la chaleur , fans laquelle il n'a aucune
action fur lui.
On met dans une fiole de l'acide vitriolique
concentré & très pur, avec un peu de foufre con-
calTé. On fait chauffer ce mélange aflfez pour faire
liquéfier le foufre. Il fe promené dans cet acide
en globules , comme de l'huile dans de l'eau. L'a-
cide prend une légère couleur ambrée , &:il aune
odeur d'acide fulfureux volatil. Lorfque le fou-
fre eft refroidi , on remarque qu'il a acquis une
couleur verte d'olive j il a d'ailleurs toutes les
propriétés qu'il avoit auparavant. La couleur que
prend l'acide vitriolique, nous prouve encore que
le phlogiftique dans le foufre n'eft pas dans le plus
grand état de pureté. Cet acide tient un peu de
foufre en diiïolution , que j'ai féparé par l'alkali
fixe.
M. Ephraim Rhinhoid Sechl lut, en 1744,0.
la Société Royale de Londres, un Mémoire qui
fe trouve inféré dans les Tranfaclions Phïlojo-
phïcjues j n*^. 472 ; il propofe dans ce Mémoire
deux moyens pour décompofer le foufre par l'a*
cide vitriolique.
Le premier confifte à mclsr une livre de fleurs.
ET RAISONNÉ E.' 15I
de fonfre avec cinq livres d'alkali fixe bien fec. On
fait bouillir ce mélange dans une fuffifante quan-
tité d'eau , jufqu'à ce que le foufie foit dilfous :
alors on filtre la liqueur , & on la fait évaporer
jufqu'à ficcité , & jufqu'à fondre la matière. Lorf-
qu'elle efl; refroidie , on la met dans une cornue
tubulée j que l'on place dans un fourneau de ré-
verbère au bain de fable , &: on y ajoute deux li-
vres d'acide vitriolique concentré. On procède à
la diftillation. On retire , fuivant lui , douze on-
ces d'acide volatil de foufre.
Le fécond procédé eft le même quant à la ma-
nipulation j il n'en diffère que par la chaux qu'il
fait entrer conjointement avec de l'alkali, pour
former un femblable foie de foufre. Les dofes
font une livre de fleurs de foufre , quatre livres &c
demie d'alkali fixe , &z trois livres de chaux vive.
Lorfque la liqueur cfl filtrée Se deflechée comme
ci-delfus , il la diifille dans une cornue avec une
livre & demie d'acide vitriolique concentré. On
retire , fuivant lui, huit onces d'efprit volatil de
foufre plus fort & plus acide que le précédent.
Nous remarquerons que l'acide qu'on obtient
dans ces opérations, eft celui qui eft excédent à la
faturation de la chaux & de l'alkali. L'Auteur a
beaucoup de confiance à cet acide , parcequ'il eft
très volatil 8c très fulfureux j mais , comme
nous l'avons dit , le phlogiftique eft le même , de
quelque fubftance qu'on le retire. On peut fe dif-
penfer de faire ces opérations embarralFantespour
le procurer de l'acide fulfureux volatil, llfufntde
dirtiller l'acide vitriolique avec une matière in-
flammable quelconque : le produit qu'on obtien-
dra fera abfolument le même, & aura les mêmes
propriétés que celui des deux procédés de l'Au»
leur dont nous venons de parler.
i^t Chymie expérimentale
Acide vitriolique avec les terres calcaires.
Nous avons démontré précédemment que les
rerres calcaires contiennent de l'eau , de l'air , &
un peu de matière inflammable. Ces fubftances
ifolent les unes des autres les molécules terreufes,
& les tiennent dans un grand état de divifion ,
& comme réduites à leurs molécules primitives
intégrantes. Ces fubftances ont , comme nous l'a-
vons dit , beaucoup d'affinité avec l'acide vitrioli-
que : elles fervent d'intermèdes par lefquels cet
acide difTout ces terres : aufli toutes les terres cal-
caires fe didolvent dans cet acide avec chaleur &
efFervefcence,jufqu'au point de faturation.
Expérience
On met dans un matras la quantité que l'on
veut de marbre blanc en poudre : on verfe par-
delTus de l'acide vitriolique trèsafFoibli. On place
le matras fur un bain de fable échauffé modéré-
ment. Lorfque l'efFervefcence a celfé , & que l'a-
cide eft bien faturé , on filtre la liqueur , & on la
fait évaporer lentement fur le feu , ou , encore
mieux , à l'air libre , dans un vafe de verre couvert
de papier , pour la garantir da la pouffiere. Oa
obtient , au bout de quelque temps , de petits
cryftaux blancs prefque opaques, difpofés en pe-
tites aiguilles , & quelquefois pas plus gros que
des grains de fable , fans figure déterminée. Ce
fel eft connu fous le nom defélenite. Je le nomme
félénite calcaire , afin de le diftingaer des féléni-
tes à bafe de terres vitrifiables, dont nous parle-
rons en fon lieu.
Remarq^UES.
L'efpece de fel qui réfulte de (?ette combinai-
r. T RAISONNiE* aj^
fon , eft fort peu difToluble dans Vea\}. Il fe cryf-
tallife à mefure qu'il fe forme : il s'applique très
immédiatement fur les molécules de terres qui
ne font point diflToutes , & les empêche de fe dif-
foudre j mais on prévient cet inconvénient en
étendant l'acide vitriolique dans beaucoup d'eau :
fans cette précaution , il eft prefque impoîfible de
faturer cet acide de terre. Quelle que foit la terre
calcaire qu'on ait employée , l'efpece de fel qui
en réfulte eft eflTentiellement le même. Cepen-
dant j'ai remarqué quelque différence dans le fel
provenant de certaines terres calcaires, fur-to«t
<ie celles que le laps de temps a commencé à pri-
ver d'une certaine quantité de leur eau, & à ra-
mener plus ou moins au caractère de terre clé-
menraire. Les félénites qu'on forme avec de ces
fortes de terres, tiennent le milieu entre les félé-
nites calcaires proprement dites, & l'alun.
Par cette combinaifon , l'acide vitriolique perd
prefque toutes fes propriétés falines , & il les
communique à la terre calcaire ; &z , réciproque-
ment, la terre calcaire communique une partie des
liennes à l'acide vitriolique. Le fel neutre qui en
réfulte , participe des propriétés de l'acide & de la
terre : il n'a prefque pas pins de faveur que la
terre calcaire : il fe dilTout difficilement dans
l'eau , &: en très petite quantité. L'eau bouillante
n'en tient pas plus en dillolution que l'eau froide.
La Nature fournit beaucoup de matière faline
de même efpece que celle dont nous parlons ,
mais qui a différentes formes , &: à laquelle les
Naturaliftes ont donné différents noms , comme
gypfc ou miroir d'âne ^ pierre à plâtre j albâtre j
fpath gypfeux ^ &c. Ce genre de fubftances fait
une des quatre efpeces de terre que M. Pott a éta-
blies dans fa Lithogécgnojîe ; mais toutes ces ma-
154 Chymié exp Eut mentale
tieres fonc-riA feiil & même fel , & nous les coii-*
fidérerons comme telles. Toute la différence e(t
dans la forme. La Nature , dans fon travail eri
grand , produit des cryftaux d'une grolTeur monA
trueufe-, tandis que nous ne pouvons faire que
de petits cryftaux, gros à-peu près comme des
grains de fable. • • ■ • ;
Pour parvenir à faturet: dé? l*acide vitribliqtié
avec de la terre calcaire , il faut employer plus de
cette terre que l'acide n'en peut dilfoudre, quel-
que divifée qu'elle foit. Cela vient de ce que ces
pierres ne font pas pai'faitément homogènes. Elles
contiennent toutes des parties plus tendres & plus
faciles à fe laifiTe difToudre les unes que les autres.
L'a-cide fe faiiit d'abord des parties les plus tendreS':
lorfqu'il approche du point de faturation , il ne
peut plus entartier les parties dures. Je me fuis af^
furé de ce fait , en mettant dans les acides mifté^î-
rauxdesmorceauxde différe'ntës pierres calcaires,
incme-du-marbre blanc i ce qui échappoit de ces
pierres, à la première aéiion des acides , étoit
creufé , dans cert-ains endroits , comme fi le buriiî
y eut palTé, &: étoit de la plus grande difHcultéâ
fe diffoudre dans la portiôrt d'acide qui -reftoita
faturer. Ces relies préfentoientaulîi plus tie diffi-
culté à f e dilloudre dans de nouvel acide que [è
leur préfentois. On peut tirer de cette obierva»-
tioh une confcquence en faveuï de ce que hotfs
avons dit précédemment î la terre calcaire n'étant
point une terre pure, mais, au contraire, une terre
cômpofëe , founredes altérations par le laps de
temos , qui' tendent à la ramener" à un' plus
grand degré de fimplicité. Les altérations qu'elle
éprouve ne font point uniformes dans toutes leurs
parties ^ puifqu'elle a des endroits plus durs les
wns que les autres j ce que je n'ai point obfervé
ET RAISONNÉ E. 255
i^ans la terre des coquilles récentes , qui n'ont
pas encore éprouvé, delà parc du temps, les mê-
mes altérations
Lotfque l'acide n'a pas été étendu dans une
fuffilante quantité d'eau , le fel fe cryftallife en
petites aiguilles à mefure qu'il fe forme. La por-
tion qui refte fufpendue donne à la liqueur une
apparence moirée. Il faut alors étendre la liqueur
dans beaucoup d'eau , &z faire chauffer ce mélange
jufqu'ù le hiire bouillir , & Jie le filtrer qu'après
ique l'acide eft parfaitement faturé , ce que l'on re-
connoît lorfqu'il n'a plus de faveur acide.
J'ai examiné av€C l'acide vitriolique un grand
nombre de pierres 5c de terres calcaires, dont
voici les réfultats. -i*cr; .ol ' ;!;rjpr/j .
1°. Toutes les pierres calcaires pures ^c pefan-
tes-, telles que le beau marbre blanxi,- lesfpaths
calcaires , font très dures , ôc plus difficiles à fe
difloudre dans cet acide , que les pierres calcaires
moins dures Ôc moins pures , comme le moellon.
"Les premières ne peuvent fatuver -cet .acide fans
le fecours de la chaleur; le moellon, au con-
traire, le fature coitipletrement j même fans lo
fecours de la ch ileilrv [ uioVri jsji^ ; z-^nvË z^i
•• ' 2^. Toutes les pierres '& iores. calcaires que
■j^âi éprouvées , contiei-hicnt une certaine quan-
tité'<ie- fer dans l'état d'ochre : il fe précipice de
ces dilTolations par le féjour , lorfqui'dles pr\téf^
•bien faturées. ■•:.•';.'
i°. Les coquilles d'œufs lavées Sz dcbarraffées
dfelèur'membrane intérieure , fe diffolvent dans
Tacide' vitriolique plus difficilement que toutes
l^s terrés calcaires que j'ai éprouvées :• elles .d'^-
viennent, pendant ladigeftion au bain de fable,
roufîes , jaunâtres, comme fi elles étoient.expo-
iecyimhiédiatement fur des cendres chaude j.
Î5^ ChYMIE EXPERIMENTALir
Tous ces effets font dus a l'adion de l'acide quC"
agit comme le feu put fur la matière animale
di(féminée dans la fubflance teireufe des coquil-
les. Ce n'a été qu'après plusieurs jours de digef-
tion, que je fuis parvenu à faturer cet acide avec
<le cette matière terreufe. Cette diffolution avoir
une légère couleur orangée , & une foible faveur
alumineufe. Dans l'efpace de deux mois , cette
liqueur s'eft troublée : elle contenoit quelques
lambeaux mucilagineux , & quelques taches de
moififTure à fa furface , fans odeur de putréfac-
tion : elle a lailfé dépofer un peu de terre blan-
che , de elle a perdu la légère faveur alumineufe
. >qu elle avoir.
4°. Les coquilles des poifTons de mer & de ri-
vière? , les coraux , les madrépores , préfentent
à-peu-près les mêmes phénomènes pendant leur
dilTolution j & on en lépare un parenchyme mu-
cilagineux , qui conferve la forme de la coquille,
comme nous le dirons lorfque nous examine-
rons ces terres avec l'acide nitreux. Je n'ai re-
marqué , dans aucune de ces terres animales , des
Îtarties plus tendres ou plus dures les unes que
es autres : elles m'ont paru d'une conflitution
plus uniforme que les pierres calcaires ordinaires.
5°. La chaux vive , l'eau de chaux ôc les pel-
licules de chaux , préfentent , avec l'acide vitrio-
lique , des phénomènes un peu différents : les
félénites qu'on en obtient , font tranfparentes ,
au lieu d'être opaques , comme font celles des
terres calcaires pures : les cryftaux font infini-
ment plus gros : ils font beaucoup plus diiïblu-
bles dans l'eau : en un mot , ces fels polfedent
davantage les propriétés falines.
6°. Toutes ces diflolutions font fans couleurs,
lorfqu'elUsont dépofé le fer que contenoient les
^ pierres
£T RAISONNE É. 257
bîerres calcaires , ou celui qui étoic contenu dans
l'acide vitriolique , donc le plus pur n'eft jamais
exempt.
7°. Toutes ces difïolutions ^ quoique parfai-
tement claires de fans couleur , prennent nveé
rinfafion de noix de g^He une Icc^ere couleur
violette j ce qui prouve qu'elles contiennent en-
core un peu de fer.
S°. Elles n'ont toutes qu'une faveur fade,fem-
blable à celle des eaux des puits de Paris.
9^. Aucune de ces dilfolutions ne change là
couleur bleue du fyrop violât , ni celle de là
teinture de tournefoh
10'. L'eau dechaux ne précipite rien des dif-
folutions de pierres calcaires pures : mais, comme
la plupart des autres pierres calcaires font mé-
langées de terre vitrifiable , ou de portions dé
terre calcaire qui tendent à le devenir , l'eau de
chaux précipite ces lubltances de ces diffolutions.
X.es terres calcaires que j'ai obfervé être dans lé
cas dont nous parlons , font la crr'ie de Cham-
pagne qui en fournit un peu , & les coquilles
d.'œufs qui en fourniflent beaucoup. J'ai recueilli
le précipité formé de ladilTolution des coquilles
d^œufs par l'eau de chaux : il étoit en petits cryf-
taux écailleux, comme le fel fédacif fublimé. Je
l'ai fait dilFoudre de nouveau dans de l'acide
vitriolique : il a formé des cryftaux de véritable
alun , mais mêlé de félénite , parceque la fépa-
ration de ces terres n'eft pas abfolument parfaite;
Néanmoins ce moyen fournit un procédé pour
féparer & reconnoître une terre vitritiable qiii
feroit mêlée avec une terre calcaire.
II". Aucune pierre calcaire , dilfoute dans l'a^
cide vitriolique , n'eft précipitée par une autre
pierre ou terre calcaire : je me fuis afluré de ce
Tome L R
5158 Chymie expérimental»
fait pair un gi'and nombre d'expériences : j'aî
même confervé de femblables mélanges pendant
plufieurs années. Jemettois un morceau de pierre
calcaire tendre dans des diiïblutions de pierres
calcaires dures. J'ai fiiit digérer ce mélange au
feu de fable ; il n'y a jamais eu de précipité.
1 1"*. J'ai mis de toutes ces diflolutions , cha-
cune féparément , dans des féaux de verre , cou-
verts d'un papier pour les garantir de la poufîiere ;
je les ai expofées dans un endroit convenable à la
cryftallifation par une évaporation fpontanée 5,
elles ont toutes fourni des cryftaux dans l'efpace
de deux mois \ favoir les diiïblutions de ftalaÂites
d'Arcueil, celle de chaux de marbre blanc , l'eau
de chaux ordinaire faturée d'acide vitriolique ,
l'eau de chaux de marbre blanc , auflî faturée de
ce même acide : les pellicules provenant de ces
deux eaux de chaux faturées d'acide vitriolique ,
ont formé de petits cryftaux en aiguilles, group-
pées plufîeurs enfemble , de quelquefois elles
étoienrfolitaires.
Les didolutions de moellons , de fpaths , de
marbre blanc 6z de coquilles d'oeufs , ont toutes
formé de petits cryftaux , femblables à-peu-près
à des grains de fable.
13'^. La chaux ordinaire dont on fe fert à Paris
pour bâtir , traitée de même avec l'acide vitrio-
lique , m'a fourni des cryftaux de véritable alun,
bien féparés & diftinéls des cryftaux de félénite
qu'elle fournilToit en même temps. La produdioii
de cet alun eft due à quelque portion de terre vitri-
Hablequife trouvoit mêlée dans la pierre calcaire,
ou à une portion de pierre calcaire convertie elle-
même en cette efpece de terre vitrifiable , par la
violence du feu pendant lacalcinationde la pierre
calcaire.
t T R A t S O N N\p E. 2 5 c)
14®. Toutes ces félénites expofées à un feu ca-
pable de les faiuc rougir , fe convertiirent en
piarre.
15°. Expofées à un très grand feu dz long-
temps continué , elles fe font changées en ce t|uô
l'on nomme plâtre brûlé.
1 6°. Toutes ces félcnltes, foumifes à la diftilla-
tion dans des cornues , n'ont fourni qu'une pe-
tite quantité de liqueur infipide , qui ne donne
aucun indice d'acidité.
Examinons préfentement les propriétés desfé-
lénites naturelles dans les fubftances que l'on
nomme gypfc &c pierre a plâtre.
Sur les Pierres & Terres gypfeufcs j connues fous
le nom de Pierres à plâtre.
Les fubftances que nous examinons préfente-
ment font des fels vitrioliques à bafe de terres
calcaires , formés par la Nature , abfolument fem-
blablesaux félénites dont nous venons de parler.
Plufieurs Naturaliftes ont confondu les pierres a
plâtre parmi les pierres & terres calcaires, comme
le remarque M. Pott''i). Quelques Chymiftes
ont rejette en doute l'exiftence de l'acide vitrio-
lique dans les pierres à plâtre : ils fe fondent fur
ce qu'elles ne décompolent pas le nitre & le fel
marin , comme le font les argilles qui contien-
nent de l'acide vitriolique &; qui décompofenc
ces fels.
Le gypfe de Montmartre , près de Paris , efl:
d*une tranfparence jaunâtre j il eft crvftallifé en
lames minces appliquées les unes fur les autres,.
ï
(i) Lithocidognofie , pagcji, premier volume.
l60 ChYMIE EXPÉRTME>tTALE
que Ton peut lever par feuillets avec la lame d'un
couteau. Les mafles de gypfe font compofées de
deux triangles alongcs , fcparés en deux par une
ligne de future , formant un triangle alongé , dont
le côté oppofé à la bafe eft en angle rentrant d'en-
viron quarante-cinq a cinquante degrés.
On trouve dans les Pyrénées du gypfe fem-
blable à celui de Montmartre, mais qui eft très
pur & abfolument fans couleur.
Les pierres avec lefquelles on fait le plâtre à
Montmartre , n'ont aucune figure déterminée :
elles rellemblent à des pierres ordinaires ; mais-
elles font plus pefantes : on les voit parfemées de
petits points brillants qui font des portions de
petits cryftaux de gypfe , parmi lefquels on en
diftingue d'entiers qui font très réguliers.
L'albâtre eft fous différentes couleurs. Celui
qui eft blanc èc fans couleur , a un grain plus fin
& plus ferré que celui de la pierre à plâtre ordi-
naire. Il s'en trouve qui a de petits cryftaux,
comme la pierre à plâtre de Montmartre. L'al-
bâtre eft doux au toucher , comme certaines pierres
favonneufes j il eft fujet a être coloré & veiné pat
des matières métalliques , comme le marbre.
On trouve encore dans la Nature des cryftaux
de félénites qui relfemblent à de gros cryftaux de
nitre , &c.
Toutes ces fubftances ne font qu'une feule Sc
même efpece de fel : elles différent feulement
entre elles par la figure &c par le plus ou le moins
de pureté. La pierre à plâtre de Montmartre eft
un véritable albâtre grolfier &: impur. Il eft éton-
nant qu'on n'ait pas encore trouvé à Montmartre
de cette pierre dans le même état de pureté qu'eft
celle qui porte fpécialement le nom à'albâtre.
D'après ce que nous venons de dire , il eft fa-
IT RAISONNÉ E. i(5"l
cile d'appercevoir déjà la différence qu'on cicic
faire entre l'albâtre &: le marbre que quelques
Naturaliftes ont ranges dans lamemeclafle. Quel-
ques perfonnes , pour accorder les différents fen-
timents des Naturaliftes &z des Sculpteurs , ont
imaginé d'admettre de l'albâtre gvpfeux de de
l'albâtre calcaire : cette diftindion ne peut avoir
lieu , lorfque l'on conlidere les propriétés chymi-
ques de ces fubftances. L'albâtre eft , comme nous
le verrons , dilfoluble en entier dans l'eau , î^c la
pierre calcaire ne l'eft pas : il eft un vrai fel , ôc la
terre calcaire ne l'eft pas»
Gypfe expofé au feu.
Le gypfe > l'albâtre & la pierre à plâtre expofés
au feu pour les faire rougir feulement , perdent
l'eau de leur crvftallifation , en faifmt un petit
bruit ou pétillement que l'on nomme décrcp'ua-
zion. Le gypfe décrépite plus que les autres pierres
de même efpece. Toutes ces pierres deviennent
friables & d'un très beau blanc opaque. Le gypfe
fe divife pendant cette opération en feuillets ex-
trêmement minces. Ce produit fe nomme gypjs
cuk ow plâtre j loriqu'il eftluftifamment calciné.
Le gypfe , pendant la calcination , perd fort peu
de Ion acicie , &; la terre calcaire fe réduit en
chaux qui , à caufe de fon union avec l'acide vi-
triolique , a des effets différents de la chaux
vive.
Ces pierres ainfi calcinées , pulvérifees & dé-
layées dans de l'eau , s'echauff^ent un peu , mais
infiniment moins que la chaux vive : elles exha-
lent une légère odeur de foie de foulre , & elles
abforbent une très grande quantité d'eau : elles
forment une pâte qui'prend beaucoup de corps, &
Riij
xëi Chymi-e fxpérimental#
qui Jarcit confidérablement en fe fcchant. L^
chaleur qui s'excite lorfqu'on gâche le plâtre ,
quoique foible , eft rjcanmoins fuffifante pour le
tenir dans une efpece de dilïolution. L'endurciflTe-
ment qu'il éprouve, quelques inllants après qu'il
eft ^âchc 5 vient d'une cryftallifation contufe qui
lui arrive par le refroidiffement. Dans cet état ,
il retient toute l'eau qui a fervi à le gâcher. L'eau
qui refte dans le plâtre après qu'il eft pris , agit
de nouveau, & le fait gonfler pendant plus ou
moins de temps, &: avec plus ou moins de force ,
félon les circonftances : cet effet eft même {i fort,
que il le plâtre fe trouve gêné, il brif.^ Ôc renr
verfe les obftacles qu'on lui oppofe, avec la même
force que de l'eau qui fe congelé. Une portion
de cette eau n'eft, pom ainfi dire, qu'interpofée
entre les molécules du plâtre : elle s'évapore avec
facilité par le concouts de l'air &c de la chaleur
qui fubfifte pendant un certain temps , après que
le plâtre a pris de la coniiftance j mais l'autre por-
tion eft combinée , &: elle n'eft évaporable que
par un degré de chaleur fupérieur à celui qui rè-
gne dans les fouterrains : Teau dans le plâtre
qu'on emploie dans les fouterrains , n'ayant pas
la liberté de s'évaporer promptement , continue
d'agir , comme lorfqu'il vient d'être gâché : cette
aétion fe continue à la faveur de l'humidité , juf-
qu'aux plus petites molécules qui n'ont pas été
jmouillées d'abord. 11 fe fait dans l'intérieur de la
jnaife des cryftallifatons fuccelTîves jufqu'à ce
C^u'enfin les molécules intégrantes du plâtre aient
fiibi le même fort. C'eft là ce qui occafionne le
gonflement perpétuel qui arrive aux plâtres em-
ployés dans des lieux humides, & les raifons
pour lefquelles il fe détruit plus ou moins promp*
îçmeiK, Si l'en examine le plâtre des c^yes hu-^
IT RAISONNÉE. 1(3^
n-jides , on le tiouve fouvent parfcmé de petirs
cryftflux qui fe font formés depuis qu'il a été em-
ployé. Ce font ces mouvements &l ces cryltallila-
tions réitérés qui font caufe qu'il fe détache des
murailles dans les fouterrains humides. Il n'en
efl pas de mcme du plâtre employé dans l'mté-
rieur des maifons & dans les endroits fort fecs :
il eft exempt de tous ces inconvénients , parcc-
que l'eau qui les occafionne eft évaporée promp-
tement. La propriété qu'a le plâtre de fe gonllec
ainli , fait qu'il eft très précieux pour les fcelle-
ments : c'eft en vertu de cette propriété qu'ils
font fi folides , parceque le plâtre fait l'eftet d'une
compreftion continuelle.
Lorfqu'on fait calciner les pierres gyp^eufes à
un trop grand feu , elles acquièrent un caratlere
moyen entre la chaux & le plâtre : il ne prend que
peu ou point de corps lorfqu'on le gâche -.dans cet
état, les ouvriers le nomment /^/Jrr^ brûle. Lorf-
que le coup de feu a été moins fort qu'il ne faut
pour convertir ces pierres en bon plâtre , les ou-
vriers le nomment plâtre court : il eft long-temps
à prendre corps avec de l'eau. J'ai examiné le
plâtre cuit dans ces différents états , &: j'ai re-
connu que lorfqu'il eft trop cuit, il a perdu d'une
part, une portion d'acide vitriolique \ de d'un au-
tre côté, la terre calcaire a acquis les propriétés
de la chaux , au-delà de ce qu'il convient pour for-
mer du bon plâtre.
M. Port a remarqué que les pierres gypfeufcs^
expofées au plus grand teu qu'il ait pu produire,
n'entrent point en fufion (i). Il eft bon d'obfer-
ver, lorfqu'on fait cette expérience , de ne pas
employer un creufet d'argille , parceque cette:
(i) Lithogcognofie , page <?;,
Pv iv
Z^4 ChYMIE EXPÉaU^ENTAtS
t rre & le gypf- , comme nous le dirons en fbit
lieii, fe fervent réciproquement de fondant. Il
faut pofer le gypfe fur du fable ou fur de la craie.
Le gypfe n'efl: cependant pas infufible : ayant ex-
pofc, M. Macquer & moi (i), du gypfe de Mont-
(iiartre au foyer d'un bon miroir ardent , il s'y eft
promprement calciné, ôc n'a point fondu, tant
que nous n'avons préfenté cette pierre que par
la fur face large des lames ou feuillets dont elle
eft compofée ; mais elle s'y eft fondue en un inf-
tant avec bruit & llfïlement, auifi-tôt que nous
en avons préfenté la tranche ou le coté. Les par-
ties fondues ont pris une retraite très confidéra-
\)\q : elles n'étoient pas néanmoins changées en
im verre tranfparent, mais en une matière opa
que & d'un jaune fauve.
L'acide vitriolique eft fort adhérent dans le
gypfe. J'ai foumis à la diftillation dans une cornue
de verre deux onces de gypfe en poudre. J'ai
poufle le feu pendant quatre heures , jufqu'au
point prefque de fondre la cornue : il a diftillé
trois gros de liqueur infipide : il eft refté dans le
vailleau une once cinq gros de gyple calcine très
blanc 8c en poudre légère.
La liqueur qui a diftillé n'étoit que l'eau de
la cryftallifation du gypfe : elle n'avoit ni odeur
ni faveur : elle ne changeoit point la couleur de
la teinture de tournefol , ni celle du fyrop violât;
mais elle donnoit un petit œil louche à la dilfo-
lution du mercure faite par l'acide nitreux : ce
qui fait voir qu'il n'a palTé dans cette diftilla-
tion qu'une quantité imperceptible d'acide vi-
^rioliqile.
j[i) Mémoires de l'Académie, année 1758 , page iti,.
ïT raisonnIi.' 1^5
Le gypfe refté dans la cornue ne prenoit plus
<3e corps avec l'eau , comme le plâtre ordinaire :
il étoit ce que les ouvriers nomment du plâtre
brûlé : il fe réduifoit en pouflîere en féchant; ce
qui prouve qu'il ne fufht pas que l'acide refte
dans le gvpfe , pour former de bon plâtre ; mais
qu'il faut encore prendre garde de trop calciner
la terre calcaire , Il l'on veut avoir du plâtre de
bonpe qualité,
Gypfc à l'air.
II paroît qu'on n'a point obfervé les altéra-
tions que le 2;ypfe peut recevoir de la part de
l'air. Il y a lieu de croire qu'il ne lui cauferoic au-
cun changement , s'il étoit toujours parfaitement
pur , &: non mclé avec les autres éléments j mais
comme cela n'eft pas , le ^ypfe reçoit de leur ac-
tion réunie , & du laps de temps , les plus grands
changements , & devient enfin argille. Il me fera
difficile de donner une démonftration bien com-
plette de ce fentimcnt , parcequ'il faudroit pou-
voir changer du gvpfe en argille \ ce que je n'ai
pu faire : mais je vais tâcher de développer mon
îentiment , &: de le rendre au moins probable.
Le gypfe a pour bafe de la terre calcaire. Cette
terre , comme nous lavons dit , eft due au travail
des teftacées, &c. Les eaux de la mer tiennent en
dilTolution , & dans l'état le plus favorable , les
matériaux propres à former les matières falines.
Le gvpfe , qui eft un fel vitriolique à bafe ter-
reufes calcaire , a été néceiïairement formé dans
la mer. Tout l'annonce. Les riches carrières à
plâtre font difpofées par couches parallèles &: ho-
rizontales , parmi lefquelles on trouve , conmie
par-tout ailleurs , des débris marins. Cette dif-
nofition des couches des carrières à plâtre an^
%6d^ Chymie expérimentale
nonce alTez qu'elles te rrouvent telles qu'elles ont
été formées cLins l.i mer , & pnr dépôts. La terre
du. gypfe ne diffère abfolument point de la terre
calcaire ordinaire : l'acide vitriolique, qui lui eft
uni, n'a point chauffé fa nature j il fembie même
qu'elle eft par lui garantie de l'adion des élé-
ments : j'en juge par les diftérentes expériences^
que j'ai faites fur le gypfe , à l'effet de ramener fa
terre à de plus grands degrés de fîmplicité , mais
fans l'avoir auparavant débarralfé de (on acide vi-
triolique. Les expériences que j'ai faites à ce fujet
ont été infrudueufes. Si j'y fuffe parvenu , j'aii-
rois formé de l'alun ou de l'arsille , fuivant les
proportions d'acide qui feroit refté uni à la terre.
C'eft pour la même caufe que le gypfe , par une
forte calcination , ne fe convertit pas en bonne
chaux vive. L'acide vitriolique qu'il contient s'op-
pofe a. ce changement.
Mais il n'en a pas été de même de la terre dix
gypfe , féparéede tout acide vitriolique : elle s'eft
mieux prêtée aux changements dont nous parlons:
elle s'eft comportée à cet égard de même que de
la terre calcaire pure : elle s'eft d'abord convertie
en bonne chaux vive , par la combinaifon. J'ai
fiiit calciner cette terre plufîeurs fois de fuite, en
la lavant chaque fois dans beaucoup d'eau , com-
me j'ai obfervé d l'égard de la terre calcaire ordi-
naire. Je fuis parvenu , par ces moyens fimples, à
lui opérer une forte de décompofition , & à la
rendre prefque indifîoluble dans les acides , par-
ceque, par toutes ces opérations , je lui faifois
perdre l'eau & l'air qui la conftituoient terre cal-
caire. La féparation de ces fubftances la rappro-
che de la nature des terres vitrifiables. J'ai traité
enfuite cette même terre avec de l'acide vitrioli-
que : elle a fourni quelques cryftaux de vérita-
ET RAISONNA E. iSj
ble alun j 6c delà félénite calcaire j ce qu'elle ne
pouvoit pi-oduire auparavant. Nous verrons bien-
tôt que la terre de l'alun eft femblable à celle des
argilles.
Si j dans nos laboratoires , nous pouvons , par
la voie feche , occafionner de pareils change-
ments à la terre calcaire , la Nature doit les pro-
duire, par la voie humide, d'une manière bien
plus générale. Quoique je n'aie pu changer la
lerre du gypfe , tant qu'elle étoit encore unie a
de l'acide vitriolique, ce n'eft pas une raifoa
pour croire cpie la Nature ne le peut faire ; au
contraire , je fuis perfuadé qu'elle ne manque pas
de moyens, & qu'elle change les propriétés de
cette mCme terre , fans qu'elle ait befoin d'en fé-
parer d'abord l'acide vitriolique. Le gypfe , par
les altérations qu'il éprouve, eft changé en ar-
gille 6c en alun , avec la plus grande facilité : il ne
faut que du temps. Cet agent , aulîi puilfant que
les éléments , ne coûte rien à la Nature.
La terre calcaire du gypfe , quciqu'unie à de
l'acide vitriolique , reçoit donc , de la part des
cléments , tous les changements dont nous par-
lons : elle eft ramenée, par le laps de temps,
au caraétere de la terre vitrifiable \ mais il réfulte
de l'argille lorfque la terre refte très divifée, &;
qu'elle conferve une dofe futhfante d'acide vi-
triolique. C'eft dans la mer que la Nature pro-
duit ces belles métamorphofes. La partie feche
du globe s'oppofe , par fa folidité , aux mouve-
ments nécelfau-es pour produire de pareils chan-
gements ^ mais les eaux de la mer promènent à
leur gré des malTes de gypfe , qui fe font accumu-
lées. Le frottement amenuife les molécules , &
donne aux argilles cette douceur 6- ce liant qu'oie
idZ Chymie expérimentale
leur connoîr. Tout porte à croire que les argillefi
font le produit des altérations que le gyple a
éprouvées par le laps de temps , & par le mouve-
ment des eaux de la mer. 11 eft difficile de croire
que les argilles aient été formées immédiatement
par l'union de la terre primitive ôc élémentaire
avec de l'acide vitriolique , parceque , comme
nous l'avons dit, cette terre ne contient ni eau ,
ni air , ni principe inflammable , qui font les fub-
ftances par lefquelles l'acide vitriolique attaque
les corps. La Nature doit éprouver les mêmes dif-
ficultés, ôc nous n'aurions que fort peu d'argilles
il nous n'avions que celles qui peuvent fe former
immédiatement par l'union de la terre vitrifiabl^
avec l'acide vitriolique.
L'efpece de décompofition qu'éprouve legypfe
pour fe changer en argille, ne fe fait pas tout-à-
coup : c'eft l'affaire du temps, des circonftanceSj^.
êc des révolutions qui arrivent au mouvement des
eaux de la mer. Ces changements , que nous di-
fons arriver dans le fein des eaux , fe pafîent fous
nos yeux , mais en petit , dans les carrières à plâ-
tre. Tout le terrein des embouchures des carriè-
res cà plâtre de Montmartre eftcompafé de pierre
à plâtre , brifée , réduite en poudre par les voi-
tures , & délayée par les eaux de pluie. Ce ter*
rein eft argilleux : c'eft, à la vérité, une mau-
vaife argille j elle eft plutôt de la marne: mais
c'eft un commencement & un acheminement à de
plus grands changements j dont le gypfe eft fuf-
ceptible : il ne faut à cette fubftance que du temps
pour devenir argille parfaite. Il y a bien peu d'ar-
gilles qui ne contiennent encore quelque refte de
terre calcaire. Il eft à préfumer que celles qui n'en
ont point du tout, font formées très anciennement.
ET RAISONNER, %(j^
A. par la deftrudion des premiers corps organifés.
L.i rerre calcaire a eu le temps de fe détruire & de
changer de nature complettement.
. Tel eft le fentiment que je me fuis propofé de
développer fur la formation du gypfe , & fur les
altérations qu'il éprouve dans le fein des eaux
pour fe changer en argiUe. Si cette idée n'em-
porte pas une conviélion parfaite , on peut lui ac-
corder du moins quelques degrés de probabilité :
c'eft tout ce que l'on peut demer , jufqu'à ce que
nos connoilTances fur cette matière foient plus
avancées. Le gypfe c]ui fe trouve en malfe dans la
partie fechedu globe , n'a pas toujours les mêmes
occafions pour éprouver les changements donc
nous parlons, &: pour fe convertir en argille j il
reçoit également des altérations par l"e laps du
temps : mais il paroît que , faute de mouvement
& du concours des eaux, elles font d'un autre
genre. C'eft le gypfe vraifemblablement qui , à
la faveur des changements qu'il éprouve , forme
les amiantes, les micas, les talcs, les craies de
Briançon , les asbeftes, &cq. Toutes ces matières
jie contiennent plus un atome d'acide vitrioli-
que : elles ont , au refte , un certain nombre de
propriétés chymiques qui leur font communes^
avec les terres des ar2;illes féparées de leurs aci-
des \ mais elles différent auiîi entre elles par des
propriétés particulières à chacune d'elles. Ces
terres demanderoient autant de traités différents
pour les mieux faire connoître , qu elles ne le font
encore à préfent.
Gypfe avec de F eau.
Le gypfe parfaitement pur , c'eft-à-dire celui
dont toute la terre calcaire eft combinée avec de
iyo Chymie EXPÉiiiMEî^T^iic
Vacrde vicriolique , ei\ dilîoluble en entier daiifll
l'eau , fans laitier aucune iéfidence. Huit onces
d'eau bouillante dilTolvent huit grains de gypfe
ou d'albâtre. La dilFolution eft claire 6^: parfaite-
ment tranfparente.
Mais lorfqu'on fait bouillir beaucoup de gypfe
bu d'albâtre dans de l'eau , cette liqueur s'en
charge d'une plus grande quantité. Cet effet vient
de ce qu'il y a dans le gypfe des parties plus dilTo-
lubles les unes que les autres , quoiqu'elTentiel-
lement de même nature. 11 arrive la même chofé
auxfélénites artificielles^
La pierre à plâtre de Montmartre contient uti
peu de terre calcaire libre ; auflî ne fe dilTout elle
pas complettement dans l'eau. Les eaux fouterrai-
iies de Paris roulent fur un bain gypfeux : elles
font faturées de femblables félénites : elles for-
ment ce que l'on nomme eaux crues ou eaux dures.
Ces eaux ont les mêmes propriétés que les diiïolu-
tions de gypfe : mifes à évaporer, elles forment
pareillement de petits cryftaux de félénite.
Toutes les difTolutions de gypfe ont la même
faveur que les eaux des puits de Paris j elles ne
changent point la couleur de la teinture de tour-
nefol , ni celle du fyrop violât.
L'eau de chaux ne précipite rien de ces dilîb-
lutions. 11 eft vifible , par toutes ces expériences ,
que les gypfes , & toutes les fubftances gypfeufes ,
font im vrai fel vitriolique à bafe terreufe ; SC
nous démontrerons , dans une autre occafion ,
que cette bafe eft décidément calcaire.
Gypfe avec de la glace.
On ne fait pas fi le gypfe avec de la glace pro-i
cluiroit du fïoid , comme le font la plupart dçj
ET RAISONNÉ E. 17I
fels. Il eft à préfumer qu'il n'en produiiroit pas ,
parceque ce lel elttics peu cUiroluble , 8c qu'il ne
pouiroic occalionnet la tufion de la glace.
Oypfe avec la terre XLtr'ifiahle.
Le gyp^e n'a , par la voie humide , aucune ac-
tion fur la terre virrifîable j mais il en a un peu
par la voie feche. J'ai expofé plufieurs fois au
grand feu un mélange de parties égales de gypfe
^ de fable , l'un & l'autre en poudre fine: le mé-
lange eft quelquefois refté en poudre friable après
la calcination : d'autres fois il s'eft agglutiné, & a
pris un peu de corps , mais fans entrer en fulion:
cela dépend du coup de teu qu'il a éprouvé, & il
eft difficile d'en déterminer l'intenfité. A la ri-
gueur, rien n'eft infufible dans la Nature : il eft
certain que ce mélange entreroit dans une fufion
çpmplette , a l'aide d'uni feu fufîifamment fort :
alors ce feroit autant à l'intenfité du feu qu'on de-
vroit attribuer la fufion de ces fubftances , qu'à
i'adion qu'elles peuvent avoir réciproquement
l'une fur l'autre.
Gypfe avec le phlogijlique.
J'ai fait calciner dans un creufet , pendant deux
heures , à une chaleur modérée , un mélange de
huit gros de gypfe & de deux gros de charbon ,
l'un & l'autre réduits en poudre très fine : pendant
la calcination , le mélange exhaloit une odeuc
de foufre & d'acide fulfureux volatil. La matière
eft reftée feche & triable -, elle a acquis une cou-
leur gris de lin. Cette matière a été délayée dans
de l'eau chaude , puis filtrée. La liqueur qui a
'paffé étoit claire , mais d'une couleur verte , &
.4'une odeur de foie de foufre \ elle étoic auûi un
^ji Chimie expérimentale
véLÏtable foie de foutre terreux , de qui en avoic
les propriétés : il fe lai doit décompofer par un
acide, & lailToit précipiter le foufre qui s'étoic
formé pendant la calcination , par l'union du
phlogiftique du charbon avec l'acide vitriolique
dugypfe. La terre calcaire s'eft convertie en chaux
vive en partie , & a fervi d'intermède pour tenic
le foufre en diiïblution dans de l'eau j ce qui a
formé par conféquent du foie de foufre terreux.
Gypfe avec la tefre calcaire^
On ne connoît point les effets de ce mélange
far la voie feche j on ne fait par conféquent fi
acide vitriolique fe partageroit entre la terre
calcaire qu'on ajouteroit , ou s'il refteroit dans
fon état de faturation parfaite.
Je me fuis alTuré qu'aucune terre calcaire ne
«lécompofe , par la voie humide , ni le gypfe j ni
aucune félénite calcaire*
Gypfe avec l'eau de chaux.
L'eau de chaux , verfée fur des diffolutions de
gypfe, n'occafionne point de précipité. Le mé-
lange fe trouble légèrement , mais dans l'efpace
<le quinze jours feulement. L'eau de chaux toute
feule produit un femblable précipité : ainfi on ne
peut l'attribuer à une décompolition du gypfe qui
auroit été opérée par l'eau de chaux, mais à la
terre tenue en dilTolution dans cette eau , qui eft
précipitée par la féléiiite.
Gypfe avec de l* acide vurioUque,
L'acide vitriolique n*a aucune adion fur leS
fubftances gypfeufes j mais par fon moyen on
parvient
ET RAISONNÉ E. ïy ^
t>aïvient à diiroudre dans l'eau une plus ei"ande
quantité de ces matières.
J'ai fait bouillit quelques lames de gypfe dans
de l'acide vitriolique aiîoibli j elles ont petdu leur
tranfparence en un inll:ant : elles font devenues
blanches & opaques, comme lorfqu'on les ex-
pole fur des charbons ardents , fans ccpendajit
qu'il parût rien de dillous. Cet eftet doit ctre at-
tribue à l'acide vitriolique qui leur a enlevé leuf
eau de cryllallifation.
J'ai dit que huit onces d'eau bouillante dilTol-
vent huit grains de gypfe , mais lorfque cette
quantité d'eau eft chargée d'un gros d'acide vitrio-
lique concentre (i) , elle dilfout trente grains de
gypfe ou d'albâtre , avec effervefcence lorfque la
liqueur eft chaude, & fans effervefcencc iorf-
qu'elle eft froide. Ce mouvement d'effervefcence
vient de la rapidité avec laquelle cette fubftance
fe diflout dans cet acide, fans cependant fe com-
biner.
J'ai répété cette expérience un peu plus en
grand , & j'ai employé beaucoup plus d'albâtre
qu'il ne pouvoir s'en difloudre. La liqueur a con-
fervé toute fon acidité. J'ai tiltré la liqueur, &: l'ai
fait cryftallifer. J'ai obtenu des cryftaux de félé-
nite beaucoup plus gros que ceux d'une pareille
dllfolution dans de Teau pure : ils croient acides ,
parcequ'ils fe font lormés dans une liqueur acide j
mais ils fe font trouvés parfaitement neutres ,
après qu'ils eurent été égouités fur des papiers
gris , jufqu'à ce qu'ils ne les mouillallent plus ,, &:
qu'ils devinlfent partaitement lecs par luccionoii
imbibition dans les papiers.
(f) Cet aciik pcfe une once fix {;ros cinquante -<lcins
grains , dans une bouteille qui contient un^: once d'eau.
Tome J, S
274 Chymie expérimentale
La difToliicion de ce fel dans l'eau ne change
point la teinture du tournefol ni celle du fyrop
violât. J'ai répété ces expériences fur beaucoup
de félénites artificielles qui ont préfenté les mê-
mes phénomènes. En augmentant la dofe de
l'acide vitrioliqus , je procurois à l'eau la pro-
priété d'en dilloudre davantage , mais toujours
dans la même proportion. Les cryftaux cjui en
frovenoient , étoient parhiitement neutres , après
imbibition de l'acide dans du papier gris.
Il réfultebien évidemment de ces expériences,
que les félénites calcaires ne peuvent ie combi"
ner avec une furabondance d'acide vitriolique ;
ce qui nous conduit à établir cette loi générale,
c^n aucun fel vitriolique à bafe de terre calcaire
ne peut admettre dansfes cryjiaux aucune furabon-
dance d'acide j m de terre calcaire. Ces fels nç
peuvent être que parfaitement neutres.
Gypfe avec le foufre.
On ne connoît point ce que produiroit le mé-
lange du gypfe & du foufre , il y a lieu de préfu-
mer que , par la calcination , ce mélange fourni-
roit un foie de fouhe terreux. J'ai remarqué que
le foufre facilite un peu la fufion du gypfe. Il en
réfulte une maffe noire &: fpongieufe.
Sur l'Acide nitreux.
L'acide nitreux eft toujours fluor ; du moins
jufqu'à préfent on n'eft pas encore parvenu à
l'avoir fous une forme concrète , comme cela eft
pofîîble pour l'acide vitriolique. Lorfqu'il eft
pur & bien concentré, il eft d'une couleur rouge
de feu : il exhale continuellement des vapeurs
ET RAISONNE E. iyj
rouges qui font vilibles dans la partie vuide des
flacons , mèiiie fans le concours de l'air.
Sa pefanteuu fpccifique, comparée à l'eau, efl
comme douze cl. huit j c'eft-à-diie qu'une bou-
teille qui tient huit gros d'eau , contient douze
gros de cet acide. Par des moyens dont nous par-
lerons bientôt, je luis parvenu à me procurer de
cet acide qui peloit douze gros cinquante-quatre
grains dans la même bouteille.
L'acide nitreux a une faveur aigre , violem-
ment acide , rongeante & corrodante : il fait fur
la peau des taches jaunes , qui fubhftent quelque
temps , & que l'eau de chaux ou les matières cal-
caires développent, 5c alfurent davantage. Il fe-
roit dangereux de goûter cet acide dans l'état de
pureté où nous le fuppofons ^ mais lorfqu'il
eft affoiblipar beaucoup d'eau , on peut le goûter
fans danger. Dans cet ctat , il laille dans la bou-
che une faveur froide fade, femblable aux rap-
ports qu'on a après avoir mangé des raves.
Lorfque cet acide eft affoibli par une cértaiile
quantité d'eau, il porte vulgairement le nom
d'eau forte.
Il rougit les couleurs bleues des végétaux.
Il dilTout tous les corps qu'il peut attaquer
avec plus d'adion & de rapidité que ne le font les
autres acides.
u4cïde nitreux au feu.
L'acide riitréUx eft infiniment plus volatil que
l'acide vitriolique. Lorfqu'il eft expofc au teu dans
des vaiireaux diftillatoires , il fe réduit en vapeurs
rouges, très expanfibles,très élaftiques,& très diffii
ciles à fe condenler. 11 s'élève tout entier dans là
diftillation fans le reditîerou fe concentrer, com-
me cela arrive à l'acide vitriolique, à moins qu'il
Sij
^jS ChYMIE EXPéaiMENTALE.
n'aie été aftoibli par beaucoup d'eau ; mais il en
patfe toujours beaucoup avec l'eau qui diftille.
Dans ces dirtillations, il ne fouftre aucune alté-
ration, ni aucune dccompofition. 11 y a des cir-
conftances où Ton a befoin de foumettre l'acide
nitreux à la diftillation , pour le dcbarrafler des
matières étrangères avec lefquelles il peut être
uni. L'appareil ei\ le même que celui que nous
avons décrit pour la rectification & concentra-
tion de l'acide vitrioJique j mais il eft bon de pré-
venir que cette opération eft infiniment plus la-
borieule ^ifir plus difficile, parcequ'il doit pafl^er
tout entier dans la diftillation j au lieu qu'on fe
difpenfe de faire pafter tout l'acide vitrioiique.
L'acide nitreux palfe tout en vapeurs rouges ,
très élaftiques, qui mettent les vailfeaux en dan-
ger de crever , fi l'on n'apporte pas les plus gran-
des précautions. Dans la rectification de l'acide
vitrioiique , ce qui diftille , eft chargé de peu
d'acide. Il n'en eft pas de mcme de l'acide nitreux :
ce qui s'élève dans cette diftillation , eft tout
auftî concentré que ce qui refte dans la cornue.
Plus l'acide nitreux eft concentré , plus il eft vo-
latil ôc difpofé à fe réduire ainfi en vapeurs , qui
font en même temps très élaftiques.
Acide nitreux expojé à l'air.
L'acide nitreux concentré, expofé à l'air, s'é-
lève & fe diftipe en grande partie en vapeurs rou-
ges 5 mais elles deviennent blanchâtres ptefque
aufù-tot, lorfque l'air eft chargé de beaucoup
d'humidité : ce qui refte, prend l'humidité de lair,
mais moins vite , & dans une moindre quantité
que l'acide vitrioiique*
ET RAISONNE E. fj-f
Acide nïtrcux mclc avec de l'eau.
On msrdans une fiole à médecine deux onces
d'acide nitreux bien concentre : on veiTe par
delfus autant d'eau. Le mélange bouillonne fur
le champ d'une force confidérable, & il fe pro-
duit quarante degrés de chaleur. Cette chaleur
efl: moitié moindre que celle de l'union de l'a-
cide vitriolique avec l'eau ; mais l'ébullition eft
beaucoup plus forte. Aufli-tôt que l'eau s'unit à
l'acide nitreux, il s'élève beaucoup de vapeurs
rouges : le mélange prend fur-le-champ une belle
couleur bleue de faphir. Cette couleur fubfifte
pendant plufieurs années , lorfqu'on a employé un
peu moins d'eau que nous ne l'avons dit , 6c que
le mèlanî^c cft confervé dans un flacon exactement
bouché avec un bouchon de cryftal. Cette couleur
difparoît au bout de quelques heures , loriqa'oii
a mis danis le mélange plus d'eau que nous n'eu
avons indiqué. L'acide cowÇqivq. alors une cou-
leur verte ou une couleur citrine , fuivant les pro-
portions d'eau que l'on a employées : enfin il perd
toute couleur , lorfqu'on a employé une plus
grande quantité d'eau, comme deux ou trois par-
ties fur une d'acide.
L'acide nitreux , ainiî aftoibli , ne peur plus fe
concentrer par la fimple diftillation , comme l'a-
cide vitriolique. Etant plus volatil , il s'élève
avec l'eau avec laquelle on Ta mclé. 11 faut d'au-
tres opérations pour le remettre dans l'état où il
étoit : nous aurons occafion d'en parler plus d'unp
fois.
i-yS Chymie expérimentale."
u4eide nitreux mêlé avec de la glace.
Dix onces de glace pilée & fix onces d'efprit de
nirie fumanc ont produit un froid de 22 degrés ,
la température du lieu à 5 degrés au-deflus du
terme de la congélation.
Acide nitreux avec les terres vitrifiahles.
L'acide nitreux n'a aucune adion fur les terres,
vitrifiables pures, quelque diviféesqu elles foienc
par àcs moyens méchaniqucs. Il ne peut , foit
par la voie feche , foit par la voie humide , con-
trarier aucune union de compofîtion avec ces
fortes de terres. On ne connoît non plus aucune
combinaifonde cette efpece formée par la Nature.
Ce défaut d'adion de l'acide nitreux fur ces terres
vient , comme nous l'avons dit en parlant de
l'acide vitriolique, de ce que les terres vitrifiables
ne contiennent ni eau ni air , &: que la matière
inflammable qui leur eft combinée, eft en tiop
petite quantité & trop bien unie , pour qu'elle
puiflTe être attaquée par les acides , & fervir d'in-
termède à la dilTolution de ces fortes de terres.
Acide nitreux avec le phlogijlique.
L'acide nitreux paroît n'avoir que très peu d'ac-
tion fur le phlogiîlique qui eft dans l'état char-
bonneux fans ignition. Si l'on plonge dans de l'a-
cide nitreux fumant un charbon noir, il ne fe pro-
duit aucun effet.
Je ne fais fi cet acide, diftilléfur du charbon en
poudre , le décompoferoit , comme je l'ai fait avec
de l'acide vitriolique. Si l'on faifoit cette expé-
rience 5 ilferoit à propos de fe mettre en garde,,
IT RAISONNÉ E. ±75
paicequ'il pourroit arriver inflammation Se explo-
fion j on ignore du moins ce qui pourroit en ré-
fulter.
