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Full text of "La baie d'Hudson [microforme] : exploitation proposée de ses ressources de terre et de mer : nouvelle colonie, chemin de fer pour s'y rendre"

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LA     BAIE     D'HUDSON 


>  •  < 


Exploitation  proposée  de  ses  ressources 
de  terre  et  de  mer 


Nouvelle  Colonie.    Chemin  de  fer  pour  s'y  rendre 


Par  C.   BAILLAIRGE,  A.  M. 

Areh.,  arpt .  ingr.  —  Ex-prés,  de  Iti  Société  de  Oêogr.  de  Québec. 
Membre  de  la   Société  Royale  du  Canada,  etc.  y  etc 


Au  nord  de  Québec  est  une  vaste  baie  découverte  en  1610 
par  Henry  Hudson  et  qui  porte  le  nom  de  ce  hardi  navigateur.  " 

Elle  s'étend  du  51  °  au  63  "^  de  latitude  nord,  mesurant 
dans  cette  direction  825  milles  ;  et  du  78  '^  au  96  '^  de  loiigi- 
tude  ouest,   ce  qui  lui  donne  une  largeur  d'environ  630  milles. 

Sa  superficie  est  de  397,000  milles  carrés  :  par  exemple,  «ix 
fois  celle  du  golfe  St- Laurent  ;  cinq  fois  celle  de  tous  nos 
'grands  lacs  réunis  :  le  Supérieur,  le  Michigan,  le  Huron,  l'Erié, 
l'Ontario,  avec  la  baie  Géorgienne  de  sureroil  (voir  rapport  du 


Min.  des  Tr.  P.  pour  1886-87  page  14  par  G.-F.  Baillairgé,  Ecr., 
alors  Ministre  adjoint  du  Dépt.) 

Atteignant  sensiblement  les  largeur  et  longueur  du  golfe  du 
Mexique,  la  baie  d'Hudson  a  trois  fois  l'étendue  de  la  Mer 
Caspienne  ou  de  la  Mer  Noire,  deux  fois  celle  de  la  Mer  Eouge, 
près  de  la  moitié  de  celle  de  la  Méditerranée  entre  l'Europe  et 
l'Afrique.  ,  ,  .  .    -     * 

Mais  peut-être  eu  saisirez- vous  mieux  le  vaste  parcours  en 
tous  sens,  si  je  vous  dis  que  cette  superficie  est  de  26500  fois 
.elle  du  havre  de  Québec  entre  Lévis,  Bcauport  et  l'Ile 
d'Orléans  ;  et  ce  n'est  pas  peu  dire,  car  le  havre  de  Québec  est 
célèbre  parmi  ceux  du  monde  entier. 

Vous  y  avez  vu  entrer  il  y  à  20  ans,  plus  de  1600  navires 
durant  une  seule  saison  ;  dont  400  à  la  fois,  eussent-ils  été 
d'une  longueur  de  500  pieds  en  moyenne,  — celle  de  nos 
vapeurs  océaniques  d'aujourd'hui — avec  à  chacun  un  espace  de 
1100  pieds  de  diamètre  ou  de  plus  d'un  million  de  pieds  en 
.superficie  ;  400  de  ces  vaisseau.x,  dis-je,  pourraient  y  manœu- 
vrer à  la  fois,  dériver  an  courant,  y  éviter  comme  l'on  dit  en 
terme  de  marine,  c'est-à-dire  v  exécuter  chacun  et  tous 
ensemble  un  mouvement  complet  de  rotation  sur  ses  ancres. 

Cette  mer  intérieure  est  vaste,  messieurs,  comme  tout  ce  qui 
tient  du  Nouveau  Monde  :  nos  lacs  à  côté  de  ceux  de  l'Ancien 
(.'ontinent;  nos  fleuves  :  les  Amazones,  le  St-Laurent,  le^Missis- 
.^ippi  mis  en  parallèle  avec  les  filt-ts  d'eau  de  l'Europe  ;  vaste 
encore  comme  le  sont  nos  Rocheuses,  nos  Sierras  à  côté  des 
Pyrénées,  des  Alpes  ;  le  glacier  Muiv  de  l'Alaska,  grand  ù  lui 
.seul  comme  tou.s  ceux  des  Alpes  réunis;  comme  les  Geysers  de 
de  la  vallée  Yellowstone,  de  50  pieds  de  diamètre  et  lançant 
leurs  eaux  bouillantes  à  une  hauteur  de  200  pieds,  h  côté  des 
eaux  thermales  de  l'Islande  ;  comme  l'Amérique  elle-même 
lomparée  à  l'Hlurope  et  comme  promet  de  l'être  l'exposition 
(-olombienne  ù  (:ôté  de  toutes  celles  que  le  monde  a  vues 
jusqu'à  ce  jour. 

Pourtant  messieurs  nos  grands  lacs  sont  grands,  l'estuaire  du 
'^t-Laurent    I\st    davantage  ;    mais    comparés   avec    la    Baie 


—  3  — 

d'Hudaon,  c'est  le  Saguenay,  tout  majestueux  qu'il  soit,  avec 
ses  côtes  de  1800  pieds  de  hauteur,  comparé  au  Colorado  où  il 
faudrait  entasser  trois  fois  sur  lui-même  le  cap  "éternité,  la 
"trinité"  pour  approcher  de  l'altitude  vertigineuse  des  flancs  de 
ce  canion  le  plus  grandiose  du  monde  entier. 

Mais  si  tout  est  grand  ici,  il  ne  faut  point  qu'en  se  laissant 
devancer  par  les  habitants  d'un  autre  pays,  dans  l'accomplisse- 
ment de  l'œuvre  que  je  viens  ce  soir  vous  proposer,  l'Amé- 
rique, le  Canada  soit  en  même  temps  le  pays  des  moins  intel- 
ligents.      ,       _.   ^,,  .,.    ;,    .  .        -    .,  u 


On  a  conçu  depuis  quelques  années  le  projet  d'utiliser  la 
voie  de  la  baie  et  du  détroit  d'Hudson  pour  écouler  les  produits 
de  nos  prairies  du  Nord-Ouest  qui  y  aboutissent  de  ce  côté, 
afin  de  les  expédier  en  Europe  par  un  trajet  plus  expéditif,  plus 
court  de  quelques  centaines  de  milles,  que  celui  que  l'on  suit 
aujourd'hui  par  nos  lacs,  nos  che-mins  de  fer,  le  St-I.aurent,  etc., 
pour  atteindre  les  ports  de  mer  du  Canada  et  des  Etats-Unis. 

Le  Gouvt.  Fédéral  saisi  de  l'importance  de  la  chose  a  déjù 
dépensé  durant  les  années  1884,  85  et  86  une  somme  de 
$122,000.00  pour  mettre  la  question  à  l'étude.  l.>urant  cha- 
cune de  ces  années,  résume  M.  Bdllairgé  âéy\  nommé,  un  corp.^ 
expéditionnaire  sous  la  direction  du  lieut.  Gordon  fut  envoyé  ù 
bord  d'un  navire  à  vapeur  au  détroit  et  à  la  baie  d'Hudson 
pour  constater  leur  navigabilité  pour  les  fins  du  commerce; 
pour  y  prendre  des  observations  exactes  et  les  renseignements 
nécessaires  au  sujet  de  la  nature  et  de  l'étendue  des  glaces,  des 
vents,  des  courants  prédominants,  de  la  date  où  il  serait  pos- 
sible d'y  pénétrer  le  jirintemps  ou  d'en  sortir  l'aufomu'-,  et 
aussi  relativement  au  climat,  à  la  géologie,  aux  pêcheries  et  au.v 
ressources  des  parages  avoisinauts. 

Durant  la  première  année,  le  lieut  Gordon  choisit  les  postes 
d'observation  le  long  du  détroit  et  de  la  haie  d'Hudson,  y  éii- 
iïea  les  bâtiments  nécessaires  et  v  installa  des  observateurs  qui 


—  4  — 

prirent  et  enregistrèrent  chaque  annt?e  les  observations  pres- 
crites, suivant  le  mode  qui  leur  fut  désigné. 

Du  27  juillet  au  premier  août  de  la  dernière  année,  on  fit  un 
relevé  du  havre  de  Churchill  et  du  port  Nelson,  où  devait  aller 
aboutir  le  chemin  de  fer  proposé  de  Winnipeg.dans  la  prévision 
déjà  mentionnée  d'un  écoulement  des  produits  du  Nord- Ouest 
par  la  voie  d'Hudson  si  elle  était  trouvée  favorable  ;  puis, 
comme  la  clôture  de  la  navigation  approchait,  on  procéda  du  8 
au  30  sept,  au  démontage  des  observatoires  qui  avaient  été 
•érigés,  et  au  rembarquement  des  observateurs  et  du  matériel 
avec  les  approvisionnements  non  utilisés  aux  divers  postes- 
Le  retour  à  Halifax  eut  lieu  le  10  oct.  suivant. 

Un  rapport  de  chaque  expédition  fut  transmis  chaque  année 
par  le  lient.  Gordon  au  Ministère  de  la  Marine  par  qui  la  pu- 
blication en  a  été  faite  ainsi  que  des  cartes  annexées  à  ces  rap- 
ports. 

Ce  sont  des  "  livres  bleus  "  Mesdames,  que  personne  ne  lit  à 
peine,  mais  qui  pullulent  d'intérêt  et  de  situations  émouvantes; 
c'est  plus  beau  que  du  Zola.  C'est  dans  ces  livres  publiés  à 
grands  frais  par  les  Gouvernements  qu'on  trouve  ces  féeries, 
ces  merveilles  du  Colorado,  de  l'Arizona,  de  la  vallée  Yosamite, 
aujourd'hui  le  "  parc  national  "  des  Etats-Unis,  le  parc  des 
géants  du  nouveau  monde.  C'est  par  ces  rapports  d'explorations 
que  l'on  conuait  aujourd'hui  et  seulement  depuis  40  ans  ù 
peine  l'existence  au  Maripoza  de  ces  grands  arbres  de  300  à 
400  pieds  de  hauteur,  d'un  diamètre  de  30  à  40  pieds  et  qui 
par  leurs  couches  annuelles  et  concentriques  révèlent  une  exis- 
tence de  40  à  50  siècles.  Mais  ce  n'est  pas  ici  l'endroit  de 
vous  parler  de  ces  choses  il  faut  suivant  le  dicton  populaire 
rev?nir  à  nos  moutons. 


Le  "Neptune"  un  navire  en  bois  appartenant  à  MM,  Job 
frères  de  Saint  Jean  de  Terreneuve,  fut  affrété  pour  la 
première  expédition  et  fut  manœuvré  sous  la  direction  du 
«capitaine  W,  Sopp  par  un  équipage  de  marins  expérimentés. 


Ce  vaisseau  était  construit  pour  la  pêche  du  phoque.  Les 
oflBciers  de  l'expédition  étaient  1  géologue  et  médecin,  8  obser- 
vateurs, 1  photographe,  2  charpentiers  et  12  manœuvres  des 
postes  d'observation — 24.  Au  nombre  des  observateurs  était 
notre  concitoyen  M.  Ashe  attaché  en  permanence  h  l'observa- 
toire de  Québec  près  des  plaines  d'Abraham.  Ce  monsieur 
passa  une  année  près  dans  le  détroit  d'Hudson  à  un  endroit 
connu  aujourd'hui  sous  le  nom  de  Ashe  inlet  (l'anse  Ashe) 

Pour  les  expéditions  de  1885  et  86  on  se  servit  du  vapeur  à 
hélice  de  sa  majesté,  le  "Alert"  d'environ  700  tonneaux,  d'une 
vitesse  de  8|  nœuds  à  l'heure  par  un  temps  calme,  ou  d'une 
vitesse  moyenne  de  6  nœuds  (  7  milles  )  en  consommant  de  4 
à  6  tonnes  de  charbon  par  jour.  Au  milieu  des  bancs  de  glace 
on  n'alluma  qu'un  feu  et  l'on  eut  une  vitesse  de  4  nœ-uds  (près 
de  5  milles)  à  l'heure  en  ne  consommant  que  2  tonnes  de  char- 
bon par  jour. 

Ce  navire  avait  été  construit  pour  l'expédition  arctique  de 
1876  sous  le  commandement  de  Sir  George  Nares. 

Les  officiers  du  navire  pour  1885  étaient  1  commandant. 
T  officier  subalterne,  1  mécanicien  en  chef,  1  mécanicien  subal- 
terne, 1  charpentier — 6.  L'équipage  se  composait  de  2  maîtres 
d'équipage,  12  marins,  l  lampiste,  6  aides-mécaniciens,  1 
maître  d'hôtel,  1  maître  cuisinier,  2  sous-maîtres  d'hôtel, 
]  aide-cuisinier — 26.  Les  membres  de  l'expédition  étaient 
1  géologue-médecin,  1  assistant,  5  observateurs — 7.  Manœuvres 
(les  postes  d'observation — 12.  L'Editeur  du  Times  de  Witmipeg, 
délégué  de  la  Cie  du  chemin  de  fer  projeté  entre  Winnipeg  et 
la  Baie  d'Hudson  dont  j'ai  déjà  dit  un  mot. — total  52. 

L'expédition  de  1886  comptait  1  commandant,  l  capitaine, 
'6  seconds,  1  maître  d'équipage,  20  marins,  1  lampiste,  2  méca- 
jiiciens,  6  chauffeurs,  2  graisseurs,  5  maîtres  d'hôtel  et  cuisi- 
niers, 1  météorologue  assistant — 43. 


Les  observations  météorologiques  prises  à  bord  du  Neptune 
en  août  1884,  à  la  baie  Nackvak  à  100  milles  en  aval  de  l'em- 


_  6  — 

boiichure  du  détroit  d'Hiidpon  font  voir  t|ue  la  température 
moyenne  au  cap  Chudleigh  était  de  39  °  pour  août,  33  *^  pour 
sept,  et  au  détroit  de  Belle- Ile  de  49  °  et  43  ®  pour  les  mêmes 
mois,  c-à-d  10  °  de  froid  de  plus  au  détroit  d'Hudson  ;  m  is 
moins  de  jours  de  brume  pour  ce  dernier. 

La  température  moyenne  qui  a  été  constatée  chaque  mois  ne 
laisse  aucun  douto  de  l'impossibilité  de  naviguer  le  détroit  de 
novembre  h  avril  inclusivement.  En  mai,  juin,  juillet,  le 
détroit  contient  une  grande  quantité  de  glace,  et  comme  la  tem- 
})érature  moyenne  à  l'extrémité  est  du  détroit  est  de  25  ^  Far. 
en  mai  ou  de  Sj  °  au-dessous  du  point  de  congélation  de  l'eau 
salée,  la  débâcle  ne  commence  point  durant  ce  mois. 

Eti  juin  et  juillet  lorsque  la  température  s'est  élevée  à  35  - 
et  40  °  ,  la  glace  devient  cellulaire  et  fond  rapidement.  Suivant 
les  rapports  des  observateurs  et  l'expérience  acquise,  ce  n'est 
qu'après  le  mois  de  juin  et  partie  de  juillet,  que  la  fonte  et  la 
débâcle  de  la  glace  sont  suffisamment  avancées  pour  que  l'on 
puisse  naviguer  le  détroit  pour  les  fins  du  commerce. 

