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Full text of "Rapport de la réunion des missionnaires agricoles tenue à Oka les 9, 10, 11 et 12 juillet, 1895 [microforme]"

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RAPPORT 


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DE    LA 


m  iBMIHES 


AGRICOLES 


TENUE 


A  OKA 


I  LES  9,  10,  II  ET  12  JUILLET 

1895. 


THOIS-KIVIKRKS. 


I  P.  V.   AV0TTE,   LIBRMRE-EDITEUR.  | 


1 895 


RAPPORT 


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ES  AGRICOLES, 


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RAPPORT 


DE    LA 


AGRICOLES 


TENUE  AOKA 

LES  ©,  lO,  11  ET  12  JXJILXjET 

1895. 


TROIS-RIVIERES. 

P/V.  *tV0TTE,  LlBR^klRE-EDlTEUR. 

1895 


S/5*? 

C  6é> 


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PREFACE 


L'idée  de  réunir  dans  an  grand  congrès  tous  les 
membres  du  clergé  qui,  sur  la  demande  et  avec  l'en- 
couragement des  évêques,  s'occupent  activt'ment  du 
mouvement  agricole  en  cette  province,  et  d'y  convier 
en  même  temps  les  agronomes  les  plus  distingués  du 
pays,  pour  étudier  ensemble  les  questions  d'agricul- 
ture, avait  été  accueillie  avec  le  plus  vif  intérêt  par 
tous  les  amis  de  la  classe  agricob  .  Le  choix  de  l'éta- 
blissement des  Rvd ..  PP.  Trappistes  d'Oka  comme  lieu 
de  réunion  et  l'assurance  du  concours  de  ces  maîtres 
en  agriculture,  avaient  encore  ajouté  à  l'importance  de 
la  démonstration  et  à  la  féconde  utilité  des  résultats 
qu'on  pouvait  en  attendre. 

Le  congrès  eut  lieu  en  juillet  dernier.  Composée 
d'hommes  éclairés  par  l'étude  et  l'expérience,  présidée 
par  un  êvêque  aussi  distingué  par  sa  science  que  par 
ses  vertus  et  qui,  pendant  sa  longue  carrière,  a  pro- 
digué la  plus  grande  sollicitude  au  bien-être  moral  et 
matériel  de  l'homme  des  champs,  cette  imposante 
réunion,  nous  n'hésitons  pas  à  le  dire,  a  largement 
réalisé  toutes  les  espérances  qu'elle  avait  fait  naître. 
Et  la  preuve,  c'est  que  de  tous  les  points  du  pays,  on 
a  demandé  et  sollicité  arec  instance  la  publication  des 
travaux  qui  ont  rempli  ces  séances. 

En  nous  rendant  aujourd'hui  à  ce   désir  il  n'est 


VI 

pas  sans  intérêt  de  constater  que  cette  heureuse  réu- 
nion de  l'Eglise  et  de  l'Etat  dans  une  action  commune 
et  efficace  pour  l'amélioration  et  le  développement  de 
l'agriculture  en  ce  pays,  a  été  préparée  depuis  long- 
temps. La  sagesse  et  la  prévoyance  des  évêques  comme 
le  dévouement  et  le  zèle  du  clergé,  ont  eu  une  large 
part  dans  ce   mouvement  si  éminemment  patriotique. 

Sans  -entrer  dans  de  longs  détails  qu'il  nous  suffise 
d'indiquer  quelques  faits  qui  n'ont  pas  besoin  de  com- 
mentaires. La  première  école  d'agriculture  pratique 
au  Canada  fut  fondée  par  un  prêtre,  Messire  Pilotte,  à 
*Ste-Anne  de  Lapocatière.  En  18*75,  Mgr  l'Archevêque 
de  Québec,  aujourd'hui  Son  Em.  le  cardinal  Taschereau, 
faisait  un  appel  énergique  à  ses  prêtres  au  sujet  du 
mouvement  agricole  et  les  engageait  à  contribuer,  cha- 
cun selon  ses  moyens,  à  rendre  aussi  efficaces  que  pos- 
sible, les  effi)rts  tentés  pour  faire  comprendre  aux  cul- 
tivateurs les  principes  d'une  culture  raisonnée  et  pro- 
fitable. 

"  Je  compte,  disait  il,  en  terminant  sa  lettre  circu- 

*  laire,  sur  votre  zèle  et  votre  patriotisme  pour  secon- 

*  der  les  bonnes  inteniions  et  les  effi)rts  de  notre  gou* 
'  vernement  provincial,  toutes  les  fois  que  l'occasion 

*  s'en  présentera.     Ce  sera  déjà  un  grand  point  de  ga- 

*  gné  si  l'on  peut  réussir  à  iaire  comprendre  que  l'agri- 
'  culture  routinière  est  peu  profitable,  tandis  que  si 
'  elle  est  éclairée  par  les  principes  d'une  sage  expérien- 
'  ce,  elle  donne  des  produits  doublement  avantageux, 
'  sous  le  rapport  de  la  quantité  et  de  la  qualité." 

Cette  direction  aussi  sagt»  que  pleine  de  patriotis- 
me donnée  aux  prêtres  de  l'Archidiocèse,  était  bientôt 
après  insérée  dans  le  code  disciplinaire  de  la  plupart 
-des  diocèses. 


VII 

Le  souveraiu  Pontife  Léon  XIII,  nous  fournit  un 
exemple  autorisé  de  l'intérêt  que  l'Eglise  porte  à 
l'agriculture.  Dans  ses  jardins  du  Vatican,  Sa  Sain- 
teté fait  faire  et  surveille  en  personne  des  essais  agri- 
coles sur  les  différentes  céréales  que  pr<^duit  le  sol 
d'Italie.  Le  résultat  de  ces  essais  est  publié  périodi- 
quement dans  des  rapports  imprimés  par  les  soins  du 
Saint  Père,  et  distribués  aux  agriculteurs  italiens  qui 
peuvent  ainsi,  sans  a^icun  déboursé,  améliorer  leur 
culture. 

En  188*7,  un  congrès  agricole  laïque  se  tenait  aux 
Trois-Rivières.  Mgr  Laflèche  voulut  honorer  cette 
réunion  de  sa  présence  et  dans  un  discours  très-élo- 
quent, il  démontra  les  relations  étroites  qui  unissent 
le  prêtre  à  l'homme  des  champs,  la  sollicitude  toute 
maternelle  dont  l'Eglise  entoure  ce  dernier  et  l'ardent 
désir  qu'elle  a  de  lui  être  utile  au  point  de  A^ue  maté- 
riel comme  au  point  de  vue  moral. 

La  classe  agricole,  y  disait-il,  peut  compter  plus 
que  toute  autre  sur  le  concours  du  clergé  dans  ses  en- 
treprises légitimes  pour  l'amélioration  de  sa  condition, 
parce  que  l'agriculture  florissante  fait  la  gloire  et  la 
force  d'un  peuple 

Plus  tard  Thon.  M.  Beaubien,  saisissant  toute  la 
portée  des  paroles  patriotiques  de  Sa  Grrandeur  et  en- 
trevoyant les  heureuses  conséquences  qu'on  pouvait 
en  tirer  pour  le  bien  du  pays,  prenait  la  détermina- 
tion de  demander  anx  Evêques  l'institution  de  l'œu- 
vre des  missionnaires  agricoles. 

Cette  œuvre  exprime  par  son  seul  titre  le  but 
qu'elle  poursuit.  Proposée,  comme  nous  venons  delo 
dire  par  l'Hon.  Louis  Beaubien,  Commissaire  de  l'A- 
griculture, secondé  par  l'Episcopat  Canadien,  elle  a 


VIII 

été  bénie  le  11  mars  1893  par  Sa  Sainteté  Léon  XIII. 
Cette  bénédiction,  gage  de  succès  pour  l'œurre,  mérite 
d'être  citée  textuellement  ainsi  que  la  Supplique  de 
son  promoteur. 

Très  Saint  Père, 

L'Honorable  Louis  Beau  bien,  Ministre  de  l'Agri- 
culture au  Canada,  humblement  prosterné  aux  pieds 
de  Votre  Sainteté,  La  suj^plie  de  vouloir  bien  accorder 
une  bénédiction  toute  spéciale  pour  l'œuvre  des  Mis- 
sionnaires agricoles,  afin  qu'ils  conduisent  à  un  plein 
succès,  cette  entreprise  si  importante  pour  notre  pays. 

Ex  JEdibus  Vicariatus 

Eomâ  die  XI  Martii  1893 

S.  S.  D.  P.  Léo  P.  i;.  XIII. 

Petitam  benedictionem  peramanter  impertire  di- 
gnatus  est. 

L.  M.  Gard.  Yicarius. 

Forts  de  cette  bénédiction  du  chef  de  l'Eglise  les 
missionnaires  agricoles  ont  marché  avec  courage  et, 
non  sans  succès  malgré  les  dijficultés  inhérentes  à  tou- 
tes les  œuvres  utiles  et  pratriotiques.  On  peut  avoir 
une  ic^e  de  leur  travail  par  le  fait  que  jusqu'à  ce  jour, 
ils  ont  déjà  donné  dans  les  diverses  parties  du  pays 
près  de  tOO  conférences  et  que  le  nombre  des  cercles 
agricoles  très  restreint  à  la  fondation  de  l'œuvre,  s'élève 
maintenant  à  près  de  500. 

Aussi  les  hommes  les  moins  bien  disposés  sont-ils 
obligés  de  constater  les  progrès  étonnants  de  l'agricul- 
ture dans  notre  province. 

Nous  osons  croire  que  les  missionnaires   peuvent 


IX 

se  flatter  d'être  pour  quelque  chose  dans  cet  heureux 
et  rapide  développement  du   mouvement  agricole. 

Le  congrès  d'Oka  qui  est  la  première  manifestation- 
publique  de  l'œuvre  est  plus  que  suffisant  pour  en  dé- 
montrer l'importance  et  l'utilité. 

Nous  pouvons  donc  dire  avec  raison,  qu'en  joi- 
gnant cette  force  nouvelle  aux  autres  moyens  qu'il  a 
déployés  avec  tant  d'énergie  pour  le  progrès  de  l'Agri- 
culture, l'Hon.  M.  BeaubieQ  a  fait  preuve  d'intelli- 
gence et  de  sagesse,  et  qu'il  a  mérité  la  reconnaissance 
du  pays. 

Qu'il  nous  soit  permis  de  formuler  un  vœu  en 
terminant. 

Quel  bonheur  si  par  nos  efforts  joints  à  ceux  de 
tous  les  vrais  amis  de  la  cause  agricole,  nous  parve- 
nions à  faire  produire  aux  terres  de  notre  province  les 
richesses  dont  sont  couverts  ces  terrains  rocailleux 
d'Oka  réputés  incultes  naguère  encore  !  Nous  avons 
sous  nos  mains  des  terres  fertiles,  une  population  in- 
telligente et  laborieuse Dieu  bénissant  nos  travaux, 

comptons  sur  une  heureuse  transformation  de  notre 
système  de  culture  dont  bénéficieront  et  notre  religion- 
et  notre  pays. 


LiriTRE  PASTORALE 

DE  NOS  SEIGNEURS  LES  ARCHEVEQUES  ET  ÉVÊQUES  DES   PROVIN- 
V.Kë    ECCLÉSIASTIQUES    DE    QUÉBEC,    DE    MONTRÉAL    ET 
d'OTTAWA. ÉTABLISSANT    L'ŒUVRE    DES    MIS- 
SIONNAIRES   AGRICOLES. 


"NOUS,  PAR  LA  GRACE  DE  DiEU  ET  DU  S  ÈGE  APOS- 
TOLIQUE, âRCHEVÊQUES  ET  ÉvÊQUES  DE8  PROVIN- 
CES Ecclésiastiques  de  Québec,  de  Montréal 
ET  d'Ottawa, 

Au  Clergé  Séculier  et  Régulier  et  à  tous  les  Fidèles  de  nos 
diocèses  respectifs,  Salut  et  Bénédiclion  en  Notre' 
Seigneur. 

Nos  Très  Chers  Frères, 

Jésus-Christ  a  confié  à  son  Eglise  la  mission  d'en- 
seigner tous  les  peuples,  de  répandre  partout  les  lu- 
mières de  son  Evangile  et  de  conduire  les  âmes  au  ciel  : 
telle  est  la  fin  surnaturelle  qu'il  lui  a  assignée.  L'E- 
•glise  n'a  jamais  failli  à  cette  Pf^ission  ;  l'histoire  de  dix- 
huit  siècles  est  là  pour  le  proclamer  hautement. 

Mais,  tout  eu  s'occupant  avec  une  sollicitude  spé- 
ciale des  besoins  spirituels  de  ses  enfants,  l'Eglise  ca- 
tholique n'a  jamais  manqué  d'offrir  et  de  donner  sou 
concours  à  ce  qui  pouvait  améliorer  leur  condition  ma- 
térielle, sans  compromettre  le  salut  éternel  des  âmes  : 
elle  a  aidé  les  individus,  elle  a  protégé  les  sociétés,  elle 
a,  rais  au  service  des  unes  et  des  autres  les  ressources 
de  sa  puissante  organisation  et  de  son  immense  cha- 
rité 


XI 

Et  en  effet,  pour  ne  parler  ici  que  de  notre  pays, 
comment  ont  été  fondés  nos  collèges,  nos  séminaires, 
nos  écoles,  nos  universités,  nos  orphelinats,  nos  hôpi- 
taux ?  N'est-ce  pas  par  les  soins  maternels  de  l'Eglise 
catholique  ?  Le  clergé  n'a-t-il  pas  été  à  ^a  tête  de  tous 
les  progrès  bien  entendus  ?  N'avons-nous  pas  vu  des 
prêtres  zélés,  courageux,  s'enfoncer  dans  la  forêt  avec 
nos  braves  colons  pour  les  encourager,  les  sout»'nir, 
bénir  leurs  travaux,  leur  donner  lumière  et  secours, 
présider  enfin    à  la  fondation  de  nouvelles  paroisses  ? 

L'Eglise  n'a  jamais  délaissé  les  intérêts  même  ma- 
tériels de  notre  peuple,  et  c'est  elle,  nous  ne  craignons 
pas  de  le  dire,  qui  a  soutenu  et  éclairé  sa  marche  et 
appuyé  ses  légitimes  revendications  à  toutes  les  épo- 
ques critiques  de  son  histoire. 

Aujourd'hui  les  difiBcultés  ont  changé  de  nature, 
mais  elles  existent  encore  sous  une  autre  forme  et 
elles  offrent  un  nouvel  aliment  au  zèle  et  à  la  charité 
de  l'Eglise. 

En  parcourant  nos  diocèses  durant  nos  visites  pas- 
torales, nous  avons  constaté  qu'en  maints  endroits  l'a- 
griculture est  défectueuse,  et  il  nous  a  paru  urgent 
d'appeler  l'attention  de  nos  populations  rurales  sur  la 
nécessité  qu'il  y  a  de  rendre  au  sol  sa  fertilité  première, 
et  sur  les  différents  moyens  qu'on  pourrait  adopter 
pour  atteindre  ce  but.  Nous  croyons  faire  une  œuvre 
méritoire,  une  œuvre  de  charité  et  d'utilité  publique, 
en  aidant  à  donner  une  vigoureuse  impulsion  à  l'agri- 
culture raisonnée,  intelligente.  Tout  se  réduit  pour 
nous  à  seconder,  dans  la  mesure  de  nos  forces,  ceux 
de  nos  concitoyens  qui,  par  leurs  fonctions,  par  leurs 
aptitudes  et  leurs  connaissances,  sont  en  état  de  don- 
ner à  notre  peuple  de  sages  conseils,  des  renseignements 
précieux. 


XII 

On  a  dit  avec  beaucoup  de  raison  que  l'agriculture 
est  la  vraie  nourricière  des  peuples,  leur  principale 
source  de  richesses  ;  c'est  dans  la  terre  que  se  trou  e 
la  fortune  réelle  d'une  nation,  lortune  stable  et  certaine 
comme  la  bonté  de  Dieu,  fortune  qui  ne  cesse  jamais 
de  se  renouveler  et  qui  subit  beaucoup  moins  de  ces 
désastreuses  fluctuations  qui  affectent  si  souvent  et  si 
fortement  le  commerce  et  l'industrie. 

C'est  par  elle  surtout  que  l'homme  nous  apparaît 
comme  le  roi  de  la  nature,  comme  un  prince  qui  exerce 
sa  souveraineté  dans  ses  domaines,  qui  y  fait  chaque 
jour  de  pa  ifîques  conquêtes  et  qui  y  affermit  son  in- 
contestable domination  pour  la  gloire  du  Souverain 
Maître  et  l'avantage  de  ses  semblables  (G-en.  I).  D'a- 
près nos  Livres  Saints,  c'est  Dieu  lui  même  qui  a  ins- 
titué l'agriculture  et  qui  nous  ordonne  de  l'aimer  :  Non 
oderis  laboriosa  opéra  et  rusticationem  creatam  ab  Altissimo 
(Eccli.  YII,  16)  ;  c'est  lui  qui  donne  au  sol  sa  fécondité 
merveilleuse  :  féjondité  qu'il  accorde  comme  récom- 
pense de  la  soumission  et  de  la  fidélité.  "  Le  Seigneur, 
nous  dit  la  Sainte  Ecriture,  conduit  son  peuple  dans 
des  lieux  abondants  en  gras  pâturages,  dans  une  terre 
vaste  en  étendue,  tranquille  pour  la  culture  et  d'une 
admirable  fertilité".  (I  Parai.  IV.  40  )  Et  ailleurs  : 
"  Le  Seigneur  vous  comblera  de  biens  dans  toutes  les 
œuvres  de  vos  mains,  dans  tout  ce  qui  naîtra  de  vos 
troupeaux,  dans  la  fécondité  de  votre  terre  et  par  une 
grande  abondance  de  toutes  choses".  (Deut.  XPX,  9.) 

C'est  au  souvenir  de  ces  merv.  illes  que  le  prophète- 
Royal  s'écrie  :  "  Seigneur  que  votre  nom  est  admira- 
ble sur  toute  la  terre  !  Qu'est-ce  que  l'homme  pour  que 
vous  l'ayez  ainsi  environné  d'honneur  et  de  gloire  ? 
Vous  l'avez  établi  comme  unchef  sur  toute  la  création;, 
vous  avez  tout  mis  sous  ses  pieds,  les  animaux  des  cam- 


XIIT 

pagnes,  les  oiseaux  du  ciel  et  les  poissons  qui  parcou- 
rent les  sentiers  de  la  mer".  (Ps.  VIII  ) 

Nous  n'ignorons  pas,  Nos  Très  Chers  Frères,  qu'u- 
ne espèce  de  fièvre  de  jouissance  et  de  liberté  s'est  em- 
parée de  nos  populations  rurales  et  les  entraine  vers  les 
grandes  villes.  On  est  fatigué,  ennuyé  de  la  vie  sim- 
ple et  paisible  des  champs  ;  on  se  lai>se  séduire  par  le 
fastueux  éclat  de  la  richesse,  on  veut  se  donner  plus 
de  liberté,  sortir  d'une  position  modeste,  se  procurer 
des  jouissances,  être  quelque  chose  dans  le  monde.  On 
se  précipite  follement  vers  les  Babylones  modernes  ; 
on  cherche  le  bonheur,  on  trouve  la  ruine.  Cette  dé- 
sertion des  campjignes  qui  s'est  effectuée  depuis  quel- 
ques années  a  été  pour  nous  comme  pour  tous  les  peu- 
ples de  l'Europe  un  immense  malheur  ;  elle  porte  une 
grave  atteinte  à  la  prospérité  publique  ;  elle  est  sur- 
tout dans  Tordra  moral,  un  véritable  désastre.  Dans 
les  grandes  villes,  dans  les  usines,  l'homme  des 
champs  se  trouve  bientôt  en  contact  avec  des  cory- 
phées de  l'impiété,  avec  des  cœurs  pervertis  ;  il  perd 
peu  à  peu  l'esprit  de  foi  et  de  religion  qui  l'avait  ani- 
mé jusque  là  ;  ses  croyances  et  ses  mœurs  font  un 
triste  naufrage,  et  il  ne  recueille  pour  sa  vieillesse 
que  la  misère  et  le  dé;-honneur. 

La  vie  de  la  campagne,  au  contraire,  offre  de  pré- 
cieux avantages  au  point  de  vue  moral  et  religieux  : 
elle  rend  l'homme  meilleur,  en  lui  conservant  des 
mœurs  simples,  un  cœur  droit,  des  habitudes  d'éoono- 
mie,  le  goût  du  travail,  l'amour  de  la  justice  ;  elle  lui 
apporte  la  richesse  sous  les  formes  les  plus  variées  : 
richesse  de  joie,  d'union,  d'affection  de  famille,  richesse 
dans  la  modération  des  désirs.  Laissez-nous  vous  dire 
avec  un  grand  Docteur  de  l'Eglise,  saint  Jean  Chry- 
sostôme,  que  les  populations  agricoles   vivent  dans  la 


XIV 

paix  et  que  leur  existence  a  quelque  chose  de  véné- 
rable  dans  .a  modestie  :  "  l'habitant  des  campagnes, 
continue-t-il,  a  plus  de  jouissances  que  le  riche  des 
villes  :  la  beauté  du  ciel,  l'éclat  de  la  lumière,  la 
pureté  de  l'air,  la  douceur  d'un  sommeil  tranquille, 
tout  lui  est  accordé  avec  une  sorte  de  prérogative  ;  le 
Créateur  semble  lui  donner  en  primeur  ces  vrais  biens 

de  l'ordre   temporel  "    Vous  trouverez   donc  dans 

cette  vie  modeste  le  vrai  plaisir  et  la  sécurité,  la  bonne 
renommée  et  la  santé,  la  régularité  dans  la  conduite  et 
de  moindres  dangers  pour  la  sainteté  des  mœurs. 

Des    circonstances    particulières    ont    arrêté,    au 
moins   temporairement,    le  courant  de  l'émigration  et 
la  fièvre  des  courses  aventureuses  vers  les  Etats  Unis  ; 
et  même  bon  nombre  de  nos  compatriotes,  pressés  par 
le  besoin  et  aussi   par  le    désir  persistant  de   revoir  le 
Canada  qu'ils  aiment,  sont  revenus  au  milieu  de  nous 
et  ont  repris  la  paisible  culture   de  leurs  champs.    A. 
nous  de  profiter  de  ces  circonstances  pour  les  retenir 
sur  le  sol  natal      Pour  v  réussir,  il  faut  leur  enseiffner 
l'art  de  bien  cultiver,  c'est-à-dire  de  faire  une  exploi- 
tation rurale    avantageuse,   propre  à  leur  assurer  une 
subsistance  convenable  ;  il  faut  les  mettre   sur  la  voie 
du  succès,   s'ils  n'y   sont  pas   déjà  ;   il  faut   leur  faire 
voir  que   notre  sol   peut  nous  suffire,  qu'il   est  même 
préférable  à  celui  des   autres  provinces  au  point  de 
vue  de  l'industrie  provenant  de   l'agriculture  et  qu'ils 
peuvent,   par  un  travail  actif  et  intelligent,  y  prospé- 
rer, y  vivre  plus   heureux  que  sur  la  terre  étrangère. 

Mais  ces  succès  ne   sauraient   être  sérieux  et  du-^ 
râbles  si  le  cultivateur  n'étudie  pas.  Il  lui  est  nét^es- 
saire  de  se  renseigner  sinon  toujours  en  feuilletant  des 
livres,  au  moins  en  assistant  à  des  conférences  agri- 
coles données  par  des  hommes  compétents,  ou   encore- 


XV 

en  examinant  les  résultats  obtenus  par  d'autres  dont 
les  sillons  produisent  abondamment.  Nous  demandons 
aux  pères  de  famille  de  nos  campagnes  d'engager 
leurs  fils  à  apprendre  leur  profession.  Avec  le  progrès 
actuel  de  la  science,  avec  le  perfectionnement  apporté 
dans  la  mécanique,  nous  pouvons  dire  que  le  cultiva- 
teur a  encore  plus  besoin  du  secours  de  son  intelli- 
gence que  de  celui  de  ses  bras.  Un  bon  conseil,  un 
renseignement  important,  précis,  donné  en  temps  op- 
portun peut  valoir  des  mois  de  travail.  L'étude  de 
cette  noble  profession  est  donc  de  plus  en  plus  néces- 
saire ;  c'est  par  elle  que  nos  concitoyens  prospéreront, 
formeront  un  peuple  fort  et  jouiront,  au  sein  de  leurs 
familles,  de  cette  sereine  liberté,  de  cette  indépendance 
chrétienne  qu'on  ne  trouve  nulle  part  ailleurs. 

Nous  engageons  fortement  M.  M.  les  curés,  ceux 
des  paroisses  rurales  en  particulier,  à  faire  tout  en  leur 
pouvoir  pour  trouver  dans  leur  paroisse  un  élève  qui 
soit  apte  à  suivre  avec  fruit  un  cours  d'études  agri- 
coles, un  élève  qui  réunisse  les  conditions  requises  : 
intelligent,  actif,  aimant  la  vie  des  champs  et  s'y  des- 
tinant ;  qu'ils  usent  de  leur  influence  pour  le  faire 
entrer  dans  une  de  nos  écoles  d'agriculture,  dont  1» 
fondation  est  due  au  concours  bienveillant  du  cKrgé 
et  de  nos  gouvernements  et  qui  sont  appelées  à  faire 
un  bien  encore  plus  considérable  que  par  le  passé. 

Il  est  extrêmement  désirable  que  les  meilleures 
méthodes,  que  les  saines  notions  agricoles  se  répan- 
dent le  plus  tôt  possible  au  milieu  de  nos  populations- 
des  campagnes.  Ces  connaissances,  qui  se  traduisent 
dans  la  pratique  par  des  succès,  sont  toujours  accueil- 
lies favorablement  de  tout  le  monde  ;  des  transforma- 
tions s'opèrent  rapidement  ;  plus  de  campagnes  déso- 
lées, plus  de  cette  misère  noire  qui  contraint  à  s'expa-' 


\ 


/ 


XVI 

trier,  partout  une  honnête  aisance,  la  joie  et  le  bon- 
heur au  loyer  domeistique. 

Afin  de  vulgariser  et  de  propager  sans  retard 
cette  science  théorique  et  pratique  de  l'agriculture, 
Nous  avons  résolu  d'appeler  à  notre  aide  certains 
membres  de  notre  clergé  dont  les  études  spéciales  d'a- 
griculture, les  aptitudes  et  le  dévouem»'nt  nous  sont 
connus.  Ces  "  missionnaires  agricoles  ",  comme  nous 
les  appelons  déjà,  ont  commencé  à  exercer  leurs  fonc- 
tions avec  succès  ;  Notre  Saint  Père  le  Pape  les  a  bé- 
nis et  Nous  Nous  joignons  au  Souverain  Pontife  pour 
appeler  sur  eux  et  sur  leurs  travaux  les  plus  abon- 
dantes bénédictions  du  ciel.  Vous  joindrez  vos  prières 
aux  nôtres,  Nos  Très  Chers  Frères,  pour  que  cette 
œuvre  tourne  à  la  plus  grande  gloire  de  Dieu,  en 
même  temps  qu'au  bien  de  notre  pays.  Nous  deman- 
derons au  ciel  que  le  nom  de  Jésus-Christ  soit  connu 
et  glorifié  par  un  plus  grand  nombre  de  compatriotes  ; 
nous  le  prierons  pour  que  les  enfants  du  sol,  nos  Ca- 
nadiens, ne  soient  jamais  réduits  à  manger  le  pain  de 
l'exil,  et  pour  que  nos  campagnes,  rendues  fertiles  et 
productives  par  un  travail  intelligent,  nourrissent 
abondamment  nos  populations.  Nous  prierons  encore 
pour  que  l'oisiveté,  mère  de  tous  les  vices,  et  le  luxe 
disparaissent  de  nos  campagnes,  que  la  tempérance  y 
règne  et  avec  elle  toutes  les  vertus  chrétiennes. 

Nous  désirons  que  ces  missionnaires  agricoles  vi- 
sitent chaque  paroisse,  autant  que  possible,  deux  fois 
par  année,  afin  de  pouvoir  donner  de  la  suite  à  leur 
travail.  Ils  pourront  aider  le  curé  à  trouver  l'élève  qui 
devra  représenter  cette  paroisse  à  l'école  d'agriculture 
et  qui  en  reviendra  pour  servir  d'exemple  aux  autres  ; 
ils  continueront  à  établir  ces  cercles  agricoles  que 
Nous  avons  été  si  heureux  de  voir  se  former  au  nom- 
bre de  plus  de  quatre  cents  en  1893  ;   ils  se  tiendront 


XVIl 

au  courant  d«'s  nouvelles  découvertes  et  dos  résultats 
obtenus  par  les  expériences  faites  ni] leurs.  Le  dévoue- 
ment qu'ils  ont  montré  jusqu'à  présent  leur  gagnera 
la  confiance  à  laquelle  ils  ont  droit  et  fera  accepter 
plus  facilement  les  conseils  qu'ils  auront  à  donner. 

Nous  avons  constaté  avec  bonheur  que  la  plus 
grande  partie  d  s  cercles  agricoles  sont  dirigés  par  des 
prêtres  ;  Nous  en  avons  conclu  que  les  sentiments 
que  nous  exprimons  aujourd'hui  sont  partagés  par  la 
masse  du  clergé,  et  nous  trouvons  dans  ce  fait  une 
grande  consolation  et  comme  un  gage  de  prospérité 
future  pour  nos  paroisses. 

L'œuvre  de  la  colonisation,  dont  Nous  vous  avons 
déjà  entretenus  bien  des  fois,  est  la  compagne  toute 
naturelle  de  celle  de  l'agriculture.  Le  prêtre  a  tou- 
jours suivi  de  près  le  colon  au  bord  de  la  forêt,  quand 
il  n'a  pas  été  son  compagnon  de  tous  les  instants 
Nous  lui  accorderons  toute  notre  sollicitude  comme 
par  le  passé  et  à  même  les  ressources  que  le  bon  vou- 
loir des  fidèles  mettra  à  notre  disposition  en  confor- 
mité des  présentes.  Nous  Nous  réservons  le  privilège 
de  faire  la  part  de  la  colonisation. 

La  prospérité  des  campagnes  fait  celles  des  villes, 
le  cultivateur  étant  le  père  nourricier  de  tous.  Que  les 
paroisses  des  villes  comme  celles  des  campagnes  nous 
aident  donc  pour  le  succès  de  la  cause  commune.  Pour 
que  des  missionnaires  agricoles  réussissent,  il  leur  faut 
des  ressources  pécuniaires  ;  nous  nous  ferons  tous  un 
titre  de  gloire  de  leur  en  procurer  abondamment. 

A  ces  causes  et  le  Saint  Nom  de  Dieu  invoqué, 
Nous  réglons  ce  qui  suit  : 

lo  L'œuvre  des  missionnaires  agricoles  est  fondée 
par  toute  la  province  civile  de  Québec  ; 


xriiî 

2o  Dans  toutes  les  églises  et  chapelles  où  se  (ait 
l'office  divin  il  sera  fait  chaque  année  une  quête  qui 
sera  appelée  "  Quête  de  l'œuvre  des  missionnaires 
agricoles  et  de  la  colonisation  ",  et  dont  le  produit 
sera  remis  à  l'évêque  du  diocèse  ; 

3o  Cette  quête  prendra  la  place  de  la  quête  de  la 
colonisation  dans  les  diocèses  où  cotte  dernière  s'est 
faite  jusqu'à  présent. 

Sera  la  présente  lettre  pastorale  lue  et  publiée  au 
prône  de  toutes  les  églises  ou  chapelles  paroissiales  de 
nos  diocèses  respectifs,  le  premier  dimanche  après  sa 
réception. 

Fait  et  signé  par  Nous  le  jour  de  l'Epiphanie  de 
Notre-Seigneur  mil  huit  cent  quatre-vingt-quatorze. 

E.-A.  Card.  TASCHEREAU,  Arch.  de  Québec. 

t  Edouard  Chs,  Archev.  de  Montréal. 
t  J. -Thomas,  Archev.  d'Ottavsra. 
t  L.  N.,  Archev.  de  Cyrène,  Coadjuteur  de  S.  E.  le 
Card.  Taschereau. 

t  L.-F.,  Ev.  de  Trois-Hivières. 

t  L.-Z.,  Ev.  de  Saint-Hyacinthe. 

t  N.  Zephirin,  Vie.  Apost.  de  Pontiac. 

t  Elphège,  Ev.  de  Nicolet. 

t  André- Albert,  Ev.  de  Saint-G-ermain  de  Ri- 
mouski. 

t  Michel-Thomas,  Ev.  de  Chicoutimi. 

•j  Joseph-Medard,  Ev.  de  Valleyfield. 

t  Paul,  Ev.  de  Sherbrooke. 

Par  mandement  de  Son  Eminence  et  de  Nos  Sei- 
gneurs. 

B.-Ph.,  Garneau,  Ptre, 
Secrétaire  de  l'Archevêché  de  Québec. 


XIX 


Li^te  de^  Mi^^ionijaiiie^  Agricole^ 


—  DE   LA 


ï»ieO"^ia^TOE    IDE    Q-CTEBEO. 


Archidtocèse  de  Québec. 

Révd 

Aïi^.  G-authiei 

•,      St  Basile  de  Portneuf. 

(t 

F.  JI.  Méthot, 

St  Lambert.  Lévis. 

ii 

H.  Gaguou, 

St  Edouard,  LoiDinière. 

(1 

L.  Garon, 

St  Gilles. 

•t 

H.  Fréchelte, 

Ste  Brigitte,     Montmorency 

u 

G.  McKae, 

St  Joachim,                 " 

t> 

L.  Mayrand, 

St  Jean  J.  0  , 

(1 

L.  Gagné, 

St  Fred.  d'Halifax,  Mégantic 

i( 

H.  Ctmture, 

Ste  Claire,  Dorchester. 

ii 

.T.  O'Farrell, 

St  Edouard. 

\' 

T.  Montmiuy, 

St  George,  Beauce. 

u 

N.  Proulx, 

St  Evariste. 

tt 

Chs.  Richard, 

St  Gervais,  Bellechasse. 

(( 

0.  Brosseau, 

St  Damien. 

<l 

C.  Bacon, 

N.  D.  de  l'Islet,  Islet. 

(( 

R.  Michaud, 

Rivière  Quelle,  Kamouraska 

ii 

F.  Bégiu, 

St  Germain. 

il 

L.  Tremblay, 

St  Anne. 

ii 

J.  Galarneau, 

St  Paul,  Montmagny. 

tt 

C  Arseneault, 

Archevêché,  Québec. 

Ii 

Jos.  Marquis, 

23  rue  St  Louis. 

RlMOUSKI. 

Révd. 

T).  Véziua,   * 

Trois-Pistoles,    Témiscouata, 

u 

L.  Bernier, 

St  Epiphane, 

XX 


« 

p.  Audet, 

St  Fabien,  Rimouski. 

(( 

A.  Poirier, 

Séminaire          " 

(( 

J  E.  Pelletier, 

St  Alexis,  Bonaveiiture. 

(i 

J.  Gagné, 

Ste  Brigitte  de  Mr^ria. 

J.  C.  Duret, 

Grande  Rivière,  G.ispé. 

Chicoutimi. 

Révd 

B.  C.  Leclero,  V.  G, 

,  Malbaie,  Charlevoix. 

<( 

A   Fafard,  V.  a, 

Baie  St  Paul,  Charlevoix. 

t( 

J.  Lizotte, 

Roberval,  Lac  St  Jean. 

tt 

L.  T.  Tremblay, 

St  Félicien. 

(( 

H.  Lavoie, 

St   Joseph  d'Alma,  L.  St.  J. 

t( 

Thos.  Roberge, 

St  Alexis,  Saguenay. 

(t 

A.  Grodreault, 

St  Cyriac 

li 

D.  Roussel, 

Ste  Aune,  Chicoutimi. 

»t 

Ls.  Gagnon, 

Ste  Agnès,  Charlevoix. 

Archidiocèse  de  Montréal. 

Dom  Antoine,  abbé, 

« 

N.  D.  du  Lac,  Oka. 

Révd. 

,  Z.  Racicot, 

Archevêché,  Montréal. 

(( 

J.  H.  Lecours, 

Longue  Pointe. 

i( 

A,  Laporte, 

St  Augustin. 

(( 

G.  Moreau, 

Ste  Marguerite,    Terrebçnne. 

t( 

J.  0.  Labonté, 

Ste  Thérèse, 

t( 

0.  Laferrière, 

St  Théodore,  Chersey. 

(( 

C.  Daignault, 

Ste  Julie,  Verchères. 

C( 

J.  B.  Jobin, 

L'Assomption. 

t( 

S.  Provost, 

St  Jean   de  Matha,    Joliette. 

u 

A.  P.  Tabsé, 

St  Cyprien,  Napier ville. 

Ottawa. 

Jiévd.   Chan.  Bélanger,    St  André  Avelii^. 


N. 


XXI 

St  Hyacinthe. 
Révd.  F.  P.  Côté,  St  Valérien,  Shefford. 

Sherbrooke. 
Révd.  V.  Charest,  Evêché  Sherbrooke. 

NiCOLET. 

Révd.  P.  Dauth,  St  Léonard,  Nicolet. 

Trois-Rivieres. 
Révd.  D  Gérin,  Sec.  St  Justin,  Maskinoiiffé. 

Valieyfield, 

M.  l'abbé  Frs.  Reid,    curé  de  St  Télesphore,  Comté  de 

Soulanges. 
M.  l'abbé   J.    A.   Ducharme.   curé  de   Hemraingford, 

Comté  de  Huatingdon. 


XZII 


"CRUCE  ET  ARATRO" 

L'Œuvre  des  missionnaires  agricoles  fondée  par 
les  Archevêques  et  Evêques  de  la  province  civile  de 
Québec  le  9  janvier  1894,  et  entièrement  sous  leur  ju- 
ridiction, a  pour  but  : 

lo.  D'ofiVir  et  de  donner  le  concours  du  clergé  à 
tout  ce  qui  peut  améliorer  la  condition  de  la  classe 
agricole  ; 

2o.  D'attacher  la  population  au  sol  en  lui  mon- 
trant les  bienfaits  généraux  de  l'agriculture  ;  de  lui 
faire  aimer  le  travail  de  la  terre  en  l'instruisant  des 
richesses  personnelles  qu'il  procure  ;  enfin  de  la  pous- 
ser plus  vigoureusement  dans  la  voie  d'une  culture 
raisonnée  et  rémunératrice,  en  lui  donnant  des  rensei- 
gnements et  des  conseils  puisés  aux  meilleures  sources. 


I  •t*i'pmm><tft^f9mi''mmf^m 


iDOJSd:  .A.3srTOi3srE, 

Abbé-Mitpë 
DE    LA    TRAPPE    D'OKA. 


PROCES-VERBAL 


Du  Congrès    des  Missionnaires  agricoles,  teni? 

A  LA  Trappe  de  N.  D.  du  Lac,  a  Oka,  les 

9,  10,  11  ET  12  Juillet  1895. 


PREMIÈRE  SÉANCE 
le  mardi  9  juillet  à  2.15  hrs.  P.  M. 

M.  l'abbé  F.  P.  Côté,  curé  de  St.  Valérien,  prési- 
dent des  missionnaires  agricoles  de  la  province  de- 
Québec,  est  au  fauteuil,  et  M,  l'abbé  Grérin,  curé  de  St. 
Justin  et  secrétaire  de  la  même  œuvre,  siège  en  cette 
qualité. 

A  la  droite  du  président,  S.  G-.  Mgr  L.  F.  Laflèche 
évêque  des  Trois-Rivières,  et  à  droite  du  prélat,  l'houo- 
rable  M.  Ls.  Beaubien,  Commissaire  de  l'Agriculture  et 
de  la  colonisation  dans  le  gouvernement  de  la  province 
de  Québec.  A  gauche  du  président  a  pris  place  Dom 
Antoine,  abbé-mitré  de  la  Trappe  ;  à  droite  de  l'hono- 
rable M.  Beaubien,  M.  l'abbé  Montminy,  curé  de  St. 
Greorge  de  la  Beauce,  missionnaire  agricole  et  prési- 
dent de  la  Société  d'industrie  Intière  de  la  province 
de  Québec. 

'  Les  autres  congressiste-!  occupent  des  sièges  en- 
face,  dans  une  des  salles  les  plus  spacieuses  dans  la. 
nouvelle  hôtellerie  en  tonstruction. 


9 


Aussitôt  que  la  séance  est  ouverte,  le  R.  P.  abbé 
■ce  lève  et  lit  une  adresse  de  bienvenue  à  Mgr  des 
Troi- -Rivières,  à  l'honorable  ministre  et  à  tous  les  con- 
gressistes. 

Voici  le  texte  de  cette  adresse  : 


.Monseigneur^  Monsieur  h  3Iinistre,  Messieurs, 


C'est  pour  moi  un  devoir  bien  agréable  de  vous 
souhaiter  la  bienvenue.  Le  choix  que  vous  avez  fait 
de  notre  Abbaye  comme  lieu  de  vos  réunions  nous 
honore,  parce  qu'il  est  une  preuve  de  votre  bienveil- 
lance tt  de  vos  sympathies  pour  d'humbles  moines- 
agriculteurs. 

La  visite  que  vous  nous  faites  aujourd'hui,  Mon- 
seigneur, me  rappelle  un  gracieux  souvenir  de  nos 
Livres  Saints  :  celui  de  Booz  venant  au  milieu  du  jour 
visiter  les  moissonneurs  qui  travaillaient  dans  sou 
champ,  et  leur  apportant  avec  ses  encouragements  ses 
paternelles  bénédictions.  Comme  les  ouvriers  de  Booz, 
nous  nous  réjouissons  à  votre  ai  rivée,  parce  que  votre 
bénédiction  et  vos  encouragements  sont  pour  nous  un 
gage  de  succès.  Si  votre  dignité,  Monseigneur,  nous 
impose  le  respect,  les  travaux  que  vous  avez  accom- 
plis pendant  votre  long  épiscopat  nous  commandent 
l'admiration,  et  la  visite  que  vous  nous  faites  aujour- 
d'hui nous  inspire  la  plus  vive  reconnaissance  ;  c'est 
aux  pieds  du  trône  de  Dieu  que  nous  en  déposerons 
l'expression. 

Et  vous,  Monsieur  le  Ministre,  en  nous  associant 
~k  cette  croisade  que  vous  avez  entreprise  pour  l'amé- 
lioration de  l'agriculture,  vous  nous  donnez  une  nou- 
velle preuve  de  cette  bienveillance  que  vous  nous 
^vez  déjà  témoignée  et  qui,  nous  en  sommes  assurés, 
ne  nous  fera  jamais  défaut.  Soyez  en  remercié  et 
■croyez  bien  que  vous  n'obligez  pas  des  ingrats.  Votre 
nom  restera  gravé  dans  nos  cœurs,  et  nous  nous  en- 
gageons à  faire  ce  qui  dépendra  de  nous  pour  mériter 


—  3  — 

la  continuation  des  sympathies  dont  nous  nous  trou- 
vons si  grandement  honorés. 

Vos  visites  à  notre  monastère,  monsieur  le  Minis- 
tre de  l'Agriculture,  nous  réjouissent  toujours,  cepen- 
dant celle  que  vous  nous  faites  aujourd'hui  nous  est 
doublement  chère  ;  elle  me  permet  en  effet  de  saluer 
en  vous  un  ami  dévoué  et  de  rendre  un  hommage  pu- 
blic au  représentant  de  l'agriculture  à  laquelle  notre 
Kègle  veut  que  nous  consacrions  une  partie  de  notre 
temps.  Lorsque  Pharaon  eut  établi  Joseph  son  inten- 
dant, celui-ci  s'appliqua  à  favoriser  l'agriculture  et 
bientôt  les  greniers  d'Egypte  furent  remplis  d'abon- 
dantes provisions.  Je  souhaite  que  vos  efforts  soient 
couronnés  du  même  succès  dans  toute  l'étendue  d^  la 
province  de  Québec,  car  je  sais  que  c'est  là  toute  votre 
ambition. 

Et  vous.  Messieurs,  en  donnant  un  concours  si 
efficace  au  progrès  de  l'agriculture,  vous  travaillez  au 
bonheur  de  nos  populations  ;  c'est  l'œuvre  patriotique 
par  excellence  et  pour  laquelle.  Dieu  a  des  préférences 
bien  marquées.  Avec  quelle  complai-^ance  les  Livres 
Saints  ne  nous  rapportent-ils  pas  la  bénédiction  dont 
Dieu  comblait  les  patriarches,  vivant  au  milieu  de 
vastes  plaines  cultivées,  élevant  de  nombreux  trou- 
peaux, cultivant  la  vigne  et  se  reposant  en  paix  à 
l'ombre  de  leurs  figuiers. 

Vous  trouverez  ici,  Messieurs,  une  hospitalité 
toute  modeste,  mais  aussi  toute  cordiale  comme  celle 
des  Patriarches.  Lorsqu' Abraham  reçut  les  trois 
voyageurs  dans  la  vallée  de  Mambré,  il  leur  présenta 
du  pain,  puis  il  envoya  un  de  ses  serviteurs  prendre 
dans  son  troupeau  un  veau  tendre  et  excellent  qu'on 
se  hâta  de  faire  cuire,  et  il  leur  servit  du  lait  et  du 
beurre  et  aussi,  je  suppose,  quelques  fruits,  bien  que  le 
texte  sacré  n'en  fasse"  pas  mention.  Nous  nous  en 
tiendrons,  Messieurs,  à  ce  menu  patriarcal  ;  cependant 
nous  y  ajouterons  du  miel,  afin  de  vous  engager  par 
cette  douceur  à[r>nous  revenir.  Après  le  repas,  Abra- 
ham introduisit  les  voyageurs  dans  sa  tente  ;  ici  vous 
ne  serez  point  logés  sous  la  tente,  mais  rassurez-vous, 
vous  n'en  serez  pas  mieux  pour  cela. 


-4  — 

Encore  une  fois,  Messieurs,  merci  pour  le  choix: 
que  vous  avez  fait  de  notre  Abbaye  comme  lieu  d& 
votre  congrès  ;  peut-être,  pourrons-nous  un  jour,  si 
le  Bon  Dieu  bénit  nos  efforts  et  si  vous  nous  continuez- 
vos  sympathies,  vous  oifrir  la  même  hospitalité  à  N. 
D.  de  Miktaî«sini.  Lorsqu'Abraham  eut  vu  ses  richesses^^ 
s'accroître,  il  fonda  une  colonie  en  faveur  de  son  neveu 
Loth.  Ce  n'est  point,  hélas  !  un  surcroit  de  richesse 
qui  nous  a  fait  entreprendre  la  fondation  du  Lac  8t. 
Jean  ;  nous  avons  cédé  à  d'instantes  prières,  nous: 
avons  vu  le  bien  à  faire,  et  comptant  sur  le  secours 
d'En  Haut,  nous  nous  sommes  mis  à  l'œuvre. 

Pardonnez  moi.  Messieurs,  de  recommander  à 
votre  bienveillance  cette  œuvre  naissante,  et  croyez 
bien  que  si  je  suis  très  heureux  de  vous  recevoir  au- 
jourd'hui à  N.-D  du  Lie.  je  le  serai  bien  plus  encore,, 
si  dans  quelques  années,  je  puis  vous  donner  rendez- 
vous  à  N.-D.  de  Mistassini." 

M.  l'abbé  Côté,  président  de  l'œuvre,  lit  à  sott 
tour,  au  congrès  une  adresse  comme  suit  : 


Mcnseiscneur, 

Monsieur  le  Ministre  et  bien  chers  confrères^ 


Je  suis  heureux  de  vous  souhaiter  la  bienvenue  à 
l'inauguration  de  ce  premier  congrès  qui  aura  certai- 
nement, du  moins,  je  l'espère,  de  très  importants  résul- 
tats. Pour  bien  remplir  notre  mission  il  nous  faut  pos- 
séder des  connaissances  agricoles  assez  étendues.  Et 
nous  le  reconnaissons  bien  hunblement,  nous  sommes^ 
à  peu  près  tous,  également  dépourvus  sous  ce  rapports 
Cependant  en  agriculture,  comme  en  tout  autre  science^ 
la  bonne  volonté  et  le  zèle  même  ne  suffisent  pas  pour 
réussir  ;  il  faut  de  plus  une  connaissance  approfondie 
de  la  science  que  l'on  doit  ou  que  l'on  veut  enseigner. 
Nous  sentions  tous  le  besoin  d'acquérir  cette  connais- 


—  s  — 

«aiice,  mais  nous  n'avions  pas  par  nous-mêmes  les 
moyens  de  le  l'aire  promptement.  D'ailleurs,  nous  n'a- 
Tons  pas,  pour  la  plupart  d'entre  nous,  le  temps  d'en 
faire  un^  étude  privée,  un  peu  fructuease.  Voici  que 
l'honorable  Ministre  de  l'agriculture  désirant  nos  ser- 
Tices  et  connaissant  nos  besoins,  a  eu  la  charité  de  nous 
procurer  les  moyens  d'acquérir,  en  peu  de  temps  cette 
science  agricole  qui  nous  est  nécessaire.  Merci,  M.  le 
Ministre,  pour  les  sacrifices  que  voas  avez  faits  par  le 
passé  et  pour  ceux  que  nous  vous  croyons  être  disposé 
à  faire  dans  l'avenir.  Merci  pour  l'intérêt  que  vous 
portez  à  la  classe  agricole  dont  nous  sommes  ici  les  re- 
présentants Merci  pour  les  efforts  que  vous  faites 
pour  développer  cette  science  agricole  qui  est  si  néces- 
saire ;  car  l'agriculture  est  la  nourrice  du  genre  hu- 
main. 

Nous  voyons  avec  un  extrême  plaisir  que  vous 
comprenez  que,  pour  bien  réussir  en  agriculture 
comme  dans  les  autres  s«iences  et  même  les  arts,  il  ne 
faut  pas  séparer  le  temporel  du  spirituel.  Bien  que 
ces  deux  choses  semblent  au  premier  abord,  être  diffé- 
rentes, elles  ont  en  définitive  un  but  commun,  le  bon- 
heur de  l'homme  tout  entier.  Voilà  pourquoi  l'Eglise 
«t  l'Etat  doivent  être  unis  et  combiner  leurs  moyens 
d'action  pour  procurer  à  l'homme  ce  bonheur  dans  le 
temps  et  l'éternité. 

Nous  avons  la  preuve  de  vos  bonnes  intentions 
sous  ce  rapport,  M.  le  ministre,  dans  ce  que  vous  avez 
fait  par  le  passé,  et  aujourd'hui  dans  le  fait  que  vous 
avez  choisi  pour  nous  réunir,  cette  communauté  de 
Trappistes  dont  les  services  en  religion  comme  en  agri- 
culture sont  connus  du  monde  entier.  Aussi  nous 
sommes  heureux  d'être  leurs  hôtes  pour  quelques 
jours.  (Car  nous  leur  disons  bien  franchement  que 
nous  ne  nous  croyons  pas  avoir  les  dispositions  re- 
quises pour  demeurer  à  la  Trappe).  Nous  sommes 
venus  pour  profiter  de  leurs  connaissances  théoriques 
et  pratiques  en  agriculture  afin  de  mieux  remplir 
notre  mission.  Aussi  nous  espérons  que  cette  pre- 
mière réunion  ne  sera  pas  la  dernière. 

Nous  saluons  aussi   avec   bonheur  un  apôtre   de 


—  6  — 

l'Eglise  qui  est  venu  nous  encourager  par  sa  présence 
et  bénir  les  efforts  que  nous  ferons  afin  de  profiter,  de 
visu  pour  la  pratique,  des  enseignements  théoriques 
que  les  conférencieis  nous  donneront.  Merci  Monsei- 
gneur, de  voire  extrême  bonté  et  de  l'intérêt  que  vous 
portez  à  notre  mission  Nous  en  sommes  flattés,  mais 
non  surpris,  Monseigneur.  Nous  connaissons  depuis 
longtemps  votre  grand  amour  jour  l'Eglise,  dont  vous 
êtes  un  si  digue  prélat  et  pour  la  patrie  dont  vous  êtes 
un  si  illustre  citoyen.  Et  ceux  qui  comme  vous^ 
Monseigneur  aime  l'Eglise  et  la  patrie,  cherche  non 
seulemt  nt  à  p.^curer  le  bien  spirituel  de  teurs  enfants 
mais  encore  leur  bien  temporel.  L'histoire  de  l'Eglise 
vient  corroborer  cette  assertion. 

On  dirait,  en  parcourant  ses  Annales,  que  pour 
elle  ces  deux  liens  sont  aussi  inséparables  que  le  sont 
dans  l'homme  l'âme  et  le  corps.  Enfin,  l'approbation 
qu'elle  a  donnée,  de  tout  temps  aux  communautés  qui,, 
comme  celle  où  nous  sommes  aujourd'hui  réunis,  s'oc- 
cupent d'agriculture  de  toutes  espèces,  nous  dit  en  un 
langage  à  la  portée  de  tous,  ce  qu'elle  pense  sur  le 
sujet  et  surtout  ce  qu'elle  a  fait. 

Nous  voulons  devenir  des  agriculteurs  stolon  Dieu. 
Pater  meus  agricola  est^  a  dit  N-  S.  .T.  C  Et  à  l'exemple 
de  S.  Pierre  qui,  bien  qu'établi  par  son  divin  Maître 
pêcheur  d hommes,  est  demeuré,  du  moins  pour  quelque 
temps,  pécheur  de  poissons,  nous  voulons,  tout  en 
faisant  du  salut  des  âmes  notre  priacip  il  ministère, 
sous  la  direction  de  nos  évêques,  faire  cependant,  avec 
leur  permission,  un  peu  d'agriculture  pour  le  bien  des 
corps. 

Nous  vous  demandons  bien  pardon,  Révérendis- 
sime  Abbé,  ainsi  qu'à  tous  vos  confrères  pour  le 
trouble  que  nous  allons  vous  causer.  Nous  vous 
remercions  d'avance  pour  votre  bienveillance  à  notre 
égard  et  votre  généreuse  hospitalité.  Nous  vous  aver- 
tissons encore  une  fois  que  malgré  votre  t^xtréme  poli- 
tesse, ce  ne  sera  que  pour  quelques  jours. 

Merci  enfin  à  vous  tous.  Monseigneur,  honorable 
ministre,  conférenciers  et  confrères,  d'être  venus  assu^ 
rer,  par  votre  présence  et  vos  lumières  en  agriculture^ 


MONSEIGNEUR  L.  F.   LAFLECHE, 

EVOQUE  DES  TBOIS-RIVIÈRES. 


—  7  — 

le  succès  de  ce  premier  congrès  des  missionnaires  agri- 
coles. 


DISCOURS  DE  Sa  Grandeur  Mgr  LAFLÈCHE. 

S.  Gr.  Mgr.  Laflèche,  prié  de  répondre  le  premier, 
proteste  d'abord  qu'il  ne  se  connait  point  de  grâces 
d'état  particulières  pour  parler  en  pareille  circonstan- 
ce. Sa  mission  à  lui  est  surtout  de  parler  du  haut  de 
la  chaire  comme  embassadeur  d'un  grand  monarque, 
le  divin  roi  Jésus.  En  cette  qualité  seulement  il  se  sent 
l'autorité  nécessaire  pour  exercer  l'influence  que  com- 
porte son  ministère,  et  le  faire  avec  fruit. 

Cette  fois,  il  s'agit  de  culture  de  la  terre.  Néanmoins^ 
puisque  c'est  le  vœu  du  congrès,  il  accepte  volontiers; 
tout  comme  il  a  été  heureux  de  se  rendra,  à  l'invitation 
cordiale  de  venir  à  la  Trappe,  selon  qu'il  le  désirait 
depuis  longtemps,  visiter  ces  bons  pères  trappi>tes, 
admirer  les  rés^ultats  magnifiques  de  leurs  conscien- 
cieux et  nobles  travaux. 

Il  félicite  l'honorable  ministre  d'avoir  choisi  Oka 

pour  lieu  de  réunion  de  ce  congrès  :  il  n'y  a  rien  de  tel 
pour  apprendre  tous  les  secrets  de  l'art  agricole  que  de 

fréquenter  de  vrais  agriculteurs,  et  il  n'y  a  point  d'a- 
griculteur plus  sincère,  d'agronome  plus  consommé  que 
le  trappiste,  le  moine-agriculteur. 

La  Trappe,  c'est  le  véritable  foyer  de  la  science  et 
du  progrès  ag  icole.  Après  les  déprédations  des  bar- 
bares, n'est-ce  pas  par  les  bénédictins  que  l'Europe  a 
été  rec»  nstituée  ?  Ils  vont  faire  en  Amérique  la  même 
œuvre  de  salut.  Leurs  fondations  de  N.-D,  du  Lac,  de 
N.-D.  de  Mistassini,  dans  la  province  de  Québec,  et  de 
N.-D.  des  Prairies,  dans  le  Manitoba,  en  sont  déjà  le 
gage  et  exercent  une  influence  considérable  pour  l'a- 
vancement agricole  de  ces  légions. 

L'orateur  se  réjouit  de  constater  la  belle  et  conso^ 


—  8  — 

lante  union  de  l'Eglise  et  de  l'Etat,  sur  le  terrain  agri- 
cole. Il  se  plait  à  en  augurer  la  grandeur  et  la  pros- 
périté de  notre  patrie  bien-aimée. 

Il  infère  aussi  de  là  qu'il  ne  sera  point  en  dehors 
•de  son  rôle  en  prenant  la  parole  au  sein  de  cette  assem- 
hlée.  Il  agira  ici  encore  comme  représentant  de  son 
,:grand  Roi,  dans  des  choses  qui  relèvent  du  domaine 
■de  celui-ci,  bien  plus  étroitement  que  biend  s  gens  ne 
le  pensent,  peut-être.  L'affinité  qui  existe  entre  la 
Teligion  et  l'agriculture,  le  mutuel  appui  qu'elles 
peuvent  et  doivent  se  prêter  ;  l'importance  de  ce 
mouvement  qui  met  au  service  actif  de  l'agriculture 
-le  clergé,  dépositaire  naturel  des  choses  de  la  religion  ; 
les  Vertus  de  Travail,  d'Economie^  de  Justice,  qu'il  faut 
prêcher  à  notre  peuple  pour  assurer  son  progrès  agri- 
cole et  moral,  voilà  autant  de  sujets  qui  méritent  la 
plus  sérieuse  attention. 