Mais en revanche l'acide nitreux a une grande
aâ:ioa fur le phlogiftique dans le mouvement
is;nc, fur certaines matières huilcufes , & fur le
pnlogillique des matières métalliques. 11 s'unit a
ces fubftances avec une impctuofité conddérable.
Si l'on plonge dans de l'acide nitreux himant ôc
bien concentré un charbon ardent , il s'excite aufli-
tôt une inflammation des plus vives avec déton-
nation. La furface du charbon eft lumineufe ,
comme fi elle étoit foufllée continuellement avec
un foufllet. Le charbon brûle avec l'acide nitreux
qui s'applique à la furface , au lieu de s'éteindre ,
comme cela arrive avec l'acide virriolique. Il fe
produit un foufre nitreux compofcdecet acide de
du phlogiftiquequi eft: de la plus grande combuf-
tibilité.
La plupart des Chymiftes attribuent cette in-
flammation à du nitre qui le torme de l'alkali de
la cendre du charbon avec l'acide nitreux ; mais
cette inflammation eft: trop vive, trop rapide, pour
l'attribuer à cette caufe toute feule : d'ailleurs ,
comme le charbon ne briile qu'à fa furface , de
qu'il ccfle de détonner aufli-tôtqu'on l'enlevé àcet
acide , & comme on ne retrouve point de nitre
dans l'acide nitreux reftant , on eft en droit de
conclure que tout le fracas que l'acide nitreux
froduit dans cette expérience, vient, comme je
ai dit , du foufre nitreux. Ce foufre fe forme ,
s'enflamme ôc continue de fe former & de s'en-
flammer , tant que le charbon eft: dans l'ignition,
& qu'il refte plongé dans cet acide.
Siv
îSo Chymie expérimentale
Açïdc n'urcux avec les matières combujîihks dam
l'état naturel.
L'acide nirreux a une adbioii fingulieie Tariez
matières vc^écales & animales : il les détruit a une
manière très prompte &c plus efticacemenr que ne
le fait l'acide virriolique. Il s'empare, pour ainii
dire, de la totalité de leur fubftance inflamma-
ble, fans les faire paiTer fucceffivement de l'état
où elles font , à celui de charbon , comme le fait
ï'acide vitriolique , parcequ'il les attaque & les
diflout dans leur entier. L'acide vitriolique au
contraire s'empare d'abord de leur eau principe ,
& déqageleur air. La matière inflammable paroîc
alors fous la forme d'une fubftance charbonneufe.
L'acide nitreux porte ^on aélion en même temps
fur tousL leS' principes conftituants des matières
combuftibles \ ce qui prouve que {on affinité avec
la terre du corps organifé eft prefque .égale à
•calle qu'il a. avec la matière inflammablq dans
l'état huileux. • :
- Nous allons voir dans l'expérience fuivante^
que l'adion de l'acide nirreux eft encore plus
marquée lorfqu'il agit immédiatement fur la map
tiere huileufe dans l'état de pureté,
. uâcidc nitreux avec une .huile^
Inflartimjrtion de cette huile.
On" met^dans .ime capfulc de verre environ
quatre gros d'atîide nitreux fumant : on verfe par
d'jffus, à l'aide d'une cuiller à long manche -,
environ autant, & même un peu moins d'huile
de lin. H fe fait' au0i- tôt -itne efFervefcence très
vive , & le mélange s'enflamme : l'huile briilQ
çiKiéi'ement : il refte une matière charbonneuXe^
ET R A I S O N N F. E. lît
Toutes les huiles ne s'enflamment pas de mcme
avec l'acide nitreux : nous en dirons les raifons
dans une autre occafion , ainfi que des phéno-
mènes que piéfente cet acide avec les différentes
huiles : nous ferons feulement , quant à prc-
fent , quelques réflexions fur cette inflamma-
tion.
Le phénomène dont nous venons de faire
mention eft connu depuis long-temps des Chy-
mirtes ôc des Phyhciens , & on l'a expliqué de
différentes manières. On doit l'attribuer au frot-
tement qui s'excite entre les parties de l'acide ni-
treux , ^ de celles de l'huile qui s'uniflent & fe
combinent. De cette union , il réfulte une forte
de fouire que l'on nomme foufre nitreux , «Se c]ui
eft de la plus grande combuftibilité. La chaleur
qui fe produit dans le mélange eft fuffifante pouc
l'enflammer & pour mettre.le feu à l'huile.
Obfervations fur l'Acide nitreux.
Nous avons vu que le mélange de l'acide vî-
triolique ôc de l'huile de lin ne s'eft point en-
flammé : ce n'eft pas parceque la chaleur eft
•moins forte que dans le mélange de l'acide ni-
treux &: de cette même huile ; c'eft que l'acide
vitriolique n'eft pas inflammable , 6c que l'ef-
pece de foufre qui refaite de l'union de l'acide
vitriolique 6: du phlogiftique , eft moins com-
buftible que le foufre nitretix : la chaleur qui fe
produit eft incapable de l'enflampier^ ^i^Jl'on
plongeoir un thermomètre dans le mclange de
l'acide vitriolique & de l'huile , on obferveroit
;qu'il fe produit plus de chaleur qu'il ne, s'en pro-
duit pendant l'effcrvefcence qui précède l'inflam-
lîiation du mélange de l'acide nitreuk èc dâ
iSi Chymie expérimentale
l'huile 'y mais cette chaleur , quoique plus foible
dans ce dernier mclange , eft lulVilante pour en-
flammer le foufre nitreux qui Ce forme : ainfi ,
c'efl: moins à la chaleur qui fe produit, qu'efl: due
l'inflammation , qu'à la combuftibilité de ce fou-
fre nitreux, qui peut s'enflammer à une chaleur
aflez modérée.
L'odeur , la couleur rouge ardente de l'acide
nitreux , & la couleur bleue qu'il prend lorf-
<^u'on le mêle avec de l'eau , font autant d'indi-
ces que cet acide contient une très grande quan-
tité de phlogiftique , ôc qu'il en eft mcme faturé.
Nous verrons dans quelques expériences qu'il
peut s'en fuperfaturer , & fe manifefter fous la
forme d'une liqueur qui nage a fa furface comme
une huile nage à la furface de l'eau. C'eft à cette
quantité de phlogiftique, contenu dans l'acide ni-
treux, qu'on doit attribuer tous les effets que nous,
venons de lui reconnoître fur les matières in-
flammables ; ce qui eft caufe qu'il eft lui-même
inflammable dans toute fa fubftance.
Lorfqu'on mêle l'acide vitriolique aux huiles „
il fouffre une forte de décompciition. L'acide qui
fe fépare immédiatement après l'efFervefcence,
eft beaucoup moins concentré qu'il ne l'étoit. La
matière falme acide s'unit à l'huile , & fe fépare
de fon eau furabondante. Il n'en eft pas de même
de l'acide nitreux : il s'unit dans toute fa fubftance
fans fubir la même efpece de féparation : lors-
qu'il refte même de l'acide nitreux après l'inflam-
mation de l'huile , il eft tout aufli concentré
que lorfqu'on l'a employé ; du moins il n'y a pas
la même différence que celle qu'on remarque à
l'acide vitriolique qui fe fépare de l'huile après;
que l'efFervefcence eft palTée.
Jufqû'ici on comprend facilement la caufe de
r.T RAISONNES. i$^
rinflammation de l'huile à la faveur du foufre ni-
treuxqui fe produit pendant refFervefccnce ; mais
il eft difficile de concevoir cette eftervefcence
elle-même , qui elT: le figne de lacombinaifon Se
la caufe de Tmllammacion. Comme tous les effets
de cet acide fur les matières combuftibles font
abfolument femblables à ceux du feu, je penfe
qu'on doit les attribuer au feu pur ou prefque
pur, qui fait le fond de cet acide. L'acide ni-
treux , félon moi , contient plus de feu légère-
ment bridé par les autres éléments, que l'acide
vitriolique ^ & c'eft à fa dofe &: à l'état fous le-
quel il fe trouve retenu , qu'on doit attribuer fa,
grande action fur les matières qui contiennent
quelque fubftance inHammnblc. Tout ce que
nous avons dit à ce fujet, en parlant de l'acide
vitriolique , eft applicable à l'acide nitreux : ainli
nous n'en dirons rien de plus.
Dans les opérations ordinaires de la Cîiymie ,
on ne fe fert point d'acide nitreux fumant ,
comme celui dont nous venons depailer : on em-
ploie communément de l'acide nitreux plus foi-
ble. C'eft de ce dernier dont nous ferons ufage ,
à moins que dans le cours des opérations nous
n'ayons befoin du premier j dans ce cas, nous en
préviendrons.
Acide nitreux avec les terres calcaires.
L'acide nitreux diffout toutes les pierres Se
terres calcaires avec beaucoup de facilité , & in-
finiment mieux qup ne le fait l'acide vitriolique.
Ces dindutions le font avec beaucoup de cha-
leur &: d'eftervefcence. L'acide fe fature de ces
terres fans le fecours d'aucune chaleur : il forme
avec elles c[qs fels neutres qui fe cryftallifcnt ditîi-
Î.S4 ChYMIE E XPÉRIMENTALE
cikmenr, ôc qui attirent puilTamment riiumï-'
dite de l'air. On nonnne ces fels nicre à baje
terreufe.
On met dans un matras, ou dans une cucur-
bite de verre , des morceaux de marbre blanc.
On verfe par-delfus environ le double de fon
poids d'acide nitreux ordinaire. La diirolurion fe
fait avec beaucoup d'effervefcence. Lorfque l'a-
cide eft parfaitement faturé, on filtre la liqueur
an travers d'un papier gris , & on la garde dans
une bouteille.
R E M A R (^ u E s.
1,, J'ai fait dilToudre dans de l'acide nitreux beau-
coup de différentes efpeces de terres calcaires,
chacune féparément j telles que des ftaladites
d'Arçueil , du moellon , delà craie de Champa-
gne , différentes efpeces de fp.aths calcaires , des
coquilles d'œufs , des coquilles d'huîtres , de la
chaux, des pellicules de chaux , &c. Toutes ces
fubftances prcféntent les mêmes phénomènes
pendant leur dilTolution.
L'acide nitreux diffout mieux toutes ces fub-
ftances ,, que l'acide vitriolique. 11 les dilfouc
même à froid fans lailTer aucune réfidence , lorf-
que ces pierres font pures. Lorfque cet acide ap-
proche de fa faturation , il dépofe , fous la forme
d'ochre , la portion de fer contenue dans ces
terres , dont les plus pures ne font pas exemptes.
Ce précipité ferrugineux s'applique fur la terre
qui cft furabond.ante à la faturation de cet acide.
Si ce font des. morceaux de marbre blanc que l'on
a employés, on remarque qu'ils font creufés par
endroits j les parties les plus tendres font atta-
quées les premières. On obferve mieux ces inu-
niformités des pierres , lorfque l'acide eft prci
ET R A I 3 O N N É E. ig^
d*ètre faturc : il cefle d'entamer les parties <lii-
res. J'ai fait la mcme obfervation fur la plupart
des autres pierres calcaires.
Les pierres calcaires qui contiennent du fer ,
comme le moellon d'Arcueil, forment une dif-
folutionde couleur ambrée j mais en employant
plus de terre calcaire qu'il n'en faut pour faturer
l'acide , le fer fe précipite , 6c la dilîolution de-
vient claire & fans couleur.
Les coquilles d'oeufs contiennent , comme
nous l'avons déjà dit, un parenchyme mucilagi-
lîcux qui donne de la foliditc à la coquille. Cette
fubftance occafionne un gonflement prodigieux
pendant que la terre calcaire fe diiïout. Le mé-
lange fe réduit en écume remplie de beaucoup
de bulles d'air qui taifoient partie de la coquille.
Pour faire cette dilTolution commodément , il
faut employer un grand vailfeau, ôc ne mettre les
coquilles qu'à mefure qu'elles font dilfoutes.
Cette dilfolution bien faturée eft d'une légère
couleur d'aiguë marine.
Douze onces d'eau de chaux ont Jfaturé com-
plettement un gros d'acide nitreux (i). Il ne s'eft
tait aucune eftervelcence fendble. La liqueur
étoit claire , fans couleur , prefque fans faveur :
elle avoir feulement celle d'une eau toiblement
nitrée. Dans l'efpace de qumze jours , elle a
formé un dépôt léger femblable au duvet qui
s'amalTe fous les meubles dans les appartements.
Toutes ces dilTolutions de terres calcaires ,
faites par l'acide nitreux, ont une faveur amere^
très piquante & nitreufe.
Aucune de ces dilfolutions ne change les cou-
I— ■■ ■ ■ ■ II.» ■ ■ .1.. ■■■ . I . ,..— -,■ I ,m
( I ) Cet acide pefc dix gros dans une bouccillccjui ticnif
huit gros d*cau.
iS<3 Chymie expérimentale
leurs bleues du fyiop violât , ôc de la teinture dé
tournefol.
Aucune des terres calcaires , dilToute dans l'a-
cide nitreux , n'eft précipitée par une autre terre
calcaire : cependant j'ai remarque que le moellon
d'Arcueil , dans l'eipace de quinze jours , avoit
fait précipiter un peu de marbre blanc ^ ce qui
n'eft point arrivé aux autres diiroluiions , même
dans l'efpace de deux années.
L'eau de chaux ne précipite rien de la plupart
de ces dififolutions : cependant elle les troubla un
peu , mais bien légèrement. La diirolution de
moellon d'Arcueil produit , avec de l'eau de
chaux , un précipité plus fenlible. Ce précipité
eft une petite quantité de terre virrihable très di-
vifée , qui eft mêlée dans cette efpece de pierre.
Mais l'eau de chaux occafionne , par le féjour ^
deux fortes de précipités à la dilîolution de fpath
calcaire : ils font peu abondants : l'un eft jaunâtre
& ferrugineux j l'autre eft en petits cryftaux
plats , comme ceux du fel fédatif fublimé , auiîi
blancs & aufli argentins.
L'eau de chaux précipite fur le chanip de la
dilïolution des coquilles d'œufs , beaucoup de
cryftaux femblables aux précédents : ces cryftaux,
examinés enfuite , fe font trouvés être une terre
femblable à celle de l'alun.
L'acide vitriolique concentré , verfé dans tou-
tes ces cliftolutions , s'empare de la terre, & forme
avec elle une félénite calcaire qui fe précipite ,
parcequ'elle ne peut fe tenir en dilfolution dans
la même quantité d'eau , comme le nitre à bafe ter-
reufe. La même chofe arrive avec l'acide vitrio-
lique afFoibli j mais l'effet n'eft pas aufli fenfible^
parceque le précipité fe dilfout à mefure en grande
partie.
IT RAISONNÉ E. 187
CryJlaUïfdtïon des nUres à bafe de terres calcaires.
On prend la quantité que l'on veut de dilTo-
lution de terre calcaire , faite par l'acide nitreux :
on. la met dans une capfule de verre : on la place
fur un bain de fable : on fait évaporer la liqueur,
jufqu'à ce qu'elle foit réduite en condftance de
fyrop , ou bien jufqu'à ce qu'elle fc fige par le
froid , en en prenant une goutte au bout d'une
fpatule d'ivoire : alors on ceflTe le feu : on lailTe
le vailleau fur le fible. La liqueur, en refroidif-
fant , fe convertit en une feule mafle tranfpa-
rente cryftalline : c'efl: le nitre à bafe terreufe,
R E M A R q U E s.
Toutes les diflolutions de terres calcaires , fai-
tes par l'acide nitreux , fournilfent un femblable
Ici , qui fe congelé en malfe, dans laquelle on
diftingue des figures régulières : ce n'efl: pas un
fimple figement , comme une graifle qui fe re-
froidit. Si l'on fait cette expérience un peu en
grand, qu'on fafîe moins évaporer la liqueur , &c
qu'on la mette refroidir dans une bouteille , on
obtient des cryftaux mieux formés : ils font re-
couverts par de la liqueur qui n'eft point cryftal-
lifée ; mais ces cryftaux font toujours en maffe, &c
entafîcs contufément les uns fur les autres.
L'acide nitreux , quoique diirolvant facile-
ment les terres calcaires , tient cependant moins
fort A ces terres , que l'acide vitriolique : il a aulli
moins d afîinité avec elles, que l'acide vitriolique :
c'eft ce que nous avons vu par la propriété qu'a ce
dernier .acide de décompofer le nitre à bafe ter-
reufe. Nous avons dit que les félénites , expofées à
2Îl8 ChyMÎE ÉX pÉ RIMENTAtÊ
l'aftion du feu , ne perdoient rien de leur acide ;
il n'en eft pas de même des nitres à bafe terreufe*
Si l'on expofe ces fels à l'adlion du feu dans des
vaiireaux clos , on en fcpare une partie de l'acide
qui s'élève en vapeurs rouges : il en cefte ncan-
inoins une bonne partie qui ne quitte point la
terre calcaire , quelque violent que foit le feu :
fi , au con-craire , on le fait chauffer dans un creu-
fet , comme ce fel fe trouve avoir une communi-
c;ition libre avec l'air , l'acide nitreux fe diflipe
en entier , ôc il refte la terre calcaire qui s'eft con-
vertie en chaux vive , fuivant le degré de feu
qu'on a adminiftré.
I.e nirre à bafe tcrreufe fe liquéfie à une cha-
leur modérée, & fe fige par le refroidilTement.
Cette propriété lui vient de ce qu'il entre dans fa
compolition beaucoup d'eau &: de feu combinés
dans un certain état : lorfque ce fel eft liquéfié ,
il on le coule dans de l'eau froide , il durcit fur-
ie-champ, comme fait le fucre cuit à la plume ,
auquel on fait fubir la mcme opération.
Ce fel eft très déliquefcent , c'eft-à-dire qu'il
fe charge promptement de l'humidité de l'air , ÔC
fe réfout même en liqueur : de là vient qu'il ne
peut fe cryftallifer que par le refroidi dément , ôc
non par l'évaporation , comme les fels vitrioli-
ques à bafe terreufe. J'attribue cet effet a ce qu'il
entre dans la compofition de l'acide nitreux une
très grande quantité de phlogiftique qui empêche
cet acide de le conibiner avec ces terres auili inti-
mement que le fait l'acide vitriolique , & encore
à ce que le feu prefque pur dont il abonde , ne
quitte point cette combinaifon. C'efb à cette fé-
conde propriété qu'eft due la faveur forte 6c pi-
quante de ces fels.
Le ï\itïQ à bafe terreufe ne peut admettre dans
fa
ET RAISONNES. i8^
Ù. conibinaifon , ni une furabondance d'acide ,
ni une furabondance de terre. Pour le peu qu'on
le fafTe chauffer , il fe dillipe quelque portion de
Çon acide : on fépare aulli-tot , par dinTolution &c
filtration , une quantité de terre dans la même
proportion. 11 en eft de même par rapport à l'a-
cide. J'ai examiné des cryftaux de nitre à bafe
terreufe , provenant d'une dilfolution non faturée
de terre calcaire ^ les cryftaux égouttés fur du pa-
pier gris, dans des vailfeaux clos , fe font trouvés
parfiitement neutres.
Le nitre à bafe terreufe bouillonne fur les char-
bons ardents , fe liquéfie , éteint le feu , Se laifTe
difliper une partie de fon acide : ce qui refte ,
lorfqu'il eft bien fec , tranfporté fur un charbon
ardent, détonne comme le nitre ordinaire, mais
plus foibleraent, parceque fa bafe calcaire n'eft
point fufible : elle empêche que l'acide nitreux
n'ait un contad avec le phlogiftique , comme
nous le dirons à l'article du nitre fixé par les char-
bons.
Nitre à bafe terreufe avec de la glace.
On ne connoît point les effets du nitre à bafe
terreufe avec de la glace. 11 eft à préfumer qu'il
produiroit beaucoup de froid.
Acide nitreux & Acide vitrioUque.
Si l'on met dans de l'acide nitreux bien fumant ,
un peu d'acide vitrioUque concentré , l'acide ni-
treux perd auflî-tôt beaucoup de fa couleur j &;
les vapeurs qu'il exhale , font prefque blanches ,
de rouges qu'elles étoient. Cet acide mixte en-
flamme mieux les huiles, que l'acide nitreux pur :
on ne connoît point les autres propriétés de ce
mélange.
Tome L T
ipO ChYMIE ÎXpéRtMENtAlE
L'acide nirreux a la propriété d'enlever 8c de
détruire promptement les matières inflammables
qui colorent l'acide vitriolique.
On met dans un matras une livre d'acide vi-
triolique noirci par des matières inflammables :
on verfe par-deflTus un gros d'acide nitreux , ou
davantage, fuivant que l'acide vitriolique eft co-
loré : on place le vaifleau fur un bain de fable ;
on le fait digérer jufqu'à ce que l'acide n'ait plus
de couleur, &c qu'il devienne parfaitement blanc.
L'acide nitreux agit de même à froid fur les ma-
tieres inflammables qui font mêlées avec l'acide
vitriolique , mais plus lentement. Pendant la di-
geftion , l'acide nitreux s'évapore en partie j mais
il en refte toujours de mclé avec l'acide vitrioli-
que : on ne peut plus le féparer complettement ,
même par la diftillation , à caufe de l'adhérence
mutuelle de ces deux acides. Au refiie , cet acide
vitriolique peut fervir dans nombre d'occafions
où un peu d'acide nitreux ne peut pas nuire aux
opérations.
Acide nitreux & Soufre.
On ne connoît point le mélange que ces deux
fubftances peuvent faire , ou plutôt la combi-
naifon qui réfulteroit d'un femblable mélange.
Décompojitïon du Foie de Soufre terreux par
l'acide nitreux.
L'acide nitreux décompofe le foie de foufre
terreux : il s'unit aux matériaux de la chaux , &
fait précipiter le foufre.
On met dans un verre du foie de foufre ter-
reux : on verfe par-deflus de l'acide nitreux : il fe
fait un précipité : on filtre la liquçur : le foufre
ÏT RAISONNÉ E.' îc,i
refte fur le filtre : on paflTe beaucoup d'eau bouil-
lance pour le bien laver , & on le fait lécher : on
trouve que ce foufre efl: celui que tcnoit l'eau de
chaux en difFolution.
Acide n'ureux & Gypfe.
L'acide nitreux diflout très bien le fjvpfe Se les
clcnites calcaires , mais fans contracter d'union
avec ces fubftances.
Huit onces d'eau chargée d'un gros d'acide ni-
treux , dilfolvent, à l'aide de la chaleur, vin^r-qua-
tre grains de gypfe avec cffjrvefcence , fans riou-
bler la tranfparence de l'eau : l'eau en eft parfai-
tement faturée.
Huit onces d'eau chargée de deux gros du
nlcme acide , dilTolvcnt quarante-huit grains de
L'albâtre s'efl: comporté de même , &: il s'effc
dillous dans les mêmes proportions.
J'ai mis ces liqueurs dans des vafes convena-
bles à la cryftallilation : elles ont fourni , par le
refroididement, beaucoup de cryftaux nets , bril-
lants , tranfparents , difpofcs en aiguilles aflez
grofles , qui avoient trois lignes de longueur :
r r I 11'-
ces cryftaux fe font trouve être de la félénite
parfaitement neutre. Après l'avoir égouttée fur
du papier gris , elle n'altéroit aucunement la
teinture de tournefol , & ne contenoit point
d'acide nitreux.
Sur V Acide marin que l'on nomme aujji Acide
du fel commun.
11 en eft de l'acide marin comme des deux au-
tres dont nous avons commencé a reconnoître
les propriétés : il eft également difpofé à fe cûm-
Tij
î^l ChTMIE EXpiaiMENTALS
biner avec les corps qu'il rencontre j ce qui efi:
caufe qu'on ne le rencontie jamais pur dans la
Nacure. Nous dirons, parla fuite , la manière de
le féparer des diftérenres combinaifons dans lef-
quelles il fe trouve : nous allons reconnoître les
proprictés de l'acide marin pur Se dégagé de tou-
tes bafes.
L'acide marin eft toujours fluor : il paroît mcme
avoir plus d'affinité avec le principe aqueux , que
les précédents. Il feroit , par cette raifon , plus
ilimcile de l'obtenir fous une forme concrète.
11 a ordinairement uns couleur jaune citrine :
on ne fait pas encore fi cette couleur lui eft inhé-
rente , comme la couleur rouge l'eft à l'acide ni-
rreux. Nous verrons dans plusieurs expériences ,
que l'acide marin perd fa couleur bien facile-
ment , fans ceiTer d'être concentré.
L'acide marin a une odeur qui lui eft particu-
lière : elle tire un peu fur celle du fafran.
Il exhale des vapeurs blanches , mais qui ne
font vifibles qu'avec le concours de l'air : elles
excitent une fenfation de chaleur j elles ne font
cependant point chaudes. La chaleur qu'elles
produifent , vient de l'adion qu'elles ont fur la
peau , & de la corrofion qu'elles y occafionnent.
Ces vapeurs font plus corroUves que celles de
l'acide nitreux. L'acide marin a une faveur vio-
lemment aigre , acide , fans arriere-goût.
La pefanteur fpécifique de cet acide le plus
concentré qu'il foit poflîble d'avoir , eft comme
dix-neuf à feize, c'eft-à-dire qu'une bouteille qui
contient feize gros d'eau, contient dix-neuf gros
de cet acide : il eft , par conféquent , moins pe-
faut &c moins concentré que les deux autres acides
minéraux.
Il rougit fur-le champ les couleurs bleues des
T. r RAISONNES. l^jj
végétaux , fans détruire les couleurs comme le
font l'acide vitriolique fulfureux & l'acide nU
treux.
Acide marin au feu.
L'acide marin eft le plus volatil des acides mi-
néraux , lorfqu'il eft bien concentré de bien fu-
mant. Si on le foumet à la diltillation , il fe ré-
duit en vapeurs très expanfibles ôc très difficiles a
fe condenfer : il palfe en entier, fans fouftrir au-
/cune altération ni dccompofition , &z ne fe coa-'
centre point , tant qu'il eft feul.
Acide marin à l'air.
Cet acide fe charge de l'humidité de l'air, mais;
inoins que les autres acides minéraux, parcequ'il
eft infiniment plus aqueux : on ne peut le concen-
trer plus que nous ne l'avons dit j d'où l'on peut
conclure qu'il a avec l'eau plus d'affinité que les
acides vitriolique & nitreux.
Acide marin avec de l'eau.
Il eft a préfumer que fi l'on mêle de l'acide ma-
rin bien concentré & bien fumant avec de l'eau ,
on produira de la chaleur : cette expérience n'a
point été faite. Lorfqu'il eft affbibli par fon poids
égal d'eau , il conferve encore beaucoup de fa
couleur citrine.
Acide marin mêlé avec de la glace.
Un gros d'efprit de fel fumant &: demi-once de
glace pilée ont produit leize degrés de froid , la
température du lieu à fept degrés au-delFus du
terme de la congélation.
La même quantité de gLace avec deux gros de
Tiij
A5>4 Chymie expérimentale
cet acide ont produit vingt-t^ois degrés de froid ,
& vingt-cinq , en employant trois gros du nicme
acide.
Acide marin avec les terres vitrlfiahles.
L'acide marin n'a aucune adion lur les terres
vitrifiables qui font en malTes d'agrégés , ou lorf-
qu'elles font divifées par des moyens méchani-
ques : mais il en a beaucoup fui; ces terres , lorf-
qu'elles font divifées par des moyens chymiques,
comme nous le verrons en fon lieu.
Acide m rin avec les matières comhujlihles.
L'acide marin fumant, ou feulement fes va-
peurs , a une adion très forte & très marquée fur
les matières végétales & animales dans l'état na-
turel : il les détruit plus promptement que les au-
tres acides minéraux , & d'une manière fourde ,
fans les noircir comme l'acide vitriolique : il leur
donne une couleur jaune , comme le fait l'acide
nitreux : il les attaque dans toutes leurs fubftan-
ces , comme l'acide nitreux \ mais il n'a pas la
même adion fur les matières inflammables dans
l'état huileux.
Acide marin avec le phlogijîique, '
L'acide marin n'a point de difpofition pour s'u-
nir, foit par la voie fcchc, foit par la voie hu-
mide , au phlogiftique dans l'état charbonneux.
On ne connoit point de combinaifon de cet acide
avec la fubftance inflammable, comme on connoît
celle de l'acide vitriolique & celle de l'acide ni-
treux avec cette même lubftance. On ne fait ce
qui réfulteroit d'un mélange d'acide marin & de
fharbon en poiidre , diftillé jufqu'à iiccicé , ^ C\
ET RAISONNE E. Ip^
le charbon feroit décompofc comme il l'eft par
l'acide vitriolique.
L'acide marin n'a pas plus de difpofition pour
s'unir au plilogiftique dans le mouvement ignc.
Si l'on plonge un charbon ardent dans de l'acide
marin fumant, ce charbon s'éteint aulîi-tot,
comme s'il ctoit plongé dans toute autre liqueur
non inflammable. Il ne faut pas croire cependant
que cet acide n'a aucune affinité avec le phlogifti-
que : au contraire, je penfe qu'il en a une très
forte j mais il refte à trouver les moyens de com-
biner ces deux fubftances : elles doivent nécelfai-
rement produire une forte de foufre , comme le
font les autres acides : je penfe même que la Na-
ture le fait , quoique cette fubftance ne foit pas
çncore connue.
Acide marin avec la matière huiUufe,
L'acide marin paroît n'avoir que peu ou point
d'adion fur les fubftances huileufç s : il agit foi-
blement. On ne connoît pas , au refte , les chan-
gements & les altérations qu'il pourroit occa-
lîonner à ces fubftances , s'il étoit dans un plus
grand degré de concentration , que celui où l'on
a coutume de l'avoir. Nous verrons dans plulieurs
expériences, que , lorfqu'on préfente à l'acide ma-
rin certaines fubftances métalliques, il peut fe
concentrer con (idérablement , & que dans cet
état il produit fur les matières inflammables des
eftets peu diftérenrs de ceux de l'acide nitreux. Je
ne ferois point furpris qu'avec lui on parvînt, à
enflammer les matières huileufes , comme on le
fait avec de l'acide nitreux pur.
ïiv
1^6 ChyMIE tXPÉRrMENTALÏ
Obfervations fur l' Acide marin.
On a donné aufîîiiracicle marin le nom A' acide
du fel commun j parcequ'on le retire du fel marin
dont on fait ufage dans les aliments , 8c que ce
fel efl: fort commun dans la Nature.
Nous avons dit , en parlant fur l'origine des
terres calcaires , ce que nous peniîons im celle
du fel marin. Nous croyons que les propriétés que
nous venons de reconnoître à l'acide de ce fel ,
font analogues à fon origine : nous le fuppofons
formé dans l'eau par la réunion des principes fé-
parés des corps organifés qui fe détruifent : cet
acide participe beaucoup des propriétés de l'eau ,
puifqu'il a avec cette fubftance plus d'affinité que
les deux autres acides minéraux , & qu'on ne peut
l'avoir au même degré de concentration qu'eux
par les moyens ordinaires. Il paroît que les prin-
cipes qui compofent l'acide marin , font les mêmes
que ceux des autres acides , puifqu'il en a les pro-
priétés générales j mais il paroît, en même temps ,
que fon phlogiftique efl; dans un état moins pur
que dans les autres acides minéraux ; c'eft ce qui
diminue beaucoup (on aétion fur les matières hui-
leufes pures. Néanmoins , lorfqu'il eft dans le
plus grand degré de concentration où il puilTë par-
venir , il agit puifTamment fur les matières végé-
tales 5c animales , mais fourdement ôc fans faire
autant de fracas que l'acide nitreux. Il eft, à cet
égard , comparable au vinaigre qui agit foible-
ment fur beaucoup de fubftances , lorfcp'il eft
fort aqueux , Se qui agit puiiTamment 8c fourde-
ment fur ces mêmes fubftances , lorfque , par la
congélation , on l'a débarralTé de la plus grande
f)artie de fon eau furabondante , ou encore mieux
orfqu'on la féparé des combinaifons cerieufes ,
ET RAISONNES. I97
OU métalliques , dans lefquclles on l'a fait d'abord
entrer. Il en eft de mcme de l'acide marin : il ac-
quiert encore plus de force & d'adion , lorlqu'on
l'a pareillement fcparc des combinaifons métal-
liques : il fe dcbarralTe de (on eau furabondante
&c de fa matière inflammable plus grolliere qu'elle
ne l'eft apparemment dans les autres acides , pour
acquérir les propriétés d'un acide plus adlif & ,
par conféquent , plus pur.
Indépendamment de tout ce que nous venons
de dire , j'admets encore dans l'acide marin ,
comme dans les autres acides minéraux , une cer-
taine quantité de feu pur ou prefque pur. C'eil
a ce feu , à fa dofe &: d la manière dont il eft ar-
rangé , qu'on doit rapporter les différences qu'on
remarque entre lui ôc les autres acides : c'eft encore
a l'état de ce teu dans l'acide marin , qu'on doit
attribuer toutes fes propriétés cauftiques 8c diffol-
vantes , Se toute l'aélion qu il peut avoir fur les
matières qu'on lui préfente. Mais la Chymie &
la Phyfique ne font pas aflez avancées pour don-
ner une démonftration fatisfaifante fur la quan-
tité de feu , & fur l'état ou il fe trouve dans ces
différentes fubftances falincs.
Acide marin avec les terres calcaires.
L'acide marin dillout toutes les terres calcaire?
avec chaleur & effervefcence , Staufli facilement
que le fait l'acide nitreux : il s'en fature de mcme
fans le fecours d'aucune chaleur : il réfulte de
cette combinaifon un fel neutre déliquefcent ,
mais fufceptible de fe cryftallifer par le refroidif-
fement. On le nomme yè/ marin à hafe tcrreufc.
Expérience.
On met dans une cueurbite de verre la quan-
ic)$ Chymie expérimentale
tiré que l'on veut de marbre blanc caffé par petits
morceaux , ou réduit en poudre grolfiere : on verfe
par-deirus de l'acide marin y il fe fait aufîî-tôc
une tffervcfcence confidérablc. Le marbre fe dif-
fout mcmc à froid ; on facilite , fi l'on veut , la
dilTolucion , en plaçant le vailTeau fur un bain de
fable un peu chaud : lorfqu'il n'y a plus d'etfer-
vefcence , &c que l'acide eft parfaitement faturé ,
on filtre la liqueur au travers d'un papier gris : on
|a conferve dans une bouteille.
Remarques.
J'ai traité l'acide marin, comme les deux autres
acides minéraux , avec toutes les terres calcaires
dont nous avon's parlé précédemment. Leur ma-
nière de fe diffoudre dans cet acide a été abfo-
lument femblable à celle qu'elles ont préfen-
rée avec l'acide nitreux. Ces fubftances font des
(lalaétites, du moellon d'Arcueil, de la craie de
Champagne , du fpath calcaire , des coquilles
d'œufs , de la chaux éteinte à l'air , des crcmes ou
pellicules de chaux.
Il faut , pour diffoudre les coquilles d'œufs
dans cet acide , apporter les mêmes précautions
que nous avons indiquées en parlant de leur dif-
folution dans l'acide nitreux , à caufe du gonfle-
jiient.
La chaux s'échauffe davantas;e avec l'acide ma-
l'in, qu'avec l'acide nitreux.
Trente gouttes d'acide marin ordinaire ont été
faturées par huit onces d'eau de chaux j ce quis'efl
fait fans eifervefcence. Quelques jours après , le
mélange a dépofé un peu de matière terreufe de
couleur ambrée , qui enfuite eft devenue blanche.
La liqueur étoit fans couleur : elle avoit une lé-
gère faveur d'eau crue, mais qui a changé 5 elle
F. T RAISONNE E. Zç)<)
cft devenue un peu amere &: mordicante.
L'acide marin, en fe combinant avec les terres
calcaires , perd fa couleur Se fon odeur. Toutes
ces dilTolutions font fans couleur &c fans odeur :
elles ont toutes une faveur falce , amere Se pi-
quante. La dilTolution de moellon avoit une lé-
gère faveur métallique , à caufe du fer que cette
pierre contient.
Toutes ces dilfolutions , lorfqu'elles font nou-
velles, changent en verd la couleur du fyrop vio-
lât y mais environ trois mois aptes qu'elles font
faites , elles n'en changent plus la couleur , ni
celle de la teinture de rournefol.
Aucune terre calcaire , diffoure par l'acide ma-
rin , n'eft précipitée par une autre terre calcaire.
L'eau de chaux occafionne fur le champ un
léger précipité aux dillolutions de marbre blanc
6c de ftaladites. Ces précipités font en petits
cryftaux , comme ceux de fel fédatif fublimé.
L'eau de chaux n'a rien fait précipiter d'abord
des dilfolutions de moellon , de fpath , de coquil-
les d'œufs ] mais quelques jours après, elle aoc^
cafionné des précipites femblables aux précé-
dents, qui étoient aulli peu abondants.
Enfin , les dilfolutions de chaux , de craie , de
crcme de chaux , Se la combinaifon d'eau de
chaux Se d'acide marin , n'ont lormé avec l'eau
de chaux aucun précipité , même par le fcjour.
L'acide vitriolique concentre ou alfoibli par
trois fois (on poids d'eau , mclé avec toutes ies
dilfolutions de terres calcaires , laites par l'acide
marin , a occafionne aufii-tôt un précipité féléui-
teux , com.me cela arrive avec la dillolution de
ces terres par l'acide nitreux. L'acide vitriolique
dégage l'acide marin , Se s'unit à la terre calcaire :
il forme avec elle de la félénite , qui fe manifeftç
300 Chymie expérimentale
fous la forme d'un précipité , parceqii'elle ne peut
fe tenir en diirolution dans aulîi peu d'eau que
le fel marin à bafe terreufe.
Cryjlallïfaùon des f As marins à bafc terreufe.
On prend la quantité que l'on veut de l'une
ou de l'autre diirolurion de terre , faite par l'a-
cide marin. On la met dans une capfule de verre :
on la place fur un bain de fable': on fait évapo-
rer la liqueur, jufqu'à ce qu'en en prenant une
goutte au bout d'une fpatule d'ivoire , elle fe fige
par le refroidiflement. On laiffe le vailTeau fur le
fable, mais fans feu, afin que la liqueur refroi-
dilTe lentement : elle fe réduit en une ma fie jau-
nâtre , compofée de cryftaux enlacés les uns
dans les autres , fans figure déterminée : c'eft ce
«jue^l'on nomme fel marin à bafe terreufe calcaire,
R E M A R Q U E S.
Les fels marins à bafe de terres calcaires for-
ment des cryftaux folitaires, plus facilement que
les nitres à bafe terreufe , lorfque les liqueurs
des fels marins à bafe terreufe font évaporées
à quarante-cinq degrés , à mon aréomètre des
fels (i). Si on les enferme dans des bouteilles,
elles forment, par le refroidilfement , de gros
cryftaux folitaires nets , purs de bien tranlpa-
rents ; les uns font en grotfes aiguilles comme
les cryftaux de fel de glauber j les autres font en
groftes maftes fans figures déterminées. On dé-
cante la liqueur , ôc on fait égoutter le fel , en
appliquant le goulot de la bouteille fur un paquet
de papier gris , parceque fi on l'expofoit à l'air , il
( 1 ) Voyez la dcfcription de cet inftrument dans mes
Llérmnts ae PItaimacie,
î
fe cliargeroit de l'humiditc , & fe réfoudroit en
liqueur.
Le fel marin à bafe terreufe , expofc à une
douce chaleur , fe liquche & fe fige par le refroi-
ditTement, comme de la graifle. Si on le chauffe
un peu fort , il perd un peu de fon acide.
Ce fel attire puilTammcnt l'humidité de l'air,
& fe refont en liqueur. C'eft en vertu de cette
propriété qu'il ne peut cryftallifer que par le re-
rroidifrcment , Se point par l'évaporation. Ces
propriétés font communes au nitre à bafe terreufe,
^ viennent de la même caufe que nous avonç
expliquée précédemment.
Les différents fels marins à bafe terreufe , ex-
ofés fur les charbons ardents , bouillonnent &
è bourfouflent, lans décrépiter. Une partie de
l'acide fe dillîpe.
Aucun de ces fels ne peut admettre ni une
furabondance d'acide , ni une furabondance de
terre dans leur combinaifon. On peut bien les
mêler avec une furabondance de l'une ou de l'au-
tre fubftance ; mais ces fels s'en féparent en fe
cryftallifant,& deviennent parfaitement neutres.
La Nature fournit une très grande quantité de
fel marin à bafe terreufe calcaire. Nous en par-
lerons , lorfque nous examinerons l'eau de la
mer Se celle des puits Se fontaines falés.
Décompojîdon des fels marins à bafe terreufe ^
par l'aciion du feu.
Les différents fels marins à bafe terreufe fe
comportent à l'adion de feu , un peu différem-
ment que les différents nitres à bafe terreufe.
L'acide marin tient davantage à la terre calcaire.
Quatre onces de fel marm à bafe terreufe ,
fi^t avec le marbre blanc , mis en diftillation dans
301 Chymie EXPÉRIMÈNTALB
une cornue de verre , &c pouffé pendant trois heu-»
res au plus grand teu , ont fourni une once d'à-»
cide marin tort bon, fans couleur, ayant une
forte odeur d'eau rcgale : il a perdu cette odeur ,
en le fiifant chauffer légèrement dans un petit
matras. Il efl refté dans la cornue trois onces de
matière faline blanche en deffus , raréfiée , de
noirâtre en dcffous.
J'ai mêlé a la réfidence de la cornue , environ
trois onces d'eau. Le mélange s'eft échauffé à-peu-
,près au degré de l'eau bouillante : enfuite j'ai
étendu le tout dans une plus grande quantité
d'eau. La liqueur étoit trouble & noirâtre : je l'ai
filtrée : elle a paffé claire &c fans couleur : il efl
reflé fur le filtre la portion de terre que l'acide ,
paffé dans la diftillation , avoit abandonnée.
J'ai defïéché de nouveau cette liqueur , & j'ai
mis en diftillation le fel marin à bafe terreufe qui
en eft réfulté : je l'ai poufîé à la plus grande vio-
lence du feu , que la cornue qui étoit de verre
pouvoir fupporter fans fe fondre : je n'ai obtenu
qu'un peu de liqueur acidulé. La plus grande par-
xie de l'acide marin eft reftée opiniâtrement fixée
avec la terre.
La plupart des Chymiftes penfent que le fél
marin à bafe terreufe fe décompofe complette-
ment & facilement par l'adion du feu. On peut
croire que c'eft par analogie qu'ils ont raifonné
'ainfi. On a vu que le nitre à bafe terreufe avoit
beaucoup de faveur , &c qu'il étoit déliquefcent.
On a reconnu au fel marin à bafe terreufe la même
propriété : on en a conclu qu'il devoit fe décom-
pofer , comme lui , par l'action du feu ^ mais
ayant examiné cette matière plus attentivement ,
j'ai reconnu qu'il n'en eft pas de même de l'acide
■ marin : ces différences font fondées fur les j*fo-
HT R A I S O N N E E.' ^OJf
priétés de cet acide , qui ne font pas les mcmes
que celles de l'acide nitieux , &c fur les change-
ments que la terre calcaire éprouve pendant lef
diftillations des fels marins à bafe terreufe.
Lorfqu'on foumet à la dillation du fel marin a
bafe terreufe , fait avec de la terre calcaire dans
fon état naturel , la terre calcaire , quoiqu'unie à
l'acide marin , fe convertit en chaux vive. La por-
tion d'acide qu'on retire , eft celle qui précède ce
changement d'état. Lorfqu'elle eft une fois con-
vertie en chaux , elle ne permet plus à l'acide de
la quitter : l'acide eft fixé prefque autant que s'il
croit uni à de l'alkali fixe. C'eft la raifon pour la-
quelle on tire des fcls marins à bafe terreufe une
partie de leur acide, au commencement de la
diftillation. Pour m'en alfurer plus particulière-
ment, j'ai fournis à une femblable diftillation
quatre onces de fel marin a bafe terreufe , fait
avec de la chaux éteinte à l'air : j'ai poufle le fea
aufli fort que dans l'expérience précédente : j'ai
obtenu treize gros de liqueur claire, fans couleur,
fans faveur, d'une légère odeur empyreumatique ,
ne changeant point la couleur du fyrop violât, ni
celle de la teinture de tournefol : de i'alkali fixe
verfé dans une petite portion de cette liqueur , a
occafionné un léger précipité terreux. Il réfulte
de cette expérience, que le peu de fubftance qui
a palfé avec l'eau qui a diftillé , n'étoit point de
l'acide marin pur, mais du fel marin à bafe ter-
reufe en nature , qui a été enlevé à la faveur de
l'eau par la violence du feu. Il eft refté dans la
cornue une mafte à demi fondue , d'une couleur
citrine àfa furface , grife , blanchâtre à l'intérieur,
qui pefoit deux onces deux gros dix-huit grains;
ce qui fait cinquante-quatre grains de perte. En
dilToivant cette matière dans de l'eau , j'ai remar-
J04 Chymie expérimentale
que qu'elle s'ell échauffée i-peu-piès à foixanre 8C
dix degrés : elle exhaloit une odeur empyreuma-
tique. J'ai varié cette expérience de la manière
fuivante.
J'ai mêlé deux onces de fel marin à bafe ter-
reufe , fait avec de la chaux , 8c deux onces de
fel marin très pur à bafe d'alkali minéral. J'ai fou-
rnis ce mélange à la diftillation : il a paffé neuf gros
de liqueur qui avoir une légère odeur d'acide ma-
rin , laquelle rougifloit foiblement les couleurs
bleues de la teinture du tournefol &c dufyrop vio-
lât. Cette liqueur ne faifoit rien avec l'alkalifixe;
mais elle précipitoit en blanc un peu de mercure
diflous dans de l'acide nitreux. Il eft refté dans la
cornue une malle grife blanchâtre ', qui s'efl:
échauffée beaucoup en la diffolvant dans l'eau.
J'ai répété ces expériences avec de l'huile de
chaux, évaporée au même point (i) , qui s'eft
comportée abfolument de la même manière.
J'ai expofé à l'aclion du feu , dans des creufets
avec le concours de l'air , de tous les fels marins
à bafe terreufe dont je viens de parler : tous ont
perdu beaucoup plus de leur acide , que lorfqu'ils
etoient dans des vaifTeaux clos ; mais aucun n'a
été décompofé complettement. Quelque degré
de force que l'on ait donné au feu , & quoiqu'il
ait été continué pendant plufieurs heures , les
réfldus contenoient toujours une portion de fel
marin à bafe terreufe non décompofé , que je fé-
parois des réfidus par folution Se filtration.
Je penfe néanmoins que, fi l'on expofoit ces fels
à un feu beaucoup plus fort que je ne l'ai fait , tel
( I ) Voyez Huile de chaux : c'eft le fel marin à bafe ter-
reufe , qu'on fépaie du caput mortuum de la dccompofition
du fel ammoniac par la chaux.
qu'un
ET raiscJ^i'îÈe; 30^
iqu'iin feu de verrerie , on feroit dillîpcr entière-
ment l'acide marin , fur- tout fi l'on crendojr ces
fels fort mince j mais il réfulte toujours de ce
giie nous venons de dire , que l'acide marin fé
fixe davantage dans les terres calcaires, que l'acide
hitreux.
Sel marin à hafc terrcufc avec de la glacé.
On ne cohnoît point les effets de ce fel avec
la glace , ni les degrés de froid qu'ils produi-
roient \ mais il eft à prélumer qu'ils occafionne-
roient beaucoup de froid.
Acide marin & Acide vitriolique.
Lorsqu'on mêle de l'acide marin avec de l'a-
cide vitriolique concentré , il fe produit de là
chaleur , parceque l'acide marin bien concentré
eft toujours fort aqueux , relativement à l'acide
vitriolique concentré. On ne connoît f oint les
propriétés de ce mélange.
Acide marin avec lefoufre.
On ne connoît point l'adtion de ces fubftancc^
l'une fur l'autre , ni ce que ce mélange produiroit;
Acide marin avec le foie de foufre terreux.
L'acide marin , comme acide , décompofe le
foie de foufre terreux : il s'unit à la terre &: à la.
matière faline de la chaux , & fait précipitet lé
foufre. Ce foufre , lavé &: féché , fe trouve fem-
blable à ce qu'il étoit auparavant. L'acide mariri
fe comporte , à cet égard, comme les autres
acides.
Tome L V
305 ChYMIE EXPf RIMENTALl
u4cide marin avec le gypfe»
L'acide marin froid n*a aucune adion fur les
fubftances gypfeufes : lorfqu'il efl: chaud , il pro-
cure à l'eau la propriété d'en dilTondre une plus
grande quantité, fans que cet acide fe combine
avec ces fubftances. On obtient par fon moyen
<Jes cryftauxdefélénite j feulement plus gros qu'a-
vec de l'eau pure.
J'ai mis dans un matras huit onces d'eau , &
un gros &: demi d'acide marin (i) : ce mélange
bouillant a dilfous avec effervefcenco vingt-quatre
grains de gypfe réduit en poudre fine : l'eau en
ctoit faturée j mais ayant ajouté une pareille quan-
tité d'acide marin , la même eau a diffous encore
autant de gypfe. L'albâtre a préfenté les mêmes
phénomènes avec l'acide marin.
J'ai mis ces dilTolutions dans de petits fceaux
de verre, &: couverts de papier, pour garantir
les liqueurs de la pouftiere j elles ont formé des.
cryftaux aiguillés de la longueur de trois ou quatre
lignes , & d'une belle couleur jaune dorée. Ces
cryftaux, mis égoutter fur du papier gris, fon t deve-
nus très blancs & parfaitement neutres , & n'ayant
rien retenu de l'acide marin. L'acide vitriolique,
verfé fur ces cryftaux, ne dégageoit aucunes va-
peurs d'efprit de fel.
La dilfolution de ces cryftaux n'altéroit point
les couleurs bleues du fyrop violât, &de la tein-
ture de tournefol : ils étoient de la félénite aiiiE
pure qu'avant toutes ces opérations.
( I ) Cet acide pefe une once 60 grains dans une boa^
teille qui contient une once d'eau.
ET R A ï S O N N i E. ^Cl
Acide marin & Acide nitreux.
L*acide marin &: l'acide nitreux fe mclent &:
s'unilTent très bien enfembledans toutes propor-
tions. Il ell: enfuite impolîible de les fcparer Tuii
de l'autre fans intermèdes, parcequ'ils ontà-peu-
près le même degré de volatilité. Ce mélange
Forme un acide mixte que l'on nomme eau régale ^
qui a des propriétés particulières & différentes des
deux acides pris féparément. Nous aurons occa-
iîon de faire connoître les propriétés de l'eau ré-
gale : ainfi nous ne dirons rien de plus , quant a
préfent, fur ces propriétés, ni fur les dofes des deux
acides , c]u'on fait varier luivant Tufage qu'on en
veut faire. Le nom à^eau régale a été donné à ce
mélange , à caufe de la propriété qu'il a de dif-
•foudre for que les Alchymiftes ont nommé le
Roi des métaux.
Sur C Acide •végétal.
Entre les différents acides que fournit le règne
végétal, nous ne nous propofons d'examiner,
quant a prelent , que celui que 1 on nomme vi-
naigre : il eft produit par latermefttation acéteufe.
Nous fuppolons cet acide pur, comme fî la Na-
ture le rourniffoit ainfi, de même que nous l'a-
vons fait à l'égard àes acides mméraux. On dif-
tille cet acide pour le débarraffer des matières co-
lorantes & extraétives. Nous dirons , enfon lieu ,
comment cet acide eft produit , ôc comment on
le diftille : nous le fuppofons ici tout diftillé.
Le vinaigre diftillé eft blanc, fans couleur.
11 a une odeur Se une faveur acide agréable.
Il eft prefque auflî pefant que de l'eau.
Il eû^ conftamment fous une forme liquide ï
Vij
5*58 ChYMIE ÏXPÉRIMENTAtl
" du moins jufquVi prérenc , a t-il cré impolîîble dc
l'avoir fous une torme conciette.
Il rougit les couleurs bleues des végétaux »
comme les acides minéraux.
Plnaigre expofé au feu.
Le vinaigre déjà diftillé , foumis de nouveau à
la difbllarion , foit dans une cornue, foit dans
un alambic de verre, fouffre une forte de con-
centration, bien légère à la vérité : ce qui palTe au
commencement e(l plus aqueux que ce qui dif-
tille fur la hn. 11 refte toujours au fond du vaif-
feau un peu de matière extradtive , ou qui a
monté dans la première diftillation , ou qui pro-
vient d'une portion de vinaigre qui a été décom-
pofée pendant cette dernière opération. Cet acide
«ft infiniment plus volatil que les acides miné-
raux.
Vinaigre expofé à l*alr.
Cet acide eft tellement aqueux , qu'au lieu
d'attirer l'humidité de l'air , comme le font les
acides minéraux, il s'évapore en entier, & ne
laiffe qu'une tache de matière extraélive , comme
lorfqu'on le foumet à la diftillation.
Vinaigre concentré à la gelée.