Il  y  a  des  banquises  de  glace  en  toutes  saisons  de  l'année 
dans  le  détroit  d'H-idson,  surtout  près  de  la  côte  nord  où  Fou 
en  a  vues  d'échouées  dans  80  à  100  brasses  d'eau  et  dont  l'épais- 
seur, la  hauteur  cUn-ait  par  conséquent  être  de  5  à  700  pieds, 
mais  en  août  et  septembre  il  y  a  moins  de  glace  dans  le  détroit 
qu'en  tout  autre  temps  de  l'année.  La  jeune  glace  vive  et 
azurée  de  la  saison  a  de  4  à  7^  pieds  d'épaisseur  de  l'embou- 
chure ouest  du  détroit  à  l'isle  de  Marbre  située  à  l'ouest  de  U 
baie. 

Vers  le  couinif^ncement  de  juillet  on  lencontre  de  grands 
amas  de  vieille  glace  "  arctique  "  très  épaisse  ;  celle-ci  est  le 
produit  de  plusieurs  hivers  et  mesure  de  40  à  50  pieds  d'épaii?- 
seur. 

La  tpiantité  da  glace  qui  traverse  l'embouchure  du  détroit  ot«" 
énorme  :  dans  le  printemps  elle  forme  quelquefois  une  barrière 
impénétrable  qui  a  une  étendue  de  50  à  100  milles  à  la  fois 
entre  rembouchure  d\i  détroit  et  les  eaux  libres  de  l'océan. 

Pendiiut  les  années  ordinaires  la  périole  de  la  navigation  est 


—  7  — 

limitée  du  15  juillet  au  15  oct.  —  3  mois  —  mais  des  navires 
solidement  construits,  avec  propulseurs  de  petites  dimensions 
et  tirant  peu  d'eau  pourraient  y  naviguer  peut-être  deux  se- 
maines de  plus  le  printemps  et  l'automne  ou  en  tout  4  mois 
tout  au  plus  au  lieu  de  3. 

La  date  moyenne  de  116  arrivages  consécutifs  des  navires 
de  la  C'ie  de  la  Baie  d'Hudson,  à  la  Factorerie  de  York  a  été  le 
4  se'')t.  Parmi  ces  116  arrivages,  48  étaient  en  août,  le  6 
août  étant  la  date  la  moins  avancée,  et  le  7  oct  la  date  la  plus 
reculée  ;  dans  ce  dernier  cas  le  navire  hiverna  dans  la  baie. 


Mais  si  le  détroiu  d'Hudson  n'est  ouvert,  quoique  toujours 
obstrué  de  glace,  que  pendant  seulement  trois  mois  de  l'année, 
c"î  qui  rend  l'exploitation  commerciale  des  ressources  de  la  baie 
])ar  voie  maritime,  difficile  et  risquée;  il  n'en  est  pas  ainsi  de  la 
baie  elle-même  où  les  eaux  sont  plus  chaudes  que  dans  le 
<létroit,  dû  en  partie  à  ce  que  la  latitude  moyenne  ou  centrale 
de  la  baie  est  de  quelques  7  ®  inférieure  à  celle  de  l'embou- 
chure du  détroit,  distance  de  près  de  500  milles  au  nord,  et  à  ce 
([ue  les  grandes  nappes  d'eau  profonde,  sont  tempérées  et  par  la 
chaleur  intérieure  de  la  terre  qui  s'y  exale,  et  y  agit  par  con- 
vection  comme  l'eau  se  chauffe  au  contact  du  feu  dans  une 
chaudière  c'est-à-dire  de  bas  en  haut;  tandis  (|u'en  même  temps 
l'eau  étant  un  mauvais  conducteur,  le  froid  à  sa  surface  ne  le 
l)énètre  point  aussi  profondément,  aussi  vite  qu'il  entre  dans 
le  sol  des  continents  et  que  y  entrât-il,  il  s'y  forme  de  suite, 
('omme  sur  nos  rivières  une  couverture  de  glace  i|ui  dérobe 
l'eau  à  ses  effets  et  empêche  sa  chaleur  de  s'exaler  à  la  surface, 
et  de  se  perdre  dans  l'atmosphère. 

Dans  le  détroit,  la  température  de  l'eau,  à  sa  surface  a  varié 
de  32.  °  à  33.1  °  pendant  le  voyage  du  Neptume  en  août  et 
sept.  1884,  tandis  que  dans  la  baie  elle  était  de  41  °  à  Chur- 
chill. 37.7  ^  d  100  milles  au  Nord  Est  de  York,  39.4  °  à  l'Ile 


_  8  — 

«Je  Marbre  et  de   36  °  à  l'extrémité    de  l'îsle  Mansfield  vers 
l'entrée  nord-est  de  la  Baie  d'Hudaon. 

Il  est  reconnu  maintenant  que  la  haie  est  navigable  de  boane 
heure  en  juin,  et  le  facteur  à  Churchill  affirme  que  la  glace 
dans  la  Baie  d'Hudson  ne  s'étend  jamais  assez  loin  du  rivage 
pour  qu'on  ne  puisse  voir  l'eau  libre  du  littoral  ;  et  que  cette 
distance  est  peu  considérable,  vous  pouvez,  vous  avez  pu  vous 
en  convaincrai  lorsqu'en  voyageant  entre  Québec  et  l'Ile 
•l'Orléans,  la  simple  largeur  d'un  mille  de  glace  qui  vous  sépare 
des  eaux  du  St-Laurent  suffit  pour  vous  en  dérober  la  vue. 


A  Belle-Ile  la  température  de  l'eau  était  de  41.6  ^  le  2;"» 
juillet  et  à  l'entrée  du  détroit  d'Hudson  de  34.7  °  le  4  août  de 
la  même  année,  différence  de  7  °  ,  tandis  qu'à  Churchill,  au 
centre  de  la  baie  d'Hudson  et  7|  °  de  latitude  plus  au  nord 
que  Belle-Ile  la  différence  n'est  que  de  |  °  à  2  '^  tout  au  plus. 

Les  courants,  et  marées  dans  le  détroit  d'Hudson  augmen- 
tent grandement  les  risques  de  la  navigation.  Ces  courants 
ont  une  vitesse  de  3  à  6  nœuds  à  l'heure  ;  ils  sont  très  rapides 
en  certains  endroits  et  un  vaisseaux  luttant  c(jntre  ces  courants, 
au  milieu  de  glaces  flottantes,  courrait  risque  de  grandes 
avaries,  celui  même  de  sombrer. 


Une  autre  difficulté,  et  celle-ci,  dit  le  lieut.  Gordon,  est  la 
plus  sérieuse  que  je  puisse  prévoir  :  c'est  la  perturbation  de 
î'aiguille  aimantée,  surtout  dans  les  parages  dangereux  avoisi- 
nant  l'ile  Digges.  On  réussit  ordinairement  à  doubler  l'ile 
Alansfield  au  moyen  de  la  sonde,  mais  il  n'en  est  pas  ainsi  de 
l'île  Digges  où  les  navires  sont  exposés  a\\  danger  de  faire  nau- 
frage, h.  moins  d'une  vigilance  continuelle  jour  et  nuit  et  en 
prenant  toutes  le°  précautions  possibles. 

L'inclinaison  de  l'aiguille  est  de  86  '^  à  Tîle  Digges  à  l'extré- 


—  9  - 

mité  ouest  de  la  Baie  d'Hudson,  où  l'on  approche  du  pôle  ma- 
gnétique situé  parait-il  ('ans  I9  territoire  de  la  Cie  et  que  Sir 
John  Ross  place  au  82  -  de  latitude  N.  Cela  indique  une  grande 
force  verticale,  pendant  que  la  force  horizontale  s'approche  du 
point  où  elle  va  disparaître.  Dans  la  traversée  entre  le 
Royaurae-Uni  et  la  Baie  d'Hudson,  l'inclinaison  augmente  de 
67  "^  à  87  "^  environ  ou  de  20  ®  .  Le  seul  moyen  de  naviguer 
avec  sûreté  le  détroit,  est  d'avoir  recours  constamment  à  la 
sonde  et  d'être  continuellement  en  vigie  parceque  l'estimation 
de  la  route  par  l'aiguille  aimantée  est  très  souvent  loin  d'être 
exacte. 


Les  poissons  et  mammifères  que  le  commerce  peut  exploiter 
sont  lo  la  haleine  franche  "  balena  mysticctua  "  qui  est  la 
plus  recherchée  à  cause  du  haut  prix  de  ses  fanons.  On  oh- 
tient  une  tonne  de  fanons  et  de  20  à  40  tonnes  d'huile  d'une 
baleine  de  50  à  60  pieds  de  longueur  suivant  l'épaisseur  du 
lard  qui  varie  de  6  à  18  pouces,  2o  La  haleine  blanche  "begula 
cafodon"  la  baleine  par  excellence  de  la  baie  d'Hudsim.  On 
en  voit  de  grands  troupeaux  monter  avec  la  marée,  chaque  jour, 
dans  les  rivières  Churchill,  York  et  Nelson. 

De  toutes  les  pêches  qu'exploite  la  Cie,  celle-ci  est  la  plus 
considérable. 

Chaque  marsouin  va\it  à  peu  près  $100.00.  En  1883  la  Cie. 
en  a  pris  environ  200  dans  une  seule  marée  à  Churchill,  affaire 
de  $20,000.00  d'un  seul  coup  de  main.  On  les  fait  échouer 
sur  les  battures  des  anses  où  la  marée  monte  de  10  à  15  pieds 
et  où  on  les  retient  au  moyen  de  rets  à  trap})es,  jusqu'à  ce  que 
l'eau  disparaisse  ;  le  marsouin  leste  alors  à  sec  sur  les  rochers 
ou  le  sable.  3o  Le  narval  monodon  Monoceros  ou  "  l'uni- 
come,"  un  cétacé  qui  a  beaucoup  de  lard  pour  sa  grosseur  ;  la 
corne  du  mâle  mesure  souvent  jusqu'à  5  pieds  de  longueur  et, 
comme  elle  est  d'ivoire,  se  vend  à  un  prix  élevé.  4o  Le  morse 
ou  cheval  marin  "  tHcIiecus  rosmarinus  "  que  l'on  trouve  en 


10  — 


troupeaux  très  nombreux,  généralement  à  peu  de  distance  du 
rivage,  au  nord  de  l'Ile  de  Marbre  où  la  Cie.  envoie  de  Chur- 
chill, chaque  année,  deux  vaisseaux  qui  n'ont  jamais  manqué 
de  se  procurer,  dans  l'espace  de  quelques  semaines,  autant  de 
lard,  d'ivoire  et  de  peaux  qu'ils  pouvaient  en  porter.  En  1884 
on  a  pris  de  20  à  30  de  ces  pinnipèdes  dont  la  valeur  s'élevait 
;i  $7,000.00  ou  plus.  5o  Les  phocides  "  phocae  "  de  diverses 
(ispèces. 

Dans  la  baie  on  rencontre  des  phoques  de  presque 
toutes  les  familles,  mais  pas  en  aussi  grand  nombre,  au  prin- 
temps que  sur  les  côtes  de  Terre-Neuve  ;  les  Esquimaux  néan- 
moins en  tuent  beaucoup  et  en  utilisent  la  chair  pour  leur 
nourriture  et  la  peau  pour  leurs  vêtements,  leurs  canots  "kayoks" 
et  leurs  huttes.  6o  L'Ours  polaire  "  ursus  maritlmus.  " 
Quoique  ces  animaux  soient  nombreux,  il  est  assez  rare  qu'on 
«n  voie  dans  le  mois  de  juin,  lorsqu'ils  s'aventurent  sur  les 
glaces  flottantes  à  la  recherche  de  phoques  qu'ils  capturent 
pendant  qu'ils  sont  endormis.  On  ne  connaît  point  de  cas  où  ils 
aient  attaqué  l'homme,  malgré  leur  férocité  réputée.  7o  Parmi 
les  poissons  c'est  le  saumon  et  la  truite  seulement  que  l'on  ex- 
porte, quoique  l'on  pêche  des  poissons  blancs  d'une  excellente 
qualité  dans  la  rivière  Nelson,  et  autres  cours  d'eau  où  ils  choi- 
:iissent  de  préférence  l'endroit  où  l'eau  salée  se  mêle  à  l'eau 
douce.  8o  Quant  à  la  morue  qui  est  abondante  dans  le  détroit 
à  l'est  de  la  baie  d'Ungava,  il  ne  parait  pas  y  en  avoir  dans  la 
baie  d'Hudsou  ;  au  moins  on  n'en  a  pas  trouvé  jusqu'à  présent. 


Cette  pêche  de  la  baleine  est  exploitée  par  les  habitants  des 
Etats-Unis  depuis  plus  de  40  ans,  principalement  dans  le  bassin 
de  "Rowe's  Welcome"  au  Nord  de  la  baie  d'Hudsou,  Les  ba- 
leiniers surtout  du  Massachussetts  et  du  Connecticut  partent 
ordinairement  des  ports  du  New-Bedford  et  de  New-London, 
en  juillet  et  se  rendent  à  l'Ile  de  Marbre  près  de  la  côte  N,-0. 
de  la  baie  d'H.  où  ils  arrivent  en  septembre  et  passent  l'hive 


—  II 


dans  un  port  jusqu'au  mois  de  juin  suivant  ;  ils  dégagent  alors 
leurs  vaisseaux  de  la  glace  en  la  sciant,  croisent  ensuite  dans 
la  baie  pendant  le  mois  de  juillet,  puis  ei;fin  ils  se  dirigent  au 
nord,  vers  les  campements  de  pêche,  d'où  ils  reviennent  vers 
le  1er  sept,  avec  leurs  cargaisons  de  lard  et  de  fanons,  dont  on 
estime  la  valeur  à  plus  d'un  millions  de  piastres,  pendant  une 
période  de  25  ans  et  cela  en  prenant  une  moyenne  de  seulement 
10  baleines  par  année  et  de  S4000.00  par  baleine. 

Suivant  le  rapport  des  commissaires  des  pêcheries  des 
Ktats-Unis,  pour  1875-76  leurs  baleiniers  ont  fait  pas  moins  de 
ôO  voyages  à  la  baie  d'H.  et  en  ait  rapporté  des  cargaisons 
d'une  valeur  d'au  moins  $1,371,000,  c-à-d.  en  moyenne  de 
$27,240.00  par  voyage  et  par  vaisseau  pendant  les  onze  années 
antérieures  à  1871. 

)-a  valeur  totale  de  l'huile  seulement,  obtenue  et  exportée  de 
la  région  de  la  baie  d'H.,  par  la  Cie  de  ce  nom  et  les 
])êcheurs  des  Etats-Unis,  eu  1883  est  estimée  à  $150,000.00  et 
a  $!  500,000  durant  le  Cours  des  10  demi  êtes  annéss. 

