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RAPPORT
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DE LA
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AGRICOLES
TENUE
A OKA
I LES 9, 10, II ET 12 JUILLET
1895.
THOIS-KIVIKRKS.
I P. V. AV0TTE, LIBRMRE-EDITEUR. |
1 895
RAPPORT
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RAPPORT
DE LA
AGRICOLES
TENUE AOKA
LES ©, lO, 11 ET 12 JXJILXjET
1895.
TROIS-RIVIERES.
P/V. *tV0TTE, LlBR^klRE-EDlTEUR.
1895
S/5*?
C 6é>
■"X
PREFACE
L'idée de réunir dans an grand congrès tous les
membres du clergé qui, sur la demande et avec l'en-
couragement des évêques, s'occupent activt'ment du
mouvement agricole en cette province, et d'y convier
en même temps les agronomes les plus distingués du
pays, pour étudier ensemble les questions d'agricul-
ture, avait été accueillie avec le plus vif intérêt par
tous les amis de la classe agricob . Le choix de l'éta-
blissement des Rvd .. PP. Trappistes d'Oka comme lieu
de réunion et l'assurance du concours de ces maîtres
en agriculture, avaient encore ajouté à l'importance de
la démonstration et à la féconde utilité des résultats
qu'on pouvait en attendre.
Le congrès eut lieu en juillet dernier. Composée
d'hommes éclairés par l'étude et l'expérience, présidée
par un êvêque aussi distingué par sa science que par
ses vertus et qui, pendant sa longue carrière, a pro-
digué la plus grande sollicitude au bien-être moral et
matériel de l'homme des champs, cette imposante
réunion, nous n'hésitons pas à le dire, a largement
réalisé toutes les espérances qu'elle avait fait naître.
Et la preuve, c'est que de tous les points du pays, on
a demandé et sollicité arec instance la publication des
travaux qui ont rempli ces séances.
En nous rendant aujourd'hui à ce désir il n'est
VI
pas sans intérêt de constater que cette heureuse réu-
nion de l'Eglise et de l'Etat dans une action commune
et efficace pour l'amélioration et le développement de
l'agriculture en ce pays, a été préparée depuis long-
temps. La sagesse et la prévoyance des évêques comme
le dévouement et le zèle du clergé, ont eu une large
part dans ce mouvement si éminemment patriotique.
Sans -entrer dans de longs détails qu'il nous suffise
d'indiquer quelques faits qui n'ont pas besoin de com-
mentaires. La première école d'agriculture pratique
au Canada fut fondée par un prêtre, Messire Pilotte, à
*Ste-Anne de Lapocatière. En 18*75, Mgr l'Archevêque
de Québec, aujourd'hui Son Em. le cardinal Taschereau,
faisait un appel énergique à ses prêtres au sujet du
mouvement agricole et les engageait à contribuer, cha-
cun selon ses moyens, à rendre aussi efficaces que pos-
sible, les effi)rts tentés pour faire comprendre aux cul-
tivateurs les principes d'une culture raisonnée et pro-
fitable.
" Je compte, disait il, en terminant sa lettre circu-
* laire, sur votre zèle et votre patriotisme pour secon-
* der les bonnes inteniions et les effi)rts de notre gou*
' vernement provincial, toutes les fois que l'occasion
* s'en présentera. Ce sera déjà un grand point de ga-
* gné si l'on peut réussir à iaire comprendre que l'agri-
' culture routinière est peu profitable, tandis que si
' elle est éclairée par les principes d'une sage expérien-
' ce, elle donne des produits doublement avantageux,
' sous le rapport de la quantité et de la qualité."
Cette direction aussi sagt» que pleine de patriotis-
me donnée aux prêtres de l'Archidiocèse, était bientôt
après insérée dans le code disciplinaire de la plupart
-des diocèses.
VII
Le souveraiu Pontife Léon XIII, nous fournit un
exemple autorisé de l'intérêt que l'Eglise porte à
l'agriculture. Dans ses jardins du Vatican, Sa Sain-
teté fait faire et surveille en personne des essais agri-
coles sur les différentes céréales que pr<^duit le sol
d'Italie. Le résultat de ces essais est publié périodi-
quement dans des rapports imprimés par les soins du
Saint Père, et distribués aux agriculteurs italiens qui
peuvent ainsi, sans a^icun déboursé, améliorer leur
culture.
En 188*7, un congrès agricole laïque se tenait aux
Trois-Rivières. Mgr Laflèche voulut honorer cette
réunion de sa présence et dans un discours très-élo-
quent, il démontra les relations étroites qui unissent
le prêtre à l'homme des champs, la sollicitude toute
maternelle dont l'Eglise entoure ce dernier et l'ardent
désir qu'elle a de lui être utile au point de A^ue maté-
riel comme au point de vue moral.
La classe agricole, y disait-il, peut compter plus
que toute autre sur le concours du clergé dans ses en-
treprises légitimes pour l'amélioration de sa condition,
parce que l'agriculture florissante fait la gloire et la
force d'un peuple
Plus tard Thon. M. Beaubien, saisissant toute la
portée des paroles patriotiques de Sa Grrandeur et en-
trevoyant les heureuses conséquences qu'on pouvait
en tirer pour le bien du pays, prenait la détermina-
tion de demander anx Evêques l'institution de l'œu-
vre des missionnaires agricoles.
Cette œuvre exprime par son seul titre le but
qu'elle poursuit. Proposée, comme nous venons delo
dire par l'Hon. Louis Beaubien, Commissaire de l'A-
griculture, secondé par l'Episcopat Canadien, elle a
VIII
été bénie le 11 mars 1893 par Sa Sainteté Léon XIII.
Cette bénédiction, gage de succès pour l'œurre, mérite
d'être citée textuellement ainsi que la Supplique de
son promoteur.
Très Saint Père,
L'Honorable Louis Beau bien, Ministre de l'Agri-
culture au Canada, humblement prosterné aux pieds
de Votre Sainteté, La suj^plie de vouloir bien accorder
une bénédiction toute spéciale pour l'œuvre des Mis-
sionnaires agricoles, afin qu'ils conduisent à un plein
succès, cette entreprise si importante pour notre pays.
Ex JEdibus Vicariatus
Eomâ die XI Martii 1893
S. S. D. P. Léo P. i;. XIII.
Petitam benedictionem peramanter impertire di-
gnatus est.
L. M. Gard. Yicarius.
Forts de cette bénédiction du chef de l'Eglise les
missionnaires agricoles ont marché avec courage et,
non sans succès malgré les dijficultés inhérentes à tou-
tes les œuvres utiles et pratriotiques. On peut avoir
une ic^e de leur travail par le fait que jusqu'à ce jour,
ils ont déjà donné dans les diverses parties du pays
près de tOO conférences et que le nombre des cercles
agricoles très restreint à la fondation de l'œuvre, s'élève
maintenant à près de 500.
Aussi les hommes les moins bien disposés sont-ils
obligés de constater les progrès étonnants de l'agricul-
ture dans notre province.
Nous osons croire que les missionnaires peuvent
IX
se flatter d'être pour quelque chose dans cet heureux
et rapide développement du mouvement agricole.
Le congrès d'Oka qui est la première manifestation-
publique de l'œuvre est plus que suffisant pour en dé-
montrer l'importance et l'utilité.
Nous pouvons donc dire avec raison, qu'en joi-
gnant cette force nouvelle aux autres moyens qu'il a
déployés avec tant d'énergie pour le progrès de l'Agri-
culture, l'Hon. M. BeaubieQ a fait preuve d'intelli-
gence et de sagesse, et qu'il a mérité la reconnaissance
du pays.
Qu'il nous soit permis de formuler un vœu en
terminant.
Quel bonheur si par nos efforts joints à ceux de
tous les vrais amis de la cause agricole, nous parve-
nions à faire produire aux terres de notre province les
richesses dont sont couverts ces terrains rocailleux
d'Oka réputés incultes naguère encore ! Nous avons
sous nos mains des terres fertiles, une population in-
telligente et laborieuse Dieu bénissant nos travaux,
comptons sur une heureuse transformation de notre
système de culture dont bénéficieront et notre religion-
et notre pays.
LiriTRE PASTORALE
DE NOS SEIGNEURS LES ARCHEVEQUES ET ÉVÊQUES DES PROVIN-
V.Kë ECCLÉSIASTIQUES DE QUÉBEC, DE MONTRÉAL ET
d'OTTAWA. ÉTABLISSANT L'ŒUVRE DES MIS-
SIONNAIRES AGRICOLES.
"NOUS, PAR LA GRACE DE DiEU ET DU S ÈGE APOS-
TOLIQUE, âRCHEVÊQUES ET ÉvÊQUES DE8 PROVIN-
CES Ecclésiastiques de Québec, de Montréal
ET d'Ottawa,
Au Clergé Séculier et Régulier et à tous les Fidèles de nos
diocèses respectifs, Salut et Bénédiclion en Notre'
Seigneur.
Nos Très Chers Frères,
Jésus-Christ a confié à son Eglise la mission d'en-
seigner tous les peuples, de répandre partout les lu-
mières de son Evangile et de conduire les âmes au ciel :
telle est la fin surnaturelle qu'il lui a assignée. L'E-
•glise n'a jamais failli à cette Pf^ission ; l'histoire de dix-
huit siècles est là pour le proclamer hautement.
Mais, tout eu s'occupant avec une sollicitude spé-
ciale des besoins spirituels de ses enfants, l'Eglise ca-
tholique n'a jamais manqué d'offrir et de donner sou
concours à ce qui pouvait améliorer leur condition ma-
térielle, sans compromettre le salut éternel des âmes :
elle a aidé les individus, elle a protégé les sociétés, elle
a, rais au service des unes et des autres les ressources
de sa puissante organisation et de son immense cha-
rité
XI
Et en effet, pour ne parler ici que de notre pays,
comment ont été fondés nos collèges, nos séminaires,
nos écoles, nos universités, nos orphelinats, nos hôpi-
taux ? N'est-ce pas par les soins maternels de l'Eglise
catholique ? Le clergé n'a-t-il pas été à ^a tête de tous
les progrès bien entendus ? N'avons-nous pas vu des
prêtres zélés, courageux, s'enfoncer dans la forêt avec
nos braves colons pour les encourager, les sout»'nir,
bénir leurs travaux, leur donner lumière et secours,
présider enfin à la fondation de nouvelles paroisses ?
L'Eglise n'a jamais délaissé les intérêts même ma-
tériels de notre peuple, et c'est elle, nous ne craignons
pas de le dire, qui a soutenu et éclairé sa marche et
appuyé ses légitimes revendications à toutes les épo-
ques critiques de son histoire.
Aujourd'hui les difiBcultés ont changé de nature,
mais elles existent encore sous une autre forme et
elles offrent un nouvel aliment au zèle et à la charité
de l'Eglise.
En parcourant nos diocèses durant nos visites pas-
torales, nous avons constaté qu'en maints endroits l'a-
griculture est défectueuse, et il nous a paru urgent
d'appeler l'attention de nos populations rurales sur la
nécessité qu'il y a de rendre au sol sa fertilité première,
et sur les différents moyens qu'on pourrait adopter
pour atteindre ce but. Nous croyons faire une œuvre
méritoire, une œuvre de charité et d'utilité publique,
en aidant à donner une vigoureuse impulsion à l'agri-
culture raisonnée, intelligente. Tout se réduit pour
nous à seconder, dans la mesure de nos forces, ceux
de nos concitoyens qui, par leurs fonctions, par leurs
aptitudes et leurs connaissances, sont en état de don-
ner à notre peuple de sages conseils, des renseignements
précieux.
XII
On a dit avec beaucoup de raison que l'agriculture
est la vraie nourricière des peuples, leur principale
source de richesses ; c'est dans la terre que se trou e
la fortune réelle d'une nation, lortune stable et certaine
comme la bonté de Dieu, fortune qui ne cesse jamais
de se renouveler et qui subit beaucoup moins de ces
désastreuses fluctuations qui affectent si souvent et si
fortement le commerce et l'industrie.
C'est par elle surtout que l'homme nous apparaît
comme le roi de la nature, comme un prince qui exerce
sa souveraineté dans ses domaines, qui y fait chaque
jour de pa ifîques conquêtes et qui y affermit son in-
contestable domination pour la gloire du Souverain
Maître et l'avantage de ses semblables (G-en. I). D'a-
près nos Livres Saints, c'est Dieu lui même qui a ins-
titué l'agriculture et qui nous ordonne de l'aimer : Non
oderis laboriosa opéra et rusticationem creatam ab Altissimo
(Eccli. YII, 16) ; c'est lui qui donne au sol sa fécondité
merveilleuse : féjondité qu'il accorde comme récom-
pense de la soumission et de la fidélité. " Le Seigneur,
nous dit la Sainte Ecriture, conduit son peuple dans
des lieux abondants en gras pâturages, dans une terre
vaste en étendue, tranquille pour la culture et d'une
admirable fertilité". (I Parai. IV. 40 ) Et ailleurs :
" Le Seigneur vous comblera de biens dans toutes les
œuvres de vos mains, dans tout ce qui naîtra de vos
troupeaux, dans la fécondité de votre terre et par une
grande abondance de toutes choses". (Deut. XPX, 9.)
C'est au souvenir de ces merv. illes que le prophète-
Royal s'écrie : " Seigneur que votre nom est admira-
ble sur toute la terre ! Qu'est-ce que l'homme pour que
vous l'ayez ainsi environné d'honneur et de gloire ?
Vous l'avez établi comme unchef sur toute la création;,
vous avez tout mis sous ses pieds, les animaux des cam-
XIIT
pagnes, les oiseaux du ciel et les poissons qui parcou-
rent les sentiers de la mer". (Ps. VIII )
Nous n'ignorons pas, Nos Très Chers Frères, qu'u-
ne espèce de fièvre de jouissance et de liberté s'est em-
parée de nos populations rurales et les entraine vers les
grandes villes. On est fatigué, ennuyé de la vie sim-
ple et paisible des champs ; on se lai>se séduire par le
fastueux éclat de la richesse, on veut se donner plus
de liberté, sortir d'une position modeste, se procurer
des jouissances, être quelque chose dans le monde. On
se précipite follement vers les Babylones modernes ;
on cherche le bonheur, on trouve la ruine. Cette dé-
sertion des campjignes qui s'est effectuée depuis quel-
ques années a été pour nous comme pour tous les peu-
ples de l'Europe un immense malheur ; elle porte une
grave atteinte à la prospérité publique ; elle est sur-
tout dans Tordra moral, un véritable désastre. Dans
les grandes villes, dans les usines, l'homme des
champs se trouve bientôt en contact avec des cory-
phées de l'impiété, avec des cœurs pervertis ; il perd
peu à peu l'esprit de foi et de religion qui l'avait ani-
mé jusque là ; ses croyances et ses mœurs font un
triste naufrage, et il ne recueille pour sa vieillesse
que la misère et le dé;-honneur.
La vie de la campagne, au contraire, offre de pré-
cieux avantages au point de vue moral et religieux :
elle rend l'homme meilleur, en lui conservant des
mœurs simples, un cœur droit, des habitudes d'éoono-
mie, le goût du travail, l'amour de la justice ; elle lui
apporte la richesse sous les formes les plus variées :
richesse de joie, d'union, d'affection de famille, richesse
dans la modération des désirs. Laissez-nous vous dire
avec un grand Docteur de l'Eglise, saint Jean Chry-
sostôme, que les populations agricoles vivent dans la
XIV
paix et que leur existence a quelque chose de véné-
rable dans .a modestie : " l'habitant des campagnes,
continue-t-il, a plus de jouissances que le riche des
villes : la beauté du ciel, l'éclat de la lumière, la
pureté de l'air, la douceur d'un sommeil tranquille,
tout lui est accordé avec une sorte de prérogative ; le
Créateur semble lui donner en primeur ces vrais biens
de l'ordre temporel " Vous trouverez donc dans
cette vie modeste le vrai plaisir et la sécurité, la bonne
renommée et la santé, la régularité dans la conduite et
de moindres dangers pour la sainteté des mœurs.
Des circonstances particulières ont arrêté, au
moins temporairement, le courant de l'émigration et
la fièvre des courses aventureuses vers les Etats Unis ;
et même bon nombre de nos compatriotes, pressés par
le besoin et aussi par le désir persistant de revoir le
Canada qu'ils aiment, sont revenus au milieu de nous
et ont repris la paisible culture de leurs champs. A.
nous de profiter de ces circonstances pour les retenir
sur le sol natal Pour v réussir, il faut leur enseiffner
l'art de bien cultiver, c'est-à-dire de faire une exploi-
tation rurale avantageuse, propre à leur assurer une
subsistance convenable ; il faut les mettre sur la voie
du succès, s'ils n'y sont pas déjà ; il faut leur faire
voir que notre sol peut nous suffire, qu'il est même
préférable à celui des autres provinces au point de
vue de l'industrie provenant de l'agriculture et qu'ils
peuvent, par un travail actif et intelligent, y prospé-
rer, y vivre plus heureux que sur la terre étrangère.
Mais ces succès ne sauraient être sérieux et du-^
râbles si le cultivateur n'étudie pas. Il lui est nét^es-
saire de se renseigner sinon toujours en feuilletant des
livres, au moins en assistant à des conférences agri-
coles données par des hommes compétents, ou encore-
XV
en examinant les résultats obtenus par d'autres dont
les sillons produisent abondamment. Nous demandons
aux pères de famille de nos campagnes d'engager
leurs fils à apprendre leur profession. Avec le progrès
actuel de la science, avec le perfectionnement apporté
dans la mécanique, nous pouvons dire que le cultiva-
teur a encore plus besoin du secours de son intelli-
gence que de celui de ses bras. Un bon conseil, un
renseignement important, précis, donné en temps op-
portun peut valoir des mois de travail. L'étude de
cette noble profession est donc de plus en plus néces-
saire ; c'est par elle que nos concitoyens prospéreront,
formeront un peuple fort et jouiront, au sein de leurs
familles, de cette sereine liberté, de cette indépendance
chrétienne qu'on ne trouve nulle part ailleurs.
Nous engageons fortement M. M. les curés, ceux
des paroisses rurales en particulier, à faire tout en leur
pouvoir pour trouver dans leur paroisse un élève qui
soit apte à suivre avec fruit un cours d'études agri-
coles, un élève qui réunisse les conditions requises :
intelligent, actif, aimant la vie des champs et s'y des-
tinant ; qu'ils usent de leur influence pour le faire
entrer dans une de nos écoles d'agriculture, dont 1»
fondation est due au concours bienveillant du cKrgé
et de nos gouvernements et qui sont appelées à faire
un bien encore plus considérable que par le passé.
Il est extrêmement désirable que les meilleures
méthodes, que les saines notions agricoles se répan-
dent le plus tôt possible au milieu de nos populations-
des campagnes. Ces connaissances, qui se traduisent
dans la pratique par des succès, sont toujours accueil-
lies favorablement de tout le monde ; des transforma-
tions s'opèrent rapidement ; plus de campagnes déso-
lées, plus de cette misère noire qui contraint à s'expa-'
\
/
XVI
trier, partout une honnête aisance, la joie et le bon-
heur au loyer domeistique.
Afin de vulgariser et de propager sans retard
cette science théorique et pratique de l'agriculture,
Nous avons résolu d'appeler à notre aide certains
membres de notre clergé dont les études spéciales d'a-
griculture, les aptitudes et le dévouem»'nt nous sont
connus. Ces " missionnaires agricoles ", comme nous
les appelons déjà, ont commencé à exercer leurs fonc-
tions avec succès ; Notre Saint Père le Pape les a bé-
nis et Nous Nous joignons au Souverain Pontife pour
appeler sur eux et sur leurs travaux les plus abon-
dantes bénédictions du ciel. Vous joindrez vos prières
aux nôtres, Nos Très Chers Frères, pour que cette
œuvre tourne à la plus grande gloire de Dieu, en
même temps qu'au bien de notre pays. Nous deman-
derons au ciel que le nom de Jésus-Christ soit connu
et glorifié par un plus grand nombre de compatriotes ;
nous le prierons pour que les enfants du sol, nos Ca-
nadiens, ne soient jamais réduits à manger le pain de
l'exil, et pour que nos campagnes, rendues fertiles et
productives par un travail intelligent, nourrissent
abondamment nos populations. Nous prierons encore
pour que l'oisiveté, mère de tous les vices, et le luxe
disparaissent de nos campagnes, que la tempérance y
règne et avec elle toutes les vertus chrétiennes.
Nous désirons que ces missionnaires agricoles vi-
sitent chaque paroisse, autant que possible, deux fois
par année, afin de pouvoir donner de la suite à leur
travail. Ils pourront aider le curé à trouver l'élève qui
devra représenter cette paroisse à l'école d'agriculture
et qui en reviendra pour servir d'exemple aux autres ;
ils continueront à établir ces cercles agricoles que
Nous avons été si heureux de voir se former au nom-
bre de plus de quatre cents en 1893 ; ils se tiendront
XVIl
au courant d«'s nouvelles découvertes et dos résultats
obtenus par les expériences faites ni] leurs. Le dévoue-
ment qu'ils ont montré jusqu'à présent leur gagnera
la confiance à laquelle ils ont droit et fera accepter
plus facilement les conseils qu'ils auront à donner.
Nous avons constaté avec bonheur que la plus
grande partie d s cercles agricoles sont dirigés par des
prêtres ; Nous en avons conclu que les sentiments
que nous exprimons aujourd'hui sont partagés par la
masse du clergé, et nous trouvons dans ce fait une
grande consolation et comme un gage de prospérité
future pour nos paroisses.
L'œuvre de la colonisation, dont Nous vous avons
déjà entretenus bien des fois, est la compagne toute
naturelle de celle de l'agriculture. Le prêtre a tou-
jours suivi de près le colon au bord de la forêt, quand
il n'a pas été son compagnon de tous les instants
Nous lui accorderons toute notre sollicitude comme
par le passé et à même les ressources que le bon vou-
loir des fidèles mettra à notre disposition en confor-
mité des présentes. Nous Nous réservons le privilège
de faire la part de la colonisation.
La prospérité des campagnes fait celles des villes,
le cultivateur étant le père nourricier de tous. Que les
paroisses des villes comme celles des campagnes nous
aident donc pour le succès de la cause commune. Pour
que des missionnaires agricoles réussissent, il leur faut
des ressources pécuniaires ; nous nous ferons tous un
titre de gloire de leur en procurer abondamment.
A ces causes et le Saint Nom de Dieu invoqué,
Nous réglons ce qui suit :
lo L'œuvre des missionnaires agricoles est fondée
par toute la province civile de Québec ;
xriiî
2o Dans toutes les églises et chapelles où se (ait
l'office divin il sera fait chaque année une quête qui
sera appelée " Quête de l'œuvre des missionnaires
agricoles et de la colonisation ", et dont le produit
sera remis à l'évêque du diocèse ;
3o Cette quête prendra la place de la quête de la
colonisation dans les diocèses où cotte dernière s'est
faite jusqu'à présent.
Sera la présente lettre pastorale lue et publiée au
prône de toutes les églises ou chapelles paroissiales de
nos diocèses respectifs, le premier dimanche après sa
réception.
Fait et signé par Nous le jour de l'Epiphanie de
Notre-Seigneur mil huit cent quatre-vingt-quatorze.
E.-A. Card. TASCHEREAU, Arch. de Québec.
t Edouard Chs, Archev. de Montréal.
t J. -Thomas, Archev. d'Ottavsra.
t L. N., Archev. de Cyrène, Coadjuteur de S. E. le
Card. Taschereau.
t L.-F., Ev. de Trois-Hivières.
t L.-Z., Ev. de Saint-Hyacinthe.
t N. Zephirin, Vie. Apost. de Pontiac.
t Elphège, Ev. de Nicolet.
t André- Albert, Ev. de Saint-G-ermain de Ri-
mouski.
t Michel-Thomas, Ev. de Chicoutimi.
•j Joseph-Medard, Ev. de Valleyfield.
t Paul, Ev. de Sherbrooke.
Par mandement de Son Eminence et de Nos Sei-
gneurs.
B.-Ph., Garneau, Ptre,
Secrétaire de l'Archevêché de Québec.
XIX
Li^te de^ Mi^^ionijaiiie^ Agricole^
— DE LA
ï»ieO"^ia^TOE IDE Q-CTEBEO.
Archidtocèse de Québec.
Révd
Aïi^. G-authiei
•, St Basile de Portneuf.
(t
F. JI. Méthot,
St Lambert. Lévis.
ii
H. Gaguou,
St Edouard, LoiDinière.
(1
L. Garon,
St Gilles.
•t
H. Fréchelte,
Ste Brigitte, Montmorency
u
G. McKae,
St Joachim, "
t>
L. Mayrand,
St Jean J. 0 ,
(1
L. Gagné,
St Fred. d'Halifax, Mégantic
i(
H. Ctmture,
Ste Claire, Dorchester.
ii
.T. O'Farrell,
St Edouard.
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T. Montmiuy,
St George, Beauce.
u
N. Proulx,
St Evariste.
tt
Chs. Richard,
St Gervais, Bellechasse.
((
0. Brosseau,
St Damien.
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C. Bacon,
N. D. de l'Islet, Islet.
((
R. Michaud,
Rivière Quelle, Kamouraska
ii
F. Bégiu,
St Germain.
il
L. Tremblay,
St Anne.
ii
J. Galarneau,
St Paul, Montmagny.
tt
C Arseneault,
Archevêché, Québec.
Ii
Jos. Marquis,
23 rue St Louis.
RlMOUSKI.
Révd.
T). Véziua, *
Trois-Pistoles, Témiscouata,
u
L. Bernier,
St Epiphane,
XX
«
p. Audet,
St Fabien, Rimouski.
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A. Poirier,
Séminaire "
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J E. Pelletier,
St Alexis, Bonaveiiture.
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J. Gagné,
Ste Brigitte de Mr^ria.
J. C. Duret,
Grande Rivière, G.ispé.
Chicoutimi.
Révd
B. C. Leclero, V. G,
, Malbaie, Charlevoix.
<(
A Fafard, V. a,
Baie St Paul, Charlevoix.
t(
J. Lizotte,
Roberval, Lac St Jean.
tt
L. T. Tremblay,
St Félicien.
((
H. Lavoie,
St Joseph d'Alma, L. St. J.
t(
Thos. Roberge,
St Alexis, Saguenay.
(t
A. Grodreault,
St Cyriac
li
D. Roussel,
Ste Aune, Chicoutimi.
»t
Ls. Gagnon,
Ste Agnès, Charlevoix.
Archidiocèse de Montréal.
Dom Antoine, abbé,
«
N. D. du Lac, Oka.
Révd.
, Z. Racicot,
Archevêché, Montréal.
((
J. H. Lecours,
Longue Pointe.
i(
A, Laporte,
St Augustin.
((
G. Moreau,
Ste Marguerite, Terrebçnne.
t(
J. 0. Labonté,
Ste Thérèse,
t(
0. Laferrière,
St Théodore, Chersey.
((
C. Daignault,
Ste Julie, Verchères.
C(
J. B. Jobin,
L'Assomption.
t(
S. Provost,
St Jean de Matha, Joliette.
u
A. P. Tabsé,
St Cyprien, Napier ville.
Ottawa.
Jiévd. Chan. Bélanger, St André Avelii^.
N.
XXI
St Hyacinthe.
Révd. F. P. Côté, St Valérien, Shefford.
Sherbrooke.
Révd. V. Charest, Evêché Sherbrooke.
NiCOLET.
Révd. P. Dauth, St Léonard, Nicolet.
Trois-Rivieres.
Révd. D Gérin, Sec. St Justin, Maskinoiiffé.
Valieyfield,
M. l'abbé Frs. Reid, curé de St Télesphore, Comté de
Soulanges.
M. l'abbé J. A. Ducharme. curé de Hemraingford,
Comté de Huatingdon.
XZII
"CRUCE ET ARATRO"
L'Œuvre des missionnaires agricoles fondée par
les Archevêques et Evêques de la province civile de
Québec le 9 janvier 1894, et entièrement sous leur ju-
ridiction, a pour but :
lo. D'ofiVir et de donner le concours du clergé à
tout ce qui peut améliorer la condition de la classe
agricole ;
2o. D'attacher la population au sol en lui mon-
trant les bienfaits généraux de l'agriculture ; de lui
faire aimer le travail de la terre en l'instruisant des
richesses personnelles qu'il procure ; enfin de la pous-
ser plus vigoureusement dans la voie d'une culture
raisonnée et rémunératrice, en lui donnant des rensei-
gnements et des conseils puisés aux meilleures sources.
I •t*i'pmm><tft^f9mi''mmf^m
iDOJSd: .A.3srTOi3srE,
Abbé-Mitpë
DE LA TRAPPE D'OKA.
PROCES-VERBAL
Du Congrès des Missionnaires agricoles, teni?
A LA Trappe de N. D. du Lac, a Oka, les
9, 10, 11 ET 12 Juillet 1895.
PREMIÈRE SÉANCE
le mardi 9 juillet à 2.15 hrs. P. M.
M. l'abbé F. P. Côté, curé de St. Valérien, prési-
dent des missionnaires agricoles de la province de-
Québec, est au fauteuil, et M, l'abbé Grérin, curé de St.
Justin et secrétaire de la même œuvre, siège en cette
qualité.
A la droite du président, S. G-. Mgr L. F. Laflèche
évêque des Trois-Rivières, et à droite du prélat, l'houo-
rable M. Ls. Beaubien, Commissaire de l'Agriculture et
de la colonisation dans le gouvernement de la province
de Québec. A gauche du président a pris place Dom
Antoine, abbé-mitré de la Trappe ; à droite de l'hono-
rable M. Beaubien, M. l'abbé Montminy, curé de St.
Greorge de la Beauce, missionnaire agricole et prési-
dent de la Société d'industrie Intière de la province
de Québec.
' Les autres congressiste-! occupent des sièges en-
face, dans une des salles les plus spacieuses dans la.
nouvelle hôtellerie en tonstruction.
9
Aussitôt que la séance est ouverte, le R. P. abbé
■ce lève et lit une adresse de bienvenue à Mgr des
Troi- -Rivières, à l'honorable ministre et à tous les con-
gressistes.
Voici le texte de cette adresse :
.Monseigneur^ Monsieur h 3Iinistre, Messieurs,
C'est pour moi un devoir bien agréable de vous
souhaiter la bienvenue. Le choix que vous avez fait
de notre Abbaye comme lieu de vos réunions nous
honore, parce qu'il est une preuve de votre bienveil-
lance tt de vos sympathies pour d'humbles moines-
agriculteurs.
La visite que vous nous faites aujourd'hui, Mon-
seigneur, me rappelle un gracieux souvenir de nos
Livres Saints : celui de Booz venant au milieu du jour
visiter les moissonneurs qui travaillaient dans sou
champ, et leur apportant avec ses encouragements ses
paternelles bénédictions. Comme les ouvriers de Booz,
nous nous réjouissons à votre ai rivée, parce que votre
bénédiction et vos encouragements sont pour nous un
gage de succès. Si votre dignité, Monseigneur, nous
impose le respect, les travaux que vous avez accom-
plis pendant votre long épiscopat nous commandent
l'admiration, et la visite que vous nous faites aujour-
d'hui nous inspire la plus vive reconnaissance ; c'est
aux pieds du trône de Dieu que nous en déposerons
l'expression.
Et vous, Monsieur le Ministre, en nous associant
~k cette croisade que vous avez entreprise pour l'amé-
lioration de l'agriculture, vous nous donnez une nou-
velle preuve de cette bienveillance que vous nous
^vez déjà témoignée et qui, nous en sommes assurés,
ne nous fera jamais défaut. Soyez en remercié et
■croyez bien que vous n'obligez pas des ingrats. Votre
nom restera gravé dans nos cœurs, et nous nous en-
gageons à faire ce qui dépendra de nous pour mériter
— 3 —
la continuation des sympathies dont nous nous trou-
vons si grandement honorés.
Vos visites à notre monastère, monsieur le Minis-
tre de l'Agriculture, nous réjouissent toujours, cepen-
dant celle que vous nous faites aujourd'hui nous est
doublement chère ; elle me permet en effet de saluer
en vous un ami dévoué et de rendre un hommage pu-
blic au représentant de l'agriculture à laquelle notre
Kègle veut que nous consacrions une partie de notre
temps. Lorsque Pharaon eut établi Joseph son inten-
dant, celui-ci s'appliqua à favoriser l'agriculture et
bientôt les greniers d'Egypte furent remplis d'abon-
dantes provisions. Je souhaite que vos efforts soient
couronnés du même succès dans toute l'étendue d^ la
province de Québec, car je sais que c'est là toute votre
ambition.
Et vous. Messieurs, en donnant un concours si
efficace au progrès de l'agriculture, vous travaillez au
bonheur de nos populations ; c'est l'œuvre patriotique
par excellence et pour laquelle. Dieu a des préférences
bien marquées. Avec quelle complai-^ance les Livres
Saints ne nous rapportent-ils pas la bénédiction dont
Dieu comblait les patriarches, vivant au milieu de
vastes plaines cultivées, élevant de nombreux trou-
peaux, cultivant la vigne et se reposant en paix à
l'ombre de leurs figuiers.
Vous trouverez ici, Messieurs, une hospitalité
toute modeste, mais aussi toute cordiale comme celle
des Patriarches. Lorsqu' Abraham reçut les trois
voyageurs dans la vallée de Mambré, il leur présenta
du pain, puis il envoya un de ses serviteurs prendre
dans son troupeau un veau tendre et excellent qu'on
se hâta de faire cuire, et il leur servit du lait et du
beurre et aussi, je suppose, quelques fruits, bien que le
texte sacré n'en fasse" pas mention. Nous nous en
tiendrons, Messieurs, à ce menu patriarcal ; cependant
nous y ajouterons du miel, afin de vous engager par
cette douceur à[r>nous revenir. Après le repas, Abra-
ham introduisit les voyageurs dans sa tente ; ici vous
ne serez point logés sous la tente, mais rassurez-vous,
vous n'en serez pas mieux pour cela.
-4 —
Encore une fois, Messieurs, merci pour le choix:
que vous avez fait de notre Abbaye comme lieu d&
votre congrès ; peut-être, pourrons-nous un jour, si
le Bon Dieu bénit nos efforts et si vous nous continuez-
vos sympathies, vous oifrir la même hospitalité à N.
D. de Miktaî«sini. Lorsqu'Abraham eut vu ses richesses^^
s'accroître, il fonda une colonie en faveur de son neveu
Loth. Ce n'est point, hélas ! un surcroit de richesse
qui nous a fait entreprendre la fondation du Lac 8t.
Jean ; nous avons cédé à d'instantes prières, nous:
avons vu le bien à faire, et comptant sur le secours
d'En Haut, nous nous sommes mis à l'œuvre.
Pardonnez moi. Messieurs, de recommander à
votre bienveillance cette œuvre naissante, et croyez
bien que si je suis très heureux de vous recevoir au-
jourd'hui à N.-D du Lie. je le serai bien plus encore,,
si dans quelques années, je puis vous donner rendez-
vous à N.-D. de Mistassini."
M. l'abbé Côté, président de l'œuvre, lit à sott
tour, au congrès une adresse comme suit :
Mcnseiscneur,
Monsieur le Ministre et bien chers confrères^
Je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue à
l'inauguration de ce premier congrès qui aura certai-
nement, du moins, je l'espère, de très importants résul-
tats. Pour bien remplir notre mission il nous faut pos-
séder des connaissances agricoles assez étendues. Et
nous le reconnaissons bien hunblement, nous sommes^
à peu près tous, également dépourvus sous ce rapports
Cependant en agriculture, comme en tout autre science^
la bonne volonté et le zèle même ne suffisent pas pour
réussir ; il faut de plus une connaissance approfondie
de la science que l'on doit ou que l'on veut enseigner.
Nous sentions tous le besoin d'acquérir cette connais-
— s —
«aiice, mais nous n'avions pas par nous-mêmes les
moyens de le l'aire promptement. D'ailleurs, nous n'a-
Tons pas, pour la plupart d'entre nous, le temps d'en
faire un^ étude privée, un peu fructuease. Voici que
l'honorable Ministre de l'agriculture désirant nos ser-
Tices et connaissant nos besoins, a eu la charité de nous
procurer les moyens d'acquérir, en peu de temps cette
science agricole qui nous est nécessaire. Merci, M. le
Ministre, pour les sacrifices que voas avez faits par le
passé et pour ceux que nous vous croyons être disposé
à faire dans l'avenir. Merci pour l'intérêt que vous
portez à la classe agricole dont nous sommes ici les re-
présentants Merci pour les efforts que vous faites
pour développer cette science agricole qui est si néces-
saire ; car l'agriculture est la nourrice du genre hu-
main.
Nous voyons avec un extrême plaisir que vous
comprenez que, pour bien réussir en agriculture
comme dans les autres s«iences et même les arts, il ne
faut pas séparer le temporel du spirituel. Bien que
ces deux choses semblent au premier abord, être diffé-
rentes, elles ont en définitive un but commun, le bon-
heur de l'homme tout entier. Voilà pourquoi l'Eglise
«t l'Etat doivent être unis et combiner leurs moyens
d'action pour procurer à l'homme ce bonheur dans le
temps et l'éternité.
Nous avons la preuve de vos bonnes intentions
sous ce rapport, M. le ministre, dans ce que vous avez
fait par le passé, et aujourd'hui dans le fait que vous
avez choisi pour nous réunir, cette communauté de
Trappistes dont les services en religion comme en agri-
culture sont connus du monde entier. Aussi nous
sommes heureux d'être leurs hôtes pour quelques
jours. (Car nous leur disons bien franchement que
nous ne nous croyons pas avoir les dispositions re-
quises pour demeurer à la Trappe). Nous sommes
venus pour profiter de leurs connaissances théoriques
et pratiques en agriculture afin de mieux remplir
notre mission. Aussi nous espérons que cette pre-
mière réunion ne sera pas la dernière.
Nous saluons aussi avec bonheur un apôtre de
— 6 —
l'Eglise qui est venu nous encourager par sa présence
et bénir les efforts que nous ferons afin de profiter, de
visu pour la pratique, des enseignements théoriques
que les conférencieis nous donneront. Merci Monsei-
gneur, de voire extrême bonté et de l'intérêt que vous
portez à notre mission Nous en sommes flattés, mais
non surpris, Monseigneur. Nous connaissons depuis
longtemps votre grand amour jour l'Eglise, dont vous
êtes un si digue prélat et pour la patrie dont vous êtes
un si illustre citoyen. Et ceux qui comme vous^
Monseigneur aime l'Eglise et la patrie, cherche non
seulemt nt à p.^curer le bien spirituel de teurs enfants
mais encore leur bien temporel. L'histoire de l'Eglise
vient corroborer cette assertion.
On dirait, en parcourant ses Annales, que pour
elle ces deux liens sont aussi inséparables que le sont
dans l'homme l'âme et le corps. Enfin, l'approbation
qu'elle a donnée, de tout temps aux communautés qui,,
comme celle où nous sommes aujourd'hui réunis, s'oc-
cupent d'agriculture de toutes espèces, nous dit en un
langage à la portée de tous, ce qu'elle pense sur le
sujet et surtout ce qu'elle a fait.
Nous voulons devenir des agriculteurs stolon Dieu.
Pater meus agricola est^ a dit N- S. .T. C Et à l'exemple
de S. Pierre qui, bien qu'établi par son divin Maître
pêcheur d hommes, est demeuré, du moins pour quelque
temps, pécheur de poissons, nous voulons, tout en
faisant du salut des âmes notre priacip il ministère,
sous la direction de nos évêques, faire cependant, avec
leur permission, un peu d'agriculture pour le bien des
corps.
Nous vous demandons bien pardon, Révérendis-
sime Abbé, ainsi qu'à tous vos confrères pour le
trouble que nous allons vous causer. Nous vous
remercions d'avance pour votre bienveillance à notre
égard et votre généreuse hospitalité. Nous vous aver-
tissons encore une fois que malgré votre t^xtréme poli-
tesse, ce ne sera que pour quelques jours.
Merci enfin à vous tous. Monseigneur, honorable
ministre, conférenciers et confrères, d'être venus assu^
rer, par votre présence et vos lumières en agriculture^
MONSEIGNEUR L. F. LAFLECHE,
EVOQUE DES TBOIS-RIVIÈRES.
— 7 —
le succès de ce premier congrès des missionnaires agri-
coles.
DISCOURS DE Sa Grandeur Mgr LAFLÈCHE.
S. Gr. Mgr. Laflèche, prié de répondre le premier,
proteste d'abord qu'il ne se connait point de grâces
d'état particulières pour parler en pareille circonstan-
ce. Sa mission à lui est surtout de parler du haut de
la chaire comme embassadeur d'un grand monarque,
le divin roi Jésus. En cette qualité seulement il se sent
l'autorité nécessaire pour exercer l'influence que com-
porte son ministère, et le faire avec fruit.
Cette fois, il s'agit de culture de la terre. Néanmoins^
puisque c'est le vœu du congrès, il accepte volontiers;
tout comme il a été heureux de se rendra, à l'invitation
cordiale de venir à la Trappe, selon qu'il le désirait
depuis longtemps, visiter ces bons pères trappi>tes,
admirer les rés^ultats magnifiques de leurs conscien-
cieux et nobles travaux.
Il félicite l'honorable ministre d'avoir choisi Oka
pour lieu de réunion de ce congrès : il n'y a rien de tel
pour apprendre tous les secrets de l'art agricole que de
fréquenter de vrais agriculteurs, et il n'y a point d'a-
griculteur plus sincère, d'agronome plus consommé que
le trappiste, le moine-agriculteur.
La Trappe, c'est le véritable foyer de la science et
du progrès ag icole. Après les déprédations des bar-
bares, n'est-ce pas par les bénédictins que l'Europe a
été rec» nstituée ? Ils vont faire en Amérique la même
œuvre de salut. Leurs fondations de N.-D, du Lac, de
N.-D. de Mistassini, dans la province de Québec, et de
N.-D. des Prairies, dans le Manitoba, en sont déjà le
gage et exercent une influence considérable pour l'a-
vancement agricole de ces légions.
L'orateur se réjouit de constater la belle et conso^
— 8 —
lante union de l'Eglise et de l'Etat, sur le terrain agri-
cole. Il se plait à en augurer la grandeur et la pros-
périté de notre patrie bien-aimée.
Il infère aussi de là qu'il ne sera point en dehors
•de son rôle en prenant la parole au sein de cette assem-
hlée. Il agira ici encore comme représentant de son
,:grand Roi, dans des choses qui relèvent du domaine
■de celui-ci, bien plus étroitement que biend s gens ne
le pensent, peut-être. L'affinité qui existe entre la
Teligion et l'agriculture, le mutuel appui qu'elles
peuvent et doivent se prêter ; l'importance de ce
mouvement qui met au service actif de l'agriculture
-le clergé, dépositaire naturel des choses de la religion ;
les Vertus de Travail, d'Economie^ de Justice, qu'il faut
prêcher à notre peuple pour assurer son progrès agri-
cole et moral, voilà autant de sujets qui méritent la
plus sérieuse attention.