Mais lorfqu'on expofe le vinaigre à un froid
de plufieurs degrés au-delfous du terme de la
congélation , l'eau fe gelé, mais non la partie aci-
de : on fépare la glace qui s'eft formée : on la met
égoutter lur un tamis toujours au même degré de
froid : on la jette comme inutile. Cette première
glace ne fe trouve être que de l'eau \ du moins
^Ue contient une fi petite quantité d'acide, qu'elle
ÏT RAIS ON Nil. 509
iie mérite aucune attention. On expofe de nou-
veau le même vinaigre à un plus grand froid : la
partie aqueufe fe gelé encore : on fcpare de
nicme la glace ; mais on la met a part , parce-
qu'elle retient dans fes interftices une certame
quantité de vinaigre qu'il ell bon de ne pas per-
dre. On continue d'expofer ainfi de fuite le mcme
vinaigre à de plus grands froids, jufqu'àce qu'il
refufe de fe celer davantage : il refte enfin un vi-
naigre très acide &c très fort : c'etl ce que l'ou
nomme vinaigre concentré à la ^déc*
Remarques.
Cent pintes de vinaigre diftillc qu'on expofe
ainfl au froid , rendent environ quatre ou cinq
pintes d'acide végétal très fort , après avoir éprou-
vé un froid naturel de dix degrés au-deffous du
terme de la congélation. Néanmoins cette quan-
tité peut varier ; cela dépend du degré d'acidité
où étoit le vinaigre avant qu'on le fournît au
froid , &" du degré de froid qu'il a fait pendant
la congélation.
Lorfqu'on expofe une première fois le vinaigre
à un grand froid , il s'en gelé une trop grande
cjuantité en mcme temps. La partie acide non
gelée refte interpofée dans la glace ; ce qui fait
un déchet confidérable : il eft bon de contenir le
vinaigre dnns des cruches bouchées d'un pnpier ,
afin qu'il fe ù(re moins de perte. Lorlque le vi-
naigre eft expofe à l'aélion du fioid dans des ter-
rines de grès , & qu'il préfente beaucoup de fur-
face à l'air , il fe gelé un peu mieux à la vérité,
mais il s'en évapore beaucoup par l'âpreté du
froid : c'eft ordinairement le plus fubtil &c le plus
fpiritueux qui fe diilipe.
■^'lO ChYMIE EXPERIMENTALE
Le vinaigre fe concentre très bien par ce pro-
cédé. La partie acide fe trouve rafTemblée fous
un plus petit volume. Le vinaigre , parvenu à ce
point de concentration , a plus d'adiion que le vi-
naigre feulement diftillé : il agir, dans pluficurs
occalîons , d'une manière fourde , comme l'acide
marin. On connoît fort peu les propriétés de ce
vinaiçrre ainfî concentré. On peut l'obtenir en-
core plus concentré, en expofant ce même vinai-
gre à un froid artificiel , plus grand que le naturel
qu'il a éprouvé.
p^inaigi^ avec de l'eau.
Cet acide fe mêle très bien avec l'eau fans pro-
duire ni froid , ni chaleur , ni effervefcence : ce
qui n'a rien de furprenant, puifque cet acide efl
fort aqueux. On peut enfuite lui enlever , par le
moyen de la congélation , l'eau qu'on lui a ajou-
tée , comme nous venons de le dire.
Vinaigre mêlé avec de la glace.
Deux gros de vinaigre diftillé , avec demi-
once de glace pilée , ont produit un degré de
froid , la température étant à fept degrés au-def-
fous de la glace.
Le vinaigre concentré à la gelée , employé a
la même dofe , &; avec la même quantité de glace,
a fait bailfer la liqueur du thermomètre de qua-
tre degrés.
Vinaigre avec de la terre vitrifiahle.
Le vinaigre n'a aucune adlion fur les terres vi-
trifiables , quelque divifées qu'elles foient par
les moyens méchaniques. Nous verrons , par la
Viv
ET RAISONNÉ E. 31I
fuite, que , lorfque cette terre efl: même divifée
thymiqiiement , le vinaigre n'a encore que très
peu d'adion fur elle.
yinaigre avec les madères combuJlibUs,
Le vinaigre n'a pas fur les matières combufti-
bles l'adion des acides minéraux. Il açit d'une
manière plus douce , à-peu- près comme le fait
l'eau , parcequ'il eft fort aqueux. On s'en fert
dans plufieurs occafions , comme menllrue, pour
extraire ou pour dilfoudre certaines fubftances
qu'il peut attaquer. Nous aurons occafion d'en
parler dans le cours de nos expériences.
f^ina'igre avec le phlogijlique.
Le vinaigre n'a aucune difpofition pour s'unir
avec le phlogiftique : cela vient de ce que cet
acide eft tort aqueux. Peut-ctre que fî l'en par-
venoit à le concentrer au même degré où font or-
dinairement les acides minéraux ,on parviendroic
à produire une forte de foufre j comme on le fait
avec les autres acides.
Vinaigre avec la matière huileufe.
Le vinaigre paroît n'avoir pas plus d'adion fut
les matières huileufes, que de l'eau pure \ mais on
ne fait quelle feroit fon adion fut ces fubftances,
s'il étoit bien concentré.
Vinaigre dijiillé avec les terres calcaires.
Le vinaigre diffout toutes les terres calcaires
avec effervefcence : il s'en charge Jufqu'au point
de faturation , & il torme avec elles des fels qui
fe cryftallifent , & qui n'attirent point l'huniidité?
VlY
5ii Chymie expérimintalï
4e l'air. Ces fels poitent le nom général àe'fe^
fcéicux terreux , & en parriculier celui de l'efpece
^e rerre que l'on a employée j comme/"^/ de craiSy
4e marbre blanc ^ d'yeux d'écreviJJ'es, de corail^ &cc.
On met dans un matras du marbre blanc en
poudie : on verfe par-defTus du vinaigre diftillé :
il fc^ fait aulîi-tôt une effervefcence : lorfqu'elle eft
un peu appaifée , on place le vaifleau fur un bain
de fable chaud , pour accélérer la diflTolution.
Loifque le vinaigre celîe d'agir, & qu'il eft fa-
turé , on filtre la liqueur , & on la garde dans
une bouteille. Cette dilTolution ell d'une légère
couleur ambrée. J'ai fait dilToudre plufieurs
pierres de terres calcanes dans le vinaigre diftillé.
Je vais rendre compte des phénomènes qu'elles
ont préfenrés.
De la craie de Champagne, diffbute dans cet
acide , a formé une diffolution femblable à la pré-
cédente , ôc qui avoit la même couleur.
Du moellon d'Arcueil a formé une dllfolution
plus ambrée que les précédentes , parceque cette
pierre contient un peu plus de fer.
Du fpath calcaire s'eft diffous plus prompte-
ment dans cet acide, que les matières précédentes.
La dilTbhition , avant d'être farurée , éroit citrine,
à raifon du fer que cette pierre contient j mais
lorfqu elle a été faturée complettement , elle a
dépofc un peu d'ochre. La liqueur n'avoir qu'une
légère couleur ambrée.
Des ftaladites calcaires dr'Arcueil fe font dif-
foutçs avec les mêmes phénomènes. Cette dif-
folution , bien faturée , étoit prefque fans cou-
leur.
Des coquilles d'œufs fe font très bien diiToures.
La diirolution n'avoit aucune couleur.
La chaux, éteinte à. l'air, s'eft dilToute avec
IT RAISONNE E. $1$
vive effervefcence. Le vinaigre s'en eft faturé fans
le fecours de la chaleur. Cette dilToliuion étoit
d'une légère couleur ambrée.
Les pellicules ou crème de chaux fe font très
bien diilbutes dans cet acide. Cette dilToIution
ii'avoit prefque point de couleur.
Six gros de vinaigre diftillé ont été fatarés par
vingt onces d'eau de chaux. Le mélange s'eft tait
fans eftervefçencç fenfible. La liqueur etoit fans
couleur.
Toutes ces difTolutions , bien faturées , ont la
même faveur : elle eft amere , acerbe Se un peu
inordicante. La faveur de la dilTolution de chaux
étoit moins forte, §c la liqueur de la faturation
de l'eau de chaux étoit encore plus foible. Sa fa-
veur approchoit beaucoup de celle de l'eau crue
des puits de Paris.
Au bout de quatre mois , il s'eft formé à la fur*
face de ces dilfolutions une moifiirure fans odeur
de putréfaction , à l'exception cependant de la
diftolution de pellicules de chaux , qui ne s'eft
point moitié. Elles ont toutes perdu confidéra-
blement de leur faveur piquante.
Lorfque ces dilTolutions font nouvellement
faites , elles font prendre au fyrop violât & à la
teinture de tournefol une couleur purpurine qui
pafte à la couleur de feuille morte ^ mais lorf-
qu elles ont été expofées à l'air , feulement trois
ou quatre jours , elles n'altèrent plus les couleurs
de ces végétaux.
J'attribue cet effet à ce que j'ai remarqué pen-
dant la faturation du vinaigre avec les terres cal-
caires. Il fe dégage une vapeur acide très vola-
tile , comparable pour la force à l'acide fulfureux
volatil , &: qu'on pourroit nommer acide fulfureux
végétal. Cette vapeur eft un peu adhéiente à U
514 Chymii EXPÉRIMENTAIÏ
liqueur , fans être combinée. Lorfque les diiïô-
lutions font nouvelles , elles font imprégnées de
cet acide fubtil : il agit fur les couleurs bleues
des végétaux , comme l'acide vitriolique fulfu-
reux : il les rougit d'abord , & les fait palTer à la
couleur de feuilles mortes. Lorfqu'on expofe ces
difTolutions à l'air libre , cet acide volatil fe dif-
fipe entièrement.
Aucune terre calcaire ne décompofe ces diffo-
lutions, & n'en fait point précipiter la terre.
L'eau de chaux ne précipite que des atomes de
matière terreufe de toutes ces dilfolutions.
L'acide vitriolique pourroit bien décompofef
tous ces fels acéteux terreux.
Je n'ai point effayé ce que feroient les acides
nitreux de marins fur ces diffolutions.
Cryjiallifation des fels acéteux , terreux-calcaires.
J'ai diftribué féparément dans des féaux de
verre , des portions de toutes ces dilfolutions de
terres calcaires , faites par le vinaigre diftillé. Je
les ai recouvertes d'un papier pour les garantir de
la poulîiere : elles ont toutes fourni des cryftaux
par une évaporation fpontanée: ces cryftaux , qui
font de la plus grande beauté , font fort fujetsà
grimper le long des parois des vailTeaux. Lorf-
que la liqueur dans laquelle ils fe forment, eft
peu évaporée , ils ralfemblent en quelque forte i
des épis de feigle. Lorfqu'au contraire on lailfe
évaporer la liqueur à l'air libre , la furface du fel
eft hérilfée de grumeaux femblables à des choux-
fleurs , fous lefquels on trouve des cryftaux en
épis , qui font toujours foyeux & moirés.
J'ai mis en diftillation dians une cornue de
verre huit onces de fel acéteux-calcaire , fait avec
ET RAISONNE!. ^IJ
des coquilles d'œiifs. Il a palTé , en vapeurs blan-
ches , deux onces fept gros de liqueur rouiïe très
fpirirueufe, très inflammable, & ayant l'odeui:
de l'éthèr végétal , mais empyreumatique.
11 eft relté dans la cornue une matière terreufe
noire , légère & charbonneufe , pefant quatre
onces trois gros. Il s'eft fait fix gros de perte pen-
dant la diftillation.
J'ai mis la liqueur en redification dans une
petite cornue au ien de lampe avec un feul lumi-
gnon : il a pafle d'abord une once de liqueur très
Ipiritueufe , inflammable , d'une légère couleur
ambrée , &c que j'ai féparée : il a pafle enfuite une
liqueur blanchâtre laiteufe , fur laquelle on re-
maïquoit quelques gouttes d'huile aflez blanche.
11 eft refté dans la cornue une once deux gros de
liqueur roufle , fur laquelle nageoir environ un
gros d'huile noire , épaifl~e comme de la térében-
thine.
Toutes ces liqaeurs rougifl~oient la teinture de
tournefol. La première blanchilToit avec Teau.
Nous verrons, en fon lieu, que l'alkali fixe,
traité de mcme avec du vinaigre diftillé , donne
des produits abfolument contraires.
Sel acéteux-calcaire avec de la glace.
On ne connoît point les effets que produirolc
ce fel avec de la glace.
Sel acéteux-calcaire avec dufoufre.
On ignore également les effets de ce fel fur le
foufre.
yinaïgre & acide vitrioUque dijlillés enfemhle.
J'ai mêlé enfemble , dans une cornue de verre ,
|itf Chymie expérimentale
deux livres d'acide vitriolique concentré, Se aiï*
tant de vinaigre rouge ordinaire. Ces liqueurs fe
font échaufFces à-peu près autant que de l'eau
qu'on mêle avec de l'acide vitriolique dans les
mêmes proportions. Pendant ce mélange, il s'eft
élevé des vapeurs blanches qui avoient une odeur
Tuave de vinaigre. J'ai fournis ce mélange à la
diftillation au bain de fable que j'avois chauffé
auparavant. Lorfqu'il y a eu une certaine quan-
tité de liqueur de di'tillée , le mélange de la cor-
nue s'eft raréfié : il a pafTé beaucoup de vapeurs
blanches , mais point élaftiques. J'ai déluté le
ballon : j'ai obtenu quinze onces fix gros de li-
queur acide , ayant une odeur très agréable ,
étant légèrement fulfureufe &non empyreumati-
que; ce à quoi le vinaigre eft ordinairement fuj et -
lorfqu'on le diftille feul.
J'ai adapté un autre ballon à la cornue, & j'ai
continué la diftillation pour tirer encore feize
onces de liqueur. La matière fe gonfloit avec la
plus grande facilité j ce qui obligeoit de ménager
le feu avec, beaucoup de foin. La liqueur a enfin
çelfé de fe raréfier : il s'eft dégagé beaucoup de
vapeurs blanches qui fe condenfoient difficile-
ment. La liqueur qui a diftille étoit fans couleur j
mais elle avoir une forte odeur d'acide fulfureux
volatil : elle avoir aufti une faveur infiniment
plus acide que la première liqueur : on rçmar-
quoit à fa furtace une pellicule graffe , qui a dif-
paru dans l'efpace de quelques jours. 11 eft refté
dans la cornue une livre treize onces d'acide vi-
triolique noir, femblablç au réfidu de l'éthèi; vi-^
triolique.
Vinaigre & acide nltreu»..
Oïl peut préfumer que l'acide nitteux, qui %
KT RAISONNE E. Hf
beaucoup d'a6tion fur les matières inflammables >
procureroir au vinaigre des changements d'une
nature différente de ceux de l'acide vitrioliqne ,
& relatifs à fa manière d'agir fur ces fubftances.
Mais il n'y a aucune obfervation de faite fur cette
combinaifon.
Vinaigre & acide marin.
Il en eft de même de l'acide marin. On ne con-
noît nullement fes effets fur le vinaigre.
Vinaigre avec le foufrL
Les effets & l'adion du vinaigre , pris dans dif«
férents états , fur le foufre , lent pareillement
ignorés.
Vinaigre avec le foie de fûufre terreux.
Le vinaigre décompofe le foie de foufre ter-
reux , comme le font les acides minéraux : il s'u-
nit à la terre & à la matière faline de la chaux ,
€n faifant précipiter le foufre.
Vinaigre & gypfi'
Le vinaigre diftillé & bouillant ne difTbut pas
mieux ni en plus grande quantité le gypfe & les
fubftances gypfeufes, que ne le fait l'eau pure &:
touillante.
Sur Valkali fixe végétal.
L'alkali fixe eft une fubftance faline qu'on fc-
pare des cendres des végétaux. Nous le fuppofe-
rons ici tout purifié , comme fi la Nature le pro-
duifoit ainfi. Nous parlerons par la fuite des
moyens qu'on emploie pour fe le procurer.
Les Chymiftes ont fouvent agité cette quef-
3l8 ChYMÏE IXPÉRIMENTAtl
lion: La Nature produit-elle cette fubilance fa-
line , ou cette fubllance eft-elle un produit du
feu ? Nous avons déjà dit notre fentimentfurcet
objet, en examinant les matières falines en gc-
îiéral ; ôc nous tcpctons ici que la Nature forme
l'alkali fixe direélement par la voie humide de par
la voie feche , fuivant les circonftances : mais il
paroît que la plus grande quantité de ce quiexifte
dans la Nature , fe produit journellement par la
voie humide.
11 eft à préfumer que l'alkali fixe efl: compofc
des mêmes fubftances que les acides , mais diffé-
remment arrangées , de dans des proportions di-
yerfes. Les propriétés que nous reconnoîtrons
à ce fel nous font préfumer que le principe du
feu , qui eft de l'enence de cette fubftance fa-
line , n'eft pas aulîi pur que dans les acides mi-
néraux : c'eft vraifemblablement la caufe pour la-
quelle l'alkali a moins d'adion fur les matières
inflammables. Le principe terreux réfide en plus
grande quantité dans ce fel , que dans les acides,
C'eft encore pour cette raifon qu'il eft moins pro-
pre à fe combiner avec les corps inflammables. Il
a avec l'eau une moindre aflinité que n'en ont les
acides j mais il en a beaucoup avec la terre par la
voie feche : il contrade avec elle des combinai-
fons très fortes ôc très intimes. Nous reconnoî-
trons mieux toutes ces propriétés de l'alkali dans
le détail des opérations.
L'alkali fixe eft fous une forme feche ; ce qui
indique d'abord qu'il entre dans fa compofition
une plus grande quantité de terre, que dans celle
des acides.
11 eft d'un blanc mat, &: n'affede aucune figure!
particulière.
Il eft fans odeur lorfqu'il eft parfaitement pur.;
ST RAISONNÉ 1. ^itf
Il a une faveur acre , cauftique & brûlante , Se
développe dans la bouche une odeur urineufe.
Cette propriété cauftique , qui eft femblable à
celle du feu , nous indique que l'alkali contient
une certaine quantité de teu pur ou prefque pur ,
qui lui eft uni, comme il Teft dans les acides,
puifque l'alkali agit comme eux fur les matières
animales. L'odeur urineufe qu'il développe, vient
encore de fa grande aétion fur la fubftance de la
langue : il agit en la dctruifant , & en dégage une
fubftance qui eft de l'alkali volatil , comme nous
le dirons en fon lieu.
L'alkali hxe verdit les couleurs bleues desvé -
géraux , tels que le fyrop violât. Sec.
Alkali fixe expoféaufeu.
L'alkali fixe a beaucoup plus de fixité au feu, que
tous les acides : il eft en état de fupporter la plus
grande violence du feu dans des vaifleaux clos ,
lans s'élever : mais lorfqu'il a communication
avec l'air, & qu'il éprouve l'adlion immédiate du
feu , fon phlogiftique entre véritablement en
combuftion : alors l'alkali fe diflipe en vapeurs
blanches très épaiftes, qui affedlent finguliére-
ment le cerveau : il fe réduit encore plus prompte-
ment en vapeurs lorfqu'il a en même temps un
contact immédiat avec le phlogiftique embrafé :
il n'entre en fufion qu'après avoir rougi.
On met dans un creufet la quantité que l'on
veut d'alkali fixe : on le place dans un fourneau
entre des charbons ardents : o\\ couvre le creufet
avec un couvercle de terre , pour empêcher les
charbons d'y entrer. Lorfque le fel eft fondu , on
le verfe dans un mortier de fer un peu échauffé :
il coule comme une liqueur : il forme, après qu'il
jî© Chymie expérimentale
efl: refroidi, une maiïe blanche verdâtre très dure î
on le pulvérife de on l'enferme pendant qu'il eft
chaud , dans une bouteille qu'on bouche bien.
La couleur verdâtre que l'alkali prend dans
cette occalion , vient d'une portion de phlogifti-
que qui s cil développée pendant lafuflon. Lorf-
qu'il eft fondu, il exhale une fumée blanche : il
fe dilîîperoit entièrement fi on le laiffoit trop
long-temps au feu. Il eft de la plus grande im-
portance de prendre garde que le mortier foit
bien fec lorfqu'on coule ce fel : s'il contenoit la
moindre humidité , elle feroitfubitement réduite
en vapeurs très dilatées , & occafionneroit une
explofion des plus bruyantes , en jettant au loin
le fel fondu. Cette remarque eft générale pour
toutes les matières en fufion. On doit avoir la plus
grande attention de ne jamais les couler dans des
vailTeaux humides.
En examinant les propriétés du principe ter-
reux, nous avons vu qu'il étoit abfolument fixe*
Comme cette matière faline a beaucoup plus de
fixité que les acides , nous pouvons conclure en
toute fureté , qu'elle contient beaucoup plus de
principe terreux que les acides.
Alkalïfixe expofé à l'ai té
L'alkali fixe fe charge puiflamment de l'humi-
dité de l'air, & fe refout en liqueur. Comme
l'alkali fixe le plus pur fe tire du tartre , on le
nomme , lorfqu'il eft ainfi réfous en liqueur ,
huile de tartre par défaiiîance , & alkali tombé
en ielïquLum. Ce nom d'huile eft impropre. L'al-
kali fixe n'a rien d'huileux. On ne lui a donné
ce nom, qu'à caufe de fa confiftance qui approche
un peu de celle de l'huile fluide. Pour le prépa-
rer ainfi :
On
fT RAISONNA i; jiî
X^n met du fel alkali dans des vafes de grès
tùu de verre , larges & plats : on les expofe à la
cave , ou dans tout autre endroit humide : lorf-
que ce fel eft réfous en liqueur , on le filtre , &
on le conferve dans des bouteilles qu'on bouche
avec des bouchons de liège , ou encore mieux
avec des bouchons de verre.
Ce moyen de préparer l'huile de tartre a des
inconvénients, à caufe dclapouHîere qu'elle ra-
malTe : elle fe charge aulli des fabftances réduites
en vapeurs dans l'air, qui altèrent fa pureté. 11
Yaut mieux la préparer de la manière fuivante.
Alkali fixe mêlé avec de l'eau.
On met dans une terrine de grès de l'alkalî
fixe defféché : on verfe par-deiTus environ Çon
poids égal d'eau : on agite le mélange avec une
fpatule : il fe produit une chaleur de foixante de-
grés lorfque l'alkali eft bien (qc : elle eft moindre
lorfqu'il n'a pas été bien deflcchc. Lorfque l'al-
kali eft entièrement dilfous, on filtre la liqueur,
& on la conferve dans une bouteille. Dans cet
état, il eft fans couleur & fans odeur, lorfqu'on
a fait choix d'un alkali bien pur j mais il a tou*
jours une faveur acre , cauftique 6i. brûlante.
R E M A R Çl U K S.
L'alkali fixe contient de la terre par furabon-
dance : celle qui conftitue fon elTence ne lui eft
pas unie aufii intimement qu'elle l'eft dans les
acides ; du moins on en fcpare , facilement &
promptement, une certaine quantité : il fuffit de
Faire dilfoudre dans de l'eau &c de faire defle-
cher plufieurs fois de fuite le mcme alkali fixe :
on en iépare chaque fois une quantité fort confi-
Toine I, X
412. Chymie expérimentale
dérable de terre blanche , fans que l'alkali percîe _^
fes propriétés. J'ai gardé nombre de fois , dans des
flacons bouchés de cryftal , de l'alkali fixe très
pur en liqueur : il a toujours dépofé une plus ou
moins grande quantité de terre blanche. Jepenfe
que cet effet vient , dans l'un &c dans l'autre cas,
d'une véritabre décompofition de l'alkali , de de
ce que (es principes font bien moins unis entre
eux (|ue dans les acides. Je penfe aullî que ces
phénomènes viennent de ce que la portion de feu
prefque pur , auquel il doit fes propriétés falines,
fe dilîipe , ôc qu'ait fe fépare de la terre dans la
tnême proportion : il peut fe décompofer, en
grande partie , par ces moyens fimples , ôc acqué-
rir même plus de caufticité , fur-tout en ne le
faifant point calciner à chaque defiiccation , afin-
de ne point détruire la matière phlogiftique dont
il abonde , ôc qui fert à mieux fixer les parties de
feu. Si au contraire on le calcine chaque fois
qu'on le fait defifécher, on brûle la matière phlo-
giftique qui s'étoit concentrée dans les deiîicca-
tions précédentes, ôc on occafionne la fépara-
tîon d une plus grande quantité de terre : la por-
tion de terre qui fe fépare , eft proportionnée à la
quantité de feu principe de l'alkali qu'on a fait
difiiper , parcequ'il y a réellement une partie de
ce fel qui eft décompofée complettement : il eft
facile de s'en appercevoir par le poids de l'alkali
reftanr , qui eft moindre qu'auparavant : ce fel fe
trouve dans le mcme état qu'il étoit avant ces
opérations : on peut le décompofer fucceftive-
ment, ôc même aftez promptement, en faifant
difiiper le feu ôc l'air qui lui fervoient de princi-
pes conftituants : à la fin de ces opérations, on re-
cueille à part l'eau ôc la terre qui font les autre^^
principes de ce fel.
î T Pv A I S O N N i E. 3ij
Il en eO: de mcme àe Teau de chaux : elle perd
jpar le fcjour toute fa faveur : les pellicules de
chaux n'ont plus de faveur. Tous ces eftets vien-
nent de la nicmc caufe. Il n'y a ni dans l'eau de
chaux , ni dans les pellicules , alTez de matière
phlogiftique pour fixer les parties de feu ; n-.ais fi
l'on ajoute à l'eau de chaux , comme je l'ai fait,
une matière phlogiflique , dans un état convena-
ble , tel que de l'efprÏL devin , pour qu'elle puilTe
s'unir aux principes de l'eau de chaux ; alors, au
lieu de perdre de fa caufticitc par le féjour, elle
ien acquiert confidérablement. Ces phénomènes
nous prouvent , de plus en plus, que les parties
de feu qui font la caufticité des matières falines,
ont befoin d'être unies par une dofe fullifante de
phlogiftique, &c dans un état convenable j car
une plus grande dofe de fubftance de cette na-
ture tait perdre au fel alkali toutes fes proprié-
tés cauftiques , comme nous le verrons en parlant
de l'alkali phlogiftique pour le bleu de PrulTe.
Quant à la terre qu'on fépare de l'alkali fixe
dans ces différentes opérations , je me fuis bien
convaincu qu'elle eft de nature vitrifiable , &
qu'elle en a toutes les propriétés: mais il ne f^iuc
pas croire , comme je l'ai déjà dit, qu'elle foit
dans les fels fous l'état calcaire j je penfe, au
contraire , que lorfqu'elle en fait partie , elle y
eft dans un état moyen entre les terres calcaires
6>c les terres vitrifiables : je penfe encore qu'elle
ne peut fe féparer des combinaifons llilines , que
lorfqu'elle eft parvenue à l'état de terre vitrifia-
ble pure, «Se lorfqu'elle s'eft- dépouillée de l'air,
du phlogiftique îk du principe aqueux , qui la
conftituoient plus ou moins terre calcaire.
D'après tout ce que je viens de dire , je crois
qu'on pourroit décompofer complettement une
X ij
'514 Chymie expérimentale
quantité donnée d'alkali fixe , d'une manière fort;
limple. Il fuffiroit, pour cela, de faire digérer
dans un matras au bain de fable, de l'alkali fixe
en iiqueui. , & qui ne feroit pas trop concentré.
Il feroit inutile d'ôter la terre à mefure qu'elle
fe fépareroit du fel : elle ne peut nuire à l'opé-
ration.
L'alkali fixe très pur n'efl: point fufceptible de
fe cryftallifer : il fe deffeche ôc fe réduit en pou-
dre. Quelques Chymiftes ont cependant avancé
qu'on pouvoir le faire cryftallifer : fi cela eft arri-
vé , on doit l'attribuer à quelques lels étrangers
qui fe l'ont alfocié pour cryftallifer enfemble.
Mais le fel de tartre très pur , & qui a été calciné à
l'air libre, n'eft point fufceptible de fe cryftallifer :
cependant , lorfqu'on fait calciner le tartre dans
des vaifteaux clos , comme dans une cornue , il
y a une bonne partie du fel alkali qui fe cryftal-
life : cet effet vient du phlogiftique qui conver-
tit une partie de ce fel en cryftaux de fonde , ou
en alkali marin. Le phlogiftique, dans ce cas ,
eft plus abondant : fon état eft différent de celui
qu'il a dans le fel qu'on nomme alkali végétal :
l'alkali qui refaire de cette combinaifon n'eft
plus déliquefcent ] il eft moins acre ôc moins
cauftique que l'alkali végétal.
Lorfque l'alkali eft en liqueur , ou pour avoir
été expofé à l'air, ou pour avoir été dillous dans
l'eau , on peut le remettre dans fon premier état
de ficcité. Il fufHr de faire évaporer l'humidité,
jufqu'à ce qu'il foit réduit à ficcité, de de l'en-
fermer dans une bouteille, tandis qu'il eft chaud :
mais comme cette matière faline a de l'action fur
certains métaux, il s'enfuit que tous Les vaifleaux
ne font pas également propres à la dedécher. Les
tneilleurs font ceux de verre ou de grès : mais ils
ET RAISONNES. 5I5
ont l'inconvcnienc de caffer : ils font petits : on
ne peut faire deiréchet qu'une petite quantité de
fel à la fois : ceux de feu alteient la puieté de l'al-
kali ,&; encore plus ceux de cuivre : les vailleaux
les plus commodes font les ballines d'argent j ils
ne communiquent rien à ce fel.
Alkali fixe avsc de la glace.
L'alkali fixe , comme nous l'avons dit , produit
de la chaleur en fe dilfolvant dans l'eau. 11 en eft
autrement, lorfqu'on le nicle avec de la glace :
une partie de ce fel , &: deux de glace pilce , pro-
duifent un froid de dix degrés , la température ail
terme de la conc:élation.
Alkali fixe avec de la terre vitr'ifiahle.
L'alkali fixe ne peut , par la voie humide , con-
tradter aucune union avec la terre vitrifiable j
mais par la fufion , il dilfout parfaitement les ter-
res vitrifiables, mcme avec effervefcence. 11 for-
me avec elles des matières vitreufes ou des ma-
tières vitriformes , fuivant les porportions que
l'on a employces.
Lorfqu'on fiiit entrer dans le mélange fix ou
fept parties de fable , Se même davantage, fur une
d'alkali fixe , ces matières , pouflées long-temps à
la violence du feu , entrent en fufion , & fe com-
binent très bien. Le produit qui en réfulte fe
nomme verre. Nous parlerons plus amplement
de ce produit en fon lieu , &c nous donnerons
un article fur le verre , la verrerie & la vitrifi-
cation.
Mais lorfqu'on a employé , au contraire, trois
ou quatre parties de fel alkali (ur une de lable , il
n'y a pas alliez de matière terreufe pour faturer
Xiij
|2^ Chymie expérimentale
Falkali. Le mélange participe davantage des pro^
pnétés de la matière faline : il eft acre, caufti-r
que , déliquefcent : la terre vitrifiablc fe trouve
diiToiite par l'alkali fixe : elle eft en crac de palTer
au travers des filtres : c'eft ce que l'on nomme
l'iquor Jiiicum.
Liquor filicum ^ ou liqueur des cailloux.
On prend une once de caillou noir calciné
Se réduit en poudre fur le porphyre : on le mcle
avec quatre onces de fel alkali bien fec : on mec
ce mélange dans un creufet , qu'on ne remplit
qu'à moitié : on place le creufet dans un four-
neau qui poulTe bien : auffi- tôt que la matière
entre entre fufion , elle fe gonfle confidérable-^
jnent : elle continue de fe bourfoufler jufqu'à ce
que l'alkali ait diflous toute la terre vitrifiable.
On tient le creufet ouvert, tant que cette effer-?
vefcence a lieu , afin de la modérer , fans quoi la
matière pafleroit par-defiTus les bords du creu-
fet. Lorfque l'eflervefcence eft palfée, on couvre
le creufet, on augmente un peu le feu pendant
trois ou quatre minutes , pour faire prendre à la
matière une belle fufion , Se pour être sûr que
coûte la terre vitrifiable eft diffoute par l'alkali ;
alors on verfe ce que contient le creufet dans ua
mortier de fer bien fec, ou fur une plaque de fer
ou de cuivre. La matière , en fe refroidiftant , fe
fige &c prend l'apparence d'un verre : elle fe cafle
d'elle-même en plufieurs morceaux , dès qu'elle
çefte d'être rouge.
Remarques.
Pendant la fufion de ces deux fubftances , l'al-^
ïcali j aidé de la chaleur , dilîoiu la terre viçrifia.'»
ET RAlSONNir. 517
-ble, comme un acide diirout la terre calcaire^
L'inftant où fe fait cette dilîolution , s'annonce
par l'efïervefcence qui s'excite entre ces fubrran-
ces , de qui eft même très confi.lérable : c'eft pour
cette raifon que nous avons recommandé de
n'emplir le creufct qu'à moitié, afin qu'il y aie
un efpace fufîifant , pour que la matière ne fe
répande pas hors du creufet. On eft afluré que
la combinaifon eft fliite , lorfque reffcrvefcence
eft paftcc. Néanmoins j'ai remarque qu'il étoic
nccelTaire de chauffer le mêlançre encore quel-
que temps après , afin d'ctre afluré que la tota-
lité de la terre vitrifiable eft complcttemen: dif-
foute.
Cette combinaifon eft eflentiellement moins
fufible que l'alkali pur, parceque la fufibiîité de
l'alkali & l'infufibilité de la terre fe partagent
réciproquement leurs propriétés. C'eft pourquoi
il fiut un bon coup de feu , pour produire la
difTolution complette de la terre viriifiable. Si
l'on a ôté du feu la matière , immédiatem.ent
après qu'elle eft fondue, elle eft d'un blanc lai-
teux , lorfqu'elle eft refroidie , parceque les cail-
loux contiennent encore quelque portion de
terre moyenne entre la terre calcaire & la terre
vitrifiable, une terre enfin qui n'eft pas encore
complettement changée en une terre vitrifiable
pure. Il faut, pour diûToudre cette portion de terre,
un plus grand &C plus lon^ coup de feu , que pour
diftoudre par le même moyen de la terre vitrina-
ble pure. La matière eft bien tranfparente, lorf-
qu'elle a reçu le feu convenable.
Si , au lieu de cailloux , on emploie du fable,
blanc ordinaire & également broyé , ou toute au-
tre pierre vitrifiable pure , la mafte vitriforme
qui réfuke immédiatement après fa fulion , n'etfc
Xiv
$iî Chymie expérimentale
point laiteiife : elle efi: tranTparenre comme diï
verre. Ceci nous donne un exemple de la fufibi-
lité des terres vitrifiables plus grande que celle
des terres calcaires , puifque la terre vitrifiable
du caillou eft fondue la première, & qu'on eft
obligé de continuer le feu encore quelques inf-
tants de plus , pour vitrifier la portion de terre
qui a confervé quelques-uns des cara6leres de la
terre calcaire.
Si le feu n'a pas été fuffifamment fort ni afTez
long-temps continué pour fondre la terre demi-
calcaire du caillou , on la retrouve fur les filtres ,
lorfqu'on vient à faire difioudre dans de l'eau
cette matière vitriforme. Elle ne fe préfente pas
avec toutes (es propriétés calcaires bien décidées,
parceque , comme nous l'avons déjà dit , elle
éprouve des altérations de la part du feu , qui la
ramènent de plus en plus au caractère de terre
vitrifiable , qui eft celui de fon origine.
On peut , fi l'on veut , s'éviter la peine de
broyer fur le porphyre ces fortes de pierres : il
fufht de les employer en poudre fine ; la diflolu-
tion eft feulement quelques inftants de plus à fe
faire : le eonflement & l'effervefcence durent un
peu plus de temps. C'eft un prmcipe général :
plus les corps font divifés , mieux ils fe combi-
nent, & la combinaifon fe fait plus prompte-
ment.
Lorfqu'il tombe quelques charbons dans le
creufet , tandis cjue la matière eft en fufion , l'ai-
kali a.o;i^ fur le phlogillique , difiout mcme le
charbon : la matière prend une couleur depuis le
jaune iufqu'au ronge d'hyacintlie , à proportion
que l'alkali a dilïous de cette fubftance y au liea
que quand cet accident n'arrive pas , la matière
n'a qu'une légère couleur ambrée.
ET RAISONNÉ I. }2f
L'nlkali fixe, qiioiqu'uni avec le quart de fon
poids de teire vitiihable , confeive encoie de fes
propriétés alkalines : elles font mcme augmen-
tées Cette matière faline eft irfinnnent plus acre
^' plus cauftique que l'alkali pur : elle attire puif-
famment rhumiduc de l'air, & fe rcfout en li-
queur. Je penfe que cette augmentation de cauf-
ticité vient des parties de feu prefque pur qui fe
font combinées avec cette maticie : quoiqu'il foie
difficile de démontrer cette alTertion , elle ne
m'en paroît pas moins ceitaine, parcequ'il n'y a
dans la nature , félon moi , que le teu qui ait de la
faveur ôc qui foit caulbque.
Liquor fûïcum dijj'ous dans de l'eau.
On piilvérife grofîîérement la matière vitri-
forme dont nous venons de parler : on la met
dans un matras avec une fuflifante quantité
d'eau : on fait digérer ce mélange au bain de fa-
ble , jufqu'à ce que la matière loir parfaitement
diCoute : on filtre la liqueur , is: on la conferve
dans une bouteille qu'on bouche bien : il refte
toujours fur le filtre une certaine quantité de
terre vitrifiable, qui a échappé à l'adlion de l'al-
kali.
R E M A R Q^ U E s.
Lorfquc la matière faline n'a pas reçu un coup
de feu fufiilamment fort & alfez long-rem ps con-
tinué, la terre vitrifiable n'eft que dans un état de
dcmi-diffolution : la liqueur paffe trouble ^ dif-
ficilement au travers du hltre. Lorfqu'au contraire
le coup de feu a été fuffifiimment fort, la terre vi-
trifiable eft parfaitement difToute. La difTolurioii
palTe très claire 6c facikmenc ; elle eil d'une cou-
33<5 ChYMIE EXPERIMENTALE
leur ambrée. Dans le premier cas , prefque route
la terre fe fépare de la liqueur dans l'efpace d'une
année. Dans le fécond , il he s'en précipite qu'une
bien petite quantité , même dans l'efpace de cinq
à fix années. La plus grande quantité refte par-
faitement dilToute dans l'alkali fixe.
Décompafition de la liqueur des cailloux par les
acides.
On met dans un grand verre de la liqueur àes
cailloux : on verfe par delïus de l'acide vitrioli-
que : il s'unit à l'alkali avec efFervefcence , & fait
précipiter la terre , qui eft dans un fi grand état
de divilion, qu'elle relTemble plutôt à un muci-
lage , qu'à une terre. On. filtre la. liqueur : on lave
la terre dans beaucoup d'eau bouillante, pour la
delTaler complettement , & on la fait fécher fi
l'on veut : elle eft de même nature qu'elle étoic
auparavant y Se n'a point changé dans ces opé-
rations.
M. .Pott , dans fa Lithogéognofie , Edition
Françoife , page 174 , premier volume, dit que
cette terre précipitée ^ de vitrifiahle & infolublc
quelle étoit auparavant par les acides j ejl devenue
alhaiine ; car elle fe dijjout dans les acides: & il
ajoute qu'il n'y a que l'acide vitrioUque qui ait la
propriété de la précipiter.
La diiTolubilité d'une terre dans les acides ne
conftitue point feule fa nature : la terre qu'on fé-
pare du liquor Jilicum j ned diiïbluble que par
rapport à l'état fous lequel elle fe trouve réduite.
On peut voir dans mon Al émoi re fur les Ar-
gilles 3 de quelle importance eft cette expérience
pour la connoiffance des matières terreufes : c'eft
ce qui m'a engagé à la répéter un grand npmbrçt
ET RAISONNEE. 551
de fois , &C à en examiner toutes les circonftan-
ces. J'ai reconnu , comme M. Pott , qiKî celte
terre ctoit précipitée par l'acide vitrioliquc ^mais
je me fuis alfuré, de plus , qu'elle l'étoit égale-
ment par les autres acides ^ mcme par le vinai-
gre diftillé j Se que cette terre étoit enfuite , non
feulement dilfoluble dans l'acide vitriolique ,
comme le dit M. Pott , mais qu'elle l'étoit égale-
ment dans l'acide nitreux &: dans l'acide marin :
l'acide du vinaigre ne l'attaque pas fenliblement.
Je me fuis encore bien convaincu qu'elle n'eft
point changée de nature, & qu'elle a toutes lei
propriétés d'une terre vitriliable, comme je l'ai
démontré dans mon Mémoire fur les Argilles j &
comme on le verra par le détail des expériences
que je vais rapporter.
Combinaifon delà terre féparce du. liquor filicum
avec l'acide vitriolique.
Alun artificiel.
On met dans un matras une certaine quantité
de terre féparée an liquor Jilicum ^ coxnn-ie nous
venons de le dire : on verfe par deflus de l'acide
vitriolique afFoibli : on fait digérer ce mclanc;e au
bain de fable : la terre fe difTout : on a foin qu'il
fs trouve dans le mélange une furabondance d'a-
cide : on filtre la liqueur , &: on la fait évaporer à
l'air libre : elle fournit des cryftaux de véritable
alun. J'ai répété ces expériences avec différentes
terres vitrilîables , telles que du quartz, du fable ,
du caillou de ditférente efpece , du cryftal de ro-
che : j'ai eu conftamment les mêmes réfultats ; ce
qui prouve d'abord l'identité de la terre vitrifia-
ble avec la terre de l'alun ,' tic nous verrons cettQ
W)ème identité avec la terre des argilles.
332. Chymie expérimentale
Ladiiïolution de cette mcme terre d'alun dan?
l'acide nitreux croit fort acide j elle rougiiroit les
couleurs bleues des végétaux : l'eau de chaux la
décompofe & en fait précipiter la terre vitrifia-
ble. La terre calcaire opère la même décompofi-
tion, La combinaifon de l'acide nitreux avec la
terre du liquor Jillcum j évaporée à l'air libre , a
donné un mucilage net ôc tranfparent , &c n'a
point formé de cryftaux : cette combinaifon, faite
avec de l'acide marin , a formé quelques petites
aiguilles d'une ftypticité confidérable.
11 eft bon de faire obferver que lorfqu'on pré-
fente cette terre aux acides , dans le delfein de la
dilloudre , il faut la prendre , tandis qu'elle eft
en bouillie , &c avant qu'elle ait été féchée j car ,
lorfqu'on l'a fait fécher , les parties fe font réu-
nies ôc agglutinées entre elles par l'attraction :
cette terre alors ne peut plus fe dilfoudre.
Lorfque le Lïquor filïcum a été mal fondu , la
terre qu'on en précipite eft beaucoup plus difficile
à fe difloudre dans les acides.
Tous ces aluns artificiels font fufceptibles de
fe faturer de leur terre , &: de former , comme
l'alun ordinaire faturé de fa terre , des efpeces de
fels qui fe cryftallifent en petites écailles comme
du mïca-^ 8c dans cet état , ils font peu diftblu-
blés dans l'eau.
Sur VAlun.
L'alun eft un fel vitriolique , ou une félénite
à bafe de terre vitrifiable , compofé de parties
égales de terre argilleufe &: -d'acide vitriolique.
Ce fel eft avec excès d'acide : il fe dilfout facile-
ment dans l'eau, & en très grande quantité. Nous
verrons dans le détail des expériences , qu'il eft
de même nature que les argUles , quoique cette
ET R A I S O N N i ï. 5 5 §'
dernière fubftance foit très peu dilToluble dans
l'eau. On trouve dans le commerce trois efpeces
d'alun : favoir ^ \alun oc Rome j qui eft le plus
pur j Valun de Smyrne _, & Xalun de roche : ce der-
nier contient fouvent du fer. Ces aluns font elTen-
tiellement de mcme nature : ils différent feule-
ment les uns des autres par des degrés de pureté ,
& quelquefois par l'état de leur terre, quoiqu'elle
foit toujours de nature vitritîable.
Lorfque nous examinerons les pyrites , nous
dirons de quelle manière on tire l'alun des ma-
tières qui le contiennent , ou qui font propres à le
fournir : nous ne parlerons, quant à préfent, que
de l'alun de roche.
L'alun de roche eftcryftallifé en grolTes malTes
irrégulicres.
11 a une faveur acide , ftyptique &c fort aftrin-
gente.
Il rougit les couleurs bleues des végétaux.
L'alun eft une matière faline incombuftible :
on le fait entrer dans des vernis de colle forte
qu'on applique fur des menuiferies, afin qu'elles
foient moins fujettes aux incendies.
j4lun au feu. Alun calcine'.
On met de l'alun dans un creufet : on le place
dans un fourneau entre des charbons ardents : il
fe liquéfie aulli-tot qu'il commence à fentir la
chaleur, 6c bouillonne : il febourfoufie confidé-
rablemenr , &: fe réduit en une matière très blan-
che , friable , très légère , rare, fpongieufe &: très
volumineufe \ c'eft ce que l'on nomme alun cal-
ciné : on le détache du creufet , ^ on le conferve
dans une boite.
554 ChYMIE EXPE-RlMENTAtÉ
Remarques.
L'alun contient nn peu plus de la moitié de fort
poids d'eau de cryftallifation : c'eft à la faveur de
cette eau qu'il fe liquéfie : elle fe diflipe en va-
peurs. Lorfque l'alun eft près de perdre les der-
nières portions de cette eau , il fe gonfle pro-
din^ieufemenc , & refte dans cet état de bour-
fouflement , parceque la chaleur n'eft pas, à beau-
coup près , allez forte pour le faire entrer en fu-
fion. L'alun , par cette opération , ne change
point de nature : il ne fait que perdre l'eau de fa
cryftallifation , & peu ou point de fon acide. Ce-
pendant j'ai remarqvié qu'en faifantdifToudre dans
de l'eau de l'alun calciné,on en fépare toujours une
certaine quantité de terre. Je l'attribue à ce que,
pendant la calcination , les parties de la terre fe
font réunies : elles font infinimentrr.oinsdivifées
qu'elles ne l'étoient auparavant, quoique tou-
jours dilToutes dans l'acide vitriolique.
On veut dans le commerce, que l'alun calcine
foit ainfi rare , léger & volumineux. On trouve cer-
taines efpeces d'alun qui ne fe gonflent pas comme"
celui dont nous venons de parler , quoiqu'il foie
abfolument de même nature , & qu'il ait effen-
tiellement les mêmes propriétés. On peut croire
que ce font des aluns tirés de matériaux qui onc
éprouvé l'adion du feu, 3c dans lefquels la terre
eft moins divifée , puifque , comme je l'ai remar-
qué , l'alun qui a été calciné , peut fe diffoudre
dans de l'eau , fe cryftallifer de nouveau , & re-
former de l'alun , tel qu'il étoit auparavant j mais
cet alun ne fe gonfle prefque plus par une féconde
calcination : nous ferons remarquer, au refte, eri'
décompofant l'alun par l'alkali fixe , que la terre
de celui qui a été calciné , eft moins fine.
t T R A î S O N N i E. ^^f
*rous les aluns ne diminuent pas également
pendant la calcination : ceux qui lonc faits avec
des matériaux que l'on a calcinés auparavant ,
comme l'alun de Rome , diminuent beaucoup
moins pour les raifons que nous venons d'expo-
fer. Deux livres d'alun de Rome fournilfent dix-
huit onces d'alun calciné.
L'alun calciné fert dans quelques arts. Lorf-
qu'on en veut préparer une grande quantité à la
fois , on le met dans les vaiueaux propres à dif-
tiller l'eau forte en grand, & on les place dans
le fourneau qui fert à cette diftillation. Par ce
moyen , on calcine une grande quantité d'alun i
la fois, de très proprement.
Dïfllllation de l'Alun pour en feparer L'acide
vitriolique.
J'ai mis en diftillation dans une cornue de
verre , deux livres d'alun de Rome très net &: dé-
barralTé de toute terre rouge qu'il contient tou-
jours. Il a paflTé dans le récipient douze onces de
liqueur inlipide que l'on nomme phlegme d'alun :
elle ne changeoit point la couleur du fyrop violât
ni celle de la teinture de tournefol. J'ai continué
le feu pour rougir feulement la cornue : j'ai ob-
tenu de nouveau deux onces de liqueur légère-
ment acide ôc volatile fulfureufe. Il s'eft élevé au
col de la cornue une petite quantité de matière
faline cryftaliine qui avoir la faveur du fel marin :
il eft refté dans la cornue dix-huit once-s d'alun
calciné. La petite quantité d'acide qui a palTé
dans cette diftillation , eft due à l'eau de la cryftal-
iifation ^ car, lorfque l'alun eft parfaitement deffé-
ché , l'acide adhère à la terre avec une force éton-
nante.
^^(j Chymie expérimentale
M.Geoffroy a fournis de l alun calciné à la diftil-*
lation dans une cornue de terre , &: l'a pouflé à la
violence du feu p?n laiit rrois jours &c trois nuits :
il n'a retiré qu'une très petite quantité d'acide que
je crois être une partie de la dofe excédente à la
fat'iration de la terre. Nous verrons que les ar-
gill :s retiennent l'acide vuriolic|ue avec autant de
force.
yf/un à l'air.'
Ualun expofc à l'air fe feche Se perd un peu de
fon eau de cryftallifation, mais fans foufftir d'au-
tres altérations.
u4lun avec de VeaUé
Deux livres d'eau froide , la température à dix
de<7rés au defTus de la congélation , ne peuvent
dilloudre que quatorze gros d'alun de roche. Ce
fel , en fe ditlolvant , produit deux degrés de
froid ^ mais huit onces d'eau bouillante dilfolvent
cinq onces du m jme alun. L'alun dilTousdans l'eaa
chaude fe cryftallife par le refroidiffement. Les
cryftaux forment des pyramides triangulaires dont
les fommets font coupés.
Alun & Glace,
L'alun &: la ^lace mclés enfemble produlfent
du froid j mais je ne fais fi l'on en a déterminé les
degrés.
Alun avides matières combufîibles ùphlogijliques,
Décompofition de l'Alun.
On met dans une terrine verni liée une livre
d'alun de Rome avec huit onces de miel jaune :
on place le vailleau dans un fourneau chauffé par
ua
ÏT RAîSONNér. 3^-7
tin feu capable de liquéfier l'alun : on remue ce
mélange avec une fparule de bois : on le fait
chauffer jufqu'à ce qu'il devienne fec & charbon-
neux ; on pulvcrife enfuite cette matière , & on
la fait calciner à l'air libre , dans un creufet laree
& plat, pendant environ une heure , ou julqu'à
ce que la matière devienne partaicement blan-
che, &: qu'elle n'exhale plus de vapeur de foutre
ni d'acide fultureux volatil. J'ai obtenu , par ce
procédé , la terre de l'alun de la plus p-iande blan-
cheur : je l'ai lavée dans beaucoup d'eau bouil-
lante, ôi: l'ai f^iit fécher.
L'eau du premier lavage étoitfans couleur : elle
avoir une f^iveur de fel marin & de tartre vitriolé :
elle exhaloit une odeur de toie de foufre , préci-
pitoit en Jaune le mercure diifous par l'acide
nitreux , & verdiflToit légèrement la couleur du
fyrop violât.
La terre de l'alun , féparée par ce moyen , eft:
parfaitement blanche : étant broyée fur le por-
phyre , elle acquiert une forte de liant fcmblable
à celui des argilles : elle décrépite de pitille au
teu comme les argilles î elle réfille à la plus
grande violence du teu , fans entrer en fulion , &
fans rien perdre de fon blanc : elle y devient
même plus blanche : elle ne perd rien de fon
blanc , étant broyée à l'huile , comme font la plu-
part des blancs métalliques : elle pourroit fervir
dans la peinture à l'huile , préiérablcment à tous
les blancs métalliques que l'on emploie ordinai-
rement.
Ilréfulte bien évidemment de ces expériences j
que l'alun a été décompofé par la matière phlo-
îriftique. Cette matière s'eft unie à l'acide vitiio-
lique , avec lequel elle a formé du foufre qui s'ell
brûlé 6c diiîipé à mefure qu'il s'eft formé : on le
Tome /. Y
33^ Chymie expérimsntali
voit même brûler pendant tout le temps de kl
calcinarion.
J'ai répété cette expérience avec différentes
matières combuftibles : le réfultat a toujours été
le même, à quelque diftérence près, qui prpr
venoit de la matière combuftible employée.
Pyrophore.
L'opération du pyrophore eft la même que celle
dont nous venons de parler , avec cette diffé-
rence , qu'on exige que le foufre qui fe forme ,
refte mêlé avec la terre de l'alun : l'opération
fe fait , pour cette raifon , dans des vaiffeaux clos.
On prend trois parties d'alun de roche concaffé
&; une partie de miel ou de fucre : on fait deifé-
cher cQs deux matières dans une terrine vernilfée ,
ou dans une pocle de fer , «Se on a foin de les re-
muer avec une fpatule de fer. Les matières fe li-
quéfient d'abord j elles fe bourfouflent enfuite ,
éc fe réduifent en grumeaux. Lorfque la matière
eft dans cet état , on la pulvérife grolliérement : on
achevé de la deifécher , afin d'être sûr qu'elle ne
fe ramollira plus : elle forme alors une poudre
noire charbonneufe. On la met , tandis qu'elle
encore chaude, dans un matras dont le col ait
environ fix pouces de long ; on obferve de ne
remplir ce vaiffeau qu'aux trois quarts. On place
ce matras dans un creufet avec du fable , & on
en recouvre la boule d'environ un doigt d'épaif-
feur : on met dans un fourneau le creufet qui con-
tient ie matras , qu'il faut chauffer par degrés : on
augmente le feu jufqu'à faire rougir le matras : on
entretient le feu en cet état pendant environ un
quart d'heure , ou jufqu'à ce qu'il ne paroiffe plus
fortir de fumée par l'ouverture du matras , &:
qu'il s'exhale à la place une vapeur de fgufre q^ui
\
ÏT RAISON Ni 2. 53 p
S^ehflamme ordinairement. Lorfquc ces vapeurs
enflammées ont paru pendant environ un quart
d'heure , on ôre le feu du fourneau : on bouche
le matras avec un bouchon de papier j & , lorf-
qu'il eft un peu refroidi , on le bouche avec ua
bouchon de lie^e. Lorfcpe les vailleaux font
fuftifamment ren^oidis , on enlevé le matras : on
verfe promptement ce qu'il contient dans un fla-
con bien (ec «3c chaud, qu'on bouche avec un bou^
chon de cryftal.