L'orateur  poursuit  en  ces  termes  : 

Depuis  un  wiècle  et  demi  environ,  des  savants  se 
«ont  occupés  activement  de  l'étude  des  lois  qui  con- 
duisent les  nations  à  la  prospérité  et  à  la  richesse.  Ils 
-en  ont  fait  une  science  à  laquelle  ils  ont  donné  le 
nom  d'Economie  politique.  Puis  se  plaçant  à  des  points 
"de  vue  différents,  ils  ont  inventé  différents  systèmes 
■qui  ont  sans  doute  du  bon  et  du  vrai,  mais  aussi  qui, 
pèchent  par  quelques  côtés,  en  ce  que  la  plupart  de 
■ces  systèmes  sont  trop  exclusifs  ou  poussés  au-delà  des' 
justes  limites  pour  opérer  le  bien.  îSans  entrer  dans 
l'examen  de  ces  différents  systèmes^  je  me  placerai  à 
un  point  de  vue  plus  élevé,  et  mieux  en  rapport  avec 
mon  caractère,  pour  vous  dire  avec  certitude  quelles 
«ont  les  lois  fondamentales  de  la  véritable  économie 
politique,  c'est-à-dire  les  lois  qui  conduisent  sûrement 
la  famille  et  la  nation  à  la  prospérité  et  au  bonheur 
■dans  l'ordre  temporel.  Ces  lois,  je  les  trouve  dans 
l'Evangile,  et  formulées  en  quelques  mots  par  L^  res-  , 
iaurateur  de  l'humanité  lui-même.  C'est  une  chose 
qui  m'a  toujours  étonné  que  des  hommes  qui  croient 
à  l'inspiration  des  livres  saints,  et  par  conséquent  à  la 


—  9  — 

certitude  infaillible  de  toutes  les  vérités  qui  y  sont 
contenues,  aient  cru  que  dans  l'ordre  scientifique  comme 
dans  Vordre  économique,  les  savants  et  les  hommes 
d'état  pouvaient  se  conduire  sans  en  tenir  compte,  et 
que  dans  leurs  différents  systèmes,  ils  pouvaient  sans 
danger  admettre  des  principes  et  des  conséquences 
contraires  aux  enseig  lements  de  la  Révélation  ;  comme 
s'il  pouvait  y  avoir  contradiction  dans  les  œuvres  de 
Dieu. 

C'est  donc  une  vérité  bien  consolante.  Messieurs, 
que  le  Sauveur  qui  s'est  fait  homme  pour  relever  et 
sauver  l'homme,  lui  enseigne  que  le  chemin  du  véri- 
table bonheur  ici  bas  est  en  même  temps  celui  qui  le 
conduit  le  plu<  sûrement  au  bonh^^ur  éternel  pour 
lequel  il  a  été  créé,  et  dont  le  désir  irrésistible  est  la  loi 
fondamentale  de  son  être.  Oui,  Messieurs  le  désir  du 
bonheur  est  le  premier  b  soin  du  cœur  humain  ;  c'est 
là  le  principe  moteur  de  tous  ses  mouvements,  de 
toutes  ses  aspirations.  Le  petit  enfant,  le  jeune  homme, 
l'homme  fait,  le  vieillard  cherchent  également  le  bon- 
heur, ils  le  poursuivent  avec  la  même  ardeur,  avec 
une  égale  persévérance,  sans  jamais  pouvoir  l'atteindre 
complètement  ici-bas,  parce  que  l'âme  humaine  a  des 
aspirations  infinies  que  les  biens  périssables  de  la  vie 
présente  ne  peuvent  satisfaire,  auxquels  le  Bien  Infini 
peut  seul  répondre  pleinement  Mais  elle  sent  instinc- 
tivement aussi  qu'il  y  a  un  certain  bonheur  relatif 
auquel  elle  peut  atteindre  ici-bas,  et  le  Sauveur  a  bien 
voulu  lui  enseigner  eu  quoi  consiste  ce  bonheur,  et 
par  quelles  voies  elle  peut  y  arriver.  C'est  dans  l'ad- 
mirable discours  de  la  montagne  que  Notre  Seigneur 
donne  ce  sublime  enseignement. 

Il  commence  d'abord  par  exposer  les  conditions 
'  )rales  et  religieuses  de  ce  bonheur,  les  sentiments 
dans  lesquels  doit  être  le  cœur  de  l'homme  par  rap- 
port aux  choses  de  la  vie  présente,  par  rapport  au  pro- 
chain et  par  rapport  à  Dieu  pour  trouver  la  paix  et  la 
félicité  Puis  venant  aux  biens  de  la  terre,  aux  choses 
nécessaires  à  la  nourriture  et  au  vêtement  du  corps,  il 
commence  par  rappeler  le  dogme  si  consolant  de  la 
Providence,   si  propre  à  calmer   les  inquiétudes   du 


—  10  — 

cœur  humain  que  les  craintes  et  les  incertitudes  de^ 
l'avenir  abreuvent  si  souvent  d'amertume.  î'  Ne  vous 
**  inquiétez  point  de  votre  vie,  dltil,  de  ce  que  vous- 
"  mangerez  ;  ni  au  sujet  de  votre  corps,  de  quoi  vous 
*•  le  revêtirez.  La  \w  n'est  elle  pas  plus  qae  la  nour- 
"  riture,  et  le  corps  plus  que  le  vêtement  ?  Regardez 
"  les  oiseaux  du  ciel  :  ils  ne  sèment  ni  ne  moissonnent 
"  ni  n'amassent  dans  des  greniers,  <  ependant  votre 
"  PÈRE  CÉLESTE  les  nourrit  Ne  valez-vous  pas  plus- 
*'  qu'eux  ?  Et  pour  ce  qui  est  du  vêtement,  pourquoi 
"  vons  inquiétez  vous  ?  Voyez  les  lis  de  la  campagne, 
**  comme  ils  croissent,  cependant  ils  ne  travaillent  ni 
*'  ne  filent.  Or,  je  vous  dis  que  Salomou,  même  dans 
"  toute  sa  gloire,  n'était  pas  vêtu  comme  l'un  d'eux. 
"  Si  donc  Dien  revêt  ainsi  r herbe  des  champs  qui  avjourd'hui' 
"  est,  et  qui  demain  set'a  Jetée  au  four,  combien  aura-t  il  plus 
"  de  soin  de  vous,  hommes  de  peu  de  foi  !  Ne  vous  inquiétez 
*'  donc  point,  disant  :  Qii aurons- nous  à  manger  H  à  boire, 
"  et  de  quoi  nous  vétirons-nous  ?  Car  ce  sont  les  païens 
"  qui  ont  de  l'inquiétude  pour  toutes  ces  choses  ;  et 
"  votre  Père  céleste  sait  que  vous  en  avez  besoin." 

Voilà,  Messieurs,  en  quels  termes   admirables  le 
Sauveur  rappelle  le  dogme  consolant  de  la  Providence  T 
Comment  11  nous  présente  le  bon  Dit^u  comme  le  meil- 
leur DES  Pères,  ayant  sans  ce*se  les   yeux  ouverts 
sur  les  besoins  de  ses  enfants,  ne  manquant  jamais  de 
leur  donner  le  A'ê'ement  et  le  pain  quotidien,  quand 
ils  observent  fidèlement   sa  sainte  loi.     C'est   ce  que- 
constat«»it  le  roi  prophète  quand  il  disait  :  "  J'ai  ét^ 
jeune  et  je  t-uis  devenu  vieux  maintenant,  et  je  n'ai 
point  vu  le  juste  abandonné,  ni  sa  race  mendier  son 
pain."  ps.  35-36. 

Mais,  me   direz-vous,  s  il   en  est   ainsi,  l'homme- 
juste  n'a  donc  qu'à  se  cioiser  les  bras  et  à  att»-ndre- 
tranquilement  que  le  bon  Dieu  lui  donne  le  pain  tout 
cuit  et  le  vêtement   tout  fait  !  !  Non  certes,  Messieurs,  ce 
n'est  pas  là  le  sens  de  cet  enseignement  profond  ;  cet 
homme  qui  se  croise  les  bras  dans  une  lâche  oisiveté, 
est  loin  dêtre  l'homme  juste  dont  parle  le  saint  roi 
David,  puisque  la  paresse  est  la  t,Jre  de  tous  les  vices  T 
Ecoutez  plutôt  la  conclusion  que  Notre-Seigneur  tire^ 


—  11  — 

de  cet  enseignement  :   Cherchez  donc  d'abord  le 
"  Royaume  de  Dieu  et  sa  justice,  et  toutes  ces 

"CHOSES     vous     SERONT     DONNÉES     PAR     SURCROIT." 

Math,  vi-33. 

Voilà,  Messieurs,  comnaent  Jésus-Christ  pose  en 
trois  lignes  la  base  fondamentale  et  les  véritables  prin- 
cipes de  toute  économie  politique  — de  la  production, 
de  l'administration  et  de  l'usage  des  biens  temporels 
ou  de  la  richesse. 

C'est  dans  l'observation  d^^s  lois  qu'il  a  établies 

ici-bis   concernant  ces  biens  et  les  choses  nécessaires 

^  à  la  nourriture,  au  vêtement  et  aux  autres  besoins  de 

la  vie  présente,  c'est-à-dire  concernant  tous  les  biens 

temporels  dont  l'homme  peut  avoir  besoin. 

Or,  le  royaume  de  Dieu  ici-bas,  ou  en  d'autres  ter- 
mes, les  sociétés  civil^-s  et  politiques  organisées  t-elon 
le  plan  divin  donné  par  Jésus-Christ,  et  selon  les  lois 
providentielles  qu'il  a  établies  sont  certainement  les 
plus  parfaites  que  l'on  puis**e  concevoir  II  est  donc 
important  d^  rechercher  quelles  sont  It^s  lois  que  Dieu 
a  établies  dans  ce  royaume  relativement  aux  biens 
temporels. 

Ces  lois.  Messieurs,  sont  au  nombre  de  trois,  sa- 
voir :  le  Travail,  I'Economie,  la  Justice.  Oui  !  don- 
nez-moi une  famille,  une  nation  où  la  loi  du  travail  soit 
fidèlement  pratiquée,  la  loi  de  Véconomie  constamment 
obs>ervée,  et  Injustice  toujours  respectée,  et  je  vous  dirai 
sans  crainte  de  me  tromper,  voilà  une  famille,  voilà 
une  nation  où  règne  l'aisance  et  la  prospérité,  la  paix 
et  le  bonheur. 

"  Heureux  le  peuple  qui  a  le  Seigneur  pour  son- 
Dieu."  (p.  134,  V.  15.) 

Etudions  quelques  instants,  Messieurs,  ces  lois 
fondamentales  de  la  prospérité  et  du  bonheur  de  l'in- 
dividu, de  la  famille  et  de  la  nation,  et  sur  lesquelles 
doit  «appuyer  nécessairement  toute  la  science  de  l'é- 
conomie  politique,  si  elle  veut  arriver  à  des  conclu^ 
sions  pratiques,  qui  soient  vraies  et  fécondes. 


—  12 


I. 


Et  d'abord  la  loi  du  7 1 avait  est  dans  la  nature  même 
•de  l'homme,  que  Job  proclame  '"être  né  pour  le  travail 
comme  l'oiseau  pour  voler"  (v.  7).  Aussi  la  trouvons- 
nous  inscrite  en  tête  des  livres  saints,  et  avant  même 
la  chute  de  nos  premiers  parents,  alors  que  la  terre  par 
la  richesse  de  sa  fécondité  naturelle  et  la  beauté  de  ses 
aspects  divers  était  limage  du  ciel,  et  s'appelait  le  Pa- 
radis terrestre.  Voici  en  effet  ce  que  dit  l'écrivain  sacré: 
"  Le  Seigneur  Dieu  prit  donc  l'homme  et  le  mit  dans 
le  paradis  de  délices  afin  qu'il  le  cultivât  et  le  GARDAT." 
<aen.  II,  15). 

Vous  le  voyez,  Messieurs,  le  travail  de  la  culture, 
voilà  la  première  loi  que  le  Créateur  donne  à  l'homme 
qu'il  vient  de  créer  à  son  image  et  à  sa  ressemblance. 
Mais  dans  cet  heureux  état  de  la  justice  originelle,  où 
l'homme  venait  de  sortir  des  mains  de  son  Créateur 
dans  toute  la  beauté  et  la  perfection  de  sa  nature,  cette 
loi  du  travail  n'avait  rien  de  dur  ni  de  pénible,  elle 
n'était  que  l'ex^^rcice  légitime  de  cette  activité  dont  le 
.Seigneur  l'avait  doué,  et  le  moyen  d'augmenter  tous 
les  jours  la  somme  de  son  bonheur,  en  développant  de 
plus  en  plus  ses  facultés  physiques,  morales  et  intel- 
lectuelles :  car  cette  belle  et  riche  nature  ne  lui  don- 
nait pas  seulement  le  pain  qui  nourrit  le  corps,  mais 
elle  était  encore  un  livre  qui  lui  donnait  l'aliment  in- 
tellectuel et  moral,  en  lui  parlant  éloquemment  de  la 
puissance,  de  la  sagesse  et  de  la  bonté  infinie  de  Dieu. 
C'est  dans  l'exercice  do  cette  double  activité  corporelle 
et  spirituelle  que  l'homme  devait  couler  heureusement 
les  jours  de  son  épreuve,  pour  arriver  ensuite,  s'il  était 
fidèle,  au  bonheur  sans  fin  du  paradis  céleste. 

Mais  à  la  loi  du  travail  se  joignait  une  autre  loi, 
celle  de  la  lutte  et  de  la  vigilance.  Il  devait  cultiver 
le  jardin  de  délices  et  le  "garder."  Il  avait  donc  un 
ennemi  jaloux  de  son  bonheur,  contre  lequel  il  devait 
sans  cesse  se  tenir  en  -garde  s  il  voulait  le  conserver.* 
C'était  lépreuve  à  laquelle  Dieu  le  soumettait  pour  le 


—  13  — 

mettre  eu  raesui'e  de  faire  la  conquête  du  royaum»^ 
éternel  ! 

Or  vous  voyez  ce  qui  est  arrivé  :  l'homme  a  suc- 
combé dans  la  lutte.  Il  a  violé  la  loi  de  sou  Dieu  en 
mangeant  le  fruit  défendu  sous  peine  de  mort.  C'est 
dans  l'abus  d'un  fruit  de  la  terre  que  l'homme  a  violé 
la  loi  de  son  Dieu  ;  c'est  aussi  dans  les  fruits  de  la  terre 
qu'il  sera  d'abord  puni  et  qu'il  entendr  <  cette  dure  sen- 
tence :  "Parce  que  vous  avez  mangé  du  fruit  dont  je 
vous  avais  défendu  de  manger,  la  terre  sera  maudite  à 
cause  de  ce  que  a^ous  avez  fait,  et  vous  n'en  tirerez  de 
quoi  vous  nourrir  pendant  toute  votre  vie  qu'avec 
beaucoup  de  travail.  Elle  ne  produira  que  des  épines 
et  des  ronces.  Yous  mangerez  votre  pain  à  la  sueur 
de  votre  front  "  (G-en.  m,  17-18). 

Voilà,  Messieurs,  comment  la  loi  du  travail,  si  fa- 
cile et  si  agréable  à  !*homme  dans  l'état  de  l'innocence, 
est  devenue  une  loi  pénale  après  sa  chute.  L'homme 
est  depuis  cette  fatale  époque  un  criminel  condamné- 
aux  travaux  forcés,  et  cela  sous  peine  de  mort.  Ce  châ- 
timent lui  est  infligé  par  un  père  miséricordieux,  com- 
me une  peine  médicale  pour  l'aider  à  se  relever  de  sa 
chute.  Le  S^^igneur  Dieu  a  bien  voulu  laisser  encore 
un  reste  de  bénédiction  et  de  fertilité  à  cette  terre  qu'il 
vient  de  frapper  de  mélédiction  et  de  stérilité  ;  mais  k 
la  condition  que  l'homme  en  arrache  les  épines  et  les 
ronces  et  que  par  un  travail  dur  et  pénible,  il  l'arrose 
des  sueurs  de  son  Iront.  Telles  sont  les  conditions 
dans  lesquelles  la  loi  du  travail  s'impose  aujourd'hui 
à  l'homme  ! 

'  La  première  loi  du  lègne— ou  royaume— de  Dieu 
ici-bas  concernant  la  production  des  biens  temporels, 
est  donc  la  loi  du  travail. 

Mais  le  travail  se  divise  en  deux  grandes  sections. 
Vagricvlture  et  V industrie.  Le  travail  agricole  donne  à- 
l'homme  les  matières  premières  que  produit  le  sol  ;  le 
travail  industriel  les  transforme  et  les  adapte  à  ses 
divers  usages  et  besoins,  soit  pour  sa  nourriture  et  son 
vêtement,  soit  pour  son  logement  ou  son  agrément. 

Le  commerce,  hs  institutions  financières,  les  voieaf= 


—  14  — 

-de  tran'-ports,  etc.,  sont  des  moyens  subsidiaires  de  faire 
bénéficier  davantage  l'homme  des  produits  do  son  tra- 
vail par  les  échanges  qui  en  peuvent  être  faits  avanta- 
geusement. 

Or  je  n'hésite  pas  à  dire,  Mespienrs,  que  le  travail 
agricole  est  celui  de  l'état  normal  de  l'homme  ici-bas, 
€t  celui  auquel  est  appelée  la  masse  du  genre  humain. 
C'est  aussi  celui  qui  est  le  plus  favorable  au  développe- 
ment de  ses  facultés  physiques,  morales  et  intellec- 
tuelles, et  surtout  qui  le  met  le  plus  directement  en 
rapport  avec  Dieu.  Vous  ne  manquerez  pas  de  redire 
aux  cultivateurs  que  le  travail  agricole  est  le  plus  noble 
ici-bas  parce  qu'il  se  fait  nécessairement  avec  le  con- 
cours direct  de  Dieu.  Vous  êtes- vous  jamais  demandé 
-qui  a  fait  la  gerbe  de  blé  que  l'on  récolte  dans  un  champ 
au  temps  de  la  moisson  ?  Vous  savez  comme  moi  qu'elle 
est  l'œuvre  de  deux  ouvriers,  de  l'homme  et  de  Dieu. 
,Si  le  cultivateur  n'était  pas  entré  dans  son  champ  au 
printemps,  s'il  n'avait  pas  débarrassé  le  sol  des  épines 
^t  des  ronces  qui  le  couvraient,  s'il  ne  l'avait  pas 
labouré  profondément  i)our  y  déposer  la  semence  du 
froment,  il  n'y  aurait  certainement  pas  poussé  de  blé. 
Voilà  le  travail  du  cultivateur  ;  voilà  ce  que  Dieu 
demande  de  lui.  Quand  il  a  accompli  ce  travail,  il  se 
retire  de  ce  champ  ;  il  l'enclôt  avec  soin,  afin  que  rien 
ne  vienne  troubler  le  travail  divin  qui  va  succéder  à 
son  pénible  labeur.  Ce  champ  devient  pour  lui  quel- 
que chose  de  sacré,  sur  lequel  il  doit  veiller  avec  soin. 

C'est  que  Dieu  va  y  entrer  à  son  tour  et  continuer 
le  travail  commencé.  Il  y  enverra  régulièrement  la 
lumière  de  l'aurore  et  la  rosée  du  matin,  la  chaleur  du 
raidi  et  la  pluie  du  soir,  et  après  quelques  jours  com- 
mencera ce  travail  de  la  germination,  la  semence  plon- 
geant dans  le  sol  une  racine  qui  va  lui  donner  le  point 
d'appui  et  la  nourriture  dont  elle  a  besoin,  et  pous- 
sant vers  le  ciel  une  tige  délicate  qui  grandira  tous  les 
jours  jusqu'à  ce  qu'elle  donne  un  épi  chargé  de  30,  40 
ou  50  grains  semblables  à  elle-même.  Quand  ce  tra- 
vail est  fait,  que  Dieu  a  couvert  d'une  riche  moisson 
ce  champ  si  péniblement  ensemencé.  Il  dit  au  cultiva- 
teur :  voilà  ce  que  je  te  donne  pour  toi  et  ceux  que  j'ai 


-  15  — 

-confiés  à  ta  sollicitude.  C'est  donc  une  vérité.  Mes- 
sieurs, une  vérité  bien  consolante  et  bien  honorable 
pour  le  cultivateur,  qu'il  a  Dieu  lui-même  pour  colla- 
borateur. On  n'en  saurait  dire  autant  du  travail  in- 
dustriel où  le  concours  de  Dieu  n'apparaît  pas  aussi 
•directement.  Il  n'y  a  que  deux  hommes  qui  travHillent 
ainsi  conjointement  avec  Dieu,  le  prêtre  dans  l'ordre 
surnaturel,  et  le  cultivateur  dans  l'ordre  naturel. 

Invitez,  messieurs,  nos  braves  cultivateurs  cana- 
diens à  ne  jamais  perdre  de  vue  la  noblesse  de  leur 
condition  et  les  avantages  précieux  que  leur  procure 
le  travail  de  la  terre. 

"  Le  labourage  et  le  pastourage,  disait  le  ^rand 
ministre  Sully,  voilà  les  deux  mamelles  dont  la  France 
•est  alimentée,  les  vrayea  mines  du  Pérou." 

Il  faut  dire  la  même  chose  de  la  Nouvelle  France, 
de  ce  beau  pays  du  Canada  que  nous  ont  conservé,  au 
prix  de  si  grands  sacrifices,  et  transmis  nos  vaillants 
•et  religieux  ancêtres.  Oui  !  la  prospérité  et  l'avenir 
des  Canadiens-Français  se  trouvent  dans  la  culture  et 
les  pâturages  de  son  riche  territoire.  Puisse  le  peuple 
canadien  comprendre  cette  vérité  importante,  et  ne  la 
jamais  perdre  de  vue,  s'il  veut  accomplir  les  grandes 
destinées  que  lui  réserve  sans  aucun  doute  la  Provi- 
dence. 


II. 


Il  convient  donc  de  vous  signaler  ici  un  danger 
auquel  sont  exposés  un  nombre,  hélas  !  trop  grand,  de 
nos  compatriotes,  je  veux  dire  le  danger  de  l'émigra- 
iion.  Messieurs,  quand  un  arbre  a  conduit  à  une  heu- 
reuse maturité  les  fruits  dont  il  est  chargé,  ces  fruits 
s'en  détachent  sans  efforts  et  sans  dangers,  et  ils  vont 
porter  ailleurs  l'abondance  et  la  richesse  Mais  quand 
ces  fruits  s'en  détachent  avant  le  temps,  quand  la 
morsure  des  insectes  ou  la  violence  de  la  tempête  les 
blessent  à  mort  ou  les  précipitent  sur  le  sol,  c'est  une 
calamité  dont  cet  arbre  a  grandement  à  souffrir.  Il 
faut  en  dire  autant  d'une  nation.  Quand  elle  a  grandi 


—  16  — 

et  qu'elle  s'est  développée  aa  point  de  couvrir  tout  sool 
territoire,  alors  1  emiffration  devient  pour  elle  un  bien- 
fait, une  source  de  richesse  et  de  force  pour  les  colo- 
nies qu'elle  va  fonder. 

Mais  au  contraire,  lorsque  chez  une  nation  qui  ea. 
est  encore  au  début  de  sa  fondation,  et  n'a  pas  encore 
pu  occuper  et  mettre  en  valeur  le  quart  de  son  terri- 
toire, l'on  constate  déjà  des  courants  d'émigration  qui' 
lui   enlèvent  une   forte   proportion  de  sa  jeunesse  et. 
même  de  ses  familles,  il  devient  évident  alor?»  qu'il  y  a>. 
chez    elle    quelque    chose   d'anormal,  et    qu'elle    est 
atteinte  d'un  mal  qui  pourrait  avoir  pour  elle  les  plu* 
graves  conséquences.     Or,  tel  e^t   le   cas  pour  le  petit- 
peuple   canndien,  vous   le   savez  comme  moi.     L'érai- 
gration  de  sa  jeunesse  a   pris,  dans  ces  dernières  an- 
nées de   si  grandes  pro|  ortions,  que  son  clergé  et  ses- 
hommes   d'état   en   ont   été   alarmés.     Mon  intention 
n'est  pas  de  vous  exposer  aujourd'hui,  1  étendue  et  la 
gravité  de  ce  mal,  et  les  remèdes  qu'il  faudrait  y  ap- 
porter     Mais  puisque  l'occasion  s  en  présente,  je  vous- 
dirai  en  passant  que  l'une  des  causes  qui  a  conduit  à 
l'étranger  un  si  grand  nombre  de  n'^s  jeunes  compa- 
triotes, a  été  le  refus  de  se  soumettre  à  1h  loi  du  tra- 
vail telle  que  je  viens  de  vous  l'exposer.     Le  défriche- 
ment et  la  mise  en  valeur  du  sol  canadien  leur  a  paru. 
à  un  grand  nombrt^  un  trivail  trop  dur  et  par  trop  pé- 
nible.    Au  pain  commun  du  courageux  colon,  ils  ont 
préféré  le  pain  blanc  du  maître  américain  ;  au  travail 
isolé  et  libre  du  jeune   cultivateur,  ils   ont   préféré  le 
travail  enrégimenté  des  boutiques  américaines.  Voyez 
le  résultat  après  une  trentaine  d'années.  Des  paroiîjse»- 
nombreuses  qui  ne  laissent  rien  à  envier  ar^x  vieilles.^ 
paroisses,  ont  surgi   comme   par  enchantement   dans 
les  colonies  du  îSaguenay,  des  Cantons  de  l'Est  et  de 
l'Ottawa.     Là  des   milliers  de  familles   canadiennes 
par  la  langue,  par  le  cœur  et  par  la  foi  ont  réussi  à  se 
procurer  une   position   honorable   et   indépendante  ; 
elles  font  la  force  et  assurent  l'avenir  de  notre   petit- 
peuple.    Telle  est  la  récompense  accordée  à  ces  colons- 
au  cœur  généreux,  pour  leur  attachement  au  sol  natal,, 
leur  soumission  courageuse  à  la  loi  du  travail.     Nos- 
frères  de  l'émigration,  au  contraire,  ont  eu  à  traverser- 


—  17- 

la  terrible  guerre  de  la  sécession,  et  l'on  estime  que  45 
mille  se  sont  engagés  pour  aller  porter  la  guerre  et  la 
dévastation  chez  des  populations  qui  ne  leur  avaient 
jamais  fait  de  mal,  et  qu'environ  15  mille  ont  succom- 
bé dans  ces  luttes  fratricides  !  ! 

Et  que  de  milliers  ont  ruiné  en  quelques  années 
leur  santé  dans  le  travail  délétère  des  manufactures 
américaines  et  sont  morts  à  la  fleur  de  l'âge  !  Ce  qui 
■est  encore  plus  triste,  c'est  la  perte  des  mœurs  et  delà 
foi  pour  un  nombre  encore  beaucoup  plus  grand  ! 

Efforcez  vous  donc,  Messieurs  les  missionnaires 
agricoles,  de  faire  aimer  à  notre  jeunesse  le  travail  de 
l'agriculture,  et  continuez  avec  persévérance  à  en  per- 
fectionner les  méthodes,  et  à  leur  en  faire  comprendre 
les  avantages  précieux,  et  surtout  à  le^  convaincre  que 
leur  avenir  et  celui  de  leurs  chers  enfants  est  là. 

III. 

Le  travail  de  la  culture  incombe  naturellement  à 
l'homme,  il  est  plus  en  rapport  avec  ses  forces  et  ses 
aptitudes  ;  mais  il  ne  s'ensuit  pas  que  l'homme  soit  le 
seul  soumis  à  cette  loi.  La  femme  doit  aussi  la  su- 
bir. 

Je  regrette  qu'il  ne  pe  trouve  point  dans  cette  ré- 
union des  Dames  ni  des  demoiselles,  car  j'aurais  des 
choses  fort  intéressantes  à  leur  dire  à  ce  sujet.  Yous 
voudrez  donc  bien  leur  redire  l'honorable  et  impor- 
te mission  que  Dieu  leur  a  confiée  à  ce  sujet  et  l'éloge 
magnifique  que  Salomon  fait  de  la  femme  forte  à  la  fin 
des  Proverbes  (31-10)  : 

"  Qui  trouvera  une  femme  forte,"  dit-il  ?  C'est-à- 
dire  une  femme  à  la  hauteur  de  sa  mission  dans  la  fa- 
mille ?  "  Elle  est  le  trésor  de  la  maison,  d'une  valeur 
plus  grande  que  l'or  et  les  pierres  précieuses  que  l'on, 
apporte  des  pays  éloignés." 

Certes,  voilà  un  éloge  bien  magnifique  de  la  femme 

qui  préside  au  gouvernement  de  sa  maison  comme  le 

demande  la  loi  de  Dieu  ;  et  il  parait  qu'au  temps  de 

Salomon,  une  telle  femme  se  rencontrait  assez  rare- 

2 


—  18  — 

ment.  En  serait-il  de  même  de  no!§  jours  ?  J'aime  à 
croire  le  contraire  ;  car  nos  mères  élevées  en  grande 
partie  dans  ces  asiles  bénis  que  l'on  appelle  le  cloître 
ou  le  couvent,  y  ont  reçu  cette  éducation  profondé- 
ment chrétienne  qui  les  a  préparées  d'avance  à  rem- 
plir dignement  le  rôle  si  important  du  gouvernement 
de  la  famille.  Aussi  l'un  des  plus  célèbres  orateurs 
sacrés  de  notre  temps,  le  révérend  père  Félix,  en  par- 
lant du  progrès  par  la  famille  chiétiennc,  >V'st-il  plu  à 
relever  le  mérite  de  la  femme  canadienne,  dans  la 
chaire  de  Notre-Dame  de  Paris,  dans  Tune  de  ses  cé- 
lèbres conférences  sur  le  Progrès.  Mais,  Messieurs, 
c'est  surtout  à  nos  vénérables  mères  canadiennes,  qui 
avaient  conservé  intactes  les  traditions  patriarchales 
de  l'ancienne  France,  que  s'adressaient  ces  éloges  du 
célèbre  orateur.  8'il  parcourait  aujourd'hui  le  Canada, 
s'il  visitait  nos  grandes  villes,  s'il  observait  les  usages 
et  les  costumes  modernes  d'un  si  grand  nombre  de  nos 
familles  canadiennes,  ne  croyez-vous  pas  comme  moi, 
qu'il  hésiterait  à  répéter  le  même  éloge  de  la  femme 
canadienne  de  notre  temps,  et  qu'au  moins  il  serait 
forcé  d'y  mettre  une  restriction  fort  significative  '  On 
ne  peut  se  le  cacher,  les  costumes  et  les  modes  des 
femmes  étrangères  à  notre  foi  et  à  nos  usages  ont  ex- 
ercé une  influence  fort  regrettable  dans  un  grand  nom- 
bre de  familles  canadiennes.  Il  peut  être  utile  de  le 
signaler  ici,  afin  de  les  mettre  en  garde  contre  ce  dan- . 
ger.  Que  les  femmes  canadiennes  regardent  donc 
comme  l'un  des  biens  les  plus  précieux  que  leur  ont 
légués  leurs  religieuses  ancêtres,  ces  habitudes  d'ordre 
et  d'économie,  ces  costumes  modestes  si  conformes  à  la 
décence  chrétienne,  cette  vigilance,  cette  activité  et 
cette  piété  sincère  qui  ont  été  la  source  d'une  bénédic- 
tion si  abondante  sur  notre  peuple. 

Après  avoir  proclamé  que  la  femme  forte  est  le 
trésor  de  la  maison,  Salomon  déclare  qu'elle  en  fait 
aussi  le  bonheur,  et  que  sou  époux  repose  en  elle  toute 
la  confiance  de  son  cœur,  et  qu'il  l'a  louée  hautement 
et  que  ses  enfants  l'ont  proclamée  très  heureuse. 

Qu2  fait  donc  cette  femme  forte  pour  mériter  de 
la  bouche  même  de  l'écrivain  sacré  de  si  magnifiques- 


—  19  — 

éloges?  Elle  observe  fidèlement  la  loi  du  travail  dan» 
le  soin  et  ie  gouveruem^^nt  de  sa  maison.  Ecoutez  eu 
effet  ce  qu'en  dit  Salomon.  "  Elle  a  cherché  la  laine 
et  le  lin,  et  elle  a  travaillé  avec  des  mains  saj^'S  et  in- 
génieuses. Ell*^  a  porté  sa  main  à  des  choses  fortes,  et 
ses  d'»igts  ont  pris  le  fuseau  "  Vous  le  voyez,  elle 
pourvoit  au  vêtement  de  sa  famille.  Elle  ne  va  pa.s 
l'acheter  dans  le  magasin  aux  dépens  des  sueurs  de 
son  mari.  Oh  non  !  elle  les  trouve  dans  le  filage  et  le 
tissage  de  la  laine  et  du  lin  que  lui  a  remis  son  époux  ! 
Aussi  elle  ne  redoute  ni  le  froid  ni  la  neige,  parce  que 
tous  ceux  de  sa  maison  ont  un  vêtement  double.  Après 
avoir  ainsi  pourvu  au  vêtement  journalier  de  sa  fa- 
mille, elle  la  revêt  encore  de  lin  et  de  pourpre  pour 
les  jours  de  fête  et  les  grandes  solennités  ;  son  mari 
parait  avec  honneur  dans  l'assemblée  des  juges,  lors- 
qu'il siège  avec  les  sénateurs  de  la  terre. 

Elle  va  plus  loin,  elle  pourvoit  à  ramenblem3nt 
et  à  la  décoration  de  la  maison,  en  confectionnant  des 
tapisseries,  des  rideaux,  des  ganitures  de  lits.  Elle 
fait  aussi  des  étoffes  et  des  ceinturons  qu'elle  livre  au 
commerce  ;  en  sorte  qu'elle  est  comme  le  vaisseau  du 
marchand  qui  apporte  de  loin  son  pain 

Certes,  Messieurs,  vous  conviendrez  avec  moi 
qu'une  telle  femme  est  ajusta  titre  appelée  le  trésor 
de  la  maison  Mais  ce  n'est  pas  tout,  elle  pourvoit 
aussi  à  la  nourriture  de  la  famille  ;  et  pour  cela  elle 
se  lève  même  avant  le  jour,  elle  assigne  à  chacun  son 
travail  de  la  journée,  et  tient  prête  la  nourriture  né- 
cessaire à  chacun.  Elle  a  aussi  son  jardin,  y  plante  la, 
vigne  et  y  cultive  les  fruits  nécessaires  à  sa  maison. 

Après  avoir  ainsi  pourvu  aux  divers  besoins  de  sa 
maison,  sa  sollicitude  s'étend  sur  les  nécessiteux  ;  elle 
ouvre  sa  main  à  l'indigent  et  tend  ses  bras  vers  le- 
pauvre,  et  sa  vigilance  sur  tout  le  personnel  de  sa 
maison  est  si  exacte  qu'elle  n'éteint  point  sa  lampe 
pendant  la  nuit. 

Voilà  en  peu  de  mots,  Messieurs,  l'éloge  admira- 
ble que  l'écrivain  sacré  fait  de  la  femme  forte  à  la  fiu- 
du   livre  des   Proverbes.     Inutile   d'y    rien    ajouter» 


—  20  — 

Kfforcez-vous  d'exhorter  les  femmes  canadiennes  à 
bien  étudier  ce*^  admirable  modèle,  et  à  s'efforcer  de 
l'imiter  autant  qu'il  leur  est  possible. 

Il  est  donc  évident  que  la  loi  du  travail  ainsi  com- 
prise et  ainsi  pratiquée  dans  nos  familles  canadiennes 
y  amènera  infailliblement  l'aisance,  la  prospérité  et  le 
bonheur.  A  v^ous,  Messieurs  les  miss ■  on n aires  agri- 
coles, de  faire  comprendre  par  vos  paroles,  que  le  peuple 
canadien  peut  et  doit  trouver  sur  le  sol  que  lui  ont 
légué  ses  ancêtres,  par  un  travail  convenable,  la  nour- 
riture et  le  vêtement  qui  lui  sont  nécessaires,  et  que 
c'est  à  cette  condition  qu'il  arrivera  à  ce  degré  de  force 
et  de  prospérité  qui  assureront  son  avenir  et  celui  de 
ses  enfants.  - 

Si  la  loi  du  travail  dûment  observée  doit  amener 
l'abondance  de  la  famille,  il  est  une  autre  loi  tout  aussi 
nécessaire  pour  en  assurer  la  conservation,  et  y  main- 
tenir une  prospérité  toujours  croissante.  Cette  loi  c'est 
celle  de  'TEcoNOMiE."  Oui  !  l'économie,  et  surtout  l'é- 
conomie domestique,  est  le  corollaire  nécessaire  du  tra- 
vail. C'est  en  vain  que  le  travailleur  apportera  les 
fruits  abondants  de  son  activité  à  la  maison,  si  l'ab- 
sence d'une  sage  économie  les  dissipe  au  fur  et  à  me- 
sure. Il  sera  en  quelque  sorte  condamné  au  supplice 
des  Danaïdes  chargées  de  remplir  un  tonneau  qui  n'a- 
vait point  de  fond.  Vous  me  permettrez  de  vous  citer 
l'expression  originale  quoique  triviale,  dont  se  servait 
-un  brave  Canadien  marié  à  une  femme  sauvasre,  dans 
l'une  de  mes  missions,  pour  exprimer  la  même  idée  : 
-Comment  voulez  vous,  Monsieur  le  Curé,  que  l'on  puisse 
faire  prospérer  une  famille,  quand  le  coq  seul  gratte, 
et  que  la  poule  ne  ramasse  point  ?" 

Il  faut  donc,  Messieurs,  pour  assurer  la  prospérité 
■et  le  bonheur  de  la  famille  qu'une  sage  économie  admi- 
nistre avec  prudence  et  intelligence  les  biens  que  pro- 
-duit  le  travail. 

Or  l'homme  doit  faire  trois  parts  des  biens  que  Dieu 
lui  donne  :  lo  une  part  pour  Dieu  ;  2o  une  part  pour 


—  21  — 

le  prochain  :  3o  ot  la  troisième  part  pour  lai-mème  et 
les  siens.  Tel  est  l'enseignement  des  livres  saints,  et 
aussi  celui  de  la  conscience  et  du  cœur  humain  ! 

La  part  de  ses  biens  que  l'homme  doit  faire  à  Dieu^ 
est  appliquée  pux  dépenses  nécessaires  pour  le  culte 
divin,  pour  la  construction,  la  décoration  et  l'entreti^^n 
des  édifices  sacrés  ;  pour  la  vie,  le  logement  et  l'entre- 
tien des  personnes  consacrées  au  culte  de  Dieu,  etc. 
C'est  cequ''  dans  tous  les  temps  et  chez  tous  les  peu- 
ples l'homme  a  toujours  reconnu  comme  un  devoir 
sacré,  même  chez  les  peuples  infidèles  et  les  nations 
les  plus  barbares.  Rien  de  plus  conforme  à  la  rai -on 
et  au  sentiment  de  la  reconnaissance,  que  de  retour- 
ner ainsi  à  la  gloire  de  Dieu  une  petite  partie  de  ces 
biens  qu^^  sa  Providence  nous  donne  avec  tant  de 
bonté  et  de  générosité  ! 

La  part  des  biens  qu'il  faut  faire  aux  nécessiteux  et 
au  soulagement  des  misères  du  prochain  est  peut-être 
le  précepte  évangélique  le  plus  formellement  formulé 
par  Notre-Seigneur  Jésus  Christ,  et  c'est  comme  sou- 
verain juge  des  viv^ants  et  des  morts  qu'il  le  proclame. 
C'est  à  l'accomplissem^'Ut  de  ce  préi-epte  qu'il  promet 
le  royaume  éternel,  comme  aussi  il  menace  de  la  dam- 
nation et  du  feu  éternel  ceux  qui  auront  refusé  de  l'ac- 
complir. 

Enfin,  que  l'homme  emploie  la  troisième  part  de- 
ses  biens  pour  le  soutien  et  l'avenir  de  sa  famille. 

Je  dois  ici  vous  signaler  une  grave  erreur  au  sujet 
de  ces  biens,  et  vous  rappeler  une  vérité  que  l'on  ou- 
blie peut-être  trop  souvent  :  c'est  que  l'homme  n'em 
est  pas  le  maître  absolu,  et  qu'il  n'est  pas  libre  d'en 
user  et  d'en  abuser  comme  bon  lui  semblera  :  il  doit 
se  souvenir  que  ces  biens  appartiennent  d'abord  à  Dieu,, 
et  que,  lui,  l'homme,  n'en  est  à  proprement  parler  que 
l'économe  ou  l'administrateur.  Notre-Seigneur  a  jugé 
cet  enseignement  si  important  qu'il  nous  l'a  donné  dans 
une  parabole  admirable,  ann  d'en  faciliter  l'intelligence 
à  tout  le  monde  et  de  le  graver  plus  profondément  dans 
les  cœurs,  je  veux  dire  la  parabole  du  Père  de  famille 
et  de  l'économe  infidèle.     Vous  le  savez  comme  moi,  c&^ 


22 

Père  de  famille,  <•'.  st  Dieu,  maître  absolu  de  tous  les 
biens  :  l'économe,  c'est  l'homme,  à  qui  Dieu  ♦^n  confie 
l'admini-tration  ;  et  l'économe  infidèle,  c'est  l'homme 
qui  abuse  de  ces  biens,  en  les  employant  à  la  satisfac- 
tion d«à  ses  passions,  ou  à  tout  autre  objet  que  la  loi  de 
Dieu  réprouve. 

Vous  savez  également.  Messieurs,  quel  compte 
sévère  ce  Père  de  famille  fait  rendre  à  son  économe  de 
temps  à  autre,  et  comment  il  le  punit  en  les  lui  ôtant. 
quand  il  le  trouve  coupable  de  prév  arication.  Voilà 
ce  qui  nous  explique  les  divers  fléaux  et  accidents  qui 
frappent  !^()uvent  les  travaux  de  l'homme,  qui  amènent 
les  mauvaises  récoltes,  les  perturbations  conimerc  iales 
et  industrielles,  etc.,  car  c'est  toujours  la  même  loi  pro- 
videntielle qui  châtie  l'homme  par  où  il  pèche,  et  l'af- 
flige dans  les  biens  temporels.  Quand  il  dissipe  et 
abuse  de  ces  biens.  Dieu  les  lui  retire  en  tout  ou  en 
partie  pour  lui  apprendre  à  en  faire  un  meilleur  usage. 

Permettez-moi  de  vous  signaler  ici  deux  violations 
considérables  de  la  loi  de  l'économie  dont  le  p  .uple 
canadien  s'est  rendu  coupable  depuis  un  bon  nor.bre 
-d'années,  ce  sont  les  sommes  énormes  qu'il  a  dépensées 
pour  les  boissons  enivrantes  et  les  objets  de  luxe.  Com- 
bien de  familles  à  l'aise  et  même  riches,  ont  été  mises 
à  la  gêne  et  même  ruinées  par  ces  folles  dépenses  !  Com^ 
bien  de  Canadiens  et  de  Canadiennes  ont  été  forcés 
d'abandonner  le  pays  par  suite  de  ces  excès  lamenta- 
bles !  Yous  seriez  étonnés  des  sommes  jetées  dans  le 
gouffre  de  l'ivrognerie  et  du  luxe  depuis  une  quaran- 
taine d'années,  c'est-à-dire  depuis  que  la  plaie  de  l'émi- 
gration aux  Etats-Unis  s'est  attachée  au  flanc  du 
peuple  canadien.  Je  n'hésite  pas  à  le  dire,  ces  sommes 
se  chifîrent  par  des  millions  et  des  millions  de  piastres, 
— et  les  émigrés  à  l'étranger,  par  des  centaines  et  des 
centaines  de  mille  !  !  A  vous,  Messieurs,  de  bien  com- 
prendre la  gravité  de  ce  mal,  même  au  point  de  vue 
purement  économique,  et  d'y  appliquer  le  remède  con- 
venable par  vos  paroles  et  vos  sages  conseils. 

N'c-it-il  pas  évident,  Messieurs,  que  ces  deux  lois 
-du  royaume  de  Dieu  sur  la  terre,  relativement   aux 


—  23  — 

lîiens  temporels,  la  loi  du  travail  et  la  loi  de  l'écono- 
mif,  renferment  le  secret  de  l'aisance  et  de  la  prospé- 
rité des  familles  et  par  conséquent  de  la  nation  ? 

Reste  maintenant  à  vous  dire  quelque  chose  de  la 
troisième  qui  est  celle  de  la  justice. 

V. 

Ah  !  Messieurs,  que  de  dépenses,  que  de  larmes, 
<jue  de  sang  épargnés  aux  familles  et  aux  nations,  si 
cette  loi  de  Injustice  était  bien  comprise  et  bien  obser- 
vée par  tous  les  hommes  î  Voici  ce  qu'en  dit  l'apôtre 
S.  Jacques,  au  chapitre  4  de  son  épître  :  "  D'où  vienneiit 
les  guerres  et  les  procès  entr»^  vous  ?  n'ost-ce  pas  de 
vos  paiisions  qui  combattent  dans  votre  chair  ?  Vous 
êtes  pleins  de  désirs,  et  vous  n'avez  pas  ce  que  vous 
dési'ez  ;  vous  tuez,  et  vous  êtes  jaloux,  et  vous  ne  pou- 
vez obtenir  ce  que  vous  voulez  ;  vous  plaidez  et  vous 
faites  la  guerre  les  uns  contre  les  autres,  et  vous 
n'avez  pas  néuimoins  ce  que  vous  tâchez  d'avoir,  parce 
que  vous  ne  le  demandez  pas  à  Dieu." 

Examinons  dabord  ce  que  demande  la  justice  dans 
la  famille  sous  le  rapport  des  biens  temporels.  Nous 
venons  de  voir  que  les  parents  ne  sont  que  les  admi- 
nistrateurs de  ces  biens,  et  cela  dans  l'intérêt  et  pour 
le  plus  grand  bien  des  enfants  La  justice  demande 
donc  que  les  parents  fassent  les  dépenses  nécessaires 
pour  leur  entretien  convenable,  pour  leur  éducation  et 
leur  établissement  à  venir,  et  que  pour  remplir  ce  de- 
voir si  important,  ils  fas^^ent  toutes  les  épargnes  et  les 
économies  en  leur  pouvoir.  Est-ce  ainsi  que  les  cho- 
ses se  passent  en  général  dans  notre  pays  ?  Hélas  ! 
combien  de  familles  sont  entraînées  dans  les  dettes, 
mises  à  la  gêne  et  souvent  ruinées,  par  suite  de<*  folles 
dépenses  auxquelles  on  se  laisse  all-'r  pour  les  exi- 
gences des  jeunes  gens  et  des  jeunes  filles! 

Combien  de  familles  ont  été  obligées  de  se  disper- 
ser avant  le  temps  par  suite  de  ces  folles  dépenses,  de 
s'expatrier  après  avoir  dissipé  un  bel  héritage  que  leur 
avaient  légué  leurs  laborieux  et  économes  ancêtres, 
pour  aller  se  mettre  au   service  de  maîtres  étrangers 


—  24  — 

qui  s'enrichissent  du  produit  de  leur  travail,  souvent 
aux  dépens  de  la  santé,  de  l'honneur,  et  même  de  la 
vie  de  leurs  entants  auxquels  ils  devaient  transmettre 
l'héritage  paternel  ! 

Mais  c'est  surtout  dans  les  associations  indus- 
trielles que  la  loi  de  la  justic*^  doit  être  observée,  pour 
le  maintien  de  l'accord  et  de  la  paix  entre  les  patrons 
et  les  ouvriers. 

Un  fait  remarquable,  c'est  que  plus  le  travail  est 
organisé,  moins  l'ouvrier  a  le  produit  de  son  travail;  la 
plus  large  part  revient  toujours  au  capital,  qui  fournit 
la  matière  première,  les  outillages  et  la  direction  ;  et 
le  pauvre  ouvrier,  lui,  qui  porte  le  poids  du  jour  et  de 
la  chaleur,  a  toujours  la  plus  petite  part,  qui  est  sou- 
vent insuffisante  pour  le  soutien  de  sa  famille.  De  là 
ce  contraste  douloureux  de  fortunes  colos>ales,  à  côté 
de  misères  sans  nom.  De  là  aussi  ces  murmures,  ces 
plaintes  sourdes  des  multitudes  ouvrières  qui  rap- 
pellent le  grondement  des  volcans,  ces  grèves  qui 
mènent  à  des  désastres  pour  les  patrons  et  les  ouvriers^ 
et  qui  dégénèrent  en  guerres  civiles.  Voilà,  Messieurs, 
où  conduisent  la  violation  de  la  justi'^e  et  de  l'équité,, 
dans  les  rapports  du  capital  et  du  travail.  La  loi  na- 
turelle aussi  bien  que  la  loi  évangélique  exige  que  le 
salaire  de  l'ouvrier  ait  une  proportion  juste  et  équi- 
table avec  les  bénéfices  que  le  patron  tire  de  son  tra- 
vail, et  qu'il  puisse  trouver  dans  ce  salaire  le  soutien 
convenable  de  sa  famille.  D'un  autre  côté  l'ouvrier 
ne  doit  pas  oublier  les  droits  du  patron,  et  exiger  un 
salaire  trop  élevé  et  ruineux  pour  son  maître. 

Ah  !  Messieurs,  que  de  dépenses,  que  de  larmes, 
que  de  ruines  n'entraînent  pas  pour  les  individus, 
pour  les  familles  et  pour  les  nations  la  violation  des 
lois  de  la  justice  et  de  l'équité  ! 

C'est  donc  avec  infiniment  de  raison  que  le  Sau- 
veur a  résumé  son  enseignement  relatif  à  l'acquisition 
et  à  l'administration  des  biens  temporels  par  ce  prin- 
cipe fondamental  :  "  Cherchez  d'abord  le  royaume  de 
Dieu  et  sa  justice,  et  toutes  ces  choses,  c'est-à-dire  les 
biens  de  la  terre,  vous  seront  données  par  surcroît. '* 


—  25  — 

C'est-à-dire,  que  l'on  observe  exactement  les  lois  du 
Travail,  de  VEtonomie  et  de  la  Justice,  et  l'on   arrivera 
à  l'aisance,  au  bien-être  et  au  bonheur  relatif  que  les- 
biens  temporels  peuvent  procurer  à  l'homme  ici-bas. 


DISCOURS  DE  L'HON.  M.  BEAUBIEN 


L'honorable  Commissaire  de  l'Agriculture  répond 
aussi  aux  adresses  qui  ont  été  x:)résentées. 

Et,  d'abord  ;  Il  se  félicite  de  contempler  une  as- 
semblée fr^i  belle,  ré  mie  pour  l'avancement  des  intérêts- 
de  l'agriculture  ;  d'y  saluer  comme  président  hono- 
raire, S.  G".  Mgr  Laflèche,  qui  a  été  dans  notre  pays  le 
premier  apôtre  de  la  cause  agricole.  Et  il  rappelle  la 
propagande  heureuse  du  vénéré  prélat,  laquelle  date 
de  quarante  années  et  plus;  son  opinion  d'alors  sur 
la  cause  agricole,  opinion  si  pleine  d'actualité  et  de 
sens  pratique  encore  aujourd'hui. 

"  Monseigneur,  continue  l'orateur,  votre  présence 
ici  est  une  bénédiction  pour  l'œuvre  agricole,  et  pour 
ce  congrès,  dans  le  succès  duquel,  je  compte  pour  bien 
peu,  après  tout.  Pour  ma  part,  je  n'ai  fait  que  réussir 
à  intéresser  à  ce  grand  œuvre  notre  clergé  national,  le 
cœur  du  pays  ;  et  maintenant,  j'ai  confiance  au  succès, 
car  le  cœur,  c'est  l'amour,  le  cœur,  c'est  le  dévoue- 
ment. 

"Notre  clergé,  dont  nous  avons  ici  plus  d'un  re- 
présentant si  digne,  je  ne  veux  pas  le  louer  outre  me- 
sure, mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  c'est  lui  qui 
a  fait  noire  nationalité  ce  qu'elle  est  intellectuelle- 
ment ;  c'est  lui  encore  aujourd'hui  qui  va  nous  aider 
puissamment  à  reconstituer  son  plus  solide  bien-être- 
matériel  en  participant  efficacement  au  recrutement  et 
à  la  formation  de  l'homme  à  cette  heure  nécessaire- 
entre  tous  :  le  bon  ouvrier  agricole."  -- 


—  26  — 

"  Monseigneur,  comme  Votre  G-randeur,  c'est  avec 
la  pins  vivo  satislinîiion  que  je  contemple  l'œuvre  des 
trappistes  parmi  nous  Ce  sont  les  meilleurs  ouvriers 
du  progrès  agrirole,  les  meilleurs  maîtres  dans  l'art  de 
l'agriculture  que  nous  puissions  désirer  pour  notre 
pays.  A  N.  D.  du  Lac,  à  N.  D.  de  Mistassini,  où  ils 
opèrent,  je  me  ferai  un  devoir  et  un  plaisir,  autant 
qu'il  sera  en  mon  pouvoir,  de  seconder  leur  action." 

Le  présent  congrès,  dit  l'orateur,  donne  un  très- 
bel  exemple  aux  populations.  Lorsque  les  cultivateurs 
hésiteront  à  envoyer  leurs  fils  aux  écoles  où  l'on  ensei- 
gne, dans  sa  théorie  et  sa  pratique  à  la  lois,  l'art  de 
l'agriculture,  vous,  messieurs  les  missionnaires  agri- 
coles, vous  pourrez  leur  dir^^  :  nous,  prêtres  du  Sei- 
gneur, vieillis  dans  l'exercice  du  sacerdoce  sacré,  nous 
n'avons  pas  cru  au-dessous  de  notre  condition  d'aller 
passer  toute  une  semaine  pour  entendre  des  confé- 
rences agricoles,  recueillir  une  doctrine  précise  et  ex- 
périmentée, afin  de  n'avoir  à  vous  transmettre  que  les 
meilleures  et  les  plus  sûres  notions.  Faites  de  même. 
Et  les  cultivateurs  auront  à  cœur  d'imiter  leurs  prê- 
tres :  et  l'éducation  agricole  verra  grandir  le  nombre 
de  ses  fervents  disciples. 

''  Nous  avons  maintenant  surabondance  d'hom- 
mes de  profession  ;  appliquons- nous  donc  à  former 
des  cultivateurs  éraérites  pour  la  glorification  et  la 
mise  en  valeur  du  sol. 

"Voici  que  la  campagne  s'ouvre  très  bien  :  à  St. 
Jérôme  seulement  jusqu'à  neuf  élèves  ont  été  recrutés 
en  une  fois.  Nous  avons  à  présent  soixante- quinze 
élèves  dans  nos  écoles  d'agriculture  ;  mais  soixante- 
quinze  ne  suffisent  pas.  Il  nous  en  faudrait  douze  ou 
quinze  cents,  au  moins  un  pour  chaque  paroisse  du 
Canada  français. 

•'  On  a  fait,  parfois,  cette  objection  que  r<^cole 
d'agriculture  donne  aux  élèves  trop  de  théorie  et 
trop  peu  de  pratique.  J'attire  particulièrement  votre 
attention  sur  cette  objection  un  peu  subtile,  messieurs 
les  missionnaires  agricoles.  N'hésitez  pas  à  nier  caté- 
goriquement cet  avancé.  Telles  qu'elles  sont  organi- 


—  27  — 

sées  aujourd'hui  nos  écoles  d'agriculture  sont  éminem- 
ment pratiques  dans  leur  enseignement,  qui  n'en  reste 
pas  moins  très  fort  comme  théorie. 

**  Allons,  que  chaque  paroisse  nous  fournis -e,  au 
moins  "  son  "  élève  payant  pension  !  CAa  ferii  pKis 
tard  douze  ou  quinze  cents  apôtres  répartis  sur  tous 
les  «  oins  du  pay»,  et  y  exerçant  la  salutaire  influence 
-de  la  bonne  éducation  agricole. 

"On  dit  quelques  fois  :  les  pères  de  familles  ne 
veulent  pas  payer  sept  piastres  ($7)  par  mois  pour 
mettre  leurs  fils  à  l'é  oie  d'agriculture.  Mai-  que  ne 
font  pas  ces  mêmes  pères  pour  tenir  leurs  enfants  au 
collège  classique,  où  ça  leur  coûte  cent  piastres  ($100) 
et  plus  par  année  ?  Et  après  les  années  de  collège, 
lorsque  l'enfant  n'a  pas  une  vocation  sacerdotale  bien 
caractérisée,  il  faut  encore  payer  des  centain»s  de 
piastres  par  an  pour  le  stage  et  les  étud-^s  prépjn-atoi- 
res  aux  professions.  Or,  quel  est  le  résultat  délinitif  ? 
Les  carrières  libérales  étant  encombrées,  elles  sont  peu 
rénumératrices  et  deviennent  trop  souvent  une  pépi- 
nière de  dévoyés  et  de  déclassés.  L'ag  iculture,  par 
contre,  ne  subira  jamais  d'encombrement  ;  elle  four- 
nira toujours  au  moins  le  nécessaire  à  ceux  qui  y  con- 
•sacreront  un  travail  consciencieux. 

''Aussi,  le  gouvernement  pour  la  favoriser,  l'aider 
à  être  mieux  comprise  et  appréciée,  donnera  aux  écoles, 
d'agriculture  le  même  nombre  de  bourses  que  par  le 
passé.  Ces  bourses  seront  même  multipliées,  dans  la 
suite,  si  le  nombre  des  élèves  vient  à  augmenter  dans 
une  propor;iou  qui  justifie  cette  mesure.  Mais  il  fau- 
dra d'abord  que  chaque  élève  paie  régulièrement  sa 
pension  ;  puis  les  bourses  seront  réparties,  par  voie 
de  concours,  entre  les  élèves  les  plus  méritants. 

*'  Il  convient  que  le  cultivateur  se  persuade  enfin 
que  c'est  un  devoir  pour  lui  de  débourser  pour  l'ins- 
truction agricole  de  >on  enfant,  comme  il  eut  fait  de 
son  éducation  classique,  dans  le  cas  d'une  autre  voca- 
tion. 11  faut  en  finir  avec  la  tutelle  du  gouvernement 
exercée  à  l'excès.     Si  notre  population  agricole  n'ap- 


—  28  — 

prend  pas  à  payer  pour  l'instruction  dans  son  art,  elle 
ne  saura  jamais  y  attacher  une  importance  suffisante. 

"  Messieurs,  les  missionnaires  agricoles,  appli- 
quons-nous donc  au  recrutement  des  élèves  pour  nos 
écoles  d'agriculture,  par  tous  les  bons  moyens.  Déter- 
terminons  le  curé  et  les  notables  de  la  paroisse  à  nous- 
prêter  leur  concours  à  cette  fin.  La  perspective  de  ga- 
gner une  des  bourses  offertes  par  l'état  deviendra  un 
gage  sérieux  d'émulation  parmi  les  jeunes  élèves  ;  fai- 
sons bien  compreudre  cela.  Le  succès  de  l'œuvre  que 
nous  1.  vons  à  cœur  dépend  beaucoup  du  nombre  et  de 
la  qualité  des  élèves  que  nous  parviendrons  à  recru- 
ter." 

Ici,  l'honorable  ministre  renouvelle  l'expression  de 
sa  gratitude  aux  membres  du  congrès.      11  fait  remar- 
quer que  les  missionnaires  agricoles,  dont  on  ne  comp- 
tait qu^  quatorze,  au  début  de  l'œuvre,  sont  aujour- 
d'hui cinquante-deux. 