L'orateur poursuit en ces termes :
Depuis un wiècle et demi environ, des savants se
«ont occupés activement de l'étude des lois qui con-
duisent les nations à la prospérité et à la richesse. Ils
-en ont fait une science à laquelle ils ont donné le
nom d'Economie politique. Puis se plaçant à des points
"de vue différents, ils ont inventé différents systèmes
■qui ont sans doute du bon et du vrai, mais aussi qui,
pèchent par quelques côtés, en ce que la plupart de
■ces systèmes sont trop exclusifs ou poussés au-delà des'
justes limites pour opérer le bien. îSans entrer dans
l'examen de ces différents systèmes^ je me placerai à
un point de vue plus élevé, et mieux en rapport avec
mon caractère, pour vous dire avec certitude quelles
«ont les lois fondamentales de la véritable économie
politique, c'est-à-dire les lois qui conduisent sûrement
la famille et la nation à la prospérité et au bonheur
■dans l'ordre temporel. Ces lois, je les trouve dans
l'Evangile, et formulées en quelques mots par L^ res- ,
iaurateur de l'humanité lui-même. C'est une chose
qui m'a toujours étonné que des hommes qui croient
à l'inspiration des livres saints, et par conséquent à la
— 9 —
certitude infaillible de toutes les vérités qui y sont
contenues, aient cru que dans l'ordre scientifique comme
dans Vordre économique, les savants et les hommes
d'état pouvaient se conduire sans en tenir compte, et
que dans leurs différents systèmes, ils pouvaient sans
danger admettre des principes et des conséquences
contraires aux enseig lements de la Révélation ; comme
s'il pouvait y avoir contradiction dans les œuvres de
Dieu.
C'est donc une vérité bien consolante. Messieurs,
que le Sauveur qui s'est fait homme pour relever et
sauver l'homme, lui enseigne que le chemin du véri-
table bonheur ici bas est en même temps celui qui le
conduit le plu< sûrement au bonh^^ur éternel pour
lequel il a été créé, et dont le désir irrésistible est la loi
fondamentale de son être. Oui, Messieurs le désir du
bonheur est le premier b soin du cœur humain ; c'est
là le principe moteur de tous ses mouvements, de
toutes ses aspirations. Le petit enfant, le jeune homme,
l'homme fait, le vieillard cherchent également le bon-
heur, ils le poursuivent avec la même ardeur, avec
une égale persévérance, sans jamais pouvoir l'atteindre
complètement ici-bas, parce que l'âme humaine a des
aspirations infinies que les biens périssables de la vie
présente ne peuvent satisfaire, auxquels le Bien Infini
peut seul répondre pleinement Mais elle sent instinc-
tivement aussi qu'il y a un certain bonheur relatif
auquel elle peut atteindre ici-bas, et le Sauveur a bien
voulu lui enseigner eu quoi consiste ce bonheur, et
par quelles voies elle peut y arriver. C'est dans l'ad-
mirable discours de la montagne que Notre Seigneur
donne ce sublime enseignement.
Il commence d'abord par exposer les conditions
' )rales et religieuses de ce bonheur, les sentiments
dans lesquels doit être le cœur de l'homme par rap-
port aux choses de la vie présente, par rapport au pro-
chain et par rapport à Dieu pour trouver la paix et la
félicité Puis venant aux biens de la terre, aux choses
nécessaires à la nourriture et au vêtement du corps, il
commence par rappeler le dogme si consolant de la
Providence, si propre à calmer les inquiétudes du
— 10 —
cœur humain que les craintes et les incertitudes de^
l'avenir abreuvent si souvent d'amertume. î' Ne vous
** inquiétez point de votre vie, dltil, de ce que vous-
" mangerez ; ni au sujet de votre corps, de quoi vous
*• le revêtirez. La \w n'est elle pas plus qae la nour-
" riture, et le corps plus que le vêtement ? Regardez
" les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent
" ni n'amassent dans des greniers, < ependant votre
" PÈRE CÉLESTE les nourrit Ne valez-vous pas plus-
*' qu'eux ? Et pour ce qui est du vêtement, pourquoi
" vons inquiétez vous ? Voyez les lis de la campagne,
** comme ils croissent, cependant ils ne travaillent ni
*' ne filent. Or, je vous dis que Salomou, même dans
" toute sa gloire, n'était pas vêtu comme l'un d'eux.
" Si donc Dien revêt ainsi r herbe des champs qui avjourd'hui'
" est, et qui demain set'a Jetée au four, combien aura-t il plus
" de soin de vous, hommes de peu de foi ! Ne vous inquiétez
*' donc point, disant : Qii aurons- nous à manger H à boire,
" et de quoi nous vétirons-nous ? Car ce sont les païens
" qui ont de l'inquiétude pour toutes ces choses ; et
" votre Père céleste sait que vous en avez besoin."
Voilà, Messieurs, en quels termes admirables le
Sauveur rappelle le dogme consolant de la Providence T
Comment 11 nous présente le bon Dit^u comme le meil-
leur DES Pères, ayant sans ce*se les yeux ouverts
sur les besoins de ses enfants, ne manquant jamais de
leur donner le A'ê'ement et le pain quotidien, quand
ils observent fidèlement sa sainte loi. C'est ce que-
constat«»it le roi prophète quand il disait : " J'ai ét^
jeune et je t-uis devenu vieux maintenant, et je n'ai
point vu le juste abandonné, ni sa race mendier son
pain." ps. 35-36.
Mais, me direz-vous, s il en est ainsi, l'homme-
juste n'a donc qu'à se cioiser les bras et à att»-ndre-
tranquilement que le bon Dieu lui donne le pain tout
cuit et le vêtement tout fait ! ! Non certes, Messieurs, ce
n'est pas là le sens de cet enseignement profond ; cet
homme qui se croise les bras dans une lâche oisiveté,
est loin dêtre l'homme juste dont parle le saint roi
David, puisque la paresse est la t,Jre de tous les vices T
Ecoutez plutôt la conclusion que Notre-Seigneur tire^
— 11 —
de cet enseignement : Cherchez donc d'abord le
" Royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces
"CHOSES vous SERONT DONNÉES PAR SURCROIT."
Math, vi-33.
Voilà, Messieurs, comnaent Jésus-Christ pose en
trois lignes la base fondamentale et les véritables prin-
cipes de toute économie politique — de la production,
de l'administration et de l'usage des biens temporels
ou de la richesse.
C'est dans l'observation d^^s lois qu'il a établies
ici-bis concernant ces biens et les choses nécessaires
^ à la nourriture, au vêtement et aux autres besoins de
la vie présente, c'est-à-dire concernant tous les biens
temporels dont l'homme peut avoir besoin.
Or, le royaume de Dieu ici-bas, ou en d'autres ter-
mes, les sociétés civil^-s et politiques organisées t-elon
le plan divin donné par Jésus-Christ, et selon les lois
providentielles qu'il a établies sont certainement les
plus parfaites que l'on puis**e concevoir II est donc
important d^ rechercher quelles sont It^s lois que Dieu
a établies dans ce royaume relativement aux biens
temporels.
Ces lois. Messieurs, sont au nombre de trois, sa-
voir : le Travail, I'Economie, la Justice. Oui ! don-
nez-moi une famille, une nation où la loi du travail soit
fidèlement pratiquée, la loi de Véconomie constamment
obs>ervée, et Injustice toujours respectée, et je vous dirai
sans crainte de me tromper, voilà une famille, voilà
une nation où règne l'aisance et la prospérité, la paix
et le bonheur.
" Heureux le peuple qui a le Seigneur pour son-
Dieu." (p. 134, V. 15.)
Etudions quelques instants, Messieurs, ces lois
fondamentales de la prospérité et du bonheur de l'in-
dividu, de la famille et de la nation, et sur lesquelles
doit «appuyer nécessairement toute la science de l'é-
conomie politique, si elle veut arriver à des conclu^
sions pratiques, qui soient vraies et fécondes.
— 12
I.
Et d'abord la loi du 7 1 avait est dans la nature même
•de l'homme, que Job proclame '"être né pour le travail
comme l'oiseau pour voler" (v. 7). Aussi la trouvons-
nous inscrite en tête des livres saints, et avant même
la chute de nos premiers parents, alors que la terre par
la richesse de sa fécondité naturelle et la beauté de ses
aspects divers était limage du ciel, et s'appelait le Pa-
radis terrestre. Voici en effet ce que dit l'écrivain sacré:
" Le Seigneur Dieu prit donc l'homme et le mit dans
le paradis de délices afin qu'il le cultivât et le GARDAT."
<aen. II, 15).
Vous le voyez, Messieurs, le travail de la culture,
voilà la première loi que le Créateur donne à l'homme
qu'il vient de créer à son image et à sa ressemblance.
Mais dans cet heureux état de la justice originelle, où
l'homme venait de sortir des mains de son Créateur
dans toute la beauté et la perfection de sa nature, cette
loi du travail n'avait rien de dur ni de pénible, elle
n'était que l'ex^^rcice légitime de cette activité dont le
.Seigneur l'avait doué, et le moyen d'augmenter tous
les jours la somme de son bonheur, en développant de
plus en plus ses facultés physiques, morales et intel-
lectuelles : car cette belle et riche nature ne lui don-
nait pas seulement le pain qui nourrit le corps, mais
elle était encore un livre qui lui donnait l'aliment in-
tellectuel et moral, en lui parlant éloquemment de la
puissance, de la sagesse et de la bonté infinie de Dieu.
C'est dans l'exercice do cette double activité corporelle
et spirituelle que l'homme devait couler heureusement
les jours de son épreuve, pour arriver ensuite, s'il était
fidèle, au bonheur sans fin du paradis céleste.
Mais à la loi du travail se joignait une autre loi,
celle de la lutte et de la vigilance. Il devait cultiver
le jardin de délices et le "garder." Il avait donc un
ennemi jaloux de son bonheur, contre lequel il devait
sans cesse se tenir en -garde s il voulait le conserver.*
C'était lépreuve à laquelle Dieu le soumettait pour le
— 13 —
mettre eu raesui'e de faire la conquête du royaum»^
éternel !
Or vous voyez ce qui est arrivé : l'homme a suc-
combé dans la lutte. Il a violé la loi de sou Dieu en
mangeant le fruit défendu sous peine de mort. C'est
dans l'abus d'un fruit de la terre que l'homme a violé
la loi de son Dieu ; c'est aussi dans les fruits de la terre
qu'il sera d'abord puni et qu'il entendr < cette dure sen-
tence : "Parce que vous avez mangé du fruit dont je
vous avais défendu de manger, la terre sera maudite à
cause de ce que a^ous avez fait, et vous n'en tirerez de
quoi vous nourrir pendant toute votre vie qu'avec
beaucoup de travail. Elle ne produira que des épines
et des ronces. Yous mangerez votre pain à la sueur
de votre front " (G-en. m, 17-18).
Voilà, Messieurs, comment la loi du travail, si fa-
cile et si agréable à !*homme dans l'état de l'innocence,
est devenue une loi pénale après sa chute. L'homme
est depuis cette fatale époque un criminel condamné-
aux travaux forcés, et cela sous peine de mort. Ce châ-
timent lui est infligé par un père miséricordieux, com-
me une peine médicale pour l'aider à se relever de sa
chute. Le S^^igneur Dieu a bien voulu laisser encore
un reste de bénédiction et de fertilité à cette terre qu'il
vient de frapper de mélédiction et de stérilité ; mais k
la condition que l'homme en arrache les épines et les
ronces et que par un travail dur et pénible, il l'arrose
des sueurs de son Iront. Telles sont les conditions
dans lesquelles la loi du travail s'impose aujourd'hui
à l'homme !
' La première loi du lègne— ou royaume— de Dieu
ici-bas concernant la production des biens temporels,
est donc la loi du travail.
Mais le travail se divise en deux grandes sections.
Vagricvlture et V industrie. Le travail agricole donne à-
l'homme les matières premières que produit le sol ; le
travail industriel les transforme et les adapte à ses
divers usages et besoins, soit pour sa nourriture et son
vêtement, soit pour son logement ou son agrément.
Le commerce, hs institutions financières, les voieaf=
— 14 —
-de tran'-ports, etc., sont des moyens subsidiaires de faire
bénéficier davantage l'homme des produits do son tra-
vail par les échanges qui en peuvent être faits avanta-
geusement.
Or je n'hésite pas à dire, Mespienrs, que le travail
agricole est celui de l'état normal de l'homme ici-bas,
€t celui auquel est appelée la masse du genre humain.
C'est aussi celui qui est le plus favorable au développe-
ment de ses facultés physiques, morales et intellec-
tuelles, et surtout qui le met le plus directement en
rapport avec Dieu. Vous ne manquerez pas de redire
aux cultivateurs que le travail agricole est le plus noble
ici-bas parce qu'il se fait nécessairement avec le con-
cours direct de Dieu. Vous êtes- vous jamais demandé
-qui a fait la gerbe de blé que l'on récolte dans un champ
au temps de la moisson ? Vous savez comme moi qu'elle
est l'œuvre de deux ouvriers, de l'homme et de Dieu.
,Si le cultivateur n'était pas entré dans son champ au
printemps, s'il n'avait pas débarrassé le sol des épines
^t des ronces qui le couvraient, s'il ne l'avait pas
labouré profondément i)our y déposer la semence du
froment, il n'y aurait certainement pas poussé de blé.
Voilà le travail du cultivateur ; voilà ce que Dieu
demande de lui. Quand il a accompli ce travail, il se
retire de ce champ ; il l'enclôt avec soin, afin que rien
ne vienne troubler le travail divin qui va succéder à
son pénible labeur. Ce champ devient pour lui quel-
que chose de sacré, sur lequel il doit veiller avec soin.
C'est que Dieu va y entrer à son tour et continuer
le travail commencé. Il y enverra régulièrement la
lumière de l'aurore et la rosée du matin, la chaleur du
raidi et la pluie du soir, et après quelques jours com-
mencera ce travail de la germination, la semence plon-
geant dans le sol une racine qui va lui donner le point
d'appui et la nourriture dont elle a besoin, et pous-
sant vers le ciel une tige délicate qui grandira tous les
jours jusqu'à ce qu'elle donne un épi chargé de 30, 40
ou 50 grains semblables à elle-même. Quand ce tra-
vail est fait, que Dieu a couvert d'une riche moisson
ce champ si péniblement ensemencé. Il dit au cultiva-
teur : voilà ce que je te donne pour toi et ceux que j'ai
- 15 —
-confiés à ta sollicitude. C'est donc une vérité. Mes-
sieurs, une vérité bien consolante et bien honorable
pour le cultivateur, qu'il a Dieu lui-même pour colla-
borateur. On n'en saurait dire autant du travail in-
dustriel où le concours de Dieu n'apparaît pas aussi
•directement. Il n'y a que deux hommes qui travHillent
ainsi conjointement avec Dieu, le prêtre dans l'ordre
surnaturel, et le cultivateur dans l'ordre naturel.
Invitez, messieurs, nos braves cultivateurs cana-
diens à ne jamais perdre de vue la noblesse de leur
condition et les avantages précieux que leur procure
le travail de la terre.
" Le labourage et le pastourage, disait le ^rand
ministre Sully, voilà les deux mamelles dont la France
•est alimentée, les vrayea mines du Pérou."
Il faut dire la même chose de la Nouvelle France,
de ce beau pays du Canada que nous ont conservé, au
prix de si grands sacrifices, et transmis nos vaillants
•et religieux ancêtres. Oui ! la prospérité et l'avenir
des Canadiens-Français se trouvent dans la culture et
les pâturages de son riche territoire. Puisse le peuple
canadien comprendre cette vérité importante, et ne la
jamais perdre de vue, s'il veut accomplir les grandes
destinées que lui réserve sans aucun doute la Provi-
dence.
II.
Il convient donc de vous signaler ici un danger
auquel sont exposés un nombre, hélas ! trop grand, de
nos compatriotes, je veux dire le danger de l'émigra-
iion. Messieurs, quand un arbre a conduit à une heu-
reuse maturité les fruits dont il est chargé, ces fruits
s'en détachent sans efforts et sans dangers, et ils vont
porter ailleurs l'abondance et la richesse Mais quand
ces fruits s'en détachent avant le temps, quand la
morsure des insectes ou la violence de la tempête les
blessent à mort ou les précipitent sur le sol, c'est une
calamité dont cet arbre a grandement à souffrir. Il
faut en dire autant d'une nation. Quand elle a grandi
— 16 —
et qu'elle s'est développée aa point de couvrir tout sool
territoire, alors 1 emiffration devient pour elle un bien-
fait, une source de richesse et de force pour les colo-
nies qu'elle va fonder.
Mais au contraire, lorsque chez une nation qui ea.
est encore au début de sa fondation, et n'a pas encore
pu occuper et mettre en valeur le quart de son terri-
toire, l'on constate déjà des courants d'émigration qui'
lui enlèvent une forte proportion de sa jeunesse et.
même de ses familles, il devient évident alor?» qu'il y a>.
chez elle quelque chose d'anormal, et qu'elle est
atteinte d'un mal qui pourrait avoir pour elle les plu*
graves conséquences. Or, tel e^t le cas pour le petit-
peuple canndien, vous le savez comme moi. L'érai-
gration de sa jeunesse a pris, dans ces dernières an-
nées de si grandes pro| ortions, que son clergé et ses-
hommes d'état en ont été alarmés. Mon intention
n'est pas de vous exposer aujourd'hui, 1 étendue et la
gravité de ce mal, et les remèdes qu'il faudrait y ap-
porter Mais puisque l'occasion s en présente, je vous-
dirai en passant que l'une des causes qui a conduit à
l'étranger un si grand nombre de n'^s jeunes compa-
triotes, a été le refus de se soumettre à 1h loi du tra-
vail telle que je viens de vous l'exposer. Le défriche-
ment et la mise en valeur du sol canadien leur a paru.
à un grand nombrt^ un trivail trop dur et par trop pé-
nible. Au pain commun du courageux colon, ils ont
préféré le pain blanc du maître américain ; au travail
isolé et libre du jeune cultivateur, ils ont préféré le
travail enrégimenté des boutiques américaines. Voyez
le résultat après une trentaine d'années. Des paroiîjse»-
nombreuses qui ne laissent rien à envier ar^x vieilles.^
paroisses, ont surgi comme par enchantement dans
les colonies du îSaguenay, des Cantons de l'Est et de
l'Ottawa. Là des milliers de familles canadiennes
par la langue, par le cœur et par la foi ont réussi à se
procurer une position honorable et indépendante ;
elles font la force et assurent l'avenir de notre petit-
peuple. Telle est la récompense accordée à ces colons-
au cœur généreux, pour leur attachement au sol natal,,
leur soumission courageuse à la loi du travail. Nos-
frères de l'émigration, au contraire, ont eu à traverser-
— 17-
la terrible guerre de la sécession, et l'on estime que 45
mille se sont engagés pour aller porter la guerre et la
dévastation chez des populations qui ne leur avaient
jamais fait de mal, et qu'environ 15 mille ont succom-
bé dans ces luttes fratricides ! !
Et que de milliers ont ruiné en quelques années
leur santé dans le travail délétère des manufactures
américaines et sont morts à la fleur de l'âge ! Ce qui
■est encore plus triste, c'est la perte des mœurs et delà
foi pour un nombre encore beaucoup plus grand !
Efforcez vous donc, Messieurs les missionnaires
agricoles, de faire aimer à notre jeunesse le travail de
l'agriculture, et continuez avec persévérance à en per-
fectionner les méthodes, et à leur en faire comprendre
les avantages précieux, et surtout à le^ convaincre que
leur avenir et celui de leurs chers enfants est là.
III.
Le travail de la culture incombe naturellement à
l'homme, il est plus en rapport avec ses forces et ses
aptitudes ; mais il ne s'ensuit pas que l'homme soit le
seul soumis à cette loi. La femme doit aussi la su-
bir.
Je regrette qu'il ne pe trouve point dans cette ré-
union des Dames ni des demoiselles, car j'aurais des
choses fort intéressantes à leur dire à ce sujet. Yous
voudrez donc bien leur redire l'honorable et impor-
te mission que Dieu leur a confiée à ce sujet et l'éloge
magnifique que Salomon fait de la femme forte à la fin
des Proverbes (31-10) :
" Qui trouvera une femme forte," dit-il ? C'est-à-
dire une femme à la hauteur de sa mission dans la fa-
mille ? " Elle est le trésor de la maison, d'une valeur
plus grande que l'or et les pierres précieuses que l'on,
apporte des pays éloignés."
Certes, voilà un éloge bien magnifique de la femme
qui préside au gouvernement de sa maison comme le
demande la loi de Dieu ; et il parait qu'au temps de
Salomon, une telle femme se rencontrait assez rare-
2
— 18 —
ment. En serait-il de même de no!§ jours ? J'aime à
croire le contraire ; car nos mères élevées en grande
partie dans ces asiles bénis que l'on appelle le cloître
ou le couvent, y ont reçu cette éducation profondé-
ment chrétienne qui les a préparées d'avance à rem-
plir dignement le rôle si important du gouvernement
de la famille. Aussi l'un des plus célèbres orateurs
sacrés de notre temps, le révérend père Félix, en par-
lant du progrès par la famille chiétiennc, >V'st-il plu à
relever le mérite de la femme canadienne, dans la
chaire de Notre-Dame de Paris, dans Tune de ses cé-
lèbres conférences sur le Progrès. Mais, Messieurs,
c'est surtout à nos vénérables mères canadiennes, qui
avaient conservé intactes les traditions patriarchales
de l'ancienne France, que s'adressaient ces éloges du
célèbre orateur. 8'il parcourait aujourd'hui le Canada,
s'il visitait nos grandes villes, s'il observait les usages
et les costumes modernes d'un si grand nombre de nos
familles canadiennes, ne croyez-vous pas comme moi,
qu'il hésiterait à répéter le même éloge de la femme
canadienne de notre temps, et qu'au moins il serait
forcé d'y mettre une restriction fort significative ' On
ne peut se le cacher, les costumes et les modes des
femmes étrangères à notre foi et à nos usages ont ex-
ercé une influence fort regrettable dans un grand nom-
bre de familles canadiennes. Il peut être utile de le
signaler ici, afin de les mettre en garde contre ce dan- .
ger. Que les femmes canadiennes regardent donc
comme l'un des biens les plus précieux que leur ont
légués leurs religieuses ancêtres, ces habitudes d'ordre
et d'économie, ces costumes modestes si conformes à la
décence chrétienne, cette vigilance, cette activité et
cette piété sincère qui ont été la source d'une bénédic-
tion si abondante sur notre peuple.
Après avoir proclamé que la femme forte est le
trésor de la maison, Salomon déclare qu'elle en fait
aussi le bonheur, et que sou époux repose en elle toute
la confiance de son cœur, et qu'il l'a louée hautement
et que ses enfants l'ont proclamée très heureuse.
Qu2 fait donc cette femme forte pour mériter de
la bouche même de l'écrivain sacré de si magnifiques-
— 19 —
éloges? Elle observe fidèlement la loi du travail dan»
le soin et ie gouveruem^^nt de sa maison. Ecoutez eu
effet ce qu'en dit Salomon. " Elle a cherché la laine
et le lin, et elle a travaillé avec des mains saj^'S et in-
génieuses. Ell*^ a porté sa main à des choses fortes, et
ses d'»igts ont pris le fuseau " Vous le voyez, elle
pourvoit au vêtement de sa famille. Elle ne va pa.s
l'acheter dans le magasin aux dépens des sueurs de
son mari. Oh non ! elle les trouve dans le filage et le
tissage de la laine et du lin que lui a remis son époux !
Aussi elle ne redoute ni le froid ni la neige, parce que
tous ceux de sa maison ont un vêtement double. Après
avoir ainsi pourvu au vêtement journalier de sa fa-
mille, elle la revêt encore de lin et de pourpre pour
les jours de fête et les grandes solennités ; son mari
parait avec honneur dans l'assemblée des juges, lors-
qu'il siège avec les sénateurs de la terre.
Elle va plus loin, elle pourvoit à ramenblem3nt
et à la décoration de la maison, en confectionnant des
tapisseries, des rideaux, des ganitures de lits. Elle
fait aussi des étoffes et des ceinturons qu'elle livre au
commerce ; en sorte qu'elle est comme le vaisseau du
marchand qui apporte de loin son pain
Certes, Messieurs, vous conviendrez avec moi
qu'une telle femme est ajusta titre appelée le trésor
de la maison Mais ce n'est pas tout, elle pourvoit
aussi à la nourriture de la famille ; et pour cela elle
se lève même avant le jour, elle assigne à chacun son
travail de la journée, et tient prête la nourriture né-
cessaire à chacun. Elle a aussi son jardin, y plante la,
vigne et y cultive les fruits nécessaires à sa maison.
Après avoir ainsi pourvu aux divers besoins de sa
maison, sa sollicitude s'étend sur les nécessiteux ; elle
ouvre sa main à l'indigent et tend ses bras vers le-
pauvre, et sa vigilance sur tout le personnel de sa
maison est si exacte qu'elle n'éteint point sa lampe
pendant la nuit.
Voilà en peu de mots, Messieurs, l'éloge admira-
ble que l'écrivain sacré fait de la femme forte à la fiu-
du livre des Proverbes. Inutile d'y rien ajouter»
— 20 —
Kfforcez-vous d'exhorter les femmes canadiennes à
bien étudier ce*^ admirable modèle, et à s'efforcer de
l'imiter autant qu'il leur est possible.
Il est donc évident que la loi du travail ainsi com-
prise et ainsi pratiquée dans nos familles canadiennes
y amènera infailliblement l'aisance, la prospérité et le
bonheur. A v^ous, Messieurs les miss ■ on n aires agri-
coles, de faire comprendre par vos paroles, que le peuple
canadien peut et doit trouver sur le sol que lui ont
légué ses ancêtres, par un travail convenable, la nour-
riture et le vêtement qui lui sont nécessaires, et que
c'est à cette condition qu'il arrivera à ce degré de force
et de prospérité qui assureront son avenir et celui de
ses enfants. -
Si la loi du travail dûment observée doit amener
l'abondance de la famille, il est une autre loi tout aussi
nécessaire pour en assurer la conservation, et y main-
tenir une prospérité toujours croissante. Cette loi c'est
celle de 'TEcoNOMiE." Oui ! l'économie, et surtout l'é-
conomie domestique, est le corollaire nécessaire du tra-
vail. C'est en vain que le travailleur apportera les
fruits abondants de son activité à la maison, si l'ab-
sence d'une sage économie les dissipe au fur et à me-
sure. Il sera en quelque sorte condamné au supplice
des Danaïdes chargées de remplir un tonneau qui n'a-
vait point de fond. Vous me permettrez de vous citer
l'expression originale quoique triviale, dont se servait
-un brave Canadien marié à une femme sauvasre, dans
l'une de mes missions, pour exprimer la même idée :
-Comment voulez vous, Monsieur le Curé, que l'on puisse
faire prospérer une famille, quand le coq seul gratte,
et que la poule ne ramasse point ?"
Il faut donc, Messieurs, pour assurer la prospérité
■et le bonheur de la famille qu'une sage économie admi-
nistre avec prudence et intelligence les biens que pro-
-duit le travail.
Or l'homme doit faire trois parts des biens que Dieu
lui donne : lo une part pour Dieu ; 2o une part pour
— 21 —
le prochain : 3o ot la troisième part pour lai-mème et
les siens. Tel est l'enseignement des livres saints, et
aussi celui de la conscience et du cœur humain !
La part de ses biens que l'homme doit faire à Dieu^
est appliquée pux dépenses nécessaires pour le culte
divin, pour la construction, la décoration et l'entreti^^n
des édifices sacrés ; pour la vie, le logement et l'entre-
tien des personnes consacrées au culte de Dieu, etc.
C'est cequ'' dans tous les temps et chez tous les peu-
ples l'homme a toujours reconnu comme un devoir
sacré, même chez les peuples infidèles et les nations
les plus barbares. Rien de plus conforme à la rai -on
et au sentiment de la reconnaissance, que de retour-
ner ainsi à la gloire de Dieu une petite partie de ces
biens qu^^ sa Providence nous donne avec tant de
bonté et de générosité !
La part des biens qu'il faut faire aux nécessiteux et
au soulagement des misères du prochain est peut-être
le précepte évangélique le plus formellement formulé
par Notre-Seigneur Jésus Christ, et c'est comme sou-
verain juge des viv^ants et des morts qu'il le proclame.
C'est à l'accomplissem^'Ut de ce préi-epte qu'il promet
le royaume éternel, comme aussi il menace de la dam-
nation et du feu éternel ceux qui auront refusé de l'ac-
complir.
Enfin, que l'homme emploie la troisième part de-
ses biens pour le soutien et l'avenir de sa famille.
Je dois ici vous signaler une grave erreur au sujet
de ces biens, et vous rappeler une vérité que l'on ou-
blie peut-être trop souvent : c'est que l'homme n'em
est pas le maître absolu, et qu'il n'est pas libre d'en
user et d'en abuser comme bon lui semblera : il doit
se souvenir que ces biens appartiennent d'abord à Dieu,,
et que, lui, l'homme, n'en est à proprement parler que
l'économe ou l'administrateur. Notre-Seigneur a jugé
cet enseignement si important qu'il nous l'a donné dans
une parabole admirable, ann d'en faciliter l'intelligence
à tout le monde et de le graver plus profondément dans
les cœurs, je veux dire la parabole du Père de famille
et de l'économe infidèle. Vous le savez comme moi, c&^
22
Père de famille, <•'. st Dieu, maître absolu de tous les
biens : l'économe, c'est l'homme, à qui Dieu ♦^n confie
l'admini-tration ; et l'économe infidèle, c'est l'homme
qui abuse de ces biens, en les employant à la satisfac-
tion d«à ses passions, ou à tout autre objet que la loi de
Dieu réprouve.
Vous savez également. Messieurs, quel compte
sévère ce Père de famille fait rendre à son économe de
temps à autre, et comment il le punit en les lui ôtant.
quand il le trouve coupable de prév arication. Voilà
ce qui nous explique les divers fléaux et accidents qui
frappent !^()uvent les travaux de l'homme, qui amènent
les mauvaises récoltes, les perturbations conimerc iales
et industrielles, etc., car c'est toujours la même loi pro-
videntielle qui châtie l'homme par où il pèche, et l'af-
flige dans les biens temporels. Quand il dissipe et
abuse de ces biens. Dieu les lui retire en tout ou en
partie pour lui apprendre à en faire un meilleur usage.
Permettez-moi de vous signaler ici deux violations
considérables de la loi de l'économie dont le p .uple
canadien s'est rendu coupable depuis un bon nor.bre
-d'années, ce sont les sommes énormes qu'il a dépensées
pour les boissons enivrantes et les objets de luxe. Com-
bien de familles à l'aise et même riches, ont été mises
à la gêne et même ruinées par ces folles dépenses ! Com^
bien de Canadiens et de Canadiennes ont été forcés
d'abandonner le pays par suite de ces excès lamenta-
bles ! Yous seriez étonnés des sommes jetées dans le
gouffre de l'ivrognerie et du luxe depuis une quaran-
taine d'années, c'est-à-dire depuis que la plaie de l'émi-
gration aux Etats-Unis s'est attachée au flanc du
peuple canadien. Je n'hésite pas à le dire, ces sommes
se chifîrent par des millions et des millions de piastres,
— et les émigrés à l'étranger, par des centaines et des
centaines de mille ! ! A vous, Messieurs, de bien com-
prendre la gravité de ce mal, même au point de vue
purement économique, et d'y appliquer le remède con-
venable par vos paroles et vos sages conseils.
N'c-it-il pas évident, Messieurs, que ces deux lois
-du royaume de Dieu sur la terre, relativement aux
— 23 —
lîiens temporels, la loi du travail et la loi de l'écono-
mif, renferment le secret de l'aisance et de la prospé-
rité des familles et par conséquent de la nation ?
Reste maintenant à vous dire quelque chose de la
troisième qui est celle de la justice.
V.
Ah ! Messieurs, que de dépenses, que de larmes,
<jue de sang épargnés aux familles et aux nations, si
cette loi de Injustice était bien comprise et bien obser-
vée par tous les hommes î Voici ce qu'en dit l'apôtre
S. Jacques, au chapitre 4 de son épître : " D'où vienneiit
les guerres et les procès entr»^ vous ? n'ost-ce pas de
vos paiisions qui combattent dans votre chair ? Vous
êtes pleins de désirs, et vous n'avez pas ce que vous
dési'ez ; vous tuez, et vous êtes jaloux, et vous ne pou-
vez obtenir ce que vous voulez ; vous plaidez et vous
faites la guerre les uns contre les autres, et vous
n'avez pas néuimoins ce que vous tâchez d'avoir, parce
que vous ne le demandez pas à Dieu."
Examinons dabord ce que demande la justice dans
la famille sous le rapport des biens temporels. Nous
venons de voir que les parents ne sont que les admi-
nistrateurs de ces biens, et cela dans l'intérêt et pour
le plus grand bien des enfants La justice demande
donc que les parents fassent les dépenses nécessaires
pour leur entretien convenable, pour leur éducation et
leur établissement à venir, et que pour remplir ce de-
voir si important, ils fas^^ent toutes les épargnes et les
économies en leur pouvoir. Est-ce ainsi que les cho-
ses se passent en général dans notre pays ? Hélas !
combien de familles sont entraînées dans les dettes,
mises à la gêne et souvent ruinées, par suite de<* folles
dépenses auxquelles on se laisse all-'r pour les exi-
gences des jeunes gens et des jeunes filles!
Combien de familles ont été obligées de se disper-
ser avant le temps par suite de ces folles dépenses, de
s'expatrier après avoir dissipé un bel héritage que leur
avaient légué leurs laborieux et économes ancêtres,
pour aller se mettre au service de maîtres étrangers
— 24 —
qui s'enrichissent du produit de leur travail, souvent
aux dépens de la santé, de l'honneur, et même de la
vie de leurs entants auxquels ils devaient transmettre
l'héritage paternel !
Mais c'est surtout dans les associations indus-
trielles que la loi de la justic*^ doit être observée, pour
le maintien de l'accord et de la paix entre les patrons
et les ouvriers.
Un fait remarquable, c'est que plus le travail est
organisé, moins l'ouvrier a le produit de son travail; la
plus large part revient toujours au capital, qui fournit
la matière première, les outillages et la direction ; et
le pauvre ouvrier, lui, qui porte le poids du jour et de
la chaleur, a toujours la plus petite part, qui est sou-
vent insuffisante pour le soutien de sa famille. De là
ce contraste douloureux de fortunes colos>ales, à côté
de misères sans nom. De là aussi ces murmures, ces
plaintes sourdes des multitudes ouvrières qui rap-
pellent le grondement des volcans, ces grèves qui
mènent à des désastres pour les patrons et les ouvriers^
et qui dégénèrent en guerres civiles. Voilà, Messieurs,
où conduisent la violation de la justi'^e et de l'équité,,
dans les rapports du capital et du travail. La loi na-
turelle aussi bien que la loi évangélique exige que le
salaire de l'ouvrier ait une proportion juste et équi-
table avec les bénéfices que le patron tire de son tra-
vail, et qu'il puisse trouver dans ce salaire le soutien
convenable de sa famille. D'un autre côté l'ouvrier
ne doit pas oublier les droits du patron, et exiger un
salaire trop élevé et ruineux pour son maître.
Ah ! Messieurs, que de dépenses, que de larmes,
que de ruines n'entraînent pas pour les individus,
pour les familles et pour les nations la violation des
lois de la justice et de l'équité !
C'est donc avec infiniment de raison que le Sau-
veur a résumé son enseignement relatif à l'acquisition
et à l'administration des biens temporels par ce prin-
cipe fondamental : " Cherchez d'abord le royaume de
Dieu et sa justice, et toutes ces choses, c'est-à-dire les
biens de la terre, vous seront données par surcroît. '*
— 25 —
C'est-à-dire, que l'on observe exactement les lois du
Travail, de VEtonomie et de la Justice, et l'on arrivera
à l'aisance, au bien-être et au bonheur relatif que les-
biens temporels peuvent procurer à l'homme ici-bas.
DISCOURS DE L'HON. M. BEAUBIEN
L'honorable Commissaire de l'Agriculture répond
aussi aux adresses qui ont été x:)résentées.
Et, d'abord ; Il se félicite de contempler une as-
semblée fr^i belle, ré mie pour l'avancement des intérêts-
de l'agriculture ; d'y saluer comme président hono-
raire, S. G". Mgr Laflèche, qui a été dans notre pays le
premier apôtre de la cause agricole. Et il rappelle la
propagande heureuse du vénéré prélat, laquelle date
de quarante années et plus; son opinion d'alors sur
la cause agricole, opinion si pleine d'actualité et de
sens pratique encore aujourd'hui.
" Monseigneur, continue l'orateur, votre présence
ici est une bénédiction pour l'œuvre agricole, et pour
ce congrès, dans le succès duquel, je compte pour bien
peu, après tout. Pour ma part, je n'ai fait que réussir
à intéresser à ce grand œuvre notre clergé national, le
cœur du pays ; et maintenant, j'ai confiance au succès,
car le cœur, c'est l'amour, le cœur, c'est le dévoue-
ment.
"Notre clergé, dont nous avons ici plus d'un re-
présentant si digne, je ne veux pas le louer outre me-
sure, mais il n'en est pas moins vrai que c'est lui qui
a fait noire nationalité ce qu'elle est intellectuelle-
ment ; c'est lui encore aujourd'hui qui va nous aider
puissamment à reconstituer son plus solide bien-être-
matériel en participant efficacement au recrutement et
à la formation de l'homme à cette heure nécessaire-
entre tous : le bon ouvrier agricole." --
— 26 —
" Monseigneur, comme Votre G-randeur, c'est avec
la pins vivo satislinîiion que je contemple l'œuvre des
trappistes parmi nous Ce sont les meilleurs ouvriers
du progrès agrirole, les meilleurs maîtres dans l'art de
l'agriculture que nous puissions désirer pour notre
pays. A N. D. du Lac, à N. D. de Mistassini, où ils
opèrent, je me ferai un devoir et un plaisir, autant
qu'il sera en mon pouvoir, de seconder leur action."
Le présent congrès, dit l'orateur, donne un très-
bel exemple aux populations. Lorsque les cultivateurs
hésiteront à envoyer leurs fils aux écoles où l'on ensei-
gne, dans sa théorie et sa pratique à la lois, l'art de
l'agriculture, vous, messieurs les missionnaires agri-
coles, vous pourrez leur dir^^ : nous, prêtres du Sei-
gneur, vieillis dans l'exercice du sacerdoce sacré, nous
n'avons pas cru au-dessous de notre condition d'aller
passer toute une semaine pour entendre des confé-
rences agricoles, recueillir une doctrine précise et ex-
périmentée, afin de n'avoir à vous transmettre que les
meilleures et les plus sûres notions. Faites de même.
Et les cultivateurs auront à cœur d'imiter leurs prê-
tres : et l'éducation agricole verra grandir le nombre
de ses fervents disciples.
'' Nous avons maintenant surabondance d'hom-
mes de profession ; appliquons- nous donc à former
des cultivateurs éraérites pour la glorification et la
mise en valeur du sol.
"Voici que la campagne s'ouvre très bien : à St.
Jérôme seulement jusqu'à neuf élèves ont été recrutés
en une fois. Nous avons à présent soixante- quinze
élèves dans nos écoles d'agriculture ; mais soixante-
quinze ne suffisent pas. Il nous en faudrait douze ou
quinze cents, au moins un pour chaque paroisse du
Canada français.
•' On a fait, parfois, cette objection que r<^cole
d'agriculture donne aux élèves trop de théorie et
trop peu de pratique. J'attire particulièrement votre
attention sur cette objection un peu subtile, messieurs
les missionnaires agricoles. N'hésitez pas à nier caté-
goriquement cet avancé. Telles qu'elles sont organi-
— 27 —
sées aujourd'hui nos écoles d'agriculture sont éminem-
ment pratiques dans leur enseignement, qui n'en reste
pas moins très fort comme théorie.
** Allons, que chaque paroisse nous fournis -e, au
moins " son " élève payant pension ! CAa ferii pKis
tard douze ou quinze cents apôtres répartis sur tous
les « oins du pay», et y exerçant la salutaire influence
-de la bonne éducation agricole.
"On dit quelques fois : les pères de familles ne
veulent pas payer sept piastres ($7) par mois pour
mettre leurs fils à l'é oie d'agriculture. Mai- que ne
font pas ces mêmes pères pour tenir leurs enfants au
collège classique, où ça leur coûte cent piastres ($100)
et plus par année ? Et après les années de collège,
lorsque l'enfant n'a pas une vocation sacerdotale bien
caractérisée, il faut encore payer des centain»s de
piastres par an pour le stage et les étud-^s prépjn-atoi-
res aux professions. Or, quel est le résultat délinitif ?
Les carrières libérales étant encombrées, elles sont peu
rénumératrices et deviennent trop souvent une pépi-
nière de dévoyés et de déclassés. L'ag iculture, par
contre, ne subira jamais d'encombrement ; elle four-
nira toujours au moins le nécessaire à ceux qui y con-
•sacreront un travail consciencieux.
''Aussi, le gouvernement pour la favoriser, l'aider
à être mieux comprise et appréciée, donnera aux écoles,
d'agriculture le même nombre de bourses que par le
passé. Ces bourses seront même multipliées, dans la
suite, si le nombre des élèves vient à augmenter dans
une propor;iou qui justifie cette mesure. Mais il fau-
dra d'abord que chaque élève paie régulièrement sa
pension ; puis les bourses seront réparties, par voie
de concours, entre les élèves les plus méritants.
*' Il convient que le cultivateur se persuade enfin
que c'est un devoir pour lui de débourser pour l'ins-
truction agricole de >on enfant, comme il eut fait de
son éducation classique, dans le cas d'une autre voca-
tion. 11 faut en finir avec la tutelle du gouvernement
exercée à l'excès. Si notre population agricole n'ap-
— 28 —
prend pas à payer pour l'instruction dans son art, elle
ne saura jamais y attacher une importance suffisante.
" Messieurs, les missionnaires agricoles, appli-
quons-nous donc au recrutement des élèves pour nos
écoles d'agriculture, par tous les bons moyens. Déter-
terminons le curé et les notables de la paroisse à nous-
prêter leur concours à cette fin. La perspective de ga-
gner une des bourses offertes par l'état deviendra un
gage sérieux d'émulation parmi les jeunes élèves ; fai-
sons bien compreudre cela. Le succès de l'œuvre que
nous 1. vons à cœur dépend beaucoup du nombre et de
la qualité des élèves que nous parviendrons à recru-
ter."
Ici, l'honorable ministre renouvelle l'expression de
sa gratitude aux membres du congrès. 11 fait remar-
quer que les missionnaires agricoles, dont on ne comp-
tait qu^ quatorze, au début de l'œuvre, sont aujour-
d'hui cinquante-deux.
Il suggère l'établissement de ce congrès en per-
manence et une session annuelle et cela à cause des
excellents effets que de telles réunions >>ont appelées à
produire, tant pour les missionnaires eux-mêmes que
pour l'avantage de ceux auprès de qui ils iront faire
des conférences ensuite.
" L'Union fait la force" : tA\e est la formule que
nous avons convenue demployer nous-mêmes pour ral-
lier nos amis dans les affaires du gouvernement ; que
cette devise soit aussi la vôtre, mes>ieurs les mission-
naires agricoles. Réunissez-vous ; faites-vous bénéfi-
cier réciproquement de vos personnelles expériences»
de vos essais, de vos renseignements. De cette façon,,
vous profiterez tous ensemble des travaux de chacun.