D'après  le  rapport  de  1886  par  le  lient.  Gordon  le  nombre  de 
T)aleiniers  expédiés  de  la  Nouvelle  Angleterre  à  la  baie  d'H.  et 
au  Golfe  de  Cumberland  et  leur  cargaison  moyenne  de  1846  à 
1876  ont  été  comme  suit:  113  vaisseaux  ou  de  4  à  5  par 
année  pendant  25  ans  :  14.3  barils  de  spermacéti,  moyenne  par 
année  de  chaque  uavirt,  496  barils  d'huile  de  baleine,  7965 
livres  de  fanons  de  baleine.  La  cargaison  moyenne  évaluée 
aux  prix  actuels  serait  dit  Gordon  d'environ  $47,200.00. 

De  1846  à  1876,  16  de  ces  baleiniers  ont  péri.  Mais  si  l'on 
considère  que  leur  grandeur  moyenne  n'était  que  de  240  ton- 
neaux, on  verra  que  les  profits  réalisés  ont  été  très  grands. 

A  part  la  pêche  de  la  baleine,    ces   baleiniers  traitent,    sans 


permis,  avec  les  Esquimaux,  pour  les  peaux  de  bœufe-mus- 
qués  et  autres  fourrures,  en  concurence  avec  la  Cie  de  la  baie 
d'Hudson  qui  paye  les  droits  imposés  par  le  tarif  protecteur  du 


12  


Canada,  sur  tous  les  articles  qu'elle  importe  pour  le  commerce 
(ie  cette  région.  En  1885  les  droits  qu'elle  a  payés  aux  postes 
de  York  et  de  Moose  s'élevaient  à  $22,000,00. 


Un  autre  fait  qui  mérite  l'attention  du  Gouvt  du  Canada 
c'e^t  que  la  olonie  de  Terre-NiUVii  perçoit  des  droits  sur  les 
articles  consommé:^  au  fort  Ghimo  dans  la  baie  d'Ungava, 
détroit  d'H.,  ou  vendus  aux  indigènes  de  l'intérieur  du 
Labrador,  quoique  cette  région  se  trouve  sur  le  territoire  cana- 
dien, ceiui  de  Terre-Neuve  étant  borné  comme  suit  :  "En 
partie,  à  l'ouest  par  la  ligne  du  57  ®  .9'  de  longitude  ouest, 
courant  vrai  nord,  à  partir  de  Blanc  Sablon  sur  la  parallèle  de 
50  °  .25  de  latitude  N.,  sur  le  détroit  de  Belle-Ile,  comprenant 
Blanc  Sablon  et  les  Iles  de  Bois,  "Woody  Islands")  jusqu'à  la 
parallèle  de  52  '^  de  latitude  N.  et  de  la  le  long  de  la  côte  est 
du  Labrador  jusqu'au  Cap  Chudleiijh  qui  est  situé  sur  la  paral- 
lèle de  60  ®  37*  de  lat.  N.  et  sur  la  ligne  de  65  °  de  long.  O.  à 
l'emboucliure  du  dédroit  d'H. — Pour  les  limites  de  la  partie 
du  Labrador  sous  la  juridiction  du  Gouvt  de  Terreneuue,  voir 
l'annexe  du  'Journal  de  l'Ass.  Lég.  de  Terreneuve  1864 
page  614. 

Ceux  qui  désirent  avoir  une  idée  générale  et  exate  des 
autres  pêcheries  du  Canada  peuvent  consulter  la  brochure  très 
intéressante  et  instructive  de  L,  Z.  Joncas  M.  P.  pour  le  comté 
de  Gaspé,  et  publiée  par  le  ministère  de  l'Agriculture  en  1886, 
dans  la  quelle  il  démontre  que  le  Canada  possède  les  pêcheries 
les  plus  étendues  et  les  plus  riches  de  l'univers. 


Les  ressources  minérales  ainsi  que  ITiistoire  naturelle  de  la 
baie  et  du  détioit  d'Hudson  sont  traitées  par  le  Dr  Bell,  sous- 
directeur  de  l'exploration  géologique  du  Canada,  qui  remplit 
les  fonctions  de  médecin  et  de  géologue  pendant  chacune  des 
trois  expéditions.     Ses  rapports  sont  annexés  à  ceux  du  lïeut. 


—  13  — 

Gordoîi.  Suivant  ces  rap]X)rt3  le  gneiss  prédomine  sur  les 
côtes  du  détroit,  et  les  échantillons  de  roches  obtenus  sur  la 
côte  ouest  de  la  baie  indiquent  que  la  formation  huror.ienne 
couvre  une  grande  étendue  de  la  région  de  la  liaic  d'Hiidson  : 
c'est  dans  cette  formation  surtout  que  l'on  trouve  les  matériaux 
économiques. 

Dans  son  rapport  de  1888  h  Dr  Bell  donne  l'énnmératiou 
de  ces  minéraux  qu'il  doerit  ainsi  que  les  localités  où  ils  se 
trouvent  :  Fer,  argihî  ferrugineux,  cuivre,  plomb,  zinc,  molyb- 
dène, argent,  or,  gypse,  sel,  hématite  on  pierre  de  savon,  lignite, 
anthracite,  pétrole  et  asphalte,  mica,  graphite,  a^beste,  fer  chro- 
maté,  apatite,  pyrites  de  fer,  chaux  servant  au  ciment  hydrau- 
lique, pierres  de  construction,  sable  de  verrier,  argiles  réfrac- 
taires,  argiles  à  brique,  sable  à  mouler,  marne  coqnillère  pour 
les  engrais,  ochre,  tourbe,  dalles,  ardoises  à  toiture,  et  autres 
substances,  ainsi  que  des  pierres  ornementaires  et  des  minéraux 
d'un  intérêt  scientifique. 

Jugeant  d'après  les  recherches  faites  et  les  renseignements 
procurés  jusqu'à  1887.  M.  Bell  regarde  la  région  du  N.-O.  de 
la  l>aie  d'H.  comme  étant  celle  qui  promet  le  plus  de  richesse 
en  matériaux  économiques  que  l'on  puisse  exploiter  parmi  les 
territoires  inexplorés. 


Parmi  les  mammifères  terrestres,  les  principaux  sont  :  l'ours 
polaire-,  les  renards  blan<^  yris,  rouge  et  noir,  le  reime,  le  loup 
et  le  lièvre,  le  long  du  détroit  et  au  nord  de  la  baie.  Parmi 
les  oiseaux,  les  espèces  les  plus  abondantes,  sont  les  outaides, 
les  cygnes,  les  canards  et  le  ptarmigan  ou  perdrix  blanche. 

La  "faune"  et  la  "flore"  observées  par  F.  F.  Payne  assistant 
dans  le  corps  méti'orologique  du  Canada  et  alors  en  charge  du 
poste  d'observation  à  la  baie  Stupart,  sur  la  côte  N.-O.  de  la 
sonde  sont  décrites  dans  le  ra{)port  de  1886.  Dans  la  partie 
qui  regarde  la  "flore",  il  y  a  un  tableau  qui  indique  que  les 
boutons   des   plantes  se  forment  entre  le  20  <fife  mai  et  le  27  de 


—  14  — 

juin,  et  les  feuilles  dans  le  cours  de  juin  ;  les  fleurs  s'épanouis- 
:4ent  en  juillet,  les  graines  mûrissent  en  août  et  les  plantes 
dépérissent  à  partir  du  20  août  au  15  sept. 

D'après  les  renseignements  obtenus  on  trouve  l'épinette 
blanche  et  rouge,  le  sapin,  le  bouleau,  le  tre'uble  et  le  peuplier 
dans  l'intérieur  de  la  région  du  Labrador,  vers  le  nord,  mais  à 
quelque  distance  de  la  côte  de  l'Atlantique  et  du  détroit  d'H., 
excepté  le  long  des  rivières  et  des  ruisseaux  où  croissent  ordi- 
nairement l'épinette  rouge  et  blanche.  Sur  le  côté  O.  de  la 
baie  d'H,,  on  voit  de  l'épinette  tout  le  long  de  la  côte,  en 
grandes  quantités. 


Sur  la  côte  du  Labrador,  le  long  de  l'Atlantique,  les  indigè- 
nes se  groupent  d'ordinaire  autour  des  Missions  Moraves  dont 
la  principale  est  à  Nain,  où  il  sont  au  nombre  d'environ  200  ; 
cette  mission  est  située  à  410  milles  au  X,  de  Belle-Ile  et  à 
o50  au  S.  du  Cap  Chudleigh  à  l'embouchure  E.  du  détroit 
d'H.  Dans  le  reste  du  Labrador  sous  la  juridiction  de  Terre- 
neuve,  il  y  en  a  400,  ou  un  peu  plus,  suivant  le  recensement 
de  1884.  Le  nombre  total  des  habitants  alors  était  de  4,2.12 
dont  607  Esquimaux. 

Le  long  du  détroit  d'H.  on  estime  que  le  nombre  des  Esqui- 
maux n'excède  pas  1500. 

Les  hommes  ont  ordinairement  une  hauteur  de  5  2  à  5  8 

>    )>       »  >» 
et  les  femmes  de  4  10  à  5  1^.     Leurs  familles  comptent  ordi- 
nairement  2  enfants.     Leurs  principales  maladies  sont  celles 
des  poumons. 

Suivant  le  recensement  ecclésiastique  de  1881,  la  population 
des  divers  postes  de  traite  et  de  pêche  le  long  de  la  côt'^  nord 
du  golfe  St-Laurent,  de  Tadoussac  à  Blanc  Sablon,  distance 
d'environ  676  milles,  était  de  8,457  personnes  dont  3,500 
entre  Tadoussac^t  Betshiamitz  sur  les  premiers  77  milles.  La 
population  sur  le  reste  du  parcours  en  y   comprenant  celle  de 


—  15  — 
Betbhiamitz  était  de  4957,  dont  1228  sauvages. 


Suivant  le  relèvement  du  lieut.  Gordon  de  1886  le  havre 
Churchill  de  1000  x  1500  verges  d'étendue  avec  une  profon- 
deur de  plus  de  4  brasses  à  marée  bisse,  est  éminemment  sûr. 
Sa  situation  pour  un  terminus  de  chemin  de  fer  est  admirable. 
Les  quais  pourraient  être  construits  et  le  bassin  d'eau  profonde 
agrandi  à  peu  de  frais.  On  pourra  se  procurer  toute  la  pierre 
requise  pour  le  lestage  des  quais  et  des  jetées,  sur  la  grève.  La 
nature  semble  avoir  déjà  fourni  ce  qui  est  le  plus  essentiel 
pour  établir,  en  cet  endroit,  un  port  de  commerce  sur  une 
vaste  échelle.  La  glace  se  forme  dans  le  havre  vers  le  milieu 
de  novembre  et  se  débâcle  vers  le  milieu  de  juin.  Les  marées 
y  sont  de  8  à  15|  pieds. 

Gordon  dit  que  le  port  Nelson  est  des  plus  difficiles  et  dan- 
gereux et  que  quelque  somme  qu'on  y  dépense  on  ne  réussira 
pas  à  y  mettre  les  vaisseaux  en  sûreté  ;  d'ailleurs  la  brume  y 
prédomine  en  juillet  et  août. 


La  factorerie  de  York,  sur  la  langue  de  terre  entre  les 
rivières  Nelson  et  Hayes,  toujours  du  côté  ouest  de  la  B.  d'H. 
Depuis  plus  de  2  siècles  de  2  à  5  voiliers,  en  moyenne,  fré- 
quemment escortés  par  des  vais'^eaux  de  guerre,  sont  partis 
d'Europe  et  d'Amérique  à  destination  de  Fort  Nelson  ou 
autres  parties  de  la  baie  d'Hudson  et  sont  revenus  pendant  la* 
même  saison,  avec  des  cargaisons  par  la  seule  voie  praticable 
du  détroit  d'H. 

Le  port  York  se  trouve  à  l'embouchure  d'an  fleuve  qui 
décharge  un  volume  d'eau  double  de  ceux  des  bras  N.  et  S. 
réunis  de  la  Saskatchewan  et  qui  se  jette  dans  la  mer,  par  une 
dépression  étroite  des  Laurentidv^'s  dont  la  chute  est  de  quel- 
ques 700  pds,  sur  un  parcours  d'un  peu  plus  de  400  milles,    h 


—  i6_ 

partir  du  point  où  il  débouche  du  lac  Winnipeg,  Il  est  presque 
à  la  même  distance  que  l'est  Québec  de  Toronto,  de  la  lisière 
d'une  vaste  légion  fertile,  au  nord-ouest  dont  la  superficie  dé- 
passe 200  millions  d'acres.  Les  dates  de  l'ouverture  de  la  navi- 
gation sur  la  rivière  Hayes  varient  du  9  mai  au  ler  juin  et 
celles  de  la  clôture  du  3  novembre  au  9  d  'c. 


^.  s  chemins  de  fer  à  la  baie  d'Hudson  :  Chemin  de  fer  sub- 
ventionné :  de  Winnipeg  à  un  point  situé  au  Port  Nelson,  ou 
dans  les  environs  sur  la  baie  d'Hudson,  d'une  longueur  totale  de 
650  mille — subvention  en  terres  6,880,000  acres,  voir  acte  du 
49  Vict,  Chap.  7o,  1886  et  aussi  l'ordre  en  conseil  du  11  mai 
1885.     Le  chemin  de  fer  devait  être  complété  avant  le  11  mai 

1890.  ;■;;  v:^^^:  ;:>:*>*- 

Chemin  de  fer  projeté  du  lac  Nipissingue  à  la  baie  d'Hudson  : 
1ère  Sfctiou  Xorth  Bay  près  de  i'extréuiité  est  du  lac  Nijùssin- 
gue,  20  milles  à  l'ouest  de  la  station  de  Callonder  sur  le  C.  P. 
R  ,  au  lac  Témiscamingue  81  milles — 2ème  section  du  lac 
Témiscamingue  au  lac  Abittibi  9-1  milles — oème  section  lac 
Abittibi  à  Moose  Factory,  baie  d'Hudson  175  milles — total  de 
;{50  milles.  Une  compagnie  pour  la  construction  de  ce  che- 
min de  fer  a  été  incorporée  eu  1884  par  l'acte  47  Vict ,  chap. 
30 — Cet  acte  a  été  amendé  par  l'acte  40  Vict,  chap.  77.  1886 
accordant  un  délai  pour  l'époque  de  l'achèvement.  Les  tra- 
vaux devaient  être  commencés  le  2  juin  1888,  la  première 
section  achevée  en  1890,  la  2ème  en  1892  et  la  3ème  en  1894, 
Le  lac  St-Jean  est  à  350  milles  ou  à  la  même  distance  du 
}»oste  de  la  baie  d'IL  près  de  l'embouchure  de  la  rivière  Ru- 
pert  sur  la  baie  d'H.,  à  l'est  et  au  sud  de  la  baie  James  que  le 
lac  Témiscamingue  se  trouve  à  partir  de  "Moose  Factory"  qui 
est  situé  sur  le  côté  Ouest  près  de  l'extrémité  de  la  même  baie. 
Une  ligne  droite  entre  le  lac  St-Jean  et  la  baie  d'Hudson 
passerait  à  environ  60  milles  au  sud-ouest  du  grand  lac  Mis- 
îassini  qui  se  décharge  dans  la  rivière  Rupert  dont  le   volume 


—  17  — 

fst  aussi  grand  si   non   plus  grand    que   celui  de  la   rivière 
■Saguenay. 