Il  suggère  l'établissement  de  ce  congrès  en  per- 
manence et  une  session  annuelle  et  cela  à  cause  des 
excellents  effets  que  de  telles  réunions  >>ont  appelées  à 
produire,  tant  pour  les  missionnaires  eux-mêmes  que 
pour  l'avantage  de  ceux  auprès  de  qui  ils  iront  faire 
des  conférences  ensuite. 

"  L'Union  fait  la  force"  :  tA\e  est  la  formule  que 
nous  avons  convenue  demployer  nous-mêmes  pour  ral- 
lier nos  amis  dans  les  affaires  du  gouvernement  ;  que 
cette  devise  soit  aussi  la  vôtre,  mes>ieurs  les  mission- 
naires agricoles.  Réunissez-vous  ;  faites-vous  bénéfi- 
cier réciproquement  de  vos  personnelles  expériences» 
de  vos  essais,  de  vos  renseignements.  De  cette  façon,, 
vous  profiterez  tous  ensemble  des  travaux  de  chacun. 

"  Messieurs  les  missionnaires  agricoles,  nous  avons-- 
besoin  de  votre  pécieux  et  actif  coucour;;,  pour  l'avan- 
cement de  notre  agriculture,  le  salut  de  notre  natio- 
nalité. 

"  Vous  avez  l'influence  et  la  science  ;  vous  n'êtes 
pas  exposés  aux  déboires  de  la  politique  ;  le  cultiva- 
teur a  toute  confiance  en  vous.     Parlez-lui  de  travail 


—  29  — 

de  progrès,  il  vous  écoutera  ;  et  vous  aurez,  une  fois 
de  plus,  membres  de  notre  clergé,  contribué  au  salut, 
à  l'avancement  de  la  nationalité  canadienne-fran- 
çaise." 

"  Si  en  favorisant  l'Industrie  laitière,  nous  favori- 
sons une  variété  de  culture  qui  va  diminuer  considé- 
rablement les  ressources  du  clergé,  le  ministre  n'hésite 
pas  à  dire  que  le  gouvernement  sera  tout  disposé  à  y 
pourvoir.  Les  évêques  exerceront  d'abord  leur  discré- 
tion en  cette  matière  ;  et  puif»,  si  une  législation  deve- 
nait néces-saire,  il  n'y  a  pas  de  raison  de  douter  que 
la  Législature  ne  fusse  toute  prête  à  l'accorder. 

Jl  faut  que  l'action  des  missionnaires  agricoles 
soit  eflâcace  ;  qu'on  y  reconnaisse  l'influence  prépon- 
dérante, bien  établie,  du  clergé.  Pour  cela  elle  doit 
•être  bien  organisée  Qu'on  se  réunisse  en  congrès, 
pour  se  concerter,  s'assurer  si  toutes  les  régions  de  la 
province  ont  leurs  missionnaires  agricoles,  pour  déter- 
miner ensemble  quels  sont  les  meilleurs  éléments  de 
propagande,  les  arguments  les  plus  décisifs  et  entraî- 
nants à  mettre  au  service  de  ces  apôtres. 

Il  a  paru  tout  naturel  que  l'Eglise  concourût  avec 
l'Etat  dans  l'accomplissement  de  cette  tâche  patrioti- 
<|ue  du  mouvement  agricole.  Et  le  succès  a  répondu 
à  ce  qu'on  pouvait  espérer  de  ce  puissant  concours. 

La  politique  ne  doit  point  contaminer  cette  œuvre 
nationale  et  elle  ne  l'envahira  pas,  tant  qu'il  en  dé- 
pendra du  commissaire  actuel. 

Le  mouvement  agricole  doit  être  tenu  en  dehors 
des  atteintes  de  ce  minotaure,  et  il  le  sera  soigneuse- 
ment. Si  bien  qu'advenant  une  autre  administration, 
l'œuvre  des  missionnaires  agricoles  devrait  trouver 
auprès  d'elle  le  même  encouragement,  la  même  protec- 
tion. 

Pour  lui,  il  favorisera  de  son  mieux  la  tenue  de 
nouveaux  congrès  comme  celui-ci,  s'il  en  est  requis,  et 
s'efforcera  de  continuer  à  promouvoir  l'œuvre  par  toute 
la  province. 


—  80  — 

A  l'issue  de  la  première  séance,  les  congressiste» 
sont  invités  par  le  Révd.  Père  Abbé  à  visiter  l'un  de» 
principaux  départements  de  lexploitation  agricole  de- 
la  Trappe,  celui  de  la  porcherie.  Ils  s'y  rendent  et. 
consacrent  un  temps  assez  long  à  parcourir  cette  im- 
mense bâtisse  fort  bien  aménagée  de  toutes  façons^ 
comme  installation,  comme  aération  et  où  s'ébattent 
par  gr'^upes  et  compartiments  de  quatre,  six  ou  plu&r 
trois  cent  cinquante  échantillons  de  la  race  porcine^ 
Ils  recueillent  sur  place  des  renseignements  très-ins- 
tructifs. 


31 


DEUXIEME  SEANCE 


A    8  HEURES   DU   SOIR,   CONFÉRENCE  PAR 


M.    ED.   A.    BARNARD,    Directeur  du 


(Journal  d^ Agriculture,) 


LES     PLANTES     SARCLEES. 


Le  département  de  ragriculture  m'a  chargé  de- 
traiter  dans  cette  importante  réunion  la  question 
des  cultures  sarclées.  Je  m'acquitterai  de  cette  lâche 
avec  d'autant  plus  d'empressement  que  cette  question 
est  à  la  base  de  toute  culture  améliorante,  et  aussi,  de 
toute  culture  profitable. 

Mais  avant  d'entrer  dans  mon  sujet,  permettez, 
MM.  SS.  et  MM.  que  je  témoigne  ici  du  plaisir  que 
j'éprouve  en  assistant  à  la  première  réunion  des  mis- 
sionnaires agricoles  de  la  province  entière,  dont  la 
mission,  essentiellement  religieuse  et  patriotique,  est 
des  plus  pressantes,  par  les  temps  difficiles  que  traver- 
se notre  agriculture. 

Cette  réunion  me  procure  également  le  plaisir  de 
revoir,  à  trois  ans  d'intervalle,  les  excellents  Père& 
Trappistes  d'Oka,  et  leurs  admirables  travaux  agrico-^ 


—  32  — 

les.  Elle  me  donne  de  plus  l'occasion  de  voir  de  près 
l'œnvre  particulièrement  importante  dont  ces  bons 
Pères  viennent  de  doter  la  province,  en  créant  sous 
leur  direction  immédiate  une  nouvelle  école  d'agricul- 
ture qui  me  parait  d-^stinée  à  prendre  rang  parmi  les 
•écoles  de  pratique  agricole  les  plus  sérieuses  et  les 
plus  utiles  dans  l'Amérique  du  nord. 


Je  reviens  maintenant  à  mon  sujet  et  j'affirme  que 
les  plantes  sarclées  forment  la  base  de  toute  culture 
vraiment  profitable.  En  effet,  ces  cultures  permettent 
d'amenblir  profondément,  et  de  nettoyer  du  mieux 
possible,  le  sol,  par  toute  la  série  de  travaux  prépara- 
oires  nécessaires  à  leur  plein  succès.  Elles  exigent 
absolument  des  sarclages  soignés  et  nombreux  qui 
permettent  de  détruire  les  luauvaises  herbes,  à  mesu- 
re que  celles-ci  apparaissent  ou  prennent  hauteur.  De 
plus,  elles  donnent  généralement  des  récoltes  bien 
plus  considérables  et  plus  précieuses  que  celles  que 
l'on  obtiendrait  par  les  mêmes  cultures  sans  sar- 
clage. Enfin,  par  les  soins  qu'elles  exigent,  elles 
permettent  d'obtenir,  dans  tout  le  reste  de  la  rotation, 
dont  elles  forment  la  base — et  sans  travaux  plus  con- 
sidérables— des  récoltes  plus  fortes  et  plus  nettes  et, 
par  conséquent,  plus  économiques.  Or,  produire  avec 
toute  l'économie  possible,  voiià  i  unique  moyen  de 
faire  face  à  la  compétition  si  grande  que  nous  avons 
à  subir  sur  tous  les  grands  marchés  où  arrivent  nos 
principaux  produits.  Cette  compétition  s'accentue  de 
plus  en  plus  et  menace  de  ruine  complète  les  cultiva- 
teurs peu  intelligents  ou  peu  soigneux. 

C'est  en  multipliant  les  cultures  sarclées,  et  en  fer- 
utilisant  le  sol  par  les  ressources  qu'offre  le  commerce, 
aussi  bien  que  la  ferme  elle-même,  que  les  agronomes 
des  divers  pays  les  plus  renommés  par  leur  agricul- 
ture, sont  arrivés  à  tripler  et  à  quadrupler  la  moyenne 
•des  récoltes  de  leurs  pays,  et  cela  après  des  siècles  de 
cultures  épuisantes.  Ces  mêmes  agronomes  ont  su  dé- 
iricher  et  mettre  en  cultures  profitables  de  grandes 


—  33-~ 

étendues  de  terre  abandonnées,  ou  considérées  jusque- 
là  comme  stériles. 


Il  en  sera  certainement  de  même  dans  la  province 
de  Québec,  du  jour  où  nos  cultivateurs  donneront  la 
place  et  les  soins  voulus  anx  plantes  sarclées,  eu  plein 
champ.  Malheureusement,  je  dois  constat-r  i  i  com- 
bien (  es  cultures  sont  ignorées — (î'est  le  mot — dans  la 
presque  totalité  de  nos  campagnes,  en  dehors  du  tout 
petit  t  hamp  de  patates  cultivées  pour  les  besoins  de  la 
famille,  et  d'un  peu  de  blé-dinde,  surtout  en  vue  des 
fourrages  verts.  J'ajoute  avec  grand  plaisir  qu'il  y  a 
bon  nombre  d'exceptions  au  tableau  fort  sombre  de 
notre  agriculture  provinciale  qu'il  me  faut  faire.  Et 
une  de  ces  exceptions,  parmi  les  p. us  notables  sans 
doute,  est  celle  que  vous  constaterez  Ici,  MM.  dans  les 
admirables  cultures  sarclées  des  RR.  PP.  ïrappis  es 
d'Oka. 

Soyez-en  bien  surs,  MM.  le  manque  de  cultures 
sarclées  est  le  mal  principal  de  notre  agriculture  ac- 
tuelle. Aussi  nos  terres  sont-elles  généralement  mal 
égouttées  ;  elles  sont  à  peine  ameublies  puisque  l'a- 
meublissement  que  l'on  se  contente  de  donner  atteint 
très  rarement  plus  de  quatre  à  cinq  pouces  de  la  sur- 
face ;  tandis  qu'une  série  de  cultures  sarclées  bien 
réussies  permettraient  bientôt  de  doubler,  en  profon- 
deur, la  quantité  de  terre  arable  eu  culture,  sans  en 
augmenter  aucunement  la  superficie. 

Ce  n'est  pas  tout  MM  puisque  la  plus  grande  par- 
tie de  nos  terres — je  pourrais  dire  sans  exagération,  la 
presque  totalité  de  nos  terres — n'a  jamais  subi  une  seule 
culture  vraiment  nettoyante.  Enfin  MM.,  au  moins  les 
trois  quarts  de  nos  terres  cultivées,  dans  la  province, 
n'ont  jamais  été  engraissées  convenablement,  pas  mê- 
me une  seule  fois  peut-être  depuis  leur  premier  dé- 
frichement. Cependant,  "  il  faut  bien  le  dire  ici,  "  pen- 
dant que  nous  discutons  sur  le  meilleur  mode  de  con- 
servation des  fumiersil  :  s'en  perd  encore,  presque 
3 


—  84  — 

partout,  une  proportion  trop  notable  à  travers  nos  plan- 
chers d'étable.  Et  sur  les  fumiers  qui  arrivent  à  l'ex- 
térieur de  retable,  une  partie  bien  trop  considérable 
prend,  le  plus  directement  possible,  le  chemin  du  ruis- 
seau ' 

Je  regrette  infiniment  d'avoir  à  faire  pareille  cons- 
tatation, surtout  après  15  années  d'un  travail  qui  m'a 
paru  considérable  et  persévérant  — J'espère,  MM.  les- 
missionnaires  agricoles,  que  vos  efforts  seront  plus  heu- 
reux que  les  miens  ne  l'ont  été. — Et  ils  le  seront  certai- 
nement, et  à  courte  échéance,  si  nous  savons,  tous  en- 
semble, concentrer  nos  efforts,  et  appliquer  les  meil- 
leurs remèdes,  aux  maux  que  je  viens  de  signaler,  maux 
qui,  en  définitive,  ruinent  la  province  toute  entière^ 
tout  aussi  bien  que  les  cultivateurs  eux-mêmes. 

Il  va  sans  dire  MM.  que  le  tableau  que  je  viens  de 
tracer  ne  s'applique  guère  aux  cultures  qui  environ- 
nent nos  villes  principales.  Là  le  fumier  est  abondant, 
et  des  cultures  maraichères  fort  considérables  permet- 
tent des  récoltes  de  tous  genres  qui,  souvent,  feraient 
honneur  aux  pays  les  mieux  ciliivés. 

Avant  de  clore  cette  constatation,  qu'il  me 
parait  nécessaire  de  faire  ici,  puisque,  comme  le  méde- 
cin près  d'un  malade,  nous  sommes  appelés  h  guérir 
ce  mal  vraiment  national, — permettez  que  je  vous  fasse 
quelques  questions  qui  ont  certainement  de  l'actuali- 
té   :  -       ^:-  -   .--•'-■^. '--•."  ■'     ' 

lo.  Est-ce  que  mon  tableau  de  notre  agriculture 
vous  paraît  exagéré  ? 

2o.  Parmi  les  lauréats  du  mérite  agricole  eux- 
mêmes,  trouve-t-on  généralement  des  cultures  sarclées 
proportionnées  aux  besoins  les  plus  pressants  de  leur 
terre  ?  Je  crois  pour  ma  part  que  les  juges  ont  trop 
fermé  les  yeux  sur  ce  sujet  particulièrement  impor- 
tant. 

3o.  Et  même  dans  nos  anciennes  écoles  d'agricul- 
ture, la  proportion  de  cultures  sarclées  est  elle  suffi- 
sante ?  Encore  ici,  je  crains  que  non. — Mais  je  serai 
heureux  d'apprendre  que  je  me  trompe.  • 


->  35  — 

Quoiqu'il  en  soit  de  ces  questions, — qui  méritent 
votre  attention  ce  me  semble, — permettez  que  j'affirme 
de  nouveau  ma  conviction  absolue  dans  l'efficacité  des 
cultures  sarclées  pour  ramener  les  belles  récoltes  d'au- 
trefois et  rendre  de  nouveau  notre  agriculture  prospè- 
re, à  la  condition  que  nos  cultivateurs  apprennent  à 
les  faire  économiquement  et  à  donner  au  sol  les  en- 
grais spéciaux  qui  sont  indispensables  à  la  production 
de  récolles  absolument  profitables. 

Les  récoltes  sarclées  indispensables  ;—  Les  engrais 
spéciaux    qui   leur  conviennent  ;  (le   tout  fait   avec 
autant  d'économie  que  possible)  :  voilà  trois  questi  >ns 
qui  intéressent  au  plus  haut  point  les  cultivateurs  de- 
cette  province,  qu'ils  soient  riches  ou  pauvres. 

J'affirme,  Messieurs,  que  ces  questions  sont  yitales 
tout  autant  pour  les  cultivateurs  pauvres  que  pour 
ceux  qui  sont  plus  à  l'aise.  Permettez  que,  dans  ce  qui 
va  suivre,  je  ne  m'occupe  que  des  cultivateurs  pauvres, 
je  suis  convaincu  qu'en  améliorant  le  sort  de  ces  der- 
niers, les  cultivateurs  à  l'aise  n'auront  qu'à  appliquer 
les  mêmes  règles  pour  s'enricher  d'avantage. 

Quelles  cultures  sarclées  un  cultivateur  pauvre 
peut-il  et  doit-il  faire  ?  Dans  quelles  proportions  cha- 
que  année  ?  Quels  moyens  prendra-t-il  pour  fertiliser,, 
dans  la  mesure  nécessaire  et  en  rapport  avec  ses 
moyens,  les  terres  ainsi  améliorées,  formant  la*base  de- 
là rotation  qu'il  doit  suivre  pour  atteindre  les  meil- 
leurs résultats?  Voilà  les  trois  sujets  que  je  vais  éluci- 
der brièvement  dans  cette  conférence. 


Je  ne  m'attendais  pas  à  décrire  les  travaux  prépa- 
ratoires nécessaires  à  la  culture  des  plantes  sarclées. 
Les  questions  qui  s'y  rattachent  m'entraîneraient 
trop  loin  et  sortent  du  cadre  que  je  me  suis  tracé. 
D'ailleurs,  elles  sont  traitées  en  détail  dans  les  XI  pre- 
miers chapitres  du  Manuel  d'agriculture  qui  vous  a  été^ 
distribué  dernièrement,   manuel  écrit   tout   spéciale- 


-  36  - 

ment  pour  les  couférenciers  aussi  bien  que  les  prati- 
ciens. Je  résumerai  ii  ces  chapitres  en  quelques 
mots:  Egouter,  ameublir,  nettoyer,  engraisser.  (1) 

J'arrive  maintenant  à  ma  première  question. 

Quelles  cultures  sarclées  un   cultivateur 
pauvre  dott  il  faire? 

Un  cultivateur  pauvre  ne  peut  guère  se  faire  ai- 
der par  des  étrangers.  Il  ne  peut  donc  compter  que 
sur  son  propre  travail  et  l'aide  que  peuvent  Ini  don- 
ner ceux  qu'il  nourrit  et  entretient.  Il  ne  faut  donc 
pas  lui  demander  plus  que  ses  ressources  actuelles  lui 
permettent  de  faire.  A  ce  grave  inconvénient,  il  faut 
en  ajouter  un  autre  qui  s'applique  au  plus  grand  nom 
bre  de  nos  cultivateurs,  riches  et  pauvres.  Presque 
tous  sont  chargés  de  plus  de  travaux  qu'ils  n'en  peu- 
v^^'nt  mener  à  bonne  fin,  avec  les  ressources  dont  ils 
disposent.  Il  nous  faut  donc  tenir  grand  compte  de 
ces  deux  graves  inconvénients,  dans  les  conseils  à  don- 
ner à  nos  cultivateurs  ;  autrement  nous  n'arriverons  à 
aucun  bon  résultat. 

Je  ne  sais  si  je  me  trompe,  mais  dans  l'étude  sou- 
vent perplexe  que  j'ai  dû  faire  de  ces  objections,  il  m'a 
semblé  que  lorsqu'il  s'agit  de  l'alimentation  économi- 
<jue  des  hommes  et  des  animaux  domestiques,  la  Pro- 
videniîe  nous  offre,  dans  certaines  plantes  très  rusti- 
ques, des  ressources  particulièrement  favoraoles. 

Ainsi  par  exemple,  l'introduction  de  la  pomme  de 

(\)  Dans  la  terre  à  mettre  en  culture  sarclée,  il  faudra  déchanmer 
aussitôt  que  la  récolte  aura  été  eulevée  du  champ.  Si  l'on  attendait  long- 
temps avant  de  faire  ce  travail,  la  terre  se  durcirait,  et  il  faudrait  peut-être 
attendre  longtemps  la  pluie  pour  permettre  aux  herses  d'entrer  en  terre 
d'un  pouce  ou  deux,  afin  de  détruire  les  mauvaises  herbes  dans  ce  champ 
et  pour  faire  germer  sans  retard  les  grains  ^ui  auraient  mûri  et  seraient  tom- 
bés sur  la  terre.  Ces  hersages  devraient  être  répétés  en  travers  du  champ, 
après  sept  ou  huit  jours  d'intervalle,  et  le  tout  devrait  être  suivi  d'un  bon 
labour  d'automne,  aussi  profond  que  la  terre  le  permettra  En  règle  géné- 
rale un  bon  chaulage,  d  environ  vingt  minots  de  chaux  par  arpent,  le  tout 
bien  mélangé  par  petits  tas  avec  de  la  terre,  puis  étendu  avant  les  gelées 
^'automne,  prépareiu  parfaitement  la  terre  pour  les  travaux  de  printemps 
*ur  cultures  sarclées. 


—  37  — 

terre,  à^ns  \q<  pays  à  population  dense  de  notr^^  zone, 
a  fait  cesser  presque  complètement  les  famines  qui 
avaient  ravagé  et  même  décimé  jusque-là  ces  mêmes 
populations  On  sait  que  les  fèves,  dont  les  espèces 
sont  si  nombreuses  et  si  variées,  qu'elles  s'adaptent  à 
presque  tous  les  sols  et  tous  les  climats,  ont  été  consi- 
dérées de  tout  temps  com  ne  l'alimentation  é^ononiique 
et  subtantielle  par  excellence.  Et,  dans  l'Amérique  du 
Nord,  y  compris  presque  toutes  les  régions  habitées  de 
notre  province',  le  bléd'iude  n'ofire-t-il  pas  des  ressour- 
ces alimentaires  dont  les  indigènes  eux  mêm»  s  faisaient 
grand  cas,  nous  donnant  par  là  une  leçon  que  ..eus  n'a- 
vons peut-être  pas  utilisée  suffisamment,  ce  me  sem- 
ble 

Eempli  de  cette  pensée,  j'ai  fait  pendant  plusieurs 
années  une  étude  théorique  et  pratique  de  ce  genre  de 
récolte*  sarclées. — J'ai  constaté  par  moi-même  que  l'on 
peut  ainsi  obtenir  à  peu  de  frais  d'excellentes  récoltes 
de  fèves  ei  de  maïs,  et  par  là,  des  quantités  vraiment 
étonnantes  de  matières  nutritives,  avec  moins  de  tra- 
vail et  de  risques,  et  surtout  beaucoup  moins  d'engrais 
qu'il  n'en  faut  pous  produire  autant  de  nourriture 
équivalente,  par  la  culture  des  autres  plaut"s  sarclées, 
les  racines  par  exemple. — L'étude  du  tableau  qui  suit 
(No.  1),  nous  en  donnera  des  preuves  convaincan- 
tes :  — 


1er  Tab] 


ESPEC 


Trèfle  vert .  J. 

Foin  de  trèf 

•'         mi 


Fèvef — lemt 
Paille i 


Total 


Pois — semen 


—  Paille 


'! 


1er  Tableau.    Diverses.— RÉCOLTES  COMPAREES  PAR  ARPENT. 


ESPECE. 


Trèfle  vert... 

Foin  de  trèfl  ^ 

"         mil. 


c 
o 
c 


il 


O 


QUANTITE. 


Ib8. 


MATIERES  ALIMENTAIRES 
OBTENUES. 


EN(JRAIS  ENLEVES 


à  l'air. 


DICESTIBI.ES 


Protéine,  (irai8.se. 


>  a 


A»OTE. 


à  la  terre. 


Iba.    I     ± 

;     s 


1    -.2" 

•3  c 
•r  J= 


S 

"3 


—  c 


ci 


1      ii 
I      > 


170 
850 
857 


Fèvef — k!mence i     852 

Paille j     857 

Total ' 


Pois — semence. 
Paille 


857 
840 


25.000 
5.000 
4,000 


2,700 
1,305 


4005 


1 ,800 
2,500 


Total . 


•>,300 


Mais — Kemtnce . 
Paille 


Total. 


45 

45 
30 

30 


1.750 
1,905 
1,832 


1,3:{(5 
564 


1 ,900 


600 

:s85 

28  4 


679 
100 


779 


945 
850 


1.795 


856 
850 


2,596 
4,500 


46 


1.612 
1,651 


7,096    1     46   I      3,263 


Choux-de-Siam 130!    35,'00 

Feuilles |     116       15,000 


Total. 


Betteraves . 
Feuilles . . . 


Totai 


134 
95 


550   ;      3,135 
780 


48,000       550 


30,000 
1 5  ('00 


500 


374 

yo 


464 


241 
72 


313 


39  5 
270 


3,915 


3,000 
600 


Carottes . 
Feuilles. 


150 


45,000      500 


Total. 


Patates 

250 

Choux  iiommés 

If^O 

Blé — semence 

Paille 

860 
857 

Total.. 

Orge — semence 

Paille 

857 
857 

Total 

Seigle— semence 

Paille 

857 
857 

Total 

Avoine — semence .... 
Paille  

857 
857 

Total 

Sarrazin — semence.  . . 
Paille 

860 
810 

Total 

22,000    !   3C.6 
7,500 


3,000 


29,500 


1 2,900 


2,H76 
0.532 


006 


3  50 
150 


480 


264 
202 


366 


2,908   j       466 


60,000 


840 
2.000 


2.84« 


1.200 
2.000 


3.2tO 


1,064 
2.600 


3.004 


850 
1 .500 


2,-;5o 


215 

2,657 

7,140 

14 

518 
652 

14 

1,170 

25 

760 
724 

25 

1 ,490 

2.58 


■>40 


I3f5 

30 


16** 


110 
42 


15-; 


19 

19 
25 


717 
774 


1.J91 


112.7 
28.6 


1,107 
1,400 


2,507 


25 

i 

23 
23 


473 
613 

98S 


141, 


91 
25 


422 


116 


10.-) 
25 


1,075 


130 


125 
75 

88 


$ 

27.50 
21  .40 
18.90 


56 
10 


66 


34 


46 


155 
27 


30.95 


21  .g.*) 


182 


:!3 

00 

93 

30 
00 

90 

44 
60 

104 

38 

120 

15 
10 

25 

27 
14 

41 

20 
15 

35 

45 
15 

6.. 

18.8 
9.8 

20.87 


52,80 


10.80 


12.48 


28 


12.03 


9.C3 


9.46 


$Cti. 

Ibs 

200 

32.00 

200 

32  00 

57 

100    -is.so 


100     16.00 

i        i 

i 

I 


Ibs. 

28 
28 
15 


l:  3 


95 


139 


29 


23 


30 


Ibs 

97 
97 
70 


29  ! 


54 


31 


69 


81         183 


35 


189 


31 


117 


97 
8.! 

243 


28   !        12  ! 


13 


14 


15 


25 


19 


?3 


90 
96 
33 


$656 

6.56 

1 3  30 


39 


20 


151 


37 


81 


4.53 


5  3» 


1 5..=>0 


35.70 


18.21 


18   I     14  63 


139 


446 


10 


29 


5.99 


6  32 


6.82 


503 


6  49 


(1)  Les  récoltes  mentionnées  dans  ce  tableau  ne  sont  pas  des  moyennes  de  ce  que  la  terre  peut  donner.  Dans  bien  des  ca«,  on 
peut  récolter  beaucoup  plus.  Mais  ces  données  permettent  de  calculer  exactement  ce  qui  est  enlevé  au  sol  p.ir  une  quantité  donnée  de 
produits,  et  l'azote  qui  est  •«pjKjrié  an  sol  pai^deg  culture.^  de  léguniineuse.-*.  Ce  tableau  est  aussi  utile  |)our  comparer  ;e  poids  total  de 
la  récolte  au  tdtal   des   diverses   matières  alimentaires  contenues  dans  ces  mêmes  récolttw. 

(2  )  Les  engrais  xnluhiff  dur!  /%'/iu  sont  ici  cvalurs  iiiix  prix  sniviiiit>«  :  rzotc  îi  10  et  -,  In  11'  j  l'ooide  l'hosiliorique  î*  7  cts.  la  Ib  ; 
la  potaffc  A\  cts  ;  tt  laclianx  A  c. 


-  39  — 

On  voit  par  ce  tableau  qu'une  récolte  de  fèves  nai- 
nes hâtives,  de  45  minots  par  arpent,  ne  pèsera  en  tout 
que  4005  Ibs,  et  donnera  des  produits  alimentaires  éva- 
lués à  $30.95.  Les  engrais  enlevés  au  sol  par  cette  récolte, 
évalués  au  prix  du  commerce,  coûteraient  $4.53.  D'un 
autre  côté  les  légumineuses, — fèves,  pois,  trèfles  etc — 
ayant  la  faculté  d'enlever  à  l'air  et  de  rapporter  à  la 
terre  une  quantité  considérable  d'azote,  enrichissent  le 
sol  à  la  suite  de  pareille  récolte  de  fèves,  pour  un  mou- 
lant de  $25  60.  Par  une  récolte  de  fèves  on  a  donc 
enrichi  le  sol  pour  un  montant  de  plus  de  $21.00. 

On  voit  aussi  qu'une  récolte  de  betteraves  fourra- 
gères, pesant  en  tout  45,000  Ibs  avec  ses  feuilles,  don- 
nera <les  produits  alimentaires  au  montant  de  $32.70. 
Mais  elle  enlèvera  à  la  terre  des  engrais  au  montant 
•de  $25.87,  sans  rien  rapporter  au  sol. 

Maintenant  si  l'on  compare  ces  deux  récoltes, — 
"tout  cultivateur  admettra  combien  la  fève  est  rustique, 
facile  à  cultiver,  levant  aveo  vigueur  en  quelques 
jours,  et  couvrant  bientôt  toute  la  terre  ;  tandis  que 
les  betteraves  et  les  racines  fourragères  sont  plus  déli- 
<3ates,  mettent  des  semaines  à  lever  et  sont  en  consé- 
quence exposées  à  être  envahies  et  même  étouffées  par 
les  mauvaises  herbes.  Ces  racines  demandent  de  plus, 
plusieurs  sarclages  et  demarriage?,  où  la  main  est  in- 
dispensable, pour  une  partie  considérable  des  travaux 
à  leur  faire.  L'expérience  m'a  démontré  qu'un  homme 
seul,  muni  d'une  bonne  semeuse  et  d'une  herse  à  cheval, . 
sarclera  et  nettoiera  convenablement  dix  arpents  de 
fèves,  de  pois  ou  de  blé  d'inde  cultivés  par  rangs,  plus 
facilement  qu'il  n'entretiendrait  convenablement  un 
seul  arpent  de  betteraves  fourragères.  Voilà  le  fruit 
de  mon  expérience  personnelle,  après  avoir  fait  une 
étude  pratique  comparative  de  ces  diverses  cultures 
dans  plusieurs  paroisses  du  pays?,  à  Trois-Rivières, 
Yarenues,  Rougemont  et  dans  deux  paroisses  diffà- 
rentes,  à  Québec. 


—  40  — 

Je  ne  m'atterderai  pas  à  commenter  davaiitai^e  au- 
jourd'hui ce  1er  tableau,  mais  permettez  que  j'en  re- 
commande l'étude  approfondie  à  tous  ceux  qui  veulent 
se  rendre  compte  de  la  valeur  alimentaire  comparative 
des  diverses  récoltes  que  nous  cultivons,  plus  ou  moins, 
dans  cette  province  ;  de  la  valeur,  des  engrais  que  ces 
récoltes  enlèvent  à  la  terre  ;  et  aussi  de  la  quantité 
d'azote  atmosphérique  dont  les  diverses  récolies  do 
légumineux  enrichissent  le  sol. 


Pour  les  raisons  que  je  viens  de  mentionner,  je 
suis  bien  convaincu  que  ce  sont  les  pois,  les  fèves  et  le 
maïs  que  le  cultivateur  pauvre  doit  choisir  de  préfé- 
rence pour  ses  cultures  sarclées.  Il  pourra  ainj^i,  s'il 
le  veut,  nettoyer  convenablement  chaque  année  une 
partie  notable  de  ses  terres  labourées.  De  plus,  s'il 
«sait  choisir  des  semences  bien  nettes,  il  peut  espérer 
voir  disparaître  rapidement,  en  grande  pnrtie  du 
moins,  les  mauvaises  plantes  qui  ont  jusqu'ici  iufisté 
sa  terre  et  étouffé  une  partie  très  notable  de  ses  se- 
mences et  de  ses  récoltes.  Tandis  que  si  la  plupart 
de  nos  cultivateurs,  même  ceux  qui  sont  à  l'aise,  en- 
treprennent la  culture  des  plantes  racines,  ils  devront 
forcément  en  réduire  l'étendue,  au  point  qu'il  leur 
sera  impossible  de  nettoyer  chaque  année  une  partie 
suffisante  de  leur  terre. 


Je  passe  maintenant  à  la  2e  question  : 

Quelle  proportion  de  sa  terre  un  cultiva- 
teur PAUVRE  doit-il  CULTIVER  IN  PLANTES  SAR-- 
CLÉES? 

Il  m'est  impossible  de  répondre  d'une  manière  ex- 
acte à  cette  question,  puisque  les  cultures  sarclées  ne 
peuvent  être  profitables  que  dans  les  terres  bienégout- 


—  41  — 

tée8,  bien  ameublies,  suffisamment  enj^raissées,  et  li- 
bres d'obstacles  trop  considérables  et  trop  nom})reux, 
tels  que  roches,  souches,  touffes  de  broussailles,  etc. 

Mais  j'affirme  que  plus  un  cultivateur  pauvre 
pourra  cultiver  convenablement  de  pois,  de  fèves,  de 
mais;  par  rang  sarclés  et  suffisamment  engraissés: 
moins  il  culti-vera  de  grains  sur  grains  sans  sarclages, 
et  plus  11  cultivera  de  trèfle,  de  verces  ou  lentilles 
pour  fourrages  verts,  etc., — plus  vite  il  améliorera  sa 
terre,  et  l'enrichira  à  grand  marché  ;  et  plus  il  arrivera 
lui  et  sa  famille,  à  une  honnête  aisance. 

Afin  de  prouver  cet  avancé,  j'ai  préparé  le  2e  ta- 
bleau, montrant  quelles  récoltes  on  peut  obtenir  bien- 
tôt, en  poussant  à  ces  dernières  lira  ites  le  système  de 
cultures  perfectionnées  que  je  viens  d'ébaucher  et  que 
je  ne  saurais  trop  recommander.  Je  n'ai  pas  besoin 
de  vous  dire  qu'on  ne  peut  arriver  tout  d'un  coup  à 
de  pareils  résultats. 

Il  faudra  au  contraire  y  mettre  beaucoup  de  pru- 
dence et  de  réflexion.  Il  faudra  même  recommander 
de  ne  commencer  qu'en  petit  e*  de  n'entreprendre  ja- 
mais que  ce  qu'il  sera  comparativement  facile  de  me- 
ner à  bonne  fin  ;  je  suis  bien  certain  qu'avec  ces  pré- 
cautions le  cultivateur,  quelque  pauvre  qu'il  soit,  sera 
satisfait  de  pareils  essais  dès  la  première  année,  et 
qu'il  sera  ensuite  facile  de  l'encourager  à  persévérer 
dans  la  voie  que  les  missionnaires  et  les  conférenciers 
auront  ainsi  tracée. 

Je  vous  prie  messieurs,  de  bien  vouloir  faire  l'étude 
de  ce  2e  tableau  que  j'ai  placé  entre  vos  mains,  il 
démontre,  ce  me  semble,  qu'il  est  très  possible  de  net- 
toyer ses  champs  à  la  perfection,  en  peu  d'années,  et 
même  qu'après  une  première  récolte  sarclée,  suivie  de 
fourrages  verts  et  de  trèfle,  le  cultivateur  verra  aussitôt 
augmenter  les  récoltes,  qui  suivront  sur  ces  champs  sar- 
clés, du  double  et  du  triple.  Seront-ce  là,  messieurs,  des 
résultats  assez  encourageants  ?  Or,  ces  résultats,  ]e 
Taffirme,  sont  certains,  et  ils  sont  à  portée  de  tous  nos 
cultivateurs. 


^ 


Ro: 


?  -2 

.g  a 

c  « 

a 


■  ère  I     T) 


ROTATION"  de  12  aus  et  récoltes  sur  60  arpôuts  —Engrais  eulevés. — 


c 


FSPECE. 


.ère 

2e 
3e 

4e 


(t 


Avoine 

Paille 

Fèves   

Patates 

Urge  et  graine,  trèfie  ^awion . 

Paille 

Tièfie  graine  rouge  (Ensilage 


RECOLTE. 


Par  arpt. 


Total. 


5e 


«e 


Te 


8e 
'  9e 
10e 
lie 
12e 


f4 


{îi 


1 
1 

3 


15 


Mais  pour  engilage 

''     Semence 

Paille 

Lentilles  (ou  v  -sces) 

Paille 

Pois  (ensilage)     

'*       semenc  ' 

Paille 

Blé  

Seigle 

Blé,  seigle  et  lentilles  pour  ensilage   . . 
A'-eo  graines  de  prairies  et  pâturages. 

Trèfle,  etc  ,  en-ilage , 

Foin  mêlé , , 


X 

cr 

cd 

•^J 

V 

■^^ 

c 

C 

O 

a 

a 

i 

40 

^ 

lÊ, 

1 

200 

40 

160 

215 

0.75 

215! 

40 

, 

200l 

X 
V 

c 

O 


4G 
20 

:-<o 

25 
30 


Pâturage  en  foin,  au  besoin 
Total 


1   25 
1 2 .  50 

1.25 

1.00 
10.00 

1   25 
PI  25 

10.00 

12.00 

2.00 


23 
10 

30 

25 

30 


P5 
P3 

P      G. 25 
E  G2.50 

E   60.00 

P      0.75 


ENGRAIS  ENLEVES. 


Azota. 


Ibs 


502 


500 


I 


893 


P 

0.50 

F 

40.00 

P 

1.25 

P 

2.50 

E 

30.00 

F 

60.00 

F 

10.00 

281.75 

64 
546 


Ibs. 

178 


57 

218 


296 
37 


128 
4  74 


2214 


49 
46 

95 

285 


3 

cr 

-o  o 

If 

Tlis. 

s 

iS 

o 

Ibs. 

Ibs. 

72 

146 

43 

123 

229 

188 

27 

83 

18 

98 

196 

48 

140 

488 

480 

116 

328 

88 

15 

39 

11 

15 

18 

36 

159 

312 

408 

20 

27 

10 

22 

42 

16 

72 

105 

98 

132 

464 

356 

1261 


3501   165 


1086:2827 


1910 


X  Récapitulation   215  minots  de  patates  et  678  minot«  de  grains  etc. 
f  ''10  tonnes  foin,  19.25  Tonnes  paille  et  252  50  Tonnes  Ensilage 

Dans  ce  tableau  l'azote  extrait  de  l'air,  évalué,  au  même  prix  que  dans  le  premier  tableau  représente 
un  gain  de  $354.24  et  les  matières  enlevées  au  sol,  une  valeur  de  $407.78 — En  principe  il  semblerait 
qu'un  apport  d'engrais  au  montant  de  $53.54  devrait  suffire  pour  rendre  au  sol  la  différence  de  matières 
fert  ni  santés  enlevées  par  l»^8  récoltes,  mais  comme  l'azote  de  l'air  ne  peut  nullement  remplacer  dans  le 
sol  liis  enrçrais  minéraux  qui  peuvent  lui  manquer,  il  faudra  faire  les  essais  mentionnés  ailleurs  dans  cet 
arti>c;le.  afin  que  le  sol  puissj  fournir  à  la  plante  tout  ce  qui  e«t  indispensable  à  son  plein  développe- 
ment. 

LES  PLANTES  RACINES  ont  une  valeur  toute  spéciale  qui  n'est  pas  mentionnée  an  tableau, 
parce  qu'elle  ne  peut  pas  c'estimeren  poids  ou  en  argent.  C'est  la  satisfaction  que  les  animaux  ressentent 
lorsqu'ils  s'en  nourrissent  et  la  quantité  de  fourrages  grossiers,  tels  que  pailles  etc,  qu'ils  comsomment 
lorsqu'ils  reçoivent  beaucoup  de  légumes.  Mais  n'oublions  pat  que  la  plupart  de  nos  cultivateurs,  môme 
«;eux  qui  sont  à  l'ait^e,  ne  sont  pas  encore  en  mesure  de  faire  de  grands  champs  de  légumes  rBcines,  et 
qu'il  leur  sera  par  conséquent  presque  impossible  de  nettoyer  ainsi  en  cuhure  sarclée«i,  une  partie  suffi- 
sante de  leurs  terres  Or  sans  cultures  sarclôes  suffisantes,  impossible  de  nettoper  ses  terres  et  d'en  obte- 
nir les  meilleurs  profits. 


—  43  — 

J'arrive  maintenant  à  la  3e  et  dernière  question  : 
Comment  fertiliser  suffisaement  et  econo- 

IkflQUFMENT   NOS  TERRES  ? 

Voilà  encore  une  question  sur  laquelle  on  ne  >'en- 
i;end  pas  assez  dans  notre  province.  L'argument  si 
souvent  répétft  que  "  plus  il  y  aur.i  de  bétail,  plus  il  y 
aura  d'engrais  est  un  argument  fort  boiteux. — je  dirai 
plutôt.  "P  us  il  y  anra  de  bétail  mal  poigné,  moins  il 
y  aura  de  bon  fumier. — Car,  ne  l'oublions  pas  MM., — 
le  meilleur  bétail  et  1  •  mieux  soigné  ne  rendra/amai.'?, — 
il  est  loin  de  la  rendre — toute  la  fertilité  qu'il  consom- 
me. Sa  chair,  sa  peau,  s^es  os  ;  les  produits  qu'il  donne, 
fromage,  laine,  même  le  beurre  ;  son  travail,  même 
celui  d'aller  et  de  revenir  du  pâturage, — sont  autant 
-de  fertilité  enlevée  à  la  terre  et  qui  ne  p  'ut  lui  être 
Tendue  qu'en  lui  rapportant  sous  forme  absolument 
«oluble,  l'azote,  l'acide  phosphorique.  la  potasse  et  la 
chaux  ainsi  enlevés.  Il  faut  encore  ajouter  à  ces  per- 
tes, ce  qui  ne  se  retrouve  pas  des  engrais  animaux,  et 
ce  qui  se  perd  ainsi  est  b-'aucoup  plus  considérable 
qu'on  le  pense  généralement  II  y  a  maintenant  plus 
de  cinquante  ans  que  des  praticiens  savants  :  Bonssin- 
gault,  Lieby,  Isidore  Pierre,  Law^es  and  Gilbert,  et  des 
milliers  d'autr^^s,  ont  prouvé  ce  fait  à  l'évidence.  Il 
est  donc  temps  qu'on  le  sache  ici. 

Sans  m'attarder  à  faire  le  calcul  du  degré  de  ferti-' 
lité  ainsi  enlevé  au  sol  par  le  bétail  nourri  exclusive- 
ment des  produits  de  la  ferme,  lais-ez-moi  vous  donner 
une  règle  économique  qui  s'applique  à  tous  les  pays 
et  à  tous  les  ^ols  :  Du  moment  qu'un  cultivateur  soi- 
^gneux  n'obtient  plus,  en  moyenne,  des  récoltes  abon- 
dantes, à  la  suite  de  travaux  suffisants,  il  peut  se  dire 
•en  toute  certitude  que  sa  terre  manque  d'un  ou  de  plu- 
sieurs éléments  de  fertilité.  Lesquels  ?  Sa  terre  seule 
peut  lui  répondre.  Je  i'affirme,  MM. — Toutes  les  ana- 
lyses du  sol,  faites  parles  meilleurs  chimistes  du  monde, 
we  répondent  f  as  avec  certitude  à  cette  question.  Seule 
la  terre  elle-même  peut  répondre  ;  et  elle  répondra  sans 
^ucun  doute  si  la  question  lui  est  faite  avec  intelU-, 


-44  — 

geiif^e.  Faisons  donc  ;?rtr/er  nos  terres,  en  lenr  appli- 
quant les  règLs  infaillibles  que  la  véritable  science 
nous  donne  à  ce  sujet  La  voici  :  en  règle  générale,, 
quatre  éléments  de  1-rtilité,  et  quatre  seulenfl-^^t  man- 
quent à  la  terre  ;  l'azote,  l'acide  phosphoriqu%  la  po- 
tasse et  la  chaux.  Vos  récoltes  versent  elles  ?  Elles 
abondent  alors  eu  azote.  Sont-elles  fortes  en  paille  et 
faibles  en  grain  ?  Essayez  la  chaux  d'abord  ;  si  elle  ne 
suffit  pas,  ajoutez  lacide  phosphorique,  puis  enfin  la 
potasse.  Mais  comme  la  vie  est  courti.^  et  que  la  pra- 
tique savante  nous  éclaire  absolument  sur  ces  points  ; 
consultez  les  tableaux  ci-joints  Nos  1  et  2.  Voyez  ce 
que  vos  récoltes  ont  enlevé  successivera»'nt  au  sol, 
depuis  qu'il  ^^st  défriché  ;  et  calculez  le  peu  qui  lui  a 
été  rendu  Je  vous  ai  dit  combien  les  légumineuses 
rapportent  dazote  à  la  terre.  Chargez  donc  ces  pi  intes 
de  cette  restitution  si  coûteuse,  si  vous  aviez  à  acheter 
de  l'azote  sous  une  forme  quelconque.  Si  vous  êtes 
dans  le  doute  au  sujet  de  ce  qui  peut  manquer  d'acide 
phosphorique,  de  potasse  et  de  chaux,  faites  en  l'essai,. 
en  petit,  sur  différentes  planches,  et  différentes  pièces  ; 
notez  avec  soin  les  résultats  ;  et  bi>^ntôt  vous  en  sau- 
rez aussi  long  que  les  plus  savants  sur  ces  questions. 

■ 

Laissez  moi  s'il  vous  plaît,  faire  rjmarquer  com- 
bien il  importe  de  ménager  et  de  bien  employer  tous 
les  fumiers.  Cela  fait,  il  faudra  encore  ajouter  aux 
pièces  appauvries  et  non  fumées  à  peu  près  la  quantité 
des  éléments  de  fertilité  mentionnée  au  tableau,  pour 
chacune  de  nos  récoltes,  si  nous  voulons  que  celles-ci 
rendent  amplement  pour  les  travaux  et  dépensas 
qu'elles  auront  exigées. 

Je  crois  qu'en  règle  générale  il  suffira  pour  la  rota- 
tion entière,  basée  sur  l'exemple  donne  au  No.  2,  et  en 
vue  de  l'industrie  laitière  ;  il  suffira  de  donner  à  l'en- 
ëemble  des  récoltes,  environ  la  moitié  de  lacide  phos-^ 
phorique,  de  la  potasse  ♦'t  de  la  chaux  mentionnés  au 
tableau.  Tout  cela  d'ailleurs  s'établira  d'une  manière 
absolument  certaine  et  dans  peu  d'années,  en  (  onti- 
nnant  les  essais  en  petit,  nécessaires  pour  faire  parler 
et  iiarler  clairement  la  terre. 


—  45  — 

Afin  de  préciser  davantage,  j'ai  fait  un  estimé  assfZ 
-exact  de  ce  que  cont»^naient  les  engrais  à  rapporter 
chaque  année.  Cet  estimé  se  trouvée  au  bas  du  tableau 
^o.  2.  Le  montant  à  dépenser  ainsi  chaque  année  est 
insignifiant,  comparé  à  l'augmentation  des  n'coltes 
promises,  récolteb  moyennes  qui  ne  se  voient  plus,  et 
depuis  longtemps,  dans  nos  vieilles  paroisses  Mais, 
n'oublions  pas.  messieurs,  que  pareilles  récoltes,  et.  de 
meilleures  encor^^,  s'obti-nner^  régulièrement,  ici 
comme  ailleurs,  avec  le<  soins    que  j'ai  recommandés. 

Maintt>naut.  que  vous  dirai-je  en  terminant,  MM. 
les  missionnaires  agricoles,  vous  avez  accepté  une  mis- 
sion absolument  providentielle.  Yous  êtes  appelés  à 
vulgariser,  et  surtout  a  faire  rechercher  et  aimer  les 
enseignements  de  la  natu  e  et  de  l'art  en  agriculture  ; 
enseignements  et  règles  qui  de  leur  véritable  nom 
s'appi41ent  :  Les  lois  providentielles  qui  s'appliquent 
à  l'agriculture.  En  étudiant  les  éléments  de  ces  Lois, 
et  en  les  faisant  connaître,  dans  votre  caractère  spécial 
d.e  missionnaires  de  l'agriculture,  vous  arriverez  bien- 
tôt, j'en  suis  sûr,  à  des  résultats  absolument  sati-^fai- 
sants.  Et  quel  sera  le  résultat  final  ?  Le  voici  :  Yous 
aurez  rempli  bien  noblement  votre  devoir  de  patriote 
catholique  ;  et  li  Providence  redira  bien  haut  vos 
louanges,  par  la  fertilité  ramenée  au  sol,  et  les  récoltes 
abondantes  qui  s'en  suivront  par  toute  la  province.  Ce 
jour-là,  messieurs,  vous  aurez  fermé  la  bouche  aux 
détracteurs  de  notre  foi  en  Amérique,  à  tous  ceux  qui 
attribuent  à  l'enseignement  religieux  que  nous  rece- 
vons, notre  ignorance  et   nos  insuccès  en  agriculture. 

Permettez  donc  que  je  termine  par  ce  souhait  ; 
Que  Dieu  bénisse  vos  travaux. 

Après  la  conférence,  le  programme  portait  que  le 
conférencier  aurait  à  répondre  à  certaines  objections 
et  demandes  de  renseignements  de  la  part  de  l'un  des 
congressistes  désignés  d'avance  à  cette  fin. 

M.  J.  P.  Nantel;  conférencier  agricole,  fut  Tinter- 


—  46  — 

locuteur  de  M.  Barnard.     Voici  ses  principales  inter^ 
pellations. 

lo  Les  exemples  cité?  par  le  conférencier,  a  pro- 
pos du  bléd'inde  doivent-ils  être  considérés  comme^ 
démontrant  que  cette  culture  peut  donner  un  bon  ren- 
dement dans  les  diverses  parties  de  notre  province  ? 
Quelles  sont  les  variétés  deblé-d'inde  qui  conviennent 
le  mieux  aux  différentes  régions  ? 

Rép.  Choisissez  de  préférence  le  blé-d'inde  cana- 
dien qui  mûrit  dans  votre  localité  ou  aux  environs. 
Dans  la  suite,  vous  pouvez  faire  des  essais,  expérimen- 
ter d'autres  variétés.  Dans  presque  toutes  les  pa- 
roisses ou  je  m'en  suis  enquis,  le  blé-d'inde  vient  très 
bien.  Quelqu'un  suggérant  l'adoption  de  la  variété- 
appelée  "  North  Dakota,"  le  conférencier  déclare  n'en 
avoir  pas  essayé.  Quant  à  certain^^s  variétés  du  blé- 
d'inde  canadien,  il  est  à  sa  connaissance  qu'elles  réus- 
sissent si  bien  dans  le  comté  de  Montcalm,  qu'au  1er 
septembre,  il  est  tout-à-fait  mûr,  très-productif,  et 
donne  des  tiges  d'environ  7  pieds  de  hauteur. 

2o  Quelle  est  la  valeur  nutritive  proportionnelle 
entre  le  blé  d'inde  et  la  betterave  dite '•  Betterave  à 
Vaches  ?  " 

Rép.  La  solution  à  ce  genre  de  problêmes  agri- 
cole se  trouve  insérée  dans  un  tableau  général  du 
récent  "  Manuel  d'Agriculture  "  publié  par  le  dépar- 
tement d'Agriculture  et  ayant  pour  auteur  le  conféren- 
cier. Ce  tableau  se  trouve  aux  pages  499  et  suivantes. 
Voici  en  partie  ce  que  l'on  y  lit,  au  sujet  du  maïs  et. 
et  des  betteraves,  comp-^rés  au  bon  foin  (mêlé). 


—  47- 


Par  1000  Ibs. 


Digestible. 


Par  2000  Ibs. 


Foin  moyen 

Maïs  ordinaire  en  fleur 

Mi-sec  en  moyettes  (ou  quin- 
taux)   


X 

<u  X 

i:  *> 

X 


S 


ta 


d 
2 

Ph 


X 


0) 


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I      X  .P 

r  *2  *-s 
«s§*a 

«Si 

es  s  fl 
>;-  o 


Semence 

Tiges  (paille) 

Epis  égrainé 

Betteraves  fourragères. 

"  à  sucre . . . . 

Feuilles  de  betteraves. 


857 
180 

540 
856 
850 
860 
134 
185 
95 


400 
134 

310 
621 
367 
426 
100 
154 
40 


57 
10 

29 
93 
16 

8 
11 

9 
16 


16 

15.29 

3 

352 

11 

10.19 

60 

30.78 

6 

941 

8 

10 

1 

313 

1 

392 

4 

294 

7.25 


7.05 

2.54 
1.37 

1.76 


Comme  les  engrais  de  commerce  coûtent  ici  au- 
tant et  plus  même  qu'en  France,  la  valeur  fertilisante 
peut  rester  la  même  pour  nous  que  celle  donnée  au 
tableau. 

Nous  avons  tout  lieu  de  croire  que  le  blé-d'inde 
canadien  vaut  plus  que  celui  de  France  mentionné  au 
tableau.  (2) 

M.    LE  .CURE    DAUTH 

invité    à   donner    son   opinion    dit  qu'il    a    cultivé 
le  blé-d'Inde  et  aussi  les  betteraves  :  or,  il  préfère  celles- 
ci  au  blé-d'inde,     Le  maximum  du  rendement  du  blé- 
d'inde  peut  être  fixé  à  55  minotsde  l'arpent.  Un  arpent 
de  betteraves  donnera  aisément  80,000  livres  de  nourri- 

(1)  Ces  valeurs  sont  de  moyennes  pour  l'Europtî.  Ici,  on  peut  compter 
comme  moyenne  la  moitié  seulement  $7.70  par  2000  Ibs. 

(2)  Nous  consultons   à  ce  sujet   M.  l'abbé  Choquette,  chimiste  :  sa 
réponse  paraîtra  en  note  à  la  fin  de  ce  volume. 


S 


—  48  — 

ture  pour  les  vaches.  Il  a  rationné  pendant  six  mois, 
jusqu'à  six  vaches  avec  la  réjolte  d'un  demi  arpent  de 
betteraves,  <  e  qu'il  ne  lui  eût  pas  été  possible  de  faire, 
croit-il,  avec  un  arpent  de  blé-d'iiide. 

Il  ert  d'opiaion  qu'o:i  peut  arriver  à  un  rende- 
ment même  de  cent  mille  livres  de  betteraves  par  ar- 
pent ;  dans  la  région  de  Nicolet,  on  délaisse  la  culture 
du  blé-d'inde  pour  s'adonner  à  celle  de  la  betterave. 

La  betterave  qu'on  cultive  de  préférence  est  la 
"jaune  intermédiaire  améliorée."  Elle  est  û'uue  tex- 
ture plus  ferme  et  se  corde  facilement  dans  les  caves 
ou  même  dans  les  étables,  et  on  peut,  de  cette  façon, 
en  empêchant  le  plus  possible,  l'air  d'y  pénétrer,  la 
conserver  très-longtemps. 

M.  le  curé  Dauth  touche  aussi  la  question  des  en- 
grais artificiels.  Le  fumier  de  ferme  est  fort  bien,  dit- 
il  ;  mais  il  est  loin  de  suffire.  Le  superphosphate  de 
chaux  dont  il  n'a  cessé  de  se  servir,  depuis  28  ans,  a 
été  le  grand  élément  de  ses  succès  agricoles.  C'est 
aussi  l'engrais  le  plus  économique,  à  l'exception,  toute- 
fois, de  celui  que  donnent  les  pois  verts.  On  sème 
des  pois,  on  les  laisse  venir  en  fleurs,  on  passe  le  rou- 
leau, on  laisse  un  peu  pourrir  cet  abattis,  e+  nuis  on 
laboure.  G-râce  à  ce  procédé,  la  terre  la  plus  stérile 
deviendra,  bien  vite,  une  des  plus  fertiles  du  pays. 
Cependant,  cet  engrais  manque  de  chaux  et  on  fera 
bien  de  l'additionner  de  plâtre  et  de  tenir  compte  de 
ce  fait  dans  le  choix  des  cultures  subséquentes. 

Le  superphosphate  coûte  quatre  fois  moins  que  le 
fumier,  dans  la  pratique  C'est  que,  pour  un  terrain 
sis  à  quinze  ou  vingt  arpents  de  l'étable,  l'emploi  du 
fumier  devient  coûteux  par  le  travail  qu'exige  le  char- 
xoyage.     La  même  difficulté  n'existe  pas  avec  le  super- 


—  49  — 

phosphate.  Grâce  à  lui,  j'ai  réussi,  dit  M.  Dauth,  à  en- 
graisser, à  bon  com])te  une  terre  des  plus  appauvries, 
et  où  l'orge  même,  à  présent,  pousse  à  merveille. 

Le  superphosphate  doit  être  répandu  sur  la  terre  à 
l'automne  après  le  labour.  Pour  réussir,  il  faut  mettre 
une  quantité  proportionnellement  égale  de  superphos- 
phate à  ce  qu'on  eût  mis  de  fumier. 

On  peut  employer  aussi  de  la  cendre  ;  c'est  ce  que 
M.  Dauth  a  fait  lui-même  pour  la  culture  d'orge  :  il  a 
ajouté  de  la  cendre  à  400  livres  par  arpent  d'engrais 
complet. 

Depuis  27  ans,  M.  l'abbé  Dauth,  s'est  aussi  servi 
de  la  chaux,  comme  engrais,  et  toujours  avec  un  succès 
parfait.  Il  conseille  fortement  l'emploi  de  la  chauXr 
les  troisquarts  et  demi  des  terres  en  manquent. 


—  50  - 


PAR    LE 

E.   F.   STANISLAS  DE  LA  TBAFFE, 

S*ar  le  ZDéparteaacieiit  d.e  la  I^orclieri© 


Le  révérend  frère  directeur  de  la  porcherie  se  met 
alors  à  la  disposition  du  congrès,  pour  tout  renseigne- 
ment désiré. 

Une  variété  de  l'espèce  porcine  fort  profitable,  en 
notre  pays  est  le  "  Chester  "White  :  "  Mais,  à  la  ma- 
melle, il  est  sujet  à  une  maladie  d-i  la  peau,  surtout 
dans  les  endroits  humides.  C'est  un  animal  très  pré- 
coce et  fort  vorace.  , 

Le  "  Berkshire  "  est  un  animal  facile  à  engraisser, 
dur  à  la  misère,  très-vorace.  Les  mères  sont  prolifi- 
ques, mais,  comme  laitières,  laissent  à  désirer. 

Pour  le  cultivateur  ordinaire,  qui  ne  fait  pas  l'éle- 
vage des  porcs  sur  une  très-grande  é-îhelle,  le  système 
des  croisements  est  le  plus  recommandable.  Le  repro- 
ducteur "  Chester  White  "  avec  la  femelle  "  Berk- 
shire "  donne  un  des  produits  les  plus  parfaits.  Un 
échantillon  de  ce  croisement  a  pesé  300  livres  à  six 
mois.  Le  "  Chester  "White  "  croise  généralement  bien 
avec  toutes  les  races. 


—  61  — 

Le  "  Berkshire  "  donne  un  bon  lard  entrelardé. 

L'hiver,  on  nourrit  les  porcs  aux  betteraves  ou 
aux  navets. 