" Messieurs les missionnaires agricoles, nous avons--
besoin de votre pécieux et actif coucour;;, pour l'avan-
cement de notre agriculture, le salut de notre natio-
nalité.
" Vous avez l'influence et la science ; vous n'êtes
pas exposés aux déboires de la politique ; le cultiva-
teur a toute confiance en vous. Parlez-lui de travail
— 29 —
de progrès, il vous écoutera ; et vous aurez, une fois
de plus, membres de notre clergé, contribué au salut,
à l'avancement de la nationalité canadienne-fran-
çaise."
" Si en favorisant l'Industrie laitière, nous favori-
sons une variété de culture qui va diminuer considé-
rablement les ressources du clergé, le ministre n'hésite
pas à dire que le gouvernement sera tout disposé à y
pourvoir. Les évêques exerceront d'abord leur discré-
tion en cette matière ; et puif», si une législation deve-
nait néces-saire, il n'y a pas de raison de douter que
la Législature ne fusse toute prête à l'accorder.
Jl faut que l'action des missionnaires agricoles
soit eflâcace ; qu'on y reconnaisse l'influence prépon-
dérante, bien établie, du clergé. Pour cela elle doit
•être bien organisée Qu'on se réunisse en congrès,
pour se concerter, s'assurer si toutes les régions de la
province ont leurs missionnaires agricoles, pour déter-
miner ensemble quels sont les meilleurs éléments de
propagande, les arguments les plus décisifs et entraî-
nants à mettre au service de ces apôtres.
Il a paru tout naturel que l'Eglise concourût avec
l'Etat dans l'accomplissement de cette tâche patrioti-
<|ue du mouvement agricole. Et le succès a répondu
à ce qu'on pouvait espérer de ce puissant concours.
La politique ne doit point contaminer cette œuvre
nationale et elle ne l'envahira pas, tant qu'il en dé-
pendra du commissaire actuel.
Le mouvement agricole doit être tenu en dehors
des atteintes de ce minotaure, et il le sera soigneuse-
ment. Si bien qu'advenant une autre administration,
l'œuvre des missionnaires agricoles devrait trouver
auprès d'elle le même encouragement, la même protec-
tion.
Pour lui, il favorisera de son mieux la tenue de
nouveaux congrès comme celui-ci, s'il en est requis, et
s'efforcera de continuer à promouvoir l'œuvre par toute
la province.
— 80 —
A l'issue de la première séance, les congressiste»
sont invités par le Révd. Père Abbé à visiter l'un de»
principaux départements de lexploitation agricole de-
la Trappe, celui de la porcherie. Ils s'y rendent et.
consacrent un temps assez long à parcourir cette im-
mense bâtisse fort bien aménagée de toutes façons^
comme installation, comme aération et où s'ébattent
par gr'^upes et compartiments de quatre, six ou plu&r
trois cent cinquante échantillons de la race porcine^
Ils recueillent sur place des renseignements très-ins-
tructifs.
31
DEUXIEME SEANCE
A 8 HEURES DU SOIR, CONFÉRENCE PAR
M. ED. A. BARNARD, Directeur du
(Journal d^ Agriculture,)
LES PLANTES SARCLEES.
Le département de ragriculture m'a chargé de-
traiter dans cette importante réunion la question
des cultures sarclées. Je m'acquitterai de cette lâche
avec d'autant plus d'empressement que cette question
est à la base de toute culture améliorante, et aussi, de
toute culture profitable.
Mais avant d'entrer dans mon sujet, permettez,
MM. SS. et MM. que je témoigne ici du plaisir que
j'éprouve en assistant à la première réunion des mis-
sionnaires agricoles de la province entière, dont la
mission, essentiellement religieuse et patriotique, est
des plus pressantes, par les temps difficiles que traver-
se notre agriculture.
Cette réunion me procure également le plaisir de
revoir, à trois ans d'intervalle, les excellents Père&
Trappistes d'Oka, et leurs admirables travaux agrico-^
— 32 —
les. Elle me donne de plus l'occasion de voir de près
l'œnvre particulièrement importante dont ces bons
Pères viennent de doter la province, en créant sous
leur direction immédiate une nouvelle école d'agricul-
ture qui me parait d-^stinée à prendre rang parmi les
•écoles de pratique agricole les plus sérieuses et les
plus utiles dans l'Amérique du nord.
Je reviens maintenant à mon sujet et j'affirme que
les plantes sarclées forment la base de toute culture
vraiment profitable. En effet, ces cultures permettent
d'amenblir profondément, et de nettoyer du mieux
possible, le sol, par toute la série de travaux prépara-
oires nécessaires à leur plein succès. Elles exigent
absolument des sarclages soignés et nombreux qui
permettent de détruire les luauvaises herbes, à mesu-
re que celles-ci apparaissent ou prennent hauteur. De
plus, elles donnent généralement des récoltes bien
plus considérables et plus précieuses que celles que
l'on obtiendrait par les mêmes cultures sans sar-
clage. Enfin, par les soins qu'elles exigent, elles
permettent d'obtenir, dans tout le reste de la rotation,
dont elles forment la base — et sans travaux plus con-
sidérables— des récoltes plus fortes et plus nettes et,
par conséquent, plus économiques. Or, produire avec
toute l'économie possible, voiià i unique moyen de
faire face à la compétition si grande que nous avons
à subir sur tous les grands marchés où arrivent nos
principaux produits. Cette compétition s'accentue de
plus en plus et menace de ruine complète les cultiva-
teurs peu intelligents ou peu soigneux.
C'est en multipliant les cultures sarclées, et en fer-
utilisant le sol par les ressources qu'offre le commerce,
aussi bien que la ferme elle-même, que les agronomes
des divers pays les plus renommés par leur agricul-
ture, sont arrivés à tripler et à quadrupler la moyenne
•des récoltes de leurs pays, et cela après des siècles de
cultures épuisantes. Ces mêmes agronomes ont su dé-
iricher et mettre en cultures profitables de grandes
— 33-~
étendues de terre abandonnées, ou considérées jusque-
là comme stériles.
Il en sera certainement de même dans la province
de Québec, du jour où nos cultivateurs donneront la
place et les soins voulus anx plantes sarclées, eu plein
champ. Malheureusement, je dois constat-r i i com-
bien ( es cultures sont ignorées — (î'est le mot — dans la
presque totalité de nos campagnes, en dehors du tout
petit t hamp de patates cultivées pour les besoins de la
famille, et d'un peu de blé-dinde, surtout en vue des
fourrages verts. J'ajoute avec grand plaisir qu'il y a
bon nombre d'exceptions au tableau fort sombre de
notre agriculture provinciale qu'il me faut faire. Et
une de ces exceptions, parmi les p. us notables sans
doute, est celle que vous constaterez Ici, MM. dans les
admirables cultures sarclées des RR. PP. ïrappis es
d'Oka.
Soyez-en bien surs, MM. le manque de cultures
sarclées est le mal principal de notre agriculture ac-
tuelle. Aussi nos terres sont-elles généralement mal
égouttées ; elles sont à peine ameublies puisque l'a-
meublissement que l'on se contente de donner atteint
très rarement plus de quatre à cinq pouces de la sur-
face ; tandis qu'une série de cultures sarclées bien
réussies permettraient bientôt de doubler, en profon-
deur, la quantité de terre arable eu culture, sans en
augmenter aucunement la superficie.
Ce n'est pas tout MM puisque la plus grande par-
tie de nos terres — je pourrais dire sans exagération, la
presque totalité de nos terres — n'a jamais subi une seule
culture vraiment nettoyante. Enfin MM., au moins les
trois quarts de nos terres cultivées, dans la province,
n'ont jamais été engraissées convenablement, pas mê-
me une seule fois peut-être depuis leur premier dé-
frichement. Cependant, " il faut bien le dire ici, " pen-
dant que nous discutons sur le meilleur mode de con-
servation des fumiersil : s'en perd encore, presque
3
— 84 —
partout, une proportion trop notable à travers nos plan-
chers d'étable. Et sur les fumiers qui arrivent à l'ex-
térieur de retable, une partie bien trop considérable
prend, le plus directement possible, le chemin du ruis-
seau '
Je regrette infiniment d'avoir à faire pareille cons-
tatation, surtout après 15 années d'un travail qui m'a
paru considérable et persévérant — J'espère, MM. les-
missionnaires agricoles, que vos efforts seront plus heu-
reux que les miens ne l'ont été. — Et ils le seront certai-
nement, et à courte échéance, si nous savons, tous en-
semble, concentrer nos efforts, et appliquer les meil-
leurs remèdes, aux maux que je viens de signaler, maux
qui, en définitive, ruinent la province toute entière^
tout aussi bien que les cultivateurs eux-mêmes.
Il va sans dire MM. que le tableau que je viens de
tracer ne s'applique guère aux cultures qui environ-
nent nos villes principales. Là le fumier est abondant,
et des cultures maraichères fort considérables permet-
tent des récoltes de tous genres qui, souvent, feraient
honneur aux pays les mieux ciliivés.
Avant de clore cette constatation, qu'il me
parait nécessaire de faire ici, puisque, comme le méde-
cin près d'un malade, nous sommes appelés h guérir
ce mal vraiment national, — permettez que je vous fasse
quelques questions qui ont certainement de l'actuali-
té : - ^:- - .--•'-■^. '--•." ■' '
lo. Est-ce que mon tableau de notre agriculture
vous paraît exagéré ?
2o. Parmi les lauréats du mérite agricole eux-
mêmes, trouve-t-on généralement des cultures sarclées
proportionnées aux besoins les plus pressants de leur
terre ? Je crois pour ma part que les juges ont trop
fermé les yeux sur ce sujet particulièrement impor-
tant.
3o. Et même dans nos anciennes écoles d'agricul-
ture, la proportion de cultures sarclées est elle suffi-
sante ? Encore ici, je crains que non. — Mais je serai
heureux d'apprendre que je me trompe. •
-> 35 —
Quoiqu'il en soit de ces questions, — qui méritent
votre attention ce me semble, — permettez que j'affirme
de nouveau ma conviction absolue dans l'efficacité des
cultures sarclées pour ramener les belles récoltes d'au-
trefois et rendre de nouveau notre agriculture prospè-
re, à la condition que nos cultivateurs apprennent à
les faire économiquement et à donner au sol les en-
grais spéciaux qui sont indispensables à la production
de récolles absolument profitables.
Les récoltes sarclées indispensables ;— Les engrais
spéciaux qui leur conviennent ; (le tout fait avec
autant d'économie que possible) : voilà trois questi >ns
qui intéressent au plus haut point les cultivateurs de-
cette province, qu'ils soient riches ou pauvres.
J'affirme, Messieurs, que ces questions sont yitales
tout autant pour les cultivateurs pauvres que pour
ceux qui sont plus à l'aise. Permettez que, dans ce qui
va suivre, je ne m'occupe que des cultivateurs pauvres,
je suis convaincu qu'en améliorant le sort de ces der-
niers, les cultivateurs à l'aise n'auront qu'à appliquer
les mêmes règles pour s'enricher d'avantage.
Quelles cultures sarclées un cultivateur pauvre
peut-il et doit-il faire ? Dans quelles proportions cha-
que année ? Quels moyens prendra-t-il pour fertiliser,,
dans la mesure nécessaire et en rapport avec ses
moyens, les terres ainsi améliorées, formant la*base de-
là rotation qu'il doit suivre pour atteindre les meil-
leurs résultats? Voilà les trois sujets que je vais éluci-
der brièvement dans cette conférence.
Je ne m'attendais pas à décrire les travaux prépa-
ratoires nécessaires à la culture des plantes sarclées.
Les questions qui s'y rattachent m'entraîneraient
trop loin et sortent du cadre que je me suis tracé.
D'ailleurs, elles sont traitées en détail dans les XI pre-
miers chapitres du Manuel d'agriculture qui vous a été^
distribué dernièrement, manuel écrit tout spéciale-
- 36 -
ment pour les couférenciers aussi bien que les prati-
ciens. Je résumerai ii ces chapitres en quelques
mots: Egouter, ameublir, nettoyer, engraisser. (1)
J'arrive maintenant à ma première question.
Quelles cultures sarclées un cultivateur
pauvre dott il faire?
Un cultivateur pauvre ne peut guère se faire ai-
der par des étrangers. Il ne peut donc compter que
sur son propre travail et l'aide que peuvent Ini don-
ner ceux qu'il nourrit et entretient. Il ne faut donc
pas lui demander plus que ses ressources actuelles lui
permettent de faire. A ce grave inconvénient, il faut
en ajouter un autre qui s'applique au plus grand nom
bre de nos cultivateurs, riches et pauvres. Presque
tous sont chargés de plus de travaux qu'ils n'en peu-
v^^'nt mener à bonne fin, avec les ressources dont ils
disposent. Il nous faut donc tenir grand compte de
ces deux graves inconvénients, dans les conseils à don-
ner à nos cultivateurs ; autrement nous n'arriverons à
aucun bon résultat.
Je ne sais si je me trompe, mais dans l'étude sou-
vent perplexe que j'ai dû faire de ces objections, il m'a
semblé que lorsqu'il s'agit de l'alimentation économi-
<jue des hommes et des animaux domestiques, la Pro-
videniîe nous offre, dans certaines plantes très rusti-
ques, des ressources particulièrement favoraoles.
Ainsi par exemple, l'introduction de la pomme de
(\) Dans la terre à mettre en culture sarclée, il faudra déchanmer
aussitôt que la récolte aura été eulevée du champ. Si l'on attendait long-
temps avant de faire ce travail, la terre se durcirait, et il faudrait peut-être
attendre longtemps la pluie pour permettre aux herses d'entrer en terre
d'un pouce ou deux, afin de détruire les mauvaises herbes dans ce champ
et pour faire germer sans retard les grains ^ui auraient mûri et seraient tom-
bés sur la terre. Ces hersages devraient être répétés en travers du champ,
après sept ou huit jours d'intervalle, et le tout devrait être suivi d'un bon
labour d'automne, aussi profond que la terre le permettra En règle géné-
rale un bon chaulage, d environ vingt minots de chaux par arpent, le tout
bien mélangé par petits tas avec de la terre, puis étendu avant les gelées
^'automne, prépareiu parfaitement la terre pour les travaux de printemps
*ur cultures sarclées.
— 37 —
terre, à^ns \q< pays à population dense de notr^^ zone,
a fait cesser presque complètement les famines qui
avaient ravagé et même décimé jusque-là ces mêmes
populations On sait que les fèves, dont les espèces
sont si nombreuses et si variées, qu'elles s'adaptent à
presque tous les sols et tous les climats, ont été consi-
dérées de tout temps com ne l'alimentation é^ononiique
et subtantielle par excellence. Et, dans l'Amérique du
Nord, y compris presque toutes les régions habitées de
notre province', le bléd'iude n'ofire-t-il pas des ressour-
ces alimentaires dont les indigènes eux mêm» s faisaient
grand cas, nous donnant par là une leçon que ..eus n'a-
vons peut-être pas utilisée suffisamment, ce me sem-
ble
Eempli de cette pensée, j'ai fait pendant plusieurs
années une étude théorique et pratique de ce genre de
récolte* sarclées. — J'ai constaté par moi-même que l'on
peut ainsi obtenir à peu de frais d'excellentes récoltes
de fèves ei de maïs, et par là, des quantités vraiment
étonnantes de matières nutritives, avec moins de tra-
vail et de risques, et surtout beaucoup moins d'engrais
qu'il n'en faut pous produire autant de nourriture
équivalente, par la culture des autres plaut"s sarclées,
les racines par exemple. — L'étude du tableau qui suit
(No. 1), nous en donnera des preuves convaincan-
tes : —
1er Tab]
ESPEC
Trèfle vert . J.
Foin de trèf
•' mi
Fèvef — lemt
Paille i
Total
Pois — semen
— Paille
'!
1er Tableau. Diverses.— RÉCOLTES COMPAREES PAR ARPENT.
ESPECE.
Trèfle vert...
Foin de trèfl ^
" mil.
c
o
c
il
O
QUANTITE.
Ib8.
MATIERES ALIMENTAIRES
OBTENUES.
EN(JRAIS ENLEVES
à l'air.
DICESTIBI.ES
Protéine, (irai8.se.
> a
A»OTE.
à la terre.
Iba. I ±
; s
1 -.2"
•3 c
•r J=
S
"3
— c
ci
1 ii
I >
170
850
857
Fèvef — k!mence i 852
Paille j 857
Total '
Pois — semence.
Paille
857
840
25.000
5.000
4,000
2,700
1,305
4005
1 ,800
2,500
Total .
•>,300
Mais — Kemtnce .
Paille
Total.
45
45
30
30
1.750
1,905
1,832
1,3:{(5
564
1 ,900
600
:s85
28 4
679
100
779
945
850
1.795
856
850
2,596
4,500
46
1.612
1,651
7,096 1 46 I 3,263
Choux-de-Siam 130! 35,'00
Feuilles | 116 15,000
Total.
Betteraves .
Feuilles . . .
Totai
134
95
550 ; 3,135
780
48,000 550
30,000
1 5 ('00
500
374
yo
464
241
72
313
39 5
270
3,915
3,000
600
Carottes .
Feuilles.
150
45,000 500
Total.
Patates
250
Choux iiommés
If^O
Blé — semence
Paille
860
857
Total..
Orge — semence
Paille
857
857
Total
Seigle— semence
Paille
857
857
Total
Avoine — semence ....
Paille
857
857
Total
Sarrazin — semence. . .
Paille
860
810
Total
22,000 ! 3C.6
7,500
3,000
29,500
1 2,900
2,H76
0.532
006
3 50
150
480
264
202
366
2,908 j 466
60,000
840
2.000
2.84«
1.200
2.000
3.2tO
1,064
2.600
3.004
850
1 .500
2,-;5o
215
2,657
7,140
14
518
652
14
1,170
25
760
724
25
1 ,490
2.58
■>40
I3f5
30
16**
110
42
15-;
19
19
25
717
774
1.J91
112.7
28.6
1,107
1,400
2,507
25
i
23
23
473
613
98S
141,
91
25
422
116
10.-)
25
1,075
130
125
75
88
$
27.50
21 .40
18.90
56
10
66
34
46
155
27
30.95
21 .g.*)
182
:!3
00
93
30
00
90
44
60
104
38
120
15
10
25
27
14
41
20
15
35
45
15
6..
18.8
9.8
20.87
52,80
10.80
12.48
28
12.03
9.C3
9.46
$Cti.
Ibs
200
32.00
200
32 00
57
100 -is.so
100 16.00
i i
i
I
Ibs.
28
28
15
l: 3
95
139
29
23
30
Ibs
97
97
70
29 !
54
31
69
81 183
35
189
31
117
97
8.!
243
28 ! 12 !
13
14
15
25
19
?3
90
96
33
$656
6.56
1 3 30
39
20
151
37
81
4.53
5 3»
1 5..=>0
35.70
18.21
18 I 14 63
139
446
10
29
5.99
6 32
6.82
503
6 49
(1) Les récoltes mentionnées dans ce tableau ne sont pas des moyennes de ce que la terre peut donner. Dans bien des ca«, on
peut récolter beaucoup plus. Mais ces données permettent de calculer exactement ce qui est enlevé au sol p.ir une quantité donnée de
produits, et l'azote qui est •«pjKjrié an sol pai^deg culture.^ de léguniineuse.-*. Ce tableau est aussi utile |)our comparer ;e poids total de
la récolte au tdtal des diverses matières alimentaires contenues dans ces mêmes récolttw.
(2 ) Les engrais xnluhiff dur! /%'/iu sont ici cvalurs iiiix prix sniviiiit>« : rzotc îi 10 et -, In 11' j l'ooide l'hosiliorique î* 7 cts. la Ib ;
la potaffc A\ cts ; tt laclianx A c.
- 39 —
On voit par ce tableau qu'une récolte de fèves nai-
nes hâtives, de 45 minots par arpent, ne pèsera en tout
que 4005 Ibs, et donnera des produits alimentaires éva-
lués à $30.95. Les engrais enlevés au sol par cette récolte,
évalués au prix du commerce, coûteraient $4.53. D'un
autre côté les légumineuses, — fèves, pois, trèfles etc —
ayant la faculté d'enlever à l'air et de rapporter à la
terre une quantité considérable d'azote, enrichissent le
sol à la suite de pareille récolte de fèves, pour un mou-
lant de $25 60. Par une récolte de fèves on a donc
enrichi le sol pour un montant de plus de $21.00.
On voit aussi qu'une récolte de betteraves fourra-
gères, pesant en tout 45,000 Ibs avec ses feuilles, don-
nera <les produits alimentaires au montant de $32.70.
Mais elle enlèvera à la terre des engrais au montant
•de $25.87, sans rien rapporter au sol.
Maintenant si l'on compare ces deux récoltes, —
"tout cultivateur admettra combien la fève est rustique,
facile à cultiver, levant aveo vigueur en quelques
jours, et couvrant bientôt toute la terre ; tandis que
les betteraves et les racines fourragères sont plus déli-
<3ates, mettent des semaines à lever et sont en consé-
quence exposées à être envahies et même étouffées par
les mauvaises herbes. Ces racines demandent de plus,
plusieurs sarclages et demarriage?, où la main est in-
dispensable, pour une partie considérable des travaux
à leur faire. L'expérience m'a démontré qu'un homme
seul, muni d'une bonne semeuse et d'une herse à cheval, .
sarclera et nettoiera convenablement dix arpents de
fèves, de pois ou de blé d'inde cultivés par rangs, plus
facilement qu'il n'entretiendrait convenablement un
seul arpent de betteraves fourragères. Voilà le fruit
de mon expérience personnelle, après avoir fait une
étude pratique comparative de ces diverses cultures
dans plusieurs paroisses du pays?, à Trois-Rivières,
Yarenues, Rougemont et dans deux paroisses diffà-
rentes, à Québec.
— 40 —
Je ne m'atterderai pas à commenter davaiitai^e au-
jourd'hui ce 1er tableau, mais permettez que j'en re-
commande l'étude approfondie à tous ceux qui veulent
se rendre compte de la valeur alimentaire comparative
des diverses récoltes que nous cultivons, plus ou moins,
dans cette province ; de la valeur, des engrais que ces
récoltes enlèvent à la terre ; et aussi de la quantité
d'azote atmosphérique dont les diverses récolies do
légumineux enrichissent le sol.
Pour les raisons que je viens de mentionner, je
suis bien convaincu que ce sont les pois, les fèves et le
maïs que le cultivateur pauvre doit choisir de préfé-
rence pour ses cultures sarclées. Il pourra ainj^i, s'il
le veut, nettoyer convenablement chaque année une
partie notable de ses terres labourées. De plus, s'il
«sait choisir des semences bien nettes, il peut espérer
voir disparaître rapidement, en grande pnrtie du
moins, les mauvaises plantes qui ont jusqu'ici iufisté
sa terre et étouffé une partie très notable de ses se-
mences et de ses récoltes. Tandis que si la plupart
de nos cultivateurs, même ceux qui sont à l'aise, en-
treprennent la culture des plantes racines, ils devront
forcément en réduire l'étendue, au point qu'il leur
sera impossible de nettoyer chaque année une partie
suffisante de leur terre.
Je passe maintenant à la 2e question :
Quelle proportion de sa terre un cultiva-
teur PAUVRE doit-il CULTIVER IN PLANTES SAR--
CLÉES?
Il m'est impossible de répondre d'une manière ex-
acte à cette question, puisque les cultures sarclées ne
peuvent être profitables que dans les terres bienégout-
— 41 —
tée8, bien ameublies, suffisamment enj^raissées, et li-
bres d'obstacles trop considérables et trop nom})reux,
tels que roches, souches, touffes de broussailles, etc.
Mais j'affirme que plus un cultivateur pauvre
pourra cultiver convenablement de pois, de fèves, de
mais; par rang sarclés et suffisamment engraissés:
moins il culti-vera de grains sur grains sans sarclages,
et plus 11 cultivera de trèfle, de verces ou lentilles
pour fourrages verts, etc., — plus vite il améliorera sa
terre, et l'enrichira à grand marché ; et plus il arrivera
lui et sa famille, à une honnête aisance.
Afin de prouver cet avancé, j'ai préparé le 2e ta-
bleau, montrant quelles récoltes on peut obtenir bien-
tôt, en poussant à ces dernières lira ites le système de
cultures perfectionnées que je viens d'ébaucher et que
je ne saurais trop recommander. Je n'ai pas besoin
de vous dire qu'on ne peut arriver tout d'un coup à
de pareils résultats.
Il faudra au contraire y mettre beaucoup de pru-
dence et de réflexion. Il faudra même recommander
de ne commencer qu'en petit e* de n'entreprendre ja-
mais que ce qu'il sera comparativement facile de me-
ner à bonne fin ; je suis bien certain qu'avec ces pré-
cautions le cultivateur, quelque pauvre qu'il soit, sera
satisfait de pareils essais dès la première année, et
qu'il sera ensuite facile de l'encourager à persévérer
dans la voie que les missionnaires et les conférenciers
auront ainsi tracée.
Je vous prie messieurs, de bien vouloir faire l'étude
de ce 2e tableau que j'ai placé entre vos mains, il
démontre, ce me semble, qu'il est très possible de net-
toyer ses champs à la perfection, en peu d'années, et
même qu'après une première récolte sarclée, suivie de
fourrages verts et de trèfle, le cultivateur verra aussitôt
augmenter les récoltes, qui suivront sur ces champs sar-
clés, du double et du triple. Seront-ce là, messieurs, des
résultats assez encourageants ? Or, ces résultats, ]e
Taffirme, sont certains, et ils sont à portée de tous nos
cultivateurs.
^
Ro:
? -2
.g a
c «
a
■ ère I T)
ROTATION" de 12 aus et récoltes sur 60 arpôuts —Engrais eulevés. —
c
FSPECE.
.ère
2e
3e
4e
(t
Avoine
Paille
Fèves
Patates
Urge et graine, trèfie ^awion .
Paille
Tièfie graine rouge (Ensilage
RECOLTE.
Par arpt.
Total.
5e
«e
Te
8e
' 9e
10e
lie
12e
f4
{îi
1
1
3
15
Mais pour engilage
'' Semence
Paille
Lentilles (ou v -sces)
Paille
Pois (ensilage)
'* semenc '
Paille
Blé
Seigle
Blé, seigle et lentilles pour ensilage . .
A'-eo graines de prairies et pâturages.
Trèfle, etc , en-ilage ,
Foin mêlé , ,
X
cr
cd
•^J
V
■^^
c
C
O
a
a
i
40
^
lÊ,
1
200
40
160
215
0.75
215!
40
,
200l
X
V
c
O
4G
20
:-<o
25
30
Pâturage en foin, au besoin
Total
1 25
1 2 . 50
1.25
1.00
10.00
1 25
PI 25
10.00
12.00
2.00
23
10
30
25
30
P5
P3
P G. 25
E G2.50
E 60.00
P 0.75
ENGRAIS ENLEVES.
Azota.
Ibs
502
500
I
893
P
0.50
F
40.00
P
1.25
P
2.50
E
30.00
F
60.00
F
10.00
281.75
64
546
Ibs.
178
57
218
296
37
128
4 74
2214
49
46
95
285
3
cr
-o o
If
Tlis.
s
iS
o
Ibs.
Ibs.
72
146
43
123
229
188
27
83
18
98
196
48
140
488
480
116
328
88
15
39
11
15
18
36
159
312
408
20
27
10
22
42
16
72
105
98
132
464
356
1261
3501 165
1086:2827
1910
X Récapitulation 215 minots de patates et 678 minot« de grains etc.
f ''10 tonnes foin, 19.25 Tonnes paille et 252 50 Tonnes Ensilage
Dans ce tableau l'azote extrait de l'air, évalué, au même prix que dans le premier tableau représente
un gain de $354.24 et les matières enlevées au sol, une valeur de $407.78 — En principe il semblerait
qu'un apport d'engrais au montant de $53.54 devrait suffire pour rendre au sol la différence de matières
fert ni santés enlevées par l»^8 récoltes, mais comme l'azote de l'air ne peut nullement remplacer dans le
sol liis enrçrais minéraux qui peuvent lui manquer, il faudra faire les essais mentionnés ailleurs dans cet
arti>c;le. afin que le sol puissj fournir à la plante tout ce qui e«t indispensable à son plein développe-
ment.
LES PLANTES RACINES ont une valeur toute spéciale qui n'est pas mentionnée an tableau,
parce qu'elle ne peut pas c'estimeren poids ou en argent. C'est la satisfaction que les animaux ressentent
lorsqu'ils s'en nourrissent et la quantité de fourrages grossiers, tels que pailles etc, qu'ils comsomment
lorsqu'ils reçoivent beaucoup de légumes. Mais n'oublions pat que la plupart de nos cultivateurs, môme
«;eux qui sont à l'ait^e, ne sont pas encore en mesure de faire de grands champs de légumes rBcines, et
qu'il leur sera par conséquent presque impossible de nettoyer ainsi en cuhure sarclée«i, une partie suffi-
sante de leurs terres Or sans cultures sarclôes suffisantes, impossible de nettoper ses terres et d'en obte-
nir les meilleurs profits.
— 43 —
J'arrive maintenant à la 3e et dernière question :
Comment fertiliser suffisaement et econo-
IkflQUFMENT NOS TERRES ?
Voilà encore une question sur laquelle on ne >'en-
i;end pas assez dans notre province. L'argument si
souvent répétft que " plus il y aur.i de bétail, plus il y
aura d'engrais est un argument fort boiteux. — je dirai
plutôt. "P us il y anra de bétail mal poigné, moins il
y aura de bon fumier. — Car, ne l'oublions pas MM., —
le meilleur bétail et 1 • mieux soigné ne rendra/amai.'?, —
il est loin de la rendre — toute la fertilité qu'il consom-
me. Sa chair, sa peau, s^es os ; les produits qu'il donne,
fromage, laine, même le beurre ; son travail, même
celui d'aller et de revenir du pâturage, — sont autant
-de fertilité enlevée à la terre et qui ne p 'ut lui être
Tendue qu'en lui rapportant sous forme absolument
«oluble, l'azote, l'acide phosphorique. la potasse et la
chaux ainsi enlevés. Il faut encore ajouter à ces per-
tes, ce qui ne se retrouve pas des engrais animaux, et
ce qui se perd ainsi est b-'aucoup plus considérable
qu'on le pense généralement II y a maintenant plus
de cinquante ans que des praticiens savants : Bonssin-
gault, Lieby, Isidore Pierre, Law^es and Gilbert, et des
milliers d'autr^^s, ont prouvé ce fait à l'évidence. Il
est donc temps qu'on le sache ici.
Sans m'attarder à faire le calcul du degré de ferti-'
lité ainsi enlevé au sol par le bétail nourri exclusive-
ment des produits de la ferme, lais-ez-moi vous donner
une règle économique qui s'applique à tous les pays
et à tous les ^ols : Du moment qu'un cultivateur soi-
^gneux n'obtient plus, en moyenne, des récoltes abon-
dantes, à la suite de travaux suffisants, il peut se dire
•en toute certitude que sa terre manque d'un ou de plu-
sieurs éléments de fertilité. Lesquels ? Sa terre seule
peut lui répondre. Je i'affirme, MM. — Toutes les ana-
lyses du sol, faites parles meilleurs chimistes du monde,
we répondent f as avec certitude à cette question. Seule
la terre elle-même peut répondre ; et elle répondra sans
^ucun doute si la question lui est faite avec intelU-,
-44 —
geiif^e. Faisons donc ;?rtr/er nos terres, en lenr appli-
quant les règLs infaillibles que la véritable science
nous donne à ce sujet La voici : en règle générale,,
quatre éléments de 1-rtilité, et quatre seulenfl-^^t man-
quent à la terre ; l'azote, l'acide phosphoriqu% la po-
tasse et la chaux. Vos récoltes versent elles ? Elles
abondent alors eu azote. Sont-elles fortes en paille et
faibles en grain ? Essayez la chaux d'abord ; si elle ne
suffit pas, ajoutez lacide phosphorique, puis enfin la
potasse. Mais comme la vie est courti.^ et que la pra-
tique savante nous éclaire absolument sur ces points ;
consultez les tableaux ci-joints Nos 1 et 2. Voyez ce
que vos récoltes ont enlevé successivera»'nt au sol,
depuis qu'il ^^st défriché ; et calculez le peu qui lui a
été rendu Je vous ai dit combien les légumineuses
rapportent dazote à la terre. Chargez donc ces pi intes
de cette restitution si coûteuse, si vous aviez à acheter
de l'azote sous une forme quelconque. Si vous êtes
dans le doute au sujet de ce qui peut manquer d'acide
phosphorique, de potasse et de chaux, faites en l'essai,.
en petit, sur différentes planches, et différentes pièces ;
notez avec soin les résultats ; et bi>^ntôt vous en sau-
rez aussi long que les plus savants sur ces questions.
■
Laissez moi s'il vous plaît, faire rjmarquer com-
bien il importe de ménager et de bien employer tous
les fumiers. Cela fait, il faudra encore ajouter aux
pièces appauvries et non fumées à peu près la quantité
des éléments de fertilité mentionnée au tableau, pour
chacune de nos récoltes, si nous voulons que celles-ci
rendent amplement pour les travaux et dépensas
qu'elles auront exigées.
Je crois qu'en règle générale il suffira pour la rota-
tion entière, basée sur l'exemple donne au No. 2, et en
vue de l'industrie laitière ; il suffira de donner à l'en-
ëemble des récoltes, environ la moitié de lacide phos-^
phorique, de la potasse ♦'t de la chaux mentionnés au
tableau. Tout cela d'ailleurs s'établira d'une manière
absolument certaine et dans peu d'années, en ( onti-
nnant les essais en petit, nécessaires pour faire parler
et iiarler clairement la terre.
— 45 —
Afin de préciser davantage, j'ai fait un estimé assfZ
-exact de ce que cont»^naient les engrais à rapporter
chaque année. Cet estimé se trouvée au bas du tableau
^o. 2. Le montant à dépenser ainsi chaque année est
insignifiant, comparé à l'augmentation des n'coltes
promises, récolteb moyennes qui ne se voient plus, et
depuis longtemps, dans nos vieilles paroisses Mais,
n'oublions pas. messieurs, que pareilles récoltes, et. de
meilleures encor^^, s'obti-nner^ régulièrement, ici
comme ailleurs, avec le< soins que j'ai recommandés.
Maintt>naut. que vous dirai-je en terminant, MM.
les missionnaires agricoles, vous avez accepté une mis-
sion absolument providentielle. Yous êtes appelés à
vulgariser, et surtout a faire rechercher et aimer les
enseignements de la natu e et de l'art en agriculture ;
enseignements et règles qui de leur véritable nom
s'appi41ent : Les lois providentielles qui s'appliquent
à l'agriculture. En étudiant les éléments de ces Lois,
et en les faisant connaître, dans votre caractère spécial
d.e missionnaires de l'agriculture, vous arriverez bien-
tôt, j'en suis sûr, à des résultats absolument sati-^fai-
sants. Et quel sera le résultat final ? Le voici : Yous
aurez rempli bien noblement votre devoir de patriote
catholique ; et li Providence redira bien haut vos
louanges, par la fertilité ramenée au sol, et les récoltes
abondantes qui s'en suivront par toute la province. Ce
jour-là, messieurs, vous aurez fermé la bouche aux
détracteurs de notre foi en Amérique, à tous ceux qui
attribuent à l'enseignement religieux que nous rece-
vons, notre ignorance et nos insuccès en agriculture.
Permettez donc que je termine par ce souhait ;
Que Dieu bénisse vos travaux.
Après la conférence, le programme portait que le
conférencier aurait à répondre à certaines objections
et demandes de renseignements de la part de l'un des
congressistes désignés d'avance à cette fin.
M. J. P. Nantel; conférencier agricole, fut Tinter-
— 46 —
locuteur de M. Barnard. Voici ses principales inter^
pellations.
lo Les exemples cité? par le conférencier, a pro-
pos du bléd'inde doivent-ils être considérés comme^
démontrant que cette culture peut donner un bon ren-
dement dans les diverses parties de notre province ?
Quelles sont les variétés deblé-d'inde qui conviennent
le mieux aux différentes régions ?
Rép. Choisissez de préférence le blé-d'inde cana-
dien qui mûrit dans votre localité ou aux environs.
Dans la suite, vous pouvez faire des essais, expérimen-
ter d'autres variétés. Dans presque toutes les pa-
roisses ou je m'en suis enquis, le blé-d'inde vient très
bien. Quelqu'un suggérant l'adoption de la variété-
appelée " North Dakota," le conférencier déclare n'en
avoir pas essayé. Quant à certain^^s variétés du blé-
d'inde canadien, il est à sa connaissance qu'elles réus-
sissent si bien dans le comté de Montcalm, qu'au 1er
septembre, il est tout-à-fait mûr, très-productif, et
donne des tiges d'environ 7 pieds de hauteur.
2o Quelle est la valeur nutritive proportionnelle
entre le blé d'inde et la betterave dite '• Betterave à
Vaches ? "
Rép. La solution à ce genre de problêmes agri-
cole se trouve insérée dans un tableau général du
récent " Manuel d'Agriculture " publié par le dépar-
tement d'Agriculture et ayant pour auteur le conféren-
cier. Ce tableau se trouve aux pages 499 et suivantes.
Voici en partie ce que l'on y lit, au sujet du maïs et.
et des betteraves, comp-^rés au bon foin (mêlé).
— 47-
Par 1000 Ibs.
Digestible.
Par 2000 Ibs.
Foin moyen
Maïs ordinaire en fleur
Mi-sec en moyettes (ou quin-
taux)
X
<u X
i: *>
X
S
ta
d
2
Ph
X
0)
> a
I X .P
r *2 *-s
«s§*a
«Si
es s fl
>;- o
Semence
Tiges (paille)
Epis égrainé
Betteraves fourragères.
" à sucre . . . .
Feuilles de betteraves.
857
180
540
856
850
860
134
185
95
400
134
310
621
367
426
100
154
40
57
10
29
93
16
8
11
9
16
16
15.29
3
352
11
10.19
60
30.78
6
941
8
10
1
313
1
392
4
294
7.25
7.05
2.54
1.37
1.76
Comme les engrais de commerce coûtent ici au-
tant et plus même qu'en France, la valeur fertilisante
peut rester la même pour nous que celle donnée au
tableau.
Nous avons tout lieu de croire que le blé-d'inde
canadien vaut plus que celui de France mentionné au
tableau. (2)
M. LE .CURE DAUTH
invité à donner son opinion dit qu'il a cultivé
le blé-d'Inde et aussi les betteraves : or, il préfère celles-
ci au blé-d'inde, Le maximum du rendement du blé-
d'inde peut être fixé à 55 minotsde l'arpent. Un arpent
de betteraves donnera aisément 80,000 livres de nourri-
(1) Ces valeurs sont de moyennes pour l'Europtî. Ici, on peut compter
comme moyenne la moitié seulement $7.70 par 2000 Ibs.
(2) Nous consultons à ce sujet M. l'abbé Choquette, chimiste : sa
réponse paraîtra en note à la fin de ce volume.
S
— 48 —
ture pour les vaches. Il a rationné pendant six mois,
jusqu'à six vaches avec la réjolte d'un demi arpent de
betteraves, < e qu'il ne lui eût pas été possible de faire,
croit-il, avec un arpent de blé-d'iiide.
Il ert d'opiaion qu'o:i peut arriver à un rende-
ment même de cent mille livres de betteraves par ar-
pent ; dans la région de Nicolet, on délaisse la culture
du blé-d'inde pour s'adonner à celle de la betterave.
La betterave qu'on cultive de préférence est la
"jaune intermédiaire améliorée." Elle est û'uue tex-
ture plus ferme et se corde facilement dans les caves
ou même dans les étables, et on peut, de cette façon,
en empêchant le plus possible, l'air d'y pénétrer, la
conserver très-longtemps.
M. le curé Dauth touche aussi la question des en-
grais artificiels. Le fumier de ferme est fort bien, dit-
il ; mais il est loin de suffire. Le superphosphate de
chaux dont il n'a cessé de se servir, depuis 28 ans, a
été le grand élément de ses succès agricoles. C'est
aussi l'engrais le plus économique, à l'exception, toute-
fois, de celui que donnent les pois verts. On sème
des pois, on les laisse venir en fleurs, on passe le rou-
leau, on laisse un peu pourrir cet abattis, e+ nuis on
laboure. G-râce à ce procédé, la terre la plus stérile
deviendra, bien vite, une des plus fertiles du pays.
Cependant, cet engrais manque de chaux et on fera
bien de l'additionner de plâtre et de tenir compte de
ce fait dans le choix des cultures subséquentes.
Le superphosphate coûte quatre fois moins que le
fumier, dans la pratique C'est que, pour un terrain
sis à quinze ou vingt arpents de l'étable, l'emploi du
fumier devient coûteux par le travail qu'exige le char-
xoyage. La même difficulté n'existe pas avec le super-
— 49 —
phosphate. Grâce à lui, j'ai réussi, dit M. Dauth, à en-
graisser, à bon com])te une terre des plus appauvries,
et où l'orge même, à présent, pousse à merveille.
Le superphosphate doit être répandu sur la terre à
l'automne après le labour. Pour réussir, il faut mettre
une quantité proportionnellement égale de superphos-
phate à ce qu'on eût mis de fumier.
On peut employer aussi de la cendre ; c'est ce que
M. Dauth a fait lui-même pour la culture d'orge : il a
ajouté de la cendre à 400 livres par arpent d'engrais
complet.
Depuis 27 ans, M. l'abbé Dauth, s'est aussi servi
de la chaux, comme engrais, et toujours avec un succès
parfait. Il conseille fortement l'emploi de la chauXr
les troisquarts et demi des terres en manquent.
— 50 -
PAR LE
E. F. STANISLAS DE LA TBAFFE,
S*ar le ZDéparteaacieiit d.e la I^orclieri©
Le révérend frère directeur de la porcherie se met
alors à la disposition du congrès, pour tout renseigne-
ment désiré.
Une variété de l'espèce porcine fort profitable, en
notre pays est le " Chester "White : " Mais, à la ma-
melle, il est sujet à une maladie d-i la peau, surtout
dans les endroits humides. C'est un animal très pré-
coce et fort vorace. ,
Le " Berkshire " est un animal facile à engraisser,
dur à la misère, très-vorace. Les mères sont prolifi-
ques, mais, comme laitières, laissent à désirer.
Pour le cultivateur ordinaire, qui ne fait pas l'éle-
vage des porcs sur une très-grande é-îhelle, le système
des croisements est le plus recommandable. Le repro-
ducteur " Chester White " avec la femelle " Berk-
shire " donne un des produits les plus parfaits. Un
échantillon de ce croisement a pesé 300 livres à six
mois. Le " Chester "White " croise généralement bien
avec toutes les races.
— 61 —
Le " Berkshire " donne un bon lard entrelardé.
L'hiver, on nourrit les porcs aux betteraves ou
aux navets.
M. Dauth : Dans la région de Nicolet on
engraisse beaucoup de cochons avec des navets
cuits ; on produit ainsi un lard excellent à 3J centins
la livre. On leur donne encore des choux moëlliers,
ou choux de cuisine ; et ils en sont très friands, de
même que des betteraves. Avec de la moulée et des
légumes cuits, les cochons s'engraissent facilement ;
on a obtenu des résultats étonnants par ce traitement
appliqué aux " Yorkshire."