Nous  venons  de  voir  à  grands  traits,  l'étendue  de  la  baie 
d'Hudson,  ses  ressources,  son  climat,  la  difficulté  d'y  parvenir 
par  eau  par  le  détroit  de  même  nom,  les  projets  déjà  en  voie 
de  réalisation  de  deux  chemins  de  fer  pour  y  arriver  :  l'un  de 
f>50  milles  de  Winnipeg  au  Port  Nelson,  l'autre  de  350  milles 
i)artaiit  de  North  Bay  sur  la  rivière  Ottawa  au  nord  du  lac 
Nipissingue  pour  se  rendre  an  lac  Témiscamingue,  de  là  au  lac 
Abittibi  et  de  la  à  Moo^e  Factory  sur  la  baie  James  à  l'extré- 
mité sud  de  la  baie  d'Hudson,  —  ces  deux  chemins  sont  déjà 
depuis  plusieurs  années  indiqués  sur  la  carte  du  Canada  —  et 
'Québec  le  plus  intéressé  de  tous  à  la  confection  d'un  chemin 
])0ur  s'y  rendre  n'a  encore  rien  fait  ;  sauf  il  est  vrai  que  le 
chemin  qui  relie  maintenant  Québec  au  lac  St-Jeau  est  bien 
dans  la  direction  voulue. 

La  distance  en  ligne  droite  est  de'350  milles,  avons-nous  dit, 
et  quoique  le  lac  Mistassini  s'éloigne  de  20  lieues  de  cette  der- 
nière., la  voie  par  Mistassini  et  la  rivière  Rupert  ne  sera  guère 
que  de  30  milles  de  plus  ou  de  quelques  383  milles  en  tout,  et 
il  serait  prob  blement  avantageux  d'adopter  ce  dernier  trajet 
])Our  profiter  chemin  faisant  des  ressources  économiques  du 
Mistassini  qui  est  un  lac  de  100  milles  d'étendue,  sinon  davan- 
tage, et  de  celles  des  eaux  de  la  rivière  liupert  qui  relie  le  lac 
;i  la  baie  James  et  que  l'on  dit  être  très  poissonneuse. 

On  a  déjà  prêté  à  M.  Beeraer  notre  vaillant  entrepreneur  de 
chemins  de  fer  et  qui  vient  de  mènera  bonne  fin  celui  du  lac 
►St-Jean,  celui  de  C'harlevoix  et  va  compléter  bientôt  celui 
du  lac  St-Jeau  à  Chicoutimi,  le  projet  de  mettre  à  l'étude  ce 
ihemin  de  la  baie  James.  Venons  lui  en  aide,  si  c'est  le  cas, 
et  que  la  Province  de  Québec  plus  intéressée  en  ce  sens  que  ne 
peut  l'être  le  Gouvt.  Fédéral  qui  sans  doute  nous  fera  néces- 
sairement un  octroi,  comme  il  en  a  fait  aux  chemins  déjà  men- 


—  i8  — 

tionnés  de  Winnipeg  et  du  lac  Népissingue  ;  que  le  Gouvt.  de 
Québec,  dis-je,  mettre  la  main  à  la  roue  dans  les  intérêts  non- 
seulement  de  Québec  mais  de  la  province  tout  entière  à  la 
quelle  les  moj'ens  coi-nnencent  à  manquer  de  pourvoir  à  ses 
besoins,  de  trouver  un  débouché  pour  ses  produits,  de  l'ouvrage 
pour  les  désœuvrés. 


Allons-nous  donc  plus  longtemps  nous  laisser  manger 
l'herbe  sous  les  pieds  par  les  habitants  des  Etats-Unis  qui  nou^ 
passent  devant  pour  exploiter  les  ressouces  d'une  mer  inté- 
rieure située  sur  le  sol  même  du  Canada  et  qui  est  pour  le 
moins  autant  du  ressort  de  la  Province  de  Québec  que  de  celle 
d'Ontario  puisque  la  ligne  de  division  entre  les  deux  provin- 
ces bifurque  la  baie,  et  dont  l'exploitation  devrait  être  acquise 
plutôt  à  Québec  qu'à  Ontario  qui  est  de  beaucoup  plus  riche 
que  Québec  sous  tous  les  rapports  et  n'a  pas  besoin  de  cette 
source  additionnelle  de  profits  pendant  que  Québec  en  a  le 
plus  grand  b^soin. 

Le  premier  pas  à  faire  serait  pour  le  Gouvernement  Local 
par  l'intermédiaire  du  Fédéral  de  mettre  fin  de  suite  à  l'exfMoi- 
tation  des  [lêcberies  et  autres  ressources  de  la  Baie  d'Hudson 
par  nos  voisins  les  Américains  qui  ne  payent  pas  et  n'ont 
jamais  payé  un  seul  sou  au  Canada  depuis  près  de  50  ans 
qu'ils  naviguent,  sans  aucun  droit,  dans  nos  eaux. 

Qu'on  se  rappelle  qu'il  y  a  quelques  années  la  pêche  à  ht 
baleine  était  une  industrie  importante  dans  le  golfe  St- Laurent 
où  pas  moins  de  dix  vaisseaux  y  étaient  engagés,  mais  que 
après  que  droit  fut  acquis  aux  Américains  de  pêcher  dans  ces 
eaux,  ils  ont  eu  très  peu  de  temps  complètement  détruit  cette 
pêche  en  chassant  du  golfe  le  poisson  par  les  moyens  mêmes 
employés  par  eux  pour  le  capturer  ;  bombes  explosibles  et 
autres  méthodes  inavouables. 

Le  lient  Gordon  dit  :  "Malgré  que  cette  industrie  (la  pêche 
de  la  baleine  dans  la  baie  d'Hudson  j  est  «ncore  comparative- 


—  19  — 

ment  peu  importante,  je  suis  persuadé,  que  vu  les  profits  con- 
sidérables qu'ont  réalisés  ceux  qui  y  sont  engagés,  les  facilités 
pour  sont  extension,  et  l'attention  toujours  croissante  que  l'on 
comtiience  maintenant  à  douter  aux  ressources  de  la  région  de 
la  baie  d'Hudson,  il  n'y  a  ?..icun  doute  qu'un  plus  grand  nom- 
bre de  vaisseaux  y  sera  attiré  avant  peu.  Je  suis  certain, 
continue-til,  qu'il  y  a  dans  ces  eaux  des  baleines  en  t'es 
grand  nombre,  par  le  fait  qu'on  les  a  constamment  rencon- 
trées pendant  les  courses  du  Neptune  dans  la  baie,  et  parceque 
autant  que  je  puis  le  savoir,  jamais  un  de  ceux  engagés  dans  la 
capture  n'a  eu  à  s'en  retourner  sans  avoir  une  bonne  cargaison, 
La  barque  "George  et  Marie"  Capt.  Fisher,  du  Cunnecticut. 
hiverna  à  l'Ile  de  Marbre  durant  la  dernière  saison,  sortit  de  la 
glace  le  7  juin  dernier  et  réussit  à  prendre  trois  baleines  dans 
la  baie  d'Hudsou  même  avant  de  se  rendre  au  "Welcome"  ;  et 
si  l'on  considère  que  o  à  6  de  ces  mammifères  compléteraient  sa 
cargaison,  il  est  facile  de  voir  que  cette  pêche  est  loin  d'être  sur 
le  déclin.  Pour  la  Cie  de  la  B,  d'H.  c'est  la  pêche  au  mar- 
souin qui  est  la  plus  étendue.  Le  lard  (blubberj  de  ces  mam- 
mifères pèse  de  250  à  400  Ibs  et  produit  eu  abondance  la  plus 
belle  huile. 


Gordon  remarque  encore  et  recommande  que  dans  tout 
traité  de  réciprocité  qu'on  pourrait  fair^  avec  les  Etats-Unis, 
une  allouance  devait  être  faite  pour  la  grande  valeur  des  pê- 
cheries de  la  Baie  d'Hudson. 

Si,  dit-il,  l'on  doit  permettre  aux  baleiniers  américains  de 
continuer  à  pécher  dans  ces  eaux,  des  arrangements  devraient 
être  faits  par  lesquels  le  Canada  recevrait  un  équivalent  subs- 
tantiel pour  le  prévilège.  Je  suggérerais,  continue-t  il,  qu'à 
moins  d'une  large  compensation  pour  le  privilège,  le  Gouvt. 
Canadien  devrait  réserver  le  droit  de  décréter  et  mettre  en  vi- 
gueur des  règlements  capables  d'empêcher  la  destruction  de  ces 
précieux  mammifères  et  leur  disparition  de  nos  eaux  arctiques. 


—    20 


Voici  ce  que  dit  l'Hble.  M.  Nantel  ministre  des  Tr.-?.  de  la 
Pr.  de  Q.  dans  son  rapport  pour  1892.    Voir  page  V,  du  dit  E. 

Le  chemin  de  fer  Montrerai  et  Occidental  sera  construit  l'an 
prochain  jusqu'à  la  chute  aux  Iroquois,  c-à-d.  jusqu'au  centre 
des  diverses  paroisses  nouvelles  fondées  par  le  ct.ré  Labelle. 
La  compagnie  se  propose  de  pousser  ses  travaux  jusqu'au  lac 
N'oniiningue  et  de  la  jusqu'au  lac  Témiscamingue,  oîi  elle  ferait 
jonction  avec  le  chemin  de  fer  de  colonisation  du  lac  Témisca- 
mingue, dont  les  travaux  seront  terminé  l'an  prochain,  d'après 
l'information  que  le  département  en  a  reçue  des  autorités  du 
Pacifique  Canadien.  Si  ce  projet  se  réalise,  le  côté  Nord  de  la 
vallée  de  l'Outaouais  sera  traversé  par  une  voie  ferrée  dans  sa 
partie  la  plus  riche,  si  on  l'étudié  sous  le  triple  rapport  des 
raines,  des  forêts  et  de  l'agriculture. 


11  y  a  à  dire  quelques  mots,  maintenant,  de  la  baie  James 
plus  spécialement  dont  ne  parle  point  le  lieu.  Gordon,  les  étu- 
des de  ce  dernier  se  rapportant  surtout  au  détroit  d'Huilson  et 
à  la  possibilité  d'écouler  par  cette  voie  d'eau  les  ressources  de 
la  baie  d'Hudson.  Cette  information  nous  est  acquise  dans  le 
rapport  de  M.  l'arpenteur  Ogilvie  du  20  janvier  1891,  à  l'Iible 
Ministre  de  l'Intérieur  à  Ottawa,  par  le  quel  M.  Ogilvie  avait 
été  chargé  d'explorer  la  route  par  les  lacs  Témiscamingue  et 
Abittibi  et  par  la  rivière  Abittibi. 

M.  Ogilvie  après  quelques  pages  de  son  rapport  données  aux 
observations  astronomiques  nécessaires  pour  établir  les  latitude* 
et  longitudes  des  points  importants  du  parcours,  fait  le  récit  de 
son  voyage  à  partir  Matawan  sur  la  rivière  Ottawa  jusqu'au 
lac  Témiscamingue  partie  par  eau  et  partie  par  cheuiin  de  fer 
de  la  Cie  de  Colonisation  du  lac  de  ce  nom  ;  c-à-d.  que  les  por- 
tages sur  ce  parcours  Je  35  milles  sont  remplacés  par  de.s 
sections  de  voie  ferrée  dont  la  première,  à  4  milles  de  Mata- 
wan, est  de  I  mille  de  long  :  le  second,  à  environ  8|  milles  de 
Matawan,  aussi  par  unt  section  de  chemin   de  fer   d'un    demi 


21 


mille  de  longueur  ;  le  troisième,  à  environ  12  milles  de  Matii- 
wan,  d'une  longueur  d'un  quart  de  mille.  La  dernière  section 
de  'oie  f-rrëe  de  six  milles  de  parcours  se  trouve  entre  la  tête 
du  lac  "sept  ligues"  qui  n'est  qu'une  expansion  de  la  rivière 
Ottawa  et  le  pied  du  lac  Témiscaniitigue,  sur  le  quel  lac  il  y  a 
déjà,  paraît  il,  une  demi  douzaine  de  bateaux  à  vapeur. 

M.  Ogilvie  nous  conduit  ensuite  de  lac  en  lac,  de  portage  eu 
portage,  de  rivière  en  rivière  jus.ju'au  lac  Abittibi,  puis  par  la 
lac  Abittibi  et  la  rivière  de  ce  nom  jusqu'à  Moose  Kiver 
(rivière  au  caribou)  et  enfin  à  la  baie  James,  avec  récit  cir- 
constancié des  distances,  des  rapides,  des  chûtes,  des  ressources 
économiques  du  parcours  :  minéraux,  faune,  flore  et  poisson. 


La  Baie  James  qui  fait  partie,  la  partie  la  plus  au  sud,  la 
plus  voisine  de  nous,  de  la  B.  d'Hudson,  mesure  160  railles  de 
largeur  d'E.  à  O.  sur  une  profondeur  de  260  milles  du  sud  au 
nord  où  l'on  tombe  dans  la  B.  d'H.  proprement  dite.  Elle  est 
donc  d'une  superficie  de  plus  de  40,000  milles  carrés  ou  de 
2660  fois  aussi  grande  que  le  havre  de  Québec.  Il  y  a  dans 
cette  baie  quelques  iles  dout  la  plus  grande  Agooniska  mesure 
près  de  70  milles  de  longueur.  La  distance  de  Moose  Factory, 
où  doit  aboutir  le  chemin  de  fer  de  Matawa,  Témiscamingue  et 
Abittibi  est  à  120  de  llupert  house  où  la  Cie  a  encore  uir 
poste  comme  elle  en  a  un  à  Eastmaiu  à  60  milles  plus  au  nord 
sur  le  côté  est  de  la  Baie.  J.  Kupert  house  est  située  sur  la 
rivière  Rupert,  décharge  du  lac  Mistassini  et  c'e^t  de  là  que  se 
distribuent  tous  les  agrès  nécessaires  aux  autres  postes  de  la 
Cie.  autour  de  la  baie  James. 

Entre  les  postes  Mccse  et  Rupert  et  jusqu'à  Ea=tmain. 
le  littoral  de  la  baie  est  plus  élevé  et  presque  à  un  même  ni- 
veau, le  sol  êableux  pins  ou  moins  et  le  bois  d^^  moyenne  fu- 
taie excepté  dans  le  voisinage  des  rivières  où  il  devient  de 
plus  grande  taille.  Une  des  rares  côtcjs  autour  de  la   bai'^  dite 


4 


—   22  — 


Slicnicks  jVlount  s'élève  à  la  hauteur  de  GflO  pieds,  c'est  la 
j)lus  ôlevée  des  enviions  ;  plus  à  l'intérieur  il  y  en  a  d'autres 
mais  de  moindre  altitude. 