M.  Dauth  :  Dans  la  région  de  Nicolet  on 
engraisse  beaucoup  de  cochons  avec  des  navets 
cuits  ;  on  produit  ainsi  un  lard  excellent  à  3J  centins 
la  livre.  On  leur  donne  encore  des  choux  moëlliers, 
ou  choux  de  cuisine  ;  et  ils  en  sont  très  friands,  de 
même  que  des  betteraves.  Avec  de  la  moulée  et  des 
légumes  cuits,  les  cochons  s'engraissent  facilement  ; 
on  a  obtenu  des  résultats  étonnants  par  ce  traitement 
appliqué  aux  "  Yorkshire." 

F.  Stanislas.  Le  "Berkshire"  et  le  "  Chester 
"White  "  se  nourrissent  bien  à  l'herbe  ;  le  "  Yorkshire  " 
n'aime  pas  l'herbe.  Le  "  Chester  White  "  et  le 
"  Yorkshire  "  croisent  assez  bien.  Les  pierres  semées 
ça  et  là  dans  les  cours  de  la  porcherie  de  la  Trappe  le 
sont  à  l'effet  d'empêcher  le  porc  de  se  vautrer  dans  le 
purin,  et  de  prévenir  le  mal  de  pattes,  etc.  Les 
truies  sont  mises  en  reproduction  depuis  l'âge  de  4  ou 
6  mois  jusqu'à  4  ans.  Elles  peuvent  rapporter  jusqu'à 
5  fois  en  deux  ans. 

La  diarrhée  des  petits  cochons  tient  à  un  excès  de 
nourriture,  qu'il  faut  savoir  mcdérer  en  conséquence, 
ou  encore  au  manque  de  terre  à  fouiller  ou  à  manger. 
Pour  parer  à  cet  inconvénient,  il  faut,  dès  l'automne, 
approvisionner  la  porcherie,  d'une  quantité  suffisante 
de  terroi.  Pour  iP^rer  les  petits,  on  se  sert  d'orge 
moulue  crue  er  ueiayée  au  petit  lait. 

Pour  empêcher  les  femelles  de  manger  les  petits, 
on  conseille  d'user  de  bons  traitements  envers  ces 
"  pensionnaires'"  et  de,  surveiller  la  parturition. 


—  52  — 

Engrais  le  plus  en  usage  à  la  Trappe  :  lait  de 

,  beurre  et  de  fromage,  déchets  de  cuisine,  moulée,  cuite 

en  hiver.  On  n'emploie  pas  de  nourriture  sûre  :  le  pore 

nourri  aux  aliments  aigres  consomme  plus  et  produit 

moins  qu'avec  de  la  nourriture  douce. 

— Il  y  a  un  grand  avantage  à  avoir  des  cochons  de 
race  pure.  Une  expérience  faite  à  la  Trappe  a  démon- 
tré qu'avec  deux  mois  de  nourriture  de  plus,  les  cochons 
indigènes  ont  donné  un  rendement  encore  fort  infé- 
rieur à  celui  des  porcs  de  race. 

— L'engraissement  d'hiver  ou  d'été  peut  se  faire 
avec  les  mêmes  ingrédients  et  avec  un  succès  égal^ 
pourvu  qu'il  fasse  suffis-amment  chaud  dans  la  porche- 
rie. Cette  précaution  observée,  l'engraissement  est  mê- 
me plus  facile  l'hiver. 

— Dans  le  cas  de  femelles  qui  vont  mettre  bas  on 
a  soin  de  soupoudrer  leur  alimentation,  à  une  poignée 
par  jour,  par  chaque  cinq  gallons  environ,  d'un  com- 
posé à  égales  parties  de  cendre,  soufre  et  salpêtre  :  ^ 
livre  environ.  Cela  a  le  bon  eflfet  de  stimuler  leur  ap- 
pétit. 

— La  moulée  de  blé-d'inde  engraissera  plus  vite 
les  porcs  :  mais  la  moulée  d'orge,  ave  ?  le  lait,  coûte 
moins  cher  et  donnera  un  lard  plus  ferme,  moins  hui- 
leux.    La  moulée  ce  nois  donne  le  meilleur  lard. 

— Pour  la  production  du  "  bacon,  "  le  cochou 
*' Yorkshire"  semble  le  plus  propice. 

— Un  régime  de  trois  mois  ou  trois  mois  et  demi 
de  durée  à  l'engrais  paie  encore  ;  passée  cette  limite^ 
ça  ne  paie  plus.  Si  le  porc  profite  bien,  il  conviendra  de 
le  conduire  au  moins  jusqu'à  deux  cents  livres  pesant. 


—  53  — 


Pour  ne  pas  retarder  l'impression  de  ce  rapport, 
nous  sommes  dans  l'obligation  d'intervertir  Tordre 
-des  séances.  Ainsi  nous  renvoyons  à  la  fin  «le  ce  volu- 
me les  conférences  des  troisième  et  cinquième  séances. 


-54  — 


QUATKIEME  SEANCE 


Conférence  par  HL.  S.  ITAGAITT,  Chimiste  du  dépar- 
tement de  l'Ag^cnlture  a  Quelsec. 

QUELQUES  PRINCIPES  DE  CHIMIE  ACRICOLE. 


CONSIDEÏIATIONS     GENERALES. 


D'une  manière  générale,  la  science  de  l'agricul- 
ture,  c'est-à-dire  la  science  de  la  culture  intensive  et  de 
l'élevage  repose  toute  entière  aujourd'hui  sur  la  chi- 
mie agricole,  qui  étudie  la  distribution,  la  circulation 
et  les  transformations  de  la  matière  et  de  l'énergie 
dans  les  plantes  et  dans  les  animaux.  Vous  le  voyez, 
Messieurs,  le  champ  à  parcourir  est  vaste,  et,  &i  la 
science  moderne  malgré  tous  ses  efforts,  n'a  pu  encore 
soulever  qu'un  coin  du  voïle  qui  recouvre  les  secrets 
de  la  végétation  des  plantes  et  de  la  nutrition  des  ani- 
maux, elle  nous  a  cependant  mis  en  possession  de  prin- 
cipes élémentaires  dont  la  connaissance  s'impose  au- 
jourd'hui à  tout  cultivateur  intelligent,  et  qui  éclai- 
rent d'une  manière  nouvelle. la  voie  à  suivre  pour  ex- 
ploiter une  ferme  avec  le  plus  grand  profit  possible  et^ 
en  particulier,  pour  tirer  du  6ol  des  récoltes  rémuné- 
ratrices. 


—  55  — 

S'il  m'est  permis  de  comparer  ragricnlture  à  l'in- 
dustrie, je  dirai  que  l'agriculture  est  la  plus  puissante^ 
la  plus  féconde  de  toutes  !es  industries  qui  se  partagent 
l'activité  humaine,  et,  en  même  temps,  une  de  celles 
qui  réclament  le  plus  d'intelligence,  de  science  et  de 
bon  6ens  pratique. 

L'agriculture  fait  appel  à  toutes  h^s  forces  vives 
de  la  nature,  et  va  puiser  directement  dans  les  rayons^ 
du  soleil  la  force  motrice  et  le  travail  mécanique  néces- 
saires pour  mettre  en  œuvre  les  éléments  de  l'air  et  du 
sol  qui  entrent  dans  la  constitution  des  récoltes 

Ces  éléments  exigent,  en  effet,  pour  se  combiner 
dans  le  laboratoire  de  la  plante,  une  dépei)se  de  lumière 
et  de  chaleur,  c'est  à  dire,  un  travail  mécanique  que 
l'on  a  pu  calculer  et  qui  représente,  suivant  M.  Geor- 
ges Ville,  environ  3000  journées  de  cheval-vap^^ur,  par 
arpent,  pour  une  récolte  de  3|  tonnes  de  blé  (paille  et 
grains)  !  Or,  le  cheval-vapeur  vaut  5  hommes.  Par 
conséquent,  la  force  vive  qu'un  arpent  de  terre  exige 
pour  donner  sa  récolte  est  équivalente  à  15,00  jour- 
nées d'hommes.  Quant  au  cultivateur  qui  veut  pro- 
duire 3|  tonnes  de  blé  sur  un  arpent,  à  l'aide  de  ses 
bras  et  de  ses  animaux,  il  doit  faire  pour  la  préparation 
de  sou  terrain,  un  travail  qu'on  évalne  à  6  journées 
de  cheval-vapeur  seulement  Et  tandis  que  l'homme 
fait  un  effort  représenté  par  6,  la  nature,  c  est-à-dire  la 
Providence,  lui  vient  en  aide  et  fournit  un  travail 
représenté  par  3000,  c'est-à-dire  500  fois  plus  grand  ? 
Y  a-t-il  au  monde  une  industrie  comparable  à  celle-ci  ? 

Mais,  si  le  travail  humain  requis  en  agriculture 
est  relativement  si  petit,  il  acquierr,  par  la  coopération 
des  puissantes  forces  de  la  nature,  une  influence 
énorme  sur  la  production  des  végétaux.  C'est  surtout 
un  travail  de  direction  qui  est  demandé  au  cultiva- 
teur :  c'est  donc  un  travail  dans  lequel  lintelligence 
doit  jouer  le  rôle  principal,  travail  d'autant  plus  im« 
portant  que  le  moindre  écart,  la  plus  légère  défaillance 
se  multiplie  dans  les  résultats  par  l'immensité  des- 
forces mises  «n  action. 


_  o6  — 

Le  (Cultivateur  est  donc  comme  un  capitaine  sur 
un  navire  ;  il  ne  crée  pas  la  force,  il  la  dirigée.  Si  celui- 
ci  possède  suffisamment  de  connaissant^e  nautique  et 
s'il  est  habile,  tout  ira  bien  ;  mais  s'il  fait  une  fausse 
manœuvre,  les  forces  qui  le  servaient  se  retournent 
contre  lui  et  son  uavire  court  les  plus  grands  dangers 

Voici,  par  exemplt%  un  cultivateur  qui,  pris  tout- 
à  coup  d'un  beau  zèle  pour  la  culture  intensive,  veut 
lui  aussi  obtenir  d'aussi  fortes  récoltes  qu'un  de  ses 
voisins  ;  il  recueille  tout  le  fumier  qu'il  peut  trouver 
et  achète  même  des  engrais  chimiques  ;  il  engraisse 
donc  son  sol  à  outrance,  puis  sème  son  grain  ;  mais  sa 
terre  n'a  pas  été  assez  bien  préparée  et  il  s'y  trouve 
des  mauvaises  herbes  dont  il  ne  s'inquiète  pas  trop, 
comptant  sur  les  engrais  pour  faire  pousser  son  grain 
à  travers  tout  ;  il  oublie,  le  malheureux,  que  les  rnau- 
A^aises  herbes,  trouvant  à  leur  portée  une  excellente 
nourriture  et  la  table  bien  servie,  vont  prendre  un  dé- 
veloppement exubérant,  proportionnel  à  la  nouA'^elle 
richesse  du  sol,  et  qu'après  avoir  privé  le  grain  des 
alimenta  qui  lui  étaient  destinés,  elles  l'étoufferont 
complètement.  Et  le  cultivateur,  furieux,  pestera 
contre  la  science  et  les  engrais.  En  voilà  évidem- 
ment un  qui  n'a  pas  su  diriger  à  son  profit  les  forces 
■de  la  nature  ;  après  les  avoir  excitées  par  un  apport 
d'engrais,  il  les  a  tournées  contre  lui  par  sa  négligen- 
ce, disons  sa  paresse,  et  toute  cette  énergie,  que  nous 
avons  tantôt  représentée  par  3,000  journées  de  cheval- 
vapeur,  a  été  employée  à  produire  une  splendide  ré- 
-colte de  mauvaises  herbes. 

Mais,  il  est  temps,  Messieurs,  de   quitter  ces  quel- 
ques considérations  générales  pour  aborder  un  des  su- 
jets les  plus  intéressants  et  les   plus   pratiques    de   la 
chimie  agricole,  celui  des  engrais  et  des  champs  d'ex- 
périences. 


ÉLÉMENTS   FERTILISANTS. 

Après  l'action  des  forces  naturelles  qui,  en  dehors 
de  la  main  de  l'homme  et  suivant  des  lois  providen- 
tielles, déterminent  la  formation  végétale,  les  causes 


—  57  — 

principales  de  la  production  des  récoltes  sont  les  en- 
grais, c'est-a  dire  les  aliments  de  la  plante. 

Comme  vous  le  savez,  Messieurs,  sur  14  corps  dont 
tous  les  végétaux  sont  formés,  nous  sommes  obli;2"és 
d'en  fournir  au  ir.oins  quatre  qui  sont  l'azote,  l'acide 
phosphorique,  la  potasse  et  la  chaux  ;  Tair,  la  terre  et 
l'eau  fournissent  le  reste.  Ces  quatre  corps  nécessai- 
res, indispensables,  sont  appelés,  en  raison  même  de 
leur  importance  dans  la  production  des  récoltes  Jernies 
de  fertilité  eu  éléments  Jertilimnts.  Ils  ont  une  influence 
prépondérante  sur  le  développement,  la  floraison  et  la 
fructification  des  plantes,  et  leur  présence  dans  le  sol 
détermine  son  degré  de  fertilité,  pourvu  qu'ils  s'y 
trouvent  en  même  temps  sous  une  forme  ou  combi- 
naison chimique  assimilable  par  les  racines  des 
plantes. 

C'est  à  eux  que  le  fumier  de  ferme  doit  sa  puis- 
sauce  fertilisante,  bien  qu'il  n'en  contienne  que  de 
faible  quantité,  comme  nous  le  verrons  plus  loin,  en 
donnant  la  composition  moyenne  du  fumier. 

L'azote,  l'acide  phosphorique,  la  potasse  et  la 
chaux,  tels  sont  donc  les  principes  de  la  restitution  au 
sol  sur  lesquels  repose  toute  la  science  du  cultiva- 
teur, L'art  de  varier  ces  quatre  termes  selon  les  besoins 
■du  sol  et  la  nature  de  la  plante  fait  aujourd'hui  le 
principal  objet  de  la  chimie  agricole.  Chaque  jour, 
pour  ainsi  dire,  de  nouvelles  découvertes,  fondées  sur 
•des  analyses  minutieus-s  du  sol  et  de  la  plante  nous 
apprennent  à  perfectionner  cet  art. 

C'est  ainsi  qu'en  Augl- terre,  les  célèbres  agrono- 
mes Lawes  et  Gilbert  ont  réussi  à  se  soustraire  com- 
plètement aux  lois  de  la  rotation  et  de  la  jachère,  en 
cultivant  pendant  trente-deux  ans  du  blé  sur  le  même 
^ol  sans  diminution  dans  le  rendement.  Ces  mêmes 
agronomes  ont  même  réussi  non-seulement  à  tripler  le 
rendement  des  prairies,  mais  à  les  améliorer  à  tel  point 
qu'un  ^rand  nombre  de  plantes  parasites  ont  disparu 
•«n  quelques  années,  par  une  application  judicieuse  de 
l'engrais,  qui  opère  une  véritable  sélection  en  favori- 


—  58  — 

sant  le  développement  des  bonnes  plantes,  au  détri- 
ment des  mauvaises.  Mais  hâtons-nous  d'ajouter  que 
ce  véritable  tour  de  force  n'est  guère  a  la  portée  de  tout 
le  monde,  et  demandait  de  la  part  des  expérimenta- 
teurs une  science  et  une  précision  des  plus  rares. 

C'est  ainsi  encore  que  des  industriels  du  Nord  de 
la  France,  MM.  Pagnoul  et  Correawides,  ont  élevé  et 
développé  constamment  le  rendement  de  leur  bette- 
rave à  sucre,  en  substituant  à  une  partie  de  l'engrais  de 
ferme  d^s  engrais  chimiques  qui,  permettaient  de  pro- 
portionner la  restitution  des  éléments  fertilisants  aux 
besoin  des  plantes,  mieux  qu'avec  le  fumier  seul  dont 
la  composition  est  invariable. 

Jadis,  avant  les  découvertes  de  la  chimie  agricole, 
quand  la  terre  se  refusait  à  porter  une  récolte,  on  di- 
sait qu'elle  était  fatiguée  et  on  n'avait  guère  d'autre 
ressource  que  de  la  laisser  en  jachère.  Aujourd'hui  l'a- 
nalyse chimique  et  surtout  l'analyse  du  sol  par  la 
plante  permettent  de  rechercher  et  de  trouver  les 
causes  de  stérilité.  Par  exemple,  lor.-que  certaines 
plantes  absorbent  tel  élément  fertilisant  plutôt  qu'un 
autre,  il  suffit  de  rendre  à  la  terre  cet  élément  en  plus 
grande  quantité,  pour  relever  le  rendement.  Ainsi,  par 
exemple,  l'emploi  du  fumier  seul  peut  être  nuisible  à 
la  bonne  production  de  la  betterave  à  sucre,  parce  que 
le  fumier  contient  une  trop  faible  proportion  d'acide^ 
phosphoriqii?,  et  que  le  sucre  cristallisable  ne  se  forme 
pas  dans  la  betterave  végétant  sur  une  terre  saturée 
de  pote  sse  et  d'azote  miis  manquant  d'acide  phospho- 
rique  ,  il  suffit  alors  de  remplacer  une  partie  du  fu- 
mier par  un  engrais  contenant  ce  dernier  élément  fer- 
tilisant. 

L'expérience  prouve  que  Tazote  est  munie  ou 
même  nuisible  au  trèfle  qui  est,  par  contre,  très  avide 
de  sels  minéraux  ;  donnons  lui  donc  de  la  chaux,  de  la- 
potasse  et  de  l'acide  phosphorique,-  mais  non  du  fu- 
mier qui  contient  de  l'azote  ;  gardons-le  pour  de  meil- 
leures occasions.  , 

Quant  au  blé,  ce  qu'il  demande  surtout,  c'est  de 


—  59  — 

l'azote  et  de  l'acide  phosphorique,  mais  nous  revieii' 
drons  sur  ce  sujet  eu  parlant  des  dominantes. 

Mais  1  étude  du  rôle  des  éléments  fertilisants  dans 
le  développement  des  plantes  a  été  poussée  plus  loin 
encore  ;  car,  dans  les  stations  ajTricoles  des  deux 
mondes,  les  chimistes  étudient  aujourd'hui  les  migra- 
tions et  les  transformations  des  éléments  fertilisants 
dans  les  diverses  parties  de  la  plante  et  aux  différentes 
époques  de  sa  végétation.  Par  exemple,  on  a  constaté 
que  les  sels  minéraux  et  les  principes  azotés  contenus 
dans  les  feuilles  des  arbres  éraigrent  à  l'automne  pour 
contribuer  à  la  constitution  des  bourgeons  qui  se  for- 
ment à  la  base  des  pétioles  des  feuilles  pour  l'année 
suivante.  La  feuille  qui  tombe  n'<^st  plus  qu'un  sque- 
lette de  matières  organiques  privé  d'éléments  fertili- 
sants, mais  qui,  par  sa  décomposition  contribue  à  la 
formation  de  ï humus. 


Enfin,  disons-nous  avec  M.  Proost,  l'éminent  ins- 
pecteur de  l'agriculture  en  Belgique,  l'art  du  cultiva- 
teur  est  de  savoir  appliquer  à  ratlernnnce  des  cultures 
l^atternance  des  engrais.  Cet  art  repose  sur  la  connais- 
sance de  la  composition  du  sol,  de  la  quantité  des  élé- 
ments fertilisants  enlevés  par  chaque  culture,  et  des 
exigences  particulières  de  chaque  espèce  de  plante. 

Il  est  possible  et  même  facile.  Messieurs,  d'arriver 
à  cette  triple  connaissance  ;  car  déjà  ^  ous  connaissons 
la  quantité  d'éléments  fertilisants  enlevés  au  sol  par 
les  récoltes,  puisqu'il  nous  suffit  de  jeter  les  yeux  sur 
le  tableau  que  le  département  de  l'agi  iculture  a  publié 
dernièrement  et  dont  vous  avez  tous  reçu  Mesj-ieurs, 
un  exemplaire  Voilà  un  premier  pas  de  fait.  Le 
second  et  le  dernier,  c'est  d'établir  sur  notre  ferme  de 
petits  champs  d'expériences  et  d'analyser  le  sol  par  la 
plante.  Cette  manière  de  résoudre  le  problème  cons- 
titue le  procédé  le  plus  ingénieux,  le  plus  facile  et  le 
plus  sûr  pour  arriver  à  connaître  le  sol  et  découvrir  ce- 
qui  lui  manque. 


—  i)0  — 

Champs  d'expériences. 

Mr  Georges  Ville  a  dit  avec  raison  que  le  champ 
d'expériences,  est  le  plus  éloquent  des  professeurs  d'a- 
griculture. En  eilet,  rien  de  plus  simple  et  de  plus 
frappant  qu'un  champ  d'expériences  ;  c'est  un  livre 
ouvert  où  se  révèlent  les  secrets  du  sol  et  de  la  végé- 
tation, avec  une  exactitude  que  l'analyse  chimique  ne 
peut  atteindre,  car  malheureusement,  l'analyse  des  la- 
boratoires conlond  les  éléments  actuellement  assimila- 
bles du  sol  avec  ceux  qui  s'ytrouvent  en  réserve  et  qui 
ne  deviendront  assimilables  que  dans  un  avenir  plus 
ou  moins  éloigné  et,  en  tous  cas,  inconnu. 

Pour  pouvoir  établir  et  interpréter  utilement  les 
résultats  d'un  champ  d'expériences,  il  faut  ne  pas  x^er 
dre  de  vue  deux  principes  importants  appelés  l'un,  la 
loi  des  forces  collectives,  l'autre  la  loùdes  dominantes. 

Loi  des  forces  collectives  :  L'azote,  l'acide  phospho- 
rique,  la  potasse  et  la  chaux  sont  les  agents  effectifs  de 
la  fertilité,  mais  ils  ne  manifestent  la  plénitude  de  leur 
action  qu'à  la  condition  d'être  simultanément  présents 
dans  le  sol  La  plante  a  besoin  de  les  trouver  à  sa  dis- 
position tous  les  quatre  à  la  fois.  S'il  en  manque  un,  ou 
plusieurs,  l'action  des  autres  se  trouve  paralysée. 

Voici  un  exemple  de  la  manifestation  de  cette  loi, 
je  l'emprunte  au  champ  d'expériences  de  Vincennes, 
•en  France,  dirigé  j  ar  M.  Gr.  Ville  : 

Culture  de  blé. 


ENGRAIS  EMPLOYES 


Engrais  complet 

«        sans  chaux 

«        ians  potasse , ....,, 

«*        sans  acide  phosphorique 

"        sans  azote 

'Terre  sans  aucun  engrais 


Minots  dtt 
blé  produits 
par  arpent. 


36 
34 
26 
22 
12 
10 


—  61  — 

Ou  voit  que  de  12  à  8é  le  rendement  a  fait  un  saut 
énorme  et  que  le  miiximum  n'est  obtenu  que  lorsque 
les  quatre  termes  de  l'engrais  t  omplet  sont  réunis. 

Loi  des  dominantes. — Mais  ce  même  tableau  com- 
porte aussi  un  autre  enseignement.  On  remarque  la  dif- 
férence dans  le  rendement,  >uivant  que  l'on  supprime 
tel  ou  tel  terme  de  l'engrais  complet,  les  autres  termes 
restant  les  mêmes. 

Avec  l'engrais  complet,  on  obtient  36  minots  de 
blé. 

On  supprime  la  chaux  :  le  rendement  baisse  de 
2  minots.  On  supprime  la  potasse,  il  baisse  de  10  et 
tombe  à  26.  Par  la  suppression  de  l'acide  phosphori- 
que  ^'atteinte  est  encore  plus  marquée  :   22  minots. 

Mais,  si  on  vient  à  supprimer  l'azote,  le  rendement 
tombe  à  12  minots,  presque  au  même  point  que  dans 
la  terre  sans  engrais. 

Par  la  suppression  de  ce  seul  terme,  alors  que  les 
autres  sont  restés  les  mêmes,  on  a  perdu  24  minots  ! 

Nous  en  concluons  que  dans  la  production  du  blé* 
c'est  l'azote  qui  joue  le  roie  principal. 

Ici  se  révèle  la  loi  des  dominantes. 

Toutes  les  plantes  exigent  les  quatre  élément» 
fertilisants,  mais  suivant  leur  espèce,  eiles  ont  une  pré- 
férence marquée  pour  l'un  ou  Vautre  de  ces  termes. 

Nous  venons  de  voir  que  la  suppression  de  l'a- 
zote réduisait  à  un  rendement  très  faible  la  récolte  de 
blé  ;  si  c'eût  été  une  récolte  de  pommes  de  terre,  c'est 
la  suppression  de  la  potasse  qui  eût  amoindri  le  ren- 
dement. Pour  le  blé-d'inde  et  le  sarrasin,  c'est  l'ab- 
sence de  l'acide  phosphorique  qui  amoindrit  davan- 
tage le  rendement. 

On  appelle  donc  dominante  l'élément  de  l'engprais 


—  62  — 

complet  qui  est  le  plus  favorable  à  une  sorte  de  cul- 
ture. 

Ainsi  l'azote  est  la  dominante  du  blé  et  des  autres 
céréales. 

La  potasse  est  la  dominante  de  la  vigne,  des  pom- 
mes de  terre,  du  trèfle  et  de  toutes  les  légumineuses. 

L'acide  phosphorique  est  la  dominante  du  blé* 
4'inde,  des  navets,  du  sarrasin. 

La  chaux  ne  paraît  être  la  dominante  d'aucune 
plante,  mais  elle  est  nécessaire  à  toutes. 

Mais  que  l'on  ne  s'y  trompe  pas  ;  la  dominante  ne 
peut  exercer  son  influence  prépondérante  qu'avec  le 
concours  des  autres  termes  de  l'engrais  complet.  Seule, 
«on  action  serait  presque  nulle. 

Tableau  dks  Dominantes. 


AZOTE. 


Blé 

Orge 

Avoine 

Seigle 

Chanvre 

Navets 

Betteraves 

Prairies 

Légumes-feuilles 

Plantes  bulbeuses 
oignons,  etc 

Plantes  herbacées  d'orne- 
ment   


Acide  Phosphorique. 


Blé-dinde  (Mais) 

Canne  ù  sucre 

Sorgho 

Sarrasin 

Navets . . . 

Choux  de  Siam  (Rutaba- 
gas) 

Copinambours 

Légumes-racines 

Arbustes  à  fleurs 


POTASSE. 


•  •  •    •         •  •  •  I 


Pois .... 
Fèves . . 
Luzerne 

Trèfle 

Haricots , 

Sainfoin 

Vesces 

Lentilles , 

Lin 

Pommes  de  terre 

Tabac 

LégumeS'graines 

Vigne 

Arbres  fruitiers. , 


Analyse  du  sol  par  la  plante  seule. 

On  peut  déjà  se  faire  une  idée  de  l'état  d'un  sol  en 
^examinant  avec  attention  les  plantes  qui  y  croissent  ; 


—  63  — 

il  suffit  pour  cela  de  les  considérer  à  la  lumière  de  la 
loi  des  forces  collectives  et  de  la  loi  des  dominautes  que 
nous  venons  d  étudier 

Si  le  terrain,  au  moment  où  je  le  considère,  est  déjà 
couvert  de  cultures,  et  surtout  do  cultures  variées,  les 
plantes  que  j'y  vois  me  parlent  et  ne  me  trompent  pas. 
Elles  me  dissent  ce  qu'il  y  a  dans  le  sol  et  ce  qu'il  n'y 
a  pas,  les  éléments  fertilisants  que  la  tenvi  possède  et 
ceux  qu'il  faut  lui  donner.  Chaque  espèce  de  plante 
se  dresse  devant  moi  comme  une  sentinelle  avancée 
qui  m'avertit  de  la  qualité  du  sol  sur  lequel  elle  est 
posée. 

Me  rappelant  la  loi  des  dominantes,  je  dis  par 
«xemple  : 

Terre  où  le  blé  prospère,  mais  où  les  pois  ne  réus- 
sissent pas  :  riche  en  azote,  pauvre  en  potasse  Don- 
nez lui  de  la  potasse  comme  engrais. 

Terre  où  les  pois  et  le  trèfle  vieJLinent  bien,  mais 
où  le  blé  est  chétif  :  riche  en  potasse,  pauvre  en  azote. 
Donnez  de  l'engrais  azoté. 

Terre  où  les  pois  et  le  blé  viennent  également 
bien,  mais,  où  le  blé-d'Inde  et  le  sarrasin  sont  mé- 
diocres :  riche  en  potasse  et  en  azote,  pauvre  en  acide 
phosphorique.  Donnez  des  phosphates. 

Si  les  légumineuses,  le  froment  et  le  blé-d'Inde 
prospèrent  également,  c'est  que  le  sol  est  pourvu  des 
quatre  termes  do  l'engrais  complet,  azote,  acide  phos- 
phorique, potasse  et  chaux.  Si  toutes  ces  cultures 
sont  mauvaises,  c'est  que  la  terre  manque  de  tous  les 
agents  de  fertilité,  ou  bien  se  trouve  dans  des  con- 
ditions physiques  défavorables  (égouttement  et  ameu- 
blement défectueux  par  exemple). 

Mais  je  puis  même  aller  plus  loin,  et  si  je  vois 
deux  cultures  de  même  dominante,  mais  dont  l'une  est 
à  racines  profondes  et  l'autre  à  racines  superficielles, 


—  tu  — 

elles  me  permettront  de  reconnaître  la  réparlitiou  de 
l'engrais  dans  le  sol.     Exemple  : 

Où  le  blé  réussit,  mais  la  betterave  ne  vient  pas  : 
c'est  probablement  parce  que  tout  l'azote  est  la  couche 
profonde. 

En  résumé,  si  l'on  est  en  présence  d'une  terre 
couverte  de  cultures  variées  ayant  reçu  dans  toute  son 
étendue  le  même  tnùtement  de  la  part  du  cultivateur, 
l'examen  comparé  des  cultures  montre  déjà  approxi- 
mativement quels  sont  les  besoins  du  sol.  Les  mau- 
vaises herbes  même,  si  l'on  a  observé  leur  dominante, 
peuvent  donner  des  indications. 

Mais,  comme  les  diverses  pièces  de  terre  d'une 
ferme  se  trouvent  rarement  dans  des  conditions  iden- 
tiques de  culture  et  d'engraissement,  on  interrogera 
plus  utilement  la  plante  en  faisant  des  essais  de  cul- 
ture dans  un  petit  champ  d'expéritnces  réservé  spécia- 
lement à  cette  fin. 

Ainsi,  si  l'on  veut  se  contenter  d'indications  élé- 
mentaires, qui  suffisent  quelquefois  d^ius  la  pratique, 
on  prend  une  bande  de  terre, de  quelques  verges  carrées 
de  superficie  qu'on  divise  en  trois  parties  égales,  com- 
me l'indique  le  plan  suivant  : 

Champs  d'expériences  sans  engrais. 


No.  3 


Bléd'Iude 


On  ensemence  ces  trois  parcelles,  la  première  en 
blé,  la  deuxième  en  pois  et  la  troisième  en  blé  d'Inde. 
On  attend  que  la  végétation  se  développe,  et  de  sa  phy- 
sionomie on  tire  les  conclusions  suivantes  : 


—  65  — 

Si  les  trois  cultures  ne  valent  rieu,  c'est  que  la  terre^ 
est  stérile  ou  épuisée.  Il  faut  lui  donner  les  quatre  élé- 
ments fertilisants,  c'est  à  dire  un  engrais  complet. 

Si  les  trois  cultures  donnent  de  très-bons  résul- 
tats, c'est  que  le  sol  ne  manque  de  rien  :  il  est  prêt  à 
recevoir  n'importe  xfuelle  espèce*  de  plante  et  il  four- 
nira un  rendement  avantageux. 

Voilà  pour  les  indications  extrêmes  ;  voyons  les^ 
intermédiaires. 

Si  c'est  le  blé  seulement  qui  est  bon,  c'est  que  la 
terre  est  riche  en  azote  et  pauve  eu  acide  phospho- 
rique  et  en  potasse. 

Si  les  pois  seuls  sont  vigoureux,  c'est  la  potasse 
qui  prédomine  dans  le  sol. 

Enfin,  si  le  bléd'Inde  seul  a  prospéré,  c'est  que  le 
sol  est  riche  en  acide  phosphorique  et  manque  d'azote 
et  d«  potasse.  •  . 

Voilà  le  champ  d'expérience  le  plus  simple  et  le 
moins  coûteux  à  établir  ;  mais  ses  indications  sont  loin, 
d'être  complètes  et.  elles  ne  nous  donnent  aucun  ren- 
seignement s.ur  la  qualité  et  la  quantité  des  engrais  à 
employer.  Nous  avons  heureusement  un  moyen  plu» 
puissant  de  faire  parler  la  plante  ;  c'est  de  la  cultiver 

dans  un  champ   d'expériences  avec  des  engrais  variés 

•  '  '  •  ■  • 

Analyse  du  sol  par  la  plante  et  les  engrais,,  . . 

Commençons  d'abord  par- rechercher  si  le  sol  man- 
que d'azote,  ou  bien  s'il  manque  d'éléments  fertilisants 
minéraux  (acide  phosphoricjue,  potasse  et  ch^ux) ,  et 
disposons  sur  le  terrain  à  étudiei;  quatre  parcelles  égales- 
e,t  numérotées.  .,        ,        -.    r,  ,      . 


■  ♦  • 


5 


—  66  — 


Champ  d'expériences  avec  engrais. 
Recherche  de  l'azote  et  des  éléments  minéraux. 


No.  1 

Engrais  com. 
plet. 


No.  2 

No.  3 

No.    4 

Engrais  ininé- 
néral  sans 
azote.     . 

Engrais  azoté 
sans  miné- 
raux. 

Terre  sans  au- 
cun engrais. 

A  la  première  parcelle  on  donne  l'engrais  com- 
plet, soit  4  onces  par  verge  carrée. 

Sulfate  d'ammoniaque 18  oz. 

Superphosphate  de  chaux 33 

Nitrate  de  potasse  (salpêtre)  11 

Plâtre 38 

100 

A  la  deuxième  parcelle,  oa  donne  l'engrais  miné- 
ral sans  azote,  boit  3  oz.  par  verge  carrée  du  mélange 
suivant  (=*)  : 

Superphosphate  de  chaux 40  oz. 

Chlorure  de  potassium 20 

Plâtre 40 

100 

A  la  trorième  parcelle  on  donne  un  engrais  azoté 
«ans  minéraux,  soit  1  once  de  sulfate  d'ammoniaque 
par  verge  carrée. 

A  la  quatrième  parcelle  on  ne  donne  aucun  engrais: 
c'est  la  parcelle  témoin. 

Ces  quatre  parcelles  ayant  reçu  le  même  travail 
préparatoire,  on  les  ensemence  en  blé,  et  l'on  attend  le 
moment  de  la  récolte. 

(*>—  Cet  engrais  sans  azote  convient  aussi  pour  les  essais  de  culture  des 
légumineuses. 


—  67  —     I 

Le  blé  parlera,  et  parlera  si  haut  que  le  pire  des 
sourds,  celui  qui  ne  veut  pas  entendre,  entendra 
quand  même,  pourvu  qu'il  ne  soit  pas  aveugle. 

Parcelle  No.  1  — Engrais  complet.  Le  blé  est  magni- 
fique ;  c'est  immanquable,  puisqu'il  a  tout  ce  qu'il  lui 
faut  pour  prospérer. 

Parcelle  No.  2. —Engrais  minéral  sans  azote.  Si  le 
Mé  est  bon,  c'est  que  la  terre  contenait  par  elle  même 
assez  d'azote.  S'il  est  mauvais,  c'est  que  le  sol  man* 
que  d'azote. 

Parce//e  iVb.  3. —Engrais  azoté  sans  minéraux.  Si 
le  blé  est  bien  venu,  c'est  que  le  sol  est  pourvu  d'élé- 
ments fertilisants  minéraux  (acide  phosphorique, 
potasse  et  chaux).  S'il  est  défectueux,  c'est  que  la 
terre  manque  d'éléments  minéraux. 

Parcelle  No.  4. — Cette  parcelle  nous  indique  l'état 
naturel  du  sol.  Si  le  blé  est  bon,  c'est  que  le  sol  est 
déjà  très  riche  de  tous  les  éléments  fertilisants  ;  en 
conséquence,  l'engrais  complet  donné  au  No.  1  est 
superflu,  et  c'est  un  gaspillage  dont  il  faut  se  garder 
pour  le  reste  du  champ.  Si,  enfin,  le  blé  est  chétif, 
ainsi  que  sur  les  Nos  2  et  3,  c'est  que  le  sol  ne  pos* 
sède  aucun  élément  fertilisant. 

Les  parcelles  No  1  et  No.  4  se  contrôlent  mutuel- 
lement. 

Champ  d'expériences  complet. 

Le  champ  d'expériences  complet,  qui  comprend  au 
moins  sept  parcelles  nous  permet  de  rechercher  chacun 
des  éléments  fertilisants,  d'étudier  complètement  le  sol, 
et  de  constater  l'influence  des  divers  engrais  sur  les 
diverses  cultures.  C'est  le  champ  d'expériences  par 
excellence  et  qui  nous  donne  les  renseignements  les 
plus  complets  et  d'une  exactitude  extrême. 

Il  doit  être  établi  dans  une  place  qui  représente 
le  type  moyen  de  la  constitution  de  la  terre  que  l'on 


—  68.  — 

veut  analyser,  et  ne  demande  pas  une  grande  surface  ; 
un  40ème  d'arpent  suffit  pour  cela.  On  y  dispose  Y  ou 
8  parcelles  d'environ  100  pieds  carrés  de  superficie, 
chacune.  On  peut  ne  cultiver  qu'une  seule  espèce  de 
plante  sur  toutes  les  parcelles  ;  mais,  pour  multiplier 
les  expériences,  chaque  parcelle  *peut  encore  être  divi- 
sée en  deux  ou  trois  portions  dans  lesquelles  on  culti- 
vera des  plantes  à  dominantes  difierentes  (par  exem- 
ple, du  blé,  des  pois  et  du  mais)  ou  à  racines  plus  ou 
moins  profondes  (pour  rechercher  la  composition  du. 
sous-sol). 

On  engraisse  la  première  parcelle  avec  du  fumier 
de  ferme,  soit  30  Ibs.,  employé  seul. 

A  la  2ème  on  donne  l'engrais  chimique  complet 
dont  nous  donnons  plus  bas  la  composition,  d'après, 
un  agronome  français,  M.  H.  Blondeau. 

A  la  Sème,  l'engrais  chimique  sans  azote. 

A  la  4ème,         "  .*•''       sans  acide  phospho- 

[rique. 
A  la  5ème,        "  "        sans  potasse. 

A  la  6ème,        "  "        sans  chaux. 

Enfin,  la  7ème  parcelle,  qui  doit  servir  de  témoin^ 
ne  reçoit  aucun  engrais. 

Dans  la  disposition  ci-après,  il  y  a  une  Sème  par- 
celle pouvant  servir  à  une  ou  plusieurs  expériences 
supplémentaires,  telles  que  essais  d'engrais  mixtes  du 
commerce,  de  cendres  de  bois,  etc, 


—  69  — 

Champ  d'expériences  complet. 

Etude  complète  du  sol  et  des  engrais. 


No.  1 

Fumier   de 

Ferme. 


No.  2 
Engrais  com- 
plet. 


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No.  3 

Engrais  sans 

azote . 


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No.  4 

Engrais  sans 

phosphate. 


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No.  5 

Engrais  sans 

potasse 


No.  6 

Engrais  sans 

chaux 


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engrais. 


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Yoici,  en  détail,  l'espèce  «t  la  quantité  des  engrai» 
que  l'on  met  dans  chaque  parcelle  : 

Parcelle  No.  1. — 30  Ibs  de  fumier. 

Parcelle  No.  2. —  Engrais    chimique    complet,  composé- 

comme  suit  : 

Sulfate  d'ammoniaque Y  onces 

Superphosphate  de  chaux 13    " 

Nitrate  de  potasse  (salpêtre) 4^    " 

Plâtre 1  Ib.. 

Parcelle  No.  3. — Engrais  sans  azote  : 

Superphosphate  de  chaux 13  onces 

Chlorure  de  potassium 4    " 

Plâtre 11b. 

Parcelle  No.  4.—  Engrais  sans  acide  phosphorique  : 

Sulfate  d'ammoniaque 7  onces 

Nitrate  de  potasse  (salpêtre)    4J    " 

Plâtre 11  Ib. 

Parcelle  No.  5. — Engrais  sans  potasse  : 

Sulfate   d'ammoniaque 10  onces 

Superphosphate  de  chaux 13     " 

Plâtre 11b. 

Parcelle  No  6. — Engrais  sans  chaux  : 

Sulfate  d'ammoniaque  7  onces 

Phosphate  de  soude  cristallisé 4     "     (con^ 

tient  50  p.  o;o  d'acide  phosphorique.) 

Nitrate  de  potasse  (Salpêt  re) 4 J   " 

La  parcelle  No.  7  est  préparée  et  ensemencée  comme- 
les  autres,  mais  ne  reçoit  aucun  engrais  ;  c'est  la  par- 
celle témoin. 


—  n  — 

Toutes  ces  parcelles  doivent  être  travaillées  et  en  - 
semencées  comme  un  champ  ordinaire.  L^s  engrai» 
doivent  être  répandus  avant  (îe  semer  ou  planter,  et  mé- 
langés soigneusement,  avec  la  couche  de  terre  que  doi- 
vent occuper  les  racines  des  plantes,  comme  dans  la 
culture  en  grand. 

Dès  que  la  végétation  commence,  on  la  suit  avec 
attention,  et  l'on  note  tous  les  points  saillants  que  l'on 
y  remarque,  jusqu'au  moment  où  toutes  les  parcelles 
ont  donné  leurs  récoltes  ;  on  pèse  ces  récoltes  et  on  les 
compare  entre  elles. 

Les  conclusions  sont  ensuite  facile  à  tirer,  car  les 
plantes  sont  vraiment  les  analystes  les  plus  précis  et 
montrent  une  sensibilité  extrême  vis  à- vis  des  engrais, 
surtout  des  engrais  chimiques.  Pour  s'en  l'aire  une 
idée,  messieurs,  il  suffit  de  réfléchir  un  instant  à  la  dis- 
proportion qui  existe  entre  un  apport  d'éléments  ferti- 
lisants efficace  et  le  poids  de  la  terre  dans  lequel  on  le 
mélange.  En  effet,  messieurs,  la  couche  de  terre  arable 
d'un  arpent  ayant  une  épaisseur  de  8  pouces,  pèse  3^ 
millions  de  livres.  Or,  il  suffit  de  lui  donner  15  à  20 
Ibs.  d'éléments  fertilisants  sous  forme  d'engrais  assi- 
milables, c'est-à-dire  la  200,000ème  partie  du  poids  de  fa 
terre,  pour  influencer  la  culture.  Cette  petite  quantité 
presqu'infinitésimale  d'éléments  fertilisants  que  l'ana- 
lyse chimique  est  impuissante  à  révéler,  la  plante  la 
recherche,  la  découvre  et  en  donne  des  preuves  mani- 
festes 

Engrais  chimiques  pour  champs  d'expériences. 

Comme  dans  l'établissement  d'un  champ  d'expé- 
rience on  a  surtout  en  vue  une  étude  exacte  et  précise 
du  sol,  on  est  obligé  d'avoir  recours  à  des  engrais  chi- 
miques aussi  purs  que  possible,  et  dont  quelques-uns 
diffèrent  de  ceux  employés  dans  la  grande  culture. 

Nous  indiquons  ci-après  les  priniipaux  engrais 
chimiques  que  l'on  emploie  dans  les  champs  d'expé- 
riences, et  la  quantité  moyenne  d'élément  fertilisant 
qu'ils  contiennent  : 


—  •72^ 

^ngran  et  azote  : 

Nitrate  de  p».  tasse  (salpêtre),  contient  13  p  o/o 
d'azote. 

Nitrate  de  soude  (salpêtre  du  Chili)  contient  15 
p  0/0  d'azote. 

Sulfate  d'ammoniaqne  contient   20  p  o/o  d'azote. 

Le  sulfate  d'ammoniaque  acheté  par  100  Ibs.,  ne 
Xîoûte  actuellement,  à  Québec,  que  3  centins  la  Ib. 

engrais  et  acide  phosphorique  : 

Superphosphate  de  chaux  si'nple  (No  1,  Capelton), 
contient  12  à  15  p  o/o  d'acide  phosphorique  assi- 
milable. 

Phosphate  de  soude,  contient  50  p  o/o  d'acide  phos- 
phorique. L'emploi  de  ce  sel  est  nécessaire  dans  les 
parcelles  où  l'on  veut  faire  des  essais  de  culture  sans 
/;haux, 

ingrats  de  potasse  : 

:     Nitrate  de  potasse  (salpêtre),  contient  44  p  o/o  de 
potasse. 

Chlorure  de  potassium,  correspond  à  50  p  o/o  de 
potasse. 

Sulfate  de  potasse,  contient  45  p  o/o  de  potasse. 

JEngrais  de  chaux  : 

Sulfate  de  chaux  (plâtre  cru),  contient  30  p  o/o  de 
chaux. 

A  l'état  de  plâtre  cuit,  il  contient  40  p  o/o  de 
chaux; 

Engeais  pour  la  pratique  agricole. 

Parvenus  à  ce  point  de  notre  étude,  il  nous  sera 
facile  de  donner  une  définition  exacte  de  l'engrais. 
JS"ous  dirons  donc,  avec  M.  Déhérain,  membre  de  Tins- 


—  Y3  — 

litut  de  France  et  professeur  à  l'école  d'agriculture  de 
Grignon,  que  l'engrais,  c'est  la  matière  utile  à  la  planté 
■qui  manque  au  sol. 

,  Nous  avons  examiné  ensemble,  messieurs,  la  mar- 
che à  suivre  pour  é»  udier  le  sol  au  moyen  de  la  plante  ; 
nous  avons  appris  à  connaître  ses  ressources  et  ses 
besoins.  Voyons  maintenant  quels  sont  les  princi- 
paux engrais  mis  à  notre  disposition,  et  que  nous  pou-» 
T-ons  utiliser  avec  profit  dans  la  pratique  agricole. 

Fumier  de  la  Ferme. — Le  fumier  est  le  roi  des  en- 
grais ;  il  est  peu  coûteux,  constitue  un  engrais  com- 
plet et  contient  une  matière  précieuse,  Vhumus,  qui 
joue  un  rôle  impori  ant  dans  la  culture  pratique,  quoi- 
qu'il ne  paraisse  pas  indispensable  au  point  de  vue 
théorique. 

En  effet,  s'il  n'est  pas  prouvé  que  l'humus  est 
utilisé  directement  à  la  nutrition  des  plantes,  il  garde 
néanmoins  toute  son  importance,  car,  étant  doué  du 
pouvoir  absorbant  des  éléments  fertilisants,  il  livre 
ceux-ci  aux  plantes  suivant  leurs  besoins  :  l'humus  est 
le  régulateur  de  la  végétation,  comme  le  volant  d'une 
machine  à  vapeur  est  le  régulateur  de  la  force  et  du 
mouvement. 

Voici  la  composition  moyenne  du  fumier  (solides 
•et  liquides)  par  1000  livre  ; 

Azote 6  Ibs 

Acide  phosphorique  3    *'  ' 

Potasse 5    " 

Chaux 6   '• 

Total 20  Ibs  pour  1000  Ibs  de  fumier: 

C'est-à-dire  que  le  fumier  donne  en  moyenne  2 
p  o?o  d'éléments  fertilisants. 

En  n'engraissant  la  terre  qu'avec  le  fumier,  seul 
produit  par  les  animaux  de  la  ferme,  les  ressources  du 
jsol  en  éléments  fertilisants  diminuent  chaque  année, 
parce  que  la  restitution  au  sol  n'est  pas  complète. 


-74- 

En  d'autres  termes,  la  culture  au  fumier,  seul  ne- 
peut  pas  être  rémunératrice.  Mathieu  de  Dombasle, 
qui  avait  mis  au  service  de  l'agriculture  toutes  les^ 
capacités  pratiquas  que  l'on  pouvait  résumer  de  ron 
temps,  a  dû  avouer  avec  une  teinte  de  mélancolie,  que, 
pendant  les  huit  premières  années  qu'il  avait  exploité 
la  ferme  de  Koville,  en  Fran<  e,  il  avait  perdu  de  l'ar- 
gent, et  s'il  n'avait  pas  adjoint  à  sa  ferme  une  fabrique 
d'instruments  aratoires  qu'il  dirigeait  lui-même,  il  lui 
eût  été  impossible  de  sauver  la  situation. 

Il  faut  entendre  M.  Georges  Ville  parler  de  cette 
circonstance  ! 

'■  Si  une  fée  bienfaisante,  disait-il  dans  s.^s  confé- 
rences au  champ  de  Yincennes.  fut  venue,  pendant  la 
nuit,  répandre  quelques  livres  d'engrais  chimiques  sur 
les  terres  de  Mathieu  de  Dombasie,  uniquement  en- 
graissée au  fumier,  cet  homme  eût  vu  jaillir  autour  de 
lui,  comme  il  le  méritait  par  ses  efforts,  des  sources  de 
profit  que  les  connaissances  de  son  époque  ne  lui  per- 
mettaient pas  d'ouvrir.  " 

Enrichissement  du  sol  en  azote  par  les  légumineuses. — 
Les  plantes  de  la  famille  des  légumineuses,  telles  que 
le  trèfle,  la  luzerne,  les  lentilles,  la  gesse  des  bois  etc., 
possèdent  la  faculté  tout  à  fait  remarquable  d'absorber 
par  les  nodules  de  leurs  racines  l'azote  de  lair,  et  de 
transformer  cet  azote  en  matières  azotées  dont  une 
partie  est  enlevée  avec  la  récolte  de  fourrage  mais  dont 
l'autre,  non  moins  considérable,  reste  dans  les  racines 
et  par  conséquent  dans  le  sol.  S'il  est  vrai,  d'une  part, 
que  les  légumineuses  épuisent  la  réserve  du  sol  en 
éléments  fertilisants  minéraux,  il  est  certain,  d'autre 
part,  qu'elles  l'enrichissent  en  azote  à  un  degré  suflS.- 
sant  pour  les  cultures  subséquentes. 

La  source  la  plus  économique  d'azote  réside  donc 
dans  la  culture  des  légumineuses. 

Engrais  chimiques  —licous  nous  contenterons  d'in- 
diqurr  ici  les  noms  des  principaux  engrais  chimiques^ 
ou  complémentaires  que  l'on  peut  actuellement  se  pro* 
curer  dans  la  province. 


Engraù  (Tazote  :  —  Sulfate  d'ammoniaque,  nitrate  de 
soude. 

Engrais  d'acide  phosphorique  :  —  Superphosphate  de 
chaux,  simple  No  1  de  Capelton  (12  à  15  p  o/o 
d'acide  phosphorique). 

Poudre  d'os,  contenant  21  p  o/o  d'acide  phospho- 
rique. 

Cendres   de   bois,  contenant  1  à  2  p  o/o  d'acide 
phosphorique 

Engrais  de  potasse  :  —  Cendres  de  bois,  contenant  de  6 
à  10  p  o/o  de  potasse. 

Engrais  de  chaux  : — Chaux. 

Plâtre  cru  (30  p  o/o  de  chaux). 

Cendres  de  bois,  contenant  45  à  50  p  o/o  de  chaux,, 
marne,  etc. 

Outre  ces  engrais,  le  commerce  fournit  des  engrais 
chimiques  complets,  c'est-à  dire  contenant  les  4  élé- 
ments  fertilisants    réunis,   entre   autres   les    engrais 
mixtes   fabriqués   à  Capelton  sous  le  nom  d'engrais- 
Victor,  Reliance  etc. 

H.  Naoant. 


—  •76  — 


Questions  et  Réponses. 


Question. — Par  M.  le  Dr  Coulombe. — Où  se  trou- 
vent les  principes  fertilisants  du  fumier,  et  dans  quelle 
proportion  ? 

Réponse  par  le  conférencier. — Les  urines  contiennent 
environ  les  deux  tiers  de  l'azote  total  ;  le  fumier  con- 
tient l'autre  tiers  ;  l'acide  phosphorique  se  trouve 
presque  en  totalité  dans  les  solides  ;  quant  à  la  potasse, 
elle  existe  en  plus  grande  quantité  dans  les  urines  que 
dans  les  déjections  solides. 

Question. — Est-ce  que  l'action  si  vivace  du  plâtre 
sur  les  légumineuses  ne  démontre  pas  que  le  plâtre  est 
une  *'  dominante  "  pour  les  légumineuses  ? 

Réponse. — A  première  vue,  on  serait  porté  à  le 
croire,  mais  comme  le  plâtre  agit  aussi  bien  par  l'acide 
phosphorique  que  par  la  chaux  qu'il  contient,  la  ques- 
n'est  pas  encore  élucidée.  On  croit  cependant  que, 
tion  par  suite  d'une  double  réaction,  le  plâtre  augmente 
le  degré  d'assimilabilité  de  la  potrsse  du  sol,  et  favo- 
rise ainsi  la  croissance  des  légumineuses,  puisque  ces 
plantes  ont  la  potasse  pour  dominante. 

Question. — Les  os  brûlés  ont-ils  de  la  valeur  comme 
engrais  ? 

Réponse. — Oui,  brûlés  et  puis  broyés,  les  os  cons- 
tituent un  bon  engrais,  cela  devient  du  bon  phosphate 
de  chaux.  La  poudre  d'os  exerce  une  action  lente, 
mais  sûre.  La  meilleure  façon  d'utiliser  les  os  est  de 
les  brûler  et  de  les  broyer,  sauf  pourtant  le  cas,  où  il 
serait  possible,  sans  les  brûler  de  les  concasser  en  par- 
■celles  grosses  comme  des  grains  de  chapelet  et  de  les 


\ 


—  71  — 

faire  manger  aux  volailles  qui  les  rendraient  en  fu- 
mier :  on  sauvegarderait  de  cette  façon  les  principes 
azotés  qui  s'y  trouvent  dans  une  proportion  de  4  pour 
cent. 

Le  cultivateur  peut  réussir  à  faire  lui-même  son 
superphosphate,  mais,  l'opération  est  pénible  et  dan- 
gereuse, et  n'est  guère  lucrative. 

Le»  os  brûlés,  le  fumier  de  volailles,  la  chaux,  les 
composts  sont  de  boni:,  engrais  ;  il  ne  faut  pas  négliger 
de  les  employer. 

Epandre  de  la  chaux  sur  le  fumier  est  une  pra- 
tique désastreuse.  On  peut,  sans  grand  inconvénient, 
saupoudrer  de  plâtre  ies  allées  d'étable  et  ie  fumier»- 
mais  c'est  matière  à  discussion  de  sa\  oir  si  cela  est 
vraiment  efficace  pour  conserver  les  principes  fertili- 
sants. 

•  Afin  de  corriger  l'acidité  des  terres  noires,  acidité 
causée  par  l'humus  surabondant  de  ces  terres,  il  sera 
bon  d'y  appliquer  au  moins  de  la  chaux,  de  la  potasse 
ou  des  cendres  de  bois  ;  mais,  toutefois,  seulement 
après  qu'on  les  aura  égouttées  et  assainies  convena- 
blement. On  peut  aussi  brûler  en  partie,  cette  terre 
noire,  quand  elle  est  sèche  ;  on  en  corrige  encore  ainsi, 
l'acidité  excessive. 

Il  ne  convient  pas  de  se  servir  de  superphosphate 
dans  les  terres  légères,  sablonneuses,  manquant  de 
chaux  ;  car  le  superphosphate,  qui  est  acide,  ne  trou- 
vant pas  là  de  base  pour  se  neutraliser,  brûle  le  sol  et 
les  plantes.  Il  sera  bon  pour  prévenir  ce  danger,  d'en- 
fouir longtemps  d'avance  de  la  chaux  dans  ce  sol. 

On  peut  très-bien  additionner  de  chaux  l'humus 
destiné  à  la  litière  des  animaux,  mais  il  faut,  avant  de- 


—  78  — 

*'en  servir  comme  litière,  attendre  qu'une  réaction 
préalable  ait  eu  lieu  entre  Thumus  et  la  chaux.  Néan- 
moins, non  chaulé,  l'humus  absorbe  mieux  l'ammo- 
niaque. 

Le  nitrate  de  potasse  (s'il  ne  coûtait  pas  si  cher)  a 
l'avantage  de  contenir  de  la  potasse  et  de  l'azote,  sous 
une  forme  très-assimilable  ;  il  contient  13  p  o/o  d'azote 
-et  44  p  o/o  de  potasse. 

La  "  verse  "  du  grain  dépend  d'un  manque  d'équi- 
libre dans  l'engrais  ;  l'excès  d'azote  en  est  surtout  la 
cause.  Dans  le  cas  du  blé,  la  "  verse  "  est  due  à  l'ab- 
sence d*engrais  minéraux.  Ce  qui  démontre  qu'après 
le  fumier  d'étable,  les  engrais  chimiques  sont  encore 
très-utiles  ;  on  corrige,  par  exemple,  grâce  à  eux,  l'ex- 
^è?  d'azote  du  fumier. 

Dans  le  cas  de  terres  épuisées  par  de  trop  fré- 
quentes récoltes  de  pois,  il  faut  d'abord  leur  donner  de 
la  potasse  et  aussi  de  la  chaux,  ainsi  que  de  l'acide 
phosphorique  donné  sous  la  forme  de  superphosphate  ; 
xî'est- à-dire  qu'il  faut  donner  à  la  terre  un  engrais  mi- 
néral complet,  (sans  azote). 


—  79  — 


SIXIEME  SEANCE 


•Conférence  païf  M.  J.  CSAPAZS,  asst.  commissaire  du 
département  de  rZndxLsthe  Laitière  a  Ottawa. 


ARBORICULTURE     FRUITIERE 

La  Province  de  Québec,  au  point  de  Yue  de  Tar* 
"boriculture  fruitière,  présente,  depuis  l'Ouest,  de 
Montréal  jusqu'à  l'extrémité  de  la  Baie  des  Chaleurs, 
des  différences  de  climat  extraordinaires  ;  et  c'est  à  un 
tel  point  que  le  cultivateur  de  fruits  pour  l'Ouest  de 
la  Province  suit  certaines  méthodes  qui  quelque  fois 
ne  peuvent  pas  du  tout  être  suivies  par  celui  de  l'Est. 

Ayant  fait  moi-même  cette  culture  dans  l'Ouest  et 
dans  l'Est,  je  me  trouve  à  même  de  pouvoir  indiquer 
les  différences  qu'elle  présente  dans  ces  deux  dis- 
tricts et  vous  mettre  à  même  d'en  faire  part  à  ceux  3 
qui  vous  aurez  à  parler  d'arboriculture  fruitière. 

Au  cours  des  notes  que  je  vais  vous  donner,  je 
ferai  remarquer  ces  difierences  quand  il  y  aura  lieu. 