F. Stanislas. Le "Berkshire" et le " Chester
"White " se nourrissent bien à l'herbe ; le " Yorkshire "
n'aime pas l'herbe. Le " Chester White " et le
" Yorkshire " croisent assez bien. Les pierres semées
ça et là dans les cours de la porcherie de la Trappe le
sont à l'effet d'empêcher le porc de se vautrer dans le
purin, et de prévenir le mal de pattes, etc. Les
truies sont mises en reproduction depuis l'âge de 4 ou
6 mois jusqu'à 4 ans. Elles peuvent rapporter jusqu'à
5 fois en deux ans.
La diarrhée des petits cochons tient à un excès de
nourriture, qu'il faut savoir mcdérer en conséquence,
ou encore au manque de terre à fouiller ou à manger.
Pour parer à cet inconvénient, il faut, dès l'automne,
approvisionner la porcherie, d'une quantité suffisante
de terroi. Pour iP^rer les petits, on se sert d'orge
moulue crue er ueiayée au petit lait.
Pour empêcher les femelles de manger les petits,
on conseille d'user de bons traitements envers ces
" pensionnaires'" et de, surveiller la parturition.
— 52 —
Engrais le plus en usage à la Trappe : lait de
, beurre et de fromage, déchets de cuisine, moulée, cuite
en hiver. On n'emploie pas de nourriture sûre : le pore
nourri aux aliments aigres consomme plus et produit
moins qu'avec de la nourriture douce.
— Il y a un grand avantage à avoir des cochons de
race pure. Une expérience faite à la Trappe a démon-
tré qu'avec deux mois de nourriture de plus, les cochons
indigènes ont donné un rendement encore fort infé-
rieur à celui des porcs de race.
— L'engraissement d'hiver ou d'été peut se faire
avec les mêmes ingrédients et avec un succès égal^
pourvu qu'il fasse suffis-amment chaud dans la porche-
rie. Cette précaution observée, l'engraissement est mê-
me plus facile l'hiver.
— Dans le cas de femelles qui vont mettre bas on
a soin de soupoudrer leur alimentation, à une poignée
par jour, par chaque cinq gallons environ, d'un com-
posé à égales parties de cendre, soufre et salpêtre : ^
livre environ. Cela a le bon eflfet de stimuler leur ap-
pétit.
— La moulée de blé-d'inde engraissera plus vite
les porcs : mais la moulée d'orge, ave ? le lait, coûte
moins cher et donnera un lard plus ferme, moins hui-
leux. La moulée ce nois donne le meilleur lard.
— Pour la production du " bacon, " le cochou
*' Yorkshire" semble le plus propice.
— Un régime de trois mois ou trois mois et demi
de durée à l'engrais paie encore ; passée cette limite^
ça ne paie plus. Si le porc profite bien, il conviendra de
le conduire au moins jusqu'à deux cents livres pesant.
— 53 —
Pour ne pas retarder l'impression de ce rapport,
nous sommes dans l'obligation d'intervertir Tordre
-des séances. Ainsi nous renvoyons à la fin «le ce volu-
me les conférences des troisième et cinquième séances.
-54 —
QUATKIEME SEANCE
Conférence par HL. S. ITAGAITT, Chimiste du dépar-
tement de l'Ag^cnlture a Quelsec.
QUELQUES PRINCIPES DE CHIMIE ACRICOLE.
CONSIDEÏIATIONS GENERALES.
D'une manière générale, la science de l'agricul-
ture, c'est-à-dire la science de la culture intensive et de
l'élevage repose toute entière aujourd'hui sur la chi-
mie agricole, qui étudie la distribution, la circulation
et les transformations de la matière et de l'énergie
dans les plantes et dans les animaux. Vous le voyez,
Messieurs, le champ à parcourir est vaste, et, &i la
science moderne malgré tous ses efforts, n'a pu encore
soulever qu'un coin du voïle qui recouvre les secrets
de la végétation des plantes et de la nutrition des ani-
maux, elle nous a cependant mis en possession de prin-
cipes élémentaires dont la connaissance s'impose au-
jourd'hui à tout cultivateur intelligent, et qui éclai-
rent d'une manière nouvelle. la voie à suivre pour ex-
ploiter une ferme avec le plus grand profit possible et^
en particulier, pour tirer du 6ol des récoltes rémuné-
ratrices.
— 55 —
S'il m'est permis de comparer ragricnlture à l'in-
dustrie, je dirai que l'agriculture est la plus puissante^
la plus féconde de toutes !es industries qui se partagent
l'activité humaine, et, en même temps, une de celles
qui réclament le plus d'intelligence, de science et de
bon 6ens pratique.
L'agriculture fait appel à toutes h^s forces vives
de la nature, et va puiser directement dans les rayons^
du soleil la force motrice et le travail mécanique néces-
saires pour mettre en œuvre les éléments de l'air et du
sol qui entrent dans la constitution des récoltes
Ces éléments exigent, en effet, pour se combiner
dans le laboratoire de la plante, une dépei)se de lumière
et de chaleur, c'est à dire, un travail mécanique que
l'on a pu calculer et qui représente, suivant M. Geor-
ges Ville, environ 3000 journées de cheval-vap^^ur, par
arpent, pour une récolte de 3| tonnes de blé (paille et
grains) ! Or, le cheval-vapeur vaut 5 hommes. Par
conséquent, la force vive qu'un arpent de terre exige
pour donner sa récolte est équivalente à 15,00 jour-
nées d'hommes. Quant au cultivateur qui veut pro-
duire 3| tonnes de blé sur un arpent, à l'aide de ses
bras et de ses animaux, il doit faire pour la préparation
de sou terrain, un travail qu'on évalne à 6 journées
de cheval-vapeur seulement Et tandis que l'homme
fait un effort représenté par 6, la nature, c est-à-dire la
Providence, lui vient en aide et fournit un travail
représenté par 3000, c'est-à-dire 500 fois plus grand ?
Y a-t-il au monde une industrie comparable à celle-ci ?
Mais, si le travail humain requis en agriculture
est relativement si petit, il acquierr, par la coopération
des puissantes forces de la nature, une influence
énorme sur la production des végétaux. C'est surtout
un travail de direction qui est demandé au cultiva-
teur : c'est donc un travail dans lequel lintelligence
doit jouer le rôle principal, travail d'autant plus im«
portant que le moindre écart, la plus légère défaillance
se multiplie dans les résultats par l'immensité des-
forces mises «n action.
_ o6 —
Le (Cultivateur est donc comme un capitaine sur
un navire ; il ne crée pas la force, il la dirigée. Si celui-
ci possède suffisamment de connaissant^e nautique et
s'il est habile, tout ira bien ; mais s'il fait une fausse
manœuvre, les forces qui le servaient se retournent
contre lui et son uavire court les plus grands dangers
Voici, par exemplt% un cultivateur qui, pris tout-
à coup d'un beau zèle pour la culture intensive, veut
lui aussi obtenir d'aussi fortes récoltes qu'un de ses
voisins ; il recueille tout le fumier qu'il peut trouver
et achète même des engrais chimiques ; il engraisse
donc son sol à outrance, puis sème son grain ; mais sa
terre n'a pas été assez bien préparée et il s'y trouve
des mauvaises herbes dont il ne s'inquiète pas trop,
comptant sur les engrais pour faire pousser son grain
à travers tout ; il oublie, le malheureux, que les rnau-
A^aises herbes, trouvant à leur portée une excellente
nourriture et la table bien servie, vont prendre un dé-
veloppement exubérant, proportionnel à la nouA'^elle
richesse du sol, et qu'après avoir privé le grain des
alimenta qui lui étaient destinés, elles l'étoufferont
complètement. Et le cultivateur, furieux, pestera
contre la science et les engrais. En voilà évidem-
ment un qui n'a pas su diriger à son profit les forces
■de la nature ; après les avoir excitées par un apport
d'engrais, il les a tournées contre lui par sa négligen-
ce, disons sa paresse, et toute cette énergie, que nous
avons tantôt représentée par 3,000 journées de cheval-
vapeur, a été employée à produire une splendide ré-
-colte de mauvaises herbes.
Mais, il est temps, Messieurs, de quitter ces quel-
ques considérations générales pour aborder un des su-
jets les plus intéressants et les plus pratiques de la
chimie agricole, celui des engrais et des champs d'ex-
périences.
ÉLÉMENTS FERTILISANTS.
Après l'action des forces naturelles qui, en dehors
de la main de l'homme et suivant des lois providen-
tielles, déterminent la formation végétale, les causes
— 57 —
principales de la production des récoltes sont les en-
grais, c'est-a dire les aliments de la plante.
Comme vous le savez, Messieurs, sur 14 corps dont
tous les végétaux sont formés, nous sommes obli;2"és
d'en fournir au ir.oins quatre qui sont l'azote, l'acide
phosphorique, la potasse et la chaux ; Tair, la terre et
l'eau fournissent le reste. Ces quatre corps nécessai-
res, indispensables, sont appelés, en raison même de
leur importance dans la production des récoltes Jernies
de fertilité eu éléments Jertilimnts. Ils ont une influence
prépondérante sur le développement, la floraison et la
fructification des plantes, et leur présence dans le sol
détermine son degré de fertilité, pourvu qu'ils s'y
trouvent en même temps sous une forme ou combi-
naison chimique assimilable par les racines des
plantes.
C'est à eux que le fumier de ferme doit sa puis-
sauce fertilisante, bien qu'il n'en contienne que de
faible quantité, comme nous le verrons plus loin, en
donnant la composition moyenne du fumier.
L'azote, l'acide phosphorique, la potasse et la
chaux, tels sont donc les principes de la restitution au
sol sur lesquels repose toute la science du cultiva-
teur, L'art de varier ces quatre termes selon les besoins
■du sol et la nature de la plante fait aujourd'hui le
principal objet de la chimie agricole. Chaque jour,
pour ainsi dire, de nouvelles découvertes, fondées sur
•des analyses minutieus-s du sol et de la plante nous
apprennent à perfectionner cet art.
C'est ainsi qu'en Augl- terre, les célèbres agrono-
mes Lawes et Gilbert ont réussi à se soustraire com-
plètement aux lois de la rotation et de la jachère, en
cultivant pendant trente-deux ans du blé sur le même
^ol sans diminution dans le rendement. Ces mêmes
agronomes ont même réussi non-seulement à tripler le
rendement des prairies, mais à les améliorer à tel point
qu'un ^rand nombre de plantes parasites ont disparu
•«n quelques années, par une application judicieuse de
l'engrais, qui opère une véritable sélection en favori-
— 58 —
sant le développement des bonnes plantes, au détri-
ment des mauvaises. Mais hâtons-nous d'ajouter que
ce véritable tour de force n'est guère a la portée de tout
le monde, et demandait de la part des expérimenta-
teurs une science et une précision des plus rares.
C'est ainsi encore que des industriels du Nord de
la France, MM. Pagnoul et Correawides, ont élevé et
développé constamment le rendement de leur bette-
rave à sucre, en substituant à une partie de l'engrais de
ferme d^s engrais chimiques qui, permettaient de pro-
portionner la restitution des éléments fertilisants aux
besoin des plantes, mieux qu'avec le fumier seul dont
la composition est invariable.
Jadis, avant les découvertes de la chimie agricole,
quand la terre se refusait à porter une récolte, on di-
sait qu'elle était fatiguée et on n'avait guère d'autre
ressource que de la laisser en jachère. Aujourd'hui l'a-
nalyse chimique et surtout l'analyse du sol par la
plante permettent de rechercher et de trouver les
causes de stérilité. Par exemple, lor.-que certaines
plantes absorbent tel élément fertilisant plutôt qu'un
autre, il suffit de rendre à la terre cet élément en plus
grande quantité, pour relever le rendement. Ainsi, par
exemple, l'emploi du fumier seul peut être nuisible à
la bonne production de la betterave à sucre, parce que
le fumier contient une trop faible proportion d'acide^
phosphoriqii?, et que le sucre cristallisable ne se forme
pas dans la betterave végétant sur une terre saturée
de pote sse et d'azote miis manquant d'acide phospho-
rique , il suffit alors de remplacer une partie du fu-
mier par un engrais contenant ce dernier élément fer-
tilisant.
L'expérience prouve que Tazote est munie ou
même nuisible au trèfle qui est, par contre, très avide
de sels minéraux ; donnons lui donc de la chaux, de la-
potasse et de l'acide phosphorique,- mais non du fu-
mier qui contient de l'azote ; gardons-le pour de meil-
leures occasions. ,
Quant au blé, ce qu'il demande surtout, c'est de
— 59 —
l'azote et de l'acide phosphorique, mais nous revieii'
drons sur ce sujet eu parlant des dominantes.
Mais 1 étude du rôle des éléments fertilisants dans
le développement des plantes a été poussée plus loin
encore ; car, dans les stations ajTricoles des deux
mondes, les chimistes étudient aujourd'hui les migra-
tions et les transformations des éléments fertilisants
dans les diverses parties de la plante et aux différentes
époques de sa végétation. Par exemple, on a constaté
que les sels minéraux et les principes azotés contenus
dans les feuilles des arbres éraigrent à l'automne pour
contribuer à la constitution des bourgeons qui se for-
ment à la base des pétioles des feuilles pour l'année
suivante. La feuille qui tombe n'<^st plus qu'un sque-
lette de matières organiques privé d'éléments fertili-
sants, mais qui, par sa décomposition contribue à la
formation de ï humus.
Enfin, disons-nous avec M. Proost, l'éminent ins-
pecteur de l'agriculture en Belgique, l'art du cultiva-
teur est de savoir appliquer à ratlernnnce des cultures
l^atternance des engrais. Cet art repose sur la connais-
sance de la composition du sol, de la quantité des élé-
ments fertilisants enlevés par chaque culture, et des
exigences particulières de chaque espèce de plante.
Il est possible et même facile. Messieurs, d'arriver
à cette triple connaissance ; car déjà ^ ous connaissons
la quantité d'éléments fertilisants enlevés au sol par
les récoltes, puisqu'il nous suffit de jeter les yeux sur
le tableau que le département de l'agi iculture a publié
dernièrement et dont vous avez tous reçu Mesj-ieurs,
un exemplaire Voilà un premier pas de fait. Le
second et le dernier, c'est d'établir sur notre ferme de
petits champs d'expériences et d'analyser le sol par la
plante. Cette manière de résoudre le problème cons-
titue le procédé le plus ingénieux, le plus facile et le
plus sûr pour arriver à connaître le sol et découvrir ce-
qui lui manque.
— i)0 —
Champs d'expériences.
Mr Georges Ville a dit avec raison que le champ
d'expériences, est le plus éloquent des professeurs d'a-
griculture. En eilet, rien de plus simple et de plus
frappant qu'un champ d'expériences ; c'est un livre
ouvert où se révèlent les secrets du sol et de la végé-
tation, avec une exactitude que l'analyse chimique ne
peut atteindre, car malheureusement, l'analyse des la-
boratoires conlond les éléments actuellement assimila-
bles du sol avec ceux qui s'ytrouvent en réserve et qui
ne deviendront assimilables que dans un avenir plus
ou moins éloigné et, en tous cas, inconnu.
Pour pouvoir établir et interpréter utilement les
résultats d'un champ d'expériences, il faut ne pas x^er
dre de vue deux principes importants appelés l'un, la
loi des forces collectives, l'autre la loùdes dominantes.
Loi des forces collectives : L'azote, l'acide phospho-
rique, la potasse et la chaux sont les agents effectifs de
la fertilité, mais ils ne manifestent la plénitude de leur
action qu'à la condition d'être simultanément présents
dans le sol La plante a besoin de les trouver à sa dis-
position tous les quatre à la fois. S'il en manque un, ou
plusieurs, l'action des autres se trouve paralysée.
Voici un exemple de la manifestation de cette loi,
je l'emprunte au champ d'expériences de Vincennes,
•en France, dirigé j ar M. Gr. Ville :
Culture de blé.
ENGRAIS EMPLOYES
Engrais complet
« sans chaux
« ians potasse , ....,,
«* sans acide phosphorique
" sans azote
'Terre sans aucun engrais
Minots dtt
blé produits
par arpent.
36
34
26
22
12
10
— 61 —
Ou voit que de 12 à 8é le rendement a fait un saut
énorme et que le miiximum n'est obtenu que lorsque
les quatre termes de l'engrais t omplet sont réunis.
Loi des dominantes. — Mais ce même tableau com-
porte aussi un autre enseignement. On remarque la dif-
férence dans le rendement, >uivant que l'on supprime
tel ou tel terme de l'engrais complet, les autres termes
restant les mêmes.
Avec l'engrais complet, on obtient 36 minots de
blé.
On supprime la chaux : le rendement baisse de
2 minots. On supprime la potasse, il baisse de 10 et
tombe à 26. Par la suppression de l'acide phosphori-
que ^'atteinte est encore plus marquée : 22 minots.
Mais, si on vient à supprimer l'azote, le rendement
tombe à 12 minots, presque au même point que dans
la terre sans engrais.
Par la suppression de ce seul terme, alors que les
autres sont restés les mêmes, on a perdu 24 minots !
Nous en concluons que dans la production du blé*
c'est l'azote qui joue le roie principal.
Ici se révèle la loi des dominantes.
Toutes les plantes exigent les quatre élément»
fertilisants, mais suivant leur espèce, eiles ont une pré-
férence marquée pour l'un ou Vautre de ces termes.
Nous venons de voir que la suppression de l'a-
zote réduisait à un rendement très faible la récolte de
blé ; si c'eût été une récolte de pommes de terre, c'est
la suppression de la potasse qui eût amoindri le ren-
dement. Pour le blé-d'inde et le sarrasin, c'est l'ab-
sence de l'acide phosphorique qui amoindrit davan-
tage le rendement.
On appelle donc dominante l'élément de l'engprais
— 62 —
complet qui est le plus favorable à une sorte de cul-
ture.
Ainsi l'azote est la dominante du blé et des autres
céréales.
La potasse est la dominante de la vigne, des pom-
mes de terre, du trèfle et de toutes les légumineuses.
L'acide phosphorique est la dominante du blé*
4'inde, des navets, du sarrasin.
La chaux ne paraît être la dominante d'aucune
plante, mais elle est nécessaire à toutes.
Mais que l'on ne s'y trompe pas ; la dominante ne
peut exercer son influence prépondérante qu'avec le
concours des autres termes de l'engrais complet. Seule,
«on action serait presque nulle.
Tableau dks Dominantes.
AZOTE.
Blé
Orge
Avoine
Seigle
Chanvre
Navets
Betteraves
Prairies
Légumes-feuilles
Plantes bulbeuses
oignons, etc
Plantes herbacées d'orne-
ment
Acide Phosphorique.
Blé-dinde (Mais)
Canne ù sucre
Sorgho
Sarrasin
Navets . . .
Choux de Siam (Rutaba-
gas)
Copinambours
Légumes-racines
Arbustes à fleurs
POTASSE.
• • • • • • • I
Pois ....
Fèves . .
Luzerne
Trèfle
Haricots ,
Sainfoin
Vesces
Lentilles ,
Lin
Pommes de terre
Tabac
LégumeS'graines
Vigne
Arbres fruitiers. ,
Analyse du sol par la plante seule.
On peut déjà se faire une idée de l'état d'un sol en
^examinant avec attention les plantes qui y croissent ;
— 63 —
il suffit pour cela de les considérer à la lumière de la
loi des forces collectives et de la loi des dominautes que
nous venons d étudier
Si le terrain, au moment où je le considère, est déjà
couvert de cultures, et surtout do cultures variées, les
plantes que j'y vois me parlent et ne me trompent pas.
Elles me dissent ce qu'il y a dans le sol et ce qu'il n'y
a pas, les éléments fertilisants que la tenvi possède et
ceux qu'il faut lui donner. Chaque espèce de plante
se dresse devant moi comme une sentinelle avancée
qui m'avertit de la qualité du sol sur lequel elle est
posée.
Me rappelant la loi des dominantes, je dis par
«xemple :
Terre où le blé prospère, mais où les pois ne réus-
sissent pas : riche en azote, pauvre en potasse Don-
nez lui de la potasse comme engrais.
Terre où les pois et le trèfle vieJLinent bien, mais
où le blé est chétif : riche en potasse, pauvre en azote.
Donnez de l'engrais azoté.
Terre où les pois et le blé viennent également
bien, mais, où le blé-d'Inde et le sarrasin sont mé-
diocres : riche en potasse et en azote, pauvre en acide
phosphorique. Donnez des phosphates.
Si les légumineuses, le froment et le blé-d'Inde
prospèrent également, c'est que le sol est pourvu des
quatre termes do l'engrais complet, azote, acide phos-
phorique, potasse et chaux. Si toutes ces cultures
sont mauvaises, c'est que la terre manque de tous les
agents de fertilité, ou bien se trouve dans des con-
ditions physiques défavorables (égouttement et ameu-
blement défectueux par exemple).
Mais je puis même aller plus loin, et si je vois
deux cultures de même dominante, mais dont l'une est
à racines profondes et l'autre à racines superficielles,
— tu —
elles me permettront de reconnaître la réparlitiou de
l'engrais dans le sol. Exemple :
Où le blé réussit, mais la betterave ne vient pas :
c'est probablement parce que tout l'azote est la couche
profonde.
En résumé, si l'on est en présence d'une terre
couverte de cultures variées ayant reçu dans toute son
étendue le même tnùtement de la part du cultivateur,
l'examen comparé des cultures montre déjà approxi-
mativement quels sont les besoins du sol. Les mau-
vaises herbes même, si l'on a observé leur dominante,
peuvent donner des indications.
Mais, comme les diverses pièces de terre d'une
ferme se trouvent rarement dans des conditions iden-
tiques de culture et d'engraissement, on interrogera
plus utilement la plante en faisant des essais de cul-
ture dans un petit champ d'expéritnces réservé spécia-
lement à cette fin.
Ainsi, si l'on veut se contenter d'indications élé-
mentaires, qui suffisent quelquefois d^ius la pratique,
on prend une bande de terre, de quelques verges carrées
de superficie qu'on divise en trois parties égales, com-
me l'indique le plan suivant :
Champs d'expériences sans engrais.
No. 3
Bléd'Iude
On ensemence ces trois parcelles, la première en
blé, la deuxième en pois et la troisième en blé d'Inde.
On attend que la végétation se développe, et de sa phy-
sionomie on tire les conclusions suivantes :
— 65 —
Si les trois cultures ne valent rieu, c'est que la terre^
est stérile ou épuisée. Il faut lui donner les quatre élé-
ments fertilisants, c'est à dire un engrais complet.
Si les trois cultures donnent de très-bons résul-
tats, c'est que le sol ne manque de rien : il est prêt à
recevoir n'importe xfuelle espèce* de plante et il four-
nira un rendement avantageux.
Voilà pour les indications extrêmes ; voyons les^
intermédiaires.
Si c'est le blé seulement qui est bon, c'est que la
terre est riche en azote et pauve eu acide phospho-
rique et en potasse.
Si les pois seuls sont vigoureux, c'est la potasse
qui prédomine dans le sol.
Enfin, si le bléd'Inde seul a prospéré, c'est que le
sol est riche en acide phosphorique et manque d'azote
et d« potasse. • .
Voilà le champ d'expérience le plus simple et le
moins coûteux à établir ; mais ses indications sont loin,
d'être complètes et. elles ne nous donnent aucun ren-
seignement s.ur la qualité et la quantité des engrais à
employer. Nous avons heureusement un moyen plu»
puissant de faire parler la plante ; c'est de la cultiver
dans un champ d'expériences avec des engrais variés
• ' ' • ■ •
Analyse du sol par la plante et les engrais,, . .
Commençons d'abord par- rechercher si le sol man-
que d'azote, ou bien s'il manque d'éléments fertilisants
minéraux (acide phosphoricjue, potasse et ch^ux) , et
disposons sur le terrain à étudiei; quatre parcelles égales-
e,t numérotées. ., , -. r, , .
■ ♦ •
5
— 66 —
Champ d'expériences avec engrais.
Recherche de l'azote et des éléments minéraux.
No. 1
Engrais com.
plet.
No. 2
No. 3
No. 4
Engrais ininé-
néral sans
azote. .
Engrais azoté
sans miné-
raux.
Terre sans au-
cun engrais.
A la première parcelle on donne l'engrais com-
plet, soit 4 onces par verge carrée.
Sulfate d'ammoniaque 18 oz.
Superphosphate de chaux 33
Nitrate de potasse (salpêtre) 11
Plâtre 38
100
A la deuxième parcelle, oa donne l'engrais miné-
ral sans azote, boit 3 oz. par verge carrée du mélange
suivant (=*) :
Superphosphate de chaux 40 oz.
Chlorure de potassium 20
Plâtre 40
100
A la trorième parcelle on donne un engrais azoté
«ans minéraux, soit 1 once de sulfate d'ammoniaque
par verge carrée.
A la quatrième parcelle on ne donne aucun engrais:
c'est la parcelle témoin.
Ces quatre parcelles ayant reçu le même travail
préparatoire, on les ensemence en blé, et l'on attend le
moment de la récolte.
(*>— Cet engrais sans azote convient aussi pour les essais de culture des
légumineuses.
— 67 — I
Le blé parlera, et parlera si haut que le pire des
sourds, celui qui ne veut pas entendre, entendra
quand même, pourvu qu'il ne soit pas aveugle.
Parcelle No. 1 — Engrais complet. Le blé est magni-
fique ; c'est immanquable, puisqu'il a tout ce qu'il lui
faut pour prospérer.
Parcelle No. 2. —Engrais minéral sans azote. Si le
Mé est bon, c'est que la terre contenait par elle même
assez d'azote. S'il est mauvais, c'est que le sol man*
que d'azote.
Parce//e iVb. 3. —Engrais azoté sans minéraux. Si
le blé est bien venu, c'est que le sol est pourvu d'élé-
ments fertilisants minéraux (acide phosphorique,
potasse et chaux). S'il est défectueux, c'est que la
terre manque d'éléments minéraux.
Parcelle No. 4. — Cette parcelle nous indique l'état
naturel du sol. Si le blé est bon, c'est que le sol est
déjà très riche de tous les éléments fertilisants ; en
conséquence, l'engrais complet donné au No. 1 est
superflu, et c'est un gaspillage dont il faut se garder
pour le reste du champ. Si, enfin, le blé est chétif,
ainsi que sur les Nos 2 et 3, c'est que le sol ne pos*
sède aucun élément fertilisant.
Les parcelles No 1 et No. 4 se contrôlent mutuel-
lement.
Champ d'expériences complet.
Le champ d'expériences complet, qui comprend au
moins sept parcelles nous permet de rechercher chacun
des éléments fertilisants, d'étudier complètement le sol,
et de constater l'influence des divers engrais sur les
diverses cultures. C'est le champ d'expériences par
excellence et qui nous donne les renseignements les
plus complets et d'une exactitude extrême.
Il doit être établi dans une place qui représente
le type moyen de la constitution de la terre que l'on
— 68. —
veut analyser, et ne demande pas une grande surface ;
un 40ème d'arpent suffit pour cela. On y dispose Y ou
8 parcelles d'environ 100 pieds carrés de superficie,
chacune. On peut ne cultiver qu'une seule espèce de
plante sur toutes les parcelles ; mais, pour multiplier
les expériences, chaque parcelle *peut encore être divi-
sée en deux ou trois portions dans lesquelles on culti-
vera des plantes à dominantes difierentes (par exem-
ple, du blé, des pois et du mais) ou à racines plus ou
moins profondes (pour rechercher la composition du.
sous-sol).
On engraisse la première parcelle avec du fumier
de ferme, soit 30 Ibs., employé seul.
A la 2ème on donne l'engrais chimique complet
dont nous donnons plus bas la composition, d'après,
un agronome français, M. H. Blondeau.
A la Sème, l'engrais chimique sans azote.
A la 4ème, " .*•'' sans acide phospho-
[rique.
A la 5ème, " " sans potasse.
A la 6ème, " " sans chaux.
Enfin, la 7ème parcelle, qui doit servir de témoin^
ne reçoit aucun engrais.
Dans la disposition ci-après, il y a une Sème par-
celle pouvant servir à une ou plusieurs expériences
supplémentaires, telles que essais d'engrais mixtes du
commerce, de cendres de bois, etc,
— 69 —
Champ d'expériences complet.
Etude complète du sol et des engrais.
No. 1
Fumier de
Ferme.
No. 2
Engrais com-
plet.
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Xi
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Ph
— TO —
Yoici, en détail, l'espèce «t la quantité des engrai»
que l'on met dans chaque parcelle :
Parcelle No. 1. — 30 Ibs de fumier.
Parcelle No. 2. — Engrais chimique complet, composé-
comme suit :
Sulfate d'ammoniaque Y onces
Superphosphate de chaux 13 "
Nitrate de potasse (salpêtre) 4^ "
Plâtre 1 Ib..
Parcelle No. 3. — Engrais sans azote :
Superphosphate de chaux 13 onces
Chlorure de potassium 4 "
Plâtre 11b.
Parcelle No. 4.— Engrais sans acide phosphorique :
Sulfate d'ammoniaque 7 onces
Nitrate de potasse (salpêtre) 4J "
Plâtre 11 Ib.
Parcelle No. 5. — Engrais sans potasse :
Sulfate d'ammoniaque 10 onces
Superphosphate de chaux 13 "
Plâtre 11b.
Parcelle No 6. — Engrais sans chaux :
Sulfate d'ammoniaque 7 onces
Phosphate de soude cristallisé 4 " (con^
tient 50 p. o;o d'acide phosphorique.)
Nitrate de potasse (Salpêt re) 4 J "
La parcelle No. 7 est préparée et ensemencée comme-
les autres, mais ne reçoit aucun engrais ; c'est la par-
celle témoin.
— n —
Toutes ces parcelles doivent être travaillées et en -
semencées comme un champ ordinaire. L^s engrai»
doivent être répandus avant (îe semer ou planter, et mé-
langés soigneusement, avec la couche de terre que doi-
vent occuper les racines des plantes, comme dans la
culture en grand.
Dès que la végétation commence, on la suit avec
attention, et l'on note tous les points saillants que l'on
y remarque, jusqu'au moment où toutes les parcelles
ont donné leurs récoltes ; on pèse ces récoltes et on les
compare entre elles.
Les conclusions sont ensuite facile à tirer, car les
plantes sont vraiment les analystes les plus précis et
montrent une sensibilité extrême vis à- vis des engrais,
surtout des engrais chimiques. Pour s'en l'aire une
idée, messieurs, il suffit de réfléchir un instant à la dis-
proportion qui existe entre un apport d'éléments ferti-
lisants efficace et le poids de la terre dans lequel on le
mélange. En effet, messieurs, la couche de terre arable
d'un arpent ayant une épaisseur de 8 pouces, pèse 3^
millions de livres. Or, il suffit de lui donner 15 à 20
Ibs. d'éléments fertilisants sous forme d'engrais assi-
milables, c'est-à-dire la 200,000ème partie du poids de fa
terre, pour influencer la culture. Cette petite quantité
presqu'infinitésimale d'éléments fertilisants que l'ana-
lyse chimique est impuissante à révéler, la plante la
recherche, la découvre et en donne des preuves mani-
festes
Engrais chimiques pour champs d'expériences.
Comme dans l'établissement d'un champ d'expé-
rience on a surtout en vue une étude exacte et précise
du sol, on est obligé d'avoir recours à des engrais chi-
miques aussi purs que possible, et dont quelques-uns
diffèrent de ceux employés dans la grande culture.
Nous indiquons ci-après les priniipaux engrais
chimiques que l'on emploie dans les champs d'expé-
riences, et la quantité moyenne d'élément fertilisant
qu'ils contiennent :
— •72^
^ngran et azote :
Nitrate de p». tasse (salpêtre), contient 13 p o/o
d'azote.
Nitrate de soude (salpêtre du Chili) contient 15
p 0/0 d'azote.
Sulfate d'ammoniaqne contient 20 p o/o d'azote.
Le sulfate d'ammoniaque acheté par 100 Ibs., ne
Xîoûte actuellement, à Québec, que 3 centins la Ib.
engrais et acide phosphorique :
Superphosphate de chaux si'nple (No 1, Capelton),
contient 12 à 15 p o/o d'acide phosphorique assi-
milable.
Phosphate de soude, contient 50 p o/o d'acide phos-
phorique. L'emploi de ce sel est nécessaire dans les
parcelles où l'on veut faire des essais de culture sans
/;haux,
ingrats de potasse :
: Nitrate de potasse (salpêtre), contient 44 p o/o de
potasse.
Chlorure de potassium, correspond à 50 p o/o de
potasse.
Sulfate de potasse, contient 45 p o/o de potasse.
JEngrais de chaux :
Sulfate de chaux (plâtre cru), contient 30 p o/o de
chaux.
A l'état de plâtre cuit, il contient 40 p o/o de
chaux;
Engeais pour la pratique agricole.
Parvenus à ce point de notre étude, il nous sera
facile de donner une définition exacte de l'engrais.
JS"ous dirons donc, avec M. Déhérain, membre de Tins-
— Y3 —
litut de France et professeur à l'école d'agriculture de
Grignon, que l'engrais, c'est la matière utile à la planté
■qui manque au sol.
, Nous avons examiné ensemble, messieurs, la mar-
che à suivre pour é» udier le sol au moyen de la plante ;
nous avons appris à connaître ses ressources et ses
besoins. Voyons maintenant quels sont les princi-
paux engrais mis à notre disposition, et que nous pou-»
T-ons utiliser avec profit dans la pratique agricole.
Fumier de la Ferme. — Le fumier est le roi des en-
grais ; il est peu coûteux, constitue un engrais com-
plet et contient une matière précieuse, Vhumus, qui
joue un rôle impori ant dans la culture pratique, quoi-
qu'il ne paraisse pas indispensable au point de vue
théorique.
En effet, s'il n'est pas prouvé que l'humus est
utilisé directement à la nutrition des plantes, il garde
néanmoins toute son importance, car, étant doué du
pouvoir absorbant des éléments fertilisants, il livre
ceux-ci aux plantes suivant leurs besoins : l'humus est
le régulateur de la végétation, comme le volant d'une
machine à vapeur est le régulateur de la force et du
mouvement.
Voici la composition moyenne du fumier (solides
•et liquides) par 1000 livre ;
Azote 6 Ibs
Acide phosphorique 3 *' '
Potasse 5 "
Chaux 6 '•
Total 20 Ibs pour 1000 Ibs de fumier:
C'est-à-dire que le fumier donne en moyenne 2
p o?o d'éléments fertilisants.
En n'engraissant la terre qu'avec le fumier, seul
produit par les animaux de la ferme, les ressources du
jsol en éléments fertilisants diminuent chaque année,
parce que la restitution au sol n'est pas complète.
-74-
En d'autres termes, la culture au fumier, seul ne-
peut pas être rémunératrice. Mathieu de Dombasle,
qui avait mis au service de l'agriculture toutes les^
capacités pratiquas que l'on pouvait résumer de ron
temps, a dû avouer avec une teinte de mélancolie, que,
pendant les huit premières années qu'il avait exploité
la ferme de Koville, en Fran< e, il avait perdu de l'ar-
gent, et s'il n'avait pas adjoint à sa ferme une fabrique
d'instruments aratoires qu'il dirigeait lui-même, il lui
eût été impossible de sauver la situation.
Il faut entendre M. Georges Ville parler de cette
circonstance !
'■ Si une fée bienfaisante, disait-il dans s.^s confé-
rences au champ de Yincennes. fut venue, pendant la
nuit, répandre quelques livres d'engrais chimiques sur
les terres de Mathieu de Dombasie, uniquement en-
graissée au fumier, cet homme eût vu jaillir autour de
lui, comme il le méritait par ses efforts, des sources de
profit que les connaissances de son époque ne lui per-
mettaient pas d'ouvrir. "
Enrichissement du sol en azote par les légumineuses. —
Les plantes de la famille des légumineuses, telles que
le trèfle, la luzerne, les lentilles, la gesse des bois etc.,
possèdent la faculté tout à fait remarquable d'absorber
par les nodules de leurs racines l'azote de lair, et de
transformer cet azote en matières azotées dont une
partie est enlevée avec la récolte de fourrage mais dont
l'autre, non moins considérable, reste dans les racines
et par conséquent dans le sol. S'il est vrai, d'une part,
que les légumineuses épuisent la réserve du sol en
éléments fertilisants minéraux, il est certain, d'autre
part, qu'elles l'enrichissent en azote à un degré suflS.-
sant pour les cultures subséquentes.
La source la plus économique d'azote réside donc
dans la culture des légumineuses.
Engrais chimiques —licous nous contenterons d'in-
diqurr ici les noms des principaux engrais chimiques^
ou complémentaires que l'on peut actuellement se pro*
curer dans la province.
Engraù (Tazote : — Sulfate d'ammoniaque, nitrate de
soude.
Engrais d'acide phosphorique : — Superphosphate de
chaux, simple No 1 de Capelton (12 à 15 p o/o
d'acide phosphorique).
Poudre d'os, contenant 21 p o/o d'acide phospho-
rique.
Cendres de bois, contenant 1 à 2 p o/o d'acide
phosphorique
Engrais de potasse : — Cendres de bois, contenant de 6
à 10 p o/o de potasse.
Engrais de chaux : — Chaux.
Plâtre cru (30 p o/o de chaux).
Cendres de bois, contenant 45 à 50 p o/o de chaux,,
marne, etc.
Outre ces engrais, le commerce fournit des engrais
chimiques complets, c'est-à dire contenant les 4 élé-
ments fertilisants réunis, entre autres les engrais
mixtes fabriqués à Capelton sous le nom d'engrais-
Victor, Reliance etc.
H. Naoant.
— •76 —
Questions et Réponses.
Question. — Par M. le Dr Coulombe. — Où se trou-
vent les principes fertilisants du fumier, et dans quelle
proportion ?
Réponse par le conférencier. — Les urines contiennent
environ les deux tiers de l'azote total ; le fumier con-
tient l'autre tiers ; l'acide phosphorique se trouve
presque en totalité dans les solides ; quant à la potasse,
elle existe en plus grande quantité dans les urines que
dans les déjections solides.
Question. — Est-ce que l'action si vivace du plâtre
sur les légumineuses ne démontre pas que le plâtre est
une *' dominante " pour les légumineuses ?
Réponse. — A première vue, on serait porté à le
croire, mais comme le plâtre agit aussi bien par l'acide
phosphorique que par la chaux qu'il contient, la ques-
n'est pas encore élucidée. On croit cependant que,
tion par suite d'une double réaction, le plâtre augmente
le degré d'assimilabilité de la potrsse du sol, et favo-
rise ainsi la croissance des légumineuses, puisque ces
plantes ont la potasse pour dominante.
Question. — Les os brûlés ont-ils de la valeur comme
engrais ?
Réponse. — Oui, brûlés et puis broyés, les os cons-
tituent un bon engrais, cela devient du bon phosphate
de chaux. La poudre d'os exerce une action lente,
mais sûre. La meilleure façon d'utiliser les os est de
les brûler et de les broyer, sauf pourtant le cas, où il
serait possible, sans les brûler de les concasser en par-
■celles grosses comme des grains de chapelet et de les
\
— 71 —
faire manger aux volailles qui les rendraient en fu-
mier : on sauvegarderait de cette façon les principes
azotés qui s'y trouvent dans une proportion de 4 pour
cent.
Le cultivateur peut réussir à faire lui-même son
superphosphate, mais, l'opération est pénible et dan-
gereuse, et n'est guère lucrative.
Le» os brûlés, le fumier de volailles, la chaux, les
composts sont de boni:, engrais ; il ne faut pas négliger
de les employer.
Epandre de la chaux sur le fumier est une pra-
tique désastreuse. On peut, sans grand inconvénient,
saupoudrer de plâtre ies allées d'étable et ie fumier»-
mais c'est matière à discussion de sa\ oir si cela est
vraiment efficace pour conserver les principes fertili-
sants.
• Afin de corriger l'acidité des terres noires, acidité
causée par l'humus surabondant de ces terres, il sera
bon d'y appliquer au moins de la chaux, de la potasse
ou des cendres de bois ; mais, toutefois, seulement
après qu'on les aura égouttées et assainies convena-
blement. On peut aussi brûler en partie, cette terre
noire, quand elle est sèche ; on en corrige encore ainsi,
l'acidité excessive.
Il ne convient pas de se servir de superphosphate
dans les terres légères, sablonneuses, manquant de
chaux ; car le superphosphate, qui est acide, ne trou-
vant pas là de base pour se neutraliser, brûle le sol et
les plantes. Il sera bon pour prévenir ce danger, d'en-
fouir longtemps d'avance de la chaux dans ce sol.
On peut très-bien additionner de chaux l'humus
destiné à la litière des animaux, mais il faut, avant de-
— 78 —
*'en servir comme litière, attendre qu'une réaction
préalable ait eu lieu entre Thumus et la chaux. Néan-
moins, non chaulé, l'humus absorbe mieux l'ammo-
niaque.
Le nitrate de potasse (s'il ne coûtait pas si cher) a
l'avantage de contenir de la potasse et de l'azote, sous
une forme très-assimilable ; il contient 13 p o/o d'azote
-et 44 p o/o de potasse.
La " verse " du grain dépend d'un manque d'équi-
libre dans l'engrais ; l'excès d'azote en est surtout la
cause. Dans le cas du blé, la " verse " est due à l'ab-
sence d*engrais minéraux. Ce qui démontre qu'après
le fumier d'étable, les engrais chimiques sont encore
très-utiles ; on corrige, par exemple, grâce à eux, l'ex-
^è? d'azote du fumier.
Dans le cas de terres épuisées par de trop fré-
quentes récoltes de pois, il faut d'abord leur donner de
la potasse et aussi de la chaux, ainsi que de l'acide
phosphorique donné sous la forme de superphosphate ;
xî'est- à-dire qu'il faut donner à la terre un engrais mi-
néral complet, (sans azote).
— 79 —
SIXIEME SEANCE
•Conférence païf M. J. CSAPAZS, asst. commissaire du
département de rZndxLsthe Laitière a Ottawa.
ARBORICULTURE FRUITIERE
La Province de Québec, au point de Yue de Tar*
"boriculture fruitière, présente, depuis l'Ouest, de
Montréal jusqu'à l'extrémité de la Baie des Chaleurs,
des différences de climat extraordinaires ; et c'est à un
tel point que le cultivateur de fruits pour l'Ouest de
la Province suit certaines méthodes qui quelque fois
ne peuvent pas du tout être suivies par celui de l'Est.
Ayant fait moi-même cette culture dans l'Ouest et
dans l'Est, je me trouve à même de pouvoir indiquer
les différences qu'elle présente dans ces deux dis-
tricts et vous mettre à même d'en faire part à ceux 3
qui vous aurez à parler d'arboriculture fruitière.
Au cours des notes que je vais vous donner, je
ferai remarquer ces difierences quand il y aura lieu.
La première chose à faire, pour celui qui veat éta-
blir un verger, est de bien choisir le terrain sur lequel
il veut planter. Le terrain idéal pour un verger serait
— 80 —
celui d'un composé de un tiers de sable ; un ti^rs de
glaise et un tiers de gravois ; mais en tout cas il faut
que le terrain soit parfaitement drainé car tout arbre-
qui se trouve à rencontrer l'eau par ses racines doit
nécessairement périr dans un temps plus ou moins
long.