Aux  postes  Moose  et  Kupert  dit  Ogilvie  comme  aux  autres 
}K(.stes  qtie  J'ai  visités,  la  Oie  a  des  jardins  où  elle  récolte  tonUs 
les  patates  dont  elle  à  besoin.  D'autre^  légumes  y  sont  cultivés 
en  (juantités  assez  considérables,  mais  les  melons,  tomates, 
concombres  n'y  mûrissent  point,  la  saison  des  chaleurs  n'y 
étant  pas  assez  longue,  et  d'ailleurs  à  QuébL'C  même  il  y  a  des 
annt'es  où  les  tomates  et  le  tabac  ne  peuvent  le  faire  non  plus, 
lorsque  les  gelées  d'automne  nous  arrivent  trop  tôt. 

Le  raisin  de  Corinthe  (  eu;  'ants,  vulgairement  appelé  gadel- 
les  dans  nos  campagnes  )  rouge  et  noir  y  réussit  aux  deux 
endroits  et  est  bon  de  grosseur  et  de  qualité  ;  et  l'on  trouve 
les  fraises  et  framboises  sauvages  et  groseilles  tout  le  long  de 
la  côte  et  jusqu'à  East  Main  si  non  plus  loin.  Mais  ces  fruits 
y  mûrissent  plus  tard  qu'à  Ontario,  ou  vers  la  fin  d'août,  les 
'^'roseilles  une  semaine  ou  deux  plus  tard.  Les  bluets  se  trou- 
vent en  quantité  tout  le  long  de  la  côte  et  comme  l'on  sait 
c'est  un  fruit  précieux,  nourissant  et  qui  se  conserve  bien  et 
fort  longtemps  à  une  assez  basse  température. 

A  tous  les  postes  autour  de  la  baie  se  trouvent  des  bêtes  à 
cornes  en  nombre  considérable,  de  forte  stature  et  d'une  ap- 
parence qui  ne  le  cède  en  rien  aux  animaux  d'ici.  A  East 
Main  on  fait  l'élevage  des  bestiaux  et  moutons  pour  de  là  les 
distribuer  aux  autres  postes  autour  de  la  baie,  soit  comme 
bœuf  et  moutoa  ou  comme  vaches  laitières.  Ces  dernières 
n'ont  pour  pâturage  qu'une  herbe  grossière,  un  foin  que  l'on 
récolte  sur  des  bas  fonds  submergés  à  haute  marée.  Le  foin 
se  coupe  entre  marées,  on  le  charge  à  bord  de  chaloupes  qui 
tiennent  de  5  à  6  tonnes  chacune  pour  le  transporter  à  desti- 
nation où  on  le  met  en  meule  après  l'avoir  faitsécher  au  soleil 
comme  on  le  fait  ici.  Les  praiiies  de  Kupert  House  sont  a 
quelques  4  milles  du  poste  ;  on  y  emmagasine  le  foin  sur  des 
planchers  érigés  à  une  hauteur  convenable  pour  que  la  marée 
haute  ne  les  atteigne  point  et  il  y  a  autour  de  la  baie  de  nom- 


—  23  — 

itreiises  prairies  <iue   l'on   peut  utiliser  de  la  raêir.e    manière. 

Lefi  ressources  forestières  de  la  baie  James  ne  sout  point  de 
nature  à  prêter  à  un  commerce  bien  lucratif.  Le  bois  y  est 
d'ordinaire  de  petit  diamètre  .sauf  sur  les  rivières  où  il  y  a  des 
l'pinettes  d'une  quinzaine  de  pouces  de  diamètre,  du  pin,  du 
sapin,  du  bouleau  ;  mais  pour  tous  les  besoins  de  constructions 
ordinaires  :  maisons,  granges,  etc.,  il  y  a  en  ciuantité  les  gros- 
seurs requises  et  les  sites  à  moulins  pour  le  scier  ne  manquent 
point  sur  ies  rivières  qui  se  déchargent  dp.ns  la  baie.  Il  ne 
manque  point  non  plus  de  bois  de  chaufiage  pour  de  longues 
unnées  à  venir. 

11  ne  parait  point  y  avoir  dans  le  voisinage  du  poste  liupert 
iiutre  chost  d'une  valeur  économique  qu'un  granit  louge-gi'is 
do  très  belle  qualité  qui  s'y  trouve  en  lits  massifs  offrant  toute 
la  pierre  à  bâtir  qui  puisse  y  être  requise  >.i  dont  on  peut 
extraire  des  blocs  de  toutes  dimensions  voulues.  Ce  rocher  est 
c  <nnu  sous  le  nom  de  "  lied  Rock  "  et  se  trouve  à  l'est  de  la 
baie  h  mi  chemin  entre  les  postes  Rupert  et  East  Main,  On 
dit  ce  granit  très  beau  et  approprié  à  faire  des  monunjcnts  et  à 
•les  fins  d'ornementation. 

On  pourrait  dire  que  les  seules  ressources  du  district  autour 
de  la  baie  consistent  en  ses  pelleteries  de  ciistor,  marte,  loutre, 
renard,  vison,  lynx,  ours  noir,  loup  et  ours  blanc.  Le  menu 
fretin  ou  petit  poisson  de  la  baie  consiste  en  petit  poisson 
Itlanc,  truite,  brochet,  etc.  Le  gros  poisson  est  le  marsouin  blanc 
ilont  l'éclat  fait  superbe  contraste  avec  les  eaux  noires  de  la 
baie,  et  comme  il  a  de  12  à  18  pieds  et  plus  de  longueur  on  le 
voit  très  loin  quand  il  vient  à  la  surface  pour  souffler. 

En  fin  de  compte  il  ne  parait  point  que  les  pêcheries  de  la 
baie  James  puissent  à  elles  seules  motiver  de  grands  frais  pour 
les  exploiter  ;  mais  il  eu  est  autrement  de  celles  de  la  baie 
d'Hudson  proprement  dite  comme  je  l'ai  déjà  fait  vr ir,  et  si 
c'est  le  cas,  leur  écoulement  par  chemin  de  fer,  voie  de  terre 
jusqu'à  Québec  et  de  là  chez  nous  et  à  l'étranger  serait  évidem- 
ment plus  prompt,  plus  f-icile,  plus  expéditif  et  par  conséquent 
plus  lucratif  que  far  la  voie  d'eau  du  détroit  d'Hudson,  puisque 


—  24  — 

un  baleinier  ne  peut  faire  son  voyage,  sa  pêche,  sa  cargaison 
qu'une  fois  tous  les  deux  ans,  tandisque  par  la  route  jtrojetét' 
du  lac  St-Jean,  Mistassini  et  Rupert,  clia<iiie  vaisseau  engagé 
dans  la  pêche  des  cétacés  ferait  au  moins  deux  cargaisons  par 
saison,  peut  être  trois,  quiutuplant  ainsi  du  coup  les  profits  de 
l'entreprise. 

Les  vaisseaux  requis,  construits  ici  comme  par  le  passé,  se 
rendraient  avec  leurs  équipages  à  la  b.iie  d'Hudson  par  le 
détroit  de  même  nom  ;  mais  au  lieu  d'avoir  à  en  risquer  tous 
les  ans  les  périls  pour  y  aller  et  en  revenir,  mouilleraient  ou  se 
mettraient  en  hivernement  dans  la  baie  James,  où  leurs  équi- 
pages se  bâtiraient,  logeraient  leurs  familles  qui,  avec  les  bes- 
tiaux, porcs,  vaches  et  moutons  qu'elles  y  élèveraient,  les  patates 
et  autres  légumes,  fruits,  etc.  qu'elles  y  cultiveraient  et  l'abon- 
dance de  gibier,  canards  et  oies  sauvages  qu'elles  y  tueraient  au 
printemps  et  mettraient  en  salaison,  y  passeraient  utilement 
et  agréablement  leur  temps. 

Pêche  à  la  baleine 

L'Angleterre  de  1860  k  1886,  période  dti  27  ans  et  raalun- 
le  petit  nombre  de  vaisseaux  engagés  dans  cette  industrie  a 
fait  £1,634,624  stg.=  $8,173,120.00  ou  une  moyenne  de 
$302,710.00  par  année.  Le  nombre  de  baleines  prises  sur  les 
côtes  du  Greenland  n'a  été  que  de  8  par  année  en  moyenne 
mais  de  82  dans  le  détroit  de  Davis,  total  de  2478  baleines  en 
27  ans,  valeur  moyenne  de  $3,330.00  par  baleine. 

Le  baleinier  anglais  est  d'orninaire  de  400  à  500  tonneaux. 
Ou  le  blinde  à  l'extérieur  à  la  ligne  de  flottaison,  et  pour  pré- 
venir les  effets  tranchants  des  glaces,  d'une  armure  en  bois 
d'Australie  d'une  grande  dureté,  appelé  "  iron  bark  "  écorce  de 
fer. 

Sous  le  plancher  de  bas  de  la  cale  se  trouvent  placés  quel- 
ques 50  réservoirs  en  fer  pouvant  contenir  chacun  25  barils 
d'huile,  ensemble  de  200  à  250  tonnes. 

Chaque  baleinier  a  huit  chaloupes  et  de   ij^O   à   60  hommes 


—  25  — 

composent  l'équipage.  Ses  dépenses  mensuelles  en  mer  sont 
de  l500  ou  de  82,500  par  mois. 

Le  baleinier  coûte  au  complet  £17,500.00  ou  $87,500.00. 
Il  a  un  engin  auxiliaire  de  75  chevaux-vapeurs. 

La  chaloupe  baleinière  a  27  pieds  de  longueur,  6  de  large. 
2|  de  profondeur.  Chaque  chaloupe  à  de  600  à  800  brasses 
de  cordes  de  |  de  pouce  de  grosseur  ou  diamètre  ou  de  2f  de 
cire.  Sur  le  devant  de  la  chaloupe  est  un  petit  pont  ou  ponceau 
où  est  installé  un  canon  poui  seivir  à  lancer  au  besoin  le 
harpon.  Cet  instrument  est  monté  sur  un  pivot  pour  pouvoir 
se  diriger  dans  un  sens  quelcoiique. 


Lorsque  du  "  nid  de  la  corneille  "  le  "  crow's  nest  "  ainsi 
appelé  et  (|ui  n'est  autre  chose  qu'un  baril  qu'on  attache  au 
haut  d'un  mat,  on  aperçoit  une  baleine,  une  des  chaloupes  part 
de  suite  à  sa  poursuite  en  ayant  soin  de  ne  pas  se  hasarder 
dans  le  rayon  visuel  de  la  baleine.  A  25  pieds  si  c'est  à  la 
main,  à  75  pieds  si  c'est  au  canon,  on  lui  décoche  le  harpon 
qui  lui  pénètre  les  flmcs,  et  birbelé  qu'il  est  comme  une  Hèche, 
ne  peut  ensuite  s'en  détacher.  A  la  tige  du  harpon  qui  est  en 
fer  de  I  pouce  et  de  quelques  6  pieds  de  longueur  est  attaché 
avant  de  h;  décocher  l'extrémité  libre  de  la  corde  enroulée,  à 
l't  fiet  voulu,  sur  un  fuseau  pour  en  permettre  le  débit  à  de- 
mande. 

La  baleine  dès  qu'elle  se  sent  atteinte,  part  comme  une 
flèche,  elle  se  dirige  en  descendant  vers  le  fond  de  la  mer  où, 
si  le  fond  n'est  éloigné  que  de  400  à  500  brasses,  elle  va  assez 
souvent,  avec  sa  vitesse  acquise,  se  heurter,  se  briser  la  mâ- 
choire. Au  bout  de  30  à  40  minutes,  force  lui  est  de  revenir 
à  la  surface  pour  respirer  ou  souffler  comme  on  dit. 

Dans  l'intervalle  d'autres  chaloupes  se  sont  mises  de  la 
partie  et  lorsqu'elle  reparait  à  la  surface  lui  lancent  des 
harpons  Elle  part  une  seconde  fois,  mais  avec  moins  de 
vitesse,  elle  a  perdu  de  son  sang,  elle  s'aftaiblit,  elle   s'éloigne 


—  26  — 

moins  et  revenant  une  troisième  fois  à  la  surface,  son  mouve- 
ment plus  lent  permet  aux  chaloupes  de  s'en  approcher  de 
plus  près  et  de  lui  viser  les  poumons,  la  région,  du  cœur. 

Alors  on  la  tue,  on  l'amène  le  long  du  flanc  du  vaisseau  ; 
on  l'y  attache  en  lui  passant  plusieurs  cordes  qui  du  pont  du 
vaisseau  lui  font  le  tour  du  corps  et  remontent  aux  bastingages 
pour  y  passer  dans  des  rias   qui  en  permettent  la  manœuvre. 

On  se  met  ensuite  à  dépecer  le  monstre  qui  de  50  à  60  pieds 
de  longueur  qu'il  atteint,  a  les  flancs  garnis  d'un  à  deux  pieds 
d'épaisseur  de  lard  qu'on  lui  enlève  par  bardons  chacun  de 
1000  à  2000  livres,  pour  les  haler  sur  le  pont,  les  réduire  en 
morceaux  d'un  pied  à  peu  près,  les  consigner  aux  réservoirs  de 
la  cale  du  vaisseau  dont  on  a  déjà  parlé.  A  mesure  qu'on 
fait  à  la  mamraale  une  rainure  le  long  du  corps,  sorte  de  fossé 
ou  d'excavation  longitudinale,  on  la  tourne  peu  à  peu  sur  elle 
même  au  moyen  des  cordes  que  je  vous  ai  dites,  on  lui  enlève 
de  nouveaux  filets  ou  bardons  de  lard  et  justiu'à  ce  qu'enfin 
on  i'f  n  ait  complètement  dépouillée.  Puis  viennent  les  fanons 
dont  il  y  a  autant  de  quintaux  que  de  to.nneaux  pesant  d'huile, 
et  dont  la  valeur  e.st  au  moins  égale  à  celle  de  l'huile,  quelque 
fois  beaucoup  davantage. 

C'est  une  pèche  quelque  fois  dangereuse  et  toujours  émou- 
vante que  celle  de  la  baleine  :  la  pèche  du  saumon  en  donne 
une  idée  en  miniature  puisque  comme  la  baleine,  le  saumon  du 
moment  qu'il  se  sent  pincé,  s'élance,  revient,  repart  et  que  ce 
n'est  qu'au  bout  d'une  demi-heure  qu'il  s'est  assez  affaibli  pour 
pour  que  l'on  puisse  et  souvent  avec  peine,  avec  effort  le  cap- 
turer. Prendre  la  baleine  est  affaire  d'une  heure  à  une  heure 
et  demie  et  il  faut  être  sur  le  qui- vive  et  savoir  en  approcher  ; 
car,  plus  d'une  fois,  avec  la  force  qu'on  lui  connaît,  elle  a  mis 
en  pièces  d'un  coup  de  sa  queue  la  chaloupe  qui  la  pouisuivait, 
et  avec  perte  de  vies  ou  au  grand  risque  de  l'équipage.  Sa 
vitesse  est  énorme,  elle  atteint  dit  on  jusqu'à  50  milles  à 
l'heure,  deux  fois  celle  d'un  vapeur  océanique,  elle  tiendrait 
tête  à  une  locomotive  lancée  sur  la  voie  avec  un  mouvement 
de  progression  de  près  d'un  raille  à   la  minute  ;    aussi  faut-il 


—  27  — 

que  la  corde  attachée  au  harpon  puisse  se  dérouler  sans  encom- 
bre, puisque  le  moindre  arrêt,  le  moindre  obstacle  au  dévidage 
du  fuseau  ferait  casser  la  corde  et  perdre  la  baleine,  ou  entrai- 
ner  et  sombrer  la  chaloupe  et  ré(iuipage. 