Lorfqu'on verfe de cette poudre fur du papiet
d l'air libre , elle prend feu : elle produit une lé-
gère flamme bleue , de elle exhale une odeur de
foie de foufre & de foufre brûlant. Lorfque le
pyrophore eft un peu lent à s'enflammer, on accé-
lère fon inflammation , en répandant delfus la lé»
gère vapeur humide qui fort de la bouche.
Remarques,
Dans le commencement de la defliccation dei
matières , la vapeur qui s'élève eft aqueufe j mais ,
fur la fin , elle eft rouffe , piquante , excire à toiif»
fer , Se fait alfez d'impreflion fur les yeux , pour
faire couler des larmes : elle vient du foufre èc du
miel qui fe brûle. Quelquefois la matière s'en-
flamme : il faut l'éteindre en tirant le vaifleau du
feu , & étouftant la flamme j mais elle s'cteitiÉ
promprement , en agitant la matière hors du feu*
Il eft bien eflTenticl que la matière foit parfaite-
ment deflcchée, avant de la mettre dans le ma-*
cras , fans quoi, elle fe réuniroit en une feulô
maflc : il feroit difficile de l'ôter fans perrd &C
ians beaucoup d'embarras , parceque , lorfqu^i
cfette poudre s'enflalnme , elle ne peut plus s'en-
flammer davantage , qu'en la faifant calciner d^
nouYgau^ -
• Yi)
5 40 ChY MIE EXPÉRIMENTAIS
Lorfque la matière eft deiréchée , il faut TeiTl-*
ployer tandis qu'elle eft chaude , finon l'entermei?
dans une bouteille qu'on bouche bien, parceque
j'ai obfervé que dix onces 5c demie de cette ma-
tière fe chargent de plus de deux onces d'humidité
de l'air dans l'efpace de quelques jours : on feroit
obliqc de la deilccher de nouveau. Si l'on a em-
ployé quinze onces de mélange au total , on ne
trouve plus , après la defliccation , que dix onces
ôc demie de matière charbonneufe : cependant
cette quantité peut varier d'un gros en plus ou en
moins , & la matière ctre également bien deifé-
chée. Cette même matière charbonneufe , cal-
cinée enfuite dans un matras , comme nous ve-
nons de le dire , fournit trois onces & demie de
pyrophore.
Malgré que la matière foit bien deflTcchée , elle
contient encore un peu d'huile empyreumatique :
c'eft elle qui fe diflipe en vapeurs roufTes alTez
épaifîes, par l'ouverture du matras. Auffi-tôtque
ces vapeurs ceifent , il s'élève du vrai foufre qui
fe fubiime en partie dans le col du matras j il s'en-
flamme &c fe cUfiîpe. Il eft inutile de boucher le
vaifTeau pendant cette calcination, comme la plu-
part des Physiciens le prefcrivent. La chaleur
qu'on eft obligé de donner , eft aftez forte pour ra-
mollir le verre : le poids du col du matras qui pefe
fur la boule, y occafîonne des plis dans lefquels
fe renferme du pyrophore qu'on ne peut ôter.
Pour éviter cet inconvénient , il convient d'atta-
cher un fil d'archal au col du matras : on l'alfu jettic
à un clou pofé fur une muraille , ou fur quelque
chofe de folide.
Il convient encore de faire choix d'un fîacoiî
d'ouverture alfez large pour que le col du matras
ptùife y entrer librement , afin que , lorfqu'ou
ET RAISONNÉ E. 54I
vient à levuider, on puifle le faire commodé-
ment , fans perte &l fans fe brûler.
On remarque ordinairement , après l'cpcra-
tion , que le cul du matras a perdu fa tranfpa-
rence : il eft blanc-laiteux , un peu enfume , loif-
que la matière a été calcinée proprement dans une
terrine vernilTée : il eft jaune, rouge ou brun,
lorfque la matière a été calcinée dans une pocle
de fer. Cet effet vient d'une combinaifon de l'a-
cide de l'alun & des matières du pyrophore,qui fe
font combinées avec le verre dans le tQ,mps oue
le matras s'eft ramolli.
Le pyrophore peut fe conferver pluf.eurs années
de fuite , lorfqu'on le tient dans des bouteilles
bien bouchées , & qu'on ne les débouche pas fou-
vent. Lorfqu'il a perdu la propriété de s'enflam-
mer , on peut la lui rendre en le fiifant calciner
de nouveau dans un matras, comme nous venons
de le dire, pourvu cependant qu'il n'ait pas été
trop calciné précédemment.
Ce fut Homberg qui découvrit le pyrophore ,
en travaillant fur la matière fécale qu'il avoir
mclée avec de l'alun & du vitriol. Lémerv le ca-
det a fait fur cet objet beaucoup d'expériences
inférées dans les Volumes de l'Académie pour
les années 1714&1715. Il s'eft alTuré qu'on pou-
voir faire ce pyrophore indiftinélement avec tou-
tes les matières végétales &c animales qui abon-
dent en phlogiftique , &c de l'alun ou du vitriol.
Depuis les travaux de ces Chymiftes , on trouve,
dans le tioifieme Volume des S avams étmn.i^ers _^
un excellent Mémoire de M. de Suvic;ny , Doc-
teur en Médecine , où l'Auteur fait voir qu'il e(l
parvenu à faire du pyrophore avec toutes les ma-
tières qui contiennent de l'acide vitrioîique unij^
Y ni
342. ChYMIE EXPÉRIMENTAL!
foit à une terre , foit à un fel alkali , foit a uiitf
Uiatiere mcrallique.
Homberg & Lémery avoient attribué l'inflam-
m.ition du pyrophoue à la terre de l'alun qu'ils
fU'^p^'>loient s'être convertie en chaux vive : ils
penfoient que cette terre , en attirant l'humidité
de l'air, oroduifoir alFez de chaleur pour mettre le
feu au foufre qui s'eft formé par la calcination :
mais la terre de l'alun eft une terre vitritiable qui
lie forme point de chaux par la calcination.
L'explication qu'en donne M. de Suvigni , me
paroît plus conforme à la faine Phylique : il attri-
bue l'inflammation du pyrophore à une portion
d'acide vitriolique à demi dégagé de fa bafe , qui
n'elt pas tout- à-fait foufre , Sç qui fe trouve dans
un degré de concentration confidérable ( &c peut"
être fous une forme glaciale. ) Lorfqu'on expofe
le pyrophore à l'air, cet acide attire l'humidité de
l'air , êc s'éçhauife aiïez pour enflammer le foufre
qui l'environne de toutes parts,
Décompqfîdon de l* Alun par les terres caUaires,
Nous avons vu que les félénites calcaires, ainiî
que les autres fels à bafe de terres calcaires , ne
font point décompofées par une autre terre cal-
caire. Il n'en eil pas de même des fels à bafe ter^
reufe vitrifiable. L'alun, qui eftune félénite de
cette dernière efpece , eft décompofé par les ter-
res calcaires , par la chaux ôc par l'eau de chaux.
On met dans un matras delà diflolution d'a-
lun étendue dans beaucoup d'eau : on ajoute de
petits morceaux de pierre calcaire : on met le ma-
tras , à une chaleur douce , fur un bain de fable :
l'acide vitriolique de l'alun difl^out la terre cal-
caire , & fait précipiter la terre de l'alim. Ou ïQ"
rbiinoîr que l'alun eft dccompofé , parceque la li-
queur n'a plus la faveui: de l'alun. On décante la
liqueur tandis qu'elle eft trouble : on fcpare les
petits morceaux de terre calcaire qui ne fe font
point diffous : on filtre la liqueur : on pailc fur le
filtre beaucoup d'eau bouillante , pour emportei'
la félénite qui pourroit être mclée avec la terre
que l'on fait fcclier.
J'ai déconipofc l'alun avec toutes les terres cal-
caires que je lui ai prcfentces. Je n'ai remarque
aucune diflcrence , fi ce n'eft que les pierres cal-
caires tendres le décompofenr mieux ^ mais ,
comme elles font fu jettes à s'égrener, il s'en mêle
un peu avec la terre de l'alun : il vaut mieux em-
ployer des morceaux de terres calcaires propres Sc
arrangés de manière qu'ds ne puillent pas s'é-
grener : néanmoins il s'en mêle toujours un peu
parmi la terre de l'alun.
Décompofîtion de l'Alun par de la chaux & par de
l'eau de chaux.
Si l'on mêle de la chaux vive , ou éteinte à l'air ,
avec une diiïolution d'alun, il arrive la même dé-
compofîtion j la terre de l'alun eft complettement
précipitée \ la liqueur fe trouve chargée de félé-
nite calcaire ; cependant on né peur , par ce
moyen , obtenir la terre de l'alun dans fon état de
pureté : il fe mêle avec elle une certaine quantité
de chaux , à caufe de la facilité qu'a cette terr&
pour fe délayer dans l'eau : la terre de l'alun fc
trouve encore altérée par de la félénite calcaire
qui fe précipite avec la terre de l'alun. Qaoi qu'il
en foit , cela ne dérange rien de la théorie que
nous établinfons , qui eft que les terres calcaires
onz plus d'affinité avec les acides , que n'en ont
les terres vitrihables.
Yiv
544 ChYMIE EXrÉRIMENTALl
Il en eft de mcir.e de l'eau de chaux : elle dé^
compore très bien lalun j mais elle a pareille-
ment l'inconvénient de fournir de la te ne cal-
caire , &: de fe précipiter en partie avec la terre
de l'alun qu'elle Icpare de fon acide. Conmie
l'eau de chaux contient peu de fubftance ter-
peufe , il en faut beaucoup pour décompofer l'a-
lun. La terre d'alun que l'eau de chaux préci-
pite, eft quelquefois jaunâtre, mucil:igineufe ,
6c femblable à de la mie de pain tendre dont elle
a l'élafticité. La couleur de cette terre lui vient
du phlogifUque contenu dans l'eau de chaux. J'ai
remarqué que cette terre en étoit fort avide.
J'ai examiné les liqueurs provenant de l'alun
décompofé par les terres calcaires , 6^ pareille-
ment les liqueurs provenant de la décompoiirion
de l'alun par de l'eau de chaux : elles étoient
toutes feulement chargées de fclénite calcaire ,
& parfaitement faturées : elles n'occafionnoient
aucun changement au fyrop violât ni à la teinture
de tournefol. J'ai partage toutes ces liqueurs en
deux portions : dans l'une , j'ai ajouté une légère
furabondance d'acide vitriolique qui n'a commu-
yiiqué qu'une faveur acide 8c nullement aftrin-
gente : je n'ai rien ajouté à l'aucre portion de ces.
liqueurs : je les ai diftribuées dans des féaux de
verre, chacune féparément : elles ont toutes four-
ni de la lélénite calcaire, & pas un feul atome
4'alun.
J'ai enfuite combiné avec de l'acide vitriolique
la terre d'alun qui a été féparée par ces différents
intermèdes calcaires : chacune m'a fourni des;
cryftaux d'alun & de la féiénite cr.lcaire ; mais
ce dernier fel fe trouvoitdans des proportions re-
latives à la quantité de terre calcaire qui >s'iétoic
précipitée avec la terre de l'alun. Nous parlero^^
ET RAISONNÉ E. 54J
bientôt des moyens d'obtenir la terre de l'alun
dons un grand état de pureté , &c nous examine-
rons plus amplement les propriétés de cette terre.
j^/un & acide vitriolique.
On ne fait pas fi l'alun admettroir dans fa
cryftallifation une plus grande quantité d'acide
vitrioliquo qu'il n'en contient ordinairement.
j4lun & foufre.
On ne connoîr point ce mélange ni les effets
de ces fubllances l'une fur l'autre.
j4lun & gypf^-
On ne fait ce que formeroient ces deux fub-
ftances , foit par la voie feche , foit par la voie
humide. On peut préfumer que par la voie fe-
che elles fe foudroient mutuellement, & qu'il
en réfulteroit un verre.
Alun & acide nitreux.
On ne connoît point l'adtion de ces fubftanccs
l'une fur l'autre.
Alun & acide marin.
On ignore ce que produiroit ce mélange.
Alun & vinaigre.
On ignore de mcme ce que produiroit ce mé-
lange.
Alun & alkalifixe.
Pécompofîtion de l'Alun. Terre d'Alun , Tartre vitriolé.
L'alkali fixe décompofe tous les fels à bafe
çerreufe (quelconque ; il s'unit aux acides ôc fait
54^ Chymie expérimentale
précipiter la tcrie. Nous ne parlerons préfentô-
ment que de la clécompofition de l'alun.
On fait difToiidre deux livres d'alun de roche
dans une (uffifante quantité d'eau : on verfe par-
delfus peu à pou environ autant d'alkali fixe ré-
fous en liqueur, ou jufqu'à ce qu'il ne fe falTe
plus de précipité, &c que l'acide vicriolique foir
parfaitement faturé. La terre qui fe précipite eit
blanche : elle eft d'autant plus légère , qu'elle a.
été précipitée dans une plus grande quantité d'eau :
on la lave , à plufieurs reprifes , dans beaucoup
d^eau bouillante : il eft même nécelTaire de la faire^
bouillir dans de l'eau pour la delFaler complette-
ment , parcequ'elle retient les fels très opiniâtre-
ment : lorfqu'elle eft bien lavée, on l'a fait égo.ut-
ter fur un filtre , & on la fait fécher.
Si l'on fait évaporer les premières liqueurs
jufqu'à pellicule, elles fournifTent , parlerefrob
diifement , des cryftaux de tartre vitriolé»
R E M A R (^ U E s.
Dans cette expérience Talkali fixe s\inir à l'a-,
cide vitrioliaue , &c ils forment enfemble un vrat
tartre vitriolé. La terre de l'alun fe précipite en
même temps. Cette décompofition fe fait avec
beaucoup d'effervefcence lorfque les liqueurs
font chaudes 8c peu étendues dans de l'eau. Cette
terre retient l'eau avec une force confidérable r
elle eft très long-temps à fe fécher a l'air libre.
J'ai reconnu qu'il lui faut plus de trois mois,
même en été. Deux livres d'alun de roche fonr-
jiiftent ordinairement fix onces &C demie de terro
d'un blanc fale , parcequ'elle a une difpofition'
finguliere pour s'emparer des matières coloran-
tes. Lorfqu'on la lailfe fécher fa,ns la remuer, elle
«T RAISONNÉ?. ^47.^
devient brune & fcmblable à de la corne, ayantf
nicme un peu de tranfparence.
Lorfque la terre de l'alun eft dcffcchée à un
certain point , elle a un liant feniblable 3. celui
des arç^illes : il ell beaucoup plus conlidcrable ,
jnais il eft pâteux ^ 6c comme cette terre prend
beaucoup de retraite en fe fcchant , elle fe fend
«Se le réduit en menues parties. Mais la terre qui
a été féparée de l'alun calciné , ne prélente pas
ces phénomènes : elle eft moins fine , moins di-
vilce : elle fe feche plus promptement : elle prend
beaucoup moins de retraite en fe féchant : l'une Sc
l'autre font âpres 8c dures au toucher.
Propriétés de la terre de Valun.
Nous avons déjà expofé une partie èiÇ.% pro*
f>riétés de la terre de l'alun , qui a été féparéie par
es matières phlogiftiques. Celle qui a été léparée
par l'alkali fixe a les mêmes propriétés : ainfi nous
allons continuer à examiner les propriétés de
cette terre. L'air , l'eau , la glace , les terres vi-
trifiables , les terres calcaires , la chaux vive ,
ji'onr aucune action fur cette terre \ mais elle a
une grande difpofition à fe combiner avec les ma-
tières phlogiftiques : elle s'empare avec avidité de
celui qui eft contenu dans l'alkali qui fert à la
précipiter : elle retient aufîî ce principe avec beau-
coup d'opiniâtreté. L'eau lui eft de même fort
adhérente.
J'ai placé fous la moufle d'un fort fourneau à
vent, deux gros de terre d'alun qui avoir été fé-
chée au foleil pendant long-temps. Après deux
heures d'un feu de la plus grande violence, j'ai
trouvé qu'elle étoit diminuée de 48 grains de fon
poids : il a fallu ce temps pour lui enlever cette
quantité d'humidité : elle eft devenue duplusgrand
34^ Chymie expérimentale
blanc : elle efl: reftce feche ôc frir.ble. Expofée de
nouveau à un femblablc coup de f^ni , mais beau-
coup plus long temps continué, elle a diminué
encore de 1 1 grams : elle a acquis un degré de
dureté conlidcrable j mais elle étoit bien éloi-
gnée de la fufion : il n'y a peut être que le foyer
d'un bon miroir ardent qui Toit en état de la fon-
dre loifqu'elle eft feule & parfaitement pure,
tant cette terre eft réfradaire,
La terre de l'alun fe combine très bien avec
l'acide vitriolique , & reproduit de l'alun, comme
nous le dirons plus particulièrement dans un inf-
tant.
j4/un faturé de fa terre,
Jufqu'ici nous avons confidéré l'alun comme
une félénite àbafede terre vitrihable, mais qui dif-
fère des félénites calcaires , \°. en ce que ce fel a
pour bafe une terre vitrifiable \ i°. en ce qu'il entre
unQ très grande quantité d'eau dans la compofi-
tion de fes cryHiaux ^3°. en ce qu'il a une faveur
acide très aftringente j 4*^. en ce qu'il fe diffouc
en plus grande quantité dans l'eau, de que l'eau
bouillante en dilTout beaucoup plus que l'eau
froide j 5°. en ce que ce fel eft en état de dif-
foudre une nouvelle quantité de fa propre terre ,
de s'en faturer complettcment , &: d'acquérir alors,
des propriétés communes avec les argilles ; toutes
propriétés que n'ont point les félénites calcaires.
Le grand nombre d'expériences que j'ai faites
fur les matières terreufes en général , m'a mi^
à portée de reconnoître ces deux efpeces de félé-
nites \ l'une à hafe de terre calcaire , ôc l'autre à
hafe de terre vitrifiable. J'ai établi cette diftindion
pour la première fois dans un Mémoire fur l' Alun ^
inféré dans la gazette de Médeciue du 4 Décem-
ÏT RAISONNE E. 54^
tre ly^^i, page 353. Depuis j'ai fait la mcme
diftinction dans les deux éditions de mon Manuel
de Chymie -y dans celle publiée en lyC^ , page 8<jj
& dans la féconde impiimée en 17(^5 , page Scj.
J'en ai encore parlé au mot Alun dans le Diclion-
naire des Arts & Métiers , en 2 vol. in-8°. impri-
mé en I y 66. Voici comme je fuis parvenu à fatu*
rer l'alun de ù\ propre terre.
J'ai mis dans une bafline d'argent de la dillo-
lution d'alun étendue dans beaucoup d'eau. J'ai
ajouté de la terre d'alun bien préparée Se non fé-
chée. J'ai fait bouillir ce mclange pendant envi-»
ton une heure. L'alun a diffous une certaine quan-
tité de terre avec eftervefcence. J'ai filtré la li-
queur : elle n'avoit plus la faveur de l'alun j elle
avoit celle d'une eau dure : elle ne changeoic
point la couleur de la teinture de tournefol , mais
elle verdilfoit le fyrop violât. L'alkalifîxe faifoic
précipiter beaucoup de terre de cette liqueur. Il
«ft refté fur le filtre la matière terreufe , mais
mclée de beaucoup de matière faline prefque inr
ililToluble dans l'eau. Je l'ai broyée fur un por-
phyre, 5«: je l'ai fait fécher : elle avoit les carac-
tères principaux de l'argille. Cette terre nen dif-.
fiéroit qu'en ce qu'elle avoit moins de liant j
qu'elle fe lailfoit décompofer plus facilement par
i'alkalifixe, que les argilles naturelles. L'Art ne
peut jamais imiter parfaitement la Nature , ni
combiner aulîi intimement qu'elle le fait, une pe-
tite quantité d'acide vitriolique avec une très
grande dofe de terre. Par une évaporation fpon-
tanée, la liqueur filtrée a fourni peu de cryftaux
qui étoient difpofés en petites écailles comme du
mica , très doux au toucher. Ce nouveau fel n'a
point de faveur : il n'a prefque plus de dilTolubi-
iité dans l'eau : il relTemble beaucoup , par ces
5 50 Chymïe Expérimentale
dernières propriétés, auxlelénites calcaires. Lorf-
que la terre de l'alun n'a pas été fuffifamment la-
vée , il fe forme un peu de tartre vitriolé qui
grimpe le long des parois du vafe.
Lorfqu'on tait cette expérience avec de la terre
d'alun qu'on a fait fécher , cette terre a beau-
coup de peine à fe diflbudre , parcequ'elle ne fe
délaie point, ou du moins fort mal : il faut alori
réduire cette terre en poudre fine , & la faire
bouillir long-temps avec la dilTolution d'alun qui
s'en fature de même : ceci n'eft qu'un peu plus
long.
Ces diiïblutions d'alun faturé font décompofa-
bles par les terres calcaires , par l'eau de chaux ôc
par l'alkali lixe.
J'ai ajouté à une portion de ces liqueurs, fatu-
rées de terre d'alun , une certaine quantité d'a-
cide vitriolique , dans le defifein de reproduire de
l'alun. La liqueur eft reftée acidulé , fans acqué-
rir la faveur de l'alun j néanmoins elle a formé,
dans l'efpace de trois mois , par une évaporation
fpontanée , des cryftaux de véritable alun , parmi
lefquels il y avoir des cryftaux micacés , fembla-
blés à ceux produits par l'alun faturé de fii terre.
Lorfque la rivière eft trouble a Paris , les blan-
chifteufes de linge fin font dans l'ufage d'éclaircir
l'eau dans des baquets avec un peu d'alun : c'eft
un effet qui eft très connu ; mais la caufe ne
l'étoit pas : il eft aifé de la connoître d'après ce
que nous venons de dire ; l'alun fe fature de la
terre la plus fine qui trouble l'eau : elle forme
un fel prefque infoluble qui fe précipite Se en.-
traîne avec lui la terre groiliere qui n'a plusd'ad-
kérence avec l'eau,
I
IT RAISONNÉ E. ^jr
Terre d'alun dijfoute par de l'acide v'uriolïque.
La terre de l'alun fe dilTout complet tcment pat
de l'acide vitriolique \ mais lorfqu'elle a étc Té-
chce , elle fe diiïout difficilement. Il faut l'em-
ployer immédiatement après qu'elle a été préci-
pitée & bien lavée , &c lorfqu'elle efl: encore eu
bouillie. Dans cet état, les molécules de terre ne
font pas encore agglutinées ^ cUepréfenre plus de
furficc & fe dilfout mieux. Cette diflolution re-
forme de l'alun tel qu'il étoit auparavant. On
obtient aufli , conjointement avec les cryftaux
d'alun, une certaine quantité de cryllaux difpo-
fés en petites écailles comme le mica : ils font
talqueux <5c doux au toucher. Lorfqu'on fait cette
expérience, il faut la faire fur plufieurs onces de
terre ; car lorfqu'on la fait en petit , elle réuilic
mal : on n'obtient, pourainfi due , que des cryf-
taux de mica , ou des cryftaux d'alun plus ou
moins chargés de terre , qui ont des propriétés
moyennes entre ceux d'alun 6c ceux qui font
comme du mica.
Terre d'alun dijfoute par de l'acide nitreux.
L'acide nitreux diflout complettement la terre
d'alun. Cette diffolution , bien faturée , eft fans
couleur j mais elle a une faveur beaucoup plus
«ftringente que celle de l'alun. Cette liqueur,
par une évaporation fpontanée , a formé de pe-
tits ciyftaux à pointes de diamants , & d'une ftyp-
ticité confidérable.
Terre d'alun dijjoutc par de l'acide marin,
• i-' acide marin diffout complettement la terre
55* Chyaîie expérimentale
de l'alim. J'ai faturé de cet acide avec de la terré
d'alun féchée & réduite en poudre fine j il s'eft
excite une vive etfervefcence de une chaleur con-
lidérable , quoique cet acide fût affoibli : la dif-
folution ctoit mucilagineufe. J'ai été obligé de
l'étendre dans beaucoup d'eau pour pouvoir la
filtrer. La liqueur filtrée étoit fans couleur : elle
avoit une faveur ftyptique aftringente & de fel
marin : elle rougifloit d'abord la couleur de la
teinture de tournefol , mais cette couleur fe réta-
bUlFoit enfuite : elle rougilToit de même la cou-
leur du fyrop violât , qui devenoit verte un inf-
tant après. Cette liqueur , par une évaporation
fpon tance , a formé des cryftaux d'une ftypticité
confidérable.
L'acide marin dilTout de même le fable féparé
du liquorJîUcum. Les phénomènes qu'il préfentô
font femblables à ceux qu'il produit avec la terre
d'alun , lorfqu'on préfente à cet acide de la terre
d'alun feche, ou du fable du lïquor Jilïcum égale-
ment féché. Il fe produit , fur le champ, une cha-
leur confidérable avec etfervefcence , quoique
dans cet état l'acide marin diffolve peu de ces
terres. Ce phénomène n'arrive pas avec l'acide
nitreux ; ce qui eft une preuve qu'il a fur ces
terres moins d'aétion que l'acide marin. Lorf-
qu'on laifie refroidir cette dilTolution faturée
avant de la délayer dans de l'eau , elle forme un
beau mucilage net , tranfparent &: fans couleur.
Ce mucilage eft d'une couleur jaune lorfque l'a-
cide n'eft pas entièrement faturé de terre.
En général , l'acide marin dilTout mieux ces.
terres , & en plus grande quantité , que l'acide
nitreux : il forme avec elles des diflolutions qui
ont la même faveur,quellequefoitlaterre vitrifia-
^bie qu'on aix employée. Toutes ces diiïolutions
Et -RAISONNÉ È. ^^^
font décompofées par l'eau de chaux Se par leâ
terres calcaires.
Terre (Valun dijfoute par le vliiaigrc dijlille\
La terre d'alun fe difTout fort mal dans le vinai*
gre diftillc. Cet acide n^en difTout qu'une fort pe-
tite quantité. L'efpece de fel que produit cette
dilTolution , ell: fort terreufc. Les cryftaux font
petits &: difpoics en aiguilles. On croiroit,en
voyant leur figure , qu'ils feroient produits par
quelque légère portion de terre calcaire que la
vinaigre diltillé auroit féparée de la terre d'alun«
Sur les Argilles.
Nous venons de dire que l'alun ctoit fufcep-*
tible de fe fiturcr de fa propre terre , (^ de for-
mer dans cet état une matière qui n'a prefqua
plus les propriétés falines. La Nature nous offre
dans les argilles une quantité immenfe de fub-
ftance faline de cette efpece : elle en diftere
feulement, en ce qu'elle ell mélangée avec beau-'
coup de terre vitrihable de même na:ure,niais
qui n'ell: pas combinée avec de l'acide vitriolique.
C'eft un fable très fin , qu'il eft même impofiible
de féparer par le lavage. C'eft à ce mélange , for^
mé par la Nature, que l'on a donné les noms à'ar-
gille (S: de terre glaïfe. La plupart des Naturalif-
tes diftinguent les argilles d'avec les glaifes ^ mais
ces diftinctions font fondées fur des caraéleres
trop équivoques. Les Ciiymiftes n'en font au-
cune , &r nous regarderons ces dénominations
comme étant abfolument fynonymes.
En parlant des altérations que le gypfe éprouve
de la part des éléments & du laps de temps , j'ai
cxpofé le fentiment qui m'a paru le plus probable
Tami I. Z
5 54 Chymie expérimentale
fur l'origine des argilles. Tout nie porte à croire
qu'elles l'ont formées par du gypfe réduit en pou-
dre roulée p.ir les eaux de la mer. La terre cal-
caire qui fait la bafe du gypfe , eft une terre com-
pofée , qui ne peut que tendre à de plus grands
degrés de hmplicité , ôc à redevenir terre vitrifia-
ble , telle qu'elle étoit avant d'avoir fubi tous ces
changements. Si pendant que tous ces change-
ments s'opèrent, il refte de l'acide vitriolique uni
à la terre , il en réfulte une argille ou de l'alun ,
fuivant les proportions de l'acide reliant.
Propriétés des argilles.
Je regarde donc les argilles comme étant de
la terre vitriftable , qui a fubi précédemment
beaucoup d'altération , & que le laps de temps
a plus ou moins ramenée au caraétere de fon ori-
gine. Une partie feulement de cette terre eft com-
binée avec de l'acide vitriolique , l'autre ne l'eft
point : c'eft la portion dans l'état falin , qu'on
devroit nommer argille : celle qui n'y eft point ,*
eft de la terre vitrifiable , femblable à la premiè-
re, & dans un grand état de divifion : on devroit
la nommer terre à argille ^ ou terre argilleufs : elle
eft un fable très fin , ou une portion de terre de
même nature que celle de l'argille , mais qui n'é-
tant point combinée avec de l'acide vitriolique ,
refufe de fe dilfoudre , foit dans l'eau , foit dans
les acides. Néanmoins , pour ne rien changer
dans les dénominations , nous nommerons ar-
gille ce mélange que donne la Nature , de matière
laline & de ter-re vitrifiable divifée , qui font la
compofition de toutes les terres connues fous le
nom à! argilles.
Les argilles font des terres gralTes , pâteufes ,
ET RAISONNÉ É. ^55
douces au toucher : elles s'attachent à la langue ,
fe pêtrifTent avec de l'eau, fe réduifent en pâte ,
& ont alFez de liant pour fe lailTer travailler fur
le tour : elles pétillent &" fautent en éclats, avec
explofion , lorfqu'elles ne font pas parlaiiement
feches , &c qu'on les expofe brufquement au grand
feu : elles fe rcduifent pour lors en poudre avec
un mouvement de décrépitation.
Les argilles font lujettes à être colorées. Il y
en a de noire *, cette couleur lui vient des ma-
tières phlogiftiques : il y en a de verte , couleur
qui lui eft communiquée par du cuivre dans l'é-
tat de rouille : il y en a de jaune , de rouge , de
bleue , de grife , de blanche , &:c. d'autres font
veinées de différentes couleurs, femblables, par
leur arrangement & pour leur variété, à celles
des plus beaux marbres colorés. Les terres que
l'on nomme ho/s ^ tel qac le bol d'Arménie , font
des argilles colorées par du fer. Toutes ces cou-
leurs font abfolument étrangères à la nature des
argilles : elles y font produites par des matières
végétales , animales & métalliques. Quelquefois
les fubftances des trois règnes colorent l'argille
en même temps , & quelquefois elle n'eft colo-
rée que par des fubftances d'un feul règne.
Il y a des argilles qui contiennent de l'or : celle
avec laquelle on fait les creufets de la verrerie de
Sève , près de Paris , eft dans ce cas : on la tire
de Gifors. Les argilles colorées contiennent pref-
que toutes des pyrites. Dans les unes, les pyrites
font dans un état d'efflorefcence , & quelquefois
en poufliere : dans d'autres , les pyrites font en-
tières. Ces matières altèrent la pureté des argil-»
les : on eft obligé de les féparer , lorfqu'on eil
veut faire de bonne poterie , parcequ'elles font
des fondants des argilles.
Z ij
5 5<^ CnVMiE EXPÉRI^IEMTAL^
J'ai obrervé pareillenienc beaucoup de variété
dans hs argilles , lelativem-ent à l'acide vicrioli-
que qu'elles contiennent : toutes celles qui font
colorées, en font plus pourvues que celles qui
font blanches 8c fans couleur. On trouve des ter-
res blanches qui fe didolvenc peu ou point dans
les acides : elles ont du liant, mais beaucoup
moins que les argilles , 3c elles ne contiennent
point d'acide vitriolique. Ces efpeces de terres
font de même nature que celles qui fervent de
bafe aux argjUes : elles ont vraifemblablement la
même origine. 11 eft à prcfumer que ce font des
argilles qui ont été remaniées plus d'une fois par
les eaux , & qui ont, dans ces dilférentes révolu-
tions , perdu tout leur acide vitriolique : mais el-
les ne font pas de vraies argilles : ces terres font
aux argilles, ce que les terres calcaires très divi-
fécs font au plâtre. La terre calcaire eft bien la
bafe du gypfe j mais elle n'eft pas du gypfe. Ce
qui conftitue elTentiellement l'argille , c'eft la
combinalfon de l'acide vitriolique avec une terre
vitriliable.
j'ai remarque que les argilles blanches ont
moins de liant que les bleues, les noires & les;
grifes , qui fervent à faire des poteries commu-
nes. Ce défaut leur vient de ce que leurs molécu-
les font moins tines , & qu'elles font moins dans
l'état filin : elles font d'ailleurs prefque toujours
mêlées avec une très grande quantité de mica :
pluiïeurs même en font tellement altérées ,
qu'on peut préfumer que ce font des argilles qui
commencent à fe dénaturer , à perdre de leur aci-
de , à s'éloiener de l'état falin , & à former de
nouveaux corps qui ceifent d'avoir les caraderes
diftinftifs des argilles.
On doit attribuer le liant àQS argilles à l'exif
BT RAISONNA E. 557
trème cUvifion de leurs parties , qui les rend pro-
pres à retenir l'eau , &c à leur état falin , qui leur
donne la propriété d'être prefque dilTolublcs dàiis
l'eau. Leurs molécules font beaucoup plus dans
l'état de divifion , que celui qu'on pourroit pro-
curer à une pierre quelconque par des moyens
méchaniques. On peut bien donner au fable &c
à toutes les matières vitrihables beaucoup, de
liant, en les réduifant en poudre impalpable fur
le porphyre j mais quelque divifées que foienr
ces fubRances , elles ne peuvent jamais acquérir
le liant des argilles , parcequ'elles n'ont rien de
falin qui les rende mifcibles à l'eau. Les affil-
ies elles-mêmes n'ont prefque plus de liant , lorf-
qu'on leur a enlevé leur acide , quoique la fub-
llance terreufe refte dans le plus grand état de
divilion. C'eft pour cette raifon que les argilles
blanches qui font toujours remplies de mica ,
& qui font , par conféquent , moins dans l'état fa-
lin , ne font pas, à beaucoup près , au(li liantes ,
& fe fechent plus promptement que les argilles
fortes : elles font auOi plus fujettes à fe fendre
en féchant, & plus faciles à être pénétrées &c dé-
layées par l'eau.
J'attribue le doux au toucher qu'on remarqu;?
aux argilles, a ce que ces terres ont été roulées
par les eaux : leurs molécides font arrondies , Se
ne font point- anguleufes. La terre qu'on fépare
des argilles 6c celle de l'alun font âpres «Se rudes
au toucher, parcequ'elles n'ont point eliuyé un
femblable frottement : leurs molécules , en fe
précipitant , prennent la figure qui leur efl pro-
pre : elles font nécellairement anguleufes j &î
c'eft là ce qui eft caufe que ces terres font âpres
^ rudes au couchet, même la terre des aigiU.Gs
Ziii
55^ Chymie expérimentale
les plus douces qu'on fait précipiter par un fel
alkali.
Ar cilles expofées au feu.
Les argilles parfaitement pures , expofées au
grand feu , n'entrent point en fuiion j mais elles
ont la propriété de s'agglutiner, de prendre affez
de corps , èc d'acquérir aiTez de dureté pour jet-r
ter des étincelles comme une pierre à fufil, lorf-
qu'on les frappe contre de l'acier.
Toutes les argilles colorées par des matières
végétales & animales, blanchiffent à un coup de
feu médiocre. Leur matière colorante fe détruit j
mais lorfqu'on les poulie à un coup de feu capa-
ble de les durcir affez pour faire feu étant frap-
pées contre de l'acier, elles reprennent beaucoup
de couleur. Ces fortes d'argilles ne font pas pro-
pres à faire des poteries blanches. Celles qui
font colorées par des matières métalliques , font
encore moins bonnes pour cet objet. L'action da
feu développe même des couleurs nouvelles qui
n'étoient point apparentes avant leur calcina-
tion : elles ont , d'ailleurs , l'inconvénient d'en-
trer en fufion & de fe réduire en verre par la
violence du feu , parceque les matières métalli-
ques leur fervent de fondant.
Lorfqu'on expofe les argilles à la violence du
feu, elles durcifient toutes , les unes plutôt, les
autres plus tard : elles prennent beaucoup de re-
traite , c'eft-à-dire qu'elles occupent, après la
calcination , un volume moins grand qu'aupara-
vant. Les argilles blanches & parfaitement pu-
res ont befoin d'un plus grand coup de feu pour
durcir complettement,parcequ'elles contiennent
^iTetitieUement moins d'acide vitriolique , qui eft
ET RAISONNÉ E. 35J)
wn principe de fufibilité, comme je le démontre-
rai. Les argilles bleues contiennent toutes plus
d'acide viniolique : elles font d'ailleurs mclées
pour l'ordinaire avec une certaine quantité de fer
qui facilite beaucoup leur endurcilfement. On
doit confidérer cet effet, comme produit par une
difpofition à la fulion : aufli les argilles entrent
réellement en fufion , ôc fe convertiffent en ver-
re , lorfqu'elles contiennent une certaine quan-
tité de quelques chaux métalliques , quoiqu'elles
n'éprouvent qu'un feu égal à celui qui ne fait
que durcir les argilles pures.
La diminution de volume que les argilles
éprouvent par la calcination , vient de deux cau-
les : 1°. de l'humidité qui s'évapore, laquelle ell
fi tenace, que les argilles en contiennent encore,
même lorfqu'elles font rougies à blanc. Je m'en
fuis aifuré , en pefant un morceau d'argille tout
rouge , que j'ai repefé après l'avoir tenu encore
deux heures à un rrcs grand feu , fous la moufle
d'un fourneau de coupelle : j'ai trouvé que cette
argille étoit diminuée con(idérablement de poids
& de volume. 2". Lorfque l'argille eft rouge à
blanc , elle eft dans un état de molleffe , comme
un corps qui fe difpofe à la fuiion , quoiqu'elle
foit pour cela fort éloignée de fe fondre. Néan-
moins , lorfqu'elle eft parvenue à cet état , les
parties de la terre fe rapprochent les unes des
autres, & la maffe totale acquiert plus de deniité
en diminuant de volume.
L'acide vitriolique , comme principe de fufi-
bilité des argilles , facilite encore leur endurcif-
fement : aulii , j'ai remarqué que les terres argil-
leufes , delquelles j'avois féparé l'acide vitrioli-
que j avoient befoin dun coup de feu infinimenc
Ziv
^6o ChYMIE EXrÉRIMENTALB
plus fort ^ pour acquérir tout le degré de CLiiiïoH
êc de dureté dont elles font fufccptiblcs. J'ai ob->
fcrvé que les argilles les plus liantes , &c qui re-t
tiennent en même temps la plus grande quantité
d'eau , font celles qui prennent le plus de retraite
gu feu.
L'acide vitriolique eft de la plus grande adhé-
rence dans les argilles. L'aétion du feu le plus
violent & le plus long-temps continué eft inca^
pable de le faire dilliper entièrement. Les pote^
lies , les fourneaux , les creufets , les porcelaines
terreufes.on t néceflairemcnt de l'argille pour bafe.
Lorfqu'on fait cuire ces vafes , l'aélion du feu fait
dilîîper une partie de l'acide vitriolique : il fe ré-
pand dans le voilînage une odeur d'acide fulfureux
volatil qui eft confidérablc. On s'apperçoit encore
inieux de cette odeur, lorfqu'on eft à la proxi-
mité des fours où l'on fait cuire des briques &
des tuiles j mais ce n'eft que la plus grande partie
de iacide qui s'évapore : elle n'eft même que pro-
portionnelle à la quantité de matière phlogifti-
que qui fe trouve dans l'argille. Les tuiles &
les briques de Bourgogne font faites avec une
argille paiTIiblement réfradaire : elles font les
plus cuites de toutes celles dont on [fait ufage à
Paris ; le plus grand nombre eft même vitrifié à
la furface ; ce qui fuppofe qu'elles ont reçu un
très grand coup de feu : cependant elles con-
tiennent encore une fi grande quantité d'acide
vitriolique , qu'on crou'oit qu'elles n'en ont poinc
peidii du tout pendant leur cuiftbn,
ÂrgilUs avec Vau\
On ne connoît point de combinaifon de Tar^
gUh avec l'air \ mais çQmii,ie l'argille fait le fcmc|,
ET RAISONNÉ E.' 5^1
ide la végétation , ainfi que je l'ai démontré dans
mon Mémoire fur les Argilles j on peut préfumer
que l'air, l'eau & le feu fe combinent avec l'ar-
gille , pour entrer dans la compofition des végé-
taux , & pour en faire partie. Quoi qu'il en foit ,
les argilles fc décompofent par l'adion des élé-
ments & le laps de temps : leur acide fe fépare &
fe combine avec des matières phlogiftiqucs : il
fe produit du foufre. Lorfqu'il fe rencontre des
matières métalliques dans les argilles , ce qui efl:
alfez ordinaire , le foiifre s'y unit , & forme des
pyrites : les pyrites tombent enfuite en eflloref-
cence, & produifent de l'alun ,de la Iclénite &c
des vitriols, fuivant l'efpece de matière métalli-
que qui s'eft trouvée dans les argilles. Il peut
aulli très bien fe faire que la Nature combine di-
reélement le principe inflammable avec la terre
argilleufe , ôc en forme des métaux. Toutes les
expériences de la Chymie tendent au moins à
prouver que la terre vitrihable 6c le phlogiftique
entrent dans la compofition des matières métal^
liques. Il paroît que la Nature fe réferve le fecret
à^s moyens qu'elle emploie pour opérer ces mer-
veilles j du moins , jufqu'à préfent, on n'ell: pas
encore parvenu à former un métal , en combi-
nant une terre quelconque avec du phlogiftique.
L'argille qui éprouve les altérations dont
nous parlons , perd fa çouleiu- , parceque fon
phlogiftique fe combine avec d'autres corps , &
fe détruit même en partie : il ne lui faut que
du temps pour devenir parfaitement blanche ;
elle ne conferve enhn que les couleurs formées
par les matières métalliques , & qui font infini-
ment pUis long-temps à fe détruire complette^
Client.
Tq^s ces changements peuvent are confidéfçs
^6l ChYMIE EXPÉRIMENTAL!
comme les avanr-coureurs des plus grandes alté-
rations donc les aigilles foient fufcepcibles. Loif-
qu'elles commencent à blanchir par le laps de
temps , elles perdent de leur hnelfe de de leur
liant : elles cle viennent moins douces au tou-
cher : leurs molécules s'agglutinent : elles forment
des matières terreufes ou fableufes, des micas co-
lorés ou fans couleur , fuivant les circonftances ,
& à proportion des matières phlogiftiques & mé-
talliques qui fe rencontrent dans le temps que
ces altérations ont lieu. On trouve dans les Ca-
binets d'Hiftoire Naturelle , des échantillons de
toutes ces matières qui conftatent ces différents
états par où palTent les argilles.
il y a peu d'argilles blanches fans mica : elles
font moins liantes que les autres , & contiennent
toutes moins d'acide vitriolique. Je penfe même
que les argilles blanches qui ne contiennent point
de mica j fonu blanchies de nouvelle date : il ne
leur faut que du temps pour arriver dans le même
état, c'eft- à-dire devenir plus blanches, en per-
dant de leur fineffe & de leur liant, &: produire
du mica : enfin les talcs, les amiantes, les craies
de Briançon font autant de corps naturels qui
doivent leur origine aux argilles qui ont encore
fubi de plus grandes altérations. On ne découvre
plus aucun velHge d'acide vitriolique dans la plu-
part de ces corps : je m'en fuis alFuré par une infi-
nité d'expériences.
argilles avec de l'eau*
L'argille eft une vraie matière faline : elle a les
principales propriétés des fels , mais à des degrés
peu fenfibles , parcequ'il entre dans fa compofî-
don beaucoup plus de terre que n'en contienneac
/
ET RAISONNÉ E. ^ô^
tous les fels à bafe ceireufe connus. Ce fel aigil-
leux eft le moins dllfoluble des fels que j'ai exami-
nés. L'aigille a cela de particulier j c'cft qu'elle eft;
le feul (el à bafe teireufe connu, qui ait la proprié-
té d'admettre dans fa compofîrion toutes fortes de
dofes de fa terre , fans que celle de l'acide varie y
c'eft ce que nous démontrerons fucceflivement.
J'ai fait bouillir un grand nombre de fois dans
de l'eau dill:illce , des argilles blanches &: colo-
rées , chacune fépavément : j'ai filtré les liqueurs :
je les ai quelquetois fait évaporer fur le teu ; &c ,
dans d'autres circonftances , je les laifTois s'éva-
porer d'elles-mêmes à l'air , mais enfermées dans
des vaifTeaux de verre , couverts d'un pnpier poui:
les garantir de la poufîiere. Par l'évaporation fur
le feu , je n'obtenois qu'une efpece de poudre
qui n'avoir aucune apparence de fiçrure rcsuliere ;
mais, par i evaporation Ipontanee, j obcenois une
matière pulvérulente dans laquelle on diftinguoit
de petits cryftaux difpofcs en petites écailles
comme le mica. L'eau dans laquelle j'avois fait
bouillir l'argille blanche, étoit fans couleur : elle
avoir une faveur fade Se dure, femblable à celle
des eaux des puits de Paris : elle verdiffoit le fy-
rop violât , à raifon de l'excès de terre que con-
tient la matière faline dont elle eft chargée.
La décodion de l'argille colorée avoir une lé-
gère couleur ambrée : elle a mcme laiflé dépofer
un peu d'ochre : évaporée des deux manières ,
comme la décodion de l'argille blanche , elle a
donné les mêmes réfultats , mais dans un degré
plus marqué. Les cryftaux qui fe font formés par
une evaporation fpontanée, étoient plus larges
ôc plus femblables au mica j parceque cette ar-
gille tient davantage d'acide vitriolicjue,&: qu'elle
eft plus dans l'état falin que les argilles blanches.
5<>4 Chymie expérimentale
La faveur que l'arr^ille procure à l'eau , la cli(TcH
lubilité de cette matière &facryfl:allilation , four,
comme on le fait, des propriétés falines & com-
munes à tous les fels & à l'état falin de i'arîzille.
Toutes les eaux des grandes rivières qui font
bordées de bancs argilleux, contiennent unelem-
blable félénire vitrifiable, dont la dofe eft depuis-
cinq jufqu'à dix grains par pinte de Paris. On
peut l'obtenir en laifTant évaporer à l'air libre une
certaine quantité de ces eaux dans des vafes pro-
pres : l'eau peut s'en charger d'une plus grande
quantité , &c elle s'en charge en efter , lorfqu'oii
fait bouillir de l'argille dans de l'eau. J'ai tenté ,
mais inutilement , de dilToudre entièrement une
certaine quantité d'argille dans de l'eau : il eft
toujours refté une matière terreufe , fableufe ,
très fine, & abfolument indiiïoluble, parcequ'elle
lî'eft pas combinée avec Tacide vitriolique , dC
qu'elle n'eft point , par conféquent , dans l'état
falin. J'ai filtré les liqueurs ; je les ai mêlées j j'y
ai ajouté de l'alkali fixe : il s'eft fait un précipité
terreux fort blanc. J'ai lavé de féché cette terre :
elle s'eft trouvée abfolument femblable à celle de
l'alun : elle en avoit toute la rudefle 3c l'âpreté
entre les doigts. Les liqueurs, féparées de ces ter-
res après leur précipitation , m'ont toutes fourni
du tartre vitriolé.
J'ai dit plus haut que l'acide vitriolique étoit
très adhérent aux argilles : je m'en fuis alfuré pac
les expériences dont je vais rendre compte.
J'ai réduit féparément en poudre alîez grof-
fiere des tuiles & des briques de Bourgogne : j'ai
verfé par-deffiis l'une & l'autre de l'eau diftillée 8c
froide : l'infufion d'un quart d'heure a fuiH pour
charger cette eau d'un fel vitriolique qui a com-
Kiunicjué à l'eau diftillée une faveur d'çau ciuç ^
ï T R A I S O N N É £. 5 îf |
iemblable à celle des eaux des puits de Paris. Ces
liqueurs liltrces précipitent en jaune de turbith
minéral , le mercure diirous dans l'acide nitreux :
l'alkali fixe en fait précipiter une terre jaunâtre.
Je fens bien qu'on peut m'objecter que l'argille
avec laquelle on fait des tuiles &: des briques ,
contient des pyrites qu'on ne fe donne pas la peine
de réparer , (?c qui font calcinées pendant la cuite
de la brique : elles fe trouvent alors dans l'état le
plus favorable pour tomber en eftlorefccnce , ôc
pour produire dans l'eau tous les phénomènes donc
nous venons de parler. Ainli l'acide virriolique
que l'on retrouve dans les tuiles &z dans les bri-
ques , ne feroit plus fourni par l'argille , mais par
les pyrites.
Cette objeétion eft fpécieufe j mais on en trou-
vera la réponfe à l'article de la décompofition du
nitre par les argilles , où nous ferons voir que ce
fel eft décompofé par la porcelaine des Indes.
Argilles avec les terres vitrifiablcs.
Les argilles &: les terres vitrilîables n'ont poinc
d'nélion l'une fur l'autre par la voie humide j mais
elles en ont fenfiblement par la voie feche , pro-
portionnellement A la quantité d'acide vitriolique
qui fe trouve dans les argilles : c'eft fur ces pro-
priétés qu'eft fondée la fabrication des fourneaux
& des creufets de terre cuite, ainfi que celle des
poteries fines, telles que la porcelaine, 6c des
poteries communes, comme la faïance , la terre
vernitrée , &c. dont nous parlerons par la fuite,
Argilles avec le phlogijlique.
L'argille fe décompofé par l'intermède du phlo-
giftique , de même que l'alun. La matière inr
F
^66 ChYMIE tXPÉRlilENTAtE
flammable s'unit à l'acide vitriolique , &c forme
du foufre qui fe biûle à mefure qu'il ie forme :
la terre refte libre. Mais cette décompofition fe
fait plus difficilement que celle de l'alun. L'excès
de terre dans l'argille défend l'acide du contad du
hlo2;iftique. On parvient mieux a decompofer
'argille par l'intermède de l'alkali, comme nous
le dirons dans un inftant.
ArgiUes & Terres calcaires,
Fufibilité de ces terres l'une par l'autre.
On fait un mélange exad: de quatre gros d'ar-
gille blanche & d'autant de craie , l'une & l'autre
en poudre : on met ce mélange dans un creufet î
on le place fous la moufle d'un bon fourneau à
vent : on le fait chauffer pendant une demi-heure
ou trois quarts d'heure. Ces deux fubfbances fe
fondent mutuellem.ent , & fe convertirent en un
verre net &c tranfparent qui a , pour l'ordinaire,
une couleur verte d'aiguë marine.
C'eft un des beaux phénomènes chymiques ,
qui a été découvert par M. Pott , & que nous
avons eu occafion de voir bien de fois, M. Mac-
quer & moi , dans le cours de plus de deux mille
expériences que nous avons faites enfemble fur la
porcelaine : mais M. Pott n'en donne aucune ex-
plication. Je vais expofer la théorie que je me fuis
Formée fur cette matière : elle fera voir au moins
la néceffité de diftinguer dans l'argille la portion
de fubftance terreufe qui eft combinée &: réduite
dans l'état falin par l'acide vitriolique , d'avec
celle qui n'eft pas dans l'état falin. Nous verrons
que cette même terre, prife dans ces deux états,
a des propriétés différentes.
Nous avons dit précédemment que M. Pott
,5
i
ET RAISONNES. "^^7
âvoit diftingué quatre efpeces de teires : favoir j
la terre argilleufe, la terre gypfeufe , la terre vi-
trifiabie , & la terre calcaire. Nous avons fait
connoître notre fentiment fur cette diftinclion
de M. Pott. Quoi qu'il en foit , aucunes de ces
terres , expofces au grand feu , n'entrent en
tutîon , tant qu'elles font feules. Il en eft de
même des mélanges d'argille & de fable , 6c de
ceux de gvpfe ôc de craie , qui n'entrent pas non
plus en hilion. Ceux de craie de de fable , (Se ceux
de gypfe & de fable , s'agglutinent un peu , &
prennent un peu de corps j mais ceux d'argille &
de craie , ou ceux d'argille ôc de gypfe, entrent en
véritable fufion , & fe convertillent en un verre
net &: tranfparent qui fe trouve avoir alfez de (o^
lidité &c de dureté pour faire feu , lorfqu'on le
frappe contre de l'acier. J'attribue cette fufibilité
à trois caufes : i°. à l'acide vitriolique contenu
dans les matières qui font mifes en jeu : i^. à la
matière faline alkaline qui fe forme pendant la
calcination de la pierre calcaire : 3^. à un principe
de fufibilité , contenu dans toutes les pierres &
terres vitrifiables , mais qu'elles peuvent perdre
par une trop grande violence du feu. C'ell: ce que
je vais tâcher de démontrer.