La  première  chose  à  faire,  pour  celui  qui  veat éta- 
blir un  verger,  est  de  bien  choisir  le  terrain  sur  lequel 
il  veut  planter.    Le  terrain  idéal  pour  un  verger  serait 


—  80  — 

celui  d'un  composé  de  un  tiers  de  sable  ;  un  ti^rs  de 
glaise  et  un  tiers  de  gravois  ;  mais  en  tout  cas  il  faut 
que  le  terrain  soit  parfaitement  drainé  car  tout  arbre- 
qui  se  trouve  à  rencontrer  l'eau  par  ses  racines  doit 
nécessairement  périr  dans  un  temps  plus  ou  moins 
long. 

Quant  au  site  dans  l'Est  de  la  Province,  il  importe 
de  choisir  un  terrain  exposé  au  Nord,  ce  qui  est  con- 
traire à  la  croyance  ordinaire  qui  allait  à  dire  que  le 
Midi  était  la  meilieure  exposition  pour  un  verger.  Les 
coups  de  poleil  fréquents  que  nous  avons  dans  le  mois 
d'Avril  font  partir  la  sève  dans  les  arbres  et  il  survient 
ensuite  des  froids  intenses  qui  font  geler  cette  sève 
dans  les  vaisseaux  et  les  font  se  briser,  ce  qui  amène  la 
Piort  de  l'arbre.  ...  ,    . 

Une  fois  le  site  choisi,  il  faut  faire  un  plan  du 
verger  et  tracer  sur  le  terrain  les  distances  auxquelles 
doivent  être  placés  les  arbres.  On  conseille  la  planta- 
tion en  quinconce  et  dans  l'ouest  de  la  Province  on 
doit  planter  les  pommiers  à  une  trentaine  de  pieds  de 
distance  ;  les  pruniers  et  les  cerisiers  à  une  vingtaine 
de  pieds  ;  mais,  dans  l'Est,  l'expérience  nous  a  démon- 
tré qu'il  faut  planter  les  arbres  beaucoup  plus  serrés 
afin  qu'ils  se  protègent  les  uns  les  autres  contre  les 
vents  froids  et  impétueux  qui  régnent  souvent  dans 
cette  partie  de  la  Province  ;  vingt-cinq  pieds  pour 
les  pompiers  à  port  étalé  et  vingt  pieds  pour  ceux 
à  croissance  verticale  sont  les  distances  voulue* 

Quant  aux  pruniers  et  cerisiers  on  les  met  à  quinze 
pieds.  ; 

Une  fois  le  terrain  marqué,  vous  creusez  une  fosse 
de  quatre  pieds  carrés  à  l'endroit  où  chaque  arbre 
doit  être  mis  ;  cette  fosse  doit  avoir  deux  pieds  et 
demi  de  profondeur.  Vous  avez  soin  de  jeter  la  terre 
végétale  du  dessus  de  la  fosse  d'un  côté,  et  celle  du 
dessous  de  l'autre  côté,  sans  les  mêler. 

Le  printemps  suivant  la  gelé<?  a  travaillé  cette 
fosse,  a  ameubli  le  sol  au  fond,  à  uu   pied  de  profou- 


—  81  — 

deur  au-dessous  de  l'endroit  creusé  et.  tout  autour  de 
la  fosse,  à  deux  pieds  plus  loiu  que  la  grandeur 
creusée  originairement.  Ceci  est  le  meilleur  moyen 
de  bien  ameublir  à  la  profondeur  suffisante  le  terrain 
du  verger. 

Il  va  sans  dire  qu'avant  d'avoir  fait  ce  travail  de 
défoncement,  le  terrain  aurait  dû  être  cultivé  une 
couple  d'années  ;  d'abord  par  une  récolte  de  grain  et^ 
l'année  suivante,  par  une  récolte  sarclée  avec  forte 
fumure. 

Au  printemps  de  la  plantation,  vous  plantez  slvl 
milieu  de  chaque  fosse  creusée  l'automne  précédent, 
comme  dit  plus  haut,  un  fort  piquet  de  sept  pieds 
de  longueur  environ,  dont  deux  pieds  et  demi 
seront  dans  le  sol,  et  vous  rejetez  dans  la  fosse  d'abord 
la  terre  du  dessous  et  ensuite  celle  du  dessus  et,  sur 
la  fosse  ainsi  remplie,  vous  arrangez  la  terre  en  un 
petit  monticule  sur  lequel  vous  étalez  les  raciries  de 
votre  arbre  de  manière  à  ce  qu'elles  occupent  la  même 
position  qu'elles  occupaient  lorsque  l'arbre  était  dans 
la  pépinière.  Vous  avez  soin  de  couper  toutes  celle» 
de  ces  racines  qui  ont  été  brisées  lors  de  l'arrachage 
ou  du  transport  et  vous  ôtez  de  branches  ce  qu'il  faut 
pour  établir  la  proportion  entre  les  branches  et  les 
racines  ainsi  enlevées.  Vous  prenez  la  terre  végétale 
du  dessus  de  la  fosse  et  vous  la  placez  avec  les  mains 
avec  soin  entre  toutes  les  racines  afin  d'empêcher  qu'il 
y  ait  aucun  vide  et,  après  avoir  de  cette  manière 
recouvert  la  racine  d'environ  quatre  pouces  de  terre,. 
vous  tassez  fortement  la  terre  tout  autour  de  l'arbre 
jusqu'à  l'extrémité  des  racines,  avec  le  pied.  Vous 
achevez  de  recouvrir  ensuite  avec  la  terre  de  la  sur- 
face, toujours  de  manière  à  ce  que  l'arbre  se  trouve 
planté  absolument  à  la  profondeur  et  pas  plus  que 
celle  qu'il  occupait  dans  la  pépinière. 

Une  fois  l'arbre  planté,  vous  l'attachez  à  son  pi- 
quet ou  tuteur  avec  un  lien  qui  ne  puisse  pas  briser 
récorce  de  l'arbre.  Un  des  meilleurs  liens  et  un  des 
liens  le  meilleur  marché  que  je  connaisse  est  le  coton. 

6 


—  82  — 

-commun  à  fromage  plié  en  trois  ou  quatre  dou- 
bles de  man  ère  à  faire  un  lien  d'environ  trois  pou- 
ces de  largeur. 

Comme  je  viens  de  vous  indiquer  la  plantation  de 
vos  arbres,  ceci  im  )lique  que  vous  en  avt'Z  fait  un 
<;hoix  d'avance  et  ce  choix  est  la  partie  la  plus  impor- 
tante du  travail  de  l'arboriculteur  qui  veut  réussir,  sur- 
tout dans  les  régions  froides  de  la  Province. 

Beaucoup  d'arbres  réussiront  dans  Ontario  et 
même  à  Montréal  qui  ne  réussiront  pas  du  tout  dans 
l'Est  de  la  Province  à  partir  de  Québec.  Je  ne  puis 
mieux  vous  renseigner  à  ce  su)et  qu'en  vous  donnant 
la  liste  des  arbres  que  je  cultive  dans  mon  verger  d'ex- 
périmentation à  St  Denis  de  Kamouraska  par  quarante 
-sept  degrés  et  trente  de  latitude,  planté  en  1889 

Je  vous  donnerai  en  même  temps  quelques  notes 
sur  la  valeur  des  différentes  variétés  que  je  cultive  et, 
de  cette  façon,  vous  pourrez  sans  crainte  indiquer 
dans  l'Ouest  comme  dans  l'Est  comme  devant  réussir 
certainement  dans  toute  la  Province,  les  variétés  qui 
ont  à  endurer  chez  nous  notre  rude  climat  : — 

POMMES. 

Chalottenthaler. — Pomme  russe  d'été,  mûris- 
sant du  15  au  20  août  et  bonne  à  manger  du  15  août 
au  15  septembre.  Couleur  jaune  verdâtre  avec  un  peu 
4e  rouge  du  côté  du  soleil — grosseur  moyenne. 

AsTRACAN  ROUGE. — Pomme  russe  d'été,  mûrissant 
du  5  au  14  septembre  et  bonne  à  manger  du  1er  sep- 
tembre au  1er  octobre.  Couleur  cramoisie  des  pins 
belles  à  l'œil — grosseur  moyenne 

Duchesse  d'Oldenbourg. — Pomme  russe  d'au- 
tomne hâtive  chez  nous,  m.ûrisfiAnt  du  15  au  30  sep- 
tembre, et  bonae  à  manger  du  1er  septembre  au  1er 
décembre.  Couleur,  verte,  presqii' entièrement  striée  et 
tachetée  de  ronge — grossenr,  au-dessus  de  la  moyenne. 


—  83  — 

Arabka  d'été. — Pomme  russe  d'automne  hâtive, 
mûrissant  du  20  septembre  au  5  octobre  et  bonne  à 
manger  du  15  septembre  au  15  novembre.  Couleur 
verte,  rayée  d'un  peu  de  rouge — grosseur  moyenne. 

TiTOVKA. — Pomme  russe  d'automne  tardive,  mû- 
rissant au  commencbment  d'octobre  et  bonne  à  man- 
ger du  1er  octobre  au  1er  décembre.  Couleur  jaune 
verdâtre,  jayée  de  rouge  du  côté  du  soleil — grosseur 
beaucoup  au-dessus  de  la  moyenne. 

Alexander — Pomme  russe  d'automne  tardive, 
mûrissant  son  fruit  au  commencement  d'octobre  et 
bonne  à  manger  du  1er  octobre  au  1er  décembre.  Cou- 
leur d'un  rouge  brillant  des  plus  attrayants.  Fruit 
très  gros. 

Antonovka. — Pomme  russe  d'automne  tardive, 
mûrissant  son  fruit  au  commencement  d'octobre  et 
bonne  à  manger  du  1er  octobre  au  1er  décembre.  Cou- 
leur jaune  verdâire,  rayé  d'un  peu  de  rouge  foncé  du 
côté  du  soleil — grosseur  un  peu  au-dessus  de  la  moy- 
enne. 

Fameuse. — Pomme  canadiene  d'hiver  hâtive,  mû- 
rissant son  fruit  dans  la  première  quinzaine  d'octobre 
•et  bonne  à  manger  du  1er  octobre  au  15  mars.  Cou- 
leur d'un  beau  rouge  vif  des  plus  attrayants — gros- 
seur moyenne. 

"Wealthy.— Pomme  américaine  d'hiver  hâtive, 
mûrissant  son  fruit,  comme  la  Fameuse,  dans  la  pre- 
mière quinzaine  d'octobre  et  bonne  à  manger  du  10 
octobre  au  1er  avril.  Couleur  jaune  pâle,  colorée  en 
rouge  foncé  du  côté  du  soleil  et  couverte  de  l'autre 
€Ôté  de  bandes  rouges  brisées  et  de  taches  bigarrées 
plus  pâles — grosseur  moyenne. 

McIntosh  Red. — Pomme  canadienne  d'hiver  hâ- 
tive, mûrissant  dans  la  première  quinzaine  d'octobre 
et  bonne  à  manger  du  1er  octobre  au  15  mars.  Cou- 
leur jaune  verdâtre  presqu'entièrement  recouverte 
d'une*  couleur  ronge  brillante,  tournant  presqu'an 


—  .84  — 

violet  du  côté  du  soleil — grosseur  un  peu  au-dessu» 
de  la  moyenne. 

KouGETTE  DORÉE  ANGLAISE,  {EngHsh  golden  Rus- 
set. — Pomme  anglaise  d'hiver  tardive,  mûrissant  son 
fruit  vers  le  20  octobre,  et,  conséquemment,  le  mûris- 
sant rarement  à  l'arbre  chez  nous,  parce  qu'il  est  rars 
qu'on  n'ait  pas,  longtemps  avant  le  20  octobre  quel- 
quefois,  des  menaces  de  fortes  gelées  qui  nou.s  forcent 
à  la  cueillir  avant  cette  date.  Elle  est  bonne  à  man- 
ger du  15  octobre  au  15  mai.  Couleur,  fond  vert,  cou- 
vert de  gris,  et  ayant  une  légère  teinte  rougeâtre  du 
côté  du  soleil — grosseur  moyenne,  plutôt  petite  que 
grosse. 

GrRANDMOTHER  {BeehMshkino).—VomixiQ  russe  d'hi- 
ver tardive,  mûrissant  son  fruit  vers  le  milieu  d'oc- 
tobre et  bonne  à  manger  du  15  octobre  au  10  avril. 
Couleur  d'un  jaune  verdâtre,  rayée  de  rouge  du  côté 
du  soleil.  G-rosseur  moyenne.  Ce  que  j'ai  dit  de  la 
Kusset  s'applique  à  celle-ci. 

LoNGFiELD. — Pomme  russe  d'hiver  tardive  chez, 
nous  bien  que  catologuée  dans  les  listes  de  tous  les 
pépiniéristes  comme  étant  d'hiver  hâtive.  Elle  mûrit 
son  fruit  vers  le  15  octobre  et  est  bonne  à  manger  du 

10  octobre  au  15  juin.  Couleur  jaune  pâle  avec  rouge 
jaune  du  côté  du  soleil.  G-rosseur  au-dessous  de  la 
moyenne. 

Arabka  d'hiver. — Pomme  russe  d'hiver  tardive 
mûrissant  son  fruit  à  la  fiu  d'octobre.  De  fait,  chez 
nous,  ce  dernier  doit  être  cueilli  avant  sa  maturité 
complète,  à  cause  des  fortes  gelées  de  la  fin  d'octobre. 

11  est  bon  à  manger  du  15    octobre  au  mois  de  mai. 
Couleur  verte  foncée,  presqu'entièrement  recouverte 
de  rouge  noir,    ayant   la   même   teinte    que    le    vin , 
d'Oporto,  surtout  du  côté  du  soleil.     Grosseur  beau- 
coup au-dessus  de  la  moyenne. 

POMMES  DE  SIBÊKIE 

Hyslop. — Son  fruit  mûrit  en  octobre  et  est  bon  à 


—  85  — 

manger  jusqu'en  janvier.  Il  est  d'un  beau  rouge  cra- 
moisi et  d'une  bonne  grosseur.  Très  astringent,  il  n'est 
bon  que  pour  les  gelées. 

Transcendant  — Son  fruit  mûrit  du  25  septem- 
bre au  10  octobre  et  ne  se  conserve  bon  à  manger  que 
pendant  un  mois.  Il  est  jaune  rayé  de  rouge  et  pas- 
sablement gros  pour  une  pomme  de  Sibérie. 

Whitney. — Son  fruit  mûrit  du  5  au  15  septembre 
et  ne  se  conserve  que  quelques  jours,  au  plus  deux 
4semaines,  en  bon  état.  Il  est  vert  rayé  de  carmin  du 
côté  du  soleil  et  est  très  gros  pour  une  pomme  de 
Sibérie. 

J'ai  d'autres  variétés  de  pommiers  qui  n'ont  pas 
•encore  porté  fru'ts  chez  moi  ;  mais  qui  ont  fait  une 
b^lle  croissance  et  me  donnent  beaucoup  d'espérances. 
Telles  sont  :  la  St  Laurent  d'été  ;  la  St  Laurent  d'hiver  ; 
Je  srrand  dite  Constantin  ;  Gipsy  Girl  ;  Princesse  Louise  ; 
Golden  White  ;  Red  Queen  ;  Hare  Pipka  ;  pêche  ;  General 
Grant. 

J'ai  tenté  la  culture  des  poires,  mais  je  ne  fonde 
d'espoir  que  sur  deux  poiriers  russes  :  Baha  et  Bes- 
samianka  qui  font  une  excellente  croissance.  Je  dirai 
même  à  ce  sujet  que  ce  qui  empêcherait  probablement 
la  culture  des  poires  d'être  possible  chez  nous,  c'est 
■que  l'arbre  y  pousse  avec  beaucoup  trop  de  vigueur  ; 
«t,  j'ai  beau  pincer  et  pincer  à  outrance  les  poiriers  qui 
croissent  chez  moi,  ils  font  toujours  beaucoup  de  bois 
neuf,  même  tard  à  l'automne,  et  je  ne  sais  pas  si  réel- 
lement nous  pouvons  espértr  en  obtenir  des  fruits. 

Je  vous  étonnerai  probablement  en  vous  disant 
que  notre  succès  avec  les  différentes  variétés  de  prunes 
dépasse  ceux  obtenus  dans  l'Ile  de  Montréal.  Je  vais 
TOUS  donner  les  noms  et  variétés  en  culture  chez  moi, 
en  vous  donnant  quelques  mots  sur  leur  qualité. 

Les  prunes  les  plus  recommandables  pour  le  mar- 
■ché  dans  notre  région  sont  la  Damas,  petite    prune 


—  86  -« 

bleue  que  vous  connaissez  tous,  et  la  Reine  Claude^ 
belle  prune  blanche  ou  jaune  qui  fait  les  délices  de 
tous  ceux  qui  la  mangent.  Nous  avons  outre  cela,  la 
Brad-Shaiv,  la  Goutte  d'Or  de  Coe  et  la  Trabishe  qui  font 
une  excellente  croissance  chez  nous  et  donnent  des 
fruits  magnifiques  ;  mais  celle  des  prunes  étrangères 
qui  vient  dans  sa  plus  grande  perfection  est  la  LéOm- 
barde,  belle  prune  d'un  rouge  violet,  de  bonne  grosseur 
et  dont  la  Trabishe  nommée  plus  haut  est  le  véritable 
portrait  avec  une  avance  cependant  de  dix  jours- 
quant  à  la  maturité. 

Pour  distinguer  La  Lombarde  de  La  Irabùhe,  une 
fois  qu'elles  sont  parties  de  l'arbre,  il  faut  examiner 
les  noyaux  des  deux  qui  différent  essentiellement 
l'un  de  l'autre.  Celui  de  La  Lombarde  est  jaune  foncé 
et  relativement  petit  ;  tandis  que  celui  de  La  Irabishe 
est  grand,  plat  et  jaune  pâle. 

La  Goutte  d'or  de  Coe  a  le  mérite  de  mûrir  seule- 
ment à  la  fin  d'octobre.  Il  faut  même  la  cueillir  à  cet  te 
époque  encore  verte  et  on  la  fait  mûrir  en  l'étendant 
dans  la  batterie  d'une  grange  et  en  la  recouvrant  d'un 
léger  lit  de  paille.  Là  elle  prend  la  magnifique  cou- 
leur qui  la  fait  appeler  La  Goutte  d'or  dans  une  quin- 
zaine de  jours  et  se  trouve  prête  chez  nous  à  être  mise 
sur  le  marché  au  quinze  novembre,  époque  où  les 
prunes  en  sont  toutes  disparues. 

Nous  avons  une  autre  petite  prune  appelée  Shrop. 
shire  Damson  qui,  elle  aussi,  mûrit  à  la  fin  d'octobre- 
C'est  une  petite  prune  bleue  très  sucrée  et  qui  a  sur- 
tout le  mérite  de  venir  à  une  époque  où  nous  n'avons- 
plus  d'autres  prunes. 

En  fait  de  cerises,  La  Cerise  de  France,  importée 
par  nos  ancêtres  lorsqu'ils  ont  colonisé  le  pays,  semble- 
ne  pas  devoir  être  détrônée  comme  beauté,  comme  qua- 
lité et  comme  ff»condité  par  aucune  cerise  importée- 
d'aiLenrs. 

J'ai  cependant  a  l'essai  dans  mon  verger  La  Mont- 
morency  et,  en  fait  de  cerises  Husses,  La  Lutovka,  Lm 


—  8t  — 

Bessarabian,  La  Wladimir  et  La  Osthein.    La  Lvtovka  est 
est  une  grosse  cerise  beaucoup  plus  grosse  que  La  ce- 
rise de  France,  qui,  soit  dit  en  passant,  n'est  autre  chose 
que  La  Early  Richmond.  Cette  grosse  cerise,  [La  Lutockn) 
est  d'un  rouge  plus  pâle   que  La  Cerise  de  France  et 
moins  sucrée  ;    mais  elle  e-^t  très  juteuse.    Eu    plus  sa 
beauté      est    remarquable.      Comme     elle     rappoite 
moins  que  la  dernière  nommée  elle  ne  saurait  prendre 
sa  place.  La  Besmrabian,  la  Wladimir  et  la  Osthein  men- 
tionnées plus  haut  sont  aussi  de  belles  et  grosses  ce- 
rises participant  beaucoup  de  la  Lutovka,  exceiité  pour 
la  couleur  qui  est  plus  foncée.    Elles  ont   une  petite 
trace  d'amertume   dans  le  goût,  et  en  somme  je  donne 
comme  con.<>eil  aux  amateurs  de  cerises  de  se  borner  à 
la  culture  de  la  Cerise  de  France. 

Ce  qu'on  appelle  Petits  fruits,  dans  lesquels  sont 
classées  les  groseil/es,  les  gadelles,  la  framboise  et  \b.  fraiser 
réussissent  parfaitement  chez  nous  et  viennent,  je- 
pourrais  dire,  à  leur  plus  grande  perfection. 

En  fait  de  Groseilles,  je  recommanderai  surtout  La 
Doiuning  et  La  Pearl,  parmi  les  blanches  ou  vertes  et  la 
Houghton  parmi  les  groseilles  rouges  ou  violettes. 
Cette  dernière  rapporte  énormément,  mais  son  fruit 
n'est  pas  aussi  gros  que  celui  de  la  Downing.  J'ai  un& 
douzaine  d  autres  variétés  de  groseilles  chez  nous  qui 
réussissent  très-bien,  mais  elles  n'ont  aucun  mérite  qui 
pourrait  les  faire  préférer  à  celles  mentionnées. 

Le  mitdevj,  cette  maladie  des  groseillers,  qui  fait 
tant  de  ravages  dans  certains  endroits,  n'a  pas  encore 
fait  son  apparition  dans  notre  district. 

Parmi  les  "  gadelles  "  nous  avons  la  Noire  de 
Naples.  la  Rouge  Versailles,  la  Blanche,  appelée  Raisin 
blanc  (  White  grapes)  et  surtout  la  Prolific  de  Fay,  bell& 
grosse  gadelle  rouge  à  grappes  très  longues  et  qui  est 
beaucoup  supérieure  à  toutes  les  autres  variétés  chez^ 
nous. 

Dans  les  *  framboises  "  j'ai  la  vieille  variété  appe- 
lée Anvers,  Antwerp,  la  Rdiance  et  la  Marlborougk  parmi 


—  88  — 

les  ronges.  La  dernière  nommée  semble  être  celle  qui 
convient  le  mieux  à  notre  climat.  Parmi  les  noires, 
je  cultive  la  Sowhegan,  mais  elle  semble  ne  pas  devoir 
avoir  grand  succès, 

Parmi  les  "  Ronces  "  la  Rustique  de  Stone  (Stone 
Hardi/)  est  la  seule  variété  qui  ait  voulu  croître  chez 
nous,  mais  je  n'en  espère  pas  grand  chose.  Mais  la 
framboise  par  excellence,  par  la  qualité  et  la  fécondité 
«n  même  temps  que  par  la  rusticité,  est  notre  belle 
belle  framboise  blanche  qui,  elle  aussi,  comme  la  cerise  de 
France  a  été  importée  rhez  nous  par  les  vieux  colons 
français.  Elle  est  si  rustique  et  si  acclimatée  dans  nos 
régions  qu'elle  croit,  même  on  pourrait  dire  à  l'état 
sauvage,  dans  les  vieux  vergers  et  y  donne  des  fruits 
de  première  excellence. 

Les  Fraises  que  nous  cultivons  chez  nous  sont 
pour  les  rouges,  la  Sharpless  et  pour  les  blanches,  la 
Blanche  des  Alpes,  encore  une  ancienne  importation 
française  dont  le  fruit  parfumé  n'a  pas  de  supérieur  ni 
d'égal  parmi  les  fraises  rouges. 

Il  est  impossible  de  juger  quelle  sera  la  valeur 
commerciale  de  ces  différentes  variétés  de  fruits  main- 
tenant. Ce  ne  sera  que  lorsque  les  arbres  auront  at- 
teint leur  pleine  croissance  que  l'on  pourra  se  rendre 
compte  de  leur  capacité  pour  la  production,  et  faire  un. 
<ihoix  entre  ceux  qui  nous  seront  vraiment  profitables 

Tous  croissent  très  bien,  actuellement,  dans  un 
terrain  sablo-argileux,  drainé,  et  exposé  au  nord,  dans 
xin  endroit  ou  soiifîlent,  à  l'année,  les  vents  de  l'ouest, 
du  nord  et  de  l'est.  Le  verger  se  couvre  de  trois  pieds 
de  neige  chaque  hiver.  Les  arbres  ont  supporté  un 
froid  de  30  degrés  Fahrenheit  dans  l'hiTer  de  189 1. 

Une  fois  le  verger  planté,  il  exige  beaucoup  de 
soin  de  la.  part  de  son  propriétaire  qui  veut  être  cer- 
tain du  succès.  Celui  qui.  dans  une  vieille  prairie, 
xîreuse  un  trou  d'à  peu  près  de  la  moitié  de  la  grandeur 
voulue  pour  les  racines  de  l'arbre  qu'il  va  planter,  qui 
plante  l'arbre   dans  son  trou,  en   recouvre   les  racine» 


avec  la  tourbe  eulevée,  et  laisse  là  ensuite  cet  arbre 
«ans  aucun  soin  subséquent,  ballotté  par  les  vents,  ne 
recevant  jamais  d'engrais,  ayant  ses  racines  étouffées 
par  l'herbe  qui  croit  au  pied  de  l'arbre  et  ses  branches 
rongées  par  les  vers,  même  son  feuillage  mangé  par 
les  chenilles  de  toutes  sortes,  vous  dira  toujours  que 
planter  des  arbres  est  une  folie  et  d'après  sa  méthode 
à  lui,  c'en  est  certainement  une.  Une  fois  l'arbre  plan- 
té il  n'y  a  pour  ainsi  dire  rien  de  fait  si  on  n'a  pas  la 
bonne  résolution  de  lui  donner  ensuite  les  meilleurs 
soins  de  culture. 

Ces  soins  consistent  d'abord  pour  la  première  an- 
née de  la  plantation,  à  cultiver  le  verger  en  tous  sens 
et  même  y  récolter  certaines  plantes,  certaines  racines, 
telles  que  la  patate,  la  betterave,  afin   de  tenir  le  ter- 
rain absolument  libre  des  herbes  qui  y  croîtraient  na- 
turellement si  on  le  laisse  sans  culture.     Il  faut,  en 
faisant  cette  culture,  éviter  de  trop  approcher  du  tronc 
^es  arbres  et  d'en  atteindre  la  racine  avec  la  charrue. 
Au  bout   de    cinq   ou    t«ix   ans,    lorsque  les   arbres 
commencent  à  couvrir  le  terrain  de  leur  ombre,  cette 
-culture  du  verger  cessera  d'être  profitable  parce    que 
les  plantes  qu'on  voudra  y  cultiver,  souffriraient  trop 
-de  l'ombrage  des  arbres,  mais   il  n'en  faut  pas  moins 
encore  tenir  le  pied  des  arbres  net  en  détruisant  toutes 
les  herbes  qui  y  poussent  sur  un  rayon  d'environ  six 
pieds  tout   autour   des    arbres.     A  l'automne  tous  les 
-deux   ans,  vovis  faites  une    application   de  fumier  en 
couverture  sur  la  circonférence  ainsi  cultivée,  sur  une 
^naisseur    d'environ   trois   pouces,  on  le  travaille  en- 
suite dans  le  terrain,  au  printemps,  au  moyen  de  bêche 
à  dents.     L'année  suivante  on  fera  une  application  dé 
•cendre  de  bois  non  lessivée  si  possible  à  raison  d'en- 
xiron   un    minot   par  chaque  trois     arbres,   en  éten- 
dant la  cendre  à  la  surface  sur  la  circonférence  qui  a 
reçu  le  fumier  l'année  précédente. 

En  résumé  :  il  faut  tenir  la  lerre  libre  de  végéta- 
iiion  et  surtout  de  mauvaises  herbes  et  bien  ameu- 
blie, sur  un  rayon  de  cinq  pieds  au  moins,  tout  autour 
4e  l'arbre.  Pour  les  pruniers,  on  recommande  de  met- 
tre   sur  cette     surface   ameublie  une  couverture  de 


—  00  — 

paille  hachée  de  trois  pouces  d'épaisseur.  Ceci  a 
pour  effet,  par  la  fraîcheur  entretenue  au  pied  de 
l'arbre,  d'empêcher  les  fruits  de  tomber  prématuré- 
ment, comme  la  chose  arrive  souvent,  surtout  dans  le» 
grandes  chaleurs.  * 

Il  ne  faut  pas  oublier  que  les  arbres  ou  plutôt  le 
fruit  enlève  surtout  au  sol  beaucoup  de  potasse  et  c'est 
pourquoi  la  cendre  qui  en  contient  une  bonne  quan- 
tité est  considérée  comme  l'engrais  par  excellence  de» 
vergers. 

lia  taille  des  arbres  est  une  chose  qui  fait  peur 
à  tous  les  arboriculteurs  novices,  tant  ils  en  ont  en- 
tendu prôner  les  diliicultés,  et  cependant  la  taille  de» 
arbres  bien  entendu  se  résume  à  fort  peu  de  choses. 
L'opération  du  pinçage  qui  consiste  à  arrêt»?r  entre  le 
pouce  et  l'index,  en  les  coupant  avec  l'ongle  du  pouce,, 
les  jeunes  branches  quand  elles  sont  herbacées,  est 
pour  celui  qui  sait  s'y  prendre,  la  seule  taille  néces- 
saire à  part  celle  provoquée  par  les  accidents  qui  cas- 
sent certaines  branches  pendant  les  tempêtes  ou  par 
l'effet  de  la  neige,  l'hiver. 

Si  par  hasard  quelques-unes  de  ces  grosses  bran- 
ches sont  ainsi  cassées,  alors  il  faut  les  enlever  au  ra» 
du  tronc  avec  une  petite  scie  à  dents  fines  si  la  bran- 
che est  trop  grosse  ou  avec  un  sécateur  si  elle  n'est 
pas  trop  forte.  Si  vous  vous  servez  de  scie,  il  faut  avoir 
le  soin  de  polir  au  couteau  la  surface  sciée  et  ensuite 
d'appliquer  la  cire  à  greffer  dont  la  composition  sera 
donnée  plus  loin. 

On  ne  doit  jamais  tailler  des  arbres  l'été.  Il  n'y 
a  qu'une  exception  à  cela.  C'est  lorsque  vous  avez^ 
un  arbre  en  état  de  donner  du  fruit  et  qui  s'obstine  à 
n'en  pas  donner.  Si  cet  arbre  ne  fleurit  pas  encore 
cette  année,  enlevez-lui  nn  bon  nombre  de  branche» 
et,  surtout,  faites  la  taille  des  racines  en  en  enlevant 
une  ou  deux  des  plus  grosses  au  ras  du  tronc.  Cette- 
taille  énergique  est  du  meilleur  effet  pour  forcer  le» 
vbres  à  émettre  des  bourgeons  à  fruit. 


—  91  — 

Si  la  taille  proprement  dite  est  mauvaise  en  été^ 
il  n'en  est  pas  de  même  du  pincement  qui  permet 
d'arrêter  les  pousses  de  l'année,  eu  les  coupant  lors- 
qu'elles sont  encore  tendres.  C'est  par  ce  moyen  qu'on 
enlève,  surtout  sur  les  pruniers  où  ils  poussent  tou- 
jours en  grand  nombre,  c^^  qu'on  appelle  les  gourmands, 
pousses  droites  qui  jaillissent  à  la  base  des  grosses 
branches  et  s'allongent  très-rapidement,  au  détriment 
des  branches  à  fruit. 

Un  grand  nombre  déjeunes  vergers  ont  été  plan- 
tés depuis  trois  ou  quatre  ans  dans  l'est  de  la  province 
de  Québec.  Beaucoup  de  cultivateurs  qui  ont  planté 
ces  vergers  ne  sont  guère  au  courant  de-  soins  requis 
par  les  arbres  pour  Taire  une  bonne  croissance,  résis- 
ter aux  nombreux  ennemis  qui  les  attaquent  et  donner 
le  revenu  qu'on  en  attend  en  fruits  nombreux,  sains 
et  savoureux.  Je  viens  aujourd'hui  donner  quelques 
avis  à  ces  fervents  novices  en  arboriculture,  afin  que 
le  zèle  qui  les  a  portés  à  planter  des  arbres  fruitiers  ne 
s'éteigne  pas  en  face  des  insuccès  qui  pourraient  sui- 
vre leurs  premières  tentativt^s,  faute  d'expérience  de 
leur  part.  , 

Branches  cassées. — La  première  chose  qu'on  doit 
faire,  au  printemps,  si  l'on  n'a  pas  eu  la  précaution 
d'attacher  à  un  bon  tuteur  ou  piquet  les  jeunes  arbres 
à  1  automne,  en  réunissant  les  branches  en  faisceau 
pour  empêcher  la  neige  de  les  écraser,  c'est  d'examiner 
s'ils  ont  des  branches  cassées.  Ces  branches  doivent 
être  rasées  près  du  tronc,  avec  un  bon  sécateur  ou 
fortes  cisailles  qui  se  vendent  exprès  pour  cet  usage, 
ou  avec  un  couteau  bien  tranchant,  faute  de  mieux,  si 
les  branches  sont  peu  fortes  et  avec  une  scie  à  dents 
fines,  si  ce  sont  de  grosses  branches.  Dans  ce  cas,  il 
faut  ensuite  passer  le  couteau  sur  la  surface  sciée  pour 
en  enlever  les  rugosités  laissées  par  la  scie.  L'impor- 
tant dans  les  deux  cas  est  de  raser  aussi  près  que  pos- 
sible du  tronc.  On  applique  sur  ces  blessures  ainsi 
parées  de  la  cire  à  greffer  dont  voici  la  composition. 

Cire  à  greffer.—  On  fait  fondre  ensemble  trois  par- 
ties de  résine,  trois  parties  de  cire  et  deux  parties  de- 


^  —92  — 

suif  de  bœuf.  Lorsqu'on  garde  les  proportions  indi- 
quées, il  suffit  d'amollir  cette  cire  dans  la  main  au  mo- 
ment de  l'employer,  pour  pouvoir  s'en  servir. 

Echenillage  et  nettoyage  des  arbres. —  il  faut,  entuite 
bien  examiner  les  branches  des  arbres  pour  en  enlever 
tous  Ifs   œufs  que  les  insectes  ont   pu  y  déposer  au 
cours  de    l'année  précédente.    On  trouve,    entr'autres, 
des  bagues  formées  autour  des  branches  par  les  œufs 
de  la  chenille  à  tente,  et  des  petits  cocons  poyeux, 
blancs  ou  gris,  sous  les  branches,  qui  servent  d'abii  à 
autant  de  larves  du  ver  des  bourgeons  (bud  w'^orms) 
qui  rongent  les  boutons  à  fleurs  au  printemps.    Puis 
on  examine  le  tronc  pour  voir  s'il   n'est  pas  couvert 
d'une  espèce  de  croûte  rude  et  grisâtre,  ce  qui  est  l'in- 
dice de  la  présence  du  kermès  ou  pou  de  lecorce  du 
pommier,  {bark  louse).  Si  l'on  découvre  cet  insecte,  il 
faut  gratter  l'écorce  avec  le  dos  d'un  couteau  et  appli- 
quer sur  le  tronc  de  Vémulsion  d'huile  de  charbon  qu'on 
fabrique  en  faisant  fondre  une  demi  livre  de  savon  de 
ménage  dans  un  gallon  d'eau  bouillante,  puis,  en  in- 
corporant cette  savonnure  dans  deux  gallons  d'huile 
de  charbon,  par  un  brassage  énergique  d'au  moins  cinq 
minutes  qu'on  ne  saurait   mieux    pratiquer   qu'avec 
une  pompe  dont  on  dirige  le  jet  dans  le  liquide  même 
qu'on  pompe.  On  mêle,  ensuite,  l'émulsion  ainsi  faite, 
avec  neuf  fois  son  volume,  ou  vingt-sept  gallons  d'eau. 
On  ne  doit  employer  pour  cela  que  de  l'eau  de  pluie 
ou  de  rivière.  Si  l'on  a  besoin   que  d'une  petite  quan- 
tité de  l'émulsion,   on  la  fait  avec  un   once  de  savon 
idans  une  pinte  d'eau  mêlés   avec  un  pot  d'huile   de 
charbon  et  dilués  dans  sept  gallons  d'eau.  Cette  émul- 
fiion  sert  aussi  à  combattre  ce  qu'on  appc^lle  le  pou  du 
pommier,  qui  est  un  puceron  {Aphis  Mali). 

Nodule  noir  — Il  est  très  Important  d'examiner 
avec  soin,  avant  la  feuillaison,  les  branches  d^^s  ceri- 
siers et  des  pruniers,  afin  d'en  enlever  tous  les  nodules 
noirs  qui  auraient  pu  s'y  former  depuis  l'an  dernier.  Ce 
nodule  noir  (blackknot)  est  un  champignon  destructeur 
<jui  a  ruiné  un  grand  nombre  de  vergers  dans  la  pro- 
vince, et  le  seul  moyen  connu  jusqu'à  présent,  pour 
/enrayer  son  développement,  est  de  couper  les  nœuds 


—  93  — 

à  mesure  qu'ils  se  forment  et  de   les  brûler,  sans  quoi^ 
les  spores  se  dispersent  dans  l'air  et  propagent  le  maL 

Sprayage  des  arbres  fruitiers. — La  première  précau- 
tion à  prendre,  après  cela,  c'est  de  commencer  à  se  ser- 
vir des  agents  chimiques  reconnus  comme  spécifiques^ 
contre  les  maladies  fongueuses  des  arbres,  telles  que 
gale  de  la  pomme  (apple  scab)  le  blanc  des  gro- 
seilliers [Mildew).  Il  importe,  avant  que  les  bour- 
geons commencent  à  se  gonfler  de  sève,  de  leur 
appliquer,  au  moyen  d'une  pomp«^  munie  d'un 
bec  à  jet  pulvérisateur  {spraying  nozzle),  une  so- 
lution de  sulfate  de  cuivre  (couperose  bleue  ou  vitriol 
bleu)  qu'on  prépare  en  faisant  fondre  une  livre  de  sul- 
fate dans  vingt-cinq  gallons  d'eau.  Il  ne  faut  jamais 
appliquer  ce  mélange  sur  un  arbre  dont  la  feuillaison 
est  commencée.  Un  peu  avant  que  les  boutons  à  fleurs 
s'ouvrent,  il  faut  appliquer  la  bouillie  bordelaise,  qu'on 
prépare  en  faisant  dissoudre  six  livres  de  sulfate  de 
cuivre  qu'on  met  dans  quaranle  gallons  d'eau,  et  dans 
lesquelles  on  ajoute  quatre  livres  de  chaux  qu'on  éteint 
d'abord  et  dont  on  fait  un  lait  de  chaux  (qu'on  passe 
au  tamis  ou  au  couloir  pour  empêcher  le  résidu  d'obs- 
truer le  bec  pulvérisateur  adapté  à  la  pompe  qui  sert 
à  faire  l'application)  On  ajoute  à  cette  préparation 
quatre  onces  de  vert  de  Paris  par  cinquante  gallons  de 
bouillie  bordelaise.  On  a  alors  un  insecticide  excel- 
lent en  même  temps  qu'un  fongicide,  c'est-à-dire  une 
préparation  qui  sert  également  à  détruire  la  gale  de  la 
pomme,  le  mildew  du  groseillier,  le  ver  des  bourgeons, 
la  pyrale  de  la  pomme  dont  la  larve  produit  ce  qu'on 
appelle  les  pommes  véreuses,  la  chenille  à  tente,  la 
tenthrédine  ou  némate  qui  dévore  les  feuilles  de& 
gadelliers  et  des  groseilliers. 

Ve7's  rongeurs  — Il  y  a  encore  un  autre  insecte  dont 
il  faut  suivre  les  mouvements  au  commencement  de 
juin,  c'est  la  saperde  blanche  qui  produit  les  vers  ron- 
geurs {borers)  qui  pénètrent  dans  la  tige  des  arbres  et 
y  creusent  des  galeries  qui  les  font  périr.  La  mouche 
dépose  au  commencement  de  juin  ses  œufs  au  collet  de 
l'arbre.     L'œuf  y  éclot  et  perce  tout  de  suite  l'écorce 


—  94  — 

pour  pénétrer  dans  l'arbre.  On  empêche  la  saperde 
de  déposer  ses  œufs  sur  l'arbre  en  enduisant  le  tronc 
de  ce  dernier,  sur  une  longueur  d'environ  deux  pieds 
à  partir  d'un  pouce  au-dessous  de  la  surface  du  sol, 
4'un  mélange  de  soda  à  laver  et  de  savon  de  ménage  qu'on 
prépare  en  faisant  fondre  une  livre  de  soda  dans  un 
gallon  d'eau  et  en  mettant  dans  cette  solution  assez 
de  savon  haché  pour  que  le  tout  prenne  la  consis- 
tance d'une  peinture  épaisse  II  faut  au«si  avoir  la 
précaution  de  voir  si,  à  la  fin  de  ]uin,  il  y  a  du  bois 
moulu  ayant  l'apparence  de  moulée  de  scie  au  pit^d  de 
l'arbre.  Ceci  est  un  indice  que  des  vers  travaillent 
dans  l'arbre.  On  trouve  facilement  le  trou  par  où  sort 
la  moulée  et,  en  y  introduisant  une  broche  flexible,  on 
tue  l'insecte. 

Arrosage  — Un  mot,  maintenant,  sur  la  pratique 
suivie  par  bien  des  personnes  de  donner  de  fréquents 
arrosages  aux  jeunes  arbres  nouvellement  plantés.  Il 
n'y  a  que  dans  des  cas  de  sécheresse  prolongée  et  ex- 
cessive qu'on  doit  recourir  à  ce  moyen.  Un  arbre  à 
racines  saines,  bien  planté  en  bonne  terre  meuble,  n'a 
pas  besoin  d'arrosage.  Il  suffit  de  tenir  la  surface  du 
sol  bien  ameublie  au  pied  et  il  est  sûr  de  reprendre. 
L'arrosage  en  question  a  pour  effet  le  développement 
du  blanc  des  racines,  un  champignon  parasite  qui  fait 
bientôt  dépérir  l'arbre,  jaunir  les  feuilles  et  qui,  en 
peu  de  temps,  lui  donne  la  mort.   (1) 

En  terminant,  je  conseille  à  ceux  qui  voudraient 
avoir  des  renseignements  plus  complets  que  c«ux  don- 
nés ici  sur  les  "  insecticides  et  fongicides  ",  de  relire 
un  article  sous  ce  titre  publié  aux  pages  87  et  88  du 
numéro  du  15  mai  1894,  du  Journal  cC Agriculture. 

En  terminant  ces  quelques  notes  sur  l'arboricul- 
ture fruitière  qui  sont  les  résultats  de  l'expérience  d'un 
amateur,  bien  plus  que  celle  d'un  pépiniériste  expéri- 
menté, je  vous  conseillerai.  Messieurs,  de  mettre  sur- 
tout en  garde  ceux  qui  veulent  se  livrer  à  l'arboricul- 

(1)  Si  l'on  croit  nécessaire  d'arroser,  ne  le  faire  que  tard  le  soir  ou  bien 
il  bonne  heure  le  matin,  lorsque  la  terre  est  refroidie. 


—  95  — 

ture  fruitière  contre  certains  agents  de  pépiniéristes 
qui  parcourent  périodiquement  nos  campagnes  avec 
les  livrets  de  gravures  coloriées,  représentant  des 
fruits  de  grosseur  et  de  coloris   fantaisistes  qui  n'ont 

Î'amais  existé  tels  que  représentés,  seulement  que  dans 
a  tête  du  dessinateur  mercenaire  payé  pour  peindre 
ainsi  faussement  des  fruits  qui,  en  réalité,  sont  tous 
autres  qu'on  les  montre.  Plus  souvent  qu'autrement 
ces  variétés  ne  conviennent  pas  à  notre  climat  et 
<5eux  qui.  séduits  par  l'apparence,  les  achètent  sont 
certains  de  perdre  leur  argent  quand  ils  s'adressent  à 
•des  pépiniéristes  autres  que  ceux  bien  connus  dont  la 
réputation  est  intacte  et  dont  la  marchandise  est  tou- 
jours sûre  de  donner  satisfaction.  A  ce  point  de  vue 
je  puis  recommander,  et  vous  pouvez  le  faire  après 
moi  sans  crainte  de  vous  tromper,  les  pépinières  de 
MM.  A.  Dupuis,  de  St.  Roch  des  Aulnais,  comté  de 
rislet,  John  Fisk,  d 'Abbott sford,  et  surtout,  et  par 
dessus  tout,  la  magnifique  pépinière  qu'il  nous  a  été 
donné  de  visiter  ici,  chez  les  Révérends  Pères  Trap- 
pistes d'Oka.  On  est  certain  de  trouver  ici  toutes  les 
variétés  de  pommes  qui  conviennent  à  notre  climat 
tant  comme  fruits  de  tables  que  comme  fruit  de  gelée 
■et  fruits  à  cidre. 


Il  en  est  de  même  des  prunes,  des  cerises,  des 
TÎgnes  et  des  petits  fruits  dont  nous  avons  tous  admiré 
hier  les  innombrables  échantillons  si  bien  cultivés 
dans  la  pépinièrt  de  la  Trappe  par  un  des  meilleurs 
arboriculteurs  qr.'il  m'ait  jamais  été  donné  de  rencon- 
trer. J'ai  été  très-souvent  en  communication  avec  les 
meilleurs  pépiniéristes  de  Québec,  d'Ontario  et  même 
des  Etats-Unis  et  je  dois  dire  que  j'en  ai  rencontré  peu 
ayant  autant  de  connaissauees  théoriques  et  pratiques 
<jn«  le  bon  père  Trappiste  dont  je  ne  voudrais  pour- 
t  .t  pas  blesser  l'humilité,  mais  qui  cependant  m'a 
donné  tant  de  satisfaction  en  me  faisant  entendre  hier 
soir  les  réponses  si  savantes,  si  claires  et  si  bien  frap- 
pées au  coin  de  la  pratique  qu'il  a  faites  aux  nombreu- 
ses demandes  qu'on  lui  a  posées.  Je  suis  sûr  que  pas 
un  d'entre  nous,  Messieurs,  s'en  retournera  d'ici  sans 


—  96  — 

prendre  la  résolution  de  faire  connaître  partout  la. 
pépinière  des  bons  et  hospitaliers  Pères  de  la  Trappe- 
d'Oka  et  suppléer  ainsi  à  la  reclame  faite  quelque 
fois  à  tort,  à  prix  d'argent,  par  des  pépiniéristes  dont 
les  établissements  n'ont  pas  la  moitié  de  la  valeur  pour 
le  public  qu'a  celui  de  nos  hôtes. 


—  97  — 


SEPTIEME  SEANCE 


VISITET7BS  DZSTZiraUES. 


A  la  reprise  des  séances  du  congrès,  à  2  heures  d& 
l'après-midi,  après  inspection  des  départements  de  la 
beurrerie  et  de  la  fromagerie  de  la  Trappe,  une  agréa- 
ble surprise  était  réservée  aux  congressistes. 

M.  le  consul  de  France  Kleckzowski  et  Mgr  Pas- 
quier,  recteur  de  l'université  d'Angers,  et  M.  le  cha- 
noine Racicot,  de  Montréal,  en  visite  chez  les  mes- 
sieurs de  St.  Sulpice,  au  village  d'Oka,  assistaient  à  la 
séance,  ainsi  que  MM.  les  abbés  Lefebvre,  P.  S.  S.,  curé 
d'Oka,  Brasseur  et  Luche,  P.  S.  S. 

Invités  par  M.  le  président  Côté  à  dire  quelques 
mots  à  l'assistance,  les  deux  distingués  visiteurs  fran- 
çais le  firent  avec  la  meilleure  grâce  du  monde  et  le 
plus  grand  sens  pratique. 

M.  le  consul  félicita  chaudement  les  membres  du 
clergé  qui  témoignent  du  haut  intérêt  qu'ils  portent  à 
l'art  agricole,  si  vital  pour  leur  pays,  en  s'astreignant,. 
pour  aider  à  son  progrès,  à  la  discipline  de  l'école,  et 
eut  d'excellentes  paroles  pour  les  bons  pères  trap- 
pistes. 

Monseigneur  le  recteur  d'Angers  joignit  à  celles^ 
du  consul  ses  félicitations  et  il  ajouta  que  les  univer-^ 
sites  catholiques  de   France,  convaincues  de  l'impor^ 

1 


—  98  — 

-tance  de  l'instruction  agricole,  commencent  à  faire  de 
«érieux  efforts  pour  en  favoriser  l'expansion  et  en  rele- 
ver le  niveau  :  notamment  aux  Facultés  de  Paris,  de 
Lille  et  d'Angers. 

Forcés  de  se  retirer  aussitôt,  les  nobles  hôtes  s*ex- 
-cusèrent  de  ne  pouvoir  suivre  plus  longtemps  les  in- 
téressantes délibérations  du  co  >grès.     Leur  sortie  fut 
l'occasion  d'un  émouvant  bout  de  scène    Comme  Mgr 
Pasquier  serrait  la  main  au  président  :  "  Dites  bien  à 
la  vieille  France,  monseigneur,  remarqua  celui-ci,  com- 
bien nous  sommes  toujours   fiers,  nous  de  la  Nouvelle 
France,  de  voir  quelqu'un  qui   nous  vi«nt  d'elle  et 
combien  nous  l'aimons.     "  Vive   la  France,"  proposa 
alors  M.  Beaubien,  comme  conclusion,  et  toute  la  salle 
/fit  écho,  en  un  cri  du  cœur  qui  saisissait  l'âme,  jaillis- 
sant des  murailles  sonores  de  ce  grand  monastère  isolé, 
perdu  dans  un  repli  de  montagne.   "  Vive  le  Canada," 
^'  Vive  l'agriculture,"  reprit  vivement  M.  le  consul  de 
France,  et  emportée  par  un  enthousiasme  communica- 
tif,  toute  l'assistance  fit  encore   choru"»,  faisant  vibrer 
'de  ces  vivats  les  échos  des  vallons  voisins. 


T 


—  99  — 


Confexeaee  de  J.  A.  MASSAI,  professeur  a  l'Ecole 
d'Agriculture  de  l'Assomption. 

La.  Culture  du  sol. 


M.  h  Président, 

Messieurs, 


Je  dois  à  un  acte  d'obéissance  passive  l'honneur 
de  porter  la  parole  dans  cet  important  congrès,  mais 
cet  honneur  m'effraie  ;  car  le  temps  ne  m'ayant  pas 
permis  de  préparer  un  travail  soigné,  et  la  Providence 
ne  m'ayant  pas  doué  du  don  de  la  parole  facile,  je  me 
sens  dans  l'impossibilité  de  vous  intéresser  après  les 
éloquents  discours  que  vous  avez  entendus  depuis 
l'ouverture  de  cette  convention. 

Sans  égard  pour  la  faiblesse  de  mes  épaules,  on 
leur  a  imposé  un  fardeau  bien  lourd  :  l'on  m'a  chargé 
-du  sol,  c'est  toute  l'agriculture. 

Il  est  vrai  que  les  savants  conférenciers  qui  m'ont 
précédé,  ont  passablement  allégé  mon  fardeau,  mais, 
d'un  autre  côté,  il  est  vrai  aussi  que  ces  habiles  pio* 
cheurs  ont  fouillé  avec  un  enviable  succès  les  plus 
riches  filons  de  la  mine  que  j'espérais  exploiter  seul. 
Malgré  ce  désavantage,  je  vais  essayer,  tout  de  même 
tant  bien  que  mal,  de  piocher  derrière  eux,  dans  Vos* 
poir  de   déterrer   encore   quelques   fragments    utiles 

échappés  à  leurs  ambitieuses  recherches. 

'1  ,■..■..,  ■  •      ■  •  ■  ■  ,  ■  't 

-:      Cependant,  messieurs,  ce  que  je  puis  youfi  «dii^^ 


—  100  — 

en  ce  moment,  sur  le  traitement  du  sol,  me  semble  de^ 
,  véritables  banalités  pour  des  hommes  versés  dans  la 
science  agronomique  :  je  me  contenterai  de  signaler 
sous  ce  rapport,  au  point  de  vue  pratique  seulement^ 
les  points  faibles  de  notre  agriculture. 


Tous  les  travaux  du  sol  doivent  avoir  pour,  but 
d'en  augmenter  la  production  ;  et  les  conditions  d'une 
production  abondante  sont  que,  non  seulement  les 
plantes  doivent  trouver  dans  la  terre,  en  quantité  suf- 
fisante et  à  l'état  assimilable,  les  éléments  c  nstitutifs 
de  leurs  organes,  mais  qu'elles  puis-ent  y  développer, 
multiplier  et  enfoncer  facilement  et  sans  obstacles 
leurs  racines  et  leurs  radicelles  à  la  re(  herche  de  leur 
nourriture  et  qu'elles  puissent  y  bénéficier,  dans  une 
juste  proportion,  de  l'action  simultanée  de  l'air,  de 
l'humidité  et  de  la  chaleur,  les  trois  agents  indispen- 
sables de  la  végétation  des  plantes  terrestres. 

Abstraction  faite  des  opérations  qui  ont  pour  but 
de  fournir  aux  plantes  la  nourriture  dont  certains  sols 
sont  dépourvus,  opérations  que  mes  savants  devanciers 
ont  déjà  signalées  scientifiquement,  les  travaux  de  la 
terre  doivent  tendre  à  favoriser  au  plus  haut  degré 
dans  le  sol,  l'action  bienfaisante  des  trois  agents  natu- 
rels que  je  viens  dénoncer  ;  puisque  tout  sol  manquant 
d'air,  de  chaleur  ou  d'humidité  est  improductif. 

Pour  se  faire  une  idée  plus  exacte  du  traitement 
qu'exigent  les  différents  sols,  il  suffit  d'examiner  atten- 
tivement une  terre  naturellement  fertile  et  produc- 
tive. 

Sans  aller  dans  la  vallée  du  Nil,  dans  les  plaines 
du  Manitoba  ou  dans  le  grand  bassin  du  Mississipi^ 
arrêtons-nous  aux  régions  fertiles  de  la  province  de 
Québec  ;  examinons  quelques  fermes  des  vallées  du 
Richelieu  on  de  l'Yamaska,  des  bords  du  St.  Laurent» 
ou  de  certains  plateaux  calcaires  comme  celui  de  St. 
Jacques  de  l'Achigan  et  autres.     Quelle  est  la  consti- 


—  101  — 

tution  naturelle  de  ces  terres  ?  surtout  de  celles  qui 
sont  convenablement  assainies  ? 

Le  sol  est  profond,  meuble,  à  base  d'argile  calcaire 
renfermant  une  certaine  proportion  de  sable,  riche  en 
humus,  de  couleur  foncée,  reposant  sur  un  sous  sol 
suffisamment  perméable. 

Ces  terres,  bien  que  susceptibles  d'épuisement, 
sont  considérées  par  la  plupart  des  cultivateurs  comme 
pouvant  se  passer  d'engrais,  et  de  fait  elles  sont  rare- 
ment, pour  ne  pas  dire  jamais,  fumées,  et  Ihs  récoltes 
sont  encore  supérieures  à  celles  que  nous  remarquons 
ailleurs  sur  des  sols  périodiquement  engraissés.  La  rai- 
son de  cette  fécondité  se  trouve  non-seulement  dans  le 
fait  que  ces  terres  sont  riches  en  azote,  en  acide  phos- 
phorique,  en  potasse  et  en  chaux,  mais  dans  la  perfec- 
tion de  leur  état  physique  Elles  sont  poreuses,  absor- 
bantes de  l'humidité  et  des  gaz  atmosphériques  ;  la 
granulation  ou  la  tcTiture  en  est  parfaite  ;  les  matières 
grossières  qui  entretiennent  le  degré  de  division  con- 
venable et  les  matières  pulvérulentes  qui  adhèrent 
aux  radicelles  des  plantes  et  leur  fournit  les  éléments 
<le  leur  alimentation,  sont  dans  de  justes  proportions. 
Ces  terres  se  dessèchent  et  se  durcissent  peu  dans  les 
•époques  de  sécheresse  prolongée.  Dans  les  temps  plu- 
vieux l'eau  pénètre  au-dessous  du  niveau  des  racines 
■qui  ne  sont  pas  noyées,  et  l'air  n'est  pas  chassé  du  mi- 
lieu où  elles  végètent.  La  terre  n'est  pas  refroidie  par 
l'évaporation,  et  le  phénomène  de  la  nutrification  pro- 
voquée par  la  chaleur,  l'humidité  et  la  présence  des 
matières  organiques  et  des  matières  calcaires,  s'y  pro- 
duit d'une  manière  plus  active,  ainsi  l'élaboration  de 
la  nourriture  des  plantes  y  eot  plus  constante  et  plus 
prompte,  et  la  végétation  plus  vigoureuse  et  sans  ar- 
Têt.     De  là  les  récoltes  plus  abondantes. 

Ainsi  dore  dans  le  travail  de  la  terre,  le  cultiva- 
teur doit  chercher  à  lavori?er  et  à  mettre  à  profit  l'ac- 
tion bienfaisante  d-^s  agents  atmosphériques.  C'esr 
alors  qu'il  tire  parti  de  la  puissance  des  lois  naturelles 
au  lieu  de  travailler  à  l'encontre  de  ces  lois  ;   c'est 


—  102  -^ 

jalftrs  qu'il  travaille  avec  la  nature  et  que  la  nature  où 
le  Tout-Puissant  travaille  avec  lui  et  pour  lui. 

Toutes  les  terres  destinées  à  la  culture  qui  ne 
jouissent  pas  d'une  condition  physique  favorable, 
doivent  d'abord  y  être  amenées  par  les  diverses  opéra» 
tions  que  suggèrent  l'art,  l'économie,  l'expérience,  les 
moyens  et  les  circonstances.  Ces  diverses  opérations 
se  groupent  sous  trois  titres  principaux  :  assainisse- 
ment, ameubliss^ment,  amendement  et  engrais  ;  et 
elles  varient  suivant  ia  nature  des  sols  et  les  culture» 
que  l'on  veut  y  pratiquer. 

II 

Avant  tout,  il  faut  assainir  le  sol,  c'est-à-dire  en 
enlever  l'humidité  surabondante.  A  rien  ne  sert  de 
labourer,  d'engraisser  et  d'ensemencer  une  terre  hu- 
mide ;  il  n'y  a  pas  de  profits  à  espérer  ;  les  récoltes  y 
sont  toujours  médiocres  et  généralement  sales. 

Je  n'entrerai  pas  dans  le  détail  des  travaux  que 
nécessite  l'assainissement  parfait  des  terres  ;  qu'il  me 
suffise  de  dire  que  le  défaut  d'assainissement  est  l'un, 
des  plus  grands  dont  souffr*3  la  plupart  des  terres,  sur- 
tout les  terres  fortes  de  cette  province. 