Quant au site dans l'Est de la Province, il importe
de choisir un terrain exposé au Nord, ce qui est con-
traire à la croyance ordinaire qui allait à dire que le
Midi était la meilieure exposition pour un verger. Les
coups de poleil fréquents que nous avons dans le mois
d'Avril font partir la sève dans les arbres et il survient
ensuite des froids intenses qui font geler cette sève
dans les vaisseaux et les font se briser, ce qui amène la
Piort de l'arbre. ... , .
Une fois le site choisi, il faut faire un plan du
verger et tracer sur le terrain les distances auxquelles
doivent être placés les arbres. On conseille la planta-
tion en quinconce et dans l'ouest de la Province on
doit planter les pommiers à une trentaine de pieds de
distance ; les pruniers et les cerisiers à une vingtaine
de pieds ; mais, dans l'Est, l'expérience nous a démon-
tré qu'il faut planter les arbres beaucoup plus serrés
afin qu'ils se protègent les uns les autres contre les
vents froids et impétueux qui régnent souvent dans
cette partie de la Province ; vingt-cinq pieds pour
les pompiers à port étalé et vingt pieds pour ceux
à croissance verticale sont les distances voulue*
Quant aux pruniers et cerisiers on les met à quinze
pieds. ;
Une fois le terrain marqué, vous creusez une fosse
de quatre pieds carrés à l'endroit où chaque arbre
doit être mis ; cette fosse doit avoir deux pieds et
demi de profondeur. Vous avez soin de jeter la terre
végétale du dessus de la fosse d'un côté, et celle du
dessous de l'autre côté, sans les mêler.
Le printemps suivant la gelé<? a travaillé cette
fosse, a ameubli le sol au fond, à uu pied de profou-
— 81 —
deur au-dessous de l'endroit creusé et. tout autour de
la fosse, à deux pieds plus loiu que la grandeur
creusée originairement. Ceci est le meilleur moyen
de bien ameublir à la profondeur suffisante le terrain
du verger.
Il va sans dire qu'avant d'avoir fait ce travail de
défoncement, le terrain aurait dû être cultivé une
couple d'années ; d'abord par une récolte de grain et^
l'année suivante, par une récolte sarclée avec forte
fumure.
Au printemps de la plantation, vous plantez slvl
milieu de chaque fosse creusée l'automne précédent,
comme dit plus haut, un fort piquet de sept pieds
de longueur environ, dont deux pieds et demi
seront dans le sol, et vous rejetez dans la fosse d'abord
la terre du dessous et ensuite celle du dessus et, sur
la fosse ainsi remplie, vous arrangez la terre en un
petit monticule sur lequel vous étalez les raciries de
votre arbre de manière à ce qu'elles occupent la même
position qu'elles occupaient lorsque l'arbre était dans
la pépinière. Vous avez soin de couper toutes celle»
de ces racines qui ont été brisées lors de l'arrachage
ou du transport et vous ôtez de branches ce qu'il faut
pour établir la proportion entre les branches et les
racines ainsi enlevées. Vous prenez la terre végétale
du dessus de la fosse et vous la placez avec les mains
avec soin entre toutes les racines afin d'empêcher qu'il
y ait aucun vide et, après avoir de cette manière
recouvert la racine d'environ quatre pouces de terre,.
vous tassez fortement la terre tout autour de l'arbre
jusqu'à l'extrémité des racines, avec le pied. Vous
achevez de recouvrir ensuite avec la terre de la sur-
face, toujours de manière à ce que l'arbre se trouve
planté absolument à la profondeur et pas plus que
celle qu'il occupait dans la pépinière.
Une fois l'arbre planté, vous l'attachez à son pi-
quet ou tuteur avec un lien qui ne puisse pas briser
récorce de l'arbre. Un des meilleurs liens et un des
liens le meilleur marché que je connaisse est le coton.
6
— 82 —
-commun à fromage plié en trois ou quatre dou-
bles de man ère à faire un lien d'environ trois pou-
ces de largeur.
Comme je viens de vous indiquer la plantation de
vos arbres, ceci im )lique que vous en avt'Z fait un
<;hoix d'avance et ce choix est la partie la plus impor-
tante du travail de l'arboriculteur qui veut réussir, sur-
tout dans les régions froides de la Province.
Beaucoup d'arbres réussiront dans Ontario et
même à Montréal qui ne réussiront pas du tout dans
l'Est de la Province à partir de Québec. Je ne puis
mieux vous renseigner à ce su)et qu'en vous donnant
la liste des arbres que je cultive dans mon verger d'ex-
périmentation à St Denis de Kamouraska par quarante
-sept degrés et trente de latitude, planté en 1889
Je vous donnerai en même temps quelques notes
sur la valeur des différentes variétés que je cultive et,
de cette façon, vous pourrez sans crainte indiquer
dans l'Ouest comme dans l'Est comme devant réussir
certainement dans toute la Province, les variétés qui
ont à endurer chez nous notre rude climat : —
POMMES.
Chalottenthaler. — Pomme russe d'été, mûris-
sant du 15 au 20 août et bonne à manger du 15 août
au 15 septembre. Couleur jaune verdâtre avec un peu
4e rouge du côté du soleil — grosseur moyenne.
AsTRACAN ROUGE. — Pomme russe d'été, mûrissant
du 5 au 14 septembre et bonne à manger du 1er sep-
tembre au 1er octobre. Couleur cramoisie des pins
belles à l'œil — grosseur moyenne
Duchesse d'Oldenbourg. — Pomme russe d'au-
tomne hâtive chez nous, m.ûrisfiAnt du 15 au 30 sep-
tembre, et bonae à manger du 1er septembre au 1er
décembre. Couleur, verte, presqii' entièrement striée et
tachetée de ronge — grossenr, au-dessus de la moyenne.
— 83 —
Arabka d'été. — Pomme russe d'automne hâtive,
mûrissant du 20 septembre au 5 octobre et bonne à
manger du 15 septembre au 15 novembre. Couleur
verte, rayée d'un peu de rouge — grosseur moyenne.
TiTOVKA. — Pomme russe d'automne tardive, mû-
rissant au commencbment d'octobre et bonne à man-
ger du 1er octobre au 1er décembre. Couleur jaune
verdâtre, jayée de rouge du côté du soleil — grosseur
beaucoup au-dessus de la moyenne.
Alexander — Pomme russe d'automne tardive,
mûrissant son fruit au commencement d'octobre et
bonne à manger du 1er octobre au 1er décembre. Cou-
leur d'un rouge brillant des plus attrayants. Fruit
très gros.
Antonovka. — Pomme russe d'automne tardive,
mûrissant son fruit au commencement d'octobre et
bonne à manger du 1er octobre au 1er décembre. Cou-
leur jaune verdâire, rayé d'un peu de rouge foncé du
côté du soleil — grosseur un peu au-dessus de la moy-
enne.
Fameuse. — Pomme canadiene d'hiver hâtive, mû-
rissant son fruit dans la première quinzaine d'octobre
•et bonne à manger du 1er octobre au 15 mars. Cou-
leur d'un beau rouge vif des plus attrayants — gros-
seur moyenne.
"Wealthy.— Pomme américaine d'hiver hâtive,
mûrissant son fruit, comme la Fameuse, dans la pre-
mière quinzaine d'octobre et bonne à manger du 10
octobre au 1er avril. Couleur jaune pâle, colorée en
rouge foncé du côté du soleil et couverte de l'autre
€Ôté de bandes rouges brisées et de taches bigarrées
plus pâles — grosseur moyenne.
McIntosh Red. — Pomme canadienne d'hiver hâ-
tive, mûrissant dans la première quinzaine d'octobre
et bonne à manger du 1er octobre au 15 mars. Cou-
leur jaune verdâtre presqu'entièrement recouverte
d'une* couleur ronge brillante, tournant presqu'an
— .84 —
violet du côté du soleil — grosseur un peu au-dessu»
de la moyenne.
KouGETTE DORÉE ANGLAISE, {EngHsh golden Rus-
set. — Pomme anglaise d'hiver tardive, mûrissant son
fruit vers le 20 octobre, et, conséquemment, le mûris-
sant rarement à l'arbre chez nous, parce qu'il est rars
qu'on n'ait pas, longtemps avant le 20 octobre quel-
quefois, des menaces de fortes gelées qui nou.s forcent
à la cueillir avant cette date. Elle est bonne à man-
ger du 15 octobre au 15 mai. Couleur, fond vert, cou-
vert de gris, et ayant une légère teinte rougeâtre du
côté du soleil — grosseur moyenne, plutôt petite que
grosse.
GrRANDMOTHER {BeehMshkino).—VomixiQ russe d'hi-
ver tardive, mûrissant son fruit vers le milieu d'oc-
tobre et bonne à manger du 15 octobre au 10 avril.
Couleur d'un jaune verdâtre, rayée de rouge du côté
du soleil. G-rosseur moyenne. Ce que j'ai dit de la
Kusset s'applique à celle-ci.
LoNGFiELD. — Pomme russe d'hiver tardive chez,
nous bien que catologuée dans les listes de tous les
pépiniéristes comme étant d'hiver hâtive. Elle mûrit
son fruit vers le 15 octobre et est bonne à manger du
10 octobre au 15 juin. Couleur jaune pâle avec rouge
jaune du côté du soleil. G-rosseur au-dessous de la
moyenne.
Arabka d'hiver. — Pomme russe d'hiver tardive
mûrissant son fruit à la fiu d'octobre. De fait, chez
nous, ce dernier doit être cueilli avant sa maturité
complète, à cause des fortes gelées de la fin d'octobre.
11 est bon à manger du 15 octobre au mois de mai.
Couleur verte foncée, presqu'entièrement recouverte
de rouge noir, ayant la même teinte que le vin ,
d'Oporto, surtout du côté du soleil. Grosseur beau-
coup au-dessus de la moyenne.
POMMES DE SIBÊKIE
Hyslop. — Son fruit mûrit en octobre et est bon à
— 85 —
manger jusqu'en janvier. Il est d'un beau rouge cra-
moisi et d'une bonne grosseur. Très astringent, il n'est
bon que pour les gelées.
Transcendant — Son fruit mûrit du 25 septem-
bre au 10 octobre et ne se conserve bon à manger que
pendant un mois. Il est jaune rayé de rouge et pas-
sablement gros pour une pomme de Sibérie.
Whitney. — Son fruit mûrit du 5 au 15 septembre
et ne se conserve que quelques jours, au plus deux
4semaines, en bon état. Il est vert rayé de carmin du
côté du soleil et est très gros pour une pomme de
Sibérie.
J'ai d'autres variétés de pommiers qui n'ont pas
•encore porté fru'ts chez moi ; mais qui ont fait une
b^lle croissance et me donnent beaucoup d'espérances.
Telles sont : la St Laurent d'été ; la St Laurent d'hiver ;
Je srrand dite Constantin ; Gipsy Girl ; Princesse Louise ;
Golden White ; Red Queen ; Hare Pipka ; pêche ; General
Grant.
J'ai tenté la culture des poires, mais je ne fonde
d'espoir que sur deux poiriers russes : Baha et Bes-
samianka qui font une excellente croissance. Je dirai
même à ce sujet que ce qui empêcherait probablement
la culture des poires d'être possible chez nous, c'est
■que l'arbre y pousse avec beaucoup trop de vigueur ;
«t, j'ai beau pincer et pincer à outrance les poiriers qui
croissent chez moi, ils font toujours beaucoup de bois
neuf, même tard à l'automne, et je ne sais pas si réel-
lement nous pouvons espértr en obtenir des fruits.
Je vous étonnerai probablement en vous disant
que notre succès avec les différentes variétés de prunes
dépasse ceux obtenus dans l'Ile de Montréal. Je vais
TOUS donner les noms et variétés en culture chez moi,
en vous donnant quelques mots sur leur qualité.
Les prunes les plus recommandables pour le mar-
■ché dans notre région sont la Damas, petite prune
— 86 -«
bleue que vous connaissez tous, et la Reine Claude^
belle prune blanche ou jaune qui fait les délices de
tous ceux qui la mangent. Nous avons outre cela, la
Brad-Shaiv, la Goutte d'Or de Coe et la Trabishe qui font
une excellente croissance chez nous et donnent des
fruits magnifiques ; mais celle des prunes étrangères
qui vient dans sa plus grande perfection est la LéOm-
barde, belle prune d'un rouge violet, de bonne grosseur
et dont la Trabishe nommée plus haut est le véritable
portrait avec une avance cependant de dix jours-
quant à la maturité.
Pour distinguer La Lombarde de La Irabùhe, une
fois qu'elles sont parties de l'arbre, il faut examiner
les noyaux des deux qui différent essentiellement
l'un de l'autre. Celui de La Lombarde est jaune foncé
et relativement petit ; tandis que celui de La Irabishe
est grand, plat et jaune pâle.
La Goutte d'or de Coe a le mérite de mûrir seule-
ment à la fin d'octobre. Il faut même la cueillir à cet te
époque encore verte et on la fait mûrir en l'étendant
dans la batterie d'une grange et en la recouvrant d'un
léger lit de paille. Là elle prend la magnifique cou-
leur qui la fait appeler La Goutte d'or dans une quin-
zaine de jours et se trouve prête chez nous à être mise
sur le marché au quinze novembre, époque où les
prunes en sont toutes disparues.
Nous avons une autre petite prune appelée Shrop.
shire Damson qui, elle aussi, mûrit à la fin d'octobre-
C'est une petite prune bleue très sucrée et qui a sur-
tout le mérite de venir à une époque où nous n'avons-
plus d'autres prunes.
En fait de cerises, La Cerise de France, importée
par nos ancêtres lorsqu'ils ont colonisé le pays, semble-
ne pas devoir être détrônée comme beauté, comme qua-
lité et comme ff»condité par aucune cerise importée-
d'aiLenrs.
J'ai cependant a l'essai dans mon verger La Mont-
morency et, en fait de cerises Husses, La Lutovka, Lm
— 8t —
Bessarabian, La Wladimir et La Osthein. La Lvtovka est
est une grosse cerise beaucoup plus grosse que La ce-
rise de France, qui, soit dit en passant, n'est autre chose
que La Early Richmond. Cette grosse cerise, [La Lutockn)
est d'un rouge plus pâle que La Cerise de France et
moins sucrée ; mais elle e-^t très juteuse. Eu plus sa
beauté est remarquable. Comme elle rappoite
moins que la dernière nommée elle ne saurait prendre
sa place. La Besmrabian, la Wladimir et la Osthein men-
tionnées plus haut sont aussi de belles et grosses ce-
rises participant beaucoup de la Lutovka, exceiité pour
la couleur qui est plus foncée. Elles ont une petite
trace d'amertume dans le goût, et en somme je donne
comme con.<>eil aux amateurs de cerises de se borner à
la culture de la Cerise de France.
Ce qu'on appelle Petits fruits, dans lesquels sont
classées les groseil/es, les gadelles, la framboise et \b. fraiser
réussissent parfaitement chez nous et viennent, je-
pourrais dire, à leur plus grande perfection.
En fait de Groseilles, je recommanderai surtout La
Doiuning et La Pearl, parmi les blanches ou vertes et la
Houghton parmi les groseilles rouges ou violettes.
Cette dernière rapporte énormément, mais son fruit
n'est pas aussi gros que celui de la Downing. J'ai un&
douzaine d autres variétés de groseilles chez nous qui
réussissent très-bien, mais elles n'ont aucun mérite qui
pourrait les faire préférer à celles mentionnées.
Le mitdevj, cette maladie des groseillers, qui fait
tant de ravages dans certains endroits, n'a pas encore
fait son apparition dans notre district.
Parmi les " gadelles " nous avons la Noire de
Naples. la Rouge Versailles, la Blanche, appelée Raisin
blanc ( White grapes) et surtout la Prolific de Fay, bell&
grosse gadelle rouge à grappes très longues et qui est
beaucoup supérieure à toutes les autres variétés chez^
nous.
Dans les * framboises " j'ai la vieille variété appe-
lée Anvers, Antwerp, la Rdiance et la Marlborougk parmi
— 88 —
les ronges. La dernière nommée semble être celle qui
convient le mieux à notre climat. Parmi les noires,
je cultive la Sowhegan, mais elle semble ne pas devoir
avoir grand succès,
Parmi les " Ronces " la Rustique de Stone (Stone
Hardi/) est la seule variété qui ait voulu croître chez
nous, mais je n'en espère pas grand chose. Mais la
framboise par excellence, par la qualité et la fécondité
«n même temps que par la rusticité, est notre belle
belle framboise blanche qui, elle aussi, comme la cerise de
France a été importée rhez nous par les vieux colons
français. Elle est si rustique et si acclimatée dans nos
régions qu'elle croit, même on pourrait dire à l'état
sauvage, dans les vieux vergers et y donne des fruits
de première excellence.
Les Fraises que nous cultivons chez nous sont
pour les rouges, la Sharpless et pour les blanches, la
Blanche des Alpes, encore une ancienne importation
française dont le fruit parfumé n'a pas de supérieur ni
d'égal parmi les fraises rouges.
Il est impossible de juger quelle sera la valeur
commerciale de ces différentes variétés de fruits main-
tenant. Ce ne sera que lorsque les arbres auront at-
teint leur pleine croissance que l'on pourra se rendre
compte de leur capacité pour la production, et faire un.
<ihoix entre ceux qui nous seront vraiment profitables
Tous croissent très bien, actuellement, dans un
terrain sablo-argileux, drainé, et exposé au nord, dans
xin endroit ou soiifîlent, à l'année, les vents de l'ouest,
du nord et de l'est. Le verger se couvre de trois pieds
de neige chaque hiver. Les arbres ont supporté un
froid de 30 degrés Fahrenheit dans l'hiTer de 189 1.
Une fois le verger planté, il exige beaucoup de
soin de la. part de son propriétaire qui veut être cer-
tain du succès. Celui qui. dans une vieille prairie,
xîreuse un trou d'à peu près de la moitié de la grandeur
voulue pour les racines de l'arbre qu'il va planter, qui
plante l'arbre dans son trou, en recouvre les racine»
avec la tourbe eulevée, et laisse là ensuite cet arbre
«ans aucun soin subséquent, ballotté par les vents, ne
recevant jamais d'engrais, ayant ses racines étouffées
par l'herbe qui croit au pied de l'arbre et ses branches
rongées par les vers, même son feuillage mangé par
les chenilles de toutes sortes, vous dira toujours que
planter des arbres est une folie et d'après sa méthode
à lui, c'en est certainement une. Une fois l'arbre plan-
té il n'y a pour ainsi dire rien de fait si on n'a pas la
bonne résolution de lui donner ensuite les meilleurs
soins de culture.
Ces soins consistent d'abord pour la première an-
née de la plantation, à cultiver le verger en tous sens
et même y récolter certaines plantes, certaines racines,
telles que la patate, la betterave, afin de tenir le ter-
rain absolument libre des herbes qui y croîtraient na-
turellement si on le laisse sans culture. Il faut, en
faisant cette culture, éviter de trop approcher du tronc
^es arbres et d'en atteindre la racine avec la charrue.
Au bout de cinq ou t«ix ans, lorsque les arbres
commencent à couvrir le terrain de leur ombre, cette
-culture du verger cessera d'être profitable parce que
les plantes qu'on voudra y cultiver, souffriraient trop
-de l'ombrage des arbres, mais il n'en faut pas moins
encore tenir le pied des arbres net en détruisant toutes
les herbes qui y poussent sur un rayon d'environ six
pieds tout autour des arbres. A l'automne tous les
-deux ans, vovis faites une application de fumier en
couverture sur la circonférence ainsi cultivée, sur une
^naisseur d'environ trois pouces, on le travaille en-
suite dans le terrain, au printemps, au moyen de bêche
à dents. L'année suivante on fera une application dé
•cendre de bois non lessivée si possible à raison d'en-
xiron un minot par chaque trois arbres, en éten-
dant la cendre à la surface sur la circonférence qui a
reçu le fumier l'année précédente.
En résumé : il faut tenir la lerre libre de végéta-
iiion et surtout de mauvaises herbes et bien ameu-
blie, sur un rayon de cinq pieds au moins, tout autour
4e l'arbre. Pour les pruniers, on recommande de met-
tre sur cette surface ameublie une couverture de
— 00 —
paille hachée de trois pouces d'épaisseur. Ceci a
pour effet, par la fraîcheur entretenue au pied de
l'arbre, d'empêcher les fruits de tomber prématuré-
ment, comme la chose arrive souvent, surtout dans le»
grandes chaleurs. *
Il ne faut pas oublier que les arbres ou plutôt le
fruit enlève surtout au sol beaucoup de potasse et c'est
pourquoi la cendre qui en contient une bonne quan-
tité est considérée comme l'engrais par excellence de»
vergers.
lia taille des arbres est une chose qui fait peur
à tous les arboriculteurs novices, tant ils en ont en-
tendu prôner les diliicultés, et cependant la taille de»
arbres bien entendu se résume à fort peu de choses.
L'opération du pinçage qui consiste à arrêt»?r entre le
pouce et l'index, en les coupant avec l'ongle du pouce,,
les jeunes branches quand elles sont herbacées, est
pour celui qui sait s'y prendre, la seule taille néces-
saire à part celle provoquée par les accidents qui cas-
sent certaines branches pendant les tempêtes ou par
l'effet de la neige, l'hiver.
Si par hasard quelques-unes de ces grosses bran-
ches sont ainsi cassées, alors il faut les enlever au ra»
du tronc avec une petite scie à dents fines si la bran-
che est trop grosse ou avec un sécateur si elle n'est
pas trop forte. Si vous vous servez de scie, il faut avoir
le soin de polir au couteau la surface sciée et ensuite
d'appliquer la cire à greffer dont la composition sera
donnée plus loin.
On ne doit jamais tailler des arbres l'été. Il n'y
a qu'une exception à cela. C'est lorsque vous avez^
un arbre en état de donner du fruit et qui s'obstine à
n'en pas donner. Si cet arbre ne fleurit pas encore
cette année, enlevez-lui nn bon nombre de branche»
et, surtout, faites la taille des racines en en enlevant
une ou deux des plus grosses au ras du tronc. Cette-
taille énergique est du meilleur effet pour forcer le»
vbres à émettre des bourgeons à fruit.
— 91 —
Si la taille proprement dite est mauvaise en été^
il n'en est pas de même du pincement qui permet
d'arrêter les pousses de l'année, eu les coupant lors-
qu'elles sont encore tendres. C'est par ce moyen qu'on
enlève, surtout sur les pruniers où ils poussent tou-
jours en grand nombre, c^^ qu'on appelle les gourmands,
pousses droites qui jaillissent à la base des grosses
branches et s'allongent très-rapidement, au détriment
des branches à fruit.
Un grand nombre déjeunes vergers ont été plan-
tés depuis trois ou quatre ans dans l'est de la province
de Québec. Beaucoup de cultivateurs qui ont planté
ces vergers ne sont guère au courant de- soins requis
par les arbres pour Taire une bonne croissance, résis-
ter aux nombreux ennemis qui les attaquent et donner
le revenu qu'on en attend en fruits nombreux, sains
et savoureux. Je viens aujourd'hui donner quelques
avis à ces fervents novices en arboriculture, afin que
le zèle qui les a portés à planter des arbres fruitiers ne
s'éteigne pas en face des insuccès qui pourraient sui-
vre leurs premières tentativt^s, faute d'expérience de
leur part. ,
Branches cassées. — La première chose qu'on doit
faire, au printemps, si l'on n'a pas eu la précaution
d'attacher à un bon tuteur ou piquet les jeunes arbres
à 1 automne, en réunissant les branches en faisceau
pour empêcher la neige de les écraser, c'est d'examiner
s'ils ont des branches cassées. Ces branches doivent
être rasées près du tronc, avec un bon sécateur ou
fortes cisailles qui se vendent exprès pour cet usage,
ou avec un couteau bien tranchant, faute de mieux, si
les branches sont peu fortes et avec une scie à dents
fines, si ce sont de grosses branches. Dans ce cas, il
faut ensuite passer le couteau sur la surface sciée pour
en enlever les rugosités laissées par la scie. L'impor-
tant dans les deux cas est de raser aussi près que pos-
sible du tronc. On applique sur ces blessures ainsi
parées de la cire à greffer dont voici la composition.
Cire à greffer.— On fait fondre ensemble trois par-
ties de résine, trois parties de cire et deux parties de-
^ —92 —
suif de bœuf. Lorsqu'on garde les proportions indi-
quées, il suffit d'amollir cette cire dans la main au mo-
ment de l'employer, pour pouvoir s'en servir.
Echenillage et nettoyage des arbres. — il faut, entuite
bien examiner les branches des arbres pour en enlever
tous Ifs œufs que les insectes ont pu y déposer au
cours de l'année précédente. On trouve, entr'autres,
des bagues formées autour des branches par les œufs
de la chenille à tente, et des petits cocons poyeux,
blancs ou gris, sous les branches, qui servent d'abii à
autant de larves du ver des bourgeons (bud w'^orms)
qui rongent les boutons à fleurs au printemps. Puis
on examine le tronc pour voir s'il n'est pas couvert
d'une espèce de croûte rude et grisâtre, ce qui est l'in-
dice de la présence du kermès ou pou de lecorce du
pommier, {bark louse). Si l'on découvre cet insecte, il
faut gratter l'écorce avec le dos d'un couteau et appli-
quer sur le tronc de Vémulsion d'huile de charbon qu'on
fabrique en faisant fondre une demi livre de savon de
ménage dans un gallon d'eau bouillante, puis, en in-
corporant cette savonnure dans deux gallons d'huile
de charbon, par un brassage énergique d'au moins cinq
minutes qu'on ne saurait mieux pratiquer qu'avec
une pompe dont on dirige le jet dans le liquide même
qu'on pompe. On mêle, ensuite, l'émulsion ainsi faite,
avec neuf fois son volume, ou vingt-sept gallons d'eau.
On ne doit employer pour cela que de l'eau de pluie
ou de rivière. Si l'on a besoin que d'une petite quan-
tité de l'émulsion, on la fait avec un once de savon
idans une pinte d'eau mêlés avec un pot d'huile de
charbon et dilués dans sept gallons d'eau. Cette émul-
fiion sert aussi à combattre ce qu'on appc^lle le pou du
pommier, qui est un puceron {Aphis Mali).
Nodule noir — Il est très Important d'examiner
avec soin, avant la feuillaison, les branches d^^s ceri-
siers et des pruniers, afin d'en enlever tous les nodules
noirs qui auraient pu s'y former depuis l'an dernier. Ce
nodule noir (blackknot) est un champignon destructeur
<jui a ruiné un grand nombre de vergers dans la pro-
vince, et le seul moyen connu jusqu'à présent, pour
/enrayer son développement, est de couper les nœuds
— 93 —
à mesure qu'ils se forment et de les brûler, sans quoi^
les spores se dispersent dans l'air et propagent le maL
Sprayage des arbres fruitiers. — La première précau-
tion à prendre, après cela, c'est de commencer à se ser-
vir des agents chimiques reconnus comme spécifiques^
contre les maladies fongueuses des arbres, telles que
gale de la pomme (apple scab) le blanc des gro-
seilliers [Mildew). Il importe, avant que les bour-
geons commencent à se gonfler de sève, de leur
appliquer, au moyen d'une pomp«^ munie d'un
bec à jet pulvérisateur {spraying nozzle), une so-
lution de sulfate de cuivre (couperose bleue ou vitriol
bleu) qu'on prépare en faisant fondre une livre de sul-
fate dans vingt-cinq gallons d'eau. Il ne faut jamais
appliquer ce mélange sur un arbre dont la feuillaison
est commencée. Un peu avant que les boutons à fleurs
s'ouvrent, il faut appliquer la bouillie bordelaise, qu'on
prépare en faisant dissoudre six livres de sulfate de
cuivre qu'on met dans quaranle gallons d'eau, et dans
lesquelles on ajoute quatre livres de chaux qu'on éteint
d'abord et dont on fait un lait de chaux (qu'on passe
au tamis ou au couloir pour empêcher le résidu d'obs-
truer le bec pulvérisateur adapté à la pompe qui sert
à faire l'application) On ajoute à cette préparation
quatre onces de vert de Paris par cinquante gallons de
bouillie bordelaise. On a alors un insecticide excel-
lent en même temps qu'un fongicide, c'est-à-dire une
préparation qui sert également à détruire la gale de la
pomme, le mildew du groseillier, le ver des bourgeons,
la pyrale de la pomme dont la larve produit ce qu'on
appelle les pommes véreuses, la chenille à tente, la
tenthrédine ou némate qui dévore les feuilles de&
gadelliers et des groseilliers.
Ve7's rongeurs — Il y a encore un autre insecte dont
il faut suivre les mouvements au commencement de
juin, c'est la saperde blanche qui produit les vers ron-
geurs {borers) qui pénètrent dans la tige des arbres et
y creusent des galeries qui les font périr. La mouche
dépose au commencement de juin ses œufs au collet de
l'arbre. L'œuf y éclot et perce tout de suite l'écorce
— 94 —
pour pénétrer dans l'arbre. On empêche la saperde
de déposer ses œufs sur l'arbre en enduisant le tronc
de ce dernier, sur une longueur d'environ deux pieds
à partir d'un pouce au-dessous de la surface du sol,
4'un mélange de soda à laver et de savon de ménage qu'on
prépare en faisant fondre une livre de soda dans un
gallon d'eau et en mettant dans cette solution assez
de savon haché pour que le tout prenne la consis-
tance d'une peinture épaisse II faut au«si avoir la
précaution de voir si, à la fin de ]uin, il y a du bois
moulu ayant l'apparence de moulée de scie au pit^d de
l'arbre. Ceci est un indice que des vers travaillent
dans l'arbre. On trouve facilement le trou par où sort
la moulée et, en y introduisant une broche flexible, on
tue l'insecte.
Arrosage — Un mot, maintenant, sur la pratique
suivie par bien des personnes de donner de fréquents
arrosages aux jeunes arbres nouvellement plantés. Il
n'y a que dans des cas de sécheresse prolongée et ex-
cessive qu'on doit recourir à ce moyen. Un arbre à
racines saines, bien planté en bonne terre meuble, n'a
pas besoin d'arrosage. Il suffit de tenir la surface du
sol bien ameublie au pied et il est sûr de reprendre.
L'arrosage en question a pour effet le développement
du blanc des racines, un champignon parasite qui fait
bientôt dépérir l'arbre, jaunir les feuilles et qui, en
peu de temps, lui donne la mort. (1)
En terminant, je conseille à ceux qui voudraient
avoir des renseignements plus complets que c«ux don-
nés ici sur les " insecticides et fongicides ", de relire
un article sous ce titre publié aux pages 87 et 88 du
numéro du 15 mai 1894, du Journal cC Agriculture.
En terminant ces quelques notes sur l'arboricul-
ture fruitière qui sont les résultats de l'expérience d'un
amateur, bien plus que celle d'un pépiniériste expéri-
menté, je vous conseillerai. Messieurs, de mettre sur-
tout en garde ceux qui veulent se livrer à l'arboricul-
(1) Si l'on croit nécessaire d'arroser, ne le faire que tard le soir ou bien
il bonne heure le matin, lorsque la terre est refroidie.
— 95 —
ture fruitière contre certains agents de pépiniéristes
qui parcourent périodiquement nos campagnes avec
les livrets de gravures coloriées, représentant des
fruits de grosseur et de coloris fantaisistes qui n'ont
Î'amais existé tels que représentés, seulement que dans
a tête du dessinateur mercenaire payé pour peindre
ainsi faussement des fruits qui, en réalité, sont tous
autres qu'on les montre. Plus souvent qu'autrement
ces variétés ne conviennent pas à notre climat et
<5eux qui. séduits par l'apparence, les achètent sont
certains de perdre leur argent quand ils s'adressent à
•des pépiniéristes autres que ceux bien connus dont la
réputation est intacte et dont la marchandise est tou-
jours sûre de donner satisfaction. A ce point de vue
je puis recommander, et vous pouvez le faire après
moi sans crainte de vous tromper, les pépinières de
MM. A. Dupuis, de St. Roch des Aulnais, comté de
rislet, John Fisk, d 'Abbott sford, et surtout, et par
dessus tout, la magnifique pépinière qu'il nous a été
donné de visiter ici, chez les Révérends Pères Trap-
pistes d'Oka. On est certain de trouver ici toutes les
variétés de pommes qui conviennent à notre climat
tant comme fruits de tables que comme fruit de gelée
■et fruits à cidre.
Il en est de même des prunes, des cerises, des
TÎgnes et des petits fruits dont nous avons tous admiré
hier les innombrables échantillons si bien cultivés
dans la pépinièrt de la Trappe par un des meilleurs
arboriculteurs qr.'il m'ait jamais été donné de rencon-
trer. J'ai été très-souvent en communication avec les
meilleurs pépiniéristes de Québec, d'Ontario et même
des Etats-Unis et je dois dire que j'en ai rencontré peu
ayant autant de connaissauees théoriques et pratiques
<jn« le bon père Trappiste dont je ne voudrais pour-
t .t pas blesser l'humilité, mais qui cependant m'a
donné tant de satisfaction en me faisant entendre hier
soir les réponses si savantes, si claires et si bien frap-
pées au coin de la pratique qu'il a faites aux nombreu-
ses demandes qu'on lui a posées. Je suis sûr que pas
un d'entre nous, Messieurs, s'en retournera d'ici sans
— 96 —
prendre la résolution de faire connaître partout la.
pépinière des bons et hospitaliers Pères de la Trappe-
d'Oka et suppléer ainsi à la reclame faite quelque
fois à tort, à prix d'argent, par des pépiniéristes dont
les établissements n'ont pas la moitié de la valeur pour
le public qu'a celui de nos hôtes.
— 97 —
SEPTIEME SEANCE
VISITET7BS DZSTZiraUES.
A la reprise des séances du congrès, à 2 heures d&
l'après-midi, après inspection des départements de la
beurrerie et de la fromagerie de la Trappe, une agréa-
ble surprise était réservée aux congressistes.
M. le consul de France Kleckzowski et Mgr Pas-
quier, recteur de l'université d'Angers, et M. le cha-
noine Racicot, de Montréal, en visite chez les mes-
sieurs de St. Sulpice, au village d'Oka, assistaient à la
séance, ainsi que MM. les abbés Lefebvre, P. S. S., curé
d'Oka, Brasseur et Luche, P. S. S.
Invités par M. le président Côté à dire quelques
mots à l'assistance, les deux distingués visiteurs fran-
çais le firent avec la meilleure grâce du monde et le
plus grand sens pratique.
M. le consul félicita chaudement les membres du
clergé qui témoignent du haut intérêt qu'ils portent à
l'art agricole, si vital pour leur pays, en s'astreignant,.
pour aider à son progrès, à la discipline de l'école, et
eut d'excellentes paroles pour les bons pères trap-
pistes.
Monseigneur le recteur d'Angers joignit à celles^
du consul ses félicitations et il ajouta que les univer-^
sites catholiques de France, convaincues de l'impor^
1
— 98 —
-tance de l'instruction agricole, commencent à faire de
«érieux efforts pour en favoriser l'expansion et en rele-
ver le niveau : notamment aux Facultés de Paris, de
Lille et d'Angers.
Forcés de se retirer aussitôt, les nobles hôtes s*ex-
-cusèrent de ne pouvoir suivre plus longtemps les in-
téressantes délibérations du co >grès. Leur sortie fut
l'occasion d'un émouvant bout de scène Comme Mgr
Pasquier serrait la main au président : " Dites bien à
la vieille France, monseigneur, remarqua celui-ci, com-
bien nous sommes toujours fiers, nous de la Nouvelle
France, de voir quelqu'un qui nous vi«nt d'elle et
combien nous l'aimons. " Vive la France," proposa
alors M. Beaubien, comme conclusion, et toute la salle
/fit écho, en un cri du cœur qui saisissait l'âme, jaillis-
sant des murailles sonores de ce grand monastère isolé,
perdu dans un repli de montagne. " Vive le Canada,"
^' Vive l'agriculture," reprit vivement M. le consul de
France, et emportée par un enthousiasme communica-
tif, toute l'assistance fit encore choru"», faisant vibrer
'de ces vivats les échos des vallons voisins.
T
— 99 —
Confexeaee de J. A. MASSAI, professeur a l'Ecole
d'Agriculture de l'Assomption.
La. Culture du sol.
M. h Président,
Messieurs,
Je dois à un acte d'obéissance passive l'honneur
de porter la parole dans cet important congrès, mais
cet honneur m'effraie ; car le temps ne m'ayant pas
permis de préparer un travail soigné, et la Providence
ne m'ayant pas doué du don de la parole facile, je me
sens dans l'impossibilité de vous intéresser après les
éloquents discours que vous avez entendus depuis
l'ouverture de cette convention.
Sans égard pour la faiblesse de mes épaules, on
leur a imposé un fardeau bien lourd : l'on m'a chargé
-du sol, c'est toute l'agriculture.
Il est vrai que les savants conférenciers qui m'ont
précédé, ont passablement allégé mon fardeau, mais,
d'un autre côté, il est vrai aussi que ces habiles pio*
cheurs ont fouillé avec un enviable succès les plus
riches filons de la mine que j'espérais exploiter seul.
Malgré ce désavantage, je vais essayer, tout de même
tant bien que mal, de piocher derrière eux, dans Vos*
poir de déterrer encore quelques fragments utiles
échappés à leurs ambitieuses recherches.
'1 ,■..■.., ■ • ■ • ■ ■ , ■ 't
-: Cependant, messieurs, ce que je puis youfi «dii^^
— 100 —
en ce moment, sur le traitement du sol, me semble de^
, véritables banalités pour des hommes versés dans la
science agronomique : je me contenterai de signaler
sous ce rapport, au point de vue pratique seulement^
les points faibles de notre agriculture.
Tous les travaux du sol doivent avoir pour, but
d'en augmenter la production ; et les conditions d'une
production abondante sont que, non seulement les
plantes doivent trouver dans la terre, en quantité suf-
fisante et à l'état assimilable, les éléments c nstitutifs
de leurs organes, mais qu'elles puis-ent y développer,
multiplier et enfoncer facilement et sans obstacles
leurs racines et leurs radicelles à la re( herche de leur
nourriture et qu'elles puissent y bénéficier, dans une
juste proportion, de l'action simultanée de l'air, de
l'humidité et de la chaleur, les trois agents indispen-
sables de la végétation des plantes terrestres.
Abstraction faite des opérations qui ont pour but
de fournir aux plantes la nourriture dont certains sols
sont dépourvus, opérations que mes savants devanciers
ont déjà signalées scientifiquement, les travaux de la
terre doivent tendre à favoriser au plus haut degré
dans le sol, l'action bienfaisante des trois agents natu-
rels que je viens dénoncer ; puisque tout sol manquant
d'air, de chaleur ou d'humidité est improductif.
Pour se faire une idée plus exacte du traitement
qu'exigent les différents sols, il suffit d'examiner atten-
tivement une terre naturellement fertile et produc-
tive.
Sans aller dans la vallée du Nil, dans les plaines
du Manitoba ou dans le grand bassin du Mississipi^
arrêtons-nous aux régions fertiles de la province de
Québec ; examinons quelques fermes des vallées du
Richelieu on de l'Yamaska, des bords du St. Laurent»
ou de certains plateaux calcaires comme celui de St.
Jacques de l'Achigan et autres. Quelle est la consti-
— 101 —
tution naturelle de ces terres ? surtout de celles qui
sont convenablement assainies ?
Le sol est profond, meuble, à base d'argile calcaire
renfermant une certaine proportion de sable, riche en
humus, de couleur foncée, reposant sur un sous sol
suffisamment perméable.
Ces terres, bien que susceptibles d'épuisement,
sont considérées par la plupart des cultivateurs comme
pouvant se passer d'engrais, et de fait elles sont rare-
ment, pour ne pas dire jamais, fumées, et Ihs récoltes
sont encore supérieures à celles que nous remarquons
ailleurs sur des sols périodiquement engraissés. La rai-
son de cette fécondité se trouve non-seulement dans le
fait que ces terres sont riches en azote, en acide phos-
phorique, en potasse et en chaux, mais dans la perfec-
tion de leur état physique Elles sont poreuses, absor-
bantes de l'humidité et des gaz atmosphériques ; la
granulation ou la tcTiture en est parfaite ; les matières
grossières qui entretiennent le degré de division con-
venable et les matières pulvérulentes qui adhèrent
aux radicelles des plantes et leur fournit les éléments
<le leur alimentation, sont dans de justes proportions.
Ces terres se dessèchent et se durcissent peu dans les
•époques de sécheresse prolongée. Dans les temps plu-
vieux l'eau pénètre au-dessous du niveau des racines
■qui ne sont pas noyées, et l'air n'est pas chassé du mi-
lieu où elles végètent. La terre n'est pas refroidie par
l'évaporation, et le phénomène de la nutrification pro-
voquée par la chaleur, l'humidité et la présence des
matières organiques et des matières calcaires, s'y pro-
duit d'une manière plus active, ainsi l'élaboration de
la nourriture des plantes y eot plus constante et plus
prompte, et la végétation plus vigoureuse et sans ar-
Têt. De là les récoltes plus abondantes.
Ainsi dore dans le travail de la terre, le cultiva-
teur doit chercher à lavori?er et à mettre à profit l'ac-
tion bienfaisante d-^s agents atmosphériques. C'esr
alors qu'il tire parti de la puissance des lois naturelles
au lieu de travailler à l'encontre de ces lois ; c'est
— 102 -^
jalftrs qu'il travaille avec la nature et que la nature où
le Tout-Puissant travaille avec lui et pour lui.
Toutes les terres destinées à la culture qui ne
jouissent pas d'une condition physique favorable,
doivent d'abord y être amenées par les diverses opéra»
tions que suggèrent l'art, l'économie, l'expérience, les
moyens et les circonstances. Ces diverses opérations
se groupent sous trois titres principaux : assainisse-
ment, ameubliss^ment, amendement et engrais ; et
elles varient suivant ia nature des sols et les culture»
que l'on veut y pratiquer.
II
Avant tout, il faut assainir le sol, c'est-à-dire en
enlever l'humidité surabondante. A rien ne sert de
labourer, d'engraisser et d'ensemencer une terre hu-
mide ; il n'y a pas de profits à espérer ; les récoltes y
sont toujours médiocres et généralement sales.
Je n'entrerai pas dans le détail des travaux que
nécessite l'assainissement parfait des terres ; qu'il me
suffise de dire que le défaut d'assainissement est l'un,
des plus grands dont souffr*3 la plupart des terres, sur-
tout les terres fortes de cette province.
L'on a souvent beaucoup de difficultés à faire
comprendre ce point important aux cultivateurs qui
ne se doutent guère que leurs terres souffrent de l'hu-
midité, à cause du fait que les quelques opérations
existantes d'égouttement empêchent l'eau de séjourner
è la surface du sol. Mais le durcissement et le crevas-
sement des terres argileuses durant les fortes séche-
resses de l'été, causées par l'évaporation, est un indice
certain que la terre contenait trop d'eau. G-énérale-
ment les fossés et les rigoles ne sont pas assez pro-
fonds ; les raies sont peu ou point curées ; l'eau de^
neiges ou des pluies ne s'écoulent pas assez prompte-
ment, imprègnent trop le soussol et en augmentent la
compacité. Bien que les planches du labour, les rigoles
pi les fossés bien faits donnent des résulta' s meilleur^
— 103 —
et généralement satisfaisants, j'afl&rmerai, et ne fera^i
que l'affirmer en passant, que le drainage dans ces
sortes de terres produit des effets surprenants sur
l'augmentation, la qualité et la précocité des récoltes,
en améliorant radicalement la texture ou la granula-
tion du sol. son degré de porosité et ses propriétés ab-^
sorbantes etc.