J'ai expofé plu(ieurs fois à un même degré de
chaleur , des mélanges de craie &C de terre fépa-
rée des dllfolutions d'argilles très pures par l'a!-
kali fixe , &c pareillement des mélanges fembla-
blcs de terre d'alun & de terre calcaire : aucun de
ces mélanges n'eft entré en fufion , ôz n'a pas même
pris un peu de corps : ils font tous rcftés poreux ôc
friables. Tous ces mélanges étoient faits à parties
égales de ces deux terres , Se au poids de deux
gros de chaque.
J'ai répété ces expériences , &c j'ai ajouté à cha*
$$8 ChYMIÊ ÎXPÉRUlENtAtÉ
cun des mélanges faits au même poids , deux gTôft
d'alun calcine : je les ai enfuite expofés à la mémo
violence du feu : ils font tous entrés en fulion ,
de ont ioimé des mafles vitreufes , tranfpaientes ^
blanches Se laiteufes ^ mais aucun n'a formé du
verre parfait : néanmoins il réfulte évidemment
que c'eft à l'acide vitriolique qu'on doit attribuer
le commencement de fufion qui eft arrivé à tous
ces mélanges. J'ai remarqué que celui de gypfe
Se d'argille entre en fufion beaucoup plus facile-
ment que celui de craie & d'argille : il produit
aufli une effervefcence qui eft fi confidérable , que
la matière palTe toujours par-delïus les bords du
creufet : ainfi l'acide vitriolique entre donc pouf
quelque chofe dans la fufion de ces terres l'une
par l'autre. La terre argilleufe, privée d'acide vi-
triolique , a donc des propriétés différentes dô
l'argille , puifqu'elle eft infiniment moins fufible
avec de la terre calcaire.
La féconde caufe à laquelle j'attribue cette fu-
fibilité des terres l'une par l'autre , vient de la
portion d'alkali fixe qui fe forme pendant la cal-
cination de la terre calcaire, en fe réduifanteil
chaux vive : elle devient un fondant de la terre
vitriliable , l'oblige d'entrer en fufion , &c entraîne
la vitrification de la portion de terre calcaire qui
n'eft point devenue faline. J'ai obfervé qu'il faut j
en général , une très petite quantité de matière
faline pour faire entrer la terre vitrifiable en fu-
fion , comme on le va voir par l'expérience fui-
vante.
J'ai expofé au grand feu un mélange de parties
égales de fable broyé &c de craie : ce mélange n'a
point fondu j mais la terre calcaire s'eft réduira
en chaux vive. La portion de matière faline , for-
mée par la pierre calcaire, n'écoit pas en dof*
fuffifantej
ET R A I S 6 i-ï N £ E. 5^^
faffifaiite pour entraînei: en fufion de la tetre vi-
trifiable. J'ai expofé ce mélange à l'aii- pendant
quelque temps ; la chaux s'eft chargée de l'humi-
dité de l'air , comme elle a coutume de faire , &.
elle s'eft réduite en poudre. Alors j'ai expofé de
nouveau ce mélange à la mcme aClion du feu : il
eft entré en fufion , &" il a formé une matière tu-
tnériée , poreufe , demi-tranfpatente , Se qui n'a
plus attiré l'humidité de l'air. On ne peut attri-
buer cet effet à autre chofe , qu'à une addition
de matière faline , laquelle s'eft formée pen-
dant la féconde calcination : elle s'eft alors trou-
vée en dofe fuffifante pour entraîner la fufion du
fable. Je me crois d'autant mieux fondé à penfei:
ainfi , que je fuis parvenu à mettre en femblablé
fufion , & d'un feul coup de feu , de pareil fable
que j'avois mêlé avec fon poids égal de pellicules
de chaux : ce verre , à la vérité , étoit femblablé
au précédent : il n'avoit ni la beauté ni la tranf-
parence d'un verre parfait ; mais il étoit fuftifam-
ment bien fondu , pour me faire peiifer que la
matière faline qui le forme pendant la calcina-
tion de la terre calcaire, entre pour beaucoup dahâ
cette fufibilité des terres : cette matière faline
alkaline,& l'acide vitriolique contenu dans les ar-
gillcs , font donc les deux caufes auxquelles oii
doit attribuer la fufibilité des terres l'une pair
l'autre j & il faut le concours de ces detix fub-
ftances en même temps , pour obtenir de ces ter-
res des verres parfaits , puifque l'une fans l'autre
ne produit que des demi-vitrifications. . .
Pour revenir à la troifieme caufe de fufibilité
dont j'ai parlé, je vais rapporter une expérience
que j'ai faite plufieurâ fois , & qu'on pourroiê
oppofer à mon fentiment. J'ai tenté , mais inu-
tilement , de fondre un mélange de parrieâ cga-
Tome li Ai
^yo Chymie expérimentale
les de terre d'alun ôc de gypfe : ce mélange eft
toujours refté fec Se friable. On pourroit m'ob-
jedler qu'il y a dnns ce mélange de l'acide vitrio-
lique , de qu'il auroit dû au moins former une
matière vitriforme : or cela n'eft point arrivé :
donc , pourroit-on conclure, il y a une différence
entre la terre de l'alun & les autres terres vitrifia-
bles , comme le penfe M. Margraff, page 3 de fes
Opufcules j 2^. volume , où il dit : La terre de
l'alun ejl une terre particulière féparée de la terre
argilleufe. Mais le fable féparc du liquorfilicum
par le moyen des acides , traité de même à parties
égales avec le gypfe , ne ferme plus une matière
vitriforme , comme le fait le fable qui n'a point
fubi toutes ces opérations. Doit-on en concliu'e
que le fable tiré du liquorfilicum eft une terre par-
ticulière féparée du fable ? D'où viennent donc
QQ.% différences ? De deux caufes : 1°. de l'extrcme
divifion des parties : 2°. d'un principe de fufibi-
îité , contenu dans les terres vitrifiables; principe
fufceptible de fe détruire & de fe dilîîper par la
Violence du feu : j'en ai parlé plus haut. J'ai re-
marqué un grand nombre de fois que du fable cal-
ciné exigeoit ww peu plus de fondant pour fe ré-
duire en verre, que celui qui ne l'a point été : ainfi
la terre rirée du liquorfilicum ^ & la terre tirée de
l'alun, font deux terres dans le plus grand état de
divifion poffible : elles préfentent beaucoup de
furface à l'action du feu : leur principe fufible s'é-
vapore avant que'le feu les ait pénétrées fulfifam-
ment pour les faire entrer en fufion. Nous avons ,
M. Macquer & moi , expofé fouvent au grand
feu àç.s mélanges de craie , d'argille & de fable ,
pétris avec de l'eau, pour former une forte de
porcelaine. Ces mélanges, après leur cuite, etoienc
enduits à leur furface d'une croûte de verre net 6c
BT RAISON NÉE. 57I
tranfparent : les pièces de porcelaine fe cauoienc
d'elles-mêmes en le refroidiirant , & les moiceaux
fauroient avec éclat, pauccque la retraice nelefai-»
foitpas uniformément : le verre fe détachoit de lai-
mcme. Se ne £iifoic pas corps avec la pâte. Lorfque
nous expofions de nouveau au Icu ces morceaux de
porcelaine , le verre c]ui étoit à leur furtace, fe dcf-
léchoit Se s'évaporoit de plus en plus, au lieu d'en-
trer en lufion : lorlque le ieii n'écoit pas aGez fort
pour le faire dilfiper , il formoit à la furface de la
pâte de cette forte de porcelaine une incrullation
terne , femblable à celle qui le forme à fa furface
du diamant qu on a expofé au teu à l'air libre. II
eil: difficile d'attribuer ces effets à autre chofe qu'à
une fubllance que le teu fait dilîîper, & qui fa-
cilite la fuiion des matières terreufes. C'eft cette
fubllance , fans connoître fa nature , que je
nonwwQ principe de jujlbilité ^ parceque les ma-
tières terreufes , fufceptibles de fufion , devien-
nent d'autant moins tuhbles , qu'elles ont été da-
vantage delféchées 6c privées de cette matière par
l'acVion du feu. A la rigueur, tout eftfulible dans
la Nature : il fuffit de fe procurer le degré de feu
convenable,&: de l'appliquer aux corps les plus ré-
fradlaires \ il eft certain qu'ils entreront tous en
fuiion, fans qu'on foit obligé de les mcler en-
femble : mais les expériences dont nous venons
de parler , ont toutes été faites à un coup de feu
à-peu-prcs femblable, qui^ quoique très fort, ne
l'étoit pas lutïîlamment pour fondre les fubftances
dont nous parlons , lorfqu'elles étoient feules :
ainli les phénomènes qui fe préfentent dans ces
expériences , font bien véritablement dus à l'ac-
tion de ces fubftances les unes fur les autres.
Indépendamment de la dilpofition qu'ont
tous les corps à entrer en fuiion par la violence
Aaij
37- ChYMIE EXPÉRlitE>4TAit
du feu, Se nonobftant que ce moyen foit rô-ij
connu fuffifanr pour les réduire tous en verre,
je ferois porté à croire que tous les corps de la Na-
ture contiennent plus ou moins de ce principe de
fufibilité : il paroit, en beaucoup d'occafions, agit-
dans la Nature, aufli bien par la voie humide,
que par la voie feche. Il paroît que ce principe
excite dans les corps qui en font pourvus , unô
forte de mouvement comparable à celui de la
fufion , par rapport aux effets qui en réfultent.
Je conviens qu'il eft difficile de donner des no-
tions exadtes fur une fubftance qui n'eft qu'a
peine foupçonnée , laquelle n'eft peut-ctre même
que l'effet de l'attradtion des parties de la ma-
tière l'une vers l'autre j mais quelle qu'en foit la
caufe, les phénomènes qui fe préfentent relati-
vement à. cet objet , méritent bien la peine que
nous nous y arrêtions un moment , foit que l'on
attribue ces phénomènes à un principe de fufibi-
lité , ou à la force de l'attraftion.
Toutes les pierres vitrifiables préfentent , a
leur furface , une apparence unie , &c quelque
chofe de lille , comme fi elles étoient mouillées.
On voit tous les jours de ces fortes de pierres'
caffces par des affaiffements locaux , ôc qui ont
été reffoudées enfuite. Il arrive fouvent que l'en-
droit de la jonftion forme un bourlet ou une
éminence. Les Naturaliftes attribuent cet eftet à
des fucs lapidifiques qui font venus remplir les
intervalles, effet femblable à celui d'un vafe rem-
pli d'eau , 5c que l'effort de la gelée a fait caffer :
l'augmentation du froid fait couler la glace par
la fente du vafe : elle fonde tout ce qu'elle ren-
contre à fon paffage. Ce fuc lapidifique auroit-il
la même confiftance que celle de la glace qui
coule par l'augmentation du froid ? 11 faut que
ET R A I S O N N E E; 375
cela foit: ce fuc lapidifique n'ell pas toujours de
la terre tenue en diffolution qui vient fe juxta-
pofer , tandis que l'eau s'évapore : fi les interval-
les étoient remplis par cette dernière caufe , on
verroit les alentours remplis de la mcme fub-
ftance par l'eau qui fe feroit cpanchée j c'ell ce
que l'on ne remarque pas toujours.
Argilles & acide vitrlolique.
J'ai mis dans un matras quatre onces d'argiîle
blanche bien fcchce, de réduite en poudre fine :
je l'ai délayée avec douze onces d'eau diflillée :
j'ai ajouté à ce mélange fix gros d'acide vitrioli-
que très pur & bien concentré : il ne s'cft excité
aucune eftervefcence. J'ai fait digérer ce mclan^e
pendant deux jours au bain de fable , ayant foin
de l'agiter fouvent : cnfuite j'ai filtré la liqueur
au travers d'un papier gris : la liqueur a palTe très
claire , & fans couleur : elle avoir une faveur ab-
folument femblable à celle d'une dilfolution d'a-
lun. Je l'ai mife dans un vafe couvert d'un pa-
pier , pour la garantir de la poufliere. Par une
évaporation fpontanée , j'ai obtenu cinq gros de
matière faline. La plus grande partie de ce fel
ctoit difpofée en petites écailles , comme du mica
blanc, & en avoit le brillant ; une autre portion
ctoit en petits cryftaux régulièrement cryftalUfés
comme l'alun. Tout ce fel avoit la faveur de l'a-
lun : il fe bourfourioicau feu, & fe réduifoit eiï
alun calciné comme lui. Cette expérience prouve
bien l'ideîitité de la terre d^alun avec la terre ar-
c;illeufe. Nous avons vu d'une autre part l'iden-
tité de la terre vitrihable avec la terre de l'alun :
c'eft ce que nous avons démontre par la forma-
tion de l'alun avec l'acide vitriolique , combine
Aaiij
574 Chymie expÉrimentali
avec la terre vitrifiable {épa.ï:ée du liquor ^/icuml
Toutes ces terres font elTentiellement de même
efpece &: de ntcme nature : leur plus grande dif-
férence ne vient que de la forme Se de l'état fous
lefquels la nature nous les préfente. Quelques
Chymiftes avoient dit avant moi, qu'on taifoitde
l'alun avec des argilles , & que ces deux terres
étoient de mcmc efpece j mais ni les uns ni les
autres ne nous ont fait connoître la nature de
ces terres. On étoit en droit de leur demander
de aûelle nature eft la terre de l'alun , ou de
quelle nature eft la terre de l'argille. Quelques;
Chymiftes ont mcme avancé que la terre de l'a-
lun eft une véritable argille : nous croyons que
cette aflertion manque d'exaditude. Ce'quîconf-
titue eftentiellement une argille, c:'^ la comki-
naifon de la terre argïlleufe avec l'acide vïtrïolï-
que : mais la terre féparée de cette combinaifon
n'eft plus de l'argille \ c'eft la terre propre à for-
mer une argille : je l'ai nommée à caufe de cela
terre argïlleufe. Il en eft de même de la terre de
l'alun : elle n'eft pas de l'alun \ c'eft la terre de ce
fel , &; que l'on nomme , à caufe de cela , terre,
d'alun.
M. Ivlargraff , dans un Mémoire inféré dans
fes Opufcules chy nuques ^ page 98 , deuxième vol.
édition françoife, dit avoir fait de l'alun avec
de l'argille & de l'acide vitriolique , & n'avoir ja-
mais eu d'alun , qu'en ajoutant à ces mélanges
une petite quantité d'alkali fixe : cependant je
n'ai point fait cette addition , &: mon expérience
a trèS'bien réufïi.
J'ai lavé dans une très grande quantité d'eau
^iftillée , le marc qui eft refté fur le filtre : j'ai fil-
tré la liqueur , ^ j'y ai verfé une fuffifante quan-
\vth 4'aIkaU fixe, pour décompofer le fel terreiii^
ET RAISONNÉ E. 375
t^u elle tenoic en tli(Tolutioii , Ôc pour avoir la
terre à parc. L'alkali fixe a occalïonné un préci-
pité blanc très léger , difficile à fe raflembler , 5c
qui retenoit fortement l'eau : il avoit un liane
mucilaeineux , comme celui de la terre de Talun
précipité de la même manière. J'ai lavé , à plu-
fieurs reprifes , dans beaucoup d'eau , cette terre
reftée fur le filtre , & l'ai fait fécher : il s'en eft
trouvé un gros &c demi.
J'ai fait fécher la terre argilleufe reftée fur le
filtre : il s'en eft trouvé trois onces & demie. C'eft
donc une demi-once qui s'étoit dilfoute , tant par
l'acide vitriolique , que par l'eau qui a fervi à la
laver. Cette argille , après toutes ces opérations ,
avoit moins de liant, parceque l'acide vitriolique
& l'eau ont dilFous pendant le lavage la partu^ la
plus fine , Se que la partie fableufe qui n'a p ic
de liant fe trouve ralfemblce ôc privée de la par-
tie la plus fine.
Ces expériences prouvent que fi l'argille n'eft
pas entièrement dilfoute par l'acide vitriolique ,
il y en a du moins une partie : mais voici une ex •
périence qui fait voir qu'elle eft diftoluble eu
bien plus grande quantité dans cet acide.
J'ai mis dans une fiole deux onces d'acide
vitriolique concentré Sc très pur , avec vingt-
quatre grains de la mcme argille. J'ai fait bouil-
lir ce mélange pendant un quart d'heure : il
ne paroilloit pas que cet acide eut attaque I ar-
gille j mais je préfumois qu'elle devoir fe dilfou-
dre au bout d'un long efpacc de temps. J'ai gardé
ce mélange pendant pluiîcurs années , en le re-
muant de temps à autre : toute l'argille s'eft dif-
foute dans l'efpace d'une année , à l'exceptioiv
dune très petite quantité de fable très fin. Au.
bouc de quatte années > j'ai féparc le dépcr , ie-
x\ a iv
5|7^ Ghymie expérimentale
l'ai lavé & faii fécher : il s'en eft trouvé quatre
grains : en l'examinant à la loupe , j'ai reconnu
que c'étoit un fable très fin : il avoit le brillant
& la tranfparence du fable blanc ordinaire : il
çroquoit comme lui fous les dents.
J'ai répété ces expériences fur de l'argille bleue
(ies environs de Paris , qui eft celle dont fe fer-
yen: les -potiers de terre. Je l'ai employée à la
même dofe de quatre onces fur une once d'acide
yitriolique , &: douze onces d'eau : il ne s'eft ex-
cité aucune efFervefcence dans le mélange. Après
deux jours de digeftion , j'ai filtré la liqueur :
elle a pafTé très claire & fans couleur ; mais elle
avoit une très forte faveur alumineufe : par une
évaporation fpontanée , elle a, formé , comme la
précédente , beaucoup de petits cryftaux d'alun ,
parmi lefquels il s'eft trouvé , au fond dii vafe ,
vn gros çryftal très régulièrement formé , & qui
étôit de véritable alun. La totalité de ce fel pe-
foit une once.
J'ai lavé la terre , reftéefur le filtre, dans une
grande quantité d'eau , pour emporter toute la
matière faline dont elle étoit imprégnée : j'ai filtré
la liqueur , & j'ai ajouté de l'alkali fixe pour faire
précipiter la terre : il s'eft formé un précipité
blanc comme dans l'expérience précédente , mais
qui a jauni par le contadt de l'air , Se qui a jauni
encore davantage après le lavage , &c pendant la
deflicçation ^ il s'en eft trouvé trois gros. Cette
couleur lui vient du fer que cette argille con-
tient , &c qui s'eft rouillé éc réduit en fafran de
Mars.
L'argille, qui ne s'eft point dilToute , pefoic
deux onces trois gros & demi, après avoir été
bien féchée : c'eft par conféquc-nr une once qua-
(re gros de demi d'argille qui s'eft dillçute dans
ET RAISONNE E. 577
ï'acide viniolique & dans l'eau : cette argille avoit
perdu fenfiblement de (on liant.
Ilréfulte bien évidemment de ces expériences,
que l'alun eft une argille qui contient une allez,
grande quantité d'acide viniolique , pour être ré-
duite dans un état falin bien caraélérifé , &z que
l'argille eft pareillement de l'alun , mais dont la
dofe de terre furpalfe tellement celle de l'acide
vitriolique, qu'elle fait difparoître prefque en-
tièrement les propriétés falines : enhn,en ajoutant
à l'argille la dofe d'acide vitriolique qui lui man-
que , on forme de l'alun.
Argillcs & acide nïtreux.
J'ai pareillement traité les deux argilles blan-
che &: bleue avec de l'acide nitreux. J'ai eflayé
d'en difloudre une quantité donnée dans cet
acide ; mais ce n'a été qu'au bout de plufieurs
années que cette diflolution aétc complette^ en-
core eft-il refté une petite quantité de matière
fableufe indiiïoluble : j'ai enfuite procédé aux
expériences fuivantes.
J'ai mis féparément dans des matras quatre
onces de chacune de ces argilles , bien féchées ,
réduites en poudre fine , avec une once de bon
acide nitreux , &: douze onces d'eau diftillée. J'ai
tait digérer ces mélanges au bain de fable pen-
dant deux jours : il ne s'eft excité aucun mouve-
ment d'effervefcence , ni pendant le mélange,
ni pendant le temps de la digeftion. J'ai filtré
les liqueurs chacune féparément : celle de l'argille
blanche a palTé très claire &: fans couleur \ celle
de l'argille bleue avoit une forte couleur orangée
très foncée : Tune &: l'autre avoient une faveur
alumineufe : celle de l'argille bleue tiroit un ^^eu
57^ ChYMIE EXPERIMENTALE
fur la faveur du vitriol de Mars : elle a aufll dé-»
pofé , dans l'efpace de vingt-quatre heures, une
matière terreufe d'un blanc jaunâtre. Cette li-
queur a fourni , par une évaporation fpontanée ,
une gelée jaune , couverte d'une pellicule de
la même couleur , qui s'eft dedéchée complec-
tement , Se réduite en une matière jaune > de fa-
veur vitriolique & alumineufe , pefant deux gros ,
dans laquelle il s'eft trouvé quelques petits cryf-
taux de véritable alun , Ôc qui en avoient toutes
les propriétés. La liqueur de Targille blanche s'eft
réduite a trois gros : elle eft devenue d'une cou-
leur femblable à une dififolution de vitriol de
Mars : elle avoit une confiftance fyrupeufe , Sc
n'a point fourni de cryftaux : fa faveur étoit ftyp-
tique Ôc fort aftringente.
J'ai lavé la terre reftée fur le filtre de l'une &
de l'autre expérience , dans une grande quantité
d'eau diftillée. Celle provenant de l'argille blan-
che , a filtré très claire , fans couleur : j'ai verfé
deflus une fuffifante quantité d'alkali fixe ; il a
fait précipiter une terre blanche qui, lavée & fé-
çhée, pefoit un gros ôc demi : l'argille qui eft reftée
après toutes ces opérations, pefoit , après avoir
été bien féchée, trois onces quatre gros &demi.
J'aipareillement lavé la terre de l'argille bleue
dans beaucoup d'eau diftillée, &: j'ai filtré la li-
queur : elle a paiTé claire , 8c fans couleur j mais
dans l'efpace de deux heures, elle eft devenue
d'une couleur jaune orangée : elle s'eft troublée ,
ôc elle a dépofé une terre de la même couleur , qui
ctoit de l'ochre : je ne l'ai point féparée : j'ai pré-
cipité , par de l'alkali fixe , la terre tenue en difta-
lution dans cette liqueur. J'ai lavé la terre préci-
pitée dans une fuffifante quantité d'eau : je l'ai fait
fécher ; il son eft trouvé un c^ros ; elle eft d'une
ÏT RAISONNES. 3 7^
fcouîeur de canelle , à caufe du fer qu'elle con-
tient, qui s'eit réduit en oclire. L'argille bleue de
foutes ces opérations, ralTemblée Se féchée, pefoit
trois onces demi-gros : elle avoit con(idcrable--
nient perdu de fa couleur.
ArsUlcs & acide marin.
L'acide marin agit mieux fur les argiilcs que
l'acide nitreux : il a plus de difpofition pour s'u-
nir aux terres vitrifiables.
J'ai mis dans des matras quatre onces d'argilles
blanche &: bleue, chacune iéparément, avec dix-
huit gros d'acide marin ordinaire , & douze onces
d'eau diftillée. J'ai fait digérer ce mélange comme
dans les expériences précédentes , & j'ai filtré les
liqueurs au bout de deux jours. Les liqueurs
avoient une faveur aluniineufe très forte : elles
étoient fans couleur j mais dans l'efpace de quatre
mois, c'eft- à-dire après qu'elles fe hircnt réduites
à un petit volume par l'évaporation , elles avoienc
acquis l'une & l'autre une belle couleur de dilfolu-
tion d'or. La liqueur de l'argille blanche n'a formé
aucun cryftal : elle s'eft épaillie confidérablement
& faifoit de l'encre avec de la noix de galle, a
caufe de la petite quantité de fer qu'elle conte-
noir.
La liqueur de l'argille bleue a formé douze
grains de félénite vitrifiable , fans couleur & fans
iaveur : la liqueur s'eft épaiflie de plus en plus,
&c a lailTé dépofer beaucoup d'ochrc de couleur-
jaune orangée.
J'ai lavé les terres reftées fur les filtres , Se j'ai
pareillement filtré les liqueurs, Se précipité par
de l'alkali fixe la terre qu'elles tenoient en dilfo-
Ji4tion : 'fQn ai tiré un gros «3v: demi des lotions de
380 ChYMIE EXPÉRIMENTAL'ï
l'argille blanche, & un gros dix-huit grains des
lotions de l'argille bleue.
Il eft reftc enfin d'indilToluble , favoir, trois
onces cinq gros vingt-quatre grains d'argille blan-
che, ôc trois onces deux gros ôc denii d'argille
bleue.
^rgilles & eau régale^
L'eau régale a plus d'adcion fur les argilles , qu«
n'en ont féparénient les acides nitreux & marin.
Quelques Chymiftes owt propofé ce menftrue
pour purifier & débarrafifer les argilles des matières
métalliques , lorfqu'ellesen contiennent , afin de
les employer enfuite avec plus de fuccès dans les
poteries blanches, telles que la porcelaine , &c.
Mais outre que ce moyen efl: difpendieux , il ne
fépare pas complettement les matières métalli-
ques. Cet acide mixte diflout à la vérité la por-
tion qui peut être pourvue de phlogiftique \ mais
celle qui eft dans l'état de chaux n'eft point atta-
quée par l'eau régale : elle refte dans l'argille , &
altère toujours fa pureté.
Argilles & vinaigre dijlillé.
Le vinaigre diftillé a fort peu d'adion fur les
argilles : il ne les diflout guère mieux que de l'eau
pure j mais il a l'avantage de féparer toute la terre
calcaire qu'elles peuvent contenir.
J'ai mis dans un matras quatre onces d'argille
blanche & huit onces de vinaigre diftillé : il ne
s'eft excité aucune effervefcence. J'ai fait digérer
ce mélange pendant huit jours. J'ai filtré la li-
queur : elle a pafTé claire , fans couleur , n'ayant-
point d'autre faveur que celle du vinaigre difti.Ué
ET RAISONNE E. 58I
pur. J'ai laiiré la liqueur s'évaporer a l'air daiLs
lin vafe de verre couvert d'un papier pour la ga-
rantir de la poulliere : elle a forme vingt-quatre
grains de fel terreux , femblable à celui de craie
Se de vinaigre diftillc j il avoir feulement moins
de laveur amere : il croit d'une légère couleur
rouffe, à caufe d'un peu de fer qu'il contenoit.
J'ai lavé le marcrefté fur le filtre comme dans
les expériences précédentes : j'ai filtré la liqueur j
êc par le moyen de l'alkali fixe , 'fcn ai précipité
la terre : j'ai obtenu quarante-quatre grains de
terre blanche : cette terre efl: toute calcaire : elle
fe dillout avec vive etfervefcence , «Se fe convertit
en chaux vive par la calcination ; il eft refté enfin
trois onces cinq gros cinquante -quatre grains
d'argille , qui ne parut point différer de ce qu'elle
étoit auparavant.
J'ai traité de mcme l'argille bleue des potiers
avec du vinaigre diftillé , t>c aux mêmes dofes. La
liqueur hltrce m a rourni , par une evaporatioii
fpontanée , vingt-quatre grains de fel calcaire
acéteux , cryftall ifé ew petites aiguilles foyeufes ,
mais (Ai par beaucoup d'ochre jaune qui s'eft dc-
pofée. Ce fel a une faveur chaude , aulîi acre que
le fel de craie &: de vinaigre : il a rongé les pa-
piers dans lefquels je l'avois enveloppé.
J'ai pareillement lavé la terre ; j'ai filtré la li-
queur , & l'ai précipitée par de l'alkali fixe : j'ai
obtenu cinquante grains de terre calcaire jaune,
à caufe de l'ochre qui s'eft dépofée avec elle. Il eft
refté enfin deux onces fix gros & demi d'argille
après toutes ces opérations.
Mon objet étant de comparer les argilles avec
jSi ChYMiE expértmentalê
la terre de l'almi , afin de m'afTurer fi la terre dS
l'une & de l'autre eft eiTentiellement de même
elpece, j'ai rcpctc avec de la terre de l'alun toutes
làs expériences de dilFolutions dans les acides
dont je viens de parler aux articles précédents :
j'ai obfervé exaftement les mcmes phénomè-
nes. Je fupprime ici les détails, parceque cela
ne feroit qu'une répétition de ce qui vient d'ê-
tre dit. J'ai pareillement comparé la terre de
l'alun avec les précipités d'argilles , obtenus dc&
dilfolurions faites dans les acides précipités par
l'alkali fixe : j'ai remarqué que ceux provenant
des dilfolutions faites par les acides virriolique Se
marin, étoient abfolument femblables à la terre
de l'alun , & qu'ils formoient de l'alun en combi-
nant de nouveau ces précipités avec de l'acide vi-
rriolique. M. MargrafF, dans {es Opufcules chy^
miques j édition françoife , deuxième volume ,
page 94 , dit avoir obtenu quelque chofe qui avoit
du rapport avec de véritable alun j & quelques
pages plus loin , il dit n'avoir jamais pu former
de l'alun en combinant enfemble de la terre def
l'alun avec de l'acide vitriolique : il a toujours
été obligé d'ajouter de l'alkali fixe. Mais à la
page iSi , deuxième volume , il dit cependant :
3' Je ne voudrois pourtant pas nier que la chofe
S' fut abfolument impolfible a la faveur de quel-
3> ques circonftances ultérieures '«. Je penfe que
H M. Margraft n'a point eu dans ces expériences
des cryftaux de véritable alun, cela vient des pro-
portions de terre & d'acide qui fe font trouvées
dans fes mélanges. J'ai fait voir que l'alun ordi-
naire peut fc charger d'une nouvelle quantité de
fa terre, & même s'en faturer : il peut auiîi en pren-
dre une moindre quantité que celle qui eft nécef-
faijLe à fa parfaite faturacion. Les efpeces de fels
ET RAISONNÉ E. 5S3
qui réfultent de ces différentes dofes de terre &
d'acide , ont d'autant moins les propriétés de
l'alun , qu'il eft entré davantage de terre dans
leur compofition : en un mot , j'ai obfervé que
l'alun admet toutes fortes de dofes de terre , fans
que celle de l'acide vitrioliqae varie. Il paroîr
que les matières falines qu'a obtenu M. Margratf,
de qu'il dit avoir eu du rapport avec de véritable
alun , fe trouvoient combinées dans des propor-
tions différentes de celles qui fe trouvent dans
i'alun ordinaire.
Argille & foufre,
L'argille &: le foufre n'ont point d'action l'un
fur l'autre par la voie humide. On ne connoîr
point leurs c.^qis par la voie feche. J'ai mêlé plu-
fleurs fois de l'argille blanche très piu^e avec du
foufre: j'ai expoié ces mélanges à la plus grande
aélion du feu fous la moufle : le foufre fe dilîî-
poit ^ mais il communiquoit ordinairement à l'ar-
gille une couleur noire phlo^ilHquée , qu'elle ne
prenoir jamais fans cette addition. Cette expé-
rience fort fimple prouve deux chofes , 1°. la
grande affinité des argilles avec le principe in-
flammable , 2^. que le phlogiftique dans le foufre
n'efl: pas dans le plus grand état de pureté : c'eft
ce que nous avons déjà dit ailleurs.
Argïlle & alk ail fixe.
Si dans une décottion d'argille faite avec de
l'eau pure , on verfe de l'alkali fixe en liqueur ,
il fe fait aufli-tôt un précipité blanc terreux : l'al-
kali s'unit à l'acide vitriolique de l'argille , &C
fait précipiter la terre : en tiltrant cette liqueur,
& la taifant évaporer, on obtient des cryftaux de
3^4 Chymïe expérimentale
tartre vitriolé. On lave la terre qui relie fur le
hltre , & on la fait fccher. Cette terre eft fem-
blable à la terre de l'alun , & elle en a toutes les
propriétés. Il eft vifible que par ce moyen l'ar-
gille qui s'eftdilToute dans l'eau , eft décompofée ;
mais Pargille en malTe d'agrégé ne fe lailfe pas
décompofer de mcme par l'aUcali fixe.
J'ai fait bouillir pendant douze heures deux
livres d'argille blanche avec autant d'alkali fixe ,
dans une luffifante quantité d'eau : je remplaçois
l'eau à mefure qu'elle s'évaporoit. L'argille deve-
noit comme foyeufe ; les molécules , en fe mou-
vant dans l'eau , faifoient des reflets femblables
à ceux que jette la moir? J'ai filtré la liqueur
tandis qu'elle étoitbouiil nte : elle s'eft troublée
par le refroidiflement, & elle étoit aufli alkaline
qu'avant cette opérr.tion : je n'en ai jamais pu
tirer du tartre vitriolé. La liqueur a dépofé, par
le féjour , une portion d'argille que l'alkàli fixe
avoir diflbute. J'ai lavé dans beaucoup d'eau
bouillante l'argille reftée fur le filtre , afin de la
delfaler entièrement. Tant que la matière conte-
noit de l'alkàli , la liqueur fe filtroit facilement:
elle paflbit claire j mais elle avoir une coulent
roufîe : aufli-tôt qu'elle a été débarraflée de l'al-
kàli , elle s'eft divifée dans l'eau bouillante à un
tel degré, qu'il n'étoit plus poflible de filtrer la li-
queur : la terre étoit dans une forte de demi-dif-
folution. J'ai fait fccher cette terre : je m'en fuis
fervi pour décompofer du nitre &c du fel marin :
elle a décotnpofé ces fels avec la même facilité
que de pareille argille qui n'a point fubi ces opé-
rations. Quelques Chymiftespenfent le contraire,
& croient que ce moyen eft fuffifant pour enlever
à l'argille fon acide vitriolique.
H réfulte de ces expériences que l'acide vitrio-
lique
1-T RAISONNÉ Ei ^Sj
lique eft très adhérent aux argilles. Nous ver-»
rons dans une autre occaiion , en décon^.pofant le
nitre par les argilles cuites , que la violence du
feu même ne peut point priver cette fubilance dô
tout l'acide vitriolique qu'elle contient.
yirg'illc j alkali fixe , & phlogljlique.
Foie de Soufre , fie Soufre artificiel.
J'ai fait fondre dans un creufet une once d*ar-
gille , huit onces d'alkali fixe , &: une demi-once
de charbon en poudre. J'ai leflivé cette matière
dans de l'eau. J'ai hltré la liqueur :elle avoir tous
les caractères du foie de foutre ordinaire. J'ai
verfc du vinaigre diftiUc dans cette liqueur, qui a
fait précipiter de vrai foufre. Dans cette expé-
rience , le phlogiftique du charbon s'eft uni à
l'acide vitriolique, oc ils ont formé du foufre. L'ai*
kali fixe a empêché que ce foufre ne fe brûlât a
mefure qu'il fe formoit. Ce foufre n'efl: pas pur ,
parcequ'il y a une certaine quantité de terre ar-
gilleuie qui eft diflToute par l'alkali ^ & que l'a-
cide fait précipiter conjointement avec le foufre.
Néanmoins il réfulte de cette expérience , que
quoique l'acide vitriolique ait une très grande
adhérence avec la terre argilleufe , le phlogifti-
que le fépare d'avec cette terre par la voie feche.
Alkalï fixe avec les matières combufiïhles,
L'alkali fixe a une adio»! confidérable fui lea
matières végétales &: animales : il produit diffé-
rents effets, fuivant l'état où elles f e trouvent : il
racornit & durcit beaucoup les chairs : il dilfout
& réduit en gelée la laine , la foie , la corne, &c.
L'alkali fixe rroid n'a pas une adion aufii prompt®
Tome I, Bb
3 s <î C H y M I E E X r É R I M E N T A L F
que les acides minéraux fur les matières animales,
mais il agitaufli efficacement. Il s'empare de leur
matière huileufe , leur ôte toute leur folidité, 8>C
les pénètre tellement qu'il les rend prefque in-
combuftibles. Cette dernière propriété lui eft
commune avec prefque tous les fels neutres qui
ne font point inHammables. Cet effet vient de ce
que les fels s'appliquent très intimement à la fur-
face des matières combuftibles , qu'ils intercep-
tent au feu la communication avec l'air , & que
ces mêmes fels retiennent le principe aqueux qui
s'oppofe à l'inflammation des corps combuftibles.
Alkali fixe avec le phlo^ijlique.
L'alkali fixe en liqueur à froid , ou cà l'aide
d'une chaleur égale à celle de l'eau bouillante , a
fort peu d'a6tion fur les charbons bien faits : mais
il n'en eft pas de même par la fufion. Si l'on fait
fondre dans un creufet huit onces de fel alkali &
une demi-once de charbon en poudre , on peut
préfumer que ce charbon fera complettement dif-
fous ^ du moins j'ai remarqué que , lorfqu'il
tombe des charbons dans de l'alkali qu'on fait en-
trer en fuiîon, il s'en diftbut beaucoup j l'alkali
prend une couleur rouge , & devient plus déli-
quefcent. J'ai encore remarqué que le phlogifti-
que du charbon occafîonne la volacilifation de
l'alkali fixe : il le réduit en fumée blanche ôc
épaifte , qui agit prodigieufement fur le cerveau
& fur le genre nervetiK. Cette fumée rend la tête
foible & étonnée , comme lorfqu'on eft conva-
lefcent à la fuite d'une grande maladie : cette
fumée phlogiftique eft faline , irrite le genre ner-
veux, & occafîonne des inquiétudes 6c des im-
patiences dans tous les membres.
ET RAISONNÉ E. 3S7
Lorfquon fait dilFoudre cet alkali dans de
Veau , il produit une liqueur acre très cauftique
& d'une couleur rouge très foncée. Il y a lieu de
penfer qu'en féparant par précipitation cette ma-^
tiere colorante , & en la loumettant à la diftilla^
tion, ellefourniroit une matière huileufe , comme
nous avons dit que cela arrivoit en dilHllant du
bleu de Prufle» La matière phlogiftique , précipi-*
tée par le fer , redevient dans l'état huileux, par^
cequ'elle fe combine avec le principe aqueux»
Alkali fixe avec une huile grajje.
L'alkali fixe a beaucoup d'adion fur les huiles
•ralTes : il forme avec elles des compofés que l'on
nommey^rvo/zj ; mais comme l'alkali fixe elt déli-
quefcent, les favons qu'il forme font mous & un
peu déliquefcents. On eft dans l'ufage d'y em-
ployer l'alkali marin, dont on augmente la caufti-
cité par de la chaux. Nous ne dirons rien quant â
préfent fur cette efpece de favon , ôc nous ren-
voyons tout ce que nous avons à dire fur cette
matière , à l'examen que nous ferons des propris-»
tes de l'alkali marin.
L'alkali fixe eft volatilifé par la itiatiere hui-^
leufe. Starkey, dans fa Pyrotechnie^ recommande,
pour y parvenir , de diftiller une huile fur du fel
alkali , & de diftiller un grand nombre de fois dé
fuite , fur l'alkali qui refte dans les vailfeaux ^
l'huile qui apalfé à chaque diftillation. Nouspar-*
ierons ailleurs de ces procédés.
Alkali fixe avec les nerres calcaire4.
L'alkali fixe ne peut contracter aucune ùnîôli
de comoofition par la voie humide avec les terrés
calcaires : elles n'augmentent point fa caufticité k
Bbij
5SS ChYMIÉ ÈXPiklI^ËNTALE
mais par la voie feche , cette matière falinô pré-
fente avec ces terres des phénomènes femblables
à ceux de la terre vitrifiable , c'eft-à-dire que ,
fuivant les proportions de ces deux fubftances,
on obtient des matières vitreufes , ou des matières
vitriformes , comme nous l'avons dit à l'article
du lïquorfdicum. Dans cette expérience , la terre
calcaire eft abfolument changée de nature : elle
ell convertie en terre vitrifiable , & fe trouve ra-
dicalement privée d'eau , d'air &: de matière in-
flammable j du moins elle ne contient pas plus
de cette dernière fubftance , que les terres vitrifia-
bles ordinaires. J'ai dilfous dans les différents aci-
des , la terre féparée de cette efpece àQ UquorJîU-
cum ; elle m'a fourni de l'alun avec l'acide vitrio-
lique ; ce qui prouve complettement la conver-
fion de cette terre en terre vitrifiable. Je ne ré-
pète point ici les procédés de ces opérations, par-
cequ'ils font les mêmes que ceux dont nousavoni
parlé précédemment.
Alkalifixe avec de la chaux vive.
L'alkali fixe , traité avec de la chaux vive, aug-
mente confidérablementdecaufticité. La liqueur,
filtrée &: évaporée jufqu'à un certain point , pro-
duit une leffive très alkaline à laquelle on peut
donner le nom de Ujjîve des favonniers faite avec
de l'alkali végétal^ afin de la diftinguer de celle
qu'on fait avec de l'alkali marin , qui eft celle
qu'on emploie ordinairement pour la compofition
du favon. Les propriétés de la leffive de l'alkali
végétal cauftique ne font pas connues. On ignore
quelles feroient les propriétés des favons qu'on
feroit avec cette lefiive : on fait feulement qu'ils
font mous, ^ ne prenaeiît paî| beaucoup de coiis
iiftance.
BT RAISONNÉ E. jSp
Alkali fixe avec de l'acide vitrïclique.
Tartre vitriole , Sel de duobus , Arcanum dupUcatum.
L'alkali fixe de l'acide vitriolique fe combiH^iK
très bien jufqu'au point de faturacion avec cha-
leur &C eftecvefcencOk Ces fubftances perdent ré-
ciproquement leurs propriétés particulières en fe
combinant.
On met dans une terrine de grès quatre onces
d'alkali fixe étendu dans douze ou quinze fois
{on volume d'eau chaude. On verfe peu à peu de
l'acide vitriolique affoibliril fe fait une vive etfcr-
vefcence :on continue d'en verfer jufqu'à ce qu'il
ne fe talfe plus d'etfervefcence &c que la liqueur
n'ait point de faveur alkaline ni acide : c'eft ce
que l'on nomme point de faturation : alors on fil-
tre la liqueur, &: on la fait évaporer jufqu'à lé-
gère pellicule : elle forme , par le refroidillement,
de petits cryftaux taillés en pointes de diamant :
c'eft ce que l'on nomme tartre vitriolé, fcl de duo-
bus^ on arcanum dupUcatum. On détache le fel de
la terrine avec la pointe d'un couteau , &: on le
fait éçToutter fur du papier gris- On fait évaporer
la liqueur de nouveau jufqu'à pellicule : on ob-
tient des cryftaux comme la première fois : on
continue ainfi de fuite les évapoiations & les
cryftallifations jufqu'à ce que la liqueur ait fourni
tout ce qu'elle peut doi\ner de fel : il refte enfin
une liqueur qui n'en fournit plus : on lui a donné
le nom à'eau-merc : on la jette comme inutile :
tous les fels neutres, qui ont pour bafe un acide^
^ un alkali , laiffent une femblable eau-mere»
Nous ferons un article fur les eaux-meres des feli
en général j lorfque nous parlerons de la cryllal-
lifatiou des fels.
Bbii|
3f50 ChYMIE ex P ÉRIMENl ALE
R E M A R Çl U E S.
Ni l'acide ni l'alkali ne peuvent fe cryftalliicr
tan: qu'ils font feuls. La faveur de chacun d'eux
eft très forre , très différente & très diftinde. Ces
matières falines ont beaucoup d'affinité avec l'eau:
cependant l'efpsce de fel qui réfulte de cette com-
binaifon , fe cryftallife facilement , a peu de fa-
veuT &:.peu de difTolubilité dans l'eau : il eft par-
faitement neutre : il ne change point les cou-
leurs bleues des végétaux : il a moins d'affinité
?.veç l'eau que les deux fubftances falines qui en-
trent dans fa combinaifon : il n'attire point l'hu-
rnidité de l'air : il fe difiTout en plus grande quan-
tité dans l'eau bouillante que dans l'eau froide.
Quatre onces d'eau bouillante diflfolvent fept gros
quarante-huit grains de tartre vitriolé. Toutes
ces propriétés font dues , fuivant notre nouvelle
théorie , à ce que ces deux fubftances falines, en
fe combinant , perdent la plus grande partie de
leur feu , auquel elles dévoient leur caufticité.
Ce fel ne peut admettre dans fa combinaifon
ni une furabondance d'acide , ni une furabon-
dance d'alkali. M. Rouelle rapporte dans un Mé-
moire imprimé dans le volume de l'Académie
pour l'année 1754, page 5^(5, une expérience
par laquelle il avoit cru combiner une portion
d'acide vitriolique furabondant à ce fel. C'eft ce
que nous examinerons à l'article de la cryftallifa-
Ùon des fels.
Alkall fixe avec le foie, de foufre terreux,
L'alkali fixe décompofe le foie de foufre ter-
veux : il fait précipiter la terre de l'eau de chaux ,
^ 5'empare du foufre qu'il diftbut ; mais aucun
4ês produits de ces opérations n'a été examiné*
ET RAISONNE!, 591
Alkali fixe avec le foufre.
L'alkali fixe s'unit au foufre par la voie hu-
mide &: par la voie feche , fans que le foufre fu-
biffe aucune dccompofition. Ce compofé porte
le nom Aq foie de foufre.
Foif. de foufre par la vole humide.
On prend fix onces de foufre en poudre ou de
fleurs de foufre , &: douze onces d'alkali fixe fec :
on met ces matières dans un matras avec une
livre d'eau : on place le vaifieau fur un bain de
fable : on le fait chauffer par degrés , jufqu à faire
bouillir doucement la liqueur pendant quatre ou
cinq heures , ou jufqu'à ce qu'elle devienne d'une
couleur jaune orangée : on agite le vaifieau de
temps en temps ; alors on filtre la liqueur au
travers d'un papier gris, &: on la conferve dans
une bouteille qu'on tient toujours bouchée : c'efl;
\tfoie de foufre fait par la voie humide.
Foie de foufre par la voie feche.
On prend quatre onces de foufre en poudre :
on le mêle dans un mortier de marbre , avec au-
tant d'alkali fixe bien fec : on met ce mélange
dans un creufei : on le place dans un fourneau
au milieu des charbons ardents : on couvre le
creufet de fon couvercle. Aufli-tôt que la ma-
tière commence à rougir , elle entre en fufion :
lorfqu'elle eft bien fondue , on la coule fur un
marbre poli & légèrement grailTé & efluyé. La
matière fe fige en refroidiflant : on la détache
tandis qu'elle cft encore chaude : on la calTe par
petits morceaux, & on la ferre dans une bouteille
qu'on bouche bien , parcequ'elle attire l'humi-
aité de l'air : c'eft le foie de foufre parla voie feche.
Bbiv
'^^z Chymie expérimentale
Remarques,
Il eft vifible , par ces deux expériences , que le
foufre eft uni à î'alkali par deux proccc^és difFé--
rents. L'alkali fixe par la voie humide dilTout
moins de foufre. Il eft plus expéditif de faire
chauffer le mélange affez pour {\\ire entrer Iq
foufre en fufion, comme nous l'avons dit à l'é-
gard dn foufre qu'on fait diffoudre par de l'huile.
Dans cet état , l'alkali le diffout mieux que lorf-
qu'on agite le mélange dans le deffein d'empê^
cher le foufre de fe raffembler au tond du ma-
tras : mais fi par cette voie on unit moins de
foufre à l'alkali , celui qu'il tient en difTblution
lui refle plus long- temps combiné fans fe décom-
pofer. Nous verrons , dans un inftant , que le
foie de foufre qui a été fait par la voie feche , eft
de très facile décompofition ) mcme dans des
bouteilles bien bouchées.
Nous avons dit précédemment que l'alkali
rougit au feu long-temps avant d'entrer en fu-
fion , &c que le foufre , au contraire , entre en
fufion à une chaleur fort modérée. Ces deux fub^
fiances partagent entre elles leurs degrés de fu-»
fibilité : c'eft ce qui fait que ce mélange entre en
fufion en même temps qu'il rougir. Une partie
du foufre s'enflamme avant qu'il ait le temps de
fe combiner avec l'alkali. La plus grande partie
de l'acide vitriolique qui devient libre , fe com-
bine avec Talkali, ôc ils forment enfemble du
tartre vitriolé, qui fait partie de la malTe qu'on
obtient j mais la plus grande partie du foufre fe
combine avec l'alkalij&r forme la fubftancequoî;
nomme/oie de foufre. Ce compofé eft d'une cou^
iQiU' nQÙiçf ©a <^u^ jauniç un peu ^ h furface c^uçl^-
ETRAISONNEE. ^ÇJ
que temps après , où il eO: d'une couleur rouj^e ,
(uivant les degrés de feu qu'il a reçus. Ce toie
de foufre attire l'humidité de l'air , mais moins
que Talkali fixe : néanmoins il s'en charge alTez
pour faire voir que l'alkali conferve encore de
les propriétés. Ce foie de foufre a beaucoup plus
d'odeur que le foufre pur ; celle qu'il a, tire fur
celle des œufs couvis.
Si l'on n'avoir pas foin de grailler un peu la
pierre fur laquelle on coule le foie de foufre, il
s'y appliqueroir fortement : on auroit beaucoup
de peine à l'en détacher , fans arracher un peu de
la furface de la pierre.
Le foie de foufre fe diffout très bien dans
l'eau : on en pulvérife la quantité que l'on veut :
on la met dans un matras : on verfe par delTus
trois ou quatre fois fon poids d'eau chaude : on
agite le mélange , & au bout d'une demi-heure ,
ou lorfque la matière eft bien dilloute , on filtre
la liqueur au travers d'un papier gris. Il refle fut
le filtre un peu de terre &: de tartre vitriolé qui
s'eft formé pendant la fufion , pourvu cepen-
dant qu'on n'ait pas employé trop d'eau. Dans
ce cas , le tartre vitriolé fe dilfout &: palfe au
travers du filtre avec le foie de foutre. La li-
queur filtrée eft claire Se tranfparente ; mais elle
a une couleur jaune orangée , qui eft d'autant
plus foncée , que la matière a moins refté de
temps fur le feu pendant la fufion : elle a uns
odeur de foufre & d'œufs couvis : on nomme
cette liqueur foie de foufre dijfous : elle a les mê-
mes propriétés que le foie de foufre qui a été pré-
paré par la voie humide , à quelques propriétés
prcs,qui viennent de l'altévation qu'a fubi le fou-»
|ie pendant la fufion.
j^oifc^u'ou a laiiré le foie de foufie trop lon^-*
594 Chymie expérimentale
temps au feu, la dilfolution qu'on en fait en-
fuite , a beaucoup moins de couleur : le foie de
foufre qu'elle tient en dilTolution fe décompofe
très promptement , même fans le concours de
Fair : il fe torme dans les bouteilles qui le con-
tiennent , un tartre vitriolé , auquel on a donné
îe nom 6.Q fel fulfureux de *SrjûA/, parcequ'il con-
tient un peu de matière phlogiftique, & que ce
fel a des propriétés un peu différentes du tartre
vitriolé ordinaire. Cette propriété qu'a le foie
de foufre de fe décompofer ainfi , vient de ce
que le phlogiHique du foufre, pendant la fufion, 2
été plus atténué qu'il ne l'étoit dans le foufre
pur ; le principe du feu qui le conftitue phlogifti-
que , s'eft rapproché davantage du feu pur : fous
cette forme , il eft plus facile à fe décompofer
complettement , à fe réduire en feu élémentaire ,
& à fe diffiper. Ceci nous donne un exemple des
différents états fous lefquels peut fe trouver le
phlogiftique, avant d'être décompofe complette-
ment : celui qui eft dans le foufre , eft fufceptible
d'altérations par nuances înfenfibles : il peut ac-
quérir différentes propriétés , fuivant l'état où il
fe trouve, & même s'enflammer tout feul à l'air,
comme cela arrive dans le pyrophore , où le fou-
fre eft en partie dans un grand état d'altération.
Lorfque le foie de foufre fe décompofe dans des
bouteilles bouchées , il lui arrive fouvent de ta-
piflTer l'intérieur d'un enduit phlogiftique d'une
couleur prefque noire , ^ qui forme ^qs iris :
d'autres fois il nelaiffe aucune couleur : cela dé-
pend du degré de feu que le foie de foufre a reçu
pendant fa formation.
r. T RAISONNES. ^ JJ^
Foie de foufre au feu.
Sel Ailfurcux. Tartre vitriolé.
On met dans un vaifleau de terre large &; plat,
la quantité que l'on veut de foie de foufre fait
par la voie feche & réduit en poudre. On place
le vaiffeau fur un feu très doux : on remue la ma-
tière de temps en temps , pour renouveller les
furfaces. Le foufre fe décompofe , le phlogifti-
que fe dilTipe fans combuftion, & l'acide vitrio-
lique fe combine avec l'alkali du foie de foufre ,
& forme du tartre vitriolé. Lorfque la matière a
fumé pendant un certain temps , on augmente
le feu , jufqu'à la faire rougir obfcurémenr pen-
dant environ un quart d'heure, afin de faire dif-
fiper tout le phlogiftique : alors on fait diffoudre
dans de l'eau la matière faline : on filtre la li-
queur , & on la lailfe refroidir ; elle fournit des
cryftaux de vrai tartre vitriolé.