L'on  a  souvent  beaucoup  de  difficultés  à  faire 
comprendre  ce  point  important  aux  cultivateurs  qui 
ne  se  doutent  guère  que  leurs  terres  souffrent  de  l'hu- 
midité, à  cause  du  fait  que  les  quelques  opérations 
existantes  d'égouttement  empêchent  l'eau  de  séjourner 
è  la  surface  du  sol.  Mais  le  durcissement  et  le  crevas- 
sement  des  terres  argileuses  durant  les  fortes  séche- 
resses de  l'été,  causées  par  l'évaporation,  est  un  indice 
certain  que  la  terre  contenait  trop  d'eau.  G-énérale- 
ment  les  fossés  et  les  rigoles  ne  sont  pas  assez  pro- 
fonds ;  les  raies  sont  peu  ou  point  curées  ;  l'eau  de^ 
neiges  ou  des  pluies  ne  s'écoulent  pas  assez  prompte- 
ment,  imprègnent  trop  le  soussol  et  en  augmentent  la 
compacité.  Bien  que  les  planches  du  labour,  les  rigoles 
pi  les  fossés  bien  faits  donnent  des  résulta' s  meilleur^ 


—  103  — 

et  généralement  satisfaisants,  j'afl&rmerai,  et  ne  fera^i 
que  l'affirmer  en  passant,  que  le  drainage  dans  ces 
sortes  de  terres  produit  des  effets  surprenants  sur 
l'augmentation,  la  qualité  et  la  précocité  des  récoltes, 
en  améliorant  radicalement  la  texture  ou  la  granula- 
tion du  sol.  son  degré  de  porosité  et  ses  propriétés  ab-^ 
sorbantes  etc. 

Pour  se  convaincre  de  l'état  défectueux  de  la  plu- 
part de  nos  terres  fories,  il  suffit  d'en  observer  quel- 
ques-unes, surtout  quand  se  manifestent  des  tempéra- 
tures excessives  pendant  la  saison  de  végétation. 

La  semaine  dernière  je  traversais  en  chemin  de 
fer,  dans  le  voisinage  de  la  station  de  l'Kpiphanie,  un. 
groupe  de  terres  argileuses  que  je  connais  particulière- 
ment. L'aspect  des  récoltes  attira  mon  attention  dans 
ce  temps  de  sécheresse.  La  surfiice  du  sol  était  dessé- 
chée, durcie  et  crevassée,  l'avoine  était  courte  et  d'un 
vert  jaunâtre  dans  les  raies  et  sur  les  bords  â§8  plan 
ches  ;  une  étroite  lisière  sur  le  milieu  de  ces  dernières 
conservait  une  certaine  verdure  foncée  et  une  certaine 
vigueur  de  végétation. 

Les  planches  étaient  plutôt  étroites  que  larges,  les 
rigoles  peu  profondes  et  les  fossés  d'égouttement  suf- 
fisamment nombreux  du  reste,  d'une  profondeur  dé 
dix-huit  à  vingt  pouces  à  peine  ;  mais  pourquoi  le 
grain  qui  a  pouss>é  sur  l'endos  est-il  plus  beau  que 
celui  qui  a  poussé  sur  le  reste  de  la  planche  ?  c'est  que 
la  couche  de  terre  meuble  s'y  trouve  plus  épaisse  et  la 
dose  de  matière  organique  enfouie  dans  l'endos  plus 
forte.  La  terre  y  conserve  plus  de  fraîcheur.  Et 
pourquoi  sur  les  autres  parties  des  planches  la  végéta- 
tion n'est-elle  pas  plus  vigoureuse  ?  C'est  que  la  terre 
li'y  est  pas  assez  profondément  ameublie,  moins  riche 
en  matière  organique  et  moins  absorbante  ;  cVst  que 
— cause  principale — les  fossés  et  les  rigoles  ne  sont  pas 
assez  profonds. 

J'en  faisais  la  remarque  à  une  connaissance  qui 
se  trouvait  à  mes  côtés,  lui  déclarant  que  dans  moit 


—  104  — 

opinion,  ces  terres  n'étaient  pas  convenablement  trai- 
tées ;  avec  de  meilleures  rigoles  et  de  meillnurs  fossés, 
des  labours  plus  profonds,  un  ameublissement  plus 
parfait  et  des  semis  de  trèfle  rouge,  on  en  obtiendrait 
de  bien  plus  fortes  récoltes,  car  ces  terres  ne  sont  pas 
dépourvues  de  nouriiture  minérale  pour  les  plantes  ; 
j'y  ai  déjà  vu,  sur  des  pièces  non  engraissées,  mais  ex- 
ceptionnellement bien  travaillées,  des  prairies  de  trèfle 
supérieures  sous  le  rapport  de  la  qualité  et  du  rende- 
ment. 

Là  dessus  mon  compagnon  de  siège  me  dit  :  vous 
avez  raison  ;  j'ai  un  morceau  de  terre  forte  comme 
celle-ci  ;  le  sol  était  toujours  dur  et  peu  productif  ; 
j'ai  creusé  mes  rigoles  et  mes  fossés  ;  j'ai  labouré  à 
pleine  perche  et  bien  hersé,  et  maintenant  ce  morceau 
de  terre  pousse  bien  mieux. 

Tous  les  propriétaires  de  terres  fortes  qui  les  ont 
Iraitée^ainsi  en  ont  obtenu  de  bien  meilleurs  rende- 
ments en  grains  et  en  foin. 

Il  Y  a  trois  ans  dans  un  concours  de  fermes,  je 
visitais  la  terre — une  terre  argileuse — d'un  cultivateur 
avancé  de  St-Paul  de  Joliette.  Je  remarquais  avec 
plaisir  des  planches  droites,  égales,  d'une  largeur  de 
douze  pieds,  des  raies  bien  curées,  des  rigoles  profon- 
des, droites  bien  nettoyées  et  munies  de  bonnes  pentes, 
des  fossés  de  ligne  profonds,  creusés  en  talus  et  dont 
les  levées  avaient  été  transportées  et  étendues  sur  le 
milieu  des  pièces,  dans  les  légers  bas  fonds  qui  s'y 
trouvaient.  Partout,  d'un  bout  à  l'autre  de  la  terre, 
grains  de  toute  espèce,  foin  de  mil  et  de  trèfle,  étaient 
nets,  abondants  et  magnifiques  à  voir.  A  côté,  sur  la 
terre  voisine,  sol  exactement  de  même  nature,  le  foin 
était  clair  et  sale  et  le  grain  médiocre  ;  le  sol  était  dur. 
Aussi  les  rigoles  et  les  fossés  étaient  peu  profonds  et 
comparativement  en  mauvais  ordre. 

La  différence  dans  la  production  de  ces  deux 
terres  était  en  raison  de  la  différence  du  traitement 
^jn'elles  avaient  subi  et  surtout  des  travaux  d'assai* 
nissement. 


—  105  — 

Je  pourrais  multiplier  les  exemples  sous  ce  rap* 
port,  mais  ce  serait  trop  long. 

Sur  !a  ferme  du  Collège,  à  l'Assomption,  nous 
avons  fait  beaucoup  de  fossés,  de  rigoles,  de  travaux 
de  nivellement,  pour  améliorer  l'assainissement  du 
sol,  et  les  améliorations  ont  grandement  contribué  à 
l'augmentation  des  récoltes,  et  pourtant  le  sol  de  la 
ferme  n'est  pas  d'une  nature  agileuse,  ni  d'une  qualité 
supérieure. 

Examinons  maintent  une  terre  sableuse  ou  d'hu- 
mus, ou  mélangée  de  sable  et  d'argile,  comme  nous  en 
rencontrons  souvent  aux  pieds  des  coteaux.  Le  ^ol  est 
sourceux,  par  conséquent  humide  et  Iroid  ;  il  ne  pro- 
duit que  des  récoltt-s  médiocres  de  grains  ou  de  foin 
remplies  de  mauvaises  herbes,  Cependant  ces  pièces 
de  terre  peu  productives  renferment,  à  l'état  inerte, 
une  abondante  nourriture  pour  les  plantes.  Faisons 
disparaître  l'humidité  dont  le  sous-sol  est  imprégné  et 
facilitons  le  concours  effectif  des  agents  atmosphé- 
riques et,  de  suite,  avec  de  bons  travaux  de  culture, 
les  récoltes  profiteront  de  la  richesse  naturelle  du  sol 
•et  donneront  d'abondants  rendements. 

Le  drainage  là  où  il  serait  possible  serait  le  pro- 
•cédé  d'assainissement  le  plus  sûr  et  le  plus  efficace. 

Mais  souvent  on  réussit  à  intercepter  le  cours  des 
eaux  souterraines  par  un  fossé  profond  creusé  au  pied 
du  coteau  et  se  déchargeant  dans  d'autres  fossés  suffi- 
samment rapprochés  pour  faciliter  l'écoulement  des 
eaux  et  les  empêcher  de  se  répandre  dans  le  sous-sol. 
La  terre  dos  fossés  est  répandue  sur  le  milieu  des 
pièces. 

J'ai  déjà  vu  des  étendues  de  terre  assez  considé- 
rables assainies  par  ce  i)rocédé  si  simple  et  si  facile, 
donner  des  récoltes  bien  supérieures  sous  tout  rapport 
À  celles  des  terres  du  voisinag^e,  de  même  nature,  où 
l'on  n'avait  pas  exécuté  de  semblables  travaux  d'assai- 
nissement. 


—  106  — 

Notre  province  renferme  d'assez  grandes  étendues 
de  terres  sablonneuses  d'une  nature  ferrugineuse  et 
froide,  primitivement  couvertes  d'épinettes  rouges  en 
plus  grande  partie.  De  prime  abord  ces  terres  semblent 
ne  pas  exiger  de  traitement  particulier  pour  les  assai- 
nir. 

Mais  généralement  il  y  existe,  à  quelques  pieds^ 
de  profondeur,  un«  sorte  de  concrétion  ferrugineuse 
qui  retient  l'eau  et  l'empêche  de  pénétrer  dans  les 
couches  inférieures  du  sol  Devenant  par  ce  fait  très^ 
humides  en  automne,  elles  gèlent  profondément,  dé- 
gèlent tard  au  printemps,  restent  longtemps  froides  et 
la  végétation  y  est  languissante  et  les  récoltbs  sont 
faibles.  Il  est  vrai  que  ces  terres  sont  naturellement 
pauvres  ;  mais  pour  donner  aux  engrais  organiques  et 
à  la  chaux  qui  leur  convient,  toute  1  efficacité  possible, 
il  faut  tout  d'abord  faire  disparaître  les  causes  de  l'hu- 
midité. On  y  réussit  généralement  au  moyen  de 
simples  fossés  profonds,  creusés  à  mi-arpent  de  dis- 
tance et  même  à  un  demi-arpent  dans  certains  cas. 
Ces  terres  demandent  en  plus  des  labours  profonds  et 
une  bonne  aération,  car  comme  elles  doivent  aussi  leur 
humidité  naturelle  à  la  forte  proportion  d'oxide  de  fer 
hydraté  qu'elles  renlerment,  l'oxigène  de  l'air  agira 
sur  To^ide  de  fer  et  produira  des  réactions  chimiques 
favorables  à  la  nourriiure  des  plantes  et  à  la  bonne 
condition  physique  du  sol. 

Par  un  traitement  semblable,  M.  J.   B.   Richard^, 
de  Joliette,  a  réussi  à  obtenir   sur  une  terre   de  cette 
nature  d'abondantes  récoltes  de  toutes  espèces  :  trtbac^ 
blé-d'inde,  patates,  racines,  avoine,  trèfle,  foin,  etc.,etc, 
au  moyen  des  seuls  fumiers  de  ferme. 

Ses  fossés  d'égouttement  sont  A  un  demi  arpent  de 
distance,  la  terre  provenant  du  creusage  de  ces  fossés 
et  celle  des  abords  a  été  répartie  à  la  pelle  à  cheval  à 
la  surface  du  terrain,  qui  ne  présente  qu'une  large 
planche  de  ^0  pieds  entre  les  fossés,  et  la  terre,  au  lieuL 
d'être  pleureuse  comme  auparavant,  est   saine  tt  pro- 


—  107  — 

fonde  ;  et  la  végétation  y  est  vigoureuse,  même  dan» 
les  sécheresses  de  l'été. 

Nous  avons  d'autres  variétés  de  terrains  sableuïr 
terres  de  piuière  ou  d'érablière.  Cjs  terres  n'exigent 
aucune  opération  particulière  d'égouttenient.  Il  fiut 
au  contraire  y  conserver  toute  l'eau  que  l'atmosphère 
y  déverse,  car  elles  ont  le  défaut  d'être  trop  filtrantes 
et  trop  sèches;  elles  manquent  par  conséquent  des 
propriétés  physiques  favorables»  une  culture  produc- 
tive De  plus,  elles  manquent  de  plusieurs  minéraux^ 
utiles. 

Les  terres  de  pinières  sont  pauvres  en  chaux,  ea 
acide  phosphorique  et  en  pota-^se,  mais  les  sables  d'é- 
rablière contiennent  une  certaine  dose  de  ces  subs- 
tances, et  poussent  bien  les  patates  et  le  seigle,  quand 
elles  sont  convenablerat*nt  fumées.  Les  moyens  de 
tirer  de  bonnes  récoltes  de  ces  sables,  dans  les  saisons 
suffisamment  pluvieuses,  serait  de  les  amender  avec 
des  terres  argileuses,  surtout  des  argiles  calcaires  et 
des  engrais  organiques,  et  d'employer,  en  sus,  des  en- 
grais chimiques,  sur  les  sables  de  pinière. 

Dans  le  New-Jersey,  on  a  réussi  à  transformer  en- 
terres  productives  de  grandes  étendues  de  terrain  dont 
le  sable  poudrait  au  vent,  au  moyen  de  la  chaux  et 
des  engrais  chimiques  pour  provoquer  la  pousse  du 
sarrasin  et  du  trèlle,  puis  par  l'enfouissement  de  ces 
récoltes  à  l'état  vert,  fournir  au  sol  la  matière  orga- 
nique ou  humas  qu'il  lui  manquait.  S'il  faut  en  croire 
les  rapports,  ce  sol  produit  maintenant  de  belles  ré- 
coltes de  seigle,  de  légumes,  et  même  de  blé.  Cepen- 
dant je  ne  conseillerais  les  améliorations  que  j^^  viens 
de  signaler  que  dans  des  cas  exceptionnels,  là  où  les- 
le^mendements  sont  à  portée  et  la  main  d'œavre  peu 
coûteuse. 

Néanmoins  sur  les  sables  si' nés  dans  le  voisinage 
des  tourbières  et  des  fabriques  de  chaux,  je  recomman-- 
derais  l'emploi  de  la  tourbe  désacidifiée  par  la  chaux. 
Les  sables  enrichis  de  matières  organiques  absorbent 


—  108  — 

.et  retiennent  de  plus  fortes  doses  d'humidité,  profitent 
mieux  des  engrais  de  ferme  ou  autres  ;  les  patates,  le 
blé-dinde  ou  même  les  grains  y  donnent  ensuite  des 
rendemenîs  satisfaisants  ;  on  réussit  à  y  faire  prendre 
le  trèfle  blanc  dans  les  pâturages, 

Les  céréales  y  donnent  des  semences  de  belle  qua- 
lité, surtout  après  le  trèfle. 

Je  ne  parlerai  pas  des  tourbières  qui  couvrent  de 
grandes  superficies  dans  la  Province  ;  car  je  ne  crois 
pas  que  les  travaux  qu'exige  leur  transformation  im- 
médiate en  sols  arables  puissent  payer  dans  les  cir- 
constances actuelles. 

Cependant  en  Allemagne  et  en  Norwège  des 
hommes  entreprenants  ont  réussi  à  conquérir  à  la  cul- 
ture dïmmenses  tourbières  auparavant  incultes,  au 
moyen  de  tranchées  profondes  d'égouttement  et  d'a- 
mendements argileux  et  calcaires. 

La  France  renfermait  autrefois  beaucoup  de  to\u'- 
bières  que  les  Moines  du  moyen  âge  assainirent  et 
transformèrent  en  terrains  d'une  grande  fertilité  ;  ce 
fiont  aujourd'hui  les  meilleurs  terrains  maraîchers  de 
ce  pays. 

Le  fond  de  nos  tourbières  est  ordinairement  en 
argile  calcaire  et  constituerait  en  réalité  un  sol  fertile, 
comme  quelques  expériences  locales  nous  le  démon- 
trent. 

Le  gouvernement  ferait  peut  être  une  œuvre  utile 
en  achetant  nos  tourbières  et  en  les  donnant  aux  Rvds. 
Pères  Trappistes  qui  trouveraient  moyen  d'eu  faire  en 
peu  d'années  d'immenses  champs  de  grains   et  de  lé- 
gumes. 

Laissez  moi  dire,  sans  arrière  pensée,  que  notre 
province  fournirait  plus  facilement  de  courageux  et 
dévoués  trappistes  que  de  hardis  cai  italistes  pour  en- 
treprendre de  tels  travaux. 


—  109  — 

III 

Sous  le  rapport  des  travaux  d'ameublissement  je 
m'arrêterai  particulièrement  à  certains  labours  qui 
sont  encore  trop  peu  usités  dans  notre  ag^riculture. 
Disons  toutefois  que  les  labours  ordinaires  sont  encore 
trop  généralement  défectueux.  Il  n'y  a  pas  encore  la 
majorité  des  cultivateurs  qui  labourent  bien.  L'amé- 
lioration d^s  labours  s'opérera  par  des  concours  plus 
fréquents  et  par  des  conférences  sur  les  principes  du 
labour  lors  de  ces  concours. 

Il  faut  surtout  insister,  dans  les  conférences  de- 
vant les  cercles  aj^ricoles,  sur  l'importance  des  labours 
profonds  st  des  défoncements.  On  ne  connaît  pas  assez 
dans  notre  province  l'influence  favorable  des  labours 
profonds  et  surtout  des  défoncements  sur  toutes  les 
récolte^,  et  en  particulier  sur  ]es  cultures  racines  et  le 
trèfle. 

M.  Grigault  nous  l'a  répété  hier,  dans  sa  conférence, 
tous  les  pays  agricoles  avancés  de  l'Europe  pratiquent 
les  défoncements  et  doivent,  en  partie,  à  cette  opéra- 
tion, la  supériorité  de  leurs  récoltes  sur  les  nôtres. 

Lorsqu'on  France  ces  labours  furent  inaugurés, 
les  cultivateurs  furent  tellement  émerveillés  des 
résultats,  qu'ils  crurent  un  moment— à  tort  il  est  vrai 
— être  dispensés  d'avoir  recours  au  pur  engrais  pour 
entretenir  la  fécondité  de  leurs  terres.  Les  sols  défon- 
cés dont  la  surface,  du  reste,  est  convenablement  ameu- 
blie et  engrai>sée,  se  tiennent  plus  frais  et  résistent 
plus  longtemps  aux  sécheresses.  On  a  fait  des  expé- 
riences sous  ce  rapport  à  la  Station  Expérimentale  du 
Nébraska,  état  exposé  aux  longues  sécheresses. 

Le  sol  a  été  défoncé  à  16  pouces,  par  l'ouverture 
d'une  raie  de  8  pouces  d'épaisseur  avec  la  charrue  or- 
dinaire derrière  laquelle  l'on  a  passé  une  charrue  sous- 
£ol  fouillant  la  terre  à  8  pouces  plus  profondément.  À 
côté  une  parcelle  de  terre  non  défoncée  a  été  &U8emen<^ 


—  110  — 

-cée  et  cultivée  de  la  même  manière  quant   au  reste  et 
en  même  temps  que  la  parcelle  défoncée. 

Voici  les  résultats  obtenus  : 

E-écoltes  Sol  défoncé        Sol  non  défoncé 

Blé  d'Inde tô  minots  35  minots 

Patates 125  "  0 

Seigle 80J      "  2^ 

Avoine,  un   an  après 

le  défoncement  44J  "  17      *' 

2ème  année  après  le 

défoncement 39  "  0      " 

]Blé-d'Inde,  1  an  après 

le  défoncement 15  "  0      " 

Il  y  a  une  quinzaine  d'années  j'ai  fait  défoncer 
par  le  même  procédé,  une  douzaine  d'arpents,  sur  la 
ferme  du  collège  à  l'Assomption,  dans  un  champ  dont 
le  sous-sol  est  quelque  peu  argileux. 

L'année  suivante  les  betteraves  à  sucre  rappor- 
tèrent 25  tonnes  et  les  patates  près  de  300  minots  par 
arpent.  La  pièce  avait  reçu  une  bonne  fumure.  Après 
ces  récoltes  le  blé  a  rendu  plus  de  20  minots  de  l'ar- 
pent. Depuis  lors  les  récoltes  ont  toujours  été  abon- 
dantes tous  les  ans.  Et  pourtant  le  sol  de  ce  champ 
est  loin  d'être  de  qualité  supérieure 

Dans  mes  conférences,  j'insiste  sur  la  pratique  des 
labours  de  défoncements  périodiques — tous  les  6  à  12 
uns — sur  toutes  les  terres  dont  le  sous-sol  n'est  pas  sa- 
bleux ou  graveleux. 

Cependant,  dans  beaucoup  de  terres  légères,  dont 
le  sous-sol  n'est  pas  compacte,  on  peut  se  contenter 
de  labours  profonds  appliqués  de  préférence  aax  cul- 
tures racines  fumées.  .    r 

-  r 

-  }  Pour  se  convaincre  de  l'utilité  de  l'ameublisse* 
inent  profond  des  sols,  il  suffit  de  connaître  la  puist 
fiance  d'élongation  et  de  pénétration  des  racine  des 


—  111  — 

plantes  ordinaires.  Ainsi,  dans  des  expériences  faites 
en  Europe  sur  des  sols  argileux  défoncés  de  18  à  24 
pouces,  on  a  constaté  pour  les  racines  du  blé,  de  l'orge 
-et  de  l'avoine,  un  enfoncement  de  4J  pieds,  et  pour  les 
racines  du  trèfle,  de  5^  pieds. 

Dans  le  degré  d'ameublissement  à  donner  au  sol 

superficiel  et  au  sous-sol,  on  doit   aussi  tenir  compte 

•4e  la  faculté  de  développement  des  racines  des  plantes 

cultivées  et  de  la  couihe  où  elles   sont  susceptibles 

d'atteindre  le  j)lus  fort  poids. 

Dans  les  expériences  que  j'ai  citées  il  y  a  un  ins- 
tant, on  a  constaté,  pour  plusieurs  récoltes,  le  poids 
des  racines  produites  dans  les  premiers  dix  pouces  de 
la  surface,  puis  dans  les  seconds  dix  pouces  de  profon 
deur,  et  pour  quelques-unes,  dans  la  troisième  couche 
de  dix  pouces.  Ainsi  l'on  a  calculé  les  poids  suivants 
dans  un  arpent  de  terre,  pour  : 

1ère  couche  de    2ème  couche  de 
10  pouces.       10  pouces. 

Le  Blé 691  Ibs  220  Ibs 

L'orge  464    "  140   " 

L'avoine 844   "  136    " 

Le  Trèfle 112   "  320   " 

3e  couche  de  10  pouces  :  173  Ibs. 

L'on  a  également  calculé  la  surface  des  radicelles 
que  l'on  a  trouvée  être,  pour  le  blé,  5  fois  plus  consi- 
dérable dans  la  première  couche  que  dans  la  seconde, 
et  pour  le  trèfle,  8  fois  plus  grande,  en  chifi'res  ronds, 
dans  la  seconde  couche  et  quatre  fois  plus  grande  dans 
Ja  troisième  que  dans  la  première. 

;  Or  l'absorption  par  les  plantes  des  sucs  nourriciers 
du  sol  est  supposée  être  en  raison  directe  de  la  surface 
de  leurs  radicelles. 

Ces  chifîres  sont,  pour  le  cultivateur,  un  flam- 
beau utile,  destiné  à  l'éclairer  dans  le  degré  d'ameu- 
blissement qu'il  doit  donner  à  son  sol  suiTa,iit  les  cul- 
tares  qu'ilentrepTend/  ' 


—  112  — 

Pour  les  céréales,  il  faut  ameublir  et  pulvériser 
plus  particulièrement  la  surface  du  sol,  et,  pour  les- 
trèfles  et  les  racines  fourragères,  la  perfection  de  cet 
ameublissement  devrait  sopérer  jusqu'à  15  à  20pouce8- 
de  profondeur. 

Il  n'est  pas  besoin  de  dire  que  tous  les  labours,.. 
quelle  qu'en  soit  la  nature  doivent  être  faits  en  au- 
tomne quand  la  chose  est  possible.  Il  y  a  cependant 
certaines  terres  sableuses  à  grain  fin  dont  le  guéret 
est  susceptible  de  se  masser  par  les  pluies  d'automne, 
qui  se  trouvent  souvent  mieux  d'un  labour  de  prin- 
temps, à  la  suite  d'une  culture  de  grains;  mais  mieux^ 
vaudrait  encore  les  labourer  l'automne,  sauf  à  les  la- 
bourer de  nouveau  le  printemps  si  besoin  il  y  a,  pour 
aérer  le  sol,  en  hâter  la  dessication  et  le  mieux  prépa- 
rer à  Tensemencement. 

C'est  toujours  une  faute  de  labourer  un  sol  argi- 
leux ou  tant  soit  peu  substantiel,  à  l'état  frais,  le  prin- 
temps.  La  terre  se  motte  trop  et  la  pulvérisation  enu 
est  moins  parfaite. 

Il  faut  rouler  les  terres  motteuses  avec  un  rouleau 
pesant  puis  les  herser  de  nouveau.  On  ne  doit  jamais^ 
rouler  quand  le  sol  est  frais.  Le  roulage  exécuté  en 
temps  opportun  est  toujours  utile  dans  n'importe 
quelle  terre  profondément  ameublie. 

L'un  des  meilleurs  instruments  pour  pulvériser 
la  surface  du  sol  est  la  herse  à  disque  ou  la  herse  à. 
bêches. 

Une  pratique  trop  peu  usitée  dans  notre  agricul- 
ture et  qu'il  est  important  de  répandre,  sont  les  iabours^ 
superficiels  après  l'enlèvement  des  récoltes,  labour» 
d'environ  3  pouces  d'épaisseur  qu'on  appelle 

Dechaumages. 

parce  qu'ils  ont  pour  but  d'enfouir  les  chaumes^  et 
d'en  hâter  la  décomposition.  Ils  ont  aussi  pour  effet. 


—  113  — 

d'empêcher  la  multiplication  des  mauvaises  herbes  eu 
favorisant  la  germination  et  par  conséquent  ladestruc- 
tion  des   graines  tombées   s  ar  le   sol,  entre   autres  le& 
•  grains  de  moutarde. 

A  la  fin  d«  l'automne,  on  laboure  de  nouveau  pro 
fondement,  mais  aussi  étroit  que  possible,  pour  soule- 
ver et  ameublir  davantage  la  terre. 

Quand  le  fumier  doit  être  appliqué  l'automne,  il 
est  préférable  de  le  répandre  avant  le  déchaumage,  afin 
que  les  mauvaises  graines  qu'il  peut  renfermer  soient 
mises  en  état  de  germer  ei  d'être  détruites. 

Quelques  semaines  après  l'opération  on  pulvérise 
ce  labour  mince  avec  la  herse  à  ressorts  ou  la  herse  su 
disques. 

Au  lieu  de  la  charrue,  on  peut  employer  pour  dé- 
chaumer,  la  herse  à  bêches  ou  un  fort  grubber.  Le  tra- 
vail est  fait  plus  promptement  et  e^^t  moins  dispendieux^ 

Dans  nos  conférences,  nous  devrions,  comme  les 
labours  de  défoncement,  fortement  recommander  le 
déchaumasre 


-O' 


J'ai  dit  que  cette  opération  s'appliquait  aux 
chaumes  de  grains,  mais  elle  est  aussi  très  avanta- 
geuse sur  les  vieilles  i-rairies  ou  les  vieux  pâturages 
renfermant  des  mauvaises  plantes  à  racines  vivaces^ 
et  qu'on  relève,  surtout  pour  une  culture  sarclée  sub- 
séquente. 


Il  me  resterait  à  dire  un  mot  des  engrais,  mais  je 
ne  voudrais  pas  vous  débiter  tout  un  traité  d'agricul- 
ture qui  sera  nécessairement  incomplet. 

Je  ne  dirai  rien  des  engrais  chimiques.  On  en  Or 
déjà  parlé  dc^ns  ce  congrès,  et  l'on  en  parlera  peut-être 

8 


—  114  — 

«n^oTf*.  Ces  engrais  conviennent  surtout  aux  cultures 
intensives,  industrielles  ou  fourragères,  à  fort  r^^nde- 
ments  et  très  rémunératives,  et  aux  sols  dépourvus 
•d'éléments  minéraux  indispensables  à  la  végétation, 
mais  il  faut  tout  d'abord  que  le  sol  soit  suffisamment 
riche  en  matière  organique  et  en  <haux  à  l'état  u  ili- 
sabie,  puisque  toute  terre  manquant  de  ces  deux  subs- 
tances est  vouée  à  la  stérilité. 

Donc,  avant  tout,  il  faut  augmenter  et  bien  utili- 
ser nos  fumie/s  de  ferme,  puis  h'il-*  ne  suffisent  pas  à 
restituer  au  sol  tous  les  éléments  utiles  enlevés  par  les 
récoltes,  enfouir  des  engrais  verts,  surtout  des  légumi- 
neuses, trèflt»,  pois  ou  lentilles,  en  coramençant  par  le 
sarrasin  dans  les  terres  trop  pauvres  pour  pousser  de 
l)onnes  récoltes  de  légumineuses. 

Après  la  matière  organique  ou  l'humus,  nous  met- 
irons  la  chaux  dans  les  sols  dépourvus  de  calcaire, 
puis  enfin  les  engrais  chimiques,  azotés,  phosphatés, 
potassiques  ou  complets,  suivant  les  circonstances, 
sols  ou  cultures,  n'oubliant  pas  que  les  engrais  chi- 
miques ne  sauraient  produire  un  effet  complet  et  cons- 
tant dans  un  sol  pauvre  en  matière  organique. 

A  défaut  de  fumier,  il  en  coûte  moins  de  fournir 
l'azote  au  sol  par  l'enfouissagc  d'une  légumineuse, 
trèjSe  ou  pois  etc.,  que  par  l'achat  des  nitrates  ou  des 
sels  ammoniacaux. 

La  plus  grande  partie  de  nos  terres,  comme  je  l'ai 
fait  voir  en  commençant,  manque  d'humus  qu'une 
trop  longue  suite  de  récoltes  sans  engrais  organique  a 
épuisé.  Cependant  quelques-unes  sont  d'une  excel- 
lente composition  minérale,  et  renferment  encore  à  l'é- 
tat inculte  une  réserve  suffisante  d'acide  phosphorique, 
■de  potasse  et  de  chaux  que  les  labours  profonds  et 
l'augmentation  de  l'humus  rendraient  utilisables,  par 
l'action  plus  efficace  des  agents  atmosphériques  L'é- 
puisement des  terres  en  humus  s'est  accru  d'année  en 
année  depuis  l'emploi  de  la  fauux  et  des  moissonneuses 
])Our  la  coupe  des  grains. L'antique  faucille  laissait  un 
chaume  plus  long  dont  l'enfouissage  par  les  labours 


—  116  — 

entretenait  dans  le  sol  une  plus  forte  dose  de  matières 
organiques  qui  devait  contribuer  à  la  production  de 
récoltes  supérieures  à  celles  d'aujourd'hui,  malgré  la 
perfection  plus  grande  de  nos  travaux  actuels  de  cul- 
ture. 

A  cause  de  ce  fait,  joint  à  la  plus  grande  humidité 
de  l'atmosphère,  l'herbe  poussait  plus  abondante  dans 
les  grains  que  maintenant,  effet  et  cause  à  la  fois,  cette 
herbe  contribuait  comme  les  chaumes  à  prolonger  la 
fertilité  du  sol. 

Cette  végétation  herbacée  après  les  moissons, 
avait  de  plus  pour  effet  de  conserver  l'azote  du  sol  en 
empêchant  les  eaux  pluviales  de  dissoudre  les  nitrates, 
{absorbés  par  la  végétation)  et  de  les  entraîner  hors  du 
sol.  Car  c'est  en  entretenant  le  sol  couvert  de  végéta- 
tion qu'on  piévieni  cette  déperdition  de  l'azote  au  sol, 
laquelle  contribue  souvent  à  l'épuiser  de  cet  élément 
autant  que  les  récoltes  elles-mêmes,  qaand  la  matière 
organique  fait  défaut. 

Il  ne  faudrait  pas  conclure  de  là  au  rétablisse- 
ment du  règne  de  la  faucille,  mais  les  cultivateurs 
doivent  nécessairement  prendre  les  moyens  de  recons- 
tituer dans  leurs  terres  la  matière  organique  épuisée, 
sans  péril  de  voir  leurs  récoltes  déjà  faibles  diminuer 
■davantage. 

Quand  à  l'emploi  du  fumier,  je  ne  dirai  qu'un 
mot  des  exigences  des  sols  sous  ce  rapport. 

Les  terres  fortes  exigent  des  fumures  plus  abon- 
dantes et  moins  souvent  répétées  que  les  terres  légères. 
Les  fumiers  longs  et  chauds  leur  conviennent  mieux 
que  les  fumiers  courts  et  froids  :  ce  qui  est  le  con- 
traire pour  les  terres  légères. 

La  raison  de  ce  fait  est  que  les  terres  fortes  sont 
plus  rétentives,  et  ne  permettent  aucune  déperdition 
de  l'ammoniaque  des  fnmiers,  tandis  que  la  nature  fil- 
trante des  terres  sableu'jes  laisse  facilement  entraîner 
les  substances  solùbles  de  l'engrais  dans  les  couches 


—  116  — 

inférieures  du  sol  par  les  eaux  pluviales,  ou  en  favo» 
rise  l'évaporation  des  éléments  gazeux  dans  l'atmos- 
phère, quand  la  terre  se  dessèche. 

Il  vaut  toujours  mieux  appliquer  et  enfouir  les 
fumiers  au  commencement  de  l'automn'e  qu'au  prin- 
temps, pour  n'importe  quelle  culture.  Car  il  faut  que 
le  fumier  séjourne  un  certain  temps  dans  le  sol  avant 
qu'il  puisse  être  transformé  en  terreau  et  que  son 
azote  pelisse  nitrifier  et  servir  à  la  nourriture  des  ré- 
coltes. 

On  fume  quelquefois  le  printemps,  à  titre  d'ex- 
ception, certains  sables  ensemencés  en  patates  ;  alors 
le  fumier  se  répand  dans  le  sillon. 

J'ai  constaté  par  expérience  personnelle  que  le  fu- 
mier bien  conservé  appliqué  l'automne,  produit,  à 
doses  égales,  de  bien  plus  forts  rendements  de  racines 
ou  autres  récoltes,  qu'appliqué  au  printemps,  du 
moins  sur  les  sols  sufiisamment  substantiels  ou  reten- 
tifs.  (1) 

Los  engiais  minéraux,  tels  que  les  chaux  et  les 
phosphates  doivent  aussi  s'appliquer  l'automne  ;  mais 
les  nitrates  et  tous  les  engrais  d'une  grande  solubilité 
s'appliquent  toujours  le  printemps. 

Les  engrais  liquides  se  répandent  également  au 
printemps  ou  en  été  dans  le  cours  de  la  végétation. 

Je  me  bornerai  à  ces  observations  relativement 
à  l'emploi  des  engrais,  parce  qu'elles  se  rapportent 
aussi  au  traitement  du  sol. 

Maintenant,  messieurs,  il  est  temps  de  cesser  de 
vous  ennuyer,  et  de  vous  remercier  de  votre  trop  bien- 
veillante attention, 

I.  J.  A.  Marsan. 

(1)  Il  j'  a  généralement  faute  à  et  fouir  le  fumier  trop  profondément^ 
surtout  dans  les  sables.  Après  le  déchaamage,  le  labour  étroit  et  profond 
qu'il  convient  de  donner  maintient  le  iumier  légèrement  enterré  à  la  sur- 
fiice  du  sol  soulevé,  et  les  parties  solubies  pénètrent  suffisamment  et  facile- 
ment dans  la  terre  ameublie. 


-117-^ 


Eeponses  aux  questions  de  M.  Dallaire. 

1ère  Question. — Est-il  possible,  dans  la  pratique, 
de  suiA're  rigoureusement  un  système  de  rotation, 
•c'est-à-dire  de  diviser  une  terre  de  manière  à  traiter 
chaque  division  à  tour  de  rôle,  d'après  des  principes 
<;oastants  et  réguliers  ?  Sur  quoi  doit  on  se  baser  pour 
adopter  une  rotation  ? 

Réponse. — C'est  possible,  et  dans  ce  cas  avanta- 
geux, mais  difficile  dans  la  pratique. 

Il  arrive  souvent  que  l'insuccès  des  graines  four- 
ragères dans  la  formation  des  prairies  nouvelles  nous 
oblige  de  stopper  la  rotation  pour  ne  pas  briser  l'équi- 
libre ou  la  proportion  des  diverses  cultures.  Dans  ce 
cas,  on  est  forcé  d'ensemencer  de  nouveau,  en  variant 
les  cultures  autant  que  possible,  les  mêmes  pièces  que 
l'année  précédente,  et  de  prolonger  d'une  année  la  du- 
rée des  prairies  et  des  pâturages  destinés  au  labour. 

Je  posais  une  question  analogue,  il  y  a  plusieurs 
-années  à  M.  J.  Drummond,  de  la  Petite  Côte,  près 
Montréal  ;  sa  réponse  fut  en  substance  celle  que  je 
Tiens  de  donner. 

Néanmoins  les  principes  sur  lesquels  est  basé  l'as- 
solement des  terres  ne  doivent  pas  être  négligés  et  les 
•divisions  de  la  Ferme  doivent  toujours  être  en  rapport 
avec  le  nombre  des  cultures  que  l'on  croit  avantageux 
défaire  entrer  dans  la  rotation.  Les  sols  ne  doivent 
pas  être  nécessairement  séparées- par  des  clôtures. 

Le  choix  d'une  rotation  est  déterminé  par  la  na- 
ture du  sol  et  des  cultures  ou  produits  que  réclame  le 
marché  et  qui  doivent  constituer  la  plus  grande  somme 


—  118  — 

de  revenus  pour  le  propriétaire,  en  tenant  compte  de 
l'épuisement  du  sol  et  des  engrais  nécessaires. 

La  pratique  à  suivre  pour  éviter  l'épuisement  trop 
rapide  du  sol  et  l'empêcher  de  se  salir,  est  de  faire  al- 
terner les  cultures  sarclées  à  racines  pivotantes  et  lea 
récoltes  à  racines  fibreuses  superficielles,  les  légumi- 
neuses et  Ifs  graminées. 

Il  faut  encore  tenir  compte  de  l'étendue  que  l'on 
peut  avoir  en  prairies  ou  en  pâturages  permanents  ou 
à  long  terme. 

2ème  Question. — Est-il  avantageux  de  donner  les^ 
vieilles  prairies  en  pacage,  avant  de  Its  mettre  à  la 
charrue  Y 

Réponse. — Non,  généralement  ;  car  une  vieille 
prairie  qui  n'est  plus  en  état  de  donner  un  foin  abon- 
dant et  de  bonne  qualité  ne  saurait  fournir  beaucoup 
de  bonne  herbe.  La  plupart  des  vieilles  prairies  ne 
sont  constituées  que  par  du  mil  qui  convient  peu  aux 
pâturages  sans  compter  les  mauvaises  herbes,  margue- 
rites ou  renoncules  etc.  Cependant  celles  qui  sont 
tapissées  de  trèfle  blanc,  de  pâturius  et  d'agrostides, 
font  d'excellents  pâturages  ;  ce  que  l'on  rencontre  dans 
certains  terrains  sablo  argileux  riches  en  matières  cal- 
caires et  d'un  caractère  plutôt  sec  qu'humide,  bonnes 
terres  jaunes  grasses  de  collines  ou  de  montagnes. 

Si  la  nécesbité  nous  forçait  de  faire  pacager  à& 
vieilles  prairies  de  mil,  il  serait  effi.cace  de  les  herser 
de  bon  printemps  et  d'y  semer  du  trèfle  blanc  Mieux 
vaut  pacager  les  prairies  la  seconde  année  de  leur  for 
mation  après  avoir  fait  une  récolte  de  foin  la  première 
année!  L'herbe  est  plus  abondante  ;  mais  dans  ce  cas- 
le  pré  doit  être  composé  de  plantes  variées  propres  aux 
pâturages,  comme  les  trois  trèfles  liouge,   Alsique  et 


-119- 

Blauc,  le    Dactyle  pelotonné,   le    Ray-grass.  — Paoy,  1» 
Fétuque  des  prés,  le  Pâturia  des  prés,  etc. 

Sème  Question. — Jusqu'à  quel  point  peut-on  profi- 
tablemeiit  se  servir  de  main-d'œuvre  salariée  pour  cul*- 
tiver  une  terre  avec  les  conditions  ordinaires  de  no» 
marchés  ? 

Réponse. — Il  est  très  difficile,  pour  ne  pas  dire  im- 
possible, de  répondre  d'une  manière  précise  à  cette 
question.  La  chose  est  relative  à  bien  des  circous' 
tances.  Près  des  villes,  où  l'on  écoule  les  produifi* 
journellement,  il  y  a  généralement  profit  à  se  servir  de 
main  d'œuvre  salariée.  Loin  des  villes,  il  y  a  encore 
des  avantages  à  employer  quelques  mains  pour  le» 
travaux  les  plus  urgents  :  ensemencements,  sarclages- 
de  légumes,  betteraves  à  sucre,  tabac  etc.,  récoltes,  la- 
bours etc.,  fossés  et  rigoles.  Mais  en  général  il  faut 
employer  le  moins  de  monde  possible. 

Les  cultivateurs  qui  n'emploient  que  leur  famille 
quand  elle  est  assez  nombreuse  et  assez  vigoureuse, 
prospèrent  plus  vite,  toute  choses  égales  d'ailleurs,  que 
ceux  qui  paient  des  gages. 

Il  m'est  arrivé  plusieurs  fois  de  faire  des  observa- 
tions sur  ce  sujet  à  des  cultivateurs  intelligents  et  à 
l'aise,  qui  possèdent  plus  grand  de  terre  quils  n'en 
peuvent  travailler  convenablement.  Tous  m'ont  fait 
la  même  réponse  :  *'  Il  vaut  mieux  faire  ce  que  l'on 
peut  avec  nos  enfants  que  de  prendre  du  monde  ;  la 
main  d'œuvre  étrangère  mange  le  profit,  sans  compter 
•que  ça  cause  du  trouble  et  du  dérangement  à  la  mai- 
son. 

Cependant  je  sais  qu'il  y  a  un  grand  nombre  de 
cultivateurs  qui.  se  tirent  bien  d'affaire  et  y  gagnent 


—  120  — 

même,  en  prenant  un  homme  ou  d>ux  dans  certains 
iemps  de  l'année. 

Mais  encore  une  fois,  je  ne  puis  dire  quelle  por- 
tion des  revenus  de  sa  ferme  un  cultivateur  peut  af- 
fecter au  paiement  de  main  d'œuvre  étrangère  ;  cela 
dépend  de  circonstances  trop  nombreuses  et  trop  va- 
Tiables. 

4ème  Question. — Pourrait-on  cultiver  une  terre 
avec  profit  et  tout  faire  faire  à  prix  d'argent  ? 

Réponse. — C'est  possible  près  des  villes,  et  encore 
loin  des  villes,  dans  des  circonstances  exceptionnelles 
quand  la  terre  est  d'excellente  qualité,  pouvant  pous- 
ser le  foin  sans  engrais,  avec  une  main-d'œuvre  intel- 
ligente, active  et  bien  dirigée  ;  enfin  quand  tout  est 
^îonduit  et  exécuté  avec  habileté,  calcul  et  économie. 

Je  sais  que  dans  plusieurs  paroisses,  il  y  a  des 
propriétaires  de  bonnes  terres  à  foin,  qui  les  font  va- 
loir à  prix  d'argent,  et  disent  retirer  l'intérêt  de  leur 
capital,  toutes  dépenses  payées.  Il  faut  dire  que  ces 
personnes  ne  tiennent  pas  compte  de  la  valeur  des 
éléments  précieux  de  leurs  terres  enlevés  et  exportés 
par  le  foin.  Mais  je  ne  crois  pas  que  la  chose  puisse 
se  faire  dans  la  généralité  des  cas  pour  les  terres  de 
qualité  moyenne,  soumises  à  un  système  de  culture 
mixte  nécessitant  l'emploi  des  engrais. 

Il  y  a  une  douzaine  d'années,  je  crois,  plein  de 
foi  dans  les  ressources  de  l'agriculture,  je  nourrissais 
l'idée  que  des  plac^ements  d'argent  dans  l'achat  et  l'ex- 
ploitation des  fermes  dirigées  par  des  régisseurs  sala- 
riés devaient  être  avantageux  pour  des  capitalistes  ;  et 
un  jour,  je  posais  cette  mètne  question  de  M^  Dallaire 
À  M.  Browning  alors  vice-président  du  Conseil  d'Agri- 


—  121  — 

culture,  lequel  résidait  à  Loogaeil  sur  uue  ferme  qu'il 
■exploitait  et  dirigeait  lui-même  en  faisant  exécuter 
tous  les  travaux  à  prix  d'argent.  Pratique  et  financier 
•comme  tous  les  Ecossais,  M.  Browning  n'avait  pas 
fait  de  dépenses  extravagantes  et  tout  paraissait  cal- 
culé dans  un  but  de  bénéfices. 

M.  Browning  se  basant  sur  son  expérience  per- 
sonnelle, me  fit  en  substance  la  réponse  suivante  :  La 
■culture  peut  payer  un  homme  qui  travaille  lui-même 
sur  sa  ferme  avec  sa  famille,  mais  non  celui  qui  ne 
travaille  pas  lui-même,  qui  ne  se  tient  pas  cc.istam- 
ment  avec  ses  hommes  et  qui  est  obligé  de  faire  diri- 
ger ses  travaux   et  la  main  d'œuvro   par  un  employé. 

5ème  Question.— lËst'il  vraiment  profitable  à  un 
-cultivateur  d'acheter  du  son,  du  tourteau  de  coton, 
-de  lin,  etc.,  pour  ses  vaches  laitières  ?  Ne  vaut-il  pas 
mieux  qu'il  introduise  dans  sa  culture  des  choses  équi- 
valentes comme  aliment  pour  son  bétail  et  se  dispen- 
ser de  faire  des  déboursés  à  ce  sujet  ? 

Réponse. — Oui,  dans  certains  cas  ;  quand  on  vend 
le  lait  en  nature  un  bon  prix,  ou  quand  le  beurre  ou 
le  fromage,  ou  la  viande  de  boucherie  se  vend  cher  ; 
ou  encore,  quand  l'on  possède  beaucoup  de  fourrages 
grossiers  et  peu  de  nourriture  concentrée,  dans  le  but 
de  fournir  aux  animaux  une  alimentation  complète  et 
bien  équilibrée.  Mais  en  principe,  il  vaut  mieux  ne 
pas  s'assujettir  à  une  production  étrangère  ou  au  mar- 
ché pour  la  nourriture  parfaite  de  son  bétail,  et  pro- 
-duire  sur  sa  ferme  tous  les  fourrages  nécessaires,  je 
"dirai  plus,  même  le  blé,  pour  sa  famille. 

Le  trèfle,  les  pois,  les  fèves  à  cheval  fournissent  les 
-aliments  azotés  ]>our  former  la  viande  et  le  caillé  du 
Jaît,  le  blé-d'inde,  la  graine  de  lin,  les  céréales  et  les 


—  122  — 

racines  les  matières  grasses  et  les  matières  sucrés  pour 
produire  la  graine,  entretenir  la  chaleur  et  la  respira-^ 
tion,  et  les  substances  minérales  néc^'ssaires  au  déve- 
loppement des  os,  sans  compter  ce  que  renferment  leet^ 
pailles  et  le  foin. 

La  variété  des  cultures  convient  autant  au  sol 
qu'au!  animaux,  quand  les  plantes  se  succèdent  con- 
venablement dans  la  rotation. 

Quand  on  possède  des  terres  légères  de  médiocre 
qualité,  qui  exigent  beaucoup  d'engrais,  on  trouve  gé- 
néralement, plus  d'avantage  à  acheter  des  aliments^ 
riches  quand  ils  sont  relativement  à  bon  marché,  qu'à 
acheter  les  engrais  néc-'ssaires,  car  les  aliments,  outre 
la  viande  et  le  lait,  produlî^ent  aussi  un  fumier  plus- 
abondant  et  de  meilleur  qualité  qui  augmente  les  pro- 
duits du  sol.  Il  y  a  des  cultivateurs  qui  pratiquent 
ce  système  avec  succès.  Mais  je  ne  pourrais  le  recom-^ 
mander  dune  manière  absolue.  A  chacun  déjuger  deg^ 
circonstances  à  ce  sujet.  Encore  une  fois  je  ne  trouve 
pas  prudent  pour  la  généralité  des  cultivateurs  de  s'as- 
sujettir à  cette  pratique.  La  hausse  du  son  et  des  grains 
peut  causer  des  désappointements  comme  cela  est  arri- 
vé cette  année. 

6ème  Question. — Un  cultivateur  peut-il  s'endetter 
pour  se  procurer  d^s  instruments  d'agriculture,  ou  bien 
encore  pour  faire  des  améliorations  foncières,  épierre- 
ment,  clôtures,  drainage,  etc  ?  Quel  percentage  de  ses 
revenus  peut  il  en  général,  sacrifier  à  cette  Hn  Y  Doit-il 
se  contenter  de  ce  qu'il  peut  faire  lui-même  avec  sa 
famille,  tous  les  ans,  à  peu  de  frais  ? 

Réponse. — Comme  question  de  principe**  ou  de 
prudence,  je  ne  conseillerais  jamais  aux  cultivateurs 
en  général  de  s'endetter  pour  des  fins  semblables  quel^ 


—  123  — 

qu'utiles  qu'elles  soient,  bieu  qu'il  vaille  mieux  s'en- 
detter  pour  ces  choses  que  pour  se  procurer  une  voi- 
ture ou  un  harnais  de  luxe,  ou  de  belles  robes  de  soiet 
pour  ses  filles,  mais  ici  encore,  il  y  a  pour  un  chacun,- 
à  peser  les  circonstances. 

Il  vaut  certainement  mieux  pour  le  j)lu8  grand 
nombre  supporter  une  dette  de  $25  à  $100  pendant 
quelques  mois,  mais  pour  se  procurer  l'usage  d'un  râ- 
teau à  cheval,  d'un  semoir  mécanique,  d'une  faucheuse 
ou  autre  instrument  ou  machine,  que  de  s'en  passer  ; 
les  instruments  sont  vite  gagnés  avec  l'intérêt  du  capi- 
tal qu'ils  représentent.  Mais  il  faut  que  ce  soit  pour 
un  besoin  absolu  et  que  ces  instruments  sauvent  une 
dépense  plus  grande  de  main-d'œuvre  inévitable. 

Quant  aux  travaux  d'améliorations  foncières,  le& 
circonstances  sont  aussi  à  consulter  par  ceux  qui  dési- 
rent les  entreprendre  ;  la  prudence,  la  pratique  et  des 
connaissances  certaines  doivent,  en  cela,  nous  guider. 
Mais  en  général  un  cultivateur  ne  doit  pas  entrepren- 
dre plus  de  travail  de  ce  genre  qu'il  n'en  peut  exécu- 
ter convenablement  avec  sa  famille,  où  qu'il  ne  peut 
payer  avec  les  revenus  annuels  de  sa  ferme,  les  besoins 
de  la  famille  étant  pris.  Il  ne  doit  y  dépenser  ses  éco- 
nomirs  qu'à  condition  d'en  être  remboursé  à  bref  délai 
par  une  augmentation  en  produits  due  aux  améliora^ 
tions  exécutées.  On  devrait,  en  principe,  ne  consacrer 
aux  améliorations  que  le  revenu  d'améliorations  anté- 
rieures qui  n'ont  rien  coûté  qu'un  travail  judicieux 
fait  en  temps  opportun. 

Nous  avons  dans  la  Province  plusieurs  beaux  ex- 
emples de  succès,  sous  ce  rapport,  obtenus  par  des  agri- 
culteurs qui  ont  procédé  de  cette  manière.  Mais  sur 
des  sols  généreux  de  bonne  composition. 


—  124  — 

Nous  connaissons  tous  les  succès  de  M.  Cham- 
pagne de  St  Eustache,  succès  récompensés  par  la  mé- 
daille du  mérite  agricole.  Il  est  bien  reconnu  que  M. 
Champagne  a  entrepris  les  améliorations  étonnantes 
qu'il  a  faites  sur  sa  ferme  avec  des  dettes  et  qu'il  en  a 
tiré  la  valeur  de  son  sol  rendu  productif. 

Nous  n^avons  pas  oublié  ce  qu'a  fait  le  regretté 
Ant.  Casavant,  ancien  député  de  Bagot  et  membre  du 
Conseil  d'Agriculture.  Cet  agriculteur  intelligent  a, 
lui  aussi,  supporté  des  dettes  pour  améliorer  sa  ferme, 
qu'il  a  épierrée  et  draîaée  presqu'entièrement.  Après 
avoir  utilisé  la  pierre  en  clôtures,  il  a  dû  défaire  ces  tra- 
vaux pour  en  employer  la  pierre  au  drainage  des  terres 
basses  et  humides.  Pendant  qu'i^  exécutait  ces  amé- 
liorations dispendieuses  et  nouvelles  dans  la  région, 
ses  voisins  croyaient  qu'il  courait  à  la  ruine.  Mais 
quand,  les  années  suivantes,  il  se  mit  à  recueillir  les 
fruits  de  ses  travaux,  des  récoltes  de  foin  de  3  tonnes 
l'arpent  sans  engrais,  du  grain  et  des  légumes  en  pro- 
portion, M.  Casavant  paya  bientôt  ses  dettes  et  acheta 
-d'autres  terres. 

Il  disait  un  jour  à  des  cultivateurs  avancés  de  St- 
Jacques  de  l'Achigan,  chez  qui  je  l'avais  conduit,  et 
qui  avaient  construit  de  beltes  clôtures  de  pierres  dont 
ilg  avaient  débourré  leur  terre  :  "  Quand  vous  aurez 
connu  les  bons  effets  du  drainage  sur  les  récoltes,  vous 
démolirez  vos  clôtures  et  mettrez  toute  cette  pierre 
4ans  la  terre." 

J'ai  connu  encore  particulièrement,  outre  bien 
■d'autres,  un  ancien  cultivateur  de  St-Jacques  l'Achi- 
gan qui  a  accompli  sur  sa  ferme  des  améliorations  con- 
sidérables et  profitables,  pour  l'exécution  desquelles  il 
ji'y  aurait  pas  eu  faute  à  faire  quelques  dettes* 


—  125  — 

M.  Mathias  G-areau,  c'est  le  nom  de  cet  homme  ha- 
bile et  entreprenant  qui  avait  acquis  des  connaissance* 
agricoles,  plus  étendues  que  le  commun  de  ses  confrères- 
en  agriculture,  par  la  Gazette  des  campagnes  il  avait 
une  terre  de  bonne  composition  sur  la  plus  grande 
étendue  mais  naturellement  dans  une  condition  phy 
sique  voisine  de  l'état  inculte  Une  partie  était  une 
espèce  de  savane  malégouttée,  une  autre  un  coteau  cou- 
vert de  roches  et,  la  troisième  une  boisière  humide,  de 
bonne  terre,  mais  poussant  plus  de  mauvaises  herbes 
qu'autre  chose. 

Mr.  Gareau  entreprit  d  epierrer  son  coteau,  uti- 
lisant la  pierre  à  construire  des  clôtures  et  à  faire  du 
drainage  dans  la  partie  basse  et  humide.  La  savane  fut 
égouttée  par  d^  bons  fossés  profonds.  La  terre  argi- 
leuse provenant  du  creusage  de  ces  fossés  fut  mélan- 
gée à  la  terre  noire  ;  iiutî  partie  de  celle-ci  fut  char- 
royée  sur  le  coteau  et  le  bas-fonds.  Et  lorsqu'il  y  a 
une  vingtaine  d'années,  je  visitais  cette  ferme,  je  fus 
émerveillé  de  l'état  des  cultures  et  des  récoltes  qui 
prirent  d'emblée  les  premiers  prix  dans  les  concours 
de  comté.  Je  remarquai  avec  étonnement  une  pièce 
de  blé  qui  mesurait  près  de  6  x^'-^ds  de  hauteur  et  qui 
ne  manifestait  aucune  tendance  à  la  verse  ;  preuve 
que  les  améliorations  et  les  engrais,  fumiers  sur  le  c  6- 
teau,  g/aise  sur  la  teri'e  noire,  cendres  et  terre  noire  sur 
la  terre  forte — avaient  créé  un  équilibre  parfait  des 
éléments  utiles  du  roi,  en  augmentant  leurs  doses. 

M.  Gareau  avait  dû  se  faire  aider  dans  ses  tra- 
vaux considérables  par  des  engagés  ;  car  il  était  seul 
avec  sa  femme,  et  sa  constitution  affaiblie  par  une  ma- 
ladie chronique  ne  lui  permettait  pas  d'accomplir  de 
ses  propres  mains  les  travaux  qui  demandaient  de  la 
force  physique. 


—  126  — 

De  plus  il  trouva  les  moyens  d'acheter  des  ani- 
maux de  races  pures,  piur  améliorer  son  troupeau  ;  il 
construisit  une  citerne  à  fumier  ea  pierre,  cimentée  et 
couverte,  contigne  à  son  étable  ;  ce  qui  lui  permettait 
4e  recueillir  et  de  conserver  parfaitement  tous  les  fu- 
miers liquides  et  solides. 

M.  Gareau  n'avait  pas  tiré  seulement  de  son  sol 
généreux  les  ressources  nécessaires  pour  exécuter  les 
améliorations  foncières  que  je  viens  de  signaler,  mais 
-encore  les  moyens  de  remodeler  et  réparer  avec  goût 
et  confort  sa  maison  d'habitation  et  ses  dépendances, 
ainsi  que  les  bâtisses  de  ferme  qui  étaient  bien  cons- 
truites et  confortables. 

M.  Gareau  est  un  exemple  sûr  à  «suivre  par  tous 
ceux  qui  possèdent  de  bons  fonds  de  terre  suscepti- 
bles d'améliorations  utiles  ;  et,  de  fait,  son  exemple  a 
•été  suivi  par  d'autres  cultivateurs  intelligents  de  sa 
paroisse  qui  ont  dépensé  des  sommes  considérables  à 
des  améliorations  semblables,  et  ont,  par  là,  augmenté 
Jeurs  revenus,  et.  par  conséquent,  augmenté  la  valeur 
de  leurs  propriétés. 