Pour se convaincre de l'état défectueux de la plu-
part de nos terres fories, il suffit d'en observer quel-
ques-unes, surtout quand se manifestent des tempéra-
tures excessives pendant la saison de végétation.
La semaine dernière je traversais en chemin de
fer, dans le voisinage de la station de l'Kpiphanie, un.
groupe de terres argileuses que je connais particulière-
ment. L'aspect des récoltes attira mon attention dans
ce temps de sécheresse. La surfiice du sol était dessé-
chée, durcie et crevassée, l'avoine était courte et d'un
vert jaunâtre dans les raies et sur les bords â§8 plan
ches ; une étroite lisière sur le milieu de ces dernières
conservait une certaine verdure foncée et une certaine
vigueur de végétation.
Les planches étaient plutôt étroites que larges, les
rigoles peu profondes et les fossés d'égouttement suf-
fisamment nombreux du reste, d'une profondeur dé
dix-huit à vingt pouces à peine ; mais pourquoi le
grain qui a pouss>é sur l'endos est-il plus beau que
celui qui a poussé sur le reste de la planche ? c'est que
la couche de terre meuble s'y trouve plus épaisse et la
dose de matière organique enfouie dans l'endos plus
forte. La terre y conserve plus de fraîcheur. Et
pourquoi sur les autres parties des planches la végéta-
tion n'est-elle pas plus vigoureuse ? C'est que la terre
li'y est pas assez profondément ameublie, moins riche
en matière organique et moins absorbante ; cVst que
— cause principale — les fossés et les rigoles ne sont pas
assez profonds.
J'en faisais la remarque à une connaissance qui
se trouvait à mes côtés, lui déclarant que dans moit
— 104 —
opinion, ces terres n'étaient pas convenablement trai-
tées ; avec de meilleures rigoles et de meillnurs fossés,
des labours plus profonds, un ameublissement plus
parfait et des semis de trèfle rouge, on en obtiendrait
de bien plus fortes récoltes, car ces terres ne sont pas
dépourvues de nouriiture minérale pour les plantes ;
j'y ai déjà vu, sur des pièces non engraissées, mais ex-
ceptionnellement bien travaillées, des prairies de trèfle
supérieures sous le rapport de la qualité et du rende-
ment.
Là dessus mon compagnon de siège me dit : vous
avez raison ; j'ai un morceau de terre forte comme
celle-ci ; le sol était toujours dur et peu productif ;
j'ai creusé mes rigoles et mes fossés ; j'ai labouré à
pleine perche et bien hersé, et maintenant ce morceau
de terre pousse bien mieux.
Tous les propriétaires de terres fortes qui les ont
Iraitée^ainsi en ont obtenu de bien meilleurs rende-
ments en grains et en foin.
Il Y a trois ans dans un concours de fermes, je
visitais la terre — une terre argileuse — d'un cultivateur
avancé de St-Paul de Joliette. Je remarquais avec
plaisir des planches droites, égales, d'une largeur de
douze pieds, des raies bien curées, des rigoles profon-
des, droites bien nettoyées et munies de bonnes pentes,
des fossés de ligne profonds, creusés en talus et dont
les levées avaient été transportées et étendues sur le
milieu des pièces, dans les légers bas fonds qui s'y
trouvaient. Partout, d'un bout à l'autre de la terre,
grains de toute espèce, foin de mil et de trèfle, étaient
nets, abondants et magnifiques à voir. A côté, sur la
terre voisine, sol exactement de même nature, le foin
était clair et sale et le grain médiocre ; le sol était dur.
Aussi les rigoles et les fossés étaient peu profonds et
comparativement en mauvais ordre.
La différence dans la production de ces deux
terres était en raison de la différence du traitement
^jn'elles avaient subi et surtout des travaux d'assai*
nissement.
— 105 —
Je pourrais multiplier les exemples sous ce rap*
port, mais ce serait trop long.
Sur !a ferme du Collège, à l'Assomption, nous
avons fait beaucoup de fossés, de rigoles, de travaux
de nivellement, pour améliorer l'assainissement du
sol, et les améliorations ont grandement contribué à
l'augmentation des récoltes, et pourtant le sol de la
ferme n'est pas d'une nature agileuse, ni d'une qualité
supérieure.
Examinons maintent une terre sableuse ou d'hu-
mus, ou mélangée de sable et d'argile, comme nous en
rencontrons souvent aux pieds des coteaux. Le ^ol est
sourceux, par conséquent humide et Iroid ; il ne pro-
duit que des récoltt-s médiocres de grains ou de foin
remplies de mauvaises herbes, Cependant ces pièces
de terre peu productives renferment, à l'état inerte,
une abondante nourriture pour les plantes. Faisons
disparaître l'humidité dont le sous-sol est imprégné et
facilitons le concours effectif des agents atmosphé-
riques et, de suite, avec de bons travaux de culture,
les récoltes profiteront de la richesse naturelle du sol
•et donneront d'abondants rendements.
Le drainage là où il serait possible serait le pro-
•cédé d'assainissement le plus sûr et le plus efficace.
Mais souvent on réussit à intercepter le cours des
eaux souterraines par un fossé profond creusé au pied
du coteau et se déchargeant dans d'autres fossés suffi-
samment rapprochés pour faciliter l'écoulement des
eaux et les empêcher de se répandre dans le sous-sol.
La terre dos fossés est répandue sur le milieu des
pièces.
J'ai déjà vu des étendues de terre assez considé-
rables assainies par ce i)rocédé si simple et si facile,
donner des récoltes bien supérieures sous tout rapport
À celles des terres du voisinag^e, de même nature, où
l'on n'avait pas exécuté de semblables travaux d'assai-
nissement.
— 106 —
Notre province renferme d'assez grandes étendues
de terres sablonneuses d'une nature ferrugineuse et
froide, primitivement couvertes d'épinettes rouges en
plus grande partie. De prime abord ces terres semblent
ne pas exiger de traitement particulier pour les assai-
nir.
Mais généralement il y existe, à quelques pieds^
de profondeur, un« sorte de concrétion ferrugineuse
qui retient l'eau et l'empêche de pénétrer dans les
couches inférieures du sol Devenant par ce fait très^
humides en automne, elles gèlent profondément, dé-
gèlent tard au printemps, restent longtemps froides et
la végétation y est languissante et les récoltbs sont
faibles. Il est vrai que ces terres sont naturellement
pauvres ; mais pour donner aux engrais organiques et
à la chaux qui leur convient, toute 1 efficacité possible,
il faut tout d'abord faire disparaître les causes de l'hu-
midité. On y réussit généralement au moyen de
simples fossés profonds, creusés à mi-arpent de dis-
tance et même à un demi-arpent dans certains cas.
Ces terres demandent en plus des labours profonds et
une bonne aération, car comme elles doivent aussi leur
humidité naturelle à la forte proportion d'oxide de fer
hydraté qu'elles renlerment, l'oxigène de l'air agira
sur To^ide de fer et produira des réactions chimiques
favorables à la nourriiure des plantes et à la bonne
condition physique du sol.
Par un traitement semblable, M. J. B. Richard^,
de Joliette, a réussi à obtenir sur une terre de cette
nature d'abondantes récoltes de toutes espèces : trtbac^
blé-d'inde, patates, racines, avoine, trèfle, foin, etc.,etc,
au moyen des seuls fumiers de ferme.
Ses fossés d'égouttement sont A un demi arpent de
distance, la terre provenant du creusage de ces fossés
et celle des abords a été répartie à la pelle à cheval à
la surface du terrain, qui ne présente qu'une large
planche de ^0 pieds entre les fossés, et la terre, au lieuL
d'être pleureuse comme auparavant, est saine tt pro-
— 107 —
fonde ; et la végétation y est vigoureuse, même dan»
les sécheresses de l'été.
Nous avons d'autres variétés de terrains sableuïr
terres de piuière ou d'érablière. Cjs terres n'exigent
aucune opération particulière d'égouttenient. Il fiut
au contraire y conserver toute l'eau que l'atmosphère
y déverse, car elles ont le défaut d'être trop filtrantes
et trop sèches; elles manquent par conséquent des
propriétés physiques favorables» une culture produc-
tive De plus, elles manquent de plusieurs minéraux^
utiles.
Les terres de pinières sont pauvres en chaux, ea
acide phosphorique et en pota-^se, mais les sables d'é-
rablière contiennent une certaine dose de ces subs-
tances, et poussent bien les patates et le seigle, quand
elles sont convenablerat*nt fumées. Les moyens de
tirer de bonnes récoltes de ces sables, dans les saisons
suffisamment pluvieuses, serait de les amender avec
des terres argileuses, surtout des argiles calcaires et
des engrais organiques, et d'employer, en sus, des en-
grais chimiques, sur les sables de pinière.
Dans le New-Jersey, on a réussi à transformer en-
terres productives de grandes étendues de terrain dont
le sable poudrait au vent, au moyen de la chaux et
des engrais chimiques pour provoquer la pousse du
sarrasin et du trèlle, puis par l'enfouissement de ces
récoltes à l'état vert, fournir au sol la matière orga-
nique ou humas qu'il lui manquait. S'il faut en croire
les rapports, ce sol produit maintenant de belles ré-
coltes de seigle, de légumes, et même de blé. Cepen-
dant je ne conseillerais les améliorations que j^^ viens
de signaler que dans des cas exceptionnels, là où les-
le^mendements sont à portée et la main d'œavre peu
coûteuse.
Néanmoins sur les sables si' nés dans le voisinage
des tourbières et des fabriques de chaux, je recomman--
derais l'emploi de la tourbe désacidifiée par la chaux.
Les sables enrichis de matières organiques absorbent
— 108 —
.et retiennent de plus fortes doses d'humidité, profitent
mieux des engrais de ferme ou autres ; les patates, le
blé-dinde ou même les grains y donnent ensuite des
rendemenîs satisfaisants ; on réussit à y faire prendre
le trèfle blanc dans les pâturages,
Les céréales y donnent des semences de belle qua-
lité, surtout après le trèfle.
Je ne parlerai pas des tourbières qui couvrent de
grandes superficies dans la Province ; car je ne crois
pas que les travaux qu'exige leur transformation im-
médiate en sols arables puissent payer dans les cir-
constances actuelles.
Cependant en Allemagne et en Norwège des
hommes entreprenants ont réussi à conquérir à la cul-
ture dïmmenses tourbières auparavant incultes, au
moyen de tranchées profondes d'égouttement et d'a-
mendements argileux et calcaires.
La France renfermait autrefois beaucoup de to\u'-
bières que les Moines du moyen âge assainirent et
transformèrent en terrains d'une grande fertilité ; ce
fiont aujourd'hui les meilleurs terrains maraîchers de
ce pays.
Le fond de nos tourbières est ordinairement en
argile calcaire et constituerait en réalité un sol fertile,
comme quelques expériences locales nous le démon-
trent.
Le gouvernement ferait peut être une œuvre utile
en achetant nos tourbières et en les donnant aux Rvds.
Pères Trappistes qui trouveraient moyen d'eu faire en
peu d'années d'immenses champs de grains et de lé-
gumes.
Laissez moi dire, sans arrière pensée, que notre
province fournirait plus facilement de courageux et
dévoués trappistes que de hardis cai italistes pour en-
treprendre de tels travaux.
— 109 —
III
Sous le rapport des travaux d'ameublissement je
m'arrêterai particulièrement à certains labours qui
sont encore trop peu usités dans notre ag^riculture.
Disons toutefois que les labours ordinaires sont encore
trop généralement défectueux. Il n'y a pas encore la
majorité des cultivateurs qui labourent bien. L'amé-
lioration d^s labours s'opérera par des concours plus
fréquents et par des conférences sur les principes du
labour lors de ces concours.
Il faut surtout insister, dans les conférences de-
vant les cercles aj^ricoles, sur l'importance des labours
profonds st des défoncements. On ne connaît pas assez
dans notre province l'influence favorable des labours
profonds et surtout des défoncements sur toutes les
récolte^, et en particulier sur ]es cultures racines et le
trèfle.
M. Grigault nous l'a répété hier, dans sa conférence,
tous les pays agricoles avancés de l'Europe pratiquent
les défoncements et doivent, en partie, à cette opéra-
tion, la supériorité de leurs récoltes sur les nôtres.
Lorsqu'on France ces labours furent inaugurés,
les cultivateurs furent tellement émerveillés des
résultats, qu'ils crurent un moment— à tort il est vrai
— être dispensés d'avoir recours au pur engrais pour
entretenir la fécondité de leurs terres. Les sols défon-
cés dont la surface, du reste, est convenablement ameu-
blie et engrai>sée, se tiennent plus frais et résistent
plus longtemps aux sécheresses. On a fait des expé-
riences sous ce rapport à la Station Expérimentale du
Nébraska, état exposé aux longues sécheresses.
Le sol a été défoncé à 16 pouces, par l'ouverture
d'une raie de 8 pouces d'épaisseur avec la charrue or-
dinaire derrière laquelle l'on a passé une charrue sous-
£ol fouillant la terre à 8 pouces plus profondément. À
côté une parcelle de terre non défoncée a été &U8emen<^
— 110 —
-cée et cultivée de la même manière quant au reste et
en même temps que la parcelle défoncée.
Voici les résultats obtenus :
E-écoltes Sol défoncé Sol non défoncé
Blé d'Inde tô minots 35 minots
Patates 125 " 0
Seigle 80J " 2^
Avoine, un an après
le défoncement 44J " 17 *'
2ème année après le
défoncement 39 " 0 "
]Blé-d'Inde, 1 an après
le défoncement 15 " 0 "
Il y a une quinzaine d'années j'ai fait défoncer
par le même procédé, une douzaine d'arpents, sur la
ferme du collège à l'Assomption, dans un champ dont
le sous-sol est quelque peu argileux.
L'année suivante les betteraves à sucre rappor-
tèrent 25 tonnes et les patates près de 300 minots par
arpent. La pièce avait reçu une bonne fumure. Après
ces récoltes le blé a rendu plus de 20 minots de l'ar-
pent. Depuis lors les récoltes ont toujours été abon-
dantes tous les ans. Et pourtant le sol de ce champ
est loin d'être de qualité supérieure
Dans mes conférences, j'insiste sur la pratique des
labours de défoncements périodiques — tous les 6 à 12
uns — sur toutes les terres dont le sous-sol n'est pas sa-
bleux ou graveleux.
Cependant, dans beaucoup de terres légères, dont
le sous-sol n'est pas compacte, on peut se contenter
de labours profonds appliqués de préférence aax cul-
tures racines fumées. . r
- r
- } Pour se convaincre de l'utilité de l'ameublisse*
inent profond des sols, il suffit de connaître la puist
fiance d'élongation et de pénétration des racine des
— 111 —
plantes ordinaires. Ainsi, dans des expériences faites
en Europe sur des sols argileux défoncés de 18 à 24
pouces, on a constaté pour les racines du blé, de l'orge
-et de l'avoine, un enfoncement de 4J pieds, et pour les
racines du trèfle, de 5^ pieds.
Dans le degré d'ameublissement à donner au sol
superficiel et au sous-sol, on doit aussi tenir compte
•4e la faculté de développement des racines des plantes
cultivées et de la couihe où elles sont susceptibles
d'atteindre le j)lus fort poids.
Dans les expériences que j'ai citées il y a un ins-
tant, on a constaté, pour plusieurs récoltes, le poids
des racines produites dans les premiers dix pouces de
la surface, puis dans les seconds dix pouces de profon
deur, et pour quelques-unes, dans la troisième couche
de dix pouces. Ainsi l'on a calculé les poids suivants
dans un arpent de terre, pour :
1ère couche de 2ème couche de
10 pouces. 10 pouces.
Le Blé 691 Ibs 220 Ibs
L'orge 464 " 140 "
L'avoine 844 " 136 "
Le Trèfle 112 " 320 "
3e couche de 10 pouces : 173 Ibs.
L'on a également calculé la surface des radicelles
que l'on a trouvée être, pour le blé, 5 fois plus consi-
dérable dans la première couche que dans la seconde,
et pour le trèfle, 8 fois plus grande, en chifi'res ronds,
dans la seconde couche et quatre fois plus grande dans
Ja troisième que dans la première.
; Or l'absorption par les plantes des sucs nourriciers
du sol est supposée être en raison directe de la surface
de leurs radicelles.
Ces chifîres sont, pour le cultivateur, un flam-
beau utile, destiné à l'éclairer dans le degré d'ameu-
blissement qu'il doit donner à son sol suiTa,iit les cul-
tares qu'ilentrepTend/ '
— 112 —
Pour les céréales, il faut ameublir et pulvériser
plus particulièrement la surface du sol, et, pour les-
trèfles et les racines fourragères, la perfection de cet
ameublissement devrait sopérer jusqu'à 15 à 20pouce8-
de profondeur.
Il n'est pas besoin de dire que tous les labours,..
quelle qu'en soit la nature doivent être faits en au-
tomne quand la chose est possible. Il y a cependant
certaines terres sableuses à grain fin dont le guéret
est susceptible de se masser par les pluies d'automne,
qui se trouvent souvent mieux d'un labour de prin-
temps, à la suite d'une culture de grains; mais mieux^
vaudrait encore les labourer l'automne, sauf à les la-
bourer de nouveau le printemps si besoin il y a, pour
aérer le sol, en hâter la dessication et le mieux prépa-
rer à Tensemencement.
C'est toujours une faute de labourer un sol argi-
leux ou tant soit peu substantiel, à l'état frais, le prin-
temps. La terre se motte trop et la pulvérisation enu
est moins parfaite.
Il faut rouler les terres motteuses avec un rouleau
pesant puis les herser de nouveau. On ne doit jamais^
rouler quand le sol est frais. Le roulage exécuté en
temps opportun est toujours utile dans n'importe
quelle terre profondément ameublie.
L'un des meilleurs instruments pour pulvériser
la surface du sol est la herse à disque ou la herse à.
bêches.
Une pratique trop peu usitée dans notre agricul-
ture et qu'il est important de répandre, sont les iabours^
superficiels après l'enlèvement des récoltes, labour»
d'environ 3 pouces d'épaisseur qu'on appelle
Dechaumages.
parce qu'ils ont pour but d'enfouir les chaumes^ et
d'en hâter la décomposition. Ils ont aussi pour effet.
— 113 —
d'empêcher la multiplication des mauvaises herbes eu
favorisant la germination et par conséquent ladestruc-
tion des graines tombées s ar le sol, entre autres le&
• grains de moutarde.
A la fin d« l'automne, on laboure de nouveau pro
fondement, mais aussi étroit que possible, pour soule-
ver et ameublir davantage la terre.
Quand le fumier doit être appliqué l'automne, il
est préférable de le répandre avant le déchaumage, afin
que les mauvaises graines qu'il peut renfermer soient
mises en état de germer ei d'être détruites.
Quelques semaines après l'opération on pulvérise
ce labour mince avec la herse à ressorts ou la herse su
disques.
Au lieu de la charrue, on peut employer pour dé-
chaumer, la herse à bêches ou un fort grubber. Le tra-
vail est fait plus promptement et e^^t moins dispendieux^
Dans nos conférences, nous devrions, comme les
labours de défoncement, fortement recommander le
déchaumasre
-O'
J'ai dit que cette opération s'appliquait aux
chaumes de grains, mais elle est aussi très avanta-
geuse sur les vieilles i-rairies ou les vieux pâturages
renfermant des mauvaises plantes à racines vivaces^
et qu'on relève, surtout pour une culture sarclée sub-
séquente.
Il me resterait à dire un mot des engrais, mais je
ne voudrais pas vous débiter tout un traité d'agricul-
ture qui sera nécessairement incomplet.
Je ne dirai rien des engrais chimiques. On en Or
déjà parlé dc^ns ce congrès, et l'on en parlera peut-être
8
— 114 —
«n^oTf*. Ces engrais conviennent surtout aux cultures
intensives, industrielles ou fourragères, à fort r^^nde-
ments et très rémunératives, et aux sols dépourvus
•d'éléments minéraux indispensables à la végétation,
mais il faut tout d'abord que le sol soit suffisamment
riche en matière organique et en <haux à l'état u ili-
sabie, puisque toute terre manquant de ces deux subs-
tances est vouée à la stérilité.
Donc, avant tout, il faut augmenter et bien utili-
ser nos fumie/s de ferme, puis h'il-* ne suffisent pas à
restituer au sol tous les éléments utiles enlevés par les
récoltes, enfouir des engrais verts, surtout des légumi-
neuses, trèflt», pois ou lentilles, en coramençant par le
sarrasin dans les terres trop pauvres pour pousser de
l)onnes récoltes de légumineuses.
Après la matière organique ou l'humus, nous met-
irons la chaux dans les sols dépourvus de calcaire,
puis enfin les engrais chimiques, azotés, phosphatés,
potassiques ou complets, suivant les circonstances,
sols ou cultures, n'oubliant pas que les engrais chi-
miques ne sauraient produire un effet complet et cons-
tant dans un sol pauvre en matière organique.
A défaut de fumier, il en coûte moins de fournir
l'azote au sol par l'enfouissagc d'une légumineuse,
trèjSe ou pois etc., que par l'achat des nitrates ou des
sels ammoniacaux.
La plus grande partie de nos terres, comme je l'ai
fait voir en commençant, manque d'humus qu'une
trop longue suite de récoltes sans engrais organique a
épuisé. Cependant quelques-unes sont d'une excel-
lente composition minérale, et renferment encore à l'é-
tat inculte une réserve suffisante d'acide phosphorique,
■de potasse et de chaux que les labours profonds et
l'augmentation de l'humus rendraient utilisables, par
l'action plus efficace des agents atmosphériques L'é-
puisement des terres en humus s'est accru d'année en
année depuis l'emploi de la fauux et des moissonneuses
])Our la coupe des grains. L'antique faucille laissait un
chaume plus long dont l'enfouissage par les labours
— 116 —
entretenait dans le sol une plus forte dose de matières
organiques qui devait contribuer à la production de
récoltes supérieures à celles d'aujourd'hui, malgré la
perfection plus grande de nos travaux actuels de cul-
ture.
A cause de ce fait, joint à la plus grande humidité
de l'atmosphère, l'herbe poussait plus abondante dans
les grains que maintenant, effet et cause à la fois, cette
herbe contribuait comme les chaumes à prolonger la
fertilité du sol.
Cette végétation herbacée après les moissons,
avait de plus pour effet de conserver l'azote du sol en
empêchant les eaux pluviales de dissoudre les nitrates,
{absorbés par la végétation) et de les entraîner hors du
sol. Car c'est en entretenant le sol couvert de végéta-
tion qu'on piévieni cette déperdition de l'azote au sol,
laquelle contribue souvent à l'épuiser de cet élément
autant que les récoltes elles-mêmes, qaand la matière
organique fait défaut.
Il ne faudrait pas conclure de là au rétablisse-
ment du règne de la faucille, mais les cultivateurs
doivent nécessairement prendre les moyens de recons-
tituer dans leurs terres la matière organique épuisée,
sans péril de voir leurs récoltes déjà faibles diminuer
■davantage.
Quand à l'emploi du fumier, je ne dirai qu'un
mot des exigences des sols sous ce rapport.
Les terres fortes exigent des fumures plus abon-
dantes et moins souvent répétées que les terres légères.
Les fumiers longs et chauds leur conviennent mieux
que les fumiers courts et froids : ce qui est le con-
traire pour les terres légères.
La raison de ce fait est que les terres fortes sont
plus rétentives, et ne permettent aucune déperdition
de l'ammoniaque des fnmiers, tandis que la nature fil-
trante des terres sableu'jes laisse facilement entraîner
les substances solùbles de l'engrais dans les couches
— 116 —
inférieures du sol par les eaux pluviales, ou en favo»
rise l'évaporation des éléments gazeux dans l'atmos-
phère, quand la terre se dessèche.
Il vaut toujours mieux appliquer et enfouir les
fumiers au commencement de l'automn'e qu'au prin-
temps, pour n'importe quelle culture. Car il faut que
le fumier séjourne un certain temps dans le sol avant
qu'il puisse être transformé en terreau et que son
azote pelisse nitrifier et servir à la nourriture des ré-
coltes.
On fume quelquefois le printemps, à titre d'ex-
ception, certains sables ensemencés en patates ; alors
le fumier se répand dans le sillon.
J'ai constaté par expérience personnelle que le fu-
mier bien conservé appliqué l'automne, produit, à
doses égales, de bien plus forts rendements de racines
ou autres récoltes, qu'appliqué au printemps, du
moins sur les sols sufiisamment substantiels ou reten-
tifs. (1)
Los engiais minéraux, tels que les chaux et les
phosphates doivent aussi s'appliquer l'automne ; mais
les nitrates et tous les engrais d'une grande solubilité
s'appliquent toujours le printemps.
Les engrais liquides se répandent également au
printemps ou en été dans le cours de la végétation.
Je me bornerai à ces observations relativement
à l'emploi des engrais, parce qu'elles se rapportent
aussi au traitement du sol.
Maintenant, messieurs, il est temps de cesser de
vous ennuyer, et de vous remercier de votre trop bien-
veillante attention,
I. J. A. Marsan.
(1) Il j' a généralement faute à et fouir le fumier trop profondément^
surtout dans les sables. Après le déchaamage, le labour étroit et profond
qu'il convient de donner maintient le iumier légèrement enterré à la sur-
fiice du sol soulevé, et les parties solubies pénètrent suffisamment et facile-
ment dans la terre ameublie.
-117-^
Eeponses aux questions de M. Dallaire.
1ère Question. — Est-il possible, dans la pratique,
de suiA're rigoureusement un système de rotation,
•c'est-à-dire de diviser une terre de manière à traiter
chaque division à tour de rôle, d'après des principes
<;oastants et réguliers ? Sur quoi doit on se baser pour
adopter une rotation ?
Réponse. — C'est possible, et dans ce cas avanta-
geux, mais difficile dans la pratique.
Il arrive souvent que l'insuccès des graines four-
ragères dans la formation des prairies nouvelles nous
oblige de stopper la rotation pour ne pas briser l'équi-
libre ou la proportion des diverses cultures. Dans ce
cas, on est forcé d'ensemencer de nouveau, en variant
les cultures autant que possible, les mêmes pièces que
l'année précédente, et de prolonger d'une année la du-
rée des prairies et des pâturages destinés au labour.
Je posais une question analogue, il y a plusieurs
-années à M. J. Drummond, de la Petite Côte, près
Montréal ; sa réponse fut en substance celle que je
Tiens de donner.
Néanmoins les principes sur lesquels est basé l'as-
solement des terres ne doivent pas être négligés et les
•divisions de la Ferme doivent toujours être en rapport
avec le nombre des cultures que l'on croit avantageux
défaire entrer dans la rotation. Les sols ne doivent
pas être nécessairement séparées- par des clôtures.
Le choix d'une rotation est déterminé par la na-
ture du sol et des cultures ou produits que réclame le
marché et qui doivent constituer la plus grande somme
— 118 —
de revenus pour le propriétaire, en tenant compte de
l'épuisement du sol et des engrais nécessaires.
La pratique à suivre pour éviter l'épuisement trop
rapide du sol et l'empêcher de se salir, est de faire al-
terner les cultures sarclées à racines pivotantes et lea
récoltes à racines fibreuses superficielles, les légumi-
neuses et Ifs graminées.
Il faut encore tenir compte de l'étendue que l'on
peut avoir en prairies ou en pâturages permanents ou
à long terme.
2ème Question. — Est-il avantageux de donner les^
vieilles prairies en pacage, avant de Its mettre à la
charrue Y
Réponse. — Non, généralement ; car une vieille
prairie qui n'est plus en état de donner un foin abon-
dant et de bonne qualité ne saurait fournir beaucoup
de bonne herbe. La plupart des vieilles prairies ne
sont constituées que par du mil qui convient peu aux
pâturages sans compter les mauvaises herbes, margue-
rites ou renoncules etc. Cependant celles qui sont
tapissées de trèfle blanc, de pâturius et d'agrostides,
font d'excellents pâturages ; ce que l'on rencontre dans
certains terrains sablo argileux riches en matières cal-
caires et d'un caractère plutôt sec qu'humide, bonnes
terres jaunes grasses de collines ou de montagnes.
Si la nécesbité nous forçait de faire pacager à&
vieilles prairies de mil, il serait effi.cace de les herser
de bon printemps et d'y semer du trèfle blanc Mieux
vaut pacager les prairies la seconde année de leur for
mation après avoir fait une récolte de foin la première
année! L'herbe est plus abondante ; mais dans ce cas-
le pré doit être composé de plantes variées propres aux
pâturages, comme les trois trèfles liouge, Alsique et
-119-
Blauc, le Dactyle pelotonné, le Ray-grass. — Paoy, 1»
Fétuque des prés, le Pâturia des prés, etc.
Sème Question. — Jusqu'à quel point peut-on profi-
tablemeiit se servir de main-d'œuvre salariée pour cul*-
tiver une terre avec les conditions ordinaires de no»
marchés ?
Réponse. — Il est très difficile, pour ne pas dire im-
possible, de répondre d'une manière précise à cette
question. La chose est relative à bien des circous'
tances. Près des villes, où l'on écoule les produifi*
journellement, il y a généralement profit à se servir de
main d'œuvre salariée. Loin des villes, il y a encore
des avantages à employer quelques mains pour le»
travaux les plus urgents : ensemencements, sarclages-
de légumes, betteraves à sucre, tabac etc., récoltes, la-
bours etc., fossés et rigoles. Mais en général il faut
employer le moins de monde possible.
Les cultivateurs qui n'emploient que leur famille
quand elle est assez nombreuse et assez vigoureuse,
prospèrent plus vite, toute choses égales d'ailleurs, que
ceux qui paient des gages.
Il m'est arrivé plusieurs fois de faire des observa-
tions sur ce sujet à des cultivateurs intelligents et à
l'aise, qui possèdent plus grand de terre quils n'en
peuvent travailler convenablement. Tous m'ont fait
la même réponse : *' Il vaut mieux faire ce que l'on
peut avec nos enfants que de prendre du monde ; la
main d'œuvre étrangère mange le profit, sans compter
•que ça cause du trouble et du dérangement à la mai-
son.
Cependant je sais qu'il y a un grand nombre de
cultivateurs qui. se tirent bien d'affaire et y gagnent
— 120 —
même, en prenant un homme ou d>ux dans certains
iemps de l'année.
Mais encore une fois, je ne puis dire quelle por-
tion des revenus de sa ferme un cultivateur peut af-
fecter au paiement de main d'œuvre étrangère ; cela
dépend de circonstances trop nombreuses et trop va-
Tiables.
4ème Question. — Pourrait-on cultiver une terre
avec profit et tout faire faire à prix d'argent ?
Réponse. — C'est possible près des villes, et encore
loin des villes, dans des circonstances exceptionnelles
quand la terre est d'excellente qualité, pouvant pous-
ser le foin sans engrais, avec une main-d'œuvre intel-
ligente, active et bien dirigée ; enfin quand tout est
^îonduit et exécuté avec habileté, calcul et économie.
Je sais que dans plusieurs paroisses, il y a des
propriétaires de bonnes terres à foin, qui les font va-
loir à prix d'argent, et disent retirer l'intérêt de leur
capital, toutes dépenses payées. Il faut dire que ces
personnes ne tiennent pas compte de la valeur des
éléments précieux de leurs terres enlevés et exportés
par le foin. Mais je ne crois pas que la chose puisse
se faire dans la généralité des cas pour les terres de
qualité moyenne, soumises à un système de culture
mixte nécessitant l'emploi des engrais.
Il y a une douzaine d'années, je crois, plein de
foi dans les ressources de l'agriculture, je nourrissais
l'idée que des plac^ements d'argent dans l'achat et l'ex-
ploitation des fermes dirigées par des régisseurs sala-
riés devaient être avantageux pour des capitalistes ; et
un jour, je posais cette mètne question de M^ Dallaire
À M. Browning alors vice-président du Conseil d'Agri-
— 121 —
culture, lequel résidait à Loogaeil sur uue ferme qu'il
■exploitait et dirigeait lui-même en faisant exécuter
tous les travaux à prix d'argent. Pratique et financier
•comme tous les Ecossais, M. Browning n'avait pas
fait de dépenses extravagantes et tout paraissait cal-
culé dans un but de bénéfices.
M. Browning se basant sur son expérience per-
sonnelle, me fit en substance la réponse suivante : La
■culture peut payer un homme qui travaille lui-même
sur sa ferme avec sa famille, mais non celui qui ne
travaille pas lui-même, qui ne se tient pas cc.istam-
ment avec ses hommes et qui est obligé de faire diri-
ger ses travaux et la main d'œuvro par un employé.
5ème Question.— lËst'il vraiment profitable à un
-cultivateur d'acheter du son, du tourteau de coton,
-de lin, etc., pour ses vaches laitières ? Ne vaut-il pas
mieux qu'il introduise dans sa culture des choses équi-
valentes comme aliment pour son bétail et se dispen-
ser de faire des déboursés à ce sujet ?
Réponse. — Oui, dans certains cas ; quand on vend
le lait en nature un bon prix, ou quand le beurre ou
le fromage, ou la viande de boucherie se vend cher ;
ou encore, quand l'on possède beaucoup de fourrages
grossiers et peu de nourriture concentrée, dans le but
de fournir aux animaux une alimentation complète et
bien équilibrée. Mais en principe, il vaut mieux ne
pas s'assujettir à une production étrangère ou au mar-
ché pour la nourriture parfaite de son bétail, et pro-
-duire sur sa ferme tous les fourrages nécessaires, je
"dirai plus, même le blé, pour sa famille.
Le trèfle, les pois, les fèves à cheval fournissent les
-aliments azotés ]>our former la viande et le caillé du
Jaît, le blé-d'inde, la graine de lin, les céréales et les
— 122 —
racines les matières grasses et les matières sucrés pour
produire la graine, entretenir la chaleur et la respira-^
tion, et les substances minérales néc^'ssaires au déve-
loppement des os, sans compter ce que renferment leet^
pailles et le foin.
La variété des cultures convient autant au sol
qu'au! animaux, quand les plantes se succèdent con-
venablement dans la rotation.
Quand on possède des terres légères de médiocre
qualité, qui exigent beaucoup d'engrais, on trouve gé-
néralement, plus d'avantage à acheter des aliments^
riches quand ils sont relativement à bon marché, qu'à
acheter les engrais néc-'ssaires, car les aliments, outre
la viande et le lait, produlî^ent aussi un fumier plus-
abondant et de meilleur qualité qui augmente les pro-
duits du sol. Il y a des cultivateurs qui pratiquent
ce système avec succès. Mais je ne pourrais le recom-^
mander dune manière absolue. A chacun déjuger deg^
circonstances à ce sujet. Encore une fois je ne trouve
pas prudent pour la généralité des cultivateurs de s'as-
sujettir à cette pratique. La hausse du son et des grains
peut causer des désappointements comme cela est arri-
vé cette année.
6ème Question. — Un cultivateur peut-il s'endetter
pour se procurer d^s instruments d'agriculture, ou bien
encore pour faire des améliorations foncières, épierre-
ment, clôtures, drainage, etc ? Quel percentage de ses
revenus peut il en général, sacrifier à cette Hn Y Doit-il
se contenter de ce qu'il peut faire lui-même avec sa
famille, tous les ans, à peu de frais ?
Réponse. — Comme question de principe** ou de
prudence, je ne conseillerais jamais aux cultivateurs
en général de s'endetter pour des fins semblables quel^
— 123 —
qu'utiles qu'elles soient, bieu qu'il vaille mieux s'en-
detter pour ces choses que pour se procurer une voi-
ture ou un harnais de luxe, ou de belles robes de soiet
pour ses filles, mais ici encore, il y a pour un chacun,-
à peser les circonstances.
Il vaut certainement mieux pour le j)lu8 grand
nombre supporter une dette de $25 à $100 pendant
quelques mois, mais pour se procurer l'usage d'un râ-
teau à cheval, d'un semoir mécanique, d'une faucheuse
ou autre instrument ou machine, que de s'en passer ;
les instruments sont vite gagnés avec l'intérêt du capi-
tal qu'ils représentent. Mais il faut que ce soit pour
un besoin absolu et que ces instruments sauvent une
dépense plus grande de main-d'œuvre inévitable.
Quant aux travaux d'améliorations foncières, le&
circonstances sont aussi à consulter par ceux qui dési-
rent les entreprendre ; la prudence, la pratique et des
connaissances certaines doivent, en cela, nous guider.
Mais en général un cultivateur ne doit pas entrepren-
dre plus de travail de ce genre qu'il n'en peut exécu-
ter convenablement avec sa famille, où qu'il ne peut
payer avec les revenus annuels de sa ferme, les besoins
de la famille étant pris. Il ne doit y dépenser ses éco-
nomirs qu'à condition d'en être remboursé à bref délai
par une augmentation en produits due aux améliora^
tions exécutées. On devrait, en principe, ne consacrer
aux améliorations que le revenu d'améliorations anté-
rieures qui n'ont rien coûté qu'un travail judicieux
fait en temps opportun.
Nous avons dans la Province plusieurs beaux ex-
emples de succès, sous ce rapport, obtenus par des agri-
culteurs qui ont procédé de cette manière. Mais sur
des sols généreux de bonne composition.
— 124 —
Nous connaissons tous les succès de M. Cham-
pagne de St Eustache, succès récompensés par la mé-
daille du mérite agricole. Il est bien reconnu que M.
Champagne a entrepris les améliorations étonnantes
qu'il a faites sur sa ferme avec des dettes et qu'il en a
tiré la valeur de son sol rendu productif.
Nous n^avons pas oublié ce qu'a fait le regretté
Ant. Casavant, ancien député de Bagot et membre du
Conseil d'Agriculture. Cet agriculteur intelligent a,
lui aussi, supporté des dettes pour améliorer sa ferme,
qu'il a épierrée et draîaée presqu'entièrement. Après
avoir utilisé la pierre en clôtures, il a dû défaire ces tra-
vaux pour en employer la pierre au drainage des terres
basses et humides. Pendant qu'i^ exécutait ces amé-
liorations dispendieuses et nouvelles dans la région,
ses voisins croyaient qu'il courait à la ruine. Mais
quand, les années suivantes, il se mit à recueillir les
fruits de ses travaux, des récoltes de foin de 3 tonnes
l'arpent sans engrais, du grain et des légumes en pro-
portion, M. Casavant paya bientôt ses dettes et acheta
-d'autres terres.
Il disait un jour à des cultivateurs avancés de St-
Jacques de l'Achigan, chez qui je l'avais conduit, et
qui avaient construit de beltes clôtures de pierres dont
ilg avaient débourré leur terre : " Quand vous aurez
connu les bons effets du drainage sur les récoltes, vous
démolirez vos clôtures et mettrez toute cette pierre
4ans la terre."
J'ai connu encore particulièrement, outre bien
■d'autres, un ancien cultivateur de St-Jacques l'Achi-
gan qui a accompli sur sa ferme des améliorations con-
sidérables et profitables, pour l'exécution desquelles il
ji'y aurait pas eu faute à faire quelques dettes*
— 125 —
M. Mathias G-areau, c'est le nom de cet homme ha-
bile et entreprenant qui avait acquis des connaissance*
agricoles, plus étendues que le commun de ses confrères-
en agriculture, par la Gazette des campagnes il avait
une terre de bonne composition sur la plus grande
étendue mais naturellement dans une condition phy
sique voisine de l'état inculte Une partie était une
espèce de savane malégouttée, une autre un coteau cou-
vert de roches et, la troisième une boisière humide, de
bonne terre, mais poussant plus de mauvaises herbes
qu'autre chose.
Mr. Gareau entreprit d epierrer son coteau, uti-
lisant la pierre à construire des clôtures et à faire du
drainage dans la partie basse et humide. La savane fut
égouttée par d^ bons fossés profonds. La terre argi-
leuse provenant du creusage de ces fossés fut mélan-
gée à la terre noire ; iiutî partie de celle-ci fut char-
royée sur le coteau et le bas-fonds. Et lorsqu'il y a
une vingtaine d'années, je visitais cette ferme, je fus
émerveillé de l'état des cultures et des récoltes qui
prirent d'emblée les premiers prix dans les concours
de comté. Je remarquai avec étonnement une pièce
de blé qui mesurait près de 6 x^'-^ds de hauteur et qui
ne manifestait aucune tendance à la verse ; preuve
que les améliorations et les engrais, fumiers sur le c 6-
teau, g/aise sur la teri'e noire, cendres et terre noire sur
la terre forte — avaient créé un équilibre parfait des
éléments utiles du roi, en augmentant leurs doses.
M. Gareau avait dû se faire aider dans ses tra-
vaux considérables par des engagés ; car il était seul
avec sa femme, et sa constitution affaiblie par une ma-
ladie chronique ne lui permettait pas d'accomplir de
ses propres mains les travaux qui demandaient de la
force physique.
— 126 —
De plus il trouva les moyens d'acheter des ani-
maux de races pures, piur améliorer son troupeau ; il
construisit une citerne à fumier ea pierre, cimentée et
couverte, contigne à son étable ; ce qui lui permettait
4e recueillir et de conserver parfaitement tous les fu-
miers liquides et solides.
M. Gareau n'avait pas tiré seulement de son sol
généreux les ressources nécessaires pour exécuter les
améliorations foncières que je viens de signaler, mais
-encore les moyens de remodeler et réparer avec goût
et confort sa maison d'habitation et ses dépendances,
ainsi que les bâtisses de ferme qui étaient bien cons-
truites et confortables.
M. Gareau est un exemple sûr à «suivre par tous
ceux qui possèdent de bons fonds de terre suscepti-
bles d'améliorations utiles ; et, de fait, son exemple a
•été suivi par d'autres cultivateurs intelligents de sa
paroisse qui ont dépensé des sommes considérables à
des améliorations semblables, et ont, par là, augmenté
Jeurs revenus, et. par conséquent, augmenté la valeur
de leurs propriétés.
Un autre exemple d'amélioration foncière, qui m'a
beaucoup frappé est celui de feu M. J. Bte Dupuis, de
St. Roch des Aulnais, comté de l'Islet. M. Dupuis
-était le père de M. Auguste Dupuis, le remarquable
pépiniériste du district de Québec. Ancien et riche
marchand retiré des affaires, il avait acquis, près du
village de St. Roch des Aulnais, à titre de placement
sûr d'argent gagné dans le commerce, de vastes pro-
priétés d'un sol fertile d'alluvion, mais littéralement
-couvertes de cailloux, au point qu'avec toute la pierre
ramassée on avait pu construire à tous les arpents de
distance, sur une largeur de 8 à 10 arpents, une sorte
■de muraille ou digue de 10 ou 12 arpents de longueur,
— 12t —
mesurant quatre pieds de hauteur par 12 pieds de lar-
^ur à la base et 8 pieds au sommet, si ma mémoire ne
fait pas erreur.