Staahl avoir imaginé cette expérience , qui eft
très exade , pour démontrer que le foufre étoit
compofé de fept parties d'acide vitriolique , &
d'une de phlogiftique. La vapeur qui fe dégage
du foie de foufre dans cette opération , n'eft point
4u feu pur ; c'eft dû phlogiftique qui eft excédent
a la compofitton du tartre vitriolé. Cette vapeur
eft aufii pernicieufe que celle qui s'élève du char-
bon ou de la braife qu'on fait brûler. Si l'on fai-
foit cette expérience fur plufieurs livres de foie
de foufre , & dans un endroit bien clos , on fe-
roit futfoqué comme par toute autre matière
phlogiftique dans l'état de vapeurs,
Foïe de foufre à Voir,
Le phlogiftique a plus d'affinité avec l'acide
'^9^ Chymie expérimentale
vitriolique , que cet acide n'en a avec l'alkali 5
c'eft un fait qui eft conftatc par une fuite d'ex-
périences , &: nous verrons mcme dans le cours
ae nos opérations , que ce principe inflammable
s'empare de cet acide , à quelque bafe qu'il foit
uni, foit par la voie feche, foit par la voie hu-
mide : cependant , (i l'on expofe du foie de fou-
fre fec à l'air , il attire d'abord l'humidité de l'air,
parceque l'alkali, quoiqu'un! à du foufre, con-
lerve encore quelques-unes de fes propriétés , Se
finçuliérement celle de fe charger de l'humidité
de l'air. Mais ce qu'il y a de remarquable , c'eft
que ce même foie de foufre fe décompofe par la
feule expofition à l'air , comme par l'aétion du
feu. Le phlogiftique fe diflipe , & ce qui refte eft
du tartre vitriolé , mais qui cependant diffère
du tartre vitriolé ordinaire , en ce qu'il retient
un peu de phlogiftique : on le nomme , à caufe
de cela , fe/ fulfureux : mais au moins eft-il cer-
tain que prefque tout le phlogiftique s'eft diflipé.
On eft en droit de conclure , d'après cette obfer-
vation , que les affinités qu'on a établies fur ces
fubftances , ne font pas juftes j & en effet, elles
manquent d'exaétitude , puifque cette affinité
n'eft ni générale ni conftante. Le foie de foufre
qui fe décompofe à l'air , & qui laiiTe diffiper fon
phlogiftique , prouve , dans cette circonftance ,
que l'acide vitriolique a plus d'affinité avec l'alkali
qu'avec le phlogiftique. Nous examinerons cette
queftion , lorfque nous parlerons du foufre arti-
ficiel.
Foie de Soufre avec de l'eau.
D'après les propriétés du foie de foufre qua
nous avons fait connoître , on fait déjà que cette
iîul:)ftaïice fe diftbut dans l'eau j Se en eftet » die
ET RAISONNÉ Ê. ^97
S*y difTout facilement. Lorfque le foie de fouftô
eft dilfous , on filtre la liqueur ; c'eft ce que Von
nomme foie de foufre en liqueur. C'efl dans cet
état de dilTolution j qu'on l'emploie le plus ordi-
nairement dans les expériences : li l'on expofe à
l'air le foie de foufre , il fe décompofe ^ commft
je viens de le dire.
Foie de Soufre avec de la glace*
On ignore les effets de ce mélange.
Foie de Soufre avec de la terre vïtrifiahle.
On ne connoît point les effets du foie de foufre
fur la terre vitrifiable , foii par la voie feche , foin
par la voie humide. On peut prcfumer que par la
voie feche il n'agit point comme foie de foufre,
parcequ^il feroit décompofe par la chaleur, avant
qu'il pût porter fon adion fur la terre vitrifiable.
On peut de mcme penfer qu'il n'auroit guère plus
d'aclion par la voie humide , parceque la terre vi-
trifiable ne contient aucun des principes par lef-
quels les matières falines attaquent les corps.
Foie de Soufre avec les matières combujlibles.
Le foie de foufre a beaucoup d'adion fur les
matières végétales & animales \ mais on a fait
peu d'expériences pour connoître les propriétés
île cette fubftance fur les matières combuftibles.
Foie de Soufre avec le phlogijlique.
Le foie de foufre a beaucoup d'adion fur les
matières charbonneufes végétales : il les dilTout,
foit par la voie feche , foit par la voie humide.
On met une pincée de charbon en poudre dans
5^8 Chymie expérimentale
une fiole : on verfe par-defiTus une demi-once, ou
à-peu-près, de foie de foufre liquide : on fait
chauffer légèrement ce mélange : le chareon fe
diffout complettement , de communique à la li-
queur unj couleur verte. Ce phénomène nous
donne un exemple de la grande action du foie de
foufre fur les matières charbonneufes.
Foie de Soufre avec la madère hu'deufe.
On ignore les eifets du foie de foufre fur les
huiles. *
Foie de Soufre avec la terre calcaire.
On ignore de même les effets de cette fubllauce
fur les terres calcaires.
Foie de Soufre avec l'acide vitriolique,
Magiflere de Soufre.
On met dans un vafe de verre la quantité que
l'on veut de foie de foufre liquide fait par la voie
feche ou par la voie humide : on l'étend dans une
grande quantité d'eau. Dans ce mélange, on verfe
goutte à goutte de l'acide vitriolique aftoibli : il fe
fait auflî-tôt une vive effervefcence , un précipité
iblanc qui trouble la liqueur , & il s'exhale une
odeur d'oeufs couvis ou de matière fécale. On
continue de verfer de l'acide jufqu'à ce qu'il ne fe
fafîe plus de précipité ; alors on filtre la liqueur :
on paife de l'eau chaude fur le précipité refté fur
le filtre , afin de le defTaler : on le fait fécher :
c'eft ce que l'on nomme magiflere de foufre.
Remarques.
Le foie de foufre , comme nous l'avons dit ,
ET RAISONNES. 59^
efl l'union du foufre avec l'alkali : le foufre , par
cette union , n'a point changé de nature. Lorf-
qu'on verfe de l'acide fur du foie de foufie , il
s'unit à l'alkali , ôc fait précipiter le fouhe fous la
forme d'une poudre qui eft blanche , à caufe de
fon extrême divifion : elle trouble la liqueur , de
lui donne une apparence laiteufe. Dans cet état ,
on donne à cette liqueur le nom de iait de foufre.
La liqueur qu'on fépare par filtration , contient
un tavtre vitriolé formé par l'alkali du toie de fou-
tre & l'acide vitriolique que l'on emploie pour
faire précipiter le foufre. On reconnoit que tout
le foutre eft précipité , lorfqu'en verfant quel-
ques gouttes d'acide dans le mélange , il ne fe fait
plus de précipité , & que la liqueur eft parfaite-
ment neutre.
Si l'on emploie une trop grande quantité d'a-
cide , il y a une portion de loufre qui le trouve
dans un état de demi-dillolution : la liqueur paife
difticilement au travers du filtre , &: elle eft trou*
ble : dans ce cas , il faut ajouter au mélange un
peu d'alkali pour faturer cet excès d'acide.
L'acide nitreux, l'acide marin , le vinaigre,
& même tous les acides végétaux , décompofent
pareillement le foie de foufre. Le foufre qu'on
obtient par ces différents acides , eft abfolumenc
le même, 6c ne diffère point , parceque ces acides
ne font que des intermèdes propres à féparer le
foufre , àc qu'ils n'ajoutent rien à (on effence.
L'odeur qui s'exhale lorfqu'on verfe un acide
dans du foie de foufre , eft très infecte & dange-
reule à refpirer : elle eft produite par une vapeur
phlogiftique qui a2;it linguliérement fur les pou-
mons : elle rend la refpiration très laborieufe :
elle agit.aulfi fur le cerveau, &: occafionne des
écourdiffements. Ces effets font les mêmes que
4*^6 ChyMiè expérimentale
ceux qui font produits par des liqueurs en fermeil^
tation fpirirueufe. Ces vapeurs abforbenc & dé-»
truifent le relïort de l'ait. J'ai eu occafion d'ob^
ferver 8c de renentir tous ces effets en précipitant
cent livres de foie de foufre à la fois. Il étoit im-
pofîible de tenir une bougie allumée dans le voi-
fînage où je faifois cette précipitation , quoique
le lieu où je la faifois , fut fort grand & très aéré.
Le phlogiftique qui s'élevoit ainfi en vapeurs ,
s'attachoit fur tout ce qui étoit métallique : il ter-
niiïoic la furface des vailfeaux d'argent , de cui-
vre , d'étain , de plomb : ces vapeurs ternilToienc
auflî toute la peinture en huile qui étoit appli-
quée dans les différents endroits du laboratoire ^
f>arcequ'il étoit entré dans la compofition des cou-
eurs , des préparations de plomb : cette peinture
devint d'une couleur ardoifée brillante. Lorfqu'on
frottoit les doigts delfus , ils fe garniffoient d'une
matière de la même couleur. Cet effet vient du
f>hlogiftique qui reffufcite la chaux métallique de
a peinture , comme je le démontrerai plus parti-
culièrement , lorfque nous examinerons les pro-
priétés des corps métalliques.
L'odeur que lailfe exhaler le foie de foufre
qu'on précipite par un acide , a quelque chofe de
remarquable. Quelques Chymiftes ont dit qu'elle
étoit plus fétide lorfqu'on le précipiroit avec du
vinaigre , que lorfqu'on fait cette précipitation
avec un autre acide; mais je n'ai point remarqué
de différence fenfible dans les précipitations en
grand que j'ai faites du foie de foufre avec les
différents acides. J'attribue cette odeur à unci»
portion du phlogiftique du foufre qui s'eit féparée
pendant la préparation du foie de foufre qui n'é-
toit que dans un état de dcmi-combinaifon , de
-Xeulemenc a4héi:ent, Lorfqu'on verfç un acide fur
1«
ET R A I S O N IJ i E^ ^-Ot'
le foie de foiifre, il fait cefler cette adhérence. Le
phlogiftique devient libre : il fe diffipe & fe réduit
en vapeurs : il entraîne avec lui un peu de matière
faline alkaline qu'il volatilife : de là vient que
l'organe de l'odorat fe trouve en même temps
affedé, comme s'il l'étoit par du foie de foufie
qui s'évapore , ôc du phlogiftique libre qui fe
difljpe.
Foie de Soufre aniJîcleL
On fait un mélange de trois onces de fel alkalî
fixe bien fec , & de deux onces de tartre vitriolé t
on fait fondre ce mélange dans un creufet capable
d'en contenir cinq à fix fois autant. Lorfque les
fels font fondus , on projette par cuillerées un au-
tre mélange que l'on a difpofé tout prêt , corn-
pofé d'une once de charbon en poudre , & d'au-
tant de tartre vitriolé : on couvre le creufet à cha-
que cuillerée de matière qu'on y introduit : il fe
fait chaque fois une effervefcence & un gonfle-
ment conhdérable : on attend qu'il foit pafle ,
avant de remettre de nouvelle matière : on con-
tinue ainfi jufqu'à ce que tout le fécond mélange
foit entré dans le creufet : alors on augmente un.
peu le feu pour faire entrer la matière dans une
belle fuiion : on s'aflure qu'elle eft bien fondue,
en la remuant avec une baguette de bois : alors
on la coule fur une plaque de fer ou de cuivre un
peu graifl~ée , afin qu'elle n'y a.dhere point : ou
caife cette matière par morceaux , &: on l'enferme
dans une bouteille qu'on bouche bien , parce-
qu'elle fe charge de rhumidité de l'air , &: fe re-
loue en liqueur.
Remarq^ues.
Le procédé pour faire du foie de foufre arti«
Tome /. Ce
'402 ChYMIE EXpiRIMENTAlE
ficiel , ôz celui par lequel on fépare le foufre qui
s'eft formé , font de Sraahl &c ae Geoffroy , Mé-
decins , qui les ont publiés , chacun de leur côté ,
à-peu près dans le mcme temps : c'eft une belle dc
importante découverte.
L'acide vitriolique du tartre vitriolé quitte fa
bafe alkaline pour s'unir au phlogiftique du char-
bon , de former enfemble du vrai foufre. C'eft
dans cet inftant de décompofition & de nouvelle
combinaifon , que fe fait l'effervefcence & le gon-
flement j ce qui oblige d'employer un grand creu-
fet , fans quoi la matière palTeroir par-deflus les
bords : lorfqu'on remue la matière avec une ba-
guette de bois , l'extrémité fcintille & poulTe des
aigrettes d'étincelles femblables à celles d'un fer
chauffé jufqu'au rouge blanc. Le fel alkali qu'on
fait entrer dans le mélange , n'eft employé que
pour envelopper le foufre à mefurs qu'il fe forme ,
ôc pour l'empccher de fe brûler ; le foufre fe com-
bine avec lui, & forme un vrai foie de foufre. Si
l'on faifoit cette opération fans alkali , le foufre
fe formeroit de même j mais il fe brCderoit & fe
dillîperoit à mefure.
Ce foie de foufre artificiel eft d'une couleur
rouge foncée , femblable à celle du foie d'un ani-
mal : il a plus de couleur que le foie de foufre or-
dinaire. Si l'on tenoit la matière trop long-temps
en fufion , une partie du foufre fe confumeroic
en pure perte : on s'en apperçoit par des étincelles
vives &; brillantes qui fortent du creufet, fembla-
bles à celles dont nous venons de parler.
Foie de Soufre artificiel dijfous dans de l'eau.
On pulvérife groiliérement le foie de foufre ar-
tificiel : on le met dans un matras : on verfe par-
ET RAISONNil. 405
tlefTiis cinq à fix fois fon poids d'eau chaude : on
faic digérer ce mélange pendant une demi-heure,
à une douce chaleur , ou jufciuM ce qu'il foit en-
tièrement difTous : on filtre la liqueur : elle pafle
difficilement : elle eft d'une coulem- bleue ver Ja-
rre , au lieu d'ctre jaune comme celle du foie de
foulre ordinaire : on la garde dans une bouteille
qu'on bouche bit-n. Il reli^ fur le filtre la portion
de charbon excéJente à celle de l'acide vitrioli-
que , &c qui n'a point formé de foufre.
Le charbon , comme nous l'avons dit précé-
demment, ell dilfous prit le foie de foufre. Dans
cette expérience , il s'en trouve un excès dont il
fe diffout une partie ic'efl cet excès qui donne une
couleur verdatre à ladilfolution dufoie de foufre
artificiel.
Le foie de foufre artificiel en liqueur fe dé-
compofe à l'air , ou enfermé dans des bouteilles ,
comme le foie de foufre ordinaire : le phlogifti-
que fe difiîp'e , l'acide vitriolique fe combine avec
I alkali , & forme du tartre vitriolé qui fe cryftal-
life dans les bouteilles : il ne faut qu: l'efpace de
cinq à Ci\ mois pour opérer cette décompvfition.
II eft évident que par la voie feche le phlogiftique
a plus d'affinité avec l'acide vitriolique, que ce
même acide n'en a avec l'alkaii. Mais il en eft
autrement par la voie humide : c'eft l'acide & l'al-
kaii qui ont enfemble la plus grande affinité.
Cette obfervation fait bien voir la néceffité d'éta-
blir les deux tables des rapports dont j'ai parlé au
commencement de cet ouvrage. Je doute très
fort que par aucune expérience on décompofe
le tartre vitriolé par l'intermède du phlogiftique
par la voie humide.
CciJ
4^4 Chymie expÉrimektaii
Magljiere de Soufre artificiel.
On met dans un grand vafe de verre la dîlïo-
îution du foie de foufre artificiel : on l'étend dans
une grande quantité d'eau : on ajoute peu à peu
de l'acide vitriolique , ou tout autre acide. Il fe
pafTe dans cette opération tous les phénomènes
que nous avons expofés en parlant du magiftere
du foufre ordinaire : le précipité eft feulement
moins blanc , à caufe du charbon que ce foie de
foufre tient en diiïolution , & qui fe précipite
avec le foufre. 0\\ lave ce précipité , en palîant
deffus de l'eau bouillante à plufieurs reprifes , &
on le fait fécher. Si on l'examine enfuite , on
Trouve qu'il eft de véritable foufre , & qu'il en a
toutes les propriétés : il eft feulement mêlé d'un
peu de charbon.
Combinaifon de l* acide fulfureux avec Valkalifixe*
Sel fulphureux de Staahl.
On arrange fur un entonnoir d'ofier à claires
voies, un linge taillé en chauffe d'Hippocrate ,
qu'on a auparavant imbibée d'alkali fixe en li-
queur : on fufpend cet appareil au-deflus d'une
petite capfule de terre cuite , dans laquelle on a
mis des morceaux de foufre brut : on allume le
foufre, & on le fait brûler le plus lentement
qu'il eft pofîlble. La vapeur du foufre fe combine
avec l'alkalifixe : à mcfure que cette combinaifon
fefait, le linge devient iQ.c & roide: il fe forme
un fel neutre qui quelquefois paroît en cryftaux
aieuillés à la furface du ling-e : alors on plonge ce
linge dans une petite quantité d'eau tiede afin de
diftoudre le fel. On filtre la liqueur , &:on la fait
évaporera une douce chaleur jufqu'à légère pelli-
F. T R A I 8 O N N 1& E. jfOif
cule : elle forme, par le refroidiiïemeiit , des cryf-
taux difpofcs en petites aiguilles : c'ell ce que l'on
nomme fel fulfureux de Staahl : on fait évaporée
une féconde fois la liqueur pour obtenir de nou-
veaux cryftaux.
Le fuccès de cette opération dépend principa-
lement de la lenteur avec laquelle on doit faire
brûler le foufre : lorfqu'il brûle rapidement , le
phlogiftique fe confumc & fe diiîîpc j &: l'on
cherche au contraire à retenir le plus qu'il eft
pollible de phlogiftique combiné avec l'acide vi-
triolique qui fe réduit en vapeurs. Sans cette pré-
caution on ne retire du linge que du tartre vi-
triolé. Il en eft de même lorfqu on lave le linge.
Si Ton employoit de l'eau bouillante , &: en trop
grande quantité , la chaleur de l'eau feroit difîî-
per le phlogiftique du fel \ ou fi l'on faifoit éva-
porer la liqueur a une trop forte chaleur , le phlo-
giftique fe diftîperoit également. Toutes ces ob-
lervations prouvent bien ce que nous venons à&-
dire fur la diftcrence des affinités de ces fubftances
par la voie feche &: par la voie humide.
Décompqfîtion du fel fulfureux de Staahl par
l'acide vitrioUque.
Le fel fulfureux de Staahl eft une forte de tar-
tre vitriolé : il en diftere feulement en ce qu'il
entre dans fa compofition une plus grande quan-
tité de phlogiftique qui rend l'acide vitriolique
moins adhérent à l'alkali , q^ue lorfque cet acide
eft pur.
Le fel fulfureux ou fa vapeur ne tache point ,..
ni ne ternit l'argent, comme le fait le foufre : il
n'a point d'odeur : il fe dilfout dans l'eau en.pluSs
gtande quantité que le tartre vitriolé : il fe dé-
C c iij
'40<? ChYMIE EXPÉRIMENTAtE
compofe à l'iir , c'eft-à-dire que le phloglftique'
fe dilîipe 'y ce qui refte eft du tartre vitriolé.
L'acide vitriolique le décompofe & en fait exha-
ler des vapeurs pcnétiantes qui ont l'odeur de
l'acide lulnueux volatil.
On met dans un verre du fel fulfureux : on
verfe par-delTus de l'acide vitriolique afFoibli : il
fe dégage auffi tôt des vapeurs d'acide fulfureux
volatil, femblablesà celles du foufre brûlant -, &C
l'acide vitriolique s'unit à l'alkali avec lequel il
forme du tartre vitriolé.
Le phlogiftique efl: fî peu adhérent à ce fel ,
qu'il fe dillipe lorfqu'on l'expofe à l'air , ou lorf-
qu'on le fait un peu chauffer. J'ai mis en diftilla-
tion , dans une cornue de verre, du fel fulfureux :
il a pafifé un phlegme inlipide qui étoit l'eau de
fa cryftallifation : le phlogiftique s'eft décompofe
& détruit : le feu qui le conftituoit s'eft difîîpé.
Le fel refté dans la cornue , diftous dans de l'eau
filtrée , & cryftallifé, s'eft trouvé être du tartre vi-
triolé très pur.
Il réfulte évidemment de tout ce que nous ve-
nons de dire , que l'acide vitriolique ôc l'alkali
fixe ont chacun fépaiément beaucoup d'affinité
avec le phlogiftique j mais que par la voie hu-
mide , les affinités de ces deux matières falines
font plus grandes entre elles , que celle du tartre
vitriolé avec le phlogiftique , puifque cette der-
nière fubftance le fépare toujours du fel neutre qui
réfulte de la combinaifon de ces deux fubftançes
falines.
Alkali fixe & Gypfe.
Décompontion du Gypfe, Tartre vitriolé.
Le gypfe étant un fel vitriolique à bafe ter-
reufe , l'alkali fixe le décompofe comme tous les
IT RAISONNA E, 4O7
fels a. bafe terreufe : mais j'ai déterminé par des
expériences , les proportions de terre & d'acide vi-
triolique et ntenues dans plulîeurs de ces fubftan-
ces , dont je vais rendre compte.
J'ai fait dilfoudre quatre gros de gvpfe de
Montmartre , réduit en poudre , dans dix-huit
livres d'eau bouillante : j'ai verfé dans cette li-
queur une fuffifante quantité d'alkali fixe très
pur pour faire précipiter la terre & faturer l'acide.
J'ai recueilli le précipité terreux, & l'ai lavé dans
beaucoup d'eau bouillante : je l'ai fait fécher , Sc
j'ai obtenu deux gros dix-huit grains de terre cal-
caire : c'eft par conféquent un gros cinquante-
quatre grains d'acide vitriolic]ue que cette matière
contenoit.
J'ai fait évaporer la liqueur jufqu'A légère pel-
licule : elle eft devenue rouffe & phlogillriquée :
elle m'a fourni des cryflaux de tartre vitriolé.
J'ai fait la même expérience fur de la pierre à
plâtre ordinaire de Montmartre. Les phénomènes
ont été les mcmes. J'ai obtenu deux gros vingt-
quatre grains de terre calcaire femblable à lapré-
cédente.
J'ai traité de mcme de l'albâtre Sc à la mcme
dofe de demi-once : j'ai obtenu deux gros vingt-
huit grains de terre calcaire très blanche. La li-
queur mife à évaporer eft devenue rouife & phlo-
giftiquée : elle a pareillement fourni du tartre
vitriolé.
Alhalï fixe & acide nitreux,
Nitre régénéré , ou Salpêtre.
L'alkali fixe fe combine très bien avec l'acide
nitreux jufqu'au point de faturation : cette com-
binaifon fe fait avec chaleur & effervefcence.
On met dans un vafe de verre de l'alkali fixe,
Cciv
'4o8 Chymie expérimentale
étendu dans de l'eau : on verfe peu à peu de Ta-»
cide ninreux : il fe fait une vive effervefcence : on
continue d'en verfer jufqu'à ce que l'efFervef-
cence n'ait plus lieu , & que les liqueurs foient au
point de fatuiation : on iiltrc la liqueur &c on la
fait évaporer : elle fournit, par le refroidilTement,
des cryftaux difpofés en grofTes aiguilles j c'eft co
que l'on nomme nitre owfalpêtre. On continue
les évaporations & les cryftallifations jufqu'à ce
que la liqueur ait fourni tout le nitre qu'elle con-
tient.
Lorfque l'acide nitreux s'unit à l'alkali, il fe
dégage pendant l'effervefcence une grande quan-
tité d'air qui chafTe devant lui un peu de la li-
queur en forme de petits jets qui s'élèvent quel-
quefois jufqu'à trois pouces de haut. On s'apper-
çoit que les liqueurs font au point de faturation
lorfqu'il ne fe fait plus d'effervefcence , en ver-
fant dans le mélange, foit de l'acide nitreux, foit
de l'alkali fixe , &: lorfque la liqueur ne change
plus les couleurs bleues des végétaux. Cependant
û le mélange contenoit une furabondance de
l'une des deux matières falines , les cryftaux de
nitre qu'on obtiendroit feroient également neu-
tres , après qu'on les auroit fait égoutter fur du
papier gris, parceque ce fel ne peut admettre dans
la combinaifon ni une furabondance d'acide, ni
un excès d'alkali. Si le mélange contenoit plus
d'acide qu'il n'en faut, on feroit obligé de faire
évaporer la liqueur dans un vaifTeau de grès ou
de verre , parceque cet excédent d'acide agiroit
fur ceux de métal , à l'exception de ceux d'or. Si
nu contraire la liqueur pèche par un e\chs d'al-
kali, comme cette matière faline n'a pas la même
action fur les madères métalliques ^ l'incouvé*
ET RAISONNES. 40^
inientdont nous venons déparier n eft pas à crain-
dre.
Le nitre qui eft dans le commerce n'eft point
fait de la manière que nous venons de le dire :on
le rire des vieux plâtras Se des terres nitreufes.
Nous dirons par la fuite de quelle manière on le
prépare.
Alkalïfixe & Nitrt à bafe urreufe.
Nitre régénéré.
On met dans un grand vafe de verre du nitre
à bafe terreufe , étendu dans une fuiïifante quan-
tité d'eau : on verfe par-deffus de l'alkalillxe : il
fe fait aulli-tôt une eftervefcence & un précipité
blanc. On continue de mettre de l'alkali jufqu'à
ce qu'il ne fe faffe plus de précipité. On lave la
terre à plufieurs reprifes dans de l'eau bouillante
pour la deifaler complettement \ &c on la fait fé-
cher : c'eft ce que l'on nomme magncfic blanche ^
panacée nïtreufe , de poudre de SantinelU. On fait
évaporer les liqueurs : elles fourniftent des cryf-
taux de nitre femblables aux précédents , & qui
n'en différent point.
Dans cette expérience l'alkali s'unir à l'acide
nitreux &: fait précipiter la terre. Quelle que foie
l'efpece de terre calcaire qui eft unie à l'acide ni-
treux, les phénomènes de décompoiîtions font
abfolument les mêmes, & les réfultats femblables.
Propriétés du Nitre,
Le nitre eft un fel parfaitement neutre : l'acide
èc l'alkali qui le conftituentont tellement épuifé
réciproquement leurs propriétés , que ce fel n'a
plus de faveur , ni acide, ni alkaline : fa faveur
eft falée , un peu amere, fade 6c fraîche : ce fel
4Td Chymie expéhimentalï
n'attire point l'humidité de l'air : il s'y deffechô
mcme plutôt : il ne change point les couleurs
bleues des végétaux, ôcc.
Nitre au feu,
Cryftal minéral.
Le nitre eft très fufible : il entre en fuiîon
avant de rougir , & même a une chaleur aiïez
modérée.
On met dans un creufet une certaine quantité
de nitre que l'on place dans un fourneau au mi-
lieu des charbons ardents : le nitre ne tarde pas à
entrer en fufion : lorfqu'il eft fondu , on le coule
de l'épaifiTeur d'environ fix lignes , dans des pocles
de fer battu , larges & plates , que l'on a aupara-
vant bien récurées & bien féchées. Le fel fe fige
en fe refroidiffant , & prend la forme du vaif-
feau : il eft blanc &: demi-tranfparent : c'eft ce
que l'on nomme cryjlal minéral on fel de prunelle,
R E M A R q U E s.
Quelques pevfonnes recommandent de projet-
ter un peu de foufre en poudre fur le nitie, lorf-
qu'il eft en fufion, àdefîein de confumer par fou
inflammation quelques matières graftes qu'on
croit exifter dans le nitre ; c'eft ce qui me paroît
fort inutile lorfqu'on a fait choix d'un nitre très
pur : d'ailleurs le foufre enflamme du nitre pro-
portionnellement à ce que l'on en met , Se l'al-
kalife : une partie de l'acide vitriolique du foufre
fe combine avec l'alkali , & produit un peu de
tartre vitriolé , qui refte mêlé avec le cryftal mi-
néral.
Lorfqu'on ne tient le nitre au feu que pen-
ET RAISONNE f. 4n
dant le temps qui efl: ncceiïaiie pour le faire en-
trer en fufion , il ne fouftre aucune altération , Se
fort peu de diminution de fon poids : elle n'eft
que de deux onces par livre. La facilité avec la-
quelle le nitre entre en fufion , vient de ce qu'il
entre dans fa compofition une très grande quan-
tité d'eau &c de teu, qui font abfoiument elfen-
tiels à fon eflence faline , & qu'on ne peut fé-
parer du nitre fans le changer de nature. L'eau
dont j'entends parler n'eft ponit celle de lacryf-
tallifation : celle-ci fe difîipe pendant la fufion
du nitre: c'eft elle qui fait la diminution du poids
du nitre , dont nous venons de parler. Le phlo-
giftique, fous la forme de feu prefque pur, en-
tre également en grande quantité dans la compo-
fition du nitre j il communique, conjointement
avec le principe aqueux , le degré de fufibilité
que l'on connoît au nitre. Les lels , comme l'a-
lun , qui contiennent plus de la moitié de leur
poids d'enu de cryftallifation , fe liquéfient à la
faveur de cette eau, & font après cela de très
difficile fufion. 11 n'en n'eft pas de même du ni-
tre : comme il contient fort peu d'eau de cryftal-
lifation , il n'eft pas fufceptible d'une femblable
liquéfaction. Il entre en fulion réellement j & à
la faveur de l'eau 8c du feu principe , il acquiert
une fluidité fi confidérable , qu'il palfe, lorfqu'il
eft en fufion , au travers de tous les creufets avec
la plus grande facilité : il n'va point de creufet en
état de rcfifter à {on adion plus d'un quart
d'heure fins en être pénétré Se même fendu: cela
produit un déchet fur le nirre qu'on veut former
en cryftal minéral. Quelques perfonnes , pour re-
médier à cet inconvénient , fe fervent d'une mar-
mite de ter pour faire fondre le nirre. J'ai re-
piarqué cju'il y a des marmites de fer d'une font©
'41 î Chymie expIrt mentale
fi douce , qu'elles font attaquées par le niti'e, &
lui communiquent beaucoup de couleur j ce qui
eft un autre inconvénient. Ces confidérations
m'ont fait prendre le parti de me fervir d'un creu-
fet d'argent de coupelle, qui n'eft fujet à aucun
des inconvénients dont nous venons de parler.
Le nitre ne palfe point au travers , &; ne prend
aucune couleur j fa fufion eft d'ailleurs infiiiimenc
plus facile que celle de l'argent,
Nitre alkallfé fans addition»
On met dans une capfule de grès quatre onces
de nitre , que l'on place fous la moufle d'un four-
neau de coupelle , &: que l'on chauffe par de-
grés. Le nitre entre en fufion : il bouillonne un
peu : lorfqu'il eft rouge, il s'en échappe un peu
hors de la capfule par la violence de la chaleur.
Lorfque le nitre eft bien rouge , il s'élève des va-
peurs d'acide nitreux qui font rouges : il eft diffi-
cile de diftinguer fî ce font des vapeurs ou de la
flamme : on l'entretient en cet état pendant en-
viron un quart d'heure : alors on tire la capfule
du feu : on verfe ce qu'elle contient dans un
mortier de fer bien fec &: un peu chauffe : la ma-
tière fe fige par le refroidiff^ement : elle attire
riiumidité de l'air : elle a une faveur alkaline.
On la fait diffoudre dans de l'eau : on filtre la li-
queur : fi on l'examine, on trouve qu'elle verdit
le fyrop violât, qu'elle fait effervefcence avec les
acides , & qu'elle a toutes les propriétés d'une li-
queur alkaline j mais elle contient encore beau-
coup de nitre , parceque le feu n'a pas été afl^ez
long-temps continué pour en décompofer la tor
talité.
ÏT RAISONNâi; 51.1 f
R E M A R q U E S.
Cette expérience prouve que le nitre , quoi-
que fel neutre parfait, eft néanmoins dccompofc
Ï)ar l'adion du feu : mais cette décompofition n'a
ieu que lorfque le nitre a communication avec
l'air extérieur. J'ai répété cette expéiience dans
une cornue de grcs : en poulfant le feu très fort
pendant deux heures , il a diftillé un peu de li-
queur qui étoit fi peu acide, qu'elle rougilToit à
peine la teinture de tournefol : le nitre , refté
dans la cornue , étoit parfaitement neutre Se n'a-
voit fouffert aucune altération.
Lorfque le nitre éprouve une forte adtion du
feu dans des vailleaux à l'air libre , on voit l'a-
cide fe difliper fous la forme d'une vapeur rouge,
& qui a l'odeur de l'acide nitreux : il faut bien
diftinguer cette vapeur d'avec les portions de ni-
tre en fubftance , qui fautillent par la violence
du feu : on les apperçoit par la déronnation , en
approchant un charbon ardent près du vaifîeau.
Dans unefemblable expérience , j'ai continué le
feu pendant deux heures. Tout le nitre s'eft vola-
tilifé : il n'efl: abfolument rien refté , pas même
un veftige de l'alkali du nitre : mais lorfqu'on ne
continue le feu qu'autant de temps que nous l'a-
vons dit , tout le nitre n'eft ni volatilifé , ni en-
tièrement décompofé. En faifant évaporer la li-
queur alkaline au point convenable , on obtient ,
par le refroidiffement , la portion de nitre qui a
;cchappé à l'adtion du feu , Se la liqueur reftantc
eft riche en alkali du nitre.
Nitre à l'air.
Ce fel ne fouffre aucune altération de la part
4^4 Chymie expérimentale
de l'air : il n'efl: point déliquefcent •, au contraire
il fe delfechc en perdant l'eau de fa cryftallifation,
fans cependant tomber en eftervefcence. Il de-
vient d'un blanc mat , & perd de fa tranfparence.
Lorfqu'il a été bien féché à l'air, il ne diminue
prefque point de fon poids à la fufion. Si le nitre
peut tormer quelques combinaifons avec l'air,
elles font abfolument inconnues.
Nitre avec de l'eau.
Le nitre fe dilTout très bien dans l'eau fans
foufFrir aucune altération : il reforme des cryftaux
tels qu'ils étoient auparavant. Il eft un des fels
quife cryftallifent par le refroidilîement , &: donc
l'eau chaude en diflout davantage que l'eau
froide. Quatre onces d'eau bouillante difTolvent
dix onces de nitre : lorfqu'on fait cette dilfolu-
tion dans un matras, la pellicule qui fe forme à
la furface de la liqueur , eft à peine fenfible , par-
cequ'elle eft didoute continuellement par les va-
peurs qui retombent defllis : mais il n'en eft pas
de même lorfqu'on fait cette diftolution dans un
vaifteau qui a une libre communication avec l'air :
il fe forme une pellicule à la furface de la li-
queur , même lorfque le nitre eft difl^ous par fou
poids égal d'eau.
Le nitre produit du froid en fe dilTolvant dans
l'eau.
Nitre & glace.
On avoitpenfé, avant M. de Réaumur , que le
nitre produifoit beaucoup de froid. Les Phyfi-
ciens s'en fervoient même pour expliquer la caufe
du froid , mais vraifemblablement fans avoir fait
aucune expérience , car ils fe feroient convain-
• " \
ET RAISONNAI. 4Î5
eus , comme M. de Réaumur , que le nitie ne
donne que peu de froid. Ce Phyficien a mêlé du
nicre & de la glace dans toutes fortes de propor-
tions: le plus grand froid qu'il ait pu produire, a
été de trois degrés Se demi au-deflous du terme
de la glace , la température étant au terme de la
congélation : il s'ell: encore afTuré que lorfque le
nitre produit un plus grand froid , c'eft à raifon
du fcl marin qu'il contient : ce froid eft propor-
tionnel à la dofe du lel marin qui lui efl: mclée.
P^oye:^ les Mémoires de l' Académie , année 1734,
page 1^7.
Nicre & terres vitrifiables.
Le nitre , par la voie humide & par la voie fe-
che , n'a point d'a6lion fur les terres vitrifiables ,
tant qu'il eft dans l'état de nitre ; mais , comme
nous l'avons tait remarquer, il fe décompofepar
i'aâ:ion du feu &i le concours de l'air : [on acide
fe diflipe , l'alkali alors porte fon adion fur les
terres vitrifiables , les fait entrer en fufion , &: fe
convertit avec elles en verre net & tranfparent,
comme le fait l'alkali fixe ordinaire. Je réferve
ce que j'ai à dire fur cette matière pour l'article
de la Verrerie &c de la Vitrification.
Nitre avec les matières combufiibles.
Le nitre, à l'aide du feu, a une action fingu-
liere fur les matières combufiibles : il s'empare
de leur phlogiftique : fon acide fe brCde & fe dé-
truit avec elles : cetzQ inflammation produit una
chaleur capable de faire entrer en fufion des corps
alfez difficiles à fondre.
Jfï^ ChYMIE ÏXPÉM MENTAL!*
Poudre de fufion.
On fait un mclangc exadl de trois onces de nî-
tre en poudre , d'une once de foufre en poudre ,
& d'une once de fciure de bois. On conferve
cette poudre dans une bouteille.
On met dans une coquille de noix un peu de
cette poudre , & par-dellus une pièce de fix liards
un peu pliée pour qu'elle ne touche point les pa-
rois de la coquille : on recouvre cette pièce de la
même poudre j alors on y met le feu avec une
allumette , ou un petit charbon embrafé: la pou-
dre s'enflamme avec rapidité, & produit alTez de
chaleur pour faire entrer la pièce de métal dans
une véritable fufion : on la trouve au fond de la
coquille réduite en un petit lingot bien fondu.
On. fait ordinairement cette expérience dans
une coquille de noix , afin d'y ajouter du mer-
veilleux : fi on plonge cette coquille dans un
verre d'eau aufïl-tôt que la poudre a cefle de brû-
ler j on obferve qu'elle n'eft que noircie dans fou
intérieur , qu'elle n'eft point brûlée , &: qu'elle
eft en état de fervir de nouveau à une femblable
opération.
Cette expérience très jfîmple préfente des phé-
nomènes vraiment chymiques : le premier eft \%
coquille de noix qui ne brûle pas j le fécond eft
la fufion du métal. Le premier s'explique tout
naturellement : la coquille eft infulible j elle ne
peut que fe brûler , mais c'eft de furface en fur-
face : le feu eft trop rapide &: point aflcz dura-
ble pour brûler beaucoup de fon épaifteur : il n'y
a que la furface touchée par le feu qui fouffre un
peu de (on aétion , qui brûle réellement , & qui
continueroit à brûler fi on ne la plongeoit pas
dans de l'eau.
Le
ET RAISONNÉ £. 417
Le fécond phénomène vient de ce que le mé-
tal eft fLifible iorfqu'il eft échauffe à un ccrrain
point : fa fuiiace fe fond &c communique fa fu-
libiiité aux parties voifmes 3 ce qui. entraine- la
/uiion. totale.
N'itre avec U phlogïfîitjue.
Nitrc fixé pat IcS charbons à l'air libre.
On met une certaine quantité de nitre dans uix
creufet que l'on place dans un fourneau entre- les
charbons ardents : lorfque le nitre eft fondu , ôi
qu'il commence à rougir, on projette .une cuil-
lerée de charbon en poudre , pairée au tamis de.
crin : il fe fait une grande déronnation : lorf-
qu'elle eft palfce , on remet une nouvelle cuil-
lerée de charbon : on attend de mènio que la dé-
Hagration foit paflée : on continue ainli de fuite
julqu'à ce qu'en remettant du charbon , il ;ic fe
falfe plus de détonnation. Urefte dans le creufec
une matière faline : on la fait calciner pendant
environ une demi-heure, à un feu capable' da la
faire prefque entrer en fufion : alors on ote le
creufet du îeu : on détache le fel qu'il contient :
on le fait dilfoudre dans trois ou quatre fois fon
poids d'eau»: on filtre la liqueur, èc on la. fait
évaporer jufc]u'à ficcité. On obtient un fel ^Ikali
qui eft plus ou moins blanc : on le purifie de nou»
veau fi l'on veut, en le faiianr calciner ,, «fans le
faire tondre , dans une Cvipfule de tetre fous la
moufle d'un fourneau de coupelle : on lefaitdif-
foudrc enfuite dans de l'eau :on filtre la liqueur,
&: on la fait évaporer jufqu'à ficcité: ccfc ce que
l'on nomme nitre fixé par Us charbons. Si on le
conferve en liqueur un peu concentrée , on la
rlomme lïcjueur de nitre jixc ^ ôc aikaeft de W^art'
hclmont. _ .•'»..•.' j-
Tomc L , Và
41 8 Chymië exp érïme ntAlh
Remarques.
Lorfque le nirre cefTe de détonner, l'opéra-
tion eft finie : cependant la matière l'aline con-
tient encore un peu de nitre que l'alkali défend
de l'adion du phlogiftique : c'eft pour le détruire
que l'on fait calciner la matière après la défla-
gration, & pour confumer le charbon qu'on au-
roit pu employer par furabondance. Quelques
précautions qu'on prenne , il refte toujours un
peu de nitre de non décompofé , ainfi que du
charbon non brûlé : l'alkali défend ces fubftan-
ces Se les empêche de fe détruire mutuellement.
On peut , pour accélérer la purification de ce fel,
le retirer du creufet dès qu'il ne détonne plus ,
6c le calciner pendant deux heures , fans le faire
fondre , dans une capfule de terre placée fous la
moufle d'un fourneau de coupelle : comme ce
vafe préfente beaucoup de furface , la matière
phlogirtique peut s'y confumer plus facilement:
que dans le creufet.
A mefure que le nitre fe détruit par la défla-
gration , la matière faline , qui devient alkaline,
"eft de plus difficile fufion, parcequ'i!l entre dans
fa compofition moins d'eau que dans celle du ni-
tre.
Ce fel a moins d'action fur les creufets : il ne
les détruit pas auffi promptement que le nitre :
c'eft pourquoi , lorfque le creufet a échappé à la
première aétion du nitre , on eft sûr qu'il fera en
état d'achever l'opération. J'àvois imaginé, pour
remédier à cet inconvénient, de projetter dans le
creufet, rougi auparavant, un mélange groflier de
nitre, &: de charbon : dans ce cas le nitre s'alkalife
fur-le-champ : il n'a pas le cemps de porter fon
i r RAISONNÉ E. 419
ectioti fur le creufet , ni de pafler au tiavers j mais
il arrive , à la féconde ou à la troifieme proje<5tion,
que la matière froide , qui vient toucher le fel
très chaud , occafionne des exploitons lorfqu elle
vient a détonner : elle produit une chaleur qui
liquéhe la totalité de la matière faline. La nou-
velle cuillerée de matière qu'on ajoute , fe préci-
pite en partie fous la matière fondue , achevé de
détonner, occafionne un gonflement conlidéra-
ble, fait monter ôc fauter par jets la matière hors
<iu creufet.
Quelques pcrfonncs recommandent d'employei*
des marmites de fer j mais le nitre ôc le fel alkali
ont beaucoup d'atlion fur ce métal. Le fel qu'oa
obtient n'eft jamais blanc ni pur , parcequ'il eit
chargé de fer : Talkali ne l'abandonne que difH-
cilement : ce fel alkali ne peut fervir dans une
infinité d'expériences de recherches où il faut
de l'alkali de la plus grande pureté.
Dans cette opération l'acide nitreuxs'enfiamme
èc fe détruit : il quitte l'alkali pour s'unir au phlo-
giftique du charbon , avec lequel il forme une
forte de foufre ou de phofphore quiefl; de la plus
grande combultibilité , Se qui , comme nous le
verrons, s'enflamme même dans les vaifieaux clos.
Cet eft'et vient de ce que l'acide , lorfqu'il eftbien
concentré , devient réellement inflammable avec
le phlogiftique dans le ^nouvement igné. Pour
que cette inflammation ait lieu, il faut ou que
cet acide , s'il eft libre, foit bien concentré, ou ,
s'il eft: combiné avec une bafe , que cette bafe foit
fufible. Nous avons dit que l'acide nitreux hi-
mant , dans lequel on plonge un charbon ar-
dent , fait une déflagration très forte. Dans le ni-
tre ordinaire , l'acide nitreux eft uni à l'alkali
qui eft une bafe fufible ; dans l'un & dans l'autte
Ddij
4Î0 CmYMIE EXPERIMENTAtE
cas, l'acide nitreux dcHagre avec le phlogiftique
dans le mouvement igné , parcequ'il peut cou-
jours être en contait avec le phlogiftique en-
flammé. 11 n'en eft pas de même lorfque cet acide
eft aqueux , ou lorlqu'il eft uni a une terre cal-
caire. Dans le premier cas, il éteint le charbon
ardent qu'on lui préfente , au lieu de s'enflammer
avec lui : dans le {cconà cas , la terre calcaire n'é-
tant point fulîble, le nirre à bafe terreufe dé-
tonne peu, & feulement aux endroits touchés
par le phlogiftique. Ainfi, ce n'eft pas , comme
on l'avoir penfé , à l'adhérence de l'acide nitreux
dans une bafe, qu'eft due la déflagration de l'acide
nitreux avec le phlogiftique , mais feulement au
contact des deux fubftances ; puifque , comme
nous l'avons fait obferver , l'acide nitreux eft très
adhérent aux terres calcaires , ôc qu'il eft prefque
auflî difficile de l'en féparer par la feule aéiion du
feu, que lorfqu'il eft uni â l'alkali fixe. Voyez ce
que nous avons dit à ce fujet à l'article àii Nitre à
bafe terreufe.
Nous remarquerons encore que, pour que le
nitre ou l'acide nitreux s'enflamme avec le phlo-
giftique, il faut que l'un des deux , le nitre ou
le phlogiftique , foit dans le mouvement igné ^
fans cela , il n'y a point d'inflammation.
Si Ton plonge un charbon noir dans du nitre en
fufion , avant qu'il foit rouge , il ne s'enflamme
point \ ce n'eft pas , comme on pourroit le croire,
parceque le nitre n'eft liquéfié qu'à la faveur de
Ion eau de cryftallifarion ^ comme cela arrive à
certains fels qui fe liquéfient d'abord par cet in-
termède, èc qui entrent, après cela, réellement
en fufion, après qu'ils en font privés. Le nitre
n'eft point dans le cas d'une femblable liquéfac-
tion , parcequ'il contient fort peu d'eaudecryf-
IT RAISONNE E. 41t
tallifation : il entre tout de fuite en fufion ; mais
s'il relroit quelque cloute à ce fujer, on peut le
faire même rougit fortement j on eft certain alors
qu'il ne peut contenir d'eau de cryftallifation : fi.
enfuite on le tire du feu , ôc qu'on le lailTe fe dé-
rougir , il n'enflammera pas mieux le charbon
qu'on lui préfentera, quoiqu'il puifle relier encore
quelque temps dans cet état de hifion ^ mxis fi au
contraire le nitre eft rouge, il enflamme j-ulll-tôc
un charbon éteint. Si on jette du nitre en poudre
fur du charbon ardent, il y a également inflam-
matioji. Nous avons dit que l'acide nitreux fe dc-
compofoit&fedétruifoitpendantrinflammationj
c'eft ce que nous allons démontrer par l'expé-
rience fuivante.
I^ Lire fixé par les charbons dans des valjfeaux clos^
ClifTus de Nitre
On place dans un fourneau une cornue de terre
tubulée , c'eft-à-direquiait une petite ouverture
ronde dans fa partie fupérieure , qu'on puilfe
boucher & déboucher à volonté. On adapte à la
■cornue un grand ballon de verre, percé d'un petic
trou à un des côtés. On lute le ballon au col de
la cornue , avec des bandes de papier enduites de
colle de farine ou d'amidon. On fait fous la
cornue un feu de charbon, pour faire rougir Çon
fond : lorfqu'il eft rouge , on introduit dans la
cornue par l'ouverture pratiquée à fa partie fupé-
rieure , environ deux ou trois îiros d'un mclantie
fait à parties cgalesde nitre &de charbon en pou-
dre : on bouche aufli-tôt l'ouverture de la cornue „
5c on laide ouvert le trou du ballon. Le mélange
s'enflamme «Se détonne , comme à l'air libre : il
palfe daixsle ballon une grande quantité de va-
D d ii]
42. 2. Chymie expérimentale
penrs blanches , épaifles , 6c qui s'y condenfent
peu à peu : lorfque la défiaguation eft paflee , on
remet dans la cornue une pareille quantité de
matière : on attend de mcmc que l'effet folipalfé
avant que d'en remettre d'autre : on continue ainfl
de fuite , jufqu'à ce que l'on ait employé environ
huit onces de mélange : on laifTe refroidir les
vaifTeaux : on délute le ballon : on verfe dans une
bouteille ce qu'il contient ; c'eft ce produit que
l'on nomme diffus de nïtre. On donne ce nom à
toutes les fubftances qu'on obtient par une fem-
blable opération.
Cette liqueur n'eft point acide : elle a au con-
traire, pour l'ordinaire , une faveur alkaline \
mais c'eft accidentellement : elle verdit même Iç
fyrop violât.
R'EMAKÇIV'ES.
Il eft eftentiel d'employer dans cette opération
nnc cornue de terre qui puide rélifter à la chaleur
fubite qui s'excite lors de l'inflammation du mé-
lange : une cornue de grès ou de verre calleroit
indubitablement. On remarque qu'il palTe dans
le ballon des étincelles qui y font apportées par
les vapeurs qui y entrent avec rapidité. Lorfqu'on
tient l'ouverture du ballon ouverte , il n'y a poinc
à craindre pour la rupture du vailfeau. Ces va-
peurs n'ont pas une grande élafticité : elles ont
une odeur phlogiftique femblable à celle que ré-
pand Talkali jette fur è,t^ charbons ardents , &:
qui fe réduit en vapeurs par la violence du feu :
ces vapeurs font long-temps à fe condenfer , &
fournilTent bien peu de liqueur : huit onces de
mélange en fournilTent à peine deux gros. Cette
liqueur eft alkaline \ mais c'eft accidentellement ;
IT RAISONNES. 4I5
elle provient de la bafe alkaline du nitre dont
une petite portion a été enlevée par la rapidité
de l'inflammation , & a palTé avec les vapeurs.
11 eft évident que, dans cette expérience, l'acide
nitreux a été complettement détruit , puifqu'on
n'en retrouve aucun veftige. Mais un autre phé-
nomène qui n'eft pas moins furprenant , c'eft la
petite quantité de liqueur qu'on retrouve après
l'opération. Cependant il eft certain que le nitre
contient une très grande quantité d'eau principe
à ce fel : il y a lieu de penfer que cette eau fait
partie de quelque autre combinaifon qu'on ne re-
trouve plus , ou qu'elle s'eft détruite & dilîipée
Fendant la déflagration du nitre. On trouve, après
opération , au fond de la cornue , l'alkali du ni-
tre : on ne peut pas foupçonner qu'il ton tient
toute l'eau du nitre , parcequ'il entre moins d'eau
dans fa compofition , qu'il n'en entre dans le ni-
tre : on peut purifier ce fel , comme nous l'a-
vons dit précédemment pour le nitre fixé dans
un creufet.
l^itre avec de l'huile d'olive.
Le nitre n'a point d'aétion fur les matières hui-
leufes j mais fi l'on chauffe ce mélange au point
d'enflammer une des deux fubftances , alors il fe
fait une déflagration , comme avec les autres ma-
tières combuftibles 6c le charbon.
Nitre & terres calcaires»
Le nitrâ n'a point d'aétion fur les terres calcai-
res par la voie humide j mais il en a beaucoup
par la voie feche , & le concours de l'air. L'acide
nitreux fe difllpe , &: l'alkali vitrifie ces terres :il
les réduit en des verres nets ^ tranfparents.
Ddiv
4^4 Chymie expérimentale
Nitre & acide vitriolique.
Efpiit de nitrc fumant à la façon de Glauber. Tartre
vitriolé.
On choi/ît une bonne cornue de grès , de la
contenance d'environ dix ou douze livres d'eau :
on garnit l'intérieur de fon col avec un rouleau de
papier : il faut qu'il defcende un peu au deffous
de fa courbure. On met dans cette cornue , par le
canal de papier , quatre livres de nitre très pur »
bien (qc Ôc pulvérifé : on verfe par-defTiis deux
livres d'acide vitriolique concentré : on fe ferc
pour cela d'un col de matras, ou d'un entonnoir
de verre , qui ait un tuyau alTez long pour entrer
jufques dans la capacité de la cornue. On ôte l'eU'
tonnoir ôc le rouleau de papier : on pofe fur les
deux barres de fer d'un fourneau de réverbère
«ne afîîette de terre verniflée, dans laquelle on a
mis un peu de fable. On pofe le cul de la cornue
fur cette alUette , 8c on fait paiïer le col par l'é-
chancrure du fourneau : on adapte au col de la
cornue un grand ballon de verre , percé d'un pe-
tit trou , qu'on laiiïe ouvert : on liite les jointu-
res des vaifTeaux avec du lut gras : on applique
par-deffus des bandes de toile enduites de lut de
chaux éteinte à l'air, délayée avec un peu d'eau
& des blancs d'œufs : on affiijettit ces luts avec de-
la ficelle , dont on fait plufieurs tours ; alors on
bouche le petit trou du ballon avec de la cire
molle î on ajufte le dôme fur le fourneau : on
bouche les joints, ain/i que l'ouverture par où
palTe le col de la cornue , avec de la terre d four ,
pêcrie avec de l'eau. Lorfque tout cet appareil eC'c
^infî difpofé , on commence la diftillation par un
Wè5 peùc feu , afin d'échauffé? dpuççment la cqx^
IT RAISONNE E. 4I5
nue , & par degrcs. Pendant la première heure,
il palTe environ une once &: demie d'acide ni-
treux jaunâtre &: peu fumant ; il eft fuivi par des
vapeurs rouges très claftiques , qui, en moins
d'un inftant, remplillenc toute la capacité du bal-
lon, & robfcurciirent confidcrablement ; elles
échautfent aulli toute la partie fupcrieure de ce
vailTeau. C'eft dans cet inftant de la diftillatioii
qu'il i^iut déboucher de temps en temps le petit
trou du ballon , bien ménao;er le feu , ^' ne l'au-
gmenter que lorfciue la dillillation fe ralentit ;
ce que l'on reconnoît en comptant , par le batte-
ment du pouls , le nombre de fécondes qu'il y a
d'intervalle entre chaque goutte : on reconnoîc
encore que la diftillation fe ralentit lorfque le
jet de vapeur , qui fort par le petit trou du bal-
Ion , ett moins long. On continue le feu , 3c ou
l'augmente par degrés , jufqu'à faire rougir la
cornue , qu'il ne dilHlle plus rien , qu'il ne forte
plus de vapeurs de la cornue , & que le ballon fe
refroidilïe , malgré la violence du feu.