Dans  les  27  ans  dont  je  vous  ai  parlé  ^  je   prends  ces 
chiffres  dans  la  dernière  édition  de  l'Encyclopédie   britannique 

—  l'huile  à  varié  £1.18  £2.10  ou  de  $5.25  à  $12.00  le  quintal 

—  5  à  11  cts  la  livre  ou  50  à  110  le  gallon.  Les  fanons  ont 
varié  de  £18  à  £110  ou  de  $90.00  à  $550.00  soit  de  80  cts  à 
$4.91  la  livre  et  sont  devenus  aujourd'hui  si  précieux  qu'on 
ne  s'en  sert  plus,  comme  par  le  passé  pour  les  parapluies  et  1  s 
corsets  où  on  les  reninlace  par  des  lames  d'acier,  réservant  la 
baleine  pour  le  polissage  de  la  soie  et  autres  fins. 

Vous  pouvez  voir  de  ces  fanons,  mâchoires  de  baleiue,  au 
musée  de  l'Université  Laval  où  elles  sont  de  taille  à  y  laisser 
passer  un  carosse,  voiture  à  deux  chevaux,  et  elles  atteignent 
quelquefois  les  dimensions  sinon  des  portes,  au  moins  des 
poternes  de  la  porte  St-Jean.  Ces  fanons,  lames  cornées  que 
la  baleine  a  dans  la  bouche  et  qui  lui  servent  à  retenir  les 
petits  poissons  dont  elle  se  nourrit,  se  composent  quelquefois 
de  plus  de  500  lames,  à  fibres  parallèles  dont  on  fait  un  très 
grand  usage  dans  le  commerce,  pour  la  manufacture  des 
bros>es,  des  balais,  etc. 

Lors  de  l'introduction  de  la  baleine  en  1708  on  la  payait 
£700  la  tonne  —  $8,500.00.  Durant  ce  siècle  le  prix  en  a 
varié  de  £350  à  £500  le  tonneau,  mais  au  19ème  siècle  elle  est 
descendue  à  £25.  l'ius  tard  ell'^  est  remontée  à  £200  et  £300 
mais  avec  la  diminution  dans  la  pêche  du  cétacé  qui  la  fournit, 
on  paye  aujourd'hui  jusqu'à  £1,500  —  $7,500.00  la  tonne  et 
davantage  pour  la  baleine  du  Groenland. 

Il  y  a  trois  sortes  de  baleines  :  celle  que  l'on  obtient  du 
cétacé  de  même  nom  que  l'on  capture  sur  les  côtes  du  Groen- 
land, dite  baleine  franche,  balaena  mysticetus,  la  plus  estimée  ; 


—  2S  — 

celle  des  mers  du  Sud,  produit  de  la  baleine  noire,  bilaena  a'i.s- 
trali.s  ;  celle  enfin  de  la  baleine  du  Pacifi'i'ie,  l)alaeua  j  ij)onica 
(du  Japon  ).  Les  lames  des  fanons  pour  les  préparer  ]>our  le 
cornmeice  sont  bouillie.s  pendant  quehjues  12  heures  jusvjii'à  ce 
que  la  substance  soit  devenue  toit  à  fait  amollie  et  c'e-t  laiis 
cet  état  qu'on  la  sépare  en  tiges  ou  rubans  de  la  larg(Mir,  de 
l'épaisseur  voulues  et  même  eu  filons  ou  filaments  de  la  ténuité 
d'un  cheveu  suivit  les  usages  que  l'on  veut  en  faire. 


Le  chacalot  est  le  cétacé,  la  baleine,  qui  donne  l'hiile  dite 
sperraaceti.  On  le  chasse  toute  l'année  dins  les  mers  tropi- 
cales. Avant  la  guerre  d'intlépentlance  Jes  Etats-Unis  ou  en 
1774,  une  flotte  de  pas  moins  de  370  vaisseaux  poursuivait 
cette  pêche,  et  en  18 -t6  pas  moins  de  735  vaisseaux  avec  un 
tonnage  de  233,199  tonneaux  —  moyenne  par  navire  d«  315 
tonnes  —  y  étaient  engagés 

La  tête  du  chacalot  (jui  est  un  odontoceti  —  c-à-d,  qui  a  des 
dents — a  une  longueur  de  quelques  14  à  20  pieds  ou  du  tiers  du 
corps  du  cétacé,  est  très  haute  et  de  massive  structure  troiquée 
en  avant,  et  doit  cette  grosseur  immense  et  forme  remarquable 
surtout  à  une  accmnulation  d'un  tissu  singulièrement  nio  lifié 
de  matière  grasse  qui  remplit  la  grande  cavité  sur  la  surface 
supérieuie  du  crâne.  L'huile  contenue  dans  les  cellules  de 
cette  énorme  cavité,  aprè.s  !e  raffinage  qu'on  en  fait  en  le  faisant 
bouillir,  produit  ce  que  l'on  ai)pelle  le  blanc  de  baleine,  et 
l'épaisse  fourrure  de  lard  qui  couvre  de  toutes  parts  le  corps 
du  poisson,  ou  de  la  mammale  plutôt,  car  les  baleines,  les  mar- 
souins, les  dauphins  ne  sont  point  des  poissrns,  mais  des  êtres 
vivipores  ou  dont  les  petits  viennent  au  jour  comme  ceux  des 
autres  mammifères  ;  l'épaisse  couche,  dis  je  de  lard  ou  de 
panne  (blubber  en  anglais)  qui  enveloppe  de  toutes  parts  le 
monstre  marin  donne  la  précieuse  huile  que  l'on  connait  et  qui 
valait  en  1882  £55  ou  $275  00  la  tonne  —  12  cis.  la  livre  ou 
$1.20  le  gallon. 


La  mâchoire  inférieure  de  ce  cétacé  a  de  chaque  côté,  de  20 
H  25  grosses  dents  de  forme  conique  qui  fournissent  de  l'ivoire 
de  bonne  qualité.  L'ambre  gris,  substance  ainsi  appelée,  autre- 
fois employée  dans  la  médecine  et  maintenant  dans  la  parfu- 
merie, est  une  concrétion  formée  dans  l'intestin  de  cette  baleine 
*^t  que  l'on  trouve  flottant  à  la  surface  des  mers  qu'elle  habite. 
On  en  reconnaît  l'origine  et  la  pureté,  c-à-<l.  que  l'on  sait  que 
c'en  est  par  la  présence  des  mandibules  cornées  des  céphalo- 
podes dont  se  nourrit  la  baleine. 


Le  baleinier  américain  est,  comme  je  l'ai  dit,  de  quelque  300 
tonnes  de  jaugeage  seulement  et  son  équipage  n'est  que  de  30 
hommes  en  moyenne  et  en  cela,  comme  l'on  voit,  de  moitié  plus 
économique  que  le  baleinier  anglais  avec  ses  400  à  500  tonnes 
et  son  équipage  de  40  à  50  mains. 

Mais  il  y  a  encoie  à  parler  du  baleinier  norvégien,  le  plus 
économique  de  tous.  Le  trait  saillant  de  la  pêche  à  la  baleine 
<iue  fait  le  norvégien  est  Fusage  du  harpon  explosif  qui  tue 
l'animal,  en  le  fiappant,  pour  ainsi  dire.  Le  harpon  qui  pèse 
123  livres  et  est  chargé  d'une  cartouche  contenant  f  d'une  livre 
<le  poudre,  est  lancé  par  un  canon  de  4J  pouces  de  diam.  à  la 
bouche  iivec  calibre  de  3  pouces,  pesant  15  quintaux  et  dont  la 
charge  est  d'une  livre  de  poudre. 

Le  vaisseau  servant  de  chaloupe  baleinière  est  un  vapeur  de 
quelques  80  tonneaux  et  de  la  force  de  30  chevaux- vapeur.  Ce 
vaisseau  sert  non  seulement  à  porter  le  canon  et  à  poursuivre 
et  capturer  la  baleine,  mais  aussi  à  la  remorquer  à  terre- où  l'on 
en  utilise  non  seulement  l'huile  et  les  fanons  mais  aussi  la 
chair,  les  os  pour  en  faire  de  l'engrais  et  ne  rien  perdre.  En 
1885,  les  Noivégiens  tuèrent  1300  baleines  et  en  1886  plus  de 
1700  et  cela  avec  une  flotte  de  seulement  une  trentaine  de 
vaisseaux  ou  de  43  à  56  baleines  par  saison  pour  chaque  vais- 
.«eau  ;  et  ce  que  fait  le  Norvégien  chez  lui  le  Canadien  peut  le 
faire  à  la  Baie  d'Hudsou. 


—  30  — 

Toutes  ces  données  ne  sont  point  pour  rien,  maïs  pour  en 
venir  à  établir  sur  une  base  certaine  et  à  laquelle  ou  puisse  se 
fier,  les  profits  d'un  baleinier,  d'une  baleinière  si  vous  voulez^ 
enfin  de  la  pêche  à  la  baleine  ;  car  pour  démontrer  l'utilit*»,  la 
nécessité  d'un  chemin  de  fer  à  la  baie  d'Hudson,  il  faut  établir 
non  seulement  qu'il  y  a  des  profits  à  y  faire,  mais  des  profits 
assez  grands,  assez  considérables  pour  payer  en  même  temps  le 
coût  annuel  de  cette  industrie,  c-à  d.  l'intérêt  sur  le  capital  à  y 
afîecter,  les  frais  de  gestion,  l'intéiêt  sur  le  coût  de  construire 
le  chemin,  de  le  faiie  fonctionner,  et  laisser  encore  un  dividende 
suffisant  sur  le  capital  pour  que  ça  vaille  la  peine  de  se  lancer 
dans  une  semblable  entreprise.  Gordon  a  évalué  à  pas  moins  de 
$18,000.00  aux  prix  actuels  de  l'huile  et  des  fanons  etc.,  les 
matières  économiques  à  tirer  d'une  baleine  de  50  à  60  pieds  ; 
mais  tenons-nous  en  jour  pire  du  l'on  côté  à  l'évaluation  basée 
sur  une  moyenne  de  25  ans  de  §47,000.00  par  vaisseau  par 
année. 

Or  ces  vaisseaux  de  la  Nouvelle  Angleterre  qui  depuis  40 
ans  fréquentent  les  eaux  de  la  baie  d'Hudson,  partent  en  juillet 
de  New  Bedford  et  de  New  London  Etats  du  Massachussets  et 
du  Conneeticut  pour  hiverner,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  à  l'île  de 
Marbre  au  fond  de  la  baie,  faire  leur  pèche  le  printemps  suivant 
et  n'être  de  retour  qu'à  l'ouverture  de  l'année  suivante. 

Voilà  donc  qu'il  leur  faut  2  ans  pour  une  seule  cargaison,  et 
étant  donnés  les  retards  et  dangers  d'une  navigation  arctique, 
aller  et  revenir  à  travers  un  détroit  qui  a  au  moins  500  milles 
en  longueur,  qui  n'est  ouvert  que  de  3  à  4  mois  sur  les  12 
mois  de  l'année,  et  même  durant  ces  mois  toujours  obstrué 
par  les  glaces  et  glaciers,  et  où  il  faut  procéder  non  à  l'aiguille 
mais  à  la  sonde  ;  je  dis  qu'étant  donnés  ces  éléments  retarda- 
teurs, il  leur  serait  impossible  de  compléter  leur  voyage,  leur 
cargaison,  la  même  année. 


Je  viens  donc  résoudre  ce  problème  de  quadrupler  du  cou[) 


—  31  — 

les  profits  sur  une  cargaison,  et  qui  sont  déjà  très  grands,  eu 
quadruplant  le  nombre  de  voyages,  le  nomb^v.  de  cargaisons  : 
voici  comment — je  l'ai  déjà  exquissé  à  grands  traits — en  cons- 
truisant ici,  au  Canada,  à  Québec  surtout,  à  Halifax,  etc.  la 
flotte  voulue  de  quelque  100  vaisseaux  de  300  tonnes  à  350 
tonnes,  eu  les  équipant  de  tous  les  agrès 'nécessaires,  chaloupes 
et  instruments  de  pêche,  réservoirs  à  huile  etc.  et  en  les  ravi- 
taillant pour  un  an  ou  deux  ou  trois.  Ces  vaisseaux  se  ren- 
draient par  le  détroit  d'Hudson  à  la  baie  de  ce  nom  pour  ne 
plus  en  revenir,  pour  y  hiverner  et  y  faire  4  pêches  contre 
une,  deux  par  années,  car  il  est  connu  qu'il  y  a  la  pêch''  du 
printemps  comme  il  y  a  la  pêche  d'automne. 

Mais  ce  serait  une  vie  par  trop  ennuyeuse,  une  vie  qui  de- 
viendrait à  la  longue  insupportable  si  le  curé,  le  missionnaire  et 
le  clocher  du  village  n'étaient  point  là,  à  la  vue  duquel  on  se 
retrempe.  Et  encore,  rien  que  le  curé  et  tout  aimable  qu'il 
soit  ce  n'est  pas  assez  —  vous  l'avez  deviné  Mesdames,  Dieu 
l'avait  deviné  du  temps  d'Adam,  eh  bien,  oui,  c'est  vous  qu'il 
faut,  c'est  la  femme,  c'est  la  famille,  ce  sont  les  petits  pieds 
d'enfants  battant  le  })arquet,  leurs  petites  voix  d'oiseaux  enso- 
leillant le  tout,  c'est  l'hiver  passé  au  milieu  des  siens,  c'est  tout 
un  village  qu'il  faut,  le  boucher,  le  boulanger,  le  cordonnier,  le 
ferblantier  et  le  reste,  c'est  le  bureau  de  poste,  la  miiirie,  le 
presbytère,  l'école  des  filles,  celle  des  garçons,  plus  tard  peut 
être  le  collège,  le  couvent,  un  juge  de  paix-,  un  magistrat,  le 
notaire,  l'avocat,  le  médecin. 


Je  vous  ai  déjà  dit  que  la  saison,  la  température  de  la  baie 

James  —  sur  le  littoral  du  quel  on   bâtirait   la   ville,   avec  en 

face  les  bassins  pour  y  mettre  les  vaisseaux  en  hivernement  — 

n'est  pas  inférieure   à   celle  de   Riraouski,   de   Québec  même, 

disons  le. 