A l'époque où je visitais la ferme de M. Dupuis,
<en compagnie du Directeur et de mes confrères, élèves
-de l'Ecole d'Agriculture de Ste. Anne Lapocatière, en
excursion agricole, au printemps de 1867, js fus gran-
demen ; étonné de ces gigantesques travaux qui nous
paraissaient convenir plutôt à un gouvernement qu'à
Tin particulier.
Lorsqu'après être rentrés chez M. Dupuis, nous
causions avec lui des améliorations que nous venions
4'exaaiiner, il nous fit entrer, quelques-uns des plus
âgés, dans son cabinet et, ouvrant son livre de comptes,
il nous posa cette question : savez-vous, mes jeunes
amis, combien me coûtent ces travaux là ? Comme nous
•étions loin alors d'être des hommes d'expérience, pour
toute réponse, nous regardions notre Mentor avec un
mutisme embarrassé. Si nous eussions osé ouvrir la
lîouche. nous aurions prononcé des dizaines de mille
piastres. M. Dupuis voyant notre e .ibarras, se hâta
•de répondre lui même : " Eh bien ! mes jeunes amis,
-ça ne me coûte rien. Voyez mon livre décompte, j'ai
zéro au débit. Mais comment cela se fait-il, M.
Dupuis? répliquâmes nous. Quand je dis, ça ne me
•coûte rien, je veux dire que je n'ai pas déboursé un
«ou de vieil argent. Vous savez, je suis obligé de
garder des engagés à l'année et des chevaux pour tous
les travaux ordinaires. Une bonne saison, lorsque
mes hommes et mes chevaux n'avaient rien à faire, je
les employai à épierrer une pièce, utilisant à cela les
heures perdues que j'étais obligé de payer quand
même.
L'année suivante, cette pièce de terre me donna
— 128 —
un surplus de produits dont j'utilisai la valeur à épier-
rer une plus grande étendue la saison suivante. Je
continuai ainsi tous les ans à capitaliser les revenus-
croissants des améliorations précédentes, de sorte que
je puis dire que tous les travaux que vous venez de
voir ne me coûtent réellement pas un sou de déboursé-
spécial d'argent provenant d'autre source."
Cette leçon de pratique et de finance est ri>stée
gravée dans ma mémoire et je la répète depuis vingt-
huit ans à tous les jeunes gens qui passent à notre
Ecole d'Agriculture.
C'est une bonne note en faveur des excursions-
agricoles des élèves de nos Ecoles d'Agriculture sous
la conduite de leurs professeurs.
M. l'ABBÊ MÉTHOT cite le cas d'un cultivateur
pauvre qui acheta " à crédit " une terre sur laquelle
il fît travailler et vivre avec lui trois pauvres familles
et après dix ans, revendit cette terre le double de ce
qu'elle lui coûtait.
Il fournissait du t: orail et du pain régulièrement
à ce& gens-là, mais à la condition, leur avait- il dit :
" <1^*^ j'^i^ à ^® rendre le moins possible au marché ;
*' que vous consommiez les produits de ma ferme ait
*' prix courant, me donnant ainsi la faculté de me rem-
" bourser l'argent que je vous fais gagner."
M. l'abbé Méthot cite ce cas comme un bon exem-
ple à suivre : en effet, dit-il, il est opportun que le
propiiétaire foncier ne soit pas égoïste et s'efforce de
faire vivre de son fonds le plus grand nombre possible
d'individus.
— 129 —
HUITIEME SEANCE
Conférence par 1£. l'Avise DAT7TH, Cure de St. Léo-
nard d' Aston, missionnaire ag^ricole, sur les
'' Bessources d'une petite terre. "
Je viens, dit ce yénérable prêtre, vous raconter.
Messieurs, les faits de ma personnelle expérience, pour
vous démontrer à vous-mêmes d'abord, à ceux qui
vous entendront ensuite, tout ce qu'on peut tirer de
profits agricoles d'une petite terre bien cultivée, con-
venablement améliorée.
Elle n'avait que 16^ arpents, et n'en a plus que
16J, depuis que le chemin de fer m'en a pris un ar-
pent, ma petite terre de St Léonard, dont je pris pos-
session, immédiatement après l'église paroissiale et le
presbytère, où mon Evêque m'envoyait exercer mon
ministère le 15 juin 1891.
En voyant si dénudé, si abandonné ce tout petit
morceau de sol, moi qui suis amant passionné de la
terre, je perdis d'abord contenance. Puis, je me dis que
j'entreprendrais de l'améliorer, de le mettre en valeur
et que j'aurais bien encore la satisfaction de réussir,
9
— 130 —
comme j'avais si bien réussi à St Valère sur la terre
que j'avais là autrefois.
Une fois ma décision prise, l'action suivit immé*
diatement.
Malgré la saison tardive, je fis semer des navets
qui rendirent 80 minots sur Jd arpent. Je récoltai en-
viron 140 bottes de foin en plus et 18 minots d'avoine
de semence jetée en terre avant mon arrivée.
Dès l'automne de 1891, je divisais la terre, prépa-
rant les rotations, faisant une allée d'inspection, le
fossoyage, etc. Au printemps de 1892, je lui prodi-
guais l'engrais, ayant remarqué qu'elle manquait sur-
tout d'azote
Yoici quelles furent les divisions de ma petite
terre : on la partî^gea en 4 morceaux, plus un jardin^
en tout .') divisions.
Laissant à part le jardin, voici quelle était la ré-
partiou des Nos. 1, 2, 3, 4. Le No 1 comportait 2^
de superficie ; le No. 4, 3^ arpents, les Nos. 2 et 8 en-
viron 4 arpents chacun.
En 1992, les Nos. 1 et 4 furent ensemencés en
pois, en vue d'azoter la (erre ; nous y jetâmes environ
3 minots de pois par arp«^nt Ils donnèrent un ren-
dement magnifique grâce au plâtrage : plâtrage avant
la semence, plâtrage 2 fois sur la moisson. Notre se-
mence avait été roulée dans environ 1 minot de plâtre^
Notre récolte fut de 91 minots
Le No. 3 était resté en pâturage et fut pitoyable.
Le No 2 préparé par un épandage de 12 minots
de chaux l'automne précédent fut semé en seigle,
pois et avoine avec mil et trèfle le printemps, pour
récolter à l'automne suivant ; sur le foin lorsqu'il fut
à 4 pouces de hauteur, nous épandâmes encore J mi-
not de plâtre, après avoir au préalable, dès le prin-
temps, additionné de 1000 livres de superphosphate le
— 131 —
terrain où il devait pousser. La récolte fut de 30O
bottes à l'arpent, total 1200 bottes.
Pour l'emploi de la chaux, voici notre manière de
procéder : sur un coin de terrain bien nivelé, avec
rebord en terre, on dépose un, deux ou trois quarts de
chaux qu'on fait fleurir ; puis on dispose une plate-
forme longue, et étroite sur laquelle on étend trois
couches alternatives de chaux et terre ; ou bêche alors
l'une avec l'autre, pour en faire un excellent compost.
On réussit aussi, à présent, à faire la distribution delà
chaux directement sur le champ, mais le distributeur
doit avoir soin de se couvrir bien la bouche et les
yeux.
Il est bien mieux de %ire étendre la chaux en
compost, comme susdit ; mais sous quelque forme
qu'on l'emploie la chaux vaut toujours beaucoup.
En 1892 donc, pour reprendre l'histoire de ma terrer
le No 1, grâce aux pois verts que j'y avais fait enterrer
devi»)t le plus riche morceau de mon terrain. J'ai eu
connaissance d'un cultivateur à qui j'avais conseillé
ce procédé d'engrais vert fait avec enfouissement lors-
que les pois sont en fleurs, et qui, après l'avoir suivi,
a récolté de 500 à 600 minots de navets blancs dans f
d'arpent d'une terre ou rien ne poussait auparavant.
•
La jaohêre des pois a le bon effet de tuer toutes
les mauvaises herbes, et elle fait croître, presque sans
sarclage, quantité de légumes.
En 1891, je n'avais pas eu assez de fourrage pour
l'entretien d'une vache et d'un cheval. En 1892 je par-
vins à entretenir 3 vaches, sur les 4 arpents du No. 3^
mais en louant d'un voisin un peu de pâturage.
Dans le cas ou la jachère des pois serait imprati-
cable, on pourra essayer celle du sarrasin ; mais les
pois valent beaucoup mieux et il est toujours pos-
sible, grâce au plâtre, de " los forcer à pousser." Pour
^.00 eniiriron de semence de pois et de plâtre on pourra
— 182 —
«nrichir un arpent de terre d'un magnifique engrais
vert.
A l'automne de 1892, j'arrêtai mes plans de cul-
ture pour la saison prochaine. C'est à l'automne, en
^ffet, que l'agriculteur doit mettre à contribution son
imagination et son jugement pour préparr»r la straté-
gie 5>giicole de Tannée suivante. L'int -lligence au-
tant que les bras a sa part en agriculture, et sans son
•concourà il n'y a pas de succès possible.
Je résolus donc de mettre en blé mon No. 4 ; et
^n pâturage le No. 1 Après l'enfouissement de pois
dans celui-ci, je fis labourer ; là on sema, avec un peu
de chaux, (6 minots à l'arpent) du seigle d'automne,
du trèfle rouge commun, du trèfle blanc, de la vesse
-d'hiver (laquelle n'a pas réussi) ; le seigle et le trèfle
Touge, semés vers le 20 août sont bien venus ; de trèfle
blanc peu le premier automne.
Nous semons avec 6 livres de graine de mil, 8
livres de trèfle par arpent ; soit 5 Ibs de trèfle rouge,
2 Ibs de trèfle alsique, l Ib de trèfle blanc : même dose
pour pâturage ou prairie. Cela fait de semence 14 Ibs
-à l'arpent ; on mettra un peu plus s'il s'agit d'une
terre extraordinairement maigre.
Il est de première importance de bien choisir les
^raiues de semence. Il y a jusqu'à cinq variétés de
graine de trèfle ; les deux premières seules sont accep-
tables.
Le No. 2 est resté en prairie ; le No. 3, labouré en
automne et chaulé fut ensemencé au printemps de
pois et de lentilles noires (vesses). La récolte fut de
453 minots de lentilles et 28 de pois.
La pièce de blé fut additionnée, au printemps,
-d'environ 2 minots de superphosphate et 2 minots de
cendre. La récolte d'une semence de 2 minots | de
blé sur deux arpents et demi de terre, fut de 28J mi-
nots. C'est une simple moyenne ; mais encore suffi-
— 183 —
Bante pour une terre mal préparée. Le blé fe vendit
#1.10 par 60 Ibs,
Le No. 3 donna 63 mii>ot8 de mélange et 28 de
pois purs : soit une récolte totale d'environ 120 minot»
sur les Nos 3 et 4.
La pjairiw No. 2 donna un résultat de 1200 bottes.
Le No 1 comme pâturage fut très bon, mais eucore^
quelque peu insuffisant pour 4 vaches.
A l'automne de 1893, tous les fossés faits en 189 î
furent réparés. Nature du sol chez nous : terre argilo-
sablonneuse.
Pour le No 4, rien à y faire ; la pré édente culture
de blé et de graines fourragères, y faisant augurer une
superbe récoite de foin, l'année d'après.
Le No. 3, en 1894, sera ensemencé en orge, sur la-
bour d'automne. Pour l'orge on sait qu'il faut une bonne
terre ; elle sera chaulée au tombereau, hersée en lonir
et en large, et après, soumise au labour d'automne pra-
tique que je crois devoir conseiller en pareil cas.
Les Nos 1 et 2 sont convertis en pâturages simul-
tanément ; mais alors j'aurai cinq A'aches, et il restera
de l'herbe.
La récolte de 1894 fut celle d'une terre à laquelle
on a restitué ce qu'on lui avait pris, et qui commence
à être sensiblement améliorée.
Le No 4 donna 2 récoltes de trèfle et le " regain "
en fleurs Dix- huit cent bottes de foin, en deux ré-
coltes ont pu être recueillies sur lys Nos 1 et 2, et 4, à
part le pâturage de cinq vaches.
Une semence de 5 minots d'orge à 6 rangs (con-
seillée parce qu'elle ne verse pas, étant plus courte, et
croît aussi bien que toute autre) a donné une récolta
de 1.01 minots : plus de 20 pour 1.
— 134 —
L'engrais complet *' Victor " re rient à environ
^27.00 la tonne, par grandes quantités (par tonne) ; la
chaux, 11.40 la banique de 400 Ibs rendue au point
de destination.
Je conseillerais de semer plus d'orge et moins d'à»
voine. Le minot d'orge a la valeur de deux minots d'a-
voine : l'orge donnant 48 Ibs au minot et l'avoine 34.
De plus l'orge provoque la croissance du trèfle en
quantité.
On ne doit jamais faire dei pâturage sur prairie,
ni à l'automne, ni au printemps : mieux vaut fournir
du fourrage vert aux animaux.
'o'
A l'automne de 1894, il est décidé que la pièce de
trèfle passera en mil. Le No 3 consacré à l'orge en 1894,
sera en foin et en trèfle avec le No 4 : soit tij arpents
en tout qui ont donné déjà cette année, 1800 à 2000
bottes de foin récolté le 7 juillet et nous comptons en-
core sur une seconde récolte de trèfle aussi bonne que
la première : à cet efiet nous y mettrons du plâtre.
Parfois après un premier fauchage de mil, je fais
épandre 200 ibs par arpents d'engrais complet, puis
herser à la herse de fer ; sans rouler, comme il s'agit
d'une terre forte. Si c'était pour une terre légère, il
faudrait passer le rouleau.
Les Nos 1 et 2, en 1895, sont encore en pâturage,
«t le troupeau de vaches est porté à 6.
En 1891, je n'avais qu'une vache ; en 1892, j'en
avais 3 qui ont donné pour |90 00 de fromage, en plus
du lait pour l'usage domestique au presbytère et un.
peu pour l'engrais et ercore 150 livres de b^urr ; le
rendement moyen en a été estimé à $40.00 chacune.
En 1892, j'ai aussi entretenu un cheval et fait en-
graisser 5 cochons avec la seule récolte de ma petite
terre.
En 1893, nous avions 4 vaches, 1 cheval et 7 co»
— 135 —
•chons. Les 4 vaches ont donné $110.00, une légère d>
minntion de rendement. Les cochons engraissés à 300
livres à peu près se sont vendus à Yj cts, soit 2100 li-
vres de lard à 7^ cents la livre : Ces cochons avaient
-été achetés maigres ei coûtaient $4.50 en moyenne.
En 1894, nous avions 5 vaches ; leur rendement a
été de $163.00 en fromage, plus le beurre et le lait
pour l'usage domestique, jusqu'à concurrence d'un
total de $207, soit $41 et quelques centins par vache.
En plus nous avons A'^endu 10 cochons $261 La moy-
enne de pesanteur était d'environ 360 livres.
Pour engraisser les cochons, je conseille de les
tenir au clos. J'ai chez moi pour ces fins H morceaux
de terre de l d ,:rpent chacun Ils sont si bien fe .utili-
sés que les «^ochous y disparaissent dans la hauteur de
l'herbe. A l'automne on jes fournit de légumes verts,
en particulier de choux " quintal " ou de bettes dont
les cochons sont 1res friinds. Les betteraves sont aussi
très-bonnes comme engrais aux porcs ; surtout les bet-
teraves jaunes intermédiaires, cuites avec de la mou-
lée, engraissent parfaitement : le lard produit avec cet
engrais revient à 4 ou 5 cents la livre.
Sur ma terre le fumier d'étable va presque tout au
jardinage ; s'il y a du surplus, on s'en sert pour les
prairies, mais en petites quantités, et additionné d'en-
grais complet. On le dépose au printemps. Le fumier
est tenu à l'abri et arrosé de purin.
Notre récolte de légumes, en 1894, a été de 725 mi-
nute, soit 600 de betteraves et 125 de carottes, navets,
et choux de Siam. Nous avions aussi 2700 choux,
moëlliers ; nous avons pu en donner 150 minots aux
voisins, sur l'excédant de notre consommation, et il en
est resté assez de feuilles sur le champ pour l'azoter
grassement.
Notre orge faisait 50 livres au minot ; le poids
normal est 4» livres.
Nous avons encore récolté, en 1894, 70 minots de
— 136 —
pommes de terre, 3 mesures de fèves (la mesure éga-
lant l de minot) ; 2J minots de blé d'inde bien mûr ;
40 Ibs de tabac ; 46 gnllons de cidre de pommes de
Sibérie ; 11 gallons de vin de raisin ; 21 gallons de
vin de rhubarbe, des melons et autres produits du jar-
din, pour les besoins de la maison. En 1894, une
ruche nous a donné 56 livres de miel ; cette année^
trois ruches nous en promettent environ 150 livres.
Notre ruchu s'est dédoublée, et nous l'avons complétée
par l'achat d'une troisième.
Voilà un sommaire rapide de la récolte de ma pe-
tite terre en 1894
On peut avoir un blé-d'inde précoce à volonté, et
on peut le rendre précoce de 15 jours facilement, voici :
en parcourant vos rangs de blé-d'inde, pour cueillir dn
blé-d'inde vert à faire bouillir, vous trouvez souvent
des épis murs avant les autres. Ce sont ceux-
là qu il vous faut choisir par t^élection pour préparer
la récolte hâtive. Voici un épi qui a mûri plus vite à
côté d'un autre, peut-être sorti dn même épi qui a donné
la semence : voilà la semence hâtive. Faisons chaque
année la même chose et nous finirons par avoir une
semence très hâtive. Il en sera de même avec les to-
mates.
J'ai récolté autrefois sur ma terre de St Valère 90
minots de fèves sur 2J arpents de terre et 210 minots^
de blé d'inde sur 2^ arpents forts.
Il est possible d'obtenir des produits hybrides de
blé-d'inde fort curieux. J'ai semé moi-même du "pop
corn,'' avec du blé-d'inde canadien ordioaire en juxta-
posant la semence, et je récoltais en 1893, un blé-d'inde
iii "pop ccn" ni canadien, mais à tige magnifique ce-
pemlant et plus belle que celle de l'une et de l'autre
espèce. Ayant semé cet hybride, j'ai obtenu un ma-
gnifique bâé d'inde, dont je considère à présent le type
comme déterminé. Il mûrit en septembre et donne un
épi de 8 et 9 pouces de long : les tiges sont hautes de
6 pie is et portent deux épis chacune.
— 137 —
Un autre hybride a été obtenu par un mariage-
de blé-d'inde sucré et de blé-d'inde à silo. Mon inten-
tion était d'obtenir un composé pour silo, Le résultat
a été un blé-d'inde excellent à manger, plus rapproché-
du blé-d'inde sucré La variété employé^ de blé-d'inde
sucré était la *' Crosby ". S»*mé vers le 15 mai, ce der-
nier hybride mûrit à la mi-septembre. La tige a sept
ou 8 pieds de hauteur. Le nouveau type créé est un
" Crosby " amélioré; ce blé d'inde est à mander ; aussi
il donne un très bon blé-d'inde à silo, tout blé-d'inde-
peut être ensilé.
J'ai encore réussi à obtenir un hybride de navet
entre le choux de S am canadien et le navet hâtif de
Milan, 'e nouveau type a été déterminé après trois ans^
d'expérimentation successive; il est excellent.
Toutes dépenses soldées, ma petite ierre de 15 ar-
pents a donné de profits nets, en 1894, $415. On voit
par là que 30 arpents cultivés de la même façon don-
nerait $830, 45 arpt-nts, $1250, assez pour le fermier le-
plus exigeant.
Je suis un ardent avocat de la petite culture bien
conduite. Les résultats de mon exj»^'riônce, sont qu'une
famille de cinq membres ne saurait cultiver bien une-
terre de plus de 40 ou 50 arpents. La grande terre,
mal soignée, rapporte si peu, qu'elle décourage ses oc-
cupants. Plusieurs de nos "grandes terres" n'ont ja-
mais connu l'engrais.
Une terre de 15 arpents, convenablement fertilisée-
nous a payé au centuple de nos travaux ; si elle eût eu
60 arpents de superficie, elle eut peut-être été négligée
et fut restée stérile, sanp profits.
En quittant la tribune après cette causerie, si prati-
que, le conférencier est vivement et longuement ap-
plaudi par tous les congressites.
\
— 138 —
NEUVIEME SEANCE
Eesume de la Conférence de liC< Z- ZTagaat
Insecticides et Fongicides.
Depuis quelques années, l'agriculture et l'horti-
-culture ont été mises en possession de moyens pra-
tiques et efficaces pour enrayer les ravages que les in-
sectes nuisibles et les maladies fongueuses font dans
nos diverses cultures. Il en était grand temps, car,
par suite de la rareté de plus en plus grande des oi-
seaux insectivores d'une part, et, d'autre pari, du
manque trop général d'une bonne rotation qui, en éloi-
gnant le retour des mêmes cultures sur les mêmes
terrains, contrarierait dans une grande mesure la mul-
tiplication des insectes et la difl'usion des maladies
fougueuses, plusieurs de nos récoltes, attaquées par
des ennemis nombreux et puissants se trouvent sou-
vent diminuées dans de fortes proportions et parfois
mêmes complètement dévastées.
Ayant à faire face à deux classes d'ennemis bleu
-distincts, on est obligé de recourir à deux genres de
remèdes :
Contre les insectes nous avons surtout le vert-de-
Paris, l'émulsion da pétrole, la poudre de pyrêthre,
l'ellébore et le jus de tabac.
— 139 —
Contre les maladies fongueuses on cryptogami-
^ues (dues au développement de champignons para-
sites) nous avons les fongicides à base de cuivre, dont
le plus généralement employé est la bouillie borde-
laise.
Insecticides.
Vert de Paris. ~J.e vert de Pa/is est un arsenite de
^e cuivre qui contient 50 à 60 pour cent d'arsenic.
C'est un poison très violent qui doit être manié avec
prudence et tenu renfermé sous clef C'est un remède
surcontre ioute espèce d'insectes, mais surtout contre
les insectes à mandibules ou rongeurs. Une trop forte
application fait aussi beaucoup de tort aux feuilles des
plantes On l'emploie sec ou nous forme liquide. Pour
l'employer à sec, on le mélange avec 50 à 100 fois son
poids de plâtre, de cendre de bois, de farine ou de
■chaux éteinte et on répand ce mélange sur les plantes
-que l'on veut préserver des insectes.
Pour le projeter sous forme liquide avec le pul-
vérisateur, on l'emploie à raison de 1 Ib de vert do
Paris dans 200 gallons d'eau, mais si le feuillage est
tendre (pruniers, cerisiers etc.) on prend de 250 à 300
gallons d'eau. Comme cette poudre verte ne se dis-
sout pas dans l'eau, pour la bien mélanger, il faut
-d'abord, avec une petite quantité d'eau chaude, eu
faire une bouillie épaisse que l'on mélange ensuite
avec la quiintité d'eau voulue. Dans l'application sur
les feuilles, il iaut projeter l'insecticide avec force de
manière à atteindre toutes les parties de la plante,
mais il faut changer de place dès qne le liquide com-
mence à dégoutter des feuille.<.
'o
Quand on éprouve de la difficulté à faire adhérer
les mélanges liquides de vert de Paris (ou d'autres in-
secticides) aux feuilles de certaines plantes, il suffit
■d'ajouter un peu de savon à l'eau du mélange ; celle-
■ci mouille alors les feuilles.
J.e vert de Paris est le pins puissant des insecti-
-eides ; malheureusement on ne peut pas l'employer
— 140r-
sur les plantes dont le feuillage est destiné à l'alimen-
tation.
Emulsion de pétrole. — Cet insecticide, très-employé
contre les pue rons. les poux de l'écorce des arbres
(tigres sur bois) et les parasites animaux, la mouche
des cornes etc , et spécialement contre tous les insectes
suceurs^ se compose de
Pétrole (huile de charbon) 2 jsrallons
Savon de ménage \ livre
Eau 28 gallons
On a fait fondre le savon (coupé en petis mor-
ceaux) dans un gallon d'eau bouillante, puis on verse
dans cette savonnure (après l'avoir éloignée du feu) les
deux gallons de pétrole, tout en brassant fortement
avec un bâton ; ce brassage doit se continuer pendant
au moins cinq minutes ; mais la meilleure manière
d'obtenir l'émulsion consiste à employer une seringue
ou une pompe ; quand le liquid»^ a pris un aspect de
crème, c'est un signe que l'émulsion est faite ; pour
l'employfjr dans le sprayage des arbres fruitiers, des
arbustes et des plantes, on doit diluer cette emulsion
dans au moins 27 à 30 ffalloas d'eau.
o'
Quand on veut en arroser les animaux pour les pro-
téger contre la petite mouche piquante etc, on se sert
d'une emulsion plus forte, c'est à dire diluée seulement
dans 20 gallons d'eau ou moins encore.
Dans tous les cas on l'emploie au moyen d'une
pompe de sprayage (pulvérisateur).
Poudre de Pyrèthre. — La poudre de pyrèthre pro-
duit les meilleurs résultats quand on l'emploie à sec.
On la mélange ordinaire lent avec 4 fois son poids de
farine et on conserve ce mélange dans nn vase bien
fermé. Détruit les chenilles, particulièrement la che-
nille du chou, et est de grande utilité daus les cas où
il serait dangereux d'employer le vert de Paris, par
exemple ^ur les légumes et les fruits, peu de temps^
avant leur récolte. C'est un poison actif pour les in-
— 141 —
«ectes, mais pratiquement inofïensif pour l'homme.
Pour l'appliquer sur les cultures, ou se sert d'un bouf-
flet avec réservoir, quon peut se procurer chez les
marchands grainetiers.
Mais on peut aussi appliquer la poudra de pyrè-
thre sous forme liquide en mélangeant 1 once dans 4
gallons d'eau et en projetant ce liquide avec une
pompe de sprayage.
Ellébore ô/awc— Poison végétal insecticide ; ce sont
les racines du Veratrvm album réduites en poudre.
S'emploie, comme le pyrèthre, dans le cas ou l'usage
•du vert de Paris présenterait du danger. On l'applique
en poudre sèche ou mélangée à l'eau. 1 once par deux
gallons d'eau. Mais t«on meilleur emploi consiste à en
faire une infusion que l'on verse sur le sol et autour
^es pieds de choux, de raves, navets, etc. ; cette infu-
sion tue les vers qui attaquent ces plantes ; on la pré-
pare avec 2 onces d'ellébore dans 1 gallon d'eau
<îhaude, puis on y ajoute 3 gallons d'eau froide.
Jus de tabac. — On prépare une décoction de tabac
en faisant bouillir de l'eau contenant 1 livre de tabac,
jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'une chopine de li-
quide qui contient tout ce qu'on peut extraire du tabac
puis on y ajoute un gallon d'eau. Ce jus de tabac est
tros utile pour tuer les pucerons, les poux et autres
insectes suceurs des plantes, surtout des plantes de
serre et d'appartemen».
Solution alcaline. — On prépare cette solution re-
commandée par le Prof. Saunders, de la Ferme Expé-
rimentale d'Ottawa, en faisant fondre une livre do
soda dans un gallon d'eau chaude et en mettant dans
<3ette solution assez de savon haché pour que le tout
prenne la consistance d'une peinture épaisse. Appli-
quée sur le tronc des arbres, avec un gros pinceau,
elle forme un enduit tenace qui détruit les vers ron-
geurs et donne de la vigueur à l'arbre.
— 142 —
Fongicides
Malades de la pomme de terre — Ces maladies qui
causent tant de pertes aux cultivateurs sont facile-
ment combattues par l'application de la bouillie bor-
delaise. Il y a deux maladies ou rouilles de la pomme
de terre.
La première qu*^ l'on appelle rouill^^ hâtive ou de
juillet est causée par le champiiynon macrosporium solam
et se montre dans les mois dt^ juin et de juill^^t, où des
taches brun grisâtre apparaissent sur les feuilles les
plus vieille. Celles ci deviennent bientôt sèches et cas-
santes, et quand l'attaque est violente, toutes les feuil-
les sont atteintes et il ne reste plus rien que h s tiges.
La deuxième maladie est la rouille d'août, rouille
tardive ; appelée simplement " maladie de la pomm&
de terre" ; c'est la mieux connue des deux ; elle est due
au développement d'un champignon parasite, le Phi/-
tophtora infestans. Voici en résumé, d après un bulle-
tin de la Ferme d'Ottawa, l'histoire naturelle de ce
champignon : Le champignon passe l'hiver à l'inté-
rieur du tubercule de la pomme de terre, avec lequel
il est mis en terre au printemps. Dès que la pomme
de terre pousse, le parasite croit en même temps, s'é-
tendant à travers les tis>us des tiges, et vers la fin de
juillet il p oduit à la surface inférieure des feuilles une
abondance de spores ou germes reproducteurs faisant
l'ofiice de graines. Ces spores sont excessivement peti
tes, mais sont produites en nombre ."i considérable,
qu'elles font fréquemment paraître le dessous des ibille
comme couvert d'écume. Quand ces spores se produi-
sent ainsi, on dit que les feuilles se rouillent^ parce-
qu'elles se couvrent de taches brun foncé, provenant
du dessèchement des tissus dont le parasite a absorbé
la sève. C'est alors que la contagion se propage. Quel-
ques-unes des spores sont emportées par le vent : elles-
tombent sur les feuilles de plantes voisines et produi-
sent de nouvelles taches brunes, tandis que d'autres
tombant sur le sol et, atteignant les tubercules en voie
de formation, donne lieu à la pourriture humide. Celle-
ci, telle qu'on la voit en automne dans les tubercules,
— 143 —
est la forme la mieux connue de la maladie, mais la
maladie est réellement une pourriture sèche qui tue le
tubercule, et on automne la pourriture humide s'ensuit
comme résultat de la décomposition.
La maladie se propage très-rapidement avec lè-
vent, de sorte qu'un grand champ peut être infesté en
quelques jouis, et le résultat est l'anéantissement de
la récolte.
Pour prévenir et arrêter ces deux maladies, on
emploie le remède suivant :
Bouillie bordelaise pour les pommes de terre
Bouillie bordelaise. — Elle se compose de
Sulfate de cuivre (vitriol bleu) 0 livres-
Chauxvive 4 livres
Eau 45 gais.
Pour préparer la bouillie bordelaise, on prend 4
livres de sulfate d*^ cuivre (vitriol bleu) en poudre, et
on 1h fait dissoudre dans un tonneau à moitié rempli
d'eau (il ne faut pas employer de vase en fer, car il
serait attaqué par le sulfate de cuivre) ; pour hâter la
dissolution on met le sulfate de cuivre dans un sac en
coton, et on le suspend dans IVau du tonneau Dans
un autre vase on fait éteindre 4 ibs. de chaux dans
une quantité d'eau suffi ante pour former une bouillie
claire. On passe cette bouillie ou lait de chaux à tra-
vers un tamis ou une toile à sac qui retienne tous les
grumeaux. On verse le lait de chaux dans la solution
de sulfate de cuivre, en mélangeant continuellement
avec un bâton. Ensuite, on ajoute assez d'eau pour
avoir en tout 45 gallons, et le mélange est prêt. Cha-
que fois que l'on voudra s'en servir, on deva agiter
parfaitement le mélange ; il faut aussi recouvrir le
tonneau pour empêcher toute poussière ou saleté dy
tomber.
Pour appliquer cette bouillie sur les feuilles, on
doit employer un pulvérisateur ; mais si on n'en a pas-
— 144 —
^n se sert i.'arrosoir dont la pomme est percée de trous
fins. Il y a plusieurs espèces de pulvérisateurs dans le
commerce. Le plus commode pour la grande culture
est une pompe foulante fixée sur un tonneau, monté
sur des roues, et qui est conduit par un cheval à tra-
vers le champ.
Pour la rouille de juillet, on doit faire la première
application au commencement de juillet, et une se-
conde quinze jours plus tard.
Pour la maladie proprement dite de la pomme de
terre ou rouille tard've, il n'est pas besoin de faire la
première application avant le 1er août ; deux applica-
tions subséquente.^, faites à des intervalles de deux se-
maines, feront en général échapper la récolte à tout
danger.
Bouillie bordelaise pour les arbres fruitiers. — Ce re-
mède est aussi très efficace pour combattre les mala-
dies fong-ueuses des arbres fruitiers, telle que la rouille,
la gale et les taches etc., des arbres fruitiers etc. Mais
comme les arbres fruitiers sont plus délicats que les
plantes de pommes de terre, on doit prendre plus de
précautions dans la préparation de la bouillie borde-
laise, et surtout éviter un excès de sulfate de cuivre
qui brûlerait le feuillage.
Voici la formule modifiée légèrement de la bouil-
lie bordelaise pour les arbres fruitiers.
Sulfate de cuivre 4 livres.
Chaux , 4 "
Eau 50 gallons.
La manière de la préparer est la même que ci-
dessus. Cependant pour vérifier si on a ajouté assez
de chaux, on recommande de plonger dans la bouillie
préparée une lame de fer (par exemple un couteau)
bien polie et dégraissée ; si la lame devient rougeâtre,
se recouvre de cuivre, c'est qu'il n'y a pas assez de
charx ; et on doit en ajouter un peu.
— 145 —
Bouillie bordelaise et Vert de Paris. — Comme le vert
de Paris est l'insecticide par excellence, surtout pour
la mouche à patate, ver de la pomme etc., on l'emploie
BOUTent en mélange avec la bouillie bordelaise :
Pour cela on délaye \ de livre de vert de Paris dans
nn peu d'eau de manière à en faire une pâte épaisse
que l'on ajoute ensuite aux 45 ou 50 gallons de bouil-
lie bordelaise. Ce mélange de bouillie bordelaise et de
vert de Paris est donc à la fois un fongicide et un in-
flecticide excellent.
r
Pendant l'application sur le feuillage des plantes,
il faut avoir soin d'agiter constamment le mélange (les
bons pulvérisateurs sont munis d'un agitateur automa-
tique), car le précipité bleu verdâtre de la bouillie bor-
delaise et le vert de Paris se précipitent rapidement au
fond du liquide en repos.
Solution de sulfate de cuivre. — Faites dissoudre 1 fc.
de sulfate de cuivre dans 24 gallons d'eau. C'est un
fongicide préventif employé contre les champignons
parasites, tels que la rouille, l'anthracnose, la gale, et
autres maladies fongueuses des framboisiers, poiriers,
pommiers, vignes etc. On applique cette solution seu*
lement avant Vapparition des feuilles.
On l'emploie aussi pour sulfater les grains de se-
mences ; on trempe ceux ci (placés dans un sac) dans
la solution de sulfate de cuivre pendant plusieurs heu-
res (quelquefois 12 heures), on les en retire ensuite et
on les trempe dans l'eau de char.x pendant S minutes,
et on les laisse sécher un peu, avant de les semer.
le
— 146 —
CINQUIEME SEANCE
Conférence par IS. G. A. G-I&ATTLT, Assistant-
Commissaire de l'Agricnltnre.
Nous regrettons, et nos lecteurs regretteront avec
nous, que les occupations de l'Assistant- Commissaire
n'aient pu lui permettre de fournir le texte complet
de sa conférence.
N'ayant en mains que des notes très-imparfaites,
nous devons nous borner à mentionner les principales
questions traitées par le savant conférencier, questions
dont on trouve le développement dans le rapport du
Département de l'Agriculture, publié l'an dernier.
M. Grigault recommande particulièrement la pro-
duction du " bacon, " dont l'Angleterre fait une si
grande consommation. Cette production est le corol-
laire quasi-nécessaire de notre industrie laitière.
L'Angleterre nous prendrait aussi beaucoup de
pommes, mais on nous les demande plus fermes, plus
faciles à conserver. La" Baldwin " parait être la plus
avantageuse à exporter.
Nous pourrions de plus prendre une plus large
part à l'exportation des volailles. Jusqu'ici Ontario a
le gros lot de ce commerce.
— ut-
il est urgent que le cultivateur sache quels sent
les engrais dont chaque plante a besoin, et pour cela^
il faut faire l'analyse du sol par la plante, afin de cons-
tater quels sont les éléments nutritifs qui peuvent lui
manquer. Le missionnaire agricole devrait à la pa-
role joindre l'exemple, en ayant près de son presby-
tère un petit champ d'expérimentation.
Il faut insister sur l'importance de chauler les
terres pour les moissons, pour les animaux et même
pour les hommes, vu que la chaux favorise la forma-
tion des os. — Ici M* Barnard fait remarquer qu'en plus
de la chaux, il est nécessaire aussi d'assurer une pro-
vision d'acide phosphorique, autre élément indispen-
sable à la formation des os des animaux.
Le conférencier recommande encore la culture desp
plantes sarclées, du trèfle, le défoncement du sol, la
comptabilité agricole, etc., etc.
Il demande que, comme au Danemark, on observ»
les lois de la restitution en rendant au sol ce que
chaque récolte lui enlève. Pour cela s'appliquer à-
bien conserver le fumier, surtout la partie liquide au
moyen de fosses à purin ou par l'addition des matiè-
res absorbantes.
On ne peut, pour notre pays, recommander inté-
gralement la rotation suivie au Danemark ; on rem-
placera avantageusement en partie par le blé d'Inde,
les carottes et navets de la huitième année, tout en
continuant cette dernière culture sur une plus petite
échelle.
Le conférencier termine par dos considérations
patriotiques fort applaudies, surtout la d'ernière.
*• Que l'on apprenne à chaque Canadien-Françaisp
à s^attacher au sol de sa patrie si belle, afin qu'à
*' ceux qui viendraient faire miroiter à ses yeux le&
" trompeuses perspectives de la vie à l'étranger, il
"puisse répondre, comme le Danois que j'invitais à
** venir an Canada : *^ Taime mon pays^ et avant de m^
** résoudre à V abandonner ^ je souffrirai encore beaucoup ^
«(
— 148 —
Boaseig^dmeats doiiaes par le B. Frère Léon, cliarg^e de
la pépinière des Bvds* Feres Trappistes-
Les pommiers sont tous greffés sur racines, pen-
dant l'hirer, Les greffes faites en mars, et au com-
mencement d'avril, avant le réveil de la sève, se con-
servent parfaitement et réussissent le mieux.
Pour les pruniers et cerisiers, la greffe se fait en
écusson et se pratique dans le mois d'août et le com-
mencement de septembre. Il faut choisir le temps
«elon la localité afin qu'il y ait encore assez de sève
pour souder l'œil, qu'il n'y en ait pas assez pour le
noyer, et de plus afin qu'il n'ait pas le temps de se
réveiller avant le printemps, car, s'il part à l'automne
il gèle ensuite et ne vaut plus rien.
A la Trappe on fait plus de pratique que d'expé-
Timentation. On a établi une grande pépinière afin de
fournir aux cultivateurs de la Province, les arbres
fruitiers les plus recommandables, quant au climat «t
AUX besoins du commerce. Ce qui manque dans la
Province de Québec, c'est surtout la culture des fruits
pour des fini commerciales. La plupart de nos cultiva-
teurs n'achètent pas d'arbres fruitiers ou en achètent
bien juste pour leur famille et ils laissent à d'autres le
•pin d'alimenter le marché canadien et le marché an-
glais surtout.
Quand on verra notre cultivât eur porter ses fruits
à la sècherie, à la ville et à la cidrerie ou même quand
on verra les plus entreprenants placer un éYai>orateiiT
^il y en a d'excellents i>oiir |20.00) som le même toit
— 149 —
que sa faucheuse et sa moissonneuse, l'arboriculture
fraitière fera la richesse de nos campagnes.
Le pommier " Baidwin ", le plus en faveur pour
le séchage aux Etats-Unis, vient très-bien à la ferme
modèle de la Trappe.
Parmi It^s meilleures ponmes d'hivt^r on recom-
mande la " Wealthy " et la Ben Davis ".
Cette dernière a le ^rain dur et s'exporte avanta-
geusement sur le maiohé anglais. L'arbre est très-
rustique, et comme il réu>sit à Uoberval, on croit qu'il
convient à toute la Province.
Le verger est encore jeune, et il faudra encore
quelques années pour connaître le résultat, d<'s expé-
riences qu'on y fait sur une assez gande éiîhelle. Il
contient 1500 arbres répartis en 150 variétés, sans
compter les pommiers à cidre plantés le long des clô-
tures.
La tavelure est une maladie appelée vulgairement
la brûlure du pommier, elle ne se g érit pas. On se
hâte d'enlever la partie affectée que l'on jette au feu.
On a soin de couper plus bas que la partie malade, et
dans le bois sain, autrement le microbe ou champignon
s'attacherait à l'instrument, qui communiquerait la
maladie aux branches saines, qu'il coupe ensuite. Il y
a beaucoup de tavelure dans \e^ envirens de Montréal,
cette année, et pour un arbre que l'on épargne aujour-
d'hui, on en perdra dix l'an prochain ; le docteur Grri-
gnon de Ste Adèle en a fait la dure expérience. Il nous
faudrait comme d^ns les autres pays, une loi obligeant
les horticulteurs à soigner leurs arbres, car la négli-
gence d'un voisin cause parfois de grands dommages
au propriétaire soigneux Après l'amputation de la
partie affectée, on arrose tout l'arbre avec d<* la bouil-
lie bordelaise pour le soustraire à l'action des champi-
gnons qui viendraient s'y déposer.
— 150 —
Yoici la composition de la bouillie bordelaise :
»
4 Ibs, sulfate de cuivre. (
4 Ibs, chaux grasse. < fongicide, etc.
50 gallons d'eau. (
4 onces de vert de Paris que l'on ajoute comme
insecticide.
Lorsqu'on applique cette bouillie au moyen d'un
pulvérisateur, il faut coult^r ce liquide, car le bec du
pulvérisateur s'obstrue facilement par les corps so-
lides.
Au printemps, avant le renflement des bourgeons,
au moyen d'un vieux pinceau, ou d'un balai, on passe
Tine couche de sulfate de cuivie (dans 50 gallons d'eau
2 Ibs de sulfate d^ eu. 7re) sur le tronc des arbres. Im-
médiatement après la tombée des fleurs, en juin, on
arrose tout le feuillage jusqu'à saturation complète
Avec de la bouillie bordelaise au moyen d'un pulvéri-
fiateur ($5.00).
Pour combattre le puceron (Aphis) l'émulsion de
pétrole est nécessaire et il faut l'employer avec pru-
dence. Hi le mélange est imparfait, l'huile brûle le
feuillage et empoisonne la sève ce qui fait mourir l'ar-
bre, sinon tout de suite, du moins irès-prématu ément.
Composition de l'émulsion de pétrole :
J livre de savon sec dans un 1 gallon d'eau douce.
2 gallons d'huile de charbon bien mélangés, etc.
27 (ou plus) gallons d'eau de pluie (on sait que
l'eau dure ne dissout pas le savon.)
Pour faire ce mélange convenablement on peut se
servir de la pompe ** Lewis " ($6.00) laquelle sert aussi
de pulvérisateur ou d'une autre pompe plus petite
$1.40). A défaut de pompe, on peut mélanger avec son
balai, mais ce procédé n'est pas sûr, il faut brasser bien
longtemps.
— 151 —
Les pommiers à cidre de la Trappe viennent de
France.
La " Petite Amère " et le " Taureau " entre autres
ont été importées de la Vendée .