Lorfque la plus grande chaleur du fourneau
eft tombée , on débite le ballon : on verfe ce qu'il
contient dans un flacon de cryftal , bouché auflî
de cryftal , Se ufé a l'émeri : on obferve , en vui-
dant cet acide, de fe ménager un courant d'air
pour emporter les vapeurs , afin de n'en pas être
incommodé , parcequ'elles font fort dangereufes
à refpirer.
On obtient ordinairement deux livres &: une
once d'acide nitreux , bien concentré &: bien fu-
mant : il eft d'une couleur jaune ardente : il pefe
douze gros dans une bouteille qui contient une
once d'eau.
Il refte dans la cornue , après l'opération , une
malTefaline très blanche , poreufe , demi-fondue ,
4^6 ChYMIE EXPÉRIMENTAL!
& qui s'eft moulée dans le fond de la cornue :
c'eft un compofé de l'alkali hxe du nitre & de
l'acide vitriolique j elle pefe ordinairement trois
livres fept onces. Cette matière , difToute dans
l'eau , filtrée & mife à cryftallifcr , forme un fel
que l'on nomme tanre vitriolé ^f cl de duobus ÔC
arcanum dupUcatum^
Remakq^ues.
Le rouleau de papier dont on garnit l'intérieur
du col de la cornue , & le tuyau de verre qui fert
à introduire l'acide dans ce vaifTeau, font pour
empêcher qu'il ne refte , ou du nitre , ou de l'acide
vitriolique dans les rugofités du col de la cornue.
Si, lorfqu'on retire le tuyau , il s'échappe quelques
gouttes d'acide, elles tombent fur le papier: on
le retire promptement , afin de ne point lui don-
ner le temps d'être pénétré , ni celui de mouiller
les parois du col de la cornue.
L'alTiette de terre garnie de fable qu'on met
fous ce vairteau , fert à l'afiujettir &: à le garantir
de la flamme de quelques fumereaux quife trou-
vent toujours dans le charbon : ils feroient cafler
la cornue dans les commencements de l'opéra-
tion. Il fautj lorfqu'on s'apperçoit qu'il y en a ,
les retirer aulTi tôt.
On laiiïe le petit trou du ballon ouvert pen-
dant qu'on lute ce vaifTeau à la cornue , afin de
donner iffue à la fortie des vapeurs ; fans cette
précaution , elles reflueroient fur les jointures des
vaifTeaux , les humederoient , &: empêcheroient
qu'on y pût faire adhérer le lut aulTi exadement
que cela eft nécefTaire.
Les vapeurs de l'acide nitreux font très actives ,
très corroiives : c'eft pour cette raifon qu'il fauc
IT RAISONNÉ E. '41^
Faire choix d'an hit fur lequel elles n'aient point
d'aôtion , finon il feroit détruit en un inftant j
l'acide fe difliperoit , fans qu'il fut poflible de
l'empccher de s'échapper. Le lut gras réfifte très
bien à ces vapeurs. On commence par en mettre
fur les joints un rouleau de huit à neuf lignes
d'épailfeur : on appuie delfus avec les doigts pour
le faire adhérer ik pour l'étendre un peu, en olv
fervantde tenir le milieu plus épais que vers les
bords , afin de former un bourlet : on l'unit Se
on le liiTe avec un peu de fuif qu'on fe met au
bout dos doigts , & l'on fait difparoître toutes
les fentes. Ce lut tout feul eft en ctat de réfifter à
l'aélion des vapeurs de l'acide nitreux ^ mais il n'a
pas aiïez de ténacité : il fe dérangeroit au moin-
dre ébranlement. On eft à l'abri de cet inconvé-
nient en appliquant par-dellus des bandes de
toile enduites de lut de chaux Se de blancs
d'œufs : ce fécond lut ne rélifteroit pas aux vapeurs
de cet acide ; il n'y eft pas expole non plus , 3c
prend de la retraite : il durcit en féchant , main-
tient le premier lut, &c le met à l'abri des ébran-
lements. La ficelle qu'on met pour aftujettir
ces luts , leur donne encore de la folidité : on
peut, pour plus grande fureté , ajouter par-def-
lus la ficelle des bandes de linge enduites da
même lut de chaux & de blancs d'œufs. Malgré
toutes les précautions que nous recommandons
de prendre pour appliquer ces luts , fi l'on n'eft
pas un peu accoutumé à opérer , on les verra
manquer pendant le cours de l'opération.
Le lut gras a l'avantage précieux de ne jamais
fécher à fond, &: de pouvoir s'enlever facilement,
même après des diftillations de plufieurs jours : il
ne fe defteche jamais alTez pour mettre les vaif-
feaux en danger d'être calfés , lorfqu'il eft nécef-
42.8 Chymie expérimentale
faire de les déluter j ce à quoi l'on eft expofé
avec du lut de vitrier : ce dernier eft fait avec de
la craie j il eft d'ailleurs dilToluble par les vapeurs
acides.
On peut , il l'on veut, au lieu d'un feul ballon,
employer , conjointement avec lui, un vaiiîeau
de hgure conique, que l'on nomme aionge ; il
s'introduit par un bout dans le ballon , &: dans
l'autre ouverture on fait entrer le bec de la cornue.
Cet appareil a l'avantage d'éloigner le ballon de
la chaleur du fourneau, laquelle chaleur retarde
la condenfation des vapeurs de l'acide nitreux :
alors on a deux jointures à luter , 6c qui exigent
toutes deux les précautions dont nous avons parlé.
Je préfère , à caufe de cela , un feul ballon : on le
garantit de la chaleur , en l'interceptant par le
moyen d'une planche qu'on place entre lui 8c le
fourneau: on applique encore des linges mouillés
fur la partie fupérieure du ballon , de on les re-
nouvelle de temps en temps , afin de mieux faci-
liter la condenfation des vapeurs de l'acide ni-
treux. Lorfqu'on rafraîchit ce vaiffeaii , il faut
obferver qu'il ne foit pas trop chaud j s'il l'étoit ,
on courroit les rifques de le faire caOTer.
Quelques perfonnes recommandent de fe fer-
vir d'une cornue tubulée pour faire l'efprit deni-
tre fumant : on introduit par cette ouverture l'a-
cide vitriolique, après que les vaiffêaux font lu-
tés. Cette manipulation eft fondée fur ce que l'on
croit que l'acide vitriolique agit au(lî-tôt qu'il
touche le nitre , Se que les vapeurs qui s'en élè-
vent empêchent d'agir & de luter commodément
les vaifteaux ^ mais cela n'eft point. Celles qui fe
dégagent font psu abondantes , & ne font aiîcun
embarras , pourvu qu'on laifte ouvert le trou du
ballon pendant qu'on lute les vaiifeaux»
IT RAISON NBE. 4I9
Lorfqu'on verfe fur le nicre l'acide vitriolique
bien concentré , comme il faut qu'il le foit pour
cette opération , le mélange s'échauffe un peu.
Cet acide a^it foiblement à troid fur le nitre;
cependant il agit alfez pour faire élever quelques
vapeurs blanchâtres : elles ont une odeur bien
marquée d'acide nitreux , Se fe condenfent faci-
lement j mais , à l'aide de la chaleur , l'acide vi-
triolique décompofe le nitre plus efficacement : il
dégage l'acide nitreux , &c il s'empare de fix bafe
alkaline. Comme l'acide vitriolique n'eft com-
biné avec aucune bafe, Se qu'il ell libre, il dé-
compofe le nitre tour à la fois j celui-ci entre dans
une forte de fufion dès le premier degré de cha-
leur : c'efl: dans cet inftant qu'il taut bien ména-
ger le feu , finon il s'élève tout-à-coup une quan-
tité prodigieufe de vapeurs très élaftiques , qui
feroient crever le ballon. Le mélange fe gonfle
confidérablement; il s'élève hors de la cornue,
ôc palfe en fubftance dans le ballon. Lorfque cet
<iccident arrive , il faut ôter le feu du fourneau,
tenir ouvert le trou du ballon , lailTer refroidir les
vailîeaux , & remettre dans la cornue ce qui a
paire dans le récipient , pour le diililler de nou-
veau.
- Pendant le cours de cette diftillation , il fe dif-
flpe , par le petit trou du ballon , environ le fixie-
me du poids de l'acide nitreux. Ileft difficile d'é-
viter cette perte, parcequ'on ne peut fe difpenfer
de déboucher cette ouverture de temps en temps,
pour faciliter la condenfation , &c la fortie d'unp
partie des vapeurs trop raréfiées j fans cette pré-
-caution , le vaifleau feroit en danger de crever.
On juge de l'état de la diftillation par la longueur
jàu jet de vapeurs qui fort par le petit trou du
ballon : il faut avoir attention qu'il n'ait jamais
450 CmYMIE EÎCpiRIMEîs'TALE
plus de huit ou dix pouces de longueur; s'il croit
plus long, & qu'il fortît avecfilïlementjilfaudroic
ralenrir le feu : il paffe beaucoup de cet acide en
vapeurs ; mais il S'en diftiUe aulîî goutte A goutte.
On juge encore de l'érat de la diftillation par le
nombre de fécondes qu'on peut compter pendant
l'intervalle de la chute d'une goutte d l'autre :
cette méthode elltrès fure ; elle eft générale pouu
coûtes les diftillationsquife font goutte à goutte,
6c dont il eft important de connoître l'accélcra-
xion ou le ralentiflement : fans des précautions
de ce genre , on travaille au hafard , Se l'on court
les rifques de fe bleffer par des exploficns qui ne
manquent pas d'arriver.
Lorfque la température n'a que dix degrés de
chaleur au-defuis du terme de la glace , on peut
conduire la diftillation de manière qu'il foit fa-
cile de compter dix fécondes entre la chiite d'une
goutte à l'autre , & cela depuis le commencement
jufqu'à la nn de la diftillation. Mais fi l'on fait
cette opération dans les chaleurs de l'été, & lorf*
que la température eft à vingt degrés au-defTus de
la glace , il eft bien effenriel de conduire le fea
de façon qu'on puilTe compter au moins quarante
fécondes entre la chute des gouttes : s'il fe trouve
moins d'intervalle entre elles, on met les vaif-
"feaux en danger de crever : d'ailleurs la plus grande
partie de l'acide fort en vapeurs très élaftiques
par le petit trou du ballon, qu'on eft obligé de
déboucher plus fouvent. Lorfqu'on veut obferver
la chute des gouttes , on place une lumière de
façon que le col de la cornue foit entre l'œil de
l'obfervateur &: la lumière : on la met dans la po-
fition la plus favorable , pour qu'on puilTe voir
tomber la goutte du bec de la coi'nue j ce qui n'eft
I T B. A I S O N K E E. 43 I
ias toujours facile , parceque rabondance des va-
jeurs rouges de cet acide obfcuicir tellement
e ballon , qu'on ne peut voir que difficilement au
travers.
Les vapeurs de l'acide nitreux cha^Tent tout l'air
de l'intérieur du ballon , ôc elles en prennent la
place. Lorfque la clialeur vient à diminuer , ou
que les vapeurs celfent de venir avec la même
abondance , on apperçoit , en débouchant le trou
du ballon , qu'il ne fort plus de vapeurs j il s'in-
troduit au contraire un courant d'air avec fiftle-
nient, qui forme dans l'intérieur un cône de va-
peurs blanchâtres. Cet effet vient de l'humidité
que l'air porte avec lui : il affoiblit l'acide nitreux
réduit en vapeurs , ôc change leur couleur. Lorf-
que cela arrive , on bouche fur-le-champ le petit
trou du ballon, parcequ'il fe rempliroit d'air, &:
qu'il faudroit l'cvacuer enfuite ; ce qui ne fe fait
pas fans perte : d'ailleurs l'air porte avec lui de
l'humidité , dont cet acide eft fort avide j ce qui
diminue fa concentration.
Si l'on avoir des ferpentins de grès ou de verre
d'un large diamètre , plongés dans des cuves d'eau
fraîche , comme on en a d'étam pour les diftilla-
tions ordinaires , on diminueroit conlîdérable-
ment les difficultés ôc les dangers de cette opéra-
tion.
A mefure que la décompofition du nitre fe
fait par l'intermède de l'acide vitriolique, il fe
forme dans la cornue une nouvelle combinai-
fon faline , qui eft du tartre vitriolé : ce fel
eft de plus difficile tufion que le nitre ^ ilconferve
dans fon centre une portion de nitre non décom-
pofé , ou de l'acide nitreux qui ne peut s'élever
^u'à la derniers violence du feu , à caufe de fon
4^2. ClIYMIE EXPERIMENTAT.!
adhérence au rarcre vitrtolé : on le retrouve fur la
fin des cryftallifations de ce fel , comme nous Iç
dirons dans un inftanc.
Lorlqiie le teu a été adminiftré modérément ,
ë>c qu'on veut l'augmenter trop précipitamment
fur la fin , il s'élève tout-à coup une quantité con-
lidérable de vapeurs de l'acide nitreux le plus
concentré : le ballon feroit en danger d'être calTé ,
fi l'onn'avoit pas foin de déboucher le petit trou
très fouvent , pour éviter Taffluence de ces der-
iiieres vapeurs : il faut n'augmenter le feu que
par degrés , de manière que la cornue ne de-
vienne rouge que dans l'efpace des trois dernières
heures. Cette opération dure environ vingt X
vingt-quatre heures , lorfqu'on la fait dans une
température de dix degrés au-delfus de la congé-
lation , Se au deffoLis : mais elle eft plus labo-
rieufe & plus longue pendant les chaleurs de
l'été : elle dure quarante à cinquante heures, ôc
quelquefois davantage , lorfqu'on la fait aux do-
fes que j'ai indiquées.
Les vapeurs de l'acide nitreux font très dange-
reufes : il faut éviter avec grand foin de les refpi-
rer : elles font fufîoquantes , ôc font une impref-
fion vive fur les poumons j mais ce n'eft que quel-
ques moments après qu'on les a'réfpirées. Comme
elles ne font pas d'impreflions douloureufes fur-
ie-champ , on ne s'en méfie pas d'abord j mais
un inftant après , elles excitent à toufier violem-
ment, jufqu'a faire cracher le fang. Lorfqu'on
vuide le ballon , il faut fe mettre vis-à-vis d'une
porte ou d'une fenêtre , afin d'avoir un courant
il'air qui puiffe emporter les vapeurs qui s'échap-
pent. .
On peur , fi, l'on veut , rendre cet acide en-
core plus fumant qu'il ne l'efl , parle procédé que
nous
ST RAISONNÉ E» 455
ItoiiS avons indique : il fufHt pour cela d'ajoucet'
au mélange quatre onces de limaille de fer non
rouillé : l'acide nitreux fe charge de tout le plilo-
giftique de ce métal , & aulli d'un peu de ter qu'il
enlevé avec lui : le phlogiftique augmente fa cou-
leur rouge ardente : il le rend plus volatil & plus
difficile à fe condenfer , mais fans augmenter fa
pefanteur fpécihque. J'ai remarc|ué, au contraire,
que fouvent elle eft diminuée par le concours de
ce principe inflammable : il pourroit très bien fe
faire qu'il fut néanmoins plus concentré , & que
le plilogirtique dont il eft faturé , foi: feulement
la caufe de fa plus grande légèreté.
L'acide nitreux tumant contient toujours un
peu d'acide vitriolique qu'il a enlevé avec lui î
on le fépare , en rcdihant l'acide nitreux fur du
nitre. Cette féconde opération cil: prefque auili
laborieufe que la première.
Plufieurs Chymiftes ont fait quelques recher-
ches fur la caufe de la couleur rouge des vapeurs
de l'acide nitreux. M. Hellot l'attribue au fer &c
au phlogiftique : il fe fonde fur ce que ce métal
eft contenu dans l'acide vitriolique dont on fe
fert pour décompofer le nitre. L'acide nitreux s'en
empare & l'cnleve avec lui. Cette idée paroît
vrailemblable : nous verrons même, à melure
que les occafions nous en fourniront les moyens ,
que ces deux acides minéraux contiennent pref-
que toujours du fer. Néanmoins j'attribue la cou-
leur de cet acide , ainli que celle de (es vapeurs ,
au phlogiftique purement &: (implement : c'eft
même un principe qui lui eft inhérent , &c fans
lequel il celferoit d'ctre acide nitreux. Si le fer
augmente fa couleur , c'eft qu'il fournit beau-
coup de phlogiftique. J'ai fait de l'acide nitreux
très concentré avec des matières qui ne conte-
43 4 Chymie expérimentale
noient point de fer, ôc qui ne pouvoient point
fournir de phlogiftique fiuabondant : j'ai obtenu
un acide plus concentré que ceux dont nous ve-
nons de parler : il n'avoit qu'une légère couleur
citrine : il exhaloit de même des vapeurs rouges.
Nous en parlerons à l'article du nitre décompofé
par l'alun.
Lorfqu'on veut conferver l'acide nitreux fil-
mant en bon état , il faut le contenir dans des fla-
cons de cryftal, bouchés aufli de cryftal ufé a
l'émeri , vifiter de temps en temps les flacons :
chaque fois qu'on en retire du vaiireau , il faut
avoir attention d'efluyer parfaitement le bouchon
& l'intérieur du col du flacon : fans cette précau-
tion , ce qui refte dans les joints remonte autour
du bouchon , attire l'humidité de Tair , & forme
une liqueur acide aqueufe autour du bouchon :
lorfque l'air de l'atmofphere vient à s'échauffer ,
les vapeurs de l'acide , renfermées dans le fla-
con , fe dilatent &€ foulevent le bouchon : l'acide
aqueux qui eft autour du bouchon , retombe dans
l'intérieur du flacon : ce jeu fe renouvelle conti-
nuellement, &c diminue, au bout d'un certain
temps , la concentration de cet acide.
Sei de duobus tiré de la majje faline rejiée d.ms
la cornue après la dïfi'dlation de l'acide nitreux
fumant,
La mafl^e faline qui refte dans la cornue après
la diftillation de l'efprit de nitre fumant , eft tou-
jours acide , foit par les vapeurs de l'acide ni-
treux dont elle eft imprégnée , foit par quelques
portions d'acide vitriolique libre : l'un &: l'autre
n'ont pu partner dans la diftillation , à caufe de leur
adhérence 6c du défaut de concours de l'air, Lorf-
ET R A 1 S O N N F. fci 4 j ^
qu'on veut en tiier le fel par la cryftallifatioil , ort
coiïcafle cette malTe faline : on la met dans une
terrine de grès : on verfe par-deflus de l'eau bouil-
lante pour la dilFoudre : on ajoute de l'alkali fixô
alTez pour faturer l'excès d'acide qu'elle contient î
alors on fait chaufter la liqueur dans une marmite
de fer : on la fait mcme évaporer jufqu'à légère
pellicule : on filtre la liqueur au travers d'un pa-
pier gris : on la reçoit dans une terrine de grès t
elle fournit , par le refroidifTement , beaucoup de
cryftaux qui font du tartre vitriolé : on décante la
liqueur : on la fait évaporer de nouveau : on la
filtre de même , Se elle donne de nouveaux cryf-
raux, en fe refroidi liant. On continue amfi de
fuite les évaporations &c les cryftallifations jufqu'i
ce que la liqueur ne fournilTe plus de cryftaux : oii
détache le fel des terrines avec la pointe d'urt
couteau : on le met égoutter fur des papiers gris i
lorfqu'il eft bien fec , on l'enferme dans des
boîtes.
Sur la fin des cryftallifations , on obtient tou«
jours des cryftaux de vrai nitre qu'on met à part i
la quantité va depuis deux gros jufqu'à demi-
€>nce.
Nous avons recommandé de faire diffoudre la
malle faline dans une terrine de grès , & de la fa-
turer avec de l'alkali fixe avant de la mettre dans
une marmite de fer, afin que les acides libres ne
puiftent point agir fut ce métal j ce qui arri—
veroit, fi on faifoit le contraire : la liqueur feroie
verdâtre , & le fel le feroit aufli. Si cet accident
arrivoit , il faudroit remettre le fel & les liqueurs
dans la même marmite , & ajouter allez d'alkali
pour faire précipiter le fer : on achevé enfuirai
Ee ij
J^'j6 Cil Y MIE EXPÉRIMEl^TALE
l'opération , comme nous venons de le dire.
Lorfque la liqueur contient une légère fura-
bondance d'alkali , elle pa{Te plus facilement au
travers des filtres , & fournir davantage de cryf-
taux qui font plus gros &z plus faciles à détachet
des terrines : il arrivée le contraire , lorfque la li-
queur eft parfaitement neutre : lorfqu'elle eft un
peu acide , elle palle encore plus difficilement
au travers des filtres y Se le fel eft encore plus dif-
ficile à fe détacher des terrines ^ il eft même (i fort
adhérent , qu'on ne peut le détacher , qu'en fai-
fant chauffer légèrement, mais brufquement, le
cul des terrines. Cette opération doit fe faire im-
médiatement après avoir décanté la liqueur : les
terrines fe dilatent par la chaleur , dans des pro-
portions différentes de celles du fel : l'humidité
appliquée fur les terrines fe dilate de même , &C
permet au fel de fe détacher ; on peut l'enlever
facilement en larges plaquettes. Si, au contraire ,
on faifoit chauffer les terrines après qu'elles (ont
égouttées,on augmenteroit tellement l'adhérence
du fel qu'on ne pourroit plus le détacher , qu'en le
réduifant en poudre.
De quatre livres de nitre & de deux livres d'a-
cide vitriolique que l'on a employées , on retire
ordinairement quatre livres onze onces de fel de
duobus j & environ une demi-once de nitre.
Décompojition du Tartre vitrlolt par l'acide
nitreux ftuL
Nous venons de voir c]ue l'acide vitriolique
décompofe le nitre &: dégage l'acide nirreux j
mais c'eft par la voie feche. L'acide nitreux, par
la voie humide , décompofe le tartre vitriolé ;
ceci eft un exemple d'affinité réciproque , & fait
ET RAISONNÉ E. 457
voir de plus en plus la nécefiîté d'établir les deux
tables des rapports dont j'ai déjà parle.
On met dans un matras deux onces de tartre
vitriolé en poudre : on verfe par-deflus autant
d'acide nitreux ordinaire : on fsitchaufler ce mc-
lânge jufqu'à ce que le fel foit dilTous *, ce qui le
fait facilement : on verfe la liqueur dans une cap-
fule de verre : elle fournit , par le rehoidille-
ment, devrais cryftaux de nitre : on décante la
liqueur : on tait égoutter les cryftaux fur du pa-
pier gris : on les rechange de papier jufoju'à ce
qu'ils ne les mouillent plus : le nirre eft alors très
pur , & a toutes les propriétés d'un nitre parfait :
amfi il eft certain que, dans cette opération , l'a-
cide nitreux a dégagé l'acide vitrioljque , & s'eft
emparé de fa bafe alkaline.
Remarques,
Staahl avoit propofé en problème de dccom-
pofer le tartre vitriolé dans la paume de la main y
il s'étoit fervi de cette expreflion fans doute pour
faire entendre que cette décompofition étoit fa-
cile. MM. Pott & Geoffroy le Médecin , tous
deux fort habiles Chymiftes , ont réfolu le pro-
blème de Staahl , mais en employant des diflolu-
tions de mercure, d'argent &: de plomb, faites
par l'acide nitreux. Il paroît que Ctaahl a été Li~
tisfait de cette folution j du moins il n'a rien die
qui V fut contraire : elle a donné lieu à expliquer
ce phénomène par les affinités de quatre corps qui
agilfent enfemble , d'où réfultent deux dccompo-
fitions ^ deux nouvelles combinaifons. L'acide
nitreux quitte fa fubftance métallique à laquelle
il ctoit uni , pour s'unir à l'alkali du tartre vi-
tviolé. L'acide vitriolique, deveciu libre , s'unit à
£e ii|
4?8 ., Chymii expérimentais
la fubilance métallique qui devient libre aufli , ^
fonne un vitriol de mercure , d'argent ou de
plomb , fuivant le métal que l'acide nitreux te-
noit en diffolution. On croyoit que cette dccom-
polltion fe faifoit en raifon des affinités réunies
de l'acide nitreux avec la matière métallique , &C
que, ni le métal , ni l'acide nitreux, chacun fé-
parément , ne pouvait opérer la décompolîtion
de ce fel. Les différentes recherches que j'ai faites
fur les affinités des matières falines , m'ont mis a
portée de réfoudre ce problème par l'acide ni-
treux feul , & par conféquent d'une manière plus
fimple que ne l'avoient fait les habiles Chymifles
que je viens de citer.
Le i3 Décembre ly^o, je donnai à l'Acadé-
mie ce m.oyen de décompofer le tartre vitriolé par
l'acide nitreux feul : je me contentai alors d'en
conclure que Tacide vitriolique décompofoit le
nitre par la voie feche , à raifon de fa fixité plus
grande que celle de l'acide nitreux , & non en
raifon de fa plus grande affinité avec l'alkali ,
comme on l'avoir toujours penfé. Jeréfervaid'en
donner la théorie dans une autre occafion.
Ce ne fut que trois années après que j'entrepris
^ç l'expliquer : j'en rendis compte à l'Académie
le 1 i Janvier 1765 , dans un Mémoire que je lus
à cet effet. Voici comme j'explique cette décom-
pofition.
Le phlogiflique eft un des principes conftituant&
del'alkalinxe. Lorfque l'on combine ce fel avec
de l'acide vitriolique , le phlogiftique fe partage
Cntrç l'alkali & l'acide : il refte combiné & fait
partie du fel neutre qui refaite de leur union. On
^ beau calciner ce nouveau fel , on ne fait que
difliper le phlogiftique qui lui eft étranger ; mais
la portion principe, effentielle à la nature de l'ai-
ET RAISONNE 1. 455
kali , ne peut fe dilîîper qu'à mefure que ce fel fe
décompofe. Tout ceci eft prouvé pai les obfeiva-
tions fuivantes.
I °. En difTolvant dans de l'eau le tartre vitriole ,
ainfi calciné , on voit précipiter une portion de
terre, qui ne peut provenir que de la portion de
ce fel qui a été décompofée.
1°. En verfant de l'acide vitriolique très pur 6c
très concentré fur du tirtre vitriolé calciné , Se
fortant immédiatement du creufet, on en tire
par la dilUllation de l'acide vitriolique fulfu-
reux , parceque la matière phlogiftique, principe
de l'alkali , eft encore unie à ce fel neutre : l'a-
cide vitriolique qu'il contient, eft dans un état
de phlogiftication : lorsqu'on lui préfente un
nouvel acide vitriolique plus pur , c'eft-à-dire ,
moins phlogiftique que celui qu'il contient, il le
dégage , & le fubftitue à fa place : l'acide vitrio-
lique qui faifoit partie du tartre vitriolé , pafte
dans la diftillation , chargé de phlogiftique : il eft
fulfureux comme celui qu'on tire, par le même
moyen, du fel fulfureux de Staahl.
L'acide nitreux , comme nous l'avons dit, con-
tient beaucoup de phlogiftique : néanmoins il
eft fort avide de celui qu'on lui préfente : il s'u-
nit par ce principe à l'alkali du tartre vitriolé , &c
en dégage l'acide vitriolique , qui a moins d'affi-
nité avec le principe inflammable , que n'en a
l'acide nitreux.
Les félénites , foit à bafe de terres vitrihables ,
foit à bafe de terres calcaires , ne font point dé-
compofées par l'acide nitreux , parcequ'elles ne
contiennent point autant de phlogiftique que
l'alkali fixe : c'eft ce principe inflammable qui eft
l'intermède par lequel , fuivant moi , l'acide ni-
treux décompofe le tartre vitriolé : cet acide ,
Ee IV
44* ChYMIE EXPHRIMENTALt
comme je l'ai dit précédemment , facilite feule-
ment la dilfolution de ces fels à bafe terreufe ,
dans une moindre quantité d'eau.
Au refte , j'ai remarqué que les degrés d'affini-
tés de ces deux acides, par la voie numide, fur
l'alkali , différent bien peu l'un de l'autre , puif-
que l'acide vitriolique qui a été dégagé par l'a-
cide nitreux , dégage à fon tour cet acide , ôc re-
forme de nouveau du tartre vitriolé , tel qu'il
étoit, fans rien ajoijter dans le mélange.
J'ai fait cryftallifer à l'air libre plufieurs mé-
langes de tartre vitriolé & d'acide nitreux. Le ni-
tre qui s'étoit d'abord formé par la décompofition
du tartre vitriolé , s'eft cryftallifé en belles aiguil-
ler j mais au bout d'un certain temps, ce nitre a
été décompofé par l'acide vitriolique, que l'a-
cide nitreux avoir dégagé. Se qui étoit refté en
liqueur dans les vafes. Dans l'inftant où le nitre
co mmence à être décompofé , il végète en forme
d 'arbriflfeaux très bien ramifiés , & de la plus
grande beauté ; ces végétations ont peu de con-^
h ftance : une partie de l'acide vitriolique libre
s'élève dans les tuyaux capillaires du nitre qui a
V égété : il dégage l'acide nitreux à fon tour , &:
celui-ci, devenu libre, fe difîîpe peu à peu, à
raifon de fa volatilité. Le nitre qui avoit végété
retombe en poudre dans l'acide vitriolique, avec
lequel il reforme du tartre vitriolé. Cette nou-
velle décompofition fe fait fpontanément, juf-
qu'à ce que tout l'acide nitreux foit prefque en-r
çiérement évaporé.
J'attribue ces décompofitions fucceflives à l'a-
Ç ide vitriolique , qui fe déphlogiftique par foix
expofition à l'air libre, 6c à fa fixité plus grande,
que celle de l'acide nitreux. Lorfque l'acide vi-
tçiplique eft ainfi déphlogiftique ;, il çecovivrç
ET RAISONNÉ f. 44I
tous fes droits : il dégage l'acide nitreux de fa
bafe alkaline, & ce dernier fe diflipe à mefure , à
raifon de fa grande volatilité.
Je me fuis allure du fait , en répétant ces ex-
périences dans des flacons bouchés exadement
avec des bouchons de cryftal. L'acide vitrioU-
que qui a été dégagé du tartre vitriolé , ne pou-
vant fe déphlogiftiquer , faute du concours de
l'air extérieur, n'a pu décompofer le nitre.
J'ai pareillement reconnu par l'expérience ,
que le tartre vitriolé qui refte après ces décom-
poiîtions réciproques &: fucceflives , fe lailTe dé-
compofer de nouveau par de l'acide nitreux : il
préfente les mêmes phénomènes que la première
fois : on peut conjedurer qu'il feroit également
décompofé , quand mcme il auroit reçu un grand
nombre de ces décompofitions fucceflives -.cela
arriveroit, parceque , comme je l'ai dit plus haut,
le phlogiflique , principe de l'alkali , le partage
toujours entre l'acide vitriolique de ce mcme al-
kali , lorfque ces fubfl:ances falines fe combinent
enfemble.
Nous avons dit précédemment que l'acide ni-
treux détruifoit promptement les couleurs don-
nées à l'acide vitriolique par des matières inflam-
mables y ce qui prouve que l'acide nitreux a plus
d'aflSnité avec ces fubftances , que n'en a l'acide
vitriolique. Je vais rapporter de fuite quelques
expériences qui conft:atent la mcme chofe j telles
que la décoloration de l'acide vitriolique par le
nitre en fubfl:ance > la décompofition du foufre
par le nitie , ^ç,
44* Chymie expérimentale
Déphlogljlicaùon de l'acide vitriolique par U
nïtre en fuhjlance.
On met dans un marras huit onces d'acide vi-
triolique concentré , &: qui a été coloré acciden-
tellement par quelque matière combuftible : on
y ajoute deux ou trois gros de nitre en poudre :
on place le matras fur un bain de fable chaud ;
èc on le fait digérer à une douce chaleur , jufqu'à
ce que l'acide foit entièrement décoloré.
L'acide vitriolique décompofe le nitre , & dé-
age l'acide nirreux : celui-ci détruit les matières
phlogiftiqaes , pour les raifons que nous avons
<lites précédemment. Si l'on fait cette opération
dans une cornue , ce qui pafTe eft de l'acide ni-
treux en plus grande partie : cependant il en
lefte un peu de combiné avec l'acide vitriolique,
&: qu'on ne peut plus féparer par ce moyen. Il
refte en outre l'alkali fixe du nitre , qui forme du
tartre vitriolé , cpii ne fe fépare jamais en entier
de cet acide , mcme dans l'efpace de plufîeurs an-
nées : une partie feulement fe cryftallife au fond
des flacons : néanmoins cet acide peut fervir dans
beaucoup d'opérations , où une fi grande pureté
n'eft pas nécelîaire. J'avois rapporté cette expé-
rience dans ma Dljfertation fur i' E tkèr , page 54.
L'Auteur qui a fourni au Journalifte l'analyfe de
ce Livre , dit : « Il nous femble qu'il ne devroit
îs point y avoir de précipité , &: qu'il fuffiroit,
3> pour rediher cette huile de vitriol , de la dif-
s> tiller , parceque le tartre vitriolé qui fe forme ,
9> ne peut pas monter par la diftillation •>. Voyez
le Journal de Médecine , Avril 1758.
L'Auteur de cette remarque n'eft vraifembla-
blement pas Chymifte : il ignore les difficultés
ET RAISONNÉ E. 44$
qu'on éprouve à faire diftiller cet acide en fub-
ftance : il n'a pas fenti que ce moyen cil: employé
précifémenc pour s'éviter la peine de cette diftil-
îation j qui eil , comme je l'ai dit , très laborieufe.
N'ure & Soufre.
Acide vitiioHquc tiré du foufic par la comhuftion <îc cette
fubflance , & par l'imccrmcdc du nitre.
Depuis que Staahl a démontré , par plufieurs
belles expériences , t]ue le foufre eft compofé de
fept parties d'acide vitriolique , 6c d'une de phlo-
giltique , les Chymiftes ont cherché les moyens
de tirer avec profit l'acide vitriolique du foufre.
On s'eft appercu qu'il n'y avoit que le phlogifti-
que qui fe détruifoit pendant la combuftion du
foufre , Se qu'il n'en étoit pas de même de l'acide
vitriolique j qu'on pouvoit le recueillir en entier.
Mais d'un autre côté, le foufre ne peur brûler
qu'avec le concours de l'air : alors l'acide vitrioli-
que fe dilîîpe en entier. On a imaginé , pour le
recueillir, des appareils de vaiffeaux difpofés
d'une infinité de manières difi:crentes , & de
grande capacité , afin qu'ils continrent beaucoup
d'air , de qu'ils fuffent par-là en état d'entretenir
la combuftion du foufre : mais tous ces appareils
ont été infruélueux, puifqu'on ne retiroit pas la
dixième partie de l'acide vitriolique du foufre.
Nous ne parlerons point de ces appareils , parce-
qu'ils font trop nombreux , &: la plupart trop
compliqués , pour opérer avec écononne.
Ce n'eftquc depuis une dizaine d'années qu'on
eft parvenu à tirer du fouhe tout l'acide qu'il
contient, par le moyen du nitre. Ce fel facilite
la combuftion du nhlogiftique du foufre dans les
vaifteaux clos. Il paroit que cette découverte a
444 Chymie expérimentale
été faite à-peu-près en mcme temps , en Hollande
ôc en Angleterre. Le procédé que l'on croyoit
fuffifant à la fépararion de cet acide du foufre , a
été publié dans un Livre qui a pour titre : les Se-
crets & les Fraudes de la Chymie & de la Pharma-
cie modernes dévoilés. J'ai inféré ce procédé dans
le Dictionnaire portatif des Arts & Métiers ^ tome
fremier, page 340. Mais,m'étant apperçu que
humidité de l'eau du ballon faifoit un obftacle
à la combuftion du foufre, j'ai recommandé dans
l'AvertilTement qu'on a mis à la tête du premier
volume de cet ouvrage , page 10 , première édi-
tion , de faire cette décompaiition du foufre par
l'intermède du nitre, dans un appareil femblable
à celui dont nous avons parlé à l'article du dif-
fus de nitre. Voici ce procédé qui réulîit très
bien.
On difpofe dans un fourneau une cornue de
fer de fonte , d'environ trois ou quatre pintes, Sc
qui ait à fa partie fupérieure une ouverture
londe, d'environ deux pouces de diamètre, qu'on
bouche & débouche à volonté , avec un bouchon
aufîî de fer fondu , ou de terre cuite : on adapte
à cette cornue un grand ballon de verre ou de
grès, percé d'un petit trou : on met quelques on-
ces d'eau dans le ballon : on lute, avec du lut gras,
les jointures des vaiflTeaux. Lorfque l'appareil ell
ainfi difpofé , on fait du feu fous la cornue pour
en faire rougir obfcurément le fond : alors on
projette par cuillerées , par l'ouverture fupérieure
de la cornue , un mélange de feize onces de fou-
fre , d'une once de nitre , & d'une once de char-
bon en poudre : quand la déflagration de la pre-
mière cuillerée efb paflee , on remet une nouvelle
quantité du même mélange , & on continue ainfi"
de fuite, jufqu'à ce que l'on aie employé a.'ataiHi
ET RAISONNÉ E. 44J
ne matière qu'on juge à propos : alors on tire la
liqueur du ballon ^ & on la rectifie dans une cor-
nue de verre: on conferve l'acide dans des fla-
cons.
Remarques.
Dans l'AvertilTement du Dicllonnalre des
Arts , j'avois recommandé d'ajouter au mélange
de nitre & de foufre, une onc@ de charbon en
f)oudre , parceque dans le procédé publié dans le
ivre des Secrets ô* Fraudes de la Chymïe, &c. l'Au-
teur recommande d'employer de la filaflTe pour
faciliter la combuftion du foufre. Je penfai que,
matière combuftible pour matière combuftible,
le charbon en poudre doit ctre préféré, en ce
qu'il ne peut pas fournir de fubftance inflamma-
ble dans l'état huileux , comme le fait la filafle ;
ce qui altère la pureté de l'acide vitriolique.
J'ai fait cette opération dans des cornues de
grès &: dans des cornues de Hefle : les premières
font fort fujettes à fe cafler, & les dernières font
trop poreufes : elles laiflent tranfpirer beaucoup
d'acide. Je recommande d'employer des cornues
de fer, parceque j'ai éprouvé que les acides les
plus concentrés agiifent difficilement fur le fer
fondu. Je préfume qu'elles doivent réuflir j mais
je ne les ai point éprouvées. Au moyen de ce que
la chaleur du fond de la cornue eit permanente,
le foufre s'enflamme en totalité , ou à-peu-près.
Il y a toujours une portion de foufre qui fe fu-
blirae , avant que de pouvoir fe brûler avec le
nitre \ mais au moins eft il certain que la plus
e;rande partie fe décompofe complettement , &
fournit tout fon acide vitriolique. Les vapeurs
qui s'élèvent par cette déflagration , paflent dans
le ballon , & ne fe condenfent que lentement ;
44<> Chymie expérimentale
c'ert pour faciliter leur condenfation , qu'on iret
un peu d'eau dans le ballon. Ahn de ne pas per-
dre de temps pendant que les vapeurs fe condcn-
fent, on peut difpofer lur un fourneau long, une
file de plufieurs appareils femblables : on pafle
d'un vaiHeau à un autre : par ce moyen, les vapeurs
du premier ont le temps de fe condenfer , avant
quon y revienne pour y introduire une nouvelle
cuillerée de mélange.
Pour que l'inflammation du foufre fe falTe d'une
manière avantageufe &z durable , il faut que ,
d'une part , le foufre foit mêlé avec une fubrcance
qui puilTe , fans le concours de l'air , exciter fon
inflammation dans des vailTeaux clos. Le nitre eft
très propre à produire cet effet , & le charbon à
foutenir cette inflammation : il faut, d'une autre
parc , que le mélange foit appliqué à une chaleur
permanente qui puilTe entretenir la combuftion :
fans cette dernière condition , le foufre , quoique
mêlé avec du nitre , peut être enflammé pendant
quelques moments ;, mais ils ne tarde pas à s'é-
teindre : c'eft pour cette raifon que j'ajoute un peu
de charbon au mélange : au m.oyen de ce que le
cul de la cornue eft rouge, l'inflammation du
foufre fubiifte , 5c fa décompofition a lieu.
C'eft fur des obfervations femblables , qu'on a.
établi, en Angleterre &c en HoUandej des atteliers
confldérables , dans lefquels on tire avec profit
l'acide vitriolique du foufre : voici le moyen
dont on a fait ufage en Angleterre jufqu'à ces
derniers temps : on m'a afllué en même temps
qu'on avoit abandonné ce procédé , ayant trouvé
depuis quelques années une méthode encore plus
limple êc plus économique.
On emploie des ballons de verre de quatre a
«inq pieds de diamètre , qui tiennent quatre 1
ET RAISONNE E. 447
Cinq cents pintes, mefure de Paris. On fait un
lit de (able : on pofe les ballons deflus , en in-
clinant le col hoiizontalement : on en établit
deux files femblables, placées l'une vis-à-vis de
l'autre : on obferve de conferver entre ces deux
files un efpace fuffifant , pour que plufieurs per-
fonnes puilfent palfer de front , & qu'elles puif-
fent agir , fans craindre de cafler les vaiiïeaux :
on met dans chaque ballon une ou deux pintes
d'eau, &z on introduit, par l'ouverture, un pot
de grès d'environ fix pouces de hauteur , fur le-
quel on place enfuite une cuiller de fer de fonte
un peu cpailfe , à long manche , Se qu'on a fait
rougir auparavant. On y met, par le moyen d'une
autre cuiller de fer blanc, aufll à long manche,
une cuillerée de mélange de nitre &c de foufre,
fait dans les proportions de huit parties de fou-
fre & d'une de nitre. Le mélange s'enflamme à
la faveur de la chaleur de la cuiller : on ferme
l'ouverture du ballon avec une petite trape de
bois , qu'on a difpofée, à cet effet , à l'ouverture
de chaque ballon. Le foufre produit, par facom-
buftion , une flamme très grande , qui remplit
de vapeurs blanches toute la capacité du baUon.
Lorfque ces vapeurs font un peu condenfécs , on
retire la cuiller , & on les laifle fe condenfer com-
plettement : pendant qu'elles fe condenfent, on
fait la même opération dans le fécond ballon,
dans le troifieme , & ainfi de fuite, jufqu'à ce
que l'on foit parvenu au bout de la première fi-
le : on fait , en revenant , la même opération fut
l'autre file de ballons j de lorfqu'on eft arrivé aa
dernier de cette féconde file , l'Artifte fe trouve
ramené vis-à-vis du premier ballon , par où il a
commencé. Les vapeurs le trouvent alors con-
denfées : c'efl au Maoutadurier d'avoir l'atten-
44^ CrtYXtlÈ EXPÉRI\{ENTAtE
tioii d'employer un nombre fuffifant de fembll-
bles ballons , pour que celui qui les charge , fe
trouve continuellement occupé , fans être obligé
d'attendre la condenfation des vapeurs.
On continue ainfi de faire brûler du foufre
dans les mêmes ballons , jufqu'à ce que l'eau
qu'ils contiennent foit fuffifamment charges
d'acide : alors on retire la liqueur avec une cuil-
ler de fer blanc : on la verfe dans des cornues de
verre que l'on place fur un bain de fable , dans
des fourneaux alongés que l'on nomme galères :
on adapte des récipients aux cornues : on procède
à la diftilbtion pour féparer la partie aqueufe ,
jufqu'à ce que l'acide qui refte dans la cornue,
foit concentré au point de pcfer une once fept
gros & demi dans une bouteille qui contient une
once d'eau : cela forme l'acide virrioliqae connu
dans le commerce fous le nom A' huile de vitriol y
propre aux opérations de Chymie , & des Manu-
factures qui emploient cet acide.
En Angleterre & en Hollande , on emploie des
ballons de verre d'une grandeur considérable ;
mais , comme ces vailTeaux font très fragiles &:
fort coûteux , je confeille de fubftituer à leur
place des ballons de grès de femblable volume.
Les acides n'ont point d'aélion fur cette efpece
de poterie , quand elle eft bien cuire.
Pour faire rougir les cuillers commodément,
on conftruir une petite brouette qui contient un
réchaud de tôle , dans lequel on fait un feu de
charbon alfez fort pour les faire rougir. Ces cuil-
lers doivent être en fer fondu, d'un demi-pouce
de profondeur, aulîi larges parle bas que par
le haut, ayant la forme d'une tabatière ronde,
fans couvercle, & de iix lignes ou environ d'é-
paiflTeur ,
'ET îl À I S O N N i É. 44c^
paiffeur, afin qu'elles puiirenr confeiver alfez de
chaleur pour confumer tout le mélange qu'on
met chaque fois.
Il faut avoir foin , lorfqu'on introduit de
nouvelle matière, de n'en pas répandre dans le
ballon : ce feroit mêler des (ubl^ances non décom-
pofé€s,avec l'acide qui feroit déjà fait. Tout
l'acide vitriolique qui eft aduellement dans le
commerce, eft tiré du loulie par des procédés
femblables, ou peu différents de ceux dont nous
venons de parler. Plufieurs fabriquants penfent
qu'il n'ell: pas nécelT^iire de faire entrer du char-
bon dans le mélange : cependant j'ai obfervé
qu'il produifoit un meilleur etfet , &c qu'il procu-
roit l'inHammation d'une plus grande quantité
de foufre. Les ouvriers apportent apparemment
peud'exadtitude dans leurs opérations : on trouva
fouvent au fond des bouteilles , des dépôts conlî-
dérablesdefélcnite & détartre vitriolé, dont Une
partie refte en dillolution dans cetacide. J'ai trou-
vé dans une bouteille pleine d'huile de vitriol ,
une petite mefure de ter blanc, de la contenance
d'environ deux onces d'eau. Cette mefure étoit
depuis plus d'un an dans cet acide, fans qu'elle
fut endommagée de la moindre chofe , &: fans
que l'étamage fût détruit j ce qui eft un indice
que les ouvriers emploient des outils de fer
blanc, pour puilér l'acide vitriolique dans les
ballons , &^ qu'on peut s'en fervir avec fécurirc.
Le nitre eft abfolument nécelfaire pour taire
brûler le foufre fans le concours de l'air : j'ai mis
dans un tét à rôtir, que j'avois fait rougir aupa-
ravant, un gros de foufre en poudre : je l'ai re-
couvert d'une cloche de verre , garnie de fable
tout au tour : le foufre s'eft enflammé fur-le-
champ j il a raréhé l'air , & l'a tait refluer par les
Tome I. Ff
45© ChYMIE IXPÉRI\fENTAlB
borJsdela cloche , en repoulTant le fable : j'ai re-
garni de fable les bords de la cloche j le foufre
a ceflé de brûler, 5c il s'emflammoit aufli-tôt
que je levois la cloche. Il nen a pas été de mê-
me du mcUnçie de foufre Se de nitie : il s'eft
enflammé avec beaucoup de facilité j mais il y
a une portion de foufre qui s'eft fublimée. Ce
dernier mélange étoit compofé de cinq parties
de foufre & d'une de nitre. On peut conclure de
ces expériences, que l'inflammation totale du
foufre, d'où réfulte fa décompofition , eft due à
des dofes précifes de nitre. Je n'ai point fait d'ex-
périences pour en connoître les meilleures pro-
portions. Un femblable mélange , auquel j'ai
ajouté du charbon , s'eft encore mieux enflammé.
J'ai mêlé enfemble un gros de foufre en pou-
dre , huit grains de nitre & huit grains de char-
bon. J'ai enflammé ce mélange avec un petit char-
bon ardeur, &c l'ai recouvert d'une cloche de
verre : il a très bien brûlé fans le concours de l'air,
de fans le fecours d'une cha'eur étrangère : il of-
froit , pendant (on inflammation , un fpeétacle
fort agréable : la portion de foufre qui fe réduifoic
en vapeurs , s'enflammoit par intervalle par la
communication de la flamme du mélange j ce
qui formoit une lumière phofphorique , fembla-
ble à celle qui fubfîfte dans le ballon , après la
d-iftillation du phofphore d'urine.
Dans toutes ces inflammations , il y a toujours
une portion de foufre qui échappe à la combuf-
tion : une partie eft dans un état de demi-décom-
pofltion : elle eft difloute par l'acide vitriolique.
J'ai reconnu dans une infinité d'expériences de
recherches que tout l'acide vitriolique qui eft
dans le commerce , contient réellement une pe-
tite quantité de foufre en diATolucion j c'eft U
i
ET RAlSONNis, 45%
vrairemblablement ce qui eft caufe en partie qu'il
fournit de l'acide fulfureux , toutes les fois qu'on
foumet à la reititication cet acide vitriolique ,
mcme celui qui eft le plus blanc &: qui parok
le plus pur : de parfaitement blanc qu'il eft, il
acquiert toujours dans les cornues une léj^ere
couleur ambrée qu'il perd très difficilement, lans
l'addition d'un peu d'acide nitreux : on eft obligé
de le fiire chautfer pluheurs jours de fuite , pour
pouvoir complettement détruire cette couleur.
Décompojîtion du nitrc par l' intermède du foufre.
Clifliis de nitie & tic foufre. Sel polychrefte de Glaser.
Nous avons vu que le phlogiftique des char-
bons décompofoit le nitre, 6c détruiloitfon acide.
Le foufre décompofe de même le nitre ^ mais ,
comme il ne contient pas a(fez de phlogiftique ,
il ne peut détruire tout l'acide nitreux : on peuc
le recueillir en grande partie.
On difpofe un appareil femblable a celui que
nous avons décrit pour le clilfus de nitre : on fait
de même rougir le fand de la cornue : par la tu-
bulure , on projette par cuillerées un mélange de
parties égales de nitre &: de foufre. Il fe fait cha-*
que fois une grande déflagration > &; fort peu de
détonnation : il palfe dans le ballon beaucoup de
vapeurs blanches qui fe condenlent difficilement.
Lorfque la déflagration eft paifée , on remet une
nouvelle quantité de matière : on continue ainlî
de fuite , jufqu'à ce quon ait employé !a quan-
tité du mélange qu'on a difpofée. Lorfque les va-
peurs font condenfées , on délute le ballon : on.
verfe ce qu'il contient dans un flacon. La liqueur
qu'on obtient, eft un mélange d'acide nitreux &
d'acide vitriolique fulfureux volatil.
Ffij
45 i Chymie expérimentale
Il refte dans la cornue une combinaifon de
l'alkali du nitre &c de l'acide vitiiolique du fou-
fre. On fait diiroudie cette mafle faline dans une
fufïifante quantité d'eau : on la fait évaporei juf-
qu'à légère pellicule : on filtre la liqueur : elle
fournit , par le refroidifTement, de vrais cryftaux
de tartre vitriolé , auquel on a donné le nom de
felpolychrejlc ^e Clafer.
Remarq^ues.
Lorfqu'on n'a intention que de faire le fel poly-
chreile de Glafer,fans recueillir les vapeurs aci-
des qui fe dégagent de ce mélange, on projette
la matière par cuillerées , dans un creafet que
l'on a fait rougir auparavant , &: on attend de
même que la déflagration foit paflee , avant que
de remettre une nouvelle dofe de mélange. Lorf-
que toute la matière que l'on a difpofée eft em-
ployée , on fait calciner la matière du creufet, &:
on la fait entrer en hilion : on coule ce fel dans
un mortier de fer , bien fec &: un peu chauffé : on
le fait dilToudre dans de l'eau , &" on procède pour
le refte , comme nous venons de le dire. On ob-
tient pareillement des cryftaux de tartre vitriolé :
on continue lesévaporations & les cryftallifations
jufqu'à ce que la liqueur refufe de fournir du
fel.
Lecliftus de nitre & de foufre eft une opéra-
tion par laquelle on démontre que l'acide nitreux
n'eft pas détruit pendant fa déflagration avec le
phlogiftique du foufre , comme il l'eft par celui
du charbon: on attribue communémentce défaut
à ce qu'il n'y a pas dans le foufre aflez de phlogif-
tique pour produire la deftruétion de l'acide ni-
treux ; mais ne pourroit-on pas plutôt l'attribuer
à l'état fous lequel ce principe inflammable fe
ET RAISONNES. 45^
trouve dans le foufre ? Pendant la dctiagration de
ce mélange dans le creufet , on voit de niane cet
acide foitit en vapeurs rouges-orangées , & for-
mer un cercle qui entoure la flamme du foufre.