Un  autre  exemple  d'amélioration  foncière,  qui  m'a 
beaucoup  frappé  est  celui  de  feu  M.  J.  Bte  Dupuis,  de 
St.  Roch  des  Aulnais,  comté  de  l'Islet.  M.  Dupuis 
-était  le  père  de  M.  Auguste  Dupuis,  le  remarquable 
pépiniériste  du  district  de  Québec.  Ancien  et  riche 
marchand  retiré  des  affaires,  il  avait  acquis,  près  du 
village  de  St.  Roch  des  Aulnais,  à  titre  de  placement 
sûr  d'argent  gagné  dans  le  commerce,  de  vastes  pro- 
priétés d'un  sol  fertile  d'alluvion,  mais  littéralement 
-couvertes  de  cailloux,  au  point  qu'avec  toute  la  pierre 
ramassée  on  avait  pu  construire  à  tous  les  arpents  de 
distance,  sur  une  largeur  de  8  à  10  arpents,  une  sorte 
■de  muraille  ou  digue  de  10  ou  12  arpents  de  longueur, 


—  12t  — 

mesurant  quatre  pieds  de  hauteur  par  12  pieds  de  lar- 
^ur  à  la  base  et  8  pieds  au  sommet,  si  ma  mémoire  ne 
fait  pas  erreur. 

A  l'époque  où  je  visitais  la  ferme  de  M.  Dupuis, 
<en  compagnie  du  Directeur  et  de  mes  confrères,  élèves 
-de  l'Ecole  d'Agriculture  de  Ste.  Anne  Lapocatière,  en 
excursion  agricole,  au  printemps  de  1867,  js  fus  gran- 
demen  ;  étonné  de  ces  gigantesques  travaux  qui  nous 
paraissaient  convenir  plutôt  à  un  gouvernement  qu'à 
Tin  particulier. 

Lorsqu'après  être  rentrés  chez  M.  Dupuis,  nous 
causions  avec  lui  des  améliorations  que  nous  venions 
4'exaaiiner,  il  nous  fit  entrer,  quelques-uns  des  plus 
âgés,  dans  son  cabinet  et,  ouvrant  son  livre  de  comptes, 
il  nous  posa  cette  question  :  savez-vous,  mes  jeunes 
amis,  combien  me  coûtent  ces  travaux  là  ?  Comme  nous 
•étions  loin  alors  d'être  des  hommes  d'expérience,  pour 
toute  réponse,  nous  regardions  notre  Mentor  avec  un 
mutisme  embarrassé.  Si  nous  eussions  osé  ouvrir  la 
lîouche.  nous  aurions  prononcé  des  dizaines  de  mille 
piastres.  M.  Dupuis  voyant  notre  e  .ibarras,  se  hâta 
•de  répondre  lui  même  :  "  Eh  bien  !  mes  jeunes  amis, 
-ça  ne  me  coûte  rien.  Voyez  mon  livre  décompte,  j'ai 
zéro  au  débit.  Mais  comment  cela  se  fait-il,  M. 
Dupuis?  répliquâmes  nous.  Quand  je  dis,  ça  ne  me 
•coûte  rien,  je  veux  dire  que  je  n'ai  pas  déboursé  un 
«ou  de  vieil  argent.  Vous  savez,  je  suis  obligé  de 
garder  des  engagés  à  l'année  et  des  chevaux  pour  tous 
les  travaux  ordinaires.  Une  bonne  saison,  lorsque 
mes  hommes  et  mes  chevaux  n'avaient  rien  à  faire,  je 
les  employai  à  épierrer  une  pièce,  utilisant  à  cela  les 
heures  perdues  que  j'étais  obligé  de  payer  quand 
même. 

L'année  suivante,  cette  pièce  de  terre  me  donna 


—  128  — 

un  surplus  de  produits  dont  j'utilisai  la  valeur  à  épier- 
rer  une  plus  grande  étendue  la  saison  suivante.  Je 
continuai  ainsi  tous  les  ans  à  capitaliser  les  revenus- 
croissants  des  améliorations  précédentes,  de  sorte  que 
je  puis  dire  que  tous  les  travaux  que  vous  venez  de 
voir  ne  me  coûtent  réellement  pas  un  sou  de  déboursé- 
spécial  d'argent  provenant  d'autre  source." 

Cette  leçon  de  pratique  et  de  finance  est  ri>stée 
gravée  dans  ma  mémoire  et  je  la  répète  depuis  vingt- 
huit  ans  à  tous  les  jeunes  gens  qui  passent  à  notre 
Ecole  d'Agriculture. 

C'est  une  bonne  note  en  faveur  des  excursions- 
agricoles  des  élèves  de  nos  Ecoles  d'Agriculture  sous 
la  conduite  de  leurs  professeurs. 

M.  l'ABBÊ  MÉTHOT  cite  le  cas  d'un  cultivateur 
pauvre  qui  acheta  "  à  crédit  "  une  terre  sur  laquelle 
il  fît  travailler  et  vivre  avec  lui  trois  pauvres  familles 
et  après  dix  ans,  revendit  cette  terre  le  double  de  ce 
qu'elle  lui  coûtait. 

Il  fournissait  du  t: orail  et  du  pain  régulièrement 
à  ce&  gens-là,  mais  à  la   condition,  leur  avait- il  dit  : 
"  <1^*^  j'^i^  à  ^®  rendre  le  moins  possible  au  marché  ; 
*'  que  vous  consommiez  les  produits  de  ma  ferme   ait 
*'  prix  courant,  me  donnant  ainsi  la  faculté  de  me  rem- 
"  bourser  l'argent  que  je  vous  fais  gagner." 

M.  l'abbé  Méthot  cite  ce  cas  comme  un  bon  exem- 
ple à  suivre  :  en  effet,  dit-il,  il  est  opportun  que  le 
propiiétaire  foncier  ne  soit  pas  égoïste  et  s'efforce  de 
faire  vivre  de  son  fonds  le  plus  grand  nombre  possible 
d'individus. 


—  129  — 


HUITIEME  SEANCE 


Conférence  par  1£.  l'Avise  DAT7TH,  Cure  de  St.  Léo- 
nard d' Aston,  missionnaire  ag^ricole,  sur   les 
''  Bessources  d'une  petite  terre.  " 


Je  viens,  dit  ce  yénérable  prêtre,  vous  raconter. 
Messieurs,  les  faits  de  ma  personnelle  expérience,  pour 
vous  démontrer  à  vous-mêmes  d'abord,  à  ceux  qui 
vous  entendront  ensuite,  tout  ce  qu'on  peut  tirer  de 
profits  agricoles  d'une  petite  terre  bien  cultivée,  con- 
venablement améliorée. 

Elle  n'avait  que  16^  arpents,  et  n'en  a  plus  que 
16J,  depuis  que  le  chemin  de  fer  m'en  a  pris  un  ar- 
pent, ma  petite  terre  de  St  Léonard,  dont  je  pris  pos- 
session, immédiatement  après  l'église  paroissiale  et  le 
presbytère,  où  mon  Evêque  m'envoyait  exercer  mon 
ministère  le  15  juin  1891. 

En  voyant  si  dénudé,  si  abandonné  ce  tout  petit 
morceau  de  sol,  moi  qui  suis  amant  passionné  de  la 
terre,  je  perdis  d'abord  contenance.  Puis,  je  me  dis  que 
j'entreprendrais  de  l'améliorer,  de  le  mettre  en  valeur 
et  que  j'aurais  bien  encore  la  satisfaction   de  réussir, 

9 


—  130  — 

comme  j'avais  si  bien   réussi  à  St  Valère  sur  la  terre 
que  j'avais  là  autrefois. 

Une  fois  ma  décision  prise,  l'action  suivit  immé* 
diatement. 

Malgré  la  saison  tardive,  je  fis  semer  des  navets 
qui  rendirent  80  minots  sur  Jd  arpent.  Je  récoltai  en- 
viron 140  bottes  de  foin  en  plus  et  18  minots  d'avoine 
de  semence  jetée  en  terre  avant  mon  arrivée. 

Dès  l'automne  de  1891,  je  divisais  la  terre,  prépa- 
rant les  rotations,  faisant  une  allée  d'inspection,  le 
fossoyage,  etc.  Au  printemps  de  1892,  je  lui  prodi- 
guais l'engrais,  ayant  remarqué  qu'elle  manquait  sur- 
tout d'azote 

Yoici  quelles  furent  les  divisions  de  ma  petite 
terre  :  on  la  partî^gea  en  4  morceaux,  plus  un  jardin^ 
en  tout  .')  divisions. 

Laissant  à  part  le  jardin,  voici  quelle  était  la  ré- 
partiou  des  Nos.  1,  2,  3,  4.  Le  No  1  comportait  2^ 
de  superficie  ;  le  No.  4,  3^  arpents,  les  Nos.  2  et  8  en- 
viron 4  arpents  chacun. 

En  1992,  les  Nos.  1  et  4  furent  ensemencés  en 
pois,  en  vue  d'azoter  la  (erre  ;  nous  y  jetâmes  environ 
3  minots  de  pois  par  arp«^nt  Ils  donnèrent  un  ren- 
dement magnifique  grâce  au  plâtrage  :  plâtrage  avant 
la  semence,  plâtrage  2  fois  sur  la  moisson.  Notre  se- 
mence avait  été  roulée  dans  environ  1  minot  de  plâtre^ 
Notre  récolte  fut  de  91  minots 

Le  No.  3  était  resté  en  pâturage  et  fut  pitoyable. 

Le  No  2  préparé  par  un  épandage  de  12  minots 
de  chaux  l'automne  précédent  fut  semé  en  seigle, 
pois  et  avoine  avec  mil  et  trèfle  le  printemps,  pour 
récolter  à  l'automne  suivant  ;  sur  le  foin  lorsqu'il  fut 
à  4  pouces  de  hauteur,  nous  épandâmes  encore  J  mi- 
not de  plâtre,  après  avoir  au  préalable,  dès  le  prin- 
temps, additionné  de  1000  livres  de  superphosphate  le 


—  131  — 

terrain  où  il  devait   pousser.     La  récolte  fut  de  30O 
bottes  à  l'arpent,  total  1200  bottes. 

Pour  l'emploi  de  la  chaux,  voici  notre  manière  de 
procéder  :  sur  un  coin  de  terrain  bien  nivelé,  avec 
rebord  en  terre,  on  dépose  un,  deux  ou  trois  quarts  de 
chaux  qu'on  fait  fleurir  ;  puis  on  dispose  une  plate- 
forme longue,  et  étroite  sur  laquelle  on  étend  trois 
couches  alternatives  de  chaux  et  terre  ;  ou  bêche  alors 
l'une  avec  l'autre,  pour  en  faire  un  excellent  compost. 
On  réussit  aussi,  à  présent,  à  faire  la  distribution  delà 
chaux  directement  sur  le  champ,  mais  le  distributeur 
doit  avoir  soin  de  se  couvrir  bien  la  bouche  et  les 
yeux. 

Il  est  bien  mieux  de  %ire  étendre  la  chaux  en 
compost,  comme  susdit  ;  mais  sous  quelque  forme 
qu'on  l'emploie  la  chaux  vaut  toujours  beaucoup. 

En  1892  donc,  pour  reprendre  l'histoire  de  ma  terrer 
le  No  1,  grâce  aux  pois  verts  que  j'y  avais  fait  enterrer 
devi»)t  le  plus  riche  morceau  de  mon  terrain.  J'ai  eu 
connaissance  d'un  cultivateur  à  qui  j'avais  conseillé 
ce  procédé  d'engrais  vert  fait  avec  enfouissement  lors- 
que les  pois  sont  en  fleurs,  et  qui,  après  l'avoir  suivi, 
a  récolté  de  500  à  600  minots  de  navets  blancs  dans  f 
d'arpent   d'une  terre  ou   rien  ne  poussait  auparavant. 

• 

La  jaohêre  des  pois  a  le  bon  effet  de  tuer  toutes 
les  mauvaises  herbes,  et  elle  fait  croître,  presque  sans 
sarclage,  quantité  de  légumes. 

En  1891,  je  n'avais  pas  eu  assez  de  fourrage  pour 
l'entretien  d'une  vache  et  d'un  cheval.  En  1892  je  par- 
vins  à  entretenir  3  vaches,  sur  les  4  arpents  du  No.  3^ 
mais  en  louant  d'un  voisin  un  peu  de  pâturage. 

Dans  le  cas  ou  la  jachère  des  pois  serait  imprati- 
cable, on  pourra  essayer  celle  du  sarrasin  ;  mais  les 
pois  valent  beaucoup  mieux  et  il  est  toujours  pos- 
sible,  grâce  au  plâtre,  de  "  los  forcer  à  pousser."  Pour 
^.00  eniiriron  de  semence  de  pois  et  de  plâtre  on  pourra 


—  182  — 

«nrichir  un  arpent  de  terre  d'un  magnifique  engrais 
vert. 

A  l'automne  de  1892,  j'arrêtai  mes  plans  de  cul- 
ture pour  la  saison  prochaine.  C'est  à  l'automne,  en 
^ffet,  que  l'agriculteur  doit  mettre  à  contribution  son 
imagination  et  son  jugement  pour  préparr»r  la  straté- 
gie 5>giicole  de  Tannée  suivante.  L'int -lligence  au- 
tant que  les  bras  a  sa  part  en  agriculture,  et  sans  son 
•concourà  il  n'y  a  pas  de  succès  possible. 

Je  résolus  donc  de  mettre  en  blé  mon  No.  4  ;  et 
^n  pâturage  le  No.  1  Après  l'enfouissement  de  pois 
dans  celui-ci,  je  fis  labourer  ;  là  on  sema,  avec  un  peu 
de  chaux,  (6  minots  à  l'arpent)  du  seigle  d'automne, 
du  trèfle  rouge  commun,  du  trèfle  blanc,  de  la  vesse 
-d'hiver  (laquelle  n'a  pas  réussi)  ;  le  seigle  et  le  trèfle 
Touge,  semés  vers  le  20  août  sont  bien  venus  ;  de  trèfle 
blanc  peu  le  premier  automne. 

Nous  semons  avec  6  livres  de  graine  de  mil,  8 
livres  de  trèfle  par  arpent  ;  soit  5  Ibs  de  trèfle  rouge, 
2  Ibs  de  trèfle  alsique,  l  Ib  de  trèfle  blanc  :  même  dose 
pour  pâturage  ou  prairie.  Cela  fait  de  semence  14  Ibs 
-à  l'arpent  ;  on  mettra  un  peu  plus  s'il  s'agit  d'une 
terre  extraordinairement  maigre. 

Il  est  de  première  importance  de  bien  choisir  les 
^raiues  de  semence.  Il  y  a  jusqu'à  cinq  variétés  de 
graine  de  trèfle  ;  les  deux  premières  seules  sont  accep- 
tables. 

Le  No.  2  est  resté  en  prairie  ;  le  No.  3,  labouré  en 
automne  et  chaulé  fut  ensemencé  au  printemps  de 
pois  et  de  lentilles  noires  (vesses).  La  récolte  fut  de 
453  minots  de  lentilles  et  28  de  pois. 

La  pièce  de  blé  fut  additionnée,  au  printemps, 
-d'environ  2  minots  de  superphosphate  et  2  minots  de 
cendre.  La  récolte  d'une  semence  de  2  minots  |  de 
blé  sur  deux  arpents  et  demi  de  terre,  fut  de  28J  mi- 
nots.    C'est  une  simple  moyenne  ;  mais  encore   suffi- 


—  183  — 

Bante  pour  une  terre  mal  préparée.   Le  blé  fe   vendit 
#1.10  par  60  Ibs, 

Le  No.  3  donna  63  mii>ot8  de  mélange  et  28  de 
pois  purs  :  soit  une  récolte  totale  d'environ  120  minot» 
sur  les  Nos  3  et  4. 

La  pjairiw  No.  2  donna  un  résultat  de  1200  bottes. 
Le  No  1  comme  pâturage  fut  très  bon,  mais  eucore^ 
quelque  peu  insuffisant  pour  4  vaches. 

A  l'automne  de  1893,  tous  les  fossés  faits  en  189  î 
furent  réparés.  Nature  du  sol  chez  nous  :  terre  argilo- 
sablonneuse. 

Pour  le  No  4,  rien  à  y  faire  ;  la  pré  édente  culture 
de  blé  et  de  graines  fourragères,  y  faisant  augurer  une 
superbe  récoite  de  foin,  l'année  d'après. 

Le  No.  3,  en  1894,  sera  ensemencé  en  orge,  sur  la- 
bour d'automne.  Pour  l'orge  on  sait  qu'il  faut  une  bonne 
terre  ;  elle  sera  chaulée  au  tombereau,  hersée  en  lonir 
et  en  large,  et  après,  soumise  au  labour  d'automne  pra- 
tique que  je  crois  devoir  conseiller  en  pareil  cas. 

Les  Nos  1  et  2  sont  convertis  en  pâturages  simul- 
tanément ;  mais  alors  j'aurai  cinq  A'aches,  et  il  restera 
de  l'herbe. 

La  récolte  de  1894  fut  celle  d'une  terre  à  laquelle 
on  a  restitué  ce  qu'on  lui  avait  pris,  et  qui  commence 
à  être  sensiblement  améliorée. 

Le  No  4  donna  2  récoltes  de  trèfle  et  le  "  regain  " 
en  fleurs  Dix- huit  cent  bottes  de  foin,  en  deux  ré- 
coltes ont  pu  être  recueillies  sur  lys  Nos  1  et  2,  et  4,  à 
part  le  pâturage  de  cinq  vaches. 

Une  semence  de  5  minots  d'orge  à  6  rangs  (con- 
seillée parce  qu'elle  ne  verse  pas,  étant  plus  courte,  et 
croît  aussi  bien  que  toute  autre)  a  donné  une  récolta 
de  1.01  minots  :  plus  de  20  pour  1. 


—  134  — 

L'engrais  complet  *'  Victor  "  re rient  à  environ 
^27.00  la  tonne,  par  grandes  quantités  (par  tonne)  ;  la 
chaux,  11.40  la  banique  de  400  Ibs  rendue  au  point 
de  destination. 

Je  conseillerais  de  semer  plus  d'orge  et  moins  d'à» 
voine.  Le  minot  d'orge  a  la  valeur  de  deux  minots  d'a- 
voine :  l'orge  donnant  48  Ibs  au  minot  et  l'avoine  34. 
De  plus  l'orge  provoque  la  croissance  du  trèfle  en 
quantité. 

On  ne  doit  jamais  faire  dei  pâturage  sur  prairie, 
ni  à  l'automne,  ni  au  printemps  :  mieux  vaut  fournir 
du  fourrage  vert  aux  animaux. 


'o' 


A  l'automne  de  1894,  il  est  décidé  que  la  pièce  de 
trèfle  passera  en  mil.  Le  No  3  consacré  à  l'orge  en  1894, 
sera  en  foin  et  en  trèfle  avec  le  No  4  :  soit  tij  arpents 
en  tout  qui  ont  donné  déjà  cette  année,  1800  à  2000 
bottes  de  foin  récolté  le  7  juillet  et  nous  comptons  en- 
core sur  une  seconde  récolte  de  trèfle  aussi  bonne  que 
la  première  :  à  cet  efiet  nous  y  mettrons  du  plâtre. 

Parfois  après  un  premier  fauchage  de  mil,  je  fais 
épandre  200  ibs  par  arpents  d'engrais  complet,  puis 
herser  à  la  herse  de  fer  ;  sans  rouler,  comme  il  s'agit 
d'une  terre  forte.  Si  c'était  pour  une  terre  légère,  il 
faudrait  passer  le  rouleau. 

Les  Nos  1  et  2,  en  1895,  sont  encore  en  pâturage, 
«t  le  troupeau  de  vaches  est  porté  à  6. 

En  1891,  je  n'avais  qu'une  vache  ;  en  1892,  j'en 
avais  3  qui  ont  donné  pour  |90  00  de  fromage,  en  plus 
du  lait  pour  l'usage  domestique  au  presbytère  et  un. 
peu  pour  l'engrais  et  ercore  150  livres  de  b^urr  ;  le 
rendement  moyen  en  a  été  estimé  à  $40.00  chacune. 

En  1892,  j'ai  aussi  entretenu  un  cheval  et  fait  en- 
graisser 5  cochons  avec  la  seule  récolte  de  ma  petite 
terre. 

En  1893,  nous  avions  4    vaches,  1  cheval  et  7  co» 


—  135  — 

•chons.  Les  4  vaches  ont  donné  $110.00,  une  légère  d> 
minntion  de  rendement.  Les  cochons  engraissés  à  300 
livres  à  peu  près  se  sont  vendus  à  Yj  cts,  soit  2100  li- 
vres de  lard  à  7^  cents  la  livre  :  Ces  cochons  avaient 
-été  achetés  maigres  ei  coûtaient  $4.50  en  moyenne. 

En  1894,  nous  avions  5  vaches  ;  leur  rendement  a 
été  de  $163.00  en  fromage,  plus  le  beurre  et  le  lait 
pour  l'usage  domestique,  jusqu'à  concurrence  d'un 
total  de  $207,  soit  $41  et  quelques  centins  par  vache. 
En  plus  nous  avons  A'^endu  10  cochons  $261  La  moy- 
enne de  pesanteur  était  d'environ  360  livres. 

Pour  engraisser  les  cochons,  je  conseille  de  les 
tenir  au  clos.  J'ai  chez  moi  pour  ces  fins  H  morceaux 
de  terre  de  l  d  ,:rpent  chacun  Ils  sont  si  bien  fe .utili- 
sés que  les  «^ochous  y  disparaissent  dans  la  hauteur  de 
l'herbe.  A  l'automne  on  jes  fournit  de  légumes  verts, 
en  particulier  de  choux  "  quintal  "  ou  de  bettes  dont 
les  cochons  sont  1res  friinds.  Les  betteraves  sont  aussi 
très-bonnes  comme  engrais  aux  porcs  ;  surtout  les  bet- 
teraves jaunes  intermédiaires,  cuites  avec  de  la  mou- 
lée, engraissent  parfaitement  :  le  lard  produit  avec  cet 
engrais  revient  à  4  ou  5  cents  la  livre. 

Sur  ma  terre  le  fumier  d'étable  va  presque  tout  au 
jardinage  ;  s'il  y  a  du  surplus,  on  s'en  sert  pour  les 
prairies,  mais  en  petites  quantités,  et  additionné  d'en- 
grais complet.  On  le  dépose  au  printemps.  Le  fumier 
est  tenu  à  l'abri  et  arrosé  de  purin. 

Notre  récolte  de  légumes,  en  1894,  a  été  de  725  mi- 
nute, soit  600  de  betteraves  et  125  de  carottes,  navets, 
et  choux  de  Siam.  Nous  avions  aussi  2700  choux, 
moëlliers  ;  nous  avons  pu  en  donner  150  minots  aux 
voisins,  sur  l'excédant  de  notre  consommation,  et  il  en 
est  resté  assez  de  feuilles  sur  le  champ  pour  l'azoter 
grassement. 

Notre  orge  faisait  50  livres  au  minot  ;  le  poids 
normal  est  4»  livres. 

Nous  avons  encore  récolté,  en  1894,  70  minots  de 


—  136  — 

pommes  de  terre,  3  mesures  de  fèves  (la  mesure  éga- 
lant l  de  minot)  ;  2J  minots  de  blé  d'inde  bien  mûr  ; 
40  Ibs  de  tabac  ;  46  gnllons  de  cidre  de  pommes  de 
Sibérie  ;  11  gallons  de  vin  de  raisin  ;  21  gallons  de 
vin  de  rhubarbe,  des  melons  et  autres  produits  du  jar- 
din, pour  les  besoins  de  la  maison.  En  1894,  une 
ruche  nous  a  donné  56  livres  de  miel  ;  cette  année^ 
trois  ruches  nous  en  promettent  environ  150  livres. 
Notre  ruchu  s'est  dédoublée,  et  nous  l'avons  complétée 
par  l'achat  d'une  troisième. 

Voilà  un  sommaire  rapide  de  la  récolte  de  ma  pe- 
tite terre  en  1894 

On  peut  avoir  un  blé-d'inde  précoce  à  volonté,  et 
on  peut  le  rendre  précoce  de  15  jours  facilement,  voici  : 
en  parcourant  vos  rangs  de  blé-d'inde,  pour  cueillir  dn 
blé-d'inde  vert  à  faire  bouillir,  vous  trouvez  souvent 
des  épis  murs  avant  les  autres.  Ce  sont  ceux- 
là  qu  il  vous  faut  choisir  par  t^élection  pour  préparer 
la  récolte  hâtive.  Voici  un  épi  qui  a  mûri  plus  vite  à 
côté  d'un  autre,  peut-être  sorti  dn  même  épi  qui  a  donné 
la  semence  :  voilà  la  semence  hâtive.  Faisons  chaque 
année  la  même  chose  et  nous  finirons  par  avoir  une 
semence  très  hâtive.  Il  en  sera  de  même  avec  les  to- 
mates. 

J'ai  récolté  autrefois  sur  ma  terre  de  St  Valère  90 
minots  de  fèves  sur  2J  arpents  de  terre  et  210  minots^ 
de  blé  d'inde  sur  2^  arpents  forts. 

Il  est  possible  d'obtenir  des  produits  hybrides  de 
blé-d'inde  fort  curieux.  J'ai  semé  moi-même  du  "pop 
corn,''  avec  du  blé-d'inde  canadien  ordioaire  en  juxta- 
posant la  semence,  et  je  récoltais  en  1893,  un  blé-d'inde 
iii  "pop  ccn"  ni  canadien,  mais  à  tige  magnifique  ce- 
pemlant  et  plus  belle  que  celle  de  l'une  et  de  l'autre 
espèce.  Ayant  semé  cet  hybride,  j'ai  obtenu  un  ma- 
gnifique bâé  d'inde,  dont  je  considère  à  présent  le  type 
comme  déterminé.  Il  mûrit  en  septembre  et  donne  un 
épi  de  8  et  9  pouces  de  long  :  les  tiges  sont  hautes  de 
6  pie  is  et  portent  deux  épis  chacune. 


— 137  — 

Un  autre  hybride  a  été  obtenu  par  un  mariage- 
de  blé-d'inde  sucré  et  de  blé-d'inde  à  silo.  Mon  inten- 
tion était  d'obtenir  un  composé  pour  silo,  Le  résultat 
a  été  un  blé-d'inde  excellent  à  manger,  plus  rapproché- 
du  blé-d'inde  sucré  La  variété  employé^  de  blé-d'inde 
sucré  était  la  *'  Crosby  ".  S»*mé  vers  le  15  mai,  ce  der- 
nier hybride  mûrit  à  la  mi-septembre.  La  tige  a  sept 
ou  8  pieds  de  hauteur.  Le  nouveau  type  créé  est  un 
"  Crosby  "  amélioré;  ce  blé  d'inde  est  à  mander  ;  aussi 
il  donne  un  très  bon  blé-d'inde  à  silo,  tout  blé-d'inde- 
peut  être  ensilé. 

J'ai  encore  réussi  à  obtenir  un  hybride  de  navet 
entre  le  choux  de  S  am  canadien  et  le  navet  hâtif  de 
Milan,  'e  nouveau  type  a  été  déterminé  après  trois  ans^ 
d'expérimentation  successive;  il  est  excellent. 

Toutes  dépenses  soldées,  ma  petite  ierre  de  15  ar- 
pents a  donné  de  profits  nets,  en  1894,  $415.   On  voit 
par  là  que  30  arpents  cultivés  de  la   même  façon  don- 
nerait $830,  45  arpt-nts,  $1250,  assez  pour  le  fermier  le- 
plus  exigeant. 

Je  suis  un  ardent  avocat  de  la  petite  culture  bien 
conduite.  Les  résultats  de  mon  exj»^'riônce,  sont  qu'une 
famille  de  cinq  membres  ne  saurait  cultiver  bien  une- 
terre  de  plus  de  40  ou  50  arpents.  La  grande  terre, 
mal  soignée,  rapporte  si  peu,  qu'elle  décourage  ses  oc- 
cupants. Plusieurs  de  nos  "grandes  terres"  n'ont  ja- 
mais connu  l'engrais. 

Une  terre  de  15  arpents,  convenablement  fertilisée- 
nous  a  payé  au  centuple  de  nos  travaux  ;  si  elle  eût  eu 
60  arpents  de  superficie,  elle  eut  peut-être  été  négligée 
et  fut  restée  stérile,  sanp  profits. 

En  quittant  la  tribune  après  cette  causerie,  si  prati- 
que, le  conférencier  est  vivement  et  longuement  ap- 
plaudi par  tous  les  congressites. 


\ 


—  138  — 


NEUVIEME  SEANCE 


Eesume  de  la  Conférence  de  liC<  Z-  ZTagaat 


Insecticides  et  Fongicides. 

Depuis  quelques  années,  l'agriculture  et  l'horti- 
-culture  ont  été  mises  en  possession  de  moyens  pra- 
tiques et  efficaces  pour  enrayer  les  ravages  que  les  in- 
sectes nuisibles  et  les  maladies  fongueuses  font  dans 
nos  diverses  cultures.  Il  en  était  grand  temps,  car, 
par  suite  de  la  rareté  de  plus  en  plus  grande  des  oi- 
seaux insectivores  d'une  part,  et,  d'autre  pari,  du 
manque  trop  général  d'une  bonne  rotation  qui,  en  éloi- 
gnant le  retour  des  mêmes  cultures  sur  les  mêmes 
terrains,  contrarierait  dans  une  grande  mesure  la  mul- 
tiplication des  insectes  et  la  difl'usion  des  maladies 
fougueuses,  plusieurs  de  nos  récoltes,  attaquées  par 
des  ennemis  nombreux  et  puissants  se  trouvent  sou- 
vent diminuées  dans  de  fortes  proportions  et  parfois 
mêmes  complètement  dévastées. 

Ayant  à  faire  face  à  deux  classes  d'ennemis  bleu 
-distincts,  on  est  obligé  de  recourir  à  deux  genres  de 
remèdes  : 

Contre  les  insectes  nous  avons  surtout  le  vert-de- 
Paris,  l'émulsion  da  pétrole,  la  poudre  de  pyrêthre, 
l'ellébore  et  le  jus  de  tabac. 


—  139  — 

Contre  les  maladies  fongueuses  on  cryptogami- 
^ues  (dues  au  développement  de  champignons  para- 
sites) nous  avons  les  fongicides  à  base  de  cuivre,  dont 
le  plus  généralement  employé  est  la  bouillie  borde- 
laise. 

Insecticides. 

Vert  de  Paris.  ~J.e  vert  de  Pa/is  est  un  arsenite  de 
^e  cuivre  qui  contient  50  à  60  pour  cent  d'arsenic. 
C'est  un  poison  très  violent  qui  doit  être  manié  avec 
prudence  et  tenu  renfermé  sous  clef  C'est  un  remède 
surcontre  ioute  espèce  d'insectes,  mais  surtout  contre 
les  insectes  à  mandibules  ou  rongeurs.  Une  trop  forte 
application  fait  aussi  beaucoup  de  tort  aux  feuilles  des 
plantes  On  l'emploie  sec  ou  nous  forme  liquide.  Pour 
l'employer  à  sec,  on  le  mélange  avec  50  à  100  fois  son 
poids  de  plâtre,  de  cendre  de  bois,  de  farine  ou  de 
■chaux  éteinte  et  on  répand  ce  mélange  sur  les  plantes 
-que  l'on  veut  préserver  des  insectes. 

Pour  le  projeter  sous  forme  liquide  avec  le  pul- 
vérisateur, on  l'emploie  à  raison  de  1  Ib  de  vert  do 
Paris  dans  200  gallons  d'eau,  mais  si  le  feuillage  est 
tendre  (pruniers,  cerisiers  etc.)  on  prend  de  250  à  300 
gallons  d'eau.  Comme  cette  poudre  verte  ne  se  dis- 
sout pas  dans  l'eau,  pour  la  bien  mélanger,  il  faut 
-d'abord,  avec  une  petite  quantité  d'eau  chaude,  eu 
faire  une  bouillie  épaisse  que  l'on  mélange  ensuite 
avec  la  quiintité  d'eau  voulue.  Dans  l'application  sur 
les  feuilles,  il  iaut  projeter  l'insecticide  avec  force  de 
manière  à  atteindre  toutes  les  parties  de  la  plante, 
mais  il  faut  changer  de  place  dès  qne  le  liquide  com- 
mence à  dégoutter  des  feuille.<. 


'o 


Quand  on  éprouve  de  la  difficulté  à  faire  adhérer 
les  mélanges  liquides  de  vert  de  Paris  (ou  d'autres  in- 
secticides) aux  feuilles  de  certaines  plantes,  il  suffit 
■d'ajouter  un  peu  de  savon  à  l'eau  du  mélange  ;  celle- 
■ci  mouille  alors  les  feuilles. 

J.e  vert  de  Paris  est  le  pins  puissant  des  insecti- 
-eides  ;  malheureusement  on  ne  peut  pas  l'employer 


—  140r- 

sur  les  plantes  dont  le  feuillage  est  destiné  à  l'alimen- 
tation. 

Emulsion  de  pétrole. — Cet  insecticide,  très-employé 
contre  les  pue  rons.  les  poux  de  l'écorce  des  arbres 
(tigres  sur  bois)  et  les  parasites  animaux,  la  mouche 
des  cornes  etc ,  et  spécialement  contre  tous  les  insectes 
suceurs^  se  compose  de 

Pétrole  (huile  de  charbon) 2  jsrallons 

Savon  de  ménage \  livre 

Eau 28  gallons 

On  a  fait  fondre  le  savon  (coupé  en  petis  mor- 
ceaux) dans  un  gallon  d'eau  bouillante,  puis  on  verse 
dans  cette  savonnure  (après  l'avoir  éloignée  du  feu)  les 
deux  gallons  de  pétrole,  tout  en  brassant  fortement 
avec  un  bâton  ;  ce  brassage  doit  se  continuer  pendant 
au  moins  cinq  minutes  ;  mais  la  meilleure  manière 
d'obtenir  l'émulsion  consiste  à  employer  une  seringue 
ou  une  pompe  ;  quand  le  liquid»^  a  pris  un  aspect  de 
crème,  c'est  un  signe  que  l'émulsion  est  faite  ;  pour 
l'employfjr  dans  le  sprayage  des  arbres  fruitiers,  des 
arbustes  et  des  plantes,  on  doit  diluer  cette  emulsion 
dans  au  moins  27  à  30  ffalloas  d'eau. 


o' 


Quand  on  veut  en  arroser  les  animaux  pour  les  pro- 
téger contre  la  petite  mouche  piquante  etc,  on  se  sert 
d'une  emulsion  plus  forte,  c'est  à  dire  diluée  seulement 
dans  20  gallons  d'eau  ou  moins  encore. 

Dans  tous  les  cas  on  l'emploie  au   moyen   d'une 
pompe  de  sprayage  (pulvérisateur). 

Poudre  de  Pyrèthre. — La  poudre  de  pyrèthre  pro- 
duit les  meilleurs  résultats  quand  on  l'emploie  à  sec. 
On  la  mélange  ordinaire  lent  avec  4  fois  son  poids  de 
farine  et  on  conserve  ce  mélange  dans  nn  vase  bien 
fermé.  Détruit  les  chenilles,  particulièrement  la  che- 
nille du  chou,  et  est  de  grande  utilité  daus  les  cas  où 
il  serait  dangereux  d'employer  le  vert  de  Paris,  par 
exemple  ^ur  les  légumes  et  les  fruits,  peu  de  temps^ 
avant  leur  récolte.    C'est  un  poison  actif  pour  les  in- 


—  141  — 

«ectes,   mais  pratiquement  inofïensif  pour  l'homme. 
Pour  l'appliquer  sur  les  cultures,  ou  se  sert  d'un  bouf- 
flet  avec  réservoir,  quon  peut  se   procurer  chez  les 
marchands  grainetiers. 

Mais  on  peut  aussi  appliquer  la  poudra  de  pyrè- 
thre  sous  forme  liquide  en  mélangeant  1  once  dans  4 
gallons  d'eau  et  en  projetant  ce  liquide  avec  une 
pompe  de  sprayage. 

Ellébore  ô/awc— Poison  végétal  insecticide  ;  ce  sont 
les  racines  du  Veratrvm  album  réduites  en  poudre. 
S'emploie,  comme  le  pyrèthre,  dans  le  cas  ou  l'usage 
•du  vert  de  Paris  présenterait  du  danger.  On  l'applique 
en  poudre  sèche  ou  mélangée  à  l'eau.  1  once  par  deux 
gallons  d'eau.  Mais  t«on  meilleur  emploi  consiste  à  en 
faire  une  infusion  que  l'on  verse  sur  le  sol  et  autour 
^es  pieds  de  choux,  de  raves,  navets,  etc.  ;  cette  infu- 
sion tue  les  vers  qui  attaquent  ces  plantes  ;  on  la  pré- 
pare avec  2  onces  d'ellébore  dans  1  gallon  d'eau 
<îhaude,  puis  on  y  ajoute  3  gallons  d'eau  froide. 

Jus  de  tabac. — On  prépare  une  décoction  de  tabac 
en  faisant  bouillir  de  l'eau  contenant  1  livre  de  tabac, 
jusqu'à  ce  qu'il  ne  reste  plus  qu'une  chopine  de  li- 
quide qui  contient  tout  ce  qu'on  peut  extraire  du  tabac 
puis  on  y  ajoute  un  gallon  d'eau.  Ce  jus  de  tabac  est 
tros  utile  pour  tuer  les  pucerons,  les  poux  et  autres 
insectes  suceurs  des  plantes,  surtout  des  plantes  de 
serre  et  d'appartemen». 

Solution  alcaline. — On  prépare  cette  solution  re- 
commandée par  le  Prof.  Saunders,  de  la  Ferme  Expé- 
rimentale d'Ottawa,  en  faisant  fondre  une  livre  do 
soda  dans  un  gallon  d'eau  chaude  et  en  mettant  dans 
<3ette  solution  assez  de  savon  haché  pour  que  le  tout 
prenne  la  consistance  d'une  peinture  épaisse.  Appli- 
quée sur  le  tronc  des  arbres,  avec  un  gros  pinceau, 
elle  forme  un  enduit  tenace  qui  détruit  les  vers  ron- 
geurs et  donne  de  la  vigueur  à  l'arbre. 


—  142  — 

Fongicides 

Malades  de  la  pomme  de  terre  — Ces  maladies  qui 
causent  tant  de  pertes  aux  cultivateurs  sont  facile- 
ment combattues  par  l'application  de  la  bouillie  bor- 
delaise.  Il  y  a  deux  maladies  ou  rouilles  de  la  pomme 
de  terre. 

La  première  qu*^  l'on  appelle  rouill^^  hâtive  ou  de 
juillet  est  causée  par  le  champiiynon  macrosporium  solam 
et  se  montre  dans  les  mois  dt^  juin  et  de  juill^^t,  où  des 
taches  brun  grisâtre  apparaissent  sur  les  feuilles  les 
plus  vieille.  Celles  ci  deviennent  bientôt  sèches  et  cas- 
santes, et  quand  l'attaque  est  violente,  toutes  les  feuil- 
les sont  atteintes  et  il  ne  reste  plus  rien  que  h  s  tiges. 

La  deuxième  maladie  est  la  rouille  d'août,  rouille 
tardive  ;  appelée  simplement  "  maladie  de  la  pomm& 
de  terre"  ;  c'est  la  mieux  connue  des  deux  ;  elle  est  due 
au  développement  d'un  champignon  parasite,  le  Phi/- 
tophtora  infestans.  Voici  en  résumé,  d  après  un  bulle- 
tin de  la  Ferme  d'Ottawa,  l'histoire  naturelle  de  ce 
champignon  :  Le  champignon  passe  l'hiver  à  l'inté- 
rieur du  tubercule  de  la  pomme  de  terre,  avec  lequel 
il  est  mis  en  terre  au  printemps.  Dès  que  la  pomme 
de  terre  pousse,  le  parasite  croit  en  même  temps,  s'é- 
tendant  à  travers  les  tis>us  des  tiges,  et  vers  la  fin  de 
juillet  il  p  oduit  à  la  surface  inférieure  des  feuilles  une 
abondance  de  spores  ou  germes  reproducteurs  faisant 
l'ofiice  de  graines.  Ces  spores  sont  excessivement  peti 
tes,  mais  sont  produites  en  nombre  ."i  considérable, 
qu'elles  font  fréquemment  paraître  le  dessous  des  ibille 
comme  couvert  d'écume.  Quand  ces  spores  se  produi- 
sent ainsi,  on  dit  que  les  feuilles  se  rouillent^  parce- 
qu'elles  se  couvrent  de  taches  brun  foncé,  provenant 
du  dessèchement  des  tissus  dont  le  parasite  a  absorbé 
la  sève.  C'est  alors  que  la  contagion  se  propage.  Quel- 
ques-unes des  spores  sont  emportées  par  le  vent  :  elles- 
tombent  sur  les  feuilles  de  plantes  voisines  et  produi- 
sent de  nouvelles  taches  brunes,  tandis  que  d'autres 
tombant  sur  le  sol  et,  atteignant  les  tubercules  en  voie 
de  formation,  donne  lieu  à  la  pourriture  humide.  Celle- 
ci,  telle  qu'on  la  voit  en  automne  dans  les  tubercules, 


—  143  — 

est  la  forme  la  mieux  connue  de  la  maladie,  mais  la 
maladie  est  réellement  une  pourriture  sèche  qui  tue  le 
tubercule,  et  on  automne  la  pourriture  humide  s'ensuit 
comme  résultat  de  la  décomposition. 

La  maladie   se   propage   très-rapidement  avec  lè- 
vent, de  sorte  qu'un  grand  champ  peut  être  infesté  en 
quelques  jouis,  et  le  résultat  est  l'anéantissement  de 
la  récolte. 

Pour   prévenir   et   arrêter   ces  deux  maladies,  on 
emploie  le  remède  suivant  : 

Bouillie  bordelaise  pour  les   pommes  de  terre 

Bouillie  bordelaise. — Elle  se  compose  de 

Sulfate  de  cuivre  (vitriol  bleu) 0  livres- 

Chauxvive 4  livres 

Eau 45  gais. 

Pour  préparer  la  bouillie  bordelaise,  on  prend  4 
livres  de  sulfate  d*^  cuivre  (vitriol  bleu)  en  poudre,  et 
on  1h  fait  dissoudre  dans  un  tonneau  à  moitié  rempli 
d'eau  (il  ne  faut  pas  employer  de  vase  en  fer,  car  il 
serait  attaqué  par  le  sulfate  de  cuivre)  ;  pour  hâter  la 
dissolution  on  met  le  sulfate  de  cuivre  dans  un  sac  en 
coton,  et  on  le  suspend  dans  IVau  du  tonneau  Dans 
un  autre  vase  on  fait  éteindre  4  ibs.  de  chaux  dans 
une  quantité  d'eau  suffi  ante  pour  former  une  bouillie 
claire.  On  passe  cette  bouillie  ou  lait  de  chaux  à  tra- 
vers un  tamis  ou  une  toile  à  sac  qui  retienne  tous  les 
grumeaux.  On  verse  le  lait  de  chaux  dans  la  solution 
de  sulfate  de  cuivre,  en  mélangeant  continuellement 
avec  un  bâton.  Ensuite,  on  ajoute  assez  d'eau  pour 
avoir  en  tout  45  gallons,  et  le  mélange  est  prêt.  Cha- 
que fois  que  l'on  voudra  s'en  servir,  on  deva  agiter 
parfaitement  le  mélange  ;  il  faut  aussi  recouvrir  le 
tonneau  pour  empêcher  toute  poussière  ou  saleté  dy 
tomber. 

Pour  appliquer   cette  bouillie  sur  les  feuilles,  on 
doit  employer  un  pulvérisateur  ;  mais  si  on  n'en  a  pas- 


—  144  — 

^n  se  sert  i.'arrosoir  dont  la  pomme  est  percée  de  trous 
fins.  Il  y  a  plusieurs  espèces  de  pulvérisateurs  dans  le 
commerce.  Le  plus  commode  pour  la  grande  culture 
est  une  pompe  foulante  fixée  sur  un  tonneau,  monté 
sur  des  roues,  et  qui  est  conduit  par  un  cheval  à  tra- 
vers le  champ. 

Pour  la  rouille  de  juillet,  on  doit  faire  la  première 
application  au  commencement  de  juillet,  et  une  se- 
conde quinze  jours  plus  tard. 

Pour  la  maladie  proprement  dite  de  la  pomme  de 
terre  ou  rouille  tard've,  il  n'est  pas  besoin  de  faire  la 
première  application  avant  le  1er  août  ;  deux  applica- 
tions subséquente.^,  faites  à  des  intervalles  de  deux  se- 
maines, feront  en  général  échapper  la  récolte  à  tout 
danger. 

Bouillie  bordelaise  pour  les  arbres  fruitiers.  — Ce  re- 
mède est  aussi  très  efficace  pour  combattre  les  mala- 
dies fong-ueuses  des  arbres  fruitiers,  telle  que  la  rouille, 
la  gale  et  les  taches  etc.,  des  arbres  fruitiers  etc.  Mais 
comme  les  arbres  fruitiers  sont  plus  délicats  que  les 
plantes  de  pommes  de  terre,  on  doit  prendre  plus  de 
précautions  dans  la  préparation  de  la  bouillie  borde- 
laise, et  surtout  éviter  un  excès  de  sulfate  de  cuivre 
qui  brûlerait  le  feuillage. 

Voici  la  formule  modifiée  légèrement  de  la  bouil- 
lie bordelaise  pour  les  arbres  fruitiers. 

Sulfate  de  cuivre 4  livres. 

Chaux ,  4       " 

Eau 50  gallons. 

La  manière  de  la  préparer  est  la  même  que  ci- 
dessus.  Cependant  pour  vérifier  si  on  a  ajouté  assez 
de  chaux,  on  recommande  de  plonger  dans  la  bouillie 
préparée  une  lame  de  fer  (par  exemple  un  couteau) 
bien  polie  et  dégraissée  ;  si  la  lame  devient  rougeâtre, 
se  recouvre  de  cuivre,  c'est  qu'il  n'y  a  pas  assez  de 
charx  ;  et  on  doit  en  ajouter  un  peu. 


—  145  — 

Bouillie  bordelaise  et  Vert  de  Paris. — Comme  le  vert 
de  Paris  est  l'insecticide  par  excellence,  surtout  pour 
la  mouche  à  patate,  ver  de  la  pomme  etc.,  on  l'emploie 
BOUTent  en  mélange  avec  la  bouillie  bordelaise  : 

Pour  cela  on  délaye  \  de  livre  de  vert  de  Paris  dans 
nn  peu  d'eau  de  manière  à  en  faire  une  pâte  épaisse 
que  l'on  ajoute  ensuite  aux  45  ou  50  gallons  de  bouil- 
lie bordelaise.  Ce  mélange  de  bouillie  bordelaise  et  de 
vert  de  Paris  est  donc  à  la  fois  un  fongicide  et  un  in- 
flecticide  excellent. 

r 

Pendant  l'application  sur  le  feuillage  des  plantes, 
il  faut  avoir  soin  d'agiter  constamment  le  mélange  (les 
bons  pulvérisateurs  sont  munis  d'un  agitateur  automa- 
tique), car  le  précipité  bleu  verdâtre  de  la  bouillie  bor- 
delaise et  le  vert  de  Paris  se  précipitent  rapidement  au 
fond  du  liquide  en  repos. 

Solution  de  sulfate  de  cuivre. — Faites  dissoudre  1  fc. 
de  sulfate  de  cuivre  dans  24  gallons  d'eau.  C'est  un 
fongicide  préventif  employé  contre  les  champignons 
parasites,  tels  que  la  rouille,  l'anthracnose,  la  gale,  et 
autres  maladies  fongueuses  des  framboisiers,  poiriers, 
pommiers,  vignes  etc.  On  applique  cette  solution  seu* 
lement  avant  Vapparition  des  feuilles. 

On  l'emploie  aussi  pour  sulfater  les  grains  de  se- 
mences ;  on  trempe  ceux  ci  (placés  dans  un  sac)  dans 
la  solution  de  sulfate  de  cuivre  pendant  plusieurs  heu- 
res (quelquefois  12  heures),  on  les  en  retire  ensuite  et 
on  les  trempe  dans  l'eau  de  char.x  pendant  S  minutes, 
et  on  les  laisse  sécher  un  peu,  avant  de  les  semer. 


le 


—  146  — 


CINQUIEME  SEANCE 


Conférence  par   IS.  G.  A.  G-I&ATTLT,  Assistant- 
Commissaire  de  l'Agricnltnre. 


Nous  regrettons,  et  nos  lecteurs  regretteront  avec 
nous,  que  les  occupations  de  l'Assistant- Commissaire 
n'aient  pu  lui  permettre  de  fournir  le  texte  complet 
de  sa  conférence. 

N'ayant  en  mains  que  des  notes  très-imparfaites, 
nous  devons  nous  borner  à  mentionner  les  principales 
questions  traitées  par  le  savant  conférencier,  questions 
dont  on  trouve  le  développement  dans  le  rapport  du 
Département  de  l'Agriculture,  publié  l'an  dernier. 

M.  Grigault  recommande  particulièrement  la  pro- 
duction du  "  bacon,  "  dont  l'Angleterre  fait  une  si 
grande  consommation.  Cette  production  est  le  corol- 
laire quasi-nécessaire  de  notre  industrie  laitière. 

L'Angleterre  nous  prendrait  aussi  beaucoup  de 
pommes,  mais  on  nous  les  demande  plus  fermes,  plus 
faciles  à  conserver.  La"  Baldwin  "  parait  être  la  plus 
avantageuse  à  exporter. 

Nous  pourrions  de  plus  prendre  une  plus  large 
part  à  l'exportation  des  volailles.  Jusqu'ici  Ontario  a 
le  gros  lot  de  ce  commerce. 


—  ut- 
il est  urgent  que  le  cultivateur  sache  quels  sent 
les  engrais  dont  chaque  plante  a  besoin,  et  pour  cela^ 
il  faut  faire  l'analyse  du  sol  par  la  plante,  afin  de  cons- 
tater quels  sont  les  éléments  nutritifs  qui  peuvent  lui 
manquer.  Le  missionnaire  agricole  devrait  à  la  pa- 
role joindre  l'exemple,  en  ayant  près  de  son  presby- 
tère un  petit  champ  d'expérimentation. 

Il  faut  insister  sur  l'importance  de  chauler  les 
terres  pour  les  moissons,  pour  les  animaux  et  même 
pour  les  hommes,  vu  que  la  chaux  favorise  la  forma- 
tion des  os. — Ici  M*  Barnard  fait  remarquer  qu'en  plus 
de  la  chaux,  il  est  nécessaire  aussi  d'assurer  une  pro- 
vision d'acide  phosphorique,  autre  élément  indispen- 
sable à  la  formation  des  os  des  animaux. 

Le  conférencier  recommande  encore  la  culture  desp 
plantes  sarclées,  du  trèfle,  le  défoncement  du  sol,  la 
comptabilité  agricole,  etc.,  etc. 

Il  demande  que,  comme  au  Danemark,  on  observ» 
les  lois  de  la  restitution  en  rendant  au  sol  ce  que 
chaque  récolte  lui  enlève.  Pour  cela  s'appliquer  à- 
bien  conserver  le  fumier,  surtout  la  partie  liquide  au 
moyen  de  fosses  à  purin  ou  par  l'addition  des  matiè- 
res absorbantes. 

On  ne  peut,  pour  notre  pays,  recommander  inté- 
gralement la  rotation  suivie  au  Danemark  ;  on  rem- 
placera avantageusement  en  partie  par  le  blé  d'Inde, 
les  carottes  et  navets  de  la  huitième  année,  tout  en 
continuant  cette  dernière  culture  sur  une  plus  petite 
échelle. 

Le  conférencier  termine  par  dos  considérations 
patriotiques  fort  applaudies,  surtout  la  d'ernière. 


*•  Que  l'on  apprenne  à  chaque  Canadien-Françaisp 
à  s^attacher  au  sol  de  sa  patrie  si  belle,  afin  qu'à 
*'  ceux  qui  viendraient  faire  miroiter  à  ses  yeux  le& 
"  trompeuses  perspectives  de  la  vie  à  l'étranger,  il 
"puisse  répondre,  comme  le  Danois  que  j'invitais  à 
**  venir  an  Canada  :  *^  Taime  mon  pays^  et  avant  de  m^ 
**  résoudre  à  V abandonner ^  je  souffrirai  encore  beaucoup ^ 


«( 


—  148  — 


Boaseig^dmeats  doiiaes  par  le  B.  Frère  Léon,  cliarg^e  de 
la  pépinière  des  Bvds*  Feres  Trappistes- 


Les  pommiers  sont  tous  greffés  sur  racines,  pen- 
dant l'hirer,  Les  greffes  faites  en  mars,  et  au  com- 
mencement d'avril,  avant  le  réveil  de  la  sève,  se  con- 
servent parfaitement  et  réussissent  le  mieux. 

Pour  les  pruniers  et  cerisiers,  la  greffe  se  fait  en 
écusson  et  se  pratique  dans  le  mois  d'août  et  le  com- 
mencement de  septembre.  Il  faut  choisir  le  temps 
«elon  la  localité  afin  qu'il  y  ait  encore  assez  de  sève 
pour  souder  l'œil,  qu'il  n'y  en  ait  pas  assez  pour  le 
noyer,  et  de  plus  afin  qu'il  n'ait  pas  le  temps  de  se 
réveiller  avant  le  printemps,  car,  s'il  part  à  l'automne 
il  gèle  ensuite  et  ne  vaut  plus  rien. 

A  la  Trappe  on  fait  plus  de  pratique  que  d'expé- 
Timentation.  On  a  établi  une  grande  pépinière  afin  de 
fournir  aux  cultivateurs  de  la  Province,  les  arbres 
fruitiers  les  plus  recommandables,  quant  au  climat  «t 
AUX  besoins  du  commerce.  Ce  qui  manque  dans  la 
Province  de  Québec,  c'est  surtout  la  culture  des  fruits 
pour  des  fini  commerciales.  La  plupart  de  nos  cultiva- 
teurs n'achètent  pas  d'arbres  fruitiers  ou  en  achètent 
bien  juste  pour  leur  famille  et  ils  laissent  à  d'autres  le 
•pin  d'alimenter  le  marché  canadien  et  le  marché  an- 
glais surtout. 

Quand  on  verra  notre  cultivât eur  porter  ses  fruits 
à  la  sècherie,  à  la  ville  et  à  la  cidrerie  ou  même  quand 
on  verra  les  plus  entreprenants  placer  un  éYai>orateiiT 
^il  y  en  a  d'excellents  i>oiir  |20.00)  som  le  même  toit 


—  149  — 

que  sa   faucheuse  et  sa  moissonneuse,  l'arboriculture 
fraitière  fera  la  richesse  de  nos  campagnes. 

Le  pommier  "  Baidwin  ",  le  plus  en  faveur  pour 
le  séchage  aux  Etats-Unis,  vient  très-bien  à  la  ferme 
modèle  de  la  Trappe. 

Parmi  It^s  meilleures  ponmes  d'hivt^r  on  recom- 
mande la  "  Wealthy  "  et  la     Ben  Davis  ". 

Cette  dernière  a  le  ^rain  dur  et  s'exporte  avanta- 
geusement sur  le  maiohé  anglais.  L'arbre  est  très- 
rustique,  et  comme  il  réu>sit  à  Uoberval,  on  croit  qu'il 
convient  à  toute  la  Province. 


Le  verger  est  encore  jeune,  et  il  faudra  encore 
quelques  années  pour  connaître  le  résultat,  d<'s  expé- 
riences qu'on  y  fait  sur  une  assez  gande  éiîhelle.  Il 
contient  1500  arbres  répartis  en  150  variétés,  sans 
compter  les  pommiers  à  cidre  plantés  le  long  des  clô- 
tures. 


La  tavelure  est  une  maladie  appelée  vulgairement 
la  brûlure  du  pommier,  elle  ne  se  g  érit  pas.  On  se 
hâte  d'enlever  la  partie  affectée  que  l'on  jette  au  feu. 
On  a  soin  de  couper  plus  bas  que  la  partie  malade,  et 
dans  le  bois  sain,  autrement  le  microbe  ou  champignon 
s'attacherait  à  l'instrument,  qui  communiquerait  la 
maladie  aux  branches  saines,  qu'il  coupe  ensuite.  Il  y 
a  beaucoup  de  tavelure  dans  \e^  envirens  de  Montréal, 
cette  année,  et  pour  un  arbre  que  l'on  épargne  aujour- 
d'hui, on  en  perdra  dix  l'an  prochain  ;  le  docteur  Grri- 
gnon  de  Ste  Adèle  en  a  fait  la  dure  expérience.  Il  nous 
faudrait  comme  d^ns  les  autres  pays,  une  loi  obligeant 
les  horticulteurs  à  soigner  leurs  arbres,  car  la  négli- 
gence d'un  voisin  cause  parfois  de  grands  dommages 
au  propriétaire  soigneux  Après  l'amputation  de  la 
partie  affectée,  on  arrose  tout  l'arbre  avec  d<*  la  bouil- 
lie bordelaise  pour  le  soustraire  à  l'action  des  champi- 
gnons qui  viendraient  s'y  déposer. 


—  150  — 

Yoici  la  composition  de  la  bouillie  bordelaise  : 

» 

4  Ibs,  sulfate  de  cuivre.  ( 
4  Ibs,  chaux  grasse.  <      fongicide,  etc. 

50  gallons  d'eau.  ( 

4  onces  de  vert  de  Paris  que  l'on  ajoute   comme 
insecticide. 

Lorsqu'on  applique  cette  bouillie  au  moyen  d'un 
pulvérisateur,  il  faut  coult^r  ce  liquide,  car  le  bec  du 
pulvérisateur  s'obstrue  facilement  par  les  corps  so- 
lides. 

Au  printemps,  avant  le  renflement  des  bourgeons, 
au  moyen  d'un  vieux  pinceau,  ou  d'un  balai,  on  passe 
Tine  couche  de  sulfate  de  cuivie  (dans  50  gallons  d'eau 
2  Ibs  de  sulfate  d^  eu.  7re)  sur  le  tronc  des  arbres.  Im- 
médiatement après  la  tombée  des  fleurs,  en  juin,  on 
arrose  tout  le  feuillage  jusqu'à  saturation  complète 
Avec  de  la  bouillie  bordelaise  au  moyen  d'un  pulvéri- 
fiateur  ($5.00). 

Pour  combattre  le  puceron  (Aphis)  l'émulsion  de 
pétrole  est  nécessaire  et  il  faut  l'employer  avec  pru- 
dence. Hi  le  mélange  est  imparfait,  l'huile  brûle  le 
feuillage  et  empoisonne  la  sève  ce  qui  fait  mourir  l'ar- 
bre, sinon  tout  de  suite,  du  moins  irès-prématu  ément. 

Composition  de  l'émulsion  de  pétrole  : 

J  livre  de  savon  sec  dans  un   1  gallon  d'eau  douce. 
2  gallons  d'huile  de  charbon  bien  mélangés,  etc. 
27  (ou  plus)   gallons  d'eau   de  pluie  (on  sait  que 
l'eau  dure  ne  dissout  pas  le  savon.) 