Pour reconnaître la valeur d'une pomme à cidre,
on se sert du densimètre qui indique le degré d'alcool
que le jus contient. Le Père Hilaire, le fabricant des
Tins et du cidre de la Trappe a trouvé de bonnes va-
riétés parmi nos sauvageons. Une d'entre elles. " la
Ste Antoine " est une excellente pomme à cidre, et
nous l'avons propagée en pépinière Ces pommes sau-
vageons manquent surtout de tanin.
Le Rév. Frère Norbert de l'Instruction Chrétienne
a déjà expédié une caisse de sauvageons en France ;
quelques-unes ont été reconnues excellentes pour le
oidre, et elles ont même été primées à Ploërmel.
En Normandie, le cidre est la boisson commune
du pays, et dans notre province, si l'on ne peut pro-
duire le vin partout, partout on peut fabriquer son
cidre, (broyeur et presse |20.00). On veut donc vulga-
riser l'usage du cidre et les amis de la tempérance ne
sauraient assez encourager la consommation des fruits
et la vulgarisation du cidre, ce qui amènera sûrement
une puissante réaction contre l'abus des alcools. La
pépinière de la Trappe tient à la disposition des horti-
culteurs 200,000 pommiers élevés sur le vieux sol Iro-
quois d'Oka, Que : C'est une marchandise sûre qu'on
peut se procurer, à aussi bon compte que celle d'On-
tario et des Etats-Unis. Voilà un excellent moyen de
régénérer nos vergers et de favoriser une exploitation
encore peu développée dans notre province et qui pro-
met de bons revenus à ceux qui s'y engagent avec
prudence et résolution.
— 162 —
L'INUUSTRIB LAITIERE
CAlTASZElTirE
A l'occasion de cette importante réunion agricole,
l'honorable commissaire de l'agriculture m'a offert
le périlleux honneur de traiter devant vous, révé-
rends messieurs, le sujet " L'industrie laitière cana-
dienne. "
A cause des relations que mes fonctions d'ancien
secrétaire de la société d industrie laitière m'ont donné
l'occasion d'avoir avec les organisateurs de cette si
belle et si patriotique institution des missionnaires
agricoles, travaillant pour l'amour de leur prochain,
j'ai accepté avec empressement ; mais je mt suis un
peu repenti de cette acceptation inconsidérée.
Ce n'est pas une mince chose en effet que l'indus-
trie laitière canadienne, et il n'est pas facile d'en par-
ler un peu sans courir le risque d'être trop long ou
de traiter le sujet d'une façon incomplète.
Réflexion faite, je me suis dit que, puisque vous
êtes conférenciers, je pourrais bien me donner le rôle
de souffleur, même en abrégé. Une espèce de canevas
de conférence sur l'industrie laitière, c'est le cadre
dans lequel j'ai circonscrit mon sujet, et j'y entr« de
suite :
L'industrie laitière au Canada, avec le caractère
public et prédominant qu'elle a aujourd'hui, date ûe
— 153 —
l'introduction du système du traitement du lait eu
commun, dans les fabriques de beurre et de fromage.
L'ancien ordre des choses, c'était la laiterie pri-
vée, annexe de la ferme souvent peu importante au
point de vue des résultats ou des profits ; le nouvel
ordre des choses, c'est la fromagerie ou la beurrerie
séparée de la ferme, mais lui donnant le moyen d'é-
conler tous ses produits transformés en lait par le^
moyen de la vache.
Notre pays est couvert de ces fabriques de beurre
et de fromage.
Repassons un peu les avantages apportés aux cul-
tivateurs de nos jours par cette nouvelle forme d'in-
dustrie laitière.
lo L'industrie laitière permet l'organisation de la
ferme suivant les vrais principes de l'agriculture rai-
sonnée. La loi de la restitution en agriculture est à la
base de tout. Récolter, c'est enlever à la terre ce qu'el-
le a élaboré au moyen des richesses qu'elle renferme
dans son sein. Il faut rendre à la terre en engrais ce
qu'on lui enlève en récoltes. Les fumiers sont l'en-
grais par excellence et la vache laitière est la machine
à fumier la plus profitable; elle fabrique sur place, en
payant avec Don lait tout ce qu'elle consomme. Son
alimentation économique demande les cultures sar-
clées si propres à l'ameublissement du sol, et qui lui
laissent, p©ur les récoltes subséquentes, la réserve de
nourriture que les fumures fortes lui apportent ; elle
exige aussi la culture des trèfles, que les découverte»
récentes de la science ont démontré être la plante
améliorante et enrichissante que l'esprit d'observation
de nos pères Savaient deviné être; l'addition à la ration
de tourteaux de lin, graines de coton, pois, lentilles et
des autres grains, que le cultivateur peut trouver
profit à acheter, viennent augmenter la valeur de
fumiers. L'élevage des veaux, l'engraissement des porc»
viennent compléter la série dt^s moyens de tout trans-
former sur la ferme, en gardant les résidus enrichis-
— 1^4 —
.^ants de ces transformations. Et cela permet de ren-
dre i la terre ce que l'entretien de sa fertilité demande
^e toute nécessité.
2o Le cultivateur reçoit de sa ferme des matières
♦premières qu'il peut vendre en nature ou qu'il peut
transformer en d'autres produits.
Sans tenir compte de la question de restitution à
la terre de ce qui lui a été enlevé, le cultivateur a tout
intérêt à choisir cette dernière alternative, parce que,
dans l'ordre des choses, il doit toujours rester un pro-
:fit à l'industriel qui transforme un produit en un autre.
L'industrie laitière lui donne le plus parfait moyen
-de soigner son intérêt sous ce rapport ; la ferme devient
une usine avec un chef et un état major de surveillants,
le cultivateur et sa famille et des ouvriers qui sont les
vaches et les porcs. L'étable devient l'atelier principal,
toutes les matières premières de la ferme y passeront
et y seront transformées en lait et l'atelier de finissage
commun, la fromagerie ou la beurrerie, les prépare-
ront et les placeront sur le marché.
Il n'y a d'organisation plus complète que cela dans
aucune industrie.
3o. L'industrie laitière donne une occupation
payante à l'année sur la ferme. Avec elle il n'y a pas
de chômage et pas de morte saison. La production du
lait en hiver est possible et payante. Les travaux de l'été
ne constituent plus la seule occupation de nos cultiva-
teurs.
Les vaches laitières sont autant d'ouvriers, do-
.elles, travailleurs, frugaux et profitables, que l'intel-
ligence da maître peut tenir employés à l'anuée sans
autre repos que celui que la nature commande d'une
^açon absolue.
4o. L'industrie laitière donne une solution à la
4][uestion de la rareté de la main-d'œuvre ; là où au-
— 155 —
trefoifi, le bétail à tenir snr une ferme était limité par
le pi as ou 1b moins d'aptitudes ou de capacité de la
mère et des filles pour faire le beurre à la maison, il
n'y a plus maintenant que l'étendue ou la fertilité de
la ferme qui fixe le nombre d« têtes de bétail. Traire
les vaches est aujourd'hui un ouvrage pour les hommes,
-et le transport du lait s'effectue facilement par l'associa-
tion entre voisins.
Une fabrique ordinaire peut traiter le lait de tout
xine paroisse.
A combien de mères cet état de choses a apporté
-du souî«*gement ; combien d'enfants il a arrachés à la
manivelle du moulin à beurre à l'heure de l'école, et à
43ombien de pauvres pères de famille il a donné l'ai-
sance en leur enlevant l'obligation d'engager des ser-
viteurs, je vous le laisse à calculer.
5o II en est des cultivateurs comme du reste de
l'humanité. Tous ne sont pas également bien doués ;
il en est une bonne portion qui, en dépit de toute
leur bonne volonté ne réussisifent que médiocrement.
La fromagerie ou la beurrerie, donne au moins bien
partagé sous ce rapport, le moyen de tirer parti de son
lait à l'égal du plus intelligent de la paroisse et en
^«commun avec lui. Aucune autre industrie agricole
n'aide aussi efficacement les faibles, et aucune ne les
:atteint aussi bien dans tous les coins du pays ou de
(la paroisse.
60 L'industrie laitière a encore un autre grand
avantage un peu dans le même genre.
En débarrassant le cultivateur du souci bien im-
portant de la vente de ses produits elle le laisse plus
•complètement à sa ferme.
Moins de jours perdus à aller au marché moin»
d'occasions de dépenser, moins d'inquiétude au sujet
■des rentrées d'argent, — voilà autant de choses qui amè-
nent le repos de l'esprit, et la pratique d'une économie
— 156^
plus facile, et qui laissent à la ferme tout le temps, tout
le travail et toute rintelliffeuce da son maître.
Il y a à ce poiut de vue, le côté moralisateur qu'un
bon curé d'une paroisse que je connais bien, résumait
comme suit : " Mes paroissiens sont bien meilleurs depuis
" quil ne vont plus au marché^
Je n'ai pas besoin d'ajouter que c'était à leur fabri-
qu« de beurre et de fromage que les paroissiens de-
vaient ce compliment.
Voilà quelques uns dfs avantagea de l'industrie
laitière au point de vue de l'organisation de la lerme.
Enumérons certains résultats commerciaux qu'elle^
produit.
lo En confiant à des gens ayant fait un bon ap-
prentissage de leur métier, la fabrication du lait de la
paroisse, on relève le niveau moyen de la qualité des
produits, et, partant, les prix réalisés pour le lait.
2o En centralisant la fabriiation et en opérant sur
de grandes quantités de lait on réduit les frais au mi-
nimum ; en travaillant le lait av«c des outillages^
bien compris et amétuigés, on réduit au minimum let
pertes qui accompagnent toujours les transformations
d'un produit en un autre.
80 En garantissant la bonne qualité de ses pro-
duits, la fromagerie ou la beurre rie a créé l'assurance
contre la mauvaise qualité des pr-duits, un fléau Mea
autrement désastreux que le feu ou la grêle ou les au-
tres châtiments de Dieu ; de même, par le système des-
ventes fréquentes, elle a créé l'assurance contre la dé
préciatio'i des bous produits par suite de leur conser^
vation indue.
4o Le régime de la vente fréquente au comptant
du beurre et du fromage, a amené plus d'ordre dans^
— m —
les affaires et a diminué les achats à longs termes qui
valent bien Tusare ; combien de dettes se sont sol-
dées, par l'industrie laitiè' e, en bon argent sonnant, sur
lequel l'usurier n'a rien eu à tondre.
5o Enfin, — et c'est au point de vue commercial son
plus grand bienfait, — en réduisant les fourrages et les
grains de la ferme, volumineux de leur nature, en pro-
duits riches sous un pntit volume, — le lait, le beurre
•ou la viande, — l'industrie laitière à surmonté l'obsta-
cle des longues distances et nous a permis d'aller pren-
dre place sur les grands marchés de l'Europe.
Certains irroduits agricoles paient des frais do
transport de 10 à 40 o/o de leur valeur ; tandis que le
beurre et le fromage ne paient qu'une minime propor-
tion de leur valeur pour se rendre de la fabrique chez
le consommateur européen.
Il ne nous est possible de lutter avantageusement
contre les producteurs de l'Europe qu'avec les pro-
duits laitiers ou des produits similaires, à cause du
coût peu élevé de leur transport.
De même l'industrie laitière doit être le salut des
-endroits en train de se coloniser, parce que le trans-
port du beurre et du fromage se fait facilement, même
dans les roches des chemins neufs.
Sans marchés, nous ne pouvons rien ; il est impos-
sible d'aller placer notre pays près des grands cen-
tres de consommation ; mais il est bien facile d'y en-
voyer le beurre, le fromage, le lard, le bacon et les jam-
bons, et c'est là une solution qui nous a enrichis et nous
enrichira encore.
■i .■ ■• -jiih.
— 158 —
Voyons maintenant quels résultats a produits pour
nous l'industrie laitière et quel avenir lui est réservé-
dans notre pays.
Etat actuel de notre industrie laitière.
Les fabriques de fromage se sont établies à la suite-
de l'abrogation de nos traités de réciprocité avec les
Etats-Unis.
Lps beurrerieg n'ont pris d'ettensi€n réelle qu'à la.
suite de l'invention des écrémeuses centrifuges.
Notre industrie de fromage remonte à 35 ans envi-
ron et celle du beurre à 15 ans ; la province de Québec
s'est laissée devancer par sa voisine d'Ontario dans l'in-
dustrie du fromage, mais elle a pris les devants dans
l'industrie du bearre.
Le Dominion compte maintenant à peu près 300(y
fabriques de fromage et 400 fabriques de beurre.
La production de ces établissements en 1895, sera
de près de 200 millions de Ibs de fromage et de 15 mil-
lions de Ibs de beurre, représentant une valeur totale
d'à peu près 18 millions de piastres.
La province de Québec compte environ 1300 fro-
mageries et au moins 250 beurreries et elle entre pour
•nviron 35 p. c. ou $6.300.000 dans la production to-
tale de fromage et de beurre de fabrique.
Il est difficile d'établir la quantité exacte de beurr«
fabriquée dans les laiteries privées, mais les statisticiens
du recensement l'estiment à près de 100 millions de-
îbs. par an.
Le nombre des vaches laitières s'est actra commet
suit d'après les recensements : —
— 159 -^
Nombre de Pour la Province
vache» laitières de
pour la Puissance Québec
18tl — 1.283.209 406.542
1881 — 1596.800 490.9Y7
1891 — 1.857.112 549.544
Le nombre de vaches laitières doit donc dépasser
anjourd'hui 2 millions pour le Dominion,
En examinant ces chiffres on s'apercevra que l'ex-
portation de notre pays en beurre et en fromage, ne re-
présente pas même 1000 Ibs. de lait par vache, et ce-
pendant la production moyenne annuelle de lait par
vache peut être estimée à 2,400 Ibs. Nous sommes bien
loin d'être rendus au point où en étaient les Hollan-
dais il y a quelques années. J'ai vu quelque part, que
la Hollande exportait vers 1888. en beurre et en fro-
mage l'équivalent de 3000 Ibs. de lait par vache.
Je fais entrer ici quelques tableaux pour complé-
ter l'idée d'ensemble que je puis me permettre àe^
donner dans le cadre de cette conférence.
*
On pourra consulter avec profit une brochure pu-
bliée par l'honorable ministre de l'Agriculture M. An-
gers, en 1894, intitulée. " Beurre et fromage, Rapport
" spécial sur la production du beurre 9t du fromage en Ca-^
" nada et marché pour ces produits,'^
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PROORB»8ION DB L'INDUS*
FABRICA'
Frorincei.
Becensement d« 1891.
De mèinge
Colombie-Britannique .
Manitoba
Nouveau. Branswick ..
Nouvelle. Ecosse
Ontario
Ile du Prince-Edouard
Québec *
Territoire!...
Total
De fabrique.
Livres.
37ii
116,002
39,716
589,363
1,065,737
123,708
4,260,941
71,363
6,267,203
Livret.
39,222
627,744
301,689
507,389
80,769,167
93,866
26,251,056
124,178
Totaux.
108,714,311
Livres.
39,695
743,74$
341,405
1,096,752
81,834,904
217,574
30,511,997
195,541
114,981,514
FABRICi^
PrOYinces.
Colombie-Britannique. .
Manitoba
Nouveau-Brunswick. . • >
Nouvelle-Ecosse
O ntario
I/e du Prince-Edouard.
Recensement de 1891.
De ménage.
Livre».
393,089
4,830,368
7,798,268
9,004,118
55,364,496
I 1,969,213
Québec 30,113,226
Territoires 1,897,432
De fiibrique.
Livres.
Total... 111,370,210
236,950
10,000
10,050
1,500,565
2,779,660
30,730
Totaux.
4,567,955
Livres.
393,089
5,067,318
7,808,268
9,014,168
56,865.061
1,969,213
32,f=92,836
1,928,162
115,938,165
Ce tableau est tiré de ia brochure fédérale à laquelle il a été référé ]
TRIB DU FROMAOB ET DU BBURRB.
TlOiî DU FROMAGE.
Becensement de 1881.
Recensement de 1871.
•
De ménage.
D«r&brique
Totaux
De ménage.
De fabrique.
Totaux.
Lirres.
33,252
19,613
172,144
501,655
1,701,721
196,273
55i,278
l,OôO
Livres.
65,556
Livres.
88,800
19,613
301,188
953,400 j
53,509,254
196,273
8,771,556
1,060
Livres.
Livres.
Livres.
129,044
451,745
51,867,53!
154,758
884,853
3,432,797
155,524
512,435
78,611
177,778
16,163.3ft5
233,369
1,062,631
19.596,152
155,524
8,212,278
1.377,344
1,889,779
3,184,996
60,716,156
63,901,152
5,140,367
17,797,088
22,937,455
ITION DU BEURRE.
Recensement de 1881.
Recensement de 1871.
De^ménage.
De fabrique.
Totaux.
De ménage.
De fabrique.
•
Totaux.
1 "■ ■
Livres
343,387
957,152
6,527,176
7,465,285
54,862,365
1,688,690
30,630,397
70,717
Livres.
21,500
Livres.
364,887
957,152
6 527.176
Livres.
Livres.
Livres.
.'i.n.'i.947
5,115,947
7 465.285 7.161.867
7,161,867
1,062,400
55,924.765
1,688,690
31,253,887
70,717
37,623,643
9*^1,939
24,289,127
...... ..,,.,
37,623.643
981,939
623,490
24,289,127
102,545,169
1,707,390
104,252,559
75,172,523
75,172,523
plus haut.
\.
— 161 —
Importations Anglaises, et exportation du Cana-
da ET DES Etats-Unis.— BEURRE.
Importation
Totale
G. Bretagne Ibs.
Exportation
Totale
Caïuida Lbs.
ETATS-UNIS.
1873
15,208,633
12,233,046
9,268,044
12,250,066
14,691,789
13.006.626
4 518 R44
1874
4,367,983
6,360.827
4,644,894
21 :i27 242
«
1S75
1876
1877
i878
21,837,117
38,248,016
39.236 658
1879
14.307,977
18,535,362
17,649,491
15,161,839
7,988,656
8,075,537
7,330,788
4,668,741
1880
1881
31 'ïfiO 'iOft
1882
14,794,305
12,348,641
20,627,374
21,683,148
18,953,900
1883
1884
1885
1886
172,879,392
1887
169,471,008
5,485,509
12,531,171
1888
187,200,496
4,415,381
10,455,651
1889
215,911,304
1,780,765
15,504,517
1890
229,104,304
1,951,585
29,748,042
1891
239,187,984
3,768,101
15,187,114
1892
244,497,008
5,736,696
15,047,246
1893
260,677,088
7,036,013
8,920,107
U94
288,529,056
5,534,621
«
1
11
— 162 —
Importations Anglaises, et exportations du Ca-
nada ET des Etats-Unis.— fromage.
Importation
de la
G. Bretagne Ibs
1873
1874
1875
187«
1877
1878
1879
1880
1881
1882
1883
1884
1885
1886
1887
1888
1889
1890
1891
1892
1893
1894
Expoitation du
fromage
Canadien. Lbs.
Exportation
des
Etats-Unis. Lbs,
151,953,536
160,349,680
182,307,776
171,494,848
186,23*»,040
220,512,208
200,448,752
198,911,664
206,090,08u
189,797,770
201,566,848
315,839,568
205,339,184
194,307,6t0
205,720,308
214,772,992
213,695,888
240,136,288 i
228,628,400
250,075,504
232,675,744
253,418,144
19,483,211
24,050,982
32,342,030
3i,024,090
36,930,524
38,054,294
46,414,035
40,368,678
49,255,523
60,807,049
58,041,387
69,755,423
79,655,367
78,112,927
73,604,448
84,173,267
88,534,837
94,260,187
106,202,140
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133,946,365
154,977,480
80,366,640
90,611,077
101,010,853
98,676,264
107,364,666
123,783,736
141,654,474
127,553,907
147,995,614
127,989,782
99,220,467
112,869,575
111,992,990
91,871,235
81,255,994
88,008,458
84,999,828
95,376,053
82,123,876
82,100,221
81,350,923
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— 164 —
J'aurais voulu ajouter dt^s notes sur le déve-
lopperaeni de la porcherie et de l'exportation de ses pro-
duits, mais je suis forcé de me borner aux quelque»
renseignements donnés dans les tableaux qui précè-
dent.
Quels sont nos marchés.
Nous avons à notre disposition le marché local
qui consomme environ 100 millions de Ibs. de beurre
et 20 millions de Ibs. de fromage ; soit environ 20 Ibs
de beurre et environ 4 Ibs de fromasre par tête de popu-
lation, d'après l'estimation de M. Johnson, le statisti-
cien fédéral.
Pour l'excédant de notre production, il nous faut
l'écouler à l'étranger.
L'étude de ces chiffres démontre à l'évidence l'im-
périeuse nécessité pour nous de nous emparer des
marchés étrangers qui sont ouverts à nos beurres, à
nos fromages et à la viande de porc ; et non-seulement
de nous en emparer, mais de faire tous nos efforts et de
ne rien négliger pour nous y maintenir. Si nous sa-
vons jouer des coudes, il y a place pour nous. Les ta-
bleaux précédents démontrent l'immense débouché
qu'offre aux plus habiles le marché anglais ; mais en
même temps, il nous signalent les accidents et les dé-
placements qui s'opèrent au détriment des concurrents
les moins aguerris. La place que nous y occupons pour
le fromage, ne laisse guère à désirer ; mais nos expor-
tations de bfurre y ont été presque nulles, depuis
quelques années.
• Constatons de plus que le Royaume-Uni de la
<3^rande-Bretagne est à peu près le seul marché, d'ex-
portation présentement ouvert à nos produits laitiers.
— 165 —
Quel est l'avenir de notre industrie laitière ?
Etant donné que l'industrie laitière produit des
articles de première nécessité, le beurre, le fromage, la
viande de porc, on peut dire que la demande pour
les produits laitiers existera toujours.
Etant donné qne par l'industrie laitière, la feiti-
lité des terres non-seulem^^nt se maintient, mais s'aug-
mente, on peut dire que la 5.ource de ces produits ne
tarira point.
Ceci retranche de nos piéoccupations pour l'avenir
deux éléments d'incertitude qui sont souvent mena-
çants dans d'autres industries.
Dans ces conditions, le problème de l'avenir de
notre industrie laitière se réduit à trois questions.
Nous avons actuellement des marchés :
lo Ces marchés peuvent-ils nous être fermés ?
2o Nos concurrents peuvent-ils nous en chasser ?
3o Y a t-il danger que la production devienne as»
sez considérable, pour que, par l'avilissement des prix^
nous soyions forcés de réduire notre production sinon
de l'abandonner ? -^
lo La répon'e à la première question est assez
facile :
Le Royaume-L^ni de la Grande Bretagne ne sujffit
pas, avec ses seuls produits agricoles à alimenter sa po-
pulation ; il semble condamné pour longtemps à cher-
cher au dehors une bonne partie de ce dont il a besoin.
De plus, on y est libre échangiste, et il n'est pas proba-
ble que des droits de douane y soient imposés d'ici à-
— 166 —
longftemps sur le beurrn et le fromage et la viande de
porc. Nous pouvons donc compter que le marché de
la Grrande-Bretagne nous restera ouvert de longues
années.
L'on peut même espérer qu'il s'ouvrira d'autres
débouchés Les pays du Sud, les Antilles, le Brésil,
les Indes, peut-être même le Japon ei la Chine, méri-
tent qu'on en étudie les besoins.
2o Nos concurrents peuvent-ils nous chasser de
ces marchés étranorers ?
■3'
Je réponds sans hésiter : oui.
Nous avons vu notre exportation annuelle de
beurre tomber de 19,066,44S Ibs. en 1872, à 1,780.*765
Ibs. en 1889.
Nous avons va l'exportation de fromage des Etats-
Unis tomber de 147,905,614 Ibs en 1881 à 8l,3o0,925
en 1893. Mais si nous étudions les causes de ces re-
vers chez MOUS et nos voi-iiis, il est facile d'appliquer
pour l'avenir des moyens de maintenir, de reprendre
ou de créer pour les produits de li )tre industrie lai-
tière une place honorable et payante.
Pour garder la faveur du m irché anglais, il faut :
lo. améliorer sans cesse la qualité de nos pro duits et
2o. les lui livr^'r en parfait état. Et ceci impl ique les
obliijations suivantes :
o
Pour les cultivateurs, il faut livrer aux fa-
briques du lait en parfait état, provenant de vaches
bien nourrie^ et bien tenues, ayant, l'été, de bons pa-
cages et de bonne eau, l'hiver desétables propres, suf-
fisamment chaudes, bien éclairées et bien ventilées, et
une meilleure nourriture que par le passé.
— 167 —
A ce sujet il est bon de dire que nous devrons re-
noncer à exporter nos produits d'hiver au^si long-
temps que la tenue d»'s vaches, l'hiver, ne se sera pas
sensiblement améliorée par paroisse et non pas seale-
ment par individus, ou aussi loni^temps que des
moyens nouveaux de l'aire livrer aux fabriques de bon
lait en hiver, n'auront pas été trouvés et adoptés.
Le lait doit être mieux soigné, trait proprement,
coulé, aéré et même rel'roidi. Il faut prêch'T, pour l'été,
l'usage des aérateurs partout et pour chaque patron.
Dernier ])oiut pour les cultivateurs : iaire tous leurs
efforts pour encoura^ r les grandes fabriques et décou-
rager l'établissement des p^-titt^s fabriques, inspirer de
la confiance à ceux qui les po-sèdent ou les dirigent,
s'entendre avec leurs propriétaires pour que leurs fabri-
ques fassent partie d'un syndiôat.
Pour les propriétaires de beurreries et de froma-
geries, il faut bâtir, installer et, au besoin, réparer
convenablement leurs établissemeats et leurs outil-
lages, les approvisionner de bonne eau, et, pour
les beurreries, d'une grande quantité de glace (au
moins 50 tonnes par fabrique) ; ils doivent n'employer
que des fournitures de première qualité, exiger des ven-
deurs autorisés de la fabrique qu»^ les ventes se fassent
souvent, afin de remettre le beurre et le fromage le
plus tôt possible aux mains plus expérimentées des
acheteurs et aux glacières à réfrigération intense.
Pour le fabricant, il faut de Tatte^ition constante
à la tenue de sa fabrique même dans les plus petits
détails ; il faut qu'il se tienne au courant des change-
ments dans les méthodes de fabrication ; qu'il aille faire
un cours à l'école de la laiterie pendant deux ou trois
hivers consécutifs ; qu'il accepte les enseignements des
inspecteurs de syndicat ; qu'il soit just'* dans la ré-
ception du lait et n'accepte pas celui qui peut nuire
aux produits de sa fabrique, et qu'en tout et partout il
reste bien convaincu que si bon fabricant qu'il soit, il
existe des fabricants même médiocres, qui sur certains
— 168 —
points sont plus parfaits que lui et qu'en cherchant se»
propres points faibles, il en trouvera à corriger tout le
temps.
De leur côté, pour nous aider à maintenir la bonne
qualité des produits, nos gouvernements sont tenus de
répandre ou faire enseigner les bonnes méthodes de
fabrication. Les stations et laiteries expérimentales,
les écoles de laiterie, les sociétés laitières, les syndicats
de fromageries et beurreries, sont des parties d'un corps
d'enseignement qu'il faut atout prix maintenir et aux-
quels les gouvernements seuls peuvent fournir ou as-
surer les moyen d'existence.
Nos gouvernements sont encore tenus quand il
s'agit de créer de nouveaux débouchés et de faire con-
naître nos produits, d'aider dans une certaine mesure et
dans certaines conditions, les essais que les circonstan-
ces justifient.
Les ressources des gouvernements appliquées en
temps opportun, peuvent souvent réaliser ce que de&
particuliers ne pourraient pas même tenter.
L'amélioration des moyens actuels de transport
doit être surveillée et aidée mêmn par nos gouverne-
ments. Nos insuccès dans le commerce du beurre sont
dus à l'absence des réfrigérants dans les steamers.
Nous aurons probablement l'occasion à courte éché-
ance de constater les bous résultats pour notre in-
dustrie laitière de la politique que viennent d'inau-
gurer nos gouvernements : celle pour le gouvernement
d'Ottawa d'aider à la création de services de réfrigéra-
teurs à bord des steamers et sur les chemins de fer, et
celle, pour le gouvernement de Québec, d'encourager
l'exportation de nos beurres frais sur le marché an-
glais.
La création et le développement énorme et sou-
dain du commerce de fromage et de beurre des colo-
nies australiennes sont dûs exclusivement à l'action
énergique et intelligente de leurs gouvernements ; es-
— 169--
pérons que les nôtres n'abandonneront pas la voie où
ils sont entrés avant d'avoir rétabli notre commerce
de beurre avec l'Angleterre et d'avoir développé celui
du bacon et des jambons.
Ainsi donc pour résumer : fabriquons des produits
de première qualité, fromage», beurre, bacon et jam-
bons ; portons-les sur le marché dans des conditions
parfaites, et l'on ne nous chassera pas du marché anglais
et des autres marchés quipoi;rraient s'ouvrir.
Se Question. — Y a-t-il danger que la production du
fromage et du beurre deA^ienne assez considérable
pour que, par l'avilissement des prix, nous soyons
forcés de réduire notre production sinon de laban-
donner ?
Ce danger existe et je dirai que le grand danger est
là ; et ses effets nous menacent à courte échéance.
Ce n'est pas une prophétie que j^ fais, je constate
un résultat prochain qui crève It^s yeux.
C'est à cause de ce que le nombre des fournisseurs
de produits laitiers augmente tous les jours, qu'^î nous
sommes menacés de prix plus bas qu« ceux obtenus
dans le passé. Le règne d* la vapeur et des transports
faciles, a créé un channement énorme dans les rap-
ports commerciaux des nations ; il est possible que
nous n'en soyions encore qu'aux premiers effets de la
concurrence rendue facile par ce récent état de choses.
Nous avons été des premiers à nous livrer à la fabri-
cation industrielle du beurre et du fromage, et nous
avons exporté à une époque, où nous n'avions pour
le fromage qu'un seul concurrent sérieux, les Etats-
Unis.
Notre marché local jusqu'en 1893 a absorbé pres--
que toute la production des beurreries.
— ito —
Mais daus ces dernières années, les conditions
changent.
Les colonies australiennes ne sont entrées en
scène que depuis 1890 et elles comptent déjà, beaucoup
comme pays d'exportation ; et certaines républiques de
l'Amérique du Sud commencent à se livrer à l'indus-
trie laitière.
Les moyens de production des Etats-Unis n'ont
aucunement diminué, et ils ont déjà fourni de grandes
quantités de fromage au marché anglais.
Si l'on ajoute le chiffre de leur expor-
tation de fromage en 1881 141,654,474 Ibs.
à notre exportation de 1894 164,977,480 Ibs.
l'on arrive à une capacité totale d'ex-
portation possible de 296,631,954 Ibs.
Et le plus haut chiffre atteint par l'importation en
Angleterre (1894), n'est que de 253,188,144 Ibs de fro-
mage de toute provenance.
Si vous divisez les tableaux donnés plus haut par
période de cinq année?^, vous verrez que l'augmenta-
tion de l'importation moyenne de fromage en Angle-
terre et l'augmentation moyenne des exportations ca-
nadiennes de fromage se comparent comme suit :
GRANDE BRETAGNE.
Importation Augmentation
Périocl* de moyenne moyenne annuelle
annuelle de fromage de l'importation totale
1875 à 1879 — 192,000,525
1880 à 1884 - 202.441,187 2,088,132ib
1885àl?<89— 206,777,222 867,207ib
1890 à 1894— 241,000,816 6,844,718ft
— m-
CANADA.
Exportation Augmentation
moyenne annuelle
de l'exportation.
1875 à 1879 — 37,552,994
1880 à 18.84 — 53,645.612 3,218,523lb
1885 à 1889 — 80,816,167 5,454.111ib
1890 à 1894 — 121,531,244 8,144,815ib
Etant donné que le Canada n'est encore qu'au com-
mencement de sa vraie période de développement, la
conclusion à tirer de ces chiffres, c'est que, seuls,
nous pouvons fournir beaucoup plus que l'augmenta-
tion to'ale de la demande anglaise pour le fromage.
L'Angleterre n'importe guère que pour 20 mil-
lions de piastres par an de fromage Cheddar, nous en
sommes rendus à fournir au-delà de 60% de cette im-
portation.
Le reste de son importation se compose des fro-
mages spéciaux de l'Europe.
Il est donc évident que le marché au fromage est
prochainement menacé d'encombrement et d'avilisse-
ment des prix.
D'un autre côté, l'Angleterre a importé, en 1894,
pour 65 millions de piastres de beurre sans compter
15 millions de piastres de margarine, que le beurre
déplace peu à peu puisque cette importation de mar-
garine va en diminuant.
L'Angleterre importe encore pour à peu près 55
millions de piastres de bacon et de jambon, que l'on
peut produire de la meilleure qualité possible avec le
lait écrémé, les trèfles et les grains communs de la
ferme. Et nous ne fournissons qu'une proportion insi-
gnifiante de tout cela.
— 172 —
Le mouvement vers la production du beurre, qui
s'est affirmé ces derniers temps est donc parfaite-
ment justifié.
Diviser notre pvoduction doit empêcher le déve-
loppement anormal de la fromagerie, tt si nous obte-
nons ce résultat, étant donné que notre réputation sur
le mari hé anglais est excellente, nous préviendrons
probablement des baisses de prix désastreuses. C'est
la première mesure à prendre ; et elle est en bonne voie.
Mais il faut quand même se préparer à une luttfr
dans les bas prix modérés, qui durera longtemps ; ceux
qui trouveront plus de profit que leurs concurrents
dans ces bas prix î^eront les vainqueurs.
Comment devons-nous nous préparer V Le remè-
de est tout indiqué : il faut produire le lait à meilleur mar-
ché. Tout en reconnaissant les progrès énormes accom-
plis dans ces dernières années, il ne faut pas oublier
que nous n'en sommes pas rendus à la perfection sous,
le rapport de la production économique du lait.
Les cercles agricoles et nos journaux d'agriculture^
ont là un beau sujet à travailler.
D'après tout ce que j'ai pu entendre, il me semble
que les grandes ligues de la production économique
du lait sont les suivantes dans leur ordre logique :
lo Emploi mieux étudié delà nourriture ordinaire
dont dispose la ferme.
2o Amélioration des pâturages, par de plus fortes
semences de graines fourragères, et par la culture de
suppléments au pâturage, blé d'inde, avoines et lentil-
les, etc.,
3o Culture des racines ou du blé-d'inde d'ensilage
et même des patates dans bien des endroits, pour la
nourriture dhiver.
— 173 —
4o Amélioration générale de la terre par les fumiers
etautres engrais abordables, de manière à faire produire
le plus possible à chaque arpent de sa terre ; c'est un
■des points que nous devons le plus nous occuper à
Téaliser.
5o Choix ou sélection plus sévère des vaches à gar-
der, et des animaux reproducteurs.
Etudions donc tous ces points là et surtout prati-
<[uons-les.
Un proverbe dit que "vouloir c'est pouvoir " et com-
me notre pays n'a pas beaucoup voulu dans le passé, il
il faut vouloir beaucoup dans l'avenir.
C'est l'opinion d'un bon nombre de cultivateurs
-que la production du lait bien entendue et bien rai-
sonnée, avec des prix de 7 cents pour le fromage et 17
cents pour le beurre, donnera des profits aussi consi-
dérables que ceux obtenus de le passé avec des prix
plus élevés mais moins d'étude de l'alimentation.
Ces prix là seraient absolument désastreux pour les
Européens.
Un autre point à notre avantage qu'il est bon de
toucher. L'agriculture européenne produit d'un côté
du blé, des gros fourrages, des racines, des animaux de
"boucherie, et d'un autre côté du fromage et du beurre.
Au point de vue des frais des transports, ces deux
genres de production diffèrent énormément. Le blé et
les grains, les fourrages et les animaux vivants, expé*
•diés d'Amérique en Europe, paient des taux de trans-
port très élevés. Le beurre et le fromage ne paient, au
contraire, qu'une bien faible proportion de leur valeur ;
il semblerait donc que les pays d'Europe, en face de la
concurrence croissante que les pays nouveaux leur
font, trouveront intérêt à produire ce qui ne peut
leur être envoyé de l'étranger sans payer des frais
•éleyés.
En d'autres termes rSarope abandonnera platôt
— It4 —
le beurre et le fromage que le blé, le grain, et l'élevage
du bétail de boucherie et la production des fourrages.
Je termine cette conférence, en ajoutant, qu'après
avoir eu un pasré profitable dans l'industrie laitière, il
ne faut pas s'alarmer de l'avenir, mais plutôt s'aguerrir
contre les difficultés prévues et qui ne sont pas insur-
montables.
Après avoir signalé des points faibles de no-
tre état actuel, il est bon de dire à titre d'encourage-
ment mérité, que nous ne sommes pas en arrière de nos
concurrents sous bien des rapports.
Nous habitons un pays fertile ; nous avons un cli-
mat qui se prête très bien à l'industrie laitière. Nos
hivers nous fournissent à bon marché les provisio ns de
glace qui rendront meilleure la fabrication de l'été ,^ nos
terres sont peu chères, la vie est facile, nous ne
sommes pas écrasés par les impôts de guerre, qui
font gémir les pays d'Europe ; nos gouvernements ne
négligent aucune des mesures raisonnables qui peu-
vent contribuer au développement et à l'amélioration
de la science et de la pratique de l'agriculture et par-
dessus tout, notre population est en plein réveil agricole
et la génération qui pousse sous la direction des bonnes
vieilles têtes du pays, saura tirer parti des richesses de
la terre canadienne à l'égal des pays les plus avancés en
agriculture.
A la suite de cette conférence, la question de*
petites fabriques est traitée en discussion. /
Le conférencier ajoute ce qui suit :
A la réunion de St Joseph de la Beauce. au mois
de décembre 1894, un comité avait été nommé pour
étudier les moyens de faire disparaître les petites fabri-
ques ou d'en empêcher l'ouverture.
— 175 —
J'étais le rapporteur de ce ( omité, nous n'avions
pas cru à ce moment là nous arrêter sur un plan à re-
commander Depuis cette époque, le sujet m'est .sou-
vent revenu et je crois que l'on pourrait assez facile-
ment trouver une solution dans le projet suivant :
Donner, par une loi spéciale à un certain nombre
de cultivateurs propriétaires fonciers pouvant former la
clientèle d'une grosse fabrique de beurre et de fromage,
le pouvoir de décider qu'il'ne s'exploitera pas plus d'u-
ne fabrique dans les limites d'un territoire fixé.
Mais, avant d'exercer ce pouvoir, les intéressés se-
raient assujettis à remplir deux conditions sine quâ
non :
lo Décréter que le charroyage du lait se fera à frais
communs pour tous les intéressés, quelle que soit la dis-
tance où ils se trouvent du site choisi pour la fabrique.
2o Payer aux propriétaires des établissements que
l'on supprimerait, la pleine valeur de leurs établisse-
ments, en prenant en considération la valeur du maté-
riel et la valeur de rapport de la fabrique.
Ces deux conditions s'expliquent d'elles-mêmes.
C'est parce que les patrons trouveot qu'ils ont trop loin
pour aller à telle beurrerie ou telle fromagerie, qu'il
n'est pas difficile de les décider à encourager un éta-
blissement plus près d'eux ; il ne serait pas juste, d'un
autre côté, de forcer, sans indemnité, certains d'entre
eux, à faire plus long de chemin que les autres. Les voi-
sins du site choisi trouveront une compensation aux
frais de charroyage qu'ils auront à payer en commun,
dans l'augmentation considérable de revenu que donne
à la fabrique le lait apporté d'un arrondissement plus
étendu.
La deuxième condition ; si les grosses fabri-
ques sont à tous les points de vue un bienfait,
il est évident qu'il devra eu exister dans bien des
endroits, parsemés de petites fabriques ; mais il serait
injuste d'ignorer et de mettre de côté ceux qui ont fait
— 176 —
les sacrifices de fonder l'industrie laitière de ce pays et
qui ont fait leur carrière de la fabrication du beurre et
du fromage.
A qui le pouvoir de fixer le territoire de la fabri-
que cenliale devrait-il être donné ?
Certainement aux intéressés et pas à d'autres ;
maintenant sera-ce la paroisse, représentée par son con-
seil municipal, qui devra former le territoire ou bien la
majorité des intéressés dans un territoire donné ?
Un savant juge, dont je ne suis pas autorisé à
donner le nom, a proposé que, pour les fins d'érectiou de
ces fabriques centrales, ce soient les propriétaires d'un
groupe de fermes, prises sans distinction de limites de
paroisse mais suivant les circonstances de lieux, qui
aient le pouvoir de se constituer en municipalités spé-
ciales, dans des conditions que la loi définirait. Je crois
que c'est là une excellente idée.
Maintenant, quels seraient les avantages des gran-
des fabriques Y
Les revenus d'une fabrique de beurre et de fro-
mage recevant 2 millions de Ibs de lait, de ûiai à
novembre, et chargeant 1| cent pour le fromage et 4
cents pour le beurre seraient suffisants :
lo Pour payer le charroyage du lait.
2o Pour payer un fonds d'amortissement rembour-
«ant en dix années, le capital consacré à l'établissement.
3o Pour payer aussi le même amortissement sur la
tomme requise pour racheter les droits des anciens pro-
priétaires.
4o Pour entretenir le matériel et le renouveler au
besoin et payer aux propriétaires de ^'établissement
Aes dividendes raisonnables.
Quant aux patrons de pareilles fabriques leur lait,
— It7 —
serait charroyé, les rendements seraient en toute pro-
babilité augmentés, et tout le pays verrait rapid'-ment
monter le niveau de la qualité et des prix de ses
produits, et notre place pour l'avenir serait bien autrti-
ment assurée qu'elle ne l'est à présent.
Ces fabriques pourraient être possédées et exploi-
tées par les patrons eux-mêmes ou bien ceux-ci pour-
raient céder le privilège de les construire et de les ex-
ploiter à des particuliers.
Puisque cette question est à l'ordre du jour, je me
permets de demander aux missionnaires agricoles de
soumettre ce projet à la discussion des bonnes têtes
qu'ils rencontreront, pour qu'une autre année nous
soyions fixés sur les chances de sa mise en pratique.
Que le projet soit légalement possible, cela ne fait
aucun doute.
TABLE DES MATIERES.
Page.
Piéface I
Lettre Pantorale des Evêques X
Liite des Missionnaires Agricoles XIX
Paok.
Adresse de bienvenue aux t 'ongressistes 2
Adresse de M. l'Abbé Côté, président de l'œuvre des 'îissionnaires
Agricoles 4
Discours de Mgr Laflèche 7
Discours de Thon. M. Beaubien 25
Les Plantes Sarclées. — "onférence de M. Ed. A. Barnard , . . 31
Renseignements sur le Département de la porcherie d'Oka — par le II.
F. Stanislas de la Trappe , 50
Quelques principes de Chimie Agricole : — Conférence de M, H.
Nagant 54
Arboriculture fruitière : — Conférence de M. G. Chapais 79
Le Consul de France à Oka 97
La Culture du Sol : — Conférence de M. J A. Marsan 99
Ressources d'une petite terre 129
Insecticides et Fongicides : — Conférence de M Nagant 1 38
Conférence de M. Gigault 146
Renseignements utiles sur les vergers par le Frère Léon 148
L'Industrie Laitière Canadienne par J. de L. Taché 152
■^•^