A  l'appui  de  ceci,  M.  Scott,  gérant  du  chemin  de  fer  du  Lac 

St-Jean,  m'informe  que  le  géologue  Bell  qui  a  passé  toute  une 


—  32  — 

Ionf,'ue  saison  dans  la  baie  James  lui  a  dit  qu'il  s'y  était  baigni!? 
dans  la  mer  tous  l-^s  jours  sans  en  excepter  un  seul,  de  juin  à 
sejtenibre  inclusivement  et  vous  avez  pu  voir  par  les  journaux 
d'OntHrio  et  le  Montrent  Gdzette  du  28  février  dernier  qut  lors 
des  funérailles  de  l'évêque  Horden,  missionnaire  au  Moose- 
factory.  et  qui  ont  eu  lieu  en  janvier  dernier,  *'  le  temps  était 
cbaud  et  printanier." 

V'oici  njaintenant  des  extraits  d'une  lettre  du  Révd  Père 
Nedelec  O.  M.  I.,  missionnaire  indien.      Il  dit  : 

1  —  Le  ])ays  est  en  giaiéral  habitable,  .sauf  quelques  endroits 
de  la  côte  de  l'Est  de  la  baie,  mais  de  ce  même  côté  la  pêche 
est  bonne. 

2  —  A  l'exception  de  quelques  endroits  épars  du  littoral  de 
la  baie,  on  y  cultive  toute  espèce  de  giains,  hors  le  blé  et  le 
sarrfisin  ;  de  jtlu.'^  le.s  légumes  et  les  fruits  y  réussis.-ent 

o,  —  Je  trouve  ditlicile  de  dire  quelle  population  pourrait 
soutenir  ce  territoiie.  Il  y  a  <le  i'espace  pour  des  millions  avec 
une  agriculture  améliorée  et  le  déveloj)p(  ment  dt- s   iiid   stries. 

4.  —  L'extrême  chaleur  est  de  100  ^  et  le  maximum  du 
fioid  de  50  °  (comme  au  Manitoba).  La  température  moyi-'une 
de  janvier  y  est  de  3"  seulement  (au-dessous  de  zéro  je  suppose). 

5.  —  En  quelques  en<lroits,  le  cliuiat  est  supérieur  a  celui 
du  nord  de  l'Alleniague,  de  la  l*ologue,  de  la  Norvège,  du  nord 
de  l'Ecosse,  du  Lae  St-Jerni,  de  Terre-Neuve.  Ci  et  la  les  res- 
sources naturelle?  sout  magnifi(|ues,  ailleurs  elles  le  sont  moius. 
Comme  règle  générale,  la  baie  ressemble  à  Québec  et  au  district 
du  lac  St  Jean.  Tout  ce  que  je  puis  diie,  ajoute  M  Nedelec, 
c'est  que  le  pays  est  plus  vaste  et  plus  habitable  qu'on  ne  t-au- 
rait  se  le  figurer. 

6.  —  Le  sol  est  en  général  de  nature  argileuse,  voir  *  Les 
relations  des  Jésuites  "  voyage  du  Lac  St-Jean  à  la  Baie 
d'Hudson  —  Proulx.  Voir  aussi  les  rapports  de  Bowen,  magis- 
trat stipendiaire,  des  Iles  Manitoulines,  Ontario,  favorables. 

7.  —  Entre  le  lac  Témiscamingue  et  la  hauteur  des  terre.s, 
pin  bîan?  et  rouge,  l'épinette  et  le  bouleau  abondent  ;  du  côté 
opposé,  l'épinette,  le  bouleau,  le  cèdre. 


—  33  — 

8.  —  Voir  rapport  du  Dr  Bell,  géolog'je,  quant  aux  miné- 
raux. 

9.  —  Les  animaux  à  fourrure,  les  oiseaux  et  les  poissons  en 
•  [uantité  :  aussi  la  baleine,  voir  le  rapport  du  lient.  Gordon  de 
1885-6-7. 

10.  —  L'épaisseur  de  neige  qui  y  tombe  n'est  pas  excessive. 
Telle  est  la  liaie  d'Hudson  dit  le  missionnaire,  et  il  termine 

en  ajoutant  :  Qu'était  le  Canada  il  y  a  200  ans  ?  Qu'ét&ient 
les  Etats-Unis  ?  Dans  mon  opinion,  ce  serait  une  bonne  chose 
que  la  Province  de  Québec  prit  possession  de  cette  partie  de  la 
Baie  d'Hudson  qui  lui  appartient.  On  devrait  y  inst  lier  des 
établissements  d'Acadiens.  Ce  sont  des  gens  vraiment  faits  au 
pays  et  quand  les  ressources  du  pays  seront  développées,  et 
qu'on  eu  aura  les  moyens,  l'on  devrait  y  envoyer  de  Québec  un 
bateau  à  vapeur  pour  explorer  et  développer  davantage  le  pays, 
en  attendant  le  chemin  de  fer  par  la  vallée  du  St- Maurice. 


Le  Dr.  Bell  s'exprime  ainsi  en  1887  :  (Géologue  de  l'expé- 
dition). 

Une  partie  considérable  du  territoire,  au  sud  de  la  Baie 
James,  est  propice  à  la  colonisation. 

Les  températures  d'été  et  d'hiver  ressemblent  à  celles  du 
comté  de  Rimouski.  Les  étés  ne  sont  point  aussi  chauds,  ni 
les  hivers  aussi  froids  qu'à  Winnipeg. 

Il  y  tombe  en  moyenne  3  pieds  de  neige,  c-à  d.  beaucoup 
moins  qu'à  Québec. 

Les  patates  et  autres  légumes  de  terre  y  viennent  bien.  Le 
foin  y  pousse  spontanément  et  d'une  manière  luxurieuse,  l'orge 
y  réussit  et  en  un  mot  cette  région  est  capable  de  produire 
tout  ce  qu'on  peut  produire  à  Rimouski.  La  région  est  aussi 
bien  adaptée  à  l'élevage  des  bestiaux. 

Le  pin  blanc  et  rouge  croissent  dans  la  partie  Sud  du  Moose 
factory,  mais  le  bois  le  plus  en  abondance  est  l'épin'itte  blanche 

6 


—  34  — 

et  noire,  l'épinette  rouge,  le  cèdre  bliiiic,  bouleau,  sapin  et  peu- 
plier.    11  y  a  aussi  un  [)eu  d'orme  et  de  frêne. 

Taimi  le  poisson  que  l'on  trouve  dans  la  Baie  James  est  un 
beau  poisson  blanc,  truite  du  Lac  Supérieur,  truite  de  mer, 
saumon,  morue  de  rocho  (  rock  cod  ).  le  ca{)liin,  etc.  ;  à  part 
des  poissons  strictement  d'eau  douce,  comme  la  truite,  le 
brochet,  etc. 

Si  l'on  faisait  un  chemin  de  Quéqee  à  la  Baie  James,  c'est 
l'embouchure  de  la  rivière  Rupert  que  l'on  devrait  viser.  Un 
vapeur  qui  de  là  côtoierait  la  baie  du  Côté  est  aurait  en  été 
ses  attraits  pour  les  touiistes  du  Canada  et  des  Etats-Unis. 
C'est  ma  propre  expérience  qui  me  porte  à  le  déclarer. 


Voyons  maintenant  ce  qu'eu  dit  le  Rév.  Père  Laçasse  que 
nous  connaissons  mieux  pour  l'avoir  souvent  vu  au  milieu  de 
nous  et  assisté  à  ses  conférences. 

Ce  territoire  est  très  propice  à  la  colonisation  et  le  terrain  y 
est  de  première  classe.  Les  patates  et  tous  les  légumes  y 
réussissent.  Le  bœuf  y  est  excellent.  Le  foin  naturel  y  est 
en  abondance.  Les  canards  et  les  oies  sauvages  abondent  au 
nord  de  Moose  factory.  On  y  tue  annuellement  36,000  oies 
pour  servir  de  provisions  à  la  Cie.  C'est  là  le  nombre  que  les 
sauvages  ont  à  fournir, 

L'éturgeon  abonde  dans  les  rivières  ;  et  sur  le  littoral  est,  à 
30  milles  de  terre  on  trouve  en  g»ande  abondance  le  marsouin 
et  tous  les  poissons  qui  se  rencontrent  dans  les  eaux  du  golfe 
St- Laurent. 

Je  n'hésite  aucunement  à  recommander  la  construction  d'un 
chemin  de  fer  de  Québec  à  la  Baie  James.  Les  indiens  disent 
aussi  que  le  terrain  vers  le  Lac  Mistassini  est  bien  uni  avec 
un  sol  argileux. 

Je  crois  que  l'on  pourrait  comparer  ce  pays  à  l'Allemagne  en 
Europe.  Le  climat  ressemble  à  celui  de  Kainouraska,  avec  les 
mêmes  fleurs  et  fruits  sauvages,  tels  que  framboises,  fraises, 
groseilles,  atakas,  bois  de  genièvre  etc. 


—  35  — 

A  Moose  factory  il  y  n  de.  inagnifî<iue3  jardins.  —  La  glace 
<|uitte  les  rivières  à  la  fin  d'avril  et  la  baie  est  navigable  du  ô 
au  17  de  mai,  et  ferme  du  1er  au  20  uove'ubre,  L,a  rnarëe  la 
iilus  haute  est  de  10  pieds. 

Sur  trois  luille  huinmes  —  100  vaisseaux  à  30  hommes  — 
j'en  su[)po8e  1000  de  mariés,  chacun  un  logement  (  un  appar- 
tement, comme  l'on  dit  à  Paris  )  de  3  à  5  pièces,  un  hangard 
j.onr  le  bois,  une  étable  pour  l;i  vache,  un  jardin  potager,  une 
pièce  pour  hs  patates  ;  et,  partant  de  la  première  chute  de  la 
livièie  liupert,  car  il  faut  à  cet  effet  une  hauteur  peu  considé- 
rable, le  littoral  étant  presque  à  fleur  d'eau  de  la  baie,  un  aque- 
duc, un  robinet  d'eau  douce  par  chaque  famille. 

Les  autres  2000  hommes  seraient  confortablement  logés,  qui 
dans  leurs  vaisseaux  au  port,  qui  dans  leurs  campements,  et  au 
lieu  de  passer  tout  leur  temps  comme  on  le  fait  ici  à  jouer  aux 
dames,  aux  donjinos,  exploiteraient  en  hiver  ou  durant  leurs 
loisirs  les  superbes  cariières  de  pierre  ;  le  granit  rouge  dont  je 
'  ous  ai  parlé  il  y  a  uu' instant,  et  dont  on  ferait  les  solages,  les 
cheminées,  les  fours  à  cuire,  les  fournaux  à  chaux,  les  fonda- 
tions d'un  ou  de  plus  d'un  moulin  à  scie  etc.,  les  vidanges  de 
la  carrière  pour  le  lestage  des  quais,  et  tout  cela  en  dirigeant 
sur  Québec,  sur  Montréal  les  beaux  blocs  de  granit  capables  de 
faire  des  monuments,  des  édifices,  des  constructions  quel- 
conques, faisant  ainsi  le  profit  du  chemin,  celui  des  ouviiers  y 
employés,  le  bonheur  de  tout  le  monde. 

On  y  construirait  de§  chaloupes  ou  radeaux  pour  aller  à  la 
cueillaison  du  foin,  la  fenaison  de  grève  qui — je  vous  l'ai  dit — 
vient  spontanément  ei  arrosé  qu'il  l'est  à  chaque  marée,  a  ce 
petit  goût  de  salin  que  les  animaux  aiment  tant. 


Si  je  possédais  l'imagerie  des  mots,  je  vous  en  ferais,  ce  me 
semble,  un  portrait  si  ensoleillé  que  chacun  de  vous,  chacune 
se  croirait  déjà  en  air  d'y  aller  ;  mais  avant  de  partir,  avant 
d'abandonner  son  chez-sci  tout  humble,  tout  pauvre  qu'il  puisse 
être,  faut  en  venir  à  un  calcul  qui  motive  le  départ. 


-36- 

Eh  bien  donc.     Du  lac  St-.Toan  au  lac  Mistassiiii  17o  milles, 

de  là  à  la  baie  James   207   milles  —  ensemble  380,  ce  qui  à 

!§12,000  00  par  mille  (car  le  parcours  e^'^t  moins  montuenx  d»^ 

beaucoup  que  celui  de.s  Laurentides  )  y  compris  Vdies  d'évite- 

ment,  télégraphe  etc., S4,5GO,000 

20  stations,  une  à  chaque  20  milles,  cest  suffisant 

pour   commencer 10,000 

Equippement    ou    roulant    —    19    locomotives    à 

$10,000.00 190,000 

Wagons  de  première  et  seconde  clauses,  wagons  à 
fret  et  à  bagagn,  chars  plateformes,  charrues  à 
neige  etc 57,000 

Ajouter  pour  usines,  icservoirs,  tables  tournantes, 

chars  à  bras,  hangarage  ateliers,  magasins,  etc..         183,000 


Coût  probable  du  chemin $5^00,000 

Coût  annuel  du  chemin  :  Intérêt  à  5  o^o 
sur  le  coût  du  chemin  porté  à  $5.000,000...  $250,000 

Salaire  ou  gages  des  opérateurs  de  télé- 
graphe, gardiens  des  stations,  ingénieurs, 
chauffeurs,  conducteui'S,  serre-freins $39,000 

10  hommes  i)ar  chaque  section  de  20 
ii.illes  pour  réparer  la  voie  et  la  tenir  libre 
déneige 40,000 

Gardiens  des  léservoirs... 4,000 

50  mécaniciens  dans  les  usines 15,000 

Combustible  soit  pour  les  19  engins  ou 
locomotives  38,000 

Contingents  et  imprévu... 54,000 

180,000 

Coût  annuel $440,000 

Sur  ce  coût  annuel  possible  de  $440,000,  il  est  plus  que  pro- 
bable que  l'on  sauverait  encore  $40,000.00,  dont  $25,000.00 
On  effectuant  l'emprunt  nécessaire  à  4|  020  au  lieu  de  5  o^o,  et 


—  37  — 

en  économisant  sur  le  transport  d'hiver  qui,  vu  la  natuie  de 
l'industrie,  pourrait  se  réduire  à  une  fois  par  semaine  ou  même 
moins  que  cela,  de  décembre  à  mars  de  chaque  année. 