On a donné à ce fcl le nom de Jel polychrejle
de Glafer ^6x1 nom de l'Auteur. Quelques per-
fonnes ont voulu mettre une différence entre ce
fel & le tartre vitriolé ; mais c'eft une de ces dif-
tindlions mal fondées. Toutes les i"ois que l'al-
kali fixe fe trouve uni à l'acide vitriolique , il ré-
fulte toujours du tartre vitriolé, quelle que foie la
fubfl:ance qui fourniffe cet acide. ^
Poudre à canon, 1
La poudre à canon eft un mélange intime &
très exatt , de nitre , de foufre &c de charbon.
On prend fix onces de nitre très pur, une once
de charbon broyé fur le porphyre , & deux onces
de foufre : on fait piler &; triturer enfemble
ces matières dans un mortier de marbre avec un
pilon de bois , pendant fept a huit heures fans
relâche , par deux hommes placés vis-à-vis l'un
de l'autre autour du mortier , qui fe relaient de
quart d'heure en quart d'heure. 11 faut que le
mélange reçoive environ fept mille coups de
pilon par heure. On l'arrofe avec quatre onces
d'eau , qu'on ne met que peu-à-peu , & en quinze
ou vingt fois. Cette quantité d'eau doit s'évapo-
rer par le feul mouvement du pilon. On tire \x
matière hors du mortier. Lorfqu'elle eft féchée
au point de ne pouvoir plus fe laiirer triturer ,
fans fortir hors du mortier comme une matière
fluide , alors on la fait fécher au foleil : c'eft de
cette manière qu'on doit préparer les poudres
dont on veut faire des eflais , &: on ne doit pas
les grener , pavceque l'humidité qu'on eft obligé
Ffiij
4S4 Chymie expIuimentals
de confeiver au mélange , pour pouvoir le grô-
ner , facilite la cryftalliiation du nitre , &C dimi-
nue la force de la poudre.
Si cependant on veut grener cette poudre ,
il faut la prendre dans un degré de ficcité tel
qu'elle forme une pâte feche , qui ne puitTe laif-
fer aucune trace d'humidité , lorfqu'on la pofe
fur une afîîette de faïance. On la met dans une
boîte de fer blanc : on la fecoue rapidement en
tous {^ns , en la frappant de temps en temps con-
tre la paume de la main : on continue cette ma-
nœuvre jufqu'à ce que la plus grande partie de la
poudre foit réduite en grains : on fépare le pouf-
fier par le moyen d'un tamis de foie. La portion
de poudre qui s'eft grenée refte fur le tamis. On
remet ces grains de poudre dans la même boîte
de fer blanc , après l'avoir nettoyée : on l'agite de
même pendant environ une heure , jufqu'à ce
que les grains deviennent fufïîfamment luifants :
cette dernière agitation fe nomme lijfer la pou-
dre : on fépare le pouiîier par le moyen d'un ta-
mis , & on fait fécner au foleil la poudre grenée.
R E M A R (^ U E s.
En 175 2 , M. le Chevalier d'Arcy , de l'Aca-
démie Royale des Sciences , me pria de faire l'a-
nalyfe de pluiîeurs poudres , dont les forces
étoient différentes , afin de connoître Ci on de-
voir les attribuer aux dofes des fubftances qui
les comipofoient , 8c qu'on pouvoit foupçonner
n'être pas les mêmes, ou être toute autre ch»fe.
Il me pria aufli de compofer de nouvelles pou-
dres j à l'effet de déterminer les meilleures pro- -
portions des fubftances qui compofent la poudre.
Je fis fur cet objet beaucoup d'expériences , donc
je vais rendre compte.
ET RAISONNE ï. 4^$
La bonté de la poudie dépend de trois ohicts
principaux: i°. du choix des matières : i^. des
tlofes de ces matières : 3*^. enhn , de la manipu-
lation.
A l'égard du premier objet , on doit faire choix
de nitre très pur , bien cryftallifé , exempt de iel
marin, &: parfaitement égoutté de toute eau-me-
re. Ces matières retardent l'inlLimmation du ni-
tre ; elles diminuent , par con(éc]uent, les eftcts
de la poudre. Nous avons tait des elTiiis des
poudres dans lefquelles nous avions fait en-
entrer différentes dofes de iel marin qui en di-
minuoit conlidérablement la {"orce. Lcrique ncuis
examinerons les matériaux d'où Ton tire le nitre ,
nous ferons quelques obftrvations fur celui quoii
emploie dans les poudres.
Le charbon doit ctre bien fait: on doit rejet-
ter avec foin les fumerons. On avoir toujours
penfé que le charbon des bois légers devoir ctre
préféré à celui des bois pelants j mais ils font tous
également bons. J'ai fait de la poudre avec du
charbon de bois de gayac & de buis , qui font des
bois pefants j & dans d'autres elîais, j'ai employé
du charbon de bois lé^er , & de matières véçéta-
les légères , tels que le charbon de bois de til-
leul , le charbon de moelle de fureau , celui de
liege , & le charbon ordinaire. Tous a^s char-
bons (toutes chofes égales d'ailleurs) n'ont ab-
folument apporté aucune différence , 6j ont pro-
duit exaétement les mêmes effets. A Elsône , où
l'on fabrique de la poudre, on fe fert de char-
bon de bois de bourdaine , quoiqu'il ne foit pas
meilleur que le charbon ordinaire qu'on brûle
dani les laboratoires de Chymie. Le charbon des
matières animales eft décidément mauvais, ^
l'ï IV
45^ Chymie expérimentale
feioit , ainfi que le noir de fimiée, dcfedueux
( poui" la compofition de la poudie.
' Le foufre n'exige aucune préparation , il fafiit
qu'il foit pur : on emploie ordinairement le fou-
fre en canon : on peut indiftindement faire ufage
de la fleur de foufre qui eft aulîî bonne pour la fa-
brication de la poudre.
Quant aux dofes des matières , celles du fou-
fre & du charbon peuvent varier un peu , fans
que les effets de la poudre changent d'une manière
marquée. Pour connoître les meilleures propor-
tions des ingrédients , nous avons fait plufieuis
expériences , dans lefquelles , i °. nous avons fait
varier les quantités de foufre , celles de nitre 6i ~
de charbon reftant les mêmes \ 2.°. les quantités
de nitre ôc de foufre étant confiantes, nous avons
varié les dofes de charbon. Il auroit fallu faire
enfin la troifîemeclafTe d'expériences , en laifTanc
conftantes les ciuantités de charbon &c de foufre ,
ôc variant les aofes de nirre ; mais M. le Che -
valieç d'Arcy obferveque les fecours ayant man-
qué, cette partie eftreftée à faire. Voyez EJfdi
d'une Théorie d'Artillerie ^ P^gc ^4*
La manipulation étoit ce qu'il y avoit de plus
difficile à trouver , pour remplir avec exadtitude
le plan d'expériences que nous nous étions pro-
pofé, Il falloit que cette manipulation fut telle
que l'on pût être certain qu'avec des qur;ntités
données des trois ingrédients , on feroit de la
poudre dont les effets feroient confiants. Cen'efl
qu'après beaucoup d'expériences que j'y luis par-
venu. J'ai reconnu qu'il falloit abfolument re-
noncer a grener les effais que nous voulions com-
parer. Il efl plus exad de les triturer dans le mor-
tier, jufqu'à ce qu'ils deviennent fî (qcs , qu'il ne
fpit plus poffible de les remuer, fans qu'ils yoi-
ET RAISONNER. 457
tîgent hors du moitier , comme de la frA-ine très
feche qu'on y voudroit remuer : fans cette condi-
tion, les efTais doivent être regardés comme ab-
foluinent manques ; aulll les rcfultars qu'ils don-
noient aux épreuves n'étoient jamais femblables.
Loifc]u'on veut grencr la poudre , on eft oblige
de conferver au mélange im peu 'Thumidité j fans
cela, il feroit inipolîible de le former en grains :
c'eft du plus grand degré de ilccité , où le mélange
fe trouve avant de le i^reaer , que dépend la
bonté de la poudre, Lorl qu'il eft trop humide ,
la poudre fe grailfe avec beai^oup de facilité j
mais le nitre fe réunit Se fe cryftallife dans l'in-
térieur des grains : il ne fe trouve plus -liftribué
numériquement avec les molécules du foufre &
du charbon. Si l'on coupe en deux de femblables
grains de poudre, on diftingue, à l'aide d'une
bonne loupe, le nitre cryftallilc dans l'intérieur.
La poudre a d'autant moins de force , qu'elle étoit
plus humide avant que de la grener. C'eft ce
qui arrive à toutes les poudres qu'on grene , par-
cequ'elles contiennent davantage de nitre de raf-
femblé ; elles perdent fenfiblement de leur force
au grenage : ce n'eft que du plus au moins ^ cez
accident eft inévitable : les poudres feroient d'un
fervice très incommode fi elles n'étôient pas ré-
duites en grains. Tout l'art du poudrier , pour
conlervcr à la poudre la force qu'elle a reçue par
les opérations qui précèdent le grenage , confifte
donc à ne la tirer des morciirs , pour la grener ,
que lorfqu'clle a le moins d'humidité poîlible. Or
il eft facile de fentir combien ces obfervations
font difficiles à faire, lorfqu'on fait des elTais qui
doivent être comparés entre eux : c'eft pour cette
raifon que nous avons été obligés de renoncer à
grener nos différents elTais. Nous avons reconnu ,
■458 ChYMIE EXPERIMENTALE
tdutes chofes égales d'ailleurs, que la poudre qui
avoic été parfaitemenr delTcchée dans le mortier,
par le feul mouvement de la trituration , avoit
plus de force que celle qui avoit été grenée , dans
les circonftances même les plus avantageufes.
En vain obje6teroit-on que la poudre grenée
préfente moins ds furface , qu'elle s'enflamme en
moindre quantité, Se que c'eft par cette raifon
qu'elle paroît avoir moins de force. Nous avons
pulvérifé ôc pifle au tamis de la poudre , après
qu'elle avoit été grenée. Nous avons comparé fa
force avec de la. même poudre, faite dans les
mêmes proportions, mais qui n'avoit point été
grenée ^ l'une & l'autre ont été féchées au bain-
marie , ôc leur degré de force a été éprouvé ,
tandis qu'elles étoient encore chaudes ; ainfi , de
ce côté là , il n'y a aucune incertitude : la pou-
dre qui avoit été grenée , avoit toujours moins de
force.
C'eft au nitre feul , qui a la propriété de s'en-
flammer par le contaét du phlogiftique embrafé ,
qu'on doit rapporter les effets dç la poudre j mais
pour qu'ils aient lieu , il faut que le mélange foit
très intime , &: que le nitre fe trouve diftribué
numériquement avec les molécules du foufre ôc
du charbon \ fans cela le mélange fufe fansexplo-
iîon j le nitre fe décompofe fucceflivement au lieu
de s'enflammer tout à coup. La plus petite quantité
d'humidité dérange cette diftribution numérique
& diminue la force de la poudre. Cependant
l'eau eft nécefl~aire pour faciliter le mélange des
ingrédients & pour l'empêcher de fortir hors du
mortier; mais il faut en mettre peu à la fois, &
éviter fur-tout d'en mettre alîez pour former une
bouillie : elle difloudroit le nitre &c détruiroitle
mélange qui a été fait ci-devant. Tout mouve-
ET RAISONNA f. 459
ment du pilon devient même inutile jufqu'à ce
que l'eau foit évaporée en grande partie , !k que
le mélange foit redevenu en confîftance de pâte,
au point de laifler à peine quelque trace d'humi-
dité lorfqu'on en met fur une ailiette de faïance.
C'cft dans cet état qu'il convient d'entretenir le
mélange pendant tout le temps de la trituration.
Lorfqu'on a employé toute la quantité d'eau pref-
crire, on continue de triturer la matière Jufqu'à ce
qu'elle devienne feche comme nous l'avons dit.
Avant que j'eulfe trouvé cette méthode, Se que
j'eulfe reconnu les inconvénients de gréner les
eiïais de poudre , je broyois ces elfais fur un por-
phyre avec une molette. Il étoit impolîible de
faire un mélange exaél , parceque , lorfque la
matière étoit parvenue au degré de ficcité conve-
nable, &z où le mélange fe fait réellement, la
matière fe plaquoit fur le porphyre , la molette
ne fiifoit que gliffer delTus , la lilToit &c ne mcr
loit rien. On a reconnu à Elïône ce même incon-
vénient à- peu-près dans le temps que je m'oc-
cupois de cet objet : on avoit établi de gros cy-
lindres de fer roulants dans des auges de bois :
on a été obligé d'abandonner cette méthode pour
les raifons que nous venons d'expofer.
11 eft effentiel de ne point mcler dans des mor-
tiers de fer , avec des pilons de fer , les matières
qui compofent la poudre , parceque le frottement
du pilon contre le mortier occafîonneroit alTez
de chaleur pour enflammer la poudre. Il y a mille
exemples d'accidents arrivés pour avoir employé
de femblables inftruments. Cependant je me fuis
fervi long-temps d'un mortier de cuivre &; d'im
pilon de fer : il n'eft point arrivé d'accidents :
néanmoins il eft plus prudent de n'employer que
4es inftruments de pierre QU de bois. J'ai encore
4^0 Chymie l X p é ri mentale
obfervé qu'il vaut mieux triturer enfemble les
trois matières qui entrent dans la poudre , que
de les triturer deux A deux. Loifqu'on commence
pir triturer d'abord le nitre & le foufre , il m'a
femblé que cette dernière fubftance faifoit l'effet
d'un vernis fur le nitre , Se empêchoit que le
charbon eût après cela avec le nitre un contadt
aufli exa6t que cela eft néceflfaire.
Après avoir déterminé par des expériences
tous les objets dont je viens de rendre compte ,
nous avons procédé à la folution de deux des
trois queftions que nous nous étions propofées.
Le zo Décembre 1754, & jours fuivants , j'ai fait
cinq elfais de poudre , dans lefquels le nitre & le
charbon font conftamment employés aux mêmes
dofes , mais en variant celle du ibufre , ( voyez, ci-
après , Table première) afin deconnoître les meil-
leures proportions de cette fubftance. On n'en a
|-»oint fait entrer dans le premier eftaij par ce
moyen, on peut juger de fon utilité dans la com-
poiition de la poudre. On a gardé ces poudres
dans un endroit très fec , jufqu'au 20 Avril 1755,
qui eft le jour où on les a éprouvées au poids d'une
once chacune. (Voyez le réfultat dans la troifieme
colonne de la première Table, j On aconfervé le
reftant de ces effais dans un endroit très fec , juf-
c]u'au 1 5 de Juin fuivant. On les a fait fécher
dans un alambic au bain marie , couvert de fon
chapiteau, &:on les a éprouvés de nouveau dans
la même machine , Se pareillement au poids d'une
once. ( Voyez les réfultats dans la quatrième co-
lonne de la première Table. ) 11 eft réfulté de ces
expériences
I®. Les poudres , toutes chofes égales d'ailleurs»
ont plus de force , lorfqu'elles font bien feches ^
que lorfqu'elles font dans un état contraire. L'hu-
iT RAISONNÉ E. 40 1
înidité qu'elles peuvent prendre de l'atmorphere,
qiioiqu'incapablede lesdécompofer, retarde leur
inflammation : elle empêche qu'il ne s'enflamme
une aufli grande quantité de la charge employée.
C'eft à cette circonftance qu'on doit attribuer le
moins de recul qu'occalîonnent les poudres lorf-
qu'elles ne font pas parfaitement delféchées.
1°. Un mélange de fix onces de nitre & d'une
once de charbon produit une poudre qui a moi-
tié moins de force que toutes celles dans lef-
quelles on fait entrer du foufre : cette fubftance
eil donc abfôlument efl~entielle à la compoiition
de la poudre. Dans le temps que je travaillois
fur cette matière, quelques particuliers propofe-
lent de faire de la poudre lans foufre : ils promet-
toient qu'elle feroit plus forte & qu'elle faliroit
moins les armes à feu. On fe perfuadoit que la
poudre feroit plus forte, fans foufre, d'après une
expérience de M. Haies , où il fait voir que cette
fubftance , pendant fon inflammation, abforbe de
l'air, au lieu d'en fournir comme la plupart des
autres corps qu'il a foumis à {es expériences.
Comme on rapportoit à l'air les effets de la pou-
cke , il étoit tout naturel de penler que le fouhe
qui en abforbe devoir en diminuer les effets j mais
il en eft tout autrement. La poudre dans laquelle
on fait entrer une petite quantité de foufre, aug-
mente de force du double j ce quifuftit pour faire
penfer que l'air toutfeul , en fuppoiant qu'il con-
coure pour quelque chofe , n'eft pas lafeule caufe
des terribles efi^ets de la poudre. C'eft une quef-
tion que nous examinerons bientôt.
Le foufre ne falit pas plus les armes, que les
autres fubftances , lorfqu'on le fait entrer en dofe
convenable , ôc qu'il eft bien mêlé avec les au-
tres ingrédients de la poudre. Lorfque la poudre
4<ji Chymie expérï mentale
graifle les armes plus que de coutume , cela vient
de ce que le mélange n'efl: pas fuffifamment
exa6t : il ne s'enflamme pas afl~ez rapidement. La
poudre laifTe une vapeur de foie de foufre qui
s'attache aux armes &c les détruit. Ces inconvé-
nients font moindres lorfque la poudre a le plus
grand degré de force qu'elle puilTe acquérir.
Alors elle s'enflamme bien rapidement, & elle fa-
lit moins les armes.
Au refl:e , il efl: vifible que le foufre eft fi né-
ceflaire dans la poudre , qu'à mefure qu'on en
augmente la dofe , on augmente fa force : cepen-
dant cela doit avoir des limites j mais on peut ti-
rer de ces expériences une conféquence impor-
tante. Comme le foufre n'eft point expofé aux
viciflîtudes de l'air humide ou de l'air fec , la pou-
dre dans laquelle on fait entrer beaucoup de fou-
fre, donne moins de différence dans le recul,
eflayée dans fon état de delTéchement à l'air, &C
dans celui où elle a été féchée au bain-marie. Les
poudres chargées de beaucoup de foufre peuvent ,
dans certaines circonfliances, avoir des avantages
fur celles qui en contiennent moins, & finguliére-
ment pour la marine. Comme elles font moins
fujettes à fe charger de l'humidité de l'air , on
peut mieux les contenir dans les fonds de cale des
vaifl~eaux, où on les conferve ordinairement. Le
foufre les défendra de l'humidité. Il y auroit feule-
ment à craindre que , comme elles répandent
beaucoup de fumée , elles ne falifl~ent trop les ar-
mes, & qu'elles ne les détruififl^ent plus prompte-
ment. Il faut encore obferver que le foufre aug-.
mente la pefanteur fpécifique de la poudre.
Les expériences que nous avons faites pour ré-
foudre la féconde quefl:ion, avoient pour objet
dôdéterminer la meilleure dofe de charbon qu'on
IT KAISONNâl. 4^^
peut faire entrer dans la compoficion de la pou-
dre. Ces expériences font rapportées dans la fé-
conde Table. 11 en réfulte ,
I ". Qu'il n'ert pas polfible de faire de la pou-
dre fans charbon , ou fans toute autre matière
comburtible qui en falfe fondtion. Un mélange
de nitre & de foufre , fait dans toutes fortes de
proportions , ne peut s'enflammer dans aucune
arme à feu. ( Voyez N°. premier , deuxième Ta-
ble. ) Il faut pour l'inflammation d'un pareil mé-
lange le fecours d'une chaleur permanente ,
comme nous l'avons dit au fcl polychrefte de
Glafer.
2^. Le charbon employé en trop petite dofe ,
ne forme qu'une poudre foible qui ne produit
que 8 degrés -^ de recul , comme on le voit aii
N*\ 1 de la deuxième Table. Lorfque cette fub-
ftance entre en trop grande quantité, la poudre
ne fait plus d'explofion ; elle fufe feulement
comme une fufée d'artifice. (Voyez le N'^'. 5.)
Mais lorfqu'au contraire le charbon efl: employé
dans des dofes convenables , la poudre a toute
la force qu'elle elle eft fufceptible d'acquérir.
( Voyez le N°. 5. ) Cette poudre eft femblable à
celle du N*'. 5 de la première Table. La pente
différence de recul qu'on remarque à ces deux
poudies eflayées après avoir été deflcchées au
bain-marie , vient de quelques petites circonftan-
CQS difficiles à découvrir.
4^4
TABLE PRE AI 1ERE
Pour connoître la meilleure dofe de foufrc qu'il convient de faire
entrer dans la poudre à canon y en variant la dofe de cette fuh'
jlance ^ & en confervant toujours les mènïes poids de nitre & de
charbon ; & dans laquelle on rend compte du recul que ces pou-
dres ont occajionné à une arme à feu j ejfayées au poids d'une
once dans deux états diff^érents ; fichées au bain'marie ^ & non
féchées*
lOBSERVATIONS.
Compolîtion de chaque clTai en
particulier.
Degrés de recul
des coips moyens
avec la poudre
non féchée.
Temps chaud.
Degrés de recul
de la poudre fé-
chée au BM , b:
encore chaude.
Temps chaud.
Ce mc-lange a été cri-
turc pendant fept heures
pourls pouvoir fécher.
Le ter.ips très humide.
N°. premier.
2^ Nitre. . . • ?vj
Charbon de faule. §j
Eau. . . • §ij
1^^^-TI'
n des- i
16'
Iiicm>
y Nitre. . . . ^vj
Charbon de faule. |j
. Soufre. . , «51]
Eau. . . . ^iij
M-^^-rr.
l8'''S-j.
Idem.
N^. 3.
^ Nitre. . . . |vj
Charbon de faule. ^)
Soufre. . . . jiv
Eau. . . . |iv
ij'^^s-.V.
ly^'^^-ri-
Idem.
L'inflammation d-' cette
poudre répand beau-
coup de fumée.
"2^ Nitre. . . • ^vj
Charbon de faule. |j
Soufre. . . . ^j
Eau. . . . ^iv
IS'^^-Tl'
Yl^'^-\.
Idem.
L'inflammation de cette
poudre répand encore
plus de fumée que la
précédente.
y Nitre. . . • ^vj
Charbon de faule. |j
Soufre. . . . |ij
Eau. . . . ^v
1$^^-^,.
i6dcs.x.
Plus il y a de foufre dans ces efîais , moins ils occup nt de place dans le
canon ; ils font par conféquent fpécifiquement plus pefanrs.
TABLE
TABLE SECONDE
4fff
Pour connourc la meilleure dofe dt ckarbon qu'il convient
de faire entrer dans la poudre à canon _, en variant la
dôfe de cette fubjîance , & en confervant toujours les
mêmes poids de nitrc & defoufre ; & dans laquelle on rend
compte du recul que ces poudres ont occajîonné à une arme
à feu y ejfayées au poids d'une once ^ dans deux états
diff'érents ; fèchées au bain-marie ^ & nonfeche'çs.
OBSERVATIONS.
Ce mélange a été tricurc
Icpt heures pour pouvoir
!e lécher.
Le temps chaud.
1 Dtgiéde recul de 1.Î
Ipoiidre léchée au BM.
Compouuon de chacun de ces ^ en-ore chau"c
(Tais.
Ien:psch< ud.
Soufre.
Eau.
N". premier.
Ce mêlaDge a écé tricuré.
pcndaiu fcpc heures & de-] i^ Nitrc.
Soufre
Le temps chaud.
Eau .... ^iij
Charbon de faule. 5iv
Ce mélange a écé uicuré . N
pendant huit heures. '2Z Nitte.
Le temps chaud
Cet efrai cft le même
que le N°. 5 de la Table
première.
Soufre. .
Eau.
Charbon de faulc.
2^]
Ce mélange a été trituré
le même temps que le pré-
cédent.
Idem.
N^'. 4.
^Nitre. . . ;
Soufre. .
Eau.
Charbon de faulc.
5ij
If Nitre.
Soufre.
Eau.
21X
Charbon de faule. 5iv
Cette poudre n'oc-
caiîonne aucun recul.
tl n'y a que 1v foufrc
qui biùle fans que le
niera s'enflamlnc.
8 '**S- 77,
15
dcg.jj
Fufc fans eiploficn.
La quantité d'eau qui entre dans ces poudres n'a été mifc qU(â
petit à petit , & à mefure (qu'elle fe diiripoit.
2 orne I,
Gg
^66 Chymie expérimentale
A Eflône , près de Corbeil , on fait entrer dans
cent livres de poudre foixante & quinze livres de
nitre , neuf livres & demie de foufre , & quinze
livres de charbon. Ces matières font pilées pen-r
dant douze heures dans plufieurs mortiers de
bois avec des pilons de bois , mus par un courant
d'eau comme ceux des moulins à tan ou à papier.
La matière de chaque mortier reçoit trois mille
fîx cents coups de pilon par heure , & on Tarrofe
avec une pinte d'eau qu'on met en cinq ou fîx
fois de deux heures en deux heures. On pourroic
fe contenter, pendant cette opération , de remuer
la matière avec une fpatule ; mais les manufac-
turiers fe méfiant de l'inexactitude des ouvriers,
font dans l'ufage de faire changer fuccellîvemenc
la matière d'un mortier dans un autre , pour s'af-
furer de la petfeétion du mélange. On vuide le
premier mortier : on entrepofe la matière dans
une fébile de bois : on met dans le mortier qu'on
vient de vuider, la matière du fécond mortier :
on continue ainfi de fuite à vuider les autres : la
matière du premier mortier que l'on a entrepofée ,
fe met dans le dernier qui le trouve vuicle à la
fin de la tournée.
Lorfque la poudre a été pilce le temps que
nous venons de dire , la quantité d'eau qu'on y a
mife s'eft prefque évaporée : le mélange fe trouve
£ec au point qu'en en mettant fur une aflîette de
faïance , il n'y laifie aucune trace d'humidité :
alors on porte la poudre au grenoir^ qui elt l'at-
telier où elle doit être grenée.
Pour grener la poudre , on en met une certaine
quantité fur un crible de peau , dont les trous
ont à-peu-près fix lignes de diamètre : on mer
fur ce crible avec la poudre une petite meule de
bois d'environ huit pouces de diamètre , oc de
ET R A ï S O N -N i E. 457
■ienx pouces d epai^Tcur : on fait agir le crible ho-
nzoncalemeiit en ligne droite far une traverfe
de boisj pour faire palfcr la poudre. La meule
fertà plaquer la matière , afin de coller enfemble
ItiS molécules de la poudre en même temps qu'elle
palfe au travers des trous \ ce qui commence a
former les grains. Cette poudre cft reprife au for-
tir de ce premier crible dans un autre dont les
trous iont plus petits , où on la remue de la même
manière , en faifant toujours ufige de la meule
pour continuer à former les grains , «Se pour gre-
ner la portion de poudre qui a échappe à la pre-
mière opération : on contmue cette manœuvre
en taifant patïer ainii la poudre dans dirfcrents
cribles dont les trous vent toujours en diminuant
de groHcur , jufqu'à ce que l'on foit enfin par-
venu à la faire pafler au travers du crible qui
forme les graiiîs de la grclTeur de la poudre à
canon ordinaire. Alors on naffe cette poudre au
travers d'un tamis de icie , afin de féparcr la por-
tion grenée de celle qui ne l'ell point , de qui eft
reftce en poufiiere. On pafTe cnfuite la poudre
grenée au travers d'un tamis plus gros que le pré-
cédent, afin de féparer les petits grains d'avec
les gros qui forment la poudre à canon. Les pe-
tit$ qui fubilfent encore les opérations dont nous
allons parler , forment la poudre de chalTe.
Ce triage de la poudre à canon étant fiait , on
la porte anjechoir. C'eft un qrand hangard vitré
du coté du midi , dans la longueur duquel eft
une table garnie d'une toile fur laquelle on étend
la poudre. On a foin de la retirer du féchoir à la
fin du jour , afin d'éviter l'humidité & la fraî-
cheur de la nuit, & les autres accioents qui pour*
roient arriver. Il y a des manufa6tures où roil
fait fécher l-x poudre dans lyie éiUve chauffée par
4^«^ Chyàiie expérimentale
un po'Jle j mais on doit , autant qu'on le peut,
éviter de fe ferviu de ce moyen , à caufe du dan-
ger du feu.
On eft dans l'ufage de lilfer la poudre de chafTe,
mais avant de l'avoir fait fécher. Pour cet effet,
on en remplit à demi un tonneau percé dans fes
deux fonds , de enfilé par un axe quarré , pofé
fur deux pivots , &■ alfujetti à une roue qu'un
courant d'eau fait mouvoir. La poudre refte pen-
dant fix heures dans ce tonneau qui tourne circu-
lairement , &c alors elle eft fuffifamment lilTée.
Après cette opération , on repalFe la poudre
au travers d'un tamis de foie , pour féparer la
portion grenée d'avec celle qui n'eft pas reftée
en grains ; ôc on repaife encore cette poudre au
travers d'un tamis de crin , pour féparer les pe-
tits grains d'avec les gros j ce qui donne deux
poudres , dont les grains font de différente grof-
fcur , de également employées pour la cbalïe.
11 réfulte de ce que nous venons de dire , que
la poudre à canon & la poudre de chafTe font
effentiellement de même qualité j néanmoins la
poudre de chalïe eft moins forte que la poudre à
canon , parceque la poudre de chaife eft liftée ,
ôc que cette opération la rend moins fufceptible
de s'enflammer. A quantité égale de poudre mife
dans un canon, il s'enflamme beaucoup plus de
poudre à canon que de poudre de chaife , par-
ceque les grains de la poudre à cajion, n'étant pas
il entaffés , font pénétrés plus facilement ôc plus
promptemenc par le feu. On aime , pour la
chaflTe , que la poudre foit liflTée , parcequ'elle
ialit moins les mains , les grains étant plus diffi-
ciles à fe déformer.
La portion de poudre qui ne s'eft point grenée
dans toutes les opérations que nous avons détail-
ET RAISONNA E. 4(^5
lées , eft remife dans les mortiers pour y être
pilée pendant deux heures , &: huiredée avec un
peu d'eau j au bout duquel temps on la grcnc
ainfi qu'il a été dit ci-deflus.
Quand on a commencé à faire ufage de la pou-
dre , on ne la çirenoit pas : on fe contentoit de la
pulvérifer dans le mortier jufqu'à ce qu'elle fût
prefque feche. Cette poudre fe trouvoit plus torte
que celle qui eft grenée , parcequ'elle préfentoit
plus de furface , &: qu'à quantité égale, il s'en
enflammoit davantage ^ mais elle étoit plus fi»-
jette aux viàlîitudes de Thumidiré de l'air , 6c il
étoit difficile de l'introduire dans le canon , par-
cequ'elle ne couloit pas aifément , & cju'il en
reftoit une partie aux parois j c'eft ce qui la ren-
doit d'un fervicc incomn-iode , &C qui a tait ima-
giner de la grener.
On connoît afTez les terribles effets de la pou-
dre. Plufieurs Phylîciens ont attribué ces eftets à
l'air contenu dans le nitre : ils ont fait , à ce fu-
jet, beaucoup d'expériences curieufes , pour ap-^
précier la quantité d'air qui le dégage lors de l'in-
flammation de la poudre : elles ont fervi à dé-
montrer qu'il s'en dégage fort peu. D'autres onc
attribué ces effets à un fluide clallique fur la na-
ture duquel il ne nous ont donné aucune con-
noiffance. D'autres enfin ont attribué ces effets à.
l'eau principe des matières qui compofent la pou-
dre , 6c qui fe réduit fubitement en vapeurs lors,
de fon inflammation. Ce fentiment eft celui de
Staahl , auquel j'ajouterai quelques réfJ.exions.
On connoit les effets de l'air dilaté chautré
jufqu'au rouge blanc : ils font incomparablen^ent-
nioins forts que ceux de l'eau dilatée fubitemept
au mémç degré de chaleur. Cette réflexion e(l
{"vifftlantç- pour faire croire que l'air ervtrç pouv
47*^ CkYî/. lE T.XVZ-l'.MY STAIT
peu de chofe dans les effets de la poudre , fur^
tout (i nous pouvons prouver que les matières
qui compofent la poudre , contiennent beaucoup
d'eau , & que cette eau efl: chauffée fubitcment
jufqu'au rouge blanc qui eft le degré de chaleur
où elle reçoit la plus grande dilatation. Les Phy-^
lîciens pavcifans de l'air fouriennent qu'à mefure
qu'on humecte la poudre par la vapeur de l'eau ,
on diminue conhdérablement fa force; donc,
difent-ils , les effets de la poud'-e ne viennent
point de l'eau : on ne doit point non plus les
attribuer au foufre , puifqu'il abforbe de l'air pen-
dant fon inflammation.
Les auteurs de ces affertions ne font point
attention que la vape.ir de l'eau détruit l'arran-
gement des parties numériques des ingrédients
qui compofent la poudre , en faifant cryftallifçr
le nitre : cela efi; h vrai , que fi l'on fait fccher
enfuite cette poudre, fans la triturer, on trou-
vera qu'elle aura perdu prefque toute fa force :
elle ne fera pas même d'cxplofion : elle fufera
com'me une fufée d'artifice, ii elle a été beau-
coup humeûée : d'une autre part , fî l'on coupe
un des grains en deux , on diffinguera , à l'aide
d'une loupe , le nitre qui s'eft cryftallifé. Ces
mêmes Phyficiens ne font pas encore attention
que cette eau eft étrangère & abfolument fura-
bondante à la nature des matériaux de la poudre :.
c'eft l'eau principe de ces fubftances qu'il faut con-
sidérer , fans laquelle le nitre ne feroit point ni-
tre , Se le foufre ne feroit point foufre : eau prin-
cipe qu'on ne peut féparer , fans détruire la na-
ture de ces fubftances.
Il en eft de même du foufre : quoiqu'il abforbe
de l'air pendant fa combuftion , cela n'empêche
pas qu'il ne produife de violentes explofions, lorf-
ET RAISONNEI. 47I
qu'il efl: réduit en vapeurs , & qu'on vient à les
enflammer ; c'eft ce que j'ai fait obfervcr à l'ar-
ticle de la fublimation du foufre. Cette iubftance
qui fe trouve très divifée dans la poudre , s'en-
flamme tout-i-coup , Se fournit fou contingent
dans l'explofion.
Pour mieux taire entendre ce que nous avons
a dire fur la théorie des effets de la poudre , rap-
pelions ici en peu demots quelques principes que
nous avons prouves ailleurs.
Nous avons dit que le foufre contenoit fept
huitièmes d'acide vitriolique très concentré, de
un huitième de phlogiltique.
Le nitre , de fon côte , contient environ la
moitié de fon poids d'eau principe de cette fub-
ftance faline.
Nous devons auflî nous rappeller que les corps
capables de fe réduire en vapeurs par la chaleur,
font d'autant plus expanfibles, qu'ils contiennent
plus de mafle fous le même volume.
Or nous avons dans la poudre le foufre Se le
nitre qui font des corps très inflammables , &c
qui, à caufe de leur pefanteur fpécifique , font
très dilatables : ils font entièrement réduits en
vapeurs par la chaleur qui fe produit pendant l'in-
flammation de la poudre. Lors donc qu'on met
le feu à de la poudre , l'acide nitreux s'unit au
phlogiftique du charbon Se du foufre : il en réfulte
un foufre nitreux qui eft très explofible : la cha-
leur qu'il produit lors de l'inflammation , eft aflcz
forte pour réduire fubitcment en vapeurs tout
l'alkali du nitre , &:, par conféquent, Veau prin-
cipe de ces fubftances. Mais fi les vapeurs de l'eau
pure font auflîi expanfibles que nous l'avons dit,
les matières falines du foufre & du nitre le font
bien davantage : s'il étoit poflible d'apprécier leuc
Ggiv
47- ChYMIE EXPÉRIMEKTAtl
expanfibiiité , on tuoiiveroit que la différence efl
infiniment plus grande que cellç qu'il y a entre
l'air qui fe dilate treize fois fon volume , &c l'eau
qui fe dilate quatorze mille fois fon volume.
Qu'on juge à préfent à qui l'on doit attribuer les
eiiets de la poudre j fi c efi; à la petite quantité
d'air contenu dans les matières qui la compofent,
ou à l'élafticité de Teau ôc des fubilances falines
qui font réduites fubitem.ent en vapeurs.
Le fcufre augmente l'inflammation de la pou-
dre : le charbon la foutient. Lorfque la poudre a
été mal mclée , on trouve , après fon inflamma-
tion , de petites boules ou grenailles de fel fondu 3.
qui font du foie de foufre dans lequel l'alkali do-
mine, 11 paroit qu'il n'entre pas dans la poudre
une alfez grande quantité de matière phlogiftique
Ïiour détruire tout l'acide iiitreux. M. le Cheva-
ler Saluce (1) a fait fur cet objet de fort belles ex-
périences : il a , par un appareil convenable , en-
flammé de la poudre , & en a fait pafîer la vapeur
dans le vuide , mais au travers de papiers imbibés
d'alkali fixe : il trouva les papiers chargés de nitre
ëc de tartre vitriolé : d'où il réfulte que fi l'on pou-
voitfe procurer quelque matière inflammable qui
pût tenir lieu de charbon , & qui , fous le même
volume, contînt alfez de phlogiflique pour com-
biner tout l'acide nitreux du nitre qu'on emploie
dans la poudre , on auroit lieu d'efpérer d'aug-
menter fes effets : ainfî il y a encore , comme on
voir s beaucoup de recherches à faire fur cette ma-
tière.
Les Phyfîcieiis qui penfent que les effets de la
poudre viennent de l'air , recommandent de faire
^es efïais avec les matières qui en contiennent
(i) Journal étranger , Avril i7^opageiij.
ÏT RAISONNE E. 47J
beîiucoup , & qui peuvent ctre de nature à pou-
voir entrer dans la poudre j telles que le Tel marin,
le fel ammoniac , ècc. Mais ces matières font plus
propres à en diminuer les effets , qu'à les au^en-
ter , comme nous l'avons appris par l'expérience.
La plus petite quantité de fel marin , ajoutée à
des eflais de poudre , en a diminué la torce de
plus d'un quart , parceque ce fel n'eft point in-
Hammable. Si la poudre étoit fufceptible d'ac-
quérir quelque perfedion du côté de la force , ce
feroit plutôt par le moyen des matietes inflam-
mables foit falincs ou autres. Parmi les matières
falines, celles qui contiennent l'acide nitreux déjà
combiné avec des matières olilogiftiques , telles
que l'or fulminant, le nitre laturnin , le nitre am-
moniacal , le foufre nitreux , 6cc. feroient les plus
propres à produire cette force ; mais il faudroit
auparavant trouver les moyens de fe procurer
abondamment cette efpece de foufre nitreux.
Parmi les matières végétales , il feroit bon d'ef-
fayer le licopodejConnu auflifous le nom de foufre
végétal.
On fe fert de différents inftruments pour re-
connoître le degré de force de la poudre ; mais
tous fe réduifent A apprécier le recul qu'elle occa-
fîonne aux armes à teu. Ces inftruments portent
le nom d'eprouvcttcs : celle dont nous nous fom-
ines fervis , a été imaginée par M. le Chevalier
d'Arcy telle eft plus exacte que toutes les autres.
Cette machine J B ^ conftruite en charpente ,
repréfente un pied de table quatre , plus étroit
par le haut que par le bas. A la partie fupérieure
C C e(\. un chaflis de fer avec un demi-cercle de
cuivre ddy fur lequel eft une aiguille D j qui
tourne lorfque le canon fait quelque recul. Le
canon E eft fufpendu par une tige de fer F ^ (nC-
474 C II Y MIE EXPÎHIMENTALE
pendue elle-même fur des couteaux qui pofeiit Tuf
des pivots d'acier , comme un fléau de balance.
Lorlqu'on met le feu , l'effet de la poudre eft d'oc-
cahonner un recul au canon : un petit levier qu'oa
a pratiqué à la verge de fer 6'_, poulTe l'aiguille
qui fe fixe à l'endroit où le canon la fait aller , &
qui marque le nombre des degrés de recul : on
juge par là de la force de la poudre. Ceux qui vou-
dront avoir plus de détail fur cette machine , peu-
vent confulcer l'Ouvrage de M. d'Arcy que nous
avons déjà cité.
Analyfe de la Poudre, à canon.
Nous avons dit précédemment que , pour faire
de bonne poudre, il ne fuffifoit pas toujours d'em-
ployer de bonnes matières , & dans les meilleures
proportions : la manipulation apporte de très
grands changements dans le mélange \ c'eft ce que
l'aiobfervé en faifant l'analyfe de plufieurs pou-
dres de différente force , qui contenoient cepen-
dant les mêmes fubftances , à peu de chofe près ,
dans les mêmes proportions. Les poudres que
j'ai analyfées , font dédgnées dans la Table fui-
vante. J'y fais mention des dofes des matières
qui les compofoient , & du recul qu'elles ont oc-
cafionné au canon de l'éprouvette : ces reculs font
déiignés par des nombres 129, 198, <?^c. qui
pourroient faire croire que ces poudres font infi-
niment plus fortes que celles des effais dont nous
avons parlé précédemmeht \ ce qui n'eft pas. Ces
diff'érences viennent feulement de l'efpece de ca-
dran de l 'cprouvette qui a fervi à ces expériences,
& qui étoit divifé en des degrés plus nombreux.
Voici de quelle manière j'ai analyfé ces pou-
dres.
J'ai pulvérifé une livre de poudre à cangn fran*
PumcÂcS. Tom. J-r
r^u/. 474-
î T RAISONNE T. 47 5
çoire que j'ai fait houillir , pendant un quart
d'heure , dans quatre livres d'eau : j'ai hltrc
la liqueur, & j'ai paflc beaucoup d'eau bouil-
lante fur le marc refté fur le filtre , ahn de le
deffaler : après avoir réuni les liqueurs , & les
avoir fait évaporer jufqu'à ficcité , j'ai obtenu
douze onces de nitrc parfaitement fec.
Le marc relié fur ie filtre contenoit le foufre 3c
le charbon : je l'ai lait fécher pout le pefer : il s'en
eft trouvé quatre onces. J'ai enfuitehumeélé cette
matière avec une fulïilante quantité d'eau , pour
former une pare tics ferme : je l'ai mife dans une
petite capfule de terre fous la moufle d'un four-
neau de coupelle : je l'ai fait chaufter par degrés
jufqu'à ce que la chaleur fut affez forte pour en-
flammer le loufre , de non le charbon : j'avois foin
de remuer la matière avec un crochet de fil de fer,
afin de renouveller les furfaces : le foufre s'eft
diflipé & brûlé ^ enfin le charbon eft refté feul fans
fe confumer , mais mêlé encore d'une vinct-qua-
trieme partie de foufre qu'on ne peut abfoTument
point feparer, fans brûler le charbon -.cette fépa-
rationexaétedeyenoit mcme inutile : il mefuffi-
foit deconnoître ce qui reftoit. En dcfalquantcette
quantité de foufre fur le poids du charbon , on
connoît le poids réel de ces deux fubftances. J'ai
analylé de mcme les autres efpeces de poudre :
on en trouvera les réfultats dans la 1 able fui^
vante.
47<» ChYMII EXPiRIMENTALE
TABLE
Qui contient les réfultats de Vanalyfe de quatre ej-
peces de poudre fa:te au poids d'une livre _, & lô
recul qu elles ont occajionné à l'éprouvette.
Efpcces des poudres Poids des fubftances
qui ont été analyfées. trouves par l'analyfe.
Degrés de recul à
l'éprouvette.
Poudre à canon
angloife.
Poudre à canon
françoife.
Poudre de chaffe
ordinaire.
Poudre de chafTe
nouvelle.
/ onc. gros gr.
f Nitre . . i x
< Soufre I 4
L Charbon ^ 4
I
}
iip.
198.
ii7.
lij.
R E M A R. Çl U E S,
Par les réfultats rapportés dans la Table , il eft
vifîble que les différentes forces de ces poudres
ne viennent p.^s des dofes des matières qui les
compofent , mais feulement de l'état de mèlangç
ET RAISONNE E. 477
fous lequel elles fe tiouvent réciproquement les
unes à l'cgard des autres.
Rien n'ell fi facile que de féparer le nitre des
poudres. Ce fel fe diflout dans l'eau , & quitte
facilement les autres ingrédients ; mais la fépa-
ration du foufre de du charbon n'efl: pas aulll facile
à obtenir : j'ofe même dire qu'elle ne peut fe faire
exadement par un autre procédé que par celui
que j'ai indiqué. Ce moyen eft fondé lur la grande
combuftibilité du foufre, qui peut brûler, fans
enflammer le charbon , &c même les corps les plus
combuftibles. M. Robins, dansfon Traité d'Ar--
tïllerïe ^ écrit en anglois , a remarqué que le fou-
fre de la poudre peut fe confumer, fans allumer
les grains : c'eft un fait que m'a appris M. le Che-
valier d'Arcy , lorfque je lui rendis compte de
mes expériences (i). Quoi qu'il en foit, je n'ai
été conduit au moyen que je viens d'indiquer ,
qu'après plufieurs tentatives qui ne m'ont pas
réulli.
J'avois elTayé de faire bouillir dans de l'huile
de tartre par défaillance , un mélange connu de-
foufre & de charbon broyés enfemble fur le por-
phyre j mais je reconnus que l'alkali ne dilfol-
voit pas tout le foufre. Loifque je faifois préci-
piter par un acide celui qu'il avoir dilfous , il fe.
mêloit parmi une certaine quantité de terre des
fels , qui augmentoit le poids du foufre.
J'ai tenté la fublimation d'un pareil mélange
connu de foufre ôc de charbon , fans plus de lue
ces. Le foufre contrarie une forte d'adhérence
avec le charbon : il ne fe fublime qu'à mefure
qu'on remue la matière pour renouveller les fur-
. «^
(i) Voyez 'Effai d'une Théorie d' ArtiUerle , page 41,
47^ ChYMIE ÈXPÉRiîvtENT Atfi
faces : on eft , par conféquenr, obligé de faire
cette fublimation d plufieurs reprifes : il relie du
foufre opiniâtrement adhérent au charbon qui re-
fufe de le fublimer : d'ailleurs il cit difficile de le
détacher exadlement des chapiteaux : ce moyen
eft long de peu exa6t. Ce fut l'eilai que je fis de
brûler un peu de la matière qui reftoit au tond du
vaiffeau , pour reconnoître il elle contenoit en-
core du foufre , qui me conduillt à faire brûler le
foufre , fans faire brûler le charbon.
Je mêlai enfemble fur un porphyre , avec un
peu d'eau , deux gros de foufre 6<: autant de char-
bon ; je fis brûler le foufre de ce mélange, comme
je l'ai indiqué : je vis avec plaifir , qu'en ne don-
nant que le degré de chaleur convenable^ je fai-
fois brûler le foufre , & point le charbon y mais
fon poids fe trouva augmenté de fix grains , qui
eft la vingt-quatrième partie du foufre employé.
J'ai répété cette expérience avec du charbon de
liège , de fureau , du charbon ordmaire , du char-
bon de papier , & des parties légères des ani-
maux , &c. J'ai également répété ces expériences
avec du charbon de linge , d'amadou , de noir
de fumée : j'ai employé toutes ces fubftances à la
dofe de deux gros , avec autant de loufrc , & j'ai
recommencé enfuite ces expériences avec deux
onces de chacun de ces charbons, &c autant de fou'
fre : l'augmentation du poids du charbon par le
foufre qui lui refte uni, a toujours été la vingt-
quatrième partie du foufre employé.
Il y a une remarque à faire fur le noir de fu-
mée j c'eft que cette matière devient très pefante
par la trituration : elle n'eft prefque pas mflam-
mable : elle rougit , fans brûler & fans perdre
prefque rien de fon poids.
Je n'ai point fait d'expériences pour recon-
rr RAISONNE E. 47 j
noîtte l'état fous lequel fe trouve le {bufre qui
refte uni au charbon après cette combuftion : j'ai
fait brûler quelques-uns de ces charbons j'ifqu'à
ce qu'ils fufîent réduits en cendres : ils ont lailFé
exhaler l'odeur de foufre jufqu'au dernier inftant j
ce qui meferoit croire qu'ils ne contiennent point
de foufre , mais une certaine quantité d'acide vi-
triolique devenu libre par la combuftion du fou-
fre , éc qui forme de l'acide fulfureux pendant
la combuftion du charbon avec lequel il étoit
uni.
Poudre fulminante.
On met dans un mortier de marbre qu'on z
échaufté avec de l'eau bouillante , & qu'on a en-
fuite bien eftuyé , trois onces de nitre bien fec ,
deux onces de fel alkali bien fec , ôc une once de
fleurs de foufre , ou de foufre réduit en poudre
iine : on mêle toutes ces matières en les triturant
avec un pilon de verre aufti chauffé & féché , juf-
qu'à ce que le mélange foit bien exa6l : on ren-
ferme la poudre dans une bouteille qu'on bouche
bien.
La propriété de cette poudre eft de produire ,
étant expofée fur le feu , une explolion des plus
fortes & des plus bruyantes. On met dans une
cuiller de fer , fur un feu très doux , un demi-gros
ou un gros de cette poudre : la poudre fe liquéfie:
lorfqu'elle eft parvenue à une certain degré de
chaleur , elle fe réduit fubitement en vapeurs ,
êc elle produit une explofion très bruyante.
Le fel alkali attire l'humidité de l'air : il con-
vient , pour cette raifon , de faire le mélange
480 CitYMiE EXPÉRIMENTAtl
ilans un mortier chaud , afin que la poudre fc
trouve feche lorfqu'elle eft faite ; (es etfets font
d'autant plus forts , que le mélange eft plus in-
time.
La théorie des terribles effets de cette poudre
eft à-peu-près la même que celle des effets de la
poudre à canon : ces effets font dus à l'infiamma-
lion du foufre nitreux qui produit affez de chaleur
pour réduire l'eau principe des fubftances falines
6^ les fels eux-mêmes en vapeurs très dilatées.
Pendant que la poudre fe liquéfie , il fe fait deux
décompohtions & deux nouvelles combinaifons :
une partie du foufre fe brûle j mais la plus grande
partie du plilogiftique fe combine avec l'acide ni-
treux , & forme du foufre nitreux. L'acide vitrio-
lique fe porte fur l'alkali fixe &c fur l'alkali du ni-
tre,& ils forment enfemble un tartre vitriolé. Ces
combinaifons fe font fimultanément : lorfque le
foufre nitreux eft formé , & qu'il éprouve un de-
gré de chaleur fuffifant , il s'enflamme &c produit
î'explofion dont nous venons de parler. La com-
motion dans l'air eft fi terrible 6c il prompte, qu'il
eft impoftible de remarquer aucune flamme dans
le temps de l'explofion : elle eft étouffée auili-tôt
qu'elle a lieu , par h. réfiftance qu'elle trouve de
la part de l'air. Si l'on taifoir cette expérience
dans un endroit fermé , il feroit dangereux d'em-
ployer plus d'un demi-gros de poudre a la tois :
rexplofion pourroit être allez forte pour ren-
verfer les afliftants , brifer les portes & les croi-
fées 5 &c. , . ,
Il arrive quelquefois , fur- tout lorfque la cha-
leur eft trop forte , que la poudre produit fou
exploiion avant d'être entrée en liquéfaélion :
alors elle eft moins bruyante que lorfque la ma-
tière eft entrée en pleine liquéfaClign , parcequ'ii
f©
ET RAISONNE Éi 4^^
fe forme une plus grande quantité de foUfie ni-
treux. On peut s'alTurer de ce que nous venons
dé dire , en jettant fur des charbons ardents un
peu de cette poudre : le nirre fufe fur-le-champ
îans explofion , & le foufîe brûle de fon côté , la
combinaifon du foufre nitreux n'ayant pas Id
temps de fe former. Le foie de foufre qui le pro->
duit pendant la fufion de la poudre , tient le
phlogiftique du foufre dans un état très favorable
à fa combinaifon avec l'acide nitreux. Si , au lieu
d'appliquer à la poudre fulminante le degré de
chaleur convenable , on ne lui donne qu'une
chaleur foible , la fubftance inflammable & ex-
plofible fe dillîpe en détail 8>i tranquillement,
fans produire d'exploliôn.
Si Von mêle du nitre avec dii foie de foufre ôt-
dinaire , on produit une femblable poudre fui-*
minante , & dont les effets font aulll terribles.
On obtient encore une femblable poudre fui-»
minante , fi , au lieu de fel alkali , on emploie
de la crème de tartre : il m'a femblé cependant
que l'explofion étoit un peu moins bruyante*
J'ai fait quelques tentatives pour féparet le
foufre nitreux qui fe forme dans cette expérience.
J'ôtois la matière du feu lorfque je jugeois que
la matière liquéfiée étoit prère à faire fon explo-
fion : je la faifois diffoudre dans l'eau , & je pré-
cipitois le foufre par le moyen d'un acide. J ob-
tins un précipité qui étoit un mélange de foufre
nitreux & de foufre vitriol ique : il ne faifoic
qu'une foible explofion : je n'ai pas ofé continuer
ces expériences à caufe du danger.
11 feroit fort intéréffant pour la Chymie de
pouvoir fe procurer une certame quantité de cei
foufre nitreux , pour en reconnoître les proprié-
tés. Je crois devoir prévenir qu'il feroit aufli dan-
Ti^me I, H h
^îz Chymie bxpérimentale et raisonnes.
cereux que l'or fulminant , ôc qu'il exieeroit
a erre manie avec prudence pour éviter les acci-
dents.
Fin du Tome premier.
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