Pour  faire  ce  mélange  convenablement  on  peut  se 
servir  de  la  pompe  **  Lewis  "  ($6.00)  laquelle  sert  aussi 
de  pulvérisateur  ou  d'une  autre  pompe  plus  petite 
$1.40).  A  défaut  de  pompe,  on  peut  mélanger  avec  son 
balai,  mais  ce  procédé  n'est  pas  sûr,  il  faut  brasser  bien 
longtemps. 


—  151  — 

Les  pommiers  à  cidre  de  la  Trappe  viennent  de 
France. 

La  "  Petite  Amère  "  et  le  "  Taureau  "  entre  autres 
ont  été  importées  de  la  Vendée . 

Pour  reconnaître  la  valeur  d'une  pomme  à  cidre, 
on  se  sert  du  densimètre  qui  indique  le  degré  d'alcool 
que  le  jus  contient.  Le  Père  Hilaire,  le  fabricant  des 
Tins  et  du  cidre  de  la  Trappe  a  trouvé  de  bonnes  va- 
riétés parmi  nos  sauvageons.  Une  d'entre  elles.  "  la 
Ste  Antoine  "  est  une  excellente  pomme  à  cidre,  et 
nous  l'avons  propagée  en  pépinière  Ces  pommes  sau- 
vageons manquent  surtout  de  tanin. 

Le  Rév.  Frère  Norbert  de  l'Instruction  Chrétienne 
a  déjà  expédié  une  caisse  de  sauvageons  en  France  ; 
quelques-unes  ont  été  reconnues  excellentes  pour  le 
oidre,  et  elles  ont  même  été  primées  à  Ploërmel. 

En  Normandie,  le  cidre  est  la  boisson  commune 
du  pays,  et  dans  notre  province,  si  l'on  ne  peut  pro- 
duire le  vin  partout,  partout  on  peut  fabriquer  son 
cidre,  (broyeur  et  presse  |20.00).  On  veut  donc  vulga- 
riser l'usage  du  cidre  et  les  amis  de  la  tempérance  ne 
sauraient  assez  encourager  la  consommation  des  fruits 
et  la  vulgarisation  du  cidre,  ce  qui  amènera  sûrement 
une  puissante  réaction  contre  l'abus  des  alcools.  La 
pépinière  de  la  Trappe  tient  à  la  disposition  des  horti- 
culteurs 200,000  pommiers  élevés  sur  le  vieux  sol  Iro- 
quois  d'Oka,  Que  :  C'est  une  marchandise  sûre  qu'on 
peut  se  procurer,  à  aussi  bon  compte  que  celle  d'On- 
tario et  des  Etats-Unis.  Voilà  un  excellent  moyen  de 
régénérer  nos  vergers  et  de  favoriser  une  exploitation 
encore  peu  développée  dans  notre  province  et  qui  pro- 
met de  bons  revenus  à  ceux  qui  s'y  engagent  avec 
prudence  et  résolution. 


—  162  — 


L'INUUSTRIB  LAITIERE 

CAlTASZElTirE 


A  l'occasion  de  cette  importante  réunion  agricole, 
l'honorable  commissaire  de  l'agriculture  m'a  offert 
le  périlleux  honneur  de  traiter  devant  vous,  révé- 
rends messieurs,  le  sujet  "  L'industrie  laitière  cana- 
dienne. " 

A  cause  des  relations  que  mes  fonctions  d'ancien 
secrétaire  de  la  société  d  industrie  laitière  m'ont  donné 
l'occasion  d'avoir  avec  les  organisateurs  de  cette  si 
belle  et  si  patriotique  institution  des  missionnaires 
agricoles,  travaillant  pour  l'amour  de  leur  prochain, 
j'ai  accepté  avec  empressement  ;  mais  je  mt  suis  un 
peu  repenti  de  cette  acceptation  inconsidérée. 

Ce  n'est  pas  une  mince  chose  en  effet  que  l'indus- 
trie laitière  canadienne,  et  il  n'est  pas  facile  d'en  par- 
ler un  peu  sans  courir  le  risque  d'être  trop  long  ou 
de  traiter  le  sujet  d'une  façon  incomplète. 

Réflexion  faite,  je  me  suis  dit  que,  puisque  vous 
êtes  conférenciers,  je  pourrais  bien  me  donner  le  rôle 
de  souffleur,  même  en  abrégé.  Une  espèce  de  canevas 
de  conférence  sur  l'industrie  laitière,  c'est  le  cadre 
dans  lequel  j'ai  circonscrit  mon  sujet,  et  j'y  entr«  de 
suite  : 

L'industrie  laitière  au  Canada,  avec  le  caractère 
public  et  prédominant  qu'elle   a  aujourd'hui,  date  ûe 


—  153  — 

l'introduction   du  système  du  traitement   du  lait  eu 
commun,  dans  les  fabriques  de  beurre  et  de  fromage. 

L'ancien  ordre  des  choses,  c'était  la  laiterie  pri- 
vée, annexe  de  la  ferme  souvent  peu  importante  au 
point  de  vue  des  résultats  ou  des  profits  ;  le  nouvel 
ordre  des  choses,  c'est  la  fromagerie  ou  la  beurrerie 
séparée  de  la  ferme,  mais  lui  donnant  le  moyen  d'é- 
conler  tous  ses  produits  transformés  en  lait  par  le^ 
moyen  de  la  vache. 

Notre  pays  est  couvert  de  ces  fabriques  de  beurre 
et  de  fromage. 

Repassons  un  peu  les  avantages  apportés  aux  cul- 
tivateurs de  nos  jours  par  cette  nouvelle  forme  d'in- 
dustrie laitière. 

lo  L'industrie  laitière  permet  l'organisation  de  la 
ferme  suivant  les  vrais  principes  de  l'agriculture  rai- 
sonnée.  La  loi  de  la  restitution  en  agriculture  est  à  la 
base  de  tout.  Récolter,  c'est  enlever  à  la  terre  ce  qu'el- 
le a  élaboré  au  moyen  des  richesses  qu'elle  renferme 
dans  son  sein.  Il  faut  rendre  à  la  terre  en  engrais  ce 
qu'on  lui  enlève  en  récoltes.  Les  fumiers  sont  l'en- 
grais par  excellence  et  la  vache  laitière  est  la  machine 
à  fumier  la  plus  profitable;  elle  fabrique  sur  place,  en 
payant  avec  Don  lait  tout  ce  qu'elle  consomme.  Son 
alimentation  économique  demande  les  cultures  sar- 
clées si  propres  à  l'ameublissement  du  sol,  et  qui  lui 
laissent,  p©ur  les  récoltes  subséquentes,  la  réserve  de 
nourriture  que  les  fumures  fortes  lui  apportent  ;  elle 
exige  aussi  la  culture  des  trèfles,  que  les  découverte» 
récentes  de  la  science  ont  démontré  être  la  plante 
améliorante  et  enrichissante  que  l'esprit  d'observation 
de  nos  pères  Savaient  deviné  être;  l'addition  à  la  ration 
de  tourteaux  de  lin,  graines  de  coton,  pois,  lentilles  et 
des  autres  grains,  que  le  cultivateur  peut  trouver 
profit  à  acheter,  viennent  augmenter  la  valeur  de 
fumiers.  L'élevage  des  veaux,  l'engraissement  des  porc» 
viennent  compléter  la  série  dt^s  moyens  de  tout  trans- 
former sur  la  ferme,  en  gardant  les  résidus  enrichis- 


— 1^4  — 

.^ants  de  ces  transformations.  Et  cela  permet  de  ren- 
dre i  la  terre  ce  que  l'entretien  de  sa  fertilité  demande 
^e  toute  nécessité. 

2o  Le  cultivateur  reçoit  de  sa  ferme  des  matières 
♦premières  qu'il  peut  vendre  en  nature  ou  qu'il  peut 
transformer  en  d'autres  produits. 

Sans  tenir  compte  de  la  question  de  restitution  à 
la  terre  de  ce  qui  lui  a  été  enlevé,  le  cultivateur  a  tout 
intérêt  à  choisir  cette  dernière  alternative,  parce  que, 
dans  l'ordre  des  choses,  il  doit  toujours  rester  un  pro- 
:fit  à  l'industriel  qui  transforme  un  produit  en  un  autre. 

L'industrie  laitière  lui  donne  le  plus  parfait  moyen 
-de  soigner  son  intérêt  sous  ce  rapport  ;  la  ferme  devient 
une  usine  avec  un  chef  et  un  état  major  de  surveillants, 
le  cultivateur  et  sa  famille  et  des  ouvriers  qui  sont  les 
vaches  et  les  porcs.  L'étable  devient  l'atelier  principal, 
toutes  les  matières  premières  de  la  ferme  y  passeront 
et  y  seront  transformées  en  lait  et  l'atelier  de  finissage 
commun,  la  fromagerie  ou  la  beurrerie,  les  prépare- 
ront et  les  placeront  sur  le  marché. 

Il  n'y  a  d'organisation  plus  complète  que  cela  dans 
aucune  industrie. 

3o.  L'industrie  laitière  donne  une  occupation 
payante  à  l'année  sur  la  ferme.  Avec  elle  il  n'y  a  pas 
de  chômage  et  pas  de  morte  saison.  La  production  du 
lait  en  hiver  est  possible  et  payante.  Les  travaux  de  l'été 
ne  constituent  plus  la  seule  occupation  de  nos  cultiva- 
teurs. 

Les  vaches  laitières  sont  autant  d'ouvriers,   do- 
.elles,  travailleurs,   frugaux  et  profitables,  que  l'intel- 
ligence da  maître  peut  tenir  employés  à  l'anuée  sans 
autre  repos  que  celui  que  la  nature  commande   d'une 
^açon  absolue. 

4o.  L'industrie  laitière  donne  une  solution  à  la 
4][uestion  de  la  rareté  de  la  main-d'œuvre  ;  là  où  au- 


—  155  — 

trefoifi,  le  bétail  à  tenir  snr  une  ferme  était  limité  par 
le  pi  as  ou  1b  moins  d'aptitudes  ou  de  capacité  de  la 
mère  et  des  filles  pour  faire  le  beurre  à  la  maison,  il 
n'y  a  plus  maintenant  que  l'étendue  ou  la  fertilité  de 
la  ferme  qui  fixe  le  nombre  d«  têtes  de  bétail.  Traire 
les  vaches  est  aujourd'hui  un  ouvrage  pour  les  hommes, 
-et  le  transport  du  lait  s'effectue  facilement  par  l'associa- 
tion entre  voisins. 

Une  fabrique  ordinaire  peut  traiter  le  lait  de  tout 
xine  paroisse. 

A  combien  de  mères  cet  état  de  choses  a  apporté 
-du  souî«*gement  ;  combien  d'enfants  il  a  arrachés  à  la 
manivelle  du  moulin  à  beurre  à  l'heure  de  l'école,  et  à 
43ombien  de  pauvres  pères  de  famille  il  a  donné  l'ai- 
sance en  leur  enlevant  l'obligation  d'engager  des  ser- 
viteurs, je  vous  le  laisse  à  calculer. 

5o  II  en  est  des  cultivateurs  comme  du  reste  de 
l'humanité.  Tous  ne  sont  pas  également  bien  doués  ; 
il  en  est  une  bonne  portion  qui,  en  dépit  de  toute 
leur  bonne  volonté  ne  réussisifent  que  médiocrement. 
La  fromagerie  ou  la  beurrerie,  donne  au  moins  bien 
partagé  sous  ce  rapport,  le  moyen  de  tirer  parti  de  son 
lait  à  l'égal  du  plus  intelligent  de  la  paroisse  et  en 
^«commun  avec  lui.  Aucune  autre  industrie  agricole 
n'aide  aussi  efficacement  les  faibles,  et  aucune  ne  les 
:atteint  aussi  bien  dans  tous  les  coins  du  pays  ou  de 
(la  paroisse. 

60  L'industrie  laitière  a  encore  un  autre  grand 
avantage  un  peu  dans  le  même  genre. 

En  débarrassant  le  cultivateur  du  souci  bien  im- 
portant de  la  vente  de  ses  produits  elle  le  laisse  plus 
•complètement  à  sa  ferme. 

Moins  de  jours  perdus  à  aller  au  marché  moin» 
d'occasions  de  dépenser,  moins  d'inquiétude  au  sujet 
■des  rentrées  d'argent, — voilà  autant  de  choses  qui  amè- 
nent le  repos  de  l'esprit,  et  la  pratique  d'une  économie 


—  156^ 

plus  facile,  et  qui  laissent  à  la  ferme  tout  le  temps,  tout 
le  travail  et  toute  rintelliffeuce  da  son  maître. 

Il  y  a  à  ce  poiut  de  vue,  le  côté  moralisateur  qu'un 
bon  curé  d'une  paroisse  que  je  connais  bien,  résumait 
comme  suit  :  "  Mes  paroissiens  sont  bien  meilleurs  depuis 
"  quil  ne  vont  plus  au  marché^ 

Je  n'ai  pas  besoin  d'ajouter  que  c'était  à  leur  fabri- 
qu«  de  beurre  et  de  fromage  que  les  paroissiens  de- 
vaient ce  compliment. 


Voilà  quelques  uns  dfs  avantagea  de  l'industrie 
laitière  au  point  de  vue  de  l'organisation  de  la  lerme. 

Enumérons  certains  résultats  commerciaux  qu'elle^ 
produit. 

lo  En  confiant  à  des  gens  ayant  fait  un  bon  ap- 
prentissage de  leur  métier,  la  fabrication  du  lait  de  la 
paroisse,  on  relève  le  niveau  moyen  de  la  qualité  des 
produits,  et,  partant,  les  prix  réalisés  pour  le  lait. 

2o  En  centralisant  la  fabriiation  et  en  opérant  sur 
de  grandes  quantités  de  lait  on  réduit  les  frais  au  mi- 
nimum ;  en  travaillant  le  lait  av«c  des  outillages^ 
bien  compris  et  amétuigés,  on  réduit  au  minimum  let 
pertes  qui  accompagnent  toujours  les  transformations 
d'un  produit  en  un  autre. 

80  En  garantissant  la  bonne  qualité  de  ses  pro- 
duits, la  fromagerie  ou  la  beurre  rie  a  créé  l'assurance 
contre  la  mauvaise  qualité  des  pr-duits,  un  fléau  Mea 
autrement  désastreux  que  le  feu  ou  la  grêle  ou  les  au- 
tres châtiments  de  Dieu  ;  de  même,  par  le  système  des- 
ventes fréquentes,  elle  a  créé  l'assurance  contre  la  dé 
préciatio'i  des  bous  produits  par  suite  de  leur  conser^ 
vation  indue. 

4o  Le  régime  de  la  vente  fréquente  au  comptant 
du  beurre  et  du  fromage,  a  amené  plus  d'ordre  dans^ 


—  m  — 


les  affaires  et  a  diminué  les  achats  à  longs  termes  qui 
valent  bien  Tusare  ;  combien  de  dettes  se  sont  sol- 
dées, par  l'industrie  laitiè'  e,  en  bon  argent  sonnant,  sur 
lequel  l'usurier  n'a  rien  eu  à  tondre. 


5o  Enfin, — et  c'est  au  point  de  vue  commercial  son 
plus  grand  bienfait, — en  réduisant  les  fourrages  et  les 
grains  de  la  ferme,  volumineux  de  leur  nature,  en  pro- 
duits riches  sous  un  pntit  volume, — le  lait,  le  beurre 
•ou  la  viande, — l'industrie  laitière  à  surmonté  l'obsta- 
cle des  longues  distances  et  nous  a  permis  d'aller  pren- 
dre place  sur  les  grands  marchés  de  l'Europe. 

Certains  irroduits  agricoles  paient  des  frais  do 
transport  de  10  à  40  o/o  de  leur  valeur  ;  tandis  que  le 
beurre  et  le  fromage  ne  paient  qu'une  minime  propor- 
tion de  leur  valeur  pour  se  rendre  de  la  fabrique  chez 
le  consommateur  européen. 

Il  ne  nous  est  possible  de  lutter  avantageusement 
contre  les  producteurs  de  l'Europe  qu'avec  les  pro- 
duits laitiers  ou  des  produits  similaires,  à  cause  du 
coût  peu  élevé  de  leur  transport. 

De  même  l'industrie  laitière  doit  être  le  salut  des 
-endroits  en  train  de  se  coloniser,  parce  que  le  trans- 
port du  beurre  et  du  fromage  se  fait  facilement,  même 
dans    les  roches  des  chemins  neufs. 

Sans  marchés,  nous  ne  pouvons  rien  ;  il  est  impos- 
sible d'aller  placer  notre  pays  près  des  grands  cen- 
tres de  consommation  ;  mais  il  est  bien  facile  d'y  en- 
voyer le  beurre,  le  fromage,  le  lard,  le  bacon  et  les  jam- 
bons, et  c'est  là  une  solution  qui  nous  a  enrichis  et  nous 
enrichira  encore. 


■i  .■  ■•    -jiih. 


—  158  — 

Voyons  maintenant  quels  résultats  a  produits  pour 
nous  l'industrie  laitière  et  quel  avenir  lui  est  réservé- 
dans  notre  pays. 


Etat  actuel  de  notre  industrie  laitière. 


Les  fabriques  de  fromage  se  sont  établies  à  la  suite- 
de  l'abrogation  de  nos  traités  de  réciprocité  avec  les 
Etats-Unis. 

Lps  beurrerieg  n'ont  pris  d'ettensi€n  réelle  qu'à  la. 
suite  de  l'invention  des  écrémeuses  centrifuges. 

Notre  industrie  de  fromage  remonte  à  35  ans  envi- 
ron et  celle  du  beurre  à  15  ans  ;  la  province  de  Québec 
s'est  laissée  devancer  par  sa  voisine  d'Ontario  dans  l'in- 
dustrie du  fromage,  mais  elle  a  pris  les  devants  dans 
l'industrie  du  bearre. 

Le  Dominion  compte  maintenant  à  peu  près  300(y 
fabriques  de  fromage  et  400  fabriques  de  beurre. 

La  production  de  ces  établissements  en  1895,  sera 
de  près  de  200  millions  de  Ibs  de  fromage  et  de  15  mil- 
lions de  Ibs  de  beurre,  représentant  une  valeur  totale 
d'à  peu  près  18  millions  de  piastres. 

La  province  de  Québec  compte  environ  1300  fro- 
mageries et  au  moins  250  beurreries  et  elle  entre  pour 
•nviron  35  p.  c.  ou  $6.300.000  dans  la  production  to- 
tale de  fromage  et  de  beurre  de  fabrique. 

Il  est  difficile  d'établir  la  quantité  exacte  de  beurr« 
fabriquée  dans  les  laiteries  privées,  mais  les  statisticiens 
du  recensement  l'estiment  à  près  de  100  millions  de- 
îbs.  par  an. 

Le  nombre  des  vaches  laitières  s'est  actra  commet 
suit  d'après  les  recensements  : — 


—  159  -^ 

Nombre  de  Pour  la  Province 
vache»  laitières  de 

pour  la  Puissance  Québec 


18tl  —  1.283.209  406.542 

1881  —  1596.800  490.9Y7 

1891  —  1.857.112  549.544 

Le  nombre  de  vaches  laitières  doit  donc  dépasser 
anjourd'hui  2  millions  pour  le  Dominion, 

En  examinant  ces  chiffres  on  s'apercevra  que  l'ex- 
portation de  notre  pays  en  beurre  et  en  fromage,  ne  re- 
présente pas  même  1000  Ibs.  de  lait  par  vache,  et  ce- 
pendant la  production  moyenne  annuelle  de  lait  par 
vache  peut  être  estimée  à  2,400  Ibs.  Nous  sommes  bien 
loin  d'être  rendus  au  point  où  en  étaient  les  Hollan- 
dais il  y  a  quelques  années.  J'ai  vu  quelque  part,  que 
la  Hollande  exportait  vers  1888.  en  beurre  et  en  fro- 
mage l'équivalent  de  3000  Ibs.  de  lait  par  vache. 

Je  fais  entrer  ici  quelques  tableaux  pour  complé- 
ter l'idée  d'ensemble  que  je  puis  me  permettre  àe^ 
donner  dans  le  cadre  de  cette  conférence. 

* 

On  pourra  consulter  avec  profit  une  brochure  pu- 
bliée par  l'honorable  ministre  de  l'Agriculture  M.  An- 
gers, en  1894,  intitulée.  "  Beurre  et  fromage,  Rapport 
"  spécial  sur  la  production  du  beurre  9t  du  fromage  en  Ca-^ 
"  nada  et  marché  pour  ces  produits,'^ 


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PROORB»8ION  DB  L'INDUS* 

FABRICA' 


Frorincei. 


Becensement  d«  1891. 


De  mèinge 


Colombie-Britannique . 

Manitoba 

Nouveau.  Branswick  .. 

Nouvelle. Ecosse 

Ontario 

Ile  du  Prince-Edouard 

Québec  * 

Territoire!... 

Total 


De  fabrique. 


Livres. 

37ii 

116,002 

39,716 

589,363 

1,065,737 

123,708 

4,260,941 

71,363 


6,267,203 


Livret. 

39,222 

627,744 

301,689 

507,389 

80,769,167 

93,866 

26,251,056 

124,178 


Totaux. 


108,714,311 


Livres. 

39,695 

743,74$ 

341,405 

1,096,752 

81,834,904 

217,574 

30,511,997 

195,541 


114,981,514 


FABRICi^ 


PrOYinces. 


Colombie-Britannique. . 

Manitoba 

Nouveau-Brunswick. .  •  > 

Nouvelle-Ecosse 

O  ntario 

I/e  du  Prince-Edouard. 


Recensement  de  1891. 


De  ménage. 


Livre». 

393,089 

4,830,368 

7,798,268 

9,004,118 

55,364,496 

I       1,969,213 

Québec 30,113,226 

Territoires 1,897,432 


De  fiibrique. 


Livres. 


Total... 111,370,210 


236,950 

10,000 

10,050 

1,500,565 

2,779,660 
30,730 


Totaux. 


4,567,955 


Livres. 

393,089 
5,067,318 
7,808,268 
9,014,168 

56,865.061 
1,969,213 

32,f=92,836 
1,928,162 

115,938,165 


Ce  tableau  est  tiré  de  ia  brochure  fédérale  à  laquelle  il  a  été  référé  ] 


TRIB  DU  FROMAOB  ET  DU   BBURRB. 

TlOiî  DU  FROMAGE. 


Becensement  de  1881. 


Recensement  de  1871. 


• 

De  ménage. 

D«r&brique 

Totaux 

De  ménage. 

De  fabrique. 

Totaux. 

Lirres. 

33,252 

19,613 

172,144 

501,655 

1,701,721 

196,273 

55i,278 

l,OôO 

Livres. 
65,556 

Livres. 

88,800 

19,613 

301,188 

953,400  j 

53,509,254 

196,273 

8,771,556 

1,060 

Livres. 

Livres. 

Livres. 

129,044 

451,745 

51,867,53! 

154,758 
884,853 
3,432,797 
155,524 
512,435 

78,611 

177,778 

16,163.3ft5 

233,369 

1,062,631 

19.596,152 

155,524 

8,212,278 

1.377,344 

1,889,779 

3,184,996 

60,716,156 

63,901,152 

5,140,367 

17,797,088 

22,937,455 

ITION  DU  BEURRE. 


Recensement  de  1881. 

Recensement  de  1871. 

De^ménage. 

De  fabrique. 

Totaux. 

De  ménage. 

De  fabrique. 

• 

Totaux. 

1        "■  ■ 
Livres 

343,387 

957,152 

6,527,176 

7,465,285 

54,862,365 

1,688,690 

30,630,397 

70,717 

Livres. 
21,500 

Livres. 

364,887 

957,152 

6  527.176 

Livres. 

Livres. 

Livres. 

.'i.n.'i.947 

5,115,947 

7  465.285           7.161.867 

7,161,867 

1,062,400 

55,924.765 

1,688,690 

31,253,887 

70,717 

37,623,643 
9*^1,939 
24,289,127 
......  ..,,., 

37,623.643 

981,939 

623,490 

24,289,127 

102,545,169 

1,707,390 

104,252,559 

75,172,523 

75,172,523 

plus  haut. 


\. 


—  161  — 

Importations  Anglaises,  et  exportation  du  Cana- 
da ET  DES  Etats-Unis.— BEURRE. 


Importation 

Totale 

G.  Bretagne  Ibs. 

Exportation 

Totale 
Caïuida  Lbs. 

ETATS-UNIS. 

1873 

15,208,633 
12,233,046 
9,268,044 
12,250,066 
14,691,789 
13.006.626 

4  518  R44 

1874 

4,367,983 

6,360.827 

4,644,894 

21  :i27  242 

« 

1S75 

1876 

1877 

i878 

21,837,117 
38,248,016 
39.236  658 

1879 

14.307,977 

18,535,362 

17,649,491 

15,161,839 

7,988,656 

8,075,537 

7,330,788 

4,668,741 

1880 

1881 

31  'ïfiO  'iOft 

1882 

14,794,305 
12,348,641 
20,627,374 
21,683,148 
18,953,900 

1883 

1884 

1885 

1886 

172,879,392 

1887 

169,471,008 

5,485,509 

12,531,171 

1888 

187,200,496 

4,415,381 

10,455,651 

1889 

215,911,304 

1,780,765 

15,504,517 

1890 

229,104,304 

1,951,585 

29,748,042 

1891 

239,187,984 

3,768,101 

15,187,114 

1892 

244,497,008 

5,736,696 

15,047,246 

1893 

260,677,088 

7,036,013 

8,920,107 

U94 

288,529,056 

5,534,621 

« 

1 

11 


—  162  — 


Importations  Anglaises,  et  exportations  du  Ca- 
nada ET  des  Etats-Unis.— fromage. 


Importation 

de  la 

G.  Bretagne  Ibs 


1873 

1874 

1875 

187« 

1877 

1878 

1879 

1880 

1881 

1882 

1883 

1884 

1885 

1886 

1887 

1888 

1889 

1890 

1891 

1892 

1893 

1894 


Expoitation   du 

fromage 
Canadien.  Lbs. 


Exportation 

des 

Etats-Unis.  Lbs, 


151,953,536 

160,349,680 

182,307,776 

171,494,848 

186,23*»,040 

220,512,208 

200,448,752 

198,911,664 

206,090,08u 

189,797,770 

201,566,848 

315,839,568 

205,339,184 

194,307,6t0 

205,720,308 

214,772,992 

213,695,888 

240,136,288      i 

228,628,400 

250,075,504 

232,675,744 

253,418,144 


19,483,211 


24,050,982 


32,342,030 
3i,024,090 
36,930,524 
38,054,294 
46,414,035 
40,368,678 
49,255,523 
60,807,049 
58,041,387 
69,755,423 
79,655,367 
78,112,927 
73,604,448 
84,173,267 
88,534,837 
94,260,187 
106,202,140 
118,270,062 
133,946,365 
154,977,480 


80,366,640 

90,611,077 

101,010,853 


98,676,264 


107,364,666 

123,783,736 

141,654,474 

127,553,907 

147,995,614 

127,989,782 

99,220,467 

112,869,575 

111,992,990 

91,871,235 

81,255,994 

88,008,458 

84,999,828 

95,376,053 

82,123,876 

82,100,221 

81,350,923 


—  163  — 


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—  164  — 

J'aurais  voulu  ajouter  dt^s  notes  sur  le  déve- 
lopperaeni  de  la  porcherie  et  de  l'exportation  de  ses  pro- 
duits, mais  je  suis  forcé  de  me  borner  aux  quelque» 
renseignements  donnés  dans  les  tableaux  qui  précè- 
dent. 


Quels  sont  nos  marchés. 

Nous  avons  à  notre  disposition  le  marché  local 
qui  consomme  environ  100  millions  de  Ibs.  de  beurre 
et  20  millions  de  Ibs.  de  fromage  ;  soit  environ  20  Ibs 
de  beurre  et  environ  4  Ibs  de  fromasre  par  tête  de  popu- 
lation, d'après  l'estimation  de  M.  Johnson,  le  statisti- 
cien fédéral. 

Pour  l'excédant  de  notre  production,  il  nous  faut 
l'écouler  à  l'étranger. 

L'étude  de  ces  chiffres  démontre  à  l'évidence  l'im- 
périeuse nécessité  pour  nous  de  nous  emparer  des 
marchés  étrangers  qui  sont  ouverts  à  nos  beurres,  à 
nos  fromages  et  à  la  viande  de  porc  ;  et  non-seulement 
de  nous  en  emparer,  mais  de  faire  tous  nos  efforts  et  de 
ne  rien  négliger  pour  nous  y  maintenir.  Si  nous  sa- 
vons jouer  des  coudes,  il  y  a  place  pour  nous.  Les  ta- 
bleaux précédents  démontrent  l'immense  débouché 
qu'offre  aux  plus  habiles  le  marché  anglais  ;  mais  en 
même  temps,  il  nous  signalent  les  accidents  et  les  dé- 
placements qui  s'opèrent  au  détriment  des  concurrents 
les  moins  aguerris.  La  place  que  nous  y  occupons  pour 
le  fromage,  ne  laisse  guère  à  désirer  ;  mais  nos  expor- 
tations de  bfurre  y  ont  été  presque  nulles,  depuis 
quelques  années. 

•  Constatons  de  plus  que  le  Royaume-Uni  de  la 
<3^rande-Bretagne  est  à  peu  près  le  seul  marché,  d'ex- 
portation présentement  ouvert  à  nos  produits  laitiers. 


—  165  — 

Quel  est  l'avenir  de  notre  industrie  laitière  ? 

Etant  donné  que  l'industrie  laitière  produit  des 
articles  de  première  nécessité,  le  beurre,  le  fromage,  la 
viande  de  porc,  on  peut  dire  que  la  demande  pour 
les  produits  laitiers  existera  toujours. 

Etant  donné  qne  par  l'industrie  laitière,  la  feiti- 
lité  des  terres  non-seulem^^nt  se  maintient,  mais  s'aug- 
mente, on  peut  dire  que  la  5.ource  de  ces  produits  ne 
tarira  point. 

Ceci  retranche  de  nos  piéoccupations  pour  l'avenir 
deux  éléments  d'incertitude  qui  sont  souvent  mena- 
çants dans  d'autres  industries. 

Dans  ces  conditions,  le  problème  de  l'avenir  de 
notre  industrie  laitière  se  réduit  à  trois  questions. 

Nous  avons  actuellement  des  marchés  : 

lo  Ces  marchés  peuvent-ils  nous  être  fermés  ? 

2o  Nos  concurrents  peuvent-ils  nous  en  chasser  ? 

3o  Y  a  t-il  danger  que  la  production  devienne  as» 
sez  considérable,  pour  que,  par  l'avilissement  des  prix^ 
nous  soyions  forcés  de  réduire  notre  production  sinon 
de  l'abandonner  ?  -^ 


lo  La  répon'e  à  la  première  question  est  assez 
facile  : 

Le  Royaume-L^ni  de  la  Grande  Bretagne  ne  sujffit 
pas,  avec  ses  seuls  produits  agricoles  à  alimenter  sa  po- 
pulation ;  il  semble  condamné  pour  longtemps  à  cher- 
cher au  dehors  une  bonne  partie  de  ce  dont  il  a  besoin. 
De  plus,  on  y  est  libre  échangiste,  et  il  n'est  pas  proba- 
ble que  des  droits  de  douane  y  soient  imposés  d'ici  à- 


—  166  — 

longftemps  sur  le  beurrn  et  le  fromage  et  la  viande  de 
porc.  Nous  pouvons  donc  compter  que  le  marché  de 
la  Grrande-Bretagne  nous  restera  ouvert  de  longues 
années. 

L'on  peut  même  espérer  qu'il  s'ouvrira  d'autres 
débouchés  Les  pays  du  Sud,  les  Antilles,  le  Brésil, 
les  Indes,  peut-être  même  le  Japon  ei  la  Chine,  méri- 
tent qu'on  en  étudie  les  besoins. 


2o  Nos  concurrents  peuvent-ils   nous  chasser  de 
ces  marchés  étranorers  ? 


■3' 


Je  réponds  sans  hésiter  :  oui. 

Nous  avons  vu  notre  exportation  annuelle  de 
beurre  tomber  de  19,066,44S  Ibs.  en  1872,  à  1,780.*765 
Ibs.  en  1889. 

Nous  avons  va  l'exportation  de  fromage  des  Etats- 
Unis  tomber  de  147,905,614  Ibs  en  1881  à  8l,3o0,925 
en  1893.  Mais  si  nous  étudions  les  causes  de  ces  re- 
vers chez  MOUS  et  nos  voi-iiis,  il  est  facile  d'appliquer 
pour  l'avenir  des  moyens  de  maintenir,  de  reprendre 
ou  de  créer  pour  les  produits  de  li  )tre  industrie  lai- 
tière une  place  honorable  et  payante. 

Pour  garder  la  faveur  du  m  irché  anglais,  il  faut  : 
lo.  améliorer  sans  cesse  la  qualité  de  nos  pro  duits  et 
2o.  les  lui  livr^'r  en  parfait  état.  Et  ceci  impl  ique  les 
obliijations  suivantes  : 


o 


Pour  les  cultivateurs,  il  faut  livrer  aux  fa- 
briques du  lait  en  parfait  état,  provenant  de  vaches 
bien  nourrie^  et  bien  tenues,  ayant,  l'été,  de  bons  pa- 
cages et  de  bonne  eau,  l'hiver  desétables  propres,  suf- 
fisamment chaudes,  bien  éclairées  et  bien  ventilées,  et 
une  meilleure  nourriture  que  par  le  passé. 


—  167  — 

A  ce  sujet  il  est  bon  de  dire  que  nous  devrons  re- 
noncer à  exporter  nos  produits  d'hiver  au^si  long- 
temps que  la  tenue  d»'s  vaches,  l'hiver,  ne  se  sera  pas 
sensiblement  améliorée  par  paroisse  et  non  pas  seale- 
ment  par  individus,  ou  aussi  loni^temps  que  des 
moyens  nouveaux  de  l'aire  livrer  aux  fabriques  de  bon 
lait  en  hiver,  n'auront  pas  été  trouvés  et  adoptés. 

Le  lait  doit  être  mieux  soigné,  trait  proprement, 
coulé,  aéré  et  même  rel'roidi.  Il  faut  prêch'T,  pour  l'été, 
l'usage  des  aérateurs  partout  et  pour  chaque  patron. 
Dernier  ])oiut  pour  les  cultivateurs  :  iaire  tous  leurs 
efforts  pour  encoura^  r  les  grandes  fabriques  et  décou- 
rager l'établissement  des  p^-titt^s  fabriques,  inspirer  de 
la  confiance  à  ceux  qui  les  po-sèdent  ou  les  dirigent, 
s'entendre  avec  leurs  propriétaires  pour  que  leurs  fabri- 
ques fassent  partie  d'un  syndiôat. 

Pour  les  propriétaires  de  beurreries  et  de  froma- 
geries, il  faut  bâtir,  installer  et,  au  besoin,  réparer 
convenablement  leurs  établissemeats  et  leurs  outil- 
lages, les  approvisionner  de  bonne  eau,  et,  pour 
les  beurreries,  d'une  grande  quantité  de  glace  (au 
moins  50  tonnes  par  fabrique)  ;  ils  doivent  n'employer 
que  des  fournitures  de  première  qualité,  exiger  des  ven- 
deurs autorisés  de  la  fabrique  qu»^  les  ventes  se  fassent 
souvent,  afin  de  remettre  le  beurre  et  le  fromage  le 
plus  tôt  possible  aux  mains  plus  expérimentées  des 
acheteurs  et  aux  glacières  à  réfrigération  intense. 

Pour  le  fabricant,  il  faut  de  Tatte^ition  constante 
à  la  tenue  de  sa  fabrique  même  dans  les  plus  petits 
détails  ;  il  faut  qu'il  se  tienne  au  courant  des  change- 
ments dans  les  méthodes  de  fabrication  ;  qu'il  aille  faire 
un  cours  à  l'école  de  la  laiterie  pendant  deux  ou  trois 
hivers  consécutifs  ;  qu'il  accepte  les  enseignements  des 
inspecteurs  de  syndicat  ;  qu'il  soit  just'*  dans  la  ré- 
ception du  lait  et  n'accepte  pas  celui  qui  peut  nuire 
aux  produits  de  sa  fabrique,  et  qu'en  tout  et  partout  il 
reste  bien  convaincu  que  si  bon  fabricant  qu'il  soit,  il 
existe  des  fabricants  même  médiocres,  qui  sur  certains 


—  168  — 

points  sont  plus  parfaits  que  lui  et  qu'en  cherchant  se» 
propres  points  faibles,  il  en  trouvera  à  corriger  tout  le 
temps. 

De  leur  côté,  pour  nous  aider  à  maintenir  la  bonne 
qualité  des  produits,  nos  gouvernements  sont  tenus  de 
répandre  ou  faire  enseigner  les  bonnes  méthodes  de 
fabrication.  Les  stations  et  laiteries  expérimentales, 
les  écoles  de  laiterie,  les  sociétés  laitières,  les  syndicats 
de  fromageries  et  beurreries,  sont  des  parties  d'un  corps 
d'enseignement  qu'il  faut  atout  prix  maintenir  et  aux- 
quels les  gouvernements  seuls  peuvent  fournir  ou  as- 
surer les  moyen  d'existence. 

Nos  gouvernements  sont  encore  tenus  quand  il 
s'agit  de  créer  de  nouveaux  débouchés  et  de  faire  con- 
naître nos  produits,  d'aider  dans  une  certaine  mesure  et 
dans  certaines  conditions,  les  essais  que  les  circonstan- 
ces justifient. 

Les  ressources  des  gouvernements  appliquées  en 
temps  opportun,  peuvent  souvent  réaliser  ce  que  de& 
particuliers  ne  pourraient  pas  même  tenter. 

L'amélioration  des  moyens  actuels  de  transport 
doit  être  surveillée  et  aidée  mêmn  par  nos  gouverne- 
ments. Nos  insuccès  dans  le  commerce  du  beurre  sont 
dus  à  l'absence  des  réfrigérants  dans  les  steamers. 
Nous  aurons  probablement  l'occasion  à  courte  éché- 
ance de  constater  les  bous  résultats  pour  notre  in- 
dustrie laitière  de  la  politique  que  viennent  d'inau- 
gurer nos  gouvernements  :  celle  pour  le  gouvernement 
d'Ottawa  d'aider  à  la  création  de  services  de  réfrigéra- 
teurs à  bord  des  steamers  et  sur  les  chemins  de  fer,  et 
celle,  pour  le  gouvernement  de  Québec,  d'encourager 
l'exportation  de  nos  beurres  frais  sur  le  marché  an- 
glais. 

La  création  et  le  développement  énorme  et  sou- 
dain du  commerce  de  fromage  et  de  beurre  des  colo- 
nies australiennes  sont  dûs  exclusivement  à  l'action 
énergique  et  intelligente  de  leurs  gouvernements  ;  es- 


—  169-- 

pérons  que  les  nôtres  n'abandonneront  pas  la  voie  où 
ils  sont  entrés  avant  d'avoir  rétabli  notre  commerce 
de  beurre  avec  l'Angleterre  et  d'avoir  développé  celui 
du  bacon  et  des  jambons. 

Ainsi  donc  pour  résumer  :  fabriquons  des  produits 
de  première  qualité,  fromage»,  beurre,  bacon  et  jam- 
bons ;  portons-les  sur  le  marché  dans  des  conditions 
parfaites,  et  l'on  ne  nous  chassera  pas  du  marché  anglais 
et  des  autres  marchés  quipoi;rraient  s'ouvrir. 


Se  Question. — Y  a-t-il  danger  que  la  production  du 
fromage  et  du  beurre  deA^ienne  assez  considérable 
pour  que,  par  l'avilissement  des  prix,  nous  soyons 
forcés  de  réduire  notre  production  sinon  de  laban- 
donner  ? 

Ce  danger  existe  et  je  dirai  que  le  grand  danger  est 
là  ;  et  ses  effets  nous  menacent  à  courte  échéance. 

Ce  n'est  pas  une  prophétie  que  j^  fais,  je  constate 
un  résultat  prochain  qui  crève  It^s  yeux. 

C'est  à  cause  de  ce  que  le  nombre  des  fournisseurs 
de  produits  laitiers  augmente  tous  les  jours,  qu'^î  nous 
sommes  menacés  de  prix  plus  bas  qu«  ceux  obtenus 
dans  le  passé.  Le  règne  d*  la  vapeur  et  des  transports 
faciles,  a  créé  un  channement  énorme  dans  les  rap- 
ports commerciaux  des  nations  ;  il  est  possible  que 
nous  n'en  soyions  encore  qu'aux  premiers  effets  de  la 
concurrence  rendue  facile  par  ce  récent  état  de  choses. 
Nous  avons  été  des  premiers  à  nous  livrer  à  la  fabri- 
cation industrielle  du  beurre  et  du  fromage,  et  nous 
avons  exporté  à  une  époque,  où  nous  n'avions  pour 
le  fromage  qu'un  seul  concurrent  sérieux,  les  Etats- 
Unis. 

Notre  marché  local  jusqu'en  1893  a  absorbé  pres-- 
que  toute  la  production  des  beurreries. 


—  ito  — 

Mais  daus  ces  dernières  années,  les  conditions 
changent. 

Les  colonies  australiennes  ne  sont  entrées  en 
scène  que  depuis  1890  et  elles  comptent  déjà,  beaucoup 
comme  pays  d'exportation  ;  et  certaines  républiques  de 
l'Amérique  du  Sud  commencent  à  se  livrer  à  l'indus- 
trie laitière. 

Les  moyens  de  production  des  Etats-Unis  n'ont 
aucunement  diminué,  et  ils  ont  déjà  fourni  de  grandes 
quantités  de  fromage  au  marché  anglais. 

Si  l'on  ajoute  le  chiffre  de  leur  expor- 
tation de  fromage  en  1881 141,654,474  Ibs. 

à  notre   exportation  de   1894 164,977,480  Ibs. 


l'on  arrive  à  une  capacité  totale  d'ex- 
portation possible  de 296,631,954  Ibs. 

Et  le  plus  haut  chiffre  atteint  par  l'importation  en 
Angleterre  (1894),  n'est  que  de  253,188,144  Ibs  de  fro- 
mage de  toute  provenance. 

Si  vous  divisez  les  tableaux  donnés  plus  haut  par 
période  de  cinq  année?^,  vous  verrez  que  l'augmenta- 
tion de  l'importation  moyenne  de  fromage  en  Angle- 
terre et  l'augmentation  moyenne  des  exportations  ca- 
nadiennes de  fromage  se  comparent  comme  suit  : 

GRANDE  BRETAGNE. 


Importation  Augmentation 

Périocl*  de                                          moyenne  moyenne  annuelle 

annuelle  de  fromage  de  l'importation  totale 

1875  à  1879  —  192,000,525 

1880  à  1884  -                 202.441,187  2,088,132ib 

1885àl?<89—                 206,777,222  867,207ib 

1890  à  1894—                241,000,816  6,844,718ft 


—  m- 

CANADA. 

Exportation  Augmentation 

moyenne  annuelle 
de  l'exportation. 

1875  à  1879  —  37,552,994 

1880  à  18.84  —  53,645.612  3,218,523lb 

1885  à  1889  —  80,816,167  5,454.111ib 

1890  à  1894  —  121,531,244  8,144,815ib 

Etant  donné  que  le  Canada  n'est  encore  qu'au  com- 
mencement de  sa  vraie  période  de  développement,  la 
conclusion  à  tirer  de  ces  chiffres,  c'est  que,  seuls, 
nous  pouvons  fournir  beaucoup  plus  que  l'augmenta- 
tion to'ale  de  la  demande  anglaise  pour  le  fromage. 

L'Angleterre  n'importe  guère  que  pour  20  mil- 
lions de  piastres  par  an  de  fromage  Cheddar,  nous  en 
sommes  rendus  à  fournir  au-delà  de  60%  de  cette  im- 
portation. 

Le  reste  de  son  importation  se  compose  des  fro- 
mages spéciaux  de  l'Europe. 

Il  est  donc  évident  que  le  marché  au  fromage  est 
prochainement  menacé  d'encombrement  et  d'avilisse- 
ment des  prix. 

D'un  autre  côté,  l'Angleterre  a  importé,  en  1894, 
pour  65  millions  de  piastres  de  beurre  sans  compter 
15  millions  de  piastres  de  margarine,  que  le  beurre 
déplace  peu  à  peu  puisque  cette  importation  de  mar- 
garine va  en  diminuant. 

L'Angleterre  importe  encore  pour  à  peu  près  55 
millions  de  piastres  de  bacon  et  de  jambon,  que  l'on 
peut  produire  de  la  meilleure  qualité  possible  avec  le 
lait  écrémé,  les  trèfles  et  les  grains  communs  de  la 
ferme.  Et  nous  ne  fournissons  qu'une  proportion  insi- 
gnifiante de  tout  cela. 


—  172  — 

Le  mouvement  vers  la  production  du  beurre,  qui 
s'est  affirmé  ces  derniers  temps  est  donc  parfaite- 
ment justifié. 

Diviser  notre  pvoduction  doit  empêcher  le  déve- 
loppement anormal  de  la  fromagerie,  tt  si  nous  obte- 
nons ce  résultat,  étant  donné  que  notre  réputation  sur 
le  mari  hé  anglais  est  excellente,  nous  préviendrons 
probablement  des  baisses  de  prix  désastreuses.  C'est 
la  première  mesure  à  prendre  ;  et  elle  est  en  bonne  voie. 

Mais  il  faut  quand  même  se  préparer  à  une  luttfr 
dans  les  bas  prix  modérés,  qui  durera  longtemps  ;  ceux 
qui  trouveront  plus  de  profit  que  leurs  concurrents 
dans  ces  bas  prix  î^eront  les  vainqueurs. 

Comment  devons-nous  nous  préparer  V  Le  remè- 
de est  tout  indiqué  :  il  faut  produire  le  lait  à  meilleur  mar- 
ché. Tout  en  reconnaissant  les  progrès  énormes  accom- 
plis dans  ces  dernières  années,  il  ne  faut  pas  oublier 
que  nous  n'en  sommes  pas  rendus  à  la  perfection  sous, 
le  rapport  de  la  production   économique  du  lait. 

Les  cercles  agricoles  et  nos  journaux  d'agriculture^ 
ont  là  un  beau  sujet  à  travailler. 

D'après  tout  ce  que  j'ai  pu  entendre,  il  me  semble 
que  les  grandes  ligues  de  la  production  économique 
du  lait  sont  les  suivantes  dans  leur  ordre  logique  : 

lo  Emploi  mieux  étudié  delà  nourriture  ordinaire 
dont  dispose  la  ferme. 

2o  Amélioration  des  pâturages,  par  de  plus  fortes 
semences  de  graines  fourragères,  et  par  la  culture  de 
suppléments  au  pâturage,  blé  d'inde,  avoines  et  lentil- 
les, etc., 

3o  Culture  des  racines  ou  du  blé-d'inde  d'ensilage 
et  même  des  patates  dans  bien  des  endroits,  pour  la 
nourriture  dhiver. 


—  173  — 

4o  Amélioration  générale  de  la  terre  par  les  fumiers 

etautres  engrais  abordables,  de  manière  à  faire  produire 

le  plus  possible  à  chaque  arpent  de  sa  terre  ;  c'est  un 

■des  points  que  nous  devons  le  plus  nous  occuper  à 

Téaliser. 

5o  Choix  ou  sélection  plus  sévère  des  vaches  à  gar- 
der, et  des  animaux  reproducteurs. 

Etudions  donc  tous  ces  points  là  et  surtout  prati- 
<[uons-les. 

Un  proverbe  dit  que  "vouloir  c'est  pouvoir  "  et  com- 
me notre  pays  n'a  pas  beaucoup  voulu  dans  le  passé,  il 
il  faut  vouloir  beaucoup  dans  l'avenir. 

C'est  l'opinion  d'un  bon  nombre  de  cultivateurs 
-que  la  production  du  lait  bien  entendue  et  bien  rai- 
sonnée,  avec  des  prix  de  7  cents  pour  le  fromage  et  17 
cents  pour  le  beurre,  donnera  des  profits  aussi  consi- 
dérables que  ceux  obtenus  de  le  passé  avec  des  prix 
plus  élevés  mais  moins  d'étude  de  l'alimentation. 
Ces  prix  là  seraient  absolument  désastreux  pour  les 
Européens. 

Un  autre  point  à  notre  avantage  qu'il  est  bon  de 
toucher.  L'agriculture  européenne  produit  d'un  côté 
du  blé,  des  gros  fourrages,  des  racines,  des  animaux  de 
"boucherie,  et  d'un  autre  côté  du  fromage  et  du  beurre. 
Au  point  de  vue  des  frais  des  transports,  ces  deux 
genres  de  production  diffèrent  énormément.  Le  blé  et 
les  grains,  les  fourrages  et  les  animaux  vivants,  expé* 
•diés  d'Amérique  en  Europe,  paient  des  taux  de  trans- 
port très  élevés.  Le  beurre  et  le  fromage  ne  paient,  au 
contraire,  qu'une  bien  faible  proportion  de  leur  valeur  ; 
il  semblerait  donc  que  les  pays  d'Europe,  en  face  de  la 
concurrence  croissante  que  les  pays  nouveaux  leur 
font,  trouveront  intérêt  à  produire  ce  qui  ne  peut 
leur  être  envoyé  de  l'étranger  sans  payer  des  frais 
•éleyés. 

En  d'autres  termes  rSarope  abandonnera  platôt 


—  It4  — 

le  beurre  et  le  fromage  que  le  blé,  le  grain,  et  l'élevage 
du  bétail  de  boucherie  et  la  production  des  fourrages. 


Je  termine  cette  conférence,  en  ajoutant,  qu'après 
avoir  eu  un  pasré  profitable  dans  l'industrie  laitière,  il 
ne  faut  pas  s'alarmer  de  l'avenir,  mais  plutôt  s'aguerrir 
contre  les  difficultés  prévues  et  qui  ne  sont  pas  insur- 
montables. 

Après  avoir  signalé  des  points  faibles  de  no- 
tre état  actuel,  il  est  bon  de  dire  à  titre  d'encourage- 
ment mérité,  que  nous  ne  sommes  pas  en  arrière  de  nos 
concurrents  sous  bien  des  rapports. 

Nous  habitons  un  pays  fertile  ;  nous  avons  un  cli- 
mat qui  se  prête  très  bien  à  l'industrie  laitière.  Nos 
hivers  nous  fournissent  à  bon  marché  les  provisio  ns  de 
glace  qui  rendront  meilleure  la  fabrication  de  l'été ,^  nos 
terres  sont  peu  chères,  la  vie  est  facile,  nous  ne 
sommes  pas  écrasés  par  les  impôts  de  guerre,  qui 
font  gémir  les  pays  d'Europe  ;  nos  gouvernements  ne 
négligent  aucune  des  mesures  raisonnables  qui  peu- 
vent contribuer  au  développement  et  à  l'amélioration 
de  la  science  et  de  la  pratique  de  l'agriculture  et  par- 
dessus tout,  notre  population  est  en  plein  réveil  agricole 
et  la  génération  qui  pousse  sous  la  direction  des  bonnes 
vieilles  têtes  du  pays,  saura  tirer  parti  des  richesses  de 
la  terre  canadienne  à  l'égal  des  pays  les  plus  avancés  en 
agriculture. 


A  la  suite  de  cette  conférence,  la  question  de* 
petites  fabriques  est  traitée  en  discussion.  / 

Le  conférencier  ajoute  ce  qui  suit  : 

A  la  réunion  de  St  Joseph  de  la  Beauce.  au  mois 
de  décembre  1894,  un  comité  avait  été  nommé  pour 
étudier  les  moyens  de  faire  disparaître  les  petites  fabri- 
ques ou  d'en  empêcher  l'ouverture. 


—  175  — 

J'étais  le  rapporteur  de  ce  (  omité,  nous  n'avions 
pas  cru  à  ce  moment  là  nous  arrêter  sur  un  plan  à  re- 
commander Depuis  cette  époque,  le  sujet  m'est  .sou- 
vent revenu  et  je  crois  que  l'on  pourrait  assez  facile- 
ment trouver  une  solution  dans  le  projet  suivant  : 

Donner,  par  une  loi  spéciale  à  un  certain  nombre 
de  cultivateurs  propriétaires  fonciers  pouvant  former  la 
clientèle  d'une  grosse  fabrique  de  beurre  et  de  fromage, 
le  pouvoir  de  décider  qu'il'ne  s'exploitera  pas  plus  d'u- 
ne fabrique  dans  les  limites  d'un  territoire  fixé. 

Mais,  avant  d'exercer  ce  pouvoir,  les  intéressés  se- 
raient assujettis  à  remplir  deux  conditions  sine  quâ 
non  : 

lo  Décréter  que  le  charroyage  du  lait  se  fera  à  frais 
communs  pour  tous  les  intéressés,  quelle  que  soit  la  dis- 
tance où  ils  se  trouvent  du  site  choisi  pour  la  fabrique. 

2o  Payer  aux  propriétaires  des  établissements  que 
l'on  supprimerait,  la  pleine  valeur  de  leurs  établisse- 
ments, en  prenant  en  considération  la  valeur  du  maté- 
riel et  la  valeur  de  rapport  de  la  fabrique. 

Ces  deux  conditions  s'expliquent  d'elles-mêmes. 
C'est  parce  que  les  patrons  trouveot  qu'ils  ont  trop  loin 
pour  aller  à  telle  beurrerie  ou  telle  fromagerie,  qu'il 
n'est  pas  difficile  de  les  décider  à  encourager  un  éta- 
blissement plus  près  d'eux  ;  il  ne  serait  pas  juste,  d'un 
autre  côté,  de  forcer,  sans  indemnité,  certains  d'entre 
eux,  à  faire  plus  long  de  chemin  que  les  autres.  Les  voi- 
sins du  site  choisi  trouveront  une  compensation  aux 
frais  de  charroyage  qu'ils  auront  à  payer  en  commun, 
dans  l'augmentation  considérable  de  revenu  que  donne 
à  la  fabrique  le  lait  apporté  d'un  arrondissement  plus 
étendu. 

La  deuxième  condition  ;  si  les  grosses  fabri- 
ques sont  à  tous  les  points  de  vue  un  bienfait, 
il  est  évident  qu'il  devra  eu  exister  dans  bien  des 
endroits,  parsemés  de  petites  fabriques  ;  mais  il  serait 
injuste  d'ignorer  et  de  mettre  de  côté  ceux  qui  ont  fait 


—  176  — 

les  sacrifices  de  fonder  l'industrie  laitière  de  ce  pays  et 
qui  ont  fait  leur  carrière  de  la  fabrication  du  beurre  et 
du  fromage. 

A  qui  le  pouvoir  de  fixer  le  territoire  de  la  fabri- 
que cenliale  devrait-il  être  donné  ? 

Certainement  aux  intéressés  et  pas  à  d'autres  ; 
maintenant  sera-ce  la  paroisse,  représentée  par  son  con- 
seil municipal,  qui  devra  former  le  territoire  ou  bien  la 
majorité  des  intéressés  dans  un  territoire  donné  ? 

Un  savant  juge,  dont  je  ne  suis  pas  autorisé  à 
donner  le  nom,  a  proposé  que,  pour  les  fins  d'érectiou  de 
ces  fabriques  centrales,  ce  soient  les  propriétaires  d'un 
groupe  de  fermes,  prises  sans  distinction  de  limites  de 
paroisse  mais  suivant  les  circonstances  de  lieux,  qui 
aient  le  pouvoir  de  se  constituer  en  municipalités  spé- 
ciales, dans  des  conditions  que  la  loi  définirait.  Je  crois 
que  c'est  là  une  excellente  idée. 

Maintenant,  quels  seraient  les  avantages  des  gran- 
des fabriques  Y 

Les  revenus  d'une  fabrique  de  beurre  et  de  fro- 
mage recevant  2  millions  de  Ibs  de  lait,  de  ûiai  à 
novembre,  et  chargeant  1|  cent  pour  le  fromage  et  4 
cents  pour  le  beurre  seraient  suffisants  : 

lo  Pour  payer  le  charroyage  du  lait. 

2o  Pour  payer  un  fonds  d'amortissement  rembour- 
«ant  en  dix  années,  le  capital  consacré  à  l'établissement. 

3o  Pour  payer  aussi  le  même  amortissement  sur  la 
tomme  requise  pour  racheter  les  droits  des  anciens  pro- 
priétaires. 

4o  Pour  entretenir  le  matériel  et  le  renouveler  au 
besoin  et  payer  aux  propriétaires  de  ^'établissement 
Aes  dividendes  raisonnables. 

Quant  aux  patrons  de  pareilles  fabriques  leur  lait, 


—  It7  — 

serait  charroyé,  les  rendements  seraient  en  toute  pro- 
babilité augmentés,  et  tout  le  pays  verrait  rapid'-ment 
monter  le  niveau  de  la  qualité  et  des  prix  de  ses 
produits,  et  notre  place  pour  l'avenir  serait  bien  autrti- 
ment  assurée  qu'elle  ne  l'est  à  présent. 

Ces  fabriques  pourraient  être  possédées  et  exploi- 
tées par  les  patrons  eux-mêmes  ou  bien  ceux-ci  pour- 
raient céder  le  privilège  de  les  construire  et  de  les  ex- 
ploiter à  des  particuliers. 

Puisque  cette  question  est  à  l'ordre  du  jour,  je  me 
permets  de  demander  aux  missionnaires  agricoles  de 
soumettre  ce  projet  à  la  discussion  des  bonnes  têtes 
qu'ils  rencontreront,  pour  qu'une  autre  année  nous 
soyions  fixés  sur  les  chances  de  sa  mise  en  pratique. 

Que  le  projet  soit  légalement  possible,  cela  ne  fait 
aucun  doute. 


TABLE  DES  MATIERES. 


Page. 

Piéface I 

Lettre  Pantorale  des  Evêques X 

Liite  des  Missionnaires  Agricoles XIX 

Paok. 

Adresse  de  bienvenue  aux  t 'ongressistes 2 

Adresse  de  M.  l'Abbé  Côté,  président  de  l'œuvre  des  'îissionnaires 

Agricoles 4 

Discours  de  Mgr  Laflèche 7 

Discours  de  Thon.  M.  Beaubien 25 

Les  Plantes  Sarclées. — "onférence  de  M.  Ed.  A.  Barnard ,  . .  31 

Renseignements  sur  le  Département  de  la  porcherie  d'Oka — par  le  II. 

F.  Stanislas  de  la  Trappe , 50 

Quelques   principes    de  Chimie  Agricole  : — Conférence     de  M,   H. 

Nagant   54 

Arboriculture  fruitière  : — Conférence  de  M.  G.  Chapais 79 

Le  Consul  de  France  à  Oka 97 

La  Culture  du  Sol  : — Conférence  de  M.  J  A.  Marsan 99 

Ressources  d'une  petite  terre 129 

Insecticides  et  Fongicides  : — Conférence  de  M  Nagant 1 38 

Conférence  de  M.  Gigault 146 

Renseignements  utiles  sur  les  vergers  par  le  Frère  Léon 148 

L'Industrie  Laitière  Canadienne  par  J.  de  L.  Taché 152 


■^•^