Installation  de  pêche 

100  vaisseaux  équipés  au  complet  avec  chaloupe»,  instru- 
ments de  pêche.agrès,  de  300  tonneaux  à  peu  près  à  $50.00  la 
tonne  ou  $15,000.00  chaque,  plus  pour  5  chaloupes  chacune, 
réservoirs  en  fer  pour  l'huile,  etc.,encore  $15,00O.O0.S3,O00,00O 
Maisons  pour   1000  familles   de   10  logements 

chacune,  100  à  $1,000.00 100,000 

Maisons  ou  campements  pour  les  autres  2,000  hom- 
mes non  mariés,  à  soit  20  par  campement.     100 

bâtisses  à  $500 50,000 

Quais  pour  hiverner  les  vaisseaux  dans  un  bassin 
avec  espace  dt,  100  pieds  tout  autour  pour  permet- 
tre l'action  des  glaces  le  long  du  littoral  et  des  * 
jetées  soit  30  de  large  25  de  hauteur  bassin  de  1000 
X  1000  pieds  en  dedans  :  1000  x  1000  =  1  mil- 
lion de  pieds  soit  à  chaque  vaisseau  espace  de  150 
X  40  =»  80,000  X  100  X  600.000  pieds  sup. 
ajouter  l'espace  de  100  tout  autour  c'est-à-dire 
4,000  pieds  de  tour  x  100  =  400,000  —  ensem- 
ble 1,000,000  de  pieds  et  donnant  4,120  pieds  li- 
néaires de  quai  donne  1 14,444  verges  cubes  à  $1.25        143,000 

Stables,  hangars  à  bois  etc.  200  à  $100..... 20,000 

Poêles  et  mobilier  200  à  $100 20,000 

Aqueduc  soit 100,000 

Chapelle  et  sacristie  et  presbytère 10,000 

$3,443,000 

Montant  rapporté $3,443,000 

Bureau  de  poste,  écoles,  mairie,  contingents  et 

imprévus  soit 57,000 

Coût  d'installation  de  la  colonie $3,500,000 


-38- 
COL'T  ANNUEL 

Intérêt  sur  le  coût  d'installation  à  5o20 $175,000 

3,000  hommes  à  $20,00  par  mois 
66^  centins  par  jour  ou  $240.00  par 
année $720,000 

100  vaisseaux,  pour  combustible  à 
30  cordes  chaque  —  3,000  cordes  à 
$2.00 6,000 

200  maisons,pour  combustible  à  100 
cordes  chaque  ou  16  cordes  par  famille 
et  25  cordes  pour  les  camps,  ensemble 
7,500  cordes  à  $2.00 15,000 

300  bœufs  —  par  10  hommes  — 
])our  l'ouvrage  de  la  colonie  à  $30 9,000 

700  vaches  à  lait  dont  200  pour  les 
hommes  à  raison  de  1  par  10  hommes 
500  pour  les  1000  familles  ou  1  par  2 
familiesà$30 21,000 

Nourriture  pour  700  vaches  et  300 
bœufs  1000  à  $25.00  coût  de  cueilli..  25,000 

796,000 

Intérêt  sur  coût  d'installation $175,000 

Coût  annuel,  montant  rapporté $796,000 

Ajouter  po^     assurances,réparation8, 

etc.etc 29,000 

825,000 


$1,000,000 


BÉSUMÊ 

Coût  annuel  du  ch.  y  compris  int.  sui  le  capital  $500,000 
Coût  annuel  de  la  colonie  des  pêcheurs  y  com- 
pris l'intérêt  sur  le  coût  d'installation 1,000.000 

Coût  annuer  total $1,500,000 

Dividende  à  lOo^o  sur  le  capital  $3,50  0,000du 

coût  d'installation.... 850,000 

Coût  annuel  total $2,35U,UU0 


—  Z9  — 

Nous  avons  vu  que  Gordon  établit  à  $47,200.00  la  cargaison 
du  baleinier  aux  prix  que  se  vendent  actuellement  l'huile,  les 
fanons  etc  ,  mais  pour  partir  sur  une  base  plus  certaine,  prenons 
la  moyenne  $27,400  que  l'on  obtient  en  divisant  par  50,  (  le 
nombre  dee  cargaisons  faites  durant  les  onze  ans  antérieurs 
1874  )  les  $1,371,000  valeur  commerciale  de  la  pêche  de  ces 
vaisseaux  dans  la  baie  d'Hudson,  d'après  le  rapport  des  Com- 
missaires des  pêcheries  des  Etats-Unis. 

Supposons  encore  que  le  profit  net  de  la  cargaison  ne  soit 
que  de  $23,500,  laissant  encore  $3,920  pour  couvrir  les  impré- 
vus du  voyage,  assurances  etc.,  ceci  seul  nous  donne  les  $235,- 
000  nécessaires  pour  couvrir  les  dépenses,  intérêts  et  dividendes 
à  rencontrer. 

Or  comme  il  est  admis  qu'il  y  a  deux  pêches  par  année,  celle 
du  printemps  et  celle  d'automne,  il  est  de  toute  probabilité  que 
les  $23,500  de  profits  ci-dessus  seront  doublés  et  que  les  action- 
naires au  lieu  de  ne  toucher  que  10  o^o  de  dividende  sur  leur 
mise,  à  part  des  5  020  alloués  pour  intérêts,,  toucheront  plus  du 
double  de  cette  somme  ou  de  20  à  25  020  de  profit  sur  leur 
argent. 

M.  Light  ingénieur  consulte  du  Gouvt.  de  la  province  de 
Québec,  m'assure  avoir  dit  à  l'Hble  M.  Garneau  il  y  a  tantôt 
20  ans,  lorsque  ce  dernier  était  au  ministère  des  travaux  pu- 
blics que  d'après  lui,  Light,  le  futur  de  Québec,  était  dans  la 
direction  de  la  Baie  d'Hudson,  et  qu'il  est  encore  tout  à  fait  de 
cette  opinion. 

M.  Scott  gérant  du  chemin  de  fer  du  Lac  St-Jean,  veut  aller 
lui  aussi  à  la  Baie  James  ;  mais  en  variant  le  parcours.  Il 
recommande  de  continuer  la  ligne  de  la  Rivière  à  Pierre  jus- 
qu'au Lac  Témiscamingue  pour  de  là  se  rendre  à  la  Baie  James, 
en  compagnie  de  Toronto  ou  d'Ontario  qui  dit  il,  et  il  le  tient 
de  l'ingénieur  Bailey  de  Toronto,  désire  se  joindre  à  Québec 
dans  cette  entreprise. 

Le  chemin  proposé  par  la  Cie  du  Lac  St-Jean  a  ses  grands 
avantages  sans  doute,  il  passera  par  un  pays  riche  en  ressources 


—  40  — 

forestières  et  autres  capables  à  elles  seules  de  sustenter,  de 
faire  valoir  la  longueur  additionnelle  du  trajet,  en  ouvrant 
ainsi  l'intérieur  du  pays,  toute  la  vallée  de  l'Ottawa  (l'Outa- 
ouais).  Ce  trajectoire  par  Témiscamingue  et  Chapleau  rac- 
courcieiait  de  180  railles  la  distance  des  grands  lacs  à  la  mer  et 
ce  raccourci  serait  de  300  milles  par  le  Sagueuay,  St- Alphonse, 
Chicoutimi  et  le  Lac  St  Jean  si  de  ce  dernier  lac  nous  allions 
droit  à  Abittibi  et  de  là  au  lac  Supérieur  ;  et  comme  vous  le 
savez  plus  on  gagne  le  Nord,  plus  on  s'éloigne  des  chaleurs  de 
nos  étés,  et  plus  le  grain  du  Nord-Ouest  qui  suivrait  ce  trajet, 
se  conserverait  en  bon  état,  sous  une  température  plus  basse  et 
un  parcours  plus  succinct;  mais  tenons-nous  en  pour  le  présent 
au  port  de  Québ-^c  et  à  un  chemin  aussi  court  et  direct  que  pos- 
sible entre  Québec  et  la  Baie  d'Hudson,  c-à-d.  celui  que  je  pro- 
pose, et  qui  n'empêche  point  les  autres,  celui  dis-je  par  le  lac 
St-Jean  et  Mistassini  à  la  rivière  Eupert,  décharge  de  ce  grand 
lac. 

Pourquoi,  Messieurs,  jusqu'à  présent  avons-nous  toujours  eu 
le  frisson  quand  il  s'est  agi  de  la  Baie  d'Hudson,  pourquoi 
toutes  ces  données  favorables  qu'on  le  sait  aujourd'hui  à  la 
colonisation  de  la  baie  James  sont-elles  en  flagrant  délit  de 
contradiction  avec  les  rapports  faits  par  les  employés  de  la  Oie 
—  il  n'y  a  aucunement  à  s'en  étonner  si  l'on  songe  un  moment 
à  l'immense  intérêt  qu'avait,  qu'à  toujours  eu  et  continue 
d'avoir  la  Oie.  de  cacher,de  dissimuler.de  faire  la  nuit  autour  de 
ses  richesses:à  l'instar  de  ce  poisson  de  mer  qui  pour  se  dérober 
à  ses  ennemis  lance  un  noir  fluide  qui  l'enveloppe  de  toutes 
parts  et  que  ceux  qui  le  poursuivent  craignent  de  traverser 
pour  aller  à  sa  rencontre.  Cette  Compagnie  de  la  Baie  d'Hud- 
son, elle  feint  de  le  nier,  repousse  de  toutes  ses  forces  un  sur- 
croît de  baleiniers  dans  ses  parages,  une  colonisation  qui  ne  lui 
laisserait  point  comme  aujourd'hui  son  avoir  tout  entier  des 
riches  fourrures  et  autres  ressources  de  cette  fertile  région. 

Oui  j'avais  le  frisson  moi  aussi  lorsque  je  lisais  les  rapports 
de  la  Oie.  sur  ce  pays  que  l'on  disait  glacial  jusqu'à  ce  que  nos 
explorateurs,  nos  missionnaires  fussent  venus  donner  le  dément 


~  4'  — 

à  toutes  ces  histoires  bien  calculées  pour  refroidir  le  zèle,  dé- 
courager ;  et  dailleurs,  voyez  donc  Messieurs  si  la  chose  est 
possible  en  présence  du  fait  que  comme  je  l'gi  moi-même  véri- 
fié sur  la  carte  du  monde,  cette  latitude  de  la  Baie  James  est 
précisément  celle  des  Iles  Britanniques  :  l'Angleterre,  l'Irlandr, 
l'Ecosse  ;  celle  même  de  Paris  à  très  près  et  si  ces  pays  sont 
quelque  peu  plus  favorisés  que  nous  dans  nos  parages  c'est 
seulement  parce  que  cette  rivière  d'eau  plus  chaude  que  celle 
de  la  mer  qu'elle  traverse,  que  lance  le  golfe  du  Mexique  sous 
les  effets  d'un  soleil  tropical,  ce  "  gulf  stream  "  comme  on  l'ap- 
pelle qui  se  précipite  sur  l'Atlantique  en  sortant  par  la  gorge 
eiitie  le  Cuba  et  la  Floride,  de  cette  vaste  chaudière  où  l'eau 
gonflée  nar  l'effroyable  température  qu'il  y  fait  se  déverse  du 
seul  côté  où  il  y  a  issue,  (  comme  la  mélasse  bouillante  qui  se 
gonfle  au  ctntre  et  se  répand  vers  les  bords  du  vaisseau 
qui  la  contient  )  entraine  avec  elle  comme  le  font  tous 
les  courants  d'eau,  une  couche  d'air  qui  dirigé  avec 
le  courant  sur  les  côtes  de  l'Europe  en  réchauffe  les  flancs 
tout  de  même  que  sur  une.  plus  petite  échelle  le  courant  d'air 
chaud  qui  dirigé  sur  vous  après  avoir  seulement  léché  la  sur- 
face de  la  glace  dans  le  tombereau  des  familles  vous  earesse 
délicieusement  la  figure  en  vous  rafraîchissant  d'autant. 

Le  français  Messieurs  ne  connaissait  i)oint  son  pays  et  le 
prussien  le  lui  a  enseigné.  Nous  ne  connaissons  point  le  nôtre 
n'attendons  point  que  l'ennemi  vienne  nous  faire  voir  notre . 
ignorance,  llappelons-nous  ce  que  Sir  Edmond  Head  a  dit  de 
uous  "  La  race  inférieure.  "  11  est  temps  de  voir  si  nous 
allons  ratifier  ou  démentir  ses  paroles.  Hâtons-nous,  je  vous 
l'ai  dit  :  déjà  le  Haut  Canada,  Ontario  a  commencé  une  voie 
ferrée  qui  du  lac  Nipissingue  à  Pariy  Sound  donne  par  la  Baie 
Géorgienne  dans  le  Lac  Huron,  et  qui  par  Témisonmingue  et 
Abittibi  doit  atteindre  en  1894  la  Baie  James  à  Moose  Factory, 
en  route  pour  les  pêcheries  de  la  Baie  d'Hudson. 

Nous  n'avons  que  le  même  chemin  à  faire  qu'eux  pour  nous 


—  42  — 

y  rendre  ou  quelques  milles  de  plus  pour  du  Lac  St-Jean 
toucher  en  passant  à  Mistassini  et  de  là  à  l'angle  Sud  Est  de 
la  baie  à  Eupert  Hose  où  la  rivière  de  même  nom  vient  déchar- 
ger ses  eaux  et  qui*  est  à  120  milles  de  l'augle  Sud  Ouest  de  la 
même  baie  où  va  aboutir  l'autre  chemin  de  nos  frères  d'Ontario. 

Un  coup  de  cœur  Messieurs,  le  peuple  est  souverain,  c'est 
lui  qui  doit  imposer  ses  volontés  à-  ses  députés,  au  Parlement 
qui  sont  là  pour  les  faire  valoir,.  Des  octrois  sont  déjà  depuis 
plusieurs  années  acquis  aux  promoteurs  des  deux  chemins  qui 
de  Winnipeg  et  de  Nipissingue  doivent  se  rendre  à  la  Baie 
James,  et  cela  de  la  paru  des  deux  gouvernements  le  Fédéral  et 
le  Local,  et  tant  en  argent  qu'en  terres. 

Je  l'ai  déjà  dit,  Ontario  est  plus  riche  que  nous,  plus  pros- 
père et  a  moins  besoin  que  nous  de  chercher  fortune  ailleurs. 
C'est  à  vous  tous  à  dire  si  nous  allons  continuer  plus  longtemps 
de  nous  expatrier  ainsi  tous  les  ans,et  comme  des  milliers  l'ont 
déjà  fait  en  permanence,  pour  aller  pétrir  la  boue  de  nos 
voisins,  leur  faire  de  la  brique,  la  leur  charrier  sur  nos  épaules, 
frotter  leurs  bottes,  leur  servir  en  un  mot  de  domestiques  pen- 
dant qu'eux,  plus  fiers  de  leur  intelligence  nous  passent  devant 
pour  pêcher  dans  nos  eaux,  nous  voler  notre  patrimoine. 

Travaillons,  Messieurs.  Dieu  a  dit  priez,  c'est  vrai,  mais  ce 
n'est  point  de  cette  prière  contemplative  qui  comme  la  foi  ne  rap- 
porte tien  sans  les  œuvres.  Dieu  a  dit  :  aide-toi  et  je  t'aiderai  ; 
c'est  donc  la  prière  du  travail  qu'il  veut,  la  plus  efficace  de 
toutes.  Monseigneur  Paquet  le  disait  l'autre  jour  à  la  séance 
Universitaire  de  l'Académie  St-Denis  :  le  travail  ne  laisse 
point  de  loisirs  pour  les  choses  désavouables.  Oui  Dieu  h  dit  : 
"  tu  gagneras  ta  vie  à  la  sueur  de  ton  front  "  —  ma  prière  à 
moi  en  est  une  de  18  heures  par  jour,  j'en  donne  14  à  mes  de- 
voirs civiques,  les  quatre  autres  m'en  dédommagent  lorsque  je 
puis  les  passer  à  vous  écrire  ces  choses,  à  venir  vous  les  dire.